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JOURNAL ASIATIQUE
HUITIEME SERIE
TOME Xlir
JOURNAL ASIATIQUE
12ÎM-
RECUEIL DE MÉMOIRES
D'EXTRAITS ET DE NOTICES
RELATIFS A L'HISTOIBE. À LA PHILOSOPHIE. AUX LANGUES
ET À LA LITTÉRATURE DES PEUPLES ORIENTAUX
ET PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
HUITIÈME SÉRIE
TOME XIII
PARIS
IMPRIMERIE NATIONALE
GIUfEST LEROUX, ÉDITEUR
BDB BONiPAIlTB, sS
M DCGC LXXXIX
JOURNAL ASIATIQUE
JANVIER 1889.
RECHERCHES
SUR
L'HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE,
PAR M. ABEL BERGAIGNE.
M. Bergaigne, avant de partir en vacances, avait composé
un mémoire sur ï Histoire de la liturgie védique dont il avait
communiqué les principales conclusions à l'Académie des
inscriptions et belles-lettres (séance du 8 juin 1888). La
mort Ta surpris au moment où il mettait la dernière main à
la rédaction de ce travail; le premier chapitre seul était mis
au net. C*est celui que nous publions aujoiu'd'hui ; des cir-
constances indépendantes de notre volonté nous ont empêché
de le publier dans le numéro précédent du Journal asiatique.
Les trois chapitres suivants : Castras tout formés et récita-
tions analogues ; — Conclusions liturgiques des hymnes ; —
Répartition des mètres entre les divinités dans les différentes
familles , ne sont pas . en état d*ètre donnés à l'impression
dès maintenant. Hs seront publiés dans le caliier prochain.
I
LA FORME MÉTRIQUE DES HYMNES DU RIG-VEDA.
La liturgie védique ne nous est directement
connue que par des livres' où elle a déjà à peu près
6 JANVIER 1889,
sa foniie définitive. A cet égard, les Brâhmanas dif-
fèrent peu des Sûtras. Si ceux-ci, dans leur langage
elliptique, sont non seulement plus précis, mais
souvent plus complets , c est sur des points qxii , pour
la plupart, paraissent avoir été négligés plutôt
qu'ignorés par l'autre catégorie de rituels. Bref, ils
n innovent guère. Dès la période des Brâhmanas,
riîistoire de la liturgie védique sera surtout celle du
discrédit où elle est peu à peu tombée par la concur-
rence d'autres cultes, et des emprunts que certains
de ces cultes ont pu lui faire. Ce n'est pas là l'objet
que j'ai en vue.
n s'agit au contraire de remonter au delà du temps
où la liturgie a été définitivement fixée jusqu'à la pé-
riode où ont été composés les principaux hymnes du
Rig-Veda, peut-être même plus haut, si certaines
formules de sacrifice recueillies, non seulement dans
le Yajur-Veda, mais dans les rituels du Rig-Veda
lui-mêniie, sont, comme il est permis de le croire,
plus anciennes que la plupart des hymnes^. Sur ce
domaine, les indications expresses nous feront dé-
faut. Mais nous ne manquerons pas d'autres données
propres à suggérer et à appuyer des conjectures
dont la vraisemblance pourra quelquefois approcher
de la certitude.
Une première manière de tenter la solution du
problème serait la comparaison des liturgies suivies
dans les différentes çàkhàs ou « branches du Veda » ,
^ J'espère traiter cette question dans Un autre mémoire.
HISTOIRE DE LA. LITUIIGIE VÉDIQUE. 7
teUes qu'elles sont décrites dans les Brâhmanas et les
Sûtras de chacune d eUes. Car si les rites s'y montrent
à peu près fixés pour chaque école , il ei^ste entre
les écoles des divergences dont la comparaison pour-
rait être instructive. Toutefois il ne faudrait pas
s'exagérer la portée de cette méthode. D'abord les
divergences sont minimes. L'accord est parfait, non
seulement dans toutes les parties essentielles des ri-
tuels, mais même dans un nombre infini de détails.
Mais les divergences fussent-elles plus grandes, on
pourrait encore douter qu'il y eût beaucoup à at-
tendre ici des restitutions analogues à celles que sug-
gère, par exemple, la comparaison des langues d'une
même famille. Cette famille de rituels implique-t-elle
nécessairement un ancêtre dont on puisse reconsti-
tuer la physionomie par la combinaison . des traits
communs à toute sa descendance? Peut-être. Mais
cet ancêtre sera-t-il un ancêtre éloigné avec lequel
nous puissions espérer d'atteindre la période vrai-
ment primitive de la liturgie védique? Je n'en crois
rien.
Plus nous remonterons dans l'histoire de cette
liturgie, moins il pourra être question d'un rituel
primitivement unique et se diversifiant peu à peu.
Au contraire , il parait évident que des rituels d'abord
distincts, quoique analogues, et propres, non pas
aux écoles relativement tardives des Brâhmanas et
des Sùtras, mais aux familles primitives, ont été rap-
prochés et fusionnés à une époque impossible à dé-
terminer, quoique nécessairement antérieure aux
8 JANVIER 1889.
plus anciens Brâhmanas. Si ce quon appelle les
« branches » du Veda se rattachent toutes à un tronc
commun, cest à ce tronc là, à ce rituel éclectique
et composite. Elles s'en écartent d'ailleurs fort peu ,
puisqu'elles sont bien près de se confondre entre
elles. L'étude de cette ramification n'en aurait pas
moins son intérêt. Mais elle ne nous rapprocherait
pas sensiblement du but tout différent que j'assigne
à ces recherches. Toute tentative de restitution des
rituels pour lesquels ont été composés les hymnes
védiques devra reposer principalement sur l'étude
des hymnes eux-mêmes.
La Samhitâ du Rig-Veda est, par opposition aux
Samhitâs du Yajur-Veda et du Sâma-Veda , dispo-
sées dans l'ordre du rituel définitif, une collection
historique. Le classement adopté, s'il ne nous ré-
vèle rien directement sur l'ordre des liturgies an-
ciennes, nous donne pourtant un moyen d'en
reconnaître la diversité. Il repose en partie sur des
principes numériques et métriques que j'ai précé^
demment exposés^ : ceux-là n'ont rien à nous ap-
prendre sur l'objet qui nous occupe , sauf pourtant
le principe métrique dont certaines applications
nous fourniront des données assez inattendues. Mais
un autre principe, qui a le pas sur le principe nu-
mérique et sur le principe métrique, est le classement
par auteurs ou familles d'auteurs.
C'est là l'élément historique. Il nous permettra de
' Journal asiatique , septembre-octobre 1886, p. igS et suiv.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 9
reconnaître entre les liturgies anciennes des diflFé-
rentes familles des divergences plus intéressantes
que celles qui peuvent séparer plus tard les diflFé-
rentes écoles. La liturgie commune conserve d'ail-
leurs quelques traces de ces divergences primordiales.
Plus d'une fois, dans le rituel dune même école,
une exception est faite pour les membres de telle
ou telle famille. Ces indications sont précieuses. Ce
sont autant de faits qui prouvent, en dehors de toute
spéculation, la diversité des rituels primitifs. Mais
les particularités de ce genre sont peu nombreuses.
C est presque merveille quelles aient échappé au
travail général de refonte et d'unification des rites.
Elles nous invitent à chercher dans Tétude des diffé-
rentes collections d'hymnes une idée moins insuffi-
sante, quoique toujours bien incomplète , des rituels
anciens qui ont pu correspondre à chacime d'elles.
Cependant, hâtons-nous de le dire, quelques dif-
férences qu'aient pu présenter ces rituels , ils devaient
offrir des ressemblance^ plus grandes encore, et tous
ont pu sans doute, dans leurs grandes lignes,
fournir le cadre commun où auront été plus tard
insérées et combinées les particularités de chacun
d'eux. Bref, il n'y aura pas un abime entre les rituels
contemporains de la majorité des hymnes védiques,
et celui dont les moindres détails nous sont révélés
par les Brâhmanas et les Sûtras.
Et comment en serait-il autrement? Certes, la
religion védique a subi une évolution notable entre
la période des hymnes vraiment anciens et celle des
10 JANVIER 1889.
Brâhmanas, bien que les futurs égarements de la
spéculation liturgique apparaissent déjà en germe
dans les conceptions les plus authentiques des rishis.
Les dieux destinés à devenir de simples noms, nu-
mina nomina, sont vivants dans cette poésie; ils sont
aimés en somme, et même respectés en dépit de
laction quelque peu tyrannique que leurs prêtres
prétendent déjà exercer sur eux par le sacrifice.
L'esprit des Brâhmanas est tout autre. Est-ce là une
raison de croire, je ne dis pas à des modifications
correspondantes du rituel dans le sens d'un formu-
lisme excessif, mais à la création de toutes pièces
d un rituel nouveau ? On dit que la lettre tue lesprit :
j ajoute qu elle lui survit. Rien n'a la vie plus dure
qu'un rite. Ce serait peu de dire qu'une religion
conserve ses rites en changeant d'esprit. Qu'eUe suc-
combe définitivement : ils ne périssent pas tous avec
elle. Une bonne part en est absorbée pai' la religion
adverse et triomphante. Ce serait donc énoncer une
sorte de truisme que de déclarer vraisemblable à
priori l'hypothèse de liturgies analogues à celle des
Brâhmanas dans la période des hymnes, si la science
était plus complètement débarrassée des fables qui
ont couru sur la nature et l'origine des chants vé-
diques, si plusieurs ne se les représentaient encore,
d'une façon souvent inconsciente, comme l'œuvre
de quelques chefs de famille ou de tribu, se livrant,
parmi je ne sais quels rites laïques, à des effusions
d'enthousiasme devant l'aurore naissante , ou au bruit
de l'orage grondant dans le ciel.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. Il
En deux mots, il paraît possible d*établir que la
plupart des hymnes du Rig-Veda, sans distinction
entre ceux des difFérentes familles, ont été composés
pour un sacrifice du soma analogue à la cérémonie
la plus simple, anjyotishtoma, modèle des rituels
brahmaniques. Cette analogie consiste non seide-
ment en ce qu'il comprenait les trois pressurages du
matin , de midi et du soir, souvent mentionnés dans
les hymnes, mais, ce qui est plus important, en ce
qu'il s adressait successivement à plusieurs divinités ,
ou mieux à toutes les divinités du panthéon vé-
dique^. Ce polythéisme, s'il n'était pas organisé dans
la mythologie comme le polythéisme homérique,
l'était du moins dans le culte. Chaque dieu y avait
sa place marquée dans une cérémonie commune à
tous. Cette place variait peut-être d'une famille à
l'autre pour certaines divinités. Mais dans toutes, et
dès une haute antiquité, Indra, celui de tous les
dieux védiques auquel sont adressés le plus grand
nombre d'hymnes , a dû avoir part aux trois pressu-
rages, et part exclusive au pressurage de midi. La
règ^e qui donne le pas à Vâyu sur Indra lui-même
au pressurage du matin doit être aussi fort ancienne,
ainsi que ceUe qui admet les Ribhus au pressurage
du soir.
Les allusions des hymnes mêmes à ces diflférents
^ M. Ludwig , l'un des savants qui out exprimé les idées les plus
précises et les plus justes sur la question qui nous occupe, parle
seulement de sacrifices offerts à «plus d'une divinité». (Der JRi^-
Ferfa,ni,p. 353.)
12 JANVIER 1889.
rites sont universellement connues ^ Jajouterai
uniquement, en fait d'observations générales,
quelques réflexions qui paraissent du ressort du sens
commun.
Pour quel objet a-t-on pu composer tant d'hymnes
adressés à des couples de divinités, sinon pour des
ofirandes présentées à ces deux divinités à la fois?
Or il ne s agit pas ici seulement de divinités mytho-
logiquement inséparables comme les deux Açvins,
ou tout au moins mythologiquement réunies, comme
Mitra et Varuna, mais de couples purement litur-
giques : Indra et Agni, Indra et Varuna, Indra et
Vâyu, etc. Rien ne prouve encore à la vérité que les
deux divinités ainsi associées dans une même invo-
cation le fussent en outre, comme dans le rituel dé-
finitif, aux autres couples et à tous les dieux, pris
ensemble ou isolément, dans une cérémonie étendue
à la journée entière. Mais que dira-t-on des nom-
breux hymnes aux Viçve devâs, c est-à-dire à «tous
les dieux » ?
On peut faire pourtant une remarque plus frap-
pante, quoique tout aussi simple. Il est difficile de
se représenter un sacrifice védique, si ancien quen
pût être le rituel, où le dieu prêtre, où Agni, ne
fût pas invoqué. Aussi les hymnes à Agni sont-ils les
plus nombreux avec les hymnes à Indra. Or que
lui dit-on dans la plupart de ces hymnes ? « Agni ,
amène ici les dieux! » Quelle meilleure preuve que
* Cf. d ailleurs Ludwig, Der fiig-Veda, III, p. 384.
HISTOIRE dE LA LITURGIE VÉDIQUE. 13
le sacrifice dont Agni était le divin ministre
s adressait en effet, dans une même journée, à tous
les dieux?
Il y a une autre divinité qui amène aussi «les
dieux » au sacrifice : c est Taurore. A qui fera-t-on
croire aujourd'hui que les hymnes à laurore, si
poétiques qu'ils soient quelquefois, n'aient été que
des fantaisies poétiques, ou s'ils ont été composés
comme les autres pour figurer dans un rituel , que
l'objet exclusif ou même principal de ce rituel ait
été l'aurore elle-même, l'aurore qui est à peine ime
déesse et qui ne s'est jamais bien dégagée du phé-
nomène ?
Selon le rituel définitif, la cérémonie des trois
pressurages est précédée, le même jour, du prâtara-
nuvâka ou récitation du matin y comprenant à peu
près tous les hymnes à Agni , tous les hymnes à l'au-
rore , tous les hymnes aux Açvins , compris dans la
Samhità du Rig-Veda. Inutile de dire que cette réci-
tation devait être moins longue au temps où chaque
famille avait son rituel distinct, au temps surtout de
la composition des hymnes qu'on a plus tard accu-
mulés ainsi. Mais il serait difficile de comprendre^
que les hymnes à l'aurore , et même la plupart des
hymnes à Agni, pris isolément, eussent jamais eu
un autre usage que de servir d'introduction à une
cérémonie où sont appelés « tous les dieux » ; et rien
ne nous invite à croire qu'il en ait été autrement
des hymnes aux Açvins, compagnons ordinaires de
l'aurore. Enfin , ce qui a été dit des hymnes à l'au-
14 JANVIER 1889.
rore est applicable aux hymnes , d ailleui-s peu nom-
breux, au soleil, que le rituel des Sùtras ajoute au
prâtarannvâka pour en faire la récitation tout à fait
analogue de Yàçvinaçastra,
Je bornerai là ces considérations préliminaires.
Elles serviront d'introduction commune à une série
d'articles où je me propose d'aborder successivement
par diflFérentes méthodes le problème des origines
du rituel védique. Plusieurs devront naturellement
être consacrés à l'étude des termes liturgiques con-
tenus dans les hymnes du Rig-Veda. M. Ludwig a
donné déjà sur ce sujet des indications précieuses et
étendues ^ ; mais la matière ne me paraît pas épuisée.
Pour aujourd'hui, mes recherches porteront à peu
près exclusivement, comme l'annonce le sous-titre,
sur la forme métrique des hymnes.
Ici même, je n'aurai pas l'honneur d'ouvrir la
voie. Par des considérations du même ordre , M. 01-
denberg a cherché à prouver^ que la plupart des
hymnes du Rig-Veda ont été composés expressé-
ment, les uns pour le hotar, ou prêtre qui récite,
les autres pour l'udgâtar, ou prêtre qui chante. Le
mètre du hotar serait la trishtubh , ceux de l'udgâ-
tar, la gâyatrî et le pragâtha. Ces conclusions pa-
raissent fondées, sauf certaines réserves que M. 01-
denberg a indiquées lui-même en partie, mais que
je crois avoir à compléter.
^ Der Rig-Veda, m, p. 353 et suiv.
* Zeitschrijï der dentschen morgenlàndischen GeselUchafl,
XXXYIII, p. 439 et suiv.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 15
Indépendamment des longues récitations du prà-
taranuvâka , de 1 açvinaçastra et des difiFérentes açiti
du mahâvrata, qui doivent être en effet négligées^,
les hotars , dans la liturgie définitive , récitent un cer-
tain nombre de pragâthas et un nombre considérable
de tricas de gàyatris. Laissons de côté encore les
pragâthas, et un nombre à peu près égal de tricas,
qui sont en partie des répétitions, en partie des dé-
pehdances immédiates des pragâthas ou des tricas
chantés par les udgàtars^, à savoir les stotriyas, les
anurûpas et tous les firagments ansdogues. Il y aura
encore un résidu très important de gàyatris, parti-
culièrement dans les castras de ïatirâtra et dans ceux
du pressurage du matin.
Ces gàyatris (coname le montre le principe de
Vôvâpa, c est- à-dire de Tintercsdation de sûktas ou de
tricas nouveaux en cas de stornavriddhi^)^ peuvent
encore être en partie prises pour des dépendances
des chants des udgàtars , et particulièrement du
stomay c est-à-dire du nombre des répétitions aux-
quelles ils soumettent les vers de leurs stotras. L'ob-
servation peut sappliquer à Tatiràtrà où le mètre
propre des hotars, est la jagatî. Et, en fait, un certain
nombre des tricas ainsi récités par les hotars sont
en d'autres circonstances chantés par les udgàtars.
Il n'en reste pas moins ce fait que la gàyatri est le
* Cf. CHdenberg, Zeitschrijt der dentschen m^rgenlàndischen Ge-
sellschaft, p. àSg^ note 3.
* Ibid,, p. 447, note 2.
* Par exemple Açvalâyana-Çratttasûira, VII, 5,9;iSe 17^
10 JANVIER 1889.
mètre unique du matin pour les castras des hotrakas ,
et même pour le praûgaçastra du hotar, au moins
dans la cérémonie modèle, dans la prakriti des
sacrifices du soma.
Or j'espère prouver que cette attribution de la
gâyatrï au pressurage du matin est ancienne. D'une
façon plus générale , je crois que les différents mètres
avaient été de bonne heure répartis , non pas seule-
ment entre les différents prêtres, mais aussi, quoi-
que dune façon moins exclusive, et avec des varia-
tions plus grandes dune famille à l'autre, entre les
différents dieux , et entre les différentes parties de la
cérémonie célébrée successivement en l'honneur de
tous les dieux. En tout cas , il sera démontré qu'un
bon nombre d'hymnes du Rig-Veda présentent des
combinaisons dont l'origine est purement liturgique.
D'autre part, en admettant qu'un grand nombre
de tricas de gâyatrîs récités par les hotars aient été ,
à l'époque de leur composition , destinés uniquement
aux udgâtars, on devra pourtant faire remonter assez
haut l'usage nouveau qui en est fait, si, comme je
compte le prouver, la Samhita renferme déjà un
certain nombre de castras véritables formés d'après les
mêmes principes ou d'après des principes analogues.
Je relèverai en outre, et c'est même par là que je
commencerai, un bon nombre de sûktas qui sont
de simples collections d'anuvâkyâs, de yâjyâs ou
d'autres vers destinés à être employés isolément dans
des cérémonies successives du même ordre.
Après ces différentes constatations, et indépen-
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 17
damment des résultats quelles pourront donner
pour Tobjet principal que jai en vue, c est-à-dire
pour rhistoire de la liturgie, le problème soulevé
par la complexité métrique d'un grand nombre
d'hymnes sera peut-être résolu , au moins en partie,
n deviendra de plus en plus vraisemblable que la
règle de la composition métrique dans les hymnes
véritables, au moins la règle esthétique, en tant
qu elle n a pas dû céder à des raisons liturgiques , e»t
luniformité absolue.
J'ajoute que le principe métrique du classement
des hymnes , tel que j'avais essayé de l'établir dans
un précédent mémoire, recevra de cette nouvelle
étude une confirmation utile , la plupart des excep-
tions apparentes pouvant être désormais expliquées
sans hypothèses d'interpolations.
CHAPITRE PREMIER.
COLLECTIONS DE VERS OU DE STROPHES LITURGIQUES.
Au premier rang de cette catégorie il faut placer
dix sûktas bien connus, les âprî ou âpra'Sùktas. Ils
comprennent les yâjyâs employées par autant de
familles ou de branches différentes pour les prayàjas
des sacrifices d'animaux, par exemple pour le
sacrifice d'un bouc à Agni et Soma , qui fait partie
intégrante du sacrifice du soma. C'est une des traces
les plus importantes que la diversité primitive des
rituels ait laissées dans la liturgie définitive ^ Les
^ AçroalàYana-Çrantasûtra, Ht, 2, 7, et commentaire. La réparti-
tion exacte des hymnes âprî entre les familles auxquelles ils appar-
xiii. 2
mraiMcaïc aiTtoiiit.
18 JANVIER 1889.
prayâjas du paçubandha y sont au nombre de onze.
Or nos dix hymnes difl'èrent non seuienient par le
texte, mais par le mètre, qui est la trishtubh dans H,
3; III, 4; VII, 2; X, 70 et 1 10, la gâyatrî dans I,
1 3 et 1 88 ; V, 5 ; IX , 5 , Tanushtubh dans 1 , 1 42 ,
et même par le nombre des vers qui est de 1 1 ,
comme celui des prayâjas , dans huit hymnes , mais qui
est de 12 dans I, 1 3, et de i3 dans I, i42. Entre
ceux qui ont le même nombre de vers il y a d'ail-
leurs cette différence importante que le second vers
est adressé dans les uns, I, 188; III, 4; IX, 5; X,
1 1 o , à Tanùnapât , et dans les autres , II , 3 ; V, 5 ;
VU, 2 ; X, 70, à Naràçamsa. C'est une double invo-
cation à ces deux divinités qui allonge d'un vers
l'hymne I, 1 3 , et l'hymne I, 1 42 , doit ses deux vers
supplémentaires à la même circonstance et à une
double invocation avec l'interjection svâhâ à la fin.
Les Angiras de la branche de Kanva, auxquels
appartient l'hymne I, 1 3 , ofiFraient-ils primitivement
12 prayâjas, et les autres Angiras, auxquels appar-
tient l'hymne I, i42, i3 prayâjas au lieu de 11?
En tout cas il y avait divergence entre les familles
pour la devatâ du second prayâja. On pourrait même
se demander si, dans certaines familles, le nombre
des prayâjas ne se serait pas réduit à 7. Ainsi s'expli-
querait la présence de 4 vers communs, de 7 à 1 1 ,
dans les deux hymnes III, 4, et VU, 2, attribués
cependant à deux rishis dont la rivalité est légen-
tiennent ne s*est d'ailleurs conservée qu en partie dans Tusage. Voir
ibid» , 6 et 8. Cf. Schwab , Das altindische Thieropfer, p. 90-91 , en note.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 19
daire , Viçvâmitra et Vasishlha. Il y a apparence que
Tun de ces deux hymnes ne comprenait primitive-
ment que 7 vers, et quon la complété plus tard en
empruntant les Ix derniers vers à Tautre. D ne sera
pas inutile d'observer à ce propos que dans l'hymne
IX, 5, dont les y premiers vers sont en gâyatri, les
Ix derniers sont dans un mètre différent , Tanushtubh ,
et que dans Thymne II , 3 , en trishtubh , le vers unique
en jagatî , y , pourrait marquer la limite d une première
partie qui serait seule ancienne. Rappelons^ encore
que les Ix derniers prayâjas se font avec une même
portion de beurre (là dernière) tirée de lupabhrit.
Quoi qulil en soit, les concordances sont beau-
coup plus nombreuses et plus frappantes que les
divergences. Il est d ailleurs évident que les vers des
hymnes âpiï n'ont pas été , comme la plupart des vers
détachés du Rig-Veda qui font TofiBce de yàjyâs dans
la liturgie définitive , adaptés après coup à l'usage qui
en est fait, mais qu'ils ont été composés expressé-
ment à cette fin. En quel temps? C'est ce qu'il est
impossible de dire. Mais les sûktas qui en sont
formés sont certainement antérieurs à la compila-
tion de la Samhitâ; car ils y sont rangés, parmi les
hymnes à Agni auxquels iLs se trouvent assimilés, à
la place qui leur appartient, tant d'après le principe
métrique que d'après le principe numérique ^.
Un autre sûkta, également confondu avec les
* Voir Schwab , Dos altindische Thieropfer, p. 94 .
* Sauf pourtant rbymne IX, 5, rangé parmi les hymnes à Soma
Pavamâna, et après les hymnes de 10 vers.
2 .
20 JANVIEK 1889.
hymnes à Agni, et qui nVst quune collection de
vers liturgiques, est le 8" du mandala III, rangé
aussi à la place qui lui appartient d après les prin-
cipes de classement. Il figure encore dans le rituel
du paçubandha, et par conséquent dans celui des
sacrifices de Soma , et comprend les 1 1 vers récités
dans la cérémonie de fonction et de f érection du
poteau où f animal doit être attaché. L'ordre des
vers dans le rituel définitif est un peu différent ( i ,
3 , 2 , 5 , 4 , 6- 1 1 ). Mais il est évident que tous ont
été composés expressément pour une cérémonie
analogue. Ils ne forment pas un hymne à propre-
ment parier; on ne peut donc sétcwincir que,' bien
que la plupart soient des trishtuhs, deux d'entre eux,
les vers 3 et y , soient des anushtubhs.
Le mandala III, attribué à Viçvâmitra, où ce
sûkta se rencontre avec fun des hymnes àpiî, est
celui qui renferme le plus grand nombre de collec-
tions du même genre. Il faut signaler dabord le
sûkta 2 8 , à Agni , et le sûkta 5 2 , à Indra , composés
fun et fautre de vers en différents mètres. Sur les
huit vers du second , trois : i , 5 et 6 , font , dans la li-
turgie des Sûtras, foffice danuvâkyâs pour les trois
purodâças offerts successivement aux trois pressu-
rages \ et sur les six vers du premier, trois également,
1 , 4 et 5 , font foffice d'anuvâkyâs pour le svishta-
krit des mêmes purodâças^. Les six vers, deux à
* Açvcdâ^ana, V, 4» 3.
* Ibid,, V, 4» 6. Les yâjyâs de toutes ces offrandes sont en prose,
ibid,, 5 et 7.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 21
deux, mentionnent expressément celui des trois
pressurages où ils sont employés , et sont conformes
à la règle qui attribue la gâyatrï au premier, la trish-
tubh au second, la jagatî au troisième. Il est de
toute évidence qu'ils ont été composés expressément
pour lusage auquel ils sont employés, dans un temps
où la répartition des mètres entre les trois pressu-
rages était un fait accompli.
L'hymne III, 28, contient encore deux vers, 3
et 6, employés, le premier comme anuvâkyâ, le
second comme yâjyâ, ou svishtakrit du purodâça
offert à la fin de Tatirâtra, après râçvinaçastra^. Or
l'un et lautre mentionnent en effet le purodâça de
latirâtra, qu'ils qualifient de tiroahnya, littéralement
«qui a dépassé la journée^». Le mètre du second
est la gàyatrî, dominante en effet dans latirâtra, et
celui du premier est Tushnih, mètre très rare, mais
caractérisant également le début du dernier des douze
castras de cette cérémonie , avant Tàçvinaçastra. Les
deux vers ont été composés pour des rites identiques
à ceux qui nous sont connus par les Brâhmanas et
les Sûtras.
Reste un vers dans le sùkta III, 28, et cinq dans
le sûkta III, 52. Aucun de ceux-là n'est resté en
usage. Mais quatre d'entre eux, 28, 1 et 62, 2-4,
sont en gâyatrï comme les anuvâkyâs du purodâça
et du svishtakrit au pràtahsavana , et invitent pareil-
* Âcvalàyana, VI, 5, 2 5.
' Et non « de Tavant-veille » , comme Teutend le dictiouuaire de
Pétersbourg.
22 JÂNVIEh 1889.
lement, soit Indra, soit Agni, à goûter le purodâça.
Le prâtahsâva est même expressément mentionné
dans levers 52, 4. On peut croire que celui-ci, et
même les trois autres, avaient été destinés au même
usage que ceux dont il a été question plus haut.
Les deux vers Sa , 7 et 8, sont des trishtubhs et
ont pu être destinés de même à une ishti du second
savana. Le dernier mentionne même expressément
le purodâça. Mais lautre remplace le purodâça par
une autre sorte de gâteau, Yapâpa, et y ajoute un
karambha auquel Pûshan a part avec Indra. Cepen-
dant la mention des Maruts concorde avec le mètre
pour nous faire attribuer ce vers au pressurage de
midi. Peut-être s agit-il là d'un rite un peu différent
et sorti de Tusage.
En tout cas nos deux sûktas sont bien des collec-
tions d'anuvàkyâs et de yâjyâs expressément com-
posées pour lusage auquel la plupart sont restées
consacrées ou pour des usages analogues. L un et
lautre d ailleurs, par la place qu'ils occupent, pa-
raissent avoir été introduits dans la Samhitâ posté-
rieurement au classement.
Au contraire, Thymne III, 21, est régulièrement
placé. Or, bien qu il soit récité tout d une pièce dans
le paçubandha, pendant la cuisson de la vapâ, pour
les gouttes de graisse qui tombent dans le feu^ sa
complexité métrique (1 et 4, trishtubh; 2 et 3,
anushtubh; 5, satobrihati) le trahit et nous y fait
^ Âçvalâyana, lïl, i. i.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 23
voir une simple collection de vers liturgiques. En
même temps, la répétition du mot stokà «goutte»,
et du mot médas « graisse » dans chacun de ces vers
(sauf, pour médas, le vers 4), prouve qu'ils ont ét^^
composés expressément pour la cérémonie où ils
sont récités.
Le sûkta III, 27, de i5 gâyatrïs, précédant im-
médiatement la collection d'anuvâkyâs signalée dans
le sûkta III, 28, semble décomposable en cinq tri-
cas, dont deux se rencontrent en elFet isolément
dans le rituel ^ et rentre cependant peut-être dans
la même catégorie comme collection de sâmidhenis,
ou de vers à réciter pour chaque bûche jetée dans le
feu âhavanïya. Cinq vers de ce sûkta, 1 , 4 et 1 3- 1 5,
figurent encore au nombre des sâmidhenis ordi-
naires^, et six autres, 5-io, constituent les dhâyyâs
ou sâmidhenis additionnelles du jour appelé vishu-
vat^. Reste quatre vers, 2-3 et 1 1-1 2 , dont Tun, 1 1 ,
renferme encore une forme de la racine idh avec le
préfixe sam. On ne s'étonnera pas trop d'ailleurs de
ne rien trouver de pareil dans les trois autres si Ton
remarque que , parmi les onze sâmidhenis authen-
tiques de notre sûkta, il en est sept, 1 et 5-io, qui
sont dans le même cas. Il est vrai que, par cela
même , lalFectation primitive de ces vers à un usage
identique à celui que leur assignent les Sûtras est
* 7-9, Açvalâyana, IV, 9, 3, et Sânia-Veda'Samhitâ, II, 6, 3.
i5, 1-3; i3-i5; 5.-F.-5. , II, 7, 2, 2, i-3.
* Âçvalœyana, ï, 2, 7.
3 /W,, VIII, 6,3.
24 JANVIER 1889.
beaucoup moins évidente que dans les cas précé-
dents. Je n ai pas cru cependant devoir les passer
sous silence. La division en tricas aurait même pu
répondre primitivement à un groupement analogue
des bûches par trois.
En tout cas , et quand on acbnettrait que les vers
de ces tricas, assignés à différentes samidhs, Tout
été par une adaptation plus ou moins tardive , nous
trouvons dans un autre mandala un sûkta où il pa-
raît difficile de voir autre chose qu'une collection ,
d ailleurs plus courte , de sâmidhenîs. C'est le sûkta V,
2S, de six vers en U mètres différents, dont deux, 5
et 6 , sont encore employés à cet usage ^ et dont
tous les autres, à Toxception d'un seul, commencent
par le mot sàmiddha ou samidhyàmdna. Cet hymne
parait être d'ailleurs une interpolation plus ou moins
tardive.
Poursuivons Texamen des mandalas autres que
le IIP, en comprenant dans nos relevés les hymnes,
même uniformes au point de vue du mètre, que
nous aurons de bonnes raisons d'assimiler aux col-
lections précédentes.
Le mandala X nous offre dans le sûkta 3o, de
i5 trishtubhs, à Apâm Napât, le pendant assez
exact du sûkta 8 du mandala III , en ce qu'il nous
fait assister également aux phases, diverses d'une
même cérémonie. Celui-là était composé de vers
qui ont continué à être récités, sauf un léger chan-
* Açvalâyana, [, 2, 7.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 25
gement d*ordre, dans la cérémonie de Térection du
poteau. Ici nous avons , avec des modifications plus
importantes cependant (non seulement Imterversion
de 1 G , 11 et la suppression de 1 2 , mais Tinterca-
lation de V, 43, i; II, 35, 3; I, 83, 2, et I, 23,
16-18), la série des vers récités dans la cérémonie
de laponaptnya, avant le pressurage du mâtiné II
suffit de lire ce sûkta pour s assiu'er qu il a été des-
tiné dès Torigine à cette cérémonie ^.
L'hymne est à la place que lui assignent les prin-
cipes de classement ^. Il ne faut pas oublier toute-
fois que le mandala X paraît s'être constitué posté-
rieurement à la première compilation de la Samhità.
Au même mandala appartient un sûkta, X, 1 79,
composé exactement de Tanuvâkyâ et de la yâjyâ du
dcdkyharma offert au pressurage du midi , soit deux
trishtubhs , précédées d'une anushtubh qui les pré-
cède également dans cette cérémonie*. Ici encore
on ne peut douter que les vers n'aient été compQsés
expressément pour le rite : le dadhi et le mddhyarpr
dina-savana sont mentionnés dans le dernier vers,
auquel les deux premiers servent évidemment d'in-
troduction.
Le sûkta I, gS , à Âgni et Soma, est une collection
d'anuvâkyâs et de yâjyàs comparable à celle des sûk-
tas III, 28 et 52. Les anushtubhs i-3 sont les anu-
^ Açvcdâyana, V, 1, 8-19.
* Cf. Aitareya-Rrâhmana « II, 20.
^ Voir Joamal asiatique, février-mars 1887, p. ig4*
^ Açvalâyana,\y i3, 4-6.
26 JANVIER 1889.
vâkyâs, et les trishtubhs 6-7 les yâjyàs des trois
offrandes : vapà, purodâça, havis proprement dit,
dont se compose le sacrifice d'un bouc à Agni et
Soma ^ partie intégrante de tout sacrifice de Soma.
Ici , à la vérité , le texte des vers n*en implique pas
la destination précise. Mais si Ton songe que le
sûkta I, 93, est le seul du Rig-Veda qui soit adressé
exclusivement à Agni et Soma, et que ce couple di-
vin ne figure même que deux autres soit dans tout
le recueil, X, 19, 1, et 66, 7, il paraîtra bien na-
turel de croire que les vers en question ont été en
effet composés pour lusage auquel ils sont restés
consacrés. Parmi les autres vers du même sùkta,
trois gâyatrïs , 9- 1 1 , et trois trishtubhs , 4 , 8 et 12,
un seul est employé , dans le sacrifice de la pleine
lune , pour TofiBrande du purodâça à Agni et Soma ^.
Mais, en général, les vers employés dans les sacri-
fices autres que celui du soma et ceux qui s'inter-
calent dans le sacrifice du soma paraissent avoir été
tardivement adaptés à ces usages, et, en fait, les
vers 2 , 5 et 6 servent à la fois dans le sacrifice du
bouc à Agni et Soma et dans Toffrande du gâteau de
la pleine lune. Je crois donc que le reste de notre
sûkta est composé de vers destinés pareillement
au sacrifice du bouc à Agni et Soma. Peut-être rem-
plaçaient-ils facultativement tel i)u tel des pre-
miers.
L'hymne à Agni et Soma pourrait être interpolé ,
* Açvcdâyana,lll 8, 1.
> Ibid.,î, 6, 1.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 27
puisqu il est le dernier d une collection , celle de Go-
tama. Mais il succède si régulièrement avec ses
1 2 vers à deux hymnes de 2 3 et 1 8 vers , composés
également de fragments ag^omérés , que Thypothèse
d*une interpolation est au moins inutile. La col-
lection de Gotama est d'ailleurs une des plus régu-
lières du mandala I, et Tune des deux qui, selon
mes observations dans un précédent mémoire ^, au-
raient pu former la totalité de ce mandala dans la
Samhita primitive. Nous reviendrons sur les deux
hymnes précéd^its, 91 et 92.
Je serai très bref sur deux autres sûktas qui sont
aussi en tout cas de simples collections de for-
mules.
L'un, rV, 57, avant-dernier du mandala, paraît
être interpolé. H se compose de huit vers en mètres
différents adressés à des dieux des champs. Les trois
premiers, au kshétrasya pâti, et le quatrième sur la
charrue, sont répartis, dans le même ordre, entre
les quatre castras de YatiriktokAa dans la forme par-
ticulière du sacrifice du soma qu'on appelle apto-
rydma^. Les vers 5 et 8 figurent dans le sacrifice
nommé çanâsiriya^.
L'autre sûkta, VI, 28, est au contraire à sa place
dans une longue série régulière d'hymnes à Indra.
C'est pourtant une simple succession de huit for-
mules, en mètres divers, sur les vaches, dont deux
•
^ Journal asiatique, septembre-octobre 1886. p. 269.
' Açvalàyana,W^ 11, i4-i6 et 19.
* Ihid,, II, 20, 4.
28 JANVIER 1889.
sont restées employées par exemple dans YudayanJyd
ishti du sacrifice du soma ^.
Une dernière série d'observations portera sur cer-
taines collections, non plus de vers isolés, mais de
strophes.
C'est une règle dans les récitations du sacrifice du
soma que chaque partie essentielle de la cérémonie
commence par le mètre anushtubh. Le premier
castra du matin est un hymne à Agni en anush-
tubh^; la pratipad du premier castra, tant au pres-
surage du midi qu'à celui du soir, est un trica
composé d'une anushtubh et de deux gàyatrîs ^, et
il en est de même du stotriya du premier castra de
l'atirâtra*. La pratipad du Marutvatïya est VIII, Sy,
1-3, celle du Vaiçvadeva est V, 82, i-3, et le sto-
triya du castra du hotar au premier paryàya de l'ati-
râtraest VIII, 81, i-3.
Nous verrons dans le chapitre suivant que ce der-
nier castra se poursuit par le reste de l'hymne VIII,
81, qui en compose toute la partie en gâyatrïs.
Quant à l'hymne V, 82 , il fournit encore, avec ses
vers 4-6 , ïanucara de la pratipad formée de ses trois
premiers vers. L'anushtubh unique, par laquelle il
débute, comme celle qui forme le début de l'hymne
VIII, 81, révèle l'origine de l'un et de l'autre.
Ils ont été composés dans un temps où la valeur
* Açvalàyana,\l, i4, 18.
» /6i(i..V, 9,i5.
^ Ibid,, V, i4, ^ et 17, 5.
* Ibid.^Wl, à, 10.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 29
liturgique de lanushtubh initiale était déjà re-
connue.
Quant à Thymne VIII, Sy, il ne commence pas
seulement par une pratipad ; il comprend , Tun à la
suite de lautre (et indépendamment de sept gâya-
trïs finales formant une dânastuti), trois autres tricas
à Indra composés chacun, comme le premier, d'une
anushtubh suivie de deux gâyatrïs. Ce sont autant
de pratipads de rechange pour le Marutvatîya , et
nous les voyons en effet servir à cet usage le second
jour abhiplava ou prishthya , le troisième jour prish-
thya et le quatrième jour abhiplava ou prishthya ^
L'hynme VIII, Sa, comprend également deux pra-
tipads du Marutvatîya, composées de même, et em-
ployées, Tune, 7-9, le cinquième jour prishthya,
l'autre, i-3, le sixième jour abhiplava ou prish-
thya 2. Je n'entends pas conclure de là que la dis-
tinction des six jours prishthya fût déjà arrêtée à
l'époque où ont été composés les tricas agglomérés
dans les hymnes VHI, 5 7 et 62. Mais leur structure
me paraît trahir clairement une intention liturgique.
Ils ont été destinés dès l'origine à servir de pratipads
au Marutvatïyaçastra. Peut-être le choix à faire entre
eux était-il d'abord facultatif.
La structure dont il s'agit est en effet exception-
* Apfalâyana,\ll^ 5, 4; 10, 8; 11, ai.
' Rid. , VII , 12, 9 ; VQI , 1 , 1 4 • Le sûkta finit par deui gâyatrïs
et une trishtubh. Quant aux vers 4-6 , qui sont actuellement deux
anushtubhs et une gâyatrï, ils formaient peut-être primitivement
une autre pratipad qui aurait été altérée par l'interpolation d'un
pâda au vers 5. Cf. Grassmann, Rig-Veda ûbersetzt, I, p. 588.
30 JANVIER 1889.
nelle. On n*en peut guère citer d autre exemple re-
marquable que dans le sûkta VIII, 63 , comprenant
également (avant une dânastuti de trois vers) quatre
tricas composés chacun d'une anushtubh suivie de
deux gâyatrîs. A la vérité, ces tricas, adressés à
Agni, n'ont pu servir de pratipad au Marutvatiya ,
ni même, à moins dune divergence notable des
rites anciens, au Vaiçvadeva, non plus que de sto-
triya au premier castra de latiràtra. Mais n auraient-
ils pas pu par exemple remplacer l'hymne en anush
thub de Yàjyaçastra?
Je citerai à ce propos l'hymne III, 24, composé
de cinq vers, les quatre derniers gâyatrîs, le premier
anushtubh, qui est pareillement adressé à Agni, et
qui aurait pu avoir la même destination. On remar-
quera que cet hymne en précède un autre de 5 vi-
râj. J'avais vu là précédemment une violation du
principe métrique , et j'avais proposé de retrancher
un vers à l'hymne aS ^ Il me semble aujourd'hui
beaucoup plus probable que l'hymne 2I1 le pré-
cède, quoique composé en grande majorité de gâya-
trîs, parce que l'anushtubh par laquelle il débute
lui donne le caractère d'un hymne en anushtubh ^.
Des observations analogues, et qui, en raison du
nombre des exemples, nous permettront une affir-
mation plus catégorique, porteront sur les hymnes
en jagatî terminés par des trîshtubhs, qui, dans le
^ Journal asiatique , septembre-octobre 1886, p. 207.
^ L'anushtubh a le pas sur là virâj , comme composée de quatre
pâdas.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 31
classement, passent pour des hymnes en trîshtubh.
La trishtubh, on le verra, a, comme mètre final,
une valeur liturgique analogue à celle de lanushtubh
comme mètre initial.
Nos collections de pratipads rappellent les col-
lections de stotriyas et d anurûpas facultatifs rassem-
blées dans Âçvalâyana ^ Plusieurs des longs hymnes
en pragâthas ou en tricas du mandala VIII pour-
raient bien n être également que des collections de
stotriyas et danurùpas se succédant dans le même
sûkta, ou rangées parallèlement dans des sûktas dif-
férents. De même , en regard des collections de pra-
tipads , on pourrait chercher des collections d'anu-
caras.
Mais on verra d'autre part que plusiem's sûktas
de même apparence sont des castras tout faits, ou
au moins des fragments considérables de castras. Il
sera difiGcile ou impossible, en beaucoup de cas, de
choisir entre ces différentes explications, bien que,
dans leur ensemble, elles puissent contribuer à la
solution de Ténigme posée par cet étrange man-
dala Vin. Remarquons seulement encore que le
vers 28 du sûkta VIII, 2 à Indra, anushthub unique
au milieu de gâyatrïs, semble, par sa place, former
le début dun trica, 28-80, qui pourrait être encore
une pratipad du Marutvatîya.
Cest ici le lieu de rappeler la correspondance,
bien connue de tous les védistes, des hymnes Vâ-
^ Par exemple Vil, 4, 2-^; 8, i-3.
32 JANVIER 1880.
lakhilya, composés chacun de cinq bàrhatapragàthas
à Indra, i et 2 d*une part, 3 et 4 de Tautre. On
sait que tous les vers des hymnes 2 et 4 repro-
duisent un à un, en termes légèrement différents,
ceux des hymnes 1 et 3. N'est-il pas probable que
deux de ces quatre sûktas n'étaient à l'origine que
des collections de stotriyas , et les deux autres , des
collections parallèles d'aniunûpas?
A la vérité, une correspondance analogue existe
entre deux sûktas comprenant chacun six ushnihs,
soit deux tricas d'ushnih, adressés à Soma Pava-
mâna, IX, loâ et io5. Or, dans la liturgie défini-
tive, il n'y a pas de stotriyas à Soma, les pavamâna-
5to<r<i5 n'étant pas répétés par le hotar, mais remplacés
précisément en tête de ses castras par les pratipads
dont il était question tout à l'heure. Mais n'aurions-
nous pas là précisément l'indice d'un usage plus
ancien , selon lequel le hotar aurait répété les pava-
mânastotras aussi bien que les autres stotras des
udgâtars?
Un autre indice du même genre serait le trica
initial de IX, 101, également à Soma pavamâna, for-
mé d'une anushtubh et de deux gâyatrîs comme les
pratipads de midi et du soir et le premier stotriya
de l'atirâtra. En tout cas, cette dernière strophe clôt
à peu près la série des tricas très rares , comme nous
l'avons dit, où se remarque la même structure mé-
trique.
LES PREMIERS PRINCES CROISES. 33
1 , ■ ■ Il . ■ ■ . n ,
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS
ET
LES SYRIENS JACOBITES DE JÉRUSALEM,
PAR M. L'ABBÉ MARTIN,
PROFESSEUR À L'ECOLE SUPERIEURE DE THEOLOGIE DE PARIS.
(suite.)
IV
Voilà donc GaufBer ou GeofFroi délivré et le voilà
de retour à Jérusalem (janvier-mars i iSy?).
On comprend laccueil qu'on lui fit à la cour:
trente-trois ans de captivité méritaient bien, en effet,
quelque sympathie. De plus , le personnage était un
des compagnons de Godefroi de Bouillon, un des
conquérants de Jérusalem , et il n*en restait proba-
blement plus beaucoup en i iSy. Raison nouvelle
de fêter son retour.
n paraît cependant que cette espèce de résurrec-
tion fut loin de plaire à tout le monde , car elle dé-
rangea bien des gens : un mort de trente-trois ans,
qui reviendrait sur la terre, où il aurait joué un
grand rôle et occupé une grande position! Quon
s'imagine le trouble que cela jetterait dans les familles
et dans la société , et on aura une idée de ce que pro-
duisit le retour de Gaaffier. « Toute la ville, disent
XIII. 3
IMVUMimiM VATIOIALI.
J
34 JANVIER 1889.
Michel et Romanos , fat vexée ; mais les Syriens le
furent plus que les autres. » Ils reçurent, en effet,
ordre d^évacuer ^Adeciéh et Beith-^Arlf, les deux
fermes ou villages, que les Métropolitains avaient
transformés en châteaux forts (JLixa-», i^od) et
dotés de deux belles églises. Tout cela retournait à
Gauffîer.
n est facile de comprendre Témoi des Syriens. On
le comprendrait à moins. Perdre un bien reconquis
depuis trente-trois ans , après beaucoup de démarches
et de dépenses , et perdre en plus toutes les amélio-
rations faites sur ces propriétés depuis trente ans!
Le coup était certainement très rude. Mais, comme
en ce monde le mal de lun fait le bonheur de i autre ,
le scribe Michel observe que « le peuple envieux, qai
porte le nom de Melchite,fut dans la joie et la jubila-
tion, » en voyant les Jacobites dans la peine. « Er^n,
disaient les Melchites, on prend aux Jacobites leurs
biens I » Il y avait déjà du temps, en effet, qu'on leur
avait pris les leurs , et ils se consolaient en songeant
que leurs voisins allaient subir le même sort! Gomme
tout cela est vrai , et quel jour cela jette sur l'his-
toire des Croisades!
Lordre du roi était formel et il devait être mis à
exécution de suite. Les Jacobites devaient com-
mencer par évacuer les lieux, sauf à entamer en-
suite un procès (premiers mois de 1 1 Sy). Toutefois,
comme le métropolitain Ignace était bien en cour,
il obtint un sursis. Le roi Foulques lui était dévoué,
et la reine Mélissende avait pour lui une estime toute
\
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 35
particulière. H paraît que cette princesse tenait cette
affection pour les Jacobites de la reine sa mère, à
ce que dit le scribe Michel, et nous savons, en effet,
par ailleurs, que la mère de Mélissende, la reine
Marfie, fename de Baudouin II, était Arménienne de
naissance^. On s'explique donc sa sympathie pour
les Orientaux, en particulier, pour Ignace, qui était
originaire des environs de Mélitine, en Arménie.
Cette reine prit en main la cause des Syriens jaco-
bites auprès du roi et des seigneurs de la cour, et
elle fit tant qu elle la gagna ou à peu près.
Le scribe Romanos raconte cela en deux mots,
mais Michel s étend sur ce procès avec quelque com-
plaisance. Il nous apprend quaprès avoir rendu
redit qui dépouillait les Jacobites, le roi Foulques
était parti avec son armée pour aller rebâtir Beith-
Gabrin^, ville autrefois célèbre. Il se trouvait là au
* Ducange, Familles d' Outre-mer, p. i3-i4*
* Il n y a évidemment pas lieu de douter qu'il ne s'agisse ici d'une
expédition dans le sud de la Palestine , du côté d'Éleuthéropolis , qui a
porté autrefois et porte encore le nom de Beiih-Gabrin ou de Beith-
Djabrin, De plus, cette ville répond bien aux détails que nous donne
le scribe Micbel , car elle eut autrefois une assez grande importance et
les ruines , qu on y voit encore , attestent une antique gtaodeur. Ruinée
avant les Croisades, elle fut relevée à cette époque, comme le dit
Micbel ; mais la décadence ne tarda pas à recommencer pour ell&
Eleutbéropolis est à peu près à moitié cbemin , sur la route de Jéru-
salem à Gaza. — VoirRobinson : Biblical researches, 2* édit. , t. II,
p. 67 et suiv. — Guillaume de Tyr, Hist, XIV, chap. xxii, raconte
cette eipéditiou, à Tannée 11 36. Historiens latins des Croisades, I,
p. 639. D'après lui, Beith-Gabrin serait Bersabée. — aConvocalo
itaqae nniversi regni populo, domino quoque Patriarcha Guilelmo et
magnatibus, opus conceptum aggrediuntur et incepium bonis avibus,
3.
3û JANVIER 1889.
commencement de février i 1 38 , et il y était depuis
quelque temps, car la reine lui avait expédié plu-
sieurs courriers pour l'instruire et le mettre au cou-
rant de tout. Il avait même Tintention d y demeurer
quelque temps encore, puisqu'il convoqua, dans cet
endroit, tous ceux qui avaient maille à partir avec
Gauffier. Le métropolitain Ignace s y transporta, sur
Tordre qui lui fut donné , accompagné du moine
Michel, le lundi 3i janvier i i 38. Gauffier ne voulut
entendre parler d'aucun accommodement. C'est tout
au plus s'il consentit à vivre tranquille jusqu'à ce
que le roi, de retour à Jérusalem, jugeât la cause
avec la reine. A la fin toutefois , au moment où les
Syriens allaient repartir, il céda aux instances du
roi Foulques, accepta aoo dinars et renonça par
écrit à tous les droits qu'il pouvait avoir sur le châ-
teau d'^^Adeciéh et de Beith-^Arïf. Il donna même «par
écrit et en langue franqae y) acte de sa renonciation,
à ce que dit Ron^anos. Les Syriens souscrivirent cet
• arrangement, de peur d'avoir à souffrir quelque
chose de pire. D'ailleurs, ils durent verser encore
de grosses sommes au roi et aux seigneurs, sans
doute pour éclairer leur justice. Il y a longtemps
que les peuples orientaux sont habitués à ce régime»
On n'obtient , chez eux , pleine justice qu'à la con-
dition d'unir au droit des bourses bien garnies.
consammatum anctore Domino Jeiicius , prœsidium œdificantes, muro
insuperabili , antemuralibns et vallo, tarribns qnoque mnnitissimum ,
millutribus duodecim a prœdicta distans Ascalona,ï> etc. Tous ces
détails sont d'accord avec ceux que nous fournit le scribe Michel. Le
Roi, le Patriarche et les grands du royaume étaient à Beith-Gabrio.
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 37
Outre la lumière qu^ils versent sur les rapports
des croisés avec les indigènes, en particulier, sur le
fonctionnement des cours de justice établies par
Godefroi et ses successeurs, ces détails nous appren-
nent quelques faits généraux qui appartiennent à
rhistoire du temps et qui ne sont racontés nulle
part ailleurs. Le voyage de Foulques à Beith-Gabrin
n'est rapporté par personne d'une manière aussi pré-
cise, car les détails que fournit Guillaume de Tyr
ne permettent pas de fixer exactement sa date. Cette
expédition eut lieu en 1 1 Sy-i i38.
Le scribe Michel s arrête ici : il termina sa note
le lo février i i38, huit jours après l'arrangement
conclu avec Gauffîer, à Beith-Gabrin.
Le scribe Romanos, écrivant le 2 5 août ii38,
ajoute à ce qu'on vient de lire l'histoire des six mois
suivants. Il parle , en particulier, de l'expédition que
l'empereur de Constantinople fit en Asie Mineure au
commencement de cette année, expédition que Guil-
laume de Tyr et les historiens grecs relatent avec
assez de détails. Il retrace surtout les derniers mois
de la vie d'Ignace , son oncle , et ce qu'il en dit est
tout à fait d'accord avec ce que nous en savons déjà.
Ignace jouissait d'une grande considération auprès
de ses coreligionnaires. On accourait à lui de tous
côtés, et, désireux de satisfaire tout le monde, sur-
chargé de besogne , il mourut à la peine , car il était .
faible de santé. Il préparait le synode qui devait
élire un successeur à Jean Maoudiana (f 2 o août 1 1 3 7)
et il se mit en route pour aller le tenir, le dimanche
38 JANVIER 1889.
ili avril 1 i38; mais il s arrêta k Saint-Jean-d*Acre ,
attendant le roi Foulques, qui projetait daller à
Antioche. C^est là qu'il fut surpris par la maladie et
qu'il mourut, le jeudi i g mai 1 1 38 , trois jours avant
la Pentecôte. Son corps fut rapporté à Jérusalem le
lundi suivant.
Telles sont les deux notes, dont on va lire le texte
et la traduction. J'espère qu'on ne les trouvera pas
dépourvues d'intérêt et je crois que, si les manuscrits
syriens en contenaient beaucoup du même genre, la
Société de l'Orient latin leur ferait bon accueil. En
lisant celle-ci, plus d'un de ses membres se dira en
lui-même : « Que n'y a-t-il eu à Edesse, à Amid, à
Mélitine, à Antioche, partout enfin, des Michel et
des Romanos, semblables aux deux qui paraissent
aujourd'hui pour la première fois devant le public!
Que de choses nous saurions sur leur temps que
nous ignorerons toujours , et qu'un gros volume com-
posé de documents de cette espèce aurait d'intérêt
pour l'histoire des Croisades! » Malheureusement les
Romanos et les Michel n'ont pas été nombreux cheas
les Syriens au xn* et au xni' siècle. Je ne jurerais pas
que ceux-ci soient les seuls , car si mes souvenirs ne
me trompent pas , quelques autres manuscrits syria-
ques de Rome , de Paris ou de Londres renferment
bien quelques notes du même genre. Toutefois, ce
dont je suis bien sûr, c'est que ces notes ne sont pas
nombreuses, et c'est qu'elles n'ont pas la même im-
portance ou le même intérêt que celles dont je viens
de parler et qu'on va lire.
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 39
Après avoir introduit, auprès des lecteurs du
Journal asiatique, les scribes Michel et Romanos, je
leur cède la parole et j*espèrc qu ils justifieront Fhon-
neur qui leur est accordé.
Je rapporterai d'abord les textes originaux et je
renverrai les traductions à la fin.
NOTE DU MOINE MICHEL ^
^^Lo (^^oo «d-* «oi^Mt jmîsn \ci^llo Jtwâ
C|i\ ■ il V> y£WA.9o) JLl^t^ J^JU^AOt hk^f^ Ôim^i^ùO
"VAj .'^o-^I ooi o»^^^o 4^^ )ww^ oi:>a^^^4^!
tLJ (col. 2 )*U^ W^ddo 1^ o;^
oiIq 91 >■ to o^Bio^o oS^ibaûk.o .o^da^* tflN» ooL
^ Manuscrit syriaque n" i de Lyon, fol. 3, b, i. La division
en paragraphes a été &ite par nous. Les manuscrits ne présentent
rien de semblable. Nous plaçons entre crochets les mots que nous
avons restitués. Le manuscrit de Lyon est généralement correct,
celui de Paris l'est moins.
* J'omets , ici et plus bas , quelques effusions du Jjon moine Mi-
chel , qui n'ont aucun intérêt pour l'histoire.
40 JANVIER 1889.
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LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 41
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oo»{ (fol. 2, a, coi. 1) Jl tk '\ m \n o»Lâ^ ^t jll9tQ^o
yL3 Jl "^ •*> j>V^M ^Oa^ Jl^Od^t ^*^A ^âid^Jld «fo^
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JLdu^;.^ ^ju*a^ ^;^ -.^^ Ld^ wOj^o Jlioi Jbâ^ibi.
.U-^oo{t l^i^o:^) )wt-«^9 *«Jbuta^ «^oto^l ootf .^t
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lyNfiin I JL;^^^ .IbS^Jld *^^n*^ .'^oSs^f JLIdo l^^^te
42 JANVIER 1889.
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Jhodo) Ho^
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m «M VK> Loft OM^^h «hoi ^t-^t I^OAd JK^*.t^
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Q ^ .tflO JLI^. CLâdJo .JL^-te) OOd^^ b^f
LES PREMIERS PRINCES CROISES. 43
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kfi JANVIER 1889.
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LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 45
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46 JANVIER 1889.
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LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 47
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48
JANVIER 1889.
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LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 49
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zm. 4
50 JANVIER 1889.
NOTE DU MOINE ROMANOS ^
«A»»W-d J^>A^o) ^oJ^^s^ol? jilOI JL3K0 JL^A^^J^JL 17"
JL-3^^ «*olO>^•| oo^t^^^ .|J(^..^-»ta:s. «^Ij'l 0010
uJbo.^^ .^oioâTa^ i9fs.»> fo^^U ^^;r> t )J^Max«*^te
1^0» «t^--»)! flb^Ai^^ <iAj^iN*|o u^XfiûL^o uosi^ 001?
I .11^90.^ J^^^ol );.^«^ looM! ^! o<m^ jj^ 18"
^ Ms. 5i de Paris, fol. 1 17, 6, 1. Le scribe paraît moins instruit
que celui du manuscrit de Lyon. On trouve, dans cette note, des
mots empruntés à l'arabe et plusieurs autres sont mal écrits.
^ Le manuscrit porte Lj^o JKsdha. 11 lit aussi JbJ^^JL*..
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 51
I^J^o^t t^fo^l) Ji^O^îï^? ^^g^ ig'
yi i> "^ Jbo Lo ) J^ii I •! x^-^l? Jlioi ^ JUd/Ldo 20**
^ 000» ^ ^ > fi . ; V ^ooî^f **a^ (col. 2) Ud) )oo(
^ Ms. ^Oâlf.
' Ms. JUdjLd^
• Ms. ^«^iik.»
^ Le mot Ji^Af est un peu eifacé, mais on ne peut pas lire
JidM^t« car la construction serait vicieuse, grammaticalement par-
lant; il ne reste donc plus qu'à lire dacheino. Quant au sens du
terme JjL^ad, je ne retrouve rien, dans les lexiques et dans mes
notes lexicographiques , qui me permette d'en déterminer le sens.
Je suppose que ce mot syriaque doit être rapproché de l'arabe jJU
oboltts, pecunia, mais je n'ose pas émettre une conjecture sur la
raison pour laquelle on a donné à cet évêque un pareil surnom.
4.
52 JANVIER 1889.
)
iill ;.5o)l) ^^oi .;ooo ^âaiid^ ^^i] Vo
oiLq — <^ . ■ »So .oiW^a^lo )J^x»f^a^t IwÇ^ )JU$^
yi mo jgùkjL9ojLd Ifoi ILo^fo iLo^o) Looi )J^.Al«•09
^ Le manuscrit porte ici et un peu plus bas : Moief JKsd .
* Ms. i^^l.
' Presque tout ce qui précède a été publié par M. H. Zotenberg
dans le Catalogne des manuscrits syriaques ^ p. 19»
* Ms. u»)f.
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 53
(fol. 118, a^ 1) )Ji ">JL,3 0»9J^..^f ^O^O» OAâO «^Ld^
} 0 Pf>0 "» U^ «fOOA^ilL^I «*V^ ^^f JLdjI ^ 9«A
• ^m^Od IL^USU. ^cS^^d J^te^A^lo uO^L) "wu^Jldt
• * •
* Le manuscrit porte ]k*>^. Le verbe «d.*I| est incertain. II ue
semble pas qu'on puisse lire «de^II « qui iraif^mieux.
* Ms.
54 JANVIER 1889.
IJLJL^ Hjlùoo JLmjd JUf^JL^ M^iJiolo •jiKA.foJ)
)t«— ^ Jk^ ^^L y^«^! l^oJLdo «foiâaate );.^Q!X
il ; I "fc^ o^jJ «A^ v^^^ J^^fo "iiYrîîvi^o
^ Les JLi^ ne peuvent pas être des coupoles, puisqu'on bâtit au-
dessus d'elles uii appartement carré; ce sont évidemment des salles
voûtées.
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 55
^ Il y a ici un mot à moitié effacé. Le vaj copulatif placé devant
,^0% exige un verbe, et je ne crois pas, dès lors, pouvoir lire autre
chose que p**-- Le iod est très net, le mim le semble également
Quant à la seconde radicale, elle est incertaine. Seulement, comme
l'histoire ne parle pas d'mi mariage de l'empereur, à Antioche , je
préfère laisser le passage en Idanc.
56 JANVIER 1889.
oi a 9i I OOM Ut^t U<^o Jbuid^^^ .JL^ftA^f
yi > n lo «£oo«-AjaAo ^mjju Lai*Jt i^^su) Jo^^JI
)fe^o.^t ^oi;âQd j!i^.A.9o) ^ ^f u^2u «jLduu^Jld
•o-aS^ Uo^ l^^90 JLado»} JLud Kd9|o ^?nn(V^
hJL^N.d'ôi )o^^^ fo^t «*oiQâcu*9 «^oioâftlo «««a^JI
JLiuilf Ibui^ ):bi^ Jo^ fooif jLk«»o ^t U^)"^ ^o""
\
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 57
•^>^\ «JLA^Lto |2iâk.t ^i^^JU o[^^]
NOTE DU MOINE MICHEL.
1 . « Heureux souvenir et commémoraison perpé-
tuelle, à lui et à ses défunts aïeux, à celui qui a pris
soin d'écrire, d'ordonner et de composer ce livre
précieux, ce volume des fêtes du cycle annuel, à
notre saint père , Mar Ignace , métropolitain de la ville
sainte de Jérusalem^, c est-à-dire de la ville du Sei-
gneiu*, et de toutes les autres villes du bord de la
mer! Que Dieu, pour Famour sincère duquel notre
père a pris soin d'écrire ce livre, lui accorde une
récompense et une bonne rétribution!. . . . Oui,
qu'il lui accorde tout cela, en retour de l'amour, de
la peine, de la fatigue et du zèle apostolique qu'il a
montrés pour l'Église et la construction du monas-
tère, pour l'établissement et l'entretien de ses fils
^ H n'est pas ici question , ainsi qu ou le verra {dus loin , du Mar
Ignace] qui gouverna l'église de Jérusalem et les églises environ-
nantes, pendant quarante-cinq ans, d'après Bar-Hébréus ( J.-B. Âb-
beloos, Chronicon eccîesidsticmn. II, p. 596). Le manuscrit de Paris
fait une lumière complète sur ce point.
58 JANVIER 1889.
spirituels, les prêtres et les diacres; pour le ser-
vice de toute la communauté des religieuses des
deux monastères! Oui, que Dieu lui accorde la vie
éternelle , le bonheur sans fin , le paradis de lumière
et la joie délicieuse où retentit le perpétuel Alléluia,
en compagnie de tous les miséricordieux et des pères
de son ordre!
2. «En effet, bien que les religieux métropoli-
tains , élus par TEsprit Saint pour ce lieu sacerdotal ,
aient, chacun en son temps, pris soin de construire,
de garder et d'entretenir notre saint monastère, et
tout ce qui lui appartient, néanmoins le soin et le
zèle dlgnace dépassent ceux de tous ses prédéces-
seurs : ses œuvres méritoires , sa charité envers Dieu
et envers les hommes ont surpris et étonné tout le
monde. C'est pourquoi le Seigneur lui a fait trouver
grâce aux yeux de tous , en particulier, des rois vic-
torieux, des reines, des princes, des seigneurs et des
gouverneurs qui ont vécu de son temps, comme il
fit autrefois trouver grâce à Joseph devant Pharaon.
Il l'a honoré et glorifié, ainsi que cela convenait à
sa bonté paternelle , à ses mœurs admirables et vrai-
ment angéliques. Aussi nous prions et supplions le
Seigneur, afin qu'après l'avoir choisi et placé dans
son Eglise à l'instar d'une colonne de lumière et
comme médecin des âmes, il lui accorde longue
vie, paix et tranquillité, santé de l'esprit, de l'âme
et du corps, pour que, pasteur vigilant et zélé, il
marche longtemps à la tête du peuple de Dieu,
paisse et guide son troupeau en ces temps difficiles.
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 59
OÙ TEglise , tombée dans le veuvage et privée de son
chef ^, troublée et opprimée de toutes parts, espère
dans l'appui et le secours de son bras
3. « Avec Taide de Dieu, ce volume a pris lin, à
quatre heures, le cinquième jour de la semaine, le
10 du mois de Chebot, de Tan mil et quatre cent
quarante-neuf^, de Tère d'Alexandre, fils de Phi-
lippe , dans le couvent saint et sacerdotal de Sainte-
Marie-Madeleine et de Mar Simon le Pharisien^.
En ce temps-là, l'Eglise était dans le veuvage et
privée de pasteur, car le 20 du mois d'Ab de Tan-
née précédente*, était passé de ce monde auprès
de Notre Seigneur, Mar Jean , notre patriarche , lequel
^ Jean Maondïana, mort le 20 août (ab) de Tannée 1137, non
au mois de septembre ou dV/ou/, comme le dit Bar-Hébréus. — Voir
plus bas; les deux récits sont d'accord là-dessus.
* En 11 38» la lettre dominicale est B, Le 10 février, un jeudi.
Voir Migne , Dictionnaire de l'art de vérifier les dates,
^ Le monastère de Sainte-Marie-Madeleine était dans Jérusalem.
Âssémani le mentionne souvent, dans sa Bibliotkeca orientalis demen-
tino-vaticana, t. II, p. 75, 33 1 et 337. Dissertaiio de Monophy-
sitis, p. i3i et 87«88. — Il servait de résidence au Métropolitain
jacobite, à Jérusalem.
* Ce renseignement est intéressant , car il rectifie la date donnée
par G. 3ar-Hébréus (J. Baptista Abbeloos et Th. Joseph Lamy,
Gregorii Bar-Hebrœi Chroniçon ecclesiasUcum , II, p. dgo), qui fait
mourir ce patriarche, non pas au mois d'août, mais au mois de
septembre ou d'éloul^ i448 des Grecs, c*est-à-dire 1137 de Jésus-
Christ II faut donc corriger Assémani [Biblioth. orientalis. 11,
p. 368) et Lequien (Oriens christianns, II, p. i388). Bar-Hé-
hréus écnvait cent cinquante ans plus tard , tandis que nous avons
affaire ici à deux auteurs contemporains et à deux commensawt
du Métropolitain de Jérusalem , lesquels étaient évidemment bien
renseignés.
60 JANVIER 1889.
était appelé Maoudîâna, et avait été archimandrite
du couvwit de Douaïr, à Douaïr'. En ce temps-là,
Mar Gabriel^ était métropolitain d'Egypte et Mar
Ignace^, dont il a été question précédemment , était,
par la volonté de Dieu, métropolitain de cet en-
droit. Notre roi victorieux, le roi du peuple fidèle des
Francs, (était) Ser Foule, avec la reine et leurs en-
fants gardés par Dieu *. Que le Seigneur conserve à
jamais la paix et la tranquillité à son Eglise et à son
peuple fidèle, dans les quatre parties du monde!
à' «Ce livre a été écrit par un pécheur nommé
Michel^, qui porte la laine, est originaire de la pro-
vince et du gouvernement de la ville de Mar'^ach*,
et appartient au couvent célèbre de Mar George au-
trement dit Gasselioud, dans la montagne noire''...
5. « Nous croyons devoir porter à la connaissance
^ Jean Maoudîâna était, en effet, du coavent de Doua!r (Gr. Bar*
Hehr, Chronicon eccL, II, p. dSa) et il y moorat [Ihid,, p. 490).
^ Ce Gabriel n*est nommé nulle part ailleurs.
^ Il s*agit ici d'un Mar Ignace différent de cdui qui est connu
par Bar-Hébréus. — Ce dernier mourut en 1 1 83 , l'autre le 1 9 mai
ii38.
* 11 est question évidemment de Foulques , gendre de Baudouin II
( i 1 1 3 1 ] et tuteur de Baudouin III ( 1 1 d d- 1 1 6 3 ). Pendant la minorité
de son fils, Foidques (-}-ii44) gouverna le royaume avec sa femme
Mélissende. VoirDucange, FamiUes d'Outre-mer, p. i3-i5. — Les
fils visés par le scribe Michel sont Baudouin III (1144-1162) et Âmaury.
'^ Micbel était moine ou portait la laine, — Il ne paraît pas men-
tionné ailleurs.
• Sur Mar'^ach {Maboug ou Germanicie) , voir Assémani, Disser^
tatio de Monophysitis , p. 82-83.
' Assémani ne mentionne pas le couvent de Mar George ou de
Gasselioud , mais il parle de la montagne noire.
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 61
des frères spirituels et amis de Dieu , qui viendront
plus tard, ce qui est arrivé Tannée avant celle dont
nous venons de parler, c est-à-dire Tan mil quatre
cent quarante-huit ^ Je ne sais si cela est arrivé par
hasard, ou bien parce que le juste doit être éprouvé
par la tentation. Dieu le sait, lui qui sait tout, avant
que cela arrive.
6. «En ce temps-là, un Franc, un des princes
qui avaient pris Jérusalem , un de ceux qui s'étaient
emparés de la ville (de Jérusalem) et de tous ses
environs, par la volonté du Seigneur; un de ceux
qui avaient chassé les Arabes , après en avoir tué un
nombre infini , [avait imité] ses compagnons d armes ,
les chefs qui s'étaient établis en chaque endroit, sui-
vant leur nom et suivant leur pouvoir. Or, à cette
époque (vers i loo), notre sainte Eglise des Jacobites
orthodoxes étant faible avait été dépouillée de son
couvent, parce que le métropolitain de Tépoque,
effrayé de la persécution des Arabes , s'était enfui en
Egypte^. Il n'était donc resté dans le monastère que
trois vieillards impotents^, et c'est pourquoi le prince,
dont nous allons raconter l'histoire et dont le nom
était Gounefar(?), s'empara des endroits et du pays
situé tout autour de nos fermes de Beith-^Arif et de
*Adecieh^ : — que Dieu les conserve! — Voyant que
' Par conséquent , en iiSy.
* Ce métropolitain s^appelait Cyrille, ainsi qu'on le verra plus
bas. Âssémani et Bar-Hébréus l'ignorent complètement.
^ Deux localités non loin de Jérusalem , puisqu'elles dépendaient
du couvent de Sainte-Marie-Madeleine. Âssémani ne les connaît
pas.
62 JANVIER 1889.
ces fermes étaient agréables et belles, s apercevant en
outre qu'elles n'avaient ni maître, ni régisseur, et
étant parent du roi d alors ^, il s'empara desdits lieux.
Mais, après en avoir joui quelque temps, il fut pris
par les Arabes et conduit en Egypte chargé de
fers.
7. «Sur ces entrefaites, le patriarche Mar Atha-
nase^, qui est maintenant parmi les saints, vint à
Jérusalem pour Cette afiaire^; le métropolitain, Mar
Cyrille, revint aussi d'Egypte, et tous les deuxs'étant
réunis allèrent trouver le roi*, lui montrèrent les
actes d'achat desdits villages, présentèrent comme
témoins des vieillards de l'endroit tant fidèles qu'A-
rabes; et le roi convaincu, aussi bien que ses sei-
gneurs , que les villages étaient à notre Eglise et que
(Gounefar) nous les avait ravis, les restitua à notre
bienheureux père, le religieux (métropoUtain) sus-
dit^. Notre père dut toutefois verser pas mal d'ar-
gent, pour cette affaire, tant au roi qu'à beaucoup
d'autres personnes.
^ Il s'agit ici de Baudouin I" (i 100-1 1 18) , d'après ce qui sera dit
plus bas, et d*cvéiiements qui se passent en ii02-iio4* Par consé-'
quent, le mot Jbj(w«, qui peut signifier beau-pkre, gendre, beaU'
frère, cousin, etc., ne peut avoir ici que le dernier sens.
* Athanase Aboulpharage Bar-Camoré (G. Bar-Hebr. Chronic,
ecclesiast.. If , p. 460-482 ) , qui gouverna Téglise jacobite trente-huit
ans, de 1090 à 1129.
^ Vers l'an iio3 ou iiod, d'après ce qui sera dit plus bas.
* Baudouin I" (1 1 00- 1 1 1 8 ) .
^ Cyrille , celui qui , après s'être enfui en Egypte par peur des
Arabes, vers 1098 , était revenu après la prise de Jérusalem par les
croisés.
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 03
8. « Quand toutes ces personnes furent mortes ^
et lorsque le roi nommé précédemment^ fut monté
sur le trône — c'était le troisième après celui dont
il vient d'être question tout à l'heure — alors que
notre père, Mar Ignace, lui aussi, troisième succes-
seur de Cyrille [était métropolitain de Jérusalem],
environ trente-trois ans après les événements ra-
contés plus haut^, les Arméniens devinrent très
puissants en Egypte*. C'est pourquoi le religieux
(évêque) des Arméniens ^, établis à Jérusalem , partit
pour l'Egypte, dans le but d'y recueillir des aumônes
pour soulager l'indigence de ses ouailles. Or, qiiand
le chef des Arméniens vit le religieux (évêque), il se
réjouit beaucoup, et, comme il était tout-puissant
sur toute l'Egypte, il lui promit de lui accorder
tout ce qu'il lui demanderait.
9. « Gounefar — que son nom ne soit jamais
commémoré! — Gounefar était encore vivant dans
sa prison, mais très avancé en âge. Beaucoup de
* A savoir, le patriarche Athanase Bar-Camoré, mort vers 1129;
le métropolitain Cyrille vers iii5 et le roi Baudouin P' en
1118.
* Ser Foule ^ c'est-à-dire Foulques (-|- 1 1 44 ) , père de Baudouin III
(-[■ 1 162). — Foulques était, en eflfet, le troisième roi de Jérusalem
après Baudouin l".
^ C'est-à-dire vers 11 36 ou 1137.
* Notre scribe ne dit pas comment, mais le Kamel-el-Tewarikh
d'Ibn-AJ-Athir comble cette lacune. Voir le passage que nous avons
cité, Journal asiatique, 1888, t. II, p. 489-490. — Aboulféda fait
aussi allusion à ces faits.
* Le nom de cet évêque arménien est inconnu. Aucun des deux
récits ne le nomme.
64 JANVIER 1889.
rois avaient sollicité sa mise en liberté \ mais il
n avait pas été délivré. C'est pourquoi le religieux
(évêqué des Arméniens) demanda sa liberté, espé-
rant en retirer profit et se faire un nom dans le
monde. La femme et les parents [de Gounefar] lui
avaient promis , en effet , que , s'il le faisait mettre en
liberté,, on lui donnerait un village. Une fois donc
quon lui eut garanti, par serment et peut-être en-
core par des moyens plus persuasifs, ce qui était
arrivé et ce qui arriverait (?), s'il faisait délivrer le
captif, les Arméniens demandèrent celui-ci à l'émir ^
d'Egypte qui le leur accorda.
10. «Le retour de Gounefar fut la cause de
grands ennuis pour beaucoup de personnes, car sa
principauté avait été prise par bien du monde et il
s'était écoulé, depuis (sa disparition), un temps con-
sidérable. Nous en souffrîmes, nous aussi, assez
notablement; car, après l'incarcération de ce prince
jusqu'à l'année rapportée plus haut ( 1 1 3 7 ) , les métro-
politains antérieurs^ et notre père (Ignace) n'avaient
pas cessé de réparer le monastère et de résider à
^Adecieh. (Ignace) avait même bâti deux églises* et,
en rassemblant de tous côtés une nombreuse com-
^ Probablement à l'époque de la captivité de Baudouin II (1 128-
ii3d)* peut-être même auparavant.
^ Hafedh Lidyn-AUah (iiSo-ii^q).
' Cyrille et celui qui lui avait succédé de iio3-iiod à iiaS,
ainsi que nous l'apprend le second récit.
* Ce qui prouve qu'en 11 38 cet Ignace était déjà métropolitain
de Jérusalem depuis plusieurs années. — Le manuscrit de Paris
nous apprend qa'il l'était depuis le 13 octobre 11 25.
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 65
munauté de frères, il avait fait un couvent remar-
quable.
1 1 . « Lorsque Gounefar se présenta au roi et à
ses seigneurs ^ ceux-ci le considérèrent comme un
mort qui , sorti du tombeau , revenait à eux. Us se
réjouirent cependant beaucoup, en le voyant âgé,
parce que c'était un des premiers et des plus illustres
[croisés]. Le roi ordonna qu'on lui rendît tout ce
qui lui avait appartenu avant qu il fût emmené en
captivité, et, le décret une fois publié, il se trans-
porta, avec son armée et une fouie composée de
toute espèce de personnes, à Beïth-Gabrin 2, pour
la rebâtir. C'était, en effet, autrefois une ville re-
nommée.
12. « Nous n'avions pas entendu parler du décret
rendu par le roi , à Jérusalem ; mais soudain , celui
qui remplaçait le roi envoya des hommes à ses
ordres à notre père (Ignace), pour lui notifier le
décret promulgué par le roi et par ses seigneurs , et
pour lui dire : « Enlève dans le couvent de ^Adeçieh
« tout ce qui est à toi et quitte-le , car un tel doit en
a prendre possession à ta place! » On juge si nous
tombâmes dans l'étonnement et la tristesse! Au
contraire, le peuple envieux et ennemi de la foi
orthodoxe, qui porte le nom de Melchite, fut
* Probablement dans les premiers jours de 1 iSy, puisque le vizir
arménien, Babram, fut disgracié au mois de février 1 187.
* Ëleuthéropolis appelée Baito-Gabra ou Beitb-djibrin par les
Arabes. Voir Guillaume de Tyr, dans Historiens latins des Croisades,
I, p. 689.
XIII. 5
ItiralMEftlR «VTIORALI.
06 JANVIER 1889.
dans la joie et la jubilation , car il se disait : « Voilà
« qu'on enlève enfin aux Jacobites leurs propriétés! »
On lui avait, en effet, déjà pris les siennes. Quand
il apprit la décision rendue par le roi , notre père —
que Dieu le conserve! — mit toute sa confiance et
tout son espoir en Dieu et en ses saints : il ne cessa de
prier jour et nuit, lui et tout son peuple, conjurant
Dieu de terminer pacifiquement la persécution ter-
rible qui avait fondu sur nous.
1 3. « Il écrivit aussi à la reine ^ ^— que Dieu la
conserve! — laquelle était animée envers nous de
sentiments favorables, car elle avait été formée par la
reine sa mère à la piété. Aussi , elle était pleine de
charité pour notre Église et pour notre peuple; elle
(la bien prouvé), car elle a souffert beaucoup pour
nos affaires , non pas seulement parce qu'on nous a
enlevé nos villages, mais encore à cause de la fatigue
et des ennuis que la persécution a causés à notre
père Ignace. Le roi étant éloigné , elle lui a envoyé
un courrier, pour le mettre au courant de la vérité ,
et pour lui faire connaître les fatigues et les dépenses
que nous avions subies en faisant des constructions.
Elle a montré aussi que, depuis Tépoque des Arabes,
les villages nous appartenaient. Elle a donc écrit au
roi , à Beith-Gabrin , le suppliant de nous aider de
^ Mélissende, Glle de Baudouin II et de la reine Marfie, femme
de Foulques et mère de Baudouin III. — Ducangc, Familles dOu-
tre-mer, p. i3-id. — Marfie, mère de Méiissende, était une prin-
cesse arménienne. Elle devait par suite s'intéresser aux Ghriea-
taux.
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 07
toutes ses forces. Le roi a donc donné ordre à tous
ceux qui ont des procès avec Gounefar de se trans-
porter dans cette ville. La reine a commandé égale-
ment aux princes et aux ministres du roi d aider le
religieux (métropolitain Ignace), les assurant quelle
considérerait cela comme une grande faveur.
i II' « Quand donc est venu le moment de com-
paraître, notre père s est rendu, avec ceux qui étaient
avec lui , à Beith-Gabrin et nous nous sommes pré-
sentes devant le roi , le deuxième soir de Tentrée du
Jeûne des Ninivites ^ vers le commencement du mois
béni de Chebot. Quand le roi reçut notre père, il se
réjouit comme s'il avait reçu un ange ; il loua sa
piété et sa foi devant tous ses seigneurs, et il lui
promit de laider de toutes ses forces , en paroles et en
actes. Nous quittâmes donc le roi, tout joyeux, pour
nous rendre à notre domicile. Le matin du jour sui-
vant, notre adversaire arriva, lesprit très superbe,
et il se présenta au roi. Aussitôt le roi, et le pa-
triarche des Francs ^, et tous ceux qui étaient pré-
* On voit, par le contexte, que ces événements se passaient après
la mort du patriarche Jean Maoudiânâ» décédé le 20 août iiSy.
Mais le scribe Michel pi^ise davantage la date , car il dit que le
procès fut entendu par le roi Foulques , à Beith-Gabrin , pendant le
Jeûne des Ninivites. — - Or le Jeûne des Ninivites commence, chez
les Jacobites occidentaux , le Ivuidi de la Septuagésime et il se termine
le samedi à matines ( Assémani , Dissertatio de Monophysitis , p. 1 4 1 « et
Bibliotheca orientalis, II, p. 3o5]. — En 11 38, le dimanche de la
Septuagésime tomba le 3o janvier : par conséquent, le mardi soir
1*' février était à la fois, et le deuxième soir du Jeûne des Ninivites,
et le commencement du mois de février.
^ GuUlaume , prieur du Saint-Sépulcre , natif de Malines , lequel
gouverna l'Eglise de Jérusalem de l'an ii3o à Tan 11 4 4 ou 11 45.
5.
68 JANVIER 1889.
sents , le prièrent d accepter de nous de l'argent et
de demeurer tranquille. Seulement, il ne voulut
pas acquiescer à leurs désirs, disant : « Ils me donne-
« ront tout ou bien ils videront les lieux , car il y a
« tant d années quils dévorent ma substance! » Tout
ce qu'on put obtenir de lui, c'est qu'il resterait tran-
quille jusqu'à ce qu'on serait de retour et que l'af-
faire serait soumise à la reine. On savait, en effet,
qu'elle était favorablement disposée en notre favem*.
C'est pourquoi le jugement fut ajourné, le troisième
jour de la fête de ï Entrée {du jeûne des Ninivites^)*
Pour nous, nous étions dans une grande tristesse,
ne sachant comment nous nous tirerions des griffes
[de Gounefar]. Or, le quatrième jour de la semaine^,
après avoir célébré l'office des matines de la fête de
saint Bar-Tsaouma, comme nous étions, tous, dans la
tristesse, notre père Ignace se leva et nous sdlâmes
prendre congé du patriarche et du roi. Gomme nous
approchions de la demeure du patriarche, le roi^
regardant en face, nous aperçut et, quittant ceux qui
* C'est-à-dire le mercredi 2 février 11 38.
^ Le même jour, mais évidemment un peu plus tard , ainsi que
Fauteur l'indique d'ailleurs. On avait déjà célébré l'office des ma-
tines de saint Bar-Tsaouma. Il s'agit ici du célèbre archimandrite,
qui fut un des plus chauds défenseurs du monophysisme en 449*
45 1. Il mourut en 458. Voir Âssémani , Bibliotheca orientalis, II,
p. 1-10. — Le docte Maronite parle ainsi de sa fête : tApud Jaco-
hitas vero, cum Syros, tum jEgiyptios , die tertia ejusdem mensis (fe-
bruarii) ut ex calendis Syriacis et Arabicis liquel.t [Ihid., p. 9,
col. 1 .) — Le mercredi 2 février 1 1 38 était le troisième jour du
Jeûne des Ninivites, et la fête de saint Bar-Tsaouma commençait le
soir.
\
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 69
étaient avec lui, il vint au-devant de nous. B ac-
cueillit affectueusement notre père et il lui dit : « Tu
« ne te délivreras pas aisément de cethonune. Il vaut
« donc mieux faire à présent ce que tu seras obligé
« de faire plus tard, même avec mon appui. Ne 4it-
« fère donc pas. » Poussé par Dieu , et prenant le ton
de la prière . . . notre père saint remit toute laffaire
au roi , en lui disant : « Après Dieu , c'est par toi et
« par la reine que je suis dans ce lieu. Je ferai donc
« ce que tu commanderas. »
i5. «Le roi très content nous quitta aussitôt, et
comme il rencontra Gounefar, il lui paria , Texhorta
et rengagea vivement. Il fit si bien, en un mot,
qu'il lui arracha la promesse de ne pas résister à ce
qu'ordonnerait Sa Majesté. On envoya donc incon-
tinent après nous, qui étions encore à l'endroit
même où le roi s'était abouché avec nous, dans le
palais, et on nous dit : «Venez trouver le roi!»
Nous abordâmes donc notre adversaire et nous
n'eûmes pas besoin de l'entretenir longuement, car,
aussitôt qu'il aperçut notre père, il s'approcha, le
salua, jurant, devant le roi et devant les seigneurs,
qu'il n'envierait plus désormais ce château. Notre
père promit tout bonnement de lui donner aoo (?)
dinars ^
16. «Ainsi ont pris fin, par la volonté de Dieu,
' Le mot est presque effacé, mais il semble bien qu'il y a eu
primitivement ^IJaS ou t^^^Jw; cent Du reste, le récit du manu-
scrit de Paris donne ce chiffre. Il n*y a donc pas de doute à avoir
sur ce point.
70 JANVIER 1889.
ies ennuis, les fatigues et les dépenses, que nous
avons supportés , à cause de cette affaire. Nous n'en
avons raconté qu'une partie, car il nous aurait fallu
bien des pages, si nous avions voulu exposer cha-
que chose en détail. Nous avons écrit ceci pour faire
connaître, à laide d'une petite goutte prise dans un
océan , les travaux de notre père en faveur du cou-
vent et de ses fils spirituels. Que le lecteur prie pour
le misérable qui a écrit cette histoire ^ ! »
NOTE DU MOINE ROMANOS.
17. «Cet évangile, ou, pour parler plus juste-
ment, cet évangéliaire^ a été terminé dans un cou-
vent de la ville sainte de Jérusalem^, Tan i449
(1 i38 de J.-C), le a5 du mois à* Ah (août), parle
dernier des moines, le prêtre bien indigne, Ro-
manos, secrétaire* de notre père Mar Ignace, mé-
tropolitain dudit lieu et du bord de la mer, par les
soins spirituels duquel ce volume a été écrit. Mar
Ignace la corrigé , car c'est le premier livre que j'ai
transcrit ^. Je prie donc instamment tous ceux qui
^ Ecrite le 10 février 1 138 , cette note est poslérieure à la fin da
procès de hiût jours seulement.
^ Uévangéliaire diifëre de V évangile, en ce qu'il présente le texte
réparti suivant l'ordre des jours de fête.
^ De Sainte-Marie-Madeleine.
* Le mot If^âd^L disciple signiGe, dans ce cas» un secrétaire et
non un disciple proprement dit.
'^ Le volume est écrit en bel esthrangélo, et c'est pourquoi Ro-
manos parle du premier livre qu'il a copié, — - La note finsde, que
nous traduisons , est en caractère cursif.
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 71
liront ce livre d adresser à Dieu une prière fervente
en faveur de mon oncle*, qui ma instruit, formé
et conduit là où j'en suis. Que Dieu le place parmi
ses saints ! Amen.
18. « Ignace a voulu que ce livre appartînt au
monastère, c est-à-dire au châteaa^, tant pour lavan-
tage spirituel et le profit de ceux qui célèbrent les
saintes solennités qu en souvenir et en commémorai-
son perpétuelle de son âme divine.
19. « Puisque nous venons de parier du château,
nous croyons utile de dire quelque chose des villages
de ^Adecieh et de Beiih-^Arîf^, lesquels appartenaient
autrefois au couvent. Ils avaient, en effet, été achetés
à un prix très élevé par félu de Dieu , Thomas , qui
était alors métropolitain de Jérusalem^.
20. «Mais du temps de notre père (Ignace),
fan iliàS (11 37 de J.-C), une grande épreuve
tomba sur nous (à l'occasion de ces villages), par
(la méchanceté) d'un Franc, qui venait d'être délivré
des fers , en Egypte. C'était un de ces anciens Francs
' C'est évidemment la signification du mot ««^i^, quoique le
iexique de Michadis ne présente pas ce terme. Bar-Hébréus , dans
sa Grammaire, p. 1 2 , a le mot tante jJCooik.-
^ Ji^ad» 'arjpyo6, tour, château fort, que le scribe Michel a
appelé tout à l'heure du nom de ^""^rr. forteresse. On verra
bientôt pourquoi ou appelle ainsi ce couvent. Celui dont il s'agit
était situé à la campagne, hors de Jérusalem.
^ Ces mots sont ponctués dans les deux manuscrits.
* Le scribe Michel nous parle bien des actes de vente ou d'achats qui
furent produits vers 1 io3-i lod* par le patriarche Âtlianase Vil et
le' métropolitain Cyrille « mais il ne nous dit point qui a fait l'achat
de Adecich et de Beith-Arif,
72 JANVIER 1889.
qui avaient pris Jérusalem. A cette époque, ii ny
avait dans ces villages aucun membre de notre com-
munauté; car, par peur. des Turcs, tout le monde
s'était enfui en Egypte, avec le métropolitain Cy-
rille, celui-là même qui porte le nom dePoulzé *i Ces
villages , qui nous appartenaient , se trouvaient dans
les propriétés et la principauté de ce Franc ; il s'en
empara donc et en jouit pendant un certain terops^;
mais il fut fait prisonnier et on l'emmena en Egypte.
Après lui , un fils de son frère ^ les reçut en quelque
sorte par héritage.
2 1 . « Quand les Francs eurent conquis Jéru-
salem*, Mar Cyrille revint, mais il n^ put rien ob-
tenir. Le patriarche Mar Athanase (-h 1 1 îïq) , qui est
maintenant parmi les saints, vint alors (en Psdes-
tine) et il alla trouver le roi Baudouin (I") (f 1 1 18).
n lui donna une somme d'argent assez considérable,
et il finit par obtenir (les deux villages) du neveu de
Gounfero , pendant que celui-ci était encore prison-
nier (en Egypte) ^
2 2. «Les deux villages étaient en ruine, et per-
sonne n'a osé y habiter, par crainte des Arabes mau-
* Ce récit est tout à fait d'accord avec le précédent, quoique fait
d une autre manière. Cyrille n'est pas même nommé dans la Bihlio-
theca orientalis d'Assémani.
* Littéralement : il les mangea,
^ Il n'est pas question de ce neveu dans l'autre récit, mais seu-
lement de la femme et des parents.
* Littéralement : régnèrent.
^ Ce récit nomme le roi , mais ne précise pas l'année , comme le
fait le précédent.
LES PREMIERS PRINCES CROISES. 73
dits, jusqu'à Tarrivée d'Ignace ^ surnommé Hasnoun,
qui les a fortifiés. Tout était en ruine , tant à Tin teneur
qu à l'extérieur, li n y avait pas mi seul appartement
oùun évêque^ pût habiter décemment. C'est pourquoi
[Ignace] mit d'abord tous ses soins à réparer ie cou-
vent qui était dans ia ville ( de Jérus^dem ) et il le rendit
habitable. Par ses soins spirituels il forma une com-
munauté de frères et il établit conune règle qu'aucun
moine n'habiterait en ville, hors du couvent. C'était,
en effet, un pasteur vigilant et zélé. Après cela, il
s'appliqua à reconstruire ce que nous possédions en
dehors de la ville. Ayant trouvé deux anciennes
ssdles voûtées^, il établit tout autour un rempart
solide. Mais, comme il marchait sur les traces des
anciens, le seigneur l'aima et le prit avec lui. C'est
pourquoi ceux qui restaient après lui furent dans un
deuil et une douleur difficiles à imaginer*.
23. « Lorsque la douloureuse nouvelle fut trans-
mise au susdit patriarche (Athanase Vil), celui-ci
^ Il ne s'agit pas ici dlgnace, dont Romanos était secrétaire , mais
du successeur immédiat de Cyrille, qui a dû, lui aussi, s'appeler Ignace
et qui est mort vers l'an iiad ou l'an ii25. — C'est, en efifet,
en 1135, le i3 octobre, que l'Ignace dont Romanos était secrétaire
entra à Jérustiem , en quidité de métropolitain.
* Les mots J-^ , ILqaoxié signifient partout, dans ces deux
notes , évéque et épiscopaU
^ Le mot Iao , qui revient plusieurs fois dans ce récit , signifie
un ouvrage voûté, une coupole. Mais, plus bas, le contexte s'op-
pose à ce que ce soient des coupoles.
^ 11 est visible que tout cela ne peut pas se rapporter à VIgnace
dont Romanos était secrétaire. Il s agit évidemment de son prédé-
cesseur immédiat.
74 JANVIER 1889.
nous envoya notre père Ignace Bar-Bousir de Gâ-
dana\ celui qu'on appeUait Aboan, c est-à-dire notre
bienheureux père le Patriarche, parce que ses parents
avaient eu soin de le placer dans le palais patriarcal,
où il fut élevé et acquit toute espèce de perfection.
La grâce de Dieu ïoma, en effet, comme Niçan
(orne la terre de fleurs?), et il montra plus de piété
que la plupart des hommes (ses contemporains).
24. « Par suite de la jalousie ^, (le patriarche Mar
Athanase) le fit métropolitain et le désigna pour
Edesse. Il fut fait évêque fan 1 43o des Grecs (1119
de J.-C), eAors que Bar-Tsabouni était à Edesse et
excommunié^. C est pourquoi (le patriarche) envoya
notre père à Amid , 4m siège qui lui appartenait. Il
remplit là les fonctions épiscopales* durant cinq
ans; il bâtit et répara la forteresse; puis, comme il
tomba malade, le patriarche se rendit à Amid, et
^ Le métropolitain Ignace, oncle de Romanos.
* L*auteur ne dit pas qui jalousait Ignace Ahoun; mais nous savons ,
par Bar-Hébréus (Chronicon ecclesiasU, II, p. 459-482), que le long
patriarcat d'Athanase VII (1090-1129) fut très troublé.
' Ignace Bar-Bousir fut sacré évéqne en 1119. Gela détermine,
par suite, d'une manière plus précise que ne le fait Bar-Hébréus.'
(Chromcon ecclesiasU, II, p. 467-476), l'époque où eurent lieu les
démêlés d'Abougaleb Bar-Tsabouni avec Atbanase, qui abreuvèrent
d'ennuis les dernières années de celui-ci. Bar-Tsaboani avait été
excommunié parce qu'il retenait, malgré ses promesses, quelques
biens de la manse patriarcale.
^ L'auteur emploie le mot de jto*«aM tout seul, pour désigner
les fonctions episcopales. Ignace demeura donc à Amid jusqu'en
septembre 1124. A partir de septembre 11 2 4 1 il résida à Anâbad
jusqu'en juin 1 1 2 5 ; et c'est alors qu'il se mit en route pour Jéru-
salem.
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 75
croyant (notre père) gravement atteint,]*! le fit aller
à Sabâbarek , (jui fait partie du diocèse d'Ëdesse. Notre
père fut reçu dans un couvent nommé Ânâbad, et
y passa un hiver, depuis le mois d'Ëloul (septembre)
jusqu'au mois de Haziran (juin^). Il quitta ensuite
cet endroit pour se rendre à Jérusalem. Eln route il
sacra de nombreux prêtres et diacres, par ordre du
bienheureux patriarche.
25. «B arriva à Jérusalem, le 12 du mois de
Tischrin premier (octobre), le deuxième jour de la
semaine, au commencement de Tannée [lAjSy (des
Grecs, c est-à-dire iiaS de J.-C.^). Il ajouta aux
constructions qu'il trouva terminées au mioins deux
fois autant^; sur la porte du couvent il fit élever
trois salles voûtées et établit au-dessus une belle loggia
^ Sabaharek était probablement dans un dimat plus doux quAmid,
et c'est pour cela qu'Ignace Bar-^ousk* s'y rendit vers la fin de 1 1 24 ;
il n'y resta pas un an. Sabaharek a eu, au xn* siècle, pdusieurs
évêques, dont l'un même fut déposé en 11 55» H est probable ce-
pendant qu'Ignace s'y transporta uniquement à cause de sa santé;
car le terme syriaque |]], n'indique pas une iponslation d'un dioche
à un autre. L'auteur observe d'ailleurs que cette localité était dans
le diocèse d'Edesse, Il n'y a donc pas, ce semble, à songer à une
vraie translation. Voir Assémani, Biblioth, orient, II, p. 36 1, et
Dissertatio de Monophysitis , p. 109. — J. Abi>doos, Greg^ Bar-
Hebrœi Chronie. ecclesiaslicmn, II, p. 4g9-5oo.
' En iia5, les Pâques tombèrent le a 9 mars et le 12 octobre
fut un lundi.
' Ignace étant mort le 19 mai 11 38, à Saint-Jean-d*Acre, gou-
verna l'Église de Jérussdem douze ans sept mois sept jours. Cet
espace de temps lui permit de faire de nombreuses réparations
aux bâtiments et aux propriétés des Jacobiles. Aussi on comprend
très bien , à l'aide de ce second récit , les éloges dont l'auteur du
premier comble le métropolitain.
76 JANVIER 1889.
carrée, voulant que le tout serve de résidence aux
pèlerins ^ et aux étrangers , afin qu'ils s'y reposent et
prient pour lui , aussi bien que pour ses aïeux.
26. « Il acheva, en dehors de la ville, le château
et bâtit une église dans la cour carrée. En bas , tout
autour du château, il construisit de grandes ssdles
voûtées, au-dessus desquelles il disposa des cellules.
Il lit de l'endroit un couvent et un monastère re-
nommé. A l'angle sud-est, il édifia une grande et
superbe église, qu'il pourvut de tout ce qui était
nécessaire , notamment de prêtres , de diacres et de
moines, lesquels se sont efforcés de terminer les
bâtiments de ce lieu-.
2 y. «Mais quand tout fut achevé, soit à cause
de nos péchés , soit parce que Dieu veut éprouver
les justes, le Franc, dont nous avons parié plus
haut, fut délivré par l'entremise de l'évêque armé-
nien (de Jérusalem^). Il revint donc (d'Egypte) et il
vexa la ville tout entière, mais nous plus que per-
sonne, parce que nous étions faibles. Tout d'abord,
on nous signifia de sortir de tous les lieux, afin
que le Franc pût entrer dans le couvent. Ensuite,
t ..
^ Romaaos emploie ici le terme Us^^^ qui désigne qudcpefois
les hérétiques Messaliens, lesquels firent, en effet, parier d'eux
vers ] 125-1 i3o (voir Bar-Hébréus, Chronicon ecclesiast , II, p. 479-
483); mais, ici, il ne s'agit pas évidemment deux. D ne peut être
question que des pèlerins qui venaient à Jérusalem povw prier.
* Ignace dépensa évidemment de grandes sommes et on com-
prend très bien que Tauteur du premier récit revienne fréquemment
sur ce thème.
^ 11 manque ici les curieux détails que fournit le premier récit
et que confirme l'histoire d'Ibn-M-Âthir.
X
LES PREMIERS PRINCES CROISÉS. 77
nous devions aller le trouver et entamer avec lui
un procès. Toutefois, comme notre père avait,
par la grâce de Dieu, la faveur de tout le monde,
en particulier, celle du roi, de la reine et des
princes, après de nombreuses démarches, il fut
arrêté que nous donnerions 200 dinars (à notre
adversaire) ; mais il nous fallut en donner autant et
plus au roi et aux princes. Moyennant cela, nous
nous délivrâmes (de Gounfero) et nous reçûmes de
lui un acte en langue franque scellé du sceau royal*,
a 8. «Au commencement de Tannée i448 des
Grecs (1 136 ou 1 iSy de J.-C), le roi des Romains,
Qalaïni ^ (Jean Comnène?) , sortit de Constantinople,
s empara de Tarse, d'Adana, de Metsidta, d'Ana-
zarbe, et il vint à Antioche. Or, le jour même où
l empereur s établissait devant Antioche, le pa-
triarche Jean appelé Maoud'iana mourait, le 20 du
mois d'août (1 iSy de J.-C). L'empereur
et quitta Antioche; il s empara de Alboun [Alep.^] et
4es environs, les détruisit, et massacra beaucoup de
chrétiens ; mais Dieu le châtia , lui aussi , et il rentra
chez lui couvert de confusion ^.
^ L*autre récit est, ici, beaucoup plus développé, mais les deux
narrations sont parfaitement d*accord , quant au fond. On trouve-
rait peut-être, chez les Jacobites de Jérusalem, le document en
langae franque dont il est question.
* Jean, fils d*Alexis Comnène (11 18-11 43). Voir Gnillaume de
Tyr, dans les Historiens latins des Croisades, XIV, 24-3o (t. I , p. 64i-
653).
' J*ai trouvé, dans les Historiens des Croisades, peu de chose qui
pût jeter du jour sur les faits mentionnés ici.
78 JANVIER 1889.
29. a Comme TEglise (jacobite) était veuve (par
la mort) du patriarche , les lettres des évêques pleu-
vaient sur notre père de tous côtés et sans pitié. On
lui confiait toutes les affaires, bien qu'il fût faible
de santé, tout en étant doué dune âme vaillante;
désireux de procurer fédification et la paix à TEglise,
il se résolut à descendre (à Antioche) pour y réunir
le synode, afin de nommer un patriarche. Il quitta
donc Jérusalem, le roi des jours (le dimanche), 2 A
du mois des fleurs (ou de Nisan , 2 A avril 1 1 3 8 ^ ) , et il
vint à Acre. Il demeura là quelque temps , espérant
aller, avec le roi , de Jérusalem à Antioche. Mais la
miséricorde du Seigneur le visita le cinquième jour
(de la semaine), le jour de la fête de saint Bar-
Tsaouma^. La parole lui manqua dès qu'il se sentit
atteint et il expira à l'heure du Nogâh [compiles).
Ceux qui l'accompagnaient firent embaumer son
corps, qu'ils déposèrent dans une caisse, et le trans-
portèrent à Jérusalem, où il arriva le matin du
lundi de la Pentecôte.
30. « Dire la tristesse et la douleur qui éclatè-
rent en ce moment est chose impossible à la langue
humaine. Il nous semblait que les pierres elles-
mêmes pleuraient de douleur et de tristesse. Sa di-
vine paternité nous a laissés orphelins. Notts sup-
plions Notre Seigneur de le réunir à l'apôtre Pierre
^ Le 24 avril 11 38 était, en eiFet, nu dimanche.
* li ne s'agit pas ici du Bar-Tsaouma que les Jacobites honorent
le 3 février, mais du martyr Bar-Tsaouma, qui était originaire
d*£desse.
LES PREMIERS PRINCES CROISES. 79
et à ses compagnons. Quant à nous, qull nous
accorde de suivre ses traces, d'obéir à ses comman-
dements, afin que nous soyons un jour trouvés
dignes de ie rejoindre; que, par ses prières, ie mi-
sérable scribe , qui a copié ce livre suivant ses forces,
trouve miséricorde, par Tintercession de ceux qui
sont au ciel et de ceux qui sont sur la terre! Amen. »
80 JANVIER 1889.
LUH-YING-TCHI LL
LES REGLEMENTS MILITAIRES
DE L'EMPEREUR KIAKING,
PAR
M. DE HARLEZ.
Au commencement de notre siècle , tandis que Napoléon I"
organisait ses puissantes armées et les conduisait à des
victoires multipliées par des prodiges d*audace et de savante
tactique , à Tautre extrémité du monde , le souverain d*un
empire de trois cents millions dliommes cherchait à réorga-
niser ses forces militaires pour rendre à sa puissance la soli-
dité et Téclat qu'elle avait eus sous ses prédécesseurs.
Ebranlée par des révoltes redoutables, par des attaques
incessantes de corsaires nombreux et hardis , la puissance du
monarque mandchou qui régnait alors sur TEmpire chinois
avait failli s'écrouler et lui-même y perdre la vie*. Les ré-
voltés en voulaient surtout à la dynastie étrangère qui s'était
imposée par la force aux peuples de l'empire du Milieu, et
qui se soutenait principalement par sa garde armée , répandue
partout pour maintenir l'obéissance aux maîtres étrangers.
Les dangers que l'empereur avait courus dans cette explo-
sion violente du sentiment national lui avaient fait comprendre
la nécessité de réorganiser et de renforcer sa puissance mili-
taire qui assurait son pouvoir et sa vie.
^ L^empereur, attaqué par les rebelles jusque dans son palais , dut
combattre lui-même pour échapper au glaive des assassins. Cétait
du reste un prince peu estimable, menant une vie de Sarclanapale.
LES RÈGLEMENTS MILITAIRES DE KU-KING. 81
C'est pourquoi il fit publier une longue série de règlements
destinés, dans son esprit, à assurer le rétablissement de la
discipline , Taccomplissement des devoirs qu'elle impose aux
chefs de l'armée et à leurs subordonnés, et à maintenir sous
la main du prince des troupes bien habituées aux exercices
militaires , prêtes à entrer en campagne et à combattre avec
succès.
Pour cela il chargea un comité d'officiers et de magistrats
supérieurs de rédiger un projet et de le lui soumettre.
Cela fait , il y donna son assentiment et le fit publier en
code de lois. C'est le recueil de lois et règlements militaires
que nous avons entre les mains et dont nous voulons dire
quelques mots à nos lecteurs.
Ce code fut rédigé, à la fois, en chinois et en mandchou;
il forme Imit piens, petit in-folio, d'étendue différente.
Le texte que nous avons sous les yeux est le texte mandchou.
Les huit pieiis ont respectivement VI-58, 87, 85, 84, 76,
75, 63 et 5i folios. Les feuillets I à VI du tome I" en for-
ment la préface, contenant l'indication de l'ordre impérial,
de son but, de son exécution, de la présentation du projet
au souverain et de sa ratification.
Il porte la date de l'an vu (6 du 11" mois) dit Saicungga
fengsen ou « prospérité brillante » , ce qui correspond à Kia-
king, le titre d'année de l'empereur connu sous ce nom en
Europe; et en Chine, sous le titre posthume de Yîn-tsong yui.
On y trouve toutefois beaucoup de décrets de son père Kien-
long [abka-i wehiyehe) et même de Yongtcheng, son grand-
père *.
^ L'armée dont il est ici question et pour laquelle sont faits ces
règlements est ce quon appelle lukying, Tannée verte, ou de
rétendard vert (luh)^ c*est-à-dire farmée chinoise proprement dite,
qui constitue la grande masse de la force militaire des Chinois et
compte environ 600,000 hommes. Elle est ici distinguée dW autre
ensemble de corps de troupes qui est le cœur et Télite de Tarmée ,
le boulevard de la puissance mandchoue, et que Ton appelle les huit
bannières (jakôn gôsa, pa-/ri), parce que chacune a une bannière
xiii. G
IMPMURaiB «ATIMALI.
82 JANVIER 1889.
Notre recueil porte le double titre , chinois de Luh ying
tchi'li «lois des ofBces militaires», et mandchou de Hese-i
toktohuha cooha-i jargan i haita-i kooli bithe « Livres des cou-
tumes des aifaires de droit militaire constitué par édit».
Cliaque tome ou pien est composé de nombreux chapitres
généralement très courts. Le premier, en ses cinquante-huit
folios , en compte plus de trente , se rapportant aux rangs et
grades , aux avancements et dégradations , au remplacement
d'un officier par l'autre , au tribunal militaire.
Il serait long , fastidieux et inutile de donner les titres de
tous ces chapitres ou d'en indiquer les sujets, plus encore de
commettre une traduction complète de ce recueil. Nous nous
bornerons à quelques extraits de nature à donner une idée
de sa disposition et de son contenu. Conmie l'on s'y attend
du reste, ce ne seront point ceux d'un code militaire dicté
par Frédéric le Grand ou Napoléon. Nos lecteurs n'oublieront
point qu'avec lui ils sont en Chine et non en Europe.
Le texte orignal fourmille de fautes typographiques sou-
vent assez graves et embarrassantes.
d*une coulear spéciale , ou plutôt il n*y a que quatre couleurs , mais
chacune se subdivise selon que la bannière est simple ou frangée.
Les corps des bannières se composent de Mandchous , de Mongols
et de Chinois établis en Mandchourie, divisés d'après leurnationalité.
Ils forment la garnison de Péking, du Pe-tche-li et des places prin-
cipales et sont soumis à des règlements particuliers. Cette division
en gôsa date de la monarchie mandchoue originaire. Chaque ban-
nière, comme chaque division de Tarmée chinoise , est divisée en
ajle gauche et aile droite , et chacune de celles-ci a sa série complète
d'officiers et de généraux de la droite et de la gauche d'après l'an-
cienne idée chinoise qui partageait les ministres, grands officiers et
historiens même attachés à l'empereur, en hommes de gauche et de
droite.
LES RÈGLEMENTS MILITAIRES DE KIA-KING. 83
LIVRE PREMIER.
CHAPITRE PREMIER.
LISTE DES OFFICIERS.
i** rang de 2® ordre : Titah; Tsiang-kian. — Fi-
deme kadalara amban (général gouverneur^).
2® rang, 1" ordre : Tu-tong, — Uheii kadalara
amban (commandant général).
2* rang, 2° ordre : Fa-ta-tong, • — Aisilame kada-
lara da (son lieutenant).
3* rang, i** ordre : Tsong-ping; Yin-wa-tsan-ling. —
Adaha kadalara da (adjoint au général de brigade).
3' rang, 2® ordre : Fu-isiang. Hiao ki Uan-ling, —
Dasihire hafan (colonel).
4* rang, 1*' ordre : Tsan tsiang. Fa hiao ki tian
ling. — Adanara hafan (lieutenant-colonel).
