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Full text of "Journal asiatique"

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JOURNAL  ASIATIQUE 


HUITIEME   SERIE 
TOME  Xlir 


JOURNAL  ASIATIQUE 

12ÎM- 

RECUEIL  DE   MÉMOIRES 

D'EXTRAITS  ET  DE  NOTICES 

RELATIFS  A   L'HISTOIBE.  À  LA  PHILOSOPHIE.  AUX  LANGUES 
ET  À  LA  LITTÉRATURE  DES  PEUPLES  ORIENTAUX 


ET  PUBLIÉ  PAR  LA  SOCIÉTÉ  ASIATIQUE 


HUITIÈME  SÉRIE 
TOME   XIII 


PARIS 

IMPRIMERIE    NATIONALE 

GIUfEST  LEROUX,  ÉDITEUR 

BDB  BONiPAIlTB,   sS 

M  DCGC  LXXXIX 


JOURNAL  ASIATIQUE 


JANVIER   1889. 


RECHERCHES 

SUR 

L'HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE, 

PAR  M.  ABEL  BERGAIGNE. 


M.  Bergaigne,  avant  de  partir  en  vacances,  avait  composé 
un  mémoire  sur  ï Histoire  de  la  liturgie  védique  dont  il  avait 
communiqué  les  principales  conclusions  à  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres  (séance  du  8  juin  1888).  La 
mort  Ta  surpris  au  moment  où  il  mettait  la  dernière  main  à 
la  rédaction  de  ce  travail;  le  premier  chapitre  seul  était  mis 
au  net.  C*est  celui  que  nous  publions  aujoiu'd'hui  ;  des  cir- 
constances indépendantes  de  notre  volonté  nous  ont  empêché 
de  le  publier  dans  le  numéro  précédent  du  Journal  asiatique. 
Les  trois  chapitres  suivants  :  Castras  tout  formés  et  récita- 
tions analogues  ;  —  Conclusions  liturgiques  des  hymnes  ;  — 
Répartition  des  mètres  entre  les  divinités  dans  les  différentes 
familles ,  ne  sont  pas .  en  état  d*ètre  donnés  à  l'impression 
dès  maintenant.  Hs  seront  publiés  dans  le  caliier  prochain. 

I 

LA  FORME  MÉTRIQUE  DES  HYMNES  DU  RIG-VEDA. 

La  liturgie  védique  ne  nous  est  directement 
connue  que  par  des  livres' où  elle  a  déjà  à  peu  près 


6  JANVIER  1889, 

sa  foniie  définitive.  A  cet  égard,  les  Brâhmanas  dif- 
fèrent peu  des  Sûtras.  Si  ceux-ci,  dans  leur  langage 
elliptique,  sont  non  seulement  plus  précis,  mais 
souvent  plus  complets ,  c  est  sur  des  points  qxii ,  pour 
la  plupart,  paraissent  avoir  été  négligés  plutôt 
qu'ignorés  par  l'autre  catégorie  de  rituels.  Bref,  ils 
n innovent  guère.  Dès  la  période  des  Brâhmanas, 
riîistoire  de  la  liturgie  védique  sera  surtout  celle  du 
discrédit  où  elle  est  peu  à  peu  tombée  par  la  concur- 
rence d'autres  cultes,  et  des  emprunts  que  certains 
de  ces  cultes  ont  pu  lui  faire.  Ce  n'est  pas  là  l'objet 
que  j'ai  en  vue. 

n  s'agit  au  contraire  de  remonter  au  delà  du  temps 
où  la  liturgie  a  été  définitivement  fixée  jusqu'à  la  pé- 
riode où  ont  été  composés  les  principaux  hymnes  du 
Rig-Veda,  peut-être  même  plus  haut,  si  certaines 
formules  de  sacrifice  recueillies,  non  seulement  dans 
le  Yajur-Veda,  mais  dans  les  rituels  du  Rig-Veda 
lui-mêniie,  sont,  comme  il  est  permis  de  le  croire, 
plus  anciennes  que  la  plupart  des  hymnes^.  Sur  ce 
domaine,  les  indications  expresses  nous  feront  dé- 
faut. Mais  nous  ne  manquerons  pas  d'autres  données 
propres  à  suggérer  et  à  appuyer  des  conjectures 
dont  la  vraisemblance  pourra  quelquefois  approcher 
de  la  certitude. 

Une  première  manière  de  tenter  la  solution  du 
problème  serait  la  comparaison  des  liturgies  suivies 
dans  les  différentes  çàkhàs  ou  «  branches  du  Veda  » , 

^  J'espère  traiter  cette  question  dans  Un  autre  mémoire. 


HISTOIRE  DE  LA.  LITUIIGIE   VÉDIQUE.         7 

teUes  qu'elles  sont  décrites  dans  les  Brâhmanas  et  les 
Sûtras  de  chacune  d  eUes.  Car  si  les  rites  s'y  montrent 
à  peu  près  fixés  pour  chaque  école ,  il  ei^ste  entre 
les  écoles  des  divergences  dont  la  comparaison  pour- 
rait être  instructive.  Toutefois  il  ne  faudrait  pas 
s'exagérer  la  portée  de  cette  méthode.  D'abord  les 
divergences  sont  minimes.  L'accord  est  parfait,  non 
seulement  dans  toutes  les  parties  essentielles  des  ri- 
tuels, mais  même  dans  un  nombre  infini  de  détails. 
Mais  les  divergences  fussent-elles  plus  grandes,  on 
pourrait  encore  douter  qu'il  y  eût  beaucoup  à  at- 
tendre ici  des  restitutions  analogues  à  celles  que  sug- 
gère, par  exemple,  la  comparaison  des  langues  d'une 
même  famille.  Cette  famille  de  rituels  implique-t-elle 
nécessairement  un  ancêtre  dont  on  puisse  reconsti- 
tuer la  physionomie  par  la  combinaison .  des  traits 
communs  à  toute  sa  descendance?  Peut-être.  Mais 
cet  ancêtre  sera-t-il  un  ancêtre  éloigné  avec  lequel 
nous  puissions  espérer  d'atteindre  la  période  vrai- 
ment primitive  de  la  liturgie  védique?  Je  n'en  crois 
rien. 

Plus  nous  remonterons  dans  l'histoire  de  cette 
liturgie,  moins  il  pourra  être  question  d'un  rituel 
primitivement  unique  et  se  diversifiant  peu  à  peu. 
Au  contraire ,  il  parait  évident  que  des  rituels  d'abord 
distincts,  quoique  analogues,  et  propres,  non  pas 
aux  écoles  relativement  tardives  des  Brâhmanas  et 
des  Sùtras,  mais  aux  familles  primitives,  ont  été  rap- 
prochés et  fusionnés  à  une  époque  impossible  à  dé- 
terminer,   quoique  nécessairement   antérieure   aux 


8  JANVIER  1889. 

plus  anciens  Brâhmanas.  Si  ce  quon  appelle  les 
«  branches  »  du  Veda  se  rattachent  toutes  à  un  tronc 
commun,  cest  à  ce  tronc  là,  à  ce  rituel  éclectique 
et  composite.  Elles  s'en  écartent  d'ailleurs  fort  peu , 
puisqu'elles  sont  bien  près  de  se  confondre  entre 
elles.  L'étude  de  cette  ramification  n'en  aurait  pas 
moins  son  intérêt.  Mais  elle  ne  nous  rapprocherait 
pas  sensiblement  du  but  tout  différent  que  j'assigne 
à  ces  recherches.  Toute  tentative  de  restitution  des 
rituels  pour  lesquels  ont  été  composés  les  hymnes 
védiques  devra  reposer  principalement  sur  l'étude 
des  hymnes  eux-mêmes. 

La  Samhitâ  du  Rig-Veda  est,  par  opposition  aux 
Samhitâs  du  Yajur-Veda  et  du  Sâma-Veda ,  dispo- 
sées dans  l'ordre  du  rituel  définitif,  une  collection 
historique.  Le  classement  adopté,  s'il  ne  nous  ré- 
vèle rien  directement  sur  l'ordre  des  liturgies  an- 
ciennes, nous  donne  pourtant  un  moyen  d'en 
reconnaître  la  diversité.  Il  repose  en  partie  sur  des 
principes  numériques  et  métriques  que  j'ai  précé^ 
demment  exposés^  :  ceux-là  n'ont  rien  à  nous  ap- 
prendre sur  l'objet  qui  nous  occupe ,  sauf  pourtant 
le  principe  métrique  dont  certaines  applications 
nous  fourniront  des  données  assez  inattendues.  Mais 
un  autre  principe,  qui  a  le  pas  sur  le  principe  nu- 
mérique et  sur  le  principe  métrique,  est  le  classement 
par  auteurs  ou  familles  d'auteurs. 

C'est  là  l'élément  historique.  Il  nous  permettra  de 

'  Journal  asiatique ,  septembre-octobre  1886,  p.  igS  et  suiv. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.  9 

reconnaître  entre  les  liturgies  anciennes  des  diflFé- 
rentes  familles  des  divergences  plus  intéressantes 
que  celles  qui  peuvent  séparer  plus  tard  les  diflFé- 
rentes  écoles.  La  liturgie  commune  conserve  d'ail- 
leurs quelques  traces  de  ces  divergences  primordiales. 
Plus  d'une  fois,  dans  le  rituel  dune  même  école, 
une  exception  est  faite  pour  les  membres  de  telle 
ou  telle  famille.  Ces  indications  sont  précieuses.  Ce 
sont  autant  de  faits  qui  prouvent,  en  dehors  de  toute 
spéculation,  la  diversité  des  rituels  primitifs.  Mais 
les  particularités  de  ce  genre  sont  peu  nombreuses. 
C est  presque  merveille  quelles  aient  échappé  au 
travail  général  de  refonte  et  d'unification  des  rites. 
Elles  nous  invitent  à  chercher  dans  Tétude  des  diffé- 
rentes collections  d'hymnes  une  idée  moins  insuffi- 
sante, quoique  toujours  bien  incomplète ,  des  rituels 
anciens  qui  ont  pu  correspondre  à  chacime  d'elles. 

Cependant,  hâtons-nous  de  le  dire,  quelques  dif- 
férences qu'aient  pu  présenter  ces  rituels ,  ils  devaient 
offrir  des  ressemblance^  plus  grandes  encore,  et  tous 
ont  pu  sans  doute,  dans  leurs  grandes  lignes, 
fournir  le  cadre  commun  où  auront  été  plus  tard 
insérées  et  combinées  les  particularités  de  chacun 
d'eux.  Bref,  il  n'y  aura  pas  un  abime  entre  les  rituels 
contemporains  de  la  majorité  des  hymnes  védiques, 
et  celui  dont  les  moindres  détails  nous  sont  révélés 
par  les  Brâhmanas  et  les  Sûtras. 

Et  comment  en  serait-il  autrement?  Certes,  la 
religion  védique  a  subi  une  évolution  notable  entre 
la  période  des  hymnes  vraiment  anciens  et  celle  des 


10  JANVIER  1889. 

Brâhmanas,  bien  que  les  futurs  égarements  de  la 
spéculation  liturgique  apparaissent  déjà  en  germe 
dans  les  conceptions  les  plus  authentiques  des  rishis. 
Les  dieux  destinés  à  devenir  de  simples  noms,  nu- 
mina  nomina,  sont  vivants  dans  cette  poésie;  ils  sont 
aimés  en  somme,  et  même  respectés  en  dépit  de 
laction  quelque  peu  tyrannique  que  leurs  prêtres 
prétendent  déjà  exercer  sur  eux  par  le  sacrifice. 
L'esprit  des  Brâhmanas  est  tout  autre.  Est-ce  là  une 
raison  de  croire,  je  ne  dis  pas  à  des  modifications 
correspondantes  du  rituel  dans  le  sens  d'un  formu- 
lisme  excessif,  mais  à  la  création  de  toutes  pièces 
d  un  rituel  nouveau  ?  On  dit  que  la  lettre  tue  lesprit  : 
j  ajoute  qu  elle  lui  survit.  Rien  n'a  la  vie  plus  dure 
qu'un  rite.  Ce  serait  peu  de  dire  qu'une  religion 
conserve  ses  rites  en  changeant  d'esprit.  Qu'eUe  suc- 
combe définitivement  :  ils  ne  périssent  pas  tous  avec 
elle.  Une  bonne  part  en  est  absorbée  pai'  la  religion 
adverse  et  triomphante.  Ce  serait  donc  énoncer  une 
sorte  de  truisme  que  de  déclarer  vraisemblable  à 
priori  l'hypothèse  de  liturgies  analogues  à  celle  des 
Brâhmanas  dans  la  période  des  hymnes,  si  la  science 
était  plus  complètement  débarrassée  des  fables  qui 
ont  couru  sur  la  nature  et  l'origine  des  chants  vé- 
diques, si  plusieurs  ne  se  les  représentaient  encore, 
d'une  façon  souvent  inconsciente,  comme  l'œuvre 
de  quelques  chefs  de  famille  ou  de  tribu,  se  livrant, 
parmi  je  ne  sais  quels  rites  laïques,  à  des  effusions 
d'enthousiasme  devant  l'aurore  naissante ,  ou  au  bruit 
de  l'orage  grondant  dans  le  ciel. 


HISTOIRE   DE   LA  LITURGIE   VÉDIQUE.        Il 

En  deux  mots,  il  paraît  possible  d*établir  que  la 
plupart  des  hymnes  du  Rig-Veda,  sans  distinction 
entre  ceux  des  difFérentes  familles,  ont  été  composés 
pour  un  sacrifice  du  soma  analogue  à  la  cérémonie 
la  plus  simple,  anjyotishtoma,  modèle  des  rituels 
brahmaniques.  Cette  analogie  consiste  non  seide- 
ment  en  ce  qu'il  comprenait  les  trois  pressurages  du 
matin ,  de  midi  et  du  soir,  souvent  mentionnés  dans 
les  hymnes,  mais,  ce  qui  est  plus  important,  en  ce 
qu'il  s  adressait  successivement  à  plusieurs  divinités , 
ou  mieux  à  toutes  les  divinités  du  panthéon  vé- 
dique^. Ce  polythéisme,  s'il  n'était  pas  organisé  dans 
la  mythologie  comme  le  polythéisme  homérique, 
l'était  du  moins  dans  le  culte.  Chaque  dieu  y  avait 
sa  place  marquée  dans  une  cérémonie  commune  à 
tous.  Cette  place  variait  peut-être  d'une  famille  à 
l'autre  pour  certaines  divinités.  Mais  dans  toutes,  et 
dès  une  haute  antiquité,  Indra,  celui  de  tous  les 
dieux  védiques  auquel  sont  adressés  le  plus  grand 
nombre  d'hymnes ,  a  dû  avoir  part  aux  trois  pressu- 
rages, et  part  exclusive  au  pressurage  de  midi.  La 
règ^e  qui  donne  le  pas  à  Vâyu  sur  Indra  lui-même 
au  pressurage  du  matin  doit  être  aussi  fort  ancienne, 
ainsi  que  ceUe  qui  admet  les  Ribhus  au  pressurage 
du  soir. 

Les  allusions  des  hymnes  mêmes  à  ces  diflférents 

^  M.  Ludwig ,  l'un  des  savants  qui  out  exprimé  les  idées  les  plus 
précises  et  les  plus  justes  sur  la  question  qui  nous  occupe,  parle 
seulement  de  sacrifices  offerts  à  «plus  d'une  divinité».  (Der  JRi^- 
Ferfa,ni,p.  353.) 


12  JANVIER  1889. 

rites  sont  universellement  connues  ^  Jajouterai 
uniquement,  en  fait  d'observations  générales, 
quelques  réflexions  qui  paraissent  du  ressort  du  sens 
commun. 

Pour  quel  objet  a-t-on  pu  composer  tant  d'hymnes 
adressés  à  des  couples  de  divinités,  sinon  pour  des 
ofirandes  présentées  à  ces  deux  divinités  à  la  fois? 
Or  il  ne  s  agit  pas  ici  seulement  de  divinités  mytho- 
logiquement  inséparables  comme  les  deux  Açvins, 
ou  tout  au  moins  mythologiquement  réunies,  comme 
Mitra  et  Varuna,  mais  de  couples  purement  litur- 
giques :  Indra  et  Agni,  Indra  et  Varuna,  Indra  et 
Vâyu,  etc.  Rien  ne  prouve  encore  à  la  vérité  que  les 
deux  divinités  ainsi  associées  dans  une  même  invo- 
cation le  fussent  en  outre,  comme  dans  le  rituel  dé- 
finitif, aux  autres  couples  et  à  tous  les  dieux,  pris 
ensemble  ou  isolément,  dans  une  cérémonie  étendue 
à  la  journée  entière.  Mais  que  dira-t-on  des  nom- 
breux hymnes  aux  Viçve  devâs,  c est-à-dire  à  «tous 
les  dieux  »  ? 

On  peut  faire  pourtant  une  remarque  plus  frap- 
pante, quoique  tout  aussi  simple.  Il  est  difficile  de 
se  représenter  un  sacrifice  védique,  si  ancien  quen 
pût  être  le  rituel,  où  le  dieu  prêtre,  où  Agni,  ne 
fût  pas  invoqué.  Aussi  les  hymnes  à  Agni  sont-ils  les 
plus  nombreux  avec  les  hymnes  à  Indra.  Or  que 
lui  dit-on  dans  la  plupart  de  ces  hymnes  ?  «  Agni , 
amène  ici  les  dieux!  »  Quelle  meilleure  preuve  que 

*  Cf.  d  ailleurs  Ludwig,  Der  fiig-Veda,  III,  p.  384. 


HISTOIRE  dE  LA  LITURGIE   VÉDIQUE.        13 

le  sacrifice  dont  Agni  était  le  divin  ministre 
s  adressait  en  effet,  dans  une  même  journée,  à  tous 
les  dieux? 

Il  y  a  une  autre  divinité  qui  amène  aussi  «les 
dieux  »  au  sacrifice  :  c  est  Taurore.  A  qui  fera-t-on 
croire  aujourd'hui  que  les  hymnes  à  laurore,  si 
poétiques  qu'ils  soient  quelquefois,  n'aient  été  que 
des  fantaisies  poétiques,  ou  s'ils  ont  été  composés 
comme  les  autres  pour  figurer  dans  un  rituel ,  que 
l'objet  exclusif  ou  même  principal  de  ce  rituel  ait 
été  l'aurore  elle-même,  l'aurore  qui  est  à  peine  ime 
déesse  et  qui  ne  s'est  jamais  bien  dégagée  du  phé- 
nomène  ? 

Selon  le  rituel  définitif,  la  cérémonie  des  trois 
pressurages  est  précédée,  le  même  jour,  du  prâtara- 
nuvâka  ou  récitation  du  matin  y  comprenant  à  peu 
près  tous  les  hymnes  à  Agni ,  tous  les  hymnes  à  l'au- 
rore ,  tous  les  hymnes  aux  Açvins ,  compris  dans  la 
Samhità  du  Rig-Veda.  Inutile  de  dire  que  cette  réci- 
tation devait  être  moins  longue  au  temps  où  chaque 
famille  avait  son  rituel  distinct,  au  temps  surtout  de 
la  composition  des  hymnes  qu'on  a  plus  tard  accu- 
mulés ainsi.  Mais  il  serait  difficile  de  comprendre^ 
que  les  hymnes  à  l'aurore ,  et  même  la  plupart  des 
hymnes  à  Agni,  pris  isolément,  eussent  jamais  eu 
un  autre  usage  que  de  servir  d'introduction  à  une 
cérémonie  où  sont  appelés  «  tous  les  dieux  »  ;  et  rien 
ne  nous  invite  à  croire  qu'il  en  ait  été  autrement 
des  hymnes  aux  Açvins,  compagnons  ordinaires  de 
l'aurore.  Enfin ,  ce  qui  a  été  dit  des  hymnes  à  l'au- 


14  JANVIER  1889. 

rore  est  applicable  aux  hymnes ,  d  ailleui-s  peu  nom- 
breux, au  soleil,  que  le  rituel  des  Sùtras  ajoute  au 
prâtarannvâka  pour  en  faire  la  récitation  tout  à  fait 
analogue  de  Yàçvinaçastra, 

Je  bornerai  là  ces  considérations  préliminaires. 
Elles  serviront  d'introduction  commune  à  une  série 
d'articles  où  je  me  propose  d'aborder  successivement 
par  diflFérentes  méthodes  le  problème  des  origines 
du  rituel  védique.  Plusieurs  devront  naturellement 
être  consacrés  à  l'étude  des  termes  liturgiques  con- 
tenus dans  les  hymnes  du  Rig-Veda.  M.  Ludwig  a 
donné  déjà  sur  ce  sujet  des  indications  précieuses  et 
étendues  ^  ;  mais  la  matière  ne  me  paraît  pas  épuisée. 
Pour  aujourd'hui,  mes  recherches  porteront  à  peu 
près  exclusivement,  comme  l'annonce  le  sous-titre, 
sur  la  forme  métrique  des  hymnes. 

Ici  même,  je  n'aurai  pas  l'honneur  d'ouvrir  la 
voie.  Par  des  considérations  du  même  ordre ,  M.  01- 
denberg  a  cherché  à  prouver^  que  la  plupart  des 
hymnes  du  Rig-Veda  ont  été  composés  expressé- 
ment, les  uns  pour  le  hotar,  ou  prêtre  qui  récite, 
les  autres  pour  l'udgâtar,  ou  prêtre  qui  chante.  Le 
mètre  du  hotar  serait  la  trishtubh ,  ceux  de  l'udgâ- 
tar, la  gâyatrî  et  le  pragâtha.  Ces  conclusions  pa- 
raissent fondées,  sauf  certaines  réserves  que  M.  01- 
denberg  a  indiquées  lui-même  en  partie,  mais  que 
je  crois  avoir  à  compléter. 

^  Der  Rig-Veda,  m,  p.  353  et  suiv. 

*  Zeitschrijï     der      dentschen      morgenlàndischen      GeselUchafl, 
XXXYIII,  p.  439  et  suiv. 


HISTOIRE  DE  LA   LITURGIE   VÉDIQUE.        15 

Indépendamment  des  longues  récitations  du  prà- 
taranuvâka ,  de  1  açvinaçastra  et  des  difiFérentes  açiti 
du  mahâvrata,  qui  doivent  être  en  effet  négligées^, 
les  hotars ,  dans  la  liturgie  définitive ,  récitent  un  cer- 
tain nombre  de  pragâthas  et  un  nombre  considérable 
de  tricas  de  gàyatris.  Laissons  de  côté  encore  les 
pragâthas,  et  un  nombre  à  peu  près  égal  de  tricas, 
qui  sont  en  partie  des  répétitions,  en  partie  des  dé- 
pehdances  immédiates  des  pragâthas  ou  des  tricas 
chantés  par  les  udgàtars^,  à  savoir  les  stotriyas,  les 
anurûpas  et  tous  les  firagments  ansdogues.  Il  y  aura 
encore  un  résidu  très  important  de  gàyatris,  parti- 
culièrement dans  les  castras  de  ïatirâtra  et  dans  ceux 
du  pressurage  du  matin. 

Ces  gàyatris  (coname  le  montre  le  principe  de 
Vôvâpa,  c  est- à-dire  de  Tintercsdation  de  sûktas  ou  de 
tricas  nouveaux  en  cas  de  stornavriddhi^)^  peuvent 
encore  être  en  partie  prises  pour  des  dépendances 
des  chants  des  udgàtars ,  et  particulièrement  du 
stomay  c  est-à-dire  du  nombre  des  répétitions  aux- 
quelles ils  soumettent  les  vers  de  leurs  stotras.  L'ob- 
servation peut  sappliquer  à  Tatiràtrà  où  le  mètre 
propre  des  hotars, est  la  jagatî.  Et,  en  fait,  un  certain 
nombre  des  tricas  ainsi  récités  par  les  hotars  sont 
en  d'autres  circonstances  chantés  par  les  udgàtars. 

Il  n'en  reste  pas  moins  ce  fait  que  la  gàyatri  est  le 

*  Cf.  CHdenberg,  Zeitschrijt  der  dentschen  m^rgenlàndischen  Ge- 
sellschaft,  p.  àSg^  note  3. 

*  Ibid,,  p.  447,  note  2. 

*  Par  exemple  Açvalâyana-Çratttasûira,  VII,  5,9;iSe    17^ 


10  JANVIER  1889. 

mètre  unique  du  matin  pour  les  castras  des  hotrakas , 
et  même  pour  le  praûgaçastra  du  hotar,  au  moins 
dans  la  cérémonie  modèle,  dans  la  prakriti  des 
sacrifices  du  soma. 

Or  j'espère  prouver  que  cette  attribution  de  la 
gâyatrï  au  pressurage  du  matin  est  ancienne.  D'une 
façon  plus  générale ,  je  crois  que  les  différents  mètres 
avaient  été  de  bonne  heure  répartis ,  non  pas  seule- 
ment entre  les  différents  prêtres,  mais  aussi,  quoi- 
que dune  façon  moins  exclusive,  et  avec  des  varia- 
tions plus  grandes  dune  famille  à  l'autre,  entre  les 
différents  dieux ,  et  entre  les  différentes  parties  de  la 
cérémonie  célébrée  successivement  en  l'honneur  de 
tous  les  dieux.  En  tout  cas ,  il  sera  démontré  qu'un 
bon  nombre  d'hymnes  du  Rig-Veda  présentent  des 
combinaisons  dont  l'origine  est  purement  liturgique. 

D'autre  part,  en  admettant  qu'un  grand  nombre 
de  tricas  de  gâyatrîs  récités  par  les  hotars  aient  été , 
à  l'époque  de  leur  composition ,  destinés  uniquement 
aux  udgâtars,  on  devra  pourtant  faire  remonter  assez 
haut  l'usage  nouveau  qui  en  est  fait,  si,  comme  je 
compte  le  prouver,  la  Samhita  renferme  déjà  un 
certain  nombre  de  castras  véritables  formés  d'après  les 
mêmes  principes  ou  d'après  des  principes  analogues. 

Je  relèverai  en  outre,  et  c'est  même  par  là  que  je 
commencerai,  un  bon  nombre  de  sûktas  qui  sont 
de  simples  collections  d'anuvâkyâs,  de  yâjyâs  ou 
d'autres  vers  destinés  à  être  employés  isolément  dans 
des  cérémonies  successives  du  même  ordre. 

Après  ces  différentes  constatations,  et  indépen- 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE   VÉDIQUE.        17 

damment  des  résultats  quelles  pourront  donner 
pour  Tobjet  principal  que  jai  en  vue,  c est-à-dire 
pour  rhistoire  de  la  liturgie,  le  problème  soulevé 
par  la  complexité  métrique  d'un  grand  nombre 
d'hymnes  sera  peut-être  résolu ,  au  moins  en  partie, 
n  deviendra  de  plus  en  plus  vraisemblable  que  la 
règle  de  la  composition  métrique  dans  les  hymnes 
véritables,  au  moins  la  règle  esthétique,  en  tant 
qu  elle  n  a  pas  dû  céder  à  des  raisons  liturgiques ,  e»t 
luniformité  absolue. 

J'ajoute  que  le  principe  métrique  du  classement 
des  hymnes ,  tel  que  j'avais  essayé  de  l'établir  dans 
un  précédent  mémoire,  recevra  de  cette  nouvelle 
étude  une  confirmation  utile ,  la  plupart  des  excep- 
tions apparentes  pouvant  être  désormais  expliquées 
sans  hypothèses  d'interpolations. 

CHAPITRE  PREMIER. 

COLLECTIONS  DE  VERS  OU  DE  STROPHES  LITURGIQUES. 

Au  premier  rang  de  cette  catégorie  il  faut  placer 
dix  sûktas  bien  connus,  les  âprî  ou  âpra'Sùktas.  Ils 
comprennent  les  yâjyâs  employées  par  autant  de 
familles  ou  de  branches  différentes  pour  les  prayàjas 
des  sacrifices  d'animaux,  par  exemple  pour  le 
sacrifice  d'un  bouc  à  Agni  et  Soma ,  qui  fait  partie 
intégrante  du  sacrifice  du  soma.  C'est  une  des  traces 
les  plus  importantes  que  la  diversité  primitive  des 
rituels  ait  laissées  dans  la  liturgie  définitive  ^  Les 

^  AçroalàYana-Çrantasûtra,  Ht,  2,  7,  et  commentaire.  La  réparti- 
tion exacte  des  hymnes  âprî  entre  les  familles  auxquelles  ils  appar- 

xiii.  2 

mraiMcaïc  aiTtoiiit. 


18  JANVIER  1889. 

prayâjas  du  paçubandha  y  sont  au  nombre  de  onze. 
Or  nos  dix  hymnes  difl'èrent  non  seuienient  par  le 
texte,  mais  par  le  mètre,  qui  est  la  trishtubh  dans  H, 
3;  III,  4;  VII,  2;  X,  70  et  1  10,  la  gâyatrî  dans  I, 
1 3  et  1 88  ;  V,  5  ;  IX ,  5 ,  Tanushtubh  dans  1 ,  1 42 , 
et  même  par  le  nombre  des  vers  qui  est  de  1 1 , 
comme  celui  des  prayâjas ,  dans  huit  hymnes ,  mais  qui 
est  de  12  dans  I,  1 3,  et  de  i3  dans  I,  i42.  Entre 
ceux  qui  ont  le  même  nombre  de  vers  il  y  a  d'ail- 
leurs cette  différence  importante  que  le  second  vers 
est  adressé  dans  les  uns,  I,  188;  III,  4;  IX,  5;  X, 

1 1  o ,  à  Tanùnapât ,  et  dans  les  autres ,  II ,  3  ;  V,  5  ; 
VU,  2  ;  X,  70,  à  Naràçamsa.  C'est  une  double  invo- 
cation à  ces  deux  divinités  qui  allonge  d'un  vers 
l'hymne  I,  1 3 ,  et  l'hymne  I,  1 42 ,  doit  ses  deux  vers 
supplémentaires  à  la  même  circonstance  et  à  une 
double  invocation  avec  l'interjection  svâhâ  à  la  fin. 

Les  Angiras  de  la  branche  de  Kanva,  auxquels 
appartient  l'hymne  I,  1 3 ,  ofiFraient-ils  primitivement 

12  prayâjas,  et  les  autres  Angiras,  auxquels  appar- 
tient l'hymne  I,  i42,  i3  prayâjas  au  lieu  de  11? 
En  tout  cas  il  y  avait  divergence  entre  les  familles 
pour  la  devatâ  du  second  prayâja.  On  pourrait  même 
se  demander  si,  dans  certaines  familles,  le  nombre 
des  prayâjas  ne  se  serait  pas  réduit  à  7.  Ainsi  s'expli- 
querait la  présence  de  4  vers  communs,  de  7  à  1 1 , 
dans  les  deux  hymnes  III,  4,  et  VU,  2,  attribués 
cependant  à  deux  rishis  dont  la  rivalité  est  légen- 

tiennent  ne  s*est  d'ailleurs  conservée  qu  en  partie  dans  Tusage.  Voir 
ibid» ,  6  et  8.  Cf.  Schwab ,  Das  altindische  Thieropfer,  p.  90-91 ,  en  note. 


HISTOIRE   DE    LA  LITURGIE   VÉDIQUE.        19 

daire ,  Viçvâmitra  et  Vasishlha.  Il  y  a  apparence  que 
Tun  de  ces  deux  hymnes  ne  comprenait  primitive- 
ment que  7  vers,  et  quon  la  complété  plus  tard  en 
empruntant  les  Ix  derniers  vers  à  Tautre.  D  ne  sera 
pas  inutile  d'observer  à  ce  propos  que  dans  l'hymne 
IX,  5,  dont  les  y  premiers  vers  sont  en  gâyatri,  les 
Ix  derniers  sont  dans  un  mètre  différent ,  Tanushtubh , 
et  que  dans  Thymne  II ,  3 ,  en  trishtubh ,  le  vers  unique 
en  jagatî ,  y ,  pourrait  marquer  la  limite  d  une  première 
partie  qui  serait  seule  ancienne.  Rappelons^  encore 
que  les  Ix  derniers  prayâjas  se  font  avec  une  même 
portion  de  beurre  (là  dernière)  tirée  de  lupabhrit. 

Quoi  qulil  en  soit,  les  concordances  sont  beau- 
coup plus  nombreuses  et  plus  frappantes  que  les 
divergences.  Il  est  d  ailleurs  évident  que  les  vers  des 
hymnes  âpiï  n'ont  pas  été ,  comme  la  plupart  des  vers 
détachés  du  Rig-Veda  qui  font  TofiBce  de  yàjyâs  dans 
la  liturgie  définitive ,  adaptés  après  coup  à  l'usage  qui 
en  est  fait,  mais  qu'ils  ont  été  composés  expressé- 
ment à  cette  fin.  En  quel  temps?  C'est  ce  qu'il  est 
impossible  de  dire.  Mais  les  sûktas  qui  en  sont 
formés  sont  certainement  antérieurs  à  la  compila- 
tion de  la  Samhitâ;  car  ils  y  sont  rangés,  parmi  les 
hymnes  à  Agni  auxquels  iLs  se  trouvent  assimilés,  à 
la  place  qui  leur  appartient,  tant  d'après  le  principe 
métrique  que  d'après  le  principe  numérique  ^. 

Un   autre   sûkta,   également  confondu  avec  les 

*  Voir  Schwab ,  Dos  altindische  Thieropfer,  p.  94 . 

*  Sauf  pourtant  rbymne  IX,  5,  rangé  parmi  les  hymnes  à  Soma 
Pavamâna,  et  après  les  hymnes  de  10  vers. 

2 . 


20  JANVIEK  1889. 

hymnes  à  Agni,  et  qui  nVst  quune  collection  de 
vers  liturgiques,  est  le  8"  du  mandala  III,  rangé 
aussi  à  la  place  qui  lui  appartient  d  après  les  prin- 
cipes de  classement.  Il  figure  encore  dans  le  rituel 
du  paçubandha,  et  par  conséquent  dans  celui  des 
sacrifices  de  Soma ,  et  comprend  les  1 1  vers  récités 
dans  la  cérémonie  de  fonction  et  de  f érection  du 
poteau  où  f  animal  doit  être  attaché.  L'ordre  des 
vers  dans  le  rituel  définitif  est  un  peu  différent  (  i , 
3 ,  2 ,  5 ,  4 ,  6- 1 1  ).  Mais  il  est  évident  que  tous  ont 
été  composés  expressément  pour  une  cérémonie 
analogue.  Ils  ne  forment  pas  un  hymne  à  propre- 
ment parier;  on  ne  peut  donc  sétcwincir  que,' bien 
que  la  plupart  soient  des  trishtuhs,  deux  d'entre  eux, 
les  vers  3  et  y ,  soient  des  anushtubhs. 

Le  mandala  III,  attribué  à  Viçvâmitra,  où  ce 
sûkta  se  rencontre  avec  fun  des  hymnes  àpiî,  est 
celui  qui  renferme  le  plus  grand  nombre  de  collec- 
tions du  même  genre.  Il  faut  signaler  dabord  le 
sûkta  2  8 ,  à  Agni ,  et  le  sûkta  5  2 ,  à  Indra ,  composés 
fun  et  fautre  de  vers  en  différents  mètres.  Sur  les 
huit  vers  du  second ,  trois  :  i ,  5  et  6 ,  font ,  dans  la  li- 
turgie des  Sûtras,  foffice  danuvâkyâs  pour  les  trois 
purodâças  offerts  successivement  aux  trois  pressu- 
rages \  et  sur  les  six  vers  du  premier,  trois  également, 
1 ,  4  et  5 ,  font  foffice  d'anuvâkyâs  pour  le  svishta- 
krit  des  mêmes  purodâças^.  Les  six  vers,  deux  à 

*  Açvcdâ^ana,  V,  4»  3. 

*  Ibid,,  V,  4»  6.  Les  yâjyâs  de  toutes  ces  offrandes  sont  en  prose, 
ibid,,  5  et  7. 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       21 

deux,  mentionnent  expressément  celui  des  trois 
pressurages  où  ils  sont  employés ,  et  sont  conformes 
à  la  règle  qui  attribue  la  gâyatrï  au  premier,  la  trish- 
tubh  au  second,  la  jagatî  au  troisième.  Il  est  de 
toute  évidence  qu'ils  ont  été  composés  expressément 
pour  lusage auquel  ils  sont  employés,  dans  un  temps 
où  la  répartition  des  mètres  entre  les  trois  pressu- 
rages était  un  fait  accompli. 

L'hymne  III,  28,  contient  encore  deux  vers,  3 
et  6,  employés,  le  premier  comme  anuvâkyâ,  le 
second  comme  yâjyâ,  ou  svishtakrit  du  purodâça 
offert  à  la  fin  de  Tatirâtra,  après  râçvinaçastra^.  Or 
l'un  et  lautre  mentionnent  en  effet  le  purodâça  de 
latirâtra,  qu'ils  qualifient  de  tiroahnya,  littéralement 
«qui  a  dépassé  la  journée^».  Le  mètre  du  second 
est  la  gàyatrî,  dominante  en  effet  dans  latirâtra,  et 
celui  du  premier  est  Tushnih,  mètre  très  rare,  mais 
caractérisant  également  le  début  du  dernier  des  douze 
castras  de  cette  cérémonie ,  avant  Tàçvinaçastra.  Les 
deux  vers  ont  été  composés  pour  des  rites  identiques 
à  ceux  qui  nous  sont  connus  par  les  Brâhmanas  et 
les  Sûtras. 

Reste  un  vers  dans  le  sùkta  III,  28,  et  cinq  dans 
le  sûkta  III,  52.  Aucun  de  ceux-là  n'est  resté  en 
usage.  Mais  quatre  d'entre  eux,  28,  1  et  62,  2-4, 
sont  en  gâyatrï  comme  les  anuvâkyâs  du  purodâça 
et  du  svishtakrit  au  pràtahsavana ,  et  invitent  pareil- 

*  Âcvalàyana,  VI,  5,  2  5. 

'  Et  non  «  de  Tavant-veille  » ,  comme  Teutend  le  dictiouuaire  de 
Pétersbourg. 


22  JÂNVIEh  1889. 

lement,  soit  Indra,  soit  Agni,  à  goûter  le  purodâça. 
Le  prâtahsâva  est  même  expressément  mentionné 
dans  levers  52,  4.  On  peut  croire  que  celui-ci,  et 
même  les  trois  autres,  avaient  été  destinés  au  même 
usage  que  ceux  dont  il  a  été  question  plus  haut. 

Les  deux  vers  Sa ,  7  et  8,  sont  des  trishtubhs  et 
ont  pu  être  destinés  de  même  à  une  ishti  du  second 
savana.  Le  dernier  mentionne  même  expressément 
le  purodâça.  Mais  lautre  remplace  le  purodâça  par 
une  autre  sorte  de  gâteau,  Yapâpa,  et  y  ajoute  un 
karambha  auquel  Pûshan  a  part  avec  Indra.  Cepen- 
dant la  mention  des  Maruts  concorde  avec  le  mètre 
pour  nous  faire  attribuer  ce  vers  au  pressurage  de 
midi.  Peut-être  s  agit-il  là  d'un  rite  un  peu  différent 
et  sorti  de  Tusage. 

En  tout  cas  nos  deux  sûktas  sont  bien  des  collec- 
tions d'anuvàkyâs  et  de  yâjyâs  expressément  com- 
posées pour  lusage  auquel  la  plupart  sont  restées 
consacrées  ou  pour  des  usages  analogues.  L  un  et 
lautre  d ailleurs,  par  la  place  qu'ils  occupent,  pa- 
raissent avoir  été  introduits  dans  la  Samhitâ  posté- 
rieurement au  classement. 

Au  contraire,  Thymne  III,  21,  est  régulièrement 
placé.  Or,  bien  qu  il  soit  récité  tout  d  une  pièce  dans 
le  paçubandha,  pendant  la  cuisson  de  la  vapâ,  pour 
les  gouttes  de  graisse  qui  tombent  dans  le  feu^  sa 
complexité  métrique  (1  et  4,  trishtubh;  2  et  3, 
anushtubh;  5,  satobrihati)  le  trahit  et  nous  y  fait 

^   Âçvalâyana,  lïl,  i.  i. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.        23 

voir  une  simple  collection  de  vers  liturgiques.  En 
même  temps,  la  répétition  du  mot  stokà  «goutte», 
et  du  mot  médas  «  graisse  »  dans  chacun  de  ces  vers 
(sauf,  pour  médas,  le  vers  4),  prouve  qu'ils  ont  ét^^ 
composés  expressément  pour  la  cérémonie  où  ils 
sont  récités. 

Le  sûkta  III,  27,  de  i5  gâyatrïs,  précédant  im- 
médiatement la  collection  d'anuvâkyâs  signalée  dans 
le  sûkta  III,  28,  semble  décomposable  en  cinq  tri- 
cas,  dont  deux  se  rencontrent  en  elFet  isolément 
dans  le  rituel  ^  et  rentre  cependant  peut-être  dans 
la  même  catégorie  comme  collection  de  sâmidhenis, 
ou  de  vers  à  réciter  pour  chaque  bûche  jetée  dans  le 
feu  âhavanïya.  Cinq  vers  de  ce  sûkta,  1 ,  4  et  1 3- 1 5, 
figurent  encore  au  nombre  des  sâmidhenis  ordi- 
naires^, et  six  autres,  5-io,  constituent  les  dhâyyâs 
ou  sâmidhenis  additionnelles  du  jour  appelé  vishu- 
vat^.  Reste  quatre  vers,  2-3  et  1 1-1 2 ,  dont  Tun,  1 1 , 
renferme  encore  une  forme  de  la  racine  idh  avec  le 
préfixe  sam.  On  ne  s'étonnera  pas  trop  d'ailleurs  de 
ne  rien  trouver  de  pareil  dans  les  trois  autres  si  Ton 
remarque  que ,  parmi  les  onze  sâmidhenis  authen- 
tiques de  notre  sûkta,  il  en  est  sept,  1  et  5-io,  qui 
sont  dans  le  même  cas.  Il  est  vrai  que,  par  cela 
même ,  lalFectation  primitive  de  ces  vers  à  un  usage 
identique  à  celui  que  leur  assignent  les  Sûtras  est 

*  7-9,  Açvalâyana,  IV,  9,   3,  et  Sânia-Veda'Samhitâ,  II,  6,  3. 
i5,  1-3;  i3-i5;  5.-F.-5. ,  II,  7,  2,  2,  i-3. 

*  Âçvalœyana,  ï,  2,  7. 
3  /W,,  VIII,  6,3. 


24  JANVIER  1889. 

beaucoup  moins  évidente  que  dans  les  cas  précé- 
dents. Je  n  ai  pas  cru  cependant  devoir  les  passer 
sous  silence.  La  division  en  tricas  aurait  même  pu 
répondre  primitivement  à  un  groupement  analogue 
des  bûches  par  trois. 

En  tout  cas ,  et  quand  on  acbnettrait  que  les  vers 
de  ces  tricas,  assignés  à  différentes  samidhs,  Tout 
été  par  une  adaptation  plus  ou  moins  tardive ,  nous 
trouvons  dans  un  autre  mandala  un  sûkta  où  il  pa- 
raît difficile  de  voir  autre  chose  qu'une  collection , 
d  ailleurs  plus  courte ,  de  sâmidhenîs.  C'est  le  sûkta  V, 
2S,  de  six  vers  en  U  mètres  différents,  dont  deux,  5 
et  6 ,  sont  encore  employés  à  cet  usage  ^  et  dont 
tous  les  autres,  à  Toxception  d'un  seul,  commencent 
par  le  mot  sàmiddha  ou  samidhyàmdna.  Cet  hymne 
parait  être  d'ailleurs  une  interpolation  plus  ou  moins 
tardive. 

Poursuivons  Texamen  des  mandalas  autres  que 
le  IIP,  en  comprenant  dans  nos  relevés  les  hymnes, 
même  uniformes  au  point  de  vue  du  mètre,  que 
nous  aurons  de  bonnes  raisons  d'assimiler  aux  col- 
lections précédentes. 

Le  mandala  X  nous  offre  dans  le  sûkta  3o,  de 
i5  trishtubhs,  à  Apâm  Napât,  le  pendant  assez 
exact  du  sûkta  8  du  mandala  III ,  en  ce  qu'il  nous 
fait  assister  également  aux  phases,  diverses  d'une 
même  cérémonie.  Celui-là  était  composé  de  vers 
qui  ont  continué  à  être  récités,  sauf  un  léger  chan- 

*  Açvalâyana,  [,  2,  7. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       25 

gement  d*ordre,  dans  la  cérémonie  de  Térection  du 
poteau.  Ici  nous  avons ,  avec  des  modifications  plus 
importantes  cependant  (non  seulement Imterversion 
de  1 G ,  11  et  la  suppression  de  1 2 ,  mais  Tinterca- 
lation  de  V,  43,  i;  II,  35,  3;  I,  83,  2,  et  I,  23, 
16-18),  la  série  des  vers  récités  dans  la  cérémonie 
de  laponaptnya,  avant  le  pressurage  du  mâtiné  II 
suffit  de  lire  ce  sûkta  pour  s  assiu'er  qu  il  a  été  des- 
tiné dès  Torigine  à  cette  cérémonie  ^. 

L'hymne  est  à  la  place  que  lui  assignent  les  prin- 
cipes de  classement  ^.  Il  ne  faut  pas  oublier  toute- 
fois que  le  mandala  X  paraît  s'être  constitué  posté- 
rieurement à  la  première  compilation  de  la  Samhità. 

Au  même  mandala  appartient  un  sûkta,  X,  1 79, 
composé  exactement  de  Tanuvâkyâ  et  de  la  yâjyâ  du 
dcdkyharma  offert  au  pressurage  du  midi ,  soit  deux 
trishtubhs ,  précédées  d'une  anushtubh  qui  les  pré- 
cède également  dans  cette  cérémonie*.  Ici  encore 
on  ne  peut  douter  que  les  vers  n'aient  été  compQsés 
expressément  pour  le  rite  :  le  dadhi  et  le  mddhyarpr 
dina-savana  sont  mentionnés  dans  le  dernier  vers, 
auquel  les  deux  premiers  servent  évidemment  d'in- 
troduction. 

Le  sûkta  I,  gS ,  à  Âgni  et  Soma,  est  une  collection 
d'anuvâkyâs  et  de  yâjyàs  comparable  à  celle  des  sûk- 
tas  III,  28  et  52.  Les  anushtubhs  i-3  sont  les  anu- 

^  Açvcdâyana,  V,  1,  8-19. 

*  Cf.  Aitareya-Rrâhmana  «  II,  20. 

^  Voir  Joamal  asiatique,  février-mars  1887,  p.  ig4* 

^  Açvalâyana,\y  i3,  4-6. 


26  JANVIER  1889. 

vâkyâs,  et  les  trishtubhs  6-7  les  yâjyàs  des  trois 
offrandes  :  vapà,  purodâça,  havis  proprement  dit, 
dont  se  compose  le  sacrifice  d'un  bouc  à  Agni  et 
Soma  ^  partie  intégrante  de  tout  sacrifice  de  Soma. 
Ici ,  à  la  vérité ,  le  texte  des  vers  n*en  implique  pas 
la  destination  précise.  Mais  si  Ton  songe  que  le 
sûkta  I,  93,  est  le  seul  du  Rig-Veda  qui  soit  adressé 
exclusivement  à  Agni  et  Soma,  et  que  ce  couple  di- 
vin ne  figure  même  que  deux  autres  soit  dans  tout 
le  recueil,  X,  19,  1,  et  66,  7,  il  paraîtra  bien  na- 
turel de  croire  que  les  vers  en  question  ont  été  en 
effet  composés  pour  lusage  auquel  ils  sont  restés 
consacrés.  Parmi  les  autres  vers  du  même  sùkta, 
trois  gâyatrïs ,  9- 1 1 ,  et  trois  trishtubhs ,  4 ,  8  et  12, 
un  seul  est  employé ,  dans  le  sacrifice  de  la  pleine 
lune ,  pour  TofiBrande  du  purodâça  à  Agni  et  Soma  ^. 
Mais,  en  général,  les  vers  employés  dans  les  sacri- 
fices autres  que  celui  du  soma  et  ceux  qui  s'inter- 
calent dans  le  sacrifice  du  soma  paraissent  avoir  été 
tardivement  adaptés  à  ces  usages,  et,  en  fait,  les 
vers  2 ,  5  et  6  servent  à  la  fois  dans  le  sacrifice  du 
bouc  à  Agni  et  Soma  et  dans  Toffrande  du  gâteau  de 
la  pleine  lune.  Je  crois  donc  que  le  reste  de  notre 
sûkta  est  composé  de  vers  destinés  pareillement 
au  sacrifice  du  bouc  à  Agni  et  Soma.  Peut-être  rem- 
plaçaient-ils facultativement  tel  i)u  tel  des  pre- 
miers. 

L'hymne  à  Agni  et  Soma  pourrait  être  interpolé , 

*  Açvcdâyana,lll   8,  1. 
>  Ibid.,î,  6,  1. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.        27 

puisqu  il  est  le  dernier  d  une  collection ,  celle  de  Go- 
tama.  Mais  il  succède  si  régulièrement  avec  ses 
1  2  vers  à  deux  hymnes  de  2  3  et  1 8  vers ,  composés 
également  de  fragments  ag^omérés ,  que  Thypothèse 
d*une  interpolation  est  au  moins  inutile.  La  col- 
lection de  Gotama  est  d'ailleurs  une  des  plus  régu- 
lières du  mandala  I,  et  Tune  des  deux  qui,  selon 
mes  observations  dans  un  précédent  mémoire  ^,  au- 
raient pu  former  la  totalité  de  ce  mandala  dans  la 
Samhita  primitive.  Nous  reviendrons  sur  les  deux 
hymnes  précéd^its,  91  et  92. 

Je  serai  très  bref  sur  deux  autres  sûktas  qui  sont 
aussi  en  tout  cas  de  simples  collections  de  for- 
mules. 

L'un,  rV,  57,  avant-dernier  du  mandala,  paraît 
être  interpolé.  H  se  compose  de  huit  vers  en  mètres 
différents  adressés  à  des  dieux  des  champs.  Les  trois 
premiers,  au  kshétrasya  pâti,  et  le  quatrième  sur  la 
charrue,  sont  répartis,  dans  le  même  ordre,  entre 
les  quatre  castras  de  YatiriktokAa  dans  la  forme  par- 
ticulière du  sacrifice  du  soma  qu'on  appelle  apto- 
rydma^.  Les  vers  5  et  8  figurent  dans  le  sacrifice 
nommé  çanâsiriya^. 

L'autre  sûkta,  VI,  28,  est  au  contraire  à  sa  place 
dans  une  longue  série  régulière  d'hymnes  à  Indra. 
C'est  pourtant  une  simple  succession  de  huit  for- 
mules, en  mètres  divers,  sur  les  vaches,  dont  deux 

• 

^  Journal  asiatique,  septembre-octobre  1886.  p.  269. 
'  Açvalàyana,W^  11,  i4-i6  et  19. 
*  Ihid,,  II,  20,  4. 


28  JANVIER  1889. 

sont  restées  employées  par  exemple  dans  YudayanJyd 
ishti  du  sacrifice  du  soma  ^. 

Une  dernière  série  d'observations  portera  sur  cer- 
taines collections,  non  plus  de  vers  isolés,  mais  de 
strophes. 

C'est  une  règle  dans  les  récitations  du  sacrifice  du 
soma  que  chaque  partie  essentielle  de  la  cérémonie 
commence  par  le  mètre  anushtubh.  Le  premier 
castra  du  matin  est  un  hymne  à  Agni  en  anush- 
tubh^; la  pratipad  du  premier  castra,  tant  au  pres- 
surage du  midi  qu'à  celui  du  soir,  est  un  trica 
composé  d'une  anushtubh  et  de  deux  gàyatrîs  ^,  et 
il  en  est  de  même  du  stotriya  du  premier  castra  de 
l'atirâtra*.  La  pratipad  du  Marutvatïya  est  VIII,  Sy, 
1-3,  celle  du  Vaiçvadeva  est  V,  82,  i-3,  et  le  sto- 
triya du  castra  du  hotar  au  premier  paryàya  de  l'ati- 
râtraest  VIII,  81,  i-3. 

Nous  verrons  dans  le  chapitre  suivant  que  ce  der- 
nier castra  se  poursuit  par  le  reste  de  l'hymne  VIII, 
81,  qui  en  compose  toute  la  partie  en  gâyatrïs. 
Quant  à  l'hymne  V,  82 ,  il  fournit  encore,  avec  ses 
vers  4-6 ,  ïanucara  de  la  pratipad  formée  de  ses  trois 
premiers  vers.  L'anushtubh  unique,  par  laquelle  il 
débute,  comme  celle  qui  forme  le  début  de  l'hymne 
VIII,  81,  révèle  l'origine  de  l'un  et  de  l'autre. 
Ils  ont  été  composés  dans  un  temps  où  la  valeur 

*  Açvalàyana,\l,  i4,  18. 
»  /6i(i..V,  9,i5. 

^  Ibid,,  V,  i4,  ^  et  17,  5. 

*  Ibid.^Wl,  à,  10. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       29 

liturgique  de  lanushtubh  initiale  était  déjà  re- 
connue. 

Quant  à  Thymne  VIII,  Sy,  il  ne  commence  pas 
seulement  par  une  pratipad  ;  il  comprend ,  Tun  à  la 
suite  de  lautre  (et  indépendamment  de  sept  gâya- 
trïs  finales  formant  une  dânastuti),  trois  autres  tricas 
à  Indra  composés  chacun,  comme  le  premier,  d'une 
anushtubh  suivie  de  deux  gâyatrïs.  Ce  sont  autant 
de  pratipads  de  rechange  pour  le  Marutvatîya ,  et 
nous  les  voyons  en  effet  servir  à  cet  usage  le  second 
jour  abhiplava  ou  prishthya ,  le  troisième  jour  prish- 
thya  et  le  quatrième  jour  abhiplava  ou  prishthya  ^ 
L'hynme  VIII,  Sa,  comprend  également  deux  pra- 
tipads du  Marutvatîya,  composées  de  même,  et  em- 
ployées, Tune,  7-9,  le  cinquième  jour  prishthya, 
l'autre,  i-3,  le  sixième  jour  abhiplava  ou  prish- 
thya 2.  Je  n'entends  pas  conclure  de  là  que  la  dis- 
tinction des  six  jours  prishthya  fût  déjà  arrêtée  à 
l'époque  où  ont  été  composés  les  tricas  agglomérés 
dans  les  hymnes  VHI,  5 7  et  62.  Mais  leur  structure 
me  paraît  trahir  clairement  une  intention  liturgique. 
Ils  ont  été  destinés  dès  l'origine  à  servir  de  pratipads 
au  Marutvatïyaçastra.  Peut-être  le  choix  à  faire  entre 
eux  était-il  d'abord  facultatif. 

La  structure  dont  il  s'agit  est  en  effet  exception- 

*  Apfalâyana,\ll^  5,  4;  10,  8;  11,  ai. 

'  Rid. ,  VII ,  12,  9  ;  VQI ,  1 ,  1 4  •  Le  sûkta  finit  par  deui  gâyatrïs 
et  une  trishtubh.  Quant  aux  vers  4-6 ,  qui  sont  actuellement  deux 
anushtubhs  et  une  gâyatrï,  ils  formaient  peut-être  primitivement 
une  autre  pratipad  qui  aurait  été  altérée  par  l'interpolation  d'un 
pâda  au  vers  5.  Cf.  Grassmann,  Rig-Veda  ûbersetzt,  I,  p.  588. 


30  JANVIER  1889. 

nelle.  On  n*en  peut  guère  citer  d  autre  exemple  re- 
marquable que  dans  le  sûkta  VIII,  63 ,  comprenant 
également  (avant  une  dânastuti  de  trois  vers)  quatre 
tricas  composés  chacun  d'une  anushtubh  suivie  de 
deux  gâyatrîs.  A  la  vérité,  ces  tricas,  adressés  à 
Agni,  n'ont  pu  servir  de  pratipad  au  Marutvatiya , 
ni  même,  à  moins  dune  divergence  notable  des 
rites  anciens,  au  Vaiçvadeva,  non  plus  que  de  sto- 
triya  au  premier  castra  de  latiràtra.  Mais  n auraient- 
ils  pas  pu  par  exemple  remplacer  l'hymne  en  anush 
thub  de  Yàjyaçastra? 

Je  citerai  à  ce  propos  l'hymne  III,  24,  composé 
de  cinq  vers,  les  quatre  derniers  gâyatrîs,  le  premier 
anushtubh,  qui  est  pareillement  adressé  à  Agni,  et 
qui  aurait  pu  avoir  la  même  destination.  On  remar- 
quera que  cet  hymne  en  précède  un  autre  de  5  vi- 
râj.  J'avais  vu  là  précédemment  une  violation  du 
principe  métrique ,  et  j'avais  proposé  de  retrancher 
un  vers  à  l'hymne  aS  ^  Il  me  semble  aujourd'hui 
beaucoup  plus  probable  que  l'hymne  2I1  le  pré- 
cède, quoique  composé  en  grande  majorité  de  gâya- 
trîs, parce  que  l'anushtubh  par  laquelle  il  débute 
lui  donne  le  caractère  d'un  hymne  en  anushtubh  ^. 
Des  observations  analogues,  et  qui,  en  raison  du 
nombre  des  exemples,  nous  permettront  une  affir- 
mation plus  catégorique,  porteront  sur  les  hymnes 
en  jagatî  terminés  par  des  trîshtubhs,  qui,  dans  le 

^  Journal  asiatique ,  septembre-octobre  1886,  p.  207. 
^  L'anushtubh  a  le  pas  sur  là  virâj ,  comme  composée  de  quatre 
pâdas. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.        31 

classement,  passent  pour  des  hymnes  en  trîshtubh. 
La  trishtubh,  on  le  verra,  a,  comme  mètre  final, 
une  valeur  liturgique  analogue  à  celle  de  lanushtubh 
comme  mètre  initial. 

Nos  collections  de  pratipads  rappellent  les  col- 
lections de  stotriyas  et  d  anurûpas  facultatifs  rassem- 
blées dans  Âçvalâyana  ^  Plusieurs  des  longs  hymnes 
en  pragâthas  ou  en  tricas  du  mandala  VIII  pour- 
raient bien  n  être  également  que  des  collections  de 
stotriyas  et  danurùpas  se  succédant  dans  le  même 
sûkta,  ou  rangées  parallèlement  dans  des  sûktas  dif- 
férents. De  même ,  en  regard  des  collections  de  pra- 
tipads ,  on  pourrait  chercher  des  collections  d'anu- 
caras. 

Mais  on  verra  d'autre  part  que  plusiem's  sûktas 
de  même  apparence  sont  des  castras  tout  faits,  ou 
au  moins  des  fragments  considérables  de  castras.  Il 
sera  difiGcile  ou  impossible,  en  beaucoup  de  cas,  de 
choisir  entre  ces  différentes  explications,  bien  que, 
dans  leur  ensemble,  elles  puissent  contribuer  à  la 
solution  de  Ténigme  posée  par  cet  étrange  man- 
dala Vin.  Remarquons  seulement  encore  que  le 
vers  28  du  sûkta  VIII,  2  à  Indra,  anushthub  unique 
au  milieu  de  gâyatrïs,  semble,  par  sa  place,  former 
le  début  dun  trica,  28-80,  qui  pourrait  être  encore 
une  pratipad  du  Marutvatîya. 

Cest  ici  le  lieu  de  rappeler  la  correspondance, 
bien  connue  de  tous  les  védistes,  des  hymnes  Vâ- 

^  Par  exemple  Vil,  4,  2-^;  8,  i-3. 


32  JANVIER  1880. 

lakhilya,  composés  chacun  de  cinq  bàrhatapragàthas 
à  Indra,  i  et  2  d*une  part,  3  et  4  de  Tautre.  On 
sait  que  tous  les  vers  des  hymnes  2  et  4  repro- 
duisent un  à  un,  en  termes  légèrement  différents, 
ceux  des  hymnes  1  et  3.  N'est-il  pas  probable  que 
deux  de  ces  quatre  sûktas  n'étaient  à  l'origine  que 
des  collections  de  stotriyas ,  et  les  deux  autres ,  des 
collections  parallèles  d'aniunûpas? 

A  la  vérité,  une  correspondance  analogue  existe 
entre  deux  sûktas  comprenant  chacun  six  ushnihs, 
soit  deux  tricas  d'ushnih,  adressés  à  Soma  Pava- 
mâna,  IX,  loâ  et  io5.  Or,  dans  la  liturgie  défini- 
tive, il  n'y  a  pas  de  stotriyas  à  Soma,  les  pavamâna- 
5to<r<i5  n'étant  pas  répétés  par  le  hotar,  mais  remplacés 
précisément  en  tête  de  ses  castras  par  les  pratipads 
dont  il  était  question  tout  à  l'heure.  Mais  n'aurions- 
nous  pas  là  précisément  l'indice  d'un  usage  plus 
ancien ,  selon  lequel  le  hotar  aurait  répété  les  pava- 
mânastotras  aussi  bien  que  les  autres  stotras  des 
udgâtars? 

Un  autre  indice  du  même  genre  serait  le  trica 
initial  de  IX,  101,  également  à  Soma  pavamâna,  for- 
mé d'une  anushtubh  et  de  deux  gâyatrîs  comme  les 
pratipads  de  midi  et  du  soir  et  le  premier  stotriya 
de  l'atirâtra.  En  tout  cas,  cette  dernière  strophe  clôt 
à  peu  près  la  série  des  tricas  très  rares ,  comme  nous 
l'avons  dit,  où  se  remarque  la  même  structure  mé- 
trique. 


LES   PREMIERS   PRINCES  CROISES.  33 

1  ,  ■       ■  Il  .  ■     ■  .  n   , 

LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS 

ET 

LES  SYRIENS  JACOBITES  DE  JÉRUSALEM, 

PAR  M.  L'ABBÉ  MARTIN, 

PROFESSEUR  À  L'ECOLE  SUPERIEURE  DE  THEOLOGIE  DE  PARIS. 

(suite.) 


IV 

Voilà  donc  GaufBer  ou  GeofFroi  délivré  et  le  voilà 
de  retour  à  Jérusalem  (janvier-mars  i  iSy?). 

On  comprend  laccueil  qu'on  lui  fit  à  la  cour: 
trente-trois  ans  de  captivité  méritaient  bien,  en  effet, 
quelque  sympathie.  De  plus ,  le  personnage  était  un 
des  compagnons  de  Godefroi  de  Bouillon,  un  des 
conquérants  de  Jérusalem ,  et  il  n*en  restait  proba- 
blement plus  beaucoup  en  i  iSy.  Raison  nouvelle 
de  fêter  son  retour. 

n  paraît  cependant  que  cette  espèce  de  résurrec- 
tion fut  loin  de  plaire  à  tout  le  monde ,  car  elle  dé- 
rangea bien  des  gens  :  un  mort  de  trente-trois  ans, 
qui  reviendrait  sur  la  terre,  où  il  aurait  joué  un 
grand  rôle  et  occupé  une  grande  position!  Quon 
s'imagine  le  trouble  que  cela  jetterait  dans  les  familles 
et  dans  la  société ,  et  on  aura  une  idée  de  ce  que  pro- 
duisit le  retour  de  Gaaffier.  «  Toute  la  ville,  disent 

XIII.  3 

IMVUMimiM  VATIOIALI. 


J 


34  JANVIER  1889. 

Michel  et  Romanos ,  fat  vexée  ;  mais  les  Syriens  le 
furent  plus  que  les  autres.  »  Ils  reçurent,  en  effet, 
ordre  d^évacuer  ^Adeciéh  et  Beith-^Arlf,  les  deux 
fermes  ou  villages,  que  les  Métropolitains  avaient 
transformés  en  châteaux  forts  (JLixa-»,  i^od)  et 
dotés  de  deux  belles  églises.  Tout  cela  retournait  à 
Gauffîer. 

n  est  facile  de  comprendre  Témoi  des  Syriens.  On 
le  comprendrait  à  moins.  Perdre  un  bien  reconquis 
depuis  trente-trois  ans ,  après  beaucoup  de  démarches 
et  de  dépenses ,  et  perdre  en  plus  toutes  les  amélio- 
rations faites  sur  ces  propriétés  depuis  trente  ans! 
Le  coup  était  certainement  très  rude.  Mais,  comme 
en  ce  monde  le  mal  de  lun  fait  le  bonheur  de  i  autre , 
le  scribe  Michel  observe  que  «  le  peuple  envieux,  qai 
porte  le  nom  de  Melchite,fut  dans  la  joie  et  la  jubila- 
tion, »  en  voyant  les  Jacobites  dans  la  peine.  «  Er^n, 
disaient  les  Melchites,  on  prend  aux  Jacobites  leurs 
biens I  »  Il  y  avait  déjà  du  temps,  en  effet,  qu'on  leur 
avait  pris  les  leurs ,  et  ils  se  consolaient  en  songeant 
que  leurs  voisins  allaient  subir  le  même  sort!  Gomme 
tout  cela  est  vrai ,  et  quel  jour  cela  jette  sur  l'his- 
toire des  Croisades! 

Lordre  du  roi  était  formel  et  il  devait  être  mis  à 
exécution  de  suite.  Les  Jacobites  devaient  com- 
mencer par  évacuer  les  lieux,  sauf  à  entamer  en- 
suite un  procès  (premiers  mois  de  1 1  Sy).  Toutefois, 
comme  le  métropolitain  Ignace  était  bien  en  cour, 
il  obtint  un  sursis.  Le  roi  Foulques  lui  était  dévoué, 
et  la  reine  Mélissende  avait  pour  lui  une  estime  toute 


\ 


LES   PREMIERS   PRINCES  CROISÉS.  35 

particulière.  H  paraît  que  cette  princesse  tenait  cette 
affection  pour  les  Jacobites  de  la  reine  sa  mère,  à 
ce  que  dit  le  scribe  Michel,  et  nous  savons,  en  effet, 
par  ailleurs,  que  la  mère  de  Mélissende,  la  reine 
Marfie,  fename  de  Baudouin  II,  était  Arménienne  de 
naissance^.  On  s'explique  donc  sa  sympathie  pour 
les  Orientaux,  en  particulier,  pour  Ignace,  qui  était 
originaire  des  environs  de  Mélitine,  en  Arménie. 
Cette  reine  prit  en  main  la  cause  des  Syriens  jaco- 
bites auprès  du  roi  et  des  seigneurs  de  la  cour,  et 
elle  fit  tant  qu  elle  la  gagna  ou  à  peu  près. 

Le  scribe  Romanos  raconte  cela  en  deux  mots, 
mais  Michel  s  étend  sur  ce  procès  avec  quelque  com- 
plaisance. Il  nous  apprend  quaprès  avoir  rendu 
redit  qui  dépouillait  les  Jacobites,  le  roi  Foulques 
était  parti  avec  son  armée  pour  aller  rebâtir  Beith- 
Gabrin^,  ville  autrefois  célèbre.  Il  se  trouvait  là  au 

*  Ducange,  Familles  d' Outre-mer,  p.  i3-i4* 

*  Il  n  y  a  évidemment  pas  lieu  de  douter  qu'il  ne  s'agisse  ici  d'une 
expédition  dans  le  sud  de  la  Palestine ,  du  côté  d'Éleuthéropolis ,  qui  a 
porté  autrefois  et  porte  encore  le  nom  de  Beiih-Gabrin  ou  de  Beith- 
Djabrin,  De  plus,  cette  ville  répond  bien  aux  détails  que  nous  donne 
le  scribe  Micbel ,  car  elle  eut  autrefois  une  assez  grande  importance  et 
les  ruines ,  qu  on  y  voit  encore ,  attestent  une  antique  gtaodeur.  Ruinée 
avant  les  Croisades,  elle  fut  relevée  à  cette  époque,  comme  le  dit 
Micbel  ;  mais  la  décadence  ne  tarda  pas  à  recommencer  pour  ell& 
Eleutbéropolis  est  à  peu  près  à  moitié  cbemin ,  sur  la  route  de  Jéru- 
salem à  Gaza.  —  VoirRobinson  :  Biblical  researches,  2*  édit. ,  t.  II, 
p.  67  et  suiv.  —  Guillaume  de  Tyr,  Hist,  XIV,  chap.  xxii,  raconte 
cette  eipéditiou,  à  Tannée  11 36.  Historiens  latins  des  Croisades,  I, 
p.  639.  D'après  lui,  Beith-Gabrin  serait  Bersabée.  —  aConvocalo 
itaqae  nniversi  regni  populo,  domino  quoque  Patriarcha  Guilelmo  et 
magnatibus,  opus  conceptum  aggrediuntur  et  incepium  bonis  avibus, 

3. 


3û  JANVIER  1889. 

commencement  de  février  i  1 38 ,  et  il  y  était  depuis 
quelque  temps,  car  la  reine  lui  avait  expédié  plu- 
sieurs courriers  pour  l'instruire  et  le  mettre  au  cou- 
rant de  tout.  Il  avait  même  Tintention  d  y  demeurer 
quelque  temps  encore,  puisqu'il  convoqua,  dans  cet 
endroit,  tous  ceux  qui  avaient  maille  à  partir  avec 
Gauffier.  Le  métropolitain  Ignace  s  y  transporta,  sur 
Tordre  qui  lui  fut  donné ,  accompagné  du  moine 
Michel,  le  lundi  3i  janvier  i  i  38.  Gauffier  ne  voulut 
entendre  parler  d'aucun  accommodement.  C'est  tout 
au  plus  s'il  consentit  à  vivre  tranquille  jusqu'à  ce 
que  le  roi,  de  retour  à  Jérusalem,  jugeât  la  cause 
avec  la  reine.  A  la  fin  toutefois ,  au  moment  où  les 
Syriens  allaient  repartir,  il  céda  aux  instances  du 
roi  Foulques,  accepta  aoo  dinars  et  renonça  par 
écrit  à  tous  les  droits  qu'il  pouvait  avoir  sur  le  châ- 
teau d'^^Adeciéh  et  de  Beith-^Arïf.  Il  donna  même  «par 
écrit  et  en  langue  franqae  y)  acte  de  sa  renonciation, 
à  ce  que  dit  Ron^anos.  Les  Syriens  souscrivirent  cet 
•  arrangement,  de  peur  d'avoir  à  souffrir  quelque 
chose  de  pire.  D'ailleurs,  ils  durent  verser  encore 
de  grosses  sommes  au  roi  et  aux  seigneurs,  sans 
doute  pour  éclairer  leur  justice.  Il  y  a  longtemps 
que  les  peuples  orientaux  sont  habitués  à  ce  régime» 
On  n'obtient ,  chez  eux ,  pleine  justice  qu'à  la  con- 
dition d'unir  au  droit  des  bourses  bien  garnies. 

consammatum  anctore  Domino  Jeiicius ,  prœsidium  œdificantes,  muro 
insuperabili ,  antemuralibns  et  vallo,  tarribns  qnoque  mnnitissimum , 
millutribus  duodecim  a  prœdicta  distans  Ascalona,ï>  etc.  Tous  ces 
détails  sont  d'accord  avec  ceux  que  nous  fournit  le  scribe  Michel.  Le 
Roi,  le  Patriarche  et  les  grands  du  royaume  étaient  à  Beith-Gabrio. 


LES  PREMIERS   PRINCES  CROISÉS.  37 

Outre  la  lumière  qu^ils  versent  sur  les  rapports 
des  croisés  avec  les  indigènes,  en  particulier,  sur  le 
fonctionnement  des  cours  de  justice  établies  par 
Godefroi  et  ses  successeurs,  ces  détails  nous  appren- 
nent quelques  faits  généraux  qui  appartiennent  à 
rhistoire  du  temps  et  qui  ne  sont  racontés  nulle 
part  ailleurs.  Le  voyage  de  Foulques  à  Beith-Gabrin 
n'est  rapporté  par  personne  d'une  manière  aussi  pré- 
cise, car  les  détails  que  fournit  Guillaume  de  Tyr 
ne  permettent  pas  de  fixer  exactement  sa  date.  Cette 
expédition  eut  lieu  en  1 1  Sy-i  i38. 

Le  scribe  Michel  s  arrête  ici  :  il  termina  sa  note 
le  lo  février  i  i38,  huit  jours  après  l'arrangement 
conclu  avec  Gauffîer,  à  Beith-Gabrin. 

Le  scribe  Romanos,  écrivant  le  2  5  août  ii38, 
ajoute  à  ce  qu'on  vient  de  lire  l'histoire  des  six  mois 
suivants.  Il  parle ,  en  particulier,  de  l'expédition  que 
l'empereur  de  Constantinople  fit  en  Asie  Mineure  au 
commencement  de  cette  année,  expédition  que  Guil- 
laume de  Tyr  et  les  historiens  grecs  relatent  avec 
assez  de  détails.  Il  retrace  surtout  les  derniers  mois 
de  la  vie  d'Ignace ,  son  oncle ,  et  ce  qu'il  en  dit  est 
tout  à  fait  d'accord  avec  ce  que  nous  en  savons  déjà. 
Ignace  jouissait  d'une  grande  considération  auprès 
de  ses  coreligionnaires.  On  accourait  à  lui  de  tous 
côtés,  et,  désireux  de  satisfaire  tout  le  monde,  sur- 
chargé de  besogne ,  il  mourut  à  la  peine ,  car  il  était . 
faible  de  santé.  Il  préparait  le  synode  qui  devait 
élire  un  successeur  à  Jean  Maoudiana  (f  2  o  août  1  1 3  7) 
et  il  se  mit  en  route  pour  aller  le  tenir,  le  dimanche 


38  JANVIER  1889. 

ili  avril  1  i38;  mais  il  s  arrêta  k  Saint-Jean-d*Acre , 
attendant  le  roi  Foulques,  qui  projetait  daller  à 
Antioche.  C^est  là  qu'il  fut  surpris  par  la  maladie  et 
qu'il  mourut,  le  jeudi  i  g  mai  1 1 38 ,  trois  jours  avant 
la  Pentecôte.  Son  corps  fut  rapporté  à  Jérusalem  le 
lundi  suivant. 

Telles  sont  les  deux  notes,  dont  on  va  lire  le  texte 
et  la  traduction.  J'espère  qu'on  ne  les  trouvera  pas 
dépourvues  d'intérêt  et  je  crois  que,  si  les  manuscrits 
syriens  en  contenaient  beaucoup  du  même  genre,  la 
Société  de  l'Orient  latin  leur  ferait  bon  accueil.  En 
lisant  celle-ci,  plus  d'un  de  ses  membres  se  dira  en 
lui-même  :  «  Que  n'y  a-t-il  eu  à  Edesse,  à  Amid,  à 
Mélitine,  à  Antioche,  partout  enfin,  des  Michel  et 
des  Romanos,  semblables  aux  deux  qui  paraissent 
aujourd'hui  pour  la  première  fois  devant  le  public! 
Que  de  choses  nous  saurions  sur  leur  temps  que 
nous  ignorerons  toujours ,  et  qu'un  gros  volume  com- 
posé de  documents  de  cette  espèce  aurait  d'intérêt 
pour  l'histoire  des  Croisades!  »  Malheureusement  les 
Romanos  et  les  Michel  n'ont  pas  été  nombreux  cheas 
les  Syriens  au  xn*  et  au  xni' siècle.  Je  ne  jurerais  pas 
que  ceux-ci  soient  les  seuls ,  car  si  mes  souvenirs  ne 
me  trompent  pas ,  quelques  autres  manuscrits  syria- 
ques de  Rome ,  de  Paris  ou  de  Londres  renferment 
bien  quelques  notes  du  même  genre.  Toutefois,  ce 
dont  je  suis  bien  sûr,  c'est  que  ces  notes  ne  sont  pas 
nombreuses,  et  c'est  qu'elles  n'ont  pas  la  même  im- 
portance ou  le  même  intérêt  que  celles  dont  je  viens 
de  parler  et  qu'on  va  lire. 


LES  PREMIERS   PRINCES  CROISÉS.  39 

Après  avoir  introduit,  auprès  des  lecteurs  du 
Journal  asiatique,  les  scribes  Michel  et  Romanos,  je 
leur  cède  la  parole  et  j*espèrc  qu  ils  justifieront  Fhon- 
neur  qui  leur  est  accordé. 

Je  rapporterai  d'abord  les  textes  originaux  et  je 
renverrai  les  traductions  à  la  fin. 


NOTE  DU  MOINE  MICHEL  ^ 


^^Lo  (^^oo  «d-*  «oi^Mt  jmîsn  \ci^llo  Jtwâ 

C|i\    ■    il   V>   y£WA.9o)    JLl^t^    J^JU^AOt   hk^f^  Ôim^i^ùO 


"VAj  .'^o-^I  ooi  o»^^^o  4^^  )ww^  oi:>a^^^4^! 


tLJ  (col.  2 )*U^  W^ddo  1^  o;^ 

oiIq     91   >■  to  o^Bio^o  oS^ibaûk.o  .o^da^*  tflN»  ooL 


^  Manuscrit  syriaque  n"  i  de  Lyon,  fol.  3,  b,  i.  La  division 
en  paragraphes  a  été  &ite  par  nous.  Les  manuscrits  ne  présentent 
rien  de  semblable.  Nous  plaçons  entre  crochets  les  mots  que  nous 
avons  restitués.  Le  manuscrit  de  Lyon  est  généralement  correct, 
celui  de  Paris  l'est  moins. 

*  J'omets ,  ici  et  plus  bas ,  quelques  effusions  du  Jjon  moine  Mi- 
chel ,  qui  n'ont  aucun  intérêt  pour  l'histoire. 


40  JANVIER  1889. 

^Uit  IL^I  |^;u!  ;ï^  :ôi:^  lio^lo  .JbuiâcJL^o 


09{  Jl    **>     *^  ^Oi&o»,A><^ao  JLtfU»  ooo(  W^^l  ^'^ 


);»-^{{  Jl    M  >ri  f>o  l^-^OJO  Jl,i  ;  ■  "W  o^^o  o^aI»!) 
otlfi  ^  0  g>  iM  U)   %b^t  JLaoo)  oS:)dto  iJ^iaiiO  ^k*^ 

U^  -«o^o  .1^  ^ocfeo;.  ..lie,  «lo^^o 


^^^1^  ••JLuIido  Joâs  i<^{  ) 
\]k^    "m   91  If  JLa>)o  :)9oiaJ!  ho:^  Ioao^j^  Ut^id 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  41 

fo<%     f>  f  ^^.JL^mAmO  i^»);.^^t  •)v^?^  JLflâufo  ilooi? 

11^9)  OM^I  Itt^T  >*|nmiv   jlioi  U^f^  ,olJ^^^;vt^ 

oo»{  (fol.  2,  a,  coi.  1)  Jl     tk  '\  m  \n  o»Lâ^  ^t  jll9tQ^o 

yL3  Jl   "^  •*>    j>V^M  ^Oa^  Jl^Od^t  ^*^A  ^âid^Jld  «fo^ 

upoji  I  fnnf^f  ^o  yôo  io  ^2i^  JMa.?  «JU^W  ^^^^^"^ 

Loo(  JlOii'^ft    [omis    JL^9]    JJfO    ILâbiteîJld  ]i^ 

JLdu^;.^  ^ju*a^  ^;^  -.^^  Ld^  wOj^o  Jlioi  Jbâ^ibi. 
.U-^oo{t  l^i^o:^)  )wt-«^9  *«Jbuta^  «^oto^l  ootf  .^t 

f  JLr&i^o  Ib^^Jld  jOAiDftte  ^^^  ^  W^^h  oo( 
«éSno  ?»  ;  0  fï>  *•  jL^;;df  ^ot.^  Jl:>Q^!o  JLdI 
lyNfiin  I  JL;^^^  .IbS^Jld  *^^n*^  .'^oSs^f  JLIdo  l^^^te 


42  JANVIER  1889. 

Jl     >    .K  >•  «A— l)    [c^Jto]  (fol.  2,  a^  col.  2) à 

Jhodo)  Ho^ 

U^V  ^}^o  foo^^^mJ}  yî'\m»  fJ^J^o)  (h,  col.  2)  5° 

(sic)  yfiOUDt  «^'oi  «d)  .'^9^0  ^L)t  l^!^  ^^iÊXJio  JLu»o7 
m    «M      VK>   Loft    OM^^h   «hoi   ^t-^t   I^OAd    JK^*.t^ 


iLolL)  "^^o  OM^^  or^tefo  ^^^j^ioV  ÔlQu»J^&t  ^o» 

Q    ^  .tflO   JLI^.   CLâdJo  .JL^-te)  OOd^^  b^f 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISES.  43 

)L)o  ool  JLdo  >*i  "»t  n  t  oil^ugbo  )$W^9oJ)  JLl«Jd 
•ô    g»o;i     ^     »  v>  »£r>o^  >»Qi&  .^iâO  ^9«te  ^  (coi.  2) 

••IfLI)  I     '>  m  ^  hoM»  o^A^lo  %yi«^^)f  «foo^^oot 
yi  »i  f>t  |-£^te  jfVDo  .^^i^b^l)  ^^01  OtJVt  iJ&^do  8*" 


kfi  JANVIER  1889. 

ooi  «d)o  \^  >v>o»  \>^o^  hot^  JLJKo^L  '.ooqa.  yu^i 

flo.^  w^  \Jjm.  i^Lo  ^i^L  fJ^o  :w^te)t 


Ux^il,  U-  ^o  ^,^,  K»l^  U-VI  ^11 


«MBUMéi 


oU^o  o;^  fooMt  hoj^\  Jli«>m>»  00»  oU^o  oi^^L  .lifa*» 

U    *   >^  ^  looi  foj^i  Ut  jLi^  *«)L)  «^o  •JL^I  10° 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  45 

)_d  ^  JbLdI  oî^t  ^^^^^  •dO^)  ^ooî^  ^1  "^J^ 

|La.«»)  JL^^!  «AiDo  '.^LfL  )L«^  ô^  Jbpo  J,m,v^ 
lu^f  ôit-^âi^^  ^ado  9L)^^  ^  II^A  foi^Jld  1»^-*^ 

}jlB  ]\  ^  O  ^t  oo»  ^)  .^o»ri"^at>  ^o»  v«A0»aL3?090 
JLskfiO  «*o»oo))L*^  «*o^  .«A^  o^  o^f^  .^oitd^  )L)o 
♦  £1  g»  «foo»  «*o»OJ^*)  JLâo>x»  lo^vijiL^  ^^O  (fol.   1,  a,  i) 

^    *V     *^     ^J^^     »    "l'y,  d^l)o  ILl^^oa^^  >nril^^'>^ 

•  tooi 


46  JANVIER   1889. 

13901)0  JL:i^ltot  l^t-AoA  ^!  oi^ 


1^      ■       ^  ^  ^^?  ^X«*  «^id  oS^^Qi^t  «'OU^O  liOOâLo 


g  *}  -  hd-ao  .JL^A  JV?  Itowvi'i'vo  JI39  |opoJS3 
•.Um^oêL  «*«*?Lf  iLoj^^o^oit  JUfloo  jaoficu»  Jb^o:^  0I090 
jLuLoi?  ood  ^    *  *>    y»)  «^  *J<>SS^  ^wdttef  ^o» 

•JLdoûi^j:^  ^oC^  A*h  il^'l  oî^  ^ooo^  JLoJSjà^ 

[^    <>V  o»]  )x^  %Looi  11  «ifiji  00  ^  ^obi^ff  ^^^1^ 

Jod  ^    i  »>t^  .^o»ri  v>;  i!>  JLujS  Lou^  jAJ^  iLôi^ido 

•^^t^  jAidt  Inrwrv  Jli^oji  JbuA^  ibua^^ 

)o^  1^?  [JM^]  %)^i^2o  <^)  ^t  Jd  (P))La^9L 
^^  v>v  oî:^]^^i^o  ^^  Ut^^^^  [JK^^^^teLI]  Jt^Qu^Ifo 
.o^^^â^  [)^a£:ïâ>c£S.  o»:^]  looi  ^.1  IJL^  [Ibû^o 

^^^  â)]  JU)  •^-— I ^  \K    .>  rso\  ^^jdJ^^[a^?  tQ  '^^] 


LES   PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  47 

«^om     »  vt^tf  [Lv^A^o]  fooi  «*o»o^)  JLûmmo;^  JL:i^ltet 
>)V-d  U)  :^-^OM^.)  ^f  JLl<x0  ^oi  JLlgf  JUdl 

^«— jD  ^A.*»L)o  ^w^^  J^^biS^  o(:>a:^t  tr^'^  >^l 
^^.âA.f  lUbod  «fouf  JUooj  ^^2^;^t  ^'L  o»^3  «JLri^ 

o»U    '^o^   Vi  )oo»  ifnVi^v>  ^  *«id)lââdf  «^1  (col.  2) 

^^i^o  *.JL- 39  JL*o;.3  ^.«^  Jbi^»Vkr>  ôo»  )L)  JUoo^f  ^f 
y  N    £»f  U^  \^^  ôh  W^l  JD)  ^mAdU)  Uo  «.Uajo 


48 


JANVIER  1889. 


•.)Jb^^-A  [)?o»-^]  \Ot-="i^!  ^T^U?  «-«O  .[y^^«a^[ 

^g  ^.r»  .oo^  ^yJ^Ate  ^^|  ^ooi  ^>:^«^  lit  )J^^9 
.^;^f  I^JLt  );â*?  I'*^  t^f^^*^^?  '^  j-^m^  l^id') 

.d^  ;^)o  ^JLaj  ^a^li  o'^SVo  «Jtd^  )L)o  o^^o^f 

•JllW^)    JbidjLrs.  «-ail^L!  hâ]  Jkd^  ;o^  oêi  ^^L?  <^ 
)o  «iiL-^JL:^  loilL  |io  .«^  jii)  <^Vi'm  II)  â)  «^ 


<^  "^^W  t^  [''l  "*  ^^  oiLa^«^o  loi^t  IL 

^t  JL^  oo»o  .Jlioi  HLjld  •A>^•)  l^aji^  .^oido  1^  )o!^ 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  49 

^a^^^  •J.o^  ^^M  i=^!  )Lowi*3  ^^  ooi  i5* 


"^^  V^  Jlioi  JlifoiQ^  Iwof  «JLu^ol^  oS^?  JCLl3o  OlWf 

zm.  4 


50  JANVIER  1889. 

NOTE    DU   MOINE  ROMANOS  ^ 
«A»»W-d    J^>A^o)    ^oJ^^s^ol?   jilOI   JL3K0  JL^A^^J^JL    17" 

JL-3^^  «*olO>^•|  oo^t^^^  .|J(^..^-»ta:s.  «^Ij'l  0010 

uJbo.^^  .^oioâTa^  i9fs.»>  fo^^U  ^^;r>  t  )J^Max«*^te 
1^0»  «t^--»)!  flb^Ai^^  <iAj^iN*|o  u^XfiûL^o  uosi^  001? 

I  .11^90.^  J^^^ol   );.^«^  looM!  ^!  o<m^  jj^  18" 

^  Ms.  5i  de  Paris,  fol.  1 17,  6,  1.  Le  scribe  paraît  moins  instruit 
que  celui  du  manuscrit  de  Lyon.  On  trouve,  dans  cette  note,  des 
mots  empruntés  à  l'arabe  et  plusieurs  autres  sont  mal  écrits. 

^  Le  manuscrit  porte  Lj^o  JKsdha.  11  lit  aussi  JbJ^^JL*.. 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  51 

I^J^o^t  t^fo^l)   Ji^O^îï^?  ^^g^  ig' 

yi    i> "^  Jbo  Lo  )  J^ii     I  •!  x^-^l?  Jlioi  ^ JUd/Ldo  20** 


^  000»  ^  ^    >  fi  .  ; V    ^ooî^f  **a^  (col.  2)  Ud)  )oo( 

^  Ms.  ^Oâlf. 

'  Ms.  JUdjLd^ 

•  Ms.  ^«^iik.» 

^  Le  mot  Ji^Af  est  un  peu  eifacé,  mais  on  ne  peut  pas  lire 
JidM^t«  car  la  construction  serait  vicieuse,  grammaticalement  par- 
lant; il  ne  reste  donc  plus  qu'à  lire  dacheino.  Quant  au  sens  du 
terme  JjL^ad,  je  ne  retrouve  rien,  dans  les  lexiques  et  dans  mes 
notes  lexicographiques ,  qui  me  permette  d'en  déterminer  le  sens. 
Je  suppose  que  ce  mot  syriaque  doit  être  rapproché  de  l'arabe  jJU 
oboltts,  pecunia,  mais  je  n'ose  pas  émettre  une  conjecture  sur  la 
raison  pour  laquelle  on  a  donné  à  cet  évêque  un  pareil  surnom. 

4. 


52  JANVIER   1889. 

) 


iill   ;.5o)l)  ^^oi  .;ooo  ^âaiid^  ^^i]  Vo 

oiLq — <^     . ■  »So  .oiW^a^lo  )J^x»f^a^t  IwÇ^  )JU$^ 
yi    mo  jgùkjL9ojLd  Ifoi  ILo^fo  iLo^o)  Looi  )J^.Al«•09 

^  Le  manuscrit  porte  ici  et  un  peu  plus  bas  :  Moief  JKsd . 

*  Ms.  i^^l. 

'  Presque  tout  ce  qui  précède  a  été  publié  par  M.  H.  Zotenberg 
dans  le  Catalogne  des  manuscrits  syriaques  ^  p.  19» 

*  Ms.  u»)f. 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  53 

(fol.  118,  a^  1)  )Ji      ">JL,3    0»9J^..^f  ^O^O»  OAâO  «^Ld^ 

}       0  Pf>0  "»   U^  «fOOA^ilL^I    «*V^   ^^f    JLdjI   ^  9«A 

•  ^m^Od  IL^USU.  ^cS^^d  J^te^A^lo  uO^L)  "wu^Jldt 

•  *  • 

*  Le  manuscrit  porte  ]k*>^.  Le  verbe  «d.*I|  est  incertain.  II  ue 
semble  pas  qu'on  puisse  lire  «de^II  «  qui  iraif^mieux. 

*  Ms. 


54  JANVIER  1889. 

IJLJL^  Hjlùoo  JLmjd  JUf^JL^  M^iJiolo  •jiKA.foJ) 

)t«— ^  Jk^  ^^L  y^«^!  l^oJLdo  «foiâaate  );.^Q!X 
il     ;  I  "fc^  o^jJ  «A^  v^^^  J^^fo  "iiYrîîvi^o 


^  Les  JLi^  ne  peuvent  pas  être  des  coupoles,  puisqu'on  bâtit  au- 
dessus  d'elles  uii  appartement  carré;  ce  sont  évidemment  des  salles 
voûtées. 


LES   PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  55 


^  Il  y  a  ici  un  mot  à  moitié  effacé.  Le  vaj  copulatif  placé  devant 
,^0%  exige  un  verbe,  et  je  ne  crois  pas,  dès  lors,  pouvoir  lire  autre 
chose  que  p**--  Le  iod  est  très  net,  le  mim  le  semble  également 
Quant  à  la  seconde  radicale,  elle  est  incertaine.  Seulement,  comme 
l'histoire  ne  parle  pas  d'mi  mariage  de  l'empereur,  à  Antioche ,  je 
préfère  laisser  le  passage  en  Idanc. 


56  JANVIER  1889. 

oi  a  9i  I  OOM  Ut^t  U<^o  Jbuid^^^  .JL^ftA^f 
yi  >  n  lo  «£oo«-AjaAo  ^mjju  Lai*Jt  i^^su)  Jo^^JI 
)fe^o.^t  ^oi;âQd  j!i^.A.9o)  ^  ^f  u^2u  «jLduu^Jld 
•o-aS^  Uo^  l^^90  JLado»}  JLud  Kd9|o  ^?nn(V^ 

hJL^N.d'ôi  )o^^^  fo^t  «*oiQâcu*9  «^oioâftlo  «««a^JI 

JLiuilf  Ibui^  ):bi^  Jo^  fooif  jLk«»o  ^t  U^)"^  ^o"" 


\ 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  57 

•^>^\  «JLA^Lto  |2iâk.t  ^i^^JU  o[^^] 


NOTE  DU  MOINE  MICHEL. 

1 .  «  Heureux  souvenir  et  commémoraison  perpé- 
tuelle, à  lui  et  à  ses  défunts  aïeux,  à  celui  qui  a  pris 
soin  d'écrire,  d'ordonner  et  de  composer  ce  livre 
précieux,  ce  volume  des  fêtes  du  cycle  annuel,  à 
notre  saint  père ,  Mar  Ignace ,  métropolitain  de  la  ville 
sainte  de  Jérusalem^,  c est-à-dire  de  la  ville  du  Sei- 
gneiu*,  et  de  toutes  les  autres  villes  du  bord  de  la 
mer!  Que  Dieu,  pour  Famour  sincère  duquel  notre 
père  a  pris  soin  d'écrire  ce  livre,  lui  accorde  une 
récompense  et  une  bonne  rétribution!.  .  .  .  Oui, 
qu'il  lui  accorde  tout  cela,  en  retour  de  l'amour,  de 
la  peine,  de  la  fatigue  et  du  zèle  apostolique  qu'il  a 
montrés  pour  l'Église  et  la  construction  du  monas- 
tère, pour  l'établissement  et  l'entretien  de  ses  fils 

^  H  n'est  pas  ici  question ,  ainsi  qu  ou  le  verra  {dus  loin ,  du  Mar 
Ignace]  qui  gouverna  l'église  de  Jérusalem  et  les  églises  environ- 
nantes, pendant  quarante-cinq  ans,  d'après  Bar-Hébréus  (  J.-B.  Âb- 
beloos,  Chronicon  eccîesidsticmn.  II,  p.  596).  Le  manuscrit  de  Paris 
fait  une  lumière  complète  sur  ce  point. 


58  JANVIER  1889. 

spirituels,  les  prêtres  et  les  diacres;  pour  le  ser- 
vice de  toute  la  communauté  des  religieuses  des 
deux  monastères!  Oui,  que  Dieu  lui  accorde  la  vie 
éternelle ,  le  bonheur  sans  fin ,  le  paradis  de  lumière 
et  la  joie  délicieuse  où  retentit  le  perpétuel  Alléluia, 
en  compagnie  de  tous  les  miséricordieux  et  des  pères 
de  son  ordre! 

2.  «En  effet,  bien  que  les  religieux  métropoli- 
tains ,  élus  par  TEsprit  Saint  pour  ce  lieu  sacerdotal , 
aient,  chacun  en  son  temps,  pris  soin  de  construire, 
de  garder  et  d'entretenir  notre  saint  monastère,  et 
tout  ce  qui  lui  appartient,  néanmoins  le  soin  et  le 
zèle  dlgnace  dépassent  ceux  de  tous  ses  prédéces- 
seurs :  ses  œuvres  méritoires ,  sa  charité  envers  Dieu 
et  envers  les  hommes  ont  surpris  et  étonné  tout  le 
monde.  C'est  pourquoi  le  Seigneur  lui  a  fait  trouver 
grâce  aux  yeux  de  tous ,  en  particulier,  des  rois  vic- 
torieux, des  reines,  des  princes,  des  seigneurs  et  des 
gouverneurs  qui  ont  vécu  de  son  temps,  comme  il 
fit  autrefois  trouver  grâce  à  Joseph  devant  Pharaon. 
Il  l'a  honoré  et  glorifié,  ainsi  que  cela  convenait  à 
sa  bonté  paternelle ,  à  ses  mœurs  admirables  et  vrai- 
ment angéliques.  Aussi  nous  prions  et  supplions  le 
Seigneur,  afin  qu'après  l'avoir  choisi  et  placé  dans 
son  Eglise  à  l'instar  d'une  colonne  de  lumière  et 
comme  médecin  des  âmes,  il  lui  accorde  longue 
vie,  paix  et  tranquillité,  santé  de  l'esprit,  de  l'âme 
et  du  corps,  pour  que,  pasteur  vigilant  et  zélé,  il 
marche  longtemps  à  la  tête  du  peuple  de  Dieu, 
paisse  et  guide  son  troupeau  en  ces  temps  difficiles. 


LES  PREMIERS  PRINCES   CROISÉS.  59 

OÙ  TEglise ,  tombée  dans  le  veuvage  et  privée  de  son 
chef  ^,  troublée  et  opprimée  de  toutes  parts,  espère 

dans  l'appui  et  le  secours  de  son  bras 

3.  «  Avec  Taide  de  Dieu,  ce  volume  a  pris  lin,  à 
quatre  heures,  le  cinquième  jour  de  la  semaine,  le 
10  du  mois  de  Chebot,  de  Tan  mil  et  quatre  cent 
quarante-neuf^,  de  Tère  d'Alexandre,  fils  de  Phi- 
lippe ,  dans  le  couvent  saint  et  sacerdotal  de  Sainte- 
Marie-Madeleine  et  de  Mar  Simon  le  Pharisien^. 
En  ce  temps-là,  l'Eglise  était  dans  le  veuvage  et 
privée  de  pasteur,  car  le  20  du  mois  d'Ab  de  Tan- 
née précédente*,  était  passé  de  ce  monde  auprès 
de  Notre  Seigneur,  Mar  Jean ,  notre  patriarche ,  lequel 


^  Jean  Maondïana,  mort  le  20  août  (ab)  de  Tannée  1137,  non 
au  mois  de  septembre  ou  dV/ou/,  comme  le  dit  Bar-Hébréus.  —  Voir 
plus  bas;  les  deux  récits  sont  d'accord  là-dessus. 

*  En  11 38»  la  lettre  dominicale  est  B,  Le  10  février,  un  jeudi. 
Voir  Migne ,  Dictionnaire  de  l'art  de  vérifier  les  dates, 

^  Le  monastère  de  Sainte-Marie-Madeleine  était  dans  Jérusalem. 
Âssémani  le  mentionne  souvent,  dans  sa  Bibliotkeca  orientalis  demen- 
tino-vaticana,  t.  II,  p.  75,  33 1  et  337.  Dissertaiio  de  Monophy- 
sitis,  p.  i3i  et  87«88.  —  Il  servait  de  résidence  au  Métropolitain 
jacobite,  à  Jérusalem. 

*  Ce  renseignement  est  intéressant ,  car  il  rectifie  la  date  donnée 
par  G.  3ar-Hébréus  (J.  Baptista  Abbeloos  et  Th.  Joseph  Lamy, 
Gregorii  Bar-Hebrœi  Chroniçon  ecclesiasUcum ,  II,  p.  dgo),  qui  fait 
mourir  ce  patriarche,  non  pas  au  mois  d'août,  mais  au  mois  de 
septembre  ou  d'éloul^  i448  des  Grecs,  c*est-à-dire  1137  de  Jésus- 
Christ  II  faut  donc  corriger  Assémani  [Biblioth.  orientalis.  11, 
p.  368)  et  Lequien  (Oriens  christianns,  II,  p.  i388).  Bar-Hé- 
hréus  écnvait  cent  cinquante  ans  plus  tard ,  tandis  que  nous  avons 
affaire  ici  à  deux  auteurs  contemporains  et  à  deux  commensawt 
du  Métropolitain  de  Jérusalem ,  lesquels  étaient  évidemment  bien 
renseignés. 


60  JANVIER  1889. 

était  appelé  Maoudîâna,  et  avait  été  archimandrite 
du  couvwit  de  Douaïr,  à  Douaïr'.  En  ce  temps-là, 
Mar  Gabriel^  était  métropolitain  d'Egypte  et  Mar 
Ignace^,  dont  il  a  été  question  précédemment ,  était, 
par  la  volonté  de  Dieu,  métropolitain  de  cet  en- 
droit. Notre  roi  victorieux,  le  roi  du  peuple  fidèle  des 
Francs,  (était)  Ser  Foule,  avec  la  reine  et  leurs  en- 
fants gardés  par  Dieu  *.  Que  le  Seigneur  conserve  à 
jamais  la  paix  et  la  tranquillité  à  son  Eglise  et  à  son 
peuple  fidèle,  dans  les  quatre  parties  du  monde! 

à'  «Ce  livre  a  été  écrit  par  un  pécheur  nommé 
Michel^,  qui  porte  la  laine,  est  originaire  de  la  pro- 
vince et  du  gouvernement  de  la  ville  de  Mar'^ach*, 
et  appartient  au  couvent  célèbre  de  Mar  George  au- 
trement dit  Gasselioud,  dans  la  montagne  noire''... 

5.  «  Nous  croyons  devoir  porter  à  la  connaissance 

^  Jean  Maoudîâna  était,  en  effet,  du  coavent  de  Doua!r  (Gr.  Bar* 
Hehr,  Chronicon  eccL,  II,  p.  dSa)  et  il  y  moorat  [Ihid,,  p.  490). 

^  Ce  Gabriel  n*est  nommé  nulle  part  ailleurs. 

^  Il  s*agit  ici  d'un  Mar  Ignace  différent  de  cdui  qui  est  connu 
par  Bar-Hébréus.  —  Ce  dernier  mourut  en  1 1 83 ,  l'autre  le  1 9  mai 
ii38. 

*  11  est  question  évidemment  de  Foulques ,  gendre  de  Baudouin  II 
(  i  1 1 3 1  ]  et  tuteur  de  Baudouin  III  (  1 1  d  d- 1 1 6  3  ).  Pendant  la  minorité 
de  son  fils,  Foidques  (-}-ii44)  gouverna  le  royaume  avec  sa  femme 
Mélissende.  VoirDucange,  FamiUes  d'Outre-mer,  p.  i3-i5.  —  Les 
fils  visés  par  le  scribe  Michel  sont  Baudouin  III  (1144-1162)  et  Âmaury. 

'^  Micbel  était  moine  ou  portait  la  laine,  —  Il  ne  paraît  pas  men- 
tionné ailleurs. 

•  Sur  Mar'^ach  {Maboug  ou  Germanicie) ,  voir  Assémani,  Disser^ 
tatio  de  Monophysitis ,  p.  82-83. 

'  Assémani  ne  mentionne  pas  le  couvent  de  Mar  George  ou  de 
Gasselioud ,  mais  il  parle  de  la  montagne  noire. 


LES   PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  61 

des  frères  spirituels  et  amis  de  Dieu ,  qui  viendront 
plus  tard,  ce  qui  est  arrivé  Tannée  avant  celle  dont 
nous  venons  de  parler,  c  est-à-dire  Tan  mil  quatre 
cent  quarante-huit  ^  Je  ne  sais  si  cela  est  arrivé  par 
hasard,  ou  bien  parce  que  le  juste  doit  être  éprouvé 
par  la  tentation.  Dieu  le  sait,  lui  qui  sait  tout,  avant 
que  cela  arrive. 

6.  «En  ce  temps-là,  un  Franc,  un  des  princes 
qui  avaient  pris  Jérusalem ,  un  de  ceux  qui  s'étaient 
emparés  de  la  ville  (de  Jérusalem)  et  de  tous  ses 
environs,  par  la  volonté  du  Seigneur;  un  de  ceux 
qui  avaient  chassé  les  Arabes ,  après  en  avoir  tué  un 
nombre  infini ,  [avait  imité]  ses  compagnons  d  armes , 
les  chefs  qui  s'étaient  établis  en  chaque  endroit,  sui- 
vant leur  nom  et  suivant  leur  pouvoir.  Or,  à  cette 
époque  (vers  i  loo),  notre  sainte  Eglise  des  Jacobites 
orthodoxes  étant  faible  avait  été  dépouillée  de  son 
couvent,  parce  que  le  métropolitain  de  Tépoque, 
effrayé  de  la  persécution  des  Arabes ,  s'était  enfui  en 
Egypte^.  Il  n'était  donc  resté  dans  le  monastère  que 
trois  vieillards  impotents^,  et  c'est  pourquoi  le  prince, 
dont  nous  allons  raconter  l'histoire  et  dont  le  nom 
était  Gounefar(?),  s'empara  des  endroits  et  du  pays 
situé  tout  autour  de  nos  fermes  de  Beith-^Arif  et  de 
*Adecieh^  : —  que  Dieu  les  conserve!  —  Voyant  que 

'  Par  conséquent ,  en  iiSy. 

*  Ce  métropolitain  s^appelait  Cyrille,  ainsi  qu'on  le  verra  plus 
bas.  Âssémani  et  Bar-Hébréus  l'ignorent  complètement. 

^  Deux  localités  non  loin  de  Jérusalem ,  puisqu'elles  dépendaient 
du  couvent  de  Sainte-Marie-Madeleine.  Âssémani  ne  les  connaît 
pas. 


62  JANVIER  1889. 

ces  fermes  étaient  agréables  et  belles,  s  apercevant  en 
outre  qu'elles  n'avaient  ni  maître,  ni  régisseur,  et 
étant  parent  du  roi  d  alors  ^,  il  s'empara  desdits  lieux. 
Mais,  après  en  avoir  joui  quelque  temps,  il  fut  pris 
par  les  Arabes  et  conduit  en  Egypte  chargé  de 
fers. 

7.  «Sur  ces  entrefaites,  le  patriarche  Mar  Atha- 
nase^,  qui  est  maintenant  parmi  les  saints,  vint  à 
Jérusalem  pour  Cette  afiaire^;  le  métropolitain,  Mar 
Cyrille,  revint  aussi  d'Egypte,  et  tous  les  deuxs'étant 
réunis  allèrent  trouver  le  roi*,  lui  montrèrent  les 
actes  d'achat  desdits  villages,  présentèrent  comme 
témoins  des  vieillards  de  l'endroit  tant  fidèles  qu'A- 
rabes; et  le  roi  convaincu,  aussi  bien  que  ses  sei- 
gneurs ,  que  les  villages  étaient  à  notre  Eglise  et  que 
(Gounefar)  nous  les  avait  ravis,  les  restitua  à  notre 
bienheureux  père,  le  religieux  (métropoUtain)  sus- 
dit^. Notre  père  dut  toutefois  verser  pas  mal  d'ar- 
gent, pour  cette  affaire,  tant  au  roi  qu'à  beaucoup 
d'autres  personnes. 

^  Il  s'agit  ici  de  Baudouin  I"  (i  100-1 1 18) ,  d'après  ce  qui  sera  dit 
plus  bas,  et  d*cvéiiements  qui  se  passent  en  ii02-iio4*  Par  consé-' 
quent,  le  mot  Jbj(w«,  qui  peut  signifier  beau-pkre,  gendre,  beaU' 
frère,  cousin,  etc.,  ne  peut  avoir  ici  que  le  dernier  sens. 

*  Athanase  Aboulpharage  Bar-Camoré  (G.  Bar-Hebr.  Chronic, 
ecclesiast..  If ,  p.  460-482  ) ,  qui  gouverna  Téglise  jacobite  trente-huit 
ans,  de  1090  à  1129. 

^  Vers  l'an  iio3  ou  iiod,  d'après  ce  qui  sera  dit  plus  bas. 

*  Baudouin  I"  (1 1 00- 1 1 1 8 ) . 

^  Cyrille ,  celui  qui ,  après  s'être  enfui  en  Egypte  par  peur  des 
Arabes,  vers  1098 ,  était  revenu  après  la  prise  de  Jérusalem  par  les 
croisés. 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  03 

8.  «  Quand  toutes  ces  personnes  furent  mortes  ^ 
et  lorsque  le  roi  nommé  précédemment^  fut  monté 
sur  le  trône  —  c'était  le  troisième  après  celui  dont 
il  vient  d'être  question  tout  à  l'heure  —  alors  que 
notre  père,  Mar  Ignace,  lui  aussi,  troisième  succes- 
seur de  Cyrille  [était  métropolitain  de  Jérusalem], 
environ  trente-trois  ans  après  les  événements  ra- 
contés plus  haut^,  les  Arméniens  devinrent  très 
puissants  en  Egypte*.  C'est  pourquoi  le  religieux 
(évêque)  des  Arméniens  ^,  établis  à  Jérusalem ,  partit 
pour  l'Egypte,  dans  le  but  d'y  recueillir  des  aumônes 
pour  soulager  l'indigence  de  ses  ouailles.  Or,  qiiand 
le  chef  des  Arméniens  vit  le  religieux  (évêque),  il  se 
réjouit  beaucoup,  et,  comme  il  était  tout-puissant 
sur  toute  l'Egypte,  il  lui  promit  de  lui  accorder 
tout  ce  qu'il  lui  demanderait. 

9.  «  Gounefar  —  que  son  nom  ne  soit  jamais 
commémoré!  —  Gounefar  était  encore  vivant  dans 
sa  prison,  mais  très  avancé  en  âge.  Beaucoup  de 


*  A  savoir,  le  patriarche  Athanase  Bar-Camoré,  mort  vers  1129; 
le  métropolitain  Cyrille  vers  iii5  et  le  roi  Baudouin  P'  en 
1118. 

*  Ser  Foule ^  c'est-à-dire  Foulques  (-|- 1 1 44  ) ,  père  de  Baudouin  III 
(-[■  1 162).  —  Foulques  était,  en  eflfet,  le  troisième  roi  de  Jérusalem 
après  Baudouin  l". 

^  C'est-à-dire  vers  11 36  ou  1137. 

*  Notre  scribe  ne  dit  pas  comment,  mais  le  Kamel-el-Tewarikh 
d'Ibn-AJ-Athir  comble  cette  lacune.  Voir  le  passage  que  nous  avons 
cité,  Journal  asiatique,  1888,  t.  II,  p.  489-490.  —  Aboulféda  fait 
aussi  allusion  à  ces  faits. 

*  Le  nom  de  cet  évêque  arménien  est  inconnu.  Aucun  des  deux 
récits  ne  le  nomme. 


64  JANVIER  1889. 

rois  avaient  sollicité  sa  mise  en  liberté  \  mais  il 
n  avait  pas  été  délivré.  C'est  pourquoi  le  religieux 
(évêqué  des  Arméniens)  demanda  sa  liberté,  espé- 
rant en  retirer  profit  et  se  faire  un  nom  dans  le 
monde.  La  femme  et  les  parents  [de  Gounefar]  lui 
avaient  promis ,  en  effet ,  que ,  s'il  le  faisait  mettre  en 
liberté,, on  lui  donnerait  un  village.  Une  fois  donc 
quon  lui  eut  garanti,  par  serment  et  peut-être  en- 
core par  des  moyens  plus  persuasifs,  ce  qui  était 
arrivé  et  ce  qui  arriverait  (?),  s'il  faisait  délivrer  le 
captif,  les  Arméniens  demandèrent  celui-ci  à  l'émir  ^ 
d'Egypte  qui  le  leur  accorda. 

10.  «Le  retour  de  Gounefar  fut  la  cause  de 
grands  ennuis  pour  beaucoup  de  personnes,  car  sa 
principauté  avait  été  prise  par  bien  du  monde  et  il 
s'était  écoulé,  depuis  (sa  disparition),  un  temps  con- 
sidérable. Nous  en  souffrîmes,  nous  aussi,  assez 
notablement;  car,  après  l'incarcération  de  ce  prince 
jusqu'à  l'année  rapportée  plus  haut  (  1 1 3  7  ) ,  les  métro- 
politains antérieurs^  et  notre  père  (Ignace)  n'avaient 
pas  cessé  de  réparer  le  monastère  et  de  résider  à 
^Adecieh.  (Ignace)  avait  même  bâti  deux  églises*  et, 
en  rassemblant  de  tous  côtés  une  nombreuse  com- 


^  Probablement  à  l'époque  de  la  captivité  de  Baudouin  II  (1 128- 
ii3d)*  peut-être  même  auparavant. 

^  Hafedh  Lidyn-AUah  (iiSo-ii^q). 

'  Cyrille  et  celui  qui  lui  avait  succédé  de  iio3-iiod  à  iiaS, 
ainsi  que  nous  l'apprend  le  second  récit. 

*  Ce  qui  prouve  qu'en  11 38  cet  Ignace  était  déjà  métropolitain 
de  Jérusalem  depuis  plusieurs  années.  —  Le  manuscrit  de  Paris 
nous  apprend  qa'il  l'était  depuis  le  13  octobre  11 25. 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  65 

munauté  de  frères,  il  avait  fait  un  couvent  remar- 
quable. 

1 1 .  «  Lorsque  Gounefar  se  présenta  au  roi  et  à 
ses  seigneurs  ^  ceux-ci  le  considérèrent  comme  un 
mort  qui ,  sorti  du  tombeau ,  revenait  à  eux.  Us  se 
réjouirent  cependant  beaucoup,  en  le  voyant  âgé, 
parce  que  c'était  un  des  premiers  et  des  plus  illustres 
[croisés].  Le  roi  ordonna  qu'on  lui  rendît  tout  ce 
qui  lui  avait  appartenu  avant  qu  il  fût  emmené  en 
captivité,  et,  le  décret  une  fois  publié,  il  se  trans- 
porta, avec  son  armée  et  une  fouie  composée  de 
toute  espèce  de  personnes,  à  Beïth-Gabrin 2,  pour 
la  rebâtir.  C'était,  en  effet,  autrefois  une  ville  re- 
nommée. 

12.  «  Nous  n'avions  pas  entendu  parler  du  décret 
rendu  par  le  roi ,  à  Jérusalem  ;  mais  soudain ,  celui 
qui  remplaçait  le  roi  envoya  des  hommes  à  ses 
ordres  à  notre  père  (Ignace),  pour  lui  notifier  le 
décret  promulgué  par  le  roi  et  par  ses  seigneurs ,  et 
pour  lui  dire  :  «  Enlève  dans  le  couvent  de  ^Adeçieh 
«  tout  ce  qui  est  à  toi  et  quitte-le ,  car  un  tel  doit  en 
a  prendre  possession  à  ta  place!  »  On  juge  si  nous 
tombâmes  dans  l'étonnement  et  la  tristesse!  Au 
contraire,  le  peuple  envieux  et  ennemi  de  la  foi 
orthodoxe,  qui    porte    le   nom   de    Melchite,   fut 


*  Probablement  dans  les  premiers  jours  de  1  iSy,  puisque  le  vizir 
arménien,  Babram,  fut  disgracié  au  mois  de  février  1 187. 

*  Ëleuthéropolis  appelée  Baito-Gabra  ou  Beitb-djibrin  par  les 
Arabes.  Voir  Guillaume  de  Tyr,  dans  Historiens  latins  des  Croisades, 
I,  p.  689. 

XIII.  5 

ItiralMEftlR    «VTIORALI. 


06  JANVIER  1889. 

dans  la  joie  et  la  jubilation ,  car  il  se  disait  :  «  Voilà 
«  qu'on  enlève  enfin  aux  Jacobites  leurs  propriétés!  » 
On  lui  avait,  en  effet,  déjà  pris  les  siennes.  Quand 
il  apprit  la  décision  rendue  par  le  roi ,  notre  père  — 
que  Dieu  le  conserve!  —  mit  toute  sa  confiance  et 
tout  son  espoir  en  Dieu  et  en  ses  saints  :  il  ne  cessa  de 
prier  jour  et  nuit,  lui  et  tout  son  peuple,  conjurant 
Dieu  de  terminer  pacifiquement  la  persécution  ter- 
rible qui  avait  fondu  sur  nous. 

1 3.  «  Il  écrivit  aussi  à  la  reine  ^  ^—  que  Dieu  la 
conserve!  —  laquelle  était  animée  envers  nous  de 
sentiments  favorables,  car  elle  avait  été  formée  par  la 
reine  sa  mère  à  la  piété.  Aussi ,  elle  était  pleine  de 
charité  pour  notre  Église  et  pour  notre  peuple;  elle 
(la  bien  prouvé),  car  elle  a  souffert  beaucoup  pour 
nos  affaires ,  non  pas  seulement  parce  qu'on  nous  a 
enlevé  nos  villages,  mais  encore  à  cause  de  la  fatigue 
et  des  ennuis  que  la  persécution  a  causés  à  notre 
père  Ignace.  Le  roi  étant  éloigné ,  elle  lui  a  envoyé 
un  courrier,  pour  le  mettre  au  courant  de  la  vérité , 
et  pour  lui  faire  connaître  les  fatigues  et  les  dépenses 
que  nous  avions  subies  en  faisant  des  constructions. 
Elle  a  montré  aussi  que,  depuis  Tépoque  des  Arabes, 
les  villages  nous  appartenaient.  Elle  a  donc  écrit  au 
roi ,  à  Beith-Gabrin ,  le  suppliant  de  nous  aider  de 


^  Mélissende,  Glle  de  Baudouin  II  et  de  la  reine  Marfie,  femme 
de  Foulques  et  mère  de  Baudouin  III.  —  Ducangc,  Familles  dOu- 
tre-mer,  p.  i3-id.  —  Marfie,  mère  de  Méiissende,  était  une  prin- 
cesse arménienne.  Elle  devait  par  suite  s'intéresser  aux  Ghriea- 
taux. 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  07 

toutes  ses  forces.  Le  roi  a  donc  donné  ordre  à  tous 
ceux  qui  ont  des  procès  avec  Gounefar  de  se  trans- 
porter dans  cette  ville.  La  reine  a  commandé  égale- 
ment aux  princes  et  aux  ministres  du  roi  d  aider  le 
religieux  (métropolitain  Ignace),  les  assurant  quelle 
considérerait  cela  comme  une  grande  faveur. 

i  II'  «  Quand  donc  est  venu  le  moment  de  com- 
paraître, notre  père  s  est  rendu,  avec  ceux  qui  étaient 
avec  lui ,  à  Beith-Gabrin  et  nous  nous  sommes  pré- 
sentes  devant  le  roi ,  le  deuxième  soir  de  Tentrée  du 
Jeûne  des  Ninivites  ^  vers  le  commencement  du  mois 
béni  de  Chebot.  Quand  le  roi  reçut  notre  père,  il  se 
réjouit  comme  s'il  avait  reçu  un  ange  ;  il  loua  sa 
piété  et  sa  foi  devant  tous  ses  seigneurs,  et  il  lui 
promit  de  laider  de  toutes  ses  forces ,  en  paroles  et  en 
actes.  Nous  quittâmes  donc  le  roi,  tout  joyeux,  pour 
nous  rendre  à  notre  domicile.  Le  matin  du  jour  sui- 
vant, notre  adversaire  arriva,  lesprit  très  superbe, 
et  il  se  présenta  au  roi.  Aussitôt  le  roi,  et  le  pa- 
triarche des  Francs  ^,  et  tous  ceux  qui  étaient  pré- 

*  On  voit,  par  le  contexte,  que  ces  événements  se  passaient  après 
la  mort  du  patriarche  Jean  Maoudiânâ»  décédé  le  20  août  iiSy. 
Mais  le  scribe  Michel  pi^ise  davantage  la  date ,  car  il  dit  que  le 
procès  fut  entendu  par  le  roi  Foulques ,  à  Beith-Gabrin ,  pendant  le 
Jeûne  des  Ninivites.  — -  Or  le  Jeûne  des  Ninivites  commence,  chez 
les  Jacobites  occidentaux ,  le  Ivuidi  de  la  Septuagésime  et  il  se  termine 
le  samedi  à  matines  (  Assémani ,  Dissertatio  de  Monophysitis ,  p.  1 4 1  «  et 
Bibliotheca  orientalis,  II,  p.  3o5].  —  En  11 38,  le  dimanche  de  la 
Septuagésime  tomba  le  3o  janvier  :  par  conséquent,  le  mardi  soir 
1*' février  était  à  la  fois,  et  le  deuxième  soir  du  Jeûne  des  Ninivites, 
et  le  commencement  du  mois  de  février. 

^  GuUlaume ,  prieur  du  Saint-Sépulcre ,  natif  de  Malines ,  lequel 
gouverna  l'Eglise  de  Jérusalem  de  l'an  ii3o  à  Tan  11 4 4  ou  11 45. 

5. 


68  JANVIER  1889. 

sents ,  le  prièrent  d  accepter  de  nous  de  l'argent  et 
de  demeurer  tranquille.  Seulement,  il  ne  voulut 
pas  acquiescer  à  leurs  désirs,  disant  :  «  Ils  me  donne- 
«  ront  tout  ou  bien  ils  videront  les  lieux ,  car  il  y  a 
«  tant  d  années  quils  dévorent  ma  substance!  »  Tout 
ce  qu'on  put  obtenir  de  lui,  c'est  qu'il  resterait  tran- 
quille jusqu'à  ce  qu'on  serait  de  retour  et  que  l'af- 
faire serait  soumise  à  la  reine.  On  savait,  en  effet, 
qu'elle  était  favorablement  disposée  en  notre  favem*. 
C'est  pourquoi  le  jugement  fut  ajourné,  le  troisième 
jour  de  la  fête  de  ï Entrée  {du  jeûne  des  Ninivites^)* 
Pour  nous,  nous  étions  dans  une  grande  tristesse, 
ne  sachant  comment  nous  nous  tirerions  des  griffes 
[de  Gounefar].  Or,  le  quatrième  jour  de  la  semaine^, 
après  avoir  célébré  l'office  des  matines  de  la  fête  de 
saint  Bar-Tsaouma,  comme  nous  étions,  tous,  dans  la 
tristesse,  notre  père  Ignace  se  leva  et  nous  sdlâmes 
prendre  congé  du  patriarche  et  du  roi.  Gomme  nous 
approchions  de  la  demeure  du  patriarche,  le  roi^ 
regardant  en  face,  nous  aperçut  et,  quittant  ceux  qui 

*  C'est-à-dire  le  mercredi  2  février  11 38. 

^  Le  même  jour,  mais  évidemment  un  peu  plus  tard ,  ainsi  que 
Fauteur  l'indique  d'ailleurs.  On  avait  déjà  célébré  l'office  des  ma- 
tines de  saint  Bar-Tsaouma.  Il  s'agit  ici  du  célèbre  archimandrite, 
qui  fut  un  des  plus  chauds  défenseurs  du  monophysisme  en  449* 
45 1.  Il  mourut  en  458.  Voir  Âssémani ,  Bibliotheca  orientalis,  II, 
p.  1-10.  —  Le  docte  Maronite  parle  ainsi  de  sa  fête  :  tApud  Jaco- 
hitas  vero,  cum  Syros,  tum  jEgiyptios ,  die  tertia  ejusdem  mensis  (fe- 
bruarii)  ut  ex  calendis  Syriacis  et  Arabicis  liquel.t  [Ihid.,  p.  9, 
col.  1 .)  —  Le  mercredi  2  février  1 1 38  était  le  troisième  jour  du 
Jeûne  des  Ninivites,  et  la  fête  de  saint  Bar-Tsaouma  commençait  le 
soir. 


\ 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  69 

étaient  avec  lui,  il  vint  au-devant  de  nous.  B  ac- 
cueillit affectueusement  notre  père  et  il  lui  dit  :  «  Tu 
«  ne  te  délivreras  pas  aisément  de  cethonune.  Il  vaut 
«  donc  mieux  faire  à  présent  ce  que  tu  seras  obligé 
«  de  faire  plus  tard,  même  avec  mon  appui.  Ne  4it- 
«  fère  donc  pas.  »  Poussé  par  Dieu ,  et  prenant  le  ton 
de  la  prière .  .  .  notre  père  saint  remit  toute  laffaire 
au  roi ,  en  lui  disant  :  «  Après  Dieu ,  c'est  par  toi  et 
«  par  la  reine  que  je  suis  dans  ce  lieu.  Je  ferai  donc 
«  ce  que  tu  commanderas.  » 

i5.  «Le  roi  très  content  nous  quitta  aussitôt,  et 
comme  il  rencontra  Gounefar,  il  lui  paria ,  Texhorta 
et  rengagea  vivement.  Il  fit  si  bien,  en  un  mot, 
qu'il  lui  arracha  la  promesse  de  ne  pas  résister  à  ce 
qu'ordonnerait  Sa  Majesté.  On  envoya  donc  incon- 
tinent après  nous,  qui  étions  encore  à  l'endroit 
même  où  le  roi  s'était  abouché  avec  nous,  dans  le 
palais,  et  on  nous  dit  :  «Venez  trouver  le  roi!» 
Nous  abordâmes  donc  notre  adversaire  et  nous 
n'eûmes  pas  besoin  de  l'entretenir  longuement,  car, 
aussitôt  qu'il  aperçut  notre  père,  il  s'approcha,  le 
salua,  jurant,  devant  le  roi  et  devant  les  seigneurs, 
qu'il  n'envierait  plus  désormais  ce  château.  Notre 
père  promit  tout  bonnement  de  lui  donner  aoo  (?) 
dinars  ^ 

16.   «Ainsi  ont  pris  fin,  par  la  volonté  de  Dieu, 

'  Le  mot  est  presque  effacé,  mais  il  semble  bien  qu'il  y  a  eu 
primitivement  ^IJaS  ou  t^^^Jw;  cent  Du  reste,  le  récit  du  manu- 
scrit de  Paris  donne  ce  chiffre.  Il  n*y  a  donc  pas  de  doute  à  avoir 
sur  ce  point. 


70  JANVIER  1889. 

ies  ennuis,  les  fatigues  et  les  dépenses,  que  nous 
avons  supportés ,  à  cause  de  cette  affaire.  Nous  n'en 
avons  raconté  qu'une  partie,  car  il  nous  aurait  fallu 
bien  des  pages,  si  nous  avions  voulu  exposer  cha- 
que  chose  en  détail.  Nous  avons  écrit  ceci  pour  faire 
connaître,  à  laide  d'une  petite  goutte  prise  dans  un 
océan ,  les  travaux  de  notre  père  en  faveur  du  cou- 
vent et  de  ses  fils  spirituels.  Que  le  lecteur  prie  pour 
le  misérable  qui  a  écrit  cette  histoire  ^  !  » 

NOTE  DU  MOINE  ROMANOS. 

17.  «Cet  évangile,  ou,  pour  parler  plus  juste- 
ment, cet  évangéliaire^  a  été  terminé  dans  un  cou- 
vent de  la  ville  sainte  de  Jérusalem^,  Tan  i449 
(1  i38  de  J.-C),  le  a5  du  mois  à* Ah  (août),  parle 
dernier  des  moines,  le  prêtre  bien  indigne,  Ro- 
manos,  secrétaire*  de  notre  père  Mar  Ignace,  mé- 
tropolitain dudit  lieu  et  du  bord  de  la  mer,  par  les 
soins  spirituels  duquel  ce  volume  a  été  écrit.  Mar 
Ignace  la  corrigé ,  car  c'est  le  premier  livre  que  j'ai 
transcrit  ^.  Je  prie  donc  instamment  tous  ceux  qui 

^  Ecrite  le  10  février  1 138 ,  cette  note  est  poslérieure  à  la  fin  da 
procès  de  hiût  jours  seulement. 

^  Uévangéliaire  diifëre  de  V évangile,  en  ce  qu'il  présente  le  texte 
réparti  suivant  l'ordre  des  jours  de  fête. 

^  De  Sainte-Marie-Madeleine. 

*  Le  mot  If^âd^L  disciple  signiGe,  dans  ce  cas»  un  secrétaire  et 
non  un  disciple  proprement  dit. 

'^  Le  volume  est  écrit  en  bel  esthrangélo,  et  c'est  pourquoi  Ro- 
manos  parle  du  premier  livre  qu'il  a  copié,  — -  La  note  finsde,  que 
nous  traduisons ,  est  en  caractère  cursif. 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  71 

liront  ce  livre  d  adresser  à  Dieu  une  prière  fervente 
en  faveur  de  mon  oncle*,  qui  ma  instruit,  formé 
et  conduit  là  où  j'en  suis.  Que  Dieu  le  place  parmi 
ses  saints  !  Amen. 

18.  «  Ignace  a  voulu  que  ce  livre  appartînt  au 
monastère,  c est-à-dire  au  châteaa^,  tant  pour  lavan- 
tage  spirituel  et  le  profit  de  ceux  qui  célèbrent  les 
saintes  solennités  qu  en  souvenir  et  en  commémorai- 
son  perpétuelle  de  son  âme  divine. 

19.  «  Puisque  nous  venons  de  parier  du  château, 
nous  croyons  utile  de  dire  quelque  chose  des  villages 
de  ^Adecieh  et  de  Beiih-^Arîf^,  lesquels  appartenaient 
autrefois  au  couvent.  Ils  avaient,  en  effet,  été  achetés 
à  un  prix  très  élevé  par  félu  de  Dieu ,  Thomas ,  qui 
était  alors  métropolitain  de  Jérusalem^. 

20.  «Mais  du  temps  de  notre  père  (Ignace), 
fan  iliàS  (11 37  de  J.-C),  une  grande  épreuve 
tomba  sur  nous  (à  l'occasion  de  ces  villages),  par 
(la  méchanceté)  d'un  Franc,  qui  venait  d'être  délivré 
des  fers ,  en  Egypte.  C'était  un  de  ces  anciens  Francs 


'  C'est  évidemment  la  signification  du  mot  ««^i^,  quoique  le 
iexique  de  Michadis  ne  présente  pas  ce  terme.  Bar-Hébréus ,  dans 
sa  Grammaire,  p.  1 2  ,  a  le  mot  tante  jJCooik.- 

^  Ji^ad»  'arjpyo6,  tour,  château  fort,  que  le  scribe  Michel  a 
appelé  tout  à  l'heure  du  nom  de  ^""^rr.  forteresse.  On  verra 
bientôt  pourquoi  ou  appelle  ainsi  ce  couvent.  Celui  dont  il  s'agit 
était  situé  à  la  campagne,  hors  de  Jérusalem. 

^  Ces  mots  sont  ponctués  dans  les  deux  manuscrits. 

*  Le  scribe  Michel  nous  parle  bien  des  actes  de  vente  ou  d'achats  qui 
furent  produits  vers  1  io3-i  lod*  par  le  patriarche  Âtlianase  Vil  et 
le'  métropolitain  Cyrille  «  mais  il  ne  nous  dit  point  qui  a  fait  l'achat 
de  Adecich  et  de  Beith-Arif, 


72  JANVIER  1889. 

qui  avaient  pris  Jérusalem.  A  cette  époque,  ii  ny 
avait  dans  ces  villages  aucun  membre  de  notre  com- 
munauté; car,  par  peur. des  Turcs,  tout  le  monde 
s'était  enfui  en  Egypte,  avec  le  métropolitain  Cy- 
rille, celui-là  même  qui  porte  le  nom  dePoulzé  *i  Ces 
villages ,  qui  nous  appartenaient ,  se  trouvaient  dans 
les  propriétés  et  la  principauté  de  ce  Franc  ;  il  s'en 
empara  donc  et  en  jouit  pendant  un  certain  terops^; 
mais  il  fut  fait  prisonnier  et  on  l'emmena  en  Egypte. 
Après  lui ,  un  fils  de  son  frère  ^  les  reçut  en  quelque 
sorte  par  héritage. 

2 1 .  «  Quand  les  Francs  eurent  conquis  Jéru- 
salem*, Mar  Cyrille  revint,  mais  il  n^  put  rien  ob- 
tenir. Le  patriarche  Mar  Athanase  (-h  1 1  îïq)  ,  qui  est 
maintenant  parmi  les  saints,  vint  alors  (en  Psdes- 
tine)  et  il  alla  trouver  le  roi  Baudouin  (I")  (f  1 1 18). 
n  lui  donna  une  somme  d'argent  assez  considérable, 
et  il  finit  par  obtenir  (les  deux  villages)  du  neveu  de 
Gounfero ,  pendant  que  celui-ci  était  encore  prison- 
nier (en  Egypte) ^ 

2  2.  «Les  deux  villages  étaient  en  ruine,  et  per- 
sonne n'a  osé  y  habiter,  par  crainte  des  Arabes  mau- 

*  Ce  récit  est  tout  à  fait  d'accord  avec  le  précédent,  quoique  fait 
d  une  autre  manière.  Cyrille  n'est  pas  même  nommé  dans  la  Bihlio- 
theca  orientalis  d'Assémani. 

*  Littéralement  :  il  les  mangea, 

^  Il  n'est  pas  question  de  ce  neveu  dans  l'autre  récit,  mais  seu- 
lement de  la  femme  et  des  parents. 

*  Littéralement  :  régnèrent. 

^  Ce  récit  nomme  le  roi ,  mais  ne  précise  pas  l'année ,  comme  le 
fait  le  précédent. 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISES.  73 

dits, jusqu'à Tarrivée  d'Ignace ^  surnommé  Hasnoun, 
qui  les  a  fortifiés.  Tout  était  en  ruine ,  tant  à  Tin  teneur 
qu  à  l'extérieur,  li  n  y  avait  pas  mi  seul  appartement 
oùun  évêque^  pût  habiter  décemment.  C'est  pourquoi 
[Ignace]  mit  d'abord  tous  ses  soins  à  réparer  ie  cou- 
vent qui  était  dans  ia  ville  (  de  Jérus^dem  )  et  il  le  rendit 
habitable.  Par  ses  soins  spirituels  il  forma  une  com- 
munauté de  frères  et  il  établit  conune  règle  qu'aucun 
moine  n'habiterait  en  ville,  hors  du  couvent.  C'était, 
en  effet,  un  pasteur  vigilant  et  zélé.  Après  cela,  il 
s'appliqua  à  reconstruire  ce  que  nous  possédions  en 
dehors  de  la  ville.  Ayant  trouvé  deux  anciennes 
ssdles  voûtées^,  il  établit  tout  autour  un  rempart 
solide.  Mais,  comme  il  marchait  sur  les  traces  des 
anciens,  le  seigneur  l'aima  et  le  prit  avec  lui.  C'est 
pourquoi  ceux  qui  restaient  après  lui  furent  dans  un 
deuil  et  une  douleur  difficiles  à  imaginer*. 

23.  «  Lorsque  la  douloureuse  nouvelle  fut  trans- 
mise au  susdit  patriarche  (Athanase  Vil),  celui-ci 


^  Il  ne  s'agit  pas  ici  dlgnace,  dont  Romanos  était  secrétaire ,  mais 
du  successeur  immédiat  de  Cyrille,  qui  a  dû,  lui  aussi,  s'appeler  Ignace 
et  qui  est  mort  vers  l'an  iiad  ou  l'an  ii25.  —  C'est,  en  efifet, 
en  1135,  le  i3  octobre,  que  l'Ignace  dont  Romanos  était  secrétaire 
entra  à  Jérustiem ,  en  quidité  de  métropolitain. 

*  Les  mots  J-^  ,  ILqaoxié  signifient  partout,  dans  ces  deux 
notes ,  évéque  et  épiscopaU 

^  Le  mot  Iao  ,  qui  revient  plusieurs  fois  dans  ce  récit ,  signifie 
un  ouvrage  voûté,  une  coupole.  Mais,  plus  bas,  le  contexte  s'op- 
pose à  ce  que  ce  soient  des  coupoles. 

^  11  est  visible  que  tout  cela  ne  peut  pas  se  rapporter  à  VIgnace 
dont  Romanos  était  secrétaire.  Il  s  agit  évidemment  de  son  prédé- 
cesseur immédiat. 


74  JANVIER  1889. 

nous  envoya  notre  père  Ignace  Bar-Bousir  de  Gâ- 
dana\  celui  qu'on  appeUait  Aboan,  c  est-à-dire  notre 
bienheureux  père  le  Patriarche,  parce  que  ses  parents 
avaient  eu  soin  de  le  placer  dans  le  palais  patriarcal, 
où  il  fut  élevé  et  acquit  toute  espèce  de  perfection. 
La  grâce  de  Dieu  ïoma,  en  effet,  comme  Niçan 
(orne  la  terre  de  fleurs?),  et  il  montra  plus  de  piété 
que  la  plupart  des  hommes  (ses  contemporains). 

24.  «  Par  suite  de  la  jalousie  ^,  (le  patriarche  Mar 
Athanase)  le  fit  métropolitain  et  le  désigna  pour 
Edesse.  Il  fut  fait  évêque  fan  1 43o  des  Grecs  (1119 
de  J.-C),  eAors  que  Bar-Tsabouni  était  à  Edesse  et 
excommunié^.  C  est  pourquoi  (le  patriarche)  envoya 
notre  père  à  Amid ,  4m  siège  qui  lui  appartenait.  Il 
remplit  là  les  fonctions  épiscopales*  durant  cinq 
ans;  il  bâtit  et  répara  la  forteresse;  puis,  comme  il 
tomba  malade,  le  patriarche  se  rendit  à  Amid,  et 

^  Le  métropolitain  Ignace,  oncle  de  Romanos. 

*  L*auteur  ne  dit  pas  qui  jalousait  Ignace  Ahoun;  mais  nous  savons , 
par  Bar-Hébréus  (Chronicon  ecclesiasU,  II,  p.  459-482),  que  le  long 
patriarcat  d'Athanase  VII  (1090-1129)  fut  très  troublé. 

'  Ignace  Bar-Bousir  fut  sacré  évéqne  en  1119.  Gela  détermine, 
par  suite,  d'une  manière  plus  précise  que  ne  le  fait  Bar-Hébréus.' 
(Chromcon  ecclesiasU,  II,  p.  467-476),  l'époque  où  eurent  lieu  les 
démêlés  d'Abougaleb  Bar-Tsabouni  avec  Atbanase,  qui  abreuvèrent 
d'ennuis  les  dernières  années  de  celui-ci.  Bar-Tsaboani  avait  été 
excommunié  parce  qu'il  retenait,  malgré  ses  promesses,  quelques 
biens  de  la  manse  patriarcale. 

^  L'auteur  emploie  le  mot  de  jto*«aM  tout  seul,  pour  désigner 
les  fonctions  episcopales.  Ignace  demeura  donc  à  Amid  jusqu'en 
septembre  1124.  A  partir  de  septembre  11 2 4 1  il  résida  à  Anâbad 
jusqu'en  juin  1 1 2  5  ;  et  c'est  alors  qu'il  se  mit  en  route  pour  Jéru- 
salem. 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  75 

croyant  (notre  père)  gravement  atteint,]*!  le  fit  aller 
à  Sabâbarek ,  (jui  fait  partie  du  diocèse  d'Ëdesse.  Notre 
père  fut  reçu  dans  un  couvent  nommé  Ânâbad,  et 
y  passa  un  hiver,  depuis  le  mois  d'Ëloul  (septembre) 
jusqu'au  mois  de  Haziran  (juin^).  Il  quitta  ensuite 
cet  endroit  pour  se  rendre  à  Jérusalem.  Eln  route  il 
sacra  de  nombreux  prêtres  et  diacres,  par  ordre  du 
bienheureux  patriarche. 

25.  «B  arriva  à  Jérusalem,  le  12  du  mois  de 
Tischrin  premier  (octobre),  le  deuxième  jour  de  la 
semaine,  au  commencement  de  Tannée  [lAjSy  (des 
Grecs,  c est-à-dire  iiaS  de  J.-C.^).  Il  ajouta  aux 
constructions  qu'il  trouva  terminées  au  mioins  deux 
fois  autant^;  sur  la  porte  du  couvent  il  fit  élever 
trois  salles  voûtées  et  établit  au-dessus  une  belle  loggia 

^  Sabaharek  était  probablement  dans  un  dimat  plus  doux  quAmid, 
et  c'est  pour  cela  qu'Ignace  Bar-^ousk*  s'y  rendit  vers  la  fin  de  1 1 24  ; 
il  n'y  resta  pas  un  an.  Sabaharek  a  eu,  au  xn*  siècle,  pdusieurs 
évêques,  dont  l'un  même  fut  déposé  en  11 55»  H  est  probable  ce- 
pendant qu'Ignace  s'y  transporta  uniquement  à  cause  de  sa  santé; 
car  le  terme  syriaque  |]],  n'indique  pas  une  iponslation  d'un  dioche 
à  un  autre.  L'auteur  observe  d'ailleurs  que  cette  localité  était  dans 
le  diocèse  d'Edesse,  Il  n'y  a  donc  pas,  ce  semble,  à  songer  à  une 
vraie  translation.  Voir  Assémani,  Biblioth,  orient,  II,  p.  36 1,  et 
Dissertatio  de  Monophysitis ,  p.  109.  —  J.  Abi>doos,  Greg^  Bar- 
Hebrœi  Chronie.  ecclesiaslicmn,  II,  p.  4g9-5oo. 

'  En  iia5,  les  Pâques  tombèrent  le  a  9  mars  et  le  12  octobre 
fut  un  lundi. 

'  Ignace  étant  mort  le  19  mai  11 38,  à  Saint-Jean-d*Acre,  gou- 
verna l'Église  de  Jérussdem  douze  ans  sept  mois  sept  jours.  Cet 
espace  de  temps  lui  permit  de  faire  de  nombreuses  réparations 
aux  bâtiments  et  aux  propriétés  des  Jacobiles.  Aussi  on  comprend 
très  bien ,  à  l'aide  de  ce  second  récit ,  les  éloges  dont  l'auteur  du 
premier  comble  le  métropolitain. 


76  JANVIER  1889. 

carrée,  voulant  que  le  tout  serve  de  résidence  aux 
pèlerins  ^  et  aux  étrangers ,  afin  qu'ils  s'y  reposent  et 
prient  pour  lui ,  aussi  bien  que  pour  ses  aïeux. 

26.  «  Il  acheva,  en  dehors  de  la  ville,  le  château 
et  bâtit  une  église  dans  la  cour  carrée.  En  bas ,  tout 
autour  du  château,  il  construisit  de  grandes  ssdles 
voûtées,  au-dessus  desquelles  il  disposa  des  cellules. 
Il  lit  de  l'endroit  un  couvent  et  un  monastère  re- 
nommé. A  l'angle  sud-est,  il  édifia  une  grande  et 
superbe  église,  qu'il  pourvut  de  tout  ce  qui  était 
nécessaire ,  notamment  de  prêtres ,  de  diacres  et  de 
moines,  lesquels  se  sont  efforcés  de  terminer  les 
bâtiments  de  ce  lieu-. 

2 y.  «Mais  quand  tout  fut  achevé,  soit  à  cause 
de  nos  péchés ,  soit  parce  que  Dieu  veut  éprouver 
les  justes,  le  Franc,  dont  nous  avons  parié  plus 
haut,  fut  délivré  par  l'entremise  de  l'évêque  armé- 
nien (de  Jérusalem^).  Il  revint  donc  (d'Egypte)  et  il 
vexa  la  ville  tout  entière,  mais  nous  plus  que  per- 
sonne, parce  que  nous  étions  faibles.  Tout  d'abord, 
on  nous  signifia  de  sortir  de  tous  les  lieux,  afin 
que  le  Franc  pût  entrer  dans  le  couvent.  Ensuite, 


t  .. 


^  Romaaos  emploie  ici  le  terme  Us^^^  qui  désigne  qudcpefois 
les  hérétiques  Messaliens,  lesquels  firent,  en  effet,  parier  d'eux 
vers  ]  125-1  i3o  (voir  Bar-Hébréus,  Chronicon ecclesiast ,  II, p.  479- 
483);  mais,  ici,  il  ne  s'agit  pas  évidemment  deux.  D  ne  peut  être 
question  que  des  pèlerins  qui  venaient  à  Jérusalem  povw  prier. 

*  Ignace  dépensa  évidemment  de  grandes  sommes  et  on  com- 
prend très  bien  que  Tauteur  du  premier  récit  revienne  fréquemment 
sur  ce  thème. 

^  11  manque  ici  les  curieux  détails  que  fournit  le  premier  récit 
et  que  confirme  l'histoire  d'Ibn-M-Âthir. 


X 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISÉS.  77 

nous  devions  aller  le  trouver  et  entamer  avec  lui 
un  procès.  Toutefois,  comme  notre  père  avait, 
par  la  grâce  de  Dieu,  la  faveur  de  tout  le  monde, 
en  particulier,  celle  du  roi,  de  la  reine  et  des 
princes,  après  de  nombreuses  démarches,  il  fut 
arrêté  que  nous  donnerions  200  dinars  (à  notre 
adversaire)  ;  mais  il  nous  fallut  en  donner  autant  et 
plus  au  roi  et  aux  princes.  Moyennant  cela,  nous 
nous  délivrâmes  (de  Gounfero)  et  nous  reçûmes  de 
lui  un  acte  en  langue  franque  scellé  du  sceau  royal*, 
a 8.  «Au  commencement  de  Tannée  i448  des 
Grecs  (1 136  ou  1  iSy  de  J.-C),  le  roi  des  Romains, 
Qalaïni  ^  (Jean  Comnène?) ,  sortit  de  Constantinople, 
s  empara  de  Tarse,  d'Adana,  de  Metsidta,  d'Ana- 
zarbe,  et  il  vint  à  Antioche.  Or,  le  jour  même  où 
l empereur  s  établissait  devant  Antioche,  le  pa- 
triarche Jean  appelé  Maoud'iana  mourait,  le  20  du 

mois  d'août  (1  iSy  de  J.-C).  L'empereur 

et  quitta  Antioche;  il  s  empara  de  Alboun  [Alep.^]  et 
4es  environs,  les  détruisit,  et  massacra  beaucoup  de 
chrétiens  ;  mais  Dieu  le  châtia ,  lui  aussi ,  et  il  rentra 
chez  lui  couvert  de  confusion  ^. 


^  L*autre  récit  est,  ici,  beaucoup  plus  développé,  mais  les  deux 
narrations  sont  parfaitement  d*accord ,  quant  au  fond.  On  trouve- 
rait peut-être,  chez  les  Jacobites  de  Jérusalem,  le  document  en 
langae  franque  dont  il  est  question. 

*  Jean,  fils  d*Alexis  Comnène  (11 18-11 43).  Voir  Gnillaume  de 
Tyr,  dans  les  Historiens  latins  des  Croisades,  XIV,  24-3o  (t.  I ,  p.  64i- 
653). 

'  J*ai  trouvé,  dans  les  Historiens  des  Croisades,  peu  de  chose  qui 
pût  jeter  du  jour  sur  les  faits  mentionnés  ici. 


78  JANVIER  1889. 

29.  a  Comme  TEglise  (jacobite)  était  veuve  (par 
la  mort)  du  patriarche ,  les  lettres  des  évêques  pleu- 
vaient  sur  notre  père  de  tous  côtés  et  sans  pitié.  On 
lui  confiait  toutes  les  affaires,  bien  qu'il  fût  faible 
de  santé,  tout  en  étant  doué  dune  âme  vaillante; 
désireux  de  procurer  fédification  et  la  paix  à  TEglise, 
il  se  résolut  à  descendre  (à  Antioche)  pour  y  réunir 
le  synode,  afin  de  nommer  un  patriarche.  Il  quitta 
donc  Jérusalem,  le  roi  des  jours  (le  dimanche),  2 A 
du  mois  des  fleurs  (ou  de  Nisan ,  2  A  avril  1 1 3  8  ^  ) ,  et  il 
vint  à  Acre.  Il  demeura  là  quelque  temps ,  espérant 
aller,  avec  le  roi ,  de  Jérusalem  à  Antioche.  Mais  la 
miséricorde  du  Seigneur  le  visita  le  cinquième  jour 
(de  la  semaine),  le  jour  de  la  fête  de  saint  Bar- 
Tsaouma^.  La  parole  lui  manqua  dès  qu'il  se  sentit 
atteint  et  il  expira  à  l'heure  du  Nogâh  [compiles). 
Ceux  qui  l'accompagnaient  firent  embaumer  son 
corps,  qu'ils  déposèrent  dans  une  caisse,  et  le  trans- 
portèrent à  Jérusalem,  où  il  arriva  le  matin  du 
lundi  de  la  Pentecôte. 

30.  «  Dire  la  tristesse  et  la  douleur  qui  éclatè- 
rent en  ce  moment  est  chose  impossible  à  la  langue 
humaine.  Il  nous  semblait  que  les  pierres  elles- 
mêmes  pleuraient  de  douleur  et  de  tristesse.  Sa  di- 
vine paternité  nous  a  laissés  orphelins.  Notts  sup- 
plions Notre  Seigneur  de  le  réunir  à  l'apôtre  Pierre 

^  Le  24  avril  11 38  était,  en  eiFet,  nu  dimanche. 

*  li  ne  s'agit  pas  ici  du  Bar-Tsaouma  que  les  Jacobites  honorent 
le  3  février,  mais  du  martyr  Bar-Tsaouma,  qui  était  originaire 
d*£desse. 


LES  PREMIERS  PRINCES  CROISES.  79 

et  à  ses  compagnons.  Quant  à  nous,  qull  nous 
accorde  de  suivre  ses  traces,  d'obéir  à  ses  comman- 
dements, afin  que  nous  soyons  un  jour  trouvés 
dignes  de  ie  rejoindre;  que,  par  ses  prières,  ie  mi- 
sérable scribe ,  qui  a  copié  ce  livre  suivant  ses  forces, 
trouve  miséricorde,  par  Tintercession  de  ceux  qui 
sont  au  ciel  et  de  ceux  qui  sont  sur  la  terre!  Amen.  » 


80  JANVIER   1889. 


LUH-YING-TCHI  LL 


LES  REGLEMENTS  MILITAIRES 

DE  L'EMPEREUR  KIAKING, 

PAR 

M.  DE  HARLEZ. 


Au  commencement  de  notre  siècle ,  tandis  que  Napoléon  I" 
organisait  ses  puissantes  armées  et  les  conduisait  à  des 
victoires  multipliées  par  des  prodiges  d*audace  et  de  savante 
tactique ,  à  Tautre  extrémité  du  monde ,  le  souverain  d*un 
empire  de  trois  cents  millions  dliommes  cherchait  à  réorga- 
niser ses  forces  militaires  pour  rendre  à  sa  puissance  la  soli- 
dité et  Téclat  qu'elle  avait  eus  sous  ses  prédécesseurs. 

