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JOURNAL
DE LA
r f
SOCIETE DE STATISTIQUE
DE PARIS
TREiYTE ET UNIÈME ANNÉE
(1890)
BERGER-LEVRAULT ET C/, LIBRAIRES-ÉDITEURS
PARIS
NANCY
RUE DES DEAUX-ARTS, 5
RUE JEAN-LAMOUR. H
MDCCCXG
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KANCV, IMPRIHKRIK IIKROKK-L.KVRAUt,T BT C".
TABLE DES MATIÈRES DU TRENTE ET UNIÈME VOLUME
(ÂNNiiE 1890.)
FAOES
Numéro de janvier. — I. Procès-verbai des séances du 20 novembre et du 18 décembre 1SS9 . I
II. Conférences pour les aspirants à l'intendance militaire organisées par la Société de statistique
de Paris, séance d'inauguration ..... 8
m. L'Album de statistique grapliique du ministère des travaux publics, par M. E. Cheysson. . 1 1
IV. Liste des membres de la Société statistique de Paris 23
Numéro de février. — I. Procès-verbal de la séance du 15 janvier 1890 .... .... 33
11. La Fiscalité alimentaire et gastronomique à Paris, par M. Gustave Bienaymé 40
IH. La Statistique des dépenses publiques d'assistance en France, par M. A. de Crisenoy ... GO
\uméro de 7nars . — I. Irocès-verbal de la séance du 19 février 1 890 (iô
II. De la nationalité au point de vue du dénombrement de la population dans chaque pays et de
la loi française sur la nationalité du 26 juin 1889, par M. Th. Diicrocq 69
III. L'émigration à Marseille pendant l'année 1889 78
IV. Ce que la France a gagné à l'Exposition de 1S89, par M Alf. Neymarck 79
Numéro d'avril. — I. Procès-verbal de la séance du 19 mars 1890 97
H, De la nationalité au point de vue du dénombrement (si(»7e eM'i) 103
III. Résultats stalisliques de cinq années de divorce, par M. Victor Turquan " 106
IV. Les accidents d'appareils à vapeur, par M. Octave Relier 112
V. La mortalité par profession en Angleterre, par M. Arthur Cook 116
VI. L'Initiative privée et la mendicité professionnelle, par M. Grosseteste-Tliierry 119
Variété. — Les grèves en 1886 et 1887 127
Numéro de mai. — I. Procès-verbal de la séance du 16 avril 1890 129
II. Le mouvement des navires dans les ports russes depuis 50 ans, par .M. G. Martin .... 135
III. Le classement et la répartition des actions et obligalions des chemins de fer dans les porto-
feuilles, par .M. Alf. iNeymarck 138
IV. La France équinoxiale, notes et impressions sur la Guyane française, par M. C. Cerisier . . 146
V. Correspondance. — Lettre de M. Kiaer sur un point particulier de la table de mortalité . . 159
Numéro de juin. — I. Procès-verbal de la séance du 21 mai 1890 164
II Quelques considérations élémentaires sur les constructions graphiques et leur emploi eu statis-
tique, par M. S. L. Vauthicr 166
III. Variétés. — Ce que coûte un coup de canon 191
Numéro de juillet. — I. Procès-verbal de la séance du 18 juin 1890 193
II Le Conseil supérieur de statistique 196
III. Le Congrès international des accidents du travail, par .M. K. Gruner 198
IV. Statistique comparée de l'agriculture française en 1790 et 1882, par iM. iMauqiiij] .... 200
V. Statistique générale des naufrages, par M Victor Turquan 214
VL Le secrétariat ouvrier en Suisse, par M. A. Liégcard . 218
VII. Variété. — L'impôt sur les cartes à jouer 223
Numéro d'août. — I. Les salaires des travailleurs et le revenu de la France, par M. Ad. Cosle . 225
II. Les Syndicats agricoles en France, p?r M. François Bernard 241
III. Variété. — Le Duel eii Italie 254
PAOIS.
iSnnn'ro de septembre. — I. La Statistique religieuse à Paris, par M. Fonrniei' de Flaix. . . . 257
II. Un nouveau progrès à réaliser dans la statistique des libéralités aux personnes morales, par
M. Th. Ducrocq 268
III. La mortalité des militaires en temps de paix ... 271
IV. Le mouvement de la circulalion parisienne pendant l'Exposition, par M. T. Loua ... 277
V. Variétés. — Les Opérations de la Banque de France en 1889 278
La Récolte des céréales en Russie 281
La Marine à vapeur italienne 283
Les Chemins de fer de l'Europe 284
VI. Bibliographie. — Recherches sur la théorie des prix do MM. Rudolph Auspitz et Richard Lieben,
pjr M. Cheysson 285
Géographie de la République Argentine de M. Latzina, par M. E. Levasseur . . 287
Numéro d'octobre. — I. Procès-verbal de la séance du l(j juillet 1890 (avec annexes) .... 289
II. — La Loi des calastiophes de AI. Aug. Chirac, par M. A. de Foville .... ... 293
III. De la morbidité et de la mortalité dans les Sociétés de secours mutuels italiennes, par
M. T. Loua 309
IV. Variété. — Les Permis de chasse 314
Les Tramways de Paris et de la banlieue 316
La Production minérale de la Grande-Pretagni' 317
Le Commerce réciproque de la France et de l'Italie 317
Essai statistique sur le nombre r. 318
V. Bibliographie. — Le Rapport de M. Siegfried sur le budget du Ministère du commerce, par
M. Alf. .Neymarcii 319
fiuméro de novembre. — 1. Procès- verbal de la séance du l.i octobre 1890 ... ... 321
II. Les Bureaux de statistique du travail aux Etats-Unis, par M. A. Liégeard 324
III. Le Mouvement de la population de lu France en 1889 339
IV. Le Commerce extérieur de la France en 1889, par M. T. Loua 347
V. Paris en 1888, par M. T. Loua 3W
VI. Variété. — La Marine marchande japonaise 351
Numéro de décembre. — I. Procès-verbal de la séance du 19 novembre 1890. ' . . 353
II. La Dépopulalion de la France, par M. A. Ray 359
IIL La Clientèle des caisses d'épargne, par M. T. Loua 301
IV. Variétés parisiennes, par M. T. Loua. — La Production du gaz. . .... 3Gi
Le Prix des terrains et des immeubles . ;jG7
Les Enfants moralement abandonnés . . 3G9
Les Enterrements civils .371
Les Omnibus 372
V. L'Exploitation de la Tour Eiffel pendant l'Exiio.'ilion . . 37i
\1. La Loi dfs catastrophes de M. Chirac 37G
VII. Table alphabétique des matières — Table des auteurs 382
VIII. Travaux de la Société 3S3
Ce numéro contient la Liste des Membres de la Société, voir pages 24-32.
JOURNAL
DK LA
SOCIÉTÉ DE STAÏlSTKililî l)K PAlilS
NO 1 — JANVIER 1890.
I.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DES 20 NOVEMBRE ET 18 DÉCEMBRE 1889.
i° Séance du 20 novembre 1889.
SoMMArBB. — Liste des membres proposés pour le Bureau de 1S90. — Les conférences de statistique
organisées par la Société de statistique de Paris à la Réunion des officiers. — La bibliothèque de la
Société. — l'résentation des ouvrages. — Les constructions graphiques et leur emploi en statistique,
par iM. Yauthier.
La séance est ouverte à 9 heures sous la présidence de M. A. de Crisenoy, vice-
présldenl.
M. DE Crisenoy remercie ses collègues du Bureau de l'avoir appelé à présider la
séance de ce jour, en l'absence de M. Paul Leroy-Benulieu, relenu chez lui par un
deuil cruel, la perte de sa fille, à peine âgée de onze ans. La plupart des membres
de la Société ont tenu à honneur d'assister aux funérailles, et la Société tout en-
tière envoie à notre Président et à sa famille, si douloureusement éprouvés, l'ex-
pression de ses regrets et de sa vive sympathie.
Le procès-verbal de la séance d'octobre est adopté.
M. le Président rappelle qu'il y aura lieu de procéder, dans la séance du iS dé-
cembre, à l'élection des membres appelés à compléter le Bureau et le Conseil pour
l'année 1890.
Conformément à l'article 6 du Hèglemenl, le Conseil a désigné au choix de la
Société les membres ci-après désignés :
Président honoraire . M. Eug. TtssKUAND, directeur de l'agriculture.
Président . . . . . M. Octave Keller, ingénieur en chef des mines, en rem-
placement de M. Paul Leroy-Beaulieu, président sor-
tant en vertu de l'article 7 des Statuts.
1" SKBIB. 31" VOL. — N« 1. i
— 2 —
Vice-présidejils . . . MM. Th. Ducrocq, professeur à la Facullé de droit de
Paris, en remplacemenl de M. Kiig. Tisserand, vice-
prùsidenl, sorlanl en vcrlu des Statuts ; Adolpiic Coste,
puljlicisle, en remplacement de M. 0. Keiler, proposé
pour la présidence.
Membres du Conseil . .MM. Paul Chalvet et Victor Turquan en remplacement
de MM. Ducrocq et Coste, proposés pour la vice-pré-
sidence.
En communiquant celte liste, M. le Président fait observer qu'en vertu de l'ar-
ticle 6 du règlement, toute candidature proposée par cinq membres au moins est
de droit ajoutée à la liste du Conseil, pourvu qu'elle soit conforme aux articles 5
et 8 des Statuts et transmise au Secrétaire général dans le délai de huit jours.
Il est procédé à l'élection de deux membres nouveaux.
Sur la proposition de MM. E. Levasseur et V. Turquan, M. le commandant Quic-
viLLON, breveté d'élat-major, est nonnné membre titulaire.
D'autre part, M. Guillermo Herrea, sous-directeur de la statistique du .Mexique,
dont on a pu remar(|uer les beaux travaux à l'Exposition universelle, reçoit, sur la
demande de M.M. Vannacque et Loua, le litre de membre associé.
Invité par M. le Président à prendre la parole, .M. E. Levasseur informe la
Société que, sur l'initiative de M. Cheysson, le Conseil a organisé, à la demande
de M. le Ministre de la guerre, un certain nombre de conférences de statistique
et de géographie économique, destinées à l'insti'uction des aspirants à l'intendance
militaire, mais qui seront, en même temps, ouvertes gratuitement au public.
Ces conférences auront lieu le samedi de chaque semaine, à 8 heures et demie du
soir, dans la salle d'escrime de la Réunion des officiers, rue Bellechasse, n" 37, à
partir de samedi 23 novembre 1889, jusqu'au samedi 1" mars 1890 inclusivement.
La première séance, consacrée à une conférence de M. Levasseur, membre
de l'Institut, sera ouverte par M. Paul Leroy-Beaulieu, membre de l'Institut, au nom
de la Société de statistique de Paris.
M. Levasseur invite expressément tous les membres de la Société à accompagner
leur Président et à participer aux conférences suivantes dont voici le programme :
i ) Généralités sur la statistique.
Conférences. ^ Samedis.
1". — M. E. Levasseur. La statistique, son objet, son histoire 23nov.l889
2'. — M. Fi. CiiEYSsoN. Les méthodes de la statistique 30 —
;^e. — M. le D' Beutillon. L'organisation des bureaux de statistique en
France et à l'étranger 7 déc,
2) Statistique et géographie économiques.
4". — M. Levasseur. La production et le commerce des céréales dans
le niondo 14 déc.
5«. — M. Levasseur. La culture et la production du froment en France. 21 —
6^ — M. de FoviLi.E. Le sel et le sucre dans le monde 28 —
T. — M. DE FoviLLE. Le vin dans le monile 4janv.l890
ge. — M. E. Tisserand. La production et le commerce de la viande dans
le monde H —
Conffr.>nce!. Samedi».
9». — ■ M. E. Tisserand (ou son délêgiié). Le bétail et les fourrages en
France . 18janv.l889
10°. — M. Pigeonneau, professeur à la Sorbonne. Les régions agricoles de
la France 25 —
H". — M. Pigeonneau. Le commerce de la France l"fév.
1:2". — M. Ciieysson. Les transports par routes, canaux et chemins de fer
en France 8 —
43°. — M. Tisserand (ou son délégué). Les forêts et le commerce des bois
en France 15 —
li°. — M. 0. Keller. Le charbon, le fer et l'acier en France 22 —
15°. — M. Pigeonneau. L'industrie te.xtile en France 1" mars.
Des applaudissements unanimes saluent la communication de M. E. Levasseur,
dont les conclusions sont votées par la Société.
M. Aug. Vannacque se dit heureux de pouvoir annoncer officiellement à la So-
ciété que les locaux que le Ministre du commerce et de l'industrie a bien voulu,
sur la demande de M. de Foville, notre ancien président, aff^ecter, dans l'Hôtel du
ministère, rue de Varennes, à la Ijibliolhèque de la Sociéié de statistique, sont
actuellement aménagés et prêts à la recevoir. Ce local est entièrement séparé de la
bibliothèque du ministère. Cette dernière n'en sera pas moins ouverte aux membres
de la Société de statistique qui voudraient y travailler. Ils y trouveront des docu-
ments précieux qu'ils pourront consulter sur place et sans autre formalité.
M. le Président se félicite de cet excellent résultat, et il en exprime, au nom de la
Sociélé, toute sa reconnaissance à M. de Foville, qui a entamé les premières négo-
ciations à ce sujet, ainsi qu'à M. Vannacque qui en a assuré la réussite, au delà
même des vœux qui avaient été exprimés. Un témoignage de notre gratitude sera
adressé à M. le Président du Conseil, ministre du commerce et de l'industrie, pour
les mesures qu'il a prises et qui sont si avantageuses à la Société de statistique
de Paris.
M. le Secrétaire général fait une rapide énumération des ouvrages transmis à la
Société. Parmi les ouvrages venus de l'étranger, il cite la Statistique des œuvres
pies en Italie, le Tableau du commerce de la Russie, le Commerce de la Bulgarie,
et le dernier fascicule du Journal de la Société de statistique de Londres, où l'on
remarque une traduction de l'article que notre collègue, M. Neymarck, a consacré
aux valeurs mobilières.
De France, la Société a reçu la Statistique des voies navigables pour i888, ou-
vrage très considérable et qui fait le plus grand honneur au ministère des travaux
publics, non seulement par ce qu'il contient, mais par la rapidité de son exécution.
Parmi les documents officiels, il y a encore à citer, V Atlas d^i ministère des finances,
qui mériterait une mention détaillée, et {'Allas de la Caisse des retraites pour la
vieillesse, où l'on trouve l'expression graphique de la grande table de mortalité
établie d'après ses propres opérations.
Notre collègue, M. Coste, nous a gratifiés de sa dernière brochure sur le Congrès
monétaire, et M. 0. Keller, de son ouvrage sur les accidents, où l'on remarque par-
ticulièrement une statistique toute nouvelle sur les accidents résultant de l'explo-
sion des machines à vapeur.
Enfin, M. de Foville a bien voulu nous offrir la seconde édition de sa France
économique qui a trouvé partout le succès qu'elle mérite, et rnème i) l'Exposilioii
universelle, où certains lecteurs lro|i zélés, mais peu délicats, se sont approprié
les exemplaires qui s'y trouvaient.
M. DE Grisenoy dépose alors sur le bureau la dernière Situation financière des
communes, établie sur les budgets primitifs de 1889, et demande la permission
d'en faire ressortir les résultats les plus saillants. Les revenus ordinaires des
communes (Paris excepté) sont évalués pour 1889 à 2.53 millions, (irésenlant sur
1888 un excédent de ô millions de francs. Les centimes ordiujires ont augmenté
de 41,000 fr., ce qui est la plus forte augmentation connue de|iuis 1885. — 1/ac-
croissement a été beaucoup plus (aiblo pour les centimes extraordinaires; enfin,
la moyenne des impositions communales est restée à peu près slationnaire, la
variation n'ayant été que de 54 à 55.
M. Cheysson fait hommage à la Société, au nom du Ministre des travaux publics,
du dernier Album graphique de son ministère. Gel album ofl're uèic grande variété
el des figures nouvelles d'un grand intérêt. 11 lui a été consacré une notice spéciale
qu'on trouvera plus loin.
M. V. TuRQUAN présente à son tour un exemplaire de la SUUisliquc agricole des
Êliils-L'nis. Cet album indi(]ue, d.ms un certain nombre de cartes teintées, la ré-
partition géographique des principales productions agricoles, ainsi que des notices
très intéressantes sur l'économie rurale de ce pays. Il fait reniarquer, à ce propos,
que les représentations graphiques qm se trouvent dans cet ouvrage sont calquées
sur celles que M. Cheysson a établies, de concert avec M. Tisserand, dans l'atlas qui
accompagne la grande enquéle de 1882. C'est un fait qu'il convenait de signaler,
car il prouve que les pays étrangers et l'un de ceux où la statistique est le plus en
honneur, savent apprécier les publications françaises et les prennent quelquefois
pour modèle.
A la suite de ces diverses présentations, l'assemblée reprend son ordre du
jour.
M. Vauthier achève alors sa communication sur les constructions graphi pjes et
leur emploi en statistique. Son travail, que tous les statisticiens consulteront avec
le plus grand profit, sera inséré in extenso dans notre Journal.
kn terminant, l'orateur fait hommage à la Société de deux superbes tableaux,
qui ont figuré à l'Exposition universelle de 1878 et où il a rassemblé le résultat de
ses recherches sur les cartes à courbes de niveau, dont il a été un des principaux
promoteurs.
La séance est levée à onze heures et demie.
2' Séance du i8 décembre 1889.
SoMMAiBE. — Élections pour le renouveltement du bureau et du Conseil. — Communication de M. Ducrocq
sur la question de la nationalité au point de vue du dénombrement. Discussion : MU. Turquan, Levas-
seur, Yvernès et Liégard.
La séance est ouverte à 9 heures sous la présidence de M. de Grisenoy, l'un des
vice-présidents.
Le procès-verbal de la séance du 20 novembre est adopté.
11 e^t procédé à l'élection de deux membres nouveaux.
— 5 --
Sont élus fi riinnnimilé, membres titulaires :
MM. Jenii-Pniil Roux, piibliciste, présenté par MM. Th. Ducrocii, Hailm.inn el
Loua ;
Calixte CAiiiiAUY, coiilrôltiir s:énéral du Crédit lyonnais, dont la candiilaliire
a élé présentée par MM, Lafahrègue el Yvernès.
Aprc.s le dépouillement de la correspondance, qui contient une leKre de remer-
ciL-nient de M. Parmentier, chef de caliinel dw président du Conseil, récemment élu
membre de la Société, et ileiix lettres, l'une de M. Cerisier cpii, avant de partir
pour le Sénégal, jirie la Société d'agréer un travail qu'il a fait pour elle, sur la
situation économi(pie de la Guyane, et l'autre, de M. François Bernard qui, retenu
chez lui par une indisposition, s'excuse de ne pouvoir assister à la séance de ce
jour. Il est sursis à la présentation des ouvrag-es offerts à la Société, et M. le Prési-
dent donne la parole à M. Th. Ducrocq.
M. Th. Ducrocq lit un mémoire étendu, sur la question de la nalionalité au point
de vue du df'nomhrement de la populalion dans chaque pays, et ses rapporls avec
la loi française sur la nalionalité du 26 juin 1889.
L'oiateur, après avoir, avec les statistiques, montré l'invasion continue de l'élé-
ment étranger dans notre populalion, s'attache principalement à ceux qui sont nés
sur noîre territoire, (|ui y vivent de notre vie depuis plusieurs générations, et qui
ne s'abstiennent de la naturalisation que dans l'espoir d'éviter le service militaire.
La loi du 26 juin est heureusement venue qui déjouera ces calculs. D'autre part,
elle accroîtra le nombre des naturalisés, dont le chiffre de cent mille est infime,
r. pproché de onze cent mille étrangers.
Cela posé, il est du devoir de la statisti(iue de discerner dans ces agglomérations
étrangères, ceux qui sont vraiment étrangers de ceux qui sont devenus Français.
Il lui incombe d'appliquer exclusivement la loi du pays, et cela dans chaque pays.
La communication de M. Ducrocq est accueillie par d'unanimes applaudissements,
elle Président, se faisant l'interprète de l'assemblée, adresse à l'auteur ses plus
vives lelicilations. On trouvera dans un de nos plus prochains numéros le mémoire
de M. Ducrocq.
Un court débat s'engage au sujet de la question qui vient d'être traitée;
.M. TuRQUAN reconnaît qu'il serait désiiable que les déclarations de nationalité
pussent être contrôlées, mais cela lui paraît diUicile, élant donnée la manière dont
se font les opérations du dénombrement. Ces opérations reposent sur des bulletins
individuels, dans lesquels les intéressés font leur déclaration sous leur simple res-
ponsabdité : si quelqu'un se déclare Belge, la statistique le considère comme
Belge, sans autre appréciation. Il en est ainsi u\) peu partout; ainsi on a vu des
Français qui vivent aux Ktals-Unis exciper de leur ([ualilé d'Américain pour ne pas
se faire insci'ii'e au consulat; i's se déclareraient Français si on les assujettissait à
certaines thaiges qu'il serait de leur intérêt d'éNiter.
Il partage d'ailleurs l'espoir exprimé par M. Ducrocq que la loi du 26 juin 1889
facilitera les naturalisations. Déjà avant cette loi l'effet s'était produit, et le recen-
sement de 1880 a montré qu'il y avait en France plus de 100,000 naturalisés.
.M. Dl'crocq répond que les (juestioiis par lui examinées et résolues par la loi
U'iuvelle sont tontes autres que celles indiqué* s par .M. Tiirquan, qui a parlé de gens
qui cachent lein' nationidil(; sans (ju'aucune législation lein' en confère une autre.
.M. LicvASSiiUR dii (pi'an milieu des millions de bulletins qu'utdise la slatisli(|ue,
— 6 —
il est impossible de vérifier les énoncialions qui y soni porlées; ainsi, combien de
gens se disent mariés qui ne le sont pas; n'a-t-on pas vu une femme déclarer qu'elle
avait cent ans lorsqu'elle n'en avait pas plus de lrente?En résumé, les bulletins
n'ont et ne peuvent avoir aucune valeur juridique.
M. DucROCQ répond que l'art. 471, n° 15, du Code pénal contient une sanction et
qu'il en admettrait une plus efficace ; M. Liégeard ajoute qu'en Allemagne la péna-
lité attachée à une fausse déclaration peut aller jusqu'à une amende de 30 marks.
M. YvERNÈs croit qu'en ce cas il vaut mieux faire une enquête particulière, dans
laquelle les déclarations sont reçues par l'autorité compétente. C'est ce qui est
arrivé lorsqu'on a assujetti les étrangers à faire eux-mêmes leur déclaration. De là
un nouveau dénombrement plus précis que ne pouvait l'être le dénombrement gé-
néral. Toutefois, si l'on s'en rapporte aux chini-es publiés pour Paris, il y aurait
peu de différences enire les résultats des deux opérations.
La discussion se trouve close à la suite de ces observations.
M. le Secrétaire général reprend alors la nomenclature des ouvrages offerts à la
Société, parmi lesquels il distingue le 109° volume de la slalislique de Prusse; le
tableau du mouvement de la population en Bulgarie, la stalisti(|ue de l'instruction
primaire et de la justice civile et commerciale en Italie, et enfin le Census municipal
de Buenos-Ayres.
Notre collègue M. Hartmann fait distribuer aux membres présents plusieurs
exemplaires de son ouvrage sur la Chambre de commerce de Paris, dans lequel on
trouve une statistique des professions. M. Paul Taquet dépose sur le bureau son
Manuel viticole qui a figuré à l'Kxposition universelle. M. Antony Rouillet, une bro-
chure très intéressante sur l'Économie sociale à l'Exposition, et .M. Roy, un travail
très étendu sur l'Assistance publique en .\llemagne.
M. Fravaton offre à la Société, au nom du D'^ J. J. Kummer, directeur du bureau
fédéral des assurances à Berne, une brochure relative à ['Assurance des employés.
L'auteur, après avoir analysé les différents systèmes suivis en France et dans les
pays étrangers pour assurer aux fonctionnaires et employés une pension de l'etraite,
expose ensuite quel est, à son avis, le rôle de l'Etat, de la compagnie ou du patron
el quel est celui de l'assurance proprement dite dans les mesures de prévoyance en
faveur des fonctionnaires, des employés et de leur famille.
Dans le même ordre d'idées, M. Fravaton signale à l'attention de la Société deux
brochures du D' G. Schaerttin, de Berne, l'une, en allemand, renfermant des tables
très curiiuses de la mortalité en Suisse, pendant les années 1876 à 1881 ; l'autre,
en français, relative aux Mesures de prévoyance en faveur des fonctionnaires et
employés fédéraux.
Ces deux ouvrages ont pour but d'étabHr mathématiquement quelles sont les
prestations annuelles ou primes nécessaires pour constituer des pensions de retraite.
M. Fravaton communiquera prochainement à la Société un exposé du système
préconisé par le D' Schaerttin.
Enfin, M. Fravaton offre à la Société les deux premiers rapports du Bureau fé-
dénd suisse des assurances dressés en exécution de la loi de 1885. Dans ces i ap-
ports, lo buieau indique quelles sont les principales régies dont il s'est servi pour
apprécii rsi les entreprises d'assurances privées offraient aux assurés des garanties
sérieuses de solvabilité et si leurs opérations étaient basées sur des données scien-
lifirpies el mathématiques résultant de statistiques sérieuses et contrôlées.
— 7 —
Ces rapports renferment, outre les bilans et tableaux des opérations (Je chaque
Suciété, établis, d'après un cadre uniforme, des tableaux comparatifs des opéra-
lions, des réserves et des résultats de toutes les sociétés autorisées à exercer leur
industrie en Suisse. La science, la recherche consciencieuse de la vérité qui ont
présidé à la confection de ces rapports en font des ouvrages extrêmement précieux
à consulter.
La situation des compagnies d'assurance siu- la vie, françaises et étrangères, qui
opèrent en France, ajoute M. Fravaton, mérite un sérieux examen. Depuis quelques
années, plus du quart de ces Sociétés a dû procéder à une liquidation judiciaire ou
amiable, au grand détriment des actionnaires et même des assurés; un autre quart
s'est vu refuser, pour des motifs sérieux, l'autoi'isalion d'opérer en Suisse, il y a là
un danger réel pour les intérêts de ceux qui ont confié leurs épargnes et l'avenir de
leur famille à ces Sociétés. M. Fravaton pense que le contrôle exercé actuellement sur
les Compagnies d'a.^surance sur la vie est insuffisant et il appelle l'attention de la
Société sur cet état de choses, il émet le vœu qu'elle étudie dans quelle mesure la
statistique peut servir à établir des règles de contrôle sur les Compagnies d'assu-
rance sur la vie. Loin de préconiser le système de contrôle intégral adopté dans
certaines provinces des États-Unis d'Amérique et tout en dégageant d'une manière
complète la responsabilité de l'État, M. Fravaton pense que l'on peut, grâce aux
données de la science statistique, déterminer un certain nombre de règles géné-
rales, absolues, qu'une Compagnie d'assurance sur la vie ne saurait enfreindre,
sous peine de transformer ses opérations, qui doivent avoir la rigueur mathéma-
tique, en entreprises aléatoires et en véritables jeux de bourse.
Ainsi, la Société pourrait examiner si le risque de guerre est aujourd'hui un
lisque véritablement assurable par les Compagnies à primes ; si les caisses de décès
(dites assurances à 1 fr.) ont tenu compte dans leurs prévisions des risques de mor-
talité augmentant graduellement avec l'âge des sociétaires. Un autre sujet d'étude
pouriaiL être de rechercher (|uelles sont les tables de mortalité qui paraissent les
plus exactes, ou bien encore de déterminer quelle est la réserve minima que les
Compagnies doivent constituer pour leurs risques en cours. M. Fravaton se borne
à signaler quelques points de ce vaste sujet d'étude, persuadé que les travaux de la
Société relatifs à ces questions fourniraient au Gouvernement et aux Chambres
des renseignements de la plus haute valeur lorsque le projet de loi relatif aux Com-
pagnies d'assurance sur la vie viendra en discussion devant le Parlement.
M. T. Loua se dit heureux de pouvoir annoncer la distribution prochaine de
V Annuaire slalisUque de la France pour l'année l^iSU, ipi'on peut d'ailleurs se
procurer dès à présent chez lîerger-Levrault el C'% 5, rue des Beaux-Arts, à Paris,
au prix de 5 fr. l'exemplaire.
Cet ouvrage, dont la gran le utilité, la nécessité même sont depuis longtemps
démontrées, est trop connu pour exiger une analyse. Le volume actuel a été établi
sur le même plan que les précédents, avec cette seule modification que les tableaux
rétrospeclils, dont le nombre dépasse aujourd'hui quarante, ont été distraits du
C(.n|is de l'ouviage pour former un fiscicule séparé beaucoup plus facile à con.-uller.
M. E. Levasseuiî remercie M. Loua de sa communication, et reconnaît avec lui
que l'idée de réunir cnsi;inbli; les tableaux rétrospectifs qui forment une véritable
histoire cconomitpie de la France constitiie une irmovatioii heureuse, et (pie pwur
sa part il ne peut qu'approuver.
— 8 -
Il esl alors procédé aux élections pour le renouvellement du bureau du Conseil.
i-e scrutin qui avait été ouvert à 9 heures, est fermé à 1 1 heures. MM. Liégeard
el Robyns font le dépouillement des bulletins de vole, lesquels sont au nombre de
38, après quoi, M. le Président déclare élus à l'unanimité :
Président honoraire . . M. Eug. Tisserand, directeur de l'agriculture.
Président pour i 890 . . M. Ocl. Keller, ingénieur en chef des mines.
Vice-présidents .... M.M. Th. Uucrocq et Adolphe Coste.
Membres du Conseil . . M.M. Paul Chalvet el Victor Turquan.
En conséquence, le bureau dé la Société se trouve ainsi constitué pour l'année
1890:
Président M. Oct. Keller.
Vice-présidents .... .MM. de Grisenoy, Th. Ducrocq et Ad. Coste.
Membres du Conseil . . M.M. Alf. Neymauck, Aug. Vannacque, Beaurin-Gres-
siER, GiMEL, Paul Chalvet, Turquan.
Secrétaire général. . . M. Toussaint Loua.
Secrétaire adjoint . . . M. Armand Liégeard.
Trésorier M. Jules KonvNS.
La séance est levée à i I heures el demie.
II.
CONFÉRENCES
POUR LES ASPIRANTS A l'INTENDANCE MILITAIRE
Organisée par la Société de Statistique de Paris.
SEANCE D'LNADGURATIO.N
Les conférences de statistique organisées par la Société sur la demande de
M. le Minisire de la guerre pour les candidats à 1 Intendance ont été inaugurées le
23 novembre dans la salle d'escrime de la Réunion des officiei's, rue de Beilechasse,
n° 87, sous la présidence de M. de Crisenoy, vice-président de la Société de sta-
tistique, remplaçant .M. Leroy-Beaulieu empêché par un deuil de famille.
M. l'intendant militaire Baratier, membre du comité technique de l'intendance el
représentant M. l'inlendant général Rossignol, président du comité, empêché, et
M. Levasseur avaient pris place au bureau : l'assistance était considéiable et rem-
plissait lu salle.
A l'ouverture de la séance, M. Baralier a prononcé l'allocution suivante:
« Messieurs, M. le Minisire de la guerre, dont la sollicitude pour les besoins de
l'armée est toujours en éveil, a appelé l'attfnlion du comité technique de l'inten-
dance sur la convenance de développer dans les services administratifs iesconnais-
sancts qui touchent à la statistique et à la géografiliie économiques, en ce(|ui a trait
aux choses utiles à l'armée.
« Le comité ne pouvait mieux faire que de se mettre en rapport avec les niem-
— 9 —
bres éminents de la Société de stalislique de Paris, et d'élaborer avec leur con-
cours le programme et le mode d'exécution des travaux qui seront prochainement
entrepris en vue de répondre aux intentions du ministre.
« Nous alfachôns, Messieurs, une réelle importance à ces travaux qui dirigeront
l'activité de notre personnel administratif dans une voie, un peu nouvelle ptul-êire,
mais rendue nécessaire par l'imporlance de nos besoins, cotnme par la nature ac-
tuelle des l'apporls sociaux et inicrnalionaux.
« Comme prélude de Ces travaux, la Société de stalislique a proposé à l'admi-
nistralion de la guerre de faire un Certain nombre de conférences Irailant soit des
généralités de la stalislique, soit de quelques spécia'ilés. Vous y puiserez, Messieui s,
à la fois le goût et la mélhode de Cette science.
« M. le Minisire de la guerre a accueilli avec reconnaissance les propositions qui
lui étaient faites.
s Permettez-moi donc, en son nom et comme repiésenlant du comité de Iln-
tendance, d'exprimer publiquement ici nos remerciements les plus vifs à la Sociélé
de statistique de Paris et spécialement aux hommes considérables par leur situulion
comme par leur talent, qui ont bien voulu nous apporter un concours si gracieux
et si précieux à l'œuvre éminemment utile qui est entreprise. »
M. de Crisenoy a pris ensuite la parole pour indiquer que la création d'un ensei-
gnement de la statistique avait toujours fait partie du programme de la Sociélé,
et comment on pouvait espérer voir cet enseignement se développer.
« En 1860, dit-il, les fondateurs de la Sociélé avaient inscrit dans les slatuls, au
nombre des moyens d'action et de propagande, la création de chaires d'enseigne-
ment, et il y a quelques années, plusieurs de ses membres, jaloux de ne pas laisser
prescrire cette parlie de leur programme, avaient entrepris des séries de confé-
rences qui ont eu un certain retentissement. Les projets de M. le Ministre de la
guerre fournissaient une occasion précieuse de reprendre celte idée et de l'appli-
(]'Jor dans des conditions autrement avantageuses, puisqu'à de simples conférences
sans but précis, ne pouvant attirer dès lors qu'un public d'amateurs, on allait sidts-
liluer de véritables couis ayant une cHentèle spéciale, appelant toute une classe
o'auditeurs qui viendraient y chercher des connaissances re(|uises dans les concours
auxquels ils se préparent. Les anciens conférenciers se sont offeils pour reprendre
sous celle nouvelle forme l'œuvre de vulgarisation qu'ils n'avaient inlerrornpue
qu'à regret, et la Société de stalisliqueaapplaudià ce concert de désirs et de bonnes
volontés qui doit marquer un nouveau pas dans l'accomplissement de sa mission,
en même temps qu'il s'exercera pour le bien i\u pays.
« C'est ce concert, c'est cette association qui donne à la réunion de ce soir son
véritable caractère et une importance beaucoup plus grande que n'en ont la plu-
part des cours et des conférences, et c'est pourquoi vous nous voyez ici, Messieurs,
nous, les représentants de la Société de stalislique, et près de nous, unis avec nous
dans une pensée commune, les plus hauts représenlanis du corps de l'intendance et
du ministère de la guerre.
« Et permellez-moi de l'espérer et de le dire, ce n'est encore qu'un premier pas
dans une voie nouvelle, sur un va.^te leriain s'élendanl bien au delà des limites de
l'administration militaire.
« L'enseignement qui sei-a donné ici est à la vérité spécialement de.-tiné à MM. les
candidats à l'iiileudance, et son programme a élé préfiaré dans celte vue, mais
- 10 —
les conférences sont publiques, elles seront siénograpliiées et publiées, et la pre-
mière série comprend des nolioiis générales qui s'uppliquent à luulf s les adiniiiis-
tralions, dont toutes les administrations ont un égal besoin.
« Il n'y a pas longtemps que l'on commence à comprendre en effet que pour
opérer des réformes sérieuses — et tout le monde en réclame aujourd'hui —
pour marcher à pas assurés vers le progrès, le véritable progrès, celui qui repré-
sente des améliorations réelles, et non des changements stériles ou des systèmes
déjà vainement essayés, il faut, avant tout, voir clair autour de soi, étudier avec
soin les faits et, pour cela, savoir regarder, observer, grouper, découvrir la réalité
sous des apparences parfois trompeuses.
c Les adeptes de cette doctrine ne sont pas encore nombreux, mais heureusement
ce sont les chefs ; ils se sont mis à l'œuvre cl ils feront école. Dans toutes les admi-
nistrations publiques on travaille, quel(|ues-unes ont déjà beaucoup produit; ceux
tpii étaient restés les plus en arrière, se sont mis eux-mêmes en mouvement à leur
tour.
« Toutefois, à des travaux de cette nature la bonne volonté ne suffit pas; le con-
cours d'employés instruits, expérimentes, en état d'opérer avec méthode et sans
tâtonner est indispensable, sans quoi, l'on n'aboutit pas, ou l'on produit des docu-
ments médiocres dont on ne saurait tirer aucun parti.
« Eh bien, nous espérons, nous croyons que toutes les administrations publiques
en arriveront successivement à inscrire dans leurs programmes de concours, les
notions de la statisti(|ue et que ces modestes cours qui s'ouvrent aujourd'hui de-
viendront dans la suite un enseignement complet. C'est à l'administration de la
guerre que reviendra l'honneur d'avoir ouvert la marche et montré la voie.
« Au nom de la Société de statistique de France, au nom de la science, au nom du
progrès, je remercie donc M. le Ministre de la guerre et M. de Freycinet person-
nellement de la mesure qu'il a prise, je remercie les hauts fonctionnaires de l'in-
tendance qui y ont concouru et qui ont bien voulu venir ici consacier, par leur
présence, l'œuvre (pie nous inaugurons et en alïîimer l'importance. »
Après ce discours M. Levasseur a commencé sa conférence sur les généralités de
la statistique, son objet et son histoire, et pendant une heure et demie il a tenu l'au-
ditoire sous le charme de sa parole, par le mouvement qu'il a su donner à l'exposé
d'un sujet quelque peu aride par lui-même.
La seconde conférence doit être faite par M. Cheysson, sur les méthodes de la
statistique et la troisième par le docteur Bertillon sur l'organisation des bureaux de
statistique en France. Les conférences suivantes, au nombre de douze, Iraiteront
différentes questions de statistique et de géographie économiques.
(Voir le programme, page 2.)
Au moment de mettre sous presse, nous avons la douleur d'apprendre la
mort subite d'un de nos meilleurs collaboralèurs, l'honorable M. Gh.irles
GiMEL, membre du Conseil de la Société. Une notice spéciale sera consaciéo
à sa mémoire.
— H —
III.
L'ALBUM DR STATISTIQUE GRAPHIQUE
ruUié par le Ministère des traviiux pul)lics.
N 0 T I C K
Par M. E. CHEYSSON
Ancien Directeur des cartes et plans au Ministère des travaux publics.
Ancien Président de la Société de statistique.
1° Généralités sur l'Album.
Le corps des Ponis et chaussées peut à bon droit revendiquer une part impor-
tante dans l'emploi et la vulgarisation de la statistique graphique. M. Minard a été
l'un des premiers à l'appliquer et il en a montré par ses beaux travaux la fécon-
dité et la souplesse; M. Lalanne, membre de l'Institut, en a, de son côté, élevé la
portée scientifique et a fait faire de remarquables progrès au calcul par le trait.
Le ministère des travaux publics, comprenant toute l'importance de ce mode de
représentation, a, par un arrêté du 12 mars 1878, décidé la publication annuelle d'un
Album de statistique graphique, consacré aux faits économiques, techniques ou finan-
ciers qui intéressent les travaux publics, soit directement, soit par voie de répercussion.
L'Album de 1879 a été la première application de cette mesure. Depuis lors, neuf
autres albums ont été publiés et nous donnons ci-dessous la description du dernier
d'entre eux qui vient de paraître :
Les planches de ces albums peuvent se ranger en deux catégories distinctes :
celle des « planches de fondation », qui reparaissent tous les ans et pei'mettent
ainsi de suivre les variations annuelles d'un même fait; celle des « planches spé-
ciales », se rapportant à des faits d'importance plus faible ou d'allure plus lente,
dont il suffit dès lors de constater les variations à de plus longs intervalles.
Planches de fondation. — Les planches de fondation sont les suivantes:
CHKMINS DE FKR.
Recettes brutes kilométriques ;
Recettes nettes kilométriques;
Tonnage moyen de petite vitesse ;
Mouvement moyen des voyageurs;
Recettes brutes des stations ;
Tonnage et mouvement des voyageurs par station.
NAVIGATION.
Tonnage des voies navigables et des ports ;
Décomposition de ce tonnage :
a. Par courant de transport (1) ;
b. Par nature des marcliaiulises ;
Chômage des voies navigaliies.
(1) La statistique distingue ies quati'C courants do transport ci-après: le trafic iniér/eur. le IranxH,
Varrivage, Vexpédilion .
Cette dècoiiiposition et celle du tonnage par nature de. iiiarcliandises. l'une et l'autre d'un très srand
— 12 —
Planches spéciales. — Quant aux planches spéciales, elles ont touché aux sujets
les plus variés, en conseiviinl toutefois une pbce d'honneur aux chemins de fer, à
raison de leur importance dans l'économie générale du pays.
On ne s'est pas d'ailleurs borné à la France : on a ci'u bon de franchir souvent nos
frontières pour procéder à des comparaisons internationales qui éclairent d'un jour
très vif les faits locaux. On voit lien mieux chez soi, après ces excursions à rélraii'j^er.
Il a de même semblé utile de ne pas s'enfermer exclusivement dans les faits actuels
et de jeter parfois un coup d'œil en ai rière, en vue de rapprocher dans des relevés
synoptiques le présent du passé.
Pour donner une idée de la variété des sujets traités dans les planches spéciales,
on se contentera de mentionner les suivants :
CHEMINS DE FEU. Èaie dp lulbum.
Coiuiitions techniques de premier établissement 1880
l)é|ieiises kilouiétiiques de premier établissement 1880 et 188:2
Tonnages en 1 801 et 1879 1881
Garanties d'intérêt 188-2
T ./>. .A. l'i 1 •• . (Fiésean lie Lyon 1882
Trafic par tôle d habitant, j /.
Miéseau (I Orléans 1883
Nouveaux tarifs de la Compagnie (le l'Est (+ planches) 1884
Prolils particuliers réalisés par i'Ktat sur l'exploitation des chemins de IVr. 1884
Dévelo|ipemeiU des chemins de 1er du inonde 1885
Frais de premier élublisseinent des chemins de fer du inonde 1885
Fit'(|ueMtali(in des chemins de fer (lu monde 1885
U(jsultats d'exploitation des chemins de fer du monde 1885
Kapporl des transports des voyageurs et des marchandises (1) 1885
Tonnages sur les principales voies de communicalion depuis 1851 . . . 188G
Colis postaux et petits paquets 1887
NAViCATK»- INTÉniKURE.
Frais de premier établissement des voies navigables , . 1880 et 1888
Tonnages annuels depuis 1855 1881
lialeaux-oinnibiis 1880 ii 1884
Mouvement du port de Paris 1885
Effectif et capacité de tianspoit de la batellerie fluviale. 1888
Conditions de navigabilité (2) 1888
inléi'jt, sont encore à l'état de desidecalum pour les ctirinins de fir et n'ont pu Hrc iéa!isi;e.s pour les
voies navigables que depuis la loi du 19 l'évrier IHsO, qui, en su.ipiimaiil les dmiis île navigation inté-
rieure, a eu pour conséquenee d'enlever cette statistique aux cuntributiuns ind.reetes, puis'iu'elle n'avait
plus un but fiscal et de la transférer à l'adininistratiun des fonts et ciiaussérs.
(Il Uetle élude a mis en évidence les faits suivants: presque partout au début, les voyageurs sont
beaucoup plus nombreux que les tonnes, et leur transport représente la plus grosse part des recettes.
Ces rapports décroissent progressivement et, dans pres;|ue lo'is les pays industriels, les mal■chandi^es
donnent aiijourd'bui la reeelte la plus furie. Il semble donc qu ai premier in iinent où elle a pénétré
dans un bassin fermé, la voie ferrée y ait déterminé le déplacement des pnpiilalions. Celui des marclian-
dises n"a p;'s tarde à suivre et à devenir prépondérant (a;i point de vue des recettesi, quand les courants
commerciaux ont été sullisanunent établis par la mise en coiiimiinieation des inarcliis.
(•-') Les deux plancties consacrées aux conditions de navigabilité figurent paur chaque canal : son tirant
d'eau, son « tirant d'air » iliauleur libre au-de. sus des pnnls et tunnels), les dimensions et te i oniliie île
ses écluses...
— 13
ROUTES NATIONALES. ï)m do l'album.
Principaux éiéinenls de l'enlretien des routes nationales 1880
Uecensement de la circulation sur les routes nationales en 1882 (série
de 8 planches, (igiiiant les principaux résultats de cette opération,
avec une grande cartes l'échelle de 1,260,000% qui représente par
section de route les postes de comptage et de fréquentation) .... 1883
CIRCUL.VTION PAKISIENNE.
Recettes des omnibus, tramways, batcau.x-omnibus, chemins de fer de
ceinture (série de planches spécialement destinées à illustrer les études
pour le « métropolitain ») 1880a 1884
Inllucnce de la transformation des omnibus sur la circulation 1888
La circulation des voyageurs dans Paris 1888
NAVIGATION MARITIME-
Jlouvenienl des principaux ports de la France et du monde 1881 à 1884
Mouvement du cabotage 1881
Résultats d'exploitation du canal de Suez 1882
Marine marchande et mouvement maritime des principaux pays .... 1885
Mouvements maritimes dans les principaux ports français, de 1837 à 1886 1887
Effectif de la marine marchande 1882 à 1887
On ne s'en est pas tenu à ces questions qu'on peut appeler « professionnelles »
pour le ministère des travaux publics; mais on a également aborJé celles qui peu-
vent réagir sur les transports et sur les différentes manifestations de l'aclivité écono-
mique pour les ralentir ou les exciter.
Parmi ces influences, l'une des plus décisives est celle des récoltes. Qjand l'agri-
culture est prospère, elle donne des produits à transporter; elle répand l'aisance
dans la population et développe de proche en proche, avec le mouvement des affaires,
le déplacement des voyageurs et des marchandises. Un fléau, qui sévit sur une de
nos cultures nationales comme la vigne, atteint de la façon la plus grave les recettes
de la compagnie qui dessert la région ainsi frappée.
Le transport n'est pas seulement influencé par l'abondance ou la rareté des ré-
colles, mais encore par leur nature. 11 n'est pas indifférent pour une compagnie que
la contrée desservie produise du vin ou du blé, du sucre ou de la viande. Chacune
de ces cultures correspond, pour les transports agricoles, à des courants différents
et d'inégale intensité: ainsi le vigneron, qui exporte ses produits et importe ses
aliments, sera pour une Ugne de chemin de fer un meilleur client que le laboureur
qui consomme son blé.
La relation entre l'agriculture et les transports est si étroite, que les albums sont
souvent revenus sur les questions agricoles: celui de 1881, par exemple, a figuré
les ravages du phylloxéra et celui de 188G a consacré vingt planches à la statistique
agricole décennale de 1882.
Enfin, ne pouvant reproduire ici la table des matières de tous les albums, on se
bornera à mentionner encore: le mouvement du commerce extérieur de la France
de 1710 à 1881 (Album de 1884'), celui de la population française au cours de cesiècle
— 14 -
(Album de 1884), l'étude sur le personnel des compag^nies de chemins de fer et les
salaires des ouvriers du bâtiment (Album de 1887); l'étal d'avancement des cartes à
grande échelle en Europe (Album de 1882).
Procédés graphiques. — Les procédés mis en œuvre appartiennent aux deux grandes
catégories des Diagrammes et des Cartograinmcs, les diagiamuies convenant surtout
pour exprimer les variations d'un fait dans le temps; les cartogrammes, pour
exprimer ses variations dans l'espace.
Diagrammes. — Les diagrammes, généralement de forme reclangulaire (1), ont
pour abscisse l'année et pour ordonnée le fait correspondant. On réunit par un Irait
continu ou par des gradins horizontaux les sommets de ces ordonnées, et la figure
anisi obtenue représente l'allure chronologique du fait dont il s'agit.
Cartogrammes. — Le carlogramme associe la géographie à la statistirpie et peint
le fait à l'emplacement même où il s'est produit. L'album emploie de préférence
trois formes de cartogrammes distincts :
1° Le carlogramme à bandes, où le fait est exprimé par une bande de largeur pro-
portionnelle à son intensilé le long du tracé de la voie qui lui sert de théâtre. Ainsi
ce carlogramme rend de grands services pour les tonnages des diverses voies de
communication. La largeur des bandes de chemins de fer, de canaux, de roules
nalionales, ligure aux yeux les débits d'un réseau fluvial qui, au lieu de rouler des
mètres cubes d'eau, servirait à l'écoulement de tonnes de marchandises (2) ;
2° Le cartograitrme à teintes dégradées, le plus connu, le plus populaire de tous.
Il consiste en une carte géographique, dont les divisions régionales sont recouvertes
de teintes nuancées suivant l'intensité du fait statistique à exprimer. Ces caries
peuvent d'ailleurs être à une ou plusieurs couleurs, la couleur unique ou les cou-
leurs multiples étant elles-mêmes subdivisées en nuances de manière à augmenter
les ressources dont dispose le dessin. C'est dans ce sysième qu'ont clé établies la
plupart des planches du recensement de la circulation sur les roules nationales, et
celles de la statistique agricole (Albums de 1883 et de 1886), dont les résultats
apparaissent ainsi par départements ;
3° Le carlogramme à foyers diagraphique. Il combine le diagramme et le carlo-
gramme et comprend une série de diagrammes construits au chef-lieu de la cir-
conscriplion qu'embrasse le fait considéré. Ce chef-lieu est une sorte de « foyer »
(1) On se sert aussi avec succès des diagrammes polaires, dont les ordonnées convergent b un centre.
Ils conviennent principalement aux phénomènes à périodicité régulière, pour lesquels il est bon de rap-
procher les extrémités des périodes contlguës, par exemple à ceux qui ont pour base le jour, la semaine,
le mois, ou les points cardinaux...
(2) Soient t, t , t" . . . les tonnages parcourant respectivement les distances dj d' , d" . . . sur une section
de longueur totale D. Les différentes expressions du tonnage peuvent se représenter par les formules
suivantes :
Tonnage effectif T = t -\- l' + t"
Tonnage ramené au parcours d'un kilomètre 'Ui = td -{- t' d' -h t" d" . . .
td + t' d' -{- 1" d" . . .
Tonnage ramené à la distance entière ou tonnage moyen . . T»u =
Parcours moyen d une tonne 1 = — - — , „
C'est le tonnage moyen Tm qui est exprimé par les bandes figuratives du carlogramme.
— 15 —
pour le diagramme local : de là le nom du procédé. H convient au cas où l'on veut
représenler sur la carie, non plus un seul renseignement, comme dans le carto-
gramme à leintes dégradées, mais plusieurs renseignements juxtaposés. C'est ainsi
qu'on l'a appliqué à figurer des phénomènes où intervient la notion du temps, gé-
néralement inaccessible au cartogramme, tels que les progrès successifs des che-
mins de fer du monde, ceux de la popidation française, etc., et des faits simultanés,
contemporains, qui concourent à former un ensemble (1).
La statistique graphi(|ue dispose ainsi de ressources variées qu'elle met en œuvre
suivant les cas, de manière à trouver, pour le fait à peindre, l'expression qui lui
donne le plus de relief, tout en présentant l'aspect le plus décoratif. Il faut surtout
se garder de vouloir trop dire de choses à la fois, et de devenir obscur à force
d'être complet. Le principal mérite, on pourrait dire, la véritable raison d'être de
la statistique graphique, c'est la clarté. Si un diagramme est touffu au point de
n'être plus clair, mieux vaut le tableau de chiffres dont il est la traduction.
Échelles. — On s'est attaché, non seulement dans la série des planches d'un même
album, mais encore dans celle des albums successifs, à rendre comparable les dessins
qui se rapportent à des faits homogènes, par exemple, aux tonnages. Tous les car-
togrammes de tonnage sur les diverses voies de communication sont à une échelle
identique, aussi bien pour les artères de l'ancien réseau des chemins de fer à
grande fréquentation, que pour les bandes filiformes des roules nationales. Si celle
condition entraine quelques complications pour le dessin, elle le rend beaucoup
plus instructif et facilite les rapprochements entre les phénomènes voisins auxquels
on ne songeait pas d'ordinaire à appliquer une commune mesui'e(2).
C'est en vue de ce même résultat qu'a été ménagé, pour la statistique agricole,
un nouveau procédé de carlogrammes à teintes dégradées, fondé sur \es écarts pro-
porlionnels. Ce système (ï5) permet les comparaisons entre les divers aspects d'un
même fait; il rattache par un lien étroit toutes les planches d'une môme série qui
s'éclairent l'une l'autre, au lieu qu'elles soient une simple juxtaposition de feuilles
volantes, dont chacune aurait son échelle et sa langue et que le lecteur doit bien se
garder d'interroger à la fois, par crainte des pièges où celte discordance pourrait le
faire tomber.