^ Chaque corps d'armée est divisé en fractions auxquelles on
donne nos dénominations européennes de brigades , régiments , ba-
taillons, etc., le tout assez improprement, car les divisions cbi-
noifles n*ODt pas un nombre de soldats constant et Tordre progi^essif
descendant n est pas régulièrement suivi. Le régiment a, en général,
4o compagnies, chacune de 25 hommes; 100 hommes font un
bataillon. Tout le corps des officiers est partagé en neuf rangs ayant
chaciupi deux degrés. Le i*'' degré du 1^' rang ne figure point ici;
E appartient au ministre , aux membres de la haute cour militaire.
Les doubles noms que nous donnons ici sont ceux des officiers soit
chinob, soit des bannières. Nous avons d'abord le gouverneur géné-
ral militaire, ayant à côté de lui le gouverneur civil de la province
qui le contrôle et commande lui-môme, parfois, les armées. Après
lui le commandant des corps d'armée , son suppléant , le général de
brigade, etc.
G.
84 JANVIER 1889.
5' mng, i" ordre: Sheou-pL Yeo-ki. — Tuwa-
kiyw^a hafan (major).
5* rang, 2^ ordre: Tso-ling. — Minggatu {com-
mandant de garnison ^).
6* rang , 1 "^ ordre : Men-sze, — Daka i mingatta
(commandant de porte).
6* rang, 2* ordre : Ying-tsong. Wei tsien long. —
Karmangga i minggata (commandant de poste).
■7® rang, i*' ordre : Tsien-tsong. Hiao hi hiao. —
Baksata (lieutenant).
8® rang, 1" ordre : Wai weiying tsong, — Taie
araha minggata (soiis-iieutenant).
S** rang, 2* ordre : fVai wei isien tsong. — Taie
araha baksata (sergent^).
9* rang, T^ ordre : fVai wei pa tsong. — fVai
tsong (sous-officier adjoint).
^ n y a, outre les grandes villes, une foule de forteresses plas
ou moins considérables, de petits fortins et même de simples postes
militaires ou camps. Les tribus aborigènes ont des officiers spéciaux,
comme on le verra plus loin. Elles se trouvent principalement dans
le Kan-suh , le Sze-chuen , le Kiang-si , le Yun-nan et le Kouei-tcheoa*
Notre livre cite les Miao-tze, les Knr-ke, les Fan-ize et les Kurokin»
Elles ont leurs lois spéciales. Les Miao-tze sont, ainsi que le»
Fan-tze, au Kouei-tcheou.
* En deliors du corps des officiers.
LES RÈGLEMENTS MILITAIRES DE KU-KING. 85
CHAPITRE II.
REMPLACEMENT DU FIDEME KADALARA AMBAN ,
GÉNÉRAL GOUVERNEUR.
Quand ce poste vient à vaquer, on doit choisir
le remplaçant du général qui Ta quitté parmi le
groupe de dix généraux formé des deux comman-
dants en chef des deux ailes et des chefs de régiments
des huit bannières, en suivant Tordre de la solde.
A la place du nouveau titulaire on fera monter l'un
des commandants militaires généraux de province,
en suivant l'âge, et Ton devra présenter un rapport
à l'empereur à ce sujet.
CHAPITRE III.
REMPLACEMENT TEMPORAIRE DU GÉNÉRAL EN CHEF
ET DU TD-TONG,
Si quelque motif ne leur permet point de remplir
leurs fonctions , on devra confiçr le sceau du premier
au commandant en chef du canton voisin. Si l'on est
près d'un chef-lieu de gouvernement, ce sera au
gouverneur lui-même.
Le sceau du second sera donné au fa-ta-tong
le plus voisin. Si celui-ci est trop éloigné de la gar-
nison, ce sera au fa-tu-tong voisin.
On devra donner connaissance de la chose aux
généraux remplacés et régler le tout selon les con-
venances.
Si , pour quelque motif, ce mode de remplacement
ne peut avoir lieu, on nommera un autre officier
capable et on en informera la cour militaire.
bL^
80 JANVIER 1889.
LIVRE II.
CHAPITRE PREMIER.
Les officiers des bannières qui auront été em-
ployés accidentellement dans les camps ^ pourront
après cela recevoir un grade et avancer en rang
comme les officiers du camp, s'ils sont habiles à
manier lare , la lance , à combattre à pied et à cheval ,
et à faire tout le service du camp. Si cette dernière
condition manque et qu'ils ne soient pas non plus
propres pour les fonctions extérieures du camp , on
devra les renvoyer au siège de leur bannière, où ils
reprendront leurs premières fonctions et avanceront
selon les coutumes de ces corps.
CHAPITRE II.
Si quelque poste d'officier vient à vaquer, qui
ressort du droit militaire du Pe-tche-li, on suivra
l'ordre suivant :
Pour le ti-tuh et le commandant général, on choi-
sira en premier lieu un officier de bannière ; pour les
second, troisième, quatrième cas, un officier de
l'année chinoise.
Pour les autres officiers on alternera. En premier
lieu on prendra un officier de bannière; en deuxième
et troisième, un officier de camp. Pour le quatrième
on choisira dans les bannières ; pour les cinquième
et sixième, dans les camps; pour le septième, dans
^ Ici les garnisons des troupes chinoises.
LES RÈGLEMENTS MILITAIRES DE KIA-KING. 87
les bannières ; pour les huitième, neuvième et dixième,
dans les camps.
S'il s agit de la nomination d un officier de ban-
nière , venant à son tour, on fera faire le brevet par
le tu-tong auquel cela compte d après le droit.
On choisira , après l'avoir examiné avec soin , parmi
les officiers de bannière, employés sur la frontière,
quelqu'un qui connaît parfaitement les exercices et
affaires du camp et on le nommera, en faisant un
rapport en haut lieu. A la place de ce dernier, promu
de cette façon , on nommera un officier pris parmi
les troupes de la capitale ^.
LIVRE III.
(Fol. lilx.) Quand on doit nommer un officier de
bannière, le choix doit être fait en tenant compte du
temps de service actif du candidat.
Dans ces nominations, on doit d'abord examiner
soigneusement à qui le tour revient dans les ban-
nières et les deux ailes. On doit d'abord tenir compte
du nombre; puis, de trois nominations, deux doi-
vent se faire au profit d'officiers qui ont fait une
campagne, la troisième seulement pour les autres.
Si dans la bannière il n'y a aucun officier qui ait
fait la campagne, on pourra, pour une fois, passer
le tour des premiers et nommer parmi les seconds.
S'il sm^ient un cas de remplacement où l'on ne doit
' Corps d'élite des bannières gardant Péking.
88 JANVIER 1889.
pas rester dans les limites de la bannière ou de laile \
on suivra la même règle.
Si, parmi les officiers qui ont fait le service de
guerre, il n'en est point qui se soit distingué par sa
bravoure et son habileté au maniement des armes,
on devra en informer avec toute sincérité la cour
militaire et ne point prendre prétexte du tour venu
pour faire avancer, sans souci des suites, quelqu'un
qui ne mérite pas confiance^.
LIVRE IV.
Le livre IV donne une série de règles propres aux diffé-
rentes provinces. En voici des exemples :
1. (Fol. 6o.) S'il vient à vaquer un poste du rang
de gouverneur ou général de brigade en second du
Kiang-si, ou de général de brigade des camps de
Kuang-sin et Ou-tcheou^, ou de colonel des camps de
Kiang-shan*, Fou-liang, Ou-ning^ et Yong-sin ^, ou
de major jusqua tu-tong de Kiou-kiang"^, on nom-
mera à leur place respectivement, en choisissant
parmi les commandants généraux, les fonctionnaires,
les gouverneurs du ressort, les généraux de brigade.
^ Mais nommer quelqu'mi d'un autre corps, comme on Ta vu
plus haut.
^ Houan. Litt. faire avancer en se conflant négligemment sans s*as
surer.
^ Au Kouang-si.
* Au Tche-kiang.
^ Au Kiang-si.
^ Idem.
' Au Kouang-tong.
LES RÈGLEMENTS MILITAIRES DE KIA-KING. 89
les lieutenants-colonels et majors, conformément aux
règlements.
Si rofficier ainsi promu ne parvient pas à rétablir
ou maintenir l'ordre parmi ses nouveaux subor-
donnés, on devra, après qu'il aura dénoncé ces mé-
cbantes gens qui troublent l'ordre , le faire descendre
de deux rangs.
2. (Fol. 65.) Pour remplacer le lieutenant-colonel
commandant de la ville de Ku-ke au Shari-si ou le
major du camp de Fong-tchouen \ le gouverneur
compétent devra choisir un des officiers de race
mandchoue.
Pour remplacer le gouverneur du Shan-si ou ie
général de brigade en second , on choisira parmi les
fonctionnaires de ce gouvernement , ou les généraux
de brigade de la province , quelqu'un qui connaît par-
faitement tout ce qui concerne les camps , qui aura
une pratique éprouvée, et Ton s assurera de ces qua-
lités par une enquête minutieuse.
3. (Fol. 67.) S'il s'agit des postes de lieutenant
générîd de la passe de King-tze, de colonel comman-
dant du camp de Teng-sin, de lieutenant-colonel
des forts de Nei-hoang^, ou de major commandant
de la ville de Lu-shi^, les fonctionnaires de la pré-
fecture et le général commandant devront se réunir
et délibérer afin de choisir sûrement un officier
^ Au Kouang-toDg.
^ Au Kiang-si.
^ Au Shen-si.
90 JANVIER 1889.
vertueux, capable, zélé, connaissant parfaitement
toutes les exigences du lieu, au niveau de sa position,
pour le promouvoir à la place de lautre.
S*il n'en est aucun qui réponde à ces conditions,
ou devra présenter un rapport et en choisir un autre
conformément au décret souverain.
DES FONCTIONS CONFÉRÉES PAR FAVEUR
POUR CAUSE DE MALHEUR ^
(Fol. 84.) Lorsque , pom* Taider en un malheur, un
Chinois a reçu une fonction de faveur de moitié avec
un fonctionnaire héréditaire, il doit s'instruire confor-
mément aux rè^ements et se présenter de lui-même
pour être renvoyé dans sa province^, y être incor-
poré dans un camp, une garnison, et s'y instruire. Si
après trois ans il a acquis une parfaite connaissance
du maniement des armes et de tout ce qui concerne
le camp, on devra l'envoyer à la cour militaire et
quand il s'y sera présenté, il recevra une fonction
de la cour elle-même où l'on présentera un rapport
et l'on attendra qu'il reçoive du pouvoir supérieur
une nomination dans sa province.
Si c'est un capitaine ou un lieutenant qui est dans
ce cas , on l'enverra s'instruire dans un camp , et après
^ A un lettré distingué dans ses examens , à un personnage mé-
ritant, ou fils d'un fonctionnaire digne de récompense, mais réduit
à la misère.
^ Après sa nomination , il retourne chez lui s'instruire des devoirs
de la fonction confiée, puis reçoit un emploi déterminé dans une
compagnie. Il n a d'abord qu'un titre sans exercice.
LES RÈGLEMEiNTS MILITAIRES DE KIA-KJNG. 91
une année révolue on ne le renverra pas à la cour,
mais on l'avancera en grade sans autre formalité.
Les lieutenants-colonels, majors, capitaines et
lieutenants et autres officiers ordinaires doivent être
répartis entre les camps pour s*y instruire , et après
cinq ans révolus, jour pour jour, s'ils sont exercés à
toutes les vertus militaires et au maniement des
armes , et dignes de considération , on devra les faire
avancer en grade selon leur tour, leur temps de ser-
vice, dans le camp de leur province^, s'il s'agit de
majors et officiers supérieurs, et quant aux autres,
dans le camp de leur endroit. Si , zélés d'abord , ils
deviennent ensuite né^igents , et de là faibles et inin-
telligents, indignes d'entretien et d'attention, on
devra les destituer et les renvoyer chez eux. Si , re-
connaissant leur insuffisance , ou tombés dans Tira-
puissance, ils demandent eux-mêmes leur retraite,
faites examiner la chose et accordez-leur de se re-
tirer.
Si, choisis à l'examen, ils deviennent infidèles à
leur devoir et rebelles , que leurs chefs constatent ce
qui en est, les dénoncent aux généraux et gouver-
neurs , fassent un examen sévère de la chose et les
punissent sévèrement. Aux lieutenants et capitaines
devenus vieux ou tombés dans le malheur que l'on
donne pour chacun une double ration et solde de
cuirassier à cheval. A ceux qui ont été renvoyés à
finstniction , que l'on donne la ration et paye d'un
^ A la garnison du chef-lieu; les autres , dans ceUe qui est la plus
proche de leur endroit natal.
92 JANVIER 1889.
cuirassier à cheval et le fourrage du cheval, mais
rien de plus qu à un soldat ordinaire.
Les lieutenants-colonels et majors seront traités
comme les Chinois pourvus de postes héréditaires et
recevront les mêmes provisions.
LIVRE V.
DÉCRET DE YOUG-TCHENG.
Des oiUciers en deuil.
(Fol. 8.) De Yong-tcheng, la i3' année, le lo*
mois. Décret suprême.
Moi, lorsque je me suis assis sur le trône, j'ai
porté, dans le décret publiant les faveurs qui des-
cendent du trône à cette occasion, que tous les
officiers tant mandchous que chinois, tant de l'in-
térieur que de Textérieur^, depuis le premier degré
jusqu'au neuvième, obtiendraient tous im titre. Jaî
voulu encore étendre cette grâce, pour tous, aux fils
qui augmenteraient la gloire de leurs parents et
fortifier la sainte pratique d'accomphr parfaitement
les devoirs de fidélité et de développer la piété filiale.
Aussi , comme lancienne coutume était de ne point
accorder de litre aux fils qui seraient en deuil de
leurs parents , après y avoir bien réfléchi , je n ai point
voulu que les officiers en deuil de père et mère et
qui , conformément aux lois de Tempire , accompli-
raient leurs devoirs de piété filiale pendant le temps
* Du Pe-tche-li ou des autres proviuces.
LES RÈGLEMENTS MILITAIRES DE KIA-KING. 93
de deuil ^ fussent dans Ja même position que les
fonctionnaires qui auraient perdu leurs places parce
qu'ils auraient demandé un congé et se seraient re-
tirés chez eux.
C est pourquoi jai voulu que les officiers en
deuil reçussent une nouvelle grâce en rapport avec
leur place ; car s'ils illustrent leurs parents par leur
conduite et, malgré cela , restent sans titre à cause de
leur deuil , il y a quelque chose de contraire à la justice
dans ce fait qu'ils ont ainsi à souffrir de leur malheur.
Par conséquent que la cour dont ils dépendent
examine leur situation et , leur accordant un titre en
rapport avec leur grade , leur permette ainsi de mener
à terme leurs pensées de piété filiale.
Décret suivant ... an xiii , i 2® mois.
J'ai ordonné par un précédent décret que les offi-
ciers en deuil de leurs parents fussent pourvus d'un
apanage convenable. Mais ce n'est point assez.
Il y a des officiers qui ont demandé leur retraite
pour pouvoir entretenir leurs parents et rentrer chez
eux. Or, tous ceux qui ont sollicité cette permission
et ont quitté leur poste pour entretenir leurs parents,
trop vieux pour se suffire à eux-mêmes, sont, par
suite des lois sur les fiefs, assimilés à ceux qui ont
leurs parents dans une situation brillante et sont
comme eux sans ressource.
^ Tout fonctionnaire qui perd ses parents doit abandonner sa place
pendant le temps du deuil. L'empereur lui-même ne gouverne pas
avant la fin du deuil.
94 JANVIER 1889.
Ils sont vraiment dignes de pitié. C est pourquoi
j'ordonne qu'ils soient tous pourvus selon leur rang
et que leur piélé filiaJe soit ainsi comblée de joie.
RÈGLES GÉNÉRALES DE LA COLLATION DES TITRES ^
1. (Fol. 1 4.) Le décret accordant un titre à tout
officier qui l'a sollicité doit sortir son efFet du jour
même de sa publication.
2. Les officiers en faveur de qui un décret de
collation de titre a été porté ne pourront avoir qu'un
seul titre pendant une même fonction, et un seul
titre posthume.
3. Les officiers qui n'ont point obtenu de titre par
les décrets antérieurs et que l'on aura présentés à
l'empereur pour en obtenir un, selon leur grade,
non seulement en recevront un , mais ce titre comp-
tera pour le grade qu'ils avaient lors des décrets
précédents et, s'ils changent dégrade, ils pourront
obtenir un nouveau titre.
4. S'ils viennent à être élevés en grade, ils
prendront le titre attaché à ce grade.
5. S'ils reviennent à leur ancien grade , ils repren-
dront leur ancien titre; s'ils changent de fonction, ils
changeront également de titre.
6. Ceux qui n'ont pas encore effectué le change-
ment peuvent demander le titre du grade qu'ils ont
* Voir les deux dernières pages et la note 2 , p. io4.
LES RÈGLEMENTS MILITAIRES DE KIA-KINGk 95
à ce moment , pour eux et pour leurs épouses ; mais
pas celui du grade qu'ils ont en vue d'obtenir.
7. Si, avant la concession de Tédit accordant le
titre , ils montent en grade, ou changent, ils ne pour-
ront plus obtenir le titre lorsque cet édit aura été
publié.
8. Lorsqu'un officier a demandé le titre d'un grade
et qu'au moment où l'édit paraît il sollicite un avan-
cement, on devra lui refuser cet avancement et le
renvoyer devant le grand conseil pour le faire rester
à son grade. S'il a déjà acquis le titre et rendu
les insignes de son grade antérieur, on les échan-
gera.
9. Tout officier malade et en traitement, n'occu-
pant pas actuellement ses fonctions, sera privé du
droit de porter son titre.
10. Si, après avoir acquis le titre pendant qu'il
occupait encore son poste, il vient à mourir de cette
maladie, même après avoir quitté ses fonctions, il lui
sera conféré le titre de ce grade et le titre posthume
convenable.
1 1 . Lorsque l'on accorde un titre de vie ou pos-
thume à un père ou à un grand -père, en considéra-
tion de ses enfants ou petits-enfants , si la fonction
de ces enfants était élevée et celle de leur parent
inférieure, on conférera à celui-ci un titre en rapport
avec le rang du fils. Dans le cas contraire, on ne peut
96 JANVIER 1889.
décorer le père ou grand-père du titre de son grade ^
On ne peut décorer ainsi un père encore en fonction ;
mais s'il est mort après avoir cessé ses fonctions,
on pourra lui donner un titre de vie et posthimie.
12. A un père ou à une mère qui a deux fds on
accordera un titre en rapport avec le grade le moins
élevé de ces deux fils.
13. S'il s'agit d'une femme pour qui l'on demande
un titre en raison des mérites de son fils et que le
mari de cette femme ait été aussi officier, on accor-
dera à celle-ci le titre du grade moindre.
14. Toute femme qui recevra un titre en raison
des mérites d'un fils ou petit-fils y ajoutera le terme
de lao ( sengge) « senex » ^.
15. A un mort dont le grand-père paternel ou
maternel, ou bien le père, vit encore, on ne confé-
rera pas de nouveau titre plus élevé.
16. Si l'on donne un litre à une mère, on devra
conférer le même à sa grand-mère, à sa mère propre,
à sa mère adoptive ^.
1 7. S'il s'agit d'une épouse *, on ne décorera en
même temps que l'épouse principale.
^ C*est à la seule considération du fils que le père est honoré de
cette distinction ; c*est le rang du fils qui en est la mesure.
^ La vieillesse étant un titre au respect, être qualifié de lao cest
être d'autant plus respectable.
^ A une femme secondaire de son père qui la élevé.
* Épouse secondaire. Il ne convient pas qu'elle soit plus âevée
en rang que Tépouse principale , ni que les autres épousa secon-
daires participent à ses honneurs.
\
LES RÈGLEMENTS MILITAIRES DE KIA-KING. 97
18. Si Tépouse principale est morte sans titre et
que l'on doive titrer une épouse secondaire, on devra
donner un titre posthume à la première.
19. Chaque fois que Ton signalera et titrera un
pfiBcier, pour éviter toute omission ou erreur, il
devra présenter lui-même sa demande et ses titres ,
par écrit, au grand conseil et recevoir là-dessus les
distinctions méritées.
20. Tout individu qui, même après Tédit de
concession , aura perdu sa place pour une faute , ou
aura été abaissé de rang après les examens , ne pourra
plus recevoir de titre. Mais si son grade lui est res^^
titué, on lui donnera le titre afiférent.
2 1 . Tout individu qui aura perdu son grade parce
que son grand-père ou sa grand-mère, son père ou sa
mère, a commis un des dix crimes : adultère, vol,
concussion, con'uption dans les examens, abus d'au-
torité, etc., ne pourra obtenir un grade.
22. Celui qui aura contracté mariage sans ob-^
server les rites, ou qui aura épousé une veuve ^ une
courtisane, une chanteuse ou une concubine, ne
pourra obtenir aucun titre.
^ La veuve qui se remarie manque à son devoir, selon les idées
chinoises; celui qui Tépouse commet une faute et ne peut, par
conséquent , recevoir des honneurs ( V. Siao-hio , v. 1 07]. « Concubine »
femme de mauvaise vie.
xni. 7
ramVKBIl! RATIll^iLM.
9S JANVIER 1889.
LIVRE VI.
DES OFFICIERS MANDCHOUS COMMANDANT DANS UN CAMP ET RE-
TIRES DANS LES CORPS DE RANNIÈRES X CAUSE DE L*AgB
AVANCE DE LEURS PARENTS.
(Fol. 63.) Les officiers de Gôsas employés dans les
camps extérieurs ^ et qui , à cause de la vieillesse de
leur parents , demandent à changer de place et à être
employés dans la province la plus proche de la rési-
dence de ces parents, doivent être renvoyés aux ban-
nières et recevoir un poste dans leur région originaire.
Si on les a nommés à un poste plus élevé dans une
province éloignée et qu*à cause de leurs parents ils
doivent rester à leur première place, on arrêtera
leur nomination , et leur changement les laissera dans
le camp.
DES OFFICIERS MALADES.
(Fol. 70.) Les ti-tuh et commandants généraux,
vieux et malades, demandent à être déchargés de
leurs fonctions; mais si leurs forces n'étant point
affaiblies par l'âge, ils se retirent chez eux unique-
ment à cause de leur maladie, lorsque celle-ci sera
guérie, l'inspecteur général de leur région ou le gou-
verneur devra examiner leur état et en faire rapport.
Si l'état de l'officier s'est amélioré là où il s'est
retiré,' aussitôt après sa guérisori, l'inspecteur gé-
néral de sa province ou le gouverneur constateront
le cas et feront un rapport; ils les enverront à la cour
^ Dans les forteresses des froBtières.
LES RÈGLEMENTS MILITAIRES DE KÏA-KÏNG. 99
militaire où ils devront se présenter, et Ion attendra
le décret souverain qui fixera leur sort.
Si , passé des bannières au camp , un officier tombé
malade obtient de rentrer dans les bannières, quand
il sera guéri on agira comme au cas précédent.
LIVTIE VII.
(Fol. 44.) Les ti-tuh et commandants généraïuc
des provinces extérieures ne peuvent point se servir
de litière ^ S'ils ont passé les septante ans et ne sa-
vent plus aller à cheval, on devra examiner la chose
et solliciter un décret. Si , venant à la capitale pour les
afiaires de TEtat , ils arrivent en un lieu où il n y à
pas de chevaux ou que dans le pays où ils passent
leau pluviale ait rendu la circulation impossible aux
chevaux, ils pourront user de litière. Si des lieute-
nants généraux ou leurs adjoints et les officiers in-
férieurs se permettent d aller en litière , de leur chef,
destituez-les.
LIVRE V, 2- PARTIE.
DE I/ARMÉE DE MER.
(Fol. 28.) De Kia-king, la 5* année, le 10* mois.
Décret suprême.
Moi (fempereur), j'ai examiné soigneusement les
vrais règlements de l'empereur Kao-tzong^le parfait;
^ .C*est un acte de mollesse indigne d'un officier et corrupteor
de U vertu militaire. Dans ses décrets aux huit bannières, Yong-
tcheng se plaint de ce cpie les officiers font porter leur sabre par un <
serviteur marchant à côté d*eux.
* K'ien-long, père de Kia-kin.
J02 JANVIER 1889.
rester où il est, qu on en informe la cour, quon len-
voie aux autorités compétentes et qu'en cas de va-
cance d'un poste de major en sa province, on l'y
nomme et l'y établisse.
S'il vient à vaquer un poste de capitaine adjoint,
qu'on choisisse avec soin et nomme un lieutenant
adjoint dont la conduite et le zèle ont été parfaits.
Pour remplacer un lieutenant adjoint, on choisira
un matelot habile qui aura subi heureusement l'exa-
men prescrit. Il portera le bonnet simple, recevra
les rations et s'exercera comme aide de camp du
capitaine. Après en avoir informé la cour militaire
par le rapport prescrit , on l'inscrira et lui donnera
le livret d'officier adjoint.
(Fol. 63.) Si quelqu'un, depuis les fonctionnaires
quelconques jusqu'aux étudiants qui s'instruisent & la
maison , se permet pendant un deuil de trois ans de
se marier, qu'on lui retire toute charge.
Le huitième livre est entièrement consacré aux tribus non
chinoises et d'abord à leurs officiers et fonctionnaires, aux
fonctions héréditaires, aux distinctions et récompenses ac-
cordées aux soldats et officiers de ces tribus qui se sont dis-
tingués dans le service militaire , à ceux qui ont été blessés
ou sont tombés sur le champ de bataille , qu sont morts d'une
maladie contractée au service mUitaire, aux rations accor-
dées aux soldats de ces tribus.
Après cela , il traite des ravages exercés par les brigands ,
des châtiments à infliger, de la réparation des donunages,
de la surveillance mutuelle des fonctionnaires civils et mili-
taires des tribus , de la circulation et migration de ces peuples ,
LES RÈGLEMENTS MILITAIRES DE OA-KING. 101
Échanger donc ces soldats expérimentés contre d au-
tres qui nont point ces qualités, c'est une chose
funeste dont les conséquences sont extrêmement
graves.
Maintenant que Ton est occupé à une enquête sur
l'état des côtes et leurs besoins , on doit s'appliquer
à exercer les soldats de marine comme à une chose
essentielle ^
Que tous les ti-tuh , gouverneurs , commandants
généraux examinent soigneusement tous les officiers
de marine. Qu'on n'emploie plus sur terre ceux d'entre
eux qui connaissent bien leur métier. Qu'on les in-
struise et les exerce encore avec soin et activité»
Qu'en les proposant à une nomination, à un avan-
cement, on ait soin de tenir compte de leur science
et habileté.
Les employant ainsi selon leur vertu et leur ca-
pacité , on retirera tout l'avantage possible de leurs
services.
(Fol. 43.) S'il est dans l'élite des troupes de mer
un capitaine adjoint^ qui ait servi cinq ans sans
commettre aucune faute, qui sache parfaitement
conduire un vaisseau et ses troupes, que ses chefs
fassent un rapport à son sujet et le présentent à la cour
militaire, puis qu'on l'envoie dans le Fou-kien avec
le titre et l'emploi de major [minggata). S'il désire
* Précédemment on employait les soldats de marine au service
de terre et Ton ne faisait pas de distinction tranchée entre ces deux
corps.
* Surnuméraire , aidant et remplaçant le titulaire*
J02 JANVIER 1889.
rester où il est, qu on en informe la cour, quon len-
voie aux autorités compétentes et qu en cas de va-
cance d'un poste de major en sa province, on ly
nomme et Ty établisse.
S'il vient à vaquer un poste de capitaine adjoint,
qu'on choisisse avec soin et nomme un lieutenant
adjoint dont la conduite et le zèle ont été parfaits.
Pour remplacer un lieutenant adjoint, on choisira
un matelot habile qui aura subi heureusement l'exa-
men prescrit. Il portera le bonnet simple, recevra
les rations et s'exercera comme aide de camp du
capitaine. Après en avoir informé la cour militaire
par le rapport prescrit, on l'inscrira et lui donnera
le livret d'officier adjoint.
(Fol. 63.) Si quelqu'un, depuis les fonctionnaires
quelconques jusqu'aux étudiants qui s'instruisent à la
maison , se permet pendant un deuil de trois ans de
se marier, qu'on lui retire toute charge.
Le huitième livre est entièrement consacré aux tribus qon
chinoises et d'abord à leurs officiers et fonctionnaires, aux
fonctions héréditaires, aux distinctions et récompenses ac-
cordées aux soldats et officiers de ces tribus qui se sont dis-
tingués dans le service militaire , à ceux qui ont été blessés
ou sont tombés sur le champ de bataille , pu sont morts d^iine
maladie contractée au service militaire, at^x rations, accor;
dées aux soldats de ces tribus.
Après cela , il traite des ravages exercés par les brigands ,
des châtiments à infliger, de la réparation des dommages,
de la surveillance mutuelle des fonctionnaires civils et mili-
taires des tribus , de la circulation et migration de ces peuples ,
"x.
LES REGLEMENTS MILITAIRES DE KIA-KING. 103
de ia répression des escrocs chinois, de la corruption des
fonctionnaires dans ces tribus, des extorsions par menace
commises par les soldats et magistrats sur les commerçants
qui vont chez les Miao-tze , du châtiment des Miao-tze voleurs
et de ceux qui les aident , des magistrats des tribus qui n'ar-
rêtent pas les criminels, de la vente d'armes aux gens des
tribus barbares, aux Fan-tze et aux Kurokin, de ceux qui
contractent des dettes envers les Miao-tze , leur font des prêts
ou en reçoivent d'eux, ou achètent leurs terres, de l'excita-
tîon des troubles et vengeances chez les Miao-tze barbares du
Kouei-tcheou et du Ho-kouang , enfin de ceux qui délivrent par
la force les Miao-tze coupables et arrêtés, ou qui arrêtent
ceux qui vendent des honmoies , les mains liées.
Voici quelques spécimens de ces dispositions :
Le i** chapitre énumère tous les rangs et grades des fonc-
tionnaires des tribus. Les récompenses dont parlent les cha-
pitres 3 et 4 consistent en avancement en grade et titre et
en haussement de solde.
RÉCOMPENSE AUX SOLDATS TOMBES EN COMBATTANT.
(Fol. 1 6.) Pour les fantassins du camp vert (chinois)
ce sera 5o yans ^ d argent. Pour les Fan-tze auxiliaires,
seulement a 5. Mais si ces derniers ont combattu
les Kur-ke, comme en gravissant les montagnes, en
traversant les précipices, ils ont beaucoup soufiFert,
on étendra cette fois la faveur et ils recevront 5o yans
comme les soldats réguliers; ainsi on leur témoi-
gnera pitié et bienveillance. On doit en efiFet distin-
guer les mérites importants des légers. Que ce soit
la règle désormais et qu on la fasse connaître.
Quant aux officiers des tribus qui seront tombés
' Yan, taél, once d*argent.
104 JANVIER 1889.
blessés sur le champ de bataille et auront succombé ,
on accordera^ : s'ils sont du 3* rang, aSo yans ; du
te rang, 200; du 5' rang, i5o; du 6® rang, 100;
aux 7* et 8', ainsi qu aux soldats décorés du titre de
Bataru^, on donnera 5o yans.
En outre , on les enterrera selon les coutumes du
camp.
Quant à ceux qui auront reçu simplement une
blessure, s ils sont portés au i"" rang, on donnera
i5 yans; au a'rang, 12 1/2; au 3* rang, 10.
Si les officiers et soldats qui ont mérité ces ré-
compenses n'ont ni femme, ni enfants, ni parents
ascendants ou collatéraux à qui l'on puisse les donner,
on remettra 2 yans aux commandants de leurs corps
ou au gouverneur de leur région.
Les officiers morts de leurs blessures recevront
une élévation de titre , à laquelle un de leurs fils suc-
cédera , mais pas un second ; et cela du 3* au 7" degré.
Le 8' degré n'aura que la rétribution précédemment
indiquée.
^ A leur femme, ou à leurs parents» fils, etc.
' Batara, C'est la coutume chinoise d*accorder, en guise de titre
nobiliaire ou de décoration , le simple droit d'ajouter à son nom un
qualificatif, indiquant le genre de mérite acquis : «sage, brave
ou pieux ». Cela forme un vrai titre de noblesse. Ces titres sont con-
férés par le souverain , parfois aussi par les gouverneurs de province,
mais en ce cas ils n ont ni la même solennité, ni la même authenticité
que les premiers. Les Batnru (mandchou «brave») forment une
dasse à part, une sorte de légion d'honnear ou ê^ ordre de mérite. Ce
titre est donné pour exploits de guerre. Les Bataru ont , en outre , le
droit de porter une plume de paon et d'ajouter à leurs noms un
autre qualificatif également concédé.
LES RÈGLEMENTS MILITAIRES DE KIA-KING. 105
Ceux qui sont morts à Tarmée, mais de maladie,
auront une rétribution allant de 2 5 à 1 5 yans d'ar-
gent. Si, en outre, ils se sont distingués par leur
bravoure et leur conduite, ils obtiendront une élé-
vation de titre pour eux et leurs fils, une fois. Les
Baiuru auront 8 yans d'argent.
(Fol. 22.) Le décret suivant leur accorde comme
récompense pour la fourniture des provisions de
bouche, une tablette d'argent, une fleur à porter
attachée à l'habit et une robe de soie rouge.
(Fol. 28.) Ceux qui auront arrêté les voleurs et
fait cesser leurs exploits seront avancés d'un grade
par le commandant général ou le gouverneur. S'ils
y ont réussi plus d'à moitié , ces hauts fonctionnaires
les encourageront et les récompenseront comme il
convient.
(Fol. 24.) Le décret suivant charge les autorités
locales de punir les voleurs, brigands du désert ^
Miao-tze ou Kurokin , qui ravageraient les pays où il
n*y a pas de magistrat oflicier de tribu. Ceux qui
tarderaient de le faire doivent être destitués ; s'ils nou-
rissent les voleurs et se font leurs complices, ils
seront arrêtés et punis sévèrement.
S'il s'est formé des bandes de deux cents , de sep-
^ Troupes de brigands habitant les lieux déserts et n appartenant
à aucune tribu spéciale. Les Miao-tze sont une des tribus sauvages
que les Chinois ont trouvées sur le sol du Pays des Fleurs et que rien
n'a pu détruire. Déjà au Shouh-king nous les voyons révoltés et
châtiés.
LES RÈGLEMEiNTS MILITAIRES DE KIA-KING. 107
général commandant et du gouvernem' de leur pro-
vince, qui devront en informer les mêmes autorités
de l'autre province ^ Lor3que ces gens auront fini
leur affaire, on ne peut leiir accorder aucun délai.
S'il est manqué aux conditions indiquées , les délin-
quants devront être punis et les fonctionnaires, de
plus, destitués.
Le décret suivant a pour but de protéger les gens
des tribus contre les Chinois fourbes et plus habiles
qui pénètrent chez ces peuples pour les tromper
ou exciter des troubles. Ces Chinois seront punis
d'exil. Le magistrat qui ne les poursuivra pas avec
zèle descendra d'un grade et sera privé de ses rations
d'un an; s'il a connu les actes criminels et a laissé
le3 coupables en liberté , il sera destitué.
S'il ne sait point découvrir et convaincre les cou-
pables, il descendra d'un rang. Si un officier d'une
tribu pénètre et circule à sa fantaisie, sans autorité,
dans une autre province, qu'il soit dénoncé par
les autorités supérieures ou par un particulier. Le
commandant de sa région sera puni d'une peine
grave. .
Les derniers décrets édictent également des
peines contre les auteurs des crimes et des délits
indiqués ci-dessus. Cela ne présente que peu d'in-
térêt. Bornons-nous à reproduire le décret final.
Les officiers des camps du Kouei-tcheou , qqi dans
' Pour prévenir les complots, les révoltes âdtes de concert, on
parque les tribus aborigènes sur le territoire qui leur a été laissé et
Ton interdit les communications entre dJes.
108 JANVIER 1889.
l'espace dun an auront arrêté des malfaiteurs de
Miao-tze qui vendent des hommes les mains liées,
obtiendront les distinctions suivantes : pour quinze
bandits arrêtés , une mention honorable simple ^ : pour
trente, une mention double; pour quarante-cinq,
une triple. Pour soixante bandits arrêtés, ils seront
avancés d'un grade. Les mentions augmenteront avec
le nombre des arrêtés. S'il arrive au chiffre de cent
vingt, ils seront avancés de deux grades, et ainsi de
suite en suivant la progression.
Si les autorités du lieu des méfaits ne savent pas
saisir les criminels et que ceux-ci soient pris en une
autre région par des mandarins civils ou militaires,
pour cinq hommes ainsi arrêtés on retirera les rations
et provisions d'un an^; pour dix arrestations, celles
de deux ans; pour vingt hommes ainsi échappés à
leurs mains, les officiers négligents ou maladroits
perdront deux rangs; pour cinquante, ils seront
destitués.
Quant aux officiers qui les ont arrêtés, après unô
enquête et un procès conduit avec vigilance et le
renvoi des criminels devant le juge , on les récom-
pensera de mentions en rapport avec le nombre des
coupables saisis.
Si l'officier qui les a arrêtés commet une fraude
^ Ces mentions se font dans les rapports aux autorités supérieures,
dans les proclamations au peuple. Le magistrat ainsi mentionné
ajoute à son nom , dans ses propres édits , etc. , « mentionné tant de
fois , de telle manière » , et signe de la même manière dans les actes
publics.
'Aux autorités en défaut
\
LES RÈGLEMENTS MILITAIRES DE KIA-KING. 109
dans son rapport et en annonce un grand nombre,
alors quil n'y en a que peu, il sera destitué. Si c'est
un ti-tuh ou un commandant général , il perdra deux
grades; s il a arrêté d'honnêtes gens, sous prétexte
de saisir des coupables et de se faire récompenser, il
sera jugé et puni comme les brigands qui molestent
les gens intègres et inoffensifs.
Je crois que ces extraits donneront une idée complète du
recueil ; on comprend que des règlements de cette espèce
n'étaient point faits pour préparer les troupes chinoises à re-
pousser les attaques des armées européennes, bien moins
encore à en triompher.
Ajoutons seulement à ce qui précède la liste des titres
dont il est question ci-dessus , p. 9^*
D'après les idées chinoises , les âmes des défunts restent en
relation indéfinie avec les vivants ; les titres qui leur sont
conférés sur la terre les honorent et les réjouissent dans l'autre
monde. En outre, le fils du ciel, en cette qualité même, a
juridiction sur eux. Après la mort , il accorde généralement
aux défunts qui se sont distingués en ce monde un titre pos-
thume appelé hoei. En outre , dans des cas particuliers , il leur
décerne des titres honorifiques et des honneurs spéciaux.
Ceux dont il est ici question sont au nombre de neuf,
divisés en deux catégories , appelées en mandchou : ulhibure
fangnehen et tacibure Jungnehen,
La première classe comprend les cinq premiers titres ; la
seconde, les quatre derniers. Chaque titre, comme tout
grade , est double et a un premier et un second rang. En outre ,
les cinq premiers titres forment trois sous-classes ainsi ré>
parties : 1 -2 , 3-4 , 5 , et les quatre derniers , deux sous-classes
également partagées.
110 JANVIER 1889.
l" CATÉGORIE, L'LHIBVRE,
i" Classe.
1 " rang. Kong , Heoa et Pe ^ Général illustrant la puissance,
a* rang. Officiers généraux Général agrandissant la puis-
de premier rang . sance.
Les épouses principales de tous ces grands dignitaires ont
pour titre : Epouse sincère et juste de i " rang.
Ces titres sont héréditaires pour trois générations.
2* Classe.
a* rang supérieur Général qui agrandit la puis-
sance.
— inférieur Général puissant et méritant ou
qui mérite bien de la puis-
sance.
Epouses principales Epouses sincères et justes.
3* rang supérieur Capitaine puissant et juste.
— inférieur Capitaine qui seconde la puis-
sance.
Epouses principcdes Epouses sages.
Nota. Conférés pour deux générations avec titre posthume.
3* Classe.
à* rang supérieur Capitaine qui fait briller la
puissance.
— inférieur Capitaine qui fait paraître la
puissance.
Épouses principales Epouses fidèles.
^ Ces anciens titres de principautés feudataires ne sont plus ici
qu*honorifîques. On les a comparés à nos ducs , marquis et comtes.
Comparaison des plus impropres.
LES RÈGLEMENTS MILITAIRES DE KlA-KING. 1 1 1
5* rang supérieur Officier vertueux et digne.
— inférieur Officier qui seconde la vertu
digne.
Epouses principales ...... Epouses bienveillantes.
Nota. Conférés pour une seule génération avec titre pos-
thume.
a* CATÉGORIE, TACIBURE FVHfGf/EHEW,
6* rang supérieur Officier digne et habile.
— inférieur. Officier qui seconde le digne et
habile.
Epouses principales Epouses bonnes et douces.
7* rang supérieur Officier digne et sûr.
— inférieur Officier auxiliaire digne et sûr.
Epouses principales Epouses soumises.
Nota. Pour une génération titre posthume.
8* rang supérieur. ....... Officier digne et fidèle aux lois.
— inférieur Officier auxiliaire digne et fidèle
aux lois.
9* rang supérieur. ....... Officier intègre et digne.
— inférieur Officier auxiliaire intègre et
digne.
Nota. Ces quatre derniers titres sont exclusivement per-
sonnels. Il n*y en a point de correspondant pour les épouses
de ces officiers , ni de titre posthume pour ceux-ci.
112 JANVIER 1889.
NOUVELLES ET MÉLANGES.
SEANCE DU 11 JANVIER 1889.
La séance est ouverte à tx heures et demie sous ia prési-
dence de M. Renan.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et la rédac-
tion en est adoptée.
Il est donné lecture d*une lettre de M. le Ministre de Tin-
struction publique qui autorise rechange de deux des pièces
affectées à la bibliothèque de la Société.
M. le Président, après avoir fait part de Tindisposition qui
empêche M. James Darmesteter d'assister à la séance , félicite
la Société de la marque de distinction qui vient d*être ac-
cordée à son secrétaire. En décernant à M. Darmesteter la
croix de la Légion d'honneur, M. le Ministre de Tinstructioa
publique a entendu reconnaître les services rendus aux études
orientales, depuis tant d'années, par la Société.
M. Rubens Duval est nommé secrétaire adjoint et biblio-
thécaire, et M. Drouin , membre de la Commission des fonds,
en remplacement de M. Carrez, décédé. Ces nominations
seront soumises à la ratification de l'Assemblée générale.
M. Rubens Duval, après avoir remercié le Conseil, exprime
le vœu qu'il soit fait un catalogue des livres de la biblio-
thèque. M. Senart appuie cette motion. M. Rubens Duval est
invité à rechercher les moyens les plus pratiques pour arriver
à la confection de ce catalogue.
Des exemplaires de la brochure réunissant les discours
prononcés sur la tombe de Bergaigne sont, de la part de
M. Lehugeur, mis à la disposition des membres de la Société.
Sur la proposition de M. Barbier de Meynard, il est alloué
NOUVELLES ET MELANGES. 113
à M. Hondas une somme de 5oo francs pour la revision des
carnets de Huber dont Fimpression a été votée dans une
séance précédente.
Sont reçus membres de la Société :
MM. le général Hanoteau , boulevard Raspail , 1 53 , pré-
senté par MM. Houdas et Clermont-Ganneau ;
Tabbé Martin, rue Régis , 6, présenté par MM. Bar-
bier de Meynard et Rubens DuvaL
M. Groff communique de nouvelles observations sur les
mots hbp et >lVp du papyrus araméen d*Égypte conservé au
Musée du Louvre. (Voir ci-après, p. ii4.)
M. Oppert apporte de nouveaux éclaircissements sur Tin-
scriplion assyrienne qui lui a permis de fixer la date certaine
du commencement de Tépoque des Arsacides, et dont il a
déjà entretenu TAcadémie des inscriptions et belles-lettres et
l'Académie des sciences. (Voir ci-après , p. 1 16.)
M. Halévy signale les particularités des textes babyloniens
trouvés en Egypte et relatant la correspondance échangée
entre des princes de la Syrie du haut Ëuphrate et les rois
d*Egypte ; les noms de lieux et de personnes sont intéressants
pour l'histoire ancienne de la Syrie. M. Oppert estime que
la langue de ces textes est purement littéraire et qu'ils ne
sauraient être invoqués pour la langue parlée en Syrie à
Tépoque où ils ont été écrits.
La séance est levée à 6 heures.
OUVRAGES OFFERTS À LA SOCIETE.
Par rindia Office : Bibliotheca Indica, new séries , n** 662 ,
666, 680 : TâAhh i Ftrâzshâhi, by Shams-i-Sarâj Aflf. edited
by Maulavi Vilàyat Hussain, fasc. i, 11 et m. Calcutta,
1888.
— N- 660, 674 et 683 : Zafarnâmah, by Maulânà Sharf-
uddin *AU Yardi, edited by Maulavi Muhammad Ilahbld,'
vol. II, fasc. VI, VII, viii. Calcutta, 1888, in-8'.
xiii. 8
utrtiHcaii i^xioxiL*.
114 JANVIER 1889.
Par rindia Office : Bill iid, N'** 669, 665, 669, 673,
679, 684 : Maâsir ul-Umara, by Nawâb Samsamûd-Dowla
Shah Nawâz Khan , edited by Mawlawî Abdur-Rahîm , vol. I ,
fasc. IX; vol. II, fasc. i, 11, m, iv, v. Calcutta, 1888, in-S".
— N° 657 : Anu Bhàshyam, by Pandit Hemeandra Vi-
dyîiratna, fasc. i. Calcutta, 1888, in-8".
— N* 658 : Sri Bâshyam, by Pandit Ràmanalha Tarka-
ratna, fasc. i. Calcutta, 1888, in-8°.
— 1S° 661 : Advaita Brahma Siddhi, by Kasmiraka Sadà-
nanda Yati, edited widi critical notes by Pandit Vàaian
Sàstre Upadhyâya, fasc. i. Calcutta, 1886, in-8°.
— N° 663 : Tattwa-Chintàmani , edited by Pandita Kà-
ipakhyanàtha Tarkaratna, fasc. ix. Calcutta, 1888, in-8*.
— N° 667 : The S'rauta Sûtra of sankhàyana, edited by
Dr. Mfred Hillebrandt, fasc. vi. Calcutta, 1888, in-8".
— IS* 664: The Nirakta with commentaries , edited by
Pandit Satyavrala Samarsamé, vol. IV, fasc. v. Calcutta,
1 888 , in-8°.
— N" 668 : Briliad-Dharma Parànam , edited by Pandit Ha-
raprasad S'astré , fasc. i. Calcutta, 188 5, in-8*.
— N" 670 : TaVsè sat'sai', edited by Pandit Bihâri Lai
Chaube, fasc. i. Calcutta, 1888, in-8''.
— N" 671 : Ashtasâhasrikà Prajnàpàramità , by Rajindra-
lala Mitra, fasc. v. Calcutta, 1888, in-8".
ANNEXE N" 1
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SEANCE DU 1 l JANVIER.
NOTE SUR LE PAPYRUS EGYPTO-ARAMEEN DU LOUVRE ,
PAR M. WILLIAM N. GROFF.
■ Dans la séance de la Société du 10 février 1888, j*ai lu
une note dans laquelle j'ai fait observer que le mot /7y^/,V
NOUVELLES ET MELANGES. 115
du papyrus égyplo-araméen du Louvre ^ se trouvait employé
dans un papyrus démotique ^ pour désigner une sorte de vin.
Je disais alors que le mol h'i'V devait être le nom d'une
autre sorte de vin, mais il est à remarquer qu'un mot ana-
logue à ce dernier S3 retrouve dans la langue copte, kgxcdx
« vas » ; dans l'ancienne langue g» ( qerer a vase » se trouve
dès une très haute époque^. Les mois kcxcdx et s 4^
sont-ils identiques? Peut-on traduire t^s^ par «vas par-
vum», sens que Peyron* donne au mot kgxcdx? On serait
alors amené à traduire '7/^4^ par «grand vase», ou à lui
donner un sens analogue, car ces deux mots doivent avoir
une signification correspondante.
Retournons au papyrus démotique déjà cité par nous; à
la ligne 4 , par exemple , on lit : « . . . il n'y eut pas d'autre
vin devant eux que du kelbi d'Egypte. » Ici le texte est formel ;
le kelbi est une sorte de vin.
Le papyrus égypto-araméen nous parle du vin de Sidon
et du vin d'Egypte , puis , croyons-nous avec M. l'abbé Bar-
ges, de deux qualités de ces vins «supérieur» z?/^/,^ et «in-
férieur» 4 4^- Par exemple on y lit : >f T»^y/4 ||||9
\^^^'Y \ 4 4Y • ^^ ^' (j^^^) P^^^ (à) ^^ festin kaloul | .
kelbi I ». D'abord le mot «jour» est sous-entendu; ici il n'y a
pas d'équivoque possible, les chiffres ne peuvent indiquer
que le quantième du mois. Quant aux mots kaloal et kelbi,
chacun suivi d'un chiffre, faut-il les considérer comme des
* Publié par M. Tabbé Barges, Papyras égyplo-aramèen , etc.
' Publié par M. Revillout, Revue égyptologique , t. I, p. 66 et suiv.,
pi. II.
* Tombeau de Ti, selon M. Bnigsch; Dict., p. 1A69. Ce qui rend dif-
ficile d admettre qu on emprunt ait été fait aux langues sémitiques ; notons
par contre qu assez souvent des noms de mesure ont passé des Égyptiens
aux Sémites.
* Lexique, p. 65 a. Cf. XXOX, p. 270 b.
116 JANVIER 1889.
mesures ^ alors que le nom de la denrée serait sous-entendu ?
Nous ne le croyons pas ; il serait plus naturel de sous-entendre
le nom d'une mesure conventionneBe ; en égyptien on trouve
souvent le nom de la denrée immédiatement suivi du chiffre
indicatif du nombre de mesures. Voici un autre exemple qui
nous est fourni par le papyrus égypto-araméen :
«Du à ^C^2, fils de nOD, vin d'Egypte, 700 (?)*t.
ANNEXE N» 2
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SEANCE DU 1 1 JANVIER.
L*ERE DES ARSACIDES
FIXÉE PAR UN TEXTE CUNEIFORME.
L'avènement de la dynastie des Arsacides a été fixé depuis
longtemps par un texte de Justin (livre XLI, chap. iv)
comme tombant dans Tannée du consulat de A. Manlius
Vulso Longus et de M. Attilius Regulus (a 56 av. J.-C). Les
textes cunéiformes des Arsacides portent généralement deux
dates, se rattachant à deux ères dont l'époque diffère de
64 ans. Par erreur, on avait cru que Tune de ces ères était
l'ère des Séleucides (3 12 av. J.-C.) et que l'autre, l'ère des
Arsacides, commençait avec l'an 248 av. J.-C. Des textes
' Le fait que le papyrus emploie le signe \ au lien de I indiquerait-il
que le mot sous-entendu se trouve représenté par le chiffre \^ ? Si le»
motsheîbi (cf. ^l7p Jos. v. 11 et Levit. 11, 1^) et haloul indiquaient des
mesures, on s*attendrait à les trouver au pluriel. Voir Schrôder, Die phS'
nizische Sprache, S 86.
' Cf. GWiDi X.X\0'
' Faut-il lire JXD «vase» au lieu de {<D?
NOUVELLES ET MELANGES. 117
publiés dernièrement par le père Strassmeier ^ ont démontré
à M. Oppert que la première ère était celle des Arsacides et
que l'autre était une ère locale de Babylone se rattachant à
un événement qui nous est encore inconnu.
M. Oppert a en effet pu traduire pour la première fois un
de ces textes cités parPtolémée dans i*Almageste, utilisé par
Hipparque d'Alexandrie pour ûxer l'époque de Tère de Na-
bonassar, mercredi 26 février 7^7 av. J.-C.
L'inscription contient les détails se rapportant à une
éclipse lunaire de Tan 282 d'Arsace ou 168 de Tautre ère,
laquelle éclipse aurait eu lieu au mois de Nisan. Or ces
données ne peuvent se rapporter qu'à l'éclipsé lunaire par-
tielle du lundi 23 mars de l'an 2a av. J.-G. (9977). Ce phé-
nomène se trouve déjà noté dans la liste de l'abbé Pingre et
a été de nou^reau calculé par Oppoizer sous le n^ 17^7*
Le document très important et jusqu'ici unique dans son
genre prouve que les données de Justin sont exactes et que
l'ère des Arsacides commence bien avec l'année 2 56 av. J.-C. ,
au mois de Tisri, l'Hiperberéthéus des Macédoniens. Il
prouve en même temps que les renseignements donnés par
les astronomes modernes, vivant à un siècle de distance,
cadrent avec l'inscription contemporaine d'Auguste. Pingre a
fixé la grandeur de l'éclipsé à 7 doigts j et Oppoizer à
8 doigts Yj-. L'heure de Babylone selon Pingre serait de
minuit 20 minutes, selon Oppoizer de minuit 25 minutes.
Voici la traduction qui a été donnée pour la première fois
dans les comptes rendus de l'Académie des sciences, où
M. Faye a bien voulu se faire l'interprète de nos recherches :
tL'an 168 qui est l'an 282 d'Arsace, roi des rois, voici
ce qu'a prédit Urudâ (Orodès) , l'astronome :
« Au mois de Nisân , à la 1 3* nuit , à l'heure 5 et 5 1 parties ,
l'heure prédite, 5 degrés en avant du point nodal, la lune a
été éclipsée du côté du sud et de l'est.
' ZeiUchrift fiir Assyriologie , page 1^7.
1J8 JANVIER 1889.
«Il était 6 heures, après le coucher du soleil, lorsque
Téclipse commença.
« Sept vingtièmes de doigt furent entamés sur le disque
lumineux lorsque Téchpse commença , dans la 1 3* nuit.
t En partant du sud et de Test , en allant vers le nord et
Touest, après k heures la lumière reparut.
« Cette éclipse eut lieu dans la constellation de TÉpi.
«Pendant cette éclipse (trois signes encore obscurs).
« Pendant cette éclipse . . . Mercure et Vénus . . .
« Les grandes planètes ne disparurent pas sous Thorizon.
« Sur les deux tiers de l'empan , c'est-à-dire du disque lu-
naire, la lumière fut enlevée du côlé du sud, à la 7* heure
(le texte porte à la 6*). Vers le sud, un petit éclair de lu-
mière commença pour passer de l'obscurité à la lumière. La
i3' nuit, c'est en comptant la 1" du second jour du mois.»
La dernière ligne mise sur la marge, presque effacée, est
encore inexpliquée.
Oie Genesis mit aeusserer Unterscheidiing der Queilenschriften
uebersetzt vou E. Kautzsch und A. SociN , Professoren zu Tue-
bingen , namendich zum Gebrauch in akademischen Vorlesangen.
Fribourg-en-Brisgau , 1888, in-8°, vu et 120 p.
La distinction des sources historiques forme aujourd'hui
la base de l'exégèse biblique. Les travaux récents de Wellhau-
sen, de Kuenen, de Budde et de Dillmann sur les docu-
ments qui ont servi à la rédaction de la Genèse, ont créé
une nouvelle méthode d'enseignement qu'il est opportun de
vulgariser. Dans leur préface, MM. Kautzsch et Socin re-
marquent combien de temps absorbe, dans les cours consa>-
crés à l'interprétation de la Bible, l'analyse littéraire et cri-
tique du texte. Chez nous , François Lenormant avait publié
une traduction de la Genèse dans laquelle le document
éiohisie était distingué du document jéhoviste par la diffé-
rence des types. Ce procédé très ingénieux avait le grand
NOUVELLES ET MELANGES. 119
mérite de mettre en relief et de faire saisir au lecteur, à pre-
mière vue , les différents morceaux qui entrent dans la com-
position du livre; aussi François Lenormant devait-il trouver
des émules.
La traduction de MM. Kautzsch et Socin marque un pro-
grès très sensible. Sans aucune prétention à un travail de
critique original, ils ont adopté les résultats généralement
admis; quand les interprètes ne sont pas d*accord, ils in-
diquent dans des notes au bas des pages les raisons qui ont
dicté leur choix; s'ils s'écartent de la voie frayée pour suivre
un chemin à part, ils en avertissent également le lecteur. On
approuvera la circonspection qu'ils ont apportée dans ce tra-
vail d'analyse; mieux vaut laisser dans son intégrité un récit
qui semble formé de morceaux fondus ensemble, si les mor-
ceaux ne se laissent plus séparer. Ils ne sont pas , disent-ils
spirituellement , de ces savants dont la subtile sagacité veut
entendre pousser les brins d'herbe.
Les différents types qui servent à distinguer les documents
sont au nombre de huit : le premier caractère indique le do-
cument élohiste ; le deuxième, le document jéhoviste (j*);
le troisième, un document qui forme une ancienne couche
du document jéhoviste (j^); le quatrième, un ancien docu-
ment élohiste en rapport avec le document jéhoviste; le cin-
quième est destiné aux morceaux dont l'attribution au docu-
ment élohiste ou au document jéhoviste ne peut être faite
d*une manière certaine (je); le sixième est réservé au cha-
pitre XIV c[ui appartient à une source inconnue ; le septième
sert pour les additions et insertions propres au rédacteur (r ) ;
enfin le huitième marque les gloses plus récentes qui ont
passé dans le texte.
Le second but poursuivi et atteint par MM. Kautzsch et
Socin était de donner une traduction qui reproduisit plutôt
l'esprit que la lettre du texte. Us signalent comme une source
d'erreurs les traductions littérales qui expriment toujours de
la même manière un mot susceptible de nuances et d'accep-
tions diverses. Us reconnaissent cependant ce que la méthode
120 JANVIER 1889.
qu ils ont suivie aurait d*arbitraire et de dangereux chez un
auteur que de fortes études et un long enseignement n*au-
raient pas suffisamment préparé à cette tâche. Au point de
vue scientifique où ils se placent, leur traduction est ration-
nelle; elle est déjà par elle-même un commentaire; mais,
envisagée au point de vue littéraire, eUe ne rend pas tou-
jours la grâce naïve qui fait le charme de certains récits. Il
nous semble aussi que les traducteurs ont cédé à la tendance
d'atténuer le côté humain que le livre prête au Dieu des
Hébreux dans ses relations avec ses élus ; c est ainsi qu ils ex-
cluent du mot r)^"13 toute idée de pacte dans les versets vi,
i8;xvn, a et 7; comparer n^")3 ^^3, Jug. viii, 33; ix, 4;
et nnn^K, Jug. ix, 46.
MM. Kautzsch et Socin signalent généralement dans les
notes les passages d'une interprétation douteuse. Ils auraient
pu augmenter ces notes sans grossir beaucoup le volume de
leur livre ; le lecteur leur aurait été reconnaissant de ti"ouver
réunis les divers sens auxquels une phrase peut donner lieu.
Ce que nous tenons surtout à faire valoir auprès des lec-
teurs du Journal , c'est que le livre de MM. Kautzsch et Socin
n'est pas une traduction ordinaire , mais un manuel pratique
qui, pour l'exégèse de la Genèse, sera aussi utile au profes-
seur qu'à l'élève. Il forme , pour ainsi dire , le complément
de l'excellent manuel exégétique de M. Diilmann. Nous
souhaitons que les auteurs, continuant leur œuvre, nous
donnent bientôt une traduction, suivant la même méthode,
des autres livres de l'Hexateuque.
RlbENS DUVAL.
Le Gérant :
Barbier dr Meynakd.
JOURNAL ASIATIQUE.
FÉVRIER-MARS 1889.
RECHERCHES
SUR
L'HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE,
PAR M. A BEL BERGAIGNE.
I
LA FORME MÉTRIQUE DES HYMNES DU RIG-VEDA
(Suite.)
[La seconde partie du mémoire de M. Bergaignc que
nous publions dans ce cahier n'a pas reçu de son auteur la
dernière revision. Nous nous sommes fait un devoir de re-
produire exactement le brouillon de M. Bergaîgne, sans y
changer un seul mot ; mais Tobscurité de l'écriture et la mul-
tiplicité des abréviations ont rendu plusieurs fois nos lectures
douteuses. Si donc une étude nouvelle de la queslion décèle
çà et là quelques expressions impropres ou même erronées,
c'est à l'incertitude de notre copie qu'il conviendra de les
attribuer. Nous devons ajouter toutefois que nous nous
sommes efforcés ardemment de restreindre et même de sup-
primer ces chances d'erreur.] *
xiir. i)
■ ««■lueur ■Ar<o'«4ia.
12:2 FEVRIER-MARS 1889.
CHAPITRE IL
CASTRAS TOUT FORMES BT RÉCITATIONS ANALOGUES.
Le nom de castra est, comme on sait, réservé
aux récitations des hotars qui font suite à un stotra
des udgâtars. C'est par celles-là que nous commen-
cerons. On va voir qu'un certain nombre de castras
tout formés, ou des fragments considérables de cas-
tras, se rencontrent dans la Samhitâ du Rig-Veda.
Mais avant même de rechercher ces castras, il
ne sera pas inutile de rappeler quun mandala du
Rig-Veda est Composé , soit en entier, soit du moins en
grande partie, de sûktas qui sont de purs stotras ou
des collections de stotras. C'est le mandala IX. La'
production ancienne avait été si abondante que
la liturgie définitive, en dépit de sa complexité, n'a
pu embrasser tous les sûktas à Soma Pavamâna,
appartenant aux différentes familles, qui ont été
réunis dans ce mandala. Mais elle en utilise beau-
coup, soit en totalité, soit par fragments, et il n'est
pas douteux que la plupart n'aient été composés
expressément pour servir de pavamânastotras. Tout
au plus peut-on croire qu'un certain nombre d'entre
eux , particulièrement les hymnes en trishtubh et en
jagatï , ont été spécialement destinés aux récitations
dont l'un des hotars secondaires, le grâvastut, ac-
compagne le pressurage de midi quand d'autres
hymnes , dont nous parlerons plus loin , ne suffisent
pas à remplir le temps de la cérémonie ^
^ Arvahlyana , V, 1 2 , 1 1.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 123
Â. Praûgaçastra.
Au premier rang des castras authentiques recueillis
dans la Samhitâ , il faut placer différents exemplaires
du praûgaçastra. L'un de ces exemplaires , partagé ,
on ne sait pourquoi, en deux sûktas successifs, le
2* et le 3* du mandala I , est resté en usage dans le
jyotishtoma modèle, et dans beaucoup de jours
particuliers des sattras. C'est le praûga de Madhu-
chandas , qui passe pour fils de Viçvâmitra. La col-
lection des hymnes de ce rishi paraît être d'ailleurs
une addition plus ou moins tardive à la Samhitâ
primitive!. ^
Mais un autre praûga désigné, même dans Açva-
làyana, par le nom de praûga de Gritsamada, se
rencontre dans le mandala II où il forme le sûkta 4 1 *
et où il n'y a pas de raisons de le croire interpolé^.
Gomme le praûga de Madhuchandas, il comprend
sept tricas , avec cette différence que les cinq premiers
seulement et le septième sont en gâyatri, l'autre, le
sixième , étant composé de deux anushtubs et d'une
brihati, soit de trois anushtubhs dont la dernière est
allongée de quatre syllabes' par l'addition de l'épi-
^ Voir Jounuil asiatique , septembre-octobre i886, p. 261 et 369.
On ne comprendrait guère d'ailleurs, si elle avait fait partie du
classement primitif, qu'elle n eût pas été confondue avec les hymnes
de Viçvâmitra dans le mandala III.
* Afalgré les doutes que j'avais précédemment exprimés (Ibid,,
p. 3a5), c'est une de ces collections de tricas agglomérées avant le
classement qui sont néanmoins rangées à la place des hymnes de
trois vers* (Voir plus bas.)
' Cf. plus bas.
124 FÉVRIER-MARS 1889.
thète ritâvari. Mais une autre différence plus impor-
tante est que les deux premiers tricas de Madhu-
chandas, l'un à Vâju, l'autre à Indra et Vâyu, sont
remplacés par un seul trica dont les deux premiers
vers d'ailleurs sont toujours adressés à Vâyu seul,
l'invocation à Indra et Vâyu étant renvoyée au troi-
sième. En revanche, le trica final au ciel et à la
•
terre est une addition. Les cinq tricas du milieu
correspondent exactement aux cinq derniers de
Madhuchandas , et sont adressés de même à Mitra
et Varuna, aux Acvins, à Indra, aux Vicvedevàs, à
Sarasvatï.
Cet accord partiel ne suffit plus naturellement à
la liturgie définitive, et le praûga de Gritsamada
doit, pour y prendre place (le second jour abhiplava
ou prishthya^), devenir tout à fait conforme à celui
de Madhuchandas. Pour cela , on supprime le trica
final, on ajoute après les deux premiers vers un
troisième vers à Vâyu, et avant le troisième, qui
deviendra le troisième du trica à Indra et Vâyu,
deux premiers vers au même couple.
On ne pouvait guère souhaiter un témoignage
plus frappant de la diversité en même temps que
de l'analogie des rituels primitifs, ainsi que du tra-
vail de rapprochement et de fusion auquel ils ont
été soumis.
Mais ce n'est pas tout. Les vers rnêmes qu'on a
introduits dans le praûga de Gritsamada pour com-
pléter deux tricas, l'un à Vâyu, l'autre à Indra et
* AçvaUjyana , Wl , G, 2.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 125
Vâyu, sont empruntés eux-mêmes à un autre
praûga, plus différent encore de celui de Madhu-
chandas , qui devrait être appelé le praûga de Me-
dhâlithi Kânva. Le sûkta 1,23, dont je veux parler,
comprend vingt-quatre vers. Mais les six derniers
vers , en mètres différents , et adressés , le dernier à
tous les dieux, les cinq précédents aux eaux déjà
invoquées dans les vers 16-18, paraissent être des
additions plus ou moins tardives. Il reste six tricas
en gâyatrï adressés à autant de divinités , couples ou
groupes de dieux, dans Tordre suivant:
Vâyu (un vers) et Indra et Vâyu (deux vers);
Mitra et Varuna ;
Indra (accompagné des Maruts);
Viçvedevàs (et particulièrement Maruts);
Pûshan ;
Les eaux.
Donc un seul trica pour Vâyu et Indra et Vâyu,
comme chez Gritsamada, sans le trica final au ciel
et à la terre dont Madhuchandas se passe également.
Des cinq autres tricas, trois correspondent bien à
ceux de Madhuchandas et de Gritsamada ; quatre
même, si Ton admet, comme il semble naturel»
l'équivalence du trica aux eaux et du trica à Saras-
vati. Reste une seule différence grave, la substitution
(avec déplacement) de Pûshan aux Açvins. Sans
insister même sur les affinités mythiques des Açvins
avec Pûshan ^ on pourra affirmer sans témérité que
* Voir "ma Religion védique. Il, p.. 4 39.
120 FÉVRIER-MARS 1889.
le sûkta 1,23, renferme un véritable prauga , propre
aux Kànvas, et sorti de l'usage.
On remarquera que ces trois praûgas, malgré
leur diversité , ont tous en commun le mètre gâyatrï
(sauf un trica en anushtubh dans II, 4i)* C'est un
indice précieux de l'ancienneté du principe qui
assigne la gâyatrï au pressurage du matin.
Ce principe cède pourtant, à certains jours, dans
la liturgie définitive, à une autre rè^e qui est de
faire varier les mètres avec les jours dans le prishthya
shadaha. C'est ainsi que le sixième jour prishthya ,
le prauga (comme fâjya du reste) est en atichandas
(8, 1 , 1 2). Il se compose de sept tricas adressés aux
divinités ordinaires, celles de Madhuchandas, et em-
pruntés, soit par séries de trois vers, soit par vers
isolés et artificiellement combinés, à dififérents
sûktas de la curieuse collection de Parucchepa
Daivodâsi, I, 1 2 -y- 189, toute en atichandas.
Mais le dernier sûkta de cette collection, I, iSg,
pourrait peut-être passer lui-même pour un qua-
trième prauga primitif, d'ailleurs plus éloigné en-
core du type qui a triomphé, et surtout d'une forme
métrique si irrégulière que je me bornerai à faire le
rapprochement sans insister. Toujours est-il qu'on y
trouve, après un vers unique à Agni et Indra et Vâya^
un autre vers unique à Mitra et Varuna, trois vers
aux Açvins, un vers à Indra, et enfin cinq vers à
des divinités diverses qui pourraient représenter les
Viçvedevàs, nommés en effet dans le dernier.
La difficulté la plus grave peut-être, à mon sens,
\
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 127
est Tabsence d'une invocation à Vâyu seul, précé-
dant celle à Indra et Vâyu. Le privilège reconnu à
Vâyu de boire avant Indra lui-même est un des
principes les plus anciens du rituel védique, et les
hynmes mêmes y font de nombreuses allusions. A ce
propos, je relèverai encore un certain nombre de
combinaisons cjiii rappellent le commencement du
praûga, je veux dire les sûktas à Indra et Vâyu
où Vâyu est toujours d'abord invoqué seul. Cette
disposition est commune à tous , sans une seule
exception; car le sûkta VIII, 46, est une agglomé-
ration sans analogie avec les morceaux dont il
s'agit.
Ainsi leSf sûktas IV, 46 et 4-7, comprennent chacun
un premier vers à Vâyu suivi dans l'un de six, dans
l'autre de trois à Indra et VâyU. Le sûkta VII, 90, se
partage en quatre vers à Vâyu 'et trois vers, qui leur
font suite, à Indra et Vâyu. Dans VII, 9 1 et 92 , il y
a mélange, mais le premier vers est toujours à Vâyu
seul. Dans la collection même de Parucchepa, nous
trouvons le sûkta I, i35, de neuf vers atichandas,
qui paraît compter pour trois dans le classement^,
mais dont la place pourrait être également justifiée
quand bien même les trois tricas auraient été agglo-
mérés avant le classement^. Or le premier trica est
à Vâyu seul , les deux autres à Indra et Vâyu. Enfin
le sûkta IV, 46, formé de fragments agglomérés,
comprend un trica, S-y, dont le premier vers est
^ Voir premier tirage, p. 68.
' Voir plus bas.
128 FÉVRIER-MARS 1889.
adressé à Vàyu et les deux derniers à Indra et
Vâyu.
Nous aurons à revenir au pressurage du matin ;
mais il importe de signaler d'abord d'autres exemples
non moins frappants de castras ou de fragments de
castras destinés, soit au pressurage du soir, soit à la
cérémonie de Tatirâtra.
B. Castras du botar au troisième pressurage et dans latirâtta.
Le sùkta V, 82 , à Savitar ma récemment donné
de la tablature dans la vérification des principes
numériques de classement. Il comprend neuf vers
après un premier sùkta à Savitar de cinq vers.
J'avais admis, après Grassmann, qu'il devait être
décomposé, mais en regardant la seconde partie,
que je déterminais d'ailleurs autrement, comme
interpolée ^
J'avais eu tort de perdre de vue le fait indéniable
que des sûktas indissolubles , ou du moins résultant
d'une agglomération antérieure au classement, n'en
ont pas moins été classés, par la seule raison qu'ils
étaient divisibles en tricas , à la place qui appartient
régulièrement aux hymnes de trois vers ^.
Or notre sùkta V, 82 , dans son ensemble, parait
être un castra ou du moins un commencement de
castra. Nous avons déjà remarqué que son premier
trica est la pratipad du vaiçvadevaçastra dans le rituel
* Voir premier tirage, p. 87 ; second tirage, p. 1 7.
^ [Ce paragraphe et le commencement du suivant sont marqués
en marge, sur le manuscrit, d'un point d*interrogation. ]
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 129
de ïekdJia et que Tanushtabh initial indique qu il a
été de tout temps destiné à cet usage. Ce n est pas
tout. Son second trica est Tanucara régulier de cette
pratipad (5, i8,5). Le nividdhàniya sùkta IV, 54,
est emprunté à un autre mandala. Mais il devient
très vraisemblable que dans la famille de Bharadvâja
ce nividdhàniya n'était autre que le troisième trica
de notre sûkta, et que Tensemble du sûkta consti-
tuait la partie adressée à Savitar du vaiçvadevaçastra ,
et qu'il est entré tout d'une pièce en cette qudité
dans le classement des hymnes du mandala VI.
Le sûkta nividdhàniya aux Viçvedevàs, faisant
partie du vaiçvadevaçastra, se fait précéder dans
chacun des jours Chandomas du Samùdha Daca-
ràtra d'un autre sûkta (X, 172; X, iSy; VIII, 29),
en dvipadà(6, 7, 2 4). Il en est de même du nivid-
dhàniya sûkta à Jàtavedas, lequel, faisant partie de
l'àgnimàrutaçastra dans le lo'jour du vyûdha Daça-
ràtra (8 , 1 2 , 2 4 ) , se fait précéder de l'hymne en dvi-
padà I, 65. Nous avons des combmaisons toutes
semblables dans le mandala VII attribué aux Va-
sishthas. Elles paraissent même avoir été primitive-
ment propres à cette famille. Le sûkta VII, 34, aux
Viçvedevàs est formé de vingt et une dvipadàs suivies
de quatre trishtubh. Le sûkta 56 aux Maruts est com-
posé exactement de la même manière, à cela près
que les trishtubh y sont plus nombreuses : onze dvi-
padàs et quatorze trishtubh ^ Enfin une combinaison
^ Il faut donc renoncer à partager ce sûkta, comme je Tavais
fait, en trois hymnes différents. La place occupée dans le man-
J30 FÉVRIER-MARS 1889.
qui, sans être identique, est tout à fait analogue aux
précédentes , se rencontre encore dans Thymne I du
même mandaia , à Agni \ composé de sept trishtubh
précédés de dix-huit autres vers dans un mètre égale-
ment rare excepté chez les Vasishthas, la viràj^. Les
trois sûktas, composés exactement de vingt-cinq vers
chacun , paraissent avoir été de tout temps dans une
étroite relation. Or ils sont tous les trois employés dans
un même jour, le quatrième du vyûdha daçarâtra,
comme nividdhânîya-sùktas adressés, le premier aux
Viçvedevâs, dans le vaiçvadevaçastra ; le second *aux
Maruts, et le troisième à Jâtavedas dans ràgnimàru-
taçastra (8, 8, 4). On ne peut guère souhaiter de
correspondance plus frappante entre le rituel défi-
nitif et le rituel ancien d'une famille particulière.
Les mêmes concordances avec le rituel définitif
et une différence correspondante se remarquent dans
un sûkta du mandaia III , où nous avons trouvé tant
de collections de vers liturgiques. Il va nous fournir
l'exemple d'un autre castra du troisième pressurage,
le second du hotar, nommé âgnimâruta.
On sait que ce castra se compose, dans la liturgie
définitive, de trois parties principales : un hymne à
dala VU par la collection aux Maruts reste provisoirement une
énigme.
^ Peut-être a-t-il fait paiiie également de râgnimâruta à une
époque où un hymne unique à Agni aurait remplacé les deux
hymnes adressés, Tun à Vaiçvânara, Tautre à Jâtavedas. Cf. ci-
dessus.
' On peut même distinguer dans cet hymne deux fragments en
trishtubh, en raison du pâda final du vers 30.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 131
Vaiçvânara, un hymne aux Maruts, un hymne à
Jâtavedas. On sait aussi que d'une façon générale
les simples tricas peuvent , dans certains cas , tenir
lieu d'hymnes, et nous venons d'en Voir un exemple
vraisemblable dans le sûkta V, 8 2 . Or le sûkta III , 2 6 ,
est composé de trois tricas adressés, le premier à
Vaiçvânara, le second aux Maruts, le troisième à
Jâtavedas. Si l'on remarque en outre que ce sûkta
fait partie de la série à Agni, où un trica isolé aux
Maruts n'aurait que faire , il paraîtra certain que le
rapprochement des trois tricas n'est pas dû , comme
je l'avais cru d'abord, au classement métrique, mais
au fait qu'ils font paitie d'un même castra primitif.
Le sûkta III, 26, doit encore sa place à une appli-
cation du principe d'après lequel les sûktas composés
de tricas occupent la place réservée aux hymnes de
trois vers.
A ce propos je ferai remarquer, sans insister au-
jourd'hui sur ce rapprochement , que le sûkta VI , 48 ,
en pragâtha, partie de brihati, partie de kakubh,
partie assez irrégulière, et commençant par le sto-
triya de l'âgnimâruta de la liturgie définitive , le cé-
lèbre ycgnàyajniya (qui d'ailleurs y est placé, non au
début, mais devant le Jâtavedasya nividdhàmya) , est
composé dans sa première partie de vers à Agni , et
dans la seconde de vers aux Maruts (et à Pûshan , 1 6-
19). L'agglomération en tout cas est très ancienne ,
et le sûkta est traité dans le classement comme un
sûkta ordinaire , puisqu'il figurç en raison du nombre
total de ses vers en tête de la série aux Vicvedevâs.
132 FÉVRIER-MARS 1889.
Un mot encore sur Yâgnimârutay bien authen-
tique, à ce quil semble, du sûkta III, 26. Les deux
premiers tricas en jagati sont en effet restés en
usage, comme nividdhânîya-sùktas, le premier de
Vaiçvànara , le second des Maruts , dans le sacrifice
de Soma appelé Brihaspatisava (9, 5, 5). Le troi-
sième, qui est en trishtabh, a été remplacé par le
trica à Jâtavedas, VI, i5, 7-9, en jagatî, selon le
principe qui assigne l^ jagatî au pressurage du soir.
Il n'en est pas moins remarquable que dans notre
castra plus ancien, les deux premiers tricas soient
déjà en jagatL Nous constatons plus loin la tendance
à clore par la tristubh même les castras en jagatî
du pressurage du soir. Ici la conclusion en trishtubh ,
au lieu de comprendre seulement les derniers vers
d'un nividdhânïya , embrasse la totalité du dernier.
Nous constatons en somme, dans l'ensemble du
castra, et malgré cette différence, une application
ancienne du principe de la répartition des mètres
au tritiya-savana.
L'identité du sûkta VIII, 81, avec la partie en
gâyatrî du castra du hotar au premier paryâya de
Yatirdira a été déjà constatée. Ce castra ne com-
prend en outre que l'hymne en jagatî (I, 5i) qui
termine chacun des douze castras de l'atiràtra. La
raison décisive qui doit faire préférer fhypothèse
d'un castra tout fait à celle d'une adaptation posté-
rieure est l'anushtubh initiale ^ Mais on peut y
ajouter encore la correspondance remarquable du
* Voir ci-dessus.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 133
premier pàda de ce vers, et du premier pàda du
vers l\ , premier de Tanurùpa.
Dans les castras du hotar aux deux autres pa-
ryâyas, la partie en gâyatri comprend également un
long sûkta du mandala VIII. C'est pour le second
paryàya le sûkta VIII, 82 (sauf le vers 34 à Indra et
aux Ribhus qui est une addition), et pour le troi-
sième le sûkta VIII, 6 (sauf les trois derniers vers
qui forment une dânastuti). Mais le second comprend
en outre un stotriya et un anurûpa (VIII , 1 7, 1 1 -1 3 ,
et 53, 10-12) ajoutés devant le sûkta, et le troi-
sième un stotriya (III , 5 1 , 10-12), dont le premier
trica du sûkta doit former lanurûpa.
El pourtant le sûkta VIII, 82, et même le
sûkta VIII, 6, commencent par deux tricas qui se
répondent suffisamment. Dans le dernier, la com-
paraison du vers 4 rappelle celle du vers 1 , et le
mot àjas de celui-ci se retrouve au vers li. Dans
l'autre Ja correspondance n est pas seulement suffi-
sante, mais exceptionnellement remarquable. La
présence simultanée dans le vers 1 et dans le vers 4
du vocatif sûrya est dautant plus caractéristique
qu'elle est en somme assez étrange dans l'un et dans
laulre , et surtout dans le second des deux. Jamais
on na vu couple de tricas mieux assorti et plus
naturellement destiné aux fonctions connexes de
stotriya et d'anurûpa. Le sûkta VIII, 82 , est évidem-
ment un ancien castra et l'on peut en somme en
dire autant du sûkta VIII, 6.
Il n'est même pas impossible de trouver les rai-
134 FEVRIER-MARS 1889.
sons pour lesquelles ils ont reçu des introductions
postiches (impliquant naturellement une modifi-
cation correspondante des stotras de TUdgàtar).
Pour le second paryâya surtout, Texplication sui-
vante pai'aît s'imposer :
La liturgie définitive ne s'en est pas tenue aux
combinaisons curieuses de mètres ; elle a recherché
des combinaisons numériques plus curieuses encore.
Si Ton fait pour les castras de chacun des quatre ho-
tars à chacun des quatre paryâyas le compte des
vers employés (Açv., 6,6, lo) en distinguant les
gâyatrïs des jagatîs (en y comprenant Tanushtubh
initiale du premier castra et les six ushnih initiides
du dernier et aussi les trishtubh qui terminent la
plupart des hymnes en jagatî), on obtient les deux
tableaux suivants :
GAYATRIS.
i" paryâya. a* par. 3* par. total.
Hotar 33 Sg 48 lao
Maitrâvaruna ai 19 39 69
Brâhmanâcchamsin . 19 aJi ai .64
Achâvâka. 19 ai a6 66
9a io3 ia4
JAGATIS.
i" paryâyâ. a'par. 3* par. total.
Hotar i5 11 6 Sa
Maitrâvaruna 9 11 5 a5
Brâhmanâcchamsin .11 6 1 3 3o
Achâvâka 11 9 g 29
'^6 "I7 "33"
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 135
On voit immédiatement que pour le hotar le
nombre des gâyatrïs va en augmentant et celui des
jagatîs en descendant de paryâya en paryâya. Il en
est de même pour TAchâvàka. Il en est de même
encore pour le total , soit des gâyatrïs , soit des jagatîs
récitées par les difiFérents prêtres à chaque paryâya.
Mais pour les deux prêtres intermédiaires on a adopté
un système intermédiaire. Pour le Maitrâvaruna le
nombre des gâyatrïs descend et remonte , celui des
jagatîs monte et redescend. Pour le Brâhmanâc-
chamsin, par une disposition qui fait le pendant
exact de la précédente, le nombre des gâyatrïs
monte et redescend, celui des jagatîs descend et
remonte.
Si on compare le total des gâyatrïs et des jagatîs
récités par les différents prêtres à chaque paryâya,
on voit que le nombre des gâyatrïs est exactement
le double de celui des jagatîs dans le premier, et à
peu près le tiers dans le second, le quart dans le
troisièbie. Enfin si on faisait le total des vers tant
gâyatrïs que jagatîs récités par les différents prêtres
dans lensemble des trois paryâyas , on verrait que
ce total est le même pour les trois hotrakas, à une
unité près pour TAchâvàka : gA, 9 4 et gS. Ces à
peu près ont peut-être été cherchés également. On
sait que les rituels se contentent souvent aussi d*à
peu près dans leurs combinaisons métriques pour
l'équivalence des mètres.
L'étude des totaux tant des gâyatrïs que des jagatîs
récitées par chaque prêtre dans l'ensemble des trois
136 FÉVRIER-MARS 1889.
paryâyas donne les résultais suivants. C'est le hotar
qui a le plus de gâyatrîs et de jagatîs. Des trois au-
tres, celui qui a le plus de gâyatrîs, le Maitrâvaruna ,
a le moins de Jagatis. Des deux qui restent, celui
qui a le plus de gâyatrîs, TAchâvâlca, a aussi le
moins de jagatîs des deux.
Je m'arrête dans la crainte de prêter aux auteurs
du rituel plus d'intentions qu'ils n'en ont eu. Ce
qui précède prouve en tout cas qu'ils en ont eu
beaucoup.
Il est maintenant aisé de comprendre pourquoi
le sûkta VIII, 82 , récité par le hotar au deuxième
paryâya , a été pourvu d'un stotriya et d'un anurûpa
postiches : c'est qu'il avait exactement le même
nombre de vers que le sûkta VIII, 81, récité par le
même prêtre au premier paryâya , et que les raffi-
nements du rituel exigeaient qu'il fût plus long.
Quant au sûkta VIII, 6, récité au troisième pa-
ryâya, il était déjà plus long, non seulement que
le premier, mais que le second avec ses additions.
Toutefois , si l'on songe aux exigences multiples des
autres combinaisons relevées plus haut, on pourra
admettre de confiance que l'addition qu'il a reçue
était également indispensable ^.
Conclusion: Les sûktas VIII, 6, 81 et 82, sont
certainement des castras tout faits, et selon toute
vraisemblance des castras destinés dès l'origine à la
^ Voir d*ailieurs plus bas.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 137
cérémonie de latirâtra. On peut même affirmer que
le sûkta 8 1 , avec son anushtubh initiale , a été ex-
pressément destiné à servir de premier castra. .
Mais nous avons à citer un castra plus long en-
core , appartenant également à la famille de Kânva*
Ici les différentes parties du castra sont réunies , non
plus en un sûkta unique, mais en une collection de
sûktas attribuée à Praskanva Kânva et rangée dans
le mandala I, lilx-bo. Cette collection se compose
exclusivement de sûktas à Agni, aux Açvins, à Tau-
rore et au soleil , et les deux sûktas à Agni , Tun en
bârhata-pragâtha , 44 , l'autre en anushtubh , 45 , ren-
ferment presque à chaque vers une invocation mati-
nale aux dieux, aux dieux qui s'éveillent le matin. Lé
dernier vers du second mentionne expressément le
«oma du jour précédent tiràahnya, et concorde avec
rhymne au soleil pour prouver qu'il s agit bien, non
du prâtaranuvàka , mais de Ydçvinaçastra. Les sûktas
à Agni sont en tête , et le sûkta au soleil à la fm , et
bien que les hymnes à laurore viennent après les
hymnes aux Açvins,. il est probable que l'ordre de
la collection entière est celui de la récitation litur-
gique^. Rien n empêche de croire que chez les
Kânvas les hymnes aux Açvins précédaient en effet
les hymnes à l'aurore.
C Castras des Iiotrakasv
Tous les castras que nous avons relevés jusqu'à
^ Et non un ordre réglé par les principes numériques et métri-
ques de classement, ainsi que je Tavais cru d*abord.
XIII. ro
13$ FÉVRIER-MARS 1889.
présent dans la Samhirà, le praàga el ïâgnimdruia
comme le$ trois dont il a été question en dernier
lieu, sont des castras du hotar. Mais il faut nous
attendre k en trouver aussi qui appartiennent aux
hotrakas, c'està-dii'e aux trois autres prêtres qui
récitent des castras : le Maitrâvaruna, le Brâhma*
nâcchamsin et rAchâvâka.
Sans prétendre que la distinction des différents
hotars remonte aux plus anciens hymnes qui nous
aient été conser>'és, on peut, on doit même con-
stater qu'elle est supposée dans un bon nombre
d*hymnes. La mention assez fréquente des sept
hotars se rapporte sans doute dans plus d'un cas aux
sept hotars réels du sacnfice du Soma; cependant,
comme elle parait avoir en outre une signification
mythologique , je ny insisterai pas aujourd'hui. Mai»
le Maitràvaruna , et la coupe dont il se sert, et sa
fonction sont expressément compris sous la désigna-
tion de praçâstar pour le prêtre et de praçâstra pour
la fonction et la coupe dans les énumérations des
vers I, 94, 6 ; II, 1-2 =X, 91, 10; 5, &; 36, 6.
Les noms du Brâhmanâcchamsin et de TÂchâ'
vâka ne se rencontrent pas dans les hymnes. Il n'y
a aucun argument à tirer de là contre Tancienneté
de leur fonction. La fonction de Vudgàtar, dont on
ne peut contester la haute antiquité après le travail
déjà cité de M. Oldenberg, n'est pourtant désignée
expressément par ce nom même que dans un seul
hymne du Rig-Veda, peut-être d'ailleurs interpolé,
II, 43, au vers 2. Remarquons en passant que ce
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 139
vers oppose au sâman de ïudgâtar la récitation ,
çamsasi, « dans les pressurages » d*un prêtre qu il
nomme hrahmapatra. Comme ce nom dans son
sens étymologique ne s'opposerait nullement à celui
d'udgâtcu\ on peut se demander s il ne serait que la
clésignation technique d'un prêtre particulier, et
précisément du Brâhmanâcchamsin.
En tout cas, à défaut du nom de Vachàvdka, un
vers d un hymne non suspect , V, 4 1 , 1 6 , contient
un emploi équivalent du substantif àchokti : hatha
dàcema nàmasâ sudanûn evayà maràio àchoktau. Le
mot ei^ayâ rapproché de mardtas est • une allusion
évidente à l'hymne V, 87, avec le refrain evayàmarut
qui lui a donné son nom dans le rituel, et le mot
àehùkti en est une autre non moins claire à i'Achâ-
vâka qui récite en effet l'hymne Evayàmarut au
pressurage du soir, le sixième jour prw/i^/iya (8 , 4 , a).
Sans nier que cette récitation ait pu appartenir pri-
mitivement à un sacrifice de Soma quelconque pour
être réservée seulement plus tard à l'un des jours
d'un sattra , on ne peut s'empêcher de rêver devant
la perspective qu'un pareil texte semble ouvrir sur
lancienneté des règles les plus particulières des
sûtras. En tout cas la question préalable ne saurait
nous être opposée au début de cette discussion sur
la présence dans la Samhitâ de certains castras propres
aux botrakas. Or des raisons analogues à celles qui
nous ont fait reconnaître des castras du hotar dans
les sùktas VIII, 6, 81, 8a , nous engagent tout au
moins à chercher des castras du M aitrâvaruna , des-
10
140 FÉVRIER. MARS 1889.
tinés pareillement à iatirâtra (sauf laddilion de
rhymne en ja^ati) dans les sûktas en gâyatri Mil , 32 ,
et IV, 3o, qui figurent en effet dans les castras de
ce prêtre, Tun (en partie) au premier paryâya,
i autre (sauf la suppression du vers 2 4 et dernier,
anushtubh) au troisième.
Le sûkta IV, 3o, en particulier, na guère pu être
autre chose. M. Oldenberg a déjà remarqué que cet
hymne, bien divisible en tricas, ne peut (en raison
de la connexion étroite de plusieurs de ses stro-
phes) être considéré comme une simple agglomé-
ration d'autant d'hymnes distincts, ce qui na pas
empêché les diascévastes de le ranger à la place des
hymnes de trois veri. C'est exactement le cas des
sûktas II, 6 I ; I) 23; III, 26, qui sont des castras
avérés, et ce nouvel exemple parait se prêter à la
même explication. Les deux premiers tricas ont
entre eux la plus étroite ressemblance; ils ont pu
faire un stotriya et un anurûpa aussi conformes que
possible, et en même temps leur texte, relatif aux
exploits d'Indra pendant la nuit, convient à mer-
veille à la cérémonie de l'aliràtra. Il n'est donc peut-
être pas trop hardi de supposer qu'ici encore un
stotriya et un anurûpa nouveaux ont été ajoutés pour
le besoin des combinaisons numériques.
Cependant il y a encore une autre explication
possible de ces additions en tête des anciens castras.
Les deux premiers tricas du sûkta W, 3o, nous pa-
raissent plus réellement « conformes » que les tricas I,
5 , 1 -3 , et VIII , 82 , Zi 6 , qui ont usurpé leurs fonct
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. I4l
tions. Mais on paraît avoir cherché de plus en plus
une correspondance tout extérieure entre le stotriya
et lanurùpa, par exemple l'identité du premier
mot, fût-ce un simple préfixe, â, comme dans le
cas présent. Peut-être une préoccupation analogue
a-t-elle contibué à faire ajouter en tête du castra du
hotar au troisième paryâya ^ le trica III , 5 1 , 10-12,
dont le premier vers a, à la fin de son premier pâda ,
la forme àjasâ comme le premier vers du sûkta VIII,
6, devenu le premier de fanurûpa.
Une raison du même ordre peut seule expliquer,
à ce qu'il semble, laddition du trica VII, 3i, i-3,
en tête du sûkta VIII, Sa , dans le castra du Maitrâ-
varuna au premier paryâya, si ce sûkta, comme je
le suppose, était déjà par lui-même un castra. Ce
sûkta en effet a trente vers dont les dix- huit premiers
seulement figurent dans le castra. Si une su2)pres-
sion a dû être faite en vue des combinaisons numé-
riques, on ne peut naturellement rapporter lad-
dition à la même cause : rien n'empêchait de garder
trois vers de plus. Mais le stotriya et lanurùpa nou-
veaux commencent tous les deux par le préfixe prà.
En somme cet exemple est beaucoup moins frap-
pant qiie les précédents, surtout que ceux où nous
avons reconnu des castras du hotar. L'analogie pour-
tant méritait d'être relevée. D'une façon générale, il
devient probable, comme je l'avais annoncé", que
des longs sûktas en tricas du mandala VII, et des
' Voir ci-dessus.
' Voir [ci-dessus].
142 FKVRIER-MARS 1889.
morceaux analogues comme Thymne IV, 3o, ceux
qui ne sont pas des collections de stotriyas, danu-
rùpas , de pratipads , etc. , sont des castras tout formés.
En voici d'ailleurs un nouveau qui, avec des ad-
ditions dun autre genre, des additions en queue,
est resté le castra d'un hotraka, non plus dans la
cérémonie de Tatirâtra , mais au pressurage du matin ,
où il est récité par le Brâhmanàcchamsin (5,10,28).
C'est le sûkta VIII , 1 7 , à Indra , pareillement en
gâyatrï, sauf les deux derniers vers i/i-i5, formant
un bârhatapragâtha dont nous ne rechercherons pas
actuellement l'origine ; en fout cas il devait naturel-
lement disparaître dans la liturgie défmitive qui
n'admet que la gâyatrï dans les récitations du ho-
traka au prâtahsavana. Les douze premiers vers (le
treizième est une dânastati) forment quatre tricas
dont les deux premiers se répondent exactement
par leur premier pâda. Ils ont très bien pu être dis-
posés dès l'origine pour l'usage auquel nous les
voyons sei^ir, ou pour un usage analogue.
J'en dirai autant des neuf gâyatrïs du sûkta III , 12,
à Indra et Agni , récité par l'Achâvàka dans le même
pressurage du matin. Elles sont reliées pareillement
en tête du castra , et les deux premiers tricas rem-
plissent les fonctions de slotriya et d'anurûpa, au
moins d'après Çânkhàyana ^ ( 7, 1 3 , et 1 et 2). Dans
Açvalâyana (5, 10, 28), c'est le troisième trîca,
^ A moins que l'ordre des tricas fût différent dans la samhitâ qa*il
suivait. Ce serait alors cette autre disposition de Thymne qui ré-
pondait au castra primitif.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 143
commençant par le même mot que le premier, qui
est devenu lanurûpa. On remarquera que ce sûkta
appartient au mandata où nous avons relevé déjà,
outre un âgnimâruta-çastra, de très curieuses col-
lections de vers liturgiques. 11 est, par exception,
classé d après le nombre total de ses vers, au milieu
des sûktas proprement dits ( et des sûktas à Âgni ,
bien qu'il soit adressé à Indra et Agni). Mais la même
série ofiBre d'autres particularités du même genre,
particulièrement le sûkta 1 6 en pragâtha.
Nous ne pouvons quitter le sujet des hotrakas
sans dire un mot des six sûktas I, 4-9 , de dix gâya-
tris chacun. Ces soixante vers, dans Tordre de la
âamhitâ, forment le stock où puise le Brâmanâc-
chamsin, au pressurage du matin, dans les jours
abhiplava ou prishthya, quand il doit allonger son
çai^ra en raison de l'accroissement àustoma (7 , 5 , 1 5 ) ,
c'est-à-dire du nombre de répétitions que les Udgâ-
tars ont fait subir aux vers du stotra correspondant.
Les six sûktas, dont le classement dans la collec-
tion de Madhuchandas est une énigme ^ semblent
bien y être entrés déjà comme une compilation
liturgique, à la suite du praûga-çastra formé par
les sûktas 2 et 3.
Je reviens en terminant sur le sûkta IV, 3o, au-
quel nous avons reconnu le caractère d'un castra,
pour faire remarquer la répartition des tricas de
gâyatris entre les deux sûktas suivants dont l'un , 3 i ,
* Voir Journal asiatitfae, 1886, p. 267.
144 FÉVRIER-MARS 1889.
en a cinq , et le suivant , 3 2 , en a huit. Pourquoi
les treize tricas n ont-ils pas été réunis en un seul
sûkta , comme les seize du sûkta VI , 1 6 , par exemple?
Partout ailleurs les tricas d'une même série, sans lien
particulier entre eux , sont réunis dans un seul sûkta ,
par mètre \ ou même, quand ils sont peu nom-
breux , dans un sûkta unique pour tous les mètres»
Aurions-nous encore ici deux anciens castras ana-
logues à IV, 3o?
D. Autres castras de forme ancienne.
Il paraît démontré en thèse générale, et indépen-
damment des doutes qui peuvent subsister sur tel ou
tel de nos exemples, que la Samlntâ renferme des
castras ou des commencements de castras, destinés
d'avance à l'usage spécial auquel ils sont employés,
eu tout ou en partie, dans la liturgie définitive. On
admettra sans peine qu'elle puisse contenir aussi
d'autres castras, non seulement sortis de l'usage,
non seulement construits d'après des principes en
partie différents, comme le praûga de Medhâtithi
par exemple, mais tels qu'il soit impossible de les
comparer particulièrement à aucun des castras restés
usités.
C'est du moins un trait général de ressemblance
* Les sept sûktas 61-67 du mandala IX, également composés de
tricas de gâyatrîs, sont hors de cause puisqu'ils sont attribués à
autant d*auteurs différents, et quand on ne tiendrait pas compte de
cette attribution, le total des tricas est hors de proportion avec le
mètre , et enfln ils sont répartis par groupes égaux.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 145
avec les castras connus que la présence en tête d'un
sûkta de deux pragâthas ou de deux tricas nette-
ment distingués de ce qui suit. Dans ces nouveaux
exemples où la comparaison du rituel des sûtras nous
fait défaut , il sera prudent de nous en tenir aux in-
dications qui font Tobjet principal de notre étude,
c'est-à-dire aux indications métriques. Mais celles-là
dans plusieurs cas semblent caractéristiques.
Le sûkta VIII, i, à Indra, composé de brihatïs,
commence par deux bàrhata-pragâthas. Cette compo-
sition métrique ne semble-t-elle pas trahir au pre-
mier coup d'œil un ancien castra? J'en dirai autant
de VI, tilij également à Indra, en trishtabh, com-
mençant par deux tricas anushtubh.
Le second exemple est particulièrement instructif.
Le sûkta entier est clairement compose de tricas (le
3*" trica se distingue même légèrement des suivants
par le mètre qui semble un compromis entre la
trishtubh et la viràj). Il précède un autre sûkta en
tricas de gàyatris, suivi dun trica en pragâthas. Bref
il est bien à la place qu'assigne aux tricas le principe
numérique de classement. Mais le principe métrique
auquel obéit le sûkta suivant en tricas de gàyatris
semble violé à l'égard du nôtre par le classement des
deux tricas anushtubh avant les tricas en tristhubh.
• • • •
Aussi avais-je soupçonné là une interpolation.
Mais les interpolations révélées par la violation
de l'ordre numérique semblent reléguées , au moins
dans les mandalas anciens, comme le VP, à la fin
des séries divines. Les hypothèses d'interpolation
146 FEVRIER-MARS 1880.
d'hymnes ou de vers au milieu des séries , auxquelles
m'avait conduit précédenunent^ la vérification du
principe métrique , étaient donc assez peu vraisem-
blables et laissaient subsister quelques doutes sur la
portée du principe lui-même, malgré ses nombreuses
applications. L'ensemble de ce travail , comme je Tai
annoncé, les rendra inutiles, et voici déjà, si je ne
me trompe , une des difficultés levée.
Les tricas dont se compose le sûkta VI, 44,
étaient réunis déjà avant la compilation de la Sam-
hitâ. Il n'en a pas moins été, suivant le principe
déjà relevé par M. Œdenbei^ et dont nous avons
cité plusieurs autres exemples, classé après les
hymnes de quatre vers, par assimilation de ses tricas
à des hymnes de trois vers. Il a été placé devant le
sûkta 45 , en tricas de gâyatrîs, parce qu'il est com-
posé de mètres plus longs. Mais ses deux tricas anush-
tubh sont restés avant les tricas de trishtubh , parce
qu'il formait déjà un tout indissoluble.
Des interpolations seraient plus facilement ad-
missibles à la fm du sûkta I, 84, à Indra, qui clôt
une série. Mais l'ordre de ses strophes serait Inti-
mement indépendant du principe métrique, et n'im-
pliquerait aucune interpolation si elles étaient a^o-
mérées avant le classement. Qr le mètre qui varie
avec chacune d'elles à partir du vers y est au con-
traire le même dans les six premiers vers. Il semble
bien naturel de voir là encore un stotriya et un anu-
' Journal asialitfae, [i886, p. 208].
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 147
rûpa, et dans l'ensemble du sûkta un castra de
forme ancienne.
Le sûkta VII, 3i, toujours à Indm, a déjà été
considéré par M. Oldenbei^ ^ comme indissoluble ,
quoique divisible entricas et rangé pour cette raison k
la place qui appartiendrait à des hymnes de trois vers.
Sa composition métrique , trois tricas de gâyatrî suivsi
d'un trica de virâj , est moins caractéristique que
celle des sûktas précédemment étudiés. Il n'en est
pas moins très possible que les deux premiers tricas
aient eu primitivement l'un la fonction de stotriya ,
l'autre celle d'anurûpa. De même, sur les trois bà-
rhata-pragâtha qui précèdent six brihatî (suivies d'une
dânastuti) au commencement du sûkta VIII, Sg,
les deux premiers pourraient, comme ceux du
sûkta VIII, 1, être un stotriya et un anurûpa an-
ciens ^,
Nous retrouvons une séparation métrique bien
nette entre les six premiers vers , formant deux tricas
de même mètre , et les vers suivants , dans les sûktas
à Indra VIII, 5i et 89, formés pareillement de
tricas rangés dans un ordre indépendant du prin-
cipe métrique. Le refrain commun à tous les vers du
premier et le mètre des six premiers vers du second
qui est la trishtubh, inusitée dans les stotriyas et les
anurûpas du rituel définitif, ne seraient ni l'un ni
r«atre une objection bien grave à l'hypothèse qui
* Article cité.
* Remarquons pourtant que le 5-6 est la yoni d*un sâman ce-
ièbre. .
148 FÉVRIER. MARS 1889.
ferait de ces deux nouveaux sùktas deux castras de
forme ancienne.
Pour assigner une place dans le sacrifice du Soma
à des castras dont la divinité serait Indra , on n au-
rait que rembarras du choix. Il n'en serait pas de
même pour le sûkta VI , 82, aux Viçvedevâs , si ,
comme sa composition métrique pourrait le faire sup-
poser (1-6 trishtubh, -7-1 2 gàyatri, 1 3-i 7 trishtubh,
sauf i4 qui est une jagati), celui-là aussi était un
ancien castra. Il ny a qu'un vaiçvadevaçastra , et il
commence par une pratipad, un anucara et un nivid-
dhânïya sûkta adressés tous à Savitar. Quant aa
sûkta aux Viçvedevâs , il n'est pas précédé de deux
tricas qui se répondent. La disposition peut avoir
été différente dans un autre temps et dans une
famille particulière. On pourrait même supposer:
que le stotriya et l'anurûpa étaient au milieu ( y- 1 2),
comme ils le sont encore dans ïâgnimdrataçastra.
Mais un seul exemple ne nous permet pas de con-
clure.
E. Autres récitations.
Indépendamment des castras, le hotar ou ses
aides sont encore chargés de récitations caractéris-
tiques. Citons d'abord l'éloge des pierres du pressoir
par le Grâvastut dans le pressurage de midi. Outre
les hymnes du mandala IX, qui peuvent y être inter^
calés ^, cet éloge comprend trois hymnes aux pierres,.
X, g/j, ^6 et i-yS (5, 12 , 9 et 10). Nous ne sup-
^ Voir plus haut.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 149
poserons pas naturellement que ces hymnes aient
^té dès l'origine employés tous les trois à la fois,
mais il est évident que chacun d'eux a été composé
expressément pour une cérémonie identique.
Tai rappelé plus haut la composition du prâtar-
anavdka. C*est l'un des exemples les plus remarquables
de iaccumulation des hymnes dans le rituel com-
posite où se sont fondus les rituels primitivement
distincts des difierentes familles. Mais on avait pu
de bonne heure, dans quelques familles, combiner
le petit nombre d'hymnes ou de tricas dont on dis-
posait pour cette récitation.
Je crois trouver du moins une combinaison des
deux derniers krata, comme on les appelle, l'flU5-
hasa et Yàçvina-kratu, dans le sûkta I, 92, de Go-
tama, composé de quinze vers à l'aurore suivis de
trois vers aux Açvins. La partie même de ce sûkta
qui est consacrée à l'aurore est d'une complexité mé-
trique qui exclut fidée d'un seul hymne primitif:
l'ixjagatly 5- 12 trishtabh, i3-i5 ushnih.
Ce dernier trica ainsi que le trica aux Açvins qui
est pareillement en ashnih rappelle les emplois carac-
téristiques de ce mètre exceptionnel dans le dernier
castra d'une cérémonie , à savoir, dans le stotriya et
l'anurûpa de l'Achâvàka tant au troisième pressu-
rage, c'est-à-dire au dernier des quinze castras de
l'ukthya (6, 1, 2), qu'au troisième paryâya, c'est-à-
dire au dernier des douze castras de l'atiràtia. Peut-
être la valeur liturgique de l'ushnih comme mètre
de* conclusion dernière était-elle déjà établie. Quoi
150 FKVRIERMARS 1889.
quii en soit, le sûkta I, 9a, parait être une réunion
de petits hymnes consommée en tout cas à Tépocpie
de son entrée dans la Samhitâ où il est classé diaprés
le nombre total de ses vers.
Le sûkta I , i 1 3 , ne contient que des vers à Tau-^
rore, et que des vers trishtubh. L*unifé n*en est
pourtant qu*apparente. Le refrain des vers &-6 en
fait un trica nettement distinct de 1 -3 ; et dans la
suite de ce sûkta, d'une poésie d'ailleurs très péné-
trante, la répétition flagrante de certaines idées
essentielles (par exemple vers 7, 10-11, i3) s'expli-
querait très bien par la réunion de fragments, tncas
ou autres, primitivement distincts. Ce serait un
aashma hratUy rangé comme I, 93, à la place mar«
quée par le nombre total de ses vers.
Nous avons cru reconnaître plus haut un àçvinar
castra formant, non un seul sûkta, mais une collec-
tion du mandala I, A/i-So. On peut se demander si
nous n aurions pas également un prâtaranuvâka plus
ou moins complet dans la collection ii6-ia6 da
même mandaia, attribuée à Kakshivat Dairg^ta-
masa. A la vérité, elle comprend deux sûktas aux
Viçvedevâs , 1 2 1 - 1 2 2 ; mais , à part ces deux sûktas ,
elle na que des hymnes aux Açvins, 1 16-1 20, et à
iaurore, i33-i2^, plus deux dânastuti, iQ5-ia6,
dont la première renferme les indications les {dus
précises sur Theure matinale qui parait être assignée
à la récitation. Peut-être avons-nous dans cette col-
lection une forme particulière du pràtaranavâka.
Notre pràtaranavâka (pareillement sans hymne k
HISTOIRE DK LA LITURGIE VÉDIQUE. 151
Agni) du sûkta I, 9a, est immédiatement précédé
d un autre sûkta , 1 , 9 1 , à Soma également rangé à
la place marquée par le nombre de ses vers, mais
dont la complexité métrique trahit encore la com-
position fragmentaire : i-4 trishtubh, 5- 16 gâyatrï,
17 ushnih, 18- a 3 trishtubh. Peut-être ces fragments
composaient-ils une récitation analogue à celle du
Somapravahxma où figurent encore les vers 9-11 et
19 (4, 4, 4).
Citons maintenant certaines combinaisons mé>
tnques qui paraissent avoir été propres à telle ou
telle famille.
Dans le mandala VII, trois hymnes difiérents,
1 à Agni, 34 aux Viçvedevàs et 56 aux Maruts,
sont composés chacun de deux parties , dont la se-
conde est en trishtubh , et la première en un mètre
i*are , mais affectionné , semble-t-il , par les Vasishthas ,
la virâj dans le premier, la dvipadâ dans les deux
autres. Les trois hymnes sont égsdement composés
de vingt-cinq vers quoique la partie de trishtubh varie
de lun à Tautre : sept dans le premier, quatre dans le
second, quatorze dans le troisième ^ L'équivalent de
cette disposition se rencontre dans le rituel des sûktas
pour le Vaiçvadevaçastra des trois jours Chandomas
du Samûlha daçarâtra (8, 7, 2/4). Les hymnes 34 et
56 eux-mêmes sont utilisés dans le Vaicvadeva et dans
* Ce rapprochement parait condamner la résolution que j'avais
tentée de Thymne 56 en trois hymnes distincts. ( Voir [Journal asia-
tique, 1887, février-mars, p. :ioo.]) La place occupée par ia série
aux Maruts dans le mandala Vil reste provisoirement une étiigme.
152 FÉVRIER-MARS 1889»
lagnimâruta du quatrième jour du Vyidha daçà-
râtra (8,8,4).
Les trois sûktas de Vasishtha qui viennent d être
cités ne sont pas d'ailleurs les seuls exemples de
cette disposition. Nous avons relevé plus haut ^ une
collection entière qui n est autre qu un âçvinaçastra
des Kânvas. Une autre collection du mandala I attri-
baée à unjils ou à an pelit-jih de Vasishtha, Parâçara
Çâktya, GS-yS, est une récitation liturgique pareille
aux trois sûktas de Vasishtha. Elle comprend neuf
sûktas, adressés tous à Agni, dont les cinq premiers
de dix vers, et le sixième de onze vers, sont en dvi-
padâ virâj , et les trois derniers , de dix vers chacun ,
en trishtubh. Il n'y a donc plus à chercher les prin-
cipes de classement de cette collection -. Le classe-
ment est purement liturgique. 11 n y a plus à sup-
poser une addition d'un vers dans le sûkta 70, de
onze dvipadàs. Il est ihême permis de supposer que
pour les récitations de ce genre commençant paf
des dvipadàs^ le nombre de ces vers devait être
impair, mieux encore , il devait être un multiple de
dix augmenté dune unité. Car les sûktas VII, 34i
et VII, 56, commencent également Tun par vingt
et une , l'autre par onze dvipadàs.
Dans le mandala V, appartenant à la famille
d'Atri, un rapprochement analogue portera sur deux
sûktas seulement , mais il est peut-être plus caracté-
' P.[»37].
* Voir Journal asiatique, [septembre-oclobre i883, p. 253].
^ Le sûkta Vlï» 1, commence par des tricas de virâj. .
HISTOIRE DE LA LITURGIE VEDIQUE. 153
ristique encore. Les siiklas V, txo et 78, compren-
nent chacun neuf vers. Tous les deux commencent
également par un trica dans le mètre rare ushnih
suivi d'un trishtubh. Dans Tun et dans l'autre les cinq
derniers vers sont consacrés à une légende » celle de
Svarbhânu d une part , celle de Saptavadhri de l'autre.