Ebranlée  par  des  révoltes  redoutables,  par  des  attaques 
incessantes  de  corsaires  nombreux  et  hardis ,  la  puissance  du 
monarque  mandchou  qui  régnait  alors  sur  TEmpire  chinois 
avait  failli  s'écrouler  et  lui-même  y  perdre  la  vie*.  Les  ré- 
voltés en  voulaient  surtout  à  la  dynastie  étrangère  qui  s'était 
imposée  par  la  force  aux  peuples  de  l'empire  du  Milieu,  et 
qui  se  soutenait  principalement  par  sa  garde  armée ,  répandue 
partout  pour  maintenir  l'obéissance  aux  maîtres  étrangers. 

Les  dangers  que  l'empereur  avait  courus  dans  cette  explo- 
sion violente  du  sentiment  national  lui  avaient  fait  comprendre 
la  nécessité  de  réorganiser  et  de  renforcer  sa  puissance  mili- 
taire qui  assurait  son  pouvoir  et  sa  vie. 

^  L^empereur,  attaqué  par  les  rebelles  jusque  dans  son  palais ,  dut 
combattre  lui-même  pour  échapper  au  glaive  des  assassins.  Cétait 
du  reste  un  prince  peu  estimable,  menant  une  vie  de  Sarclanapale. 


LES  RÈGLEMENTS  MILITAIRES  DE  KU-KING.        81 

C'est  pourquoi  il  fit  publier  une  longue  série  de  règlements 
destinés,  dans  son  esprit,  à  assurer  le  rétablissement  de  la 
discipline ,  Taccomplissement  des  devoirs  qu'elle  impose  aux 
chefs  de  l'armée  et  à  leurs  subordonnés,  et  à  maintenir  sous 
la  main  du  prince  des  troupes  bien  habituées  aux  exercices 
militaires ,  prêtes  à  entrer  en  campagne  et  à  combattre  avec 
succès. 

Pour  cela  il  chargea  un  comité  d'officiers  et  de  magistrats 
supérieurs  de  rédiger  un  projet  et  de  le  lui  soumettre. 

Cela  fait ,  il  y  donna  son  assentiment  et  le  fit  publier  en 
code  de  lois.  C'est  le  recueil  de  lois  et  règlements  militaires 
que  nous  avons  entre  les  mains  et  dont  nous  voulons  dire 
quelques  mots  à  nos  lecteurs. 

Ce  code  fut  rédigé,  à  la  fois,  en  chinois  et  en  mandchou; 
il  forme  Imit  piens,  petit  in-folio,  d'étendue  différente. 

Le  texte  que  nous  avons  sous  les  yeux  est  le  texte  mandchou. 
Les  huit  pieiis  ont  respectivement  VI-58,  87,  85,  84,  76, 
75,  63  et  5i  folios.  Les  feuillets  I  à  VI  du  tome  I"  en  for- 
ment la  préface,  contenant  l'indication  de  l'ordre  impérial, 
de  son  but,  de  son  exécution,  de  la  présentation  du  projet 
au  souverain  et  de  sa  ratification. 

Il  porte  la  date  de  l'an  vu  (6  du  11"  mois)  dit  Saicungga 
fengsen  ou  «  prospérité  brillante  » ,  ce  qui  correspond  à  Kia- 
king,  le  titre  d'année  de  l'empereur  connu  sous  ce  nom  en 
Europe;  et  en  Chine,  sous  le  titre  posthume  de  Yîn-tsong yui. 
On  y  trouve  toutefois  beaucoup  de  décrets  de  son  père  Kien- 
long  [abka-i  wehiyehe)  et  même  de  Yongtcheng,  son  grand- 
père  *. 

^  L'armée  dont  il  est  ici  question  et  pour  laquelle  sont  faits  ces 
règlements  est  ce  quon  appelle  lukying,  Tannée  verte,  ou  de 
rétendard  vert  (luh)^  c*est-à-dire  farmée  chinoise  proprement  dite, 
qui  constitue  la  grande  masse  de  la  force  militaire  des  Chinois  et 
compte  environ  600,000  hommes.  Elle  est  ici  distinguée  dW  autre 
ensemble  de  corps  de  troupes  qui  est  le  cœur  et  Télite  de  Tarmée , 
le  boulevard  de  la  puissance  mandchoue,  et  que  Ton  appelle  les  huit 
bannières  (jakôn  gôsa,  pa-/ri),  parce  que  chacune  a  une  bannière 

xiii.  G 

IMPMURaiB   «ATIMALI. 


82  JANVIER  1889. 

Notre  recueil  porte  le  double  titre ,  chinois  de  Luh  ying 
tchi'li  «lois  des  ofBces  militaires»,  et  mandchou  de  Hese-i 
toktohuha  cooha-i  jargan  i  haita-i  kooli  bithe  «  Livres  des  cou- 
tumes des  aifaires  de  droit  militaire  constitué  par  édit». 
Cliaque  tome  ou  pien  est  composé  de  nombreux  chapitres 
généralement  très  courts.  Le  premier,  en  ses  cinquante-huit 
folios ,  en  compte  plus  de  trente ,  se  rapportant  aux  rangs  et 
grades ,  aux  avancements  et  dégradations ,  au  remplacement 
d'un  officier  par  l'autre ,  au  tribunal  militaire. 

Il  serait  long ,  fastidieux  et  inutile  de  donner  les  titres  de 
tous  ces  chapitres  ou  d'en  indiquer  les  sujets,  plus  encore  de 
commettre  une  traduction  complète  de  ce  recueil.  Nous  nous 
bornerons  à  quelques  extraits  de  nature  à  donner  une  idée 
de  sa  disposition  et  de  son  contenu.  Conmie  l'on  s'y  attend 
du  reste,  ce  ne  seront  point  ceux  d'un  code  militaire  dicté 
par  Frédéric  le  Grand  ou  Napoléon.  Nos  lecteurs  n'oublieront 
point  qu'avec  lui  ils  sont  en  Chine  et  non  en  Europe. 

Le  texte  orignal  fourmille  de  fautes  typographiques  sou- 
vent assez  graves  et  embarrassantes. 

d*une  coulear  spéciale ,  ou  plutôt  il  n*y  a  que  quatre  couleurs ,  mais 
chacune  se  subdivise  selon  que  la  bannière  est  simple  ou  frangée. 
Les  corps  des  bannières  se  composent  de  Mandchous ,  de  Mongols 
et  de  Chinois  établis  en  Mandchourie,  divisés  d'après  leurnationalité. 
Ils  forment  la  garnison  de  Péking,  du  Pe-tche-li  et  des  places  prin- 
cipales et  sont  soumis  à  des  règlements  particuliers.  Cette  division 
en  gôsa  date  de  la  monarchie  mandchoue  originaire.  Chaque  ban- 
nière,  comme  chaque  division  de  Tarmée  chinoise ,  est  divisée  en 
ajle  gauche  et  aile  droite ,  et  chacune  de  celles-ci  a  sa  série  complète 
d'officiers  et  de  généraux  de  la  droite  et  de  la  gauche  d'après  l'an- 
cienne idée  chinoise  qui  partageait  les  ministres,  grands  officiers  et 
historiens  même  attachés  à  l'empereur,  en  hommes  de  gauche  et  de 
droite. 


LES  RÈGLEMENTS  MILITAIRES  DE  KIA-KING.        83 

LIVRE  PREMIER. 

CHAPITRE     PREMIER. 
LISTE  DES  OFFICIERS. 

i**  rang  de  2®  ordre  :  Titah;  Tsiang-kian.  —  Fi- 
deme  kadalara  amban  (général  gouverneur^). 

2®  rang,   1"  ordre  :   Tu-tong,  —  Uheii  kadalara 
amban  (commandant  général). 

2*  rang,  2°  ordre  :  Fa-ta-tong,  • —  Aisilame  kada- 
lara da  (son  lieutenant). 

3*  rang,  i**  ordre  :  Tsong-ping;  Yin-wa-tsan-ling.  — 
Adaha  kadalara  da  (adjoint  au  général  de  brigade). 

3'  rang,  2®  ordre  :  Fu-isiang.  Hiao  ki  Uan-ling,  — 
Dasihire  hafan  (colonel). 

4*  rang,   1*'  ordre  :    Tsan  tsiang.    Fa  hiao  ki  tian 
ling.  —  Adanara  hafan  (lieutenant-colonel). 

^  Chaque  corps  d'armée  est  divisé  en  fractions  auxquelles  on 
donne  nos  dénominations  européennes  de  brigades ,  régiments ,  ba- 
taillons, etc.,  le  tout  assez  improprement,  car  les  divisions  cbi- 
noifles  n*ODt  pas  un  nombre  de  soldats  constant  et  Tordre  progi^essif 
descendant  n  est  pas  régulièrement  suivi.  Le  régiment  a,  en  général, 
4o  compagnies,  chacune  de  25  hommes;  100  hommes  font  un 
bataillon.  Tout  le  corps  des  officiers  est  partagé  en  neuf  rangs  ayant 
chaciupi  deux  degrés.  Le  i*''  degré  du  1^'  rang  ne  figure  point  ici; 
E  appartient  au  ministre ,  aux  membres  de  la  haute  cour  militaire. 
Les  doubles  noms  que  nous  donnons  ici  sont  ceux  des  officiers  soit 
chinob,  soit  des  bannières.  Nous  avons  d'abord  le  gouverneur  géné- 
ral militaire,  ayant  à  côté  de  lui  le  gouverneur  civil  de  la  province 
qui  le  contrôle  et  commande  lui-môme,  parfois,  les  armées.  Après 
lui  le  commandant  des  corps  d'armée ,  son  suppléant ,  le  général  de 
brigade,  etc. 

G. 


84  JANVIER  1889. 

5'  mng,   i"  ordre:  Sheou-pL   Yeo-ki.  —  Tuwa- 
kiyw^a  hafan  (major). 

5*  rang,  2^  ordre:  Tso-ling.  —  Minggatu  {com- 
mandant  de  garnison  ^). 

6*  rang ,  1  "^  ordre  :  Men-sze,  —  Daka  i  mingatta 
(commandant  de  porte). 

6*  rang,  2*  ordre  :  Ying-tsong.  Wei  tsien  long.  — 
Karmangga  i  minggata  (commandant  de  poste). 

■7®  rang,  i*'  ordre  :  Tsien-tsong.  Hiao  hi  hiao.  — 
Baksata  (lieutenant). 

8®  rang,  1"  ordre  :    Wai  weiying  tsong,  —  Taie 
araha  minggata  (soiis-iieutenant). 

S**  rang,  2*  ordre  :  fVai  wei  isien  tsong.  —  Taie 
araha  baksata  (sergent^). 

9*  rang,    T^  ordre  :   fVai  wei  pa  tsong.  —  fVai 
tsong  (sous-officier  adjoint). 

^  n  y  a,  outre  les  grandes  villes,  une  foule  de  forteresses  plas 
ou  moins  considérables,  de  petits  fortins  et  même  de  simples  postes 
militaires  ou  camps.  Les  tribus  aborigènes  ont  des  officiers  spéciaux, 
comme  on  le  verra  plus  loin.  Elles  se  trouvent  principalement  dans 
le  Kan-suh ,  le  Sze-chuen ,  le  Kiang-si ,  le  Yun-nan  et  le  Kouei-tcheoa* 
Notre  livre  cite  les  Miao-tze,  les  Knr-ke,  les  Fan-ize  et  les  Kurokin» 
Elles  ont  leurs  lois  spéciales.  Les  Miao-tze  sont,  ainsi  que  le» 
Fan-tze,  au  Kouei-tcheou. 

*  En  deliors  du  corps  des  officiers. 


LES  RÈGLEMENTS  MILITAIRES  DE  KU-KING.        85 

CHAPITRE  II. 

REMPLACEMENT   DU    FIDEME   KADALARA   AMBAN , 
GÉNÉRAL  GOUVERNEUR. 

Quand  ce  poste  vient  à  vaquer,  on  doit  choisir 
le  remplaçant  du  général  qui  Ta  quitté  parmi  le 
groupe  de  dix  généraux  formé  des  deux  comman- 
dants en  chef  des  deux  ailes  et  des  chefs  de  régiments 
des  huit  bannières,  en  suivant  Tordre  de  la  solde. 
A  la  place  du  nouveau  titulaire  on  fera  monter  l'un 
des  commandants  militaires  généraux  de  province, 
en  suivant  l'âge,  et  Ton  devra  présenter  un  rapport 
à  l'empereur  à  ce  sujet. 

CHAPITRE  III. 

REMPLACEMENT  TEMPORAIRE  DU  GÉNÉRAL  EN  CHEF 

ET  DU  TD-TONG, 

Si  quelque  motif  ne  leur  permet  point  de  remplir 
leurs  fonctions ,  on  devra  confiçr  le  sceau  du  premier 
au  commandant  en  chef  du  canton  voisin.  Si  l'on  est 
près  d'un  chef-lieu  de  gouvernement,  ce  sera  au 
gouverneur  lui-même. 

Le  sceau  du  second  sera  donné  au  fa-ta-tong 
le  plus  voisin.  Si  celui-ci  est  trop  éloigné  de  la  gar- 
nison, ce  sera  au  fa-tu-tong  voisin. 

On  devra  donner  connaissance  de  la  chose  aux 
généraux  remplacés  et  régler  le  tout  selon  les  con- 
venances. 

Si ,  pour  quelque  motif,  ce  mode  de  remplacement 
ne  peut  avoir  lieu,  on  nommera  un  autre  officier 
capable  et  on  en  informera  la  cour  militaire. 


bL^ 


80  JANVIER  1889. 

LIVRE  II. 

CHAPITRE   PREMIER. 

Les  officiers  des  bannières  qui  auront  été  em- 
ployés accidentellement  dans  les  camps  ^  pourront 
après  cela  recevoir  un  grade  et  avancer  en  rang 
comme  les  officiers  du  camp,  s'ils  sont  habiles  à 
manier  lare ,  la  lance ,  à  combattre  à  pied  et  à  cheval , 
et  à  faire  tout  le  service  du  camp.  Si  cette  dernière 
condition  manque  et  qu'ils  ne  soient  pas  non  plus 
propres  pour  les  fonctions  extérieures  du  camp ,  on 
devra  les  renvoyer  au  siège  de  leur  bannière,  où  ils 
reprendront  leurs  premières  fonctions  et  avanceront 
selon  les  coutumes  de  ces  corps. 

CHAPITRE    II. 

Si  quelque  poste  d'officier  vient  à  vaquer,  qui 
ressort  du  droit  militaire  du  Pe-tche-li,  on  suivra 
l'ordre  suivant  : 

Pour  le  ti-tuh  et  le  commandant  général,  on  choi- 
sira en  premier  lieu  un  officier  de  bannière  ;  pour  les 
second,  troisième,  quatrième  cas,  un  officier  de 
l'année  chinoise. 

Pour  les  autres  officiers  on  alternera.  En  premier 
lieu  on  prendra  un  officier  de  bannière;  en  deuxième 
et  troisième,  un  officier  de  camp.  Pour  le  quatrième 
on  choisira  dans  les  bannières  ;  pour  les  cinquième 
et  sixième,  dans  les  camps;  pour  le  septième,  dans 

^  Ici  les  garnisons  des  troupes  chinoises. 


LES  RÈGLEMENTS  MILITAIRES  DE  KIA-KING.        87 

les  bannières  ;  pour  les  huitième,  neuvième  et  dixième, 
dans  les  camps. 

S'il  s  agit  de  la  nomination  d  un  officier  de  ban- 
nière ,  venant  à  son  tour,  on  fera  faire  le  brevet  par 
le  tu-tong  auquel  cela  compte  d  après  le  droit. 

On  choisira ,  après  l'avoir  examiné  avec  soin ,  parmi 
les  officiers  de  bannière,  employés  sur  la  frontière, 
quelqu'un  qui  connaît  parfaitement  les  exercices  et 
affaires  du  camp  et  on  le  nommera,  en  faisant  un 
rapport  en  haut  lieu.  A  la  place  de  ce  dernier,  promu 
de  cette  façon ,  on  nommera  un  officier  pris  parmi 
les  troupes  de  la  capitale  ^. 

LIVRE  III. 

(Fol.  lilx.)  Quand  on  doit  nommer  un  officier  de 
bannière,  le  choix  doit  être  fait  en  tenant  compte  du 
temps  de  service  actif  du  candidat. 

Dans  ces  nominations,  on  doit  d'abord  examiner 
soigneusement  à  qui  le  tour  revient  dans  les  ban- 
nières et  les  deux  ailes.  On  doit  d'abord  tenir  compte 
du  nombre;  puis,  de  trois  nominations,  deux  doi- 
vent se  faire  au  profit  d'officiers  qui  ont  fait  une 
campagne,  la  troisième  seulement  pour  les  autres. 

Si  dans  la  bannière  il  n'y  a  aucun  officier  qui  ait 
fait  la  campagne,  on  pourra,  pour  une  fois,  passer 
le  tour  des  premiers  et  nommer  parmi  les  seconds. 
S'il  sm^ient  un  cas  de  remplacement  où  l'on  ne  doit 

'  Corps  d'élite  des  bannières  gardant  Péking. 


88  JANVIER  1889. 

pas  rester  dans  les  limites  de  la  bannière  ou  de  laile  \ 
on  suivra  la  même  règle. 

Si,  parmi  les  officiers  qui  ont  fait  le  service  de 
guerre,  il  n'en  est  point  qui  se  soit  distingué  par  sa 
bravoure  et  son  habileté  au  maniement  des  armes, 
on  devra  en  informer  avec  toute  sincérité  la  cour 
militaire  et  ne  point  prendre  prétexte  du  tour  venu 
pour  faire  avancer,  sans  souci  des  suites,  quelqu'un 
qui  ne  mérite  pas  confiance^. 

LIVRE  IV. 

Le  livre  IV  donne  une  série  de  règles  propres  aux  diffé- 
rentes provinces.  En  voici  des  exemples  : 

1.  (Fol.  6o.)  S'il  vient  à  vaquer  un  poste  du  rang 
de  gouverneur  ou  général  de  brigade  en  second  du 
Kiang-si,  ou  de  général  de  brigade  des  camps  de 
Kuang-sin  et  Ou-tcheou^,  ou  de  colonel  des  camps  de 
Kiang-shan*,  Fou-liang,  Ou-ning^  et  Yong-sin  ^,  ou 
de  major  jusqua  tu-tong  de  Kiou-kiang"^,  on  nom- 
mera à  leur  place  respectivement,  en  choisissant 
parmi  les  commandants  généraux,  les  fonctionnaires, 
les  gouverneurs  du  ressort,  les  généraux  de  brigade. 


^  Mais  nommer  quelqu'mi  d'un  autre  corps,  comme  on  Ta  vu 
plus  haut. 

^  Houan.  Litt.  faire  avancer  en  se  conflant  négligemment  sans  s*as 
surer. 

^  Au  Kouang-si. 

*  Au  Tche-kiang. 

^  Au  Kiang-si. 

^  Idem. 

'  Au  Kouang-tong. 


LES  RÈGLEMENTS  MILITAIRES  DE  KIA-KING.        89 

les  lieutenants-colonels  et  majors,  conformément  aux 
règlements. 

Si  rofficier  ainsi  promu  ne  parvient  pas  à  rétablir 
ou  maintenir  l'ordre  parmi  ses  nouveaux  subor- 
donnés, on  devra,  après  qu'il  aura  dénoncé  ces  mé- 
cbantes  gens  qui  troublent  l'ordre ,  le  faire  descendre 
de  deux  rangs. 

2.  (Fol.  65.)  Pour  remplacer  le  lieutenant-colonel 
commandant  de  la  ville  de  Ku-ke  au  Shari-si  ou  le 
major  du  camp  de  Fong-tchouen  \  le  gouverneur 
compétent  devra  choisir  un  des  officiers  de  race 
mandchoue. 

Pour  remplacer  le  gouverneur  du  Shan-si  ou  ie 
général  de  brigade  en  second ,  on  choisira  parmi  les 
fonctionnaires  de  ce  gouvernement ,  ou  les  généraux 
de  brigade  de  la  province ,  quelqu'un  qui  connaît  par- 
faitement tout  ce  qui  concerne  les  camps ,  qui  aura 
une  pratique  éprouvée,  et  Ton  s  assurera  de  ces  qua- 
lités par  une  enquête  minutieuse. 

3.  (Fol.  67.)  S'il  s'agit  des  postes  de  lieutenant 
générîd  de  la  passe  de  King-tze,  de  colonel  comman- 
dant du  camp  de  Teng-sin,  de  lieutenant-colonel 
des  forts  de  Nei-hoang^,  ou  de  major  commandant 
de  la  ville  de  Lu-shi^,  les  fonctionnaires  de  la  pré- 
fecture et  le  général  commandant  devront  se  réunir 
et  délibérer  afin   de  choisir  sûrement  un  officier 


^  Au  Kouang-toDg. 
^  Au  Kiang-si. 
^  Au  Shen-si. 


90  JANVIER  1889. 

vertueux,  capable,  zélé,  connaissant  parfaitement 
toutes  les  exigences  du  lieu,  au  niveau  de  sa  position, 
pour  le  promouvoir  à  la  place  de  lautre. 

S*il  n'en  est  aucun  qui  réponde  à  ces  conditions, 
ou  devra  présenter  un  rapport  et  en  choisir  un  autre 
conformément  au  décret  souverain. 

DES    FONCTIONS    CONFÉRÉES    PAR    FAVEUR 
POUR  CAUSE   DE  MALHEUR  ^ 

(Fol.  84.)  Lorsque ,  pom*  Taider  en  un  malheur,  un 
Chinois  a  reçu  une  fonction  de  faveur  de  moitié  avec 
un  fonctionnaire  héréditaire,  il  doit  s'instruire  confor- 
mément aux  rè^ements  et  se  présenter  de  lui-même 
pour  être  renvoyé  dans  sa  province^,  y  être  incor- 
poré dans  un  camp,  une  garnison,  et  s'y  instruire.  Si 
après  trois  ans  il  a  acquis  une  parfaite  connaissance 
du  maniement  des  armes  et  de  tout  ce  qui  concerne 
le  camp,  on  devra  l'envoyer  à  la  cour  militaire  et 
quand  il  s'y  sera  présenté,  il  recevra  une  fonction 
de  la  cour  elle-même  où  l'on  présentera  un  rapport 
et  l'on  attendra  qu'il  reçoive  du  pouvoir  supérieur 
une  nomination  dans  sa  province. 

Si  c'est  un  capitaine  ou  un  lieutenant  qui  est  dans 
ce  cas ,  on  l'enverra  s'instruire  dans  un  camp ,  et  après 


^  A  un  lettré  distingué  dans  ses  examens ,  à  un  personnage  mé- 
ritant, ou  fils  d'un  fonctionnaire  digne  de  récompense,  mais  réduit 
à  la  misère. 

^  Après  sa  nomination ,  il  retourne  chez  lui  s'instruire  des  devoirs 
de  la  fonction  confiée,  puis  reçoit  un  emploi  déterminé  dans  une 
compagnie.  Il  n  a  d'abord  qu'un  titre  sans  exercice. 


LES  RÈGLEMEiNTS  MILITAIRES  DE  KIA-KJNG.        91 

une  année  révolue  on  ne  le  renverra  pas  à  la  cour, 
mais  on  l'avancera  en  grade  sans  autre  formalité. 

Les  lieutenants-colonels,  majors,  capitaines  et 
lieutenants  et  autres  officiers  ordinaires  doivent  être 
répartis  entre  les  camps  pour  s*y  instruire ,  et  après 
cinq  ans  révolus,  jour  pour  jour,  s'ils  sont  exercés  à 
toutes  les  vertus  militaires  et  au  maniement  des 
armes ,  et  dignes  de  considération ,  on  devra  les  faire 
avancer  en  grade  selon  leur  tour,  leur  temps  de  ser- 
vice, dans  le  camp  de  leur  province^,  s'il  s'agit  de 
majors  et  officiers  supérieurs,  et  quant  aux  autres, 
dans  le  camp  de  leur  endroit.  Si ,  zélés  d'abord ,  ils 
deviennent  ensuite  né^igents ,  et  de  là  faibles  et  inin- 
telligents, indignes  d'entretien  et  d'attention,  on 
devra  les  destituer  et  les  renvoyer  chez  eux.  Si ,  re- 
connaissant leur  insuffisance ,  ou  tombés  dans  Tira- 
puissance,  ils  demandent  eux-mêmes  leur  retraite, 
faites  examiner  la  chose  et  accordez-leur  de  se  re- 
tirer. 

Si,  choisis  à  l'examen,  ils  deviennent  infidèles  à 
leur  devoir  et  rebelles ,  que  leurs  chefs  constatent  ce 
qui  en  est,  les  dénoncent  aux  généraux  et  gouver- 
neurs ,  fassent  un  examen  sévère  de  la  chose  et  les 
punissent  sévèrement.  Aux  lieutenants  et  capitaines 
devenus  vieux  ou  tombés  dans  le  malheur  que  l'on 
donne  pour  chacun  une  double  ration  et  solde  de 
cuirassier  à  cheval.  A  ceux  qui  ont  été  renvoyés  à 
finstniction ,  que  l'on  donne  la  ration  et  paye  d'un 

^  A  la  garnison  du  chef-lieu;  les  autres ,  dans  ceUe  qui  est  la  plus 
proche  de  leur  endroit  natal. 


92  JANVIER  1889. 

cuirassier  à  cheval  et  le  fourrage  du  cheval,  mais 
rien  de  plus  qu  à  un  soldat  ordinaire. 

Les  lieutenants-colonels  et  majors  seront  traités 
comme  les  Chinois  pourvus  de  postes  héréditaires  et 
recevront  les  mêmes  provisions. 

LIVRE  V. 

DÉCRET  DE  YOUG-TCHENG. 

Des  oiUciers  en  deuil. 

(Fol.  8.)  De  Yong-tcheng,  la  i3'  année,  le  lo* 
mois.  Décret  suprême. 

Moi,  lorsque  je  me  suis  assis  sur  le  trône,  j'ai 
porté,  dans  le  décret  publiant  les  faveurs  qui  des- 
cendent du  trône  à  cette  occasion,  que  tous  les 
officiers  tant  mandchous  que  chinois,  tant  de  l'in- 
térieur que  de  Textérieur^,  depuis  le  premier  degré 
jusqu'au  neuvième,  obtiendraient  tous  im  titre.  Jaî 
voulu  encore  étendre  cette  grâce,  pour  tous,  aux  fils 
qui  augmenteraient  la  gloire  de  leurs  parents  et 
fortifier  la  sainte  pratique  d'accomphr  parfaitement 
les  devoirs  de  fidélité  et  de  développer  la  piété  filiale. 
Aussi ,  comme  lancienne  coutume  était  de  ne  point 
accorder  de  litre  aux  fils  qui  seraient  en  deuil  de 
leurs  parents ,  après  y  avoir  bien  réfléchi ,  je  n  ai  point 
voulu  que  les  officiers  en  deuil  de  père  et  mère  et 
qui ,  conformément  aux  lois  de  Tempire ,  accompli- 
raient leurs  devoirs  de  piété  filiale  pendant  le  temps 

*  Du  Pe-tche-li  ou  des  autres  proviuces. 


LES  RÈGLEMENTS  MILITAIRES  DE  KIA-KING.        93 

de  deuil  ^  fussent  dans  Ja  même  position  que  les 
fonctionnaires  qui  auraient  perdu  leurs  places  parce 
qu'ils  auraient  demandé  un  congé  et  se  seraient  re- 
tirés chez  eux. 

C est  pourquoi  jai  voulu  que  les  officiers  en 
deuil  reçussent  une  nouvelle  grâce  en  rapport  avec 
leur  place  ;  car  s'ils  illustrent  leurs  parents  par  leur 
conduite  et,  malgré  cela ,  restent  sans  titre  à  cause  de 
leur  deuil ,  il  y  a  quelque  chose  de  contraire  à  la  justice 
dans  ce  fait  qu'ils  ont  ainsi  à  souffrir  de  leur  malheur. 

Par  conséquent  que  la  cour  dont  ils  dépendent 
examine  leur  situation  et ,  leur  accordant  un  titre  en 
rapport  avec  leur  grade ,  leur  permette  ainsi  de  mener 
à  terme  leurs  pensées  de  piété  filiale. 

Décret  suivant ...  an  xiii ,  i  2®  mois. 

J'ai  ordonné  par  un  précédent  décret  que  les  offi- 
ciers en  deuil  de  leurs  parents  fussent  pourvus  d'un 
apanage  convenable.  Mais  ce  n'est  point  assez. 

Il  y  a  des  officiers  qui  ont  demandé  leur  retraite 
pour  pouvoir  entretenir  leurs  parents  et  rentrer  chez 
eux.  Or,  tous  ceux  qui  ont  sollicité  cette  permission 
et  ont  quitté  leur  poste  pour  entretenir  leurs  parents, 
trop  vieux  pour  se  suffire  à  eux-mêmes,  sont,  par 
suite  des  lois  sur  les  fiefs,  assimilés  à  ceux  qui  ont 
leurs  parents  dans  une  situation  brillante  et  sont 
comme  eux  sans  ressource. 

^  Tout  fonctionnaire  qui  perd  ses  parents  doit  abandonner  sa  place 
pendant  le  temps  du  deuil.  L'empereur  lui-même  ne  gouverne  pas 
avant  la  fin  du  deuil. 


94  JANVIER  1889. 

Ils  sont  vraiment  dignes  de  pitié.  C  est  pourquoi 
j'ordonne  qu'ils  soient  tous  pourvus  selon  leur  rang 
et  que  leur  piélé  filiaJe  soit  ainsi  comblée  de  joie. 

RÈGLES  GÉNÉRALES  DE  LA  COLLATION  DES  TITRES  ^ 

1.  (Fol.  1 4.)  Le  décret  accordant  un  titre  à  tout 
officier  qui  l'a  sollicité  doit  sortir  son  efFet  du  jour 
même  de  sa  publication. 

2.  Les  officiers  en  faveur  de  qui  un  décret  de 
collation  de  titre  a  été  porté  ne  pourront  avoir  qu'un 
seul  titre  pendant  une  même  fonction,  et  un  seul 
titre  posthume. 

3.  Les  officiers  qui  n'ont  point  obtenu  de  titre  par 
les  décrets  antérieurs  et  que  l'on  aura  présentés  à 
l'empereur  pour  en  obtenir  un,  selon  leur  grade, 
non  seulement  en  recevront  un ,  mais  ce  titre  comp- 
tera pour  le  grade  qu'ils  avaient  lors  des  décrets 
précédents  et,  s'ils  changent  dégrade,  ils  pourront 
obtenir  un  nouveau  titre. 

4.  S'ils  viennent  à  être  élevés  en  grade,  ils 
prendront  le  titre  attaché  à  ce  grade. 

5.  S'ils  reviennent  à  leur  ancien  grade ,  ils  repren- 
dront leur  ancien  titre;  s'ils  changent  de  fonction,  ils 
changeront  également  de  titre. 

6.  Ceux  qui  n'ont  pas  encore  effectué  le  change- 
ment peuvent  demander  le  titre  du  grade  qu'ils  ont 

*  Voir  les  deux  dernières  pages  et  la  note  2  ,  p.  io4. 


LES  RÈGLEMENTS  MILITAIRES  DE  KIA-KINGk        95 

à  ce  moment ,  pour  eux  et  pour  leurs  épouses  ;  mais 
pas  celui  du  grade  qu'ils  ont  en  vue  d'obtenir. 

7.  Si,  avant  la  concession  de  Tédit  accordant  le 
titre ,  ils  montent  en  grade,  ou  changent,  ils  ne  pour- 
ront plus  obtenir  le  titre  lorsque  cet  édit  aura  été 
publié. 

8.  Lorsqu'un  officier  a  demandé  le  titre  d'un  grade 
et  qu'au  moment  où  l'édit  paraît  il  sollicite  un  avan- 
cement, on  devra  lui  refuser  cet  avancement  et  le 
renvoyer  devant  le  grand  conseil  pour  le  faire  rester 
à  son  grade.  S'il  a  déjà  acquis  le  titre  et  rendu 
les  insignes  de  son  grade  antérieur,  on  les  échan- 
gera. 

9.  Tout  officier  malade  et  en  traitement,  n'occu- 
pant pas  actuellement  ses  fonctions,  sera  privé  du 
droit  de  porter  son  titre. 

10.  Si,  après  avoir  acquis  le  titre  pendant  qu'il 
occupait  encore  son  poste,  il  vient  à  mourir  de  cette 
maladie,  même  après  avoir  quitté  ses  fonctions,  il  lui 
sera  conféré  le  titre  de  ce  grade  et  le  titre  posthume 
convenable. 

1 1 .  Lorsque  l'on  accorde  un  titre  de  vie  ou  pos- 
thume à  un  père  ou  à  un  grand -père,  en  considéra- 
tion de  ses  enfants  ou  petits-enfants ,  si  la  fonction 
de  ces  enfants  était  élevée  et  celle  de  leur  parent 
inférieure,  on  conférera  à  celui-ci  un  titre  en  rapport 
avec  le  rang  du  fils.  Dans  le  cas  contraire,  on  ne  peut 


96  JANVIER  1889. 

décorer  le  père  ou  grand-père  du  titre  de  son  grade  ^ 
On  ne  peut  décorer  ainsi  un  père  encore  en  fonction  ; 
mais  s'il  est  mort  après  avoir  cessé  ses  fonctions, 
on  pourra  lui  donner  un  titre  de  vie  et  posthimie. 

12.  A  un  père  ou  à  une  mère  qui  a  deux  fds  on 
accordera  un  titre  en  rapport  avec  le  grade  le  moins 
élevé  de  ces  deux  fils. 

13.  S'il  s'agit  d'une  femme  pour  qui  l'on  demande 
un  titre  en  raison  des  mérites  de  son  fils  et  que  le 
mari  de  cette  femme  ait  été  aussi  officier,  on  accor- 
dera à  celle-ci  le  titre  du  grade  moindre. 

14.  Toute  femme  qui  recevra  un  titre  en  raison 
des  mérites  d'un  fils  ou  petit-fils  y  ajoutera  le  terme 
de  lao  (  sengge)  «  senex  »  ^. 

15.  A  un  mort  dont  le  grand-père  paternel  ou 
maternel,  ou  bien  le  père,  vit  encore,  on  ne  confé- 
rera pas  de  nouveau  titre  plus  élevé. 

16.  Si  l'on  donne  un  litre  à  une  mère,  on  devra 
conférer  le  même  à  sa  grand-mère,  à  sa  mère  propre, 
à  sa  mère  adoptive  ^. 

1 7.  S'il  s'agit  d'une  épouse  *,  on  ne  décorera  en 
même  temps  que  l'épouse  principale. 

^  C*est  à  la  seule  considération  du  fils  que  le  père  est  honoré  de 
cette  distinction  ;  c*est  le  rang  du  fils  qui  en  est  la  mesure. 

^  La  vieillesse  étant  un  titre  au  respect,  être  qualifié  de  lao  cest 
être  d'autant  plus  respectable. 

^  A  une  femme  secondaire  de  son  père  qui  la  élevé. 

*  Épouse  secondaire.  Il  ne  convient  pas  qu'elle  soit  plus  âevée 
en  rang  que  Tépouse  principale ,  ni  que  les  autres  épousa  secon- 
daires participent  à  ses  honneurs. 


\ 


LES  RÈGLEMENTS  MILITAIRES  DE  KIA-KING.        97 

18.  Si  Tépouse  principale  est  morte  sans  titre  et 
que  l'on  doive  titrer  une  épouse  secondaire,  on  devra 
donner  un  titre  posthume  à  la  première. 

19.  Chaque  fois  que  Ton  signalera  et  titrera  un 
pfiBcier,  pour  éviter  toute  omission  ou  erreur,  il 
devra  présenter  lui-même  sa  demande  et  ses  titres , 
par  écrit,  au  grand  conseil  et  recevoir  là-dessus  les 
distinctions  méritées. 

20.  Tout  individu  qui,  même  après  Tédit  de 
concession ,  aura  perdu  sa  place  pour  une  faute ,  ou 
aura  été  abaissé  de  rang  après  les  examens ,  ne  pourra 
plus  recevoir  de  titre.  Mais  si  son  grade  lui  est  res^^ 
titué,  on  lui  donnera  le  titre  afiférent. 

2 1 .  Tout  individu  qui  aura  perdu  son  grade  parce 
que  son  grand-père  ou  sa  grand-mère,  son  père  ou  sa 
mère,  a  commis  un  des  dix  crimes  :  adultère,  vol, 
concussion,  con'uption  dans  les  examens,  abus  d'au- 
torité, etc.,  ne  pourra  obtenir  un  grade. 

22.  Celui  qui  aura  contracté  mariage  sans  ob-^ 
server  les  rites,  ou  qui  aura  épousé  une  veuve ^  une 
courtisane,  une  chanteuse  ou  une  concubine,  ne 
pourra  obtenir  aucun  titre. 


^  La  veuve  qui  se  remarie  manque  à  son  devoir,  selon  les  idées 
chinoises;  celui  qui  Tépouse  commet  une  faute  et  ne  peut,  par 
conséquent ,  recevoir  des  honneurs  (  V.  Siao-hio ,  v.  1 07].  «  Concubine  » 
femme  de  mauvaise  vie. 


xni.  7 

ramVKBIl!    RATIll^iLM. 


9S  JANVIER  1889. 

LIVRE  VI. 

DES  OFFICIERS  MANDCHOUS  COMMANDANT  DANS  UN  CAMP  ET  RE- 
TIRES DANS  LES  CORPS  DE  RANNIÈRES  X  CAUSE  DE  L*AgB 
AVANCE  DE  LEURS  PARENTS. 

(Fol.  63.)  Les  officiers  de  Gôsas  employés  dans  les 
camps  extérieurs  ^  et  qui ,  à  cause  de  la  vieillesse  de 
leur  parents ,  demandent  à  changer  de  place  et  à  être 
employés  dans  la  province  la  plus  proche  de  la  rési- 
dence de  ces  parents,  doivent  être  renvoyés  aux  ban- 
nières et  recevoir  un  poste  dans  leur  région  originaire. 
Si  on  les  a  nommés  à  un  poste  plus  élevé  dans  une 
province  éloignée  et  qu*à  cause  de  leurs  parents  ils 
doivent  rester  à  leur  première  place,  on  arrêtera 
leur  nomination ,  et  leur  changement  les  laissera  dans 
le  camp. 

DES   OFFICIERS   MALADES. 

(Fol.  70.)  Les  ti-tuh  et  commandants  généraux, 
vieux  et  malades,  demandent  à  être  déchargés  de 
leurs  fonctions;  mais  si  leurs  forces  n'étant  point 
affaiblies  par  l'âge,  ils  se  retirent  chez  eux  unique- 
ment à  cause  de  leur  maladie,  lorsque  celle-ci  sera 
guérie,  l'inspecteur  général  de  leur  région  ou  le  gou- 
verneur devra  examiner  leur  état  et  en  faire  rapport. 

Si  l'état  de  l'officier  s'est  amélioré  là  où  il  s'est 
retiré,'  aussitôt  après  sa  guérisori,  l'inspecteur  gé- 
néral de  sa  province  ou  le  gouverneur  constateront 
le  cas  et  feront  un  rapport;  ils  les  enverront  à  la  cour 

^  Dans  les  forteresses  des  froBtières. 


LES  RÈGLEMENTS  MILITAIRES  DE  KÏA-KÏNG.        99 

militaire  où  ils  devront  se  présenter,  et  Ion  attendra 
le  décret  souverain  qui  fixera  leur  sort. 

Si ,  passé  des  bannières  au  camp ,  un  officier  tombé 
malade  obtient  de  rentrer  dans  les  bannières,  quand 
il  sera  guéri  on  agira  comme  au  cas  précédent. 

LIVTIE  VII. 

(Fol.  44.)  Les  ti-tuh  et  commandants  généraïuc 
des  provinces  extérieures  ne  peuvent  point  se  servir 
de  litière  ^  S'ils  ont  passé  les  septante  ans  et  ne  sa- 
vent plus  aller  à  cheval,  on  devra  examiner  la  chose 
et  solliciter  un  décret.  Si ,  venant  à  la  capitale  pour  les 
afiaires  de  TEtat ,  ils  arrivent  en  un  lieu  où  il  n  y  à 
pas  de  chevaux  ou  que  dans  le  pays  où  ils  passent 
leau  pluviale  ait  rendu  la  circulation  impossible  aux 
chevaux,  ils  pourront  user  de  litière.  Si  des  lieute- 
nants généraux  ou  leurs  adjoints  et  les  officiers  in- 
férieurs se  permettent  d  aller  en  litière ,  de  leur  chef, 
destituez-les. 

LIVRE  V,  2-  PARTIE. 

DE  I/ARMÉE  DE  MER. 

(Fol.  28.)  De  Kia-king,  la  5*  année,  le  10*  mois. 
Décret  suprême. 

Moi  (fempereur),  j'ai  examiné  soigneusement  les 
vrais  règlements  de  l'empereur  Kao-tzong^le  parfait; 

^  .C*est  un  acte  de  mollesse  indigne  d'un  officier  et  corrupteor 
de  U  vertu  militaire.  Dans  ses  décrets  aux  huit  bannières,  Yong- 
tcheng  se  plaint  de  ce  cpie  les  officiers  font  porter  leur  sabre  par  un  < 
serviteur  marchant  à  côté  d*eux. 

*  K'ien-long,  père  de  Kia-kin. 


J02  JANVIER  1889. 

rester  où  il  est,  qu on  en  informe  la  cour,  quon  len- 
voie  aux  autorités  compétentes  et  qu'en  cas  de  va- 
cance d'un  poste  de  major  en  sa  province,  on  l'y 
nomme  et  l'y  établisse. 

S'il  vient  à  vaquer  un  poste  de  capitaine  adjoint, 
qu'on  choisisse  avec  soin  et  nomme  un  lieutenant 
adjoint  dont  la  conduite  et  le  zèle  ont  été  parfaits. 

Pour  remplacer  un  lieutenant  adjoint,  on  choisira 
un  matelot  habile  qui  aura  subi  heureusement  l'exa- 
men prescrit.  Il  portera  le  bonnet  simple,  recevra 
les  rations  et  s'exercera  comme  aide  de  camp  du 
capitaine.  Après  en  avoir  informé  la  cour  militaire 
par  le  rapport  prescrit ,  on  l'inscrira  et  lui  donnera 
le  livret  d'officier  adjoint. 

(Fol.  63.)  Si  quelqu'un,  depuis  les  fonctionnaires 
quelconques  jusqu'aux  étudiants  qui  s'instruisent  &  la 
maison ,  se  permet  pendant  un  deuil  de  trois  ans  de 
se  marier,  qu'on  lui  retire  toute  charge. 


Le  huitième  livre  est  entièrement  consacré  aux  tribus  non 
chinoises  et  d'abord  à  leurs  officiers  et  fonctionnaires,  aux 
fonctions  héréditaires,  aux  distinctions  et  récompenses  ac- 
cordées aux  soldats  et  officiers  de  ces  tribus  qui  se  sont  dis- 
tingués dans  le  service  militaire ,  à  ceux  qui  ont  été  blessés 
ou  sont  tombés  sur  le  champ  de  bataille ,  qu  sont  morts  d'une 
maladie  contractée  au  service  mUitaire,  aux  rations  accor- 
dées aux  soldats  de  ces  tribus. 

Après  cela ,  il  traite  des  ravages  exercés  par  les  brigands , 
des  châtiments  à  infliger,  de  la  réparation  des  donunages, 
de  la  surveillance  mutuelle  des  fonctionnaires  civils  et  mili- 
taires des  tribus ,  de  la  circulation  et  migration  de  ces  peuples , 


LES  RÈGLEMENTS  MILITAIRES  DE  OA-KING.      101 

Échanger  donc  ces  soldats  expérimentés  contre  d  au- 
tres qui  nont  point  ces  qualités,  c'est  une  chose 
funeste  dont  les  conséquences  sont  extrêmement 
graves. 

Maintenant  que  Ton  est  occupé  à  une  enquête  sur 
l'état  des  côtes  et  leurs  besoins ,  on  doit  s'appliquer 
à  exercer  les  soldats  de  marine  comme  à  une  chose 
essentielle  ^ 

Que  tous  les  ti-tuh ,  gouverneurs ,  commandants 
généraux  examinent  soigneusement  tous  les  officiers 
de  marine.  Qu'on  n'emploie  plus  sur  terre  ceux  d'entre 
eux  qui  connaissent  bien  leur  métier.  Qu'on  les  in- 
struise et  les  exerce  encore  avec  soin  et  activité» 
Qu'en  les  proposant  à  une  nomination,  à  un  avan- 
cement, on  ait  soin  de  tenir  compte  de  leur  science 
et  habileté. 

Les  employant  ainsi  selon  leur  vertu  et  leur  ca- 
pacité ,  on  retirera  tout  l'avantage  possible  de  leurs 
services. 

(Fol.  43.)  S'il  est  dans  l'élite  des  troupes  de  mer 
un  capitaine  adjoint^  qui  ait  servi  cinq  ans  sans 
commettre  aucune  faute,  qui  sache  parfaitement 
conduire  un  vaisseau  et  ses  troupes,  que  ses  chefs 
fassent  un  rapport  à  son  sujet  et  le  présentent  à  la  cour 
militaire,  puis  qu'on  l'envoie  dans  le  Fou-kien  avec 
le  titre  et  l'emploi  de  major  [minggata).  S'il  désire 

*  Précédemment  on  employait  les  soldats  de  marine  au  service 
de  terre  et  Ton  ne  faisait  pas  de  distinction  tranchée  entre  ces  deux 
corps. 

*  Surnuméraire ,  aidant  et  remplaçant  le  titulaire* 


J02  JANVIER  1889. 

rester  où  il  est,  qu on  en  informe  la  cour,  quon  len- 
voie  aux  autorités  compétentes  et  qu  en  cas  de  va- 
cance d'un  poste  de  major  en  sa  province,  on  ly 
nomme  et  Ty  établisse. 

S'il  vient  à  vaquer  un  poste  de  capitaine  adjoint, 
qu'on  choisisse  avec  soin  et  nomme  un  lieutenant 
adjoint  dont  la  conduite  et  le  zèle  ont  été  parfaits. 

Pour  remplacer  un  lieutenant  adjoint,  on  choisira 
un  matelot  habile  qui  aura  subi  heureusement  l'exa- 
men prescrit.  Il  portera  le  bonnet  simple,  recevra 
les  rations  et  s'exercera  comme  aide  de  camp  du 
capitaine.  Après  en  avoir  informé  la  cour  militaire 
par  le  rapport  prescrit,  on  l'inscrira  et  lui  donnera 
le  livret  d'officier  adjoint. 

(Fol.  63.)  Si  quelqu'un,  depuis  les  fonctionnaires 
quelconques  jusqu'aux  étudiants  qui  s'instruisent  à  la 
maison ,  se  permet  pendant  un  deuil  de  trois  ans  de 
se  marier,  qu'on  lui  retire  toute  charge. 


Le  huitième  livre  est  entièrement  consacré  aux  tribus  qon 
chinoises  et  d'abord  à  leurs  officiers  et  fonctionnaires,  aux 
fonctions  héréditaires,  aux  distinctions  et  récompenses  ac- 
cordées aux  soldats  et  officiers  de  ces  tribus  qui  se  sont  dis- 
tingués dans  le  service  militaire ,  à  ceux  qui  ont  été  blessés 
ou  sont  tombés  sur  le  champ  de  bataille ,  pu  sont  morts  d^iine 
maladie  contractée  au  service  militaire,  at^x  rations,  accor; 
dées  aux  soldats  de  ces  tribus. 

Après  cela ,  il  traite  des  ravages  exercés  par  les  brigands , 
des  châtiments  à  infliger,  de  la  réparation  des  dommages, 
de  la  surveillance  mutuelle  des  fonctionnaires  civils  et  mili- 
taires des  tribus ,  de  la  circulation  et  migration  de  ces  peuples , 


"x. 


LES  REGLEMENTS  MILITAIRES  DE  KIA-KING.     103 

de  ia  répression  des  escrocs  chinois,  de  la  corruption  des 
fonctionnaires  dans  ces  tribus,  des  extorsions  par  menace 
commises  par  les  soldats  et  magistrats  sur  les  commerçants 
qui  vont  chez  les  Miao-tze ,  du  châtiment  des  Miao-tze  voleurs 
et  de  ceux  qui  les  aident ,  des  magistrats  des  tribus  qui  n'ar- 
rêtent pas  les  criminels,  de  la  vente  d'armes  aux  gens  des 
tribus  barbares,  aux  Fan-tze  et  aux  Kurokin,  de  ceux  qui 
contractent  des  dettes  envers  les  Miao-tze ,  leur  font  des  prêts 
ou  en  reçoivent  d'eux,  ou  achètent  leurs  terres,  de  l'excita- 
tîon  des  troubles  et  vengeances  chez  les  Miao-tze  barbares  du 
Kouei-tcheou  et  du  Ho-kouang ,  enfin  de  ceux  qui  délivrent  par 
la  force  les  Miao-tze  coupables  et  arrêtés,  ou  qui  arrêtent 
ceux  qui  vendent  des  honmoies ,  les  mains  liées. 
Voici  quelques  spécimens  de  ces  dispositions  : 
Le  i**  chapitre  énumère  tous  les  rangs  et  grades  des  fonc- 
tionnaires des  tribus.  Les  récompenses  dont  parlent  les  cha- 
pitres 3  et  4  consistent  en  avancement  en  grade  et  titre  et 
en  haussement  de  solde. 

RÉCOMPENSE  AUX  SOLDATS  TOMBES  EN  COMBATTANT. 

(Fol.  1 6.)  Pour  les  fantassins  du  camp  vert  (chinois) 
ce  sera  5o  yans  ^  d  argent.  Pour  les  Fan-tze  auxiliaires, 
seulement  a  5.  Mais  si  ces  derniers  ont  combattu 
les  Kur-ke,  comme  en  gravissant  les  montagnes,  en 
traversant  les  précipices,  ils  ont  beaucoup  soufiFert, 
on  étendra  cette  fois  la  faveur  et  ils  recevront  5o  yans 
comme  les  soldats  réguliers;  ainsi  on  leur  témoi- 
gnera pitié  et  bienveillance.  On  doit  en  efiFet  distin- 
guer les  mérites  importants  des  légers.  Que  ce  soit 
la  règle  désormais  et  qu  on  la  fasse  connaître. 

Quant  aux  officiers  des  tribus  qui  seront  tombés 

'   Yan,  taél,  once  d*argent. 


104  JANVIER  1889. 

blessés  sur  le  champ  de  bataille  et  auront  succombé , 
on  accordera^  :  s'ils  sont  du  3*  rang,  aSo  yans  ;  du 
te  rang,  200;  du  5'  rang,  i5o;  du  6®  rang,  100; 
aux  7*  et  8',  ainsi  qu  aux  soldats  décorés  du  titre  de 
Bataru^,  on  donnera  5o  yans. 

En  outre ,  on  les  enterrera  selon  les  coutumes  du 
camp. 

Quant  à  ceux  qui  auront  reçu  simplement  une 
blessure,  s  ils  sont  portés  au  i""  rang,  on  donnera 
i5  yans;  au  a'rang,  12  1/2;  au  3*  rang,  10. 

Si  les  officiers  et  soldats  qui  ont  mérité  ces  ré- 
compenses n'ont  ni  femme,  ni  enfants,  ni  parents 
ascendants  ou  collatéraux  à  qui  l'on  puisse  les  donner, 
on  remettra  2  yans  aux  commandants  de  leurs  corps 
ou  au  gouverneur  de  leur  région. 

Les  officiers  morts  de  leurs  blessures  recevront 
une  élévation  de  titre ,  à  laquelle  un  de  leurs  fils  suc- 
cédera ,  mais  pas  un  second  ;  et  cela  du  3*  au  7"  degré. 
Le  8'  degré  n'aura  que  la  rétribution  précédemment 
indiquée. 

^  A  leur  femme,  ou  à  leurs  parents»  fils,  etc. 

'  Batara,  C'est  la  coutume  chinoise  d*accorder,  en  guise  de  titre 
nobiliaire  ou  de  décoration ,  le  simple  droit  d'ajouter  à  son  nom  un 
qualificatif,  indiquant  le  genre  de  mérite  acquis  :  «sage,  brave 
ou  pieux  ».  Cela  forme  un  vrai  titre  de  noblesse.  Ces  titres  sont  con- 
férés par  le  souverain ,  parfois  aussi  par  les  gouverneurs  de  province, 
mais  en  ce  cas  ils  n  ont  ni  la  même  solennité,  ni  la  même  authenticité 
que  les  premiers.  Les  Batnru  (mandchou  «brave»)  forment  une 
dasse  à  part,  une  sorte  de  légion  d'honnear  ou  ê^ ordre  de  mérite.  Ce 
titre  est  donné  pour  exploits  de  guerre.  Les  Bataru  ont ,  en  outre ,  le 
droit  de  porter  une  plume  de  paon  et  d'ajouter  à  leurs  noms  un 
autre  qualificatif  également  concédé. 


LES  RÈGLEMENTS  MILITAIRES  DE  KIA-KING.      105 

Ceux  qui  sont  morts  à  Tarmée,  mais  de  maladie, 
auront  une  rétribution  allant  de  2  5  à  1 5  yans  d'ar- 
gent. Si,  en  outre,  ils  se  sont  distingués  par  leur 
bravoure  et  leur  conduite,  ils  obtiendront  une  élé- 
vation de  titre  pour  eux  et  leurs  fils,  une  fois.  Les 
Baiuru  auront  8  yans  d'argent. 

(Fol.  22.)  Le  décret  suivant  leur  accorde  comme 
récompense  pour  la  fourniture  des  provisions  de 
bouche,  une  tablette  d'argent,  une  fleur  à  porter 
attachée  à  l'habit  et  une  robe  de  soie  rouge. 

(Fol.  28.)  Ceux  qui  auront  arrêté  les  voleurs  et 
fait  cesser  leurs  exploits  seront  avancés  d'un  grade 
par  le  commandant  général  ou  le  gouverneur.  S'ils 
y  ont  réussi  plus  d'à  moitié ,  ces  hauts  fonctionnaires 
les  encourageront  et  les  récompenseront  comme  il 
convient. 

(Fol.  24.)  Le  décret  suivant  charge  les  autorités 
locales  de  punir  les  voleurs,  brigands  du  désert ^ 
Miao-tze  ou  Kurokin ,  qui  ravageraient  les  pays  où  il 
n*y  a  pas  de  magistrat  oflicier  de  tribu.  Ceux  qui 
tarderaient  de  le  faire  doivent  être  destitués  ;  s'ils  nou- 
rissent  les  voleurs  et  se  font  leurs  complices,  ils 
seront  arrêtés  et  punis  sévèrement. 

S'il  s'est  formé  des  bandes  de  deux  cents ,  de  sep- 


^  Troupes  de  brigands  habitant  les  lieux  déserts  et  n  appartenant 
à  aucune  tribu  spéciale.  Les  Miao-tze  sont  une  des  tribus  sauvages 
que  les  Chinois  ont  trouvées  sur  le  sol  du  Pays  des  Fleurs  et  que  rien 
n'a  pu  détruire.  Déjà  au  Shouh-king  nous  les  voyons  révoltés  et 
châtiés. 


LES  RÈGLEMEiNTS  MILITAIRES  DE  KIA-KING.      107 

général  commandant  et  du  gouvernem'  de  leur  pro- 
vince, qui  devront  en  informer  les  mêmes  autorités 
de  l'autre  province  ^  Lor3que  ces  gens  auront  fini 
leur  affaire,  on  ne  peut  leiir  accorder  aucun  délai. 
S'il  est  manqué  aux  conditions  indiquées ,  les  délin- 
quants devront  être  punis  et  les  fonctionnaires,  de 
plus,  destitués. 

Le  décret  suivant  a  pour  but  de  protéger  les  gens 
des  tribus  contre  les  Chinois  fourbes  et  plus  habiles 
qui  pénètrent  chez  ces  peuples  pour  les  tromper 
ou  exciter  des  troubles.  Ces  Chinois  seront  punis 
d'exil.  Le  magistrat  qui  ne  les  poursuivra  pas  avec 
zèle  descendra  d'un  grade  et  sera  privé  de  ses  rations 
d'un  an;  s'il  a  connu  les  actes  criminels  et  a  laissé 
le3  coupables  en  liberté ,  il  sera  destitué. 

S'il  ne  sait  point  découvrir  et  convaincre  les  cou- 
pables, il  descendra  d'un  rang.  Si  un  officier  d'une 
tribu  pénètre  et  circule  à  sa  fantaisie,  sans  autorité, 
dans  une  autre  province,  qu'il  soit  dénoncé  par 
les  autorités  supérieures  ou  par  un  particulier.  Le 
commandant  de  sa  région  sera  puni  d'une  peine 
grave.  . 

Les  derniers  décrets  édictent  également  des 
peines  contre  les  auteurs  des  crimes  et  des  délits 
indiqués  ci-dessus.  Cela  ne  présente  que  peu  d'in- 
térêt. Bornons-nous  à  reproduire  le  décret  final. 

Les  officiers  des  camps  du  Kouei-tcheou ,  qqi  dans 

'  Pour  prévenir  les  complots,  les  révoltes  âdtes  de  concert,  on 
parque  les  tribus  aborigènes  sur  le  territoire  qui  leur  a  été  laissé  et 
Ton  interdit  les  communications  entre  dJes. 


108  JANVIER  1889. 

l'espace  dun  an  auront  arrêté  des  malfaiteurs  de 
Miao-tze  qui  vendent  des  hommes  les  mains  liées, 
obtiendront  les  distinctions  suivantes  :  pour  quinze 
bandits  arrêtés ,  une  mention  honorable  simple  ^  :  pour 
trente,  une  mention  double;  pour  quarante-cinq, 
une  triple.  Pour  soixante  bandits  arrêtés,  ils  seront 
avancés  d'un  grade.  Les  mentions  augmenteront  avec 
le  nombre  des  arrêtés.  S'il  arrive  au  chiffre  de  cent 
vingt,  ils  seront  avancés  de  deux  grades,  et  ainsi  de 
suite  en  suivant  la  progression. 

Si  les  autorités  du  lieu  des  méfaits  ne  savent  pas 
saisir  les  criminels  et  que  ceux-ci  soient  pris  en  une 
autre  région  par  des  mandarins  civils  ou  militaires, 
pour  cinq  hommes  ainsi  arrêtés  on  retirera  les  rations 
et  provisions  d'un  an^;  pour  dix  arrestations,  celles 
de  deux  ans;  pour  vingt  hommes  ainsi  échappés  à 
leurs  mains,  les  officiers  négligents  ou  maladroits 
perdront  deux  rangs;  pour  cinquante,  ils  seront 
destitués. 

Quant  aux  officiers  qui  les  ont  arrêtés,  après  unô 
enquête  et  un  procès  conduit  avec  vigilance  et  le 
renvoi  des  criminels  devant  le  juge ,  on  les  récom- 
pensera de  mentions  en  rapport  avec  le  nombre  des 
coupables  saisis. 

Si  l'officier  qui  les  a  arrêtés  commet  une  fraude 

^  Ces  mentions  se  font  dans  les  rapports  aux  autorités  supérieures, 
dans  les  proclamations  au  peuple.  Le  magistrat  ainsi  mentionné 
ajoute  à  son  nom ,  dans  ses  propres  édits ,  etc. ,  «  mentionné  tant  de 
fois ,  de  telle  manière  » ,  et  signe  de  la  même  manière  dans  les  actes 
publics. 

'Aux  autorités  en  défaut 


\ 


LES  RÈGLEMENTS  MILITAIRES  DE  KIA-KING.      109 

dans  son  rapport  et  en  annonce  un  grand  nombre, 
alors  quil  n'y  en  a  que  peu,  il  sera  destitué.  Si  c'est 
un  ti-tuh  ou  un  commandant  général ,  il  perdra  deux 
grades;  s  il  a  arrêté  d'honnêtes  gens,  sous  prétexte 
de  saisir  des  coupables  et  de  se  faire  récompenser,  il 
sera  jugé  et  puni  comme  les  brigands  qui  molestent 
les  gens  intègres  et  inoffensifs. 

Je  crois  que  ces  extraits  donneront  une  idée  complète  du 
recueil  ;  on  comprend  que  des  règlements  de  cette  espèce 
n'étaient  point  faits  pour  préparer  les  troupes  chinoises  à  re- 
pousser les  attaques  des  armées  européennes,  bien  moins 
encore  à  en  triompher. 

Ajoutons  seulement  à  ce  qui  précède  la  liste  des  titres 
dont  il  est  question  ci-dessus ,  p.  9^* 

D'après  les  idées  chinoises ,  les  âmes  des  défunts  restent  en 
relation  indéfinie  avec  les  vivants  ;  les  titres  qui  leur  sont 
conférés  sur  la  terre  les  honorent  et  les  réjouissent  dans  l'autre 
monde.  En  outre,  le  fils  du  ciel,  en  cette  qualité  même,  a 
juridiction  sur  eux.  Après  la  mort ,  il  accorde  généralement 
aux  défunts  qui  se  sont  distingués  en  ce  monde  un  titre  pos- 
thume appelé  hoei.  En  outre ,  dans  des  cas  particuliers ,  il  leur 
décerne  des  titres  honorifiques  et  des  honneurs  spéciaux. 

Ceux  dont  il  est  ici  question  sont  au  nombre  de  neuf, 
divisés  en  deux  catégories ,  appelées  en  mandchou  :  ulhibure 
fangnehen  et  tacibure  Jungnehen, 

La  première  classe  comprend  les  cinq  premiers  titres  ;  la 
seconde,  les  quatre  derniers.  Chaque  titre,  comme  tout 
grade ,  est  double  et  a  un  premier  et  un  second  rang.  En  outre , 
les  cinq  premiers  titres  forment  trois  sous-classes  ainsi  ré> 
parties  :  1  -2 ,  3-4 ,  5 ,  et  les  quatre  derniers ,  deux  sous-classes 
également  partagées. 


110  JANVIER  1889. 


l"  CATÉGORIE,  L'LHIBVRE, 


i"  Classe. 

1  "  rang.  Kong ,  Heoa  et  Pe  ^     Général  illustrant  la  puissance, 
a*  rang.  Officiers  généraux    Général   agrandissant  la  puis- 
de  premier  rang .  sance. 

Les  épouses  principales  de  tous  ces  grands  dignitaires  ont 
pour  titre  :  Epouse  sincère  et  juste  de  i  "  rang. 

Ces  titres  sont  héréditaires  pour  trois  générations. 

2*  Classe. 

a*  rang  supérieur Général  qui  agrandit  la  puis- 
sance. 

—  inférieur Général  puissant  et  méritant  ou 

qui  mérite  bien  de  la  puis- 
sance. 

Epouses  principales Epouses  sincères  et  justes. 

3*  rang  supérieur Capitaine  puissant  et  juste. 

—  inférieur Capitaine  qui  seconde  la  puis- 

sance. 
Epouses  principcdes Epouses  sages. 

Nota.  Conférés  pour  deux  générations  avec  titre  posthume. 

3*  Classe. 

à*  rang  supérieur Capitaine   qui   fait  briller  la 

puissance. 

—  inférieur Capitaine  qui   fait  paraître  la 

puissance. 
Épouses  principales Epouses  fidèles. 

^  Ces  anciens  titres  de  principautés  feudataires  ne  sont  plus  ici 
qu*honorifîques.  On  les  a  comparés  à  nos  ducs ,  marquis  et  comtes. 
Comparaison  des  plus  impropres. 


LES  RÈGLEMENTS  MILITAIRES  DE  KlA-KING.      1 1 1 

5*  rang  supérieur Officier  vertueux  et  digne. 

—  inférieur Officier  qui  seconde  la  vertu 

digne. 
Epouses  principales ......     Epouses  bienveillantes. 

Nota.  Conférés  pour  une  seule  génération  avec  titre  pos- 
thume. 

a*  CATÉGORIE,  TACIBURE  FVHfGf/EHEW, 

6*  rang  supérieur Officier  digne  et  habile. 

—  inférieur. Officier  qui  seconde  le  digne  et 

habile. 

Epouses  principales Epouses  bonnes  et  douces. 

7*  rang  supérieur Officier  digne  et  sûr. 

—  inférieur Officier  auxiliaire  digne  et  sûr. 

Epouses  principales Epouses  soumises. 

Nota.  Pour  une  génération  titre  posthume. 

8*  rang  supérieur. .......     Officier  digne  et  fidèle  aux  lois. 

—  inférieur Officier  auxiliaire  digne  et  fidèle 

aux  lois. 
9*  rang  supérieur.  .......     Officier  intègre  et  digne. 

—  inférieur Officier  auxiliaire   intègre   et 

digne. 

Nota.  Ces  quatre  derniers  titres  sont  exclusivement  per- 
sonnels. Il  n*y  en  a  point  de  correspondant  pour  les  épouses 
de  ces  officiers ,  ni  de  titre  posthume  pour  ceux-ci. 


112  JANVIER    1889. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES. 


SEANCE  DU  11  JANVIER  1889. 

La  séance  est  ouverte  à  tx  heures  et  demie  sous  ia  prési- 
dence de  M.  Renan. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  séance  est  lu  et  la  rédac- 
tion en  est  adoptée. 

Il  est  donné  lecture  d*une  lettre  de  M.  le  Ministre  de  Tin- 
struction  publique  qui  autorise  rechange  de  deux  des  pièces 
affectées  à  la  bibliothèque  de  la  Société. 

M.  le  Président,  après  avoir  fait  part  de  Tindisposition  qui 
empêche  M.  James  Darmesteter  d'assister  à  la  séance ,  félicite 
la  Société  de  la  marque  de  distinction  qui  vient  d*être  ac- 
cordée à  son  secrétaire.  En  décernant  à  M.  Darmesteter  la 
croix  de  la  Légion  d'honneur,  M.  le  Ministre  de  Tinstructioa 
publique  a  entendu  reconnaître  les  services  rendus  aux  études 
orientales,  depuis  tant  d'années,  par  la  Société. 

M.  Rubens  Duval  est  nommé  secrétaire  adjoint  et  biblio- 
thécaire, et  M.  Drouin ,  membre  de  la  Commission  des  fonds, 
en  remplacement  de  M.  Carrez,  décédé.  Ces  nominations 
seront  soumises  à  la  ratification  de  l'Assemblée  générale. 
M.  Rubens  Duval,  après  avoir  remercié  le  Conseil,  exprime 
le  vœu  qu'il  soit  fait  un  catalogue  des  livres  de  la  biblio- 
thèque. M.  Senart  appuie  cette  motion.  M.  Rubens  Duval  est 
invité  à  rechercher  les  moyens  les  plus  pratiques  pour  arriver 
à  la  confection  de  ce  catalogue. 

Des  exemplaires  de  la  brochure  réunissant  les  discours 
prononcés  sur  la  tombe  de  Bergaigne  sont,  de  la  part  de 
M.  Lehugeur,  mis  à  la  disposition  des  membres  de  la  Société. 

Sur  la  proposition  de  M.  Barbier  de  Meynard,  il  est  alloué 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  113 

à  M.  Hondas  une  somme  de  5oo  francs  pour  la  revision  des 
carnets  de  Huber  dont  Fimpression  a  été  votée  dans  une 
séance  précédente. 

Sont  reçus  membres  de  la  Société  : 

MM.  le  général  Hanoteau  ,  boulevard  Raspail ,  1 53 ,  pré- 
senté par  MM.  Houdas  et  Clermont-Ganneau  ; 

Tabbé  Martin,  rue  Régis ,  6,  présenté  par  MM.  Bar- 
bier de  Meynard  et  Rubens  DuvaL 

M.  Groff  communique  de  nouvelles  observations  sur  les 
mots  hbp  et  >lVp  du  papyrus  araméen  d*Égypte  conservé  au 
Musée  du  Louvre.  (Voir  ci-après,  p.  ii4.) 

M.  Oppert  apporte  de  nouveaux  éclaircissements  sur  Tin- 
scriplion  assyrienne  qui  lui  a  permis  de  fixer  la  date  certaine 
du  commencement  de  Tépoque  des  Arsacides,  et  dont  il  a 
déjà  entretenu  TAcadémie  des  inscriptions  et  belles-lettres  et 
l'Académie  des  sciences.  (Voir  ci-après ,  p.  1 16.) 

M.  Halévy  signale  les  particularités  des  textes  babyloniens 
trouvés  en  Egypte  et  relatant  la  correspondance  échangée 
entre  des  princes  de  la  Syrie  du  haut  Ëuphrate  et  les  rois 
d*Egypte  ;  les  noms  de  lieux  et  de  personnes  sont  intéressants 
pour  l'histoire  ancienne  de  la  Syrie.  M.  Oppert  estime  que 
la  langue  de  ces  textes  est  purement  littéraire  et  qu'ils  ne 
sauraient  être  invoqués  pour  la  langue  parlée  en  Syrie  à 
Tépoque  où  ils  ont  été  écrits. 

La  séance  est  levée  à  6  heures. 

OUVRAGES  OFFERTS  À  LA  SOCIETE. 

Par  rindia  Office  :  Bibliotheca  Indica,  new  séries ,  n**  662  , 
666,  680  :  TâAhh  i  Ftrâzshâhi,  by  Shams-i-Sarâj  Aflf.  edited 
by  Maulavi  Vilàyat  Hussain,  fasc.  i,  11  et  m.  Calcutta, 
1888. 

—  N-  660,  674  et  683  :  Zafarnâmah,  by  Maulânà  Sharf- 
uddin  *AU  Yardi,  edited  by  Maulavi  Muhammad  Ilahbld,' 
vol.  II,  fasc.  VI,  VII,  viii.  Calcutta,  1888,  in-8'. 

xiii.  8 


utrtiHcaii  i^xioxiL*. 


114  JANVIER  1889. 

Par  rindia  Office  :  Bill  iid,  N'**  669,  665,  669,  673, 
679,  684  :  Maâsir  ul-Umara,  by  Nawâb  Samsamûd-Dowla 
Shah  Nawâz  Khan ,  edited  by  Mawlawî  Abdur-Rahîm ,  vol.  I , 
fasc.  IX;  vol.  II,  fasc.  i,  11,  m,  iv,  v.  Calcutta,  1888,  in-S". 

—  N°  657  :  Anu  Bhàshyam,  by  Pandit  Hemeandra  Vi- 
dyîiratna,  fasc.  i.  Calcutta,  1888,  in-8". 

—  N*  658  :  Sri  Bâshyam,  by  Pandit  Ràmanalha  Tarka- 
ratna,  fasc.  i.  Calcutta,  1888,  in-8°. 

—  1S°  661  :  Advaita  Brahma  Siddhi,  by  Kasmiraka  Sadà- 
nanda  Yati,  edited  widi  critical  notes  by  Pandit  Vàaian 
Sàstre  Upadhyâya,  fasc.  i.  Calcutta,  1886,  in-8°. 

—  N°  663  :  Tattwa-Chintàmani ,  edited  by  Pandita  Kà- 
ipakhyanàtha  Tarkaratna,  fasc.  ix.  Calcutta,  1888,  in-8*. 

—  N°  667  :  The  S'rauta  Sûtra  of  sankhàyana,  edited  by 
Dr.  Mfred  Hillebrandt,  fasc.  vi.  Calcutta,  1888,  in-8". 

—  IS*  664:  The  Nirakta  with  commentaries ,  edited  by 
Pandit  Satyavrala  Samarsamé,  vol.  IV,  fasc.  v.  Calcutta, 
1 888 ,  in-8°. 

—  N"  668  :  Briliad-Dharma  Parànam ,  edited  by  Pandit  Ha- 
raprasad  S'astré ,  fasc.  i.  Calcutta,  188 5,  in-8*. 

—  N"  670  :  TaVsè  sat'sai',  edited  by  Pandit  Bihâri  Lai 
Chaube,  fasc.  i.  Calcutta,  1888,  in-8''. 

—  N"  671  :  Ashtasâhasrikà  Prajnàpàramità ,  by  Rajindra- 
lala  Mitra,  fasc.  v.  Calcutta,  1888,  in-8". 


ANNEXE    N"  1 
AU  PROCÈS-VERBAL  DE  LA  SEANCE  DU   1  l  JANVIER. 


NOTE  SUR  LE  PAPYRUS  EGYPTO-ARAMEEN  DU  LOUVRE , 
PAR  M.  WILLIAM  N.  GROFF. 

■  Dans  la  séance  de  la  Société  du  10  février  1888,  j*ai  lu 
une  note  dans  laquelle  j'ai  fait  observer  que  le  mot  /7y^/,V 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  115 

du  papyrus  égyplo-araméen  du  Louvre  ^  se  trouvait  employé 
dans  un  papyrus  démotique  ^  pour  désigner  une  sorte  de  vin. 

Je  disais  alors  que  le  mol  h'i'V  devait  être  le  nom  d'une 

autre  sorte  de  vin,  mais  il  est  à  remarquer  qu'un  mot  ana- 
logue à  ce  dernier  S3  retrouve  dans  la  langue  copte,  kgxcdx 

«  vas  »  ;  dans  l'ancienne  langue  g»  (   qerer  a  vase  »  se  trouve 

dès  une  très  haute  époque^.  Les  mois  kcxcdx  et  s 4^ 

sont-ils  identiques?  Peut-on  traduire  t^s^  par  «vas  par- 
vum»,  sens  que  Peyron*  donne  au  mot  kgxcdx?  On  serait 

alors  amené  à  traduire  '7/^4^  par  «grand  vase»,  ou  à  lui 
donner  un  sens  analogue,  car  ces  deux  mots  doivent  avoir 
une  signification  correspondante. 

Retournons  au  papyrus  démotique  déjà  cité  par  nous;  à 
la  ligne  4 ,  par  exemple ,  on  lit  :  «  .  .  .  il  n'y  eut  pas  d'autre 
vin  devant  eux  que  du  kelbi  d'Egypte.  »  Ici  le  texte  est  formel  ; 
le  kelbi  est  une  sorte  de  vin. 

Le  papyrus  égypto-araméen  nous  parle  du  vin  de  Sidon 
et  du  vin  d'Egypte ,  puis ,  croyons-nous  avec  M.  l'abbé  Bar- 
ges, de  deux  qualités  de  ces  vins  «supérieur»  z?/^/,^  et  «in- 
férieur»   4 4^-    Par  exemple    on  y  lit  :  >f  T»^y/4  ||||9 

\^^^'Y  \  4 4Y  •  ^^  ^'  (j^^^)  P^^^  (à)  ^^  festin  kaloul  | . 
kelbi  I  ».  D'abord  le  mot  «jour»  est  sous-entendu;  ici  il  n'y  a 
pas  d'équivoque  possible,  les  chiffres  ne  peuvent  indiquer 
que  le  quantième  du  mois.  Quant  aux  mots  kaloal  et  kelbi, 
chacun  suivi  d'un  chiffre,  faut-il  les  considérer  comme  des 


*  Publié  par  M.  Tabbé  Barges,  Papyras  égyplo-aramèen ,  etc. 

'  Publié  par  M.  Revillout,  Revue  égyptologique ,  t.  I,  p.  66  et  suiv., 
pi.  II. 

*  Tombeau  de  Ti,  selon  M.  Bnigsch;  Dict.,  p.  1A69.  Ce  qui  rend  dif- 
ficile d  admettre  qu  on  emprunt  ait  été  fait  aux  langues  sémitiques  ;  notons 
par  contre  qu  assez  souvent  des  noms  de  mesure  ont  passé  des  Égyptiens 
aux  Sémites. 

*  Lexique,  p.  65  a.  Cf.  XXOX,  p.  270  b. 


116  JANVIER  1889. 

mesures  ^  alors  que  le  nom  de  la  denrée  serait  sous-entendu  ? 
Nous  ne  le  croyons  pas  ;  il  serait  plus  naturel  de  sous-entendre 
le  nom  d'une  mesure  conventionneBe  ;  en  égyptien  on  trouve 
souvent  le  nom  de  la  denrée  immédiatement  suivi  du  chiffre 
indicatif  du  nombre  de  mesures.  Voici  un  autre  exemple  qui 
nous  est  fourni  par  le  papyrus  égypto-araméen  : 

«Du  à  ^C^2,  fils  de  nOD,  vin  d'Egypte,  700  (?)*t. 


ANNEXE   N»  2 
AU  PROCÈS-VERBAL  DE  LA  SEANCE  DU    1  1    JANVIER. 


L*ERE  DES  ARSACIDES 
FIXÉE  PAR  UN  TEXTE  CUNEIFORME. 

L'avènement  de  la  dynastie  des  Arsacides  a  été  fixé  depuis 
longtemps  par  un  texte  de  Justin  (livre  XLI,  chap.  iv) 
comme  tombant  dans  Tannée  du  consulat  de  A.  Manlius 
Vulso  Longus  et  de  M.  Attilius  Regulus  (a 56  av.  J.-C).  Les 
textes  cunéiformes  des  Arsacides  portent  généralement  deux 
dates,  se  rattachant  à  deux  ères  dont  l'époque  diffère  de 
64  ans.  Par  erreur,  on  avait  cru  que  Tune  de  ces  ères  était 
l'ère  des  Séleucides  (3 12  av.  J.-C.)  et  que  l'autre,  l'ère  des 
Arsacides,  commençait  avec  l'an  248  av.  J.-C.  Des  textes 

'  Le  fait  que  le  papyrus  emploie  le  signe  \    au  lien  de  I  indiquerait-il 

que  le  mot  sous-entendu  se  trouve  représenté  par  le  chiffre  \^  ?  Si  le» 
motsheîbi  (cf.  ^l7p  Jos.  v.  11  et  Levit.  11,  1^)  et  haloul  indiquaient  des 
mesures,  on  s*attendrait  à  les  trouver  au  pluriel.  Voir  Schrôder,  Die  phS' 
nizische  Sprache,  S  86. 

'  Cf.  GWiDi  X.X\0' 

'  Faut-il  lire  JXD  «vase»  au  lieu  de  {<D? 


NOUVELLES   ET  MELANGES.  117 

publiés  dernièrement  par  le  père  Strassmeier  ^  ont  démontré 
à  M.  Oppert  que  la  première  ère  était  celle  des  Arsacides  et 
que  l'autre  était  une  ère  locale  de  Babylone  se  rattachant  à 
un  événement  qui  nous  est  encore  inconnu. 

M.  Oppert  a  en  effet  pu  traduire  pour  la  première  fois  un 
de  ces  textes  cités  parPtolémée  dans  i*Almageste,  utilisé  par 
Hipparque  d'Alexandrie  pour  ûxer  l'époque  de  Tère  de  Na- 
bonassar,  mercredi  26  février  7^7  av.  J.-C. 

L'inscription  contient  les  détails  se  rapportant  à  une 
éclipse  lunaire  de  Tan  282  d'Arsace  ou  168  de  Tautre  ère, 
laquelle  éclipse  aurait  eu  lieu  au  mois  de  Nisan.  Or  ces 
données  ne  peuvent  se  rapporter  qu'à  l'éclipsé  lunaire  par- 
tielle du  lundi  23  mars  de  l'an  2a  av.  J.-G.  (9977).  Ce  phé- 
nomène se  trouve  déjà  noté  dans  la  liste  de  l'abbé  Pingre  et 
a  été  de  nou^reau  calculé  par  Oppoizer  sous  le  n^  17^7* 
Le  document  très  important  et  jusqu'ici  unique  dans  son 
genre  prouve  que  les  données  de  Justin  sont  exactes  et  que 
l'ère  des  Arsacides  commence  bien  avec  l'année  2  56  av.  J.-C. , 
au  mois  de  Tisri,  l'Hiperberéthéus  des  Macédoniens.  Il 
prouve  en  même  temps  que  les  renseignements  donnés  par 
les  astronomes  modernes,  vivant  à  un  siècle  de  distance, 
cadrent  avec  l'inscription  contemporaine  d'Auguste.  Pingre  a 
fixé  la  grandeur  de  l'éclipsé  à  7  doigts  j  et  Oppoizer  à 
8  doigts  Yj-.  L'heure  de  Babylone  selon  Pingre  serait  de 
minuit  20  minutes,  selon  Oppoizer  de  minuit  25  minutes. 

Voici  la  traduction  qui  a  été  donnée  pour  la  première  fois 
dans  les  comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  où 
M.  Faye  a  bien  voulu  se  faire  l'interprète  de  nos  recherches  : 

tL'an  168  qui  est  l'an  282  d'Arsace,  roi  des  rois,  voici 
ce  qu'a  prédit  Urudâ  (Orodès) ,  l'astronome  : 

«  Au  mois  de  Nisân ,  à  la  1 3*  nuit ,  à  l'heure  5  et  5 1  parties , 
l'heure  prédite,  5  degrés  en  avant  du  point  nodal,  la  lune  a 
été  éclipsée  du  côté  du  sud  et  de  l'est. 

'  ZeiUchrift  fiir  Assyriologie ,  page  1^7. 


1J8  JANVIER  1889. 

«Il  était  6  heures,  après  le  coucher  du  soleil,  lorsque 
Téclipse  commença. 

«  Sept  vingtièmes  de  doigt  furent  entamés  sur  le  disque 
lumineux  lorsque  Téchpse  commença ,  dans  la  1 3*  nuit. 

t  En  partant  du  sud  et  de  Test ,  en  allant  vers  le  nord  et 
Touest,  après  k  heures  la  lumière  reparut. 

«  Cette  éclipse  eut  lieu  dans  la  constellation  de  TÉpi. 

«Pendant  cette  éclipse  (trois  signes  encore  obscurs). 

«  Pendant  cette  éclipse . .  .  Mercure  et  Vénus . . . 

«  Les  grandes  planètes  ne  disparurent  pas  sous  Thorizon. 

«  Sur  les  deux  tiers  de  l'empan ,  c'est-à-dire  du  disque  lu- 
naire, la  lumière  fut  enlevée  du  côlé  du  sud,  à  la  7*  heure 
(le  texte  porte  à  la  6*).  Vers  le  sud,  un  petit  éclair  de  lu- 
mière commença  pour  passer  de  l'obscurité  à  la  lumière.  La 
i3'  nuit,  c'est  en  comptant  la  1"  du  second  jour  du  mois.» 

La  dernière  ligne  mise  sur  la  marge,  presque  effacée,  est 
encore  inexpliquée. 


Oie  Genesis  mit  aeusserer  Unterscheidiing  der  Queilenschriften 
uebersetzt  vou  E.  Kautzsch  und  A.  SociN ,  Professoren  zu  Tue- 
bingen ,  namendich  zum  Gebrauch  in  akademischen  Vorlesangen. 
Fribourg-en-Brisgau ,  1888,  in-8°,  vu  et  120  p. 

La  distinction  des  sources  historiques  forme  aujourd'hui 
la  base  de  l'exégèse  biblique.  Les  travaux  récents  de  Wellhau- 
sen,  de  Kuenen,  de  Budde  et  de  Dillmann  sur  les  docu- 
ments qui  ont  servi  à  la  rédaction  de  la  Genèse,  ont  créé 
une  nouvelle  méthode  d'enseignement  qu'il  est  opportun  de 
vulgariser.  Dans  leur  préface,  MM.  Kautzsch  et  Socin  re- 
marquent combien  de  temps  absorbe,  dans  les  cours  consa>- 
crés  à  l'interprétation  de  la  Bible,  l'analyse  littéraire  et  cri- 
tique du  texte.  Chez  nous ,  François  Lenormant  avait  publié 
une  traduction  de  la  Genèse  dans  laquelle  le  document 
éiohisie  était  distingué  du  document  jéhoviste  par  la  diffé- 
rence des  types.  Ce  procédé  très  ingénieux  avait  le  grand 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  119 

mérite  de  mettre  en  relief  et  de  faire  saisir  au  lecteur,  à  pre- 
mière vue ,  les  différents  morceaux  qui  entrent  dans  la  com- 
position du  livre;  aussi  François  Lenormant  devait-il  trouver 
des  émules. 

La  traduction  de  MM.  Kautzsch  et  Socin  marque  un  pro- 
grès très  sensible.  Sans  aucune  prétention  à  un  travail  de 
critique  original,  ils  ont  adopté  les  résultats  généralement 
admis;  quand  les  interprètes  ne  sont  pas  d*accord,  ils  in- 
diquent dans  des  notes  au  bas  des  pages  les  raisons  qui  ont 
dicté  leur  choix;  s'ils  s'écartent  de  la  voie  frayée  pour  suivre 
un  chemin  à  part,  ils  en  avertissent  également  le  lecteur.  On 
approuvera  la  circonspection  qu'ils  ont  apportée  dans  ce  tra- 
vail d'analyse;  mieux  vaut  laisser  dans  son  intégrité  un  récit 
qui  semble  formé  de  morceaux  fondus  ensemble,  si  les  mor- 
ceaux ne  se  laissent  plus  séparer.  Ils  ne  sont  pas ,  disent-ils 
spirituellement ,  de  ces  savants  dont  la  subtile  sagacité  veut 
entendre  pousser  les  brins  d'herbe. 

Les  différents  types  qui  servent  à  distinguer  les  documents 
sont  au  nombre  de  huit  :  le  premier  caractère  indique  le  do- 
cument élohiste  ;  le  deuxième,  le  document  jéhoviste  (j*); 
le  troisième,  un  document  qui  forme  une  ancienne  couche 
du  document  jéhoviste  (j^);  le  quatrième,  un  ancien  docu- 
ment élohiste  en  rapport  avec  le  document  jéhoviste;  le  cin- 
quième est  destiné  aux  morceaux  dont  l'attribution  au  docu- 
ment élohiste  ou  au  document  jéhoviste  ne  peut  être  faite 
d*une  manière  certaine  (je);  le  sixième  est  réservé  au  cha- 
pitre XIV  c[ui  appartient  à  une  source  inconnue  ;  le  septième 
sert  pour  les  additions  et  insertions  propres  au  rédacteur  (r  )  ; 
enfin  le  huitième  marque  les  gloses  plus  récentes  qui  ont 
passé  dans  le  texte. 

Le  second  but  poursuivi  et  atteint  par  MM.  Kautzsch  et 
Socin  était  de  donner  une  traduction  qui  reproduisit  plutôt 
l'esprit  que  la  lettre  du  texte.  Us  signalent  comme  une  source 
d'erreurs  les  traductions  littérales  qui  expriment  toujours  de 
la  même  manière  un  mot  susceptible  de  nuances  et  d'accep- 
tions diverses.  Us  reconnaissent  cependant  ce  que  la  méthode 


120  JANVIER  1889. 

qu  ils  ont  suivie  aurait  d*arbitraire  et  de  dangereux  chez  un 
auteur  que  de  fortes  études  et  un  long  enseignement  n*au- 
raient  pas  suffisamment  préparé  à  cette  tâche.  Au  point  de 
vue  scientifique  où  ils  se  placent,  leur  traduction  est  ration- 
nelle; elle  est  déjà  par  elle-même  un  commentaire;  mais, 
envisagée  au  point  de  vue  littéraire,  eUe  ne  rend  pas  tou- 
jours la  grâce  naïve  qui  fait  le  charme  de  certains  récits.  Il 
nous  semble  aussi  que  les  traducteurs  ont  cédé  à  la  tendance 
d'atténuer  le  côté  humain  que  le  livre  prête  au  Dieu  des 
Hébreux  dans  ses  relations  avec  ses  élus  ;  c  est  ainsi  qu  ils  ex- 
cluent du  mot  r)^"13  toute  idée  de  pacte  dans  les  versets  vi, 
i8;xvn,  a  et  7;  comparer  n^")3  ^^3,  Jug.  viii,  33;  ix,  4; 

et  nnn^K,  Jug.  ix,  46. 

MM.  Kautzsch  et  Socin  signalent  généralement  dans  les 
notes  les  passages  d'une  interprétation  douteuse.  Ils  auraient 
pu  augmenter  ces  notes  sans  grossir  beaucoup  le  volume  de 
leur  livre  ;  le  lecteur  leur  aurait  été  reconnaissant  de  ti"ouver 
réunis  les  divers  sens  auxquels  une  phrase  peut  donner  lieu. 

Ce  que  nous  tenons  surtout  à  faire  valoir  auprès  des  lec- 
teurs du  Journal ,  c'est  que  le  livre  de  MM.  Kautzsch  et  Socin 
n'est  pas  une  traduction  ordinaire ,  mais  un  manuel  pratique 
qui,  pour  l'exégèse  de  la  Genèse,  sera  aussi  utile  au  profes- 
seur qu'à  l'élève.  Il  forme ,  pour  ainsi  dire ,  le  complément 
de  l'excellent  manuel  exégétique  de  M.  Diilmann.  Nous 
souhaitons  que  les  auteurs,  continuant  leur  œuvre,  nous 
donnent  bientôt  une  traduction,  suivant  la  même  méthode, 
des  autres  livres  de  l'Hexateuque. 

RlbENS  DUVAL. 


Le  Gérant  : 
Barbier  dr  Meynakd. 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

FÉVRIER-MARS  1889. 


RECHERCHES 

SUR 

L'HISTOIRE   DE   LA   LITURGIE   VÉDIQUE, 

PAR  M.  A  BEL  BERGAIGNE. 


I 

LA  FORME  MÉTRIQUE  DES  HYMNES  DU  RIG-VEDA 

(Suite.) 


[La  seconde  partie  du  mémoire  de  M.  Bergaignc  que 
nous  publions  dans  ce  cahier  n'a  pas  reçu  de  son  auteur  la 
dernière  revision.  Nous  nous  sommes  fait  un  devoir  de  re- 
produire exactement  le  brouillon  de  M.  Bergaîgne,  sans  y 
changer  un  seul  mot  ;  mais  Tobscurité  de  l'écriture  et  la  mul- 
tiplicité des  abréviations  ont  rendu  plusieurs  fois  nos  lectures 
douteuses.  Si  donc  une  étude  nouvelle  de  la  queslion  décèle 
çà  et  là  quelques  expressions  impropres  ou  même  erronées, 
c'est  à  l'incertitude  de  notre  copie  qu'il  conviendra  de  les 
attribuer.  Nous  devons  ajouter  toutefois  que  nous  nous 
sommes  efforcés  ardemment  de  restreindre  et  même  de  sup- 
primer ces  chances  d'erreur.]  * 

xiir.  i) 

■  ««■lueur   ■Ar<o'«4ia. 


12:2  FEVRIER-MARS  1889. 

CHAPITRE  IL 

CASTRAS  TOUT  FORMES  BT  RÉCITATIONS  ANALOGUES. 

Le  nom  de  castra  est,  comme  on  sait,  réservé 
aux  récitations  des  hotars  qui  font  suite  à  un  stotra 
des  udgâtars.  C'est  par  celles-là  que  nous  commen- 
cerons. On  va  voir  qu'un  certain  nombre  de  castras 
tout  formés,  ou  des  fragments  considérables  de  cas- 
tras, se  rencontrent  dans  la  Samhitâ  du  Rig-Veda. 

Mais  avant  même  de  rechercher  ces  castras,  il 
ne  sera  pas  inutile  de  rappeler  quun  mandala  du 
Rig-Veda  est  Composé ,  soit  en  entier,  soit  du  moins  en 
grande  partie,  de  sûktas  qui  sont  de  purs  stotras  ou 
des  collections  de  stotras.  C'est  le  mandala  IX.  La' 
production  ancienne  avait  été  si  abondante  que 
la  liturgie  définitive,  en  dépit  de  sa  complexité,  n'a 
pu  embrasser  tous  les  sûktas  à  Soma  Pavamâna, 
appartenant  aux  différentes  familles,  qui  ont  été 
réunis  dans  ce  mandala.  Mais  elle  en  utilise  beau- 
coup,  soit  en  totalité,  soit  par  fragments,  et  il  n'est 
pas  douteux  que  la  plupart  n'aient  été  composés 
expressément  pour  servir  de  pavamânastotras.  Tout 
au  plus  peut-on  croire  qu'un  certain  nombre  d'entre 
eux ,  particulièrement  les  hymnes  en  trishtubh  et  en 
jagatï ,  ont  été  spécialement  destinés  aux  récitations 
dont  l'un  des  hotars  secondaires,  le  grâvastut,  ac- 
compagne le  pressurage  de  midi  quand  d'autres 
hymnes ,  dont  nous  parlerons  plus  loin ,  ne  suffisent 
pas  à  remplir  le  temps  de  la  cérémonie  ^ 

^  Arvahlyana ,  V,  1 2  ,  1 1. 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       123 

Â.  Praûgaçastra. 

Au  premier  rang  des  castras  authentiques  recueillis 
dans  la  Samhitâ ,  il  faut  placer  différents  exemplaires 
du  praûgaçastra.  L'un  de  ces  exemplaires ,  partagé , 
on  ne  sait  pourquoi,  en  deux  sûktas  successifs,  le 
2*  et  le  3*  du  mandala  I ,  est  resté  en  usage  dans  le 
jyotishtoma  modèle,  et  dans  beaucoup  de  jours 
particuliers  des  sattras.  C'est  le  praûga  de  Madhu- 
chandas ,  qui  passe  pour  fils  de  Viçvâmitra.  La  col- 
lection des  hymnes  de  ce  rishi  paraît  être  d'ailleurs 
une  addition  plus  ou  moins  tardive  à  la  Samhitâ 
primitive!.  ^ 

Mais  un  autre  praûga  désigné,  même  dans  Açva- 
làyana,  par  le  nom  de  praûga  de  Gritsamada,  se 
rencontre  dans  le  mandala  II  où  il  forme  le  sûkta  4 1  * 
et  où  il  n'y  a  pas  de  raisons  de  le  croire  interpolé^. 

Gomme  le  praûga  de  Madhuchandas,  il  comprend 
sept  tricas ,  avec  cette  différence  que  les  cinq  premiers 
seulement  et  le  septième  sont  en  gâyatri,  l'autre,  le 
sixième ,  étant  composé  de  deux  anushtubs  et  d'une 
brihati,  soit  de  trois  anushtubhs  dont  la  dernière  est 
allongée  de  quatre  syllabes'  par  l'addition  de  l'épi- 

^  Voir  Jounuil  asiatique ,  septembre-octobre  i886,  p.  261  et  369. 
On  ne  comprendrait  guère  d'ailleurs,  si  elle  avait  fait  partie  du 
classement  primitif,  qu'elle  n  eût  pas  été  confondue  avec  les  hymnes 
de  Viçvâmitra  dans  le  mandala  III. 

*  Afalgré  les  doutes  que  j'avais  précédemment  exprimés  (Ibid,, 
p.  3a5),  c'est  une  de  ces  collections  de  tricas  agglomérées  avant  le 
classement  qui  sont  néanmoins  rangées  à  la  place  des  hymnes  de 
trois  vers*  (Voir  plus  bas.) 

'  Cf.  plus  bas. 


124  FÉVRIER-MARS  1889. 

thète  ritâvari.  Mais  une  autre  différence  plus  impor- 
tante est  que  les  deux  premiers  tricas  de  Madhu- 
chandas,  l'un  à  Vâju,  l'autre  à  Indra  et  Vâyu,  sont 
remplacés  par  un  seul  trica  dont  les  deux  premiers 
vers  d'ailleurs  sont  toujours  adressés  à  Vâyu  seul, 
l'invocation  à  Indra  et  Vâyu  étant  renvoyée  au  troi- 
sième. En  revanche,  le  trica  final  au  ciel  et  à  la 

• 

terre  est  une  addition.  Les  cinq  tricas  du  milieu 
correspondent  exactement  aux  cinq  derniers  de 
Madhuchandas ,  et  sont  adressés  de  même  à  Mitra 
et  Varuna,  aux  Acvins,  à  Indra,  aux  Vicvedevàs,  à 
Sarasvatï. 

Cet  accord  partiel  ne  suffit  plus  naturellement  à 
la  liturgie  définitive,  et  le  praûga  de  Gritsamada 
doit,  pour  y  prendre  place  (le  second  jour  abhiplava 
ou  prishthya^),  devenir  tout  à  fait  conforme  à  celui 
de  Madhuchandas.  Pour  cela ,  on  supprime  le  trica 
final,  on  ajoute  après  les  deux  premiers  vers  un 
troisième  vers  à  Vâyu,  et  avant  le  troisième,  qui 
deviendra  le  troisième  du  trica  à  Indra  et  Vâyu, 
deux  premiers  vers  au  même  couple. 

On  ne  pouvait  guère  souhaiter  un  témoignage 
plus  frappant  de  la  diversité  en  même  temps  que 
de  l'analogie  des  rituels  primitifs,  ainsi  que  du  tra- 
vail de  rapprochement  et  de  fusion  auquel  ils  ont 
été  soumis. 

Mais  ce  n'est  pas  tout.  Les  vers  rnêmes  qu'on  a 
introduits  dans  le  praûga  de  Gritsamada  pour  com- 
pléter deux  tricas,  l'un  à  Vâyu,  l'autre  à  Indra  et 

*  AçvaUjyana ,  Wl ,  G,  2. 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       125 

Vâyu,  sont  empruntés  eux-mêmes  à  un  autre 
praûga,  plus  différent  encore  de  celui  de  Madhu- 
chandas ,  qui  devrait  être  appelé  le  praûga  de  Me- 
dhâlithi  Kânva.  Le  sûkta  1,23,  dont  je  veux  parler, 
comprend  vingt-quatre  vers.  Mais  les  six  derniers 
vers ,  en  mètres  différents ,  et  adressés ,  le  dernier  à 
tous  les  dieux,  les  cinq  précédents  aux  eaux  déjà 
invoquées  dans  les  vers  16-18,  paraissent  être  des 
additions  plus  ou  moins  tardives.  Il  reste  six  tricas 
en  gâyatrï  adressés  à  autant  de  divinités ,  couples  ou 
groupes  de  dieux,  dans  Tordre  suivant: 

Vâyu  (un  vers)  et  Indra  et  Vâyu  (deux  vers); 

Mitra  et  Varuna  ; 

Indra  (accompagné  des  Maruts); 

Viçvedevàs  (et  particulièrement  Maruts); 

Pûshan  ; 

Les  eaux. 

Donc  un  seul  trica  pour  Vâyu  et  Indra  et  Vâyu, 
comme  chez  Gritsamada,  sans  le  trica  final  au  ciel 
et  à  la  terre  dont  Madhuchandas  se  passe  également. 
Des  cinq  autres  tricas,  trois  correspondent  bien  à 
ceux  de  Madhuchandas  et  de  Gritsamada  ;  quatre 
même,  si  Ton  admet,  comme  il  semble  naturel» 
l'équivalence  du  trica  aux  eaux  et  du  trica  à  Saras- 
vati.  Reste  une  seule  différence  grave,  la  substitution 
(avec  déplacement)  de  Pûshan  aux  Açvins.  Sans 
insister  même  sur  les  affinités  mythiques  des  Açvins 
avec  Pûshan  ^  on  pourra  affirmer  sans  témérité  que 

*  Voir  "ma  Religion  védique.  Il,  p..  4  39. 


120  FÉVRIER-MARS  1889. 

le  sûkta  1,23,  renferme  un  véritable  prauga ,  propre 
aux  Kànvas,  et  sorti  de  l'usage. 

On  remarquera  que  ces  trois  praûgas,  malgré 
leur  diversité ,  ont  tous  en  commun  le  mètre  gâyatrï 
(sauf  un  trica  en  anushtubh  dans  II,  4i)*  C'est  un 
indice  précieux  de  l'ancienneté  du  principe  qui 
assigne  la  gâyatrï  au  pressurage  du  matin. 

Ce  principe  cède  pourtant,  à  certains  jours,  dans 
la  liturgie  définitive,  à  une  autre  rè^e  qui  est  de 
faire  varier  les  mètres  avec  les  jours  dans  le  prishthya 
shadaha.  C'est  ainsi  que  le  sixième  jour  prishthya , 
le  prauga  (comme  fâjya  du  reste)  est  en  atichandas 
(8,  1 , 1 2).  Il  se  compose  de  sept  tricas  adressés  aux 
divinités  ordinaires,  celles  de  Madhuchandas,  et  em- 
pruntés, soit  par  séries  de  trois  vers,  soit  par  vers 
isolés  et  artificiellement  combinés,  à  dififérents 
sûktas  de  la  curieuse  collection  de  Parucchepa 
Daivodâsi,  I,  1  2 -y- 189,  toute  en  atichandas. 

Mais  le  dernier  sûkta  de  cette  collection,  I,  iSg, 
pourrait  peut-être  passer  lui-même  pour  un  qua- 
trième prauga  primitif,  d'ailleurs  plus  éloigné  en- 
core du  type  qui  a  triomphé,  et  surtout  d'une  forme 
métrique  si  irrégulière  que  je  me  bornerai  à  faire  le 
rapprochement  sans  insister.  Toujours  est-il  qu'on  y 
trouve,  après  un  vers  unique  à  Agni  et  Indra  et  Vâya^ 
un  autre  vers  unique  à  Mitra  et  Varuna,  trois  vers 
aux  Açvins,  un  vers  à  Indra,  et  enfin  cinq  vers  à 
des  divinités  diverses  qui  pourraient  représenter  les 
Viçvedevàs,  nommés  en  effet  dans  le  dernier. 

La  difficulté  la  plus  grave  peut-être,  à  mon  sens, 


\ 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       127 

est  Tabsence  d'une  invocation  à  Vâyu  seul,  précé- 
dant celle  à  Indra  et  Vâyu.  Le  privilège  reconnu  à 
Vâyu  de  boire  avant  Indra  lui-même  est  un  des 
principes  les  plus  anciens  du  rituel  védique,  et  les 
hynmes  mêmes  y  font  de  nombreuses  allusions.  A  ce 
propos,  je  relèverai  encore  un  certain  nombre  de 
combinaisons  cjiii  rappellent  le  commencement  du 
praûga,  je  veux  dire  les  sûktas  à  Indra  et  Vâyu 
où  Vâyu  est  toujours  d'abord  invoqué  seul.  Cette 
disposition  est  commune  à  tous ,  sans  une  seule 
exception;  car  le  sûkta  VIII,  46,  est  une  agglomé- 
ration sans  analogie  avec  les  morceaux  dont  il 
s'agit. 

Ainsi  leSf  sûktas  IV,  46  et  4-7,  comprennent  chacun 
un  premier  vers  à  Vâyu  suivi  dans  l'un  de  six,  dans 
l'autre  de  trois  à  Indra  et  VâyU.  Le  sûkta  VII,  90,  se 
partage  en  quatre  vers  à  Vâyu 'et  trois  vers,  qui  leur 
font  suite,  à  Indra  et  Vâyu.  Dans  VII,  9 1  et  92 ,  il  y 
a  mélange,  mais  le  premier  vers  est  toujours  à  Vâyu 
seul.  Dans  la  collection  même  de  Parucchepa,  nous 
trouvons  le  sûkta  I,  i35,  de  neuf  vers  atichandas, 
qui  paraît  compter  pour  trois  dans  le  classement^, 
mais  dont  la  place  pourrait  être  également  justifiée 
quand  bien  même  les  trois  tricas  auraient  été  agglo- 
mérés avant  le  classement^.  Or  le  premier  trica  est 
à  Vâyu  seul ,  les  deux  autres  à  Indra  et  Vâyu.  Enfin 
le  sûkta  IV,  46,  formé  de  fragments  agglomérés, 
comprend  un  trica,  S-y,  dont  le  premier  vers  est 

^  Voir  premier  tirage,  p.  68. 
'  Voir  plus  bas. 


128  FÉVRIER-MARS   1889. 

adressé  à  Vàyu  et    les    deux   derniers  à   Indra   et 
Vâyu. 

Nous  aurons  à  revenir  au  pressurage  du  matin  ; 
mais  il  importe  de  signaler  d'abord  d'autres  exemples 
non  moins  frappants  de  castras  ou  de  fragments  de 
castras  destinés,  soit  au  pressurage  du  soir,  soit  à  la 
cérémonie  de  Tatirâtra. 

B.  Castras  du  botar  au  troisième  pressurage  et  dans  latirâtta. 

Le  sùkta  V,  82 ,  à  Savitar  ma  récemment  donné 
de  la  tablature  dans  la  vérification  des  principes 
numériques  de  classement.  Il  comprend  neuf  vers 
après  un  premier  sùkta  à  Savitar  de  cinq  vers. 
J'avais  admis,  après  Grassmann,  qu'il  devait  être 
décomposé,  mais  en  regardant  la  seconde  partie, 
que  je  déterminais  d'ailleurs  autrement,  comme 
interpolée  ^ 

J'avais  eu  tort  de  perdre  de  vue  le  fait  indéniable 
que  des  sûktas  indissolubles ,  ou  du  moins  résultant 
d'une  agglomération  antérieure  au  classement,  n'en 
ont  pas  moins  été  classés,  par  la  seule  raison  qu'ils 
étaient  divisibles  en  tricas ,  à  la  place  qui  appartient 
régulièrement  aux  hymnes  de  trois  vers  ^. 

Or  notre  sùkta  V,  82 ,  dans  son  ensemble,  parait 
être  un  castra  ou  du  moins  un  commencement  de 
castra.  Nous  avons  déjà  remarqué  que  son  premier 
trica  est  la  pratipad  du  vaiçvadevaçastra  dans  le  rituel 

*  Voir  premier  tirage, p.  87 ;  second  tirage,  p.  1 7. 
^  [Ce  paragraphe  et  le  commencement  du  suivant  sont  marqués 
en  marge,  sur  le  manuscrit,  d'un  point  d*interrogation. ] 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       129 

de  ïekdJia  et  que  Tanushtabh  initial  indique  qu  il  a 
été  de  tout  temps  destiné  à  cet  usage.  Ce  n  est  pas 
tout.  Son  second  trica  est  Tanucara  régulier  de  cette 
pratipad  (5,  i8,5).  Le  nividdhàniya  sùkta  IV,  54, 
est  emprunté  à  un  autre  mandala.  Mais  il  devient 
très  vraisemblable  que  dans  la  famille  de  Bharadvâja 
ce  nividdhàniya  n'était  autre  que  le  troisième  trica 
de  notre  sûkta,  et  que  Tensemble  du  sûkta  consti- 
tuait la  partie  adressée  à  Savitar  du  vaiçvadevaçastra , 
et  qu'il  est  entré  tout  d'une  pièce  en  cette  qudité 
dans  le  classement  des  hymnes  du  mandala  VI. 

Le  sûkta  nividdhàniya  aux  Viçvedevàs,  faisant 
partie  du  vaiçvadevaçastra,  se  fait  précéder  dans 
chacun  des  jours  Chandomas  du  Samùdha  Daca- 
ràtra  d'un  autre  sûkta  (X,  172;  X,  iSy;  VIII,  29), 
en  dvipadà(6,  7,  2  4).  Il  en  est  de  même  du  nivid- 
dhàniya sûkta  à  Jàtavedas,  lequel,  faisant  partie  de 
l'àgnimàrutaçastra  dans  le  lo'jour  du  vyûdha  Daça- 
ràtra (8 , 1  2 , 2 4 ) ,  se  fait  précéder  de  l'hymne  en dvi- 
padà  I,  65.  Nous  avons  des  combmaisons  toutes 
semblables  dans  le  mandala  VII  attribué  aux  Va- 
sishthas.  Elles  paraissent  même  avoir  été  primitive- 
ment propres  à  cette  famille.  Le  sûkta  VII,  34,  aux 
Viçvedevàs  est  formé  de  vingt  et  une  dvipadàs  suivies 
de  quatre  trishtubh.  Le  sûkta  56  aux  Maruts  est  com- 
posé exactement  de  la  même  manière,  à  cela  près 
que  les  trishtubh  y  sont  plus  nombreuses  :  onze  dvi- 
padàs et  quatorze  trishtubh  ^  Enfin  une  combinaison 

^  Il  faut  donc  renoncer  à  partager  ce  sûkta,  comme  je  Tavais 
fait,  en  trois  hymnes  différents.  La  place  occupée  dans  le  man- 


J30  FÉVRIER-MARS  1889. 

qui,  sans  être  identique,  est  tout  à  fait  analogue  aux 
précédentes ,  se  rencontre  encore  dans  Thymne  I  du 
même  mandaia ,  à  Agni  \  composé  de  sept  trishtubh 
précédés  de  dix-huit  autres  vers  dans  un  mètre  égale- 
ment rare  excepté  chez  les  Vasishthas,  la  viràj^.  Les 
trois  sûktas,  composés  exactement  de  vingt-cinq  vers 
chacun ,  paraissent  avoir  été  de  tout  temps  dans  une 
étroite  relation.  Or  ils  sont  tous  les  trois  employés  dans 
un  même  jour,  le  quatrième  du  vyûdha  daçarâtra, 
comme  nividdhânîya-sùktas  adressés,  le  premier  aux 
Viçvedevâs,  dans  le  vaiçvadevaçastra  ;  le  second  *aux 
Maruts,  et  le  troisième  à  Jâtavedas  dans  ràgnimàru- 
taçastra  (8,  8,  4).  On  ne  peut  guère  souhaiter  de 
correspondance  plus  frappante  entre  le  rituel  défi- 
nitif et  le  rituel  ancien  d'une  famille  particulière. 

Les  mêmes  concordances  avec  le  rituel  définitif 
et  une  différence  correspondante  se  remarquent  dans 
un  sûkta  du  mandaia  III ,  où  nous  avons  trouvé  tant 
de  collections  de  vers  liturgiques.  Il  va  nous  fournir 
l'exemple  d'un  autre  castra  du  troisième  pressurage, 
le  second  du  hotar,  nommé  âgnimâruta. 

On  sait  que  ce  castra  se  compose,  dans  la  liturgie 
définitive,  de  trois  parties  principales  :  un  hymne  à 

dala  VU  par  la  collection  aux  Maruts  reste  provisoirement  une 
énigme. 

^  Peut-être  a-t-il  fait  paiiie  également  de  râgnimâruta  à  une 
époque  où  un  hymne  unique  à  Agni  aurait  remplacé  les  deux 
hymnes  adressés,  Tun  à  Vaiçvânara,  Tautre  à  Jâtavedas.  Cf.  ci- 
dessus. 

'  On  peut  même  distinguer  dans  cet  hymne  deux  fragments  en 
trishtubh,  en  raison  du  pâda  final  du  vers  30. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       131 

Vaiçvânara,  un  hymne  aux  Maruts,  un  hymne  à 
Jâtavedas.  On  sait  aussi  que  d'une  façon  générale 
les  simples  tricas  peuvent ,  dans  certains  cas ,  tenir 
lieu  d'hymnes,  et  nous  venons  d'en  Voir  un  exemple 
vraisemblable  dans  le  sûkta  V,  8  2 .  Or  le  sûkta  III ,  2  6 , 
est  composé  de  trois  tricas  adressés,  le  premier  à 
Vaiçvânara,  le  second  aux  Maruts,  le  troisième  à 
Jâtavedas.  Si  l'on  remarque  en  outre  que  ce  sûkta 
fait  partie  de  la  série  à  Agni,  où  un  trica  isolé  aux 
Maruts  n'aurait  que  faire ,  il  paraîtra  certain  que  le 
rapprochement  des  trois  tricas  n'est  pas  dû ,  comme 
je  l'avais  cru  d'abord,  au  classement  métrique,  mais 
au  fait  qu'ils  font  paitie  d'un  même  castra  primitif. 
Le  sûkta  III,  26,  doit  encore  sa  place  à  une  appli- 
cation du  principe  d'après  lequel  les  sûktas  composés 
de  tricas  occupent  la  place  réservée  aux  hymnes  de 
trois  vers. 

A  ce  propos  je  ferai  remarquer,  sans  insister  au- 
jourd'hui sur  ce  rapprochement ,  que  le  sûkta  VI ,  48 , 
en  pragâtha,  partie  de  brihati,  partie  de  kakubh, 
partie  assez  irrégulière,  et  commençant  par  le  sto- 
triya  de  l'âgnimâruta  de  la  liturgie  définitive ,  le  cé- 
lèbre ycgnàyajniya  (qui  d'ailleurs  y  est  placé,  non  au 
début,  mais  devant  le  Jâtavedasya  nividdhàmya) ,  est 
composé  dans  sa  première  partie  de  vers  à  Agni ,  et 
dans  la  seconde  de  vers  aux  Maruts  (et  à  Pûshan ,  1 6- 
19).  L'agglomération  en  tout  cas  est  très  ancienne , 
et  le  sûkta  est  traité  dans  le  classement  comme  un 
sûkta  ordinaire ,  puisqu'il  figurç  en  raison  du  nombre 
total  de  ses  vers  en  tête  de  la  série  aux  Vicvedevâs. 


132  FÉVRIER-MARS  1889. 

Un  mot  encore  sur  Yâgnimârutay  bien  authen- 
tique, à  ce  quil  semble,  du  sûkta  III,  26.  Les  deux 
premiers  tricas  en  jagati  sont  en  effet  restés  en 
usage,  comme  nividdhânîya-sùktas,  le  premier  de 
Vaiçvànara ,  le  second  des  Maruts ,  dans  le  sacrifice 
de  Soma  appelé  Brihaspatisava  (9,  5,  5).  Le  troi- 
sième, qui  est  en  trishtabh,  a  été  remplacé  par  le 
trica  à  Jâtavedas,  VI,  i5,  7-9,  en  jagatî,  selon  le 
principe  qui  assigne  l^  jagatî  au  pressurage  du  soir. 
Il  n'en  est  pas  moins  remarquable  que  dans  notre 
castra  plus  ancien,  les  deux  premiers  tricas  soient 
déjà  en  jagatL  Nous  constatons  plus  loin  la  tendance 
à  clore  par  la  tristubh  même  les  castras  en  jagatî 
du  pressurage  du  soir.  Ici  la  conclusion  en  trishtubh , 
au  lieu  de  comprendre  seulement  les  derniers  vers 
d'un  nividdhânïya ,  embrasse  la  totalité  du  dernier. 
Nous  constatons  en  somme,  dans  l'ensemble  du 
castra,  et  malgré  cette  différence,  une  application 
ancienne  du  principe  de  la  répartition  des  mètres 
au  tritiya-savana. 

L'identité  du  sûkta  VIII,  81,  avec  la  partie  en 
gâyatrî  du  castra  du  hotar  au  premier  paryâya  de 
Yatirdira  a  été  déjà  constatée.  Ce  castra  ne  com- 
prend en  outre  que  l'hymne  en  jagatî  (I,  5i)  qui 
termine  chacun  des  douze  castras  de  l'atiràtra.  La 
raison  décisive  qui  doit  faire  préférer  fhypothèse 
d'un  castra  tout  fait  à  celle  d'une  adaptation  posté- 
rieure est  l'anushtubh  initiale  ^  Mais  on  peut  y 
ajouter  encore  la  correspondance  remarquable  du 

*  Voir  ci-dessus. 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       133 

premier  pàda  de  ce  vers,  et  du  premier  pàda  du 
vers  l\ ,  premier  de  Tanurùpa. 

Dans  les  castras  du  hotar  aux  deux  autres  pa- 
ryâyas,  la  partie  en  gâyatri  comprend  également  un 
long  sûkta  du  mandala  VIII.  C'est  pour  le  second 
paryàya  le  sûkta  VIII,  82  (sauf  le  vers  34  à  Indra  et 
aux  Ribhus  qui  est  une  addition),  et  pour  le  troi- 
sième le  sûkta  VIII,  6  (sauf  les  trois  derniers  vers 
qui  forment  une  dânastuti).  Mais  le  second  comprend 
en  outre  un  stotriya  et  un  anurûpa  (VIII ,  1  7,  1  1  -1 3 , 
et  53,  10-12)  ajoutés  devant  le  sûkta,  et  le  troi- 
sième un  stotriya  (III ,  5 1 ,  10-12),  dont  le  premier 
trica  du  sûkta  doit  former  lanurûpa. 

El  pourtant  le  sûkta  VIII,  82,  et  même  le 
sûkta  VIII,  6,  commencent  par  deux  tricas  qui  se 
répondent  suffisamment.  Dans  le  dernier,  la  com- 
paraison du  vers  4  rappelle  celle  du  vers  1 ,  et  le 
mot  àjas  de  celui-ci  se  retrouve  au  vers  li.  Dans 
l'autre  Ja  correspondance  n  est  pas  seulement  suffi- 
sante, mais  exceptionnellement  remarquable.  La 
présence  simultanée  dans  le  vers  1  et  dans  le  vers  4 
du  vocatif  sûrya  est  dautant  plus  caractéristique 
qu'elle  est  en  somme  assez  étrange  dans  l'un  et  dans 
laulre ,  et  surtout  dans  le  second  des  deux.  Jamais 
on  na  vu  couple  de  tricas  mieux  assorti  et  plus 
naturellement  destiné  aux  fonctions  connexes  de 
stotriya  et  d'anurûpa.  Le  sûkta  VIII,  82 ,  est  évidem- 
ment un  ancien  castra  et  l'on  peut  en  somme  en 
dire  autant  du  sûkta  VIII,  6. 

Il  n'est  même  pas  impossible  de  trouver  les  rai- 


134  FEVRIER-MARS  1889. 

sons  pour  lesquelles  ils  ont  reçu  des  introductions 
postiches  (impliquant  naturellement  une  modifi- 
cation correspondante  des  stotras  de  TUdgàtar). 
Pour  le  second  paryâya  surtout,  Texplication  sui- 
vante pai'aît  s'imposer  : 

La  liturgie  définitive  ne  s'en  est  pas  tenue  aux 
combinaisons  curieuses  de  mètres  ;  elle  a  recherché 
des  combinaisons  numériques  plus  curieuses  encore. 
Si  Ton  fait  pour  les  castras  de  chacun  des  quatre  ho- 
tars  à  chacun  des  quatre  paryâyas  le  compte  des 
vers  employés  (Açv.,  6,6,  lo)  en  distinguant  les 
gâyatrïs  des  jagatîs  (en  y  comprenant  Tanushtubh 
initiale  du  premier  castra  et  les  six  ushnih  initiides 
du  dernier  et  aussi  les  trishtubh  qui  terminent  la 
plupart  des  hymnes  en  jagatî),  on  obtient  les  deux 
tableaux  suivants  : 

GAYATRIS. 

i"  paryâya.  a* par.     3*  par.  total. 

Hotar 33  Sg  48  lao 

Maitrâvaruna ai  19  39  69 

Brâhmanâcchamsin .  19  aJi  ai  .64 

Achâvâka. 19  ai  a6  66 

9a        io3       ia4 

JAGATIS. 
i"  paryâyâ.  a'par.     3*  par.  total. 

Hotar i5  11  6  Sa 

Maitrâvaruna 9  11  5  a5 

Brâhmanâcchamsin  .11  6  1 3  3o 

Achâvâka 11  9  g  29 

'^6    "I7    "33" 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       135 

On  voit  immédiatement  que  pour  le  hotar  le 
nombre  des  gâyatrïs  va  en  augmentant  et  celui  des 
jagatîs  en  descendant  de  paryâya  en  paryâya.  Il  en 
est  de  même  pour  TAchâvàka.  Il  en  est  de  même 
encore  pour  le  total ,  soit  des  gâyatrïs ,  soit  des  jagatîs 
récitées  par  les  difiFérents  prêtres  à  chaque  paryâya. 
Mais  pour  les  deux  prêtres  intermédiaires  on  a  adopté 
un  système  intermédiaire.  Pour  le  Maitrâvaruna  le 
nombre  des  gâyatrïs  descend  et  remonte ,  celui  des 
jagatîs  monte  et  redescend.  Pour  le  Brâhmanâc- 
chamsin,  par  une  disposition  qui  fait  le  pendant 
exact  de  la  précédente,  le  nombre  des  gâyatrïs 
monte  et  redescend,  celui  des  jagatîs  descend  et 
remonte. 

Si  on  compare  le  total  des  gâyatrïs  et  des  jagatîs 
récités  par  les  différents  prêtres  à  chaque  paryâya, 
on  voit  que  le  nombre  des  gâyatrïs  est  exactement 
le  double  de  celui  des  jagatîs  dans  le  premier,  et  à 
peu  près  le  tiers  dans  le  second,  le  quart  dans  le 
troisièbie.  Enfin  si  on  faisait  le  total  des  vers  tant 
gâyatrïs  que  jagatîs  récités  par  les  différents  prêtres 
dans  lensemble  des  trois  paryâyas ,  on  verrait  que 
ce  total  est  le  même  pour  les  trois  hotrakas,  à  une 
unité  près  pour  TAchâvàka  :  gA,  9 4  et  gS.  Ces  à 
peu  près  ont  peut-être  été  cherchés  également.  On 
sait  que  les  rituels  se  contentent  souvent  aussi  d*à 
peu  près  dans  leurs  combinaisons  métriques  pour 
l'équivalence  des  mètres. 

L'étude  des  totaux  tant  des  gâyatrïs  que  des  jagatîs 
récitées  par  chaque  prêtre  dans  l'ensemble  des  trois 


136  FÉVRIER-MARS  1889. 

paryâyas  donne  les  résultais  suivants.  C'est  le  hotar 
qui  a  le  plus  de  gâyatrîs  et  de  jagatîs.  Des  trois  au- 
tres, celui  qui  a  le  plus  de  gâyatrîs,  le  Maitrâvaruna , 
a  le  moins  de  Jagatis.  Des  deux  qui  restent,  celui 
qui  a  le  plus  de  gâyatrîs,  TAchâvâlca,  a  aussi  le 
moins  de  jagatîs  des  deux. 

Je  m'arrête  dans  la  crainte  de  prêter  aux  auteurs 
du  rituel  plus  d'intentions  qu'ils  n'en  ont  eu.  Ce 
qui  précède  prouve  en  tout  cas  qu'ils  en  ont  eu 
beaucoup. 

Il  est  maintenant  aisé  de  comprendre  pourquoi 
le  sûkta  VIII,  82 ,  récité  par  le  hotar  au  deuxième 
paryâya ,  a  été  pourvu  d'un  stotriya  et  d'un  anurûpa 
postiches  :  c'est  qu'il  avait  exactement  le  même 
nombre  de  vers  que  le  sûkta  VIII,  81,  récité  par  le 
même  prêtre  au  premier  paryâya ,  et  que  les  raffi- 
nements du  rituel  exigeaient  qu'il  fût  plus  long. 

Quant  au  sûkta  VIII,  6,  récité  au  troisième  pa- 
ryâya, il  était  déjà  plus  long,  non  seulement  que 
le  premier,  mais  que  le  second  avec  ses  additions. 
Toutefois ,  si  l'on  songe  aux  exigences  multiples  des 
autres  combinaisons  relevées  plus  haut,  on  pourra 
admettre  de  confiance  que  l'addition  qu'il  a  reçue 
était  également  indispensable  ^. 

Conclusion:  Les  sûktas  VIII,  6,  81  et  82,  sont 
certainement  des  castras  tout  faits,  et  selon  toute 
vraisemblance  des  castras  destinés  dès  l'origine  à  la 

^  Voir  d*ailieurs  plus  bas. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       137 

cérémonie  de  latirâtra.  On  peut  même  affirmer  que 
le  sûkta  8 1 ,  avec  son  anushtubh  initiale ,  a  été  ex- 
pressément destiné  à  servir  de  premier  castra.     . 

Mais  nous  avons  à  citer  un  castra  plus  long  en- 
core ,  appartenant  également  à  la  famille  de  Kânva* 
Ici  les  différentes  parties  du  castra  sont  réunies ,  non 
plus  en  un  sûkta  unique,  mais  en  une  collection  de 
sûktas  attribuée  à  Praskanva  Kânva  et  rangée  dans 
le  mandala  I,  lilx-bo.  Cette  collection  se  compose 
exclusivement  de  sûktas  à  Agni,  aux  Açvins,  à  Tau- 
rore  et  au  soleil ,  et  les  deux  sûktas  à  Agni ,  Tun  en 
bârhata-pragâtha ,  44 ,  l'autre  en  anushtubh ,  45 ,  ren- 
ferment presque  à  chaque  vers  une  invocation  mati- 
nale aux  dieux,  aux  dieux  qui  s'éveillent  le  matin.  Lé 
dernier  vers  du  second  mentionne  expressément  le 
«oma  du  jour  précédent  tiràahnya,  et  concorde  avec 
rhymne  au  soleil  pour  prouver  qu'il  s  agit  bien,  non 
du  prâtaranuvàka ,  mais  de  Ydçvinaçastra.  Les  sûktas 
à  Agni  sont  en  tête ,  et  le  sûkta  au  soleil  à  la  fm ,  et 
bien  que  les  hymnes  à  laurore  viennent  après  les 
hymnes  aux  Açvins,. il  est  probable  que  l'ordre  de 
la  collection  entière  est  celui  de  la  récitation  litur- 
gique^. Rien  n  empêche  de  croire  que  chez  les 
Kânvas  les  hymnes  aux  Açvins  précédaient  en  effet 
les  hymnes  à  l'aurore. 

C  Castras  des  Iiotrakasv 

Tous  les  castras  que  nous  avons  relevés  jusqu'à 

^  Et  non  un  ordre  réglé  par  les  principes  numériques  et  métri- 
ques de  classement,  ainsi  que  je  Tavais  cru  d*abord. 

XIII.  ro 


13$  FÉVRIER-MARS  1889. 

présent  dans  la  Samhirà,  le  praàga  el  ïâgnimdruia 
comme  le$  trois  dont  il  a  été  question  en  dernier 
lieu,  sont  des  castras  du  hotar.  Mais  il  faut  nous 
attendre  k  en  trouver  aussi  qui  appartiennent  aux 
hotrakas,  c'està-dii'e  aux  trois  autres  prêtres  qui 
récitent  des  castras  :  le  Maitrâvaruna,  le  Brâhma* 
nâcchamsin  et  rAchâvâka. 

Sans  prétendre  que  la  distinction  des  différents 
hotars  remonte  aux  plus  anciens  hymnes  qui  nous 
aient  été  conser>'és,  on  peut,  on  doit  même  con- 
stater qu'elle  est  supposée  dans  un  bon  nombre 
d*hymnes.  La  mention  assez  fréquente  des  sept 
hotars  se  rapporte  sans  doute  dans  plus  d'un  cas  aux 
sept  hotars  réels  du  sacnfice  du  Soma;  cependant, 
comme  elle  parait  avoir  en  outre  une  signification 
mythologique ,  je  ny  insisterai  pas  aujourd'hui.  Mai» 
le  Maitràvaruna ,  et  la  coupe  dont  il  se  sert,  et  sa 
fonction  sont  expressément  compris  sous  la  désigna- 
tion de  praçâstar  pour  le  prêtre  et  de  praçâstra  pour 
la  fonction  et  la  coupe  dans  les  énumérations  des 
vers  I,  94,  6  ;  II,  1-2  =X,  91,  10;  5,  &;  36,  6. 

Les  noms  du  Brâhmanâcchamsin  et  de  TÂchâ' 
vâka  ne  se  rencontrent  pas  dans  les  hymnes.  Il  n'y 
a  aucun  argument  à  tirer  de  là  contre  Tancienneté 
de  leur  fonction.  La  fonction  de  Vudgàtar,  dont  on 
ne  peut  contester  la  haute  antiquité  après  le  travail 
déjà  cité  de  M.  Oldenberg,  n'est  pourtant  désignée 
expressément  par  ce  nom  même  que  dans  un  seul 
hymne  du  Rig-Veda,  peut-être  d'ailleurs  interpolé, 
II,  43,  au  vers  2.  Remarquons  en  passant  que  ce 


HISTOIRE   DE   LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       139 

vers  oppose  au  sâman  de  ïudgâtar  la  récitation , 
çamsasi,  «  dans  les  pressurages  »  d*un  prêtre  qu  il 
nomme  hrahmapatra.  Comme  ce  nom  dans  son 
sens  étymologique  ne  s'opposerait  nullement  à  celui 
d'udgâtcu\  on  peut  se  demander  s  il  ne  serait  que  la 
clésignation  technique  d'un  prêtre  particulier,  et 
précisément  du  Brâhmanâcchamsin. 

En  tout  cas,  à  défaut  du  nom  de  Vachàvdka,  un 
vers  d  un  hymne  non  suspect ,  V,  4 1 ,  1 6 ,  contient 
un  emploi  équivalent  du  substantif  àchokti  :  hatha 
dàcema  nàmasâ  sudanûn  evayà  maràio  àchoktau.  Le 
mot  ei^ayâ  rapproché  de  mardtas  est  •  une  allusion 
évidente  à  l'hymne  V,  87,  avec  le  refrain  evayàmarut 
qui  lui  a  donné  son  nom  dans  le  rituel,  et  le  mot 
àehùkti  en  est  une  autre  non  moins  claire  à  i'Achâ- 
vâka  qui  récite  en  effet  l'hymne  Evayàmarut  au 
pressurage  du  soir,  le  sixième  jour  prw/i^/iya  (8 ,  4 ,  a). 
Sans  nier  que  cette  récitation  ait  pu  appartenir  pri- 
mitivement à  un  sacrifice  de  Soma  quelconque  pour 
être  réservée  seulement  plus  tard  à  l'un  des  jours 
d'un  sattra ,  on  ne  peut  s'empêcher  de  rêver  devant 
la  perspective  qu'un  pareil  texte  semble  ouvrir  sur 
lancienneté  des  règles  les  plus  particulières  des 
sûtras.  En  tout  cas  la  question  préalable  ne  saurait 
nous  être  opposée  au  début  de  cette  discussion  sur 
la  présence  dans  la  Samhitâ  de  certains  castras  propres 
aux  botrakas.  Or  des  raisons  analogues  à  celles  qui 
nous  ont  fait  reconnaître  des  castras  du  hotar  dans 
les  sùktas  VIII,  6,  81,  8a ,  nous  engagent  tout  au 
moins  à  chercher  des  castras  du  M aitrâvaruna ,  des- 


10 


140  FÉVRIER. MARS  1889. 

tinés  pareillement  à  iatirâtra  (sauf  laddilion  de 
rhymne  en  ja^ati)  dans  les  sûktas  en  gâyatri  Mil ,  32 , 
et  IV,  3o,  qui  figurent  en  effet  dans  les  castras  de 
ce  prêtre,  Tun  (en  partie)  au  premier  paryâya, 
i autre  (sauf  la  suppression  du  vers  2 4  et  dernier, 
anushtubh)  au  troisième. 

Le  sûkta  IV,  3o,  en  particulier,  na  guère  pu  être 
autre  chose.  M.  Oldenberg  a  déjà  remarqué  que  cet 
hymne,  bien  divisible  en  tricas,  ne  peut  (en  raison 
de  la  connexion  étroite  de  plusieurs  de  ses  stro- 
phes) être  considéré  comme  une  simple  agglomé- 
ration d'autant  d'hymnes  distincts,  ce  qui  na  pas 
empêché  les  diascévastes  de  le  ranger  à  la  place  des 
hymnes  de  trois  veri.  C'est  exactement  le  cas  des 
sûktas  II,  6  I  ;  I)  23;  III,  26,  qui  sont  des  castras 
avérés,  et  ce  nouvel  exemple  parait  se  prêter  à  la 
même  explication.  Les  deux  premiers  tricas  ont 
entre  eux  la  plus  étroite  ressemblance;  ils  ont  pu 
faire  un  stotriya  et  un  anurûpa  aussi  conformes  que 
possible,  et  en  même  temps  leur  texte,  relatif  aux 
exploits  d'Indra  pendant  la  nuit,  convient  à  mer- 
veille à  la  cérémonie  de  l'aliràtra.  Il  n'est  donc  peut- 
être  pas  trop  hardi  de  supposer  qu'ici  encore  un 
stotriya  et  un  anurûpa  nouveaux  ont  été  ajoutés  pour 
le  besoin  des  combinaisons  numériques. 

Cependant  il  y  a  encore  une  autre  explication 
possible  de  ces  additions  en  tête  des  anciens  castras. 
Les  deux  premiers  tricas  du  sûkta  W,  3o,  nous  pa- 
raissent plus  réellement  «  conformes  »  que  les  tricas  I, 
5 ,  1  -3 ,  et  VIII ,  82  ,  Zi  6 ,  qui  ont  usurpé  leurs  fonct 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       I4l 

tions.  Mais  on  paraît  avoir  cherché  de  plus  en  plus 
une  correspondance  tout  extérieure  entre  le  stotriya 
et  lanurùpa,  par  exemple  l'identité  du  premier 
mot,  fût-ce  un  simple  préfixe,  â,  comme  dans  le 
cas  présent.  Peut-être  une  préoccupation  analogue 
a-t-elle  contibué  à  faire  ajouter  en  tête  du  castra  du 
hotar  au  troisième  paryâya  ^  le  trica  III ,  5 1 ,  10-12, 
dont  le  premier  vers  a,  à  la  fin  de  son  premier  pâda , 
la  forme  àjasâ  comme  le  premier  vers  du  sûkta  VIII, 
6,  devenu  le  premier  de  fanurûpa. 

Une  raison  du  même  ordre  peut  seule  expliquer, 
à  ce  qu'il  semble,  laddition  du  trica  VII,  3i,  i-3, 
en  tête  du  sûkta  VIII,  Sa ,  dans  le  castra  du  Maitrâ- 
varuna  au  premier  paryâya,  si  ce  sûkta,  comme  je 
le  suppose,  était  déjà  par  lui-même  un  castra.  Ce 
sûkta  en  effet  a  trente  vers  dont  les  dix- huit  premiers 
seulement  figurent  dans  le  castra.  Si  une  su2)pres- 
sion  a  dû  être  faite  en  vue  des  combinaisons  numé- 
riques, on  ne  peut  naturellement  rapporter  lad- 
dition à  la  même  cause  :  rien  n'empêchait  de  garder 
trois  vers  de  plus.  Mais  le  stotriya  et  lanurùpa  nou- 
veaux commencent  tous  les  deux  par  le  préfixe  prà. 

En  somme  cet  exemple  est  beaucoup  moins  frap- 
pant qiie  les  précédents,  surtout  que  ceux  où  nous 
avons  reconnu  des  castras  du  hotar.  L'analogie  pour- 
tant méritait  d'être  relevée.  D'une  façon  générale,  il 
devient  probable,  comme  je  l'avais  annoncé",  que 
des  longs  sûktas  en  tricas  du  mandala  VII,  et  des 

'  Voir  ci-dessus. 
'  Voir  [ci-dessus]. 


142  FKVRIER-MARS  1889. 

morceaux  analogues  comme  Thymne  IV,  3o,  ceux 
qui  ne  sont  pas  des  collections  de  stotriyas,  danu- 
rùpas ,  de  pratipads ,  etc. ,  sont  des  castras  tout  formés. 

En  voici  d'ailleurs  un  nouveau  qui,  avec  des  ad- 
ditions dun  autre  genre,  des  additions  en  queue, 
est  resté  le  castra  d'un  hotraka,  non  plus  dans  la 
cérémonie  de  Tatirâtra ,  mais  au  pressurage  du  matin , 
où  il  est  récité  par  le  Brâhmanàcchamsin  (5,10,28). 
C'est  le  sûkta  VIII ,  1  7 ,  à  Indra ,  pareillement  en 
gâyatrï,  sauf  les  deux  derniers  vers  i/i-i5,  formant 
un  bârhatapragâtha  dont  nous  ne  rechercherons  pas 
actuellement  l'origine  ;  en  fout  cas  il  devait  naturel- 
lement disparaître  dans  la  liturgie  défmitive  qui 
n'admet  que  la  gâyatrï  dans  les  récitations  du  ho- 
traka au  prâtahsavana.  Les  douze  premiers  vers  (le 
treizième  est  une  dânastati)  forment  quatre  tricas 
dont  les  deux  premiers  se  répondent  exactement 
par  leur  premier  pâda.  Ils  ont  très  bien  pu  être  dis- 
posés dès  l'origine  pour  l'usage  auquel  nous  les 
voyons  sei^ir,  ou  pour  un  usage  analogue. 

J'en  dirai  autant  des  neuf  gâyatrïs  du  sûkta  III ,  12, 
à  Indra  et  Agni ,  récité  par  l'Achâvàka  dans  le  même 
pressurage  du  matin.  Elles  sont  reliées  pareillement 
en  tête  du  castra ,  et  les  deux  premiers  tricas  rem- 
plissent les  fonctions  de  slotriya  et  d'anurûpa,  au 
moins  d'après  Çânkhàyana  ^  (  7,  1  3 ,  et  1  et  2).  Dans 
Açvalâyana  (5,   10,    28),  c'est  le  troisième  trîca, 

^  A  moins  que  l'ordre  des  tricas  fût  différent  dans  la  samhitâ  qa*il 
suivait.  Ce  serait  alors  cette  autre  disposition  de  Thymne  qui  ré- 
pondait au  castra  primitif. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       143 

commençant  par  le  même  mot  que  le  premier,  qui 
est  devenu  lanurûpa.  On  remarquera  que  ce  sûkta 
appartient  au  mandata  où  nous  avons  relevé  déjà, 
outre  un  âgnimâruta-çastra,  de  très  curieuses  col- 
lections de  vers  liturgiques.  11  est,  par  exception, 
classé  d  après  le  nombre  total  de  ses  vers,  au  milieu 
des  sûktas  proprement  dits  (  et  des  sûktas  à  Âgni , 
bien  qu'il  soit  adressé  à  Indra  et  Agni).  Mais  la  même 
série  ofiBre  d'autres  particularités  du  même  genre, 
particulièrement  le  sûkta  1 6  en  pragâtha. 

Nous  ne  pouvons  quitter  le  sujet  des  hotrakas 
sans  dire  un  mot  des  six  sûktas  I,  4-9 ,  de  dix  gâya- 
tris  chacun.  Ces  soixante  vers,  dans  Tordre  de  la 
âamhitâ,  forment  le  stock  où  puise  le  Brâmanâc- 
chamsin,  au  pressurage  du  matin,  dans  les  jours 
abhiplava  ou  prishthya,  quand  il  doit  allonger  son 
çai^ra  en  raison  de  l'accroissement  àustoma  (7 , 5 , 1 5 ) , 
c'est-à-dire  du  nombre  de  répétitions  que  les  Udgâ- 
tars  ont  fait  subir  aux  vers  du  stotra  correspondant. 
Les  six  sûktas,  dont  le  classement  dans  la  collec- 
tion de  Madhuchandas  est  une  énigme  ^  semblent 
bien  y  être  entrés  déjà  comme  une  compilation 
liturgique,  à  la  suite  du  praûga-çastra  formé  par 
les  sûktas  2  et  3. 

Je  reviens  en  terminant  sur  le  sûkta  IV,  3o,  au- 
quel nous  avons  reconnu  le  caractère  d'un  castra, 
pour  faire  remarquer  la  répartition  des  tricas  de 
gâyatris  entre  les  deux  sûktas  suivants  dont  l'un  ,  3  i , 

*  Voir  Journal  asiatitfae,  1886,  p.  267. 


144  FÉVRIER-MARS  1889. 

en  a  cinq ,  et  le  suivant ,  3  2 ,  en  a  huit.  Pourquoi 
les  treize  tricas  n  ont-ils  pas  été  réunis  en  un  seul 
sûkta ,  comme  les  seize  du  sûkta  VI ,  1 6 ,  par  exemple? 
Partout  ailleurs  les  tricas  d'une  même  série,  sans  lien 
particulier  entre  eux ,  sont  réunis  dans  un  seul  sûkta , 
par  mètre  \  ou  même,  quand  ils  sont  peu  nom- 
breux ,  dans  un  sûkta  unique  pour  tous  les  mètres» 
Aurions-nous  encore  ici  deux  anciens  castras  ana- 
logues  à  IV,  3o? 

D.  Autres  castras  de  forme  ancienne. 

Il  paraît  démontré  en  thèse  générale,  et  indépen- 
damment des  doutes  qui  peuvent  subsister  sur  tel  ou 
tel  de  nos  exemples,  que  la  Samlntâ  renferme  des 
castras  ou  des  commencements  de  castras,  destinés 
d'avance  à  l'usage  spécial  auquel  ils  sont  employés, 
eu  tout  ou  en  partie,  dans  la  liturgie  définitive.  On 
admettra  sans  peine  qu'elle  puisse  contenir  aussi 
d'autres  castras,  non  seulement  sortis  de  l'usage, 
non  seulement  construits  d'après  des  principes  en 
partie  différents,  comme  le  praûga  de  Medhâtithi 
par  exemple,  mais  tels  qu'il  soit  impossible  de  les 
comparer  particulièrement  à  aucun  des  castras  restés 
usités. 

C'est  du  moins  un  trait  général  de  ressemblance 


*  Les  sept  sûktas  61-67  du  mandala  IX,  également  composés  de 
tricas  de  gâyatrîs,  sont  hors  de  cause  puisqu'ils  sont  attribués  à 
autant  d*auteurs  différents,  et  quand  on  ne  tiendrait  pas  compte  de 
cette  attribution,  le  total  des  tricas  est  hors  de  proportion  avec  le 
mètre ,  et  enfln  ils  sont  répartis  par  groupes  égaux. 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE    VÉDIQUE.       145 

avec  les  castras  connus  que  la  présence  en  tête  d'un 
sûkta  de  deux  pragâthas  ou  de  deux  tricas  nette- 
ment distingués  de  ce  qui  suit.  Dans  ces  nouveaux 
exemples  où  la  comparaison  du  rituel  des  sûtras  nous 
fait  défaut ,  il  sera  prudent  de  nous  en  tenir  aux  in- 
dications qui  font  Tobjet  principal  de  notre  étude, 
c'est-à-dire  aux  indications  métriques.  Mais  celles-là 
dans  plusieurs  cas  semblent  caractéristiques. 

Le  sûkta  VIII,  i,  à  Indra,  composé  de  brihatïs, 
commence  par  deux  bàrhata-pragâthas.  Cette  compo- 
sition métrique  ne  semble-t-elle  pas  trahir  au  pre- 
mier  coup  d'œil  un  ancien  castra?  J'en  dirai  autant 
de  VI,  tilij  également  à  Indra,  en  trishtabh,  com- 
mençant par  deux  tricas  anushtubh. 

Le  second  exemple  est  particulièrement  instructif. 
Le  sûkta  entier  est  clairement  compose  de  tricas  (le 
3*"  trica  se  distingue  même  légèrement  des  suivants 
par  le  mètre  qui  semble  un  compromis  entre  la 
trishtubh  et  la  viràj).  Il  précède  un  autre  sûkta  en 
tricas  de  gàyatris,  suivi  dun  trica  en  pragâthas.  Bref 
il  est  bien  à  la  place  qu'assigne  aux  tricas  le  principe 
numérique  de  classement.  Mais  le  principe  métrique 
auquel  obéit  le  sûkta  suivant  en  tricas  de  gàyatris 
semble  violé  à  l'égard  du  nôtre  par  le  classement  des 

deux  tricas  anushtubh  avant  les  tricas  en  tristhubh. 

•  •  •  • 

Aussi  avais-je  soupçonné  là  une  interpolation. 

Mais  les  interpolations  révélées  par  la  violation 
de  l'ordre  numérique  semblent  reléguées ,  au  moins 
dans  les  mandalas  anciens,  comme  le  VP,  à  la  fin 
des   séries   divines.  Les   hypothèses  d'interpolation 


146  FEVRIER-MARS  1880. 

d'hymnes  ou  de  vers  au  milieu  des  séries ,  auxquelles 
m'avait  conduit  précédenunent^  la  vérification  du 
principe  métrique ,  étaient  donc  assez  peu  vraisem- 
blables et  laissaient  subsister  quelques  doutes  sur  la 
portée  du  principe  lui-même,  malgré  ses  nombreuses 
applications.  L'ensemble  de  ce  travail ,  comme  je  Tai 
annoncé,  les  rendra  inutiles,  et  voici  déjà,  si  je  ne 
me  trompe ,  une  des  difficultés  levée. 

Les  tricas  dont  se  compose  le  sûkta  VI,  44, 
étaient  réunis  déjà  avant  la  compilation  de  la  Sam- 
hitâ.  Il  n'en  a  pas  moins  été,  suivant  le  principe 
déjà  relevé  par  M.  Œdenbei^  et  dont  nous  avons 
cité  plusieurs  autres  exemples,  classé  après  les 
hymnes  de  quatre  vers,  par  assimilation  de  ses  tricas 
à  des  hymnes  de  trois  vers.  Il  a  été  placé  devant  le 
sûkta  45 ,  en  tricas  de  gâyatrîs,  parce  qu'il  est  com- 
posé de  mètres  plus  longs.  Mais  ses  deux  tricas  anush- 
tubh  sont  restés  avant  les  tricas  de  trishtubh ,  parce 
qu'il  formait  déjà  un  tout  indissoluble. 

Des  interpolations  seraient  plus  facilement  ad- 
missibles à  la  fm  du  sûkta  I,  84,  à  Indra,  qui  clôt 
une  série.  Mais  l'ordre  de  ses  strophes  serait  Inti- 
mement indépendant  du  principe  métrique,  et  n'im- 
pliquerait aucune  interpolation  si  elles  étaient  a^o- 
mérées  avant  le  classement.  Qr  le  mètre  qui  varie 
avec  chacune  d'elles  à  partir  du  vers  y  est  au  con- 
traire le  même  dans  les  six  premiers  vers.  Il  semble 
bien  naturel  de  voir  là  encore  un  stotriya  et  un  anu- 

'  Journal  asialitfae,  [i886,  p.  208]. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       147 

rûpa,  et  dans  l'ensemble  du  sûkta   un   castra  de 
forme  ancienne. 

Le  sûkta  VII,  3i,  toujours  à  Indm,  a  déjà  été 
considéré  par  M.  Oldenbei^  ^  comme  indissoluble , 
quoique  divisible  entricas  et  rangé  pour  cette  raison  k 
la  place  qui  appartiendrait  à  des  hymnes  de  trois  vers. 
Sa  composition  métrique ,  trois  tricas  de  gâyatrî  suivsi 
d'un  trica  de  virâj ,  est  moins  caractéristique  que 
celle  des  sûktas  précédemment  étudiés.  Il  n'en  est 
pas  moins  très  possible  que  les  deux  premiers  tricas 
aient  eu  primitivement  l'un  la  fonction  de  stotriya , 
l'autre  celle  d'anurûpa.  De  même,  sur  les  trois  bà- 
rhata-pragâtha  qui  précèdent  six  brihatî  (suivies  d'une 
dânastuti)  au  commencement  du  sûkta  VIII,  Sg, 
les  deux  premiers  pourraient,  comme  ceux  du 
sûkta  VIII,  1,  être  un  stotriya  et  un  anurûpa  an- 


ciens ^, 


Nous  retrouvons  une  séparation  métrique  bien 
nette  entre  les  six  premiers  vers ,  formant  deux  tricas 
de  même  mètre ,  et  les  vers  suivants ,  dans  les  sûktas 
à  Indra  VIII,  5i  et  89,  formés  pareillement  de 
tricas  rangés  dans  un  ordre  indépendant  du  prin- 
cipe métrique.  Le  refrain  commun  à  tous  les  vers  du 
premier  et  le  mètre  des  six  premiers  vers  du  second 
qui  est  la  trishtubh,  inusitée  dans  les  stotriyas  et  les 
anurûpas  du  rituel  définitif,  ne  seraient  ni  l'un  ni 
r«atre  une  objection  bien  grave  à  l'hypothèse  qui 

*  Article  cité. 

*  Remarquons  pourtant  que  le  5-6  est  la  yoni  d*un  sâman  ce- 
ièbre.    . 


148  FÉVRIER. MARS  1889. 

ferait  de  ces  deux  nouveaux  sùktas  deux  castras  de 
forme  ancienne. 

Pour  assigner  une  place  dans  le  sacrifice  du  Soma 
à  des  castras  dont  la  divinité  serait  Indra ,  on  n  au- 
rait que  rembarras  du  choix.  Il  n'en  serait  pas  de 
même  pour  le  sûkta  VI ,  82,  aux  Viçvedevâs ,  si , 
comme  sa  composition  métrique  pourrait  le  faire  sup- 
poser (1-6  trishtubh,  -7-1  2  gàyatri,  1 3-i  7  trishtubh, 
sauf  i4  qui  est  une  jagati),  celui-là  aussi  était  un 
ancien  castra.  Il  ny  a  qu'un  vaiçvadevaçastra ,  et  il 
commence  par  une  pratipad,  un  anucara  et  un  nivid- 
dhânïya  sûkta  adressés  tous  à  Savitar.  Quant  aa 
sûkta  aux  Viçvedevâs ,  il  n'est  pas  précédé  de  deux 
tricas  qui  se  répondent.  La  disposition  peut  avoir 
été  différente  dans  un  autre  temps  et  dans  une 
famille  particulière.  On  pourrait  même  supposer: 
que  le  stotriya  et  l'anurûpa  étaient  au  milieu  (  y- 1  2), 
comme  ils  le  sont  encore  dans  ïâgnimdrataçastra. 
Mais  un  seul  exemple  ne  nous  permet  pas  de  con- 
clure. 

E.  Autres  récitations. 

Indépendamment  des  castras,  le  hotar  ou  ses 
aides  sont  encore  chargés  de  récitations  caractéris- 
tiques. Citons  d'abord  l'éloge  des  pierres  du  pressoir 
par  le  Grâvastut  dans  le  pressurage  de  midi.  Outre 
les  hymnes  du  mandala  IX,  qui  peuvent  y  être  inter^ 
calés  ^,  cet  éloge  comprend  trois  hymnes  aux  pierres,. 
X,  g/j,  ^6  et  i-yS  (5,  12 ,  9  et  10).  Nous  ne  sup- 

^  Voir  plus  haut. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       149 

poserons  pas  naturellement  que  ces  hymnes  aient 
^té  dès  l'origine  employés  tous  les  trois  à  la  fois, 
mais  il  est  évident  que  chacun  d'eux  a  été  composé 
expressément  pour  une  cérémonie  identique. 