Légendes. — La plupart des planches sont accompagnées de tableaux qui résument
les principales données numériques traduites graphiquement; en outre, on a inscrit
(1) Par exemple, dans la statistique agricole (All)um 1886, pi. 3-1), pour représenter par département
les modes d'exploitation, on a tracé sur le centre de chaque département, comme foyer, un demi-cercle
partagé en trois secteurs, respectivement proportionnels au nombre des exploitations sous le régime du
faire valoir, du métayage et du fermage. La somme des trois secteurs (ou le demi-cercle) a une surface
égale au nombre total des exploitations. Ils sont d'ailleurs dilîércnciés par des teintes conventionnelles, ce
qui donne aux diagrammes départementaux l'aspect d'éventails coloriés.
(2) On avait autrefois l'habitude d'exprimer uniquement la fréquentation des roules en colliers. Cette
unité, qui a une valeur technique pour l'entretien, n'en a pas pour la statistique comparée. Aussi, dans
les albums, lui a-t-on substitué la tonne (après due transformation) pour rapprocher les routes nationales
des voies ferrées et fluviales. On a opéré de même à l'égard du cabotage, dont on a ramené par de labo-
rieux calculs les mouvements de port à port a un courant unique longeant tout le littoral, et d'intensité
équivalente à ces mouvements partiels.
(.3) Voir la description de ce système dans le Journal de la Société, de statistique, 1887, page 128.
- 16 —
mr la figure elle-même celle de ces donnéeg qui ne nuisent pas à sa clarlé, de ma-
nière à joindre la précision du chiffre au relief suggestif du dessin. Elles contiennenl
(ouïes une légende détaillée, qui doiinil les situes convenlionnels adoptés, les sources
où l'on a puigo les leuseignements mis eu œuvre, en s'allaclianl à celles (|ui les
fournissent à la fois les plus aullienli{|uei el les plus récents (1). Ces légendes si-
gnalent sans rélicence les hypothèses (jue comporte le dessin, avec leur plus ou
moins ^raml degré de vi'aisemhiance, les lacunes, les incertitudes et les desiderata
des ressources dont on disposait, pour qu'on \\e se méprenne pas sur la valeur des
affirmations du dessin. Il importe heaucoup (|u'on sache et qu'on dise ce qui est
ceitain, ce «(ui est pruhahie, ce (pii est douteux : à ce prix seidemeul, la statistique
mérite confiance et crédit.
Polices. — En tête de chaque album, une notice donne des explications sommaires
sur les planches nouvelles qu'il contient, sur leurs procédés de réduction et sur leurs
particularités lechni(pies; mais elle s'abstient de commentaires sur leur portée éco-
nomique et sur les enseignenienls à en déduire. L'.\dministration n'a d'autre objet,
eu publiant ses albums annuels, (|ue de prçparer des matériaux d'étude et de les
fournir de bon aloi ; mais elle ne se croit pas tenue de conclure. C'est là l'œuvre de
tous les hommes de travail aux(|uels est destinée celte publication : à eux d'en dé-
gager les conclusion> à leurs lisqucs et périls.
Formai. — Le format de l'album est de dimensions assez réduites pour qu'il soit
commode de le classer dans une bibliothèque et de le consulter. Cette exiguïté crée,
il est vrai, au dessinateur certaines difficultés (ju; lui épargnaient les grands formats,
jadif seuls en usage ; mais il a semblé (pi'on ne saurait acheter trop cher l'avantage
de rendre le document très maniable. On a donc accepté ces difficultés et l'on
espère les avoir résolues par la finesse de la gravure et l'emploi des couleurs, qui
concilient la clarté du dessin avec la réduction du format.
Depuis la création de l'album du ministère des travaux publics, cet exemple a
été suivi par plusieurs administrations (pii se sont inspirées de ce [irécédent, tant
en France qu'à rélranger(2). L'Académie des sciences a décernée celle publication,
conjointement avec le Bulletin du ministère, le prix Montyon de statistique en
1883.
Après ces généralités, nous allons entrer dans quelques détails sur le dernier
album paru.
2° Album de 1889(3).
Les trails qui caractérisent cet album sonl, d'une part, un nouveau pas dans la
voie de l'actualité, de la fraîcheur du renseignement slatislique; d'autre part, le
développement donné aux relevés rétrospectifs, enfin la série des planciies consa-
crées à l'histoire de la navigation intérieure et à la circulation parisienne.
(Il far suite du retard dans la production de la plupart des relevés officiels, les renseigneiiients publiés
par rAlbuni se rapportent généralement à une année de deux ans inférieure à son uiillésinie. Toutefois
CD est parvenu à gagner un an pour certains relevés et même deux ans pour ceux de la navigation qui
ont la même date que l'album.
(2) Voir le procès-verbal du prochain numéro. (Observation de il. Turquan, p. 16.)
(3) £n vente dans les librairies Cbaix et Duood.
— 17 —
l.a |>remière pi'éoocit[)alion proviiiiil du senlimenl que les faits se modifient vite
et (|ue i'adminisliali'in-, l'homme d'Klal, l'économisle ont besoin, pour trailer une
rpieslion, d'en connaître la situation actuelle. La slatisti(|ue doit se plier à cette né-
cessité et ne consacrer à ses relevés que le temps strictement indisfiensabic pour
en assurer la précision ri;3foureuse. A cette condition, elle perdra son caractère pu-
rement hislorii|ue et devii ndra le guide précieux ii consulter pour la solution des
prol)ièmes coriteÈTipoi'ains. (J'est dans celte vue «pie l'on s'est constamment elTorcé
de diminuer l'intervalle entre la date des faits exprimés et celle de la publication de
l'Album. L'année dernière, grâce à l'activité ap(iorlée à la rédaction de la statistique
de la navigation intérieure, on avait pu gagner un an sur la date des tonnages de
ces voies. On va voir plus loin que le présent Album réalise un progrès analogue
pour les recettes brutes et nettes des clieniins de fer.
Quant aux relevés létrospeclifs, ils répondent de leur côté à un besom tout aussi
impérieux. Si la science et l'administration recherchent les renseignements de la
dernière heure, elles réclament aussi ces lelours en arrière qui permettent de
comparer le présent au passé, de suivre la marche des faits à travers le temps, d'en
prévoir et même d'en orienter les tendances pour l'avenir. Il a semblé qu'il con-
venait surtout de développer ce genre de recherches dans cette année du Cente-
naire, où l'on se plaît de toute part à évoquer le passé, à éclairer l'histoire du siècle
qui s'achève, et, par exemple, en matière le travaux publics, à exposer dans le pa-
lais des Arts libéraux la série des moyens successifs de transports, à mettre le mo-
dèle de « la fusée » de Stephenson en face des locomotives modernes. Pour apporter
sa contribution à ces recherches historiques, le nouvel Album a consacré un cer-
tain nombre de planches à illustrer les [)rogi'ès accomplis dans la rapidité, la masse
et l'économie des transports par rail, par canaux et par mer.
A cause de la part croissante que prennent les voies navigables dans la réparti-
tion des transports intérieurs, et eu égard aux discussions de plus en plus vives que
soulève leur lutte avec les chemins de fer, on a cru nécessaire d'apporter au débat
des informations détaillées sur tout ce qui les concerne.
Enfin, en présence de l'importance des questions ipii se lattaclienl à l'étude du
métropolitain et aux moyens de transports dans la Capitale, on s'est décidé à
affecter quelques planches de cet album à la circulation parisienne.
Chemins de fer. — Jusqu'ici, l'Album d'une année fournissait pour les chemins
de fer les données en retard de deux ans sur s )n millésime. Ainsi l'Album de 1887
contient les résultats d'exploitation de 1885. On a pu, cette année, gagner lui an
pour les deux premières planches de fondation, celles (|ui ont trait aux receltes
brutes et nettes, c'est-à-dire y figurer les résultats de 1887. Mais il n'a pas été encore
possible d'obtenir la même avance pour les deux planches suivantes relatives au
mouvement moyen des voyageurs et des tonnes, à cause des longs calculs qu'elles
exigent. Les planches des receltes brutes et nette» du réseau ferré se rapportent
donc à 1887, et celles de la fréquenlalion à 1886. On s'efforcera de faire un pas de
plus dans cette voie de l'actualité des informations et de publier, si c'est possible,
les quatre planches pour le même exercice.
Les effets de la crise industrielle ont continué à se fairescnlir sur les chemins de
fer. Notamment en ce qui concerne le tonnage, il a encore, après toutes ses pertes
antérieures, subi de 1885 à 1886 une nouvelle réduction de 477,191 ,350 tonnes ki-
l" 8BUIB. 3i« VOL. — S" 1. et
— 18 —
loniélriques, soit près de 5 p. 100, bien (|ue, pendant cette année, le réseau se soit
allongé de 857 kilomètres, ou de près de 3 p. 100.
Dans la planche 5 on a ligure l'importance et l'utilisation ihi malériel roukint de
nos voies ferrées pour faire pendant aux planches 12 et 13, consacrées au matériel
(lotiant de nos voies navigables.
On y voit qu'au 31 décembre 1886 l'cflectil' des wagons à marchandises de petite
vilesse s'élevait, pour les grandes compagnies, à ^00,450, ayant ensemble une ca-
pacité de 1,95i,716 tonnes, soii de 9'5 par véhicule. Le tonnage effectif en 1886
ayant été de 7O,^'J7,0OO tomics, le rapport entre ce tonnage et la capacité à pleine
charge est de 37.5 ; c'est-à-dire (|ue le mouvement de petite vitesse sur l'ensemble
du ré.seau équivaut à 37.5 voyage de tout le matériel roulant supposé à pleine
charge, chacun de ces voyages ayant duré environ 10 jours (9'7).
Si ce matériel eût fait tout le temps, à pleine charge, son parcours amiiiel moyen,
(|ui est de 1 '2,000 kilomètres par wagon, le tonnage « idéal » correspondant aurait
été de 23,682 millions de tonnes kilomélri(|ues, au lieu du tonnage réel (9,251
millions). Le rapport de ce tonnage réel au tonnage idéal est de 0.39, ce (pii re-
vient à dire que le poids utile efléclivement transporté par tonne de capacité est de
390 kilogrammes.
A côté de ces chillVes en bloc aflérents à tout le réseau, la planche 5 en donne
la décomposition par compagnie et montre, par exemple, que le poids utile lians-
porté par tonne de capacité varie depuis 300 kilogrammes, pour les chemins
de fer de l'Etat, jusqu'à 440 kilogrammes pour ceux de la compagnie de
Lyon(l).
La planche 6 (igure la consoiinnatioii des lails en France pour chacune des
grandes compagnies de chemins de fer français et pour leur ensemble depuis 1869
jusqu'en 1887. Il s'en dégage une double conclusion: en premier lieu, la substitu-
tion progressive, puis totale à partir de 1883, de l'acier au fer; en second lieu, la
diminution brusque de la consommation des rails depuis 1884, à cause tant du ra-
entissemenl dans la construction des nouvelles voies que de la plus longue durée
des rails d'acier.
La planche 7 représente le développement des chemins de fer du monde de 1830
à 1886 à la fois par pays et par période déceimale (saufpour la période 1880-1886).
Elle donne non seulement la longueur absolue des réseaux nationaux, mais encore
leur longueur proportionnelle par rapport à la population et au territoire. Elle
permet ainsi d'apprécier la progression de cette œuvre immense, qui n'avait pas
absorbé à la fin de 1886 moins de 136 milliards (dont 75 milliards pour l'Europe),
soit une moyenne annuelle d'environ 5 milliards depuis une vingtaine d'années. On
peut y suivre les phases par lesquelles est passée cette œuvre dans les divers pays:
les uns, abordant résolument la tâche dès les premiers jours, puis ralentissant leur
allure, comme l'Angleterre ; les autres, hésitant d'abord, puis dans ces dernières
années, marchant à pas de géant, comme les États-Unis.
Ce développement des chemins de fer a amené, entre autres conséquences, l'ac-
célération et le bas prix des voyages. Les deux cartes placées en regard l'une de
(1) Cette utilisation va à 9J0 liilograninies pour les coiii|)agiiies secondaires, parce (|uc leur matériel
leur est en partie fourni par les grandes compagnies.
— l'J —
l'autre sur la planche S meltenl en évidence el mesurent cette double influence
pour notre pays.
La carte de gauche est une carte de France à l'intérieur de laquelle sont tracées
cinq cartes concentriques à contours plus ou moins irréguliers, dont chacune cor-
respond à la durée des voyages pour une époque déterminée. Leur accélération
équivaut à une réduclion dans l'échelle de la carte. A chaque nouveau progrès
dans la vitesse des transports, les villes se rapprochent du centre, comme si la
carte était rétractile et avait fini en "200 ans par se réduire aux limites du départe-
ment de la Seine. L'homme actuel a chaussé les hottes de sept lieues et se déplace
vingt fois plus vite que ses pères il y a deux siècles. Si l'on admet que son cercle d'ac-
tion se soit accru proportionnellement, ce cercle couvre aujourd'hui une surface
quatre cents fois plus étendue qu'alors.
Quant à la carte de droite, elle exprime, à l'aide des mêmes notations convention-
nelles, la baisse du prix des voyages par terre en PVance, en indiquant ces prix
pour les deux dates de 1798 et de 1887 qui encadrent à peu près le siècle du Cen-
tenaire. La baisse qu'accusent les cartes concentriques a été en moyenne de 30 à
40 p. 100 dans cet intervalle, c'est-à-dire beaucoup moins considérable que celle
de la durée des voyages.
Naviguùon inlérieure. — Le congrès de navigation qui s'est tenu à Francfort
en août 1888 a exprimé le vœu que chaque nation dressât la statistique de ses
transports fluviaux, en se conformant aux mêmes règles dont il a tracé le pro-
gramme.
Les planches 9 à 17 du présent Album sont précisément la réalisation de ce vœu
en ce qui concerne la France. Elles étudient successivement les voies navigables
sous les points de vue ci-après :
1° Développement du réseau ;
2° Conditions de navigabilité ;
3° Matériel flottant;
4° Dépenses de premier établissement ;
5° Progrès du tonnage.
On voit ainsi que ces planches précisent l'histoire technique el financière de nos
voies navigables, les définissent en tant qu'instrument de transport, enfin mesurent
les services qu'elles rendent.
Pour faire apprécier le développement du réseau navigable dans notre pays, on
a mis en regard, dans la planche 9, deux cartes de ce réseau dressées à la même
échelle et d'après les mêmes signes conventionnels, l'une pour l'année 1822, c'est-
à-dire à la veille du grand mouvement que les lois de 1821 el de 1822 ont imprimé
à l'amélioration de la navigation intérieure, l'autre pour 1887. En jetant un coup
d'œil sur ces deux cartes ainsi rapprochées, on constate les progrès accomplis, sur-
tout dans le Nord et dans l'Est, et qui ont fait passer au cours de cette période nos
canaux de 1,276 à 5,146 kilomètres malgré les pertes de 1871. Quant au dévelop-
pement global annuel pour tout le pays, il est donné par un diagramme placé dans
la partie gauche de la planche 11.
Les planches 10 et 11 figurent les conditions de navigabilité du réseau, c'est-à-
dire pour chaque voie navigable, son tirant d'eau, son « tirant d'air ï (hauteur
libre sous les ponts), le nombre des ponts et souterrains qui la jalonnent, son profil
— 20 —
en long, le nombre et les dimensions de ses écluses, sa catégorie (ligne principale
ou secondiiire d'après la loi de classunienl du 5 août 1879) (^1), enfin son mode
d'adniinislralion (exploitation par l'Etat, \)â p. 100 du rési\iu, ou par une conipa-
gnie concessionnaire, 7 p. 100).
Qo n'avait jusqu'ici que des données approximatives sur l'elîectif et la com|)osi-
lion de notre batellerie fluviale. C'est cependant un renseignement d'une liaule
importance, non seulement pour l'étude des (]ueslioiis économiijaes et lechnj(|uesde
navigation (utilisation, traction, organisation commerciale), mais encore pour celle
des services militaires que ce réseau est en étal de rendre éventuellement. Aussi
l'Administration a-l-elle fait procéder le 15 octobre 1887 au recensement des ba-
teaux en marche ou eu stationnement sur tout le réseau fiançais, chaque voie ayant
été part^agée en cantonnements assez courts pour être parcourus en quehjues
heures par les recenseurs. .\fin de compléter ro|)ération, on a d'ailleurs continué
àt recenser jusqu'à la lin de novembre les bateaux fiançais en cours de voyage à
l'étranger au fur et à mesure de leur retour sur notre territoire.
On a ainsi constaté la présence de 1G,-403 bateaux jaugeant ensemble à pleine
charge 2,769,902 tonneaux (dont 45,865 pour les bateaux à vapeur). Comme le
tonnage effectif transporté en 1887 sur les voies navigables a été de 23,028, 4;^J6
tonnes, il s'ensuit que chaque tonne de capacité du matériel flottant a été utilisée
un peu plus de huit fois (8.31).
On a vu plus haut (jue celle utilisation était de 37.5 pour le matériel roulant des
chemins de fer : elle est donc de 4 à 5 fois plus grande sur les voies ferrées que
sur les voies navigables.
La capacité moyenne, qui, ()ar bateau, est de 173 tonnes, est par wagon de 9 loimes
et demie. Aussi, bien (|ue l'effectif de la batellerie soit 13 fois moindre que celui des
wagons de petite vitesse, sa puissance de transport est-elle de 40 p. 100 environ
supérieure à celle des chemins de fer (2,769,902 contre 1,954,716). Si la masse
des transports sur rails, exprimée en tonnes kilométriques, dépasse néanmoins le
triple de celle des transports par eau (9,314,o46,285 contre 2,798,460,915), cette
dillërence tient à l'allure des mouvements plus rapides sur les premières voies que
sur les secondes et à la meilleure utilisation de matériel (37.5 contre 8.5). D'ail-
leurs le parcours moyen de la tonne est sensiblement le même sur les deux réseaux
(133 kilomètres pour la navigation, 128 kilomètres pour les chemins de fer).
Tels sont les résultats généraux mis en lumière par le recensement du 15 oc-
tobre 1887. Quant aux détails de celte opération pour chaque voie, ils sont figurés
par les deux planches 12 et 13 : la jiremière, consacrée à l'effectif de la batellerie ;
la seconde, à son tonnage à pleine charge.
Ces d«ux cartes sont loin d'être superposables, à cause de la différence des types
de bateaux qui fréquentent les diverses voies. Ainsi, sur la planche 13 le canal laté-
ral à la Loire et le canal du Centre ont une importance supérieure au canal de
(1) On sait qa'aux termes de la loi du 5 août 1879 les voies de première catégorie sont celles qui réu-
nissent la double condition d'avoir un mouillage de 2 mètres et des écluses de SS^jûO de longueur sur
5", 20 de largeur. Ces lignes principales mesurent une longueur totale de ."ijâse kilomètres, soit 28 p. 100
du réseau. En 1878, leur longueur n'était que de 2,107 kilomètres. Dans cette période de neuf ans, la
plupart des canaux ont été transformés, soit par rapprofondlssement des biefs, soit par rallongement des
écluses. En outre, ojj kilomèlres de canaux nouveaux ont été ouverts de 1S78 à I8S7 pour compenser
nos pertes.
— 21 —
Sninl-Quentin, qui, an coiitrjiire, reprend son rang sur la planclie M. Celia lient à
Ci; ipie le lonnnge moyen par liatean est de 140 loinies snr les premiers canaux et
de ^70 tonnes sur le dernier.
Les deux planches suivantis, 15 et 10, se rappi.rtenl aux dépenses kil.oméi ri jucs
de |iremier élablissement du réseau navi,^able, en les disliiiguant en dois périodes:
cidle qui est antérieure au xix" siècle, celh qui s'élend de 1800 à 1870, enfin celle
(|ui va de 1870 à 1887. On voit ainsi la part revenant à chacune de ces périodes
dans les sacrifices financiers qu'ont enliaînés l'exécution et l'aniciioraiion de cha(|ue
voie.
Un diag-rainme spécial placé sur le côlé droit de la planche groupe ces dépensée
pour chacun des régimes (]ui se sont succédé en France depuis ISl^ et qui ont
coulrihué dans les proportions suivantes à la dépense totale de 1,330 millions,
savoir :
Restauration (1814-1830) 149 millions.
Règne de Louis-Philippe (1830-1848).. 341 —
Deuxième République (1848-1851). . . 38 —
Second Empire (1851-1870) 239 —
Troisième République (1870-1887). . . 563 —
Total 1,330 millions.
Enfin, pour apprécier l'utilité de ces sacrifices, il reste à montrer les services
rendus par les voies navigables. L'oulil étant bien défini, quel travail a-t-il produit'/
C'est à cette question que répondent les planches 16 et 17, où l'on a figuré pour
chaque voie les tonnages à Irois dates éloignées de 20 ans, 1847, 1867, 1887; ce
qui permet de constater les voies stationnaires, comme celles de l'Ouest et du .Midi,
et les voies en progression rapide, comme celles du Nord et de l'Est.
Un diagrannïie placé dans la partie gauche de la planche 17 représente la marché
de ces tonnages année par année — mais poiir l'ensemble du réseau — entre 1847
eH887.
Quant au tonnage en 1887, il est décomposé à la fois par courants de transport
et par nature de maiihandises pour chaque vo'e sur les quatre planches (6 à 9) de
l'.-Mbuin précédent qui se rattachent étroitement à ce sujet et complètent, avec les
neuf planches (9 à 17) du présent Albiun, une série de treize planches répondant dé
tous points au programme formulé par le (longrès de Francfort pour la stalijti(p]e
internationale de la navigation.
Navigation maritime. — De même que les phnches 11 et 12 ci-dessus donnent
les conditions de navigabilité de nos voies navigables, la planche 19 indique potth
nos |)rinci(iaux ports maritimes leur profondeur el le développement de Ienr3
quais d'échouage et à flot, en y ajoutant la comparaison entre 1876 et 1880 et
l'indication des améliorations projetées pour l'avenir.
L'accélération dont on a vu plus haut l'histoire et la mesure pour les voyages à
l'intérieur de la France s'est également manifestée pour les traversées maritimes.
C'est ce que figure la planche 19, qu'on peut mettre en parallèle avec la planche 8
et (pii a été dressée d'après le même mode de représentation.
Ce mode consiste, comme on l'a vu, dans le tracé de |)lusienrs cartes concen-
riques dont les dimensions se réduisent avec la durée des traversées. K mesure
— 22 —
que la vitesse des transports s'accroît, les cotes étrangères se rapproclient, par
combes progressives, de la côte française supposée immobile, comme si les mers
allaient sans cesse en se rétrécissant. Ainsi, il semble que, dans l'intervalle de ce
siècle, l'océan Atlantique se soit, en moyenne, réduit des deux tiers, ou encore que
BuenosAyres, qui était en 1830 à 11,000 kilomètres de Bordeaux (sa distance
géographique réelle), n'en soit plus aujourd'hui qu'à 3,870 kilomètres au point de
vue de la durée du trajet.
Des effets analogues se sont produits pour la baisse des prix : les progrès com-
merciaux et techniques ont réduit les frets et rapproché à ce point de vue les côtes
étrangères, de même que les taxes de port et les droits de douane les éloignent. Mais,
si l'on a pu pour les voyages tericslres dresser une carte des prix en regard de
celle des durées, on a dû renoncer à ce parallélisme pour les frets, à cause de leur
incessante mobilité et faute de données suffisamment concordantes et précises sur-
tout pour le passé.
Circulation parisienne. — La planche 20 représente, poiu" chacun des princi-
paux modes de transport (omnibus, tramways, ceinture et chemins de fer rayonnants,
bateaux-omnibus, petites voitures), le mouvement de la circulation à l'intérieur de
Paris entre 185-i et 1887, en l'exprimant à la fois par le nombre des voyageurs qui
ont recouru à chacun de ces divers modes et par les recettes auxquelles ce trans-
port a donné lieu. En l'absence de documents assez précis, on n'a pu y comprendre
ni les voitures de place autres que les petites voitures, ni les voitures de remises,
ni les voitures particulières, ni les omnibus de courses et de touristes.
Sous la réserve de celte lacune et, en sens inveise, des doubles emplois prove-
nant des correspondances, on voit, sur le diagramme récapitulatif de la planche 20,
que le mouvement intérieur de la circulation parisienne s'est traduit en 1887 par
27! millions de voyageurs et par 63 millionsde recettes, ce qui équivaut en moyenne
à 113 voyages par habitant et à 0 fr. 23 par voyage.
Cette planche ayant groupé ensemble en un chiffre unique annuel les éléments
afférents à chaque mode de transport, il a semblé utile de les décomposer en ce qui
concerne le chemin de fer de ceinture et les principales lignes de banlieue, de ma-
nière à éclairer les questions relatives, soit à l'étude du Métropolitain, soit à l'addi-
tion des gares réclantées par divers quartiers, soit enfin à l'élablis.senient de nou-
veaux moyens de communication dans le sens périphérique ou rayonnant.
Tel est l'objet de la planche 21, qui indique l'accroissement de la fréquentation
dans les gares parisieimes de 1865 à 1887. On y voit que, pendant celle période
de 23 ans, le mouvement de la gare Saint-Lazare est passé de 5,5 millions à près
de 13 millions de voyageurs; celui de la gare de Belleville de 200,000 à 600,000;
celui de la gare de Ménilmonlant de 300,000 à 1,200,000; celui de la gare d'Au-
teuil de 600,000 à 1,700,000. Ce sont là des progressions très rapides et qui mon-
trent avec quel empressement la circulation répond aux facilités qu'on lui assure
par la création des voies nouvelles.
Ce même résultat peut être obtenu par une simple transformation du matériel
sur des lignes existantes. C'est ce que met en évidence la planche 22, consacrée à
l'influence de la IriinsCormation du matériel des omnibus sur leur fréquentation
de 1872 à 1887.
Trois séries de diagrammes montrent le mouvement sur les lignes dont les voi-
- 2:} —
tiires n'ont pas été transformées et sur celles dont les anciennes voitures à 26 ou
2S places ont été remplacées par des voitures à 40 places (que le public apprlle à
cause de ce chiffre les « Académies ») ou par des tramways à 51 places. Partout la
transformation du matériel a coïncidé avec des accroissements de circulation ipii,
surcertnines lignes (par exemple Monlrouge-Gai'c de l'Est), a dépassé le triple de
la circulation primitive. Il semble que les facilités ofl'ertes aux voyageurs en multi-
plient le nombre. La circulation sur certaines lignes est comme un réservoir illimilé :
plus on augmente les moyens d'y puiser, plus le débit s'accroît.
D'ailleurs, sur les lignes où le matériel n'a pas été transformé, la fréquentation
est restée stationnaire. C'est donc bien à la transformation du matériel et non au
progrés normal de la cii'culation qu'est due la plus-value constatée sur les autres
lignes.
Il sera intéressant de comparer à ces divers résultats ceux de l'année 1889. Nous
ne mani|uerons pas dans le prochain album, actuellement en préparation, de nous
livrer à ces rapprochements sous diverses formes, de manière à mettre nettement
en évidence l'influence exercée par l'Exposition sur le déplacement des hommes et
des choses, non seulement dans Paris même, mais encore dans les ports et dans
tout l'ensemble du pays. „ „
E. Cheysson.
SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PARIS
RECONNUE ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE
PAR DÉCRET DU 19 JUIN 1869.
Médailles d'argent aux Expositions universelles de 187S et de lss9
Diplôme d'honneur de 1''= classe à i'ICxposition internationale de géographie de Venise, 18S1.
Composition du bureau pour l'année 1889.
Président MM. Octave Kelleii, ingénieur on chef des Mines.
Vice-Présidents. . . . Jules de Crisenoy, ancien directeur de l'adminislralioii
départementnie et conimnnale ;iii Mini.stère de l'intérieur.
ïh. DucROCQ, professeur à l.n Faculté de droit (le Paris.
Adolphe CosTE, publicisle.
Secrétaire général. . . Toussiiinl Loua, chef de ilivisioii honoraire de In slati.slique
ijénérale de France.
Trésorier-archiviste . . Jules Hobyns, 5, rue Bridaine, à Paris-Batignolles.
Membres du conseil . . Alfred Neymafick, directeur du journal le fienlier.
Auguste Vannacque, cherdu division nn Ministère du com-
merce, de l'industrie et des colonies.
L. L. Beauiun-Gressieu, chef do division nu Ministère des
irav.iux publics.
Clmrles Gimel, ancien directeur de'; conlrihufioiis dirorles.
Paul Cuai.vet, directeur do la Foncière.
Victor TuriQUAN, chef de bureau de hi slalisticpie générale
(le France.
- -24
LISTE ALPHABETIQUE
DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PARIS
AU 1" JANVIER 1890.
Membres d'honneur.
MM. Sadi Caniot, président de la République.
S. M. Doin Pedro II d'Alcantani, empereur du Brésil.
Baron Haussniann, ancien préfet de la Seine, 14, rue Boissy-d'Anglas, à Paris.
Couile Ferdinand de Lesseps, 21, avenue Montaijîne, à Paris.
Membres titulaires (M. P., membres à vie).
d'aduiiuion. MM*
1886. Alglave, professeur à la Faculté de droit de Paiis, 27, avenue de Paris, à
Versailles.
1881. Ambaud, conseiller maître à la Cour des comptes, 89, rue de Grenelle.
187'J. Amrliii (Alcide), 13, avenue des Gobclins.
1883. Aniiot (Henri), ingénieur civil, 4, rue Weber (Porte Maillot).
1S84. M. P. AndrieuN, député, 32, avenue Friediand.
1882. M. p. Antboine (Ed.), cbef des Irav. grapliii[ues au min. de l'intérieur, 8, rue
Treilbard.
1889. Arnaudeau, chef de la statistique ii la (Compagnie Iransatlanlique, 43, rue
Joiiffroy.
1882. M. P. Balsan (Charles), député, 8, rue de La Baume.
1882. M. P. Bandérali, ingénieur civil des mines, 7, rue la Bruyère.
1876. Barbier, ancien <lireclenr (\e^ dou;ines, villa Campanus, à Aix-les-Bains.
1882. M. p. Bardy ((^Ih.), dir. îles hdjoratoires des cont. ind., 26, rue du Général-Foy.
1882. M. P. Bauni (Gbarlos), ing. en chef des ponts et chaussées, 21, rue de la Pompe,
Passy.
1886. Baudry (L.), sous-direcleur de la Mutuelle de Sew-York (assurance sur la
vie), 48, avenue Kléber.
1864. M. P. Bavelier (A.), 1, rue de la Ville-l'Évéque.
1869. M. P. Beaurin-Gressier (L. L.), cliefdediv. au min. des Irav. publics, 40, boni.
Baspail.
1884. Berger (Georges), député, 8, rue Legendre.
1860. M. P. *Bei'ger-Levrault (Oscar) [l], imprimeur éditeur, à Nancy.
1888. Bernard (François), 44, rue Saint-Placi.le.
1882. Bernard (U.), directeur de la Banque maritime, 2, rue Cbaptal.
1888. Berr(cmile), publiciste, 52, boulevard Sébaslopol.
1889. M. P. B Ttillon (Alphonse), chef du service anthropométrique à la préfecture de po-
lice, 7, rue Lillré.
1882. M. P. Bertilion (D' Jacques), chef des trav. de la stat. munie, 5, avenue Frochot,
26, rue Virlor-Massé.
1882. Bertrand (S..), directeur de la Correspondance républicaine, 7, rue Saint-
Louis (Versailles).
1873. M. P. Bertrand (Ed.), avocat général à la Cour de cassation, 29, boul. Malesherbes.
18S2. Besnucèle (de), réd;icleur au min. du commerce et de l'industrie, 141, rue
Saint-Dominique.
1889. M. P. Bélhouard, ingénieur civil, 86, avenue de Wagram, à Paris et à Cliartres.
1881. Ijienaynié (Jules), chef de bureau auv: archives du Min. des finance.-;, 13, rue
des Snints-Pères.
1882. Billotle (J. B.), secrétaire général à la Banque de France, rue Croi.\-des-Pe-
lits-Champs.
(Il L'astérisque indique les membres fondateurs (année 1S60).
— 35 -
MM.
1860. M. P. *Biiig-Bénard (Alfred), ancien Consul, 2(5, rue de Naples.
1<S86. Biollav (Léon), 90, boulevard Pereire.
1884. M. P. Bischôlfsheiin, iléputé, 3, rue Tailbout.
1879. Bivorl(Â.),direcleurdii Rulklin des hallen et marchéa, 33, rue J.-J.-Rousseau.
1885. M. P. Bonaparte (S. A. lu prince Roland), i-î, cours l;i Heine.
1883. M. P. Bonlliou>;-Laville (Francisque), 15, rue Montaitçne.
1882. Bouclierot (Jules), 44, rue de la Pompe, Passy.
1882. Boudeau (Elie), député, 73, rue de la Victoire.
1882. Bouffard, ancien jut;e au tribunal de commerce, 148, rue de la Tour.
1885. Bourgeois (Léon), député, 50, rue Pierre-Charron.
1887. M. P. Bouteille (D'), dir. méd. en cbef de l'asile d'aliénés de Braqueville-Toulouse.
1883. M. P. Boutin (Emile), dir. gén. des cont. directes, 174, rue de Rivoli.
1882. Brelay (Ernest), pubiicisle, ancien conseiller général de la Seine, 35, rue
d'Offémont.
1885. Cabirau, ingénieur civil, commissaire général de la République Argentine,
85, rue Tailbout.
1888. Cachard (Edward-B.), dir. gén. de la Mutuelle de New- York {assurance sur
la vie), 43, boulevard Haussmann.
1889. Cachard (Henry), avocat-conseil de la légation des États-Unis, 3, place des
États-Unis.
1881. M. P. Caignon (L.>, chef de bur. au min. des fin., h Villiers-le-Bel (S.-et-O.).
1877. Calary, président de chambre à la cour d'appel de Paris, 11, quai d Orsay.
1889. Carraby (Calixte), contrôleur spécial au Crédit iyoïmais, 14, rue Pigalle.
1873. Cauvet (A.), directeur de l'école centrale, 1, rue MontgoKîer.
1882. M. P. Cerisier (Ciiarles), secrétaire général du gouvernement des rivières du Sud
(Sénégal).
1882. iM. P. Cernuschi (Henri), 7, rue Vélasquez.
1881. M. P. Chailley, avocat, pui)liciste, 9, rue Guy-de-la-Brosse.
1886. Clialv(>t (Etienne), clud'du cont. à la dir. de l'eni'eg., 19, rue de Bourgogne.
1886. M. P. Clialvel (Paul), directeur de la Foncière, 3()(i, rue Saint-Houoré.
1885. Chanoine (Général^, sous-directeur du Cercle militaire, 3, rue SclielTer.
1889. Chauvin (Jules), rédacleur au ministère des finances, 15, rue Houdon.
1874. M. P. Chervin (C, Arthur), 82, avenue Victor-Hugo.
1877. M. P. Ctieysson (Emile), ing. en chef des ponts et chaussées, professeur à rËc<»le
des mines, 115, boulevard Saint-Germain.
18^2. M. P. Choquet (D' Ed.), 13, rue <le Seine.
1883. Chotteau (Léon), publiciste, 138, boulevanl Pereire.
1883. M. P. Christoplile (AI.), député, gouverneur du Crédit foncier, 19, place Vendôme
l8iSti. Churchill (D' Franck), au château d'HargevdIe (S.-et-O.).
1882. Ciezkowski (Comte .\uguste), à VVierzcnica, près l'osen.
1882. Clamageran (J.-J.), sénateur, 57, avenue Marceau.
1882. M. P. Cochery (Adolphe), sénateur, ancien ministre, 38, avenue d'iéna.
1882. M. P. Cochery (Georges), député, 38, avenue d'iéna.
1882. Cochut^André), dir. honoraire du Mont-de-Piété, 66, boni, de Strasbourg.
1884. M. P. Colin (Armand), éditeur, 174, boulevard Saint-Germain.
1882. Combaluzier, publiciste, 43, rue Lallitte.
1887. Compagnie d'assurances sur la vie le Phénix, 33, rue Lafayette.
1884. Cornuault (Emile), ingénieur civil, 21, rue de Madrid.
1881. Coste (Adolphe), publiciste, 4, cité (iaillard (rue Blanche).
1882. M. p. Cotard (Charles), ingénieur, 35, boulevard Haussmann et au Valandre par
Pléneuf(C.-du-N.).
1885. M. P. Cottin-Angar, président du Syndicat des assurances mutuelles, 9, rue Royale.
1883. Coulonjon (Fernand de), clief de bureau de l'enr. et des ilomaiiies, 57," rue
de Bourgogne.
1883 Couturier (Gabriel, ancien gouverneur de la Guadeloupe, 24, rue Saint-
Pétersbourg.
1884. Crisenoy (Jules de), anc. dir. au min. de l'intérieur, 8, villa Sa'id.
1882. Gro/.es, adminisirateur des contr. indirectes, 8, rue Castiglione.
1882. Dalsème (J.), publiciste, 6, boulevard de Clichy.
1881. Déchaud (Ch.), administrateur des cont. indir.,2, rue VVattenu,àCourbevoie.
1887. Decroi.vL (E ), prés, de la So dété contre l'abus du tabac, 52, rue Bonaparte.
— m —
MM.
1882. M. P. Delboy (P. A.), cons. général de la Gironde, 8i, rue de Pessac, à Bordeaux.
188"2. Denis (E. D.), rédacteur au ministère des finances, 10, rue Nollet.
1882. M. P. Dcsplanr|ues, trésorier-nnyeur général du Pas-de-Calais, ii Arras.
1882. M. P. Desprès (D' Armand), iléputé, 3, rue .lacob.
1885. Desroys du Heure, percepteur à Biaritz.
1882. M. P. Dielz-Monnin, sénateur, 38, rue La Bruvère.
1883. M. P. DolHus (E.), banquier, G, rue Favart.
1882. M. P. Donnel(DÔ, sénateur, 101, rue Saint-Jacques.
ISSC). M. P. Ducret, président de la Gliambre syndicale des Industries diverses, 15, rue
de Bru.xelles.
1885. M. P. Ducrocq (Th.), professeur à la Faculté de droit de Paris, 12, rue Stanislas.
1884. Duhamel (Henri), puhliciste, 31, rue de Tocqueville.
1888. Dujaidiu-Beaumetz (J.), ingénieur civil, 14", boulevard Male.sherbes.
1883. Duîaurier, rédacteur au ministère du commerce et de l'industrie, 100, rue
de Grenelle.
1883. Duqnénel, agronome, il, rue Washington.
1882. M. P. Dreyfus (Auguste), banquier, 3, avenue Ruysdaël.
1879. Dreyfus (Camille), député, directeur politique de la Nation, 195, rue de
l'Université.
1885. M. P. Eggermont (Comte d'), conseiller d'ambassade à la légation de Belgique ti
Saint-Pétersbourg.
1882. Essars (Pierre des), attaché à la Banque de France, 10, rue Chabannais.
1868. M. P. Flechey (Edmond), chef de bureau au min. de l'agriculture, 25, rue de la
Collégiale.
1889. M. P. Fontaine (Louis), actuaire de la Caisse nationale des retraites pour la vieil-
lesse, 157, boulevard Saint-Germain.
1882. Foucher de Careil (Comte), sénateur, 9, rue François I".
1885. Fougerousse, publiciste, 5, rue Stanislas.
1882. M. P. Fouid (Henri), exportateur, 30, Faubourg-Poissonnière.
1882. Fourneret (H. .1. L), receveur-percepteur, 221, rue du Faub.-St-Honoré.
1882. Fournier de Flaix, publiciste, 45, rue Brancis, à Sèvres.
1884. M. P. Fouquiau, architecte, 18, rue Taitbout.
1h87. Fravalon, publiciste, à Boiigival.
1867. M. P. Froger de Maiiny, 28, rue Washington.
1878. M. P. Fovillc (Alfred de), chef du bureau de Statistique el législation au min. des
finances, prof, au Conservatoire des arts et métiers, 60, rue des Saints-Pères.
1881. Foyot (Louis), chef de bureau au min. des finances, rue de Rivoli.
1881. Funck-Brenlano, professeurs l'École des sciences politiques, 5, rue de la
Barouillière.
1882. Gaiffe, puhliciste, 152, avenue des Champs-Elysées.
1884. Gaillard, inspecleur d'Académie, 16, nie de Tournon.
1882. Gauvvain (Paul), maître de^ requêtes au Conseil d'État, 89, rue do Grenelle.
1877. Giinel (.\.), ancien directeur des contributions directes.
1869. M. P. Gomel (Charles), anc. maître des requêtes au Conseil d'État, 1, rue de la
Yille-l'Kvèque.
1884. iM. P. Goupy (Edmond), cons. général de Seine-et-Oise, 4, rue de Berry.
1883. M. P. Graff, attaché à la Cai.s.se des dépôts et consignations, 33, avenue de la Toiir-
Maubourg.
1884. Gragnon, rue Taitbout.
1883. M. P. Gravier (Charles), insp. princ. de la C" de l'Ouest, 118, rue Saussure.
1882. Grévy (liénéral), sénateur, 49, avenue Montaigne.
1885. Grodet (Arthur), ancien gouverneur de la Martinique, 15, rue de l'Estrapade.
1888. Grosseteste-Tliierry, industriel, 3, rue Crevaux.
1882. Groiialle (Victor), anc. prés, de section au Conseil d'État, 256, boulevard
Saint-Germain.
1886. M. P. Guinier, inspecteur des contributions directes, à Foix (Ariè'.;e).
1882. M. P. Guinol, sénateur, 24, rue de Milan.
1876. M. P. Guyot (Yves), ininislre des Travaux publics, député, 95, rue de Seine.
1882. M. P. Halphen (Salomon), 2, rue Blanche.
1886. M. P. Haranger (Ferdinand), 174, boulevard Saint-Germain.
— '11 —
MM.
188',). Harbulot (Maurice), publicisle, 40, avenue de Sé^çur.
188i-. M. I'. Harlmaun (Georges), 14, quai de la Mégisserie.
188'). Hennequin (Félicien), sous-clieC au min. de l'intérieur, 40, rue de Bourgogne.
1882. llériiull (.\ir.), cons. -maître à la Cour des comptes, 1, rue Pierre-Cliarron.
1884. M. P. Hérisson, conseiller à la Cour de cassation, âO, rue Madame.
1882. M. P. Hiernau.x (Léon), ingénieur civil, 11, rue de Javel.
1885. Hugo (Comte Léopold), 14, rue des Saints-Pères.
1882. M. P. Jacquêmc (Casimir), insp. gén. des finances, à Cadenel (Vaucluse).
1881. M. P. Jakcliitch (Wladimir), ilirecteur de la statistique à Belgrade (Serbie).
1884. M. P. Janzé (Baron de), ancien député, 17, rue de Monceau.
1880. Joly, professeur au Collège de France, 105, rue de Rennes.
1879. M. P. Jude (Edmond), chef de bureau au Gaz, 9, rue Ambroise-Paré.
1860. M.P. * Juglar (D' Clément), 167, rue Saint-Jacques.
1882. Keller (Octave), ingénieur en chef des mines, 3, quai Malaquais.
1886. M. P. Kergall, directeur de la Revue économique et financière, 1 bis, avenue des
Champs-Elysées.
1887. Kœchlin (Camille), 14, rue Pierre-Charron.
1884. Kunckel d'Herculais (J.), aide-naturaliste au Muséum, 20, villa Saïd.
1882. Labry (F. 0- de), ing. en chef des Ponts et Chaussées, 51, rue de Varennes.
1877. Lafabrègue (René), anc. dir. de l'Hospice des enfants assistés, 20, rue du
Cardinal-Lemoine.
1882. M. P. Laisant, député, 102, avenue Victor-Hugo.
1860. *Lalande (.\rmand), ancien député, 130, rue du Faubourg-Saint-Honoré.
1882. Lallemand (Léon), publiciste, 5, rue des Beau.x-Arls.
1882. M. P. Lamane (Henry), attaché au Crédit foncier, 9, rue BerlhoUet.
1883. Lamas (Pedro S.), réd. en chef de la Revue Sud- Américaine, 23, rue Cia-
peyron.
1860. M.P. *Lamé-Fleury, conseiller d'État, 62, rue de Verneuil.
1883. M. P. Larclause (Général Savin de), commandant la 24' div. d'inf., à Périgueux.
1884. M. P. Larranaga y Loyola (Luis), ingénieur à Lima (Pérou).
1882. Laszloy (Albert), sou.s-chef de bureau au min. des finances, 58, rue Denfert-
Rochereau.
1887. Lazarus, 14, rue de la Perle.
1889. Lazzarini (Pio), publiciste, 47, rue Taitbout.
1883. M. P. Lebey, directeur de YArjence Havas, 34, rue N.-D.-des-Victoires.
1885. Lechartier, publiciste, 97, rue de la Pompe.
1881. Lecler, sénateur, 33, rue de St-Pétersbourg.
1883. Lecoq (Charles), rue Le Hon, à Dinan (Côtes-du-Nord).
1888. Lédé (D'), 26, rue François-Miron.
1883. M. P. Leguay (Baron Albert), sous-gouverneur du Crédit foncier, 23, rue d'Astorg.
1882. M. P. Lemercier (Abel), anc. conservateur des hypothèques, 90, rue d'Assas.
1876. Lemercier (.Marcel), secr. du dir. des Chemins de fer de l'Est, 16, rue
Marignan.
1881. Leroy (Nestor), chef de bur. des douanes au min. des fin., 11, rue de Lille.
1878. Leroy-BeauMeu (Paul), membre de l'Institut, professeur au Collège de France,
dir. de VEcon. français, 27, avenue du Bois-de-Boulogne.
1881. Letort (Charles), attaché à la Bibliothèque nationale, 61, avenue de Wagram.
1863. M. P. Levasseur (Emile), membre de l'Institut, professeur au Collège de France et
au Conservatoire des arts et métiers, 26, rue Monsieur-lc-Prince.
1883. M. P. Levèque, député, sous-gouverneur du (îrédit foncier, 15, rue d'Argenleuil.
1882. M. P. Leviez (Ernest), docteur eu droit, dir. de VUrbaine, 27, r. du Mont-Thabor.
1882. M. P. Leys (Ernest), négociant, 27, lioidevard de Courcelles.
1882. M. P. Liégeard (Armand), sous-;:hef do bureau nu min. du commerce et de l'in-
dustrie, 28, rue de Varennes.
1882. Limet (Félix), correspondant de YAtliéiiée iouisianais, 6, rue Saint-Georges.
1882. Limousin (Ch. M), dir. de la Revue du mouvement social et du Bulletin des
sommaires, 44, rue Beaunier.
1885. M. P. Liste (Itenéj, anc. inspecteur des finances, 3, rue Boccador.
1885. M. P. Lodiii de l'Epinay (Arthur), ing. des mines, prof, de métallurgie à l'École
nal. sup. des mines, 85, rui' îles Saints-Pères.
— 28 —
MM.
1864. M. P. Loiin (Toussaint), chef de div. honor. de la Stat. gértér. de Pr.ince, HO, rue
de l'Université.
1882. Louis (D' A.), médecin-major en Retraite.
1880. Lucy (Armand), lauréat de l'Institut, directeur de \'Mex géographique,
16, roule de Laborde, au Vé.siuet.
1889. Lyon-Caen (Ch.), professeur h la t'acullé de droit de Paris, 13, rue Soufllol.
1883. M. P. Magnin (Josepli), sénateur, gouverneur de la Banque de France, rue de la
Vrillière.
1873. Marchand (.loscph), ancien dir. de la slatistiqiie an Pérou, T), r. dos Minimes.
1882. M. P. Marteau (Aniédée), consul chaîné de missions, 25, bout, du Midi, au Vésinel.
1883. Marliil (D' A. J.), 3, rue Gay-Lussac.
1865. M. P. Martin (D' de) fils, h Narhohno.
1881. M. P. Martinet (Camille), sulxtitul du procureur général, 5',), boni. Suchet.
1882. Marx (Léopold), anc inspecteur ^ciniral des ponts et chaussées, 43, rue de
Boulainvilliers. ,,_■
1882. Méliodon (l'Iiiliberl), secr. gén. du drédit foncier, 19, place Vcniirtme.
1889. M. P. Melon (Paul), banquier, 24^ place Malesherbes.
1883. Mercier (Achille), bihl. adj. h la Facullé de droit, 3, rue de l'Èstrnpade.
1885. .Mercier (Eugène), menihr(! de la Chambre de commerce deUeims, à lîpernay.
1868. M. P. Mesnil (D' duj, médecin de l'asile hat. de Viiicennes, 14, rue du Cardinaf-
Lcmoinc.
1860. M. P. •Metlernich-Winnebourg (S. A. le prince Richard de), Rennweg, îi Vienne
(Autriche).
1882. M. P. Michaut (Gabriel-Alphonse), Secrétaire général du Petit Jow^nal, 26, rue
Condorcel.
1882 Minol (Kugèiie), chef de bureau au min. du commerce et de l'industrie, 6,
rue de La Condauiine.
1884 M. J». Mouat (Frédérir.-.Iolmi, .M. I). F. R : C. S., inspecteur local du Ciouveriiemenl,
ancien président de la Société royale de statisti(|iie de Londres, 18,l)iiiliaiTi
villa, Keii.sington W., Londres.
1887. Moiigeolle, 5, rue de GhiUeaudun.
1886. Nacian (J. J.), attaché au min. des finances, à Bueliarost (Roumanie).
1883. iNapias (W), insp. gén. au min. de l'intérieur, 08, iiio du lîocher.
1883. M. P. NeyuMrck (.VIfred), direcleur-propriélaire dn journal /c /f^'w//Vv 18, r Vii^non.
1860. M.P.*i\iobey (D'), maire d'Hamhye, par Gavray (Manche).
1884. Noël (OctaVe), pubiiciste, 70 In», rue de l'Universilé.
1882. M. P. Norberg (Jules), imprimeur-éditeur, à Nancy.
1884. M. p. Normand-Diifie (D' Sixte), h Royau.
1882. Ohreeu (Ilermanu), ingénieur, 3, rue Fugène-Delacroi\.
1883. Osiris, banquier, 9, rue lia Bruyère.
1881. Pallain (Georges), direct, gén. des douanes, 12, quai de Billy.
1885. M. P. Paidiard (René), m.inufaclurier, 5, rue Roy.ile.
1886. Parmeniier (Charles), 28, place Vendôme.
1889. M. p. Parmentier (Léonce), lauréat île l'Institut et de l'Académie de médecine»
chef du cabinet du président du (Conseil, Ministre du commerce, de l'in-
dustrie et des colonies, 101, rue de Grenelle.
18S2. .\|. P. Parizol (Ernest), agent de ch.in;ie, 8, rue de la Michodière.
1880. .M. P. Passy (Edgar), ane. secrétaire d'audiassade, 27, avenue de .Messine.
1877. Al. P. Pas.<'y (Loui.s), député, 4^), rue de Clichy.
1882. M. p. Pépin (Louis), receveur particulier, à Abbeville.
18li4. M P. Pér, ire (Eugène), ancien député, 45, rue du Faubourg-St-Hoiioré.
1883. Persiii (E lou.ird), receveur des finances, à Epernay.
1869. M P. Petithieii, ancien iléputé, à Blénod-lès-Toul.
1872. M P. P.iilippe (Léon), ing. en chef des ponts et chaussées, 28, avenue Marceau.
1860. M.P.*Piogev (Jidien), juge de paix du 18° arromiissemenl, 24, rue SiGeorges.
1888. M. P. Prungel(Josejdi), II, rue du Regard.
1SS2. l'uér.ui (Eugène-Bon), hanipii^-r, 29, rue Taitbout.
1889. M. P. Oiievillon ([,éon-Ftrnand). coinmandant d'élat-major, hrevolé, tiief de ba-
taillon au 119° de ligne, 12, avenue Bosquet.
— ■'29 —
MM.
1880. Rabot (Charles), explorateur, 11, rue de Coudé.
188i. M. P. R;iffalovich (Artliur), pulilicisle, 19, avenue Hoche.
1881"). Rameau (Paiil-Clievrey), dir. au niiii. îles alT. étrangères, 23, rue Blanche.
1800. M. F. *Rapin (.■^niédée), à Levet (Cher).
1882. Récipou (Emile), ancien dépulé, 39, me liassano.
1882. M. p. Rcinacli (Baron Jacques), lauréat de l'iuslitut, "20, rue i\lurillo.
1808. .M. P. Rciiaiid (Gcoryes), dir. de la lieniie géograjihiquc uilevnationuk, 7G, rue de
la Pumpe, il Pa.ssy.
1885. .\1. P. Reynaud (Josepli), chef de hur. au min.de riiitérieur, 00, rue de Miroinénil.
188;!. Risler (Charles), maire du 7" arrondissement, 39, me de l'Université.
1882 M. P. Rohinot de la Pichardais, dir. iiu sous-comptoir des entrepreneurs, 11 bi»,
rue de Milan.
18àO. M. P. *Hol)'yns (Jules), trésor, de la Société française de tempérance, 5, rue Bridaine.
1875. .M. P. Rouïliet (Antonv), pujjliciste, 48, rue de Provence.
1881. Roussiu (Henri), chef de bureau au min. des finances, 25, avenue Trulaiiie
188 i Roussel (!)" Tliéophib;), sénateur, 01, rue des Maihurius.