Enfin pour ces cinq vers encore la forme métrique
est sinon identique, au moins très analogue dans
les deux : cinq anushtubh dans V, 78 , et dans V, /io,
trois trishtubh encadrés dans deux anushtubh.
l/es deux paragraphes suivants sont encadrés au
crayon blea dan$ le manuscrit de M. Bergaigne et por-
tant à lOf marge un point d'interrogation,
, [J*ai cru devoir au moins relever. ces curieuses
coïncidences. Des ressemblances du même genre,
quoique beaucoup moins frappantes, se remarquent
dans le mandala VIII, entre les siiktas VIII, 33 et 34 ,
— 60 et 66 (sans compter 1 7 ; voir plus haut).
Signalons en terminant un certain nombre de
sûktas où soit la complexité des mètres , soit la mul-
tiplicité des dieux invoqués , peut faire soupçonner
des combinaisons liturgiques sorties de l'usage : I ,
aa, 24, 79; III, 5i , 62 ; IV, 1 ; V, 5 1 ; VIII, 58
(et même IX, 1 10).]
CHAPITRE III.
CONCLUSIONS LITURGIQUES DES HYMNES.
A. Conclusions communes à plusieurs hymnes.
On sait que beaucoup de castras, dans le rituel
des Brâhmanas et des Sùtras, ont des parties varia-
xin. 1 1
154 FÉVRIER. MARS 1889.
bles selon le jour, avant tout les hymnes mêmes, et
des parties constantes au nombre desquelles il faut
compter par exemple dans le Vaiçvadevaçastra la
paridhânîyâf c est-à-dire le vers final, I, 89, 10 (5,
18, la).
L*usage d'une paridhânîyâ commune parait re-
monter aux plus anciens temps de la liturgie védique.
Il a même dû être alors beaucoup plus étendu. On
ne peut feuilleter le recueil des hymnes védiques
sans rencontrer vingt fois un vers identique servant
de conclusion à deux ou plusieurs hymnes k un
même dieu , dans la collection d une même famille.
Qu est-ce que ce vers ainsi répété , sinon à peu près
féquivalent de la paridhânîyâ de certains castras?
Souvent il se trouve du même mètre que Thymne
auquel il est joint; mais on le joint aussi sans diffi-
culté à des hymnes de mètre différent. Et il ne faut
pas croire que ces conclusions communes soient né-
cessairement des additions postérieures à fépoque
de la composition des hymnes. Elles offrent en effet
la plus grande ressemblance avec les conclusions
communes d*un seul pâda telles que yûyàm pàta svas-
libhih sàdà nah, quon lit à la fin de presque tous
les hymnes du mandala Vil. A mon sens, elles
prouvent l'existence ancienne d'un principe litur-
gique analogue à celui qui a produit plus tard les
paridhânîyàs proprement dites. N'est-ce pas une
application multipliée du même principe qu'il faut
voir dans les hymnes composés de vers à refirain
commun, et l'origine du refrain, au moins dans
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 155
la poésie védique, serait-elle aussi purement litur-
gique ?
B. Allongement d*un vers final.
Un usage beaucoup plus général que celui de la
paridbânîyâ est la répétition dun nombre déter-
miné de syllabes à la fin dune récitation. Cet usage
a même passé de la liturgie aux livres qui la décri-
vent, et l'on sait que la fin des chapitres est marquée
dans les Bràhmànas et dans les Sûtras par la répé-
tition des derniers mots.
Cet appendice liturgique se rehcoritre déjà , quoi-
que sous une forme un peu* difFérente , à la fin d'un
certain nombre d'hymnes védiques. Le dernier vers
y est allongé d'un pâda qui , le plus souvent, repro-
duit le précédent avec une légère variante, et beau-
coup plus rarement est entièrement nouveau. Cette
addition était passée presque à l'état de règle dans
la famille d'Atri, au moins pour les hymnes en
anashtahh, si nombreux dans le mandala V. On
trouve ainsi une pankti formée par la répétition
avec une variante du dernier pàda de l'anushtubh à
la fin des hymnes V, 7; 18; 20-28; 35; Sg; 5o:
Sa et même ^ 86, et par l'addition d'un pâda nou-
veau dans V, 6 II et 65.
L'anushtubh étant très rare en dehors du man-
dala V, le seul entièrement semblable que j'y relève
est la conclusion du vers X, 45. Mais on trouve une
trishtubh finale transformée en çakvarî par la quasi-
^ Voir plus bas.
11.
156 FÉVRIER-MARS 1889.
répétition d\in pàda dans IV, 27, et dans VI, ûg, et
dans le trica VI, 1 5 , 1 3-i 5 , comme dans V, 2. Une
gâyatrî fmale devient de même une anushtubh dans
VI, 56, et dans lestricasVI, 16, aS-ay; 45, 3o-33;
VII, 94, 9-12 ; IX, 66, 16-18; 67, 27-29; le pâda
additionnel est nouveau dans I, 43; 90; II, 8; III,
37, et VIII, 68. Une jagatî finale est transformée de
même en atiçakvarî par la répétition avec une
variante du dernier pâda dans le trica VI , 1 5 ,
4-6.
L addition est de deux pâdas , dont le second est
une quasi-répétition du premier dans ranushtubh
finale de X, 166, transformée en mahâpaàkti , et
dans la gâyatri finale de Vâl. 8, transformée en
pankti. -
Il y a combinaison du principe de rallongement
et du principe de la conclusion commune d^ns les
anushtubh finales de V, 9 ; 1 o ; 1 6 et .1 7 transfor-
mées en pankti par l'addition d'un pâda commun,
et dans les viràj finales de Vil , 22 et 68 , devenues
par le même procédé des trishtubh.
La présence d'un vers ayant subi un allongement
analogue au milieu ^ soit d'un hymne ainsi terminé^
V, 9, 5 ; 10, 4; 52 , 6, et Vil, 68, 8, soit même
de tout autre , VI , 3 1 , 4 , est un fait rare qui n'ôte
rien de leur signification à ceux qui ont été relevés
d'abord.
* On trouvera même deux vers de ce genre au commencement
de Thymne VII[, 80, à Apaiâ qui parait d ailleurs tout à fait hors de
cause.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 157
L'allongement s'est-il fait quelquefois par une
addition plus courte, par exemple par la substi-
tution à un pâda de huit syllabes d un pàda de douze ,
qui transforme une anushtubh finale en brihatî , VI ,
42, VIII, 78, ou une gâyatrî en puraûshnih (d'ail-
leurs très irrégulière), IX, 67, aS-So? Il faut dire
qu'ici l'allongement a Heu à l'intérieur de la stance ,
et jamais par répétition. Mais on peut en tout cas
assimiler aux faits précédents l'allongement de la
jagatî finale du trica VI, 1 5 , i-3 , par addition d'un
pâda plus court de huit syllabes, mais formant
néanmoins une quasi-répétition.
Signalons encore un fait d'un autre ordre, mais
qui ne trouverait pas aisément place ailleurs. Le
dernier vers de V, 86 , cité plus haut, ne diffère pas
seulement des précédents par la quasi-répétition du
pâda. Il a de plus reçu par devant une addition :
evéndràgnibhyàm. Je n'ai pas recherché encore les
faits de ce genre, et celui-ci m'est tombé acciden-
tellement sous la main. Il peut y en avoir d'autres.
Il serait permis d'en rapprocher peut-être l'addi-
tion des upasargas au vers fmal de X, 96, em-
ployé comme yâjyâ du shodaçin ( 6 , 2 , 12), bien
qu'ici une addition soit faite à chaque pâda, et que
les quatre réunis soient destinés à transformer une
trishtubh en 2 anushtubh. Du moins les upasargas
commencent-ils également par eva suivi, au moins
dans les trois derniers, du nom du dieu.
158 FEVRIER-MARS 1889.
C. Conclusions en truhtubh des hymnes en jagalî.
Nouvelles observations sur les principes du dassement des hymnes.
Voici Tun des faits les plus importants que j'aie à
signaler dans ce mémoire. M. Ludwig a déjà signalé
la fréquence d'une conclusion en trishtabh après un
hymne en jagatî^ Précisons d'abord cette indica-
tion.
Si l'on met à part les tricas (y compris l'hymne X,
4 1 , de trois vers ^ où je n'ai pas relevé d'exemple
de ce fait), on trouve cinquante hymnes en jagati
sans mélange de trishtubh, soixante-quinze hymnes
en jagatï avec ou sans mélange de trishtubh à l'in-
térieur, et avec conclusion en trishtubh (y compris
le quatrième des hymnes agglomérés dans le sûkta
IX, 85, et les hymnes VII, 5o; X, ii5, dont la
conclusion en trishtubh est transformée en çakvarî
par l'addition d'un pâda), soixantè-dix-sept si l'on
comprend dans ce compte les deux hymnes X, 56 et
•78, où la jagatï et la trishtubh se font à peu près équi-
libre.
En présence de ces chiffres, nous pouvons né-
gliger six hymnes en jagatï, IV, 4o; V, 54; K, yi;
X,37;5o;'i22, contenant une ou deux trishtubh
sans trishtubh finale, et un autre, X, 170, terminé
par une àstârapankti. Nous avons déjà une forte ma-
jorité d'hymnes en jagatï à conclusion de trishtubh.
» DerRig-Veda, III, p. Sg.
' Je n*ai pas non plus compris dans le compte les jagatîs I, 9a ,
1-4» et X, 63 , i-4i non plus que les longs sûktas I, 163 et i64,
qui sont évidemment hors de cause.
HISTOIRE DB I,A LITURGIE VÉDIQUE. 159
Mais si nous distinguons les hymnes les plus courts
des hymnes les plus longs, en comprenant parmi
ceux-ci les hymnes de huit vers (dont deux seule-
ment sur huit sont en jagatî pure, tandis que sur
douze hymnes de sept vers , sept sont dans le même
cas), nous obtenons les résultats suivants :
Dans la première catégorie nous trouvons trente-
trois hynmes en jagatî pure , contre quatorze hymnes
à conclusion de trishtubh , et par conséquent dans
la seconde soixante-trois hymnes à conclusion de
trishtubh contre dix-sept hymnes en jagatî pure.
Bref, au-dessus de huit vers les hymnes en jagatî
pure sont deux fois plus nombreux que les autres,
tandis qu'au-dessous de sept vers ils ne forment guère
quun cinquième du tout. Ainsi, pour les hymnes de
huit vers et au-dessus, la conclusion en trishtubh est
presque une loi. Au contraire, bien que les hymnes
en trishtubh soient beaucoup plus nombreux que
les hymnes en jagatî , le chiffre de ceux qui ont une
conclusion en jagatî est insignifiante
Précisons Tétendue de la conclusion en trishtubh
sans excepter celle qui se rencontre dans les hymnes
les plus courts, mais en distinguant les hymnes qui
présentent en outre une ou plusieurs trishtubh finales.
La conclusion est d'un vers, sans autre mélange,
dans^
Elle est également d un vers , mais avec une trish-
tubh médiale, dans
^ Voir Ludwig , loc. cit,
^ [Le tableau annoncé nest pas donné dans le manuscrit.]
100 FÉVRIKK-MAliS 1889.
•
Elle est de deux vers
Elle est de trois vers
Un fait aussi général doit avoir une signification.
Or, si nous consultons le rituel des sûtras, nous
voyons d'abord que dans les cérémonies auxquelles
est assigné le mètre jagati, c est- à-dire dans le troi-
sième pressurage, et dans fatirâtra dont tous les
castras , après une partie en gfiyatrï , renferment un
hymne en jagatî , la yâjyâ qui succède au castra est
régulièrement une trishtubh. H y a une exception
unique pour la yâjyâ de fâgnimâruta. Mais ce castra
a pour tous les jours une paridhânîyâ constante en
trishtubh IV, 17, 20. Il en est de même du Vaiç-
vadevaçastra dont la paridhânîyâ constante est I,
89, 10. Enfin les castras des hotrakas au même
pressurage (dans Yakthya) sont composés d'après le
stotriya et lanurûpa de quatre hymnes, le premier
et le troisième en jagatî, le second et le quatrième
en trishtubh. Seul , celui du Brâhmanâcchamsin , n'en
a que trois et finit par Thymne en jagatî; mais cet
hymne est lui-même terminé par deux trishtubh qui
paraissent tenir lieu du quatrième hymne (6, 1, a)".
Les hymnes en jagatî des douze castras de Tatirâtrà
sont pareillement terminés tous par un ou plusieurs
trishtubh , à l'exception de deux , celui du Maitrâ-
varuna au premier paryâya et celui du Brâhmanâc-
chamsin au second. Là même d'ailleurs, à défaut
du castra, la yâjyâ du moins donne la conclusion
en trishtubh.
La conclusion en trishtubh des récitations en
HISTOIRE DE LÀ LITURGIE VÉDIQUE. 161
jagatï parait donc une règle à peu près absolue du
rituel définitif. C'est apparemment le même prin-
cipe liturgique cjui a été appliqué anciennement,
quoique avec un peu moins de rigueur, dans nos
hymnes. Si leur forme était due à une préférence
lesthétique, on s'explicjuerait moins bien et Fexcep-
tion portant sur les hymnes les plus courts , et sur-
tout le mélange des mètres à l'intérieur des hymnes.
Les hymnes les plus courts ne formaient peut-être
souvent que le commencement d'une récitation ter-
minée par un hymne en trishtubh. Quant au mé-
lange des mètres , il a son pendant dans la série des
hymnes en mètres différents qui est restée propre
aux ukthyaçastras.
Mais le caractère liturgique de la conclusion en
trishtubh apparaît surtout dans ce fait qu elle suffit
pour donner à un hymne en jagatï le caractère d'un
hymne en trishtubh. C'est ce que nous apprend une
application particulière du principe métrique de
classement qui m'avait échappé dans line première
étude ^ Du même coup va se trouver supprimé un
nombre considérable d'exceptions apparentes à ce
principe.
Javais bien remarqué qu'une moitié environ de
ces exceptions portaient sur des hymnes en jagatï et
placés après des hymnes en trishtubh du mêm^
nombre de vers , et terminés eux-mêmes par un ou
deux trishtubh. Mais j'avais eu tort d'en conclure que
* Jownal asialiqnc , septembre-octobre, 1886, p. 202 sqq.
162 FÉVRIER-MARS 1889.
ces trishtubh avaient été ajoutés après coup à des
hymnes précédemment plus courts de un ou deux
vers , et qui n auraient cédé le pas aux trishtubh qu en
vue de Tordre numérique. , La vérité est, je crois,
que les hymnes en jagatî terminés par des trishtubh
ont été confondus avec les hymnes en trishtubh
en raison de la valeur liturgique de la trishtubh
finale.
Ma formule du « mètre dominant » doit donc
subir une légère modification. Il sera plus exact de
dire que les hymnes du même nombre de vers sont
rangés en gradation descendante d après la longueur
du mètre caractéristùjae.
Ainsi se trouvent supprimées les exceptions appa-
rentes : I, i66;II, 34; IV, 36; 45; V, 69; VI, 8;
VII, 46 et 5 o (trishtubh finale changée en çakvarî
par la répétition dun pâda); X, 43 ; 44 ; i oo; i 1 3.
Si Ton songe que dans plusieurs de ces cas la sup-
pression d'un vers final en entraînerait une dans
rhymne et quelquefois dans les deux hymnes sui-
vants, on ne pourra garder de doute sur Texactitude
de cette rectification.
L'interprétation proposée plus haut d'une autre
exception apparente pour lassimilation du vers III ,
!)4 , commençant par une anushtubh à un hymne en
anushtubh se trouve ainsi confirmée, la valeur litar-
gûjae de lanushtubh initiale ^ n'étant pas moins bien
* 11 n'y a aucune comparaison à faire entre le cas de l'hymne III,
ad > et celui du sûkta X, 1 79, qui est une simple coUection de for-
mules.
HISTOIRE DE LÀ LITURGIE VÉDIQUE. 163
établie que celle de la trishtubh finale. Au con*
traire, les hymnes en trishtubh exceptionnellement
terminés par des jagatïs ne prennent nullement le.
caractère de la jagatî et restent classés parmi les
hymnes en trishtubh. Elxemples : V, 60, et VI, 7.
C'est Toccasion de rappeler l'explication que nous
a déjà fournie cette étude pour d'autres exceptions
apparentes au principe métrique de classement. Les
sùktas VI, 44 , et VII, 3 1 , quoique classés à la place
des hymnes de trois vers, sont des agglomérations
de tricas antérieures à fœuvre des diascévastes. Il en
est de même de I, 84^ et de II, 4 1 , placés d'ailleurs
chacun à la fin d'une collection.
A la fin des collections ou seulement des séries,
l'hypothèse de l'interpolation ne souffre pas plus
d'objections pour l'explication des infractions au
principe métrique que pour celle des exceptions
aux principes numériques. Elle devra sans doute
être maintenue dans la plupart des cas. On ne peut
guère la repousser non plus pour la longue collec-
tion des hymnes SS-igi du mandala X, même à
fintérieur des sous-séries métriques, où se remar-
quent pareillement de nombreuses violations du
principe numérique de la longueur des hymnes. Les
exceptions au principe métrique qui sont dans ces
conditions se réduisent d'ailleurs aux hymnes io5,
1 44, 1 53 et 1 70 : 1 44 est d'ailleurs métriquement
informe, et si nous n invoquons pas pour justifier
la place de io5 la valeur liturgique de la trishtubh
finale, c'est pour ne pas appliquer à un hymne en
164 FÉVRIER-MARS 1889.
ushnih un principe qui n est démontré que pour ies
hymnes en jagatî.
L'hypothèse d'interpolations, tout au moins d'in-
terpolations^ nombreuses, au miheu des séries est
au contraire peu vraisemblable a priori dans toutes
les autres parties de la Samhità ^ Aussi les exceptions
au principe métrique dans ces conditions s'y trou-
vent-elles réduites à quatre: I, -y 5; i 55; III, i3;
V, 1 o (si on laisse de côté IV, 5o , où la question se
complique dune autre, la décomposition en deux
hymnes d'un sûkta unique violant les principes nu-
mériques), soit deux pour toute l'étendue des six
mandalas les plus authentiques. Encoi'e l'une de
celles-ci, IV, i o, pourrait-elle être supprimée: qui
sait en effet quelle place exacte convenait à un
hymne en padapahkti? Le plus sage sera de négliger
désormais ces exceptions, au moins jusqu'à plus
ample informé.
D'autres dispositions paraissent familières non
seulement à la famille d'Atri , mais à celle de Bha-
radvâja, et on îes rencontre ailleurs encore.
Nous avons cru pouvoir signaler déjà dans ie
mandala V un type curieux de composition mé-
trique. En voici un autre plus simple, mais non
moins intéressant. Des trois hymnes aux Viçve-
devâs, V, 4i, A 2 et 43, le premier se termine par
tme ekapadâf et les deux derniers présentent une
^ Je iaisse de côté décidément le mandala VIII où les principes
de classement ne sont pas encore tirés au clair.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 165
ekapadd commune devant un vers final, qui est éga-
lement commun à tous les deux, c est-à-dire devant
une paridhânîyâ. Vekapadd ressemble fort ici aux
ihâyyà de la liturgie définitive , et on pourrait sup-
poser que celle qui termine Thymne V, 4i, était
destinée à jouer le même rôle devant une paridhâ-
nîyâ à ajouter.
La * paridhânîyâ manquerait pareillement dans
tous les exemples du même genre que présente le
mandsda VI. On y trouve une ekapadâ finale dans
rhymne 63 , et une dvipadà finale dans les hymnes
10 et l'y.
Dans le sùkta 4 y, d'ailleurs composé de fi:^gments
et vraisemblablement interpolé , la dvipadà 2 5 mar-
que nettement la séparation de deux fi:'agments dis-
tincts.
Enfin dans un autre mandala, le IV% l'hymne i y
à Indra, régulièrement placé, est terminé par une
paridhânîyâ qui lui est commune avec plusieurs
autres, et renferme une ekapadd (i5) qui le divise
en deux parties inégales.
Peut-être certains sûktas terminés par une eka-
padâ appellent-ils comme complément , non pas une
paridhânîyâ, mais un autre hymne. En tout cas on
ne peut guère se dispenser de supposer à ces élé-
ments une valeur liturgique.
166 FÉVRIER. I^ARS 1889.
CHAPITRE IV.
RÉPARTITION DES MÈTRES ENTRE LES DIVINITES
DANS LES DIFFÉRENTES FAMILLES.
Observations préliminaires.
Dans la liturgie des Bràhmanas et des Sûtras , les
trois principaux mètres sont, d après les principes
formulés dans les Bràhmanas eux-mêmes, rSpartis
entre les trois pressurages : la gâyatrï est le mètre
du matin , la trishtubh le mètre de midi , la jagatî le
mètre du soir, sauf les substitutions et les modifi-
cations de tout genre propres à certains jours des
sattras, et surtout aux deux dernières périodes des
trois jours du vyûlha daçarâtra. Quant à Tanush-
tubh , c est le mètre : i ° des commencements , c'est-
à-dire du premier castra du matin, râjya, et du
premier vers du premier castra tant à midi que le
soir et dans Tatirâtra; 2"" du shodaçin, où elle ne
figure d ailleurs que par tricas, et en partie par
couples de tricas de mètres différents artificiellement
transformés chacun en deux tricas d'anushtubh.
La gâyatrï, outre ses emplois au pressurage du
matin , en a d'autres qui lui sont communs avec le
pragâtha. Ces deux mètres sont ceux, Tun des tricas,
1 autre des dvyricas composant les stotras chantés par
les udgâtars , et par conséquent des stotriyas récités
par les hotars, qui ne sont que la répétition des
stotras, ainsi que les anurûpas qui font suite aux
stotriyas, et d'autres éléments analogues, non seu-
lement les pratipads et les anucaras qui remplacent
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 167
les stotriyas et les anurûpas en tête du premier
castra tant du midi que du soir, mais différentes
intercalations. Il n'y a pas à cet égard de distinction
entre les différents pressurages , si ce n est pour les
pavamâna-stotras , composés d'un plus grand nombre
de vers en différents mètres, mais terminés par le
mètre caractéristique du pressurage : la gâyatri le
matin , la trishtubh à midi , la jagatî le soir.
Sous ces réserves, la trishtubh est le mètre ex-
clusif du pressurage de midi , comme la gâyatri est ,
k part le premier castra en anushtubh, le mètre
exclusif du pressurage du matin.
Mais au pressurage du soir, le privilège de la
jagatî n'exclut pas la trishtubh ni la gâyatri. Nous
rencontrons la trishtubh, non seulement dans les
yâjyàs qui font immédiatement suite aux castras,
mais à l'intérieur des castras des hotrakas , composés
d'hymnes en jagati et d'hymnes en trishtubh alternés.
Quant à la gâyatri , elle remplit la plus grande partie
des castras de l'atirâtra terminés seulement par un
hymne en jagati.
L'usage de la gâyatri et du pragàtha dans les élé-
ments communs aux chants des udgâtars, et aux
récitations des hotars, dépendant des chants des
udgâtars , paraît remonter à l'époque même de leur
composition. C'est ce que M. Oldenberg a parfai-
tement démontré ^
L'affectation de la gâyatri, de la trishtubh, de la
* Article cité.
168 FÉVRIER-MARS 1889,
jagatî et même de ianushtubh aux différents pres-
surages ou à différentes parties de tel ou tel pres-
surage est-elle également ancienne, au moins dans
certaines familles ? Telle est la dernière question <jue
je veux aborder aujourd'hui. Ce sera la conclusion
naturelle d'une élude sur la forme métrique des
hymnes du Rig-Veda et les données qu on en peut
tirer pour Fhistoire de la liturgie védique.
Posée dans ces termes , la question peut semibler
au premier abord impliquer une pétition de prin-
cipe. Rien n'est plus simple, sauf de très rares ex.^
ceptions , que de déterminer la divinité d'un hymne.
Mais savons-nous, étant même admis le principe
des trois pressurages, si la répartition des divinités
entre ces trois parties principales de la cérémonie
a été la même toujours et partout? n est-ce pas jus-
tement l'un des deux points, et même le point prin-
cipal à démontrer? Dans l'ordre d'idées et de mé-
thodes auquel je restreins cette première étude;
puis-je parler d'autre chose que de l'affectation des
différents mètres à telle ou telle divinité?
L'objection paraît facile à réfuter. Tout en me
bornant aujourd'hui, pour ce qui concerne les
données intrinsèques des hymnes, à rappeler des
faits universellement connus, tels que la présence
d'Indra aux trois pressurages, celle des Ribhus au
pressurage du soir, l'attribution de la première
part à Vâyu au pressurage du matin , je crois pou-
voir traiter d'un seul coup, et par une même mé-
thode, la question des divinités et celle des pressu-
i
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 169
rages. S'il est prouvé, par exemple, que dans la
plupart des familles la jagâli a été spécialement
affectée aux différentes divinités que la liturgie défi-
nitive appelle au pressurage du soir, la meilleure
explication de cette communauté de mètre ne sera-
t-elle pas. la panticipatioii aux mêmes libations, au
même service , si on. peut s exprimer ainsi , du festin
sacré?
Mais si la méthode parait irréprochable, Fusage
en est délicat. Indra, ayant part aux trois pressu-
rages, a droit à la jagatî comme les divinités du
soir et à la gàyatri comme les divinités du matin
(sans compter Fusage de la gâyatrï dans Fatiràtra et
de Fanushtubh dans le shodaçin).
Ajoutons immédiatement qu'en dehors des cas-
tras proprement dits il y a une récitation , le prâtar-
anuvâka, qui devient même un castra, FAçvina-
çastra , par Faddition d'hymnes au Soleil , à la fin de
Fatiràtra, et dont les divinités, Agni, FAurore, les
Açvins (et dans FAçvina-çastra le Soleil), à en juger
par la liturgie définitive, acceptent indifféremment
tous les mètres.
La première de ces divinités, Agiîi, réclame
Fanushtubh dans Fâjya- castra, au pressurage du
matin, et sous les noms de Vaiçvânara et de Jâta-
vedas, la jagatî au pressurage du soir. Les hymnes
à Vaiçvânara, et, dans une moindre mesure, ceux à
Jâtavedas , se distinguent intrinsèquement des autres
hymnes à Agni , mais non les hymnes de Fâjya-çastra.
Heureusement Fanushtubh est rare, et si nous la
XIII. 1 2
lyriklHUIB «ATIOIALI.
170 FÉVRIER. MARS 1889.
rencontrons surtout dans des hymnes à Agni , le fait
aura sa signification. Rappelons d ailleurs que nous
avons déjà démontré d une façon générale Tancien-
neté de la valeur liturgique attribuée à fanushtubh
comme mètre des commencements.
Les divinités du matin autres que TÂgni de f âjya-
castra demandent le mètre gâyatrî. Ce sont, avec
Indra , invoqué par le Brâhmanàcchamsin , les couples
Mitra et Varuna , Indra et Agni célébrés , le premier
par le Maitràvaruna , le second par TAchâvâlca, et
enfin les divinités du praûga-çastra récité par le
hotar.
Nous possédons, comme on Ta vu, au moins
trois praùga-çastras tout formés, appartenant à au-
tant de familles différentes. Tous sont en tricas de
gâyatrî , et c'est encore une indication précieuse sur
l'ancienneté de l'affectation des mètres à une partie
déterminée de la cérémonie. C'est aussi un exemjde
des divergences qui existaient entre les familles pour
la distribution des places aux différents dieux dans
le festin sacré; mais ces divergences sont presque
insignifiantes en comparaison des concordances.
A défaut de praûga-çastras tout formés, d'autres
familles ont des hymnes à Vâyu et Indra et Vàyu,
qui, d'après leur texte même, étaient évidemment
destinés au pressurage du matin. Ces divinités sont
d'ailleurs à peu près les seules, parmi celles du
praûga-çastra, qui ne soient pas invoquées dans
quelque autre partie de )a cérémonie. La liste des
divinités exclusivement matinales ne comprendra
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 171
donc , avec Mitra et Varuna , et Indra et Agni , que
Vâyu et Indra et Vâyu. Si la gâyalrî leur est exclu-
sivement attribuée, si seulement la trishtubh et la
jagatî leur sont à peu près inconnues , au moins dans
certaines familles, le feit aura encore sa signification.
Mais l'observation la plus générale à laquelle
donneront lieu les liturgies des différentes familles ,
celle qui s'étendra, dans une plus ou moins forte
mesure , à toutes , une seule exceptée , est fattribu-
tion de la jagatî aux divinités du soir, c est-à-dire à
Savitar, au Ciel et à la Terre, aux Ribhus et aux
Viçvedevâs, invoqués dans le Vaiçvadeva-çastra , à
Vaiçvànara, aux Maruts et à Jâtavedas, invoqués
dans rÀgnimâruta, à Varuna et à Indra et Varuna,
à Brahmanaspati et à Indra et Brahmanaspati , à
Vishnu et à Indra et Vishnu , invoqués dans les trois
castras des hotrakas.
La jagatî ne sera pas le mètre exclusif de ces divi-
nités. Aussi ne fest-elle pas , même dans la liturgie
définitive. Sur deux hymnes à Indra et à Varuna , et
sur deux hymnes à Vishnu , lun seulement est en
jagati, fautre en trishtubh. L'hymne unique à Bri-
haspati et f hymne unique à Indra et Vishnu soat
en trishtubh. En revanche, les hymnes des mêmes
castras adressés à Indra seul sont en jagatî. Il ne
fisiut pas nous attendre à retrouver exactement les
mêmes combinaisons dans la liturgie de chaque
famille. Le seul fait à retenir est falternance de la
jagatî et de ]a trishtubh dans les castras des hotrakas
au pressurage du soir.
1 a
172 FÉVRIER. MARS 1889.
On comprendrait aisément que les deux mètres
eussent été également combinés dans le Vaiçvadeva
et dans rÀgnimâruta. En Fait, sans parler des yâjjâs
en trishtubh, et des conclusions en trishtubh des
hymnes en jagatï que présente la liturgie définitive,
nous avons déjà relevé, dans le sûkta 26 du man-
data III, un Àgnimâruta ancien, composé de trois
tricas faisant fonction d'hymnes, dont les deux pre-
miers sont en jagatï et le troisième en trishtubh.
Il nous suffira donc de constater la prédominance
de la jagatï dans les hymnes aux divinités du soir,
soit d'une façon absolue, soit par rapport aux autres
hymnes, et particulièrement aux hymnes à Indra.
Quant à ces derniers, Texamen le plus superficiel
'nous apprendrait quils sont, en grande majorité,
rédigés en trishtubh, c'est-à-dire dans le mètre
affecté au pressurage de midi qui appartient exclu-
sivement à Indra , accompagné ou non des Maruts.
Tous ces faits supposés établis, quelle en serait
la portée exacte? Les concordances métriques entre
la Samhitâ du Rig-Veda et le rituel des Brâhmanas
et des Sûtras ne peuvent-elles pas s'expliquer par le
fait que les hymnes dont la composition était con-
forme à ce rituel auraient été seids conservés?
Assurément la réunion des hymnes des différentes
familles en un seul recueil paraît trahir l'intention
d'établir aussi un rituel commun. Mais je ne puis
voir là que la première opération de cette grande
entreprise. La Samhitâ du Rig-Veda ne suppose pas
le rituel des Brâhmanas et des Sûtras. Au contraire^
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 173
on peut croire que , si ce rituel eût été constitué , la
Samhitâ eût présenté les hymnes dans Tordre des
cérémonies, qu'elle eût ressemblé en un mot aux
samhitâs du Yajur-Veda et du Sâma-Veda. D'ail-
leurs, et c'est sur ce point qu'il faut surtout insister
ici, notre Samhitâ comprend un grand nombre
d'hymnes dont on n'emploie que des vers isolés et
qui même n'ont aucun usage liturgique connu.
Mais en fût-il autrement, l'objection supposée
ébranlerait tout au plus des déductions fondées sans
distinction sur l'ensemble des hymnes de la Sam-
hitâ. Ce n'est pas ainsi que nous procéderons, et les
divergences mêmes que nous constaterons entre cer-
taines familles prouveront que les différents man-
datas et plus généralement les différentes collections
sont bien les témoins irrécusables de liturgies an-
ciennes propres à chacune d'elles.
Sera-t-il permis d aller plus loin et de faire re-
monter là répartition des mètres entre les divinités ,
et par siiite entre les pressurages , au temps même
de la composition des hymnes? Si la Samhitâ du
Rig-Veda, dans son ensemble, n'est pas un choix
d'hymnes adaptés à la liturgie définitive, les diffé-
rents mandalas , Jes différentes collections ne pour-
raient-elles pas être des choix plus anciens adaptés
aux liturgies propres de chaque famille? Il sera
prudent de ne pas trancher aujourd'hui la question,
et d'attendre les éclaircissements qui peuvent être
cherchés dans les données intrinsèques des hymnes.
Cependant je rappellerai que ces hymnes, même
174 FÉVRIER-MARS 1889.
pris isolément, trahissent souvent, au moins sous
leur forme actuelle, des intentions liturgiques, et
que la valeur de Tanushtubh initiale et de la trishtubh
finale, en particulier, y parait la même que dans
la liturgie définitive; or il ny a aucune bonne
raison^ de considérer ces éléments comme des
additions plus ou moins tardives. Bref, je considère
comme probable , sauf à revenir sur cette question
dans la suite des études annoncées, que dans beau-
coup d'hymnes le choix du mètre a été imposé à
fauteur par un principe rituel préexistant. Sans
doute il y a eu des hymnes dans les différents mè-
tres avant que les mètres eussent été affectés à des
usages étroitement déterminés. Mais, dun côté, je
ne parle que d'une partie des hymnes qui nous ont
été conservés, et de fautre, il est bien permis de
croire que les premiers essais , que les compositions
d'une période de tâtonnements, ont péri, soit en
totalité , soit tout au moins en grande partie.
Il est vrai que le même sort a pu atteindre, a
vraisemblablement atteint dés hymnes moins anciens
et appartenant à une période où les règles liturgiques
des différentes familles auraient été déjà fixées. Sans
parler des courtes collections du mandala I, par
exemple, les mandalas les plus authentiques, du
second au septième, ne paraissent pas renfermer
tous les éléments d'une liturgie complète. Aussi ne
pourrait-on, sans une grave imprudence, conclure,
^ Voir plus haut.
"V
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 175
par exemple, de données purement négatives à l'ex-
clusion de certaines divinités et des prêtres spéciaux
chargés de leur louange. Il ne faudra donc pas
perdre de vue non plus que nos statistiques mé-
triques, tout en s'étendant à Tensemble d'un man-
dala, n embrassent pas nécessairement la liturgie
complète dune famille.
Enfin la répartition ordinaire des mètres prin-
cipaux est renversée dans la liturgie définitive à
certains jours des sattras. Si telle ou telle famille
avait connu, et les sattras, et des usages particuliers
k certains jours , et si la collection de ses hymnes
ne comprenait que des débris , tant d'un rituel ordi-
naire que dun rituel extraordinaire, il faudrait
désespérer de Tentreprise que nous allons tenter.
A ces nouvelles objections il ny a qu'une ré-
ponse à faire : l'exposé des faits. On va voir, je l'es-
père , qu'il s'en dégage des données vraiment dignes
d*être prises en considération.
A. Les Kânvas.
La famille dont la liturgie, si nous en jugeons
par ceux de ses hymnes qui nous ont été conservés,
aurait été le plus différente de la liturgie définitive,
est la famille de Kânva. Les hymnes des Kânvas
forment la plus grande partie du mandala VIU , y
compris les Vâlakhilya, et composent en totalité
trois collections du mandalal : i 2-23, 36-43, 44-5o.
Ils sont donc extrêmement nombreux, et cependant
la trishtubh et la jagatî en sont presque complète-
176 FÉVRIER-MARS 1889.
ment absentes. Elles le sont des trois collections du
mandata I, et sur les quatre hymnes du mandala Vlli
rédigés dans l'un de ces deux mètres, il y en a
trois : yS , 85 et 89 , qui n'appartiennent pas à des
Kânvas. Reste l'hymne 48 ^ à Soma et les trois der-
niers des hymnes Vâlakhilya 9 , i o et 1 1 , l'un aux
Acvins, l'autre d'attribution difficile, le dernier à
Indra et Varuna. Celui-ci nous permet une compa-
raison avec le rituel des sûtras. Il est en jagatî : c est
une concordance , si l'on veut ; mais le fait est isolé
et par conséquent sans importance.
M. Oldenberg, dans son mémoire sur la réparti-
tion des mètres entre l'udgâtar et le hotar, a natu-
rellement rencontré la difficulté soulevée par les
hymnes des Kânvas. Toutefois cette difficulté por-
terait, selon lui, principalement sur la longueur
des hymnes qui seraient, au moins dans le man-
dala VIII, seulement divisibles en tricas et en pra-
gâthas, et non résolubles en hymnes de trois ou de
deux vers. 11 n'en est pas moins disposé à regarder
tous ces hymnes comme des textes destinés unique-
ment à Tudgâtar. La grande différence entre le
rituel des Kânvas et celui des autres familles, c'est
qu'ils auraient eu de plus longs stotras.
Mais alors, où seraient les textes de la même
famille destinés au hotar? Faut-il croire qu'ils aient
tous disparu.^ M. Oldenberg reconnaît lui-même^
^ Le fragmeat VIII, 4^, i-3, nest attribué que dubitativemeat
à un Kânva.
^ P. 463, note 1.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 177
que certains passages dans les hymnes des Kânvas
tendraient à les faire considérer comme ayant ia
nature des uktha, c'est-à-dire comme appartenant
au hotar. N'est-il donc pas plus naturel d'admettre
que le principe de la répartition des mètres entre
les deux ordres de prêtres était inconnu aux Kânvas
et même aux autres Angirasas dont les hymnes ont
été recueillis dans le mandala VIII ( car les hymnes
7 5, 85 et 89 ne forment toujours qu'une quantité
négligeable); en un mot, que le pragâtha et la
gâyatrï (à laquelle il faut ajouter encore l'ushnih et
lanushtubh) leur paraissent convenir aux récitations
des hotars, aussi bien qu'aux chants des udgâtars?
Eln fait, je crois avoir démontré que plusieurs
sûktas du mandala VIII sont des castras tout formés ,
identiques ou analogues à ceux qui sont restés usités
dans la cérémonie de l'atirâtra, et que d'autres sont
de simples collections de pratipads destinés pareil-
lement au hotar. On peut croire que beaucoup
d'autres encore sont, ou des castras, ou des collec-
tions de stotriyas et d'anurûpas. Enfin la collection
44-5o du mandala I, dans son ensemble, nous a
paru constituer un Açvina-çastra,
Quant aux textes des stotras, ils se confondent
naturellement avec les textes des stotriyas formant la
tête des castras tout formés, ou réunis en sûktas,
soit avec les anurûpas correspondants , soit parallè-
lement à des sûktas composés d'anurûpas. Et cette
observation ne s'applique pas seulement aux hymnes
du mandala VJII et plus généralement des Kânvas,
178 FÉVRIER-MARS 1889.
mais aux sQktas composés de tricas ou de pragâthas
qu on rencontre dans les collections des autres fa-
milles à la fin des séries divines. Ces tricas et ces
pragâthas sont moins des textes propres aux udgâ-
tars que des textes en partie communs aux udgâtars
et aux hotars.
La grande différence entre la famille des Kânvas
et les autres, cest fusage que celles-ci font, pour le
corps des castras, d'hymnes en trishtubh et en
jagatï , tandis que les Kânvas paraissent avoir affecté
à l'ensemble des récitations des hotars les mêmes
mètres qui sont réservés ailleurs aux stotriyas , anu-
rûpas et autres éléments du même genre.
Il ne peut donc être question pour les Kà][ivas (ni
pour ceux des autres Angirasas dont les hymnes
sont recueillis avec les leurs dans le mandala VIII)
d'une répartition des mètres entre les pressurages,
analogue à celle qui est de règle dans la liturgie
définitive. La plupart des hymnes à Indra scmt en
pragâthas ou en gâyatrîs; il n'y en a qu'un petit
nombre d'autres en ushnih et en anushtubh , aucun
en trishtubh (sauf deux exceptions né^geables par
des Angirasas qui ne sont même pas des Kânvas,
85 et 89). Les hymnes aux divinités du soir, Ma-
ruts, I, 37, 38 et 39; VIII, 7, ao et 83; Agni et
Maruts, I, 19; Ribhus, I, 20; Viçvedevâs, VIII,
27-30; Indra et Varuna, I, 17; Varuna, VIII, ki ;
Brahmanaspati , I, Zio, ignorent la jagatï (excepté
Vàl. 1 1 à Indra et Varuça) et même la trishtubh
(excepté le trica VIII, 42, 1 -3 à Varuna), et sont
\
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 179
rédigés presque exclusivement en gâyatrïs et en pra-
gàthas. Les divinités mêmes du matin, dans cette
famille qui fait un si grand usage de la gâyatrî , ne
sont pas toujours invoquées dans le mètre que leur
a consacré la liturgie définitive. Si le prauga I , a 3 ,
ainsi que les hymnes I, 2 i, et VIIl, 38 , à Indra et
Agni, sont en gâyatrî , VIIl , ko, adressé pareillement
à Indra et Agni , est en mahâpankti , et les hymnes
Vin, 2 5 et 90 à Mitra et Varuna sont, Tun en
ushnih, Tautre en pragâtha. Enfin, bien que lanush-
tubh soit relativement fréquente , il n y a qu un seul
hymne à Agni dans ce mètre, l, /i5 , et il n'est pas
destiné à fâjya, mais fait partie intégrante d'un
Açvina-çastra.
Bref, on pourrait dire que les hymnes des Kânvas ,
et ceux que le mandala VIU confond avec les leurs ,
n'oflSrent pas même un germe de la répartition future
des mètres entre les pressurages , si lusage des gâya-
tiîs dans TAtirâtra (sauf l'addition d'un hymne en
jagatî) ne paraissait être emprunté à cette famille
en même temps qu'à celle de Vâmadeva (mandala IV,
sûktas 3o-32) , qui se rattache comme elle à Ahgiras.
B. Les Vâsishthas.
La liturgie des Vâsishthas , comprenant la collec-
tion 65-73 du mandala I, avec le mandala VII, est
lantipode de celle des Kânvas. Nulle part , et M. 01-
denbergen avait déjà fait la remarque, la distinction
ne paraît aussi nette entre les mètres propres aux
hotars et les mètres communs aux hotars et aux
180 FÉVRIER-MARS 1889.
udgàtars. Mais il y a plus : on ny trouve guère, en
dehors des tricas de gâyatri et des pragàthas destinés
à servir de stotriyas et d'anurûpas — et quand on a
mis à part les curieuses combinaisons métriques des
sûktasVII, 1, 34 et 56, et de la collection I, GS-yS,
prise dans son ensemble — d'autre mètre que la
trishtubh. Non seulement tous les hymnes propre-
ment dits à Indra sont en trishtubh (à l'exception
de VII, 22, qui est dans un mètre parent de la
trishtubh; la virâj^), mais il en est de même —
toujours sous réserve des collections de tricas ou de
pragàthas, — des hymnes aux divinités du matin,
Mitra et Varuna, 6o-65, Indra et Agni, gS, y com-
pris celles du praûga- castra, Indra et Vayu, 90-92 ,
Sarasvatï, gS. L'anushtubh est autant vaut dire
absente ^, donc pas d'âjya-çastra dans ce mètre.
Enfin la trishtubh est encore le mètre de la plu-
part des hymnes adressés aux divinités du soir:
Maruts, 5 7 et 58; Varuna, 86-88; Indra et Brah-
manaspati, 97-98; Vishnu, Indra et Visbnu, 99-
100. La longue série 35-54, confondant avec les
hymnes aux Viçvedevâs des hymnes à Savitar, 38 et
45 ; aux Ribhus, 48; au Ciel et à la Terre, 53 , est
^ La virâj se rencontre encore clans le trica 3i, 10-12, apparte-
nant à un castra (voir p. 147), et dans Tfaymne 68 aux Açvins. Si
Ton y ajoute le commencement de l'hymne 1, on voit que les Vâ-
sishtbas font volontiers usage de ce mètre rare (ainsi que de la
dvipadâ, 17, outre le commencement de 34).
* Seulement des vers isolés. On n'ose attribuer d'importance a
ranusbtubh initiale du sûkta I, io3, aux Grenouilles, en raison du
caractère particulier de ce morceau.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 181
aussi tout entière en trishtubh; à Texception de 5o,
aux Viçvedevàs, et de 46, à Rudra qui ne parait
pas avoir eu part au Soma autrement qu en compa-
gnie des Viçvedevàs.
Ces deux exceptions méritent peut-être de ne pas
passer inaperçues, si Ton remarque que le mandata
entier ne comprend que quatre hymnes en jagati , et
que ies dew9 autres sont pareillement adressés à des
divinités du soir, Indra et Varuna, 82 et 83. Il est
curieux aussi que sur les quatre hymnes du man-
dala à Indra et Varuna, deux soient en jagatï et
deux en trishtubh, les deux en jagatï ayant Tun et
l'autre dix vers et les deux en trishtubh chacun cinq
vers. On serait tenté de croire qu ils ont été com-
posés expressément pour être employés deux à deux
conformément aux principes restés en usage dans
iukthya-çastra du Maitrâvaruna.
Du moins est-il permis de voir dans ce fait que
tous les hymnes en jagatï du mandala VU sont
adressés à des divinités du soir, le commencement
dune tendance à affecter ce mètre au troisième
pressurage. Ce serait d'ailleurs, en ce qui concerne
iar répartition des mètres , le seul point de contact
entre la liturgie des Vâsishthas et le rituel définitif
du jyotishtoma; car Temploi de la trishtubh au
savana du midi n'y aurait eu rien de caractéristique ,
en raison de l'usage universel de ce mètre. Par
contre , le rituel d'un jour particulier, le ^ a
' [Le mot manque. ]
182 FÉVRIER-MARS 1889.
certainement emprunté aux Vâsishthas la curieuse
combinaison qu'on y remarque de la dvipadâ avec
la trishtubb.
C. Les Vaiçvâmitras.
Entre Texclusion à peu près complète de la trish-
tubb et de la jagatî pratiquée par les Kânvas et
Tusage jpresque exclusif de la trishtubb qui vient
d'être constaté chez les Vâsishthas , il y aurait place
pour des affectations très variées de différent* aiètres.
On va voir cependant que , partout où les traces d une
répartition se laissent voir nettement, cette répar-
tition est conforme à celle de la liturgie définitive.
Il y a là entre les différentes familles des concor-
dances, et dans certaines d'entre elles une quasi-
régularité qui ne peuvent être l'effet du hasard.
Nous commencerons par la liturgie des Vaiçvâmitras
qui offre les ressemblances les plus frappantes avec
le rituel définitif aux différents pressurages^ mais
surtout au pressurage du matin.
Les hymnes des Vaiçvâmitras sont rassemblés dans
le mandala III, et dans la première collection du
mandala I, i à 1 1 , attribuées à Madhuchandas Vaiç-
vàmitra et à son fils. C'est dans celle-ci que se ren-
contre le praûga- castra en tricas définitivement
choisi pour la liturgie commune du jyotishtoma; il
y forme deux sùktas a et 3. Les six hymnes suivants
à Indra , pareillement en gâyatri, /i-g, forment le
stock où doit puiser le Bràhmanâcchamsin , au
pressurage du matin, pour fâvàpa, c'est-à-dire pour
fintercalation nécessaire en cas de stomavriddhi.
^
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 183
L'hymne 60 du mandala II J, encore en gâyatrï,
figure dans le corps du castra du même prêtre au
même pressurage. Le castra de rAchâvâka com-
mence par rhymne en gâyatri III , 12, à Indra et
Agni qui en fournit (avec une interversion peut-
être propre à Técole d*Açvaiâyana) le stotriya et
lanurùpa. Enfin Tunique morceau du mandala III
adressé à Mitra et Varuna, le trica 62 , 16-18, sert
de stotriya au castra du Maitrâvaruna. Ce n est pas
tout encore. L'âjya-çastra à Agni, en anushtubh, est
pareillement un hymne du mandala III , le treizième.
A bien dire , il ne s agit pas ici de ressemblance. La
vérité est que la liturgie du premier pressurage du
jyotishtoma^ a été empruntée pour la plus grande
partie à celle des Vaiçvâmitras.
L'intérêt de nos rapprochements en est-il diminué ?
Il feut dans une matière si neuve, et que plus d*un
lecteur aborde, sans en avoir conscience, avec une
foule de préjugés, prévenir les objections même les
plus faciles à réfuter, ou plus simplement poser
nettement les questions qui peuvent flotter plus
confusément dans les esprits : elles seront résolues
par cela même qu'elles auront été ainsi posées. Est-
ce parce que Mitra et Varuna , Indra et Agni , enfin
toutes les divinités du praûga-çastra se trouvaient,
par hasard , célébrées en gâyatrîs dans le recueil des
Vaiçvâmitras, lequel comprend en outre un bon
nombre d'hymnes à Indra en gâyatn (quatre dans
* [ Un mot illisible. ]
184 FÉVRIER-MARS 1889.
le seul mandala III) , qu'on a eu Tidée^ lors de l'éta-
blissement d'iin rituel commun, de réunir toutes
ces divinités dans le pressurage du matin? Ou bien
est-ce par hasard que les divinités invoquées dans le
pressurage du matin, dans la liturgie des Vaiçvà-
mitras comme dans la liturgie définitive , n'ont dans
cette famille , à part Indra invoqué aux trois pres-
surages, que des vers en gâyatrî?
Il me serait déjà permis de passer outre. J'ajou-
terai pourtant deux observations. L'une est que les
Vaiçvâmitras n'ont en tout que trois hymnes en
anushtubh, deux à Indra dans la collection de Ma-
dhuchandas , I, i o et 1 1 , qui auraient pu servir pri-
mitivement au shodacin, et un seul dans le man-
dala III, qui est précisément l'âjya-çastra à Agni.
Ou plutôt le mandala III contient un second hymne
qui compte comme hymne en anushtubh , l'hymne
a/i, composé d'une anushtubh initiale suivie de
quatre gâyatrîs. Nous avons vu que cette compo-
sition trahit avec évidence une intention liturgique.
L'hymne a/i est un autre àjya-çastra où la valeur
rituelle de l'anushtubh saute aux yeux. La seconde
observation dispense de toutes les autres : c'est que
la plupart des familles montrent au moins une ten-
dance à répartir les mètres entre les différentes di-
vinités d'après les principes qui ont définitivement
triomphé. C'est ce que nous devons prouver d'abord
pour les Vaiçvâmitras eux-mêmes en ce qui con-
cerne les divinités du soir.
Rappelons d'abord que le mandala III a dans le
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 185
sûkta 26 un âgnimâruta-çastra tout formé (sauf le
stotriya, Tanurûpa et les dhàyyâs du rituel des sû-
tras). Les trois sûktas à Vaiçvânara, aux Maruts et
à Jàtavedas y sont représentés par autant de tricas
adressés aux mêmes divinités dans le même ordre.
Les deux premiers sont en jagatï, le troisième en
trishtubh. Nous avons déjà remarqué que les Vaiç-
vâmitras paraissent avoir cherché dans cette combi-
naison un résultat analogue à celui qui est obtenu
dans d'autres castras du troisième pressurage^ par
l'alternance d'hymnes en jagati et en trishtubh, et
dans presque toutes par la conclusion ordinaire en
trishtubh de^ hymnes en jagatï.
Est-ce en vue de combinaisons analogues que les
hymnes aux Viçvedevâs, 54-5 7, destinés à former
le Vaiçvadeva-çaslra sont tous en trishtubh? Nous
ne pouvons naturellement faire là-dessus que des
suppositions. Mais il reste ce fait, parfaitement
conforme à nos observations précédentes sur le
mandala VII, que tous les hymnes en jagatï du
mandala III (indépendamment de deux Iricas de
l'âgnimâruta) sont adressés à des divinités du soir,
2 et 3 à Vaiçvânara; 60 aux Ribhus.
Indra n'a qu'un trica en jagatï, 5i, i-3. Nous
avons déjà relevé les hymnes en gâyatrîs qui lui sont
adressés. La Irishtubh est le mètre de la plupart des
autres.
Ne l'oublions pas, d'ailleurs, c'est dans le man-
^ [Sept mois illisibles].
XIII. i3
ivrniHKBiF >tiij\iia.
186 FÉVRIER-MARS 1889.
dala III, quoique dans des sùktas dont la compo-
sition semble relativement récente, 28 et 62, que
nous avons trouvé des formules de sacrifice com-
posées expressément pour les trois pressurages, en
gâyatrî pour celui du matin, en trishtubh pour
celui de midi , en jagatî pour celui du soir.
D. Les autres familles et les suppléments.
Le mandala II na pas les éléments des castras
des hotrakas au pressurage du matin. Mais il a,
comme nous lavons montré, un praùga-çaslra tout
formé, /il, comme celui de Madhuchandas , mais
avec deux différences dans la répartition des sept
tricas entre les divinités. Il n en est pas moins en
gâyatris (sauf le trica 16-18). Nous avons de plus
un hymne à Agni en anushtubh, 5, resté employé
comme âjya -castra le jour nommé Caturvimça (7,
2, 1). Si Ton remarque que cest le seul hymne en
anushtubh du mandala, on aura quelque raison de
croire qu'il a été composé expressément pour servir
d*àjya-çastra, et que l'affectation des mètres dans le
rituel de Gritsamada était identique à celle de la
liturgie postérieure, au moins pour les deux castras
du hotar au pressurage du matin.
Il paraît non moins évident que la jagatî était
déjà attribuée spécialement au pressurage du soir.
Ce mètre est exceptionnellement fréquent dans le
mandala II : quinze sûktas sur quarante-trois. Ce-
pendant, si Ton néglige l'hymne Atharvanesque ,
43, interpolé, et les hymnes 36, 3 7, d'un usage
HISTOIRE.de la liturgie védique. 187
difficile à déterminer, et en tout cas hors de cause ,
ainsi que les deux vers Sa, tx-S à Râkâ^ il reste,
d'une part, un hymne à Agni, i ; quatre hymnes à
Indra , 1 3 , 1 6 , 1 7 et a i , et de l'autre quatre hymnes
à Brihaspati, ^3, 2I1, a5 et a6; un hymne aux
Viçvedevâs , 3 1 ; un trica au Ciel et à la Terre ,32,
1*3, et un hymne aux Maruls, 34. A la vérité,
i*hymne à Brihaspati seul dans le rituel définitif est
en trishtubh ; mais la jagatî n en est pas moins le
mètre caractéristique du castra adressé à Indra et
Brahmanaspati. Or il ne sagit pas d'une identité
absolue avec le rituel définitif (Thymne unique à
Savitar, 38, est en trishtubh), mais d'une tendance
déjà accusée à réserver la jagatî pour les divinités
du soir, et cette tendance paraît certaine.
Passons h. la famille d'Atri. Sa liturgie offre un
trait caractéristique qui saute d'abord aux yeux.
Dans l'ensemble du mandala V l'anushtubh est ex-
trêmement fréquente; mais elle ne l'est pas égale-
ment dans toutes les séries divines.
Sur vingt-quxitre sûktas aux divinités du soir: /ii-
5i aux Viçvedevâs, 52-6 1 aux Maruts, 81-82 à
Savitar, 85 à Varuna, deux seulement, 5o et 52,
sont en anushtubh. Au contraire, sur douze sûktas
aux divinités du matin, 62-'72 à Mitra et Varuna,
86 à Indra et Agni, cinq sont en anushtubh, 6li'
67 et 86. De même Agni , la divinité de l'âjya-çastra ,
a onze sûktas en anushtubh sur vingt-huit. Indra
^ On peut négliger les vers G-8 à StDÎYâlï et autres divinités fe-
melles.
i3.
18S FÉVRIER-MARS 188a.
occupe une position intermédiaire entre les divi-
nités du soir et celles du matin avec trois sûktas en
anushtubb sur douze.
m
Ainsi les Atris , en dépit de leur prédilection pour
Tanushtubh, n'en ont fait qu'un usage extrêmement
rare pour les divinités du soir, et Tout tout spécia-
lement affecté aux divinités du matin. C'est un trait
de ressemblance avec la liturgie commune et défi-
nitive en ce qui concerne râjya-çastra, et, comme
on le verra tout à l'heure, avec la liturgie particu-
lière à Vâmadeva , en ce qui concerne les castras du
matin autres que f âjya.
La gâyatrî n'est cependant pas exclue du pressu-
rage du matin, comme on le voit par les sûktas 68,
70 et 71 i Mitra et Varuna (sans compter i3, i/i
et 26 à Agni). Mais elle est à peu près^ sans emploi
pour les divinités du soir, à part le sûkta 82 a Sa-
vitar qui est peut-être un castra tout fait, et qui, en
tout cas, commence par un stotriya parfaitement
caractérisé.
En revanche la jagatï est visiblement afiFectée d'une
façon spéciale à ces divinités. Sur les douze hymnes
aux divinités du matin , il y en a un seul en jagatï ,
63 à Mitra et Varuna. Sur les vingt-quatre hymnes
aux divinités du soir, il n'y en a encore qu'une mi-
norité en jagatï; fcai^, savoir : 44, 46 et 48 aux
Viçvedevâs, 54, 55, Sy et Sg aux Maruts, 81 à
Savitar. Mais cette minorité comprend la grande
* On ne peut citer que quatre vers, 5i, i-4 , aux Viçvedevâs, et
un sûkta ioforme aux Maruts, 61.
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 189
majorité des hymnes en jagatî du mandala V, hait
sur douze (les trois autres sont 8 et 1 1 à Agnî, 34 à
Indra).
Rappdions que les Atris paraissent avoir connu
une combinaison métrique très particulière dont nous
avons deux exemplaires dans les sûktas V, 4o et yS.
Bharadvâja, Tauteur du mandala VI, passe pour
Tancêtre de Kutsa, à qui est attribuée la collection
9/i-i i5 du mandala I. Il n'y aura, en tout cas, pas
d'inconvénient à rapprocher ces deux recueils, tout
en les distinguant.
Nous n'aurons à relever ni dans l'un ni dans
l'autre de concordance frappante avec la liturgie
définitive pour le pressurage du matin. C'est au
contraire une discordance que nous offre la collec-
tion de Kutsa dans les deux sûktas en trishtubh à
Indra et Agni, 108 et 109. Cependant on peut re-
marquer que les sûktas 2 et i/i du mandala VI,
non seulement ont été effectivement employés
comme âjya-çastra (10, 2, ), mais qu'ils sont les
seak sûktas en anashtabh du mandala VI, avec 42,
adressé à Indra ^
Comme presque toujours ce sont les emplois de
la jagatî qui sont les plus significatifs. Ils sont rares
dans le mandala VI, mais exclusivement réservés
aux divinités du soir^ : 8 à Agni Vaiçvànara; î5,
' On peut citer encore les vers 69, 7-10, à Indra el Agni, à côté
de 60, /1-13 , en gâyatrî, aux mêmes dieux.
* Les vers 2-à du sûkta 28 , composés de formules adressées aux
vaches, ne peuvent passer pour une exception.
IQO FÉVRIER-MARS 1889.
1-9 à Jâlavedas (au moins le dernier trica), 70 au
Ciel et à la Terre, 7 1 à Savitar (avec conclusion en
trishtubh). Dans la collection de Kutsa, la jagatî
est au contraire très fréquente. Mais sur cinq hymnes
à Indra, ioo-io4, deux seulement sont en jagatï
contre trois en trishtubh.
La proportion est sensiblement plus forte pour les
divinités du soir. Sur neuf sûktas adressés , à Jâta-
vedas^ gd; à Vaiçvânara, 96; aux Viçvedevâs , io5-
107; aux Ribhus, 1 10-1 1 1 ; au Ciel et à la Terre,
1 1 2 , et enfin à Rudra , 1 1 4 , qui parait devoir être
rangé avec les Viçvedevâs ^, six sont en jagati, contre
deux en trishtubh et un en pankti qui est plutôt une
composition mystique quun véritable hymne aux
Viçvedevâs. Bref les indications concernant Tusage
de la jagatï concordent avec celles de toutes les
autres collections, celle des Kânvas exceptée : elles
sont au moins dans la même direction.
L'extension de Tanushtubh aux castras du matin
autres que fàjya paraît être, comme je l'ai an-
noncé , un trait commun à la liturgie des Atris et à
celle de Vâmadeva. Du moins avons-nous deux
hymnes en anushtubh à Vàyu et Indra et Vâyu, IV,
47 et 48, qui n'ont pu figurer qu'au premier pres-
surage. D'ailleurs un autre sùkta aux mêmes divi-
nités, 46, est en gâyatn.
^ Je laisse de côté le prétendu hymne formé d'un vers unique à
Jâtavedas, 99. En revanche je comprends Thymne io5 qui peut à
peine passer pour un hymne aux Viçvedevâs.
^ Cf. plus haut.
\
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 191
Le mandala n a que cinq sûktas en jagatî. L'un est
adressé aux Açvins, et les quatre autres à des divi-
nités du soir, Dadhikrâvan, 4o, qui n'a guère pu
avoir part au Soma qu'avec les Viçvedevâs, les Ri-
bhus, 36, et Savitiar, 53^ et 54.
Les hymnes à Indra sont tous en trishtubh , à
l'exception de 3o-32 qui sont probablement des
castras tout formés , et qui ont pu , avec les castras
semblables des Kânvas, et sauf l'addition d'hymnes
en jagatî , servir de modèle à la liturgie de l'atirâtra.
Il est remarquable que Kanva et Vâmadeva appar-
tiennent tous les deux à la grande famille des Ah-
giras.
Vâmadeva est de la branche de Gotama à qui est
attribuée la collection jlxgi du mandala I, collec-
tion où nous retrouvons une partie des traits propres
aux Kânvas. La trishtubh est rare (deux sûktas sur
vingt et quelques fragments) et ne se rencontre,
à part le trica i6-i8 d'une sorte de castra, 8/i,
dans aucun sûkta à Indra, En revanche Indra a trois
sûktas en pankti sur cinq , et la gâyatrï est très fré-
quente. On la trouve, non seulement dans des
sûktas à Agni, y 4, yS, 77 (sans compter 79, 7-
12), mais dans des sûktas aux divinités du soir, les
Maruts, 86, et les Viçvedevâs, 90. Cependant la
jagatî est moins rare que la trishtubh, et sur quatre
sûktas dans ce mètre, trois sont adressés à des divi-
nités du soir, les Maruts, 85 et 87, et les Viçve-
devâs, 89 (avec conclusion en trishtubh).
11 ne serait donc pas impossible que la liturgie
192 FÉVRIER.MARS 1889.
attribuée à Gotama fût plus ancienne que celle de
Vâmadeva conformément aux données qui font du
premier le père du second, ou tout au moins que
les ressemblances signalées fussent expliquées par la
parenté effective de Gotama et de Kanva^ ou des
familles qui se réclament de ces deux ancêtres.
C'est encore à la famille de Gotama qu on rattache
Dïrghatamas. On attribue à Dîrghatamas la collec-
tion 1 4o-i 64 du mandala I, et à son fils Kakshîvat
la collection 116-1 25. Cette dernière n'est peut-
être , comme nous l'avons vu , qu'une espèce parti-
culière de prâtaranuvâka où une place aurait été
donnée aux Viçvedevâs. Elle est presque tout en-
tière en trishtubh et en jagatï, c'est-à-dire qu'elle
n'offrirait plus aucune trace des prédilections mé-
triques qu'on peut être tenté d'attribuer aux pre-
miers Angiras. J'en dirai autant de la collection de
Dïrghatamas lui-même , qui ne peut d'ailleurs passer
non plus pour un recueil tant soit peu complet,
puisqu'elle ne contient pas un seul hymne à Indra.
La trishtubh et la jagatï y sont tout à fait domi-
nantes, et la jagatï y est aussi fréquente que la trish-
tubh. La jagatï se rencontre même dans un hymne
au couple matinal Mitra et Varuna, i5i. Il n'en
est pas moins digne de remarque, surtout en
^ Â la vérité les Kânvas sont rattachés à la branche de Bharad-
vâja , et le mandala VI , non plus que la collection de Kutsa , n'of-
frent aucune analogie avec le mandala Vlil. Cependant les nombreux
sûktas du mandala VIII attribués à des Âûgiras qui ne sont pas des
Kânvas suggèrent encore l'idée d'une liturgie primitive commune
à toute la famille des Âûgiras.
X
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 193
présence des indications analogues de tant d'autres
collections, que tous les hymnes aux divinités du
soir, à l'exception de i54, à Vishnu^ soient en
jagatî : 1 55 et 1 56 à Vishnu et Indra et Vishnu,
i59 et i6o au Ciel et à la Terre, i6i aux Ribhus.
Enfin la collection de Nodhas , qui est encore un
Gotama, ne comprenant que sept sûktas, I, 58-64,
ne peut être mentionnée que pour mémoire. Les
trois hymnes à Indra sont en trishtubh. Sur les trois
hymnes à Agni, un est en jagatî, et ce nest pas
ïhymne 59 à Agni Vaiçvânara. Mais l'hymne aux
Maruts est, selon l'ordinaire, en jagatî.
Nous avons passé en revue les mandalas H- VIII
et celles des collections du mandala I qui peuvent
passer pour des suppléments à plusieurs d'entre eux.
Je n'ai pas compris parmi ces dernières celle de Çu-
nahçepa, fds adoptif de Viçvàmitra, a/i-So. C'est
que cette collection est une série d'un genre tout
particulier, insérée dans une légende de l'Aitareya-
Brâhmana, et récitée avec elle dans le Râjasûya.
Il ne reste dans le mandala I que quatre collec-
tions dont la seule un peu longue est celle d'Agastya ,
165-191. La trishtubh y est dominante, et deux
des hymnes aux Maruts sont en jagatî. L'ensemble est
peu significatif. Dans la collection d'Hiranyastûpa
Angirasa , 3 1 -35 , il y a un hymne en jagatî , 3 1 , et
im hymne à Savitar, 35; mais l'hymne en jagatî
n'est pas l'hymne à Savitar; il est adressé à Agni.
* l6^ ne peut passer pour un véritable hymne aux Viçve-
cîevâs.
ig4 FÉVRIER-MARS 1889.
Rien à conclure d'ailleurs d'une collection de cinq
hymnes.
Les deux dernières collections sont plus curieuses.
Celle de Savya Aôgirasa, Si-Sy, ne comprend que
des hymnes à Indra, et ils sont tous en jagatï. La
collection 127-139 de Parucchepa Daivodâsi com-
prend des hymnes à différentes divinités, et peut-
être une sorte de praùga-çastra , 189; mais eUe est
tout entière en atichandas. On observe donc dans
Tune et dans l'autre une particularité métrique ca-
ractéristique ; l'atichandas est un mètre très rare , et
la jagatï n'est nulle part ailleurs le mètre exclusif,
ni même principal, d'Indra. Nous avons là deux
témoignages précieux de la liberté d'invention pra-
tiquée par certains rishis. Ces singularités ont été
d'ailleurs mises à profit dans le rituel définitif. Sur
les sept sûktas à Indra, quatre, 5i , 53, 54 et 55,
ont été ajoutés aux récitations en gàyatrîs emprun-
tées principalement au recueil des Kânvas, pour
compléter par un hymne en jagatï les castras des
quatre hotars au premier pressurage de l'atiràtra
(6, 4, 10) : l'un de ceux-là, 55, et les trois autres,
52, 56 et 57, ont servi à composer le marutvatïya
et le nishkevalya-çastra, mi-partie de jagatï, mi-
partie de trishtubh du jour nommé Vishiivat (8,6,
6 et i3). Quant à la collection en atichandas, elle
a servi à donner une physionomie particulière aux
deux premiers castras du sixième jour prishthya
(8, 1, 9 et 1 2).
Le mandala X, composé uniquement de sûktas
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 195
isolés et de collections très courtes, ne peut donner
lieu qu'à un petit nombre d'observations, pour la
plupart sans grande importance. Elles porteront sur
Tensembde considéré coname un supplément plus ou
moins tardif à la Samhitâ. Des mètres communs aux
hotars et aux udgâtars, le pragâtha est complète-
ment absent, et si la gâyatri nest pas rare, ses em-
plois du moins ne rappellent nullement ceux qui
ont été relevés dans les autres mandalas. Point de
collections de tricas, mais des hymnes très courts,
de cinq, quatre et trois vers, ou irréguliers, mi-
partie de gâyatri et d autres mètres, et, pour le
fond, offrant souvent le caractère des hymnes de
TAtharva-Veda. Cette dernière observation s'appli-
que mieux encore aux hymnes, relativement nom-
breux, en anushtubh. L'anushtubh nest plus ici,
comme dans les mandalas anciens, le mètre rare,
réservé aux commencements : c'est le mètre moderne.
Les emplois de la jagatï et ceux de la trishtubh
paraissent se balancer à peu près pour les Viçve-
devâs. Comme Indra a environ deux hymnes en
trishtubh contre un hymne en jagatï, il y aurait
déjà là une indication qui serait toujours dans le
sens ordinaire. Mais si Ton examine de plus près les
hymnes que TAnukramanî assigne aux Viçvedevàs,
on voit que beaucoup d'entre eux n'ont aucun droit
à ce titre, mais sont des morceaux théosophiques ,
3i, 56, 61, 101, 11 4, 181, ou atharvanesques ,
109, i65 : ceux-là sont en trishtubh. Des vrais
hymnes aux Viçvedevàs, an seul est en trishtubh.
196 FÉVRIER-MARS 1889.
128, contre hai^ en jagatï : 35, 36, 63, 64, 65,
66, 92, 100.
Ainsi, même dans le mandala X, qui na aucune
unité, laffectation de la jagatî aux Viçvedevâs res-
sort avec une entière évidence.
E. Résamé.
Je me bornerai h résumer les résultats les plus
saillants de ce dernier chapitre. La liturgie définitive
du sacrifice du Soma a pris pour modèle principal
la liturgie ancienne des Vaiçvâmitras. Au pressurage
du matin, dont le mètre est Tanuslitubli, pour le
premier castra, et la gâyatrî pour les quatre autres,
c'est plus qu'une imitation , c'est un emprunt. Dans
la famille desKânvas, la trishtubh et la jagatî sont à
peu près sans usage.
Dans toutes les familles, excepté celle des Kânvas
(et peut-être celle de Gotama, avant Vâmadeva), la
trishtubh a été le mètre du pressurage de midi , qui
appartient tout entier à Indra.
Chez les Vâsishthas, la trishtubh était le mètre
exclusif du hotar aux trois pressurages, sauf un petit
nombre d'exemples pour le pressurage du soir. Dans
toutes les familles aussi , excepté toujours celle des
Kânvas, on remarque une tendance plus ou moins
accusée , moins visible même chez les Vâsishthas , à
réserver la jagatî au pressurage du soir.
Les morceaux en gâyatrî des castras de l'atirâlra
ont été en partie empruntés à la liturgie des Kânvas
et à celle de Vâmadeva , où ils existent déjà à l'état
k
HISTOIRE DE LA LITURGIE VÉDIQUE. 197
de castras tout formés, et pour le reste sans doute
composés sur ces modèles.
Certaines particularités propres aux rituels des
différentes familles ont servi plus tard à caractériser
tel ou tel jour des sattras. L'un des exemples les plus
curieux de ce fait est la combinaison de morceaux
en dvipadâ et de morceaux en trishtubh, trait carac-
téristique de la liturgie des Vàsishthas, introduit
dans celle des trois jours chandomas du Samûlha-
daçarâtra et dans celle du quatrième jour du Vyûlha-
daçarâtra.
198 FÉVRIER. MARS 1889.
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE.
CONTES DD SOUS
ET DE L'OASIS DE TAFILELT (MAROC),
TRADUITS ET COMMENTES
PAR M. DE ROCHEMONTEIX.
INTRODUCTION.
Les tribus berbères qui occupent le sud du Maroc,
principalement les riches vallées du Sous , de la Ta-
zerwalt et du haut Draa^, sont parmi les plus prospères
de leur race , et je dirais les plus cultivées , si le mot n*é-
tait ambitieux. Elles ont adopté la religion des Arabes
et le gros des idées et des traditions qui se sont dé-
posées dans tout le monde musulman , mais en con-
servant leur personnalité , leur organisation et leur
^ Sur ces régions , consulter : Elisée Reclus , Nouvelle géographie
universelle, t. IX, Afrique septentrionale, a* partie, Maroc (Hachette,
Paris, 1886), où l'on relèvera une bibliographie très complète;
C. Douls, Voj^age d'exploration à travers le Sahara occidental et le sud
Marocain, dans ie Bulletin de la Société de géographie, 7* série,
t. IX, 3* trimestre, 1888, p. 437; R. Basset, dans les noies jointes
à sa traduction de la Relation de Sidi Brahim de Massai, brochure,
Leroux, i883.
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 199
langue. Elles ont même un embryon de littérature
dont nous possédons quelques spécimens à la Biblio-
thèque nationede. Le fonds berbère , composé en
grande partie des textes réunis vers 1 84o par M. De-
laporte, consul de France à Mogador, et aujourd'hui
encore presque tous inédits, a fourni tout d abord
un ensemble de documents qui semblait devoir faire
du dialecte de ces tribus, le shelha ou tamazig't,
le point de départ des études berbères. Il n'en a pas
été ainsi. L'activité de nos officiers et de nos pro-
fesseurs s'est tournée vers les dialectes de l'Algérie et
du Sahara et les a mis en lumière par de remar-
quables travaux. Le shelh'a a été laissé quelque peu
en réserve ^.
Cependant M. R. Basset, dont le zèle à réunir
et à coordonner les matériaux de la langue berbère
est infatigable, ne Ta pas exclu de ses travaux^. Dès
1879, il a publié ici même, grâce à l'intermé-
diaire de M. Barbier de Meynard , un manuscrit de
M. Rey, contenant une version du poème de Çabi ,
qu'il a fait précéder d'une esquisse grammaticale du
dialecte sousien; et pendant que M. Newman in-
^ Pour la bibliographie rlu Shelh'a , voir : De Slane , appendice ,
t. IV de sa traduction de V Histoire des Berbères d'Ibn Khaldoun:
R. Bsissei y Le poème de Çabi,^. à (extrait du Journal asiatique, 1879] ;
Relation de Sidi Brakim de Massât, l. /.p. 3; Contes berbères, Leroux,
1887; John Bail, On the Shelluhe language, p. ^78 et sqq., dans
Journal of a tour in Marocco the great Atlas, by J. Dalton Hooker
John Bail, London, Macmillau, 1878; Cust, The modem langnages
of Âfrica, 1. 1, p. 1 1 3, et t. II, p. 4 70, Londres, Trùbner, i883.
' Voir la note précédente.
200 FÉVRIER-MARS 1889.
serait dans son Libyan vocahalcuy ^ une liste de mots
shelh'a , il donnait une traduction nouvelle de la re-
lation composée en i834 par un certain taleb du
Sous, Sidi Brahim, originaire de Massa. Enfin, dans
le plus récent numéro du BaUetin de correspondance
africaine^, il a commencé la publication de textes en
dialectes du Sous et de TOued-Draa.
A mon tour, je soumets aux folkloristes et aux
grammairiens quelques contes des mêmes régions.
Ces contes sont tirés :
1** D'un volume assez considérable de féeries et
autres récits que j ai recueillis de la bouche d'Omar
ben Haoacin, natif des oasis de la Tafilelt, qui lui-
même les avait appris de divers dans la Tafilelt,
dans la Tazerwalt, à Taroudant (capitale de TOued-
Sous) , à Massa (Sous) , àTaskokant et à Skorah (entre
Demnat' et Draa, district de la Tessout' ou 0mm-
Rebia);
î^** Du manuscrit de la Bibliothèque nationale,
fonds berbère, n° 4, Kiiab es-ShelWa (collection de
M. Delaporte), lequel renferme 2 5 histoires rédigées
et traduites mot à mot en patois arabe de la région
par un indigène de Mogador^.
J'ai choisi dans cette première série trois versions
de légendes que les historiens et les poètes grecs ont
' Londres, 1882.
^ 5* année, fascicule 1-2, p. 98 et sqq.
^ Notons, à ce propos, que plusieurs mots arabes qui figurent
dans le texte berbère, étant sans doute aujourd'hui mai compris
des Marocains arabisants , sont expliqués dans la traduction par des
synonymes.
DOtUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 201
rendues célèbres, et une version dun de nos contes
les plus souvent relus. Je dois à la science des tradi-
tions populaires de les faire suivre, malgré mon in-
compétence, d'un court commentaire. Ils me ser-
viront, d autre part, de justification pour l'histoire
des radicaux qui sy rencontrent le plus fréquem-
ment, et une analyse de quelques formes verbales.
Les textes que je présente sont transcrits en carac-
tères latins. J ai renoncé à l'emploi de l'alphabet arabe
qui ne correspond pas mieux que le nôtre aux arti-
culations de la langue berbère et est tout à fait insuf-
fisant pour rendre la vocalisation ; en sorte qu'à côté
de la transcription arabe, on a coutume de placer
une transcription latine. Je me suis borné à donner,
en caractères arabes, le début du conte II, extrait
du manuscrit n° 4. Ce court spécimen permettra
de relever les règles d'après lesquelles le rédacteur
berbère a transcrit sa propre langue. En compa-
rant sa transcription avec la transcription latine de
notre ancien consul, on peut constater que s'il note
exactement les consonnes, il se trouve mal à l'aise
quand il s'agit de fixer la nature et la valeur des
voyelles, et use assez mal à propos des conventions
de l'orthographe arabe.
Pour établir le texte des contes II et III, j'ai suivi
les deux transcriptions du manuscrit, et de préfé-
rence celle de M. Delaporte dont j'ai respecté les va-
riantes de vocalisation et les agglomérats de mots,
en prenant soin d'en séparer les éléments par des
traits.
XIII. l4
>II»II1I>IIC IITIO^III-
202 FÉVRIER-MARS 1889.
Dans les contes d'Omar ben Haoucin , on remar-
quera aussi des variantes de prononciation , mais sur-
tout de vocalisation. Elles appartiennent au narra-
teur. Sa prononciation flotte évidemment entre celle
des siens et celle des tribus voisines. C'est là un fait
qu'on observe quand on interroge loin de leur pays
les hommes de ces races à l'humeur voyageuse et
peu soucieuses d'exactitude.
Les règles de transcription suivies par les auteurs
qui ont écrit sur le berbère sont diverses : celles qui
ont été appliquées ici se résument comme suit :
A une seule consonne , à un seul son , correspond
un seul signe ; ce signe est celui de lalphabet fran-
çais qui ligure l'articulation ou la voyelle la plus voi-
sine dans notre langue ;
h'accent ' placé à côté d'une articulation annonce
une aspiration (arrêts mous ou spirantes); ainsi d, k'
remplacent les groupes tk, kh du général Hanoteau;
Le point au-dessus ou au-dessous d'une lettre (sui-
vant les convenances typographiques) caractérise
les emphatiques : d, t; — 5 est le ch français.
Voici le tableau^ des consonnes et voyelles em-
ployées par le Filali Omar ben Haoucin. Les ca-
ractères arabes placés à côté des signes latins sont
ceux qu'emploie l'écrivain berbère du manuscrit
rf Ix :
^ Je n'y fais pas figurer A' s= ^ et a" = ^ , qui ne s'emploient qoe
dans les mots d'origine arabe.
DOCUMENTS POUR L^ÉTUDE DU BERBERE. 203
CONSONNES.
LABIALES.
A nets fermes
Atréts mous
Spirantes
DENTALES.
Arrêts fermes
Arrêts mous
Spirantes
Trilles
CacaminO'dentales,
Spirantes
Trilles
PALATALES.
A nté'o-palatales .
Spirantes
Postéro-palatales .
Arrêts fermes
' Uwhpalatales.
Arrêts fermes
Spirantes
ÙUftTALES.
Spirantes
SOURDES.
SONORES.
if
Bc.
H
Wi
•
II
r cy ou i±> ou
b
D .> ou i>
r
H
H
A.
<k •••
U
i-^
KA
G J
V
G't
a
H jt
2:
M
N c<
u
II
II
H
H
S
l-H M
H «
? "
eu «
a
II
a
Z jp
II
Voyelles : a (— ; i); e (muet) (— , et même l); e*
-,~); i^ ^)\ 0, ô(l;^l;-); ô [y); u, a (-,^).
On voit par cette nomenclature que la pronon-
ciation de la Tafilelt a , comme celle des Sous plus
là.
204 FÉVRIER-MARS 1889.
orientaux , une tendance à restreindre les aspirations
recherchées dans les alphabets algériens.
t' n'est pas une intradentale comme le th anglais ;
pour former cette articulation, la langue se place
dans la même position que pour notre t; avec cette
différence que Tarrêt nest pas complet et qu'un
souffle peut passer, de manière qu en lexagérant on
fait entendre successivement t+liy puis ts. Devant un
e' ou un i accentué, on entend t+hyOr iliéni [QomxnQ
ar itthéni), hat^in = hathin; après un soukoun, il
résonne comme ts : iat gisent' [iat gisents); suivant la
nature des consonnes qui Tavoisinent , il devient un
t ordinaire. Cette dernière articulation ne figure
dans le tableau ci-dessus que comme doublet de t',
La sonore correspondante d' n'existe pas.
d, z se forment par les mêmes contacts que notre
d et notre z, avec cette différence que la bouche
se dispose comme pour émettre le son 6.
r est notre r dental des provinces du Centre.
g est toujours dur.
g' (^) que le général Hanoteau transcrit r' n'est pas
un trille. C'est une spirante formée exactement dans
la même région que le qaf arabe , et on entend ce
dernier, si l'arrêt imparfait g' devient ferme. C'est
ce qui explique l'échange fréquent des deux articu-
lations dans les dialectes berbères.
k' (^ arabe) est la spirante sourde correspon-
dant à g' ; elle n'existe pas primitivement dans l'al-
phabet de la Tafilelt; elle n'est qu'une modification
de 5"' au voisinage d'une sourde.
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBERE. 205
h est très rare. — Toutes les autres consonnes ont
la même valeur qu'en français.
Les voyelles comprises dans le tableau sont brèves;
les voyelles longues ont été indiquées par un trait
horizontal au-dessus de la lettre : à. — ô et a sont
toujours brèves.
e est notre e muet. Le plus souvent, il est si fu-
gitif qu'il n y a pas lieu de le noter dans Técriture.
é est notre e fermé.
0 est ouvert comme dans botte. Il est parfois dif-
ficile de distinguer Y6 de Ta (on).
ô et a prononcés comme en allemand ne sont pas
des voyelles primitives. Omar ben Haoucin , qui les
prononce avec netteté, les substitue presque toujours
k 0, 6, ô, suivis de deux consonnes ou dune nasale.
Enfin les voyelles surmontées d'un accent, à, i,
6, û, marquent la syllabe accentuée du mot. Dans
les contes que j'ai recueillis directement, jai, en
eflTet, essayé de noter laccent tonique. Je n'y ai pas
assez souvent réussi. L'accent tonique est en shelh'a
un accent d'intensité plutôt qu'un accent d'intona-
tion; l'influence des mots voisins, l'importance que
l'interlocuteur veut donner à un terme de la propo-
sition, en rendent souvent l'appréciation impossible.
A cette difficulté s'en joint une autre commune
d'ailleurs à toutes les langues, et qui a causé bien
des échecs à ceux qui ont entrepris la tâche délicate
de noter l'accentuation de dialectes sans culture :
souvent, en effet, dans un même mot, deux accents
luttent pour la préséance : l'ancien accent, théo-
206 FÉVRIER-MARS 1880.
rique ou d analogie , comparable , par exemple , à cet
accent grec ou latin dont les grammairiens nous ont
transmis les règles, et un autre, qui prépare lavenir
et résulte presque toujours d'une tendance générale,
soit à attaquer vivement les mots, soit à appuyer au
contraire sur les finales ^ L'arabisant d'Egypte et
celui du Maroc sont, à cet égard, en opposition
absolue. Le premier déplace volontiers l'accent vers
la première syllabe sur laquelle il élève la voix, tandis
qu'il prononce la fin du mot sur une note plus grave
et plus faible; dans sa bouche, ^. devient tfl/iV,
que le Marocain prononce hoiKàr avec un accent
d'intensité sur la finale. Cette divergence influe même
dans l'usage des deux dialectes arabes, sur le choix
des formes. Ainsi l'Égyptien emploie la forme ^i?
sàikn «chaud», le Mograbin ^^ sk'ân. Entre
et ^tl^ signifiant également « matin »» l'Egyptien
préfère le premier et les Mograbins le second. Enfin
tous les grammairiens de l'arabe vulgaire ont con-
staté chez les populations de la Barbarie une ten-
dance à supprimer l'alef initial des mots.
C'est là, il semble, un héritage des Berbères. Ceux
que j'ai entendus paiier soutiennent énergiquement
la dernière syllabe. Il eh ressort que ies syllabes ou-
vertes paraissent fréquemment terminées par une
^ La prononciation de la population ouvrière de Paris fournit au
bon exemple de ce fait : elle tend à reporter sur la première
syllabe Taccent, même dans les mots où il appartient le plus nette-
ment à la dernière.
U J
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 207
consonne redoublée ou suivie d'un e muet très faible,
flxemple : ian glsn s entend comme ianne gisn.
Il me faudrait quelques développements qui trou-
veront mieux leur place ailleurs pour expliquer le
renforcement initial de certains radicaux berbères et
l'accentuation des préfixes du genre, phénomènes
qui sont en contradiction apparente avec Thabitude
physiologique que je signale. Je rappellerai seule-
ment, ce qui vient la confirmer, que larticle des
mots arabes adoptés en tamarzig't devient le, la au
lieu de el : le-maMn pour el-makân, le-qist pour
el'ijeççah xjZjô]. Si donc les Berbères ont eu une part
considérable dans la composition ethnique des tribus
dites arabes (ils paraissent, d'après de récentes re-
cherches et contrairement à une opinion naguère
accréditée, sur le point den éliminer le sang arabe),
peut-être doit-on attribuer aux habitudes de pronon-
ciation propres à leur race une influence décisive
sur la physionomie et la formation des dialectes
arabes du Magreb. J'ai insisté quelque peu sur la
nature et la place de l'accent berbère , parce que cet
accent spécial me semble avoir une importance non
seulement au point de vue de la phonétique , mais
encore au point de vue des formes et de Tordre des
mots dans la phrase. Les érudits qui étudient les
Berbères sur place pourront seuls nous dire si la ten-
dance signalée est générale.
N. B. Les mots arabes adoptés en berbère ont été indiqués en
note , sous leur forme originale.
208 FEVRIER-MARS 1889.
I
LE ROSEAU ET LE TAMBOURIN PARLANTS,
ou HISTOIRE D»UN ROI QUI AVAIT DES OREILLES D'ANE,
ET D'UN PRINCE QUI FUT lÉCORCHÉ PAR SON PROPRE
FRERE.
Ikka tnin zik ian ùgellïd iiiin dar s sin waskéwn
g'iggi ugaiu-nnes wur iellin ma fell a'sen ia'lemen^.
Ar ia was iftun ar isiggil iat temazirt iâdni^ ia'fen
ian uh'ejjâm^. Inna i as : ais trad, did i t'munt' s
tegimmï-nô , ai tkist azzar. » Inna i as : « rig', ai
agellîd, ad didk mùneg'! » Emun did s ar tigemmi.
Inna i as u'gellîd : « era d ak inig' ia* wawal , imma
assar wur ifug' d imi-nk. Inna i as uh'ejjàm^ : « wur
sar at inig' i ian. » Inna i as u'gellîd : « ai i teggalt',
ah'ajjâm^ ! » Iggnl as wur sar itfug' wawal an d imi-ns.
I . a. li était une fois un roi qui avait une corne des deux
côtés de la tête'. Personne ne le savait. Unjour il eut besoin d*un
barbier; il s'en alla en chercher un dans un autre pays ^ Ayant
trouvé l'homme ( qui lui convenait) : « Veux-tu venir dans mon
palais ? lui dit-il , c'est toi qui me couperas les cheveux. -—
Certes , répondit le barbier, je te suivrai où tu voudras. »
Le roi l'emmena (et quand as furent arrivés) au palais,
lui dit : « Je vais maintenant te confier un secret ; mais que
jamais, jamais, il ne sorte de ta bouche! — Sire^ repartit
le barbier, de ma vie je n*en dirai mot. — Eh bieni jure.
'K-'r
^i^.
' Non pas sur le front, mais en arrière des tempes, comme
Midas , comme Apollon Garnien de Cyrène , et Alexandre-za-^^ornem.
k
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 209
Ikkauh'ajjàm^ kra; inna i as : « man(n) awal an f rad
gallg'?» Inna i as u'gellîd : «gHa ellik' tegult', zerd
askéwûn-înô. » Inna i as: « wura t enig'i ian! » Inna
i as g'ïlad u'gellïd « ar iebedda(e) t'kest azzar, ta^deltn^
agaiu'-nô, g' ainna igan la-k'demt*-ennek».
Ian was ah'ajjâm^ ar isiggil ai sôfg' awal an ig-
ganimi manig'at itt'inî. Iftun ar ian le-makàn ^ iag-
gôgn k' temazirt', iâfn(n) gis iaw wa'nô. Inna « g'id ag'
rad inig' awal elli n u'gellïd. » Iknùn f wa'nô ar
isg'uii , inna « gellîd s waskéwn-enns » krât tuwàl.
Iftun s ti'gemmï, inna : « g'ïkad ufig' d V-rah't ^ ».
Askalens a'gellïd dar s sin tarwa, ian gîsen iga
isemg iùrû t' d iat tuaia, d ian gîsen iga u'melil
ô barbier.» Et le barbier jura : «De ma vie, jamais, il ne
sortira de ma bouche un mot de ce secret. » Puis il attendit.
Le roi se taisait : « Sire , quel est donc ce secret pour lequel
j*ai juré ? » Alors le roi dit : « En effet , tu as juré. Eh bien !
regarde.» Et il montra ses cornes. Le barbier (s'inclina):
« A personne je n'en parlerai. » Le roi reprit ; « C'est donc
toi qui toujours couperas mes cheveux, qui seul me coif-
feras; ce sera ]à ta charge. »
h. Il vint un jour où le barbier n'eut plus la force de
retenir le secret (qui lui montait du cœur aux lèvres); il
chercha où s'en décharger. Il sortit donc de la ville et
marcha longtemps ; arrivé à un puits : « Voilà , dit-il , voilà
Tendroit où je pourrai crier ce secret; » et il se pencha sur
le puits. Trois fois il cria : « Le roi a des cornes ! Le roi a des
cornes !i» Après quoi il s'en retourna au palais, et (chemin
faisant) il se disait : « Enfin j'ai trouvé la paix. »
2. Le jour suivant, le roi fit appeler ses deux fds : le pre-
SIO FÉVRlËR-MÂRS 1889.
iùrû t'in d iat tu'meliit. Inna i a'sen : «a tarwa-nô,
ig' mut'g''' mera ig agellïd giwn g' el-makànMnô?»
Han iferk'an an, ian gîsen ar itemnad g' ian, wur
sa'wulen. Inna i asen baba't-sen : « g^îiad ellig' ian
géwn wur isa'wûi, ad awn skerg' iat tg'âusa: warma
géwn iéd iéwin iat taznukt d iu-s itaba'a t'in*, g'wan
ar ran iélin g' el-makàn^-înô ig^ ageiiîd. »
Âskalens 'nkern sin iferk'an ftun s tegomôrt' : ian
g'îsen iftasiat t'sga, d ia'n(n) g'îsensiat't'sgai'âdni,
ar u'dein n tadguat'. Han afrôk' an elii imellûlen
wum iùf iat', ewurrin s ti'gemmi , g'wan iâdni igan
i'semg iûfan ia i'fri g' ellig' ansan iznukâd(u); igga-
wem gin ar tadeguat'. Han iznukâd uikand kSe-
menin s iTri an; iggawôrn ofrok' ar tn itemnad, ar
tezzômt n iéd, ar tn it^kâl, iuTain iat' taznokt d iu-s,
mier, noir de peau , était né d*une négresse ; le second avait
une femme Wanché pour mère. Le roi leur dit : « Mes en-
fants, quand je mourrai, qui de vous régnera à ma place?»
Les deux adolescents se regardèrent Tun Tautre et ne ré-
pondirent pas. «Vous vous taisez tous les deux, reprit le
père, je vous proposerai donc une épreuve; le premier qui
de vous m'apportera une gazelle avec son faon courant der-
rière elle , celui-là sera mon héritier. »
3. Au matin, les deux princes partirent en chasse, tirant
chacun de leur côté. A l'heure où se montre la face pâle du
soir, le fils de la blanche reprit la route du palais ; il n avait
rien trouvé. Cependant son frère , le noir, avait découvert un
gîte de gazelles; il attendit tout auprès jusqu'au crépuscule;
alors les gazelles arrivèrent et pénétrèrent dans la caverne.
Le jeune homme ne cessa de les observer; au milieu de la
i::>l«. — — •
£»^-
DOCUMENTS POUR L*ÉTUDE DU BERBÈRE. 211
iYsiil ta'gûs-eftns , iga s t'en g' waske'wn-enns , ikerf-
t'in. AiUig' ifu 'z-zman^, kullu seit n iznukad ftanad
iksién , iamzôn k'tan elli ikerf d iu~s ar as ia'ka kra
n' tezgizût' t't/aba'a t'in®.
Ar tozizômt n og'àras immeggern d ogma-s. Inna
i as : «Tûfitn, à gmo, taznukt elli f ag' iussa^®
baba't-nag'P » Inna i as : « hat'in ar t'temnat'. » —
« G'iladra t l/get'agellid. » Inna i as gùma-s : « Vebbi ^^
ai issen ! » Iakuin fell as gûma-s , ia'mez t'in ig'ers as ;
ia'mez taznokt d elli-s, i'ksen i'iem i gma-s iloh' t'in^'-^
g^iggi n i'at' sejart'^^. Iftun s temazirt'; inna i as : « a
ba'ba, ai iwîg'en taznukt d elli-s. » Inna i as u'gellïd :
«îs tezrït' gùmak?» Inna i as : zg' as 'Uig'en nefta s
tegomôrt', wur t ezrig' ; ifta s iat t'sga, ftug'n s iat' t'sga » .
nuit il se glissa entre les bêtes endormies , et ayant mis la
main sur Tune d*elles qui avait un faon , il détacha sa cein-
ture et lia les cornes de la mère. A Taube , toutes les gazelles
s'élancèrent au dehors ; le prince maintint sa prisonnière et , lui
donnant quelque fourrage , il Te n traîna peu à peu avec le faon.
li, A mi-chemin du palais , il rencontra son frère qui lui
cria : « Mon frère , as-tu trouvé la gazelle que demande notre
père? — Tout de même, regarde! — Ainsi, reprit le
frère, c'est toi qui seras roi. — Dieu le sait!» répondit le
noir. A ces mots (le fils de la blanche) sauta sur lui et le
poignarda; puis il l'écorcha et jeta sa peau sur un arbre.
(Saisissant alors la gazelle et le faon) , il retourna à la ville et
entra auprès du roi. « Mon père, dit-il, voici la gazelle et son
petit; c'est moi qui vous les amène. — As-tu vu Ion frère ? de-
manda le roi. — Depuis que nous sommes partis en chasse ,
je ne l'ai pas revu : il a pris de son côté , et moi du mien. »
212 FÉVRIER-MARS 1889.
Han ian omdah' ^^ ikkan ag'àras aiiiig'n ilkemd ia
wa'nô, iéfen(n) gïs ian ug'ânim img'in gîs. Ibbi
t'in ia"del t'in^, issôdn gis, isers t'in ar tsa'wal krat
tuwal ar te'ni « A'gellid d waskiwn-enns » krat tuwal.
la'sï t'in inna : tagmomt ad ra sers erbehog' ^^ iqa-
re'dn. » lamz ag'âras aillig'n ilkem iat' sejart' ^^, iâfen(n)
iggi-ns ian i'iem ; inna d : « iéwiied àrebbi ^^ mas at
eg'rafk' '^ tallûnt'-inô. » la'sî t'in, ia"del t'in^ ig'erf ^^
ser s tallûnt-s.
Ar izzigiz kra ïmik, iaTen ian wa'nô iaggun(n)
ser s ar n itemnad gîs ia i'zem. Inna i as i'zem : « ai
argaz an, ig' ie'n t'ôsît' zg'id, akôd^'^-nag' g' feH a tli-
kemt', ra k auneg'^®». Igâ sn ia izîker, ia'sï t'in g'
uwa'nô ar afella. Inna i as i'zem : « amzak amz han
5. Or un chanteur cheminant vers la ville vint à passer
auprès du puits (confident du barbier). Il aperçut un roseau
qui verdissait au beau milieu. Le chanteur en coupa (un
morceau] , le tailla (en flûte] , puis souffla dedans et le posa (à
terre). Voilà que la flûte parla : « Le roi a des cornes! IjC roi
a des cornes ! » Trois fois elle répéta : « Le roi a des cornes ! Le
roi a des cornes ! » Le chanteur la ramassa et se dit : « Roseau !
tu feras ma fortune. » Puis il reprit sa route.
6. Il arriva auprès d'un arbre où pendait une peau. « Tiens !
fit-il , le Seigneur me gratifie (aussi) du tambourin I » Il prend
la peau, la prépare, en garnit son vieux tambourin et se
remet en marche.
7. Il rencontra un autre puits; (en se penchant) pour
regarder au fond , il aperçut un lion. Le lion Tappela : « Eh !
Thomme , tirez-moi d'ici , je vous le revaudrai dans le be-
soin. » Le chanteur envoya une corde et mena le lion hors
» g.'*--
— l» g^. — » ifji.— " oJj. — '« yl*.
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 213
kra wan zâdn , akôd ^"'-nag' iét tah'tajat' ^®, loh tnin ^^
k'takat' k'eldeg'2o fell ak. » Iftun i'zem.
laggun dag' ar itemnad g' uwa'nô, isa'wul(l) ser s
ian ulgomad inna i as : « ig' iin tûsît' zg' uwa'nô ,
han ra ggi-k skerg' el-k'èr^^ » la'sî-t'in ellig'n i'g'ûlî,
iasï d in imik ezg' i'im-ennes aqdîm ^^. Inna i as :
«akôd-^'^nag' fell a tlikemt', teh'org(e)t'in2^ imik g'
ilm ad, ra n fell ak k'eldog'^®. »
Han ian urgaz isa'widn ser s g' uwa'nô , inna i as :
« ig' iin tûsit', g' ik elli t'skert' i g'win iâ'dni , ra d ak
skerg' iat tg'a'usa elli wur sar t'tut'. » la'sî t'in ar
afella in wa'nô. Inna i as : « g'ïla tûsit iin , amz a
du puits. Celui-ci lui dit alors : « Prends donc ce poil ; lorsque
ta auras besoin de secours, lu le jetteras dans le feu; aussitôt
tu me verras arriver. » Le lion partit.
8. Le chanteur regarda encore dans le puits. (Il entendit)
un serpent qui lui parlait : « Si tu me tires de ce puits , je te
payerai ce service à l'occasion. » Il aida le serpent à remonter;
quand le serpent fut en haut , il leva un morceau de sa peau
de Tannée précédente et dit au chanteur: «Prends; quand tu
auras besoin de moi , brûle un peu de cette peau , et je serai
à tes ordres. »
9. A ce moment , un homme appela du fonds du puits :
«Faites-moi sortir d'ici , disait-il, comme vous avez fait pour
les autres, et je vous donnerai une récompense que vous n'ou-
blierez jamais. » Le chanteur tira l'homme du puits : «Main-
tenant que lu m'as délivré, fit l'homme, attrape et va te
laver I» et il lui bailla sans souffler un coup de poing sur le
nez, un coup de poing sur les yeux, un coup de poing sur
^ o
>» ^U».l. — 20 kJU. «fréquenter». — " yji. — « ^^o^. —
214 FÉVRIER-MARS 1889.
tsirt » iutt' s iat t'ukûimt' g'iggï ink'ar^* iat t'ukûimt'
g'iggi n ualn d iat' t'krat' g'iggi n imi. Iftun fi h'âlt-^^s.
Han amdah' ^^ an iftan s temazirt' ar iat' ta-le-blast^^.
l'bdun^'' ar itlaab^^ iut' tagmomt', isers t g' wakal ar
t'sawal ar t'e'ni « a'gellid s waske'wn-ennes » krat tuwal.
la'sin tallûnt', iut' isers t'in g' wakai^ ar tsawai ar
t'éni « gûmâ aiin ig'ersen f taznukt d elii-s. » Ar sa-
walen midn , askend sin imk'âznin^® ar sflidn ma t'e'ni
tagmomt et talliint'. Ftun s dar u'gellid, innan as : « a
sïdi^®, han ian umdah'^* ar ikkat' tagmomt' ar tsawai
ar t'e'ni a'gellîd d waske^wn-ennes , ar ikkat' tailunt',
ar tsawai ar t'e'ni gàmâ ai ig'ersn f taznukt d eUi-s. »
Inna i âsen u'gellid : «awiat e'd tgim t'in g' bui-
gurdan^^» Ftun ser s amzun t'in gin-t'in g' bui-
gurdan^^
la bouche, puis s'en alla à ses affaires. Le chanteur (lava le
sang qui coulait).
lO. Enfin il arriva à la capitale. (Il s'arrêta) sur une place
(pour donner une représentation). Il souffla dans son roseau,
le posa par terre et le roseau dit trois fois i a Le roi a des
cornes ! Le roi a des cornes / » Il frappa sur son tambourin et
le mit à côté du roseau, et (voilà que) le tambourin fit en-
tendre ces mots : t C'est mon frère qui nia égorgé pour la gazelle
et le faon ! » On en jasa dans la ville ; deux hommes de police
(se mêlèrent à l'assistance) , et ayant entendu le roseau et le
tambourin, allèrent rapporter au roi qu'il y avait un chan-
teur qui faisait dire à sa flûte : « Le roi a des cornes / > et à son
tambourin : « C'est mon frère qui m* a égorgé pour la gazelle et
son faon. » Le roi ordonna qu'on jetât ce chanteur en prison.
** ^j^i^Lut, ï^ «museau, extrémité du nez». — ^ jJl^. J. —
^ Plaça «place», en langue franque. — *' los^. — ** t^^MJa, —
*• (^^ «garde». — ^^ <i«N^»»'. — ^' «La boîte aux puces».
DOCUMENTS POUR i;ÉTUDE DU BERBÈRE. 215
Ikkan gîs se'n wussan ; ar it'e'ni wah'dut' ^^ « ra d
jerrebeg' ^^ imdukâl-înô eHin usig' g' wa'nô. » la'sîd
tasiesit' innad : « ad jerrebeg' ^^ algumad entan
aizwa'ren. » là^sîn imik gailli as ifka ulgomad,
iloh' t'in^^ k'takat'. Ikkan îmik, han algomad ilkem
t'in, inna i as wulgomad : «g'id ag'en tëllit'?» Inna
î as entan : « g'idag'en leg',ik'tezdart', aiin t'sufogV. »
Inna i as : « zdarg' s. Âska ig' d uskan d willi tamznin
ilguma'dn, hatnin ra d iksôdn; ik' tuskit', kûn ad
wur teksôt gîgi , t'ésît' iin ar berrà ^^ n temazirt', tor-
zemt iin. Âskalens tella iat' ferok't' mëzzin elli-s n
u'gellid, hat'in taazza ^^ dar s, ra d sûtleg' i umgard-
ennes. Ig' d uskan d iai'ssawin^^ ra tn esseudog',
erweln g'èr^"' kién ta'sït iin. » Askalens issû'tld wul-
gomad i iumgard n tefrokV; inkem tik'de'min ^* d
1 1 . Celui-ci fut donc mis en prison. Au bout de deux
jours, il se dit : « Éprouvons mes amis que j*ai retirés du
puits, t II prit la peau que lui avait donnée le serpent :
«J'éprouverai d'abord le serpent», et détachant un morceau
de la peau, il le jeta dans le feu. Aussitôt le serpent apparut :
«C'est ici que tu es? dit-il au chanteur. — Oui, c'est ici
que je suis, et si tu en as les moyens, tu me feras sortir.
— J'en ai les moyens. Le roi a une fdle' qui lui est très
chère. Demain je m'enroulerai autour de son cou ; on appel-
lera les charmeurs, mais je les mettrai en fuite; on t'appel-
lera aussi; ne crains rien, prends-moi et va me déposer
' Le discours du serpent est un peu en désordre; j'ai dû modi-
fier la disposition des phrases et supprimer les répétitions.
216 FÉVRIER-MARS 1889.
ilke'men ar t'e'nin « a ia wulgomad issùtl d i illi-s
u'geHîd mezzin ! » Innan i u'gellïd : « han ia wul-
gomad issûd d i tfrokY! » Inker d ar itazzal. Inna i
a'sen : « awiat ie'd willi illanin g' buigurdan ^^ ih'ab-
basen^^ ig' gïsen kra n iaissawin ^. » Ftûn awin d iais-
sawin. Amzua'ru i'ftan an ia'sï wulgomad, ar fell as
ittakûi wulgomad, issiwit, irwul. Wissin wakadâlik^®.
Wiskrâd iaske'd, walli iâ'dni igân amdakul-ns :
ia'sî t'in, inna i u'gellîd : « aii tsamahl/*^ ad a serze-
mog' eg' la-k1a^^. » Inna i as : « asî-t' tawi-t'in s la-k'la,
terzomt as, t'wurrîd s g'îd wur tsekôt iat' hat'in
erzemg' ak; iawin algomad ar la-k'la, irzem as,
dans la campagne. » Le lendemain le serpent se glissa autour
du cou de la petite princesse. A cette vue, les servantes se
mirent à crier : « Un serpent au cou de la princesse! » Leurs
cris furent entendus par le roi qui accourut en disant :
« Qu'on aille chercher parmi les gens qui sont dans la prison ,
s'il n'y a pas quelque aîssawi*,i» On amena de la prison un
aîssawi qui tenta de s'emparer du serpent; mais celui-ci se
jeta sur lui et le mit en fuite. Un deuxième charmeiu* ne
fut pas plus heureux. L'ami du serpent vint en troisième,
et (sans efiPort) il prit l'animal et dit au roi : t Permettez que
je le reporte dans la campagne ^B Le roi répondit: «Va,
emporte-le , laisse-le dans la campagne et reviens ici ; tu n'as
plus rien à craindre , tu seras libre ! » Le chanteur alla dé-
39
^^.4^. — w JLlis;. — » ^<w. — " P^KiL.
' Membre d'une confrérie bien connue, qui s'attribue un pouvoir
sur les serpents et les scorpions ; une troupe d' Aïssawas a donné des
représentations à Paris. Ici , synonyme de psylle,
^ Un charmeur perd son pouvoir sur les serpents, s'il cause
quelque mal à l'un d'entre eux.
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 217
iwurrin dar u'gellïd, inna i as: «a sïdî^°, hat'in
erzemg' as. » Isa'wul as d u'gellïd , inna i as : « ai i
tawût' manig' tûfit' îmasn an. » Inna i as : « sîdi^*^, ufig'
d iat gomamt' temg'in g' wa'nô bik' t'in a'^dlok'^ t'in
sodg'n gis ar tsa'wal. » Inna i as : « imma tallunt'
manig' t' tùfit'? » Inna i as : « ufig' d e'iem g'eggi n iat
sejart'^^g'erfg'en^^ser s tallunt', art'kat ek' artsawal. »
Inna i as u'gellïd : « zaid aiin erzemg' ek » ; if k az d
kra n iqârédn; iftûn. Ig'ran u'gellïd e uli'ajjâm^,
inna i as : «ah'ajjâm- ma k' aillig' g'a tskirkist fell
a? » Inna i as : « wur jud nekkin ai skerkïsen. » Inna
i as u'gellïd : « sod k' tagmomt. » Ad iso'den gïs; inna
i as : « sers t g' wakal. » Isers t'in u'ii'ajjâm''^ g' wakal ar
tsawal tgomamt'ar t'e'nî « a'geilîd s waske'wn-ennes! »
poser le serpent dans la campagne et revint en présence
dii roi: «Sire, dit-il, le serpent est loin*. — Conte-moi
maintenant, reprit le roi, où tu as trouvé tes instruments
de musique ?» Le chanteur raconta comment il avait trouvé
un roseau verdissant au milieu d'un puiis, comment avec
un morceau du roseau il avait fabriqué une flùie qui avait
parlé lorsqu'il eut soufflé dedans. « Et le tambourin , où l'as-
tu trouvé?» Le chanteur répondit encore qu'il avait trouvé
une peau accrochée à un arbre et qu'il en avait recouvert
son tambourin, que (depuis lors) le tambourin parlait quand
on le frappait. Le roi lui fit donner une somme d'argent et
le congédia. Le chanteur partit.
13. Le roi manda alors le barbier: «Barbier, lui dit-il,
pourquoi répands-tu des mensonges sur mon compte ? —
Sire, je ne suis pas un menteur. — Souffle donc dans
ce roseau. » Le barbier souffla : « Pose-le à terre. » Le bar-
bier posa la flûte à terre, et la flûte dit tout haut : « Le roi a
Le mot à mot est «lâché dans la campagne p.
xni. i5
IVVBIItKK» SATIOSAtl.
^18 FÉVRIER-MARS 1889.
Icrat tuwaï. Inna i as : « ar temnît d ar tsflit ma t'e'nî
tegomamt ad. » Inna i as : « awai elii s ak ennig' aiad
tsufg't manig' t'nnït' awai ad. Hat'in agaiu-nk ira
itu'bbàï. » Inna i as ai i tsâmah't'*\ ai agellîd, awal
ad ennig' t' g' wa'nô wur isilla ian. » Inna i as u'gel-
lîd : « isiilai ak d ôrebbi^^, ftun s le-makàn ^-ennek. »
lazn az d u'gellîd se'n irga'zen ng'in t mudlôn t'*^.
la'zend s iu-s; hat'in iuska d, inna i as : « tgawom
g' el-goddâm^^-înô. » Inna i as : « man ikka guma-k,
mensk n isegguasen aiad, wur no'mz l-ak'bâr*^-ens. »
Inna i as iu-s : «a ba'ba, wur se'ng' man ikka.»
Inna i as ba'ba-s : « ia-k wur t' teng'ït'? » Inna i as :
« là , wur t enrig'. » Isawui n ser s ba'ba-s, inna i as :
« ût' tallunt' an.» lût' tallunt, isers t g' wakal, ar
des cornes ! Le roi a des cornes ! » par trois fois. Le roi dit
alors : « Tu vois ce roseau ? Tu entends ce qu il dit ?» Il reprit :
« Ce secret que je t'avais confié, le voilà qui court; comment
l'as-tu divulgué? Tu (me payeras) cela de ta tête.» Le bar-
bier supplia : « Grâce! mon seigneur, j'ai dit le mot dans un
puits; personne n'était là (pour entendre).» Le roi répondit :
« Dieu était lX ! » Le barbier s'en alla dans sa demeure ; le
roi lui envoya deux émissaires qui le tuèrent et l'ensevelirent.
i3. Ensuite le roi fit appeler son fils, et dès qu'il le vit :
«Mels-toi en face de moi, lui dit-il, où est ton frère? Com-
bien y a-t-il d'années que je n'ai point de ses nouvelles!»