Tai  rappelé  plus  haut  la  composition  du  prâtar- 
anavdka.  C*est  l'un  des  exemples  les  plus  remarquables 
de  iaccumulation  des  hymnes  dans  le  rituel  com- 
posite où  se  sont  fondus  les  rituels  primitivement 
distincts  des  difierentes  familles.  Mais  on  avait  pu 
de  bonne  heure,  dans  quelques  familles,  combiner 
le  petit  nombre  d'hymnes  ou  de  tricas  dont  on  dis- 
posait pour  cette  récitation. 

Je  crois  trouver  du  moins  une  combinaison  des 
deux  derniers  krata,  comme  on  les  appelle,  l'flU5- 
hasa  et  Yàçvina-kratu,  dans  le  sûkta  I,  92,  de  Go- 
tama,  composé  de  quinze  vers  à  l'aurore  suivis  de 
trois  vers  aux  Açvins.  La  partie  même  de  ce  sûkta 
qui  est  consacrée  à  l'aurore  est  d'une  complexité  mé- 
trique qui  exclut  fidée  d'un  seul  hymne  primitif: 
l'ixjagatly  5- 12  trishtabh,  i3-i5  ushnih. 

Ce  dernier  trica  ainsi  que  le  trica  aux  Açvins  qui 
est  pareillement  en  ashnih  rappelle  les  emplois  carac- 
téristiques de  ce  mètre  exceptionnel  dans  le  dernier 
castra  d'une  cérémonie ,  à  savoir,  dans  le  stotriya  et 
l'anurûpa  de  l'Achâvàka  tant  au  troisième  pressu- 
rage, c'est-à-dire  au  dernier  des  quinze  castras  de 
l'ukthya  (6,  1,  2),  qu'au  troisième  paryâya,  c'est-à- 
dire  au  dernier  des  douze  castras  de  l'atiràtia.  Peut- 
être  la  valeur  liturgique  de  l'ushnih  comme  mètre 
de*  conclusion  dernière  était-elle  déjà  établie.  Quoi 


150  FKVRIERMARS  1889. 

quii  en  soit,  le  sûkta  I,  9a, parait  être  une  réunion 
de  petits  hymnes  consommée  en  tout  cas  à  Tépocpie 
de  son  entrée  dans  la  Samhitâ  où  il  est  classé  diaprés 
le  nombre  total  de  ses  vers. 

Le  sûkta  I ,  i  1 3 ,  ne  contient  que  des  vers  à  Tau-^ 
rore,  et  que  des  vers  trishtubh.  L*unifé  n*en  est 
pourtant  qu*apparente.  Le  refrain  des  vers  &-6  en 
fait  un  trica  nettement  distinct  de  1  -3  ;  et  dans  la 
suite  de  ce  sûkta,  d'une  poésie  d'ailleurs  très  péné- 
trante, la  répétition  flagrante  de  certaines  idées 
essentielles  (par  exemple  vers  7,  10-11,  i3)  s'expli- 
querait très  bien  par  la  réunion  de  fragments,  tncas 
ou  autres,  primitivement  distincts.  Ce  serait  un 
aashma  hratUy  rangé  comme  I,  93,  à  la  place  mar« 
quée  par  le  nombre  total  de  ses  vers. 

Nous  avons  cru  reconnaître  plus  haut  un  àçvinar 
castra  formant,  non  un  seul  sûkta,  mais  une  collec- 
tion du  mandala  I,  A/i-So.  On  peut  se  demander  si 
nous  n  aurions  pas  également  un  prâtaranuvâka  plus 
ou  moins  complet  dans  la  collection  ii6-ia6  da 
même  mandaia,  attribuée  à  Kakshivat  Dairg^ta- 
masa.  A  la  vérité,  elle  comprend  deux  sûktas  aux 
Viçvedevâs ,  1 2 1  - 1 2  2  ;  mais ,  à  part  ces  deux  sûktas , 
elle  na  que  des  hymnes  aux  Açvins,  1 16-1  20,  et  à 
iaurore,  i33-i2^,  plus  deux  dânastuti,  iQ5-ia6, 
dont  la  première  renferme  les  indications  les  {dus 
précises  sur  Theure  matinale  qui  parait  être  assignée 
à  la  récitation.  Peut-être  avons-nous  dans  cette  col- 
lection une  forme  particulière  du  pràtaranavâka. 

Notre  pràtaranavâka  (pareillement  sans  hymne  k 


HISTOIRE   DK   LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       151 

Agni)  du  sûkta  I,  9a,  est  immédiatement  précédé 
d  un  autre  sûkta ,  1 ,  9 1 ,  à  Soma  également  rangé  à 
la  place  marquée  par  le  nombre  de  ses  vers,  mais 
dont  la  complexité  métrique  trahit  encore  la  com- 
position fragmentaire  :  i-4  trishtubh,  5- 16  gâyatrï, 
17  ushnih,  18- a 3  trishtubh.  Peut-être  ces  fragments 
composaient-ils  une  récitation  analogue  à  celle  du 
Somapravahxma  où  figurent  encore  les  vers  9-11  et 

19  (4,  4,  4). 

Citons  maintenant  certaines  combinaisons  mé> 
tnques  qui  paraissent  avoir  été  propres  à  telle  ou 
telle  famille. 

Dans  le  mandala  VII,  trois  hymnes  difiérents, 
1  à  Agni,  34  aux  Viçvedevàs  et  56  aux  Maruts, 
sont  composés  chacun  de  deux  parties ,  dont  la  se- 
conde est  en  trishtubh ,  et  la  première  en  un  mètre 
i*are ,  mais  affectionné ,  semble-t-il ,  par  les  Vasishthas , 
la  virâj  dans  le  premier,  la  dvipadâ  dans  les  deux 
autres.  Les  trois  hymnes  sont  égsdement  composés 
de  vingt-cinq  vers  quoique  la  partie  de  trishtubh  varie 
de lun  à  Tautre  :  sept  dans  le  premier,  quatre  dans  le 
second,  quatorze  dans  le  troisième  ^  L'équivalent  de 
cette  disposition  se  rencontre  dans  le  rituel  des  sûktas 
pour  le  Vaiçvadevaçastra  des  trois  jours  Chandomas 
du  Samûlha  daçarâtra  (8,  7,  2/4).  Les  hymnes  34  et 
56  eux-mêmes  sont  utilisés  dans  le  Vaicvadeva  et  dans 


*  Ce  rapprochement  parait  condamner  la  résolution  que  j'avais 
tentée  de  Thymne  56  en  trois  hymnes  distincts.  (  Voir  [Journal  asia- 
tique, 1887,  février-mars,  p.  :ioo.])  La  place  occupée  par  ia  série 
aux  Maruts  dans  le  mandala  Vil  reste  provisoirement  une  étiigme. 


152  FÉVRIER-MARS  1889» 

lagnimâruta    du  quatrième  jour  du  Vyidha  daçà- 

râtra  (8,8,4). 

Les  trois  sûktas  de  Vasishtha  qui  viennent  d  être 
cités  ne  sont  pas  d'ailleurs  les  seuls  exemples  de 
cette  disposition.  Nous  avons  relevé  plus  haut  ^  une 
collection  entière  qui  n  est  autre  qu  un  âçvinaçastra 
des  Kânvas.  Une  autre  collection  du  mandala  I  attri- 
baée  à  unjils  ou  à  an  pelit-jih  de  Vasishtha,  Parâçara 
Çâktya,  GS-yS,  est  une  récitation  liturgique  pareille 
aux  trois  sûktas  de  Vasishtha.  Elle  comprend  neuf 
sûktas,  adressés  tous  à  Agni,  dont  les  cinq  premiers 
de  dix  vers,  et  le  sixième  de  onze  vers,  sont  en  dvi- 
padâ  virâj  ,  et  les  trois  derniers ,  de  dix  vers  chacun , 
en  trishtubh.  Il  n'y  a  donc  plus  à  chercher  les  prin- 
cipes de  classement  de  cette  collection  -.  Le  classe- 
ment est  purement  liturgique.  11  n  y  a  plus  à  sup- 
poser une  addition  d'un  vers  dans  le  sûkta  70,  de 
onze  dvipadàs.  Il  est  ihême  permis  de  supposer  que 
pour  les  récitations  de  ce  genre  commençant  paf 
des  dvipadàs^  le  nombre  de  ces  vers  devait  être 
impair,  mieux  encore ,  il  devait  être  un  multiple  de 
dix  augmenté  dune  unité.  Car  les  sûktas  VII,  34i 
et  VII,  56,  commencent  également  Tun  par  vingt 
et  une ,  l'autre  par  onze  dvipadàs. 

Dans  le  mandala  V,  appartenant  à  la  famille 
d'Atri,  un  rapprochement  analogue  portera  sur  deux 
sûktas  seulement ,  mais  il  est  peut-être  plus  caracté- 

'  P.[»37]. 

*  Voir  Journal  asiatique,  [septembre-oclobre  i883,  p.  253]. 

^  Le  sûkta  Vlï»  1,  commence  par  des  tricas  de  virâj.    . 


HISTOIRE   DE   LA  LITURGIE  VEDIQUE.       153 

ristique  encore.  Les  siiklas  V,  txo  et  78,  compren- 
nent chacun  neuf  vers.  Tous  les  deux  commencent 
également  par  un  trica  dans  le  mètre  rare  ushnih 
suivi  d'un  trishtubh.  Dans  Tun  et  dans  l'autre  les  cinq 
derniers  vers  sont  consacrés  à  une  légende  »  celle  de 
Svarbhânu  d  une  part ,  celle  de  Saptavadhri  de  l'autre. 
Enfin  pour  ces  cinq  vers  encore  la  forme  métrique 
est  sinon  identique,  au  moins  très  analogue  dans 
les  deux  :  cinq  anushtubh  dans  V,  78 ,  et  dans  V,  /io, 
trois  trishtubh  encadrés  dans  deux  anushtubh. 

l/es  deux  paragraphes  suivants  sont  encadrés  au 
crayon  blea  dan$  le  manuscrit  de  M.  Bergaigne  et  por- 
tant à  lOf  marge  un  point  d'interrogation, 

,  [J*ai  cru  devoir  au  moins  relever. ces  curieuses 
coïncidences.  Des  ressemblances  du  même  genre, 
quoique  beaucoup  moins  frappantes,  se  remarquent 
dans  le  mandala  VIII,  entre  les  siiktas  VIII,  33  et  34  , 
—  60  et  66  (sans  compter  1 7  ;  voir  plus  haut). 

Signalons  en  terminant  un  certain  nombre  de 
sûktas  où  soit  la  complexité  des  mètres ,  soit  la  mul- 
tiplicité des  dieux  invoqués ,  peut  faire  soupçonner 
des  combinaisons  liturgiques  sorties  de  l'usage  :  I , 
aa,  24,  79;  III,  5i ,  62 ;  IV,  1  ;  V,  5 1  ;  VIII,  58 
(et  même  IX,  1  10).] 

CHAPITRE  III. 

CONCLUSIONS  LITURGIQUES    DES  HYMNES. 
A.  Conclusions  communes  à  plusieurs  hymnes. 

On  sait  que  beaucoup  de  castras,  dans  le  rituel 
des  Brâhmanas  et  des  Sùtras,  ont  des  parties  varia- 

xin.  1 1 


154  FÉVRIER. MARS  1889. 

bles  selon  le  jour,  avant  tout  les  hymnes  mêmes,  et 
des  parties  constantes  au  nombre  desquelles  il  faut 
compter  par  exemple  dans  le  Vaiçvadevaçastra  la 
paridhânîyâf  c est-à-dire  le  vers  final,  I,  89,  10  (5, 
18,  la). 

L*usage  d'une  paridhânîyâ  commune  parait  re- 
monter aux  plus  anciens  temps  de  la  liturgie  védique. 
Il  a  même  dû  être  alors  beaucoup  plus  étendu.  On 
ne  peut  feuilleter  le  recueil  des  hymnes  védiques 
sans  rencontrer  vingt  fois  un  vers  identique  servant 
de  conclusion  à  deux  ou  plusieurs  hymnes  k  un 
même  dieu ,  dans  la  collection  d  une  même  famille. 
Qu  est-ce  que  ce  vers  ainsi  répété ,  sinon  à  peu  près 
féquivalent  de  la  paridhânîyâ  de  certains  castras? 
Souvent  il  se  trouve  du  même  mètre  que  Thymne 
auquel  il  est  joint;  mais  on  le  joint  aussi  sans  diffi- 
culté à  des  hymnes  de  mètre  différent.  Et  il  ne  faut 
pas  croire  que  ces  conclusions  communes  soient  né- 
cessairement des  additions  postérieures  à  fépoque 
de  la  composition  des  hymnes.  Elles  offrent  en  effet 
la  plus  grande  ressemblance  avec  les  conclusions 
communes  d*un  seul  pâda  telles  que  yûyàm  pàta  svas- 
libhih  sàdà  nah,  quon  lit  à  la  fin  de  presque  tous 
les  hymnes  du  mandala  Vil.  A  mon  sens,  elles 
prouvent  l'existence  ancienne  d'un  principe  litur- 
gique analogue  à  celui  qui  a  produit  plus  tard  les 
paridhânîyàs  proprement  dites.  N'est-ce  pas  une 
application  multipliée  du  même  principe  qu'il  faut 
voir  dans  les  hymnes  composés  de  vers  à  refirain 
commun,  et  l'origine  du  refrain,  au  moins  dans 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       155 

la  poésie  védique,  serait-elle  aussi  purement  litur- 
gique ? 

B.  Allongement  d*un  vers  final. 

Un  usage  beaucoup  plus  général  que  celui  de  la 
paridbânîyâ  est  la  répétition  dun  nombre  déter- 
miné de  syllabes  à  la  fin  dune  récitation.  Cet  usage 
a  même  passé  de  la  liturgie  aux  livres  qui  la  décri- 
vent, et  l'on  sait  que  la  fin  des  chapitres  est  marquée 
dans  les  Bràhmànas  et  dans  les  Sûtras  par  la  répé- 
tition des  derniers  mots. 

Cet  appendice  liturgique  se  rehcoritre  déjà ,  quoi- 
que sous  une  forme  un  peu*  difFérente ,  à  la  fin  d'un 
certain  nombre  d'hymnes  védiques.  Le  dernier  vers 
y  est  allongé  d'un  pâda  qui ,  le  plus  souvent,  repro- 
duit le  précédent  avec  une  légère  variante,  et  beau- 
coup plus  rarement  est  entièrement  nouveau.  Cette 
addition  était  passée  presque  à  l'état  de  règle  dans 
la  famille  d'Atri,  au  moins  pour  les  hymnes  en 
anashtahh,  si  nombreux  dans  le  mandala  V.  On 
trouve  ainsi  une  pankti  formée  par  la  répétition 
avec  une  variante  du  dernier  pàda  de  l'anushtubh  à 
la  fin  des  hymnes  V,  7;  18;  20-28;  35;  Sg;  5o: 
Sa  et  même ^  86,  et  par  l'addition  d'un  pâda  nou- 
veau dans  V,  6 II  et  65. 

L'anushtubh  étant  très  rare  en  dehors  du  man- 
dala  V,  le  seul  entièrement  semblable  que  j'y  relève 
est  la  conclusion  du  vers  X,  45.  Mais  on  trouve  une 
trishtubh  finale  transformée  en  çakvarî  par  la  quasi- 

^  Voir  plus  bas. 

11. 


156  FÉVRIER-MARS  1889. 

répétition  d\in  pàda  dans IV,  27,  et  dans  VI,  ûg,  et 
dans  le  trica  VI,  1 5  ,  1 3-i  5  ,  comme  dans  V,  2.  Une 
gâyatrî  fmale  devient  de  même  une  anushtubh  dans 

VI,  56, et  dans  lestricasVI,  16,  aS-ay;  45,  3o-33; 

VII,  94,  9-12  ;  IX,  66, 16-18;  67,  27-29;  le  pâda 
additionnel  est  nouveau  dans  I,  43;  90;  II,  8;  III, 
37,  et  VIII,  68.  Une  jagatî  finale  est  transformée  de 
même  en  atiçakvarî  par  la  répétition  avec  une 
variante  du  dernier  pâda  dans  le  trica  VI ,  1 5 , 
4-6. 

L  addition  est  de  deux  pâdas ,  dont  le  second  est 
une  quasi-répétition  du  premier  dans  ranushtubh 
finale  de  X,  166,  transformée  en  mahâpaàkti ,  et 
dans  la  gâyatri  finale  de  Vâl.  8,  transformée  en 
pankti.  - 

Il  y  a  combinaison  du  principe  de  rallongement 
et  du  principe  de  la  conclusion  commune  d^ns  les 
anushtubh  finales  de  V,  9  ;  1  o  ;  1 6  et  .1 7  transfor- 
mées en  pankti  par  l'addition  d'un  pâda  commun, 
et  dans  les  viràj  finales  de  Vil ,  22  et  68 ,  devenues 
par  le  même  procédé  des  trishtubh. 

La  présence  d'un  vers  ayant  subi  un  allongement 
analogue  au  milieu  ^  soit  d'un  hymne  ainsi  terminé^ 
V,  9,  5  ;  10,  4;  52 ,  6,  et  Vil,  68,  8,  soit  même 
de  tout  autre ,  VI ,  3 1 ,  4 ,  est  un  fait  rare  qui  n'ôte 
rien  de  leur  signification  à  ceux  qui  ont  été  relevés 
d'abord. 

*  On  trouvera  même  deux  vers  de  ce  genre  au  commencement 
de  Thymne  VII[,  80,  à  Apaiâ  qui  parait  d  ailleurs  tout  à  fait  hors  de 
cause. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       157 

L'allongement  s'est-il  fait  quelquefois  par  une 
addition  plus  courte,  par  exemple  par  la  substi- 
tution à  un  pâda  de  huit  syllabes  d  un  pàda  de  douze , 
qui  transforme  une  anushtubh  finale  en  brihatî ,  VI , 
42,  VIII,  78,  ou  une  gâyatrî  en  puraûshnih  (d'ail- 
leurs très  irrégulière),  IX,  67,  aS-So?  Il  faut  dire 
qu'ici  l'allongement  a  Heu  à  l'intérieur  de  la  stance , 
et  jamais  par  répétition.  Mais  on  peut  en  tout  cas 
assimiler  aux  faits  précédents  l'allongement  de  la 
jagatî  finale  du  trica  VI,  1 5 ,  i-3 ,  par  addition  d'un 
pâda  plus  court  de  huit  syllabes,  mais  formant 
néanmoins  une  quasi-répétition. 

Signalons  encore  un  fait  d'un  autre  ordre,  mais 
qui  ne  trouverait  pas  aisément  place  ailleurs.  Le 
dernier  vers  de  V,  86 ,  cité  plus  haut,  ne  diffère  pas 
seulement  des  précédents  par  la  quasi-répétition  du 
pâda.  Il  a  de  plus  reçu  par  devant  une  addition  : 
evéndràgnibhyàm.  Je  n'ai  pas  recherché  encore  les 
faits  de  ce  genre,  et  celui-ci  m'est  tombé  acciden- 
tellement sous  la  main.  Il  peut  y  en  avoir  d'autres. 
Il  serait  permis  d'en  rapprocher  peut-être  l'addi- 
tion des  upasargas  au  vers  fmal  de  X,  96,  em- 
ployé comme  yâjyâ  du  shodaçin  (  6 ,  2 ,  12),  bien 
qu'ici  une  addition  soit  faite  à  chaque  pâda,  et  que 
les  quatre  réunis  soient  destinés  à  transformer  une 
trishtubh  en  2  anushtubh.  Du  moins  les  upasargas 
commencent-ils  également  par  eva  suivi,  au  moins 
dans  les  trois  derniers,  du  nom  du  dieu. 


158  FEVRIER-MARS  1889. 

C.  Conclusions  en  truhtubh  des  hymnes  en  jagalî. 
Nouvelles  observations  sur  les  principes  du  dassement  des  hymnes. 

Voici  Tun  des  faits  les  plus  importants  que  j'aie  à 
signaler  dans  ce  mémoire.  M.  Ludwig  a  déjà  signalé 
la  fréquence  d'une  conclusion  en  trishtabh  après  un 
hymne  en  jagatî^  Précisons  d'abord  cette  indica- 
tion. 

Si  l'on  met  à  part  les  tricas  (y  compris  l'hymne  X, 
4 1 ,  de  trois  vers  ^  où  je  n'ai  pas  relevé  d'exemple 
de  ce  fait),  on  trouve  cinquante  hymnes  en  jagati 
sans  mélange  de  trishtubh,  soixante-quinze  hymnes 
en  jagatï  avec  ou  sans  mélange  de  trishtubh  à  l'in- 
térieur, et  avec  conclusion  en  trishtubh  (y  compris 
le  quatrième  des  hymnes  agglomérés  dans  le  sûkta 
IX,  85,  et  les  hymnes  VII,  5o;  X,  ii5,  dont  la 
conclusion  en  trishtubh  est  transformée  en  çakvarî 
par  l'addition  d'un  pâda),  soixantè-dix-sept  si  l'on 
comprend  dans  ce  compte  les  deux  hymnes  X,  56  et 
•78,  où  la  jagatï  et  la  trishtubh  se  font  à  peu  près  équi- 
libre. 

En  présence  de  ces  chiffres,  nous  pouvons  né- 
gliger six  hymnes  en  jagatï,  IV,  4o;  V,  54;  K,  yi; 
X,37;5o;'i22,  contenant  une  ou  deux  trishtubh 
sans  trishtubh  finale,  et  un  autre,  X,  170,  terminé 
par  une  àstârapankti.  Nous  avons  déjà  une  forte  ma- 
jorité d'hymnes  en  jagatï  à  conclusion  de  trishtubh. 

»  DerRig-Veda,  III,  p.  Sg. 

'  Je  n*ai  pas  non  plus  compris  dans  le  compte  les  jagatîs  I,  9a  , 
1-4»  et  X,  63 ,  i-4i  non  plus  que  les  longs  sûktas  I,  163  et  i64, 
qui  sont  évidemment  hors  de  cause. 


HISTOIRE  DB  I,A  LITURGIE   VÉDIQUE.       159 

Mais  si  nous  distinguons  les  hymnes  les  plus  courts 
des  hymnes  les  plus  longs,  en  comprenant  parmi 
ceux-ci  les  hymnes  de  huit  vers  (dont  deux  seule- 
ment sur  huit  sont  en  jagatî  pure,  tandis  que  sur 
douze  hymnes  de  sept  vers ,  sept  sont  dans  le  même 
cas),  nous  obtenons  les  résultats  suivants  : 

Dans  la  première  catégorie  nous  trouvons  trente- 
trois  hynmes  en  jagatî  pure ,  contre  quatorze  hymnes 
à  conclusion  de  trishtubh ,  et  par  conséquent  dans 
la  seconde  soixante-trois  hymnes  à  conclusion  de 
trishtubh  contre  dix-sept  hymnes  en  jagatî  pure. 

Bref,  au-dessus  de  huit  vers  les  hymnes  en  jagatî 
pure  sont  deux  fois  plus  nombreux  que  les  autres, 
tandis  qu'au-dessous  de  sept  vers  ils  ne  forment  guère 
quun  cinquième  du  tout.  Ainsi,  pour  les  hymnes  de 
huit  vers  et  au-dessus,  la  conclusion  en  trishtubh  est 
presque  une  loi.  Au  contraire,  bien  que  les  hymnes 
en  trishtubh  soient  beaucoup  plus  nombreux  que 
les  hymnes  en  jagatî ,  le  chiffre  de  ceux  qui  ont  une 
conclusion  en  jagatî  est  insignifiante 

Précisons  Tétendue  de  la  conclusion  en  trishtubh 
sans  excepter  celle  qui  se  rencontre  dans  les  hymnes 
les  plus  courts,  mais  en  distinguant  les  hymnes  qui 
présentent  en  outre  une  ou  plusieurs  trishtubh  finales. 

La  conclusion  est  d'un  vers,  sans  autre  mélange, 
dans^ 

Elle  est  également  d  un  vers ,  mais  avec  une  trish- 
tubh médiale,  dans 

^  Voir  Ludwig ,  loc.  cit, 

^  [Le  tableau  annoncé  nest  pas  donné  dans  le  manuscrit.] 


100  FÉVRIKK-MAliS  1889. 

• 

Elle  est  de  deux  vers 

Elle  est  de  trois  vers 

Un  fait  aussi  général  doit  avoir  une  signification. 
Or,  si  nous  consultons  le  rituel  des  sûtras,  nous 
voyons  d'abord  que  dans  les  cérémonies  auxquelles 
est  assigné  le  mètre  jagati,  c  est- à-dire  dans  le  troi- 
sième pressurage,  et  dans  fatirâtra  dont  tous  les 
castras ,  après  une  partie  en  gfiyatrï ,  renferment  un 
hymne  en  jagatî ,  la  yâjyâ  qui  succède  au  castra  est 
régulièrement  une  trishtubh.  H  y  a  une  exception 
unique  pour  la  yâjyâ  de  fâgnimâruta.  Mais  ce  castra 
a  pour  tous  les  jours  une  paridhânîyâ  constante  en 
trishtubh  IV,  17,  20.  Il  en  est  de  même  du  Vaiç- 
vadevaçastra  dont  la  paridhânîyâ  constante  est  I, 
89,  10.  Enfin  les  castras  des  hotrakas  au  même 
pressurage  (dans  Yakthya)  sont  composés  d'après  le 
stotriya  et  lanurûpa  de  quatre  hymnes,  le  premier 
et  le  troisième  en  jagatî,  le  second  et  le  quatrième 
en  trishtubh.  Seul ,  celui  du  Brâhmanâcchamsin ,  n'en 
a  que  trois  et  finit  par  Thymne  en  jagatî;  mais  cet 
hymne  est  lui-même  terminé  par  deux  trishtubh  qui 
paraissent  tenir  lieu  du  quatrième  hymne  (6,  1,  a)". 
Les  hymnes  en  jagatî  des  douze  castras  de  Tatirâtrà 
sont  pareillement  terminés  tous  par  un  ou  plusieurs 
trishtubh ,  à  l'exception  de  deux ,  celui  du  Maitrâ- 
varuna  au  premier  paryâya  et  celui  du  Brâhmanâc- 
chamsin au  second.  Là  même  d'ailleurs,  à  défaut 
du  castra,  la  yâjyâ  du  moins  donne  la  conclusion 
en  trishtubh. 

La  conclusion    en   trishtubh  des   récitations  en 


HISTOIRE  DE  LÀ  LITURGIE   VÉDIQUE.       161 

jagatï  parait  donc  une  règle  à  peu  près  absolue  du 
rituel  définitif.  C'est  apparemment  le  même  prin- 
cipe liturgique  cjui  a  été  appliqué  anciennement, 
quoique  avec  un  peu  moins  de  rigueur,  dans  nos 
hymnes.  Si  leur  forme  était  due  à  une  préférence 
lesthétique,  on  s'explicjuerait  moins  bien  et  Fexcep- 
tion  portant  sur  les  hymnes  les  plus  courts ,  et  sur- 
tout le  mélange  des  mètres  à  l'intérieur  des  hymnes. 
Les  hymnes  les  plus  courts  ne  formaient  peut-être 
souvent  que  le  commencement  d'une  récitation  ter- 
minée par  un  hymne  en  trishtubh.  Quant  au  mé- 
lange des  mètres ,  il  a  son  pendant  dans  la  série  des 
hymnes  en  mètres  différents  qui  est  restée  propre 
aux  ukthyaçastras. 

Mais  le  caractère  liturgique  de  la  conclusion  en 
trishtubh  apparaît  surtout  dans  ce  fait  qu  elle  suffit 
pour  donner  à  un  hymne  en  jagatï  le  caractère  d'un 
hymne  en  trishtubh.  C'est  ce  que  nous  apprend  une 
application  particulière  du  principe  métrique  de 
classement  qui  m'avait  échappé  dans  line  première 
étude  ^  Du  même  coup  va  se  trouver  supprimé  un 
nombre  considérable  d'exceptions  apparentes  à  ce 
principe. 

Javais  bien  remarqué  qu'une  moitié  environ  de 
ces  exceptions  portaient  sur  des  hymnes  en  jagatï  et 
placés  après  des  hymnes  en  trishtubh  du  mêm^ 
nombre  de  vers ,  et  terminés  eux-mêmes  par  un  ou 
deux  trishtubh.  Mais  j'avais  eu  tort  d'en  conclure  que 

*  Jownal  asialiqnc ,  septembre-octobre,  1886,  p.  202  sqq. 


162  FÉVRIER-MARS  1889. 

ces  trishtubh  avaient  été  ajoutés  après  coup  à  des 
hymnes  précédemment  plus  courts  de  un  ou  deux 
vers ,  et  qui  n  auraient  cédé  le  pas  aux  trishtubh  qu  en 
vue  de  Tordre  numérique. , La  vérité  est,  je  crois, 
que  les  hymnes  en  jagatî  terminés  par  des  trishtubh 
ont  été  confondus  avec  les  hymnes  en  trishtubh 
en  raison  de  la  valeur  liturgique  de  la  trishtubh 
finale. 

Ma  formule  du  «  mètre  dominant  »  doit  donc 
subir  une  légère  modification.  Il  sera  plus  exact  de 
dire  que  les  hymnes  du  même  nombre  de  vers  sont 
rangés  en  gradation  descendante  d  après  la  longueur 
du  mètre  caractéristùjae. 

Ainsi  se  trouvent  supprimées  les  exceptions  appa- 
rentes :  I,  i66;II,  34;  IV,  36;  45;  V,  69;  VI,  8; 
VII,  46  et  5 o  (trishtubh  finale  changée  en  çakvarî 
par  la  répétition  dun  pâda);  X,  43  ;  44  ;  i oo;  i  1 3. 
Si  Ton  songe  que  dans  plusieurs  de  ces  cas  la  sup- 
pression d'un  vers  final  en  entraînerait  une  dans 
rhymne  et  quelquefois  dans  les  deux  hymnes  sui- 
vants, on  ne  pourra  garder  de  doute  sur  Texactitude 
de  cette  rectification. 

L'interprétation  proposée  plus  haut  d'une  autre 
exception  apparente  pour  lassimilation  du  vers  III , 
!)4 ,  commençant  par  une  anushtubh  à  un  hymne  en 
anushtubh  se  trouve  ainsi  confirmée,  la  valeur  litar- 
gûjae  de  lanushtubh  initiale ^  n'étant  pas  moins  bien 

*  11  n'y  a  aucune  comparaison  à  faire  entre  le  cas  de  l'hymne  III, 
ad  >  et  celui  du  sûkta  X,  1 79,  qui  est  une  simple  coUection  de  for- 
mules. 


HISTOIRE  DE  LÀ  LITURGIE   VÉDIQUE.       163 

établie  que  celle  de  la  trishtubh  finale.  Au  con* 
traire,  les  hymnes  en  trishtubh  exceptionnellement 
terminés  par  des  jagatïs  ne  prennent  nullement  le. 
caractère  de  la  jagatî  et  restent  classés  parmi  les 
hymnes  en  trishtubh.  Elxemples  :  V,  60,  et  VI,  7. 

C'est  Toccasion  de  rappeler  l'explication  que  nous 
a  déjà  fournie  cette  étude  pour  d'autres  exceptions 
apparentes  au  principe  métrique  de  classement.  Les 
sùktas  VI,  44 ,  et  VII,  3 1 ,  quoique  classés  à  la  place 
des  hymnes  de  trois  vers,  sont  des  agglomérations 
de  tricas  antérieures  à  fœuvre  des  diascévastes.  Il  en 
est  de  même  de  I,  84^  et  de  II,  4 1 ,  placés  d'ailleurs 
chacun  à  la  fin  d'une  collection. 

A  la  fin  des  collections  ou  seulement  des  séries, 
l'hypothèse  de  l'interpolation  ne  souffre  pas  plus 
d'objections  pour  l'explication  des  infractions  au 
principe  métrique  que  pour  celle  des  exceptions 
aux  principes  numériques.  Elle  devra  sans  doute 
être  maintenue  dans  la  plupart  des  cas.  On  ne  peut 
guère  la  repousser  non  plus  pour  la  longue  collec- 
tion des  hymnes  SS-igi  du  mandala  X,  même  à 
fintérieur  des  sous-séries  métriques,  où  se  remar- 
quent pareillement  de  nombreuses  violations  du 
principe  numérique  de  la  longueur  des  hymnes.  Les 
exceptions  au  principe  métrique  qui  sont  dans  ces 
conditions  se  réduisent  d'ailleurs  aux  hymnes  io5, 
1  44,  1 53  et  1 70  :  1  44  est  d'ailleurs  métriquement 
informe,  et  si  nous  n invoquons  pas  pour  justifier 
la  place  de  io5  la  valeur  liturgique  de  la  trishtubh 
finale,  c'est  pour  ne  pas  appliquer  à  un  hymne  en 


164  FÉVRIER-MARS  1889. 

ushnih  un  principe  qui  n  est  démontré  que  pour  ies 
hymnes  en  jagatî. 

L'hypothèse  d'interpolations,  tout  au  moins  d'in- 
terpolations^  nombreuses,  au  miheu  des  séries  est 
au  contraire  peu  vraisemblable  a  priori  dans  toutes 
les  autres  parties  de  la  Samhità  ^  Aussi  les  exceptions 
au  principe  métrique  dans  ces  conditions  s'y  trou- 
vent-elles réduites  à  quatre:  I,  -y  5;  i  55;  III,  i3; 
V,  1  o  (si  on  laisse  de  côté  IV,  5o ,  où  la  question  se 
complique  dune  autre,  la  décomposition  en  deux 
hymnes  d'un  sûkta  unique  violant  les  principes  nu- 
mériques), soit  deux  pour  toute  l'étendue  des  six 
mandalas  les  plus  authentiques.  Encoi'e  l'une  de 
celles-ci,  IV,  i o,  pourrait-elle  être  supprimée:  qui 
sait  en  effet  quelle  place  exacte  convenait  à  un 
hymne  en  padapahkti?  Le  plus  sage  sera  de  négliger 
désormais  ces  exceptions,  au  moins  jusqu'à  plus 
ample  informé. 

D'autres  dispositions  paraissent  familières  non 
seulement  à  la  famille  d'Atri ,  mais  à  celle  de  Bha- 
radvâja,  et  on  îes  rencontre  ailleurs  encore. 

Nous  avons  cru  pouvoir  signaler  déjà  dans  ie 
mandala  V  un  type  curieux  de  composition  mé- 
trique. En  voici  un  autre  plus  simple,  mais  non 
moins  intéressant.  Des  trois  hymnes  aux  Viçve- 
devâs,  V,  4i,  A 2  et  43,  le  premier  se  termine  par 
tme  ekapadâf  et  les  deux  derniers  présentent  une 


^  Je  iaisse  de  côté  décidément  le  mandala  VIII  où  les  principes 
de  classement  ne  sont  pas  encore  tirés  au  clair. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       165 

ekapadd  commune  devant  un  vers  final,  qui  est  éga- 
lement commun  à  tous  les  deux,  c est-à-dire  devant 
une  paridhânîyâ.  Vekapadd  ressemble  fort  ici  aux 
ihâyyà  de  la  liturgie  définitive ,  et  on  pourrait  sup- 
poser que  celle  qui  termine  Thymne  V,  4i,  était 
destinée  à  jouer  le  même  rôle  devant  une  paridhâ- 
nîyâ à  ajouter. 

La  *  paridhânîyâ  manquerait  pareillement  dans 
tous  les  exemples  du  même  genre  que  présente  le 
mandsda  VI.  On  y  trouve  une  ekapadâ  finale  dans 
rhymne  63 ,  et  une  dvipadà  finale  dans  les  hymnes 
10  et  l'y. 

Dans  le  sùkta  4  y,  d'ailleurs  composé  de  fi:^gments 
et  vraisemblablement  interpolé ,  la  dvipadà  2  5  mar- 
que nettement  la  séparation  de  deux  fi:'agments  dis- 
tincts. 

Enfin  dans  un  autre  mandala,  le  IV%  l'hymne  i  y 
à  Indra,  régulièrement  placé,  est  terminé  par  une 
paridhânîyâ  qui  lui  est  commune  avec  plusieurs 
autres,  et  renferme  une  ekapadd  (i5)  qui  le  divise 
en  deux  parties  inégales. 

Peut-être  certains  sûktas  terminés  par  une  eka- 
padâ appellent-ils  comme  complément ,  non  pas  une 
paridhânîyâ,  mais  un  autre  hymne.  En  tout  cas  on 
ne  peut  guère  se  dispenser  de  supposer  à  ces  élé- 
ments une  valeur  liturgique. 


166  FÉVRIER. I^ARS   1889. 

CHAPITRE  IV. 

RÉPARTITION    DES    MÈTRES    ENTRE    LES    DIVINITES 
DANS    LES   DIFFÉRENTES  FAMILLES. 

Observations   préliminaires. 

Dans  la  liturgie  des  Bràhmanas  et  des  Sûtras ,  les 
trois  principaux  mètres  sont,  d après  les  principes 
formulés  dans  les  Bràhmanas  eux-mêmes,  rSpartis 
entre  les  trois  pressurages  :  la  gâyatrï  est  le  mètre 
du  matin ,  la  trishtubh  le  mètre  de  midi ,  la  jagatî  le 
mètre  du  soir,  sauf  les  substitutions  et  les  modifi- 
cations de  tout  genre  propres  à  certains  jours  des 
sattras,  et  surtout  aux  deux  dernières  périodes  des 
trois  jours  du  vyûlha  daçarâtra.  Quant  à  Tanush- 
tubh ,  c  est  le  mètre  :  i  °  des  commencements ,  c'est- 
à-dire  du  premier  castra  du  matin,  râjya,  et  du 
premier  vers  du  premier  castra  tant  à  midi  que  le 
soir  et  dans  Tatirâtra;  2""  du  shodaçin,  où  elle  ne 
figure  d  ailleurs  que  par  tricas,  et  en  partie  par 
couples  de  tricas  de  mètres  différents  artificiellement 
transformés  chacun  en  deux  tricas  d'anushtubh. 

La  gâyatrï,  outre  ses  emplois  au  pressurage  du 
matin ,  en  a  d'autres  qui  lui  sont  communs  avec  le 
pragâtha.  Ces  deux  mètres  sont  ceux,  Tun  des  tricas, 
1  autre  des  dvyricas  composant  les  stotras  chantés  par 
les  udgâtars ,  et  par  conséquent  des  stotriyas  récités 
par  les  hotars,  qui  ne  sont  que  la  répétition  des 
stotras,  ainsi  que  les  anurûpas  qui  font  suite  aux 
stotriyas,  et  d'autres  éléments  analogues,  non  seu- 
lement les  pratipads  et  les  anucaras  qui  remplacent 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       167 

les  stotriyas  et  les  anurûpas  en  tête  du  premier 
castra  tant  du  midi  que  du  soir,  mais  différentes 
intercalations.  Il  n'y  a  pas  à  cet  égard  de  distinction 
entre  les  différents  pressurages ,  si  ce  n  est  pour  les 
pavamâna-stotras ,  composés  d'un  plus  grand  nombre 
de  vers  en  différents  mètres,  mais  terminés  par  le 
mètre  caractéristique  du  pressurage  :  la  gâyatri  le 
matin ,  la  trishtubh  à  midi ,  la  jagatî  le  soir. 

Sous  ces  réserves,  la  trishtubh  est  le  mètre  ex- 
clusif du  pressurage  de  midi ,  comme  la  gâyatri  est , 
k  part  le  premier  castra  en  anushtubh,  le  mètre 
exclusif  du  pressurage  du  matin. 

Mais  au  pressurage  du  soir,  le  privilège  de  la 
jagatî  n'exclut  pas  la  trishtubh  ni  la  gâyatri.  Nous 
rencontrons  la  trishtubh,  non  seulement  dans  les 
yâjyàs  qui  font  immédiatement  suite  aux  castras, 
mais  à  l'intérieur  des  castras  des  hotrakas ,  composés 
d'hymnes  en  jagati  et  d'hymnes  en  trishtubh  alternés. 
Quant  à  la  gâyatri ,  elle  remplit  la  plus  grande  partie 
des  castras  de  l'atirâtra  terminés  seulement  par  un 
hymne  en  jagati. 

L'usage  de  la  gâyatri  et  du  pragàtha  dans  les  élé- 
ments communs  aux  chants  des  udgâtars,  et  aux 
récitations  des  hotars,  dépendant  des  chants  des 
udgâtars ,  paraît  remonter  à  l'époque  même  de  leur 
composition.  C'est  ce  que  M.  Oldenberg  a  parfai- 
tement démontré  ^ 

L'affectation  de  la  gâyatri,  de  la  trishtubh,  de  la 

*  Article  cité. 


168  FÉVRIER-MARS   1889, 

jagatî  et  même  de  ianushtubh  aux  différents  pres- 
surages ou  à  différentes  parties  de  tel  ou  tel  pres- 
surage est-elle  également  ancienne,  au  moins  dans 
certaines  familles  ?  Telle  est  la  dernière  question  <jue 
je  veux  aborder  aujourd'hui.  Ce  sera  la  conclusion 
naturelle  d'une  élude  sur  la  forme  métrique  des 
hymnes  du  Rig-Veda  et  les  données  qu  on  en  peut 
tirer  pour  Fhistoire  de  la  liturgie  védique. 

Posée  dans  ces  termes ,  la  question  peut  semibler 
au  premier  abord  impliquer  une  pétition  de  prin- 
cipe. Rien  n'est  plus  simple,  sauf  de  très  rares  ex.^ 
ceptions ,  que  de  déterminer  la  divinité  d'un  hymne. 
Mais  savons-nous,  étant  même  admis  le  principe 
des  trois  pressurages,  si  la  répartition  des  divinités 
entre  ces  trois  parties  principales  de  la  cérémonie 
a  été  la  même  toujours  et  partout?  n  est-ce  pas  jus- 
tement l'un  des  deux  points,  et  même  le  point  prin- 
cipal à  démontrer?  Dans  l'ordre  d'idées  et  de  mé- 
thodes auquel  je  restreins  cette  première  étude; 
puis-je  parler  d'autre  chose  que  de  l'affectation  des 
différents  mètres  à  telle  ou  telle  divinité? 

L'objection  paraît  facile  à  réfuter.  Tout  en  me 
bornant  aujourd'hui,  pour  ce  qui  concerne  les 
données  intrinsèques  des  hymnes,  à  rappeler  des 
faits  universellement  connus,  tels  que  la  présence 
d'Indra  aux  trois  pressurages,  celle  des  Ribhus  au 
pressurage  du  soir,  l'attribution  de  la  première 
part  à  Vâyu  au  pressurage  du  matin ,  je  crois  pou- 
voir traiter  d'un  seul  coup,  et  par  une  même  mé- 
thode, la  question  des  divinités  et  celle  des  pressu- 


i 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       169 

rages.  S'il  est  prouvé,  par  exemple,  que  dans  la 
plupart  des  familles  la  jagâli  a  été  spécialement 
affectée  aux  différentes  divinités  que  la  liturgie  défi- 
nitive appelle  au  pressurage  du  soir,  la  meilleure 
explication  de  cette  communauté  de  mètre  ne  sera- 
t-elle  pas.  la  panticipatioii  aux  mêmes  libations,  au 
même  service ,  si  on.  peut  s  exprimer  ainsi ,  du  festin 
sacré? 

Mais  si  la  méthode  parait  irréprochable,  Fusage 
en  est  délicat.  Indra,  ayant  part  aux  trois  pressu- 
rages, a  droit  à  la  jagatî  comme  les  divinités  du 
soir  et  à  la  gàyatri  comme  les  divinités  du  matin 
(sans  compter  Fusage  de  la  gâyatrï  dans  Fatiràtra  et 
de  Fanushtubh  dans  le  shodaçin). 

Ajoutons  immédiatement  qu'en  dehors  des  cas- 
tras proprement  dits  il  y  a  une  récitation ,  le  prâtar- 
anuvâka,  qui  devient  même  un  castra,  FAçvina- 
çastra ,  par  Faddition  d'hymnes  au  Soleil ,  à  la  fin  de 
Fatiràtra,  et  dont  les  divinités,  Agni,  FAurore,  les 
Açvins  (et  dans  FAçvina-çastra  le  Soleil),  à  en  juger 
par  la  liturgie  définitive,  acceptent  indifféremment 
tous  les  mètres. 

La  première  de  ces  divinités,  Agiîi,  réclame 
Fanushtubh  dans  Fâjya- castra,  au  pressurage  du 
matin,  et  sous  les  noms  de  Vaiçvânara  et  de  Jâta- 
vedas,  la  jagatî  au  pressurage  du  soir.  Les  hymnes 
à  Vaiçvânara,  et,  dans  une  moindre  mesure,  ceux  à 
Jâtavedas ,  se  distinguent  intrinsèquement  des  autres 
hymnes  à  Agni ,  mais  non  les  hymnes  de  Fâjya-çastra. 
Heureusement  Fanushtubh  est  rare,  et  si  nous  la 

XIII.  1 2 

lyriklHUIB    «ATIOIALI. 


170  FÉVRIER. MARS  1889. 

rencontrons  surtout  dans  des  hymnes  à  Agni ,  le  fait 
aura  sa  signification.  Rappelons  d  ailleurs  que  nous 
avons  déjà  démontré  d  une  façon  générale  Tancien- 
neté  de  la  valeur  liturgique  attribuée  à  fanushtubh 
comme  mètre  des  commencements. 

Les  divinités  du  matin  autres  que  TÂgni  de  f  âjya- 
castra  demandent  le  mètre  gâyatrî.  Ce  sont,  avec 
Indra ,  invoqué  par  le  Brâhmanàcchamsin ,  les  couples 
Mitra  et  Varuna ,  Indra  et  Agni  célébrés ,  le  premier 
par  le  Maitràvaruna ,  le  second  par  TAchâvâlca,  et 
enfin  les  divinités  du  praûga-çastra  récité  par  le 
hotar. 

Nous  possédons,  comme  on  Ta  vu,  au  moins 
trois  praùga-çastras  tout  formés,  appartenant  à  au- 
tant de  familles  différentes.  Tous  sont  en  tricas  de 
gâyatrî ,  et  c'est  encore  une  indication  précieuse  sur 
l'ancienneté  de  l'affectation  des  mètres  à  une  partie 
déterminée  de  la  cérémonie.  C'est  aussi  un  exemjde 
des  divergences  qui  existaient  entre  les  familles  pour 
la  distribution  des  places  aux  différents  dieux  dans 
le  festin  sacré;  mais  ces  divergences  sont  presque 
insignifiantes  en  comparaison  des  concordances. 

A  défaut  de  praûga-çastras  tout  formés,  d'autres 
familles  ont  des  hymnes  à  Vâyu  et  Indra  et  Vàyu, 
qui,  d'après  leur  texte  même,  étaient  évidemment 
destinés  au  pressurage  du  matin.  Ces  divinités  sont 
d'ailleurs  à  peu  près  les  seules,  parmi  celles  du 
praûga-çastra,  qui  ne  soient  pas  invoquées  dans 
quelque  autre  partie  de  )a  cérémonie.  La  liste  des 
divinités  exclusivement  matinales  ne  comprendra 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       171 

donc ,  avec  Mitra  et  Varuna ,  et  Indra  et  Agni ,  que 
Vâyu  et  Indra  et  Vâyu.  Si  la  gâyalrî  leur  est  exclu- 
sivement attribuée,  si  seulement  la  trishtubh  et  la 
jagatî  leur  sont  à  peu  près  inconnues ,  au  moins  dans 
certaines  familles,  le  feit  aura  encore  sa  signification. 

Mais  l'observation  la  plus  générale  à  laquelle 
donneront  lieu  les  liturgies  des  différentes  familles , 
celle  qui  s'étendra,  dans  une  plus  ou  moins  forte 
mesure ,  à  toutes ,  une  seule  exceptée ,  est  fattribu- 
tion  de  la  jagatî  aux  divinités  du  soir,  c  est-à-dire  à 
Savitar,  au  Ciel  et  à  la  Terre,  aux  Ribhus  et  aux 
Viçvedevâs,  invoqués  dans  le  Vaiçvadeva-çastra ,  à 
Vaiçvànara,  aux  Maruts  et  à  Jâtavedas,  invoqués 
dans  rÀgnimâruta,  à  Varuna  et  à  Indra  et  Varuna, 
à  Brahmanaspati  et  à  Indra  et  Brahmanaspati ,  à 
Vishnu  et  à  Indra  et  Vishnu ,  invoqués  dans  les  trois 
castras  des  hotrakas. 

La  jagatî  ne  sera  pas  le  mètre  exclusif  de  ces  divi- 
nités. Aussi  ne  fest-elle  pas ,  même  dans  la  liturgie 
définitive.  Sur  deux  hymnes  à  Indra  et  à  Varuna ,  et 
sur  deux  hymnes  à  Vishnu ,  lun  seulement  est  en 
jagati,  fautre  en  trishtubh.  L'hymne  unique  à  Bri- 
haspati  et  f hymne  unique  à  Indra  et  Vishnu  soat 
en  trishtubh.  En  revanche,  les  hymnes  des  mêmes 
castras  adressés  à  Indra  seul  sont  en  jagatî.  Il  ne 
fisiut  pas  nous  attendre  à  retrouver  exactement  les 
mêmes  combinaisons  dans  la  liturgie  de  chaque 
famille.  Le  seul  fait  à  retenir  est  falternance  de  la 
jagatî  et  de  ]a  trishtubh  dans  les  castras  des  hotrakas 
au  pressurage  du  soir. 


1  a 


172  FÉVRIER. MARS  1889. 

On  comprendrait  aisément  que  les  deux  mètres 
eussent  été  également  combinés  dans  le  Vaiçvadeva 
et  dans  rÀgnimâruta.  En  Fait, sans  parler  des  yâjjâs 
en  trishtubh,  et  des  conclusions  en  trishtubh  des 
hymnes  en  jagatï  que  présente  la  liturgie  définitive, 
nous  avons  déjà  relevé,  dans  le  sûkta  26  du  man- 
data III,  un  Àgnimâruta  ancien,  composé  de  trois 
tricas  faisant  fonction  d'hymnes,  dont  les  deux  pre- 
miers sont  en  jagatï  et  le  troisième  en  trishtubh. 

Il  nous  suffira  donc  de  constater  la  prédominance 
de  la  jagatï  dans  les  hymnes  aux  divinités  du  soir, 
soit  d'une  façon  absolue,  soit  par  rapport  aux  autres 
hymnes,  et  particulièrement  aux  hymnes  à  Indra. 
Quant  à  ces  derniers,  Texamen  le  plus  superficiel 
'nous  apprendrait  quils  sont,  en  grande  majorité, 
rédigés  en  trishtubh,  c'est-à-dire  dans  le  mètre 
affecté  au  pressurage  de  midi  qui  appartient  exclu- 
sivement à  Indra ,  accompagné  ou  non  des  Maruts. 

Tous  ces  faits  supposés  établis,  quelle  en  serait 
la  portée  exacte?  Les  concordances  métriques  entre 
la  Samhitâ  du  Rig-Veda  et  le  rituel  des  Brâhmanas 
et  des  Sûtras  ne  peuvent-elles  pas  s'expliquer  par  le 
fait  que  les  hymnes  dont  la  composition  était  con- 
forme à  ce  rituel  auraient  été  seids  conservés? 

Assurément  la  réunion  des  hymnes  des  différentes 
familles  en  un  seul  recueil  paraît  trahir  l'intention 
d'établir  aussi  un  rituel  commun.  Mais  je  ne  puis 
voir  là  que  la  première  opération  de  cette  grande 
entreprise.  La  Samhitâ  du  Rig-Veda  ne  suppose  pas 
le  rituel  des  Brâhmanas  et  des  Sûtras.  Au  contraire^ 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       173 

on  peut  croire  que ,  si  ce  rituel  eût  été  constitué ,  la 
Samhitâ  eût  présenté  les  hymnes  dans  Tordre  des 
cérémonies,  qu'elle  eût  ressemblé  en  un  mot  aux 
samhitâs  du  Yajur-Veda  et  du  Sâma-Veda.  D'ail- 
leurs, et  c'est  sur  ce  point  qu'il  faut  surtout  insister 
ici,  notre  Samhitâ  comprend  un  grand  nombre 
d'hymnes  dont  on  n'emploie  que  des  vers  isolés  et 
qui  même  n'ont  aucun  usage  liturgique  connu. 

Mais  en  fût-il  autrement,  l'objection  supposée 
ébranlerait  tout  au  plus  des  déductions  fondées  sans 
distinction  sur  l'ensemble  des  hymnes  de  la  Sam- 
hitâ. Ce  n'est  pas  ainsi  que  nous  procéderons,  et  les 
divergences  mêmes  que  nous  constaterons  entre  cer- 
taines familles  prouveront  que  les  différents  man- 
datas et  plus  généralement  les  différentes  collections 
sont  bien  les  témoins  irrécusables  de  liturgies  an- 
ciennes propres  à  chacune  d'elles. 

Sera-t-il  permis  d  aller  plus  loin  et  de  faire  re- 
monter là  répartition  des  mètres  entre  les  divinités , 
et  par  siiite  entre  les  pressurages ,  au  temps  même 
de  la  composition  des  hymnes?  Si  la  Samhitâ  du 
Rig-Veda,  dans  son  ensemble,  n'est  pas  un  choix 
d'hymnes  adaptés  à  la  liturgie  définitive,  les  diffé- 
rents mandalas ,  Jes  différentes  collections  ne  pour- 
raient-elles pas  être  des  choix  plus  anciens  adaptés 
aux  liturgies  propres  de  chaque  famille?  Il  sera 
prudent  de  ne  pas  trancher  aujourd'hui  la  question, 
et  d'attendre  les  éclaircissements  qui  peuvent  être 
cherchés  dans  les  données  intrinsèques  des  hymnes. 
Cependant  je  rappellerai  que  ces  hymnes,  même 


174  FÉVRIER-MARS  1889. 

pris  isolément,  trahissent  souvent,  au  moins  sous 
leur  forme  actuelle,  des  intentions  liturgiques,  et 
que  la  valeur  de  Tanushtubh  initiale  et  de  la  trishtubh 
finale,  en  particulier,  y  parait  la  même  que  dans 
la  liturgie  définitive;  or  il  ny  a  aucune  bonne 
raison^  de  considérer  ces  éléments  comme  des 
additions  plus  ou  moins  tardives.  Bref,  je  considère 
comme  probable ,  sauf  à  revenir  sur  cette  question 
dans  la  suite  des  études  annoncées,  que  dans  beau- 
coup d'hymnes  le  choix  du  mètre  a  été  imposé  à 
fauteur  par  un  principe  rituel  préexistant.  Sans 
doute  il  y  a  eu  des  hymnes  dans  les  différents  mè- 
tres avant  que  les  mètres  eussent  été  affectés  à  des 
usages  étroitement  déterminés.  Mais,  dun  côté,  je 
ne  parle  que  d'une  partie  des  hymnes  qui  nous  ont 
été  conservés,  et  de  fautre,  il  est  bien  permis  de 
croire  que  les  premiers  essais ,  que  les  compositions 
d'une  période  de  tâtonnements,  ont  péri,  soit  en 
totalité ,  soit  tout  au  moins  en  grande  partie. 

Il  est  vrai  que  le  même  sort  a  pu  atteindre,  a 
vraisemblablement  atteint  dés  hymnes  moins  anciens 
et  appartenant  à  une  période  où  les  règles  liturgiques 
des  différentes  familles  auraient  été  déjà  fixées.  Sans 
parler  des  courtes  collections  du  mandala  I,  par 
exemple,  les  mandalas  les  plus  authentiques,  du 
second  au  septième,  ne  paraissent  pas  renfermer 
tous  les  éléments  d'une  liturgie  complète.  Aussi  ne 
pourrait-on,  sans  une  grave  imprudence,  conclure, 

^   Voir  plus  haut. 


"V 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       175 

par  exemple,  de  données  purement  négatives  à  l'ex- 
clusion de  certaines  divinités  et  des  prêtres  spéciaux 
chargés  de  leur  louange.  Il  ne  faudra  donc  pas 
perdre  de  vue  non  plus  que  nos  statistiques  mé- 
triques, tout  en  s'étendant  à  Tensemble  d'un  man- 
dala,  n  embrassent  pas  nécessairement  la  liturgie 
complète  dune  famille. 

Enfin  la  répartition  ordinaire  des  mètres  prin- 
cipaux est  renversée  dans  la  liturgie  définitive  à 
certains  jours  des  sattras.  Si  telle  ou  telle  famille 
avait  connu,  et  les  sattras,  et  des  usages  particuliers 
k  certains  jours ,  et  si  la  collection  de  ses  hymnes 
ne  comprenait  que  des  débris ,  tant  d'un  rituel  ordi- 
naire que  dun  rituel  extraordinaire,  il  faudrait 
désespérer  de  Tentreprise  que  nous  allons  tenter. 

A  ces  nouvelles  objections  il  ny  a  qu'une  ré- 
ponse à  faire  :  l'exposé  des  faits.  On  va  voir,  je  l'es- 
père ,  qu'il  s'en  dégage  des  données  vraiment  dignes 
d*être  prises  en  considération. 

A.  Les  Kânvas. 

La  famille  dont  la  liturgie,  si  nous  en  jugeons 
par  ceux  de  ses  hymnes  qui  nous  ont  été  conservés, 
aurait  été  le  plus  différente  de  la  liturgie  définitive, 
est  la  famille  de  Kânva.  Les  hymnes  des  Kânvas 
forment  la  plus  grande  partie  du  mandala  VIU ,  y 
compris  les  Vâlakhilya,  et  composent  en  totalité 
trois  collections  du  mandalal  :  i  2-23,  36-43,  44-5o. 
Ils  sont  donc  extrêmement  nombreux,  et  cependant 
la  trishtubh  et  la  jagatî  en  sont  presque  complète- 


176  FÉVRIER-MARS  1889. 

ment  absentes.  Elles  le  sont  des  trois  collections  du 
mandata  I,  et  sur  les  quatre  hymnes  du  mandala Vlli 
rédigés  dans  l'un  de  ces  deux  mètres,  il  y  en  a 
trois  :  yS ,  85  et  89  ,  qui  n'appartiennent  pas  à  des 
Kânvas.  Reste  l'hymne  48  ^  à  Soma  et  les  trois  der- 
niers des  hymnes  Vâlakhilya  9 ,  i  o  et  1 1 ,  l'un  aux 
Acvins,  l'autre  d'attribution  difficile,  le  dernier  à 
Indra  et  Varuna.  Celui-ci  nous  permet  une  compa- 
raison avec  le  rituel  des  sûtras.  Il  est  en  jagatî  :  c  est 
une  concordance ,  si  l'on  veut  ;  mais  le  fait  est  isolé 
et  par  conséquent  sans  importance. 

M.  Oldenberg,  dans  son  mémoire  sur  la  réparti- 
tion des  mètres  entre  l'udgâtar  et  le  hotar,  a  natu- 
rellement rencontré  la  difficulté  soulevée  par  les 
hymnes  des  Kânvas.  Toutefois  cette  difficulté  por- 
terait, selon  lui,  principalement  sur  la  longueur 
des  hymnes  qui  seraient,  au  moins  dans  le  man- 
dala VIII,  seulement  divisibles  en  tricas  et  en  pra- 
gâthas,  et  non  résolubles  en  hymnes  de  trois  ou  de 
deux  vers.  11  n'en  est  pas  moins  disposé  à  regarder 
tous  ces  hymnes  comme  des  textes  destinés  unique- 
ment à  Tudgâtar.  La  grande  différence  entre  le 
rituel  des  Kânvas  et  celui  des  autres  familles,  c'est 
qu'ils  auraient  eu  de  plus  longs  stotras. 

Mais  alors,  où  seraient  les  textes  de  la  même 
famille  destinés  au  hotar?  Faut-il  croire  qu'ils  aient 
tous  disparu.^  M.  Oldenberg  reconnaît  lui-même^ 

^  Le  fragmeat  VIII,  4^,  i-3,  nest  attribué  que  dubitativemeat 
à  un  Kânva. 

^  P.  463,  note  1. 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       177 

que  certains  passages  dans  les  hymnes  des  Kânvas 
tendraient  à  les  faire  considérer  comme  ayant  ia 
nature  des  uktha,  c'est-à-dire  comme  appartenant 
au  hotar.  N'est-il  donc  pas  plus  naturel  d'admettre 
que  le  principe  de  la  répartition  des  mètres  entre 
les  deux  ordres  de  prêtres  était  inconnu  aux  Kânvas 
et  même  aux  autres  Angirasas  dont  les  hymnes  ont 
été  recueillis  dans  le  mandala  VIII  (  car  les  hymnes 
7 5,  85  et  89  ne  forment  toujours  qu'une  quantité 
négligeable);  en  un  mot,  que  le  pragâtha  et  la 
gâyatrï  (à  laquelle  il  faut  ajouter  encore  l'ushnih  et 
lanushtubh)  leur  paraissent  convenir  aux  récitations 
des  hotars,  aussi  bien  qu'aux  chants  des  udgâtars? 

Eln  fait,  je  crois  avoir  démontré  que  plusieurs 
sûktas  du  mandala  VIII  sont  des  castras  tout  formés , 
identiques  ou  analogues  à  ceux  qui  sont  restés  usités 
dans  la  cérémonie  de  l'atirâtra,  et  que  d'autres  sont 
de  simples  collections  de  pratipads  destinés  pareil- 
lement au  hotar.  On  peut  croire  que  beaucoup 
d'autres  encore  sont,  ou  des  castras,  ou  des  collec- 
tions de  stotriyas  et  d'anurûpas.  Enfin  la  collection 
44-5o  du  mandala  I,  dans  son  ensemble,  nous  a 
paru  constituer  un  Açvina-çastra, 

Quant  aux  textes  des  stotras,  ils  se  confondent 
naturellement  avec  les  textes  des  stotriyas  formant  la 
tête  des  castras  tout  formés,  ou  réunis  en  sûktas, 
soit  avec  les  anurûpas  correspondants ,  soit  parallè- 
lement à  des  sûktas  composés  d'anurûpas.  Et  cette 
observation  ne  s'applique  pas  seulement  aux  hymnes 
du  mandala  VJII  et  plus  généralement  des  Kânvas, 


178  FÉVRIER-MARS  1889. 

mais  aux  sQktas  composés  de  tricas  ou  de  pragâthas 
qu  on  rencontre  dans  les  collections  des  autres  fa- 
milles à  la  fin  des  séries  divines.  Ces  tricas  et  ces 
pragâthas  sont  moins  des  textes  propres  aux  udgâ- 
tars  que  des  textes  en  partie  communs  aux  udgâtars 
et  aux  hotars. 

La  grande  différence  entre  la  famille  des  Kânvas 
et  les  autres,  cest  fusage  que  celles-ci  font,  pour  le 
corps  des  castras,  d'hymnes  en  trishtubh  et  en 
jagatï ,  tandis  que  les  Kânvas  paraissent  avoir  affecté 
à  l'ensemble  des  récitations  des  hotars  les  mêmes 
mètres  qui  sont  réservés  ailleurs  aux  stotriyas ,  anu- 
rûpas  et  autres  éléments  du  même  genre. 

Il  ne  peut  donc  être  question  pour  les  Kà][ivas  (ni 
pour  ceux  des  autres  Angirasas  dont  les  hymnes 
sont  recueillis  avec  les  leurs  dans  le  mandala  VIII) 
d'une  répartition  des  mètres  entre  les  pressurages, 
analogue  à  celle  qui  est  de  règle  dans  la  liturgie 
définitive.  La  plupart  des  hymnes  à  Indra  scmt  en 
pragâthas  ou  en  gâyatrîs;  il  n'y  en  a  qu'un  petit 
nombre  d'autres  en  ushnih  et  en  anushtubh ,  aucun 
en  trishtubh  (sauf  deux  exceptions  né^geables  par 
des  Angirasas  qui  ne  sont  même  pas  des  Kânvas, 
85  et  89).  Les  hymnes  aux  divinités  du  soir,  Ma- 
ruts,  I,  37,  38  et  39;  VIII,  7,  ao  et  83;  Agni  et 
Maruts,  I,  19;  Ribhus,  I,  20;  Viçvedevâs,  VIII, 
27-30;  Indra  et  Varuna,  I,  17;  Varuna,  VIII,  ki  ; 
Brahmanaspati ,  I,  Zio,  ignorent  la  jagatï  (excepté 
Vàl.  1 1  à  Indra  et  Varuça)  et  même  la  trishtubh 
(excepté  le  trica  VIII,  42,  1 -3  à  Varuna),  et  sont 


\ 


HISTOIRE  DE   LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       179 

rédigés  presque  exclusivement  en  gâyatrïs  et  en  pra- 
gàthas.  Les  divinités  mêmes  du  matin,  dans  cette 
famille  qui  fait  un  si  grand  usage  de  la  gâyatrî ,  ne 
sont  pas  toujours  invoquées  dans  le  mètre  que  leur 
a  consacré  la  liturgie  définitive.  Si  le  prauga  I ,  a  3 , 
ainsi  que  les  hymnes  I,  2  i,  et  VIIl,  38 ,  à  Indra  et 
Agni,  sont  en  gâyatrî ,  VIIl ,  ko,  adressé  pareillement 
à  Indra  et  Agni ,  est  en  mahâpankti ,  et  les  hymnes 
Vin,  2  5  et  90  à  Mitra  et  Varuna  sont,  Tun  en 
ushnih,  Tautre  en  pragâtha.  Enfin, bien  que  lanush- 
tubh  soit  relativement  fréquente ,  il  n  y  a  qu  un  seul 
hymne  à  Agni  dans  ce  mètre,  l,  /i5 ,  et  il  n'est  pas 
destiné  à  fâjya,  mais  fait  partie  intégrante  d'un 
Açvina-çastra. 

Bref,  on  pourrait  dire  que  les  hymnes  des  Kânvas , 
et  ceux  que  le  mandala  VIU  confond  avec  les  leurs , 
n'oflSrent  pas  même  un  germe  de  la  répartition  future 
des  mètres  entre  les  pressurages ,  si  lusage  des  gâya- 
tiîs  dans  TAtirâtra  (sauf  l'addition  d'un  hymne  en 
jagatî)  ne  paraissait  être  emprunté  à  cette  famille 
en  même  temps  qu'à  celle  de  Vâmadeva  (mandala  IV, 
sûktas  3o-32) ,  qui  se  rattache  comme  elle  à  Ahgiras. 

B.  Les  Vâsishthas. 

La  liturgie  des  Vâsishthas ,  comprenant  la  collec- 
tion 65-73  du  mandala  I,  avec  le  mandala  VII,  est 
lantipode  de  celle  des  Kânvas.  Nulle  part ,  et  M.  01- 
denbergen  avait  déjà  fait  la  remarque,  la  distinction 
ne  paraît  aussi  nette  entre  les  mètres  propres  aux 
hotars  et   les  mètres   communs  aux  hotars  et  aux 


180  FÉVRIER-MARS  1889. 

udgàtars.  Mais  il  y  a  plus  :  on  ny  trouve  guère,  en 
dehors  des  tricas  de  gâyatri  et  des  pragàthas  destinés 
à  servir  de  stotriyas  et  d'anurûpas  —  et  quand  on  a 
mis  à  part  les  curieuses  combinaisons  métriques  des 
sûktasVII,  1,  34  et  56,  et  de  la  collection  I,  GS-yS, 
prise  dans  son  ensemble  —  d'autre  mètre  que  la 
trishtubh.  Non  seulement  tous  les  hymnes  propre- 
ment dits  à  Indra  sont  en  trishtubh  (à  l'exception 
de  VII,  22,  qui  est  dans  un  mètre  parent  de  la 
trishtubh;  la  virâj^),  mais  il  en  est  de  même  — 
toujours  sous  réserve  des  collections  de  tricas  ou  de 
pragàthas, —  des  hymnes  aux  divinités  du  matin, 
Mitra  et  Varuna,  6o-65,  Indra  et  Agni,  gS,  y  com- 
pris celles  du  praûga- castra,  Indra  et  Vayu,  90-92  , 
Sarasvatï,  gS.  L'anushtubh  est  autant  vaut  dire 
absente  ^,  donc  pas  d'âjya-çastra  dans  ce  mètre. 

Enfin  la  trishtubh  est  encore  le  mètre  de  la  plu- 
part des  hymnes  adressés  aux  divinités  du  soir: 
Maruts,  5 7  et  58;  Varuna,  86-88;  Indra  et  Brah- 
manaspati,  97-98;  Vishnu,  Indra  et  Visbnu,  99- 
100.  La  longue  série  35-54,  confondant  avec  les 
hymnes  aux  Viçvedevâs  des  hymnes  à  Savitar,  38  et 
45  ;  aux  Ribhus,  48;  au  Ciel  et  à  la  Terre,  53 ,  est 

^  La  virâj  se  rencontre  encore  clans  le  trica  3i,  10-12,  apparte- 
nant à  un  castra  (voir  p.  147),  et  dans  Tfaymne  68  aux  Açvins.  Si 
Ton  y  ajoute  le  commencement  de  l'hymne  1,  on  voit  que  les  Vâ- 
sishtbas  font  volontiers  usage  de  ce  mètre  rare  (ainsi  que  de  la 
dvipadâ,  17,  outre  le  commencement  de  34). 

*  Seulement  des  vers  isolés.  On  n'ose  attribuer  d'importance  a 
ranusbtubh  initiale  du  sûkta  I,  io3,  aux  Grenouilles,  en  raison  du 
caractère  particulier  de  ce  morceau. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       181 

aussi  tout  entière  en  trishtubh;  à  Texception  de  5o, 
aux  Viçvedevàs,  et  de  46,  à  Rudra  qui  ne  parait 
pas  avoir  eu  part  au  Soma  autrement  qu  en  compa- 
gnie des  Viçvedevàs. 

Ces  deux  exceptions  méritent  peut-être  de  ne  pas 
passer  inaperçues,  si  Ton  remarque  que  le  mandata 
entier  ne  comprend  que  quatre  hymnes  en  jagati ,  et 
que  ies  dew9  autres  sont  pareillement  adressés  à  des 
divinités  du  soir,  Indra  et  Varuna,  82  et  83.  Il  est 
curieux  aussi  que  sur  les  quatre  hymnes  du  man- 
dala  à  Indra  et  Varuna,  deux  soient  en  jagatï  et 
deux  en  trishtubh,  les  deux  en  jagatï  ayant  Tun  et 
l'autre  dix  vers  et  les  deux  en  trishtubh  chacun  cinq 
vers.  On  serait  tenté  de  croire  qu  ils  ont  été  com- 
posés expressément  pour  être  employés  deux  à  deux 
conformément  aux  principes  restés  en  usage  dans 
iukthya-çastra  du  Maitrâvaruna. 

Du  moins  est-il  permis  de  voir  dans  ce  fait  que 
tous  les  hymnes  en  jagatï  du  mandala  VU  sont 
adressés  à  des  divinités  du  soir,  le  commencement 
dune  tendance  à  affecter  ce  mètre  au  troisième 
pressurage.  Ce  serait  d'ailleurs,  en  ce  qui  concerne 
iar  répartition  des  mètres ,  le  seul  point  de  contact 
entre  la  liturgie  des  Vâsishthas  et  le  rituel  définitif 
du  jyotishtoma;  car  Temploi  de  la  trishtubh  au 
savana  du  midi  n'y  aurait  eu  rien  de  caractéristique , 
en  raison  de  l'usage  universel  de  ce  mètre.  Par 
contre ,  le  rituel  d'un  jour  particulier,  le  ^  a 

'  [Le  mot  manque.  ] 


182  FÉVRIER-MARS  1889. 

certainement  emprunté  aux  Vâsishthas  la  curieuse 
combinaison  qu'on  y  remarque  de  la  dvipadâ  avec 
la  trishtubb. 

C.  Les  Vaiçvâmitras. 

Entre  Texclusion  à  peu  près  complète  de  la  trish- 
tubb et  de  la  jagatî  pratiquée  par  les  Kânvas  et 
Tusage  jpresque  exclusif  de  la  trishtubb  qui  vient 
d'être  constaté  chez  les  Vâsishthas ,  il  y  aurait  place 
pour  des  affectations  très  variées  de  différent*  aiètres. 
On  va  voir  cependant  que ,  partout  où  les  traces  d  une 
répartition  se  laissent  voir  nettement,  cette  répar- 
tition est  conforme  à  celle  de  la  liturgie  définitive. 
Il  y  a  là  entre  les  différentes  familles  des  concor- 
dances, et  dans  certaines  d'entre  elles  une  quasi- 
régularité  qui  ne  peuvent  être  l'effet  du  hasard. 
Nous  commencerons  par  la  liturgie  des  Vaiçvâmitras 
qui  offre  les  ressemblances  les  plus  frappantes  avec 
le  rituel  définitif  aux  différents  pressurages^  mais 
surtout  au  pressurage  du  matin. 

Les  hymnes  des  Vaiçvâmitras  sont  rassemblés  dans 
le  mandala  III,  et  dans  la  première  collection  du 
mandala  I,  i  à  1 1 ,  attribuées  à  Madhuchandas Vaiç- 
vàmitra  et  à  son  fils.  C'est  dans  celle-ci  que  se  ren- 
contre le  praûga- castra  en  tricas  définitivement 
choisi  pour  la  liturgie  commune  du  jyotishtoma;  il 
y  forme  deux  sùktas  a  et  3.  Les  six  hymnes  suivants 
à  Indra ,  pareillement  en  gâyatri,  /i-g,  forment  le 
stock  où  doit  puiser  le  Bràhmanâcchamsin ,  au 
pressurage  du  matin,  pour  fâvàpa,  c'est-à-dire  pour 
fintercalation  nécessaire  en    cas    de  stomavriddhi. 


^ 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       183 

L'hymne  60  du  mandala  II J,  encore  en  gâyatrï, 
figure  dans  le  corps  du  castra  du  même  prêtre  au 
même  pressurage.  Le  castra  de  rAchâvâka  com- 
mence par  rhymne  en  gâyatri  III ,  12,  à  Indra  et 
Agni  qui  en  fournit  (avec  une  interversion  peut- 
être  propre  à  Técole  d*Açvaiâyana)  le  stotriya  et 
lanurùpa.  Enfin  Tunique  morceau  du  mandala  III 
adressé  à  Mitra  et  Varuna,  le  trica  62 ,  16-18,  sert 
de  stotriya  au  castra  du  Maitrâvaruna.  Ce  n  est  pas 
tout  encore.  L'âjya-çastra  à  Agni,  en  anushtubh,  est 
pareillement  un  hymne  du  mandala  III ,  le  treizième. 
A  bien  dire ,  il  ne  s  agit  pas  ici  de  ressemblance.  La 
vérité  est  que  la  liturgie  du  premier  pressurage  du 
jyotishtoma^  a  été  empruntée  pour  la  plus  grande 
partie  à  celle  des  Vaiçvâmitras. 

L'intérêt  de  nos  rapprochements  en  est-il  diminué  ? 
Il  feut  dans  une  matière  si  neuve,  et  que  plus  d*un 
lecteur  aborde,  sans  en  avoir  conscience,  avec  une 
foule  de  préjugés,  prévenir  les  objections  même  les 
plus  faciles  à  réfuter,  ou  plus  simplement  poser 
nettement  les  questions  qui  peuvent  flotter  plus 
confusément  dans  les  esprits  :  elles  seront  résolues 
par  cela  même  qu'elles  auront  été  ainsi  posées.  Est- 
ce  parce  que  Mitra  et  Varuna ,  Indra  et  Agni ,  enfin 
toutes  les  divinités  du  praûga-çastra  se  trouvaient, 
par  hasard ,  célébrées  en  gâyatrîs  dans  le  recueil  des 
Vaiçvâmitras,  lequel  comprend  en  outre  un  bon 
nombre  d'hymnes  à  Indra  en  gâyatn  (quatre  dans 

*  [  Un  mot  illisible.  ] 


184  FÉVRIER-MARS  1889. 

le  seul  mandala  III) ,  qu'on  a  eu  Tidée^  lors  de  l'éta- 
blissement d'iin  rituel  commun,  de  réunir  toutes 
ces  divinités  dans  le  pressurage  du  matin?  Ou  bien 
est-ce  par  hasard  que  les  divinités  invoquées  dans  le 
pressurage  du  matin,  dans  la  liturgie  des  Vaiçvà- 
mitras  comme  dans  la  liturgie  définitive ,  n'ont  dans 
cette  famille ,  à  part  Indra  invoqué  aux  trois  pres- 
surages, que  des  vers  en  gâyatrî? 

Il  me  serait  déjà  permis  de  passer  outre.  J'ajou- 
terai pourtant  deux  observations.  L'une  est  que  les 
Vaiçvâmitras  n'ont  en  tout  que  trois  hymnes  en 
anushtubh,  deux  à  Indra  dans  la  collection  de  Ma- 
dhuchandas ,  I,  i  o  et  1 1 ,  qui  auraient  pu  servir  pri- 
mitivement au  shodacin,  et  un  seul  dans  le  man- 
dala  III,  qui  est  précisément  l'âjya-çastra  à  Agni. 
Ou  plutôt  le  mandala  III  contient  un  second  hymne 
qui  compte  comme  hymne  en  anushtubh ,  l'hymne 
a/i,  composé  d'une  anushtubh  initiale  suivie  de 
quatre  gâyatrîs.  Nous  avons  vu  que  cette  compo- 
sition trahit  avec  évidence  une  intention  liturgique. 
L'hymne  a/i  est  un  autre  àjya-çastra  où  la  valeur 
rituelle  de  l'anushtubh  saute  aux  yeux.  La  seconde 
observation  dispense  de  toutes  les  autres  :  c'est  que 
la  plupart  des  familles  montrent  au  moins  une  ten- 
dance à  répartir  les  mètres  entre  les  différentes  di- 
vinités d'après  les  principes  qui  ont  définitivement 
triomphé.  C'est  ce  que  nous  devons  prouver  d'abord 
pour  les  Vaiçvâmitras  eux-mêmes  en  ce  qui  con- 
cerne les  divinités  du  soir. 

Rappelons  d'abord  que  le  mandala  III  a  dans  le 


HISTOIRE   DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       185 

sûkta  26  un  âgnimâruta-çastra  tout  formé  (sauf  le 
stotriya,  Tanurûpa  et  les  dhàyyâs  du  rituel  des  sû- 
tras).  Les  trois  sûktas  à  Vaiçvânara,  aux  Maruts  et 
à  Jàtavedas  y  sont  représentés  par  autant  de  tricas 
adressés  aux  mêmes  divinités  dans  le  même  ordre. 
Les  deux  premiers  sont  en  jagatï,  le  troisième  en 
trishtubh.  Nous  avons  déjà  remarqué  que  les  Vaiç- 
vâmitras  paraissent  avoir  cherché  dans  cette  combi- 
naison un  résultat  analogue  à  celui  qui  est  obtenu 
dans  d'autres  castras  du  troisième  pressurage^  par 
l'alternance  d'hymnes  en  jagati  et  en  trishtubh,  et 
dans  presque  toutes  par  la  conclusion  ordinaire  en 
trishtubh  de^  hymnes  en  jagatï. 

Est-ce  en  vue  de  combinaisons  analogues  que  les 
hymnes  aux  Viçvedevâs,  54-5  7,  destinés  à  former 
le  Vaiçvadeva-çaslra  sont  tous  en  trishtubh?  Nous 
ne  pouvons  naturellement  faire  là-dessus  que  des 
suppositions.  Mais  il  reste  ce  fait,  parfaitement 
conforme  à  nos  observations  précédentes  sur  le 
mandala  VII,  que  tous  les  hymnes  en  jagatï  du 
mandala  III  (indépendamment  de  deux  Iricas  de 
l'âgnimâruta)  sont  adressés  à  des  divinités  du  soir, 
2  et  3  à  Vaiçvânara;  60  aux  Ribhus. 

Indra  n'a  qu'un  trica  en  jagatï,  5i,  i-3.  Nous 
avons  déjà  relevé  les  hymnes  en  gâyatrîs  qui  lui  sont 
adressés.  La  Irishtubh  est  le  mètre  de  la  plupart  des 
autres. 

Ne  l'oublions  pas,  d'ailleurs,  c'est  dans  le  man- 

^  [Sept  mois  illisibles]. 

XIII.  i3 


ivrniHKBiF    >tiij\iia. 


186  FÉVRIER-MARS  1889. 

dala  III,  quoique  dans  des  sùktas  dont  la  compo- 
sition semble  relativement  récente,  28  et  62,  que 
nous  avons  trouvé  des  formules  de  sacrifice  com- 
posées expressément  pour  les  trois  pressurages,  en 
gâyatrî  pour  celui  du  matin,  en  trishtubh  pour 
celui  de  midi ,  en  jagatî  pour  celui  du  soir. 

D.  Les  autres  familles  et  les  suppléments. 

Le  mandala  II  na  pas  les  éléments  des  castras 
des  hotrakas  au  pressurage  du  matin.  Mais  il  a, 
comme  nous  lavons  montré,  un  praùga-çaslra  tout 
formé,  /il,  comme  celui  de  Madhuchandas ,  mais 
avec  deux  différences  dans  la  répartition  des  sept 
tricas  entre  les  divinités.  Il  n  en  est  pas  moins  en 
gâyatris  (sauf  le  trica  16-18).  Nous  avons  de  plus 
un  hymne  à  Agni  en  anushtubh,  5,  resté  employé 
comme  âjya -castra  le  jour  nommé  Caturvimça  (7, 
2,  1).  Si  Ton  remarque  que  cest  le  seul  hymne  en 
anushtubh  du  mandala,  on  aura  quelque  raison  de 
croire  qu'il  a  été  composé  expressément  pour  servir 
d*àjya-çastra,  et  que  l'affectation  des  mètres  dans  le 
rituel  de  Gritsamada  était  identique  à  celle  de  la 
liturgie  postérieure,  au  moins  pour  les  deux  castras 
du  hotar  au  pressurage  du  matin. 

Il  paraît  non  moins  évident  que  la  jagatî  était 
déjà  attribuée  spécialement  au  pressurage  du  soir. 
Ce  mètre  est  exceptionnellement  fréquent  dans  le 
mandala  II  :  quinze  sûktas  sur  quarante-trois.  Ce- 
pendant, si  Ton  néglige  l'hymne  Atharvanesque , 
43,  interpolé,  et  les  hymnes  36,  3 7,  d'un  usage 


HISTOIRE.de  la  liturgie   védique.       187 

difficile  à  déterminer,  et  en  tout  cas  hors  de  cause , 
ainsi  que  les  deux  vers  Sa,  tx-S  à  Râkâ^  il  reste, 
d'une  part,  un  hymne  à  Agni,  i  ;  quatre  hymnes  à 
Indra ,  1 3 ,  1 6 , 1 7  et  a  i ,  et  de  l'autre  quatre  hymnes 
à  Brihaspati,  ^3,  2I1,  a5  et  a6;  un  hymne  aux 
Viçvedevâs ,  3 1  ;  un  trica  au  Ciel  et  à  la  Terre  ,32, 
1*3,  et  un  hymne  aux  Maruls,  34.  A  la  vérité, 
i*hymne  à  Brihaspati  seul  dans  le  rituel  définitif  est 
en  trishtubh  ;  mais  la  jagatî  n  en  est  pas  moins  le 
mètre  caractéristique  du  castra  adressé  à  Indra  et 
Brahmanaspati.  Or  il  ne  sagit  pas  d'une  identité 
absolue  avec  le  rituel  définitif  (Thymne  unique  à 
Savitar,  38,  est  en  trishtubh),  mais  d'une  tendance 
déjà  accusée  à  réserver  la  jagatî  pour  les  divinités 
du  soir,  et  cette  tendance  paraît  certaine. 

Passons  h.  la  famille  d'Atri.  Sa  liturgie  offre  un 
trait  caractéristique  qui  saute  d'abord  aux  yeux. 
Dans  l'ensemble  du  mandala  V  l'anushtubh  est  ex- 
trêmement  fréquente;  mais  elle  ne  l'est  pas  égale- 
ment dans  toutes  les  séries  divines. 

Sur vingt-quxitre  sûktas  aux  divinités  du  soir:  /ii- 
5i  aux  Viçvedevâs,  52-6 1  aux  Maruts,  81-82  à 
Savitar,  85  à  Varuna,  deux  seulement,  5o  et  52, 
sont  en  anushtubh.  Au  contraire,  sur  douze  sûktas 
aux  divinités  du  matin,  62-'72  à  Mitra  et  Varuna, 
86  à  Indra  et  Agni,  cinq  sont  en  anushtubh,  6li' 
67  et  86.  De  même  Agni ,  la  divinité  de  l'âjya-çastra , 
a  onze  sûktas   en  anushtubh  sur  vingt-huit.    Indra 

^  On  peut  négliger  les  vers  G-8  à  StDÎYâlï  et  autres  divinités  fe- 
melles. 

i3. 


18S  FÉVRIER-MARS   188a. 

occupe  une  position  intermédiaire  entre  les  divi- 
nités du  soir  et  celles  du  matin  avec  trois  sûktas  en 
anushtubb  sur  douze. 

m 

Ainsi  les  Atris ,  en  dépit  de  leur  prédilection  pour 
Tanushtubh,  n'en  ont  fait  qu'un  usage  extrêmement 
rare  pour  les  divinités  du  soir,  et  Tout  tout  spécia- 
lement affecté  aux  divinités  du  matin.  C'est  un  trait 
de  ressemblance  avec  la  liturgie  commune  et  défi- 
nitive en  ce  qui  concerne  râjya-çastra,  et,  comme 
on  le  verra  tout  à  l'heure,  avec  la  liturgie  particu- 
lière à  Vâmadeva ,  en  ce  qui  concerne  les  castras  du 
matin  autres  que  f  âjya. 

La  gâyatrî  n'est  cependant  pas  exclue  du  pressu- 
rage du  matin,  comme  on  le  voit  par  les  sûktas  68, 
70  et  71  i  Mitra  et  Varuna  (sans  compter  i3,  i/i 
et  26  à  Agni).  Mais  elle  est  à  peu  près^  sans  emploi 
pour  les  divinités  du  soir,  à  part  le  sûkta  82  a  Sa- 
vitar  qui  est  peut-être  un  castra  tout  fait,  et  qui,  en 
tout  cas,  commence  par  un  stotriya  parfaitement 
caractérisé. 

En  revanche  la  jagatï  est  visiblement  afiFectée  d'une 
façon  spéciale  à  ces  divinités.  Sur  les  douze  hymnes 
aux  divinités  du  matin ,  il  y  en  a  un  seul  en  jagatï , 
63  à  Mitra  et  Varuna.  Sur  les  vingt-quatre  hymnes 
aux  divinités  du  soir,  il  n'y  en  a  encore  qu'une  mi- 
norité en  jagatï;  fcai^,  savoir  :  44,  46  et  48  aux 
Viçvedevâs,  54,  55,  Sy  et  Sg  aux  Maruts,  81  à 
Savitar.  Mais  cette   minorité  comprend  la  grande 

*  On  ne  peut  citer  que  quatre  vers,  5i,  i-4 ,  aux  Viçvedevâs,  et 
un  sûkta  ioforme  aux  Maruts,  61. 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       189 

majorité  des  hymnes  en  jagatî  du  mandala  V,  hait 
sur  douze  (les  trois  autres  sont  8  et  1 1  à  Agnî,  34  à 
Indra). 

Rappdions  que  les  Atris  paraissent  avoir  connu 
une  combinaison  métrique  très  particulière  dont  nous 
avons  deux  exemplaires  dans  les  sûktas  V,  4o  et  yS. 

Bharadvâja,  Tauteur  du  mandala  VI,  passe  pour 
Tancêtre  de  Kutsa,  à  qui  est  attribuée  la  collection 
9/i-i  i5  du  mandala  I.  Il  n'y  aura,  en  tout  cas,  pas 
d'inconvénient  à  rapprocher  ces  deux  recueils,  tout 
en  les  distinguant. 

Nous  n'aurons  à  relever  ni  dans  l'un  ni  dans 
l'autre  de  concordance  frappante  avec  la  liturgie 
définitive  pour  le  pressurage  du  matin.  C'est  au 
contraire  une  discordance  que  nous  offre  la  collec- 
tion de  Kutsa  dans  les  deux  sûktas  en  trishtubh  à 
Indra  et  Agni,  108  et  109.  Cependant  on  peut  re- 
marquer que  les  sûktas  2  et  i/i  du  mandala  VI, 
non  seulement  ont  été  effectivement  employés 
comme  âjya-çastra  (10,  2,  ),  mais  qu'ils  sont  les 
seak  sûktas  en  anashtabh  du  mandala  VI,  avec  42, 
adressé  à  Indra  ^ 

Comme  presque  toujours  ce  sont  les  emplois  de 
la  jagatî  qui  sont  les  plus  significatifs.  Ils  sont  rares 
dans  le  mandala  VI,  mais  exclusivement  réservés 
aux  divinités  du  soir^  :  8   à  Agni  Vaiçvànara;  î5, 

'  On  peut  citer  encore  les  vers  69,  7-10,  à  Indra  el  Agni,  à  côté 
de  60,  /1-13  ,  en  gâyatrî,  aux  mêmes  dieux. 

*  Les  vers  2-à  du  sûkta  28 ,  composés  de  formules  adressées  aux 
vaches,  ne  peuvent  passer  pour  une  exception. 


IQO  FÉVRIER-MARS  1889. 

1-9  à  Jâlavedas  (au  moins  le  dernier  trica),  70  au 
Ciel  et  à  la  Terre,  7 1  à  Savitar  (avec  conclusion  en 
trishtubh).  Dans  la  collection  de  Kutsa,  la  jagatî 
est  au  contraire  très  fréquente.  Mais  sur  cinq  hymnes 
à  Indra,  ioo-io4,  deux  seulement  sont  en  jagatï 
contre  trois  en  trishtubh. 

La  proportion  est  sensiblement  plus  forte  pour  les 
divinités  du  soir.  Sur  neuf  sûktas  adressés ,  à  Jâta- 
vedas^  gd;  à  Vaiçvânara,  96;  aux  Viçvedevâs ,  io5- 
107;  aux  Ribhus,  1 10-1 1 1  ;  au  Ciel  et  à  la  Terre, 
1 1 2  ,  et  enfin  à  Rudra ,  1 1 4 ,  qui  parait  devoir  être 
rangé  avec  les  Viçvedevâs  ^,  six  sont  en  jagati,  contre 
deux  en  trishtubh  et  un  en  pankti  qui  est  plutôt  une 
composition  mystique  quun  véritable  hymne  aux 
Viçvedevâs.  Bref  les  indications  concernant  Tusage 
de  la  jagatï  concordent  avec  celles  de  toutes  les 
autres  collections,  celle  des  Kânvas  exceptée  :  elles 
sont  au  moins  dans  la  même  direction. 

L'extension  de  Tanushtubh  aux  castras  du  matin 
autres  que  fàjya  paraît  être,  comme  je  l'ai  an- 
noncé ,  un  trait  commun  à  la  liturgie  des  Atris  et  à 
celle  de  Vâmadeva.  Du  moins  avons-nous  deux 
hymnes  en  anushtubh  à  Vàyu  et  Indra  et  Vâyu,  IV, 
47  et  48,  qui  n'ont  pu  figurer  qu'au  premier  pres- 
surage. D'ailleurs  un  autre  sùkta  aux  mêmes  divi- 
nités, 46,  est  en  gâyatn. 

^  Je  laisse  de  côté  le  prétendu  hymne  formé  d'un  vers  unique  à 
Jâtavedas,  99.  En  revanche  je  comprends  Thymne  io5  qui  peut  à 
peine  passer  pour  un  hymne  aux  Viçvedevâs. 

^  Cf.  plus  haut. 


\ 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       191 

Le  mandala  n  a  que  cinq  sûktas  en  jagatî.  L'un  est 
adressé  aux  Açvins,  et  les  quatre  autres  à  des  divi- 
nités du  soir,  Dadhikrâvan,  4o,  qui  n'a  guère  pu 
avoir  part  au  Soma  qu'avec  les  Viçvedevâs,  les  Ri- 
bhus,  36,  et  Savitiar,  53^  et  54. 

Les  hymnes  à  Indra  sont  tous  en  trishtubh ,  à 
l'exception  de  3o-32  qui  sont  probablement  des 
castras  tout  formés ,  et  qui  ont  pu ,  avec  les  castras 
semblables  des  Kânvas,  et  sauf  l'addition  d'hymnes 
en  jagatî ,  servir  de  modèle  à  la  liturgie  de  l'atirâtra. 
Il  est  remarquable  que  Kanva  et  Vâmadeva  appar- 
tiennent tous  les  deux  à  la  grande  famille  des  Ah- 
giras. 

Vâmadeva  est  de  la  branche  de  Gotama  à  qui  est 
attribuée  la  collection  jlxgi  du  mandala  I,  collec- 
tion où  nous  retrouvons  une  partie  des  traits  propres 
aux  Kânvas.  La  trishtubh  est  rare  (deux  sûktas  sur 
vingt  et  quelques  fragments)  et  ne  se  rencontre, 
à  part  le  trica  i6-i8  d'une  sorte  de  castra,  8/i, 
dans  aucun  sûkta  à  Indra,  En  revanche  Indra  a  trois 
sûktas  en  pankti  sur  cinq ,  et  la  gâyatrï  est  très  fré- 
quente. On  la  trouve,  non  seulement  dans  des 
sûktas  à  Agni,  y 4,  yS,  77  (sans  compter  79,  7- 
12),  mais  dans  des  sûktas  aux  divinités  du  soir,  les 
Maruts,  86,  et  les  Viçvedevâs,  90.  Cependant  la 
jagatî  est  moins  rare  que  la  trishtubh,  et  sur  quatre 
sûktas  dans  ce  mètre,  trois  sont  adressés  à  des  divi- 
nités du  soir,  les  Maruts,  85  et  87,  et  les  Viçve- 
devâs, 89  (avec  conclusion  en  trishtubh). 

11  ne  serait  donc  pas  impossible  que  la  liturgie 


192  FÉVRIER.MARS  1889. 

attribuée  à  Gotama  fût  plus  ancienne  que  celle  de 
Vâmadeva  conformément  aux  données  qui  font  du 
premier  le  père  du  second,  ou  tout  au  moins  que 
les  ressemblances  signalées  fussent  expliquées  par  la 
parenté  effective  de  Gotama  et  de  Kanva^  ou  des 
familles  qui  se  réclament  de  ces  deux  ancêtres. 

C'est  encore  à  la  famille  de  Gotama  qu  on  rattache 
Dïrghatamas.  On  attribue  à  Dîrghatamas  la  collec- 
tion 1 4o-i  64  du  mandala  I,  et  à  son  fils  Kakshîvat 
la  collection  116-1 25.  Cette  dernière  n'est  peut- 
être  ,  comme  nous  l'avons  vu ,  qu'une  espèce  parti- 
culière de  prâtaranuvâka  où  une  place  aurait  été 
donnée  aux  Viçvedevâs.  Elle  est  presque  tout  en- 
tière en  trishtubh  et  en  jagatï,  c'est-à-dire  qu'elle 
n'offrirait  plus  aucune  trace  des  prédilections  mé- 
triques qu'on  peut  être  tenté  d'attribuer  aux  pre- 
miers Angiras.  J'en  dirai  autant  de  la  collection  de 
Dïrghatamas  lui-même ,  qui  ne  peut  d'ailleurs  passer 
non  plus  pour  un  recueil  tant  soit  peu  complet, 
puisqu'elle  ne  contient  pas  un  seul  hymne  à  Indra. 
La  trishtubh  et  la  jagatï  y  sont  tout  à  fait  domi- 
nantes, et  la  jagatï  y  est  aussi  fréquente  que  la  trish- 
tubh. La  jagatï  se  rencontre  même  dans  un  hymne 
au  couple  matinal  Mitra  et  Varuna,  i5i.  Il  n'en 
est   pas    moins    digne    de    remarque,  surtout   en 

^  Â  la  vérité  les  Kânvas  sont  rattachés  à  la  branche  de  Bharad- 
vâja ,  et  le  mandala  VI ,  non  plus  que  la  collection  de  Kutsa ,  n'of- 
frent aucune  analogie  avec  le  mandala  Vlil.  Cependant  les  nombreux 
sûktas  du  mandala  VIII  attribués  à  des  Âûgiras  qui  ne  sont  pas  des 
Kânvas  suggèrent  encore  l'idée  d'une  liturgie  primitive  commune 
à  toute  la  famille  des  Âûgiras. 


X 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       193 

présence  des  indications  analogues  de  tant  d'autres 
collections,  que  tous  les  hymnes  aux  divinités  du 
soir,  à  l'exception  de  i54,  à  Vishnu^  soient  en 
jagatî  :  1 55  et  1 56  à  Vishnu  et  Indra  et  Vishnu, 
i59  et  i6o  au  Ciel  et  à  la  Terre,  i6i  aux  Ribhus. 

Enfin  la  collection  de  Nodhas ,  qui  est  encore  un 
Gotama,  ne  comprenant  que  sept  sûktas,  I,  58-64, 
ne  peut  être  mentionnée  que  pour  mémoire.  Les 
trois  hymnes  à  Indra  sont  en  trishtubh.  Sur  les  trois 
hymnes  à  Agni,  un  est  en  jagatî,  et  ce  nest  pas 
ïhymne  59  à  Agni  Vaiçvânara.  Mais  l'hymne  aux 
Maruts  est,  selon  l'ordinaire,  en  jagatî. 

Nous  avons  passé  en  revue  les  mandalas  H- VIII 
et  celles  des  collections  du  mandala  I  qui  peuvent 
passer  pour  des  suppléments  à  plusieurs  d'entre  eux. 
Je  n'ai  pas  compris  parmi  ces  dernières  celle  de  Çu- 
nahçepa,  fds  adoptif  de  Viçvàmitra,  a/i-So.  C'est 
que  cette  collection  est  une  série  d'un  genre  tout 
particulier,  insérée  dans  une  légende  de  l'Aitareya- 
Brâhmana,  et  récitée  avec  elle  dans  le  Râjasûya. 

Il  ne  reste  dans  le  mandala  I  que  quatre  collec- 
tions dont  la  seule  un  peu  longue  est  celle  d'Agastya , 
165-191.  La  trishtubh  y  est  dominante,  et  deux 
des  hymnes  aux  Maruts  sont  en  jagatî.  L'ensemble  est 
peu  significatif.  Dans  la  collection  d'Hiranyastûpa 
Angirasa ,  3 1  -35 ,  il  y  a  un  hymne  en  jagatî ,  3 1 ,  et 
im  hymne  à  Savitar,  35;  mais  l'hymne  en  jagatî 
n'est  pas  l'hymne  à  Savitar;  il  est  adressé  à  Agni. 

*   l6^  ne  peut  passer  pour    un   véritable    hymne  aux  Viçve- 
cîevâs. 


ig4  FÉVRIER-MARS  1889. 

Rien  à  conclure  d'ailleurs  d'une  collection  de  cinq 
hymnes. 

Les  deux  dernières  collections  sont  plus  curieuses. 
Celle  de  Savya  Aôgirasa,  Si-Sy,  ne  comprend  que 
des  hymnes  à  Indra,  et  ils  sont  tous  en  jagatï.  La 
collection  127-139  de  Parucchepa  Daivodâsi  com- 
prend des  hymnes  à  différentes  divinités,  et  peut- 
être  une  sorte  de  praùga-çastra ,  189;  mais  eUe  est 
tout  entière  en  atichandas.  On  observe  donc  dans 
Tune  et  dans  l'autre  une  particularité  métrique  ca- 
ractéristique  ;  l'atichandas  est  un  mètre  très  rare ,  et 
la  jagatï  n'est  nulle  part  ailleurs  le  mètre  exclusif, 
ni  même  principal,  d'Indra.  Nous  avons  là  deux 
témoignages  précieux  de  la  liberté  d'invention  pra- 
tiquée par  certains  rishis.  Ces  singularités  ont  été 
d'ailleurs  mises  à  profit  dans  le  rituel  définitif.  Sur 
les  sept  sûktas  à  Indra,  quatre,  5i ,  53,  54  et  55, 
ont  été  ajoutés  aux  récitations  en  gàyatrîs  emprun- 
tées principalement  au  recueil  des  Kânvas,  pour 
compléter  par  un  hymne  en  jagatï  les  castras  des 
quatre  hotars  au  premier  pressurage  de  l'atiràtra 
(6,  4,  10)  :  l'un  de  ceux-là,  55,  et  les  trois  autres, 
52,  56  et  57,  ont  servi  à  composer  le  marutvatïya 
et  le  nishkevalya-çastra,  mi-partie  de  jagatï,  mi- 
partie  de  trishtubh  du  jour  nommé  Vishiivat  (8,6, 
6  et  i3).  Quant  à  la  collection  en  atichandas,  elle 
a  servi  à  donner  une  physionomie  particulière  aux 
deux  premiers  castras  du  sixième  jour  prishthya 
(8,  1,  9  et  1  2). 

Le  mandala  X,  composé  uniquement  de  sûktas 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE   VÉDIQUE.       195 

isolés  et  de  collections  très  courtes,  ne  peut  donner 
lieu  qu'à  un  petit  nombre  d'observations,  pour  la 
plupart  sans  grande  importance.  Elles  porteront  sur 
Tensembde  considéré  coname  un  supplément  plus  ou 
moins  tardif  à  la  Samhitâ.  Des  mètres  communs  aux 
hotars  et  aux  udgâtars,  le  pragâtha  est  complète- 
ment absent,  et  si  la  gâyatri  nest  pas  rare,  ses  em- 
plois du  moins  ne  rappellent  nullement  ceux  qui 
ont  été  relevés  dans  les  autres  mandalas.  Point  de 
collections  de  tricas,  mais  des  hymnes  très  courts, 
de  cinq,  quatre  et  trois  vers,  ou  irréguliers,  mi- 
partie  de  gâyatri  et  d autres  mètres,  et,  pour  le 
fond,  offrant  souvent  le  caractère  des  hymnes  de 
TAtharva-Veda.  Cette  dernière  observation  s'appli- 
que mieux  encore  aux  hymnes,  relativement  nom- 
breux, en  anushtubh.  L'anushtubh  nest  plus  ici, 
comme  dans  les  mandalas  anciens,  le  mètre  rare, 
réservé  aux  commencements  :  c'est  le  mètre  moderne. 
Les  emplois  de  la  jagatï  et  ceux  de  la  trishtubh 
paraissent  se  balancer  à  peu  près  pour  les  Viçve- 
devâs.  Comme  Indra  a  environ  deux  hymnes  en 
trishtubh  contre  un  hymne  en  jagatï,  il  y  aurait 
déjà  là  une  indication  qui  serait  toujours  dans  le 
sens  ordinaire.  Mais  si  Ton  examine  de  plus  près  les 
hymnes  que  TAnukramanî  assigne  aux  Viçvedevàs, 
on  voit  que  beaucoup  d'entre  eux  n'ont  aucun  droit 
à  ce  titre,  mais  sont  des  morceaux  théosophiques , 
3i,  56,  61,  101,  11 4,  181,  ou  atharvanesques , 
109,  i65  :  ceux-là  sont  en  trishtubh.  Des  vrais 
hymnes  aux  Viçvedevàs,  an  seul  est  en  trishtubh. 


196  FÉVRIER-MARS  1889. 

128,  contre  hai^  en  jagatï  :  35,  36,   63,  64,  65, 
66, 92, 100. 

Ainsi,  même  dans  le  mandala  X,  qui  na  aucune 
unité,  laffectation  de  la  jagatî  aux  Viçvedevâs  res- 
sort avec  une  entière  évidence. 

E.  Résamé. 

Je  me  bornerai  h  résumer  les  résultats  les  plus 
saillants  de  ce  dernier  chapitre.  La  liturgie  définitive 
du  sacrifice  du  Soma  a  pris  pour  modèle  principal 
la  liturgie  ancienne  des  Vaiçvâmitras.  Au  pressurage 
du  matin,  dont  le  mètre  est  Tanuslitubli,  pour  le 
premier  castra,  et  la  gâyatrî  pour  les  quatre  autres, 
c'est  plus  qu'une  imitation ,  c'est  un  emprunt.  Dans 
la  famille  desKânvas,  la  trishtubh  et  la  jagatî  sont  à 
peu  près  sans  usage. 

Dans  toutes  les  familles,  excepté  celle  des  Kânvas 
(et  peut-être  celle  de  Gotama,  avant  Vâmadeva),  la 
trishtubh  a  été  le  mètre  du  pressurage  de  midi ,  qui 
appartient  tout  entier  à  Indra. 

Chez  les  Vâsishthas,  la  trishtubh  était  le  mètre 
exclusif  du  hotar  aux  trois  pressurages,  sauf  un  petit 
nombre  d'exemples  pour  le  pressurage  du  soir.  Dans 
toutes  les  familles  aussi ,  excepté  toujours  celle  des 
Kânvas,  on  remarque  une  tendance  plus  ou  moins 
accusée ,  moins  visible  même  chez  les  Vâsishthas ,  à 
réserver  la  jagatî  au  pressurage  du  soir. 

Les  morceaux  en  gâyatrî  des  castras  de  l'atirâlra 
ont  été  en  partie  empruntés  à  la  liturgie  des  Kânvas 
et  à  celle  de  Vâmadeva ,  où  ils  existent  déjà  à  l'état 


k 


HISTOIRE  DE  LA  LITURGIE  VÉDIQUE.       197 

de  castras  tout  formés,  et  pour  le  reste  sans  doute 
composés  sur  ces  modèles. 

Certaines  particularités  propres  aux  rituels  des 
différentes  familles  ont  servi  plus  tard  à  caractériser 
tel  ou  tel  jour  des  sattras.  L'un  des  exemples  les  plus 
curieux  de  ce  fait  est  la  combinaison  de  morceaux 
en  dvipadâ  et  de  morceaux  en  trishtubh,  trait  carac- 
téristique de  la  liturgie  des  Vàsishthas,  introduit 
dans  celle  des  trois  jours  chandomas  du  Samûlha- 
daçarâtra  et  dans  celle  du  quatrième  jour  du  Vyûlha- 
daçarâtra. 


198  FÉVRIER. MARS   1889. 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE. 


CONTES  DD  SOUS 

ET  DE  L'OASIS  DE  TAFILELT  (MAROC), 

TRADUITS   ET   COMMENTES 

PAR  M.  DE  ROCHEMONTEIX. 


INTRODUCTION. 

Les  tribus  berbères  qui  occupent  le  sud  du  Maroc, 
principalement  les  riches  vallées  du  Sous ,  de  la  Ta- 
zerwalt  et  du  haut  Draa^,  sont  parmi  les  plus  prospères 
de  leur  race ,  et  je  dirais  les  plus  cultivées ,  si  le  mot  n*é- 
tait  ambitieux.  Elles  ont  adopté  la  religion  des  Arabes 
et  le  gros  des  idées  et  des  traditions  qui  se  sont  dé- 
posées dans  tout  le  monde  musulman ,  mais  en  con- 
servant leur  personnalité ,  leur  organisation  et  leur 

^  Sur  ces  régions ,  consulter  :  Elisée  Reclus ,  Nouvelle  géographie 
universelle,  t.  IX,  Afrique  septentrionale,  a*  partie,  Maroc  (Hachette, 
Paris,  1886),  où  l'on  relèvera  une  bibliographie  très  complète; 
C.  Douls,  Voj^age  d'exploration  à  travers  le  Sahara  occidental  et  le  sud 
Marocain,  dans  ie  Bulletin  de  la  Société  de  géographie,  7*  série, 
t.  IX,  3*  trimestre,  1888,  p.  437;  R.  Basset,  dans  les  noies  jointes 
à  sa  traduction  de  la  Relation  de Sidi  Brahim  de  Massai,  brochure, 
Leroux,  i883. 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.        199 

langue.  Elles  ont  même  un  embryon  de  littérature 
dont  nous  possédons  quelques  spécimens  à  la  Biblio- 
thèque nationede.  Le  fonds  berbère ,  composé  en 
grande  partie  des  textes  réunis  vers  1 84o  par  M.  De- 
laporte,  consul  de  France  à  Mogador,  et  aujourd'hui 
encore  presque  tous  inédits,  a  fourni  tout  d abord 
un  ensemble  de  documents  qui  semblait  devoir  faire 
du  dialecte  de  ces  tribus,  le  shelha  ou  tamazig't, 
le  point  de  départ  des  études  berbères.  Il  n'en  a  pas 
été  ainsi.  L'activité  de  nos  officiers  et  de  nos  pro- 
fesseurs s'est  tournée  vers  les  dialectes  de  l'Algérie  et 
du  Sahara  et  les  a  mis  en  lumière  par  de  remar- 
quables travaux.  Le  shelh'a  a  été  laissé  quelque  peu 
en  réserve  ^. 

Cependant  M.  R.  Basset,  dont  le  zèle  à  réunir 
et  à  coordonner  les  matériaux  de  la  langue  berbère 
est  infatigable,  ne  Ta  pas  exclu  de  ses  travaux^.  Dès 
1879,  il  a  publié  ici  même,  grâce  à  l'intermé- 
diaire de  M.  Barbier  de  Meynard ,  un  manuscrit  de 
M.  Rey,  contenant  une  version  du  poème  de  Çabi , 
qu'il  a  fait  précéder  d'une  esquisse  grammaticale  du 
dialecte  sousien;  et  pendant  que  M.  Newman  in- 


^  Pour  la  bibliographie  rlu  Shelh'a ,  voir  :  De  Slane ,  appendice , 
t.  IV  de  sa  traduction  de  V Histoire  des  Berbères  d'Ibn  Khaldoun: 
R.  Bsissei  y  Le  poème  de  Çabi,^.  à  (extrait  du  Journal  asiatique,  1879]  ; 
Relation  de  Sidi  Brakim  de  Massât,  l.  /.p.  3;  Contes  berbères,  Leroux, 
1887;  John  Bail,  On  the  Shelluhe  language,  p.  ^78  et  sqq.,  dans 
Journal  of  a  tour  in  Marocco  the  great  Atlas,  by  J.  Dalton  Hooker 
John  Bail,  London,  Macmillau,  1878;  Cust,  The  modem  langnages 
of  Âfrica,  1. 1,  p.  1 1 3,  et  t.  II,  p.  4 70,  Londres,  Trùbner,  i883. 

'  Voir  la  note  précédente. 


200  FÉVRIER-MARS   1889. 

serait  dans  son  Libyan  vocahalcuy  ^  une  liste  de  mots 
shelh'a ,  il  donnait  une  traduction  nouvelle  de  la  re- 
lation composée  en  i834  par  un  certain  taleb  du 
Sous,  Sidi  Brahim,  originaire  de  Massa.  Enfin,  dans 
le  plus  récent  numéro  du  BaUetin  de  correspondance 
africaine^,  il  a  commencé  la  publication  de  textes  en 
dialectes  du  Sous  et  de  TOued-Draa. 

A  mon  tour,  je  soumets  aux  folkloristes  et  aux 
grammairiens  quelques  contes  des  mêmes  régions. 

Ces  contes  sont  tirés  : 

1**  D'un  volume  assez  considérable  de  féeries  et 
autres  récits  que  j  ai  recueillis  de  la  bouche  d'Omar 
ben  Haoacin,  natif  des  oasis  de  la  Tafilelt,  qui  lui- 
même  les  avait  appris  de  divers  dans  la  Tafilelt, 
dans  la  Tazerwalt,  à  Taroudant  (capitale  de  TOued- 
Sous) ,  à  Massa  (Sous) ,  àTaskokant  et  à  Skorah  (entre 
Demnat'  et  Draa,  district  de  la  Tessout'  ou  0mm- 
Rebia); 

î^**  Du  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale, 
fonds  berbère,  n°  4,  Kiiab  es-ShelWa  (collection  de 
M.  Delaporte),  lequel  renferme  2  5  histoires  rédigées 
et  traduites  mot  à  mot  en  patois  arabe  de  la  région 
par  un  indigène  de  Mogador^. 

J'ai  choisi  dans  cette  première  série  trois  versions 
de  légendes  que  les  historiens  et  les  poètes  grecs  ont 

'  Londres,  1882. 

^  5*  année,  fascicule  1-2,  p.  98  et  sqq. 

^  Notons,  à  ce  propos,  que  plusieurs  mots  arabes  qui  figurent 
dans  le  texte  berbère,  étant  sans  doute  aujourd'hui  mai  compris 
des  Marocains  arabisants ,  sont  expliqués  dans  la  traduction  par  des 
synonymes. 


DOtUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       201 

rendues  célèbres,  et  une  version  dun  de  nos  contes 
les  plus  souvent  relus.  Je  dois  à  la  science  des  tradi- 
tions populaires  de  les  faire  suivre,  malgré  mon  in- 
compétence, d'un  court  commentaire.  Ils  me  ser- 
viront, d autre  part,  de  justification  pour  l'histoire 
des  radicaux  qui  sy  rencontrent  le  plus  fréquem- 
ment, et  une  analyse  de  quelques  formes  verbales. 

Les  textes  que  je  présente  sont  transcrits  en  carac- 
tères latins.  J  ai  renoncé  à  l'emploi  de  l'alphabet  arabe 
qui  ne  correspond  pas  mieux  que  le  nôtre  aux  arti- 
culations de  la  langue  berbère  et  est  tout  à  fait  insuf- 
fisant pour  rendre  la  vocalisation  ;  en  sorte  qu'à  côté 
de  la  transcription  arabe,  on  a  coutume  de  placer 
une  transcription  latine.  Je  me  suis  borné  à  donner, 
en  caractères  arabes,  le  début  du  conte  II,  extrait 
du  manuscrit  n°  4.  Ce  court  spécimen  permettra 
de  relever  les  règles  d'après  lesquelles  le  rédacteur 
berbère  a  transcrit  sa  propre  langue.  En  compa- 
rant sa  transcription  avec  la  transcription  latine  de 
notre  ancien  consul,  on  peut  constater  que  s'il  note 
exactement  les  consonnes,  il  se  trouve  mal  à  l'aise 
quand  il  s'agit  de  fixer  la  nature  et  la  valeur  des 
voyelles,  et  use  assez  mal  à  propos  des  conventions 
de  l'orthographe  arabe. 

Pour  établir  le  texte  des  contes  II  et  III,  j'ai  suivi 
les  deux  transcriptions  du  manuscrit,  et  de  préfé- 
rence celle  de  M.  Delaporte  dont  j'ai  respecté  les  va- 
riantes de  vocalisation  et  les  agglomérats  de  mots, 
en  prenant  soin  d'en  séparer  les  éléments  par  des 
traits. 

XIII.  l4 

>II»II1I>IIC     IITIO^III- 


202  FÉVRIER-MARS  1889. 

Dans  les  contes  d'Omar  ben  Haoucin ,  on  remar- 
quera aussi  des  variantes  de  prononciation ,  mais  sur- 
tout de  vocalisation.  Elles  appartiennent  au  narra- 
teur. Sa  prononciation  flotte  évidemment  entre  celle 
des  siens  et  celle  des  tribus  voisines.  C'est  là  un  fait 
qu'on  observe  quand  on  interroge  loin  de  leur  pays 
les  hommes  de  ces  races  à  l'humeur  voyageuse  et 
peu  soucieuses  d'exactitude. 

Les  règles  de  transcription  suivies  par  les  auteurs 
qui  ont  écrit  sur  le  berbère  sont  diverses  :  celles  qui 
ont  été  appliquées  ici  se  résument  comme  suit  : 

A  une  seule  consonne ,  à  un  seul  son ,  correspond 
un  seul  signe  ;  ce  signe  est  celui  de  lalphabet  fran- 
çais qui  ligure  l'articulation  ou  la  voyelle  la  plus  voi- 
sine dans  notre  langue  ; 

h'accent  '  placé  à  côté  d'une  articulation  annonce 
une  aspiration  (arrêts  mous  ou  spirantes);  ainsi  d,  k' 
remplacent  les  groupes  tk,  kh  du  général  Hanoteau; 

Le  point  au-dessus  ou  au-dessous  d'une  lettre  (sui- 
vant les  convenances  typographiques)  caractérise 
les  emphatiques  :  d,  t;  —  5  est  le  ch  français. 

Voici  le  tableau^  des  consonnes  et  voyelles  em- 
ployées par  le  Filali  Omar  ben  Haoucin.  Les  ca- 
ractères arabes  placés  à  côté  des  signes  latins  sont 
ceux  qu'emploie  l'écrivain  berbère  du  manuscrit 
rf  Ix  : 


^  Je  n'y  fais  pas  figurer  A'  s=  ^  et  a"  =  ^ ,  qui  ne  s'emploient  qoe 
dans  les  mots  d'origine  arabe. 


DOCUMENTS  POUR  L^ÉTUDE  DU  BERBERE.       203 


CONSONNES. 


LABIALES. 

A  nets  fermes 

Atréts  mous 

Spirantes 

DENTALES. 

Arrêts  fermes 

Arrêts  mous 

Spirantes 

Trilles 

CacaminO'dentales, 

Spirantes 

Trilles 

PALATALES. 

A  nté'o-palatales . 
Spirantes 

Postéro-palatales . 
Arrêts  fermes 

'  Uwhpalatales. 

Arrêts  fermes 

Spirantes 

ÙUftTALES. 

Spirantes 


SOURDES. 

SONORES. 

if 

Bc. 

H 

Wi 

• 

II 

r  cy  ou  i±>  ou 

b 

D  .>  ou  i> 

r 

H 

H 

A. 

<k     ••• 

U 

i-^ 

KA 

G  J 

V 

G't 

a 

H  jt 

2: 


M 


N  c< 


u 


II 
II 

H 


H 


S 


l-H  M 

H  « 

?  " 

eu  « 


a 


II 
a 


Z  jp 


II 


Voyelles  :  a  (— ;  i);  e  (muet)  (— ,  et  même  l);  e* 

-,~);  i^ ^)\  0,  ô(l;^l;-);  ô  [y);  u,  a  (-,^). 

On  voit  par  cette  nomenclature  que  la  pronon- 
ciation de  la  Tafilelt  a ,  comme  celle  des  Sous  plus 

là. 


204  FÉVRIER-MARS  1889. 

orientaux ,  une  tendance  à  restreindre  les  aspirations 
recherchées  dans  les  alphabets  algériens. 

t'  n'est  pas  une  intradentale  comme  le  th  anglais  ; 
pour  former  cette  articulation,  la  langue  se  place 
dans  la  même  position  que  pour  notre  t;  avec  cette 
différence  que  Tarrêt  nest  pas  complet  et  qu'un 
souffle  peut  passer,  de  manière  qu en  lexagérant  on 
fait  entendre  successivement  t+liy  puis  ts.  Devant  un 
e'  ou  un  i accentué,  on  entend  t+hyOr  iliéni [QomxnQ 
ar  itthéni),  hat^in  =  hathin;  après  un  soukoun,  il 
résonne  comme  ts  :  iat  gisent'  [iat  gisents);  suivant  la 
nature  des  consonnes  qui  Tavoisinent ,  il  devient  un 
t  ordinaire.  Cette  dernière  articulation  ne  figure 
dans  le  tableau  ci-dessus  que  comme  doublet  de  t', 

La  sonore  correspondante  d'  n'existe  pas. 

d,  z  se  forment  par  les  mêmes  contacts  que  notre 
d  et  notre  z,  avec  cette  différence  que  la  bouche 
se  dispose  comme  pour  émettre  le  son  6. 

r  est  notre  r  dental  des  provinces  du  Centre. 

g  est  toujours  dur. 

g'  (^)  que  le  général  Hanoteau  transcrit  r'  n'est  pas 
un  trille.  C'est  une  spirante  formée  exactement  dans 
la  même  région  que  le  qaf  arabe ,  et  on  entend  ce 
dernier,  si  l'arrêt  imparfait  g'  devient  ferme.  C'est 
ce  qui  explique  l'échange  fréquent  des  deux  articu- 
lations dans  les  dialectes  berbères. 

k'  (^  arabe)  est  la  spirante  sourde  correspon- 
dant à  g'  ;  elle  n'existe  pas  primitivement  dans  l'al- 
phabet de  la  Tafilelt;  elle  n'est  qu'une  modification 
de  5"'  au  voisinage  d'une  sourde. 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBERE.       205 

h  est  très  rare.  —  Toutes  les  autres  consonnes  ont 
la  même  valeur  qu'en  français. 

Les  voyelles  comprises  dans  le  tableau  sont  brèves; 
les  voyelles  longues  ont  été  indiquées  par  un  trait 
horizontal  au-dessus  de  la  lettre  :  à.  —  ô  et  a  sont 
toujours  brèves. 

e  est  notre  e  muet.  Le  plus  souvent,  il  est  si  fu- 
gitif qu'il  n  y  a  pas  lieu  de  le  noter  dans  Técriture. 

é  est  notre  e  fermé. 

0  est  ouvert  comme  dans  botte.  Il  est  parfois  dif- 
ficile de  distinguer  Y6  de  Ta  (on). 

ô  et  a  prononcés  comme  en  allemand  ne  sont  pas 
des  voyelles  primitives.  Omar  ben  Haoucin ,  qui  les 
prononce  avec  netteté,  les  substitue  presque  toujours 
k  0,  6,  ô,  suivis  de  deux  consonnes  ou  dune  nasale. 

Enfin  les  voyelles  surmontées  d'un  accent,  à,  i, 
6,  û,  marquent  la  syllabe  accentuée  du  mot.  Dans 
les  contes  que  j'ai  recueillis  directement,  jai,  en 
eflTet,  essayé  de  noter  laccent  tonique.  Je  n'y  ai  pas 
assez  souvent  réussi.  L'accent  tonique  est  en  shelh'a 
un  accent  d'intensité  plutôt  qu'un  accent  d'intona- 
tion; l'influence  des  mots  voisins,  l'importance  que 
l'interlocuteur  veut  donner  à  un  terme  de  la  propo- 
sition, en  rendent  souvent  l'appréciation  impossible. 
A  cette  difficulté  s'en  joint  une  autre  commune 
d'ailleurs  à  toutes  les  langues,  et  qui  a  causé  bien 
des  échecs  à  ceux  qui  ont  entrepris  la  tâche  délicate 
de  noter  l'accentuation  de  dialectes  sans  culture  : 
souvent,  en  effet,  dans  un  même  mot,  deux  accents 
luttent  pour  la  préséance  :   l'ancien  accent,  théo- 


206  FÉVRIER-MARS  1880. 

rique  ou  d  analogie ,  comparable ,  par  exemple ,  à  cet 
accent  grec  ou  latin  dont  les  grammairiens  nous  ont 
transmis  les  règles,  et  un  autre,  qui  prépare  lavenir 
et  résulte  presque  toujours  d'une  tendance  générale, 
soit  à  attaquer  vivement  les  mots,  soit  à  appuyer  au 
contraire  sur  les  finales  ^  L'arabisant  d'Egypte  et 
celui  du  Maroc  sont,  à  cet  égard,  en  opposition 
absolue.  Le  premier  déplace  volontiers  l'accent  vers 
la  première  syllabe  sur  laquelle  il  élève  la  voix,  tandis 
qu'il  prononce  la  fin  du  mot  sur  une  note  plus  grave 

et  plus  faible;  dans  sa  bouche,  ^.  devient  tfl/iV, 
que  le  Marocain  prononce  hoiKàr  avec  un  accent 
d'intensité  sur  la  finale.  Cette  divergence  influe  même 
dans  l'usage  des  deux  dialectes  arabes,  sur  le  choix 

des  formes.  Ainsi  l'Égyptien  emploie  la  forme  ^i? 

sàikn  «chaud»,  le  Mograbin  ^^  sk'ân.  Entre 

et  ^tl^  signifiant  également  «  matin  »»  l'Egyptien 
préfère  le  premier  et  les  Mograbins  le  second.  Enfin 
tous  les  grammairiens  de  l'arabe  vulgaire  ont  con- 
staté chez  les  populations  de  la  Barbarie  une  ten- 
dance à  supprimer  l'alef  initial  des  mots. 

C'est  là,  il  semble,  un  héritage  des  Berbères.  Ceux 
que  j'ai  entendus  paiier  soutiennent  énergiquement 
la  dernière  syllabe.  Il  eh  ressort  que  ies  syllabes  ou- 
vertes paraissent  fréquemment  terminées  par  une 

^  La  prononciation  de  la  population  ouvrière  de  Paris  fournit  au 
bon  exemple  de  ce  fait  :  elle  tend  à  reporter  sur  la  première 
syllabe  Taccent,  même  dans  les  mots  où  il  appartient  le  plus  nette- 
ment à  la  dernière. 


U    J 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.        207 

consonne  redoublée  ou  suivie  d'un  e  muet  très  faible, 
flxemple  :  ian  glsn  s  entend  comme  ianne  gisn. 

Il  me  faudrait  quelques  développements  qui  trou- 
veront mieux  leur  place  ailleurs  pour  expliquer  le 
renforcement  initial  de  certains  radicaux  berbères  et 
l'accentuation  des  préfixes  du  genre,  phénomènes 
qui  sont  en  contradiction  apparente  avec  Thabitude 
physiologique  que  je  signale.  Je  rappellerai  seule- 
ment, ce  qui  vient  la  confirmer,  que  larticle  des 
mots  arabes  adoptés  en  tamarzig't  devient  le,  la  au 
lieu  de  el  :  le-maMn  pour  el-makân,   le-qist  pour 

el'ijeççah  xjZjô].  Si  donc  les  Berbères  ont  eu  une  part 

considérable  dans  la  composition  ethnique  des  tribus 
dites  arabes  (ils  paraissent,  d'après  de  récentes  re- 
cherches et  contrairement  à  une  opinion  naguère 
accréditée,  sur  le  point  den  éliminer  le  sang  arabe), 
peut-être  doit-on  attribuer  aux  habitudes  de  pronon- 
ciation propres  à  leur  race  une  influence  décisive 
sur  la  physionomie  et  la  formation  des  dialectes 
arabes  du  Magreb.  J'ai  insisté  quelque  peu  sur  la 
nature  et  la  place  de  l'accent  berbère ,  parce  que  cet 
accent  spécial  me  semble  avoir  une  importance  non 
seulement  au  point  de  vue  de  la  phonétique ,  mais 
encore  au  point  de  vue  des  formes  et  de  Tordre  des 
mots  dans  la  phrase.  Les  érudits  qui  étudient  les 
Berbères  sur  place  pourront  seuls  nous  dire  si  la  ten- 
dance signalée  est  générale. 

N.  B.  Les  mots  arabes  adoptés  en  berbère  ont  été  indiqués  en 
note ,  sous  leur  forme  originale. 


208  FEVRIER-MARS  1889. 

I 

LE  ROSEAU  ET  LE  TAMBOURIN  PARLANTS, 

ou  HISTOIRE  D»UN  ROI  QUI  AVAIT  DES  OREILLES  D'ANE, 
ET  D'UN  PRINCE  QUI  FUT  lÉCORCHÉ  PAR  SON  PROPRE 
FRERE. 

Ikka  tnin  zik  ian  ùgellïd  iiiin  dar  s  sin  waskéwn 
g'iggi  ugaiu-nnes  wur  iellin  ma  fell  a'sen  ia'lemen^. 
Ar  ia  was  iftun  ar  isiggil  iat  temazirt  iâdni^  ia'fen 
ian  uh'ejjâm^.  Inna  i  as  :  ais  trad,  did  i  t'munt'  s 
tegimmï-nô ,  ai  tkist  azzar.  »  Inna  i  as  :  «  rig',  ai 
agellîd,  ad  didk  mùneg'!  »  Emun  did  s  ar  tigemmi. 
Inna  i  as  u'gellîd  :  «  era  d  ak  inig'  ia*  wawal ,  imma 
assar  wur  ifug'  d  imi-nk.  Inna  i  as  uh'ejjàm^  :  «  wur 
sar  at  inig'  i  ian.  »  Inna  i  as  u'gellîd  :  «  ai  i  teggalt', 
ah'ajjâm^  !  »  Iggnl  as  wur  sar  itfug'  wawal  an  d  imi-ns. 

I .  a.  li  était  une  fois  un  roi  qui  avait  une  corne  des  deux 
côtés  de  la  tête'.  Personne  ne  le  savait.  Unjour  il  eut  besoin  d*un 
barbier;  il  s'en  alla  en  chercher  un  dans  un  autre  pays  ^  Ayant 
trouvé  l'homme  (  qui  lui  convenait)  :  «  Veux-tu  venir  dans  mon 
palais  ?  lui  dit-il ,  c'est  toi  qui  me  couperas  les  cheveux.  -— 
Certes ,  répondit  le  barbier,  je  te  suivrai  où  tu  voudras.  » 
Le  roi  l'emmena  (et  quand  as  furent  arrivés)  au  palais, 
lui  dit  :  «  Je  vais  maintenant  te  confier  un  secret  ;  mais  que 
jamais,  jamais,  il  ne  sorte  de  ta  bouche!  —  Sire^  repartit 
le  barbier,  de  ma  vie  je  n*en  dirai  mot.  —  Eh  bieni  jure. 


'K-'r 


^i^. 


'  Non  pas  sur  le  front,  mais  en  arrière  des   tempes,  comme 
Midas ,  comme  Apollon  Garnien  de  Cyrène ,  et  Alexandre-za-^^ornem. 


k 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       209 

Ikkauh'ajjàm^  kra;  inna  i  as  :  «  man(n)  awal  an  f  rad 
gallg'?»  Inna  i  as  u'gellîd  :  «gHa  ellik'  tegult',  zerd 
askéwûn-înô.  »  Inna  i  as:  «  wura  t  enig'i  ian!  »  Inna 
i  as  g'ïlad  u'gellïd  «  ar  iebedda(e)  t'kest  azzar,  ta^deltn^ 
agaiu'-nô,  g'  ainna  igan  la-k'demt*-ennek». 

Ian  was  ah'ajjâm^  ar  isiggil  ai  sôfg'  awal  an  ig- 
ganimi  manig'at  itt'inî.  Iftun  ar  ian  le-makàn  ^  iag- 
gôgn  k'  temazirt',  iâfn(n)  gis  iaw  wa'nô.  Inna  «  g'id  ag' 
rad  inig'  awal  elli  n  u'gellïd.  »  Iknùn  f  wa'nô  ar 
isg'uii ,  inna  «  gellîd  s  waskéwn-enns  »  krât  tuwàl. 
Iftun  s  ti'gemmï,  inna  :  «  g'ïkad  ufig'  d  V-rah't  ^  ». 

Askalens  a'gellïd  dar  s  sin  tarwa,  ian  gîsen  iga 
isemg  iùrû  t'  d  iat  tuaia,   d  ian  gîsen  iga  u'melil 

ô  barbier.»  Et  le  barbier  jura  :  «De  ma  vie,  jamais,  il  ne 
sortira  de  ma  bouche  un  mot  de  ce  secret.  »  Puis  il  attendit. 
Le  roi  se  taisait  :  «  Sire ,  quel  est  donc  ce  secret  pour  lequel 
j*ai  juré  ?  »  Alors  le  roi  dit  :  «  En  effet ,  tu  as  juré.  Eh  bien  ! 
regarde.»  Et  il  montra  ses  cornes.  Le  barbier  (s'inclina): 
«  A  personne  je  n'en  parlerai.  »  Le  roi  reprit  ;  «  C'est  donc 
toi  qui  toujours  couperas  mes  cheveux,  qui  seul  me  coif- 
feras; ce  sera  ]à  ta  charge.  » 

h.  Il  vint  un  jour  où  le  barbier  n'eut  plus  la  force  de 
retenir  le  secret  (qui  lui  montait  du  cœur  aux  lèvres);  il 
chercha  où  s'en  décharger.  Il  sortit  donc  de  la  ville  et 
marcha  longtemps  ;  arrivé  à  un  puits  :  «  Voilà ,  dit-il ,  voilà 
Tendroit  où  je  pourrai  crier  ce  secret;  »  et  il  se  pencha  sur 
le  puits.  Trois  fois  il  cria  :  «  Le  roi  a  des  cornes  !  Le  roi  a  des 
cornes !i»  Après  quoi  il  s'en  retourna  au  palais,  et  (chemin 
faisant)  il  se  disait  :  «  Enfin  j'ai  trouvé  la  paix.  » 

2.  Le  jour  suivant,  le  roi  fit  appeler  ses  deux  fds  :  le  pre- 


SIO  FÉVRlËR-MÂRS  1889. 

iùrû  t'in  d  iat  tu'meliit.  Inna  i  a'sen  :  «a  tarwa-nô, 
ig'  mut'g'''  mera  ig  agellïd  giwn  g'  el-makànMnô?» 
Han  iferk'an  an,  ian  gîsen  ar  itemnad  g'  ian,  wur 
sa'wulen.  Inna  i  asen  baba't-sen  :  «  g^îiad  ellig'  ian 
géwn  wur  isa'wûi,  ad  awn  skerg'  iat  tg'âusa:  warma 
géwn  iéd  iéwin  iat  taznukt  d  iu-s  itaba'a  t'in*,  g'wan 
ar  ran  iélin  g'  el-makàn^-înô  ig^  ageiiîd.  » 

Âskalens  'nkern  sin  iferk'an  ftun  s  tegomôrt'  :  ian 
g'îsen  iftasiat  t'sga,  d  ia'n(n)  g'îsensiat't'sgai'âdni, 
ar  u'dein  n  tadguat'.  Han  afrôk'  an  elii  imellûlen 
wum  iùf  iat',  ewurrin  s  ti'gemmi ,  g'wan  iâdni  igan 
i'semg  iûfan  ia  i'fri  g'  ellig'  ansan  iznukâd(u);  igga- 
wem  gin  ar  tadeguat'.  Han  iznukâd  uikand  kSe- 
menin  s  iTri  an;  iggawôrn  ofrok'  ar  tn  itemnad,  ar 
tezzômt  n  iéd,  ar  tn  it^kâl,  iuTain  iat'  taznokt  d  iu-s, 

mier,  noir  de  peau ,  était  né  d*une  négresse  ;  le  second  avait 
une  femme  Wanché  pour  mère.  Le  roi  leur  dit  :  «  Mes  en- 
fants, quand  je  mourrai,  qui  de  vous  régnera  à  ma  place?» 
Les  deux  adolescents  se  regardèrent  Tun  Tautre  et  ne  ré- 
pondirent pas.  «Vous  vous  taisez  tous  les  deux,  reprit  le 
père,  je  vous  proposerai  donc  une  épreuve;  le  premier  qui 
de  vous  m'apportera  une  gazelle  avec  son  faon  courant  der- 
rière elle ,  celui-là  sera  mon  héritier.  » 

3.  Au  matin,  les  deux  princes  partirent  en  chasse,  tirant 
chacun  de  leur  côté.  A  l'heure  où  se  montre  la  face  pâle  du 
soir,  le  fils  de  la  blanche  reprit  la  route  du  palais  ;  il  n  avait 
rien  trouvé.  Cependant  son  frère ,  le  noir,  avait  découvert  un 
gîte  de  gazelles;  il  attendit  tout  auprès  jusqu'au  crépuscule; 
alors  les  gazelles  arrivèrent  et  pénétrèrent  dans  la  caverne. 
Le  jeune  homme  ne  cessa  de  les  observer;  au  milieu  de  la 


i::>l«.  — —  • 


£»^- 


DOCUMENTS  POUR  L*ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       211 

iYsiil  ta'gûs-eftns ,  iga  s  t'en  g'  waske'wn-enns ,  ikerf- 
t'in.  AiUig'  ifu  'z-zman^,  kullu  seit  n  iznukad  ftanad 
iksién ,  iamzôn  k'tan  elli  ikerf  d  iu~s  ar  as  ia'ka  kra 
n'  tezgizût'  t't/aba'a  t'in®. 

Ar  tozizômt  n  og'àras  immeggern  d  ogma-s.  Inna 
i  as  :  «Tûfitn,  à  gmo,  taznukt  elli  f  ag'  iussa^® 
baba't-nag'P  »  Inna  i  as  :  «  hat'in  ar  t'temnat'.  »  — 
«  G'iladra  t  l/get'agellid.  »  Inna  i  as  gùma-s  :  «  Vebbi  ^^ 
ai  issen  !  »  Iakuin  fell  as  gûma-s ,  ia'mez  t'in  ig'ers  as  ; 
ia'mez  taznokt  d  elli-s,  i'ksen  i'iem  i  gma-s  iloh'  t'in^'-^ 
g^iggi  n  i'at'  sejart'^^.  Iftun  s  temazirt';  inna  i  as  :  «  a 
ba'ba,  ai  iwîg'en  taznukt  d  elli-s.  »  Inna  i  as  u'gellïd  : 
«îs  tezrït'  gùmak?»  Inna  i  as  :  zg'  as  'Uig'en  nefta  s 
tegomôrt',  wur  t  ezrig'  ;  ifta  s  iat  t'sga,  ftug'n  s  iat'  t'sga  » . 

nuit  il  se  glissa  entre  les  bêtes  endormies ,  et  ayant  mis  la 
main  sur  Tune  d*elles  qui  avait  un  faon ,  il  détacha  sa  cein- 
ture et  lia  les  cornes  de  la  mère.  A  Taube ,  toutes  les  gazelles 
s'élancèrent  au  dehors  ;  le  prince  maintint  sa  prisonnière  et ,  lui 
donnant  quelque  fourrage ,  il  Te  n  traîna  peu  à  peu  avec  le  faon. 
li,  A  mi-chemin  du  palais ,  il  rencontra  son  frère  qui  lui 
cria  :  «  Mon  frère ,  as-tu  trouvé  la  gazelle  que  demande  notre 
père?  —  Tout  de  même,  regarde!  —  Ainsi,  reprit  le 
frère,  c'est  toi  qui  seras  roi.  —  Dieu  le  sait!»  répondit  le 
noir.  A  ces  mots  (le  fils  de  la  blanche)  sauta  sur  lui  et  le 
poignarda;  puis  il  l'écorcha  et  jeta  sa  peau  sur  un  arbre. 
(Saisissant  alors  la  gazelle  et  le  faon) ,  il  retourna  à  la  ville  et 
entra  auprès  du  roi.  «  Mon  père,  dit-il,  voici  la  gazelle  et  son 
petit;  c'est  moi  qui  vous  les  amène.  —  As-tu  vu  Ion  frère  ?  de- 
manda le  roi.  —  Depuis  que  nous  sommes  partis  en  chasse , 
je  ne  l'ai  pas  revu  :  il  a  pris  de  son  côté ,  et  moi  du  mien.  » 


212  FÉVRIER-MARS  1889. 

Han  ian  omdah'  ^^  ikkan  ag'àras  aiiiig'n  ilkemd  ia 
wa'nô,  iéfen(n)  gïs  ian  ug'ânim  img'in  gîs.  Ibbi 
t'in  ia"del  t'in^,  issôdn  gis,  isers  t'in  ar  tsa'wal  krat 
tuwal  ar  te'ni  «  A'gellid  d  waskiwn-enns  »  krat  tuwal. 

la'sï  t'in  inna  :  tagmomt  ad  ra  sers  erbehog'  ^^  iqa- 
re'dn.  »  lamz  ag'âras  aillig'n  ilkem  iat'  sejart'  ^^,  iâfen(n) 
iggi-ns  ian  i'iem  ;  inna  d  :  «  iéwiied  àrebbi  ^^  mas  at 
eg'rafk'  '^  tallûnt'-inô.  »  la'sî  t'in,  ia"del  t'in^  ig'erf ^^ 
ser  s  tallûnt-s. 

Ar  izzigiz  kra  ïmik,  iaTen  ian  wa'nô  iaggun(n) 
ser  s  ar  n  itemnad  gîs  ia  i'zem.  Inna  i  as  i'zem  :  «  ai 
argaz  an,  ig'  ie'n  t'ôsît'  zg'id,  akôd^'^-nag' g'  feH  a  tli- 
kemt',  ra  k  auneg'^®».  Igâ  sn  ia  izîker,  ia'sï  t'in  g' 
uwa'nô  ar  afella.  Inna  i  as  i'zem  :  «  amzak  amz  han 

5.  Or  un  chanteur  cheminant  vers  la  ville  vint  à  passer 
auprès  du  puits  (confident  du  barbier).  Il  aperçut  un  roseau 
qui  verdissait  au  beau  milieu.  Le  chanteur  en  coupa  (un 
morceau] ,  le  tailla  (en  flûte] ,  puis  souffla  dedans  et  le  posa  (à 
terre).  Voilà  que  la  flûte  parla  :  «  Le  roi  a  des  cornes!  IjC  roi 
a  des  cornes  !  »  Trois  fois  elle  répéta  :  «  Le  roi  a  des  cornes  !  Le 
roi  a  des  cornes  !  »  Le  chanteur  la  ramassa  et  se  dit  :  «  Roseau  ! 
tu  feras  ma  fortune.  »  Puis  il  reprit  sa  route. 

6.  Il  arriva  auprès  d'un  arbre  où  pendait  une  peau.  «  Tiens  ! 
fit-il ,  le  Seigneur  me  gratifie  (aussi)  du  tambourin  I  »  Il  prend 
la  peau,  la  prépare,  en  garnit  son  vieux  tambourin  et  se 
remet  en  marche. 

7.  Il  rencontra  un  autre  puits;  (en  se  penchant)  pour 
regarder  au  fond ,  il  aperçut  un  lion.  Le  lion  Tappela  :  «  Eh  ! 
Thomme ,  tirez-moi  d'ici ,  je  vous  le  revaudrai  dans  le  be- 
soin. »  Le  chanteur  envoya  une  corde  et  mena  le  lion  hors 


»  g.'*-- 


—    l»    g^.   —   »    ifji.—    "    oJj.  —    '«    yl*. 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       213 

kra  wan  zâdn ,  akôd  ^"'-nag'  iét  tah'tajat'  ^®,  loh  tnin  ^^ 
k'takat'  k'eldeg'2o  fell  ak.  »  Iftun  i'zem. 

laggun  dag'  ar  itemnad  g'  uwa'nô,  isa'wul(l)  ser  s 
ian  ulgomad  inna  i  as  :  «  ig'  iin  tûsît'  zg'  uwa'nô , 
han  ra  ggi-k  skerg'  el-k'èr^^  »  la'sî-t'in  ellig'n  i'g'ûlî, 
iasï  d  in  imik  ezg'  i'im-ennes  aqdîm  ^^.  Inna  i  as  : 
«akôd-^'^nag'  fell  a  tlikemt',  teh'org(e)t'in2^  imik  g' 
ilm  ad,  ra  n  fell  ak  k'eldog'^®.  » 

Han  ian  urgaz  isa'widn  ser  s  g'  uwa'nô ,  inna  i  as  : 
«  ig'  iin  tûsit',  g'  ik  elli  t'skert'  i  g'win  iâ'dni ,  ra  d  ak 
skerg'  iat  tg'a'usa  elli  wur  sar  t'tut'.  »  la'sî  t'in  ar 
afella  in  wa'nô.  Inna  i  as  :  «  g'ïla  tûsit  iin ,  amz  a 

du  puits.  Celui-ci  lui  dit  alors  :  «  Prends  donc  ce  poil  ;  lorsque 
ta  auras  besoin  de  secours,  lu  le  jetteras  dans  le  feu;  aussitôt 
tu  me  verras  arriver.  »  Le  lion  partit. 

8.  Le  chanteur  regarda  encore  dans  le  puits.  (Il  entendit) 
un  serpent  qui  lui  parlait  :  «  Si  tu  me  tires  de  ce  puits ,  je  te 
payerai  ce  service  à  l'occasion.  »  Il  aida  le  serpent  à  remonter; 
quand  le  serpent  fut  en  haut ,  il  leva  un  morceau  de  sa  peau 
de  Tannée  précédente  et  dit  au  chanteur:  «Prends;  quand  tu 
auras  besoin  de  moi ,  brûle  un  peu  de  cette  peau ,  et  je  serai 
à  tes  ordres.  » 

9.  A  ce  moment ,  un  homme  appela  du  fonds  du  puits  : 
«Faites-moi  sortir  d'ici ,  disait-il,  comme  vous  avez  fait  pour 
les  autres,  et  je  vous  donnerai  une  récompense  que  vous  n'ou- 
blierez jamais.  »  Le  chanteur  tira  l'homme  du  puits  :  «Main- 
tenant que  lu  m'as  délivré,  fit  l'homme,  attrape  et  va  te 
laver  I»  et  il  lui  bailla  sans  souffler  un  coup  de  poing  sur  le 
nez,  un  coup  de  poing  sur  les  yeux,  un  coup  de  poing  sur 


^  o 


>»  ^U».l.  —  20  kJU.  «fréquenter».  —  "  yji.  —  «  ^^o^.  — 


214  FÉVRIER-MARS    1889. 

tsirt  »  iutt'  s  iat  t'ukûimt'  g'iggï  ink'ar^*  iat  t'ukûimt' 
g'iggi  n  ualn  d  iat'  t'krat'  g'iggi  n  imi.  Iftun  fi  h'âlt-^^s. 
Han  amdah'  ^^  an  iftan  s  temazirt'  ar  iat'  ta-le-blast^^. 
l'bdun^''  ar  itlaab^^  iut'  tagmomt',  isers  t  g'  wakal  ar 
t'sawal  ar  t'e'ni  «  a'gellid  s  waske'wn-ennes  »  krat  tuwal. 
la'sin  tallûnt',  iut'  isers  t'in  g'  wakai^  ar  tsawai  ar 
t'éni  «  gûmâ  aiin  ig'ersen  f  taznukt  d  elii-s.  »  Ar  sa- 
walen  midn ,  askend  sin  imk'âznin^®  ar  sflidn  ma  t'e'ni 
tagmomt  et  talliint'.  Ftun  s  dar  u'gellid,  innan  as  :  «  a 
sïdi^®,  han  ian  umdah'^*  ar  ikkat'  tagmomt' ar  tsawai 
ar  t'e'ni  a'gellîd  d  waske^wn-ennes ,  ar  ikkat'  tailunt', 
ar  tsawai  ar  t'e'ni  gàmâ  ai  ig'ersn  f  taznukt  d  eUi-s.  » 
Inna  i  âsen  u'gellid  :  «awiat  e'd  tgim  t'in  g'  bui- 
gurdan^^»  Ftun  ser  s  amzun  t'in  gin-t'in  g'  bui- 
gurdan^^ 

la  bouche,  puis  s'en  alla  à  ses  affaires.  Le  chanteur  (lava  le 
sang  qui  coulait). 

lO.  Enfin  il  arriva  à  la  capitale.  (Il  s'arrêta)  sur  une  place 
(pour  donner  une  représentation).  Il  souffla  dans  son  roseau, 
le  posa  par  terre  et  le  roseau  dit  trois  fois  i  a  Le  roi  a  des 
cornes  !  Le  roi  a  des  cornes  /  »  Il  frappa  sur  son  tambourin  et 
le  mit  à  côté  du  roseau,  et  (voilà  que)  le  tambourin  fit  en- 
tendre ces  mots  :  t  C'est  mon  frère  qui  nia  égorgé  pour  la  gazelle 
et  le  faon  !  »  On  en  jasa  dans  la  ville  ;  deux  hommes  de  police 
(se  mêlèrent  à  l'assistance) ,  et  ayant  entendu  le  roseau  et  le 
tambourin, allèrent  rapporter  au  roi  qu'il  y  avait  un  chan- 
teur qui  faisait  dire  à  sa  flûte  :  «  Le  roi  a  des  cornes  /  >  et  à  son 
tambourin  :  «  C'est  mon  frère  qui  m* a  égorgé  pour  la  gazelle  et 
son  faon.  »  Le  roi  ordonna  qu'on  jetât  ce  chanteur  en  prison. 

**  ^j^i^Lut,  ï^  «museau,  extrémité  du  nez».  —  ^  jJl^.  J.  — 
^  Plaça  «place»,  en  langue  franque.  —  *'  los^.  —  **  t^^MJa,  — 
*•  (^^  «garde».  —  ^^  <i«N^»»'.  —  ^'  «La  boîte  aux  puces». 