1889. Roux (Jean-Paul), publiciste, 53, rue Vivienne.
1873. M. P. Rouyer (D' Jules), ancien maire de Laigle.
1882. Ruau, directeur général des monnaies, quai Conti.
1882. M. P. Sainl-Genis (Flour de), conservateur des hypothèques, au Havre.
1882. Salomori (Georges), ingénieur civil, 97, houl. Malesherhes.
1803. AI. P. Santos (S. Iv J. don José Emilio de), président du Conseil de l'agriculture,
de l'industiie et du commerce, à Madrid (Espagne).
1882. Sarrieii, dépulé, ancien ministre, 10, rue Galilée.
1882. Sartiaux, ingénieur en chef des ponts et chaussées, 73, rue de Maubeugo.
1888. .M. P. Saury (Honoré), 23, quai de Suresne^, à Suresnes.
1883. Sauvage (de), professeur au Conservatoire des arts el métiers, 0, rue Barbette.
1883. M. P. Say (Léon), de l'Académie française, député, 21, rue Fresnel.
1882. M. P. Sciielle (A.), chef de div. au min. des travaux publics, 13, boulevard des
Batignolles.
1887. Sénéchal, réd. a la Statistique générale de France, 4-i, rue de Bruxelles.
1805. M. P. Séré (D' de), insp. du serv. de la vérification des décès, 4, rue Desbrosses.
1882. Siegfried (Jacques), banquier, 18, rue Murillo.
1882. Siegfrieil (Jules), député, 0, rond-point des Champs-Elysées.
1884. M. P. Smith (S. E. L. 0.), sénateur, h Stockholm.
1889. Sol (Paul-Lucien), chef de bur. de la statistique minérale, 44, rue Vlllejust.
188i. Souques, manufacturier à lii Guadeloupe.
18()3. M. P. Spiliolakis (Spiridion), à Athènes (Grèce).
1882. Stourm (René), anc. adm. des contr. indirectes, 218, boni. Saint-Germain.
1882. M. P. Swarte (Victor de), trésorier-payeur général, à Melun.
1883. M. P. Tarry (Harold),à Alger.
1885. M. P. Thierry-Mieg (Charles), marmfactnrier, 44, rue desMalhurins.
1888. .M. p. Tliomereau (A. ), 7, rue Galvany, Les Ternes-Paris.
1882. Thulié (D'), anc. président de la Soc. d'anthr., 31, boul. Beauséjour.
1884. Tinière (A.), 127, boulevard Péreiçe.
1887. ïiphaigne, dir. gén. de l'enreg., des domaines el du timbre, 5, rue du Marché-
Sainl-Hoiioré.
1882. Tisserand (Eugène), directeur de l'agriculture, 17, rue du Cirque.
1884, Trélat (Emile), dir. de l'Écoio d'architecture, 17, rue Dealert-Rochereaif.
1882. Trystram (J.-B.), député, 95, rue de Rennes.
1887. Turquan (S.), sous-chef de bureau au min. de l'intérieur, 10, rue Galilée.
1882. M. P. Turquan (Victor), chef debureauà la Stat. générale de France, 10, rueGalilée.
1807. Vacher (U' Léon), député, 132, rue du Faubourg-Saitit-Deiiis.
1883. Vannacqne (Auguste), chef de div. au min. du commerce et de l'industrie,
40, rue Sainte-Placide.
1884. Vauthier, ingénieur, 18, rue Molilor (villa Boileau).
1882. Verginaud (Jean-Gabriel), anc. sec. gén. de la préf. de la Seine, 126, boul.
Saint-Germain.
1882. Villard,, ingénieur civil, 138, boul. Malesherhes.
1 884. M. P. Villey (Edouard), prof, à la Faculté de droit, 6, rue Bicoquel, à Caeu
— 30-
MM.
188:2. Waddiiigton (Richard), député, 41, rue François 1".
1882. M. P. Warin (C;ilixle), receveur des finances, à Castclsarrasin.
1882. Warnier (Jules), anc. député, membre delà Chambre de commerce, rue An-
drieux, à Keims.
1888. M. p. Warnier (\.. G), dir. du Moniteur des assurances, 48, rue LadUtc.
1877. M. P. Wilson (Daniel), ancien député, 2, avenue d'Iéna.
1882. Yturrei;ui (Jean), 0, avenue Victor-Hui;o.
1881. Yvernès (Emile), chef de div. au niin.\le la justice, 6, rue Guichard, Passy.
1884. M. P. Yvernès (Maurice), rédacteur au min. de la justice, 5, rue Guichard, Passy.
1882. M. P. Zens (Paul), ingénieur, direclourdesCheminsde rer(lépartemenlaux,20;?i/.f,
boul. Saint-Germain.
Membres correspondants.
MM.
1885. Chastellu.\(E. de), ancien sous-prél'et, 30 bia, rue du Bocage, à Nantes.
1888. Cook (Arthur J.), dir. de la Société d'assurances sur la vie la Victoria; à Londres.
1881. Grandeau, doyen honoraire de la Faculté des sciencjs, :{, quai Voltaire, Paris.
188'J. Lelievre, directeur de la Mutuelle française, au Mans.
1882. Mircdo y Visedo (don José), avocat, chef du bureau d'émigration de l'Inslitut géo-
graphique et statistique d'Kspagne, 20, calle Pizarro, segunilo izquierdo, en Madrid.
1884. lUvera y Valenzuela (don Juan), chef des Irav. statistiques de lu province à Huesca.
1873. Serret (Jules), dir. de la Gomp. marit. Gironde-Garonne, rue Lalande, à Agen.
Membres associés.
MM.
1883. Amici Bey (Frédéric), ingénieur, au Caire (Egypte).
1885. Arinos (Vicomte de), ministre plénipotentiaire du Brésil, h Londres.
1882. Barclay (Thomas), avocat du barreau tle Londres, 25, boulevard des Italiens.
1884. Beaujon, directeur de l'Institut statistique d'Amsterdam.
1878. Becker, chef de la statistique de l'empire d'Allemagne, à Berlin.
1883. Bengolea (Ismaël), chef de la division de statistique à Buenos-Ayrcs.
1883. Besso (Marco), sec. gén. des ass. gén. de Venise-Trieste, membre de l'Instilul des
actuaires de Londres, à Triesle.
1883. Blenck (Ch.-J.E), conseiller intime supérieur, chef de la statistique du royaume
de Prusse, 28, Lindenslrasse, S. D. à Berlin.
1878. Bodio (Le commandeur Lu igi), dir. gén. delastatistiqueduroyaumed'ltalie, à Rome.
1878. Boothby, directeur du bureau de sUitistique de r.\ustralie du Sud.
1878. Bosch-Kemper (G. de), sec. gén. du ministère du commerce et industrie, rue
Bankîert, à La Haye.
1886. Broxkroin, directeur de la statistique à Helsingfors (Finlande).
1884. Gaillard (.\.), directeur général des douanes à Alexandrie (Egypte).
1886. Cazari (Nicolas), directeur de la statistique à Athènes (Grèce)"
1878. Cinque (Marquis de), Palais Cinque, rue Golonna, à Home.
1882. Colucci Pacha (S. Ëxc. le docleur baron Antoine), ex-président de l'intendance
sanitaire d'Egypte et de l'Institut égyptien, 17, via dei Mille, à Rome.
1883. Coni (Emilie), ancien directeur de la statistique ii La Ptata.
1882. De Laveleye (Emile), professeur à l'Université de Liège, correspondant de l'Institut,
38, rue Courtois, à Liège.
1882. Ue Laveleye (Georges), rédacteur en chef du Moniteur des intérêts matériels. G, rue
de la Banque, à Bruxelles.
1884. Delon (Eugène), photographe, 18, rue Lafayelte, à Toulouse.
1884. Déparlement du trésor, à Washington, U. S.
1878. Directeur (Le) de la statistique du royaume île Bavière, a Munich.
1879. Directeur (Le) de la slat. oflic. d'Espagne, au ministère du Fomente, à Madrid.
1878. Directeur (Le) de la statistique de la ville de Hambourg (D' Koch).
1880. Directeur (Le) du bureau de statistique de la ville de Palerme (Sicile).
1878. Directeur (Le) du bureau royal de statistique des Pays-Bas, à La Haye.
— 31 —
MM.
1878. Directeur (Le) de la slatisl. au min. de l'intérieur de Kounianie, à Bukarest.
1878. Directeur (Le) de la statistique du royaume de Saxe, à Dr.sde.
1878. Directeur (Le) de la statistique du royaume de Wurtemberg;, à Stuttgard.
188G. Demis de Semerpont, sec. gén. au ministère de la justice, à Bru.xelles.
1883. Ellena (V.), ancien directeur général des douanes, à Rome.
1861. Engel (D'j, conseiller intime, h Oberlossnitz-Uadebeul, près Dresde.
1882. Engelbronner (C.-C-E. d'), sec. gén. de la Société néerlandaise contre l'alcoolisme,
ancien sec. gén. du ministère de la justice, 30, Gedempte-Burgwal, à La Haye.
1885. Erben (Joseph), dir. du bur. communal de statistique de la ville capitale de Prague.
1874. Faider (Charles), ancien ministre de la justice, président honoraire de la Commis-
sion centrale (le statistique, 63, rue du Commerce ((|uartier Léopold), à Bruxelles.
1884. Fassiaux, secrétaire général au ministère des postes, télégraphes et chemins de
fer, à Bruxelles.
1878. Gad (Marins), directeur de la statistique odicielle à Copenhague.
1871). Giffen, ancien directeur du Board of Trade, à Londres.
1885. Hancock (Charles), membre de la Société de stalist. de Londres, 125, Queen's Gale.
1883. Haytter (H.), directeur du Bureau de statistique de l'Australie du Sud à Victoria,
il Melbourne (Australie).
188'J, Herrea (Guillermo), sous-directeur de la statistique du Mexique, à Mexico.
1885. Hunfulvi, à Buda-Peslh (Hongrie).
1878. Ignatius (Ch. Km. F.), docteur en philosophie, sénateur à Helsingfors (Finlande).
1885. Inama-Sternegg (von), à Vienne (Autriche).
1875. Jahnson (Jules-Ed.), professeur h l'Université, conseiller d'État, à St-Pétersbourg.
1883. Jamnie (Emile), membre de la Chambre des représ., rue de Chestret, à Liège.
1872. Janssens (E.), inspecteur en chef du service d'hygiène I, rue des Riches-Claires,
à Bruxelles.
1885. Kauiïmann (D' H.), à Saint-Pétersbourg.
1878. Keieli, directeur de la statistique de Hongrie, à Buda-Pesth.
1878. Kiaér (A. N), chef de la statistique générale, à Christiania (Norvège).
1878. Kôrosi, directeur de la statistique municipale de la ville de Buda-Pestii (Hongrie).
1878. Kummer (D' J. J.), directeur au ministère fédéral, à Berne.
1884. Latzina (F.), directeur de la statistique nationale argentine, à Buénos-Ayres.
1877. Lebon (Léon), chef de division de la slatist générale, 116, r. de la Loi, à Bruxelles.
1883. Leemans (Hubert), directeur général au ministère de l'intérieur, 8, rue Vergote,
à Scharbeeck (Belgique).
1883. Lefebvre (D'), doyen de la Faculté de médecine à l'Université de Louvain,24, rue
des Marais, à Louvain.
1883. Leyfïler (D'), directeur du service de la Caisse d'épargne postale en Suède, à
Stockholm.
1883. Liagre (Général J. B.), secrétaire perpétuel de IWcadémie des sciences, lettres et
beaux-arts, président de la commission centrale de statistique, ancien ministre,
rue Caroly, à Bruxelles.
1885. Lopez Lombra (don Ramon), oflicier supérieur du ministère de la justice, des
cultes et de l'instruction publique de la République orientale de l'Uruguay, à
Montevideo.
1882. Luzzatti (le Commandeur), député, professeur à l'Université de Padoue, à Padoue.
1878. Manzolas, directeur au ministère de l'intérieur, à Athènes.
1885. Martin (.John Biddulph), 17, Hydepark-Gate, Londres. S. W.
186'J. Mayr (D' Georges), à Tutring (Haute-Bavière).
1886. Milliet, directeur de la statistique, à Berne.
1884. Molteni (A.), physicien, 44, rue du Chàteau-d'Eau, à Paris.
1885. Murray (Henry), membre de la Société de statistique de Londres.
1885. Nagayo-Sensai, à Tokio, et 75, avenue Marceau, à Paris.
1888. Nicaise (D'' François), à Ghàlons-sur-Marne.
1885. Penaliel (don Antonio de), directeur général de la statistique de la République
mexicaine, à Mexico.
— 32 —
MM.
1883. f'erozzo, ingénieur civil, clief de section, iuspecletir chef des oflices teclintr|ucs au
niinisliM'L' des fin.iiices, î> lioiiie.
1870. Péry(Le N'-Coluiu!! Gerardo), membre de l'Aca léniie des sciences, rharjté du ser-
vice de hi stHtisliqiie agricole (Lisboniu'l-
1879. Président (Le) de la Coniiuission Aes i.irils et valeurs de douanes, à Ma-lrid.
l876. Président (Le) de la Société de stu'istiquc de Londres, 9, .Ydeiplii-Terrac'c, ii
Londres. W. C
1885. Kawsoti.(Sir), W. Kamsou, ti8, Gornwali Gardeiis Queiiu's-Gate, a l/uidres, S. VV.
1874. Holiyns (Alfred), 10, rue des Rentiers, à EUerijeek-iez-nruNelies.
1885v Saiafov (K), directeur de la statisti(jue de Uiilj;arie, a Solia.
18M4|. ^Mveur (J.), sec. gén. du niinistècu lie i'iutérieur et de rinslruetion |iul)li(|ii(',
k Bruxelles.
1863. Seinenov (de), ancien président de la Conini cenlr de stalisli(|ue à St-Pélershourj;.
1878. Siden()ladli (Elis), dirertenr en clief du liiir(>au ceniral de slatislii|ue de Suéde, ii
Stockholm.
188-2. Ter/.i (D' lirneslo), 8, San Guise|ipe, :^ Milan.
1883i. Tbouissen (.1. J), courespoiidanl de l'iuslilul de France, 12, rue des Orphelines,
à Louvain.
1885. Troinitsky (Nicolas), directeur de la statistique à Sl-Pétersbourj;.
1885. Walker (Général Francis), à Washington. U. S.
1879. Ybanès {Le générai), directeur de l'Institut géographique et slatistique d'Espagne,
b Madrid.
Uésumk.
Membres d'hoiiueur . . . i
Membres fondateurs. . . 136.
.Membres lilulaires. . . . 150
Membres correspondants . 7
Membres a.ssociés .... 84
381
AVIS IMPORTANT
MM. les Membres tiUilaircs de la Société sont priés d'acquitter le inontuiit
de leur cotisation de 1890 (25 IV.), entre les mains du Trésorier, soit en
séance, soit à son domicile, 5, rue Bridaine, avant la fin du mois de janvier
Dans le courant du mois de février, les membres retardataires recevront
leur quittance, à laquelle ils voudront faire bou accueil.
Quelques exemplaires du beau volume que la Société a consacré à son
vingt-cinquième anniversaire sont encore en vente. Les meiiibres de la So-
ciété peuvent se procurer cet ouvrage, chez le Trésorier, 5, rue Bridaine,
au prix réduit de "2 fr. l'exemplaire.
iS"L^^-
Le Gérant, (J. Beuoer-Luvrault.
JOURNAL
DE LA
SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PA15IS
NO 2. — FÉVRIER 1890.
I
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 15 JANVIER 1890.
Sommaire. — Installation du président. — Allocution de M. Paul Leroy-Beaulleu, président sortant. —
Discours de M. Kellcr, président pour l'année 1890. — Éloge funèbre de M. Gimel. — Présentation
de l'Annuaire statistique de la France, de la Statistique annuelle et de la Statistique agricole de 1888.
— Le prix Montyon de statistique. — La fiscalité alimentaire et gastronomique à Paris, par M. Gus-
tave Bienajmé.
La séance est ouverte à 9 heures sous la présidence de M. Paul Lcroy-Beaulieu
(de rinstilut).
M. Paul Leroy-Beaulieu prononce l'alloculion suivante :
Allocution de M. Paul Leroy-Beaulieu.
Messieurs, il y a un an, je vous exprimais ma reconnaissance pour l'honneur que vous
m'aviez fait en m'appeiant à la présidence de la Société de slalistique de Paris.
C'est, en effL-t, un honneur que de présider une Société qui se fait remarquer entre
toutes par l'importance et la précision de ses travaux et par l'influence qu'elle exerce sur
la direction générale de la grande société.
La tâche était d'ailleurs facile, grâce au concours de votre Bureau et à votre appui per-
sonnel, et s'il est vrai ([ue vous m'ayez attribué un pouvoir discrélionnaire, je dois avouer
que je n'ai pas eu l'occasion de m'en servir.
Dans le cours de l'année qui vient de s'écouler vous avez eu à célébrer de grandes
solennités et notamment vous avez reçu l'Institut international de statistique. J'ai vive-
ment regretté de ne pouvoir me joindre à vous dans ces circonstances, retenu, comme je
l'étais, par des occupations absorbantes ou des tristesses privées.
V' SÉRIE. 31e VOL. — N" 2. Q
— 34 -
Aujoiird'liui il faut que je vous quille, mais, en même temps, j'éprouve la plus grande
satisfaction à laisser ma place ii un ingénieur éminenlqui s'occupe d'une des branches les
plus intéressantes de la stalislique, branche qui reste constamment à l'ordre du jour, qui
l'était il y a peu de temps, h propos des accidents du travail et qui l'est aujourd'hui qu'on
se préoccupe plus que jamais de la situation matérielle des mineurs et de la produclion
même des mines. Vous savez tous que M. Keller a jeté sur ces difliciles questions les
plus vives lumières et s'est acquis par là un renom mérité.
Si donc j'ai dû vous exprimer quelques regrets, c'est, d'autre part, avec joie que je
cède le fauteuil à mon successeur, l'honorable M. Keller. (Applaudissements.)
M. Keller prend alors la parole et s'exprime dans les termes suivants :
Discours de M. Octave Keller, président.
Messieurs et chers Collègues,
Mon premier devoir, en occupant ce fauteuil, est de vous adresser l'expression de ma
profonde reconnaissance pour le très grand honneur que vous m'avez fait en m'appelant
à présider, pendant l'année 1890, la Société de statistique de Paris.
Croyez que je sens vivement le prix de vos suffrages et l'importance des fonctions qui
me sont dévolues. Comme vous — et plus que vous — j'aurais désiré voir l'éminent et
sympathique directeur de l'agriculture, M. Tisserand, accepter la présidence effuctive,
dont il a décliné l'offre, malheureusement, à cause de la multiplicité de ses travaux officiels.
Je suis assuré d'exprimer voire propre pensée, si je dis qu'en le nommant Président ho-
noraire, notre Société a entendu lui donner une marque publique de sa reconnaissance
pour le ferme appui qu'il ne cesse de lui prêter en toutes circonstances. (Applaudisse-
ments.)
Pour moi, ce n'est pas sans regret que je sors du rang; lorsque M. Leroy-Beaulieu,
ayant à préparer les élections prévues par les statuts pour le renouvellement du bureau,
m'a proposé à votre choix pour lui succéder, j'ai fait de sincères efforts — les membres
de votre conseil en ont été témoins — pour me dérober à un honneur dont je me sens si
peu préparé à porter le fardeau.
En effet, il y a un an, en s'installant à ce même fauteuil, M. Leroy-Beaulieu (et j'ouvre
ici une parenthèse pour le remercier du fond du cœur des paroles si bienveillantes dont
il a bien voulu se servir tout à l'heure à mon égard), après avoir déclaré, par une exagé-
ration de modestie, qu'il n'était pas, à proprement parler, un statisticien, ajoutait à bon
droit : « Mais je suis un des hommes de France qui usent et profitent le plus des statis-
tiques d'aulrui. » Il est en outre, comme économiste et comme publicisle — c'est ici le
lieu pour le dire, — un des plus habiles à extraire les éléments essentiels, les éléments
féconds des statistiques, pour les répandre dans le public et les imposer à l'attention gé-
nérale, soit du haut de la chaire par la séduction de l'orateur, soit dans la presse ou dans
le livre par la plume alerte de l'écrivain.
Au contraire. Messieurs, j'ai la confusion de le confesser, je suis un des hommes qui
usent et profitent le moins des statistiques d'autrui. Pourquoi? Parce qu'en matière de
statistique, je suis un praticien, un simple artisan, dont le temps est absorbé par son
propre labeur.
Voici treize ans que l'Administration des mines m'a appelé à diriger le service de la
statistique des mines, des usines métallurgiques et des appareils à vapeur, au Ministère
des travaux publics, avec un programme complexe consistant à liquider l'arriéré, à publier
les renseignements définitifs annuellement (et non plus à des intervalles irréguliers de
trois, quatre et même cinq ans), à les éclairer au moyen de diagrammes et de cartes, tout
— 35 —
en les simplifiant, enfin ii les enrichir des délails les plus propres à captiver fructueuse-
ment l'attention des ingénieurs.
Depuis cinq ans, par suite des exigences d'autres fonctions administratives qui m'ont
été confiées, j'ai dû remettre au chef de la division des mines le soin, qui lui revenait
naturellement d'ailleurs, de diriger cette statistique. Toutefois, comme secrétaire d'une
commission spéciale, je n'ai pas cessé de prendre une certaine part à la mise en œuvre
des informations que les ingénieurs du corps des mines sont chargés de réunir tous
les ans.
Je suis donc un spécialiste; et vous me voyez forcé de m'excuser de connaître beaucoup
moins les détails des statistiques particulières, aujourd'hui si nombreuses, que les pro-
cédés variés, dont l'emploi semble le plus avantageux pour obtenir les résultats les meil-
leurs possible.
Le plus grand progrès qui ait été réalisé sous ce rapport, dans ces dernières années,
consiste dans l'emploi rationnel du dessin géométrique.
Comme l'a dit excellemment M. Léon Say, à cette place, en janvier 1885 : « On ne
« saurait placer trop haut les nouvelles méthodes graphiques, qui substituent, avec tant
« d'avantages, des tableaux simples, formant image, aux colonnes de chiffres si difficiles
4 à saisir, et permettent de tirer en un clin d'œil des conséquences générales qu'on n'au-
(.( rait pu découvrir autrement qu'à la suite de calculs longs et fatigants. »
Dans aucun pays le dessin appliqué à la statistique n'a fait autant de progrès et ne s'est
autant répandu qu'en France. On l'a bien vu, à l'Exposition universelle, cette grande
œuvre si réussie, où, dans plusieurs pavillons, des pans de mur entiers étaient couverts de
diagrammes et d'autres images numériques ingénieusement combinés.
Notre Société a beaucoup contribué à ces excellents résultats. Elle compte dans son
sein, comme vous le savez, les propagateurs les plus zélés, les initiateurs les plus auto-
risés de la statistique graphique. La supériorité de la France, à ce point de vue, est
reconnue à l'étranger; et l'on s'efforce de marcher sur nos traces dans les pays les plus
lointains.
C'est en effet grâce à ces dispositifs, qui s'imposent à la mémoire, lorsqu'ils sont clairs,
bien conçus, et n'affectent pas une allure trop algébrique, que le public prend goût îi
la statistique et que la culture de cette science se répand, toujours davantage, parmi les
hommes qui se préoccupent d'élucider un grand nombre de questions sociales ou scien-
tifiques, dont le calcul mathématique est impuissant à fournir la solution.
Un autre progrès, non moins considérable, caractérise notre époque. Je veux parler
du caractère international que prend, de plus en plus, la statistique.
Permettez-moi de citer la Statistique de l'industrie minérale comme une des premières
publications officielles qui sont entrées dans cette voie. Depuis 1880, on y trouve, chaque
année, des tableaux synoptiques consacrés à la production du charbon, des différents
minerais et de tous les métaux, dans le monde entier.
La diversité des langues étrangères est le principal obstacle à la réunion des rensei-
gnements internationaux; mais la difficulté que je signale va constamment en s'amoin-
drissant, à mesure des progrès de l'instruction pratique parmi les générations nou-
velles.
Le besoin, tout moderne, qui s'impose aux peuples de mettre en commun leurs infor-
mations, dans l'ordre économique et social, est attesté par la fondation récente et le
succès de V Institut international de statistique, qui a tenu sa première session à Rome,
au mois d'avril de l'année 1887. Si sa seconde réunion a eu lieu à Paris, au mois de sep-
tembre dernier, c'est giûce aux efforts persévérants d'un de nos anciens présidents, dont
la voix jouit d'une si légitime autorité, de M. Levasseur.
La Société de statistique de Paris a considéré comme un devoir de confraternité et un
honneur de recevoir le Président Sir Rawson W. Rawson et les membres de l'Institut
— m —
inleniational dans une séance solennelle, suivie d'un banquet, ;i(iii de iiuiri]uer l'intérêt
que lui inspire celte libre fissociation, ii hiquelle un certain nombre d'entre nous sont
affiliés, et dont le but, éminemment civilisateur, est de faire progresser la science que
nous cultivons par l'écliange de vues régulier, s'il est possible, et par l'accord des statis-
ticiens de tous les pays.
Messieurs, la Société de statistique de Paris tient un rang des plus honorables parmi
les sociétés savantes. Elle est dans la 31° année de son existence, et compte actuellement
385 inend)res, dont plus des deux tiers sont des membres fondateurs ou titulaires, c'est-
à-dire payants.
Grâce à la table des matières contenues dans les 30 premiers volumes, table qui vient
d'être dressée et qui forme le supplément du dernier numéro de 188.1, vous avez pu voir
que la colleclion complète de noire Journal, de juillet 1860 à décembre 1889, ne contient
pas moins de 904 articles, signés par :i78 auteurs, parmi lesquels se rencontrent les sta-
tisticiens et les économistes les plus en vue.
Nous possédons un grand nombre d'ouvrages, qu'il était malheureusement fort difficile
de consulter jusqu'à présent. En affectant un local spécial à la bibliothèque de notre
Société, dans l'hôtel du ministère, M. le Ministre du commerce et de l'industrie nous
rend un grand service, dont nous lui devons une réelle reconnaissance.
Les livres et brochures une fois classés, il faudra établir un catalogue, le publier, dans
le cas où les fonds <lisponibles le permettraient, et le distribuer aux membres de la So-
ciété. Je ne sais toutefois si cette tâche laborieuse pourra être menée à bonne fin dans
le courant de l'année, en l'absence d'un bibliothécaire particulier.
Mais je crois qu'il nous serait possible de réaliser, sans délai, une amélioration d'un
ordre analogue, dont le besoin se fait vivement sentir. Je veux parler de l'indication
régulière, dans noire Journal, des ouvrages statistiques récemment parus. Vous t-avez
tous combien il nous est difficile et combien il serait avantageux, pour les études aux-
quelles nous nous livrons, de connaître et de pouvoir aisément nous procurer les der-
nières statistiques, dans tous les genres.
Le conseil supérieur de staiistique a déjà été saisi de cette difficulté, dans sa session de
1887, et a émis un vœu favorable à la création d'un bulletin bibliographique consacré aux
statistiques officielles émanant des différenls ministères. Ce vœu, (|ui n'a pas encore été
suivi d'effet, notre Société, par sa seule initiative, peut le réaliser, en l'élargissant, en y
comprenant les travaux, officiels ou privés, des statisticiens français ou élrangers.
Notre zélé secrétaire général M. Loua, dont nous apprécions tous la compétence et le
dévoùment, a déjà fait quelques essais de bibliographie, notamment dans les numéros de
décembre 1887 et de janvier 1888, essais trop tôt ahamlonnôs. Il me semblerait avan-
tageux de reprendre l'étude de la question, et de j>ublier, chaque mois, en bonne place
dans le Journal de la Société, un index composé de deux sections : La première serait
consacrée aux livres ou brochures que nous recevons en don et qui font dès lors partie
de notre bibliothèque; et la seconde, aux autres publications statistiques dont l'apparition
parviendrait à notre connaissance, soit directement, soit par l'entremise des éditeurs ou
des libraires, soit de toute autre façon.
Je compte soumettre prochainement au conseil de la Société, dont l'avis me sera pré-
cieux, les moyens d'exécution du programme dont je viens de vous tracer l'esquisse,
pourvu que vous vouliez bien nie permettre d'escompter votre approbation. (Applaudis-
semenls.)
La bibliographie est intimement liée à l'enseignement.
Celui de la statistique est entré, de la façon la plus heureuse, dans la voie de l'exécution,
grâce aux conférences organisées, sur la dem.uide de M. le Ministre de la guerre, sous
les auspices de notre Société, pour les officiers qui désirent concourir aux emplois de
l'intendance militaire.
— 37 -
Ces conférences sonl bien propres à agrandir notre sphère d'action, à vulgariser les
éléments de la science que nous nous sommes donné la mission de faire progresser, et
h répandre la notion, parfois encore contestée, do l'utiliié considéral)le de nos études.
C'est par leur utilité que les statistiques, dignes de ce nom, se recommandent en
effet, par leur utilité qu'elles se justifient et qu'elles méritent l'appui des pouvoirs
publics.
L'œuvre des s'atisticiens peut, par certiiins ccMés, se comparer a celle des ingénieurs,
qui construisent des phares pour fiicilitor aux navigateurs l'accès des ports, qui sondent
les profondeurs de la mer et qui fixent sur les récifs submersibles des bouées, sonores ou
lumineuses, afin de prévenir des naufrages.
Il est, en effet, une fouie de questions, dans l'examen desquelles on ne peut s'aven-
turer, sans risquer de tomber d.ms les plus grossières erreurs, si l'on n'a pas le soin de
s'éclairer préalablement au moyen de chiffres authentiques.
Messieurs, nous n'amassons pas seulement d'innombrables matériaux pour l'avancement
des sciences fondées sur l'observation. Notre ambition est plus haute : c'est de les dis-
poser en bon ordre en les relinnt solidement, soit pour constituer d'inébranlables plates-
formes, capables de supporter d'importants édifices, soit encore pour construire de nou-
velles routes où l'on puisse s'engager avec sécurité, qu'il .s'agisse d'économie politique ou
sociale, d'administration, de finances, d'industrie, d'agriculture, ou bien encore de mé-
téorologie, d'hygiène, de médecine, etc. Notre domaine est si vaste qu'on n'en aperçoit
pas les limites.
C'est pour l'explorer que nous nous réunissons ici, ou du moins pour encourager et
pour préparer des explorations fructueuses.
En ce qui me concerne, Messieurs et chers Collègues, je m'efforcerai, avec votre con-
cours, avec celui de nos anciens Présidents, dont j'éprouve le plus grand besoin, je m'ef-
forcerai de favoriser votre marche en avant; et je m'appliquerai à maintenir les relations,
empreintes de courtoisie et de cordialité, qui existent entre les m.embres actifs de la
Société de statistique de Paris et qui constituent un puissant auxiliaire de sa prospérité.
( Vifs applaudissements.)
I.a séance continue sous la présidence de M. 0. Keller.
« Messieurs, dit M. Keller, en prenant possession du fauteuil, j'ai la pénible mis-
sion de vous informer du décès de l'un des membres de la Société, M. Charles-
Gimel, mort subitement le 27 décembie dernier. Ancien directeur des contribu-
tions directes dans l'important département du Nord, M. Gimel n'avait pas cessé,
depuis qu'il avait pris sa retraite, d'exercer l'activité de son esprit. H avait largement
contribué aux travaux de noire Société depuis 1877, et notre .lournal contient une
série d'articles qui lui sont dus et dont voici l'énumération :
Les cotes foncières et la division de la propriété;
Les travaux d'Hippolyte Passy sur la propriété foncière ;
La division de la propriété en Fiance, depuis le commencement du siècle ;
Nouvelle évaluation des propriétés non bâties;
Le morcellement, d'après M. de Foville ;
Le cadastre ;
La Direction générale des contributions directes à l'Exposition universelle de
18i8.
J'ajoute que notre collègue a lu, devant l'Institut international de statistique, un
travail très impoi tant sur le sujet (ju'il affectionnait, et ([ue des applaudissements
unanimes y ont salué sa communication.
— 38 —
M. Gimel, par sa compélence dans les questions relatives à la propriété, par la
rectitude de son jugement et l'aménité de ses relations, avait conquis une place en
évidence dans la Société qui l'avait à deux reprises élu comme membre de son
bureau.
Je suis assuré d'être votre fidèle interprète en exprimant les profonds regrets que
nous inspire la mort de ce savant, de cet homme de bien. » {Marques nnaiiitnes
d'adhésion.)
La séance est suspendue pendant quelques instants.
M. le Président rappelle que le procès- verbal de la séance du 18 décembre a été
imprimé dans le numéro de janvier; il demande si personne n'a à présenter d'ob-
servations à ce sujet.
M. YvERNÈs. A la dernière séance M. Ducrocq a expliqué avec sa compétence et
son autorité la loi du 26 juin 1889 sur la nationalité, et notamment au point de vue
des recensements de la population. Lorsqu'il a eu terminé, j'ai pris la liberté dédire
quelques mois. Si je n'avais fait que donner mon opinion, je ne relèverais pas cette
petite lacune du procès- verbal; mais je m'étais fait l'intei'prète des confrères qui
m'entouraient en remerciant M. Ducrocq de son intéressante communication et en
exprimant la conviction que les idées émises par lui ne pouvaient qu'être approuvées
par tous les statisticiens.
Le procès-verbal est ensuite adopté.
Il est procédé à l'élection de plusieurs membres nouveaux :
M.M. Napoléon Ney, explorateur, dont la candidature est présentée par MM. E.Le-
vasscur et Turquan ;
Castonnet des Fosses, président de section à la Société de géographie com-
merciale, présenté par les mêmes membres ;
Paul de Chamberet, publiciste, inspecteur généial de la Compagnie d'assurances
la Mutuelle-Vie, présenté pnr .M.M. Baudry et Robyus.
• Ces trois candidats sopt élus à l'unanimité membres titulaires de la Société de
statistique de Paris.
M. le Président donne lecture de plusieurs lettres de remerciement qui lui ont
été adressées par des membres nouvellement élus, et d'une lettre de notre collègue
M. Flechey, annonçant que .M. E. Tisserand ne pourra, à son grand regret, assister
à la séance de ce jour pour saluer l'avènement du nouveau président. Par la même
occasion, M. Flechey envoie le premier exemplaire paru de la dernière Statistique
agricole annuelle, qui se rapporte à l'année 1888.
M. le Secrétaire général fait une rapide analyse des ouvrages offerts à la So-
ciété.
11 annonce d'abord l'envoi, par le Ministre du commerce et de l'industrie, de
deux exemplaires de Y Annuaire statistique de la France, ouvrage dont il eut l'oc-
casion de parler dans la séance de décembre; il cite ensuite le dernier rapport de
M. Tirman au conseil supérieur de l'Algérie (novembre 1889), et parmi les ou-
vrages étrangers, la Statistique des incendies en Russie et ^e Mouvement de la
population de la Russie d'Europe en 1884. C'est, pour la première fois, ajoute- t-il,
que ce document important paraît officiellement, et quoique imprimé en langue
russe, les indications en langue française qu'il contient permettent de le consulter
avec facilité.
— 39 —
M. TuRQUAN dépose sur le bureau deux exemplaires du tome XVI-XVII de la sta-
tislique annuelle, publiée par le service de la slalislique générale. 11 montre qu'une
année a pu être gagnée, les documents de 1887 ayant paru en 1889, au lieu de
s'arrêter, suivant les derniers errements, à l'année 1886.
H entre ensuite dans quelques détails sur les nouvelles statistiques qu'on y trouve,
parmi lesquelles celles des grèves, de la navigation, de la construction navale et de
la grande pêche, etc. 11 indique aussi celle des sinistres, où l'on remarque le relevé
des pertes résultant des tremblements de terre qui ont désolé, en 1887, une partie
du département des Alpes-Maritimes.
M. Harbulot offre à la Société, de la part de M. Lefebvre, un livre sur YOrgani-
sation de la charité en France, et, en son nom personnel, une brochure sur \En-
seignement public en Espagne.
Enfin, notre collègue, .M. Anlony Roulliet, nous adresse un opuscule relatif aux
travaux du Congrès international des habitations à bon marché.
Avant de donner suite à l'ordre du jour, M. le Président dit que c'est avec le plus
grand plaisir qu'il est dans le cas d'annoncer que, celte année encore, un membre
de la Société de statistique de Paris vient d'obtenir le prix Montyon de statistique
de l'Académie des sciences. Notre collègue, M. le D'Lédé, a obtenu celte haute ré-
compense pour ses éludes sur la mortalité du jeune âge, dont on se rappelle que
nous avons eu la primeur dans les premiers jours de l'année 1889.
L'autre titulaire du prix de statistiijue est M. l'ingénieur des mines Lallemand,
pour ses travaux sur les accidents de grisou, exécutés en collaboration avec feu
M. Pelitdier, travaux dont M. Cbeysson a fait connaître à notre Société le plan et les
principaux résultats.
M. Gustave Bienaymé donne alors lecture de sa communicalion sur la Fiscalité
alimentaire et gastronomique à Paris, et retient pendant plus d'une heure l'altenlion
de l'assemblée. On trouvera, dans le présent numéro, cette spirituelle et intéres-
sante notice, reproduite in extenso.
M. le Président annonce que M. Fontaine s'est fait inscrire, pour la prochaine
séance, pour une communication sur la Table de mortalité de la Caisse nationale
des retraites.
Cette communication fera suite à celle de M. François Bernard sur les syndicats
agricoles, et précédera celle de M. Fravaton sur les Compagnies d'assurances.
Enfin, M. Alfred Neymarck se propose d'étudier prochainement la question de
savoir si les traités de commerce ont enrichi ou appauvri la France.
La séance est levée à 11 heures 1/4.
40
II.
LA FISCALITÉ ALIMENTAIRE ET GASTRONOMIQUE A PARIS.
I. — La fiscalité alimentaire.
L'imposition à Paris du blé el du pain au xiii' siècle ainsi que celle du blé el de
la farine au xv* sont certaines (1). Elles ne le sont pas pour les siècles suivants el il
est probable qu'elles avaient cessé longtemps avant leur abolition officielle en 1651,
de sorte que si, pendant quelques centaines d'années, il y a eu, dans notre ville,
des liabitants assez mallieureux pour ne pouvoir manger que du pain el boire que
de l'eau, ils n'ont pas contribué aux produits fiscaux par leur subsistance.
Les presque aussi pauvres gens à qui il a été donné d'ajouter à leur pain du fio-
mage ont subi au xiii' siècle une imposition qui n'a vraisemLlablemeiil pas plus
duré que celles dont il vient d'être (jueslion. Ils ont supporte de 1360 à liôS le sol
pour livre à la vente, rien, delà à 1651, et, de cette date à 1791, une taxe d'entrée
qui s'esl élevée jusqu'à 3 livres 2 sous tournois pour les 2,000 livres pesant, soit
pas tout à fait une obole par livre ou 0.2 p. 100.
Depuis 1817 un octroi qui a été à 12 cent, le kilogramme porte sur les fromages
secs, lesquels en somme n'onl été que deux cents ans sans impôt.
Les pois cl fèves, les légumes verts, l'ail el autres plantes bulbeuses ainsi que les
fruils payèrent presque comme les farines el le pain au xiii^ siècle el sans doute pen-
dant le même temps apiès. De 1092 à 1791, les légumes secs, le riz, les fruils crus,
les nuix verles ou sèches, les noisettes el les cbâtaignes payèrent à l'entrée de 1 à
20 livres tournois les 2,000 livres pesant. On voit que jadis beaucoup d'aliments
végétaux étaient imposée, mais que, après une longue immunité, peu reparurent
sur les tarifs au dernier siècle de l'ancien régime.
De nos jours (1855-1878) les fiuits et les légumes n'onl acquitté que des droits
de vente, au plus de 2.55 p. 100 du prix.
Les Parisiens pouvant substituer ou mêler à une frugale nourriture du lard salé
ou fumé eurent, au xui' siècle, à ressentir l'effet de la taxe due par les acheteurs •
d'une certaine quantité, taxe dont la durée est aussi problématique que celles qui
comptent de la même époque. A partir de 1300 le sol pour livie sur les cliairs dé-
taillées cuites ou crues porta-l-il sur les préparations appelées déjà chaircuileries
au temps de Rabelais et de Brantôme? Toujours esl-il que, de 1680 à 1791, ces
piéparations furent tarifées: la petite andouille, la chair à saucisse el le fromage
de porc de 6 à 9 deniers la livre pesant; la douzaine de saucisses et de crépinettes
de 2 à 3 sous. Mais il faut remarquer que ces taxes d'octroi ne concernaient que
les produits entrant tout pré,)arés. Or, il ne devait pas en êlie introduit beau-
coup, car les forains qui vendaient plus de porc aux halles que les charcutiers pa-
risiens, ne paraissent pas avoir débité leur marchandise autrement qu'en quartiers
ou en gros morceaux (2). Les préparations se faisaient donc vraisemblablement
(1) A. de Saint-Julien et G. Bienaymé, Histoire des droits d'entrée el d'octroi à Paris. Paris, 1887,
in-S». Ouvrage couronné par l'Institut.
(2) Delamare, Traité de la police. Paris, 1722. T. II, p. 599.
— 41 -
pour la plupart avec la viande d'animaux entrés aliallus ou sur pied. Ces derniers,
qui étaient le plus forleuienl laxés, avaient payé depuis 8 deniers jus(|u'à 18 livres
tournois, ce qui, pour un poids moyen de 200 livres, portait la taxe maxima à un
peu moins de 2 sous la livre pesant. En songeant à la quantité d'andouilles, sau-
cisses, etc., qui peut sortir d'une livre de la viande dite de liacliage combinée avec
certaines parties des issues, on voit combien élait minime l'impôt pour chacun de
ces produils. Il y a, de plus, à considérer (pie les liachages n'étant fiiits qu'avec la
sixième partie envii'on du poids net de l'animal (I), la presque totalité du droit
devait être remboursée par le prix relativement élevé des bons morceaux.
Cette remarque empêchera de croire que, dfms le premier quart du xix* siècle,
où le tarif de la viande de boucherie s'appliquait à la charculerie, son rehausse-
ment successif a été sensible pour celle-ci. L'eût-il été, l'impôt n'aurait pas atteint
le taux des dernières années du xviii" siècle. Ce taux n'a été que peu dépassé de-
puis le retour en 1825 à un tarif distinct; mais, nous le répéterons, bien peu des
produils en question devaient provenir directement de l'extérieur. Il n'en arrive
presque plus aujourd'hui, si ce n'est pour la fou'e annuelle de la semaine sainte.
Le droit de 3 à 11 centimes payé par kilogramme de viande de porc vif, de 1798
à 1846, et le droit presque pareil payé depuis pour le porc abattu ont été de moitié
moins forts que les droits analogues d'avant la Révolution. C'est donc pour une part
infinitésimale que le consommateur moderne de charculerie contribue à la fiscalité
parisienne.
Il n'a plus guère l'habitude d'accompagner son pain de divers produils tirés de
l'intérieur des animaux comestibles. Autrefois ses pareils s'en délectaient. Les tripes,
fressures, nœuds d'époe, pieds et issues dont les écoliers, le bas clergé et le peuple
se pourléchaient, n'étaient grevés d'aucun droit avant 1692. Depuis, des tarifs dé-
taillés avaient fixé une taxe pour chaque espèce, mais elle n'avait jamais été bien
forte.
Ce dont les pauvies gens ont dû, pendant de longs siècles, faire usage pour
leurs sommaires réfections, c'est le poisson, non pas probablement d'eau douce ni
de mer frais, mais sec ou salé. Depuis les gros, débités en morceaux, jusqu'aux plus
menus, confondus sous la vieille dénomination de u allez de mer », en passant par
les harengs saurs ou salés et les ma(|uereaux conservés par des procédés analogues,
tous ces poissons constituaient un aliment à bas prix et pour lequel les tarifs, indul-
gents de tout temps, venaient d'êlre abaissés, sous l'influence des idées philanthro-
piques, peu d'années avant la Révolution. Les plus forts droits n'avaient guère
dépassé une livre tournois pour 2,000 livres pesant.
Les consommateurs modernes de harengs saurs et de morue salée, dont le nombre
s'en va diininnanl, n'ont eu à ressentir le poids problémati(|ue de l'impôt à Paris
que depuis 1864 (droit de 3 p. 100 du prix de vente aux halles converti dès 1879
en un simple droit d'abri). 11 est peu vraisemblable que le commerce de détail ait
fait profiler ses clients de la diminution.
Si nous avons supposé des Parisiens assez dénués pour ne pouvoir vivre (pie de
pain sec, nous devons admettre que ceux à qui nous venons de permettre le fro-
mage, les légumes, la charcuterie, le poisson conservé, devaient mouiller leur
nourriture autrement que d'eau claire.
(1) Husson, les Consommations de Paris. Paris, 187,"), 2" édit,, p. 3 il.
— 42 —
A en croire les auteurs qui ont traité des usages dans les classes populaires,
plusieurs boissons fermenlées furent bues avant le vin. La cervoise est la seule qu'on
trouve imposée au xiii* siècle. .Au xrv' elle est frappée, avec d'autres breuvages, du
droit de treizième à la vente en gros et en détail, puis au xv' siècle du sol pour
livre du gros et du (|uairième au détail. Ces droits devaient interdire presque com-
plètement au peuple l'usage de ces boissons, même après la réduction en 1395 du
droit de détail au huitième; mais, dès 1465, la cervoise et les « autres menus breu-
vages » furent exemptés de toute imposition. Il y eut ensuite près de deux cents ans
d'immunité.
Le droit sur la bière française ne date que de 1025. D'abord de 6 deniers par
muid, il avait atteint en 1697 3 livres 12 sous 7 deniers pour aller jusqu'à 21 livres
peu avant la Révolution. C'était près de 2 sous la pinte, proportion énorme qui fait
penser que, pas plus que l'usage quotidien du vin, celui de la bière ne devait être
permis aux prolétaires. En effet, si les boissons ont toujours supporté la plus forte
part de l'impôt, c'est que, à tort ou à raison, elles sont considérées comme réser-
vées aux classes haute et moyenne.
Il est donc probable (|ue le pauvre diable d'autrefois n'absorbait que des boissons
factices telles que des hydromels. L'usage du cidre et du poiré ne parait guère re-
monter à Paris au delà du xvii° siècle, car on ne les trouve imposés qu'en 1 640 Le
droit d'alors, d'un sou par muid, n'échappa pas aux augmentations et alla à la moitié
du droit du vin pour le cidre et à la moitié environ de celui-ci pour le poiré par
rapport à leurs prix respectifs. Les deux derniers, non plus que la bière, n'ont été
usités chez le peuple au xix'* siècle. Pour le vin qu'il boit de nos jours, l'impôt
acquitté par une pièce est, pour ainsi dire, délayé comme elle et n'est presque pour
rien dans ce qui est payé au débitant. '
Il n'y a pas non plus de part fiscale appréciable pour les bas morceaux de
viande mangés par les irréguliers de tous les temps, puisipi'il est évident que, dans
la vente au détail, la plus foite part du droit est supportée par les morceaux les
plus chers (1).
Pour les poissons frais, les taxes, presque toujours légères à l'entrée et propor-
tionnelles au prix à la vente, ont peu frappé les espèces communes, lesquelles, depuis
1879, sont exemptes de l'octroi.
Les œufs consommés par les pauvres gens n'ont guère payé, en rapport avec
leur valeur, que de très faibles droits d'entrée.
En somme, les éléments de la pitance chétive des gagne-deniers n'ont jamais été
renchéris dans une proportion appréciable du fait de l'impôt, et quand ces petits
consommateurs ont réclamé à grands cris la suppression des barrières ou même
les ont brûlées, ils se mêlaient de ce qui ne les regardaient que bien peu.
Nous trouverons des contribuables plus sérieux dans les gens pouvant se donner
une subsistance moins sommaire et plus réglée.
De tout temps Pai'is a été pourvu d'établissements où ceux qui n'ont pas de mé-
nage, ceux que leurs occupations empêchent de déjeuner ou de dîner chez eux et
ceux qui ne s'en soucient pas, trouvent des repas tout préparés. Sous les noms
primitifs d'oyers, de cuisiniers, de rôtisseurs, sous les noms plus modernes de
traiteurs, restaurants, restaurateurs, ils ont toujours apprêté des morceaux d'oie
(1) Cf. M. p. Leroy-Beaulieu dans V Économiste frawais du 14 juillet tsr.S, p, 80.
— 43 —
rôlie, (ie bœuf, de mouton, de porc, de veau, d'ajrneaii, etc., et n'ont pas tardé à y
joindre des légumes, puis du dessert. De nos jouis les crémeries et les bouillons
ont un nombre considérable de clients.
La spécialité des oyers avait éié, comme est encore celle des rôtisseurs, démettre
à la brocbe la volaille et de la vendre entière ou clotaillée. Les oies avaient payé au
xiii° siècle un denier parisis par charrette et continuèrent probablement' ainsi jus-
qu'en 1651, de même qu'avait continué la coutume de la poulaille dont la quotité
n'est pas connue et qui s'appliquait sans doute à toute la gent volatile. Entre temps
(1360-1465), le sol pour livre <à la vente avait porté sur celle-ci. A partir de 1640,
la charrette (2,000 livres pesant) de volaille ou gibier ayant été assujettie à 2 sous
tournois d'entrée, puis jusqu'à 10 sous 10 deniers pour ne l'être plus qu'à 5 sous
10 deniers de 1781 à 1791, on peut regarder ces droits comme insignifiants; mais,
depuis 1722, 3 à 4 sous par livre du piix ayant été mis à la vente, il y eut à payer
environ 15 sous pour une dinde, 9 sous pour une oie, 0 sous pour un canard,
5 sous pour un poulet, 12 sous pour un lièvre, 5 sous pour un lapin, etc.
De l'an XII à 1848 le droit de vente oscilla entre 2.50 et 9 p. 100. Depuis, tandis
qu'il montait à 12.05 p. 100, l'octroi était rétabli et allait, selon les espèces et les
dates, de 0*,165 à 0^48 le kilogr. Enfin les droits de vente qui n'ont du reste
jamais fait double emploi avec ceux d'entrée ou d'octroi, ont été convertis (1874)
en une augmentation de ces derniers : 18 et 30 cent, pour les catégories ordinaire
et commune et 75 cent, pour la catégorie de luxe. Celle-ci n'entre pas plus mainte-
nant qu'autrefois dans le commerce de la rôtisserie.
Dans ces diverses conditions, l'influence de l'impôt sur le prix demandé aux
acheteurs de morceaux de volaille a presque toujours été et est bien petite évi-
demment.
Le prix de la portion de viande dans les établissements publics, sans se ressentir
encore beaucoup de l'impôt, a dû et doit être plus influencé par lui que la portion
de basse qualité mangée presque sur le pouce. Dans les grandes maisons surtout, ce
qu'on sert provient des bonnes parties, lesquelles supportent véritablement l'octroi.
Depuis 1360 les chairs détaillées cuites ou crues, on l'a vu, avaient payé le sol
pour livre de vente et de revente. Après 1680 ce droit dit de Pied fo^irché ne sub-
sista plus que pour la revente, mais il dura jusqu'à la Révolution. La taxe d'entrée
par tête de bétail, étaldio tout à la fin du xv" siècle, fiit d'abord fort mince et elle
n'arriva jamais (ju'à un taux assez faible eu égard au poids des animaux; c'est du
moins ce que donne à penser sa comparaison avec le droit d'entrée sur la viande
en livres avec lequel il y avait sans doute concordance. Ce dernier droit fut long-
temps de 6 deniers pour les morceaux de toute espèce de viande, et il ne dépassa
pas, pendant l'ancien régime, 1 sou par livre pesant de bœuf, vache et mouton,
2 sous 3 deniers par livre de veau et 1 sou 5 deniers par livre de porc.
Actuellement ces mêmes viandes dites « à la main » payent 0 cent, 1/2 le demi-
kilogr., c'est-à-dire, [lar rapport à autrefois, la même chose pour le bœuf et le porc
et la moitié pour le veau; mais elles ont payé davantage, et notamment près du
double, en 1817,
C'est seulement depuis 1846, époque de la substitution du droit d'après le poids
au droit par tête, que pourrait se tenter le calcul qui nous intéresse, sous la réserve
de la difficulté d'attribuer à certains morceaux leur juste part dans les 9 à 10 cent,
payés par kilogramme de bœuf, par exemple, sortant des abattoirs.
_ 44 —
Comme jadis les prescriptions religieuses sur l'abstinence s'observaient rijrou-
reusement, la viande échappait pour une centaine de repas dans l'année à l'occasion
d'êlre un produit fiscal. Mais le poisson et les œufs y subvenaient en partie.
On a vu combien peu rapportait le poisson sec ou salé. Le poisson de mer frais
avait payé à la vente au plus 2 sols pour livre jusqu'en 1791 et de 4 à G p. 100 de
1807 à [Sis. A l'entrée, il avait payé moins d'une livre tournois la voie. Le poisson
d'eau douce avait acquitté le sol pour livre de la vente du 1360 à 1465 et 2 sols
6 deniers pour livre de 1730 à 1791; à l'entrée, de 2 sons tournois à 1 livre
4 sous la charrette ou le fourgon, jusqu'en 1781, et 5 sous 9 deniers de là à la
Révolution et puis plus rien jusqu'en 1811. Assujetti dès lors aux seuls droits
de vente de 5 à 6 p. 100 du prix, le poisson d'eau douce a, après 1848, été
confondu avec le poisson de m^r frais. Les deux ont alors supporlé 10 et même
15 p. 100 à la vente, mois pas plus de 36 fr. les lOO kilogr. à l'entrée pour les es-
pèces moyennes et seulement 21 fr. 60 c. pourles espèces communes. Depuis 1879,
nous l'avons déjà dit, plusieurs de ces dernières sont exemples de l'octroi.