Le prince répondit : « Mon père , j'ignore où il est. — Ne
serait-ce point toi qui l'aurais lue? — Non, je ne l'ai
point tué! — Frappe donc sur ce tambourin.» Le jeune
bomme frappa sur le tambourin, mais quand il Teut déposé,
m
" De del « couvrir ». Cf. ar. JoJS « se couvrir d'un voile ». —
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 219
tsawal tallunt' ar t'e'ni aguma' ai ig'ersenf taznukt d
elli'S ie'zûn d baba. » Inna i as u'gellid i iu-s : « ar
tsflît g'îla izd îma ilm n ogma-k aiad isàwaln. » Inna
i as : «is t' t'skert', agaiu-nk ira ibbi. » Inna i as:
« skerg' t' ennig' ïs wur ra d iawian el-ak'bâr^^. » Inna
i as ba'ba-s : « ôrebbi ^^ a issen. Wurrin s le-makân *-
ek. » lazn as se'n eng'in t' g'ebbern t'^®, g'jk elli isker
i gma-s. — Leqist*^ in wudai** ben-stita'^^ de tas-
kokant'^®.
ToHà que le tambourin parla et dit : « C*est mon frère qui m'a
égorgé pour la gazelle et le faon que demandait ' mon père. »
— « Tu Tentends , regarde , c'est la peau de ton frère qui
parle. Pour ton crime, je te ferai trancher la tète. » Le jeune
homme dit alors : t Comment aurais-je pu penser que ce que
j'avais fait serait découvert? — Dieu le savait!» reprit
le roi. Le prince retourna dans ses appartements. Deux en-
voyés du roi vinrent, le mirent à mort et le jetèrent dans
la poussière comme il avait fait du corps de son frère. (His-
toire contée par le juif Ben-Stita de Tashokant.)
*• wlê «couvrir de poussière». — *^ iuâxJî. — *• Ar. : fS'^y^,
Uda-i «qui est de Juda». — *' ax».tûw ^^I), sobriquet d'un homme
ayant un sixième doigt. — *® Près d'Eskorah.
' (Pour lesquels envoya).
i5.
220 FEVRIER-MARS 1889.
II
LES VOLEURS DU TRÉSOR ROYAL.
SPÉCIMEN DE TRANSCRIPTION EN CARACTÈRES ARABES ^.
•.T îi- .'rr^îî. fi .':•? ii-y «.-1.: î" •?» '.y- A
c< I j3 ^ ». > g(l«.55 yLiw J*|lû. ^J\yl 3*^l4«^ ^5^
^ '^]\}1 3*8.1$ 2p' ^' j^^i ;4i^_^ ^la
^ Man. bei'b. n° 4. Conte XXIV, p. 1 54-253 du texte berbère
et i45 de la transcription latine.
X
DOCUMENTS POUR L*ÉTUDE DU BERBÈRE. 221
111a ian ogellîd dar-es krat lebnàt^ kuUu^ azu-
mint^; rant kuUu^ ettahalent*. Inker ogellîd babat*
sent, ian was, iserf ser-sent ; aillig' d-uskent ar-dar-s,
inna-i-a'sent : «â isti, rig' ad-annunt skereg^ 4at
tag'ausa^. » Ennent-as : «mamenk, ia baba, trit a
teskert? » Inna-i-a'sent : « Nekki rig' ad-eskereg' krat
tettefâh'in^ n-uwereg', tan iran argaz teluh'^^ fell-as
tettefàh'a^. » Ennant-as : « k'iart*^ ! » Iserf ogellîd s-ian
udâi * ie"zza ^ dar-s bahra ^®. Aillig' ad-iuska ar-dar-s ,
inna-i-as : « ad-i-i teskert ^^ krat tettufâh'in ^ n-uwereg
g' el-h'in ^^. » Iftû wudài* ; isker-tent g' el-h'in ^^, iawi-
tentid. Iflca-tent ogellîd krat tettufâh'in ® n-uwereg'
1 . H était un roi qui avait trois filles , toutes trois en âge de
se marier et désirant un époux. Un jour le roi prit son parti'
et les fit appeler. Quand elles fiirent devant lui , il leur dit :
«Mes filles, je veux faire quelque chose à votre (intention).
— Et quoi donc, mon père? répondirent les princesses.
— Je vais faire fabriquer trois pommes d'or; celle qui
voudra (tel ou tel pour) mari lui jettera la pomme. —
Parfait ! » reprirent-elles. Le roi envoya quérir un juif qu'il
aimait particulièrement. Dès que le juif entra : «Fais-moi
faire sur-le-champ, lui dit-il, trois pommes d'or.» Le juif
s'éloigna , fit immédiatement les trois pommes et les remit
* c»UjilJ . — * J^, — ' ftyo \s^ ; glose du manuscrit \y^jio y lyUb
(sic). Jeune fille qui jeûne, c est-à-dire nubile. — * J^î. — * Va-
riante : tag'uas» — • c^"*^^ * — ' ^'^^ «tout ce qu'il y a de meil-
leur, parfait!». Locution maghrébine. — ^ udâi, adj. formé de
(J)uda. Cf. (^'>y^.» — • jft. — *® \y^ «brillamment» correspond ici
au sens de l'arabe vulgaire du Maghreb OIJU «beaucoup». —
" Variante : sekr-i-i pour ad ii teskert. — " (jâ^*
' Mot à mot : < se leva».
222 FÉVRIER-MARS 1889.
iamar^^ ogellîd f el-mesuar ^* iâmmar^^ g'-el-h'ln^^,
inna i-istî-s : « hâ-kat tettulfâh'in ® ; tan iran argaz
teluh' fell-as. » G'imkan ad-eskarent; aillig' iâmmer^^
le-mesuar^* n-ugellïd , iat teluh' ^^ f-ei-uzir^^ n-ugeiiïd ,
iat f-el-qâid ^"^^ iat iadnin f-el-qàdi ^^ n-el-medint ^®,
aillig' kuUù^ ettahalent*. Iksr-a'sent babat-sent tam-
g'ra ifulkîn.
Aillig' teqada ^® tamgVa , inkern ian sîn imakarn ;
ftun akom ^* tigimmi n-ugellid. la'fen ogellîd el-mâl^^
ifta-i-as. Iserf s-wudâi ^ ; aillig' ad-iuska , inna-i-as : « iâ^*
udài *, ifta-i-i kuUû ^ 1-mâl 2^, iggûten. » Enna-i-as :
« iâ sîdi 2*, sker kust tik'ùba ^^ n-ez-zafat ^® g'-îmi 1-a-
hari ^^^ h'afr ^^-a'sent g'-uakal. » Isker ogellîd awal n
au roi. Celui-ci commanda alors quon réunit sans retard le
conseil, et s*adressant à ses ûlles: «Voici les trois ponunes,
que chacune jette la sienne sur Tépoux (de son choix].»
Ainsi firent-elles. Quand le conseil fut réuni, la première
jeta la pomme au vizir, la seconde au qaïd et la troisième au
qadi de la ville; toutes se marièrent donc. Leur père leur
fit une noce splendide.
2. Or il arriva que deux voleurs s'introduisirent dans le
palais et pillèrent le trésor royal. Le roi, étant allé passer la
revue de ses richesses, s'aperçut du vol. Il fit appeler le
juif: «Juif, dit-il, des voleurs ont pénétré jusqu'à mon
trésor; ils ont enlevé tout l'argent, des sommes immenses!
— Sire, il faut cacher dans le sol, tout à l'entrée, quatre
»* ^L — »* »yai. - " ^. — " yij^i. — " osî'^i. —
\
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 223
wudài ®. Aiiiig' ia"mmar ^^ tik'ûba^^ n-ez-zafat^^
ih'afr^^- a'sent g'-îmi l-hari^''. Asken-d imukaren gan
sîn,iksem ian gïsen idarn g'-et-k'ibit ^^ n-ez-zafat 2®,
îttemrun gîs. Inker ommdakuU-en-s ibbi ikT-ens,
iasî-t, iftû, ifel 1-ejnazt-ens^^ g'în. Ar sbah^®, ha udâi *
ioska-d, ia'fed i-ejnazt^^ bla^^ ik'f; iftû dar ogellïd,
inna-i-as : « ian ihasselo ^^, ulakin ^* ur dar-es ik'f. »
Iserf ogellid imdukali-ens asin-d argaz g'et-k'ibit^^,
ulaken^* ur dar-es ik'f, ur t-issin ian, illeg' ur ili
ik'f.
Inker udâi* inna-i-as : « serf-et s-ïmi 1-medint^^, iga
feil-as ia"sasen ^^ g'-ie'd wala azai. » Inker imiker
isg'i kkùz ibûkiren moqqornin ian iskaun moq-
qomin; iggaur aiiiig' ilkem ie'd. Inker imiker iasïd
jarres remplies de poix. • Le roi fit ainsi; près de la porte
du trésor, il cacha jusqu'au col qualre grandes jarres pleines
de poix. Les voleurs vinrent, l'un d'eux tomba dans une
jarre et ne put se dégager. Alors son compagnon lui coupa
la têle et l'emporta, abandonnant le corps mutilé. Au ma-
tin, le juif alla pour visiter les jarres çt trouva le déca-
pité. 11 s'en fut vers le roi : 0 Sire , il y en a un de pris ; seu-
lement il n'a point de tête. » Les gens du roi tirèrent le
corps de la poix; mais personne ne sut reconnaître un ca-
davre auquel manquait la tète. «Eh bien! fit le juif, quon
l'accroche à une porte de la ville avec des gardes qui veil-
* leront nuit et jour; (nous verrons!) »
3. Cependant l'autre voleur acheta quatre vieux boucs à
grandes corties et attendit que la nuit fût venue. Alors il
224 FÉVRIER-MARS 1880.
ekkûz ibûkiren, iserg'i fell-asen es-sema"a^^, kull'^
ian iga fell-as snat tes-sema"î ^^ ; iftû a-ia'sî amda-
kuU-ens elli immûten^^; ellig' izran ia''ssâsen^^ g'aian,
enieln; iftû urgaz ia'sï amdakul-ens imdel^^^-t. Aillig'
ifau 1-h'al ^^ lah' 1-ejnazt *^ ellï. Iftû udâi ^ dar ogeliid,
inna-i-as : « iâ sîdi *\ lah' i-ejnazt ^® elli. » Ftun im-
dukal n-ugellîd kesmen 1-h'orum *^ ; iserf ser-sen
ogellîd, ifk'-âsen l-a''hed ^^; ofFug'ind a"uden** ogellïd
g'emk-elli ijran'^^. Ifk-âsen ogellïd le-ksùt*^ i-ian.
Ftun.
Ha udâi * ioska-d , inna i-ugellid : « asïd tena"-
amt^^ elli dar-k illan, teget-as mera'ut tel-iaqûtin*®,
tonurzumt-as g'-el-medint ^^ attefettii , fureg'-t nekki. »
Inna-i-as ogellîd : « k'iart^. » Ifk'-as ogellïd tena"amt*'',
ïg'-as mera'ut tel-iaqûtin **, inurzom-as udâi * g'-ei-
prit les boucs, leur garnit les cornes avec des cierges al-
lumés et les chassa vers le lieu où était exposé le mort. Les
gardes efifrayés se sauvèrent; le voleur se saisit du corps
de son compagnon et s'en alla l'enterrer. Quand la terre
s'éclaira, le cadavre avait disparu. Le juif avertit le roi. Or
les gardes s'étaient réfugiés dans un lieu d'asile (craignant
la colère du prince). Celui-ci leur promit leur grâce; ils
vinrent lui conter toute l'affaire, furent pardonnes et re-
curent un vêtement.
IX' Le juif conseilla alors de parer l'autruche du palais avec
dix rubis et de la lâcher dans les rues de la ville; (lui se
chargeait du reste). On suivit ce conseil, et l'autruche (toute
brillante) de rubis fut poussée hors du palais. Le juif la
*i tfOsï-M l^..-^^ p^, pluriel -3^. — « o^L — ** ^U. —
DOCUMENTS POUR L*ÉTUDE DU BERBÈRE. 225
medint^^, itfur-t kull^ as. Ha imi'ker dar-s 1-ak'bar*^,
ih'du^® udâi®, ailHg' iakor-as-t imi'ker, iwi-t, ifel udâi*
ikla^ig'ïn.
Iftû udâi dar ogellïd, inna-i-as : « ia sïdi^\ tefta
tena"atnt *'' elii i-i tef kit. » Inna-i-as ogellid : « ma-
menk trit a-teskert, â udâi*? » Inna-i-as : « ifk-i-i snat
tfeqqirîn^'^ sibnîn^^ bahra^^, sâternin^^, ad-eftunt, ad-
sigiint tigomma g'-el-medint ^^ ig'-uTent ta'dunt n-et-
tena"amt*^, g'uwad elli iuwin tena''amt^^ ira ad-as
ig'ers. » G'-el-h'ïn^^ iserf ogeliîd snat temg'arin sib-
nîn ^. Aillig' d-uskant iinF-a^sent ma ti'nnint. Ftunint
illeg' teikem iat gisent tigimmi n-imi'ker; taTen
temg'art-ens, tenna-i-as : «fk-i-i, iâ lella^^, imik en-
ta'dunt n-tena''amt *'', ig'-dar-m tella. » Tenker tem-
suivait, épiant de toutes paris. Le voleur, dès qu'il eut vu
Tautruche, flaira le piège; et à son tour il surveilla le juif,
tant que , le jour fini , il mit la main sur Tanimal et Femmena ,
laissant le juif tout hors de lui. Le juif alla dire au roi :
«Sire, Taulruche est perdue. — Alors que vas-tu faire? de-
manda le roi. — Mon seigneur, dites à deux vieilles fenunes
adroites de parcourir les maisons de la ville; si elles trouvent
dans quelque-une de la graisse d'autruche, c'est que le ra-
visseur y aura conduit l'animal et l'aura tué. » Le roi choisit
deux vieilles rusées, leur donna commission, et elles s'en
allèrent de maison en maison. L'une d'elles arriva chez le
voleur et trouva sa femme : «Madame, fit-elle, je cherche
de la graisse d'autruche. Quel service vous me rendriez de
w ^^. — 50 jj,^^ avec le sens de JoU. — «i JJ^. Radical,
Jii. (Jo^l «avoir l'esprit troublé»). — " wJLi {ïyiJii avec le sens
de »;>#). -— w ^U. — " 1^. — w ^lii, — M iU (^.
226 FÉVRIER-MARS 1889.
g'art, tefk-as-t. Tra temg'art at-tefFug'; hai argaz
iksemn tigimmi, ia'fen tamg'art tûsi ta'dunt en-te-
na"aint *'' ; inna-i-as : « a tamga'rt , matta-g'a-d tùsït? »
Tenna-i-as : «ta'dunt.» Iseksem-t g'ïn, ing'ï-t, im-
del-t^'' g'e-tigimmi-ns , ilhu^* ar ikkit tamg'art-ens.
Inker udâi * lah't tamg'art. Inna i-ugellîd : « esker iat
en-nezahat^^ ifulkm bahra^®. » Ilhu^^ ogellîd isker
en-nezahat^^ ia"red^^ kuilu^ imedden elli eilanin
g'-el-medint ^^, ensin g'în. Inker udâi* ifk'-a'sen
1-ak'mar ^^ suan-t. Ilhu ^* o-udâi * ar-isflid kuliu ^ ian
ma itti'ni. Eiiig' iskeren^^, iafn udâi* g'walli ar-itti'nï :
«nekki ai-iûsin el-mâi^* n-ugeliîd! Nekki ai-iùsin
t-en-na"amt*'' n-ugellïd! » Inker udâi, ia'sid ei-mùs^^,
m* (indiquer où en trouver), ou, si vous en avez, de nous en
céder! » La femme se leva et lui apporta de Li graisse d'au-
truche; et la vieille se retirait quand le voleur entra : « Qu'as-
tu là? dit-il à la vieille. — De la graisse d'autruche, sei-
gneur. — Rentre un peu. » Il la tua et l'enterra dans la
maison ; puis iJ battit sa femme.
5. Cependant le juif attendait; et il ne voyait venir ni
vieille ni graisse d'autruche. «Faites, dit-il encore au roi, une
grande fête où toute la ville prendra part. » Le roi consentit.
La fêle fut magnifiqpe, et grands et petits y vinrent. Elle se
prolongea dans la nuit. Le juif excitait les échansons , et le
vin coulait à flots; lui, s'en allait de groupe en groupe, sur-
prenant les confidences de l'ivresse ; il entendit quelqu'un se
vanter d'avoir volé le roi , d'avoir mis son trésor à sac , d'avoir
pris son autruche. Le juif (ne s'en éloigna plus, et dès quii
*' Cf. Jo^. — ** f^ exprime en arabe une occupation atta-
chante. Glose : JjLô. — ^ iûftyJl. — •• !^. — •* d^- —
DOCUMENTS POUR L*ÉTUDE DU BERBÈRE. 227
iks-as tamart-ens kuiiut^; iftû iga a'Wsen^^ g'-iroi
le-qasbet^'' n-ugeilîd. Iftû udâi ifrah'ô^®, isker s-el-
ak'mar®^ bahra'^®; inna : « nekki ofig' amdakul-ïnô. »
G'iland,argaz inker, iaf-d ikT-ens bla"'^ tamart; iasïd
el-mùs-^^ens; iftû argaz aillig' ilkem udâi*, iksas
tamart-ens , iks i-kullu ^ irgazen timariuen-sen zond
netta. Iggauer aiUig' ifau 1-hâl '^. Inker udâi* iftû dar
ogellîd, inna-î-as : « nekki ufig'ameddakl-inô. » Inna-
i-as : « menzât? » Inna-i-as : «iùjad"'^. » Iftû udâi*,
iksem d el-qasbt^^, iafen kullu^ medden elli g'in
ellan Ua '^^ timariuen. Iftû udâi*, inna ugellid : « nekki
a^IIameg'''^ s-timarart, keseg'-as tamart-ens, imil
afg'en kullu ^ ma iiian gi'n bia ^^ tamart. » Inna-i-as
"vit que le bavard , vaincu par l'ivresse , fut endormi) , il prit un
rasoir et lui rasa toute la barbe. Puis il fit mettre des gardes
à toutes les portes du palais, et, plein de joie, but à son
tour et s'enivra criant : « Je tiens mon gaillard ! » Le sommeil
lui vint bientôt et (s'appesantit peu à peu sur toute la fête).
Après quelque temps , le voleur s'éveilla ; il sentit son men-
ton (irrité du feu du rasoir). Alors il se leva, et chercha le
juif au milieu des gens endormis; il prit son rasoir et lui
enleva toute la barbe; il alla raser aussi les sentinelles
et (s'échappa). Quand le jour parut, le juif courut au roi :
«J'ai notre homme! — Amène -le. — Sur l'heure.» Il re-
tourna au lieu de la fête; les gardes étaient à leur poste,
tous sans barbe; mais il ne ramena qu'eux sans barbe.
«Hélas! dit-il au roi, j'avais rasé le coupable pour le recon-
naître , et je vois que tes gens sont aussi rasés. » Alors le roi
228 FÉVRIER-MARS 1880.
ogellïd : « imma tin-k, a udâi*, lah'at dar-k. » Igger-
as udâi, izmu'^^. lamz-t ogellïd, ing'ï-t gin.
Tekemmel ''^ el-qist ''''.
lui dit: «Mais ta barbe, ô juif, où s'en est-elle allée?» Le
juif passa la main sur son menton et pâlit. On le tua. (Fin de
l'histoire.)
(Jja fin à un prochain numéro.)
\
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 229
•
I-LI,
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE,
SON CONTENU ET EXTRAITS,
• PAR
M. C. DE HARLEZ.
Ul'li^ est sans contredit un des monuments les
plus curieux de lantiquité orientale. Plus ancien que
le Li'ki, exposant des faits contemporains de Té-
poque où il fut rédigé , il est spécialement précieux
pour l'ethnologie et l'archéologie, puisqu'il relate
dune manière authentique les usages régnant en
Chine il y a vingt-cinq siècles et plus encore peut-
être.
Cependant il est resté jusqu'ici presque entière-
ment ignoré; on ne le connaît guère que de nom.
Parmi les auteurs qui nous ont donné le tableau de la
littérature chinoise , beaucoup le passent sous silence ;
d'autres en donnent une idée peu exacte. C'est ainsi
que nous lisons dans le catalogue de Tlndia office,
p. 1 9 : « The subject matter of the work is the con-
* C'est-à-dire «les rites conformes aux règles •.
230 FÉVRIER-MARS 1889.
duct of the individaal under every phase of social
intercourse. » Et dans l'ouvrage si savant et si juste-
ment estimé d'A. Wylie : « The subjects it treats of ,
are of a more domestic character than those of the
Chow le (tcheou li); rules being laid down for the
guidance of individaal condact under a great variety
of conditions and circonstances ^. »
A en juger d après ces indications sommaires, on
devrait croire que Vl-li est entièrement , ou dugnoins
presque entièrement, consacré aux règles de con-
duite tracées pour les particuliers et les circon-
stances de ]a vie privée. Or cette conclusion serait
erronée. Ul-li primitif s'occupait exclusivement des
fonctionnaires publics , magistrats ordinaires ou des
plus hauts rangs, et surtout des grands feudataires
de Tempire et du souverain lui-même. Les particu-
Hers en étaient exclus , à ce point qu'un ancien com-
mentaire porte ces paroles expresses : « Les rites
s'arrêtent aux fonctionnaires inférieurs et ne des-
cendent pas jusqu'aux particuliers : lî paJi hià shà
jin il ^ T iSf. A ; pour ceux-ci , point de règles de
conduite. »
D'autre part , comme Yl-li est le tableau fidèle de
la civilisation chinoise à une époque très reculée et
nous met sous les yeux l'état social de ce singulier
peuple tel qu'il était il y a plus de vingt-cinq siècles ,
il est à regretter qu'il ne soit pas mieux connu , et
qu'on n'y ait pas puisé davantage les renseignements
précieux qu'il contient.
* Notes on chinese litieraiwe , p. 5.
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 231
Il ne sera donc pas inutile, en attendant qu'on en
ait une traduction complète, de donner un aperçu
sommaire mais complet de tout ce qu'il renferme.
Chacun pourra, de la sorte, s'en faire une idée
exacte , savoir ce qu'il peut y trouver et à quel en-
droit il devra chercher ce qui l'intéresse.
La composition de YI4i a été attribuée au cé-
lèbre ministre et frère de Wuh-vvang, Tcheou-kong;
mais celte tradition est des moins sûres ou, pour
mieux dire , elle n'est pas digne de foi , comme on le
verra plus loin. Toutefois son contenu nous assure
qu'il est antérieur à la dynastie des T'sin (2 55
av. J. C). Disparu dans l'incendie général des livides
canoniques sous Shi-Hoang-ti , il fut retrouvé , avec
le Shuh-king, dans un mur de la maison de Kong-
fou-tze, s'il faut en croire Kao-Tang, le lettré de
Lou, éditeur du Shi-li, ou rituel des fonction-
naires. D'autre part, Sse-ma-tzien , contemporain
du fait, raconte que Kao-tang avait retenu ce livre
tout entier par cœur et le récita quand on voulut le
rendre à la lumière. (Voir Lieh-tchoaen , chap. lxi,
c. fin^)
Le catalogue des livres de rites de la bibliothèque
impériale des Hans porte aussi un livre de li, ancien
* Yu hin tuh yek shi li haô tâng sking nëng yen tchi ]5S "^ ®
^±TÊM^Ê.1lè^:t (Voir t. IV, Lie.tchonen ^Ij ^
61, fol. 2 r°, 1. i5. — Édit. in-18, 4 kiuen.) Après la restauration
des lettres on Gt divers recueils des rites dont les codes avaient été
brûlés. Ce furent le Shili, puis le Li-kn-king en 5o kiuen, le Ta toi-
/i^etc.
232 FÉVRIER-MARS 1889.
texte, en 56 kiuen, que Ton croit également iden-
tique au texte appelé Li-ku-hing,
Sous les Hans, les lettrés, excités d ailleurs par
les empereurs eux-mêmes \ se mirent à réunir, coor-
donner et épurer les matériaux du Li-ki. L ancien
rituel qui appartenait à une autre dynastie, à un âge
féodal, fut naturellement laissé au second plan, bien
qu il ait été , à cette époque même , l'objet de différents
commentaires tels que ceux de Heou-tsang (i*' siècle
av. J. C), de Tchang (vers 1 5o ap. J. C.) , de Khung
Ying-ta , de beaucoup postérieur, et d'autres encore.
En lyS, il fut gravé, avec les autres kings, sur la
pierre par Tzai-Yong^. Il reçut alors le nom d'I-lL
Il semble que ce livre ait été rangé parmi les kings
avant lepoque des Tangs, car nous avons une édi-
tion des Six kings en caractères ichoaen qui cessèrent
detre employés à la fin des Hans, et cette édition
comprend le Yih, le Shuh, le Shih,le Tchun-tsiou,
Vl-li et le Tcheou-li. En tout cas, à la renaissance
des lettres sous la dynastie des Tang, Yl-li fut placé
dans le canon des g kings formé sous ces princes et
y fut rangé avant le Li-ki lui-même. On le maintint
dans la liste des kings dressée par les Songs , puis par
Khien-long des Ts'ing , mais le Li-ki y fut placé le
premier.
Enfin Khien-long, dès la première année de son
règne, fit publier une édition complète, avec com-
^ En i64 av. J. C, Tempereur Wang-ti fit compiler le Wan^-
tchi ou ordonnances royales qui forme ie livre V du Li-ki.
* Comp. J. Legge« The Li-ki j Introduction, 3 ss.
X
LÉ PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 235
mentaires très étendus et variés des neuf livres qu'il
considérait comme canoniques. Or ces neuf kings
sont , avec les quatre premiers de fédition en tchoaen ,
YErh'Ya, le Hiao-king et les trois rituels Tcheou^U,
lÀ'ki et l'ii.
L'ancienne édition en caractères tchoueo a été re-
produite dernièrement encore, ensuite d'un décret
impérial, par un comité de neuf lettrés et sous le
titre de Tchèn-ting tchaen wen lah king sse shah SX
>È^3!ty^SMS-" Les six kings et les quatre
livres canoniques [shah) édités en caractères tchouen
par ordre de l'empereur. » L'I-li n'y a que dix-sept
kiuen, et le texte est disposé d'une autre façon que
dans Tédition de Khien-long.
Ainsi , malgré la prépondérance donnée au Li-ki
par les Hans, ÏI4i n'en a pas moins joui d'une haute
estime parmi les savants chinois comme monument
des âges antérieurs.
« UI'U, dit Tchou-hi dans sa préface, est le fonde-
ment , la racine des rites I-U li tchi kèn pèn jjft jfc >K
2[C ; le Li'ki en forme les branches et les feuilles. Vl-li
est la trame [wêi king), le Li-ki donne le dévelop-
pement et l'éclat à ses principes. h'I-li pose les règles
fondamentales du Li-ki. Aussi, on le voit, négliger
les livres canoniques quand on veut occuper une
fonction est une faute bien- grave. »
Et la préface de Khien-long*: « L'/-/i et le Tcheoa-li
sont deux livres compilés [ship ^) par Tcheou-kong
pour régler et assurer l'ordre et le gouvernement.
C'est la source et le flot des lois et des règles qui
XIII. 1 6
234 FÉVRIER-MARS 1889.
doit diminuer ies délits et dommages. » Tchou-tze ,
exposant et expliquant les rites , a pris pour base
Yl-li, etc. Notons encore ces paroles : « LT-li étant
difficile à lire, il est maintenant comme mis hors d'u-
sage : wêi wàhsô yông j^ ^ ^ ^. » Elles nous expli-
queront le peu de connaissance que Ton en a aujour-
d'hui. Mais il n'en était pas ainsi aux xi* et xn* siècles
de notre ère, car Tchou-hi affirme que Sze-ma-
wen-kong (Sze-ma-kouang, 1009-1086) et Tcheng-
y-tchouen (io33-i 107), dans leurs traités des rites
du mariage, ont suivi également ïl-li. (Voir ma tra-
duction du Kia-li, p. 67. E. Leroux, Bibliothèque
elzévirienne) ^ # jjl # KÊ #| ift.
Outre l'autorité que le texte de Vl-li a reçue dés
diverses reconnaissances officielles dont il a été l'ob-
jet, il peut revendiquer en sa faveur un caractère in-
trinsèque d'authenticité indéniable. Le Li-ki n'est
qu'une vaste compilation faite après coup et dans la-
quelle les renseignements historiques viennent se
mêler aux préceptes pratiques, aux relations des en-
seignements de Kong-tze ou d'autres sages antiques,
et cela dans le pêle-mêle le plus parfait; le plus grand
nombre des prescriptions y est fondé sur le souvenir.
Les matières se suivent bien des fois, sans ordre,
d'une partie à l'autre, comme dans l'intérieur des
divers livres. Dans TJ-fe*, au contraire, nous avons
un tableau systématique des mœurs de l'époque où
ce livre a été écrit; ses rédacteurs étaient témoins
de ce qu'ils consignaient sur leurs tablettes. Tout y
est méthodique, régulier, exposé systématiquement.
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 235
L'époque de la composition de Vl-li nest pas, ce
me sejnble , difficile à déterminer. Le souverain chi-
nois y est toujours désigné par le mot ivang. Si l'on y
voit paraître le titre de Tien-tze « fils du ciel » , c'est
dans des passages qui appartiennent à la tradition
(voir ci-après, p. 287, 1. 2 , 3).
Le livre a donc été composé sous la dynastie
Tcheou dont tous les souverains, à l'exemple de Wu-
wang, ont pris le titre de Wang, que son fondateur
avait adopté le premier et que les dynasties subsé-
quentes abandonnèrent pour se parer de celui de
Hoang-ti ou Tù
D'un autre côté, les règles et les rites y préseur
tent un système de détails si méthodique que l'on
ne peut rationnellement les supposer formés : déjà
de cette manière sous les premiers princes de la
maison de Tcheou.
Par contre, ce n'est point sous ses derniers mo-
narques, alors que lautorité royale avait été réduite
presque à néant, que le pouvoir central eût pu im-
poser un tel code.
Il est donc plausible de placer la composition de
Yl'li vers le x' siècle avant notre ère. II se peut que
le célèbre ministre et frère de Wuh-wang, Tcheou-
kong , en ait formé les premiers éléments qui se se-
ront développés après lui. il en est ainsi du Tcheou-li.
L'I'li diffère essentiellement du TcJieoa-li en ce
que celui-ci, comme l'indique son nom subsidiaire
de Tcfieoa-kouân ^ a pour but de dresser un tableau
* Les magistrats de Tcheou.
16.
256 FÉVRIER-MARS 1889.
complet des fonctions publiques et ne parle des
rites et cérémonies quautant qu'il est nécessaire
pour expliquer la nature de ces charges. LT-K, au
contraire, a pour objet de tracer les règles à suivre
dans les cérémonies en usage et ne s'occupe des
fonctions qu'en raison des rites eux-mêmes çt de
leurs différences d'après la diversité , non des magis-
tratures , mais de leurs quatre grandes catégories.
Pour le moment, je ne m'occuperai pas de re-
chercher les points où les deux codes de rites dif-
fèrent ou se contredisent. Il me su£Bra, pour le but
que je me propose aujourd'hui, de donner une idée
complète du livre. J'ai suivi, pour former l'aperçu
suivant, les deux éditions /-/i ta tchouen ^ jjft ;;^ ^ ,
2 2 kiouen et YI4i king tchouen ^ JËi i^ H^ , avec
divers commentaires qui se trouvent dans la ccdlec-
tion Kiu-king pu-tchade IQiien-long (voir ci-dessus);
en outre le Tchin ting tchouen wen lah king, K. 7, 8,
dont il a été question précédemment, et l'i-K tchang-
ka. Ces deux derniers ouvrages, qui se ressemblent
parfaitement, ne sont en somme que le Shi-li « code
des magistrats inférieurs » , rédigé de mémoire par
Kaotang (voir plus haut, p. 28 1). Mais déjàTchou-hi
avait cherché à restituer un texte complet. Comme
le dit la préface, Tchou-tze avait composé 87 kiuen
des rites des cours royales et feudataires, et 29 du
deuil des sacrifices , etc. L'édition de Rhien-long est
destinée à rétablir tout ce vaste ensemble. Pour les
rites perdus |^ , l'impérial rédacteur a fait puiser
les renseignements dans le Li-ka-hing, voire même
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 237
dans ie Koue-yu, le Tcheu-li, le Li-ki et le Tchun-
tsiou. Il distingue le king ou texte, ie tchouen ou tra-
dition, i7 ou explication du sens et le kao ^
exemples. Je ne connais pas de version mandchoue
de ïl'li et ne lai jamais vue mentionnée même en
aucun catalogue de bibliothèque européenne ou
asiatique.
L'I'li complété par Khien-long se compose de deux
parties ou pien, désignées, la première comme inté-
rieure, nei, et la seconde comme extérieure, wai; ce
qui, d'après Tusage chinois, désigne les principes et
1 application , ou Tessentiel el Taccessoire, les appen-
dices. Le terme « extérieur » s'applique tout spéciale-
ment ici , vu que la seconde partie renferme un grand
nombre de tableaux explicatifs extériorisant les pré*
ceptes.
Ces deux livres, de très inégale grandeur, com-
prennent : le premier, 2 3 cahiers ou Kiaen ; le
second, seulement 5. Chacun des deux est divisé en
parties, les parties sont divisées en sections et les
sections en paragraphes , le tout sans aucun égard à
la séparation des tomes ou kiuen qui coupent plus
d'une fois les sections en deux.
Le premier livre compte cinq parties qui se dis-
tinguent par la nature des rites dont elles présentent
l'exposé. Ce sont, selon les termes chinois : i. le
rites de fête; a. ceux de cour; 3. ceux qui con*
cernent les hôtes; 4. les rites de douleur, de deuil;
5. ceux de prospérité ou sacrifices et les règles de
l'instruction.
238 FÉVRIEU-xMARS 1889.
Quant au second livre, on en verra plus loin la
nature et le contenu; il serait inutile de rappeler,
même partiellement, ces choses. Toutes ies céré-
monies et les rites qui s y rapportent sont générale-
ment divisés en quatre catégories, d après ies person-
nages qui en sont les auteurs principaux, à savoir : le
roi , les princes feudataires et les magistrats et oflBciers
qui se subdivisent en Ta-foa, magistrats supérieurs,
ayant juridiction universelle ou sur toute une pro-
vince , et shi ou magistrats inférieurs. Quelquefois il
est question des Kiun ou rois, chefs de pays étran-
gers à Tempire des Tcheou.
Bien que lexposé suivant ne soit pom* ainsi dire
quune sèche nomenclature, nous n'omettrons ce-
pendant aucun détail, parce que tout y est utile
pour faire connaître non seulement notre livre
en lui-même, mais aussi les traits principaux des
mœurs et de la religion chinoise de cette époque
lointaine.
Nous y ajouterons quelques notes et renseigne-
ments et lun ou lautre extrait qui pourront donner
une idée plus complète de la nature et du style du
livret
* Tout ceci se rapporte à 17-/i de Khien-long. Le Shi-li ou l-li or-
dinaire ne comprend que les 1 7 sections ^ suivantes : 1 . Prise du
bonnet par les Shis. — 2. Mariage des Shis. — 3. Visites des Shis
entre eux. — 4. Cérémonies du vin donné aux vieillards des can-
tons. — 5. Tir cantonal. — 6. Des repas et fêtes. — 7. Grand tir
régional. — 8. Messages, ambassades, présents. — 9. Banquets
donnés par les Kong aux Ta-fous. — 10. Audiences de la cour. —
11. Habits de deuil. — 12. Deuil des Shis. — i3. Dernier jour
(le l'an. — i/|. Sacrifices d'apaisement. — i5. Offrandes des vie-
LE PLUS ANQEN RITUEL DE LA CHINE. 239
J'espère publier plus tard la traduction de la
partie religieuse de cet ouvrage.
LIVRE PREMIER (interne).
PREMIÈRE PARTIE.
RITES DE JOIE, DE FETE.
Section L — Fête de la virilité. Mariage.
Cette section comprend deux genres de cérémo-
nies, le mariage et celles qui ont lieu lorsque le
jeune homme et la jeune fdle ont atteint Tâge viril
ou adulte. C'est à 20 ans pour le premier, à 1 5 ans
pour la seconde. A cette cérémonie on impose le
bonnet ^ au jeune homme en l'avertissant d'avoir à
se conduire en homme fait, sage et vertueux; on
pose à la jeune fille la grosse épingle qui tient le
nœud de ses tresses, en Texhortant à pratiquer les
vertus de la femme. Cette section se divise de la
sorte :
Chapitre L — Prise du bonnet viril.
1 . Par les Shis,
2 . Par les Ta-fous.
3. Par le prince héréditaire des grands fiefs.
4. Par les grands feudataires.
limes au sacrifice. — i6. Entretien des étables. — 17. Distribution
des offrandes.
* Le bonnet joue en Chine le rôle de la toge civile chez les Ro-
mains.
240 FÉVRIER-MARS 1889.
5. Par le prince royal.
6. Par le roi lui-même.
■7. De la prise du bonnet pendant un deuil.
Chapitre II. A. — Prise de Vépingle par la jeune Jille.
B. — Mariage.
1 . Des Shis.
2. Des Ta-fous.
3. Des princes héritiers des grands fiefs.
4. Des chefs feudataires.
5. Du prince royal.
6. Du roi.
7. En temps de deuil.
8. Des princesses.
Appendice.
1 . Des femmes répudiées.
2. Des veuves.
3. Rites des serviteurs.
II. Des soins k donner pendant la grossesse.
5. Cérémonies à la naissance d'un enfant.
6. Des provisions et magasins.
7. Du fils héritier'.
Section II. — Du boire et du manger.
Cette section est intitulée Du boire et da manger.
Elle traite des repas et des réceptions privées ou pu-
bliques , dans lesquelles on sert du vin aux invités.
' Celui que le père désigne comme tel et qui peut ne pas être
Tainé. Cf. Siao-Hio, L. II, S 5o, p. 66-67.
I
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 241
On y trouve les règles concernant les boissons et
liqueurs servies par les Shis , les Ta-fous , les chefs
feudataires et le roi à leurs familles, en particulier;
puis le vin présenté dans les circonstances solennelles
par les chefs féodaux et le roi aux vieillards et gens
honorables des diverses régions de leurs Etats, ha-
meaux, agglomérations de hameaux ou cantons,
provinces « tcheous », et à leur cour.
La seconde partie, kiuen V, s'occupe des cas où
des aliments sont servis par des membres des quatre
classes : soit à leurs familles , soit à leurs égaux par
les Ta-fous et les princes; par une classe à ime
autre exclusivement ou avec tel membre d'une autre
classe ; par le roi aux hôtes de l'Etat; enfin des mets
présentés aux princes feudataires et au roi et des
dons de comestibles faits par eux.
Section III. — Des banquets et des fêtes.
Ces banquets sont ceux que les personnages in-
diqués à la section précédente offrent aux différentes
classes et dans les différentes circonstances énu-
mérées en cet endroit.
Viennent ensuite ceux donnés par les princes feu-
dataires et le roi aux fils des Shis, aux vieillards,
aux orphehns , aux artisans. Puis les fêtes données
par les rois et les membres des quatre classes, dans
les premières circonstances , et par le roi aux hôtes
de l'État.
242 FEVRIEU-MARS 1889.
Section IV. — Du tir.
Elle comprend les solennités suivantes :
Parties de tir entre les Shis ^ les Ta-fous, les
princes et les rois et leurs amis intimes. Concoui's
de tir organisés par les princes et les rois dans les
tcheous , les provinces ^ et le Haut-Institut de leurs
résidences, dans leurs palais, etc. Tir avec banquet
organisé entre princes ou par le roi en l'honneur des
princes. Fêtes avec jeu du t'eû fcû^, données par les
Shis et les Ta-fous entre eux, par les princes aux
Ta-fous ou aux autres princes, par les rois aux
princes et aux Ta-fous.
Section V. — Envoi j dons de mets offerts en sacrifice.
Cela comprend :
1 . Envoi de viandes par les Shis et les Ta-fous
à leurs égaux.
2. Envoi de mets recherchés, par les mêmes,
après le sacrifice.
3. Adresses de souhaits de bonheur après avoir
présidé au sacrifice , par les mêmes.
4. Envoi de mets du sacrifice par les princes à
un Ta-fou , un prince , ou au roi ; par le roi à un Ta-
fou, ou un prince.
^ Comprenant plusieurs Tcheous.
^ Jeu consistant à lancer des baguettes dans les orifices d*ua pot
à trois trous.
"k
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 243
Section VI. — Des félicitations.
Ce sont :
1 . Félicitations adressées par les Shis ou les Ta-
fou, soit à leurs égaux, soit à un Kiun^.
2. Félicitations des princes feudataires à un Ta-
fou ou à un autre prince, ou bien au roi.
3. Félicitations faites par le roi à un prince ou à
un Ta-fou.
DEUXIÈME PARTIE.
RITES MILITAIRES ^ OU POLITIQUES.
Section I. — Ta-fong,
Elle comprend les règles à suivre pour la fonda-
tion dune capitale ou d'un grand fief, dune ville,
dune propriété.
Section IL — De la répartition égale.
Cette répartition s applique aux fonctions et terres
du royaume ou des grands fiefs, spécialement des
terrains partagés entre les familles et cultivés par
elles moyennant redevance.
Section III. — Des champs publics et des autels des champs,
La distribution des champs publics et Térection
des autels aux génies protecteurs formaient la base
de la constitution sociale des anciens Chinois.
^ A un souverain.
^ Kinn, agrégation du peuple, armée.
244 FÉVRIER-MARS 1880.
Nous avons ici :
1 . Champ et hôtel du génie protecteur d un ha-
meau, d un Etat, de Tempire.
2. Champs publics et souverains des grands
princes feudataires et du roi; leurs terres centrales
et extérieures ^ (Détermination et consécration.)
Section IV. — Prestations et service féodal.
Prestations des familles et villes , des chefs-lieux
de princes feudataires, de la capitale.
Section V. — Des inspections et expéditions.
Cette section comprend les sujets suivants :
1 . De Tinspection par le Sse-ma ^, par les chefs
féodaux et le roi lui-même.
2. De Tordre donné par le roi de faire une en-
quête, une recherche, une instruction judiciaire;
de l'ordre royal de réprimer les bandits et les vo-
leurs.
3. Des expéditions royades pour châtier les re-
belles , les attaques à main armée.
4. Du retour triomphant des armées, de fan-
nonce d une victoire.
' Extérieures au terrain central appartenant an souverain.
* Commandant génénd de ]a cavalerie , chef d^armée.
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 245
TROISIÈME PARTIE.
RITES DES RÉCEPTIONS D'HOTES.
Section I. — Visites et audiences.
Voici ies sujets traités dans cette section :
Première rencontre^ des Shis entre eux et des
Ta-fous entre eux.
Rencontres subséquentes des Shis et des Ta-fous.
Visite d un prince feudataire à la cour d un autre.
Conduite d un prince reçu par quelque autre per-
sonnage et du prince qui reçoit.
Première visite d'un Shi à un Ta-fou, et visites
subséquentes.
Première visite faite à un souverain.
Visite d un Shi ou dun Ta-fou à la cour d un
souverain.
Banquet, fête chez un souverain, dons d ali-
ments^.
Officiers d'ordonnance près dun prince hérédi-
taire.
Première visite d'un prince feudataire à la Cour
du roi; visite du même au printemps et en été^.
* Réception de l'un par l'autre.
* C'était une coutume des rois et des princes chinois d'envoyer
des mets de leur table à des personnages importants auxquels ils
voulaient témoigner leur faveur.
' Chacune porte un nom différent : audience, témoignage de
respect, présentation, rencontre. Il y a des réunions de circonstance
et d'autres réglées à époques fixes. Cf. Tcheon-Uj XVIII, 3.
246 FÉVRIER-MARS 1889.
Audiences d'automne et d'hiver des mêmes. Ré-
union de ces princes à la Cour pour rendre hommage
au roi.
Première audience donnée par le roi; prise de
possession de l'autorité.
Audience donnée par le roi pendant la tournée
d'inspection de ses Etats.
Présents faits par les princes feudataires au fils du
Ciel.
Visite d'un magistrat démissionnaire ^
Réception d'un vieillard par le souverain, d'un
sage illustre , d'un magistrat.
Section TI. — Des entretiens, négociations, messages.
Tout mouvement, tout maintien d'un fonction-
naire était réglé par les rites. Nous les voyons ap-
pliqués ici aux objets suivants :
Entretien de Shis entre eux , message des Shis et
Ta-fous.
Entretien de Ta-fous entre eux, de princes feuda-
taires.
Shis et Ta-fous envoyés comme messagers.
Message concernant un deuil , une mort.
Envoyé traité comme l'hôte de l'Etat.
Conduite d'un jeune homme interrogeant un
homme âgé ou du plus jeune interrogeant une per-
sonne plus âgée.
Conduite d'un Shi interrogeant un Ta -fou, lui
parlant le premier; des princes parlant au roi ou
^ Sian-Sheng expliqué par chijin ^ ^,
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 247
paraissant en sa présence; du roi interrogeant un
Ta-fou ; d un homme plus âgé interrogeant un plus
jeune ; d'un personnage plus élevé en dignité par-
lant à quelqu'un de moindre condition. Ta-fou in-
terrogeant un Shi, le roi ou un prince interrogeant
un ministre ou un Ta-fou.
Conduite du roi recevant en audience, interro-
geant, examinant les princes feudataires; des princes
assistant le roi dans l'interrogatoire. De l'audience
d'un Ta-fou.
QUATRIÈME PARTIE.
DU DEUIL.
Cette partie comprend la maladie, le deuil, les
visites de condoléance, les prières pour conjurer les
maux et les infortunes.
Chapitre I. — Du deuil
1. Du soin des maladies des Shis, des Ta-fous,
des princes et du roi.
2. Du deuil des Shis.
3. Du deuil des Ta-fous et des chefs féodaux; du
deuil du roi.
4. Des places réglées aux cérémonies.
5. Des cinq espèces de vêtements de deuil.
6. Des visites de condoléance. Visites des mem-
bres de la famille , des voisins , des amis , des vieillards
et des jeunes gens , des femmes des Shis , des Tafous ,
des princes feudataires respectivement entre eux.
Visites des Ta-fous et des souverains à leurs subor-
donnés, des princes aux Ta-fous et aux Shis, des
248 FÉVRIER-MARS 1889.
Ta-fous aux Shis, du roi aux Ta-fous, aux Shis, aux
princes, de la souveraine aux mêmes.
■7. Sacrifice d association des Shis^, des Ta-fous,
des princes feudataires et du roi.
Cérémonie de la cessation des pleurs^, pour les
mêmes.
Introduction au temple central.
Sacrifice des Siangs^.
Sacrifice de la fin du deuil [tàn^).
Offrandes de pièces de soie , etc. , aux défunts , par
les membres de chaque catégorie à ses pairs.
Cérémonies du jour anniversaire de la mort.
Du retour en hâte à la maison pour prendre pari
à l'enterrement ', etc.
Deuil survenant pendant un autre deuil.
8. De . ccïisolations en cas de malheur, d'un
Shi , etc. ; lettres et visites.
9. Des prières pour écarter un msdheur, une
obsession , des Shis , Ta-fous , princes et rois.
10. Des témoignages de compassion donnés par
les mêmes ou aux mêmes.
^ Chaque nouveau mort prend place parmi ses parents décèdes ;
ce^ sacrifice Tassocie à ses ancêtres.
* Trois jours après l'enterrement, on offre un sacrifice et Ton
cesse les pleurs commanclées et réglées par les rites.
' A la fin de la première et de la deuxième année d*un deuil de
trois ans, on offre un sacrifice qu^on appelle Petit Siang et Grand
Siang.
* A la fin du deuil de trois ans, en principe, mais en réalité de
vingt-sept mois d'après les usages adoptés.
* Quand on est éloigné de chez soi et qu'on apprend la mort d*an
de ses parents, on doit se mettre en route aussitôt, pleurer à certains
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 249
CINQUIÈME PARTIE.
RITES DE PROSPÉRITÉ ^.
Ces termes forment une expression consacrée,
désignant tout ce qui est considéré comme devant
assurer la prospérité au pays ; c'est d abord le sacri-
fice, ses cérémonies et leurs diverses espèces (dans les
sections I à VI), la grande cérémonie du labour
royal et la culture des vers à soie , double culture ,
qui donne la richesse à TEtat, puis les règles de
renseignement, source de la prospérité morale et
matérielle même (section VII). Tout cet ensemble
se subdivise de la manière suivante :
Section L — Offrandes et sacrifices aux esprits des morts.
Sacrifices de petites victimes , « moutons » par les
Ta-fous.
Sacrifice , offrande de grandes victimes , « bœufs »
par les princes et le roi.
Rites divers du sacrifice pour les Shis et les Ta-
fous , au printemps et en été , à fautomne et en hiver ;
victimes désignées pour ces circonstances.
Sacrifices du printemps et de Tété pour les princes
feudataires.
Sacrifices des Shis et Ta-fous pour leurs ancêtres
réunis. Mêmes sacrifices des princes et du roi.
moments, et faire diverses cérémonies en route et en arrivant à la
maison. Voir pour tout cela le Kia-li de Tchou-tze , chap. \[U , S 7
E à l de ma traduction.
* Pour la prospérité du pays.
XIII. 1 •;
mratwFKii «iTinviie.
250 FÉVRIER-MARS 1889.
Sacrifice royal en Thonneur de tous les prédéces-
seurs du monarque régnant ^
Autel en plein air et prières « aux esprits » pronon-
cées par les Shis supérieurs et les Ta-fous. Autel sur
une terrasse élevée pour les princes et le roi.
Sacrifice mensuel des princes et du roi.
Viennent ensuite les sacrifices offerts dans les
quatre classes pour les jeunes gens morts avant Tâge
viril (c est-à-dire avant 19 ans. On en distingue plu-
sieurs classes : la petite, la moyenne et la grande
anté-virilité , selon que le mort avait de 8 à 1 1 ans, de
1 2 à 1 5 ou de 1 6 à 1 9]. Puis Tannonce du sacrifice
d*un mouton à la nouvelle lune par les princes et le
roi, Tofifrande des prémices de chaque saison par
les mêmes ainsi que les Ta-fous et les Shis ; le sacri-
fice offert par le roi à ses prédécesseurs, Wangs et
Tis^, des dynasties antérieures; celui des princes et
du roi aux Saints et aux Maîtres des temps antiques,
ceux offerts au nom de TEtat pour les magistrats qui
ont bien mérité de la patrie , pour obtenir un fils au
roi ^, aux anciens qui ont pratiqué la culture du veir
à soie, à Tinventeur de lusage des chevaux*, aux
anciens pasteurs, au génie chef des chevaux^.
» Institué par Shun. W. W. 881 B.
* Ti, souverain des dynasties antérieures; JVang, de la dynastie
Tcheou.
^ Au printemps, fait parle roi lui-même.
* Ma-tsong, l'ancêtre des chevaux.
^ Ma-she.
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE.
251
Section IL — Sacrifice aux esprits du ciel.
Nous avons ici une série d actes du culte se rap-
portant aux phénomènes et êtres célestes.
Ce sont d'abord les princes feudataires et le roi
sdlant au-devant des quatre saisons , c est-à-dire allant
saluer leur arrivée par une cérémonie qui assure
Tordre régulier et témoigne de la reconnaissance en
oflFrant un sacrifice à cette occasion; puis même
chose à l'arrivée , au premier jour du froid et de la
chaleur; au génie qui préside au froid \ à ceux qui
veillent à la garde du peuple et dé la prospérité de
rÉtat.
Viennent ensuite : le sacrifice commun pour au-
gurer de Tannée nouvelle; le sacrifice des Ta-fous,
des princes et du roi pour le nouvel an ; celui du
deuxième mois de Tété pour obtenir la pluie néces-
saire à la croissance des céréales , etc. , offert par les
princes et le roi; le sacrifice de prières en cas de
malheur, de calamité , de deuil , et celui qui se fait
pour le bonheur et la paix de la maison. En outre,
les offrandes présentées par le roi aux sacrifices lei^,
^ Qui accumule et dissout la glace, dit le commentaire.
* Le sens de ce mot et du suivant wang [ssewang) est incertain.
Quant au premier, le plus probable est qu'il désigne le sacrifice à
Shang-ti, sacrifice ordinaire d'abord, puis sacrifice de circonstance,
comme à la mise en marcbe d^une armée. Les dictionnaires chinois
en distinguent quatre espèces (sse lei) qui difFërent principalement
quant à la nature des victimes et portent différents noms , tels que
Khi-lei, Sze-lei, etc. (Voir spéc. le Tcheng tze wei, t. XIII h. v.) Les
sse wang seraient, d'après les commentaii*es de ïl-li, soit la lune.
252 FÉVRIER-MAUS 1889.
par les Heous ^ à la pleine lune et aux pleines lunes
intermédiaires des saisons [Sse tvâng).
Les points suivants réclament une attention spé-
ciale. Ce sont :
Les offrandes offertes particulièrement aux cinq
Tis , les grands festins communs donnés aux mêmes ,
puis le sacrifice suprême^ offert à Shang-Ti, les of-
frandes sacrificielles qui lui sont faites au Ming-
Tang^, enfin le sacrifice au ciel sur un tertre ar-
rondi ^.
Ici les dernières désignations et les passages qui
les expliquent ont une haute importance pour l'intel-
ligence de lancienne religion chinoise.
On y voit d'abord que Shang-ti et Tien « ciel »
étaient entièrement distincts. A Shang-ti seul, on
offre le sacrifice suprême le plus élevé de tous , pour
conjurer les calamités, à lui seul le grand sacrifice
d automne dans le Ming-Tang, la grande salle du
palais.
IjC culte du ciel vient après et séparément; il se
célèbre au cœur de l'hiver, quand la nature morte
le soleil, les planètes et les étoiles, soit les montagnes et les rivières.
Cette divergence de vues in lique assez qu'on n'en savait rien. ( Voir
Kiu king-tu-tchn. I-U» XXI, fol. 9 et 10.)
^ Les grands feudataires d'une autorité picsque royale.
* '^ Ta-là, le grand déjdoiement de cérémonies et offrandes,
ofi*ert en temps de calamité à Shang-ti.
^ Sacrifice d'automne, de remerciement et de demande pour
l'année suivante. Le Ming-Tang est la gi^ande salle d'honneur du
palais royal. C'est «la salle brillante».
* Sacrifice du solstice d'hiver sur un tertre fait en rond dans le
quartier extérieur du sud de la capitale.
LE PLUS ANQEN RITUEL DE LA CHINE. 253
SOUS les coups du froid va commencer à renaître , se
réveiller et agir. Les commentaires nous expliquent
parfaitement ces rôles divers.
Tous les êtres contingents tirent leur substance
du ciel, rhomme tire la sienne de ses premiers pa-
rents; tous les êtres reçoivent leur existence particu-
lière et leur forme de Shang-ti, et l'homme de son
père. C'est pourquoi on honore le ciel au solstice
d'iiiver, parce que c est le moment où la substance
des êtres reprend vie et recommence à agir, à pro-
duire. (Cf. le Kia-hing-tn-tcka-l-li. Kiuen XXI, fo). 1 6 r"*,
ici sect. 1, S 28-3o.)
Remarquons en outre la différence des lieux du
culte : On honore Shang-ti dans une salle, comme
un roi. On honore le ciel en plein air, sur un tertre
arrondi qui figure la forme extérieure du ciel.
Quant à ce dernier culte, les commentaires nous
fexpliquent très précisément en disant que par là on
fait descendre tous les esprits du ciel tsé t'iên shên
kiâi hiàng [Ibid. fol. 17 v°) ^
Section III. — Sacrifice à la terre.
Nous avons ici, énumérés et plus ou moins expli-
qués ries cinq oblations '^ annuelles des quatre classes;
* Plus loin il est dit : Le fils du Ciel laboure lui-même pour la
culture du grain, du Hz, du millet, du millet noir, pour servir
Shang-ti, fol. 17 v°, 1. 1.
' Au printemps, au génie de la porte; en été, à celui du foyer;
a la fm de fêté, au dieu pciiate (cour du milieu); eu automne, à
la porte extérieure ; en hiver, aux génies des chemins.
254 FÉVRIER-MARS 1889.
les exorcismes contre les maladies dans les provinces
et la capitale, et les prières déprécatoires des
Heous.
Les prières de remerciement par les Heous et le
roi , à la fin de l'année , pour leurs Etats ; les sacri-
fices spéciaux pour la famille ^ , la ville , la région et
pour les quatre régions de l'empire par le roi ; ceux
des rois et des Heous aux montagnes, aiut forêts et
aux fleuves; aux cinq grandes montagnes^; les sa-
crifices des tcheous et des hameaux , des familles et
des villes , des Heous et des rois au génie du sol et à
celui des céréales.
Puis il y est traité des modifications apportées aux
règles des sacrifices par un deuil occurrent, comme
à celles des offrandes ; et de la représentation des
morts * au sacrifice pendant un deuil.
Section IV. — Sacrifices offerts pour des causes particalières.
Nous avons ici une longue série de cérémonies
qui se font à des occasions déterminées par les lois
et coutumes et qui ont rapport non plus aux vicis-
situdes et cours du ciel, des corps célestes et ter-
restres, mais aux actes des hommes.
Ce sont d abord celles qui se font à la prise de
^ Kia, ou le domaine des grands feudataires selon le Tcheou-li.
^ G^étaient d'abord la montagne près de laquelle était bâtie la
capitale et quatre autres aux quatre limites de Tempire; par Texten-
sion de celui-ci , ces montagnes ne furent plus qu'idéales.
' Elle se faisait encore à cette époque, comme à celle du Shili-
king , par un parent vivant qui jouait le rôle du mort appelé à participer
au sacrifice.
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 255
possession de ses fonctions par un Ta-fou, de son
fief par un prince , du trône par le roi ; à la consti-
tution d*un fief; à la fondation d'une capitale par le
roi; à la réunion desHeous à la Cour; à Tinspection
des provinces et frontières par le roi; aux traités
d'alliance (conclus devant les esprits^), avant les
grandes chasses, les délibérations du conseil, le dé-
part poiu* aller châtier des rebelles , pour toute cause
grave ou raison d'Etat; à l'occasion de tout phéno-
mène extraordinaire survenu au ciel , dans les astres
ou sur la terre, de diverses calamités : sécheresse
persistante et pernicieuse, incendie, inondation,
phénomène destructeur céleste ou terrestre (vent vio-
lent, tremblement de terre, etc.), de pronostics ex-
traordinaires, de maladie, mort, enterrement, et de
toute affaire dont l'issue ne semble pas heureuse;
aux fêtes du tir régional ou du tir solennel organisé
par les princes feudataires.
Section V. — Des consécrations.
Cette section s'occupe de la consécration des
temples ancestraux par les Shis et les Ta-fous, les
Heous et le roi ; de celle des autels et tertres sacrifi-
ciels dans les cours et les champs, des vases et us-
tensiles du sacrifice , des arsenaux et écuries.
Section VI.
Nous trouvons ici traitées diverses questions ac-
cessoires :
En se teignant ie corps avec (lu sang, humain d'abord, puis
pris aux victimes.
256 FÉVRIER-MARS 1889.
1. Le transport d*un temple ancestral chez les
Shis , Ta-fous , Heous ou rois.
2. Celui des autels intérieurs ou extérieurs.
3. Labour du champ royal ou princier par le roi
ou le prince féodale
Ix. Culture des vers à soie par la reine et les
princesses.
5. L'entretien des victimes du sacrifice par le roi
et les Heous.
Section Vif. — Règles de V distraction,
11 s agit d'abord de l'entrée des enfants à la Siao
Hio^. Cette section indique Tâge de l'entrée à l'école
(8 ans), la manière de s'y conduire, les hommes
chargés d'y enseigner (Shis et Ta-fous).
Le tout en ce qui concerne les enfants tant du
roi que des grands et du peuple entier ; il n'y a pas
ici de différence.
Viennent ensuite les règles de l'entrée à la Ta-
Hio ^ où tous viennent à 1 5 ans , le respect dû au
maître, les dispositions du cœur nécessaires, etc.,
les règles d'avancement et celles qui regardent spé-
cialement le prince royal.
Cette section se termine par le sacrifice offert en
faveur du roi ou Heou défunt par son fils et succes-
seur pendant la première année de deuil.
Ici finit le premier volume ou livre [pien) inté-
^ La solennité bien connue.
^ Le petit enseignement, l'école régionale.
' Grand enseignement, établissement d'instruction à la capitale.
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 257
rieur [nei), cest-à-dire principal y exposant les prin-
cipes.
^%7 •
LIVRE II (extérieur).
Le second volume (ou extérieur waipien), d'une
étendue très restreinte, contient des détails relatifs
aux matières exposées dans le premier. Des cinq ki-
uens dont il se compose, les deux premiers sont
consacrés aux vêtements de deuil dans leurs parties
essentielles et leurs accidents [pen et poh).
Le troisième kiuen renferme des matières assez
importantes : les lois de la collation des titres d'hon-
neur après la mort ; le livre roage ou méthode suivie
par Wu Wang pour interroger, examiner les Shis et
Ta-fous ; puis le célèbre calendrier des Hia : Hia siao
tcheng , tant de fois cité dans les observations astro-
nomiques et publié séparément, le seul passage de
Yl-U qui ait été étudié.
Tout le reste du livre est composé de tableaux se
rapportant aux prescriptions du premier volume et
suivant Tordre de ses diverses parties : rites de joie;
rites politiques ; réception des hôtes ; rites de malheur
et de deuil; rites de bonheur; des cinq grandes cé-
rémonies. (Voir p. 2ij,fm,)
C*esl dabord le tableau des places au repas de
noce, au dîner donné par un Kong à un Ta-fou, et
en même temps la position des plats , celle des sièges
aux banquets de fêtes. Puis les positions aux fêtes
avec tir, des participants et des musiciens.
Dans la seconde section, nous avons le tableau
258 FÉVRIËR-MÂRS 1889.
des citoyens appelés à porter les armes ou à faire les
prestations d'impôts, etc., d'après chaque division
administrative , et celui des préposés aux différentes
divisions administratives.
A la troisième section appartiennent les règles de
la réception des hôtes , et le tableau de la position
des mets, viande, poissons, légumes, fruits, etc.
La section des rites de douleur nous donne une
série de trente-quatre tableaux indiquant en détail
les vêtements à porter dans tous les genres de deuil
et dans toutes les circonstances , à toutes les cérémo-
nies du deuil.
Il serait trop long de les énumérer ; nous pouvons
renvoyer pour cela à la traduction du Kia-li, (Voir
C. deHarlez, Kia-li, rites domestiques, traduit poui*
la première fois. Paris, E. Leroux, 1889.)
Suit un nouveau tableau explicatif des cérémo-
nies du sacrifice à la cour, de la place des victimes
et ustensiles comme des opérateinrs. Ce passage a
cela de remarquable que le souverain y est appelé
kian ^ et non wang.
La sixième partie qui termine le kiuen IV est
consacrée à l'instruction.
Elle comprend :
A. Matières à enseigner aux jeunes gens en gé-
néral et au prince héréditaire spécialement, aux pre-
miers par le Ta sse-ta; au second par le Sze-shiy le
PaO'shi et le Ta sse- Yo,
Tous doivent apprendre trois matières, compo-
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 259
sées : la première de six vertus , la seconde de six
actions , la troisième de six arts.
Ce sont :
i . La bonté , la droiture , la sainteté , Tintelligence,
la modération , la concorde.
2. La piété filiale, lamitié, la bienveillance, la-
mour portant au mariage, la fidélité au devoir de
profession, la compassion.
3. Les arts, les rites, la musique, le tir, Téquita-
tion, récriture, le calcul.
Les princes royaux doivent apprendre :
a. Trois vertus :
1 . La vertu en sa plus haute expression , base de
la sagesse.
2. L'activité, principe des actes.
3. La piété filiale.
b. Trois actions :
1 . La piété filiale (en acte).
2. L'amitié, la bienveillance envers les sages.
3. La soumission à Tégard de ses maîtres.
c. Les six arts indiqués plus haut.
d. Les six règles de convenance du sacrifice, de
la réception des hôtes, des audiences de cour, des
cérémonies du deuil, du commandement militaire,
de la conduite des chasses , qui lui sont enseignées
comme les six arts par le Pao-shi.
e. La musique accompagnant le chant et la danse.
260 FÉVRIER-MARS 1889.
B. Distribution des matières de renseignement
selon les années et les saisons.
La dernière partie, formant le kiuen V, donne :
1 . Le tableau des positions pendant que Ton con-
sulte le sort par T écaille de tortue ou la plante Shi,
2. Celles des vases de vin en diflférentes circon-
stances et selon la dignité de l'opérant.
3. Les règles du bain préparatoire aux cérémo-
nies \ les positions des plats à aliments {ting) dans
les cérémonies , telles que la prise du bonnet viril, le
mariage , le vin donné aux gens de la région ^, le grand
tir, les dîners donnés aux Ta-fous par un Kong, les
libations du deuil et les divers sacrifices funèbres.
4. Le service des plats, bassins, vases, marmites
et leur contenu; espèces de viandes, aux mêmes
cérémonies et en différentes autres encore; dîner
donné par un Shi à ses beaux-parents, à son mariage;
dîner de Ta-fous à Ta-fous ; banquet oflFert par le roi
aux princes vassaux, à la nouvelle lune.
5. Enfin lusage, le service, la quantité des plats
et ustensiles de toute espèce dans des circonstances
analogues, les mets servis et le reste.
Tel est en son entier le contenu del7-Zi complété.
Donnons en terminant quelques extraits de notre
^ Avant de sacrifier, avant d'aller à la Cour on doit jeûner, se pu-
rifier rame et le corps ; le corps par un bain , Tâme par TabstentioB
de tout plaisir, le recueillement, etc.
^ Pour honorer les vieillards et les gens de mérite. Cela se faisait
en une cérémonie ou un banquet public.
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 261
livre pour tempérer quelque peu la sécheresse de
cette nomenclature.
Voici d'abord les rites de Timposition de Tépingle
à la jeune fille, cérémonie dont il a été question
plus haut, partie 1 , section I, p. aZio.
n s'agit ici spécialement des princesses , comme
on le voit à B.
1 . IMPOSITION DE LȃPINGLE.
A. La jeune fille arrivée à l'âge de i 5 ans est
donnée ou promise en mariage. Elle prend l'épingle
et reçoit son nom d'âge mûr [tze)^.
Il en est de ceci , pour elle , comme de la prise
du bonnet à 20 ans, pour le Shi ^.
Si elle n'a point encore été promise , elle ne prend
l'épingle qu'à 20 ans. Le rite de cette cérémonie est
qu'on donne un banquet et puis qu'on lui impose
l'épingle en lui arrangeant la chevelure en tresses
nouées ^.
Bien que non mariée , elle reçoit l'épingle à 20 ans
parce qu'elle est femme faite et complète.
A ce banquet on (boit à sa santé et) la fait boire
en retour et on l'appelle de son nouveau nom.
B. Si le temple de son trisaïeul n'est pas encore
détruit*, elle reçoit son instruction (préparatoire au
^ Jusque-là elle a porté le nom donné à la naissance , le nom d'en-
fance ou de lait
' Voir plus haut, p. qSq.
^ Avant cela elle portait les tresses pendantes. Celte épingle est
grosse , à large tête et très ornée.
^ A cette époque , les princes avaient cinq temples pour les divers
262 FÉVRIER-MARS 1889.
mariage)^ dans le palais pendant trois mois. Si
ce temple est démoli, on la lui donne dans la fa-
mille royale.
Au banquet donné pour cette cérémonie, si la
jeune fdle est promise, on invite des dames étran-
gères et ce sont elles qui lui mettent Tépingle. Si elle
ne Test pas, les personnes de la famille assistent
seules au banquet et font la cérémonie. On ne la
fait pas boire en retour.
ancêtres à partir du père; les grands magistrats, trois; les autres,
deux. Quand le nombre était rempli, le plus ancien allait rejoindre
ses prédécesseurs dans le local commun et sa place était prise par
son fils; tous changeaient ainsi de {dace. Quand le triMîei:^ avait été
ainsi écarté, son temple était censé détruit.
^ Pour la former aux vertus des femmes et mères de famille.
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE.
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8
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHLNE. 265
4. RÈGLES POUR LE TRAITEMENT DES SHIS
DANGEREUSEMENT MALADES.
Lorquun Shi est malade, on le porte dans lap-
partement principal; on le couche la tête tournée
vers Test et sous la fenêtre du mur du nord (et là on
le soigne). Le malade doit se purifier; ceux qui le
soignent doivent également le faire. (Ils doivent re-
mettre en ordre leur intérieur, régler leurs affections
et dispositions, les tenir calmes et sous dépendance
de la volonté.)
Le souverain , qui le demande, est placé sous la fe-
nêtre du sud. On lui met les vêtements de cérémo-
nie en laissant pendre des deux- côtés les bouts de
la ceinture (car on ne peut voir le souverain dans
ses vêtements d'intérieur).
Ceux qui soignent un malade ne doivent point
porter des habits de deuil; la douleur seule (et non
les signes extérieurs) doit être leur objet princi-
pal.
Quand un père est malade et qu il doit prendre
une médecine, son fils doit en goûter le premier; si
un ministre ou un Ta-fou est malade, le souverain
doit faire demander de ses nouvelles plusieurs fois ^ ;
si c est un Shi , il ne doit le faire qu une seule fois.
Les princes feudataires ne le font pas, mais vont
eux-mêmes à la maison de leurs fonctionnaires et
officiers s'informer et présenter leurs condoléances.
' En règle : trois fois.
XHI. 18
mraiiiKBir kirro^iLc.
206 FÉVRIER-MARS 1889.
Quand la maladie s aggrave (et fait attendre la
mort), tout à Tintérieur et à Textérieur «st plein du
bruit des chuchotements, des allées et venues. On
écarte tous les instruments de musique du malade.
On enlève sa couche (et le met à terre ^), on enlève
ses vêtements ordinaires et le revêt d'habits neufs,
d'habits de cérémonie ; on étend et met en bon ordre
tous ses membres (tête, bras et jambes), chacun
étant tenu par une personne.
Tous, hommes et femmes, changent de vêtements
(à cause des visites que Ion reçoit alors), les Shis
prennent leurs habits de cérémonie , les autres des
habits foncés en couleur.
On pose un léger flocon (sur la bouche et le nez
du malade) pour s assurer (par son mouvement) si
l'esprit vital s'en va.
On se met en prière près de la porte et sur le
chemin ^.
Un homme ne doit point mourir dans les bras
des femmes , ni une femme dans les bras des hommes.
Les rites concernant les princes et rois mourants
sont les mêmes. Les seules différences sont celles-ci :
Les rois et princes feudataires sont portés dans
leurs appartements royaux ou princiers. On en écarte
leurs armes. Les Shis et les Ta-fous vont demander
des nouvelles de la maladie des princes et ceux-ci du
^ Uhomme, en naissant, gît à terre (et ne sait se lever); Ml dan*
ger de mort, on le pose sur la terre même pour qu'il y puise une
nouvelle force vitale.
^ Ou bien : On prie les génies des portes et des chemins.
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CfflNE. 267
roi. Le roi en fait demander des Ta-fous et des
princes jusqu'à trois fois.
Dans lassistance du souverain , les che6-serviteiu*s
se placent à droite et les chefs-archers à gauche.
5. SACRIFICE DES HEOUS ET DU ROI,
AUX QUATRE SAISONS.
On emploie pour ce sacrifice une victime de la
petite classe (un mouton). On TofFre sur un autel en
plein soleil; cela fait, on Tenterre et Ion fait tout
comme aux sacrifices ordinaires.
6. LES HEOUS ET LE ROI ALLANT AU-DEVANT ^ DU FROID
ET DE LA GRANDE CHALEUR.
Les rites des cérémonies destinées à arrêter la
grande chaleur consistent en ceci : le jour du milieu
du printemps , le matin , on frappe un tambour de
terre ^, on chante les chants de Pin^, et ainsi on
cond[)at la grande chaleur *.
Le jour médial de i automne , le soir, on fait la
mâme chose pour combattre et arrêter le froid.
Les Heous et le roi sacrifiaient aux temps du froid
* Cest le terme consacré pour tout acte fait en Thonneur ou à
Toccasion d*une personne ou d'un événement.
* C*Mt4-dire que ia caisse est d*argile et le dessus de peau
(œm.).
' Principauté originaire de la famille Tcbeou qui monta avec
Wo-wang sur le trône de Chine et qui régnait lors de la composition
d« YI4L Chaque principauté chinoise avait ses chants régionaux
dont nous avons un choix dans le Shih'kintf,
* Le Tcheou-li a les mêmes prescriptions , à cela près qu*il parle
de ia flûte de Pin au lieu de « ses chanté ».
i8.
208 FÉVRIER-MARS 1889.
et de la grande chaleur; au froid ils sacrifiaient dans
une caverne ou vallée profonde ; à la chaleur, sur un
tertre^. Pour cela, ils faisaient tout comme aux
quatre saisons. Ils se rendaient à ce sacrifice comme
s'ils allaient recevoir lancêtre originaire de leurs
familles.
7. DE L'ENTRÉE X L'ECOLE INFÉRIEURE^.
1 . Les lois de renseignement sont promulguées
et rappelées par les chefs de cantons et de villages et
on doit les suivre.
Tout fils de gens sans fonction et autre, après
avoir servi un an , doit aller à l'école de son endroit.
Là les anciens du village lui enseignent les trois ma-
tières. Les Ta-fous sont leurs pères et maîtres, les
maîtres supérieurs , les Shis sont les maîtres inférieurs.
Dès le point du jour, les anciens les plus renom-
més et respectés , les plus élevés en dignité ^, siègent
dans la salle de droite, les autres dans la salle de
gauche.
Les enfants sortent tous les matins pour aller
prendre leur repas, puis reviennent à l'école. Le
soir, de même.
^ Chose à remarquer, le Li-hi substitue à cela : ils sacrifiaient an
soleil sur un tertre, à la Inné dans une caverne, etc. On voit que les
traditions du Li-hi sont erronées.
' SiaO'hio, la petite école, le petit enseignement, ce qui serait
pour nous renseignement primaire et moyen ; opposé à la Ta-kio ,
grand enseignement supérieur qui se donnait à la capitale et où Ton
entrait à .1 5 ans quand on avait des aptitudes spéciales.
^ Ou simplement «les plus âgés».
LE PLUS ANCIEN RITUEL DE LA CHINE. 269
Arrivé au solstice, au quarante-cinquième jour
de rhiver, on leur enseigne la pratique de lagricul-
ture. Le chef du canton leur en expose les lois et
leur en fait approfondir les principes.
Au milieu de Tannée, on les examine et les ré-
compense selon leurs progrès relatifs en sagesse et
capacité , selon le développement de leurs talents et
facultés.
2. Les fils des rois, Heous, ministres, Ta-fous et
Shis reçoivent Tinstruction dans la partie de gauche
du local du palais ^ Les jeunes gens pauvres et dis-
tingués, élevés aux frais de TEtat, sont au côté droit ^.
Le Pao-shP et le Sse-shi^ enseignent aux premiers
les six arts^, les six genres de maintien, les trois
vertus (pureté, vigilance sur soi-même, piété fdiale),
les trois actes vertueux (piété filiale, amitié, obéis-
sance. (Cf. p. 289, plus haut.)
L'instruction des autres est en général toute sem-
blable.
* Litl. : à gauche de la porte-du-tigre du souverain ou des appar-
tements à audience de justice. On y peint un tigre comme emblème
de la rigueur du justicier.
' Le texte porte aussi «gauche?» Tous sont élevés avec le prince
royal ou héritier. Le Yû-siang, leur local , était , dit le commentaire ,
dans le faubourg ouest de la capitale.
' iLe protecteur du peuple», Ta-fou chargé d'élever le prince
héritier et de reprendre le souverain de ses fautes ou de ses vices.
* « L'instructeur du peuple • , chargé plus directement et en dé-
tails de Tinstruction du prince héritier, s'occupait en même temps
de ses compagnons d'étude.
. * Les rites, la musique, le tir, la conduite des chars, la littéra-
ture et le calcul.
270 FÉVRIER-MARS 1889.
La manière suivie par les préposés à Tinstruc-
tion pour examiner leurs progrès en vertu et capacité
est en tout semblable à celle que Ton suit dans les
écoles de canton.
A 1 6 ans , le fils héritier du souverain et tous les
fils, ceux des Heous, ministres, Ta-fous et Shis, les
plus distingués, ainsi que tous les jeunes gens ca-
pables et méritants des gens sans fonction, entrent à
la Ta-hio, c est-à-dire le Haut-Institut.
NOUVELLES ET MELANGES. 271
NOUVELLES ET MÉLANGES.
SEANCE DU 8 FEVRIER 1889.
La séance est ouverte à à heures et demie sous la prési*
dence de M. Renau.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et la ré^
daction en est adoptée.
M. Tixeront remercie la Société du compte rendu , paru
dans le cahier de novembre-décembre dernier, de son livre
sur les Origines de V Eglise d*Edesse et la légende d^Abgar;
il fait hommoge à la bibliothèque de la Société d'un exem-
plaire de cet ouvrage.
Il est donné lecture d'une lettre de M. le Ministre de Tin-
struction publique exprimant le désir que les livres publiés
par ]a Société depuis 1879 ^gu^^i^^ ^ l'Exposition de 1889.
Le Conseil donne son adhésion à cette demande.
Est élu membre de la Société :
M. Ignâgz Kûnos, docteur de TUniversité de Budapest,
résidant à Constantinople , présenté par MM. Bar-
bier de Meynard et Alric.
M. Oppert est délégué , sur sa demande, pour représenter
la Société au Congrès de Stockholm.
M. Philippe Berger entretient le Conseil de ses nouvelles
recherches sur les monnaies des rois de la Numidie.
M. Groff croit voir dans Gen., xv, i3-i6, et dans Exode,
XII , Âo, deux rédactions différentes : la première admettait
4oo ans comme durée de la captivité des Israélites en Egypte ;
la deuxième, 43o ans.
272 FEVRIER-MARS 1889.
M. Oppert s*appuie sur les données chronologiques con-
nues pour réfuter Topinion des savants qui fixent la date
d'Aménopliis d*après les textes babyloniens récemment dé-
couverts en Egypte.
La séance est levée à 5 heures et demie.
LISTE DES OUVRAGES OFFERTS À LA SOGIETé.
Par le Ministère de Tinstruction publique : Bibliothèque
des Ecoles françaises de Rome et d* Athènes , fasc. 53 Etude
sur l'administration byzantine dans l'Exarchat de Ravenne
(568-75i), par Charles Diehl. Paris, i888, in-8^
— Fasc. 54. Lettres inédites de Michel Apostolis, publiées
d'après les manuscrits du Vatican, avec des opuscules inédits du
même auteur, une introduction et des notes, par Hippolyte
Noiret. Paris, 1889, in-8\
— Fasc. 65. Etude d'archéologie byzantine. L'église et les
mosaïques du couvent de Saint-Luc en Phocide, par Charles
Diehl. Paris, 1889, in-8'.
— Revue des travaux scientifiqdès , t. III, n^'G et 7. Paris,
1888, in-8^
Par rindia Office : Indian Antiquary, december i388,
part I. Bombay, 1888, in-4°.
— A catalogue of the collections of manuscripts deposited in
the Deccan Collège, with an index, commited by Shridhar
R. Bhandarkar. Bombay, 1888, in-8".
— N'*673. The Madana Pàrijàta, edited by Pandit Ma-
dhusudana Smiritiratna , fasc. 11. Calcutta, 1888, in-8°.
— N* 675. Chaturvarga-Chintàmani, by Hemâdri, edited
by Pandita Yogesvara Smiritiratna and P. Kàmàkhyànàtha
Tarkaratna. Vol. III, paii, IL Pariéeshakhanda , fasc. i. Cai«
cutta, 1888, in-8'.
— N° 677. The Varaha Purâna, edited by P. Hrishikésa
S'âstri , fasc. vu. Calcutta , 1 888 , in-8°.
— N° 676. Kâlunkàdhava, by M. Chandrakanta Tarkâ-
lankâra, fasc. iv. Calcutta, 1888, in-8*.
NOUVELLES ET MELANGES. 273
Par rindia Office : N° 678. Paràsâra Smiriti, M. Chandra-
kànta Tarkâlankàra , fasc. vu. Calcutta, 1888, in-8*.
— IS° 681. The Vayu Puràna, edited by Rajendralala
Mitra, voL II, fasc. vu. Calcutta, 1888, m-8°.
— N** 682. Tattva Chintàmani, edited by P. Kàmàkhyà-
nàtha Tarkaratna, fasc. x. Calcutta, 1888, in-8*.
Par l'éditeur : The Inâian Aniiquary, august-november
1888. Bombay, in-4".
— Anales delMaseo Nacional. Republica Costarica , tomo I ,
ano de 1887. San José, 1888, grand in-8*.
— Boletin trimestral del Pr. Henrique Pittur, n** 1-3,
enero-junio 1888. San José, in-4*.
— Polyhihlion. Partie technique , décembre 1888.
— Partie littéraire , idem.
Par la Société : The american Journal qf philology, july-
october 1888. Baltimore.
— Journal ofthe China branch, september 1888.
— Journal des Savants, décembre 1888.
— Bulletin de la Société de géographie, 3* trimestre. Paris ,
1888.
— Proceedings ofthe Royal geographical Society, London ,
january 1889.
Par Tauteur : Ahel Bergaigne (Notice sur), Paris, 1888,
in-8».
— Catalogue méthodique et raisonné des antiquités assy-
riennes, publié par M. de Clercq avec la collaboration de
M. J. Menant. Paris , 1888, in-fol.
Par le Gouvernement néerlandais : Bijdragen, 1889 , in-8".
Par la Société : Proceedings of the Royal geographical So-
ciety, february 1889. London, in-8*.
— Bulletin de la Société indo-chinoise de Saigon, 1888,
2* sem., 1" et a* fascicules, in-8*.
— Transactions of the A merican philological Society, 1887,
vol. XVIIL Boston, 1888, in-8^
— Revue des études juives, t. XVII, n** 34, oct.-déc.
1888. Paris, 1888, in-8".
274 FÉVRIER-MARS 1889.
Par la Société : Actes de la Société philologique , années 1886
et 1887. Alençon, 1888, in-8'.
-— Comptes rendus de la Société de géographie de Paris,
n*' 16, 17, 1888, et 1-3, 1889, in-8".
Par les éditeurs : Bolletino délie publicazioni italiane , 1888,
n''* 71-75, in-8*.
•— Pofyhiblion , parties technique et littéraire, janvier 1889 ,
in-8^
— Revue archéologique , novembre-décembre 1888, in-8".
— Revue critique, 1888, n" 5i, 62; 1889, n°' i-5,
in-8^
Par les auteurs : Rubens Duval, Traité de grammaire sy-
riaque, Paris , 1 88 1 , in -8°.
— Dialectes néo-araméens de Salamas, Paris, i883 ,
in-8*.
— Ryanon Fujushima, Le bouddhisme japonais, doctrine
et histoire des douze grandes sectes bouddhiques du Japon, Paris ,
1 889 , in-8^
— Le marquis de Croizier, Notice des numuscritt siamois
de la Bibliothèque nationale, Paris, 1887, in-8*.
— M. Jametel, Mémoires de la Société sinico-japonaise, La
métallurgie en Chine, Paris, 1888 , in-8°.
— Ign. Kûnos y Oszmântôrôknépkôltérigyàjtemény, Ikôtet.
Oskomàn-tôrôk népmerék, Budapest, 1887.
— Orta-oyounou , théâtre populaire turc. Budapest, 1888,
in-8^
— L.-J. Tixeront, Les origines de l'Église d'Edesse et la
légende d'Abgar, étude critique suivie de deux textes orientaux
inédits, Paris, 1888, in -8".
— De Goeje et Th. Houtsma, Catalogus codicam arabica-
rum hibliothecœ academiœ LugdunO'Batavœ, vol. I, 1888,
in.8^
— De Gubernatis, Dictionnaire international des écrivains
du jour, 6' livraison, janvier 1889. Florence, in-4*.
— Th. Houtsma , Recueil de textes relatifs à l histoire des
Seldjoucides , vol. II. Lugduni-Batavorum , 1889, in-8*.
NOUVELLES ET MELANGES. 275
Par l'auteur : H. Camussi, La rage, son traitement et les
insectes vésicants chez les Arabes (EIxtrait du Journal asiatique).
Paris, 1888, in-8^
SÉANCE DU 8 MARS 1889.
La séance est ouverte à d heures et demie sous, la prési-
dence de M. Renan.
M. le Président lit une lettre de M. le Ministre de Tin-
struction publique demandant qu^un exemplaire du journal
de la Société soit envoyé à la bibliothèque de Caen. La
réponse à cette lettre est renvoyée à la prochaine séance.
Sont reçus membres de la Société :
MM. Jeannier, attaché au Consulat dç France à Bagdad,
présenté par MM. Pognon et Barbier de Meynard;
BossouTROT, interprète militaire détaché à l'adminis-
tration centrale de Tarmée tunisienne, à Tunis, pré-
senté par M. Basset et Patorni.
Il est donné lecture de la liste des ouvrages offerts à la
Société. M. le Président présente, de la part de Tauteur,
un exemplaire du cours d'ouverture de M. Henry à la Fa-
culté des lettres de Paris, cours consacré a Texamen des
travaux de Bergaigne , son prédécesseur à la Sorbonne.
M. le marquis de Vogué voit des noms de mesures dans
les mots du papyrus araméen du Louvre que M. Groff, dans
une précédente séance, a expliqués comme étant des espèces
de vins. (Voir ci-après, p. 277.)
M. GrofiP suppose que le document élobiste avait les formes
pleines des noms des fils de Jacob , et que le document jého-
viste présentait des formes écourtées; ces dernières auraient
seules subsisté après la rédaction qui a établi l'harmonie des
textes. M. le Président &it observer que cette hypothèse
est peu vraisemblable; les deux documents avaient certai-
NOUVELLES ET MELANGES. 277
Par les auteurs : Gaido da Exposiçào permanente da Bi-
hUotheca national,
— Maurice Bloomfield , Final as hefore sonants in sanskrit.
Baltimore, 1882, in-8°.
— Four etymological notes, Baltimore, i885, in-8*.
— Seven hymns of the Atharva-Veda, Baltimore, 1886,
in-8-.
— Das Grhyasamgrapariçishta des Gohhilapuira, Leipzig.
— Shr. R. Bhandarkar, A catalogue of the collections qf
manuscripts deposited in the Deccan Collège, Bombay, 1888,
in-8^
— Tisenhausen , Nouvelle collection de monnaies orientales
du général Komaroff, Saint-Pétersbourg, 1888, in-8*.
ANNEXE N" 1
AU PROCES-VERBAL DE LA SEANCE DU 8 MARS.
NOTE SUR LE PAPYRUS ÉGYPTO-ARAMÉEN DU LOUVRE ,
PAR M. DE VOGUÉ.
M. William Grofif a fait à la Société asiatique deux inté-
ressantes communications sur le papyrus égypto-araméen du
Louvre. Il a rapproché le mot que Tabbé Barges lisait ^l^p
et traduisait «vin cuit» du mot kelbi que M. Revillout a
trouvé dans un papyrus démotique avec le sens de «vin
dEgypte », et a supposé que ^iVp , en passant dans la langue
égyptienne, était devenu qelhi par une sorte d'assimilation
du 1 et du 3 . Mais , tout en adoptant pour ce mot et pour le
contexte du papyrus les interprétations de M. Tabbé Barges,
il s'est demandé si ^^p, que le savant professeur de la Sor-
bonne traduisait «vin ordinaire», ne devrait pas être consi-
déré comme une mesure , et si , au lieu de KD « cent », il ne
278 FEVRIER-MARS 1889.
faudrait pas lire |KD « vase • ; à Tappui de la première qties-
lion , 11 a cité le mot égyptien qerer a vase » qui en copte est
devenu k6au>x; néanmoins il n*a pas cru devoir adopler
sa propre hypothèse et il s'est tenu aux explications «vin
cuit , vin ordinaire » , en cherchant même à les corroborer par
des citations biblique».
L'étude directe du manuscrit, à laquelle j'ai dû me livrer
en vue de sa publication dans le Corpus iiiscriptionum semi-
ticaram, m'a amené à lire autrement que M. l'abbé Barges
les passages oà se trouvent les mots en questi(Hi, ce qui
oblige à les traduire autrement. Le texte ne porte pas >l'?p ,
mais ^3^p; le beth est indubitable « il est presque toujours
lié avec le ^ qui le suit , ce qui exclut le wav* Elu comparant
ces deux lettres liées avec celles qui conunencent le mot
n*1^3 « dans le mois » à la première ligne , la similitude saute
aux yeux et le doute disparait. Ce mot ^3*?p est toujours
suivi d'un chilTre; quand ce chilTre est l'unité, il est au sin-
gulier; quand ce chififre est supérieur à l'unité, il est au plu-
riel. De même le mot llhp (et non hhp) est au singulier
ou au pluriel, suivant qu'il est suivi du chififre i ou d'un
chiffre supérieur. Ces deux mots désignent donc des mesures
de capacité : l'un, ainsi que l'a entrevu M. Groff, vient de
l'égyptien qcrer, copte k6XCDX, araméen ^Sp, arabe «Is.
C'est le nom que les fellahs d'Egypte donnent encore aux
petite» cruches de terre qui renferment l'eau potable.
L'autre n'a pas d'étymologie connue , en tout cas il n'a lien
de commun avec Hvp «cuire, rôtir». Comment est-il arrivé,
par une sorte de confusion entre le contenant et le contenu «
à désigner en démotique un vin d'Egypte ? C'est de que je
ne me charge pas d'expliquer. Je m'en tiens au texte ara-
méen du Louvre où il s'applique à un vase , et probaUemenl
à un vase de petites dimensions. U y a certainasient une
gradation à établir entre ces récipients : le qelbi étant tou-
jours cité le dernier doit être le plus petit; aunlessus de
qeloul est nommé le man, dont M. Groff avait aussi entrevu
puis rejeté la lecture, et qui est indubitable. Pour convaincre
NOUVELLES ET MELANGES. 279
le lecteur, je reproduis ici quelques passages qui lui paraîtront,
je l'espère, concluants. Ils sont tirés de la col. 2, lignes 2,
4 et 5 \
..•I "«abp iTS ^Dn Hnivh ^nH^b i 3 >
..|l III pXD jnSD non DDD ")3 HTiTib S'».-» 4
|ll |^3*?p |l J^l^p r\22 5
2 Du i" de Paophi, pour ie repas, vin de Sidon, qelbi i
Ix Donné à Tseha fils de Poumat vin d'Egypte , tonneaux 5
5 Par tête ^eloid (au pluriel) 2 qelhi (au pluriel) 3
M. l'abbé Barges lisait la fin de la ligne ^ « sept cents » ,
ce qui est contraire à tout ce que nous savons de la numé-
ration araméenne , où les cbiffres indiquant les centaines
précèdent toujours le signe «cent». De plus, les unités sont
toujours groupées par trois , « sept » s'écrit | III HI et non || II! I| ;
les longues unités ne sont jamais au commencement des
nombres , mais à la fin ; quelquefois la dernière imité , au lieu
d'être plus longue, est inclinée en sens contraire; le chiffre 1,
quand il est seul, est souvent aussi penché vers la gauche;
c'est ce qui a lieu dans notre papyrus. Le trait que M. Bar-
ges a pris pour un sigle particulier ayant la valeur d'une
mesure de capacité est simplement le chiffre 1 ainsi incliné
à gauche; quand il se trouve à la fin de la ligne, le scribe
Ta grossi à dessein en appuyant sur sa plume; c'est une va-
riété calligraphique qui ne change rien à la lecture.
' Nous employons le caractère hëbraiqiie (pu ne diffère pas sensiblement
du caractère aramëen des papyrus , tandis que le caractère phénicien s'en
éloigne considérablement.
280 FEVRIER-MARS 1889.
ANNEXE N» 2
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 8 MARS.
COMMUNICATIONS DE M. HALEVY.
I
J'ai contesté à p1u<iîeurs reprises , aussi bien dans le Jour-
nal asiatique que dans d*autres revues, la thèse devenue gé-
nérale chez les assyriologues , d'après laquelle la ville nommée
D^I'IDp dans la Bible serait la ville babylonienne de Sipar,
Conune personne à ma connaissance n'a tenté depuis d'in-
valider les arguments que j'ai produits contre cette identifi-
cation d'une part , en faveur de celle que j'ai proposée moi-
même, de l'autre, j'avais quelque droit de croire que la
question était définitivement résolue. Je suis donc un peu
désappointé d'entendre reproduire devant la Société, et non
sans une certaine insistance , l'ancienne identification comme
une vérité incontestable et acquise à la science. Cette cir-
constance m'oblige à justifier mon opinion en résumant très
succinctement les raisons sur lesqueUes elle s'appuie. Ces
raisons les voici :
L'idée d'identifier D^î'lDD avec Sipar de Babylonie a été
inspirée aux premiers assyriologues d'abord par l'analogie
du son , ensuite par ce fait que les inscriptions bab^oniennes
font souvent mention de deux parties de cette viUe : Sipar
du Soleil et Sipar d'Anounit, dualisme auquel ferait allusion
la terminaison D]' de la forme hébraïque. Cette dernière expli-
cation s'est montrée inexacte, puisqu'on sait maintenant que
d'autres parties de Sipar portaient aussi le nom de la divinité
qu'on y adorait. Il ne reste donc que la seule analogie de
son, et comme des villes du nom de 1DD ont existé en Pa-
lestine ("1DD rf'np) et en Arabie ("îDD^ Genèse , x, 3o), il
NOUVELLES ET MÉLANGES. 281
n'y a aucune raison d'admettre que D^TIDD ne peut être
qu'une ville babylonien i^e.
Mais si cette identification n'a en sa faveur qu*un léger
rapprochement, elle disparaît entièrement devant les consi-
dérations suivantes :
1* Dans plusieurs passages de la Bible, D^IIDD est men-
tionné tantôt après Hamât (DDH, H, Rois, xvii, ad), tantôt
après Hamât et Arpad (^D^^t1 DDn, II, Rois, xviir, 34
XIX, i3; haïe, xxxvi, 19; xxxvii, i3), qui sont notoirement;
des villes syriennes ; il en ressort avec certitude que la ville
en question était aussi située dans la même région géogra-
phique et non en Babylonie.
a" Dans les derniers passages que je viens de citer, Sen-
nachérib comprend les dieux de D^llDD parmi les dieux
étrangers (D^ian ^n^X ou m2"^^f^ ^nhti) qui n'ont pas pu
«auver leur pays de la main de ses ancêtres. Il s*agit donc de
peuples dont le culte était notablement différent de celui
des Assyriens et des Babyloniens qui avaient la même religion ;
donc D^1")DD n'est pas une ville babylonienne.
3° Si Sennachérib avait voulu parler des conquêtes assy-
riennes en Baby'onie, il aurait avant tout fait mention de
la capitale même, savoir de Bahylone, en face de laquelle
Sipar était toujours restée une ville de second ou de troi-
sième ordre. 11 est donc évident que son discours ne se rap-
porte qu'aux pays étrangers à l'Assyrie-Babylonie et que
D^TIDD se trouve dans ces pays exotiques.
4** En fait, aucun des prédécesseurs de Sennachérib ne
s'est attribué la conquête de la ville babylonienne de Sipar;
les annales de ces rois sont absolument muettes à cet égard
et personne n'est autorisé à l'introduire d'emblée poiir les
besoins de l'interprétation.
Voilà les raisons qui m'ont déterminé, en rejetant l'an-
cienne hypothèse , à identifier D^1")DD , ou plus exactement
D^^ap (II, Rois, XVII, 3i), avec la ville syrienne mentionnée
par Ezéchiel, xlvii, 16, sous la forme de D^*12D, comme
\1II. 10
ivrRiur.tic xiTii>«*ie
282 FÉVRIER-MARS 1889.
étant située entre le territoire de Hamât et celui de Damas ,
ce qui explique très bien la terminaison du duel jointe à ce
nom. La divergence entre les lettres 3 et D ne me semble
pas assez considérable pour ne pas admettre l'identité des
deux noms; de telles variantes sont fréquentes d'un dialecte
à un autre. Ce rapprochement a été du reste confirmé
naguère par la Chroni^ae babylonienne, qui attribue formel-
lement à Salmanazar II, aïeul de Sennacbérib, la conquête
de Shabara^in, nom qui, transcrit en caractères hébreux,
}^n3D, est la forme syrienne de D^'iap*.
II
Dans la description de la Syrie , Ptolémée place non toin
de TAnti-Liban le mont Alsadamos, du côté de TArabie.
N'ayant pas connaissance d'une tentative antérieurement
faite pour identifier cette montagne ou pour expliquer son
nom . je prends la liberté de présenter à ce sujet une expli-
cation dont je laisse volontiers la priorité à qui de droit. Si
je ne me trompe, le mont Msadamus n*est autre que le
mont Hermon des Hébreux, le Djebel el-Cheikh des Arabes,
au sud de Damas. La situation de l'Hermon répond exac-
tement à la description du géographe grec : ce mont forme
effectivement un chaînon détaché de TAnti-Liban et appar-
tient encore à la Syrie, tout en donnant presque accès
aux immenses plaines brûlées de l'Arabie Déserte. La seule
chose qui déroule , c'est l'étrangeté du nom Alsadamus dont
on ne peut faire rien qui vaille. Pour résoudre cette diffi-
culté, je me suis demandé si le mont Hermon ne portait
pas chez les écrivains juifs d*autres noms que celui qui est
^ Les dieux Âdrammelek et *Anammekk qu^adoraient les homMf de
D^ISD (Rois, II , xTii, 3i) sont inconnus à TAssyne-Babyloiiie , oà r#nne
rencontre que les formes simples : Adar, *Anou et Malik. Un fait analogue
s'observe au sujet du dieu 730 7D qui est exclusivement aramëen , bien que
les éléments simples H /D et 73 se retrouvent séparément comme des difi-
nités assyro-habyloniennes.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 283
devenu liabituel \ Mes recherches m'ont conduit à réfléchir
sur \è verset i 5 de Psaumes lxviii, qui a depuis longtemps
désespéré les interprètes et (jui est ainsi conçu : ^1^ t?1D3
po'jsa J^Vr) n3 D'^D^D , mot à mot : • Quand le Tout-Puis-
sant brisa les rois en elle, tu fais neiger à Çalmon». Le non-
sens des mots en italique étant évident, j'ai pensé y remé-
dier par une légère correction des mots impossibles : ns
fyû1^ en 3^tSfn "ina. Le sens du verset devient alors aussi clair
que possible : « Quand le Tout-Puissant brisa les rois sur le
Mont de neige, sur Salmon». Je parlerai dans un prochain
article destiné à la Revue des études juives du fait historicpe
auc[uel le Psalmiste a voulu faire allusion. Pour le moment,
il suffit de constater que JIdSs est une montagne qui est
qualifiée de !iV^n in «Mont de neige». Cette montagne ne
peut pas être le JlD^? "in près de Sichem* qui est trop peu
élevé pour être ceint de neige ; encore moins peut-on songer
à la station de l'Arabie Pétrée, nommée njlD^S (Nombres,
XXXIII, 4i). Force nous est donc de remonter vers le nord,
vers la seule montagne de Palestine qui soit couverte de
neige à son sommet, savoir le mont Hermon. Et en effet,
chaque fois que le texte hébreu mentionne {iDin in , la pa-
raphrase araméenne de Jérusalem donne K3^I1 1)t3 «mon-
tagne de neige ». Maintenant nous pouvons revenir au mont
ÀA£ÀAAMOS de Ptolémée , et la première impression con-
seille déjà de clianger le A en A et de lire ÀXtràXafios et d'y
voir la transcription très légèrement altérée de p/? "''^' ^^
on ne saurait prendre la syllabe initiale ÀA pour l'article
arabe. Mais la supposition d'une altération quelque légère
qu'elle soit n'est même pas nécessaire. Au lieu de ÀAo-iSa-
(los, certains manuscrits oflrent les leçons kXtyàXaiios et
AffâX^iavoç ; c'est cette dernière leçon qui est la seule exacte
' Je parle, bien entendu , des temps relativement modernes; les anciens
noms de l'Hermon sont ënamérës ( Deutérououp , m, 9).
* Juges, n, 48.
19-
284 FÉVRIER-MARS 1889.
et nous y avons sans doute la transcription fidèle de la forme
hébraïque et probablement aussi phénicienne de jO'jSrt «le
Salmon ».
Lexicon syriacum avctore Hassano BaR'Bahloul, voces sr-
RIACAS GRjECASQUE CUM GLOSSIS SYRIACiS ET ARABICIS COM-
PLECTENS^E PLURiBVS CODJCIBVS EDJDIT ETNOTULIS INSTRVXIT,
Rubens Duvai. — Paris» 1888, un fascicule in- 4". Imprimerie
nationale. Librairie Bouillon- Vieweg.
Le dictionnaire syriaque-arabe de Hassan Bar-Bahloul
(ix* siècle) est connu depuis longtemps. Les lexiques de
Castelli et de Michaelis , les dissertations de Gésénius *, de
Larsow*; les travaux de Bernslein*, de Quatremère, de
Payne-Smitli * et d'Hoffmann \ pour ne parier que des au-
teurs les plus connus, nous ont appris à l'estimer à sa juste
valeur. On nous a même fait espérer que nous en aurions la
substance dans ce grand dictionnaire syriaque, qui, après
avoir élé élaboré par Quatremère, par Bernstein et par
d'autres, parait enfin, en Angleterre, sous le haut patro-
nage de l'Université d'Oxford, par les soins de Payne-
Smith , doyen de la cathédrale de Cantorbéry.
Tout le monde rend hommage au savoir et aux recherches
de celui qui a été choisi pour mener à bonne fm les travaux
des Quatremère et des Bernstein. Le Thésaurus syriacus de
Payne-Smith , qui touche presque à sa fin , sera un service
immense rendu aux lettres orientales; en particulier, à l'étude
' G. Gësénius, De Bar Alio et Bar Bahlulo, lexicographis tyro-arabicis
ineditis,
* F. Larsow, De dialectorum linqum syiiacœ rellquiis. Beiiin, i84i|in-4*
de 28 pages.
' Geo. Hen. Bernstein, Lexicon Knguœ syriacœ , in-fol. , fascicule un seul
para. Col. i-44. Berlin, iSSy.
* Payne-Smitli , Thésaurus syriacus, in-fol., 1879. Oxford. En cours de
publication.
' G. Hoffmann, Syrisch-arahische Glossen. Erster Band. — Aatographie
einer gothaîschen Handschrift enthaltend Bar Ali's Lexicon. Kiel, 1874.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 285
de cette littérature syrienne qui prend tous les jours plus
d'importance, soit à cause des trésors qui lui sont propres *
soit à cause des renseignements qu*elle peut fournir sur les
littératures voisines, même sur les littératures de la Grèce
et de Rome. Toutefois le Thésaurus syriacusde Payne-Smith ,
pour être un pas considérable vers la rédaction d'un diction-
naire syriaque complet, ne nous donne pas le dernier mot:
après le livre de Payne-Smith on travaillera encore longtemps
à enrichir le lexique syriaque; et c'est pourquoi la publi-
cation du dictionnaire de Bar-Bahloul , qui aurait pu paraître
inutile en face de la grande publication anglaise, est au
contraire très opportune, au moment où celle-ci fait vive-
ment sentir la nécessité de compléter nos connaissances
dans le champ de la lexicographie syrienne. L'édition de
M. Rubans Duval arrive donc à point: elle donnera, je n'en
doute pas, une nouvelle impulsion au mouvement qui s*est
dessiné pendant ce siècle , en particulier durant les derniers
trente ans.
A ne considérer les choses que d'une manière générale et
en pure théorie, il semble qu'une analyse de Bar-Baliloul
aurait pu suffire , car il y a beaucoup de choses , dans son
ouvrage, qui ont peu ou qui n'ont rien à faire avec la lexi-
cographie. Cependant, lorsqu'on descend des régions de la
théorie pour se placer sur le terrain des faits, on reconnaît
bien vite qu'une simple analyse n'eût pas été suffisante;
d'abord parce que les analyses sont le plus souvent incom-
plètes; ensuite parce qu'elles sont exécutées rapidement et
pas toujours d'une manière sûre ; enfin parce qu'elles ont
toujours un caractère si personnel qu'elles ne peuvent servir
qu'à ceux qui les ont faites. Les auteurs des analyses ou des
relevés lexicographiques , travaillant sur des manuscrits et
hors de leur cabinet, dépourvus des moyens de vérification
et de contrôle, font toujours une œuvre qui laisse à désirer.
Quand ils ne publient pas eux-mêmes leurs travaux , ceax-ci
ne sont pas d'un grand secours à ceux qui veulent mettre à
profit leurs notes. N'est-ce pas là, en efiet, ce qui est arrivé
NOUVELLES ET MÉLANGES. 287
Bahioui se rattache, ainsi que Bar-^Aly, l'autre grand lexi-
cographe syrien, à celte école célèbre d'Abou-Zaïd Honaïn
Ben-Ishaq ( -f 878) \ d'où il est sorti tant de si belles œuvres
durant le m* siècle de l'hégire, c'est-à-dire pendant ie
IX' siècle de l'ère chrétienne. Bar-'Aly était aussi un disciple
d'Honaïn ', et il dit expressément que son maître avait com-
posé un lexique. Parmi ses sources, Bar-Bahloul énumère:
saiift Grégoire de Nysse, Bar-Dachendad , Zacharie de Merw,
le médecin Chamli, Jean Bar-Sérapion le médecin, Daniel
Gamaraïa, évèque de Tahal, Hanan-Jésus, Bar-Sarouch*vaï ,
évèque de Hirta. Le lexique de ce dernier est à ses yeux le
plus parfait. La liste des auteurs est loin d'être complète
dans la préface; car on trouve d*autres noms dans le cours
du dictionnaire de Bar-Bahloul. Il est vrai qu'ils peuvent
être enfermés sous cette expression générique : « Et d'autres
lexicographes ou commentateurs ( col. 3 ). » En tout cas , il est
certain que plusieurs autres sont mentionnés de temps en
temps, G[uelques-uns très souvent, par exemple, Gabriel
Bocht-Ichou, d'autres accidentellement, comme Paul (co-
lonne aa), Sarghis (col. 28).
La préface syriaque nous apprend en somme peu de
chose sur ce que nous désirerions savoir : de plus, elle
n'existe pas en entier dans tous les manuscrits, et elle a
été manifestement l'objet de quelques remaniements; car
les documents ne présentent pas tous les mêmes passages.
La prière adressée au lecteur (coK 3, lignes 9-13) est une
addition postérieure à la composition de l'ouvrage. Ellle est
l'œuvre d'un copiste plutôt que celle de l'auteur. Deux ou
trois endroits du texte, que nous donne M. Rubens Duval,
sont si obcurs ou si altérés qu il est difficile d'en tirer un
sens (col. a, lignes i3-i5, et col. 3, lignes iS-ig). Je n'ose
émettre aucune conjecture sur le premier de ces passages ,
' Sur Honaïn consulter A. Mulier, Ibn abi Uêseïbia, Kônigsbei^, I,
p. 18Â.
' G. Hoffmann, Syrisch-Arabische Glotsên, p. a.
288 FEVRIER-MARS 1889.
tant il me paraît corrompu \ Quant au second, je pense que
Bar-Bahloul doit être traduit de la manière suivante : « Le
grand Honaïn s'exprime ainsi dans la préface de son lexi-
que : « Quant aux termes qui ne sont pas absolument bar-
«bares, bien quils ne soient pas toujours très connus, et
«quant à ieurs explications , je les ai transcrits tels que je les
«ai trouvés, me contentant d'y ajouter quelque chose qui
«indiquât mon peu de confiance en ces tenues, savoir: en
t syriaque j^^ en arabe ^) (co!. 3, lignes 1 5- 19, col. 2).»
La préface arabe ajoute peu de chose à celle qui est écrite
en syriaque. L'auteur nous dit simplement qu'il n*a pas
établi de distinction entre les mots et qu'il ne les a point
classés en termes ecclésiastiques, médicaux, philosophiques,
grecs, latins , syriens , hébreux, nabathéens , eic. Cela confirme
ce que déjà le titre nous permettait de soupçonner : Bar-
Bahlouln'a point visé à faire un lexique syriaque proprement
dit , un lexique complet. 11 a voulu simplement recueillir les
expressions rares, difficiles (Jj^uâ^a^) ou étrangères (|^ m? *^ 1),
qui se rencontrent dans les livres syriens ; et c'est pourquoi
on chercherait vainement dans son ouvrage les termes les
plus usuels. Ils ne s'y rencontrent pas, ou, s'ils s'y rencon-
trent, c'est par exception. Tel est également le but qu'a
poursuivi Bar-^Aly, l'autre grand lexicographe syrien, con-
temporain de Bar-Bahloul, formé dans la même école et
sous le même maître. Par suite, ces lexiques syriaques ne
peuvent pas rendre grand service au commun des lecteurs,
parce qu'ils ne renferment rien d'usuel; ce sont des ouvrages
qu^on doit avoir dans sa bibliothèque , pour les consulter de
^ « L'auteur de ce dictionnaire , dit Bar-Bahloul , ne fait pas attention
aux lettres qu on ajoute on qu'on change , de temps en temps , au commen-
cement du mot, dans la conjugaison des verbes. Il remonte à la racine du
verbe et, partant de la, il place le mot à son rang.» Tout cela est clair; il
s'agit là évidemment des lettres serviles qui , du reste , paraissent être visées
expressément, dans les premiers mots qui suivent: J^IM*; oe» Jff^ad VJ
lv>{in ^ V*^>po»«^) oifo yxtùojo y^} JtfiB» m«). Grammaticalement
la phrase ne me parait pas correcte et je ne tire aucun sens de la.secoiide
partie de cette proposition. (Voir col. a, lignes 1 à 8.)
iNOUVELLES ET MELANGES. 289
loin en loin et dans les circonstances particulières. Mais, par
contre, un lexique comme celui de Bar-Bahloul a le plus
grand intérêt pour nous, parce qu'il complète nos connais-
sances sur des points qui nous demanderaient un temps
infini si nous voulions les éclaircir à Taide des auteurs sy-
riens. En le dépouillant attentivement, nous arriverons rapi-
dement à ajouter à nos lexiques ce qui leur manque et à
leur donner le degré de perfection qui leur a fait trop long-
temps défaut.
Tout n'est pan or pur dans cette collection de mots rares ou
difficiles; et ce n'est pas sans raison qu Honaïn parlait, dans
sa préface, d'expressions barbares; il n'y a qu'à lire quelques
colonnes du fascicule de M. Ruhens Duval pour se trouver
face h face avec des mots qu'on ne rencontre jamais ou
presque jamais dans les livres ordinaires. A la rigueur, cela
se comprend pour les mots techniques, pour les noms de
plantes, pour les termes de médecine, àe grammaire ou de
philosophie, mais qu'est-ce que peuvent avoir à faire, en
syriaque, celte inno'ubrable quantité de mots grecs, qui
remplissent les colonnes de ces lexicographes syriens ?