DOCUMENTS  POUR  i;ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       215 

Ikkan  gîs  se'n  wussan  ;  ar  it'e'ni  wah'dut'  ^^  «  ra  d 
jerrebeg'  ^^  imdukâl-înô  eHin  usig'  g'  wa'nô.  »  la'sîd 
tasiesit'  innad  :  «  ad  jerrebeg'  ^^  algumad  entan 
aizwa'ren.  »  là^sîn  imik  gailli  as  ifka  ulgomad, 
iloh'  t'in^^  k'takat'.  Ikkan  îmik,  han  algomad  ilkem 
t'in,  inna  i  as  wulgomad  :  «g'id  ag'en  tëllit'?»  Inna 
î  as  entan  :  «  g'idag'en  leg',ik'tezdart',  aiin  t'sufogV.  » 
Inna  i  as  :  «  zdarg'  s.  Âska  ig'  d  uskan  d  willi  tamznin 
ilguma'dn,  hatnin  ra  d  iksôdn;  ik'  tuskit',  kûn  ad 
wur  teksôt  gîgi ,  t'ésît'  iin  ar  berrà  ^^  n  temazirt',  tor- 
zemt  iin.  Âskalens  tella  iat'  ferok't'  mëzzin  elli-s  n 
u'gellid,  hat'in  taazza  ^^  dar  s,  ra  d  sûtleg'  i  umgard- 
ennes.  Ig'  d  uskan  d  iai'ssawin^^  ra  tn  esseudog', 
erweln  g'èr^"'  kién  ta'sït  iin.  »  Askalens  issû'tld  wul- 
gomad i  iumgard  n  tefrokV;  inkem  tik'de'min  ^*  d 

1 1 .  Celui-ci  fut  donc  mis  en  prison.  Au  bout  de  deux 
jours,  il  se  dit  :  «  Éprouvons  mes  amis  que  j*ai  retirés  du 
puits,  t  II  prit  la  peau  que  lui  avait  donnée  le  serpent  : 
«J'éprouverai  d'abord  le  serpent»,  et  détachant  un  morceau 
de  la  peau,  il  le  jeta  dans  le  feu.  Aussitôt  le  serpent  apparut  : 
«C'est  ici  que  tu  es?  dit-il  au  chanteur.  —  Oui,  c'est  ici 
que  je  suis,  et  si  tu  en  as  les  moyens,  tu  me  feras  sortir. 
—  J'en  ai  les  moyens.  Le  roi  a  une  fdle'  qui  lui  est  très 
chère.  Demain  je  m'enroulerai  autour  de  son  cou  ;  on  appel- 
lera les  charmeurs,  mais  je  les  mettrai  en  fuite;  on  t'appel- 
lera aussi;  ne  crains  rien,  prends-moi  et  va  me  déposer 


'  Le  discours  du  serpent  est  un  peu  en  désordre;  j'ai  dû  modi- 
fier la  disposition  des  phrases  et  supprimer  les  répétitions. 


216  FÉVRIER-MARS  1889. 

ilke'men  ar  t'e'nin  «  a  ia  wulgomad  issùtl  d  i  illi-s 
u'geHîd  mezzin  !  »  Innan  i  u'gellïd  :  «  han  ia  wul- 
gomad issûd  d  i  tfrokY!  »  Inker  d  ar  itazzal.  Inna  i 
a'sen  :  «  awiat  ie'd  willi  illanin  g'  buigurdan  ^^  ih'ab- 
basen^^  ig'  gïsen  kra  n  iaissawin  ^.  »  Ftûn  awin  d  iais- 
sawin.  Amzua'ru  i'ftan  an  ia'sï  wulgomad,  ar  fell  as 
ittakûi  wulgomad,  issiwit,  irwul.  Wissin  wakadâlik^®. 
Wiskrâd  iaske'd,  walli  iâ'dni  igân  amdakul-ns  : 
ia'sî  t'in,  inna  i  u'gellîd  :  «  aii  tsamahl/*^  ad  a  serze- 
mog'  eg'  la-k1a^^.  »  Inna  i  as  :  «  asî-t'  tawi-t'in  s  la-k'la, 
terzomt  as,  t'wurrîd  s  g'îd  wur  tsekôt  iat'  hat'in 
erzemg'   ak;  iawin   algomad  ar   la-k'la,   irzem   as, 

dans  la  campagne.  »  Le  lendemain  le  serpent  se  glissa  autour 
du  cou  de  la  petite  princesse.  A  cette  vue,  les  servantes  se 
mirent  à  crier  :  «  Un  serpent  au  cou  de  la  princesse!  »  Leurs 
cris  furent  entendus  par  le  roi  qui  accourut  en  disant  : 
«  Qu'on  aille  chercher  parmi  les  gens  qui  sont  dans  la  prison , 
s'il  n'y  a  pas  quelque  aîssawi*,i»  On  amena  de  la  prison  un 
aîssawi  qui  tenta  de  s'emparer  du  serpent;  mais  celui-ci  se 
jeta  sur  lui  et  le  mit  en  fuite.  Un  deuxième  charmeiu*  ne 
fut  pas  plus  heureux.  L'ami  du  serpent  vint  en  troisième, 
et  (sans  efiPort)  il  prit  l'animal  et  dit  au  roi  :  t  Permettez  que 
je  le  reporte  dans  la  campagne ^B  Le  roi  répondit:  «Va, 
emporte-le ,  laisse-le  dans  la  campagne  et  reviens  ici  ;  tu  n'as 
plus  rien  à  craindre ,  tu  seras  libre  !  »  Le  chanteur  alla  dé- 


39 


^^.4^.  —  w  JLlis;.  —  »  ^<w.  —  "  P^KiL. 


'  Membre  d'une  confrérie  bien  connue,  qui  s'attribue  un  pouvoir 
sur  les  serpents  et  les  scorpions  ;  une  troupe  d' Aïssawas  a  donné  des 
représentations  à  Paris.  Ici ,  synonyme  de  psylle, 

^  Un  charmeur  perd  son  pouvoir  sur  les  serpents,  s'il  cause 
quelque  mal  à  l'un  d'entre  eux. 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       217 

iwurrin  dar  u'gellïd,  inna  i  as:  «a  sïdî^°,  hat'in 
erzemg'  as.  »  Isa'wul  as  d  u'gellïd ,  inna  i  as  :  «  ai  i 
tawût'  manig'  tûfit'  îmasn  an.  »  Inna  i  as  :  «  sîdi^*^,  ufig' 
d  iat  gomamt'  temg'in  g' wa'nô  bik'  t'in  a'^dlok'^  t'in 
sodg'n  gis  ar  tsa'wal.  »  Inna  i  as  :  «  imma  tallunt' 
manig'  t' tùfit'?  »  Inna  i  as  :  «  ufig'  d  e'iem  g'eggi  n  iat 
sejart'^^g'erfg'en^^ser  s  tallunt',  art'kat  ek'  artsawal.  » 
Inna  i  as  u'gellïd  :  «  zaid  aiin  erzemg'  ek  »  ;  if  k  az  d 
kra  n  iqârédn;  iftûn.  Ig'ran  u'gellïd  e  uli'ajjâm^, 
inna  i  as  :  «ah'ajjâm-  ma  k'  aillig'  g'a  tskirkist  fell 
a?  »  Inna  i  as  :  «  wur  jud  nekkin  ai  skerkïsen.  »  Inna 
i  as  u'gellïd  :  «  sod  k'  tagmomt.  »  Ad  iso'den  gïs;  inna 
i  as  :  «  sers  t  g'  wakal.  »  Isers  t'in  u'ii'ajjâm''^  g' wakal  ar 
tsawal  tgomamt'ar  t'e'nî  «  a'geilîd  s  waske'wn-ennes!  » 

poser  le  serpent  dans  la  campagne  et  revint  en  présence 
dii  roi:  «Sire,  dit-il,  le  serpent  est  loin*.  —  Conte-moi 
maintenant,  reprit  le  roi,  où  tu  as  trouvé  tes  instruments 
de  musique  ?»  Le  chanteur  raconta  comment  il  avait  trouvé 
un  roseau  verdissant  au  milieu  d'un  puiis,  comment  avec 
un  morceau  du  roseau  il  avait  fabriqué  une  flùie  qui  avait 
parlé  lorsqu'il  eut  soufflé  dedans.  «  Et  le  tambourin ,  où  l'as- 
tu  trouvé?»  Le  chanteur  répondit  encore  qu'il  avait  trouvé 
une  peau  accrochée  à  un  arbre  et  qu'il  en  avait  recouvert 
son  tambourin,  que  (depuis  lors)  le  tambourin  parlait  quand 
on  le  frappait.  Le  roi  lui  fit  donner  une  somme  d'argent  et 
le  congédia.  Le  chanteur  partit. 

13.  Le  roi  manda  alors  le  barbier:  «Barbier,  lui  dit-il, 
pourquoi  répands-tu  des  mensonges  sur  mon  compte  ?  — 
Sire,  je  ne  suis  pas  un  menteur.  —  Souffle  donc  dans 
ce  roseau.  »  Le  barbier  souffla  :  «  Pose-le  à  terre.  »  Le  bar- 
bier posa  la  flûte  à  terre,  et  la  flûte  dit  tout  haut  :  «  Le  roi  a 

Le  mot  à  mot  est  «lâché  dans  la  campagne  p. 

xni.  i5 

IVVBIItKK»    SATIOSAtl. 


^18  FÉVRIER-MARS   1889. 

Icrat  tuwaï.  Inna  i  as  :  «  ar  temnît  d  ar  tsflit  ma  t'e'nî 
tegomamt  ad.  »  Inna  i  as  :  «  awai  elii  s  ak  ennig'  aiad 
tsufg't  manig'  t'nnït'  awai  ad.  Hat'in  agaiu-nk  ira 
itu'bbàï.  »  Inna  i  as  ai  i  tsâmah't'*\  ai  agellîd,  awal 
ad  ennig'  t'  g'  wa'nô  wur  isilla  ian.  »  Inna  i  as  u'gel- 
lîd  :  «  isiilai  ak  d  ôrebbi^^,  ftun  s  le-makàn  ^-ennek.  » 
lazn  az  d  u'gellîd  se'n  irga'zen  ng'in  t  mudlôn  t'*^. 
la'zend  s  iu-s;  hat'in  iuska  d,  inna  i  as  :  «  tgawom 
g'  el-goddâm^^-înô.  »  Inna  i  as  :  «  man  ikka  guma-k, 
mensk  n  isegguasen  aiad,  wur  no'mz  l-ak'bâr*^-ens.  » 
Inna  i  as  iu-s  :  «a  ba'ba,  wur  se'ng'  man  ikka.» 
Inna  i  as  ba'ba-s  :  «  ia-k  wur  t' teng'ït'?  »  Inna  i  as  : 
«  là ,  wur  t  enrig'.  »  Isawui  n  ser  s  ba'ba-s,  inna  i  as  : 
«  ût'  tallunt'  an.»  lût'  tallunt,  isers  t  g'  wakal,  ar 

des  cornes  !  Le  roi  a  des  cornes  !  »  par  trois  fois.  Le  roi  dit 
alors  :  «  Tu  vois  ce  roseau  ?  Tu  entends  ce  qu  il  dit  ?»  Il  reprit  : 
«  Ce  secret  que  je  t'avais  confié,  le  voilà  qui  court;  comment 
l'as-tu  divulgué?  Tu  (me  payeras)  cela  de  ta  tête.»  Le  bar- 
bier supplia  :  «  Grâce!  mon  seigneur,  j'ai  dit  le  mot  dans  un 
puits;  personne  n'était  là  (pour  entendre).»  Le  roi  répondit  : 
«  Dieu  était  lX  !  »  Le  barbier  s'en  alla  dans  sa  demeure  ;  le 
roi  lui  envoya  deux  émissaires  qui  le  tuèrent  et  l'ensevelirent. 
i3.  Ensuite  le  roi  fit  appeler  son  fils,  et  dès  qu'il  le  vit  : 
«Mels-toi  en  face  de  moi,  lui  dit-il,  où  est  ton  frère?  Com- 
bien y  a-t-il  d'années  que  je  n'ai  point  de  ses  nouvelles!» 
Le  prince  répondit  :  «  Mon  père ,  j'ignore  où  il  est.  —  Ne 
serait-ce  point  toi  qui  l'aurais  lue?  —  Non,  je  ne  l'ai 
point  tué!  —  Frappe  donc  sur  ce  tambourin.»  Le  jeune 
bomme  frappa  sur  le  tambourin,  mais  quand  il  Teut  déposé, 


m 

"  De  del  «  couvrir  ».  Cf.  ar.  JoJS  «  se  couvrir  d'un  voile  ».  — 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.        219 

tsawal  tallunt'  ar  t'e'ni  aguma'  ai  ig'ersenf  taznukt  d 
elli'S  ie'zûn  d  baba.  »  Inna  i  as  u'gellid  i  iu-s  :  «  ar 
tsflît  g'îla  izd  îma  ilm  n  ogma-k  aiad  isàwaln.  »  Inna 
i  as  :  «is  t'  t'skert',  agaiu-nk  ira  ibbi.  »  Inna  i  as: 
«  skerg'  t'  ennig'  ïs  wur  ra  d  iawian  el-ak'bâr^^.  »  Inna 
i  as  ba'ba-s  :  «  ôrebbi  ^^  a  issen.  Wurrin  s  le-makân  *- 
ek.  »  lazn  as  se'n  eng'in  t' g'ebbern  t'^®,  g'jk  elli  isker 
i  gma-s.  —  Leqist*^  in  wudai**  ben-stita'^^  de  tas- 
kokant'^®. 

ToHà  que  le  tambourin  parla  et  dit  :  «  C*est  mon  frère  qui  m'a 
égorgé  pour  la  gazelle  et  le  faon  que  demandait  '  mon  père.  » 
—  «  Tu  Tentends ,  regarde ,  c'est  la  peau  de  ton  frère  qui 
parle.  Pour  ton  crime,  je  te  ferai  trancher  la  tète.  »  Le  jeune 
homme  dit  alors  :  t  Comment  aurais-je  pu  penser  que  ce  que 
j'avais  fait  serait  découvert?  —  Dieu  le  savait!»  reprit 
le  roi.  Le  prince  retourna  dans  ses  appartements.  Deux  en- 
voyés du  roi  vinrent,  le  mirent  à  mort  et  le  jetèrent  dans 
la  poussière  comme  il  avait  fait  du  corps  de  son  frère.  (His- 
toire contée  par  le  juif  Ben-Stita  de  Tashokant.) 

*•  wlê  «couvrir  de  poussière».  —  *^  iuâxJî.  —  *•  Ar.  :  fS'^y^, 

Uda-i  «qui  est  de  Juda».  —  *'  ax».tûw  ^^I),  sobriquet  d'un  homme 
ayant  un  sixième  doigt.  —  *®  Près  d'Eskorah. 

'  (Pour  lesquels  envoya). 


i5. 


220  FEVRIER-MARS  1889. 

II 
LES  VOLEURS  DU  TRÉSOR  ROYAL. 


SPÉCIMEN  DE  TRANSCRIPTION  EN  CARACTÈRES  ARABES  ^. 

•.T  îi-  .'rr^îî. fi  .':•?  ii-y   «.-1.:  î"  •?»  '.y- A 


c<  I  j3  ^  ».  >  g(l«.55  yLiw  J*|lû.  ^J\yl  3*^l4«^  ^5^ 

^  '^]\}1 3*8.1$  2p'  ^'  j^^i  ;4i^_^  ^la 


^  Man.  bei'b.  n°  4.  Conte  XXIV,  p.  1 54-253  du  texte  berbère 
et  i45  de  la  transcription  latine. 


X 


DOCUMENTS  POUR  L*ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       221 

111a  ian  ogellîd  dar-es  krat  lebnàt^  kuUu^  azu- 
mint^;  rant  kuUu^  ettahalent*.  Inker  ogellîd  babat* 
sent,  ian  was,  iserf  ser-sent ;  aillig'  d-uskent  ar-dar-s, 
inna-i-a'sent  :  «â  isti,  rig'  ad-annunt  skereg^  4at 
tag'ausa^.  »  Ennent-as  :  «mamenk,  ia  baba,  trit  a 
teskert?  »  Inna-i-a'sent  :  «  Nekki  rig'  ad-eskereg'  krat 
tettefâh'in^  n-uwereg',  tan  iran  argaz  teluh'^^  fell-as 
tettefàh'a^.  »  Ennant-as  :  «  k'iart*^  !  »  Iserf  ogellîd  s-ian 
udâi  *  ie"zza  ^  dar-s  bahra  ^®.  Aillig'  ad-iuska  ar-dar-s , 
inna-i-as  :  «  ad-i-i  teskert  ^^  krat  tettufâh'in  ^  n-uwereg 
g'  el-h'in  ^^.  »  Iftû  wudài*  ;  isker-tent  g'  el-h'in  ^^,  iawi- 
tentid.  Iflca-tent  ogellîd  krat  tettufâh'in  ®  n-uwereg' 

1 .  H  était  un  roi  qui  avait  trois  filles ,  toutes  trois  en  âge  de 
se  marier  et  désirant  un  époux.  Un  jour  le  roi  prit  son  parti' 
et  les  fit  appeler.  Quand  elles  fiirent  devant  lui ,  il  leur  dit  : 
«Mes  filles,  je  veux  faire  quelque  chose  à  votre  (intention). 

—  Et  quoi  donc,  mon  père?  répondirent  les  princesses. 

—  Je  vais  faire  fabriquer  trois  pommes  d'or;  celle  qui 
voudra  (tel  ou  tel  pour)  mari  lui  jettera  la  pomme.  — 
Parfait  !  »  reprirent-elles.  Le  roi  envoya  quérir  un  juif  qu'il 
aimait  particulièrement.  Dès  que  le  juif  entra  :  «Fais-moi 
faire  sur-le-champ,  lui  dit-il,  trois  pommes  d'or.»  Le  juif 
s'éloigna ,  fit  immédiatement  les  trois  pommes  et  les  remit 

*  c»UjilJ .  —  *  J^,  —  '  ftyo  \s^  ;  glose  du  manuscrit  \y^jio  y  lyUb 

(sic).  Jeune  fille  qui  jeûne,  c est-à-dire  nubile.  —  *  J^î.  —  *  Va- 

riante  :  tag'uas»  —  •  c^"*^^  *  —  '  ^'^^  «tout  ce  qu'il  y  a  de  meil- 
leur,  parfait!».  Locution  maghrébine.  —  ^  udâi,  adj.  formé  de 

(J)uda.  Cf.  (^'>y^.»  —  •  jft.  —  *®  \y^  «brillamment»  correspond  ici 
au  sens  de  l'arabe  vulgaire  du  Maghreb  OIJU  «beaucoup».  — 
"  Variante  :  sekr-i-i  pour  ad  ii  teskert.  —  "  (jâ^* 

'  Mot  à  mot  :  <  se  leva». 


222  FÉVRIER-MARS  1889. 

iamar^^  ogellîd  f  el-mesuar  ^*  iâmmar^^  g'-el-h'ln^^, 
inna  i-istî-s  :  «  hâ-kat  tettulfâh'in  ®  ;  tan  iran  argaz 
teluh'  fell-as.  »  G'imkan  ad-eskarent;  aillig'  iâmmer^^ 
le-mesuar^*  n-ugellïd ,  iat  teluh' ^^  f-ei-uzir^^  n-ugeiiïd , 
iat  f-el-qâid  ^"^^  iat  iadnin  f-el-qàdi  ^^  n-el-medint  ^®, 
aillig'  kuUù^  ettahalent*.  Iksr-a'sent  babat-sent  tam- 
g'ra  ifulkîn. 

Aillig'  teqada  ^®  tamgVa ,  inkern  ian  sîn  imakarn  ; 
ftun  akom  ^*  tigimmi  n-ugellid.  la'fen  ogellîd  el-mâl^^ 
ifta-i-as.  Iserf  s-wudâi  ^  ;  aillig'  ad-iuska ,  inna-i-as  :  «  iâ^* 
udài  *,  ifta-i-i  kuUû  ^  1-mâl  2^,  iggûten.  »  Enna-i-as  : 
«  iâ  sîdi  2*,  sker  kust  tik'ùba  ^^  n-ez-zafat  ^®  g'-îmi  1-a- 
hari  ^^^  h'afr  ^^-a'sent  g'-uakal.  »  Isker  ogellîd  awal  n 

au  roi.  Celui-ci  commanda  alors  quon  réunit  sans  retard  le 
conseil,  et  s*adressant  à  ses  ûlles:  «Voici  les  trois  ponunes, 
que  chacune  jette  la  sienne  sur  Tépoux  (de  son  choix].» 
Ainsi  firent-elles.  Quand  le  conseil  fut  réuni,  la  première 
jeta  la  pomme  au  vizir,  la  seconde  au  qaïd  et  la  troisième  au 
qadi  de  la  ville;  toutes  se  marièrent  donc.  Leur  père  leur 
fit  une  noce  splendide. 

2.  Or  il  arriva  que  deux  voleurs  s'introduisirent  dans  le 
palais  et  pillèrent  le  trésor  royal.  Le  roi,  étant  allé  passer  la 
revue  de  ses  richesses,  s'aperçut  du  vol.  Il  fit  appeler  le 
juif:  «Juif,  dit-il,  des  voleurs  ont  pénétré  jusqu'à  mon 
trésor;  ils  ont  enlevé  tout  l'argent,  des  sommes  immenses! 
—  Sire,  il  faut  cacher  dans  le  sol,  tout  à  l'entrée,  quatre 

»*  ^L  —  »*  »yai.  -  "  ^.  —  "  yij^i.  —  "  osî'^i.  — 


\ 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       223 

wudài  ®.  Aiiiig'  ia"mmar  ^^  tik'ûba^^  n-ez-zafat^^ 
ih'afr^^-  a'sent  g'-îmi  l-hari^''.  Asken-d  imukaren  gan 
sîn,iksem  ian  gïsen  idarn  g'-et-k'ibit ^^  n-ez-zafat 2®, 
îttemrun  gîs.  Inker  ommdakuU-en-s  ibbi  ikT-ens, 
iasî-t,  iftû,  ifel  1-ejnazt-ens^^  g'în.  Ar  sbah^®,  ha  udâi  * 
ioska-d,  ia'fed  i-ejnazt^^  bla^^  ik'f;  iftû  dar  ogellïd, 
inna-i-as  :  «  ian  ihasselo  ^^,  ulakin  ^*  ur  dar-es  ik'f.  » 
Iserf  ogellid  imdukali-ens  asin-d  argaz  g'et-k'ibit^^, 
ulaken^*  ur  dar-es  ik'f,  ur  t-issin  ian,  illeg'  ur  ili 
ik'f. 

Inker  udâi*  inna-i-as  :  «  serf-et  s-ïmi  1-medint^^,  iga 
feil-as  ia"sasen  ^^  g'-ie'd  wala  azai.  »  Inker  imiker 
isg'i  kkùz  ibûkiren  moqqornin  ian  iskaun  moq- 
qomin;  iggaur  aiiiig'  ilkem  ie'd.  Inker  imiker  iasïd 

jarres  remplies  de  poix.  •  Le  roi  fit  ainsi;  près  de  la  porte 
du  trésor,  il  cacha  jusqu'au  col  qualre  grandes  jarres  pleines 
de  poix.  Les  voleurs  vinrent,  l'un  d'eux  tomba  dans  une 
jarre  et  ne  put  se  dégager.  Alors  son  compagnon  lui  coupa 
la  têle  et  l'emporta,  abandonnant  le  corps  mutilé.  Au  ma- 
tin, le  juif  alla  pour  visiter  les  jarres  çt  trouva  le  déca- 
pité. 11  s'en  fut  vers  le  roi  :  0  Sire ,  il  y  en  a  un  de  pris  ;  seu- 
lement il  n'a  point  de  tête.  »  Les  gens  du  roi  tirèrent  le 
corps  de  la  poix;  mais  personne  ne  sut  reconnaître  un  ca- 
davre auquel  manquait  la  tète.  «Eh  bien!  fit  le  juif,  quon 
l'accroche  à  une  porte  de  la  ville  avec  des  gardes  qui  veil- 
*  leront  nuit  et  jour;  (nous  verrons!)  » 

3.  Cependant  l'autre  voleur  acheta  quatre  vieux  boucs  à 
grandes  corties  et  attendit  que  la  nuit  fût  venue.  Alors  il 


224  FÉVRIER-MARS  1880. 

ekkûz  ibûkiren,  iserg'i  fell-asen  es-sema"a^^,  kull'^ 
ian  iga  fell-as  snat  tes-sema"î  ^^  ;  iftû  a-ia'sî  amda- 
kuU-ens  elli  immûten^^;  ellig'  izran  ia''ssâsen^^  g'aian, 
enieln;  iftû  urgaz  ia'sï  amdakul-ens  imdel^^^-t.  Aillig' 
ifau  1-h'al  ^^  lah'  1-ejnazt  *^  ellï.  Iftû  udâi  ^  dar  ogeliid, 
inna-i-as  :  «  iâ  sîdi  *\  lah'  i-ejnazt  ^®  elli.  »  Ftun  im- 
dukal  n-ugellîd  kesmen  1-h'orum  *^  ;  iserf  ser-sen 
ogellîd,  ifk'-âsen  l-a''hed  ^^;  ofFug'ind  a"uden**  ogellïd 
g'emk-elli  ijran'^^.  Ifk-âsen  ogellïd  le-ksùt*^  i-ian. 
Ftun. 

Ha  udâi  *  ioska-d ,  inna  i-ugellid  :  «  asïd  tena"- 
amt^^  elli  dar-k  illan,  teget-as  mera'ut  tel-iaqûtin*®, 
tonurzumt-as  g'-el-medint  ^^  attefettii ,  fureg'-t  nekki.  » 
Inna-i-as  ogellîd  :  «  k'iart^.  »  Ifk'-as  ogellïd  tena"amt*'', 
ïg'-as  mera'ut   tel-iaqûtin  **,  inurzom-as  udâi  *  g'-ei- 

prit  les  boucs,  leur  garnit  les  cornes  avec  des  cierges  al- 
lumés et  les  chassa  vers  le  lieu  où  était  exposé  le  mort.  Les 
gardes  efifrayés  se  sauvèrent;  le  voleur  se  saisit  du  corps 
de  son  compagnon  et  s'en  alla  l'enterrer.  Quand  la  terre 
s'éclaira,  le  cadavre  avait  disparu.  Le  juif  avertit  le  roi.  Or 
les  gardes  s'étaient  réfugiés  dans  un  lieu  d'asile  (craignant 
la  colère  du  prince).  Celui-ci  leur  promit  leur  grâce;  ils 
vinrent  lui  conter  toute  l'affaire,  furent  pardonnes  et  re- 
curent un  vêtement. 

IX'  Le  juif  conseilla  alors  de  parer  l'autruche  du  palais  avec 
dix  rubis  et  de  la  lâcher  dans  les  rues  de  la  ville;  (lui  se 
chargeait  du  reste).  On  suivit  ce  conseil,  et  l'autruche  (toute 
brillante)  de  rubis  fut  poussée  hors  du  palais.  Le  juif  la 

*i  tfOsï-M  l^..-^^  p^,  pluriel  -3^.  —  «  o^L  —  **  ^U.  — 


DOCUMENTS  POUR  L*ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       225 

medint^^,  itfur-t  kull^  as.  Ha  imi'ker  dar-s  1-ak'bar*^, 
ih'du^®  udâi®,  ailHg'  iakor-as-t  imi'ker,  iwi-t,  ifel  udâi* 
ikla^ig'ïn. 

Iftû  udâi  dar  ogellïd,  inna-i-as  :  «  ia  sïdi^\  tefta 
tena"atnt  *''  elii  i-i  tef kit.  »  Inna-i-as  ogellid  :  «  ma- 
menk  trit  a-teskert,  â  udâi*?  »  Inna-i-as  :  «  ifk-i-i  snat 
tfeqqirîn^'^  sibnîn^^  bahra^^,  sâternin^^,  ad-eftunt,  ad- 
sigiint  tigomma  g'-el-medint  ^^  ig'-uTent  ta'dunt  n-et- 
tena"amt*^,  g'uwad  elli  iuwin  tena''amt^^  ira  ad-as 
ig'ers.  »  G'-el-h'ïn^^  iserf  ogeliîd  snat  temg'arin  sib- 
nîn  ^.  Aillig'  d-uskant  iinF-a^sent  ma  ti'nnint.  Ftunint 
illeg'  teikem  iat  gisent  tigimmi  n-imi'ker;  taTen 
temg'art-ens,  tenna-i-as  :  «fk-i-i,  iâ  lella^^,  imik  en- 
ta'dunt  n-tena''amt  *'',  ig'-dar-m  tella.  »  Tenker  tem- 

suivait,  épiant  de  toutes  paris.  Le  voleur,  dès  qu'il  eut  vu 
Tautruche,  flaira  le  piège;  et  à  son  tour  il  surveilla  le  juif, 
tant  que ,  le  jour  fini ,  il  mit  la  main  sur  Tanimal  et  Femmena , 
laissant  le  juif  tout  hors  de  lui.  Le  juif  alla  dire  au  roi  : 
«Sire,  Taulruche  est  perdue.  —  Alors  que  vas-tu  faire?  de- 
manda le  roi.  —  Mon  seigneur,  dites  à  deux  vieilles  fenunes 
adroites  de  parcourir  les  maisons  de  la  ville;  si  elles  trouvent 
dans  quelque-une  de  la  graisse  d'autruche,  c'est  que  le  ra- 
visseur y  aura  conduit  l'animal  et  l'aura  tué.  »  Le  roi  choisit 
deux  vieilles  rusées,  leur  donna  commission,  et  elles  s'en 
allèrent  de  maison  en  maison.  L'une  d'elles  arriva  chez  le 
voleur  et  trouva  sa  femme  :  «Madame,  fit-elle,  je  cherche 
de  la  graisse  d'autruche.  Quel  service  vous  me  rendriez  de 

w  ^^.  —  50  jj,^^  avec  le  sens  de  JoU.  —  «i  JJ^.  Radical, 
Jii.  (Jo^l  «avoir  l'esprit  troublé»).  —  "  wJLi  {ïyiJii  avec  le  sens 
de  »;>#).  -—  w  ^U.  —  "  1^.  —  w  ^lii,  —  M  iU  (^. 


226  FÉVRIER-MARS  1889. 

g'art,  tefk-as-t.  Tra  temg'art  at-tefFug';  hai  argaz 
iksemn  tigimmi,  ia'fen  tamg'art  tûsi  ta'dunt  en-te- 
na"aint  *''  ;  inna-i-as  :  «  a  tamga'rt ,  matta-g'a-d  tùsït?  » 
Tenna-i-as  :  «ta'dunt.»  Iseksem-t  g'ïn,  ing'ï-t,  im- 
del-t^''  g'e-tigimmi-ns ,  ilhu^*  ar  ikkit  tamg'art-ens. 
Inker  udâi  *  lah't  tamg'art.  Inna  i-ugellîd  :  «  esker  iat 
en-nezahat^^  ifulkm  bahra^®.  »  Ilhu^^  ogellîd  isker 
en-nezahat^^  ia"red^^  kuilu^  imedden  elli  eilanin 
g'-el-medint ^^,  ensin  g'în.  Inker  udâi*  ifk'-a'sen 
1-ak'mar  ^^  suan-t.  Ilhu  ^*  o-udâi  *  ar-isflid  kuliu  ^  ian 
ma  itti'ni.  Eiiig'  iskeren^^,  iafn  udâi*  g'walli  ar-itti'nï  : 
«nekki  ai-iûsin  el-mâi^*  n-ugeliîd!  Nekki  ai-iùsin 
t-en-na"amt*''  n-ugellïd!  »  Inker  udâi,  ia'sid  ei-mùs^^, 

m* (indiquer  où  en  trouver),  ou,  si  vous  en  avez,  de  nous  en 
céder!  »  La  femme  se  leva  et  lui  apporta  de  Li  graisse  d'au- 
truche; et  la  vieille  se  retirait  quand  le  voleur  entra  :  «  Qu'as- 
tu  là?  dit-il  à  la  vieille.  —  De  la  graisse  d'autruche,  sei- 
gneur. —  Rentre  un  peu.  »  Il  la  tua  et  l'enterra  dans  la 
maison  ;  puis  iJ  battit  sa  femme. 

5.  Cependant  le  juif  attendait;  et  il  ne  voyait  venir  ni 
vieille  ni  graisse  d'autruche.  «Faites,  dit-il  encore  au  roi,  une 
grande  fête  où  toute  la  ville  prendra  part.  »  Le  roi  consentit. 
La  fêle  fut  magnifiqpe,  et  grands  et  petits  y  vinrent.  Elle  se 
prolongea  dans  la  nuit.  Le  juif  excitait  les  échansons ,  et  le 
vin  coulait  à  flots;  lui,  s'en  allait  de  groupe  en  groupe,  sur- 
prenant les  confidences  de  l'ivresse  ;  il  entendit  quelqu'un  se 
vanter  d'avoir  volé  le  roi ,  d'avoir  mis  son  trésor  à  sac ,  d'avoir 
pris  son  autruche.  Le  juif  (ne  s'en  éloigna  plus,  et  dès  quii 

*'  Cf.  Jo^.  —  **  f^  exprime  en  arabe  une  occupation  atta- 
chante. Glose  :  JjLô.  —  ^  iûftyJl.  —  ••  !^.  —  •*  d^-  — 


DOCUMENTS  POUR  L*ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       227 

iks-as  tamart-ens  kuiiut^;  iftû  iga  a'Wsen^^  g'-iroi 
le-qasbet^''  n-ugeilîd.  Iftû  udâi  ifrah'ô^®,  isker  s-el- 
ak'mar®^  bahra'^®;  inna  :  «  nekki  ofig'  amdakul-ïnô.  » 
G'iland,argaz  inker,  iaf-d  ikT-ens  bla"'^  tamart;  iasïd 
el-mùs-^^ens;  iftû  argaz  aillig'  ilkem  udâi*,  iksas 
tamart-ens ,  iks  i-kullu  ^  irgazen  timariuen-sen  zond 
netta.  Iggauer  aiUig'  ifau  1-hâl  '^.  Inker  udâi*  iftû  dar 
ogellîd,  inna-î-as  :  «  nekki  ufig'ameddakl-inô.  »  Inna- 
i-as  :  «  menzât?  »  Inna-i-as  :  «iùjad"'^.  »  Iftû  udâi*, 
iksem  d  el-qasbt^^,  iafen  kullu^  medden  elli  g'in 
ellan  Ua  '^^  timariuen.  Iftû  udâi*,  inna  ugellid  :  «  nekki 
a^IIameg'''^  s-timarart,  keseg'-as  tamart-ens,  imil 
afg'en  kullu  ^  ma  iiian  gi'n  bia  ^^  tamart.  »  Inna-i-as 

"vit  que  le  bavard ,  vaincu  par  l'ivresse ,  fut  endormi) ,  il  prit  un 
rasoir  et  lui  rasa  toute  la  barbe.  Puis  il  fit  mettre  des  gardes 
à  toutes  les  portes  du  palais,  et,  plein  de  joie,  but  à  son 
tour  et  s'enivra  criant  :  «  Je  tiens  mon  gaillard  !  »  Le  sommeil 
lui  vint  bientôt  et  (s'appesantit  peu  à  peu  sur  toute  la  fête). 
Après  quelque  temps ,  le  voleur  s'éveilla  ;  il  sentit  son  men- 
ton (irrité  du  feu  du  rasoir).  Alors  il  se  leva,  et  chercha  le 
juif  au  milieu  des  gens  endormis;  il  prit  son  rasoir  et  lui 
enleva  toute  la  barbe;  il  alla  raser  aussi  les  sentinelles 
et  (s'échappa).  Quand  le  jour  parut,  le  juif  courut  au  roi  : 
«J'ai  notre  homme!  — Amène -le.  —  Sur  l'heure.»  Il  re- 
tourna au  lieu  de  la  fête;  les  gardes  étaient  à  leur  poste, 
tous  sans  barbe;  mais  il  ne  ramena  qu'eux  sans  barbe. 
«Hélas!  dit-il  au  roi,  j'avais  rasé  le  coupable  pour  le  recon- 
naître ,  et  je  vois  que  tes  gens  sont  aussi  rasés.  »  Alors  le  roi 


228  FÉVRIER-MARS  1880. 

ogellïd  :  «  imma  tin-k,  a  udâi*,  lah'at  dar-k.  »  Igger- 
as  udâi,  izmu'^^.  lamz-t  ogellïd,  ing'ï-t  gin. 
Tekemmel  ''^  el-qist  ''''. 

lui  dit:  «Mais  ta  barbe,  ô  juif,  où  s'en  est-elle  allée?»  Le 
juif  passa  la  main  sur  son  menton  et  pâlit.  On  le  tua.  (Fin  de 
l'histoire.) 

(Jja  fin  à  un  prochain  numéro.) 


\ 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.         229 

• 


I-LI, 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE, 

SON  CONTENU  ET  EXTRAITS, 

•  PAR 

M.  C.  DE  HARLEZ. 


Ul'li^  est  sans  contredit  un  des  monuments  les 
plus  curieux  de  lantiquité  orientale.  Plus  ancien  que 
le  Li'ki,  exposant  des  faits  contemporains  de  Té- 
poque  où  il  fut  rédigé ,  il  est  spécialement  précieux 
pour  l'ethnologie  et  l'archéologie,  puisqu'il  relate 
dune  manière  authentique  les  usages  régnant  en 
Chine  il  y  a  vingt-cinq  siècles  et  plus  encore  peut- 
être. 

Cependant  il  est  resté  jusqu'ici  presque  entière- 
ment ignoré;  on  ne  le  connaît  guère  que  de  nom. 
Parmi  les  auteurs  qui  nous  ont  donné  le  tableau  de  la 
littérature  chinoise ,  beaucoup  le  passent  sous  silence  ; 
d'autres  en  donnent  une  idée  peu  exacte.  C'est  ainsi 
que  nous  lisons  dans  le  catalogue  de  Tlndia  office, 
p.  1 9  :  «  The  subject  matter  of  the  work  is  the  con- 

*  C'est-à-dire  «les  rites  conformes  aux  règles •. 


230  FÉVRIER-MARS  1889. 

duct  of  the  individaal  under  every  phase  of  social 
intercourse.  »  Et  dans  l'ouvrage  si  savant  et  si  juste- 
ment estimé  d'A.  Wylie  :  «  The  subjects  it  treats  of , 
are  of  a  more  domestic  character  than  those  of  the 
Chow  le  (tcheou  li);  rules  being  laid  down  for  the 
guidance  of  individaal  condact  under  a  great  variety 
of  conditions  and  circonstances  ^.  » 

A  en  juger  d  après  ces  indications  sommaires,  on 
devrait  croire  que  Vl-li  est  entièrement ,  ou  dugnoins 
presque  entièrement,  consacré  aux  règles  de  con- 
duite tracées  pour  les  particuliers  et  les  circon- 
stances de  ]a  vie  privée.  Or  cette  conclusion  serait 
erronée.  Ul-li  primitif  s'occupait  exclusivement  des 
fonctionnaires  publics ,  magistrats  ordinaires  ou  des 
plus  hauts  rangs,  et  surtout  des  grands  feudataires 
de  Tempire  et  du  souverain  lui-même.  Les  particu- 
Hers  en  étaient  exclus ,  à  ce  point  qu'un  ancien  com- 
mentaire porte  ces  paroles  expresses  :  «  Les  rites 
s'arrêtent  aux  fonctionnaires  inférieurs  et  ne  des- 
cendent pas  jusqu'aux  particuliers  :  lî  paJi  hià  shà 
jin  il  ^  T  iSf.  A  ;  pour  ceux-ci ,  point  de  règles  de 
conduite.  » 

D'autre  part ,  comme  Yl-li  est  le  tableau  fidèle  de 
la  civilisation  chinoise  à  une  époque  très  reculée  et 
nous  met  sous  les  yeux  l'état  social  de  ce  singulier 
peuple  tel  qu'il  était  il  y  a  plus  de  vingt-cinq  siècles , 
il  est  à  regretter  qu'il  ne  soit  pas  mieux  connu ,  et 
qu'on  n'y  ait  pas  puisé  davantage  les  renseignements 
précieux  qu'il  contient. 

*  Notes  on  chinese  litieraiwe ,  p.  5. 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.         231 

Il  ne  sera  donc  pas  inutile,  en  attendant  qu'on  en 
ait  une  traduction  complète,  de  donner  un  aperçu 
sommaire  mais  complet  de  tout  ce  qu'il  renferme. 
Chacun  pourra,  de  la  sorte,  s'en  faire  une  idée 
exacte ,  savoir  ce  qu'il  peut  y  trouver  et  à  quel  en- 
droit il  devra  chercher  ce  qui  l'intéresse. 

La  composition  de  YI4i  a  été  attribuée  au  cé- 
lèbre ministre  et  frère  de  Wuh-vvang,  Tcheou-kong; 
mais  celte  tradition  est  des  moins  sûres  ou,  pour 
mieux  dire ,  elle  n'est  pas  digne  de  foi ,  comme  on  le 
verra  plus  loin.  Toutefois  son  contenu  nous  assure 
qu'il  est  antérieur  à  la  dynastie  des  T'sin  (2 55 
av.  J.  C).  Disparu  dans  l'incendie  général  des  livides 
canoniques  sous  Shi-Hoang-ti ,  il  fut  retrouvé ,  avec 
le  Shuh-king,  dans  un  mur  de  la  maison  de  Kong- 
fou-tze,  s'il  faut  en  croire  Kao-Tang,  le  lettré  de 
Lou,  éditeur  du  Shi-li,  ou  rituel  des  fonction- 
naires. D'autre  part,  Sse-ma-tzien ,  contemporain 
du  fait,  raconte  que  Kao-tang  avait  retenu  ce  livre 
tout  entier  par  cœur  et  le  récita  quand  on  voulut  le 
rendre  à  la  lumière.  (Voir  Lieh-tchoaen ,  chap.  lxi, 
c.  fin^) 

Le  catalogue  des  livres  de  rites  de  la  bibliothèque 
impériale  des  Hans  porte  aussi  un  livre  de  li,  ancien 

*  Yu  hin  tuh  yek  shi  li  haô  tâng  sking  nëng  yen  tchi  ]5S  "^  ® 
^±TÊM^Ê.1lè^:t  (Voir  t.  IV,  Lie.tchonen  ^Ij  ^ 
61,  fol.  2  r°,  1.  i5.  —  Édit.  in-18,  4  kiuen.)  Après  la  restauration 
des  lettres  on  Gt  divers  recueils  des  rites  dont  les  codes  avaient  été 
brûlés.  Ce  furent  le  Shili,  puis  le  Li-kn-king  en  5o  kiuen,  le  Ta  toi- 
/i^etc. 


232  FÉVRIER-MARS  1889. 

texte,  en  56  kiuen,  que  Ton  croit  également  iden- 
tique au  texte  appelé  Li-ku-hing, 

Sous  les  Hans,  les  lettrés,  excités  d ailleurs  par 
les  empereurs  eux-mêmes  \  se  mirent  à  réunir,  coor- 
donner et  épurer  les  matériaux  du  Li-ki.  L  ancien 
rituel  qui  appartenait  à  une  autre  dynastie,  à  un  âge 
féodal,  fut  naturellement  laissé  au  second  plan,  bien 
qu  il  ait  été ,  à  cette  époque  même ,  l'objet  de  différents 
commentaires  tels  que  ceux  de  Heou-tsang  (i*' siècle 
av.  J.  C),  de  Tchang  (vers  1 5o  ap.  J.  C.) ,  de  Khung 
Ying-ta ,  de  beaucoup  postérieur,  et  d'autres  encore. 
En  lyS,  il  fut  gravé,  avec  les  autres  kings,  sur  la 
pierre  par  Tzai-Yong^.  Il  reçut  alors  le  nom  d'I-lL 

Il  semble  que  ce  livre  ait  été  rangé  parmi  les  kings 
avant  lepoque  des  Tangs,  car  nous  avons  une  édi- 
tion des  Six  kings  en  caractères  ichoaen  qui  cessèrent 
detre  employés  à  la  fin  des  Hans,  et  cette  édition 
comprend  le  Yih,  le  Shuh,  le  Shih,le  Tchun-tsiou, 
Vl-li  et  le  Tcheou-li.  En  tout  cas,  à  la  renaissance 
des  lettres  sous  la  dynastie  des  Tang,  Yl-li  fut  placé 
dans  le  canon  des  g  kings  formé  sous  ces  princes  et 
y  fut  rangé  avant  le  Li-ki  lui-même.  On  le  maintint 
dans  la  liste  des  kings  dressée  par  les  Songs ,  puis  par 
Khien-long  des  Ts'ing ,  mais  le  Li-ki  y  fut  placé  le 
premier. 

Enfin  Khien-long,  dès  la  première  année  de  son 
règne,  fit  publier  une  édition  complète,  avec  com- 

^  En  i64  av.  J. C,  Tempereur  Wang-ti  fit  compiler  le  Wan^- 
tchi  ou  ordonnances  royales  qui  forme  ie  livre  V  du  Li-ki. 
*  Comp.  J.  Legge«  The  Li-ki  j  Introduction,  3  ss. 


X 


LÉ  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.  235 

mentaires  très  étendus  et  variés  des  neuf  livres  qu'il 
considérait  comme  canoniques.  Or  ces  neuf  kings 
sont ,  avec  les  quatre  premiers  de  fédition  en  tchoaen , 
YErh'Ya,  le  Hiao-king  et  les  trois  rituels  Tcheou^U, 
lÀ'ki  et  l'ii. 

L'ancienne  édition  en  caractères  tchoueo  a  été  re- 
produite dernièrement  encore,  ensuite  d'un  décret 
impérial,  par  un  comité  de  neuf  lettrés  et  sous  le 
titre  de  Tchèn-ting  tchaen  wen  lah  king  sse  shah  SX 
>È^3!ty^SMS-"  Les  six  kings  et  les  quatre 
livres  canoniques  [shah)  édités  en  caractères  tchouen 
par  ordre  de  l'empereur.  »  L'I-li  n'y  a  que  dix-sept 
kiuen,  et  le  texte  est  disposé  d'une  autre  façon  que 
dans  Tédition  de  Khien-long. 

Ainsi ,  malgré  la  prépondérance  donnée  au  Li-ki 
par  les  Hans,  ÏI4i  n'en  a  pas  moins  joui  d'une  haute 
estime  parmi  les  savants  chinois  comme  monument 
des  âges  antérieurs. 

«  UI'U,  dit  Tchou-hi  dans  sa  préface,  est  le  fonde- 
ment ,  la  racine  des  rites  I-U  li  tchi  kèn  pèn  jjft  jfc  >K 
2[C  ;  le  Li'ki  en  forme  les  branches  et  les  feuilles.  Vl-li 
est  la  trame  [wêi  king),  le  Li-ki  donne  le  dévelop- 
pement et  l'éclat  à  ses  principes.  h'I-li  pose  les  règles 
fondamentales  du  Li-ki.  Aussi,  on  le  voit,  négliger 
les  livres  canoniques  quand  on  veut  occuper  une 
fonction  est  une  faute  bien-  grave.  » 

Et  la  préface  de  Khien-long*:  «  L'/-/i  et  le  Tcheoa-li 
sont  deux  livres  compilés  [ship  ^)  par  Tcheou-kong 
pour  régler  et  assurer  l'ordre  et  le  gouvernement. 
C'est  la  source  et  le  flot  des  lois  et  des  règles  qui 

XIII.  1 6 


234  FÉVRIER-MARS  1889. 

doit  diminuer  ies  délits  et  dommages.  »  Tchou-tze , 
exposant  et  expliquant  les  rites ,  a  pris  pour  base 
Yl-li,  etc.  Notons  encore  ces  paroles  :  «  LT-li  étant 
difficile  à  lire,  il  est  maintenant  comme  mis  hors  d'u- 
sage :  wêi  wàhsô  yông  j^  ^  ^  ^.  »  Elles  nous  expli- 
queront le  peu  de  connaissance  que  Ton  en  a  aujour- 
d'hui. Mais  il  n'en  était  pas  ainsi  aux  xi*  et  xn*  siècles 
de  notre  ère,  car  Tchou-hi  affirme  que  Sze-ma- 
wen-kong  (Sze-ma-kouang,  1009-1086)  et  Tcheng- 
y-tchouen  (io33-i  107),  dans  leurs  traités  des  rites 
du  mariage,  ont  suivi  également  ïl-li.  (Voir  ma  tra- 
duction du  Kia-li,  p.  67.  E.  Leroux,  Bibliothèque 
elzévirienne)  ^  #  jjl  #  KÊ  #|  ift. 

Outre  l'autorité  que  le  texte  de  Vl-li  a  reçue  dés 
diverses  reconnaissances  officielles  dont  il  a  été  l'ob- 
jet, il  peut  revendiquer  en  sa  faveur  un  caractère  in- 
trinsèque d'authenticité  indéniable.  Le  Li-ki  n'est 
qu'une  vaste  compilation  faite  après  coup  et  dans  la- 
quelle les  renseignements  historiques  viennent  se 
mêler  aux  préceptes  pratiques,  aux  relations  des  en- 
seignements de  Kong-tze  ou  d'autres  sages  antiques, 
et  cela  dans  le  pêle-mêle  le  plus  parfait;  le  plus  grand 
nombre  des  prescriptions  y  est  fondé  sur  le  souvenir. 
Les  matières  se  suivent  bien  des  fois,  sans  ordre, 
d'une  partie  à  l'autre,  comme  dans  l'intérieur  des 
divers  livres.  Dans  TJ-fe*,  au  contraire,  nous  avons 
un  tableau  systématique  des  mœurs  de  l'époque  où 
ce  livre  a  été  écrit;  ses  rédacteurs  étaient  témoins 
de  ce  qu'ils  consignaient  sur  leurs  tablettes.  Tout  y 
est  méthodique,  régulier,  exposé  systématiquement. 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.  235 

L'époque  de  la  composition  de  Vl-li  nest  pas,  ce 
me  sejnble ,  difficile  à  déterminer.  Le  souverain  chi- 
nois y  est  toujours  désigné  par  le  mot  ivang.  Si  l'on  y 
voit  paraître  le  titre  de  Tien-tze  «  fils  du  ciel  » ,  c'est 
dans  des  passages  qui  appartiennent  à  la  tradition 
(voir  ci-après,  p.  287,  1.  2 ,  3). 

Le  livre  a  donc  été  composé  sous  la  dynastie 
Tcheou  dont  tous  les  souverains,  à  l'exemple  de  Wu- 
wang,  ont  pris  le  titre  de  Wang,  que  son  fondateur 
avait  adopté  le  premier  et  que  les  dynasties  subsé- 
quentes abandonnèrent  pour  se  parer  de  celui  de 
Hoang-ti  ou  Tù 

D'un  autre  côté,  les  règles  et  les  rites  y  préseur 
tent  un  système  de  détails  si  méthodique  que  l'on 
ne  peut  rationnellement  les  supposer  formés  :  déjà 
de  cette  manière  sous  les  premiers  princes  de  la 
maison  de  Tcheou. 

Par  contre,  ce  n'est  point  sous  ses  derniers  mo- 
narques, alors  que  lautorité  royale  avait  été  réduite 
presque  à  néant,  que  le  pouvoir  central  eût  pu  im- 
poser un  tel  code. 

Il  est  donc  plausible  de  placer  la  composition  de 
Yl'li  vers  le  x'  siècle  avant  notre  ère.  II  se  peut  que 
le  célèbre  ministre  et  frère  de  Wuh-wang,  Tcheou- 
kong ,  en  ait  formé  les  premiers  éléments  qui  se  se- 
ront développés  après  lui.  il  en  est  ainsi  du  Tcheou-li. 

L'I'li  diffère  essentiellement  du  TcJieoa-li  en  ce 
que  celui-ci,  comme  l'indique  son  nom  subsidiaire 
de  Tcfieoa-kouân  ^  a  pour  but  de  dresser  un  tableau 

*  Les  magistrats  de  Tcheou. 

16. 


256  FÉVRIER-MARS  1889. 

complet  des  fonctions  publiques  et  ne  parle  des 
rites  et  cérémonies  quautant  qu'il  est  nécessaire 
pour  expliquer  la  nature  de  ces  charges.  LT-K,  au 
contraire,  a  pour  objet  de  tracer  les  règles  à  suivre 
dans  les  cérémonies  en  usage  et  ne  s'occupe  des 
fonctions  qu'en  raison  des  rites  eux-mêmes  çt  de 
leurs  différences  d'après  la  diversité ,  non  des  magis- 
tratures ,  mais  de  leurs  quatre  grandes  catégories. 

Pour  le  moment,  je  ne  m'occuperai  pas  de  re- 
chercher les  points  où  les  deux  codes  de  rites  dif- 
fèrent ou  se  contredisent.  Il  me  su£Bra,  pour  le  but 
que  je  me  propose  aujourd'hui,  de  donner  une  idée 
complète  du  livre.  J'ai  suivi,  pour  former  l'aperçu 
suivant,  les  deux  éditions /-/i  ta  tchouen  ^  jjft  ;;^  ^ , 
2  2  kiouen  et  YI4i  king  tchouen  ^  JËi  i^  H^ ,  avec 
divers  commentaires  qui  se  trouvent  dans  la  ccdlec- 
tion  Kiu-king  pu-tchade  IQiien-long  (voir  ci-dessus); 
en  outre  le  Tchin  ting  tchouen  wen  lah  king,  K.  7,  8, 
dont  il  a  été  question  précédemment,  et  l'i-K  tchang- 
ka.  Ces  deux  derniers  ouvrages,  qui  se  ressemblent 
parfaitement,  ne  sont  en  somme  que  le  Shi-li  «  code 
des  magistrats  inférieurs  » ,  rédigé  de  mémoire  par 
Kaotang  (voir  plus  haut, p.  28 1).  Mais  déjàTchou-hi 
avait  cherché  à  restituer  un  texte  complet.  Comme 
le  dit  la  préface,  Tchou-tze  avait  composé  87  kiuen 
des  rites  des  cours  royales  et  feudataires,  et  29  du 
deuil  des  sacrifices ,  etc.  L'édition  de  Rhien-long  est 
destinée  à  rétablir  tout  ce  vaste  ensemble.  Pour  les 
rites  perdus  |^ ,  l'impérial  rédacteur  a  fait  puiser 
les  renseignements  dans  le  Li-ka-hing,  voire  même 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.         237 

dans  ie  Koue-yu,  le  Tcheu-li,  le  Li-ki  et  le  Tchun- 
tsiou.  Il  distingue  le  king  ou  texte,  ie  tchouen  ou  tra- 
dition, i7  ou  explication  du  sens  et  le  kao  ^ 
exemples.  Je  ne  connais  pas  de  version  mandchoue 
de  ïl'li  et  ne  lai  jamais  vue  mentionnée  même  en 
aucun  catalogue  de  bibliothèque  européenne  ou 
asiatique. 

L'I'li  complété  par  Khien-long  se  compose  de  deux 
parties  ou  pien,  désignées,  la  première  comme  inté- 
rieure, nei,  et  la  seconde  comme  extérieure,  wai;  ce 
qui,  d'après  Tusage  chinois,  désigne  les  principes  et 
1  application ,  ou  Tessentiel  el  Taccessoire,  les  appen- 
dices. Le  terme  «  extérieur  »  s'applique  tout  spéciale- 
ment ici ,  vu  que  la  seconde  partie  renferme  un  grand 
nombre  de  tableaux  explicatifs  extériorisant  les  pré* 
ceptes. 

Ces  deux  livres,  de  très  inégale  grandeur,  com- 
prennent :  le  premier,  2  3  cahiers  ou  Kiaen  ;  le 
second,  seulement  5.  Chacun  des  deux  est  divisé  en 
parties,  les  parties  sont  divisées  en  sections  et  les 
sections  en  paragraphes ,  le  tout  sans  aucun  égard  à 
la  séparation  des  tomes  ou  kiuen  qui  coupent  plus 
d'une  fois  les  sections  en  deux. 

Le  premier  livre  compte  cinq  parties  qui  se  dis- 
tinguent par  la  nature  des  rites  dont  elles  présentent 
l'exposé.  Ce  sont,  selon  les  termes  chinois  :  i.  le 
rites  de  fête;  a.  ceux  de  cour;  3.  ceux  qui  con* 
cernent  les  hôtes;  4.  les  rites  de  douleur,  de  deuil; 
5.  ceux  de  prospérité  ou  sacrifices  et  les  règles  de 
l'instruction. 


238  FÉVRIEU-xMARS  1889. 

Quant  au  second  livre,  on  en  verra  plus  loin  la 
nature  et  le  contenu;  il  serait  inutile  de  rappeler, 
même  partiellement,  ces  choses.  Toutes  ies  céré- 
monies et  les  rites  qui  s  y  rapportent  sont  générale- 
ment divisés  en  quatre  catégories,  d après  ies  person- 
nages qui  en  sont  les  auteurs  principaux,  à  savoir  :  le 
roi ,  les  princes  feudataires  et  les  magistrats  et  oflBciers 
qui  se  subdivisent  en  Ta-foa,  magistrats  supérieurs, 
ayant  juridiction  universelle  ou  sur  toute  une  pro- 
vince ,  et  shi  ou  magistrats  inférieurs.  Quelquefois  il 
est  question  des  Kiun  ou  rois,  chefs  de  pays  étran- 
gers à  Tempire  des  Tcheou. 

Bien  que  lexposé  suivant  ne  soit  pom*  ainsi  dire 
quune  sèche  nomenclature,  nous  n'omettrons  ce- 
pendant aucun  détail,  parce  que  tout  y  est  utile 
pour  faire  connaître  non  seulement  notre  livre 
en  lui-même,  mais  aussi  les  traits  principaux  des 
mœurs  et  de  la  religion  chinoise  de  cette  époque 
lointaine. 

Nous  y  ajouterons  quelques  notes  et  renseigne- 
ments et  lun  ou  lautre  extrait  qui  pourront  donner 
une  idée  plus  complète  de  la  nature  et  du  style  du 
livret 

*  Tout  ceci  se  rapporte  à  17-/i  de  Khien-long.  Le  Shi-li  ou  l-li  or- 
dinaire ne  comprend  que  les  1 7  sections  ^  suivantes  :  1 .  Prise  du 
bonnet  par  les  Shis.  —  2.  Mariage  des  Shis.  —  3.  Visites  des  Shis 
entre  eux.  —  4.  Cérémonies  du  vin  donné  aux  vieillards  des  can- 
tons. —  5.  Tir  cantonal.  —  6.  Des  repas  et  fêtes.  —  7.  Grand  tir 
régional.  —  8.  Messages,  ambassades,  présents.  —  9.  Banquets 
donnés  par  les  Kong  aux  Ta-fous.  —  10.  Audiences  de  la  cour.  — 
11.  Habits  de  deuil.  —  12.  Deuil  des  Shis.  —  i3.  Dernier  jour 
(le  l'an.  —  i/|.  Sacrifices  d'apaisement.  —  i5.  Offrandes  des  vie- 


LE  PLUS  ANQEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.         239 

J'espère  publier  plus  tard  la  traduction  de  la 
partie  religieuse  de  cet  ouvrage. 

LIVRE  PREMIER  (interne). 


PREMIÈRE  PARTIE. 
RITES  DE  JOIE,  DE  FETE. 

Section  L  —  Fête  de  la  virilité.  Mariage. 

Cette  section  comprend  deux  genres  de  cérémo- 
nies, le  mariage  et  celles  qui  ont  lieu  lorsque  le 
jeune  homme  et  la  jeune  fdle  ont  atteint  Tâge  viril 
ou  adulte.  C'est  à  20  ans  pour  le  premier,  à  1 5  ans 
pour  la  seconde.  A  cette  cérémonie  on  impose  le 
bonnet  ^  au  jeune  homme  en  l'avertissant  d'avoir  à 
se  conduire  en  homme  fait,  sage  et  vertueux;  on 
pose  à  la  jeune  fille  la  grosse  épingle  qui  tient  le 
nœud  de  ses  tresses,  en  Texhortant  à  pratiquer  les 
vertus  de  la  femme.  Cette  section  se  divise  de  la 
sorte  : 

Chapitre  L  —  Prise  du  bonnet  viril. 

1 .  Par  les  Shis, 

2 .  Par  les  Ta-fous. 

3.  Par  le  prince  héréditaire  des  grands  fiefs. 

4.  Par  les  grands  feudataires. 

limes  au  sacrifice. —  i6.  Entretien  des  étables. —  17.  Distribution 
des  offrandes. 

*  Le  bonnet  joue  en  Chine  le  rôle  de  la  toge  civile  chez  les  Ro- 
mains. 


240  FÉVRIER-MARS  1889. 

5.  Par  le  prince  royal. 

6.  Par  le  roi  lui-même. 

■7.  De  la  prise  du  bonnet  pendant  un  deuil. 

Chapitre  II.  A.  —  Prise  de  Vépingle  par  la  jeune  Jille. 

B.  —  Mariage. 

1 .  Des  Shis. 

2.  Des  Ta-fous. 

3.  Des  princes  héritiers  des  grands  fiefs. 

4.  Des  chefs  feudataires. 

5.  Du  prince  royal. 

6.  Du  roi. 

7.  En  temps  de  deuil. 

8.  Des  princesses. 

Appendice. 

1 .  Des  femmes  répudiées. 

2.  Des  veuves. 

3.  Rites  des  serviteurs. 

II.  Des  soins  k  donner  pendant  la  grossesse. 

5.  Cérémonies  à  la  naissance  d'un  enfant. 

6.  Des  provisions  et  magasins. 

7.  Du  fils  héritier'. 

Section  II.  —  Du  boire  et  du  manger. 

Cette  section  est  intitulée  Du  boire  et  da  manger. 
Elle  traite  des  repas  et  des  réceptions  privées  ou  pu- 
bliques ,  dans  lesquelles  on  sert  du  vin  aux  invités. 

'  Celui  que  le  père  désigne  comme  tel  et  qui  peut  ne  pas  être 
Tainé.  Cf.  Siao-Hio,  L.  II,  S  5o,  p.  66-67. 


I 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.         241 

On  y  trouve  les  règles  concernant  les  boissons  et 
liqueurs  servies  par  les  Shis ,  les  Ta-fous ,  les  chefs 
feudataires  et  le  roi  à  leurs  familles,  en  particulier; 
puis  le  vin  présenté  dans  les  circonstances  solennelles 
par  les  chefs  féodaux  et  le  roi  aux  vieillards  et  gens 
honorables  des  diverses  régions  de  leurs  Etats,  ha- 
meaux, agglomérations  de  hameaux  ou  cantons, 
provinces  «  tcheous  »,  et  à  leur  cour. 

La  seconde  partie,  kiuen  V,  s'occupe  des  cas  où 
des  aliments  sont  servis  par  des  membres  des  quatre 
classes  :  soit  à  leurs  familles ,  soit  à  leurs  égaux  par 
les  Ta-fous  et  les  princes;  par  une  classe  à  ime 
autre  exclusivement  ou  avec  tel  membre  d'une  autre 
classe  ;  par  le  roi  aux  hôtes  de  l'Etat;  enfin  des  mets 
présentés  aux  princes  feudataires  et  au  roi  et  des 
dons  de  comestibles  faits  par  eux. 

Section  III.  —  Des  banquets  et  des  fêtes. 

Ces  banquets  sont  ceux  que  les  personnages  in- 
diqués à  la  section  précédente  offrent  aux  différentes 
classes  et  dans  les  différentes  circonstances  énu- 
mérées  en  cet  endroit. 

Viennent  ensuite  ceux  donnés  par  les  princes  feu- 
dataires et  le  roi  aux  fils  des  Shis,  aux  vieillards, 
aux  orphehns ,  aux  artisans.  Puis  les  fêtes  données 
par  les  rois  et  les  membres  des  quatre  classes,  dans 
les  premières  circonstances ,  et  par  le  roi  aux  hôtes 
de  l'État. 


242  FEVRIEU-MARS  1889. 

Section  IV.  —  Du  tir. 
Elle  comprend  les  solennités  suivantes  : 

Parties  de  tir  entre  les  Shis  ^  les  Ta-fous,  les 
princes  et  les  rois  et  leurs  amis  intimes.  Concoui's 
de  tir  organisés  par  les  princes  et  les  rois  dans  les 
tcheous ,  les  provinces  ^  et  le  Haut-Institut  de  leurs 
résidences,  dans  leurs  palais,  etc.  Tir  avec  banquet 
organisé  entre  princes  ou  par  le  roi  en  l'honneur  des 
princes.  Fêtes  avec  jeu  du  t'eû  fcû^,  données  par  les 
Shis  et  les  Ta-fous  entre  eux,  par  les  princes  aux 
Ta-fous  ou  aux  autres  princes,  par  les  rois  aux 
princes  et  aux  Ta-fous. 

Section  V.  —  Envoi  j  dons  de  mets  offerts  en  sacrifice. 
Cela  comprend  : 

1 .  Envoi  de  viandes  par  les  Shis  et  les  Ta-fous 
à  leurs  égaux. 

2.  Envoi  de  mets  recherchés,  par  les  mêmes, 
après  le  sacrifice. 

3.  Adresses  de  souhaits  de  bonheur  après  avoir 
présidé  au  sacrifice ,  par  les  mêmes. 

4.  Envoi  de  mets  du  sacrifice  par  les  princes  à 
un  Ta-fou ,  un  prince ,  ou  au  roi  ;  par  le  roi  à  un  Ta- 
fou,  ou  un  prince. 

^  Comprenant  plusieurs  Tcheous. 

^  Jeu  consistant  à  lancer  des  baguettes  dans  les  orifices  d*ua  pot 
à  trois  trous. 


"k 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.         243 

Section  VI.  —  Des  félicitations. 
Ce  sont  : 

1 .  Félicitations  adressées  par  les  Shis  ou  les  Ta- 
fou,  soit  à  leurs  égaux,  soit  à  un  Kiun^. 

2.  Félicitations  des  princes  feudataires  à  un  Ta- 
fou  ou  à  un  autre  prince,  ou  bien  au  roi. 

3.  Félicitations  faites  par  le  roi  à  un  prince  ou  à 
un  Ta-fou. 

DEUXIÈME  PARTIE. 
RITES  MILITAIRES  ^  OU  POLITIQUES. 

Section  I.  —  Ta-fong, 

Elle  comprend  les  règles  à  suivre  pour  la  fonda- 
tion dune  capitale  ou  d'un  grand  fief,  dune  ville, 
dune  propriété. 

Section  IL  —  De  la  répartition  égale. 

Cette  répartition  s  applique  aux  fonctions  et  terres 
du  royaume  ou  des  grands  fiefs,  spécialement  des 
terrains  partagés  entre  les  familles  et  cultivés  par 
elles  moyennant  redevance. 

Section  III.  —  Des  champs  publics  et  des  autels  des  champs, 

La  distribution  des  champs  publics  et  Térection 
des  autels  aux  génies  protecteurs  formaient  la  base 
de  la  constitution  sociale  des  anciens  Chinois. 


^  A  un  souverain. 

^  Kinn,  agrégation  du  peuple,  armée. 


244  FÉVRIER-MARS  1880. 

Nous  avons  ici  : 

1 .  Champ  et  hôtel  du  génie  protecteur  d  un  ha- 
meau, d  un  Etat,  de  Tempire. 

2.  Champs  publics  et  souverains  des  grands 
princes  feudataires  et  du  roi;  leurs  terres  centrales 
et  extérieures  ^  (Détermination  et  consécration.) 

Section  IV.  —  Prestations  et  service  féodal. 

Prestations  des  familles  et  villes ,  des  chefs-lieux 
de  princes  feudataires,  de  la  capitale. 

Section  V.  —  Des  inspections  et  expéditions. 
Cette  section  comprend  les  sujets  suivants  : 

1 .  De  Tinspection  par  le  Sse-ma  ^,  par  les  chefs 
féodaux  et  le  roi  lui-même. 

2.  De  Tordre  donné  par  le  roi  de  faire  une  en- 
quête, une  recherche,  une  instruction  judiciaire; 
de  l'ordre  royal  de  réprimer  les  bandits  et  les  vo- 
leurs. 

3.  Des  expéditions  royades  pour  châtier  les  re- 
belles ,  les  attaques  à  main  armée. 

4.  Du  retour  triomphant  des  armées,  de  fan- 
nonce  d  une  victoire. 


'  Extérieures  au  terrain  central  appartenant  an  souverain. 
*  Commandant  génénd  de  ]a  cavalerie ,  chef  d^armée. 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.         245 

TROISIÈME  PARTIE. 
RITES  DES  RÉCEPTIONS  D'HOTES. 

Section  I.  —  Visites  et  audiences. 

Voici  ies  sujets  traités  dans  cette  section  : 

Première  rencontre^  des  Shis  entre  eux  et  des 
Ta-fous  entre  eux. 

Rencontres  subséquentes  des  Shis  et  des  Ta-fous. 

Visite  d  un  prince  feudataire  à  la  cour  d  un  autre. 

Conduite  d  un  prince  reçu  par  quelque  autre  per- 
sonnage et  du  prince  qui  reçoit. 

Première  visite  d'un  Shi  à  un  Ta-fou,  et  visites 
subséquentes. 

Première  visite  faite  à  un  souverain. 

Visite  d  un  Shi  ou  dun  Ta-fou  à  la  cour  d  un 
souverain. 

Banquet,  fête  chez  un  souverain,  dons  d  ali- 
ments^. 

Officiers  d'ordonnance  près  dun  prince  hérédi- 
taire. 

Première  visite  d'un  prince  feudataire  à  la  Cour 
du  roi;  visite  du  même  au  printemps  et  en  été^. 

*  Réception  de  l'un  par  l'autre. 

*  C'était  une  coutume  des  rois  et  des  princes  chinois  d'envoyer 
des  mets  de  leur  table  à  des  personnages  importants  auxquels  ils 
voulaient  témoigner  leur  faveur. 

'  Chacune  porte  un  nom  différent  :  audience,  témoignage  de 
respect,  présentation,  rencontre.  Il  y  a  des  réunions  de  circonstance 
et  d'autres  réglées  à  époques  fixes.  Cf.  Tcheon-Uj  XVIII,  3. 


246  FÉVRIER-MARS  1889. 

Audiences  d'automne  et  d'hiver  des  mêmes.  Ré- 
union de  ces  princes  à  la  Cour  pour  rendre  hommage 
au  roi. 

Première  audience  donnée  par  le  roi;  prise  de 
possession  de  l'autorité. 

Audience  donnée  par  le  roi  pendant  la  tournée 
d'inspection  de  ses  Etats. 

Présents  faits  par  les  princes  feudataires  au  fils  du 
Ciel. 

Visite  d'un  magistrat  démissionnaire  ^ 

Réception  d'un  vieillard  par  le  souverain,  d'un 
sage  illustre ,  d'un  magistrat. 

Section  TI.  —  Des  entretiens,  négociations,  messages. 

Tout  mouvement,  tout  maintien  d'un  fonction- 
naire était  réglé  par  les  rites.  Nous  les  voyons  ap- 
pliqués ici  aux  objets  suivants  : 

Entretien  de  Shis  entre  eux ,  message  des  Shis  et 
Ta-fous. 

Entretien  de  Ta-fous  entre  eux,  de  princes  feuda- 
taires. 

Shis  et  Ta-fous  envoyés  comme  messagers. 

Message  concernant  un  deuil ,  une  mort. 

Envoyé  traité  comme  l'hôte  de  l'Etat. 

Conduite  d'un  jeune  homme  interrogeant  un 
homme  âgé  ou  du  plus  jeune  interrogeant  une  per- 
sonne plus  âgée. 

Conduite  d'un  Shi  interrogeant  un  Ta -fou,  lui 
parlant  le  premier;  des  princes  parlant  au  roi  ou 

^  Sian-Sheng  expliqué  par  chijin  ^    ^, 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.         247 

paraissant  en  sa  présence;  du  roi  interrogeant  un 
Ta-fou  ;  d  un  homme  plus  âgé  interrogeant  un  plus 
jeune  ;  d'un  personnage  plus  élevé  en  dignité  par- 
lant à  quelqu'un  de  moindre  condition.  Ta-fou  in- 
terrogeant un  Shi,  le  roi  ou  un  prince  interrogeant 
un  ministre  ou  un  Ta-fou. 

Conduite  du  roi  recevant  en  audience,  interro- 
geant, examinant  les  princes  feudataires;  des  princes 
assistant  le  roi  dans  l'interrogatoire.  De  l'audience 
d'un  Ta-fou. 

QUATRIÈME  PARTIE. 
DU  DEUIL. 

Cette  partie  comprend  la  maladie,  le  deuil,  les 
visites  de  condoléance,  les  prières  pour  conjurer  les 
maux  et  les  infortunes. 

Chapitre  I.  —  Du  deuil 

1.  Du  soin  des  maladies  des  Shis,  des  Ta-fous, 
des  princes  et  du  roi. 

2.  Du  deuil  des  Shis. 

3.  Du  deuil  des  Ta-fous  et  des  chefs  féodaux;  du 
deuil  du  roi. 

4.  Des  places  réglées  aux  cérémonies. 

5.  Des  cinq  espèces  de  vêtements  de  deuil. 

6.  Des  visites  de  condoléance.  Visites  des  mem- 
bres de  la  famille ,  des  voisins ,  des  amis ,  des  vieillards 
et  des  jeunes  gens ,  des  femmes  des  Shis ,  des  Tafous , 
des  princes  feudataires  respectivement  entre  eux. 

Visites  des  Ta-fous  et  des  souverains  à  leurs  subor- 
donnés, des  princes  aux  Ta-fous  et  aux  Shis,  des 


248  FÉVRIER-MARS    1889. 

Ta-fous  aux  Shis,  du  roi  aux  Ta-fous,  aux  Shis,  aux 
princes,  de  la  souveraine  aux  mêmes. 

■7.  Sacrifice  d association  des  Shis^,  des  Ta-fous, 
des  princes  feudataires  et  du  roi. 

Cérémonie  de  la  cessation  des  pleurs^,  pour  les 
mêmes. 

Introduction  au  temple  central. 

Sacrifice  des  Siangs^. 

Sacrifice  de  la  fin  du  deuil  [tàn^). 

Offrandes  de  pièces  de  soie ,  etc. ,  aux  défunts ,  par 
les  membres  de  chaque  catégorie  à  ses  pairs. 

Cérémonies  du  jour  anniversaire  de  la  mort. 

Du  retour  en  hâte  à  la  maison  pour  prendre  pari 
à  l'enterrement ',  etc. 

Deuil  survenant  pendant  un  autre  deuil. 

8.  De .  ccïisolations  en  cas  de  malheur,  d'un 
Shi ,  etc.  ;  lettres  et  visites. 

9.  Des  prières  pour  écarter  un  msdheur,  une 
obsession ,  des  Shis ,  Ta-fous ,  princes  et  rois. 

10.  Des  témoignages  de  compassion  donnés  par 
les  mêmes  ou  aux  mêmes. 

^  Chaque  nouveau  mort  prend  place  parmi  ses  parents  décèdes  ; 
ce^  sacrifice  Tassocie  à  ses  ancêtres. 

*  Trois  jours  après  l'enterrement,  on  offre  un  sacrifice  et  Ton 
cesse  les  pleurs  commanclées  et  réglées  par  les  rites. 

'  A  la  fin  de  la  première  et  de  la  deuxième  année  d*un  deuil  de 
trois  ans,  on  offre  un  sacrifice  qu^on  appelle  Petit  Siang  et  Grand 
Siang. 

*  A  la  fin  du  deuil  de  trois  ans,  en  principe,  mais  en  réalité  de 
vingt-sept  mois  d'après  les  usages  adoptés. 

*  Quand  on  est  éloigné  de  chez  soi  et  qu'on  apprend  la  mort  d*an 
de  ses  parents,  on  doit  se  mettre  en  route  aussitôt,  pleurer  à  certains 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.         249 

CINQUIÈME  PARTIE. 
RITES  DE  PROSPÉRITÉ  ^. 

Ces  termes  forment  une  expression  consacrée, 
désignant  tout  ce  qui  est  considéré  comme  devant 
assurer  la  prospérité  au  pays  ;  c'est  d  abord  le  sacri- 
fice, ses  cérémonies  et  leurs  diverses  espèces  (dans  les 
sections  I  à  VI),  la  grande  cérémonie  du  labour 
royal  et  la  culture  des  vers  à  soie ,  double  culture , 
qui  donne  la  richesse  à  TEtat,  puis  les  règles  de 
renseignement,  source  de  la  prospérité  morale  et 
matérielle  même  (section  VII).  Tout  cet  ensemble 
se  subdivise  de  la  manière  suivante  : 

Section  L  —  Offrandes  et  sacrifices  aux  esprits  des  morts. 

Sacrifices  de  petites  victimes ,  «  moutons  »  par  les 
Ta-fous. 

Sacrifice ,  offrande  de  grandes  victimes ,  «  bœufs  » 
par  les  princes  et  le  roi. 

Rites  divers  du  sacrifice  pour  les  Shis  et  les  Ta- 
fous  ,  au  printemps  et  en  été ,  à  fautomne  et  en  hiver  ; 
victimes  désignées  pour  ces  circonstances. 

Sacrifices  du  printemps  et  de  Tété  pour  les  princes 
feudataires. 

Sacrifices  des  Shis  et  Ta-fous  pour  leurs  ancêtres 
réunis.  Mêmes  sacrifices  des  princes  et  du  roi. 

moments,  et  faire  diverses  cérémonies  en  route  et  en  arrivant  à  la 
maison.  Voir  pour  tout  cela  le  Kia-li  de  Tchou-tze ,  chap.  \[U ,  S  7 
E  à  l  de  ma  traduction. 

*   Pour  la  prospérité  du  pays. 

XIII.  1  •; 


mratwFKii  «iTinviie. 


250  FÉVRIER-MARS  1889. 

Sacrifice  royal  en  Thonneur  de  tous  les  prédéces- 
seurs du  monarque  régnant  ^ 

Autel  en  plein  air  et  prières  «  aux  esprits  »  pronon- 
cées par  les  Shis  supérieurs  et  les  Ta-fous.  Autel  sur 
une  terrasse  élevée  pour  les  princes  et  le  roi. 

Sacrifice  mensuel  des  princes  et  du  roi. 

Viennent  ensuite  les  sacrifices  offerts  dans  les 
quatre  classes  pour  les  jeunes  gens  morts  avant  Tâge 
viril  (c  est-à-dire  avant  19  ans.  On  en  distingue  plu- 
sieurs classes  :  la  petite,  la  moyenne  et  la  grande 
anté-virilité ,  selon  que  le  mort  avait  de  8  à  1 1  ans,  de 
1  2  à  1 5  ou  de  1 6  à  1 9].  Puis  Tannonce  du  sacrifice 
d*un  mouton  à  la  nouvelle  lune  par  les  princes  et  le 
roi,  Tofifrande  des  prémices  de  chaque  saison  par 
les  mêmes  ainsi  que  les  Ta-fous  et  les  Shis  ;  le  sacri- 
fice offert  par  le  roi  à  ses  prédécesseurs,  Wangs  et 
Tis^,  des  dynasties  antérieures;  celui  des  princes  et 
du  roi  aux  Saints  et  aux  Maîtres  des  temps  antiques, 
ceux  offerts  au  nom  de  TEtat  pour  les  magistrats  qui 
ont  bien  mérité  de  la  patrie ,  pour  obtenir  un  fils  au 
roi  ^,  aux  anciens  qui  ont  pratiqué  la  culture  du  veir 
à  soie,  à  Tinventeur  de  lusage  des  chevaux*,  aux 
anciens  pasteurs,  au  génie  chef  des  chevaux^. 


»  Institué  par  Shun.  W.  W.  881  B. 

*  Ti,  souverain  des  dynasties  antérieures;  JVang,  de  la  dynastie 
Tcheou. 

^  Au  printemps,  fait  parle  roi  lui-même. 

*  Ma-tsong,  l'ancêtre  des  chevaux. 
^  Ma-she. 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE. 


251 


Section  IL  —  Sacrifice  aux  esprits  du  ciel. 

Nous  avons  ici  une  série  d  actes  du  culte  se  rap- 
portant aux  phénomènes  et  êtres  célestes. 

Ce  sont  d'abord  les  princes  feudataires  et  le  roi 
sdlant  au-devant  des  quatre  saisons ,  c  est-à-dire  allant 
saluer  leur  arrivée  par  une  cérémonie  qui  assure 
Tordre  régulier  et  témoigne  de  la  reconnaissance  en 
oflFrant  un  sacrifice  à  cette  occasion;  puis  même 
chose  à  l'arrivée ,  au  premier  jour  du  froid  et  de  la 
chaleur;  au  génie  qui  préside  au  froid \  à  ceux  qui 
veillent  à  la  garde  du  peuple  et  dé  la  prospérité  de 
rÉtat. 

Viennent  ensuite  :  le  sacrifice  commun  pour  au- 
gurer de  Tannée  nouvelle;  le  sacrifice  des  Ta-fous, 
des  princes  et  du  roi  pour  le  nouvel  an  ;  celui  du 
deuxième  mois  de  Tété  pour  obtenir  la  pluie  néces- 
saire à  la  croissance  des  céréales ,  etc. ,  offert  par  les 
princes  et  le  roi;  le  sacrifice  de  prières  en  cas  de 
malheur,  de  calamité ,  de  deuil ,  et  celui  qui  se  fait 
pour  le  bonheur  et  la  paix  de  la  maison.  En  outre, 
les  offrandes  présentées  par  le  roi  aux  sacrifices  lei^, 


^  Qui  accumule  et  dissout  la  glace,  dit  le  commentaire. 

*  Le  sens  de  ce  mot  et  du  suivant  wang  [ssewang)  est  incertain. 
Quant  au  premier,  le  plus  probable  est  qu'il  désigne  le  sacrifice  à 
Shang-ti,  sacrifice  ordinaire  d'abord,  puis  sacrifice  de  circonstance, 
comme  à  la  mise  en  marcbe  d^une  armée.  Les  dictionnaires  chinois 
en  distinguent  quatre  espèces  (sse  lei)  qui  difFërent  principalement 
quant  à  la  nature  des  victimes  et  portent  différents  noms ,  tels  que 
Khi-lei,  Sze-lei,  etc.  (Voir  spéc.  le  Tcheng  tze  wei,  t.  XIII  h.  v.)  Les 
sse  wang  seraient,  d'après  les  commentaii*es  de  ïl-li,  soit  la  lune. 


252  FÉVRIER-MAUS   1889. 

par  les  Heous  ^  à  la  pleine  lune  et  aux  pleines  lunes 
intermédiaires  des  saisons  [Sse  tvâng). 

Les  points  suivants  réclament  une  attention  spé- 
ciale. Ce  sont  : 

Les  offrandes  offertes  particulièrement  aux  cinq 
Tis ,  les  grands  festins  communs  donnés  aux  mêmes , 
puis  le  sacrifice  suprême^  offert  à  Shang-Ti,  les  of- 
frandes sacrificielles  qui  lui  sont  faites  au  Ming- 
Tang^,  enfin  le  sacrifice  au  ciel  sur  un  tertre  ar- 
rondi ^. 

Ici  les  dernières  désignations  et  les  passages  qui 
les  expliquent  ont  une  haute  importance  pour  l'intel- 
ligence de  lancienne  religion  chinoise. 

On  y  voit  d'abord  que  Shang-ti  et  Tien  «  ciel  » 
étaient  entièrement  distincts.  A  Shang-ti  seul,  on 
offre  le  sacrifice  suprême  le  plus  élevé  de  tous ,  pour 
conjurer  les  calamités,  à  lui  seul  le  grand  sacrifice 
d  automne  dans  le  Ming-Tang,  la  grande  salle  du 
palais. 

IjC  culte  du  ciel  vient  après  et  séparément;  il  se 
célèbre  au  cœur  de  l'hiver,  quand  la  nature  morte 

le  soleil,  les  planètes  et  les  étoiles,  soit  les  montagnes  et  les  rivières. 
Cette  divergence  de  vues  in  lique  assez  qu'on  n'en  savait  rien.  (  Voir 
Kiu  king-tu-tchn.  I-U»  XXI,  fol.  9  et  10.) 

^  Les  grands  feudataires  d'une  autorité  picsque  royale. 

*  '^  Ta-là,  le  grand  déjdoiement  de  cérémonies  et  offrandes, 
ofi*ert  en  temps  de  calamité  à  Shang-ti. 

^  Sacrifice  d'automne,  de  remerciement  et  de  demande  pour 
l'année  suivante.  Le  Ming-Tang  est  la  gi^ande  salle  d'honneur  du 
palais  royal.  C'est  «la  salle  brillante». 

*  Sacrifice  du  solstice  d'hiver  sur  un  tertre  fait  en  rond  dans  le 
quartier  extérieur  du  sud  de  la  capitale. 


LE  PLUS  ANQEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.         253 

SOUS  les  coups  du  froid  va  commencer  à  renaître ,  se 
réveiller  et  agir.  Les  commentaires  nous  expliquent 
parfaitement  ces  rôles  divers. 

Tous  les  êtres  contingents  tirent  leur  substance 
du  ciel,  rhomme  tire  la  sienne  de  ses  premiers  pa- 
rents; tous  les  êtres  reçoivent  leur  existence  particu- 
lière et  leur  forme  de  Shang-ti,  et  l'homme  de  son 
père.  C'est  pourquoi  on  honore  le  ciel  au  solstice 
d'iiiver,  parce  que  c  est  le  moment  où  la  substance 
des  êtres  reprend  vie  et  recommence  à  agir,  à  pro- 
duire. (Cf.  le  Kia-hing-tn-tcka-l-li.  Kiuen  XXI,  fo).  1 6  r"*, 
ici  sect.  1,  S  28-3o.) 

Remarquons  en  outre  la  différence  des  lieux  du 
culte  :  On  honore  Shang-ti  dans  une  salle,  comme 
un  roi.  On  honore  le  ciel  en  plein  air,  sur  un  tertre 
arrondi  qui  figure  la  forme  extérieure  du  ciel. 

Quant  à  ce  dernier  culte,  les  commentaires  nous 
fexpliquent  très  précisément  en  disant  que  par  là  on 
fait  descendre  tous  les  esprits  du  ciel  tsé  t'iên  shên 
kiâi  hiàng  [Ibid.  fol.  17  v°)  ^ 

Section  III.  —  Sacrifice  à  la  terre. 

Nous  avons  ici,  énumérés  et  plus  ou  moins  expli- 
qués ries  cinq  oblations  '^  annuelles  des  quatre  classes; 

*  Plus  loin  il  est  dit  :  Le  fils  du  Ciel  laboure  lui-même  pour  la 
culture  du  grain,  du  Hz,  du  millet,  du  millet  noir,  pour  servir 
Shang-ti,  fol.  17  v°,  1.  1. 

'  Au  printemps,  au  génie  de  la  porte;  en  été,  à  celui  du  foyer; 
a  la  fm  de  fêté,  au  dieu  pciiate  (cour  du  milieu);  eu  automne,  à 
la  porte  extérieure  ;  en  hiver,  aux  génies  des  chemins. 


254  FÉVRIER-MARS   1889. 

les  exorcismes  contre  les  maladies  dans  les  provinces 
et  la  capitale,  et  les  prières  déprécatoires  des 
Heous. 

Les  prières  de  remerciement  par  les  Heous  et  le 
roi ,  à  la  fin  de  l'année ,  pour  leurs  Etats  ;  les  sacri- 
fices spéciaux  pour  la  famille  ^ ,  la  ville ,  la  région  et 
pour  les  quatre  régions  de  l'empire  par  le  roi  ;  ceux 
des  rois  et  des  Heous  aux  montagnes,  aiut  forêts  et 
aux  fleuves;  aux  cinq  grandes  montagnes^;  les  sa- 
crifices des  tcheous  et  des  hameaux ,  des  familles  et 
des  villes ,  des  Heous  et  des  rois  au  génie  du  sol  et  à 
celui  des  céréales. 

Puis  il  y  est  traité  des  modifications  apportées  aux 
règles  des  sacrifices  par  un  deuil  occurrent,  comme 
à  celles  des  offrandes  ;  et  de  la  représentation  des 
morts  *  au  sacrifice  pendant  un  deuil. 

Section  IV.  —  Sacrifices  offerts  pour  des  causes  particalières. 

Nous  avons  ici  une  longue  série  de  cérémonies 
qui  se  font  à  des  occasions  déterminées  par  les  lois 
et  coutumes  et  qui  ont  rapport  non  plus  aux  vicis- 
situdes et  cours  du  ciel,  des  corps  célestes  et  ter- 
restres, mais  aux  actes  des  hommes. 

Ce  sont  d  abord  celles  qui  se  font  à  la  prise  de 

^  Kia,  ou  le  domaine  des  grands  feudataires  selon  le  Tcheou-li. 

^  G^étaient  d'abord  la  montagne  près  de  laquelle  était  bâtie  la 
capitale  et  quatre  autres  aux  quatre  limites  de  Tempire;  par  Texten- 
sion  de  celui-ci ,  ces  montagnes  ne  furent  plus  qu'idéales. 

'  Elle  se  faisait  encore  à  cette  époque,  comme  à  celle  du  Shili- 
king ,  par  un  parent  vivant  qui  jouait  le  rôle  du  mort  appelé  à  participer 
au  sacrifice. 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.         255 

possession  de  ses  fonctions  par  un  Ta-fou,  de  son 
fief  par  un  prince ,  du  trône  par  le  roi  ;  à  la  consti- 
tution d*un  fief;  à  la  fondation  d'une  capitale  par  le 
roi;  à  la  réunion  desHeous  à  la  Cour;  à  Tinspection 
des  provinces  et  frontières  par  le  roi;  aux  traités 
d'alliance  (conclus  devant  les  esprits^),  avant  les 
grandes  chasses,  les  délibérations  du  conseil,  le  dé- 
part poiu*  aller  châtier  des  rebelles ,  pour  toute  cause 
grave  ou  raison  d'Etat;  à  l'occasion  de  tout  phéno- 
mène extraordinaire  survenu  au  ciel ,  dans  les  astres 
ou  sur  la  terre,  de  diverses  calamités  :  sécheresse 
persistante  et  pernicieuse,  incendie,  inondation, 
phénomène  destructeur  céleste  ou  terrestre  (vent  vio- 
lent, tremblement  de  terre,  etc.),  de  pronostics  ex- 
traordinaires, de  maladie,  mort,  enterrement,  et  de 
toute  affaire  dont  l'issue  ne  semble  pas  heureuse; 
aux  fêtes  du  tir  régional  ou  du  tir  solennel  organisé 
par  les  princes  feudataires. 

Section  V.  —  Des  consécrations. 

Cette  section  s'occupe  de  la  consécration  des 
temples  ancestraux  par  les  Shis  et  les  Ta-fous,  les 
Heous  et  le  roi  ;  de  celle  des  autels  et  tertres  sacrifi- 
ciels dans  les  cours  et  les  champs,  des  vases  et  us- 
tensiles du  sacrifice ,  des  arsenaux  et  écuries. 

Section  VI. 

Nous  trouvons  ici  traitées  diverses  questions  ac- 
cessoires : 

En  se  teignant  ie  corps  avec  (lu  sang,  humain  d'abord,  puis 
pris  aux  victimes. 


256  FÉVRIER-MARS   1889. 

1.  Le  transport  d*un  temple  ancestral  chez  les 
Shis ,  Ta-fous ,  Heous  ou  rois. 

2.  Celui  des  autels  intérieurs  ou  extérieurs. 

3.  Labour  du  champ  royal  ou  princier  par  le  roi 
ou  le  prince  féodale 

Ix.  Culture  des  vers  à  soie  par  la  reine  et  les 
princesses. 

5.  L'entretien  des  victimes  du  sacrifice  par  le  roi 
et  les  Heous. 

Section  Vif.  —  Règles  de  V distraction, 

11  s  agit  d'abord  de  l'entrée  des  enfants  à  la  Siao 
Hio^.  Cette  section  indique  Tâge  de  l'entrée  à  l'école 
(8  ans),  la  manière  de  s'y  conduire,  les  hommes 
chargés  d'y  enseigner  (Shis  et  Ta-fous). 

Le  tout  en  ce  qui  concerne  les  enfants  tant  du 
roi  que  des  grands  et  du  peuple  entier  ;  il  n'y  a  pas 
ici  de  différence. 

Viennent  ensuite  les  règles  de  l'entrée  à  la  Ta- 
Hio  ^  où  tous  viennent  à  1 5  ans ,  le  respect  dû  au 
maître,  les  dispositions  du  cœur  nécessaires,  etc., 
les  règles  d'avancement  et  celles  qui  regardent  spé- 
cialement le  prince  royal. 

Cette  section  se  termine  par  le  sacrifice  offert  en 
faveur  du  roi  ou  Heou  défunt  par  son  fils  et  succes- 
seur pendant  la  première  année  de  deuil. 

Ici  finit  le  premier  volume  ou  livre  [pien)  inté- 

^  La  solennité  bien  connue. 

^  Le  petit  enseignement,  l'école  régionale. 

'  Grand  enseignement,  établissement  d'instruction  à  la  capitale. 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.         257 

rieur  [nei),  cest-à-dire   principal  y  exposant  les  prin- 
cipes. 


^%7  • 


LIVRE  II  (extérieur). 

Le  second  volume  (ou  extérieur  waipien),  d'une 
étendue  très  restreinte,  contient  des  détails  relatifs 
aux  matières  exposées  dans  le  premier.  Des  cinq  ki- 
uens  dont  il  se  compose,  les  deux  premiers  sont 
consacrés  aux  vêtements  de  deuil  dans  leurs  parties 
essentielles  et  leurs  accidents  [pen  et  poh). 

Le  troisième  kiuen  renferme  des  matières  assez 
importantes  :  les  lois  de  la  collation  des  titres  d'hon- 
neur après  la  mort  ;  le  livre  roage  ou  méthode  suivie 
par  Wu  Wang  pour  interroger,  examiner  les  Shis  et 
Ta-fous  ;  puis  le  célèbre  calendrier  des  Hia  :  Hia  siao 
tcheng ,  tant  de  fois  cité  dans  les  observations  astro- 
nomiques et  publié  séparément,  le  seul  passage  de 
Yl-U  qui  ait  été  étudié. 

Tout  le  reste  du  livre  est  composé  de  tableaux  se 
rapportant  aux  prescriptions  du  premier  volume  et 
suivant  Tordre  de  ses  diverses  parties  :  rites  de  joie; 
rites  politiques  ;  réception  des  hôtes  ;  rites  de  malheur 
et  de  deuil;  rites  de  bonheur;  des  cinq  grandes  cé- 
rémonies. (Voir  p.  2ij,fm,) 

C*esl  dabord  le  tableau  des  places  au  repas  de 
noce,  au  dîner  donné  par  un  Kong  à  un  Ta-fou,  et 
en  même  temps  la  position  des  plats ,  celle  des  sièges 
aux  banquets  de  fêtes.  Puis  les  positions  aux  fêtes 
avec  tir,  des  participants  et  des  musiciens. 

Dans  la  seconde  section,  nous  avons  le  tableau 


258  FÉVRIËR-MÂRS  1889. 

des  citoyens  appelés  à  porter  les  armes  ou  à  faire  les 
prestations  d'impôts,  etc.,  d'après  chaque  division 
administrative ,  et  celui  des  préposés  aux  différentes 
divisions  administratives. 

A  la  troisième  section  appartiennent  les  règles  de 
la  réception  des  hôtes ,  et  le  tableau  de  la  position 
des  mets,  viande,  poissons,  légumes,  fruits,  etc. 

La  section  des  rites  de  douleur  nous  donne  une 
série  de  trente-quatre  tableaux  indiquant  en  détail 
les  vêtements  à  porter  dans  tous  les  genres  de  deuil 
et  dans  toutes  les  circonstances ,  à  toutes  les  cérémo- 
nies du  deuil. 

Il  serait  trop  long  de  les  énumérer  ;  nous  pouvons 
renvoyer  pour  cela  à  la  traduction  du  Kia-li,  (Voir 
C.  deHarlez,  Kia-li,  rites  domestiques,  traduit  poui* 
la  première  fois.  Paris,  E.  Leroux,  1889.) 

Suit  un  nouveau  tableau  explicatif  des  cérémo- 
nies du  sacrifice  à  la  cour,  de  la  place  des  victimes 
et  ustensiles  comme  des  opérateinrs.  Ce  passage  a 
cela  de  remarquable  que  le  souverain  y  est  appelé 
kian  ^  et  non  wang. 

La  sixième  partie  qui  termine  le  kiuen  IV  est 
consacrée  à  l'instruction. 

Elle  comprend  : 

A.  Matières  à  enseigner  aux  jeunes  gens  en  gé- 
néral et  au  prince  héréditaire  spécialement,  aux  pre- 
miers par  le  Ta  sse-ta;  au  second  par  le  Sze-shiy  le 
PaO'shi  et  le  Ta  sse-  Yo, 

Tous  doivent  apprendre  trois  matières,  compo- 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.         259 

sées  :  la  première  de  six  vertus ,  la  seconde  de  six 
actions ,  la  troisième  de  six  arts. 

Ce  sont  : 

i .  La  bonté ,  la  droiture ,  la  sainteté ,  Tintelligence, 
la  modération ,  la  concorde. 

2.  La  piété  filiale,  lamitié,  la  bienveillance,  la- 
mour  portant  au  mariage,  la  fidélité  au  devoir  de 
profession,  la  compassion. 

3.  Les  arts,  les  rites,  la  musique,  le  tir,  Téquita- 
tion,  récriture,  le  calcul. 

Les  princes  royaux  doivent  apprendre  : 

a.  Trois  vertus  : 

1 .  La  vertu  en  sa  plus  haute  expression ,  base  de 
la  sagesse. 

2.  L'activité,  principe  des  actes. 

3.  La  piété  filiale. 

b.  Trois  actions  : 

1 .  La  piété  filiale  (en  acte). 

2.  L'amitié,  la  bienveillance  envers  les  sages. 

3.  La  soumission  à  Tégard  de  ses  maîtres. 

c.  Les  six  arts  indiqués  plus  haut. 

d.  Les  six  règles  de  convenance  du  sacrifice,  de 
la  réception  des  hôtes,  des  audiences  de  cour,  des 
cérémonies  du  deuil,  du  commandement  militaire, 
de  la  conduite  des  chasses ,  qui  lui  sont  enseignées 
comme  les  six  arts  par  le  Pao-shi. 

e.  La  musique  accompagnant  le  chant  et  la  danse. 


260  FÉVRIER-MARS  1889. 

B.  Distribution  des  matières  de  renseignement 
selon  les  années  et  les  saisons. 

La  dernière  partie,  formant  le  kiuen  V,  donne  : 

1 .  Le  tableau  des  positions  pendant  que  Ton  con- 
sulte le  sort  par  T  écaille  de  tortue  ou  la  plante  Shi, 

2.  Celles  des  vases  de  vin  en  diflférentes  circon- 
stances et  selon  la  dignité  de  l'opérant. 

3.  Les  règles  du  bain  préparatoire  aux  cérémo- 
nies \  les  positions  des  plats  à  aliments  {ting)  dans 
les  cérémonies ,  telles  que  la  prise  du  bonnet  viril,  le 
mariage ,  le  vin  donné  aux  gens  de  la  région  ^,  le  grand 
tir,  les  dîners  donnés  aux  Ta-fous  par  un  Kong,  les 
libations  du  deuil  et  les  divers  sacrifices  funèbres. 

4.  Le  service  des  plats,  bassins,  vases,  marmites 
et  leur  contenu;  espèces  de  viandes,  aux  mêmes 
cérémonies  et  en  différentes  autres  encore;  dîner 
donné  par  un  Shi  à  ses  beaux-parents,  à  son  mariage; 
dîner  de  Ta-fous  à  Ta-fous  ;  banquet  oflFert  par  le  roi 
aux  princes  vassaux,  à  la  nouvelle  lune. 

5.  Enfin  lusage,  le  service,  la  quantité  des  plats 
et  ustensiles  de  toute  espèce  dans  des  circonstances 
analogues,  les  mets  servis  et  le  reste. 

Tel  est  en  son  entier  le  contenu  del7-Zi  complété. 
Donnons  en  terminant  quelques  extraits  de  notre 

^  Avant  de  sacrifier,  avant  d'aller  à  la  Cour  on  doit  jeûner,  se  pu- 
rifier rame  et  le  corps  ;  le  corps  par  un  bain ,  Tâme  par  TabstentioB 
de  tout  plaisir,  le  recueillement,  etc. 

^  Pour  honorer  les  vieillards  et  les  gens  de  mérite.  Cela  se  faisait 
en  une  cérémonie  ou  un  banquet  public. 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.  261 

livre  pour  tempérer  quelque  peu  la  sécheresse  de 
cette  nomenclature. 

Voici  d'abord  les  rites  de  Timposition  de  Tépingle 
à  la  jeune  fille,  cérémonie  dont  il  a  été  question 
plus  haut,  partie  1 ,  section  I,  p.  aZio. 

n  s'agit  ici  spécialement  des  princesses ,  comme 
on  le  voit  à  B. 

1 .    IMPOSITION  DE  LȃPINGLE. 

A.  La  jeune  fille  arrivée  à  l'âge  de  i  5  ans  est 
donnée  ou  promise  en  mariage.  Elle  prend  l'épingle 
et  reçoit  son  nom  d'âge  mûr  [tze)^. 

Il  en  est  de  ceci ,  pour  elle ,  comme  de  la  prise 
du  bonnet  à  20  ans,  pour  le  Shi  ^. 

Si  elle  n'a  point  encore  été  promise ,  elle  ne  prend 
l'épingle  qu'à  20  ans.  Le  rite  de  cette  cérémonie  est 
qu'on  donne  un  banquet  et  puis  qu'on  lui  impose 
l'épingle  en  lui  arrangeant  la  chevelure  en  tresses 
nouées  ^. 

Bien  que  non  mariée ,  elle  reçoit  l'épingle  à  20  ans 
parce  qu'elle  est  femme  faite  et  complète. 

A  ce  banquet  on  (boit  à  sa  santé  et)  la  fait  boire 
en  retour  et  on  l'appelle  de  son  nouveau  nom. 

B.  Si  le  temple  de  son  trisaïeul  n'est  pas  encore 
détruit*,  elle  reçoit  son  instruction  (préparatoire  au 

^  Jusque-là  elle  a  porté  le  nom  donné  à  la  naissance ,  le  nom  d'en- 
fance ou  de  lait 

'  Voir  plus  haut,  p.  qSq. 

^  Avant  cela  elle  portait  les  tresses  pendantes.  Celte  épingle  est 
grosse ,  à  large  tête  et  très  ornée. 

^  A  cette  époque ,  les  princes  avaient  cinq  temples  pour  les  divers 


262  FÉVRIER-MARS  1889. 

mariage)^  dans  le  palais  pendant  trois  mois.  Si 
ce  temple  est  démoli,  on  la  lui  donne  dans  la  fa- 
mille royale. 

Au  banquet  donné  pour  cette  cérémonie,  si  la 
jeune  fdle  est  promise,  on  invite  des  dames  étran- 
gères et  ce  sont  elles  qui  lui  mettent  Tépingle.  Si  elle 
ne  Test  pas,  les  personnes  de  la  famille  assistent 
seules  au  banquet  et  font  la  cérémonie.  On  ne  la 
fait  pas  boire  en  retour. 

ancêtres  à  partir  du  père;  les  grands  magistrats,  trois;  les  autres, 
deux.  Quand  le  nombre  était  rempli,  le  plus  ancien  allait  rejoindre 
ses  prédécesseurs  dans  le  local  commun  et  sa  place  était  prise  par 
son  fils;  tous  changeaient  ainsi  de  {dace.  Quand  le  triMîei:^  avait  été 
ainsi  écarté,  son  temple  était  censé  détruit. 

^  Pour  la  former  aux  vertus  des  femmes  et  mères  de  famille. 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE. 


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LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHLNE.  265 

4.     RÈGLES  POUR  LE  TRAITEMENT  DES  SHIS 
DANGEREUSEMENT  MALADES. 

Lorquun  Shi  est  malade,  on  le  porte  dans  lap- 
partement  principal;  on  le  couche  la  tête  tournée 
vers  Test  et  sous  la  fenêtre  du  mur  du  nord  (et  là  on 
le  soigne).  Le  malade  doit  se  purifier;  ceux  qui  le 
soignent  doivent  également  le  faire.  (Ils  doivent  re- 
mettre en  ordre  leur  intérieur,  régler  leurs  affections 
et  dispositions,  les  tenir  calmes  et  sous  dépendance 
de  la  volonté.) 

Le  souverain ,  qui  le  demande,  est  placé  sous  la  fe- 
nêtre du  sud.  On  lui  met  les  vêtements  de  cérémo- 
nie en  laissant  pendre  des  deux- côtés  les  bouts  de 
la  ceinture  (car  on  ne  peut  voir  le  souverain  dans 
ses  vêtements  d'intérieur). 

Ceux  qui  soignent  un  malade  ne  doivent  point 
porter  des  habits  de  deuil;  la  douleur  seule  (et  non 
les  signes  extérieurs)  doit  être  leur  objet  princi- 
pal. 

Quand  un  père  est  malade  et  qu  il  doit  prendre 
une  médecine,  son  fils  doit  en  goûter  le  premier;  si 
un  ministre  ou  un  Ta-fou  est  malade,  le  souverain 
doit  faire  demander  de  ses  nouvelles  plusieurs  fois  ^  ; 
si  c  est  un  Shi ,  il  ne  doit  le  faire  qu  une  seule  fois. 

Les  princes  feudataires  ne  le  font  pas,  mais  vont 
eux-mêmes  à  la  maison  de  leurs  fonctionnaires  et 
officiers  s'informer  et  présenter  leurs  condoléances. 

'  En  règle  :  trois  fois. 

XHI.  18 


mraiiiKBir   kirro^iLc. 


206  FÉVRIER-MARS  1889. 

Quand  la  maladie  s  aggrave  (et  fait  attendre  la 
mort),  tout  à  Tintérieur  et  à  Textérieur  «st  plein  du 
bruit  des  chuchotements,  des  allées  et  venues.  On 
écarte  tous  les  instruments  de  musique  du  malade. 
On  enlève  sa  couche  (et  le  met  à  terre  ^),  on  enlève 
ses  vêtements  ordinaires  et  le  revêt  d'habits  neufs, 
d'habits  de  cérémonie  ;  on  étend  et  met  en  bon  ordre 
tous  ses  membres  (tête,  bras  et  jambes),  chacun 
étant  tenu  par  une  personne. 

Tous,  hommes  et  femmes,  changent  de  vêtements 
(à  cause  des  visites  que  Ion  reçoit  alors),  les  Shis 
prennent  leurs  habits  de  cérémonie ,  les  autres  des 
habits  foncés  en  couleur. 

On  pose  un  léger  flocon  (sur  la  bouche  et  le  nez 
du  malade)  pour  s  assurer  (par  son  mouvement)  si 
l'esprit  vital  s'en  va. 

On  se  met  en  prière  près  de  la  porte  et  sur  le 
chemin  ^. 

Un  homme  ne  doit  point  mourir  dans  les  bras 
des  femmes ,  ni  une  femme  dans  les  bras  des  hommes. 

Les  rites  concernant  les  princes  et  rois  mourants 
sont  les  mêmes.  Les  seules  différences  sont  celles-ci  : 

Les  rois  et  princes  feudataires  sont  portés  dans 
leurs  appartements  royaux  ou  princiers.  On  en  écarte 
leurs  armes.  Les  Shis  et  les  Ta-fous  vont  demander 
des  nouvelles  de  la  maladie  des  princes  et  ceux-ci  du 

^  Uhomme,  en  naissant,  gît  à  terre  (et  ne  sait  se  lever);  Ml  dan* 
ger  de  mort,  on  le  pose  sur  la  terre  même  pour  qu'il  y  puise  une 
nouvelle  force  vitale. 

^  Ou  bien  :  On  prie  les  génies  des  portes  et  des  chemins. 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CfflNE.         267 

roi.  Le  roi  en  fait  demander  des  Ta-fous  et  des 
princes  jusqu'à  trois  fois. 

Dans  lassistance  du  souverain ,  les  che6-serviteiu*s 
se  placent  à  droite  et  les  chefs-archers  à  gauche. 

5.  SACRIFICE  DES  HEOUS  ET  DU  ROI, 
AUX  QUATRE  SAISONS. 

On  emploie  pour  ce  sacrifice  une  victime  de  la 
petite  classe  (un  mouton).  On  TofFre  sur  un  autel  en 
plein  soleil;  cela  fait,  on  Tenterre  et  Ion  fait  tout 
comme  aux  sacrifices  ordinaires. 

6.    LES  HEOUS  ET  LE    ROI  ALLANT  AU-DEVANT  ^   DU  FROID 

ET  DE  LA  GRANDE  CHALEUR. 

Les  rites  des  cérémonies  destinées  à  arrêter  la 
grande  chaleur  consistent  en  ceci  :  le  jour  du  milieu 
du  printemps ,  le  matin ,  on  frappe  un  tambour  de 
terre  ^,  on  chante  les  chants  de  Pin^,  et  ainsi  on 
cond[)at  la  grande  chaleur  *. 

Le  jour  médial  de  i  automne ,  le  soir,  on  fait  la 
mâme  chose  pour  combattre  et  arrêter  le  froid. 

Les  Heous  et  le  roi  sacrifiaient  aux  temps  du  froid 

*  Cest  le  terme  consacré  pour  tout  acte  fait  en  Thonneur  ou  à 
Toccasion  d*une  personne  ou  d'un  événement. 

*  C*Mt4-dire  que  ia  caisse  est  d*argile  et  le  dessus  de  peau 
(œm.). 

'  Principauté  originaire  de  la  famille  Tcbeou  qui  monta  avec 
Wo-wang  sur  le  trône  de  Chine  et  qui  régnait  lors  de  la  composition 
d«  YI4L  Chaque  principauté  chinoise  avait  ses  chants  régionaux 
dont  nous  avons  un  choix  dans  le  Shih'kintf, 

*  Le  Tcheou-li  a  les  mêmes  prescriptions ,  à  cela  près  qu*il  parle 
de  ia  flûte  de  Pin  au  lieu  de  «  ses  chanté  ». 

i8. 


208  FÉVRIER-MARS  1889. 

et  de  la  grande  chaleur;  au  froid  ils  sacrifiaient  dans 
une  caverne  ou  vallée  profonde  ;  à  la  chaleur,  sur  un 
tertre^.  Pour  cela,  ils  faisaient  tout  comme  aux 
quatre  saisons.  Ils  se  rendaient  à  ce  sacrifice  comme 
s'ils  allaient  recevoir  lancêtre  originaire  de  leurs 
familles. 

7.  DE  L'ENTRÉE  X  L'ECOLE  INFÉRIEURE^. 

1 .  Les  lois  de  renseignement  sont  promulguées 
et  rappelées  par  les  chefs  de  cantons  et  de  villages  et 
on  doit  les  suivre. 

Tout  fils  de  gens  sans  fonction  et  autre,  après 
avoir  servi  un  an ,  doit  aller  à  l'école  de  son  endroit. 
Là  les  anciens  du  village  lui  enseignent  les  trois  ma- 
tières. Les  Ta-fous  sont  leurs  pères  et  maîtres,  les 
maîtres  supérieurs ,  les  Shis  sont  les  maîtres  inférieurs. 

Dès  le  point  du  jour,  les  anciens  les  plus  renom- 
més et  respectés ,  les  plus  élevés  en  dignité  ^,  siègent 
dans  la  salle  de  droite,  les  autres  dans  la  salle  de 
gauche. 

Les  enfants  sortent  tous  les  matins  pour  aller 
prendre  leur  repas,  puis  reviennent  à  l'école.  Le 
soir,  de  même. 

^  Chose  à  remarquer,  le  Li-hi  substitue  à  cela  :  ils  sacrifiaient  an 
soleil  sur  un  tertre,  à  la  Inné  dans  une  caverne,  etc.  On  voit  que  les 
traditions  du  Li-hi  sont  erronées. 

'  SiaO'hio,  la  petite  école,  le  petit  enseignement,  ce  qui  serait 
pour  nous  renseignement  primaire  et  moyen  ;  opposé  à  la  Ta-kio , 
grand  enseignement  supérieur  qui  se  donnait  à  la  capitale  et  où  Ton 
entrait  à  .1 5  ans  quand  on  avait  des  aptitudes  spéciales. 

^  Ou  simplement  «les  plus  âgés». 


LE  PLUS  ANCIEN  RITUEL  DE  LA  CHINE.  269 

Arrivé  au  solstice,  au  quarante-cinquième  jour 
de  rhiver,  on  leur  enseigne  la  pratique  de  lagricul- 
ture.  Le  chef  du  canton  leur  en  expose  les  lois  et 
leur  en  fait  approfondir  les  principes. 

Au  milieu  de  Tannée,  on  les  examine  et  les  ré- 
compense selon  leurs  progrès  relatifs  en  sagesse  et 
capacité ,  selon  le  développement  de  leurs  talents  et 
facultés. 

2.  Les  fils  des  rois,  Heous,  ministres,  Ta-fous  et 
Shis  reçoivent  Tinstruction  dans  la  partie  de  gauche 
du  local  du  palais  ^  Les  jeunes  gens  pauvres  et  dis- 
tingués, élevés  aux  frais  de  TEtat,  sont  au  côté  droit  ^. 
Le  Pao-shP  et  le  Sse-shi^  enseignent  aux  premiers 
les  six  arts^,  les  six  genres  de  maintien,  les  trois 
vertus  (pureté,  vigilance  sur  soi-même,  piété  fdiale), 
les  trois  actes  vertueux  (piété  filiale,  amitié,  obéis- 
sance. (Cf.  p.  289,  plus  haut.) 

L'instruction  des  autres  est  en  général  toute  sem- 
blable. 


*  Litl.  :  à  gauche  de  la  porte-du-tigre  du  souverain  ou  des  appar- 
tements à  audience  de  justice.  On  y  peint  un  tigre  comme  emblème 
de  la  rigueur  du  justicier. 

'  Le  texte  porte  aussi  «gauche?»  Tous  sont  élevés  avec  le  prince 
royal  ou  héritier.  Le  Yû-siang,  leur  local ,  était ,  dit  le  commentaire , 
dans  le  faubourg  ouest  de  la  capitale. 

'  iLe  protecteur  du  peuple»,  Ta-fou  chargé  d'élever  le  prince 
héritier  et  de  reprendre  le  souverain  de  ses  fautes  ou  de  ses  vices. 

*  «  L'instructeur  du  peuple  • ,  chargé  plus  directement  et  en  dé- 
tails de  Tinstruction  du  prince  héritier,  s'occupait  en  même  temps 
de  ses  compagnons  d'étude. 

.  *  Les  rites,  la  musique,  le  tir,  la  conduite  des  chars,  la  littéra- 
ture et  le  calcul. 


270  FÉVRIER-MARS  1889. 

La  manière  suivie  par  les  préposés  à  Tinstruc- 
tion  pour  examiner  leurs  progrès  en  vertu  et  capacité 
est  en  tout  semblable  à  celle  que  Ton  suit  dans  les 
écoles  de  canton. 

A  1 6  ans ,  le  fils  héritier  du  souverain  et  tous  les 
fils,  ceux  des  Heous,  ministres,  Ta-fous  et  Shis,  les 
plus  distingués,  ainsi  que  tous  les  jeunes  gens  ca- 
pables et  méritants  des  gens  sans  fonction,  entrent  à 
la  Ta-hio,  c  est-à-dire  le  Haut-Institut. 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  271 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES. 


SEANCE  DU  8  FEVRIER  1889. 

La  séance  est  ouverte  à  à  heures  et  demie  sous  la  prési* 
dence  de  M.  Renau. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et  la  ré^ 
daction  en  est  adoptée. 

M.  Tixeront  remercie  la  Société  du  compte  rendu ,  paru 
dans  le  cahier  de  novembre-décembre  dernier,  de  son  livre 
sur  les  Origines  de  V Eglise  d*Edesse  et  la  légende  d^Abgar; 
il  fait  hommoge  à  la  bibliothèque  de  la  Société  d'un  exem- 
plaire de  cet  ouvrage. 

Il  est  donné  lecture  d'une  lettre  de  M.  le  Ministre  de  Tin- 
struction  publique  exprimant  le  désir  que  les  livres  publiés 
par  ]a  Société  depuis  1879  ^gu^^i^^  ^  l'Exposition  de  1889. 
Le  Conseil  donne  son  adhésion  à  cette  demande. 

Est  élu  membre  de  la  Société  : 

M.  Ignâgz  Kûnos,  docteur  de  TUniversité  de  Budapest, 
résidant  à  Constantinople ,  présenté  par  MM.  Bar- 
bier de  Meynard  et  Alric. 

M.  Oppert  est  délégué  ,  sur  sa  demande,  pour  représenter 
la  Société  au  Congrès  de  Stockholm. 

M.  Philippe  Berger  entretient  le  Conseil  de  ses  nouvelles 
recherches  sur  les  monnaies  des  rois  de  la  Numidie. 

M.  Groff  croit  voir  dans  Gen.,  xv,  i3-i6,  et  dans  Exode, 
XII ,  Âo,  deux  rédactions  différentes  :  la  première  admettait 
4oo  ans  comme  durée  de  la  captivité  des  Israélites  en  Egypte  ; 
la  deuxième,  43o  ans. 


272  FEVRIER-MARS   1889. 

M.  Oppert  s*appuie  sur  les  données  chronologiques  con- 
nues pour  réfuter  Topinion  des  savants  qui  fixent  la  date 
d'Aménopliis  d*après  les  textes  babyloniens  récemment  dé- 
couverts en  Egypte. 

La  séance  est  levée  à  5  heures  et  demie. 


LISTE  DES  OUVRAGES  OFFERTS  À  LA  SOGIETé. 

Par  le  Ministère  de  Tinstruction  publique  :  Bibliothèque 
des  Ecoles  françaises  de  Rome  et  d* Athènes ,  fasc.  53  Etude 
sur  l'administration  byzantine  dans  l'Exarchat  de  Ravenne 
(568-75i),  par  Charles  Diehl.  Paris,  i888,  in-8^ 

—  Fasc.  54.  Lettres  inédites  de  Michel  Apostolis,  publiées 
d'après  les  manuscrits  du  Vatican,  avec  des  opuscules  inédits  du 
même  auteur,  une  introduction  et  des  notes,  par  Hippolyte 
Noiret.  Paris,  1889,  in-8\ 

—  Fasc.  65.  Etude  d'archéologie  byzantine.  L'église  et  les 
mosaïques  du  couvent  de  Saint-Luc  en  Phocide,  par  Charles 
Diehl. Paris,  1889,  in-8'. 

—  Revue  des  travaux  scientifiqdès ,  t.  III,  n^'G  et  7.  Paris, 
1888,  in-8^ 

Par  rindia  Office  :  Indian  Antiquary,  december  i388, 
part  I.  Bombay,  1888,  in-4°. 

—  A  catalogue  of  the  collections  of  manuscripts  deposited  in 
the  Deccan  Collège,  with  an  index,  commited  by  Shridhar 
R.  Bhandarkar.  Bombay,  1888,  in-8". 

—  N'*673.  The  Madana  Pàrijàta,  edited  by  Pandit  Ma- 
dhusudana  Smiritiratna ,  fasc.  11.  Calcutta,  1888,  in-8°. 

—  N*  675.  Chaturvarga-Chintàmani,  by  Hemâdri,  edited 
by  Pandita  Yogesvara  Smiritiratna  and  P.  Kàmàkhyànàtha 
Tarkaratna.  Vol.  III,  paii,  IL  Pariéeshakhanda ,  fasc.  i.  Cai« 
cutta,  1888,  in-8'. 

—  N°  677.  The  Varaha  Purâna,  edited  by  P.  Hrishikésa 
S'âstri ,  fasc.  vu.  Calcutta ,  1 888 ,  in-8°. 

—  N°  676.  Kâlunkàdhava,  by  M.  Chandrakanta  Tarkâ- 
lankâra,  fasc.  iv.  Calcutta,  1888,  in-8*. 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  273 

Par  rindia  Office  :  N°  678.  Paràsâra  Smiriti,  M.  Chandra- 
kànta  Tarkâlankàra ,  fasc.  vu.  Calcutta,  1888,  in-8*. 

—  IS°  681.  The  Vayu  Puràna,  edited  by  Rajendralala 
Mitra,  voL  II,  fasc.  vu.  Calcutta,  1888,  m-8°. 

—  N**  682.  Tattva  Chintàmani,  edited  by  P.  Kàmàkhyà- 
nàtha  Tarkaratna,  fasc.  x.  Calcutta,  1888,  in-8*. 

Par  l'éditeur  :  The  Inâian  Aniiquary,  august-november 
1888.  Bombay,  in-4". 

—  Anales delMaseo Nacional.  Republica  Costarica ,  tomo  I , 
ano  de  1887.  San  José,  1888,  grand  in-8*. 

—  Boletin  trimestral  del  Pr.  Henrique  Pittur,  n**  1-3, 
enero-junio  1888.  San  José,  in-4*. 

—  Polyhihlion.  Partie  technique ,  décembre  1888. 

—  Partie  littéraire ,  idem. 

Par  la  Société  :  The  american  Journal  qf  philology,  july- 
october  1888.  Baltimore. 

—  Journal  ofthe  China  branch,  september  1888. 

—  Journal  des  Savants,  décembre  1888. 

—  Bulletin  de  la  Société  de  géographie,  3*  trimestre.  Paris , 
1888. 

—  Proceedings  ofthe  Royal  geographical  Society,  London , 
january  1889. 

Par  Tauteur  :  Ahel  Bergaigne  (Notice  sur),  Paris,  1888, 
in-8». 

—  Catalogue  méthodique  et  raisonné  des  antiquités  assy- 
riennes, publié  par  M.  de  Clercq  avec  la  collaboration  de 
M.  J.  Menant.  Paris ,  1888,  in-fol. 

Par  le  Gouvernement  néerlandais  :  Bijdragen,  1889 ,  in-8". 
Par  la  Société  :  Proceedings  of  the  Royal  geographical  So- 
ciety, february  1889.  London,  in-8*. 

—  Bulletin  de  la  Société  indo-chinoise  de  Saigon,  1888, 
2*  sem.,  1"  et  a*  fascicules,  in-8*. 

—  Transactions  of  the  A  merican  philological  Society,  1887, 
vol.  XVIIL  Boston,  1888,  in-8^ 

—  Revue  des  études  juives,  t.  XVII,  n**  34,  oct.-déc. 
1888.  Paris,  1888,  in-8". 


274  FÉVRIER-MARS    1889. 

Par  la  Société  :  Actes  de  la  Société  philologique ,  années  1886 
et  1887.  Alençon,  1888,  in-8'. 

-—  Comptes  rendus  de  la  Société  de  géographie  de  Paris, 
n*'  16,  17,  1888,  et  1-3,  1889,  in-8". 

Par  les  éditeurs  :  Bolletino  délie  publicazioni  italiane ,  1888, 
n''*  71-75,  in-8*. 

•—  Pofyhiblion ,  parties  technique  et  littéraire,  janvier  1889 , 
in-8^ 

—  Revue  archéologique ,  novembre-décembre  1888,  in-8". 

—  Revue  critique,  1888,  n"  5i,  62;  1889,  n°'  i-5, 
in-8^ 

Par  les  auteurs  :  Rubens  Duval,  Traité  de  grammaire  sy- 
riaque, Paris ,  1 88 1 ,  in  -8°. 

—  Dialectes  néo-araméens  de  Salamas,  Paris,  i883 , 
in-8*. 

—  Ryanon  Fujushima,  Le  bouddhisme  japonais,  doctrine 
et  histoire  des  douze  grandes  sectes  bouddhiques  du  Japon,  Paris , 
1 889 ,  in-8^ 

—  Le  marquis  de  Croizier,  Notice  des  numuscritt  siamois 
de  la  Bibliothèque  nationale,  Paris,  1887,  in-8*. 

—  M.  Jametel,  Mémoires  de  la  Société  sinico-japonaise,  La 
métallurgie  en  Chine,  Paris,  1888  ,  in-8°. 

—  Ign.  Kûnos y  Oszmântôrôknépkôltérigyàjtemény,  Ikôtet. 
Oskomàn-tôrôk  népmerék,  Budapest,  1887. 

—  Orta-oyounou ,  théâtre  populaire  turc.  Budapest,  1888, 
in-8^ 

—  L.-J.  Tixeront,  Les  origines  de  l'Église  d'Edesse  et  la 
légende  d'Abgar,  étude  critique  suivie  de  deux  textes  orientaux 
inédits,  Paris,  1888,  in -8". 

—  De  Goeje  et  Th.  Houtsma,  Catalogus  codicam  arabica- 
rum  hibliothecœ  academiœ  LugdunO'Batavœ,  vol.  I,  1888, 
in.8^ 

—  De  Gubernatis,  Dictionnaire  international  des  écrivains 
du  jour,  6'  livraison,  janvier  1889.  Florence,  in-4*. 

—  Th.  Houtsma ,  Recueil  de  textes  relatifs  à  l histoire  des 
Seldjoucides ,  vol.  II.  Lugduni-Batavorum ,  1889,  in-8*. 


NOUVELLES  ET  MELANGES.       275 

Par  l'auteur  :  H.  Camussi,  La  rage,  son  traitement  et  les 
insectes  vésicants  chez  les  Arabes  (EIxtrait  du  Journal  asiatique). 
Paris,  1888,  in-8^ 

SÉANCE  DU  8  MARS  1889. 

La  séance  est  ouverte  à  d  heures  et  demie  sous,  la  prési- 
dence de  M.  Renan. 

M.  le  Président  lit  une  lettre  de  M.  le  Ministre  de  Tin- 
struction  publique  demandant  qu^un  exemplaire  du  journal 
de  la  Société  soit  envoyé  à  la  bibliothèque  de  Caen.  La 
réponse  à  cette  lettre  est  renvoyée  à  la  prochaine  séance. 

Sont  reçus  membres  de  la  Société  : 

MM.  Jeannier,  attaché  au  Consulat  dç  France  à  Bagdad, 
présenté  par  MM.  Pognon  et  Barbier  de  Meynard; 

BossouTROT,  interprète  militaire  détaché  à  l'adminis- 
tration centrale  de  Tarmée  tunisienne,  à  Tunis,  pré- 
senté par  M.  Basset  et  Patorni. 

Il  est  donné  lecture  de  la  liste  des  ouvrages  offerts  à  la 
Société.  M.  le  Président  présente,  de  la  part  de  Tauteur, 
un  exemplaire  du  cours  d'ouverture  de  M.  Henry  à  la  Fa- 
culté des  lettres  de  Paris,  cours  consacré  a  Texamen  des 
travaux  de  Bergaigne ,  son  prédécesseur  à  la  Sorbonne. 

M.  le  marquis  de  Vogué  voit  des  noms  de  mesures  dans 
les  mots  du  papyrus  araméen  du  Louvre  que  M.  Groff,  dans 
une  précédente  séance,  a  expliqués  comme  étant  des  espèces 
de  vins.  (Voir  ci-après,  p.  277.) 

M.  GrofiP suppose  que  le  document  élobiste  avait  les  formes 
pleines  des  noms  des  fils  de  Jacob ,  et  que  le  document  jého- 
viste  présentait  des  formes  écourtées;  ces  dernières  auraient 
seules  subsisté  après  la  rédaction  qui  a  établi  l'harmonie  des 
textes.  M.  le  Président  &it  observer  que  cette  hypothèse 
est  peu  vraisemblable;  les  deux  documents  avaient  certai- 


NOUVELLES  ET  MELANGES.       277 

Par  les  auteurs  :  Gaido  da  Exposiçào  permanente  da  Bi- 
hUotheca  national, 

—  Maurice  Bloomfield ,  Final  as  hefore  sonants  in  sanskrit. 
Baltimore,  1882,  in-8°. 

—  Four  etymological  notes,  Baltimore,  i885,  in-8*. 

—  Seven  hymns  of  the  Atharva-Veda,  Baltimore,  1886, 
in-8-. 

—  Das  Grhyasamgrapariçishta  des  Gohhilapuira,  Leipzig. 

—  Shr.  R.  Bhandarkar,  A  catalogue  of  the  collections  qf 
manuscripts  deposited  in  the  Deccan  Collège,  Bombay,  1888, 
in-8^ 

—  Tisenhausen ,  Nouvelle  collection  de  monnaies  orientales 
du  général Komaroff,  Saint-Pétersbourg,  1888,  in-8*. 


ANNEXE  N"  1 
AU  PROCES-VERBAL  DE  LA  SEANCE  DU  8  MARS. 


NOTE  SUR  LE  PAPYRUS  ÉGYPTO-ARAMÉEN  DU  LOUVRE , 

PAR  M.  DE  VOGUÉ. 

M.  William  Grofif  a  fait  à  la  Société  asiatique  deux  inté- 
ressantes communications  sur  le  papyrus  égypto-araméen  du 
Louvre.  Il  a  rapproché  le  mot  que  Tabbé  Barges  lisait  ^l^p 
et  traduisait  «vin  cuit»  du  mot  kelbi  que  M.  Revillout  a 
trouvé  dans  un  papyrus  démotique  avec  le  sens  de  «vin 
dEgypte »,  et  a  supposé  que  ^iVp ,  en  passant  dans  la  langue 
égyptienne,  était  devenu  qelhi  par  une  sorte  d'assimilation 
du  1  et  du  3 .  Mais ,  tout  en  adoptant  pour  ce  mot  et  pour  le 
contexte  du  papyrus  les  interprétations  de  M.  Tabbé  Barges, 
il  s'est  demandé  si  ^^p,  que  le  savant  professeur  de  la  Sor- 
bonne  traduisait  «vin  ordinaire»,  ne  devrait  pas  être  consi- 
déré comme  une  mesure ,  et  si ,  au  lieu  de  KD  «  cent  »,  il  ne 


278  FEVRIER-MARS   1889. 

faudrait  pas  lire  |KD  «  vase  •  ;  à  Tappui  de  la  première  qties- 
lion ,  11  a  cité  le  mot  égyptien  qerer  a  vase  »  qui  en  copte  est 
devenu  k6au>x;  néanmoins  il  n*a  pas  cru  devoir  adopler 
sa  propre  hypothèse  et  il  s'est  tenu  aux  explications  «vin 
cuit ,  vin  ordinaire  » ,  en  cherchant  même  à  les  corroborer  par 
des  citations  biblique». 

L'étude  directe  du  manuscrit,  à  laquelle  j'ai  dû  me  livrer 
en  vue  de  sa  publication  dans  le  Corpus  iiiscriptionum  semi- 
ticaram,  m'a  amené  à  lire  autrement  que  M.  l'abbé  Barges 
les  passages  oà  se  trouvent  les  mots  en  questi(Hi,  ce  qui 
oblige  à  les  traduire  autrement.  Le  texte  ne  porte  pas  >l'?p , 
mais  ^3^p;  le  beth  est  indubitable  «  il  est  presque  toujours 
lié  avec  le  ^  qui  le  suit ,  ce  qui  exclut  le  wav*  Elu  comparant 
ces  deux  lettres  liées  avec  celles  qui  conunencent  le  mot 
n*1^3  «  dans  le  mois  »  à  la  première  ligne ,  la  similitude  saute 
aux  yeux  et  le  doute  disparait.  Ce  mot  ^3*?p  est  toujours 
suivi  d'un  chilTre;  quand  ce  chilTre  est  l'unité,  il  est  au  sin- 
gulier; quand  ce  chififre  est  supérieur  à  l'unité,  il  est  au  plu- 
riel. De  même  le  mot  llhp  (et  non  hhp)  est  au  singulier 
ou  au  pluriel,  suivant  qu'il  est  suivi  du  chififre  i  ou  d'un 
chiffre  supérieur.  Ces  deux  mots  désignent  donc  des  mesures 
de  capacité  :  l'un,  ainsi  que  l'a  entrevu  M.  Groff,  vient  de 
l'égyptien  qcrer,  copte  k6XCDX,  araméen  ^Sp,  arabe  «Is. 
C'est  le  nom  que  les  fellahs  d'Egypte  donnent  encore  aux 
petite»  cruches  de  terre  qui  renferment  l'eau  potable. 
L'autre  n'a  pas  d'étymologie  connue ,  en  tout  cas  il  n'a  lien 
de  commun  avec  Hvp  «cuire,  rôtir».  Comment  est-il  arrivé, 
par  une  sorte  de  confusion  entre  le  contenant  et  le  contenu  « 
à  désigner  en  démotique  un  vin  d'Egypte  ?  C'est  de  que  je 
ne  me  charge  pas  d'expliquer.  Je  m'en  tiens  au  texte  ara- 
méen du  Louvre  où  il  s'applique  à  un  vase ,  et  probaUemenl 
à  un  vase  de  petites  dimensions.  U  y  a  certainasient  une 
gradation  à  établir  entre  ces  récipients  :  le  qelbi  étant  tou- 
jours cité  le  dernier  doit  être  le  plus  petit;  aunlessus  de 
qeloul  est  nommé  le  man,  dont  M.  Groff  avait  aussi  entrevu 
puis  rejeté  la  lecture,  et  qui  est  indubitable.  Pour  convaincre 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  279 

le  lecteur,  je  reproduis  ici  quelques  passages  qui  lui  paraîtront, 
je  l'espère,  concluants.  Ils  sont  tirés  de  la  col.  2,  lignes  2, 

4  et  5  \ 

..•I  "«abp  iTS  ^Dn  Hnivh  ^nH^b  i  3  > 

..|l  III  pXD  jnSD  non  DDD  ")3  HTiTib  S'».-»    4 

|ll  |^3*?p  |l  J^l^p  r\22   5 

2     Du  i"  de  Paophi,  pour  ie  repas,  vin  de  Sidon,  qelbi  i 
Ix     Donné  à  Tseha  fils  de  Poumat  vin  d'Egypte ,  tonneaux  5 

5  Par  tête  ^eloid  (au  pluriel)  2  qelhi  (au  pluriel)  3 

M.  l'abbé  Barges  lisait  la  fin  de  la  ligne  ^  «  sept  cents  » , 
ce  qui  est  contraire  à  tout  ce  que  nous  savons  de  la  numé- 
ration araméenne ,  où  les  cbiffres  indiquant  les  centaines 
précèdent  toujours  le  signe  «cent».  De  plus,  les  unités  sont 
toujours  groupées  par  trois ,  «  sept  »  s'écrit  |  III  HI  et  non  ||  II!  I|  ; 
les  longues  unités  ne  sont  jamais  au  commencement  des 
nombres ,  mais  à  la  fin  ;  quelquefois  la  dernière  imité ,  au  lieu 
d'être  plus  longue,  est  inclinée  en  sens  contraire;  le  chiffre  1, 
quand  il  est  seul,  est  souvent  aussi  penché  vers  la  gauche; 
c'est  ce  qui  a  lieu  dans  notre  papyrus.  Le  trait  que  M.  Bar- 
ges a  pris  pour  un  sigle  particulier  ayant  la  valeur  d'une 
mesure  de  capacité  est  simplement  le  chiffre  1  ainsi  incliné 
à  gauche;  quand  il  se  trouve  à  la  fin  de  la  ligne,  le  scribe 
Ta  grossi  à  dessein  en  appuyant  sur  sa  plume;  c'est  une  va- 
riété calligraphique  qui  ne  change  rien  à  la  lecture. 


'  Nous  employons  le  caractère  hëbraiqiie  (pu  ne  diffère  pas  sensiblement 
du  caractère  aramëen  des  papyrus ,  tandis  que  le  caractère  phénicien  s'en 
éloigne  considérablement. 


280  FEVRIER-MARS    1889. 

ANNEXE   N»  2 
AU  PROCÈS-VERBAL  DE  LA  SÉANCE  DU  8  MARS. 


COMMUNICATIONS  DE  M.  HALEVY. 

I 

J'ai  contesté  à  p1u<iîeurs  reprises ,  aussi  bien  dans  le  Jour- 
nal asiatique  que  dans  d*autres  revues,  la  thèse  devenue  gé- 
nérale chez  les  assyriologues ,  d'après  laquelle  la  ville  nommée 
D^I'IDp  dans  la  Bible  serait  la  ville  babylonienne  de  Sipar, 
Conune  personne  à  ma  connaissance  n'a  tenté  depuis  d'in- 
valider les  arguments  que  j'ai  produits  contre  cette  identifi- 
cation d'une  part ,  en  faveur  de  celle  que  j'ai  proposée  moi- 
même,  de  l'autre,  j'avais  quelque  droit  de  croire  que  la 
question  était  définitivement  résolue.  Je  suis  donc  un  peu 
désappointé  d'entendre  reproduire  devant  la  Société,  et  non 
sans  une  certaine  insistance ,  l'ancienne  identification  comme 
une  vérité  incontestable  et  acquise  à  la  science.  Cette  cir- 
constance m'oblige  à  justifier  mon  opinion  en  résumant  très 
succinctement  les  raisons  sur  lesqueUes  elle  s'appuie.  Ces 
raisons  les  voici  : 

L'idée  d'identifier  D^î'lDD  avec  Sipar  de  Babylonie  a  été 
inspirée  aux  premiers  assyriologues  d'abord  par  l'analogie 
du  son ,  ensuite  par  ce  fait  que  les  inscriptions  bab^oniennes 
font  souvent  mention  de  deux  parties  de  cette  viUe  :  Sipar 
du  Soleil  et  Sipar  d'Anounit,  dualisme  auquel  ferait  allusion 
la  terminaison  D]'  de  la  forme  hébraïque.  Cette  dernière  expli- 
cation s'est  montrée  inexacte,  puisqu'on  sait  maintenant  que 
d'autres  parties  de  Sipar  portaient  aussi  le  nom  de  la  divinité 
qu'on  y  adorait.  Il  ne  reste  donc  que  la  seule  analogie  de 
son,  et  comme  des  villes  du  nom  de  1DD  ont  existé  en  Pa- 
lestine ("1DD  rf'np)  et  en  Arabie  ("îDD^  Genèse ,  x,  3o),  il 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.       281 

n'y  a  aucune  raison  d'admettre  que  D^TIDD  ne  peut  être 
qu'une  ville  babylonien i^e. 

Mais  si  cette  identification  n'a  en  sa  faveur  qu*un  léger 
rapprochement,  elle  disparaît  entièrement  devant  les  consi- 
dérations suivantes  : 

1*  Dans  plusieurs  passages  de  la  Bible,  D^IIDD  est  men- 
tionné tantôt  après  Hamât  (DDH,  H,  Rois,  xvii,  ad),  tantôt 

après  Hamât  et  Arpad  (^D^^t1  DDn,  II,    Rois,  xviir,  34 

XIX,  i3;  haïe,  xxxvi,  19;  xxxvii,  i3),  qui  sont  notoirement; 
des  villes  syriennes  ;  il  en  ressort  avec  certitude  que  la  ville 
en  question  était  aussi  située  dans  la  même  région  géogra- 
phique et  non  en  Babylonie. 

a"  Dans  les  derniers  passages  que  je  viens  de  citer,  Sen- 
nachérib  comprend  les  dieux  de  D^llDD  parmi  les  dieux 
étrangers  (D^ian  ^n^X  ou  m2"^^f^  ^nhti)  qui  n'ont  pas  pu 
«auver  leur  pays  de  la  main  de  ses  ancêtres.  Il  s*agit  donc  de 
peuples  dont  le  culte  était  notablement  différent  de  celui 
des  Assyriens  et  des  Babyloniens  qui  avaient  la  même  religion  ; 
donc  D^1")DD  n'est  pas  une  ville  babylonienne. 

3°  Si  Sennachérib  avait  voulu  parler  des  conquêtes  assy- 
riennes en  Baby'onie,  il  aurait  avant  tout  fait  mention  de 
la  capitale  même,  savoir  de  Bahylone,  en  face  de  laquelle 
Sipar  était  toujours  restée  une  ville  de  second  ou  de  troi- 
sième ordre.  11  est  donc  évident  que  son  discours  ne  se  rap- 
porte qu'aux  pays  étrangers  à  l'Assyrie-Babylonie  et  que 
D^TIDD  se  trouve  dans  ces  pays  exotiques. 

4**  En  fait,  aucun  des  prédécesseurs  de  Sennachérib  ne 
s'est  attribué  la  conquête  de  la  ville  babylonienne  de  Sipar; 
les  annales  de  ces  rois  sont  absolument  muettes  à  cet  égard 
et  personne  n'est  autorisé  à  l'introduire  d'emblée  poiir  les 
besoins  de  l'interprétation. 

Voilà  les  raisons  qui  m'ont  déterminé,  en  rejetant  l'an- 
cienne hypothèse ,  à  identifier  D^1")DD ,  ou  plus  exactement 
D^^ap  (II,  Rois,  XVII,  3i),  avec  la  ville  syrienne  mentionnée 

par  Ezéchiel,  xlvii,    16,  sous  la  forme  de  D^*12D,  comme 

\1II.  10 


ivrRiur.tic  xiTii>«*ie 


282  FÉVRIER-MARS  1889. 

étant  située  entre  le  territoire  de  Hamât  et  celui  de  Damas , 
ce  qui  explique  très  bien  la  terminaison  du  duel  jointe  à  ce 
nom.  La  divergence  entre  les  lettres  3  et  D  ne  me  semble 
pas  assez  considérable  pour  ne  pas  admettre  l'identité  des 
deux  noms;  de  telles  variantes  sont  fréquentes  d'un  dialecte 
à  un  autre.  Ce  rapprochement  a  été  du  reste  confirmé 
naguère  par  la  Chroni^ae  babylonienne,  qui  attribue  formel- 
lement à  Salmanazar  II,  aïeul  de  Sennacbérib,  la  conquête 
de  Shabara^in,  nom  qui,  transcrit  en  caractères  hébreux, 
}^n3D,  est  la  forme  syrienne  de  D^'iap*. 

II 

Dans  la  description  de  la  Syrie ,  Ptolémée  place  non  toin 
de  TAnti-Liban  le  mont  Alsadamos,  du  côté  de  TArabie. 
N'ayant  pas  connaissance  d'une  tentative  antérieurement 
faite  pour  identifier  cette  montagne  ou  pour  expliquer  son 
nom .  je  prends  la  liberté  de  présenter  à  ce  sujet  une  expli- 
cation dont  je  laisse  volontiers  la  priorité  à  qui  de  droit.  Si 
je  ne  me  trompe,  le  mont  Msadamus  n*est  autre  que  le 
mont  Hermon  des  Hébreux,  le  Djebel  el-Cheikh  des  Arabes, 
au  sud  de  Damas.  La  situation  de  l'Hermon  répond  exac- 
tement à  la  description  du  géographe  grec  :  ce  mont  forme 
effectivement  un  chaînon  détaché  de  TAnti-Liban  et  appar- 
tient encore  à  la  Syrie,  tout  en  donnant  presque  accès 
aux  immenses  plaines  brûlées  de  l'Arabie  Déserte.  La  seule 
chose  qui  déroule ,  c'est  l'étrangeté  du  nom  Alsadamus  dont 
on  ne  peut  faire  rien  qui  vaille.  Pour  résoudre  cette  diffi- 
culté, je  me  suis  demandé  si  le  mont  Hermon  ne  portait 
pas  chez  les  écrivains  juifs  d*autres  noms  que  celui  qui  est 

^  Les  dieux  Âdrammelek  et  *Anammekk  qu^adoraient  les  homMf  de 
D^ISD  (Rois,  II ,  xTii,  3i)  sont  inconnus  à  TAssyne-Babyloiiie ,  oà  r#nne 
rencontre  que  les  formes  simples  :  Adar,  *Anou  et  Malik.  Un  fait  analogue 
s'observe  au  sujet  du  dieu  730  7D  qui  est  exclusivement  aramëen ,  bien  que 
les  éléments  simples  H /D  et  73  se  retrouvent  séparément  comme  des  difi- 
nités  assyro-habyloniennes. 


NOUVELLES   ET  MÉLANGES.  283 

devenu  liabituel  \  Mes  recherches  m'ont  conduit  à  réfléchir 
sur  \è  verset  i  5  de  Psaumes  lxviii,  qui  a  depuis  longtemps 
désespéré  les  interprètes  et  (jui  est  ainsi  conçu  :  ^1^  t?1D3 
po'jsa  J^Vr)  n3  D'^D^D  ,  mot  à  mot  :  •  Quand  le  Tout-Puis- 
sant brisa  les  rois  en  elle,  tu  fais  neiger  à  Çalmon».  Le  non- 
sens  des  mots  en  italique  étant  évident,  j'ai  pensé  y  remé- 
dier par  une  légère  correction  des  mots  impossibles  :  ns 

fyû1^  en  3^tSfn  "ina.  Le  sens  du  verset  devient  alors  aussi  clair 
que  possible  :  «  Quand  le  Tout-Puissant  brisa  les  rois  sur  le 
Mont  de  neige,  sur  Salmon».  Je  parlerai  dans  un  prochain 
article  destiné  à  la  Revue  des  études  juives  du  fait  historicpe 
auc[uel  le  Psalmiste  a  voulu  faire  allusion.  Pour  le  moment, 
il  suffit  de  constater  que  JIdSs  est  une  montagne  qui  est 
qualifiée  de  !iV^n  in  «Mont  de  neige».  Cette  montagne  ne 

peut  pas  être  le  JlD^?  "in  près  de  Sichem*  qui  est  trop  peu 
élevé  pour  être  ceint  de  neige  ;  encore  moins  peut-on  songer 
à  la  station  de  l'Arabie  Pétrée,  nommée  njlD^S  (Nombres, 

XXXIII,  4i).  Force  nous  est  donc  de  remonter  vers  le  nord, 
vers  la  seule  montagne  de  Palestine  qui  soit  couverte  de 
neige  à  son  sommet,  savoir  le  mont  Hermon.  Et  en  effet, 
chaque  fois  que  le  texte  hébreu  mentionne  {iDin  in ,  la  pa- 
raphrase araméenne  de  Jérusalem  donne  K3^I1  1)t3  «mon- 
tagne de  neige  ».  Maintenant  nous  pouvons  revenir  au  mont 
ÀA£ÀAAMOS  de  Ptolémée ,  et  la  première  impression  con- 
seille déjà  de  clianger  le  A  en  A  et  de  lire  ÀXtràXafios  et  d'y 
voir  la  transcription  très  légèrement  altérée  de  p/?  "''^'  ^^ 
on  ne  saurait  prendre  la  syllabe  initiale  ÀA  pour  l'article 
arabe.  Mais  la  supposition  d'une  altération  quelque  légère 
qu'elle  soit  n'est  même  pas  nécessaire.  Au  lieu  de  ÀAo-iSa- 
(los,  certains  manuscrits  oflrent  les  leçons  kXtyàXaiios  et 
AffâX^iavoç  ;  c'est  cette  dernière  leçon  qui  est  la  seule  exacte 

'  Je  parle,  bien  entendu ,  des  temps  relativement  modernes;  les  anciens 
noms  de  l'Hermon  sont  ënamérës  ( Deutérououp ,  m,  9). 
*  Juges,  n,  48. 

19- 


284  FÉVRIER-MARS  1889. 

et  nous  y  avons  sans  doute  la  transcription  fidèle  de  la  forme 
hébraïque  et  probablement  aussi  phénicienne  de  jO'jSrt  «le 
Salmon  ». 


Lexicon  syriacum  avctore  Hassano  BaR'Bahloul,  voces  sr- 

RIACAS  GRjECASQUE    CUM    GLOSSIS  SYRIACiS  ET  ARABICIS   COM- 
PLECTENS^E  PLURiBVS  CODJCIBVS  EDJDIT ETNOTULIS  INSTRVXIT, 

Rubens  Duvai.   —  Paris»  1888,   un  fascicule  in- 4".  Imprimerie 
nationale.  Librairie  Bouillon- Vieweg. 

Le  dictionnaire  syriaque-arabe  de  Hassan  Bar-Bahloul 
(ix*  siècle)  est  connu  depuis  longtemps.  Les  lexiques  de 
Castelli  et  de  Michaelis ,  les  dissertations  de  Gésénius  *,  de 
Larsow*;  les  travaux  de  Bernslein*,  de  Quatremère,  de 
Payne-Smitli  *  et  d'Hoffmann  \  pour  ne  parier  que  des  au- 
teurs les  plus  connus,  nous  ont  appris  à  l'estimer  à  sa  juste 
valeur.  On  nous  a  même  fait  espérer  que  nous  en  aurions  la 
substance  dans  ce  grand  dictionnaire  syriaque,  qui,  après 
avoir  élé  élaboré  par  Quatremère,  par  Bernstein  et  par 
d'autres,  parait  enfin,  en  Angleterre,  sous  le  haut  patro- 
nage de  l'Université  d'Oxford,  par  les  soins  de  Payne- 
Smith ,  doyen  de  la  cathédrale  de  Cantorbéry. 

Tout  le  monde  rend  hommage  au  savoir  et  aux  recherches 
de  celui  qui  a  été  choisi  pour  mener  à  bonne  fm  les  travaux 
des  Quatremère  et  des  Bernstein.  Le  Thésaurus  syriacus  de 
Payne-Smith ,  qui  touche  presque  à  sa  fin ,  sera  un  service 
immense  rendu  aux  lettres  orientales;  en  particulier,  à  l'étude 

'  G.  Gësénius,  De  Bar  Alio  et  Bar  Bahlulo,  lexicographis  tyro-arabicis 
ineditis, 

*  F.  Larsow,  De  dialectorum  linqum  syiiacœ  rellquiis.  Beiiin,  i84i|in-4* 
de  28  pages. 

'  Geo.  Hen.  Bernstein,  Lexicon  Knguœ  syriacœ ,  in-fol. ,  fascicule  un  seul 
para.  Col.  i-44.  Berlin,  iSSy. 

*  Payne-Smitli ,  Thésaurus  syriacus,  in-fol.,  1879.  Oxford.  En  cours  de 
publication. 