Le droit d'entrée pour les œwfs n'a jamais été autrefois (1692-1791) (jue de 1 ou
2 sous le millier, mais le droit de vente de 1360, supprimé en 1465, rétabli en
1722 à 3 sols pour livre, puis ramené à 2 sols pour livre en 1756, avait duré jus-
qu'à la Révolution. Le peu de valeur des œufs pouvait seul vraisemblablement
rendre insignifiant un pareil droit. Dans notre siècle, l'augmentation de prix à
Paris n'a pu èlre causée par la taxe de 2.50 p. 100 à la vente mise en 1808 et qui
était de 3.10 p. 100 lors de sa suppression en 1879. Depuis celte année-là, l'ortroi,
qui datait de 1850 (3 fr. à 4 fr. 80 c. pour les 2,000 œufs), réduit à 4 fr. 20 c, ne
met guère qu'à 3 cent, le droit pour la douzaine. Le droit de vente pour le beurre
avait été presque constamment le même que pour les œufs. De 1808 à 1879, il a
monté de 1.25 à 6.10 p. 100. L'entrée, de 1 à 2 livres tournois les 2,000 livres pe-
sant, a duré de 1692 à 1791, et l'octroi mis en 1848 avec 5 fr. 50 c. les 100 kilogr.
a été jusqu'à 20 fr. 40 c. et est encore de 14 fr. 40 c.
L'élément presque indispen.^able des desserts, le fromage, n'a jamais — on l'a vu
— fait tomber une demi-obole dans l'escarcelle du receveur poiw une livre pesant
et, de nos jours, le fromage sec (seul imposé) n'a pas dépassé 12 cent, par kilo-
gramme.
On a vu que les fruits et les légumes avaient toujours donné lieu à une faible
recette aux balles et aux barrières.
Ces! pour mémoire qu'il faut citer l'huile, le vinaigre et les divers condiments
dont on n'a, dans aucun temps, abusé en préparant les mets à bon marché.
Pour le sel, que la gabelle faisait jadis renchérir dans une si énorme proportion,
rien n'était demandé aux entrées de Paris. Depuis 1817 le sel a été pris par l'octroi;
mais les 5 et 6 cent, qu'acquitte le kilogramme ne le frappent pas bien fortement.
D'autres objets qui sont les auxiliaires des éléments principaux de la cuisine ti'ou-
vei'ont leur [«lace dans la partie de cette élude consacrée à la fiscalité prn-ement
gastronomique. A la partie alimentaire appartiennent le lait et le cnfé, dorrt le mé-
lange constitue plus encore une nouirilure qu'un régal. Le lait n'a jamais figuré sur
les tarifs. Le café n'est plus imposé à Par'is pr'écisément depuis que son usa^e est
bien entré dans les mœurs, tandis qu'au temps orj M""* de Sévigné émettait un
doute sur sa fortune, une taxe de 15 sous attendait à l'entrée les 2,000 livres pesant.
Cent ans après, c'était près de 40.1ivr'es tournois pour In même quantité.
— 45 -
Le sucre et le chocolat, (|ui avaient eu le même trailemeni, n'étant plus soumis à
aucun droit aux barrières, rien n'empêche les Parisiens de se rendre 'compte que
leur premier repas échappe à l'octroi; mais bien peu connaissent leur bonliear.
Très sensible a toujours été l'influence de l'impôt sur les boissons consommées
dans les étabiissemenis dont nous nous occupons. Leurs chefs étaient jadis réputés
hôteliers par les agents des aides, parce qu'ils vendaient « à assiette » en fournissant
pain, viande, etc., comme les marchands de vin modernes. C'est ce qui les distin-
guait des taverniers ou cabareliers qui ne vendaient de liquides qu' c à huis coupé »
(à emporter), (|u' « à pot renversé » (à mesure du débit) ou qu' « à pot sans four-
nir tables ni sièges », c'est-à-dire sur le comptoir. Or, selon que ces débitants fai-
saient leur commerce dans telle ou telle de ces conditions, ils devaient un droit de
vente au détail différent. C'est le plus élevé qu'acquittaient ceux rangés sous la qua-
lification d'hôtehers, (|u'ils tinssent des rôtisseries, des cuisines ou des restaurants.
Les boissons consommées dans ces endroits étaient, dans les siècles reculés, les
hydromels, la cervoise, dont il a été parlé, et le vin. Le prix de celui des environs de
Paris, appelé vin français, était, sans impôt, sous le roi Jean (1360), de 8 livres
13 sous 4 deniers parisis le muid (272 litres), sous Louis XIV de 45 livres tournois
environ et de près de 60 Hvres à la Révolution. En tout cas, qu'il fût bon ou mau-
vais, cher ou non, les raisons administratives qui existent encore à l'heure qu'il est
ont fait, dès le xiv' siècle pour les droits d'entrée et d'octroi et depuis le xvii'^pour
les droits de gros et de détail, changer la base ad valorem en base spécifique. Ainsi
le muid de vin de toute qualité ou provenance, après avoir payé, par exemple, 2 sous
6 deniers au commencement du xvi" siècle, devait le sol pour livre du gros et
12 sous au détail. A la fin du même siècle et au milieu du suivant, le droit avait été
de 15 à 21 livres pour l'entrée, de 2 livres 16 sous 3 deniers pour le gros, de 6 li-
vres 15 sous pour le détail à assiette, et de 5 livres 8 sous à pot. En 1719 les droits
de vente avaient été convertis en augmentation d'entrée et le tout montait à 60 li-
vres 12 sous 8 deniers en 1791.
Il est évident qu'en présence d'un tel impôt qui était de 7 p. 100 du prix du vin
dans Paris sous le roi Jean, de 13 à 32 p. 100 sous Louis XIV et de 50 p. 100
sous Louis XVI, les habitués des hôtelleries, tavernes, cabarets, cuisines puhlii|ues,
etc., devaient donner la préférence aux boissons que la fiscalité n'empêchait pas
d'être abordables.
Le vin est devenu, dès le commencement du xix" siècle, d'un usage presque
exclusif pour ceux qui mangent hors de chez eux. Or, comme le droit total d'entrée
et d'octroi, après avoir oscillé de 5 fr. 50 c. à 28 fr. 05 c. l'hectolitre est, depuis
huit ans, de 18 fr. 85 c, soit encore de 22 à 23 p. 100 de la valeur dans Paris,
c'est une forte somme que celle qu'il faut récupérer sur le client par des moyens
licites ou autres.
La bière, depuis pas mal d'années, et le cidre, assez récemment, sont bus par
un certain nombre d'habitués des restaurants. Le droit jqai, pour la bière, a été,
par hectolitre, de 1 fr. 20 c. et est actuellement de 15 fi'. et le droit, qui pour le
cidre est de 8 fr. 50 l'hectolitre depuis 1881, n'ont pas laissé d'apporter un con-
tingent fiscal appréciable.
Qu'il mange et qu'il boive hors de chez lui ou dans son ménage, le Parisien con-
somme à peu près autant, dans la vie ordinaire. Pourtant la régularité des repas
se prêle davantage aux appréciations stalistH|ues. Pour la viande, par exemple, si
— 46 —
on suppose que, sous l'ancien régitne, une livre faisait l'ordinaire d'une personne
en moyenne, les jours de l'année étant réduits à 250 à cause du maig-re, des dîners
en ville, des maladies, des absences, etc., les 6 deniers, les 1 ou 2 sous payés pour
cette livre auraient produit la recette de 6 à 25 livres tournois au bout de douze
mois.
Dans la période moderne, les 125 kilogfr. de l'année, en ne laissant plus que
60 jours de maigre religieux ou laï(|ue, n'ont pas fait recevoir à l'octroi plus de
27 fr. 50 c. et ne lui font plus recevoir que 14 fr. 50 c. depuis 1855. Autrefois,
quand la volaille, le gibier ou le poisson se substituaient ou s'ajoutaient à la viande
de boucberie, c'était la proportionnalité des droits de vente qui, plus que l'unifor-
mité des droits d'entrée pour toutes les espèces, se faisait ressentir dans les mé-
nage saisés. Depuiij 1848, l'octroi rétabli a rangé dans une catégorie plus fortement
taxée les pièces servies sur leur table. Avec l'un ou l'autre système, l'impôt a évi-
demment produit bien plus pour la consommation de famille que pour la consom-
mation en public.
Il en a dû toujours être de même pour les œufs, le beurre, les condiments, etc.,
plus bugemenl employés dans la cuisine bourgeoise.
Quant aux boissons, la qualité des vins n'est pour rien, on le sait, dans l'impôt,
et ni la bière ni le cidre n'entrent généralement dans la cave des Parisiens.
II. — La fiscalité gastronomique.
Comment le poids de l'impôt porte-l-il, non plus sur les mets simples de l'ordi-
naire du bourgeois ou de l'artisan aisé, mais sur les préparations culinaires compli-
quées qui n'apparaissent qu'exceptionnellement sur les tables modestes, ou qui
composent le menu quotidien des riches V Que ces mets délicats soient servis dans
telle ou telle condition, qu'ils soient apprêtés p.our des grands seigneurs, des finan-
ciers, des repas de gala, des noces et festins de famille, etc., ces mets n'ont jamais
pour base que de la viande, de la volaille, du gibier, du poisson, des légumes, des
pâtisseries, du beurre, des œufs, des sucreries, etc. Le compte du produit fiscal
qu'ils occasionnent peut être facilement établi avec les indications qui viennent
d'être données ; mais ce qui fait le succès gastronomique d'un plat n'est pas tant
la réunion des matières premières qui entrent dans sa composition, que l'art avec
lequel un cuisinier habile a su l'accommoder. C'est donc par les condiments qui
l'assaisonnent qu'il plaît au goiit, ce sont donc ces condiments qu'il importe d'ana-
lyser, c'est leur quantité qu'il faut connaître pour déduire ce qui arrive de leur
chef dans la caisse municipale. Nous avons à dessein réservé pour cette partie de
notre étude les ingrédients accessoires. Il s'agit maintenant d'évaluer leur produit,
tout en rappelant ce que rapportent les éléments principaux qu'ils accompagnent.
Ne senible-t-ii pas qu'il serait fastidieux de passer en revue les divers condiments
et les résultats variés de leur combinaison avec les différentes bases alimentaires?
Aussi croyons-nous préférable de prendre quelques exemples seulement, à plusieurs
épofjues et dans des conditions diverses, parmi les repas où, soit la qualité des con-
vives, soit le fasie de l'amphitryon, ne faisait rien épargner pour la perfection des
plats. Nous préférons aussi étudier quelques menus choisis parmi ceux des repas
dont les invités, en fêtant un événement de famille ou en terminant une cérémonie
— 47 —
locale, prétendent plus à l'abondance qu'à la délicatesse des plats. Nous disons ex-
près plats et non pas mels, car pour ce qui concerne les festins du moyen âge,
ainsi que cela a été mieux exposé que nous ne saurions le faire (1), « au lieu de
« présenter séparément, comme aujourd'hui, chacun des mels qui composent un
« service, on en rassemblait plusieurs dans un seul plat qui prenait le nom de
« mets. Ainsi tous les rôtis superposés constituaient un seul mets, dont les sauces
« fort variées étaient servies à part. On n'hésitait pas à accumuler tout le repas
« dans un unique vaisseau, et ce plat, affreux salmij^^ondis, s'appelait aussi un mets.
« On trouve parfois chaque service désigné sous le nom d'assietle. » Un livre com-
posé vers 1393 (2) par un riche bourgeois pour l'instruclion de sa jeune femme et
où il lui parle de tout, depuis la théologie jusqu'à la cuisine, contient des menus
dont voici un spécimen :
« Premier mets. — Pastés de bœuf et rissoles; purée noire; un gravé de lam-
proies; un brouet d'alemaigne de char, un brouet georgié de char; une sausse
blanche de poisson; une arboulastre.
« Second mels. — Rost de char; poisson de mer; poisson doulx; une crelonnée
de cliar; laniolles ; un rosé de lapereaulx et d'oiselets ; bourrées à la sausse chaudes ;
tourtes pisaines.
« Tiers mels. — Tranches aux souppes; blanc mangier; lait lardé et croittes;
queues de sanglier à la sausse chaude; chapons à la dodine; pasté de bresme et de
saumon; plais en l'eau; leschefrites et darioles.
« Quart mels. — Fromentée; venoison ; doreures ; rost de poisson ; froide sauge ;
anguilles renversées; gelée de poisson; pastés de chappons(3). »
« Hien n'empêcherait d'offrir aujourd'hui un repas de ce genre, l'auteur ayant
« précieusement enregistré la manière de préparer la plupart des plats qui le com-
« posent. Toutefois on ne saurait sans cruauté y engager personne, car la lecture
« de ces recettes fait dresser les cheveux sur la tête Pourtant, comme tous les
« goûts sont dans la nature, voici la recette du brouet d'Allemagne : Prenez œufs
« en huile, puis prenez amandes et les pelez, broyez et coulez, mincez oignons par
« rouelles et soient cuis en eaue, puis fritz en huille, et faites tout boulir; puis
« broyez gingembre, canelle, girofle et un peu de safl'ran delTait de verjus; enfin
« mettez vos espices au potage et bouillir en un bouillon, et soit bien liant et non
« trop jaune (4). »
A quoi se réduit la recette si compliquée? A des œufs, des amandes, du gingem-
bre, de la cannelle, du girofle, du safran, des oignons, de l'huile et du verjus.
En 1393 tous ces objets payaient le sol pour livre du prix de vente. C'était 2 sols
parisis par millier d'œufs qui coûtait alors 2 livres.
D'après l'auteur du Ménagier, les prix étaient de 14 deniers pour la livre d'a-
mandes, de 5 sols pour la demi-livre de cannelle, de 5 sols pour le quarteron de
gingembre, de 6 sols pour le quintal de girofle et de 3 sols pour l'once de safran.
Le sol pour livre perçu à la vente de ces condiments étant de 1 obole à 3 deniers
(1) Alfred Franlilin, la Vie privée d'autre/ois, etc. — La Cuisine. Paris, Ï88S; in-18, p. 47.
(2) Le Ménagier de Paris. Publié pour la première fois par le B»" Jérôme Piclion. 2 vol. in-8°. Paris,
1847.
(3) ma., t. II, p. 172.
(4) Alfred Frai.klin, la Vie privée d'autre/ois, etc. — La Cuisine, p. 49.
ï
— 48 —
1 obole pour les mesures indiquées, on voit r|u'ori ne s;iurail cbiiïrer la part
infinitésimale <lu droit correspondant aux r|nanlilés minimes employées pour le
brouel.
Nous n'avons pas le prix des oignons en 1393, mais il est probable qu'il était
faible et parlant le sol pour livre aussi; mais nous savons qu'en outre la cbarrette
de ces racines bulbeuses devait à la vente 1 denier de congé et hallage et 2 de-
niers de lonlieu avec, à l'entrée, 1 sol de chaussée.
Nous ignorons le prix de l'huile à cette époque et ne pouvons élablir le sol pour
livre, mais il est certain que le niuid de ce liquide devait eu plus, à la vente, un de-
nier de lonlieu, 6 deniers à l'enlrée du pelil-ponl et autant aux jaugetirs.
Enfin le verjus ne devait alors aucun droit.
Si donc nous ne pouvons calculer les infiniment petites parts d'impôt payées par
la plupart des ingrédients donnés dans la recette du Ménagier, il nous est loisible
de faire le calcul des éléments principaux en usant d'artifice, c'est-à-dire, en appli-
quant la méthode du grossissement.
Que si on suppose un amateur de « brouet d'alemaigne » qui s'en soit offert à
tous ses repas et en ait imposé à tous ses convives pendant assez d'années pour
casser un millier d'œufs, éplucher les 2,000 livres pesant d'oignons dont se compo-
sait la charretée et pour épuiser un muid d'huile, cet amateur aurait versé dans
les coffres du Roi ou de la Ville au moins 4 sols 4 deniers parisis, soit vingt et
quelques francs de notre monnaie.
Si aujourd'hui un aussi grand amateur de brouet d'Allemagne avait la fantaisie
d'en faire servir autant sur sa table, l'octroi prélèverait 2 fr. 10 c. par millier
d'œufs, 67 fr. par 100 kilogr. d'huile d'olive et rien pour le reste. Malheureusement
pour la caisse municipale, cette hypothèse, toute à son avantage, n'est pas vérifiable,
puisque de telles quantités ne sauraient entrer dans la confection de ce qui n'était
en léalité iju'une sauce. Les gourmets les plus raffinés ont beau inventer des assai-
sonnements compliqués, la perfection de ceux-ci, résullanl de l'habileté du mélange
des parties, n'exige jamais leur emploi copieux. S'il est vrai que les Romains, qui se
connaissaient aussi bien en fiscalité qu'en cuisine, aient assujetti les condiments
aux veciigalia qui frappaient les objets de consommation, la sauce piquante à la-
quelle le Sénat délibéra de mettre, a-t-on prétendu (1), le turbot de Domiiien, ne
dut pas rapporter sensiblement au Trésor impérial, y eût-on mis du garum, le
plus dispendieux et le plus taxé des condiments d'alors.
Le menu du Ménagier porte les mots : « un brouet d'alemaigne de char » ; il
nous faut donc voir ce que cette chair, indépendamment de sa sauce, pouvait bien
rapporter au fisc.
Par un raisonnement inverse de celui qui nous a fait considérer les moins bons
morceaux comme ne prenant qu'une faible pai't de l'impôt, nous devons croire
que ceux qui comportaient un pareil assaisonnement étaient choisis parmi les
meilleurs. Le sol pour livre du prix de ces morceaux était par consé(|uent assez
élevé si l'animai dont ils provenaient avait coûté cher lui-même. Or, la valeur d'un
bœuf, par exemple, était d'environ 8 livres tournois à la fin du xiv" siècle et, d'après
l'évaluation en viande nette, si on suppose les bœufs d'alors pareils à ceux d'il y a
(I) Berchoux, la Gastronomie. Paris, 1801, p. 40. On sait que Juvénal ne dit pas un mot de cela.
— 49 —
cent ans (l), la livre pesant devait revenir à 2 ou 3 deniers et le sol pour livre,
seul impôt auquel fût assujetti à cette époque le « bestial à pied fourché », devait
être bien difficile à exprimer même avec les toutes petites monnaies du temps. Mais,
si faible qu'ait pu être la portion d'impôt afférente au morceau de « char » accom-
modé en brouet, en la multipliant assez pour arriver à la quantité de viande pro-
portionnée aux gigantesques unités fiscales des ingrédients, le produit laisserait
paraître bien minime le total de -4 sols A deniers auquel le droit du millier d'œufs,
des 2,000 livres pesant d'oignons et du muid d'huile viennent d'être évalués.
Aujourd'hui le kilogramme de bœuf paie 0*^,097 et le morceau du plus beau filet
consacré o la confection d'un « brouet de char » pareil à celui de \:i9^ et pesant
dans les deux ou trois kilogr. ne rapporterait guère (|ue 20 ou 30 cent, à la ville de
Paris. Il est vrai que, multipliés proportionnellement aux quantités correspondantes
des ingrédients, ces (pielques centimes donneraient un produit bien supérieur aux
2 fr. 10 c. du millier d'œufs, et aux 67 fr. des 100 kilogr. d'huile d'olive dont nous
avons supposé l'emploi.
Toujours est-il que, pas plus maintenant que jadis, la pièce de viande et son assai-
sonnement n'ont occasionné au consommateur une dépense importante pour le droit
à payer et nous fatiguerions le lecteur de calculs mis, on peut le dire ici, à toules
sauces, en poursuivant l'analyse de chacun des plats composant les « mets » du
xiv" siècle, aussi bien que les recettes données dans les livres de cuisine postérieurs
et dans ceux les plus modernes, que nous n'arriverions pas à dépasser le modeste
chilTre hscal qui vient d'être établi.
Nous voyons bien, dira-t-on, que, pour la viande, le festin du riche ne produit
pas beaucoup plus à l'octroi que le repas du prolétaire, à quantités égales, puisque
le filet le mieux choisi ne paie pas davantage à la barrière que le plus grossier mor-
ceau ; mais pour les plats de gibier, de volaille ou de poisson? — Eh bien, cela ne
change pas beaucoup. Les plus belles volailles et le gibier le plus rare n'ont jamais,
on l'a déjà vu, été imposés à l'entrée qu'au poids et la taxe maxima n'a pas dépassé
10 sols 10 deniers les 2,000 livres, sous l'ancien régime, et 75 cent, le kilogramme
depuis. A la vente le droit avait été jusqu'à 3 et -i sous pour livre et à 12 p. 100
du prix. Gomme nous l'avons fait remarquer, ces taux ne laissaient pas que d'êlre
sensibles pour les espèces communes, mais qu'a pu faire et surtout que peut faire
dans la dépense d'une poularde ou d'un faisan, d'un foie grau d'oie ou de canard,
les 75 cent, que paie le kilogramme ?
Même question pour le poisson de luxe. La plus belle pièce n'a jamais payé à
l'entrée que sur le pied d'un peu plus d'une livre tournois le fourgon ou la voie;
de 67 cent, à 0'",782 le kilogr. (1852-1878); 2 sous 6 deniers pour livre de la vente
avant la Révolution et de 4 à 15 p. 100 depuis (1807-1879). C'était, à ce dernier
taux, relativement appréciable, mais les 40 cent, d'octroi que paie, pour tout droit,
depuis onze ans le kilogramme de poisson du plus grand choix, n'influe certainement
que bien peu sur la dépense du grand dîner où il figure.
Les légumes, on l'a vu aussi, n'ont jamais payé grand'chose au moyen âge et ils
ne payent rien depuis.
Les pâtisseries non plus.
Le miel et le sucre, dont les Parisiennes ont toujours su tirer d'agréables produits
(1) Husson, les Consommalions de Paris. Paris, 1873, 2" édit., p. 202.
1" SÉBIB. 31» VOL,. — N° 2. A.
— 50 —
pour leurs eiifanls, leurs maris, leurs directeurs, leurs amies et elles-mêmes, ont
été très anciennement imposés, mais pas plus que les autres condiments classés
sous la dénomination d'épiceries-drogueries.
L'imposition à la vente avait cessé en 1465 pour ces articles ainsi que pour tous
ceux non réservés et l'imposition à l'entrée ne fut rétablie qu'en 1640. Alors les
2,000 livres pesant payèrent 5 sous et des augmentalions successives les menèrent
jusqu'au chiffre de 19 livres 19 sous que la Révolution empêcha de s'arrondir.
On sait que les lois somptuaires sont les moins exécutées. Aussi, bien inutiles
avaient été les ordonnances du 20 janvier \b&A et du 20 février 1565 qui limi-
taient ce qu'on pouvait servir, même dans les fêtes de famille ; ainsi des autres
ordonnances de dates postérieures, et surtout de l'édit de janvier 1 629 qui défendait
de « mettre plus de six pièces au plat ». On avait donc fort bien mangé aux xvi' et
xvii° siècles, tous les auteurs du temps sont d'accord sur ce point (1). Eh bien,
pendant cette époque où la « science de la gueule » — le mot est de Montaigne —
avait grandement son emploi, c'est à peine si le Trésor royal et la caisse munici-
pale préludaient à l'établissement des droits devenus si importants plus tard, et le
plus grand nombre des objets payaient peu ou point. C'est en 1640 et en 1651 que
les très anciens droits du domaine, de chaussée et de barrage dont « le malheur
des guerres avait rendu la perception difficile et dont aucun n'étaient plus en valeur
par la négligence des receveurs (2) », furent consolidés avec un taux encore minime.
Toutefois, par l'effet des troubles, ce ne fut guère qu'en 1660 que, la légitimité de
ces droits ayant été reconnue, leur recouvrement put se faire avec régularité.
Pour les boissons, les viandes et les poissons les droits de barrage, de domaine
et d'autres dits de subvention (1640) s'ajoutèrent à des droits préexistants, de sorte
que le montant total pour chacun de ces articles se trouva plus fort que pour la
plupart des objets de consommation.
Par exemple, la moitié du gigot en hachis que Tartuffe mangeait en 1664, moitié
qu'on peut évaluer à 2 Uvres os compris, avait dû payer à raison de 6 deniers la
livre pesant, c'était 1 sou que le pauvre homme faisait entrer dans la poche du
Roi. Les moutons, ceux-là mêmes que M"" Deshoulières voyait mener sur les bords
fleuris de la Seine, devaient 7 sous 6 deniers quand ils arrivaient à l'abattoir de
r^aris. Or, le prix de la viande entrant dépecée était alors de moins de 5 sous la
livre (3) et le mouton sur pied coûtait environ 6 livres tournois. Donc, d'après l'un
et l'autre calcul, le droit montait à 10 ou 12 p. 100 de la valeur, c'est-à-dire à peu
près comme aujourd'hui.
Quelques objets avaient, au contraire, été exemptés en 1651; ainsi les deux
perdrix avec lesquelles Tartuffe avait mangé son demi-gigot ne devaient rien au
Roi ni à la Ville, car le droit de barrage mis en 1640 sur la volaille et le gibier
venaient d'être supprimés ainsi que la très ancienne coutume de la pouluille.
Comme exemple de la conditiqn fiscale, à la même époque, d'autres objets de
consommation, il se trouve justement que la Description d'un repas ridicule par
Boileau (1665) peut nous servir. Le menu, sinon vrai, du moins vraisemblable, en
faisant la part de l'exagération voulue, est trop connu pour que les vers de la
(() Cf. A. Franklin, la Cuisine, etc., p. 102.
(2) Déclaration du 8 février 1651.
(3) Lettre de M"" de Maintenon à .\l. d'Autiigne son frère. 167S.
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111° satire aient besoin d'être répétés, elle voici tel que l'analyse le donne débarrassé
des expressions poétiques :
Potage au chapon
au jus (le citron et de verjus avec jaunes d'œuf.
Langue en ragoût couronnée de persil. — Goiliveau.
Lièvre entouré de six poulets, surmonté de trois lapins
de chou avec cordon d'alouettes et six pigeons.
Salade de pourpier jaune. — Salade d'herbes.
Jambon de Mayence.
Ris de veau aux champignons. — l'ois verts.
A (|noi cette sèche et prosaïque analyse nous conduit-elle? A constater d'abord
que le chapon ou le coq prétendu tel, le lièvre, les poulets, les lapins, les alouettes
et les pigeons étaient exempts de tous droits, comme nous venons de le voir. A
constater ensuite que les citrons avaient été exemptés en même temps.
Nous remarquons aussi que le verjus ne devait rien depuis que les 2 deniers
parisis par caque concédés en 1415 aux jaugeiirs avaient disparu avec eux. Les
œufs étaient exempts depuis la suppression en 1651 du vieux droit de comptage et
de même pour le beurre. La langue (de bœuf probablement) et le ris de veau
payaient alors comme viande de boucherie sar le pied de 6 deniers la livre pesant.
Il en était de même pour le hachis de veau et les andouilleltes du godiveau.
Les jambons réputés gros, c'est-à-dire pesant au moins 10 livres, payaient en
entrant 5 sous 2 deniers et si celui en question, qualifié «d'assez maigre appa-
rence », n'était pas de plus de 6 livres, il n'avait payé que 3 sous.
Les champignons et les salades étaient exempts; mais depuis 1651 les pois de-
vaient 2 sous par charrette.
Le vinaigre, imposé jadis comme le vin, n'avait pas encore reparu sur les tarifs.
L'huile payait 1 livre 3 deniers les 2,000 livres pesant. Le poivre et la muscade,
qu'on n'avait pas ménagés dans l'assaisonnement des plats susdits, devaient 15 sous
les 2,000 livres pesant comme toutes les drogueries-épiceries; on pouvait donc en
mettre partout sans beaucoup faire gagner le fisc.
Enfin, en ce qui concerne les vins, on se rappelle que dès longtemps les droits
étaient les mêmes pour toutes les qualités. Ainsi « un Auvernat fumeux » et « mêlé
de Lignage », l'Hermitage pris chez Crenet ou les vins pareils à ceux de Boucingo,
payaient également 15 livres 2 sous 7 deniers le muid d'entrée par terre et 18 livres
3 sous 2 deniers d'entrée par eau.
Des objets énumérés ci-dessus il n'y a à retenir pour notre sujet que : la langue,
le ris de veau, le hachis et les andouillettcs qui payaient 6 deniers la livre pesant;
le jambon qui, selon son calibre, devait de 3 à 5 sous 2 deniers; les pois dont la
charrette de 2,000 livres devait 2 sous ; enfin le poivre et la muscade dont la même
quantité devait 15 sous. Quant au vin, son droit le plus fort, celui de l'entrée par
eau, revenait à 1 sou 3 deniers la pinte (93 centilitres), soit près de 29 p. 100 de
sa valeur dans Paris.
En somme, la recette faite aux barrières pour les éléments du repas en question
aurait été environ d'une livre tournois à cause de ce qui s'y serait bu, mais seu-
lement de quelques sons en ne comptant que ce qu'on y aurait mangé.
Nous devrions maintenant nous excuser de la liberté grande prise avec les vers
— Sa-
de Boileau et, laissant la fiction pour la réalité, choisir les exemples pour les épo-
ques postérieures dans la prose des rnenus de repas vérilables; mais ceux-ci, par
leur diversité, ne donneraient lieu qu'à des comparaisons incomplètes, et, puisque
nous avons commencé à prendre pour exemple, à tort ou à l'aison, un menu fan-
taisiste, nous persévérerons dans cette voie. Avant, suivons, à dates espacées, la
condition faite à la fiscalité gastronomiijue par les variations de tarif.
Les droits de domaine et de barrage réunis en 1692 avaient été doublés en 1705
et assujettis successivement à des droits en sus qui montaient a (|uatre sous pour
livre du principal en 1715. Un peu avant (17H), le vingtième de l'kôpital général
avait été mis sur plusieurs objets cl, passagèrement (1697, 170.'] et 1713), des droits
avaient été concédés à des corporations d'ofliciers de police sur les quais, halles et
marchés. Ainsi l'accroissement de l'impôt de consommation à Paris avait coïncidé
avec le perfeclionnement culinaire des cincjuante ans écoulés depuis la date du
lepas ridicule. De bien autres progrès devaient venir pour la table et pour le tarif;
mais tandis que le Hégent se montrait « le restaurateur de la cuisine française (1) »,
aucune modilication importante n'était apportée à la perception établie pour l'in-
troduction des denrées dans la ville ou pour leur vente sur les places marchandes;
ce ne fut (|u'en 1730, sous Louis XV, « (|ui airnait à s'occuper de cuisine (2) », (|u'à
intervalles rapprochés (1730, 1741, 1743) reparurent les droits de police consolidés
aux mains du lioi. Puis en 1747 ces nouveaux droits et ceux de domaine et bar-
rage, viiigiième de l'hôpilal, etc., furent soumis aux sous pour livre additionnels aux-
quels en 1760, 1763, 1771 et 1781 d'autres s'ajoutèrent, si bien qu'a partir de cette
dernière date, il y eut dix sous [lour livre, c'est-à-dire moitié en sus du principal.
Nous |tassons (|uelt|ues autres accidents fiscaux qui aggravèrent les laiifs jusqu'à
l'avènement de Louis XVI, el, nous voyons, sous son règne, diminuer (juelques
articles regardés comme de première nécessité ou à peu près, à la faveur des nou-
velles idées économiques. Or, c'était précisément dans cette période d'exagération
fiscale que s'accentuait le perfeclionnement de l'art d'utiliser « les dons de Comus »,
comme on disait alors, et Mercier écrivait en 1782 : « On ne sait guère manger
délicatement que depuis un demi-siècle (3). » En effet, la science du cuisinier con-
sistait alors à « quintessencier les viandes et à en tirer des sucs nourrissants el
légers (4) ». Il y avait loin de là aux franches lippées du moyen âge et aux plantu-
reux repas des xv% xvi' et xvh" siècles. Eh bien, il est curieux de remarquer que la
consommation des articles assujettis aux droits n'avait pas diminué pour cela.
Seulement nombre d'entre les éléments des repas n'allaient qu'indirectement flatter
le palais ou garnir l'estomac des convives, car après avoir donné leurs sucs pour
la préparation des coulis, bien des pièces de viande ou de volaille étaient mangées
à l'office. Sans doute, l'abondance des basses-cours, l'usage des redevances en na-
ture et des privilèges pour ce qui était « du cru de leur terres », permei (aient à la
noblesse, au clergé et aux bourgeois de Paris ayant maison des champs de s'appro-
visionner facilement ; mais peu importait au fisc ou à la Ville qu'il n'en arrivât
qu'une partie dans les salles à manger.
(i) Alf. Franklin, la Cuisine, p. 201.
(2) Ibid., p. 204.
(3) Mercier, Tableau de Paris, t. V, p. 79.
(4) Les Dons de Comus ou les délices de la table, 17SS.
p
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Quoi qu'il en ail été, le fisc ni la Ville n'y eurent pas d'intérêt de mai 1/91 ;t 1798
(vendémiaire an VU), puisque la République s'était privée d'une des mcilleines
ressources en supprimant les droits d'entrée et d'octroi. Quand ils furent rétablis,
sous le nom timide d'octroi municipal et de bienfaisance, bien des objets ne figu-
rèrent pas sur les tarifs et, malgré les accroissements successifs, ils n'y ont plus
jamais été portés.
Quand Berchoux, dans la Gastronomie {\), en 1801, donne la composition d'un
dîner, ses poétiques descriptions ramenées par l'analyse à la stricte indication des
mets, peuvent être résumées dans le menu suivant :
Potage au jambon.
Aloyau.
Poularde au gros sel.
Tête farcie. — Gigot ii l'eau.
Rôti de lièvre, lapin, perdrix, cailles et ortolans.
Poularde rôlie.
Carpe et laitance de carpe.
Cochon de lait.
Entremets.
Dessert.
La petite quantité de jambon nécessaire pour le potage peut certes être négligée
comme partie conti'ibutive de l'oclroi, car, de 1798 à 1825, le porc débité sous
n'importe quelle forme paya le droit de viande de boucherie. Ce droit étant, en
1801, de 0 cent, le kilogr., revenait pour l'aloyau, qui pesait vraisemblablement
5 kilogr., à 30 cent.
Les poulardes, le lièvre, les lapins, les perdrix, les cailles et les ortolans ne de-
vaient rien, puisque la volaille et le gibier n'allaient être frappés qu'en l'an XII.
La tête (de veau en tortue?) qui, sous l'ancien régime, avait eu une tarification
spéciale, était pour longtemps encore imposée comme la viande ordinaire. A elle,
comme au gigot, s'appliquaient donc les 6 cent, par kilogr., soit pour les deux, qui
pesaient sans doute quelque 15 kilogr., 90 cent. En ajoutant un autre kilogr. pour
la viande hachée dont, entre autres choses succulentes, la tête était farcie (2), et
9 kilogr. pour le cochon de lait (54 cent.), c'est à 30 kilogr. payant 1 fr. 80 c.
qu'on arrive.
Comme il n'y a rien à ajouter pour la carpe, puisque le poisson ne devait repa-
raître sur les tarifs qu'en 1807, que les entremets, non dénommés, n'étaient sans
doute pas composés d'éléments assujettis aux droits ou du moins ne l'étaient que
pour une faible part et comme enfin « l'énorme fromage senti de loin » dont l'au-
teur parle à l'article du dessert, ne payait pas alors, on trouve que le dîner n'aurait
rapporté à l'octroi que la somme de 1 fr. 80 c. ci-dessus. En y ajoutant les 6 cent,
que payait le litre de vin de toute espèce en 1801 et en supposant qu'une dizaine
de bouteilles aient arrosé les plats, on a 60 cent, pour la partie liquide du repas, et
en tout 2 fr. 40 c.
Or, si le menu en question n'est, comme celui du Repaa ridicule, qu'un jeu d'es-
(1) Jos. Berchoux, la Gastronomie. Paris, 1801, p. 57, 58, 74, 84 et suiv.
(2) La maison (lu Puits certain avait déjà acquis la renommée qu'elle a gardée jusqu'au premier tiers
de ce siècle pour la préparation de ce mets d'ordre composite.
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prit, Berchoux, sous une forme légère, donne bien, celle fois sans exagération, un
exemple de ce qu'offraient les amphitryons du temps. Les menus qu'on trouve pour
les années suivantes diffèrent peu, et leur analyse ne pourrait guère que servir au cal-
cul du produit fiscal, pour les objets qui venaient s'ajouter aux tarifs, non pas encore
d'octroi, mais de vente, comme les volailles, gibiers et poissons. L'abondance des
tables à ces époques est attestée par ceux qui ont traité le sujet en prose (1) ou en
vers(2), et quoique les droits sur ces objets fussent encore faibles, la quantité finis-
sait par rendre appréciable le total. Or, voici qu'en 1811 les huîtres viennent à leur
lour reprendre place parmi les articles imposés. Passagèrement jadis (1350-1351)
les huîtres « en l'escaille » avaient supporté un droit de vente de 4 et 6 deniers pour
livre du prix, alors que Froissart parlait de « Cancale où l'en mange les bonnes
oistres»; mais ce n'est qu'en 1692 qu'on les trouve payant à l'entrée de Paris
comme poisson de mer frais et de même pendant les cent années suivantes. Pour-
tant « les huylres » en escalle ou frites font partie de la nomenclature du Pantagruel ;
on voit les huîtres sans écaille dans un lepas donné à la reine Elisabeth d'Autriche
en 1571, puis, crues ou cuites, elles figurent dans les menus des xvii" et xviii" siè-
cles, mais comme perdues dans la foule des plats et le plus souvent dans les
assaisonnements. Bien que t la marchande d'huîtres » qui fait partie des dessins de
Bouchardon sur les Cris de Paris témoigne d'une consommation assez répandue
cinquante ans avant la Révolution, ce ne paraît être que dans notre siècle que celte
consommation est bien entrée dans les mœurs. C'est seulement alors que les douze
douzaines dont se composait la cloyère ont commencé à se montrer à la porte des
restaurants. Leur imposition moderne avec un droit de vente de 4 p. 100 du prix
date de 1811 et l'augmentation qui porta ce droit à 0 p. 100 est de 1815. Comme
depuis il n'y eut guère de dîner ou de déjeuners fins sans huîtres, surtout dans les
cabarets à la mode, la perception municipale fut importante.
Kn 1848 l'octroi se mit de la fête et son tarif, d'abord de 5 fr. 50 c. les 100 kilogr.
pour les huîtres ordinaires et de Marennes, arriva en 1875 à 18 fr. pour les huîtres
à coquilles légères (moins de 15 kilogr.) et à 30 fr. pour les huîtres d'Ostende. Ce
tarif, qui est encore en vigueur, offre l'exemple le plus frappant de l'inconvénient
qu'ont au point de vue fiscal les droits spécifiques dans les temps de renchérisse-
ment. Tandis, en effet, que les droits ad valorem suivent l'augmentation des prix,
les droits fixes font manquer à gagner les recettes. Tant que la vente aux halles fut
taxée, et surtout ^uand le droit eut été porté à 10 p. 100(1852), la caisse de la
Ville participa à la plus-value pour les quantités qui aciiuiltaienl l'impôt sous celle
forme; mais depuis la conversion (1875) des droits de vente sur les huîtres en
octroi, cehii-ci, malgré l'accroissement de tarif, n'a pn voir progresser son pro-
duit en raison de l'élévation des prix.
L'imposition des truffes à Paris ne date que de 1832 avec un droit de 33 cent, le
kilogr. Croit-on que le gourmet qui, dans le tableau connu peint par lîoilly en
1829 (3), semble prendre tant de plaisir à déguster une poularde truffée, se serait
moins délecté trois ans plus tard parce qu'au prix du savoureux volatile l'octroi
venait d'ajouter la bien légère somme de 33 cent, par kilogr. de garniture?
(1) Grimod de la Reynière, Manuel des amphitryons , etc. Paris, 180R.
(2) Colnet dii Ravel, l'Art de dîner en ville. Poème en IV chants. Paris, ISIO.
(3) Exposé dans la maison Corccllet au Palais-Royal.
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Lorsqu'en 1848 on crut porter des coups décisifs au luxe de table des « aristos »
en mellanl le droit à 88 cent, puis à 96 cent., il n'en fut pas moins mangé de truffes
chez les parvenus politiques et, si les financiers s'abstinrent pour un temps des
« orgies du régime déchu », ce fut parce que leurs fourneaux s'étaient éteints au
souffle de l'économie.
Ces mesures somptuaires n'ayant pas eu l'effet fiscal qu'on en attendait, on
porta le droit en 1849 à 1 fr. 50 c, en 1852 à 1 fr. 41 c. et depuis 1855 il est de
1 fr. 44 c. Au prix où est ce tubercule à la naissance mystérieuse, on voit combien
le rapport du droit à la valeur est relativement faible et combien la Ville serait
fondée à solliciter une augmentation de tarif.
Quand (1825) Brillât-Savarin fit paraître sa Physiologie du goût, les trufles
n'étaient pas imposées à Paris et les huîtres ne l'étaient qu'à la vente aux halles.
Personne ne pensera que l'immunité d'octroi dont jouissaient ces deux objets,
bien loin d'être de première nécessité, ait été pour quelque chose dans l'enthou-
siasme avec lequel l'éminent gastronome célèbre les déjeuners d'huîtres et les
dîners truffés, il est un de ceux-ci que l'auteur présente comme le plus coûteux
des dîners et dont il donne le menu sous le nom A'éprouvette gastronomique, parce
qu'il le juge propre à mesurer l'aptitude des connaisseurs. C'est ce menu qui va
servir d'exemple pour évaluer la force fiscale des mets luxueux de la fin du premier
quart du xix" siècle :
Une pièce de volaille de sept livres, bourrée de truffes du Périgord jusqu'à sa
conversion en sphéroïde;
Un énorme pâté de foie gras de Strasbourg, ayant forme de bastion;
Une grosse carpe du Rhin à la Chambord ;
Des cailles truffées à la moelle;
Un brochet de rivière piqué, farci et baigné d'une crème d'écrevisses ;
Un faisan piqué en toupet, gisant sur une rôtie à la Sainte-Alliance ;
Cent asperges de cinq à six lignes de diamètre, en primeur, sauce à l'osma-
zôme;
Deux douzaines d'ortolans à la provençale.
11 se trouve qu'aucun des articles du menu susdit n'était en 1825 tributaire de
l'octroi et que seuls la volaille, le gibier et le poisson étaient assujettis à des droits
de vente : la pièce de volaille principale, les cailles, le faisan et les ortolans
auraient payé 9 p. 100 de leur prix à la Ville et 1 p. 100 auxfacteurs, soitIO p. 100
en tout, mais la carpe et le brochet n'auraient payé que le droit de 5 p. 100 du
poisson d'eau douce acheté aux halles. Toujours est-il que le droit de 10 p. 100
portant sur le plus grand nombre des plats du dîner aurait presque maintenu à ce
taux la portion fiscale de la dépense. Il faut remarquer qu'il ne s'agit, bien entendu,
que de la dépense relative aux éléments principaux et on sait combien s'y ajoute
toujours le prix des ingrédients et des assaisonnements.
Comme il serait fastidieux de suivre jusqu'à nos jours les transformations de la
cuisine parisienne et de chercher si l'art de préparer les mets, en s'enrichissant de
méthodes nouvelles, a influé sur le rendement fiscal, nous nous contenterons
d'émettre l'opinion que la mode qui, depuis une trentaine d'années, a substitué la
succession des plats présentés un à un aux services composés symétriquement, a
diminué le nombre de ces plats et par suite la part d'octroi afi'érente aux dîners
modernes. Il est vrai que, depuis la période en question, bien des taxes ont été
— 56 —
surélevées et que peut-êlre un calcul plus ardu qu'intéressant établirait qu'il y a
compensation. Quoi qu'il en soit, poursuivant noire étude, nous aurions maintenant
à déterminer la part fiscale d'un repas tout à fait actuel. Au lieu de prendre pour
cela un menu quelconque, si nous cliercliions simplement l'effet octroyen de l'eproM-
vclle gastronomique de tout à l'heure'.' Nous aurions ainsi une base rigoureuse de
comparaison entre 1825 et 1889.
La pièce de volaille de 7 livres, dinde ou chapon, paierait, à raison de 30 cent,
le kiloj;r., 1 fr. 05 c. d'octroi.
Les 3 kilogr'. de truffes nécessaires pour bourrer, sans l'adjonction d'aucune farce,
la pièce de volaille «jusqu'à sa conversion en sphéroïde » paieraient, à raison de
1 fr. 44 c. lekiloîîr.,4fr. 32 c.
L'énorme pâle de foie gras, dont nous estimerons le poids à 4 kilogr., paierait, à
raison de 75 cent, l'un, 3 fr. s'il était arrivé à Paris tout confectionné ; mais on sait
que, dans la pratique, les foies arrivent sans croûte et que le plus beau foie ne pèse
pas un kilogr.
La grosse carpe de \ kilogr. 1/2 et le brochet de 5 kilogr. paieraient, à raison de
0^216 le kilogr., à eux deux 1 fr. 40 c. A quoi il faudrait ajouter 20 cent, pour le
1/2 kilogr. d'écrevisses dont la crème baigne le brochet.
Les cailles que nous fixerons arbitrairement à 12 de 125 gr. pesant ensemble
1 kilogr. 1, '2, le faisan d'un kilogr. et les 24 ortolans de 70 gr., feraient un total de
plus de 4 kilogr., payant, à 75 c. l'un, 3 fr. 13 c.
Comme les asperges ne doivent aucun droit, nous aurons fini si nous négligeons
les as.saisonnements, et l'addition des chiffres ci-dessus nous donnera le total de
13fr. 10 c.
Or, nos évaluations en poids ont été faites au maximum; on voit donc que la
part de l'octroi pour les éléments principaux du menu sont dans un faible rapport
avec le prix d'un tel dîner et que nous voilà bien au-dessous des 10 p. 100 que
représentaient les droits de vente en 1825.
On s'attend bien maintenant à ce que nous obéissions à la mode des centenaires.
Nous allons, en conséquence, comparer le résultat de nos calculs pour la présente
année à ce qu'aurait produit aux entrées de Paris Yéprouvelte susdite, si un pré-
curseur de Brillât-Savarin l'avait composée la veille de l'incendie des barrières, il y
a juste un siècle, alors que le tarif n'avait pas varié depuis huit ans.
Nous l'avons déjà dit, la volaille et le gibier, après avoir payé plus de 10 sous les
2,000 livres pesant, ce qui était bien peu, ne payait plus en 1789 que près delà
moitié (5 s. 10 d.). Nous l'avons dit aussi, le poisson d'eau douce, après avoir payé
1 livre 4 sous 4 deniers la charrette ou le fourgon, ne payait plus à la même époque
que 5 sous 9 deniers. Comme les foies gras ni les truffes, ni les asperges n'étaient
imposés, on voit tout de suite que le produit de l'entrée aurait été infinitésimal
pour l'ensemble du menu; mais les droits de vente de 4 sous par livre du prix de
la volaille, ce qui faisait 6 sous pour livre avec les droits en sus, soit 30 p. 100,
auraient pesé lourdement sur la consommation si, pour la favoriser, on n'avait établi
le tarif sur une évaluation très modique des prix, laquelle ne faisait ressortir le
taux des droits qu'à 18 p. 100 environ. Toujours est-il que l'écart entre ce taux et
celui de 10 p. 100 pour 1825 justifie le mauvais renom qui s'était attaché dans les
dernières années du xviii* siècle aux impositions sur les comestibles. Aujourd'hui
la réputation de l'uctroi n'est guère meilleure, mais, du moins en ce qui concerne
— 57 —
les objets (ralimenlalion de première nécessité, on vient de voir ce qu'il faut penser
de cette réputation. En ce qui concerne les objets du ressort de la gastronomie,
l'exemple donné aura suffi, nous l'espérons, pour montrer la faible part qu'a l'im-
pôt dans la dépense d'un dîner préparé pour régaler à la maison les convives
les plus délicats.
Il reste à revenir sur la question des restaurants qui n'a été touchée qu'à propos
des établissements modestes dont le rôle est de nourrir économiquement ceux qui
mangent hors de chez eux. Pour parler un peu des lieux de rendez-vous à la mode
où se servent les plats de leur spécialité à des amateurs ou à des couples passagers,
nous demanderons de convenir que la part d'impôt contenue à l'état latent dans le
prix des mets n'a pas plus éloigné des bons endroits aux siècles passés qu'aux
temps modernes. On ne croira pas que celte considération ait jamais empêché, par
exemple, le damoiseau ou l'escholier du moyen âge d'alléger son escarcelle pour
l'amour de sa mie, en la régalant de tripes fumantes alors que les tarifs commen-
çaient à se complif|uer. On ne croira pas qu'aux années du xviii" siècle où les
droits étaient le plus élevés, ils ont empêché aucuns soupers. On ne croira pas que
l'abolition révolutionnaire des droits d'aides ait favorisé les parties organisées par
les muscadins et les incroyables. On ne croira pas enfin que de nos jours l'octroi
ait fait hésiter à offrir en cabinet particulier le perdreau truffé, le homard à l'amé-
ricaine ou l'écrevisse bordelaise.
Pour parler de plaisirs moins coûteux et plus permis, à la noce d'un zingueur
et d'une blanchisseuse chez un marchand de vin du boulevard de la Chapelle, il y
a, par exemple, comme repas (1) :
Potage au vermicelle.
Tourte aux godiveaux.
Gibelotte de lapin.
Fricandeau au jus.
Haricots verts.
Poulets rôtis.
Salade.
Œufs à la neige.
Dessert.
De ce menu, que nous supposerons dressé pour quinze personnes, il n'est à con-
sidérer à notre point de vue que les 2 lapins de la gibelotte, lapins domestiques
: probablement, payant ensemble pour ieurs4kilogr., à 9 cent., 36 cent.; les 3 kilogr.
de veau du fricandeau à 9 cent, l'un, soit 27 cent., et les 2 poulets d'un kilogr. chacun
à 30 cent., soit 60 cent. Le total est de 1 fr. 23 c. et il semble superllu d'y joindre
les évaluations infinitésimales relatives aux œufs, beurre, fromage, huiles, vinaigre,
sel, etc., employés à la confection ou à l'assaisonnement des plats. Pour plus d'exac-
titude cependant, nous arrondirons à la somme de 1 fr. 50 c. le produit des éléments
du repas à leur introduction dans l'aris. Nous y joindrons le droit afférent aux
25 litres de vin bus par les 15 convives (ce qui n'est pas exagéré, paraît-il), le
montant de ce droit aura été, à raison de 18 cent, le litre, de 4 fr. 50 c, en les
supposant exempts de tout mouillage. Le total général se trouvant être de 6 fr. et
(1) Emile Zoli, l'Assommoir. Paris, 1877.
— 58 —
le prix vraisemblable <k 5 fr. pnr tête mettant le coût du repas à 75 fr., sans
suppléments, on voit que la proportion entre la part fiscale et la dépense est de
8 p. 100. Celte proportion ne varie guère selon les quartiers de la ville et, qu'il
s'agisse d'une noce d'artisans à Grenelle ou du repas de baptême du petit nouveau-
né d'un ébéniste de la rue Saint-Antoine, il y aura, à prix égal, un produit d'octroi
a:ialogue.
Il est clair que, pour les fêtes de famille ouvrière, la proportion de l'impôt à la
dépense est bien plus forte que pour les festins (|ue font, dans les grands restau-
rants ou dans les hôtels luxueux, les classes fortunées de la société. La dispropor-
tion est encore plus marquée pour les dîners fournis par les maisons d'universelle
renommée qui, pour des plats recherchés, majorent le prix déjà élevé en lui-même.
C'est ainsi qu'on voit figurer parmi les prix courants de telle de ces maisons, un
chaud-froid d'ortolans à la Rothschild pour 6 personnes coté 50 fr., alors que les
matières premières n'auront payé à la bairière qu'un franc et quelques centimes.
Quant aux vins dignes d'arroser des mets si coûteux, les droits qu'ils ont payés à
l'entrée disparaissent, bien entendu, puisque les 48 cent, par litre ne sont, pour
ainsi «lire, rien dans le prix auquel montent les crus plus ou moins fameux.
Quelle est donc la proportion fiscale pour les repas que la classe moyenne va
prendre dans les restaurants spéciaux à l'occasion de noces principalement? Voici
le menu le plus ordinairement commandé dans une des maisons les plus en vogue,
le Salon des familles, avenue de Saint-Mandé :
Pelages Saint-Germain et printanier.
Hors-d'œuvre variés.
Saumon sauce aux câpres.
Filet de bœuf sauce madère pommes Duchesse.
Bouciiées Reine.
Poulardes à la Toulouse.
Petits pois ;i la française.
Haricots verts maître d'hôtel.
Dindonneaux. — Perdreaux.