C'est là évidemment la partie la moins utile ^ du lexique
de Bar-Bahloul, car les mots grecs ordinaires ne peuvent
pas présenter de grandes difficultés aux hellénistes syria-
cisants, pourvu qu'ils soient bien écrits. Nous disons pourvu
qu'ils soient bien écrits, car cela ne leur arrive point toujours;
et les Syriens, quoique plus sobres que les Arméniens et les
Arabes sous ce rapport, ne craignent pas de défigurer con-
sidérablement les termes étrangers. On en rencontre maints
exemples dans le premier fascicule de M. Duval. Des mots
sont répétés en deux, trois, quatre endroits; et cela vient
' Ces termes grecs peuvent cependant nous aider à déterminer la pro-
nonciation du grec au ix* siècle de 1 ère cbrétiennc. Ainsi on prononçait , ce
semble, dyaitriiés, comme s'il eût été écrit dyaStijàç, On introduisait un
esprit rude dans iyyeXoç après le dernier y, car les Syriens écrivent
*£tHfcfciOi,^^| (col. a 3). Ils lisent aussi ■mo'^k^ij (col. 198, ligne la).
Mais , sous ce rapport , les scribes syriens sont encore sujets à caution.
290 FÉVRIER.MARS 1889.
uniquement de ce qu*iis ont été di£Féremmenl orthographiés ,
soit par les traducteurs , soit peut-être par les copistes. Plus
d'un de ces termes faisant double emploi est dû , ce nous
semble, aux revisions successives qui ont été faites de Tou-
vrage de Bar-Bahloul, et quelques-uns ne sont vraisembla-
blement que des interpolations ooiles gloses ajoutées après
coup par des lecteurs qui , ne trouvant pas le mot à Tendroit
où ils le cherchaient , se hâtaient de Vy insérer.
La partie la plus curieuse de ce dictionnaire est celle
qu*on peut appeler médicale et philosophique : on sent que le
livre est sorti d'une école de médecins et de philosophes
où l'on s*adonnait à Tétude des simples et à la culture des
œuvres d'Aristote; d*un cénacle où Hîppocmte, Galien et
Dioscoride rendaient encore des oracles. Et, en effet, ils
étaient, tous ou presque tous, des médecins ces lexicogra-
phes de l'Iraq : Jean Mesvé , Gabriel Bokht-Ichou , Ghamli ,
Jean fils de Sérapion, Honaïn, Bar-^Aly et d'autres. Il n'y
avait guère place que pour eux auprès des khalifes abbas-
sides , mais il faut dire aussi , à leur honneur, que ce n'étaient
pas des médecins ordinaires que ceux qui traduisaient les
oeuvres d'Hippocrate , de Galien et de Dioscoride, ou qui
cherchaient des inspirations dans les écrits d'Euclide , dans
l'Âlmageste de Ptolémée et dans la philosophie d'Aristote.
Ce spectacle n'a guère été vu qu'une fois et il a été donné
au monde précisément par cette école de l'Iraq , dont faisaient
partie Mesvé, Bokht-Ichou, Honaïn, Bar-Bahloul et Bar-'^Aly.
C'est plus G[u'un dictionnaire de mots rvres ou difficiles,
en grammaire , en philosophie ou en histoire naturelle ; c'est
une encyclopédie que le lexique de Bar-Bahloul : encyclo-
pédie littéraire, historique, géographique, philosophique,
même grammaticale. 11 y a de tout dans ce livre, et ce ne
sera pas une des choses les moins étonnantes que d'y trouver
des renseignements sur une multitude de personnages, de
lieux, de villes ou d'ouvrages. Chose même singulière! Ce
sont ces noms d'hommes, de villes, de pays; ces termes
de grammaire, de philosophie ou de sciences naturelles, qui
NOUVELLES ET MELANGES. 291
arrêtent le pius longuement le lexicographe syro-arabe. Dès
Ja troisième colonne , il accorde trente lignes au mot air, |JJ
(col. 7-8). Un peu plus loin, il donne dix-huit lignes au mot
abba, Isi (col. 9-10); quarante-six lignes au mot philoso-
phique JUL}!^ espèce, genre, genus (col. 43-45), etc., et cela
se reproduit ainsi fréquemment, du conmiencement à la fin,
mais toujours à propos de ces expressions, qui permeltent k
Tauteur de bavarder un peu sur Castor et Pollux.
Sous le mot kepla, Aeria (UtJJ) , cet auteur nous apprend
qu^autrefois l'Egypte portait ce nom , avant et même après
Tépoque de Ramsès (col. 9). Sous le mot Avestàgà on re-
marque : • Cest là le nom d'un livre de Zerodocht (Zo-
roastre), lequel livre est écrit en sept langues, en syriaque,
en persan , en araméen , en ségestanien , en marouzéen , en
grec et en hébreu (col. 18). » A propos d'Abrès (a»vd|), on
nous dit en arabe : • C'est là le nom d'un homme , c'est ainsi
que s'appelait le premier des catholicos, qui fut élu au catho-
licat en Orient. Il n'y a pas de doute que ce nom ne soit
grec, car il n'en est pas fait mention dans le syriaque
(col. 3 1). » Après avoir donné les divers sens du mot esthiro
(|f JBu»J ) , Bar-Bahloul ajoute : t Que le mot soit au singudier ou
au pluriel , on appelle du nom d'esthiro l'étoile cjui , au mois
d'octobre , parait à l'orient , et à laquelle on a donné beaucoup
de noms, suivant les diverses langues. Les Taioïé (Arabes)
l'ont appelée « 'Ouza » , les Grecs l'ont nommée « Aphrodite » ,
les Qadichéens « Tamachqath » , les Romains « Vénus » , les
Chaldéens « Bélathi » , les Araméens « Esthira » , les Arzanéens
Malkath-chemaîa ou « Reine des cieux » , les Arabes « Nani » , les
Persans « Bidouk » , les Élamites • Bilthi » , les Babyloniens
■ Chegol, Dalbeth ou Dalqath», suivant un manuscrit; les
Egyptiens • Hélos » , les Asiatiques « Artémis » , les Ephésiens
« Diopotos » , les Taïoïé de notre pays « Zouhrah » , les *Ou-
zéens «Anahid». Les appellations qui nous sont connues
s'élèvent à seize. Il n'est pas un lieu qui ne lui ait donné un
nom et qui ne l'ait adorée (coL a 44-345. Voir aussi au mot
Aphrodite , col . 36 6-2 67).»
292 FEVRIER. MARS 1889.
Ces quatre ou cinq exemples donnent une idée suffisante
de ce quon trouvera de curieux, d'intéressant, d'ulile et
doriginal dans cette vaste encyclopédie lexicographique ' .
On n'aura qu'à parcourir les mots Abram (coi. ao), Adam
(col. 38), Éd'ra d'Atod (col. 4 1) » Joh épelé Aïob (col. 1 16) ,
Epiphane (col. 261), Aristote (col. 2^0) ^ Hermès trismégisie
écrit en un seul mot (col. 296), etc., pour voir ce que peu-
vent donner les noms propres. Les amateurs de singtdarités
en histoire naturelle liront avec plaisir les articles aîlo ou
«cerf» (col. 127), éliaqam (col. 176), anefo (colonnes 212-
2i3), etc.
Si on veut enfin se rendre compte rapidement de la
façon dont Bar-Baldoul a traité les mots grecs, on n'a qu'à
parcourir l'appendice que M. Rubens Duval a ajouté à la fin
du premier fascicule. On verra le même terme revenir en
trois ou quatre endroits, avec de légères variantes d'ortho-
graphe. Ainsi dvayvdytrlrjs reparaîtra tantôt sous la forme
ayicûvcoTios (col. 28, ligne 8), tantôt sous la forme ayvto-
vùXTCûTios (col. 3o, ligne i5) , tantôt sous la forme evaloOta
(col. 76, ligne 1 3), tantôt sous la forme lyio&los (col. 111,
ligne 8), enfm sous la forme à peu près correcte àvayvotx/J os
(col. 199, ligne 1), etc. Ces quelques exemples suffisent, je
crois , pour montrer à qui nous avons affaire. Du reste , ceux
qui voudraient se renseigner à fond ià>dessus n'ont qu'à con-
sulter l'appendice de M. Rubens Duval, dont j'ai parlé tout
à l'heure. Je suis heureux de constater qu'il est 1res complet
et très exact. La besogne est faite là avec soin. Inutile que
chacun la refasse pour son propre compte.
C'est en somme une encyclopédie assez curieuse que le
lexique de Bar-Bahloul , et elle rendra certainement des ser-
vices de plus d'un genre, lorsqu'elle sera publiée intégra-
lement. Elle a été souvent remaniée et retouchée en bien
des endroits ; c'eût été une œuvre difficile , même avec l'aide
' Colonne 168, ligne a 5, on mentionne un livre dont le titre est très
appétissant : JLi«.Mt JLdJ^â {Le livre des Harrcmiens)] Qu'est-ce que cela
pourrait bien être?
NOUVELLES ET MELANGES. 293
de dix manuscrits, que de déterminer exactement la partie
qui appartient à ses copistes ou à ses admirateurs; mais la
distinction a, dans ce cas, peu d'importance. Comme il
s'agit, avant tout, d*un résultat pratique et utile, nous avons
moins d'intérêt à savoir quel était le travail primitif qu'à
posséder le dictionnaire le plus complet possible.
En général, l'auteur donne en syriaque le mot rare ou
dijfficile, surtout les mots grecs, puis il les explique en sy-
riaque, en citant habituellement l'autorité sur laquelle il
s'appuie. Ensuite il reproduit en arabe l'explication précé-
dente, mais en y ajoutant quelquefois des développements.
De cette manière les deux explications se contrôlent, se pré-
cisent et s'éclaircissent mutuellement.
Malgré le secours que se prêtent l'un à l'autre le texte
arabe et le texte syriaque , une édition correcte de Bar-Bah-
loul était et sera toujours une entreprise hérissée de diffi-
cultés, parce qu'il n'y a guère là que des mots rares et dif-
ficiles, et que, dès lors, les éditeurs, à moins de posséder à
fond les deux langues, peuvent aisément se tromper. Les
erreurs sont d'autant plus faciles que très souvent les lettres
sont similaires ou qu'elles ne diffèrent les unes des autres
que par des points. Quand les textes sont un peu longs , il
est encore possible, sinon facile, de découvrir les erreurs
commises par les copistes ; mais , quand les explications con-
sistent seulement en deux ou trois mots, la restauration du
texte original est impossible, si l'on ne dispose pas d'un
grand nombre de manuscrits. M. Rubens Duval a accompli
son travail avec beaucoup de soin et je ne vois pas de faute
grave à signaler.
A la colonne 9, ligne 1, il fallait évidemment lire *«»a«i^|,
Aétius , avec les manuscrits SS5R et L, non pas *m^\]],
car, d'après l'explication , il s'agit là du chef des Aétiens. Co-
lonne 32 , ligne 4 « il faut lire sans aucun doute jLfopo comme
partout ailleurs, et non pas JLa»opo. Colonne 212, ligne 9,
JLvJSauJ n'est-il pas une faute pour U»\^mu]^ qu'on lit plu-
sieurs fois dans la même colonne? Colonne 267, ligne 24»
294 FÉVRÏERMARS 1889.
le mot IH.O? me parait aussi correct que le mot |H.of , car
il signifîe éconlemetit , suintement, comme Tautre signifie
spuma. Je vois cependant, par mes notes, que Bar-Bahloul
reproduit au mot \t^oh les explications quil donne ici à
propos de yoil^upo^Af . 11 se peut bien , dès lors , que le mot
|H.ot soit celui qu*il Êiui.
Je forme des vœux pour que M. Rubans Duval conduise
rapidement à bon terme la grande publication qu'il a entre-
prise , et je suis sur que tous les amis des études orientales
uniront leurs vœux aux miens, pour que nous puissions
jouir bientôt des trésors d'érudition que le plus célèbre des
lexicographes syriens a entassés dans son savant ouvrage.
L'abbé Martin.
Histoire de l'Afrique septentrionale depuis les temps les
plus reculés jusquà la conquête française (1830), par
E. Mercier. Paris, Leroux, 1. 1 et II, in-8*.
Cet ouvrage est le fruit d'un long séjour en Algérie et de
recherches poursuivies avec persévérance. M. Mercier, à qui
nous devons déjà un intéressant aperçu historique sur l'éta-
blissement des Arabes dans l'Afrique du Nord, nous donne
aujourd'hui une étude d'ensemble qui est, à proprement
parler, l'histoire de la race berbère à travers toutes les révo-
lutions politiques dont le continent africain a été le théâtre.
Les deux volumes parus comprennent trois parties : i** i«
période antique : Phéniciens, Romains, Vandales et Grecs
jusqu'à la fin de la domination byzantine; a"" la période
arabe et berbère jusqu'en iod5; 3° la période berbère et
arabe-hilanienne jusqu'à l'apparition des corsaires tures
en i5i5. Le troisième et dernier volume sera consacré à la
période turque et se terminera à la prise d'Alger par l'armée
française.
A l'exception de la première partie , qui n'offre qu'un ré-
sumé d'ailleurs très exact des travaux antérieurs, lé livre de
NOUVELLES ET MELANGES. 295
M. Mercier se recommande par des vues neuves et origi*
nales, par Temploi judicieux des sources arabes et euro-
péennes, enfin par la clarté. Tordre et un style d*une aUure
aisée qui en rendent ia lecture facile et souvent attrayante.
C^est à la fois un document historique digne de toute con-
fiance et une œuvre éminemment française qui, en nous
retraçant le passé de notre grande colonie , nous édaire sur
les devoirs qui slmposent à ses nouveaux maîtres.
B. M.
MOLBAT AL'IRAB OU LES RÉCRÉATIONS GRAMMATICALES DE HaRIRI ,
traduites par Léon Pinto. Paris, Challamel aîné, 3 fascicules,
in-ia.
Le poème didactique dont M. Pinto vient de publier le
texte et la traduction annotée n'est pas inconnu des arabi-
sants : il y a longtemps que S. de Sacy en a donné la pri-
meur dans son Anthologie grammaticale. L'auteur des trop
célèbres Maqamat, Hariri, était, comme tous les grands
littérateurs de son temps , un grammairien de premier ordre
et ses Récréations grammaticales se recommandent autant que
ses autres traités linguistiques par la clarté des règles et
riieureux choix des exemples. Nous devons donc accueillir
avec faveur l'édition complète en trois livraisons qui nous
est donnée aujourd'hui de cet opuscule populaire dans
les universités musulmanes. La traduction française est
mise ici en regard du texte et accompagnée de notes expli-
catives tirées, pour la plupart, du commentaire de la Tohfat
el'Ahbab de Mohammed Amar, qui, lui aussi, jouit d'une
assez grande autorité.
M. Pinto nous autorise à ne considérer cette première
publication cpie comme une étude préparatoire qui sera
bientôt suivie , s'il faut en croire les promesses de la préface ,
du commentaire que Hariri lui-même a composé pour illus-
trer son texte versifié. Le laborieux éditeur nous annonce
296 FEVRÏEH-MARS 1889,
également la publication prochaine de YAlfyya, autre poème
grammatical tout aussi connu et plus complet même que
celui de Hariri , mais d'un style moins attrayant.
Autant qu'une comparaison rapide m'a permis d'en juger,
la traduction de M. Pinto m*a paru facile et d'un tour aisé;
elle a, entre autres mérites, celui de n'employer que les
termes techniques consacrés par la grande autorité des S. de
Sacy et des Fleischer, enfin les passages du commentaire de
la Tohfa réunis dans les notes sont judicieusement choisis.
Je laisse d'ailleurs à des juges plus autorisés et plus friands
de curiosités grammaticales le soin d'apprécier dans ses dé-
tails l'œuvre de M. Pinto : je me borne à lui souhaiter la
bienvenue et tout le succès désirable dans la poursuite de sa
louable entreprise , en me permettant toutefois de lui recom-
mander un peu plus de sévérité dans la révision de ses
épreuves.
B. M.
Le Gérant :
Barbier de Meynard.
JOURNAL ASIATIQUE
AVRIL-MAI-JUm 1889.
■■■■■■ ■■ , ■ ■ I ^— ^— i^^i^.^— — — ■ ■■■■■■■■ !■ ^ Il ■ ,, . , ^T"^— ^— —— *^T^
LES NOMBRES ORDINAUX
EN ASSYRIEN,
PAR
M. ARTHUR AMIAUD.
Il me semble qiie jusquici on na pas suflisam-
ment fait la distinction des noms de nombre cardi-
naux et des adjectifs ordinaux de la langue assyrienne.
Par exemple, on a traduit quelquefois sané par
« deux », comme si le texte eût porté sinâ, et salalii
par « trois » , comme si Ton avait lu salalti ou selalti.
Je voudrais aujourd'hui chercher à mettre un peu
d'ordre dans ce chapitre de la grammaire assyrienne.
11 y a déjà longtemps qu on a dû reconnaître des
ordinaux féminins dans les formes sanâta « deu-
xième » , et sibûlu « septième ». Les leçons ina sani-
tum III, ina sanîti II de l'inscription de Behistoun,
1. 5i et 55 (voir Bezold, Die Achemenideninschrif-
ten), comparées avec Layard, pi. 91 , 1. -7 y : ma iX
paléya sanute J ana mât Akkadé allik, ne pouvaient
laisser aucun doute que ifamtam (idéographiquement
J) signifiât « fois » et sanûta « deuxième ». Et d'autre
XIII. 20
l«»alH«alB SATIOXALR.
298 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
Il
part, la traduction de sibûta par « septième » s'im-
posait dans Layard, 63, i , et dans T. 5. B. A.,
III , 571, 1 . Ces formes en nia pour le féminin sin-
gulier m'ont intrigué fortement, jusqu'au jour où
j'ai rencontré dans un texte de Nabonide (V, 64,
col. 1, 28) la forme salalta « troisième »^ Je me
suis rappelé alors que l'éthiopien avait une forme
particulière de nombres ordinaux àlhfi • iP^A 1 etc. ,
qu'il réservait au comput des jours de la semaine
et du mois, et, en général, de toute division du
temps (DiUmann, Grammatik der jEthiopischen Spra-
chef S 169 6); et j'ai conclu que ces ordinaux
à forme J^^ existaient aussi en assyrien. Nous
avions donc régulièrement pour a deuxième» le fé-
minin sanâta (de *sanûytd), et pour * septième » le
féminin sibâtu[de *sibata), tout comme pour « troi-
sième» le féminin iulâstà bu salalta. Cela reconnu,
il n'y avait plus désormais de confusion possible
entre des formes cardinales comme satalli, hamilti,
sibitti et les formes ordinales correspondantes salalli,
*hamalti, sibâtL Et Ton était autorisé à rétablir par
analogie toute une série d'ordinaux assyriens à
forme Jyw, ainsi que je le ferai ci-dessous.
Mais l'assyrien a dû avoir d'autres ordinaux que
* On trouve un autre exemple de l'ordinal ialultu dans les P,S.
B. i., VIII,p. 2/10.
' D'après Dilimann, loco cit., les ordinaux de temps éthiopiens
seraient plutôt de la forme J^cU. Cf. larabe ^Lc^b «neuvième
jour d*un mois». La comparaison de Tassyrien me semblerait fàgA-
der pour ]a forme JyL>.
LKS NOMBRES ORDINAUX EN ASSYRIEN. 299
ceux h forme J^. Nous en connaissons en effet
quelquesuns qui ne rentrent pas dans cette caté-
gorie, et un assez grand nombre pour lesquels la
question de forme est douteuse. Avant de les classer,
jetons un rapide coup d'oeil sur la formation des
nombres ordinaux dans les autres langues sémi-
tiques. L'arabe et l'éthiopien ont adopté la forme
Jd^li (eJé, lélp; «ffAft •«ffA&4f •); l'hébreu et le sy-
riaque ont préféré la forme Ju«i (^Çf'»'?Cf, n>«f^*?Ç^ ;
JLJ^J^t, )^J^J£l). Mais rhébreu et le syriaque
n'ont pas employé la forme Ju«i toute nue; ils y
ont ajouté, l'hébreu, ]a terminaison adjectivale ^7
(arabe ^); le syriaque, la terminaison w^— . De
même l'éthiopien, à côté de ses ordinaux à forme
simple Jçli, analogues à ceux de l'arabe, en pré-
sente d'autres à forme composée, J^U-f-dy et J^U
+ âwî, tels que «ffA4j& 1 et «ffA4% •.
Nous pouvons maintenant constater qu'il existait
en assyrien :
1° Des adjectifs numéraux à forme simple. Tels
sont : sanû « second » (de * sariyu) ; Misa « troisième » ;
ribâ « quatrième » (de *ni'a)i hanm ou Aamia « cih-
quième»; sis§a (pour * sidia) «sixième»; sibâ «sep-
tième» (de *5i6'tt), etc. Mais quelle forme devons-
nous reconnaître dans ces adjectifs? On peut hésiter
entre les trois suivantes : Jsil, Jjm et J^. Qu'un
état simple ^sâlis ait comporté l'état emphatique
20.
300 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
salsa (pour *sâlsa, *$âlim), personne ne le contes-
tera. Et à ceux qui s'étonneraient que le même état
emphatique salsa ait pu couvrir un état simple *ia-
lU ou *sàlâs, je répondrai par Texemple des per-
mansifs assyriens saknu (I, 3i, col. U, 1. 25; III,
4, n"* 7, 56), zakra (I, 70, col. 4, ^3; III, Ui t,
36), marsat (K. 246, i, 11), tarsu (IV, 16 a, i4;
IV, 26 a, 24), etc., c[ui sont en réalité les états em-
phatiques de participes passifs Juuû ou J^, comme
le prouvent leur signification et la comparaison
d'autres pennansifs à l'état siniple : sakin (I, 29,
33), nadin (I, 70, col. 2, 17; cf. nae^naf pour *na-
dînat, I, 9, 32), satir (V, 3, 121; V, 25 «, 29;
Del., AL\ 74, 27), mariM(P.5.iî.A., VI,65)V
sapûh (IV, 3i a, 1 1), tarûsn (I, 24, 26; cf. tarsat
pour * tarâsat, IV» 26 a, 47). H n'est peut-être pas"
impossible d'admettre que des formes primitives
Jyx» et Juuû aient fini par s'affaiblir dans la langue
assyrienne en des formes jii et Jmj, et que l'accent
se soit reporté de la deuxième à la première syllabe.
Toutes dès lors devaient fournir également un étal
emphatique J«*, et J'on peut donc hésiter, je le
répète, pour nos adjectifs numéraux assyriens de la
forme salsu, entre les formes Jçli, Ja«j et J^ii, que
nous avons relevées dans l'une ou l'autre des langues
sœurs.
Le fait que tous les féminins aujourd'hui connus
^ Cf. maris, avec sens actif, II, 16 6^ 1 3.
LKS NOMBRES ORDINAUX EN ASSYRIEN. 301
d'ordinaux assyriens appartiennent à la forme J^
[sanûtu, salalta, sibûta, tesâta[?), nous assure, je
crois, que dans nombre de cas cest aussi la forme
J^ii qui doit se cacher sous les formes masculines
sanUy sabu, ribâ, hansUf etc. Mais un autre fait non
moins certain , à savoir que tous nos exemples d'ad-
jectifs numéraux en J^ii déterminent des substan-
tifs exprimant des divisions du temps, tels quâmu
ou ûmta «jour», qui pouvait être sous-entendu
comme en éthiopien (IV, 5i, col. 5, i), arhu
«mois» (Layard, 63, i), satta «année» (V, 64,
col. 1 , 28), sanitauL fois «(Layard, 91, yy; P.5. 6./4.,
VIII, p. 2 40), conduirait à supposer que lassyrien,
comme Téthiopien, réservait ses formes ordinales
J^ii à un usage spécial; qu'il avait par conséquent,
pour l'usage commun, d autres formes ordinales,
soit des formes Ju*» , comme Thébreu et le syriaque ,
soit plutôt des formes Jçli, comme Tarabe et Téthio-
pien; quenfm, dans beaucoup de cas, nos mascu-
lins sanâ, salsa, ribû, etc., nous cachent d'autres
formés que des formes J^, peut-être des formes
Je me résume. L'assyrien a pu avoir deux formes
simples de npnibres ordinaux : une forme JftU , pou-
vant servir à toutes les numérations; une forme
Jyii, servant seulement à la numération des divi-
sions du temps. Ces deux formes, par suite des lois
particulières de la phonétique assyrienne, se seraient
302 ÂVRILMAI-JUIN 1889.
fondues en une seule au masculin. On ne pourrait
espérer les distinguer quau féminin, les premières
ayant dû sonner ^sanitu (que le féminin sanîtu de
sanû « autre » rend extrêmement probable), ^saliltu^
*ribîta, ^Ijtamilta; les secondes, qui sont seules as-
surées, sonnant sanâta, salulta, *ribâtu, *hamultu,
etc Je remarque pourtant que ces formes
J&li, que je suppose, se confondraient maintes fois
avec les formes des noms de nombre cardinaux
correspondants ; ex. : * hamilti « cinquième » avec
hamilti « cinq » , *sibîti « septième » avec sibitti « sept »•
Cette considération aurait-elle déterminé les Assy-
riens à laisser tomber les formes ordinales Jçli en
désuétude, et à ne retenir que les formes tijM? On
n'en peut aujourd'hui rien savoir. L'habitude d'écrire
les nombres en chiffres, qu'avaient prise les scribes
assyriens, et à laquelle ils n'ont dérogé qu'acciden-
tellement, a laissé venir à notre connaissance la
prononciation d'un si petit nombre de numéraux
que plus d'une question relative à cette partie de
]a grammaire doit demeurer encore en suspens.
2** Il existait aussi en assyrien des nombres ordi-
naux à forme composée, les uns terminés en ^*
(45-) » comme ceux de l'hébreu , d'autres terminés en
dy, comme ceux du syriaque et de l'éthiopien ^
^ Tandis que l'arabe et Thébreu ne connaissent que la termi*
naison adjectivale i, a. Texclusion de ây, et que Taraméen ne con-
naît au contraire que la terminaison ày,k lexciusion de i, Tassyrien
employait concurremment ces deux terminaisons, de même que
LES NOMBRES ORDINAUX EN ASSYRIEiN. 303
Nous relevons en effet : sanmnâ «huitième»
(Haupt, B.JS.E., 54, 8; 55, 2/i), à côté de la
forme simple samna^. Or samanâ est l'accusatif de
samanû, qui me paraît être pour *samaniiyya, et où
nous retrouvons par conséquent la terminaison de
••rpiî^. Samasurû «dix-huitième» (dans im contrat
daté de Séleucus Philopator, année 68 des Séleu-
cides, 1. 2, 4, etc.). Ce samasarâ est visiblement
contracté de * saman-esurâ et paraît présenter dans
*€siirâ « dixième » la réunion de la forme Jyih et de
la terminaison ^. Salasé «trentième» (IV, 28 a,
5), génitif de salasâ, pour * salâsâiyyu. Enfin, à côté
delà forme simple saUa, la forme composée saUây
«troisième» (V, 3, 48), offrant la terminaison ây
de Féthiopien ■YA4J& « et du syriaque Jlî J(C^t .
Quelles formes simples sont à Torigine de ces
différentes formes composées? En d'autres termes,
sur quelles formes simples sont venues se greffer
les terminaisons i ou ây? Dans samasarûf on ne peut
guère se refuser à reconnaître la combinaison Jyii
+ ^2. On peut douter, au contraire, comme je
l'éthiopien. La preuve que certains ethniques assyriens, aéàurâ, ak~
kadû, elamû, sont bien des formations en t (pour * aàiurijyu , *ak-
kadiyyu, *elamiyyu)^ nous est fournie par les féminins aS^aritu,
akkaditu (I, li, 36; lày 86; II, 46 b, 2, 4). Lei ethniques plus
communément usités en ây, |^ l^, formaient leurs féminins en
âyitu, aitu: Dài^-èarginâyUi (Caillou Michaux, col. 1, 1. i4); arkâ-
yiiu (G. Smith, //./!., p. 260, 0).
* Conservé dans arahsamtm, ptS^n'^D.
''• C£ cependant plus bas, p. 307: formes composées , 1°, 2°, nota.
304 AVKIL-MAI.JUIN 1889.
lai expliqué plus haut à propos de salsa, si ialsây
est composé de * salis, ou de * salis, ou de îaliu, +
ây, Salasê n offre pas de difficulté; il doit se lire
salâsé, avec â long après le lamed, et se décomposer
en salâsâ « trente» + iyyu (cf. l'éthiopien 9^449 1).
Mais c est toute autre chose pour scunanâ « hui-
tième », qui va nous retenir plus longtemps.
A première vue, on peut être tenté d'assimiler
samanâ pour * samaniiyya à salMê pour salôiâiyyi;
d'admettre que tous les deux également sont formés
directement des cardinaux * samâni « huit» et salâsâ
«trente»; de transcrire en conséquence *samânâ,
comme nous avons transcrit salâsé, avec â long
après la seconde radicale (cf. i±>^, ^Lf et db^*
naûçf ). On pourrait croire que l'assyrien a été amené ,
par les lois particulières de sa phonétic[ue, à con-
fondre dans une seule et même forme des ordinaux
d'unités et des ordinaux de dizaines, qui avaient
étymologiquement une forme différente : saMsû pou-
vant provenir aussi bien de *salâsiyya que de ^saM"
sâiyya;* samânû, aussi bien de * samânxiyya que de
* samânâiyya. L'usage seul, en ce cas, se fût chargé
d'établir, entre des formes devenues identiques, les
distinctions que n'eussent plus marc[uées la gram-
maire et la prononciation. Puisqu'il est souverain
maître, il pouvait sans peine décider que salâsâ
serait réservé à l'expresîiion de « trentième » et ne
signifierait jamais «troisième»; que *samânâ serait
réservé à l'expression de « huitième » et ne signifie-
rait jamais « quatre-vingtième ».
LES NOMBRES ORDINAUX EN ASSYRIEN. 305
Je ne crois pas qu'il en ait été ainsi, ni qu'une
forme *samânâ «huitième» ait existé. Dans aucune
langue sémitique, les adjectifs ordinaux, pour les
nombres de 3 à lo, ne sont formés des thèmes
des noms de nombre cardinaux; ils sont toujours
tirés de la racine même de ces thèmes au moyen de
formes particulières, JçU, Ja«* ou J^. C'est ainsi
qu en arabe et cjuen éthiopien , où les ordinaux ont
la forme J^li, il n'y a plus trace dans eJÉ et ^é ,
"f Aft • et ikrTr t , «ff A4J& i et 47" W • , de l'a long qui
meut la seconde radicale des thèrties cardinaux cor-
respondants^; pas plus qu il n'y a trace dans (j^w,
un « Hr^fi « Hr^V • du yod final qui apparaît
dans les cardinaux JJêy n:ûçf, JLa^L et A^li, et
qui réapparaît dans l'ordinal éthiopien ù^\f^ ».
Dans ce dernier ordinal â^Vï», nous retrou-
vons aussi, après la seconde radicale, l'a long du
thème cardinal A^l«. C'est qu'en effet, dans les
seules langues sémitiques qui possèdent des adjectifs
ordinaux pour les dizaines , en éthiopien et en ara-
méen, ces ordinaux ne sont plus tirés de la racine
au moyen de formes spéciales, comme les or-
dinaux d'unités, mais des thèmes cardinaux, au
moyen de terminaisons : d/^&% > ip44% > j-* * **^^ ,
jii:i:6ii,etc.
' L'hébreu et le syriaque employant pour leurs ordiuaux la
forme J^uO (i ioug après ia seconde radicale), ou ne saurait invo-
quer ici leur témoignage.
300 AVRiLMAI-JUlN 1889.
J'en conclus que Tidenlité de nos deux formes
samanâ « huitième » et salace « trentième » n est qu'ap-
parente. Il faut nous garder ici d'une illusion c[ui a
sa cause dans certaines incertitudes de l'orthographe
assyrienne. Les Assyriens ne prenaient pas toujours
la peine de distinguer les voyelles longues; de là la
leçon salasé. D'autre part , ils écrivaient quelquefois
des voyelles qu'ils ne prononçaient pas ou qu'ils
prononçaient très légèrement, et cpie je ne saurais
mieux comparer qu'aux sclievas composés de l'hé-
breu. Quand nous relevons dans les textes les va-
riantes orthographiques araba , ariba et araba « arabe »,
atwnu, cu'ùnu et arama «araméen », qu'est-ee à dire
sinon que les Assyriens prononçaient évidemment
ar^ba et ar*mu^? Cela nous explicpie l'orthographe
samanâ (prononcer sam'nâ, avec un ïiateph-patah
après le mém) pour samnû. Et nous sommes ramenés
ainsi à une forme composée normale : Js\l Juxj
ou Jyii + ^^.
Voici, dans l'état actuel des connaissances, com-
ment je présenterais le tableau d'ensemble des ad-
jectifs ordinaux assyriens :
l" ORDINAUX DES UNITES.
A. Formes simples.
a. Masc. : palu. — Il n'est pas possible de dé-
cider si cette forme est une forme J^li, Ja«* ou
^ Cf. IL Pognon, Inscription de Bavian, p. 1 1 2-1 1 3 ; F. DeliUsch ,
îVo lag dos Parodies, p. 2 58.
LES NOMBRES ORDINAUX EN ASSYRIEN. 307
Jyii. Je pencherais à admettre quelle provient con-
curremment de formes Js\l et Jyîs .
b. Fém. : paaltn. — Provient certainement de
iuyij. Cf. l'éthiopien +Ih0¥ i (Mathieu, 27, 46).
B. Formes composées.
a. Masc. : paulû. — Paraît provenir de Jyà -j-
^. Ex. : samasurû « dix-huitième », composé de sa-
man + esurâ.
b. Masc. : palâ. — Provenance incertaine. Pour-
rait être pour J^ + <^; est plutôt pour Jsis +
^-.. Ex. : samanu, à lire sam'nd.
[Nota. On pourrait songer à réunir les deux
formes précédentes en une seule, pa7tt ( J*li + <^-).
Esurâ serait alors écrit pour es'râ, comme samanû
pour sam'nu. Nous éviterions ainsi la difficulté d'ad-
mettre en assyrien des formes composées de J^ ,
formes sans analogie dans les autres langues sémi-
tiques. Xi'existence de formes composées de J^li est
assurée, au contraire, par l'éthiopien.]
c. Masc. : palây. — Provenance incertaine.
Pourrait être pour J^ H- ây; est plutôt pour Jçli
H- ây. Ex. : salsây « troisième ». Cf. la forme éthio-
pienne ^Aifi I .
Pas de féminins connus.
308 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
a*" ORDINAUX DES DIZAINES.
Sont formés des noms cardinaux des dizaines
plus de la terminaison adjectivale iyyu. Ex. : salâsâ
« trentième n^our* salâsâiyyu. CLÏ éthiopien v^A^Ht t.
APPENDICE.
Le précédent article était déjà écrit quand a paru
YAssyrische Grammatik de M. Friedrich Delitzsch.
J'en ai retranché toute une seconde partie, où je
traitais de la syntaxe des noms de nombre assyriens,
cardinaux et ordinaux, et où je donnais un tableau
de toutes les formes relevées jusqu'à présent dans
les textes. Elle aurait été superflue, après Texcellent
exposé de M. Delitzsch. Mais j ai pensé que la pu-
blication de la première partie pouvait encore pré-
senter quelque intérêt, bien que je ne sois plus le
premier à signaler la forme Jyi* d'une série des
nombres ordinaux assyriens. On aura remarqué que
sur quelques points mes conclusions différent de
celles de M. Delitzsch.
Des pages supprimées de mon travail, je retien-
drai seulement les quelques observations suivantes :
1° Le féminin istcnit ne me parait pas sûr. V,
34, col. 1, 28, cité par M. Delitzsch (p. 2o3),
donne : is-ti-en-i-ti sanu Comment expliquerait-on
le masculin sanî «deuxième», après le féminin S-
tenili « une »? Je crois qu'on doit lire plutôt : istén
iti sanî, et traduire peut-être « l'un à côté de l'autre ».
L'orthographe idéographique J ^^Jdoit être lue.
LES NOMBRES ORDINAUX EN ASSYRIEN. 309
selon moi, êdit^, ainsi que la supposé le premier
M. Pinches. D'après les lois de la phonétique assy-
rienne, êdit répond aussi parfaitement à ^^«XaLt ou
5<Xzwt^, nnK, ]l^, que éda à «x^t, in$, «^. Cf.
bélu, fém. bêlit, et d autres formes analogues. La
forme ahadat (Delitzsch, p. 208), qui ferait double
emploi avec notre êdit et contredirait aux lois pho-
nétiques de lassyrlen, est à rayer. MM. MûUer et
Peiser ont porté à cette forme le dernier coup dans
la Zeitschrift fur Assyriologie , II, p. 282. Le fémi-
nin d'istén est istat (Delitzsch, p. 2o3).
Peut-être enfin doit-on distinguer en assyrien
deux formes primitives éda et wêda (cette dernière
écrite ^J^- ^ ^^[. V, 12 J, 3i), cpii répondraient
aux deux formes de Tarabe «XiLl et «Xa^t^, et qui
ont dû finir par se confondre en assyrien.
2"* A côté du masculin stnâ « deux », M. Delitzsch
a omis le féminin sitênf qua fait connaître M. Pin-
ches [P.S.B. A.f VIII, p. 2/10). Les deux formes
ont la terminaison du duel, comme d ailleurs dans
toutes les langues sémitiques : ^lut , ^Ui^t , ^ui> ;
c^JÇf, D^rttç^; ^il, ^L^L* Il ne peut y avoir aucune
difficulté pour sina^ qui a la terminaison habituelle
des duels assyriens, à, abrégée de ani. Quant à siiên
(écrit <!►- ^K) , je crois que ce mot a conservé
mieux que linà la primitive forme du duel *sitân
yQ
(pour *sintâni, ^Ul5, * sittâni), devenue * sitân, puis
^ Cf. edtu , ettu , Delitzsch , p. 2 08. Edia est i'état emphatique de éàiX.
310 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
Htén, au lieu d'être devenue *sitâ. On reconnaîtra
la grande probabilité de cette opinion , si Ton con-
sidère que nous retrouvons les terminaisons an et
en dans les mots assyriens suivants, qui signifient
«les deux, tous deux, deux par deux», ambo^ :
masculin, kilallân, kilalén et kUallé (lU, i3, col. 4*
1 7 ; III, 68 a, 68 ; Sargon , Cyl. , 3 1 , 66 ; Taur. , 82 ;
Del. A Ly 79 6, 9; Hammourabi, I du Louvre,
col. 1, 23; IV, 22 6, 11); et féminin, kilattân (I,
47, col. 5, 54; I, 56, col. 5, 59). Il faut comparer
kilallân et kilattân à Téthiopien tiAI^ t bAl^ik 1 llA-
Ib^ti «un couple, deux, tous deux»; à Thébreu
D^N^? et àlarabe ^^, J^.
i'* La forme masculine du cardinal selâia « trois »,
que M. Delitzsch met entre crochets (p. 2o3) et
semble considérer comme hypothéticpie, est assurée
par V, 34, col. 1, 27. On est peut-être autorisé à
admettre une forme féminine construite, ialâSat ou
selÂsat, daprès I, 3o, col. 1, Ix'j: JJ! ^ abdnât
sadé ana dannûtisuna iskunû,
4"* Salâsê[l\\ 23 a, 5), que M. Delitzsch (p. 2o4)
compte au nombre des formes cardinales, est une
forme ordinale, ainsi que cela ressort du sumérien
^<( t^^^. (Voir ce que j'ai dit plus haut au sujet
de cette forme.)
^ Voir sur ces mois Jensen, Z, K,, II, p. 807 et 3o8 : « Kilallân
und hilattân sind selbstverstândiich aile Dualformen. » Je remarque
seulement que l'orthographe hi-la-U-en de Hammourabi contredit
la lecture killân de M. Jensen. Le féminin hilattân serait donc pour
kilaltân.
LES NOMBRES ORDINAUX EN ASSYRIEN. 3 1 1
5** Avons-nous dans le tesûtam de Strassmaier,
11** 89 7 I , la forme féminine de tesâ « neuvième ^ » ? La
première moitié de la foniie masculine ti'[sâ] nous
est conservée dans Haupt, B.N.E., p. 54, 8.
6"* La forme ordinale samasarA « dix-huitième »
(contractée de * saman-esarâ) est donnée par un
contrat du règne de Séleucus Philopator, année 68
des Séleucides , 1. 2 , 4 et suiv. On en déduit logique-
ment la forme *esitrâ « dixième ». Mais je ne connais
pas d'exemple de fordihal esm, cité sans référence
par M. Delitzsch, p. 2o5.
7** UistânUf que M. Delitzsch (p. 208) regarde
comme un adjectif numéral , est un adverbe , tout
comme saniânuei salsiâna, et signifie « une fois, une
seule fois ». Les eicemples que j ai relevés de ce mot
permettent tous cette traduction» IV, 1 i, 34, 35 :
Nis Istar saianà qibitisa Anunnaki istâna là isaru lu
tamâtal « Jure par le nom d'Istar, contre les ordres
de qui jamais (iitt. : pas une seule fois) les Anunnaki
ne se révoltent! » IV, 1 6 a, 8 : Mâmit , asurat
samê n irsitim sa là iittakkaru, ila istâna là muspila
« Serment , loi des cieux tt de la terre qu'on
ne viole pas, que même un dieu jamais (pas une
seule fois) n'enfreint^». D'ailleurs un quatrième ad-
verbe de temps montre la même terminaison ânu.
C'est arkânu « ensuite, après cela ».
A
^ Cf. h citation de M. Delitzsch, p. 206: [{/ma] XlV-fa «am i4.
ïag», K. .S 567 y\. 18.
^ De même Virgile a dit du Styx : «Di cujus jurare timent et
fallere numen», et Ovide: «Timor et deus iile deoruin».
312 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
8° A en juger d après la transcription de MM. Op-
pert et Menant, Documents jaridicjues, p. 3i5, un
contrat daté de Démétrius donnerait les formes car-
dinales (?) esrila «dix» (1. 5) et senesrita «douze»
(1. 3), ainsi que la forme ordinale (?) tisu «neu-
vième » (1. 3).
g"" Il me semble quauprès du cardinal istat et
des ordinaux sanûtum, salaliam, etc. (IV, 5 1 , col. 4,
4 9 et suiv.), il faut sous-entendre ûmta «jour». On
lit en eflet aux lignes précédentes, 46 et A8 : u ûmi
sa ittila ina igari elippi, etc. ... « et pendant les jours
quizdubar dormit dans Tintérieur du vaisseau, la
femme de Pir-napisti prépara le remède [karam-
mata) et le plaça sur sa tête (dlzdubar). Et pendant
les jours qu'il dormit dans l'intérieur du vaisseau,
le premier jour, etc ». Comparez romission
du mot «jour» en éthiopien avec les formes ordi-
nales «J^ (Dillmann, Grammatik der ^thiopischen
Sprache, S iSg b).
L^artide qu'on vient de lire était sous presse lorsque la fin
cruelle de Tauteur est venue ajouter une tristesse à toutes
celles qui ont assombri nos études depuis une année. Tra-
vailleur persévérant autant que modeste, M. Amiaud s*était
fait une place honorable dans le domaine de Térudition
orientale; il avait déjà contribué vaillamment aux progrès
des études assyriologiques et leur promettait davantage pour
l'avenir. Sa mort et les circonstances douloureuses qui Tont
accompagnée nous inspirent des regrets auxquels notre So-
ciété et les lecteurs du Journal asiatique voudront unanime-
ment s'associer. B. M.
LE PATRIAKCHE MAR JABALAHA II. 313
LE PATRIARCHE MAR JARALAHA II
ET
LES PRINCES MONGOLS DE L'ADHERBAIDJAN,
PAR
M. RUBENS DUVAL.
M. Bedjan, missionnaire lazariste^ dont les nom-
breuses publications syriaques ont rendu tant de
services, vient de faire paraître une Histoire àa pa-
triarche Jabalaha et de Rabban Çauma ^ Pour cette
édition , l'auteur n'a eu à sa disposition qu une copie
faite à Ourmiah en Perse, en 1887, ^^^ ^^ manu-
scrit qui paraît être un unicam et qui a depuis dis-
paru sans que M. Bedjan ait pu se procurer aucun
renseignement sur son âge ou sa provenance^. Le
livre n'est sans doute jamais sorti de TAdherbaidjan
où il a vu le jour; il est cependant bien instructif
pour rhistoire non seulement des Nestoriens, mais
aussi des princes mongols de TAdherbaidjan de la
fm du xrii* siècle. Il est rempli de détails qui ne toiï-
' Paris, Maisonneuve » 1888, in-12, i85 pages.
' M. Bedjan m'écrit cependant qu*il vient de recevoir une lettre
de M. Salomon, lazariste chaldéen de Kurdistan, qui avait fait f^ire
la copie à Ourmiah. Dans cette lettre , M. Salomon lui dit avoir yu
un manuscrit de cette histoire, à la Mission américaine d*Ourmiah,
mais M. Bedjan ignore si la copie qui lui a été envoyée vient ^e
cette source.
Mil. ai
314 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
chent , il est vrai , à l'histoire des Mongols que dans
les rapports de ceux-ci avec les chrétiens; mais les
relations du patriarche avec les khans de la Perse
étaient si fréquentes que ces récits offrent une
moisson rémunératrice pour qui veut les utiliser.
Du reste , pendant la longue durée de son patriarcat
(87 ans), Mar Jabalaha II se trouva mêlé aux évé-
nements qui se déroulèrent sous les règnes de sept
rois mongols: Abaca, Ahmed, Argoun, Kaikhatou,
Baidou, Gazan, CHdjaitou. Cette histoire forme, en
quelque sorte, la suite de la chronique de Barhe-
brœus; elle mérite les honneurs dune traduction;
car, dans fédition actuelle, elle nest accessible qu'à
un nombre bien restreint de savants. Les lecteurs
du Journal me sauront gré de leur présenter un ré-
sumé de cette histoire qui leur permettra d en ap-
précier la valeur.
La copie que M. Bedjan a eue entre les mains est
souvent fautive , mais l'éditeur, avec sa compétence
bien connue, a su retrouver la bonne leçon, et le
texte se lit aisément; les noms propres seub prêtent
quelquefois au doute.
La vie du patriarche Màr Jabalaha II est intime-
ment liée à celle de son maître et conseiller Rabban
Çauma^ Celui-ci naquit à Pékin de parents âgés
^ Çauma e«t une abréviation de Bar Çauma (né pendant le ca-
rême). I^ forme pleine Rabban Bar Çauma est donnée par la Chro^
ni<fa€ syriaque de Barhebraeus, S^S, 4; dans la lettre adressée par
Argoun au roi de France , ce personnage est nommé Mar Bar
Çauma ; voir Howort , History of the Mongols , III , 35o.
LE PATRIARCHE MAR JARALAHA II. 315
qui étaient chrétiens; le père avait même une fonc-
tion ecclésiastique, il était visiteur (ou périodeule);
il donna à son iils une éducation religieuse qui le
prépara à la vie ascétique pour laquelle il se sentait
une vocation. Après avoir reçu la tonsure du métro-
politain Mar Guiwarguis^ Rabban Çauma s'enferme
pendant sept ans dans une cellule, puis se retire
dans une montagne située à un jour de marche de
la ville et y vit dans une grotte.
Mar Jabalaha, avant d'être élevé à la dignité
patriarcale, s appelait Maixos; il était né en 12^5
dans la ville de Koschang^; son père était un archi-
diacre du nom de Bainiel; il reçut une instruction
religieuse supérieure à celle de ses trois autres frères.
Rempli d admiration pour Rabban Çauma , dont la
vie de désintéressement était connue au loin, il se
rend auprès de lui; après un noviciat de trois ans,
il reçoit la tonsure des mains du métropolitain Mar
Nestorios (sans doute le successeur de Mar Guiwar-
guis). Pris du désir de visiter Jérusalem et les lieux
saints , Rabban Cauma et Marcos se mettent en route
pour l'occident; après être retournés à Pékin, ils
passent par Koschang, dont les gouverneurs Kon-
bogha et Ibogha, les gendres du grand Khan (Cou-
^ Le métropolitain de Pékin (y^^ U^) ^^^ mentionné dans la
liste crAmrou (milieu du xi\' siècle); voir Assémani, B, O., II,
458.
^ Cette ville est placée par l'auteur entre Pékin et Tangout, à
environ quinze jours de marche de Pékin ; il s'agit donc vraisembla-
blement de la ville nommée Kung-tsrhang.
21 .
3i6 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
blai), étaient chrétiens; ils arrivent à Tangout*;^
puis i\ Khotan^, après deux mois de marches pé-
nibles à travers le désert de la Mongolie. A celte
époque la révolte d'Oco (ôjaônf) contre le grand
Khan avait semé la ruine et la désolation dans ces
contrées. Quand les voyageurs arrivent à Gasghar,
ils trouvent la ville saccagée et vide d'habitants ; ils
se rendent auprès de Gaidou ^ qui leur donne des
lettres patentes, puis ils entrent dans le Khoraçan
et vont se reposer dans le couvent de Mar Çéhyon
aux environs de Tous (aujourd'hui Mesched). Avant
de visiter Jérusalem , ils pensaient descendre à Bag-
dad pour voir le patriarche Mar Denha; mais,
arrivés à Maragha, ils rencontrent celui-ci qui s'y
trouvait de passage. Ils continuent néanmoins leur
route vers Bagdad pour voir les couvents et les
églises de la ville, reviennent par Je Beïth-Garmai ,
Arbèle, Mossoul, Singar, Nisibe, Mardin, Gozarte,
et s'arrêtent dans le couvent de Mar Mîcael de
Tar^el*. Quelque temps après, le patriarche les
mande près de lui et les envoie prendre les ordres
du roi Abaca.
Du camp d' Abaca, ils se rendent à Ani^ (an-
^ Le métropolitain de Tangout figure également (hn% la iûtè
<rAmrou.
* Ce mot es» écrit , ^\ A\
' Celui-ci se trouvait 5ans doute dans la province de Boukhara;
ie teite porte r^rk^ \\
* Ce couvent, ainsi que nous le verrons plus loin, était situé
près d* Arbèle.
^ Le texte porte ; QU40 û!^^SfXAàr<! ^^^fiXt-HSO^ COaiTO*
LE PATRIAHCHE MAK JABALAHA IL 317
cienne capitale de TArménie), dont ils admirent les
édifices et visitent les églises et les monastères; ils
veulent pénétrer en Géorgie (rCjX^ck^^^^jCD),
mais ils apprennent que les voies sont coupées par
des bandes de pillards. De retour auprès du pa-
triarche, celui-ci songe à les renvoyer dans leur
pays; à cet effet, il fait de Marcos un métropolitain
et de Rabban Çauma un visiteur général; lors de
sa consécration, Marcos reçoit le nom de Jabalaha
indiqué par le tirage au sort sur fautel. Il avait alors
trente-cinq ans, c était en 1280; il est nommé mé-
tropolitain de Katai (j\ ^) et d'Ouang ( ^01^)^
Sur le point de retourner en Chine, il est retenu
par la nouvelle que les routes ne sont pas libres;
les khans des deux côtés de TAraxe étaient en
révolte. 11 se retire avec Rabban Cauma au couvent
de Mar Micael, où il séjourne environ deux ans.
Après ce temps, il part pour Bagdad prendre les
ordres du patriarche, mais, sur le point d'arriver,
il apprend la mort de Denha qui venait de suc-
comber.
Maran-ammeh, le métropolitain d'Klam, con-
voque, pour l'élection du nouveau patriarche, les
il faut lire : OVUQ aX^^O %irL IV dVl«nma 0.^^=73. La con-
struction Tw.jL-.SO .^A^ro se trouve pi us loin, ii3, 8.
* Katai désigne la Cliine du Nord; voir Chronique sjriaqae de
JlarhebrsBUs , 218, G (où il faut lire ^ \,'^ pour ^ \,*^) ^^
44 1. 3. Ouang paraît être une restriction du premier nom trop
général; c'est peut-être la contrée arrosée par le fleuve Jaune*
Hoang-bo.
318 AVRIL-MAI-JUIN 188^.
métropolitains de Tangout, de Tirhan et du Tour
(Abdin), qui étaient présents à Bagdad, ainsi que les
magnats et les principaux personnages, les scribes,
les juristes et les médecins de Bagdad. Après de
longs débats, Jabalaha est élu, malgré son igno-
rance de la langue syriaque et ses connaissances
théologiques peu profondes; son choix est dicté par
la considération qu'il sera agréé volontiers par le
khan. Après avoir regagné le couvent de Mar Mi-
cael , Jabalaha va recevoir Tinvestiture du khan qui
passait Tété dans la montagne Noire (en persan, 5ia^
coaA; en mongol, caradagh^). Le roi, après avoir ap-
pelé sur lui la bénédiction du ciel , lui couvre la tête
du manteau (nf-kfLsjrn) qui était jeté sur ses épaules,
et lui remet un fauteuil^, un parasol (yc^; mongol,
-Koj^aitt), une tablette d'or portant les insignes
royaux (r^CiA; mongol, 'Hôjcx&cum)^, le diplôme
d usage avec le grand sceau du précédent patriarche;
il lui donne, en outre, l'argent nécessaire pour les
fêtes de l'imposition des mains. Ces fêtes eurent lieu
à Bagdad au mois de novembre 1 28 1 , le dimanche
' Voir sur celte montagne : Iakoat; Barbier deMeynard, Die-
tionn. de la Perse, p. i5, noie 1 ; Hoffmann, Auxzàge aus sjrischen
Aclen, p. 279.
^ Dans le texle : > *73 i^Qcn ^cnoVv— »i^
1^'\Ckbk*\ lUCLfiO^Oâk; voir Dozy, Su/tpl, aax d'ici, arabes, sous
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA IL 319
de la Dédicace de TEglise; Timposition des mains
fut faite par le métropolitain d'Elam , Maran-^ammeh ,
garde du siège apostolique, en présence de : Mar
Jesuzacha, métropolitain d'Arbèle; Gabriel, métro-
politain de Mossoul et de Ninive; Elias, métropo-
litain de Dacoc et de Beth-Garmai; Abraham, mé-
tropolitain de Tripolis et de Jérusalem; Jacques,
métropolitain de Samarcande; Jean, métropolitain
de TAdherbaidjan , et de vingt-quatre évoques ^. Cette
année-là Abaca alla à Bagdad ; il honora le patriarche
par de grands présents et lui accorda une pension
annuelle de 3o,ooo dinars ou 1 80,000 zouz blancs.
Cette pension cessa detre payée à la mort d' Abaca.
Abaca eut pour successeur son frère Ahmed , fils
de Houlaghou. Celui-ci persécuta les chrétiens à
finstigation des musulmans. Deux évêques jaloux
du patriarche se firent introduire auprès du roi par
le vizir Schams-ed-din et lescheikhAbd-er-Rahinan;
ils accusèrent Mar Jabalaha d être du parti d*Argoun ,
fils d*Abaca, et d'avoir écrit, d'accord avec Jasch-
mout (VvocnLse.), gouverneur de Mossoul (un moine
et nazir) , à Coublai contre Ahmed. Le but du com-
plot était de faire nommer patriarche Jesusabran,
le métropolitain de Tangout, et visiteur général,
Simon , alors évêque d'Ami. Jabalaha , dépouillé des
insignes du pouvoir patriarcal , est cité avec Rabban
Çauma et Jaschmout devant la cour; le courrier por-
teur des missives du patriarche est heureusement
* Voir Assemaai, B. O,, II, 456.
320 AVRIL. MAI-JUIiN 1889.
rattrapé au moment où il allait entrer dans ie Kho-
racan; les lettres ouvertes, Tinnocence des accusés
est reconnue. Néanmoins le patriarche demeure en
prison une quarantaine de jours au milieu des an-
goisses et des privations. On laurait même fait périr
sans Tintervention de la mère du roi et des émirs;
il fut enfin relâché et remis en possession de ses
insignes. Il se retira à Ourmiah {joo-Honf), puis à
Maragha. Pendant ce temps, Ahmed marche à la
tête de ses troupes vers le Khoraçan pour s emparer
d'Argoun; en cas de succès, il devait se faire pro-
clamer calife à Bagdad et se débarrasser de Mar
Jabalaha, mais ses projets furent déjoues; ses armées
furent taillées en pièces ou tournèrent du côté d'Ar-
goun. Ahmed fut pris et tué en i a84*
Une nouvelle ère de tranquillité commença pour
les chrétiens avec le règne d'Argoun. Ce prince
comble le patriarche de ses faveurs et veut faire
mettre à mort les évêques, ses délateurs; mai^, à
Tintercession de Mar Jabalaha, ils sont seulement
destitués de leurs fonctions ecclésiastiques à la suite
d*un procès fait en règle. Le patriarche profite de
son crédit auprès du roi pour reconstruire féglise
de Maragha, auprès de laquelle il se bâtit une rési-
dence.
Argoun, poussé par un pieux zèle et peut-être
aussi par Tesprit de conquête, voudrait s emparer
de la Palestine et de la Syrie ; il aurait besoin dans
ce but du concours des rois de l'Europe. Rabban
Çauma est désigné poqr une mission au pays des
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA II. 321
Francs ^ Il part muni d'instructions, de lettres
et de présents pour chaque roi; on lui compte
2,000 mithqals d*or et il reçoit une escorte de
trente cavaliers. Il se rend par l'Asie Mineure à
Constantinople où il est reçu avec pompe par Tem •
pereur^. De Constantinople, Rabban Çauma s em-
barque pour ritalie (rCiiX^'^A ^fVjca); sur le bord
de la mer, il visite un couvent qui renferme de pré-
cieuses reliques. Il passe devant l'Etna, traverse la
passe du dragon (détroit de Messine) et aborde à
Naples où il est reçu par le roi Charles d*Anjou ^.
Pendant le séjour de Rabban Çauma à Naples , eut
lieu un combat naval entre la flotte de Charles
d'Anjou qui cherchait à recouvrer la Sicile et celle
de Jacques d'Aragon.
Dans ce combat, dont Rabban Çauma fut spec-
tateur du haut d'une terrasse, les Napolitains furent
vaincus et douze mille hommes succombèrent.
* Le texte porte partout 1<I»^^'>À pour lu!^v\£i; la Chro-
nique syriaque de Barhebraeus a Ta bonne ortbograplie.
^ Dans chaque ville que visitera Rabban Çauma, Tauteur nous
fera passer en revue ]es monuments , surtout les églises et les mo-
nastères que compte la ville; les reliques et les Joyaux attirent son
attention; il y a dans ces descriptions maintes notices intéressantes
pour Tarchéologue; elles ont été rédigées de visu, car elles sont
empruntée» au journal de voyage de Rabban Çauma ; mais , quoique
Tautear de notre livre les ait écourtées, nous ne saurions les repro-
duire sans étendre démesurément cet article.
' Comme le remarque M. Bedjan , Charles H d^Anjou ne régnait
alcvs (en 1:187) ^"^ nominativement, car il était prisonnier en
Sicile, où régnait Jacques II d'Aragon. La date de 1287 est assurée
par ce qui est dit plus loin, au sujet du jape (Honorius IV) qui
venait de mourir.
322 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
Rabban Çauma, se souvenant sans doute des hor-
reurs des guerres des Mongols, remarque que les
batailles en pays franc ne causent aucun dommage
aux populations voisines. Il gagne Rome par voie de
terre; en route, il apprend la mort du pape (Hono-
rius IV). A son arrivée, il se rend au conseil des
douze cardinaux qui administraient par intérim les
affaires de TEglise. Il subit un long examen sur les
dogmes des Nestoriens, puis il est autorisé à visiter
les monuments et les lieux saints qui excitent son
admiration à un haut degré. Il prend congé des car-
dinaux qui ne se croient pas autorisés à lui donner
une réponse au sujet de la mission dont il est chaîné ,
traverse la Toscane et s arrête à Gênes où il n y a
pas de roi , mais un chef élu. G*était au moment du
carême , il remarque que le jeûne ne dure que qua-
rante jours et que les Nestoriens commencent le
carême une semaine plus tôt que les Francs.
A Paris, le roi (Philippe IV) accueille avec empres-
sement TolFre de concourir à la conquête de la
Terre-Sainte et promet d'envoyer un député au roi
Argoun pour s'entendre avec lui à ce sujet. Il y
avait alors 3o, 000 [sic) étudiants entretenus aux frais
de rÉtat. En Angleterre, il est reçu avec une grande
joie et trouve les esprits disposés à tenter une nou-
velle expédition en Palestine. H retounie passer
l'hiver à Gênes , un vrai paradis , sans chaleurs arides ,
sans froids vifs; les arbres y conservent leurs feuilles
et leurs fruits en tout temps; une espèce de vigne
donne des fruits sept fois par an. A la fin de l'hiver
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA II. 323
— il y avait déjà une année entière qu il avait quitté
Rome — il rencontre h Gênes le visiteur (t^^on^SA)
délégué par le pape, qui venait d'Allemagne; celui-ci
veut l'amener à Rome avec lui , mais Rabban Çauma
ne pense pas utile de laccompagner, puisque le trône
pontifical est vide. Cependant Nicolas IV venait d'être
nommé ( 1 288 ) ; il fait venir Rabban Çauma. On était
alors au milieu du carême. Le pieux voyageur assiste
à tous les offices du dimanche des Rameaux, de la
semaine sainte et de Pâques ; il fait une description
enthousiaste des fêtes célébrées à cette époque. A l'au-
dience du congé, le pape lui remet des reliques et
des présents pour Argoun , pour le patriarche Mar
Jabalaha et pour lui-même. Il arrive auprès d'Ar-
goun qui le félicite du succès de sa mission et le
retient auprès de lui, en lui confiant la direction
d'une église qu'il veut créer auprès du camp.
Le récit de ce voyage , ajoute l'auteur, a été rédigé
en persan par Rabban Çauma et nous l'avons traduit
en syriaque après l'avoir beaucoup abrégé.
En 1898 des Grecs \ continue notre auteur, Mar
Jabalaha est appelé par Argoun pour installer l'église
du camp. Celle-ci était tout près de la tente royale,
au point que les cordes de cette lente s'enchevêtraient
' Cette date nous reporte à Tannée 1 287 de notre ère. 11 y a là
une erreur évidente, comme le remarque M. BeJjan. Rabban
Çauma quitte Rome après les fêtes de Pâques 1 288; il a dâ arriver
au camp d* Argoun à Tautomne, c*est-à-dirc au commencement de
Tannée 1600 des Grecs. Cette erreur se répète encore deux fois plus
bas où on lit 1699 et 1600 des Grecs, au lieu de 1601 et 1602,
pais elle disparaît et le récit présente de nouveau les vraies dates.
324 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
avec celles de Tégiise. Argoun fit à cette occasioL
un grand festin et présenta la coupe au patriarche
et aux personnages de sa suite. L'église ne quit-
tait jamais le camp, mais le suivait dans ses migra-
tions.
A la fin de Tannée 1699 des Grecs, au mois
dlloul (lire : 1601, c'est-à-dire au mois de sep-
tembre 1290), Argoun se rend à la résidence pa-
triarcale à Maragha, pour faire confirmer son fils
qui avait reçu le baptême au mois d août précédent.
Peu de temps après, il meurt (10 mars 1291).
Les chrétiens étaient encore plongés dans le deuil
que leur avait causé cette mort, quand on apprit
larrivée du frère d' Argoun, Irindjin Tourdji^, qui
fut couronné sous le nom de Kaikhatou (oVvajii.)^
au mois d août de Tan 1 600 des Grecs (hre : 1 60a ,
c est-à-dire 1291 de J.-C.^). L auteur fait un grand
éloge de ce prince qui se montra bienveillant envers
les chrétiens; il respecta toutes les religions sans
distinction, se montra juste et impartial, affable et
généreux. Aussitôt après son avènement, le 1 5 août,
jour de la fête de la Vierge (Assomption), il entre
dans Téglise construite dans le camp par la prin-
^ Ce mot est écrit : ^x^cldV ^^\j1^; dans la Chronique
syriaque de Barhebrxus, il est écrit plus exactement ^a^^"V1^
>^Aoo\. D'aulres auteurs prononcent /rmc/tin Darti/i; v.Howort,
loco cit., p. 357.
^ Dans la Chronique syriaque de Barhebra!!U s, /oco cit., Ckk\!^^.
^ Le règne de Kaikhatou date du 22 juillet 1291; v. llo>Yort, loco
cit., p. aCo.
V
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA IL 325
cesse Tokouz fKhatoun ^ ; le camp était alors dans la
montagne appelée Aladagh (pr^J^t^lAnf). Mar
Jabalaha officiait; Kaikhatou lui remit 20,000 di-
nars et neuf robes d'honneur.
Rabban Çauma, auquel son grand âge ne per-
mettait plus de supporter les fatigues du camp, est
autorisé è construire une église à Maragha et à y
transporter les objets du culte qui se trouvaient
dans Téglise qu'Argoun avait installée dans le camp.
Cette nouvelle église, sous le vocable de Mar Mari
et Mar Guiwarguis, reçoit des reliques des quarante
martyrs, desaint Etienne, de saint Jacques 1 mtercîs,
de Démétrius martyr.
L'année suivante, Kaikhatou se rendit à deux re-
prises différentes à la résidence patriarcale à Ma-
ragha; il fit à cette occasion de riches présents à
Mar Jabalaha et entre autres lui remit la tablette
aux insignes royaux (i^vjÂ).
Rabban Çauma achève la construction de l'église
de Maragha qui coûta environ io5,ooo zouz-'. Au
mois de Teschri Kadim i6o5 des Grecs (octo-
bre 1293), il se rend à Bagdad à la suite de Mar
Jabalaha; il assiste, pendant le voyage, au festin
que donnait Baidou (écrit: -K-^jâ), neveu du roi
Abaca (écrit : -V^rarsf), dans la province de Schah-
* Ce nom est écrit •«.^V\t<l^ OsÔcOl.. C'est la célèbre prin-
cesse chrétienne Tokouz ou Dokouz, épouse de Hoiilaghou.
* H nVst pas dit ici si ce sont des zouz blancs dont il fallait six
pour un dinar. Le mot zouz est employé quelquefois par notre
auteur dans le sens de dinar.
326 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
razour (écrit: ■\a\"=vjiiM). A la fin du repas, il est
pris de douleurs d'entrailles; il se sépare de Baidou,
qui se dirige vers Arbèle, et il arrive à Bagdad avec
la fièvre. Il meurt le lo de Kanoun II de la même
année (lo janvier i^qIx) et est inhumé à Dârat-
Roumâyé à côté des anciens patriarches.
L'hiver passé, Mar Jabalaha part le jour de Pâ-
ques pour le camp mongol à Aladagh; il reçoit de
Kaikhatou une pelisse de prix, un parasol et
60,000 zouz^ Il quitte le camp pour aller jeter les
fondations du monastère de Saint-Jean-Baptiste à
une distance d'un tiers environ de parasange au nord
deMaragha. C'était à la fin du mois de juin (1 29/i).
Tout à coup éclate la révolte des émirs ; l'Adherbaidjan
est bouleversé par les troubles; les habitants sont
massacrés, les villages pillés; pendant l'hiver de
cette année (1 29/i-i 295), les routes qui conduisent
de l'Adherbaidjan à Bagdad et à Diar-Békir sont
coupées. Ces luttes intestines se prolongèrent jus-
qu'à ce que Kaikhatou fût livré à ses ennemis et
mis à mort.
Le pouvoir fut remis à Baidou qui l'accepta par
crainte pour sa propre personne et qui le conserva
depuis le 24 avril 1298 jusqu'au 26 septembre sui-
vant environ. Ce prince débile tomba entre les
mains de ses ennemis , mais sa mort et l'avèiiement
de Cazan, fils d'Argoun, suscitèrent de nouveaux
troubles dont les musulmans profitèrent pour per-
^ Il s'agit ici de zouz blancs, car plus loin il est dit qu on réclama
du patriarche les 10,000 dinars que lui avait donnés Kaikhatou.
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA II. 327
sécuter les chrétiens. L'émir Naurouz se distingua
surtout par son fanatisme; il donna Tordre de dé-
truire les églises et de mettre à mort les chefs spi-
rituels des chrétiens et des juifs. On se saisit nui-
tamment de la personne du patriarche dans sa
résidence de Maragha qui fut mise à sac. G était un
lundi; le lendemain a y septembre, le patriarche
est maltraité ; quant aux évêques de son entourage ,
les uns furent arrêtés pendant leur sommeil, d'autres
se sauvèrent sans vêtements, quelques-uns se jetèrent
du haut des murs. Le patriarche fut suspendu , la tête
en bas, et bâillonné avec un linge rempli de cendres.
On lui lardait la poitrine ^ en lui promettant la vie
sauve s'il se faisait musulman. Comme il gardait le
silence, on le frappa sur les cuisses et la partie posté-
rieure. Puis on le ramena à la résidence dans l'espoir
qu'il livrerait les trésors qu'on supposait y trouver
cachés. Un de ses disciples fit un emprunt de
1 5,000 zouz^ qu'il remit aux chefs des musulmans.
Quand ceux-ci se furent retirés, la foule envahit
l'église de Mar Schalîta et la pilla. L'église construite
par Rabban Çauma fut sauvée de la destruction par
Haiton, roi de Cilicie ou de la Petite- Arménie
(t^jtxsoni^n nôa ^Vi "73X11^ — u). Ce roi cacha le
patriarche qui était parvenu à se sauver près de lui i
Le lendemain matin, mercredi, Naurouz arriva
^ Dans le texte, 92, 13 : OQu^'sU.U .Y ^ , <99\-33^ A..A1CI
' II semble bien qii*il s'agit ici de dinars; voir la Chronique sy-
riaque de BarhebiîPus, p. 612 ait.; Howort, loco aV.,p. 396.
3:2S AVKIL-MAI-JUI\ 188^
pour l'aire périr le patriarche et somma Haiton de
le lui livrer. Le patriarche put s'enfuir et le roi d'Ar-
ménie se tira d'alTaire en remettant de largent à
Témir. Hailon se rendit ensuite à Tauriz où Cazan
venait d'arriver; il était accompagné du patriarche
qui avait pris un déguisement. Grâce à rintercession
de Haiton, le patriarche put se présenter devant
Cazan qui laccueillit mal , ne le connaissant pas.
Le froid se faisant sentir, Cazan alla hiverner à
Moughan. Naurouz était à Tauriz. Le patriarche
revint seul et à pied à Maragha; mais il fut bientôt
obligé de s'enfuir, menacé de nouvelles réquisitions.
En effet, le dimanche après Noël de Tannée 1607
des Grecs (janvier 1 296 de J.-C), des émissaires de
Naurouz viennent réclamer au patriarche 1 0,000 di-
nars que lui avait donnés Kaikhatou. Mar Jabalaha
ne put trouver à emprunter que q,ooo dinars. H
est enfermé dans une maison et gardé à vue, mais
il se sauve par une étroite lucarne. Les exacteurs,
craignant d être accusés d'avoir fait périr le pa-
triarche, se retirent. Bientôt arrive un autre député^
accompagné d'un apostat, qui exige 36, 000 dinars^
Il ne se trouvait dans la résidence patriarcale qiie
quelques jeunes gens; on les suspend, la tête en
bas, par un temps de froid et de neige; à peine
furent-ils sauvés par une rançon de 1 6,000 dinars
que les habitants de la ville purent recueillir. Pen-
dant ce temps, le patriarche se cachait, tantôt dans
une maison, tantôt dans une autre. Ces persécu-
tions durèrent jusqu'/i Pâques. Au printemps, le
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA II. 329
patriarche dépêche un messager pour implorer
Gazan qui était encore dans ses quartiers d*hiver à
Moughan. Gazan donne Tordre de cesser les réqui-
sitions et de restituer au patriarche les sommes qui
lui avaient été extorquées; il lui fait parvenir, en
outre, 5,000 dinars. Grâce à ce retour de la for-
tune, la paix et Tespoir renaissent au cœur des op-
primés ; on put alors mesurer Tétendue des désas-
tres: dans la province d'Arbèle, les églises étaient
dévastées; à Tauriz et à Hamadan, elles étaient
complètement détruites ; dans la province de Mos-
soul, elles avaient été rasées et les fondations en
avaient été dispersées; à Bagdad, elles avaient été
rachetées moyennant de fortes rançons, mais l'église
qui avait été construite par le patriarche Makikha
sur Tordre d'Houlaghou et de la reine chrétienne
Tokouz fut reprise par les musulmans avec la rési-
dence patriarcale et Tenceinte, dont remplacement
avait appartenu aux califes avant la conquête des
Mongols. En s'emparant de Bagdad, Houlaghou
avait fait don de cette propriété à Makikha à titre
de fondation pieuse. Les chrétiens, en la quittant,
durent emporter les restes des patriarches qui y
avaient été inhumés.
Au mois de Tamouz de Tan 1 607, qui tombait au
mois de Ramadhan (juillet 1 296], le patriarche va
saluer le roi dans son camp à Oghan ^ et il en reçoit
un accueil bienveillant. Au commencement de Tan-
* Station d*ëté des Mongols près de Tauriz ; voir Chronique sy-
riaque de Barhebraeus, 602, i4.
XIII. 1^
IMfBIHKBI» ««TlOltUi.
:t30 AVlUL-MAl-JriN 1889.
née 1608 des Grecs (octobre 1296), Cazan va à
Bagdad passer i'hiver, tandis que le patriarche de-
meure à Maragha. A cette époque arrive à Maragha
un individu du nom de Schénak-el-Timour(?)*, pré-
tendant avoir reçu Tordre de mettre à mort qui-
conque ne renoncerait pas au christianisme. A cette
nouvelie, les musulmans s'ameutent, envahissent et
pillent la résidence patriarcale. Ces événements se
passaient pendant le carême de 1 297. Les émirs et
les magnats de Maragha se réunissent en cour de jus-
tice et condamnent les émeutiers à restituer les objets
volés, parmi lesquels se trouvaient le sceau d*or
que Mangou Khan avait donné au patriarche, la
tiare que le pape lui avait envoyée et un autre sceau
en aident donné par Argoim. Cette condanmation
ne fit qu'irriter les esprits , la foule lança des pierres
aux émirs et aux magnats et les poursuivit dans leur
retraite précipitée. Les chrétiens qui se trouvaient
sur son passage furent malmenés. La résidence pa*
triarcale fut de nouveau envahie et mise à sac; plu-
sieurs des disciples et des vieillards qui s'y trouvaient
furent massacrés; le trésor de l'église de MarGuiwar-
guis fut pillé. Le patriarche put échapper grâce à
l'asile que lui donna dans sa maison la reine Bour^
gacin Argai qui était chrétienne. Cinq jours après,
les émeutiers se retirèrent à un endroit appelé Scha-
catou (cl^i^kIsc) et de là à la montagne Noire
' Ce nom est écrit nA2oVLAl^. UNJJÇ; M. BedjigQ conjec-
ture nosnaVi . Ai^. .^^ ou nosni»^ . Ai^. u\r
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA II. 331
(Siahkouh). Lorsque le roi, à son retour de Bagdad,
passa par Hamadan, le patriarche alla le trouver
dans les environs de cette ville et le roi fut touché
de son état misérahle. Il lui remit un ordre et le fit
accompagner d un député pour faire emprisonner et
châtier les habitants de Maragha jusqu'à ce qu ils
eussent restitué les objets dérobés et réparé les églises
endommagées. On ne retrouva qu'un petit nombre
de ces objets.
Pendant ce temps , d'autres calamités frappaient
les chrétiens qui habitaietnt la citadelle d'Arbèle. Les
Curdes (t^!»âV\^) qui étaient musulmans voulurent
détiiiire l'église de la ville; quelques-uns des soldats
chrétiens de la garnison appartenant à la tribu des
Cayatchiyé\ c'est-à-dire «montagnards», lancèrent
des flèches contre eux et tuèrent un notable. A la
suite de plusieurs combats, le pont de la citadelle
fut coupé. Ces troubles étaient facilités par la défec-
tion de Naurouz en marche sur le Khoraçan avec
l'intention de renverser le gouvernement de Cazan.
Pendant que les musulmans assiégeaient la citadelle,
' Ce mot est écrit ^ ^ ^^45^ *^ ^^ iWk&luJO; dans
quelques endroits aussi oxjoCt^^aXI ; comp. dans la Chronique sy-
riaqxu de Barhebrseus, t^AiCit^^aXI , p. 587, 18. Suivant le conti-
nuateur de Barhebneus, les Cayatchiyé ou «montagnards» servaient
dans les troupes mongoles ; chrétiens , ils détestaient les Arabes et
leur Êdsaient subir toute sorte de tourments , quand ils en trouvaient
Toccasiott. C'est à la suite des cruautés qu'ils avaient suines de
leur part que les Curdes, dans Tété de 1290, descendirent de la
montagne', occupèrent Arbèle et refoulèrent les habitants dans la
citadelle.
22.
332 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
le frère de cet émir, qui était du complot, fut arrêté
avec ses femmes et ses fils; ils furent exécutés pen-
dant le carême de Tannée i6o8 (mars 1297). Nau-
rouz parvint à s'échapper ; des troupes furent envoyées
à sa recherche. Cependant le siège de la citadelle
d'Arbèle était mené avec vigueur : on construisit une
terrasse d'attaque, des béliers et des balises. Le mé-
tropolitain , un vieillard nommé Abraham^ fut jeté en
prison avec son clergé; des chrétiens furent mas-
sacrés, d autres durent payer de fortes rançons. La
citadelle tint bon ; les troupes assiégeantes se com-
posaient en partie de Mongols au service de Nauroùz
et en partie de Curdes. Partout les chrétiens furent
dévalisés et tués en grand nombre, mais beaucoup
de musulmans périrent aussi dans les combats. Cet
état dura depuis le lundi des Rogations des Ninivites
jusquà la fête de la sainte Croix (février-septem-
bre 1 297). Enfin les troupes du roi, ayant à leur tête
un grand émir (Coutlouc Schah) , enfermèrent le per-
vers (Naurouz) dans une citadelle (Hérat). Les habi-
tants de la citadelle ourdirent un complot contre liii
et ils le livrèrent enchaîné aux troupes du roi. Sur-le-
champ sa tête fut tranchée et envoyée au roi. Le mes-
sager, porteur de ce trophée , arriva auprès de Cazan
le 2 5 août de cette année; le roi se trouvait alors à
Schnrbkhaneh^ dans le voisinage d'Aladagh.
• .•
M Cette donnée est plus précise que celle d'au-
tres auteurs qui placent le roi à ce moment à Bagdad; voir Howort,
loco cit., p. /i i3. Au mois d'août, Cazan avait certainement pris ses
quartiers d'été.
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA IL 333
Au camp, on était irrité de ia révolte de la cita-
delle d'Arbèle et du meurtre des musulmans. Quand
le patriarche s y présenta, Gazan ladressa au vizir
Raschid-ed-din et à l'émir Tarmada qui lui propo-
sèrent de faire sortir les chrétiens de la citadelle,
de leur donner des terres et des maisons et de les
afTranchir de tout impôt. Le patriarche répondit :
« Javais une résidence à Bagdad avec une église et
une dotation foncière^; tout cela ma été enlevé.
L'église et la résidence de Maragha ont été détruites
de fond en comble. J'ai à peine échappé au mas-
sacre de Tauriz ; l'église et la résidence de Tauriz ne
sont plus qu'une place nivelée. La résidence de Ha-
madan a disparu avec l'église et l'enclos. Il nous res-
tait la résidence et la citadelle d'Arbèle occupée par
une centaine d'habitants. Voulez-vous détruire et
piller aussi celles-là? A quoi bon la vie? Que le roi
m'ordonne de retourner en Orient ou d'aller finir
mes jours chez les Francs! » Le roi, touché de com-
passion, envoya l'ordre de laisser la citadelle aux
chrétiens et , s'ils manquaient de vivres , de leur en
fournir aux frais du Diwan jusqu'à l'arrivée des
troupes. Des empêchements, suscités par un émir
ennemi des chrétiens , retardèrent l'exécution de cet
ordre, qui ne fut expédié qu'après de nouvelles
démarches. Le patriarche fit accompagner d'un
évêque les envoyés du roi, qui arrivèrent à Arbèle
le I Ix septembre 1297. Ils rétablirent le pont de la
334 AVRIL-MAI-JUIN 188Q.
citadelle et délivrèrent les habitants qu'ils réconci-
lièrent avec les musulmans de la ville après de longs
pourparlers et au prix d'une rançon de 10,000 (di-
nars), sans compter i,5oo dinars payés aux émirs
pris comme arbitres. La convention fut signée, d'une
part par le gouverneur musulman et d'autre part
par le métropolitain, et transmise au roi Cazan.
Cooformément à l'ordre du roi, la citadelle fut
remise aux chrétiens qui furent admis à réclamer
les objets qui leur avaient été soustraits. Le calme
se rétablit.
Cependant un préposé aux impôts, nommé Naçr-
ed-din , obtint du roi un ordre qui frappait les chré-
tiens d'une capitation et les obligeait à porter une
ceinture quand ils se rendaient dans les marchés.
Ce fut l'occasion de massacres à Bagdad et d'insultes
adressées aux chrétiens : « Voyez à quoi vous ressem-
blez avec ces ceintures, misérables! » leur criait-on ^
L'hiver de cette année (1397-1298), le patriarche
accompagne le roi à son eampement d'hiver à Mou-
ghan; il le suit encore à son campement d'été à
Tauriz. Le roi lui fit don d'un sceau pareil à celui
qui lui avait été dérobé et portant les mêmes carac-
tères; il y ajoute un parasol.
Pendant l'hiver de 1610 (1 298-1 Q99), le pa-
triarche se rend à la citadelle d'Arbèle qu'il avait
quittée cinq ans auparavant. Au mois de Nisan
^ Le continuateur de Barhebraeus (C^oni^oe syriaque, p. 61a)
rapporte cet édit à Naurouz et au commencement de Tannée 1607
(octobre 1 295), ce qui semble plus vraisemblable.
LE patriarche; MAR JABALAHA 11. 335
(avril I 399), il va au camp d'été à Oghan ; il y est
reçu avec honneur, puis il se retire à M aragha. Au
mois d octobre, il accompagne Cazan à Arbèle et à
Mossoul. Le roi entreprenait alors ime expédition
en Palestine et en Syrie. Pendant Thiver, Jabalaha
séjoiune dans la citadelle d'Arbèle et soccupe de
réunir les fonds nécessaires à la construction dun
monastère. Cazan revient de son expédition cou-
ronnée de succès. Le patriarche suivit la cour et,
profitant de la faveur royale , fonda à Maragha un
couvent sous le vocable de saint Jean-Baptiste, qui
fut achevé au mois de septembre 1 3 00. Il eut fhon-
neur dy recevoir Cazan qui y séjourna trois jours.
L'hiver suivant (i3oo-i3oi), Cazan passe de
nouveau par Arbèle et Mossoul; le patriarche rac-
compagne jusqu'à Singar, puis revient sur ses pas à
Arbèle. Au retour de Cazan , il va à la rencontre de
celui-ci, tombe dans une embuscade de Curdes et
est blessé au doigt. Rentré à Maragha, il met la
dernière main au couvent qu il avait construit et qui
était, parait-il, d'une richesse surprenante. Ce cou-
vent renfermait une habitation particulière pour le
patriarche. Ici l'auteur ouvre une parenthèse et re-
marque que, de son temps, le patriarche y demeu-
rait encore, y faisait souvent l'imposition des mains
et y signait des mandements et des décisions ecclé-
siastiques. Il y avait là des reliques célèbres pour les
cures qu'elles opéraient et qui attiraient une grande
foule de malades. Les nefs avec l'autel , le sanctuaire
et le trésor, mesuraient soixante coudées de long.
336 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
La coupole , toute couverte d'émaux verts ^, était sur-
montée de la croix. L église fut consacrée le 1 3 sep-
tembre i3oi, jour de la fête de llnvention de la
Croix, avec ime grande pompe et au milieu du
concours de tous les fidèles de l'Adherbaidjan. Cette
construction avait coûté A 20,000 zouz. Le monas-
tère reçut en apanage un village appelle Dehabi
(^rai^cnn), à lest de Maragha, acheté au prix de
11,000 dinars, avec d autres biens fonciers: dès
vignes, des jardins, des terres de labour en quan-
tité suffisante pour Tentretien du monastère, qui
fut appelé le roi des monastères. La fête de la dédi-
cace terminée, le patriarche se rend à Tauriz au-
près de Cazan qui lui donne de nouveaux témoi-
gnages de sa faveur; puis Cazan quitte Tauriz pour
hiverner à Moughan, et le patriarche retourne à
Maragha.
A la fin de Thiver (i3o2), Jabalaha va présenter
ses devoirs à Cazan revenu de Moughan; il est placé
à la droite du roi, qui lui fait de riches présents,
entre autres une tablette avec insignes (i^CiÂ) et
des robes d'honneur. Il part ensuite pour visiter
Bagdad qu'il n'avait pas revue depuis neuf ans. H
quitte Arbèle le vendredi après Noël et arrive à
Bagdad la veille de l'Epiphanie (i3o3). Il célèbre
cette fête dans le monastère de Dârat-Roumâyé.
' 1<fjb^<V» >Sjbb ; plus loin , p. 1 3 2 , 8 , ou lit : «^ ^ <* -^ *^
• a
>lA^. Vui^lctt^À; comp. "jUiU «lans Dozy, SnppL aux dict.
WTfihes, II« p, 395.
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA JI. 337
Vingt jours après, il se rend à Halah\ auprès de
Tancienne Babylone, à la rencontre de Gazan. H
assiste à la fête mongole appelée Fête blanche (fé-
vrier i3o3). Le roi méditait alors une nouvelle
expédition en Palestine. Jabalaha retourne à Bagdad ,
chargé de nouveaux présents, et passe la fin de
rhiver à Dârat-Roumâyé.
Le lo avril i3o3, il part de Bagdad, arrive à
Maragha le 1 3 mai et reçoit Gazan le i o juin.
Celui-ci est guéri miraculeusement dans le monas-
tère d'ime maladie dont il souffrait aux talons; il
remet au patriarche avec d'autres présents une croix
d'or ornée de pierreries et renfermant un morceau
de la vraie Croix que le pape lui avait envoyé ; puis
il va prendre ses quartiers d'été à Oghan. Le 20 juin,
il envoie à Mar Jabalaha un cheval de luxe et un
manteau d'honneur. Au mois d'août, il lui envoie
des vases de cristal et des émaux avec des ornements
d'or, qui étaient fabriqués à la cour par des ouvriers
appelés de Damas et de Casclian. Au mois de no-
vembre, Gazan s'installe à Tauriz et Mar Jabalaha à
Arbèle. Après la fête de Pâques (i3o4), le grand
émir qui avait le gouvernement de Diarbékir vient
visiter le patriarche ; ils partent ensemble pour Ma-
ragha où ils arrivent la nuit avant la Pentecôte.
Ginq jours après, ils apprirent la triste nouvelle de
la mort de Gazan , qui avait eu lieu le dimanche de
la Pentecôte (17 mai i3o4), à la fin du jour, aux
* Ce nom est écrit ooA^i. C'était le quartier d*été des anciens
califes; voir Assemaui, B. O,, 111, 11, 4 18-419 et 763.
.'^38 AVHIL-MAl-JUIN 1880.
environs de Sehend (-rucm-M, auprès deTauriz).Son
corps fut transporté à Tauriz où il fut inhumé dans
la grande Coubba qu il avait fait construire.
Grâce à la ferme direction des grands émirs , il
n y eut pas de troubles. On manda le frère de Cazan ,
Oldjaitou, qui était dans le Khoraçan, et il fut pro-
clamé roi le 1 2 juillet 1 3oÂ. Quand il était en&nt,
au temps d'Argoun, son père, il faisait souvent
visite au patriarche avec sa mère Argou Khatoun
(w^Vvi^rk o^^iî^), qui était chrétienne. Aussi son
avènement au trône fut salué avec joie par Mar Ja-
balaha qui comptait sur sa faveur pour les chrétietis.
Mais , dans le Khoraçan , il s'était fait musulman , et
ses sentiments s étaient modifiés selon le nouvel en-
tourage qu il s était donné. Quand , à deux reprises ,
le patriarche vint lui présenter ses hommages, il le
reçut poliment, mais froidement. Les musulmans
commencèrent à relever la tête et à opprimer les
chrétiens. Ils demandèrent à prendre possession du
couvent que Mar Jabalaha avait construit à Maragba
et à convertir en mosquée l'église de Tauriz. Mais
leur demande échoua grâce à Tintervention du
grand émir Irindjin (^a^\.i^), oncle d'CHdjaitou.
Pendant Thiver (i3o4-i3o5), le patriarche de-
meura il Ouschnouc (pauti^, sud d'Ourmiah). De
là il se rendit à Oghan et suivit le roi à Tauriz. Au
commencement de Tannée 1617 des Grecs (octo-
bre i3o5), il alla à Arbèle oii il se construisit une
magnifique résidence dans la citadelle. Au mois de
mai , il retourne à Maragba pour y passer fêté. A ce
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA II. 339
moment le roi édicta un impôt contre les chrétiens.
Le patriarche se rend à Oghan pour réclamer auprès
du roi, mais sans succès. Le roi avait alors com-
mencé les fondations de la ville de Soultanieh sur les
limites du territoire de Kazwin ; des ouvriers venus
de tous côtés travaillaient à Tembellissement de la
ville.
La diminution des ressources du patriarche le
força à habiter sa résidence d'Arbèle pendant Thiver
de i3o7-i3o8. Au commencement du mois de
mai, il se rend à Oghan pour faire visite au roi.
Mais celui-ci était en route pour la chasse ; il avait
passé par Maragha et avait été reçu, en Tabsence
de Mar Jabalaha , par le directeur du couvent et les
moines avec beaucoup d'honneurs; flatté de cette
réception, il avait laissé au directeur de nombreux
présents et lui avait promis de ne pas lever f impôt
décrété contre les chrétiens; le monastère devait
aussi demeurer affranchi de toute charge. Le pa-
triarche arriva au couvent après le départ du roi;
contrarié de ce contretemps, il se hâte de le re-
joindre et latteint auprès du fleuve appelé Dja-
catoui^ en mongol (>a^t^ja\^) et Vakyaroud en
persan (nci'Kjâkâ). Le roi lui fait bon accueil et lui
remet un grand diplôme affranchissant le clergé
nestorien de toute levée d'impôt; puis, de retour
à Tauriz, il lui envoie une mule de selle et un man-
teau d'honneur. Le patriarche est autorisé à passer
* Djagathou sar la carie de Kiepert, fleuve qui se jette dans le
lac d*Oarmiah au sud de Maraga.
340 AVRIL-MÂI-JUIN 1889.
l'hiver à Maragha; Oldjaitou prend ses quartiers
d'hiver à Oghan ^ Au mois de novembre i Sog , Mar
Jabalaha arrive à Arbèle, après être tombé malade
en route.
A ce moment, la discorde éclate de nouveau entre
les Cayatchiyé et les habitants d' Arbèle. Quelques-
uns de ces montagnards vont se plaindre auprès
du roi de leur émir Zaïn-ed-dinBalou qui entretenait
un corps de trois mille hommes à ses frais. L'émir
fut arrêté et laissé en prison pendant un an. A la
suite de cet événement, le roi envoya un musulman
méchant, nommé Naçr, qui permit aux musul-
mans d'exécuter les projets qu'ils avaient déjà tenté
de réaliser en 1297, ®* d'enlever aux chrétiens la
citadelle d' Arbèle. Il est vrai de dire, ajoute l'auteur^
que les habitants de la citadelle s'étaient révoltés
contre leurs chefs, méprisaient les moines et les
prêtres et ne reconnaissaient plus d'autorité. Ils se
divisaient en coteries indisciplinées et se livraient
aux exactions les plus violentes. A son arrivée,
Naçr occupe la tour près de la porte de la citadelle
et y fait entrer en secret des armes et des soldats;
puis il mande au camp royal que les gens qui avaient
accusé leur émir et l'avaient fait incarcérer étaient
des rebelles (\^liL!^^<li) et des ennemis du gouver-
nement. Ceux-ci cependant he pouvaient rien contre
Naçr, qui savait compter sur presque toute la po-
pulation de la ville basse et surtout sur les musul-
^ Il faut sans doute lire Mougbaii au lieu d'Oghau , qui était le
quartier d'élé.
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA II. 341
mans. Le roi, à plusieurs reprises, envoya Tordre
aux chrétiens d'évacuer la citadelle, mais ils refu-
sèrent d'obtempérer, à la joie des musulmans qui en-
trevoyaient leur perte prochaine. Le mal empirant,
le roi expédia des instructions à un émir nommé
Souti qui se trouvait dans les environs de Diarbékir;
il y avait aussi (dans la ville) le frère de Naçr nommé
Hadji Dilcandi. Ces instructions prescrivaient de
prendre la citadelle de force, si les Cayatchiyé refu-
saient de sortir, et de réunir les troupes nécessaires
pour l'attaque. Le patriarche, confiant dans la faveur
que le roi lui avait trmoignée, ne pensait pas que
des mesures de rigueur pussent être prises contre la
citadelle tant qu'il l'habiterait, et il négligea d'agir
auprès du roi.
Le mercredi g février 1 3 1 o, pendant le carême,
le fils de l'émir mentionné plus haut (Souti), accom-
pagné de trois commandants de régiments (com-
mandants de mille hommes), se rend auprès du
patriarche et lui intime l'ordre de sortir de la cita-
delle, en le menaçant de l'arrêter en cas de refus.
Effectivement, le lendemain, on le fait sortir de
force et on le conduit au couvent de Mar Micael de
Tar el , où il reçoit les visites de Souti et de ses gé-
néraux qui lui témoignent beaucoup d'égards. Il
avait eu autrefois , du temps de Cazan , des rapports
d'amitié avec Souti. Celui-ci lui fait part des ordres
qu'il avait reçus, ajoutant que les Cayatchiyé ne
céderaient qu'à ses conseils et qu'il le |)riait de leur
envoyer un député.
U2 AVRILMAl-JUIN 1889.
Le vendredi suivant, Mar Jabalaha fit conduire
des bœufs , des moutons et du vin à la demeure de
Témir qui lui présenta ia coupe suivant Tusage
mongol et le fit monter un beau cheval pour cal-
mer ses esprits. Pendant ce temps, les musulmans
de ]a ville, Hadji Dilcandi, le scheik Mohammed
qui gouvernait la ville et son firère Ahmed murmu-
raient contre les chrétiens et le patriarche, maiis
l'émir différait d'exécuter les ordres, comptant sur
im cadeau du patriarche. Cependant, d'un commim
accord, Abdjesu, évêque de Hnaithâ, fut député
par Mar Jabalaha et l'émir le fit accompagner d'un
de ses généraux nommé Sati bag ( \A y\ fC%)
Malgré les promesses dont ils étaient porteurs, ces
personnages échouèrent dans leur mission et ils
revinrent le samedi 1 2 février ^ Un second message
du patriarche fut porté le lendemain dimanche par
le métropolitain Jésusabran , accompagné d' Abdjesu
et de deux moines dont l'un était le directeur du
couvent de Mar Micael de Tarel; les chrétiens se
laissèrent enfin persuader. A cette nouvelle, Naçr
donna aux habitants de la ville le signal convenu
d'avance; ceux-ci accoururent en armes et le combat
rengagea au moment où les chrétiens s'apprêtaient
à quitter la place. Il y eut trois musulman^ et douze
chrétiens de tués; les chrétiens ne durent leur salut
qu'au feu qu'ils jetèrent sur la tour. Informé de ces
événements, Souti marche avec ses troupes contre
^ Le texte porte le 1 4 par confusion de tv» et de ^^t , confiision
très facile avec les lettres nestoriennes.
LE PATRIARCHE MAR JABALAUA If. 343
la citadelle ; il emmène de force le patriarche pour
qu'il engage les chrétiens à cesser la lutte. Dans la
nuit du lundi , quelques hommes purent sortir sains
et saufs de la citadelle. A la demande de Souti, le
patriarche députe Tévêque Jésusabran et le moine
Rabban David qui devaient faciliter la sortie de la
citadelle à Naçr et à ses compagnons d'armes ; mais
les musulmans tuèrent Rabban David et frappèrent
Jésusabran.
La situation devint de pius en plus alarmante :
les musulmans et les Mongols construisirent des ter-
rasses d'approche et des machines pour l'attaque.
Au signal donné par Naçr, les chrétiens furent mas-
sacrés sur les places et dans les marchés de la ville;
ceux qui s'étaient réfugiés dans les maisons des mu-
sulmans en furent extraits et mis à mort ; d'autres
furent tués dans les prisons après avoir été flagellés.
ï^es femmes jeunes étaient promenées dans les mar-
chés, dépouillées de leurs vêtements; les femmes en-
ceintes furent éventrées et leurs enfantsjetésà laporte
de la citadelle. On accusa auprès de Souti les chré-
tiens d'avoir commis ces atrocités, en présentant
ces victimes comme des musulmanes. On mit à sac
les quatre églises de la ville basse, dont deux, sous
les vocables de Jésusabran martyr et de Man you ,
appartenaient aux Nestoriens ; la troisième était jaco-
bite et la quatrième arménienne; on les rasa, ainsi
que les maisons et les enclos des chrétiens et la rési-
dence du métropolitain. Souti ramassa des gens de
tous côtés pour soutenir la lutte et les Curdes descen-
344 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
dirent des montagnes. Les chrétiens des villages ne
pouvaient plus se réfugier à Arbèle ; ils durent payer
de fortes contributions pour l'armement et l'entre-
tien des troupes. La citadelle fut attaquée des quatre
côtés à la fois ; il périt un grand nombre d'assiégés
et d'assiégeants, parmi ces derniers seulement des
Arabes et des Curdes, car les Mongols ne prenaient
pas une part active au combat et se contentaient de
lancer des flèches de loin.
Les chemins étaient coupés et les chrétiens étaient
partout inquiétés; le patriarche était gardé à vue;
il lui était difficile d'agir; à peine put-il informer de
la situation le métropolitain d'Arbèle qui s'était
enfui à Beth-Çayâdé. Aussitôt après avoir reçu la
lettre du patriarche, le métropolitain se met en
route pour Bagdad; il arrive au camp et fait con-
naître au roi les événements. Les émirs qui étaient
au camp avaient été tenus au courant des faits par
Souti; le patriarche, de son côté, avait expédié un
messager pour exposer la situation ; mais les émirs
étaient restés indifférents. A l'arrivée du métropoli-
tain , le roi manda à Souti que le récit des chrétiens
était en contradiction avec le rapport qu'il lui avait
adressé. Furieux, Souti fit quérir le patriarche. Les
Arabes voulaient faire un mauvais parti à Mar Ja-
balaha; on lui enjoignit d'ordonner aux gens de la
citadelle de se rendre, et, en cas de refus de l^ur
part, de reconnaître par écrit qu'ils étaient des
rebelles. Le patriarche délégua le métropolitain de
Mossoul accompagné de ses acolytes; mais les re-
V
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA II. 345
belles (les Cayatchiyé), craignant d'être écharpés à
leur sortie, empêchèrent les habitants de sortir de
la citadelle. Le patriarche fut alors maltraité et dé-
pouillé; quelques-uns des habitants de la citadelle
qui s'étaient rendus auprès de lui furent massacrés,
d'autres vendus comme esclaves; on lui extorqua
une lettre par laquelle il déclarait avec les évêques
de sa suite que les habitants de la citacfefle étaient
tous des rebelles. Souti fit porter cette lettre au
camp par Hadji Dilcandi qui était parent du roi.
Un des émirs , Hassan Goutlouc , qui connaissait la
vérité, blâma vertement Hadji Dilcandi et voulut le
frapper; celui-ci s'esquiva; Hassan Goutlouc se
rendit avec les conseillers auprès du roi et , grâce à
son intercession , sollicitée par le métropolitain d'Ar-
bèle, un ordre fut expédié pour que la paix fût
rétablie entre les habitants de la citadelle et les
Arabes , et que les coupables des deux partis fussent
amnistiés. Hadji Dilcandi s'en retourna honteux;
Tordre fut porté à Arbèle par des messagers royaux
qui arrivèrent le jour du vendredi des Confesseurs
(vendredi de la semaine de Pâques, en j3io).
La paix fut proclamée. Le pont de la citadelle qui
avait été brûlé fut rétabli; beaucoup de personnes
quittèrent la citadelle. Mais Naçr et son frère , sou
doyés par les musulmans, persuadèrent aux envoyés
du roi, qu'ils hébergeaient, démonter h la citadelle;
ils y furent reçus sans aucun égard et en éprou-
vèrent du ressentiment. Dans leur colère , ils mena-
cèrent les disciples du patriarche qui les accompa-
Mir. 3 3
laraiiiBBiB lixiositii.
346 ÂVIUL-MAI-JUIN 1889.
gnaient; un de ces disciples s'enfuit en secret et se
réfugia à Beth-Çayâdé; son compagnon fut arrêté.
Souti et les musulmans se rendirent auprès du pa-
triarche à Beth-Çayâdé pour le forcer à prêter
son concours à Texécution des ordres royaux. Une
dispute s engagea à ce sujet ; néanmoins Mar Jaba*
laha finit par accéder à la demande qui lui était
faite, après a^oir fait prêter serment aux partis en-
nemis que Naçr serait reçu sans opposition dans la
citadelle et que, de son côté, celui-ci n exercerait
aucune vengeance contre les habitants de la cita-
delle. Mais, quand ceux-ci apprirent que Naçr
montait accompagné de trois cents hommes, ils
fermèrent la porte et refusèrent de le recevoir.
Naçr irrité fit tuer ceux qui étaient sortis et fit
subir des mauvais traitements au disciple qui avait
été arrêté. G est à peine si le patriarche échappa;
les chevaux et les mules de sa résidence furent cap-
turés, les objets mobiliers et jusquaux vêtements
des personnes furent pillés. Ensuite on fit entrer le
patriarche dans la citadelle, en le persuadant qu*ii
y serait sous la sauvegarde des autorités et qu'il faci-
literait le retour du calme.
Pendant ce temps, Souti reçut des siens un avis
rinformant que les armées de la Palestine avaient
envahi ses provinces et que, s il différait, sa famUle
était menacée d être faite prisonnière. Il partit aus-
sitôt avec ses troupes, quoique souffrant dune grave
maladie; il ne resta sous les murs de la citadelle
que les Gurdes et les habitants de la ville. Le lende*
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA II. 347
main, le combat recommença entre les deux parfis;
les voies furent coupées et la famine se fît sentir
dans la citadelle. Quiconque sortait pour fuir ou
pour chercher des vivres était tué sans pitié. Le
patriarche était enfermé dans le fort avec les évê-
ques et les disciples de sa suite, sans vêtements ni
vivres. Quapt aux députés , ils étaien|: retournés au
camp avec Hadji IMlcandi ; ils rapportèrent au roi
que le patriarche s était fait le compUoe des rebelles
en leur fournissant des vivres et des armes et en les
encourageant à la résistance. ^
Le roi, rempli de courroux, envoya des ordres
en treize exemplaires à redresse personnelle de
chacun des émirs des Curdes, des quatre émirs
des Mongols et du gouverneur d'Arbèle. Il défen-
dait, sous peine de mort et de confiscation des
biens, de faire entrer des vivres dans= la citadelle,
qui devait êtr« at;taqué0 vigoureusement. En outre,
il remit à Tun de ses chambellans nommé Togh^n
(^_^y^<^\^) et à Hadji Dilcandi, tous deux en-
nemis des chrétiens, une lettre à l'adresse du pa-
triarche , dans laquelle il mandait h celui-ci qu'il n'ait
plus à compter sur sa protection.
Le métropolitain d'Arbèle avait quitté le camp peu
de temps après les premiers messagers , porteurs des
ordres de paix, et était revenu à Beth-Çayadé. Là, il
apprit la détresse du patriarche et des chrétiens assiégé^
dans la citadelle. Le 6 mai i3.io, au soir, il part
avec les disciples qui s'étaient réfugiés auprès de lui,
marche jour et nuit au milieu des dangers et arrive
23.
348 AVRIL-MAl-JUIN J889.
après dix jours de fatigues à Hamadan où il pensait
trouver le roi ; mais celui-ci venait justement de
partir. Le lendemain , il se met en route pour Seul-
tanieli où il est informé que des ordres formels
avaient été donnés à Toghan et à Hadji Dilcandi»
Dans cette conjoncture, il se munit d argent et idla
trouver un émir, proche parent du roi, qui lui
servit d^intermédiaire au{)rès des autres émirs de la
cour« Il fut présenté à Hassan Goutlouc, & Khodja
Saïd-ed-din , chef des scribes , et à Khodja Raschid-
ed-din , le vizir. Ceux-ci intercédèrent en faveur du
patriarche auprès du roi qui confia à Témir Choban
( T_^^^V^ ) Tinstruction de TaiTaire. Celui-ci , après
avoir entendu le métropolitain , lui donna raison d*au-
tant plus facilement qu'il était lié avec Balou,f émir
des Cayatchiyé. Il empêcha Hadji Dilcandi de se
rendre h Arbèle et envoya de nouveaux députés.
Mais , à Tinstigation de Hadji Dilcandi , le métropo-
litain est enlevé de nuit et conduit dans une mon-
tagne voisine pour être livré à Toghan. Le métropo-
litain avait heureusement un jeune frère qui mit
Choban au courant de ce qui s était passé. Choban
envoie à la recherche du métropolitain qui est ra-
mené et présenté au roi. Le roi donna Tordre
d'amener au camp le patriarche et de laisser les
chrétiens sortir de la citadelle sans les molester.
Choban remit au métropolitain des lettres pour
les émirs mongols qui devaient faire le siège de la
citadelle, ainsi que pour Témir Gaidjak, le gendre
d'Houlaghou ; il leur recommandait d'avoir des mé-
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA JI. 349
nagements pour le patriarche et les chrétiens. Le
métropolitain fut congédié avec honneur et accom-
pagné par le député du roi.
Le métropolitain et le député arrivent auprès de
Gaidjak. Celui-ci et sa femme se réjouissent de la
bonne nouvelle qu ils leur apportent; Gaidjak envoie
cent cavaliers mongols pour assurer l'exécution des
ordres royaux; en même temps, il mande aux huit
cents fantassins curdes qu'il avait sous ses ordres de
faire sortir le patriarche. De son côté, Toghan, trois
jours avant larrivée du métropolitain , avait autorisé
le patriarche à descendre de la citadelle; celui-ci
s élait empressé de partir avec les évêques et les prê-
tres de sa suite. Ce jour là était le vendredi 26 juin
i3io.
Ayant eu ensuite connaissance des nouveaux or-
dres, Mar Jabalaha se rendit, dû consentement de
Toglian, à la citadelle pour la faire évacuer. Le
samedi matin, cent cinquante familles environ, com-
posées d'hommes sans arme offensive ni défensive,
de femmes et d'enfants, descendent sans défiance.
A leur vue , les musulmans se jettent sur les hommes
et les massacrent ; ils font prisonniers les enfants et
les femmes. Pour justifier leur conduite , ils préten-
dirent qu'on leur avait lancé des flèches du haut de
la citadelle, mais le vrai motif était d'effrayer le
patriarche et de l'empêcher de quitter la citadelle
pour qu'il y pérît avec les chrétiens. Les fidèles, en
effet , suppliaient Mar Jabalaha de ne pas exposer sa
vie en sortant, mais lui préférait périr en martyr
350 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
que de mourir de faim; il laissait chacun libre de
rester ou de raccompagner. D fut suivi de trois évo-
ques, de ses disciples et de quelques moines et prê-
tres. Ds sortirent en foulant aux pieds les corps des
massacrés qui gisaient sans sépulture. Le patriarche
avait eu confiance en la parole de Toghan qui Tavait
trompé. Celui-ci cependant laccueillit avec beaucoup
d'égards et s excusa du massacre, qui avait eu lieu,
disait-il h sou insu.
Le métropolitain connaissait heureusement le
caractère fourbe de Toghan; sur son conseil, Gaid-
jak dépêcha à Arbèle un exprès avec un des person-
nages qui avaient accompagné le député du roi.
Ceux-ci arrivèrent à Arbèle le samedi soir, jour du
massacre. Ils exhibèrent à Toghan la lettre de Cho-
ban ; Toghan prit peur et laissa partir le patriarche
qu il accompagna avec Naçr, à la tombée de la nuit,
pendant un mille. Mar Jabalaha se rendit à TiH-
kewa^
Le dimanche matin, 27 juin i3io, arrivèrent le
métropolitain et le député du roi. Le métropolitain
se rend auprès du patriarche, et le député va trouver
Toghan. Malgré les conseils de Toghan , le député
monte à la citadelle pour faire sortir les chrétiens;
tous obéissent à ses ordres; le soir, il redescend
avec trois personnes; Tune d'elles est arrachée de
ses mains et tuée, les deux autres jetées en prison.
^ Ce nom est écrit K^i^ai^mL^» -, cf. Hoffmann , Auzûge aus sy-
rischen Acten pers, Màrtyrer, note iSgS.
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA II. 351
Le déiégué, impuissant contre un tel fanatisme,
remet à Toghan les clefe de la citadelle et va trouver
le patriarche, auquel il expose que le seul moyen
de salut est de faire protéger l'évacuation, de la cita-
delle par les hommes de sa suite et les cent cavaliers
envoyés par Gaidjak.
Le mardi suivant, le député monte de nouveau
à la citadelle et s'entend avec les habitants pour les
sauver. Mais il y avait parmi ceux-ci des émissaires
de Naçr-ed-din , qui tenaient celui-ci au courant de ce
qui se passait à Tintérieur. Naçr-ed-din publia que
les habitants n'auraient .aucune contribution à payer
et qu ils seraient ravitaillés , excepté \eà montagnards
(Cayatchiyé) qui payeraient les frais de route des
envoyés du roi et qui pourraient sortir, s'ils le vou-
laient. Sur cette parole, les montagnards se sépar
rèrent des autres habitante et descendirent sans
rencontrer d'obstacle. Ils se retirèrent à ^Ënkewa;
mais le lendemain ils en furent tirés et mis à mort.
Il ne restait plus dans la citadelle ni chef, ni direc-
teur; à la résidence patriarcale se trouvait le député
tout seul ; celui-ci partit abandonnant les habitants
en pleine famine.
Le froment, devenu très rare, se vendait 8 zouz
la livre; le sel faisait complètement défaut; les ânes,
les chiens, les chats ^, les vieux cuirs étaient dévorés;
on n'avait plus comme aliment que des graines de
•• ^
, littéralement les ichneumons qui autrefois rem-
plissaient dans les maisons le rôle des chats.
352 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
cotonnier. Les gens gisaient épuisés d'inanition; les
ibrces manquaient pour creuser les fosses et les
morts restaient sans sépulture. Quelques-uns se je-
tèrent du haut du rempart et furent écharpés par les
musulmans.