'  G.  Hoffmann,  Syrisch-arahische  Glossen.  Erster  Band.  —  Aatographie 
einer  gothaîschen  Handschrift  enthaltend  Bar  Ali's  Lexicon.  Kiel,  1874. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  285 

de  cette  littérature  syrienne  qui  prend  tous  les  jours  plus 
d'importance,  soit  à  cause  des  trésors  qui  lui  sont  propres  * 
soit  à  cause  des  renseignements  qu*elle  peut  fournir  sur  les 
littératures  voisines,  même  sur  les  littératures  de  la  Grèce 
et  de  Rome.  Toutefois  le  Thésaurus  syriacusde  Payne-Smith , 
pour  être  un  pas  considérable  vers  la  rédaction  d'un  diction- 
naire syriaque  complet,  ne  nous  donne  pas  le  dernier  mot: 
après  le  livre  de  Payne-Smith  on  travaillera  encore  longtemps 
à  enrichir  le  lexique  syriaque;  et  c'est  pourquoi  la  publi- 
cation du  dictionnaire  de  Bar-Bahloul ,  qui  aurait  pu  paraître 
inutile  en  face  de  la  grande  publication  anglaise,  est  au 
contraire  très  opportune,  au  moment  où  celle-ci  fait  vive- 
ment sentir  la  nécessité  de  compléter  nos  connaissances 
dans  le  champ  de  la  lexicographie  syrienne.  L'édition  de 
M.  Rubans  Duval  arrive  donc  à  point:  elle  donnera,  je  n'en 
doute  pas,  une  nouvelle  impulsion  au  mouvement  qui  s*est 
dessiné  pendant  ce  siècle ,  en  particulier  durant  les  derniers 
trente  ans. 

A  ne  considérer  les  choses  que  d'une  manière  générale  et 
en  pure  théorie,  il  semble  qu'une  analyse  de  Bar-Baliloul 
aurait  pu  suffire ,  car  il  y  a  beaucoup  de  choses ,  dans  son 
ouvrage,  qui  ont  peu  ou  qui  n'ont  rien  à  faire  avec  la  lexi- 
cographie. Cependant,  lorsqu'on  descend  des  régions  de  la 
théorie  pour  se  placer  sur  le  terrain  des  faits,  on  reconnaît 
bien  vite  qu'une  simple  analyse  n'eût  pas  été  suffisante; 
d'abord  parce  que  les  analyses  sont  le  plus  souvent  incom- 
plètes; ensuite  parce  qu'elles  sont  exécutées  rapidement  et 
pas  toujours  d'une  manière  sûre  ;  enfin  parce  qu'elles  ont 
toujours  un  caractère  si  personnel  qu'elles  ne  peuvent  servir 
qu'à  ceux  qui  les  ont  faites.  Les  auteurs  des  analyses  ou  des 
relevés  lexicographiques ,  travaillant  sur  des  manuscrits  et 
hors  de  leur  cabinet,  dépourvus  des  moyens  de  vérification 
et  de  contrôle,  font  toujours  une  œuvre  qui  laisse  à  désirer. 
Quand  ils  ne  publient  pas  eux-mêmes  leurs  travaux ,  ceax-ci 
ne  sont  pas  d'un  grand  secours  à  ceux  qui  veulent  mettre  à 
profit  leurs  notes.  N'est-ce  pas  là,  en  efiet,  ce  qui  est  arrivé 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  287 

Bahioui  se  rattache,  ainsi  que  Bar-^Aly,  l'autre  grand  lexi- 
cographe syrien,  à  celte  école  célèbre  d'Abou-Zaïd  Honaïn 
Ben-Ishaq  (  -f  878)  \  d'où  il  est  sorti  tant  de  si  belles  œuvres 
durant  le  m*  siècle  de  l'hégire,  c'est-à-dire  pendant  ie 
IX'  siècle  de  l'ère  chrétienne.  Bar-'Aly  était  aussi  un  disciple 
d'Honaïn  ',  et  il  dit  expressément  que  son  maître  avait  com- 
posé un  lexique.  Parmi  ses  sources,  Bar-Bahloul  énumère: 
saiift  Grégoire  de  Nysse,  Bar-Dachendad ,  Zacharie  de  Merw, 
le  médecin  Chamli,  Jean  Bar-Sérapion  le  médecin,  Daniel 
Gamaraïa,  évèque  de  Tahal,  Hanan-Jésus,  Bar-Sarouch*vaï , 
évèque  de  Hirta.  Le  lexique  de  ce  dernier  est  à  ses  yeux  le 
plus  parfait.  La  liste  des  auteurs  est  loin  d'être  complète 
dans  la  préface;  car  on  trouve  d*autres  noms  dans  le  cours 
du  dictionnaire  de  Bar-Bahloul.  Il  est  vrai  qu'ils  peuvent 
être  enfermés  sous  cette  expression  générique  :  «  Et  d'autres 
lexicographes  ou  commentateurs  (  col.  3  ).  »  En  tout  cas ,  il  est 
certain  que  plusieurs  autres  sont  mentionnés  de  temps  en 
temps,  G[uelques-uns  très  souvent,  par  exemple,  Gabriel 
Bocht-Ichou,  d'autres  accidentellement,  comme  Paul  (co- 
lonne aa),  Sarghis  (col.  28). 

La  préface  syriaque  nous  apprend  en  somme  peu  de 
chose  sur  ce  que  nous  désirerions  savoir  :  de  plus,  elle 
n'existe  pas  en  entier  dans  tous  les  manuscrits,  et  elle  a 
été  manifestement  l'objet  de  quelques  remaniements;  car 
les  documents  ne  présentent  pas  tous  les  mêmes  passages. 
La  prière  adressée  au  lecteur  (coK  3,  lignes  9-13)  est  une 
addition  postérieure  à  la  composition  de  l'ouvrage.  Ellle  est 
l'œuvre  d'un  copiste  plutôt  que  celle  de  l'auteur.  Deux  ou 
trois  endroits  du  texte,  que  nous  donne  M.  Rubens  Duval, 
sont  si  obcurs  ou  si  altérés  qu  il  est  difficile  d'en  tirer  un 
sens  (col.  a, lignes  i3-i5,  et  col.  3,  lignes  iS-ig).  Je  n'ose 
émettre  aucune  conjecture  sur  le  premier  de  ces  passages , 


'  Sur  Honaïn  consulter  A.  Mulier,  Ibn  abi  Uêseïbia,  Kônigsbei^,  I, 
p.  18Â. 

'  G.  Hoffmann,  Syrisch-Arabische  Glotsên,  p.  a. 


288  FEVRIER-MARS  1889. 

tant  il  me  paraît  corrompu  \  Quant  au  second,  je  pense  que 
Bar-Bahloul  doit  être  traduit  de  la  manière  suivante  :  «  Le 
grand  Honaïn  s'exprime  ainsi  dans  la  préface  de  son  lexi- 
que :  «  Quant  aux  termes  qui  ne  sont  pas  absolument  bar- 
«bares,  bien  quils  ne  soient  pas  toujours  très  connus,  et 
«quant  à  ieurs  explications ,  je  les  ai  transcrits  tels  que  je  les 
«ai  trouvés,  me  contentant  d'y  ajouter  quelque  chose  qui 
«indiquât  mon  peu  de  confiance  en  ces  tenues,  savoir:  en 
t  syriaque  j^^  en  arabe  ^)  (co!.  3,  lignes  1 5- 19,  col.  2).» 
La  préface  arabe  ajoute  peu  de  chose  à  celle  qui  est  écrite 
en  syriaque.  L'auteur  nous  dit  simplement  qu'il  n*a  pas 
établi  de  distinction  entre  les  mots  et  qu'il  ne  les  a  point 
classés  en  termes  ecclésiastiques,  médicaux,  philosophiques, 
grecs,  latins ,  syriens ,  hébreux,  nabathéens ,  eic.  Cela  confirme 
ce  que  déjà  le  titre  nous  permettait  de  soupçonner  :  Bar- 
Bahlouln'a  point  visé  à  faire  un  lexique  syriaque  proprement 
dit ,  un  lexique  complet.  11  a  voulu  simplement  recueillir  les 
expressions  rares,  difficiles  (Jj^uâ^a^)  ou  étrangères  (|^  m?  *^  1), 
qui  se  rencontrent  dans  les  livres  syriens  ;  et  c'est  pourquoi 
on  chercherait  vainement  dans  son  ouvrage  les  termes  les 
plus  usuels.  Ils  ne  s'y  rencontrent  pas,  ou,  s'ils  s'y  rencon- 
trent, c'est  par  exception.  Tel  est  également  le  but  qu'a 
poursuivi  Bar-^Aly,  l'autre  grand  lexicographe  syrien,  con- 
temporain de  Bar-Bahloul,  formé  dans  la  même  école  et 
sous  le  même  maître.  Par  suite,  ces  lexiques  syriaques  ne 
peuvent  pas  rendre  grand  service  au  commun  des  lecteurs, 
parce  qu'ils  ne  renferment  rien  d'usuel;  ce  sont  des  ouvrages 
qu^on  doit  avoir  dans  sa  bibliothèque ,  pour  les  consulter  de 

^  «  L'auteur  de  ce  dictionnaire ,  dit  Bar-Bahloul ,  ne  fait  pas  attention 
aux  lettres  qu  on  ajoute  on  qu'on  change ,  de  temps  en  temps ,  au  commen- 
cement du  mot,  dans  la  conjugaison  des  verbes.  Il  remonte  à  la  racine  du 
verbe  et,  partant  de  la,  il  place  le  mot  à  son  rang.»  Tout  cela  est  clair;  il 
s'agit  là  évidemment  des  lettres  serviles  qui ,  du  reste ,  paraissent  être  visées 
expressément,  dans  les  premiers  mots  qui  suivent:        J^IM*;  oe»  Jff^ad  VJ 

lv>{in  ^  V*^>po»«^)  oifo  yxtùojo  y^}  JtfiB»  m«).  Grammaticalement 
la  phrase  ne  me  parait  pas  correcte  et  je  ne  tire  aucun  sens  de  la.secoiide 
partie  de  cette  proposition.  (Voir  col.  a,  lignes  1  à  8.) 


iNOUVELLES   ET  MELANGES.  289 

loin  en  loin  et  dans  les  circonstances  particulières.  Mais, par 
contre,  un  lexique  comme  celui  de  Bar-Bahloul  a  le  plus 
grand  intérêt  pour  nous,  parce  qu'il  complète  nos  connais- 
sances sur  des  points  qui  nous  demanderaient  un  temps 
infini  si  nous  voulions  les  éclaircir  à  Taide  des  auteurs  sy- 
riens. En  le  dépouillant  attentivement,  nous  arriverons  rapi- 
dement à  ajouter  à  nos  lexiques  ce  qui  leur  manque  et  à 
leur  donner  le  degré  de  perfection  qui  leur  a  fait  trop  long- 
temps défaut. 

Tout  n'est  pan  or  pur  dans  cette  collection  de  mots  rares  ou 
difficiles;  et  ce  n'est  pas  sans  raison  qu  Honaïn  parlait,  dans 
sa  préface,  d'expressions  barbares;  il  n'y  a  qu'à  lire  quelques 
colonnes  du  fascicule  de  M.  Ruhens  Duval  pour  se  trouver 
face  h  face  avec  des  mots  qu'on  ne  rencontre  jamais  ou 
presque  jamais  dans  les  livres  ordinaires.  A  la  rigueur,  cela 
se  comprend  pour  les  mots  techniques,  pour  les  noms  de 
plantes,  pour  les  termes  de  médecine,  àe  grammaire  ou  de 
philosophie,  mais  qu'est-ce  que  peuvent  avoir  à  faire,  en 
syriaque,  celte  inno'ubrable  quantité  de  mots  grecs,  qui 
remplissent  les  colonnes  de  ces  lexicographes  syriens  ? 

C'est  là  évidemment  la  partie  la  moins  utile  ^  du  lexique 
de  Bar-Bahloul,  car  les  mots  grecs  ordinaires  ne  peuvent 
pas  présenter  de  grandes  difficultés  aux  hellénistes  syria- 
cisants,  pourvu  qu'ils  soient  bien  écrits.  Nous  disons  pourvu 
qu'ils  soient  bien  écrits,  car  cela  ne  leur  arrive  point  toujours; 
et  les  Syriens,  quoique  plus  sobres  que  les  Arméniens  et  les 
Arabes  sous  ce  rapport,  ne  craignent  pas  de  défigurer  con- 
sidérablement les  termes  étrangers.  On  en  rencontre  maints 
exemples  dans  le  premier  fascicule  de  M.  Duval.  Des  mots 
sont  répétés  en  deux,  trois,  quatre  endroits;  et  cela  vient 

'  Ces  termes  grecs  peuvent  cependant  nous  aider  à  déterminer  la  pro- 
nonciation du  grec  au  ix*  siècle  de  1  ère  cbrétiennc.  Ainsi  on  prononçait ,  ce 
semble,  dyaitriiés,  comme  s'il  eût  été  écrit  dyaStijàç,  On  introduisait  un 
esprit  rude  dans  iyyeXoç  après  le  dernier  y,  car  les  Syriens  écrivent 
*£tHfcfciOi,^^|  (col.  a 3).  Ils  lisent  aussi  ■mo'^k^ij  (col.  198,  ligne  la). 
Mais ,  sous  ce  rapport ,  les  scribes  syriens  sont  encore  sujets  à  caution. 


290  FÉVRIER.MARS   1889. 

uniquement  de  ce  qu*iis  ont  été  di£Féremmenl  orthographiés , 
soit  par  les  traducteurs ,  soit  peut-être  par  les  copistes.  Plus 
d'un  de  ces  termes  faisant  double  emploi  est  dû ,  ce  nous 
semble,  aux  revisions  successives  qui  ont  été  faites  de  Tou- 
vrage  de  Bar-Bahloul,  et  quelques-uns  ne  sont  vraisembla- 
blement que  des  interpolations  ooiles  gloses  ajoutées  après 
coup  par  des  lecteurs  qui ,  ne  trouvant  pas  le  mot  à  Tendroit 
où  ils  le  cherchaient ,  se  hâtaient  de  Vy  insérer. 

La  partie  la  plus  curieuse  de  ce  dictionnaire  est  celle 
qu*on  peut  appeler  médicale  et  philosophique  :  on  sent  que  le 
livre  est  sorti  d'une  école  de  médecins  et  de  philosophes 
où  l'on  s*adonnait  à  Tétude  des  simples  et  à  la  culture  des 
œuvres  d'Aristote;  d*un  cénacle  où  Hîppocmte,  Galien  et 
Dioscoride  rendaient  encore  des  oracles.  Et,  en  effet,  ils 
étaient,  tous  ou  presque  tous,  des  médecins  ces  lexicogra- 
phes de  l'Iraq  :  Jean  Mesvé ,  Gabriel  Bokht-Ichou ,  Ghamli , 
Jean  fils  de  Sérapion,  Honaïn,  Bar-^Aly  et  d'autres.  Il  n'y 
avait  guère  place  que  pour  eux  auprès  des  khalifes  abbas- 
sides ,  mais  il  faut  dire  aussi ,  à  leur  honneur,  que  ce  n'étaient 
pas  des  médecins  ordinaires  que  ceux  qui  traduisaient  les 
oeuvres  d'Hippocrate ,  de  Galien  et  de  Dioscoride,  ou  qui 
cherchaient  des  inspirations  dans  les  écrits  d'Euclide ,  dans 
l'Âlmageste  de  Ptolémée  et  dans  la  philosophie  d'Aristote. 
Ce  spectacle  n'a  guère  été  vu  qu'une  fois  et  il  a  été  donné 
au  monde  précisément  par  cette  école  de  l'Iraq ,  dont  faisaient 
partie  Mesvé,  Bokht-Ichou,  Honaïn,  Bar-Bahloul  et  Bar-'^Aly. 

C'est  plus  G[u'un  dictionnaire  de  mots  rvres  ou  difficiles, 
en  grammaire ,  en  philosophie  ou  en  histoire  naturelle  ;  c'est 
une  encyclopédie  que  le  lexique  de  Bar-Bahloul  :  encyclo- 
pédie littéraire,  historique,  géographique,  philosophique, 
même  grammaticale.  11  y  a  de  tout  dans  ce  livre,  et  ce  ne 
sera  pas  une  des  choses  les  moins  étonnantes  que  d'y  trouver 
des  renseignements  sur  une  multitude  de  personnages,  de 
lieux,  de  villes  ou  d'ouvrages.  Chose  même  singulière!  Ce 
sont  ces  noms  d'hommes,  de  villes,  de  pays;  ces  termes 
de  grammaire,  de  philosophie  ou  de  sciences  naturelles,  qui 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  291 

arrêtent  le  pius  longuement  le  lexicographe  syro-arabe.  Dès 
Ja  troisième  colonne ,  il  accorde  trente  lignes  au  mot  air,  |JJ 
(col.  7-8).  Un  peu  plus  loin,  il  donne  dix-huit  lignes  au  mot 
abba,  Isi  (col.  9-10);  quarante-six  lignes  au  mot  philoso- 
phique JUL}!^  espèce,  genre,  genus  (col.  43-45),  etc.,  et  cela 
se  reproduit  ainsi  fréquemment,  du  conmiencement  à  la  fin, 
mais  toujours  à  propos  de  ces  expressions,  qui  permeltent  k 
Tauteur  de  bavarder  un  peu  sur  Castor  et  Pollux. 

Sous  le  mot  kepla,  Aeria  (UtJJ) ,  cet  auteur  nous  apprend 
qu^autrefois  l'Egypte  portait  ce  nom ,  avant  et  même  après 
Tépoque  de  Ramsès  (col.  9).  Sous  le  mot  Avestàgà  on  re- 
marque :  •  Cest  là  le  nom  d'un  livre  de  Zerodocht  (Zo- 
roastre),  lequel  livre  est  écrit  en  sept  langues,  en  syriaque, 
en  persan ,  en  araméen ,  en  ségestanien ,  en  marouzéen ,  en 
grec  et  en  hébreu  (col.  18).  »  A  propos  d'Abrès  (a»vd|),  on 
nous  dit  en  arabe  :  •  C'est  là  le  nom  d'un  homme ,  c'est  ainsi 
que  s'appelait  le  premier  des  catholicos,  qui  fut  élu  au  catho- 
licat  en  Orient.  Il  n'y  a  pas  de  doute  que  ce  nom  ne  soit 
grec,  car  il  n'en  est  pas  fait  mention  dans  le  syriaque 
(col.  3 1).  »  Après  avoir  donné  les  divers  sens  du  mot  esthiro 
(|f  JBu»J  ) ,  Bar-Bahloul  ajoute  :  t  Que  le  mot  soit  au  singudier ou 
au  pluriel ,  on  appelle  du  nom  d'esthiro  l'étoile  cjui ,  au  mois 
d'octobre ,  parait  à  l'orient ,  et  à  laquelle  on  a  donné  beaucoup 
de  noms,  suivant  les  diverses  langues.  Les  Taioïé  (Arabes) 
l'ont  appelée  «  'Ouza  » ,  les  Grecs  l'ont  nommée  «  Aphrodite  » , 
les  Qadichéens  «  Tamachqath  » ,  les  Romains  «  Vénus  » ,  les 
Chaldéens  «  Bélathi  »  ,  les  Araméens  «  Esthira  » ,  les  Arzanéens 
Malkath-chemaîa  ou  «  Reine  des  cieux  » ,  les  Arabes  «  Nani  » ,  les 
Persans  «  Bidouk  » ,  les  Élamites  •  Bilthi  » ,  les  Babyloniens 
■  Chegol,  Dalbeth  ou  Dalqath»,  suivant  un  manuscrit;  les 
Egyptiens  •  Hélos  » ,  les  Asiatiques  «  Artémis  » ,  les  Ephésiens 
«  Diopotos  » ,  les  Taïoïé  de  notre  pays  «  Zouhrah  » ,  les  *Ou- 
zéens  «Anahid».  Les  appellations  qui  nous  sont  connues 
s'élèvent  à  seize.  Il  n'est  pas  un  lieu  qui  ne  lui  ait  donné  un 
nom  et  qui  ne  l'ait  adorée  (coL  a 44-345.  Voir  aussi  au  mot 
Aphrodite ,  col .  36 6-2  67).» 


292  FEVRIER. MARS  1889. 

Ces  quatre  ou  cinq  exemples  donnent  une  idée  suffisante 
de  ce  quon  trouvera  de  curieux,  d'intéressant,  d'ulile  et 
doriginal  dans  cette  vaste  encyclopédie  lexicographique  ' . 
On  n'aura  qu'à  parcourir  les  mots  Abram  (coi.  ao),  Adam 
(col.  38),  Éd'ra  d'Atod  (col.  4 1)  »  Joh  épelé  Aïob  (col.  1 16) , 
Epiphane  (col.  261),  Aristote  (col.  2^0) ^  Hermès  trismégisie 
écrit  en  un  seul  mot  (col.  296),  etc.,  pour  voir  ce  que  peu- 
vent donner  les  noms  propres.  Les  amateurs  de  singtdarités 
en  histoire  naturelle  liront  avec  plaisir  les  articles  aîlo  ou 
«cerf»  (col.  127),  éliaqam  (col.  176),  anefo  (colonnes  212- 
2i3),  etc. 

Si  on  veut  enfin  se  rendre  compte  rapidement  de  la 
façon  dont  Bar-Baldoul  a  traité  les  mots  grecs,  on  n'a  qu'à 
parcourir  l'appendice  que  M.  Rubens  Duval  a  ajouté  à  la  fin 
du  premier  fascicule.  On  verra  le  même  terme  revenir  en 
trois  ou  quatre  endroits,  avec  de  légères  variantes  d'ortho- 
graphe. Ainsi  dvayvdytrlrjs  reparaîtra  tantôt  sous  la  forme 
ayicûvcoTios  (col.  28,  ligne  8),  tantôt  sous  la  forme  ayvto- 
vùXTCûTios  (col.  3o,  ligne  i5) ,  tantôt  sous  la  forme  evaloOta 
(col.  76,  ligne  1 3),  tantôt  sous  la  forme  lyio&los  (col.  111, 
ligne  8),  enfm  sous  la  forme  à  peu  près  correcte  àvayvotx/J os 
(col.  199,  ligne  1),  etc.  Ces  quelques  exemples  suffisent,  je 
crois ,  pour  montrer  à  qui  nous  avons  affaire.  Du  reste ,  ceux 
qui  voudraient  se  renseigner  à  fond  ià>dessus  n'ont  qu'à  con- 
sulter l'appendice  de  M.  Rubens  Duval,  dont  j'ai  parlé  tout 
à  l'heure.  Je  suis  heureux  de  constater  qu'il  est  1res  complet 
et  très  exact.  La  besogne  est  faite  là  avec  soin.  Inutile  que 
chacun  la  refasse  pour  son  propre  compte. 

C'est  en  somme  une  encyclopédie  assez  curieuse  que  le 
lexique  de  Bar-Bahloul ,  et  elle  rendra  certainement  des  ser- 
vices de  plus  d'un  genre,  lorsqu'elle  sera  publiée  intégra- 
lement. Elle  a  été  souvent  remaniée  et  retouchée  en  bien 
des  endroits  ;  c'eût  été  une  œuvre  difficile ,  même  avec  l'aide 

'  Colonne  168,  ligne  a 5,  on  mentionne  un  livre  dont  le  titre  est  très 
appétissant  :  JLi«.Mt  JLdJ^â  {Le  livre  des  Harrcmiens)]  Qu'est-ce  que  cela 
pourrait  bien  être? 


NOUVELLES   ET   MELANGES.  293 

de  dix  manuscrits,  que  de  déterminer  exactement  la  partie 
qui  appartient  à  ses  copistes  ou  à  ses  admirateurs;  mais  la 
distinction  a,  dans  ce  cas,  peu  d'importance.  Comme  il 
s'agit,  avant  tout,  d*un  résultat  pratique  et  utile,  nous  avons 
moins  d'intérêt  à  savoir  quel  était  le  travail  primitif  qu'à 
posséder  le  dictionnaire  le  plus  complet  possible. 

En  général,  l'auteur  donne  en  syriaque  le  mot  rare  ou 
dijfficile,  surtout  les  mots  grecs,  puis  il  les  explique  en  sy- 
riaque, en  citant  habituellement  l'autorité  sur  laquelle  il 
s'appuie.  Ensuite  il  reproduit  en  arabe  l'explication  précé- 
dente, mais  en  y  ajoutant  quelquefois  des  développements. 
De  cette  manière  les  deux  explications  se  contrôlent,  se  pré- 
cisent et  s'éclaircissent  mutuellement. 

Malgré  le  secours  que  se  prêtent  l'un  à  l'autre  le  texte 
arabe  et  le  texte  syriaque ,  une  édition  correcte  de  Bar-Bah- 
loul  était  et  sera  toujours  une  entreprise  hérissée  de  diffi- 
cultés, parce  qu'il  n'y  a  guère  là  que  des  mots  rares  et  dif- 
ficiles, et  que,  dès  lors,  les  éditeurs,  à  moins  de  posséder  à 
fond  les  deux  langues,  peuvent  aisément  se  tromper.  Les 
erreurs  sont  d'autant  plus  faciles  que  très  souvent  les  lettres 
sont  similaires  ou  qu'elles  ne  diffèrent  les  unes  des  autres 
que  par  des  points.  Quand  les  textes  sont  un  peu  longs ,  il 
est  encore  possible,  sinon  facile,  de  découvrir  les  erreurs 
commises  par  les  copistes  ;  mais ,  quand  les  explications  con- 
sistent seulement  en  deux  ou  trois  mots,  la  restauration  du 
texte  original  est  impossible,  si  l'on  ne  dispose  pas  d'un 
grand  nombre  de  manuscrits.  M.  Rubens  Duval  a  accompli 
son  travail  avec  beaucoup  de  soin  et  je  ne  vois  pas  de  faute 
grave  à  signaler. 

A  la  colonne  9,  ligne  1,  il  fallait  évidemment  lire  *«»a«i^|, 
Aétius ,  avec  les  manuscrits  SS5R  et  L,  non  pas  *m^\]], 
car,  d'après  l'explication ,  il  s'agit  là  du  chef  des  Aétiens.  Co- 
lonne 32  ,  ligne  4  «  il  faut  lire  sans  aucun  doute  jLfopo  comme 
partout  ailleurs,  et  non  pas  JLa»opo.  Colonne  212,  ligne  9, 
JLvJSauJ  n'est-il  pas  une  faute  pour  U»\^mu]^  qu'on  lit  plu- 
sieurs fois  dans  la  même  colonne?  Colonne  267,  ligne  24» 


294  FÉVRÏERMARS    1889. 

le  mot  IH.O?  me  parait  aussi  correct  que  le  mot  |H.of ,  car 
il  signifîe  éconlemetit ,  suintement,  comme  Tautre  signifie 
spuma.  Je  vois  cependant,  par  mes  notes,  que  Bar-Bahloul 
reproduit  au  mot  \t^oh  les  explications  quil  donne  ici  à 
propos  de  yoil^upo^Af .  11  se  peut  bien ,  dès  lors ,  que  le  mot 
|H.ot  soit  celui  qu*il  Êiui. 

Je  forme  des  vœux  pour  que  M.  Rubans  Duval  conduise 
rapidement  à  bon  terme  la  grande  publication  qu'il  a  entre- 
prise ,  et  je  suis  sur  que  tous  les  amis  des  études  orientales 
uniront  leurs  vœux  aux  miens,  pour  que  nous  puissions 
jouir  bientôt  des  trésors  d'érudition  que  le  plus  célèbre  des 
lexicographes  syriens  a  entassés  dans  son  savant  ouvrage. 

L'abbé  Martin. 


Histoire  de  l'Afrique  septentrionale  depuis  les  temps  les 
plus  reculés  jusquà  la  conquête  française  (1830),  par 
E.  Mercier.  Paris,  Leroux,  1. 1  et  II,  in-8*. 

Cet  ouvrage  est  le  fruit  d'un  long  séjour  en  Algérie  et  de 
recherches  poursuivies  avec  persévérance.  M.  Mercier,  à  qui 
nous  devons  déjà  un  intéressant  aperçu  historique  sur  l'éta- 
blissement des  Arabes  dans  l'Afrique  du  Nord,  nous  donne 
aujourd'hui  une  étude  d'ensemble  qui  est,  à  proprement 
parler,  l'histoire  de  la  race  berbère  à  travers  toutes  les  révo- 
lutions politiques  dont  le  continent  africain  a  été  le  théâtre. 
Les  deux  volumes  parus  comprennent  trois  parties  :  i**  i« 
période  antique  :  Phéniciens,  Romains,  Vandales  et  Grecs 
jusqu'à  la  fin  de  la  domination  byzantine;  a""  la  période 
arabe  et  berbère  jusqu'en  iod5;  3°  la  période  berbère  et 
arabe-hilanienne  jusqu'à  l'apparition  des  corsaires  tures 
en  i5i5.  Le  troisième  et  dernier  volume  sera  consacré  à  la 
période  turque  et  se  terminera  à  la  prise  d'Alger  par  l'armée 
française. 

A  l'exception  de  la  première  partie ,  qui  n'offre  qu'un  ré- 
sumé d'ailleurs  très  exact  des  travaux  antérieurs,  lé  livre  de 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  295 

M.  Mercier  se  recommande  par  des  vues  neuves  et  origi* 
nales,  par  Temploi  judicieux  des  sources  arabes  et  euro- 
péennes, enfin  par  la  clarté.  Tordre  et  un  style  d*une  aUure 
aisée  qui  en  rendent  ia  lecture  facile  et  souvent  attrayante. 
C^est  à  la  fois  un  document  historique  digne  de  toute  con- 
fiance et  une  œuvre  éminemment  française  qui,  en  nous 
retraçant  le  passé  de  notre  grande  colonie ,  nous  édaire  sur 
les  devoirs  qui  slmposent  à  ses  nouveaux  maîtres. 

B.  M. 


MOLBAT  AL'IRAB  OU  LES  RÉCRÉATIONS  GRAMMATICALES  DE  HaRIRI , 

traduites   par  Léon  Pinto.  Paris,  Challamel  aîné,  3  fascicules, 
in-ia. 

Le  poème  didactique  dont  M.  Pinto  vient  de  publier  le 
texte  et  la  traduction  annotée  n'est  pas  inconnu  des  arabi- 
sants :  il  y  a  longtemps  que  S.  de  Sacy  en  a  donné  la  pri- 
meur dans  son  Anthologie  grammaticale.  L'auteur  des  trop 
célèbres  Maqamat,  Hariri,  était,  comme  tous  les  grands 
littérateurs  de  son  temps ,  un  grammairien  de  premier  ordre 
et  ses  Récréations  grammaticales  se  recommandent  autant  que 
ses  autres  traités  linguistiques  par  la  clarté  des  règles  et 
riieureux  choix  des  exemples.  Nous  devons  donc  accueillir 
avec  faveur  l'édition  complète  en  trois  livraisons  qui  nous 
est  donnée  aujourd'hui  de  cet  opuscule  populaire  dans 
les  universités  musulmanes.  La  traduction  française  est 
mise  ici  en  regard  du  texte  et  accompagnée  de  notes  expli- 
catives tirées,  pour  la  plupart,  du  commentaire  de  la  Tohfat 
el'Ahbab  de  Mohammed  Amar,  qui,  lui  aussi,  jouit  d'une 
assez  grande  autorité. 

M.  Pinto  nous  autorise  à  ne  considérer  cette  première 
publication  cpie  comme  une  étude  préparatoire  qui  sera 
bientôt  suivie ,  s'il  faut  en  croire  les  promesses  de  la  préface , 
du  commentaire  que  Hariri  lui-même  a  composé  pour  illus- 
trer son  texte  versifié.  Le  laborieux  éditeur  nous  annonce 


296  FEVRÏEH-MARS    1889, 

également  la  publication  prochaine  de  YAlfyya,  autre  poème 
grammatical  tout  aussi  connu  et  plus  complet  même  que 
celui  de  Hariri ,  mais  d'un  style  moins  attrayant. 

Autant  qu'une  comparaison  rapide  m'a  permis  d'en  juger, 
la  traduction  de  M.  Pinto  m*a  paru  facile  et  d'un  tour  aisé; 
elle  a,  entre  autres  mérites,  celui  de  n'employer  que  les 
termes  techniques  consacrés  par  la  grande  autorité  des  S.  de 
Sacy  et  des  Fleischer,  enfin  les  passages  du  commentaire  de 
la  Tohfa  réunis  dans  les  notes  sont  judicieusement  choisis. 
Je  laisse  d'ailleurs  à  des  juges  plus  autorisés  et  plus  friands 
de  curiosités  grammaticales  le  soin  d'apprécier  dans  ses  dé- 
tails l'œuvre  de  M.  Pinto  :  je  me  borne  à  lui  souhaiter  la 
bienvenue  et  tout  le  succès  désirable  dans  la  poursuite  de  sa 
louable  entreprise ,  en  me  permettant  toutefois  de  lui  recom- 
mander un  peu  plus  de  sévérité  dans  la  révision  de  ses 
épreuves. 

B.  M. 


Le  Gérant  : 
Barbier  de  Meynard. 


JOURNAL  ASIATIQUE 

AVRIL-MAI-JUm   1889. 

■■■■■■  ■■  ,    ■  ■  I  ^— ^— i^^i^.^— — —  ■  ■■■■■■■■  !■     ^  Il  ■      ,,    .  ,  ^T"^— ^— —— *^T^ 

LES  NOMBRES  ORDINAUX 

EN  ASSYRIEN, 


PAR 

M.  ARTHUR  AMIAUD. 


Il  me  semble  qiie  jusquici  on  na  pas  suflisam- 
ment  fait  la  distinction  des  noms  de  nombre  cardi- 
naux et  des  adjectifs  ordinaux  de  la  langue  assyrienne. 
Par  exemple,  on  a  traduit  quelquefois  sané  par 
«  deux  »,  comme  si  le  texte  eût  porté  sinâ,  et  salalii 
par  «  trois  » ,  comme  si  Ton  avait  lu  salalti  ou  selalti. 
Je  voudrais  aujourd'hui  chercher  à  mettre  un  peu 
d'ordre  dans  ce  chapitre  de  la  grammaire  assyrienne. 

11  y  a  déjà  longtemps  qu  on  a  dû  reconnaître  des 
ordinaux  féminins  dans  les  formes  sanâta  «  deu- 
xième » ,  et  sibûlu  «  septième  ».  Les  leçons  ina  sani- 
tum  III,  ina  sanîti  II  de  l'inscription  de  Behistoun, 
1.  5i  et  55  (voir  Bezold,  Die  Achemenideninschrif- 
ten),  comparées  avec  Layard,  pi.  91 ,  1.  -7 y  :  ma  iX 
paléya  sanute  J  ana  mât  Akkadé  allik,  ne  pouvaient 
laisser  aucun  doute  que  ifamtam  (idéographiquement 
J)  signifiât  «  fois  »  et  sanûta  «  deuxième  ».  Et  d'autre 

XIII.  20 


l«»alH«alB    SATIOXALR. 


298  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

Il 

part,  la  traduction  de  sibûta  par  «  septième  »  s'im- 
posait dans  Layard,  63,  i ,  et  dans  T.  5.  B.  A., 
III ,  571,  1 .  Ces  formes  en  nia  pour  le  féminin  sin- 
gulier m'ont  intrigué  fortement,  jusqu'au  jour  où 
j'ai  rencontré  dans  un  texte  de  Nabonide  (V,  64, 
col.  1,  28)  la  forme  salalta  «  troisième  »^  Je  me 
suis  rappelé  alors  que  l'éthiopien  avait  une  forme 
particulière  de  nombres  ordinaux  àlhfi  •  iP^A  1  etc. , 
qu'il  réservait  au  comput  des  jours  de  la  semaine 
et  du  mois,  et,  en  général,  de  toute  division  du 
temps  (DiUmann,  Grammatik  der  jEthiopischen  Spra- 
chef   S  169  6);   et  j'ai   conclu  que   ces   ordinaux 

à  forme  J^^  existaient  aussi  en  assyrien.  Nous 
avions  donc  régulièrement  pour  a  deuxième»  le  fé- 
minin sanâta  (de  *sanûytd),  et  pour  *  septième  »  le 
féminin  sibâtu[de  *sibata),  tout  comme  pour  «  troi- 
sième» le  féminin  iulâstà  bu  salalta.  Cela  reconnu, 
il  n'y  avait  plus  désormais  de  confusion  possible 
entre  des  formes  cardinales  comme  satalli,  hamilti, 
sibitti  et  les  formes  ordinales  correspondantes  salalli, 
*hamalti,  sibâtL  Et  Ton  était  autorisé  à  rétablir  par 
analogie    toute  une    série   d'ordinaux    assyriens    à 

forme  Jyw,  ainsi  que  je  le  ferai  ci-dessous. 

Mais  l'assyrien  a  dû  avoir  d'autres  ordinaux  que 

*  On  trouve  un  autre  exemple  de  l'ordinal  ialultu  dans  les  P,S. 
B.  i.,  VIII,p.  2/10. 

'  D'après  Dilimann,  loco  cit.,  les  ordinaux  de  temps  éthiopiens 

seraient  plutôt  de  la  forme  J^cU.  Cf.  larabe  ^Lc^b  «neuvième 
jour  d*un  mois».  La  comparaison  de  Tassyrien  me  semblerait  fàgA- 

der  pour  ]a  forme  JyL>. 


LKS  NOMBRES  ORDINAUX  EN  ASSYRIEN.  299 

ceux  h  forme  J^.  Nous  en  connaissons  en  effet 
quelquesuns  qui  ne  rentrent  pas  dans  cette  caté- 
gorie, et  un  assez  grand  nombre  pour  lesquels  la 
question  de  forme  est  douteuse.  Avant  de  les  classer, 
jetons  un  rapide  coup  d'oeil  sur  la  formation  des 
nombres  ordinaux  dans  les  autres  langues  sémi- 
tiques. L'arabe  et  l'éthiopien  ont  adopté  la  forme 

Jd^li  (eJé,  lélp;  «ffAft  •«ffA&4f  •);  l'hébreu  et  le  sy- 
riaque ont  préféré  la  forme  Ju«i  (^Çf'»'?Cf,  n>«f^*?Ç^  ; 

JLJ^J^t,  )^J^J£l).  Mais  rhébreu  et  le  syriaque 
n'ont  pas  employé  la  forme  Ju«i  toute  nue;  ils  y 
ont  ajouté,  l'hébreu,  ]a  terminaison  adjectivale  ^7 
(arabe  ^);  le  syriaque,  la  terminaison  w^— .  De 
même  l'éthiopien,  à  côté  de  ses  ordinaux  à  forme 
simple  Jçli,  analogues  à  ceux  de  l'arabe,  en  pré- 
sente d'autres  à  forme  composée,  J^U-f-dy  et  J^U 

+  âwî,  tels  que  «ffA4j&  1  et  «ffA4%  •. 

Nous  pouvons  maintenant  constater  qu'il  existait 
en  assyrien  : 

1°  Des  adjectifs  numéraux  à  forme  simple.  Tels 
sont  :  sanû  «  second  »  (de  *  sariyu)  ;  Misa  «  troisième  »  ; 
ribâ  «  quatrième  »  (de  *ni'a)i  hanm  ou  Aamia  «  cih- 
quième»;  sis§a  (pour  * sidia)  «sixième»;  sibâ  «sep- 
tième» (de  *5i6'tt),  etc.  Mais  quelle  forme  devons- 
nous  reconnaître  dans  ces  adjectifs?  On  peut  hésiter 

entre  les  trois  suivantes  :  Jsil,  Jjm  et  J^.  Qu'un 
état  simple  ^sâlis  ait  comporté  l'état  emphatique 


20. 


300  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

salsa  (pour  *sâlsa,  *$âlim),  personne  ne  le  contes- 
tera. Et  à  ceux  qui  s'étonneraient  que  le  même  état 
emphatique  salsa  ait  pu  couvrir  un  état  simple  *ia- 
lU  ou  *sàlâs,  je  répondrai  par  Texemple  des  per- 
mansifs  assyriens  saknu  (I,  3i,  col.  U,  1.  25;  III, 
4,  n"*  7,  56),  zakra  (I,  70,  col.  4,  ^3;  III,  Ui  t, 
36),  marsat  (K.  246,  i,  11),  tarsu  (IV,  16  a,  i4; 
IV,  26  a,  24),  etc.,  c[ui  sont  en  réalité  les  états  em- 
phatiques de  participes  passifs  Juuû  ou  J^,  comme 

le  prouvent  leur  signification  et  la  comparaison 
d'autres  pennansifs  à  l'état  siniple  :  sakin  (I,  29, 
33),  nadin  (I,  70,  col.  2,  17;  cf.  nae^naf  pour  *na- 
dînat,  I,  9,  32),  satir  (V,  3,  121;  V,   25  «,   29; 

Del.,  AL\  74,  27),  mariM(P.5.iî.A.,  VI,65)V 
sapûh  (IV,  3i  a,  1 1),  tarûsn  (I,  24,  26;  cf.  tarsat 
pour  *  tarâsat,  IV»  26  a,  47).  H  n'est  peut-être  pas" 
impossible  d'admettre  que  des  formes  primitives 

Jyx»  et  Juuû  aient  fini  par  s'affaiblir  dans  la  langue 

assyrienne  en  des  formes  jii  et  Jmj,  et  que  l'accent 

se  soit  reporté  de  la  deuxième  à  la  première  syllabe. 
Toutes  dès  lors  devaient  fournir  également  un  étal 

emphatique  J«*,  et  J'on  peut  donc  hésiter,  je  le 

répète,  pour  nos  adjectifs  numéraux  assyriens  de  la 

forme  salsu,  entre  les  formes  Jçli,  Ja«j  et  J^ii,  que 

nous  avons  relevées  dans  l'une  ou  l'autre  des  langues 
sœurs. 

Le  fait  que  tous  les  féminins  aujourd'hui  connus 

^  Cf.  maris,  avec  sens  actif,  II,  16  6^  1 3. 


LKS  NOMBRES  ORDINAUX  EN  ASSYRIEN.  301 

d'ordinaux  assyriens  appartiennent  à  la  forme  J^ 
[sanûtu,  salalta,  sibûta,  tesâta[?),  nous  assure,  je 
crois,  que  dans  nombre  de  cas  cest  aussi  la  forme 

J^ii  qui  doit  se  cacher  sous  les  formes  masculines 
sanUy  sabu,  ribâ,  hansUf  etc.  Mais  un  autre  fait  non 
moins  certain ,  à  savoir  que  tous  nos  exemples  d'ad- 
jectifs numéraux  en  J^ii  déterminent  des  substan- 
tifs exprimant  des  divisions  du  temps,  tels  quâmu 
ou  ûmta  «jour»,  qui  pouvait  être  sous-entendu 
comme  en  éthiopien  (IV,  5i,  col.  5,  i),  arhu 
«mois»  (Layard,  63,  i),  satta  «année»  (V,  64, 
col.  1 ,  28),  sanitauL  fois  «(Layard,  91,  yy;  P.5. 6./4., 
VIII,  p.  2 40),  conduirait  à  supposer  que  lassyrien, 
comme  Téthiopien,   réservait   ses  formes  ordinales 

J^ii  à  un  usage  spécial;  qu'il  avait  par  conséquent, 
pour  l'usage  commun,  d autres  formes  ordinales, 

soit  des  formes  Ju*» ,  comme  Thébreu  et  le  syriaque , 

soit  plutôt  des  formes  Jçli,  comme  Tarabe  et  Téthio- 

pien;  quenfm,  dans  beaucoup  de  cas,  nos  mascu- 
lins sanâ,  salsa,  ribû,  etc.,  nous  cachent  d'autres 

formés  que  des  formes  J^,  peut-être  des  formes 

Je  me  résume.  L'assyrien  a  pu  avoir  deux  formes 
simples  de  npnibres  ordinaux  :  une  forme  JftU ,  pou- 
vant servir  à  toutes  les  numérations;    une   forme 

Jyii,  servant  seulement  à  la  numération  des  divi- 
sions du  temps.  Ces  deux  formes,  par  suite  des  lois 
particulières  de  la  phonétique  assyrienne,  se  seraient 


302  ÂVRILMAI-JUIN   1889. 

fondues  en  une  seule  au  masculin.  On  ne  pourrait 
espérer  les  distinguer  quau  féminin,  les  premières 
ayant  dû  sonner  ^sanitu  (que  le  féminin  sanîtu  de 
sanû  «  autre  »  rend  extrêmement  probable),  ^saliltu^ 
*ribîta,  ^Ijtamilta;  les  secondes,  qui  sont  seules  as- 
surées, sonnant  sanâta,  salulta,  *ribâtu,  *hamultu, 
etc Je  remarque  pourtant  que  ces  formes 

J&li,  que  je  suppose,  se  confondraient  maintes  fois 

avec  les  formes  des  noms  de  nombre  cardinaux 
correspondants  ;  ex.  :  *  hamilti  «  cinquième  »  avec 
hamilti  «  cinq  » ,  *sibîti  «  septième  »  avec  sibitti  «  sept  »• 
Cette  considération  aurait-elle  déterminé  les  Assy- 
riens à  laisser  tomber  les  formes  ordinales  Jçli  en 

désuétude,  et  à  ne  retenir  que  les  formes  tijM?  On 
n'en  peut  aujourd'hui  rien  savoir.  L'habitude  d'écrire 
les  nombres  en  chiffres,  qu'avaient  prise  les  scribes 
assyriens,  et  à  laquelle  ils  n'ont  dérogé  qu'acciden- 
tellement, a  laissé  venir  à  notre  connaissance  la 
prononciation  d'un  si  petit  nombre  de  numéraux 
que  plus  d'une  question  relative  à  cette  partie  de 
]a  grammaire  doit  demeurer  encore  en  suspens. 

2**  Il  existait  aussi  en  assyrien  des  nombres  ordi- 
naux  à   forme  composée,   les  uns  terminés  en  ^* 

(45-)  »  comme  ceux  de  l'hébreu ,  d'autres  terminés  en 

dy,  comme  ceux  du  syriaque  et  de  l'éthiopien  ^ 

^  Tandis  que  l'arabe  et  Thébreu  ne  connaissent  que  la  termi* 
naison  adjectivale  i,  a.  Texclusion  de  ây,  et  que  Taraméen  ne  con- 
naît au  contraire  que  la  terminaison  ày,k  lexciusion  de  i,  Tassyrien 
employait  concurremment  ces  deux  terminaisons,  de  même  que 


LES  NOMBRES  ORDINAUX  EN  ASSYRIEiN.  303 

Nous  relevons  en  effet  :  sanmnâ  «huitième» 
(Haupt,  B.JS.E.,  54,  8;  55,  2/i),  à  côté  de  la 
forme  simple  samna^.  Or  samanâ  est  l'accusatif  de 
samanû,  qui  me  paraît  être  pour  *samaniiyya,  et  où 
nous  retrouvons  par  conséquent  la  terminaison  de 
••rpiî^.  Samasurû  «dix-huitième»  (dans  im  contrat 
daté  de  Séleucus  Philopator,  année  68  des  Séleu- 
cides,  1.  2,  4,  etc.).  Ce  samasarâ  est  visiblement 
contracté  de  *  saman-esurâ  et  paraît  présenter  dans 

*€siirâ  «  dixième  »  la  réunion  de  la  forme  Jyih  et  de 
la  terminaison  ^.  Salasé  «trentième»  (IV,  28  a, 

5),  génitif  de  salasâ,  pour  * salâsâiyyu.  Enfin,  à  côté 
delà  forme  simple  saUa,  la  forme  composée  saUây 
«troisième»  (V,  3,  48),  offrant  la  terminaison  ây 
de  Féthiopien  ■YA4J&  «  et  du  syriaque  Jlî  J(C^t . 

Quelles  formes  simples  sont  à  Torigine  de  ces 
différentes  formes  composées?  En  d'autres  termes, 
sur  quelles  formes  simples  sont  venues  se  greffer 
les  terminaisons  i  ou  ây?  Dans  samasarûf  on  ne  peut 

guère  se  refuser  à  reconnaître  la  combinaison  Jyii 
+  ^2.  On  peut  douter,  au  contraire,  comme  je 

l'éthiopien.  La  preuve  que  certains  ethniques  assyriens,  aéàurâ,  ak~ 
kadû,  elamû,  sont  bien  des  formations  en  t  (pour  * aàiurijyu ,  *ak- 
kadiyyu,  *elamiyyu)^  nous  est  fournie  par  les  féminins  aS^aritu, 
akkaditu  (I,  li,  36;  lày  86;  II,  46  b,  2,  4).  Lei  ethniques  plus 
communément  usités  en  ây,  |^  l^,  formaient  leurs  féminins  en 
âyitu,  aitu:  Dài^-èarginâyUi  (Caillou  Michaux,  col.  1,  1.  i4);  arkâ- 
yiiu  (G.  Smith,  //./!.,  p.  260,  0). 

*  Conservé  dans  arahsamtm,  ptS^n'^D. 

''•  C£  cependant  plus  bas,  p.  307:  formes  composées ,  1°,  2°,  nota. 


304  AVKIL-MAI.JUIN  1889. 

lai  expliqué  plus  haut  à  propos  de  salsa,  si  ialsây 
est  composé  de  *  salis,  ou  de  *  salis,  ou  de  îaliu,  + 
ây,  Salasê  n offre  pas  de  difficulté;  il  doit  se  lire 
salâsé,  avec  â  long  après  le  lamed,  et  se  décomposer 
en  salâsâ  «  trente»  +  iyyu  (cf.  l'éthiopien  9^449 1). 
Mais  c  est  toute  autre  chose  pour  scunanâ  «  hui- 
tième »,  qui  va  nous  retenir  plus  longtemps. 

A  première  vue,  on  peut  être  tenté  d'assimiler 
samanâ  pour  *  samaniiyya  à  salMê  pour  salôiâiyyi; 
d'admettre  que  tous  les  deux  également  sont  formés 
directement  des  cardinaux  * samâni  «  huit»  et  salâsâ 
«trente»;  de  transcrire  en  conséquence  *samânâ, 
comme  nous   avons   transcrit  salâsé,  avec  â  long 

après  la  seconde  radicale  (cf.  i±>^,  ^Lf  et  db^* 
naûçf  ).  On  pourrait  croire  que  l'assyrien  a  été  amené , 
par  les  lois  particulières  de  sa  phonétic[ue,  à  con- 
fondre dans  une  seule  et  même  forme  des  ordinaux 
d'unités  et  des  ordinaux  de  dizaines,  qui  avaient 
étymologiquement  une  forme  différente  :  saMsû  pou- 
vant provenir  aussi  bien  de  *salâsiyya  que  de  ^saM" 
sâiyya;*  samânû,  aussi  bien  de  *  samânxiyya  que  de 
* samânâiyya.  L'usage  seul,  en  ce  cas,  se  fût  chargé 
d'établir,  entre  des  formes  devenues  identiques,  les 
distinctions  que  n'eussent  plus  marc[uées  la  gram- 
maire et  la  prononciation.  Puisqu'il  est  souverain 
maître,  il  pouvait  sans  peine  décider  que  salâsâ 
serait  réservé  à  l'expresîiion  de  «  trentième  »  et  ne 
signifierait  jamais  «troisième»;  que  *samânâ  serait 
réservé  à  l'expression  de  «  huitième  »  et  ne  signifie- 
rait jamais  «  quatre-vingtième  ». 


LES  NOMBRES  ORDINAUX  EN  ASSYRIEN.  305 

Je  ne  crois  pas  qu'il  en  ait  été  ainsi,  ni  qu'une 
forme  *samânâ  «huitième»  ait  existé.  Dans  aucune 
langue  sémitique,  les  adjectifs  ordinaux,  pour  les 
nombres  de  3  à  lo,  ne  sont  formés  des  thèmes 
des  noms  de  nombre  cardinaux;  ils  sont  toujours 
tirés  de  la  racine  même  de  ces  thèmes  au  moyen  de 

formes  particulières,  JçU,  Ja«*  ou  J^.  C'est  ainsi 

qu  en  arabe  et  cjuen  éthiopien ,  où  les  ordinaux  ont 

la  forme  J^li,  il  n'y  a  plus  trace  dans  eJÉ  et  ^é , 

"f Aft  •  et  ikrTr  t ,  «ff A4J&  i  et  47" W  • ,  de  l'a  long  qui 
meut  la  seconde  radicale  des  thèrties  cardinaux  cor- 
respondants^; pas  plus  qu  il  n'y  a  trace  dans  (j^w, 
un  «  Hr^fi  «  Hr^V  •  du  yod  final  qui  apparaît 
dans  les  cardinaux  JJêy  n:ûçf,  JLa^L  et  A^li,  et 

qui  réapparaît  dans  l'ordinal  éthiopien  ù^\f^  ». 

Dans  ce  dernier  ordinal  â^Vï»,  nous  retrou- 
vons aussi,  après  la  seconde  radicale,  l'a  long  du 
thème  cardinal  A^l«.  C'est  qu'en  effet,  dans  les 
seules  langues  sémitiques  qui  possèdent  des  adjectifs 
ordinaux  pour  les  dizaines ,  en  éthiopien  et  en  ara- 
méen,  ces  ordinaux  ne  sont  plus  tirés  de  la  racine 
au  moyen  de  formes  spéciales,  comme  les  or- 
dinaux d'unités,  mais  des  thèmes  cardinaux,  au 
moyen  de  terminaisons  :  d/^&%  >  ip44%  >  j-*  *  **^^  , 

jii:i:6ii,etc. 

'  L'hébreu  et  le  syriaque  employant  pour  leurs  ordiuaux  la 
forme  J^uO  (i  ioug  après  ia  seconde  radicale),  ou  ne  saurait  invo- 
quer ici  leur  témoignage. 


300  AVRiLMAI-JUlN    1889. 

J'en  conclus  que  Tidenlité  de  nos  deux  formes 
samanâ  «  huitième  »  et  salace  «  trentième  »  n  est  qu'ap- 
parente. Il  faut  nous  garder  ici  d'une  illusion  c[ui  a 
sa  cause  dans  certaines  incertitudes  de  l'orthographe 
assyrienne.  Les  Assyriens  ne  prenaient  pas  toujours 
la  peine  de  distinguer  les  voyelles  longues;  de  là  la 
leçon  salasé.  D'autre  part ,  ils  écrivaient  quelquefois 
des  voyelles  qu'ils  ne  prononçaient  pas  ou  qu'ils 
prononçaient  très  légèrement,  et  cpie  je  ne  saurais 
mieux  comparer  qu'aux  sclievas  composés  de  l'hé- 
breu. Quand  nous  relevons  dans  les  textes  les  va- 
riantes orthographiques  araba ,  ariba  et  araba  «  arabe  », 
atwnu,  cu'ùnu  et  arama  «araméen  »,  qu'est-ee  à  dire 
sinon  que  les  Assyriens  prononçaient  évidemment 
ar^ba  et  ar*mu^?  Cela  nous  explicpie  l'orthographe 
samanâ  (prononcer  sam'nâ,  avec  un  ïiateph-patah 
après  le  mém)  pour  samnû.  Et  nous  sommes  ramenés 

ainsi  à  une  forme  composée  normale  :  Js\l   Juxj 

ou  Jyii  +  ^^. 

Voici,  dans  l'état  actuel  des  connaissances,  com- 
ment je  présenterais  le  tableau  d'ensemble  des  ad- 
jectifs ordinaux  assyriens  : 


l"    ORDINAUX  DES  UNITES. 


A.  Formes  simples. 

a.  Masc.  :  palu.  —  Il  n'est  pas  possible  de  dé- 
cider si  cette  forme  est  une  forme  J^li,  Ja«*  ou 

^  Cf.  IL  Pognon,  Inscription  de  Bavian,  p.  1 1 2-1 1 3 ;  F.  DeliUsch  , 
îVo  lag  dos  Parodies,  p.  2  58. 


LES  NOMBRES  ORDINAUX  EN  ASSYRIEN.  307 

Jyii.  Je  pencherais  à  admettre  quelle  provient  con- 
curremment de  formes  Js\l  et  Jyîs . 

b.  Fém.  :  paaltn.  —  Provient  certainement  de 
iuyij.   Cf.  l'éthiopien  +Ih0¥  i  (Mathieu,  27,  46). 

B.  Formes  composées. 

a.  Masc.  :  paulû.  —  Paraît  provenir  de  Jyà  -j- 
^.  Ex.  :  samasurû  «  dix-huitième  »,  composé  de  sa- 
man  +  esurâ. 

b.  Masc.  :  palâ.  —  Provenance  incertaine.  Pour- 
rait  être  pour  J^  +  <^;  est  plutôt  pour  Jsis  + 
^-..  Ex.  :  samanu,  à  lire  sam'nd. 

[Nota.  On   pourrait  songer  à  réunir  les   deux 

formes  précédentes  en  une  seule,  pa7tt  ( J*li  +  <^-). 

Esurâ  serait  alors  écrit  pour  es'râ,  comme  samanû 
pour  sam'nu.  Nous  éviterions  ainsi  la  difficulté  d'ad- 
mettre en  assyrien  des  formes  composées  de  J^ , 
formes  sans  analogie  dans  les  autres  langues  sémi- 
tiques. Xi'existence  de  formes  composées  de  J^li  est 
assurée,  au  contraire,  par  l'éthiopien.] 

c.  Masc.  :  palây.  —  Provenance  incertaine. 
Pourrait  être  pour  J^  H-  ây;  est  plutôt  pour  Jçli 

H-  ây.  Ex.  :  salsây  «  troisième  ».  Cf.  la  forme  éthio- 
pienne ^Aifi  I . 

Pas  de  féminins  connus. 


308  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 


a*"    ORDINAUX  DES  DIZAINES. 


Sont  formés  des  noms  cardinaux  des  dizaines 
plus  de  la  terminaison  adjectivale  iyyu.  Ex.  :  salâsâ 
«  trentième  n^our* salâsâiyyu. CLÏ éthiopien v^A^Ht  t. 

APPENDICE. 

Le  précédent  article  était  déjà  écrit  quand  a  paru 
YAssyrische  Grammatik  de  M.  Friedrich  Delitzsch. 
J'en  ai  retranché  toute  une  seconde  partie,  où  je 
traitais  de  la  syntaxe  des  noms  de  nombre  assyriens, 
cardinaux  et  ordinaux,  et  où  je  donnais  un  tableau 
de  toutes  les  formes  relevées  jusqu'à  présent  dans 
les  textes.  Elle  aurait  été  superflue,  après  Texcellent 
exposé  de  M.  Delitzsch.  Mais  j  ai  pensé  que  la  pu- 
blication de  la  première  partie  pouvait  encore  pré- 
senter quelque  intérêt,  bien  que  je  ne  sois  plus  le 

premier  à  signaler  la  forme  Jyi*  d'une  série  des 
nombres  ordinaux  assyriens.  On  aura  remarqué  que 
sur  quelques  points  mes  conclusions  différent  de 
celles  de  M.  Delitzsch. 

Des  pages  supprimées  de  mon  travail,  je  retien- 
drai seulement  les  quelques  observations  suivantes  : 

1°  Le  féminin  istcnit  ne  me  parait  pas  sûr.  V, 
34,  col.  1,  28,  cité  par  M.  Delitzsch  (p.  2o3), 
donne  :  is-ti-en-i-ti  sanu  Comment  expliquerait-on 
le  masculin  sanî  «deuxième»,  après  le  féminin  S- 
tenili  «  une  »?  Je  crois  qu'on  doit  lire  plutôt  :  istén 
iti  sanî,  et  traduire  peut-être  «  l'un  à  côté  de  l'autre  ». 

L'orthographe  idéographique  J  ^^Jdoit  être  lue. 


LES  NOMBRES  ORDINAUX  EN  ASSYRIEN.  309 

selon  moi,  êdit^,  ainsi  que  la  supposé  le  premier 
M.  Pinches.  D'après  les  lois  de  la  phonétique  assy- 
rienne, êdit  répond  aussi  parfaitement  à  ^^«XaLt  ou 
5<Xzwt^,   nnK,  ]l^,  que  éda  à  «x^t,  in$,  «^.  Cf. 

bélu,  fém.  bêlit,  et  d  autres  formes  analogues.  La 
forme  ahadat  (Delitzsch,  p.  208),  qui  ferait  double 
emploi  avec  notre  êdit  et  contredirait  aux  lois  pho- 
nétiques de  lassyrlen,  est  à  rayer.  MM.  MûUer  et 
Peiser  ont  porté  à  cette  forme  le  dernier  coup  dans 
la  Zeitschrift  fur  Assyriologie ,  II,  p.  282.  Le  fémi- 
nin d'istén  est  istat  (Delitzsch,  p.  2o3). 

Peut-être  enfin  doit-on  distinguer  en  assyrien 
deux  formes  primitives  éda  et  wêda  (cette  dernière 
écrite  ^J^-  ^  ^^[.  V,  12  J,  3i),  cpii  répondraient 
aux  deux  formes  de  Tarabe  «XiLl  et  «Xa^t^,  et  qui 

ont  dû  finir  par  se  confondre  en  assyrien. 

2"*  A  côté  du  masculin  stnâ  «  deux  »,  M.  Delitzsch 
a  omis  le  féminin  sitênf  qua  fait  connaître  M.  Pin- 
ches [P.S.B.  A.f  VIII,  p.  2/10).  Les  deux  formes 
ont  la  terminaison  du  duel,  comme  d  ailleurs  dans 

toutes  les  langues  sémitiques  :  ^lut ,  ^Ui^t ,  ^ui>  ; 

c^JÇf,  D^rttç^;  ^il,  ^L^L*  Il  ne  peut  y  avoir  aucune 
difficulté  pour  sina^  qui  a  la  terminaison  habituelle 
des  duels  assyriens,  à,  abrégée  de  ani.  Quant  à  siiên 
(écrit  <!►-  ^K) ,  je  crois  que  ce  mot  a  conservé 
mieux  que  linà  la  primitive  forme  du  duel  *sitân 

yQ 

(pour  *sintâni,  ^Ul5,  *  sittâni),  devenue  *  sitân,  puis 

^  Cf.  edtu ,  ettu ,  Delitzsch ,  p.  2  08.  Edia  est  i'état  emphatique  de  éàiX. 


310  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

Htén,  au  lieu  d'être  devenue  *sitâ.  On  reconnaîtra 
la  grande  probabilité  de  cette  opinion ,  si  Ton  con- 
sidère que  nous  retrouvons  les  terminaisons  an  et 
en  dans  les  mots  assyriens  suivants,  qui  signifient 
«les  deux,  tous  deux,  deux  par  deux»,  ambo^  : 
masculin,  kilallân,  kilalén  et  kUallé  (lU,  i3,  col.  4* 
1 7  ;  III,  68  a,  68 ;  Sargon ,  Cyl. ,  3 1 ,  66  ;  Taur. ,  82  ; 
Del.  A  Ly  79  6,  9;  Hammourabi,  I  du  Louvre, 
col.  1,  23;  IV,  22  6,  11);  et  féminin,  kilattân  (I, 
47,  col.  5,  54;  I,  56,  col.  5,  59).  Il  faut  comparer 
kilallân  et  kilattân  à  Téthiopien  tiAI^  t  bAl^ik  1  llA- 
Ib^ti  «un   couple,  deux,  tous  deux»;  à  Thébreu 

D^N^?  et  àlarabe  ^^,  J^. 

i'*  La  forme  masculine  du  cardinal  selâia  «  trois  », 
que  M.  Delitzsch  met  entre  crochets  (p.  2o3)  et 
semble  considérer  comme  hypothéticpie,  est  assurée 
par  V,  34,  col.  1,  27.  On  est  peut-être  autorisé  à 
admettre  une  forme  féminine  construite,  ialâSat  ou 
selÂsat,  daprès  I,  3o,  col.  1,  Ix'j:  JJ!  ^  abdnât 
sadé ana  dannûtisuna  iskunû, 

4"*  Salâsê[l\\  23  a,  5),  que  M.  Delitzsch  (p.  2o4) 
compte  au  nombre  des  formes  cardinales,  est  une 
forme  ordinale,  ainsi  que  cela  ressort  du  sumérien 
^<(  t^^^.  (Voir  ce  que  j'ai  dit  plus  haut  au  sujet 
de  cette  forme.) 

^  Voir  sur  ces  mois  Jensen,  Z,  K,,  II,  p.  807  et  3o8  :  «  Kilallân 
und  hilattân  sind  selbstverstândiich  aile  Dualformen.  »  Je  remarque 
seulement  que  l'orthographe  hi-la-U-en  de  Hammourabi  contredit 
la  lecture  killân  de  M.  Jensen.  Le  féminin  hilattân  serait  donc  pour 
kilaltân. 


LES  NOMBRES  ORDINAUX  EN  ASSYRIEN.  3 1 1 

5**  Avons-nous  dans  le  tesûtam  de  Strassmaier, 
11**  89  7  I ,  la  forme  féminine  de  tesâ  «  neuvième  ^  »  ?  La 
première  moitié  de  la  foniie  masculine  ti'[sâ]  nous 
est  conservée  dans  Haupt,  B.N.E.,  p.  54,  8. 

6"*  La  forme  ordinale  samasarA  «  dix-huitième  » 
(contractée  de  *  saman-esarâ)  est  donnée  par  un 
contrat  du  règne  de  Séleucus  Philopator,  année  68 
des  Séleucides ,  1.  2 ,  4  et  suiv.  On  en  déduit  logique- 
ment la  forme  *esitrâ  «  dixième  ».  Mais  je  ne  connais 
pas  d'exemple  de  fordihal  esm,  cité  sans  référence 
par  M.  Delitzsch,  p.  2o5. 

7**  UistânUf  que  M.  Delitzsch  (p.  208)  regarde 
comme  un  adjectif  numéral ,  est  un  adverbe ,  tout 
comme  saniânuei  salsiâna,  et  signifie  «  une  fois,  une 
seule  fois  ».  Les  eicemples  que  j  ai  relevés  de  ce  mot 
permettent  tous  cette  traduction»  IV,  1  i,  34,  35  : 
Nis  Istar  saianà  qibitisa  Anunnaki  istâna  là  isaru  lu 
tamâtal  «  Jure  par  le  nom  d'Istar,  contre  les  ordres 
de  qui  jamais  (iitt.  :  pas  une  seule  fois)  les  Anunnaki 

ne  se  révoltent!  »  IV,  1  6  a,  8  :  Mâmit ,  asurat 

samê  n  irsitim  sa  là  iittakkaru,  ila  istâna  là  muspila 

«  Serment ,  loi  des  cieux  tt  de  la  terre  qu'on 

ne  viole  pas,  que  même  un  dieu  jamais  (pas  une 
seule  fois)  n'enfreint^».  D'ailleurs  un  quatrième  ad- 
verbe de  temps  montre  la  même  terminaison  ânu. 
C'est  arkânu  «  ensuite,  après  cela  ». 

A 

^  Cf.  h  citation  de  M.  Delitzsch,  p.  206:  [{/ma]  XlV-fa  «am  i4. 
ïag»,  K.  .S 567  y\.  18. 

^  De  même  Virgile  a  dit  du  Styx  :  «Di  cujus  jurare  timent  et 
fallere  numen»,  et  Ovide:  «Timor  et  deus  iile  deoruin». 


312  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

8°  A  en  juger  d  après  la  transcription  de  MM.  Op- 
pert  et  Menant,  Documents  jaridicjues,  p.  3i5,  un 
contrat  daté  de  Démétrius  donnerait  les  formes  car- 
dinales (?)  esrila  «dix»  (1.  5)  et  senesrita  «douze» 
(1.  3),  ainsi  que  la  forme  ordinale  (?)  tisu  «neu- 
vième »  (1.  3). 

g""  Il  me  semble  quauprès  du  cardinal  istat  et 
des  ordinaux  sanûtum,  salaliam,  etc.  (IV,  5 1 ,  col.  4, 
4 9  et  suiv.),  il  faut  sous-entendre  ûmta  «jour».  On 
lit  en  eflet  aux  lignes  précédentes,  46  et  A8  :  u  ûmi 
sa  ittila  ina  igari  elippi,  etc. ...  «  et  pendant  les  jours 
quizdubar  dormit  dans  Tintérieur  du  vaisseau,  la 
femme  de  Pir-napisti  prépara  le  remède  [karam- 
mata)  et  le  plaça  sur  sa  tête  (dlzdubar).  Et  pendant 
les  jours  qu'il  dormit  dans  l'intérieur  du  vaisseau, 

le  premier  jour,  etc ».  Comparez  romission 

du  mot  «jour»  en  éthiopien  avec  les  formes  ordi- 
nales «J^  (Dillmann,  Grammatik  der  ^thiopischen 
Sprache,  S  iSg  b). 


L^artide  qu'on  vient  de  lire  était  sous  presse  lorsque  la  fin 
cruelle  de  Tauteur  est  venue  ajouter  une  tristesse  à  toutes 
celles  qui  ont  assombri  nos  études  depuis  une  année.  Tra- 
vailleur persévérant  autant  que  modeste,  M.  Amiaud  s*était 
fait  une  place  honorable  dans  le  domaine  de  Térudition 
orientale;  il  avait  déjà  contribué  vaillamment  aux  progrès 
des  études  assyriologiques  et  leur  promettait  davantage  pour 
l'avenir.  Sa  mort  et  les  circonstances  douloureuses  qui  Tont 
accompagnée  nous  inspirent  des  regrets  auxquels  notre  So- 
ciété et  les  lecteurs  du  Journal  asiatique  voudront  unanime- 
ment s'associer.  B.  M. 


LE   PATRIAKCHE   MAR  JABALAHA   II.         313 

LE  PATRIARCHE  MAR  JARALAHA  II 

ET 

LES   PRINCES    MONGOLS    DE    L'ADHERBAIDJAN, 

PAR 

M.  RUBENS  DUVAL. 


M.  Bedjan,  missionnaire  lazariste^  dont  les  nom- 
breuses publications  syriaques  ont  rendu  tant  de 
services,  vient  de  faire  paraître  une  Histoire  àa  pa- 
triarche Jabalaha  et  de  Rabban  Çauma  ^  Pour  cette 
édition ,  l'auteur  n'a  eu  à  sa  disposition  qu  une  copie 
faite  à  Ourmiah  en  Perse,  en  1887,  ^^^  ^^  manu- 
scrit qui  paraît  être  un  unicam  et  qui  a  depuis  dis- 
paru sans  que  M.  Bedjan  ait  pu  se  procurer  aucun 
renseignement  sur  son  âge  ou  sa  provenance^.  Le 
livre  n'est  sans  doute  jamais  sorti  de  TAdherbaidjan 
où  il  a  vu  le  jour;  il  est  cependant  bien  instructif 
pour  rhistoire  non  seulement  des  Nestoriens,  mais 
aussi  des  princes  mongols  de  TAdherbaidjan  de  la 
fm  du  xrii*  siècle.  Il  est  rempli  de  détails  qui  ne  toiï- 

'  Paris,  Maisonneuve »  1888,  in-12,  i85  pages. 

'  M.  Bedjan  m'écrit  cependant  qu*il  vient  de  recevoir  une  lettre 
de  M.  Salomon,  lazariste  chaldéen  de  Kurdistan,  qui  avait  fait  f^ire 
la  copie  à  Ourmiah.  Dans  cette  lettre ,  M.  Salomon  lui  dit  avoir  yu 
un  manuscrit  de  cette  histoire,  à  la  Mission  américaine  d*Ourmiah, 
mais  M.  Bedjan  ignore  si  la  copie  qui  lui  a  été  envoyée  vient  ^e 
cette  source. 

Mil.  ai 


314  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

chent ,  il  est  vrai ,  à  l'histoire  des  Mongols  que  dans 
les  rapports  de  ceux-ci  avec  les  chrétiens;  mais  les 
relations  du  patriarche  avec  les  khans  de  la  Perse 
étaient   si   fréquentes  que   ces    récits   offrent   une 
moisson  rémunératrice  pour  qui  veut  les  utiliser. 
Du  reste ,  pendant  la  longue  durée  de  son  patriarcat 
(87  ans),  Mar  Jabalaha  II  se  trouva  mêlé  aux  évé- 
nements qui  se  déroulèrent  sous  les  règnes  de  sept 
rois  mongols:  Abaca,  Ahmed,  Argoun,  Kaikhatou, 
Baidou,  Gazan,  CHdjaitou.  Cette  histoire  forme,  en 
quelque  sorte,  la  suite  de  la  chronique  de  Barhe- 
brœus;  elle  mérite  les  honneurs  dune  traduction; 
car,  dans  fédition  actuelle,  elle  nest  accessible  qu'à 
un  nombre  bien  restreint  de  savants.  Les  lecteurs 
du  Journal  me  sauront  gré  de  leur  présenter  un  ré- 
sumé de  cette  histoire  qui  leur  permettra  d  en  ap- 
précier la  valeur. 

La  copie  que  M.  Bedjan  a  eue  entre  les  mains  est 
souvent  fautive ,  mais  l'éditeur,  avec  sa  compétence 
bien  connue,  a  su  retrouver  la  bonne  leçon,  et  le 
texte  se  lit  aisément;  les  noms  propres  seub  prêtent 
quelquefois  au  doute. 

La  vie  du  patriarche  Màr  Jabalaha  II  est  intime- 
ment liée  à  celle  de  son  maître  et  conseiller  Rabban 
Çauma^  Celui-ci  naquit  à  Pékin  de  parents  âgés 


^  Çauma  e«t  une  abréviation  de  Bar  Çauma  (né  pendant  le  ca- 
rême). I^  forme  pleine  Rabban  Bar  Çauma  est  donnée  par  la  Chro^ 
ni<fa€  syriaque  de  Barhebraeus,  S^S,  4;  dans  la  lettre  adressée  par 
Argoun  au  roi  de  France ,  ce  personnage  est  nommé  Mar  Bar 
Çauma  ;  voir  Howort ,  History  of  the  Mongols ,  III ,  35o. 


LE  PATRIARCHE  MAR  JARALAHA  II.        315 

qui  étaient  chrétiens;  le  père  avait  même  une  fonc- 
tion ecclésiastique,  il  était  visiteur  (ou  périodeule); 
il  donna  à  son  iils  une  éducation  religieuse  qui  le 
prépara  à  la  vie  ascétique  pour  laquelle  il  se  sentait 
une  vocation.  Après  avoir  reçu  la  tonsure  du  métro- 
politain Mar  Guiwarguis^  Rabban  Çauma  s'enferme 
pendant  sept  ans  dans  une  cellule,  puis  se  retire 
dans  une  montagne  située  à  un  jour  de  marche  de 
la  ville  et  y  vit  dans  une  grotte. 

Mar  Jabalaha,  avant  d'être  élevé  à  la  dignité 
patriarcale,  s  appelait  Maixos;  il  était  né  en  12^5 
dans  la  ville  de  Koschang^;  son  père  était  un  archi- 
diacre du  nom  de  Bainiel;  il  reçut  une  instruction 
religieuse  supérieure  à  celle  de  ses  trois  autres  frères. 
Rempli  d  admiration  pour  Rabban  Çauma ,  dont  la 
vie  de  désintéressement  était  connue  au  loin,  il  se 
rend  auprès  de  lui;  après  un  noviciat  de  trois  ans, 
il  reçoit  la  tonsure  des  mains  du  métropolitain  Mar 
Nestorios  (sans  doute  le  successeur  de  Mar  Guiwar- 
guis).  Pris  du  désir  de  visiter  Jérusalem  et  les  lieux 
saints ,  Rabban  Cauma  et  Marcos  se  mettent  en  route 
pour  l'occident;  après  être  retournés  à  Pékin,  ils 
passent  par  Koschang,  dont  les  gouverneurs  Kon- 
bogha  et  Ibogha,  les  gendres  du  grand  Khan  (Cou- 


^  Le  métropolitain  de  Pékin  (y^^  U^)  ^^^  mentionné  dans  la 
liste  crAmrou  (milieu  du  xi\'  siècle);  voir  Assémani,  B,  O.,  II, 
458. 

^  Cette  ville  est  placée  par  l'auteur  entre  Pékin  et  Tangout,  à 
environ  quinze  jours  de  marche  de  Pékin  ;  il  s'agit  donc  vraisembla- 
blement de  la  ville  nommée  Kung-tsrhang. 

21  . 


3i6  AVRIL-MAI-JUIN    1889. 

blai),  étaient  chrétiens;  ils  arrivent  à  Tangout*;^ 
puis  i\  Khotan^,  après  deux  mois  de  marches  pé- 
nibles à  travers  le  désert  de  la  Mongolie.  A  celte 
époque  la  révolte  d'Oco  (ôjaônf)  contre  le  grand 
Khan  avait  semé  la  ruine  et  la  désolation  dans  ces 
contrées.  Quand  les  voyageurs  arrivent  à  Gasghar, 
ils  trouvent  la  ville  saccagée  et  vide  d'habitants  ;  ils 
se  rendent  auprès  de  Gaidou  ^  qui  leur  donne  des 
lettres  patentes,  puis  ils  entrent  dans  le  Khoraçan 
et  vont  se  reposer  dans  le  couvent  de  Mar  Çéhyon 
aux  environs  de  Tous  (aujourd'hui  Mesched).  Avant 
de  visiter  Jérusalem ,  ils  pensaient  descendre  à  Bag- 
dad pour  voir  le  patriarche  Mar  Denha;  mais, 
arrivés  à  Maragha,  ils  rencontrent  celui-ci  qui  s'y 
trouvait  de  passage.  Ils  continuent  néanmoins  leur 
route  vers  Bagdad  pour  voir  les  couvents  et  les 
églises  de  la  ville,  reviennent  par  Je  Beïth-Garmai , 
Arbèle,  Mossoul,  Singar,  Nisibe,  Mardin,  Gozarte, 
et  s'arrêtent  dans  le  couvent  de  Mar  Mîcael  de 
Tar^el*.  Quelque  temps  après,  le  patriarche  les 
mande  près  de  lui  et  les  envoie  prendre  les  ordres 
du  roi  Abaca. 

Du  camp  d' Abaca,  ils  se  rendent  à  Ani^  (an- 

^  Le  métropolitain  de  Tangout  figure  également  (hn%  la  iûtè 
<rAmrou. 

*  Ce  mot  es»  écrit , ^\  A\ 

'  Celui-ci  se  trouvait  5ans  doute  dans  la  province  de  Boukhara; 
ie  teite  porte  r^rk^  \\ 

*  Ce  couvent,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin,  était  situé 
près  d* Arbèle. 

^  Le  texte  porte  ;  QU40  û!^^SfXAàr<! ^^^fiXt-HSO^  COaiTO* 


LE   PATRIAHCHE  MAK  JABALAHA  IL         317 

cienne  capitale  de  TArménie),  dont  ils  admirent  les 
édifices  et  visitent  les  églises  et  les  monastères;  ils 
veulent  pénétrer  en  Géorgie  (rCjX^ck^^^^jCD), 
mais  ils  apprennent  que  les  voies  sont  coupées  par 
des  bandes  de  pillards.  De  retour  auprès  du  pa- 
triarche, celui-ci  songe  à  les  renvoyer  dans  leur 
pays;  à  cet  effet,  il  fait  de  Marcos  un  métropolitain 
et  de  Rabban  Çauma  un  visiteur  général;  lors  de 
sa  consécration,  Marcos  reçoit  le  nom  de  Jabalaha 
indiqué  par  le  tirage  au  sort  sur  fautel.  Il  avait  alors 
trente-cinq  ans,  c était  en  1280;  il  est  nommé  mé- 
tropolitain de  Katai  (j\  ^)  et  d'Ouang  (  ^01^)^ 
Sur  le  point  de  retourner  en  Chine,  il  est  retenu 
par  la  nouvelle  que  les  routes  ne  sont  pas  libres; 
les  khans  des  deux  côtés  de  TAraxe  étaient  en 
révolte.  11  se  retire  avec  Rabban  Cauma  au  couvent 
de  Mar  Micael,  où  il  séjourne  environ  deux  ans. 
Après  ce  temps,  il  part  pour  Bagdad  prendre  les 
ordres  du  patriarche,  mais,  sur  le  point  d'arriver, 
il  apprend  la  mort  de  Denha  qui  venait  de  suc- 
comber. 

Maran-ammeh,  le    métropolitain  d'Klam,  con- 
voque, pour  l'élection  du  nouveau  patriarche,  les 


il  faut  lire  :  OVUQ  aX^^O  %irL  IV  dVl«nma  0.^^=73.  La  con- 
struction Tw.jL-.SO  .^A^ro  se  trouve  pi  us  loin,  ii3,  8. 

*  Katai  désigne  la  Cliine  du  Nord;  voir  Chronique  sjriaqae  de 

JlarhebrsBUs ,  218,  G  (où  il  faut  lire  ^  \,'^  pour  ^  \,*^)  ^^ 
44 1.  3.  Ouang  paraît  être  une  restriction  du  premier  nom  trop 
général;  c'est  peut-être  la  contrée  arrosée  par  le  fleuve  Jaune* 
Hoang-bo. 


318  AVRIL-MAI-JUIN  188^. 

métropolitains  de  Tangout,  de  Tirhan  et  du  Tour 
(Abdin),  qui  étaient  présents  à  Bagdad,  ainsi  que  les 
magnats  et  les  principaux  personnages,  les  scribes, 
les  juristes  et  les  médecins  de  Bagdad.  Après  de 
longs  débats,  Jabalaha  est  élu,  malgré  son  igno- 
rance de  la  langue  syriaque  et  ses  connaissances 
théologiques  peu  profondes;  son  choix  est  dicté  par 
la  considération  qu'il  sera  agréé  volontiers  par  le 
khan.  Après  avoir  regagné  le  couvent  de  Mar  Mi- 
cael ,  Jabalaha  va  recevoir  Tinvestiture  du  khan  qui 
passait  Tété  dans  la  montagne  Noire  (en  persan, 5ia^ 
coaA;  en  mongol,  caradagh^).  Le  roi,  après  avoir  ap- 
pelé sur  lui  la  bénédiction  du  ciel ,  lui  couvre  la  tête 
du  manteau  (nf-kfLsjrn)  qui  était  jeté  sur  ses  épaules, 
et  lui  remet  un  fauteuil^,  un  parasol  (yc^; mongol, 
-Koj^aitt),  une  tablette  d'or  portant  les  insignes 
royaux  (r^CiA;  mongol,  'Hôjcx&cum)^,  le  diplôme 
d  usage  avec  le  grand  sceau  du  précédent  patriarche; 
il  lui  donne,  en  outre,  l'argent  nécessaire  pour  les 
fêtes  de  l'imposition  des  mains.  Ces  fêtes  eurent  lieu 
à  Bagdad  au  mois  de  novembre  1 28 1 ,  le  dimanche 

'  Voir  sur  celte  montagne  :  Iakoat;  Barbier  deMeynard,  Die- 
tionn.  de  la  Perse,  p.  i5,  noie  1  ;  Hoffmann,  Auxzàge  aus  sjrischen 
Aclen,  p.  279. 

^  Dans  le  texle  :  >     *73  i^Qcn  ^cnoVv— »i^ 

1^'\Ckbk*\  lUCLfiO^Oâk;  voir  Dozy,  Su/tpl,  aax  d'ici,  arabes,  sous 


LE  PATRIARCHE  MAR  JABALAHA  IL        319 

de  la  Dédicace  de  TEglise;  Timposition  des  mains 
fut  faite  par  le  métropolitain  d'Elam ,  Maran-^ammeh , 
garde  du  siège  apostolique,  en  présence  de  :  Mar 
Jesuzacha,  métropolitain  d'Arbèle;  Gabriel,  métro- 
politain de  Mossoul  et  de  Ninive;  Elias,  métropo- 
litain de  Dacoc  et  de  Beth-Garmai;  Abraham,  mé- 
tropolitain de  Tripolis  et  de  Jérusalem;  Jacques, 
métropolitain  de  Samarcande;  Jean,  métropolitain 
de  TAdherbaidjan ,  et  de  vingt-quatre  évoques  ^.  Cette 
année-là  Abaca  alla  à  Bagdad  ;  il  honora  le  patriarche 
par  de  grands  présents  et  lui  accorda  une  pension 
annuelle  de  3o,ooo  dinars  ou  1 80,000  zouz  blancs. 
Cette  pension  cessa  detre  payée  à  la  mort  d' Abaca. 
Abaca  eut  pour  successeur  son  frère  Ahmed ,  fils 
de  Houlaghou.  Celui-ci  persécuta  les  chrétiens  à 
finstigation  des  musulmans.  Deux  évêques  jaloux 
du  patriarche  se  firent  introduire  auprès  du  roi  par 
le  vizir  Schams-ed-din  et  lescheikhAbd-er-Rahinan; 
ils  accusèrent  Mar  Jabalaha  d  être  du  parti  d*Argoun , 
fils  d*Abaca,  et  d'avoir  écrit,  d'accord  avec  Jasch- 
mout  (VvocnLse.),  gouverneur  de  Mossoul  (un  moine 
et  nazir) ,  à  Coublai  contre  Ahmed.  Le  but  du  com- 
plot était  de  faire  nommer  patriarche  Jesusabran, 
le  métropolitain  de  Tangout,  et  visiteur  général, 
Simon ,  alors  évêque  d'Ami.  Jabalaha ,  dépouillé  des 
insignes  du  pouvoir  patriarcal ,  est  cité  avec  Rabban 
Çauma  et  Jaschmout  devant  la  cour;  le  courrier  por- 
teur des  missives  du  patriarche  est  heureusement 

*  Voir  Assemaai,  B.  O,,  II,  456. 


320  AVRIL. MAI-JUIiN  1889. 

rattrapé  au  moment  où  il  allait  entrer  dans  ie  Kho- 
racan;  les  lettres  ouvertes,  Tinnocence  des  accusés 
est  reconnue.  Néanmoins  le  patriarche  demeure  en 
prison  une  quarantaine  de  jours  au  milieu  des  an- 
goisses et  des  privations.  On  laurait  même  fait  périr 
sans  Tintervention  de  la  mère  du  roi  et  des  émirs; 
il  fut  enfin  relâché  et  remis  en  possession  de  ses 
insignes.  Il  se  retira  à  Ourmiah  {joo-Honf),  puis  à 
Maragha.  Pendant  ce  temps,  Ahmed  marche  à  la 
tête  de  ses  troupes  vers  le  Khoraçan  pour  s  emparer 
d'Argoun;  en  cas  de  succès,  il  devait  se  faire  pro- 
clamer calife  à  Bagdad  et  se  débarrasser  de  Mar 
Jabalaha,  mais  ses  projets  furent  déjoues;  ses  armées 
furent  taillées  en  pièces  ou  tournèrent  du  côté  d'Ar- 
goun.  Ahmed  fut  pris  et  tué  en  i  a84* 

Une  nouvelle  ère  de  tranquillité  commença  pour 
les  chrétiens  avec  le  règne  d'Argoun.  Ce  prince 
comble  le  patriarche  de  ses  faveurs  et  veut  faire 
mettre  à  mort  les  évêques,  ses  délateurs;  mai^,  à 
Tintercession  de  Mar  Jabalaha,  ils  sont  seulement 
destitués  de  leurs  fonctions  ecclésiastiques  à  la  suite 
d*un  procès  fait  en  règle.  Le  patriarche  profite  de 
son  crédit  auprès  du  roi  pour  reconstruire  féglise 
de  Maragha,  auprès  de  laquelle  il  se  bâtit  une  rési- 
dence. 

Argoun,  poussé  par  un  pieux  zèle  et  peut-être 
aussi  par  Tesprit  de  conquête,  voudrait  s  emparer 
de  la  Palestine  et  de  la  Syrie  ;  il  aurait  besoin  dans 
ce  but  du  concours  des  rois  de  l'Europe.  Rabban 
Çauma  est  désigné  poqr  une  mission   au  pays  des 


LE   PATRIARCHE  MAR  JABALAHA  II.         321 

Francs ^  Il  part  muni  d'instructions,  de  lettres 
et  de  présents  pour  chaque  roi;  on  lui  compte 
2,000  mithqals  d*or  et  il  reçoit  une  escorte  de 
trente  cavaliers.  Il  se  rend  par  l'Asie  Mineure  à 
Constantinople  où  il  est  reçu  avec  pompe  par  Tem  • 
pereur^.  De  Constantinople,  Rabban  Çauma  s  em- 
barque pour  ritalie  (rCiiX^'^A  ^fVjca);  sur  le  bord 
de  la  mer,  il  visite  un  couvent  qui  renferme  de  pré- 
cieuses reliques.  Il  passe  devant  l'Etna,  traverse  la 
passe  du  dragon  (détroit  de  Messine)  et  aborde  à 
Naples  où  il  est  reçu  par  le  roi  Charles  d*Anjou  ^. 
Pendant  le  séjour  de  Rabban  Çauma  à  Naples ,  eut 
lieu  un  combat  naval  entre  la  flotte  de  Charles 
d'Anjou  qui  cherchait  à  recouvrer  la  Sicile  et  celle 
de  Jacques  d'Aragon. 

Dans  ce  combat,  dont  Rabban  Çauma  fut  spec- 
tateur du  haut  d'une  terrasse,  les  Napolitains  furent 
vaincus    et    douze    mille    hommes   succombèrent. 


*  Le  texte  porte  partout  1<I»^^'>À  pour  lu!^v\£i;  la  Chro- 
nique syriaque  de  Barhebraeus  a  Ta  bonne  ortbograplie. 

^  Dans  chaque  ville  que  visitera  Rabban  Çauma,  Tauteur  nous 
fera  passer  en  revue  ]es  monuments ,  surtout  les  églises  et  les  mo- 
nastères que  compte  la  ville;  les  reliques  et  les  Joyaux  attirent  son 
attention;  il  y  a  dans  ces  descriptions  maintes  notices  intéressantes 
pour  Tarchéologue;  elles  ont  été  rédigées  de  visu,  car  elles  sont 
empruntée»  au  journal  de  voyage  de  Rabban  Çauma  ;  mais ,  quoique 
Tautear  de  notre  livre  les  ait  écourtées,  nous  ne  saurions  les  repro- 
duire sans  étendre  démesurément  cet  article. 

'  Comme  le  remarque  M.  Bedjan ,  Charles  H  d^Anjou  ne  régnait 
alcvs  (en  1:187)  ^"^  nominativement,  car  il  était  prisonnier  en 
Sicile,  où  régnait  Jacques  II  d'Aragon.  La  date  de  1287  est  assurée 
par  ce  qui  est  dit  plus  loin,  au  sujet  du  jape  (Honorius  IV)  qui 
venait  de  mourir. 


322  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

Rabban  Çauma,  se  souvenant  sans  doute  des  hor- 
reurs des  guerres  des  Mongols,  remarque  que  les 
batailles  en  pays  franc  ne  causent  aucun  dommage 
aux  populations  voisines.  Il  gagne  Rome  par  voie  de 
terre;  en  route,  il  apprend  la  mort  du  pape  (Hono- 
rius  IV).  A  son  arrivée,  il  se  rend  au  conseil  des 
douze  cardinaux  qui  administraient  par  intérim  les 
affaires  de  TEglise.  Il  subit  un  long  examen  sur  les 
dogmes  des  Nestoriens,  puis  il  est  autorisé  à  visiter 
les  monuments  et  les  lieux  saints  qui  excitent  son 
admiration  à  un  haut  degré.  Il  prend  congé  des  car- 
dinaux qui  ne  se  croient  pas  autorisés  à  lui  donner 
une  réponse  au  sujet  de  la  mission  dont  il  est  chaîné , 
traverse  la  Toscane  et  s  arrête  à  Gênes  où  il  n  y  a 
pas  de  roi ,  mais  un  chef  élu.  G*était  au  moment  du 
carême ,  il  remarque  que  le  jeûne  ne  dure  que  qua- 
rante jours  et  que  les  Nestoriens  commencent  le 
carême  une  semaine  plus  tôt  que  les  Francs. 
A  Paris,  le  roi  (Philippe  IV)  accueille  avec  empres- 
sement TolFre  de  concourir  à  la  conquête  de  la 
Terre-Sainte  et  promet  d'envoyer  un  député  au  roi 
Argoun  pour  s'entendre  avec  lui  à  ce  sujet.  Il  y 
avait  alors  3o, 000  [sic)  étudiants  entretenus  aux  frais 
de  rÉtat.  En  Angleterre,  il  est  reçu  avec  une  grande 
joie  et  trouve  les  esprits  disposés  à  tenter  une  nou- 
velle expédition  en  Palestine.  H  retounie  passer 
l'hiver  à  Gênes ,  un  vrai  paradis ,  sans  chaleurs  arides , 
sans  froids  vifs;  les  arbres  y  conservent  leurs  feuilles 
et  leurs  fruits  en  tout  temps;  une  espèce  de  vigne 
donne  des  fruits  sept  fois  par  an.  A  la  fin  de  l'hiver 


LE  PATRIARCHE  MAR  JABALAHA  II.        323 

—  il  y  avait  déjà  une  année  entière  qu  il  avait  quitté 
Rome — il  rencontre  h  Gênes  le  visiteur  (t^^on^SA) 
délégué  par  le  pape,  qui  venait  d'Allemagne;  celui-ci 
veut  l'amener  à  Rome  avec  lui ,  mais  Rabban  Çauma 
ne  pense  pas  utile  de  laccompagner,  puisque  le  trône 
pontifical  est  vide.  Cependant  Nicolas  IV  venait  d'être 
nommé  (  1 288  )  ;  il  fait  venir  Rabban  Çauma.  On  était 
alors  au  milieu  du  carême.  Le  pieux  voyageur  assiste 
à  tous  les  offices  du  dimanche  des  Rameaux,  de  la 
semaine  sainte  et  de  Pâques  ;  il  fait  une  description 
enthousiaste  des  fêtes  célébrées  à  cette  époque.  A  l'au- 
dience du  congé,  le  pape  lui  remet  des  reliques  et 
des  présents  pour  Argoun ,  pour  le  patriarche  Mar 
Jabalaha  et  pour  lui-même.  Il  arrive  auprès  d'Ar- 
goun  qui  le  félicite  du  succès  de  sa  mission  et  le 
retient  auprès  de  lui,  en  lui  confiant  la  direction 
d'une  église  qu'il  veut  créer  auprès  du  camp. 

Le  récit  de  ce  voyage ,  ajoute  l'auteur,  a  été  rédigé 
en  persan  par  Rabban  Çauma  et  nous  l'avons  traduit 
en  syriaque  après  l'avoir  beaucoup  abrégé. 

En  1898  des  Grecs  \  continue  notre  auteur,  Mar 
Jabalaha  est  appelé  par  Argoun  pour  installer  l'église 
du  camp.  Celle-ci  était  tout  près  de  la  tente  royale, 
au  point  que  les  cordes  de  cette  lente  s'enchevêtraient 

'  Cette  date  nous  reporte  à  Tannée  1 287  de  notre  ère.  11  y  a  là 
une  erreur  évidente,  comme  le  remarque  M.  BeJjan.  Rabban 
Çauma  quitte  Rome  après  les  fêtes  de  Pâques  1  288;  il  a  dâ  arriver 
au  camp  d* Argoun  à  Tautomne,  c*est-à-dirc  au  commencement  de 
Tannée  1600  des  Grecs.  Cette  erreur  se  répète  encore  deux  fois  plus 
bas  où  on  lit  1699  et  1600  des  Grecs,  au  lieu  de  1601  et  1602, 
pais  elle  disparaît  et  le  récit  présente  de  nouveau  les  vraies  dates. 


324  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

avec  celles  de  Tégiise.  Argoun  fit  à  cette  occasioL 
un  grand  festin  et  présenta  la  coupe  au  patriarche 
et  aux  personnages  de  sa  suite.  L'église  ne  quit- 
tait jamais  le  camp,  mais  le  suivait  dans  ses  migra- 
tions. 

A  la  fin  de  Tannée  1699  des  Grecs,  au  mois 
dlloul  (lire  :  1601,  c'est-à-dire  au  mois  de  sep- 
tembre 1290),  Argoun  se  rend  à  la  résidence  pa- 
triarcale à  Maragha,  pour  faire  confirmer  son  fils 
qui  avait  reçu  le  baptême  au  mois  d  août  précédent. 
Peu  de  temps  après,  il  meurt  (10  mars  1291). 

Les  chrétiens  étaient  encore  plongés  dans  le  deuil 
que  leur  avait  causé  cette  mort,  quand  on  apprit 
larrivée  du  frère  d' Argoun,  Irindjin  Tourdji^,  qui 
fut  couronné  sous  le  nom  de  Kaikhatou  (oVvajii.)^ 
au  mois  d  août  de  Tan  1 600  des  Grecs  (hre  :  1 60a  , 
c est-à-dire  1291  de  J.-C.^).  L auteur  fait  un  grand 
éloge  de  ce  prince  qui  se  montra  bienveillant  envers 
les  chrétiens;  il  respecta  toutes  les  religions  sans 
distinction,  se  montra  juste  et  impartial,  affable  et 
généreux.  Aussitôt  après  son  avènement, le  1 5  août, 
jour  de  la  fête  de  la  Vierge  (Assomption),  il  entre 
dans  Téglise  construite  dans  le  camp  par  la  prin- 

^  Ce  mot  est  écrit  :  ^x^cldV  ^^\j1^;   dans  la   Chronique 

syriaque  de   Barhebrxus,  il  est   écrit  plus  exactement  ^a^^"V1^ 

>^Aoo\.  D'aulres  auteurs  prononcent /rmc/tin  Darti/i;  v.Howort, 

loco  cit.,  p.  357. 

^  Dans  la  Chronique  syriaque  de  Barhebra!!U s, /oco  cit.,  Ckk\!^^. 

^  Le  règne  de  Kaikhatou  date  du  22  juillet  1291;  v.  llo>Yort,  loco 
cit.,  p.  aCo. 


V 


LE   PATRIARCHE  MAR  JABALAHA  IL         325 

cesse  Tokouz  fKhatoun  ^  ;  le  camp  était  alors  dans  la 
montagne  appelée  Aladagh  (pr^J^t^lAnf).  Mar 
Jabalaha  officiait;  Kaikhatou  lui  remit  20,000  di- 
nars et  neuf  robes  d'honneur. 

Rabban  Çauma,  auquel  son  grand  âge  ne  per- 
mettait plus  de  supporter  les  fatigues  du  camp,  est 
autorisé  è  construire  une  église  à  Maragha  et  à  y 
transporter  les  objets  du  culte  qui  se  trouvaient 
dans  Téglise  qu'Argoun  avait  installée  dans  le  camp. 
Cette  nouvelle  église,  sous  le  vocable  de  Mar  Mari 
et  Mar  Guiwarguis,  reçoit  des  reliques  des  quarante 
martyrs,  desaint  Etienne,  de  saint  Jacques  1  mtercîs, 
de  Démétrius  martyr. 

L'année  suivante,  Kaikhatou  se  rendit  à  deux  re- 
prises différentes  à  la  résidence  patriarcale  à  Ma- 
ragha; il  fit  à  cette  occasion  de  riches  présents  à 
Mar  Jabalaha  et  entre  autres  lui  remit  la  tablette 
aux  insignes  royaux  (i^vjÂ). 

Rabban  Çauma  achève  la  construction  de  l'église 
de  Maragha  qui  coûta  environ  io5,ooo  zouz-'.  Au 
mois  de  Teschri  Kadim  i6o5  des  Grecs  (octo- 
bre 1293),  il  se  rend  à  Bagdad  à  la  suite  de  Mar 
Jabalaha;  il  assiste,  pendant  le  voyage,  au  festin 
que  donnait  Baidou  (écrit:  -K-^jâ),  neveu  du  roi 
Abaca  (écrit  :  -V^rarsf),  dans  la  province  de  Schah- 

*  Ce  nom  est  écrit  •«.^V\t<l^  OsÔcOl..  C'est  la  célèbre  prin- 
cesse chrétienne  Tokouz  ou  Dokouz,  épouse  de  Hoiilaghou. 

*  H  nVst  pas  dit  ici  si  ce  sont  des  zouz  blancs  dont  il  fallait  six 
pour  un  dinar.  Le  mot  zouz  est  employé  quelquefois  par  notre 
auteur  dans  le  sens  de  dinar. 


326  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

razour  (écrit:  ■\a\"=vjiiM).  A  la  fin  du  repas,  il  est 
pris  de  douleurs  d'entrailles;  il  se  sépare  de  Baidou, 
qui  se  dirige  vers  Arbèle,  et  il  arrive  à  Bagdad  avec 
la  fièvre.  Il  meurt  le  lo  de  Kanoun  II  de  la  même 
année  (lo  janvier  i^qIx)  et  est  inhumé  à  Dârat- 
Roumâyé  à  côté  des  anciens  patriarches. 

L'hiver  passé,  Mar  Jabalaha  part  le  jour  de  Pâ- 
ques pour  le  camp  mongol  à  Aladagh;  il  reçoit  de 
Kaikhatou  une  pelisse  de  prix,  un  parasol  et 
60,000  zouz^  Il  quitte  le  camp  pour  aller  jeter  les 
fondations  du  monastère  de  Saint-Jean-Baptiste  à 
une  distance  d'un  tiers  environ  de  parasange  au  nord 
deMaragha.  C'était  à  la  fin  du  mois  de  juin  (1 29/i). 
Tout  à  coup  éclate  la  révolte  des  émirs  ;  l'Adherbaidjan 
est  bouleversé  par  les  troubles;  les  habitants  sont 
massacrés,  les  villages  pillés;  pendant  l'hiver  de 
cette  année  (1 29/i-i  295),  les  routes  qui  conduisent 
de  l'Adherbaidjan  à  Bagdad  et  à  Diar-Békir  sont 
coupées.  Ces  luttes  intestines  se  prolongèrent  jus- 
qu'à ce  que  Kaikhatou  fût  livré  à  ses  ennemis  et 
mis  à  mort. 

Le  pouvoir  fut  remis  à  Baidou  qui  l'accepta  par 
crainte  pour  sa  propre  personne  et  qui  le  conserva 
depuis  le  24  avril  1298  jusqu'au  26  septembre  sui- 
vant environ.  Ce  prince  débile  tomba  entre  les 
mains  de  ses  ennemis ,  mais  sa  mort  et  l'avèiiement 
de  Cazan,  fils  d'Argoun,  suscitèrent  de  nouveaux 
troubles  dont  les  musulmans  profitèrent  pour  per- 

^  Il  s'agit  ici  de  zouz  blancs,  car  plus  loin  il  est  dit  qu  on  réclama 
du  patriarche  les  10,000  dinars  que  lui  avait  donnés  Kaikhatou. 


LE  PATRIARCHE  MAR  JABALAHA  II.        327 

sécuter  les  chrétiens.  L'émir  Naurouz  se  distingua 
surtout  par  son  fanatisme;  il  donna  Tordre  de  dé- 
truire les  églises  et  de  mettre  à  mort  les  chefs  spi- 
rituels des  chrétiens  et  des  juifs.  On  se  saisit  nui- 
tamment de  la  personne  du  patriarche  dans  sa 
résidence  de  Maragha  qui  fut  mise  à  sac.  G  était  un 
lundi;  le  lendemain  a  y  septembre,  le  patriarche 
est  maltraité  ;  quant  aux  évêques  de  son  entourage , 
les  uns  furent  arrêtés  pendant  leur  sommeil,  d'autres 
se  sauvèrent  sans  vêtements,  quelques-uns  se  jetèrent 
du  haut  des  murs.  Le  patriarche  fut  suspendu ,  la  tête 
en  bas,  et  bâillonné  avec  un  linge  rempli  de  cendres. 
On  lui  lardait  la  poitrine  ^  en  lui  promettant  la  vie 
sauve  s'il  se  faisait  musulman.  Comme  il  gardait  le 
silence,  on  le  frappa  sur  les  cuisses  et  la  partie  posté- 
rieure. Puis  on  le  ramena  à  la  résidence  dans  l'espoir 
qu'il  livrerait  les  trésors  qu'on  supposait  y  trouver 
cachés.  Un  de  ses  disciples  fit  un  emprunt  de 
1 5,000  zouz^  qu'il  remit  aux  chefs  des  musulmans. 
Quand  ceux-ci  se  furent  retirés,  la  foule  envahit 
l'église  de  Mar  Schalîta  et  la  pilla.  L'église  construite 
par  Rabban  Çauma  fut  sauvée  de  la  destruction  par 
Haiton,  roi  de  Cilicie  ou  de  la  Petite- Arménie 
(t^jtxsoni^n  nôa  ^Vi  "73X11^ — u).  Ce  roi  cacha  le 
patriarche  qui  était  parvenu  à  se  sauver  près  de  lui i 
Le   lendemain   matin,   mercredi,    Naurouz   arriva 

^  Dans  le  texte,  92,  13  :  OQu^'sU.U  .Y  ^  ,  <99\-33^  A..A1CI 


'  II  semble  bien  qii*il  s'agit  ici  de  dinars;  voir  la  Chronique  sy- 
riaque de  BarhebiîPus,  p.  612  ait.;  Howort,  loco  aV.,p.  396. 


3:2S  AVKIL-MAI-JUI\  188^ 

pour  l'aire  périr  le  patriarche  et  somma  Haiton  de 
le  lui  livrer.  Le  patriarche  put  s'enfuir  et  le  roi  d'Ar- 
ménie se  tira  d'alTaire  en  remettant  de  largent  à 
Témir.  Hailon  se  rendit  ensuite  à  Tauriz  où  Cazan 
venait  d'arriver;  il  était  accompagné  du  patriarche 
qui  avait  pris  un  déguisement.  Grâce  à  rintercession 
de  Haiton,  le  patriarche  put  se  présenter  devant 
Cazan  qui  laccueillit  mal ,  ne  le  connaissant  pas. 

Le  froid  se  faisant  sentir,  Cazan  alla  hiverner  à 
Moughan.  Naurouz  était  à  Tauriz.  Le  patriarche 
revint  seul  et  à  pied  à  Maragha;  mais  il  fut  bientôt 
obligé  de  s'enfuir,  menacé  de  nouvelles  réquisitions. 
En  effet,  le  dimanche  après  Noël  de  Tannée  1607 
des  Grecs  (janvier  1  296  de  J.-C),  des  émissaires  de 
Naurouz  viennent  réclamer  au  patriarche  1 0,000  di- 
nars que  lui  avait  donnés  Kaikhatou.  Mar  Jabalaha 
ne  put  trouver  à  emprunter  que  q,ooo  dinars.  H 
est  enfermé  dans  une  maison  et  gardé  à  vue,  mais 
il  se  sauve  par  une  étroite  lucarne.  Les  exacteurs, 
craignant  d  être  accusés  d'avoir  fait  périr  le  pa- 
triarche, se  retirent.  Bientôt  arrive  un  autre  député^ 
accompagné  d'un  apostat,  qui  exige  36, 000  dinars^ 
Il  ne  se  trouvait  dans  la  résidence  patriarcale  qiie 
quelques  jeunes  gens;  on  les  suspend,  la  tête  en 
bas,  par  un  temps  de  froid  et  de  neige;  à  peine 
furent-ils  sauvés  par  une  rançon  de  1 6,000  dinars 
que  les  habitants  de  la  ville  purent  recueillir.  Pen- 
dant ce  temps,  le  patriarche  se  cachait,  tantôt  dans 
une  maison,  tantôt  dans  une  autre.  Ces  persécu- 
tions durèrent  jusqu'/i  Pâques.   Au   printemps,  le 


LE  PATRIARCHE  MAR  JABALAHA  II.        329 

patriarche  dépêche  un  messager  pour  implorer 
Gazan  qui  était  encore  dans  ses  quartiers  d*hiver  à 
Moughan.  Gazan  donne  Tordre  de  cesser  les  réqui- 
sitions et  de  restituer  au  patriarche  les  sommes  qui 
lui  avaient  été  extorquées;  il  lui  fait  parvenir,  en 
outre,  5,000  dinars.  Grâce  à  ce  retour  de  la  for- 
tune, la  paix  et  Tespoir  renaissent  au  cœur  des  op- 
primés ;  on  put  alors  mesurer  Tétendue  des  désas- 
tres: dans  la  province  d'Arbèle,  les  églises  étaient 
dévastées;  à  Tauriz  et  à  Hamadan,  elles  étaient 
complètement  détruites  ;  dans  la  province  de  Mos- 
soul,  elles  avaient  été  rasées  et  les  fondations  en 
avaient  été  dispersées;  à  Bagdad,  elles  avaient  été 
rachetées  moyennant  de  fortes  rançons,  mais  l'église 
qui  avait  été  construite  par  le  patriarche  Makikha 
sur  Tordre  d'Houlaghou  et  de  la  reine  chrétienne 
Tokouz  fut  reprise  par  les  musulmans  avec  la  rési- 
dence patriarcale  et  Tenceinte,  dont  remplacement 
avait  appartenu  aux  califes  avant  la  conquête  des 
Mongols.  En  s'emparant  de  Bagdad,  Houlaghou 
avait  fait  don  de  cette  propriété  à  Makikha  à  titre 
de  fondation  pieuse.  Les  chrétiens,  en  la  quittant, 
durent  emporter  les  restes  des  patriarches  qui  y 
avaient  été  inhumés. 

Au  mois  de  Tamouz  de  Tan  1 607,  qui  tombait  au 
mois  de  Ramadhan  (juillet  1  296],  le  patriarche  va 
saluer  le  roi  dans  son  camp  à  Oghan  ^  et  il  en  reçoit 
un  accueil  bienveillant.  Au  commencement  de  Tan- 

*  Station  d*ëté  des  Mongols  près  de  Tauriz  ;  voir  Chronique  sy- 
riaque de  Barhebraeus,  602,  i4. 

XIII.  1^ 


IMfBIHKBI»  ««TlOltUi. 


:t30  AVlUL-MAl-JriN  1889. 

née  1608  des  Grecs  (octobre  1296),  Cazan  va  à 
Bagdad  passer  i'hiver,  tandis  que  le  patriarche  de- 
meure à  Maragha.  A  cette  époque  arrive  à  Maragha 
un  individu  du  nom  de  Schénak-el-Timour(?)*,  pré- 
tendant avoir  reçu  Tordre  de  mettre  à  mort  qui- 
conque ne  renoncerait  pas  au  christianisme.  A  cette 
nouvelie,  les  musulmans  s'ameutent,  envahissent  et 
pillent  la  résidence  patriarcale.  Ces  événements  se 
passaient  pendant  le  carême  de  1  297.  Les  émirs  et 
les  magnats  de  Maragha  se  réunissent  en  cour  de  jus- 
tice et  condamnent  les  émeutiers  à  restituer  les  objets 
volés,  parmi  lesquels  se  trouvaient  le  sceau  d*or 
que  Mangou  Khan  avait  donné  au  patriarche,  la 
tiare  que  le  pape  lui  avait  envoyée  et  un  autre  sceau 
en  aident  donné  par  Argoim.  Cette  condanmation 
ne  fit  qu'irriter  les  esprits ,  la  foule  lança  des  pierres 
aux  émirs  et  aux  magnats  et  les  poursuivit  dans  leur 
retraite  précipitée.  Les  chrétiens  qui  se  trouvaient 
sur  son  passage  furent  malmenés.  La  résidence  pa* 
triarcale  fut  de  nouveau  envahie  et  mise  à  sac;  plu- 
sieurs des  disciples  et  des  vieillards  qui  s'y  trouvaient 
furent  massacrés;  le  trésor  de  l'église  de  MarGuiwar- 
guis  fut  pillé.  Le  patriarche  put  échapper  grâce  à 
l'asile  que  lui  donna  dans  sa  maison  la  reine  Bour^ 
gacin  Argai  qui  était  chrétienne.  Cinq  jours  après, 
les  émeutiers  se  retirèrent  à  un  endroit  appelé  Scha- 
catou  (cl^i^kIsc)  et  de  là  à  la  montagne  Noire 


'  Ce  nom  est  écrit  nA2oVLAl^.  UNJJÇ;  M.   BedjigQ  conjec- 
ture nosnaVi .  Ai^.  .^^  ou  nosni»^  .  Ai^.  u\r 


LE  PATRIARCHE  MAR  JABALAHA  II.         331 

(Siahkouh).  Lorsque  le  roi,  à  son  retour  de  Bagdad, 
passa  par  Hamadan,  le  patriarche  alla  le  trouver 
dans  les  environs  de  cette  ville  et  le  roi  fut  touché 
de  son  état  misérahle.  Il  lui  remit  un  ordre  et  le  fit 
accompagner  d  un  député  pour  faire  emprisonner  et 
châtier  les  habitants  de  Maragha  jusqu'à  ce  qu  ils 
eussent  restitué  les  objets  dérobés  et  réparé  les  églises 
endommagées.  On  ne  retrouva  qu'un  petit  nombre 
de  ces  objets. 

Pendant  ce  temps ,  d'autres  calamités  frappaient 
les  chrétiens  qui  habitaietnt  la  citadelle  d'Arbèle.  Les 
Curdes  (t^!»âV\^)  qui  étaient  musulmans  voulurent 
détiiiire  l'église  de  la  ville;  quelques-uns  des  soldats 
chrétiens  de  la  garnison  appartenant  à  la  tribu  des 
Cayatchiyé\  c'est-à-dire  «montagnards»,  lancèrent 
des  flèches  contre  eux  et  tuèrent  un  notable.  A  la 
suite  de  plusieurs  combats,  le  pont  de  la  citadelle 
fut  coupé.  Ces  troubles  étaient  facilités  par  la  défec- 
tion de  Naurouz  en  marche  sur  le  Khoraçan  avec 
l'intention  de  renverser  le  gouvernement  de  Cazan. 
Pendant  que  les  musulmans  assiégeaient  la  citadelle, 


'  Ce  mot  est  écrit  ^  ^  ^^45^  *^  ^^  iWk&luJO;  dans 
quelques  endroits  aussi  oxjoCt^^aXI  ;  comp.  dans  la  Chronique  sy- 
riaqxu  de  Barhebrseus,  t^AiCit^^aXI ,  p.  587,  18.  Suivant  le  conti- 
nuateur de  Barhebneus,  les  Cayatchiyé  ou  «montagnards»  servaient 
dans  les  troupes  mongoles  ;  chrétiens ,  ils  détestaient  les  Arabes  et 
leur  Êdsaient  subir  toute  sorte  de  tourments ,  quand  ils  en  trouvaient 
Toccasiott.  C'est  à  la  suite  des  cruautés  qu'ils  avaient  suines  de 
leur  part  que  les  Curdes,  dans  Tété  de  1290,  descendirent  de  la 
montagne',  occupèrent  Arbèle  et  refoulèrent  les  habitants  dans  la 
citadelle. 

22. 


332  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

le  frère  de  cet  émir,  qui  était  du  complot,  fut  arrêté 
avec  ses  femmes  et  ses  fils;  ils  furent  exécutés  pen- 
dant le  carême  de  Tannée  i6o8  (mars  1297).  Nau- 
rouz  parvint  à  s'échapper  ;  des  troupes  furent  envoyées 
à  sa  recherche.  Cependant  le  siège  de  la  citadelle 
d'Arbèle  était  mené  avec  vigueur  :  on  construisit  une 
terrasse  d'attaque,  des  béliers  et  des  balises.  Le  mé- 
tropolitain ,  un  vieillard  nommé  Abraham^  fut  jeté  en 
prison  avec  son  clergé;  des  chrétiens  furent  mas- 
sacrés, d  autres  durent  payer  de  fortes  rançons.  La 
citadelle  tint  bon  ;  les  troupes  assiégeantes  se  com- 
posaient en  partie  de  Mongols  au  service  de  Nauroùz 
et  en  partie  de  Curdes.  Partout  les  chrétiens  furent 
dévalisés  et  tués  en  grand  nombre,  mais  beaucoup 
de  musulmans  périrent  aussi  dans  les  combats.  Cet 
état  dura  depuis  le  lundi  des  Rogations  des  Ninivites 
jusquà  la  fête  de  la  sainte  Croix  (février-septem- 
bre 1  297).  Enfin  les  troupes  du  roi,  ayant  à  leur  tête 
un  grand  émir  (Coutlouc  Schah) ,  enfermèrent  le  per- 
vers (Naurouz)  dans  une  citadelle  (Hérat).  Les  habi- 
tants de  la  citadelle  ourdirent  un  complot  contre  liii 
et  ils  le  livrèrent  enchaîné  aux  troupes  du  roi.  Sur-le- 
champ  sa  tête  fut  tranchée  et  envoyée  au  roi.  Le  mes- 
sager, porteur  de  ce  trophée ,  arriva  auprès  de  Cazan 
le  2  5  août  de  cette  année;  le  roi  se  trouvait  alors  à 
Schnrbkhaneh^  dans  le  voisinage  d'Aladagh. 


•  .• 


M  Cette  donnée  est  plus  précise  que  celle  d'au- 
tres auteurs  qui  placent  le  roi  à  ce  moment  à  Bagdad;  voir  Howort, 
loco  cit.,  p.  /i  i3.  Au  mois  d'août,  Cazan  avait  certainement  pris  ses 
quartiers  d'été. 


LE   PATRIARCHE  MAR  JABALAHA   IL        333 

Au  camp,  on  était  irrité  de  ia  révolte  de  la  cita- 
delle d'Arbèle  et  du  meurtre  des  musulmans.  Quand 
le  patriarche  s  y  présenta,  Gazan  ladressa  au  vizir 
Raschid-ed-din  et  à  l'émir  Tarmada  qui  lui  propo- 
sèrent de  faire  sortir  les  chrétiens  de  la  citadelle, 
de  leur  donner  des  terres  et  des  maisons  et  de  les 
afTranchir  de  tout  impôt.  Le  patriarche  répondit  : 
«  Javais  une  résidence  à  Bagdad  avec  une  église  et 
une  dotation  foncière^;  tout  cela  ma  été  enlevé. 
L'église  et  la  résidence  de  Maragha  ont  été  détruites 
de  fond  en  comble.  J'ai  à  peine  échappé  au  mas- 
sacre de  Tauriz  ;  l'église  et  la  résidence  de  Tauriz  ne 
sont  plus  qu'une  place  nivelée.  La  résidence  de  Ha- 
madan  a  disparu  avec  l'église  et  l'enclos.  Il  nous  res- 
tait la  résidence  et  la  citadelle  d'Arbèle  occupée  par 
une  centaine  d'habitants.  Voulez-vous  détruire  et 
piller  aussi  celles-là?  A  quoi  bon  la  vie?  Que  le  roi 
m'ordonne  de  retourner  en  Orient  ou  d'aller  finir 
mes  jours  chez  les  Francs!  »  Le  roi,  touché  de  com- 
passion, envoya  l'ordre  de  laisser  la  citadelle  aux 
chrétiens  et ,  s'ils  manquaient  de  vivres ,  de  leur  en 
fournir  aux  frais  du  Diwan  jusqu'à  l'arrivée  des 
troupes.  Des  empêchements,  suscités  par  un  émir 
ennemi  des  chrétiens ,  retardèrent  l'exécution  de  cet 
ordre,  qui  ne  fut  expédié  qu'après  de  nouvelles 
démarches.  Le  patriarche  fit  accompagner  d'un 
évêque  les  envoyés  du  roi,  qui  arrivèrent  à  Arbèle 
le  I  Ix  septembre  1297.  Ils  rétablirent  le  pont  de  la 


334  AVRIL-MAI-JUIN   188Q. 

citadelle  et  délivrèrent  les  habitants  qu'ils  réconci- 
lièrent avec  les  musulmans  de  la  ville  après  de  longs 
pourparlers  et  au  prix  d'une  rançon  de  10,000  (di- 
nars), sans  compter  i,5oo  dinars  payés  aux  émirs 
pris  comme  arbitres.  La  convention  fut  signée,  d'une 
part  par  le  gouverneur  musulman  et  d'autre  part 
par  le  métropolitain,  et  transmise  au  roi  Cazan. 
Cooformément  à  l'ordre  du  roi,  la  citadelle  fut 
remise  aux  chrétiens  qui  furent  admis  à  réclamer 
les  objets  qui  leur  avaient  été  soustraits.  Le  calme 
se  rétablit. 

Cependant  un  préposé  aux  impôts,  nommé  Naçr- 
ed-din ,  obtint  du  roi  un  ordre  qui  frappait  les  chré- 
tiens d'une  capitation  et  les  obligeait  à  porter  une 
ceinture  quand  ils  se  rendaient  dans  les  marchés. 
Ce  fut  l'occasion  de  massacres  à  Bagdad  et  d'insultes 
adressées  aux  chrétiens  :  «  Voyez  à  quoi  vous  ressem- 
blez avec  ces  ceintures,  misérables!  »  leur  criait-on ^ 

L'hiver  de  cette  année  (1397-1298),  le  patriarche 
accompagne  le  roi  à  son  eampement  d'hiver  à  Mou- 
ghan;  il  le  suit  encore  à  son  campement  d'été  à 
Tauriz.  Le  roi  lui  fit  don  d'un  sceau  pareil  à  celui 
qui  lui  avait  été  dérobé  et  portant  les  mêmes  carac- 
tères; il  y  ajoute  un  parasol. 

Pendant  l'hiver  de  1610  (1 298-1 Q99),  le  pa- 
triarche se  rend  à  la  citadelle  d'Arbèle  qu'il  avait 
quittée  cinq   ans  auparavant.  Au  mois   de   Nisan 

^  Le  continuateur  de  Barhebraeus  (C^oni^oe  syriaque,  p.  61a) 
rapporte  cet  édit  à  Naurouz  et  au  commencement  de  Tannée  1607 
(octobre  1  295),  ce  qui  semble  plus  vraisemblable. 


LE  patriarche;  MAR  JABALAHA  11.         335 

(avril  I  399),  il  va  au  camp  d'été  à  Oghan  ;  il  y  est 
reçu  avec  honneur,  puis  il  se  retire  à  M aragha.  Au 
mois  d octobre,  il  accompagne  Cazan  à  Arbèle  et  à 
Mossoul.  Le  roi  entreprenait  alors  ime  expédition 
en  Palestine  et  en  Syrie.  Pendant  Thiver,  Jabalaha 
séjoiune  dans  la  citadelle  d'Arbèle  et  soccupe  de 
réunir  les  fonds  nécessaires  à  la  construction  dun 
monastère.  Cazan  revient  de  son  expédition  cou- 
ronnée de  succès.  Le  patriarche  suivit  la  cour  et, 
profitant  de  la  faveur  royale ,  fonda  à  Maragha  un 
couvent  sous  le  vocable  de  saint  Jean-Baptiste,  qui 
fut  achevé  au  mois  de  septembre  1  3 00.  Il  eut  fhon- 
neur  dy  recevoir  Cazan  qui  y  séjourna  trois  jours. 
L'hiver  suivant  (i3oo-i3oi),  Cazan  passe  de 
nouveau  par  Arbèle  et  Mossoul;  le  patriarche  rac- 
compagne jusqu'à  Singar,  puis  revient  sur  ses  pas  à 
Arbèle.  Au  retour  de  Cazan ,  il  va  à  la  rencontre  de 
celui-ci,  tombe  dans  une  embuscade  de  Curdes  et 
est  blessé  au  doigt.  Rentré  à  Maragha,  il  met  la 
dernière  main  au  couvent  qu  il  avait  construit  et  qui 
était,  parait-il,  d'une  richesse  surprenante.  Ce  cou- 
vent renfermait  une  habitation  particulière  pour  le 
patriarche.  Ici  l'auteur  ouvre  une  parenthèse  et  re- 
marque que,  de  son  temps,  le  patriarche  y  demeu- 
rait encore,  y  faisait  souvent  l'imposition  des  mains 
et  y  signait  des  mandements  et  des  décisions  ecclé- 
siastiques. Il  y  avait  là  des  reliques  célèbres  pour  les 
cures  qu'elles  opéraient  et  qui  attiraient  une  grande 
foule  de  malades.  Les  nefs  avec  l'autel ,  le  sanctuaire 
et  le  trésor,  mesuraient  soixante  coudées  de  long. 


336  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

La  coupole ,  toute  couverte  d'émaux  verts  ^,  était  sur- 
montée de  la  croix.  L  église  fut  consacrée  le  1 3  sep- 
tembre i3oi,  jour  de  la  fête  de  llnvention  de  la 
Croix,  avec  ime  grande  pompe  et  au  milieu  du 
concours  de  tous  les  fidèles  de  l'Adherbaidjan.  Cette 
construction  avait  coûté  A  20,000  zouz.  Le  monas- 
tère reçut  en  apanage  un  village  appelle  Dehabi 
(^rai^cnn),  à  lest  de  Maragha,  acheté  au  prix  de 
11,000  dinars,  avec  d autres  biens  fonciers:  dès 
vignes,  des  jardins,  des  terres  de  labour  en  quan- 
tité suffisante  pour  Tentretien  du  monastère,  qui 
fut  appelé  le  roi  des  monastères.  La  fête  de  la  dédi- 
cace terminée,  le  patriarche  se  rend  à  Tauriz  au- 
près de  Cazan  qui  lui  donne  de  nouveaux  témoi- 
gnages de  sa  faveur;  puis  Cazan  quitte  Tauriz  pour 
hiverner  à  Moughan,  et  le  patriarche  retourne  à 
Maragha. 

A  la  fin  de  Thiver  (i3o2),  Jabalaha  va  présenter 
ses  devoirs  à  Cazan  revenu  de  Moughan;  il  est  placé 
à  la  droite  du  roi,  qui  lui  fait  de  riches  présents, 
entre  autres  une  tablette  avec  insignes  (i^CiÂ)  et 
des  robes  d'honneur.  Il  part  ensuite  pour  visiter 
Bagdad  qu'il  n'avait  pas  revue  depuis  neuf  ans.  H 
quitte  Arbèle  le  vendredi  après  Noël  et  arrive  à 
Bagdad  la  veille  de  l'Epiphanie  (i3o3).  Il  célèbre 
cette   fête  dans  le  monastère  de  Dârat-Roumâyé. 

'  1<fjb^<V»  >Sjbb  ;  plus  loin ,  p.  1 3  2 ,  8 ,  ou  lit  :  «^    ^     <*  -^    *^ 

•  a 

>lA^.    Vui^lctt^À;  comp.    "jUiU  «lans  Dozy,  SnppL  aux  dict. 
WTfihes,  II«  p,  395. 


LE  PATRIARCHE  MAR  JABALAHA  JI.        337 

Vingt  jours  après,  il  se  rend  à  Halah\  auprès  de 
Tancienne  Babylone,  à  la  rencontre  de  Gazan.  H 
assiste  à  la  fête  mongole  appelée  Fête  blanche  (fé- 
vrier i3o3).  Le  roi  méditait  alors  une  nouvelle 
expédition  en  Palestine.  Jabalaha  retourne  à  Bagdad , 
chargé  de  nouveaux  présents,  et  passe  la  fin  de 
rhiver  à  Dârat-Roumâyé. 

Le  lo  avril  i3o3,  il  part  de  Bagdad,  arrive  à 
Maragha  le  1 3  mai  et  reçoit  Gazan  le  i  o  juin. 
Celui-ci  est  guéri  miraculeusement  dans  le  monas- 
tère d'ime  maladie  dont  il  souffrait  aux  talons;  il 
remet  au  patriarche  avec  d'autres  présents  une  croix 
d'or  ornée  de  pierreries  et  renfermant  un  morceau 
de  la  vraie  Croix  que  le  pape  lui  avait  envoyé  ;  puis 
il  va  prendre  ses  quartiers  d'été  à  Oghan.  Le  20  juin, 
il  envoie  à  Mar  Jabalaha  un  cheval  de  luxe  et  un 
manteau  d'honneur.  Au  mois  d'août,  il  lui  envoie 
des  vases  de  cristal  et  des  émaux  avec  des  ornements 
d'or,  qui  étaient  fabriqués  à  la  cour  par  des  ouvriers 
appelés  de  Damas  et  de  Casclian.  Au  mois  de  no- 
vembre, Gazan  s'installe  à  Tauriz  et  Mar  Jabalaha  à 
Arbèle.  Après  la  fête  de  Pâques  (i3o4),  le  grand 
émir  qui  avait  le  gouvernement  de  Diarbékir  vient 
visiter  le  patriarche  ;  ils  partent  ensemble  pour  Ma- 
ragha où  ils  arrivent  la  nuit  avant  la  Pentecôte. 
Ginq  jours  après,  ils  apprirent  la  triste  nouvelle  de 
la  mort  de  Gazan ,  qui  avait  eu  lieu  le  dimanche  de 
la  Pentecôte  (17  mai  i3o4),  à  la  fin  du  jour,  aux 

*  Ce  nom  est  écrit  ooA^i.  C'était  le  quartier  d*été  des  anciens 
califes;  voir  Assemaui,  B.  O,,  111,  11,  4 18-419  et  763. 


.'^38  AVHIL-MAl-JUIN  1880. 

environs  de  Sehend  (-rucm-M,  auprès  deTauriz).Son 
corps  fut  transporté  à  Tauriz  où  il  fut  inhumé  dans 
la  grande  Coubba  qu  il  avait  fait  construire. 

Grâce  à  la  ferme  direction  des  grands  émirs ,  il 
n  y  eut  pas  de  troubles.  On  manda  le  frère  de  Cazan , 
Oldjaitou,  qui  était  dans  le  Khoraçan,  et  il  fut  pro- 
clamé roi  le  1  2  juillet  1 3oÂ.  Quand  il  était  en&nt, 
au  temps  d'Argoun,  son  père,  il  faisait  souvent 
visite  au  patriarche  avec  sa  mère  Argou  Khatoun 
(w^Vvi^rk  o^^iî^),  qui  était  chrétienne.  Aussi  son 
avènement  au  trône  fut  salué  avec  joie  par  Mar  Ja- 
balaha  qui  comptait  sur  sa  faveur  pour  les  chrétietis. 
Mais ,  dans  le  Khoraçan ,  il  s'était  fait  musulman ,  et 
ses  sentiments  s  étaient  modifiés  selon  le  nouvel  en- 
tourage qu  il  s  était  donné.  Quand ,  à  deux  reprises , 
le  patriarche  vint  lui  présenter  ses  hommages,  il  le 
reçut  poliment,  mais  froidement.  Les  musulmans 
commencèrent  à  relever  la  tête  et  à  opprimer  les 
chrétiens.  Ils  demandèrent  à  prendre  possession  du 
couvent  que  Mar  Jabalaha  avait  construit  à  Maragba 
et  à  convertir  en  mosquée  l'église  de  Tauriz.  Mais 
leur  demande  échoua  grâce  à  Tintervention  du 
grand  émir  Irindjin  (^a^\.i^),  oncle  d'CHdjaitou. 

Pendant  Thiver  (i3o4-i3o5),  le  patriarche  de- 
meura il  Ouschnouc  (pauti^,  sud  d'Ourmiah).  De 
là  il  se  rendit  à  Oghan  et  suivit  le  roi  à  Tauriz.  Au 
commencement  de  Tannée  1617  des  Grecs  (octo- 
bre i3o5),  il  alla  à  Arbèle  oii  il  se  construisit  une 
magnifique  résidence  dans  la  citadelle.  Au  mois  de 
mai ,  il  retourne  à  Maragba  pour  y  passer  fêté.  A  ce 


LE  PATRIARCHE  MAR  JABALAHA  II.         339 

moment  le  roi  édicta  un  impôt  contre  les  chrétiens. 
Le  patriarche  se  rend  à  Oghan  pour  réclamer  auprès 
du  roi,  mais  sans  succès.  Le  roi  avait  alors  com- 
mencé les  fondations  de  la  ville  de  Soultanieh  sur  les 
limites  du  territoire  de  Kazwin  ;  des  ouvriers  venus 
de  tous  côtés  travaillaient  à  Tembellissement  de  la 
ville. 

La  diminution  des  ressources  du  patriarche  le 
força  à  habiter  sa  résidence  d'Arbèle  pendant  Thiver 
de  i3o7-i3o8.  Au  commencement  du  mois  de 
mai,  il  se  rend  à  Oghan  pour  faire  visite  au  roi. 
Mais  celui-ci  était  en  route  pour  la  chasse  ;  il  avait 
passé  par  Maragha  et  avait  été  reçu,  en  Tabsence 
de  Mar  Jabalaha ,  par  le  directeur  du  couvent  et  les 
moines  avec  beaucoup  d'honneurs;  flatté  de  cette 
réception,  il  avait  laissé  au  directeur  de  nombreux 
présents  et  lui  avait  promis  de  ne  pas  lever  f  impôt 
décrété  contre  les  chrétiens;  le  monastère  devait 
aussi  demeurer  affranchi  de  toute  charge.  Le  pa- 
triarche arriva  au  couvent  après  le  départ  du  roi; 
contrarié  de  ce  contretemps,  il  se  hâte  de  le  re- 
joindre et  latteint  auprès  du  fleuve  appelé  Dja- 
catoui^  en  mongol  (>a^t^ja\^)  et  Vakyaroud  en 
persan  (nci'Kjâkâ).  Le  roi  lui  fait  bon  accueil  et  lui 
remet  un  grand  diplôme  affranchissant  le  clergé 
nestorien  de  toute  levée  d'impôt;  puis,  de  retour 
à  Tauriz,  il  lui  envoie  une  mule  de  selle  et  un  man- 
teau d'honneur.  Le  patriarche  est  autorisé  à  passer 

*  Djagathou  sar  la  carie  de  Kiepert,  fleuve  qui  se  jette  dans  le 
lac  d*Oarmiah  au  sud  de  Maraga. 


340  AVRIL-MÂI-JUIN  1889. 

l'hiver  à  Maragha;  Oldjaitou  prend  ses  quartiers 
d'hiver  à  Oghan  ^  Au  mois  de  novembre  i  Sog ,  Mar 
Jabalaha  arrive  à  Arbèle,  après  être  tombé  malade 
en  route. 

A  ce  moment,  la  discorde  éclate  de  nouveau  entre 
les  Cayatchiyé  et  les  habitants  d' Arbèle.  Quelques- 
uns  de  ces  montagnards  vont  se  plaindre  auprès 
du  roi  de  leur  émir  Zaïn-ed-dinBalou  qui  entretenait 
un  corps  de  trois  mille  hommes  à  ses  frais.  L'émir 
fut  arrêté  et  laissé  en  prison  pendant  un  an.  A  la 
suite  de  cet  événement,  le  roi  envoya  un  musulman 
méchant,  nommé  Naçr,  qui  permit  aux  musul- 
mans d'exécuter  les  projets  qu'ils  avaient  déjà  tenté 
de  réaliser  en  1297,  ®*  d'enlever  aux  chrétiens  la 
citadelle  d' Arbèle.  Il  est  vrai  de  dire,  ajoute  l'auteur^ 
que  les  habitants  de  la  citadelle  s'étaient  révoltés 
contre  leurs  chefs,  méprisaient  les  moines  et  les 
prêtres  et  ne  reconnaissaient  plus  d'autorité.  Ils  se 
divisaient  en  coteries  indisciplinées  et  se  livraient 
aux  exactions  les  plus  violentes.  A  son  arrivée, 
Naçr  occupe  la  tour  près  de  la  porte  de  la  citadelle 
et  y  fait  entrer  en  secret  des  armes  et  des  soldats; 
puis  il  mande  au  camp  royal  que  les  gens  qui  avaient 
accusé  leur  émir  et  l'avaient  fait  incarcérer  étaient 
des  rebelles  (\^liL!^^<li)  et  des  ennemis  du  gouver- 
nement. Ceux-ci  cependant  he  pouvaient  rien  contre 
Naçr,  qui  savait  compter  sur  presque  toute  la  po- 
pulation de  la  ville  basse  et  surtout  sur  les  musul- 

^  Il  faut  sans  doute  lire  Mougbaii  au  lieu  d'Oghau ,  qui  était  le 
quartier  d'élé. 


LE  PATRIARCHE  MAR  JABALAHA  II.        341 

mans.  Le  roi,  à  plusieurs  reprises,  envoya  Tordre 
aux  chrétiens  d'évacuer  la  citadelle,  mais  ils  refu- 
sèrent d'obtempérer,  à  la  joie  des  musulmans  qui  en- 
trevoyaient leur  perte  prochaine.  Le  mal  empirant, 
le  roi  expédia  des  instructions  à  un  émir  nommé 
Souti  qui  se  trouvait  dans  les  environs  de  Diarbékir; 
il  y  avait  aussi  (dans  la  ville)  le  frère  de  Naçr  nommé 
Hadji  Dilcandi.  Ces  instructions  prescrivaient  de 
prendre  la  citadelle  de  force,  si  les  Cayatchiyé  refu- 
saient de  sortir,  et  de  réunir  les  troupes  nécessaires 
pour  l'attaque.  Le  patriarche,  confiant  dans  la  faveur 
que  le  roi  lui  avait  trmoignée,  ne  pensait  pas  que 
des  mesures  de  rigueur  pussent  être  prises  contre  la 
citadelle  tant  qu'il  l'habiterait,  et  il  négligea  d'agir 
auprès  du  roi. 

Le  mercredi  g  février  1 3 1 o,  pendant  le  carême, 
le  fils  de  l'émir  mentionné  plus  haut  (Souti),  accom- 
pagné de  trois  commandants  de  régiments  (com- 
mandants de  mille  hommes),  se  rend  auprès  du 
patriarche  et  lui  intime  l'ordre  de  sortir  de  la  cita- 
delle, en  le  menaçant  de  l'arrêter  en  cas  de  refus. 
Effectivement,  le  lendemain,  on  le  fait  sortir  de 
force  et  on  le  conduit  au  couvent  de  Mar  Micael  de 
Tar  el ,  où  il  reçoit  les  visites  de  Souti  et  de  ses  gé- 
néraux qui  lui  témoignent  beaucoup  d'égards.  Il 
avait  eu  autrefois ,  du  temps  de  Cazan ,  des  rapports 
d'amitié  avec  Souti.  Celui-ci  lui  fait  part  des  ordres 
qu'il  avait  reçus,  ajoutant  que  les  Cayatchiyé  ne 
céderaient  qu'à  ses  conseils  et  qu'il  le  |)riait  de  leur 
envoyer  un  député. 


U2  AVRILMAl-JUIN  1889. 

Le  vendredi  suivant,  Mar  Jabalaha  fit  conduire 
des  bœufs ,  des  moutons  et  du  vin  à  la  demeure  de 
Témir  qui  lui  présenta  ia  coupe  suivant  Tusage 
mongol  et  le  fit  monter  un  beau  cheval  pour  cal- 
mer ses  esprits.  Pendant  ce  temps,  les  musulmans 
de  ]a  ville,  Hadji  Dilcandi,  le  scheik  Mohammed 
qui  gouvernait  la  ville  et  son  firère  Ahmed  murmu- 
raient contre  les  chrétiens  et  le  patriarche,  maiis 
l'émir  différait  d'exécuter  les  ordres,  comptant  sur 
im  cadeau  du  patriarche.  Cependant,  d'un  commim 
accord,  Abdjesu,  évêque  de  Hnaithâ,  fut  député 
par  Mar  Jabalaha  et  l'émir  le  fit  accompagner  d'un 
de  ses  généraux  nommé  Sati  bag  (  \A  y\  fC%) 
Malgré  les  promesses  dont  ils  étaient  porteurs,  ces 
personnages  échouèrent  dans  leur  mission  et  ils 
revinrent  le  samedi  1 2  février  ^  Un  second  message 
du  patriarche  fut  porté  le  lendemain  dimanche  par 
le  métropolitain  Jésusabran ,  accompagné  d' Abdjesu 
et  de  deux  moines  dont  l'un  était  le  directeur  du 
couvent  de  Mar  Micael  de  Tarel;  les  chrétiens  se 
laissèrent  enfin  persuader.  A  cette  nouvelle,  Naçr 
donna  aux  habitants  de  la  ville  le  signal  convenu 
d'avance;  ceux-ci  accoururent  en  armes  et  le  combat 
rengagea  au  moment  où  les  chrétiens  s'apprêtaient 
à  quitter  la  place.  Il  y  eut  trois  musulman^  et  douze 
chrétiens  de  tués;  les  chrétiens  ne  durent  leur  salut 
qu'au  feu  qu'ils  jetèrent  sur  la  tour.  Informé  de  ces 
événements,  Souti  marche  avec  ses  troupes  contre 


^  Le  texte  porte  le  1 4  par  confusion  de  tv»  et  de  ^^t ,  confiision 
très  facile  avec  les  lettres  nestoriennes. 


LE  PATRIARCHE  MAR  JABALAUA  If.         343 

la  citadelle  ;  il  emmène  de  force  le  patriarche  pour 
qu'il  engage  les  chrétiens  à  cesser  la  lutte.  Dans  la 
nuit  du  lundi ,  quelques  hommes  purent  sortir  sains 
et  saufs  de  la  citadelle.  A  la  demande  de  Souti,  le 
patriarche  députe  Tévêque  Jésusabran  et  le  moine 
Rabban  David  qui  devaient  faciliter  la  sortie  de  la 
citadelle  à  Naçr  et  à  ses  compagnons  d'armes  ;  mais 
les  musulmans  tuèrent  Rabban  David  et  frappèrent 
Jésusabran. 

La  situation  devint  de  pius  en  plus  alarmante  : 
les  musulmans  et  les  Mongols  construisirent  des  ter- 
rasses d'approche  et  des  machines  pour  l'attaque. 
Au  signal  donné  par  Naçr,  les  chrétiens  furent  mas- 
sacrés sur  les  places  et  dans  les  marchés  de  la  ville; 
ceux  qui  s'étaient  réfugiés  dans  les  maisons  des  mu- 
sulmans en  furent  extraits  et  mis  à  mort  ;  d'autres 
furent  tués  dans  les  prisons  après  avoir  été  flagellés. 
ï^es  femmes  jeunes  étaient  promenées  dans  les  mar- 
chés,  dépouillées  de  leurs  vêtements;  les  femmes  en- 
ceintes furent  éventrées  et  leurs  enfantsjetésà  laporte 
de  la  citadelle.  On  accusa  auprès  de  Souti  les  chré- 
tiens d'avoir  commis  ces  atrocités,  en  présentant 
ces  victimes  comme  des  musulmanes.  On  mit  à  sac 
les  quatre  églises  de  la  ville  basse,  dont  deux,  sous 
les  vocables  de  Jésusabran  martyr  et  de  Man  you , 
appartenaient  aux  Nestoriens  ;  la  troisième  était  jaco- 
bite  et  la  quatrième  arménienne;  on  les  rasa,  ainsi 
que  les  maisons  et  les  enclos  des  chrétiens  et  la  rési- 
dence du  métropolitain.  Souti  ramassa  des  gens  de 
tous  côtés  pour  soutenir  la  lutte  et  les  Curdes  descen- 


344  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

dirent  des  montagnes.  Les  chrétiens  des  villages  ne 
pouvaient  plus  se  réfugier  à  Arbèle  ;  ils  durent  payer 
de  fortes  contributions  pour  l'armement  et  l'entre- 
tien des  troupes.  La  citadelle  fut  attaquée  des  quatre 
côtés  à  la  fois  ;  il  périt  un  grand  nombre  d'assiégés 
et  d'assiégeants,  parmi  ces  derniers  seulement  des 
Arabes  et  des  Curdes,  car  les  Mongols  ne  prenaient 
pas  une  part  active  au  combat  et  se  contentaient  de 
lancer  des  flèches  de  loin. 

Les  chemins  étaient  coupés  et  les  chrétiens  étaient 
partout  inquiétés;  le  patriarche  était  gardé  à  vue; 
il  lui  était  difficile  d'agir;  à  peine  put-il  informer  de 
la  situation  le  métropolitain  d'Arbèle  qui  s'était 
enfui  à  Beth-Çayâdé.  Aussitôt  après  avoir  reçu  la 
lettre  du  patriarche,  le  métropolitain  se  met  en 
route  pour  Bagdad;  il  arrive  au  camp  et  fait  con- 
naître au  roi  les  événements.  Les  émirs  qui  étaient 
au  camp  avaient  été  tenus  au  courant  des  faits  par 
Souti;  le  patriarche,  de  son  côté,  avait  expédié  un 
messager  pour  exposer  la  situation  ;  mais  les  émirs 
étaient  restés  indifférents.  A  l'arrivée  du  métropoli- 
tain ,  le  roi  manda  à  Souti  que  le  récit  des  chrétiens 
était  en  contradiction  avec  le  rapport  qu'il  lui  avait 
adressé.  Furieux,  Souti  fit  quérir  le  patriarche.  Les 
Arabes  voulaient  faire  un  mauvais  parti  à  Mar  Ja- 
balaha;  on  lui  enjoignit  d'ordonner  aux  gens  de  la 
citadelle  de  se  rendre,  et,  en  cas  de  refus  de  l^ur 
part,  de  reconnaître  par  écrit  qu'ils  étaient  des 
rebelles.  Le  patriarche  délégua  le  métropolitain  de 
Mossoul  accompagné  de  ses  acolytes;  mais  les  re- 


V 


LE  PATRIARCHE  MAR  JABALAHA  II.         345 

belles  (les  Cayatchiyé),  craignant  d'être  écharpés  à 
leur  sortie,  empêchèrent  les  habitants  de  sortir  de 
la  citadelle.  Le  patriarche  fut  alors  maltraité  et  dé- 
pouillé; quelques-uns  des  habitants  de  la  citadelle 
qui  s'étaient  rendus  auprès  de  lui  furent  massacrés, 
d'autres  vendus  comme  esclaves;  on   lui  extorqua 
une  lettre  par  laquelle  il  déclarait  avec  les  évêques 
de  sa  suite  que  les  habitants  de  la  citacfefle  étaient 
tous  des  rebelles.   Souti  fit  porter  cette  lettre  au 
camp  par  Hadji  Dilcandi  qui  était  parent  du  roi. 
Un  des  émirs ,  Hassan  Goutlouc ,  qui  connaissait  la 
vérité,  blâma  vertement  Hadji  Dilcandi  et  voulut  le 
frapper;    celui-ci  s'esquiva;    Hassan    Goutlouc   se 
rendit  avec  les  conseillers  auprès  du  roi  et ,  grâce  à 
son  intercession ,  sollicitée  par  le  métropolitain  d'Ar- 
bèle,  un  ordre  fut  expédié  pour  que  la  paix  fût 
rétablie    entre  les  habitants  de  la  citadelle  et   les 
Arabes ,  et  que  les  coupables  des  deux  partis  fussent 
amnistiés.  Hadji  Dilcandi  s'en  retourna    honteux; 
Tordre  fut  porté  à  Arbèle  par  des  messagers  royaux 
qui  arrivèrent  le  jour  du  vendredi  des  Confesseurs 
(vendredi   de  la   semaine   de    Pâques,  en   j3io). 
La  paix  fut  proclamée.  Le  pont  de  la  citadelle  qui 
avait  été  brûlé  fut  rétabli;  beaucoup  de  personnes 
quittèrent  la  citadelle.  Mais  Naçr  et  son  frère ,  sou 
doyés  par  les  musulmans,  persuadèrent  aux  envoyés 
du  roi,  qu'ils  hébergeaient,  démonter  h  la  citadelle; 
ils  y  furent  reçus  sans  aucun  égard  et  en  éprou- 
vèrent du  ressentiment.  Dans  leur  colère ,  ils  mena- 
cèrent les  disciples  du  patriarche  qui  les  accompa- 

Mir.  3  3 


laraiiiBBiB  lixiositii. 


346  ÂVIUL-MAI-JUIN  1889. 

gnaient;  un  de  ces  disciples  s'enfuit  en  secret  et  se 
réfugia  à  Beth-Çayâdé;  son  compagnon  fut  arrêté. 
Souti  et  les  musulmans  se  rendirent  auprès  du  pa- 
triarche à  Beth-Çayâdé  pour  le  forcer  à  prêter 
son  concours  à  Texécution  des  ordres  royaux.  Une 
dispute  s  engagea  à  ce  sujet  ;  néanmoins  Mar  Jaba* 
laha  finit  par  accéder  à  la  demande  qui  lui  était 
faite,  après  a^oir  fait  prêter  serment  aux  partis  en- 
nemis que  Naçr  serait  reçu  sans  opposition  dans  la 
citadelle  et  que,  de  son  côté,  celui-ci  n exercerait 
aucune  vengeance  contre  les  habitants  de  la  cita- 
delle. Mais,  quand  ceux-ci  apprirent  que  Naçr 
montait  accompagné  de  trois  cents  hommes,  ils 
fermèrent  la  porte  et  refusèrent  de  le  recevoir. 
Naçr  irrité  fit  tuer  ceux  qui  étaient  sortis  et  fit 
subir  des  mauvais  traitements  au  disciple  qui  avait 
été  arrêté.  G  est  à  peine  si  le  patriarche  échappa; 
les  chevaux  et  les  mules  de  sa  résidence  furent  cap- 
turés, les  objets  mobiliers  et  jusquaux  vêtements 
des  personnes  furent  pillés.  Ensuite  on  fit  entrer  le 
patriarche  dans  la  citadelle,  en  le  persuadant  qu*ii 
y  serait  sous  la  sauvegarde  des  autorités  et  qu'il  faci- 
literait le  retour  du  calme. 