Bombes glacées.
Pièces de nougat, biscuit, corbeilles de fruit.
Les éléments principaux pour 15 personnes auront rapporté à l'octroi de Paris:
le saumon de 2 kilogr. 1/2 à 40 cent., 1 fr. ; le filet de bœuf de 3 kilogr. à 9 cent.,
27 cent.; les deux poulardes de 3 kilogr. chacune à 30 cent., 1 fr. 80c. ; les deux
dindonneaux de 2 kilogr. chacun à 30 cent., 1 fr. 20 c, et les 4 perdreaux de 250 gr.
chacun à 75 cent, le kilogr., 75 cent.; total 5 fr. 02 c. En y joignant les 4 fr. 50 c.
pour les 25 litres de vins fins et ordinaire, on a 9 fr. 52 c.
On pourra se demander quelle serait la proportion fiscale si, au lieu du Salon
des famille'i, qui est dans l'enceinte de Paris, un restaurant exlra-muros était choisi
pour le repas en question dans une commune limitrophe ayant un octroi peu élevé.
A Bagnolet, par exemple, le saumon ne paierait rien; le filet de bœuf imposé,
comme les viandes dépecées de toute espèce, à 5 cent, le kilogr., ne produirait que
15 cent.; les deux poulardes et les deux dindonneaux, à raison de 10 cent, le kilogr.,
paieraient 1 fr.; les 4 perdreaux à 15 cent, le kilogr. paieraient 15 cent., soit pour
la partie solide 1 fr. 30 c.
— 59 -
Le vin ne devrait pour l'entrée et l'ootroi que 14 millimes par litre, soit, pour
les 25, 35 cent.; mais comme, à cause du chiffre de la population, la commune de
Bagnolet est soumise au droit de détail montant à 12.50 p. 100 du prix de vente, le
produit fiscal pour le vin compenserait à lui seul la diminution afférente à la partie
comestible du repas. Or, il s'en faut que celte diminution vraie en théorie le soit
dans la pratique, car, excepté pour la viande et encore, presque tous les éléments
des plats servis dans la banlieue sont achetés aux halles centrales et, non seulement
ont payé l'oclroi de Paris, mais doivent payer de plus, en repassant la barrière,
l'oclroi local. Que les choses se passent rigoureusement ainsi ou non, toujours
est-il que les prix des restaurants suburbains sont les mêmes, sinon plus élevés que
ceux des établissements parisiens et que ce n'est pas par raison d'économie que
des fêtes de famille se célèbrent hors des murs de la capitale, si tant est qu'il y en
ait. C'est même le contraire qui arrive, puisque pour bien des réunions d'habitants
des communes entourant la grande ville, on y vient, certain d'y trouver les res-
sources culinaires, le bon service, etc., monopole des maisons organisées pour
une grande clientèle.
C'est dans un de ces établissements intra-imiros que s'est fait, il n'y a pas long-
temps, un banquet d'adeptes à la déjà vieille idée de la suppression des octrois.
Aucun d'eux, dégageant la portion fiscale de ce qu'il consommait, calcul facile, on
doit le croire, pour ceux qui ont le monopole de la question, a-l-il remarqué com-
bien l'exiguïté de cette portion fiscale donnait un démenti au principe même de
revendication ?
Que le Parisien, même celui qui ne vit pas pour manger, mais qui mange pour
vivre, aille sans intention de faire « cliere lie » dans un des premiers restaurants
ou faire la noce dans la plus infime gargote, pour peu qu'il ne soit pas limité dans
sa dépense par la nécessité ou par la raison, ce Parisien ne manquera pas généra-
lement de prendre, après le dessert, sa demi-tasse de café et quelque liqueur.
Beaucoup — pas toujours des plus aisés — font ainsi chez eux et quand leur table
a reçu des convives, même sans cérémonie, la maîtresse de la maison se réserve
d'offrir personnellement cet appendice gastronomique. C'est bien, en effet, le nom
de cet ultime régal du repas. C'est bien aussi celui du punch, du thé, du chocolat,
des glaces et des boissons glacées, des gâteaux, etc., qui terminent la soirée.
Nous avons déjà vu le café, trop souvent avec son auxiliaire la chicorée et pres-
que toujours avec le lait ou le liquide prétendu tel, ouvrir la série des aliments
quotidiens. Pas plus que là, le café pris dans la journée ou le soir, non plus que le
chocolat, le thé et la glace, n'est tributaire de la fiscalité parisienne, mais ils l'ont
tous été, les trois premiers, au moins de 1692 à 1791 en tant qu'épiceries-dro-
gueries et on a vu la faiblesse des droits sur icelies; plus pour le thé une imposition
temporaire en 1848. A cette date, la glace a été prise par l'octroi, lequel a dès lors
« frappé » indirectement toutes les compositions sucrées qui procurent une
agréable fiaîcheur. Le droit (6 cent, par kilogr. au moment de la suppression) était
fort pour la glace brute, mais, déjà employée au xvii" siècle (1), celle-ci a toujours
été un objet de luxe. Quant aux produits de l'art du glacier, ils n'ont pas diminué
de prix, au contraire, depuis la suppression.
(I) tloileau, satire lit : « An plus fort de Vi-Xt nous n'avions point de gla
— 60 —
Ce fut quand l'eau-de-vie eut été « tournée en usage de boisson » qu'en 1633
elle prit place au tarif parisien avec un droit de 18 livres parmuid. D'augmentation
en augmentation, au bout de cent ans, le droit avait alteint 65 livres et, en 1791,
il était de 162 livres 3 sous. Il revenait alors à 70 p. 100 de la valeur dans Paris.
Depuis 1687 le droit avait été porté au double pour l'eau-de-vie rectifiée et au
triple pour l'esprit-de-vin.
Dès l'an Vil (1798) 0',165 étaient mis sur le lilre et on sait par quels accroisse-
ments le droit est arrivé au chilTre énorme de 2 fr. 66 c. par lilre. d'alcool à 100 de-
grés et à 3 fr. 28 c. pour les absinihes, du moins jusq 'en 1880 pour celles-ci.
Or, il est dans la pratique commerciale de ne vendre près ue rien à Paris au-dessus
de 4-5 degrés et, pour la confection des liqueurs, 29 degrés ne sont pas toujours
atteints (1). Voilà qui atténue singulièrement l'exagération apparente du tarif.
Toutefois les droits ne laissent pas d'être très sensibles. Répétons seulement pour
les liqueurs ce que nous avons fait remarquer, sans prendre aucunement parti, pour
les boissons, à savoir que, dans l'évaluation de la fiscalité, a tort ou à raison, ce qui
se boit occupe une place bien autrement grande que ce qui se mange.
Que conclure?
Qu'à Paris la fiscalité a cessé dés longtemps d'inquiéter les pauvres, qu'elle a été
et est encore assez légère pour les peu fortunés, sensible aux classes moyennes
dans leur vie ordinaire et pres(|ue indifférente aux classes ricbes; qu'en effet les
tarifs ont toujours contenu les principaux objets, le pain excepté, destinés à nourrir
ou à désaltérer les habitants de la capitale, mais que ceux-ci, mangeant et buvant
pour leur agrément ou ajoutant aux éléments nutritifs pour en relever la saveur,
n'ont jamais été trop gênés par l'inipôl.
Si donc on peut considérer comme sérieuse la fiscalité alimentaire, on trouve
presque que par rapport au prix des éléments de la bonne chère, la fiscalité gastro-
nomique n'existe, pour ainsi dire, pas.
Gustave BrENAYMi^.
III.
LA STATISTIQUI2 DES DÉPENSES PUBLIQUES D'aSSISTANCE EN FRANCE.
Ce travail a été entrepris par M. Monod, directeur de l'Assistance publique au
ministère de l'intérieur, afin d'éclairer l'administration dans l'œuvre qu'elle pour-
suit et le Conseil supérieur de l'assistance publique dans ses travaux. Il présente
le relevé des dépenses publiques d'assistance d'après les comptes de 1885. Il com-
prend outre les dépenses faites directement pour les services de l'Assistance publique,
celles qui, étant payées au moyen de deniers publics, sont consacrées à subven-
tionner les œuvres privées. Il comprend également les opérations des établissements
de bienfaisance qui sont des établissements publics, mais non celles des établisse-
ments d'utilité publique non plus que celles de la charité privée qui ne passent pas
par une caisse publique.
(I) Husson, les Consommations de Paris, 2« édit., 1876, p. 281.
I
— 61 -
Le lolal (les dépenses publiques d'assislance s'est élevé en 1885 à 184,121,099 fr.
réparties de la manière suivante :
État 7,511,955
Départements 29,912,459
Communes (Paris non compris) 28,309,483
Établissements publics (non compris l'Assis-
tance publique de Paris) 75,436,251
Fondations 423,090
Paris 42,527,859
Dans le total des 184,121,099 fr., les dépenses payées sur les revenus des éta-
blissements de bienfaisance, les fondations et les concours individuels repré-
sentent 94,879,003 fr. et les dépenses payées par l'impôt et à la charge des con-
tribuables, 89,242,096 fr., soit 48 p. lOÔ du total représentant 2 fr. 33 c. par
habitant.
Les dépenses d'assistance acquittées par l'Assistance publique de Paris au moyen
de l'impôt s'élèvent à 31,753,168 fr., soit 13 fr. 54 c. par habitant.
Les mômes dépenses s'élèvent pour le reste de la France à 57,488,928 fr., soit
1 fr. 60 c. par habitant.
En Angleterre les dépenses de même nature représentent 6 fr. 77 c. par habitant
et à Londres 13 fr. 60 c, à peu piès le même chilfre qu'à Paris. En outre, le service
de l'assistance en Angleterre est organisé sur tout le terriloiie, ce qui n'est pas, le
cas en France. « Il est important, dit M. Monod dans son rapport, de ne pas perdre
de vue cette observation; si on l'oubliait, notre statistique donnerait une impression
tout à fait inexacte. C'est le vice nécessaire de ce travail d'être une étude d'en-
semble sur une matière dont la caractéristique est de manquer d'ensemble. 11 n'existe
d'organisation générale de l'Assistance publique en France que pour le service des
enfants assistés et des aliénés. Le reste est livré au hasard des bonnes volontés. »
La statisti(|ue est divisée en 6 parties :
1° Les dépenses de l'État;
2° Celles des déparlements;
3° Celles des communes;
4° Celles des éiablissements publics, asiles nationaux, hôpitaux, hospices, bu-
reaux de bienfaisance;
5° Celles de l'Assistance publique de Paris;
6° Récapitulation générale.
Dépenses de l'État.
Les dépenses de l'État figurent pour 7,511,956 fr. représentant 4 p. 100 du
total.
Dans ce chiffre sont comptés 2,467,627 fr. de secours spéciaux distribués par le
ministère de l'agriculture pour des sinistres et 252,537 fr. de secours exceptionnels
pour le choléra. Il ne reste donc que 4,791,792 fr. de dépenses d'assistance pro-
prement dites sur un total de 184 millions. Encore ce chiffre a-t-il été réduit de
94,.j00 fr. au budget de 1889.
— 62 —
Les dépenses de l'Élat se répartissent de la manière suivante :
Enfants assistés 994,453
Protection des enl'anls du premier âge 743,983
Établissements nationaux 1,088,323
Subventions aux établissements de bienfaisance. . 529,759
Service de la médecine gratuite 50,000
Sociétés de cliarité maternelle et crèches .... 146,000
Individus sans domicile de secours 149,999
Secours divers 779,016
Étrangers 209,095
Rapatriement des Français 40,564
Dépenses des départements.
Les budgets des services départementaux d'assistance sont alimentés par des
ressources d'origines diverses. L'Élat, les communes, les hospices, les familles y
apportent leurs contingents. L'ensemble des dépenses s'élève à -43,447,080 fr., mais
sur ce chiffre il ne reste à la charge même des départements que 29,912,459 Ir.,
savoir :
Aliénés 12,185,565
Enfants assistés 11,856,015
Enfants du premier âge 599,331
Vaccine gratuite 190,795
Médecine gratuite 287,728
Frais de séjour dans les hôpitaux et hospices. . . 1,070,323,
Sourds-muets et aveugles 947,861
Dépôts de mendicité 1,067,226
Secours d'extrême misère 351,018
Voyageurs indigents 168,498
Subventions à des œuvres de bienfaisance. . . . 1,187,549
Nous ne passerons pas en revue les 22 tableaux consacrés aux divers chapitres
qui viennent d'être indiqués, et nous nous an'êterons seulement aux comparaisons
très intéressantes qu'a faites M. Monod entre les départements, au point de vue des
sacrifices qu'ils s'imposent pour l'assistance :
1° Comparaison entre les dépenses d'assistance et les dépenses totales du budget
départemental;
2° Comparaison entre les mêmes dépenses et le produit des impositions dépar-
tementales;
3° Proportion par habitant des dépenses d'assistance à la charge des départe-
ments.
Dans le premier tableau comparatif on voit figurer en tête la Seine, où les
dépenses d'assistance atteignent 40.27 p. 100 de l'ensemble des dépenses départe-
mentales. Puis viennent. les Bouches-du-Rhône où la proportion tombe immédiate-
ment à 27 p. 100, et le Hhône à 23 p. 100. Les derniers départements sont la
Savoie où la proportion est seulement de 7.49 p. 100, les Landes, 7.36 et enfin
l'Ardèche, 6.57.
I
— 63 —
11 esl à remarquer que la proportion est indépendante de la richesse ou de la
pauvreté des départements : on trouve dans la première partie du tableau des dé-
partements pauvres, tels que l'Ain, la Drôme, le Moibihan, les Deux-Sèvres, la
Vendée, auprès de la Seine-Inférieure, de la Loire-Inférieure, de la Loire, de l'Eure,
et, dans la dernière partie, la Dordogne, le Pas-de-Calais, l'Orne, la Charente-Infé-
rieure, la Manche, en compagnie du Cantal, de la Creuse, du Tarn, des Basses-
Alpes.
Il y a là une question d'habitudes prises, beaucoup plus que de possibilités et de
ressources. Les départements vivent isolés les uns par rapport aux autres, ignorant
ce que font leurs voisins, et ils se figurent parfois être très généreux pour l'assis-
tance, alors que la comparaison fait ressortir tout le contraire, et qu'en réduisant
ou en supprimant certaines dépenses d'utilité secondaire, ils pourraient doter plus
largement les services d'assistance.
Le second tableau comparatif fournit un élément de comparaison analogue au
premier, mais un peu différent. Les dépenses d'assistance y étant comparées, non
plus à l'ensemble des dépenses départementales, mais aux ressoui'ces proprement
départementales, c'est-à-dire déduction faite des contingents divers qui grossissent
considérablement les budgets. La majeure partie de ces contingents étant fournis par
les communes, les différences sont dues à ce que les conseils généraux chargent
plus ou moins les communes, et elles se produisent surtout en ce qui concerne les
dépenses des aliénés.
Le troisième tableau indique pour chaque département la proportion par habitant
des dépenses d'assistance restées à la charge du département. Cette proportion
varie de 2 fr. 64 c. dans la Seine à 27 cent, dans l'Ardèche. Elle est supérieure à
1 fr. dans 6 départements : Seine, Khône, Bouches-du-Rhône, Seine-Inférieure,
Eure et Calvados. Elle varie de 1 fr. à 50 cent, dans 56 et est inférieure à 50 cent,
dans 25. Parmi ces derniers figurent la Haute-Garonne, les Vosges, le Pas-de-Calais,
l'Hérault, le Nord, la Charente-Inférieure, et l'on voit à côté d'eux la Lozère dé-
penser 82 cent, et le Jura 72 cent, par habitant.
Dépenses faites par les communes.
Les dépenses des communes (Paris non compris) figurent pour 28,.309,48.3 fr.,
mais on n'a pu passer en revue les comptes de toutes les communes pour y recher-
cher les dépenses d'assistance; on en a relevé la plus grosse part dans les budgets
départementaux, et on a en outre dépouillé les comptes de 408 communes consi-
dérées comme villes, chefs-lieux de départements, autres villes comptant plus de
10,000 habitants, communes de 5,000 à 10,000 habitants, indiquées par la di-
rection générale des contributions directes comme ayant un caractère plutôt
urbain et industriel que rural et agricole. Ces relevés ont laissé de côté les dé-
penses d'hospitalisation des malades et des vieillards dans les communes rurales,
nous les évaluons à un million au moins en prenant pour base les dépenses de
même nature faites par les départements qui généralement viennent en aide aux
communes et prennent à leur charge la moitié des dépenses de cette nature; c'est
un maximum. Nous pensons donc que les dépenses d'assistance dans les com-
munes rurales doivent s'élever en réalité à 29 millions i/2. Le total qui figure
— 64 —
dans la statistique se répartit ainsi qu'il suit entre les différents chapitres d'assis-
tance :
Aliénés 3,583,358
Enfants assistés 1,951,176
Subventions aux hôpitaux et hospices 12,750,398
— aux bureaux de bienfaisance .... 5,908,944
— pour divers services 4,049,601
La comparaison des tableaux de cette partie de la statistique donne les résultats
suivants : A Paris la population étant par rapport à la population totale de la France
de 6.13 p. 10U, les dépenses d'assistance représentent 45.30 p. 100 du total des
dépenses budgétaires. Dans les dix autres villes de plus de 100,000 âmes ayant
ensemble une pojiulation égale à .J.37 p. 100 de la population totale de la France,
les dépenses d'assistance représentent ensemble 21 p. 100 des dépenses de leurs
budgets réunis.
Dans les 398 autres villes, les proportions sont de 18.81 p. 100 pour la popula-
tion et de 51 p. 100 pour les dépenses.
Enfin pour les 35,71:2 autres communes, les proportions sont de 72.10 p. 100
pour la population et de 19.97 p. 100 seulement pour les dépenses.
Autrement dit, à Paris les dépenses d'assi>tance représentent environ 8 fois le
rapport de la po|)ukition à la population totale de la France. Dans les dix autres
villes de 100,OuO âmes, cette proportion n'est plus que de 4, puis elle descend à
21/2 pour les autres villes. Enfin pour les communes rurales elle n'est plus en
moyenne que du quart du rapport de leur population à la population totale.
Autre comparaison non moins intéressante.
A Paris les dépenses totales d'assistance représentent 10 fr. 03 c. par habitant,
et les dépenses facultatives 8 fr. 76 c.
Dans les 10 autres villes de 100,000 âmes, les mêmes catégories de dépenses
représentent 3 fr. 70 c. et 3 ir. 17 c. par habitant; dans les 398 autres villes,
1 fr. 69 c. et 1 fr. 40 c; dans les 35,712 autres communes, 38 cent, et 28 cent.
Le rapport se termine par deux notices sur l'assistance en Angleterre et en Alle-
magne.
J. DE Grisenoy.
Le Gérant, 0. Berger-Levrault.
JOURNAL
DE LA
^ ^
SOCIETE DE STATISTIQUE DE PARIS
No 3. — MARS 1890.
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 19 FÉVRIER 1890.
SoMMAiiiE. — Éloge funèbre de M. André Cochut et de M. Jacquème. — Note sur la statistique graphique,
par M. Georges Mayr. — Les Syndicats agricoles, par M. François Dernard. Discussion : MM. Kergall,
G. Martin, de Crisenoy, Duhamel, Uobyns, Tisserand. — La Table de mortalité de la Caisse nationale
des retraites, par M. A. Fontaine.
La séance est ouverte à 9 heures sous la présidence de M. Oct. Keller.
M. le Président prononce l'allocution suivante :
« Messieurs, j'avais à peine adressé quelques paroles d'adieu à notre regretté
collègue, M. Ch. Gimel, que nous avons appris la mort du savant qui récemment
encore présidait à nos travaux, j'ai nommé M. André CochuL La Société s'est fait
un devoir d'assister à ses obsèques et, appelé par elle à la représenter dans cette
triste cérémonie, j'ai prononcé sur la tombe de notre vénéré collègue les paroles
suivantes que je prends la liberté de vous rappeler :
« Messieurs, ai-je dit, la Société de statistique de Paris vient à son tour, par
l'organe de celui de ses membres qui a l'honneur de la présider cette année, dé-
poser le tribut de ses profonds regrets sur la tombe de son avant-dernier Pré-
sident.
«Les nombreux travaux d'économie politique auxquels ,11 s'était consacré avaient
inspiré à M. Cochut le désir de coopérer au développement des études statistiques
dont il ressentait toute l'importance et la haute utilité; et il s'était fait recevoir, en
1882, membre de notre Société, où sa légitime réputation d'écrivain et de penseur
l'avait depuis longtemps précédé. Quand, en 1888, les suffrages de ses collègues
l'appelèrent à remplir les fonctions présidentielles, il oublia volontairement les exi-
gences d'une santé que son grand âge avait rendue capricieuse, selon sa propre
expression, pour payer de sa personne et se dévouer, de la façon la plus com-
plète, aux intérêts de la Société de statistique.
1" SÉRIK. 31' VOL. — H» 3. t
— 00 —
« Lors du renouvellemenl du Bureau, le 16 janvier 1889, M. Paul Leroy-Beau-
lieu, son successeur, lui adressait, dans son discours d'installation, les paroles sui-
vantes bien dignes d'être répétées aujourd'hui :
« J'adresse mes remercîments à M. Cochul. Ma maturité rend hommage à l'un
« des maîtres de ma jeunesse. Aux heures hésitantes qui suivent l'adolescence, je
« lisais les œuvres de M. Cochut, qui collaborait alors au Temps, où il produisait
t des articles très pensés, ti'ès nourris et très instructifs sur les questions ouvrières.
« J'ai lu aussi ses articles de la Revue des Deux-Mondes sur l'esclavage à Cuba, les
« prix, les monnaies, questions très variées qui ont conservé toute leur actualité.
«Je rends l'hommage qui lui est dû à l'un de ces hommes dont la vie a toujours
€ été droite, et dont le seul défaut a été de se tenir trop dans l'ombre et de n'avoir
«jamais recherché, comme il les avait mérités, les suffrages du grand public. »
« Messieurs, ce juste hommage rendu au Président sortant, qui a dû lui aller au
cœur, parce qu'il venait d'une bouche autorisée entre toutes, fut accueilli par les
plus vifs applaudissements de l'assemblée. Nul ne pouvait se douter qu'un an après,
presque jour pour jour, ces élogieuses paroles serviraient d'oraison funèbre et
seraient dites devant son tombeau.
« Que la veuve de M. Cochut et sa famille reçoivent ici, comme un témoi-
gnage d'unanime sympathie, de la part des membres de la Société de statistique
de Paris, l'expression de la douleur que nous cause la perte d'un collègue vénéré
qui employa sa vie laborieuse à cultiver le bien et à chercher la vérité. » {Vives
marques d'adhésion.)
A la suite de ce discours, M. le Président annonce le décès récent de notre col-
lègue, M. Jacquéme, inspecteur général des finances. M. Jacquèmc, habitant la pro-
vince, n'assistait que rarement à nos séances, où son concours aurait été cependant
si précieux. Chargé par le Gouvernement de nombreuses missions au Mexique, aux
Etats-Unis, en Hussie, en Allemagne, en Angleterre, cet honorable savant a rendu
à l'Etat des services éminents. C'était un maître en ce qui concerne les questions
d'impôt.
Le procès-verbal de la séance de janvier est adopté sans observations.
Il est procédé à l'élection de plusieurs membres nouveaux :
MM. Léon Donnât, conseiller municipal de Paris, dont la candidature est pré-
sentée par MM. de Foville et Turquan ;
Georges Martin, inspecteur des financer en disponibilité, présenté par
MM. Yves Guyot, Levasseur et Turquan ; *
A. Pigeonneau, professeur à la Sorbonne, présenté par MM. E. Levasseur,
Cbeysson et Loua ;
sont élus à l'unanimité, en qualité de membres titulaires de la Société de statistique
de Paris.
Dans la correspondance figure une lettre adressée au Président par M. Geor-
ges Mayr, l'un des statisticiens les plus connus de l'Allemagne. M. Mayr approuve
pleinement ce que M. Keller a dit, dans son discours d'inauguration, sur la statisti-
que graphique, et il ne saurait mieux le remercier qu'en offrant à la Société un
opuscule qu'il a fait paraître sur ce sujet, dès l'année 1874. Par la même occasion,
M. Mayr annonce qu'il publiera, à partir de cette année, un nouveau Journal de
statistique, ou plutôt une Revue qui, sous le titre d'« AlUjemeines statistisches
— (J7 —
Archiu », conliibueia, il l'cspèie du moins, à l'amélioialion et à la propagation de
cette science.
M. le Secrétaire général fait une rapide analyse des ouvrages offerts à la Société,
il cite notamment :
Pour la France, le dernier volume de la Statistique annuelle et l'album gra-
phique de la Statistique générale, offerts par M. le Minisire du commerce ;
Pour Y Italie, le mouvement de l'état civil, pendant l'année 1887;
Pour la Norvège, divers fascicules comprenant les télégraphes, les caisses d'é-
pargne, l'instruction publique, le commerce, la justice criminelle, l'état sanitaire et
médical, documents qui se rapportent aux années 1886, 1887 et 1888;
Pour la Russie, les résultats de la récoke de 1889;
Pour Y Autriche, la statistique de la justice criminelle et de la justice civile en
1888;
Pour la Prusse, trois volumes de la statistique générale, relatifs aux accidents et
aux suicides et au mouvement de la population;
Pour la Belgique, l'Annuaire statistique de 1889.
Le tout, sans préjudice des revues, journaux, rapports, relevés trimestriels ou
mensuels, qui font l'objet d'un envoi régulier.
L'ordre du jour appelle la communication de M. François Bernard, sur la Sta-
tistique des syndicats agricoles.
Avant de prendre la parole sur ce point, M. Bernard recommande, en quelques
mots, la Statistique agricole du département de l'Indre pendant une période d'un
siècle, par M. Heini Ratouis. Cet opuscule, fruit de longues et patientes recher-
ches, offre une monographie complète de l'agriculture de ce département, à tous
les points de vue auxquels l'agronome peut se placer. Il serait extrêmement désirable
que des recherches semblables pussent être faites dans les diverses régions de
notre territoire national.
.M. François Bernard donne alors lecture d'un travail étendu sur les syndicats
agricoles, tels qu'ils fonctionnent d'après la loi de 1884. Dans ce travail qui ne ré-
sulte pas d'une enquête ofBcielle, mais de recherches particulières qui lui ont permis
de rassembler une (|uaiitité considérable de matériaux, M. Bernard étudie les syndi-
cats agricoles dans leur nombre, dans celui de leurs membres et indique les servi-
ces qu'ils sont appelés à rendre en ce qui concerne la suppression des intermé-
diaires dans l'achat des grains, des engrais et des machines agricoles et de l'appui
qu'ils pourraient donner aux institutions de crédit agricole ou d'assurances en cas
de grêle ou de pertes de bestiaux. M. Bernard fait remarquer en terminant que la
prodigieuse extension des opérations des syndicats agricoles prend le caractère
d'une véritable révolution économique, la plus profonde qui ait jamais été réalisée
en agriculture. — Les chiffres fournis au cours de sa conférence le démontrent
amplement.
Cette communication, que l'assemblée a accueilli avec la plus grande faveur, sera
insérée in extenso dans l'un des plus prochains numéros de notre journal.
M. Keugall remercie M. Bernard des détails intéressants qu'il a fournis sur l'or-
ganisation des syndicats agricoles et les divers buts que poursuivent ces institutions.
11 les félicite tout d'abord d'être arrivés à supprimer les intermédiaires pour l'achat
des denrées, mais il ajoute qu'il y a même beaucoup à faire pour arriver à obtenir
la même suppression en ce qui concerne la vente. Bien que les syndicats ne soient
— 08 —
qu'à leur début, il lui semble qu'ils arriveront à ce résultai plus aisément que les so-
ciétés coopératives, dont les efforls sont découragés par les résistances des mar-
chands au détail et même des ménagères; les syndicats ont, en effet déjà leurs
clients, tandis que les sociétés sont réduites à les chercher, c'est pour les syndicats
une condition de réussite qui n'est pas à dédaigner. Quant au crédit agricole, il lui
semble que les syndicats sont le mieux à même de le fournir; il suffit que la loi
leur accorde la latitude nécessaire.
M. Georges Martin parle des syndicats d'irrigation que l'on trouve dans le dé-
partement des Pyrénées-Orientales, où ils fonctionnent depuis un temps immémo-
rial, mais il avoue qu'il ne s'agit pas ici des syndicats qu'a définis M. Bernard et
qui ont un tout autre objet.
M. DE Crisenoy, rappelant ce qu'a dit M. Bernard du rôle que pourraient prendre
les syndicats en cas d'assurances contre la grêle et les perles de bestiaux, rappelle
que certains conseils généraux, notamment dans le département de l'Aube, ont pris,
sous leur patronage, des caisses de cette nature, lesquelles tendent à se propager.
M. Duhamel croit que des caisses de ce genre, dont l'action ne dépasse pas le
département, n'ont pas de chances de durée, leur champ étant trop limité pour
permettre d'asseoir des tarifs équitables.
M. RoBYNs partage celte opinion et croit que, pour la grêle surtout, ce n'est
pas irop du territoiie entier du pays, pour compenser les risques qui frappent cer-
taines parties du territoire.
M. Kergall pense de son côté qu'il n'appartient pas au Gouvernement, ni même
aux conseils généraux de prendre l'initiative à cet égard. Les institutions de ce
genre ne peuvent être le fait (lue d'associations hbres agissant en pleine liberté.
M. Eugène Tisserand, directeur de l'agriculture, rappelant ce qui a été dit du rôle
que pourraient remplir les syndicats en ce qui concerne le crédit agricole, annonce
que le conseil supérieur de l'agriculture s'est occupé de celte question et qu'il
sera apporté à la loi de 1884 des modifications qui permettront aux syndicats de
faire le crédit agricole dans les campagnes. (Applaudissements.)
M. Fontaine, qui obtient ensuite la parole, fait connaître en peu de mots les
procédés dont il s'est servi pour dresser la table de mortalité et de la Caisse nationale
des Retraites, mais l'heure avancée l'oblige à remettre la fin de sa lecture à la pro-
chaine séance.
La séance est levée à onze heures.
— 69 —
II.
DE LA NATIONALITÉ
AU POINT DE VUE DU DÉNOMBREMENT DE LA POPULATION DANS CHAQUE PAYS
ET DE LA LOI FRANÇAISE SUR LA NATIONALITÉ DU 26 JUIN 1889 (1).
Dans la dernière séance de la session de l'InstiliU inlernational de statistique,
tenue à Paris au mois de septembre dernier, nous avons entendu le savant délégué
d'un pays voisin poser la question suivante : « Quelle règle faut-il suivre au point
« de vue de la nationalité pour le dénombrement de la population dans chaque
« pays? »
La session du congrès avait été laborieuse, bien remplie, sous la direction la
plus éclairée, par de savants rapports, des discussions approfondies, toutes inspi-
rées par l'amour du bien public, de la science et de l'humanité. L'heure de la
séparation était venue et la question posée ne fut pas examinée.
La réponse nous avait immédiatement paru facile. Elle nous semblait de nature
à être acceptée unanimement par les statisticiens du monde entier. J'étais prêt à
!a faire séance tenante. Ne le pouvant, j'ai demandé dès lors, le jour même, à la
produire au milieu de vous.
La lâche à remplir par le service de la Statistique, appelé dans chaque pays à
faire le dénombrement des nationaux et des étrangers résidant dans ce pays, nous
apparaît, en effet, bien claire et bien précise. Ce service public doit partout voir
des nationaux dans tous ceux qui le sont d'après la loi du pays où il remplit sa
fonction, et des éirangers dans tous ceux qui sont tels d'après la même loi. Il n'a
pas à se préoccuper des divergences des législations, ni des difficultés qui peuvent
en résulter, soit au point de vue du droit civil, soit au point de vue du droit des
gens. Il ignore, il a le droit et le devoir d'ignorer, à ce point de vue, les législations
qui ne sont pas celles de son pays. Pour lui, sont nationaux ou étrangers tous les
individus que la loi de son pays reconnaît comme tels.
Ma réponse pourrait être bornée à ce mol unique. Elle y est tout entière. Mais
vous me reprocheriez peut-être de ne pas y ajouter quelques explications.
Il ne s'agit point ici de ce principe des nationalités qui, dans celle dernière
moitié de siècle, au nom soil de la race, soit de la langue, soit de l'unité de cul-
ture, soil du principe des gouvernements libres et parfois en foulant aux pieds la
volonté des populations, a été invoqué pour l'indépendance des unes et l'oppression
des autres. Les slalisticiens ont l'avantage, reconnu par tous, de n'avoir point à
s'en occuper pour l'accomplissement de leur utile et pacifique mission.
Mais doivenl-ils, dans cet accomplissement, se préoccuper davantage du conflit
possible des lois, civiles ou de droit public, sur la nationalité et la naturalisation, sur
les modes d'acquérir, de perdre et de recouvrer la qualité de citoyen des divers
pays du monde civilisé?
(1) Communication faite à la Société de statistique de Paris dans sa séance du 17 décembre 1889,
— 70 —
Nous ne le pensons pas.
Ni le droit, ni la politique, ne sont de leur domaine. L'unification de législation
sur ces points délicats esl-elle un idéal réalisable ou cliimérique, et, dans tous les
cas, généreux? Les statisticiens n'ont ni qualité ni compétence, en tant que statisti-
ciens, pour le dire. Il ne leur appartient pas de résoudre de telles questions. Com-
ment donc pourraient-ils, sans usurpation, y avoir égard, dans un sens ou dans
l'autre, s'ériger en juges entre des législations différentes, lorsqu'ils procèdent au
dénombrement de la population de leur pays? Ils ne connaissent et n'appliquent
que leur loi nationale.
Il est, en effet, peu de parties des législations positives, qui présentent plus de
diversité et qui aient plus souvent varié que celles relatives à la iialionaillé.
Le principe même de l'acquisition de la nationalité par la naissance donne lieu à
trois systèmes suivis par les peuples les plus éclairés.
Le système dominant attache la nationalité à la filiation, sans tenir compte du
lieu de la naissance. Il vient des lois romaines. Notre Code civil, dans sa rédaction
primitive, l'a consacré. C'est le^Ks sanguinis. Nous l'avons transmis à la Belgique
et la plupart des législations européennes s'en sont inspirées.
L'Angleterre suit un système contraire. Tout enfant né en Angleterre, même
de parents étrangers, est Anglais. C'est le jus soli. Il formait aussi à ce point de
vue le droit de notre ancienne France, avant 1789. Il vient du droit féodal faisant
homme du seigneur, tout individu né sur le territoire soumis à sa suzeraineté.
Ce serait une grave erreur de croire qu'en refusant d'admettre le jus loci de
notre ancien droit, les premières Constitutions et les lois de la liévolulion fran-
çaise s'étaient prononcées, comme le Code civil de 1804, pour le jus sanguinis.
Elles n'admettaient d'une manière absolue ni l'une ni l'autre de ces deux règles, ni
\ejus soli, ni \e jus sanguinis, tout en les combinant. Les Constitutions de 1791,
de l'an III et même de l'an VIII jusqu'en 1804, consacraient en réalité un troisième
système. Les individus nés en France d'un père étranger étaient Français, à la con-
dition d'y fixer leur résidence et, à l'âge de 21 ans, de se faire in.^crire sur le
registre civique. La Constitution de 1791 admettait à la qualité de Français les
enfants nés en pays étranger d'un père français, mais à la condition de s'établir en
France et d'y prêter le serment civique.
Ces règles indiquent que dans notre droit intermédiaire la qualité de Fran-
çais ne s'acquérait exclusivement ni jure sanguinis, ni jure loci. Il consacrait réel-
lement un troisième système, mixte, dégagé de tout principe doctrinal absolu.
C'est un autre système mixte qui est sorti des modifications successives apportées
par la loi française à l'article 9 du'Gode civil et de notre loi récente du 26 juin
1889 sur la nationalité.
Il n'est pas douteux que le lien du sang constitue une présomption de nationalité
plus logique que celle du sol, lorsque celle-ci ne repose que sur le fait accidentel
de la naissance dans un lieu déterminé. Lorsque la question est ainsi posée entre
les deux doctrines, la première apparaît comme l'expression d'une idée plus hu-
maine, plus vraie, plus juste, plus spiritualiste, plus conforme aussi aux progrès
du monde moderne, des relations de peuple à peuple et de la civilisation. Mais il
faut se défier des doctrines absolues. S'il est peu judicieux de faire dériver la na-
tionalité du simple hasard de la naissance sur un point déterminé du globe, n'est-il
pas judicieux et légitime, au contraire, de la faire dériver de celte circonstance,
I
— 71 —
lorsqu'elle est précédée d'une longue présence des parenis sur le même sol et de
leur domicile fixe pendant deux générations successives? Est-il logique, est-il juri-
dique, esl-il moral d'admetire qu'indéfiniment sur nos frontières ou au cœur de la
France une foule d'individus puissent se dire alternativement Français ou étran-
gers, suivant qu'ils ont intérêt à être l'un ou l'autre, spécialement afin d'échapper
au service militaire?
Dès 1831 la modification du Gode civil dans ce sens a été demandée dans la dis-
cussion de la loi du recrutement. Elle n'a jamais cessé de l'être depuis celte époque.
Cinq lois successives sont venues apporter des modifications diverses à l'arlicle 9
du Code civil, lois des 22 mars 1849, 7 février 1851, 16 décembre 1874, 14 février
1882, 28 juin 1883. Malgré la timidité de leurs réformes, tontes ces lois marquent
les étapes de décroissance dans la superstition exclusive à la théorie absolue du jus
sanyuinis. Ce sont les précédents naturels de notre nouvelle loi du 26 juin 1889
sur la nationalité.
Le nouvel article 8 du Code civil modifié par cette dernière loi donne une défi-
nition complète de la qualité de Français, en combinant les deux principes. Il s'ex-
prime ainsi :
« Sont Français : 1° Tout individu né d'un Français en France ou à l'étranger » ;
c'est \& jus sanguinis;
« 2° Tout individu né en France de parents inconnus ou dont la nationalité est
« inconnue » ; c'est une application très rationnelle du jus soli;
« 3° Tout individu né en France d'un étranger qui lui-même y est né. » C'est
encore le jus soli. C'est aussi la principale innovation de la loi du 26 juin 1889.
Elle consiste dans ce cas à supprimer l'exception d'extranéité maintenue par les
lois antérieures modificatives du Code civil, non sans de continuelles protestations
au sein de nos Parlemenls^des représentants de nos départements frontières.
On avait vu des candidats à nos Ecoles de Saint-Cyr ou polytechnique exciper
de leur extranéité après leur échec, pour éviter de servir sous nos drapeaux comme
simples soldats, après avoir voulu y prendre place comme officiers, jusqu'au jour
où la déclaration fut exigée avant l'épreuve.
On en avait vu d'autres prendre part au tirage au sort et ne soulever l'exception
d'extranéité que si le sort ne les favorisait pas, jusqu'au jour où l'on exigea que
l'option de nationalité fût faite avant le tirage.
Remarquez d'ailleurs que l'individu ainsi déclaré Français est celui « né en
« France d'un étranger qui lui-même y est né », c'est-à-dire qui représente la troi-
sième génération établie dans notre pays. La vérité est qu'il est Français d'esprit,
d'éducation, de mœurs; qu'il ne connaît pas d'autre patrie; qu'il ne quittera pas
la France. Ceux qui l'entourent ignorent le plus souvent sa véritable origine et
le croient bon Français; il est, en effet, pour l'être dans toutes les conditions
voulues.
Le droit d'exciper de son extranéité n'était qu'une faculté d'éluder la loi mili-
taire et comme une tentation de la loi civile.
Cependant il profitait de tous les avantages de notre état social dans nos villes,
des jouissances affouagères dans nos campagnes, sans supporter la charge princi-
pale.
La faiblesse de la loi avait même pour conséquence de lui assurer, dans nos ma-
nufactures, dans nos usines, dans nos mines, dans tous nos ateliers, les positions de
— 72 —
contremaître et toutes les bonnes places, en l'absence et au détriment de nos na-
tionaux. Ceux-ci, au retour du régiment, trouvaient toutes ces places prises et
ne pouvaient regagner celle avance, devenant un privilège inique, qui révoltait, à
bon droit, ceux qui en étaient les témoins ou les victimes.
Si nous ajoutons que la progression du nombre des étrangers établis définitive-
ment en France est considérable, ce nouveau fait social explique assez le dévelop-
pement et les transformations de ce troisième système, datant de la Révolution, qui
a revêtu des formes diverses et qui combine d'une manière équitable h jus soli et
le jns sanguinis.
Le .§ 4 du nouvel article 8 du Code civil déclare également Français « tout indi-
€ vidu né en France d'un étranger et qui à l'époque de sa majorité est domicilié
« en France ». C'est encore le pis soli; mais pour celui-là qui ne représente que
la seconde génération d'élrangers établie en France, la loi du 2(3 juin 1889 lui per-
met d'exciper de son extrancilé sous deux conditions : 1° de prouver, par une
altestalion en due forme de son gouvernement, qu'il a conservé la nationalité de
ses parents, et 2° de produire un certificat constatant qu'il a répondu à l'appel sous
les drapeaux conformément à la loi militaire de son pays, sauf les exceptions pré-
vues aux traités.
Vous comprenez sans peine ces justes exigences. Elles sont à l'adresse de ceux
dont l'idéal serait de se soustraire également aux charges des deux pays et de
n'avoir pas de patrie, tout en profilant des avantages de notre état économique et
social.
Le texte reconnaît en outre la qualité de Français « 5° aux étrangers naturalisés ».
L'autorisation donnée aux étrangers d'établir leur domicile en France, aux termes
de l'article 13 du Code civil, est réduite quant à ses effets à cinq années et devient
uniquement le préliminaire obligé de la procédure en naturalisation.
Ajoutons à ces indications le nouvel article 9 du Code civil, par lequel la loi du
26 juin 1889 permet à « tout individu né en France d'un étranger et qui n'y est
« pas domicilié à l'époque de sa majorité », de réclamer la qualité de Français jus-
qu'à l'âge de 22 ans accomplis, sans avoir recours à la naturalisation et] à charge
seulement d'établir son domicile en France ou de prendre part aux opérations du
recrutement sans opposer son extranéité. C'est encore un autre effet du jus soli
qui se justifie de lui-même.
Voilà les principales dispositions de la loi du 26 juin 1889 au point de vue qui
nous occupe; elles constituent les éléments essentiels de ce troisième système qui
a pour caractère distinctif de ne reposer d'une manière absolue, ni sur le jus soli,
ni sur le jus sanguinis, et d'admettre l'un et l'autre dans leurs applications ration-
nelles.
Je crois que nous devons les approuver et qu'elles sont les conséquences néces-
saires d'une situation nouvelle et de besoins nouveaux.
Mais pour des statisticiens peu importe ce qu'ils pensent des lois de leur pays,
lorsqu'ils sont chargés de procéder au dénombrement de sa population. Ils doivent
se borner à les appliquer. Ils auraient beau être fanatiques en France du jus san-
guinis, ils devront compter en outre comme Français tous ceux auxquels les pres-
criptions nouvelles impriment cette qualité j»re so/i, directement ou indirectement.
Ils ne devront pas se préoccuper des lois étrangères, au point de vue de la déter-
fpination de no^ nationaux;
— 73 —
Les slatisliciens de la Grande-Bretagne, de la Belgique et de tous les autres pays
en feront autant; les uns ne pourront appliquer que la loi anglaise, jus soif, les
autres ne pourront appliquer que la loi belge, jus sanf/uinis, soit pour le dénom-
brement des sujets de Sa Majesté britannique, soit pour le dénombrement du peu-
ple belge.
Il en est ainsi pour tous les peuples. Dans chacun d'eux le dénombrement devra
comprendre comme nationaux tous les individus auxquels la loi du pays confère la
nationalité.
Il n'y a pas d'autre règle possible. Elle résulte du principe même de la souverai-
neté de chaque Elat. Le premier devoir d'un grand service public comme celui de
la Statistique est de s'y soumettre. Il n'est même pas facile de comprendre comment
il pourrait faire autrement. Gomment, par exemple, le service de la Statistique du
Boyaume-Uni pourrait-il appliijuer, à la détermination des nationaux britanniques,
la loi française ou belge et réciproquement? Il en est de même de chaque État.
L'application exclusive de sa propre législation sur la nationalité au dénombrement
de ses nationaux est une conséquence directe et nécessaire de sa souveraineté.
Sans doute, il pourra en résulter que le même individu pourra être compté à
Londres comme Anglais {jure soli), et à Paris ou à Bruxelles comme Français ou
Belge (Jure sanguinis); ou, dans un des cas indiqués plus haut, comme Belge à
Bruxelles {jure sanguinis) et Français à Paris {jure soli).
Le fait n'est pas douteux. Ces cas de double nationalité ou de Heimathlosat sont
déjà fréquents. Mais il peut arriver aussi qu'il résulte de certaines lois sur l'indigé-
nat qu'une personne, privée de sa nationalité en raison de son absence même, n'ait
été naturalisée nulle part et se trouve ainsi n'avoir aucune nationalité.
De même pour la femme mariée à un étranger et qui, suivant plusieurs législa-
tions, perd sa nationalité d'origine, sans acquérir celle de son mari, d'après la
législalion du pays de ce dernier.
Chacun de ces faits est regrettable. Tout individu doit avoir une patrie et il ne
doit en avoir qu'une seule. Ce double principe n'est pas contestable. Mais la statis-
tique n'en a jamais été la gardienne dans le passé; elle ne peut y prétendre davan-
tage dans le présent. Elle n'a pas qualité et manque des moyens d'assurer l'appli-
cation de ces principes.
Du reste, lorsque deux pays revendiquent le même individu comme leur apparte-
nant, il est rationnel que cet individu figure dans le dénombrement de la popula-
tion de l'un et de l'autre. Il doit même en être ainsi au point de vue spécial de la
Statistique, de cette science d'État par excellence, qui doit présenter la population
de chaque État en conformité avec la législation de cet État et non d'après les
prétentions des autres États ou celles des intéressés eux-mêmes.
C'est aux jurisconsultes et aux politiques, surtout aux gouvernements et aux
législatures, d'aviser aux moyens d'éviter, s'il est possible, ces cas d'absence de
nationalité et de double nationalité ou de Heimathlosat.
S'il survient des conflits, et ce dernier cas en a engendré souvent, c'est à la
diplomatie d'y pourvoir, sans que les statisticiens aient à s'en mêler, si ce n'est pour
constater ces cas. Cela seul rentre dans leur domaine. Ils rendraient service enles
recherchant et en leur faisant une place dans le dénombrement de la population, et
en sollicitant, surtout pour cette partie de leur œuvre, une sanction effective et
moins générale que celle de l'article 471, n° 15, du Code pénal, contre les déclara-
— 74 —
lions mensongères en matière de nationalité. Mais les statisticiens usurperaient
en Voulant faire davantage. Ils n'ont pas qualité pour corriger ou critiquer les
lois de leur propre pays; comment le pourraient-ils en ce qui concerne celles
des autres?
Ce serait, du reste, une grave erreur de croire que les dispositions nouvelles de
noire loi du 26 juin 1889 auraient le privilège de ces conflits des lois en matière
de nationalité et de dissidences possibles dans les rapports internationaux. Les lois
antérieures y donnaient éfjalement lieu; ils se sont également produits de tout
temps entre d'autres nations. Des négociations diplomatiques et des conventions
internationales sont souvent intervenues dons ces matières. Nous avons vu dans le
§ 4 du nouvel article 8 du Gode civil la mention de ces traités.
Je me borne à vous signaler quelques exemples.
Il est arrivé souvent qu'un individu réunissant deux nationalités différentes ait
été considéré comme insoumis en France, tandis qu'il était retenu malgré lui sous
les drapeaux d'une puissance étrangère. Ce fait s'est produit spécialement en Bel-
gique, où le Français, né en Belgi(|ue, a le droit d'opter à 21 ans pour la nationa-
lité belge; mais à 20 ans, il est porté en France sur le tableau du recrutement, et
porté comme déserteur et insoumis au moment oîj il peut opter.
La naturalisation a engendré aussi des conflits dans les rapports internationaux.
La plupart des législations admettent, comme la nôtre aujourd'hui, que la nationalité
se perd par la naturalisation en pays étranger; quelques-unes cependant ont
maintenu l'antique règle de l'allégeance perpétuelle. Il en résulte alors que l'étran-
ger naturalisé, soit en France, soit ailleurs, et ayant acquis cette nouvelle nationa-
lité, d'après la loi de son nouveau pays, se trouve avoir conservé sa première na-
tionalité d'après la loi de son pays d'origine.
D'autres législations subordonnent la validité de la naturalisation obtenue en
pays étranger à l'accomplissement préalable de certaines formalités dans le pays
d'origine, dont l'omission est encore une cause de cumul de nationalité.
De graves conflits se sont élevés aussi au point de vue de l'enfant mineur de
l'étranger naturalisé Français, lequel mineur restait étranger, bien que d'autres
législations lui fissent perdre sa nationalité d'origine. D'après les modifications ap-
portées par la loi du 26 juin 1889 au nouvel article 12 du Code civil, cet enfant
mineur devient désormais Français par la naturalisation de son père, à moins que,
dans l'année qui suivra sa majorité, il ne décline cette qualité.
La législation helvétique est une de celles qui ont donné lieu à des difficultés,
spécialement en 1872 et 1873, en ce qui concerne les fils mineurs de Français na-
turalisés Suisses. La loi fédérale du 3 juin 1876, relative à la naturalisation en
Suisse et à la renonciation à la nationalité suisse, et une convention^ internationale
y ont pourvu.
Ce ne sont là que des exemples. Ils suffisent pour montrer que la question posée
à la fin de la dernière session de l'Institut international de statistique et à laquelle
nous répondons, se réfère à des collisions de législation dont il y a eu des exemples
de tout temps. Elles sont fort antérieures à notre loi du 26 juin 1889. Comme toute
loi sur la nationalité, elle peut en créer de nouvelles ; des Belges, par exemple,
pourront rester tels en Belgique 1 1 seront considérés comme Français en France ;
la diplomatie fera difficilement disparaître l'antinomie. Ce n'en sera qu'une de plus.
Notre loi n'en est pas moins légitime et rationnelle ; elle aura certainement le
- 75 —
mérile de ruiner l'idéal de ceux qui pouvaient rêver en France de n'avoir point de
patrie.
Dans tous les cas, le rôle de la Statistique reste aujourd'hui ce qu'il était hier.
Malgré les avantages de l'unification des lois des divers pays sur ce point comme
sur beaucoup d'autres, il est à croire que sa réalisation en cette matière est destinée
à rester longtemps encore à l'état de rêve.
Ce sujet tient, en effet, d'une façon trop intime à la constitution intérieure de
chaque Etat, à sa souveraineté, à sa sécurité même, tant extérieure qu'intérieure
(puisqu'eii Frt-nce la criminalité des étrangers, d'après les statistiques criminelles si
bien dressées par noire éminent collègue, M. Yvernès, est quadruple de celle de
nos nalionniix), pour que les avantages de l'uniformité puissent de longtemps l'em-
porter, non seulement sur les traditions, mais surtout sur le besoin pour chaque
Ktat de pourvoir par lui-même, avec une entière indépendance, à sa propre sauve-
garde.
Gomment, du reste, les Etats pourraient- ils, sans imprévoyance, abdiquer abso-
lument, en présence de circonstances sans cesse modifiées, leur droit de pourvoir
par eux-mêmes, avec un soin jaloux, au lèglement de leur propre nationalité, et
se lier les mains pour l'avenir, d'une manière générale, sur de telles questions?
La Slatistique a révélé aux pouvoirs publics les faits nouveaux auxquels je faisais
allusion tout à l'heure. Des courants de migration, dans notre pays, en chan-
geant la composition respective des populations sur divers points du territoire, ont
provoqué les mesures complémentaires que je vous ai fait connaître.
La Slatistique générale de la France constate, en effet, dans le dénombrement
de 1886, que le chiffre des étrangers de toute nationalité existant en France était
alors de 1,126,531 sur une population totale de 37,930,759 individus, c'est-à-dire
de près de 3 p. 100 (exactement 2.97).
La distinction des habitants par nationalité est faite depuis l'année 1851. Le
chiffre des étrangers habitant en France n'était alors que de 380,831, pour une
population totale de 35,78-3,170, c'est-à-dire de 1 p. 100 seulement (exacte-
ment 1.06).
Depuis cette époque, la progression a été constante : en 1861, 497,091 (1.33
p. 100); en 1866, 635.495 (1.67); en 1872, 740,668 (2.03); en 1876, 801,754
(2.17); en 1881, 1,001,090 (2.67 p. 100).
Le chiffre du recensement de 1886 présente donc, sur celui de 1881, 546,855
étrangers en plus, c'est-à-dire un excédent de 0.30 p. 100 d'un dénombrement à
l'autre.
Il résulte de ces chiffres que le nombre des étrangers en France a triplé en
35 ans, tandis que la population nationale ne s'accroît qu'avec une extrême lenteur.
Les trois nationalités qui occupent la plus grande place dans ce chiffre total de
1,126,531 étrangers dans le dénombrement de 1886, sont les nationalités allemande,
belge et italienne.