Le mercredi i" juillet i3io, les Arabes conduits
par Toghan et Naçr s emparèrent de la citadelle et
la pillèrent après avoir égorgé ou fait prisonniers
les habitants; les montagnards et les Gayatchiyé
qui y étaient restés furent précipités du haut des
murs et achevés par ceux qui étaient en bas; les
femmes et les jeunes filles furent vendues comme
esclaves ou données en cadeau à qui voulait les
prendre.
Le patriarche, accompagné des évêques de sa
suite et des Mongols que Gaidjak lui avait envoyés,
se retira à Belh-Çayâdé, où il s'occupa de recueillir
largent quil distribua au député de Ghoban, aux
Mongols de Gaidjak et aux Gurdes qui étaient avec
eux. Le 8 juillet, il fit visite à la princesse, femme
de Gaidjak, qui le combla d'honneurs et le fit ac-
compagner au camp par une des personnes de soii
entourage. Dès qu'il fut arrivé, il se rendit auprès
de Ghoban qui le reçut avec les égards dus à sa
dignité, puis il vint se fixer à la ville (Bagdad). Il
alla ensuite présenter ses devoirs au roi qui lui fit
un accueil poli, mais réservé; il ne lui donna pas
l'occasion d'exposer ses souffrances. Mar Jabalaha
attendit en vain cette occasion pendant plus d'un
mois; découragé, il retourna à Maragha avec la
LE PATRIARCHE MAR JABALAHA IL 353
résolution de ne plus aller au camp. Il passa Thiver
(i3io-i3ii) dans le monastère de Maragha. L*été
suivant, ayant appris que Témir Irindjin était de
passage à Tauriz , il va le saluer ; il est accueilli avec
affabilité par Irindjin et sa femme , qui était la fille
d'Ahmed, fils d'Houlaghou; il en reçut une somme
de 10,000 dinars ou 60,000 zouz, des chevaux de
selle et un village pour Téglise de Mar Schalita , dans
laquelle étaient inhumés le père, la mère et les
femmes dlrindjin. La princesse jouissait d'une
grande autorité dans le royaume, car sa fille avait
été épousée par le roi (Oldjaitou) çt occupait un
des premiers rangs dans le harem.
Mar Jabalaha passa Thiver et fêté suivants (1 3 1 2)
dans le monastère de Maragha. Le roi , ayant appris
ses infortunes, lui donna 5, 000 dinars. Le nombre
des métropolitains et des évêques qu'il consacra
jusqu'à cette année s'élevait à soixante-quinze. Il
vécut dans ce couvent jusqu'en i3i'7; il y mourut
dans la nuit du dimanche i 5 novembre 1 3 1 7 et y
fut inhumé.
Tel est, exposé brièvement et avec la sécheresse
d'une analyse, le contenu de cet intéressant livre.
Les minutieux détails avec lesquels les événements
sont racontés laissent l'impression que fauteur a
puisé à de bonnes sources, peut-être aux archives de
la résidence patriarcale du monastère de Maragha.
Nous avons vu plus haut que, du temps de l'auteur,
ce monastère était encore florissant et continuait à
être habité par le patriarche des Nestoriens. Le livre
354 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
semble donc avoir été écrit peu dannées après la
mort de Jabalaha. En ce qui concerne le récit du
voyage de Bar Çauma en Europe , lauteur nous dit
lui-même qu'il Ta extrait du journal de ce saint
personnage.
LES DEVOIRS DE L'ÉCOLIER. 355
LES DEVOIRS DE L'ÉCOLIER,
PAR
M. J. DARMESTETER.
TEXTE PAZEND.
Le texte pazend qui suit est tiré d'un manuscrit
moderne , contenant entre autres le Bandehesh, dont
je dois communication à lamitié du savant Destour
Peshotan qui a bien voulu le faire copier pour moi
par M. Rustemji Firdunji , maître assistant au High
School de Bombay.
Comme tous les textes pazends dont on ne pos-
sède pas une traduction sanscrite ou Toriginal
pehlvi , ce texte présente des difficultés de détail que
je ne suis pas toujours sûr d'avoir surmontées. L'in-
térêt qu'il offi'e est siulout uh intérêt de curiosité :
c'est le seul document parsi, publié jusqu'à présent,
qui représente. la littérature de la civilité puérile et
honnête. Il rappelle d'une façon frappante un autre
manuel, le seul spécimen ancien qui ait été publié,
je crois, jusqu'à présent, de la morale scolaire d'Eu-
rope ; c'est L'Ecole de Vertu « The Schoole of Vertue » ,
publié par Seager en iSSy^ J'ai cru intéressant de
donner les passages parallèles.
* The Schoole of Vertae, by F. Seager ( A. D. , 1 567 ) , imprimé par
M. Furnivali, p. 333-355 des Manners and Meals in Olden Time,
356 ÂVRIL-MAI-JUIN 1889.
Je n'oserais pas affirmer qu'il y ait un rapport his-
torique entre ces deux textes; mais les rapports cer-
tains qui existent entre des livres tels que le Spécu-
lum Mundi et des originaux orientaux ne permettent
pas de repousser a priori cette idée comme invrai-
semblable.
Le poème de Seager, à en juger d'après les ana-
logies de la littérature éducationnelle anglaise, sup-
pose des précédents français et latins et c'est là qu'il
faudrait chercher; comme inversement notre texte
pazend, s'il n'est point de fabrication moderne, ce
qu'il ne semble pas être, suppose des précédents
pehlvis qu'il faudrait retrouver.
Notre texte est en réalité une double version d'un
même texte; la première version comprend les para-
graphes 1 -8 ; la seconde les paragraphes 9- 1 5.
Je donne le texte tel quel sans correction; le lec-
teur remarquera de lui-même l'incohérence de l'or-
thographe : ë à côté de é dans la désinence de la se-
conde personne du pluriel et: khurshèt à côté dé
hvarshét; l'emploi fréquent de i pour a.
LondoD, published for ihe Eaiiy English Teit Society, 1868»
p. cxxxyi-do5-i33, in-8°. Le livre de Seager comprend 376 dis-
tiques en 16 chapitres. Les cinq premiers répondent à notre texte.
Eu voici les titres :
The momynge prayer.
Howe to order thy selfe when thou rysest, and in appardynge
thy body.
Hovtre to behaue thy selfe in going by the streate and in the
schoole.
Howe to behaue thi selfe in seruynge the table.
Howe to order thy sdfe syttynge at the table.
LES DEVOIRS DE L'ECOLIER. 357
358 AVRTL-MAI-JLIN 1889.
•)mm *é)f «Iji^j^ *(L(t^H * ^W *^r€ *)^*<* *> *(^fU*^
• ^ef^î^ •»!)"• *CUt^ •*€*^ ' •» • ^»^^^^
•^^a*'»î? •!*! *wV^ rfijwjj ♦èf^^^!^ •^k '(^^
\
LES DEVOIRS DE L'ÉCOLIER. 359
* > * ^ V^ * y 4»^ • M^ •)èêêj * (* * <* Ir * ^ * f^'*'^ * y#ii»
•|i»A)4»^ •yiiyjiytl «Mtp^ * l(»J^i0*)itl *^^X^4«»|m»A •i|>|ÉMiJ»
• • • • • frf^^ «^v
Au nom du créateur Auhrmazd ;
1 . Dieu a fixé les devoirs des enfants * en ce qui
concerne 2 l'école.
2. Tous les jours, de grand matin', avant que le
^ rédhakân.
' ôi in parân, serait en pehlvi îyO ^Y \Y*'
* fawirjradâ « de grand matin » \fawir = pa awtr,
Early in the mornynge thy bed ihen forsake (57*58).
360 AVRIL-MAl-JUIN 1880.
soleil se lève, vous vous lèverez de votre lit. Vous
vous laverez bien ^ les mains et le visage avec le dast-
shô et Teau pure ^. — 3 . Le matin , à Theure régulière ,
vous irez à Técole; vous vous mettrez aussitôt à votre
devoir; vous tiendrez si bien attentifs à la leçon Fœii,
Toreille, le cœur' et la langue que, quand Ton vous
congédiera de Técole , vous répéterez en route la le-
çon par cœur. — A. Si vous rencontrez un homme
de bien , que vous connaissez , quand il arrivera de-
* pa hhûvHi = v>^ •
L*enfànt anglais, aussitôt levé, descend de sa chambre, salae ses
parents, se lave les mains et se peigne.
Thy handes se thou washe and thy head keame (73-74 ).
Il brosse sa cape, serre le col de sa chemise, assujettit sa cdu-
ture , brosse son pantalon , nettoie ses souliers , se mouche , fidt set
ongles, se lave les oreilles et les dents, prend sa gibecière et ses
livres et se rend en hâte à Técole.
This done , thy setchell and thy bokes take
And to the scole haste see thou make (109-1 1 a ).
Il va droit à sa place, défait sa gibecière, prend son livre et y
apprend sa leçon.
Vnto thy place appoynted for to syt ,
Streight go thou to, and thy setchel vnknyt,
Thy bokes take out , thy lesson then leame
Humbly thy selfe behaue and goueme.
Therein takynge payne, with ail thyne industry
Learnynge to get thy boke wdl applye (157-168).
* pa d<ut<isûi u âw ; dastasûi est ^^.tfii y.M»> ; littéralement t f eau qui
sert à laver la main » , c*est Teau méiée de goméz t urine de bœuf > ,
dont le Parsi se lave d*abord avant de se laver à l*eau pure.
^ DU « le cœur » , c'est-à-dire • l'intelligence ».
LES DEVOIRS DE L'ÉCOLIER. 301
vant vous, vous le saluerez poliment ^ — 5. Arrivés
à la maison, conduisez-vous avec mesure et. . .(?).
N'ennuyez personne , père ni mère; ne frappez sœur,
ni frère , ni esclaves , ni serviteurs, ni animaux. Mon
trez-vous bien polis, ne soyez pas méchants, soyez
bons et courtois.
6. Quand on vous dira de prendre votre repas,
mouchez-vous , lavez-vous les mains , déposez le pain ,
asseyez-vous, dites le yathâ âat yazamaidê; dites Va-
shem vôhâ trois fois et mangez.
y. Quand vous aurez mangé, vous nettoierez la
place où vous avez mangé ^, vous mettrez de Teau
sur vos mains, rabattrez les cheveux et les relèverez.
Si vous avez du vin, vous en boirez; si vous n'en
avez pas , vous n'en boirez pas , pour dire les grâces (?)^,
' En se rendant à l'école, l'écolier doit saluer du chapeau les pas
sants qu'il rencontre et leur céder le chemin.
In goynge by the way and passynge the strete ,
Tby cappe put of, Sainte those yc inete (i33-i30)
De même en revenant.
Humbly your selues towarde ail men hehaue;
Be free of cappe and full of curtesye ;
Be lowly and gentyll and of meke moode ( 271-276).
^ awazâist jâi , littéralement : «le lieu où l'on se renforce».
^ Ai tdash sahhûnhsh bét. Dans le rituel juif, on prend un verre
de vin pour réciter les grâces.
Geve thankes to God with one accorde
For that shall be Set on this borde (3o5-3o8).
Il débarrasse la table « change la serviette, apporte un bassin et
de l'eau pour que ses parents se lavent la main.
Then on the table Attende with ail diligence ,
xii:. 24
IMPSIMK«I« ■«rioitti.
362 AVRIL-MAl-JUIN 1889/
et vous prononcerez quatre ashem vôhâ, deux yaAâ
ahâ vairyô.
8 (?) ^ ; vous porterez les rinçures^ des
dents au lieu où il faut^, vous irez vous asseoir avec
un livre; vous irez dormir tranquillement et vous
relèverez dispos, joyeux de retourner à Fécole*.
9. Enfants , je vais vous donner un bon conseil. —
I o. Quand vous sortez de Técole, allez le droit che-
min^.
1 1. Ne battez pas le chien, la volaille, le bœuf;
ne les tourmentez pas. — 12. Quand un homme de
bien que vous connaissez vient devant vous , faites-
lui comme il convient et saluez-le bien polimeat.
h for to voyde when done hâve thy parence
The hason and ewer to the tahle then hrynge ,
When thou shait see them rady to washe,
The ewer take up, and he not to rashe
In powrynge out water More than wyli suffise .....
(395-416).
Après le dessert il verse du vin, de l'aie ou de la bière, mais le
vin est préférable s'il y en a :
Wyne to them fyll Els aie or beare;
But wyne is metest If any there were (Sgi-Sgd).
^ sparâm awa awzâyist t du spardm {f^y^ « herbe odoriférante » )
dans votre repas (?)v : il se laverait la bouche avec du sparàm (?].
^ parsni; S i5 , sarsnik; le sens est donné par l'expression dandân
pâk hi kunét au passage paridlèle S i5.
^ Le lieu où Ton porte les ordures.
* Littérsdement : « vous verrez l'école avec plaisir » ; suivent deux
mots ahê darût dont le premier, avec sa forme zende, semble une
fausse lecture : « vous lui ferez le darût « salut ! ».
^ In passynge the strete Do no man no harme (281-282).
LES DEVOIRS DE L ÉCOLIER. 363
i3. Arrivés à la maison, tenez-vous devant votre
père et votre mère la main sous Faisselle \ dans l'at-
titude de robéissance. Tout ce quils vous com-
mandent de faire, faites-le intelligemment, comme
on vous l'ordonne. — i k- Ne vous asseyez pas tant
qu'ils ne vous le disent pas. Quand ils vous disent de
prendre votre repas, mouchez-vous, lavez-vous les
mains, mettez les aliments devant vous, récitez un
yaihâ âat, trois ashem vâhâ et mangez votre repas ^.
1 5. Quand vous avez mangé, nettoyez vos dents,
prononcez quatre ashem vôhâ, deux yathâ ahû vairyô,
jetez où il faut la rinçure des dents; dormez bien,
levez-vous dispos le lendemain matin avant le lever
du soleil. Lavez-vous bien et en règle les mains et
le visage, trois fois avec le dastshô et sept fois avec
l'eau pure^.
^«>yj i/*^ 0)uwi> . •
^ VVith sober counlinaunce Lokynge them in the face,
Thy bandes boldynge up ibis begyn graco : (3oi-3o3).
^ Je ne comprends pas le reste du morceau.
2.'..
364 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
t^a^i^Km^^Ê^a
NOTES
D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE,
PAR
M. E. SENART.
II
SGR QUELQUES PIERRES GRAVEES PROVENANT DU CABOUL.
Je dois à Tobligeance du capitaine Deane, assis-
tant-commissioner à Mardan, la communication
récente de plusieurs pierres gravées, découvertes et
acquises par lui dans la vallée de Caboul. Son envoi
se composait de six pièces, deux originaux (les n** i
et Ix de la planche) et quatre moulages (n~ 2, 5,
6, 7). Il s agit, on le voit au premier coup dœil, de
monuments très disparates par le style, parle carac-
tère, par la date. Us se trouvent du moins associés
par les lieux où les uns et les autres ont été trouvés;
en un sens leur variété même est significative; elle
est caractéristique pour ce pays de Caboul qui, si
souvent, a livré passage aux envahisseurs de toute
race et de toute langue en marche vers Tlnde, et
qui, pendant une période importante et curieuse
de rhistoire, devint le point de rencontre de tant
de courants venus de tous les points du monde
hellénisé et de TAsie antérieure.
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 365
Sur quatre de ces pierres je n'ai, par des raisons
diverses, que peu de chose à dire. Les n*** 4 et 5
sont d un style grec manifeste , quoique d'un travail ,
le n** Ix surtout, passablement dégénéré. Les types
ne présentent aucune obscurité. Le pêcheur du n** 4
est connu en nombreuses variantes; je laisse à de
plus expérimentés le soin d'expliquer la double haste
qui apparaît derrière Tépaule et cette ligne brisée
qui enveloppe la tête du personnage comme entre
les branches d'un compas. Le n° 5 porte un Hermès
qui tient le caducée de la main droite et la bourse [?)
de la gauche.
Le n° 6 est de la facture la plus sommaire et la
plus barbare. Mon expérience n'est pas assez grande
pour que j'ose être afTirmatif siur le sujet qu'on a
voulu y représenter; cependant l'aspect général fait
d'abord penser à un type égyptien , un Anubis por-
tant de la main gauche la croix ansée.
Le n** 7 étant marqué de caractères coulîques, je
fai soumis à mon savant confrère M. Schefer. Il lit
le nom « Abou Bekr » , et estime que la forme des
caractères indique approximativement le iv* siècle
de l'hégire.
Les n**' 1 et 2 nous reportent à une antiquité
beaucoup plus haute; ils forment certainement la
partie la plus intéressante de l'envoi , l'un à cause de
son inscription en caractères indo-bactriens , l'autre
à cause du type qu'il porte et qui fait transition
avec certains types des monnaies. Les quelques re-
cherches qu'a provoquées de ma part l'étude de ces
366 AVRIL-MAI-JUIN 1880.
deux pierres m'a mis sur la trace du n" 3 , une très
belle pierre conservée depuis longtemps au Cabinet
des médailles et qui ma été signalée par M. Babelon.
La rencontre était dautant plus précieuse que les
cachets avec épigraphe indo-bactrienne sont, autant
que je puis savoir, d'une extrême rareté. Daprès
ime obligeante communication de M. S. L, Poole,
ladmirable collection du British Muséum n'en con-
tient aucun.
Nos trois pierres sont trois cornalines de colora-
tion assez différente, le if i étant sensiblement plus
foncé que le n** 3.
La lecture des deux épigraphes ne présente pas
de difficulté sérieuse. Nous y trouvons, comme on
pouvait s'y attendre, des noms propres. Et d'abord
le n° 1 , Je lis U ^ Qj^'^ ; une dernière leltre est
tombée dans la cassure; il semble pourtant que Ton
distingue encore les restes de la boucle d'un p; en
tout cas , la restitution de ce caractère qui forme la dé-
sinence du génitif ne saurait être douteuse. Nous
avons donc satheùdamasa, La seule particularité gra-
phique digne d'être notée consiste dans la place
qu'occupe le trait vocalique de Ye dans the; il devrait
être tracé à gauche et non à droite de la haste "f- et
non j^. C'est un détail sans importance. Les letti*es
sont du reste nettes et bien formées. Nous ne pouvons
hésiter à transcrire « Theodamas » le nom du pro-
priétaire de ce cachet. Il serait superflu de grouper
les différents noms propres étrangers où Yo est repré-
senté par a dans la transcription indienne , depuis Âga-
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 367
thokles [Agathukleyasa) jusquà Pakores [Pakurasa);
suffit de rappeler le « Theophilos » dont le général il
Cunningham possède des monnaies avec la légende
maharajasa dhramikasa theuphilasa^. On le voit du
même coup , le 6 y est transcrit par le th cérébral ,
exactement comme sur notre pierre.
Reste la syllabe initiale sa. Elle est la principale
difficulté, mais aussi le principal intérêt de notre
épigraphe. Il est impossible en effet de ne pas la
rapprocher de Ténigmatique syllabe 2Y des mon-
naies dites de Sy-Hermaios. Cette syllabe a beau-
coup exercé la sagacité des critiques, sans que la
discussion ait, à mon avis, abouti à une conclusion
plausible. La dernière conjecture, celle de M. 01-
denberg^, ingénieuse comme tout ce qui vient de
ce savant , consistait à voir dans les deux lettres une
répétition arbitraire, ajoutée par les graveurs mal-
habiles pour boucher un vide , de la dernière lettre
de 2ÛTHP02 et de la dernière de EPMAIOT ^
^ Gardner, Grceh and Scythic coins of Bactria in the Brit. Mus, ,
p. 167.
' l}eher die Datirung der aellest. ind. Mûnzen, dans la Zeitsclir. Jàr
Numism.j VIII, p. 298.
^ On sait que la disposition de la légende ordinaire est la sui-
vante :
ce qui explique la conjecture de M. Oldenber^.
368 AVRIL-MÂI-JUIN 1889.
Sans insister sur les autres raisons qui pourraient
rendre l'hypothèse suspecte , il me suffit de constater
que la présence de la syllabe 5a sur notre intaille
parait Técarter dune façon péremptoire. Il faut
trouver à cette syllabe une explication directe ; c est
un premier fait qui ressort de noire petit monu-
ment. Il prouve, en outre, qu'il n'y faut pas cher-
cher un titre ou l'abréviation d'un titre royal, rien
n'indiquant que notre Theodamas soit un dynaste
jusqu'ici inconnu. La question se trouve ainsi posée
dans des termes plus sûrs et plus nets. Quant à la
réponse, je ne me flatte pas de la tenir avec certi-
tude; on me permettra au moins d'exposer, non
sans des réserves expresses, la seule conjecture qui
me soit venue à l'esprit.
Les faits qui concernent la série 2Y EPMÂI02
se présentent de la façon suivante. Nous possédons
d abord de Hermaios des suites de monnaies tant en
argent qu'en bronze portant la légende correcte
BA2IAEÛ2 2ÛTHP02 EPMAIOY ; puis des mon-
naies portant d'un côté la légende BA21AEÛ2
2THP02 2T EPMAIOY et frappées de l'autre côté
au nom de Kadphises, avec la légende kajulakasasa
kushanayavagasa dhramathidasa (je n'ai pas à exa-
miner ici les difficultés ou les doutes que peut,
dans le détail, présenter cette lecture); enfin, cer-
taines monnaies de bronze portent la même légende
grecque à Favers ^aaikeù)s alripos (tv epfÀaiov, et, au
revers, la légende indienne maharajasa mahatasa
heramayasa. Tout le monde paraît être d'accord
V
NOTES P'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 369
pour considérer Hermaios comme le dernier roi
grec de Caboul, et Kadphises comme le premier
chef des Yueh-chi qui ait amené ses guerriers
jusque dans llnde^. Des monnaies qui portent Tun
et l'autre nom, on a conclu, très naturellement,
que, avant que Kadphises devînt le maître unique,
il avait dû pendant un temps partager le pouvoir
avec son prédécesseur grec^. On ne peut guère
douter que les monnaies de la troisième série , celles
qui portent 2T EPMAIOT à lavers, mais avec le
nom de Hermaios au revers en caractères indo-bac-
triens, n appartiennent , malgré labsence du nom de
Kadphises , à cette seconde partie du règne de Her-
maios, à sa période de pouvoir divisé et diminué.
Non seulement le type en est plus dégradé, mais,
contrairement à la pratique des monnaies anté-
rieures, le titre de (Xùnrfp n'est pas traduit dans la
légende indienne; elle porte seulement maharajasa
nuthatasa heramayasa^ sans tradatasa ou quelle que
soit la lecture exacte du mot. Il est difficile de ne
pas admettre une certaine corrélation entre la mu-
tilation du titre arcjrrfpos en arirjpos dans la légende
grecque et sa suppression totale dans la contre-partie
indienne. Cette coïncidence exclurait l'idée d'une
erreur purement matérielle dans le grec, si l'inva-
riable reproduction de la forme arirtpos dans les
coins de ce type n'était déjà plus que suffisante pour
l'écarter.
* Gardner, loco ciL , p. xxxi et suiv.
* Ihid,, p. XLYiii.
370 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
Ceci posé, on remarquera que les légendes de
Kadphises sont les premières dans la numismatique
de rinde qui portent un ethnique, kasJiana (et peut-
être diussi yavuga). Une pareille mention devient, en
effet , particulièrement naturelle si , comme tout l'in-
dique , il y a eu , pendant un certain temps , un par-
tage du pouvoir entre deux chefs appartenant à des
nationalités différentes. Si Kadphises a pris le parti
de marquer la sienne, il est a priori assez croyable
que Hermaios a dû faire de même. G*est ce qui
m amène à imaginer que la syllabe 2 Y pourrait bien
n être qu'une abréviation de 2TP0T « syrien ». Je ne
méconnais pas les difficultés de cette explication,
et je ne la donne que comme purement conjectu-
rale. En épigraphie grecque, l'abréviation régulière
serait certainement 2TP et non 2T; cette objection
de forme ne me paraît pas bien inquiétante à l'épo-
que et aux lieux où nous transportent nos mon-
naies, d'autant moins qu'il n'est pas question ici
d'une notation traditionnelle , mais d*une inno-
vation commandée par des circonstances locales.
Ce qui est plus grave, c'est d'admettre que le nom
de Syrien ait pu être ainsi substitué à celui d'Hel-
lène, L'élargissement progressif de l'aire géogra-
phique embrassée par le nom de ^vpla, féloi-
gnement de ces demi-Grecs jetés au bout du monde
hellénisé, pour qui le royaume de Syrie avait dû
devenir depuis longtemps, et surtout depuis fin-
tei^osition de l'empire parthe, le dernier représen-
tant de la puissance grecque indépendante, permet-
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 371
tent-ils de passer sur ces scrupules? On en jugera.
Cette hypothèse est en tout cas la seule que je puisse
ofiGrir.
Elle a au moins Tavantage de s'appliquer sans
peine à notre intaille. Le propriétaire, comme Tin-
dique son nom, est bien certainement un Grec.
Pourtant il vivait sous une domination barbare,
au milieu de barbares, puisqu'il en était réduit à
employer un alphabet étranger. Cette circonstance
a pu lui inspirer un désir d'autant plus vif d'affir-
mer sa nationalité, pour lui un titre de considé-
ration, par un procédé que les monnaies du dernier
roi grec avaient rendu intelligible et familier.
Nous trouvons en quelque façon la contre-épreuve
dans la pierre du Cabinet des médailles , notre n° 3.
La lecture de la légende ne laisse place à aucun
doute, c'est ^^'^ /j*; punamaiasa. Sous l'impres-
sion de l'autre intaille , j'avais cru tout d'abord devoir
lire sa le premier caractère; mais, quoique la partie
verticale de la boucle incline vers la gauche un peu
plus qu'il n'est ordinaire, la haste rigide, sans inter-
ruption au milieu , ne peut laisser aucune incertitude
sur la valeur des caractères, /" et non ^; la compa-
raison du /^ final est décisive. La forme du /î, ordi-
nairement 7, est un peu particulière, sans pourtant
prêter au doute; on peut comparer la seconde des
formes consignée dans le tableau alphabétique de
M. Gardner ^ La forme de l'm confirme le sentiment
* Loco cit. , p. Lxx.
tk..
372 AVKIL-MAI-JUIN 1889.
que j'ai exprimé autrefois et d'après lequel V n'est
rien de plus qu'une variante graphique de X Pana-
mata, sanscrit panyamata, c'est-à-dire « dont la pensée
est pure », donne un nom parfaitement acceptable.
Ici le propriétaire du cachet est de nationalité in-
doue. Or, soit hasard, soit intention réfléchie, la
syllabe sa est absente.
Les explications qui précèdent indiquent assez la
date approximative qu'il convient, je crois, d'assi-
gner aux deux pierres; la troisième, le n** a , se rat-
tache assez étroitement à elles par le type qu'elle
présente. Entre le n" 2 et le n° 3 , l'analogie est com-
plète : la position du bras est la même, le vêtement
pareil, la coiffure, sans être absolument identique,
est très semblable; de part et d'autre l'aspect iranien
est très accusé. La principale différence est dans le
sceptre que porte des deux côtés le personnage : il
est, dans l'un, surmonté d'un trident qui manque
dans l'autre. Le style et les proportions se distin-
guent du reste par des nuances suffisamment appa-
rentes. Dans le n° 1 , la coiffure semble faite d'une
simple couronne, le bras droit est très infléchi et
paraît ramener la main à la bouche, le sceptre est
porté transversalement et affecte l'aspect d'une
palme. Quant au vêtement, je crois bien que la
ligne qui, d'une façon générale, suit le dos, en
marque la' présence; mais il est traité de telle façon
que l'on pourrait s'y tromper et croire que le per-
sonnage est représenté nu. Malgré ces divergences,
la parenté entre les trois types saute aux yeux. Les
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 373
monnaies nous offrent, d autre part, de précieux
points de repère.
La ressemblance est surtout frappante entre nos
n°* 2 et 3 et certaines séries d'Abdagases^. La com-
paraison de certaines monnaies de Gondophares^ et
aussi d'Aziiizes^ montre, en outre, dans la position
du bras droit, dans la manière de porter le sceptre,
dans la substitution du trident au sceptre , des varia-
tions absolument analogues à celles que nous consta-
tons entre nos intailles. Même au point de vue du
style , la décadence paraît bien , de part et d'autre , être
arrivée à peu près au même degré. Ces analogies,
d'après la date actuellement admise pour Gondopha-
res, nous ramènent vers le milieu du i" siècle de Tère
chrétienne. Ce nest, bien entendu, qu'une appro-
ximation. Nos trois pierres ne sont pas elles-mêmes
exactement du même temps; et il est impossible,
en pareille matière, de prétendre à une précision
rigoureuse. En tout cas, cette date, le commence-
ment de l'ère chrétienne , concorderait d'autre part
fort bien avec les indices fournis par les monnaies
d'Hermaios dont l'emploi commun de la syllabe su
rapproche notre n° i. C'est en a 5 avant notre ère
que l'on place l'arrivée dans le Caboul de Kad-
phises avec ses Yueh-chi ^ ; c'est peu d'années après
que les dernières traces de la domination grecque
' Gardner, pi. XXIII, 2-3; Ariana AnL, pi. VI, i.
* Ibid,, pL XXII, 5,9; Ariana Ant,, pL V, 18, 20.
' Ibid., pi. XX, 4.
* Ibid,, p. XLvni.
k
374 AVUIL-MAI-JUIN 1889.
(lurent disparaître. J'ai cru trouver dans l'épigraphe
indo-bactrieniic de notre Theodamas, d'une part,
une imitation de la pratique monétaire des der-
niers temps de Hermaios, d'autre part, un indice
du fait que, de son temps, la souveraineté des rois
barbares était définitivement assise; si jai raison,
la première moitié du i*"" siècle serait bien le moment
où il faudrait croire que notre cachet a été gravé.
Bien entendu, je ne prête à ces rencontres que le
prix qu'il convient. Quoi qu'on en décide, il est
incontestable que la ressemblance des types et la
parente du style ne permettent pas de séparer par
un long intervalle notre n° i , ni les n°' 2 et 3 qui .
lui sont similaires, de l'époque des dynastes d'ori-
gine parthe, Gondophares et Abdagases.
Il serait intéressant de pouvoir dénommer avec
certitude le personnage commun à nos cachets et aux
médailles. Je regrette de n'être pas en état de le
faire. Il importerait d'abord d'être plus sûrement
fixé sur certains détails qui par malheur nous échap-
pent , ou qui du moins m'échappent sur les repro-
ductions qui me sont accessibles. Dans certains cas,
le personnage semble tenir de la main dix)ite une
couronne, ailleurs on pourrait songer à une coupe,
ailleurs il paraît bien ne rien tenir du tout. A en
juger par l'analogie de presque toutes les mon-
naies, il semble que ce doive être un être divin, et
sa présence sur nos ^nerres ne peut que confirmer
ccHe impression. Mais lequel? M. (iardner l'appelle
Zens. ÏjO trident tout au moins s'accorde mal avec
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 375
cette identification. Wilson ne lui donnait pas de
nom. Jusqu'à nouvel ordre, c'est encore, je le crains,
le parti le plus sage.
P. 5. Des informations récentes reçues du capi-
taine Deane me permettent d'être plus précis sur la
provenance de plusieurs de ces pierres. Les n°' i , 2
et 4 viennent du pays de Bajaur (au nord-est de
Jellalabad) et c'est dans le village de Miankilli qu'ils
ont été acquis ; le n° 5 a été retrouvé parmi les ruines
de Shahbaz Garhi , et le n° 6 vient du village d'AUa-
dand , dans le pays de Swat.
37Ô AVRIL-MAl-JDIN 1889.
LA NUMISMATIQUE ARAMEENNE
sous LES ARSAGIDES ET EN MESOPOTAMIE,
PAR M. E. DROUIN.
L'étude des monnaies à légendes sémitiques pro-
venant de l'Asie antérieure , c est-à-dire des pays qui
forment la Mésopotamie, Tlrâq arabi et Tlrân ac-
tuels, est intéressante à la fois pour l'histoire an-
cienne de ces contrées et pour la paléographie ara-
méenne. On sait combien les découvertes et les
recherches qui ont. été faites depuis un demi-siècle
dans ce domaine archéologique ont enrichi l'his-
toire de cette portion de l'Asie pour la période qui
s'étend du v* siècle avant J.-C. jusqu'au ni* siècle
de notre ère. Et cependant que de lacunes encore à
combler, que de princes à noms sémitiques ou
perses, dont les rares monnaies sont arrivées jusqu'à
nous , attendent encore leur classification ! Que de
noms inconnus comme Charaspès, Godraeus, Pa-
haspès , Timnalus , Arsaces-Dikaïos , Kinnamus , Kam-
naskirès , etc. , sur lesquels les auteurs anciens ne
nous ont laissé aucune indication! Mais, à côté de
ces lacunes , on est heureux de pouvoir signaler les
résultats importants obtenus par la numismatique
LA NUMISMATIQUE ARAMÉENNE. 377
pour quelques royaumes de la Mésopotamie, Sans
sortir du domaine sémitique , il suffit de rappeler les
belles études de MM. de Saulcy, von Gutschmid,
de Vogué , Clermont-Ganneau , qui sont parvenus à
reconstituer, grâce surtout aux monnaies et à quel-
ques Intailles, les listes des rois d'Edesse, des rois
nabatéens et des rois de Palmyre.
Pour les contrées sises au delà du Tigre , les trou-
vailles faites depuis une trentaine dannées ont fait
connaître un certain nombre de monnaies en argent
et en bronze, avec des légendes en caractères sémi-
tiques. Ces monnaies paraissent appartenir à des
époques et à des provinces diflFérentes, mais les
lettres de leurs inscriptions semblent, malgré la
diversité des formes, se rattacher toutes à un al-
phabet unique.
On sait, en etfet, que Técriture phénico-ara-
méenne a pénétré en Assyrie dès une haute anti-
quité; on en a des preuves à partir du viii^ siècle
avant J.-C. Après la conquête perse, sous les Akhé-
ménides, Técriture araméenne devient le caractère
usuel et courant pour exprimer la langue des affaires
commerciales et celle des relations politiques et de
l'administration, c est-à-dire Taraméen et le perse ^
C est vraisemblablement à cette épof|iie que Técrl-
' li y a plus de trente ans que les rapports entre ies Iraniens et
les Araméens ont été signalés par M. Spiegel et par M. Renan. Ce
dernier, notamment dans son Histoire de.^ langues sémitiques, a
tracé, en quelques pages, un brillant tableau de l'influence ara-
méenne sur la Perse.
xiir. 2 5
.Ml-ll. il'.nit, MtlJikVA
378 AVRILMAI-JUIN 1889.
ture sémitique pénétra dans le nord-ouest de l'Inde
où elle devint Talphabet bactrien des successeurs
d'Alexandre. En dehors des émissions faites par les
Satrapes d'Asie Mineure , il n existe aucune monnaie
akhéménide à légendes arâtnéennes; pour les Ar-
sacides, nous n avons aucun document monétaire
antérieur au ii' siècle avant Tère chrétienne. Les
monnaies que nous possédons émanent, sauf q[uel-
ques attributions douteuses, des princes ou dynastes
vassaux des Arsacides. L'empire parthe était, en bffet,
constitué en suzeraineté et en pays tributaires for-
mant autant de royaumes ou provinces gouvernés
par des princes qui relevaietit du roi des rois , c'ést-
€^-dire du souverain arsacide. Ces provinces corres-
pondaient à peu près aux satrapies dont Hérodote
t't l'Inscription de Béhistoun nous ont laissé la liste.
Pline nous dit que, de son temps, il y avait dix-huit
de ces provinces que les Parthes appelaient royaumes
[j^egna); c'étaient, en effet, de vrais souverainetés
et non des satrapies. Bien que Josèphe se serve en-
core du mot satrapes pour désigner les che& de ces
états , nous savons par les monnaies qu*ils avaient le
titre de malkâ emprunté à l'araméen XdVd; le fait est
bien certain et, par suite, on peut croire que le
nom officiel employé pour désigner l'État tributaire
était également l'araméen ms^D , malkout « royaume ».
Les Arabes leur ont donné plus tard le nom de
v^I^, iaoaâif (plur. de iUjlb, tâifàh «tribu, na-
tion ») et ont désigné les souverains de ces petits
états sous le nom de molouk et-taouâif, sjtf}^\ «flJU
LA NUMISMATIQUE AHAMÉENNK. 379
[niolouki-iaoaâïfy suivant la prononciation j3ersane
v^y^ J^Jl«), appellation que Ton traduit générale-
ment par « chefs des satrapies » ou mieux « rois des
provinces » , et qui leur est restée chez tous les his-
toriens orientaux ^ Lorsque Ardéchir I" Babekàn,
qui n'était lui-même qu'un de ces mobak, aihsi que
le remarque Aboulfeda^, fonda la dynastie des Sas-
sànides, il attaqua successivement et vainquit tous
ces princes , au nombre de quatre-vingt-dix , d'après
Hamza d'Ispahan , pour annexer ensuite leurs états.
Lliistorien arabe Tabari nous a conservé le détail
de ces conquêtes successives, les noms des pro-
'nnces et de leurs chefs. C'est ainsi qu Ardéchir s'em-
para du Khorassàn , du Kirmân , du Seïstân , de Kha-
rizm, de l'Iraq a'rabi, de la Perse, de l'Aderbaïdjân
et de l'Arménie. Dans chacun de ces royaumes il
y avait des dynasties qui régnaient depuis plusieurs
siècles et qui disparurent toutes en quelques an-
nées (228 à 228) au profit de l'unité nationale.
C'est seulement après avoir vaincu et tué Ardevân
le Pehlvi, c'est-à-dire Artaban V, le dernier prince
de la famille arsacîde, qu'Ardéchir prit le titre de
ShâhânsJiâh « roi des rois » , traduction du titre de
^ Les historiens arabes et persans, qui ne {.arieut jamais quavec
dédain et en quelques lignes du long règne des Arsacides ou Asck-
hwiîehs, leur donnent quelquefois aussi, mais a tort, le nom de
moloaJt ettaouàïf. Aboulfeda appelle Ardavanides les derniers rois
Jparlbes. Dans un manuscrit de JVIirkbond cité par Biau {ZDMG,
1864, p. 681), on trouve le mot ^^LàLi^U, pâdlshàliân employé au
lieu de moloak-i-faouâif.
* Historia anteisîamica , édil. Fleisc^er, i83i, p. 82.
2 5
380 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
^a(TiXevs ^acTikéw qu'Artaban avait lui-même sur ses
monnaies.
Cette appellation, comme on le voit, n était pas
seulement emphatique et dans le style des titula-
tures orientales, elle répondait à un véritable état
de choses. Déjà Darius P^ quand il prenait le titre
de « Khsâyathiya Khsâyathiyânâm , Khsâyathiya Pâr-
çaiy, Khsâyathiya dahyunâm. Roi des rois, roi de
Perse , roi des Provinces » , entendait sans doute par
ce titre de « roi des rois » , non pas seidement ex-
primer ridée de souverain par excellence , ansdogue
au sar sari, sara rabu des inscriptions assyriennes,
mais aussi déclarer qu'il était le chef suprême de
tous les petits princes qui commandaient aux di-
verses provinces (en perse dahyâva; en assyrien, mû-
tâtî «les pays») du vaste empire akhéménide. Ces
provinces payaient un tribut [hâdji; assyrien, niaw-
datta) au grand roi; Hérodote nous a conservé le
montant des sommes ou objets en nature qui étaient
perçus chaque année par le trésor des rois de Perse.
Lorsque les Arsacides s'emparèrent du pouvoir, ils
reprirent le protocole des rois akhéménides. Le titre
de ^aaiXeùs (xéyas, qui apparaît pour la première
fois sur les monnaies de Tiridate I*' (248-220 av.
J.-C), el celui de BaonXeuj ^acrikécav sur les monnaies
de Mithridate 1" le Grand ( 1 yS-i 36 avant J.-C), ne
sont pas autre chose que la traduction grecque des
mots perses khsâyathiya vazarka « roi grand » , et
khsâyathiya khsâyathiyânâm des inscriptions de Béhis-
toun et de Persépolis. Lorsque Mithridate, qui fut
LA NUMISMATIQUE ARAMÉENNE. 381
le vrai fondateur et organisateur de Tempire parthe ,
eut enlevé aux Séleucides toutes les satrapies situées
entre TEuphrate et Tlndus , et réuni sous un même
sceptre la suzeraineté de tous ces gouvernements
indépendants, il fut le vrai «roi des rois des pro-
vinces » , c'est-à-dire le haGrtXsus ^cunXétav, L'expres-
sion correspondante dans la langue nationale des
Parthes est celle de malkân malkâ, îO^D ^ndSd, em-
pruntée à Taraméen , mais revêtue d une forme gram-
maticale perse calquée sur le shâhân shah (»U ^l^U).
Sur les monnaies à légendes araméennes des Ar-
sacides on n a pas encore rencontré cette épithète de
malkân malkây car elle n'appartenait qu'au grand
roi , et ne pouvait être usurpée par les simples malkâ
ou dynastes des provinces tributaires ; mais elle n'en
était pas moins usitée à la cour de Ctésiphon et
d'Ecbatane. Quoique écrite en langue araméenne,
cette appellation était prononcée en langue perse
shâhânshâh et employée dans le langage officiel pour
désigner le grand roi; nous en avons une preuve
certaine pour les monnaies des rois indo-scythes
Tourouchka qui ont régné dans l'Inde au i*"" siècle
de notre ère, et dont la litulature , empruntée à l'Iran ,
est shahananoshâh sur les monnaies , maharaja rajati-
raja « grand roi , roi des rois » , dans les inscriptions
monumentales ^
Lors donc qu Ardéchir prit d'Artaban le titre de
shâhânshâh pour consacrer et légitimer ses con-
' Revue munismatiqne , 1888, p. 200 et suiv.
382 AVRIL-MAI-JUIN 1880.
quêtes , ce ne fut pas , comme on pourrait le croire ,
d'après l'expression de Tabari :
^ ftUjUbL;: j^:>)\ ^ p>a!I dUs i ^
une sorte de titre créé pour lui, mais c'était en réa-
lité le protocole adopté par les rois de Perse depuis
huit siècles. Cette épithète se trouve sur les monnaies
d'Ardéchir sous la forme )foJM» ai^)<^ Y*t^'» malkân
malkâ Airdn^, accompagnée d'une qualification nou-
velle Y»^S^ ^ VNgJP-^, minn chelri men ieziân,
inconnue aux Arsacides et aux Akhéménides et em-
pruntée peut-être à Fin de ^.
La correspondance, au point de vue Instorique,
et je dirais presque po/iri^ae, entre malkân malkâ et
BaatXevs fiaortXéojv est établie d'une manière indu-
^ Tabari, texte arabe, p. -^M, t. II, i" série des Ânnaies. Le sens
est «et da'^s ce jour Ârdéchir fut appdé ShÀbânshâh ». Maçoudi
dit de même , copiant sans doate Tabari : (^^LaU; «^JLf j*^l lôuà ^
J^t JJUyà^ sLâ «Ardéchir prit alors le titre de Shâhftnshâh,
c'est-à-dire roi des rois». Trad. Barbier de Meynard, t. II, p. i6i.
V. aussi le Modjmel et-taonârikk (Jovrn. a«<at.« mars i83g,p. 275).
Aucun des auteurs orientaux n'a constaté que ce titre fut défà
porté par les Arsacides,
* Sur les premières monnaies, celles qu'il fit frapper avant la
défaite d'Artaban, Ardéchir n*a que le titre de nudkd: cest seule-
ment sur les monnaies de la deuxième période que Ton trouve
répithète plus complète de malkân malkâ.
^ C'est là du moins une idée fort ingénieuse qui a été émise par
M. J. Darmesteter (Journ. asial., août 1887, p. 68). Minu chetri
men iezdân signifie « céleste semence venant des dieux ». Sur lea for-
mules latines et grecques correspondantes, v. Ed. Thomas, Sas-
sanian Inscriptions, 1868, p. 33, et E. Drouin, dans Revue archéoL ,
i885, I, p. ai3.
LA NUMISMATIQUE ARAMÉENNE. 383
bitable par rinscription trilingue du même roi
trouvé^ à Nakch-i-Roustam , qui nous donne dans
la partie grecque la formule BACIA6C0C BACIA6C0N
APIANWN, plus complète encore sous Sapor I*' qui
ajoute les mots KAI ANAPIANGJN «roi des rois de
rirân et de TAnirân » , c'est-à-dire des pays iraniens
et non iraniens (sémites, susiens, sogdiens, etc.),
en pehlvi v Anirân^. Il y a lieu de remarquer
toutefois que, à partir d'Ardéchir, il ny a plu de
satrapies ni de provinces, que, par conséquent,
lappellation de « roi des rois », malik el moloaky sui-
vant l'expression de Maçoudi, n'a plus le même sens
que sous les Arsacides; mais en elle même cette
expression flattait l'amour-propre et lorgueil de
celui qui se disait le successeur de Dârâ, c est-à-dire
des Akhéiiiénides.
C'est dans le même ordre d'idées que l'épithète
de « roi des rois » a été empruntée aux Arsacides
par qudiques-uns des souverains de la dynastie
grecque qui a régné en Bactriane et dans les vsdlées
du Kophès et de llndus. Les premiers rois fonda-
teurs de cette dynastie, Diodore, Euthydème, Eu-
cratidès, ont simplement le titre de «roi». Plus
tard, Eucratidès (qui a régné de 190 à 1 55 avant
J.-C.), après ses conquêtes dans l'Inde, prend le
titre de « grand roi », ^atxriXeis (xéyas, qui se trouvait
sur les monnaies des rois parthes antérieurs à lui ,
Tiridate I*, Artaban , Phriapate et Phraate P', et sur
' Ces deux mots ne se trouvent pas sur les monnaies de Sapor I*',
mais seidement à partir de Hormisdas l", son successeur.
384 ÂVRIL-MÂI-JUIN 1889.
les premières monnaies de Mithridate le Grand, son
contemporain. On ne rencontre pas, d'un autre côté,
sur les monnaies d'Eucratidès , le titre de ha<TtXgég
(iaari'kécûv qui fut créé seulement par Mithridate,
vraisemblablement après Tan i55, date de la mort
d'Eucratidès. Ceci prouve bien , soit dit en passant,
que lappellation de Boo-iXeti^ ^atriXéfûv est d^origine
arsacide et non d origine bactrienne ou indienne, et
que les expressions bactriennes maharaja , rajadiraja,
ne sont pas indigènes, mais seulement des traduc-
tions de la formule grecque. Il était intéressant, je
crois, de constater ici, à propos de la numisma-
tique araméenne , que c est aux Iraniens , et en par-
ticulier aux Arsacides , que remontent ces deux titres
de souveraineté encore usités dans Tlnde depuis dix-
huit siècles^.
Pendant la période arsacide, les rois des pro-
vinces ont émis des monnaies, dont un fort petit
nombre malheureusement est parvenu jusqu'à nous :
c'est le sort du monnayage de bronze. Toutes ces
pièces, à légendes araméennes, portent générale-
^ C'est Démétrius , fils et successeur J'Euthydème , qui , tout en
n ayant que le titre de roi, hamXe^s^ sur la légende grecque de ses
monnaies , a le premier inscrit le titre de maharaja « grand roi • sur la
légende indienne. Son règne est placé vers 1 80 avant J.-G. Il n*existe
pas de monnaies indiennes ayant une date certaine antérieure à
cette époque. Auparavant, celte appellation n était probablement
pas connue, puisque Piyadasi ou Açoka, qui a régné dans le nord-
ouest de rinde de a64 à 223, ne prend dans ses Édits célèbres
que répithète de «cher aux Dévas» devânanipiye , et le titre de rùja
«roi». £n ce qui concerne Mithridate, je ferai observer que ses pre-
mières monnaies portent simplement le titre de jSaaiAfdf (téya$.
LA NUMISMATIQUE ARAMÉËNNË. 385
ment deux e£Bgies : celle du souverain local avec un
simple diadème , et le buste du roi des rois avec la
tiare arsacide. Cette distinction avait une grande
importance, le souverain avait seul la prérogative
de porter la tiare droite ; lui seul aussi pouvait s'as-
seoir sur le fameux trône d'or dont il est souvent
question dans les auteurs anciens et orientaux. Les
rois des provinces ont une coiflFure plus simple ou
même seulement un diadème. Sur les monnaies
dites persépolitaines , parce qu'elles ont été trouvées
dans la Perside et qu'elles émanent très probable-
ment, au moins pour la plupart, des anciens sou-
verains de cette province pendant les deux premiers
siècles avant l'ère chrétienne , on rencontre presque
toujours deux têtes avec les marques distinctives
que je viens de signaler; le buste du suzerain est du
côté du relief, la tête du prince local est dans le
creax ou revers. Souvent le portrait du dynaste tri-
butaire manque au revers , il est alors remplacé par
le pyrée assisté d'un mobed. Le côté qui représente le
suzerain est généralement anépigraphe ; en tout cas ,
quand il y a une légende, elle ne contient pas le
nom de ce suzerain. Sa tête suffisait pour consacrer
et conserver le droit de haute souveraineté et pour
rappeler que le prince qui avait émis la monnaie
n'était qu'un inférieur et un vassal.
Outre les pièces frappées par les rois des pro-
vinces et dont le nombre est jusqu'ici très restreint,
il faut citer les beaux tétmdrachmes publiés pour la
première fois par M. de Luynes, en 1 846 , et étudiés
386 AVKIL-MAl-JUIN 1889.
depuis par Lévy, Thomas, Mordtmann et Blau. Ces
pièces, remarquables par la finesse de la gravure,
ont, d'un côté, une tête couverte du bonnet de sa-
trape et de mobed, et, au revers, un temple du feu
à colonnes, d'où s'échappent des flammes entourant
le buste d'Ahura Mazda. Les légendes sont en écri-
ture araméenne de la belle époque, qui laissent sup-
poser que ces pièces , émises par des princes ou par
une caste sacerdotale, appartiendraient aux ni" et
n* siècles avant J.-C. ^ Mais ce monnayage forme une
catégorie à part, car Técriture des monnaies des
Moloak et'taoaâif est moins fine et dénote une époque
postérieure; sur la fin des Arsacides , les monnaies à
légendes araméennes des derniers rois ont une écri-
ture encore plus grossière.
La terminologie araméenne est très restreinte sur
ces monnaies et on ne rencontre pas toutes les lettres
de Talphabet : sauf quelques mots sémitiques comme
malkây bar, zi, le reste des légendes, qui comprend
surtout les noms propres, est iranien. Il s*ensuit que
certains caractères, comme le aîn, le qof, le tsade,
le samech ne sont jamais employés; doù aussi la con-
fusion, qui est plus tard caractéristique du pehivi,
entre Ycdn et Yaleph, le thet et le tett, le scunech et le
schin, etc.
Une remarque générale que Ton peut faire sur
l'alphabet des monnaies araméennes , c'est la persis-
^ On a attribué jusqaicices monnaies à la Persideou à rÉlymée.
Je crois qu elles proviennent plutôt de TAtropatène. ( V. F. Lenor-
mant, Les origines de F Histoire, II, p. 59 3.)
LA NUMISMATIQUE ARAMÉENNE. 387
tance du type pur de Talphabet archaïque dans les
contrées où il a été importé, alors que, tout au
contraire, ce même alphabet a subi des variations
et des déformations considérables dans les pays qui
formaient en quelque sorte sa patrie , c est-à-dire la
Mésopotamie. Je citerai un seul exemple de cette
uniformité relative entre les diverses écritures ara-
mëennes usitées dans les contrées Iranseuphm-
tésiennes. Il est fourni par Tinscription des briques
de Tello rapportées de la basse Ghaldée par M. de
Sarzec, et sur lesquelles M. de Vogué a lu le nom
propre HadadnadincJihL Les caractères sont à très
peu près les mêmes que ceux des inscriptions ara-
méennes des briques de Ninive et du lion d'Abydos,
c est à-dire des viif et vu* siècle avant J.-C, et en
même temps ils ont la plus grande analogie avec -
les caractères des monnaies persépolitaines, qui sont
des u* et i"" siècles avant notre ère. Il n'est pas impos-
sible que les briques de la basse Ghaldée soient à
peu près contemporaines de ces monnaies, bien qu il
soit difficile de déterminer Tépoque exacte de ces
briques rien quà la forme des caractères. Quant à
Hadadnadinakhi, je ne crois pas que ce soit un roi
et encore moins qu il ait fait partie de la dynastie
des monarques de la Characène.
Ainsi donc, aux environs de l'ère chrétienne,
l'écriture usitée de l'autre côté du Tigre était à
peu près la même que celle en usage huit siècles
auparavant. Le maintien du type primitif dans les
pays iraniens n a cependant pas empêché la variété
388 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
graphique résultant de la force même des choses,
autrement dit la différence d'écriture propre à cha-
que contrée et à chaque individu. Cest ainsi, par
exemple, que sur les monnaies dun même sou-
verain on trouvera les différentes lettres du mot
malkâ écrites avec toutes les variétés possibles. Le
mim et Yaleph notamment ont sur des monnaies
contemporaines , peut-être même frappées la même
année, mais sortant d'ateliers distincts, toutes les
formes successives qu'ont ces deux lettres dans lal-
phabet araméei\ depuis la période babylonienne
jusqu'à l'époque sassanide. Malgré ces diversités ap-
parentes, on retrouve, je le répète, pendant une
période de mille ans, et pour chaque caractère, le
souvenir du type originaire ayant sa physionomie
à part et très distinct des alphabets araméens de la
Mésopotamie. Mais à partir du m* siècle ce même
alphabet monétaire se différencie tout à coup et
devient l'écriture pehlvie des Sassanides.
Sous les premiers monarques , comme Ardéchir,
Sapor, Bahram, cette écriture présente encore
l'aspect araméen, puis elle se transforme et elle
adopte ces formes particulières et élégantes que
nous ont conservées les inscriptions monumentales
et que peut seule permettre l'écriture cursive et liée.
L'usage des ligatures se généralise ensuite de plus
en plus; les lettres, dépourvues de points diacri-
tiques, se confondent dans des groupes compliqués
et la lecture des textes devient difficile , même pour
les indigènes. Sur quelques intailles de la fin des Sas-
"V
LA NUMISMATIQUE ARAMÉENNE. 389
sanides on trouve des légendes écrites dans ce même
caractère cursif qui peu à peu remplace l'ancien
alphabet pehlvi.
En même temps que s'opère cette transformation
de Talphabet araméen sous les Sassanides, pour la
langue perse, l'ancienne écriture carrée se maintient
dans les mêmes contrées pour lusage de la langue
araméenne qui était encore parlée par un grand
nombre de populations soumises à la domination
sassanide et dont nous avons des spécimens dans
l'inscription bilingue (pehlvi et araméen) de Hâdjî-
âbâd et dans les courtes inscriptions trilingues de
Nakch-i-Roustam et de Nakch-i-Radjeb. Ces der-
nières, rédigées dans les trois langues (grec, iranien
et sémitique) , correspondent aux inscriptions akhé-
ménides des trois colonnes, sauf que lesusien (texte
du second groupe) est remplacé par le grec qui avait
alors, comme on le sait, une importance capitale
dans toute l'Asie. Depuis Alexandre et les Séleu-
cides, il était resté la langue diplomatique de
rOrient, et c'est au moyen du grec que les rois
parthes d'abord, puis les rois sassanides, corres-
pondaient avec les empereurs romains et byzantins.
En dehors des monnaies, nous n'avons aucun
monument lapidaire important de l'écriture ara-
méenne pour l'époque arsacide. Il existe bien quel-
ques inscriptions que l'on a relevées , comme celles
de Teng-i-Saoulek , près Bahbehan , dans l'ancienne
Élymée; Teng-i-Botân « la gorge des idoles », oii se
trouvent douze statues sculptées sur des rochers
390 AVHIL-MAI-JUIN 1880.
inaccessibles dans la plaine de Schembâr en Susiane,
et rinscriplîon do Sî?rpoiil-Zohâb, près Bagdad;
mais il est difficile de dire si elles appartienneht à
la période pnrthe ou si elles sont du commence-
ment de ia dynastie des Sassanides. Ces textes sont,
il est vrai, tîourts et on mauvais état; pour les étu-
dier, il faudrait posséder de nouvelles copies ou des
estampages faits avec soin , si tant est que les origi-
naux subsistent encore depuis i84o et i842, date
des voyages de Layard , de Bode , d*Engène Bore et
de Flandin. Cependant, autant qu'on peut en juger
par les dessins de ces explorateurs , on s'aperçoit que
les caractères sont incontestablement de larâméen
ayant beaucoup d'analogie avec ic châldéo-pehlvi
d'Hâdjî âbâd, mais avec un mélange de formes très
diverses : on y reconnaît des caractères phétiico-
araméens très anciens à côté d'autres beaucoup plus
modernes. L'écriture, en tout cas, e.^t différente de
celle des monnaies contemporaines. 11 y avait donc
en Susiaue, en Perse et dans l'Adiabènc, et proba-
blement dans bien d'autres provinces encore, pen-
dant les deux premiers siècles de notre ère, un
alphabet aiaméen monumental distinct de Tara-
méen des monnaies, distinct aussi du caractère
chaldéo-pehlvi.
Je signalerai encore une quatrième variété d^l-
phabet que l'on rencontre sur un certain nombre
d'intailles sassanides qui , par leur travail et la ru-
desse des formfes, la physionomie des personnages,
doivent appartenir à une î^orte d'époque interrri'é-
LA NUMISMATIQUE ARAMÉENNE. 391
diaire ou de transition entre les dernières années
des Arsacides et le commencement des Sassanides.
Les légendes de ces intailles sont écrites dans un
caractère qui n'est pas encore du vrai pehlvi et qui
n'est plus de Taraméen , aussi leur lecture présente-
t-oUe d'assez grandes difficultés. Il s'ensuit que les
essais de déchiffrement tentés jusqu'à ce jour n'of-
frent pas toutes les garanties de certitude. L'épigra-
phie araméenne de la fin des Arsacides est donc au-
jourd'hui encore peu avancée à cause de la rai'eté des
documents et de leur mauvais état de conservation.
Si le vaillant explorateur de la Perse et de la 8u-
siane, M. Dieulafoy, devait retourner dans ces con-
trées, il rendrait service h nos études en nous rap-
portant des estampages et des photographies exactes
de ces quelques inscriptions arsacides éparses sur le
sol de l'Iran. Le déchiffrement de ces textes, ainsi
que Tintelligence des intailles que j'ai signalées plus
haut , étendraient sans doute de beaucoup nos con-
naisstih'ces encore si imparfaites sur l'Asie antérieure
pour les trois premiers siècles de notre ère.
Mais je reviens à la numismatique araméenne:
on ne saurait trop appeler l'attention des archéo-
logues et des épigraphistes sur ces petits monuments
quelquefois trop dédaignés , les intailles et les mon-
naies, dont l'élude a cependant été souvent féconde
en résultats importants pour l'histoire. L'époque
arsacide notamment, qui est la moins connue,
devrait faire l'objet des recherches des collection-
neurs et des érudits. En rassemblant le plus grand
\
392 AVKIL-MAF-JUIN 1889.
nombre possible de monnaies éparses dans les mu-
sées (IKurope el les collections privées, on pourrai!;
constituer une sorte de Corpus des légendes ara-
méennes de cette époque, ce qui permettrait un
travail d'ensemble aujourd'hui encore impossible.
En regard de cette uniformité de type que pré-
sentent les divers pays sis au delà du Tigre, ii faut
placer les monnaies de la Mésopotamie qui o£Brent
au contraire des différences importantes entre elles.
Je veux parler du monnayage des rois nabatéens de
Pelra , ainsi que de celui des rois d'Edesse. En ce
qui concerne la Palmyrène, pays araméen par excel-
lence, nous ne possédons jusqu'ici aucune pièce à
légendes sémitiques. Il est extraordinaire que parmi
les nombreux monuments de toutes dimensions pro-
venant de cette contrée célèbre, et portant des
inscriptiorjs en palmyrénien, tels que : pierres,
stèles, sceaux, briques, tessères, il ne se trouve au-
cune monnaie avec des légendes en langue natio-
nale. On sait quelle était Timportance commerciale
de Palmyre. Nous avons des inscriptions dont la plus
ancienne remonte à l'an 9 avant J.-C. et dont lesautres
sont datées du i" et du n* siècle de notre ère, c'est-
à-dire la majeure partie avant la conquête romaine et
avant que la ville eût reçu d'Adrien le titre de colonie
avec le jus italicom. Il y a donc lieu d'être, étonné
que pendant cette période d'autonomie le sénat et le
peuple, si souvent cités dans les inscriptions, n'aient
pas fait frapper de la monnaie nationale avec des
légendes palmyréniennes,pour acquitter notamment
LA NUMISMATIQUE ARAMÉENNE. 393
ces fameux droits d'octroi prescrits par le tarif de
Tan i36 de J.-C. Aussi n*est-il pas impossible que
Ton trouve un jour quelques-unes de ces monnaies
nationales. Jusqu'ici les seules pièces que Ton con-
naisse de Palmyre sont toutes en cuivre et la plu-
part sans légende (je ne parle pas, bien entendu»
de ia série de Zénobie , Vabalathe et Athénodore) ;
j)Our le monnayage dor et d argent, c étaient la
drachme et le denier romains qui avaient cours
dans la Palmyrène avec Teffigie impériale.
Tout au contraire des Palmyréniens , les Naba^
téens ou Araméens de Petra ont eu une monnaie
nationale tant qu ils sont restés indépendants. Nous
connaissons aujourd'hui les noms des souverains qui
ont régné à Petra et à Bostra depuis Arétas I*' ou
Hartat, vers^iyo avant J.-C, jusqu'à Dabel ou
Rabel, vers l'an io5 de notre ère, et nous possé-
dons des monnaies de la plupart d'entre eux. Les
légendes sont en langue et en caractères araméens.
La plus ancienne monnaie est du règne de Malchus P"
{Malikoa), vers i45; nous avons là des caractères
du milieu du ii* siècle avant notre ère, différents,
quoique contemporains des plus anciennes inscrip-
tions nabatéennes. Les souverains portent le tilre
de melek nabatou; ce sont les seuls qui indiquent
leur nationalité, car, partout ailleurs, en Mésopo--
tamie, comme de l'aulre côté du Tigre, les monar-
ques se contentent de prendre sur leurs monnaies le
titre de malkâ (toujours à l'état emphatique), sans
ajouter le nom des pays gouvernés par eux. Les
Xllï. 2 0
luraïUF Itr XtTlOItLK.
rt.
304 AVKIL-MAI-JUIN 1889.
monnaies nabatéennes sont en outre particulière-
ment intéressantes en ce quelles sont datées non
pas, il est vrai, de Tère des Séleucides ou de toute
autre ère courante, mais des années du règne de
chaque roi. Il en est de même des inscriptions :
je citerai, comme exemple, une inscription décou-
verte à Madaïn Saleh (nord de VÂrabie), datée de
Tan lilx d'Arétas IV Philodème ; et une monnaie d*ar-
gent de ce roi, datée de la même année & 4, portant
Tedigie du monarque et celle de la reine Holdou, sa
femme. Ces deux documents, émanant du même
prince et portant la même date , sont cependant de
deux écritures notablement différentes. Lalphabet
nabatéen des inscriptions offre d'assez fortes va-
riantes parce qu'il appartient à plusieurs époques et
à plusieurs contrées fort distinctes , ^coname , par
exemple , la presqu'île du Sinaï et la ville de Pouz-
zoles en Italie. Le caractère des monnaies, au con-
traire, est plus uniforme, il se rapproche de l'al-
phabet palmyrcnien. Ainsi le nom de la reine Holdu
Q 7 /.H 6^t écrit sur les monnaies nabatéennescomme
il le serait en palmyrénien 'Lli/i- Toutes propor-
tions gardées , et sans tenir compte des déformations
qu'a subies l'écriture nabatéenne postérieure, on
peut dire que l'alphabet nabatéen archaïque et lal-
phabet palmyrénien paraissent dériver tous d^ua^
d'un faisceau commun. Et cependant il y a, entre
Petra et Palmyre, la Palestine qui a un alphabet
distinct et la région damascèneetsafaïtique, hfJHtée
par des Arabes originaires du Sud , ayant une écri-
LA NUMISMATIQUE ARAMKENNE. 395
ture toute différente de provenance sabéo-éthio-
pienne. Sans vouloir toucher à la qiiestion ethno-
graphique des diverses populations qui ont habité
ridumée, la Palestine et la Syrie, question sur
kqoeUe on est encore divisé, on ne peut toutefois
n^liger, comme élément de solution, ce fait parti-
culier, que les Nabatéens (que les savants considèrent,
les uns comme des Araméens , les autres comme des
Arabes) ont précisément choisi un alphabet araméen ,
alors qu ils auraient pu prendre soit l'écriture de la
Psdestine, soit celle du Safa, si tant est que les
Safaïtiques ne soient pas postérieurs. Cette commu-
nauté d'écriture entre Petra et Palmyre ne peut sans
doute s expliquer que par la communauté d'origine
et par des relations commerciales suivies.
A Edesse , nous trouvons un alphabet tout diffé-
rent qui se rattache à ce que Ton appelle l'écriture
syriaque. En dehors de quelques rares inscriptions
qui sont du ni* ou du iv* siècle de notre ère, on
possède des monnaies portant les noms de Val et
Ma'nû. Le roi Vâl (ou Vaïl, d'après les transcriptions
grecque OideXos et arabe j5î^) est contemporain de
Vologèse in , dont le portrait coiffé de la tiare arsa-
cide se voit au revers (i63-i65 de J.-C). Le nom
de Ma'nû a été porté par plusieurs rois d'Édesse,
mais le prince dont on a des monnaies araméennes
doit être antérieur à la domination romaine ^ Par
^ VaH et Ma*nû sont les seuls noms de rois que Ton trouve en
ctradèref araméens d'Édesse. Il existe d'autres monnaies portant
les noms de Mannos et d'Âbgaros , mais elles sont toutes en grec.
'2
6.
39r) AVKIL-MAI-JUIN 1889. .
conséqnoiil, Técriture édessienne ne remonte pas
jusqirà présent au delà du ii* siècle de notre ère.
Les légendes sont très courtes, mais elles suffisent
pour permettre de classer les caractères dans la
même catégorie que Testranghelo. La légende Manu
malkâ , par exemple , telle qu'elle est écrite en carac-
tères édessiens, ressemble beaucoup à Testranghelo
^^V*T^ /vvvT^^ C'est le même système d'écriture
que l'inscription syriaque de la reine inconnue dont.
le sarcophage a été trouvé, en i863, par M. de
S.Tulcy à Jérusalem et qui est actuellement au
Musée du Louvre. Bien que le nom de cette reine
soit encore incertain (ps ou ms), il n'est pas dou-
teux que l'inscription bilingue, en hébreu et en sy-
riaque, qui orne ce monument, soit antérieure h
l'an 72, date de la destruction de Jérusalem par
Titus. On aurait ainsi le plus ancien spécimen .ide
l'écriture araméenne, d'où sont sortis Tédessien. et
l'estranghelo ; il serait antérieur d'environ un siècle
à l'écriture des monnaies d'Edesse. F. Lenormant ,
qui fait venir l'estranghelo de ce qu'il appelle Mara-
méen tertiaire ou palmyrénien, pense que l'écriture
d'Edesse représente la période de transition entre cet
araméen tertiaire et l'estranghelo , et que ce dernier
a commencé à prendre naissance en Mésopotamie,
dans la région autour d'Edesse, vers le temps d'Au-
guste. Lenormant fait ici une confusion entre i'effv
Iranghelo et ce qu'il appelle Yédessien de transition :
^ Sauf le ouuou qui , en écJessien , a la forme de la même lettre
e» palmyrénien.
LA NUMISMATIQUE ARAMÉENNE. 397
il est probable, en effet, que dès l'époque d'Au-
guste, il y avait déjà en Syrie un système d'écriture
dont nous avons, en fait, des représentants dans l'in-
scription de la reine Saddan, d'une part, et, d'autre
part, dans les légendes des monnaies d'Kdesse (i*' et
II* siècles après J.-C); mais quant à l'estranghelo
lui-même, tel que nous le connaissons par ses
inscriptions et ses manuscrits, il ne s'est développé
qu un peu plus tard , à partir du m' siècle , après la
propagation du christianisme en Mésopotamie par
les missionnaires d'Edessc, et alors que le syriaque
était devenu la langue liturgique '.
11 est, du reste, fort difficile d'assigner des dates
exactes à la formation de ces divers alphabets de la
Syrie et de la Mésopotamie , car les documents nous
manquent. Ce que l'on peut constater dès à présent,
c'est que l'écriture du tombeau de la reine Saddan
et celle des monnaies d'Kdesse nous représentent,
je le répète, un alphabet très caractéristique et dis-
tinct du nabatéen et du palmyrénien.
C*est à ce groupe d'écriture araméenne qu appar-
^ M. Rubeas Duval me rappelle que M. Poguon a communiqué
il y a quelques années à la Société (voir Jonrn. aviaf., juin i$84^
p. 559) une inscription en écriture cursive de Palmyré, dont lès
caractères ressemblaient beaucoup à ceux de Talphabet estranghela.
Je ne crois pas qu on puisse tirer grand'chose quant à présent de ce
texte qui n*a que deux lettres franchement édessiennes : Valeph «et 1^
mim . et qui est du reste trop récent ; par la direction de récriture
qui est verticale comme dans les inscriptions d'Edesse et de Zàbed
publiées par Sacbau, on serait, en effet, tenté de placera peu près
à la même époque (v* ou yi* siècle de notre ère) rinscriptip.n de
M. Pognon.
398 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
tiennent les différents alphabets en usage chez les
populations de Test et du sud de la Mésopotamie.
Le fait n'est pas douteux pour la Mésène et la Cha-
racène qui étaient situées dans la basse Ghaldée,
c'est-à-dire au berceau même de la famille ara-
méenne, entre le confluent du Tigre et de TEu-
phrate et le golfe Persique. Je rappelle que ces deux
provinces ont formé un petit royaume célèbre qui
est resté indépendant des Séleucideâ et des Arsa-
cides depuis Tan 129 avant notre ère, date de la
fondation de la ville de Charax par Hyspaosinès,
jusque vers 228 après J.-C. Les rois de la Chara-
cène ne nous ont laissé aucune inscription , mais ils
avaient émis des monnaies dont les légendes ont été
d'abord en grec, puis en caractères sémitiques; on
a ainsi deux séries différentes de monnayage qui
correspondent très probablement à deux étants poli-
tiques différents, suivant que ces souverains étaient
alliés des Romains ou dps Parthes, Les monnaies de
la dynastie grecque sont connues depuis les travaux
de MM. W. Waddington et de Longpérier, mais
celles de Tépoque araméenne ont été longtemps
inexpliquées. Un travail fait récemment ^ sur le dé-
chiffrement et le classement des pièces à légendes
sémitiques de la Gharacène permet aujourd'hui de
rattacher les caractères de ces légendes à la fkmilte
araméenne.
La plupart des lettres de lalphabet characénien
* Voit Revue namismatiqvie , année 1889.
V
LA NUMISMATIQUE ARAMÉENNE. 399
ressemblent, en efifet, à celles des monnaies d'Edesse
et des plus anciens monuments que nous avons en
estranghelo ; mais à côté de ces ressemblances il y a
des différences remarquables. Ainsi Yaleph ne rappelle
aucune des variétés que Ion trouve dans les nombreux
alphabets sémitiques , il a la forme ronde de Yaîn de
la stèle de Mésa et du punique , et la forme du ouaoa
estranghelo isolé. Le mot malkâ, par exemple, est
figuré ainsi a.âA:=n (qui se lirait malkoa en syriaque).
Le mim a les deux formes : médiale ou initiale (so)
et finale [yo) de 1 estranghelo. Le lamed est figuré
quelquefois comme un schin archaïque renversé M,
dans le mot malkâ des pièces de la série des Arta-
baze : a^Mco. Le resh, que Ton trouve dans les
noms propres Artabaze et Dalizare, a une forme
toute particulière que Ton chercherait vainement
dans toutes les écriture* sémitiques : il se compose
d une boucle et d'un Irait oblique. L ensemble rap-
pelle le qof estranghelo. Le taa enfin est nabatéen.
L alphabet mandéen, qui est usité aujourd'hui
chez les populations araméehnes de llraq a rabi et
de TAhvaz, semble être le représentant moderne de
l'écriture characénienne ; on y retrouve la plupart
des lettres caractéristiques comme ïaleph^ le thei,
le mim, le noan et le caf. Mais il faut remarquer
qu'il y a un écart de douze à treize siiècles entre les
monnaies de Gharacèrie et les plus anciens manu-
scrits mandéens. Pour combler cet intervalle, on ne
trouve guère que leis inscriptions sur lames de pLomb
découvertes à Abou-Chadr, près de Kourneli, et
400 ÂVRIL-MAI-3UIN 1889.
dont quelques-unes seulement ont été étudiées. Ces
inscriptions n'émanent pas des anciens rois de Gha*
racène, mais elles sont de l'époque chrétienne et
par conséquent du v* ou vi' siècle.
En somme, je crois que le characénien, Tédes-
sien et Taraméen du tombeau de Saddan ne sont pas
dérivés Tun de l'autre, mais proviennent tous les
trois d'un type plus ancien qui a dû se former en
Mésopotamie plusieurs siècles avant l'ère chrér
tienne et qui n'est lui-même qu'une déformation
du phénico-araméen transporté en Babylonie au
vni' siècle. La concordance qui existe entre ces
alphabets, pour un certain nombre de caractères,
s'explique ainsi, par cette communauté d'origine;
en même temps , on comprend que chaque écriture
ait pris chez chaque peuple différent une physio-
nomie propre. On a vu que les plus anciens docu-
ments en estranghelo ne remontent pas au delà du
m* ou du IV* siècle de notre ère , que l'inscription de la
reine Saddan est du commencement de l'ère chré-
tienne, el enfin que les monnaies de Ma'nû et de
Vaïl sont du milieu du ii* siècle. C'est aussi l'épo-
que à laquelle appartiennent les monnaies sémitiques
de la Characène, car elles ont été émises entre i5o
et 228 de J.-C, mais avec cette circonstance par-
ticulière que l'alphabet characénien, si incomplet
qu'il soit , nous offre encore bien plus de caractères
(environ dix-huit) que l'alphabet d'Edesse qui ne
nous en a conservé que huit ou dix. Ce petit nombre
de lettres, de part et d'autre, ne permet pas de faire
LA NUMISMATIQUE ARAMÉENNE. 401
des comparaisons sur une grande échelle, mais il
suffit cependant pour nous amener à conclure, par
la forme particulière quafFècle Valeph en characé-
nien , que cet alphabet ne vient pas de Testranghelo
ni de Tédessien, mais leur est seulement congénère.
402 AVRIL-MAI-JUIN 1689.
DOCUMENTS POUR LÉTUDE DU BERBÈRE.
CONTES DU SOUS
ET DE L'OASIS DE TAFILELT (MAROC),
TRADUITS ET COMMENTES
PAR M. DE ROGHEMONTEIX.
(suite.)
m
LE PRINCE MEURTRIER DE SON PÈRE.
1. IHa ian ogellïd, ia-was izidi dar-s ian ofruk'
zun aiur. Inker ig'er kullu^ imunejjimîn^; ailiig'
ad iuskand dar-s, inna-i-a'sen : «ian ofruk' izid*
dar-i ; zrat ma ra igi. » Ar-tmniden ailiig' ennan-as :
« afruk'-ad-enk ig'-injem ^ g'-izem or-tissa netta ira
ig es-sebab® n el-hal-ank "^ ; temmet*,iwala® tageldit.
1. ]1 y avait un grand roi. Un jour (la reine) mit au monde
un garçon beau comme la lune. Le roi rassembla ses astro-
logues : « Il m'est né un garçon , leur dit-il , examinez quelle
sera sa destinée. » Les astrologues tirèrent (Thoroscope) et
(prononcèrent l'arrêt suivant) : « L'enfant qui vient de naître,
s'il échappe à la dent d'un lion , causera la perte de son père ;
» M'y—' J^. - » ^.—' ^1;.- ' f?f-— •
' J^l^; on devrait avoir helak-ank « la perte de toi ». — • c»U . —
X
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDB DU BERBÈRE. 403
Netta iu-k-ad. » Inker ugellîd iftû s-el-k'ala ^^ aiilig'
elkem ian odrar, isker gis i^n wano g'eddu-wakal.
Iserf-ed s-ufruk' ad iat temg'rat g'a iossumum. Tawit-
id ar dar ogellîd, igguz ogellîd s-uwânu netta u]a
tamg'art tasï afnik' dis ; ( a )ksemn s-ian oh'anu ^^ d-wa-
mati gïs, ifl-a'sen ogellîd koUu ma ihetaj. leftû ogellîd
f-h'âlatu^^, ar ittigawar arkig' ikka aiur. Iftu sg'in
koll ^ aiur.
a . AiUig' ikka afrul^' asuggas d-uzgen , ian ongemar
ar-igommer g'èr^^ izem, ia-was inker iftù a-igommer
izem, ia'fen ian izem moqqom g'-el-k'ala ^*. Ittfur-t
a-t-ing'i; ik§em-as-d wano elleg' illa ofruk' d-et-
temg'art. la'fen izem tamg'art, issi-t, ofruk' ijrahrt^^;
ilhu^^ ofiruk' ar-ialla. Isfeld ongemar ofruk' ar-ialla
il tuera le roi et s'emparera du trône. Voilà le sort de ce
fils. « Le roi fut tout attristé par ces paroles. Il s*en alla dans
le désert jusqu'à une montagne dans les flancs de laquelle
il fit creuser un caveau, et envoya quérir le nouveau-né
avec une femme pour Tallaiter. Lui-même descendit avec eux
dans le caveau et les y abandonna avec de Teàu et tout ce qui
était nécessaire à la subsistance de la nourrice. Lorsque la
lune se fut renouvelée, il revint au caveau pour juger de
leur état, et ainsi chaque mois par la suite. Un an et demi se
passa.
a. Il advint alors qu'un chasseur de lions partit en chasse
dans le désert et y trouva un lion énorme. Le lion , pour^
ftuiyi, se réfugia dans le caveau où étaient le jeune prince et
sa nourrice. Il (bondit) sur la femme et se mit à la dévorer,
pendant que Tenfant meurtri poussait des cris perçants. Le
404 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
g'-wano elii iksein izem. Igguz ongemar s-wano
g'-el-h'în^''; iaTen izem, ieng'i-t , iafen tamg'art is$a-t
izem d-u(ruk' ittiagas fîggï n-teg'rut-ens. la'fen on-
gemar kîgan le-ksawi^*, kïgan l-a"weit'® neger udi
d-el-k'âles 2^ cl-el-k'elia"^^ la'si ongemar afruk^iawi-t
s-tigimmi-ns , aillig' iwerrid ia'sï kidlu ma^ ilian
g'-wano or, iTel iat gîs. Ilhu'^ ar-tidawa^* afruk', ail-
3 . Nmrid s-1-ak'bar ^* en baba-s ofruk'. Ogellïd îfta
s-wano, ia'fen or gîs g'èr^^ iksan n-temg'art tem-
mut * gis. Afruk' lah't^'^ or-illa. Ilhu ^^ ogellïd ar-ialla
f-iu-s; iorri s-il-medint^^, iggaur gîs g'-el-tegeldit.
4. Nurrid s-1-ak'bar^* n-ofruk'. Immoqom ar-it-
sudu bahra ^^ f-isan koll^ as ; iga argaz moqqorn , igsm
chasseur entendit ces cris ; il courut vers le caveau , y des-
cendit et se trouva en face du lion. Il le tua et vit alors les
restes de la nourrice et Fenfant blessé; dans la chambre
étaient entassés des vêtements, des provisions de toute na-
ture, beurre, fleur de farine, viandes séchées. Le chassear
prit Tenfant et Temmena chez lui ; puis il revînt enlever tout
ce qui garnissait le caveau. L*enfant fut bien soigné et guérit
de ses blessures.
3. Cependant le roi était allé faire sa visite ordinaire au
caveau; il n'y trouva plus que les ossements de la nourrice,
Tenfant avait disparu. Le roi pleura la perte de son fils: il
rentra dans sa capitale et continua à gouverner son royaume.
4- Mais revenons au jeune prince. 11 avait grandi; c*était
maintenant un jeune homme plein de vigueur, brave, cava^
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 405
essijia"^^ bahra^''. la-was inker ugellîd taa"sa-i-as2^
teqbilt ^, Ismun fell-as ogellid l-emhal ^^ iggutnin.
Inker ofnik' iu-s ogellïd iharka^^, netta g'el-mehalla^^
n-ugellîd. Iftû ogellïd aillig' igguz g'-et-tamazirt elli
i-as ia'^san^. Fnker ongemar ilkem iu-s g'-el-mahallt^^ ;
iggawr dar-s. Agellïd enker issudu ar-ittemag' d-ug'-
welli a"sanin^®. Inker ofruk' ailleg' izra agellïd issuda
ar-ittemag', issudu netta, iftu ilkem agellïd; ilhu ^®
ofruk' ar-ittemag' ar-inneqa irgazen. Imil tfaren-t
atteng'in midden elli a"sanin ^^ ogellïd. Imil ioska-d
a-iut ian, iut agellïd s-in-nessab^^, iksem d-umezzug'-
ens n-ugellid. Ider ugellîd. Asin-t imdukall-ens ,
iemz ofruk'. Inna-i-as iu-s : « mit a-tegït? » Inna-i-as
iu-s : « an ian ongemar. » Ig'r-as ; ellig' ad iuska ar
dar ogellïd, enna-i-as : « iu-k aiad?» Inna-i-as on-
gemar : alawah. ia sïdi, g'èr^^ ofig'-t g'ian wanu,
lier infatigable. Dans ces temps , une tribu s*étanl révoltée ,
le roi réunissait contre elle des troupes nombreuses. Le
prince voulut faire Ja campagne, et dès que le roi fut par-
venu dans le pays des révoltés , il se rendit au camp avec le
chasseur et y resta. Enfin le roi monta à cheval pour livrer
la bataille, et, le signal donné, le jeune homme sauta sur sa
monture et s'élança aux côtés du roi. 11 combattit avec ar-
deur et tua maint ennemi. Dans la mêlée , il se trouva serré
4e près par plusieurs cavaliers. Il lança son javelot contre
Tun d'eux. Le javelot manqua le but et s'enfonça dans
roreille du roi. — Le roi tomba. Les gens de la suite se sai-
sirent du meurtrier et l'amenèrent au roi. «Qui es-tu? dit
le monarque. — Je suis le fds du chasseur. » On fut quérir
le chasseur et on l'interrogea. Il raconta que ce n'était point
* «Jyzw avec le sens de *^y^ et v;'^^' — ^ v'^*
40G AVRIL-MAI-JUIiN 1889.
•
nekki ia-was gmareg' izem, imii izrî-i, iruel ikSem
s-ian wanu at-fareg'-t, afeg'-tin issa temg'art afruk'
ar-ialla; eng'eg' izem isig' afruk', afeg'-tin ittiagas
g'iggi teg'urut-ens. » Inna-i-as ogellîd a ia'sî figgi
tog'urut-ens. Izar-t ogellîd, ia'fen aual n-ongemar
isha^^, uala aual n-munejjimîn ^ elli i-as innan. Inker
ogellîd imun dïs isenn iss-iga iu-s, iawit iksem dar
immi-s, iggaur dïs. Agellîd iadun aiUig' immût^.
5 . Ënsarn ^^ medden iu-s n ugellîd netta aigan agel-
lîd g' el-moda"^* n-baba-s. Ifki i-ngomar kullu ma^^
ira g'-el-k'ater-ns ^"^ wala tamg'art-inî. Iggawer afruk',
iga agellîd oggar en-baba-s. Iga Ijid ^*, iga segie" ^.
b^ker iffareq^® el-mâl^® iggûten f-medden ferhan*^,
ser-s medden bahra^"' ^^Ug' iga Ijid^*, imma baba-s
or-iga Ijid^* iat.
son fils, et comment il Tavait trouvé dans le caveaa, blessé
aux épaules, entre les pattes d*un lion qui dévorait sa nour-
rice. Le roi fit découvrir les épaules du jeune homme et vit
les traces des anciennes blessures; il crut au récit du chas-
seur et se rappela en même temps la prédiction des astro-
logues. Alors il emmena avec lui celui qui était son fils et
le conduisit à sa mère.
5. Cependant la blessure faite par ce fils empirait; le
roi s* affaiblit et mourut, et le peuple proclama le jeune
homme à sa place. Le (nouveau souverain) combla le chas-
seur et sa femme de tous les biens qu*Us désirèrent. Il fat
plus grand que son père, parce quà la même bravoure il
joignit plus de générosité'.
Mot à mot : « n fat roi plus que son père, il était généreux, ii
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 407
6. Inker ismun 1-emhal ^^ iggutnin , iftu s-temazirt
eUi ia'^san^^ i-baba-s; immag' dïsen, issi-ten koUo-^
ten ; iengi' img'aren-isen ; iurrid fi h'âlatu ^^. — EUeg'
isella ian ogeUïd iadnin iss-immùt baba-s, ismun
1-emh'al^^ iggutnin, iuskad s-dar ofruk' ira iamz
l-emdint^^. Isella ofrok' ig'aian agellîd; enker inor-
zum Bèt-el-mal-ens^^, ilhu^^ ar-ismun 1-emhal ^^ ig^
gutnin. Ha ai agellîd ilkemd 1-emdint^® n-afruk' eUî
igan agellîd g' el-makan*^ en-baba-s. Inker ofruk',
iffug' ser-s, immag' igleb-t^^ ofruk' g' el-h'in*'',
iamez-t, ibbi ik'f-ens, iawi kollu-ma^^ ddar-s illan;
ifrah'a*^ ofruk' wala ma-ddis illan. Iggaur. Tekem-
mel^^
6. Il fit de grandes distributions au peuple qui lui mani-
festa sa joie. Ensuite il réunit une armée puissante et marcha
contre les tribus qui s'étaient mises en révolte (du temps)
de son père. Il les battit, mit le pays à sac, tua les chefs et
rentra au milieu des siens.
Un roi voisin, ayant appris la mort de son père , vint avec des
forces considérables attaquer sa capitale. Mais , à la première
nouvelle, le jeune souverain avait ouvert le trésor d*état et
recruté des troupes nombreuses. Quand l'ennemi approcha ,
il sortit à sa rencontre, le battit incontinent, le fit prison-
nier et lui coupa la tète. Il s'empara de tout ce qu'U avait
apporté avec lui. (Grande) fut la joie du vainqueur et de ses
sujets sur lesquels il continua à régner paisiblement*. (Fin.)
était brave. Il se mit à distribuer des richesses nombreuses au
peuple ; le peuple fut très joyeux de lui , parce qu il était généreux ;
mais son père n'était pas généreux du tout».
' Mot à mot : « Il demeura ».
408 AVRIUMAI-JUIN 1889.
IV
AVENTURES DE DEUX ENFANTS PERDUS DANS UNE FORET
PAR LEUR PÈRE.
Le-qist^ n ian urgaz i'tahaln^ d iat tem'gart'
iarôn did s sin tanva, ian ofrok' d iat tferok't'.
Ikén(n) z-zman ^ kra t'emmel'^ temg'art', g'aman
az d sin tarwa. Ikken mannïka i'tahaln^ d iat iâdni.
•
G'ailli i'gan tawuri-ns ar iftû kaigat as, igmorn ar n
itamz snat' tskorîn d kra n igdâd ; e'wurri n s te-
gemmî-ns , ifk tnin i temg'art' tsnû tnin , ar n ittasi
iat' t'skort' intan temg'art'-ennes , ar n iakka tisnat'
tskorîn é ufrok' d wuUma s. Kénen g'ailli dekkan
tsa'wul d sers t'emg'art', tnna i as : « a irgaz-înô ,
ka'igat as ar tTtût' t'keltén g' odrar ar tadgwat'
t'awit' ag' n snat' tskorîn ad d(i) kra n igdâd;
a. 1. On conte qu'un homme, s' étant marié, eut de sa
femme deux enfants, un garçon et une fille. Quelque temps
après, la femme mourut lui laissant ses deux orphelins. Lui
attendit un peu et se remaria.
Or cet homme avait coutume d'aller chaque jour à la
chasse. Quand il avait pris deux perdrix et quelques oiseaux,
il rentrait au logis et donnait le gihier à sa (seconde) fenune
qui le faisait cuire: il y avait une perdrix pour lui et la
femme; l'autre était pour le petit garçon et sa sœur.
2. Les choses allaient ainsi, lorsqu (un jour) la marâtre
dit (à son mari) : « Mon homme, tous les jours tu vas courir
la montagne jusqu'au soir, et tu ne rapportes que deux per-
i ~
i^^oiJl. — ^ JiiàG. — ••» ^JUyi\. — 4 c:»L..
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 409
g'îlad drûsent' ikkùz midn, g'îlad ma tskert' i sin
tarw' aiad? Hatnin moqqorn, azn tnin s dar kra
iâdni manig'a t'k'dâmen ^ f îgùian sn , ig' ur trît'
{e)nekkén ad ftûg' s mani iâdni. » Isa'wul n sers
urgaz-ennes, inna i as: «aska (e)ra d asn siggileg'
manig'a t'k'dâmn ^. » Askalens iTtû ar isiggïl kullu
ma ila was, wur n iûfî ma iran sén iferk'an elli-ns.
Iwurri n, tnna i as : « g'îlad mr ra d asen tskert'? »
Inna i as : « wur t as sneg'. » Tnna i as temg'art' :
«awi tnin iaw was did k s tagant, tejlù tnin ar sig:
gîln , ar dromen ftùnen s kra en temazirt' iâdni. »
Inna i as urgaz-ennes : « aska (e)ra tnin awig' dïd i,
flek' tnin k' tagant. »
Han tafrok't' eHï imqorn f oTrok' ar tsflïd ma
drix et quelques oiseaux; c'est peu pour quatre estomacs'.
Que vas-tu faire maintenant de ces deux enfants ? Les voilà
grands; envoie-les donc quelque autre part où ils travaille-
ront à leur compte ^ Si tu n'y consens pas, quant à moi je
vais ailleurs. — Demain, lui répondit Thomme, je leur
chercherai du service. » Le lendemain , il passa la journée en
recherches; mais il ne trouva (personne) qui voulût de ses
enfants. « Que vas-tu faire ? lui dit sa femme à son retour.
— Je ne sais. — Eh bien! fit-elle, prends-les quelque jour
avec toi dans la forêt ; tu les y laisseras ; quand ils se seront
fatigués à te chercher, ils iront dans un autre pays. » Le
mari répondit : « Demain je les emmènerai et les perdrai
dans le bois. »
3. Or Ja fille, qui était l'aînée, entendit la conversation
" Mot à mot : « hommes ».
^ Mot à mot : «tète».
XIII. '!■]
I U > .-. t 11 » M •- X « 1 1 ^ > < L k
410 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
ilte'ni baba-s d inna-s. Tniker d tafrokV lii tasé n
iat terialt' g' ôfus-ennes , tnna d : « g'îiad eUig' babat-
neg' ira *g'n ijlu k' tagant', annasig' masa n tsdlamg' •
ag'àras. » Ar tasï kra en tallùzin'', d(i) kra en tini®,
d(i) kra en ez-zebîb®, d(i) kra en ilammen; tsmun
tnin, t'ege tnin k' tarialt'-ennes , t'gun. Âskalens,
ban babat-sn i'senker tn; sanin kra. Inna i asn:
«a tarwa-nô, ka'igat as t'ggawerm en k' ti'gemmî;
g'îlad ad did i t'mûnem s tagant', at tstaram ïmik
ka'igat as ar aun iskar n tag'ausa iTuikïn. » Innan as :
« Nera , a babat-neg' ! » Ënkern d , izwur asn babat-
sen, itabaa''^^ tén ofrok'; t'ggerûn tafrok't' ar ftûn
anskinnâ s aftûn , han tafrokV ar tasî ïmik s îmik n
g'aiHi t'gan k' tarialt', ar t' teluah' ^^ g' ag'àras îmik
de son père et de sa mère. Elle se leva et se passa au bras
un panier, disant : «Donc, puisque notre père veut nous
perdre dans le bois , j*emporterai de quoi marquer le che-
min. » Elle prit quelques amandes , des dattes , des raisins
secs , du son , et mit le tout ensemble dans le panier, puis se
coucha.
tx. Au matin, le pèreévelHa les enfants. On mangea, ^ors
il dit : c Mes enfants, vous restez toujours à la maison; venez
donc au hois avec moi ; un peu de promenade chaque jour,
cela vous fera du bien. » Ils répondirent : « Père, volontiers I »
On partit. En avant marchait le père, suivi du garçon; la
fille se tenait en arrière, et tant qu*ils cheminèrent, die
puisa dans le panier et en jeta au furet à mesure le contenu,
par petites poignées *, sur sa route.
' Mot à mot : • peu à peu ».
DOGUMEiNTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 411
s îmik , aillig' d lekemen tozzomt en tagant'. Inna i
asn babat-sn : « a tai wa-nô ggawurat' g'ïd ; hat'én
termim ar serï tt'qàlem ar d n wurrig' d k' tôgô-
mort', neftû n s t'egemmï. Amzat' hama tstâm, hama
tssâm ar d n aske'g' d. »
Iftùn wurgaz an ar i'gummar g'odrar g'ik lli iad
iHi iskâr ka'igat as, aiilig' d iumz g'aiHi d itamz g'
igdâd d snat' tskiirln. Ikkén ian ug'âras iâdnin;
iwurrî n s te'gemmï-ns.
Han iferk'an an ar t'qaln ar tuzzumt in was,
babat-sn wur n iwurrî s dar sen. Isa'wul n ofrok' an
mezzïn, inna d é wultma-s : « a wultma, ag' 1-uqt^^
ad babat'-neg' d ar itVlï k' te'gemmî ka'îgût as; ik'
trît' an neftû s te'gemmï. » Tnna i as tafrok't' : « ia
llah ^^ og'd. » Amznin ag'âras ar zïgizn. Tzwar n
tafrok't' ar temnad g'ailli tlôh'^^ n g' o'g'âras^ t'et'a-
5. Quand ils furent au milieu de la forêt, le père dit:
oMes enfants, restez ici; vous êtes fatigués. Attendez-moi
jusqu'à ce que je revienne de la chasse; nous rentrerons en-
semble à la maison. Tenez, voici de quoi manger et de quoi
boire jusqu'à mon retour.» Il s'éloigna et chassa dans la
montagne comme il avait accoutumé de faire ; il prit sa proie
ordinaire , des oiseaux, et deux perdrix ; ensuite , par un chemin
détourné, il regagna son logis.
6. Les enfants avaient attendu jusqu'à midi; le père ne
reparaissait point. Le petit garçon parla à sa sœur : t Ma
sœur, dit-il, c'est l'heure où tous les jours notre père est
(déjà) à la maison. Si tu veux, nous rentrerons aussi.—
Par Dieu , en route ! » reprit la fille. Ils se mirent en route ,
la fille en avant ; celle-ci cherchait des yeux ce qu'elle avait
27-
ï\2 AVHIL-MAI-JUIN 1880.
baa" ^® l'en , aillig' cl lekemen t'i'gemmî. Tnna îas
lafrok't' : « a gmo , kesm n s te'gemmî , t'ggawort n
g' ôseils an , nekkîn ad ggawerg' g' og'wan iâdni ; han
nezer ma itt'e'ni babat-neg' d innat-neg'. » Ggawem
ka'igat ian gîsen g' ian ôseds.
Han imensï inwâ; sers tén tanQg'art', bdû n tasî
d iat' tskort', t'efk tén i urgaz-nnes, tasï n tisnat'
tskorïn, t'ge t'en ag' le-guddàm ^''-enns , tnnad i
urgaz : « zer d g'ïla ka'igat ian gîg-neg' dar s ial'
tskort' ! » Isa'wul n urgaz , inna d : t han taisg'art'-
nnek, a ie'w-i! » Tsa'wul d temg'art', tnna d : « han
taisg'art'-nnek , a iUi! » Han iferk'an sellan asen;
enkern d ar tazzaln. Isa'wul d ofrok', inna i az d :
« ha-iin , a ba'ba ! » Ts'awul d tfrok't', tnna i az d :
«ha-iin, a inna! » Lekemen tnîd, ggawem. Âsén d
dag' iat' tskort' i sén iferk'an; bedôn tén netnîn
jeté sur le chemin et suivait la trace. Ils arrivèrent ainsi à la
maison. «Mon frère, dit alors la sœur, tiens-toi dans cette
mangeoire , et moi dans celle-ci ; nous verrons ce que diront
notre père et notre mère. » Ils se blottirent chacun dans sa
mangeoire.
7. Or le souper était cuit. La femme le servit; ensuite
elle commença par prendre une perdrix qu'elle donna à son
mari; pour Tautre, elle la plaça devant elle et dit : « Regarde,
maintenant chacun de nous a sa perdrix.» L'homme fit
«Voici ta part, mon garçon.» Et la femme: «Voici ta part,
ô ma fille.» Les enfants entendirent el s'en vinrent tout
courant : «Me voici, papa!» disait le garçon. «Me voici,
maman ! » disait la fille. Ils se pressèrent contre leurs parents;
ils prirent place et reçurent encore une perdrix à partager
DOCUMEiNTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 413
se'nit-sen; temg'art' d urgaz-enns bdùn tissnat'.
Sén(n) ïmensi. Han ifcrk'an ftan ka'igat ian manig'a
n igguan.
Tniker d temg'art', tebdûn ^^ ar tzï d urgaz , tnna
i as : « a wallï ifâaln ^^ isker d tskarkst! Han iferk'an
wur tnîn tejlit'; g'ïlad ellig' d wurrïn s te'gemmi,
nekkïn (e)ra d ftug' s manî iâdnin. » Isa'wul d wur-
gàz , inna i as : « aska , (e)ra tnîn awig' s manî iaggôgn ,
wvir(r) ad i'san ag'âras masa d twurrain s te'gemmî. »
Tafrok't' ar a'sen tsflîd ; tasé n dag' tarialt'-nns ar n
gis t'ggâ kra en tïnï * d kra en ez-zebîb ^ d ilâmn ;
tsmun d g'aiUi tûfâ t'egé t'ïn k' tarialt'-nns. Askalens
inker d babat-sen , inna i asen d : « a tarwa-nô , ia
liaht'^^, mûnat' did i dag' ad gomorg'. » Sa'wuln d
entre eux, pendant que Thomme et la femme se partageaient
la seconde. Après le souper, chacun des enfants s'en alla
dormir comme de coutume.
8. Alors la marâtre se leva et commença à quereller son
mari : a Ce sont là tes exploits, tes menteries! Tu n'as point
perdu les enfants; et moi, puisque les voilà revenus, je leur
cède la place'. — Demain , fit l'homme , je les conduirai bien
loin , de façon qu'ils ne connaissent plus aucun chemin qui
les mène chez nous. » La fille écoutait. Elle reprit son panier*';
die y mit encore dattes, raisins secs et son, tout ce qu'elle
trouva.
9. Le lendemain, le père appela: «Mes enfants, allons!
Saivez-moi encore à la chasse. — Volontiers, répondirent
w los. — '^ J^.
* Mot à mot : «je m*en vais ailleurs s.
* Mot à mot : « pour y mettre des dattes , etc. , elle réunit ce
qu'elle en trouva et le mit dans son panier».
414 AVHIL-MAI-JUIN JS80.
iferk'an, iiinan as : « (e)nrâ ad did k innmùn, ad
wur tskert' zund i'dgam. » Isa'vvul d ser sen , înna i
asn d : « tawolat ad \vur(r) akun feleg' zund rdgam. ■
Ftùn mun did s; izwar d wurgaz, l'etabaa" ^° t'illî s,
d ofrok' an i'gguran itabaa"^^ tn k' t'g'ordén. Ar
zigïzn, han tafrok't' ar dag' tluwah' ^^ (e)g'ailii t'ga n
k' tarialt'-nns, ar iTtQ ar n tluwah'^^ ïmik s îmik
gùma-s itabaa"^° t'en ar n ismûna g'ailli d tluwah'^^
wultma-s. Ar zigîzn aiUig' d lekemenîn tozzomt' n
udrar. Inna i asn d babat-sn : «a tarwa-nô, ggau-
ra'tn g'îd, ha't'én tormïm, g'îlad (e)ra d wurrig',
wur(r) an matleg'^''. wlftù n, igùmôr d aiilig' d iumz
dag' g'ailii bedda d itamz; iamz (o)n ag'âras iâdnin,
ewurri n s te'gemmï-ns, ia'f n temg'arl', inna i ar
d : « g'assâd tarwa-neg' \vur(r) ad roh'en ^^ s te'gemmï,
felek' tnin g' manî iaggôgn. » Tsawul d ser s tern-
ies enfants, nous vous suivrons; mais ne faites .pas comme
hier. — Cette fois, je ne vous abandonnerai pas comme
hier. » Ils partirent ensemble, le père en tête, puis la fille,
et le garçon par derrière. En marchant, la fiile jetait peu à
peu ce qu elle avait dans son panier, et sur ses pas le garçon
ramassait au fur et à mesure*. Quand ils furent en pleine
montagne, le père dit: «Mes enfants, restez ici, vous êtes
fatigués; je vais revenir et ne m'attarderai point.» 11 alla
chasser comme d'ordinaire, et, ayant fait sa provision, il
suivit un autre chemin et rentra chez lui. Il trouva sa femme
et lui dit: «Aujourd'hui, nos enfants ne reviendront pas ici,
je les ai laissés très loin. — Ce soir, reprit-elle, au moment
^' JJL« . Cf. JJoe , vulg. ég. « être en retard » ; Jb < différer on
payement»; jLb (Jjîb) «prolonger, s'attarder». — *• ^y
* Mot à mot : « ce que sa sœur jetait en marchant •.
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 415
g'art', tnna i as : « ar tadguat' 1-woqt' ^^ n i'mensî ,
ad zreg'. » Ke'nïn aiJlig' d inwa i'mensî, sersen t'
bedun t'in dag'; tasi n ial' tskort' t'efke t'in é urgaz-
enns, lasî n iat' tsers t'en le-guddâm ^^-ennes. Isa'wul
d wurgaz, inna i as : « ha taisg'art'-ennek, a îe'w-i! »
Ts^'wul d temg'arl', tnna d : « ha taisg'art'-ennek , a
illi. » EUig' sawu'ln se'nit-sen, wur asnin îwàjeb^®
ian. Han temg'arl' an tfrâh'^® n, tnna d é urgaz:
« Zr, g'ïlad ngâ d se'nit-neg', ainna iHan nebdû t'
se'nit-neg'. » Sîn n i'mensî-ennesen ; gun.
Han iferk'an ellî sénit-sen ggaworn g' odrar elii k'
tnin i'fl babat-sn. Ar iaf el-woqt' ^^ isa'wul d dag' ofrok',
inna i as: «a wuitma, ia liah^^ og'd s te'gemmï!
han babat-neg' isker d dag' zund i'dgam; el-woqt' ^^
ad illan k' te'gemmï. » Tnna i az d wultma-s : « kl ag'
d îmik. » Ki'nën krâ. Isa'wul d ofrok', inna i az d :
du souper, je verrai (bien). » lis attendirent. Quand le souper
fut cuit et mis sur la table , on partagea. La femme choisit
une perdrix et la donna à son mari ; elle plaça l*autre devant
elle. « Voîlà ta part , ô mon fds 1 » dît fhomme. « Voilà ta
part , ma fille , » ajouta ia femme. A fun comme à Tautre
personne ne répondît. Cette femme en fut toute joyeuse:
« Vois maintenant , dit-elle , que nous sommes tous deux , nous
avons deux parts pour chacun de nous. » Us mangèrent leur
souper et dormirent.
1 G. Cependant les enfants étaîent restés dans la montagne
ou leur père les avait quittés. A un moment, le garçon prit
ia parole et dit à sa sœur : « Allons , en route pour la maison I
le père nous a fait comme hier; voici l'instant où il est
rentré! — Attends un peu, » fit-elle. Après une pause, l'en-
416 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
« a wuitraa, askî d, an nés g'a^ d ufig' g' ôg'âras
ellig' d nuska. » Ar ittasî g' el-jib^'-nns kra en tini*
d kra n ez-zebîb ^ d kra n ei-iûz ^, ar tnin isrûs g'
ôkuba-ns. Han tafrok't' ellî tebdu ^^ n ar t'alla, t'egel-
lent'^izer tgôma-sart'alla, i'bdu''* n ar ialla.Tsa'wid
d wultma-s, tnna i az d : « a gmo, g'îlad aiag'n nejlâd
ag'âras en tc'gemmï; g'aiiii s tin aaliemeg'^, ha l'en
tsmunl'; zer d ado iad izri n , hat'in iûiei d kuUe-sït ^^
n ilamn elli n loh'eg' ^^ » Ar t'ellin g' udrar sénit-
sen , aillig' d ilkem d g' iéd wur ùf ïn a'gâras masa
n twurrain. Tsa'wul d tfrokV, tnna i az d: « a gmo,
g'uli ag'n s sejarl-^ an ag gïs nens ar aska. » Ug'lîn d
s sejart'^^ 'llï; gûnen gïs, aillig' d iikem d tozzomt'
en iéd, ar sflîdn iussan k' ka'igat' tasga.
Ifu n ez-zman^, enkem d iferk'an an ar l'ilîn g'îd
f'ant dit de nouveau : « Approche, ma sœur, mangeons ce que
j'ai trouvé sur le chemin par où nous sommes venus. » 11 tira
de sa poche des dattes, des raisins secs, des amandes quil
plaça sur ses genoux. Alors la fille se mit à pleurer amère-
ment; en voyant ses larmes, son frère aussi pleura: oMon
frère , dit-elle , maintenant nous avons bien perdu le chemin
de la maison ; ce qui devait nous le marquer, tu Tas ramassé.
Vois, le vent a passé et emporte tout le son que j'avais
semé. » lis errèrent dans la montagne. La nuit vint, ils
n'avaient pas encore trouvé le chemin du retour : tMon
frère, dit la fille, montons sur cet arbre pour y passer la
nuit.» Ils escaladèrent l'arbre et s'endormirent; mais, vers
minuit, ils entendirent les loups qui hurlaient de toutes
paris.
1 1. Aux (premiers) feux du jour, ils se remirent en quête
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 417
wur cl g'îd, ar tmnadn ian urgaz iaggôgn ezzeg'
gisen. Ftùn s dar s ar tazzàln, aillig' d t'in lekemen.
Innan az d : « a irgaz ad i rebbîn^^ ad ag' d t'melt'
ag'âras s kra en ternazirt'. » Isa'wuJ d ser sn urgaz
ad, inna i a'sn: « a tarwa-nô, nekkîn wur k'alidog'^^
kïgan k' temi'zar ad; g'ilad amza'tn tag'arast ad
mezzïn, t'ftûni n did s ar d n tâfém sin ig'ara'sn,
ian g' ozlemad d ian g'ôfasi. Amza'tn han snat' l'kôrin^^
n i'faian, iat' gïsent' t'gan tuWiit', iat gisen t'gan
todlait' ; ik' tlekem ig'ara'sn , tloh'em ^^ tnin s i'ginnâ^^,
innad t'kka n tumliit', tamzom t'; innad t'kka d tod-
lait', a l'en wur tamzom. »
Zaidnin sén iferk'an an ar zigizn. Isa'wul d ofrok',
inna d e wultma-s: « a wultma, fk iéd t'ikôrin^^ an,
at nezereg'. » lamz tnin dar wultma-s, ar ser sn
de çà et de là; enfin ils aperçurent un homme dans le loin-
tain et coururent vers lui : «Pour l'amour de Dieu, lui
dirent-ils dès qu'ils furent proche , indiquez-nous un chemin
qui conduise à quelque pays. — Mes enfants, répondit
Thomme, moi-même je ne fréquente pas beaucoup dans
ces parages; mais prenez ce sentier; vous le suivrez jusqu'à
ce que vous trouviez deux chemins, l'un à gauche, l'autre
à droite. Voici deux pelotes de fd , une blanche , une noire :
quand vous serez au carrefour, jetez-les en l'air et prenez
le chemin du côté où ira la blanche. Pour le chemin de la
pelote noire, évitez-le. » Les enfants s'éloignèrent.
12. En route, le garçon dit à sa sœur : « Sœur, donne-moi
donc ces pelotes, que je voie. » 11 les prit de sa sœur et se
*® V^. — ^ kJlâ. «fréquenter», klâ. «emmêler». — " ^,
m X
418 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
i'tlaâb^^, ar tnin illuah'^^ iat' s iat', ismun tnin g'îkan
aillig'd kulle-si23-tntTsint', k'aldnt'^Mnkerd ofrok'
an iloh'^^ tnin, ar izzigiz d wultma-s, aillig' d leke-
men d sén ig'ara'sn. Tsa'wul d wultma-s, inna i
az d : «a gmo, ha sén i'gara'sn d elli s ag' inna
wurgaz 'lll, fk iéd l'ikôrin ellï ag' ifkâ. » Isa'wul d
ufrok', inna i az d : « a wultma ar ser sen tferrajeg'^*^,
aillig' d lïclkcnt'^^ ioli'eg'^^ tnin. » Tnna i az d : « a
gmo , ha iog' dag' nra d nejlù ag'âras. »
Amznin ian g' ig'ara'sn ellï ar zigi'zn, aiiiig' d
i'ikem d g'ie'd, wur n ûfïn amia n i-aamert'^^ g'
ug'âras-ennesn. Ar temnadn g' ia 1-makân^ iaggôgn
kra n liTaut' ; aillig' d t lekemen a'fin d iat' ti'gemmî
mozzikn a'fin tid trzom. Kesemnin, t'qen tiflût'.
Ellig' d kesmn, ar tmnadn iat' tag'znt', tsa'wul d
ser sn, Inna i asn d : « man iksm n?» Tsa'wul d
mit à jongler, les lançant, les rattrapant Tune après l'autre,
jusqu'à ce qu elles fussent toutes dévidées et le fil embrouillé.
Alors il les jeta et rejoignit sa sœur. Quand ils furent arrivés
aux deux chemins, celle-ci lui dit : «Mon frère, voici les
deux chemins dont nous a parlé cet homme , rends-moi les
pelotes qu'il nous a données. — Ma sœur, je me suis amusé
avec, et comme elles étaient toutes défaites, je les ai jetées.
— Ah ! mon frère , nous voilà encore égarés ! »
i3. Ils s'engagèrent dans un des deux chemins et mar-
chèrent jusqu'à la nuit, sans rencontrer sur leur route aucun
lieu habité. (Enlin) ils virent au loin une lumière, et en
avançant dans la direction où elle brillait, ils parvinrent à
une cabane dont la porte était ouverte. Ils entrèrent. La
porte se referma. Ils virent alors une ogresse qui leur de-
" c^. —30 ^^, _ 31 J^ià. _ 38 ^U,^U. _M ^J\SU.