Pendant  ce  temps,  Souti  reçut  des  siens  un  avis 
rinformant  que  les  armées  de  la  Palestine  avaient 
envahi  ses  provinces  et  que,  s  il  différait,  sa  famUle 
était  menacée  d  être  faite  prisonnière.  Il  partit  aus- 
sitôt avec  ses  troupes,  quoique  souffrant  dune  grave 
maladie;  il  ne  resta  sous  les  murs  de  la  citadelle 
que  les  Gurdes  et  les  habitants  de  la  ville.  Le  lende* 


LE  PATRIARCHE   MAR  JABALAHA  II.         347 

main,  le  combat  recommença  entre  les  deux  parfis; 
les  voies  furent  coupées  et  la  famine  se  fît  sentir 
dans  la  citadelle.  Quiconque  sortait  pour  fuir  ou 
pour  chercher  des  vivres  était  tué  sans  pitié.  Le 
patriarche  était  enfermé  dans  le  fort  avec  les  évê- 
ques  et  les  disciples  de  sa  suite,  sans  vêtements  ni 
vivres.  Quapt  aux  députés ,  ils  étaien|:  retournés  au 
camp  avec  Hadji  IMlcandi  ;  ils  rapportèrent  au  roi 
que  le  patriarche  s  était  fait  le  compUoe  des  rebelles 
en  leur  fournissant  des  vivres  et  des  armes  et  en  les 
encourageant  à  la  résistance.  ^ 

Le  roi,  rempli  de  courroux,  envoya  des  ordres 
en  treize  exemplaires  à  redresse  personnelle  de 
chacun  des  émirs  des  Curdes,  des  quatre  émirs 
des  Mongols  et  du  gouverneur  d'Arbèle.  Il  défen- 
dait, sous  peine  de  mort  et  de  confiscation  des 
biens,  de  faire  entrer  des  vivres  dans=  la  citadelle, 
qui  devait  êtr«  at;taqué0  vigoureusement.  En  outre, 
il  remit  à  Tun  de  ses  chambellans  nommé  Togh^n 
(^_^y^<^\^)  et  à  Hadji  Dilcandi,  tous  deux  en- 
nemis des  chrétiens,  une  lettre  à  l'adresse  du  pa- 
triarche ,  dans  laquelle  il  mandait  h  celui-ci  qu'il  n'ait 
plus  à  compter  sur  sa  protection. 

Le  métropolitain  d'Arbèle  avait  quitté  le  camp  peu 
de  temps  après  les  premiers  messagers ,  porteurs  des 
ordres  de  paix,  et  était  revenu  à  Beth-Çayadé.  Là,  il 
apprit  la  détresse  du  patriarche  et  des  chrétiens  assiégé^ 
dans  la  citadelle.  Le  6  mai  i3.io,  au  soir,  il  part 
avec  les  disciples  qui  s'étaient  réfugiés  auprès  de  lui, 
marche  jour  et  nuit  au  milieu  des  dangers  et  arrive 

23. 


348  AVRIL-MAl-JUIN  J889. 

après  dix  jours  de  fatigues  à  Hamadan  où  il  pensait 
trouver  le  roi  ;  mais  celui-ci  venait  justement  de 
partir.  Le  lendemain ,  il  se  met  en  route  pour  Seul- 
tanieli  où  il  est  informé  que  des  ordres  formels 
avaient  été  donnés  à  Toghan  et  à  Hadji  Dilcandi» 
Dans  cette  conjoncture,  il  se  munit  d argent  et  idla 
trouver  un  émir,  proche  parent  du  roi,  qui  lui 
servit  d^intermédiaire  au{)rès  des  autres  émirs  de  la 
cour«  Il  fut  présenté  à  Hassan  Goutlouc,  &  Khodja 
Saïd-ed-din ,  chef  des  scribes ,  et  à  Khodja  Raschid- 
ed-din ,  le  vizir.  Ceux-ci  intercédèrent  en  faveur  du 
patriarche  auprès  du  roi  qui  confia  à  Témir  Choban 
(  T_^^^V^  )  Tinstruction  de  TaiTaire.  Celui-ci ,  après 
avoir  entendu  le  métropolitain ,  lui  donna  raison  d*au- 
tant  plus  facilement  qu'il  était  lié  avec Balou,f émir 
des  Cayatchiyé.  Il  empêcha  Hadji  Dilcandi  de  se 
rendre  h  Arbèle  et  envoya  de  nouveaux  députés. 
Mais ,  à  Tinstigation  de  Hadji  Dilcandi ,  le  métropo- 
litain est  enlevé  de  nuit  et  conduit  dans  une  mon- 
tagne voisine  pour  être  livré  à  Toghan.  Le  métropo- 
litain avait  heureusement  un  jeune  frère  qui  mit 
Choban  au  courant  de  ce  qui  s  était  passé.  Choban 
envoie  à  la  recherche  du  métropolitain  qui  est  ra- 
mené et  présenté  au  roi.  Le  roi  donna  Tordre 
d'amener  au  camp  le  patriarche  et  de  laisser  les 
chrétiens  sortir  de  la  citadelle  sans  les  molester. 
Choban  remit  au  métropolitain  des  lettres  pour 
les  émirs  mongols  qui  devaient  faire  le  siège  de  la 
citadelle,  ainsi  que  pour  Témir  Gaidjak,  le  gendre 
d'Houlaghou  ;  il  leur  recommandait  d'avoir  des  mé- 


LE   PATRIARCHE  MAR  JABALAHA  JI.         349 

nagements  pour  le  patriarche  et  les  chrétiens.  Le 
métropolitain  fut  congédié  avec  honneur  et  accom- 
pagné par  le  député  du  roi. 

Le  métropolitain  et  le  député  arrivent  auprès  de 
Gaidjak.  Celui-ci  et  sa  femme  se  réjouissent  de  la 
bonne  nouvelle qu  ils  leur  apportent;  Gaidjak  envoie 
cent  cavaliers  mongols  pour  assurer  l'exécution  des 
ordres  royaux;  en  même  temps,  il  mande  aux  huit 
cents  fantassins  curdes  qu'il  avait  sous  ses  ordres  de 
faire  sortir  le  patriarche.  De  son  côté,  Toghan, trois 
jours  avant  larrivée  du  métropolitain ,  avait  autorisé 
le  patriarche  à  descendre  de  la  citadelle;  celui-ci 
s  élait  empressé  de  partir  avec  les  évêques  et  les  prê- 
tres de  sa  suite.  Ce  jour  là  était  le  vendredi  26  juin 
i3io. 

Ayant  eu  ensuite  connaissance  des  nouveaux  or- 
dres, Mar  Jabalaha  se  rendit,  dû  consentement  de 
Toglian,  à  la  citadelle  pour  la  faire  évacuer.  Le 
samedi  matin,  cent  cinquante  familles  environ,  com- 
posées d'hommes  sans  arme  offensive  ni  défensive, 
de  femmes  et  d'enfants,  descendent  sans  défiance. 
A  leur  vue ,  les  musulmans  se  jettent  sur  les  hommes 
et  les  massacrent  ;  ils  font  prisonniers  les  enfants  et 
les  femmes.  Pour  justifier  leur  conduite ,  ils  préten- 
dirent qu'on  leur  avait  lancé  des  flèches  du  haut  de 
la  citadelle,  mais  le  vrai  motif  était  d'effrayer  le 
patriarche  et  de  l'empêcher  de  quitter  la  citadelle 
pour  qu'il  y  pérît  avec  les  chrétiens.  Les  fidèles,  en 
effet ,  suppliaient  Mar  Jabalaha  de  ne  pas  exposer  sa 
vie  en  sortant,  mais  lui  préférait  périr  en  martyr 


350  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

que  de  mourir  de  faim;  il  laissait  chacun  libre  de 
rester  ou  de  raccompagner.  D  fut  suivi  de  trois  évo- 
ques, de  ses  disciples  et  de  quelques  moines  et  prê- 
tres. Ds  sortirent  en  foulant  aux  pieds  les  corps  des 
massacrés  qui  gisaient  sans  sépulture.  Le  patriarche 
avait  eu  confiance  en  la  parole  de  Toghan  qui  Tavait 
trompé.  Celui-ci  cependant  laccueillit  avec  beaucoup 
d'égards  et  s  excusa  du  massacre,  qui  avait  eu  lieu, 
disait-il    h  sou  insu. 

Le  métropolitain  connaissait  heureusement  le 
caractère  fourbe  de  Toghan;  sur  son  conseil,  Gaid- 
jak  dépêcha  à  Arbèle  un  exprès  avec  un  des  person- 
nages qui  avaient  accompagné  le  député  du  roi. 
Ceux-ci  arrivèrent  à  Arbèle  le  samedi  soir,  jour  du 
massacre.  Ils  exhibèrent  à  Toghan  la  lettre  de  Cho- 
ban  ;  Toghan  prit  peur  et  laissa  partir  le  patriarche 
qu  il  accompagna  avec  Naçr,  à  la  tombée  de  la  nuit, 
pendant  un  mille.  Mar  Jabalaha  se  rendit  à  TiH- 
kewa^ 

Le  dimanche  matin,  27  juin  i3io,  arrivèrent  le 
métropolitain  et  le  député  du  roi.  Le  métropolitain 
se  rend  auprès  du  patriarche,  et  le  député  va  trouver 
Toghan.  Malgré  les  conseils  de  Toghan ,  le  député 
monte  à  la  citadelle  pour  faire  sortir  les  chrétiens; 
tous  obéissent  à  ses  ordres;  le  soir,  il  redescend 
avec  trois  personnes;  Tune  d'elles  est  arrachée  de 
ses  mains  et  tuée,  les  deux  autres  jetées  en  prison. 


^  Ce  nom  est  écrit  K^i^ai^mL^»  -,  cf.  Hoffmann ,  Auzûge  aus  sy- 
rischen  Acten  pers,  Màrtyrer,  note  iSgS. 


LE   PATRIARCHE   MAR  JABALAHA  II.         351 

Le  déiégué,  impuissant  contre  un  tel  fanatisme, 
remet  à  Toghan  les  clefe  de  la  citadelle  et  va  trouver 
le  patriarche,  auquel  il  expose  que  le  seul  moyen 
de  salut  est  de  faire  protéger  l'évacuation,  de  la  cita- 
delle par  les  hommes  de  sa  suite  et  les  cent  cavaliers 
envoyés  par  Gaidjak. 

Le  mardi  suivant,  le  député  monte  de  nouveau 
à  la  citadelle  et  s'entend  avec  les  habitants  pour  les 
sauver.  Mais  il  y  avait  parmi  ceux-ci  des  émissaires 
de  Naçr-ed-din ,  qui  tenaient  celui-ci  au  courant  de  ce 
qui  se  passait  à  Tintérieur.  Naçr-ed-din  publia  que 
les  habitants  n'auraient  .aucune  contribution  à  payer 
et  qu  ils  seraient  ravitaillés ,  excepté  \eà  montagnards 
(Cayatchiyé)  qui  payeraient  les  frais  de  route  des 
envoyés  du  roi  et  qui  pourraient  sortir,  s'ils  le  vou- 
laient. Sur  cette  parole,  les  montagnards  se  sépar 
rèrent  des  autres  habitante  et  descendirent  sans 
rencontrer  d'obstacle.  Ils  se  retirèrent  à  ^Ënkewa; 
mais  le  lendemain  ils  en  furent  tirés  et  mis  à  mort. 
Il  ne  restait  plus  dans  la  citadelle  ni  chef,  ni  direc- 
teur; à  la  résidence  patriarcale  se  trouvait  le  député 
tout  seul  ;  celui-ci  partit  abandonnant  les  habitants 
en  pleine  famine. 

Le  froment,  devenu  très  rare,  se  vendait  8  zouz 
la  livre;  le  sel  faisait  complètement  défaut;  les  ânes, 
les  chiens,  les  chats  ^,  les  vieux  cuirs  étaient  dévorés; 
on  n'avait  plus  comme  aliment  que  des  graines  de 


••  ^ 


,  littéralement  les  ichneumons  qui  autrefois  rem- 
plissaient dans  les  maisons  le  rôle  des  chats. 


352  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

cotonnier.  Les  gens  gisaient  épuisés  d'inanition;  les 
ibrces  manquaient  pour  creuser  les  fosses  et  les 
morts  restaient  sans  sépulture.  Quelques-uns  se  je- 
tèrent du  haut  du  rempart  et  furent  écharpés  par  les 
musulmans. 

Le  mercredi  i"  juillet  i3io,  les  Arabes  conduits 
par  Toghan  et  Naçr  s  emparèrent  de  la  citadelle  et 
la  pillèrent  après  avoir  égorgé  ou  fait  prisonniers 
les  habitants;  les  montagnards  et  les  Gayatchiyé 
qui  y  étaient  restés  furent  précipités  du  haut  des 
murs  et  achevés  par  ceux  qui  étaient  en  bas;  les 
femmes  et  les  jeunes  filles  furent  vendues  comme 
esclaves  ou  données  en  cadeau  à  qui  voulait  les 
prendre. 

Le  patriarche,  accompagné  des  évêques  de  sa 
suite  et  des  Mongols  que  Gaidjak  lui  avait  envoyés, 
se  retira  à  Belh-Çayâdé,  où  il  s'occupa  de  recueillir 
largent  quil  distribua  au  député  de  Ghoban,  aux 
Mongols  de  Gaidjak  et  aux  Gurdes  qui  étaient  avec 
eux.  Le  8  juillet,  il  fit  visite  à  la  princesse,  femme 
de  Gaidjak,  qui  le  combla  d'honneurs  et  le  fit  ac- 
compagner au  camp  par  une  des  personnes  de  soii 
entourage.  Dès  qu'il  fut  arrivé,  il  se  rendit  auprès 
de  Ghoban  qui  le  reçut  avec  les  égards  dus  à  sa 
dignité,  puis  il  vint  se  fixer  à  la  ville  (Bagdad).  Il 
alla  ensuite  présenter  ses  devoirs  au  roi  qui  lui  fit 
un  accueil  poli,  mais  réservé;  il  ne  lui  donna  pas 
l'occasion  d'exposer  ses  souffrances.  Mar  Jabalaha 
attendit  en  vain  cette  occasion  pendant  plus  d'un 
mois;  découragé,  il  retourna  à   Maragha  avec  la 


LE   PATRIARCHE  MAR  JABALAHA  IL         353 

résolution  de  ne  plus  aller  au  camp.  Il  passa  Thiver 
(i3io-i3ii)  dans  le  monastère  de  Maragha.  L*été 
suivant,  ayant  appris  que  Témir  Irindjin  était  de 
passage  à  Tauriz ,  il  va  le  saluer  ;  il  est  accueilli  avec 
affabilité  par  Irindjin  et  sa  femme ,  qui  était  la  fille 
d'Ahmed,  fils  d'Houlaghou;  il  en  reçut  une  somme 
de  10,000  dinars  ou  60,000  zouz,  des  chevaux  de 
selle  et  un  village  pour  Téglise  de  Mar  Schalita ,  dans 
laquelle  étaient  inhumés  le  père,  la  mère  et  les 
femmes  dlrindjin.  La  princesse  jouissait  d'une 
grande  autorité  dans  le  royaume,  car  sa  fille  avait 
été  épousée  par  le  roi  (Oldjaitou)  çt  occupait  un 
des  premiers  rangs  dans  le  harem. 

Mar  Jabalaha  passa  Thiver  et  fêté  suivants  (1 3 1 2) 
dans  le  monastère  de  Maragha.  Le  roi ,  ayant  appris 
ses  infortunes,  lui  donna  5, 000  dinars.  Le  nombre 
des  métropolitains  et  des  évêques  qu'il  consacra 
jusqu'à  cette  année  s'élevait  à  soixante-quinze.  Il 
vécut  dans  ce  couvent  jusqu'en  i3i'7;  il  y  mourut 
dans  la  nuit  du  dimanche  i  5  novembre  1 3 1 7  et  y 
fut  inhumé. 

Tel  est,  exposé  brièvement  et  avec  la  sécheresse 
d'une  analyse,  le  contenu  de  cet  intéressant  livre. 
Les  minutieux  détails  avec  lesquels  les  événements 
sont  racontés  laissent  l'impression  que  fauteur  a 
puisé  à  de  bonnes  sources,  peut-être  aux  archives  de 
la  résidence  patriarcale  du  monastère  de  Maragha. 
Nous  avons  vu  plus  haut  que,  du  temps  de  l'auteur, 
ce  monastère  était  encore  florissant  et  continuait  à 
être  habité  par  le  patriarche  des  Nestoriens.  Le  livre 


354  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

semble  donc  avoir  été  écrit  peu  dannées  après  la 
mort  de  Jabalaha.  En  ce  qui  concerne  le  récit  du 
voyage  de  Bar  Çauma  en  Europe ,  lauteur  nous  dit 
lui-même  qu'il  Ta  extrait  du  journal  de  ce  saint 
personnage. 


LES  DEVOIRS  DE  L'ÉCOLIER.  355 


LES  DEVOIRS  DE  L'ÉCOLIER, 

PAR 

M.  J.  DARMESTETER. 


TEXTE   PAZEND. 

Le  texte  pazend  qui  suit  est  tiré  d'un  manuscrit 
moderne ,  contenant  entre  autres  le  Bandehesh,  dont 
je  dois  communication  à  lamitié  du  savant  Destour 
Peshotan  qui  a  bien  voulu  le  faire  copier  pour  moi 
par  M.  Rustemji  Firdunji ,  maître  assistant  au  High 
School  de  Bombay. 

Comme  tous  les  textes  pazends  dont  on  ne  pos- 
sède pas  une  traduction  sanscrite  ou  Toriginal 
pehlvi ,  ce  texte  présente  des  difficultés  de  détail  que 
je  ne  suis  pas  toujours  sûr  d'avoir  surmontées.  L'in- 
térêt qu'il  offi'e  est  siulout  uh  intérêt  de  curiosité  : 
c'est  le  seul  document  parsi,  publié  jusqu'à  présent, 
qui  représente. la  littérature  de  la  civilité  puérile  et 
honnête.  Il  rappelle  d'une  façon  frappante  un  autre 
manuel,  le  seul  spécimen  ancien  qui  ait  été  publié, 
je  crois,  jusqu'à  présent,  de  la  morale  scolaire  d'Eu- 
rope ;  c'est  L'Ecole  de  Vertu  «  The  Schoole  of  Vertue  » , 
publié  par  Seager  en  iSSy^  J'ai  cru  intéressant  de 
donner  les  passages  parallèles. 

*   The  Schoole  of  Vertae,  by  F.  Seager  (  A.  D. ,  1 567  ) ,  imprimé  par 
M.  Furnivali,  p.  333-355  des  Manners  and  Meals  in  Olden  Time, 


356  ÂVRIL-MAI-JUIN   1889. 

Je  n'oserais  pas  affirmer  qu'il  y  ait  un  rapport  his- 
torique entre  ces  deux  textes;  mais  les  rapports  cer- 
tains qui  existent  entre  des  livres  tels  que  le  Spécu- 
lum Mundi  et  des  originaux  orientaux  ne  permettent 
pas  de  repousser  a  priori  cette  idée  comme  invrai- 
semblable. 

Le  poème  de  Seager,  à  en  juger  d'après  les  ana- 
logies de  la  littérature  éducationnelle  anglaise,  sup- 
pose des  précédents  français  et  latins  et  c'est  là  qu'il 
faudrait  chercher;  comme  inversement  notre  texte 
pazend,  s'il  n'est  point  de  fabrication  moderne,  ce 
qu'il  ne  semble  pas  être,  suppose  des  précédents 
pehlvis  qu'il  faudrait  retrouver. 

Notre  texte  est  en  réalité  une  double  version  d'un 
même  texte;  la  première  version  comprend  les  para- 
graphes 1  -8  ;  la  seconde  les  paragraphes  9- 1 5. 

Je  donne  le  texte  tel  quel  sans  correction;  le  lec- 
teur remarquera  de  lui-même  l'incohérence  de  l'or- 
thographe :  ë  à  côté  de  é  dans  la  désinence  de  la  se- 
conde personne  du  pluriel  et:  khurshèt  à  côté  dé 
hvarshét;  l'emploi  fréquent  de  i  pour  a. 

LondoD,  published  for  ihe  Eaiiy  English  Teit  Society,  1868» 
p.  cxxxyi-do5-i33,  in-8°.  Le  livre  de  Seager  comprend  376  dis- 
tiques en  16  chapitres.  Les  cinq  premiers  répondent  à  notre  texte. 
Eu  voici  les  titres  : 

The  momynge  prayer. 

Howe  to  order  thy  selfe  when  thou  rysest,  and  in  appardynge 
thy  body. 

Hovtre  to  behaue  thy  selfe  in  going  by  the  streate  and  in  the 
schoole. 

Howe  to  behaue  thi  selfe  in  seruynge  the  table. 

Howe  to  order  thy  sdfe  syttynge  at  the  table. 


LES  DEVOIRS  DE   L'ECOLIER.  357 


358  AVRTL-MAI-JLIN  1889. 

•)mm  *é)f  «Iji^j^  *(L(t^H  *  ^W  *^r€  *)^*<*  *>  *(^fU*^ 

•  ^ef^î^  •»!)"•  *CUt^  •*€*^  '  •»  •  ^»^^^^ 
•^^a*'»î?  •!*!  *wV^  rfijwjj  ♦èf^^^!^  •^k  '(^^ 


\ 


LES  DEVOIRS  DE   L'ÉCOLIER.  359 

*  >  *  ^  V^  *  y 4»^  •  M^  •)èêêj  *  (*  *  <*  Ir  *  ^  *  f^'*'^  *  y#ii» 

•|i»A)4»^    •yiiyjiytl   «Mtp^   *  l(»J^i0*)itl   *^^X^4«»|m»A  •i|>|ÉMiJ» 

•         •         •         •         •  frf^^  «^v 

Au  nom  du  créateur  Auhrmazd  ; 

1 .  Dieu  a  fixé  les  devoirs  des  enfants  *  en  ce  qui 
concerne  2  l'école. 

2.  Tous  les  jours,  de  grand  matin',  avant  que  le 

^  rédhakân. 

'  ôi  in  parân,  serait  en  pehlvi  îyO    ^Y   \Y*' 

*  fawirjradâ  «  de  grand  matin  »  \fawir  =  pa  awtr, 

Early  in  the  mornynge  thy  bed  ihen  forsake  (57*58). 


360  AVRIL-MAl-JUIN  1880. 

soleil  se  lève,  vous  vous  lèverez  de  votre  lit.  Vous 
vous  laverez  bien  ^  les  mains  et  le  visage  avec  le  dast- 
shô  et  Teau  pure  ^.  —  3 .  Le  matin ,  à  Theure  régulière , 
vous  irez  à  Técole;  vous  vous  mettrez  aussitôt  à  votre 
devoir;  vous  tiendrez  si  bien  attentifs  à  la  leçon  Fœii, 
Toreille,  le  cœur'  et  la  langue  que,  quand  Ton  vous 
congédiera  de  Técole ,  vous  répéterez  en  route  la  le- 
çon par  cœur.  —  A.  Si  vous  rencontrez  un  homme 
de  bien ,  que  vous  connaissez ,  quand  il  arrivera  de- 


*  pa  hhûvHi  =  v>^  • 

L*enfànt  anglais,  aussitôt  levé,  descend  de  sa  chambre,  salae  ses 
parents,  se  lave  les  mains  et  se  peigne. 

Thy  handes  se  thou  washe        and  thy  head  keame  (73-74  ). 

Il  brosse  sa  cape,  serre  le  col  de  sa  chemise,  assujettit  sa  cdu- 
ture ,  brosse  son  pantalon ,  nettoie  ses  souliers ,  se  mouche ,  fidt  set 
ongles,  se  lave  les  oreilles  et  les  dents,  prend  sa  gibecière  et  ses 
livres  et  se  rend  en  hâte  à  Técole. 

This  done ,  thy  setchell  and  thy  bokes  take 

And  to  the  scole  haste  see  thou  make  (109-1 1  a  ). 

Il  va  droit  à  sa  place,  défait  sa  gibecière,  prend  son  livre  et  y 
apprend  sa  leçon. 

Vnto  thy  place  appoynted  for  to  syt , 

Streight  go  thou  to,  and  thy  setchel  vnknyt, 

Thy  bokes  take  out ,  thy  lesson  then  leame 

Humbly  thy  selfe  behaue  and  goueme. 

Therein  takynge  payne,  with  ail  thyne  industry 

Learnynge  to  get  thy  boke  wdl  applye  (157-168). 

*  pa  d<ut<isûi  u  âw  ;  dastasûi  est  ^^.tfii  y.M»>  ;  littéralement  t  f  eau  qui 
sert  à  laver  la  main  » ,  c*est  Teau  méiée  de  goméz  t  urine  de  bœuf  > , 
dont  le  Parsi  se  lave  d*abord  avant  de  se  laver  à  l*eau  pure. 

^  DU  «  le  cœur  » ,  c'est-à-dire  •  l'intelligence  ». 


LES  DEVOIRS  DE   L'ÉCOLIER.  301 

vant  vous,  vous  le  saluerez  poliment  ^  —  5.  Arrivés 
à  la  maison,  conduisez-vous  avec  mesure  et.  .  .(?). 
N'ennuyez  personne ,  père  ni  mère;  ne  frappez  sœur, 
ni  frère ,  ni  esclaves ,  ni  serviteurs,  ni  animaux.  Mon 
trez-vous  bien  polis,  ne  soyez  pas  méchants,  soyez 
bons  et  courtois. 

6.  Quand  on  vous  dira  de  prendre  votre  repas, 
mouchez-vous ,  lavez-vous  les  mains ,  déposez  le  pain , 
asseyez-vous,  dites  le  yathâ  âat  yazamaidê;  dites  Va- 
shem  vôhâ  trois  fois  et  mangez. 

y.  Quand  vous  aurez  mangé,  vous  nettoierez  la 
place  où  vous  avez  mangé  ^,  vous  mettrez  de  Teau 
sur  vos  mains,  rabattrez  les  cheveux  et  les  relèverez. 
Si  vous  avez  du  vin,  vous  en  boirez;  si  vous  n'en 
avez  pas ,  vous  n'en  boirez  pas ,  pour  dire  les  grâces  (?)^, 

'  En  se  rendant  à  l'école,  l'écolier  doit  saluer  du  chapeau  les  pas 
sants  qu'il  rencontre  et  leur  céder  le  chemin. 

In  goynge  by  the  way  and  passynge  the  strete , 

Tby  cappe  put  of,  Sainte  those  yc  inete  (i33-i30) 

De  même  en  revenant. 

Humbly  your  selues  towarde  ail  men  hehaue; 

Be  free  of  cappe  and  full  of  curtesye  ; 

Be  lowly  and  gentyll  and  of  meke  moode  (  271-276). 

^  awazâist  jâi ,  littéralement  :  «le  lieu  où  l'on  se  renforce». 
^  Ai  tdash  sahhûnhsh  bét.  Dans  le  rituel  juif,  on  prend  un  verre 
de  vin  pour  réciter  les  grâces. 

Geve  thankes  to  God  with  one  accorde 

For  that  shall  be  Set  on  this  borde  (3o5-3o8). 

Il  débarrasse  la  table  «  change  la  serviette,  apporte  un  bassin  et 
de  l'eau  pour  que  ses  parents  se  lavent  la  main. 

Then  on  the  table  Attende  with  ail  diligence , 

xii:.  24 


IMPSIMK«I«    ■«rioitti. 


362  AVRIL-MAl-JUIN  1889/ 

et  vous  prononcerez  quatre  ashem  vôhâ,  deux  yaAâ 
ahâ  vairyô. 

8 (?)  ^  ;  vous  porterez  les  rinçures^  des 

dents  au  lieu  où  il  faut^,  vous  irez  vous  asseoir  avec 
un  livre;  vous  irez  dormir  tranquillement  et  vous 
relèverez  dispos,  joyeux  de  retourner  à  Fécole*. 

9.  Enfants ,  je  vais  vous  donner  un  bon  conseil.  — 
I  o.  Quand  vous  sortez  de  Técole,  allez  le  droit  che- 
min^. 

1  1.  Ne  battez  pas  le  chien,  la  volaille,  le  bœuf; 
ne  les  tourmentez  pas.  —  12.  Quand  un  homme  de 
bien  que  vous  connaissez  vient  devant  vous ,  faites- 
lui  comme  il  convient  et  saluez-le  bien  polimeat. 

h  for  to  voyde  when  done  hâve  thy  parence 

The  hason  and  ewer  to  the  tahle  then  hrynge , 

When  thou  shait  see  them  rady  to  washe, 

The  ewer  take  up,  and  he  not  to  rashe 

In  powrynge  out  water  More  than  wyli  suffise  ..... 

(395-416). 

Après  le  dessert  il  verse  du  vin,  de  l'aie  ou  de  la  bière,  mais  le 
vin  est  préférable  s'il  y  en  a  : 

Wyne  to  them  fyll  Els  aie  or  beare; 

But  wyne  is  metest  If  any  there  were  (Sgi-Sgd). 

^  sparâm  awa  awzâyist  t  du  spardm  {f^y^  «  herbe  odoriférante  »  ) 
dans  votre  repas  (?)v  :  il  se  laverait  la  bouche  avec  du  sparàm  (?]. 

^  parsni;  S  i5 ,  sarsnik;  le  sens  est  donné  par  l'expression  dandân 
pâk  hi  kunét  au  passage  paridlèle  S  i5. 

^  Le  lieu  où  Ton  porte  les  ordures. 

*  Littérsdement  :  «  vous  verrez  l'école  avec  plaisir  »  ;  suivent  deux 
mots  ahê  darût  dont  le  premier,  avec  sa  forme  zende,  semble  une 
fausse  lecture  :  «  vous  lui  ferez  le  darût  «  salut  !  ». 

^  In  passynge  the  strete  Do  no  man  no  harme  (281-282). 


LES  DEVOIRS  DE  L  ÉCOLIER.  363 

i3.  Arrivés  à  la  maison,  tenez-vous  devant  votre 
père  et  votre  mère  la  main  sous  Faisselle  \  dans  l'at- 
titude de  robéissance.  Tout  ce  quils  vous  com- 
mandent de  faire,  faites-le  intelligemment,  comme 
on  vous  l'ordonne.  —  i  k-  Ne  vous  asseyez  pas  tant 
qu'ils  ne  vous  le  disent  pas.  Quand  ils  vous  disent  de 
prendre  votre  repas,  mouchez-vous,  lavez-vous  les 
mains,  mettez  les  aliments  devant  vous,  récitez  un 
yaihâ  âat,  trois  ashem  vâhâ  et  mangez  votre  repas  ^. 

1 5.  Quand  vous  avez  mangé,  nettoyez  vos  dents, 
prononcez  quatre  ashem  vôhâ,  deux  yathâ  ahû  vairyô, 
jetez  où  il  faut  la  rinçure  des  dents;  dormez  bien, 
levez-vous  dispos  le  lendemain  matin  avant  le  lever 
du  soleil.  Lavez-vous  bien  et  en  règle  les  mains  et 
le  visage,  trois  fois  avec  le  dastshô  et  sept  fois  avec 
l'eau  pure^. 

^«>yj   i/*^  0)uwi>  .  • 

^  VVith  sober  counlinaunce       Lokynge  them  in  the  face, 
Thy  bandes  boldynge  up  ibis  begyn  graco  :  (3oi-3o3). 

^  Je  ne  comprends  pas  le  reste  du  morceau. 


2.'.. 


364  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 


t^a^i^Km^^Ê^a 


NOTES 

D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE, 


PAR 

M.  E.  SENART. 


II 

SGR  QUELQUES  PIERRES  GRAVEES  PROVENANT  DU  CABOUL. 

Je  dois  à  Tobligeance  du  capitaine  Deane,  assis- 
tant-commissioner  à  Mardan,  la  communication 
récente  de  plusieurs  pierres  gravées,  découvertes  et 
acquises  par  lui  dans  la  vallée  de  Caboul.  Son  envoi 
se  composait  de  six  pièces,  deux  originaux  (les  n**  i 
et  Ix  de  la  planche)  et  quatre  moulages  (n~  2,  5, 
6,  7).  Il  s  agit,  on  le  voit  au  premier  coup  dœil,  de 
monuments  très  disparates  par  le  style,  parle  carac- 
tère, par  la  date.  Us  se  trouvent  du  moins  associés 
par  les  lieux  où  les  uns  et  les  autres  ont  été  trouvés; 
en  un  sens  leur  variété  même  est  significative;  elle 
est  caractéristique  pour  ce  pays  de  Caboul  qui,  si 
souvent,  a  livré  passage  aux  envahisseurs  de  toute 
race  et  de  toute  langue  en  marche  vers  Tlnde,  et 
qui,  pendant  une  période  importante  et  curieuse 
de  rhistoire,  devint  le  point  de  rencontre  de  tant 
de  courants  venus  de  tous  les  points  du  monde 
hellénisé  et  de  TAsie  antérieure. 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  365 

Sur  quatre  de  ces  pierres  je  n'ai,  par  des  raisons 
diverses,  que  peu  de  chose  à  dire.  Les  n***  4  et  5 
sont  d  un  style  grec  manifeste ,  quoique  d'un  travail , 
le  n**  Ix  surtout,  passablement  dégénéré.  Les  types 
ne  présentent  aucune  obscurité.  Le  pêcheur  du  n**  4 
est  connu  en  nombreuses  variantes;  je  laisse  à  de 
plus  expérimentés  le  soin  d'expliquer  la  double  haste 
qui  apparaît  derrière  Tépaule  et  cette  ligne  brisée 
qui  enveloppe  la  tête  du  personnage  comme  entre 
les  branches  d'un  compas.  Le  n°  5  porte  un  Hermès 
qui  tient  le  caducée  de  la  main  droite  et  la  bourse  [?) 
de  la  gauche. 

Le  n°  6  est  de  la  facture  la  plus  sommaire  et  la 
plus  barbare.  Mon  expérience  n'est  pas  assez  grande 
pour  que  j'ose  être  afTirmatif  siur  le  sujet  qu'on  a 
voulu  y  représenter;  cependant  l'aspect  général  fait 
d'abord  penser  à  un  type  égyptien ,  un  Anubis  por- 
tant de  la  main  gauche  la  croix  ansée. 

Le  n**  7  étant  marqué  de  caractères  coulîques,  je 
fai  soumis  à  mon  savant  confrère  M.  Schefer.  Il  lit 
le  nom  «  Abou  Bekr  » ,  et  estime  que  la  forme  des 
caractères  indique  approximativement  le  iv*  siècle 
de  l'hégire. 

Les  n**'  1  et  2  nous  reportent  à  une  antiquité 
beaucoup  plus  haute;  ils  forment  certainement  la 
partie  la  plus  intéressante  de  l'envoi ,  l'un  à  cause  de 
son  inscription  en  caractères  indo-bactriens ,  l'autre 
à  cause  du  type  qu'il  porte  et  qui  fait  transition 
avec  certains  types  des  monnaies.  Les  quelques  re- 
cherches qu'a  provoquées  de  ma  part  l'étude  de  ces 


366  AVRIL-MAI-JUIN  1880. 

deux  pierres  m'a  mis  sur  la  trace  du  n"  3 ,  une  très 
belle  pierre  conservée  depuis  longtemps  au  Cabinet 
des  médailles  et  qui  ma  été  signalée  par  M.  Babelon. 
La  rencontre  était  dautant  plus  précieuse  que  les 
cachets  avec  épigraphe  indo-bactrienne sont,  autant 
que  je  puis  savoir,  d'une  extrême  rareté.  Daprès 
ime  obligeante  communication  de  M.  S.  L,  Poole, 
ladmirable  collection  du  British  Muséum  n'en  con- 
tient aucun. 

Nos  trois  pierres  sont  trois  cornalines  de  colora- 
tion assez  différente,  le  if  i  étant  sensiblement  plus 
foncé  que  le  n**  3. 

La  lecture  des  deux  épigraphes  ne  présente  pas 
de  difficulté  sérieuse.  Nous  y  trouvons,  comme  on 
pouvait  s'y  attendre,  des  noms  propres.  Et  d'abord 
le  n°  1 ,  Je  lis  U  ^  Qj^'^  ;  une  dernière  leltre  est 
tombée  dans  la  cassure;  il  semble  pourtant  que  Ton 
distingue  encore  les  restes  de  la  boucle  d'un  p;  en 
tout  cas ,  la  restitution  de  ce  caractère  qui  forme  la  dé- 
sinence du  génitif  ne  saurait  être  douteuse.  Nous 
avons  donc  satheùdamasa,  La  seule  particularité  gra- 
phique digne  d'être  notée  consiste  dans  la  place 
qu'occupe  le  trait  vocalique  de  Ye  dans  the;  il  devrait 
être  tracé  à  gauche  et  non  à  droite  de  la  haste  "f-  et 
non  j^.  C'est  un  détail  sans  importance.  Les  letti*es 
sont  du  reste  nettes  et  bien  formées.  Nous  ne  pouvons 
hésiter  à  transcrire  «  Theodamas  »  le  nom  du  pro- 
priétaire de  ce  cachet.  Il  serait  superflu  de  grouper 
les  différents  noms  propres  étrangers  où  Yo  est  repré- 
senté par  a  dans  la  transcription  indienne ,  depuis Âga- 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  367 

thokles  [Agathukleyasa)  jusquà  Pakores  [Pakurasa); 
suffit  de  rappeler  le  «  Theophilos  »  dont  le  général  il 
Cunningham  possède  des  monnaies  avec  la  légende 
maharajasa  dhramikasa  theuphilasa^.  On  le  voit  du 
même  coup ,  le  6  y  est  transcrit  par  le  th  cérébral , 
exactement  comme  sur  notre  pierre. 

Reste  la  syllabe  initiale  sa.  Elle  est  la  principale 
difficulté,  mais  aussi  le  principal  intérêt  de  notre 
épigraphe.  Il  est  impossible  en  effet  de  ne  pas  la 
rapprocher  de  Ténigmatique  syllabe  2Y  des  mon- 
naies dites  de  Sy-Hermaios.  Cette  syllabe  a  beau- 
coup exercé  la  sagacité  des  critiques,  sans  que  la 
discussion  ait,  à  mon  avis,  abouti  à  une  conclusion 
plausible.  La  dernière  conjecture,  celle  de  M.  01- 
denberg^,  ingénieuse  comme  tout  ce  qui  vient  de 
ce  savant ,  consistait  à  voir  dans  les  deux  lettres  une 
répétition  arbitraire,  ajoutée  par  les  graveurs  mal- 
habiles pour  boucher  un  vide ,  de  la  dernière  lettre 
de  2ÛTHP02   et  de  la  dernière  de   EPMAIOT  ^ 

^  Gardner,  Grceh  and  Scythic  coins  of  Bactria  in  the  Brit.  Mus, , 
p.  167. 

'  l}eher  die  Datirung  der  aellest.  ind.  Mûnzen,  dans  la  Zeitsclir.  Jàr 
Numism.j  VIII,  p.  298. 

^  On  sait  que  la  disposition  de  la  légende  ordinaire  est  la  sui- 
vante : 


ce  qui  explique  la  conjecture  de  M.  Oldenber^. 


368  AVRIL-MÂI-JUIN  1889. 

Sans  insister  sur  les  autres  raisons  qui  pourraient 
rendre  l'hypothèse  suspecte ,  il  me  suffit  de  constater 
que  la  présence  de  la  syllabe  5a  sur  notre  intaille 
parait  Técarter  dune  façon  péremptoire.  Il  faut 
trouver  à  cette  syllabe  une  explication  directe  ;  c  est 
un  premier  fait  qui  ressort  de  noire  petit  monu- 
ment.  Il  prouve,  en  outre,  qu'il  n'y  faut  pas  cher- 
cher un  titre  ou  l'abréviation  d'un  titre  royal,  rien 
n'indiquant  que  notre  Theodamas  soit  un  dynaste 
jusqu'ici  inconnu.  La  question  se  trouve  ainsi  posée 
dans  des  termes  plus  sûrs  et  plus  nets.  Quant  à  la 
réponse,  je  ne  me  flatte  pas  de  la  tenir  avec  certi- 
tude; on  me  permettra  au  moins  d'exposer,  non 
sans  des  réserves  expresses,  la  seule  conjecture  qui 
me  soit  venue  à  l'esprit. 

Les  faits  qui  concernent  la  série  2Y  EPMÂI02 
se  présentent  de  la  façon  suivante.  Nous  possédons 
d  abord  de  Hermaios  des  suites  de  monnaies  tant  en 
argent  qu'en  bronze  portant  la  légende  correcte 
BA2IAEÛ2  2ÛTHP02  EPMAIOY  ;  puis  des  mon- 
naies portant  d'un  côté  la  légende  BA21AEÛ2 
2THP02  2T  EPMAIOY  et  frappées  de  l'autre  côté 
au  nom  de  Kadphises,  avec  la  légende  kajulakasasa 
kushanayavagasa  dhramathidasa  (je  n'ai  pas  à  exa- 
miner ici  les  difficultés  ou  les  doutes  que  peut, 
dans  le  détail,  présenter  cette  lecture);  enfin,  cer- 
taines monnaies  de  bronze  portent  la  même  légende 
grecque  à  Favers  ^aaikeù)s  alripos  (tv  epfÀaiov,  et,  au 
revers,  la  légende  indienne  maharajasa  mahatasa 
heramayasa.  Tout  le  monde  paraît  être   d'accord 


V 


NOTES  P'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  369 

pour  considérer  Hermaios  comme  le  dernier  roi 
grec  de  Caboul,  et  Kadphises  comme  le  premier 
chef  des  Yueh-chi  qui  ait  amené  ses  guerriers 
jusque  dans  llnde^.  Des  monnaies  qui  portent  Tun 
et  l'autre  nom,  on  a  conclu,  très  naturellement, 
que,  avant  que  Kadphises  devînt  le  maître  unique, 
il  avait  dû  pendant  un  temps  partager  le  pouvoir 
avec  son  prédécesseur  grec^.  On  ne  peut  guère 
douter  que  les  monnaies  de  la  troisième  série ,  celles 
qui  portent  2T  EPMAIOT  à  lavers,  mais  avec  le 
nom  de  Hermaios  au  revers  en  caractères  indo-bac- 
triens,  n appartiennent ,  malgré  labsence  du  nom  de 
Kadphises ,  à  cette  seconde  partie  du  règne  de  Her- 
maios, à  sa  période  de  pouvoir  divisé  et  diminué. 

Non  seulement  le  type  en  est  plus  dégradé,  mais, 
contrairement  à  la  pratique  des  monnaies  anté- 
rieures, le  titre  de  (Xùnrfp  n'est  pas  traduit  dans  la 
légende  indienne;  elle  porte  seulement  maharajasa 
nuthatasa  heramayasa^  sans  tradatasa  ou  quelle  que 
soit  la  lecture  exacte  du  mot.  Il  est  difficile  de  ne 
pas  admettre  une  certaine  corrélation  entre  la  mu- 
tilation du  titre  arcjrrfpos  en  arirjpos  dans  la  légende 
grecque  et  sa  suppression  totale  dans  la  contre-partie 
indienne.  Cette  coïncidence  exclurait  l'idée  d'une 
erreur  purement  matérielle  dans  le  grec,  si  l'inva- 
riable reproduction  de  la  forme  arirtpos  dans  les 
coins  de  ce  type  n'était  déjà  plus  que  suffisante  pour 
l'écarter. 

*  Gardner,  loco  ciL ,  p.  xxxi  et  suiv. 

*  Ihid,,  p.  XLYiii. 


370  AVRIL-MAI-JUIN    1889. 

Ceci  posé,  on  remarquera  que  les  légendes  de 
Kadphises  sont  les  premières  dans  la  numismatique 
de  rinde  qui  portent  un  ethnique,  kasJiana  (et  peut- 
être  diussi  yavuga).  Une  pareille  mention  devient,  en 
effet ,  particulièrement  naturelle  si ,  comme  tout  l'in- 
dique ,  il  y  a  eu ,  pendant  un  certain  temps ,  un  par- 
tage du  pouvoir  entre  deux  chefs  appartenant  à  des 
nationalités  différentes.  Si  Kadphises  a  pris  le  parti 
de  marquer  la  sienne,  il  est  a  priori  assez  croyable 
que  Hermaios  a  dû  faire  de  même.  G*est  ce  qui 
m  amène  à  imaginer  que  la  syllabe  2 Y  pourrait  bien 
n  être  qu'une  abréviation  de  2TP0T  «  syrien  ».  Je  ne 
méconnais  pas  les  difficultés  de  cette  explication, 
et  je  ne  la  donne  que  comme  purement  conjectu- 
rale. En  épigraphie  grecque,  l'abréviation  régulière 
serait  certainement  2TP  et  non  2T;  cette  objection 
de  forme  ne  me  paraît  pas  bien  inquiétante  à  l'épo- 
que et  aux  lieux  où  nous  transportent  nos  mon- 
naies, d'autant  moins  qu'il  n'est  pas  question  ici 
d'une  notation  traditionnelle ,  mais  d*une  inno- 
vation commandée  par  des  circonstances  locales. 
Ce  qui  est  plus  grave,  c'est  d'admettre  que  le  nom 
de  Syrien  ait  pu  être  ainsi  substitué  à  celui  d'Hel- 
lène, L'élargissement  progressif  de  l'aire  géogra- 
phique embrassée  par  le  nom  de  ^vpla,  féloi- 
gnement  de  ces  demi-Grecs  jetés  au  bout  du  monde 
hellénisé,  pour  qui  le  royaume  de  Syrie  avait  dû 
devenir  depuis  longtemps,  et  surtout  depuis  fin- 
tei^osition  de  l'empire  parthe,  le  dernier  représen- 
tant de  la  puissance  grecque  indépendante,  permet- 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  371 

tent-ils  de  passer  sur  ces  scrupules?  On  en  jugera. 
Cette  hypothèse  est  en  tout  cas  la  seule  que  je  puisse 
ofiGrir. 

Elle  a  au  moins  Tavantage  de  s'appliquer  sans 
peine  à  notre  intaille.  Le  propriétaire,  comme  Tin- 
dique  son  nom,  est  bien  certainement  un  Grec. 
Pourtant  il  vivait  sous  une  domination  barbare, 
au  milieu  de  barbares,  puisqu'il  en  était  réduit  à 
employer  un  alphabet  étranger.  Cette  circonstance 
a  pu  lui  inspirer  un  désir  d'autant  plus  vif  d'affir- 
mer sa  nationalité,  pour  lui  un  titre  de  considé- 
ration, par  un  procédé  que  les  monnaies  du  dernier 
roi  grec  avaient  rendu  intelligible  et  familier. 

Nous  trouvons  en  quelque  façon  la  contre-épreuve 
dans  la  pierre  du  Cabinet  des  médailles ,  notre  n°  3. 
La  lecture  de  la  légende  ne  laisse  place  à  aucun 
doute,  c'est  ^^'^  /j*;  punamaiasa.  Sous  l'impres- 
sion de  l'autre  intaille ,  j'avais  cru  tout  d'abord  devoir 
lire  sa  le  premier  caractère;  mais,  quoique  la  partie 
verticale  de  la  boucle  incline  vers  la  gauche  un  peu 
plus  qu'il  n'est  ordinaire,  la  haste  rigide,  sans  inter- 
ruption au  milieu ,  ne  peut  laisser  aucune  incertitude 
sur  la  valeur  des  caractères,  /"  et  non  ^;  la  compa- 
raison du  /^  final  est  décisive.  La  forme  du  /î,  ordi- 
nairement 7,  est  un  peu  particulière,  sans  pourtant 
prêter  au  doute;  on  peut  comparer  la  seconde  des 
formes  consignée  dans  le  tableau  alphabétique  de 
M.  Gardner  ^  La  forme  de  l'm  confirme  le  sentiment 

*  Loco  cit. ,  p.  Lxx. 


tk.. 


372  AVKIL-MAI-JUIN  1889. 

que  j'ai  exprimé  autrefois  et  d'après  lequel  V  n'est 
rien  de  plus  qu'une  variante  graphique  de  X  Pana- 
mata,  sanscrit  panyamata,  c'est-à-dire  «  dont  la  pensée 
est  pure  »,  donne  un  nom  parfaitement  acceptable. 
Ici  le  propriétaire  du  cachet  est  de  nationalité  in- 
doue. Or,  soit  hasard,  soit  intention  réfléchie,  la 
syllabe  sa  est  absente. 

Les  explications  qui  précèdent  indiquent  assez  la 
date  approximative  qu'il  convient,  je  crois,  d'assi- 
gner aux  deux  pierres;  la  troisième,  le  n**  a ,  se  rat- 
tache assez  étroitement  à  elles  par  le  type  qu'elle 
présente.  Entre  le  n"  2  et  le  n°  3 ,  l'analogie  est  com- 
plète :  la  position  du  bras  est  la  même,  le  vêtement 
pareil,  la  coiffure,  sans  être  absolument  identique, 
est  très  semblable;  de  part  et  d'autre  l'aspect  iranien 
est  très  accusé.  La  principale  différence  est  dans  le 
sceptre  que  porte  des  deux  côtés  le  personnage  :  il 
est,  dans  l'un,  surmonté  d'un  trident  qui  manque 
dans  l'autre.  Le  style  et  les  proportions  se  distin- 
guent du  reste  par  des  nuances  suffisamment  appa- 
rentes. Dans  le  n°  1 ,  la  coiffure  semble  faite  d'une 
simple  couronne,  le  bras  droit  est  très  infléchi  et 
paraît  ramener  la  main  à  la  bouche,  le  sceptre  est 
porté  transversalement  et  affecte  l'aspect  d'une 
palme.  Quant  au  vêtement,  je  crois  bien  que  la 
ligne  qui,  d'une  façon  générale,  suit  le  dos,  en 
marque  la' présence;  mais  il  est  traité  de  telle  façon 
que  l'on  pourrait  s'y  tromper  et  croire  que  le  per- 
sonnage est  représenté  nu.  Malgré  ces  divergences, 
la  parenté  entre  les  trois  types  saute  aux  yeux.  Les 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  373 

monnaies  nous  offrent,  d autre  part,    de  précieux 
points  de  repère. 

La  ressemblance  est  surtout  frappante  entre  nos 
n°*  2  et  3  et  certaines  séries  d'Abdagases^.  La  com- 
paraison de  certaines  monnaies  de  Gondophares^  et 
aussi  d'Aziiizes^  montre,  en  outre,  dans  la  position 
du  bras  droit,  dans  la  manière  de  porter  le  sceptre, 
dans  la  substitution  du  trident  au  sceptre ,  des  varia- 
tions absolument  analogues  à  celles  que  nous  consta- 
tons entre  nos  intailles.  Même  au  point  de  vue  du 
style ,  la  décadence  paraît  bien ,  de  part  et  d'autre ,  être 
arrivée  à  peu  près  au  même  degré.  Ces  analogies, 
d'après  la  date  actuellement  admise  pour  Gondopha- 
res,  nous  ramènent  vers  le  milieu  du  i"  siècle  de  Tère 
chrétienne.  Ce  nest,  bien  entendu,  qu'une  appro- 
ximation. Nos  trois  pierres  ne  sont  pas  elles-mêmes 
exactement  du  même  temps;  et  il  est  impossible, 
en  pareille  matière,  de  prétendre  à  une  précision 
rigoureuse.  En  tout  cas,  cette  date,  le  commence- 
ment de  l'ère  chrétienne ,  concorderait  d'autre  part 
fort  bien  avec  les  indices  fournis  par  les  monnaies 
d'Hermaios  dont  l'emploi  commun  de  la  syllabe  su 
rapproche  notre  n°  i.  C'est  en  a  5  avant  notre  ère 
que  l'on  place  l'arrivée  dans  le  Caboul  de  Kad- 
phises  avec  ses  Yueh-chi  ^  ;  c'est  peu  d'années  après 
que  les  dernières  traces  de  la  domination  grecque 

'  Gardner,  pi.  XXIII,  2-3;  Ariana  AnL,  pi.  VI,  i. 

*  Ibid,,  pL  XXII,  5,9;  Ariana  Ant,,  pL  V,  18,  20. 
'  Ibid.,  pi.  XX,  4. 

*  Ibid,,  p.  XLvni. 


k 


374  AVUIL-MAI-JUIN  1889. 

(lurent  disparaître.  J'ai  cru  trouver  dans  l'épigraphe 
indo-bactrieniic  de  notre  Theodamas,  d'une  part, 
une  imitation  de  la  pratique  monétaire  des  der- 
niers temps  de  Hermaios,  d'autre  part,  un  indice 
du  fait  que,  de  son  temps,  la  souveraineté  des  rois 
barbares  était  définitivement  assise;  si  jai  raison, 
la  première  moitié  du  i*""  siècle  serait  bien  le  moment 
où  il  faudrait  croire  que  notre  cachet  a  été  gravé. 
Bien  entendu,  je  ne  prête  à  ces  rencontres  que  le 
prix  qu'il  convient.  Quoi  qu'on  en  décide,  il  est 
incontestable  que  la  ressemblance  des  types  et  la 
parente  du  style  ne  permettent  pas  de  séparer  par 
un  long  intervalle  notre  n°  i ,  ni  les  n°'  2  et  3  qui  . 
lui  sont  similaires,  de  l'époque  des  dynastes  d'ori- 
gine parthe,  Gondophares  et  Abdagases. 

Il  serait  intéressant  de  pouvoir  dénommer  avec 
certitude  le  personnage  commun  à  nos  cachets  et  aux 
médailles.  Je  regrette  de  n'être  pas  en  état  de  le 
faire.  Il  importerait  d'abord  d'être  plus  sûrement 
fixé  sur  certains  détails  qui  par  malheur  nous  échap- 
pent ,  ou  qui  du  moins  m'échappent  sur  les  repro- 
ductions qui  me  sont  accessibles.  Dans  certains  cas, 
le  personnage  semble  tenir  de  la  main  dix)ite  une 
couronne,  ailleurs  on  pourrait  songer  à  une  coupe, 
ailleurs  il  paraît  bien  ne  rien  tenir  du  tout.  A  en 
juger  par  l'analogie  de  presque  toutes  les  mon- 
naies, il  semble  que  ce  doive  être  un  être  divin,  et 
sa  présence  sur  nos  ^nerres  ne  peut  que  confirmer 
ccHe  impression.  Mais  lequel?  M.  (iardner  l'appelle 
Zens.  ÏjO  trident  tout  au  moins  s'accorde  mal  avec 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  375 

cette  identification.  Wilson  ne  lui  donnait  pas  de 
nom.  Jusqu'à  nouvel  ordre,  c'est  encore,  je  le  crains, 
le  parti  le  plus  sage. 

P.  5.  Des  informations  récentes  reçues  du  capi- 
taine Deane  me  permettent  d'être  plus  précis  sur  la 
provenance  de  plusieurs  de  ces  pierres.  Les  n°'  i ,  2 
et  4  viennent  du  pays  de  Bajaur  (au  nord-est  de 
Jellalabad)  et  c'est  dans  le  village  de  Miankilli  qu'ils 
ont  été  acquis  ;  le  n°  5  a  été  retrouvé  parmi  les  ruines 
de  Shahbaz  Garhi ,  et  le  n°  6  vient  du  village  d'AUa- 
dand ,  dans  le  pays  de  Swat. 


37Ô  AVRIL-MAl-JDIN  1889. 


LA  NUMISMATIQUE   ARAMEENNE 

sous  LES  ARSAGIDES  ET  EN  MESOPOTAMIE, 
PAR  M.  E.  DROUIN. 


L'étude  des  monnaies  à  légendes  sémitiques  pro- 
venant de  l'Asie  antérieure ,  c  est-à-dire  des  pays  qui 
forment  la  Mésopotamie,  Tlrâq  arabi  et  Tlrân  ac- 
tuels, est  intéressante  à  la  fois  pour  l'histoire  an- 
cienne de  ces  contrées  et  pour  la  paléographie  ara- 
méenne.  On  sait  combien  les  découvertes  et  les 
recherches  qui  ont.  été  faites  depuis  un  demi-siècle 
dans  ce  domaine  archéologique  ont  enrichi  l'his- 
toire de  cette  portion  de  l'Asie  pour  la  période  qui 
s'étend  du  v*  siècle  avant  J.-C.  jusqu'au  ni*  siècle 
de  notre  ère.  Et  cependant  que  de  lacunes  encore  à 
combler,  que  de  princes  à  noms  sémitiques  ou 
perses,  dont  les  rares  monnaies  sont  arrivées  jusqu'à 
nous ,  attendent  encore  leur  classification  !  Que  de 
noms  inconnus  comme  Charaspès,  Godraeus,  Pa- 
haspès ,  Timnalus ,  Arsaces-Dikaïos ,  Kinnamus ,  Kam- 
naskirès ,  etc. ,  sur  lesquels  les  auteurs  anciens  ne 
nous  ont  laissé  aucune  indication!  Mais,  à  côté  de 
ces  lacunes ,  on  est  heureux  de  pouvoir  signaler  les 
résultats  importants  obtenus  par  la  numismatique 


LA   NUMISMATIQUE   ARAMÉENNE.  377 

pour  quelques  royaumes  de  la  Mésopotamie,  Sans 
sortir  du  domaine  sémitique ,  il  suffit  de  rappeler  les 
belles  études  de  MM.  de  Saulcy,  von  Gutschmid, 
de  Vogué ,  Clermont-Ganneau ,  qui  sont  parvenus  à 
reconstituer,  grâce  surtout  aux  monnaies  et  à  quel- 
ques Intailles,  les  listes  des  rois  d'Edesse,  des  rois 
nabatéens  et  des  rois  de  Palmyre. 

Pour  les  contrées  sises  au  delà  du  Tigre ,  les  trou- 
vailles faites  depuis  une  trentaine  dannées  ont  fait 
connaître  un  certain  nombre  de  monnaies  en  argent 
et  en  bronze,  avec  des  légendes  en  caractères  sémi- 
tiques. Ces  monnaies  paraissent  appartenir  à  des 
époques  et  à  des  provinces  diflFérentes,  mais  les 
lettres  de  leurs  inscriptions  semblent,  malgré  la 
diversité  des  formes,  se  rattacher  toutes  à  un  al- 
phabet unique. 

On  sait,  en  etfet,  que  Técriture  phénico-ara- 
méenne  a  pénétré  en  Assyrie  dès  une  haute  anti- 
quité; on  en  a  des  preuves  à  partir  du  viii^  siècle 
avant  J.-C.  Après  la  conquête  perse,  sous  les  Akhé- 
ménides,  Técriture  araméenne  devient  le  caractère 
usuel  et  courant  pour  exprimer  la  langue  des  affaires 
commerciales  et  celle  des  relations  politiques  et  de 
l'administration,  c est-à-dire  Taraméen  et  le  perse ^ 
C  est  vraisemblablement  à  cette  épof|iie  que  Técrl- 


'  li  y  a  plus  de  trente  ans  que  les  rapports  entre  ies  Iraniens  et 
les  Araméens  ont  été  signalés  par  M.  Spiegel  et  par  M.  Renan.  Ce 
dernier,  notamment  dans  son  Histoire  de.^  langues  sémitiques,  a 
tracé,  en  quelques  pages,  un  brillant  tableau  de  l'influence  ara- 
méenne sur  la  Perse. 

xiir.  2  5 


.Ml-ll.  il'.nit,     MtlJikVA 


378  AVRILMAI-JUIN  1889. 

ture  sémitique  pénétra  dans  le  nord-ouest  de  l'Inde 
où  elle  devint  Talphabet  bactrien  des  successeurs 
d'Alexandre.  En  dehors  des  émissions  faites  par  les 
Satrapes  d'Asie  Mineure ,  il  n  existe  aucune  monnaie 
akhéménide  à  légendes  arâtnéennes;  pour  les  Ar- 
sacides,  nous  n  avons  aucun  document  monétaire 
antérieur  au  ii'  siècle  avant  Tère  chrétienne.  Les 
monnaies  que  nous  possédons  émanent,  sauf  q[uel- 
ques  attributions  douteuses,  des  princes  ou  dynastes 
vassaux  des  Arsacides.  L'empire  parthe  était,  en  bffet, 
constitué  en  suzeraineté  et  en  pays  tributaires  for- 
mant autant  de  royaumes  ou  provinces  gouvernés 
par  des  princes  qui  relevaietit  du  roi  des  rois ,  c'ést- 
€^-dire  du  souverain  arsacide.  Ces  provinces  corres- 
pondaient à  peu  près  aux  satrapies  dont  Hérodote 
t't  l'Inscription  de  Béhistoun  nous  ont  laissé  la  liste. 
Pline  nous  dit  que,  de  son  temps,  il  y  avait  dix-huit 
de  ces  provinces  que  les  Parthes  appelaient  royaumes 
[j^egna);  c'étaient,  en  effet,  de  vrais  souverainetés 
et  non  des  satrapies.  Bien  que  Josèphe  se  serve  en- 
core du  mot  satrapes  pour  désigner  les  che&  de  ces 
états ,  nous  savons  par  les  monnaies  qu*ils  avaient  le 
titre  de  malkâ  emprunté  à  l'araméen  XdVd;  le  fait  est 
bien  certain  et,  par  suite,  on  peut  croire  que  le 
nom  officiel  employé  pour  désigner  l'État  tributaire 
était  également  l'araméen  ms^D ,  malkout  «  royaume  ». 
Les  Arabes  leur  ont  donné  plus  tard  le  nom  de 
v^I^,  iaoaâif  (plur.  de  iUjlb,  tâifàh  «tribu,  na- 
tion »)  et  ont  désigné  les  souverains  de  ces  petits 
états  sous  le  nom  de  molouk  et-taouâif,  sjtf}^\  «flJU 


LA  NUMISMATIQUE  AHAMÉENNK.  379 

[niolouki-iaoaâïfy  suivant  la  prononciation  j3ersane 
v^y^  J^Jl«),  appellation  que  Ton  traduit  générale- 
ment par  «  chefs  des  satrapies  »  ou  mieux  «  rois  des 
provinces  » ,  et  qui  leur  est  restée  chez  tous  les  his- 
toriens orientaux  ^  Lorsque  Ardéchir  I"  Babekàn, 
qui  n'était  lui-même  qu'un  de  ces  mobak,  aihsi  que 
le  remarque  Aboulfeda^,  fonda  la  dynastie  des  Sas- 
sànides,  il  attaqua  successivement  et  vainquit  tous 
ces  princes ,  au  nombre  de  quatre-vingt-dix ,  d'après 
Hamza  d'Ispahan ,  pour  annexer  ensuite  leurs  états. 
Lliistorien  arabe  Tabari  nous  a  conservé  le  détail 
de  ces  conquêtes  successives,  les  noms  des  pro- 
'nnces  et  de  leurs  chefs.  C'est  ainsi  qu  Ardéchir  s'em- 
para du  Khorassàn ,  du  Kirmân ,  du  Seïstân ,  de  Kha- 
rizm,  de  l'Iraq  a'rabi,  de  la  Perse,  de  l'Aderbaïdjân 
et  de  l'Arménie.  Dans  chacun  de  ces  royaumes  il 
y  avait  des  dynasties  qui  régnaient  depuis  plusieurs 
siècles  et  qui  disparurent  toutes  en  quelques  an- 
nées (228  à  228)  au  profit  de  l'unité  nationale. 
C'est  seulement  après  avoir  vaincu  et  tué  Ardevân 
le  Pehlvi,  c'est-à-dire  Artaban  V,  le  dernier  prince 
de  la  famille  arsacîde,  qu'Ardéchir  prit  le  titre  de 
ShâhânsJiâh  «  roi  des  rois  » ,  traduction  du  titre  de 

^  Les  historiens  arabes  et  persans,  qui  ne  {.arieut  jamais  quavec 
dédain  et  en  quelques  lignes  du  long  règne  des  Arsacides  ou  Asck- 
hwiîehs,  leur  donnent  quelquefois  aussi,  mais  a  tort,  le  nom  de 
moloaJt  ettaouàïf.  Aboulfeda  appelle  Ardavanides  les  derniers  rois 
Jparlbes.  Dans  un  manuscrit  de  JVIirkbond  cité  par  Biau  {ZDMG, 
1864, p.  681),  on  trouve  le  mot ^^LàLi^U,  pâdlshàliân  employé  au 
lieu  de  moloak-i-faouâif. 

*  Historia  anteisîamica ,  édil.  Fleisc^er,  i83i,  p.  82. 

2  5 


380  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

^a(TiXevs  ^acTikéw  qu'Artaban  avait  lui-même  sur  ses 
monnaies. 

Cette  appellation,  comme  on  le  voit,  n était  pas 
seulement  emphatique  et  dans  le  style  des  titula- 
tures  orientales,  elle  répondait  à  un  véritable  état 
de  choses.  Déjà  Darius  P^  quand  il  prenait  le  titre 
de  «  Khsâyathiya  Khsâyathiyânâm ,  Khsâyathiya  Pâr- 
çaiy,  Khsâyathiya  dahyunâm.  Roi  des  rois,  roi  de 
Perse ,  roi  des  Provinces  » ,  entendait  sans  doute  par 
ce  titre  de  «  roi  des  rois  » ,  non  pas  seidement  ex- 
primer ridée  de  souverain  par  excellence ,  ansdogue 
au  sar  sari,  sara  rabu  des  inscriptions  assyriennes, 
mais  aussi  déclarer  qu'il  était  le  chef  suprême  de 
tous  les  petits  princes  qui  commandaient  aux  di- 
verses provinces  (en  perse  dahyâva;  en  assyrien,  mû- 
tâtî  «les  pays»)  du  vaste  empire  akhéménide.  Ces 
provinces  payaient  un  tribut  [hâdji;  assyrien,  niaw- 
datta)  au  grand  roi;  Hérodote  nous  a  conservé  le 
montant  des  sommes  ou  objets  en  nature  qui  étaient 
perçus  chaque  année  par  le  trésor  des  rois  de  Perse. 
Lorsque  les  Arsacides  s'emparèrent  du  pouvoir,  ils 
reprirent  le  protocole  des  rois  akhéménides.  Le  titre 
de  ^aaiXeùs  (xéyas,  qui  apparaît  pour  la  première 
fois  sur  les  monnaies  de  Tiridate  I*'  (248-220  av. 
J.-C),  el  celui  de  BaonXeuj  ^acrikécav  sur  les  monnaies 
de  Mithridate  1"  le  Grand  (  1  yS-i  36  avant  J.-C),  ne 
sont  pas  autre  chose  que  la  traduction  grecque  des 
mots  perses  khsâyathiya  vazarka  «  roi  grand  » ,  et 
khsâyathiya  khsâyathiyânâm  des  inscriptions  de  Béhis- 
toun  et  de  Persépolis.  Lorsque  Mithridate,  qui  fut 


LA  NUMISMATIQUE  ARAMÉENNE.  381 

le  vrai  fondateur  et  organisateur  de  Tempire  parthe , 
eut  enlevé  aux  Séleucides  toutes  les  satrapies  situées 
entre  TEuphrate  et  Tlndus ,  et  réuni  sous  un  même 
sceptre  la  suzeraineté  de  tous  ces  gouvernements 
indépendants,  il  fut  le  vrai  «roi  des  rois  des  pro- 
vinces » ,  c'est-à-dire  le  haGrtXsus  ^cunXétav,  L'expres- 
sion correspondante  dans  la  langue  nationale  des 
Parthes  est  celle  de  malkân  malkâ,  îO^D  ^ndSd,  em- 
pruntée à  Taraméen ,  mais  revêtue  d  une  forme  gram- 
maticale perse  calquée  sur  le  shâhân  shah  (»U  ^l^U). 

Sur  les  monnaies  à  légendes  araméennes  des  Ar- 
sacides  on  n  a  pas  encore  rencontré  cette  épithète  de 
malkân  malkây  car  elle  n'appartenait  qu'au  grand 
roi ,  et  ne  pouvait  être  usurpée  par  les  simples  malkâ 
ou  dynastes  des  provinces  tributaires  ;  mais  elle  n'en 
était  pas  moins  usitée  à  la  cour  de  Ctésiphon  et 
d'Ecbatane.  Quoique  écrite  en  langue  araméenne, 
cette  appellation  était  prononcée  en  langue  perse 
shâhânshâh  et  employée  dans  le  langage  officiel  pour 
désigner  le  grand  roi;  nous  en  avons  une  preuve 
certaine  pour  les  monnaies  des  rois  indo-scythes 
Tourouchka  qui  ont  régné  dans  l'Inde  au  i*""  siècle 
de  notre  ère,  et  dont  la  litulature ,  empruntée  à  l'Iran , 
est  shahananoshâh  sur  les  monnaies ,  maharaja  rajati- 
raja  «  grand  roi ,  roi  des  rois  » ,  dans  les  inscriptions 
monumentales  ^ 

Lors  donc  qu  Ardéchir  prit  d'Artaban  le  titre  de 
shâhânshâh   pour  consacrer   et  légitimer   ses  con- 

'  Revue  munismatiqne ,  1888, p.  200  et  suiv. 


382  AVRIL-MAI-JUIN  1880. 

quêtes ,  ce  ne  fut  pas ,  comme  on  pourrait  le  croire , 
d'après  l'expression  de  Tabari  : 

^  ftUjUbL;:  j^:>)\  ^  p>a!I  dUs  i  ^ 

une  sorte  de  titre  créé  pour  lui,  mais  c'était  en  réa- 
lité le  protocole  adopté  par  les  rois  de  Perse  depuis 
huit  siècles.  Cette  épithète  se  trouve  sur  les  monnaies 
d'Ardéchir  sous  la  forme  )foJM»  ai^)<^  Y*t^'»  malkân 
malkâ  Airdn^,  accompagnée  d'une  qualification  nou- 
velle Y»^S^  ^  VNgJP-^,  minn  chelri  men  ieziân, 
inconnue  aux  Arsacides  et  aux  Akhéménides  et  em- 
pruntée peut-être  à  Fin  de  ^. 

La  correspondance,  au  point  de  vue  Instorique, 
et  je  dirais  presque  po/iri^ae,  entre  malkân  malkâ  et 
BaatXevs  fiaortXéojv  est  établie  d'une  manière  indu- 


^  Tabari,  texte  arabe,  p.  -^M,  t.  II,  i"  série  des  Ânnaies.  Le  sens 
est  «et  da'^s  ce  jour  Ârdéchir  fut  appdé  ShÀbânshâh ».  Maçoudi 
dit  de  même ,  copiant  sans  doate  Tabari  :  (^^LaU;  «^JLf  j*^l  lôuà  ^ 
J^t  JJUyà^  sLâ  «Ardéchir  prit  alors  le  titre  de  Shâhftnshâh, 
c'est-à-dire  roi  des  rois».  Trad.  Barbier  de  Meynard,  t.  II,  p.  i6i. 
V.  aussi  le  Modjmel  et-taonârikk  (Jovrn.  a«<at.« mars  i83g,p.  275). 
Aucun  des  auteurs  orientaux  n'a  constaté  que  ce  titre  fut  défà 
porté  par  les  Arsacides, 

*  Sur  les  premières  monnaies,  celles  qu'il  fit  frapper  avant  la 
défaite  d'Artaban,  Ardéchir  n*a  que  le  titre  de  nudkd:  cest  seule- 
ment sur  les  monnaies  de  la  deuxième  période  que  Ton  trouve 
répithète  plus  complète  de  malkân  malkâ. 

^  C'est  là  du  moins  une  idée  fort  ingénieuse  qui  a  été  émise  par 
M.  J.  Darmesteter  (Journ.  asial.,  août  1887,  p.  68).  Minu  chetri 
men  iezdân  signifie  «  céleste  semence  venant  des  dieux  ».  Sur  lea  for- 
mules latines  et  grecques  correspondantes,  v.  Ed.  Thomas,  Sas- 
sanian  Inscriptions,  1868,  p.  33,  et  E.  Drouin,  dans  Revue archéoL , 
i885,  I,  p.  ai3. 


LA  NUMISMATIQUE  ARAMÉENNE.  383 

bitable  par  rinscription  trilingue  du  même  roi 
trouvé^  à  Nakch-i-Roustam ,  qui  nous  donne  dans 
la  partie  grecque  la  formule  BACIA6C0C  BACIA6C0N 
APIANWN,  plus  complète  encore  sous  Sapor  I*'  qui 
ajoute  les  mots  KAI  ANAPIANGJN  «roi  des  rois  de 
rirân  et  de  TAnirân  » ,  c'est-à-dire  des  pays  iraniens 
et  non  iraniens  (sémites,  susiens,  sogdiens,  etc.), 
en  pehlvi  v  Anirân^.  Il  y  a  lieu  de  remarquer 
toutefois  que,  à  partir  d'Ardéchir,  il  ny  a  plu  de 
satrapies  ni  de  provinces,  que,  par  conséquent, 
lappellation  de  «  roi  des  rois  »,  malik  el  moloaky  sui- 
vant l'expression  de  Maçoudi,  n'a  plus  le  même  sens 
que  sous  les  Arsacides;  mais  en  elle  même  cette 
expression  flattait  l'amour-propre  et  lorgueil  de 
celui  qui  se  disait  le  successeur  de  Dârâ,  c  est-à-dire 
des  Akhéiiiénides. 

C'est  dans  le  même  ordre  d'idées  que  l'épithète 
de  «  roi  des  rois  »  a  été  empruntée  aux  Arsacides 
par  qudiques-uns  des  souverains  de  la  dynastie 
grecque  qui  a  régné  en  Bactriane  et  dans  les  vsdlées 
du  Kophès  et  de  llndus.  Les  premiers  rois  fonda- 
teurs de  cette  dynastie,  Diodore,  Euthydème,  Eu- 
cratidès,  ont  simplement  le  titre  de  «roi».  Plus 
tard,  Eucratidès  (qui  a  régné  de  190  à  1 55  avant 
J.-C.),  après  ses  conquêtes  dans  l'Inde,  prend  le 
titre  de  «  grand  roi  »,  ^atxriXeis  (xéyas,  qui  se  trouvait 
sur  les  monnaies  des  rois  parthes  antérieurs  à  lui , 
Tiridate  I*,  Artaban ,  Phriapate  et  Phraate  P',  et  sur 

'  Ces  deux  mots  ne  se  trouvent  pas  sur  les  monnaies  de  Sapor  I*', 
mais  seidement  à  partir  de  Hormisdas  l",  son  successeur. 


384  ÂVRIL-MÂI-JUIN  1889. 

les  premières  monnaies  de  Mithridate  le  Grand,  son 
contemporain.  On  ne  rencontre  pas,  d'un  autre  côté, 
sur  les  monnaies  d'Eucratidès ,  le  titre  de  ha<TtXgég 
(iaari'kécûv  qui  fut  créé  seulement  par  Mithridate, 
vraisemblablement  après  Tan  i55,  date  de  la  mort 
d'Eucratidès.  Ceci  prouve  bien ,  soit  dit  en  passant, 
que  lappellation  de  Boo-iXeti^  ^atriXéfûv  est  d^origine 
arsacide  et  non  d origine  bactrienne  ou  indienne,  et 
que  les  expressions  bactriennes  maharaja ,  rajadiraja, 
ne  sont  pas  indigènes,  mais  seulement  des  traduc- 
tions de  la  formule  grecque.  Il  était  intéressant,  je 
crois,  de  constater  ici,  à  propos  de  la  numisma- 
tique araméenne ,  que  c  est  aux  Iraniens ,  et  en  par- 
ticulier aux  Arsacides ,  que  remontent  ces  deux  titres 
de  souveraineté  encore  usités  dans  Tlnde  depuis  dix- 
huit  siècles^. 

Pendant  la  période  arsacide,  les  rois  des  pro- 
vinces ont  émis  des  monnaies,  dont  un  fort  petit 
nombre  malheureusement  est  parvenu  jusqu'à  nous  : 
c'est  le  sort  du  monnayage  de  bronze.  Toutes  ces 
pièces,  à  légendes   araméennes,  portent  générale- 

^  C'est  Démétrius ,  fils  et  successeur  J'Euthydème ,  qui ,  tout  en 
n ayant  que  le  titre  de  roi,  hamXe^s^  sur  la  légende  grecque  de  ses 
monnaies ,  a  le  premier  inscrit  le  titre  de  maharaja  «  grand  roi  •  sur  la 
légende  indienne.  Son  règne  est  placé  vers  1 80  avant  J.-G.  Il  n*existe 
pas  de  monnaies  indiennes  ayant  une  date  certaine  antérieure  à 
cette  époque.  Auparavant,  celte  appellation  n  était  probablement 
pas  connue,  puisque  Piyadasi  ou  Açoka,  qui  a  régné  dans  le  nord- 
ouest  de  rinde  de  a64  à  223,  ne  prend  dans  ses  Édits  célèbres 
que  répithète  de  «cher  aux  Dévas»  devânanipiye ,  et  le  titre  de  rùja 
«roi».  £n  ce  qui  concerne  Mithridate,  je  ferai  observer  que  ses  pre- 
mières monnaies  portent  simplement  le  titre  de  jSaaiAfdf  (téya$. 


LA  NUMISMATIQUE  ARAMÉËNNË.  385 

ment  deux  e£Bgies  :  celle  du  souverain  local  avec  un 
simple  diadème ,  et  le  buste  du  roi  des  rois  avec  la 
tiare  arsacide.  Cette  distinction  avait  une  grande 
importance,  le  souverain  avait  seul  la  prérogative 
de  porter  la  tiare  droite  ;  lui  seul  aussi  pouvait  s'as- 
seoir sur  le  fameux  trône  d'or  dont  il  est  souvent 
question  dans  les  auteurs  anciens  et  orientaux.  Les 
rois  des  provinces  ont  une  coiflFure  plus  simple  ou 
même  seulement  un  diadème.  Sur  les  monnaies 
dites  persépolitaines ,  parce  qu'elles  ont  été  trouvées 
dans  la  Perside  et  qu'elles  émanent  très  probable- 
ment, au  moins  pour  la  plupart,  des  anciens  sou- 
verains de  cette  province  pendant  les  deux  premiers 
siècles  avant  l'ère  chrétienne ,  on  rencontre  presque 
toujours  deux  têtes  avec  les  marques  distinctives 
que  je  viens  de  signaler;  le  buste  du  suzerain  est  du 
côté  du  relief,  la  tête  du  prince  local  est  dans  le 
creax  ou  revers.  Souvent  le  portrait  du  dynaste  tri- 
butaire manque  au  revers ,  il  est  alors  remplacé  par 
le  pyrée  assisté  d'un  mobed.  Le  côté  qui  représente  le 
suzerain  est  généralement  anépigraphe  ;  en  tout  cas , 
quand  il  y  a  une  légende,  elle  ne  contient  pas  le 
nom  de  ce  suzerain.  Sa  tête  suffisait  pour  consacrer 
et  conserver  le  droit  de  haute  souveraineté  et  pour 
rappeler  que  le  prince  qui  avait  émis  la  monnaie 
n'était  qu'un  inférieur  et  un  vassal. 

Outre  les  pièces  frappées  par  les  rois  des  pro- 
vinces et  dont  le  nombre  est  jusqu'ici  très  restreint, 
il  faut  citer  les  beaux  tétmdrachmes  publiés  pour  la 
première  fois  par  M.  de  Luynes,  en  1 846 ,  et  étudiés 


386  AVKIL-MAl-JUIN    1889. 

depuis  par  Lévy,  Thomas,  Mordtmann  et  Blau.  Ces 
pièces,  remarquables  par  la  finesse  de  la  gravure, 
ont,  d'un  côté,  une  tête  couverte  du  bonnet  de  sa- 
trape et  de  mobed,  et,  au  revers,  un  temple  du  feu 
à  colonnes,  d'où  s'échappent  des  flammes  entourant 
le  buste  d'Ahura  Mazda.  Les  légendes  sont  en  écri- 
ture araméenne  de  la  belle  époque,  qui  laissent  sup- 
poser que  ces  pièces ,  émises  par  des  princes  ou  par 
une  caste  sacerdotale,  appartiendraient  aux  ni"  et 
n*  siècles  avant  J.-C.  ^  Mais  ce  monnayage  forme  une 
catégorie  à  part,  car  Técriture  des  monnaies  des 
Moloak  et'taoaâif  est  moins  fine  et  dénote  une  époque 
postérieure;  sur  la  fin  des  Arsacides ,  les  monnaies  à 
légendes  araméennes  des  derniers  rois  ont  une  écri- 
ture encore  plus  grossière. 

La  terminologie  araméenne  est  très  restreinte  sur 
ces  monnaies  et  on  ne  rencontre  pas  toutes  les  lettres 
de  Talphabet  :  sauf  quelques  mots  sémitiques  comme 
malkây  bar,  zi,  le  reste  des  légendes,  qui  comprend 
surtout  les  noms  propres,  est  iranien.  Il  s*ensuit  que 
certains  caractères,  comme  le  aîn,  le  qof,  le  tsade, 
le  samech  ne  sont  jamais  employés;  doù  aussi  la  con- 
fusion, qui  est  plus  tard  caractéristique  du  pehivi, 
entre  Ycdn  et  Yaleph,  le  thet  et  le  tett,  le  scunech  et  le 
schin,  etc. 

Une  remarque  générale  que  Ton  peut  faire  sur 
l'alphabet  des  monnaies  araméennes ,  c'est  la  persis- 

^  On  a  attribué  jusqaicices  monnaies  à  la  Persideou  à  rÉlymée. 
Je  crois  qu  elles  proviennent  plutôt  de  TAtropatène.  (  V.  F.  Lenor- 
mant,  Les  origines  de  F  Histoire,  II,  p.  59  3.) 


LA  NUMISMATIQUE  ARAMÉENNE.  387 

tance  du  type  pur  de  Talphabet  archaïque  dans  les 
contrées  où  il  a  été  importé,  alors  que,  tout  au 
contraire,  ce  même  alphabet  a  subi  des  variations 
et  des  déformations  considérables  dans  les  pays  qui 
formaient  en  quelque  sorte  sa  patrie ,  c  est-à-dire  la 
Mésopotamie.  Je  citerai  un  seul  exemple  de  cette 
uniformité  relative  entre  les  diverses  écritures  ara- 
mëennes  usitées  dans  les  contrées  Iranseuphm- 
tésiennes.  Il  est  fourni  par  Tinscription  des  briques 
de  Tello  rapportées  de  la  basse  Ghaldée  par  M.  de 
Sarzec,  et  sur  lesquelles  M.  de  Vogué  a  lu  le  nom 
propre  HadadnadincJihL  Les  caractères  sont  à  très 
peu  près  les  mêmes  que  ceux  des  inscriptions  ara- 
méennes  des  briques  de  Ninive  et  du  lion  d'Abydos, 
c  est  à-dire  des  viif  et  vu*  siècle  avant  J.-C,  et  en 
même  temps  ils  ont  la  plus  grande  analogie  avec  - 
les  caractères  des  monnaies  persépolitaines,  qui  sont 
des  u*  et  i""  siècles  avant  notre  ère.  Il  n'est  pas  impos- 
sible que  les  briques  de  la  basse  Ghaldée  soient  à 
peu  près  contemporaines  de  ces  monnaies,  bien  qu  il 
soit  difficile  de  déterminer  Tépoque  exacte  de  ces 
briques  rien  quà  la  forme  des  caractères.  Quant  à 
Hadadnadinakhi,  je  ne  crois  pas  que  ce  soit  un  roi 
et  encore  moins  qu  il  ait  fait  partie  de  la  dynastie 
des  monarques  de  la  Characène. 

Ainsi  donc,  aux  environs  de  l'ère  chrétienne, 
l'écriture  usitée  de  l'autre  côté  du  Tigre  était  à 
peu  près  la  même  que  celle  en  usage  huit  siècles 
auparavant.  Le  maintien  du  type  primitif  dans  les 
pays  iraniens  n  a  cependant  pas  empêché  la  variété 


388  AVRIL-MAI-JUIN   1889. 

graphique  résultant  de  la  force  même  des  choses, 
autrement  dit  la  différence  d'écriture  propre  à  cha- 
que contrée  et  à  chaque  individu.  Cest  ainsi,  par 
exemple,  que  sur  les  monnaies  dun  même  sou- 
verain on  trouvera  les  différentes  lettres  du  mot 
malkâ  écrites  avec  toutes  les  variétés  possibles.  Le 
mim  et  Yaleph  notamment  ont  sur  des  monnaies 
contemporaines ,  peut-être  même  frappées  la  même 
année,  mais  sortant  d'ateliers  distincts,  toutes  les 
formes  successives  qu'ont  ces  deux  lettres  dans  lal- 
phabet  araméei\  depuis  la  période  babylonienne 
jusqu'à  l'époque  sassanide.  Malgré  ces  diversités  ap- 
parentes, on  retrouve,  je  le  répète,  pendant  une 
période  de  mille  ans,  et  pour  chaque  caractère,  le 
souvenir  du  type  originaire  ayant  sa  physionomie 
à  part  et  très  distinct  des  alphabets  araméens  de  la 
Mésopotamie.  Mais  à  partir  du  m*  siècle  ce  même 
alphabet  monétaire  se  différencie  tout  à  coup  et 
devient  l'écriture  pehlvie  des  Sassanides. 

Sous  les  premiers  monarques ,  comme  Ardéchir, 
Sapor,  Bahram,  cette  écriture  présente  encore 
l'aspect  araméen,  puis  elle  se  transforme  et  elle 
adopte  ces  formes  particulières  et  élégantes  que 
nous  ont  conservées  les  inscriptions  monumentales 
et  que  peut  seule  permettre  l'écriture  cursive  et  liée. 
L'usage  des  ligatures  se  généralise  ensuite  de  plus 
en  plus;  les  lettres,  dépourvues  de  points  diacri- 
tiques, se  confondent  dans  des  groupes  compliqués 
et  la  lecture  des  textes  devient  difficile ,  même  pour 
les  indigènes.  Sur  quelques  intailles  de  la  fin  des  Sas- 


"V 


LA  NUMISMATIQUE  ARAMÉENNE.  389 

sanides  on  trouve  des  légendes  écrites  dans  ce  même 
caractère  cursif  qui  peu  à  peu  remplace  l'ancien 
alphabet  pehlvi. 

En  même  temps  que  s'opère  cette  transformation 
de  Talphabet  araméen  sous  les  Sassanides,  pour  la 
langue  perse,  l'ancienne  écriture  carrée  se  maintient 
dans  les  mêmes  contrées  pour  lusage  de  la  langue 
araméenne  qui  était  encore  parlée  par  un  grand 
nombre  de  populations  soumises  à  la  domination 
sassanide  et  dont  nous  avons  des  spécimens  dans 
l'inscription  bilingue  (pehlvi  et  araméen)  de  Hâdjî- 
âbâd  et  dans  les  courtes  inscriptions  trilingues  de 
Nakch-i-Roustam  et  de  Nakch-i-Radjeb.  Ces  der- 
nières, rédigées  dans  les  trois  langues  (grec,  iranien 
et  sémitique) ,  correspondent  aux  inscriptions  akhé- 
ménides  des  trois  colonnes,  sauf  que  lesusien  (texte 
du  second  groupe)  est  remplacé  par  le  grec  qui  avait 
alors,  comme  on  le  sait,  une  importance  capitale 
dans  toute  l'Asie.  Depuis  Alexandre  et  les  Séleu- 
cides,  il  était  resté  la  langue  diplomatique  de 
rOrient,  et  c'est  au  moyen  du  grec  que  les  rois 
parthes  d'abord,  puis  les  rois  sassanides,  corres- 
pondaient avec  les  empereurs  romains  et  byzantins. 

En  dehors  des  monnaies,  nous  n'avons  aucun 
monument  lapidaire  important  de  l'écriture  ara- 
méenne pour  l'époque  arsacide.  Il  existe  bien  quel- 
ques inscriptions  que  l'on  a  relevées ,  comme  celles 
de  Teng-i-Saoulek ,  près  Bahbehan ,  dans  l'ancienne 
Élymée;  Teng-i-Botân  «  la  gorge  des  idoles  »,  oii  se 
trouvent  douze  statues   sculptées   sur  des  rochers 


390  AVHIL-MAI-JUIN   1880. 

inaccessibles  dans  la  plaine  de  Schembâr  en  Susiane, 
et  rinscriplîon  do  Sî?rpoiil-Zohâb,  près  Bagdad; 
mais  il  est  difficile  de  dire  si  elles  appartienneht  à 
la  période  pnrthe  ou  si  elles  sont  du  commence- 
ment de  ia  dynastie  des  Sassanides.  Ces  textes  sont, 
il  est  vrai,  tîourts  et  on  mauvais  état;  pour  les  étu- 
dier, il  faudrait  posséder  de  nouvelles  copies  ou  des 
estampages  faits  avec  soin  ,  si  tant  est  que  les  origi- 
naux subsistent  encore  depuis  i84o  et  i842,  date 
des  voyages  de  Layard ,  de  Bode ,  d*Engène  Bore  et 
de  Flandin.  Cependant,  autant  qu'on  peut  en  juger 
par  les  dessins  de  ces  explorateurs ,  on  s'aperçoit  que 
les  caractères  sont  incontestablement  de  larâméen 
ayant  beaucoup  d'analogie  avec  ic  châldéo-pehlvi 
d'Hâdjî  âbâd,  mais  avec  un  mélange  de  formes  très 
diverses  :  on  y  reconnaît  des  caractères  phétiico- 
araméens  très  anciens  à  côté  d'autres  beaucoup  plus 
modernes.  L'écriture,  en  tout  cas,  e.^t  différente  de 
celle  des  monnaies  contemporaines.  11  y  avait  donc 
en  Susiaue,  en  Perse  et  dans  l'Adiabènc,  et  proba- 
blement dans  bien  d'autres  provinces  encore,  pen- 
dant les  deux  premiers  siècles  de  notre  ère,  un 
alphabet  aiaméen  monumental  distinct  de  Tara- 
méen  des  monnaies,  distinct  aussi  du  caractère 
chaldéo-pehlvi. 

Je  signalerai  encore  une  quatrième  variété  d^l- 
phabet  que  l'on  rencontre  sur  un  certain  nombre 
d'intailles  sassanides  qui ,  par  leur  travail  et  la  ru- 
desse des  formfes,  la  physionomie  des  personnages, 
doivent  appartenir  à  une  î^orte  d'époque  interrri'é- 


LA   NUMISMATIQUE   ARAMÉENNE.  391 

diaire  ou  de  transition  entre  les  dernières  années 
des  Arsacides  et  le  commencement  des  Sassanides. 
Les  légendes  de  ces  intailles  sont  écrites  dans  un 
caractère  qui  n'est  pas  encore  du  vrai  pehlvi  et  qui 
n'est  plus  de  Taraméen ,  aussi  leur  lecture  présente- 
t-oUe  d'assez  grandes  difficultés.  Il  s'ensuit  que  les 
essais  de  déchiffrement  tentés  jusqu'à  ce  jour  n'of- 
frent pas  toutes  les  garanties  de  certitude.  L'épigra- 
phie  araméenne  de  la  fin  des  Arsacides  est  donc  au- 
jourd'hui encore  peu  avancée  à  cause  de  la  rai'eté  des 
documents  et  de  leur  mauvais  état  de  conservation. 
Si  le  vaillant  explorateur  de  la  Perse  et  de  la  8u- 
siane,  M.  Dieulafoy,  devait  retourner  dans  ces  con- 
trées, il  rendrait  service  h  nos  études  en  nous  rap- 
portant des  estampages  et  des  photographies  exactes 
de  ces  quelques  inscriptions  arsacides  éparses  sur  le 
sol  de  l'Iran.  Le  déchiffrement  de  ces  textes,  ainsi 
que  Tintelligence  des  intailles  que  j'ai  signalées  plus 
haut ,  étendraient  sans  doute  de  beaucoup  nos  con- 
naisstih'ces  encore  si  imparfaites  sur  l'Asie  antérieure 
pour  les  trois  premiers  siècles  de  notre  ère. 

Mais  je  reviens  à  la  numismatique  araméenne: 
on  ne  saurait  trop  appeler  l'attention  des  archéo- 
logues et  des  épigraphistes  sur  ces  petits  monuments 
quelquefois  trop  dédaignés ,  les  intailles  et  les  mon- 
naies, dont  l'élude  a  cependant  été  souvent  féconde 
en  résultats  importants  pour  l'histoire.  L'époque 
arsacide  notamment,  qui  est  la  moins  connue, 
devrait  faire  l'objet  des  recherches  des  collection- 
neurs et  des  érudits.  En  rassemblant  le  plus  grand 


\ 


392  AVKIL-MAF-JUIN   1889. 

nombre  possible  de  monnaies  éparses  dans  les  mu- 
sées (IKurope  el  les  collections  privées,  on  pourrai!; 
constituer  une  sorte  de  Corpus  des  légendes  ara- 
méennes  de  cette  époque,  ce  qui  permettrait  un 
travail  d'ensemble  aujourd'hui  encore  impossible. 
En  regard  de  cette  uniformité  de  type  que  pré- 
sentent les  divers  pays  sis  au  delà  du  Tigre,  ii  faut 
placer  les  monnaies  de  la  Mésopotamie  qui  o£Brent 
au  contraire  des  différences  importantes  entre  elles. 
Je  veux  parler  du  monnayage  des  rois  nabatéens  de 
Pelra ,  ainsi  que  de  celui  des  rois  d'Edesse.  En  ce 
qui  concerne  la  Palmyrène,  pays  araméen  par  excel- 
lence, nous  ne  possédons  jusqu'ici  aucune  pièce  à 
légendes  sémitiques.  Il  est  extraordinaire  que  parmi 
les  nombreux  monuments  de  toutes  dimensions  pro- 
venant de  cette  contrée  célèbre,  et  portant  des 
inscriptiorjs  en  palmyrénien,  tels  que  :  pierres, 
stèles,  sceaux,  briques,  tessères,  il  ne  se  trouve  au- 
cune monnaie  avec  des  légendes  en  langue  natio- 
nale. On  sait  quelle  était  Timportance  commerciale 
de  Palmyre.  Nous  avons  des  inscriptions  dont  la  plus 
ancienne  remonte  à  l'an  9  avant  J.-C.  et  dont  lesautres 
sont  datées  du  i"  et  du  n*  siècle  de  notre  ère,  c'est- 
à-dire  la  majeure  partie  avant  la  conquête  romaine  et 
avant  que  la  ville  eût  reçu  d'Adrien  le  titre  de  colonie 
avec  le  jus  italicom.  Il  y  a  donc  lieu  d'être,  étonné 
que  pendant  cette  période  d'autonomie  le  sénat  et  le 
peuple,  si  souvent  cités  dans  les  inscriptions,  n'aient 
pas  fait  frapper  de  la  monnaie  nationale  avec  des 
légendes  palmyréniennes,pour  acquitter  notamment 


LA  NUMISMATIQUE   ARAMÉENNE.  393 

ces  fameux  droits  d'octroi  prescrits  par  le  tarif  de 
Tan  i36  de  J.-C.  Aussi  n*est-il  pas  impossible  que 
Ton  trouve  un  jour  quelques-unes  de  ces  monnaies 
nationales.  Jusqu'ici  les  seules  pièces  que  Ton  con- 
naisse de  Palmyre  sont  toutes  en  cuivre  et  la  plu- 
part sans  légende  (je  ne  parle  pas,  bien  entendu» 
de  ia  série  de  Zénobie ,  Vabalathe  et  Athénodore)  ; 
j)Our  le  monnayage  dor  et  d argent,  c étaient  la 
drachme  et  le  denier  romains  qui  avaient  cours 
dans  la  Palmyrène  avec  Teffigie  impériale. 

Tout  au  contraire  des  Palmyréniens ,  les  Naba^ 
téens  ou  Araméens  de  Petra  ont  eu  une  monnaie 
nationale  tant  qu  ils  sont  restés  indépendants.  Nous 
connaissons  aujourd'hui  les  noms  des  souverains  qui 
ont  régné  à  Petra  et  à  Bostra  depuis  Arétas  I*'  ou 
Hartat,  vers^iyo  avant  J.-C,  jusqu'à  Dabel  ou 
Rabel,  vers  l'an  io5  de  notre  ère,  et  nous  possé- 
dons des  monnaies  de  la  plupart  d'entre  eux.  Les 
légendes  sont  en  langue  et  en  caractères  araméens. 
La  plus  ancienne  monnaie  est  du  règne  de  Malchus  P" 
{Malikoa),  vers  i45;  nous  avons  là  des  caractères 
du  milieu  du  ii*  siècle  avant  notre  ère,  différents, 
quoique  contemporains  des  plus  anciennes  inscrip- 
tions nabatéennes.  Les  souverains  portent  le  tilre 
de  melek  nabatou;  ce  sont  les  seuls  qui  indiquent 
leur  nationalité,  car,  partout  ailleurs,  en  Mésopo-- 
tamie,  comme  de  l'aulre  côté  du  Tigre,  les  monar- 
ques se  contentent  de  prendre  sur  leurs  monnaies  le 
titre  de  malkâ  (toujours  à  l'état  emphatique),  sans 
ajouter  le  nom  des  pays   gouvernés  par  eux.   Les 

Xllï.  2  0 


luraïUF  Itr     XtTlOItLK. 


rt. 


304  AVKIL-MAI-JUIN  1889. 

monnaies  nabatéennes  sont  en  outre  particulière- 
ment intéressantes  en  ce  quelles  sont  datées  non 
pas,  il  est  vrai,  de  Tère  des  Séleucides  ou  de  toute 
autre  ère  courante,  mais  des  années  du  règne  de 
chaque  roi.  Il  en  est  de  même  des  inscriptions  : 
je  citerai,  comme  exemple,  une  inscription  décou- 
verte à  Madaïn  Saleh  (nord  de  VÂrabie),  datée  de 
Tan  lilx  d'Arétas  IV  Philodème  ;  et  une  monnaie  d*ar- 
gent  de  ce  roi,  datée  de  la  même  année  & 4, portant 
Tedigie  du  monarque  et  celle  de  la  reine  Holdou,  sa 
femme.  Ces  deux  documents,  émanant  du  même 
prince  et  portant  la  même  date ,  sont  cependant  de 
deux  écritures  notablement  différentes.  Lalphabet 
nabatéen  des  inscriptions  offre  d'assez  fortes  va- 
riantes parce  qu'il  appartient  à  plusieurs  époques  et 
à  plusieurs  contrées  fort  distinctes ,  ^coname ,  par 
exemple ,  la  presqu'île  du  Sinaï  et  la  ville  de  Pouz- 
zoles  en  Italie.  Le  caractère  des  monnaies,  au  con- 
traire, est  plus  uniforme,  il  se  rapproche  de  l'al- 
phabet palmyrcnien.  Ainsi  le  nom  de  la  reine  Holdu 
Q  7  /.H  6^t  écrit  sur  les  monnaies  nabatéennescomme 
il  le  serait  en  palmyrénien  'Lli/i-  Toutes  propor- 
tions gardées ,  et  sans  tenir  compte  des  déformations 
qu'a  subies  l'écriture  nabatéenne  postérieure,  on 
peut  dire  que  l'alphabet  nabatéen  archaïque  et  lal- 
phabet  palmyrénien  paraissent  dériver  tous  d^ua^ 
d'un  faisceau  commun.  Et  cependant  il  y  a,  entre 
Petra  et  Palmyre,  la  Palestine  qui  a  un  alphabet 
distinct  et  la  région  damascèneetsafaïtique,  hfJHtée 
par  des  Arabes  originaires  du  Sud ,  ayant  une  écri- 


LA   NUMISMATIQUE   ARAMKENNE.  395 

ture  toute  différente  de  provenance  sabéo-éthio- 
pienne.  Sans  vouloir  toucher  à  la  qiiestion  ethno- 
graphique des  diverses  populations  qui  ont  habité 
ridumée,  la  Palestine  et  la  Syrie,  question  sur 
kqoeUe  on  est  encore  divisé,  on  ne  peut  toutefois 
n^liger,  comme  élément  de  solution,  ce  fait  parti- 
culier, que  les  Nabatéens  (que  les  savants  considèrent, 
les  uns  comme  des  Araméens ,  les  autres  comme  des 
Arabes)  ont  précisément  choisi  un  alphabet  araméen , 
alors  qu  ils  auraient  pu  prendre  soit  l'écriture  de  la 
Psdestine,  soit  celle  du  Safa,  si  tant  est  que  les 
Safaïtiques  ne  soient  pas  postérieurs.  Cette  commu- 
nauté d'écriture  entre  Petra  et  Palmyre  ne  peut  sans 
doute  s  expliquer  que  par  la  communauté  d'origine 
et  par  des  relations  commerciales  suivies. 

A  Edesse ,  nous  trouvons  un  alphabet  tout  diffé- 
rent qui  se  rattache  à  ce  que  Ton  appelle  l'écriture 
syriaque.  En  dehors  de  quelques  rares  inscriptions 
qui  sont  du  ni*  ou  du  iv*  siècle  de  notre  ère,  on 
possède  des  monnaies  portant  les  noms  de  Val  et 
Ma'nû.  Le  roi  Vâl  (ou  Vaïl,  d'après  les  transcriptions 

grecque  OideXos  et  arabe  j5î^)  est  contemporain  de 
Vologèse  in ,  dont  le  portrait  coiffé  de  la  tiare  arsa- 
cide  se  voit  au  revers  (i63-i65  de  J.-C).  Le  nom 
de  Ma'nû  a  été  porté  par  plusieurs  rois  d'Édesse, 
mais  le  prince  dont  on  a  des  monnaies  araméennes 
doit  être  antérieur  à  la  domination  romaine  ^  Par 

^  VaH  et  Ma*nû  sont  les  seuls  noms  de  rois  que  Ton  trouve  en 
ctradèref  araméens  d'Édesse.  Il  existe  d'autres  monnaies  portant 
les  noms  de  Mannos  et  d'Âbgaros ,  mais  elles  sont  toutes  en  grec. 


'2 


6. 


39r)  AVKIL-MAI-JUIN  1889.     . 

conséqnoiil,  Técriture  édessienne  ne  remonte  pas 
jusqirà  présent  au  delà  du  ii*  siècle  de  notre  ère. 
Les  légendes  sont  très  courtes,  mais  elles  suffisent 
pour  permettre  de  classer  les  caractères  dans  la 
même  catégorie  que  Testranghelo.  La  légende  Manu 
malkâ ,  par  exemple ,  telle  qu'elle  est  écrite  en  carac- 
tères édessiens,  ressemble  beaucoup  à  Testranghelo 
^^V*T^  /vvvT^^  C'est  le  même  système  d'écriture 
que  l'inscription  syriaque  de  la  reine  inconnue  dont. 
le  sarcophage  a  été  trouvé,  en  i863,  par  M.  de 
S.Tulcy  à  Jérusalem  et  qui  est  actuellement  au 
Musée  du  Louvre.  Bien  que  le  nom  de  cette  reine 
soit  encore  incertain  (ps  ou  ms),  il  n'est  pas  dou- 
teux que  l'inscription  bilingue,  en  hébreu  et  en  sy- 
riaque, qui  orne  ce  monument,  soit  antérieure  h 
l'an  72,  date  de  la  destruction  de  Jérusalem  par 
Titus.  On  aurait  ainsi  le  plus  ancien  spécimen  .ide 
l'écriture  araméenne,  d'où  sont  sortis  Tédessien.  et 
l'estranghelo  ;  il  serait  antérieur  d'environ  un  siècle 
à  l'écriture  des  monnaies  d'Edesse.  F.  Lenormant , 
qui  fait  venir  l'estranghelo  de  ce  qu'il  appelle  Mara- 
méen  tertiaire  ou  palmyrénien,  pense  que  l'écriture 
d'Edesse  représente  la  période  de  transition  entre  cet 
araméen  tertiaire  et  l'estranghelo ,  et  que  ce  dernier 
a  commencé  à  prendre  naissance  en  Mésopotamie, 
dans  la  région  autour  d'Edesse,  vers  le  temps  d'Au- 
guste. Lenormant  fait  ici  une  confusion  entre  i'effv 
Iranghelo  et  ce  qu'il  appelle  Yédessien  de  transition  : 

^  Sauf  le  ouuou  qui ,  en  écJessien ,  a  la  forme  de  la  même  lettre 
e»  palmyrénien. 


LA  NUMISMATIQUE  ARAMÉENNE.  397 

il  est  probable,  en  effet,  que  dès  l'époque  d'Au- 
guste, il  y  avait  déjà  en  Syrie  un  système  d'écriture 
dont  nous  avons,  en  fait,  des  représentants  dans  l'in- 
scription de  la  reine  Saddan,  d'une  part,  et,  d'autre 
part,  dans  les  légendes  des  monnaies  d'Kdesse  (i*'  et 
II*  siècles  après  J.-C);  mais  quant  à  l'estranghelo 
lui-même,  tel  que  nous  le  connaissons  par  ses 
inscriptions  et  ses  manuscrits,  il  ne  s'est  développé 
qu  un  peu  plus  tard ,  à  partir  du  m' siècle ,  après  la 
propagation  du  christianisme  en  Mésopotamie  par 
les  missionnaires  d'Edessc,  et  alors  que  le  syriaque 
était  devenu  la  langue  liturgique  '. 

11  est,  du  reste,  fort  difficile  d'assigner  des  dates 
exactes  à  la  formation  de  ces  divers  alphabets  de  la 
Syrie  et  de  la  Mésopotamie ,  car  les  documents  nous 
manquent.  Ce  que  l'on  peut  constater  dès  à  présent, 
c'est  que  l'écriture  du  tombeau  de  la  reine  Saddan 
et  celle  des  monnaies  d'Kdesse  nous  représentent, 
je  le  répète,  un  alphabet  très  caractéristique  et  dis- 
tinct du  nabatéen  et  du  palmyrénien. 

C*est  à  ce  groupe  d'écriture  araméenne  qu  appar- 

^  M.  Rubeas  Duval  me  rappelle  que  M.  Poguon  a  communiqué 
il  y  a  quelques  années  à  la  Société  (voir  Jonrn.  aviaf.,  juin  i$84^ 
p.  559)  une  inscription  en  écriture  cursive  de  Palmyré,  dont  lès 
caractères  ressemblaient  beaucoup  à  ceux  de  Talphabet  estranghela. 
Je  ne  crois  pas  qu  on  puisse  tirer  grand'chose  quant  à  présent  de  ce 
texte  qui  n*a  que  deux  lettres  franchement  édessiennes  :  Valeph  «et  1^ 
mim .  et  qui  est  du  reste  trop  récent  ;  par  la  direction  de  récriture 
qui  est  verticale  comme  dans  les  inscriptions  d'Edesse  et  de  Zàbed 
publiées  par  Sacbau,  on  serait,  en  effet,  tenté  de  placera  peu  près 
à  la  même  époque  (v*  ou  yi*  siècle  de  notre  ère)  rinscriptip.n  de 
M.  Pognon. 


398  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

tiennent  les  différents  alphabets  en  usage  chez  les 
populations  de  Test  et  du  sud  de  la  Mésopotamie. 
Le  fait  n'est  pas  douteux  pour  la  Mésène  et  la  Cha- 
racène  qui  étaient  situées  dans  la  basse  Ghaldée, 
c'est-à-dire  au  berceau  même  de  la  famille  ara- 
méenne,  entre  le  confluent  du  Tigre  et  de  TEu- 
phrate  et  le  golfe  Persique.  Je  rappelle  que  ces  deux 
provinces  ont  formé  un  petit  royaume  célèbre  qui 
est  resté  indépendant  des  Séleucideâ  et  des  Arsa- 
cides  depuis  Tan  129  avant  notre  ère,  date  de  la 
fondation  de  la  ville  de  Charax  par  Hyspaosinès, 
jusque  vers  228  après  J.-C.  Les  rois  de  la  Chara- 
cène  ne  nous  ont  laissé  aucune  inscription ,  mais  ils 
avaient  émis  des  monnaies  dont  les  légendes  ont  été 
d'abord  en  grec,  puis  en  caractères  sémitiques;  on 
a  ainsi  deux  séries  différentes  de  monnayage  qui 
correspondent  très  probablement  à  deux  étants  poli- 
tiques différents,  suivant  que  ces  souverains  étaient 
alliés  des  Romains  ou  dps  Parthes,  Les  monnaies  de 
la  dynastie  grecque  sont  connues  depuis  les  travaux 
de  MM.  W.  Waddington  et  de  Longpérier,  mais 
celles  de  Tépoque  araméenne  ont  été  longtemps 
inexpliquées.  Un  travail  fait  récemment  ^  sur  le  dé- 
chiffrement et  le  classement  des  pièces  à  légendes 
sémitiques  de  la  Gharacène  permet  aujourd'hui  de 
rattacher  les  caractères  de  ces  légendes  à  la  fkmilte 
araméenne. 

La  plupart  des  lettres  de  lalphabet  characénien 

*  Voit  Revue  namismatiqvie ,  année  1889. 


V 


LA   NUMISMATIQUE   ARAMÉENNE.  399 

ressemblent,  en  efifet,  à  celles  des  monnaies  d'Edesse 
et  des  plus  anciens  monuments  que  nous  avons  en 
estranghelo  ;  mais  à  côté  de  ces  ressemblances  il  y  a 
des  différences  remarquables.  Ainsi  Yaleph  ne  rappelle 
aucune  des  variétés  que  Ion  trouve  dans  les  nombreux 
alphabets  sémitiques ,  il  a  la  forme  ronde  de  Yaîn  de 
la  stèle  de  Mésa  et  du  punique ,  et  la  forme  du  ouaoa 
estranghelo  isolé.  Le  mot  malkâ,  par  exemple,  est 
figuré  ainsi  a.âA:=n  (qui  se  lirait  malkoa  en  syriaque). 
Le  mim  a  les  deux  formes  :  médiale  ou  initiale  (so) 
et  finale  [yo)  de  1  estranghelo.  Le  lamed  est  figuré 
quelquefois  comme  un  schin  archaïque  renversé  M, 
dans  le  mot  malkâ  des  pièces  de  la  série  des  Arta- 
baze  :  a^Mco.  Le  resh,  que  Ton  trouve  dans  les 
noms  propres  Artabaze  et  Dalizare,  a  une  forme 
toute  particulière  que  Ton  chercherait  vainement 
dans  toutes  les  écriture*  sémitiques  :  il  se  compose 
d  une  boucle  et  d'un  Irait  oblique.  L  ensemble  rap- 
pelle le  qof  estranghelo.  Le  taa  enfin  est  nabatéen. 
L  alphabet  mandéen,  qui  est  usité  aujourd'hui 
chez  les  populations  araméehnes  de  llraq  a  rabi  et 
de  TAhvaz,  semble  être  le  représentant  moderne  de 
l'écriture  characénienne  ;  on  y  retrouve  la  plupart 
des  lettres  caractéristiques  comme  ïaleph^  le  thei, 
le  mim,  le  noan  et  le  caf.  Mais  il  faut  remarquer 
qu'il  y  a  un  écart  de  douze  à  treize  siiècles  entre  les 
monnaies  de  Gharacèrie  et  les  plus  anciens  manu- 
scrits mandéens.  Pour  combler  cet  intervalle,  on  ne 
trouve  guère  que  leis  inscriptions  sur  lames  de  pLomb 
découvertes  à  Abou-Chadr,  près  de  Kourneli,  et 


400  ÂVRIL-MAI-3UIN  1889. 

dont  quelques-unes  seulement  ont  été  étudiées.  Ces 
inscriptions  n'émanent  pas  des  anciens  rois  de  Gha* 
racène,  mais  elles  sont  de  l'époque  chrétienne  et 
par  conséquent  du  v*  ou  vi'  siècle. 

En  somme,  je  crois  que  le  characénien,  Tédes- 
sien  et  Taraméen  du  tombeau  de  Saddan  ne  sont  pas 
dérivés  Tun  de  l'autre,  mais  proviennent  tous  les 
trois  d'un  type  plus  ancien  qui  a  dû  se  former  en 
Mésopotamie  plusieurs  siècles  avant  l'ère  chrér 
tienne  et  qui  n'est  lui-même  qu'une  déformation 
du  phénico-araméen  transporté  en  Babylonie  au 
vni'  siècle.  La  concordance  qui  existe  entre  ces 
alphabets,  pour  un  certain  nombre  de  caractères, 
s'explique  ainsi,  par  cette  communauté  d'origine; 
en  même  temps ,  on  comprend  que  chaque  écriture 
ait  pris  chez  chaque  peuple  différent  une  physio- 
nomie propre.  On  a  vu  que  les  plus  anciens  docu- 
ments en  estranghelo  ne  remontent  pas  au  delà  du 
m*  ou  du  IV*  siècle  de  notre  ère ,  que  l'inscription  de  la 
reine  Saddan  est  du  commencement  de  l'ère  chré- 
tienne, el  enfin  que  les  monnaies  de  Ma'nû  et  de 
Vaïl  sont  du  milieu  du  ii*  siècle.  C'est  aussi  l'épo- 
que à  laquelle  appartiennent  les  monnaies  sémitiques 
de  la  Characène,  car  elles  ont  été  émises  entre  i5o 
et  228  de  J.-C,  mais  avec  cette  circonstance  par- 
ticulière que  l'alphabet  characénien,  si  incomplet 
qu'il  soit ,  nous  offre  encore  bien  plus  de  caractères 
(environ  dix-huit)  que  l'alphabet  d'Edesse  qui  ne 
nous  en  a  conservé  que  huit  ou  dix.  Ce  petit  nombre 
de  lettres,  de  part  et  d'autre,  ne  permet  pas  de  faire 


LA  NUMISMATIQUE  ARAMÉENNE.  401 

des  comparaisons  sur  une  grande  échelle,  mais  il 
suffit  cependant  pour  nous  amener  à  conclure,  par 
la  forme  particulière  quafFècle  Valeph  en  characé- 
nien ,  que  cet  alphabet  ne  vient  pas  de  Testranghelo 
ni  de  Tédessien,  mais  leur  est  seulement  congénère. 


402  AVRIL-MAI-JUIN  1689. 

DOCUMENTS  POUR  LÉTUDE  DU  BERBÈRE. 


CONTES  DU  SOUS 

ET  DE  L'OASIS  DE  TAFILELT  (MAROC), 

TRADUITS  ET  COMMENTES 

PAR  M.  DE  ROGHEMONTEIX. 

(suite.) 

m 

LE  PRINCE  MEURTRIER  DE  SON  PÈRE. 

1.  IHa  ian  ogellïd,  ia-was  izidi  dar-s  ian  ofruk' 
zun  aiur.  Inker  ig'er  kullu^  imunejjimîn^;  ailiig' 
ad  iuskand  dar-s,  inna-i-a'sen  :  «ian  ofruk'  izid* 
dar-i  ;  zrat  ma  ra  igi.  »  Ar-tmniden  ailiig'  ennan-as  : 
«  afruk'-ad-enk  ig'-injem  ^  g'-izem  or-tissa  netta  ira 
ig  es-sebab®  n  el-hal-ank "^ ;  temmet*,iwala®  tageldit. 

1.  ]1  y  avait  un  grand  roi.  Un  jour  (la  reine)  mit  au  monde 
un  garçon  beau  comme  la  lune.  Le  roi  rassembla  ses  astro- 
logues :  «  Il  m'est  né  un  garçon ,  leur  dit-il ,  examinez  quelle 
sera  sa  destinée.  »  Les  astrologues  tirèrent  (Thoroscope)  et 
(prononcèrent  l'arrêt  suivant)  :  «  L'enfant  qui  vient  de  naître, 
s'il  échappe  à  la  dent  d'un  lion ,  causera  la  perte  de  son  père  ; 


»    M'y—'    J^.    -   »   ^.—'    ^1;.-    '   f?f-—  • 

'  J^l^;  on  devrait  avoir  helak-ank  «  la  perte  de  toi  ».  —  •  c»U .  — 


X 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDB  DU  BERBÈRE.        403 

Netta  iu-k-ad.  »  Inker  ugellîd  iftû  s-el-k'ala  ^^  aiilig' 
elkem  ian  odrar,  isker  gis  i^n  wano  g'eddu-wakal. 
Iserf-ed  s-ufruk'  ad  iat  temg'rat  g'a  iossumum.  Tawit- 
id  ar  dar  ogellîd,  igguz  ogellîd  s-uwânu  netta  u]a 
tamg'art  tasï  afnik'  dis  ;  (  a  )ksemn  s-ian  oh'anu  ^^  d-wa- 
mati  gïs,  ifl-a'sen  ogellîd  koUu  ma  ihetaj.  leftû  ogellîd 
f-h'âlatu^^,  ar  ittigawar  arkig'  ikka  aiur.  Iftu  sg'in 
koll  ^  aiur. 

a .  AiUig'  ikka  afrul^'  asuggas  d-uzgen ,  ian  ongemar 
ar-igommer  g'èr^^  izem,  ia-was  inker  iftù  a-igommer 
izem,  ia'fen  ian  izem  moqqom  g'-el-k'ala  ^*.  Ittfur-t 
a-t-ing'i;  ik§em-as-d  wano  elleg'  illa  ofruk'  d-et- 
temg'art.  la'fen  izem  tamg'art,  issi-t,  ofruk'  ijrahrt^^; 
ilhu^^  ofiruk'  ar-ialla.  Isfeld  ongemar  ofruk'  ar-ialla 

il  tuera  le  roi  et  s'emparera  du  trône.  Voilà  le  sort  de  ce 
fils.  «  Le  roi  fut  tout  attristé  par  ces  paroles.  Il  s*en  alla  dans 
le  désert  jusqu'à  une  montagne  dans  les  flancs  de  laquelle 
il  fit  creuser  un  caveau,  et  envoya  quérir  le  nouveau-né 
avec  une  femme  pour  Tallaiter.  Lui-même  descendit  avec  eux 
dans  le  caveau  et  les  y  abandonna  avec  de  Teàu  et  tout  ce  qui 
était  nécessaire  à  la  subsistance  de  la  nourrice.  Lorsque  la 
lune  se  fut  renouvelée,  il  revint  au  caveau  pour  juger  de 
leur  état,  et  ainsi  chaque  mois  par  la  suite.  Un  an  et  demi  se 
passa. 

a.  Il  advint  alors  qu'un  chasseur  de  lions  partit  en  chasse 
dans  le  désert  et  y  trouva  un  lion  énorme.  Le  lion ,  pour^ 
ftuiyi,  se  réfugia  dans  le  caveau  où  étaient  le  jeune  prince  et 
sa  nourrice.  Il  (bondit)  sur  la  femme  et  se  mit  à  la  dévorer, 
pendant  que  Tenfant  meurtri  poussait  des  cris  perçants.  Le 


404  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

g'-wano  elii  iksein  izem.  Igguz  ongemar  s-wano 
g'-el-h'în^'';  iaTen  izem,  ieng'i-t ,  iafen  tamg'art  is$a-t 
izem  d-u(ruk'  ittiagas  fîggï  n-teg'rut-ens.  la'fen  on- 
gemar kîgan  le-ksawi^*,  kïgan  l-a"weit'®  neger  udi 
d-el-k'âles  2^  cl-el-k'elia"^^  la'si  ongemar  afruk^iawi-t 
s-tigimmi-ns ,  aillig'  iwerrid  ia'sï  kidlu  ma^  ilian 
g'-wano  or,  iTel  iat  gîs.  Ilhu'^  ar-tidawa^*  afruk',  ail- 

3 .  Nmrid  s-1-ak'bar  ^*  en  baba-s  ofruk'.  Ogellïd  îfta 
s-wano,  ia'fen  or  gîs  g'èr^^  iksan  n-temg'art  tem- 
mut  *  gis.  Afruk'  lah't^'^  or-illa.  Ilhu  ^^  ogellïd  ar-ialla 
f-iu-s;  iorri  s-il-medint^^,  iggaur  gîs  g'-el-tegeldit. 

4.  Nurrid  s-1-ak'bar^*  n-ofruk'.  Immoqom  ar-it- 
sudu  bahra  ^^  f-isan  koll^  as  ;  iga  argaz  moqqorn ,  igsm 

chasseur  entendit  ces  cris  ;  il  courut  vers  le  caveau ,  y  des- 
cendit et  se  trouva  en  face  du  lion.  Il  le  tua  et  vit  alors  les 
restes  de  la  nourrice  et  Fenfant  blessé;  dans  la  chambre 
étaient  entassés  des  vêtements,  des  provisions  de  toute  na- 
ture, beurre,  fleur  de  farine,  viandes  séchées.  Le  chassear 
prit  Tenfant  et  Temmena  chez  lui  ;  puis  il  revînt  enlever  tout 
ce  qui  garnissait  le  caveau.  L*enfant  fut  bien  soigné  et  guérit 
de  ses  blessures. 

3.  Cependant  le  roi  était  allé  faire  sa  visite  ordinaire  au 
caveau;  il  n'y  trouva  plus  que  les  ossements  de  la  nourrice, 
Tenfant  avait  disparu.  Le  roi  pleura  la  perte  de  son  fils:  il 
rentra  dans  sa  capitale  et  continua  à  gouverner  son  royaume. 

4-  Mais  revenons  au  jeune  prince.  11  avait  grandi;  c*était 
maintenant  un  jeune  homme  plein  de  vigueur,  brave,  cava^ 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       405 

essijia"^^  bahra^''.  la-was  inker  ugellîd  taa"sa-i-as2^ 
teqbilt  ^,  Ismun  fell-as  ogellid  l-emhal  ^^  iggutnin. 
Inker  ofnik'  iu-s  ogellïd  iharka^^,  netta  g'el-mehalla^^ 
n-ugellîd.  Iftû  ogellïd  aillig'  igguz  g'-et-tamazirt  elli 
i-as  ia'^san^.  Fnker  ongemar  ilkem  iu-s  g'-el-mahallt^^  ; 
iggawr  dar-s.  Agellïd  enker  issudu  ar-ittemag'  d-ug'- 
welli  a"sanin^®.  Inker  ofruk'  ailleg'  izra  agellïd  issuda 
ar-ittemag',  issudu  netta,  iftu  ilkem  agellïd;  ilhu  ^® 
ofruk'  ar-ittemag'  ar-inneqa  irgazen.  Imil  tfaren-t 
atteng'in  midden  elli  a"sanin  ^^  ogellïd.  Imil  ioska-d 
a-iut  ian,  iut  agellïd  s-in-nessab^^,  iksem  d-umezzug'- 
ens  n-ugellid.  Ider  ugellîd.  Asin-t  imdukall-ens , 
iemz  ofruk'.  Inna-i-as  iu-s  :  «  mit  a-tegït?  »  Inna-i-as 
iu-s  :  «  an  ian  ongemar.  »  Ig'r-as  ;  ellig'  ad  iuska  ar 
dar  ogellïd,  enna-i-as  :  «  iu-k  aiad?»  Inna-i-as  on- 
gemar :  alawah.   ia  sïdi,  g'èr^^  ofig'-t  g'ian  wanu, 

lier  infatigable.  Dans  ces  temps ,  une  tribu  s*étanl  révoltée , 
le  roi  réunissait  contre  elle  des  troupes  nombreuses.  Le 
prince  voulut  faire  Ja  campagne,  et  dès  que  le  roi  fut  par- 
venu dans  le  pays  des  révoltés ,  il  se  rendit  au  camp  avec  le 
chasseur  et  y  resta.  Enfin  le  roi  monta  à  cheval  pour  livrer 
la  bataille,  et,  le  signal  donné,  le  jeune  homme  sauta  sur  sa 
monture  et  s'élança  aux  côtés  du  roi.  11  combattit  avec  ar- 
deur et  tua  maint  ennemi.  Dans  la  mêlée ,  il  se  trouva  serré 
4e  près  par  plusieurs  cavaliers.  Il  lança  son  javelot  contre 
Tun  d'eux.  Le  javelot  manqua  le  but  et  s'enfonça  dans 
roreille  du  roi.  —  Le  roi  tomba.  Les  gens  de  la  suite  se  sai- 
sirent du  meurtrier  et  l'amenèrent  au  roi.  «Qui  es-tu?  dit 
le  monarque.  —  Je  suis  le  fds  du  chasseur.  »  On  fut  quérir 
le  chasseur  et  on  l'interrogea.  Il  raconta  que  ce  n'était  point 

*  «Jyzw  avec  le  sens  de  *^y^  et  v;'^^'  —  ^  v'^* 


40G  AVRIL-MAI-JUIiN  1889. 

• 

nekki  ia-was  gmareg'  izem,  imii  izrî-i,  iruel  ikSem 
s-ian  wanu  at-fareg'-t,  afeg'-tin  issa  temg'art  afruk' 
ar-ialla;  eng'eg'  izem  isig'  afruk',  afeg'-tin  ittiagas 
g'iggi  teg'urut-ens.  »  Inna-i-as  ogellîd  a  ia'sî  figgi 
tog'urut-ens.  Izar-t  ogellîd,  ia'fen  aual  n-ongemar 
isha^^,  uala  aual  n-munejjimîn  ^  elli  i-as  innan.  Inker 
ogellîd  imun  dïs  isenn  iss-iga  iu-s,  iawit  iksem  dar 
immi-s,  iggaur  dïs.  Agellîd  iadun  aiUig'  immût^. 

5 .  Ënsarn  ^^  medden  iu-s  n  ugellîd  netta  aigan  agel- 
lîd g'  el-moda"^*  n-baba-s.  Ifki  i-ngomar  kullu  ma^^ 
ira  g'-el-k'ater-ns  ^"^  wala  tamg'art-inî.  Iggawer  afruk', 
iga  agellîd  oggar  en-baba-s.  Iga  Ijid  ^*,  iga  segie"  ^. 
b^ker  iffareq^®  el-mâl^®  iggûten  f-medden  ferhan*^, 
ser-s  medden  bahra^"'  ^^Ug'  iga  Ijid^*,  imma  baba-s 
or-iga  Ijid^*  iat. 

son  fils,  et  comment  il  Tavait  trouvé  dans  le  caveaa,  blessé 
aux  épaules,  entre  les  pattes  d*un  lion  qui  dévorait  sa  nour- 
rice. Le  roi  fit  découvrir  les  épaules  du  jeune  homme  et  vit 
les  traces  des  anciennes  blessures;  il  crut  au  récit  du  chas- 
seur et  se  rappela  en  même  temps  la  prédiction  des  astro- 
logues. Alors  il  emmena  avec  lui  celui  qui  était  son  fils  et 
le  conduisit  à  sa  mère. 

5.  Cependant  la  blessure  faite  par  ce  fils  empirait;  le 
roi  s* affaiblit  et  mourut,  et  le  peuple  proclama  le  jeune 
homme  à  sa  place.  Le  (nouveau  souverain)  combla  le  chas- 
seur et  sa  femme  de  tous  les  biens  qu*Us  désirèrent.  Il  fat 
plus  grand  que  son  père,  parce  quà  la  même  bravoure  il 
joignit  plus  de  générosité'. 


Mot  à  mot  :  «  n  fat  roi  plus  que  son  père,  il  était  généreux,  ii 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.        407 

6.  Inker  ismun  1-emhal  ^^  iggutnin ,  iftu  s-temazirt 
eUi  ia'^san^^  i-baba-s;  immag'  dïsen,  issi-ten  koUo-^ 
ten  ;  iengi'  img'aren-isen  ;  iurrid  fi  h'âlatu  ^^.  —  EUeg' 
isella  ian  ogeUïd  iadnin  iss-immùt  baba-s,  ismun 
1-emh'al^^  iggutnin,  iuskad  s-dar  ofruk'  ira  iamz 
l-emdint^^.  Isella  ofrok'  ig'aian  agellîd;  enker  inor- 
zum  Bèt-el-mal-ens^^,  ilhu^^  ar-ismun  1-emhal  ^^  ig^ 
gutnin.  Ha  ai  agellîd  ilkemd  1-emdint^®  n-afruk'  eUî 
igan  agellîd  g'  el-makan*^  en-baba-s.  Inker  ofruk', 
iffug'  ser-s,  immag'  igleb-t^^  ofruk'  g'  el-h'in*'', 
iamez-t,  ibbi  ik'f-ens,  iawi  kollu-ma^^  ddar-s  illan; 
ifrah'a*^  ofruk'  wala  ma-ddis  illan.  Iggaur.  Tekem- 
mel^^ 

6.  Il  fit  de  grandes  distributions  au  peuple  qui  lui  mani- 
festa sa  joie.  Ensuite  il  réunit  une  armée  puissante  et  marcha 
contre  les  tribus  qui  s'étaient  mises  en  révolte  (du  temps) 
de  son  père.  Il  les  battit,  mit  le  pays  à  sac,  tua  les  chefs  et 
rentra  au  milieu  des  siens. 

Un  roi  voisin,  ayant  appris  la  mort  de  son  père ,  vint  avec  des 
forces  considérables  attaquer  sa  capitale.  Mais ,  à  la  première 
nouvelle,  le  jeune  souverain  avait  ouvert  le  trésor  d*état  et 
recruté  des  troupes  nombreuses.  Quand  l'ennemi  approcha , 
il  sortit  à  sa  rencontre,  le  battit  incontinent,  le  fit  prison- 
nier et  lui  coupa  la  tète.  Il  s'empara  de  tout  ce  qu'U  avait 
apporté  avec  lui.  (Grande)  fut  la  joie  du  vainqueur  et  de  ses 
sujets  sur  lesquels  il  continua  à  régner  paisiblement*.  (Fin.) 

était  brave.  Il   se  mit   à  distribuer  des  richesses  nombreuses  au 
peuple  ;  le  peuple  fut  très  joyeux  de  lui ,  parce  qu  il  était  généreux  ; 
mais  son  père  n'était  pas  généreux  du  tout». 
'  Mot  à  mot  :  «  Il  demeura  ». 


408  AVRIUMAI-JUIN  1889. 


IV 

AVENTURES  DE  DEUX  ENFANTS  PERDUS  DANS  UNE  FORET 

PAR  LEUR  PÈRE. 

Le-qist^  n  ian  urgaz  i'tahaln^  d  iat  tem'gart' 
iarôn  did  s  sin  tanva,  ian  ofrok'  d  iat  tferok't'. 
Ikén(n)  z-zman  ^  kra  t'emmel'^  temg'art',  g'aman 
az  d  sin  tarwa.  Ikken  mannïka  i'tahaln^  d  iat  iâdni. 

• 

G'ailli  i'gan  tawuri-ns  ar  iftû  kaigat  as,  igmorn  ar  n 
itamz  snat'  tskorîn  d  kra  n  igdâd  ;  e'wurri  n  s  te- 
gemmî-ns ,  ifk  tnin  i  temg'art'  tsnû  tnin ,  ar  n  ittasi 
iat'  t'skort'  intan  temg'art'-ennes ,  ar  n  iakka  tisnat' 
tskorîn  é  ufrok'  d  wuUma  s.  Kénen  g'ailli  dekkan 
tsa'wul  d  sers  t'emg'art',  tnna  i  as  :  «  a  irgaz-înô , 
ka'igat  as  ar  tTtût'  t'keltén  g'  odrar  ar  tadgwat' 
t'awit'   ag'    n   snat'   tskorîn    ad  d(i)  kra  n   igdâd; 

a.  1.  On  conte  qu'un  homme,  s' étant  marié,  eut  de  sa 
femme  deux  enfants,  un  garçon  et  une  fille.  Quelque  temps 
après,  la  femme  mourut  lui  laissant  ses  deux  orphelins.  Lui 
attendit  un  peu  et  se  remaria. 

Or  cet  homme  avait  coutume  d'aller  chaque  jour  à  la 
chasse.  Quand  il  avait  pris  deux  perdrix  et  quelques  oiseaux, 
il  rentrait  au  logis  et  donnait  le  gihier  à  sa  (seconde)  fenune 
qui  le  faisait  cuire:  il  y  avait  une  perdrix  pour  lui  et  la 
femme;  l'autre  était  pour  le  petit  garçon  et  sa  sœur. 

2.  Les  choses  allaient  ainsi,  lorsqu  (un  jour)  la  marâtre 
dit  (à  son  mari)  :  «  Mon  homme,  tous  les  jours  tu  vas  courir 
la  montagne  jusqu'au  soir,  et  tu  ne  rapportes  que  deux  per- 


i  ~ 


i^^oiJl.  —  ^  JiiàG.  —  ••»  ^JUyi\.  —  4   c:»L.. 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       409 

g'îlad  drûsent'  ikkùz  midn,  g'îlad  ma  tskert'  i  sin 
tarw'  aiad?  Hatnin  moqqorn,  azn  tnin  s  dar  kra 
iâdni  manig'a  t'k'dâmen  ^  f  îgùian  sn ,  ig'  ur  trît' 
{e)nekkén  ad  ftûg'  s  mani  iâdni.  »  Isa'wul  n  sers 
urgaz-ennes,  inna  i  as:  «aska  (e)ra  d  asn  siggileg' 
manig'a  t'k'dâmn  ^.  »  Askalens  iTtû  ar  isiggïl  kullu 
ma  ila  was,  wur  n  iûfî  ma  iran  sén  iferk'an  elli-ns. 
Iwurri  n,  tnna  i  as  :  «  g'îlad  mr  ra  d  asen  tskert'?  » 
Inna  i  as  :  «  wur  t  as  sneg'.  »  Tnna  i  as  temg'art'  : 
«awi  tnin  iaw  was  did  k  s  tagant,  tejlù  tnin  ar  sig: 
gîln ,  ar  dromen  ftùnen  s  kra  en  temazirt'  iâdni.  » 
Inna  i  as  urgaz-ennes  :  «  aska  (e)ra  tnin  awig'  dïd  i, 
flek'  tnin  k'  tagant.  » 

Han  tafrok't'  eHï  imqorn  f  oTrok'  ar  tsflïd  ma 

drix  et  quelques  oiseaux;  c'est  peu  pour  quatre  estomacs'. 
Que  vas-tu  faire  maintenant  de  ces  deux  enfants  ?  Les  voilà 
grands;  envoie-les  donc  quelque  autre  part  où  ils  travaille- 
ront à  leur  compte  ^  Si  tu  n'y  consens  pas,  quant  à  moi  je 
vais  ailleurs.  —  Demain,  lui  répondit  Thomme,  je  leur 
chercherai  du  service.  »  Le  lendemain ,  il  passa  la  journée  en 
recherches;  mais  il  ne  trouva  (personne)  qui  voulût  de  ses 
enfants.  «  Que  vas-tu  faire  ?  lui  dit  sa  femme  à  son  retour. 
—  Je  ne  sais.  —  Eh  bien!  fit-elle,  prends-les  quelque  jour 
avec  toi  dans  la  forêt  ;  tu  les  y  laisseras  ;  quand  ils  se  seront 
fatigués  à  te  chercher,  ils  iront  dans  un  autre  pays.  »  Le 
mari  répondit  :  «  Demain  je  les  emmènerai  et  les  perdrai 
dans  le  bois.  » 

3.  Or  Ja  fille,  qui  était  l'aînée,  entendit  la  conversation 

"  Mot  à  mot  :  «  hommes  ». 
^  Mot  à  mot  :  «tète». 

XIII.  '!■] 


I  U  >  .-.  t  11  »  M  •-     X  «  1 1  ^  >  <  L  k 


410  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

ilte'ni  baba-s  d  inna-s.  Tniker  d  tafrokV  lii  tasé  n 
iat  terialt'  g'  ôfus-ennes ,  tnna  d  :  «  g'îiad  eUig'  babat- 
neg'  ira  *g'n  ijlu  k'  tagant',  annasig'  masa  n  tsdlamg'  • 
ag'àras.  »  Ar  tasï  kra  en  tallùzin'',  d(i)  kra  en  tini®, 
d(i)  kra  en  ez-zebîb®,  d(i)  kra  en  ilammen;  tsmun 
tnin,  t'ege  tnin  k'  tarialt'-ennes ,  t'gun.  Âskalens, 
ban  babat-sn  i'senker  tn;  sanin  kra.  Inna  i  asn: 
«a  tarwa-nô,  ka'igat  as  t'ggawerm  en  k'  ti'gemmî; 
g'îlad  ad  did  i  t'mûnem  s  tagant',  at  tstaram  ïmik 
ka'igat  as  ar  aun  iskar  n  tag'ausa  iTuikïn.  »  Innan  as  : 
«  Nera ,  a  babat-neg'  !  »  Ënkern  d ,  izwur  asn  babat- 
sen,  itabaa''^^  tén  ofrok';  t'ggerûn  tafrok't'  ar  ftûn 
anskinnâ  s  aftûn ,  han  tafrokV  ar  tasî  ïmik  s  îmik  n 
g'aiHi  t'gan  k'  tarialt',  ar  t'  teluah'  ^^  g'  ag'àras  îmik 

de  son  père  et  de  sa  mère.  Elle  se  leva  et  se  passa  au  bras 
un  panier,  disant  :  «Donc,  puisque  notre  père  veut  nous 
perdre  dans  le  bois ,  j*emporterai  de  quoi  marquer  le  che- 
min. »  Elle  prit  quelques  amandes ,  des  dattes ,  des  raisins 
secs ,  du  son ,  et  mit  le  tout  ensemble  dans  le  panier,  puis  se 
coucha. 

tx.  Au  matin,  le  pèreévelHa  les  enfants.  On  mangea,  ^ors 
il  dit  :  c  Mes  enfants,  vous  restez  toujours  à  la  maison;  venez 
donc  au  hois  avec  moi  ;  un  peu  de  promenade  chaque  jour, 
cela  vous  fera  du  bien.  »  Ils  répondirent  :  «  Père,  volontiers I  » 
On  partit.  En  avant  marchait  le  père,  suivi  du  garçon;  la 
fille  se  tenait  en  arrière,  et  tant  qu*ils  cheminèrent,  die 
puisa  dans  le  panier  et  en  jeta  au  furet  à  mesure  le  contenu, 
par  petites  poignées  *,  sur  sa  route. 

'  Mot  à  mot  :  •  peu  à  peu  ». 


DOGUMEiNTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.        411 

s  îmik ,  aillig'  d  lekemen  tozzomt  en  tagant'.  Inna  i 
asn  babat-sn  :  «  a  tai  wa-nô  ggawurat'  g'ïd  ;  hat'én 
termim  ar  serï  tt'qàlem  ar  d  n  wurrig'  d  k'  tôgô- 
mort',  neftû  n  s  t'egemmï.  Amzat'  hama  tstâm,  hama 
tssâm  ar  d  n  aske'g'  d.  » 

Iftùn  wurgaz  an  ar  i'gummar  g'odrar  g'ik  lli  iad 
iHi  iskâr  ka'igat  as,  aiilig'  d  iumz  g'aiHi  d  itamz  g' 
igdâd  d  snat'  tskiirln.  Ikkén  ian  ug'âras  iâdnin; 
iwurrî  n  s  te'gemmï-ns. 

Han  iferk'an  an  ar  t'qaln  ar  tuzzumt  in  was, 
babat-sn  wur  n  iwurrî  s  dar  sen.  Isa'wul  n  ofrok'  an 
mezzïn,  inna  d  é  wultma-s  :  «  a  wultma,  ag'  1-uqt^^ 
ad  babat'-neg'  d  ar  itVlï  k'  te'gemmî  ka'îgût  as;  ik' 
trît'  an  neftû  s  te'gemmï.  »  Tnna  i  as  tafrok't'  :  «  ia 
llah  ^^  og'd.  »  Amznin  ag'âras  ar  zïgizn.  Tzwar  n 
tafrok't'  ar  temnad  g'ailli  tlôh'^^  n  g'  o'g'âras^  t'et'a- 

5.  Quand  ils  furent  au  milieu  de  la  forêt,  le  père  dit: 
oMes  enfants,  restez  ici;  vous  êtes  fatigués.  Attendez-moi 
jusqu'à  ce  que  je  revienne  de  la  chasse;  nous  rentrerons  en- 
semble à  la  maison.  Tenez,  voici  de  quoi  manger  et  de  quoi 
boire  jusqu'à  mon  retour.»  Il  s'éloigna  et  chassa  dans  la 
montagne  comme  il  avait  accoutumé  de  faire  ;  il  prit  sa  proie 
ordinaire ,  des  oiseaux,  et  deux  perdrix  ;  ensuite ,  par  un  chemin 
détourné,  il  regagna  son  logis. 

6.  Les  enfants  avaient  attendu  jusqu'à  midi;  le  père  ne 
reparaissait  point.  Le  petit  garçon  parla  à  sa  sœur  :  t  Ma 
sœur,  dit-il,  c'est  l'heure  où  tous  les  jours  notre  père  est 
(déjà)  à  la  maison.  Si  tu  veux,  nous  rentrerons  aussi.— 
Par  Dieu ,  en  route  !  »  reprit  la  fille.  Ils  se  mirent  en  route , 
la  fille  en  avant  ;  celle-ci  cherchait  des  yeux  ce  qu'elle  avait 

27- 


ï\2  AVHIL-MAI-JUIN    1880. 

baa"  ^®  l'en ,  aillig'  cl  lekemen  t'i'gemmî.  Tnna  îas 
lafrok't'  :  «  a  gmo ,  kesm  n  s  te'gemmî ,  t'ggawort  n 
g'  ôseils  an ,  nekkîn  ad  ggawerg'  g'  og'wan  iâdni  ;  han 
nezer  ma  itt'e'ni  babat-neg'  d  innat-neg'.  »  Ggawem 
ka'igat  ian  gîsen  g'  ian  ôseds. 

Han  imensï  inwâ;  sers  tén  tanQg'art',  bdû  n  tasî 
d  iat'  tskort',  t'efk  tén  i  urgaz-nnes,  tasï  n  tisnat' 
tskorïn,  t'ge  t'en  ag'  le-guddàm  ^''-enns ,  tnnad  i 
urgaz  :  «  zer  d  g'ïla  ka'igat  ian  gîg-neg'  dar  s  ial' 
tskort'  !  »  Isa'wul  n  urgaz ,  inna  d  :  t  han  taisg'art'- 
nnek,  a  ie'w-i!  »  Tsa'wul  d  temg'art',  tnna  d  :  «  han 
taisg'art'-nnek ,  a  iUi!  »  Han  iferk'an  sellan  asen; 
enkern  d  ar  tazzaln.  Isa'wul  d  ofrok',  inna  i  az  d  : 
«  ha-iin ,  a  ba'ba  !  »  Ts'awul  d  tfrok't',  tnna  i  az  d  : 
«ha-iin,  a  inna!  »  Lekemen  tnîd,  ggawem.  Âsén  d 
dag'  iat'  tskort'  i   sén   iferk'an;  bedôn   tén  netnîn 

jeté  sur  le  chemin  et  suivait  la  trace.  Ils  arrivèrent  ainsi  à  la 
maison.  «Mon  frère,  dit  alors  la  sœur,  tiens-toi  dans  cette 
mangeoire ,  et  moi  dans  celle-ci  ;  nous  verrons  ce  que  diront 
notre  père  et  notre  mère.  »  Ils  se  blottirent  chacun  dans  sa 
mangeoire. 

7.  Or  le  souper  était  cuit.  La  femme  le  servit;  ensuite 
elle  commença  par  prendre  une  perdrix  qu'elle  donna  à  son 
mari;  pour  Tautre,  elle  la  plaça  devant  elle  et  dit  :  «  Regarde, 
maintenant  chacun  de  nous  a  sa  perdrix.»  L'homme  fit 
«Voici  ta  part,  mon  garçon.»  Et  la  femme:  «Voici  ta  part, 
ô  ma  fille.»  Les  enfants  entendirent  el  s'en  vinrent  tout 
courant  :  «Me  voici,  papa!»  disait  le  garçon.  «Me  voici, 
maman  !  »  disait  la  fille.  Ils  se  pressèrent  contre  leurs  parents; 
ils  prirent  place  et  reçurent  encore  une  perdrix  à  partager 


DOCUMEiNTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       413 

se'nit-sen;  temg'art'  d  urgaz-enns  bdùn  tissnat'. 
Sén(n)  ïmensi.  Han  ifcrk'an  ftan  ka'igat  ian  manig'a 
n  igguan. 

Tniker  d  temg'art',  tebdûn  ^^  ar  tzï  d  urgaz ,  tnna 
i  as  :  «  a  wallï  ifâaln  ^^  isker  d  tskarkst!  Han  iferk'an 
wur  tnîn  tejlit';  g'ïlad  ellig'  d  wurrïn  s  te'gemmi, 
nekkïn  (e)ra  d  ftug'  s  manî  iâdnin.  »  Isa'wul  d  wur- 
gàz ,  inna  i  as  :  «  aska ,  (e)ra  tnîn  awig'  s  manî  iaggôgn , 
wvir(r)  ad  i'san  ag'âras  masa  d  twurrain  s  te'gemmî.  » 
Tafrok't'  ar  a'sen  tsflîd  ;  tasé  n  dag'  tarialt'-nns  ar  n 
gis  t'ggâ  kra  en  tïnï  *  d  kra  en  ez-zebîb  ^  d  ilâmn  ; 
tsmun  d  g'aiUi  tûfâ  t'egé  t'ïn  k'  tarialt'-nns.  Askalens 
inker  d  babat-sen ,  inna  i  asen  d  :  «  a  tarwa-nô ,  ia 
liaht'^^,  mûnat'  did  i  dag'  ad  gomorg'.  »  Sa'wuln  d 

entre  eux,  pendant  que  Thomme  et  la  femme  se  partageaient 
la  seconde.  Après  le  souper,  chacun  des  enfants  s'en  alla 
dormir  comme  de  coutume. 

8.  Alors  la  marâtre  se  leva  et  commença  à  quereller  son 
mari  :  a  Ce  sont  là  tes  exploits,  tes  menteries!  Tu  n'as  point 
perdu  les  enfants;  et  moi,  puisque  les  voilà  revenus,  je  leur 
cède  la  place'.  —  Demain ,  fit  l'homme ,  je  les  conduirai  bien 
loin ,  de  façon  qu'ils  ne  connaissent  plus  aucun  chemin  qui 
les  mène  chez  nous.  »  La  fille  écoutait.  Elle  reprit  son  panier*'; 
die  y  mit  encore  dattes,  raisins  secs  et  son,  tout  ce  qu'elle 
trouva. 

9.  Le  lendemain,  le  père  appela:  «Mes  enfants,  allons! 
Saivez-moi  encore  à  la  chasse.  —  Volontiers,  répondirent 

w  los.  —  '^  J^. 

*  Mot  à  mot  :  «je  m*en  vais  ailleurs  s. 

*  Mot  à  mot  :  «  pour  y  mettre  des  dattes ,  etc. ,  elle  réunit  ce 
qu'elle  en  trouva  et  le  mit  dans  son  panier». 


414  AVHIL-MAI-JUIN    JS80. 

iferk'an,  iiinan  as  :  «  (e)nrâ  ad  did  k  innmùn,  ad 
wur  tskert'  zund  i'dgam.  »  Isa'vvul  d  ser  sen ,  înna  i 
asn  d  :  «  tawolat  ad  \vur(r)  akun  feleg'  zund  rdgam.  ■ 
Ftùn  mun  did  s;  izwar  d  wurgaz,  l'etabaa"  ^°  t'illî  s, 
d  ofrok'  an  i'gguran  itabaa"^^  tn  k'  t'g'ordén.  Ar 
zigïzn,  han  tafrok't'  ar  dag'  tluwah'  ^^  (e)g'ailii  t'ga  n 
k'  tarialt'-nns,  ar  iTtQ  ar  n  tluwah'^^  ïmik  s  îmik 
gùma-s  itabaa"^°  t'en  ar  n  ismûna  g'ailli  d  tluwah'^^ 
wultma-s.  Ar  zigîzn  aiUig'  d  lekemenîn  tozzomt'  n 
udrar.  Inna  i  asn  d  babat-sn  :  «a  tarwa-nô,  ggau- 
ra'tn  g'îd,  ha't'én  tormïm,  g'îlad  (e)ra  d  wurrig', 
wur(r)  an  matleg'^''.  wlftù  n,  igùmôr  d  aiilig'  d  iumz 
dag'  g'ailii  bedda  d  itamz;  iamz  (o)n  ag'âras  iâdnin, 
ewurri  n  s  te'gemmï-ns,  ia'f  n  temg'arl',  inna  i  ar 
d  :  «  g'assâd  tarwa-neg'  \vur(r)  ad  roh'en  ^^  s  te'gemmï, 
felek'  tnin  g'  manî  iaggôgn.  »  Tsawul  d  ser  s  tern- 
ies enfants,  nous  vous  suivrons;  mais  ne  faites  .pas  comme 
hier.  —  Cette  fois,  je  ne  vous  abandonnerai  pas  comme 
hier.  »  Ils  partirent  ensemble,  le  père  en  tête,  puis  la  fille, 
et  le  garçon  par  derrière.  En  marchant,  la  fiile  jetait  peu  à 
peu  ce  qu  elle  avait  dans  son  panier,  et  sur  ses  pas  le  garçon 
ramassait  au  fur  et  à  mesure*.  Quand  ils  furent  en  pleine 
montagne,  le  père  dit:  «Mes  enfants,  restez  ici,  vous  êtes 
fatigués;  je  vais  revenir  et  ne  m'attarderai  point.»  11  alla 
chasser  comme  d'ordinaire,  et,  ayant  fait  sa  provision,  il 
suivit  un  autre  chemin  et  rentra  chez  lui.  Il  trouva  sa  femme 
et  lui  dit:  «Aujourd'hui,  nos  enfants  ne  reviendront  pas  ici, 
je  les  ai  laissés  très  loin.  —  Ce  soir,  reprit-elle,  au  moment 

^'  JJL« .  Cf.  JJoe ,  vulg.  ég.  «  être  en  retard  »  ;  Jb  <  différer  on 
payement»;  jLb  (Jjîb)  «prolonger,  s'attarder».  —  *•  ^y 

*  Mot  à  mot  :  «  ce  que  sa  sœur  jetait  en  marchant  •. 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       415 

g'art',  tnna  i  as  :  «  ar  tadguat'  1-woqt'  ^^  n  i'mensî , 
ad  zreg'.  »  Ke'nïn  aiJlig'  d  inwa  i'mensî,  sersen  t' 
bedun  t'in  dag';  tasi  n  ial'  tskort'  t'efke  t'in  é  urgaz- 
enns,  lasî  n  iat'  tsers  t'en  le-guddâm  ^^-ennes.  Isa'wul 
d  wurgaz,  inna  i  as  :  «  ha  taisg'art'-ennek,  a  îe'w-i!  » 
Ts^'wul  d  temg'arl',  tnna  d  :  «  ha  taisg'art'-ennek ,  a 
illi.  »  EUig'  sawu'ln  se'nit-sen,  wur  asnin  îwàjeb^® 
ian.  Han  temg'arl'  an  tfrâh'^®  n,  tnna  d  é  urgaz: 
«  Zr,  g'ïlad  ngâ  d  se'nit-neg',  ainna  iHan  nebdû  t' 
se'nit-neg'.  »  Sîn  n  i'mensî-ennesen  ;  gun. 