100,114 pour les Allemands, dont le tiers dans le département de la Seine et le
cinquième dans Meui'the-et-Moselle, avec une majorité pour le sexe féminin de
100 femmes contre 91 hommes.
482,261 Belges, dont les deux tiers dans nos départements frontières du Nord
(62 p. 100 dans le seul département du Nord, où l'on comptait, en 1886, 298,991
Belges, formant 18 p. 100 de la popidation totale du département) ; 57,649 Belges,
— Te-
ls p. 100 de leur nombre lolal, se trouvent dans le département de la Seine. En
35 ans le nombre des Belges en France a quadruplé.
264,568 Italiens, principalement dans les régions du Sud et du Sud-Est. Ils sont
70,088 dans le déparlement cjes Boucbes-du-Rhône (où ils forment 12 p. 100 de la
population totale du département), 39,165 dans le département des Alpes-Maritimes,
23,105 dans le Var, 16,087 en Corse, et 28,351 dans le département de la Seine.
Leur effectif a plus que quadruplé en France depuis l'année 1851.
Après ces trois nationalités étrangères de beaucoup les plus nombreuses en
France, viennent d'abord les Espagnols (79,550), surtout répandus dans le bassin
de la Garonne et sur le littoral de la Méditerranée (17,958 dans les Basses-Pyré-
nées et 10,404 dans les Pyrénées-Orientales); 4,242 dans le déparlement de la
Seine; leur nombre ne cesse de s'accroître; il a presque triplé depuis 35 ans.
La nationalité helvétique est représentée en France par un chiflVe très peu infé-
rieur à celui de la nationalité espagnole, 78,58 i; mais les Suisses sont plus égale-
ment répartis sur l'ensemble de notre territoire, bien qu'on en trouve davantage
dans nos départements de l'Est (10,777 dans le Doubs, 4,617 dans le Rhône, 3,930
dans le département de la Haute-Savoie), et dans le département de la Seine oîi ils
sont 27,233. Leur nombre a aussi triplé depuis 35 ans.
Les étrangers qui sont ensuite le plus nombreux en France sont les Hollandais
et Luxembourgeois (37,149), les Anglais (36,134), les Austro-Hongrois (11,817),
les Russes (11,980) et les Américains (10,253).
Nos habiles et dévoués collègues, chargés du service de la Statistique générale
au Ministère du commerce et de l'industrie, à qui j'emprunte tous ces chidres, ont
en outre dressé, dans le volume qui constate les résultats statistiques du dénombre-
ment de 1886, une carte des plus intéressantes (carte n°2l, page 96) de l'accroisse-
ment proportionnel des étrangers par départements pendant la période de 1881-
1886. On y voit presque tous nos départements frontières, avec la Corse et le dé-
partement de la Seine et ceux qui l'environnent, teintés de couleur plus ou moins
vive, faisant un contraste saisissant avec la pâleur ou la couleur absolument blanche
des autres départements.
Pourquoi, Messieurs, vous ai-je rappelé ces résultats de nos dénombrements ?
Esl-ce pour protester contre la venue, même croissante, des étranger! en France?
Pour approuver des mesures législatives ou gouvernementales qui auraient pour
but d'y mettre obstacle? Non, certes, et la loi du 26 juin 1889 ne s'est pas non plus
placée dans cet ordre d'idées.
Il n'est pas question pour la France de renoncer à ses traditions de terre hospi-
talière. La présence d'étrangers n'est pas toujours une cause d'accroissement de
richesse, mais elle l'est souvent; elle l'est surtout pour ces nationalités que je
citais en dernier lieu et qui occupent une place moindre, au point de vue du nom-
bre de leurs représentants, dans le chiffre total de notre population étrangère.
Attirés par notre climat, notre civilisation, leur sympathie pour notre nation, ils
apportent à noire pays un supplément de richesse et de force morale. A quelque
nationalité qu'appartiennent les étrangers de cette catégorie, il eût été déraison-
nable de mettre des entraves à des habitudes de séjour dans notre pays, au main-
tien desquelles nous avons tout à gagner.
Même pour les étrangers qui, au lieu d'habiter la France pour y dépenser de
larges revenus, viennent pour y travailler, y gagner leur vie ou augmenter leurs
— //
ressources, ce seruil une cireur, que des économistes ne peuvent commeltrc, que
de les repousser comme des concurrents au travail national. En outre des principes
de liberté qui nous sont chers, sans rien sacrifier toutefois de la sécurité du pays,
il convient de reconnaître que ces élrangers peuvent être utiles, dans le monde in-
dustriel, au plus libre fonctionnement de la loi de l'offre et de la demande. Ils peu-
vent être utiles, au point de vue même de la population, pour réparer les vides
d'unenatalité insuffisante, au milieu de nations plus prolifiques.
Mais lorsque ces étrangers se sont fixés définitivement en France, y ont obtenu,
avec l'autorisation d'y établir leur domicile, la jouissance de tous les droits civils,
qu'ils profilent ainsi, eux et leurs familles, de génération en génération de tous les
avantages de notre vie sociale, ils doivent en supporter les charges, devenir mem-
bres d'une nation à laquelle ils sont venus demander et prendre tout ce qu'elle peut
donner à ses propres fils.
La loi du 26 juin 1889 ne fait pas autre chose. Elle ne chassera point de notre
territoire des gens qui y vivent de notre vie depuis trois générations et qui ne
s'abstenaient de la naturalisation que dans l'espoir d'éviter le service militaire. La
loi du 26 juin 1889 déjouera ces calculs plus efficacement que nos lois antérieures
depuis 1851, qui l'avaient vainement tenté. Elle augmentera les naturalisés qui,
malgré leur nombre croissant, n'étaient encore en 1886 que de 103,886 contre
36,700,342 Français d'origine et 1,126,531 étrangers.
Si ces grandes agglomérations de travailleurs étrangers, dans nos départements
frontières du Nord, de l'Est, du Midi et dans Paris, nous apportent avec le temps
de nouveaux et bons Français, nous devrons nous en féliciter. Mais si ces agglomé-
rations toujours grossissantes devaient faire souche à perpétuelle demeure d'étran-
gers sur noire lerriloire, de génération en génération, d'une manière indéfinie,
elles ne seraient |)as seulement pour nos nationaux la source des injustices que
nous avons signalées, elles seraient, pour notre nationalité et noire sécurité, le
péril dont nous venons de montrer la gravité. Le devoir du législateur élail d'y
pourvoir; il n'a fait que le remplir.
Ce qui est vrai de la métropole, ne l'est pas moins des possessions françaises.
La Statistique des populations de l'Algérie en donne la preuve manifeste. En 1865,
il y avait 122,119 Français et 95,871 étrangers. En 1886 les chiffres s'élèvent à
217,652 Français natifs ou naturalisés, 202,036 étrangers, et 21,183 Marocains et
Tunisiens. Il y a là deux masses de populations, française et étrangère, presque
égales en nombre pour les trois départements de l'Algérie. Il faut y joindre
41,263 israéhtes. Si l'on distingue la population de chaque département, on voit
que, dans celui d'Oran, la population étrangère est même supérieure à la popula-
tion française, 64,025 Français, natifs ou naturalisés, avec 15,761 israélites, contre
92,317 étrangers, avec 13,293 Marocains et Tunisiens, deux nationahtés que la
statistique algérienne fera bien de séparer désormais. Si l'on songe que cette popu-
lation étrangère de l'Algérie est composée pour les 4/5" d'Italiens et d'Espagnols,
que ces races sont plus prolifiques que la nôtre ; que leur contingent s'accroît sans
cesse par l'immigration ; que nous vivons en Algérie au milieu d'une population
indigène de 3 millions d'Arabes (exactement 2,787,033), il sera facile de com-
prendre que les pouvoirs publics de France devaient à la génération présente,
devaient aux générations futures, devaient à la patrie, de se dire à eux-mêmes le
« cavcunl consules ». Us l'ont fait.
— 78 -
L'article 2 de la loi du 26 juin 1889 esl ainsi conçu : <i La présenle loi est appli
« cable à l'Algérie et aux colonies de la Guadeloupe el de la Réunion. Conlinue-
« ront toutefois de recevoir leur application le sénatus-consulte du 14- juillet 1805
« et les autres dispositions spéciales à la naturalisation en Algérie. »
Il ne s'agit pas d'éloigner les travailleurs et les colons étrangers de nos posses-
sions d'Afrique ou d'Amérique; mais, lorsque trois générations de la même famille
s'y sont perpétuées et que deux y sont nées, d'en faire des Français; et non des
Français malgré eux, car ils peuvent partir.
Le législateur français a bien fait d'édicter cette loi. Elle aurait même pu
intervenir [)lus tôt. Dans tous les cas, en le faisant, il a disposé, en vertu de
la souveraineté du pays, du plus indéniable de tous les droits, comme dans
chacune des revisions en sens divers apportées depuis un siècle à cette partie
de la législation.
Quelle (|ue soit, d'ailleurs, sur la législation d'un peuple, la pensée d'un statisticien
à quelque nationalité <|u'il appartienne, il n'est pas douteux (jue, dans le dénombre-
ment de la population de son pays, son devoir absolu, celui du service ofliciel de
la Statistique, est d'appliquer exclusivement, et dans les conditions d'exactitude
les plus complètes, la législation de ce pays sur la nationalité (1). Tu. DucnocQ.
m.
L'É.M1GRATI0N A MAUSKILLE EN 1889.
Le service spécial des ports vient d'achever la statistique de l'émigration, pour
l'année dernière.
Des comptes exactement tenus, il résulte (|ue 27,7:23 émigrants sont venus passer
leurs contrats à Marseille, en 1889. Sur ce nombre, 22,594 individus se sont em-
barqués dans nos ports, et 5,129 sont partis par la gare, à destination du Havre,
Bordeaux, Boulogne, .\nvers, Amsteidam, Rotterdam, Saint-Nazuire et Gènes, ports
d'embarquement.
Comme d'habitude, ce sont les Italiens qui ont fourni, l'année dernière, le plus
fort appoint à l'émigration à laquelle nos nationaux n'ont donné que 1,061 sujets,
et c'est Buenos-Ayres qui a attiré le plus d'émigrants, la moitié environ du chiffre
total, puis Santos et Rio-Janeiro.
L'embarquement des émigrants, à Marseille, a donné lieu à 76 départs de stea-
mers dont 14 étrangers seulement.
Les émigrants français, au nombre de 2,061, provenaient de 74 départements
divers dont la Savoie a fourni 239 individus, la Corse 221, les Bouches-du-Rhône
181, les Hautes-Alpes 170, l'Aveyron 86, l'Isère 80, le Var 65, le Vaucluse 61, le
Rhône 63, la Drôme, 46, les Basses-Alpes 45, etc. L'Algérie figure dans cette énu-
mération avec le chiffre de 74 et l'Alsace-Lurraine avec celui de 8.
En ajoutant le nombre des 22,594 émigrants embarqués, l'année dernière, dans
notre port, à celui de 237,317 (|ui représente le mouvement des autres passagers,
cela fait un total de 259,911 individus embarqués ou arrivés dans notre port, en
1889. Pendant cette année, la moyenne du mouvement quotidien a donc été, ap-
proximativement, de 712 personnes arrivées ou parties.
(1) Voir Tappendice au prochain numéro.
— 71) —
IV.
CE QUE LA FRANGE A GAGNÉ A L'EXPOSITION DE 1889(1).
SOMMAIRE.
1. Le rapport de M. llouvicr du 5 novembre 1884. — Discussions sur l'utilité de l'Exposition. — Ap-
probation des Chambics syndicales et de la Chambre syndicale des industries diverses.
II. Rapports sur l'Exposition. — Utilité de la statistique.
III. Les bénétices causés par l'Exposition. — 1/encaisse or de la lianque de France. — Les voyageurs
d'Angleterre à Paris. — Les Américains. — Nationalité des étrangers venus en France. — Les
personnages de marque.
IV. Augmentation des dépôts dans les Banques. — Les recettes des chemins de fer. — Les grandes Com-
pagnies et les trains de plaisir. — Les Sociétés de transport. — Les Omnibus. — Les Petites-
Voitures. — Les Urbaines. — Les Hirondelles et les Bateaux omnibus. — Les Bateaux du Louvre.
— Le chemin de fer Decauville. — Ce que gagnaient les cochers de fiacre ; les profits des « tapis-
sières ». — La Compagnie transatlantique, son Panorama. — Les Messageries. — Les transports,
à Paris, sur les omnibus, tramwavs .Nord et Sud, bateaux.
V. Les recettes de l'octroi. — La consommation à Paris pendant l'Exposition : pain, vin, alcool, bière,
viande, charcuterie, beurre et fromages, œufs, poissons, etc. — Les recettes de théâtre. — Les
recettes du Grand-Hôtel, des Grands Bouillons parisiens, des Bouillons Duval, le « Ventre de Paris ».
— La Compagnie Richer, les Chalets de nécessité.
VI. La tour Eiffel, — ce qu'elle a coûté, — ce qu'elle a rapporté aux actionnaires et au fondateur.
Les Bons à lots de l'Exposition, — leurs cours, — leurs lots et tirages.
Vil. iN'ombre de ticltets utilisés en 1867, 1878, 1889. — Les entrées à l'Exposition. — Le nombre des
exposants et des récompenses de 1802 à 1889.
VIII. Paris et l'Exposition : ce qu'il a gagné doit-il nuire à la piovinceï — Travaux divers fails à l'Expo-
sition. — Une pensée de Montaigne.
IX. Résumé général et conclusion. — Les profits de l'Exposition ; profits généraux et particuliers, —
Les petites industries: les marchands de gaufres, de cidre, de lickets; les restaurants et cabarets
à la mode. — Les aimées de la rue du Caire.
Profit moral. — La France aux yeux de l'étranger : ses dissensions intérieures; ses projets belli-
queux ; son gouvernement. — Les haines de peuple à peuple. — La confiance en nous-mêmes.
— Les produits étrangers. — La concurrence. — La protection et le libre-échange. — Paris et
la France en 1870-1871 et en 1889.
Il y a cinq nns, le 5 nnvemhi'e 188-4, M. Rouvier, minislre du commerce, adres-
sait à M. le Président de la République un rappoi-t tendant à ouvi'ir une Exposition
universelle en 1889.
Dans ce rapport, le ministre rappelait que la République, en 1798, avait décrété
la première exposition de l'industrie française ; que, depuis cette époque, la France
avait eu quatorze grandes expositions, et que la date de 1889 apparaissait au senti-
Iment national comme l'échéance d'une nouvelle exposition universelle.
Celte date, disait M. Rouvier, semblait indiquée par la périodicité de 11 à 12 ans
qui s'était établie entre les dernières expositions. Elle l'était bien plus encore parce
qu'elle devait coïncider avec le centenaire « d'une hégire chère au patriotisme
français ».
(1) Communication faite à la Chambre syndicale des industries diverses dans sa séance du 19 novembre,
par M. Alfred Keymarck, l'un des vice-présidents.
— 80 —
Un ilécrel conforme aux propositions du minisire fui signé par M. le Président
de la République: un arrêté ministériel nommait M. Antonin Proust commissaire
général de la future Exposition.
Si, à cette époque, l'ouverture d'une Exposition universelle, en 1889, était favo-
rablement accueillie dans le monde politi(]ue,ce ne fut pas sans controverses, sans
appréhensions, qu'elle fut acceptée par le monde commercial et industriel.
A quoi bon, disait-on, une exposition après celles de 1855, de 1867, de 1878?
Pourquoi, si nos produits sont supérieurs à ceux des nations qui nous entourent,
leur montrer les secrets de noire supériorité et, s'ils sont inférieurs aux leurs, avouer,
en quelque sorte, notre infériorité?
A quoi bon une Exposition universelle, c'est-à-dire une œuvre de paix, quand
l'Europe n'est qu'un vaste camp armé, quand la moindre étincelle peut metire le
feu aux quatre coins du continent, quand, enfin, nous nous débattons contre des
difficultés sans cesse renaissantes?
Pourquoi une exposition quand nous sortons à peine d'une crise financière, crise
de spéculation des plus intenses, le krach de 1882 qui a englouti des centaines de
millions?
Des objections de toute nature étaient faites contre le projet du gouvernement,
et, en se reportant aux journaux de l'époque, on peut voir que, si les partisans en
étaient nombreux, les adversaires n'étaient ni moins compacts, ni moins résolus.
Les Chambres syndicales, il faut leur rendre cette justice, donnèrent, après de
nombreuses discussions, leur appui chaleureux.
La Chambre syndicale des industries diverses tout entière, son honorable prési-
dent, M. Ducret, son bureau et les membres de la Chambre, appuyèrent chaude-
ment le projet du minisire et du gouvernement.
Nous avions tous la foi la plus complète dans le résultat de l'œuvre qui devait
s'accomplir; on pouvait penser que nous étions trop optimistes et que nous écar-
tions avec trop de facilité les difficultés que soulevait une telle entreprise.
Les faits répondent pour nous.
II.
Aujourd'hui, en effet, l'œuvre est accomplie. L'exposition est close. Elle apparaît
à tous comme la manifestation la plus brillante du génie français; elle a dépassé les
espérances les plus enthousiastes ; en France, dans le monde entier, ce n'a été
qu'un cri d'admiration. Et nous pouvons juger des résultats qu'elle a procurés en
donnant quelques statistiques, en cherchant à relever le profit que noire pays a pu
trouver dans cette manifestation économique, commerciale, industrielle, en établis-
sant, en un mot, ce que la France a gagné à l'Exposition.
En parlant « chiffres », je resterai, en vérité, dans l'esprit et le cadre, si je puis
m'exprimer ainsi, de l'Exposition.
A aucune époque, les chiffres, les statistiques, les graphiques, n'ont élé plus en
honneur qu'au Champ de Mars. Statistiques agricoles, financières, commerciales ;
statistiques de l'hygiène, de l'épargne, de la production, de la consommation; sta-
tistiques de la vie humaine ; statistiques des chemins de fer, des compagnies d'as-
surances, des receltes et dépenses budgétaires, des contributions directes et indi-
— 81 -
recles, du commerce, de la population, de la jusiice, etc., elles ont abondé dans
toutes les parties de l'Exposition, au Champ de Mars, à l'Esplanade des Invalides,
dans le magnifique groupe de l'Economie sociale, si admirablement dirigé et mis
en lumière par MM. Léon Say, Levasscur, Cheysson, de Foviile, Frédéric Passy,
Baudrillart, et qui a obtenu tant de succès! Les statistiques publiées par les minis-
tères et par les diverses administrations publiques, notamment celles de M.VL Tur-
quan et Loua, font le plus grand honneur à notre pays, en même temps qu'ils lui
rendent les services les plus utiles. La slatislique est im miroir fidèle de l'état d'une
nation, de la situation de telle ou telle branche de l'activité humaine; elle ne flatte
pas, elle reproduit et monire ce qui est; elle est tout à la fois un procès-verbal et
un avertissement : si, par elle, on se rend compte des progrès accomplis, des déca-
dences ou des défaillances survenues, par elle aussi on voit que tout n'est pas fait
quand il reste encore quelque chose à faire, un progrès à réaliser, une réforme à
accomplir; par elle, on compare et on marche alors avec plus d'assurance dans la vie,
plus de confiance dans l'avenir. On évite ainsi un des plus grands malheurs qui puis-
sent atteindre un peuple comme un individu, c'est-à-dire, l'immobilité, le station-
nement dans l'ouvrage entrepris, car le stationnement c'est la mort, et la société
doit continuer sa route vers le progrès et le bien.
IIL
Si notre pays a travaillé, s'il a gagné à cette Exposition, s'il a trouvé des profils,
ce sont les slalisticjues, ce sont les chiffres qui vont nous le dire.
Quoi de plus éloquent, quoi de plus convaincant qu'un chiffre? « Les chiffres,
a-t-on dit, gouvernent le monde ; non, ils indiquent comment il est gouverné ! î Rien
n'est plus vrai que celte pensée. Quoi de plus exact, en effet, pour s'assurer de l'état
économi(|ue d'un pays, que de consulter les grands éléments dont il se compose et
qui reflètent Va situation bonne ou mauvaise?
J'aurai donc recours aux bilans de la Banque de France, aux publications hebdo-
madaires des compagnies de chemins de fer, aux recettes budgétaires. Je prendrai
ensuite les chiffres que me fournissent plusieurs compagnies et sociétés particu-
lières et, de cet ensemble, se dégagera un résultat final.
Un des signes les plus frappants du profit, pour le pays, de l'Exposition univer-
selle, c'est, depuis l'ouverture de l'Exposition, l'augmen talion énorme de l'encaisse or
de la Banque de France. D'une année à l'autre, du 25 octobre 1888 au 24- octobre
1889, l'encaisse or a augmenté de 1,021,641,8^45 fr. 82 à 1,294,282,085 fr. 21,
soit une augmentation de 272,(540,240 fr. 08. Et c'est surtout depuis l'ouverture
de l'Exposition que cette augmentation s est produite.
Voici du 25 avril au 25 octobre, mois par mois, les chiffres de cette encaisse :
25 avril 1,012,387,409' 57-^
23 mai 1,033,337,477 33
20 juin 1,129,955,231 78
25 juillet 1,231,787,347 32
22 août 1,326,196,817 59
26 septembre 1,321,444,663 53
24 octobre 1,294,282,085 90
1" SÉRIE. 31« VOL. — N" 2. 6
— 82 —
D'avril 1889 à octobre 1889, l'augmeiilalionesl exactement de '282 millions, et on
peut voir que, plus cette encaisse s'accroît, plus le succès de l'Exposition s'affirme,
plus le nombre des visiteurs est élevé.
D'avril à mai .... 21 millions d'augmentation.
De mai à juin .... 86 — —
De juin à juillet . . . 112 — —
De juillet à août. . . 95 — —
D'août à septembre, l'encaisse diminue de 70 millions, mais cette diminution
lient à des causes particulières. La Banque a utilisé le trop-plein de son or pour
éviter en France le contrecoup du renchérissement du loyer de l'argent qui a eu
lieu sur toutes les places européennes ; depuis le mois d'avril, en effet, l'escompte
esll, 2 et 3 p. 100 plus haut à Londres, à Berlin, à Amsterdam, etc., que chez
nous ; une crise monétaire intense a sévi dans plusieurs pays, tandis que nous avons
l'argf nt aussi bon marché que possible et que la Banque n'a pas augmenté le taux
de son escompte. Qui a contribué à augmenter l'encaisse or de la Banque? Les
étrangers qui, venus en France, y ont apporté de l'or et l'ont dépensé.
Il est venu près de 000,000 voyageurs d'Angleterre à Paris, à l'occasion de l'Expo-
sition, depuis le 0 mai. Ces voyageurs se répartissent ainsi par ports d'arrivée :
Calais-Douvres: 313,702; Dieppe-Newhaven : 172,935; Boulogne-Folkestone :
101,834.
Le dernier mois de l'Expostion (octobre) compte pour 70,408 passagers, dont
40,950 i'î« Calais-Douvres, 18,163 via Dieppe-Newhaven, 11,924 via Boulogne-
Folkeslone.
En Amérique, on calcule que les Américains ont seuls apporté et dépensé chez nous
plus de 350 millions en or, et tout récemment, dans une notice d'une banque sé-
rieuse de notre place, qui examinait les causes de la crise monétaire argentine, on
évaluait à 70 ou 80 millions en or les capitaux apportés par les habitants de ce
pays qui sont venus visiter notre Exposition.
On estime qu'il est venu en France, à l'occasion de l'Exposition, 1,500,000 étran-
gers se réparlissant ainsi :
Belges, 225,400; — Anglais, 380,000; — Allemands, 160,000; — Suisses,
52,000 ; — Espagnols, 56,000 ; — Italiens 38,000 ; — Russes, 7,000; — Suédois
et Norvégiens, 2,500; — Grecs, Roumains, Turcs, 5,000; — Autrichiens, 32,000;
— Portugais, 3,500; — diverses nations de l'Asie, 8,250; — diverses nations de
l'Afrique, 12,000 (les Algériens forment la plus grande partie de ceux-ci) ; — Amé-
rique du Nord, 90,000; — Amérique du Sud, 25,000; — Océanie, Java, etc., 3,000.
Malgré les tristes prédictions qu'un ministre étranger ne craignait pas d'émettre,
du haut de la tribune, sur le « Paris révolutionnaire et son insécurité », on voit
que de tous les points du globe les nationaux de tous les pays ont afflué, et l'énu-
mération des personnages de marque qui sont venus à Paris est curieuse à citer.
Je l'emprunte à une chronique très bien faite qui a paru, il y a quelques semaines,
dans le Soir. Comme le dit l'auteur de ce travail, les visiteurs sont nombreux et
point du tout « nouvelles couches » dans leur immense majorité :
« Le roi des Hellènes, les princes de la famille impériale de Russie, le shah de
Perse, le prince de Galles, le duc d'Edimbourg, le prince Albert- Victor, le prince
Georye d'Aiiglelene, l'éiiiirAli Khan, le prince Biion de Couilande, le prince George
de BcauforI, le prince Jean II de LiclitensUin, l'archiduc Albert, le prince Mien
Trien, frère de l'empereur d'Annam, M. Dclyannis, le duc de Leuchtemberg, le
prince Borghèse, le prince Sourmonoff, le comte de Flandre, le prince Dolgorouki,
le prince WoronzofT, lord Ilamilton, lord Seyniour, le prince Rougouchoff, Thomas
Edison, le général Wannovski, l'ancien président de la République du Pérou, le
prince Pejatcki, le bey de Zibouti, le pi ince Manousky, le prince Eslerhazy, le duc
de Bragance, aujourd'hui roi de Portugal; le prince Radzivill, le baron de Frauen-
berg, l'amiral Macdoiiald, le prince Roslowsky, le prince Serge Garaznine, le prince
Allomont, le prince Blûcher de Walslalt, le chef de police de Budapest, M.Lincoln,
le prince Spielj' ry, lord Childers, le général Légitime, le général Ignatieff, le prince
Wserolojsky, lord Mariborough, l'archevêque Croke, le prince de Croy, le prince
Cantacuzène, M. Washburne, le neveu de l'empereur du Japon, Ali-kaoli-Kan, le
grand-duc Alexis, le grand-duc Michaïlowich, le prince Schakouskoy, le grand-duc
de Mecklembourg, sir Ashiey, le prince Baihyanyi, le baron Wolff, le gouverneur
de Saint-Pétersbourg Soulkowski, le duc Alexandre d'Oldenbourg, le général
Gouiko, Malcom Khan, le grand-duc Wladimir, le prince Alexis Oiloff, le duc de
Newcastle, lord Walsingham, le conseiller prince Baticheff, le lord-maire Whi-
tehead, le prince Hohenlohe, ancien gouverneur d'Alsace-Lorraine, lord Dufferin ,
etc. » J'en passe, mais cette énuméralion suffit.
IV.
Ce n'est pas seulement l'encaisse or de la Banque de France qui a augmenté dans
de fortes proportions, comme je viens de le montrer, mais les disponibilités de
l'épai'gne se sont accrues, comme le prouvent les capitaux déposés dans les grandes
banques de dépôt de Paris.
Voici quelques chiffres qui peuvent, à ce point de vue, servir d'indication :
FIN FIN
avril 1889. jp|ilerabre 1889.
Millions. Million!.
Société générale ( v i^S 160
Crédit lyonnais l ^ 189 227
Dépôts et comptes courants . . < « 27 30
Crédit industriel l'a. 41 46
Crédit foncier [ o 82 95
Totaux .... 472 558
L'augmentation des dépôts à vue, de fin avril à fin septembre, est donc de 86 mil-
lions dans les cinq établissements ci-dessus désignés.
Les recettes des grandes compagnies de chemins de fer nous fournissent une
autre preuve des profits que la France a retirés de l'Exposition.
Cette augmentation des recettes sur la période correspondante de 1888 dépasse,
fin octobre, 66 millions.
A aucune époque, il n'y a eu un plus grand nombre de marchandises et de voya-
geurs transportés; les trains ordinaires et supplémentaires, trains de voyageurs.
— 84 —
trains de plaisir à prix réduit, n'ont jamais été plus nombreux. El, fait tout à la
louange des grandes compagnies, malgré cet accroissement extraordinaire de trans-
ports, jamais les accidents n'ont été moins fréquents, jamais la surveillance n'a été
plus active et mieux entendue.
La compagnie du Nord a transporté 425,000 voyageurs en sus du mouvement
habituel, que l'on évalue à 700,000, soit 1,12.5,000 personnes.
Le service de statistique de la Compagnie de l'Est n'a pas encore terminé ses
comptes pour le semestre de l'Exposition, mais on croit bien que le nombre des
voyageurs transportés par tous les trains a alleinl un million.
La Compagnie a organisé 128 trains à prix réduits; dans ce nombre, il y en avait
20 venant de l'étranger par Délie, Belfort et le Saint-Golhard.
Les trains spéciaux ont conduit à Paris 103,000 voyageurs, dans lesquels les
Suisses, les Italiens et les Autrichiens étaient en majorité.
Les trains de plaisir de Nancy ont été plus particulièrement bondés. On comptait,
parmi les voyageurs, un giand nombre d'Alsaciens.
■ A l'Orléans, 100,000 personnes ont prohié de IGi trains de |)laisir.
Les comptes de la Compagnie de l'Ouest se cliiflVenl, au 31 octobre, par dix mil-
lions d'excédent de recettes sur la période correspondante de l'année dernière.
En deux jours seulement, les trains de plaisir du réseau P.-L.-M. ont déposé sur
le quai d'arrivée 21,500 Marseillais, Savoisiens, Bourguignons, etc.
Les sociétés parisiennes de transports ont prolilé dans de larges proportions de
l'ouverture et du succès de l'Exposition.
L'augmentation des lecettes de la Compagnie des Omnibus, sur la périoile cor-
respondante de l'année 1888, n'a pas été moindre de 4 millions pour les neuf pre-
miers mois de l'année ; pour la Compagnie des Voitures, elle atteignait 4,336,941 fr.
au 15 octobre ; cette augmentation était, fin septembre, de 2,000,381 fr. 80 pour
la Compagnie parisienne des voitures l'Urbaine. Sur la Seine des millions de voya-
geurs ont été transportés à l'Exposition par les Hirondelles et les Bateaux-Omnibus;
celle dernière Compagnie avait transporté, en 1878, 14,901,800 voyageiu's. En 1889,
elle a transporté, du 1" janvier au 1" novembre, 29,097,112 voyageurs, alors que,
pendant la même période de l'année 1888, elle avait transporté 12 millions de
voyageurs. Les recettes de 1889, comparées à celles de 1888, sont en augmenta-
tion de 1,558,000 fr. Les bateaux spéciaux du Louvre, qui étaient au nombre de
quatre, ont eu 1,320,000 passagers gratuits.
Mais il convient de faire observer que tous les voyageurs n'allaient pas exclusi-
vement à l'Exposition, ces steamers en rainialure desservant aussi Charenton, l'inté-
rieur de Paris, Meudon et l'hippodrome deLongchamps ; à aucune époque, on ne
vit, à Paris, une affluence aussi grande de palaches, de tapissières, de berlines, de
voilures de toutes sortes et de toutes dimensions. La statistique fait défaut pour
évaluer les recettes que ces entreprises particulières ont réalisées. D'après la Li-
berté, les compagnies et les loueurs exigeaient des cochers de fiacre une moyenne
variant entre 18 el 25 fr. par jour, ce qui semblerait prouver ([u'ils gagnaient au
moins pareille somme. Quant aux tapissières, elles ont fait des recettes inouïes;
le conducteur d'un de ces véhicules avouait avoir fait trente-trois courses, le jour
de la fermeture, à huit voyageurs à vingt sous l'un : cela fait 264 fr., — et il y avait
bien ce jour-là trois cents voilures du même genre sur le pavé de Paris.
Le chemin de fer Decauville, qui a été un des grands succès de l'Exposition, avait
— 85 —
Iransporlé, du 6 mai au 31 octobre, 6,342,670 voyageurs, au moyen de trains qui
ont parcouru 92,520 kilomètres. En ne percevant que le prix de 0 fr. 25, coût des
places de seconde, sans parler des premières qui coûtaient 0 fr. 50, la Société De-
cauville aurait reçu net plus de 1,500,000 fr. On peut dire que le Decauvillea été la
ligne la plus fréquentée du monde entier, puisque 10,000 voyageurs par heure ont
pu être conduits entre la place de la Concorde et le Palais des Machines: quelle
preuve plus manifeste de la solidité avec laquelle ce petit chemin de fer a résisté
à un travail aussi considérable, des services qu'il a rendus et de ceux qu'il peut
rendre?
Les compagnies maritimes, telles que la Compagnie Transatlantique, dont le Pano-
rama, à l'Exposition, a obtenu un si vit succès et a donné lieu, du 6 mai au 6 no-
vembre, à 1,097,416 entrées, les Messageries, etc., ont profité de l'affluence des
étrangers qui sont venus en France. 11 a fallu, à New-York, retenir plusieurs mois
à l'avance une cabine sur les paquebots de la Compagnie transatlantique, et pendant
toute la durée de l'Exposition, tous ces immenses bâtiments sont arrivés dans nos
k ports, chargés de passagers et de marchandises.
A aucune époque, on ne vit, à Paris, un plus grand nombre d'étrangers, de pro-
vinciaux ; jamais la circulation, le mouvement dans Paris n'a été plus actif.
Rien que pendant les trois premiers mois de l'Exposition (mai; juin et juillet), il
avait été transporté sur les : aâiiifi'b
Omnibus et tramvays . 52,858,401 voyageurs
Tramways Nord et Sud 16,215,825 —
Bateaux 10,393,217 —
En comparant ces chiffres à ceux de l'année 1888, M. Emile Berr, de la Société
de statistique de Paris, les traduisait d'une façon saisissante en disant, dans
le Figaro, que du 5 mai au 31 juillet 1889, les omnibus ont Iransporlé (en chiffres
ronds) 90,000 ; les chemins de fer parisiens, 22,000; les bateaux, 65,000 voyageurs
de plus par jour en 1889 qu'en 1888.
Les trains de ceinture ont transporté 30,000 voyageurs de plus par jour qu'en
1888. Les grandes compagnies de chemins de fer, pendant les mois de mai, juin,
juillet, ont transporté 1,878,747 voyageurs de phu qu'en 1888, sans parler de
6 millions et demi de voyageurs que les trains spéciaux du Champ de Mars ont
conduits à l'Exposition.
Pendant les mois d'août, septembre et octobre, l'Exposition a été dans son plein
Le nombre des visiteurs a été considérable et les chiffres prodigieux , mais exacts,
que nous citons pour les trois premiers mois quront plus que doublé pendant cette
dernière période.
•tufttofi'ub %ùl itmn^
V. . , .. ,
Les recettes de l'octroi de Paris devaient nécessairement se ressentir de cet afflux
de visiteurs. '«"«v ,»jsuij junià lyal)
Le produit des dix mois écoulés de 1889 présente une plus-Vàltie(}^1'0^39'8;7fr"fr,
I
— 86 —
par rapport aux prévisions budgétaires, et une plus-value de 9,946,551 fr. par rap-
port à la période correspondante de 1888.
Pendant le mois de mai, les recettes de l'octroi de Paris ont présenté un accrois-
sement de 1,082,645 fr. sur les receltes de mai 4888.
Pour juin, l'augmentation a été de 1,039,278 fr.
Pour juillet, de 1,139,029 fr.
Pour août, de 1,683,152 fr.
Pour septembre, de 2,022,155 fr.
Quelques cliiffres donneront une idée des principaux articles de consommation
que Paris a absorbés pendant les trois premiers mois de l'Exposition.
BN PLUS KN 1889.
Vins en cercle 1,195,654 hectol. 119,702 hectol.
Alcool pur et liqueurs 39,983 — 5,152 —
Bière 140,812 — 52,062 —
Viande de boucherie 43,036,650 kilogr. 1,490,396 kilogr.
— de porc 5,639,018 — 372,202 —
Charcuterie 636,874 — 430,189 —
Beurre et fromages 0,428,516 ~ " 17,141 —
Œufs 6,325,716 —
On a calculé, d'après l'octroi et les statistiques des Halles, que, pendant l'Exposi-
tion, Paris avait absorbé 180,555,000 kilogr. de pain, et que la consommation quo-
tidienne des viandes a été en moyenne :
Pour le bœuf, de 102,780 kilogr.
Pour le venu, de 121,532 —
Pour le mouton, de 97,629 —
Pour le porc, de 69,007 —
Pour le cheval et l'âne, de 12,252 —
On a consommé cbaque jour 209,293 kilogr. de volailles et gibier, 625,272 œufs,
92,573 kilogr. de fruits et primeurs et 1,200,632 kilogr. de gros légumes.
Comptons aussi 15,963 kilogr. de triperie, 79,180 kilogr. de beurre, 230,522
kilogr. de graisses diverses, 42,272 kilogr. de fromages.
Les conserves en boîte ne sont pas comprises dans ces chiffres.
Voici enfin les poissons : la consommation quotidienne a été de 18,249 kilogr. de
poissons d'eau douce, de 156,712 kilogr. de marée, de 41,270 sacs de 100 kilogr.
de moules, enfin de 412,532 douzaines d'huîtres !
Les visiteurs de l'Exposition n'ont pas oublié les distractions de toute nature que
l'intérieur de Paris leur offrait. Les théâtres ont fait des recettes splendides.
Une statistique publiée par le Temps, d'après des documents officiels, prouve que
la période de l'Exposition, loin d'avoir les conséquences désastreuses que redou-
taient les directeurs de théâtre, a été des plus favorables à leurs intérêts.
On sait que les établissements, théâtres, concerts, etc., -versant la contribution
du droit des pauvres sont classés en deux catégories.
Ils sont ou contrôlés ou abonnés.
Ceci étant posé, voici, en ce qui touche les années 1877-1878, 1888-1889, un ta-
bleau comparatif du nombre de ces étabhssements :
- 87 —
NomBre d'établissemenls.
r
1877
1878
1888
1889
Contrôlés 76
81
71
87
Abonnés 275
311
283
337
Totaux. . . 351
392
354
424
Différence en
faveur de
1878
1889
Établissements contrôlés. . . .
5
16
— abonnés ....
36
54
f
Voici maintenant le tableau connparatif du montant des recettes du droit des
pauvres perçu pendant les mois de mai, juin, juillet, août, septembre, des mêmes
années 1877-1878 et 1888-1889:
1877 1878 1888 1889
Mai. . . . 237,00T08'' 258,G06'67'= 259,92e)'62'' 2f)0,145f52'=
Juin . . . 131,098 38 354,691 47 182,281 07 318,399 47
Juillet. . . 118,628 81 318,162 61 157,038 92 370,222 38
Août . . . 133,317 96 369,210 61 144,838 67 490,345 21
Septembre. 199,204 04 488,535 51 214,558 05 597,286 25
Totaux. . 819,256'27« 1,789 ,206 '87' 958,643'33'= 2,045,398 '83=
Différence en faveur de 1878 969,950'60'
— — 1889 1,086,755 60
Les théâtres ayant, en conséquence, versé sous forme de contribution du droit
des pauvres, pendant la période des cinq mois cités plus haut de l'année 1889, une
somme de 1,086,755 fr. 50 supérieure à celle de l'année précédente, et correspon-
dant au dixième environ de la recette (chiffre approximatif), nous sommes en droit
de tirer la conclusion suivante, que les théâtres de Paris, établissements, con-
certs, etc., ont perçu pendant les cinq premiers mois de l'Exposition la somme de
10,867,555 fr. (dix millions huit cent soixmite-sept mille cinq cent cinquante- cinq
francs) en plus qu'à la période correspondante de l'année précédente.
Le mois d'octobre a ajouté encore son contingent de bénéfices.
Voici les receltes comparatives des théâtres de Paris, pendant les mois d'octobre
des trois Expositions:
1867 1878 1889
1,765,311 fr. 2,656,981 fr. 3,492,000 fr.
Soit une augmentation, en faveur du mois d'octobre 1889, de 836,211 francs
sur les recettes d'octobre 1878, et de 1,526,000 francs sur les recettes d'octobre
1867.
Enfin, voici les recettes totales des théâtres de Paris pendant ces trois Exposi-
tions :
1867 10,417,344 fr.
1878 13,074,927
1889 15,276,860
— 88 —
Oiiani aux reslauranis, aux hôtels, ils n'oni jamais fail d'afTaires aussi brillantes:
la slalistique de leurs recelles est impossible à établir, car toutes ces industries
appartiennent à des particuliers qui n'ont de comptes à rendre qu'à eux-mêmes.
Les sociétés fondées par actions, telles que le Grand Hôtel, les Grands Bouillons
Parisiens, les Bomllons Duval ne peuvent taire, à leurs actionnaires, les recettes
et bénéfices qu'elles ont réalisés. Ces bénéfices sont, pour le Grand Hôtel, de
1,500,000 francs plus élevés qu'en 1888.
Au 31 octobre, avec sept établissements dont trois de création récente, les
Grands Bouillons Parisiens avaient encaissé une recelte de 2,797,803 fr. 30. Quant
aux liouillons Duval, leur dividende de 1889 sera, dit-on, de 200 fr., alors qu'il
était de 95 fr. en 1888; de plus, il sera mis à la réserve 100 fr. par action : comme,
il existe 8,000 titres, cette augmentation du dividende et de la réserve suppose un
supplément de bénéfice de 1,640,000 fr. Les recettes des restaurants Duval à l'Ex-
position de 1878 avaient été de 2 1/2 millions : en 1889, les recettes faites dans les
bouillons Duval du Champ de Mars se sont élevées à 6 millions. On avait dit à tous
les étrangers et provinciaux que la vie était chère à Paris et que, pour goûter la
cuisine française, il fallait dépenser beaucoup. Le Matin, dans une chronique cu-
rieuse sur le « Ventre de Paris », a répondu avec raison que les étrangers ont été
grandement surpris en constatant que, si l'on mangeait mieux à Paris qu'à Londres,
à Vienne, à Madrid, à Rome, à Saini-Pétersbourg, à New- York, il en coûtait moins,
à qualité égale, à Paris que partout ailleurs.
Les Bouillons Duval, dont je citais i)lus haut les recelles extraordinaires, ont
servi, un de ces derniers jours (c'est M. Duval lui-même qui a donné ces chiffres à
un des rédacteurs du Figaro) :
20,089 repas dont 6,000 de 2 fr. 05 à 2 fr. 50;
4,549 de i fr. 55 à 2 fr. ;
4,06i de 2 fr. 55 îi 3 fr. ;
267 au-dessous de i fr. ;
95 au-dessus de 5 fr.
D'autres sociétés devaient, elles aussi, voir leurs affaires prospérer pendant l'Ex-
position. Je n'en citerai que deux : elles sont d'une nature particulière ; pour h sta-
tistique, les compagnies n'ont pas d'odeur et vous m'excuserez de vous parler de
la compagnie Richer et de la compagnie des Chalets de nécessité.
Au commencement de l'année, les actions de la compagnie Richer valaient envi-
ron 800 fr. ; elles sont maintenant au-dessus de 1,500 fr. ; les Chalets de nécessité
valaient 1,800 fr. ; ils se négocient maintenant à 1,900.
Les actionnaires de ces compagnies profilent, eux aussi, de l'aflluence des voya-
geurs et des bénéfices réalisés pendant l'Exposition.
VL
Avant de clore celte longue énumération de chiffres, voici quelques détails sur
deux entreprises qui ont contribué pour beaucoup au succès de l'Exposition de
1889; l'une est une entreprise industrielle : la Tour Eiiïel; l'autre, une opération
financière : les Bons de l'Exposition.
-m -
La Tour Eiffel, le clou lie l'Exposition, si l'on peut appeler clou cette immense
machine en fer, a coûté 7,514,094 fr. Voici, d'après un document fourni par l'admi-
nislralion elle-même, la décomposition de cette dépense (1) :
Terrassements et maçonneries 59:2,4:25 'Si"
Construction métallique 5,398,307 25
Charpentes en bois 193,760 51
Couverture, plomberie, zinc 230,082 74
Carrelage et parquetage 78,591 04
Menuiserie 34,3f5 86
Vitrerie 182,242 07
Ornementation en slafT. 256,141 50
Peinture 158,547 40
Imprévu et régie ; sommes à valoir . . . 190,227 66
Frais d'agence 192,822 52
Total égal .... 7,514,094 69
Dans le principe, le devis initial n'élail que de 7,2^3,384. fr., mais, par suite de
dépenses imprévues, il acte majoré de 280,716 fr., ce quiest un chiffre insignifiant
pour un ouvrage de cette importance.
Pour subvenir à celte dépense, une société fut formée au capital de 5,500,000 fr.
divisé en 10,100 actions de 500 fr. l'une; le surplus fut fourni par les subventions
|de la ville de Paris et de l'P^tat.
Aux termes des slatuls, le fondateur a reçu 10,100 aciions dites parts de jouis-
sance, qui ne doivent avoir droit au même revenu que les actions de capital, que
lorsque ces dernières auront reçu 500 fr. par action, c'est-à-dire le montant dé-
^boursé par chacune d'elles.
Quelques chiffres démontreront le succès matériel remporté par la Tour Eiffel et
fies béfiéfices obtenus par les actionnaires primitifs.
Les recettes brutes du 15 mai au 5 novembre ont atteint 6,459,584 fr. 20. Le
Lcapital primitif de 500 fr. par titre e.-t remboursé. Les actions de jouissance et paris
[de fondateur valent environ 400 fr. l'une, ce qui représente, pour les 20,200 titres,
liine valeur totale, d'après les cours de la Bourse, de 8,200,000 fr. Le souscripteur
jprimitif gagne donc 400 fr. par litre; le fondateur, M. Eiffel, s'il n'a pas encore aliéné
[ses actions, possède 10,100 titres qui, à 400 fr. l'im, représentent 4,400,000 fr.
Les Bons à lots de l'Exposition ont eu un grand succès et ont contribué pour
Ibeaucoup à augmenter l'aflluence des visiteurs. C'est le Crédit foncier, représenté
par son gouverneur, M. Christophle, qui eut l'idée de celte combinaison ingénieuse,
fut créé 1,200,000 Bons à 25 fr., munis de 25 tickets chacun, donnant droit
Jà 6 tirages de lots pendant la durée de l'Exposition, et remboursables ensuite, par
tirage annuel, avec lots et au moins à 25 fr. l'un, d'ici 1964. Les 1,200,000 Bons
ont ainsi fourni SO millions de lickels qui, chaque jour, subissaient des oscillations
de prix, conmie toutes les valeurs colées à la Bourse. Les Bons à lois, avec leurs
25 tickets, ont valu 28 fr. au plus haut et 14 fr. au plus bas. Quant aux tickets, ils se
sont négociés, comme prix extrêmes, à 0 fr. 90 et à 0 fr. 20. Un marché énorme
(1) M. de FoviUe a publié, dans le Journal des éco7iomisles , livraison de janvier, une conférence des
fl s intéressantes qu'il a faite au Conservatoire des Arts-et Métiers sur la tour Eiffel.
^- 9a —
s'était établi sur ces tickets sous le péristyle de la Bourse et aux abords de l'Expo-
sition; dans les rues de Paris on entendait à cliaque instant, comme un refrain à la
mode : « J'ai des tickets? Qui veut des tickets? Je prends et je donne des tickets! »
Des personnes qui auraient liésilé à débourser un franc pour entrer à l'Exposi-
tion, achetaient des tickets à 30, 4.0, 50, 60 centimes et, pour les utiliser, visi-
taient plusieurs fois l'Exposition, ou bien les donnaient à des amis, à des em-
ployés, à des domestiques! Lors de l'émission, on a pu, pour 25 fr., avoir 25 tickets
d'entrée, plus un lilre, solidement garanti, participant à des tirages de lots
de 500,000 fr., 100,000 fr., 10,000 fi., etc. Pendant les 6 tirages qui ont eu lieu de
mai en octobre, il a été distribué :
i lot de 500,000 500,000 fr.
5 lots de 100,000 500,000
7 — 10,000 70,000
60 - 1,000. 60,000
040 — 100 64,000
Total. ... 713 lots pour l,194,000fr.
De plus, après avoir participé à ces gros tirages, les Bons de l'Exposition démunis
de tickets auront encore à concourir annuellement aux tirages suivants :
De 1890 à 1809; De 1900 à 1964 :
1 lot (le 50,000 fr. 1 lot de 10,000 fr.
10 lots de 1 ,000 1 — 2,000
130 — 100 200 lois de 100
1,000 — 25
Soit au total, d'ici à 1964 :
10 lots de 50,000. 500,000 fr.
5 — 10,000 650,000
65 — 2,000 130,000
100 — 1,000. 100,000
14,200 — 100 1,420,000
65,000 — 25 1,625,000
79,440 lots pour 4,425,000 fr.
Au dernier tirage, tous les Bons en circulation non sortis avec lots seront rem-
boui-sés à 25 fr. l'un.
VII.
On ne pouvait imaginer une combinaison plus séduisante. Il a été utilisé
28,169,353 tickets sur les 30 millions qui étaient attachés aux 1,200,000 Bons
créés, représentant ainsi, sans compter les entrées gratuites, exposants, abonnés,
gens de service, etc., 28 millions d'entrées à l'Exposition de 1889, alors qu'aux
deux grandes Expositions précédentes de 1867 et de 1878, le nombre des tickets
perçus avait été de :
En 1867 8,407,209
En 1878 12,623,847
— 91 —
Kn 1889, la moyenne journalière des visiteurs qui sont entrés dans l'Exposilion
a été de 137,289; celle des tickels perçus, de 152,158.
Sur les 186 jours d'ouverture, les entrées se répartissent ainsi :
8 jours jusqu'à 50,000
• 41 jours de 50,000 à 100,000
86 — 100,000 150,000
19 — 150,000 200,000
19 — 200,000 250,000
5 — 250,000 300,000
G — 300,000 350,000
2 — 350,000 400,000
C'est le 10 mai 1889, un vendredi, que les entrées ont été le moins nombreuses
soit : 36,922. Les chiffres les plus élevés ont été atteints le dimanche 3 octobre,
soit : 387,877, et le jour de la clôture de l'Exposition, 373,000 entrées payantes
et 15,000 non payantes, soit au lutal : 388,000 entrées.
Enfin, après celte sialistiipie des visiteurs, on aimera aussi à connaître celles des
exposants et des récompenses.
Dans le tableau suivant, j'ai indiqué l'incessante progression des exposants et des
récompenses depuis l'an X (1802), date de la première grande exposition.
Voici quelle a été l'incessante |)rogression depuis le commencement du siècle.
EXPOSANTS. BÉCOUPENSES.
An X (1802) 540 254
1806 1,422 610
1823 1,642 1,091
1827 1,695 1,254
1834 2,247 1,785
1839 3,281 2,305
1844 3,960 3,253
1849 4,532 3,741
1855 23,954 11,033
1867 50,226 19,776
1878 60,000 29,000
1889 60,000 33,139
Les 33,139 récompenses accordées, en 1889, se répartissent ainsi :
Grands prix 903
Médailles d'or 5,153
— d'argent 9,690
— de bronze 9,323
Mentions honorables .... 8,070
De plus, il a élé accordé 5,500 diplômes de diverses catégories à un nombre égal
de collaborateurs.
M. Tirard, président du conseil, avait raison de dire, le 29 septembre dernier,
lors de la distribution des récompenses : « Ces chiffres considérables témoignent
beaucoup moins de la bienveillance de Messieurs les jurés que du mérite de l'en-
semble des exposants, et il est à craindre qu'il n'y ait encore bien des mécon-
tents et bien des blessures d'amour-propre. C'est le sort inévitable de tous les con-
cours. »
— 92 —
VIII.
Ainsi, de quelque côlé que l'on envisage les résultats de l'Exposition, on ne trouve
que profits et avantages : profits pour les particuliers, profits pour les sociétés, pro-
fits pour la ville de Paris, profits pour l'Elat dont les recettes budgétaires sont en
augmentation sensible sur celles réalisées l'an dernier.
En ce qui concerne les dépenses et les recettes de l'Exposition elle-même, l'en-
treprise laissera un excédent de 8 millions, alors qu'en 1867, l'excédent des recettes
avait été de 4 millions 130,840 fr., et qu'en 1878, l'excédenl, non pas des recettes,
mais des dépenses, avait été de 31 millions 704,890 fr.
Je sais bien qu'une objection a été faite surtout par ceux qui, ne croyant pas
tout d'abord au succès de l'Exposition, voudraient aujourd'hui prouver que ce que
les uns ont gagné, d'autres l'ont perdu, et qui prédisent, une fois l'Exposition close,
une misère noire dans la province, qui est venue dépenser beaucoup à Paris.