DOCUMEiNTS POUR UÉTUDK DU BERBÈRE. 419
tafrok't' tnna i az d : « nekkunin , a tafqert' ^* ! » Tsa'-
wul d ser sn , tnna i asn : « minna'u a te'gam? » Tnna
i az d tafrok't' : « nekkïn d ugmo. » Tsa'wul d tag'znt',
tnna i as : « ha-ién vvur sfa'weg', wur temna'deg' ki-
gan , ggawura'tn k' th'anùt ^^ an ar d a'un f k'eg' îmensï-
nnûn. » Han afrok' ie'ksôd n inna d wultma-s : « han
k'iad (e)ra d ag' n ts g' iéd ad. » Tnna i az d wultma-s :
« wurteksôtagmo. » Ggaworn ar t'qàln, aillig' d tawi
asn d kra n og'rom ; tnna i asn d : « amzatn g'wad ,
ar askâ zorog' mar ra d a'un skereg'. » Tftu n tebdù ^^
ar n tsenwa ïmensi-ns. Tag'znt' man tsenwa kra en
tefûï n eg'uial; tnwâ wur tnewî ts tén, t'gun d.
Askalens tniker d, tnna i asn d: «a tarwa-nô,
g'ilad wur dar i ma d stag' g'-ass-ad é ïmensi-nô;
manda : «Qui entre?» La fille répondit: «C'est nous, ma-
dame!". — Combien êtes-vous? — Moi et mon frère. —
C'est que je ne vois pas, je ne distin^^ue pas très bien.
Restez dans cette petite chambre, je vous apporterai votre
souper. » L'enfant eut peur : « Elle va nous manger cette
nuit,» dit-il à sa sœur. Celle-ci le rassura ^ Ils se tinrent
cois '', jusqu'à ce que l'ogresse leur donnât un peu de pain ,
en disant: « Mangez ceci; demain j'examinerai ce que je ferai
de vous. » Elle alla ensuite faire cuire son souper. Ce qu elle
faisait cuire , c'était de la viande d'âne ; et , cuite comme crue ,
eUe l'avala , puis dormit.
i4. Le matin, elle se leva et dit aux enfants : «Je n'ai
plus rien à manger pour mon souper de ce soir; je sors,
' Mot à mot : a ô vidille ».
** Mot à mot : « sa sœur lui dit : « N'aie pas peur, mon frère ».
* Mot à mot : < ils demeurèrent dans Tattente ».
i^:
420 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
g'a* (1 flug' annawig' krawaman g' uiddîd-înô; îg' n
wiir ûfîg' ma d stâ, ie'wî kun d ôrebbi^* a t'gîin
ïmcnsï-nô. » Tfg'on. Iferk'an an bedùn^^ ar allan
se'iiit-sn. G'iggi en te'gemmî izer tnin ian ogaiwaar.
Inna i asn d : «a tarwa, a ur tellâm, (e)ra d a'un
mleg' mainnkaad tru'gguelem. Asia'tn krat tumsin
an, iat' gîsnt', ik' t' (e)tloh'em^^ g'aiUi gis iHan ar
inskâr kïgan n isejar^*; han tisnat' ik' tén tloh'em^*
ar tskâr asif n waman; han tiskrât ar ntskâriaumas^.
Katn ag'âras , nekkïn ra n tT)big' laiddit' i teg'znt'. »
Nikern d i'ferk'an an ar ftûn g' og'âras. Tag'znl'
akôd-nak' ^^ t'qarreb ^^ n s ti'gemmï , inker d ôgaiwaar
ibbi asn taiddït' ellin-s, fin az d waman. Turrin dag',
t'ege'nu t'in ar tezzigiz ar d tlikem talaint', t'aammer^
t'in dag' s waman ar tezzigiz ar d t'qarreb '"^ ti'gemmi ,
avec mon outre pour apporter de Teau; et si je ne rencontre
rien de bon à manger, c*est Dieu qui vous aura amenés pour
me servir de souper. » Les pauvres enfants se mirent à
pleurer. Du iiaut de la maison un corbeau les voyait. Il leur
parla : « Enfants , ne pleurez pas. Je vais vous indiquer les
moyens de vous sauver. Acceptez ces. trois sacbets : si vous
jetez ce que renferme le premier, vous verrez paraître ■ un
fourré d'arbres ; si vous jetez le contenu du second , ce sera
une rivière; avec le troisième, des rasoirs. Prenez du champ,
moi je vais crever l'outre de l'ogresse. » Les enfants gagnèrent
aussitôt la route , et au moment où l'ogresse s'approchait de
la maison , le corbeau s'éianca et lui creva l'outre ; l'eau se
>
répandit. L'ogresse s'arrêta , raccommoda l'outre et retourna
pour la remplir de nouveau à la fontaine. Près de la maison ,
^ o-^î, pi. o-i;m. — " V?. — '' 7*.
iSic. — * Mot à mot : < cela produira ».
DOCUMENTS POUR L^ÉTUDE DU BERBÈRE. 421
han agaiwa'r ibbï as tén tisnal' tuwa'l. Tnna d : » kra
en tematart^^ aiâd! iTerk'ân ellî ellanin k' ti'gemmî
(e)ra d erweln. » Tftu n s ti'gemmi, wur tûfi ian, ar
n t'ikkat' agaiù-ns s og'râb aillig' termi; tTtù n ar
tazzâl ar temnâd g'illîd kan iTerk'ân ellï, ar tazzâi.
Aillig' d t'qarreb" d àtn tlikm , t'gelleb ^^ d tafrokY
ellï, tnna i az d : « a gmo, ar n tenma'deg' kra ar
itazzâl t'gordin-enneg' i'ian ansk n ogdîd. » Ar taz-
zaln, t'gelleb*® d, tnna i az d : « a gmo, hat'in g'ilad
ar t' temna'deg' i'ia d ansk n o'ràm. » Ar tazzaln ;
ken imik, t'gelleb ^® d tafrok't', tnna i az d : « a gmo ,
tag'zônt' aiâd ag' d i'ikemen!» Tfsï n iat' tûmist'
t'ioh'^^ tin g' ôg'âras. Nikern d kada n esejari^^.
T'kkén ïmik ar t'temnàd, t'ezrï t'in. Tfsï n iat'
le corbeau (fondit) une seconde fois sur l'outre et la creva :
«Etrange! ditTogresse. Les enfants qui sont là-dedans vont
se sauver. » Elle entra dans la cabane ; il n'y avait plus per-
sonne. Alors elle se frappa la tête contre les murs en pous-
sant des cris; puis elle courut dehors, et ayant reconnu dans
quelle direction étaient les enfants , elle se mit à leur pour-
suite.
i5. Gomme elle était sur le point de les atteindre, la
jeune fille se retourna : a Mon frère , dit-elle , je vois quelque
chose qui court derrière nous ; c'est gros comme un oiseau. »
Ils reprirent leur élan. La fille se retourna : « Ce que je vois
maintenant, c'est gros comme un chameau ! » Ils s'élancèrent
encore ; après un temps elle se retourna : « Mon frère , c'est
l'ogresse, elle est sur nous!» Elle ouvrit un sachet, jeta le
contenu sur la route et un fourré d'arbres sortit (de terre).
Au bout d'un instant, elle revit l'ogresse. Elle ouvrit un
" Cf. »/l^ et ^yi. — *o ^JÛb.
422 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
iâdni t'ioh'^^ tin g' ôg'âras; ar tt'mnad, inker d ian
wasif muqqorn. Ar tazzaln; kin d kra ar tmnadn;
tag'znt' dag' tlikem tnin. Tâs n tafrokY ial' tùmist'
iâdni, tfsî t'in, tloh' '^ tin g' ôg'âras. Ig n kulle-sit^^
ag'âras lli lau'mas^^ de tïsnt'. Han tag'znt' ar t'eftû,
lau'mas^^ elli ar as t'ebbin idarn-ns, tîsnt' ar as
t'kssem n g' idarn-ennes. Wur sol tzdar a'tnin tli-
kem. Tsawul d ser sn , tnna i asn : « a tarwa-nô ,
g'ïlad ellig' d trwulem, ak kunin wussag'*^ i'g' n
tûfam g' ôg'âras-innun ian izimr i'gun g' ôg'âras ilin
g'iggï-ns tuzlin , ar it'e'ni « ma iéd itks n ta'dut ad
g'iggï-nô » , ad as t wur t'kism. » Tnna i asn d t'isnat' :
« a tarwa-nô, ig' n tûfam sén igdâd mag'n d, a tnin
wur tfukkum ^^. » Tiskrat' : « a tarwa-nô , ig' n tûfam
second sachet, le jeta sur le chemin qui fut coupé par un
grand fleuve. Ils (hâtèrent) leur course. Bientôt ils virent
Togresse sur leurs traces. Le troisième sachet, lancé par la
fille , fit un sol tout de rasoirs et de sel.
/;. 16. L'ogresse n^arrèta point sa poursuite, mais les
rasoirs lui coupèrent les pieds pendant que le sel pénétrait
(dans les blessures) ; elle ne pouvait plus avancer. Alors elle
appela : « Mes enfants, puisque vous voilà sauvés, je vais vous
faire une recommandation : si vous venez à rencontrer un
agneau couché en travers du chemin , avec des ciseaux sur le
dos, et criant: Qui me tondra la toison qui me couvre? ne
Técoutez point'. Une autre recommandation : Si vous trouvez
deux oiseaux se querellant entre eux , ne les séparez point.
Enfin, mes enfants, si vous faites une troisième rencontre
' Mot à mot : « ne la coupez point ».
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDE DU BERBÈRE. 423
snat' te'gudâr*^ aammernin^^ s waman fùlkinin ag
gïsn wurtsum. » T'wurri n fell asn tag'znl'.
Zaidnin ar zigi'zn sénit-sn, aillig' d lekemen ian
izi'mer izzûl d k' tamâ n ôg'âras, i'iin fell as tùzlin,
ar ilVni : «ma iéd itkis n ta'dùt ad f orebbi^^?))
Utn, zrin d i'ferk'ân an, ajjin t. Tnna i az d tafrok't'
i gma-s : «hat'in, a gmo, timi'tar^® en tg'ausiwin
k'sennin^* aian!» Zrin d aillig' d lekemen ian(n)
makân ^^, aTin d sén igdàd ar tmag'an : isa'wul d
ian gïsn, inna : « marr ag' ifru n? » Utn iTerk'ân an
zrin ajjin tn màg'n. Ar zigi'zn, aillig' d lekemen
snat' tugdâr ^^ aamernin ^^ s kra n waraan fu'lkinin.
Isa'wul d ofrok', inna i az d : «a wultma, (e)ra d
sug' ing'a i fad. » Tsa'wul d wullma-s, tnna i az d:
a a gmo, aman an wur adiln^^, t'amat'art' ^^ n(i) kra
ik'ùsn^'* aiâd, nra a t nzrî, ar t'tmnat' g'ailli kullu^^
de cruches pleines d'une belle eau , n*y buvez point. » L*ogresse
les quitta là-dessus.
Les enfants se remirent en route. Ils rencontrèrent un
agneau étendu sur le bord du chemin , avec des ciseaux dans
(sa laine). L'agneau disait : Qui me coupera cette toison, pour
l'amour de Dieu? Ils le frappèrent et passèrent le laissant là :
« Présage de quelque danger, » dit la fille à son frère. Ensuite
ils arrivèrent à un endroit où deux oiseaux se battaient. L'un
d'eux dit : Qui donc mettra la paix entre nous ? Les enfants les
frappèrent et passèrent, les laissant à leur querelle. Plus
loin ils rencontrèrent deux cruches pleines d'une eau ma-
gnifique. Le garçon dit : « Ma sœur, je vais boire. Je meurs
de soif. — Mon frère , reprit la fille , il ne faut pas se fier à
celte eau; elle ne présage rien de bon. Passons. Considère
424 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
f nezri , g'ilad zrî ag' n h'atta *'' g'îla g'wîd. » Isa'wul
d gûma-s, inna i az d: « iag'i i n i'rifi wur(r) akem
n t'abag'^®, (e)ra d sug'. » Iftù n s iat tegdurt*^,
i'kun n gis annisù, iéleli't^^ netan ula tagdûrt*^,
tg'àm n iat' wah'dut'^* taammern^* s waman.
Han tafrok't' ar tajjâb*^, lah'^^ n gùma-s ula' tag-
duri'^^ llï. Tzaid n ar tezzigiz wah'dut'^*, aiilig'
t'qarreb^"^ d iat' temazirt' ta'f n g'ôg'âras ian oaiksa.
Tnna i az d : « ai 'rgaz ad , irebbïn ^^, a iid t'melt'
ag'âras. » Isa'wul d ser s , inna i az d : « han tamazirt'
wur n taggôg; ig' ad tsiggilt' mànig' ad t'k'damt'^,
llan kîgan en lem-mawâkn *^. » Tnna i az d : « a
sidi^^^*, ik' trit' a iéd tezznz d kra g'(i) ehidâr ad. »
Inna i as : « rig' imma d netni gan win wuskain. »
Tnna i as : « Zunz ié tn d. » Izznz as tn. Tasi tnin ,
ce à quoi nous avons échappé jusqu*à présent, puissions-
nous de même éviter ceci! — Je suis en feu, je ne t'obéirai
pas et je boirai. » 11 alla vers une cruche, se pencha pour y
boire et disparut avec elle , au grand saisissement de sa sœur*,
c. 17. La pativre enfant continua sa route toute seule.
Au voisinage d*un pays, elle croisa un berger : «Berger,
dit-elle , pour l'amour de Dieu , enseignez-moi mon chemin. »
Le berger répondit : «11 y a un pays qui est proche; si tu
cherches où travailler, il n'y manque pas d'endroits. » La fille
reprit : « Vous plait-il , monsieur, de me vendre quelques-
unes de ces peaux ? — Certes , mais ce sont des peaux de
lévrier. — Vendez-les moi donc.» Il les lui vendit; elle
' Mot à mot : «il dispai'ul, lui et la cruche; il resta une seule
cruche pleine d'eau. Cette fille fut étonnée de la disparition de soa
frère et de cette cruche».
DOCUMENTS POUR LÉTUDE 0D BERfiÉRË. 425
t k'allas ^ az d , tftù n ar ian i'g'zr. T'ggav^ om ar t'ebbî
ehidar, ar t'igginnû, aillig' gîsn tsker d iat' le-ksût^^
en wuskain. ï'ejarreb ^*^ t'in , tlûs t'in , t'nna d : « k'tad
ar ra n (e)lessag' ard zrog' t'amazirt' mamnikâ t'ga. »'
Tftù n aillig' d tiikem n tamazirt', tloh'*^ a
ti'melsit' ellin-s, tkesm n s le-ksût'^^ dlin en twus-
kait\ ar tTtù zund wuskain. Tiikem n d i'ini en iat'
ti'gemmî, t'ggawor n gis. Izri n iu-s n ian o'geUîd,
inna d : « g'ik ad îfuikî wuskai ad neg' d twudtait! »
likein t'in , iamz t'in , îg as n iat' tsiridrt', iaWi t'in
s te'gemmî, iaj t'in g' iat' taiebît^^ k'tamâ n g^iil! g'a
igguan. Âr kuliû^^ t'înin ik'de'mn^^ «^^ d iu^s n
o'geliïd iat' twuskait' îfulkîn. » Fkîn az d îmensS^s ,
sùn as manig'a t'gguan. Ggawom ar tozzomt' n
iéd.
paya et monta vers un petit coteau. Là dife tailla les peaux
et, les cousant ensemUe , elle confectionna un vêtement (en
forme) de lévrier. Elle Tessaya et se dit : «Je ni*habiUeral
donc de ceci pour voir comment eat ce pays. » EHe partit et,
aux approches de la ville, elle 6ta son vêtement ordinaire,
entra dans son costume de levrette, et, trottant comme les
lévriers, elle (parvint) à la porte d*une maison, où elle s*ar-
rèta.
18. Le fds du roi vint h passer: «Lévrier ou levrette, dit-
il, quelle jolie (bête)!» Il idla à dile, sen empar^, lui pfissa
un collier et Temmena au palais. 11 la mît d^ps une cbambire
voisine de celle où il dormait. El tous les semteurs disaient;
« Quelle jolie levrette a trouvée le prince I » On lui apporta son
souper; on lui fit un lit. Vers minuit le prince entendit tousser
XIU. 38
Vi26 AVRIL-MAI-JUIN 1880.
Han iu-s n o'gellîd isellâi kro ar n ittûsù îmik s
ïmik. Inna d : « k'tad wur d tasût' n ïdan , tasût' en
midn aiad. » Ifâqn ^^ ar itaggiia g' ian enqebï^ t'îlin
t'i'faut'; ar n itemnad iat' tafrokV a illan g'(e) le-
bït'^^ elli iùjja t'in. Ar aska ellin-s, i'ftù n, irzm as
n, iawî t'id. Iggawer n d kra n wussan. G'ik ellï issn
iz d tamg'art' a t'gâ, isa'wul n ser s. Tnna i az d:
« tafrokV adgig', ha ma iéd ijran^'' aillig' d eikemog'
d g'ïcK » Isa'wul n ser s îu-s n o'geliîd, inna i az d :
«g'ilad ad dïd m taheleg'^ ik' Irit'. » Tsa'wul d ta-
frok't' elii tra d.
Inna i az d i baba-z d : « a ba'ba , ra n taheleg' ^. »
Nikem d aitma-s ar lezén. Innan as : « i'ra n itahP
twuskait'! » Ar dïd s tûzén ba'ba-s, inna i az d: «a
iéw-i, ik' tûfït' ma d t'taholt'^. » Inker d iskem
à petits coups : « Ce ii*est pas ainsi que toussent les chiens, se
dit-il; cVst une toux Immaine. » Par une fente, il aperçut
de la lumière ; il regarda et yit une jeune fille dans la chambre
où il avait laissé la levrette. Au matin, il lui ouvrit el la con-
duisit (dans son appartement). Ils restèrent ensemble qud-
ques jours.
19. Voyant quil avait reconnu qu'elle n*était point de la
race des levrettes*, elle lui avait avoué qu'elle était ans
jeune fille et lui avait conté ses aventures jusqu'à son arrivée
au palais. Le prince alors lui dit : «Je vous épouserai si vous
y consentez.» Et elle consentit. Il (alla trouver le roi) son
père et lui dit : « Mon père, je veux me marier. • Les frères
se levèrent, disant avec colère : «C'est une levrette qu'il
" Cf. *Lb. — ^« .^ et iuJLi . — *' tf^.
• Mot à mot: «que femme elle éfait».
DOCUMENTS POUR L'ÉTUDK DU BERBÈRE. /i27
tamg'ra. KuHe-sit'^^ n ailma-s wurrin, anneftûn s
g'illîg' i'ra ii i'tahel^ gûmat'-sn. Itahel- n isker n
tamg'ra. Tfg'(o) n tafrok't' 'ellï ilsan kadâ en temelsâ
d kadâ en t'g'a'usiwin tfulkî, wur illi ma d as izdarn
k' tamazirt' an ellig' d tHa. Enkern d i'semgan
twiwin ellig' d zran tafrok't' ellî tlisan, ftûn ar taz-
zâlen ar l'e'nin e u'gellîd tarwa-ns : « wur d twus-
kait' ad dar s, iat' tafrokY ellin wur illin k' tamazirl'
ad. » Enkern d ar tazzâlen. Skern d iat'temg'ra im-
qorn f menna'u wussan f tafrok't' an.
A g'ailli niinsella ag' dar lejwad; audk' tin e wiafl.
ôpouse. » Le roi se fâcha aussi, ajoutant : «Tu as trouvé loii
épouse.» H se leva pour commander la noce'. Les princes
se retirèrent, ne voulant pas assister au mariage de leur
frère.
20. Les épousailles se firent donc. La mariée sortit cou-
verte, de vêtements et de parures mAgnifiqurs, telles quon
ne pouvait en (imaginer) dans ce pays. A la vue de cette jeune
fille (si richement) parée, les esclaves et les négresses s*en
furent précipitamment dire au roi et à ses enfants : «Ce n'est
pas une levrette qui est avec le prince, c*est une fille sans
pareille'*.» Ils se levèrent et accoururent (pour la voir).
On fit une fête splendide pendant nombre de jours , en son
honneur ^
Ceci est un conte que j*ai entendu de la bouche (du
maître-conteur O^mar Ehehi', de la cavalerie impériale), et
je le conte à mon tour à un autre.
* Mot à mot : qu ils fissent la noce ».
^ Mot à mot : « il n*y en a pas dans ce pays ».
*" Suivent d'autres épisodes qui ne se raitarhent à re récit que par
le désir de conter.
'' De H'ah'a , entre Mogador et le Sous.
28.
428 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE.
NOTICE
DES
LIVRES TURCS, ARABES ET PERSANS
IMPRIMÉS k CONSTANTINOPLE
DURANT LA PERIODE l3o4-l3o5 DE L'HEGIRE (1887-1888)
(cinquième article),
PAR
M. CLÉMENT HUART.
Petit à petit, la librairie ottomane emprunte à l^Europe
ses usages; elle tend à fournir aux lecteurs des facilités que
ne connurent jamais ceux qui, naguère encore, allaient
fouiller les boutiques du bazar et de la mosquée de Bayéxid
pour y découvrir les nouveautés littéraires de Tannée. Nous
avons déjà eu l'occasion de signaler les progrès indéniables
accomplis dans Timpression. Quel est Torientaliste qui ne
se souvient avec terreur du temps où les presses de TOrient
ne fournissaient que d'informes gnmoires, dont la lecture
était cent fois plus pénible et plus hasardeuse que celle d*iin
manuscrit? 11 n'en est plus ainsi aujourd'hui; les éditions
sont mieux soignées , les tirages plus nets. La librairie s'est
mise à la portée du public ; les vieux bouquinistes occupent
encore leurs places sous les sombres voûtes du grand bazar.
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 429
mais le mouvement moderne n'est plus là , il s*est porté du
côté des bâtiments de la Sublime-Porte. Sur le Divân-Yolou,
la grande rue qui monte de Sirkédji-Iskélési à la porte Ouest
de la grande caserne où sont installés tant bien que mal le
Grand- Vizirat, le Ministère des affaires étrangères, le Con-
seil d'Etat, se multiplient les boutiques alla franca où
s'clalent, derrière les vitrines, les dernières publications de
l'année.
Une innovation à signaler qui, bien comprise, rendrait
inutile la publication de notices continuée depuis longtemps
déjà dans le Journal asiatique. Plusieurs libraires ont com-
mencé à faire paraître des catalogues contenant Tindication
des volumes enfouis dans leur magasin. Notre avant-dernière
notice a déjà loué Tiniliative prise dans cette voie par Ara-
kel-Efendi. Son catalogue, qui ne se donnait pas gratuite-
ment, a été remplacé par deux autres parus, l'un en i3o4
et l'autre en i3o5, qui ne coûtent rien. Ohannès-Efendi ,
propriétaire de la librairie Vatan « la patrie » , Kirkor Efendi ,
directeur de la librairie ^Açr (transcrit Assir) «Tépoque»,
et d'autres encore, ont annoncé sous la même forme leurs
publications ou les ouvrages qu'ils ont en nombre. Malheu-
reusement ces catalogues, où le titre de chaque livre est
suivi d'une courte notice , ne contiennent pas les indications
usuelles de la bibliographie, le format, le nombre de pages,
le lieu d'impression, la date; ils ne peuvent donc rendre les
services qu'on serait en droit d'en attendre. On voit que la
librairie a bien de la peine, à Constaatinople, à prendre son
essor.
La littérature française continue à fournir aux traducteurs
un vaste champ qu'ils défrichent peu à peu. Parmi les ou-
vrages de ce genre qui ont vu le jour dans la période de ces
deux années, et qui ne figurent pas dans notre notice, je
citerai, dans le genre du roman, J^ dyo JU^ic^ yi*^^ der-
nier jour d'un condamné », de V. Hugo^ traduit par 'Ali Nihâd-
bey ; ^Aa^^^ WUU • Les fils de famille », d'EIugène Sue > tra-
duit par Faili Nédjîb-Éfendi; y^ JjU«mJ ^) tLa fille aux
430 AVRIL-MAIJUIN J889.
trois jupons », de P. de Kock, traduit et «adapté aux mœurs
ottomanes » ; « La comtesse Sarah », de M. G. Qlmet , par Çâîm-
bey ; « La vieillesse de M. Lecoq », de M. Fortuné Duboisgobey,
par Tevfiq-bey» de Salonique; t;b3Va. dyy*y f^f ^Le dossier
n* 1 13 », d'Emile Gaboriau, par Huséin Rahmi-bey; et parmi
les pièces de théâtre , JiU^^ j^j « Les deux timides », d*Eu-
gène Labiche et Marc Michel, que Hamidbey, professeur
au lycée impérial de Galata - Serai , a fait passer dans la
langue turque, et cf;'^ o <^j-»^ ^"y^"^ «Une voleuse d'en-
fants », que 'Abdullah Mazhhar-bey a traduit du drame d*Eu-
gène Grange et Lambert 'Ihiboust. M. Jules Sandeau a fourni
à Mostafa Réchid-bey l'occasion d'une adaptation sous le titre
de (^L^.jLf^Â. «Imaginations de la jeunesse»; Khéïr-uddin-
bey, de Lescovik, a traduit un roman intitulé «>^ l^ JJUes^
^^li ^U tàyo «La jeunesse, ou la dernière magicienne»;
Ahmed Djevdet-Ëfendi , d*Erzeroum , a réuni sous le nom de
^Um^a «Mes ambitions», un certain nombre de morceaux
également traduits; un volume, qui s'appelle ^l^T^w^l^
« Cherchez la mère » , est une traduction de M"* Anaïs Ségalas.
La vieille « Farce de maître Pathelin » s*esl vu mettre à la portée
des lecteurs turcs sous la forme d'une comédie en un acte
intitulée Sy-^ Jj-^oo^yo « La fin de Tescroc ». Véli-bey. em-
ployé comme traducteur au Palais impérial, est seul à avoir
puisé dans la littérature allemande, avec sa comédie kJI^) ^!^
^^ « Oncle et neveu ».
S. A. Ahmed Véliq-pacha a bien voulu, comme précédem-
ipent , distraire de son temps quelques minutes pour apporter
à la présente notice les corrections que lui suggérait sa pro-
fonde érudition , ce dont nous lui sommes vraiment obligé.
Péra , janvier 1 889.
BIBLIOGHAPHIE OTTOMANE. 431
1
THÉOLOGIE, SCIENCES RELIGIEUSES, LEGISLATION.
1 . v-^iJ oW' « La preuve nécessaire » , par
Haqqi'Efendi , président du tribunal civil de i " in-
stance de Castamouni. iSoA. Prix : 2 piastres.
a. ^*^ o>^-!iAjfiL>tf»\ « Jjcs tennes techniques de
la justice», vocabulaire des termes judiciaires en
français et en turc, par Nazrèt Hilmi-Efendi , avo-
cat. En 2 G fascicules. Chez Qarabet et Qaspar. i 3o4.
Prix de chaque livraison : i piastre.
3. j>'j^ Jiy jyVi ^y^ l*Sïk J^\ I. Com-
mentaire sur le code provisoire de procédure civile » ,
par Yorghaki-Éfendi , substitut du procureur géné-
rai près la Cour de cassation , et Chevkèt-bey , pre-
mier président du tribunal de i'* instance de Péra.
Par fascicules. i3o/i.
4- c5**"**^J^ Ss^uS^ jy^\ « Petite histoire de la
procédure » , depuis le temps du prophète Maho-
met jusquà nos jours, par le molla Ismâ'îl Sam^-
Éfendi, licencié de TÉcole de droit. Chez Qarabet
et Qaspar. i3oA. Prix : loo paras.
5. fjf^^y^ OuViaij y^^ « Recueil des ordres
viziriels et des règlements», contenant les diffé-
rentes pièces émanées de l'autorité judiciaire et ad-
ministrative, les correspondances officielles, les cir-
culaires adressées aux gouverneurs des provinces
43:2 AVHIL-MAI-JUIN 1880.
et aux tribunaux, etc. Par fascicules. Chez Apraham-
Kfendi. i3o5. Prix du fascicule: ko paras.
6. jî^^' J^^' «L'éveil donné aux frères»,
traduit de larabe en turc par Méhémet KiâiHil-
Éfendi d^Herzégovine. i iolx.
y. C^i-^Â^ jU> «L'exposition de la vérité», par
'Ali Haïder-bey, directeur des archives au Ministère
de Imtérieur. Chez Arakel. i3o5. i" partie. Prix:
3 piastres. 2* partie : « Exposé du mystère de la tri-
nité ». Prix : 1 00 paras.
8. 3'*^*j^ j^)i « Le portefeuille de lagent de
police», manuel des officiers de police judiciaire,
par Emin X)smân-bey, ancien président du tribunal
correctionnel de Gueurudjeh. i3o4.
9. Ly^' i>rf <iy^ ^y^ « Histoire du droit inter-
national » , par Ibrahim Haqqî-bey. Chez Qarabet et
Qaspar. i3oZi.
10. <JwJ^jv^ «Formulaire commercial», par
Mihri-Efendi, employé au bureau de la traduction
et de la correspondance étrangère du Séraskiérat.
i3o4. Prix : 100 paras.
Modèles de pièces relatives au droit commercial , procu-
rations, actes de garantie, contrats, compromis, concor-
dats, etc.; suivis d'un vocabulaire turc-français des termes
employés.
j_y«(A^i^ Ooiiiji\i n Résumé des règles et des ques-
BlBLIOGHAPiriE OTTOMANE. 43^
tions judiciaires relatives au commerce terrestre et
maritime » , ouvrage traduit et compilé par Rè efet-
bey, greffier à la section commerciale^ de la Cour
d appel. i3o5. Prix: 6 piastres.
12. C>j^ ôy JrT^ «Examen anatomique du
Code de commerce», par Nazrèt Ililmi-Efendi,
avocat. Vol. III et IV. Chez Qarabet et Qaspar.
i3o4-i3o5. Prix de chaque volume: y |)iastres et
demie.
Voir Bibhogrtipkie ottomane, 1887, n" 12.
i3. j^\y iA^ ^ààyô «Formulaire légal, avec
tarif», 2* édition, revue ot corrigée, par Tal^t-bey,.
licencié de l'Ecole de droit, ex-substitut du procu-
reur impérial de Serlîtchè. Chez Arakel. 1 Soi. Prix :
relié, 32 piastres.
Voir Bibliographie ottomane, i885, n" 1 1 , et 1887, n** 25.
i4. fjf^ \^^^ <»Le Mult€(]â, avec un com-
mentaire marginal » , nouvelle édition , par le molla
Hâddji Ismâ*îl Haqqi-Efendi Khodja-Zâdéh , de Dra-
ma. Lithographie par les soins d'Ahmed Djémâli-
Efendi de Philippopoli » bibliothécaire de S. M. le
Sultan. Imprimerie Mahmoùd-bey (édité par Ca-
bri). Chez Hâddj ^Alî Efendi de Philippopoli , au
grand bazar. i3o5. Prix : ko piastres.
Sur le Confluent des deux mers, qui est resté l'unique code
de Tfknpire ottoman jusqu'à l'ère des réformes ou Tanzi-
mât, consultez Hammer, Histoire de l'Empire ottoman, t. VI >
p. 253; Hadji-Kliaifa , l. Vf , p. 102, n"* 12848; et sur lesdî<
43'i AVRIL-MAI-JUIN 1889.
verses éditions de cet ouvrage, Zenker, Bibliolheca oiientalis,
t. J , p. 178,0" j 449 1 et t. II , p. 90 , 11® 1 1 2 7.
i5. JbjÂÎljA^ ^♦-^U JUjtMj\jjj «Les perles de
rhomme heureux, appelées le joyau unique», tra-
duction turque, par *Alî-Behdjet-Efendi, employé
aux archives de la division de la dette au Ministère
des finances. Chez le relieur Hâfik-Efendi, à la
mosquée de Bayézid. i3o5. Prix : 20 paras.
16. p^^\ j^^J\ ôjiJ\ ^'^J^J/^ ôi^j « Le
vin du Kauther, paroles du grand chef spirituel
Er-Rifâ*î», cent apophtegmes choisis du cheikh
Rifâ'î (Ahmed el-Kébîr), réunis par Sérâdj-uddîn
el-Makhzoûmi , en arabe, traduits en turc par Qadri-
bey, second secrétaire du Palais impérial. i3oZi.
17. aJLsf j^yjajjbj «Le guide des étudiants en
Gode civil», vocabulaire des termes juridiques em-
ployés dans le Medjellé, par Méhémet *Alî-Efendi,
adjoint au président de la municipalité du premier
cercle. 1 3o5.
1 8. J^^yjt^ « L® guide des lois ». Supplément,
ainsi intitulé: ^^ji^ ^c^ ^^^ ^^Aft>.V ;^y j*^
« Table des matières de la Gazette des Tribunaux,
formant supplément au Guide des fcis», par *Abd-
ur-Rahmân Haqqî-Efendi , greffier de la Cour d'ap-
pel. 3*" partie, depuis le n° 290 jusqu'au n"* SSg.
1 3o/i.
Voii* BibUoiiraphie ottomane, i885,, n" 27.
BIBLIOGKAPHIE OTTOMANE. 435
ig. à^JS' JUtfWjAjbj «Le guide en affaires judi-
ciaires», par un avocat. Imprimerie Mihran, i3o4.
Prix : 1 1 piastres.
20. jL_£V\ c^otJlf ?-j-^ « Commentaire sur les
branches de la foi » , par le chéïkh Ismà^il Haqqî.
Imprimerie de Suléïmân-Efendi. Se trouve chez
Arakel. i3o4. Prix: 6 piastres.
Cf. Hadji-Kbalfa , t. IV, p. tnj, n'' 7572.
2 1 . ^^ JV>- W « Catéchisme médical » , par le
docteur Huséïn Ramzi-bey, médecin et licencié en
droit. i3o5. Prix: 5 piastres.
Application des dogmes de la religion musulmane à Télat
actuel de la médecine; hygiène des musulmans.
22. jj*^* {yy^ «Dictionnaire du droit», par
Huséin Ghâlih-Éfendi, licencié de l'École de droit.
Chez Mehrem-Efendi, au bazar des papetiers. 1 3o5.
Prix : relié, 20 piastres.
Contenant toutes les expressions techniques et les termes
judiciaires usités dans les codes, lois et règlements turcs,
ainsi que la solution de nombreuses questions de droit et de
jurisprudence.
23. ^Lxi\ Jl>-\ ^jy^ « Loi sur le recrutement»,
traduite en arahe par Ibrahîm-bey Edhèm, rédac-
teur du journal arabe Ël-rtidâL De Timprimerie de
ce journal. 1 3o/i.
2/1. f^y àuXjôyxJi «Code de la propriété fon-
cière » , extrait du Deslour ou Recueil général des
43Ô AVRIL-MAI-JUIN J889.
lois et règlements, avec Tindication de toutes les
modifications quon y a apportées depuis peu, par
Chukri-Efendi, professeur de code foncier à TEcole
de droit. Imprimerie impériale. Chez Arakel. i3o4.
20» jUi «I^e Coran», avec le commentaire de
Béïdhâwî sur les marges. Imprimerie K)smàn-bey.
i3o5.
26. ^^^ J^J^^^ J ^j^^ ^^^^^ ov:^«Le
livre des préceptes légaux en ce qui concerne la si-
tuation personnelle », traité du statut personnel dans
le rite lianéfite. 2* édition, publiée par Emin Hin-
diyé-Efendi. Imprimerie Abou VZ^yâ» i3o5.
2 y. \*5^ ^*w OVaA$« Commentaire complet du
Code pénal », par Rifat-Efendi, ex-président du tri-
bunal correctionnel de Smyrne. Imprimerie Mihran.
i3o/|. Prix: relié, 3o piastres.
Le commencement de la publication de cet ouvrage par
livraisons avait été annoncé dans notre Bibliographie otto-
man j, 1887, n** ^2.
28. y^j^« Les chiens», traduction du traité sur
la destruction licite des chiens, par Mohammed el-
Mar'achî, surnommé Çâtchâqlî-Zâdèh, avec des
remarques et observations, par Mahroûqî-Zâdèh
Dja^fer-bey. iiol\.
29. \y>' oWai j-^ixJ^ « Théorie abrégée du Code
pénal», par Méhémet Nédjib-Éfendî d'Erghéri,
élève de TEcole de droit. Chez le cheikh ^Abdullah
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 437
Chukri, au bazar des graveurs. i3o5. Prix : loo
paras.
30. >^L^V\ o1v« «Le miroir de Fisiamisme » ,
catéchisme en forme de tableau, à Tusage des élèves
des écoles. A Salonique, chez le libraire Muçtafa-
Efendi. i3o5. Prix: 3o paras.
3 1 . JbUP CJw* « Le miroir des dogmes de la
foi », traduction turque de l'ouvrage intitulé : ^\jd\ j-yi?
« La lumière des hauteurs», par Husni-Efendi, an-
cien substitut du procureur impérial de Sérès. A las-
sociation des libraires. i3oZi.
Le jUi! y6 de Moliammecl ^Ali Qari est un cômmenlaire
(le la JU! 9Js^M&> « Poème des dictées » sur les articles de foi.
La traduction de ce dernier poème est faite en vere turcs du
même mètre el de la même rime.
32. Jt»>,^^\ J^J^^^ j ijtt)^J^^ ^' «Le direc-
teur des héritiers dans les quarante situations » ,
traité, en langue turque, sur le partage des héri-
tages , par lancien Chéïkh-ul-Islâm feu Mohammed
Mekki-Efendi. Imprimerie ^Osmaniyyé. i3o/i. Prix:
I oo paras.
33. o\A"^* « Expressions techniques » du droit
canonique musulman, expliquées par Hâchim-bey,
conseiller à la Cour de cassation. i3o/i.
34. ;|yV\ ^\^ ^ ^VLiV\ ^Ua* «Les origines
des regards dirigés vers les Lumières ascendantes »,
commentaire de Ghems-uddin Mahmoud Icfahâni
438 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
sur le Taivâlf el-Anwâr, traité de théologie scoias-
tique du qâdî Béïdàwî. Lithographie. i3o5.
Cf. Hadji Khalfa, t. IV, p. i68, n^ 7990.
35. iS))^ oVjViâj oVjvi-ft «Les contrats et les
notaires», traité de lart du notariat, par Tarat-
Efendi. Par fascicules. i3o5.
36. <Ujfc-* Cjy^y^ «Les décisions importantes»,
recueil d arrêts rendus par la Cour de cassation en
matière pénale, civile et commerciale, par Huséïn
Ghâlib-Efendi, licencié de TÉcole de droit. Vol. L
Paraît par fascicules. i3o5. Prix de chaque livrai-
son : 3 G paras.
37. j^y Ow*^ «Formulaire des lois», par
'Abd-ul-Ahad Noûri-Efendi, greffier en chef démis- .
sionnaire du tribunal de i"^ instance de Sinope.
Vol. L Chez Kirkor-Efendi. i3o5.
38. j-il» iiJUb « Cadeau fait au tombeau », escha-
tologie musulmane, i*" édition. Chez Ibrâhim-
Efendi, au bazar des graveurs. 1 3o4.
Il
LITTÉRATURE, MORALE, POÉSIE.
39. jaaVw» \j\ « Œluvres des auteurs célèbres»,
choix de morceaux de littérateurs connus, anciens
et modernes, orientaux et occidentaux. Illustré :
portraits de Djevdet-pacha et de Saïd-bey (i^fasc).
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 439
de Ghinâsi et de Ziyâ-pacha (2* fasc). Chez Arakel.
i3oA. Prix de chaque fascicule: 7 piastres.
Voir Bibliographie ottomane, 1887, ^** ^^•
4o. AmaaÂî Sj\ « Les œuvres choisies » , recueil de
morceaux classiques traduits de Tarabe en turc par
Suléïmân Fâïq-Efendi. i3o5.
4i. J^*>' «Les exercices pratiques», lectures h
Tusage des enfants de cinq à huit ans, traduites par
*Alî Nazimâ-bey. Imprimerie de la sociélé MurH-
iihiyé, i3o4.
4îi. ^J^ »'jT « Les pensées des différentes sectes » ,
par Sirri-pacha, ta/i d'Angora. Chez ArakeL i3o4.
Prix : 1 G piastres.
Sur les croyances diverses et les sectes différentes, avec
des observations par Tauteur.
43. J^y^y*» 'yjy^tL Les Albanais. Les Souliotes »,
roman, par Ahmed Midhat-Efendi. Imprimerie du
Terdjumân'i'Haqîqat Par fascicules. i3o5.
Ixli. jKiiw\ «Méditations profondes», discours
amoureux et poétiques, par Mahmoud Djélàl-uddin-
bey. Chez Alexan-Efendi. i3o/i. Prix: 5 piastres.
45. 3\jui^* « Demande de secours » et t-^Xi v\jjj\
« L'éveil du cœur», recueil de panégyriques en vers
composés par Ahmed Moukhtar-Efendi , directeur
de la correspondance du Séraskiérat. i3o4.
440 \VBIl.-MAt.JUIN 4 88^.
Ii6. ^jVxIftJ\ jUw\ « Les mystères des viciées folles »,
roman, par Nâdji. i3o5.
li-j. jUx-i/\ «Le désîr ardent», roman, par Mé-
hémet Tevfîq-bey. i** livraison, 80 p. Imprimerie
Abou 'z-Ziyâ. i3o5. Prix:: 5 piastres.
48. j\sC;V\ oiiP j j\<ÎV\ j^\ «La libre pensée
au sujet du mariage des vierges », sur la polygamie,
par feu Edhèm Pertèv-pacha. i3o4.
Forme le sixième volume de la bibliothèque d'Abou-V
Ziyâ.
/ig. j>jj^\ «Hélas!», recueil des compositions
littéraires, en vers et en prose, de Nigiâr-Hânum ,
fille du colonel ^Osmân-bey. Petit in-3**, 4 1 p. Chez
Qarabet et Qaspar. 1 3o5. Prix : 1 00 paras.
50. J^^' ^^\ « Exemples moraux » , historiettes
traduites du français par Huséîn Zéki-bey, fils
d'^Azîz'bey. Chez Ohannès-Efendi. 1 3o5.
5 1 . »>\ii>\ « Critique », par le professeur Nâdji et
feu Béchîr Fu'âd-bey, avec un portrait de ce der-
nier. Chez Arakel. i3o4» Prix: 7 piastres et demie.
Recueil de morceaux de polémicpie sur V. Hugo et la lit-
térature ottomane.
02. ^\^\ «Le délasseuïent », traduction de
morceaux de prose et de vers, par Méhémet Djé*
mâl-bey, employé à la correspondance de la direc-
tion de la comptabilité au Séraskiérat. i3o5.
BFBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 441
53. r-j^y ^j^y. ^J^^. ^^j (^V * Les deux com-
pagnes, ou Un exemple de mariage», roman mo-
lal, par Khalîl Edîb-bey. In 8°. 5i p. Imprimerie
de la société Marèttibiyé. i Soi. Prix: 5 piastres.
54. ^jA>\j »\ a Soupirs et plaintes», poésies, par
S. Vehbî-bey, fds de S. E. Munîf-pacha , Ministre
de Tinstruction publique, et premier secrétaire de la
commission de censure au Ministère de Tinstruction
publique. i3o4.
55. jli^vP o^Ç jb «Les amants infortunés»,
pièce de théâtre , par Ahmed-bey. A la librairie ^Açr.
1 3o5. Prix : i oo paras.
56. ^j-J4 « Bédriyyé », pièce de théâtre, par^Abd-
ul-Halîm Memdoûh-bey. i3o4.
57. ^^^ ^è^ ^^^JrJ' " ^^ P®^^* bouquet de
récits », choix d'historiettes enfantines, par Méhémet
Fuad-bey. Petit in-8°. 22 p. Chez Alexan-Éfendi.
Imprimerie de Djémâl-Efendi. 1 3o5. Prix : 60 paras.
58. j-^ viSo «La feuille verte», recueil d'histo-
riettes en persan, à Tusage des commençants, par
Habîb-Efendi , membre du Conseil de Tinstruction
publique. In-16, Sa p. Imprimerie Qarabet et Qas-
par. i3o4-
Le titre de l'ouvrage est expliqué par le vers persan suivant :
« La feuille verle est le cadeau du pauvre; que peut faire (de
mieux) FinfortunéP 11 ne possède que cela. »
59. <Ju**c>- ^iXia^jy^ j> « Les sentiments d'un
xni. 29
latBiaaaic MTicaàLt.
442 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
poitrinaire » , poème , par Kiâmil-bey Tépédilenli-
Zâdèh. A la librairie 'Açr. i3o5. Prix: loo paras.
60. jUJlJ\ ^jlL\ j jUV\ c^ « L'obtention
des souhaits au sujet de Tobjet louable impérial » ,
divan arabe de Yahya-bey Sélâwî , membre du Con-
seil supérieur de Tinstruction publique. Imprimerie
du ']oumal El-rtidâi i3o5.
Cet ouvrage contient environ 70 qaçîdaks consacrées au
panégyrique du sultan Abdul-Hamid II.
6 1 . à^sè^ Ov-A> « Les infortunes risibles » , re-
cueil de contes et dliistoriettes plaisantes, par Ah-
med Midhat-Éfendi. In- 8° à 1 colonnes. 43 p.
i3o5. Prix : 4 piastres et demie.
62. jJb j^ «J « Le père ignorant (de ce qui s'est
passé) », drame eh quatre actes, par Dâoud Es^ad-
Éfendi. Chez Arakel. i3o5. Prix: li piastres.
63.jî<xlL) «La fille pédante», roman mili-
taire, par Ahmed Midhat-Efendi. 1 3o5.
6 II- r^y^ ^jtt «Les enfants célèbres», dits et
réponses mémorables d'enfants illustres, à l'usage
de' la jeunesse turque. 1 3o4. Prix : 1 00 paras.
65. 7rlj*t) '^^"^ ^*j**W «Le mariage à la lo-
terie » , et Oju> jt « Une fortune ». 1 3o5.
66. Jy^ « Le sourire », par Fazli Nédjib-bey de
Salonique, avec lapprobation de Ridjâ'ï -Zâdèh
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 443
Ekrém-bey. 68 p. Chez Alexan-Efendi. i3o5. Prix.;
5 piastres.
6-7. p^^àTfJ «Mes traductions», choix de mor-
ceaux traduits d auteurs célèbres français (Lamar-
tine , Delille , Soumet, etc.) , par *Alî ^Aléwî-bey. Chez
Kirkor-Efendi. i3o/i. Prix. : joo paras.
68, (UL-ij-^J (jysjt ^yl^y J^^ «Traduction et
commentaire du noble Mesnévi », par S. E. *Abidîn-
pacha , gouverneur général de la province d'Angora.
Vol. I, II et III. Chez Zékériyâ-Efendi, au grand
bazar. i3o5.
Le premier volume a été imprimé à Siwâs et réimprimé
par l'imprimerie ^Osmâniyyeh à Stamboul; les deux autres
volumes sortent des presses de l'imprimerie officielle du vi-
layet d'Angora.
69. dLx>^ Oviljt* Aîï-J « Traduction (turque) des
sept Mp^allaqât » , par Méhémet Kiâmil d'Herzégo-
vine, élève de Técole Dâr-ut-Ta^lîm. Fasc. I. i3o5.
yo. J^y (Six^ ^'^f. »-J^î-ya5 à^f « L'intercession ,
commentaire turc sur le poème du Borda » , par feu
Méhémet Mekki-Éfendi, ancien Chéïkh-ul-Islâm.
1 3o5. Prix : 1 5 piastres.
Sur le poème du Borda et ses nombreux commentaires,
voir Hadji-Khalfa , l. IV, p. 5a3, n* 9449-
71. Jj3 « La modulation » , par Mahmoud Mâhir
de Bérat. Chez Ohannès Férid-Efendi. i3o5.
72. j^^' j>^^ «Représentation des mœurs»,
29.
444 AVRlL-MAl-jUIN 1889.
morale en action , par Ahmed RiPat-bey. Imprimerie
Mahmoùd-bey. Chez Ohannès Férîd-Éfendî , à la li-
brairie Vatan. 1 3o5. Prix : 1 1 piastres.
•y 3. jdu N La réflexion », recueil de morceaux de
prose et de vers , par Ekrèm-bey Ridjâî-Zâdèh. Im-
primerie Mahmoûd-bey. i3o5.
74. (J^^ €ty^ « Calendrier littéraire » , traitant de
plusieurs questions de la littérature ottomane, par
le libraire Ohannès Férid-Efendi. 1 3o5.
yS. <3-*j-^ ^jA »>j>-w (iULj «La paresse, ou
Excitation au zèle » , éloge de l'activité , basé sur les
versets du Coran et sur les traditions prophétiques
ainsi que sur les vers des poètes, par *Abd-ul-Ahad
Noûri-Efendi , ex-premier greCBer du tribunal de
i** instance de Sinope. A la librairie *Açr. i3o4.
Prix : 100 paras.
76. j\jAj> p-Uj) ^jjJ:\ùj'^ « Quelques feuilles de
mon carnet», par Moçtafa Réchîd-bey. i3o5.
77- ^ J^ * Djémâl-bey », roman national, par
*Eumèr 'Alî-bey, ex-directeur de la correspondance
de la province de Dersim. Par livraisons. Imprimerie
Mihran. i3ol\. Prix de chaque fascicule : 3 piastres.
Histoire feinte des deux amants Djémâl et Pirâyèh.
78. J-^ ^>**^ « La beauté et lamour » , 49* fas-
cicule de la Bibliothèque d*Abouz-Ziyâ. i3o&.
79. ^^j^^ X^ «Sages maximes d*Er-Rif&^»,
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 445
apophtegmes de Séid Ahmed Er-Rila*î, expliqués
par Mu^allim Nâdji. Imprimerie impériale. Chez
Arakel. l'iolx- Prix: 3 piastres.
80. Aa>^\ CajT^ «Philosophie de la littérature»,
observations et réflexions littéraires, par Mébémet
Zîvèr-Efendi , directeur propriétaire de la revue Ni-
liâL i3o5.
8 1 . a^-jw«iLv\ LiJ^^ « Apophtegmes de l'isla-
misme » , pensées et axiomes du poète persan Sa^di ,
traduits en turc par Ghéïkh Sélim Vaçfi-Éfendi.
Chez Arakel. i3oA. Prix: 3 piastres.
Forme le 11* volume de la Bibliothèque ottomane,
82. ^^ OUjT^ «Apophtegmes arabes», tra-
duction et explication des meilleurs auteurs arabes,
en prose et en vers, par El-Hâddj Ibrâhim-Éfendi,
professeur à l'école Dâr-ut-TaHîm. Par fascicules pa-
raissant une fois par mois. Chez Hâfiz Hasan-
Efendi, au bazar des graveurs. 1 3oA.
83. c-Âa>- «Hélas!», nouvelle, par Moçtafa Ré
chîd-bey. 1 3o4» Prix : 5 piastres.
8/4. w^ J^ «Aux jeunes filles», traité scien-
tifique et littéraire , à lusage des commençants. A la
librairie Vatan. i3o4. Prix : 100 paras.
85. yîi vdL\ •;>^v. ô]^ «L automne ou Mon
premier ouvrage», par Méhémet Djémâl-bey, âgé
446 AVRIL-MAIJUIN 1880.
de douze ans, élève de Técole de rédaction fL:*JU
cjuj du Séraskiéral. Chez Arakel. i3o4. Prix : loo
paras.
86. jV> JL>- «Imaginations de Tesprit», recueil
de morceaux en prose et en vers, par ^Osmân Sé-
râdj-uddîn d'Erzeroum. i3o5.
87. ^yis- d^\ù «Tragédie d amour», ou ^»j-jfi
« ^abandon » , drame national , par Tevfiq-bey. A la
librairie de TEpoque. lioli.
88. ày^\ fyjt'^ « Le divan des vêtements » de Ni-
zâm-uddîn Mahmoud Qàri de Yezd; texte persan,
publié par les soins de Mizzâ Habib Içfahâni. a 07 p.
in-8°. Imprimerie Abou 'z-Ziyâ. 1 3o3 (paru en 1 3o4).
Prix : 1 2 piastres.
Imitation du Divan gastronomique de Boshaq Chiràxi et
parodie des auteurs persans célèbres.
89. »j3 « L atome » , extraits et traductions de lit-
térateurs européens, par Djémîl-bey. i3o5.
90. ^yM^y^ u^3) * Recueil de romans ». A la
librairie Stamboal, chez Alexan-Éfendi. Prix dç
chaque livraison : 2 piastres. i3o/i.
2** fasc. (J^ji^ (j^^^ J^ « Ha! friponne! ».
3* fasc.Ji^J-* >ji }jj^jt^ «Il y a des millions,
ma fille , des millions ! »
Pour le 1" fascicule, voir Bibliothèque ottomane, 1887,
n- 118.
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 447
g 1 . j-A->.Uj « Les fleurs odoriférantes » , poésies
choisies du Bostân de Sa^dî et du Mèsnèvî de Djélâi-
uddîn Roûmî, réunies et traduites en turc par le
Cheikh Vaçfî. Imprimeriç Mihran. i3o5.
92. ^^' oV- ^L-w «Inspirations des Persans»,
choix de pensées de Hâiiz exprimées sous forme
de proverbes, traduit par Mu'allim Nâdji. i 3oZi.
Forme le 38' volume de la bibliothèque d'Abouz-Ziyâ.
93. CawÔ^ «Une nouvelle», petit roman sur
les mœurs ottomanes, par Sézaï-bey, fils de feu Sâ-
mi-pacha. 17 5 pages. Chez Arakel. Imprimerie
Mahmoûd-bey. i3o5. Prix : 10 piastres.
qIx. C^^, <UaÂw «Le vaisseau de l'éloquence » ,
étude sur les erreurs commises dans la rédaction,
par 'Abd-ur-Rahmân Suréyya-Efendi. Chez le chéïkh
^Abdullah-Efendi, au bazar des graveurs. i3o5.
Prix : 1 2 piastres.
Cet ouvrage est destiné à démontrer que la langue otto-
mane est une langue scientifique et se prête à exprimer les
idées les plus diverses.
95. fJJjJj^ « Choses que j'ai dites », recueil de
poésies » , par Méhémet Djélâl-bey. 1 3oZi.
96. j\j ^aJ\ \4> àjXjjbiS' ^yC^ « Commentaire sur
le Livre de t amour de Béhâ-uddîn Vélèd » , par Khâ-
iid-bey, directeur-adjoint du 3* bureau de l'inten-
448 AVRIL-MÂI.JUIN 1889.
dance du 2* corps darmée. Imprimerie Mihran.
i3o5.
Béhâ-uddin, fils de Djélâl-uddin Roùmi, est connu ordi-
nairement sous le nom de Sultan Vèlèd, Cp. Hammer, Ge-
schichte der schénen Redekànste Persiens, p. i65; Djàmi, Na-
fahât ul'Ons, fol. 22b v' et 2^0 v° (de mon manuscrit).
97. jj^ a-êbo^P *-jw « Commentaire sur îes capi-
tuiaires d'*Alî », texte original arabe ayec la traduc-
tion turque en regard. Forme le 8* volume de la
Bibliothèque ottemane publiée par Arakei. i3o4.
Prix : 5 piastres.
Ce texte arabe , retrouvé par Mahmoud Djjéïâl-uddin bey,
consiste en instructions données par le khalife *Alî au gou-
verneur deTEgypte, Mâlek ibn el-Harath el-Achtar en-Nakh*i.
98. Jm^ ùlî^*^ ^^^'J^ r/^ " Commentaire et tra-
duction (turque) du divan de Moténébbi » , par le
mollah Védjîh-Efendi, nâîb (substitut du juge cano-
nique) à Denizli. i3o5.
99. ^^^8JL-jJL_5w c^..^^* ayj^^y^ « La nouvelle
philosophie de Schopenhauer » , réflexions et réfu-
tation, par Ahmed Midhat-Efendi. i3o4. Prix :
4 piastres.
Réimpression d^articles parus dans le Terdfumân-i Haqiqat,
100. oUlL? «Mots sans suite», recueiî de poé-
sies , par Chéhâb-bey , élève de TEcole de médecine.
i3o5.
101. (^j^^\j*^'(3 j^V\j\jlaJ\ «La broderie
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 449
très précieuse sur les vers d'El-Akhras » , divan du
Séïd 'Abd-el-Ghaffar Akhras, en arabe. In-8°. 485-
1 6 pages. A la librairie ottomane, à la tête du pont.
i3o5. Prix: 2 medjidiés d argent.
Ce texte est édile par les soins d*Ahmed *Jzzet-pacha Fâ-
roùqi, lequel a orné ce volume d'une préface et d'une bio-
graphie de l'auteur. ^Abd el-Ghaffâr ben ^Abd el-Wâhid est
né à Mossoul postérieurement à Tannée laao de Tliégire
(i8o5); il mourut à Bassorah en 1291 (1874)*
102. OjaP- « L exemple » , pièce de tbéâtre en huit
actes, par Méhémet Tâhir-bey, rédacteur au bureau
de la correspondance d'Uskiup. Se trouve chez Ara-
kel. Imprimerie impériale. i3o/i.
1 o3. ^-^^^t^ « Pensées sur ^Obaïd » , choix de vers
d'^Obaïd Zàkâni , traduits en turc par Mu^allim Nâdji.
Imprimerie Mihran. 1 3o5.
Voir plus loin n° 12 3.
104. ^yyy^J^ <^y^*y ^tiri/' «Les progrès civilisa-
teurs des Arabes», en turc, par Ahmed Râsim-bey,
professeur à l'école Behrâmi. i3oZi.
Forme le 1 5* fascicule de la Bibliothèque ottomane d'Arakel.
io5. ^vj ^ySis- «Livre de lamour», par Béhâ-
uddin Vélèd, fils deDjélàl-uddîn Roûmî, traduit en
turc par ^Alî Behdjet-Efendi, employé au bureau
des archives de la direction de la dette au Minis-
tère des finances. Chez le relieur Hàfiz-Efendi, à
la mosquée de Bayézid. Prix : txo paras.
Voir ci-dessus n" 968.
450 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
106. ciAjj^.**^ «Le service militaire», opuscule
littéraire et philosophique, par M. Béhâ-uddîn bey.
i3o5.
10 y. ^y>^ J^^' a^jUaP- «Le cadeau dlsmâll
Haqqî » , recueil des œuvres de cet auteur. Chez
Arakel. i3o4.
108. jwJï ^y^ «Les colliers de pertes», poésie
sur certaines maximes d'^Alî, fils d'Abou-Tâleb , en
arabe, par Mohammed Sa*^îd- el-Mauçilî. Chez Bé-
sîm-Efendi. Au bazar des papetiers. 1 3o4.
109. j-AJUal\ iuip h>y ^ ^jJA^\ tfjLf- «L'ap-
pui des gens vertueux, traduction turque du Ghou-
nyèt nt-Tâlihîn » , par Suléïmân Hasbi-Ëfendi , biblio-
thécaire de S. M. L le Sultan. 2 tomes en un volume.
Imprimerie ^Osmâniyé. i3o4. Prix: 20 piastres.
Le Ghounyèt ut-Tâlihin est attribué à *Abd el-Qâder el-
Giiâni.
110. p\js\ o\^W <->oKp « Mœurs étranges des dif-
férents peuples». 1** volume par Sa*îd-bey, con-
seiller d'Etat; 2^ volume par Ahmed Râsim-bey,
professeur à l'école Behrâmi. Chez Arakel. i3o4.
Prix des deux volumes : 6 piastres.
Forme les fascicules 5 et 12 de la Bibliothèque ottomane.
Voir Biblioyraphie ottomane, 1887, n* i38.
111. àôj^ ^j^ J^wai « Les vertus de la marine
militaire», sur l'obéissance, l'instruction, l'éduca-
tion, à l'usage des équipages de la flotte, par le lieu-
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 451
tenant de vaisseau Hasan Latîf-Efendi , membre per-
manent du Conseil de guen^e. Imprimerie du
Ministère de la marine. i3o4.
1 1 2. J-wW ^j^\ ^y^i ^y!^ fj^\i « Le code do
lamour, ou Deux amoureux», par Emîn-bey, caï-
makam de Tarsoûs. i3o5.
1 1 3. jP-V-l» rr^ J. fj^-^ « Quelques poètes an-
ciens » , étude par Ridjâï-Zâdèh Mahmoud Ekrèm-
bey. Imprimerie Abou 'z-Ziyâ. i3o5.
11 4. J-^*J* JbWii «Poèmes de Tevliq», œuvres
poétiques de Tevfîq-Efendi , directeur du conseil
du Chéîkh-ul-Islâmât, ancien qâdhi de Stamboul.
Imprimerie Mihran. Se trouve chez Arakel. i3o/i.
Prix : Ix piastres.
1,5. i^^r^^i j*^^ cM ^r j -^^ 4y^^
ju*j\ ilJLrUwj «La bonne parole, commentaire des
vers du Talkhiç, de ses deux commentaires et des
gloses marginales du Seigneur » , par Mohammed
Zihni, en turc, i vol. 672 pages. Revêtu d'appro-
bations d'ulémas. i3o5. Prix: relié, 27 piastres.
Cofumentaire sur les vers cités dans le ^L-^Ui ja^^ de
Kiiatib Dimîchqi, dans les deux commentaires dits, luo
yoxâc et l'autre J^sl», et dus tous deux à la plume de Sa^d-
uddin Teftazânî; enfin dans les gloses sur le Motawwd du
Seigneur (Séid Chérif) Djordjâni. Tous ces ouvrages sont
dérivé» du Miftâh el-^Oloâm de Siràdj-uddin Sekkàki (Hadji
Khalfo, t. VI,p. i5, n« 12578).
452 AVRIL-M AI-JUIN 1889.
116. J^ MjÇ' <-^\jP c->l» «Le livre des cou-
tumes étranges des peuples » , recueil consacré aux
mœurs curieuses des différentes nations, en persan,
par Mirzà Habib Içfahâni. In-i2. 260 pages. Im-
primerie du journal Akhlèr. 1 3o3. Prix : 8 piastres.
Traduction des Mœurs et usages des nations de Deppiog,
ouvrage déjà traduit en arabe par le cheikh Réfâ^a. Cf. Zen-
ker, Biblioth, Orient. , t. I , p. 98.
11 y. \j^\ y\ ^W^ «Bibliothèque d'^Abou 'z-
Ziyâ», publiée par Abou 'z-Ziyâ Tevfîq-bey. i3o4.
35* fasc. c-Â)Ua5 J^jcu a.M^« Facéties sur Técole»,
traduites de Tallemand (facéties d'Eulenspiegel) ,
par Méhémet Tâhir-bey.
36' et lio' fasc. Extraits de la partie littéraire du
Taçwir-i Efkiâr.
Ixk^ fasc. J-*^j <>**^ «La beauté et Tamour»,
poésie.
1 1 8. <Uw juy« Le bouquet » , recueil de morceaux
de prose et de vers, par Réchâd-bey, directeur de
Tinstruction publique à Janina. i3o4.
119- ojyty^^-'^^'^^XAU.wrQs sans façon», recueil
de vers et compositions poétiques diverses, par *Alî
^Aléwî-bey. In-8\ 48 pages. Imprimerie Mihran.
Chez Aiexan-Efendi. i3o4« Prix : 3 piastres.
L*auteur explique ce titre par un quatrain imprimé sur la
couverture : « Les œuvres qui figurent dans ce petit recueil
sont des broutilles sans valeur et incomplètes. Du moment
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 453
qu'il n'y a ni ordre ni rang, il faut bien l'appeler : sans fa-
çon!»
120. clr^v> J^J « Les larmes » , renseignements
scientifiques et littéraires sur les larmes, par Moç-
tafa Réchîd ; avec approbations de Sézâï-bey et de
feu Béchîr Fuad-bey. i3o4. Prix : Ix piastres.
121. OUjj cmU « Historiettes plaisantes » , par
Ahmed Midhat-Efendi. i3o4-i3o5.
1 Ix"* jDÎ^jJ j> « Une repentante ». Prix : 4 piastres.
1 5° a>lSL>. « Le bohémien ». Prix : 1 o piastres.
1 6° >v— flj;j\ <UÂ>* « La double vengeance ». Prix :
k piastres.
1 7** ! »jU « L argent! » Prix : 7 piastres.
1 8^ A a ■>--» sJUi^Vï JliV.l wjuir^ « Le sort de
rhomme se montre dans sa cuiller ».
Pour les numéros précédents, voir Bibliographie ottomane,
1887, n*» i46.
122. C>\^ c-iniai «Phrases plaisantes», recueil
de bons mots, par Ahmed Fehmi-Efendi. En 3 fas-
cicules. i3o4. Prix: 3 piastres.
12 3. J^ JU^ ViVy jiaJ\ j.Uâi cJÎUai « Facéties
de Nizâm-uddîn Mevlânâ ^Obéïd Zâkâni», texte
persan (publié par les soins de M. Ferté; revu par
Mirzâ Habib Içfahâni). In-8°. 1 28 pages. Imprimerie
Abou V?*yâ- i3o4 (porte la date de i3o3).
Cf. llammer, Gesckichte des schônen Redek. Persiens,f. 2^9.
454 ^ AVRIL-MAI-JUTN 1889.
12/». ^^ ^U.* « Les sommes des apophtegmes »,
d'^AbduHah el-Ançâri , traduites en turc par feu Né-
vrès-Efendi. Imprimerie Abou \-^^k. i3o4.
12 5. ^y*r ^y^ « Recueil des mosquées », des-
cription des divers quartiers de Constantinopie,
avec la mention des mosquées, des tekhh et des
autres monuments qui s'y trouvent, par Hâdji Ismâ-
'îl-bey-Zâdèh ^Osmân-bey, émigré de Nîch; ouvrage
accompagné d'une carte. Chez Ohannès-Éfendi, à
la librairie Vatan, i3o4. Prix: i i piastres.
126. J^wj\ àS'y^ «Recueil de traités», vingt-
huit petits traités et commentaires d'^Abd-ul-Baçîr-
Efendi, uléma de Konia, en turc; publiés par les
soins de Hâdji Kiâmil-Efendi , inspecteur générai
des contributions indirectes. Chez Hâdji Moharrem-
Efendi, au bazar des papetiers. Imprimerie impé-
riale. I 3o4. Prix : 1 2 piastres.
127. ^AjtA às-y^ «Le recueil du professeur»,
leçons de littérature professées dans les écoles supé-
rieures , par Mu'allim Nâdji , rédacteur en chef du
journal iS^'^dd^^ Par fascicules. i3o5.
1 28. AA^lid « La conversation »,' recueil de poé-
sies sur la vie nomade et la vie civilisée , par Nâzinf
bey, directeur de la correspondance du vilàyet àe^
Konia; avec une approbation en vers émanée" de
Mu'allim Nâdji. i3o5. Prix : j 00 paras. . .i
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 455
129. <-^j«l' iw.ju a L'école des Arabes », résumé
de la civilisation des Arabes, en turc, par 'Abd-ur-
Rahmân Fehmi-Efendi. i*' volume, contenant les
six premiers chapitres. 1 3o5.
i3o. J<:^^ ^y «Le miroir des deux villes
saintes», par le contre-amiral Hâdji Eyyoûb Çabrî-
pacha, président de la commission de perfectionne-
ment et de contrôle au Ministère de la marine.
2*" partie : àJôdj, Oy « Le miroir de Médine »; com-
plet en 8 fascicules. Grand in-8°, formant i,343 p.
Se trouve chez TaraqdjiDédéh-Efendi, à Mahmoud-
pacha. Imprimerie de la Marine. i3o4-i3o5. Prix
de chaque fascicule : 16 piastres (sauf le dernier, à
20 piastres).
Pour la 1'* partie, voir notre Bibliographie ottomane de
1887, n" 356.
1 3 1 . àà^j^f- ëiy a Le miroir mahométan » , imi-
tation d'une pièce de vers sur la naissance du Pro-
phète de Suléimân Dédèh , par Ahmed Na*im-Efendi ,
adjudant-major des constructions navales. i3o4.
1 3 2 . <uLj Ll>U>.V.,â^ (t Entretiens du soir » , par
Ahmed Midhat-Efendi. Paraît par fascicules de
32 pages. i3o4-i3o5. Prix : 60 paras.
I ° ^yi^ CaSj « Passer le temps ».
1" ij^y^y j^ « La longévité »•
3" Juto « Le mariage ».
456 AVRIL-MÂI-JUIN 1889.
Ix"" ààyj^ oVij^ « Les expériences chimiques ».
5° ^U;p\ « L'habitude ».
6° j\-^îî* ■ w fl -^^ B.yjLij\i «La conservation de la
beauté chez les femmes ».
«7° Oij— d>»— • J-^»-o « Examen des boissons eni-
vrantes ».
8" et 9** jJjj « Voltaire ».
1 o° Cy^\^\ « Oppositions ».
1 1 ° AaLwuJ Od^ « Bénédictions d affinité ».
1 2'' JV— ». -J^^->y y^*^^ « L'accroissement de la
beauté des femmes ».
1 3** Jij\ àSJ[ V)\j « Le père et 1 enfant ».
i33. ^\ CjSj^* «Les miracles du Prophète»,
poème, par Hâdjî *Eumèr-Efendi , mufti du g* régi-
ment. Chez Hâdji Béhà-uddin de Qazan, au bazar
des papetiers. i3o4. Prix : i oo paras.
1 34. J^^' J^=*" jW** « La pierre de touche de
la morale», par le moUa Huséïn Tevfîq, qâdî de
la Mecque ; traduit et extrait de VIhyâ ^ouloûmriddîn
de Ghazzâli. i3o5.
i35. o^i c-^:;^ «L'école de la politesse», traité
de morale. En 2 volumes. Se trouve chez Ârakel.
i3o4. Prix : relié, 26 piastres.
I 36. cAiy^ « Lettres », recueil de compositions
épistolaires , par Hâfiz Ishàq-Ëfendi, secrétaire-
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 457
général de la municipalité du 6* cercle. Chez Ara-
kel. 1 3o5.
1 37. sOiJL:** oVa^î:^ « Nouveaux extraits », chres-
tomathie ottomane. 1'" partie : prose, en k volumes
(morceaux choisis de Djevdet, Ziyà, *Akif, Fuad,
Réchîd, etc.). 2® partie : poésie, en tx volumes (ex-
traits des œuvres de Munîf, SaM-uUah, Kiâzim, etc.).
Chez Qarabet et Qaspar. 1 3oZi. Prix de chaque par-
tie : 20 piastres.
1 38. j>^ia3\ ^jlaJU « La logique des oiseaux », traité
de logique , par demandes et réponses , en turc , par
Suléimân Zuhdi-Efendi , de Zichtova. i3o4.
1 39. ^^V\ J\j^ « La balance de la littérature »,
su r l'éloquence, par Sa*îd-pacha, de Diarkébir. i'* li-
vraison, environ i5o pages. i3o5. Prix: 5 piastres.
1 40. OâJ» fj\y:A « La balance de la sociabilité »,
par le moUa Huséïn Tevfiq , qâdî de la Mecque ; traduit
et extrait de \Ihyâ ^ouloâm-iddin de Ghazzâli. 1 3o5.
1 4 1 . jVj& wj\ j>j-ï^ « La balance de la preuve » ,
traité de logique, traduit de l'arabe par ^Abd-un-
Nâfi'-Efendi , ancien gouverneur général de Ma^moû-
ret-ul-^Azîz (Kharpout). Imprimé aux frais du Mi-
nistère de rinsti*uction publique, à Tlmprimerie
impériale. iio[\.
i42. 3}^y>\» «Le livre de l'émigré», par
Emîn-bey, caïmakam de Tarsoûs. 1 3o5.
XIII. 3o
litPRiMi.K:t: Xitiii.ma.
458 AVHIL-MAI-JUIN 1889.
1 43. 0^\aw j£. fc L'étoile du bonheur », recueil
de morceaux littéraires parus dans le journal SiàAei
« Le bonheur ». Paraît tous les quinze ou vingt jours
en fascicules de 32 pages. Imprimerie du journal
S^âdet i3o4. Prix de chaque livraison: 5o paras.
itxli. fjjibjS\ j^\ JîUuj j ^jibj\ yuW «La publi-
cation fleurie, touchant les traités de Taigle du
siècle», préceptes et conseils moraux, en arabe.
Imprimé par les soins de Hasan Husni à Timprimerie
du journal arabe El-Ptidâl, i3o4. Prix: relié, lo
piastres.
i45. f^fy Jâ5 «Ma poésie et ma prose», choix
de compositions littéraires de Djémîl-bey. i3o5.
146. CaP-w ^jji «L exemple de la bravoure»»
poésie sur les hauts faits du héros Hasan d'Oulou-
bâd, par Kiâmil-bey Tépédilenli-Zâdèh. Chez Kir-
kor-Efendi, à la librairie ^Açr. i3o5.
i4y. ji^\ lJoU9j «Les devoirs des parents»,
principes de l'éducation des enfants, compilation
de divers ouvrages faite par le libraire Ârakel et cor-
rigée par Mu^allim Nâdji. Chez Arakel. 1 3o4. Prix :
5 piastres.
iliS.j^jj «Voltaire», biographie par Béchif
Fu ad-bey, rédacteur au journal S^âdet Chez Ara-
kel. 1 3o4. Prix : 7 piastres.
Forme les volumes g et lo de ia Bibliothèque ottomane.
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 459
ilxç). ^Lc:»-jlfS\j a Souvenirs de ma vie», mé-
moires de feu Hobart-pacha , amiral au service otto-
man, traduits de l'anglais par Méhémet *Azîz-Efendi
de Crète, élève de TÉcole de droit. Par fascicules.
i3o/i.
1 50. f^^-<^ «54 « Souvenirs du passé » , par Tâhir-
bey Ménémenli-Zâdèh. Chez Kirkor-Efendi , à la li-
brairie *Açr, 1 3o4.
ni
HISTOIRE, BIOGRAPHIE.
1 5 1 . ^u^V\ ^\ « La base du fondement », re-
cueil de poèmes historiques sur les souverains otto-
mans, par Ibn ur-Réchâd ^Alî Férroukh-bey. 1*' vo-
lume. i3o/i.
162. j^^j) <^^ ' " Les anciens Romains » , his-
toire de Rome, traduite par Ahmed Râsim-bey.
i*"" fascicule. i3oZi.
F'orme le 56* volume de la bibliothèque d'Abouz-Ziyâ.
1 53. ^y4j« j^jS\ n Histoire d'Espagne », par feu
Ziyâ-pacha. Réimpression du volume IL Chez Kir-
kor, à la librairie *Açr. i3oii.
iblx, ^\ji\ji3^ «Rédaction du sujet cherché»,
panégyrique du Grand Cheikh ('Abd-el-Qâdir Gî-
lànî), par El-Hâdj Mohammed Fevzî-Efendi , ancien
mufti d'Andrinople, nâïb (substitut du juge religieux)
du chef-lieu de la province de Qarasi (Bâlikesr);
3o.
460 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
publié par les soins de Sa*d-uddîn-Efendi , directeur
de rimprimerie de cette proWnce. i3o5.
i55. à^J^ JjU^j^^gaJLi^ à^3 «Biographie abré-
gée du Prophète», en turc, par le molla Khodja
Méhémet Rà*ïf-Efendi. A la librairie dX)smân-bey.
i3o4.
i56. ^L--jjLw\ jftj «L'époque de la conquête»,
traité de Kémâi-bey, souvent réédité. i3o4.
Forme le 33* fascicule de la bibliothèque d'Abou z-Ziyâ.
iSy. r^jj^ <S)ir^ «Surouri, lauteur de chrono-
grammes », biographie. i3o5.
Forme le 70* fascicule de la bibliothèque d'Abouz-Ziyâ.
i58. ^^j-J J--WW «Biographie du Prophète», par
Haqqî-Efendi , juge d'instruction à Maghnissa. Im-
primerie Abouz-Ziyâ. i3o5.
iSg. fj^^ ^j^^ «Histoire ottomane». VoL I:
J»>-JU « Introduction » consacrée au gouvernement
de Rome, aux empereurs romains d'Orient, aux
Sassanides de Perse, à l'apparition de l'islamisme , etc. ,
par Nâmiq Kémâl-bey. i"* fascicule, seul paru et
saisi. In -8**. 64 pages. Imprimerie Abou'z-Ziyâ.
i3o5.
160. a^^Aww\ Jj^ vç^»\j aS^ii «Résumé de l'his-
toire des dynasties musulmanes » , à l'usage des
écoles, par 'Abd-ur-Rahmàn-Efendi, directeur de
l'École impériale civile. Vol. I, embrassant les évé-
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 461
nements qui se sont passés jusqu'à Tapparition des
Abbassides. Chez Qarabet et Qaspar. i3o5. Prix :
relié, i3 piastres.
161. ^j/i ' OU) a Le livre des biographies » ,
histoire des gens célèbres de la plume et de Tépée
en Arabie, rangés suivant Tordre de l'alphabet, par
Zihni-Efendi , professeur au lycée impérial de Ga-
lata-Séraï, en arabe. Vol. I, i5o pages. Imprimerie
de la société Murèttibiyé. i3o5. Prix: y piastres.
162. W^\ y\ '^W^ « Bibliothèque d' Abou z-
Ziyâ ». Volumes relatifs à l'histoire et à la biogra-
phie :
34* fascicule. Histoire des Jésuites, traduite par
Ahmed Ràsim-bey. i3o4.
43' fascicule. Récit de l'ambassade d'Ahmed Res-
mi-Efendi à Vienne. i3o4.
54" fascicule. Récit de l'ambassade de Sa^îd Wa-
hîd-Efendi à la cour de Napoléon I*', en 1221 de
l'hégire. i3o/i.
i63.^joJ\ cS}y» «Le miroir des exemples», his-
toire universelle, par Sa^îd- pacha de Diarbékir.
6 volumes parus. Chez Kirkor-Éfendi , à la librai-
rie ^Açr. i3o/i-i3o5. Prix de chaque volume:
1 o piastres.
164. >iL^V\j-j&uL* «Les hommes célèbres de
l'islamisme», de Hamîd Vehbî-Efendi. Imprimerie
402 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
Mihran. i3o4-i3o5. Prix de chaque fascicule:
2 piastres.
Ii2. — Les fils dlsfendiâr, princes de Sinope et
de Kastamouni. 43. — 'Abou l-^Abbâs Safïah. 44-
— Suléïmân ben *Abd-el-Mélik , khalife oméyyade.
45. — L'imam et poJygraphe Soyoûti.
Pour les numéros précédents, voir Bibliographie ottomane,
mai-juin i885, p. 427, n** 234» et 1887, n* 2o3.
i65. J^-»âÂ* (c Le détaillé», histoire de TËmpire
ottoman et des temps modernes, par Ahmed Mi-
dhat-Efendi, 3® volume. i3o5.
Voir Bibliographie ottomane , 1887, n" 2o4-
166. <uL>\ww\ cA« «La nation juive», histoire
du peuple dlsraël. 1 3o5.
Forme le 66* volume de la bibliothèque d'Abou z-Ziyâ.
167. t-Mj-*^ *^y «La noble nativité», panégy-
rique et biographie du Prophète, en vers turcs, par
Hâdji ^Osmân Sérâdj-uddîn-Efendi d'Erzeroum.
Chez les libraires de la mosquée de Bayézid. i3o5.
IV
SCIENCES DIVERSES.
168. cAj^ ^1j\ «Démonstration des mélodies»,
traité relatif à la musique (plaquette de Sa pages),
par le flûtiste Mohammed Kiâmi-Éfendi. Imprimerie
de Djémâl-Efendi. i3o4. Prix: 100 paras.
L'auteur, renonçant à la méthode européenne de notation
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 463
de la musique et revenant à l'ancienne tradition, indique
pour chaque mode ou ton les notes qui le composent. Les
deux dernières pages sont consacrées à une synonymie turque-
française (le français en caractères turcs).
169. ^y^ ;^\jPyju*»\ «Le professeur de sténo-
graphie », cours de tachygraphie appliquée au turc,
par Nâdji-Efendi, directeur-adjoint à la Cour des
comptes. i3o5.
170. vl^J J!^ ^j! «-*^*^ V^ ^j^ ^^*
a Quelques questions et réponses sur les armes à feu
employées dans la marine ». Imprimerie du Ministère
de la marine. 1 3o5.
171. Ovii^A^ jy^ '^'^kicA jy^\ « Principes de
l'amélioration et de la multiplication des animaux »,
par le lieutenant-colonel Husni-bey, professeur de
chirurgie vétérinaire à TEcole de médecine. i3o5.
'7^- i^J* (J^^^^ Oy^ «Principes de diagnos-
tic » , traduit du français du D"" Racle , niédecin
des hôpitaux de Paris, professeur-adjoint à TÉcole
de médecine, par le D' Féïz-UUah-bey, colonel,
membre de la Société impériide de médecine, pro-
fesseur de pathologie interne à TEcole de médecine
militaire , et de clinique interne à l'Ecole de médecine
civile. Avec 99 ligures. Chez Ohannès Férîd-Efendi.
i3o5. Prix: 35 piastres.
173. OïuU>\ i^JuXS^jyJ\ «Principes de la véri-
fication des constructions , en ce qui concerne lar-
/t04 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
chitecture et les travaux publics » , par le lieutenant-
colonel Tevfiq-bey. i 3o5.
1 y 4. ày^jJJt J^\ « Principes de géométrie », ex-
trait des publications de la Société d'instruction F. I.
C, par Hasan Fuad et Mahmoud Chevkèt. En
2 volumes. Chez Qarabet et Qaspar. 1 3o5. Prix :
3o piastres.
1 y 5. iui>-\^ ^jS- fjs\j4\ « Nosologie générale des
maladies intenies», traduite par le lieutenant-colo-
nel Huséïn-bey, directeur de TÉcole de médecine
civile et professeur de nosologie génénde. 1 3o4.
1-76. ^vÂw C>V-»iô\ «Les constructions navales»,
traité de lart de l'ingénieur appliqué à la construc-
tion des navires, traduit de langlais par Muhsin-
Éfendi, professeur à TÉcole navale. i3o4.
lyy. f^t^ y «Le médecin à la maison», par
le docteur Chéref-uddîn-Éfendi. Paraît par fasci-
cules. Se trouve chez Ohannès-Efendi, à la tête du
pont. Imprimerie Mahmoûd-bey. 1 3o5.
lyS. (Jy^ ^} ('5)3 J rJJ3 "^® raisin et la cure
par le raisin » , brochure par le docteur Bésîm-*Eu-
mèr-bey. i3o5. Prix: Ix piastres.
1 y 9. yiJ « L'homme », par Béchîr Fuâd-bey. En
3 fascicules. Imprimerie Mihran. i3o4. Prix de
chaque livraison : 5 piastres.
Forme les fascicules 29, 3o et 3 1 de la Bibliothèque de
poche. Voir notre Bibliographie ottomane, 1887, n* ai 5.
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 465
180. a^ OW^ oVp\/:i>-\j OVW ^\3 «His-
toire de Tindustrie , des inventions et des découvertes
humaines », depuis la création jusqu'en Tan de Thé-
gire i3o3, par Huséin Vaçfî-bey de Philippopoli.
Se trouve chez le cheikh *AbduHah Chukri , au ba-
zar des graveurs. Imprimerie impériale. 1 3o5. Prix :
1 00 paras.
181. (wJ«^ ?4jv5 « Histoire de la médecine » , par
le docteur Huséin Ramzi-bey, lieutenant- colonel,
rédacteur au journal S^âdet. i**^ volume. Chez Qa-
rabet et Qaspar. 1 3o5.
Première histoire complète de la médecine publiée en
turc.
182. J^-p* v-r^ « La formation du monde » , par
Ahmed Rasim-bey. i364.
Forme le 48* fascicule de la bibliothèque d'Abou'z-Ziyâ.
1 83. <^^J^ ^VlJa.> « Applications techniques » ,
par Maqçoûd Nichân-Éfendi. Vol. I et II. Applica-
tion de la science à l'économie domestique et aux
arts simples, i 3o5.
184. \-ï^\^i». jAJi=^ « Abrégé de géographie » , par
Méhémet Bedr-uddîn-bey. Chez Ohannès-Efendi.
1 3o4.
i85. c-^u^' jô^ «Abrégé d'arithmétique»,
à 1 usage des écoles rachdiyéh, par ladjudant-major
Tahsîn-Efendi. 2* édition. i3o5.
466 AVRIL-MAI-JUIN 1880.
186. Jtï-^j t?^ J^)f^ «Géographie phy-
sique et politique», d après les ouvrages de Levas-
seur et de Gortambert, par Fazli Nédjib-Éfendi de
Salonique; contenant ly cartes et figures. Ghes
Arakel. 1 3o5. Prix : 3 piastres et demie.
187. ^jS- ^Liljis^ < Géographie générale », par
' Abd-ur-Rahmân Éfendi , directeur de l'École impé-
riale civile. 2* volume. Chez Qarabet et Qaspar.
I 3o4.
1 88. J-iâ^ ^Li\yb>- « Géographie détaillée » de
TEmpîre ottoman , avec des détails sur ses produc-
tions agricoles, industrielles et autres, par ie com-
mandant ^Alî Çâïb Éfendi , professeur de géométrie
des écoles secondaires militaires. i3o5.
189. C^r^ ^^^Vj J^ kb^ *^>>-J^ • l'V
giène des enfants, ou Conseils». i3o4-
] 90. 9^Uiw\ vpLs^jj>-' a Enseignement profitable
aux enfants», morale et informations utiles, histo-
riettes, contes moraux, par ^Alî *Irfàn-bey d*Egriboz
(Négrepont). Publié par Hilmi-Éfendi , à la librairie
générale. i3o5.
191. ^aLo vjJls^jj>> ff L'instruction pour les en-
fants», sous forme de revue bi-mensuelle, par Mé-
hémet Chems-uddîn-bey. i3o5.
192. O^ JûÂ^ «L'hygiène», traité élémentaire
à l'usage des écoles, par Elias Matar-Éfendi, profea-
seur à l'École impériale de médecine. i3oA.
BIRLIOGRAPHIE OTTOMANE. 407
1 93. i^}^j^ C^ i2ai>. a Leçons dliygiène », tra-
duites du français par Djevdet-Ëfendi, rédacteur au
joumd Terdjamâni Haq^at Chez ArakeL ]3o5.
Prix : 1 00 paras.
1 9^* (^y^ \jyM^ « Les éclipses du soleil et de
la lune», par Tenseigne de vaisseau Qihni-Éfendi,
professeur d'astronomie et de navigation à TÉcole
navsde. Chez Ohannès. i3o4-
195. à^JSJb <i^^^ «Résumé de la géométrie » ,
par le colonel Méhémet *Arîf-bey, aide de camp de
S. M. le Stdtan. i3o4.
196. ^\j5 ^le^j^j^U «.dj^ «Les bains de mer
et l'hydrothérapie » , par le Yy ^Eumèr Bésim-bey.
i3o5.
1 97. ^^ àoàs^ ^^^-^«^ « Hygiène des dents », par
le D' ^Eiunèr Bésîm^bey. i3o4. Prix : 5 piastres.
1 98. c->\-u*^ ^Ji^j * ^^ guide de l'arithmétique »,
par ^Abd-ul-^Âziz-Éfendi , professeur à Técole Téraqqi
(le Progrès) de Salonique. Chez Arakel. i3o4* Prix:^
3 piastres et demie.
•
1 9*9. yA- J^*e**^ c5^^ • Guide de Tinspection des
viandes», manuel de Imspecteur de la boucherie,
par M. Villain, vétérinaire en chef, inspecteur des
boucheries et abattoirs de Paris, traduit en turc par
le lieutenant-colonel vétérinaire Huséin Husni-bey.
Chez Ohannès Férid-Éfendi. 1 3a5.
468 AVRIL-MAI-JUIN 1889^
2 00. ^s^yj) «Zootechnie», élève des animaux
domestiques , traité pratique de zoologie à lusage des
agriculteurs, par le D"" Huséin Ramzî-bey, profes-
seur de zoologie dans diverses écoles de TEtat. 1 3o5.
201. a^wU*» «Annuaire» de TEmpire ottoman
pour Tannée de l'hégire i3o4; rédigé par les soins
du Ministère de l'instruction publique. 4 2* année.
Petit in-8°. 469 p. Imprimerie Mahmoûd-bey. i3o4.
Mx : 1 5 piastres.
202. A-»vjuLw «Annuaire» de TEmpire ottoman
pour Tannée de Thégire i3o5 ; publié par les soins
du Ministère de Tinstruction publique. 43" année.
Petit in-8°. 387 p. Imprimerie Mahmoûd-bey. 1 3o5.
Prix : i o piastres.
203. ^5jCLp a^Uu*» «Annuaire militaire» pour
Tannée i3o5, publié, pour la première fois, sous
les auspices du Séraskiérat. -789 p. Imprimerie du
Djéridi-i ^Askériyé. 1 3o5.
Personnel des armées de terre et de mer; médai&es in-
stituées par la Sublime-Porte; figures des drapeaux et pavil-
lons ottomans.
204. ^^UÀ^.ir,w>j jiilcA^*^ «L obésité et la mai-
greur », articles médicaux parus dans le journal Ta-
rîq et réunis en brochure , par le D' Bésîm *Eumèr-
bey, professeur d'accouchement à TEcole impériale
de médecine. i3o5. Prix : Ix piastres.
205. r-^î'tJ^ c?\-c^^^^ «L'hygiène du mariage».
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 469
par le D"" Bésîm 'Eumèr-bey. Chez Arakel. i3o4.
Prix : 1 3 piastres et demie.
206. JUL\ fjXJ:!^^^ «Guide de Thygiène infan-
tile », par le D"^ Bésîm ^Eumèr-bey. Avec /i5 figures
la plupart en couleur. i3o/i. Prix : i5 piastres.
207. J->-j->- — ^ — ^^ ^y=^^^ ^^ c?^^'^^^^
« L'hygiène de la famille , ou le père , — la mère
— Tenfant», par le D'' Bésîm ^Eumèr-bey. i3o4.
Prix : relié , 1 6 piastres.
208. C^u>^ w? «La lumière et la chaleur»,
traité de physique, par Nédjib *Açim-Efendi. 1 3o4.
Forme le Sg* fascicule de la bibliothèque d'Abou'z-Ziyâ.
209. Op^ « Le plaisir », traité scientifique, par
le médecin Huséïn Khoulqî-bey. Chez Qarabet et
Qaspar. i3o4.
210. »Jui.» APyc^ <3lJ « Le recueil utile, avec
su|)plément » , traduit par Ahmed Hamdî-bey, fils
d'^Alî Nédjîb-Pacha. 2' édition. Chez Kirkor-Efendi.
i3o5.
211. ^ui>-\^ cHy r " Pathologie interne » , tra-
duite sur la version française de Touvrage allemand
de Stranbell , par Féïzi-bey, professeur à TEcole de
médecine. 1*' volume : bSV:w aJuji ^Jâ^y^ «Les ma-
ladies infectieuses aiguës ». A la librairie Vatan. 1 3o5.
Prix : 20 piasftres.
470 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
2 12. c-jUm^ \p' (SJ^j À^ «Arithmétique théo-
rique et pratique » , par le colonel d'état-maj or Ahmed
Chukri-bey, directeur des études de TÉcole militaire.
2" édition augmentée. Chez Arakel. i3o5. Prix :
1 o piastres.
2 1 3. Jl.i.A-A.iaJ c->L.^i>* ip ^J^J (J-^ " Applica-
tions théoriques et pratiques de Tarithmétique » , com-
plément du numéro précédent, par le même auteur.
219 p. Chez Ohannès-Efendi. i3o5. Prix : relié,
1 o piastres.
21/i. o\^j^\ à^.jjJ' «Traité complet de lallai-
tement » au point de vue du droit canonique mu-
sulman, par le moUa Mohammed Émîn-Efendi
d'Eski-Chéhir, nâib (substitut du juge religieux) de
Kutahiyyé. Chez Sa^îd-Efendi , au bazar des gra-
veurs. 1 3o/i.
21 5. J^jty ^}f^^^J ^»Jb\i «Les jeux utiles et
amusants ». i** partie : tu\^ « le jeu de dames ». Chez
Arakel. i3o5.
216. \s_f^ 3^J^ ^y «La chirurgie militaire»,
traduit du français du D"* Odet , officier de santé de
larmée française, médecin de TEcole de Saint-Cyr,
par le D"" Qâsim ^Izz-ud-dîn , professeur adjoint de
pathologie externe à l'Ecole impériale de médecine.
i3o5.
217. CJ^^ «Vi- « La mort subite » , traité médical,
traduit en turc par le D"" Weissmann, memblre de
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 471
la Société de ia croix blanche dltalie. i3o5. Distri-
bué gratuitement.
218. (j^W /f^"^ ^y « Gournah et le sergent
Fad^am » , description de certains endroits du bas
Euphrate et du Chatt-el-*Arab , par l'adjudant de
marine Suléïmân Noutqî-Efendi. Petit in-8°. 5o p.
Imprimerie Mahmoud -bey. liolx- Prix : 2 pias-
tres.
Renseignements géographiques, détails de mœurs, scènes
populaires , etc. , présentés sous la forme d'une nouvelle.
2\Q, jyJypaLe pigeon messager», traité de
remploi des pigeons voyageurs à la guerre , par le
capitaine Nédjîb-Éfendi, professeur de français à
rÉcole secondaire militaire de Top-tâchy. 1 3o4-
220. C^ àA^ « Bibliothèque de la santé » , pu-
bliée par le D'' Utudjian-Éfendi, médecin du Palais
impérial , propriétaire du journal Çihhat « la Santé ».
3 fascicules parus. i3o4-i3o5.
221. o\-i/« Le vérificateur » , traité de ia véri-
fication appliquée à fart de farchitecte et aux tta-
vaux de construction , par Huséïn Rizâ-bey, colonel
d'état-major. Chez Ohannès-Éfendi, à la hbraîrie
Vatan, i3o/i.
222. Ji uîlJU^b^ « L'art du marin», traduit de
langlais (du Livre du Marin illustré par Tamiral Na-
pier) parle contre-amiral Haqqî-pacha, aide de camp
472 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
de Sa Majesté Impériale, membre de la commission
d'inspection militaire. i3o5. Prix : i^S piastres.
2 2 3. Wm*^ <A>-j$« Petite géographie» à Tusage
des enfants et des commençants, traduite par ^Alî
Nazîmâ-bey. Imprimerie de la société Murèttibiyé.
i3o5. Prix : 6o paras.
2 2 4. ^y^àj^^y^ ^j^Ç^^ La poste aux pigeons »,
traité technique, par Nédjîb *Açim-bey, capitaine
d'infanterie, professeur de français des écoles secon-
daires militaires. i3o5.
2 2 5. ^sy\ ^-^^ " Dictionnaire deRamzi », expres-
sions arabes et persanes , termes techniques des scien-
ces et en particulier de la médecine et du droit , par
Huséin Ramzî-Efendi. Vol. I, 91 5 p. et 2 4o figures.
A la librairie Émânet « la Confiance», au bazar des
graveurs. i3o5. Prix : relié, Ix'j piastres.
L'ouvrage sera complet en deux volumes.
226. ^ vjiorJC (J.^».u-* «Questions scientifiques
résumées », traduites par Fazlî Nédjîb-Efendi. i3o4.
Forme le Sa* fascicule de la Bibliothèque cFAbou'z-Ziyé.
227. Vj\^i5w ^9 ^A^ «Principes de la géogra-
phie » à lusage des écoles primaires musulmanes ,
par Méhémet Chevqî-Efendi , capitaine d'état-major.
i3o5.
228. c->w>- W àfiy^ « Recueil d'arithmétique » ,
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 473
par le colonel *Arîf-bey, aide de camp de S. M. le
Sultan. Chez Arakel. i3o/i. Prix : lO piastres.
229. iSj^ ^J^ *^ Le moteur marin », emploi des
vagues de la mer comme force motrice, avec figures,
par Yousof Elyâs-Efendi , ingénieur en chef de la
province du Liban. 1 3o5.
Le texte français de cette brochure a paru en même temps.
280. ^^-tr^i^ j4.l>j.vax< «Abrégé dîiistoire natu-
relle » , adopté pour renseignement à Thospice hàr-
Uch-Chéfaqay par le lieutenant-colonel D"" Huséïn
Ramzî-bey. i3o5.
28 1. ^^ ^^VjLbw wyaxsi « Abrégé de la géogra-
phie ottomane » , par M. J. Lapierre , professeur au
lycée impérial de Galata-Séraï , traduit en turc par
Méhémet Zékî-bey et Moûsâ Kiâzim-bey. 1 3o/i.
282. usKÂ>- v^ô:^ « Géographie abrégée », par le
colonel Suléïmân Chevket-bey. 2* édition, entière-
ment refondue. Chez Arakel. Imprimerie de la so-
ciété Murèttibiyé, i3o4. Prix : 2 piastres.
233. ul?\ »jLl>.j\ju «Aide-mémoire des méde-
cins » , vade-mecum du médecin-accoucheur, avec
des renseignements sur toutes les maladies externes
et internes , par le colonel D' Entranîk-bey, profes-
seur de physiologie à l'Ecole de médecine; ouvrage
orné de plus de 1,200 figures. Forme environ 120
fascicules de 16 p. chacun. Chez le gardien du mu-
XIH. 3l
iMfmvrR:!: s4Tia\*ii
474 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
sée de l'Ecole de médecine, Méhémet-Efendi. i3o5.
Prix de chaque livraison : 60 paras.
<it »
234. (jv^* (jtî-'*«-^j— • j v-v^-* «Les fondateurs des
sciences; ouvrage illustré », biographie des inventeurs
et des savants célèbres, rangés par ordre alphabé-
tique, par ^Eumèr Çubhî et Méhémet Noûrî. Vol. I.
Chez Qarabet et Qaspar. 1 3o5.
2 35. ^j^^\jft^ àJ^.tJS' «iULc Jb-ii^ « Géographie
détaillée de TEmpire ottoman » , par Méhémet Chèv-
kèt-bey d'Andrinople. Chez Kirkor-Efendi, à la li-
brairie "^Açr. i3o/i. Mx ; 8 piastres.
236. ijj\-»^ ^j i^J^ Cj>\^J^ « Éléments de la mé-
decine et de la thérapeutique », parle ET Munîr-bey,
adjudant-major, professeur-adjoint à TÉcole de mé-
decine militaire. — 1° J^JU « Introduction ». Prix :
10 piastres. — 2° Vol. I. -7 1 4 p. et 4 1 figures.
FVix : 2 5 piastres. Chez Ohannès Férîd-Efendi.
i3o5.
237. Jh^J^ à^jJu^ «Introduction à l'analyse»,
précis élémentaire d'analyse des falsifications, par le
major ^Eumèr-bey, professeur-adjoint de chimie à
l'Ecole de médecine. i3o5.
2 38. Oljd^ oViiC» «Les stupéfiants et les bois-
sons enivrantes » , par le D' Bésîm ^Eumèr-bey^ pro-
fesseur-adjoint d'obstétrique à l'Ecole de médedne.
— i'*' partie : ^^y «Le tabac». — a* partie :
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 475
(5V>-j vu^\yAf\ ^J^\ «L*opium, le hachich, le café
et le thé». Chez Arakel. i3o/i-i3o5.
289. <^ ^^ « Conversation scientifique » à iu-
sage des commençants, par Huséin Husnî-Efendi.
i3o5.
21x0. oV^otAAL c-aî\ju «Les vertus des choses na-
turelles», par Méhémet Rirat-bey de Monastir,
lieutenant-colonel d'état-major. — 1" partie : Caa)
i ai « La maison civilisée » , description des mœurs
des animaux domestiques , mise à la portée de tout
le monde. Imprimerie Mihran. 1 3o/i. Prix : 5 pias-
tres.
2 /il. ^t^j clL*;ju^ «Le compagnon de fingé-
nieur », traité des progrès de la science des construc-
tions navales, par ladjudant de marine Suléïmân
Noutqî-Éfendi. i3o5.
242. j^y^^ ùj^ **^^ balance des âmes», traité
d'oniro critique , par Hâfiz Kholoûçî-Efendi, pro-
fesseur à Tuniversité de Bayézîd. Librairie Emânét,
au bazar des graveurs. i3o5. Prix : 5 piastres.
2/i3. <-ri)j*^* '*Le microbe», sur les infiniment
petits et le traitement de la rage d'après la méthode
de M. Pasteur, avec figures. Chez Ohannès-Efendi.
i3o5. Prix : "7 piastres et demie.
244. (Sj^ V/*" lT* ôy^ y « Nouvelle tactique
navale » , ouvrage mis au courant des progrès de
3i.
476 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
la science, par le contre-amiral Méhémet-pacha
d'Aq-Sérâï, président de la commission technique
du Ministère de la marine. 4oo p. et 82 planches.
Imprimerie ^Osmâniyyéh. i3o4. Prix: 5o piastres.
245. ^y^ àjay «Le professeur de musique no-
tée » , principes de la musique turque notée à l'euro-
péenne, par Hâdji Emîn-bey, imprimeur et graveur
de musique. — On vend séparément des chansons
turques notées de Rirat-bey, 1" muezzin du Sultan,
de Chevqî-bey, de feu Hâdji ^Arif-bey, etc. , avec un
accompagnement de piano. — Imprimerie Zarta-
rian. i3o/i. Prix : 12 piastres.
2 46. ouV\ uSuhj «Les devoirs des femmes»,
économie domestique, éducation des enfants, etc.
Chez Arakel. i3o/i. Prix : 5 piastres.
2/17. j-jo\jb j^JS \S(^ fj,-^„ «La foudre et les
moyens de s en défendre » , traité du paratonnerre ,
par Méhémet Chevqî-bey, fils de Guendj Ahmed-pa-
cha, capitaine d'état-major. i3o5»
V
LINGUISTIQUE, RlÉDACTION , GRAMMAIRE.
2/18. \^^^ ij^^^J ^ ^y\ M^^ (j**^ * Le prin-
cipe des sciences , ou Table de la traduction du Bina » ,
tableau des principes de la grammaire arabe , suivant
la traduction turque du Bina, par Çafvèt-bey. Prix :
Ixo paras.
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 477
ilig- *-r^Ji W*-^ J^' «Principes de la ponc-
tuation et de la distribution (des membres de la
phrase) », par Ch. Sâmi. i3o4. Prix : 5 piastres.
Forme le Sa" fascicule de la Bibliothèque de poche.
2 5o. j^^^ ôy^^ ^jt"^^ «Principes de rensei-
gnement de la langue an^aise». i3o5.
2 5i. jVj^^i «Lis et écris!» poème didactique
de 4oo vers, pour apprendre Tarabe et le persan,
par feu Abou-Naçr Férâhi , traduit en turc par Ibra-
him Haqqî-Efendi , traducteur du journal la Tur-
quie, suivi de quelques ghazèls en turc. i3oA. Prix:
5 piastres.
262. à^\f- 0\ij^ «Les conjugaisons arabes»,
grammaire arabe facile à l'usage des enfants, par
Sami-bey. Chez Qarabet et Qaspar. i3o4. Prix :
1 00 paras.
2 53. ^ysP' ^uJ oVÂjj-»â5 « Les conjugaisons de la
langue turque», diverses questions s y rattachant,
par Suréyyâ-Efendi , ancien membre du Conseil de
l'instruction publique. 1 3o4. Prix : 3 piastres et de-
mie.
254. <i-î-^V\ (Ja^Iïï «Application des langues»,
éléments de la grammaire arabe, persane et turque,
par ' Abdullah *Avnî-Efendi , professeur de persan à
l'école préparatoire de Qouléli. a* édition. i3o4.
Prix : 2 piastres.
2 55. jUJJ\ ^A^ « La langue rendue compréhen-
478 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
sible » , par Méhémet Mozafifèr-bey, rédacteur au bu-
reau de traduction de la Sublime-Porte. 1 3o4.
2 56. j\i:;^\ t5-^W* «y*"^ i^vjJ^ v"*!^ « Transfor-
mation des mots, ou Principes de dérivation», par
Ibn-ur-Réchâd ^Alî Férroukh-bey. i3o4.
257. ijyy^\f c?^' ^*^ « Nouvel alphabet fran-
çais », par *Abd-ul-Kérîm Nâdir-bey. 1 3o5.
2 58. JU>^i j\-*>^ « La beauté de la concision »,
exposé succinct des règles de la grammaire persane,
par Nazîf-bey, employé au bureau du référendaire
du Divan impérial. i3o/i. Prix : 2 piastres.
2^9- (5^ S-^ «Dictionnaire de poche» fran-
çais-turc , rédigé par W. Wiesenthal , avec Taide de
Sa^îd-bey, conseiller d*Etat, Râsim-pacha, Khàled,
Ahmed Djevdet, Hoséïn Khoulqî; revu et corrigé
par S. A. Ahmed Véfîq-pacha. Petit in-8", 1216 p.
En 80 livraisons. Chez Qarabet et Qaspar. i3o5.
Prix : relié, 20 piastres.
260. ^wj^ ^}^y^ ** Leçons aux enfants », leçons
de lecture, par Mohammed Chems-uddîn-Efendi.
i^ partie : \j^\ « Le commencement». i3o4. Prix :
l\o paras.
261. pjajj.^ Vy^ l^*^^>^ «Mes modèles de
lettres pour les enfants», traité de style épistolaire
élémentaire, à Tusage des écoles primaires, par
Edhèm IsmâMi-Efendi, ancien professeur des écoles
de Salonique. Chez Arakel. i3o5. Prix : 2 piastres.
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 479
262. ^ jj^y iU9^A>- « Quintessence des com-
mentaires » , par le moUa Khalîl Es^ad-Efendi , élève
de l'école des nâibs , fils d'^Alî Rizâ-Efendi , président
du tribunal civil d'Alep. Chez Hâdji-Châkir, au ba-
zar des graveurs. Imprimerie Mahmoûd-bey. i3o5.
Prix : 20 piastres.
Leçons extraites de Djâmi , Chéïkh Rizâ, Izhàr, Adaly, etc. ,
sur la grammaire.
263. f^/yy^. iSjt^ «Les archives de Khaïrî-
bey », recueil de noms et surnoms à donner aux en-
fants musulmans, par Suléïmân Khaïrî-bey, adjoint
à la direction générale des contributions indirectes,
i 3o4.
Destiné à servir de hirih-hook ^o\xt\^% familles musulmanes.
Les noms et surnoms donnent la date de la naissance de l'en-
fant par le calcul de YAhdjed,
264. à^y^ \i\ ÏA^jiSù « Catalogue de la Biblio-
thèque de Sainte-Sophie » (rédigé par Mirza Habîb-
ul-Içfahâni). 1 vol. grand in-8°. SgS p. Imprimerie
Mahmoûd-bey. i3o4.
265. ^y^y^JsJbJ « Le guide des enfants », méthode
facile pour apprendre à écrire le riq^a, par 'Izzet-
Efendi , professeur de calligraphie au lycée impérial
de Galata-Séraï. En 1 o cahiers. Imprimerie ^Osmâ-
niyyéh. 1 3o5. Prix de chaque cahier : 3o paras.
266. <^J (Jy^j «Le guide de la traduction»,
art de faire des versions du turc en français et vice
versa, par Kh. Simonian, élève diplômé du lycée
480 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
impérial de Galata-Séraï. Chez Arakel. i3o4. Prix :
5 piastres.
267. jV^Vi isJbj «La quintessence de Ylzhân»^
traduction turque abrégée de Ylzhâr « démonstra-
tion». Chez Kirkor, librairie de TEpoque. i3o4.
Sur ce célèbre traité de la grammaire arabe par Bighéwî,
on peut consulter Hadji-Khaifa , t. I, p. 346, n* 886, et
Zenker, t. I, p. 19, n** i3i et suivants.
268. f^'j 3^' *^ «La crème des significa-
tions et de la position », traité de rhétorique, par
Ahmed Fà'ïq-bey, greffier à la chambre des mises en
accusation. Chez Qarabet et Qaspar. i3o4.
269. J^\j9 ^)yr-j j)^ «Questions et réponses
sur les règles » de la langue ottomane, par Kémâl-
Éfendi, élève de TEcole préparatoire civile. i3o5.
2-70. ^ * » ^i)J^J ^^i-»-^ ^\)y^ aiwair^Bj^Ap
« Le bouquet , avec supplément : correspondances
officieUes et autres», modèles de pièces judiciaires
et administratives, en riq^a, divâni et taHiq, par
Mihrî-Efendi , employé au bureau de traduction et
de correspondance étrangère du Séraskiérat. 2A8 p.
Imprimerie Zellich. i3o4. Prix : 5 piastres.
Les deux dernières pages sont consacrées à del modules
de cachets turcs, au nombre de 80.
271- (^^'^y cJuaJ\ kyS- Traduction (turque)
de Touvrage intitulé : Ghunyèt ut-Tâlib ou Minyèt nr-
Râghib de feu Ahmed Fârès-Éfendi (Chidyâq), par
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 481
Chukrî-bey, directeur de 1 école préparatoire Mnl-
kiyè. Chez Qarabet et Qaspar. i3o5. Prix : y pias-
tres et demie.
Le traducteur ne s'est occupé que de la partie consacrée
au nahv (syntaxe).
272. t->Uj>-V\ j^^ (^xjoJs^^ j>-<aJ «Conclusion
amicale d'une discussion » , sur la signification des
deux synonymes Jif- et Ji^ai , par Mohammed Béchè-
nek ben Moçtafa-Éfendi , traduit en turc par Zihnî-
Efendi. i3o5.
273. (j^j*^ «L'océan» de la langue arabe, par
Fîroûzâbâdî. Nouvelle édition , corrigée par une so-
ciété de professeurs des universités musulmanes.
Imprimerie *05md/»jjè/i. i3o5.
274. (yy^y iS^^^J O^y^ «L océan, traduc-
tion tiu'que du Qâmoûs » , par *Açim-Efendi. Nou-
velle édition en quatre volumes ; le texte est imprimé
en petites lettres de 1 2 points , par les soins du contre-
amiral Eyyoub Çabrî-pacha. 2 volumes parus. Im-
primerie du Ministère de la marine. i3o5. Prix :
6 medjidiés d'argent.
275. ov>.!iMa^\ ^juy.vi « Dictionnaire des termes
techniques», par Fevzî-Efendi de Maghnîsa. i3o4.
276. f»^V\ fj^y^ « Dictionnaire des noms pro-
pres », par Ch. Sâmî-bey, ouvrage contenant les noms
de la géographie et de l'histoire , et en général tout
ce qui a rapport à l'histoire et à la géographie de
482 AVRJL-MAI-JUIN 1889.
l'Orient et de rOccident. Par fascicules de 1 6 p. Im-
primerie Mihran. i3o5. Prix de chaque fascicule :
6o paras.
277. ^^<^:f>J ^U\ vXwiâi «Traduction de iode
des Dictées », en vers turcs, par Hâfiz Réff-Éfendi,
professeur au lycée impérial de Galata-Séraï. Chez
le cheikh ^Abdullah Chukrî , au bazar des graveurs.
i3o5.
278. (jy^\ji fyy-^^ <^X>-^J« Petit dictionnaire
français » expliqué en turc , par Sâmî-bey, Béchîr
Fuad, Nâdir-Efendi, etc. 65 1 p. Imprimerie Mih-
ran. i3o4. Prix : cartonné, 3o piastres.
Abrégé du dictionnaire français-turc de Sâmî-bey signalé
dans noire Bibliographie ottomane , ]885, n* 376.