Han  iferk'an  ellî  sénit-sen  ggaworn  g'  odrar  elii  k' 
tnin  i'fl  babat-sn.  Ar  iaf  el-woqt'  ^^  isa'wul  d  dag'  ofrok', 
inna  i  as:  «a  wuitma,  ia  liah^^  og'd  s  te'gemmï! 
han  babat-neg'  isker  d  dag'  zund  i'dgam;  el-woqt' ^^ 
ad  illan  k'  te'gemmï.  »  Tnna  i  az  d  wultma-s  :  «  kl  ag' 
d  îmik.  »  Ki'nën  krâ.  Isa'wul  d  ofrok',  inna  i  az  d  : 

du  souper,  je  verrai  (bien).  »  lis  attendirent.  Quand  le  souper 
fut  cuit  et  mis  sur  la  table ,  on  partagea.  La  femme  choisit 
une  perdrix  et  la  donna  à  son  mari  ;  elle  plaça  l*autre  devant 
elle.  «  Voîlà  ta  part ,  ô  mon  fds  1  »  dît  fhomme.  «  Voilà  ta 
part ,  ma  fille ,  »  ajouta  ia  femme.  A  fun  comme  à  Tautre 
personne  ne  répondît.  Cette  femme  en  fut  toute  joyeuse: 
«  Vois  maintenant ,  dit-elle ,  que  nous  sommes  tous  deux ,  nous 
avons  deux  parts  pour  chacun  de  nous.  »  Us  mangèrent  leur 
souper  et  dormirent. 

1  G.  Cependant  les  enfants  étaîent  restés  dans  la  montagne 
ou  leur  père  les  avait  quittés.  A  un  moment,  le  garçon  prit 
ia  parole  et  dit  à  sa  sœur  :  «  Allons ,  en  route  pour  la  maison  I 
le  père  nous  a  fait  comme  hier;  voici  l'instant  où  il  est 
rentré!  —  Attends  un  peu,  »  fit-elle.  Après  une  pause,  l'en- 


416  AVRIL-MAI-JUIN   1889. 

«  a  wuitraa,  askî  d,  an  nés  g'a^  d  ufig'  g'  ôg'âras 
ellig'  d  nuska.  »  Ar  ittasî  g'  el-jib^'-nns  kra  en  tini* 
d  kra  n  ez-zebîb  ^  d  kra  n  ei-iûz  ^,  ar  tnin  isrûs  g' 
ôkuba-ns.  Han  tafrok't'  ellî  tebdu  ^^  n  ar  t'alla,  t'egel- 
lent'^izer  tgôma-sart'alla,  i'bdu''*  n  ar  ialla.Tsa'wid 
d  wultma-s,  tnna  i  az  d  :  «  a  gmo,  g'îlad  aiag'n  nejlâd 
ag'âras  en  tc'gemmï;  g'aiiii  s  tin  aaliemeg'^,  ha  l'en 
tsmunl';  zer  d  ado  iad  izri  n ,  hat'in  iûiei  d  kuUe-sït  ^^ 
n  ilamn  elli  n  loh'eg'  ^^  »  Ar  t'ellin  g'  udrar  sénit- 
sen ,  aillig'  d  ilkem  d  g'  iéd  wur  ùf ïn  a'gâras  masa 
n  twurrain.  Tsa'wul  d  tfrokV,  tnna  i  az  d:  «  a  gmo, 
g'uli  ag'n  s  sejarl-^  an  ag  gïs  nens  ar  aska.  »  Ug'lîn  d 
s  sejart'^^  'llï;  gûnen  gïs,  aillig'  d  iikem  d  tozzomt' 
en  iéd,  ar  sflîdn  iussan  k'  ka'igat'  tasga. 

Ifu  n  ez-zman^,  enkem  d  iferk'an  an  ar  l'ilîn  g'îd 

f'ant  dit  de  nouveau  :  «  Approche,  ma  sœur,  mangeons  ce  que 
j'ai  trouvé  sur  le  chemin  par  où  nous  sommes  venus.  »  11  tira 
de  sa  poche  des  dattes,  des  raisins  secs,  des  amandes  quil 
plaça  sur  ses  genoux.  Alors  la  fille  se  mit  à  pleurer  amère- 
ment; en  voyant  ses  larmes,  son  frère  aussi  pleura:  oMon 
frère ,  dit-elle ,  maintenant  nous  avons  bien  perdu  le  chemin 
de  la  maison  ;  ce  qui  devait  nous  le  marquer,  tu  Tas  ramassé. 
Vois,  le  vent  a  passé  et  emporte  tout  le  son  que  j'avais 
semé.  »  lis  errèrent  dans  la  montagne.  La  nuit  vint,  ils 
n'avaient  pas  encore  trouvé  le  chemin  du  retour  :  tMon 
frère,  dit  la  fille,  montons  sur  cet  arbre  pour  y  passer  la 
nuit.»  Ils  escaladèrent  l'arbre  et  s'endormirent;  mais,  vers 
minuit,  ils  entendirent  les  loups  qui  hurlaient  de  toutes 
paris. 

1 1.  Aux  (premiers)  feux  du  jour,  ils  se  remirent  en  quête 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       417 

wur  cl  g'îd,  ar  tmnadn  ian  urgaz  iaggôgn  ezzeg' 
gisen.  Ftùn  s  dar  s  ar  tazzàln,  aillig'  d  t'in  lekemen. 
Innan  az  d  :  «  a  irgaz  ad  i  rebbîn^^  ad  ag'  d  t'melt' 
ag'âras  s  kra  en  ternazirt'.  »  Isa'wuJ  d  ser  sn  urgaz 
ad,  inna  i  a'sn:  «  a  tarwa-nô,  nekkîn  wur  k'alidog'^^ 
kïgan  k'  temi'zar  ad;  g'ilad  amza'tn  tag'arast  ad 
mezzïn,  t'ftûni  n  did  s  ar  d  n  tâfém  sin  ig'ara'sn, 
ian  g'  ozlemad  d  ian  g'ôfasi.  Amza'tn  han  snat'  l'kôrin^^ 
n  i'faian,  iat'  gïsent'  t'gan  tuWiit',  iat  gisen  t'gan 
todlait' ;  ik' tlekem  ig'ara'sn ,  tloh'em ^^  tnin  s  i'ginnâ^^, 
innad  t'kka  n  tumliit',  tamzom  t';  innad  t'kka  d  tod- 
lait',  a  l'en  wur  tamzom.  » 

Zaidnin  sén  iferk'an  an  ar  zigizn.  Isa'wul  d  ofrok', 
inna  d  e  wultma-s:  «  a  wultma,  fk  iéd  t'ikôrin^^  an, 
at  nezereg'.  »   lamz  tnin  dar  wultma-s,    ar  ser    sn 

de  çà  et  de  là;  enfin  ils  aperçurent  un  homme  dans  le  loin- 
tain et  coururent  vers  lui  :  «Pour  l'amour  de  Dieu,  lui 
dirent-ils  dès  qu'ils  furent  proche ,  indiquez-nous  un  chemin 
qui  conduise  à  quelque  pays.  —  Mes  enfants,  répondit 
Thomme,  moi-même  je  ne  fréquente  pas  beaucoup  dans 
ces  parages;  mais  prenez  ce  sentier;  vous  le  suivrez  jusqu'à 
ce  que  vous  trouviez  deux  chemins,  l'un  à  gauche,  l'autre 
à  droite.  Voici  deux  pelotes  de  fd ,  une  blanche ,  une  noire  : 
quand  vous  serez  au  carrefour,  jetez-les  en  l'air  et  prenez 
le  chemin  du  côté  où  ira  la  blanche.  Pour  le  chemin  de  la 
pelote  noire,  évitez-le.  »  Les  enfants  s'éloignèrent. 

12.  En  route,  le  garçon  dit  à  sa  sœur  :  «  Sœur,  donne-moi 
donc  ces  pelotes,  que  je  voie.  »  11  les  prit  de  sa  sœur  et  se 

*®  V^.  —  ^  kJlâ.   «fréquenter»,   klâ.   «emmêler».   —   "  ^, 


m  X 


418  AVRIL-MAI-JUIN   1889. 

i'tlaâb^^,  ar  tnin  illuah'^^  iat'  s  iat',  ismun  tnin  g'îkan 
aillig'd  kulle-si23-tntTsint',  k'aldnt'^Mnkerd  ofrok' 
an  iloh'^^  tnin,  ar  izzigiz  d  wultma-s,  aillig'  d  leke- 
men  d  sén  ig'ara'sn.  Tsa'wul  d  wultma-s,  inna  i 
az  d  :  «a  gmo,  ha  sén  i'gara'sn  d  elli  s  ag'  inna 
wurgaz  'lll,  fk  iéd  l'ikôrin  ellï  ag' ifkâ.  »  Isa'wul  d 
ufrok',  inna  i  az  d  :  «  a  wultma  ar  ser  sen  tferrajeg'^*^, 
aillig'  d  lïclkcnt'^^  ioli'eg'^^  tnin.  »  Tnna  i  az  d  :  «  a 
gmo ,  ha  iog'  dag'  nra  d  nejlù  ag'âras.  » 

Amznin  ian  g'  ig'ara'sn  ellï  ar  zigi'zn,  aiiiig'  d 
i'ikem  d  g'ie'd,  wur  n  ûfïn  amia  n  i-aamert'^^  g' 
ug'âras-ennesn.  Ar  temnadn  g'  ia  1-makân^  iaggôgn 
kra  n  liTaut'  ;  aillig'  d  t  lekemen  a'fin  d  iat'  ti'gemmî 
mozzikn  a'fin  tid  trzom.  Kesemnin,  t'qen  tiflût'. 
Ellig'  d  kesmn,  ar  tmnadn  iat'  tag'znt',  tsa'wul  d 
ser  sn,  Inna  i  asn  d  :  «  man  iksm  n?»  Tsa'wul  d 

mit  à  jongler,  les  lançant,  les  rattrapant  Tune  après  l'autre, 
jusqu'à  ce  qu  elles  fussent  toutes  dévidées  et  le  fil  embrouillé. 
Alors  il  les  jeta  et  rejoignit  sa  sœur.  Quand  ils  furent  arrivés 
aux  deux  chemins,  celle-ci  lui  dit  :  «Mon  frère,  voici  les 
deux  chemins  dont  nous  a  parlé  cet  homme ,  rends-moi  les 
pelotes  qu'il  nous  a  données.  —  Ma  sœur,  je  me  suis  amusé 
avec,  et  comme  elles  étaient  toutes  défaites,  je  les  ai  jetées. 
—  Ah  !  mon  frère ,  nous  voilà  encore  égarés  !  » 

i3.  Ils  s'engagèrent  dans  un  des  deux  chemins  et  mar- 
chèrent jusqu'à  la  nuit,  sans  rencontrer  sur  leur  route  aucun 
lieu  habité.  (Enlin)  ils  virent  au  loin  une  lumière,  et  en 
avançant  dans  la  direction  où  elle  brillait,  ils  parvinrent  à 
une  cabane  dont  la  porte  était  ouverte.  Ils  entrèrent.  La 
porte  se  referma.  Ils  virent  alors  une  ogresse  qui  leur  de- 

"     c^.    —30    ^^,   _   31     J^ià.    _   38    ^U,^U.    _M    ^J\SU. 


DOCUMEiNTS  POUR  UÉTUDK  DU  BERBÈRE.       419 

tafrok't'  tnna  i  az  d  :  «  nekkunin ,  a  tafqert'  ^*  !  »  Tsa'- 
wul  d  ser  sn ,  tnna  i  asn  :  «  minna'u  a  te'gam?  »  Tnna 
i  az  d  tafrok't'  :  «  nekkïn  d  ugmo.  »  Tsa'wul  d  tag'znt', 
tnna  i  as  :  «  ha-ién  vvur  sfa'weg',  wur  temna'deg'  ki- 
gan ,  ggawura'tn  k'  th'anùt  ^^  an  ar  d  a'un  f k'eg'  îmensï- 
nnûn.  »  Han  afrok'  ie'ksôd  n  inna  d  wultma-s  :  «  han 
k'iad  (e)ra  d  ag'  n  ts  g'  iéd  ad.  »  Tnna  i  az  d  wultma-s  : 
«  wurteksôtagmo.  »  Ggaworn  ar  t'qàln,  aillig'  d  tawi 
asn  d  kra  n  og'rom  ;  tnna  i  asn  d  :  «  amzatn  g'wad , 
ar  askâ  zorog'  mar  ra  d  a'un  skereg'.  »  Tftu  n  tebdù  ^^ 
ar  n  tsenwa  ïmensi-ns.  Tag'znt'  man  tsenwa  kra  en 
tefûï  n  eg'uial;  tnwâ  wur  tnewî  ts  tén,  t'gun  d. 

Askalens  tniker  d,  tnna  i  asn  d:  «a  tarwa-nô, 
g'ilad  wur  dar  i  ma  d  stag'  g'-ass-ad  é  ïmensi-nô; 

manda  :  «Qui  entre?»  La  fille  répondit:  «C'est  nous,  ma- 
dame!". —  Combien  êtes-vous? —  Moi  et  mon  frère.  — 
C'est  que  je  ne  vois  pas,  je  ne  distin^^ue  pas  très  bien. 
Restez  dans  cette  petite  chambre,  je  vous  apporterai  votre 
souper.  »  L'enfant  eut  peur  :  «  Elle  va  nous  manger  cette 
nuit,»  dit-il  à  sa  sœur.  Celle-ci  le  rassura ^  Ils  se  tinrent 
cois  '',  jusqu'à  ce  que  l'ogresse  leur  donnât  un  peu  de  pain , 
en  disant:  «  Mangez  ceci;  demain  j'examinerai  ce  que  je  ferai 
de  vous.  »  Elle  alla  ensuite  faire  cuire  son  souper.  Ce  qu  elle 
faisait  cuire ,  c'était  de  la  viande  d'âne  ;  et ,  cuite  comme  crue , 
eUe  l'avala ,  puis  dormit. 

i4.  Le  matin,  elle  se  leva  et  dit  aux  enfants  :  «Je  n'ai 
plus  rien  à  manger  pour  mon  souper  de  ce  soir;  je  sors, 

'  Mot  à  mot  :  a  ô  vidille  ». 

**  Mot  à  mot  :  «  sa  sœur  lui  dit  :  «  N'aie  pas  peur,  mon  frère  ». 

*  Mot  à  mot  :  <  ils  demeurèrent  dans  Tattente  ». 


i^: 


420  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

g'a*  (1  flug'  annawig'  krawaman  g'  uiddîd-înô;  îg'  n 
wiir  ûfîg'  ma  d  stâ,  ie'wî  kun  d  ôrebbi^*  a  t'gîin 
ïmcnsï-nô.  »  Tfg'on.  Iferk'an  an  bedùn^^  ar  allan 
se'iiit-sn.  G'iggi  en  te'gemmî  izer  tnin  ian  ogaiwaar. 
Inna  i  asn  d  :  «a  tarwa,  a  ur  tellâm,  (e)ra  d  a'un 
mleg'  mainnkaad  tru'gguelem.  Asia'tn  krat  tumsin 
an,  iat'  gîsnt',  ik'  t'  (e)tloh'em^^  g'aiUi  gis  iHan  ar 
inskâr  kïgan  n  isejar^*;  han  tisnat'  ik'  tén  tloh'em^* 
ar  tskâr  asif  n  waman;  han  tiskrât  ar  ntskâriaumas^. 
Katn  ag'âras ,  nekkïn  ra  n  tT)big'  laiddit'  i  teg'znt'.  » 
Nikern  d  i'ferk'an  an  ar  ftûn  g'  og'âras.  Tag'znl' 
akôd-nak'  ^^  t'qarreb  ^^  n  s  ti'gemmï ,  inker  d  ôgaiwaar 
ibbi  asn  taiddït'  ellin-s,  fin  az  d  waman.  Turrin  dag', 
t'ege'nu  t'in  ar  tezzigiz  ar  d  tlikem  talaint',  t'aammer^ 
t'in  dag'  s  waman  ar  tezzigiz  ar  d  t'qarreb  '"^  ti'gemmi , 

avec  mon  outre  pour  apporter  de  Teau;  et  si  je  ne  rencontre 
rien  de  bon  à  manger,  c*est  Dieu  qui  vous  aura  amenés  pour 
me  servir  de  souper.  »  Les  pauvres  enfants  se  mirent  à 
pleurer.  Du  iiaut  de  la  maison  un  corbeau  les  voyait.  Il  leur 
parla  :  «  Enfants ,  ne  pleurez  pas.  Je  vais  vous  indiquer  les 
moyens  de  vous  sauver.  Acceptez  ces.  trois  sacbets  :  si  vous 
jetez  ce  que  renferme  le  premier,  vous  verrez  paraître  ■  un 
fourré  d'arbres  ;  si  vous  jetez  le  contenu  du  second ,  ce  sera 
une  rivière;  avec  le  troisième,  des  rasoirs.  Prenez  du  champ, 
moi  je  vais  crever  l'outre  de  l'ogresse.  »  Les  enfants  gagnèrent 
aussitôt  la  route ,  et  au  moment  où  l'ogresse  s'approchait  de 

la  maison ,  le  corbeau  s'éianca  et  lui  creva  l'outre  ;  l'eau  se 

> 

répandit.  L'ogresse  s'arrêta ,  raccommoda  l'outre  et  retourna 
pour  la  remplir  de  nouveau  à  la  fontaine.  Près  de  la  maison , 

^  o-^î,  pi.  o-i;m.  —  "  V?.  —  ''  7*. 

iSic.  —  *  Mot  à  mot  :  <  cela  produira  ». 


DOCUMENTS  POUR  L^ÉTUDE  DU  BERBÈRE.       421 

han  agaiwa'r  ibbï  as  tén  tisnal'  tuwa'l.  Tnna  d  :  »  kra 
en  tematart^^  aiâd!  iTerk'ân  ellî  ellanin  k'  ti'gemmî 
(e)ra  d  erweln.  »  Tftu  n  s  ti'gemmi,  wur  tûfi  ian,  ar 
n  t'ikkat'  agaiù-ns  s  og'râb  aillig'  termi;  tTtù  n  ar 
tazzâl  ar  temnâd  g'illîd  kan  iTerk'ân  ellï,  ar  tazzâi. 
Aillig'  d  t'qarreb"  d  àtn  tlikm ,  t'gelleb  ^^  d  tafrokY 
ellï,  tnna  i  az  d  :  «  a  gmo,  ar  n  tenma'deg'  kra  ar 
itazzâl  t'gordin-enneg'  i'ian  ansk  n  ogdîd.  »  Ar  taz- 
zaln,  t'gelleb*®  d,  tnna  i  az  d  :  «  a  gmo,  hat'in  g'ilad 
ar  t'  temna'deg'  i'ia  d  ansk  n  o'ràm.  »  Ar  tazzaln  ; 
ken  imik,  t'gelleb  ^®  d  tafrok't',  tnna  i  az  d  :  «  a  gmo , 
tag'zônt'  aiâd  ag'  d  i'ikemen!»  Tfsï  n  iat'  tûmist' 
t'ioh'^^  tin  g'  ôg'âras.  Nikern  d  kada  n  esejari^^. 
T'kkén    ïmik  ar    t'temnàd,   t'ezrï   t'in.  Tfsï  n   iat' 

le  corbeau  (fondit)  une  seconde  fois  sur  l'outre  et  la  creva  : 
«Etrange!  ditTogresse.  Les  enfants  qui  sont  là-dedans  vont 
se  sauver.  »  Elle  entra  dans  la  cabane  ;  il  n'y  avait  plus  per- 
sonne. Alors  elle  se  frappa  la  tête  contre  les  murs  en  pous- 
sant des  cris;  puis  elle  courut  dehors,  et  ayant  reconnu  dans 
quelle  direction  étaient  les  enfants ,  elle  se  mit  à  leur  pour- 
suite. 

i5.  Gomme  elle  était  sur  le  point  de  les  atteindre,  la 
jeune  fille  se  retourna  :  a  Mon  frère ,  dit-elle ,  je  vois  quelque 
chose  qui  court  derrière  nous  ;  c'est  gros  comme  un  oiseau.  » 
Ils  reprirent  leur  élan.  La  fille  se  retourna  :  «  Ce  que  je  vois 
maintenant,  c'est  gros  comme  un  chameau  !  »  Ils  s'élancèrent 
encore  ;  après  un  temps  elle  se  retourna  :  «  Mon  frère ,  c'est 
l'ogresse,  elle  est  sur  nous!»  Elle  ouvrit  un  sachet,  jeta  le 
contenu  sur  la  route  et  un  fourré  d'arbres  sortit  (de  terre). 
Au  bout  d'un  instant,  elle   revit  l'ogresse.  Elle  ouvrit  un 

"  Cf.  »/l^  et  ^yi.  —  *o  ^JÛb. 


422  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

iâdni  t'ioh'^^  tin  g'  ôg'âras;  ar  tt'mnad,  inker  d  ian 
wasif  muqqorn.  Ar  tazzaln;  kin  d  kra  ar  tmnadn; 
tag'znt'  dag'  tlikem  tnin.  Tâs  n  tafrokY  ial'  tùmist' 
iâdni,  tfsî  t'in,  tloh'  '^  tin  g'  ôg'âras.  Ig  n  kulle-sit^^ 
ag'âras  lli  lau'mas^^  de  tïsnt'.  Han  tag'znt'  ar  t'eftû, 
lau'mas^^  elli  ar  as  t'ebbin  idarn-ns,  tîsnt'  ar  as 
t'kssem  n  g'  idarn-ennes.  Wur  sol  tzdar  a'tnin  tli- 
kem. Tsawul  d  ser  sn ,  tnna  i  asn  :  «  a  tarwa-nô , 
g'ïlad  ellig'  d  trwulem,  ak  kunin  wussag'*^  i'g'  n 
tûfam  g'  ôg'âras-innun  ian  izimr  i'gun  g'  ôg'âras  ilin 
g'iggï-ns  tuzlin ,  ar  it'e'ni  «  ma  iéd  itks  n  ta'dut  ad 
g'iggï-nô  » ,  ad  as  t  wur  t'kism.  »  Tnna  i  asn  d  t'isnat'  : 
«  a  tarwa-nô,  ig'  n  tûfam  sén  igdâd  mag'n  d,  a  tnin 
wur  tfukkum  ^^.  »  Tiskrat'  :  «  a  tarwa-nô ,  ig'  n  tûfam 

second  sachet,  le  jeta  sur  le  chemin  qui  fut  coupé  par  un 
grand  fleuve.  Ils  (hâtèrent)  leur  course.  Bientôt  ils  virent 
Togresse  sur  leurs  traces.  Le  troisième  sachet,  lancé  par  la 
fille ,  fit  un  sol  tout  de  rasoirs  et  de  sel. 

/;.  16.  L'ogresse  n^arrèta  point  sa  poursuite,  mais  les 
rasoirs  lui  coupèrent  les  pieds  pendant  que  le  sel  pénétrait 
(dans  les  blessures)  ;  elle  ne  pouvait  plus  avancer.  Alors  elle 
appela  :  «  Mes  enfants,  puisque  vous  voilà  sauvés,  je  vais  vous 
faire  une  recommandation  :  si  vous  venez  à  rencontrer  un 
agneau  couché  en  travers  du  chemin ,  avec  des  ciseaux  sur  le 
dos,  et  criant:  Qui  me  tondra  la  toison  qui  me  couvre?  ne 
Técoutez  point'.  Une  autre  recommandation  :  Si  vous  trouvez 
deux  oiseaux  se  querellant  entre  eux ,  ne  les  séparez  point. 
Enfin,  mes  enfants,  si  vous  faites  une  troisième  rencontre 

'  Mot  à  mot  :  «  ne  la  coupez  point  ». 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDE  DU  BERBÈRE.        423 

snat'  te'gudâr*^  aammernin^^  s  waman  fùlkinin  ag 
gïsn  wurtsum.  »  T'wurri  n  fell  asn  tag'znl'. 

Zaidnin  ar  zigi'zn  sénit-sn,  aillig'  d  lekemen  ian 
izi'mer  izzûl  d  k'  tamâ  n  ôg'âras,  i'iin  fell  as  tùzlin, 
ar  ilVni  :  «ma  iéd  itkis  n  ta'dùt  ad  f  orebbi^^?)) 
Utn,  zrin  d  i'ferk'ân  an,  ajjin  t.  Tnna  i  az  d  tafrok't' 
i  gma-s  :  «hat'in,  a  gmo,  timi'tar^®  en  tg'ausiwin 
k'sennin^*  aian!»  Zrin  d  aillig'  d  lekemen  ian(n) 
makân  ^^,  aTin  d  sén  igdàd  ar  tmag'an  :  isa'wul  d 
ian  gïsn,  inna  :  «  marr  ag'  ifru  n?  »  Utn  iTerk'ân  an 
zrin  ajjin  tn  màg'n.  Ar  zigi'zn,  aillig'  d  lekemen 
snat'  tugdâr  ^^  aamernin  ^^  s  kra  n  waraan  fu'lkinin. 
Isa'wul  d  ofrok',  inna  i  az  d  :  «a  wultma,  (e)ra  d 
sug'  ing'a  i  fad.  »  Tsa'wul  d  wullma-s,  tnna  i  az  d: 
a  a  gmo,  aman  an  wur  adiln^^,  t'amat'art' ^^  n(i)  kra 
ik'ùsn^'*  aiâd,  nra  a  t  nzrî,  ar  t'tmnat'  g'ailli  kullu^^ 

de  cruches  pleines  d'une  belle  eau ,  n*y  buvez  point.  »  L*ogresse 
les  quitta  là-dessus. 

Les  enfants  se  remirent  en  route.  Ils  rencontrèrent  un 
agneau  étendu  sur  le  bord  du  chemin ,  avec  des  ciseaux  dans 
(sa  laine).  L'agneau  disait  :  Qui  me  coupera  cette  toison,  pour 
l'amour  de  Dieu?  Ils  le  frappèrent  et  passèrent  le  laissant  là  : 
«  Présage  de  quelque  danger,  »  dit  la  fille  à  son  frère.  Ensuite 
ils  arrivèrent  à  un  endroit  où  deux  oiseaux  se  battaient.  L'un 
d'eux  dit  :  Qui  donc  mettra  la  paix  entre  nous  ?  Les  enfants  les 
frappèrent  et  passèrent,  les  laissant  à  leur  querelle.  Plus 
loin  ils  rencontrèrent  deux  cruches  pleines  d'une  eau  ma- 
gnifique. Le  garçon  dit  :  «  Ma  sœur,  je  vais  boire.  Je  meurs 
de  soif.  —  Mon  frère ,  reprit  la  fille ,  il  ne  faut  pas  se  fier  à 
celte  eau;  elle  ne  présage  rien  de  bon.  Passons.  Considère 


424  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

f  nezri ,  g'ilad  zrî  ag'  n  h'atta  *''  g'îla  g'wîd.  »  Isa'wul 
d  gûma-s,  inna  i  az  d:  «  iag'i  i  n  i'rifi  wur(r)  akem 
n  t'abag'^®,  (e)ra  d  sug'.  »  Iftù  n  s  iat  tegdurt*^, 
i'kun  n  gis  annisù,  iéleli't^^  netan  ula  tagdûrt*^, 
tg'àm  n  iat'  wah'dut'^*  taammern^*  s  waman. 

Han  tafrok't'  ar  tajjâb*^,  lah'^^  n  gùma-s  ula'  tag- 
duri'^^  llï.  Tzaid  n  ar  tezzigiz  wah'dut'^*,  aiilig' 
t'qarreb^"^  d  iat'  temazirt'  ta'f  n  g'ôg'âras  ian  oaiksa. 
Tnna  i  az  d  :  «  ai  'rgaz  ad ,  irebbïn  ^^,  a  iid  t'melt' 
ag'âras.  »  Isa'wul  d  ser  s ,  inna  i  az  d  :  «  han  tamazirt' 
wur  n  taggôg;  ig'  ad  tsiggilt'  mànig'  ad  t'k'damt'^, 
llan  kîgan  en  lem-mawâkn  *^.  »  Tnna  i  az  d  :  «  a 
sidi^^^*,  ik'  trit'  a  iéd  tezznz  d  kra  g'(i)  ehidâr  ad.  » 
Inna  i  as  :  «  rig'  imma  d  netni  gan  win  wuskain.  » 
Tnna  i  as  :  «  Zunz  ié  tn  d.  »  Izznz  as  tn.  Tasi  tnin , 

ce  à  quoi  nous  avons  échappé  jusqu*à  présent,  puissions- 
nous  de  même  éviter  ceci!  —  Je  suis  en  feu,  je  ne  t'obéirai 
pas  et  je  boirai.  »  11  alla  vers  une  cruche,  se  pencha  pour  y 
boire  et  disparut  avec  elle ,  au  grand  saisissement  de  sa  sœur*, 
c.  17.  La  pativre  enfant  continua  sa  route  toute  seule. 
Au  voisinage  d*un  pays,  elle  croisa  un  berger  :  «Berger, 
dit-elle ,  pour  l'amour  de  Dieu ,  enseignez-moi  mon  chemin.  » 
Le  berger  répondit  :  «11  y  a  un  pays  qui  est  proche;  si  tu 
cherches  où  travailler,  il  n'y  manque  pas  d'endroits.  »  La  fille 
reprit  :  «  Vous  plait-il ,  monsieur,  de  me  vendre  quelques- 
unes  de  ces  peaux  ?  —  Certes ,  mais  ce  sont  des  peaux  de 
lévrier.  —  Vendez-les  moi  donc.»   Il  les  lui  vendit;   elle 

'  Mot  à  mot  :  «il  dispai'ul,  lui  et  la  cruche;  il  resta  une  seule 
cruche  pleine  d'eau.  Cette  fille  fut  étonnée  de  la  disparition  de  soa 
frère  et  de  cette  cruche». 


DOCUMENTS  POUR  LÉTUDE  0D  BERfiÉRË.       425 

t  k'allas  ^  az  d ,  tftù  n  ar  ian  i'g'zr.  T'ggav^  om  ar  t'ebbî 
ehidar,  ar  t'igginnû,  aillig'  gîsn  tsker  d  iat'  le-ksût^^ 
en  wuskain.  ï'ejarreb  ^*^  t'in ,  tlûs  t'in ,  t'nna  d  :  «  k'tad 
ar  ra  n  (e)lessag'  ard  zrog' t'amazirt'  mamnikâ  t'ga.  »' 
Tftù  n  aillig'  d  tiikem  n  tamazirt',  tloh'*^  a 
ti'melsit'  ellin-s,  tkesm  n  s  le-ksût'^^  dlin  en  twus- 
kait\  ar  tTtù  zund  wuskain.  Tiikem  n  d  i'ini  en  iat' 
ti'gemmî,  t'ggawor  n  gis.  Izri  n  iu-s  n  ian  o'geUîd, 
inna  d  :  «  g'ik  ad  îfuikî  wuskai  ad  neg'  d  twudtait!  » 
likein  t'in ,  iamz  t'in ,  îg  as  n  iat'  tsiridrt',  iaWi  t'in 
s  te'gemmî,  iaj  t'in  g'  iat'  taiebît^^  k'tamâ  n  g^iil!  g'a 
igguan.  Âr  kuliû^^  t'înin  ik'de'mn^^  «^^  d  iu^s  n 
o'geliïd  iat'  twuskait'  îfulkîn.  »  Fkîn  az  d  îmensS^s , 
sùn  as  manig'a  t'gguan.  Ggawom  ar  tozzomt'  n 
iéd. 

paya  et  monta  vers  un  petit  coteau.  Là  dife  tailla  les  peaux 
et,  les  cousant  ensemUe , elle  confectionna  un  vêtement  (en 
forme)  de  lévrier.  Elle  Tessaya  et  se  dit  :  «Je  ni*habiUeral 
donc  de  ceci  pour  voir  comment  eat  ce  pays.  »  EHe  partit  et, 
aux  approches  de  la  ville,  elle  6ta  son  vêtement  ordinaire, 
entra  dans  son  costume  de  levrette,  et,  trottant  comme  les 
lévriers,  elle  (parvint)  à  la  porte  d*une  maison,  où  elle  s*ar- 
rèta. 

18.  Le  fds  du  roi  vint  h  passer:  «Lévrier  ou  levrette,  dit- 
il,  quelle  jolie  (bête)!»  Il  idla  à  dile,  sen  empar^,  lui  pfissa 
un  collier  et  Temmena  au  palais.  11  la  mît  d^ps  une  cbambire 
voisine  de  celle  où  il  dormait.  El  tous  les  semteurs disaient; 
«  Quelle  jolie  levrette  a  trouvée  le  prince  I  »  On  lui  apporta  son 
souper;  on  lui  fit  un  lit.  Vers  minuit  le  prince  entendit  tousser 

XIU.  38 


Vi26  AVRIL-MAI-JUIN  1880. 

Han  iu-s  n  o'gellîd  isellâi  kro  ar  n  ittûsù  îmik  s 
ïmik.  Inna  d  :  «  k'tad  wur  d  tasût'  n  ïdan ,  tasût'  en 
midn  aiad.  »  Ifâqn  ^^  ar  itaggiia  g'  ian  enqebï^  t'îlin 
t'i'faut';  ar  n  itemnad  iat'  tafrokV  a  illan  g'(e)  le- 
bït'^^  elli  iùjja  t'in.  Ar  aska  ellin-s,  i'ftù  n,  irzm  as 
n,  iawî  t'id.  Iggawer  n  d  kra  n  wussan.  G'ik  ellï  issn 
iz  d  tamg'art'  a  t'gâ,  isa'wul  n  ser  s.  Tnna  i  az  d: 
«  tafrokV  adgig',  ha  ma  iéd  ijran^''  aillig'  d  eikemog' 
d  g'ïcK  »  Isa'wul  n  ser  s  îu-s  n  o'geliîd,  inna  i  az  d  : 
«g'ilad  ad  dïd  m  taheleg'^  ik'  Irit'.  »  Tsa'wul  d  ta- 
frok't'  elii  tra  d. 

Inna  i  az  d  i  baba-z  d  :  «  a  ba'ba ,  ra  n  taheleg'  ^.  » 
Nikem  d  aitma-s  ar  lezén.  Innan  as  :  «  i'ra  n  itahP 
twuskait'!  »  Ar  dïd  s  tûzén  ba'ba-s,  inna  i  az  d:  «a 
iéw-i,   ik'    tûfït'    ma   d  t'taholt'^.  »   Inker  d  iskem 

à  petits  coups  :  «  Ce  ii*est  pas  ainsi  que  toussent  les  chiens,  se 
dit-il;  cVst  une  toux  Immaine.  »  Par  une  fente,  il  aperçut 
de  la  lumière  ;  il  regarda  et  yit  une  jeune  fille  dans  la  chambre 
où  il  avait  laissé  la  levrette.  Au  matin,  il  lui  ouvrit  el  la  con- 
duisit (dans  son  appartement).  Ils  restèrent  ensemble  qud- 
ques  jours. 

19.  Voyant  quil  avait  reconnu  qu'elle  n*était  point  de  la 
race  des  levrettes*,  elle  lui  avait  avoué  qu'elle  était  ans 
jeune  fille  et  lui  avait  conté  ses  aventures  jusqu'à  son  arrivée 
au  palais.  Le  prince  alors  lui  dit  :  «Je  vous  épouserai  si  vous 
y  consentez.»  Et  elle  consentit.  Il  (alla  trouver  le  roi)  son 
père  et  lui  dit  :  «  Mon  père,  je  veux  me  marier.  •  Les  frères 
se  levèrent,  disant  avec  colère  :  «C'est  une  levrette  qu'il 

"  Cf.  *Lb.  —  ^«  .^  et  iuJLi .  —  *'  tf^. 
•  Mot  à  mot:  «que  femme  elle  éfait». 


DOCUMENTS  POUR  L'ÉTUDK  DU  BERBÈRE.        /i27 

tamg'ra.  KuHe-sit'^^  n  ailma-s  wurrin,  anneftûn  s 
g'illîg'  i'ra  ii  i'tahel^  gûmat'-sn.  Itahel-  n  isker  n 
tamg'ra.  Tfg'(o)  n  tafrok't'  'ellï  ilsan  kadâ  en  temelsâ 
d  kadâ  en  t'g'a'usiwin  tfulkî,  wur  illi  ma  d  as  izdarn 
k'  tamazirt'  an  ellig'  d  tHa.  Enkern  d  i'semgan 
twiwin  ellig'  d  zran  tafrok't'  ellî  tlisan,  ftûn  ar  taz- 
zâlen  ar  l'e'nin  e  u'gellîd  tarwa-ns  :  «  wur  d  twus- 
kait'  ad  dar  s,  iat'  tafrokY  ellin  wur  illin  k'  tamazirl' 
ad.  »  Enkern  d  ar  tazzâlen.  Skern  d  iat'temg'ra  im- 
qorn  f  menna'u  wussan  f  tafrok't'  an. 

A  g'ailli  niinsella  ag'  dar  lejwad;  audk'  tin  e  wiafl. 

ôpouse.  »  Le  roi  se  fâcha  aussi,  ajoutant  :  «Tu  as  trouvé  loii 
épouse.»  H  se  leva  pour  commander  la  noce'.  Les  princes 
se  retirèrent,  ne  voulant  pas  assister  au  mariage  de  leur 
frère. 

20.  Les  épousailles  se  firent  donc.  La  mariée  sortit  cou- 
verte, de  vêtements  et  de  parures  mAgnifiqurs,  telles  quon 
ne  pouvait  en  (imaginer)  dans  ce  pays.  A  la  vue  de  cette  jeune 
fille  (si  richement)  parée,  les  esclaves  et  les  négresses  s*en 
furent  précipitamment  dire  au  roi  et  à  ses  enfants  :  «Ce  n'est 
pas  une  levrette  qui  est  avec  le  prince,  c*est  une  fille  sans 
pareille'*.»  Ils  se  levèrent  et  accoururent  (pour  la  voir). 
On  fit  une  fête  splendide  pendant  nombre  de  jours ,  en  son 
honneur ^ 

Ceci  est  un  conte  que  j*ai  entendu  de  la  bouche  (du 
maître-conteur  O^mar  Ehehi',  de  la  cavalerie  impériale),  et 
je  le  conte  à  mon  tour  à  un  autre. 

*  Mot  à  mot  :  qu  ils  fissent  la  noce  ». 
^  Mot  à  mot  :  «  il  n*y  en  a  pas  dans  ce  pays  ». 
*"  Suivent  d'autres  épisodes  qui  ne  se  raitarhent  à  re  récit  que  par 
le  désir  de  conter. 

''  De  H'ah'a ,  entre  Mogador  et  le  Sous. 


28. 


428  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE. 


NOTICE 

DES 

LIVRES  TURCS,  ARABES  ET  PERSANS 

IMPRIMÉS  k  CONSTANTINOPLE 
DURANT  LA  PERIODE   l3o4-l3o5  DE  L'HEGIRE  (1887-1888) 

(cinquième  article), 

PAR 

M.  CLÉMENT  HUART. 


Petit  à  petit,  la  librairie  ottomane  emprunte  à  l^Europe 
ses  usages;  elle  tend  à  fournir  aux  lecteurs  des  facilités  que 
ne  connurent  jamais  ceux  qui,  naguère  encore,  allaient 
fouiller  les  boutiques  du  bazar  et  de  la  mosquée  de  Bayéxid 
pour  y  découvrir  les  nouveautés  littéraires  de  Tannée.  Nous 
avons  déjà  eu  l'occasion  de  signaler  les  progrès  indéniables 
accomplis  dans  Timpression.  Quel  est  Torientaliste  qui  ne 
se  souvient  avec  terreur  du  temps  où  les  presses  de  TOrient 
ne  fournissaient  que  d'informes  gnmoires,  dont  la  lecture 
était  cent  fois  plus  pénible  et  plus  hasardeuse  que  celle  d*iin 
manuscrit?  11  n'en  est  plus  ainsi  aujourd'hui;  les  éditions 
sont  mieux  soignées ,  les  tirages  plus  nets.  La  librairie  s'est 
mise  à  la  portée  du  public  ;  les  vieux  bouquinistes  occupent 
encore  leurs  places  sous  les  sombres  voûtes  du  grand  bazar. 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  429 

mais  le  mouvement  moderne  n'est  plus  là ,  il  s*est  porté  du 
côté  des  bâtiments  de  la  Sublime-Porte.  Sur  le  Divân-Yolou, 
la  grande  rue  qui  monte  de  Sirkédji-Iskélési  à  la  porte  Ouest 
de  la  grande  caserne  où  sont  installés  tant  bien  que  mal  le 
Grand- Vizirat,  le  Ministère  des  affaires  étrangères,  le  Con- 
seil d'Etat,  se  multiplient  les  boutiques  alla  franca  où 
s'clalent,  derrière  les  vitrines,  les  dernières  publications  de 
l'année. 

Une  innovation  à  signaler  qui,  bien  comprise,  rendrait 
inutile  la  publication  de  notices  continuée  depuis  longtemps 
déjà  dans  le  Journal  asiatique.  Plusieurs  libraires  ont  com- 
mencé à  faire  paraître  des  catalogues  contenant  Tindication 
des  volumes  enfouis  dans  leur  magasin.  Notre  avant-dernière 
notice  a  déjà  loué  Tiniliative  prise  dans  cette  voie  par  Ara- 
kel-Efendi.  Son  catalogue,  qui  ne  se  donnait  pas  gratuite- 
ment, a  été  remplacé  par  deux  autres  parus,  l'un  en  i3o4 
et  l'autre  en  i3o5,  qui  ne  coûtent  rien.  Ohannès-Efendi , 
propriétaire  de  la  librairie  Vatan  «  la  patrie  » ,  Kirkor  Efendi , 
directeur  de  la  librairie  ^Açr  (transcrit  Assir)  «Tépoque», 
et  d'autres  encore,  ont  annoncé  sous  la  même  forme  leurs 
publications  ou  les  ouvrages  qu'ils  ont  en  nombre.  Malheu- 
reusement ces  catalogues,  où  le  titre  de  chaque  livre  est 
suivi  d'une  courte  notice ,  ne  contiennent  pas  les  indications 
usuelles  de  la  bibliographie,  le  format,  le  nombre  de  pages, 
le  lieu  d'impression,  la  date;  ils  ne  peuvent  donc  rendre  les 
services  qu'on  serait  en  droit  d'en  attendre.  On  voit  que  la 
librairie  a  bien  de  la  peine,  à  Constaatinople,  à  prendre  son 
essor. 

La  littérature  française  continue  à  fournir  aux  traducteurs 
un  vaste  champ  qu'ils  défrichent  peu  à  peu.  Parmi  les  ou- 
vrages de  ce  genre  qui  ont  vu  le  jour  dans  la  période  de  ces 
deux  années,  et  qui  ne  figurent  pas  dans  notre  notice,  je 
citerai,  dans  le  genre  du  roman,  J^  dyo  JU^ic^  yi*^^  der- 
nier jour  d'un  condamné  »,  de  V.  Hugo^  traduit  par 'Ali  Nihâd- 
bey  ;  ^Aa^^^  WUU  •  Les  fils  de  famille  »,  d'EIugène  Sue >  tra- 
duit par  Faili  Nédjîb-Éfendi;  y^  JjU«mJ  ^)  tLa  fille  aux 


430  AVRIL-MAIJUIN  J889. 

trois  jupons  »,  de  P.  de  Kock,  traduit  et  «adapté  aux  mœurs 
ottomanes  »  ;  «  La  comtesse  Sarah  »,  de  M.  G.  Qlmet ,  par  Çâîm- 
bey  ;  «  La  vieillesse  de  M.  Lecoq  »,  de  M.  Fortuné  Duboisgobey, 
par  Tevfiq-bey»  de  Salonique;  t;b3Va.  dyy*y  f^f  ^Le  dossier 
n*  1 13  »,  d'Emile  Gaboriau,  par  Huséin  Rahmi-bey;  et  parmi 
les  pièces  de  théâtre ,  JiU^^  j^j  «  Les  deux  timides  »,  d*Eu- 
gène  Labiche  et  Marc  Michel,  que  Hamidbey,  professeur 
au  lycée  impérial  de  Galata  -  Serai ,  a  fait  passer  dans  la 
langue  turque,  et  cf;'^  o  <^j-»^  ^"y^"^  «Une  voleuse  d'en- 
fants »,  que  'Abdullah  Mazhhar-bey  a  traduit  du  drame  d*Eu- 
gène  Grange  et  Lambert  'Ihiboust.  M.  Jules  Sandeau  a  fourni 
à  Mostafa  Réchid-bey  l'occasion  d'une  adaptation  sous  le  titre 
de  (^L^.jLf^Â.  «Imaginations  de  la  jeunesse»;  Khéïr-uddin- 
bey,  de  Lescovik,  a  traduit  un  roman  intitulé  «>^  l^  JJUes^ 
^^li  ^U  tàyo  «La  jeunesse,  ou  la  dernière  magicienne»; 
Ahmed  Djevdet-Ëfendi ,  d*Erzeroum ,  a  réuni  sous  le  nom  de 
^Um^a  «Mes  ambitions»,  un  certain  nombre  de  morceaux 
également  traduits;  un  volume,  qui  s'appelle  ^l^T^w^l^ 
«  Cherchez  la  mère  » ,  est  une  traduction  de  M"*  Anaïs  Ségalas. 
La  vieille  «  Farce  de  maître  Pathelin  »  s*esl  vu  mettre  à  la  portée 
des  lecteurs  turcs  sous  la  forme  d'une  comédie  en  un  acte 
intitulée  Sy-^  Jj-^oo^yo  «  La  fin  de  Tescroc  ».  Véli-bey.  em- 
ployé comme  traducteur  au  Palais  impérial,  est  seul  à  avoir 
puisé  dans  la  littérature  allemande,  avec  sa  comédie  kJI^)  ^!^ 
^^  «  Oncle  et  neveu  ». 

S.  A.  Ahmed  Véliq-pacha  a  bien  voulu,  comme  précédem- 
ipent ,  distraire  de  son  temps  quelques  minutes  pour  apporter 
à  la  présente  notice  les  corrections  que  lui  suggérait  sa  pro- 
fonde érudition ,  ce  dont  nous  lui  sommes  vraiment  obligé. 

Péra ,  janvier  1 889. 


BIBLIOGHAPHIE  OTTOMANE.  431 

1 

THÉOLOGIE,  SCIENCES    RELIGIEUSES,  LEGISLATION. 

1 .  v-^iJ  oW'  «  La  preuve  nécessaire  » ,  par 
Haqqi'Efendi ,  président  du  tribunal  civil  de  i  "  in- 
stance de  Castamouni.  iSoA.  Prix  :  2  piastres. 

a.  ^*^  o>^-!iAjfiL>tf»\  «  Jjcs  tennes  techniques  de 
la  justice»,  vocabulaire  des  termes  judiciaires  en 
français  et  en  turc,  par  Nazrèt  Hilmi-Efendi ,  avo- 
cat. En  2 G  fascicules.  Chez  Qarabet  et  Qaspar.  i  3o4. 
Prix  de  chaque  livraison  :  i  piastre. 

3.  j>'j^  Jiy  jyVi  ^y^  l*Sïk  J^\  I.  Com- 
mentaire sur  le  code  provisoire  de  procédure  civile  » , 
par  Yorghaki-Éfendi ,  substitut  du  procureur  géné- 
rai près  la  Cour  de  cassation ,  et  Chevkèt-bey ,  pre- 
mier président  du  tribunal  de  i'*  instance  de  Péra. 
Par  fascicules.  i3o/i. 


4-  c5**"**^J^  Ss^uS^  jy^\  «  Petite  histoire  de  la 
procédure  » ,  depuis  le  temps  du  prophète  Maho- 
met jusquà  nos  jours,  par  le  molla  Ismâ'îl  Sam^- 
Éfendi,  licencié  de  TÉcole  de  droit.  Chez  Qarabet 
et  Qaspar.  i3oA.  Prix  :  loo  paras. 

5.  fjf^^y^  OuViaij  y^^  «  Recueil  des  ordres 
viziriels  et  des  règlements»,  contenant  les  diffé- 
rentes pièces  émanées  de  l'autorité  judiciaire  et  ad- 
ministrative,  les  correspondances  officielles,  les  cir- 
culaires  adressées   aux  gouverneurs  des  provinces 


43:2  AVHIL-MAI-JUIN  1880. 

et  aux  tribunaux,  etc.  Par  fascicules.  Chez  Apraham- 
Kfendi.  i3o5.  Prix  du  fascicule:  ko  paras. 

6.  jî^^'  J^^'  «L'éveil  donné  aux  frères», 
traduit  de  larabe  en  turc  par  Méhémet  KiâiHil- 
Éfendi  d^Herzégovine.  i  iolx. 

y.  C^i-^Â^  jU>  «L'exposition  de  la  vérité»,  par 
'Ali  Haïder-bey,  directeur  des  archives  au  Ministère 
de  Imtérieur.  Chez  Arakel.  i3o5.  i"  partie.  Prix: 
3  piastres.  2*  partie  :  «  Exposé  du  mystère  de  la  tri- 
nité  ».  Prix  :  1 00  paras. 

8.  3'*^*j^  j^)i  «  Le  portefeuille  de  lagent  de 
police»,  manuel  des  officiers  de  police  judiciaire, 
par  Emin  X)smân-bey,  ancien  président  du  tribunal 
correctionnel  de  Gueurudjeh.  i3o4. 

9.  Ly^'  i>rf  <iy^  ^y^  «  Histoire  du  droit  inter- 
national » ,  par  Ibrahim  Haqqî-bey.  Chez  Qarabet  et 
Qaspar.  i3oZi. 

10.  <JwJ^jv^  «Formulaire  commercial»,  par 
Mihri-Efendi,  employé  au  bureau  de  la  traduction 
et  de  la  correspondance  étrangère  du  Séraskiérat. 
i3o4.  Prix  :  100  paras. 

Modèles  de  pièces  relatives  au  droit  commercial ,  procu- 
rations, actes  de  garantie,  contrats,  compromis,  concor- 
dats, etc.;  suivis  d'un  vocabulaire  turc-français  des  termes 
employés. 


j_y«(A^i^  Ooiiiji\i  n  Résumé  des  règles  et  des  ques- 


BlBLIOGHAPiriE  OTTOMANE.  43^ 

tions  judiciaires  relatives  au  commerce  terrestre  et 
maritime  » ,  ouvrage  traduit  et  compilé  par  Rè  efet- 
bey,  greffier  à  la  section  commerciale^  de  la  Cour 
d appel.  i3o5.  Prix:  6  piastres. 

12.   C>j^  ôy     JrT^  «Examen  anatomique  du 

Code  de  commerce»,  par  Nazrèt  Ililmi-Efendi, 
avocat.  Vol.  III  et  IV.  Chez  Qarabet  et  Qaspar. 
i3o4-i3o5.  Prix  de  chaque  volume:  y  |)iastres  et 
demie. 

Voir  Bibhogrtipkie  ottomane,  1887,  n"  12. 

i3.  j^\y  iA^  ^ààyô  «Formulaire  légal,  avec 
tarif»,  2*  édition,  revue  ot  corrigée,  par  Tal^t-bey,. 
licencié  de  l'Ecole  de  droit,  ex-substitut  du  procu- 
reur impérial  de  Serlîtchè.  Chez  Arakel.  1  Soi.  Prix  : 
relié,  32  piastres. 

Voir  Bibliographie  ottomane,  i885,  n"  1 1 ,  et  1887,  n**  25. 

i4.  fjf^  \^^^  <»Le  Mult€(]â,  avec  un  com- 
mentaire marginal  » ,  nouvelle  édition ,  par  le  molla 
Hâddji  Ismâ*îl  Haqqi-Efendi  Khodja-Zâdéh ,  de  Dra- 
ma.  Lithographie  par  les  soins  d'Ahmed  Djémâli- 
Efendi  de  Philippopoli  »  bibliothécaire  de  S.  M.  le 
Sultan.  Imprimerie  Mahmoùd-bey  (édité  par  Ca- 
bri). Chez  Hâddj  ^Alî  Efendi  de  Philippopoli ,  au 
grand  bazar.  i3o5.  Prix  :  ko  piastres. 

Sur  le  Confluent  des  deux  mers,  qui  est  resté  l'unique  code 
de  Tfknpire  ottoman  jusqu'à  l'ère  des  réformes  ou  Tanzi- 
mât,  consultez  Hammer,  Histoire  de  l'Empire  ottoman,  t.  VI  > 
p.  253;  Hadji-Kliaifa ,  l.  Vf ,  p.  102,  n"*  12848;  et  sur  lesdî< 


43'i  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

verses  éditions  de  cet  ouvrage,  Zenker,  Bibliolheca  oiientalis, 
t.  J ,  p.  178,0"  j  449 1  et  t.  II ,  p.  90 ,  11®  1 1 2  7. 

i5.  JbjÂÎljA^  ^♦-^U  JUjtMj\jjj  «Les  perles  de 
rhomme  heureux,  appelées  le  joyau  unique»,  tra- 
duction turque,  par  *Alî-Behdjet-Efendi,  employé 
aux  archives  de  la  division  de  la  dette  au  Ministère 
des  finances.  Chez  le  relieur  Hâfik-Efendi,  à  la 
mosquée  de  Bayézid.  i3o5.  Prix  :  20  paras. 

16.  p^^\  j^^J\  ôjiJ\  ^'^J^J/^  ôi^j  «  Le 
vin  du  Kauther,  paroles  du  grand  chef  spirituel 
Er-Rifâ*î»,  cent  apophtegmes  choisis  du  cheikh 
Rifâ'î  (Ahmed  el-Kébîr),  réunis  par  Sérâdj-uddîn 
el-Makhzoûmi ,  en  arabe,  traduits  en  turc  par  Qadri- 
bey,  second  secrétaire  du  Palais  impérial.  i3oZi. 

17.  aJLsf  j^yjajjbj  «Le  guide  des  étudiants  en 
Gode  civil»,  vocabulaire  des  termes  juridiques  em- 
ployés dans  le  Medjellé,  par  Méhémet  *Alî-Efendi, 
adjoint  au  président  de  la  municipalité  du  premier 
cercle.  1  3o5. 

1 8.  J^^yjt^  «  L®  guide  des  lois  ».  Supplément, 

ainsi  intitulé:  ^^ji^  ^c^ ^^^  ^^Aft>.V  ;^y j*^ 
«  Table  des  matières  de  la  Gazette  des  Tribunaux, 
formant  supplément  au  Guide  des  fcis»,  par  *Abd- 
ur-Rahmân  Haqqî-Efendi ,  greffier  de  la  Cour  d'ap- 
pel. 3*"  partie,  depuis  le  n°  290  jusqu'au  n"*  SSg. 
1  3o/i. 

Voii*  BibUoiiraphie  ottomane,  i885,,  n"  27. 


BIBLIOGKAPHIE  OTTOMANE.  435 

ig.  à^JS'  JUtfWjAjbj  «Le  guide  en  affaires  judi- 
ciaires», par  un  avocat.  Imprimerie  Mihran,  i3o4. 
Prix  :  1 1  piastres. 

20.  jL_£V\  c^otJlf  ?-j-^  «  Commentaire  sur  les 

branches  de  la  foi  » ,  par  le  chéïkh  Ismà^il  Haqqî. 
Imprimerie  de  Suléïmân-Efendi.  Se  trouve  chez 
Arakel.  i3o4.  Prix:  6  piastres. 

Cf.  Hadji-Kbalfa ,  t.  IV,  p.  tnj,  n''  7572. 

2 1 .  ^^  JV>-  W  «  Catéchisme  médical  » ,  par  le 
docteur  Huséïn  Ramzi-bey,  médecin  et  licencié  en 
droit.  i3o5.  Prix:  5  piastres. 

Application  des  dogmes  de  la  religion  musulmane  à  Télat 
actuel  de  la  médecine;  hygiène  des  musulmans. 

22.  jj*^*  {yy^  «Dictionnaire  du  droit»,  par 
Huséin  Ghâlih-Éfendi,  licencié  de  l'École  de  droit. 
Chez  Mehrem-Efendi,  au  bazar  des  papetiers.  1 3o5. 
Prix  :  relié,  20  piastres. 

Contenant  toutes  les  expressions  techniques  et  les  termes 
judiciaires  usités  dans  les  codes,  lois  et  règlements  turcs, 
ainsi  que  la  solution  de  nombreuses  questions  de  droit  et  de 
jurisprudence. 

23.  ^Lxi\  Jl>-\  ^jy^  «  Loi  sur  le  recrutement», 
traduite  en  arahe  par  Ibrahîm-bey  Edhèm,  rédac- 
teur du  journal  arabe  Ël-rtidâL  De  Timprimerie  de 
ce  journal.  1  3o/i. 

2/1.  f^y  àuXjôyxJi  «Code  de  la  propriété  fon- 
cière » ,  extrait  du  Deslour  ou  Recueil   général  des 


43Ô  AVRIL-MAI-JUIN  J889. 

lois  et  règlements,  avec  Tindication  de  toutes  les 
modifications  quon  y  a  apportées  depuis  peu,  par 
Chukri-Efendi,  professeur  de  code  foncier  à  TEcole 
de  droit.  Imprimerie  impériale.  Chez  Arakel.  i3o4. 

20»  jUi  «I^e  Coran»,  avec  le  commentaire  de 
Béïdhâwî  sur  les  marges.  Imprimerie  K)smàn-bey. 
i3o5. 

26.  ^^^  J^J^^^  J  ^j^^  ^^^^^  ov:^«Le 
livre  des  préceptes  légaux  en  ce  qui  concerne  la  si- 
tuation personnelle  »,  traité  du  statut  personnel  dans 
le  rite  lianéfite.  2*  édition,  publiée  par  Emin  Hin- 
diyé-Efendi.  Imprimerie  Abou  VZ^yâ»  i3o5. 

2 y.  \*5^  ^*w  OVaA$«  Commentaire  complet   du 

Code  pénal  »,  par  Rifat-Efendi,  ex-président  du  tri- 
bunal correctionnel  de  Smyrne.  Imprimerie  Mihran. 
i3o/|.  Prix:  relié,  3o  piastres. 

Le  commencement  de  la  publication  de  cet  ouvrage  par 
livraisons  avait  été  annoncé  dans  notre  Bibliographie  otto- 
man j,  1887,  n**  ^2. 

28.  y^j^«  Les  chiens»,  traduction  du  traité  sur 
la  destruction  licite  des  chiens,  par  Mohammed  el- 
Mar'achî,  surnommé  Çâtchâqlî-Zâdèh,  avec  des 
remarques  et  observations,  par  Mahroûqî-Zâdèh 
Dja^fer-bey.  iiol\. 

29.  \y>'  oWai  j-^ixJ^  «  Théorie  abrégée  du  Code 
pénal»,  par  Méhémet  Nédjib-Éfendî  d'Erghéri, 
élève  de  TEcole  de  droit.  Chez  le  cheikh  ^Abdullah 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  437 

Chukri,  au  bazar  des  graveurs.  i3o5.  Prix  :  loo 
paras. 

30.  >^L^V\  o1v«  «Le  miroir  de  Fisiamisme  » , 
catéchisme  en  forme  de  tableau,  à  Tusage  des  élèves 
des  écoles.  A  Salonique,  chez  le  libraire  Muçtafa- 
Efendi.  i3o5.  Prix:  3o  paras. 

3 1 .  JbUP  CJw*   «  Le  miroir  des    dogmes    de   la 

foi  »,  traduction  turque  de  l'ouvrage  intitulé  :  ^\jd\  j-yi? 
«  La  lumière  des  hauteurs»,  par  Husni-Efendi,  an- 
cien substitut  du  procureur  impérial  de  Sérès.  A  las- 
sociation  des  libraires.  i3oZi. 

Le  jUi!  y6  de  Moliammecl  ^Ali  Qari  est  un  cômmenlaire 
(le  la  JU!  9Js^M&>  «  Poème  des  dictées  »  sur  les  articles  de  foi. 
La  traduction  de  ce  dernier  poème  est  faite  en  vere  turcs  du 
même  mètre  el  de  la  même  rime. 

32.  Jt»>,^^\  J^J^^^  j  ijtt)^J^^  ^'  «Le  direc- 
teur des  héritiers  dans  les  quarante  situations  » , 
traité,  en  langue  turque,  sur  le  partage  des  héri- 
tages ,  par  lancien  Chéïkh-ul-Islâm  feu  Mohammed 
Mekki-Efendi.  Imprimerie  ^Osmaniyyé.  i3o/i.  Prix: 
I  oo  paras. 

33.  o\A"^*  «  Expressions  techniques  »  du  droit 
canonique  musulman,  expliquées  par  Hâchim-bey, 
conseiller  à  la  Cour  de  cassation.  i3o/i. 

34.  ;|yV\  ^\^  ^  ^VLiV\  ^Ua*    «Les    origines 

des  regards  dirigés  vers  les  Lumières  ascendantes  », 
commentaire  de  Ghems-uddin  Mahmoud  Icfahâni 


438  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

sur  le  Taivâlf  el-Anwâr,  traité  de  théologie  scoias- 
tique  du  qâdî  Béïdàwî.  Lithographie.  i3o5. 

Cf.  Hadji  Khalfa,  t.  IV,  p.  i68,  n^  7990. 

35.  iS))^  oVjViâj  oVjvi-ft  «Les  contrats  et  les 
notaires»,  traité  de  lart  du  notariat,  par  Tarat- 
Efendi.  Par  fascicules.  i3o5. 

36.  <Ujfc-*  Cjy^y^  «Les  décisions  importantes», 
recueil  d  arrêts  rendus  par  la  Cour  de  cassation  en 
matière  pénale,  civile  et  commerciale,  par  Huséïn 
Ghâlib-Efendi,  licencié  de  TÉcole  de  droit.  Vol.  L 
Paraît  par  fascicules.  i3o5.  Prix  de  chaque  livrai- 
son :  3 G  paras. 

37.  j^y  Ow*^   «Formulaire   des   lois»,    par 
'Abd-ul-Ahad  Noûri-Efendi,  greffier  en  chef  démis-  . 
sionnaire    du  tribunal  de   i"^  instance  de  Sinope. 
Vol.  L  Chez  Kirkor-Efendi.  i3o5. 

38.  j-il»  iiJUb  «  Cadeau  fait  au  tombeau  »,  escha- 
tologie musulmane,  i*"  édition.  Chez  Ibrâhim- 
Efendi,  au  bazar  des  graveurs.  1  3o4. 

Il 

LITTÉRATURE,  MORALE,  POÉSIE. 

39.  jaaVw»  \j\  «  Œluvres  des  auteurs  célèbres», 
choix  de  morceaux  de  littérateurs  connus,  anciens 
et  modernes,  orientaux  et  occidentaux.  Illustré  : 
portraits  de  Djevdet-pacha  et  de  Saïd-bey  (i^fasc). 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  439 

de  Ghinâsi  et  de  Ziyâ-pacha  (2*  fasc).  Chez  Arakel. 
i3oA.  Prix  de  chaque  fascicule:  7  piastres. 

Voir  Bibliographie  ottomane,  1887,  ^**  ^^• 

4o.  AmaaÂî  Sj\  «  Les  œuvres  choisies  » ,  recueil  de 
morceaux  classiques  traduits  de  Tarabe  en  turc  par 
Suléïmân  Fâïq-Efendi.  i3o5. 

4i.   J^*>'  «Les  exercices  pratiques»,  lectures  h 

Tusage  des  enfants  de  cinq  à  huit  ans,  traduites  par 
*Alî  Nazimâ-bey.  Imprimerie  de  la  sociélé  MurH- 
iihiyé,  i3o4. 

4îi.   ^J^  »'jT  «  Les  pensées  des  différentes  sectes  » , 

par  Sirri-pacha,  ta/i  d'Angora.  Chez  ArakeL  i3o4. 
Prix  :  1 G  piastres. 

Sur  les  croyances  diverses  et  les  sectes  différentes,  avec 
des  observations  par  Tauteur. 

43.  J^y^y*»  'yjy^tL  Les  Albanais.  Les  Souliotes  », 
roman,  par  Ahmed  Midhat-Efendi.  Imprimerie  du 
Terdjumân'i'Haqîqat  Par  fascicules.  i3o5. 

Ixli.  jKiiw\  «Méditations  profondes»,  discours 
amoureux  et  poétiques,  par  Mahmoud  Djélàl-uddin- 
bey.  Chez  Alexan-Efendi.   i3o/i.  Prix:  5  piastres. 

45.  3\jui^*  «  Demande  de  secours  »  et  t-^Xi  v\jjj\ 
«  L'éveil  du  cœur»,  recueil  de  panégyriques  en  vers 
composés  par  Ahmed  Moukhtar-Efendi ,  directeur 
de  la  correspondance  du  Séraskiérat.  i3o4. 


440  \VBIl.-MAt.JUIN  4  88^. 

Ii6.  ^jVxIftJ\  jUw\  «  Les  mystères  des  viciées  folles  », 
roman,  par  Nâdji.  i3o5. 

li-j.  jUx-i/\  «Le  désîr  ardent»,  roman,  par  Mé- 
hémet  Tevfîq-bey.  i**  livraison,  80  p.  Imprimerie 
Abou  'z-Ziyâ.  i3o5.  Prix::  5  piastres. 

48.  j\sC;V\  oiiP  j  j\<ÎV\  j^\  «La  libre  pensée 
au  sujet  du  mariage  des  vierges  »,  sur  la  polygamie, 
par  feu  Edhèm  Pertèv-pacha.  i3o4. 

Forme  le  sixième  volume  de  la  bibliothèque  d'Abou-V 
Ziyâ. 

/ig.  j>jj^\  «Hélas!»,  recueil  des  compositions 
littéraires,  en  vers  et  en  prose,  de  Nigiâr-Hânum , 
fille  du  colonel  ^Osmân-bey.  Petit  in-3**,  4  1  p.  Chez 
Qarabet  et  Qaspar.  1 3o5.  Prix  :  1 00  paras. 

50.  J^^'  ^^\  «  Exemples  moraux  » ,  historiettes 
traduites  du  français  par  Huséîn  Zéki-bey,  fils 
d'^Azîz'bey.  Chez  Ohannès-Efendi.  1 3o5. 

5 1 .  »>\ii>\  «  Critique  »,  par  le  professeur  Nâdji  et 
feu  Béchîr  Fu'âd-bey,  avec  un  portrait  de  ce  der- 
nier. Chez  Arakel.  i3o4»  Prix:  7  piastres  et  demie. 

Recueil  de  morceaux  de  polémicpie  sur  V.  Hugo  et  la  lit- 
térature ottomane. 

02.   ^\^\    «Le    délasseuïent  »,    traduction    de 

morceaux  de  prose  et  de  vers,  par  Méhémet  Djé* 
mâl-bey,  employé  à  la  correspondance  de  la  direc- 
tion de  la  comptabilité  au  Séraskiérat.  i3o5. 


BFBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  441 

53.  r-j^y  ^j^y.  ^J^^.  ^^j  (^V  *  Les  deux  com- 
pagnes, ou  Un  exemple  de  mariage»,  roman  mo- 
lal,  par  Khalîl  Edîb-bey.  In  8°.  5i  p.  Imprimerie 
de  la  société  Marèttibiyé.  i  Soi.  Prix:  5  piastres. 

54.  ^jA>\j  »\  a  Soupirs  et  plaintes»,  poésies,  par 
S.  Vehbî-bey,  fds  de  S.  E.  Munîf-pacha ,  Ministre 
de  Tinstruction  publique,  et  premier  secrétaire  de  la 
commission  de  censure  au  Ministère  de  Tinstruction 
publique.  i3o4. 

55.  jli^vP  o^Ç  jb  «Les  amants  infortunés», 
pièce  de  théâtre ,  par  Ahmed-bey.  A  la  librairie  ^Açr. 
1  3o5.  Prix  :  i  oo  paras. 

56.  ^j-J4  «  Bédriyyé  »,  pièce  de  théâtre,  par^Abd- 
ul-Halîm  Memdoûh-bey.  i3o4. 

57.  ^^^  ^è^  ^^^JrJ'  "  ^^  P®^^*  bouquet  de 
récits  »,  choix  d'historiettes  enfantines,  par  Méhémet 
Fuad-bey.  Petit  in-8°.  22  p.  Chez  Alexan-Éfendi. 
Imprimerie  de  Djémâl-Efendi.  1 3o5.  Prix  :  60  paras. 

58.  j-^  viSo  «La  feuille  verte»,  recueil  d'histo- 
riettes en  persan,  à  Tusage  des  commençants,  par 
Habîb-Efendi ,  membre  du  Conseil  de  Tinstruction 
publique.  In-16,  Sa  p.  Imprimerie  Qarabet  et  Qas- 
par.  i3o4- 

Le  titre  de  l'ouvrage  est  expliqué  par  le  vers  persan  suivant  : 
«  La  feuille  verle  est  le  cadeau  du  pauvre;  que  peut  faire  (de 
mieux)  FinfortunéP  11  ne  possède  que  cela.  » 

59.  <Ju**c>-  ^iXia^jy^  j>    «  Les    sentiments    d'un 

xni.  29 


latBiaaaic  MTicaàLt. 


442  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

poitrinaire  » ,  poème ,  par  Kiâmil-bey  Tépédilenli- 
Zâdèh.  A  la  librairie 'Açr.  i3o5.  Prix:  loo  paras. 

60.  jUJlJ\  ^jlL\  j  jUV\  c^   «  L'obtention 

des  souhaits  au  sujet  de  Tobjet  louable  impérial  » , 
divan  arabe  de  Yahya-bey  Sélâwî ,  membre  du  Con- 
seil supérieur  de  Tinstruction  publique.  Imprimerie 
du ']oumal  El-rtidâi  i3o5. 

Cet  ouvrage  contient  environ  70  qaçîdaks  consacrées  au 
panégyrique  du  sultan  Abdul-Hamid  II. 

6 1 .  à^sè^  Ov-A>  «  Les  infortunes  risibles  » ,  re- 
cueil de  contes  et  dliistoriettes  plaisantes,  par  Ah- 
med Midhat-Éfendi.  In- 8°  à  1  colonnes.  43  p. 
i3o5.  Prix  :  4  piastres  et  demie. 

62.  jJb  j^  «J  «  Le  père  ignorant  (de  ce  qui  s'est 
passé)  »,  drame  eh  quatre  actes,  par  Dâoud  Es^ad- 
Éfendi.  Chez  Arakel.  i3o5.  Prix:  li  piastres. 

63.jî<xlL)  «La  fille  pédante»,  roman  mili- 
taire, par  Ahmed  Midhat-Efendi.  1 3o5. 

6 II-  r^y^  ^jtt  «Les  enfants  célèbres»,  dits  et 
réponses  mémorables  d'enfants  illustres,  à  l'usage 
de'  la  jeunesse  turque.  1 3o4.  Prix  :  1 00  paras. 

65.  7rlj*t)  '^^"^  ^*j**W  «Le  mariage  à  la  lo- 
terie » ,  et  Oju>  jt  «  Une  fortune  ».  1 3o5. 


66.   Jy^  «  Le  sourire  »,  par  Fazli  Nédjib-bey  de 
Salonique,    avec    lapprobation    de    Ridjâ'ï -Zâdèh 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  443 

Ekrém-bey.  68  p.  Chez  Alexan-Efendi.  i3o5.  Prix.; 
5  piastres. 

6-7.  p^^àTfJ  «Mes  traductions»,  choix  de  mor- 
ceaux traduits  d auteurs  célèbres  français  (Lamar- 
tine ,  Delille ,  Soumet,  etc.) ,  par  *Alî ^Aléwî-bey.  Chez 
Kirkor-Efendi.  i3o/i.  Prix.  :  joo  paras. 

68,  (UL-ij-^J  (jysjt    ^yl^y  J^^    «Traduction    et 

commentaire  du  noble  Mesnévi  »,  par  S.  E.  *Abidîn- 
pacha ,  gouverneur  général  de  la  province  d'Angora. 
Vol.  I,  II  et  III.  Chez  Zékériyâ-Efendi,  au  grand 
bazar.  i3o5. 

Le  premier  volume  a  été  imprimé  à  Siwâs  et  réimprimé 
par  l'imprimerie  ^Osmâniyyeh  à  Stamboul;  les  deux  autres 
volumes  sortent  des  presses  de  l'imprimerie  officielle  du  vi- 
layet  d'Angora. 

69.  dLx>^  Oviljt*  Aîï-J  «  Traduction  (turque)  des 

sept  Mp^allaqât  » ,  par  Méhémet  Kiâmil  d'Herzégo- 
vine, élève  de  Técole  Dâr-ut-Ta^lîm.  Fasc.  I.  i3o5. 

yo.  J^y  (Six^  ^'^f.  »-J^î-ya5  à^f  «  L'intercession , 
commentaire  turc  sur  le  poème  du  Borda  » ,  par  feu 
Méhémet  Mekki-Éfendi,  ancien  Chéïkh-ul-Islâm. 
1  3o5.  Prix  :  1 5  piastres. 

Sur  le  poème  du  Borda  et  ses  nombreux  commentaires, 
voir  Hadji-Khalfa ,  l.  IV,  p.  5a3,  n*  9449- 

71.  Jj3  «  La  modulation  » ,  par  Mahmoud  Mâhir 
de  Bérat.  Chez  Ohannès  Férid-Efendi.  i3o5. 

72.  j^^' j>^^   «Représentation  des  mœurs», 

29. 


444  AVRlL-MAl-jUIN  1889. 

morale  en  action ,  par  Ahmed  RiPat-bey.  Imprimerie 
Mahmoùd-bey.  Chez  Ohannès  Férîd-Éfendî ,  à  la  li- 
brairie Vatan.  1 3o5.  Prix  :  1 1  piastres. 

•y 3.  jdu  N  La  réflexion  »,  recueil  de  morceaux  de 

prose  et  de  vers ,  par  Ekrèm-bey  Ridjâî-Zâdèh.  Im- 
primerie Mahmoûd-bey.  i3o5. 

74.  (J^^  €ty^  «  Calendrier  littéraire  » ,  traitant  de 
plusieurs  questions  de  la  littérature  ottomane,  par 
le  libraire  Ohannès  Férid-Efendi.  1 3o5. 

yS.  <3-*j-^  ^jA  »>j>-w  (iULj  «La  paresse,  ou 
Excitation  au  zèle  » ,  éloge  de  l'activité ,  basé  sur  les 
versets  du  Coran  et  sur  les  traditions  prophétiques 
ainsi  que  sur  les  vers  des  poètes,  par  *Abd-ul-Ahad 
Noûri-Efendi ,  ex-premier  greCBer  du  tribunal  de 
i**  instance  de  Sinope.  A  la  librairie  *Açr.  i3o4. 
Prix  :  100  paras. 

76.  j\jAj>  p-Uj)  ^jjJ:\ùj'^  «  Quelques  feuilles  de 
mon  carnet»,  par  Moçtafa  Réchîd-bey.  i3o5. 

77-  ^  J^  *  Djémâl-bey  »,  roman  national,  par 
*Eumèr  'Alî-bey,  ex-directeur  de  la  correspondance 
de  la  province  de  Dersim.  Par  livraisons.  Imprimerie 
Mihran.  i3ol\.  Prix  de  chaque  fascicule  :  3  piastres. 

Histoire  feinte  des  deux  amants  Djémâl  et  Pirâyèh. 

78.  J-^  ^>**^  «  La  beauté  et  lamour  » ,  49* fas- 
cicule de  la  Bibliothèque  d*Abouz-Ziyâ.  i3o&. 

79.  ^^j^^  X^    «Sages  maximes   d*Er-Rif&^», 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  445 

apophtegmes  de  Séid  Ahmed  Er-Rila*î,  expliqués 
par  Mu^allim  Nâdji.  Imprimerie  impériale.  Chez 
Arakel.  l'iolx-  Prix:  3  piastres. 

80.  Aa>^\  CajT^  «Philosophie  de  la  littérature», 
observations  et  réflexions  littéraires,  par  Mébémet 
Zîvèr-Efendi ,  directeur  propriétaire  de  la  revue  Ni- 
liâL  i3o5. 


8 1 .  a^-jw«iLv\  LiJ^^  «  Apophtegmes  de  l'isla- 
misme » ,  pensées  et  axiomes  du  poète  persan  Sa^di , 
traduits  en  turc  par  Ghéïkh  Sélim  Vaçfi-Éfendi. 
Chez  Arakel.  i3oA.  Prix:  3  piastres. 

Forme  le  11*  volume  de  la  Bibliothèque  ottomane, 

82.  ^^  OUjT^  «Apophtegmes  arabes»,  tra- 
duction et  explication  des  meilleurs  auteurs  arabes, 
en  prose  et  en  vers,  par  El-Hâddj  Ibrâhim-Éfendi, 
professeur  à  l'école  Dâr-ut-TaHîm.  Par  fascicules  pa- 
raissant une  fois  par  mois.  Chez  Hâfiz  Hasan- 
Efendi,  au  bazar  des  graveurs.  1 3oA. 


83.  c-Âa>-  «Hélas!»,  nouvelle,  par  Moçtafa  Ré 
chîd-bey.  1  3o4»  Prix  :  5  piastres. 

8/4.  w^  J^  «Aux  jeunes  filles»,  traité  scien- 
tifique et  littéraire ,  à  lusage  des  commençants.  A  la 
librairie  Vatan.  i3o4.  Prix  :  100  paras. 

85.  yîi  vdL\  •;>^v.  ô]^  «L  automne  ou  Mon 
premier  ouvrage»,  par  Méhémet  Djémâl-bey,  âgé 


446  AVRIL-MAIJUIN  1880. 

de   douze  ans,  élève  de  Técole  de  rédaction   fL:*JU 

cjuj  du  Séraskiéral.  Chez  Arakel.  i3o4.  Prix  :  loo 
paras. 

86.  jV>  JL>-  «Imaginations  de  Tesprit»,  recueil 
de  morceaux  en  prose  et  en  vers,  par  ^Osmân  Sé- 
râdj-uddîn  d'Erzeroum.  i3o5. 

87.  ^yis-  d^\ù  «Tragédie  d amour»,  ou  ^»j-jfi 
«  ^abandon  » ,  drame  national ,  par  Tevfiq-bey.  A  la 
librairie  de  TEpoque.  lioli. 

88.  ày^\  fyjt'^  «  Le  divan  des  vêtements  »  de  Ni- 
zâm-uddîn  Mahmoud  Qàri  de  Yezd;  texte  persan, 
publié  par  les  soins  de  Mizzâ  Habib  Içfahâni.  a 07  p. 
in-8°.  Imprimerie  Abou  'z-Ziyâ.  1 3o3  (paru  en  1 3o4). 
Prix  :  1  2  piastres. 

Imitation  du  Divan  gastronomique  de  Boshaq  Chiràxi  et 
parodie  des  auteurs  persans  célèbres. 

89.  »j3  «  L  atome  » ,  extraits  et  traductions  de  lit- 
térateurs européens,  par  Djémîl-bey.  i3o5. 

90.  ^yM^y^  u^3)  *  Recueil  de  romans  ».  A  la 
librairie  Stamboal,  chez  Alexan-Éfendi.  Prix  dç 
chaque  livraison  :  2  piastres.  i3o/i. 

2**  fasc.  (J^ji^  (j^^^  J^  «  Ha!  friponne!  ». 

3*  fasc.Ji^J-*  >ji  }jj^jt^  «Il  y  a  des  millions, 
ma  fille ,  des  millions  !  » 

Pour  le  1"  fascicule,  voir  Bibliothèque  ottomane,  1887, 
n-  118. 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  447 

g  1 .  j-A->.Uj  «  Les  fleurs  odoriférantes  » ,  poésies 

choisies  du  Bostân  de  Sa^dî  et  du  Mèsnèvî  de  Djélâi- 

uddîn  Roûmî,  réunies  et  traduites  en  turc  par  le 

Cheikh  Vaçfî.  Imprimeriç  Mihran.  i3o5. 

92.  ^^'  oV- ^L-w  «Inspirations  des  Persans», 
choix  de  pensées  de  Hâiiz  exprimées  sous  forme 
de  proverbes,  traduit  par  Mu'allim  Nâdji.  i  3oZi. 

Forme  le  38'  volume  de  la  bibliothèque  d'Abouz-Ziyâ. 

93.  CawÔ^  «Une  nouvelle»,  petit  roman  sur 
les  mœurs  ottomanes,  par  Sézaï-bey,  fils  de  feu  Sâ- 
mi-pacha.  17  5  pages.  Chez  Arakel.  Imprimerie 
Mahmoûd-bey.  i3o5.  Prix  :  10  piastres. 

qIx.  C^^,  <UaÂw  «Le  vaisseau  de  l'éloquence  » , 
étude  sur  les  erreurs  commises  dans  la  rédaction, 
par  'Abd-ur-Rahmân  Suréyya-Efendi.  Chez  le  chéïkh 
^Abdullah-Efendi,  au  bazar  des  graveurs.  i3o5. 
Prix  :  1  2  piastres. 

Cet  ouvrage  est  destiné  à  démontrer  que  la  langue  otto- 
mane est  une  langue  scientifique  et  se  prête  à  exprimer  les 
idées  les  plus  diverses. 

95.  fJJjJj^  «  Choses  que  j'ai  dites  »,  recueil  de 
poésies  » ,  par  Méhémet  Djélâl-bey.  1 3oZi. 

96.  j\j  ^aJ\  \4>  àjXjjbiS'  ^yC^  «  Commentaire  sur 

le  Livre  de  t amour  de  Béhâ-uddîn  Vélèd  » ,  par  Khâ- 
iid-bey,  directeur-adjoint  du  3*  bureau  de  l'inten- 


448  AVRIL-MÂI.JUIN  1889. 

dance  du  2*  corps  darmée.  Imprimerie  Mihran. 
i3o5. 

Béhâ-uddin,  fils  de  Djélâl-uddin  Roùmi,  est  connu  ordi- 
nairement sous  le  nom  de  Sultan  Vèlèd,  Cp.  Hammer,  Ge- 
schichte  der  schénen  Redekànste  Persiens,  p.  i65;  Djàmi,  Na- 
fahât  ul'Ons,  fol.  22b  v'  et  2^0  v°  (de  mon  manuscrit). 

97.  jj^  a-êbo^P  *-jw  «  Commentaire  sur  îes  capi- 

tuiaires  d'*Alî  »,  texte  original  arabe  ayec  la  traduc- 
tion turque  en  regard.  Forme  le  8*  volume  de  la 
Bibliothèque  ottemane  publiée  par  Arakei.  i3o4. 
Prix  :  5  piastres. 

Ce  texte  arabe ,  retrouvé  par  Mahmoud  Djjéïâl-uddin  bey, 
consiste  en  instructions  données  par  le  khalife  *Alî  au  gou- 
verneur deTEgypte,  Mâlek  ibn  el-Harath  el-Achtar  en-Nakh*i. 

98.  Jm^  ùlî^*^  ^^^'J^  r/^  "  Commentaire  et  tra- 
duction (turque)  du  divan  de  Moténébbi  » ,  par  le 
mollah  Védjîh-Efendi,  nâîb  (substitut  du  juge  cano- 
nique) à  Denizli.  i3o5. 

99.  ^^^8JL-jJL_5w  c^..^^*  ayj^^y^  «  La  nouvelle 
philosophie  de  Schopenhauer  » ,  réflexions  et  réfu- 
tation, par  Ahmed  Midhat-Efendi.  i3o4.  Prix  : 
4  piastres. 

Réimpression  d^articles  parus  dans  le  Terdfumân-i Haqiqat, 

100.  oUlL?  «Mots  sans  suite»,  recueiî  de  poé- 
sies ,  par  Chéhâb-bey ,  élève  de  TEcole  de  médecine. 
i3o5. 

101.  (^j^^\j*^'(3  j^V\j\jlaJ\    «La   broderie 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  449 

très  précieuse  sur  les  vers  d'El-Akhras  » ,  divan  du 
Séïd  'Abd-el-Ghaffar  Akhras,  en  arabe.  In-8°.  485- 
1 6  pages.  A  la  librairie  ottomane,  à  la  tête  du  pont. 
i3o5.  Prix:  2  medjidiés  d argent. 

Ce  texte  est  édile  par  les  soins  d*Ahmed  *Jzzet-pacha  Fâ- 
roùqi,  lequel  a  orné  ce  volume  d'une  préface  et  d'une  bio- 
graphie de  l'auteur.  ^Abd  el-Ghaffâr  ben  ^Abd  el-Wâhid  est 
né  à  Mossoul  postérieurement  à  Tannée  laao  de  Tliégire 
(i8o5);  il  mourut  à  Bassorah  en  1291  (1874)* 

102.  OjaP-  «  L  exemple  » ,  pièce  de  tbéâtre  en  huit 
actes,  par  Méhémet  Tâhir-bey,  rédacteur  au  bureau 
de  la  correspondance  d'Uskiup.  Se  trouve  chez  Ara- 
kel.  Imprimerie  impériale.  i3o/i. 

1  o3.  ^-^^^t^  «  Pensées  sur  ^Obaïd  » ,  choix  de  vers 
d'^Obaïd  Zàkâni ,  traduits  en  turc  par  Mu^allim  Nâdji. 
Imprimerie  Mihran.  1  3o5. 

Voir  plus  loin  n°  12  3. 

104.  ^yyy^J^  <^y^*y  ^tiri/'  «Les  progrès  civilisa- 
teurs des  Arabes»,  en  turc,  par  Ahmed  Râsim-bey, 
professeur  à  l'école  Behrâmi.  i3oZi. 

Forme  le  1 5*  fascicule  de  la  Bibliothèque  ottomane  d'Arakel. 

io5.  ^vj  ^ySis-  «Livre  de  lamour»,  par  Béhâ- 
uddin  Vélèd,  fils  deDjélàl-uddîn  Roûmî,  traduit  en 
turc  par  ^Alî  Behdjet-Efendi,  employé  au  bureau 
des  archives  de  la  direction  de  la  dette  au  Minis- 
tère des  finances.  Chez  le  relieur  Hàfiz-Efendi,  à 
la  mosquée  de  Bayézid.  Prix  :  txo  paras. 

Voir  ci-dessus  n"  968. 


450  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

106.  ciAjj^.**^  «Le  service  militaire»,  opuscule 
littéraire  et  philosophique,  par  M.  Béhâ-uddîn  bey. 
i3o5. 

10 y.  ^y>^  J^^'  a^jUaP-  «Le  cadeau  dlsmâll 
Haqqî  » ,  recueil  des  œuvres  de  cet  auteur.  Chez 
Arakel.  i3o4. 

108.  jwJï  ^y^  «Les  colliers  de  pertes»,  poésie 
sur  certaines  maximes  d'^Alî,  fils  d'Abou-Tâleb ,  en 
arabe,  par  Mohammed  Sa*^îd-  el-Mauçilî.  Chez  Bé- 
sîm-Efendi.  Au  bazar  des  papetiers.  1 3o4. 

109.  j-AJUal\  iuip  h>y  ^  ^jJA^\  tfjLf-  «L'ap- 
pui des  gens  vertueux,  traduction  turque  du  Ghou- 
nyèt  nt-Tâlihîn  » ,  par  Suléïmân  Hasbi-Ëfendi ,  biblio- 
thécaire de  S.  M.  L  le  Sultan.  2  tomes  en  un  volume. 
Imprimerie  ^Osmâniyé.  i3o4.  Prix:  20  piastres. 

Le  Ghounyèt  ut-Tâlihin  est  attribué  à  *Abd  el-Qâder  el- 
Giiâni. 

110.  p\js\  o\^W  <->oKp  «  Mœurs  étranges  des  dif- 
férents peuples».  1**  volume  par  Sa*îd-bey,  con- 
seiller d'Etat;  2^  volume  par  Ahmed  Râsim-bey, 
professeur  à  l'école  Behrâmi.  Chez  Arakel.  i3o4. 
Prix  des  deux  volumes  :  6  piastres. 

Forme  les  fascicules  5  et  12  de  la  Bibliothèque  ottomane. 
Voir  Biblioyraphie  ottomane,  1887,  n*  i38. 

111.  àôj^  ^j^  J^wai  «  Les  vertus  de  la  marine 
militaire»,  sur  l'obéissance,  l'instruction,  l'éduca- 
tion, à  l'usage  des  équipages  de  la  flotte,  par  le  lieu- 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  451 

tenant  de  vaisseau  Hasan  Latîf-Efendi ,  membre  per- 
manent du  Conseil  de  guen^e.  Imprimerie  du 
Ministère  de  la  marine.  i3o4. 

1  1  2.  J-wW  ^j^\  ^y^i  ^y!^  fj^\i  «  Le  code  do 
lamour,  ou  Deux  amoureux»,  par  Emîn-bey,  caï- 
makam  de  Tarsoûs.  i3o5. 

1  1  3.  jP-V-l»  rr^  J.  fj^-^  «  Quelques  poètes  an- 
ciens » ,  étude  par  Ridjâï-Zâdèh  Mahmoud  Ekrèm- 
bey.  Imprimerie  Abou  'z-Ziyâ.  i3o5. 

11 4.  J-^*J*  JbWii  «Poèmes  de  Tevliq»,  œuvres 
poétiques  de  Tevfîq-Efendi ,  directeur  du  conseil 
du  Chéîkh-ul-Islâmât,  ancien  qâdhi  de  Stamboul. 
Imprimerie  Mihran.  Se  trouve  chez  Arakel.  i3o/i. 
Prix  :  Ix  piastres. 

1,5.  i^^r^^i  j*^^  cM  ^r  j  -^^  4y^^ 

ju*j\  ilJLrUwj  «La  bonne  parole,  commentaire  des 
vers  du  Talkhiç,  de  ses  deux  commentaires  et  des 
gloses  marginales  du  Seigneur  » ,  par  Mohammed 
Zihni,  en  turc,  i  vol.  672  pages.  Revêtu  d'appro- 
bations d'ulémas.  i3o5.  Prix:  relié,  27  piastres. 

Cofumentaire  sur  les  vers  cités  dans  le  ^L-^Ui  ja^^  de 
Kiiatib  Dimîchqi,  dans  les  deux  commentaires  dits,  luo 
yoxâc  et  l'autre  J^sl»,  et  dus  tous  deux  à  la  plume  de  Sa^d- 
uddin  Teftazânî;  enfin  dans  les  gloses  sur  le  Motawwd  du 
Seigneur  (Séid  Chérif)  Djordjâni.  Tous  ces  ouvrages  sont 
dérivé»  du  Miftâh  el-^Oloâm  de  Siràdj-uddin  Sekkàki  (Hadji 
Khalfo,  t.  VI,p.  i5,  n«  12578). 


452  AVRIL-M  AI-JUIN  1889. 

116.  J^  MjÇ'  <-^\jP  c->l»  «Le  livre  des  cou- 
tumes étranges  des  peuples  » ,  recueil  consacré  aux 
mœurs  curieuses  des  différentes  nations,  en  persan, 
par  Mirzà  Habib  Içfahâni.  In-i2.  260  pages.  Im- 
primerie du  journal  Akhlèr.  1 3o3.  Prix  :  8  piastres. 

Traduction  des  Mœurs  et  usages  des  nations  de  Deppiog, 
ouvrage  déjà  traduit  en  arabe  par  le  cheikh  Réfâ^a.  Cf.  Zen- 
ker,  Biblioth,  Orient. ,  t.  I ,  p.  98. 

11  y.  \j^\ y\  ^W^  «Bibliothèque  d'^Abou  'z- 
Ziyâ»,  publiée  par  Abou  'z-Ziyâ  Tevfîq-bey.  i3o4. 

35*  fasc.  c-Â)Ua5  J^jcu  a.M^«  Facéties  sur  Técole», 
traduites  de  Tallemand  (facéties  d'Eulenspiegel) , 
par  Méhémet  Tâhir-bey. 

36'  et  lio'  fasc.  Extraits  de  la  partie  littéraire  du 
Taçwir-i  Efkiâr. 

Ixk^  fasc.  J-*^j  <>**^  «La  beauté  et  Tamour», 
poésie. 

1  1 8.  <Uw  juy«  Le  bouquet  » ,  recueil  de  morceaux 
de  prose  et  de  vers,  par  Réchâd-bey,  directeur  de 
Tinstruction  publique  à  Janina.  i3o4. 

119-  ojyty^^-'^^'^^XAU.wrQs  sans  façon»,  recueil 
de  vers  et  compositions  poétiques  diverses,  par  *Alî 
^Aléwî-bey.  In-8\  48  pages.  Imprimerie  Mihran. 
Chez  Aiexan-Efendi.  i3o4«  Prix  :  3  piastres. 

L*auteur  explique  ce  titre  par  un  quatrain  imprimé  sur  la 
couverture  :  «  Les  œuvres  qui  figurent  dans  ce  petit  recueil 
sont  des  broutilles  sans  valeur  et  incomplètes.  Du  moment 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  453 

qu'il  n'y  a  ni  ordre  ni  rang,  il  faut  bien  l'appeler  :  sans  fa- 
çon!» 

120.  clr^v>  J^J  «  Les  larmes  » ,  renseignements 
scientifiques  et  littéraires  sur  les  larmes,  par  Moç- 
tafa  Réchîd  ;  avec  approbations  de  Sézâï-bey  et  de 
feu  Béchîr  Fuad-bey.  i3o4.  Prix  :  Ix  piastres. 

121.  OUjj  cmU  «  Historiettes  plaisantes  » ,  par 
Ahmed  Midhat-Efendi.  i3o4-i3o5. 

1  Ix"*  jDÎ^jJ  j>  «  Une  repentante  ».  Prix  :  4  piastres. 
1 5°  a>lSL>.   «  Le  bohémien  ».   Prix  :   1  o  piastres. 

1 6°  >v— flj;j\  <UÂ>*  «  La  double  vengeance  ».  Prix  : 
k  piastres. 

1  7**  !  »jU  «  L argent!  »  Prix  :  7  piastres. 

1  8^  A  a  ■>--»  sJUi^Vï  JliV.l  wjuir^  «  Le  sort  de 
rhomme  se  montre  dans  sa  cuiller  ». 

Pour  les  numéros  précédents,  voir  Bibliographie  ottomane, 
1887,  n*»  i46. 

122.  C>\^  c-iniai  «Phrases  plaisantes»,  recueil 
de  bons  mots,  par  Ahmed  Fehmi-Efendi.  En  3  fas- 
cicules. i3o4.  Prix:  3  piastres. 

12  3.  J^  JU^  ViVy  jiaJ\  j.Uâi  cJÎUai  «  Facéties 
de  Nizâm-uddîn  Mevlânâ  ^Obéïd  Zâkâni»,  texte 
persan  (publié  par  les  soins  de  M.  Ferté;  revu  par 
Mirzâ  Habib  Içfahâni).  In-8°.  1  28  pages.  Imprimerie 
Abou  V?*yâ-  i3o4  (porte  la  date  de  i3o3). 

Cf.  llammer,  Gesckichte  des  schônen  Redek.  Persiens,f. 2^9. 


454  ^        AVRIL-MAI-JUTN  1889. 

12/».  ^^  ^U.*  «  Les  sommes  des  apophtegmes  », 

d'^AbduHah  el-Ançâri ,  traduites  en  turc  par  feu  Né- 
vrès-Efendi.  Imprimerie  Abou  \-^^k.  i3o4. 

12  5.  ^y*r  ^y^  «  Recueil  des  mosquées  »,  des- 
cription des  divers  quartiers  de  Constantinopie, 
avec  la  mention  des  mosquées,  des  tekhh  et  des 
autres  monuments  qui  s'y  trouvent,  par  Hâdji  Ismâ- 
'îl-bey-Zâdèh  ^Osmân-bey,  émigré  de  Nîch;  ouvrage 
accompagné  d'une  carte.  Chez  Ohannès-Éfendi,  à 
la  librairie  Vatan,  i3o4.  Prix:  i  i  piastres. 

126.  J^wj\  àS'y^  «Recueil  de  traités»,  vingt- 
huit  petits  traités  et  commentaires  d'^Abd-ul-Baçîr- 
Efendi,  uléma  de  Konia,  en  turc;  publiés  par  les 
soins  de  Hâdji  Kiâmil-Efendi ,  inspecteur  générai 
des  contributions  indirectes.  Chez  Hâdji  Moharrem- 
Efendi,  au  bazar  des  papetiers.  Imprimerie  impé- 
riale.  I  3o4.  Prix  :  1  2  piastres. 

127.  ^AjtA  às-y^  «Le  recueil  du  professeur», 
leçons  de  littérature  professées  dans  les  écoles  supé- 
rieures ,  par  Mu'allim  Nâdji ,  rédacteur  en  chef  du 
journal  iS^'^dd^^  Par  fascicules.  i3o5. 

1  28.  AA^lid  «  La  conversation  »,'  recueil  de  poé- 
sies sur  la  vie  nomade  et  la  vie  civilisée ,  par  Nâzinf 
bey,  directeur  de  la  correspondance  du  vilàyet  àe^ 
Konia;  avec  une  approbation  en  vers  émanée" de 
Mu'allim  Nâdji.  i3o5.  Prix  :  j  00  paras.  .  .i 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  455 

129.   <-^j«l'  iw.ju  a  L'école  des  Arabes  »,  résumé 

de  la  civilisation  des  Arabes,  en  turc,  par  'Abd-ur- 

Rahmân  Fehmi-Efendi.    i*'  volume,  contenant  les 

six  premiers  chapitres.  1  3o5. 

i3o.  J<:^^  ^y  «Le  miroir  des  deux  villes 
saintes»,  par  le  contre-amiral  Hâdji  Eyyoûb  Çabrî- 
pacha,  président  de  la  commission  de  perfectionne- 
ment et  de  contrôle  au  Ministère  de  la  marine. 
2*"  partie  :  àJôdj,  Oy  «  Le  miroir  de  Médine  »;  com- 
plet en  8  fascicules.  Grand  in-8°,  formant  i,343  p. 
Se  trouve  chez  TaraqdjiDédéh-Efendi,  à  Mahmoud- 
pacha.  Imprimerie  de  la  Marine.  i3o4-i3o5.  Prix 
de  chaque  fascicule  :  16  piastres  (sauf  le  dernier,  à 
20  piastres). 

Pour  la  1'*  partie,  voir  notre  Bibliographie  ottomane  de 
1887,  n"  356. 

1 3 1 .  àà^j^f-  ëiy  a  Le  miroir  mahométan  » ,  imi- 
tation d'une  pièce  de  vers  sur  la  naissance  du  Pro- 
phète de  Suléimân  Dédèh ,  par  Ahmed  Na*im-Efendi , 
adjudant-major  des  constructions  navales.  i3o4. 

1  3  2 .  <uLj  Ll>U>.V.,â^  (t  Entretiens  du  soir  » ,  par 
Ahmed  Midhat-Efendi.  Paraît  par  fascicules  de 
32  pages.  i3o4-i3o5.  Prix  :  60  paras. 

I  °  ^yi^  CaSj  «  Passer  le  temps  ». 

1"  ij^y^y  j^  «  La  longévité  »• 

3"   Juto  «  Le  mariage  ». 


456  AVRIL-MÂI-JUIN  1889. 

Ix""  ààyj^  oVij^    «  Les  expériences    chimiques  ». 

5°  ^U;p\  «  L'habitude  ». 

6°  j\-^îî*  ■  w  fl  -^^  B.yjLij\i  «La  conservation  de  la 
beauté  chez  les  femmes  ». 

«7°  Oij— d>»— •  J-^»-o  «  Examen  des  boissons  eni- 
vrantes ». 

8"  et  9**  jJjj  «  Voltaire  ». 

1  o°  Cy^\^\  «  Oppositions  ». 

1  1  °  AaLwuJ  Od^  «  Bénédictions  d  affinité  ». 

1 2''  JV— ».  -J^^->y  y^*^^  «  L'accroissement  de  la 
beauté  des  femmes  ». 

1 3**  Jij\  àSJ[  V)\j  «  Le  père  et  1  enfant  ». 

i33.  ^\  CjSj^*  «Les  miracles  du  Prophète», 
poème,  par  Hâdjî  *Eumèr-Efendi ,  mufti  du  g*  régi- 
ment. Chez  Hâdji  Béhà-uddin  de  Qazan,  au  bazar 
des  papetiers.  i3o4.  Prix  :  i  oo  paras. 

1 34.  J^^'  J^=*"  jW**  «  La  pierre  de  touche  de 
la  morale»,  par  le  moUa  Huséïn  Tevfîq,  qâdî  de 
la  Mecque  ;  traduit  et  extrait  de  VIhyâ  ^ouloûmriddîn 
de  Ghazzâli.  i3o5. 

i35.  o^i  c-^:;^  «L'école  de  la  politesse»,  traité 
de  morale.  En  2  volumes.  Se  trouve  chez  Ârakel. 
i3o4.  Prix  :  relié,  26  piastres. 

I  36.  cAiy^  «  Lettres  »,  recueil  de  compositions 
épistolaires ,    par   Hâfiz    Ishàq-Ëfendi,    secrétaire- 


BIBLIOGRAPHIE   OTTOMANE.  457 

général  de  la  municipalité  du  6*  cercle.  Chez  Ara- 
kel.  1  3o5. 

1  37.  sOiJL:**  oVa^î:^  «  Nouveaux  extraits  »,  chres- 
tomathie  ottomane.  1'"  partie  :  prose,  en  k  volumes 
(morceaux  choisis  de  Djevdet,  Ziyà,  *Akif,  Fuad, 
Réchîd,  etc.).  2®  partie  :  poésie,  en  tx  volumes  (ex- 
traits des  œuvres  de  Munîf,  SaM-uUah,  Kiâzim,  etc.). 
Chez  Qarabet  et  Qaspar.  1  3oZi.  Prix  de  chaque  par- 
tie :  20  piastres. 

1  38.  j>^ia3\  ^jlaJU  «  La  logique  des  oiseaux  »,  traité 
de  logique ,  par  demandes  et  réponses ,  en  turc ,  par 
Suléimân  Zuhdi-Efendi ,  de  Zichtova.  i3o4. 

1  39.  ^^V\  J\j^  «  La  balance  de  la  littérature  », 
su r  l'éloquence,  par  Sa*îd-pacha,  de  Diarkébir.  i'*  li- 
vraison, environ  i5o  pages.  i3o5.  Prix:  5  piastres. 

1  40.  OâJ»  fj\y:A  «  La  balance  de  la  sociabilité  », 
par  le  moUa  Huséïn  Tevfiq ,  qâdî  de  la  Mecque  ;  traduit 
et  extrait  de  \Ihyâ  ^ouloâm-iddin  de  Ghazzâli.  1  3o5. 

1  4  1 .  jVj& wj\  j>j-ï^  «  La  balance  de  la  preuve  » , 
traité  de  logique,  traduit  de  l'arabe  par  ^Abd-un- 
Nâfi'-Efendi ,  ancien  gouverneur  général  de  Ma^moû- 
ret-ul-^Azîz  (Kharpout).  Imprimé  aux  frais  du  Mi- 
nistère de  rinsti*uction  publique,  à  Tlmprimerie 
impériale.  iio[\. 

i42.  3}^y>\»  «Le  livre  de  l'émigré»,  par 
Emîn-bey,  caïmakam  de  Tarsoûs.  1  3o5. 

XIII.  3o 


litPRiMi.K:t:    Xitiii.ma. 


458  AVHIL-MAI-JUIN   1889. 

1 43.  0^\aw  j£.  fc  L'étoile  du  bonheur  »,  recueil 
de  morceaux  littéraires  parus  dans  le  journal  SiàAei 
«  Le  bonheur  ».  Paraît  tous  les  quinze  ou  vingt  jours 
en  fascicules  de  32  pages.  Imprimerie  du  journal 
S^âdet  i3o4.  Prix  de  chaque  livraison:  5o  paras. 

itxli.  fjjibjS\  j^\  JîUuj  j  ^jibj\  yuW  «La publi- 
cation fleurie,  touchant  les  traités  de  Taigle  du 
siècle»,  préceptes  et  conseils  moraux,  en  arabe. 
Imprimé  par  les  soins  de  Hasan  Husni  à  Timprimerie 
du  journal  arabe  El-Ptidâl,  i3o4.  Prix:  relié,  lo 
piastres. 

i45.  f^fy  Jâ5  «Ma  poésie  et  ma  prose»,  choix 
de  compositions  littéraires  de  Djémîl-bey.  i3o5. 

146.  CaP-w  ^jji  «L exemple  de  la  bravoure»» 
poésie  sur  les  hauts  faits  du  héros  Hasan  d'Oulou- 
bâd,  par  Kiâmil-bey  Tépédilenli-Zâdèh.  Chez  Kir- 
kor-Efendi,  à  la  librairie  ^Açr.  i3o5. 

i4y.  ji^\  lJoU9j  «Les  devoirs  des  parents», 
principes  de  l'éducation  des  enfants,  compilation 
de  divers  ouvrages  faite  par  le  libraire  Ârakel  et  cor- 
rigée par  Mu^allim  Nâdji.  Chez  Arakel.  1 3o4.  Prix  : 
5  piastres. 

iliS.j^jj  «Voltaire»,  biographie  par  Béchif 
Fu  ad-bey,  rédacteur  au  journal  S^âdet  Chez  Ara- 
kel. 1 3o4.  Prix  :  7  piastres. 

Forme  les  volumes  g  et  lo  de  ia  Bibliothèque  ottomane. 


BIBLIOGRAPHIE   OTTOMANE.  459 

ilxç).  ^Lc:»-jlfS\j  a  Souvenirs  de  ma  vie»,  mé- 
moires de  feu  Hobart-pacha ,  amiral  au  service  otto- 
man, traduits  de  l'anglais  par  Méhémet  *Azîz-Efendi 
de  Crète,  élève  de  TÉcole  de  droit.  Par  fascicules. 
i3o/i. 

1 50.  f^^-<^  «54  «  Souvenirs  du  passé  » ,  par  Tâhir- 
bey  Ménémenli-Zâdèh.  Chez  Kirkor-Efendi ,  à  la  li- 
brairie *Açr,  1  3o4. 

ni 

HISTOIRE,  BIOGRAPHIE. 

1 5 1 .  ^u^V\  ^\  «  La  base  du  fondement  »,  re- 
cueil de  poèmes  historiques  sur  les  souverains  otto- 
mans, par  Ibn  ur-Réchâd  ^Alî  Férroukh-bey.  1*'  vo- 
lume. i3o/i. 

162.  j^^j)  <^^  '  "  Les  anciens  Romains  » ,  his- 
toire de  Rome,  traduite  par  Ahmed  Râsim-bey. 
i*""  fascicule.  i3oZi. 

F'orme  le  56*  volume  de  la  bibliothèque  d'Abouz-Ziyâ. 

1 53.  ^y4j«  j^jS\  n  Histoire  d'Espagne  »,  par  feu 
Ziyâ-pacha.  Réimpression  du  volume  IL  Chez  Kir- 
kor,  à  la  librairie  *Açr.  i3oii. 

iblx,  ^\ji\ji3^  «Rédaction  du  sujet  cherché», 
panégyrique  du  Grand  Cheikh  ('Abd-el-Qâdir  Gî- 
lànî),  par  El-Hâdj  Mohammed  Fevzî-Efendi ,  ancien 
mufti  d'Andrinople,  nâïb  (substitut  du  juge  religieux) 
du   chef-lieu  de  la  province  de  Qarasi  (Bâlikesr); 

3o. 


460  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

publié  par  les  soins  de  Sa*d-uddîn-Efendi ,  directeur 
de  rimprimerie  de  cette  proWnce.  i3o5. 

i55.  à^J^  JjU^j^^gaJLi^  à^3  «Biographie  abré- 
gée du  Prophète»,  en  turc,  par  le  molla  Khodja 
Méhémet  Rà*ïf-Efendi.  A  la  librairie  dX)smân-bey. 
i3o4. 

i56.  ^L--jjLw\  jftj  «L'époque  de  la  conquête», 
traité  de  Kémâi-bey,  souvent  réédité.  i3o4. 

Forme  le  33*  fascicule  de  la  bibliothèque  d'Abou  z-Ziyâ. 

iSy.  r^jj^  <S)ir^  «Surouri,  lauteur  de  chrono- 
grammes »,  biographie.  i3o5. 

Forme  le  70*  fascicule  de  la  bibliothèque  d'Abouz-Ziyâ. 

i58.  ^^j-J  J--WW  «Biographie  du  Prophète»,  par 
Haqqî-Efendi ,  juge  d'instruction  à  Maghnissa.  Im- 
primerie Abouz-Ziyâ.  i3o5. 

iSg.  fj^^  ^j^^  «Histoire  ottomane».  VoL  I: 
J»>-JU  «  Introduction  »  consacrée  au  gouvernement 
de  Rome,  aux  empereurs  romains  d'Orient,  aux 
Sassanides  de  Perse,  à  l'apparition  de  l'islamisme ,  etc. , 
par  Nâmiq  Kémâl-bey.  i"*  fascicule,  seul  paru  et 
saisi.  In -8**.  64  pages.  Imprimerie  Abou'z-Ziyâ. 
i3o5. 

160.  a^^Aww\  Jj^  vç^»\j  aS^ii  «Résumé  de  l'his- 
toire des  dynasties  musulmanes  » ,  à  l'usage  des 
écoles,  par  'Abd-ur-Rahmàn-Efendi,  directeur  de 
l'École  impériale  civile.  Vol.  I,  embrassant  les  évé- 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  461 

nements  qui  se  sont  passés  jusqu'à  Tapparition  des 
Abbassides.  Chez  Qarabet  et  Qaspar.  i3o5.  Prix  : 
relié,  i3  piastres. 

161.  ^j/i  '  OU)  a  Le  livre  des  biographies  » , 
histoire  des  gens  célèbres  de  la  plume  et  de  Tépée 
en  Arabie,  rangés  suivant  Tordre  de  l'alphabet,  par 
Zihni-Efendi ,  professeur  au  lycée  impérial  de  Ga- 
lata-Séraï,  en  arabe.  Vol.  I,  i5o  pages.  Imprimerie 
de  la  société  Murèttibiyé.  i3o5.  Prix:  y  piastres. 

162.  W^\  y\  '^W^  «  Bibliothèque  d' Abou  z- 
Ziyâ  ».  Volumes  relatifs  à  l'histoire  et  à  la  biogra- 
phie : 

34*  fascicule.  Histoire  des  Jésuites,  traduite  par 
Ahmed  Ràsim-bey.  i3o4. 

43'  fascicule.  Récit  de  l'ambassade  d'Ahmed  Res- 
mi-Efendi  à  Vienne.  i3o4. 

54"  fascicule.  Récit  de  l'ambassade  de  Sa^îd  Wa- 
hîd-Efendi  à  la  cour  de  Napoléon  I*',  en  1221  de 
l'hégire.  i3o/i. 

i63.^joJ\  cS}y»  «Le  miroir  des  exemples»,  his- 
toire universelle,  par  Sa^îd- pacha  de  Diarbékir. 
6  volumes  parus.  Chez  Kirkor-Éfendi ,  à  la  librai- 
rie ^Açr.  i3o/i-i3o5.  Prix  de  chaque  volume: 
1  o  piastres. 

164.  >iL^V\j-j&uL*  «Les  hommes  célèbres  de 
l'islamisme»,  de  Hamîd  Vehbî-Efendi.  Imprimerie 


402  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

Mihran.    i3o4-i3o5.   Prix   de   chaque   fascicule: 
2  piastres. 

Ii2.  —  Les  fils  dlsfendiâr,  princes  de  Sinope  et 
de  Kastamouni.  43.  —  'Abou  l-^Abbâs  Safïah.  44- 
—  Suléïmân  ben  *Abd-el-Mélik ,  khalife  oméyyade. 
45.  —  L'imam  et  poJygraphe  Soyoûti. 

Pour  les  numéros  précédents,  voir  Bibliographie  ottomane, 
mai-juin  i885,  p.  427,  n**  234»  et  1887,  n*  2o3. 

i65.  J^-»âÂ*  (c  Le  détaillé»,  histoire  de  TËmpire 
ottoman  et  des  temps  modernes,  par  Ahmed  Mi- 
dhat-Efendi,  3®  volume.  i3o5. 

Voir  Bibliographie  ottomane ,  1887,  n"  2o4- 

166.  <uL>\ww\  cA«  «La  nation  juive»,  histoire 
du  peuple  dlsraël.  1  3o5. 

Forme  le  66*  volume  de  la  bibliothèque  d'Abou  z-Ziyâ. 

167.  t-Mj-*^  *^y  «La  noble  nativité»,  panégy- 
rique et  biographie  du  Prophète,  en  vers  turcs,  par 
Hâdji  ^Osmân  Sérâdj-uddîn-Efendi  d'Erzeroum. 
Chez  les  libraires  de  la  mosquée  de  Bayézid.  i3o5. 

IV 

SCIENCES  DIVERSES. 

168.  cAj^  ^1j\  «Démonstration  des  mélodies», 
traité  relatif  à  la  musique  (plaquette  de  Sa  pages), 
par  le  flûtiste  Mohammed  Kiâmi-Éfendi.  Imprimerie 
de  Djémâl-Efendi.  i3o4.  Prix:  100  paras. 

L'auteur,  renonçant  à  la  méthode  européenne  de  notation 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  463 

de  la  musique  et  revenant  à  l'ancienne  tradition,  indique 
pour  chaque  mode  ou  ton  les  notes  qui  le  composent.  Les 
deux  dernières  pages  sont  consacrées  à  une  synonymie  turque- 
française  (le  français  en  caractères  turcs). 

169.  ^y^  ;^\jPyju*»\  «Le  professeur  de  sténo- 
graphie »,  cours  de  tachygraphie  appliquée  au  turc, 
par  Nâdji-Efendi,  directeur-adjoint  à  la  Cour  des 
comptes.  i3o5. 

170.  vl^J  J!^  ^j!  «-*^*^  V^  ^j^  ^^* 
a  Quelques  questions  et  réponses  sur  les  armes  à  feu 
employées  dans  la  marine  ».  Imprimerie  du  Ministère 
de  la  marine.  1  3o5. 


171.   Ovii^A^  jy^  '^'^kicA  jy^\  «  Principes  de 

l'amélioration  et  de  la  multiplication  des  animaux  », 
par  le  lieutenant-colonel  Husni-bey,  professeur  de 
chirurgie  vétérinaire  à  TEcole  de  médecine.  i3o5. 

'7^-  i^J*  (J^^^^  Oy^  «Principes  de  diagnos- 
tic » ,  traduit  du  français  du  D""  Racle ,  niédecin 
des  hôpitaux  de  Paris,  professeur-adjoint  à  TÉcole 
de  médecine,  par  le  D'  Féïz-UUah-bey,  colonel, 
membre  de  la  Société  impériide  de  médecine,  pro- 
fesseur de  pathologie  interne  à  TEcole  de  médecine 
militaire ,  et  de  clinique  interne  à  l'Ecole  de  médecine 
civile.  Avec  99  ligures.  Chez  Ohannès  Férîd-Efendi. 
i3o5.  Prix:  35  piastres. 

173.  OïuU>\  i^JuXS^jyJ\  «Principes  de  la  véri- 
fication des  constructions ,  en  ce  qui  concerne  lar- 


/t04  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

chitecture  et  les  travaux  publics  » ,  par  le  lieutenant- 
colonel  Tevfiq-bey.  i  3o5. 

1  y  4.  ày^jJJt  J^\  «  Principes  de  géométrie  »,  ex- 
trait des  publications  de  la  Société  d'instruction  F.  I. 
C,   par  Hasan   Fuad  et   Mahmoud  Chevkèt.  En 

2  volumes.  Chez  Qarabet  et  Qaspar.  1 3o5.  Prix  : 
3o  piastres. 

1  y  5.  iui>-\^  ^jS-  fjs\j4\  «  Nosologie  générale  des 
maladies  intenies»,  traduite  par  le  lieutenant-colo- 
nel Huséïn-bey,  directeur  de  TÉcole  de  médecine 
civile  et  professeur  de  nosologie  génénde.  1 3o4. 

1-76.  ^vÂw  C>V-»iô\  «Les  constructions  navales», 
traité  de  lart  de  l'ingénieur  appliqué  à  la  construc- 
tion des  navires,  traduit  de  langlais  par  Muhsin- 
Éfendi,  professeur  à  TÉcole  navale.  i3o4. 

lyy.  f^t^  y  «Le  médecin  à  la  maison»,  par 
le  docteur  Chéref-uddîn-Éfendi.  Paraît  par  fasci- 
cules. Se  trouve  chez  Ohannès-Efendi,  à  la  tête  du 
pont.  Imprimerie  Mahmoûd-bey.  1  3o5. 

lyS.  (Jy^  ^}  ('5)3 J  rJJ3  "^®  raisin  et  la  cure 
par  le  raisin  » ,  brochure  par  le  docteur  Bésîm-*Eu- 
mèr-bey.  i3o5.  Prix:  Ix  piastres. 

1  y 9.  yiJ  «  L'homme  »,  par  Béchîr  Fuâd-bey.  En 

3  fascicules.   Imprimerie   Mihran.    i3o4.  Prix  de 
chaque  livraison  :  5  piastres. 

Forme  les  fascicules  29,  3o  et  3 1  de  la  Bibliothèque  de 
poche.  Voir  notre  Bibliographie  ottomane,  1887,  n*  ai 5. 


BIBLIOGRAPHIE   OTTOMANE.  465 

180.  a^  OW^  oVp\/:i>-\j  OVW  ^\3  «His- 
toire de  Tindustrie ,  des  inventions  et  des  découvertes 
humaines  »,  depuis  la  création  jusqu'en  Tan  de  Thé- 
gire  i3o3,  par  Huséin  Vaçfî-bey  de  Philippopoli. 
Se  trouve  chez  le  cheikh  *AbduHah  Chukri ,  au  ba- 
zar des  graveurs.  Imprimerie  impériale.  1  3o5.  Prix  : 
1 00  paras. 

181.  (wJ«^  ?4jv5  «  Histoire  de  la  médecine  » ,  par 
le  docteur  Huséin  Ramzi-bey,  lieutenant- colonel, 
rédacteur  au  journal  S^âdet.  i**^  volume.  Chez  Qa- 
rabet  et  Qaspar.  1  3o5. 

Première  histoire  complète  de  la  médecine   publiée  en 
turc. 

182.  J^-p*  v-r^  «  La  formation  du  monde  » ,  par 
Ahmed  Rasim-bey.   i364. 

Forme  le  48*  fascicule  de  la  bibliothèque  d'Abou'z-Ziyâ. 

1 83.  <^^J^  ^VlJa.>  «  Applications  techniques  » , 
par  Maqçoûd  Nichân-Éfendi.  Vol.  I  et  II.  Applica- 
tion de  la  science  à  l'économie  domestique  et  aux 
arts  simples,  i  3o5. 

184.  \-ï^\^i».  jAJi=^  «  Abrégé  de  géographie  » ,  par 
Méhémet  Bedr-uddîn-bey.  Chez  Ohannès-Efendi. 
1  3o4. 

i85.  c-^u^'  jô^  «Abrégé  d'arithmétique», 
à  1  usage  des  écoles  rachdiyéh,  par  ladjudant-major 
Tahsîn-Efendi.  2*  édition.  i3o5. 


466  AVRIL-MAI-JUIN  1880. 

186.  Jtï-^j  t?^  J^)f^  «Géographie  phy- 
sique et  politique»,  d après  les  ouvrages  de  Levas- 
seur  et  de  Gortambert,  par  Fazli  Nédjib-Éfendi  de 
Salonique;  contenant  ly  cartes  et  figures.  Ghes 
Arakel.  1 3o5.  Prix  :  3  piastres  et  demie. 

187.  ^jS-  ^Liljis^  <  Géographie  générale  »,  par 
' Abd-ur-Rahmân  Éfendi ,  directeur  de  l'École  impé- 
riale civile.  2*  volume.  Chez  Qarabet  et  Qaspar. 
I  3o4. 

1 88.  J-iâ^  ^Li\yb>-  «  Géographie  détaillée  »  de 
TEmpîre  ottoman ,  avec  des  détails  sur  ses  produc- 
tions agricoles,  industrielles  et  autres,  par  ie  com- 
mandant ^Alî  Çâïb  Éfendi ,  professeur  de  géométrie 
des  écoles  secondaires  militaires.  i3o5. 

189.    C^r^  ^^^Vj  J^  kb^  *^>>-J^  •  l'V 

giène  des  enfants,  ou  Conseils».  i3o4- 

]  90.  9^Uiw\  vpLs^jj>-'  a  Enseignement  profitable 
aux  enfants»,  morale  et  informations  utiles,  histo- 
riettes, contes  moraux,  par  ^Alî  *Irfàn-bey  d*Egriboz 
(Négrepont).  Publié  par  Hilmi-Éfendi ,  à  la  librairie 
générale.  i3o5. 

191.  ^aLo  vjJls^jj>>  ff  L'instruction  pour  les  en- 
fants», sous  forme  de  revue  bi-mensuelle,  par  Mé- 
hémet  Chems-uddîn-bey.  i3o5. 


192.  O^  JûÂ^  «L'hygiène»,  traité  élémentaire 
à  l'usage  des  écoles,  par  Elias  Matar-Éfendi,  profea- 
seur  à  l'École  impériale  de  médecine.  i3oA. 


BIRLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  407 

1 93.  i^}^j^  C^  i2ai>.  a  Leçons  dliygiène  »,  tra- 
duites du  français  par  Djevdet-Ëfendi,  rédacteur  au 
joumd  Terdjamâni  Haq^at  Chez  ArakeL  ]3o5. 
Prix  :  1 00  paras. 

1 9^*  (^y^ \jyM^  «  Les  éclipses  du  soleil  et  de 
la  lune»,  par  Tenseigne  de  vaisseau  Qihni-Éfendi, 
professeur  d'astronomie  et  de  navigation  à  TÉcole 
navsde.  Chez  Ohannès.  i3o4- 

195.  à^JSJb  <i^^^  «Résumé  de  la  géométrie  » , 
par  le  colonel  Méhémet  *Arîf-bey,  aide  de  camp  de 
S.  M.  le  Stdtan.  i3o4. 

196.  ^\j5  ^le^j^j^U  «.dj^  «Les bains  de  mer 
et  l'hydrothérapie  » ,  par  le  Yy  ^Eumèr  Bésim-bey. 
i3o5. 

1 97.  ^^  àoàs^  ^^^-^«^  «  Hygiène  des  dents  »,  par 
le  D'  ^Eiunèr  Bésîm^bey.  i3o4.  Prix  :  5  piastres. 

1 98.  c->\-u*^  ^Ji^j  *  ^^  guide  de  l'arithmétique  », 
par  ^Abd-ul-^Âziz-Éfendi ,  professeur  à  Técole  Téraqqi 
(le  Progrès)  de  Salonique.  Chez  Arakel.  i3o4*  Prix:^ 

3  piastres  et  demie. 

• 

1 9*9.  yA-  J^*e**^  c5^^  •  Guide  de  Tinspection  des 
viandes»,  manuel  de  Imspecteur  de  la  boucherie, 
par  M.  Villain,  vétérinaire  en  chef,  inspecteur  des 
boucheries  et  abattoirs  de  Paris,  traduit  en  turc  par 
le  lieutenant-colonel  vétérinaire  Huséin  Husni-bey. 
Chez  Ohannès  Férid-Éfendi.  1 3a5. 


468  AVRIL-MAI-JUIN  1889^ 

2  00.  ^s^yj)  «Zootechnie»,  élève  des  animaux 
domestiques ,  traité  pratique  de  zoologie  à  lusage  des 
agriculteurs,  par  le  D""  Huséin  Ramzî-bey,  profes- 
seur de  zoologie  dans  diverses  écoles  de  TEtat.  1 3o5. 

201.  a^wU*»  «Annuaire»  de  TEmpire  ottoman 
pour  Tannée  de  l'hégire  i3o4;  rédigé  par  les  soins 
du  Ministère  de  l'instruction  publique.  4 2*  année. 
Petit  in-8°.  469  p.  Imprimerie Mahmoûd-bey.  i3o4. 
Mx  :  1  5  piastres. 

202.  A-»vjuLw  «Annuaire»  de  TEmpire  ottoman 
pour  Tannée  de  Thégire  i3o5  ;  publié  par  les  soins 
du  Ministère  de  Tinstruction  publique.  43"  année. 
Petit  in-8°.  387  p.  Imprimerie  Mahmoûd-bey.  1 3o5. 
Prix  :  i  o  piastres. 

203.  ^5jCLp  a^Uu*»  «Annuaire  militaire»  pour 
Tannée  i3o5,  publié,  pour  la  première  fois,  sous 
les  auspices  du  Séraskiérat.  -789  p.  Imprimerie  du 
Djéridi-i  ^Askériyé.  1 3o5. 

Personnel  des  armées  de  terre  et  de  mer;  médai&es  in- 
stituées par  la  Sublime-Porte;  figures  des  drapeaux  et  pavil- 
lons ottomans. 

204.  ^^UÀ^.ir,w>j  jiilcA^*^  «L  obésité  et  la  mai- 
greur »,  articles  médicaux  parus  dans  le  journal  Ta- 
rîq  et  réunis  en  brochure ,  par  le  D'  Bésîm  *Eumèr- 
bey,  professeur  d'accouchement  à  TEcole  impériale 
de  médecine.  i3o5.  Prix  :  Ix  piastres. 

205.  r-^î'tJ^  c?\-c^^^^   «L'hygiène  du  mariage». 


BIBLIOGRAPHIE   OTTOMANE.  469 

par  le  D""  Bésîm  'Eumèr-bey.  Chez  Arakel.  i3o4. 
Prix  :  1 3  piastres  et  demie. 

206.  JUL\  fjXJ:!^^^  «Guide  de  Thygiène  infan- 
tile »,  par  le  D"^  Bésîm  ^Eumèr-bey.  Avec  /i5  figures 
la  plupart  en  couleur.  i3o/i.  Prix  :  i5  piastres. 

207.  J->-j->-  —  ^  —  ^^  ^y=^^^  ^^  c?^^'^^^^ 
«  L'hygiène  de  la  famille ,  ou  le  père ,  —  la  mère 
—  Tenfant»,  par  le  D''  Bésîm  ^Eumèr-bey.  i3o4. 
Prix  :  relié ,  1 6  piastres. 

208.  C^u>^  w?  «La  lumière  et  la  chaleur», 
traité  de  physique,  par  Nédjib  *Açim-Efendi.  1  3o4. 

Forme  le  Sg*  fascicule  de  la  bibliothèque  d'Abou'z-Ziyâ. 

209.  Op^  «  Le  plaisir  »,  traité  scientifique,  par 
le  médecin  Huséïn  Khoulqî-bey.  Chez  Qarabet  et 
Qaspar.  i3o4. 

210.  »Jui.»  APyc^  <3lJ  «  Le  recueil  utile,  avec 
su|)plément  » ,  traduit  par  Ahmed  Hamdî-bey,  fils 
d'^Alî  Nédjîb-Pacha.  2'  édition.  Chez  Kirkor-Efendi. 
i3o5. 

211.  ^ui>-\^  cHy  r  "  Pathologie  interne  » ,  tra- 
duite sur  la  version  française  de  Touvrage  allemand 
de  Stranbell ,  par  Féïzi-bey,  professeur  à  TEcole  de 

médecine.  1*' volume  :  bSV:w  aJuji  ^Jâ^y^  «Les  ma- 
ladies infectieuses  aiguës  ».  A  la  librairie  Vatan.  1 3o5. 
Prix  :  20  piasftres. 


470  AVRIL-MAI-JUIN   1889. 

2  12.  c-jUm^  \p'  (SJ^j  À^  «Arithmétique  théo- 
rique et  pratique  » ,  par  le  colonel  d'état-maj  or  Ahmed 
Chukri-bey,  directeur  des  études  de  TÉcole  militaire. 
2"  édition  augmentée.  Chez  Arakel.  i3o5.  Prix  : 
1  o  piastres. 

2 1 3.  Jl.i.A-A.iaJ  c->L.^i>*  ip  ^J^J  (J-^  "  Applica- 
tions théoriques  et  pratiques  de  Tarithmétique  » ,  com- 
plément du  numéro  précédent,  par  le  même  auteur. 
219  p.  Chez  Ohannès-Efendi.  i3o5.  Prix  :  relié, 
1  o  piastres. 

21/i.    o\^j^\  à^.jjJ'  «Traité   complet   de   lallai- 

tement  »  au  point  de  vue  du  droit  canonique  mu- 
sulman, par  le  moUa  Mohammed  Émîn-Efendi 
d'Eski-Chéhir,  nâib  (substitut  du  juge  religieux)  de 
Kutahiyyé.  Chez  Sa^îd-Efendi ,  au  bazar  des  gra- 
veurs. 1 3o/i. 

21 5.  J^jty  ^}f^^^J  ^»Jb\i  «Les  jeux  utiles  et 
amusants  ».  i**  partie  :  tu\^  «  le  jeu  de  dames  ».  Chez 
Arakel.  i3o5. 

216.  \s_f^  3^J^  ^y  «La  chirurgie  militaire», 
traduit  du  français  du  D"*  Odet ,  officier  de  santé  de 
larmée  française,  médecin  de  TEcole  de  Saint-Cyr, 
par  le  D""  Qâsim  ^Izz-ud-dîn ,  professeur  adjoint  de 
pathologie  externe  à  l'Ecole  impériale  de  médecine. 
i3o5. 

217.  CJ^^  «Vi-  «  La  mort  subite  » ,  traité  médical, 
traduit  en  turc  par  le  D""  Weissmann,  memblre  de 


BIBLIOGRAPHIE   OTTOMANE.  471 

la  Société  de  ia  croix  blanche  dltalie.  i3o5.  Distri- 
bué gratuitement. 

218.  (j^W  /f^"^  ^y  «  Gournah  et  le  sergent 
Fad^am  » ,  description  de  certains  endroits  du  bas 
Euphrate  et  du  Chatt-el-*Arab ,  par  l'adjudant  de 
marine  Suléïmân  Noutqî-Efendi.  Petit  in-8°.  5o  p. 
Imprimerie  Mahmoud -bey.  liolx-  Prix  :  2  pias- 
tres. 

Renseignements  géographiques,  détails  de  mœurs,  scènes 
populaires ,  etc. ,  présentés  sous  la  forme  d'une  nouvelle. 

2\Q,  jyJypaLe  pigeon  messager»,  traité  de 
remploi  des  pigeons  voyageurs  à  la  guerre ,  par  le 
capitaine  Nédjîb-Éfendi,  professeur  de  français  à 
rÉcole  secondaire  militaire  de  Top-tâchy.  1 3o4- 

220.  C^  àA^  «  Bibliothèque  de  la  santé  » ,  pu- 
bliée par  le  D''  Utudjian-Éfendi,  médecin  du  Palais 
impérial ,  propriétaire  du  journal  Çihhat  «  la  Santé  ». 
3  fascicules  parus.  i3o4-i3o5. 

221.  o\-i/«  Le  vérificateur  » ,  traité  de  ia  véri- 
fication appliquée  à  fart  de  farchitecte  et  aux  tta- 
vaux  de  construction ,  par  Huséïn  Rizâ-bey,  colonel 
d'état-major.  Chez  Ohannès-Éfendi,  à  la  hbraîrie 
Vatan,  i3o/i. 

222.  Ji  uîlJU^b^  «  L'art  du  marin»,  traduit  de 
langlais  (du  Livre  du  Marin  illustré  par  Tamiral  Na- 
pier)  parle  contre-amiral  Haqqî-pacha,  aide  de  camp 


472  AVRIL-MAI-JUIN   1889. 

de  Sa  Majesté  Impériale,  membre  de  la  commission 
d'inspection  militaire.  i3o5.  Prix  :  i^S  piastres. 

2  2  3.  Wm*^  <A>-j$«  Petite  géographie»  à  Tusage 
des  enfants  et  des  commençants,  traduite  par  ^Alî 
Nazîmâ-bey.  Imprimerie  de  la  société  Murèttibiyé. 
i3o5.  Prix  :  6o  paras. 

2 2 4.  ^y^àj^^y^  ^j^Ç^^  La  poste  aux  pigeons  », 
traité  technique,  par  Nédjîb  *Açim-bey,  capitaine 
d'infanterie,  professeur  de  français  des  écoles  secon- 
daires militaires.  i3o5. 

2  2  5.  ^sy\  ^-^^  "  Dictionnaire  deRamzi  »,  expres- 
sions arabes  et  persanes ,  termes  techniques  des  scien- 
ces et  en  particulier  de  la  médecine  et  du  droit ,  par 
Huséin  Ramzî-Efendi.  Vol.  I,  91 5  p.  et  2 4o  figures. 
A  la  librairie  Émânet  «  la  Confiance»,  au  bazar  des 
graveurs.  i3o5.  Prix  :  relié,  Ix'j  piastres. 

L'ouvrage  sera  complet  en  deux  volumes. 

226.  ^  vjiorJC  (J.^».u-*  «Questions  scientifiques 
résumées  »,  traduites  par  Fazlî  Nédjîb-Efendi.  i3o4. 

Forme  le  Sa*  fascicule  de  la  Bibliothèque  cFAbou'z-Ziyé. 

227.  Vj\^i5w  ^9  ^A^  «Principes  de  la  géogra- 
phie »  à  lusage  des  écoles  primaires  musulmanes , 
par  Méhémet  Chevqî-Efendi ,  capitaine  d'état-major. 
i3o5. 

228.  c->w>-  W  àfiy^  «  Recueil  d'arithmétique  » , 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  473 

par  le  colonel  *Arîf-bey,  aide  de  camp  de  S.  M.  le 
Sultan.  Chez  Arakel.  i3o/i.  Prix  :  lO  piastres. 

229.  iSj^  ^J^  *^  Le  moteur  marin  »,  emploi  des 
vagues  de  la  mer  comme  force  motrice,  avec  figures, 
par  Yousof  Elyâs-Efendi ,  ingénieur  en  chef  de  la 
province  du  Liban.  1 3o5. 

Le  texte  français  de  cette  brochure  a  paru  en  même  temps. 

280.  ^^-tr^i^  j4.l>j.vax<  «Abrégé  dîiistoire  natu- 
relle » ,  adopté  pour  renseignement  à  Thospice  hàr- 
Uch-Chéfaqay  par  le  lieutenant-colonel  D""  Huséïn 
Ramzî-bey.  i3o5. 

28 1.  ^^  ^^VjLbw  wyaxsi  «  Abrégé  de  la  géogra- 
phie ottomane  » ,  par  M.  J.  Lapierre ,  professeur  au 
lycée  impérial  de  Galata-Séraï ,  traduit  en  turc  par 
Méhémet  Zékî-bey  et  Moûsâ  Kiâzim-bey.  1 3o/i. 

282.  usKÂ>-  v^ô:^  «  Géographie  abrégée  »,  par  le 
colonel  Suléïmân  Chevket-bey.  2*  édition,  entière- 
ment refondue.  Chez  Arakel.  Imprimerie  de  la  so- 
ciété Murèttibiyé,  i3o4.  Prix  :  2  piastres. 

233.  ul?\  »jLl>.j\ju  «Aide-mémoire  des  méde- 
cins » ,  vade-mecum  du  médecin-accoucheur,  avec 
des  renseignements  sur  toutes  les  maladies  externes 
et  internes ,  par  le  colonel  D'  Entranîk-bey,  profes- 
seur de  physiologie  à  l'Ecole  de  médecine;  ouvrage 
orné  de  plus  de  1,200  figures.  Forme  environ  120 
fascicules  de  16  p.  chacun.  Chez  le  gardien  du  mu- 

XIH.  3l 


iMfmvrR:!:  s4Tia\*ii 


474  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

sée  de  l'Ecole  de  médecine,  Méhémet-Efendi.  i3o5. 
Prix  de  chaque  livraison  :  60  paras. 


<it  » 


234.  (jv^*  (jtî-'*«-^j— •  j v-v^-*  «Les  fondateurs  des 
sciences;  ouvrage  illustré  »,  biographie  des  inventeurs 
et  des  savants  célèbres,  rangés  par  ordre  alphabé- 
tique, par  ^Eumèr  Çubhî  et  Méhémet  Noûrî.  Vol.  I. 
Chez  Qarabet  et  Qaspar.  1 3o5. 

2  35.  ^j^^\jft^  àJ^.tJS'  «iULc  Jb-ii^  «  Géographie 
détaillée  de  TEmpire  ottoman  » ,  par  Méhémet  Chèv- 
kèt-bey  d'Andrinople.  Chez  Kirkor-Efendi,  à  la  li- 
brairie "^Açr.  i3o/i.  Mx  ;  8  piastres. 

236.  ijj\-»^  ^j  i^J^  Cj>\^J^  «  Éléments  de  la  mé- 
decine et  de  la  thérapeutique  »,  parle  ET  Munîr-bey, 
adjudant-major,  professeur-adjoint  à  TÉcole  de  mé- 
decine militaire.  —  1°  J^JU  «  Introduction  ».  Prix  : 
10  piastres.  —  2°  Vol.  I.  -7 1 4  p.  et  4 1  figures. 
FVix  :  2  5  piastres.  Chez  Ohannès  Férîd-Efendi. 
i3o5. 

237.  Jh^J^  à^jJu^  «Introduction  à  l'analyse», 
précis  élémentaire  d'analyse  des  falsifications,  par  le 
major  ^Eumèr-bey,  professeur-adjoint  de  chimie  à 
l'Ecole  de  médecine.  i3o5. 

2  38.  Oljd^  oViiC»  «Les  stupéfiants  et  les  bois- 
sons enivrantes  » ,  par  le  D'  Bésîm  ^Eumèr-bey^  pro- 
fesseur-adjoint d'obstétrique  à  l'Ecole  de  médedne. 
—    i'*'  partie  :   ^^y   «Le  tabac».  —   a*  partie  : 


BIBLIOGRAPHIE   OTTOMANE.  475 

(5V>-j  vu^\yAf\  ^J^\  «L*opium,  le  hachich,  le  café 
et  le  thé».  Chez  Arakel.  i3o/i-i3o5. 

289.  <^  ^^  «  Conversation  scientifique  »  à  iu- 
sage  des  commençants,  par  Huséin  Husnî-Efendi. 
i3o5. 

21x0.  oV^otAAL  c-aî\ju  «Les  vertus  des  choses  na- 
turelles», par  Méhémet  Rirat-bey  de  Monastir, 
lieutenant-colonel  d'état-major.  —   1"  partie  :  Caa) 

i  ai  «  La  maison  civilisée  » ,  description  des  mœurs 
des  animaux  domestiques ,  mise  à  la  portée  de  tout 
le  monde.  Imprimerie  Mihran.  1  3o/i.  Prix  :  5  pias- 
tres. 

2 /il.  ^t^j  clL*;ju^  «Le  compagnon  de  fingé- 
nieur  »,  traité  des  progrès  de  la  science  des  construc- 
tions navales,  par  ladjudant  de  marine  Suléïmân 
Noutqî-Éfendi.  i3o5. 

242.  j^y^^  ùj^  **^^  balance  des  âmes»,  traité 
d'oniro critique ,  par  Hâfiz  Kholoûçî-Efendi,  pro- 
fesseur à  Tuniversité  de  Bayézîd.  Librairie  Emânét, 
au  bazar  des  graveurs.  i3o5.  Prix  :  5  piastres. 

2/i3.  <-ri)j*^*  '*Le  microbe»,  sur  les  infiniment 
petits  et  le  traitement  de  la  rage  d'après  la  méthode 
de  M.  Pasteur,  avec  figures.  Chez  Ohannès-Efendi. 
i3o5.  Prix  :  "7  piastres  et  demie. 

244.  (Sj^  V/*"  lT*  ôy^  y  «  Nouvelle  tactique 
navale  » ,  ouvrage  mis   au  courant  des  progrès  de 

3i. 


476  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

la  science,  par  le  contre-amiral  Méhémet-pacha 
d'Aq-Sérâï,  président  de  la  commission  technique 
du  Ministère  de  la  marine.  4oo  p.  et  82  planches. 
Imprimerie  ^Osmâniyyéh.   i3o4.  Prix:  5o  piastres. 

245.  ^y^  àjay  «Le  professeur  de  musique  no- 
tée » ,  principes  de  la  musique  turque  notée  à  l'euro- 
péenne, par  Hâdji  Emîn-bey,  imprimeur  et  graveur 
de  musique.  —  On  vend  séparément  des  chansons 
turques  notées  de  Rirat-bey,  1"  muezzin  du  Sultan, 
de  Chevqî-bey,  de  feu  Hâdji  ^Arif-bey,  etc. ,  avec  un 
accompagnement  de  piano.  —  Imprimerie  Zarta- 
rian.  i3o/i.  Prix  :  12  piastres. 

2 46.  ouV\  uSuhj  «Les  devoirs  des  femmes», 

économie  domestique,  éducation  des  enfants,  etc. 
Chez  Arakel.  i3o/i.  Prix  :  5  piastres. 

2/17.  j-jo\jb  j^JS  \S(^  fj,-^„  «La  foudre  et  les 
moyens  de  s  en  défendre  » ,  traité  du  paratonnerre , 
par  Méhémet  Chevqî-bey,  fils  de  Guendj  Ahmed-pa- 
cha, capitaine  d'état-major.   i3o5» 

V 

LINGUISTIQUE,  RlÉDACTION ,  GRAMMAIRE. 

2/18.  \^^^  ij^^^J  ^  ^y\  M^^  (j**^  *  Le  prin- 
cipe des  sciences ,  ou  Table  de  la  traduction  du  Bina  » , 
tableau  des  principes  de  la  grammaire  arabe ,  suivant 
la  traduction  turque  du  Bina,  par  Çafvèt-bey.  Prix  : 
Ixo  paras. 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  477 

ilig-  *-r^Ji  W*-^  J^'  «Principes  de  la  ponc- 
tuation et  de  la  distribution  (des  membres  de  la 
phrase)  »,  par  Ch.  Sâmi.  i3o4.  Prix  :  5  piastres. 

Forme  le  Sa"  fascicule  de  la  Bibliothèque  de  poche. 

2  5o.  j^^^  ôy^^  ^jt"^^  «Principes  de  rensei- 
gnement de  la  langue  an^aise».  i3o5. 

2  5i.  jVj^^i  «Lis  et  écris!»  poème  didactique 
de  4oo  vers,  pour  apprendre  Tarabe  et  le  persan, 
par  feu  Abou-Naçr  Férâhi ,  traduit  en  turc  par  Ibra- 
him Haqqî-Efendi ,  traducteur  du  journal  la  Tur- 
quie, suivi  de  quelques  ghazèls  en  turc.  i3oA.  Prix: 
5  piastres. 

262.  à^\f-  0\ij^  «Les  conjugaisons  arabes», 
grammaire  arabe  facile  à  l'usage  des  enfants,  par 
Sami-bey.  Chez  Qarabet  et  Qaspar.  i3o4.  Prix  : 
1  00  paras. 

2  53.  ^ysP'  ^uJ  oVÂjj-»â5  «  Les  conjugaisons  de  la 
langue  turque»,  diverses  questions  s  y  rattachant, 
par  Suréyyâ-Efendi ,  ancien  membre  du  Conseil  de 
l'instruction  publique.  1  3o4.  Prix  :  3  piastres  et  de- 
mie. 

254.  <i-î-^V\  (Ja^Iïï  «Application  des  langues», 
éléments  de  la  grammaire  arabe,  persane  et  turque, 
par  ' Abdullah  *Avnî-Efendi ,  professeur  de  persan  à 
l'école  préparatoire  de  Qouléli.  a*  édition.  i3o4. 
Prix  :  2  piastres. 

2  55.   jUJJ\  ^A^  «  La  langue  rendue  compréhen- 


478  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

sible  » ,  par  Méhémet  Mozafifèr-bey,  rédacteur  au  bu- 
reau de  traduction  de  la  Sublime-Porte.  1 3o4. 

2  56.  j\i:;^\  t5-^W*  «y*"^  i^vjJ^  v"*!^  «  Transfor- 
mation des  mots,  ou  Principes  de  dérivation»,  par 
Ibn-ur-Réchâd  ^Alî  Férroukh-bey.  i3o4. 

257.  ijyy^\f  c?^'  ^*^  «  Nouvel  alphabet  fran- 
çais »,  par  *Abd-ul-Kérîm  Nâdir-bey.  1 3o5. 

2  58.  JU>^i  j\-*>^  «  La  beauté  de  la  concision  », 
exposé  succinct  des  règles  de  la  grammaire  persane, 
par  Nazîf-bey,  employé  au  bureau  du  référendaire 
du  Divan  impérial.  i3o/i.  Prix  :  2  piastres. 

2^9-  (5^  S-^  «Dictionnaire  de  poche»  fran- 
çais-turc ,  rédigé  par  W.  Wiesenthal ,  avec  Taide  de 
Sa^îd-bey,  conseiller  d*Etat,  Râsim-pacha,  Khàled, 
Ahmed  Djevdet,  Hoséïn  Khoulqî;  revu  et  corrigé 
par  S.  A.  Ahmed  Véfîq-pacha.  Petit  in-8",  1216  p. 
En  80  livraisons.  Chez  Qarabet  et  Qaspar.  i3o5. 
Prix  :  relié,  20  piastres. 

260.  ^wj^  ^}^y^  **  Leçons  aux  enfants  »,  leçons 
de  lecture,  par  Mohammed  Chems-uddîn-Efendi. 
i^  partie  :  \j^\  «  Le  commencement».  i3o4.  Prix  : 
l\o  paras. 

261.  pjajj.^  Vy^  l^*^^>^  «Mes  modèles  de 
lettres  pour  les  enfants»,  traité  de  style  épistolaire 
élémentaire,  à  Tusage  des  écoles  primaires,  par 
Edhèm  IsmâMi-Efendi,  ancien  professeur  des  écoles 
de  Salonique.  Chez  Arakel.  i3o5.  Prix  :  2  piastres. 


BIBLIOGRAPHIE   OTTOMANE.  479 

262.  ^  jj^y  iU9^A>-  «  Quintessence  des  com- 
mentaires » ,  par  le  moUa  Khalîl  Es^ad-Efendi ,  élève 
de  l'école  des  nâibs ,  fils  d'^Alî  Rizâ-Efendi ,  président 
du  tribunal  civil  d'Alep.  Chez  Hâdji-Châkir,  au  ba- 
zar des  graveurs.  Imprimerie  Mahmoûd-bey.  i3o5. 
Prix  :  20  piastres. 

Leçons  extraites  de  Djâmi ,  Chéïkh  Rizâ,  Izhàr,  Adaly,  etc. , 
sur  la  grammaire. 

263.  f^/yy^.  iSjt^  «Les  archives  de  Khaïrî- 
bey  »,  recueil  de  noms  et  surnoms  à  donner  aux  en- 
fants musulmans,  par  Suléïmân  Khaïrî-bey,  adjoint 
à  la  direction  générale  des  contributions  indirectes, 
i  3o4. 

Destiné  à  servir  de  hirih-hook  ^o\xt\^%  familles  musulmanes. 
Les  noms  et  surnoms  donnent  la  date  de  la  naissance  de  l'en- 
fant par  le  calcul  de  YAhdjed, 

264.  à^y^  \i\  ÏA^jiSù  «  Catalogue  de  la  Biblio- 
thèque de  Sainte-Sophie  »  (rédigé  par  Mirza  Habîb- 
ul-Içfahâni).  1  vol.  grand  in-8°.  SgS  p.  Imprimerie 
Mahmoûd-bey.  i3o4. 

265.  ^y^y^JsJbJ  «  Le  guide  des  enfants  »,  méthode 
facile  pour  apprendre  à  écrire  le  riq^a,  par  'Izzet- 
Efendi ,  professeur  de  calligraphie  au  lycée  impérial 
de  Galata-Séraï.  En  1  o  cahiers.  Imprimerie  ^Osmâ- 
niyyéh.  1  3o5.  Prix  de  chaque  cahier  :  3o  paras. 

266.  <^J  (Jy^j  «Le  guide  de  la  traduction», 
art  de  faire  des  versions  du  turc  en  français  et  vice 
versa,  par    Kh.  Simonian,  élève  diplômé  du  lycée 


480  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

impérial  de  Galata-Séraï.  Chez  Arakel.  i3o4.  Prix  : 
5  piastres. 

267.  jV^Vi  isJbj  «La  quintessence  de  Ylzhân»^ 
traduction  turque  abrégée  de  Ylzhâr  «  démonstra- 
tion». Chez  Kirkor,  librairie  de  TEpoque.  i3o4. 