On dit, en effet, « tous ces bénéfices procurés par l'Exposition, c'est Paris, Paris
seul, qui en a profité. Les étrangers et les habitants de la province sont venus dé-
penser largement dans la capitale; les dépenses qu'ils ont faites ne pourront profiter
et n'ont profilé qu'à Paris. »
Il y a là une erreur d'appréciation, un point de vue inexact qu'il est nécessaire de
rectifier. Sans doute, il a été beaucoup dépensé à Paris ; sans doute, les commer-
çants, les industriels, tous ceux qui ont été mêlés à ce mouvement qui donnait à
notre capitale l'aspect d'une ville internationale, ont beaucoup gagné ; mais ce
qui a été acheté, consommé, vendu à Paris, no doit-il pas, en fin de compte, faire
retour à la province? Paris est le principal centre de consommation et d'approvi-
sionnement de la France. Les départements du Nord y vendent leurs charbons,
leurs huiles, leur bétail ; ceux du Midi, leurs vins et leurs alcools; ceux de l'Ouest
et du Centre, leurs bois, leurs bestiaux. On a beaucoup banqueté, beaucoup bu,
beaucoup mangé pendant ces six mois de fêtes. Je ne crois pas que jusqu'à présent,
les vignobles parisiens que nous connaissons par la piquette, agréable sans doute,
de Suresnes, aient supporté la comparaison, en qualité et en quantité, avec les vins
de Champagne, du Bordelais, de la Bourgogne ou avec ceux du Midi, ni qu'ils aient
pu suffire à la consommation de la population parisienne ; je n'ai jamais vu, si ce
n'est dans les prés fleuris du Jardin d'acclimatation, où une vingtaine de vaches
bretonnes donnent du lait aux bébés qui s'y promènent le dimanche, des pâturages
aussi vastes que ceux de la Normandie, de la Bretagne : sans les bestiaux du Cotentin,
de la Franche-Comté, de la Normandie, de l'Est et du Nord de la France, Paris
aurait été obligé, s'il avait compté sur sa production en bétail, de faire maigre.
On a consommé beaucoup de pain, beaucoup de farine. Les moulins parisiens, à
part ceux de l'Hippodrome de Longchamps et des Buttes-Montmartre qui forment
un joli décor d'opéracomique, sont tout à fait inconnus dans notre ville. Il y a eu
beaucoup de fêtes; on a fait de grandes dépenses de toilette ; couturiers et coutu-
rières ont vendu de riches et nombreux costumes. Je ne crois pas davantage que
Paris soit un centre de fabrication de draps, d'étoffes, de ces mille et un riens qui
font du Parisien l'homme fashionable entre tous, de la Parisienne, la reine de l'élé-
gance, et de tous ceux qui suivent d'aussi charmants modèles, des gens de goût et
de bon ton.
— 93 —
Ce n'est pas tout. Pour préparer l'Esplanade des Invalides et le Champ de Mars,
pour les mettre en élat de recevoir des constructions et permettre aux visiteurs de
s'y promener à l'aise, il a fallu bouleverser le terrain, remuer des milliers de
mètres cubes de terre, employer des milliers d'ouvriers.
Le cube total des terrassements pour le nivellement et les jardins a été de plus
de 200,000 mètres cubes.
La longueur des galeries souterraines élait de 700 mètres; celle des égouls de
3,510 mètres; celle de la canalisation du gaz de 3,000 mètres; celle de toutes les
conduites d'eau de près de 15 kilomètres. Au Trocadéro, on avait réservé à l'horti-
culture 40,000 mètres carrés; on a construit 25 serres, 14 pavillons et kiosques ;
dans les parties basses, on a planté des arbres fruitiers, des plantes potagères.
Les travaux de viabilité que le service de la voirie a eu à entretenir compre-
naient :
Pour le Champ de Mars (voies), 92,400 mètres carrés.
Pour l'Esplanade et le quai (voies), 32,400 mètres carrés.
Pour les trottoirs et bordures, 45,520.
Pour les parties de l'Exposition les plus fréi|uenlées pendant les travaux, on avait
fait des chaussées pavées, pour lesquelles on a employé 393,000 pavés.
Les allées des jardins ont reçu 6,800 mètres cubes de sable.
Le service d'entretien était fait par Go cantonniers.
La quantité d'eau employée a été de 730 mètres cubes par jour.
Enfin, neuf tombereaux enlevaient chaque jour une quantité d'ordures d'environ
85 mètres cubes.
Qui donc a fait, en grande partie, ces rudes travaux, sinon les ouvriers de la pro-
vince, les terrassiers et les maçons du Centre et de l'Est? Et ces magnifii|ues pa-
lais, véritables triomphes du fer, qui donc en a fourni les matériaux, si ce n'est la
province? Où sont les mines de fer parisiennes ? les forges parisiennes? Est-ce tout
encore? Faut-il parler des sociétés de transport, bateaux à vapeur, omnibus, voi-
tures, berlines de toutes dimensions qui ont gagné beaucoup en transportant des
millions de visiteurs? Est-ce Paris qui a fourni le charbon, les chevaux, fabriqué
toutes les voilures dont on a eu besoin? Il s'est dépensé beaucoup d'argent à Paris;
mais cet argent, sous mille formes diverses, retourne à la province. La capitale
n'a pas gagné ce que les départements ont perdu; la vérité est que la Frdiice en-
tière a trouvé gloire et profit dans celte splendide exposition qui restera l'honneur
de notre pays.
III ne faut donc pas porter envie à la prospérité, à la richesse de notre beau
Paris; et je serais tenté de dire, comme l'écrivait, il y a plus de trois siècles, notre
vieux Montaigne : « Je ne veux pas oublier cecy, que je ne me mutine jamais contre
fa France, que je ne regarde Paris de bon œil; elle a mon cœur dés mon enfance
et m'en est advenu comme des choses excellentes ; plus j'ay veu, depuis, d'autres
villes belles, plus la beauté de cette cy peut et gaigne sur mon affection : je l'ayme
par elle-mesme, et plus en son estre seul que rechargée de pompe estrangère; je
l'ayme tendrement, jusques à ses verrues et à ses taches : je ne suis François que
par cette grande cité, grande en peuples, grande en félicité de son assiette; mais
surtout grande et incomparable en variété et diversité de commoditez ; la gloire de
la France et l'un des plus nobles ornements du monde ! Dieu en chasse loing nos
divisions! Entière et unie, je la trouvé defïendue de tout autre violence. Je l'advise,
— 04 —
que de tous les partis, le pire est celui qui la rnelra en discorJe, et ne crains pour
elle, qu'elle-niesme »
IX.
J'ai cherché à indiquer aussi succinclemcnt que possible, dans celle élude déjà
bien longue, les bénéfices que le pays avait retirés de l'Exposition :
Augmentation de l'encaisse or de la Banque 282 millions.
— des recettes des chemins de fer C6
— des dépôts dans les élablissements de crédit. . 86 —
— des recettes de l'octroi il —
Total .U5 millions.
Ajoutez à ces 445 millions l'augmentation probable de 30 à 40 millions dans les
recelles budgétaires de celle année, et vous arriverez déjà à un chiffre global de près
de 500 millions.
Tels sont, dans leurs grandes lignes, les profils généraux du pays; parallèlement
à ces profils, vous avez vu ceux que les parliculiers et les entreprises privés ont re-
tirés. Ce sont des cenlaines de millions qui sont entrés, comme une riche aubaine,
dans les cai^;ses publiques et privées. On a calculé que plus de 6 millions de per-
sonnes étrangères à Paris: 1 1/2 million à 2 millions d'éti-angers et 5 millions
de provinciaux avaient visité l'Exposition cl on a essayé de faire une moyenne des
dépenses de chacun d'eux. On a supposé que les 1,500,000 étrangers avaient pu
dépenser 500 fr. chacun, soit 750 millions; les provinciaux, 100 fr. en moyenne,
soit 4 à 500 millions, soit au lolal, 1,250 millions.
On a cherché à évaluer les bénéfices de plusieurs petites industries et distrac-
tions. Un marchand de gaufres débilail journellement 20,000 gaufres à 0 fr. 15,
soil une recelle de 3,000 fr. ; un marchand de « cidre bienfaisant de Normandie »
gagnait journellement 25 fr. sur le quai d'Orsay; les vendeurs de tickets se faisaient
des journées de 15, 20, 25 fr. ; les recettes de ces restaurants el cabarets à la mode,
du Champ de .Mars, delà Tour Eiffel, de la célèbre rue du Caire, ont été fabu-
leuses; chez les aimées de la rue du Caire, la fameuse danse du ventre a eu le don
d'atlirer (piolidiennemenl environ 2,000 spectateurs : la recette générale est évaluée
à 400,000 fr., chiffre rond. De tels calculs peuvent permetire des fanlaisies, des
exagérations et surtout des inexactitudes; je me garderai bien de m'y livrer, il me
suffit d'avoir indiqué, avec documents officiels à l'appui, les principaux résultats
dont bénéficie le pays.
Mais, au-dessus de ces constatations consolantes, au-dessus de ces millions ga-
gnés et de ces profits matériels, aussi importants qu'ils soient, une richesse plus
précieuse encore, richesse incalculable, reste acquise à la Fiance : c'est le profit
moral qu'elle a retiré, la renommée el l'honneur qu'elle a acquis en entreprenant et
en réussissant une œuvre aussi considérable.
Les étrangers ont vu la France sous son vrai jour : ils la croyaient peut-être
livrée à des dissensions intérieures qui lui faisaient oublier ce qui assure l'avenir et
la prospérité d'un peuple, c'est-à-dire, le lravail,lecommerce, l'industrie, les beaux-
arts, les œuvres de la paix. Ils ont pu croire qu'elle ne songeait qu'à parlir en guerre
contre ses voisins el nourrissait sans cesse des projets belliqueux. Ils ont vu, au
— l)ô —
contraire, un peuple Iraiiquille, lier dans sa force, ne menaçant personne, accueil-
lant ses visiteurs avec joie, leur donnant une franche et cordiale hospitalité; jamais
Paris n'a été plus calme, jamais l'ordre n'a été plus assuré (1).
Rentrés chez eux, ils raconteront leurs impressions ; ils penseront aux merveilles
qui les ont éblouis, à cette explosion du génie français, produite par la collaboration
de l'élite intellectuelle, commerciale et industrielle d'une nation qui, au milieu de
son activité, n'a pas oublié les grandes œuvres sociales, en faveur des ouvriers, des
travailleurs, des malheureux, des déshérités des classes qui souffrent, ainsi qu'en
témoignent les magnifiques productions de l'exposition d'Economie sociale (2); ils
penseront aussi aux fêtes de Paris, où, au milieu de l'ordie le plus parfait, toutes les
classes de la société étaient confondues et ne formaient plus qu'une seule famille.
On leur a dit que la France et Paris étaient indisciplinés, ingouvernables; ils ré-
pondront par ce qu'ils ont vu : Un Président de la République tout dévoué à ses
devoirs, aimé et respecté de tous, accueilli partout avec le plus profond respect,
jouissant d'une popularité croissante dans tous les rangs de la société et rendant
plus précieuse encore à nos hôtes l'hospitalité française, par ses léceptions mer-
veilleuses de goùl, pru' son accueil plein d'aménité; l'autorité du gouvernement
partout respectée. A ceux qui nous méconnaissent, ils répondront encore qu'un
peuple qui travaille et opère de tels labeurs aime avant tout la paix, et considère
comme le souverain bien, le développement de son commerce et de son industrie.
Peut-être aussi, faisant un retour sur eux-mêmes, sur ce <[u'ils pensaient de nous,
avant de nous avoir vus et appréciés de près, les visiteurs étrangers se demanderont
si les attaques injustes, les défiances séculaires, les haines de peuple à peuple, ont
leur raison d'être; si les préparatifs de gueire et la guerre doivent être, pour
toutes les nations, le but final et l'idéal rêvé, à une époque où le monde civilisé se
montre chaque jour comme un immense Etat économique dont les différentes par-
ties, solidarisées par le travail, par le commerce, parles échanges, par les relations
quotidiennes d'affaires entre les individus, sont moins étrangères les unes aux
autres, que ne l'étaient, il y a un siècle, les différentes provinces d'un niênjc pays.
Ils penseront aux richesses que produit la paix, aux bienfaits qu'elle procure, et
aussi aux ruines et aux deuils que la guerre a enfantés.
Une des richesses les plus grandes, un des biens les plus précieux que l'Exposi-
tion nous aura donnés, c'est enfin la confiance en nous-mêmes, c'est la confirma-
tion nouvelle et la constatation, aux yeux de tous, des ([ualités maîtresses de la
France : l'opiniâtre travail de nos commerçants et de nos industriels, le bon goût
de nos artistes et de nos artisans, l'esprit d'ordre, d'économie et de prévoyance qui
règne dans toutes les classes de la nation.
L'Exposition a créé un mouvement considérable d'idées et d'affaires; elle nous
aura permis de comparer nos produits à ceux des nations qui nous entourent, d'a-
méliorer celles de nos productions qni en ont besoin, de faire connaître et de ré-
pandre an loin celles dont la supériorité est incontestable, de travailler encore
davantage pour marcher en avant dans la voie du progrès. Nous avons, nous aussi,
(1) l'Ius de 30 millions de visiteurs ont parcouru PExposition; les arrestations ont été seulement de
198 individus appartenant à 18 nationalités.
(2) Voir: L'Économie sociale à l'Exposition de 1889, communication faite au Congrès d'économie
sociale le 13 juin 1889, par M. E. Chevsson, ingénieur en chef des ponts et chaussées, président de la
section XIV de l'exposition d'économie sociale, ln-8''. Librairie Guillaumin.
— 96 -
remarqué de près lesamélioralioiis ac(|uises par plusieurs îtidustries étrangères, et
nous saurons en tirer un utile parti.
Nous avons tous vu les produits du coniinent et ceux d'outre mer, et admiré,
entre autres, les envois du Brésil, du Mexique, des belles colonies australiennes ; les
machines agricoles des Étals-Unis et, plus près de nous, la brillante exhibition de
la Belgique qui, si elle est un des plus petits pays sur la carte d'Europe, est une des
nations les plus avancées et les plus puissantes pour son industrie minière, manu-
faclurière et pour son agriculture. Elle tient un des premiers rangs pour l'extrac-
tion de la houille, la fabrication du fer et du zinc, la construction des machines, et
elle n'est pas moins brillante dans l'apprêt des tissus les plus modestes que dans la
confection des dentelles les plus riches et les plus variées. La Suisse, avec sa bijou-
terie et son horlogerie; l'Kspagne, avec ses vins et les richesses de son sol, mines
de cuivre, argent, plomb, mercure; l'Autriche-IIongrie, avec ses articles de bimbe-
loterie, sa cristallerie et verroterie, ses faïences ; la Russie, avec ses riches four-
rures et ses objets de luxe ornés de lapis, de malachite, ont obtenu les suffrages de
tons; et enfin, nous avons applaudi à l'exposition spéciale de nos colonies, de l'Al-
gérie, de la Tunisie, de la Cochinchine, de nos possessions des Antilles, de l'hide,
de rOcéanie, exposition dont l'importance et la variété ont été pour le plus grand
nombre des visiteurs une véritable révélation.
En contemplant ces richesses, nous avons tous pensé qu'il faut que la France
travaille, travaille toujours, tiavaille encore, pour tenir le premier rang, lutter
contre la concurrence qui l'enserre de tous côtés, produire bien et à bon marché,
alors que la main-d'œuvre, les frais de toute nature, les lourds impôts (|ue nous
supportons, rendent nos prix de revient d'autant plus élevés.
Nous nous sommes dit aussi, nous qui sommes les ennemis de la protection et ne
demandons rien qu'à notre activité, à notre persévérant travail, nous qui aimons
le h'bre commerce et le libre échange des produits, combien il est étrange de voir
l'Europe presque entière et même la France, revenir aux idées de protectioimisme,
vouloir la disette au lieu de l'abondance, la cherté au lieu du bon marché, créer des
barrières artificielles pour empêcher le commerce de s'étendre. Par la plus singu-
lière des contradictions, on paye des ingénieurs pour faciliter les relations de peuple
à peuple, creuser des ports et des canaux, couper des isthmes, franchir les mers en
creusant des tunnels sous-marins ou en établissant des ponts sur l'Océan; on éta-
blit des chemins de fer dans toutes les parties du monde, on relie toutes les nations
par des lignes lélégraphi(]nes et téléphoniques, et ensuite, on place des douaniers
à la frontière pour empêcher et entraver les communications elles échanges.
Tels sont quelques-uns des enseignements, des profils moraux que la France aura
retirés de celte magnifique Exposition qui, du premier jusqu'au dernier jour, favo-
risée par un temps radieux et par une afïluence inouïe de visiteurs venus de tous
les points du globe, n'a été qu'un immense succès. Ils ne sont pas moins nombreux
ni moins précieux que les profits matériels, que les millions que celte grande fêle
du travail aura laissés dans tout le pays.
En définitive, la France n'a rien perdu de sa grandeur: frappée durement, elle a
mûri à l'école de l'adversité, et elle vient de prouver qu'il ne (aut jamais désespérer
d'elle puisque ses enfants sont capables de tels efforts. Alfred NEYMAHCK.
Le Gérant, 0. BEiiGiïR-LEVUAULT.
JOURNAL
DE LA.
SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DK PÂKIS
r
N» 4 — AVRIL 1890.
I.
PROCÈS-VEnBAI. DE LA SÉANCE DU 19 MARS 1890
SoMMAiRt. — Discussion et vote du budget de la Société. — ConfiM-enees Uellectiasse. — La Table de
mortalité de la Caisse des retraites, par M. Fontaine. — Gommuniculion de M. Neymarck sur la répar-
tition des actions et obligations des chemins de fer.
La séance est ouvcrle à 9 lieures sous la présidence de M. Octave Keller.
Le procès-verbal de la séance du 19 février est adopté.
M. le Secrétaire général énumère les publications qui ont été reçues par la Société
depuis la précédente réunion. La liste de ces publications se trouve ci- après (1).
Il est procédé à l'élection de membres nouveaux :
M.\l. Gruner, ingénieur, présenté par .MM. Octave Keller et Dujardin-Beaumetz;
Plassard (Jules), directeur du Bon-.Marché et administrateur du Crédit fon-
cier, présenté par MM. Th. Ducrocq et Paul Ghalvet;
sont élus, à l'unanimité, membres tilulairfs de la Société de slalislique de Paris.
M. Alfrfld Neymarck, rapporteur de la commission des comptes, présente au
nom du Conseil un rapport sommaire sur la situation financière de la Société. Il
résulte des comptes annexés au présent procès-verbal que l'ensemble des ressources
tant ordinaires qu'extraordinaires de l'exercice 1889 s'est élevé à 10,633 fr.,
tandis que les dépenses ont atteint la somme de 9,371 fr. L'excédent des receltes
se trouve dès lors porté à 1,262 fr. La situation est donc favorable, mais on n'a pu
l'obtenir qu'en réduisant les dépenses au strict nécessaire, et en ne donnant qu'une
faible subvention aux travaux scientifiques de la Société. H y a donc un progrès à
réaliser à cet égard, et il sera facilement atteint si les membres actifs de la Société
(1) Voir à la dernière page du présent numéro.
U^ SÉRIE, 31e vol.. — S« 4.
— 98 —
s'elTorcenl, par leur propagande, à nugmenler son personnel actuel, qui se compose
de 380 membres, dont i29i2 seulement sont payants.
Le bilan accuse un actif de 27,993 fr. placés en renies. 11 est à craindre seule-
ment que, par suite de la conversion prochaine du 4 1/2, la Société n'éprouve de ce
chef une perte sensible aussi bien dans son capital que dans son revenu. Le Conseil
aura à aviser, en temps utile, à prendre les mesures nécessaires pour sauvegarder
cette fortune.
Le Conseil s'est attaché ;i établir le budget de 1890 conformément aux prévi-
sions suggérées par les comptes. Ce budget se résume, en recettes, par une somme
de 10,930 fr. et, en dépenses, par 9,986 fr., mais il y a lieu d'espérer, pour cette
année même, une augmentation des receltes, et une diminution notable des dé-
penses ordinaires, ce qui donnera à nos comptes une élasticité qui leur fait encore
défaut.
En résumé, le rapporteur ne peut que remercier M. le trésorier du zèle qu'il a
apporté dans ses fondions, et le féliciter du bon résultat de sa gestion
M. le Président dit n'avoir que peu de mots à ajouter au résumé si clair que vient
de présenter M. Neymnrck. Il se contentera d'appeler l'attention de la Société sur
les frais de location de la salle de nos séances qui se sont élevés, en 1889, acces-
soires compris, à la somme de 1,020 fr. il estime que cette dépense pourrait être
diminuée par le choix d'un autre local, et à cette occasion il ne croit pas mieux faire
que de donner lecture d'une lettre dans laquelle M. Cheysson recommande et préco-
nise le Palais des Sociétés savantes, où un local convenable nous est offert au prix
de 500 fr., et nous assure l'organisation permanente d'un restaurant, tant pour nos
banquets avant les séances que pour nos repas individuels à des prix modérés.
M. Cheysson insi.'^tc sur le rapprochement que cette installation nous vaudrait avec
les autres sociétés savantes, ainsi que sur la faculté de participer aux services col-
lectifs constitués dans l'hôlel. Il y a là, ajoute M. le Président, une série d'avantages
qui ne sont pas à dédaigner, mais, d'autre part, un changement de quartier et
un déménagement inopiné sont choses graves, sur lesquelles il est bon de consul-
ter la Société tout entière.
A la suite d'une discussion à laquelle prennent part MM. de Crisenoy, Ducrocq,
Donnât, Thierry-Mieg, Lédé et Turquan, qui se déclarent les uns pour, les autres
contre la mesure proposée, l'assemblée se prononce pour l'ajournement de la ques-
tion à la prochaine séance et décide qu'elle sera portée en tête de l'ordre du jour.
.M. Alfred NEVMAncK, rapporleur du budget, demande à ajouter quelques mots
à son exposé : « Si, dit-il, notre budget se solde par un léger excédent et si nous
avons été obligés de modérer nos dépenses, cela lient, M. Donnai m'excusera, au
retrait de la subvention de 1,000 fr. de la ville de Paris, retrait qui a eu lieu sans
qu'on nous en ait fourni les motifs et qui nuit à notre expansion, n
M. Donnât ignorait ce retrait, mais il déclare qu'il fera au conseil municipal les
démarches nécessaires pour faire rétablir la subvention dont il s'agit.
Cette déclaration est accueillie par les plus vifs applaudissements.
M. le Président met aux voix l'approbation des comptes du trésorier, ainsi que le
budget de la Société pour l'exercice 1890, tel qu'il a été étabU par la commission
des comfites.
Les comptes et le budget sont adoptés à l'unanimité.
Avant de passer à l'ordre jour, M. le Président annonce que les conférences
— !)9 —
organisées par la Société de slatisliijiie en faveur îles aspiraiils à rintendance mi-
lilaire ont pris fin le samedi 22 février. Inaugurées par noire illustre confrère
M. E. Levasseur, elles se sont poursuivies avec le concours de MM. Cheysson, Ber-
tillon, de Foville, Pigeonneau, Relier, Tisserand et quelques-uns de ses collabora-
teurs. Elles ont porté sur les principales brandies de la stalisti(|ue, et quelques-
unes d'entre elles peuvent être considérées, malgré leur brièveté obligée, comme de
véritables traités sur la matière.
« Chargé, en l'absence de M. Cheysson, retenu chez lui par un cruel deuil de famille,
(le faire la conférence de clôture, j'ai reçu verbalement, dit M. Relier en terminant,
ul nous recevrons bientôt officiellement, de l'autorité militaire (|ui a bien voulu
accepter notre concours, le témoignage de sa haute satisfaction. »
La parole est à M. Fontaine pour la suite de sa communication sur la table de
mortalité de la Caisse nationale des retraites.
.'\près avoir indiqué la méthode employée pour dresser cette table, M. Fontaine
en fait, ressortir les principaux résultat?, qu'il compare à ceux des tables anté-
rieures, et principalement à celles de Deparcieux et des quatre compagnies.
Sur une interrogation de M. Loua, l'orateur fait connaître une particularité
(|u'offre la nouvelle table, el qui ne se trouve pas exprimée dans celle de Depar-
cieux, c'est un maximum de mortalité qui se produit à l'âge de 22 ans et qui cesse
dès l'âge suivant, pour laisser à la mortalité son cours régulier.
M. TuRQUAN fait obseiver que ce maximum, qui porte sur l'ensemble des deux
sexes, a déjà été remarqué en ce qui concerne le sexe féminin.
M. le Président remercie M. Fontaine de sa communicalion, qu'on pourra mieux
apprécier lorsqu'elle aura été publiée dans le Journal.
M. Alfred Neymauck, qui obtient la parole après M. Fontaine, fait une analyse
rapide d'une étude qu'il vient de terminer sur le Classement el la réparlUion des
actions cl des obligations de chemin de fer dans les portefeuilles. Dans ce travail,
qui paraîtra in extenso dans un des plus [)rocliains numéros de notre Journal, l'ora-
teur s'attache à combattre ce préjugé que quelques riches financiers sont seuls â
posséder les valeurs de ces compagnies ; la vérité est que ces valeurs sont aujour-
d'hui dispersées dans une multitude de petites bourses, et rentrent, pour la plus
grande partie, dans l'épargne populaire. Toute attaque faite au crédit des grandes
compagnies ne peut donc qu'être très préjudiciable à la démocratie financière,
c'est-à-dire à la masse même de la nation.
M. Neymarck reçoit en terminant les félicitations de ses collègues.
M. le Président fixe ainsi qu'il suit l'ordre du jour de la prochaine séance :
1° Suite de la discussion sur le projet de transport du siège des séances de la
Société au Palais des Sociétés savantes.
2° Communication de M. Fravaton sur le contrôle des compagnies d'assurances
sur la vie et de ses rapports avec la statistique.
La séance est levée à onze heures.
— 10(1 —
ANNEXE AU l'UOCÈS-VEHBAL.
COMPTES DE 1889
ET PROJET DE BUDGET POUR L'EXERCICE 1890.
I. RESSOURCES
A. — Ressources oruinaires.
RESSOURCES
réaliiéeB prévues
en 1889. pour 1890.
. . (des renies ' 987 fM 1,032^ »
Arrérages . . • j d,, legs Roiirdin . 30 » 30 »
Colisalionsnonra-( 14-4 cotisations encaissées en 1889. . 3,000 » » »
chetées à 25 fr. 1 150 colisalions à encaisser en 1890(1) » » 3,750 »
.. , rl03cn1889 1,832 10 » »
Abonnemenls. .ji68en1890 . » ., 1,900 »
'de la ville de Paris (en suspens). . . » » » »
du Ministère de l'inslriiction publique
Subvenlions. . . { (contre 25 exemplaires du Journal
de la Société) 300 » 300 »
du Ministère de l'agriculture. . . . 1,200 » 1,200 »
Vente de numéros du Journal . 24 10 y .f-a
Vente de 5 volumes du 2.5' anniversaire 37 00 '
Totaux des ressources ordinaires. . . 8,017 74 8,308 »
B. — Ressources extraordinaires.
Rachat de colisalions en 1889 1,000*^ » >,
Annuités de 1880, 1887 et 1888 perçues en I a nnn
1889 200 00 1 ^''*"" * * *
Annuités payables en 1890 perçues en 1889. 100 00 )
Rachat de cotisations en 1890, y compris l'arriéré . . . » > 1,300 »
Cotisation de 1888 perçue en 1889 25 » » »
Du trésorier pour la médaille Bourdin 108 » » »
Total des ressources extraordinaires. . 1,433 » 1,300 »
■ C. — Reliquat libre des exercices antérieurs.
Encaisse au 1" janvier 72 10 151 74
Cotisations arriérées (2) 000 » 000 »
Abonnemenls arriérés 510 » 510 »
1,182 10 1,201 74
• ■.: ■i:-'7l
(1) Le personnel en 1890 se compose de 380 membres, savoir :
4 membres d'honneur;
I3ô membres fondateurs;
150 membres titulaires;
7 membres correspondants ;
84 membres associés;
380
(2) Les recouvrements à opérer sur les exercices antérieurs (cotisations) ont été frappés d'une
dépréciation de 300 fr.
— KM —
fc Rf^CAriTUr.ATION.
■ A. — Ressources ordinaires 8,OI7'7i 8,368' »
B B. — Ressources extraordinaires 1,433 » 1,300 »
K. C. — Reliquat libre des exercices anlérieurs 1,182 10 1,261 74
10,632 84 10,929 74
BILAN AU 31 DECEMBRE 1889
I. — ACTIF.
1° Renies : Emploi du capital engagé:
Legs Rourdin : 36 fr. de rente 3 p. 100 . . 997 '60
/ 36 fr. de rente 3 p. 100 . . 952 20
Valeur 306 fr. de rente 4'/ p. 100. 7,830 95
prix d'achat j 645 fr. de rente 3 p. 100
( amortissable 17,497 95
Provision à placer en rente 713 90
Total de la valeur des renies placées et à placer 27,992*^60
2° Mobilier: Deux corps de bibliothèque . . 2,800^ »
Amortissement 300 »
Reste. . 2,500 f »
Chevalet, appareil n° 7 pour pro-
jections 70 »
Amortissement 20 »
Reste 50 ï
Total de la valeur du mobilier 2,550 »
3''Débiteurs : Cotisations et abonnements 1,110' »
Annuités 800 »
Total des débiteurs 1,910 »
4° Espèces en caisse . ^ ,,'.,,'^,.'. 151 74
5" Matériel, imprimés: Évaluation 1887 avec diminution de 50 fr.. . 950 >
6° Bibliothèque : Valeur des livres composant la bibliothèque (pour
mémoire). » »
Total de l'actif 33,554 ""34
IL — PASSIF.
1° Capital engagé ou de réserve :
Versements effectués pour rachat de cotisa-
tions 27,495^ «iQO/QQfpA
LegsBonrdin. 997 60 r^''*^^ ^^
A déduire :
Robinol de La Pichardaisde 1882 250 ») rnn
Laffineur de1881 250 M '^"'^ *
>
Capital engagé 27,992^60
2° Capital libre :
Débiteurs (1) 1,910 »
Espèces en caisse . 151 74
Total du capital libre . 2,^161 74
(I) liCs recouvrements à opérer sur les exercices antérieurs (cotisations) ont été frappés d'une dépré-
ciation de 300 fr.
— 102 —
3° Maléricl, bibliollièque el mobilier :
Collections, compte rendu des conférences de statistique
de 1878 et volume (lu 25° anniversaire 950' »
Deux corps de bibliollièque 2,500 »
Chevalet, appareil pour projections 50 »
Total. . 3,500 »
Total du passif 33,554^34
II. DEPENSES.
A. — Charges ordinaires.
DÉPENSES
fuites prévue»
en 1889. pour 1890.
Secrétariat, procès-verbaux, administration, publications. 1,100' » 1,100' »
Indemnité au trésorier 900 » 900 »
Frais de recouvrement el de publicité 115 » 115 »
Impression du Journal 4,382 10 4,300 »
Rédaction du Journal ; . 384 » 600 »
Frais de location et dépenses accessoires des séances. . 1,020 50 1,000 »
Frais de convocations, gratifications el divers 234 80 235 »
Réserve pour faire face à la destination du legs liourdin. . 30 » 36 »
Totaux des dépenses ordinaires .... 8,172 40 8,286
B. — Charges extraordinaires.
Immobilisation pour acbal de renies sous forme de capital
engagé ...... 713 90 1,300 »
Exposition de- 1889 376 80 » »
Crédit éventuel ouvert au Piésidenl pour représentation
de la Société » » 200 »
Bibliothèque et dépenses diverses » » 200 »
Médaille d'or. — Prix Bourdin 108 » » »
Totaux des dépenses extraordinaires. . . 1,198 70 1,700 »
Récapitulation.
.4. — Charges ordinaires 8,17240 8,286
B. — Charges extraordinaires 1,198 70 1,700
Totaux généraux des dépenses 9,371 10 9,986
— 103 —
II.
DE LA NATIONALITÉ
AU POINT DE VUE DU DÉNOMBREMENT DE LA POPULATION DANS CHAQUE PAYS
ET DE LA LOI FRANÇAISE SUR LA NATIONALITÉ DU 26 JUIN 1889. (SuUe.)
APPENDICE
Rapport adressé au Ministre de la Justice par M. Bard, directeur des affaires
civiles et du sceau, sur l'application de la loi du 26 juin 1889 sur la natio-
nalité. {Journal Officiel du 16 février 1890. — ExtniUs[\.].)
<s Monsieur le Garde des sceaux, une nouvelle et imporlante loi sur la nationalité
est entrée en vigueur le 26 juin 1889. Il a paru intéressant d'examiner dès cette an-
née les effets de cette loi et les résidtals qui paraissent se dégager de ses premières
applications. On précisera, par la même occasion, les conditions dans lesquelles
fonctionne la naturalisation, car le rôle et la portée de cette institution ont été
tantôt exagérés, tantôt dimiimés, faute de renseignements statistiques suffisamment
complets et détaillés.
« En ce qui concerne la loi du 26 juin 1889, il faut distinguer deux ordres de
dispositions. Les unes attribuent de plein droit la qualité de Français à des indivi-
dus qui jusque-là vivaient sur notre territoire en dehors de notre nationalité, et qui,
désormais, seront Français sans qu'aucune mesure ait besoin d'être prise à leur
égard. Les autres visent l'acquisition de la nationalité française, soit par décret, soit
par voie de déclaration désintéressés, c'est-à-dire par la naturalisation ordinaire ou
par une sorte de naturalisation de faveur mise à la disposition des étrangers qui se
trouvent dans certains cas déterminés.
« Le nombre des individus devenus Français par l'effet pur et simple de la loi ne
peut être évalué qu'approximativemenl. D'après la statistique de 1886 (ministère
du commerce), sur 1,126,531 étrangers établis en France, 431,423 étaient nés sur
notre territoire. La loi du 26 juin 1889 déclare Français sans faculté de répudiation
ceux qui sont nés d'un étranger né lui-même en France. Le nombre des répudia-
lions ordinairement effectuées pour échapper au service militaire, était, d'ail-
leurs, extrêmement restreint.
« Quant aux individus nés en France d'un étranger qui n'y est pas né, la nationa-
lité française leur appartient désormais de plein droit lorsqu'à leur majorité ils sont
domiciliés en France, sauf la faculté qui leur est réservée de décliner notre natio-
nalité en prouvant qu'ils ont conservé celle de lenrs parents et qu'ils ont répondu
à l'appel sous les drapeaux dans le pays i|u'ils revendi(iuent pour leur patrie. La
différence essentielle entre le régime nouveau et la législation antérieure, c'est
qu'autrefois ces individus avaient besoin d'ac(]iiérir la nationalité française soit en
(1) Très postérieurement à notre communication du 17 décembre 1889 à la Société de statistique de
Paris, le Journal officiel du IC février 1890 a publié cet important rap;iort sur les premiers résultats
de l'apiiiitalion de la loi du 20 juin 1S80, Nos appréciait ins et nos prévisions s'y trouvent confirmées par
les passages et les chiCTres dont les présents extraits font connaître la portée.
Th. DucaocQ.
— 104 —
prenanirinialitive d'une déclaralioii (|ui ne pouvait être faite après vingt-deux ans,
soil en se soumettant à la procédure de l'admission à domicile et de la naturalisa-
tion, tandis que depuis le 26 juin dernier tout individu né en France et qui s'y
trouvera domicilié à sa majorité est Français sans avoir aucune formalité à accom-
plir. Il est présumé appartenir au pays où il est né et où il est établi; c'est pour
sortir de la nationalité française et non pour y rentrer qu'il peut avoir à faire certai-
nes démarches.
< Le nombre des répudiations paraît devoir être assez faible, .entant, en effet, on
acceptait volontiers le bénéfice des lois précédentes qui présumaient l'extranéité
et par suite ne faisaient pas du service militaire une obligation formelle, autant, en
présence des dispositions nouvelles sur le recrutement et la nationalité, les indivi-
dus fixés en France liésiteronl à décliner une nationalité dont ils recueillent en
grande partie les avantages. Il convient d'ajouter que ces individus sont exclus par
le législateur du droit deiéclamer ultérieurement la qualité de Français par voie de
déclaration, et que le Gouvernement s'inspirera évidemment de l'esprit de la loi en
leur refusant la faveur de l'admission à domicile ainsi que celle de la natiu'alisation.
« Les répudiations de ce genre, comme d'ailleurs toutes les déclarations relatives
à la nationalité, sont actuellement vérifiées, et, lorsqu'elles sont régulières, enre-
gistrées à la chancellerie ; le relevé qui en a été fait pour le second semestre de
1889 ne donne qu'un nombre de 49 répudiations. Mais l'applicalion du régime
nouveau peut, en cette matière, comporter pour les intéressés une période d'incer-
titude el de tâtonnements dont il y a lieu, si courte qu'elle soit, de tenir compte
dans une mesure notable. La proportion indiquée ci-dessus ne doit donc pas être
considérée comme normale, el les résultats de l'année courante serontseuls décisifs. »
Les naluralisalions el déclarations en France.
Sous l'empire de la loi de 1867, le nombre total des admissions à domicile a
élé de 29,679.11 était de 303 en 1868, de 5,082 en 1888. Les naturalisations n'ont
été que de 10,123.
Du 26 juin au 31 décembre 1889, première période d'applicalion de la loi nou-
velle, il y a eu 2,223 naturalisations, chiffre très notablement supérieur à ceux que
donnait l'application de la législation antérieure. Pendant la même période, le nom-
bre des admissions à domicile, qui avait élé de 2,152 avant le 20 juin, est tombé
à 471, un grand nombre de ceux qui auraient sollicité cette mesure se trouvant
dans le cas d'être naturalisés immédiatement.
Au point de vue de la condition sociale, sur ces 2,223 natui alises on trouve
91 rentiers, 142 exerçant des professions libérales, 389 industriels ou commer-
çants établis à leur compte, 324 employés de commerce ou d'administration,
884 ouvriers ayant un métier spécial, sur lesquels 713 sont occupés dans la petite
industrie et 171 seulement dans de grandes usines, dans des chantiers ou des mi-
nes. Il y a 42 travailleurs agricoles el 61 marins pêcheurs, presque tous des bords
de la Méditerranée.
Au point de vue du pays d'origine, si l'on fait abstraction des Alsaciens el des
Lorrains annexés, qui forment le contingent le plus élevé des naturalisés, on trouve
(|iic c'est ritaiie qui donne le chiffre le plus important (563). Viennent ensuite
463 Belges ou Luxembourgeois, 9! Suisses, etc. 11 convient d'ajouter immédiate-
— 105 —
menl que la fM'opoilion des étrangers fixés en France et qui deviennent Français
par voie de déclaralion est an contraire en faveur des Belges, et cela depuis l'im-
portant arrêt rendu par la Cour de cassation, le 7 décembre 1883.
Si l'on rapproche pour chaque nationalité le nombre des hommes naturalisés de
celui des résidants du sexe masculin (statistique de 1886), ce sont les pays de race
slave qui donnent la proportion la plus forte, puis successivement l' Autriche-Hon-
grie, la Grèce, les Étals Scandinaves. Les pays voi.sinsde la France donnent, au con-
traire, une proportion très faible: la Suisse 2. 024 pour 1,000 résidants, la Belgique
1.092 pour 1,000, l'Espagne 0.467 pour 1,000 (21 naturalisations seulement en
1889).
En ce qui concerne les déclarations pour obtenir la qualité de Français, le service
du sceau a relevé les chiffres suivants: déclarations en vue d'obtenir la qualité de
Français: 1° faites devant les maires avant la loi du 20 juin 1889, 3,971; 2° faites
devant les maires depuis la loi du 20 juin 1889, mais avant le décret du 13 août
1889, 17 ;3" faites devant les juges de paix depuis le décret du 13 août et enregistrées
avant le 1" janvier de la présente année, 173. Total : 4,101.
Si l'on additionne les chiffres relevés ci-dessus (non compris celui des enfants
mineurs d'individus naturalisés ou réintégrés), on trouve les totaux suivants : De-
venus Français par décret, 6,623; devenus Français en vertu de déclarations véri-
fiées au ministère de la justice, 4,161. Total : 10,784.
Les naturalisation^ daiis les colonies.
La loi du 20 juin 1889 est applicable à l'Algérie. On évalue à environ 100,000
le nombre des étrangers nés en Algérie et qui habitent actuellement l'une des trois
provinces. En vertu de la nouvelle loi, leurs enfenis nés eux-mêmes en Algérie
sont désormais irrévocablement Français.
En 1889, le nombre des naturalisés, en y comprenant 31 indigènes admis aux
droits de citoyen, est de 1,546 individus.
Sur les 1,318 hommes naturalisés, défalcation faite des indigènes musulmans,
504 appartenaient à l'armée, 814 à la population civile.
Sur les 814 civils, 517 étaient célibataires, 175 étaient nés en Afrique, 639 hors
d'Afrique. On comptait 438 Italiens, 104 Espagnols, 38 Maltais. La province de
Constanline donne .334 naturalisations, Alger 28t, Oran 199. La proportion est en
sens inverse du nombre des étrangers résidant sur le territoire des trois départe-
ments.
Les professions exercées par les 814 naturalisés civils se répartissent ainsi:
• Agriculture, commerce, industrie, 257; pêche maritime, 406; emplois divers,
■ 121 ; professions libérales, 12; propriétaires et rentiers, 18.
[* Le quart des indigènes admis aux droits de citoyen appartient aux professions
p libérales. Le surplus se répartit d'une façon à peu près égale entre les emplois pu-
yblics, l'armée et l'agriculture ou le commerce.
Y En Tunisie, le nombre des naturalisations a été de 47. Il est de 43 pour l'Indo-
■ Chine.
— 106 —
III.
RÉSULTATS STATISTIQUES DE CINQ ANNÉES DE DIVORCE.
Il y a cinq années que le divorce a été rétabli en France, et le Journal oijiciela
donné récemment, en même temps que les autres diiflres bruts relatifs au mouve-
ment de la population, le nombre de divorces enregistrés depuis la mise en vigueur
de la loi du "27 juillet 1884. Ces chiffres nous ont paru assez intéressants pour
faire l'objet d'une étude particulière, dont nous allons exposer rapidement les résul-
tats ci-après :
Il y a eu, en France, 17,177 divorces prononcés depuis 1884.jusqu'au31 décembre
1888 : nous allons examiner comment ces divorces se répartissent par année, puis
par département ; nous examinerons ensuite quelles sont leurs causes et combien
proviennent de conversions de séparalions de corps; puis nous les distinguerons
d'après l'âge des divorcés, d'après la durée des mariages dissous. Enfin, nous étu-
dierons dans quelle mesure les diiïérenles professions ont contribué à fournir un
chiffre aussi gros de divorces.
Le nombre des divorces a été le suivant, pour chacune des cinq années écoulées:
1884 (cinq mois). . .
1885
1886
1887
1888
Total 17,177 ^ 23,0
Si l'année 1884 avait été complète, c'est elle qui aurait fourni le plus de divorces :
il paraît clairement que la loi rétablissant le divorce était impatiemment attendue,
et que beaucoup de couples n'ont guère perdu de temps pour se séparer. Les
divorces diminuent jusqu'en 1880, pour reprendre de plus belle ; l'année dernière
a presque égalé les douze premiers mois qui ont suivi la mise en vigueur de la loi.
Le divorce semble donc entrer de plus en plus dans les mœurs. Il ne faut cepen-
dant pas se bâter de conclure que le nombre des ménages dissous augmente ; il
faut tenir compte de l'importance parallèle des séparalions de corps; plus il y a de
divorces, moins il y a de séparations de corps.
Il convient de rappeler également que la loi du 18 avril 1886 a simplifié la pro-
cédure du divorce ; les effels de celte loi ne se sont point fait attendre, et, d'après
les comptes de l'administration de la justice civile (Journal officiel du 24 août), les
tribunaux qui, en 1885 et 1886, n'avaient statué que sur 2,330 et 3,190 divorces
non précédés de séparation de corps, n'en ont pas vu porter devant eux moins de 5,434
en 1887. Quoi qu'il en soit, le nombre des divorces augmente d'année en année et
atteint aujourd'hui le chiffre considérable de 17,177. Comme il y a, en France,
7,472,000 ménages de personnes mariées, on peut dire qu'il y a eu 23 divorces sur
Pour 10,000
niéuagcs.
1,657
soit 2,2(1)
-1,227
- 5,7
2,949
- 4,0
:],()3C.
- 5,0
4,708
- 6,1
(1) Mais 6.6 pour 10,000 ménages si l'année avait été complète.
— 107 —
10,000 ménages, ou un divorce pour 4ïJ5 ménages. C'est là une moyenne générale
pour tout l'ensemble de la France ; il sera iniéressant d'examiner comment celte
moyenne varie suivant les régions et suivant les départements. Sur 100 divorces,
30, soit près du tiers, ont été fournis par le seul département de la Seine (5,208
en chiffres absolus), 45 p. 100 l'ont été par l'ensemble des villes de France, c'est-à-
dire par la population urbaine, et le quart, soit 25 p. 100, l'a été par les cam-
pagnes. Si l'on se souvient que la population du département de la Seine est à peu
près égale à la dixième partie de la population des campagnes, on pourra conclure
que le divorce est près de 12 fois plus fréquent dans la capitale que parmi les
ruraux. Il y a eu dans la population urbaine deux fois et demie moins de divorces
qu'à Paris, mais cinq fois plus que dans les campagnes, toutes proportions gardées,
bien entendu.
Les départements qui ont compté le plus de divorces depuis 188-4 sont: la Seine,
5,208; la Gironde, 634; Seine-et-Oise, 612; le Nord, 587; les Bouches-du-
Rhône, 555; le Hhône, 549; la Seine-Inférieure, 493; l'Aisne 415; l'Aube, 329;
l'Eure, 318; l'Oise, 311; la Somme, 302; la Marne, 292; le Calvados, 276;
Meurtlie-et-Moselle, 229; le Pas-de-Calais, 228; ("Isère, 217; Seine-et-Marne,
211, et enfin la IJaute-Garonne, 206. Ces 19 départements, à eux seuls, compren-
nent plus de 70 p. 100 des divorces prononcés. Ceux qui en ont enregistré le
moins sont la Lozère, 2 divorces; la Savoie, 8; les Hautes-Alpes, 9; le Cantal, 10;
la Corrèze, 12.
Mais pour donner à ces chiffres leur véritable signification, il convient de com-
parer le nombre des divorces à celui des couples existants. Nous avons dit plus
haut que l'on a compté, en moyenne, en France, 23 divorces sur 10,000 ménages,
pendant la période 1884-1888; il y en a eu dans la Seine 88 pour le même nombre
de ménages, et cent fois moins dans la Lozère. C'est dans le centre du bassin de la
Seine, dans l'Aube, l'Oise, la Marne, l'Eure, d'une part, et dans des départements
isolés, mais contenant de grandes villes, comme les Bouches-du-Rhône,lc Rhône, la
Gironde, que l'on a compté le plus de divorces pour 10,000 ménages.
Il est inconteslable que la Bretagne et la Vendée, pays religieux, ainsi que cer-
tains pays montagneux, semblent offrir infiniment moins de ménages désunis que
la capitale et ses environs, mais il faut remarquer que dans ces départements le
nombre des séparations de corps est très grand relativement. Ainsi, dans le Finis-
tère, il y a eu trois fois plus de séparations de corps que de divorces et, dans les
Côtes-du-Nord, cinq fois plus. Les proportions inverses sont observées dans la Seine
et dans l'Aube.
Notre attention a élé adirée par la proportion anormale de divorces prononcés
dans le département de l'Aube, et nous nous sommes demandé quelle était la raison
pour laquelle le divorce est si populaire dans ce déparlement. Renseignements
pris, nous avons su que le divorce est très en honneur parmi les ouvriers (bon-
nefiers principalement) do l'Aube, et que l'assistance judiciaire accueille très faci-
lement les demandes qui lui sont faites en vue de pouvoir divorcer sans frais.
Voilà une raison, certes, à laquelle on était loin de s'attendre.
Voici, au surplus, comment se classent les dé|»artements d'après l'ordre de fré-
quence respective du divorce (résultat des cinq années).
k
108 —
Nombres de divorces par 10,000 ménages.
88 Seine.
54 Seine-ct-Oise.
52 Aube.
50 Bouclies-du-Rhône.
37 Eure. — Gironde.
33 Aisne. — Marne. — Oise. — Rhône.
30 Seine-Inférieure.
28 Calvados. — Var.
26 MeurIhe-el-Moseile.
25 Seine-el-Marne. — Somme.
24 Eure-et-Loir.
23 Gard. — Vaucluse.
22 Alpes -Maritimes. — Ardennes. —
;.< Haute-Garonne. — Nord.
50" Côte-d'Or.
19 Charente -Inférieure. — Indre-et-
Loire. — Isère. — Haute-Saône.
i8 Basses-Alpes. — Meuse.
il Doubs. — DrOme. — Sartlie.
46 Hérault. — Lot-et-Garonne. — Saône-
et-Loire.
15 Loire. — Pas-de-Calais. — Pyrénées-
Orientales.
14 Charente. — Loir-et-Cher. — Yonne.
13 Orne. — Belfort.
12 Loiret. — Tarn-et-Garonne. — Vosges.
1 1 Corse. — Loire-Inférieure. — Maine-
et-Loire. — Haute-Marne.
10 ,Iura.
9 Manche. — Puy-do-Dôme.
8 Ain. — Gers. - Nièvre.
7 Aude. — Hautes-Pyrénées.
0 Cher. — Indre. — Deux-Sèvres. —
Tarn. — Haute-Vienne.
n Allier. — Ardèche. ■ — Dordogne. —
Finistère. — Ille-et-Vilaine. —
Landes. — Haule-Loire. — Lot. —
Mayenne. — Morbihan. — Haute-
Savoie.
4 Hautes-Alpes. — Vienne.
3 Ariège. — Creuse.
2 Aveyron. — Cantal. — Corrèze. —
Basses-Pyrénées. — Vendée.
1 Côtes-du-Nord. — Lozère. — Savoie.
Tout d'abord, la plus grande partie des divorces ont été de simples conversions
d'anciennes séparations de corps, les proportions suivantes en font foi.
DIVORCES l'aOPOBTlON
par conversion p. 100
lie sé[»arations dus divorcej
lie corps, par conversion.
1884 1,549 93p7l00
1885 2,163 53 —
1886 1,300 33 —
1887 1,112 19 —
On remarque surtout l'accroissement inquiétant des demandes de divorces directs,
c'est-à-dire non précédés de séparations de corps.
Causes des divorces. — Les neuf dixièmes des demandes en séparation de corps
sont fondées sur des excès, sévices ou injures graves ; pour les demandes en divorce,
cette proportion n'est plus que des trois quarts (76 p. 100). L'adultère, qui n'est
invo(|ué que dans les neuf centièmes des cas pour obtenir la séparation de corps,
l'est, au contraire, dans le cinquième des afi'aires (21 p. 100) pour arriver au
.divorce; enfin, l'époux dont le conjoint a été condamné à une peine alîliclive et
infam.3nte représente 1 cas sur 100 pour la sé[iaialion, mais 3 cas sur 100 pour le
divorce. Pour la tolalilé des cas dans lesquels l'adullère est invoqué, l'adultère du
mari l'a été i29 fois sur 100, et celui de la femme 71 fois. H ne faudrait cependant
pas tirer de ces deux dernières proportions des conclusions fermes sur la moralité
respective de chacun des époux en général ; on sait que l'adul'.ère de l'homme et
— 109 —
celui (le la femme ne soiil pas tous deux envisagés de la même manière par le
législateur.
Divorce par l'nje. — En mettant de côté les 1,657 divorces de la fin de l'année
1884, qui n'ont pas été classés d'après l'âge des parties intéressées, nous trouvons
que les 15,521 divorces constatés pendant les quatre années qui suivent se sont
classés de la manière suivante, par âge :
Déparlement Population Population „
DlvouciiES. Je la Seine. urbaine. • rurale. ''''^^■
Au-dessous de 20 ans 10 79 16 105
De 20 à 25 ans 243 546 359 1,U8
De 25 à 30 ans 748 1,286 047 2,081
De 30 à 35 ans 1,023 1,564 828 3,415
De 35 à 40 ans 1,039 1,393 723 3,155
De 40 à 50 ans .' 1,049 1,465 813 3,331
De 50 ans et au-dessus 495 714 417 1,626
Totaux 4,607 7,047 3,867 15,521
Toutes projiortions gardées, les femmes divorcées sont donc plus âgées à Paris
qu'en province, mais surtout qu'à la campagne; c'est entre 30 et 45 ans que l'on
en rencontre le plus.
Département Population Population
UIVORCKS. A \ a ■ v. ■ i TOTAL.
de la Seine. urbaine. rurale.
Au-dessous de 20 ans 1 7 2 10
De 20 à 25 ans 32 98 58 1 88
De 25 à 30 ans 280 547 319 1,146
De 30 à 35 ans 798 1,279 703 2,780
De 35 à 40 ans. . 1,128 1,033 908 3,669
De 40 à 50 ans 1,386 2,132 1,178 4,690
De 50 ans et au-dessus 982 1,351 099 3,032
Totaux 4,607 7,047 3,807 15,521
Pour ce qui est des hommes divorcés, c'est entre 35 et 50 ans qu'ils sont les plus
nombreux ; mais leur répartition par âge est presque exactement la même à Paris
et dans les villes qu'à la campagne. .