279. J^jiOf ^ji- jUJ « Grammaire de la langue
universelle», manuel du Volapûk. i3o5. Prix:
3 piastres.
280. ^\x^ C^ J^Lj^ ru^-w\ oUl «Diction-
naire ottoman , présentant en supplément les mots
étrangers». 9* édition. i3o5. Prix : 17 piastres.
281. OoM 1 JU^ « Principes de lecture » , par *Abdî
Kiâmil-Efendi , directeur de f école Chems-aUm^ârif,
2" partie. i3o4.
282. f^y*^ «Le traducteur», recueil de mor-
ceaux choisis et traduits de l'arabe , du persan et du
français, avec des parallèles et des observations, par
Mu'allim Nâdjî. i3o4. Prix : 10 piastres.
j^-
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 483
283. ;j-J^ ^^ « Le code 4ps professeurs », guide
pratique des professeurs des écoles primaires et se-
condaires, par Emr-Uiiah-Efendi , élève diplômé de
rÉcole civile d'administration , directeur de Tinstruç-
tion publique à Ssdonique. En fascicules paraissant
tous les quinze jours. Salonique. i3o4.
284. ^ lJ^j-v^:^ «Grammaire turque abré-
gée », par Ahmed Râsim-bey, professeur à Técole Ca-
mondo. Forme la i"* partie dune publication en
3 volumes sur la grammaire turque. 1 3o3.
285. à:Ly^jJfjiû:^ «Le bouquet, abrégé» par
Mihrî-Efendi , employé au bureau de traduction du
Séraskiérat; rédigé conformément aux règles du style
moderne; et tracé en caractères ricfa^ taliq et di-
vâni, In-8°, 80 p. Chez Ohannès-Efendi. i3o4.
Prix : 100 paras.
Manuel de style épistolaire et modèles d'actes de toute
nature. Voir ci-dessus, n° 270.
286. ^V^ jL^j.-yâii^ «La langue ottomane,
abrégée » , à Tusage des écoles primaires , par *Alî
Nazîmâ-bey. Chez Arakel. i3o5. Prix : 2 piastres.
Voir Bibliographie ottomane, 1 887, n* 3o5.
287. ^"^^ r^ (3 l1 ' rif « La joie des hautes
régions, commentaire des Dictées y*, avec la traduc-
tion turque du Kitâb ul-Milèl w'èn-Nihèl de Chah-
ristânî, par le ly Noûh-Efendi, sur les maires;
corrigé par le moUa Chèhrî Ahmed Ràmiz-Efendi.
484 AVRIL-MÂI-JUIN 1889.
Chez Hâdji Oghlou Hâfiz *Euinèr-Éfendi de Bazar-
djyq, au grand bazar. Imprimerie Mahmoûd-bey.
1 3o5.
288. jj^-^*^» rj'^ <3 ci^*""^ rJ^ "^^ j^^® ^®*
hautes régions , commentaire des Dictées » , traité
des dogmes musulmans , conunen taire du poème di-
dactique « les Dictées » de *Aiî ben *Osmân el-Auchî ,
par *Açim-Efendi , traducteur turc du Qâmoûs. Nou-
velle édition. Imprimerie ^Osmâniyyèh. i3o4. Prix :
1 o piastres.
289. ^t^ J>^' ^uift «Clefs des Principes de
Tinstruction » , complément de la grammaire fran-
çaise du D' EmiJe Otto , traduite en turc sous le titre
de Uçoâl-i talim, par feu Béchîr Fuad-bey; corrigé
des exercices de cette grammaire. Chez Arakel. 1 3o5.
Voir Biblioyraphie ottomane, 1887, n* 270.
290. f^j^ J^\y juLd « Grammaire persane utile » ,
par Huséïn Chéfîq-Efendi , professeur de persan à
l'école secondaire de Béchiktach. 2* édition, aug-
mentée. i3o5.
291. <-^i jUJj^ j (,^^>,^,âJM «Le choix tou-
chant la syntaxe arabe » , traité de grammaire en
arabe, par Zihnî-Efendi , professeur au lycée impé-
rial de Galata-Séraï et à TEcole civile d administra-
tion; revu par S. A. Ahmed Véfîq-Pacha. 378 p.
Imprimerie de la société iliarèrtifciy^. i3o4. Prix :
relié, 22 piastres.
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 485
«292. i^j^\ i«) JLju j c.>^^^ j^ c.mâ:^\« Par-
ties choisies de Touvrage intitulé : El-Montakhab » sur
la grammaire arabe , par Zihnî-Efendi. Chez Arakel.
1 3o/i. Prix : 1 2 piastres.
Voir plus loin n° 296.
293. à^ ^3)3 ^3) ^^ OuK» «Conversations
turco-grecqnes et gréco-turques » , par Yanko-Efendi
Miliopoulos , employé au bureau de traduction de
l'Administration des contributions indirectes. i3o5.
Kl
29/1. j^-^ c?W^» i>*^ «Abécédaire ottoman
complet » , exercices de lecture pour les enfants ,
par Tevf îq-Efendi de Salonique. Chez Arakel. i3o4.
Prix : 1 piastre.
295. àj^\3 cUwjUr «Exercices de la langue per-
sane » , à l'usage des élèves de 4' année du Dàr uch-
Chéfcuja , par Habîb-Éfendi ( Mîrzâ Habib ul-Içfahânî),
membre du Conseil de l'instruction publique; avec
la traduction turque des exemples cités, en regard.
In-ili, 81 p. Imprimerie Mihran. i3o4. Prix :
2 piastres.
296. f^jj^^ i«5 g^ j c^Aifr*^* «L'extrait pour
l'enseignement de la lexicologie arabe», en arabe,
par Zihnî-Efendi , professeur de droit canonique à
l'Ecole civile d'administration, et de littérature
arabe au lycée impérial de Galata- Serai. Chez Ara-
kel. 1 3o/i. Prix : relié, 3o piastres.
Voir plus haut n" agi et 292.
486 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
29-7. ^^^-^à^^^^^jJi y£-> « Traduction de la syntaxe
arabe », en turc, par Hàdji Ibrâhîm-Efendi, profes-
seur à l'École normale. Chez Hàfiz Hasan-Éfendi ,
au bazar des graveurs. Par fascicules. Imprimerie
Mahmoud -bey. i3o4. Prix de chaque fascicule :
ko paras.
^9^- ^S^ ^Jp^ J^->^ï ^ « Nouvelle grammaire
ottomane», par Fazlî Nédjib-Efendi de Salonique.
i3o4.
Q99. jUa^I ^.-J^ «Cadeau fait aux enfants»,
modèles de calligraphie, par Hâfiz Réf î*-Éfendî ,
professeur au lycée impérial de Galata-Séraï. Chez
le libraire Yorghi Kopanari. 1 3o/i.
3 00. ^^às^Jft^ ^j « Librairie de la Patrie » , ca-
talogue des livres publiés depuis lavènement du
sultan actuel , qui se trouvent à la librairie d'Ohan-
nès-Efendi. 1 3o4.
3o 1 . ^^ ^^y¥9 jio:^ J^' (^ « Nouvelle gram-
maire turque abrégée » à l'usage des écoles primaires,
par Ahmed Râssim-bey, ancien employé du bureau
technique à l'Administration des télégraphes et ex-
professeur à l'école Camondo. Chez Arakel. i3o4.
Prix : 100 paras.
VI
PERIODIQUES.
3o2. Aa)^\j\jT « Œuvres littéraires », revue conte-
nant les œuvres des élèves de l'école D&r at-Ta^lim,
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 487
sous la direction d'El-Hâdj Ibrâhîm-Efendi , profes-
seur à la même école. Par livraisons. 1 3o4. Chaque
numéro : 5o paras.
303. JU^' «L'illumination», revue littéraire et
scientifique paraissant tous les quinze jours et di-
rigée par Suléïmân Çafvet-bey. i3o5.
304. <i:s^' j5u\ vJys^ «Gazette des endroits hy-
giéniques » , moniteur des hôpitaux , revue publiée
sous la direction de S. Exe. Mavrogéni-pacha , mé-
decin de S. M. le Sultan , et rédigée par les docteurs
Yanqo de Bâfra, Huséïn Khoulqî-bey, Noûr-ud-dîn
Mahmoud, etc. i3o4.
305. ^*A>* « Le jardin », journal hebdomadaire
scientifique et littéraire, par Khalîl Edîb-bey. i3o5.
3 06. .5^ ^uu^^ «L'école de la sagesse», revue
périodique dirigée par Tahsîn-bey de Crète, em-
ployé à la correspondance du Ministère des affaires
étrangères , édité par Mirzâ Hâdjî Rizâ Qoûlî Kho-
rasânî , directeur de l'Ecole persane.
3o'7. oKi « Les atomes », revue mensuelle litté-
raire et scientifique, par Suréyya-bey de Valona.
Chez Arakel. i3o4.
3 08. jU>- 4lL^ «Revue de Hâfî», hebdoma-
daire, publiée par Hâfî-bey; in-8°. Imprimerie du
journal Manivvèt. i3o5. Prix de chaque numéro:
I piastre.
/i88 AVRIL-MAr-JUIN 1880.
3 09. jj^ KLefTort», revue périodique bi-men-
suelle, publiée par Khalil Edib-bey. Gbez le châkh
^\bduHah, au bazar des graveurs. i3o5. Prix du nu-
méro : 3 piastres.
3 10. i^jKp jj^ «La foire d'^Okâz», revue litté-
raire, paraissant le premier de chaque mois lunaire,
par Haïrèt-Efendi. i3o4.
3i 1. W? «Le plaisir», revue bi-mensuelle, par
Hasan Khaïrî-bey. i3o5.
3 1 2 . j\jf « La prospérité » , revue littéraire el
scientifique bi-mensuelle, par Ihsân-bey et Eumèr
Çubhî-bey. En fascicules de 12 p. à 3 colonnes.
Chez Ohannès-Efendi , à la librairie VcUan. i3o5.
Prix du numéro : 5o piaras.
3 1 3. JL*\y « Choses uniques » , choix de morceaux
divers publiés en supplément au journal Murawèt
i3o/i.
3i4* ^)^ «Les avantages», revue à Tusage des
enfants des écoles, paraissant tous les quinze jours,
publiée par Murâd Emrî-Efendi de Yéni-Chèhri-
Fénâr (Larisse). Imprimerie de la province de Hu-
dâvendigiâr, à Brousse, i 3o5.
3 1 5. is^ (( Ce qui embrasse », chrestomathie et
revue littéraire publiée par une société de gens de
lettres; paraît tous les quinze jours. i3o5.
3 1 6. s^ûju « Le belvédère » , revue illustrée heb-
BIBLIOGRAPHIE OTTOMANE. 489
domadaire , dirigée par HDsmân Nourî-bey. 16 nu-
méros parus. 1 3o4. Prix du numéro : 5o paras.
3 1 7. juaU « Vénus » , revue périodique. 1 3o4.
3 18. àjojLs «La sentinelle», revue littéraire et
scientifique, rédigée par Mahmoud Nédîm-bey.
i3o5.
Cest le même titre , avec un autre rédactem*, que la revue
annoncée dans notre précédente Bibliographie ottomane , 1 88^,
n* 34a.
319. jj5 ^jé «Modèle du progrès», revue pu-
bliée parNâdir-Efendi, directeur de l'école qui porte
le même nom que la revue. 1 3o4.
3ao. j»yiA> «Le Nilufer» (nom de la rivière de
Brousse), revue bi-mensuelle, en fascicules de 8 p.
Brousse, imprimerie Fera izdji-Zâdèh. i3o5. Prix de
l'abonnement annuel : 20 piastres.
Ce périodique , qui contient des œuvres littéraires et scieu:
tifiques sérieuses, est destiné à montrer que Tisiamisme est
une voie de liberté et de civilisation.
llll. 32
490 AVRIL. MÂI-JUIN 1889.
INDEX
DES MOTS SANSCRITS-CHINOIS
CONTENUS DANS LES DEUX CHAPITRES Dl-TSING,
PAR
M. RYAUON FUJISHIMA.
Pour permettre de vérifier nos transcriptions
sanscrites dans les deux chapitres d*I-Tsing que nous
avons publiés (nov.-déc. 1 888) , nous réunissons dans
cet index tous les noms sanscrits que le pèlerin
chinois a transcrits ou traduits dans sa langue. Un
certain nombre de ces mots se retrouvent dans le
Catahgue of ihe Chinese Baddhist TVipipxka puMié
par Bunyu Nanjio; nous nous contentons, en ce
cas, de renvoyer le lecteur à cet ouvrage. (B. N. Le
chiffre qui suit indique la colonne du catalogue.)
La plupart des autres mots figurés phonétiquement
en chinois sont transcrits d'après la Méthode de Sta-
nislas Julien, avec l'indication entre crochets du
numéro que porte, dans cette méthode, chacun des
caractères transcrits. Il suffira de s y reporter pour
embrasser d'un seul coup d'œil les lectures souvent
si variées du même caractère. Dans tous les autres
cas, nous avons adopté la prononciation classique
telle que les dictionnaires la figurent. Enfin nous
INDEX DES MOTS SANSCRITS-CHINOIS. 491
avons donné le mot à mot français des termes tra-
duits en chinois. — Nous distinguons les mots tran-
scrits phonétiquement par un astérisque.
INDEX.
Ajiravatî (plutôt Airâvati) f| f^f long-ho (dragon -fleuve);
439.
*Amitàyu8 P^ SU PÊ ^B^ [ia5]-mi [iiaSj-to [ao65]; AaS.
Avatamsaka-sûira ^ f|^ 1^ hoa-yen-king (fleur -ornement);
Avalokiteçvara |^ § ^ kouan-tseu-tsaï ; 423.
Avalokiteçvara - sûtra f^ "^ 1^ kouan-in-king; 4a 3.
Avadanaçataka (?) (voir Feer, Etudes bouddhiques, le Uvredes
cent légendes, p. 16) $(; IQ^ pi [i368]-yu [aagi]; 4a5.
Açvaghosha ,|| ÏJ^ ma-ming (cheval -bruit) (B. N. 369);
417, passim,
* Ashtadhâtu H Ig Pt !)( Ifi an [ 1 8 ] - se [ 1 554 ] - tch'a
[i74i]-t'o [2o8o]-tou [aiai]; 4a8.
Asamga ^ ^ wou-tcho (sans - attachement) (B. N. 371);
4a 1, pass.
Alamkâralika-çâstra J^Si SSt Hi tchoang-yen-iun (ornement -
parure-traité) (B. N. 261); 4a 5.
''Àndhra(?) 3f 'S • an [5]-ta [i673]-lo [ioa5];4a5.
^AryadevaouDeva £ |^ t'i [199a ]-po [i4ao] (B. N. 371 );
^ 434.
Arya-satyas (!9 ||^ ou Q j^ sse-tchin ou sse-ti (quatre-vé-
rités); 423.
*Unâdi SE 1^ ^ ou [i3i5]-na [ii93]-ti [1979]; 4a8.
Ekavacana (ex. *purusa) ^ P^ }K pou [i5o9]-iou [io65]-
cha [39]; 4a8.
Ekaçata-karman 'S —^f^i Jf^ pe-yi-kie-mo (cent-un-kannanï);
4i5.
*Kâcya-mâtanga ^jB ^ ïj^ ft kia-che-mo-t*eng (B. N. 379) ;
437.
32.
4^2 AVRIL-MÂl-JUIN 1889.
^Kumârajiva i^ }^ f^ ij; keou-mo-lo-chi (B. N. 4o6); ASy.
*Koça-çâstra ^ ^ Wt ku-che-(lun) (B. N. 1l^S); 43o.
*Khila igf%ki[5i7]-lo [ia6J; 4a8.
Gati j£ ^ ou-tao (cinq-voies); 4a 3.
Gâthâ ^S kie (stance); 4i9*
Grdhrakûta ^ «^ tsieou-iing (v^atoar-pic); 439.
Gunaprabha ^ ^ te-kouang (verta-ec2af); 435.
Gunamati ^ ^ te-hoeï (verta-charité) (B. N. 377); 435.
•Candâla M ft fSi tc^^en [i8io]-t o [ao65]-k> [io43]; 436.
Candra-mahâsattva ? M*^ ^'i youe-kouan-ta-see (Ibim-
fonctionnaire-grand'homme); 4 a 5.
Gti-vandana ^$4 Ig R^ ^ tchi [i8a5]-ti [igSSJ-pui
[i338]-ti[aoo5];4i7.
•Cûrni -^ fj]F% tcliou-ni; 43a.
*Jambu-dvipa |{ ^ chen [i4a]-pou [i5i5]; 434*
*Jayâditya |B]|RD^ Ig che [gôj-ye [aa34]-lie (manque)-
ti[i988]; 43o.
*Jâtakamâla tt # ^ H^ li ^*ou [aiogj-te [i9i3].kîa
[58a]-mo-[ii48]-lo [io38] ou^ ^^ pen-seng-kwan
(antérieur-existence-guirlande); 4i5, 43 1.
*Jetaka rfl îl^^^chi [i97]-yen [aa47]-te [i9i3]-kia
[58a]; 42a.
Jnânacandra ^ ^ tchi-youeï (sagesse -lane) (B. N. 378);
438.
Jinaprabha ^ j^ ching-kouang (excellence-éclat) 435.
Jina bodhisaUva % JK # S tch*m-na-poa-5a(B.N. 37a);
4a a, passim,
Jimûtavâhana ^ ^ ching-yun (vehfcatff-nna^); 424*
Tathâgata ^ 3^ jou-laï (comm^-vena); 419.
*Tathâgata.garbha PI ^ ^ $ ^ ^ ta [i673Ka [1668]
-kie [6o6]-to [aoa6]-kie [6o6]-p'o [i4ao]; 438.
•Tâmraliptî |fe ^ A iS tan [i7a8]-mo [ii48]-U [85i]-ti
[1988]; 4i4i passim,
•Tin-anta T ^^ ting [aoaa]-ngan [manqae]-tch*e [1780] ;
4a9.
ïiryag-yoni ^ ^ pang-seng (animal); 4a 3.
NDEX DES MOTS SANSCRITS-CHINOIS. 493
•Taada |g il 3? ti [manque ].lo [i43o]-tcha [1760]; 438.
Tripitaka ^ ^ san-fsang (troù-recueib); du, 4 16.
*Dânapati ^ ^ t'an [lyaoj-youe [2272]; 42a.
Divâkaramitra; voir Çakramitra.
Deva 5Ç tien (ciel) ou 5S 'S^ t'ien-ti (ciel-empereur); 423,
426.
Dvivacana ex. •Purusau ^ 1^ lt P^" [iBogJ-lou [io65]
-sao [manque]; 428.
Dharmakirti^ ^ fa-tching (hi-renommé) (B. N. 373); 435.
Dharmapâla ^ ^ hou-fa (gardien-loi) (B. N. 373); 434.
Dharma-pitaka ^ ^ fa-t*sang (loi-recueil); 426.
•Dhâtu-vastu JIJj |S l^È t o [2o8o]-tou [2i2i]-tchang (cha-
pitre); 438.
Dhyâna ^ f^ ting-men (méditation-porte); 435.
Nâga fl long (dragon ou f^ent); 424*
Nâgârjuna f| ^ long-chou (dragon-arbre) (B. N. SGg),
42a, passim,
•Nàlanda JK JW PÊ «a [iiggj-lan [76o]-t'o [2o65];4i4,
pass.
Naraka Jfj ^ t'i-yo (ew^r); 423.
Nidâna ^ j^ yen-ki (enc^af/tem^nt-matiieZ); 4a 3.
•Nirvana \^^ nie [i287]-pan [1329]; 425.
Nyâya-dvâra-târaka-çastra S ^ jE 81 P^ Ift in-ming-tching-
li-men-lun (introduction à la logique) (B. N. 269); 43i.
•Patanjali Ifc H It fi po [i474Kien [202o]-che [71^0
[1260]; 423.
♦Pdnini ^Bi^^fo [i443]-ni [i265]-ni [1259]; 428.
Paramârtha ^ |f tchin-ti (vraie-vérité) (B. N. 423); 437.
Paramârtha - satya M ^W ching-i-ti (vérité - suprême) ;
426.
Pratibimbâbhishiktaguna - sûtra f^ ^ ^ (baigner-image-
fcw)(B.N. 44i);4i6.
Pâramitâ ^ |^ lo-tou (six-passage) ; 42 1 .
^Ai* ft SI koung-yang (offrande); 419.
Prêta j|t j^ ko-kouey (fantôme); 423.
*Bade (corr. bâta) ^ jj po [i42o]-tou [2101]; 4i8,
494 AVKIL-MAl-JUIN 1889.
Bahuvacana ex. ^Puruçàs ^ Pfl^ {^ pou [i5o9]-lou [io65]-
so [manque]; à^S.
Buddhapûrvacaryà ^ ^ ff ^ fo-pen-hing-chi (Bouddha-
antérieur-histoire-poésie) (B. N. 294); Aa5.
Brahmane ^ HI P^ po [i42o]-lo [io38]-men [1 1 10]; 436.
Bhadanta ^ ^ ta-te (grande-vertu); 435.
Bhaishajyaraja HH 3E yo-wang (remède-roi); àib,
*Bhartrhari^âstra fÇ fe PJÏ ^ g^ fa [a7i]-tch'i [iSAg]-
ho [37i]-li [799]-lun (traité); 432.
Bhavaviveka f^ ^ thsing-pien (pareté^rgament) (B.N. 373);
435.
Matipâla ^ ^ hoeï-hou (sagesse-gardien); 435.
Manushya A jî^ (humain); 4^3.
* Manda ou mantha ^ ^ wen [aaii]-tch*a [1760]; 498.
^Mâtrceta !^vàW.M^ mo-tcha-li-tchi-teh^a (B. N. 378);
à^o.sq.
Mayûrarâja-sùtra ^ ^ 3E l£ kong-tsio-wang-king (paott-roi-
livre) (B. N. 79); 4i5.
Maheçvaradeva ^ ^ ^J^ ta-tseu-tsaî-thien (grand nudtre
du ciel); 420, 427.
Mrgadâva SE 3tS lou-yoaen (antilope'bois); 4a a.
Moksha JH jj^ kiay-t*o (délivnmce); 423.
*Yoga ^ fllj^ya [2287]-kia [558]; 438.
Ratnatraya jn ^ san-p'ao (troû-jfojoiur); 43a.
Ratnasîipha ^ fiji -^ p*ao-8se-tsea (joyaa-&OR); 438.
*Vâkya-çàstra H ^ §^ po [i462]-kia[58a]-]]iii( traite'); 433.
Vajrâsana ^ M ^ kin-kang4so (diamant-trône); àii^ 4i5«
*Valabliî Jg^ÉA po [>47o] ia [75o]-pi [i368]; 43i.
Vasubandhu j^ ^ chi-thsin (moiufe-poneiit) (B. N. 371);
42 1 , passim,
Vidyâ-màtra Pfl m ouey-chy (unique-connaissancê); 43a.
*Vinaya Hlt $ ^ pi-naï-ye ou ^ liu (ctûcipIiiM); 4ia.
*Vînâ ou bhinna (?) 3|^ 1^ pi [i354]-na [1 igS]; 434.
"*Veda ^ PB pi [i394]-to [ao65]; 436.
*Vyakarana W: i^ |& «H 1^ pi [i368]-ho [365]-kie [6i5]-
la [746]-na [1 193] ou ^ ^ cheou-ki; 4a 1, 427.
INDEX DES MOTS SANSCRITS-CHINOIS. 495
*Vrksha ^< fi X pi [i39i]-li [3o6] tcha [1787]; Aag.
• Vrtti-sûtra ;E ^ IS ^ PI i» pi [«39i]-U [824]-ti [1988]-
sou[i636]-ta [i673]-lo [io38]; 439.
*Çakyakîrti # ^ lÉ É ® chi [2ai]-kia [58a]-ki [553]-
li[8Q4]-ti [1988]; 438.
*Çakradeva ^ ^ ^ |^ chi-kia-ti-p o ; 4a a.
*Çakyamuni ^ ^ É^ ^ chi-kia-meou-ni; dao, 4a6.
*Çakramitra (-mî?) coït. *DÎYâkaramitra (-mi) Afc ^ |ft
%^m% ^ ti [i973]-p o [i4a]-kie [6i5]-lo [loaa]-
mi [ii34]-ta [i673]-lo-m- (B. N. 438); 438.
*Çàtavâhana ^ ^ ^ ^^ so-to [i6o4]-p'o [i4ao]-han
[33o]-na[i 199]; 4aa.
*Çabda-vidyâ ^ B^ ching-ming (son-science); 426.
Çàla Jf 3^ choang-chou (paire-arbres); 4^5.
Castra fjf iun (traité); 4 16.
*Çarira ^ ^ che [76]-li [799] (relique); 4i5.
*Çikshânanda ff X îi PB chi-tchVnan-to (B. N. 439);
4i5.
Çila J^ kïaï (moralité) ; 4a 1, 4a3.
Çilàditya 5|8 B 3E kiaï-ji-wang ( moralité-soleil-roi) ( B. N. 878 ) ;
4a3.
Çilabhadra ^ ^ kiaï-hien (moralité-sage); 435.
Çioka >|^ kia (^tonce); 4i5, 434>
•Çribhoja^ ^J ft 4|chi[i67]-li [799]-fo[a98]-chi[ai7];
4i4, 439.
•Çrîsiddha ou siddhir-astu ^ ftfe H 5^ ^ «î [i567]-ti
[i973]-io [io38]-sou [manque]-tou [ai ai]; à2'j.
Sambodhyanga ^ J^ t'si-k*io (sept-intelligences) ; 438.
Samghabhadra f^ ^ seng-hien ou ^ ^ tchong-hien (assem-
blée-sage) (B. N. 377); 435.
Samvrti-satya ^ i$ |fr fo-so-ti (vérité-secondaire); 426.
Sarvasûtrâiamkâralika :^^^ ^ tk ta-ching-tchoang-yen-
iun (grand-véhicule-omement-parare-traité) (B. N. a6a);
4i6.
Simhacandra tH -f M sse-tseu-youeï (lion-lane); 435.
Simhâsana ^ -f ]^ sse-tseu-tso (lion-trône); 417*
NOUVELLES ET MELANGES. 497
-t— I-
NOUVELLES ET MÉLANGES.
SEANCE DU 12 AVRIL 1889.
La séance est ouverte à U heures et demie par M. Renan ,
président. Le procès-verbal de la séance précédente est lu
et la rédaction en est adoptée.
M. Senart, pour répondre à des questions qui lui sont
adressées de divers côtés, désire donner au Conseil quel-
ques détails sur la marche du second volume du Mahavasta,
Vingt-deux feuilles sont actuellement imprimées, le reste
de la copie de ce volume est entièrement prêt depuis long-
temps, et M. Senart constate qu*il ne dépend pas de lui
que l'impression n'avance plus rapidement. Il rend hom-
mage à la bonne volonté et à Taccueil empressé qu'il ren-
contre toujours à l'Imprimerie nationale où notre vice-
président, M. Barbier de Meynard, de son côté, n'a cessé
de s'employer, avec son dévouement habituel, à activer
le travail. Malheureusement les difficultés techniques de
l'exécution paraissent entraîner des lenteurs que l'auteur
souhaiterait naturellement de voir abréger autant que pos-
sible.
M. Barbier de Meynard dit que le relard signalé par
M. Senart est dû à des causes momentanées et il donne l'as-
surance que le zèle de l'Imprimerie nationale en faveur des
publications de la Société ne subira aucun ralentissement,
malgré le surcroit de travaux dont l'atelier oriental est chargé
depuis quelque temps.
M. le Président donne lecture de la lettre suivante , qui
498 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
lui est adressée par M"' André, sœur de notre ancien biblio-
thécaire Gustave Garrez :
«11 avril 1889.
t Monsieur le Président ,
«Gustave Garrez, mon frère, que j'ai eu le malheur de
perdre il y a quelques mois, m*avait fait connaître le grand
intérêt qu'il portait à la Société asiatique et particulièrement
à l'organisation et à l'accroissement de sa bibh'othèque. Il se
préoccupait surtout des services qu'elle devait rendre aux
jeunes orientalistes qui ont souvent de la peine à se procurer
les ouvrages nécessaires pour leurs éludes. Je crob donc réa-
liser une pensée que mon cher frère aurait eue lui-même , en
priant la Société asiatique de vouloir bien accepter en son
nom, de la part de mes fils et de moi, l'offire de toute la
jpartie orientale de sa bibliothèque.
« Si la Société asiatique le trouve bon , elle pourra , avec
ces livres, constituer un «fonds Garrez» qui conservera sa
mémoire parmi ceux qui ont pu le mieux apprécier son mé-
rite et ses travaux , et leur sera une sorte de compensation à
la perte que la science a faite par cette fin prématurée.
«Agréez, etc.
« Pauline André , née Garrez.
« P. S, Nous mettons aussi à la disposition de la Société
asiatique un grand corps de bibliothèque ayant appartenu à
mon pauvre frère , et qui pourrait recevoir la presque tota-
lité des livres destinés à entrer dans ses collections. »
Sur la proposition de M. le Président , de chaleureux remer-
ciements sont votés à la famille de notre regretté confrère.
Le Conseil décide en outre que les livres composant cette
précieuse collection porteront une estampille spéciale avec
la mention Don Garrez,
Il est donné lecture d'une lettre de M. le Ministre de l'in-
struction publique, qui informe la Société que la subvention
trimestrielle de 5oo francs est mise à sa disposition.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 499
M. le Président communique une lettre de TAdministra-
lion de la Cochinchine demandant, au profit de la biblio-
thèque coloniale , l'envoi des publications de la Société, en
écliange du Journal officiel de l'Indo -Chine et des Excursions
et reconnaissances. Cette proposition est acceptée. En raison
de rintérèt que présentent les publications de l'Adminis-
tration coloniale, le Conseil exprime le désir que les publi-
cations antérieures dont cette Administration pourrait dis-
poser soient adressées à la bibliothèque de la Société.
Un correspondant fait part à la Société d'une nouvelle
interprélation qu'il propose pour l'inscription de Carthage
publiée dans le Corpus inscriptionum semiticarum , t. L
M. Drouin lit une notice sur les alphabets araméens qui
sera insérée dans le Journal asiatique. (Voir ci-dessus , p. Syô.)
M. Halévy donne lecture d'une note sur la géographie de
la Syrie et sur les Cosséens. (Voir ci-après, p. 5oi.)
M. Oppert revient sur l'inscription assyrienne relatant
une éclipse lunaire. (Voir ci-après, p. 5o5.)
M. Groflf rapproche le lalmudique î<3^p du mot ^2bp du
papyrus araméen du Louvre. Il croit devoir rejeter le mot
S^fn^ dans le texte de Canope publié par lui.
La séance est levée à 6 heures.
OUVRAGES OFFERTS À LA SOCIÉTÉ.
Par rindia office. A catalogue of sanscrit manuscripts exifting
m Oudh province for the year 1887, byPandita Devî Prasàdà.
Allahabad, 1188, in-8".
— The Indian Antiquary, January 1889, in-4*.
Par le Ministère de l'instruction publique. Revue des tra-
vaux scientifiques , tome VIII, n" 8 et 9. Paris, 1888, in-8'.
Par la Société. The American Journal of philology. Balti-
more , december 1 888 , in-8'.
— Proceedings ofthe American Oriental Society, oclober-
november 1888, in- 8".
— Proceedings at Baltimore, october i88/j.
500 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
Par la Société. Compte rendu de la Société de géographie,
n* 6, 1889.
Par les éditeurs. Polyhilion, Parties technique et littéraire ,
mars 1 889 , in-8*.
— LeGlohe,n'' 1, janvier 1889. Genève, in-8".
— Bevttcarcfceofo^fi^atf, janvier-février 1889. Paris, in-S*.
— Revue criti<fue, n" 6-i4» 1889,
— Bolletino délie publicazioni italiane, n"* 77 et 78,
i5 marzo. Firenze, 1888, in-8".
Par les auteurs : Giroiamo Donati , Maestri è scolari neW
India hrahndnica, Firenze, 1888, in-8*.
— Henry H. Howort, History of the Mongols, lll. The
Mongols of Persia. Londou , 1888, in-8*.
— M. A. Barlhélemy, Une légende iranienne traduite du
pehlvi, Paris, 1889, in-8*.
— V. Henry, L'œuvre d'Abel Bergaigne, Le^n d'ouver-
ture. Paris, 1889, in-8".
— Fr. M. Est. Pereira , Historia de Minas Ademas Sagad,
rei de Etkiopia. Lisboa , 1 888 , in-8°.
— Baron Ouskar, Ethnographie du Caucase, II. Langue
tschetchentze. Tiflis, 1888, in-8'*; III. Langue aware.Tiflis,
1889, in-8'.
— Michel Amari, Bihlioteca arabo - sicula. Appendice.
Torino, 1889, in-8\
— P. U. Scheil , Inscription assyrienne archaïque de Samsi-
Raman IV, roi d'Assyrie, Paris, 1889, in-S*.
— A. G. Barbier de Meynard, Dictionnaire turc-français,
a* vol., 3* livraison. Paris, 1888, in-8'.
— J. P. Martin, Les origines de V Eglise ^Edesse et des
églises syriennes, Paris , 1 889 , in-8'*.
-— Héli Ghatelain , Grammatica elementar de Kimbundu ou
lingua de Angola, Genebra, 1889, in-8''.
— V.-P. Nalivkine , Histoire du Khanat de Khokand, tra-
duite du russe par Aug. Dozon. Paris , 1 889 , gr. in-8*.
— Dr. C. Snouck Hurgronje, Mekka (mit Biider- Atlas);
II. Aus dem heutigen Leben. Haag, 1889, gr. in-S".
NOUVELLES ET MÉLANGES. 501
Par Jes auteurs. D' H. MùUer et M. J. de Goeje, Annales
auctore Ahu Djafar Mohammed Ibn Djarir Attahari, II, vi.
Leide , 1 889 , gr. în-8'.
— Prof. M. BloomQeld, The làyânya-Charm and the
Apacit'hymnes, Proceedings, oct. 1887, i^^'^*»
ANNEXE N* I
AU PROcés-VERBAL DE LA SEANCE DU 12 AVRrL.
COMMUNICATIONS DE M. HALlÊVT.
I
Le nom géographique de K1V revient plusieurs fois dans le
récit biblique relatif aux colonies étrangères que les rois
assyriens établirent dans la Samarie à la place des Israélites
transportés en Assyrie. II Rois^ xvii, ad* on lit: «Et le roi
d*Assur fit venir des hommes de Babel , de Kouta , d'^Awa
( Kivp) , de Hamâth et de Sepharwaîm et les établit dans les
villes de Samarie à la place des enfants d*Israêl. » Cette
énumération se divise apparemment en deux régions géo-
graphiques : Babel et Kouta représentent la partie sud-est ,
^Awa, Hamâth et Sepharwaîm, la partie nord -ouest de
Tempire assyrien. Le fait que KIV doit être très voisine de
la Syrie ressort clairement des versets 3o-3i du même cha-
pitre où les Awites sont mentionnés après Hamâth : « Les
hommes de Babel firent (l'idole nommée) Succoth-Benôth;
les hommes de Kout(a), Ashima; les Awites, Nibhaz et
Tartâq (prnn) et les Sepharwites brûlèrent leurs enfants
par le feu en l'honneur d*Adrammelek et d'Anammelek,
dieux de Sepharwaîm.» Ce passage, s'il était permis de le
prendre à la lettre , pourrait même conduire à penser qu'il
s'agit d'un pays situé au sud de Hamâth, notamment d'un
502 AVRIL-MAl-JUIN 1889.
canton de la Damascène, mais ce serait sortir des limites
raisonnables de l'induction que d'y chercher un ordre géo-
graphique trop rigoureux. Il est encore plus impossible de
voir dans les Awites de Samarie les anciens habitants du
sud de la Philistée que Tauteur du Deutéronome II, aS, ap-
pelle D"»???. Outre que, d'après la remarque expresse de l'au-
teur, ce peuple a éié entièrement détruit par les ancêtres des
Philistins , l'historien de II Rois, xvii , q4 « ne peut pas y faire
allusion par cette raison péremptoire qu'une guerre avec les
rares habitants de cette côte déserte n'est mentionnée nulle
part dans les annales assyriennes. Dans ces conditions, je ne
vois qu'un seul moyen de résoudre ce problème et je crois
qu'il s'agit plutôt d'une contrée très connue qui borde la
Syrie du côté nord-ouest , savoir la région du golfe d'Issus ,
située entre la Syrie et la Cilicie. Ce pays a été plusieurs fois
envahi et conquis par les rois assyriens sans excepter Sargon ,
père de Sennachérib et conquérant de la Samarie. Les in-
scriptions assyriennes orthc^aphient le nom de ce pays'
tantôt Qae tantôt Gue, Si je ne me trompe, c'est à cette
dernière orthographe que répond exactement la forme hé-
braïque MJV, peut-être mieux: K]V. La façon de représenter
le g assyrien par un V en hébreu nous est déjà connue par
le nom célèbre "iDS^'jl/IS , Chodoriogomor, qui est en assy-
rien Kudur-Lagamari,
Une autre mention du pays que nous discutons se trouve
dans un passage assez corrompu où le caractère géogra-
phique du nom a été parfois méconnu. Il Rois, xvin, 34
met dans la bouche de Sennachérib les paroles suivantes :
«Où sont les dieux de Hamâth et d'Arpad? Où sont les
dieux de Sepharwaîm, Henà et ^Iwa (nw ^jn)? Ont-ils
sauvé Samarie de ma main?» Ici n^y doit être ponctué
n}^, et ^^n désigne probablement le pays voisin de Qae
que les annales ninivites écrivent l^ani rahbat (la grande),
ce qui induirait à corriger y^n en y^n ou Kjn. Il faut donc
raduire : «Où sont les dieux de Sepharwaïm, de Hani et
NOUVELLES ET MELANGES. 503
d'Awé? etc.» Des deux dieux awites cités ci-devant, le pre-
mier Tns^ échappe encore à notre contrôle; le second,
écrit pP*in , pourrait bien , en supposant quelques confusions
de lettres similaires, être ramené à pn*ir, Tarhun, dieu
qui était très répandu chez les peuples de la haute Syrie et
des contrées avoisinantes. On connaît dans ces régions plu-
sieurs noms tliéophores composés avec Tarhun, tels sont:
Tarhulara, Tarhiinazi, Tarq â-timme=TsiVcondémos elle nom
royal de la ville d'Arsappi ou ^S"]i, Tarkuntaradu (?) , révélé
tout récemment par les tablettes babyloniennes d'Egypte.
II
Les limites des langues sémitiques vers Test sont demeu-
rées inconnues jusqu'à ce jour. D'ordinaire on s'imagine que
la région montagneuse que les anciens appelaient les monts
Càrduchéens ou Gordyeens, et qu'on appeUe aujourd'hui le
Kurdistan, était exclusivement peuplée de races iraniennes
plus ou moins mêlées de races allophyles ou touraniennes.
Cette idée doit être désormais abandonnée comme ne répon-
dant pas à la distribution réeUe des races et des langues dans
l'ancienne période historique. En analysant, il y a quelques
années, les noms propres et autres que les documents as-
syriens rapportent comme ayant appartenu à la langue des
Kmii ou Gosséens , un des peuples principaux de cette région
montagneuse , j'avais déjà pressenti qu'il y avait là des éléments
sémitiques assez caractérisés. Une tablette babylonienne pu-
bliée tout récemment par M. Bezold prouve définitivement
que les Gosséens parlaient une langue sémitique qui avait
beaucoup de mots et de formes grammaticales tout sem-
blables à l'assyrien. La tablette en question donne entre
autres une liste des épithètes par lesquelles les Gosséens
désignaient le dieu de l'atmosphère, Adad, le lin des
peuples syro- phéniciens. Je me contenterai d'en signaler
quelques-unes des plus frappantes :
Il l^-al-îa-pu ; le sens de ces mots est facile à deviner en
504 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
comparant les deux termes assyriens i7a «dieu» et hilipa
« protecteur » , également un synonyme de • dieu ».
Ra-mi-mu ; c^est sans aucun doute Tassyrien ramima
«bruyant», participe actif de ramamu «pousser des cris,
faire du bruit». L*épithè(e convient bien au dieu du ton-
nerre et de la foudre.
Ra-gi-mu; même forme et même signification que le mot
précédent. La racine ragama «pousser des cris, vociférer»
est très usitée en assyrien.
Mar-ta-as-nu; évidemment un participe iftaal de la racine
rasanu qui se trouve en éthiopien avec le sens de «être
ardent, brûler». L'allusion se rapporte à Téclair. La racine
RSN n'a pas encore été constatée en assyrien , du moins à
ma connaissance.
Mur-ta-i-mu; même forme que la précédente; la racine en
est DVI , commune à toutes les langues sémitiques. Le titre :
« tonnant » n a pas besoin de commentaire.
Ba-u-'-h; n*est qu'une variante de h^2 «maître».
Le dernier vocable avec sa vocalisation particulière re-
vient aussi en assyrien , mais , si je me souviens bien , seu-
lement comme un nom commun. En palmyrénien , l'élément
^13, visiblement contracté de ^73^13, semble désigner «m
dieu particulier et différent de Bel, qui s'écrit constanmient
^3. La forme b^2 ne s'est rencontrée jusqu'à présent que
dans les noms divins composés : 'jiam^ , ^ W3y , et dans les
noms tbéophores : ^1313T , '713r)D , Kn'713 et quelques autres.
D après l'analogie du cosséen , il se pourrait que le dieu ^13
fût le nnn palmyrénien.
III
Dans un travail sur les noms propres hittites, qui a été
publié dans la Revue des étadesjaives,] ai cherché à démon-
trer que la langue de ce peuple appartenait à la famille sémi-^
tique, notamment à la branche hébréo-phénicienne. Main-
tenant je prends la liberté d'attirer l'attention sur un trait
particulier qui , d'après mon observation , semble avoir ca-
NOUVELLES ET MÉLANGES. 505
factérisé une certaine classe des noms propres liittites. Je
veux parier de l'adjonction à la fin de ces noms de la syllabe
ma ou me, ou, pour parler le langage de la grammaire sémi-
tique , de la consonne m mue par la voyelle a ou e. Ce phé-
nomène est appelé mimmation. Les noms hittites qui affectent
cette particularité sont les suivants :
Saîparma, £ih de Sarri, livré à Salmaneser TI par les habi^
tants de Hattin. Le premier nom se compose visiblement de
Saîpar, équivalent de Thébreu lÈ^ « oiseau , moineau » et de
la désinence ma.
Sapalalme, roi de Hattin. Dans l'article mentionné ci-
devant, j*avais comparé Sapalal à Taraméen 7^75D «aristo-
loche » et j'avais vu dans me le mot pour « eau » = U i DD »
W^D; mais j'aime mieux à présent m'en tenir à la mimmation.
On comprend ainsi plus facilement la forme Sprr=Spll que
donnent les inscriptions égyptiennes. C'est la forme simple ,
sans mimmation.
Tarqutimme, roi d'Urume, nom qui se lit sur la bosse
bilingue de Jowanoff. La première partie Tarqûtim est un
nom théophore dans lequel entre le dieu Tarhu ou Tarqû;
la terminaison me constitue la mimmation.
Il faut probablement ajouter le nom du pays dont Tarqû-
timme était le roi, savoir Urume; la forme substantielle en
serait uru et me la désinence. Il serait malaisé d'affirmer dès
à présent que uru signifie « ville » en hittite comme c'est le
cas en assyrien , mais le fait que sur la bosse de Jowanoff ce
nom est rendu par le signe *-^yy er, uru, qui signifie t ville »,
rend cette hypothèse assez vraisemblable.
ANNEXE N» 2
AU PROClàs-VERBAL DE LA SEANCE DU 1 2 AVRIL.
M. Oppert a donné, pour la première fois, la traduction
d'une inscription assyrienne relatant une éclipse lunaire. Le
XIII. 33
mrmniBBn hatio«ai.w.
506 AVRIL-MAI-JUiN 1889.
texte publié par le P. Strassmayer est daté de Tannée i6d
deBabylone, 2 Sa d'Arsace. L*èredes Arsacides commençant,
d'après le texte précis de Justin , avec le considat de Manlius
Vulso et G. Attiiius Regulus, a 56 ans avant J.-G. , Tédipse
visée dans ie document comme ayant eu lieu au mois de
Nisan serait donc celle du a 3 mars (a3 ans avant J.-C). La
traduction que M. Oppert a publiée rend fidèlement les
données consignées dans l'inscription. Celle-ci dit, en effet,
que le phénomène eut lieu à minuit, que sa grandeur était
de deux tiers et qu'il arriva avant que la Lune ne descendît
au point nodal. Il est ajouté que Téclipse eut lieu dans ie
signe de TEpi , que Mars se coucha pendant le cours de Tob-
scuration, que Jupiter et Saturne étaient visibles pendant
tout ce temps , tandis que naturellement Vénus et Mercure
étaient invisibles.
Un savant astronome, le R. P. Epping, a examiné les
tablettes astronomiques des Arsacides et est d'avis que les
dates de ces dernières se rapportaient à Tère des Séleucides
(3 12 ans av. J.-C). Il croit donc que Téclipse décrite était
celle du 1 1 avril ( 80 ans avant J.-C. ) , dont M. Oppert avait
également parlé comme ne correspondant pas aux données
du texte cunéiforme. C'était plutôt par acquit de conscience
que pour toute autre raison que M. Oppert avait mentionné
le phénomène de Tan 80 ; car, pour tout historien , il est im-
possible de confondre avec Tère de Séleucus, vainqueur de
Babylone , celle qui se rattache à l'indépendance des Parthes
secouant le joug des rois de Syrie. Quand un texte dit éner-
giquement qu'un événement a lieu dans telle année d'Ar-
sace , roi des rois , c'est justement pour faire ressortir cette
ère d'indépendance et pour ne pas la confondre avec l'ère
unanimement acceptée des Séleucides, énoncée générale-
ment par le chiffre seul de l'année. M. Epping a cru pouvoir ^
réduire à l'ère des Séleucides lés textes qu'il a soumis à
son investigation. 11 est résulté de ces prémisses que les
calculs sur les planètes ne cadrent absolument plus. Le
savant père jésuite s'est donc vu obligé de substituer à l'cx-
NOUVELLES ET MELANGES. 507
plicatîon sûre du groupe des cunéifonnes désignant Mer-
cure, celle de Jupiter et vice versa. La Chaldée vit, en 80, la
lune se coucher éclipsée lors du lever du soleil; comme rien
de ce fait important ne se trouve dans le texte du P. Slrass-
mayer, il a expliqué partout le signe désignant le pronom
démonstratif par coucher de la lune, U a remplacé la traduc-
tion certaine de sud-est par « sud 5 degrés avant le lever du
soleil » , ce dont il n'est pas ri il un mot dans le texte. Il n*a fait ,
en somme, que ce que d'autres ont déjà fait; il a calculé
d'abord et il a voulu traduire d'après ses calculs en forçant
le texte et en lui faisant dire le contraire de ce que ce texte
a voulu réellement exprimer.
Mais ce n'est pas aux astronomes de nous dire quand a
commencé l'ère des Arsacides ; c'est à nous de leur notifier
ces faits; c'est à nous de leur expliquer que l'an 108 des
Arsacides ne peut être l'an 2o4 avant J.-G. , puisqu'à cette
époque Antiochus III était encore maître de Babylone et que
d'autres textes sont datés du règne de ce roi, portant la date
94 sans autres indications, c'est-à-dire de 218 ans avant J.-C.
C'est à nous de leur apprendre que la Mésopotamie fut
disputée, avec des chances diverses, pendant vingt ans par
les rois de Syrie et par les Parthes , que Démétrius Nicanor
parvint à les chasser même de la Chaldée , et que nous avons
un texte daté sous ce roi de Tan 170, c'est-à-dire i42 ans
avant J,-C, Ce n'est qu'en 1 33 avant J.-C. que Phraate prit
définitivement Babylone. Il n'appartient pas non plus aux
astronomes de déchiffrer les groupes désignant les planètes.
Us doivent contrôler, signaler les impossibilités résultant de
traductions fausses, ils doivent préciser par leur précieux
concours les dates chronologiques, et veiller à ce que leurs
renseignements soient consciencieusement et intelligemment
suivis. Mais à cela se borne leur rôle aussi honorable que
nécessaire. Vouloir réformer des intei^prétations philologi-
ques assurées par des calculs marquant un point de départ
fixe et certain serait s'exposer à des déconvenues inévitables
et à des travaux pénibles entrepris en piu*e perte.
33.
508 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
P. S. Depuis que cette notice a été rt^dîgée, M. Oppert
a reçu, par lobligeaace de M. Strassmayer, d*abord la copie
iithographiée des calendriers comjdels des deux années 189
et aoi, puis une copie manuscrite du texte de TédLipse,
rectifiée par le P. Strassmayer lui même. Ces documents
npuveaux ont introduit dans la question des éléments inat-
tendus qui nous forcent à soumettre notre opinion à un
nouvel examen. Nous reviendrons sur ces questions, mais
nous devons d*ores et déjà rendre un hommage mérité à la
sagacité du P. Epping qui a déterminé plusieurs groupes
importants tels que ceux du solstice, de Téquinoxe, en
acceptant toutefois la plupart de nos assimilations anté-
rieures. Il résulte des documents mentionnés qu à cause des
dates des équinoxes, des solstices et des levers du Sinus,
comparées avec celles des éclipses de lune et de soleil, les
années 189 et 201 ne pourraient pas se rapporter aux années
67 et 55 avant J.-C, représentant les années 189 et aoi de
Tépoque de a 55 avant J.-C. L*ensemble de ces données
cadrerait bien mieux avec une date de Tédipse de Tan a5a ,
descendant vers la première moitié du mois d*avril. Nous
serions donc de Tavis de M. Epping si la description de
Téclipse cadrait avec celle du 1 1 avril 80 , et si les dates de
108 et i56 d*Arsace, ainsi que celle de 170 des Séleucides,
ne nous obligeaient pas , jusqu'à nouvel ordre , à ne pas ac-
cepter comme point de départ Tépoque de Tëre séleucide.
La copie manuscrite du P. Strassmayer nous apporte d'ail-
leurs un fait important; il ne s'agit pas d'un astronome
Orode , mais bien d'un roi Orode. Or le premier roi Orode
que nous connaissons est celui qui défit les armées de Crassns ,
en Tan 53 avant J.-C. , et qui régna de 54 à 87. Si on n'as-
simile pas Téclipse décrite à celle de Tan a4 1 il n'y a pour
satisfaire aux exigences de la description que les éclipses du
li. avril 5i et du i4 avril 116 après J.-C. Nous devrons
examiner avec une logique impassible et inexorable tous les
éléments de cette question compliquée.
NOUVELLES ET MELANGES. 509
SEANCE DU 10 MAI 1889.
La séance est ouverte à 4 heures et demie sous la prési-
dence de M. Barbier de Meynard, vice-président, en Tab-
sence de M. Renan , empêché par i*état de sa santé.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et la
rédaction en est adoptée.
M. Rubens Duval donne quelques explications sur la biblio-
thèque de M. Garrez, léguée généreusement par la famille à
la Société asiatique. Les livres fonnant cette précieuse col-
lection s*élèvent au nombre de dix -huit cents ; la liste en est
déjà dressée et ils seront catalogués prochainement.
 cette occasion , M Duval signale la nécessité de refondre
complètement Tancien catalogue de lu bibliothèque et pro-
pose de confier ce travail à M. Gantin , membre de la Société ,
en mettant à sa disposition une somme de i,aoo francs, à
titre d'indemnité pour la rédaction du nouveau catalogue.
Le Président appuie chaleureusement cette proposition qui
est adoptée par le Conseil. Des remerciements sont adressés
à M. Spechl, membre de la Commission des fonds, et à
M. Gantin pour les soins qu'ils ont donnés à la translation
et à rinstaUation des livres formant le Fonds Garrez,
Il est donné lecture d'une lettre de Son Ëxc. Ëimad ed-
Daulah , ministre de la presse à Téhéran , qui ofiîre à la So-
ciété un exemplaire du Voyage du schak de Perse dans le
Khorassan, rédigé par Sa Majesté.
M. Oppert revient sur la question de l'inscription datée
de l'an aSa d'Arsace , qui a trait à une éclipse de lune. 11 avait
fixé la date au 2 3 mars de l'an 24 avant J.C. Grâce aux
textes dont il doit la communication à l'obligeance de
M. Strassmayer, M. Oppert reconnaît qu'il est difficile de
maintenir cette date. C'est surtout à cause des groupes indi
quant le solstice et l'équinoxe que cette identification est
devenue douteuse. L'explication de ces groupes est due au
P. Epping; M, Oppert l'accepte et propose l'année 5i ou 1 16
510 AVKIL-MAI-JUIN 1889.
après J.C. ; dans ces deux années il y eut des éclipses de lune ,
le i4 avril. (Voir ci-après , p. 5 1 1 .) Un échange d'observations
a lieu sur cette question entre M. Oppert et M. Drouin.
M. Groff présente, de la part de sa sceur, M*^ Florence
Groff, une édition du Zaîn el-Asuâm, conte des Mille et une
nuits, extrait des manuscrits de la Bibliothèque nationale,
avec vocabulaire anglais et français.
La séance est levée à 5 heures et demie.
OUVRAGES OFFERTS À LA SOCIÉTÉ.
Par rindia oflfice. Indian Antiquary, febmary 1889, in-4*.
Par le Gouvernement néerlandais. Bijdragen dut de taal-
land-enVolkenkunde van Nederlandsch-Indiê , V, 4< a. 'Sgra-
venbage, 1889.
Par le ministre de la Perse. Voyage de Nasr-ed-Din dans
le Khorassan (en persan). Téhéran, 1889, in'-fol.
Par la Société. Bulletin de la Société neufbhâteloise de
géographie, t. IV, 1888. Neufchâlel, 1889, in-8'.
— Bulletin de la Société des études indo-chinoises de Saigon ,
1889, in-8".
— Revue africaine, n" 190, 3* trimestre. Alger, 1888,
in-8".
— Journal de la Société finno-ougrienne , V et VI. Helsing-
fors, 1889, in-8°.
— Compte rendu de la Société de géographie , n" 5-7. Paru ,
1889, in-8".
Par les éditeurs. Polyhihlion, Parties technique et litté-
raire. Avril 1 889 , in-8".
— Journal des savants, mars et avril. Paris, 1889, in-4*.
— Revue critique, n"' i5-i8. Paris, 1889, in-8*.
— Bolletino délie publicazione italiane, n" 79 et 80, 1889 »
in-8'.
Par Tauteur. Zaîn el-Asnâm. Conte des Mille et mw
nuits, extrait des manuscrits de la Bibliothèque nationale.
Texte arabe entièrement vocalisé et vocabulaire arabe , anglais
et français, par Florence GroflF. Paris, 1889, in-8'.
NOUVELLES ET MELANGES. 511
ANNEXE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 1 O MAL
J'ai donné au Journal asiatique la traduction d'un texte
assyrien, publié par le P. Strassmayer, traduction tirée du
compte rendu de TAcadémie des sciences du 3 septembre
1 888. Ce texte établit qu'il y eut au mois de Nisan de cette
année une éclipse lunaire partielle, arrivée à minuit, temps
vrai de Babylone , éclipse grande de deux tiers environ ou ,
comme nous disons , de huit doigts. L'avènement des Arsa-
cides étant fixé à 2 56 avant J.-C, nous avons identifié le
phénomène visé dans le texte cunéiforme avec celui du
23 mars (24 ans avant J.-C), ce qui satisfait intégralement aux
données babyloniennes. Nous avions dès l'origine écarté
Téchpse lunaire du Nisan de l'an 232 des Séleucides à
lequelle le document mentionné ne saurait se rapporter;
r éclipse lunaire du 1 1 avril 8o avant J.-C. eut lieu dans
des conditions qui ne s'accordent pas avec les termes précis
de l'inscription assyrienne. Celle-ci se produisit vers le lever
du soleil et la lune se couclia éclipsée , tandis que le soleil
se leva sur la Chaldée; le document n'aurait pas manqué
de dire que le soleil se leva pendant l'éclipsé, puisque ce
même texte fournit des données sur le coucher des planètes.
J'étais donc parfaitement autorisé à fixer avec Justin le
commencement de l'ère d'Arsace en 2 56.
Un savant astronome, le P. Ëpping, a donné dans Ja
Zeitschrift fur Assyriologie , tome IV, page 78, une traduc-
tion qui me parait de tous points contraire au sens exprimé
par l'original assyrien. Admettant a priori l'identité des ères
séleucidé et arsacide, il a, par conséquent, adopté la date du
1 1 avril 80. 11 a conmiis l'erreur commune à plusieurs astro-
nomes et mathématiciens qui calculent d'abord et qui dé-
chiffrent ensuite, tandis que le calcul doit reposer sur la
traduction correcte de l'original. Quand le texte dit en
propres termes que le milieu de Téclipse eut lieu t six heures
512 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
après le couclier du soleil», le P. Epping traduit : «avec un
maximum de 6 pouces » , en jetant par-dessus bord les mots
« coucher du soleil ». Quand le texte assure que Tombre pro-
gressa sur la lune du «sud et est (sud-est) vers le nord et
Touest» (nord-ouest), il conserve bien le nord-ouest, mais
il met au lieu du sud-est : « sur le c6té sud de Técliptique
lo** (^o'=) avant le lever du soleil». Cette traduction, à
part son incorrection philologique , renferme aussi une im-
possibilité astronomique; Tëclipse de 8o eut lieu, en effet,
du côté sud de Técliptique , mais dans le nœud descendant ,
Tombre de la terre alla donc du nord-est au sud-ouest et non
pas comme le dit Tinscription. La traduction du P. Epping
aurait sans doute gagné s*il avait voulu consulter les résumés
des récits babyloniens sur les éclipses , faits par Hipparque
et conservés dans TAlmageste; ces indications sont absolu-
ment analogues au texte qui nous occupe.
Mais si le P. Epping a voulu appliquer les termes d un
document à un phénomène étranger à ce document, il nous a
rendu service dans un autre travail. Le P. Strassmayer a bien
voulu m*envoyer les épreuves de deux inscriptions datées
des années 189 et 201 d*Arsace, que le P. Epping a exa-
minées avec beaucoup de science et une heureuse sagacité.
Ce sont des calendriers complets embrassant toute Tannée.
Il y a au Musée britannique encore une centaine de textes
pareils, que le savant P. jésuite a soumis à son investiga-
tion. 11 a déterminé avec bonheur les groupes désignant
Téquinoxe, le solstice et quelques étoiles; il m*a suivi dans
ma détermination du Sirius , mais je regrette de ne pas pou-
voir accepter son assimilation de plusieurs planètes. Cette
erreur provient de ce qu'il a admis pour ses calculs une
époque erronée. Le P. Epping est pourtant très excusable,
car les dates des équinoxes et des solstices, conune celles
du lever héHaque du Sirius , cadrent fort bien avec l'ère des
Séleucides dont Tapplication , au point de vue historique»
est cependant inacceptable. En laissant de côté Timpossi-
bililé d admettre que les rois parthes aient daté Tère d'Ar-
NOUVELLES ET MELANGES. 513
sacie du fait le plus glorieux de Thistoire des Séleucides,
contre lesquels ils s'étaient révoltés, il y a des preuves his-
toriques à l'appui des démonstrations morales. L'année 108
d'Arsace qui se trouve dans un texte ne peut être Tannée 108
de Séleuciis ; car alors Anliochus le Grand régnait en maître
absolu à Babylone. En outre, nous avons des textes d'une
époque très rapprochée ; des documents sont datés sous An-
tiochus de Tan 94 (a 18 ans avant J.-C.) et de Démétrius
Nicanor de l'an 170 (i42 ans avant J.-C). On ne peut donc
admettre l'époque de 3 12 avant J.-C, pour l'ère d'Arsace.
Mais les textes du P. Epping m'ont démontré que cette
èi^e ne pourrait prendre naissance non plus en avril 255
avant J.-C. Si les échpses des années 67 et 55 avant J.-C.
pouvaient encore cadrer avec l'époque primitivement adoptée
par moi , il est impossible de les faire concorder avec les équi-
noxes, les solstices et les levers du Sirius cités dans ces textes.
Le lever du Sirius avait lieu, pour la latitude de Babylone,
pendant le siècle qu'on peut assigner à ces documents, le
2 1 juillet de chaque année. Or il fallait trouver un point
de départ qui concihât le texte de l'éclipsé avec toutes les
autres données et après beaucoup de calculs , j'ai été assez
heureux de pouvoir rectifier avec succès mon ancienne dé-
termination.
L'ère d'Arsace du mois d'avril 181 avant J -C. est posté-
rieure à celle des Séleucides de 1 3o ans. L'éclipsc lunaire qui
nous occupe serait donc celle de 5i de notre ère. Le texte aura
été rédigé sous l'empereur Claude. Les deux années 189
et 201 répondent aux années après J.-C. 8 et 20. L'éclipsé
de soleil, citée comme invisible à Babylone, du 28Thammuz
eat celle du 2 1 juillet de l'an 8 de notre ère ; le même jour
est signalé dans le texte comme la date du lever du Sirius.
C'est une démonstration évidente. U en est de même de
l'éclipsé visible du 29 Marhesvan de Tan 201 qui est celle
du 3 décembre an 20, visible en Chaldée.
L'ère d'Arsace, roi des rois, se rattache à l'avènement du
conquérant de la Mésopotamie et d'Arsace VI, Mithridate,
514 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
dont l'avènement jusqu'ici a été fixé en 164* mais que, au
plus bas, M. de Gutschmid a reporté jusqu'à 176 ans avant
J.-C. Cela pourrait être aussi Tavènement du premier con-
quérant parthe Arsace V, Phrahate 1", qui prépara les con-
quêtes de son frère Mithridate et le choisit comme successeur
sur le trône , de préférence à ses propres fils. C'est à l'un de
ces deux monarques conquérants que se rattache l'ère usitée
en Chaldée d* Arsace, roi des rois.
J. Oppbrt.
Nous avons déjà fait connaître , dans un post-scriptum , que
nous devons à Tobligeance du P. Strassmayer une copie rec-
tifiée du texte en question et que le point le plus saillant de
cette collation nouvelle est la mention du roi Orode. Nous
ne connaissons pas un roi des Parthes portant ce nom anté-
rieurement à Orode 1*' qui régna de 54 à 87 et contre lequel
périt Crassus, en 53 avant J.-C.
Cette circonstance donne un poids nouveau aux observa-
tions qui précèdent.
By44H3MT>. H3C^'B4BAHIfl H MATEPIAwibl. COHHHE-
HIE H. n. MHHAEBA. TOMT> I. BbinyCKT> H. Saint-Pé-
tersbourg, imprimerie de TAcadémie impériale, 1887. Gi^i^d
in-8°; XI- 169 pages et une planche.
Dans cette partie de ses Recherches et matériaux touchant
le bouddhisme , M. M inaïef nous donne le texte sanscrit de
trois ouvrages bouddhiques analogues, savoir: 1* le Makà-
vyutpatti (p. 1-117); ^'* ^" ouvrage plus court, sans titre,
extrait du précédent (p. iig-iSS); 3* le Nâma-Sanjîti
(p. 137-159). Ces trois textes, édités avec la compétence et
le soin bien connus de l'auteur, sont précédés d*une préface
dans laquelle il fait connaître les exemplaires manuscrits ou
imprimés qui lui ont servi pour arrêter son texte.
Pour le Mahâvyutpatli , il en a eu cinq désignés par les
NOUVELLES ET MÉLANGES. 515
Jcttres P, D, M» T, U. T est en caractères tibétains dune
impression défectueuse ; M , U sont des manuscrits sur papier
européen; D est un manuscrit sanscrit-tibétain; il compte
deux cent cinquante-sept feuillets divisés en deux cabiers.
P est le plus important; c'est un manuscrit de trois cent
dix-neuf folios en quatre langues : sanscrit , tibétain , cbinois ,
mongol. Le texte sanscrit s'y trouve deux fois : en caractères
népalais d*abord, en caractères tibétains au-dessous. La
plancbe mise à la fin du volume de M. Minaïef est un fac-
similé ordinaire de la première feuille de ce manuscrit qui
porte le n* 2 51^7 dans la bibliothèque de TUniversité impé-
riale de Saint-Pétersbourg. Nous en reparlerons; M. Minaïef
n*e st pas le premier qui en ait fait usage.
Pour le Nâma-Sang(ti , M. Minaïef a eu aussi cinq textes
à sa disposition : il les appelle Y, M , P, D , K. K est un com-
mentaire (tikâ) de l'ouvrage; P une édition chinoise qui,
conune dans le manuscrit P du Mahâvyutpatti , donne deux
fois le texte sanscrit , en caractères landza d*abord , en carac-
tères tibétains ensuite ; Y est aussi une édition chinoise qui
donne le texte sanscrit; D lui est conforme. M a vingt-sept
folios; c'est un manuscrit du Népal qui vient de Katmandou
(vraisemblablement rapporté par M. Minaïef lui-même).
M. Minaïef indique, au bas des pages ou se trouve le
texte de ces deux ouvrages, les variantes que lui fournissent
ses dix manuscrits. Seul, l'ouvrage intermédiaire, celui qui
n'a pas de litre et qui est simplement désigné par six carac-
tères chinois que M. Minaïef transcrit ou-i-che-bi-tsi-yâo , est
absolument dépourvu de notes; c'est que le savant éditeur
n'a pu recourir, pour ce texte , qu'à un seul exemplaire , une
édition chinoise inscrite sous le n" 'ibili^ dans le catalogue
de la bibliothèque de l'Université impériale de Saint-Péters-
bourg. M. Minaïef remarque que Abel Rémusat a décrit cet
ouvrage dans les pages i53 et suivantes du tome I de ses
Mélanges asiatiques. Nous entrerons à ce propos dans quel-
ques détails rétrospectifs qu'on ne trouvera pas, nous l'es-
pérons , dénués d'intérêt.
516 AVRIL-MAI.JUIN 1889.
Voici couiment Âbci Rémusat s* exprime au sujet de Tou-
vrage dont il s*agit :
La Bibliothèque du roi possède deux exemplaires d*au vocabu-
laire pentaglotte imprimé à la Chine et à la manière chinoise, c*est-
à-dire avec planches de bois et sur papier de mûrier [dié sur les
marges.
Cet ouvrage est formé de deux volumes dont le premier contient
quatre-vingt-dix-huit feuillets numérotés ou doubles pages , et le deu-
xième quatre-vingt-seize. 11 est sans titre ; seulement Tun des deux
extraits porte une étiquette extérieure conçue en ces termes : Man-
haii-si'fan tsi-yao , c'est-à-dire littéralemenC : t Collection ou recueil
nécessaire des mots mandchous , chinois , tibétains i.
Aujourd'hui on ne cite pas un volume appartenant à un
établissement public ou même, le cas échéant, à une collec-
tion particulière, sans en donner le numéro. U n'en était pas
ainsi en i8a4* Abel Rémusat signale ici deux volumes, sans
citer un seul numéro; et c'est assurément regrettable. La
description qu'il en donne s applique parfaitement au n*^ logS
du fonds chinois de la Bibliothèque nationale et ue s'ap-
plique à aucun autre, que nous sachions. Y aurait-il donc
un volume de disparu?
Quoi qu il en soit, l'ouvrage décrit par Âbd Rémusat est
bien celui dont M. Minaïef vient de donner le texte sanscrit.
L'absence de titre signalée par l'illustre sinologue français
se remarque également dans l'exemplaire de Saint-Péters-
bourg; de part et d'autre, le seul intitulé consiste en six
caractères chinois, vraisemblablement collés sur la couver-
ture de l'exemplaire russe, comme ils le sont sur celle de
l'exemplaire parisien, Seulement, sauf les deux derniers, ces
caractères sont transcrits par M. Minaïef tout autrement que
par Abel Rémusat. Mais je n'insiste pas sur ce désaccord
qui est chose secondaire.
Abel Rémusat ne s'est pas borné à la description de cet
ouvrage et à l'analyse qu'il en donne dans le volume im-
[>rimé en i8a4* U avait déjà, ù cette époque, préparé une
édition de ce vocabulaire, non pas l'édition d'une partie.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 517
mais Tédition du tout. Il Tannonçait même dans Tarlicle
précité de ses Mélanges asiatiques par 1 avis suivant :
Il en existe un troisième exemplaire dans la collection d'un
particulier* à Pans. J'en ai fait moi-même une copie d'après les
exemplaires de la Bibliothèque du roi et je destine cette copie à l'im-
pression.
La copie annoncée en ces termes en i8a4 existe encore;
elle est à la Bibliothèque nationale dans le fonds chinois où
elle porte le n* 2170. E31e y est entrée seulement le 17 dé-
cembre 1869. Mais, dès 181 2 , ce manuscrit de quatre cent
vingt-quatre pages était prêt pour l'impression, car il porte
cette date. Il est rédigé en latin. En voici le titre :
Fàn-si-fân, man-tcheou, meng koà han chou, vel si ad operis
formam potius quam ad ipsius naturam respicere malueris : Man
han. si fan tsiei yâo ; vocabularium pentaglottum sanscriticum ,
tangutanum, mandschuanum , mongolicum et sinicum cum latina
interpretatione i. m. e. f. J.-P. Abel Rémusat.
L'auteur donne le sanscrit en caractères tibétains, comme
dans l'original (en l'accompagnant d'une transcription),
puis successivement, Tune au-dessous de l'autre, les ver-
sions tibétaine, mandchoue, mongole, chinoise, chacune
dans les caractères indigènes, enfin la traduction latine.
Dans une courte préface , Abel Rémusat prévient le lecteur
que sa traduction a été faite sur le chinois, mais que, le
cas échéant, il ajoute les interprétations divergentes, sug-
gérées par les versions mongole et mandchoue. Quelques
remarques en latin, en anglais ou en d'autres langues ont
été postérieurement ajoutées à l'encre rouge.
Pourquoi ce travail si important destiné à l'impression
n'a-t il pas été publié ? Je suppose que les difficultés typogra-
phiques, le manque de caractères et l'élévation de la dépense
ont fait avorter le projet d'Abel Rémusat. Il faut bien dire
(|uil y avait là un surcroit de complications. La reproduction
' Ce particulier ne me parait pas pouvoir être antre que Klaproth.
518 AVRILMAI-JUIN 1889.
du texte sanscrit en caractères tibétains était une circon-
stance très défavorable, je ne puis dire une idée malbeu-
reuse. Mais c*eût été une heureuse idée, ou plutôt c* était
une nécessité absolue de ramener ce texte au Devanâgari.
Abel Rémusat eût sans doute uni par en venir là s'il eût vécu
plus longtemps et peut-être n aurions-nous pas eu à attendre
M. Minaïef et Tannée 1887 pour avoir le texte de cet ou-
vrage intéressant.
Enfin , soixante-trois ans après qu' Abel Rémusat annonçait
son dessein de nous donner les cinq versions de ce voca-
bulaire, M. Minaïef nous en donne une, la principale il est
vrai. Mais voici qu'on nous comble : presque au moment 011
M. Minaïef publiait son volume, M. de Haiiez entreprenait
la publication du même ouvrage dans le recueil nouvelle-
ment créé à Londres par M. Terrien de La Couperie,le Baby-
lonian and Oriental record, sous ce titre : a buddbist bbposi-
TORT, Man han si-fan Uieh-yâo, Car ce titre chinois parait
devoir être définitivement adopté. M. de Harlez nous donne
plus que M. Minaïef, mais moins que ne voulait nous donner
Abel Rémusat. Il reproduit intégralement le texte sanscrit et
la version tibétaine, donnant de fun et de Tantre une tra-
duction spéciale. Quant aux autres versions , il ne les donne
qu'occasionnellement, et, pour la traduction, il se borne à
indiquer sommairement les différences d'interprétation ou
l'accord des textes. Il donne de plus le texte des intitulés des
sections de l'ouvrage qui sont en tibétain et que M. Minaïef
a omis parce qu'il s'est attaqué uniquement à la partie sans-
crite. Seulement M. de Hariez n'emploie pas les caractères
orientaux; il a recours à la transcription, donnant en ita-
liques les textes sanscrit et tibétain ; ce qui les £siit hxea res-
sortir. La majorité des lecteurs sera peut-être satisfaite; mais
l'abandon des caractères indigènes n'est pas sans inconvé-
nient. C'est aussi une chose fâcheuse que cette découpure de
Touvrage dans différents cahiers; toutefois il est probable
qu^un tirage à part permettra de réunir ces disjecti memhra
operis.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 519
Puisque cet ouvrage , qui se trouve être l'objet de deux
publications presque simultanées, est un abrégé du grand
vocabulaire Mahâvyutpatti , qui est lui-même un des textes
édités par M. Minaïef , il convient de dire aussi quelques
mots de ce grand vocabulaire. Il a toujours excité la curio-
sité, et c'est à cette curiosité que nous devons deux copies
manuscrites qui en existent à la Bibliothèque nationale.
La première, qui porte les n**' 1-2 du fonds tibétain-mongol,
a été exécutée en i85a par M. Foucaux , pour la Bibliothèque
nationale elle-même , sur le n" 687 du catalogue de la biblio-
thèque du département asiatique de Saint-Pétersbourg : elle
comprend le texte sanscrit et la version tibétaine. M. Foucaux
a plus taixi ajouté des variantes empruntées au n** a5i47 de
la bibliothèque de TUniversité impériale de la capitale russe,
celui-là même qui a depuis servi de base à Tédition de M. Mi-
naïef et qui est désigné par lui par la lettre P.
En eflFet , ce manuscrit fut prêté , peu d*années après , à Sta-
nislas Julien qui, n'ayant pas d'autre moyen de se procurer
le Mahâvyntpatti , en exécuta une très belle copie faite sur le
volume de Pétersbourg en collaboration avec M. Foucaux.
M. Foucaux copia les parties sanscrite et tibétaine, Stanislas
Julien se réserva les parties mongole et chinoise. Il ajouta à
Touvrage une reproduction photographique d'un des feuillets
de l'original (le 262*). Ce beau manuscrit de cinq cent
quatre-vingt-deux folios formant deux grands et forts volumes
est maintenant a la Bibliothèque nationale qui l'a acquis de
Stanislas Julien; il porte dans le fonds chinois les n*** 242a-
2423.
Cependant ces deux copies sont nécessairement d'un usage
très restreint. M. Minaïef a donc répondu à un desideratum
en publiant le texte sanscrit. Mais , comme pour le vocabu-
laire Man-han-si-fan-tsi-yâo , on peut regretter l'absence des
autres versions. Comme pour ce même vocabulaire aussi,
M. Minaïef a été devancé par un illu^re érudit qui avait
formé le projet de publier un texte plus complet du Mahâ-
vyutpatli et n'a pas eu la satisfaction de le voir exécuté.
520 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
Csoma de Kôrôs avait préparé une édition du grand vocabu-
laire. Son manuscrit, conservé à la bibliotlièque de la Société
asiatique de Bengale, a six cent quatre-vingt-six pages, sans
compter vingt pages d*index; il est divisé en quatre colonnes
occupées , la première par les numéros d*ordre , la deuxième
par le texte sanscrit en transcription, la troisième par la
version tibétaine en caractères tibétains, la quatrième par
une traduction anglaise. Il doit avoir été commencé à Cal-
cutta en 1 83 1 ; il était certainement achevé Tannée sui-
vante. Car, dans une lettre du a 6 décembre 1882, A^^lson
signale au secrétaire du Gouvernement de Tlnde un voca-
bulaire tibétain contenant « un sommarie du système boud-
dhique » comme prêt pour Timpression et digne d*ètre publié
avec la Grammaire et le Dictionnaire de la langue tibétaine;
il estimait les frais à 3 ou ^,000 roupies. Le Gouvernement
décida l'impression de la Grammaire et du Dictionnaire qui
fut achevée en i834 et coûta 6,4 12 roupies. Le vocabulaire
tibétain , c'est-à-dire le Mahâvyutpatti , fut laissé de côté. Le
Gouvernement indien avait vraisemblablement reculé de-
vant la dépense \ Ainsi le travail de Csoma comme cdui
d'Abel Rémusat est resté lettre close pour le public. Il était
réservé à M. Minaïef de réaliser dans des proportions plus
restreintes les intentions de ces deux grands maîtres de la
science dans la première moitié du siècle. Ce retard n*est
pas tout à fait regrettable; les publications faites aujourd'hui
sont sans doute , à certains égards , supérieures à ce qu'au-
raient été celles de 18a 5 et de i835. Celles-ci nen auraient
pas moins eu leur mérite et un mérite durable. Aussi , tout
en rendant justice au zèle et aux efforts de MM. Minaïef
et de Hariez, nous ne pouvons nous empêcher d'exprimer le
regret que les projets de publication d'Abel Rémusat et de
Csoma de Kôrôs n'aient pas abouti en leur temps.
L. Frer.
' Théodore Duka, Life and works oj Csoma de Kôrôs , p. ii3et 207-217.
-NOUVELLES ET MELAiNGES. 521
Çakuntala , drame indien, version lamoule d'un texte sanscrit,
traduite en français par Gérard Devèze. Paris, Maisonneuve et
Ch. Leclerc , 1 888 ,112 pages.
L'histoire de Çakuntalà est depuis longtemps connue et le
drame de Kâlidâsa justement célèbre. Comme plusieurs au-
tres légendes indiennes, celle de Çakuntalà a passé de la
littérature sanscrite dans les autres littératures de la pénin-
sule. M. Gérard Devèze vient de- nous donner en français,
d'après une publication faite dans l'Inde, l'imitation tentée
par le poète tamoul Râmacandra du drame de Çakuntalà. Le
mot « imitation » n'est peut-être pas le mot propre ; car l'au-
teur tamoul ne se réclame pas de Kâlidâsa dont il ne pro-
nonce même pas le nom et qu'il semble ignorer absolument.
Il ne reconnaît pas d'autre inspirateur que l'auteur du « su-
perbe » Mahâbhârata , et le grand poème épique de l'Inde
aryenne parait bien avoir été son seul guide.
Aussi ne retrouve-t-on dans l'œuvre de Râmacandra au-
cune des combinaisons imaginées par l'auteur du drame
sanscrit, et qui ont tant contribué à rendre son œuvre
célèbre, ni la malédiction du brahmane qui fait perdre au
roi la mémoire, ni surtout cet anneau donné par le roi à
son épouse, perdu par celle-ci et retrouvé dans le ventre
d'un poisson. Kâlidâsa resserre d'ailleurs les événements de
son drame entre la première rencontre du roi et de la jeune
fille et la reconnaissance de l'épouse et de l'enfant par le
mari et le père. Le poète tamoul n'ajoute rien et ne re-
tranche rien; il ne tente aucune combinaison; il se borne à
développer les situations fournies par les données de la tra-
dition, en prenant les choses ab ovo , c'est-à-dire à la nais-
sance de Çakuntalà et même avant. C'est ainsi que la péni-
tence de Viçvamilra, sa séduction par Menakâ, la naissance
et l'abandon de Çakuntalà , son adoption par Kanva , la chasse
du roi Dusyanta , la séduction , la grossesse et l'accouchement
de Çakuntalà, l'éducation de Bharata, le voyage de la mère
et de l'enfant à la capitale , l'altercation entre les deux époux
xni. 34
rurr.iu»!!! xtriuMim.
522 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
et leur réconciliation due à une voix aérienne sont autant
de tableaux qui passent successivement devant les yeux du
lecteur ou du spectateur, et le font assister à des scènes
diverses, quelquefois assez répugnantes, parmi lesquelles la
peinture des ardeurs de la passion occupe mie large place.
A chaque nouvel épisode, le directeur annonce au public
ce qui s'est passé dans l'intervalle ou Tarrivée du personnage
important qui va jouer son rôle. Llntervention fréquente de
ce directeur n*est pas sans analogie avec ces prologues des
comédies latines , dans lesquels Tacteur donne un résumé de
la pièce qui va être jouée.
Notons , avant de fmir, un trait curieux de ce drame : les
relations entre le guru et ses disciples. Vicvamitra rédame à
tout moment le concours de ses deux disciples , qui ne re-
çoivent pas un ordre sans grommeler; et leur maître, qui
s'aperçoit de leur peu de bonne volonté à obéir, répond par
des malédictions à leurs apartés injurieux. Cette irrévérence
envers le guru me fait penser aux moqueries dont les dieux
sont Tobjet dans Aristophane.
Il y a intérêt et profit à comparer ce drame tamoul avec le
drame sanscrit de Kâlidâsa , et nous remercions M. Gérard
Devèze d'avoir, par une traduction qui, autant qu*il nous
est possible d'en juger, est très fidèle , mis à la portée des
lecteurs l'ouvrage de Râmacandra.
L. Feer.
WILLIAM WRIGHT.
j.î^l ^Uiî opj ^5!
(Tarafa, MoMlloka», v. 66. )
« La mort cruelle aime à choisir sa proie parmi les hcnnmes
les plus éminents. » Ces paroles de l'ancien poète arabe ne
sont que trop justifiées au moment où nous pleurons la
perte douloureuse de William Wright , le célèbre orientaliste ,
NOUVELLES ET MELAN(;ES. 523
admiré et aimé du monde savant tout entier et, en particu-
lier, de l'Angleterre qui perd en lui un de ses plus illustres
maîtres.
Wright naquit le 17 janvier i83o, dans l'Inde anglaise,
où son père était capitaine au service du gouvernement. Sa
mère était fille de M. Overbeck, dernier gouverneur hol-
landais du Bengale. Il était encore enfant lorsque ses parents
revinrent en Europe et fixèrent leur demeure à Saint-An-
drews en Ecosse ; c'est là que William fit ses études univer-
sitaires. On l'avait destiné à la profession ecclésiastique , mais
ses goûts le dirigèrent vers la philologie orientale. A peine
ses études terminées , il se rendit , afin de mieux apprendre
le syriaque, à Halle, où il suivit les cours de Rôdiger, et
ensuite à Leide pour examiner des manuscrits arabes. C'est
là cpi'il fit la connaissance de Dozy qui ne tarda pas à recon-
naître ses aptitudes. Ce fut sur la proposition de Dozy que le
Sénat de l'Université de Leide lui conféra, en i853, le titre
de docteur honoris caasa. Wright venait alors de publier l'iti-
néraire d'Ibn Djobaïr, et avait fait preuve , dans cette édition ,
d*une connaissance solide de la langue arabe, d'une critique
pénétrante et sagace et d'une érudition peu conunune. Le
seul manuscrit connu de ce précieux document, que possède
la Bibliothèque de Leide, n'est pas mauvais, mais l'écri-
ture en est assez difficile à lire et il n'est point exempt de
fautes et de lacunes. Wright sut se rendre maître de ces dif-
ficultés , et son édition du voyageur arabe fut jugée digne de
figurer à côté des textes les mieux préparés. Il était le seul à
n'en être pas satisfait , et l'appelait un péché dejeanesse. Lors-
que la première édition étant épuisée, M. Brill voulut en
donner une seconde, accompagnée cette fois d'une traduc-
tion , Wright s'y refusa et me proposa de revoir le texte en me
priant de ne pas le nonmier sur le titre de la nouvelle édi-
tion *. Un pareil trait le peint tout entier. Très indulgent pour
* Cette édition n*a pas paru. J'avais promis de la donner, si M. Defré-
mery voulait se charger de la traduction françai<;e; co savant y consentit,
34.
52/1 AVRIL-MAI-JUI.N 1889.
les (léfauls de ses confrères, il était pour lui-même d*uiie
grande sévérité et ne pouvait se résoudre a publier un travail
qu'après avoir acquis la conviction qu il n*avaît négligé aucun
moyen de le rendre aussi parfait que possible.
L'Université de Leide s*honore d'avoir été la première à
apprécier les hautes qualités et le mérite de ce savant. De
son côté , il n'a jamais oublié l'accueil qu'il y trouva. Le titre
de docteur qu'on lui donna en i853 fut toujours le plus pré-
cieux pour lui et il conserva une vive sympatbie pour la Hol-
lande, dont il avait appris la langue par sa mère et où il
comptait quelques-uns de ses meilleurs amis.
Après la publication d'Ibn Djobaïr, coup dressai que le
juge le plus compétent avait déclaré un coup de maître , Wright
retourna en Angleterre avec une riche moisson de manuscrits
arabes. Ces extraits, tous copiés par lui avec le plus grand
soin , étaient les matériaux d'un grand travail dont il a exposé
le plan dans une lettre à Fleischer insérée dans la Zeitschr^
der D. M. G. , VII ,109. Quoiqu'il n'eût diors que vingt-trois
ans, Wright avait déjà acquis une connaissance profonde des
principales langues sémitiques , sans parier du persan et dn
turc dont il pouvait , au besoin , se servir pour ses recherches.
Afin de mieux pénétrer dans le vif de l'ancienne poésie arabe,
il avait appris par cœur plusieurs poèmes, entre autres une
grande partie du Diwan des Hodsaîlites,
A Londres , on lui offrit la chaire d'arabe à TUniversity Col-
lège, qu'il occupa jusqu'en 18 56; à cette date, ilfîit appelé à
remplir la même fonction auTrinity Collège de Dublin, où il
resta cinq ans. Pendant qu'il était à Londres, il publia le
Livre de Jonas en quatre versions, et contribua à la publica-
tion des Analectes sur V histoire et la Uttératare d' Espagne » par
Makkary, avec la collaboration de Krehl , Dosy et Dogat.
Durant son séjour à Dublin , il donna au public les Ojpof-
cula arabica et le premier volume de sa grammaire arabe.
mais il fut empêché par son état de santé de réaliser notre projet ; je croîs
inutile d'ajouter que nous n'aurions jamais consenti k eSùcer le nom da
principal éditeur.
NOUVELLES ET MELANGES. 525
Cet ouvrage, qu'il intitulait modestement Traduction de la
grammaire de Caspari avec additions et corrections, mérite
d'être considéré comme un livre original, par la clarté des
définitions , le bon choix des exemples et ses utiles contribua
tions à la grammaire sémitique comparée. L*édition de 1863
étant épuisée, il en donna une seconde (1874-1875) , enrichie
et refondue de façon à répondre à toutes les exigences de
cette difficile étude. Cette édition, à son tour, est devenue
introuvable ; il est à désirer qu'une troisième édition ne tarde
pas de paraître, et que celui qui se chargera de la tâche
honorable de la préparer puisse profiter des notes que l'au-
teur a dû consigner sur les marges de son exemplaire. La
Chrestom^thie , qui , dans la pensée de l'auteur, était le complé-
ment indispensable de sa grammaire , ne parut qu'en 1870;
c'est un livre bien fait; mais, par suite de l'absence d'un
glossaire , il n'a pas eu tout le succès qu'il méritait.
A Dublin, Wright se vit obligé de faire un cours d'hin-
doustani pour les aspirants au service de l'Inde anglaise.
Comme il possédait à fond cette langue , il se proposait de
composer un dictionnaire pour en faciliter l'étude scienti-
fique, mais son départ de Trinity CoUege, en 1861, le força
d'abandonner ce projet.
On venait de lui offi^r une place au Musée britannique
pour rédiger le catalogue de la riche collection des manu-
scrits syriaques , lorsque la chaire d'arabe à Oxford devint
vacante. Il semblait qu'il fût désigné pour l'occuper, mais
l'Université d'Oxford laissa échapper l'occasion de s'attacher
un savant éminent qui aurait contribué à son illustration.
La science du moins n'y perdit rien. Pendant les dix années
que Wright passa au département des manuscrits orien-
taux du Musée britannique , il rédigea le catalogue des manu-
scrits syriaques , œuvre excellente à tous égards et qui aurait
suffi pour fonder sa réputation. A cefte même époque de
sa vie appartient une série de publications qui parurent
dans l'ordre suivant : Contributions à la littérature apocryphe
du N. T., texte syriaque et traduction anglaise, i865; Home-
526 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
lies d'Aphraates , tome î, contenant le texte syriaque, 1869;
Les actes apoctyphes des Apôtres , a volumes, texte syriacjue et
traduction anglaise, 1871; la Chronique de Josué le Stylite,
texte syriaque accompagné d'une traduction anglaise , 1 88a ; le
Livre de Kafylah et Dimnah, texte syriaque, i883. La maladie
qui devait l'enlever Ta empêché de mettre la dernière main à
\ Histoire ecclésiastique d'Eusèhe et au catalogue des manu-
scrits syriaques de la bibliothèque de TUniversité de Cam-
bridge. Son dernier travail fut un article sur la littérature
syriacpie dans \ Encyclopœdia Britannica, article qui est un
modèle de concision , de clarté et d'érudition.
Wright apporta la même activité dans ses recherches sur
la littérature arabe. En i864 parut la première livraison du
j^âmil de Mobarrad, ouvrage de la plus haute importance,
mais qui exigeait chez celui qui entreprenait de le publier
une connaissance parfaite de l'histoire et de la littérature
arabes, et, en particulier, des subtilités grammaticales , des
idiotismes , locutions proverbiales , jeux d'esprit et de mots
qui ne sont pas une des moindres difficultés de ce vieux
document. Personne n'était mieux préparé que Wright pour
une telle entreprise. La dernière livraison du texte (996 pages
in-^"*) parut en iS'jà, En 1882, la onzième livraison, con-
sacrée aux index (200 pages) , fut distribuée aux souscripteurs.
Une douzième livraison devait contenir une courte préface ,
le résultat de la collation de quelques manuscrits que l'édi-
teur n'avait pas pu utiliser lors de la préparation du texte,
enfin une liste de corrections. 11 est à espérer qu'un savant
autorisé se chargera de réunir et , au besoin , de compléter les
matériaux que l'auteur a laissés probablement eu porte-
feuille.
En 1870, Wright fut appelé à occuper la chaire d'arabe à
l'Université de Cambridge. Cette chaire , conmie plus d'une
en Angleterre, est très insuffisamment payée; on le nonmia
en même iemps fellow du Queen's Collège. L'Université n'eut
qu'à se féliciter de ce choix qui donna un nouvd essor à
l'étude des langues sémitiques. Wright avait le don de l'en-
NOUVELLES ET MELANGES. 527
seignemeiit; sa méthode était sûre, ses explications claires;
il n'éludait pas les questions difficiles et savait inspirer à
ses élèves les principes de saine critique que lui-même avait
toujours pratiqués. M. Bensley, dans un article écrit en
mémoire de son ami défunt et qui a paru dans VAcademy
du i*'juin (p. 378), loue particulièrement ses lectures sur la
grammaire comparée des langues sémitiques et nous en fait
espérer la publication prochaine. Mais ce n'est pas seule-
ment par l'érudition et la méthode que Wright s'attachait
les étudiants : il savait leur communiquer son amour de la
science ; il se faisait une place dans leur cœur par sa bonté
et par le charme de ses manières.
Il est le véritable fondateur de l'Ecole orientale de Cam-
bridge et l'Université ne saurait mieux honorer sa mémoire
qu'en maintenant et développafit son œuvre. Parmi les ser-
vices dont elle lui est redevable , je me borne à rappeler que
l'acquisition de la belle et riche collection de manuscrits
sanscrits que M. D. Wright apporta du Népal est due à
son initiative.
Le départ de Wright pour Cambridge ne mit pas fin à ses
rapports avec le Musée britannique. Le catalogue des ma-
nuscrits syriaques était à peine achevé qu'il commençait celui
des manuscrits éthiopiens. Quoiqu'il ne pût consacrer à ce
travail qu'une partie de ses vacances, il y mil tant de zèle
que son travail parut en 1877. Ses visites réitérées au Musée
avaient encore un autre but. Il s'était chargé de l'édition de
la série orientale des fac-similés d'anciens manuscrits pour la
Paleographical Society. De 1876 à i883 parurent huit livrai-
sons de cette publication magnifique, qui , malheureusement ,
n'a pu être continuée à cause des frais considérables qu'elle
entraînait.
La Société de paléographie n'était pas la seule qui eût le
privilège d'avoir Wright pour collaborateur. 11 prit aussi une
part très active au travail du Comité de revision de la tra-
duction anglaise de l'Ancien Testament. Ces graves occupa-
tions ne l'empêchaient pas de se mettre, avec un zèle infati-
528 WKIL-MAI-JUIN 1889.
gable, au service de ses confrères. Il n*y a presque pan eu
d'entreprise scientifique dans le domaine des langues sémi-
tiques à laquelle il n'ait pris quelque part, soi( par ses contri-
butions littéraires, soit par ses conseils, soit enfin par les
encouragements pécuniaires qu*il savait leur attirer. Que de
peine ne s*esf-il pas donnée pour rendre possible la publica-
tion de la version des Septante par M. de Lagarde, pour
éveiller l'intérêt du public sur Tédition projetée des Annahs
de Tahary et pour obtenir des subventions en &veur de cette
entreprise , à laquelle il contribua lui-même autant que ses
moyens limités le lui permettaient! Sa collaboration au 7%e-
sauras syriacus du docteur Payne Smith a grandement re-
haussi!' la valeur de cet ouvrage important. Dozy, pour son
Supplément aux dictionnaires arabes, lui a été redevable de
nombreux matériaux. Le d6cteur Neubauer, dans l'article
qu'il a consacré à la mémoire de Wright (Athenmum du
1*' juin , p. 697) , rappelle avec reconnaissance Taide qu'il a
reçue de lui pour son édition du Livre des racines héhratqaes en
arabe, par Abou'l-Walyd.
Wright portait un vif intérêt aux études d*épigraphie sémi-
tique. Il publia dans les Proceedings de la Société d'archéo-
logie biblique plusieurs articles sur des inscriptions phéni-
ciennes et coufiques; dans leNorth British Review, un article
sur la stèle de Mésa.
La part prépondérante que, depuis sa nomination au
Musée britannique , il avait dû accorder aux études syriaques
l'obligea de restreindre son programme d'études de litté-
rature arabe. Mais il ne perdit jamais de vue le plan d'une
édition du Dywân de Djaryr, et des Nakaid de Djaryr et de
Farazdak .
Quand je me trouvai la dernière fois chez lui a Cam-
bridge, il n'y a pas encore deux ans, il me montra la copie
du manuscrit de Farazdak sur laquelle Boucher avait tra-
vaillé, et dont Wright avait fait l'acquisition. Je ne sais pas
jusqu'où il avait poussé cette préparation, mais le monde
savant doit souhaiter, comme moi, que ses copies et ses
NOUVELLES ET MELANGES. 529
notes soient confiées à un de ses élèves pour compléter le
travail du maître.
Wright n'avait d'autre ambition que celle dé faire son
devoir; il ne recherchait ni les places ni les honneurs. Il
n'appréciait les premières que par l'occasion qu'elles pour-
raient lui donner d'être utile; quant aux honneurs, il ne
voulait y voir qu'un témoignage d'approbation et de sym-
pathie. Ils ne lui furent pas refusés : sept Universités lui ont
successivement conféré le degré de docteur honoris causa,
parmi celles-ci, l'Université d'Oxford qui, en 1887, le fit
doctor of civil law. 11 était correspondant de l'Institut
de France depuis 1 878 , de l'Académie impériale de Saint-
Pétersbourg et de l'Institut royal de Lombardie, membre
honoraire de la Société orientale allemande, de la Société
asiatique de Londres, etc. Il avait mérité l'estime et l'ad-
miration de tous non seulement par ses rares qualités in-
tellectuelles et sa solide érudition, mais surtout par son
noble caractère, sa droiture, la générosité et la délicatesse
de son cœur. Il n'avait de haine que pour la bassesse , la sotte
vanité et la lâcheté, et encore la sévérité de ses jugements
était-elle tempérée par une certaine bonhomie. Rien n'a
manqué à son bonheur intérieur et sa maison hospitalière a
toujours été ouverte non seulement à ses amis, mais aux
savants étrangers.
La maladie qui l'a emporté s'est développée lentement.
Pendant l'hiver de 1888, elle prit un caractère menaçant.
Cependant un séjour de quelques mois dans sa chère Ecosse
parut enrayer le mal et lui permettre de se remettre au tra-
vail, mais cette lueur d'espoir s'évanouit bientôt et il expira
le 22 mai. Sa dépouille mortelle a été déposée dans un
tombeau de famille à Saint- Andrews , dans l'enceinte de la
vieille cathédrale. C'est là que repose celui qui fut un savant
de premier ordre et un grand homme de bien.
Leide, le 9 juin 1889.
M.-J. DE GOEJE.
53(T AVRIL-MAI-JUIN 1889.
LE RAPPORT ENTRE SAB'E SILTANV mAt MUSURI
ET PIR'V SAR MÂT MUÇURI,
PAR M. LE D' EDWARD MAHLER, DE VIENNE.
Bien que le récit de l'inscription de Khorsabad, relatif à
la victoire gagnée par Sargon sur Hanûn, roi de Gaza, et
Sab'e mât Musuri, et contenu dans les passages : Sah'e siltanu
mât Musuri (Botta, 1^5, 2, 1. 1) et Piru far mât Ma^ari
(ibid,, 1. 3), ait été déjà Tobjet de fréquentes recherches,
j'aime à croire que les lignes suivantes y ajouteront quelque
chose qui ne sera pas absolument dénué d'intérêt. Les passages
précités ont été interprétés jusqu'ici de deux façons diffé-
rentes. Une partie des assyriologues , suivis par Lepsius,
pensaient trouver dans Sah'e le nom du commandant des
troupes égyptiennes à la bataille de Raphia, et dans Piru,
le nom du roi d'Egypte , c'est pourquoi ils lisaient aussi tar-
tannu au lieu de siltannu. D'autres assyriologues voient, au
contraire, dans Sab'e le Sewe (KID) de la Bible, c'est-à-dire
le roi Sabaq de la xxv* dynastie égyptienne. A cette époque ,
rÉgypte était notoirement gouvernée par des rois de diverses
dynasties. Pendant que les descendants de la xxii* dynastie
continuaient la royauté légitime à Bubaste, la xxiii* et la
xxiv' dynasties régnaient respectivement à Tanis et à Sais.
Les deux dernières dynasties se faisaient la guerre pour la
suprématie dans le Delta, et ce n'est qu'après avoir capturé
Bokenranf qvie l'Ethiopien Sabaq, ayant son siège à Napata,
réussit à se faire reconnaître comme roi de toute l'Egypte.
Comme on le voit, grâce à ces circonstances particulières,
il y eut alors plus de deux souverains en même temps , et de
cette façon l'expression Sab'e mât Musuri peut bien désigner
un roi, tout en constatant que dans Piru sar mât Mu^vai,
il y a une allusion formelle à la dignité royale.
Ceci établi , on ne voit pas encore se dessiner très claire-
ment le rapport mutuel des deux souverains dans les passages
dont il s'agit. Etant donné que Sabaq ou àab'e n'était pas
NOUVELLES ET MELANGES. 531
encore reconnu comme souverain de toute l'Egypte au mo-
ment de la bataille , on pourrait voir dans siltaim une dési-
gnation de royauté partielle , tandis que Piru sar mât Musuri
désignerait le souverain légitime de toute l'Egypte résidant
dans le Delta. Mais on pourrait aussi établir une différence
dans un autre sens. Le descendant de la dynastie saïdique
serait désigné par Piru sar mât Musuri en sa qualité de roi
légal de toute TEgypte, tandis que Sah'e siltanu mât Musuri
caractériserait Sabaq comme usurpateur d'origine mais sou-
verain de fait. La considération qui suit est peut-être de
nature à élucider ce point.
Nous lisons dans Genèse, xli, 4o, les paroles suivantes
que Pharaon adresse à Joseph :
TOD bi3îc NDsn p-1 ""Dy-^D p^^*» r^^ byi '•n-'a by n^nn nm
Tu seras préposé à ma maison, tout mon peu{de te rendra
hommage; par le trône seul je serai plus grand que toi.
Trois versets plus loin nous lisons encore :
iVT t: !* v: T f • ' T Ittî* !-•-:
DnxD
• T :
Je suis Pharaon, et sans ton ordre personne n agira (mot à mot
personne ne lèvera sa main et son pied] dans tout le pays d'Egypte.
Par ces mots la situation de Joseph en Egypte a été clai-
rement précisée : aucune mesure ne peut être prise en Egypte
sans le consentement préalable de Joseph qui est un souve-
rain de fait pour toute l'Egypte, le trône seul est réservé
pour le roi proprement dit.
Aussi, chose vraiment remarquable, lisons-nous au ver-
set 46 :
DnxD iSd riy-iD •'JdS noya n^^û a^^b^-n nDl'»i
Et Joseph était âgé de trente ans iorsqu il se trouvait en pré-
sence de Pharaon , roi d'Egypte.
532 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
Tandis que tous les passages précédents de la Genèse
se servent soit du nom nviD seid, soit du titre D'»")SD "^Vd,
seul notre verset a pour la première fois les deux expressions
ensemble. Cela n^est certainement pas sans intention , il est
plutôt visible que Ton a voulu indiquer le caractère de roi
réel que Pharaon se réservait après avoir confié la régence à
Joseph.
Nous trouvons aussi dans la Genèse les titres officiels attri-
bués à Joseph. Au verset xlii, 6, on lit :
IVTT - .-- |m ,
Joseph est le régent du pays.
Et lorsqu'il se fait connaître à ses frères , il insiste sur sa
dignité en Egypte en disant (xlv, 8) :
II m'a institué Ab de Pharaon , seigneur de toute sa maison et
régent de tout le pays de TËgypte.
Joseph était donc effectivement le régent de toute l'Egypte
et portait en même temps le titre de saUit qui est bien iden-
tique avec l'expression assyrienne siltanu.
Maintenant , de même que , à côté du titre de Sd b^ Û^bcf
yiNH que Joseph portait en sa qualité de souverain illimité
du pays , le roi légitime d'Egypte conservait celui de Pbaraon ,
de même doit-on voir dans le titre de âabaq-§ab*e, siltana
mât Musuri, la désignation de la souveraineté effective bien
qu'usurpatrice , tandis que celui de Pir'u sar mât Ma(uri dé-
signe la dignité royale légitime.
NOUVELLES ET MELANGES.
533
TABLEAU SYNOPTIQUE DES TITRES DES ROIS EGYPTIENS
MENTIONNAS DANS LA GENESE.
CHAPITRE
ET VERSETS.
TITRE.
NOMBRE
DE FOIS.
CHAPITRE
ET VEBSBTS.
TITRE.
NOMBRE
DE FOIS.
XII, l5
ny")D
3
XLI, 4
nyiD
1
17
nyiD
1
7
nyiD
1
18
ny")D
1
8
nyiD
2
20
nviD
1
9
ny-)D
1
XXXVII , 36
ny-iD
1
10
nyiD
1
XXXIX , 1
nyiD
1
i4
HinD
2
LX, 1
DnîTD -|^D
2
i5
ny-)D
1
2
nyiD
1
16
nyiD
2
5
□nîTD l'jD
I
»7
ny-)D
1
7
nynD
1
25
nyns
3
1 1
nyiD
3
28
ny-)D
2
i3
nviD
2
32
ny-)D
U
ny-)D
33
nyiD
n
ny-iD
U
ny-)D
^9
ny^D
35
nyiD
20
ny")D
37
ny-iD
•
2 1
ny")D
38
nyiD
XLI, l
nyiD
39
nyiD
534
AVHIL-MAI-JUIN 1889.
CHAPITRE
ET VERSETS.
TITRE.
NOMBRE
DE FOIS.
CHAPITRE
ET VERSETS.
TITRE.
NOMBRE
DE FOIS.
XLI , 4 1
ny")D
l
XLVII , 2
ny-)D
4a
nync
1
3
ny-)D
44
nyns
a
4
nyiD
45
ny-^D
1
5
nyiD
46 <
> 1
1 DnîTD )
■ 7
8
46
nyiD
1
9
ny")D
55
nyiD
a
lO
nyiD
XLn , 1 5
ny")D
1 1
ny-iD
i6
ny^D
i4
nyiD
XLIV, l8
ny-iD
»9
nyiD
XLV, 2
nyiD
•
ao
ny-iD
8
ny-iD
aa
n:^^^
i6
nyiD
a3
ny)D
^7
nyiD
24
ny-îD
ai
ny-iD
25
ny-îD
XLVI , 5
nyiD
a6
nyiD
•
a
3i
ny-îD
L, 4
nyiD
a
33
nyiB
6
ny-iD
1
XLVII . 1
ny-iD
7
nviD .
1
NOUVELLES ET MELANGES. 535
MICHEL AMARL
Un grand citoyen italien, qui a été aussi un orientaliste
distingué, M. Amari, vient de mourir à Florence dans un
âge avancé. Il appartenait à notre Société depuis longtemps ,
et avait fourni autrefois au Journal asiatique d'utiles contri-
butions, entre autres les Extraits du voyage d'Ibn Djohaîr,
une étude sur les Questions philosophiques adressées aux savants
musulmans par Yempereur Frédéric II, etc. Deux grands ou-
vrages inspirés par le plus pur patriotisme et fruit de persé-
vérantes études , les Vêpres siciliennes et V Histoire des musul-
mans de Sicile , ont rendu le nom d'Amari populaire dans son
pays natal et lui ont valu les suffrages du monde savant.
La recherche des chroniques arabes et du moyen âge ita-
lien avait été le but et la consolation de ses longues années
d'exil. Après l'affranchissement de l'Italie, Amari devint mi-
nistre de l'instruction publique et sénateur du royaume;
mais ses fonctions pohtiques , loin de le détourner des études
orientales, lui ont permis d'en rétablir l'enseignement sur
des bases plus larges. Lui-même tint à iionneur d'y propager
par ses propres leçons la connaissance de la langue et de la
vaste littérature des Arabes. Parvenu aux. limites extrêmes de
l'âge , mais exempt des infirmités qui en sont le triste privi-
lège, il continuait encore avec une ardeur juvénile à recueiHir
et à traduire les documents arabes qui pouvaient lui fournir
de nouveaux renseignements sur les rapports politiques et
commerciaux de l'Italie avec la Syrie , l'Egypte et les régences
barbaresques. L'Académie des inscriptions et belles-lettres
sut reconnaître la valeur de ses travaux en le nommant as-
sodé étranger en 187 1 .
Amari aimait la France comme son pays d'adoption : il lui
a toujours été reconnaissant de son hospitalité et des encou-
ragements que ses premiers essais y reçurent. La Société asia-
tique ne peut que s'associer aux sentiments de regret et de
profonde vénération qu'inspire la perte de cet homme d'un
536 AVKIL-MAI-JUIN 1889.
grand cœur, dont la vie ofTre le plus noble exemple du
patriotisme et du culte désintéressé de la science.
Â.-C. Barbier de Meynard.
GEORGES GUYEISSE.
Nous apprenons avec tristesse la fin inattendue de Tun
des membres les plus jeunes et les plus promettants de
la Société asiatique, M. Georges Guyeisse, mort subitement
à Tâge de vingt ans.
Les études indiermes , si cruellement éprouvées dans le
courant de cette année par la perte de tant de maîtres,
MM. Hauvette Besnault , Bergaigne et Garrez, perdent en lui
une de leurs espérances. Attiré vers l'Orient par une voca-
tion précoce , M . Guyeisse avait déjà étudié plusieurs années
le sanscrit avec MM. Bergaigne et Sylvain Lévy, la gram-
maire comparée iranienne avec M. Darmesteter. Il songeait
. à aller étudier sur place, en Indo-Chine, Thistoire de la
civilisation indienne transplantée et allait entreprendre , sous
la direction de MM. Barth et Senarl, la rédaction d'un index
de noms propres dans les inscriptions de Tlnde, destiné à
rendre un service de premier ordre aux historiens de Tlnde
ancienne. Il venait de s'inscrire comme membre perpétuel à
la Société asiatique à laquelle il promettait de longues années
d'activité heureuse : dans le recrutement si lent et si pénible
de nos études, cette disparition soudaine laisse un double
vide et un double regret.
J. 1).
TABLE DES MATIERES
CONTENUES DANS LÉ TOMB XIII, VIII* SÉRIE.
MEMOIRES ET TRADUCTIONS.
Pages.
Recherches sur Thistoire de la liturgie v(^.diquè. (M. Abel
Bergaignb . ) , 5
Les premiers princes croisés et les Syriens jacobites de Jéru-
salem. (Fin.) (M. l'abbé Martin.) 33
Luh-ying-tchi-li. Les règlements militaires de Tempereur Kya-
king. (M. DE Harlez.) 80
Recherches sur Thistoire de la liturgie védique. (M. Abel
BerGAIGNE. )*. 121
Documents pour Tétude du berbère. (M. de Rochemonteix. ) . 198
LU, le plus ancien rituel de la Chine. (M. G. de Harlez.). . a 39
Les nombres ordinaux en assyrien. (M. Arthur Amiaud.). . . 297
Le patriarche Mar Jabsdaha II et les princes mongols de
rÀdherbaidjan. (M. RrsENs Duval.) 3i3
Les devoirs de Técolier. (M. J. Darmesteter. ) 355
Notes d'épigraphie indienne. (M. E. Senart.) 364
La numismatique araméenne sous les Arsacides et en Méso-
potamie. (M. E. Drouin.) 376
Documents pour l'étude du berbère. (Suite.) Contes du Sous
et de Toasis de Tafilelt (Maroc), traduits et commentés.
(M. DE Rochemonteix. ) 4oa
Bibliographie ottomane. Notice des livres turcs , arabes et per-
sans imprimés à Constantinople durant la période i3o4-
i3o5 de rhégire (1887-1888) [5* article]. (M. Clément
HUART.) 428
Index des mots ssûlscrits-chinois contenus dans les deux cha-
pitres d'I-Tsing. (M. Ryauon Fujishima.) . . . , 490
xni. 35
538 AVRIL-MAI-JUIN 1889.
NOUVELLES ET MÉLANGES.
Procès'verbal de la séance du 1 1 janvier 1889 111
.\nnexes n*" 1 et 2 au procès-verbal. — Die Genesis flbersetit
von E. Kauizsch uDd A. Socin. (M. Rubens Ddval. )
Procès-verbaux des séances des 8 février et 8 mars 1889. .• • 271
Annexes a*' 1 et a au procès-verbal du 8 mars. — Leziooii
syriacum auctore Hassano Bar-Bahloul. (M. l'abbé Mabtiii.) -—
Histoire de l'Afrique septentrionale depuis les temps les |das re-
culés jusqu'à la conquête française (i83o). — Molhat al-irab ou les
Récréations grammaticales de Hariri. (B. M.)
Procès-verbal de la séance du la avril 1889 ^97
Annexe n" 1 au procès-verbal. ( Communications de M. Hal^vt).
— Annexe n* a.
Procès-verbad de la séance du 1 o mai 1 889 Sog
Annexe au procès-verbal. (M. J. Oppert.) — 6y44H8int.
Hacji'ibABaHifl h MMarepia^bi. GoHHHeie H. II. MEHaesa.
ToMi) I BbiiiycR'b II. (M. L. Feer.) — Çakuntald, drame in-
dien , version tamoule d un texte sanscrit , traduite en firânçais
par Gérard Devèze. (M. L. Feer.) — WiHiam WrighL (M. M.-J. de
GoBJE.) — Le rapport entre Sab'e Siltana et Pir'a sar mât musuri,
par M. le D' Edward Mahler, de Vienne. — Micbd Amari (Bar-
bier DE Meyxard.) — Georges Guyeisse. (J. D.)
Le Gérant :
Barbibr de Meynabd.