Sur  ce  célèbre  traité  de  la  grammaire  arabe  par  Bighéwî, 
on  peut  consulter  Hadji-Khaifa ,  t.  I,  p.  346,  n*  886,  et 
Zenker,  t.  I,  p.  19,  n**  i3i  et  suivants. 

268.  f^'j  3^'  *^  «La  crème  des  significa- 
tions et  de  la  position  »,  traité  de  rhétorique,  par 
Ahmed  Fà'ïq-bey,  greffier  à  la  chambre  des  mises  en 
accusation.  Chez  Qarabet  et  Qaspar.  i3o4. 

269.  J^\j9  ^)yr-j  j)^  «Questions  et  réponses 
sur  les  règles  »  de  la  langue  ottomane,  par  Kémâl- 
Éfendi,  élève  de  TEcole  préparatoire  civile.  i3o5. 

2-70.  ^  *  »  ^i)J^J  ^^i-»-^  ^\)y^  aiwair^Bj^Ap 
«  Le  bouquet ,  avec  supplément  :  correspondances 
officieUes  et  autres»,  modèles  de  pièces  judiciaires 
et  administratives,  en  riq^a,  divâni  et  taHiq,  par 
Mihrî-Efendi ,  employé  au  bureau  de  traduction  et 
de  correspondance  étrangère  du  Séraskiérat.  2A8  p. 
Imprimerie  Zellich.  i3o4.  Prix  :  5  piastres. 

Les  deux  dernières  pages  sont  consacrées  à  del  modules 
de  cachets  turcs,  au  nombre  de  80. 

271-  (^^'^y  cJuaJ\  kyS-  Traduction  (turque) 
de  Touvrage  intitulé  :  Ghunyèt  ut-Tâlib  ou  Minyèt  nr- 
Râghib  de  feu  Ahmed  Fârès-Éfendi  (Chidyâq),  par 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  481 

Chukrî-bey,  directeur  de  1  école  préparatoire  Mnl- 
kiyè.  Chez  Qarabet  et  Qaspar.  i3o5.  Prix  :  y  pias- 
tres et  demie. 

Le  traducteur  ne  s'est  occupé  que  de  la  partie  consacrée 
au  nahv  (syntaxe). 

272.  t->Uj>-V\  j^^  (^xjoJs^^  j>-<aJ  «Conclusion 
amicale  d'une  discussion  » ,  sur  la  signification  des 
deux  synonymes  Jif-  et  Ji^ai ,  par  Mohammed  Béchè- 
nek  ben  Moçtafa-Éfendi ,  traduit  en  turc  par  Zihnî- 
Efendi.  i3o5. 

273.  (j^j*^  «L'océan»  de  la  langue  arabe,  par 
Fîroûzâbâdî.  Nouvelle  édition ,  corrigée  par  une  so- 
ciété de  professeurs  des  universités  musulmanes. 
Imprimerie  *05md/»jjè/i.  i3o5. 

274.  (yy^y  iS^^^J  O^y^  «L océan,  traduc- 
tion tiu'que  du  Qâmoûs  » ,  par  *Açim-Efendi.  Nou- 
velle édition  en  quatre  volumes  ;  le  texte  est  imprimé 
en  petites  lettres  de  1 2  points ,  par  les  soins  du  contre- 
amiral  Eyyoub  Çabrî-pacha.  2  volumes  parus.  Im- 
primerie du  Ministère  de  la  marine.  i3o5.  Prix  : 
6  medjidiés  d'argent. 

275.  ov>.!iMa^\  ^juy.vi  «  Dictionnaire  des  termes 
techniques»,  par  Fevzî-Efendi  de  Maghnîsa.  i3o4. 

276.  f»^V\  fj^y^  «  Dictionnaire  des  noms  pro- 
pres »,  par  Ch.  Sâmî-bey,  ouvrage  contenant  les  noms 
de  la  géographie  et  de  l'histoire ,  et  en  général  tout 
ce  qui  a  rapport  à  l'histoire  et  à  la  géographie  de 


482  AVRJL-MAI-JUIN  1889. 

l'Orient  et  de  rOccident.  Par  fascicules  de  1 6  p.  Im- 
primerie Mihran.  i3o5.  Prix  de  chaque  fascicule  : 
6o  paras. 

277.  ^^<^:f>J  ^U\  vXwiâi  «Traduction  de  iode 
des  Dictées  »,  en  vers  turcs,  par  Hâfiz  Réff-Éfendi, 
professeur  au  lycée  impérial  de  Galata-Séraï.  Chez 
le  cheikh  ^Abdullah  Chukrî ,  au  bazar  des  graveurs. 
i3o5. 

278.  (jy^\ji  fyy-^^  <^X>-^J«  Petit  dictionnaire 
français  »  expliqué  en  turc ,  par  Sâmî-bey,  Béchîr 
Fuad,  Nâdir-Efendi,  etc.  65 1  p.  Imprimerie  Mih- 
ran. i3o4.  Prix  :  cartonné,  3o  piastres. 

Abrégé  du  dictionnaire  français-turc  de  Sâmî-bey  signalé 
dans  noire  Bibliographie  ottomane ,  ]885,  n*  376. 

279.  J^jiOf  ^ji-  jUJ  «  Grammaire  de  la  langue 
universelle»,  manuel  du  Volapûk.  i3o5.  Prix: 
3  piastres. 

280.  ^\x^  C^  J^Lj^  ru^-w\  oUl  «Diction- 
naire ottoman ,  présentant  en  supplément  les  mots 
étrangers».  9*  édition.  i3o5.  Prix  :  17  piastres. 

281.  OoM  1 JU^  «  Principes  de  lecture  » ,  par  *Abdî 
Kiâmil-Efendi ,  directeur  de  f  école  Chems-aUm^ârif, 
2"  partie.  i3o4. 

282.  f^y*^  «Le  traducteur»,  recueil  de  mor- 
ceaux choisis  et  traduits  de  l'arabe ,  du  persan  et  du 
français,  avec  des  parallèles  et  des  observations,  par 
Mu'allim  Nâdjî.  i3o4.  Prix  :  10  piastres. 


j^- 


BIBLIOGRAPHIE   OTTOMANE.  483 

283.  ;j-J^  ^^  «  Le  code  4ps professeurs  »,  guide 
pratique  des  professeurs  des  écoles  primaires  et  se- 
condaires, par  Emr-Uiiah-Efendi ,  élève  diplômé  de 
rÉcole  civile  d'administration ,  directeur  de  Tinstruç- 
tion  publique  à  Ssdonique.  En  fascicules  paraissant 
tous  les  quinze  jours.  Salonique.  i3o4. 

284.  ^  lJ^j-v^:^  «Grammaire  turque  abré- 
gée »,  par  Ahmed  Râsim-bey,  professeur  à  Técole  Ca- 
mondo.  Forme  la  i"*  partie  dune  publication  en 
3  volumes  sur  la  grammaire  turque.  1 3o3. 


285.  à:Ly^jJfjiû:^  «Le  bouquet,  abrégé»  par 
Mihrî-Efendi ,  employé  au  bureau  de  traduction  du 
Séraskiérat;  rédigé  conformément  aux  règles  du  style 
moderne;  et  tracé  en  caractères  ricfa^  taliq  et  di- 
vâni,  In-8°,  80  p.  Chez  Ohannès-Efendi.  i3o4. 
Prix  :  100  paras. 

Manuel  de  style  épistolaire  et  modèles  d'actes  de  toute 
nature.  Voir  ci-dessus,  n°  270. 

286.  ^V^  jL^j.-yâii^  «La  langue  ottomane, 
abrégée  » ,  à  Tusage  des  écoles  primaires ,  par  *Alî 
Nazîmâ-bey.  Chez  Arakel.  i3o5.  Prix  :  2  piastres. 

Voir  Bibliographie  ottomane,  1 887,  n*  3o5. 

287.  ^"^^  r^  (3  l1  '  rif  «  La  joie  des  hautes 
régions,  commentaire  des  Dictées  y*,  avec  la  traduc- 
tion turque  du  Kitâb  ul-Milèl  w'èn-Nihèl  de  Chah- 
ristânî,  par  le  ly  Noûh-Efendi,  sur  les  maires; 
corrigé  par  le  moUa  Chèhrî  Ahmed  Ràmiz-Efendi. 


484  AVRIL-MÂI-JUIN  1889. 

Chez  Hâdji  Oghlou  Hâfiz  *Euinèr-Éfendi  de  Bazar- 
djyq,  au  grand  bazar.  Imprimerie  Mahmoûd-bey. 
1 3o5. 

288.  jj^-^*^»  rj'^  <3  ci^*""^  rJ^  "^^  j^^®  ^®* 

hautes  régions ,  commentaire  des  Dictées  » ,  traité 
des  dogmes  musulmans ,  conunen taire  du  poème  di- 
dactique «  les  Dictées  »  de  *Aiî  ben  *Osmân  el-Auchî , 
par  *Açim-Efendi ,  traducteur  turc  du  Qâmoûs.  Nou- 
velle édition.  Imprimerie  ^Osmâniyyèh.  i3o4.  Prix  : 
1  o  piastres. 

289.  ^t^  J>^'  ^uift  «Clefs  des  Principes  de 

Tinstruction  » ,  complément  de  la  grammaire  fran- 
çaise du  D' EmiJe  Otto ,  traduite  en  turc  sous  le  titre 
de  Uçoâl-i  talim,  par  feu  Béchîr  Fuad-bey;  corrigé 
des  exercices  de  cette  grammaire.  Chez  Arakel.  1 3o5. 

Voir  Biblioyraphie  ottomane,  1887,  n*  270. 

290.  f^j^  J^\y  juLd  «  Grammaire  persane  utile  » , 
par  Huséïn  Chéfîq-Efendi ,  professeur  de  persan  à 
l'école  secondaire  de  Béchiktach.  2*  édition,  aug- 
mentée. i3o5. 

291.  <-^i  jUJj^  j  (,^^>,^,âJM  «Le  choix  tou- 
chant la  syntaxe  arabe  » ,  traité  de  grammaire  en 
arabe,  par  Zihnî-Efendi ,  professeur  au  lycée  impé- 
rial de  Galata-Séraï  et  à  TEcole  civile  d  administra- 
tion;  revu  par  S.  A.  Ahmed  Véfîq-Pacha.  378  p. 
Imprimerie  de  la  société  iliarèrtifciy^.  i3o4.  Prix  : 
relié,  22  piastres. 


BIBLIOGRAPHIE   OTTOMANE.  485 

«292.  i^j^\  i«)  JLju  j  c.>^^^  j^  c.mâ:^\«  Par- 
ties choisies  de  Touvrage  intitulé  :  El-Montakhab  »  sur 
la  grammaire  arabe ,  par  Zihnî-Efendi.  Chez  Arakel. 
1 3o/i.  Prix  :  1  2  piastres. 

Voir  plus  loin  n°  296. 

293.  à^  ^3)3  ^3)  ^^  OuK»  «Conversations 
turco-grecqnes  et  gréco-turques  » ,  par  Yanko-Efendi 
Miliopoulos ,  employé  au  bureau  de  traduction  de 
l'Administration  des  contributions  indirectes.  i3o5. 

Kl 

29/1.  j^-^  c?W^»  i>*^  «Abécédaire  ottoman 
complet  » ,  exercices  de  lecture  pour  les  enfants , 
par  Tevf îq-Efendi  de Salonique.  Chez  Arakel.  i3o4. 
Prix  :  1  piastre. 

295.  àj^\3  cUwjUr  «Exercices  de  la  langue  per- 
sane » ,  à  l'usage  des  élèves  de  4'  année  du  Dàr  uch- 
Chéfcuja ,  par  Habîb-Éfendi  ( Mîrzâ  Habib  ul-Içfahânî), 
membre  du  Conseil  de  l'instruction  publique;  avec 
la  traduction  turque  des  exemples  cités,  en  regard. 
In-ili,  81  p.  Imprimerie  Mihran.  i3o4.  Prix  : 
2  piastres. 

296.  f^jj^^  i«5  g^  j  c^Aifr*^*  «L'extrait  pour 
l'enseignement  de  la  lexicologie  arabe»,  en  arabe, 
par  Zihnî-Efendi ,  professeur  de  droit  canonique  à 
l'Ecole  civile  d'administration,  et  de  littérature 
arabe  au  lycée  impérial  de  Galata- Serai.  Chez  Ara- 
kel. 1  3o/i.  Prix  :  relié,  3o  piastres. 

Voir  plus  haut  n"  agi  et  292. 


486  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

29-7.  ^^^-^à^^^^^jJi  y£->  «  Traduction  de  la  syntaxe 
arabe  »,  en  turc,  par  Hàdji  Ibrâhîm-Efendi,  profes- 
seur à  l'École  normale.  Chez  Hàfiz  Hasan-Éfendi , 
au  bazar  des  graveurs.  Par  fascicules.  Imprimerie 
Mahmoud -bey.  i3o4.  Prix  de  chaque  fascicule  : 
ko  paras. 

^9^-  ^S^  ^Jp^  J^->^ï ^  «  Nouvelle  grammaire 
ottomane»,  par  Fazlî  Nédjib-Efendi  de  Salonique. 
i3o4. 

Q99.  jUa^I  ^.-J^  «Cadeau  fait  aux  enfants», 
modèles  de  calligraphie,  par  Hâfiz  Réf î*-Éfendî , 
professeur  au  lycée  impérial  de  Galata-Séraï.  Chez 
le  libraire  Yorghi  Kopanari.  1 3o/i. 

3 00.  ^^às^Jft^  ^j  «  Librairie  de  la  Patrie  » ,  ca- 
talogue des  livres  publiés  depuis  lavènement  du 
sultan  actuel ,  qui  se  trouvent  à  la  librairie  d'Ohan- 
nès-Efendi.  1  3o4. 

3o  1 .  ^^  ^^y¥9  jio:^  J^'  (^  «  Nouvelle  gram- 
maire turque  abrégée  »  à  l'usage  des  écoles  primaires, 
par  Ahmed  Râssim-bey,  ancien  employé  du  bureau 
technique  à  l'Administration  des  télégraphes  et  ex- 
professeur à  l'école  Camondo.  Chez  Arakel.  i3o4. 
Prix  :  100  paras. 

VI 

PERIODIQUES. 

3o2.  Aa)^\j\jT  «  Œuvres  littéraires  »,  revue  conte- 
nant les  œuvres  des  élèves  de  l'école  D&r  at-Ta^lim, 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  487 

sous  la  direction  d'El-Hâdj  Ibrâhîm-Efendi ,  profes- 
seur à  la  même  école.  Par  livraisons.  1 3o4.  Chaque 
numéro  :  5o  paras. 

303.  JU^'  «L'illumination»,  revue  littéraire  et 
scientifique  paraissant  tous  les  quinze  jours  et  di- 
rigée par  Suléïmân  Çafvet-bey.  i3o5. 

304.  <i:s^' j5u\  vJys^  «Gazette  des  endroits  hy- 
giéniques » ,  moniteur  des  hôpitaux ,  revue  publiée 
sous  la  direction  de  S.  Exe.  Mavrogéni-pacha ,  mé- 
decin de  S.  M.  le  Sultan ,  et  rédigée  par  les  docteurs 
Yanqo  de  Bâfra,  Huséïn  Khoulqî-bey,  Noûr-ud-dîn 
Mahmoud,  etc.  i3o4. 

305.  ^*A>*  «  Le  jardin  »,  journal  hebdomadaire 
scientifique  et  littéraire,  par  Khalîl  Edîb-bey.  i3o5. 

3 06.  .5^  ^uu^^  «L'école  de  la  sagesse»,  revue 
périodique  dirigée  par  Tahsîn-bey  de  Crète,  em- 
ployé à  la  correspondance  du  Ministère  des  affaires 
étrangères ,  édité  par  Mirzâ  Hâdjî  Rizâ  Qoûlî  Kho- 
rasânî ,  directeur  de  l'Ecole  persane. 

3o'7.  oKi  «  Les  atomes  »,  revue  mensuelle  litté- 
raire et  scientifique,  par  Suréyya-bey  de  Valona. 
Chez  Arakel.  i3o4. 

3 08.   jU>-  4lL^  «Revue  de  Hâfî»,  hebdoma- 
daire, publiée  par  Hâfî-bey;  in-8°.  Imprimerie  du 
journal  Manivvèt.  i3o5.  Prix  de  chaque  numéro: 
I  piastre. 


/i88  AVRIL-MAr-JUIN  1880. 

3 09.  jj^  KLefTort»,  revue  périodique  bi-men- 
suelle,  publiée  par  Khalil  Edib-bey.  Gbez  le  châkh 
^\bduHah,  au  bazar  des  graveurs.  i3o5.  Prix  du  nu- 
méro :  3  piastres. 

3 10.  i^jKp  jj^  «La  foire  d'^Okâz»,  revue  litté- 
raire, paraissant  le  premier  de  chaque  mois  lunaire, 
par  Haïrèt-Efendi.  i3o4. 

3i  1.  W?  «Le  plaisir»,  revue  bi-mensuelle,  par 
Hasan  Khaïrî-bey.  i3o5. 

3 1  2 .  j\jf  «  La  prospérité  » ,  revue  littéraire  el 
scientifique  bi-mensuelle,  par  Ihsân-bey  et  Eumèr 
Çubhî-bey.  En  fascicules  de  12  p.  à  3  colonnes. 
Chez  Ohannès-Efendi ,  à  la  librairie  VcUan.  i3o5. 
Prix  du  numéro  :  5o  piaras. 

3 1 3.  JL*\y  «  Choses  uniques  » ,  choix  de  morceaux 
divers  publiés  en  supplément  au  journal  Murawèt 
i3o/i. 

3i4*  ^)^  «Les  avantages»,  revue  à  Tusage  des 
enfants  des  écoles,  paraissant  tous  les  quinze  jours, 
publiée  par  Murâd  Emrî-Efendi  de  Yéni-Chèhri- 
Fénâr  (Larisse).  Imprimerie  de  la  province  de  Hu- 
dâvendigiâr,  à  Brousse,  i  3o5. 

3 1 5.  is^  ((  Ce  qui  embrasse  »,  chrestomathie  et 
revue  littéraire  publiée  par  une  société  de  gens  de 
lettres;  paraît  tous  les  quinze  jours.  i3o5. 

3 1  6.   s^ûju  «  Le  belvédère  » ,  revue  illustrée  heb- 


BIBLIOGRAPHIE  OTTOMANE.  489 

domadaire ,  dirigée  par  HDsmân  Nourî-bey.  16  nu- 
méros parus.  1 3o4.  Prix  du  numéro  :  5o  paras. 

3 1 7.  juaU  «  Vénus  » ,  revue  périodique.  1 3o4. 

3 18.  àjojLs  «La  sentinelle»,  revue  littéraire  et 
scientifique,  rédigée  par  Mahmoud  Nédîm-bey. 
i3o5. 

Cest  le  même  titre ,  avec  un  autre  rédactem*,  que  la  revue 
annoncée  dans  notre  précédente  Bibliographie  ottomane ,  1 88^, 
n*  34a. 

319.  jj5  ^jé  «Modèle  du  progrès»,  revue  pu- 
bliée parNâdir-Efendi,  directeur  de  l'école  qui  porte 
le  même  nom  que  la  revue.  1 3o4. 

3ao.  j»yiA>  «Le  Nilufer»  (nom  de  la  rivière  de 
Brousse),  revue  bi-mensuelle,  en  fascicules  de  8  p. 
Brousse,  imprimerie  Fera  izdji-Zâdèh.  i3o5.  Prix  de 
l'abonnement  annuel  :  20  piastres. 

Ce  périodique ,  qui  contient  des  œuvres  littéraires  et  scieu: 
tifiques  sérieuses,  est  destiné  à  montrer  que  Tisiamisme  est 
une  voie  de  liberté  et  de  civilisation. 


llll.  32 


490  AVRIL. MÂI-JUIN    1889. 


INDEX 

DES  MOTS  SANSCRITS-CHINOIS 

CONTENUS  DANS  LES  DEUX  CHAPITRES  Dl-TSING, 

PAR 

M.  RYAUON  FUJISHIMA. 


Pour  permettre  de  vérifier  nos  transcriptions 
sanscrites  dans  les  deux  chapitres  d*I-Tsing  que  nous 
avons  publiés  (nov.-déc.  1 888) ,  nous  réunissons  dans 
cet  index  tous  les  noms  sanscrits  que  le  pèlerin 
chinois  a  transcrits  ou  traduits  dans  sa  langue.  Un 
certain  nombre  de  ces  mots  se  retrouvent  dans  le 
Catahgue  of  ihe  Chinese  Baddhist  TVipipxka  puMié 
par  Bunyu  Nanjio;  nous  nous  contentons,  en  ce 
cas,  de  renvoyer  le  lecteur  à  cet  ouvrage.  (B.  N.  Le 
chiffre  qui  suit  indique  la  colonne  du  catalogue.) 
La  plupart  des  autres  mots  figurés  phonétiquement 
en  chinois  sont  transcrits  d'après  la  Méthode  de  Sta- 
nislas Julien,  avec  l'indication  entre  crochets  du 
numéro  que  porte,  dans  cette  méthode,  chacun  des 
caractères  transcrits.  Il  suffira  de  s  y  reporter  pour 
embrasser  d'un  seul  coup  d'œil  les  lectures  souvent 
si  variées  du  même  caractère.  Dans  tous  les  autres 
cas,  nous  avons  adopté  la  prononciation  classique 
telle  que  les  dictionnaires  la  figurent.  Enfin  nous 


INDEX  DES  MOTS  SANSCRITS-CHINOIS.     491 

avons  donné  le  mot  à  mot  français  des  termes  tra- 
duits en  chinois.  —  Nous  distinguons  les  mots  tran- 
scrits phonétiquement  par  un  astérisque. 

INDEX. 

Ajiravatî   (plutôt  Airâvati)  f|  f^f  long-ho   (dragon -fleuve); 

439. 
*Amitàyu8  P^  SU  PÊ  ^B^  [ia5]-mi  [iiaSj-to  [ao65];  AaS. 
Avatamsaka-sûira  ^  f|^  1^  hoa-yen-king  (fleur -ornement); 

Avalokiteçvara  |^  §  ^  kouan-tseu-tsaï  ;  423. 
Avalokiteçvara  -  sûtra  f^  "^  1^  kouan-in-king;  4a 3. 
Avadanaçataka  (?)  (voir  Feer,  Etudes  bouddhiques,  le  Uvredes 

cent  légendes,  p.  16)  $(;  IQ^  pi  [i368]-yu  [aagi];  4a5. 
Açvaghosha  ,||  ÏJ^  ma-ming    (cheval -bruit)   (B.   N.   369); 

417,  passim, 
*  Ashtadhâtu  H  Ig  Pt  !)(  Ifi     an    [  1 8  ]  -  se     [  1 554  ]  -  tch'a 

[i74i]-t'o  [2o8o]-tou  [aiai];  4a8. 
Asamga  ^  ^  wou-tcho   (sans  -  attachement)   (B.   N.    371); 

4a  1,  pass. 
Alamkâralika-çâstra  J^Si  SSt  Hi  tchoang-yen-iun   (ornement - 

parure-traité)  (B.  N.  261);  4a 5. 
''Àndhra(?)  3f  'S  •  an  [5]-ta  [i673]-lo  [ioa5];4a5. 
^AryadevaouDeva  £  |^  t'i  [199a ]-po  [i4ao]  (B.  N.  371  ); 
^  434. 
Arya-satyas  (!9  ||^  ou  Q  j^  sse-tchin  ou   sse-ti  (quatre-vé- 

rités);  423. 
*Unâdi  SE  1^  ^  ou  [i3i5]-na  [ii93]-ti  [1979];  4a8. 
Ekavacana  (ex.  *purusa)  ^  P^  }K  pou  [i5o9]-iou  [io65]- 

cha  [39];  4a8. 
Ekaçata-karman  'S  —^f^i  Jf^  pe-yi-kie-mo  (cent-un-kannanï); 

4i5. 

*Kâcya-mâtanga  ^jB  ^  ïj^  ft  kia-che-mo-t*eng  (B.  N.  379)  ; 
437. 

32. 


4^2  AVRIL-MÂl-JUIN  1889. 

^Kumârajiva  i^  }^  f^  ij;  keou-mo-lo-chi  (B.  N.  4o6);  ASy. 
*Koça-çâstra  ^  ^  Wt  ku-che-(lun)  (B.  N.  1l^S);  43o. 
*Khila  igf%ki[5i7]-lo  [ia6J;  4a8. 
Gati  j£  ^  ou-tao  (cinq-voies);  4a 3. 
Gâthâ  ^S  kie  (stance);  4i9* 
Grdhrakûta  ^  «^  tsieou-iing  (v^atoar-pic);  439. 
Gunaprabha  ^  ^  te-kouang  (verta-ec2af);  435. 
Gunamati  ^  ^  te-hoeï  (verta-charité)  (B.  N.  377);  435. 
•Candâla  M  ft  fSi  tc^^en  [i8io]-t  o  [ao65]-k>  [io43];  436. 
Candra-mahâsattva  ?  M*^  ^'i  youe-kouan-ta-see  (Ibim- 

fonctionnaire-grand'homme);  4 a 5. 
Gti-vandana  ^$4  Ig  R^  ^  tchi   [i8a5]-ti    [igSSJ-pui 

[i338]-ti[aoo5];4i7. 
•Cûrni  -^  fj]F%  tcliou-ni;  43a. 
*Jambu-dvipa  |{  ^  chen  [i4a]-pou  [i5i5];  434* 
*Jayâditya  |B]|RD^  Ig  che  [gôj-ye  [aa34]-lie  (manque)- 

ti[i988];  43o. 
*Jâtakamâla  tt  #  ^  H^  li  ^*ou  [aiogj-te  [i9i3].kîa 

[58a]-mo-[ii48]-lo  [io38]  ou^  ^^  pen-seng-kwan 

(antérieur-existence-guirlande);  4i5,  43 1. 
*Jetaka   rfl  îl^^^chi  [i97]-yen  [aa47]-te  [i9i3]-kia 

[58a];  42a. 
Jnânacandra  ^  ^  tchi-youeï  (sagesse -lane)   (B.  N.   378); 

438. 
Jinaprabha  ^  j^  ching-kouang  (excellence-éclat)  435. 
Jina  bodhisaUva  %  JK  #  S  tch*m-na-poa-5a(B.N.  37a); 

4a a,  passim, 
Jimûtavâhana  ^  ^  ching-yun  (vehfcatff-nna^);  424* 
Tathâgata  ^  3^  jou-laï  (comm^-vena);  419. 
*Tathâgata.garbha  PI  ^  ^  $  ^  ^  ta  [i673Ka  [1668] 

-kie  [6o6]-to  [aoa6]-kie  [6o6]-p'o  [i4ao];  438. 
•Tâmraliptî  |fe  ^  A  iS  tan  [i7a8]-mo  [ii48]-U  [85i]-ti 

[1988];  4i4i  passim, 
•Tin-anta  T  ^^  ting  [aoaa]-ngan  [manqae]-tch*e  [1780]  ; 

4a9. 
ïiryag-yoni  ^  ^  pang-seng  (animal);  4a 3. 


NDEX  DES  MOTS  SANSCRITS-CHINOIS.     493 

•Taada  |g  il  3?  ti  [manque ].lo  [i43o]-tcha  [1760];  438. 
Tripitaka  ^  ^  san-fsang  (troù-recueib);  du,  4 16. 
*Dânapati  ^  ^  t'an  [lyaoj-youe  [2272];  42a. 
Divâkaramitra;  voir  Çakramitra. 
Deva  5Ç  tien  (ciel)  ou  5S  'S^  t'ien-ti  (ciel-empereur);  423, 

426. 
Dvivacana  ex.  •Purusau  ^  1^  lt  P^"  [iBogJ-lou  [io65] 

-sao  [manque];  428. 
Dharmakirti^  ^  fa-tching  (hi-renommé)  (B.  N.  373);  435. 
Dharmapâla  ^  ^  hou-fa  (gardien-loi)  (B.  N.  373);  434. 
Dharma-pitaka  ^  ^  fa-t*sang  (loi-recueil);  426. 
•Dhâtu-vastu  JIJj  |S  l^È  t  o  [2o8o]-tou  [2i2i]-tchang  (cha- 
pitre); 438. 
Dhyâna  ^  f^  ting-men  (méditation-porte);  435. 
Nâga  fl  long  (dragon  ou  f^ent);  424* 
Nâgârjuna  f|  ^  long-chou   (dragon-arbre)    (B.   N.   SGg), 

42a,  passim, 
•Nàlanda  JK  JW  PÊ  «a  [iiggj-lan  [76o]-t'o  [2o65];4i4, 

pass. 
Naraka  Jfj  ^  t'i-yo  (ew^r);  423. 
Nidâna  ^  j^  yen-ki  (enc^af/tem^nt-matiieZ);  4a 3. 
•Nirvana  \^^  nie  [i287]-pan  [1329];  425. 
Nyâya-dvâra-târaka-çastra  S  ^  jE  81  P^  Ift  in-ming-tching- 

li-men-lun  (introduction  à  la  logique)  (B.  N.  269);  43i. 
•Patanjali  Ifc  H  It  fi  po  [i474Kien  [202o]-che  [71^0 

[1260];  423. 
♦Pdnini  ^Bi^^fo  [i443]-ni  [i265]-ni  [1259];  428. 
Paramârtha  ^  |f  tchin-ti  (vraie-vérité)  (B.  N.  423);  437. 
Paramârtha  -  satya  M  ^W   ching-i-ti    (vérité  -  suprême)  ; 

426. 
Pratibimbâbhishiktaguna - sûtra  f^  ^  ^  (baigner-image- 

fcw)(B.N.  44i);4i6. 
Pâramitâ  ^  |^  lo-tou  (six-passage)  ;  42 1 . 
^Ai*  ft  SI  koung-yang  (offrande);  419. 
Prêta  j|t  j^  ko-kouey  (fantôme);  423. 
*Bade  (corr.  bâta)  ^  jj  po  [i42o]-tou  [2101];  4i8, 


494  AVKIL-MAl-JUIN  1889. 

Bahuvacana  ex.  ^Puruçàs  ^  Pfl^  {^  pou  [i5o9]-lou  [io65]- 

so  [manque];  à^S. 
Buddhapûrvacaryà  ^  ^  ff  ^  fo-pen-hing-chi  (Bouddha- 

antérieur-histoire-poésie)  (B.  N.  294);  Aa5. 
Brahmane  ^  HI  P^  po  [i42o]-lo  [io38]-men  [1 1 10];  436. 
Bhadanta  ^  ^  ta-te  (grande-vertu);  435. 
Bhaishajyaraja  HH  3E  yo-wang  (remède-roi);  àib, 
*Bhartrhari^âstra  fÇ  fe  PJÏ  ^  g^  fa   [a7i]-tch'i    [iSAg]- 

ho  [37i]-li  [799]-lun  (traité);  432. 
Bhavaviveka  f^  ^  thsing-pien  (pareté^rgament)  (B.N.  373); 

435. 
Matipâla  ^  ^  hoeï-hou  (sagesse-gardien);  435. 
Manushya  A  jî^  (humain);  4^3. 

*  Manda  ou  mantha  ^  ^  wen  [aaii]-tch*a  [1760];  498. 
^Mâtrceta  !^vàW.M^  mo-tcha-li-tchi-teh^a  (B.  N.  378); 

à^o.sq. 
Mayûrarâja-sùtra  ^  ^  3E  l£  kong-tsio-wang-king  (paott-roi- 

livre)  (B.  N.  79);  4i5. 
Maheçvaradeva  ^  ^  ^J^  ta-tseu-tsaî-thien  (grand  nudtre 

du  ciel);  420,  427. 
Mrgadâva  SE  3tS  lou-yoaen  (antilope'bois);  4a a. 
Moksha  JH  jj^  kiay-t*o  (délivnmce);  423. 
*Yoga  ^  fllj^ya  [2287]-kia  [558];  438. 
Ratnatraya  jn  ^  san-p'ao  (troû-jfojoiur);  43a. 
Ratnasîipha  ^  fiji  -^  p*ao-8se-tsea  (joyaa-&OR);  438. 
*Vâkya-çàstra  H  ^  §^  po  [i462]-kia[58a]-]]iii( traite'); 433. 
Vajrâsana  ^  M  ^  kin-kang4so  (diamant-trône);  àii^  4i5« 
*Valabliî  Jg^ÉA  po  [>47o]  ia  [75o]-pi  [i368];  43i. 
Vasubandhu  j^  ^  chi-thsin  (moiufe-poneiit)  (B.  N.   371); 

42 1 ,  passim, 
Vidyâ-màtra  Pfl  m  ouey-chy  (unique-connaissancê);  43a. 
*Vinaya  Hlt  $  ^  pi-naï-ye   ou  ^  liu   (ctûcipIiiM);    4ia. 
*Vînâ  ou  bhinna  (?)  3|^  1^  pi  [i354]-na  [1  igS];  434. 
"*Veda  ^  PB  pi  [i394]-to  [ao65];  436. 
*Vyakarana  W:  i^  |&  «H  1^  pi  [i368]-ho  [365]-kie  [6i5]- 

la  [746]-na  [1 193]  ou  ^  ^  cheou-ki;  4a  1,  427. 


INDEX  DES  MOTS  SANSCRITS-CHINOIS.     495 

*Vrksha  ^<  fi  X  pi  [i39i]-li  [3o6]  tcha  [1787];  Aag. 
•  Vrtti-sûtra  ;E  ^  IS  ^  PI  i»  pi  [«39i]-U  [824]-ti  [1988]- 

sou[i636]-ta  [i673]-lo  [io38];  439. 
*Çakyakîrti  #  ^  lÉ  É  ®  chi  [2ai]-kia  [58a]-ki  [553]- 

li[8Q4]-ti  [1988];  438. 
*Çakradeva  ^  ^  ^  |^  chi-kia-ti-p  o ;  4a a. 
*Çakyamuni  ^  ^  É^  ^  chi-kia-meou-ni;  dao,  4a6. 
*Çakramitra   (-mî?)   coït.    *DÎYâkaramitra  (-mi)  Afc  ^  |ft 

%^m%  ^  ti  [i973]-p o  [i4a]-kie  [6i5]-lo [loaa]- 

mi  [ii34]-ta  [i673]-lo-m-  (B.  N.  438);  438. 
*Çàtavâhana  ^  ^  ^  ^^  so-to  [i6o4]-p'o  [i4ao]-han 

[33o]-na[i  199];  4aa. 
*Çabda-vidyâ  ^  B^  ching-ming  (son-science);  426. 
Çàla  Jf  3^  choang-chou  (paire-arbres);  4^5. 
Castra  fjf  iun  (traité);  4 16. 
*Çarira  ^  ^  che  [76]-li  [799]  (relique);  4i5. 
*Çikshânanda  ff  X  îi  PB  chi-tchVnan-to  (B.  N.  439); 

4i5. 
Çila  J^  kïaï  (moralité)  ;  4a  1,  4a3. 
Çilàditya  5|8  B  3E  kiaï-ji-wang  ( moralité-soleil-roi)  ( B. N.  878 )  ; 

4a3. 
Çilabhadra  ^  ^  kiaï-hien  (moralité-sage);  435. 
Çioka  >|^  kia  (^tonce);  4i5,  434> 
•Çribhoja^  ^J  ft  4|chi[i67]-li  [799]-fo[a98]-chi[ai7]; 

4i4,  439. 
•Çrîsiddha  ou  siddhir-astu  ^  ftfe  H  5^  ^  «î   [i567]-ti 

[i973]-io  [io38]-sou  [manque]-tou  [ai ai];  à2'j. 
Sambodhyanga  ^  J^  t'si-k*io  (sept-intelligences)  ;  438. 
Samghabhadra  f^  ^  seng-hien  ou  ^  ^  tchong-hien  (assem- 
blée-sage) (B.  N.  377);  435. 
Samvrti-satya  ^  i$  |fr  fo-so-ti  (vérité-secondaire);  426. 
Sarvasûtrâiamkâralika  :^^^  ^  tk  ta-ching-tchoang-yen- 

iun  (grand-véhicule-omement-parare-traité)  (B.    N.    a6a); 

4i6. 
Simhacandra  tH  -f  M  sse-tseu-youeï  (lion-lane);  435. 
Simhâsana  ^  -f  ]^  sse-tseu-tso  (lion-trône);  417* 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  497 


-t— I- 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES. 


SEANCE  DU  12  AVRIL  1889. 

La  séance  est  ouverte  à  U  heures  et  demie  par  M.  Renan , 
président.  Le  procès-verbal  de  la  séance  précédente  est  lu 
et  la  rédaction  en  est  adoptée. 

M.  Senart,  pour  répondre  à  des  questions  qui  lui  sont 
adressées  de  divers  côtés,  désire  donner  au  Conseil  quel- 
ques détails  sur  la  marche  du  second  volume  du  Mahavasta, 
Vingt-deux  feuilles  sont  actuellement  imprimées,  le  reste 
de  la  copie  de  ce  volume  est  entièrement  prêt  depuis  long- 
temps, et  M.  Senart  constate  qu*il  ne  dépend  pas  de  lui 
que  l'impression  n'avance  plus  rapidement.  Il  rend  hom- 
mage à  la  bonne  volonté  et  à  Taccueil  empressé  qu'il  ren- 
contre toujours  à  l'Imprimerie  nationale  où  notre  vice- 
président,  M.  Barbier  de  Meynard,  de  son  côté,  n'a  cessé 
de  s'employer,  avec  son  dévouement  habituel,  à  activer 
le  travail.  Malheureusement  les  difficultés  techniques  de 
l'exécution  paraissent  entraîner  des  lenteurs  que  l'auteur 
souhaiterait  naturellement  de  voir  abréger  autant  que  pos- 
sible. 

M.  Barbier  de  Meynard  dit  que  le  relard  signalé  par 
M.  Senart  est  dû  à  des  causes  momentanées  et  il  donne  l'as- 
surance que  le  zèle  de  l'Imprimerie  nationale  en  faveur  des 
publications  de  la  Société  ne  subira  aucun  ralentissement, 
malgré  le  surcroit  de  travaux  dont  l'atelier  oriental  est  chargé 
depuis  quelque  temps. 

M.  le  Président  donne  lecture  de  la  lettre  suivante ,  qui 


498  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

lui  est  adressée  par  M"'  André,  sœur  de  notre  ancien  biblio- 
thécaire Gustave  Garrez  : 

«11  avril  1889. 

t  Monsieur  le  Président , 

«Gustave  Garrez,  mon  frère,  que  j'ai  eu  le  malheur  de 
perdre  il  y  a  quelques  mois,  m*avait  fait  connaître  le  grand 
intérêt  qu'il  portait  à  la  Société  asiatique  et  particulièrement 
à  l'organisation  et  à  l'accroissement  de  sa  bibh'othèque.  Il  se 
préoccupait  surtout  des  services  qu'elle  devait  rendre  aux 
jeunes  orientalistes  qui  ont  souvent  de  la  peine  à  se  procurer 
les  ouvrages  nécessaires  pour  leurs  éludes.  Je  crob  donc  réa- 
liser une  pensée  que  mon  cher  frère  aurait  eue  lui-même ,  en 
priant  la  Société  asiatique  de  vouloir  bien  accepter  en  son 
nom,  de  la  part  de  mes  fils  et  de  moi,  l'offire  de  toute  la 
jpartie  orientale  de  sa  bibliothèque. 

«  Si  la  Société  asiatique  le  trouve  bon ,  elle  pourra ,  avec 
ces  livres,  constituer  un  «fonds  Garrez»  qui  conservera  sa 
mémoire  parmi  ceux  qui  ont  pu  le  mieux  apprécier  son  mé- 
rite et  ses  travaux ,  et  leur  sera  une  sorte  de  compensation  à 
la  perte  que  la  science  a  faite  par  cette  fin  prématurée. 
«Agréez,  etc. 

«  Pauline  André  ,  née  Garrez. 

«  P.  S,  Nous  mettons  aussi  à  la  disposition  de  la  Société 
asiatique  un  grand  corps  de  bibliothèque  ayant  appartenu  à 
mon  pauvre  frère ,  et  qui  pourrait  recevoir  la  presque  tota- 
lité des  livres  destinés  à  entrer  dans  ses  collections.  » 

Sur  la  proposition  de  M.  le  Président ,  de  chaleureux  remer- 
ciements sont  votés  à  la  famille  de  notre  regretté  confrère. 
Le  Conseil  décide  en  outre  que  les  livres  composant  cette 
précieuse  collection  porteront  une  estampille  spéciale  avec 
la  mention  Don  Garrez, 

Il  est  donné  lecture  d'une  lettre  de  M.  le  Ministre  de  l'in- 
struction publique,  qui  informe  la  Société  que  la  subvention 
trimestrielle  de  5oo  francs  est  mise  à  sa  disposition. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  499 

M.  le  Président  communique  une  lettre  de  TAdministra- 
lion  de  la  Cochinchine  demandant,  au  profit  de  la  biblio- 
thèque coloniale ,  l'envoi  des  publications  de  la  Société,  en 
écliange  du  Journal  officiel  de  l'Indo -Chine  et  des  Excursions 
et  reconnaissances.  Cette  proposition  est  acceptée.  En  raison 
de  rintérèt  que  présentent  les  publications  de  l'Adminis- 
tration coloniale,  le  Conseil  exprime  le  désir  que  les  publi- 
cations antérieures  dont  cette  Administration  pourrait  dis- 
poser soient  adressées  à  la  bibliothèque  de  la  Société. 

Un  correspondant  fait  part  à  la  Société  d'une  nouvelle 
interprélation  qu'il  propose  pour  l'inscription  de  Carthage 
publiée  dans  le  Corpus  inscriptionum  semiticarum ,  t.  L 

M.  Drouin  lit  une  notice  sur  les  alphabets  araméens  qui 
sera  insérée  dans  le  Journal  asiatique.  (Voir  ci-dessus ,  p.  Syô.) 

M.  Halévy  donne  lecture  d'une  note  sur  la  géographie  de 
la  Syrie  et  sur  les  Cosséens.  (Voir  ci-après,  p.  5oi.) 

M.  Oppert  revient  sur  l'inscription  assyrienne  relatant 
une  éclipse  lunaire.  (Voir  ci-après,  p.  5o5.) 

M.  Groflf  rapproche  le  lalmudique  î<3^p  du  mot  ^2bp  du 
papyrus  araméen  du  Louvre.  Il  croit  devoir  rejeter  le  mot 
S^fn^  dans  le  texte  de  Canope  publié  par  lui. 

La  séance  est  levée  à  6  heures. 

OUVRAGES   OFFERTS   À  LA  SOCIÉTÉ. 

Par  rindia  office.  A  catalogue  of  sanscrit  manuscripts  exifting 
m  Oudh  province  for  the  year  1887,  byPandita  Devî  Prasàdà. 
Allahabad,  1188,  in-8". 

—  The  Indian  Antiquary,  January  1889,  in-4*. 

Par  le  Ministère  de  l'instruction  publique.  Revue  des  tra- 
vaux scientifiques ,  tome  VIII,  n"  8  et  9.  Paris,  1888,  in-8'. 

Par  la  Société.  The  American  Journal  of  philology.  Balti- 
more ,  december  1 888 ,  in-8'. 

—  Proceedings  ofthe  American  Oriental  Society,  oclober- 
november  1888,  in- 8". 

—  Proceedings  at  Baltimore,  october  i88/j. 


500  AVRIL-MAI-JUIN    1889. 

Par  la  Société.  Compte  rendu  de  la  Société  de  géographie, 
n*  6,  1889. 

Par  les  éditeurs.  Polyhilion,  Parties  technique  et  littéraire , 
mars  1 889 ,  in-8*. 

—  LeGlohe,n''  1,  janvier  1889.  Genève,  in-8". 

—  Bevttcarcfceofo^fi^atf,  janvier-février  1889.  Paris,  in-S*. 

—  Revue  criti<fue,  n"  6-i4»  1889, 

—  Bolletino  délie  publicazioni  italiane,  n"*  77  et  78, 
i5  marzo.  Firenze,  1888,  in-8". 

Par  les  auteurs  :  Giroiamo  Donati ,  Maestri  è  scolari  neW 
India  hrahndnica,  Firenze,  1888,  in-8*. 

—  Henry  H.  Howort,  History  of  the  Mongols,  lll.  The 
Mongols  of  Persia.  Londou ,  1888,  in-8*. 

—  M.  A.  Barlhélemy,  Une  légende  iranienne  traduite  du 
pehlvi,  Paris,  1889,  in-8*. 

—  V.  Henry,  L'œuvre  d'Abel  Bergaigne,  Le^n  d'ouver- 
ture. Paris,  1889,  in-8". 

—  Fr.  M.  Est.  Pereira ,  Historia  de  Minas  Ademas  Sagad, 
rei  de  Etkiopia.  Lisboa ,  1 888 ,  in-8°. 

—  Baron  Ouskar,  Ethnographie  du  Caucase,  II.  Langue 
tschetchentze.  Tiflis,  1888,  in-8'*;  III.  Langue  aware.Tiflis, 
1889,  in-8'. 

—  Michel  Amari,  Bihlioteca  arabo  -  sicula.  Appendice. 
Torino,  1889,  in-8\ 

—  P.  U.  Scheil ,  Inscription  assyrienne  archaïque  de  Samsi- 
Raman  IV,  roi  d'Assyrie,  Paris,  1889,  in-S*. 

—  A.  G.  Barbier  de  Meynard,  Dictionnaire  turc-français, 
a*  vol.,  3* livraison.  Paris,  1888,  in-8'. 

—  J.  P.  Martin,  Les  origines  de  V Eglise  ^Edesse  et  des 
églises  syriennes,  Paris ,  1 889 ,  in-8'*. 

-—  Héli  Ghatelain ,  Grammatica  elementar  de  Kimbundu  ou 
lingua  de  Angola,  Genebra,  1889,  in-8''. 

—  V.-P.  Nalivkine ,  Histoire  du  Khanat  de  Khokand,  tra- 
duite du  russe  par  Aug.  Dozon.  Paris ,  1 889 ,  gr.  in-8*. 

—  Dr.  C.  Snouck  Hurgronje,  Mekka  (mit  Biider- Atlas); 
II.  Aus  dem  heutigen  Leben.  Haag,  1889,  gr.  in-S". 


NOUVELLES   ET  MÉLANGES.  501 

Par  Jes  auteurs.  D'  H.  MùUer  et  M.  J.  de  Goeje,  Annales 
auctore  Ahu  Djafar  Mohammed  Ibn  Djarir  Attahari,  II,  vi. 
Leide ,  1 889 ,  gr.  în-8'. 

—  Prof.  M.  BloomQeld,  The  làyânya-Charm  and  the 
Apacit'hymnes,  Proceedings,  oct.  1887,  i^^'^*» 


ANNEXE   N*  I 
AU   PROcés-VERBAL   DE   LA   SEANCE  DU    12   AVRrL. 


COMMUNICATIONS  DE   M.   HALlÊVT. 

I 

Le  nom  géographique  de  K1V  revient  plusieurs  fois  dans  le 
récit  biblique  relatif  aux  colonies  étrangères  que  les  rois 
assyriens  établirent  dans  la  Samarie  à  la  place  des  Israélites 
transportés  en  Assyrie.  II  Rois^  xvii,  ad*  on  lit:  «Et  le  roi 
d*Assur  fit  venir  des  hommes  de  Babel ,  de  Kouta ,  d'^Awa 
(  Kivp) ,  de  Hamâth  et  de  Sepharwaîm  et  les  établit  dans  les 
villes  de  Samarie  à  la  place  des  enfants  d*Israêl.  »  Cette 
énumération  se  divise  apparemment  en  deux  régions  géo- 
graphiques :  Babel  et  Kouta  représentent  la  partie  sud-est , 
^Awa,  Hamâth  et  Sepharwaîm,  la  partie  nord -ouest  de 
Tempire  assyrien.  Le  fait  que  KIV  doit  être  très  voisine  de 
la  Syrie  ressort  clairement  des  versets  3o-3i  du  même  cha- 
pitre où  les  Awites  sont  mentionnés  après  Hamâth  :  «  Les 
hommes  de  Babel  firent  (l'idole  nommée)  Succoth-Benôth; 
les  hommes  de  Kout(a),  Ashima;  les  Awites,  Nibhaz  et 
Tartâq  (prnn)  et  les  Sepharwites  brûlèrent  leurs  enfants 
par  le  feu  en  l'honneur  d*Adrammelek  et  d'Anammelek, 
dieux  de  Sepharwaîm.»  Ce  passage,  s'il  était  permis  de  le 
prendre  à  la  lettre ,  pourrait  même  conduire  à  penser  qu'il 
s'agit  d'un  pays  situé  au  sud  de  Hamâth,  notamment  d'un 


502  AVRIL-MAl-JUIN  1889. 

canton  de  la  Damascène,  mais  ce  serait  sortir  des  limites 
raisonnables  de  l'induction  que  d'y  chercher  un  ordre  géo- 
graphique trop  rigoureux.  Il  est  encore  plus  impossible  de 
voir  dans  les  Awites  de  Samarie  les  anciens  habitants  du 
sud  de  la  Philistée  que  Tauteur  du  Deutéronome  II,  aS,  ap- 
pelle D"»???.  Outre  que,  d'après  la  remarque  expresse  de  l'au- 
teur, ce  peuple  a  éié  entièrement  détruit  par  les  ancêtres  des 
Philistins ,  l'historien  de  II  Rois,  xvii ,  q4  «  ne  peut  pas  y  faire 
allusion  par  cette  raison  péremptoire  qu'une  guerre  avec  les 
rares  habitants  de  cette  côte  déserte  n'est  mentionnée  nulle 
part  dans  les  annales  assyriennes.  Dans  ces  conditions,  je  ne 
vois  qu'un  seul  moyen  de  résoudre  ce  problème  et  je  crois 
qu'il  s'agit  plutôt  d'une  contrée  très  connue  qui  borde  la 
Syrie  du  côté  nord-ouest ,  savoir  la  région  du  golfe  d'Issus , 
située  entre  la  Syrie  et  la  Cilicie.  Ce  pays  a  été  plusieurs  fois 
envahi  et  conquis  par  les  rois  assyriens  sans  excepter  Sargon , 
père  de  Sennachérib  et  conquérant  de  la  Samarie.  Les  in- 
scriptions assyriennes  orthc^aphient  le  nom  de  ce  pays' 
tantôt  Qae  tantôt  Gue,  Si  je  ne  me  trompe,  c'est  à  cette 
dernière  orthographe  que  répond  exactement  la  forme  hé- 
braïque MJV,  peut-être  mieux:  K]V.  La  façon  de  représenter 
le  g  assyrien  par  un  V  en  hébreu  nous  est  déjà  connue  par 
le  nom  célèbre  "iDS^'jl/IS ,  Chodoriogomor,  qui  est  en  assy- 
rien Kudur-Lagamari, 

Une  autre  mention  du  pays  que  nous  discutons  se  trouve 
dans  un  passage  assez  corrompu  où  le  caractère  géogra- 
phique du  nom  a  été  parfois  méconnu.  Il  Rois,  xvin,  34 
met  dans  la  bouche  de  Sennachérib  les  paroles  suivantes  : 
«Où  sont  les  dieux  de  Hamâth  et  d'Arpad?  Où  sont  les 
dieux  de  Sepharwaîm,  Henà  et  ^Iwa  (nw  ^jn)?  Ont-ils 

sauvé  Samarie  de  ma  main?»  Ici  n^y  doit  être  ponctué 
n}^,  et  ^^n  désigne  probablement  le  pays  voisin  de  Qae 
que  les  annales  ninivites  écrivent  l^ani  rahbat  (la  grande), 
ce  qui  induirait  à  corriger  y^n  en  y^n  ou  Kjn.  Il  faut  donc 

raduire  :  «Où  sont  les  dieux  de  Sepharwaïm,  de  Hani  et 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  503 

d'Awé?  etc.»  Des  deux  dieux  awites  cités  ci-devant,  le  pre- 
mier Tns^  échappe  encore  à  notre  contrôle;  le  second, 
écrit  pP*in ,  pourrait  bien ,  en  supposant  quelques  confusions 
de  lettres  similaires,  être  ramené  à  pn*ir,  Tarhun,  dieu 
qui  était  très  répandu  chez  les  peuples  de  la  haute  Syrie  et 
des  contrées  avoisinantes.  On  connaît  dans  ces  régions  plu- 
sieurs noms  tliéophores  composés  avec  Tarhun,  tels  sont: 
Tarhulara,  Tarhiinazi,  Tarq â-timme=TsiVcondémos  elle  nom 
royal  de  la  ville  d'Arsappi  ou  ^S"]i,  Tarkuntaradu  (?) ,  révélé 
tout  récemment  par  les  tablettes  babyloniennes  d'Egypte. 

II 

Les  limites  des  langues  sémitiques  vers  Test  sont  demeu- 
rées inconnues  jusqu'à  ce  jour.  D'ordinaire  on  s'imagine  que 
la  région  montagneuse  que  les  anciens  appelaient  les  monts 
Càrduchéens  ou  Gordyeens,  et  qu'on  appeUe  aujourd'hui  le 
Kurdistan,  était  exclusivement  peuplée  de  races  iraniennes 
plus  ou  moins  mêlées  de  races  allophyles  ou  touraniennes. 
Cette  idée  doit  être  désormais  abandonnée  comme  ne  répon- 
dant pas  à  la  distribution  réeUe  des  races  et  des  langues  dans 
l'ancienne  période  historique.  En  analysant,  il  y  a  quelques 
années,  les  noms  propres  et  autres  que  les  documents  as- 
syriens rapportent  comme  ayant  appartenu  à  la  langue  des 
Kmii  ou  Gosséens ,  un  des  peuples  principaux  de  cette  région 
montagneuse ,  j'avais  déjà  pressenti  qu'il  y  avait  là  des  éléments 
sémitiques  assez  caractérisés.  Une  tablette  babylonienne  pu- 
bliée tout  récemment  par  M.  Bezold  prouve  définitivement 
que  les  Gosséens  parlaient  une  langue  sémitique  qui  avait 
beaucoup  de  mots  et  de  formes  grammaticales  tout  sem- 
blables à  l'assyrien.  La  tablette  en  question  donne  entre 
autres  une  liste  des  épithètes  par  lesquelles  les  Gosséens 
désignaient  le  dieu  de  l'atmosphère,  Adad,  le  lin  des 
peuples  syro- phéniciens.  Je  me  contenterai  d'en  signaler 
quelques-unes  des  plus  frappantes  : 

Il  l^-al-îa-pu  ;  le  sens  de  ces  mots  est  facile  à  deviner  en 


504  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

comparant  les  deux  termes  assyriens  i7a  «dieu»  et  hilipa 
«  protecteur  » ,  également  un  synonyme  de  •  dieu  ». 

Ra-mi-mu  ;  c^est  sans  aucun  doute  Tassyrien  ramima 
«bruyant»,  participe  actif  de  ramamu  «pousser  des  cris, 
faire  du  bruit».  L*épithè(e  convient  bien  au  dieu  du  ton- 
nerre et  de  la  foudre. 

Ra-gi-mu;  même  forme  et  même  signification  que  le  mot 
précédent.  La  racine  ragama  «pousser  des  cris,  vociférer» 
est  très  usitée  en  assyrien. 

Mar-ta-as-nu;  évidemment  un  participe  iftaal  de  la  racine 
rasanu  qui  se  trouve  en  éthiopien  avec  le  sens  de  «être 
ardent,  brûler».  L'allusion  se  rapporte  à  Téclair.  La  racine 
RSN  n'a  pas  encore  été  constatée  en  assyrien ,  du  moins  à 
ma  connaissance. 

Mur-ta-i-mu;  même  forme  que  la  précédente;  la  racine  en 
est  DVI ,  commune  à  toutes  les  langues  sémitiques.  Le  titre  : 
«  tonnant  »  n  a  pas  besoin  de  commentaire. 

Ba-u-'-h;  n*est  qu'une  variante  de  h^2  «maître». 

Le  dernier  vocable  avec  sa  vocalisation  particulière  re- 
vient aussi  en  assyrien ,  mais ,  si  je  me  souviens  bien ,  seu- 
lement comme  un  nom  commun.  En  palmyrénien ,  l'élément 
^13,  visiblement  contracté  de  ^73^13,  semble  désigner  «m 
dieu  particulier  et  différent  de  Bel,  qui  s'écrit  constanmient 
^3.  La  forme  b^2  ne  s'est  rencontrée  jusqu'à  présent  que 
dans  les  noms  divins  composés  :  'jiam^ ,  ^  W3y ,  et  dans  les 
noms  tbéophores  :  ^1313T ,  '713r)D ,  Kn'713  et  quelques  autres. 
D  après  l'analogie  du  cosséen ,  il  se  pourrait  que  le  dieu  ^13 
fût  le  nnn  palmyrénien. 

III 

Dans  un  travail  sur  les  noms  propres  hittites,  qui  a  été 
publié  dans  la  Revue  des  étadesjaives,]  ai  cherché  à  démon- 
trer que  la  langue  de  ce  peuple  appartenait  à  la  famille  sémi-^ 
tique,  notamment  à  la  branche  hébréo-phénicienne.  Main- 
tenant je  prends  la  liberté  d'attirer  l'attention  sur  un  trait 
particulier  qui ,  d'après  mon  observation ,  semble  avoir  ca- 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  505 

factérisé  une  certaine  classe  des  noms  propres  liittites.  Je 
veux  parier  de  l'adjonction  à  la  fin  de  ces  noms  de  la  syllabe 
ma  ou  me,  ou,  pour  parler  le  langage  de  la  grammaire  sémi- 
tique ,  de  la  consonne  m  mue  par  la  voyelle  a  ou  e.  Ce  phé- 
nomène est  appelé  mimmation.  Les  noms  hittites  qui  affectent 
cette  particularité  sont  les  suivants  : 

Saîparma, £ih  de  Sarri,  livré  à  Salmaneser  TI  par  les  habi^ 
tants  de  Hattin.  Le  premier  nom  se  compose  visiblement  de 
Saîpar,  équivalent  de  Thébreu  lÈ^  «  oiseau ,  moineau  »  et  de 
la  désinence  ma. 

Sapalalme,  roi  de  Hattin.  Dans  l'article  mentionné  ci- 
devant,  j*avais  comparé  Sapalal  à  Taraméen  7^75D  «aristo- 
loche »  et  j'avais  vu  dans  me  le  mot  pour  «  eau  »  =  U  i  DD  » 
W^D;  mais  j'aime  mieux  à  présent  m'en  tenir  à  la  mimmation. 
On  comprend  ainsi  plus  facilement  la  forme  Sprr=Spll  que 
donnent  les  inscriptions  égyptiennes.  C'est  la  forme  simple , 
sans  mimmation. 

Tarqutimme,  roi  d'Urume,  nom  qui  se  lit  sur  la  bosse 
bilingue  de  Jowanoff.  La  première  partie  Tarqûtim  est  un 
nom  théophore  dans  lequel  entre  le  dieu  Tarhu  ou  Tarqû; 
la  terminaison  me  constitue  la  mimmation. 

Il  faut  probablement  ajouter  le  nom  du  pays  dont  Tarqû- 
timme  était  le  roi,  savoir  Urume;  la  forme  substantielle  en 
serait  uru  et  me  la  désinence.  Il  serait  malaisé  d'affirmer  dès 
à  présent  que  uru  signifie  «  ville  »  en  hittite  comme  c'est  le 
cas  en  assyrien ,  mais  le  fait  que  sur  la  bosse  de  Jowanoff  ce 
nom  est  rendu  par  le  signe *-^yy  er,  uru,  qui  signifie  t  ville  », 
rend  cette  hypothèse  assez  vraisemblable. 


ANNEXE  N»  2 
AU  PROClàs-VERBAL  DE  LA  SEANCE  DU    1  2  AVRIL. 

M.  Oppert  a  donné,  pour  la  première  fois,  la  traduction 
d'une  inscription  assyrienne  relatant  une  éclipse  lunaire.  Le 

XIII.  33 


mrmniBBn  hatio«ai.w. 


506  AVRIL-MAI-JUiN  1889. 

texte  publié  par  le  P.  Strassmayer  est  daté  de  Tannée  i6d 
deBabylone,  2 Sa  d'Arsace.  L*èredes  Arsacides  commençant, 
d'après  le  texte  précis  de  Justin ,  avec  le  considat  de  Manlius 
Vulso  et  G.  Attiiius  Regulus,  a 56  ans  avant  J.-G. ,  Tédipse 
visée  dans  ie  document  comme  ayant  eu  lieu  au  mois  de 
Nisan  serait  donc  celle  du  a 3  mars  (a3  ans  avant  J.-C).  La 
traduction  que  M.  Oppert  a  publiée  rend  fidèlement  les 
données  consignées  dans  l'inscription.  Celle-ci  dit,  en  effet, 
que  le  phénomène  eut  lieu  à  minuit,  que  sa  grandeur  était 
de  deux  tiers  et  qu'il  arriva  avant  que  la  Lune  ne  descendît 
au  point  nodal.  Il  est  ajouté  que  Téclipse  eut  lieu  dans  ie 
signe  de  TEpi ,  que  Mars  se  coucha  pendant  le  cours  de  Tob- 
scuration,  que  Jupiter  et  Saturne  étaient  visibles  pendant 
tout  ce  temps ,  tandis  que  naturellement  Vénus  et  Mercure 
étaient  invisibles. 

Un  savant  astronome,  le  R.  P.  Epping,  a  examiné  les 
tablettes  astronomiques  des  Arsacides  et  est  d'avis  que  les 
dates  de  ces  dernières  se  rapportaient  à  Tère  des  Séleucides 
(3 12  ans  av.  J.-C).  Il  croit  donc  que  Téclipse  décrite  était 
celle  du  1 1  avril  (  80  ans  avant  J.-C.  ) ,  dont  M.  Oppert  avait 
également  parlé  comme  ne  correspondant  pas  aux  données 
du  texte  cunéiforme.  C'était  plutôt  par  acquit  de  conscience 
que  pour  toute  autre  raison  que  M.  Oppert  avait  mentionné 
le  phénomène  de  Tan  80  ;  car,  pour  tout  historien ,  il  est  im- 
possible de  confondre  avec  Tère  de  Séleucus,  vainqueur  de 
Babylone ,  celle  qui  se  rattache  à  l'indépendance  des  Parthes 
secouant  le  joug  des  rois  de  Syrie.  Quand  un  texte  dit  éner- 
giquement  qu'un  événement  a  lieu  dans  telle  année  d'Ar- 
sace ,  roi  des  rois ,  c'est  justement  pour  faire  ressortir  cette 
ère  d'indépendance  et  pour  ne  pas  la  confondre  avec  l'ère 
unanimement  acceptée  des  Séleucides,  énoncée  générale- 
ment par  le  chiffre  seul  de  l'année.  M.  Epping  a  cru  pouvoir  ^ 
réduire  à  l'ère  des  Séleucides  lés  textes  qu'il  a  soumis  à 
son  investigation.  11  est  résulté  de  ces  prémisses  que  les 
calculs  sur  les  planètes  ne  cadrent  absolument  plus.  Le 
savant  père  jésuite  s'est  donc  vu  obligé  de  substituer  à  l'cx- 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  507 

plicatîon  sûre  du  groupe  des  cunéifonnes  désignant  Mer- 
cure, celle  de  Jupiter  et  vice  versa.  La  Chaldée  vit,  en  80,  la 
lune  se  coucher  éclipsée  lors  du  lever  du  soleil;  comme  rien 
de  ce  fait  important  ne  se  trouve  dans  le  texte  du  P.  Slrass- 
mayer,  il  a  expliqué  partout  le  signe  désignant  le  pronom 
démonstratif  par  coucher  de  la  lune,  U  a  remplacé  la  traduc- 
tion certaine  de  sud-est  par  «  sud  5  degrés  avant  le  lever  du 
soleil  » ,  ce  dont  il  n'est  pas  ri  il  un  mot  dans  le  texte.  Il  n*a  fait , 
en  somme,  que  ce  que  d'autres  ont  déjà  fait;  il  a  calculé 
d'abord  et  il  a  voulu  traduire  d'après  ses  calculs  en  forçant 
le  texte  et  en  lui  faisant  dire  le  contraire  de  ce  que  ce  texte 
a  voulu  réellement  exprimer. 

Mais  ce  n'est  pas  aux  astronomes  de  nous  dire  quand  a 
commencé  l'ère  des  Arsacides  ;  c'est  à  nous  de  leur  notifier 
ces  faits;  c'est  à  nous  de  leur  expliquer  que  l'an  108  des 
Arsacides  ne  peut  être  l'an  2o4  avant  J.-G. ,  puisqu'à  cette 
époque  Antiochus  III  était  encore  maître  de  Babylone  et  que 
d'autres  textes  sont  datés  du  règne  de  ce  roi,  portant  la  date 
94  sans  autres  indications,  c'est-à-dire  de  218  ans  avant  J.-C. 
C'est  à  nous  de  leur  apprendre  que  la  Mésopotamie  fut 
disputée,  avec  des  chances  diverses,  pendant  vingt  ans  par 
les  rois  de  Syrie  et  par  les  Parthes ,  que  Démétrius  Nicanor 
parvint  à  les  chasser  même  de  la  Chaldée ,  et  que  nous  avons 
un  texte  daté  sous  ce  roi  de  Tan  170,  c'est-à-dire  i42  ans 
avant  J,-C,  Ce  n'est  qu'en  1 33  avant  J.-C.  que  Phraate  prit 
définitivement  Babylone.  Il  n'appartient  pas  non  plus  aux 
astronomes  de  déchiffrer  les  groupes  désignant  les  planètes. 
Us  doivent  contrôler,  signaler  les  impossibilités  résultant  de 
traductions  fausses,  ils  doivent  préciser  par  leur  précieux 
concours  les  dates  chronologiques,  et  veiller  à  ce  que  leurs 
renseignements  soient  consciencieusement  et  intelligemment 
suivis.  Mais  à  cela  se  borne  leur  rôle  aussi  honorable  que 
nécessaire.  Vouloir  réformer  des  intei^prétations  philologi- 
ques assurées  par  des  calculs  marquant  un  point  de  départ 
fixe  et  certain  serait  s'exposer  à  des  déconvenues  inévitables 
et  à  des  travaux  pénibles  entrepris  en  piu*e  perte. 

33. 


508  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

P.  S.  Depuis  que  cette  notice  a  été  rt^dîgée,  M.  Oppert 
a  reçu,  par  lobligeaace  de  M.  Strassmayer,  d*abord  la  copie 
iithographiée  des  calendriers  comjdels  des  deux  années  189 
et  aoi,  puis  une  copie  manuscrite  du  texte  de  TédLipse, 
rectifiée  par  le  P.  Strassmayer  lui  même.  Ces  documents 
npuveaux  ont  introduit  dans  la  question  des  éléments  inat- 
tendus qui  nous  forcent  à  soumettre  notre  opinion  à  un 
nouvel  examen.  Nous  reviendrons  sur  ces  questions,  mais 
nous  devons  d*ores  et  déjà  rendre  un  hommage  mérité  à  la 
sagacité  du  P.  Epping  qui  a  déterminé  plusieurs  groupes 
importants  tels  que  ceux  du  solstice,  de  Téquinoxe,  en 
acceptant  toutefois  la  plupart  de  nos  assimilations  anté- 
rieures. Il  résulte  des  documents  mentionnés  qu  à  cause  des 
dates  des  équinoxes,  des  solstices  et  des  levers  du  Sinus, 
comparées  avec  celles  des  éclipses  de  lune  et  de  soleil,  les 
années  189  et  201  ne  pourraient  pas  se  rapporter  aux  années 
67  et  55  avant  J.-C,  représentant  les  années  189  et  aoi  de 
Tépoque  de  a 55  avant  J.-C.  L*ensemble  de  ces  données 
cadrerait  bien  mieux  avec  une  date  de  Tédipse  de  Tan  a5a , 
descendant  vers  la  première  moitié  du  mois  d*avril.  Nous 
serions  donc  de  Tavis  de  M.  Epping  si  la  description  de 
Téclipse  cadrait  avec  celle  du  1 1  avril  80 ,  et  si  les  dates  de 
108  et  i56  d*Arsace,  ainsi  que  celle  de  170  des  Séleucides, 
ne  nous  obligeaient  pas ,  jusqu'à  nouvel  ordre ,  à  ne  pas  ac- 
cepter comme  point  de  départ  Tépoque  de  Tëre  séleucide. 

La  copie  manuscrite  du  P.  Strassmayer  nous  apporte  d'ail- 
leurs un  fait  important;  il  ne  s'agit  pas  d'un  astronome 
Orode ,  mais  bien  d'un  roi  Orode.  Or  le  premier  roi  Orode 
que  nous  connaissons  est  celui  qui  défit  les  armées  de  Crassns , 
en  Tan  53  avant  J.-C. ,  et  qui  régna  de  54  à  87.  Si  on  n'as- 
simile pas  Téclipse  décrite  à  celle  de  Tan  a4 1  il  n'y  a  pour 
satisfaire  aux  exigences  de  la  description  que  les  éclipses  du 
li.  avril  5i  et  du  i4  avril  116  après  J.-C.  Nous  devrons 
examiner  avec  une  logique  impassible  et  inexorable  tous  les 
éléments  de  cette  question  compliquée. 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  509 


SEANCE  DU  10  MAI  1889. 

La  séance  est  ouverte  à  4  heures  et  demie  sous  la  prési- 
dence de  M.  Barbier  de  Meynard,  vice-président,  en  Tab- 
sence  de  M.  Renan ,  empêché  par  i*état  de  sa  santé. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et  la 
rédaction  en  est  adoptée. 

M.  Rubens  Duval  donne  quelques  explications  sur  la  biblio- 
thèque de  M.  Garrez,  léguée  généreusement  par  la  famille  à 
la  Société  asiatique.  Les  livres  fonnant  cette  précieuse  col- 
lection s*élèvent  au  nombre  de  dix -huit  cents  ;  la  liste  en  est 
déjà  dressée  et  ils  seront  catalogués  prochainement. 

  cette  occasion ,  M  Duval  signale  la  nécessité  de  refondre 
complètement  Tancien  catalogue  de  lu  bibliothèque  et  pro- 
pose de  confier  ce  travail  à  M.  Gantin ,  membre  de  la  Société , 
en  mettant  à  sa  disposition  une  somme  de  i,aoo  francs,  à 
titre  d'indemnité  pour  la  rédaction  du  nouveau  catalogue. 
Le  Président  appuie  chaleureusement  cette  proposition  qui 
est  adoptée  par  le  Conseil.  Des  remerciements  sont  adressés 
à  M.  Spechl,  membre  de  la  Commission  des  fonds,  et  à 
M.  Gantin  pour  les  soins  qu'ils  ont  donnés  à  la  translation 
et  à  rinstaUation  des  livres  formant  le  Fonds  Garrez, 

Il  est  donné  lecture  d'une  lettre  de  Son  Ëxc.  Ëimad  ed- 
Daulah ,  ministre  de  la  presse  à  Téhéran ,  qui  ofiîre  à  la  So- 
ciété un  exemplaire  du  Voyage  du  schak  de  Perse  dans  le 
Khorassan,  rédigé  par  Sa  Majesté. 

M.  Oppert  revient  sur  la  question  de  l'inscription  datée 
de  l'an  aSa  d'Arsace ,  qui  a  trait  à  une  éclipse  de  lune.  11  avait 
fixé  la  date  au  2 3  mars  de  l'an  24  avant  J.C.  Grâce  aux 
textes  dont  il  doit  la  communication  à  l'obligeance  de 
M.  Strassmayer,  M.  Oppert  reconnaît  qu'il  est  difficile  de 
maintenir  cette  date.  C'est  surtout  à  cause  des  groupes  indi 
quant  le  solstice  et  l'équinoxe  que  cette  identification  est 
devenue  douteuse.  L'explication  de  ces  groupes  est  due  au 
P.  Epping;  M,  Oppert  l'accepte  et  propose  l'année  5i  ou  1 16 


510  AVKIL-MAI-JUIN  1889. 

après  J.C.  ;  dans  ces  deux  années  il  y  eut  des  éclipses  de  lune , 
le  i4  avril.  (Voir  ci-après ,  p.  5 1 1 .)  Un  échange  d'observations 
a  lieu  sur  cette  question  entre  M.  Oppert  et  M.  Drouin. 

M.  Groff  présente,  de  la  part  de  sa  sceur,  M*^  Florence 
Groff,  une  édition  du  Zaîn  el-Asuâm,  conte  des  Mille  et  une 
nuits,  extrait  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale, 
avec  vocabulaire  anglais  et  français. 

La  séance  est  levée  à  5  heures  et  demie. 

OUVRAGES  OFFERTS  À  LA  SOCIÉTÉ. 

Par  rindia  oflfice.  Indian  Antiquary,  febmary  1889,  in-4*. 

Par  le  Gouvernement  néerlandais.  Bijdragen  dut  de  taal- 
land-enVolkenkunde  van  Nederlandsch-Indiê ,  V,  4<  a.  'Sgra- 
venbage,  1889. 

Par  le  ministre  de  la  Perse.  Voyage  de  Nasr-ed-Din  dans 
le  Khorassan  (en  persan).  Téhéran,  1889,  in'-fol. 

Par  la  Société.  Bulletin  de  la  Société  neufbhâteloise  de 
géographie,  t.  IV,  1888.  Neufchâlel,  1889,  in-8'. 

—  Bulletin  de  la  Société  des  études  indo-chinoises  de  Saigon , 
1889,  in-8". 

—  Revue  africaine,  n"  190,  3*  trimestre.  Alger,  1888, 
in-8". 

—  Journal  de  la  Société  finno-ougrienne ,  V  et  VI.  Helsing- 
fors,  1889,  in-8°. 

—  Compte  rendu  de  la  Société  de  géographie ,  n"  5-7.  Paru , 
1889,  in-8". 

Par  les  éditeurs.  Polyhihlion,  Parties  technique  et  litté- 
raire. Avril  1 889 ,  in-8". 

—  Journal  des  savants,  mars  et  avril.  Paris,  1889,  in-4*. 

—  Revue  critique,  n"'  i5-i8.  Paris,  1889,  in-8*. 

—  Bolletino  délie  publicazione  italiane,  n"  79  et  80, 1889  » 
in-8'. 

Par  Tauteur.  Zaîn  el-Asnâm.  Conte  des  Mille  et  mw 
nuits,  extrait  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale. 
Texte  arabe  entièrement  vocalisé  et  vocabulaire  arabe ,  anglais 
et  français,  par  Florence  GroflF.  Paris,  1889,  in-8'. 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  511 

ANNEXE 
AU  PROCÈS-VERBAL  DE  LA  SÉANCE  DU    1  O  MAL 

J'ai  donné  au  Journal  asiatique  la  traduction  d'un  texte 
assyrien,  publié  par  le  P.  Strassmayer,  traduction  tirée  du 
compte  rendu  de  TAcadémie  des  sciences  du  3  septembre 
1 888.  Ce  texte  établit  qu'il  y  eut  au  mois  de  Nisan  de  cette 
année  une  éclipse  lunaire  partielle,  arrivée  à  minuit,  temps 
vrai  de  Babylone ,  éclipse  grande  de  deux  tiers  environ  ou , 
comme  nous  disons ,  de  huit  doigts.  L'avènement  des  Arsa- 
cides  étant  fixé  à  2  56  avant  J.-C,  nous  avons  identifié  le 
phénomène  visé  dans  le  texte  cunéiforme  avec  celui  du 
23  mars  (24  ans  avant  J.-C),  ce  qui  satisfait  intégralement  aux 
données  babyloniennes.  Nous  avions  dès  l'origine  écarté 
Téchpse  lunaire  du  Nisan  de  l'an  232  des  Séleucides  à 
lequelle  le  document  mentionné  ne  saurait  se  rapporter; 
r éclipse  lunaire  du  1 1  avril  8o  avant  J.-C.  eut  lieu  dans 
des  conditions  qui  ne  s'accordent  pas  avec  les  termes  précis 
de  l'inscription  assyrienne.  Celle-ci  se  produisit  vers  le  lever 
du  soleil  et  la  lune  se  couclia  éclipsée ,  tandis  que  le  soleil 
se  leva  sur  la  Chaldée;  le  document  n'aurait  pas  manqué 
de  dire  que  le  soleil  se  leva  pendant  l'éclipsé,  puisque  ce 
même  texte  fournit  des  données  sur  le  coucher  des  planètes. 

J'étais  donc  parfaitement  autorisé  à  fixer  avec  Justin  le 
commencement  de  l'ère  d'Arsace  en  2  56. 

Un  savant  astronome,  le  P.  Ëpping,  a  donné  dans  Ja 
Zeitschrift  fur  Assyriologie ,  tome  IV,  page  78,  une  traduc- 
tion qui  me  parait  de  tous  points  contraire  au  sens  exprimé 
par  l'original  assyrien.  Admettant  a  priori  l'identité  des  ères 
séleucidé  et  arsacide,  il  a,  par  conséquent,  adopté  la  date  du 
1 1  avril  80. 11  a  conmiis  l'erreur  commune  à  plusieurs  astro- 
nomes et  mathématiciens  qui  calculent  d'abord  et  qui  dé- 
chiffrent ensuite,  tandis  que  le  calcul  doit  reposer  sur  la 
traduction  correcte  de  l'original.  Quand  le  texte  dit  en 
propres  termes  que  le  milieu  de  Téclipse  eut  lieu  t  six  heures 


512  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

après  le  couclier  du  soleil»,  le  P.  Epping  traduit  :  «avec  un 
maximum  de  6  pouces  » ,  en  jetant  par-dessus  bord  les  mots 
«  coucher  du  soleil  ».  Quand  le  texte  assure  que  Tombre  pro- 
gressa sur  la  lune  du  «sud  et  est  (sud-est)  vers  le  nord  et 
Touest»  (nord-ouest),  il  conserve  bien  le  nord-ouest,  mais 
il  met  au  lieu  du  sud-est  :  «  sur  le  c6té  sud  de  Técliptique 
lo**  (^o'=)  avant  le  lever  du  soleil».  Cette  traduction,  à 
part  son  incorrection  philologique ,  renferme  aussi  une  im- 
possibilité astronomique;  Tëclipse  de  8o  eut  lieu,  en  effet, 
du  côté  sud  de  Técliptique ,  mais  dans  le  nœud  descendant , 
Tombre  de  la  terre  alla  donc  du  nord-est  au  sud-ouest  et  non 
pas  comme  le  dit  Tinscription.  La  traduction  du  P.  Epping 
aurait  sans  doute  gagné  s*il  avait  voulu  consulter  les  résumés 
des  récits  babyloniens  sur  les  éclipses ,  faits  par  Hipparque 
et  conservés  dans  TAlmageste;  ces  indications  sont  absolu- 
ment analogues  au  texte  qui  nous  occupe. 

Mais  si  le  P.  Epping  a  voulu  appliquer  les  termes  d  un 
document  à  un  phénomène  étranger  à  ce  document,  il  nous  a 
rendu  service  dans  un  autre  travail.  Le  P.  Strassmayer  a  bien 
voulu  m*envoyer  les  épreuves  de  deux  inscriptions  datées 
des  années  189  et  201  d*Arsace,  que  le  P.  Epping  a  exa- 
minées avec  beaucoup  de  science  et  une  heureuse  sagacité. 
Ce  sont  des  calendriers  complets  embrassant  toute  Tannée. 
Il  y  a  au  Musée  britannique  encore  une  centaine  de  textes 
pareils,  que  le  savant  P.  jésuite  a  soumis  à  son  investiga- 
tion. 11  a  déterminé  avec  bonheur  les  groupes  désignant 
Téquinoxe,  le  solstice  et  quelques  étoiles;  il  m*a  suivi  dans 
ma  détermination  du  Sirius ,  mais  je  regrette  de  ne  pas  pou- 
voir accepter  son  assimilation  de  plusieurs  planètes.  Cette 
erreur  provient  de  ce  qu'il  a  admis  pour  ses  calculs  une 
époque  erronée.  Le  P.  Epping  est  pourtant  très  excusable, 
car  les  dates  des  équinoxes  et  des  solstices,  conune  celles 
du  lever  héHaque  du  Sirius ,  cadrent  fort  bien  avec  l'ère  des 
Séleucides  dont  Tapplication ,  au  point  de  vue  historique» 
est  cependant  inacceptable.  En  laissant  de  côté  Timpossi- 
bililé  d  admettre  que  les  rois  parthes  aient  daté  Tère  d'Ar- 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  513 

sacie  du  fait  le  plus  glorieux  de  Thistoire  des  Séleucides, 
contre  lesquels  ils  s'étaient  révoltés,  il  y  a  des  preuves  his- 
toriques à  l'appui  des  démonstrations  morales.  L'année  108 
d'Arsace  qui  se  trouve  dans  un  texte  ne  peut  être  Tannée  108 
de  Séleuciis  ;  car  alors  Anliochus  le  Grand  régnait  en  maître 
absolu  à  Babylone.  En  outre,  nous  avons  des  textes  d'une 
époque  très  rapprochée  ;  des  documents  sont  datés  sous  An- 
tiochus  de  Tan  94  (a  18  ans  avant  J.-C.)  et  de  Démétrius 
Nicanor  de  l'an  170  (i42  ans  avant  J.-C).  On  ne  peut  donc 
admettre  l'époque  de  3 12  avant  J.-C,  pour  l'ère  d'Arsace. 
Mais  les  textes  du  P.  Epping  m'ont  démontré  que  cette 
èi^e  ne  pourrait  prendre  naissance  non  plus  en  avril  255 
avant  J.-C.  Si  les  échpses  des  années  67  et  55  avant  J.-C. 
pouvaient  encore  cadrer  avec  l'époque  primitivement  adoptée 
par  moi ,  il  est  impossible  de  les  faire  concorder  avec  les  équi- 
noxes,  les  solstices  et  les  levers  du  Sirius  cités  dans  ces  textes. 
Le  lever  du  Sirius  avait  lieu,  pour  la  latitude  de  Babylone, 
pendant  le  siècle  qu'on  peut  assigner  à  ces  documents,  le 
2 1  juillet  de  chaque  année.  Or  il  fallait  trouver  un  point 
de  départ  qui  concihât  le  texte  de  l'éclipsé  avec  toutes  les 
autres  données  et  après  beaucoup  de  calculs ,  j'ai  été  assez 
heureux  de  pouvoir  rectifier  avec  succès  mon  ancienne  dé- 
termination. 

L'ère  d'Arsace  du  mois  d'avril  181  avant  J  -C.  est  posté- 
rieure à  celle  des  Séleucides  de  1 3o  ans.  L'éclipsc  lunaire  qui 
nous  occupe  serait  donc  celle  de  5i  de  notre  ère.  Le  texte  aura 
été  rédigé  sous  l'empereur  Claude.  Les  deux  années  189 
et  201  répondent  aux  années  après  J.-C.  8  et  20.  L'éclipsé 
de  soleil,  citée  comme  invisible  à  Babylone,  du  28Thammuz 
eat  celle  du  2 1  juillet  de  l'an  8  de  notre  ère  ;  le  même  jour 
est  signalé  dans  le  texte  comme  la  date  du  lever  du  Sirius. 
C'est  une  démonstration  évidente.  U  en  est  de  même  de 
l'éclipsé  visible  du  29  Marhesvan  de  Tan  201  qui  est  celle 
du  3  décembre  an  20,  visible  en  Chaldée. 

L'ère  d'Arsace,  roi  des  rois,  se  rattache  à  l'avènement  du 
conquérant  de  la  Mésopotamie  et  d'Arsace  VI,  Mithridate, 


514  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

dont  l'avènement  jusqu'ici  a  été  fixé  en  164*  mais  que,  au 
plus  bas,  M.  de  Gutschmid  a  reporté  jusqu'à  176  ans  avant 
J.-C.  Cela  pourrait  être  aussi  Tavènement  du  premier  con- 
quérant parthe  Arsace  V,  Phrahate  1",  qui  prépara  les  con- 
quêtes de  son  frère  Mithridate  et  le  choisit  comme  successeur 
sur  le  trône ,  de  préférence  à  ses  propres  fils.  C'est  à  l'un  de 
ces  deux  monarques  conquérants  que  se  rattache  l'ère  usitée 
en  Chaldée  d* Arsace,  roi  des  rois. 

J.  Oppbrt. 

Nous  avons  déjà  fait  connaître ,  dans  un  post-scriptum ,  que 
nous  devons  à  Tobligeance  du  P.  Strassmayer  une  copie  rec- 
tifiée du  texte  en  question  et  que  le  point  le  plus  saillant  de 
cette  collation  nouvelle  est  la  mention  du  roi  Orode.  Nous 
ne  connaissons  pas  un  roi  des  Parthes  portant  ce  nom  anté- 
rieurement à  Orode  1*'  qui  régna  de  54  à  87  et  contre  lequel 
périt  Crassus,  en  53  avant  J.-C. 

Cette  circonstance  donne  un  poids  nouveau  aux  observa- 
tions qui  précèdent. 


By44H3MT>.  H3C^'B4BAHIfl  H  MATEPIAwibl.  COHHHE- 
HIE  H.  n.  MHHAEBA.  TOMT>  I.  BbinyCKT>  H.  Saint-Pé- 
tersbourg,  imprimerie  de  TAcadémie  impériale,  1887.  Gi^i^d 
in-8°;  XI- 169  pages  et  une  planche. 

Dans  cette  partie  de  ses  Recherches  et  matériaux  touchant 
le  bouddhisme ,  M.  M inaïef  nous  donne  le  texte  sanscrit  de 
trois  ouvrages  bouddhiques  analogues,  savoir:  1*  le  Makà- 
vyutpatti  (p.  1-117);  ^'*  ^"  ouvrage  plus  court,  sans  titre, 
extrait  du  précédent  (p.  iig-iSS);  3*  le  Nâma-Sanjîti 
(p.  137-159).  Ces  trois  textes,  édités  avec  la  compétence  et 
le  soin  bien  connus  de  l'auteur,  sont  précédés  d*une  préface 
dans  laquelle  il  fait  connaître  les  exemplaires  manuscrits  ou 
imprimés  qui  lui  ont  servi  pour  arrêter  son  texte. 

Pour  le  Mahâvyutpatli ,  il  en  a  eu  cinq  désignés  par  les 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  515 

Jcttres  P,  D,  M»  T,  U.  T  est  en  caractères  tibétains  dune 
impression  défectueuse  ;  M ,  U  sont  des  manuscrits  sur  papier 
européen;  D  est  un  manuscrit  sanscrit-tibétain;  il  compte 
deux  cent  cinquante-sept  feuillets  divisés  en  deux  cabiers. 
P  est  le  plus  important;  c'est  un  manuscrit  de  trois  cent 
dix-neuf  folios  en  quatre  langues  :  sanscrit ,  tibétain ,  cbinois , 
mongol.  Le  texte  sanscrit  s'y  trouve  deux  fois  :  en  caractères 
népalais  d*abord,  en  caractères  tibétains  au-dessous.  La 
plancbe  mise  à  la  fin  du  volume  de  M.  Minaïef  est  un  fac- 
similé  ordinaire  de  la  première  feuille  de  ce  manuscrit  qui 
porte  le  n*  2  51^7  dans  la  bibliothèque  de  TUniversité  impé- 
riale de  Saint-Pétersbourg.  Nous  en  reparlerons;  M.  Minaïef 
n*e  st  pas  le  premier  qui  en  ait  fait  usage. 

Pour  le  Nâma-Sang(ti ,  M.  Minaïef  a  eu  aussi  cinq  textes 
à  sa  disposition  :  il  les  appelle  Y,  M ,  P,  D ,  K.  K  est  un  com- 
mentaire (tikâ)  de  l'ouvrage;  P  une  édition  chinoise  qui, 
conune  dans  le  manuscrit  P  du  Mahâvyutpatti ,  donne  deux 
fois  le  texte  sanscrit ,  en  caractères  landza  d*abord ,  en  carac- 
tères tibétains  ensuite  ;  Y  est  aussi  une  édition  chinoise  qui 
donne  le  texte  sanscrit;  D  lui  est  conforme.  M  a  vingt-sept 
folios;  c'est  un  manuscrit  du  Népal  qui  vient  de  Katmandou 
(vraisemblablement  rapporté  par  M.  Minaïef  lui-même). 

M.  Minaïef  indique,  au  bas  des  pages  ou  se  trouve  le 
texte  de  ces  deux  ouvrages,  les  variantes  que  lui  fournissent 
ses  dix  manuscrits.  Seul,  l'ouvrage  intermédiaire,  celui  qui 
n'a  pas  de  litre  et  qui  est  simplement  désigné  par  six  carac- 
tères chinois  que  M.  Minaïef  transcrit  ou-i-che-bi-tsi-yâo ,  est 
absolument  dépourvu  de  notes;  c'est  que  le  savant  éditeur 
n'a  pu  recourir,  pour  ce  texte ,  qu'à  un  seul  exemplaire ,  une 
édition  chinoise  inscrite  sous  le  n"  'ibili^  dans  le  catalogue 
de  la  bibliothèque  de  l'Université  impériale  de  Saint-Péters- 
bourg. M.  Minaïef  remarque  que  Abel  Rémusat  a  décrit  cet 
ouvrage  dans  les  pages  i53  et  suivantes  du  tome  I  de  ses 
Mélanges  asiatiques.  Nous  entrerons  à  ce  propos  dans  quel- 
ques détails  rétrospectifs  qu'on  ne  trouvera  pas,  nous  l'es- 
pérons ,  dénués  d'intérêt. 


516  AVRIL-MAI.JUIN  1889. 

Voici  couiment  Âbci  Rémusat  s* exprime  au  sujet  de  Tou- 
vrage  dont  il  s*agit  : 

La  Bibliothèque  du  roi  possède  deux  exemplaires  d*au  vocabu- 
laire pentaglotte  imprimé  à  la  Chine  et  à  la  manière  chinoise,  c*est- 
à-dire  avec  planches  de  bois  et  sur  papier  de  mûrier  [dié  sur  les 
marges. 

Cet  ouvrage  est  formé  de  deux  volumes  dont  le  premier  contient 
quatre-vingt-dix-huit  feuillets  numérotés  ou  doubles  pages ,  et  le  deu- 
xième quatre-vingt-seize.  11  est  sans  titre  ;  seulement  Tun  des  deux 
extraits  porte  une  étiquette  extérieure  conçue  en  ces  termes  :  Man- 
haii-si'fan  tsi-yao ,  c'est-à-dire  littéralemenC  :  t  Collection  ou  recueil 
nécessaire  des  mots  mandchous ,  chinois ,  tibétains  i. 

Aujourd'hui  on  ne  cite  pas  un  volume  appartenant  à  un 
établissement  public  ou  même,  le  cas  échéant,  à  une  collec- 
tion particulière,  sans  en  donner  le  numéro.  U  n'en  était  pas 
ainsi  en  i8a4*  Abel  Rémusat  signale  ici  deux  volumes,  sans 
citer  un  seul  numéro;  et  c'est  assurément  regrettable.  La 
description  qu'il  en  donne  s  applique  parfaitement  au  n*^  logS 
du  fonds  chinois  de  la  Bibliothèque  nationale  et  ue  s'ap- 
plique à  aucun  autre,  que  nous  sachions.  Y  aurait-il  donc 
un  volume  de  disparu? 

Quoi  qu  il  en  soit,  l'ouvrage  décrit  par  Âbd  Rémusat  est 
bien  celui  dont  M.  Minaïef  vient  de  donner  le  texte  sanscrit. 
L'absence  de  titre  signalée  par  l'illustre  sinologue  français 
se  remarque  également  dans  l'exemplaire  de  Saint-Péters- 
bourg; de  part  et  d'autre,  le  seul  intitulé  consiste  en  six 
caractères  chinois,  vraisemblablement  collés  sur  la  couver- 
ture de  l'exemplaire  russe,  comme  ils  le  sont  sur  celle  de 
l'exemplaire  parisien,  Seulement,  sauf  les  deux  derniers,  ces 
caractères  sont  transcrits  par  M.  Minaïef  tout  autrement  que 
par  Abel  Rémusat.  Mais  je  n'insiste  pas  sur  ce  désaccord 
qui  est  chose  secondaire. 

Abel  Rémusat  ne  s'est  pas  borné  à  la  description  de  cet 
ouvrage  et  à  l'analyse  qu'il  en  donne  dans  le  volume  im- 
[>rimé  en  i8a4*  U  avait  déjà,  ù  cette  époque,  préparé  une 
édition  de  ce  vocabulaire,  non  pas  l'édition  d'une  partie. 


NOUVELLES   ET  MÉLANGES.  517 

mais  Tédition  du  tout.  Il  Tannonçait  même  dans  Tarlicle 
précité  de  ses  Mélanges  asiatiques  par  1  avis  suivant  : 

Il  en  existe  un  troisième  exemplaire  dans  la  collection  d'un 
particulier*  à  Pans.  J'en  ai  fait  moi-même  une  copie  d'après  les 
exemplaires  de  la  Bibliothèque  du  roi  et  je  destine  cette  copie  à  l'im- 
pression. 

La  copie  annoncée  en  ces  termes  en  i8a4  existe  encore; 
elle  est  à  la  Bibliothèque  nationale  dans  le  fonds  chinois  où 
elle  porte  le  n*  2170.  E31e  y  est  entrée  seulement  le  17  dé- 
cembre 1869.  Mais,  dès  181 2 ,  ce  manuscrit  de  quatre  cent 
vingt-quatre  pages  était  prêt  pour  l'impression,  car  il  porte 
cette  date.  Il  est  rédigé  en  latin.  En  voici  le  titre  : 

Fàn-si-fân,  man-tcheou,  meng  koà  han  chou,  vel  si  ad  operis 
formam  potius  quam  ad  ipsius  naturam  respicere  malueris  :  Man 
han.  si  fan  tsiei  yâo  ;  vocabularium  pentaglottum  sanscriticum , 
tangutanum,  mandschuanum ,  mongolicum  et  sinicum  cum  latina 
interpretatione  i.  m.  e.  f.  J.-P.  Abel  Rémusat. 

L'auteur  donne  le  sanscrit  en  caractères  tibétains,  comme 
dans  l'original  (en  l'accompagnant  d'une  transcription), 
puis  successivement,  Tune  au-dessous  de  l'autre,  les  ver- 
sions tibétaine,  mandchoue,  mongole,  chinoise,  chacune 
dans  les  caractères  indigènes,  enfin  la  traduction  latine. 
Dans  une  courte  préface ,  Abel  Rémusat  prévient  le  lecteur 
que  sa  traduction  a  été  faite  sur  le  chinois,  mais  que,  le 
cas  échéant,  il  ajoute  les  interprétations  divergentes,  sug- 
gérées par  les  versions  mongole  et  mandchoue.  Quelques 
remarques  en  latin,  en  anglais  ou  en  d'autres  langues  ont 
été  postérieurement  ajoutées  à  l'encre  rouge. 

Pourquoi  ce  travail  si  important  destiné  à  l'impression 
n'a-t  il  pas  été  publié  ?  Je  suppose  que  les  difficultés  typogra- 
phiques, le  manque  de  caractères  et  l'élévation  de  la  dépense 
ont  fait  avorter  le  projet  d'Abel  Rémusat.  Il  faut  bien  dire 
(|uil  y  avait  là  un  surcroit  de  complications.  La  reproduction 

'  Ce  particulier  ne  me  parait  pas  pouvoir  être  antre  que  Klaproth. 


518  AVRILMAI-JUIN  1889. 

du  texte  sanscrit  en  caractères  tibétains  était  une  circon- 
stance très  défavorable,  je  ne  puis  dire  une  idée  malbeu- 
reuse.  Mais  c*eût  été  une  heureuse  idée,  ou  plutôt  c* était 
une  nécessité  absolue  de  ramener  ce  texte  au  Devanâgari. 
Abel  Rémusat  eût  sans  doute  uni  par  en  venir  là  s'il  eût  vécu 
plus  longtemps  et  peut-être  n  aurions-nous  pas  eu  à  attendre 
M.  Minaïef  et  Tannée  1887  pour  avoir  le  texte  de  cet  ou- 
vrage intéressant. 

Enfin ,  soixante-trois  ans  après  qu' Abel  Rémusat  annonçait 
son  dessein  de  nous  donner  les  cinq  versions  de  ce  voca- 
bulaire, M.  Minaïef  nous  en  donne  une,  la  principale  il  est 
vrai.  Mais  voici  qu'on  nous  comble  :  presque  au  moment  011 
M.  Minaïef  publiait  son  volume,  M.  de  Haiiez  entreprenait 
la  publication  du  même  ouvrage  dans  le  recueil  nouvelle- 
ment créé  à  Londres  par  M.  Terrien  de  La  Couperie,le  Baby- 
lonian  and  Oriental  record,  sous  ce  titre  :  a  buddbist  bbposi- 
TORT,  Man  han  si-fan  Uieh-yâo,  Car  ce  titre  chinois  parait 
devoir  être  définitivement  adopté.  M.  de  Harlez  nous  donne 
plus  que  M.  Minaïef,  mais  moins  que  ne  voulait  nous  donner 
Abel  Rémusat.  Il  reproduit  intégralement  le  texte  sanscrit  et 
la  version  tibétaine,  donnant  de  fun  et  de  Tantre  une  tra- 
duction spéciale.  Quant  aux  autres  versions ,  il  ne  les  donne 
qu'occasionnellement,  et,  pour  la  traduction,  il  se  borne  à 
indiquer  sommairement  les  différences  d'interprétation  ou 
l'accord  des  textes.  Il  donne  de  plus  le  texte  des  intitulés  des 
sections  de  l'ouvrage  qui  sont  en  tibétain  et  que  M.  Minaïef 
a  omis  parce  qu'il  s'est  attaqué  uniquement  à  la  partie  sans- 
crite. Seulement  M.  de  Hariez  n'emploie  pas  les  caractères 
orientaux;  il  a  recours  à  la  transcription,  donnant  en  ita- 
liques les  textes  sanscrit  et  tibétain  ;  ce  qui  les  £siit  hxea  res- 
sortir. La  majorité  des  lecteurs  sera  peut-être  satisfaite;  mais 
l'abandon  des  caractères  indigènes  n'est  pas  sans  inconvé- 
nient. C'est  aussi  une  chose  fâcheuse  que  cette  découpure  de 
Touvrage  dans  différents  cahiers;  toutefois  il  est  probable 
qu^un  tirage  à  part  permettra  de  réunir  ces  disjecti  memhra 
operis. 


NOUVELLES   ET  MÉLANGES.  519 

Puisque  cet  ouvrage ,  qui  se  trouve  être  l'objet  de  deux 
publications  presque  simultanées,  est  un  abrégé  du  grand 
vocabulaire  Mahâvyutpatti ,  qui  est  lui-même  un  des  textes 
édités  par  M.  Minaïef ,  il  convient  de  dire  aussi  quelques 
mots  de  ce  grand  vocabulaire.  Il  a  toujours  excité  la  curio- 
sité, et  c'est  à  cette  curiosité  que  nous  devons  deux  copies 
manuscrites  qui  en  existent  à  la  Bibliothèque  nationale. 
La  première, qui  porte  les  n**'  1-2  du  fonds  tibétain-mongol, 
a  été  exécutée  en  i85a  par  M.  Foucaux ,  pour  la  Bibliothèque 
nationale  elle-même ,  sur  le  n"  687  du  catalogue  de  la  biblio- 
thèque du  département  asiatique  de  Saint-Pétersbourg  :  elle 
comprend  le  texte  sanscrit  et  la  version  tibétaine.  M.  Foucaux 
a  plus  taixi  ajouté  des  variantes  empruntées  au  n**  a5i47  de 
la  bibliothèque  de  TUniversité  impériale  de  la  capitale  russe, 
celui-là  même  qui  a  depuis  servi  de  base  à  Tédition  de  M.  Mi- 
naïef et  qui  est  désigné  par  lui  par  la  lettre  P. 

En  eflFet ,  ce  manuscrit  fut  prêté ,  peu  d*années  après ,  à  Sta- 
nislas Julien  qui,  n'ayant  pas  d'autre  moyen  de  se  procurer 
le  Mahâvyntpatti ,  en  exécuta  une  très  belle  copie  faite  sur  le 
volume  de  Pétersbourg  en  collaboration  avec  M.  Foucaux. 
M.  Foucaux  copia  les  parties  sanscrite  et  tibétaine,  Stanislas 
Julien  se  réserva  les  parties  mongole  et  chinoise.  Il  ajouta  à 
Touvrage  une  reproduction  photographique  d'un  des  feuillets 
de  l'original  (le  262*).  Ce  beau  manuscrit  de  cinq  cent 
quatre-vingt-deux  folios  formant  deux  grands  et  forts  volumes 
est  maintenant  a  la  Bibliothèque  nationale  qui  l'a  acquis  de 
Stanislas  Julien;  il  porte  dans  le  fonds  chinois  les  n***  242a- 
2423. 

Cependant  ces  deux  copies  sont  nécessairement  d'un  usage 
très  restreint.  M.  Minaïef  a  donc  répondu  à  un  desideratum 
en  publiant  le  texte  sanscrit.  Mais ,  comme  pour  le  vocabu- 
laire Man-han-si-fan-tsi-yâo ,  on  peut  regretter  l'absence  des 
autres  versions.  Comme  pour  ce  même  vocabulaire  aussi, 
M.  Minaïef  a  été  devancé  par  un  illu^re  érudit  qui  avait 
formé  le  projet  de  publier  un  texte  plus  complet  du  Mahâ- 
vyutpatli  et  n'a  pas  eu  la  satisfaction  de  le  voir  exécuté. 


520  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

Csoma  de  Kôrôs  avait  préparé  une  édition  du  grand  vocabu- 
laire. Son  manuscrit,  conservé  à  la  bibliotlièque  de  la  Société 
asiatique  de  Bengale,  a  six  cent  quatre-vingt-six  pages,  sans 
compter  vingt  pages  d*index;  il  est  divisé  en  quatre  colonnes 
occupées ,  la  première  par  les  numéros  d*ordre ,  la  deuxième 
par  le  texte  sanscrit  en  transcription,  la  troisième  par  la 
version  tibétaine  en  caractères  tibétains,  la  quatrième  par 
une  traduction  anglaise.  Il  doit  avoir  été  commencé  à  Cal- 
cutta en  1 83 1  ;  il  était  certainement  achevé  Tannée  sui- 
vante. Car,  dans  une  lettre  du  a  6  décembre  1882,  A^^lson 
signale  au  secrétaire  du  Gouvernement  de  Tlnde  un  voca- 
bulaire tibétain  contenant  «  un  sommarie  du  système  boud- 
dhique »  comme  prêt  pour  Timpression  et  digne  d*ètre  publié 
avec  la  Grammaire  et  le  Dictionnaire  de  la  langue  tibétaine; 
il  estimait  les  frais  à  3  ou  ^,000  roupies.  Le  Gouvernement 
décida  l'impression  de  la  Grammaire  et  du  Dictionnaire  qui 
fut  achevée  en  i834  et  coûta  6,4 12  roupies.  Le  vocabulaire 
tibétain ,  c'est-à-dire  le  Mahâvyutpatti ,  fut  laissé  de  côté.  Le 
Gouvernement  indien  avait  vraisemblablement  reculé  de- 
vant la  dépense  \  Ainsi  le  travail  de  Csoma  comme  cdui 
d'Abel  Rémusat  est  resté  lettre  close  pour  le  public.  Il  était 
réservé  à  M.  Minaïef  de  réaliser  dans  des  proportions  plus 
restreintes  les  intentions  de  ces  deux  grands  maîtres  de  la 
science  dans  la  première  moitié  du  siècle.  Ce  retard  n*est 
pas  tout  à  fait  regrettable;  les  publications  faites  aujourd'hui 
sont  sans  doute ,  à  certains  égards ,  supérieures  à  ce  qu'au- 
raient été  celles  de  18a  5  et  de  i835.  Celles-ci  nen  auraient 
pas  moins  eu  leur  mérite  et  un  mérite  durable.  Aussi ,  tout 
en  rendant  justice  au  zèle  et  aux  efforts  de  MM.  Minaïef 
et  de  Hariez,  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  d'exprimer  le 
regret  que  les  projets  de  publication  d'Abel  Rémusat  et  de 
Csoma  de  Kôrôs  n'aient  pas  abouti  en  leur  temps. 

L.  Frer. 

'  Théodore  Duka,  Life  and  works  oj Csoma  de  Kôrôs ,  p.  ii3et  207-217. 


-NOUVELLES    ET   MELAiNGES.  521 

Çakuntala ,  drame  indien,  version  lamoule  d'un  texte  sanscrit, 
traduite  en  français  par  Gérard  Devèze.  Paris,  Maisonneuve  et 
Ch.  Leclerc ,  1 888 ,112  pages. 

L'histoire  de  Çakuntalà  est  depuis  longtemps  connue  et  le 
drame  de  Kâlidâsa  justement  célèbre.  Comme  plusieurs  au- 
tres légendes  indiennes,  celle  de  Çakuntalà  a  passé  de  la 
littérature  sanscrite  dans  les  autres  littératures  de  la  pénin- 
sule. M.  Gérard  Devèze  vient  de-  nous  donner  en  français, 
d'après  une  publication  faite  dans  l'Inde,  l'imitation  tentée 
par  le  poète  tamoul  Râmacandra  du  drame  de  Çakuntalà.  Le 
mot  «  imitation  »  n'est  peut-être  pas  le  mot  propre  ;  car  l'au- 
teur tamoul  ne  se  réclame  pas  de  Kâlidâsa  dont  il  ne  pro- 
nonce même  pas  le  nom  et  qu'il  semble  ignorer  absolument. 
Il  ne  reconnaît  pas  d'autre  inspirateur  que  l'auteur  du  «  su- 
perbe »  Mahâbhârata ,  et  le  grand  poème  épique  de  l'Inde 
aryenne  parait  bien  avoir  été  son  seul  guide. 

Aussi  ne  retrouve-t-on  dans  l'œuvre  de  Râmacandra  au- 
cune des  combinaisons  imaginées  par  l'auteur  du  drame 
sanscrit,  et  qui  ont  tant  contribué  à  rendre  son  œuvre 
célèbre,  ni  la  malédiction  du  brahmane  qui  fait  perdre  au 
roi  la  mémoire,  ni  surtout  cet  anneau  donné  par  le  roi  à 
son  épouse,  perdu  par  celle-ci  et  retrouvé  dans  le  ventre 
d'un  poisson.  Kâlidâsa  resserre  d'ailleurs  les  événements  de 
son  drame  entre  la  première  rencontre  du  roi  et  de  la  jeune 
fille  et  la  reconnaissance  de  l'épouse  et  de  l'enfant  par  le 
mari  et  le  père.  Le  poète  tamoul  n'ajoute  rien  et  ne  re- 
tranche rien;  il  ne  tente  aucune  combinaison;  il  se  borne  à 
développer  les  situations  fournies  par  les  données  de  la  tra- 
dition, en  prenant  les  choses  ab  ovo ,  c'est-à-dire  à  la  nais- 
sance de  Çakuntalà  et  même  avant.  C'est  ainsi  que  la  péni- 
tence de  Viçvamilra,  sa  séduction  par  Menakâ,  la  naissance 
et  l'abandon  de  Çakuntalà ,  son  adoption  par  Kanva ,  la  chasse 
du  roi  Dusyanta ,  la  séduction ,  la  grossesse  et  l'accouchement 
de  Çakuntalà,  l'éducation  de  Bharata,  le  voyage  de  la  mère 
et  de  l'enfant  à  la  capitale  ,  l'altercation  entre  les  deux  époux 

xni.  34 


rurr.iu»!!!    xtriuMim. 


522  AVRIL-MAI-JUIN   1889. 

et  leur  réconciliation  due  à  une  voix  aérienne  sont  autant 
de  tableaux  qui  passent  successivement  devant  les  yeux  du 
lecteur  ou  du  spectateur,  et  le  font  assister  à  des  scènes 
diverses,  quelquefois  assez  répugnantes,  parmi  lesquelles  la 
peinture  des  ardeurs  de  la  passion  occupe  mie  large  place. 

A  chaque  nouvel  épisode,  le  directeur  annonce  au  public 
ce  qui  s'est  passé  dans  l'intervalle  ou  Tarrivée  du  personnage 
important  qui  va  jouer  son  rôle.  Llntervention  fréquente  de 
ce  directeur  n*est  pas  sans  analogie  avec  ces  prologues  des 
comédies  latines ,  dans  lesquels  Tacteur  donne  un  résumé  de 
la  pièce  qui  va  être  jouée. 

Notons ,  avant  de  fmir,  un  trait  curieux  de  ce  drame  :  les 
relations  entre  le  guru  et  ses  disciples.  Vicvamitra  rédame  à 
tout  moment  le  concours  de  ses  deux  disciples ,  qui  ne  re- 
çoivent pas  un  ordre  sans  grommeler;  et  leur  maître,  qui 
s'aperçoit  de  leur  peu  de  bonne  volonté  à  obéir,  répond  par 
des  malédictions  à  leurs  apartés  injurieux.  Cette  irrévérence 
envers  le  guru  me  fait  penser  aux  moqueries  dont  les  dieux 
sont  Tobjet  dans  Aristophane. 

Il  y  a  intérêt  et  profit  à  comparer  ce  drame  tamoul  avec  le 
drame  sanscrit  de  Kâlidâsa ,  et  nous  remercions  M.  Gérard 
Devèze  d'avoir,  par  une  traduction  qui,  autant  qu*il  nous 
est  possible  d'en  juger,  est  très  fidèle ,  mis  à  la  portée  des 
lecteurs  l'ouvrage  de  Râmacandra. 

L.  Feer. 


WILLIAM  WRIGHT. 

j.î^l  ^Uiî  opj  ^5! 

(Tarafa,  MoMlloka»,  v.  66.  ) 

«  La  mort  cruelle  aime  à  choisir  sa  proie  parmi  les  hcnnmes 
les  plus  éminents.  »  Ces  paroles  de  l'ancien  poète  arabe  ne 
sont  que  trop  justifiées  au  moment  où  nous  pleurons  la 
perte  douloureuse  de  William  Wright ,  le  célèbre  orientaliste , 


NOUVELLES   ET   MELAN(;ES.  523 

admiré  et  aimé  du  monde  savant  tout  entier  et,  en  particu- 
lier, de  l'Angleterre  qui  perd  en  lui  un  de  ses  plus  illustres 
maîtres. 

Wright  naquit  le  17  janvier  i83o,  dans  l'Inde  anglaise, 
où  son  père  était  capitaine  au  service  du  gouvernement.  Sa 
mère  était  fille  de  M.  Overbeck,  dernier  gouverneur  hol- 
landais du  Bengale.  Il  était  encore  enfant  lorsque  ses  parents 
revinrent  en  Europe  et  fixèrent  leur  demeure  à  Saint-An- 
drews  en  Ecosse  ;  c'est  là  que  William  fit  ses  études  univer- 
sitaires. On  l'avait  destiné  à  la  profession  ecclésiastique ,  mais 
ses  goûts  le  dirigèrent  vers  la  philologie  orientale.  A  peine 
ses  études  terminées ,  il  se  rendit ,  afin  de  mieux  apprendre 
le  syriaque,  à  Halle,  où  il  suivit  les  cours  de  Rôdiger,  et 
ensuite  à  Leide  pour  examiner  des  manuscrits  arabes.  C'est 
là  cpi'il  fit  la  connaissance  de  Dozy  qui  ne  tarda  pas  à  recon- 
naître ses  aptitudes.  Ce  fut  sur  la  proposition  de  Dozy  que  le 
Sénat  de  l'Université  de  Leide  lui  conféra,  en  i853,  le  titre 
de  docteur  honoris  caasa.  Wright  venait  alors  de  publier  l'iti- 
néraire d'Ibn  Djobaïr,  et  avait  fait  preuve ,  dans  cette  édition , 
d*une  connaissance  solide  de  la  langue  arabe,  d'une  critique 
pénétrante  et  sagace  et  d'une  érudition  peu  conunune.  Le 
seul  manuscrit  connu  de  ce  précieux  document,  que  possède 
la  Bibliothèque  de  Leide,  n'est  pas  mauvais,  mais  l'écri- 
ture en  est  assez  difficile  à  lire  et  il  n'est  point  exempt  de 
fautes  et  de  lacunes.  Wright  sut  se  rendre  maître  de  ces  dif- 
ficultés ,  et  son  édition  du  voyageur  arabe  fut  jugée  digne  de 
figurer  à  côté  des  textes  les  mieux  préparés.  Il  était  le  seul  à 
n'en  être  pas  satisfait ,  et  l'appelait  un  péché  dejeanesse.  Lors- 
que la  première  édition  étant  épuisée,  M.  Brill  voulut  en 
donner  une  seconde,  accompagnée  cette  fois  d'une  traduc- 
tion ,  Wright  s'y  refusa  et  me  proposa  de  revoir  le  texte  en  me 
priant  de  ne  pas  le  nonmier  sur  le  titre  de  la  nouvelle  édi- 
tion *.  Un  pareil  trait  le  peint  tout  entier.  Très  indulgent  pour 


*  Cette  édition  n*a  pas  paru.  J'avais  promis  de  la  donner,  si  M.  Defré- 
mery  voulait  se  charger  de  la  traduction  françai<;e;  co  savant  y  consentit, 

34. 


52/1  AVRIL-MAI-JUI.N   1889. 

les  (léfauls  de  ses  confrères,  il  était  pour  lui-même  d*uiie 
grande  sévérité  et  ne  pouvait  se  résoudre  a  publier  un  travail 
qu'après  avoir  acquis  la  conviction  qu  il  n*avaît  négligé  aucun 
moyen  de  le  rendre  aussi  parfait  que  possible. 

L'Université  de  Leide  s*honore  d'avoir  été  la  première  à 
apprécier  les  hautes  qualités  et  le  mérite  de  ce  savant.  De 
son  côté ,  il  n'a  jamais  oublié  l'accueil  qu'il  y  trouva.  Le  titre 
de  docteur  qu'on  lui  donna  en  i853  fut  toujours  le  plus  pré- 
cieux pour  lui  et  il  conserva  une  vive  sympatbie  pour  la  Hol- 
lande, dont  il  avait  appris  la  langue  par  sa  mère  et  où  il 
comptait  quelques-uns  de  ses  meilleurs  amis. 

Après  la  publication  d'Ibn  Djobaïr,  coup  dressai  que  le 
juge  le  plus  compétent  avait  déclaré  un  coup  de  maître ,  Wright 
retourna  en  Angleterre  avec  une  riche  moisson  de  manuscrits 
arabes.  Ces  extraits,  tous  copiés  par  lui  avec  le  plus  grand 
soin ,  étaient  les  matériaux  d'un  grand  travail  dont  il  a  exposé 
le  plan  dans  une  lettre  à  Fleischer  insérée  dans  la  Zeitschr^ 
der  D.  M.  G. ,  VII  ,109.  Quoiqu'il  n'eût  diors  que  vingt-trois 
ans,  Wright  avait  déjà  acquis  une  connaissance  profonde  des 
principales  langues  sémitiques ,  sans  parier  du  persan  et  dn 
turc  dont  il  pouvait ,  au  besoin ,  se  servir  pour  ses  recherches. 
Afin  de  mieux  pénétrer  dans  le  vif  de  l'ancienne  poésie  arabe, 
il  avait  appris  par  cœur  plusieurs  poèmes,  entre  autres  une 
grande  partie  du  Diwan  des  Hodsaîlites, 

A  Londres ,  on  lui  offrit  la  chaire  d'arabe  à  TUniversity  Col- 
lège, qu'il  occupa  jusqu'en  18  56;  à  cette  date,  ilfîit  appelé  à 
remplir  la  même  fonction  auTrinity  Collège  de  Dublin, où  il 
resta  cinq  ans.  Pendant  qu'il  était  à  Londres,  il  publia  le 
Livre  de  Jonas  en  quatre  versions,  et  contribua  à  la  publica- 
tion des  Analectes  sur  V  histoire  et  la  Uttératare  d' Espagne  »  par 
Makkary,  avec  la  collaboration  de  Krehl ,  Dosy  et  Dogat. 

Durant  son  séjour  à  Dublin ,  il  donna  au  public  les  Ojpof- 
cula  arabica  et  le  premier  volume  de  sa  grammaire  arabe. 

mais  il  fut  empêché  par  son  état  de  santé  de  réaliser  notre  projet  ;  je  croîs 
inutile  d'ajouter  que  nous  n'aurions  jamais  consenti  k  eSùcer  le  nom  da 
principal  éditeur. 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  525 

Cet  ouvrage,  qu'il  intitulait  modestement  Traduction  de  la 
grammaire  de  Caspari  avec  additions  et  corrections,  mérite 
d'être  considéré  comme  un  livre  original,  par  la  clarté  des 
définitions ,  le  bon  choix  des  exemples  et  ses  utiles  contribua 
tions  à  la  grammaire  sémitique  comparée.  L*édition  de  1863 
étant  épuisée,  il  en  donna  une  seconde  (1874-1875) ,  enrichie 
et  refondue  de  façon  à  répondre  à  toutes  les  exigences  de 
cette  difficile  étude.  Cette  édition,  à  son  tour,  est  devenue 
introuvable  ;  il  est  à  désirer  qu'une  troisième  édition  ne  tarde 
pas  de  paraître,  et  que  celui  qui  se  chargera  de  la  tâche 
honorable  de  la  préparer  puisse  profiter  des  notes  que  l'au- 
teur a  dû  consigner  sur  les  marges  de  son  exemplaire.  La 
Chrestom^thie ,  qui ,  dans  la  pensée  de  l'auteur,  était  le  complé- 
ment indispensable  de  sa  grammaire  ,  ne  parut  qu'en  1870; 
c'est  un  livre  bien  fait;  mais,  par  suite  de  l'absence  d'un 
glossaire ,  il  n'a  pas  eu  tout  le  succès  qu'il  méritait. 

A  Dublin,  Wright  se  vit  obligé  de  faire  un  cours  d'hin- 
doustani  pour  les  aspirants  au  service  de  l'Inde  anglaise. 
Comme  il  possédait  à  fond  cette  langue ,  il  se  proposait  de 
composer  un  dictionnaire  pour  en  faciliter  l'étude  scienti- 
fique, mais  son  départ  de  Trinity  CoUege,  en  1861,  le  força 
d'abandonner  ce  projet. 

On  venait  de  lui  offi^r  une  place  au  Musée  britannique 
pour  rédiger  le  catalogue  de  la  riche  collection  des  manu- 
scrits syriaques ,  lorsque  la  chaire  d'arabe  à  Oxford  devint 
vacante.  Il  semblait  qu'il  fût  désigné  pour  l'occuper,  mais 
l'Université  d'Oxford  laissa  échapper  l'occasion  de  s'attacher 
un  savant  éminent  qui  aurait  contribué  à  son  illustration. 
La  science  du  moins  n'y  perdit  rien.  Pendant  les  dix  années 
que  Wright  passa  au  département  des  manuscrits  orien- 
taux du  Musée  britannique ,  il  rédigea  le  catalogue  des  manu- 
scrits syriaques ,  œuvre  excellente  à  tous  égards  et  qui  aurait 
suffi  pour  fonder  sa  réputation.  A  cefte  même  époque  de 
sa  vie  appartient  une  série  de  publications  qui  parurent 
dans  l'ordre  suivant  :  Contributions  à  la  littérature  apocryphe 
du  N.  T.,  texte  syriaque  et  traduction  anglaise,  i865;  Home- 


526  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

lies  d'Aphraates ,  tome  î,  contenant  le  texte  syriaque,  1869; 
Les  actes  apoctyphes  des  Apôtres ,  a  volumes,  texte  syriacjue  et 
traduction  anglaise,  1871;  la  Chronique  de  Josué  le  Stylite, 
texte  syriaque  accompagné  d'une  traduction  anglaise ,  1 88a  ;  le 
Livre  de  Kafylah  et  Dimnah,  texte  syriaque,  i883.  La  maladie 
qui  devait  l'enlever  Ta  empêché  de  mettre  la  dernière  main  à 
\ Histoire  ecclésiastique  d'Eusèhe  et  au  catalogue  des  manu- 
scrits syriaques  de  la  bibliothèque  de  TUniversité  de  Cam- 
bridge. Son  dernier  travail  fut  un  article  sur  la  littérature 
syriacpie  dans  \ Encyclopœdia  Britannica,  article  qui  est  un 
modèle  de  concision ,  de  clarté  et  d'érudition. 

Wright  apporta  la  même  activité  dans  ses  recherches  sur 
la  littérature  arabe.  En  i864  parut  la  première  livraison  du 
j^âmil  de  Mobarrad,  ouvrage  de  la  plus  haute  importance, 
mais  qui  exigeait  chez  celui  qui  entreprenait  de  le  publier 
une  connaissance  parfaite  de  l'histoire  et  de  la  littérature 
arabes,  et,  en  particulier,  des  subtilités  grammaticales , des 
idiotismes ,  locutions  proverbiales ,  jeux  d'esprit  et  de  mots 
qui  ne  sont  pas  une  des  moindres  difficultés  de  ce  vieux 
document.  Personne  n'était  mieux  préparé  que  Wright  pour 
une  telle  entreprise.  La  dernière  livraison  du  texte  (996  pages 
in-^"*)  parut  en  iS'jà,  En  1882,  la  onzième  livraison,  con- 
sacrée aux  index  (200  pages) ,  fut  distribuée  aux  souscripteurs. 
Une  douzième  livraison  devait  contenir  une  courte  préface , 
le  résultat  de  la  collation  de  quelques  manuscrits  que  l'édi- 
teur n'avait  pas  pu  utiliser  lors  de  la  préparation  du  texte, 
enfin  une  liste  de  corrections.  11  est  à  espérer  qu'un  savant 
autorisé  se  chargera  de  réunir  et ,  au  besoin ,  de  compléter  les 
matériaux  que  l'auteur  a  laissés  probablement  eu  porte- 
feuille. 

En  1870,  Wright  fut  appelé  à  occuper  la  chaire  d'arabe  à 
l'Université  de  Cambridge.  Cette  chaire ,  conmie  plus  d'une 
en  Angleterre,  est  très  insuffisamment  payée;  on  le  nonmia 
en  même  iemps  fellow  du  Queen's  Collège.  L'Université  n'eut 
qu'à  se  féliciter  de  ce  choix  qui  donna  un  nouvd  essor  à 
l'étude  des  langues  sémitiques.  Wright  avait  le  don  de  l'en- 


NOUVELLES  ET   MELANGES.  527 

seignemeiit;  sa  méthode  était  sûre,  ses  explications  claires; 
il  n'éludait  pas  les  questions  difficiles  et  savait  inspirer  à 
ses  élèves  les  principes  de  saine  critique  que  lui-même  avait 
toujours  pratiqués.  M.  Bensley,  dans  un  article  écrit  en 
mémoire  de  son  ami  défunt  et  qui  a  paru  dans  VAcademy 
du  i*'juin  (p.  378),  loue  particulièrement  ses  lectures  sur  la 
grammaire  comparée  des  langues  sémitiques  et  nous  en  fait 
espérer  la  publication  prochaine.  Mais  ce  n'est  pas  seule- 
ment par  l'érudition  et  la  méthode  que  Wright  s'attachait 
les  étudiants  :  il  savait  leur  communiquer  son  amour  de  la 
science  ;  il  se  faisait  une  place  dans  leur  cœur  par  sa  bonté 
et  par  le  charme  de  ses  manières. 

Il  est  le  véritable  fondateur  de  l'Ecole  orientale  de  Cam- 
bridge et  l'Université  ne  saurait  mieux  honorer  sa  mémoire 
qu'en  maintenant  et  développafit  son  œuvre.  Parmi  les  ser- 
vices dont  elle  lui  est  redevable ,  je  me  borne  à  rappeler  que 
l'acquisition  de  la  belle  et  riche  collection  de  manuscrits 
sanscrits  que  M.  D.  Wright  apporta  du  Népal  est  due  à 
son  initiative. 

Le  départ  de  Wright  pour  Cambridge  ne  mit  pas  fin  à  ses 
rapports  avec  le  Musée  britannique.  Le  catalogue  des  ma- 
nuscrits syriaques  était  à  peine  achevé  qu'il  commençait  celui 
des  manuscrits  éthiopiens.  Quoiqu'il  ne  pût  consacrer  à  ce 
travail  qu'une  partie  de  ses  vacances,  il  y  mil  tant  de  zèle 
que  son  travail  parut  en  1877.  Ses  visites  réitérées  au  Musée 
avaient  encore  un  autre  but.  Il  s'était  chargé  de  l'édition  de 
la  série  orientale  des  fac-similés  d'anciens  manuscrits  pour  la 
Paleographical  Society.  De  1876  à  i883  parurent  huit  livrai- 
sons de  cette  publication  magnifique,  qui ,  malheureusement , 
n'a  pu  être  continuée  à  cause  des  frais  considérables  qu'elle 
entraînait. 

La  Société  de  paléographie  n'était  pas  la  seule  qui  eût  le 
privilège  d'avoir  Wright  pour  collaborateur.  11  prit  aussi  une 
part  très  active  au  travail  du  Comité  de  revision  de  la  tra- 
duction anglaise  de  l'Ancien  Testament.  Ces  graves  occupa- 
tions ne  l'empêchaient  pas  de  se  mettre,  avec  un  zèle  infati- 


528  WKIL-MAI-JUIN  1889. 

gable,  au  service  de  ses  confrères.  Il  n*y  a  presque  pan  eu 
d'entreprise  scientifique  dans  le  domaine  des  langues  sémi- 
tiques à  laquelle  il  n'ait  pris  quelque  part,  soi(  par  ses  contri- 
butions littéraires,  soit  par  ses  conseils,  soit  enfin  par  les 
encouragements  pécuniaires  qu*il  savait  leur  attirer.  Que  de 
peine  ne  s*esf-il  pas  donnée  pour  rendre  possible  la  publica- 
tion de  la  version  des  Septante  par  M.  de  Lagarde,  pour 
éveiller  l'intérêt  du  public  sur  Tédition  projetée  des  Annahs 
de  Tahary  et  pour  obtenir  des  subventions  en  &veur  de  cette 
entreprise ,  à  laquelle  il  contribua  lui-même  autant  que  ses 
moyens  limités  le  lui  permettaient!  Sa  collaboration  au  7%e- 
sauras  syriacus  du  docteur  Payne  Smith  a  grandement  re- 
haussi!'  la  valeur  de  cet  ouvrage  important.  Dozy,  pour  son 
Supplément  aux  dictionnaires  arabes,  lui  a  été  redevable  de 
nombreux  matériaux.  Le  d6cteur  Neubauer,  dans  l'article 
qu'il  a  consacré  à  la  mémoire  de  Wright  (Athenmum  du 
1*'  juin ,  p.  697) ,  rappelle  avec  reconnaissance  Taide  qu'il  a 
reçue  de  lui  pour  son  édition  du  Livre  des  racines  héhratqaes  en 
arabe,  par  Abou'l-Walyd. 

Wright  portait  un  vif  intérêt  aux  études  d*épigraphie  sémi- 
tique. Il  publia  dans  les  Proceedings  de  la  Société  d'archéo- 
logie biblique  plusieurs  articles  sur  des  inscriptions  phéni- 
ciennes et  coufiques;  dans  leNorth  British  Review,  un  article 
sur  la  stèle  de  Mésa. 

La  part  prépondérante  que,  depuis  sa  nomination  au 
Musée  britannique ,  il  avait  dû  accorder  aux  études  syriaques 
l'obligea  de  restreindre  son  programme  d'études  de  litté- 
rature arabe.  Mais  il  ne  perdit  jamais  de  vue  le  plan  d'une 
édition  du  Dywân  de  Djaryr,  et  des  Nakaid  de  Djaryr  et  de 
Farazdak . 

Quand  je  me  trouvai  la  dernière  fois  chez  lui  a  Cam- 
bridge, il  n'y  a  pas  encore  deux  ans,  il  me  montra  la  copie 
du  manuscrit  de  Farazdak  sur  laquelle  Boucher  avait  tra- 
vaillé, et  dont  Wright  avait  fait  l'acquisition.  Je  ne  sais  pas 
jusqu'où  il  avait  poussé  cette  préparation,  mais  le  monde 
savant  doit  souhaiter,  comme  moi,   que  ses  copies  et  ses 


NOUVELLES  ET  MELANGES.       529 

notes  soient  confiées  à  un  de  ses  élèves  pour  compléter  le 
travail  du  maître. 

Wright  n'avait  d'autre  ambition  que  celle  dé  faire  son 
devoir;  il  ne  recherchait  ni  les  places  ni  les  honneurs.  Il 
n'appréciait  les  premières  que  par  l'occasion  qu'elles  pour- 
raient lui  donner  d'être  utile;  quant  aux  honneurs,  il  ne 
voulait  y  voir  qu'un  témoignage  d'approbation  et  de  sym- 
pathie. Ils  ne  lui  furent  pas  refusés  :  sept  Universités  lui  ont 
successivement  conféré  le  degré  de  docteur  honoris  causa, 
parmi  celles-ci,  l'Université  d'Oxford  qui,  en  1887,  le  fit 
doctor  of  civil  law.  11  était  correspondant  de  l'Institut 
de  France  depuis  1 878 ,  de  l'Académie  impériale  de  Saint- 
Pétersbourg  et  de  l'Institut  royal  de  Lombardie,  membre 
honoraire  de  la  Société  orientale  allemande,  de  la  Société 
asiatique  de  Londres,  etc.  Il  avait  mérité  l'estime  et  l'ad- 
miration de  tous  non  seulement  par  ses  rares  qualités  in- 
tellectuelles et  sa  solide  érudition,  mais  surtout  par  son 
noble  caractère,  sa  droiture,  la  générosité  et  la  délicatesse 
de  son  cœur.  Il  n'avait  de  haine  que  pour  la  bassesse ,  la  sotte 
vanité  et  la  lâcheté,  et  encore  la  sévérité  de  ses  jugements 
était-elle  tempérée  par  une  certaine  bonhomie.  Rien  n'a 
manqué  à  son  bonheur  intérieur  et  sa  maison  hospitalière  a 
toujours  été  ouverte  non  seulement  à  ses  amis,  mais  aux 
savants  étrangers. 

La  maladie  qui  l'a  emporté  s'est  développée  lentement. 
Pendant  l'hiver  de  1888,  elle  prit  un  caractère  menaçant. 
Cependant  un  séjour  de  quelques  mois  dans  sa  chère  Ecosse 
parut  enrayer  le  mal  et  lui  permettre  de  se  remettre  au  tra- 
vail, mais  cette  lueur  d'espoir  s'évanouit  bientôt  et  il  expira 
le  22  mai.  Sa  dépouille  mortelle  a  été  déposée  dans  un 
tombeau  de  famille  à  Saint- Andrews ,  dans  l'enceinte  de  la 
vieille  cathédrale.  C'est  là  que  repose  celui  qui  fut  un  savant 
de  premier  ordre  et  un  grand  homme  de  bien. 

Leide,  le  9  juin  1889. 

M.-J.  DE  GOEJE. 


53(T  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

LE  RAPPORT  ENTRE  SAB'E  SILTANV  mAt  MUSURI 
ET  PIR'V  SAR  MÂT  MUÇURI, 

PAR  M.  LE  D'  EDWARD  MAHLER,  DE  VIENNE. 

Bien  que  le  récit  de  l'inscription  de  Khorsabad,  relatif  à 
la  victoire  gagnée  par  Sargon  sur  Hanûn,  roi  de  Gaza,  et 
Sab'e  mât  Musuri,  et  contenu  dans  les  passages  :  Sah'e  siltanu 
mât  Musuri  (Botta,  1^5,  2,  1.  1)  et  Piru  far  mât  Ma^ari 
(ibid,,  1.  3),  ait  été  déjà  Tobjet  de  fréquentes  recherches, 
j'aime  à  croire  que  les  lignes  suivantes  y  ajouteront  quelque 
chose  qui  ne  sera  pas  absolument  dénué  d'intérêt.  Les  passages 
précités  ont  été  interprétés  jusqu'ici  de  deux  façons  diffé- 
rentes. Une  partie  des  assyriologues ,  suivis  par  Lepsius, 
pensaient  trouver  dans  Sah'e  le  nom  du  commandant  des 
troupes  égyptiennes  à  la  bataille  de  Raphia,  et  dans  Piru, 
le  nom  du  roi  d'Egypte ,  c'est  pourquoi  ils  lisaient  aussi  tar- 
tannu  au  lieu  de  siltannu.  D'autres  assyriologues  voient,  au 
contraire,  dans  Sab'e  le  Sewe  (KID)  de  la  Bible,  c'est-à-dire 
le  roi  Sabaq  de  la  xxv*  dynastie  égyptienne.  A  cette  époque , 
rÉgypte  était  notoirement  gouvernée  par  des  rois  de  diverses 
dynasties.  Pendant  que  les  descendants  de  la  xxii*  dynastie 
continuaient  la  royauté  légitime  à  Bubaste,  la  xxiii*  et  la 
xxiv'  dynasties  régnaient  respectivement  à  Tanis  et  à  Sais. 
Les  deux  dernières  dynasties  se  faisaient  la  guerre  pour  la 
suprématie  dans  le  Delta,  et  ce  n'est  qu'après  avoir  capturé 
Bokenranf  qvie  l'Ethiopien  Sabaq,  ayant  son  siège  à  Napata, 
réussit  à  se  faire  reconnaître  comme  roi  de  toute  l'Egypte. 
Comme  on  le  voit,  grâce  à  ces  circonstances  particulières, 
il  y  eut  alors  plus  de  deux  souverains  en  même  temps ,  et  de 
cette  façon  l'expression  Sab'e  mât  Musuri  peut  bien  désigner 
un  roi,  tout  en  constatant  que  dans  Piru  sar  mât  Mu^vai, 
il  y  a  une  allusion  formelle  à  la  dignité  royale. 

Ceci  établi ,  on  ne  voit  pas  encore  se  dessiner  très  claire- 
ment le  rapport  mutuel  des  deux  souverains  dans  les  passages 
dont  il  s'agit.  Etant  donné  que  Sabaq  ou  àab'e  n'était  pas 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  531 

encore  reconnu  comme  souverain  de  toute  l'Egypte  au  mo- 
ment de  la  bataille ,  on  pourrait  voir  dans  siltaim  une  dési- 
gnation de  royauté  partielle ,  tandis  que  Piru  sar  mât  Musuri 
désignerait  le  souverain  légitime  de  toute  l'Egypte  résidant 
dans  le  Delta.  Mais  on  pourrait  aussi  établir  une  différence 
dans  un  autre  sens.  Le  descendant  de  la  dynastie  saïdique 
serait  désigné  par  Piru  sar  mât  Musuri  en  sa  qualité  de  roi 
légal  de  toute  TEgypte,  tandis  que  Sah'e  siltanu  mât  Musuri 
caractériserait  Sabaq  comme  usurpateur  d'origine  mais  sou- 
verain de  fait.  La  considération  qui  suit  est  peut-être  de 
nature  à  élucider  ce  point. 

Nous  lisons  dans  Genèse,  xli,  4o,  les  paroles  suivantes 
que  Pharaon  adresse  à  Joseph  : 

TOD  bi3îc  NDsn  p-1  ""Dy-^D  p^^*»  r^^  byi  '•n-'a  by  n^nn  nm 

Tu  seras   préposé  à  ma  maison,  tout  mon  peu{de  te  rendra 
hommage;  par  le  trône  seul  je  serai  plus  grand  que  toi. 

Trois  versets  plus  loin  nous  lisons  encore  : 

iVT         t:  !*  v:  T  f  •  '  T  Ittî*  !-•-: 

DnxD 


•  T  : 


Je  suis  Pharaon,  et  sans  ton  ordre  personne  n agira  (mot  à  mot 
personne  ne  lèvera  sa  main  et  son  pied]  dans  tout  le  pays  d'Egypte. 

Par  ces  mots  la  situation  de  Joseph  en  Egypte  a  été  clai- 
rement précisée  :  aucune  mesure  ne  peut  être  prise  en  Egypte 
sans  le  consentement  préalable  de  Joseph  qui  est  un  souve- 
rain de  fait  pour  toute  l'Egypte,  le  trône  seul  est  réservé 
pour  le  roi  proprement  dit. 

Aussi,  chose  vraiment  remarquable,  lisons-nous  au  ver- 
set 46  : 

DnxD  iSd  riy-iD  •'JdS  noya  n^^û  a^^b^-n  nDl'»i 

Et  Joseph  était  âgé  de  trente  ans  iorsqu  il  se  trouvait  en  pré- 
sence de  Pharaon ,  roi  d'Egypte. 


532  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

Tandis  que  tous  les  passages  précédents  de  la  Genèse 
se  servent  soit  du  nom  nviD  seid,  soit  du  titre  D'»")SD  "^Vd, 
seul  notre  verset  a  pour  la  première  fois  les  deux  expressions 
ensemble.  Cela  n^est  certainement  pas  sans  intention ,  il  est 
plutôt  visible  que  Ton  a  voulu  indiquer  le  caractère  de  roi 
réel  que  Pharaon  se  réservait  après  avoir  confié  la  régence  à 
Joseph. 

Nous  trouvons  aussi  dans  la  Genèse  les  titres  officiels  attri- 
bués à  Joseph.  Au  verset  xlii,  6,  on  lit  : 

IVTT  -  .--  |m  , 

Joseph  est  le  régent  du  pays. 

Et  lorsqu'il  se  fait  connaître  à  ses  frères ,  il  insiste  sur  sa 
dignité  en  Egypte  en  disant  (xlv,  8)  : 

II  m'a  institué  Ab  de  Pharaon ,  seigneur  de  toute  sa  maison  et 
régent  de  tout  le  pays  de  TËgypte. 

Joseph  était  donc  effectivement  le  régent  de  toute  l'Egypte 
et  portait  en  même  temps  le  titre  de  saUit  qui  est  bien  iden- 
tique avec  l'expression  assyrienne  siltanu. 

Maintenant ,  de  même  que ,  à  côté  du  titre  de  Sd  b^  Û^bcf 
yiNH  que  Joseph  portait  en  sa  qualité  de  souverain  illimité 
du  pays ,  le  roi  légitime  d'Egypte  conservait  celui  de  Pbaraon , 
de  même  doit-on  voir  dans  le  titre  de  âabaq-§ab*e,  siltana 
mât  Musuri,  la  désignation  de  la  souveraineté  effective  bien 
qu'usurpatrice ,  tandis  que  celui  de  Pir'u  sar  mât  Ma(uri  dé- 
signe la  dignité  royale  légitime. 


NOUVELLES   ET   MELANGES. 


533 


TABLEAU  SYNOPTIQUE  DES  TITRES  DES  ROIS  EGYPTIENS 
MENTIONNAS  DANS  LA  GENESE. 


CHAPITRE 
ET  VERSETS. 

TITRE. 

NOMBRE 
DE  FOIS. 

CHAPITRE 
ET  VEBSBTS. 

TITRE. 

NOMBRE 
DE  FOIS. 

XII,           l5 

ny")D 

3 

XLI,           4 

nyiD 

1 

17 

nyiD 

1 

7 

nyiD 

1 

18 

ny")D 

1 

8 

nyiD 

2 

20 

nviD 

1 

9 

ny-)D 

1 

XXXVII ,  36 

ny-iD 

1 

10 

nyiD 

1 

XXXIX  ,        1 

nyiD 

1 

i4 

HinD 

2 

LX,               1 

DnîTD  -|^D 

2 

i5 

ny-)D 

1 

2 

nyiD 

1 

16 

nyiD 

2 

5 

□nîTD  l'jD 

I 

»7 

ny-)D 

1 

7 

nynD 

1 

25 

nyns 

3 

1 1 

nyiD 

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28 

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534 


AVHIL-MAI-JUIN   1889. 


CHAPITRE 
ET  VERSETS. 

TITRE. 

NOMBRE 
DE  FOIS. 

CHAPITRE 
ET  VERSETS. 

TITRE. 

NOMBRE 
DE  FOIS. 

XLI ,         4 1 

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1 

NOUVELLES    ET   MELANGES.  535 


MICHEL  AMARL 

Un  grand  citoyen  italien,  qui  a  été  aussi  un  orientaliste 
distingué,  M.  Amari,  vient  de  mourir  à  Florence  dans  un 
âge  avancé.  Il  appartenait  à  notre  Société  depuis  longtemps , 
et  avait  fourni  autrefois  au  Journal  asiatique  d'utiles  contri- 
butions, entre  autres  les  Extraits  du  voyage  d'Ibn  Djohaîr, 
une  étude  sur  les  Questions  philosophiques  adressées  aux  savants 
musulmans  par  Yempereur  Frédéric  II,  etc.  Deux  grands  ou- 
vrages inspirés  par  le  plus  pur  patriotisme  et  fruit  de  persé- 
vérantes études ,  les  Vêpres  siciliennes  et  V Histoire  des  musul- 
mans de  Sicile ,  ont  rendu  le  nom  d'Amari  populaire  dans  son 
pays  natal  et  lui  ont  valu  les  suffrages  du  monde  savant. 

La  recherche  des  chroniques  arabes  et  du  moyen  âge  ita- 
lien avait  été  le  but  et  la  consolation  de  ses  longues  années 
d'exil.  Après  l'affranchissement  de  l'Italie,  Amari  devint  mi- 
nistre de  l'instruction  publique  et  sénateur  du  royaume; 
mais  ses  fonctions  pohtiques ,  loin  de  le  détourner  des  études 
orientales,  lui  ont  permis  d'en  rétablir  l'enseignement  sur 
des  bases  plus  larges.  Lui-même  tint  à  iionneur  d'y  propager 
par  ses  propres  leçons  la  connaissance  de  la  langue  et  de  la 
vaste  littérature  des  Arabes.  Parvenu  aux.  limites  extrêmes  de 
l'âge ,  mais  exempt  des  infirmités  qui  en  sont  le  triste  privi- 
lège, il  continuait  encore  avec  une  ardeur  juvénile  à  recueiHir 
et  à  traduire  les  documents  arabes  qui  pouvaient  lui  fournir 
de  nouveaux  renseignements  sur  les  rapports  politiques  et 
commerciaux  de  l'Italie  avec  la  Syrie ,  l'Egypte  et  les  régences 
barbaresques.  L'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres 
sut  reconnaître  la  valeur  de  ses  travaux  en  le  nommant  as- 
sodé  étranger  en  187 1 . 

Amari  aimait  la  France  comme  son  pays  d'adoption  :  il  lui 
a  toujours  été  reconnaissant  de  son  hospitalité  et  des  encou- 
ragements que  ses  premiers  essais  y  reçurent.  La  Société  asia- 
tique ne  peut  que  s'associer  aux  sentiments  de  regret  et  de 
profonde  vénération  qu'inspire  la  perte  de  cet  homme  d'un 


536  AVKIL-MAI-JUIN   1889. 

grand    cœur,  dont    la  vie  ofTre  le    plus  noble  exemple  du 
patriotisme  et  du  culte  désintéressé  de  la  science. 

Â.-C.  Barbier  de  Meynard. 


GEORGES  GUYEISSE. 

Nous  apprenons  avec  tristesse  la  fin  inattendue  de  Tun 
des  membres  les  plus  jeunes  et  les  plus  promettants  de 
la  Société  asiatique,  M.  Georges  Guyeisse,  mort  subitement 
à  Tâge  de  vingt  ans. 

Les  études  indiermes ,  si  cruellement  éprouvées  dans  le 
courant  de  cette  année  par  la  perte  de  tant  de  maîtres, 
MM.  Hauvette  Besnault ,  Bergaigne  et  Garrez,  perdent  en  lui 
une  de  leurs  espérances.  Attiré  vers  l'Orient  par  une  voca- 
tion précoce ,  M .  Guyeisse  avait  déjà  étudié  plusieurs  années 
le  sanscrit  avec  MM.  Bergaigne  et  Sylvain  Lévy,  la  gram- 
maire comparée  iranienne  avec  M.  Darmesteter.  Il  songeait 
.  à  aller  étudier  sur  place,  en  Indo-Chine,  Thistoire  de  la 
civilisation  indienne  transplantée  et  allait  entreprendre ,  sous 
la  direction  de  MM.  Barth  et  Senarl,  la  rédaction  d'un  index 
de  noms  propres  dans  les  inscriptions  de  Tlnde,  destiné  à 
rendre  un  service  de  premier  ordre  aux  historiens  de  Tlnde 
ancienne.  Il  venait  de  s'inscrire  comme  membre  perpétuel  à 
la  Société  asiatique  à  laquelle  il  promettait  de  longues  années 
d'activité  heureuse  :  dans  le  recrutement  si  lent  et  si  pénible 
de  nos  études,  cette  disparition  soudaine  laisse  un  double 
vide  et  un  double  regret. 

J.  1). 


TABLE    DES    MATIERES 

CONTENUES  DANS  LÉ  TOMB  XIII,  VIII*  SÉRIE. 


MEMOIRES  ET  TRADUCTIONS. 


Pages. 

Recherches  sur  Thistoire  de  la  liturgie  v(^.diquè.  (M.  Abel 
Bergaignb  .  ) , 5 

Les  premiers  princes  croisés  et  les  Syriens  jacobites  de  Jéru- 
salem. (Fin.)  (M.  l'abbé  Martin.) 33 

Luh-ying-tchi-li.  Les  règlements  militaires  de  Tempereur  Kya- 
king.  (M.  DE  Harlez.) 80 

Recherches  sur  Thistoire   de   la   liturgie  védique.  (M.  Abel 

BerGAIGNE.  )*. 121 

Documents  pour  Tétude  du  berbère.  (M.  de  Rochemonteix.  ) .  198 
LU,  le  plus  ancien  rituel  de  la  Chine.  (M.  G.  de  Harlez.).  .  a 39 
Les  nombres  ordinaux  en  assyrien.  (M.  Arthur  Amiaud.).  . .  297 
Le  patriarche  Mar  Jabsdaha  II  et  les   princes  mongols   de 

rÀdherbaidjan.  (M.  RrsENs  Duval.) 3i3 

Les  devoirs  de  Técolier.  (M.  J.  Darmesteter.  ) 355 

Notes  d'épigraphie  indienne.  (M.  E.    Senart.) 364 

La  numismatique  araméenne  sous  les  Arsacides  et  en  Méso- 
potamie. (M.  E.  Drouin.) 376 

Documents  pour  l'étude  du  berbère.  (Suite.)  Contes  du  Sous 
et  de  Toasis  de  Tafilelt  (Maroc),  traduits  et  commentés. 

(M.  DE  Rochemonteix.  ) 4oa 

Bibliographie  ottomane.  Notice  des  livres  turcs ,  arabes  et  per- 
sans imprimés  à  Constantinople  durant  la  période  i3o4- 
i3o5  de  rhégire  (1887-1888)  [5*  article].  (M.  Clément 

HUART.) 428 

Index  des  mots  ssûlscrits-chinois  contenus  dans  les  deux  cha- 
pitres d'I-Tsing.  (M.  Ryauon  Fujishima.)  . . . , 490 

xni.  35 


538  AVRIL-MAI-JUIN  1889. 

NOUVELLES  ET  MÉLANGES. 

Procès'verbal  de  la  séance  du  1 1  janvier  1889 111 

.\nnexes  n*"  1  et  2  au  procès-verbal.  —  Die  Genesis  flbersetit 
von  E.  Kauizsch  uDd  A.  Socin.  (M.  Rubens  Ddval. ) 

Procès-verbaux  des  séances  des  8  février  et  8  mars  1889.  .•  •    271 

Annexes  a*'  1  et  a  au  procès-verbal  du  8  mars.  —  Leziooii 
syriacum  auctore  Hassano  Bar-Bahloul.  (M.  l'abbé  Mabtiii.)  -— 
Histoire  de  l'Afrique  septentrionale  depuis  les  temps  les  |das  re- 
culés jusqu'à  la  conquête  française  (i83o).  —  Molhat  al-irab  ou  les 
Récréations  grammaticales  de  Hariri.  (B.  M.) 

Procès-verbal  de  la  séance  du  la  avril  1889 ^97 

Annexe  n"  1  au  procès-verbal.  (  Communications  de  M.  Hal^vt). 
—  Annexe  n*  a. 

Procès-verbad  de  la  séance  du  1  o  mai  1 889 Sog 

Annexe    au    procès-verbal.  (M.   J.  Oppert.)  —  6y44H8int. 
Hacji'ibABaHifl  h  MMarepia^bi.  GoHHHeie  H.  II.  MEHaesa. 

ToMi)  I  BbiiiycR'b  II.  (M.  L.  Feer.)  —  Çakuntald,  drame  in- 
dien ,  version  tamoule  d  un  texte  sanscrit ,  traduite  en  firânçais 
par  Gérard  Devèze.  (M.  L.  Feer.)  —  WiHiam  WrighL  (M.  M.-J.  de 
GoBJE.)  —  Le  rapport  entre  Sab'e  Siltana  et  Pir'a  sar  mât  musuri, 
par  M.  le  D'  Edward  Mahler,  de  Vienne.  —  Micbd  Amari  (Bar- 
bier DE  Meyxard.)  —  Georges  Guyeisse.  (J.  D.) 


Le  Gérant  : 
Barbibr  de  Meynabd.