L'âge moyen du divorce était, l'année dernière, 40 ans 8 mois, pour les hommes,
et 35 ans et 7 mois, pour les femmes; il était, au commencement de la mise en
vigueur de la loi du "11 juillet 1884, 44 ans 6 mois pour les hommes et 39 ans
8 mois pour les femmes. L'âge moyen a diminué d'un an, à très peu près, par
année, depuis que le divorce est rétabli. Cela montre bien suffisamment combien
les piemières années ont été influencées par la liquidation des anciennes unions
mal assorties ou irréconciliables.
La durée moyenne du mariage dissous était, en effet, 16 ans, en 1885; elle est
actuellement de 12 ans et onze mois.
Voici comment se décomposent, d'après la durée de l'union dissoute, les
4,708 divorces enregistrés pendant les années 1885 et 1888.
— 110 —
AHNKB 1885. ANNKK 1888.
-Nombres Proportion Nombres Proporlroii
absolus. p. 100. absolus. p. 100.
Moins (le 2 années 33 0,8 121 2,0
De2à5ans 205 4,9 520 11,0
• De 5 à 10 ans 765 18,0 1,275 27,2
De 10 k 15 ans 1,01'J 24,1 1,162 24,7
De 15 îi 20 ans 870 20,6 740 15,7
De 20 à 25 ans 602 14,2 437 9,3
De 25 ans el au-dessus 733 17,4 453 9,5
Totaux 4,227 100,0 4,708 100,0
Les proportions ont donc totalement changé depuis quelques années. 11 n'y a
que pour la durée de 10 à 45 ans de mariage que la proportion est restée la même
(près d'un quart). Kn 1885, 23 p. 100 des unions dissoutes avaient moins de
10 ans de durée; aujourd'hui cette proportion dépasse 40 p. 100; à la même
époque, 32 p. 100 de ces unions comptaient plus de 20 ans de durée; aujourd'hui,
on n'en compte que 18 p. 100.
Divorce suivant les professions. — Nous avons vu plus haut (|ue le divorce
n'était pas répandu dans toute la France de la même façon et qu'il était plus fré-
quent dans les départements commerçants et manufacturiers que dons les départe-
ments agricoles ; d'un autre côté, le département de la Seine et les villes en comp-
tent beaucoup plus que la campagne ; on peut déjà tirer de ces constatations cette
conclusion (|ue l'agriculture fournil peu de divorces.
Conformément aux instructions ministérielles, les divorces ont été classés par la
statistique d'après la profession de l'homme divorcé. Voici comment se sont répartis
les 15,521 divorces enregistrés pendant la période 1885-1888 (quatre années), dans
les douze groupes professionnels prescrits:
DIVOKCÉB.
Militaires et marins 247
Fonctionnaires publics. 612
Propriétaires et rentiers 1,365
Professions libérales 870
Agricidleurs (patrons el chefs d'exploitations) 764
Industriels (patrons) 1,016
Commerçants (patrons) 1,935
Employés de commerce et d'industrie 2,073
Ouvriers et journaliers de l'industrie 4,176
Ouvriers et journaliers de l'agriculture 1,252
Domestiques attachés à la personne 310
Autres professions 901
Total 15,521
Les groupes professionnels qui auraient le plus usé du divorce seraient donc, en
première ligne, les ouvriers industriels, puis les commerçants et leurs employés,
enfin les propriétaires et rentiers, et les ouvriers agricoles.
Mais ce classement n'est pas rationnel: la comparaison ne serait complète que si
l'on comparait le nombre de chaque groupe professionnel avec l'effectif même de
— 111 —
ce groupe, tel f|ii'il ressort de la statistique du dénombrement de la population.
Encore il faut admettre, faute de données suffisantes, que la proportion de per-
sonnes mariées reste la même, ce qui est vraisemblable, dans chacun des groupes.
Aussi aurons-nous soin d'écarter des comparaisons qui vont suivre les militaires
et marins et les domestiques, parmi lesquels le nombre de personnes mariées est
très faible.
NOMBUES
des divorces.
Agnculleurs propriétaires et faisant valoir. "lô sur 100,000.
Ouvriers et domesliques agricoles ... 73 soit 3 fois plus que les premiers.
Industriels (patrons) 128 — 5 — —
Ouvriers de l'industrie 19d — 8 — —
Fonctionnaires 254 — 10 * — —
Propriétaires et rentiers 277 — 11 — —
Commerçants 294 — 12 — —
Employés du commerce et de l'industrie. 366 — 15 — ' —
Professions libérales 433 — 17 — —
C'est donc l'agriculture qui fournit le moins de divorces — un divorce sur
4,000 propriétaires faisant valoir — et c'est dans les titulaires de professions
.libérales que l'on a le plus de goût pour celte institution: 483 divorces sur
100,000 tilulaires, soit un divorce sur i230 titulaires. Parmi ces derniers, le divorce
est 17 fuis plus fréquent que chez les agriculteurs.
La statistique des divorces que nous venons d'exposer rapidement offre donc des
aperçus nouveaux et inléressanis sur la solidité respective des liens du mariage,
suivant les professions; nous les compléterons en disant, d'après les rapports de
l'administration de la justice civile et commerciale, que les propriétaires,les rentiers,
les titulaires de professions libérales, les cultivateurs, ont plus souvent recours à
la séparation de corps qu'au divorce, et que, au contraire, les commerçants, les
ouvriers et les domestiques usent plus volontiers du divorce que de la séparation
de corps.
On sait que les ouvriers, les paysans ont Iieaucoup d'enfanis, alors que les gens
aisés des villes, les titulaires des professions libéiales en ont peu ou point ; c'est
peut-être là aussi qu'il faut chercher à expliquer en partie le peu de goijt des pre-
miers pour le divorce ; si l'on consulte les statistiques qui distinguent les divorcés
en deux catégories, suivant qu'ils ont des enfants ou qu'ils n'en ont pas, voici ce
que l'on observe : sur 16,233 familles de divorcés dont on a pu connaître le nombre
d'enfants, il s'en est trouvé 7,818, soit 48 p. 100, qui étaient sans enfants; ainsi près
de la moitié étaient stériles ou n'avaient pas eu le temps d'avoir des enfants.
Il importe de rappeler que, lors du dernier dénombrement, toutes les familles
avaient été classées, dans chaque catégorie d'état civil, d'après le nombre de leurs
enfants, et que la même remarque avait déjà été faite.
{Économiste français.) Victor Turquan.
— 112 —
IV.
LES ACCIDENTS D'APPAREILS A VAPEUR.
Un lableau délaillé des explosions d'appareils à vapeur est dressé cluique année
en France, au minislère des travaux publics, par les soins de la commission cen-
trale des appareils à vapeur. Les renseignements qu'il contient méritent toute con-
fiance, parce qu'aux termes de la législation en vigueur tou(e explosion donne lieu
à une enquête et à un procès-verbal de la part de l'autorité cliargée de la police
locale et des ingénieurs des mines, ou bien, s'il s'agit d'appareils installés sur des
bateaux, de la part de la commission de surveillance, commission dont les ingénieurs
font partie.
L'objet principal de l'enquête est de décwivrir la cause de l'accident ; le nombre
des victimes, tués ou blessés, qui forme un élément important de la question, est
toujours consigné dans les procès-verbaux et dans les rapports dressés à ce sujet.
Ces pièces officielles sont transmises aux autorités administratives ou judiciaires,
en exécution de l'ordonnance royale du 23 mai 1843 relative aux bateaux à vapeur
qui naviguent sur les fleuves et rivières, de l'ordonnance royale du 17 janvier 1846
relative aux bateaux à vapeur qui naviguent sur mer, enfin du décret du 30 avril 1 880
portant règlement d'administration publique sur l'emploi de la vapeur dans les ap-
pareils fonctionnant à terre. Ce dernier décret, qui remplace l'ancienne ordonnance
du 22 mai 1843 et le décret du 25 janvier 1865 reliitif aux chaudières à vapeur
autres que celles des bateaux, oblige expressément, par son article 38, le chef de
Vctahlissemenl à prévenir immédiatement l'ingénieur chargé de la surveillance, s'il
arrive un accident quelconque ayant occasionné la mort ou des blessures ou n'ayant
entraîné que des dégâts matériels. Un rapport est dressé dans tous les cas, parce
qu'il importe à la sécurité publique de rechercher toutes les causes susceptibles de
déterminer des explosions.
Le Journal officiel ainsi que les Annales des mines et la Slalisliquedel'induslrie
minérale et des appareils à vapeur, publient annuellement le Tableau des accidents
arrivés dans l'etnploi des appareils à vapeur, tel qu'il est dressé parla commission
centrale. On y trouve la daledel'accident, la nature et la situation de l'établissement
où l'appareil était placé, la nature, la forme et la destination de cet appareil, les
circonstances de l'accident, ses conséquences pour les personnes et pour les choses,
enfin sa cause présumée.
Nous avons dépouillé les tableaux concernant les huit dernières années, en nous
plaçant au point de vue des risques inhérents à l'emjjloi de la vapeur, et en avons
extrait les données suivantes, pour la France et l'Algérie réunies :
Tauleau.
11:3 —
A C i: I D K S T S V I (' T 1 M K f
ANSÉES.
avant fail
' des
\iclimes.
n'iiyanl pas
t'aïL de
viciinies.
ÎVoiiibi'o
10 lai.
Tués.
ayuilluliùiné
nliis
de 20 jours.
Bli-ssés
ayaiuclionit-
moins
de 20 jours.
Noinhre
10 toi.
1880. . .
19
6
25
30
30
»
60
1881. . .
19
10
29
15
10
M
36
1882. . .
30
7
37
40
20
19
79
1883. . .
17
17
34
40
62
30
132
1884. . .
25
12
37
46
40
34
120
1885. . .
18
7
25
34
33
29
96
1886. . .
23
7
30
33
24
14
71
1887. . .
21
15
36
17
17
33
67
Moyennes des I g^ g ^q.^ 3j q 3^;, qg - 21,2 82,6
8 années, j >''''' >
A travers les variations que présentent les chiffres ci-dessus, d'une année à l'autre,
on découvre, avec un peu d'atlenlion, une sorte de régularité fatale. Les accidents
sont plus ou moins graves, occasionnent plus ou moins de victimes, ou n'en font
aucune, suivant des chances mystérieuses. Mais leur nombre annuel ne présente
que des écarts médiocres; il oscille autour du chiffre de 31 ou de 32. Celui des
morts approche du même chiffre, en présentant toutefois des écarts plus grands.
Si l'on néglige les personnes légèrement blessées, et dont le chômage n'a pas atteint
50 jours, on voit qu'en moyenne la moitié des victimes, grièvement atteintes, ne
survit pas aux blessures ou aux brûlures reçues. C'est In fréquence des morts, par
rapport aux blessés, (|ui caractérise les conséquences funestes des explosions.
Le tableau statistique suivant, concernant la période anli'rieure (1873-1879),
confirme nos observations. Il y a lieu de remanjucr que certaines personnes bles-
sées légèrement n'y figurent pas, leur nombre n'ayant pas été donné.
SSÉES.
1873
1874
1875
1876
ACCIDEKTS.
30
32
26
35
22
35
35
TCKS.
37
54
26
28
40
37
35
BLESSÉS
48
63
31
51
1877
32
1878
31
1879
Moyennes
des 7 années. .
52
31
37
44
En comparant les moyennes relatives aux deux périodes 1873-1879 et 1880-1887,
în est amené à constater que le nombre des accidents est slationnaire, et que celui
jes morts tend plutôt à diminuer. Or le nombre des appareils à vapeur n'a cessé
l'augmenter chaque année. On comptait en France 67,489 chaudières et récipients
m activité en 1873; il y en a eu 404,360 en 1887, soit moitié plus.
On peut conclure de là, avec une entière certitude, qu'il s'est produit, dans l'in-
[lervalle, une diminution relative des accidents causés par l'emploi de la vapeur et
[une amélioration incontestable sous le rapport de la sécurité.
l^e SÉRIE. 31« VOL. — M» 4. 8
- 114 —
La commission centrale des appareils à vapeur range les causes présumées des
accidents en trois catégories, savoir :
1° Conditions défectueuses d'établissement.
Construclion, disposition, installation ou malières défectueuses.
2° Conditions défectueuses d'entretien.
Usure, fatigue ou amaincissement du métal, réparations (pour d'autres causes)
non faites ou défectueuses.
3° Mauvais emploi des appareils.
Manque d'eau (suivi ou non d'alimentation intempestive), excès de pression, au-
tres imprudences ou négligences.
Les causes restées inconnues ou diverses forment une quatrième catégorie.
Le total annuel des causes présumées est supérieur à celui des accidents corres-
pondants, parce que le même accident est souvent dû à diverses causes réunies.
Pour la période de 1880 à 1887, la statistique ainsi définie a donné les cliiffies
suivants :
Causes présumées des accidents.
UONDJTIOSB lUPBDDEItCES „.„._„
, défectueuies ou negligencei . ,„ ,„ „.
AHHIBfl. 1 mcojïDuef
«a CI M» a. ^^ ^m (lanH
.... ou
— d'éublisiemeul . d'entrelien. , *'"P **'.. diverse*.
aei appareil!.
1880 A 9 13 3
1881 3 7 20 2
1882 10 22 15 2
1883 11 6 23 2
1884 16 9 22 »
1885 5 9 16 2
188G 9 12 12 3
1887 13 12 20 1
Totaux .... 71 86 141 15
Le nombre des accidents survenus dans la période ci-dessus a été de 253. On
voit que, dans 14.1 cas, c'est-à-dire 55 fois sur 100, l'enquête a permis d'établir
l'imprudence ou la négligence du mécanicien ou du chauffeur préposé à la marche
de l'appareil. D'autre part, dans 157 cas (62 fois sur 100) des défauts dans l'installa-
tion, la construction ou l'entretien de l'appareil pouvaient être relevés à la charge
du constructeur ou du chef d'établissement, soit indépendamment de la faute des
chauffeurs et mécaniciens, soit simultanément.
Cette statistique particulière, émanée des hommes les plus compétents en matière
d'appareils à vapeur, nous a semblé devoir prendre place dans ce rapport.
Il reste à résoudre une question aussi importante que celle du partage de la res-
ponsabilité des explosions entre les patrons et les ouvriers, c'est d'évaluer les ris-
ques d'accidents occasionnés |)ar l'emploi de ces appareils.
La statistique relative à la péiiode 1880-1887 a donné, comme on l'a vu précé-
demment, une moyenne annuelle d'environ 32 tués et 51 blessés, soit de 83 victimes.
Si l'on connaissait le nombre des personnes qui étaient exposées au danger d'ex-
plosion, on en déduirait mathématiquement le coefficient de risque. Or, ce nombre
échappe à tout recensement direct : ce serai( une erreur grave que de compter
— 115 —
parmi ces personnes tout le personnel des usines à vapeur, et une autre, non moins
grande, de compter les mécaniciens el chauffeurs exclusivement. Suivant la dispo-
sition des locaux, suivant la gravilé de l'explosion, la zone dangereuse augmente ou
diminue.
D'autre part, le nombre des viclimes est généralement en rapport avec celui des
ouvriers qui se trouvent, en permanence ou bien temporairement, dans celle zone
au momenl de la rupture de l'appaieil. i'andis que tel accident de chaudière n'at-
teint personne, tel autre a pour conséquence de nombreuses victimes. Ainsi une
explosion survenue en 1883, aux forges de Marnaval, a fait 30 morts et 6i blessés»
dans un cas analogue, en ISSA, aux forges d'Eurville, on a compté ^2^ tués et
33 blessés.
On rencontre, dans celte question, un concours de circonstances variables qui
semblent la vouer à l'obscurité. La statistique nous offre cependant un moyen
d'éliminer les particularités les plus embarrassantes, et de résoudre le problème
d'une façon suffisamment approchée.
Remarquons que, dans les huit dernières années, il y a eu 661 personnes tuées
ou blessées pour un total de 253 explosions. D'où il résulte que chaque accident
de ce genre a frappé ff^ ^^ 2,6 personnes, en moyenne. Ainsi la zone dangereuse
en comprenait moyennement de 2 à 3, sinon plus, par appareil à vapeur. A n'en
pas douter, il y en avait au moins 2,6 exposées à des blessures, puisque tel est le
nombre moyen de celles qui ont été atteintes. Dès lors, en prenant pour base cette
donnée fournie par l'expérience, il esl permis de dire que, sur les personnes, en
nombre quelconque, qui travaillent ou qui simplement se trouvent dans le voisinage
de 100,000 appareils à vapeur, par exemple, il y en a 260,000 au moins qui cou-
rent le risque d'être, les unes ou les autres, viclimes d'une explosion.
Or, le nombre des appareils dépasse actuellement 100,000. On a compté comme
ayant été en activité, en France, pendant l'année 1887, 80,421 chaudières (y com-
pris les locomotives et les chaudières des bateaux), et 23,945 récipients de vapeur
soumis à la déclaration réglementaire, ensemble 104,366 appareils explosibles.
Il y en avait, en outre, 1,028 en Algérie.
Par conséquent, les risques d'accident se divisent bien entre 260,000 personnes,
pour le moins.
Comme, d'après la statistique des huit dernières années, le nombre moyen des
victimes est de 32 tués et 51 blessés par an, la proportion ne dépasse pas :
2 6 0 . 0 0 U
0,123 sur 1,000, pour les morts, et ,,„'/„„, , soit un peu moins de 0,2 sur 1,000
pour les blessés.
Ainsi que ces chiffres le démontrent, les chaudières à vapeur sont devenues d'un
emploi beaucoup moins dangereux qu'on ne le pense généralement. Comparative-
ment aux autres chances mauvaises, si nombreuses, dont les ouvriers ont à se pré-
occuper, elles jouent un rôle presque négligeable dans les accidents du travail.
Cet heureux résultat esl dû, pour une bonne part, au remarquable ensemble de
mesures préservatrices dont l'usage des appareils à vapeur est entouré, les unes
imposées par le législateur, les autres adoptées spontanément par les industriels,
afin de garantir la sécurité publique.
[Extrait des travaux du. Congrès international des accidents du Iravait (Exposition universelle
de I8S9).]
G. Keller.
— 116 —
V.
LA MORTALITÉ PAR PROFESSIONS EN ANGLETERRE.
A l'une des séances du Congrès inlernational de statistique, M. le docteur J. Ber-
tillon a lu un mémoire sur la nomencUUurc des professions au point de vice du
dénombrement de la population. M. Bertillon pense qu'il est à désirer que les gou-
vernements de lous les pays d'Europe fassent publier les professions des habitants
en suivant un système uniforme.
Comme éviiience de liitilité d'un dénombrement par professions, j'ai moi-même
alliré l'allenlion du Congrès sur le rapport décennal du Regislrar General du
Royaume-Uni, qui contient une table de morlalilé par professions.
Après discussion, l'assemblée a nommé une commission composée de MM.Bodio,
Blenck, Kôrôsi, Beaujon, Ogie, Vannacque, Loua, Levasseur, Cheysson et Cook,
pour étudier le sujet, et dresser un rapport pour le prochain Congrès qui sera tenu
à Vienne.
Nous publions ci-après une traduction de la table du Registrar General avec les
observations qu'elle m'a suggérées.
Dans son rapport décennal de 1885 (dit Supplément la tite 45^^' Anminl Report),
M. le docteur William Ogle, le Registrar General du Royaume-Uni, a publié, pour
la première fois depuis sa nomination, la mortalité par professions des hommes
entre les âges de ^Ib et C5 ans qui sont employés dans les principaux métiers. Son
prédécesseur, M. le docteur Farr, avait dressé une table semblable, mais pour moins
de professions: une comparaison entre les deux tables démontre qu'entre les éges
de 25 et 45 ans les morts par mille vivants sont moins nombreuses qu'auparavant
dans 65 professions sur 73; mais, entie les âges de 45 et 65 ans, elles sont moins
nombreuses seulement dans 35 de ces professions, et elles sont même plus nom-
breuses dans les 38 autres. La mortalité générale du pays dans les dernières années
a suivi le même mouvement.
Eu cherchant les raisons de la baisse dans la morlalité ci-dessus mentionnée, on
doit rappeler que les heures de travail de l'ouvrier sont plus courtes; les popula-
tions boivent moins de buissons alcooliques et les mesures sanitaires dans les usines
et dans les vdles sont plus rigoureuses qu'auparavant.
La mortalité par professions est un sujet (|ui intéresse entre autres les compa-
gnies d'assurances sur la vie. H y a des compagnies anglaises d'assurances sur la
vie qui refusent absolument d'assurer les débitants de boissons alcooliques; d'autres
demandent une foile surprime. D'autre part, quelques compagnies accordent aux
ecclésia.vliques un abaissement de la piime de 10 p. 100 à cause du faible taux de
mortalité de celte profession bbérale.
\\ e^t nécessaire, dit M. le docteur Ogic, de tenir compte de certaines considéra-
lions en faisant des comparaisons entre les taux de mortalité des différents métiers.
Par exemple, les ouvriers de certaines professions, comme les forgerons, sont
forcément des hommes forts et sains (hommes d'élite), tandis qu'il y a d'autres
métiers, comme ceux de cominis et de tailleurs d'habils, qui attirent les faibles.
Les travailleurs journaliers des villes, ainsi que les marchands des rues et les mes-
sagers qui présentent des taux de mortalités bien élevés, sont fréquemment des
117 —
hommes qui sont devenus trop faibles pour travailler à leurs méliers d'origine. De
plus, le nombre des hommes travaillant à certaines (irofessions est trop restreint
pour donner lieu à des résultats suffisamment exacts. iNonobslanl,"les taux de mor-
talités sont tellement semblables, généralement, à ceux qui ont été publiés par
M. le docteur Farr, qu'il semble raisonnable de les considérer comme dignes de
confiance et suffisants pour les calculs.
Voici les chiffres de M. le docteur Ogle :
NOMS PAR PROFESSIONS.
Tous les hommes du pays
— — occupés
— — non occupés
1. Ecclésiastique (clergyman, priest, minister)
2. Avocat, avoué
3. Médecin consullant, chirurgien
.1. àlattre d'école, sous-nialtre d'école
b. Peintre, graveur, architecte, sculpteur
6. Musicien, maître de musique
7. Fermier, herbager
8. Ouvrier d'agriculture, cantonnier
9. Jardinier, pépiniériste
10. Pêcheur de mer
1 1. Cocher, conducteur (des voitures de place et des omnibus)
12. Ouvriers des canaux, allégeur, batelier
13. lloulior, volturler
14. Palefrenier, cocher (domestique)
15. Commis voyageur.
16. Brasseur
17. Aubergiste, cabaretler, marchand de spiritueux, marchand de vin,
marchand de bière
18. Kmployé d'auberge, de cabaret et d'hôtel
19. Mallcur
20. Clerc d'huissier, d'avoué, de notaire
21. lîmployé de commerce, d'assurance
22. Libraire, papetier
23. Pharniiiclen. droguiste
2A. Débitant de tabac
25. Épicier
26. Marchand de nouveautés, marchand de nouveautés et de draps, elc,
en gros
27. Ouincalllier
28. Marchand de charbon de terre
29. Petit liouliquier
30. Marchand de fromage, lait, beurre
31. Fruitier, marchand de légumes
32. Marchand de poisson, volaille
33. Boiitiiiuler (représenté par les 11 professions des n" 22 à 32) . . .
34. Boucher
35. Boulanger, confiseur
36. Meunier
37. Chapelier
38. Coiffeur
39. Tailleur d'habits
40. Cordonnier
11. Tanneur, marchand 'et ouvriers) de peaux
12 Corroyeur
13. Sellier, harnacheur
U. Fabricant de ihandelle, fabricant de savon
15. (luvrliMs des fabriques de savon, de colle forte et d'engrais
16. Iniprinieiir
47. lielleur
48. Horloger pour les montres et pour les pendules
TAUX
MOYEN
de mortalité annuel pour
1,000
vivants.
AGB.
23-45.
45-65.
10,16
25,27
9,71
24,63
32,43
36,20
4,64
15,93
7,54
23,13
11,57
28,03
6,41
19,84
8,39
25.07
13,78
32,39
6,09
16,53
7,13
17,68
5,52
16,19
8,32
19,74
15,39
36,83
14.25
31,13
12,52
33,00
8,53
23,28
9,04
25,03
13,90
34,25
18,02
33,68
22,63
55,30
7,28
23,11
10,77
30,79
10,48
24,49
8,53
20,57
10,58
25,16
11,14
23,46
8,00
19,16
9,70
20,96
8,42
23,87
6,90
20,62
9,12
21,23
9,48
26,90
10,04
26,57
10,53
23,45
9,04
21,90
12,16
29,08
8,70
26,12
8,40
26,62
10,78
26,95
13,64
33,25
10,73
26,47
9,31
23,36
7,97
25,37
8,56
24,07
9,19
26,49
7,74
26,19
7,31
27,. ■)7
11.12
26,60
11,73
29,72
9.26
22,64
— H8 —
TAUX MOYEN
de mortalité annuel pour
KOMS PAR PBOrESSIONS. 1,000 vivant!.
25-45. 45-6S.
49. Ouvriers des fabriques de pendules, de montres et d'instruments de
mathématiques, bijoutier 9 22 23
50. Ouvriers de fabrique (le papeterie c'is 19
51 — — verrerie II 21 31
52. — — poterie 13,'70 51
53. Ouvriers de filature de coton, employés de fabrique de linge (comté de
Lancashire ) 9 gg 29
54. Ouvriers de lilature de soie 7'gl 92
55. Ouvriers de fabrique de laine (comté de Vorkshire) y'71 ô?
56. Ouvriers de fabrique de tapis et de tapis de cheminée g^ ^^ 04
57. Ouvriers de fabrique de dentelle 6* 78 20
58. Ouvriers de fabrique de bonneterie (comtés de Leicestershire et Wol-
tinghamshire) Ç C9 19
59. Teinturier, blanchisseur de toiles, imprimeur, etc., des tisssus ... y '46 27
60. Cordier, fabricant de ficelle 7 90 . 22
61. Entrepreneur de biUiments, maçon, maçon en briques g\^ 25
62. Couvreur en ardoises, couvreur en tuiles §'97 94
63. Plâtrier, badigeonneur 7*79 25
64. Plombier, peintre de bâtiments, vitrier Il'o7 32
65. Tapissier, ébéniste, polisseur 9 55 94
66. Charpentier, menuisier 7 '77 ôj
67. Scieur 7'4(; 93
68. Tourneur de bois, layctier, tonnelier ' 1056 28
69. Carrossier 9' 13 24
70. Charron g^SS jg
71. Constructeur de vaisseaux G 95 21
72. Serrurier, poseur de sonnettes, gazier g'iâ 25
73. Arquebusier 1062 25
74. Coutelier 12 30 34
75. Fabricant de limes 1529 45
76. Ouvriers de coutellerie, de ciseaux, de limes, d'aiguilles, de scies et
d'outils ■ 11,71 31
77. Ouvriers de machines, ajusteur 7 97 23
78. Ouvriers de chaudières 9 '97 20
79. Les deux dernières (n°' 77 et 78) ensemble 8 23 23
80. Forgeron, maréchal-ferrant 9 29 25
81. Ouvriers (non mentionnés) d'usines de fer et d'acier y 36 22
82. Ouvriers en fer-blanc 8^00 24
83. Ouvriers eu cuivre rouge, en plomb, en zinc et en airain 9^15 26
84. Ouvriers en métaux (n°' 72 à 83) réunis 8^ 80 25
85. Mineur de houille (des comtés de Uurham et de iNorthumberland) . . 7^79 94
86. — (comté de Lancashire) 7,91 26
87. — /comté de Vorkshire) 0,59 21
88. — (comte de Derbjshire et de Kottinghamshire) . . . 0,54 20
89. — (comté de StafTordshire) 7 81 26
90. — (le midi du pays de Galles et le comté de Monniouth-
shire) 9,05 30
91. -- (n"» 85 à 90 réunis) 7,64 95
92. Mineur de minerai de fer . . ■ • 8,05 21
93. Mineur de mine d'ttain (comté de Cornwall) . . . ■ 14,77 53
94. Carrier de pierre, carrier d'ardoise 9,95 31
95. Ouvrier journaliei' de chemin de fer, de sable et d'argile. ..... 11,01 24
96. Porteur de charbon de terre 10,22 23
97. Ramoneur de cheminées 13,73 41
98.- Messager, porteur, gardien de nuit (ceux dans le service du gouver-
nement exceptés) 17,07 37
99. Marchand (les quatre saisons, colporteur, marchand des rues . . . . 20,26 45
100. Ouvrier journalier (a Londres seulement) 20,62 50
Arlliur J. CooK.
— 119 —
VI.
L'INITIATIVE PRIVÉE ET LA MENDICITÉ PROFESSIONNELLE.
Au moment où la ville de Paris va construire à Méry-sur-Oise un dépôt de mendi-
cité et lui appliquer le système d'assistance par le travail, il est intéressant de re-
clierclier quelle est l'influence de la charité privée sur la mendicité professionnelle
et d'étudier les moyens employés pour lutter contre cette exploitation de la voie
publique qui devient inquiétante par la rapidité de sa progression et surtout par la
nature de ses éléments.
Le vagabond, malgré la mulliplicité des inslilulions philanthropiques, devient
une véritable plaie sociale, et l'émolion que produisent les déportements de ces dé-
sœuvrés se traduit par des critiques qui engagent la police à pratiquer périodique-
ment des 1 rafles » sans grand profit pour la sécurité générale; car bientôt le
mendiant reparaît et avec lui l'aumône insouciante et frivole.
C'est l'aumône irréfléchie qui encourage cette exploitation ; par elle la mendicité
est devenue une profession rémunératrice.
Dès le xvi° siècle l'Angleterre édicta contre la mendicité des lois draconiennes ; à
la fin du siècle dernier, la ville de Hambourg cherchant à réagir contre la plaie
du paupérisme, établit des règlements qui, modifiés en 1800 par quelques citoyens
d'Elberfeld, furent suivis par l'Inslitut des pauvres fondé vers cette époque, puis
servirent de base à l'assistance privée en Allemagne, en Autriche et en Suisse.
Plus récemment des efforts dus à l'initiative privée ont obtenu dans ces contrées des
résultats appréciables. A Râle, par exemple, une propagande active a fait disparaî-
tre la mendicité professionnelle, en créant des sociétés dont les statuts exigent de
la part de leurs adhérents l'engagement de diriger tous les mendiants vers un bu-
reau central chargé de leur distribuer des secours.
En Allemagne, des organes du gouvernement, des fonctionnaires expérimentés
ne craignent pas de demander au législateur d'interdire sous peine d'amende à
toute autre personne que celles qui en ont reçu la mission, le droit de distribuer
des secours, et dans ce pays, comme en Suisse, là où existe une société contre la
mendicité, le mendiant professionnel a disparu, préférant soit travailler, soit exer-
cer ailleurs une industrie rendue difficile et peu lucrative. A Paris, un homme de
bien, M. Mamos, a provoqué la création de plusieurs sociétés de |Ce genre, dont les
résultats sont 1res satisfaisants et justement appréciés pour tous ceux (|ue ces ques-
tions intéressent.
I.
La Société contre la mendicité s'alimente des ressources puisées au dehors sous
forme de cotisations payées par des adhérents auxquels elle fournit par contre
des cartes ou des jetons destinés à être remis aux mendiimts au lieu de secours en
argent. De plus, chaque sociétaire reçoit et fixe à sa porte une petite plaque en fonte
émaillée indiquant (ju'il fait partie de la Société. Ces portes sont res|iectées par les
mendiants professionnels, d'abord parce qu'ils savent qu'ils n'y i-ecevront pas d'es-
pèces, et en second lieu parce que la présentation de la carte au bureau central
entraîne un interrogatoire qui leur semble parfaitement superflu. En effet, ils y
— 120 —
sonl accueillis avec bienveillance, mais on inscrit sur un regisire spécial leurs noms et
prénom, leur lieu de naissance, leur état elle secours qui leur est accordé (souper,
gîle, liardes ou soins médicaux) ; de plus, ils ne peuvent se représenter au bureau
qu'un mois après cette inscription (1). On conçoit que ces formalités, toutes natu-
relles qu'elles puissent païaître à un indigent véritable, déplaisent au mendiant
professionnel.
La cotisation est fixée en général à un taux qui paraît, de prime abord, être in-
suffisant (2) ; mais la Société qui se renferme dans les limites tracées par ses sta-
tuts, voit décroître cbaipie jour le nombre des assistés, et son but étant de les faire
disparaître, son capital peut à la rigueur être décroissant. Cependant il ne faut pas
perdre de vue que son œuvre est éminemment moralisatrice, et que des conseils,
voire même des secours en argent intelligemment distribués, peuvent avoir une in-
fluence salutaire sur certains mendiants.
La Société qui existe à Dàle nomme une commission qui pendant trois ans dirige
et suit les afl'aires gratuitement. C'est précisément à cette commission qu'incombe,
en deliors des soins matériels que réclame la tenue des bureaux, la charge plus
délicate de relever l'énergie des assistés qui lui paraissent être dignes d'intérêt.
Les mendiants sont donc reçus à des heures déterminées dans un bureau ouvert
à cet effet ; ils présentent le jeton qu'ils ont reçu, qui porte l'adresse du local où ils
doivent se rendre, l'heure de réception et un numéro d'ordre. Lorsqu'ils ont satis-
fait aux questions ipii leur sont posées, ils reçoivent un bon de pain, de soupe ou
de coucher fourni par un aubergiste ou une institution charitable qui en débile
la Société ;^ ce bon étant personnel et valable pour la journée ou la nuit ne donne
généralement lieu à aucune spéculation. On leur enjoint alors de ne plus avoir à
se présenter avant un mois.
Chaque année le bureau fournil un compte rendu de ses opérations.
Voilà, dans ses lignes princi()ales, ce qu'est la Société contre la mendicité ;
son fonctionnement est d'une simplicité extrême lorsque sou facteur le plus impor-
tant, le public, a compris que l'aumône individuelle est non seulement un capital
considérable absolument dilapidé; mais une arme qu'il tourne contre lui-même.
En effet, on arrête chaque année pour vagabondage et mendicité, en chiffres ronds,
30,000 individus qui, en moyenne, reçoivent un minimum par jour de 2 fr. 50
sur la voie publique ; cela fait 28 millions (3) dépensés en dehors des 17 millions
alloués par le conseil municipal à l'assistance publique et des millions non moins
nombreux qu'une charité plus efllcace consacre aux institutions d'initiative privée.
Quant à la moralité de ces désœuvrés, on peut s'en faire une idée très nette en
parcourant les statistiques de la justice criminelle. En 1880, les gens sans aveu,
sans profession ni domicile figuraient 75 fois sur 100 dans les vols qualifiés, et
à Paris 58 p. 100 des prévenus condamnés à la requête du ministère public étaient
des récidivistes.
Ces chiffres ont une éloquence bien autrement persuasive que les récriminations
(Ij II faut que le secoors soit périodique, afin d'éviter les abus dont le premier serait inévitablement
« le droil au suceurs ».!
(?) En général, 5 à 7 fr. 50 par jour.
Ci) Il ne faut compter que 300 jours utiles par an; il y en a en moyenne Gj passés en prison ou dans
les bijpitaux.
— 121 —
de (|uel(]iies lionnes âmes hostiles à la réglementai ion des secours; — • un élément
criminel tend à se substituer à l'exploiteur vulgaire, il faut donc que l'indifférence
et la sentimentalité disparaissent devant une philanthropie plus éclairée et plus pra-
tique (I).
Les bureaux de bienfaisance connaissent à peine cette population nomade, l'as-
sistance publique ne les rencontre que dans les hôpitaux où dans les maisons de
détention; le public seul vit en contact avec elle. Ce contact lui est pénible, l'effraie,
et cependant il l'encoui'age à ce point que dans les villes d'une certaine importance
les sociétés qui font périodiquement appel à sa charité, sont obligées de lui rappe-
ler chaque année que des personnes connues et munies d'une autorisation spéciale
sont seules chargées de recevoir ses dons. De pareils faits joints au sentiment d'in-
sécurité que provoque, chez les dames surtout, la vue d'un homme déguenillé et
souvent à figure patibulaire s'approcliant d'elles pour leur tendre la main, sont bien
de nature à diminuer les aumônes qu'on jette sans discernement.
Si donc on voit que la Société, pour combattre la mendicité, lutte avec succès
contre l'envahissement d'un élément dangereux partout où elle existe, rien ne doit
s'opposer à sa constitution, et cependant on hésite, et malgré quelques essais dont les
résultats ne se sont pas l'ait attendre (2), on se demande comment elle peut fonction-
ner dans une ville aussi vaste que Paris.
L'expérience a démontré, partout où l'on fait un usage régulier des jetons de la
Société, que les ipiartiers abandonnés parles mendiants sont ceux où l'on rencontre
le plus de plaques aux portes; l'on a observé que plus la population était favorable
à cette institution, plus la police était rigoureuse envers les vagabonds ; il convient
même d'ajouter que ces derniers ont cessé d'envahir les districts où ces sociétés
sont nombreuses, pour se porter vers ceux qui en possèdent moins.
Ce qui précède donne la marche à suivre pour les grandes agglomérations. Paris
avec ses 20 arrondissements représente 20 villes différentes qui peuvent être elles-
mêmes subdivisées en (piartiers visités par les mendiants en raison directe de la
fortune de leurs habitants. Prenons donc le seizième, coté comme arrondisse-
ment riche et par là même très couru ; nons avons affaire à une population d'envi-
ron 80,000 âmes, contenant quelques centaines de familles indigentes secourues
par le bureau de bienfaisance, par les sociétés d'initiative privée et par un certain
nombre de particuliers — ce sont les pauvres connus et domiciliés, que nous ne
mettons pas en cause. — Par contre, chaipie malin un contingent considérable
de gens sans aveu et sans domicile vient s'abattre sur Passy et se dirige de préfé-
rence vers la partie comprise entre les fortifications, l'avenue du Bois, la rue de
la Pompe et la rue Mozard jusqu'à Auteuil ; la population de celle portion de l'ar-
rondisssement s'élève environ à 10,000 habitants aisés ou fortunés, propriétaires
pour la plupart des immeubles qu'ils occupent, .admettons que ce soit dans ce mi-
lieu que se recrutent les adhérents de la société, et que certaines rues ou avenues
plus particulièrement bordées d'hôtels privés se distinguent par le nombre de pla-
Iques qui s'y trouvent — plaques émaillées de la Société pour combattre la mendi-
cité, — que se passera-l-il? Les indigents qui à certains jours reçoivent des subsi-
des de familles charitables, ne se laisseront pas arrêter par cette démonstration ;
l
fi (1) Qu'on pourrait appeler • l'assistance préventive ».
(2| Les fondations .Mamos.
— 122 —
ils savent qu'on les attend et que leur présence n'est pas importune. Quant au
mendiant prolessionnel, la plaque représente pour lui le morceau de carton dont il
ne peut rien faire et qui l'expose à des questions qu'il juge indiscrètes ou dange-
reuses; il tenlera peut-être une fois ou deux raventure, mais un peu de persévé-
rance le fera bientôt disparaître. — Où se rendra-t-il? Dans les rues adjacentes,
jusqu'au jour où les plaques y feront leur apparition, et ces plaques qui le chasse-
ront de l'arrondissement, envahissant peu à peu les arrondissements voisins, le ré-
duiront à disparaître ou à chercher du travail.
Ce lahleau n'a rien de fantaisiste, l'expérience en est faite depuis hien des
années, et les personnes qui ont parcouru récemment l'Allemagne ou la Suisse,
ont dû remarquer dans les villes, même importantes, le manque absolu de men-
diants.
De ce qui précède se dégage un fait anormal dans les sociétés commerciales et
suitout philanlhropi(|ues : le capital nécessaire à l'œuvre peut décroîhe dans cer-
taines limiles sans entraver sa marche. La cotisation annuelle (loutes les fonc-
tions étant gratuites) n'est grevée que des frais d'impression des cartes ou des je-
tons, des registres et quelijuefois du coût d'un local occupé pendant environ une
heure par jour; la presque lotalilé des rentrées est donc appliquée aux secours
fournis par des œuvres de bienfaisance (fourneaux, asiles de nuit, restaurants ou
auberges) auxquels la Société paie une redevance déterminée suivant la nature du
secours. Or, dans une ville comme Paris où le mendiant professionnel ne se ren-
contre en nombre appréciable que dans certains quartiers, il est évident qu'à son
éviction graduelle correspondra une dépense moindre, et que la défection de quel-
ques membres n'alteindra pas la Société dans ses œuvres vives.
Dans les villes où la Société contre la mendicité a été fondée avec la conviction
profonde que l'aumône individuelle favorise le vagabondage, des résultais considé-
rables ont été obtenus sans grande publicité et sans un nombre 1res élevé d'adhé-
rents.
Certaines objections se présentent à l'esprit lorsqu'il s'agit de passer de la théo-
rie à la pratique. Qui voudra faire partie d'une commission chargée de diriger et
suivre les aflaires de la Société ?
Cette question s'est posée partout, et partout elle a été résolue d'une façon salis-
faisante.
A Mulhouse, c'est un négociant qui reçoit les assistés dans son bureau à une
heure déterminée; — à Bàle, ce sont les membres de la commission qui, à tour de
rôle, se chargent de cette mission; — ailieuis, c'est un employé de la mairie ou
d'un bureau de bienfaisance qui, moyennant une légère indemnité, se rend chaque
jour dans un local que la ville fournit pendant une heure ou deux à la Société, et
qui procède à l'inscription des assistés et à la distribution des bons de secours ; —
ailleurs encore, c'est une œuvre charitable qui se charge de ce service. Le travail de
la commission se trouve donc singulièrement allégé, puisqu'il ne consiste qu'à
recevoir des rapports de ceux (|ui sont chargés de la partie matérielle de l'œuvre
et à contrôler périodiquement leurs agissements.
Quant aux plaques de membre de la Société, le rôle de la commission consiste à
user de son influence pour qu'elles soient apposées en grand nombre aux portes
des hôtels et des villas dont le» concierges ou les hadilants sont continuellement
harcelés par les mendiants ; tandis que les différents locataires des maisons à éta-
t
— 123 —
ges sont pourvus de jetons d'une valeur minime et d'une forme telle qu'on
puisse facilement en porter sur soi ou les lancer par la fenêlre comme une pièce de
monnaie.
La queslion du bureau central pouvant se résoudre de différentes manières, il
ne reste à élucider que celle du secours matériel, qui a une certaine importance.
H faut éviter d'envoyer les mendiants chez des logeurs de profession qui reçoivent
des hôtes de toute espèce, ou chez des auhergisles dont la moralité ne soil pas très
bien connue ; car il est essentiel que le secours, quelque minime qu'il soit, revête
un caractère de respectabilité et de moralité qui doit trancher sur la frivolité d'une
grande partie des dons individuels. Il faut que le mendiant, s'il existe chez lui en-
core une lueur de dignité personnelle, puisse élablir une distinction entre les deux
manières d'agir. Il est donc nécessaire d'apporter un soin extrême dans le choix
des personnes qui fournissent le gîte ou le manger, et s'adresser de préférence,
quand on le peut, à des élablissemenls fondés dans ce but et dirigés avec honora-
bilité et fermeté.
En résumé, la Société contre la mendicité exige : une propagande active pour
faire disparaîlre l'aumône individuelle; un contrôle sérieux déterminant l'identité
de l'assisté; et une respeclabililé parfaite de tous ceux qin" sont appelés à fournir le
secours dont le caractère périodique doit éloigner l'exploitation ou l'imposture.
II.
Si du mendiant nous passons au vagabond, nous remarquons (|u'il y a une dis-
tinction bien nette à élablir entre eux, lorsqu'il s'agit de déterminer leur origine.
Le vagabond est en général un homme de la campagne que le manque de ressour-
ces, l'attrait de la grande ville, souvent un chômage prolongé dans un centre in-
dustriel où il est venu échouer, ont voué à la vie nomade. Il cherche d'abord dans
un rayon restreint à se procurer une occupation semblable à celle qu'il a perdue,
puis il tente de revenir au travail de la terre qu'un long séjour sur un chantier,
dans l'atelier ou le magasin lui rend pénible; enfin, le désœuvrement aidant, il
erre à l'aventure, mendiant son pain et couchant à la belle étoile ou dans les gran-
ges, jusqu'au jour où la prison en fera un être malfaisant, un danger pour la so-
ciété. Le mendiant, par contre, est originaire des villes : il y exerce une profes-
sion lucrative qui demande un apprentissage assez long, un certain talent
d'observation ; il ne sollicite pas la chaiilé comme le vagabond, il l'exploite, et si
l'on rencontre parfois des nomades qui n'ont à leur actif aucune condamnation
pour vol, il est assez difficile d'admettre, surtout dans les grandes villes, que le
mendiant professionnel ne mette pas son expérience au service des criminels qu'il
rencontre dans leurs lieux de réunion.
Dans les contrées où cette plaie sociale a pris des proportions inquiétantes, la
charité privée s'est alliée à l'assistance publique pour traiter le vagabond comme
un homme déséquilibré auquel un travail rationnel doit permettre de reprendre une
position stable et rémunérée, et le mendiant comme un être dont le sens moral
affaibli exige un relèvement graduel basé sur l'étude même des causes qui ont
produit son indigence.
Les deux organisations qui jusqu'à ce jour ont donné les meilleurs résultais sont
— 12 i —
le système d'Elberfeld el la colonie ouvrière libre, c'esl-à-clire l'individualifalion
du secours el le travail formant sa base.
En France, les vagabonds ou gens sans aveu qui ont élé légalement déclarés
tels, sont pour ce seul fait punis de trois à six mois d'emprisonnement, puis en-
voyés, après avoir subi leur peine, sous la surveillance de la liante police pendant
cinq ans au moins ou dix ans au plus (art. 271, C. P.). La loi du 27 mai 1885 a
étendu l'application de la peine de la rélégation aux vagabonds récidivistes.
Et enfin les individus déclarés vagabonds par jugement peuvent, s'ils sont étran-
gers, être conduits par les ordres du Gouvernement hors du territoire français et
être condamnés de un à six mois d'emprisonnement s'ils rentrent en France sans
autorisation.
Quelle a été sur les nomades et les mendiants l'influence de ces mesures répres-
sives? On peut s'en rendre compte par le nombre d'affaires que les tribunaux cor-
rectionnels ont jugées en :
1866. 1872. 1876. 1881. 1886. 1887.
Vîigabondage 0,599 10,389 X,270 12,452 18,357 17,020
Mendicité 5,007 6,853 5,700 7,569 12,495 12,462
Si nous passons au déparlement de la Seine, nous voyons qu'on a arrêté en :
1866. 1872. 1876. 1881. 1886. 1887.
Vagabondage 10,063 9,515 9,205 13,840 14,208 13,006
Mendicité 2,462 2,542 2,190 3,058 5,848 7,090
En 1876 déjà, les tribunaux, voulant sans doute soustraire les condamnés à la
surveillance de la haute police pour ne pas mettre obstacle à leur rentrée dans la
société, admellaienl des circonstances atténuantes dans 98 p. 100 des délits de va-
gabondage, 92 p. 100 de ceux de mendicité et 80 p. 100 de ceux de vol simple.
En 1881 la proportion élail restée sensiblement la même ; mais on remari|ua que
les courtes peines (de six jours à un an de prison) avaient donné 93 p. 100 de réci-
divistes et que sur 6,069 hommes sortis en 1879 des prisons centrales, 49 p. 100
avaient été repris dans l'année même de leur libération, 36 p. 100 en 1880 et
15 p, 100 en 1881. L'ivresse publique, ce corollaire du désœuvrement, avait donné
lieu à 67,379 afiplicalions du la loi du 23 janvier 1873 — augmentation considé-
rable sur 1880 — el le nombre des condamnations pour vols sinîples s'était élevé
de 31,781 en 1880 à 35,757 en 1881.
Le mendiant n'était donc plus le pauvre hère que la misère ou la paresse for-
çaient à tendre la main ; mais, en grande partie du moins, un homme violent et cri-
minel sur lequel les mesures de répression n'avaient aucune influence.
Afin d'enrayer le mal, les tribunaux eurent de moins en moins recours aux cir-
constances atténuantes; puis vint la loi du 27 mai 1885 sur la relégation qui, éten-
due aux vagabonds, devait en accentuer la décroissance. Or, pemlant la période de
1871 à 1885 le nombre des accusations déférées au jury avait éprouvé, il est vrai,
une diminution de 15 p. 100; mais le nombre proportionnel des individus sans do-
micile sur cent accusés de crimes, s'étail élevé de neuf en 1881 , à (piaîorze en 1886,
el dans cette même année les gens sans aveu, sans profession ni domicile figuraient
75 fois sur 100 dans les vols qualifiés ; d'autre part, à Paris,. 58 p. 100 des pré-
— 1-25 —
venus condamnés à la requête du niinislère public étaient des récidivistes; le rap-
port des prévenus récidivistes au total des condamnés correctionnels avait passé
de 41 p. 100, de 1876 à 1880, à 45 p. 100 en 1880, et dans cette même année sur
91,055 réciilivisles, 63,472, soit les 7/10 étaient des libérés d'un an ou moins de
prison. Le nombre des prévenus poursuivis pour mendicité s'était accru de 44 p. 100
de 1884 à 1886.
A cet élément de gens vivant hors la loi, danger permanent pour la ville et la
campagne, vint se joindre le vagabondage étranger qui, en 1881, est représenté par
330 individus envoyés aux assises sur 1,001,110 étrangers résidant en France, soit
33 p. 100,000, proportion triple de celle qu'on obtient pour les Français (11 p.
100,000), et qui en 1886 entre pour 9 p. 100, et en 1888 à Paris pour 9.5 p. 100
dans le rapport des étrangers au total des individus accusés de crimes contre les
personnes ou les propriétés.
Pour combattre ces deux plaies sociales, le législateur a eu recours à des mesu-
res de répression graduées dont la premièie, l'emprisonnement, fait temporaire-
ment disparaître le vagabond pour le plonger dans un milieu démoralisateur; la
seconde, la surveillance de la haute police, en fait un être hors la loi, objet de
mépris pour ses semblables; puis la troisième, la rélégaiion consomme sa chute
morale. C'est en vain qu'on chercherait dans ce système le stimulant qui ranime
l'énergie et relève le courage. Le nomade devient un récidiviste, un malfaiteur et
eiilin, de par la loi, une non-valeur dispendieuse.
Or, la prison correctionnelle, courtes peines, a donné jusqu'à 93 p. 100 de réci-
divistes en une année (1881), les maisons de force et de correction de 41 à 45 p.
100 (1881-1886). Quant à la relégatiun, la loi de 1885 ne produira aucun effet sa-
lutaire tant que les déportés ne seiont pas convaincus qu'aux colonies ils seront
astreints à une discipline rigoureuse et à des travaux pénibles.
D'autre part, on a remarqué que les pénitenciers agricoles de la Corse qui ne
renferment que des coupables ayant encouru des peines de longue durée, donnent
moins de récidivistes que les maisons centrales, 15 à 28 p. 100 de 1872 à 1886;
on dit que ces pénitenciers ne servent qu'aux crimes contre les personnes qut sont
rarement commis par des criminels endurcis, tandis que les maisons de Gaillon et
de Poissy reçoivent surtout des condamnés-de la Seine, parmi lesquels les rechutes
sont plus fréquentes; mais on ajoute que le régime agricole est incontestablement
plus favorable à la régénération morale que celui des ateliers en commun.
Ce fait n'est pas propre à la France et nous allons voir que là où la station de
secours et la colonie agricole fondées par l'initiative privée luttent contre la maison
de force et de correction, le vagabondage diminue, la mendicité disparaît.
En Allemagne où la solution de ces questions sociales a été poursuivie avec une
énergie que le nombre de ses indigents sédentaires ou nomades explique surabon-
Jamment, l'initiative privée a créé successivement la Société contre la mendicité, la
Station de secours et la colonie agricole ; ces institutions ont donné des résultats
iju'une statistique sérieuse a enregistrés et qui se passent de tout commentait e.
Il existait en 1887, dans le royaume de Prusse, 917 stations de secours et les 89i2
districts dans lesquels elles se trouvent ont vu la mendicité :
Rester la inènie (hiiis . . . 24 districts. Fortement diminuer dans 403 districts.
Diminuer dans 161 — Disparaître dans .... 304 —
— 126 —
Et dans 36 districts pourvus de stations le nombre des individus condamnés cor-
rectionneliement est tombé de 23,808 à 15,466 en cinq ans (1882-1887). M. le con-
seiller supérieur de la justice Starke attribue aux stations et aux colonies agricoles
la diminution dans le nombre des peines deionj^ue durée : 49,485 en 1887-1888
contre 97,606 en 1881-1882 et dans celui des arrestations 451, U9 contre 620,404.
Dans le royaume de Saxe, de 1880 à 1887, le nombre des délils a diminué de
34 p. 100 et celui des individus condamnés de '.iS p. 100 ; le délit de vagabondage
n'a donné lieu qu'à 9,412 arrestations contre 14,066, et là, comme en Prusse, on a
remarqué qu'il y avait eu moins de condamnalions prononcées contre des individus
jeunes, mais, par contre, beaucoup plus contre des mendiants de profession plus
âgés (1).
On a constaté que de 1882 à 1887 dans 5 villes sans sections les arrestations
sont tombées de 5,300 à 4,050; dans 23 villes possédant des stations qui, faute de
moyens, n'exigeaient pas un travail suffisant de 27,376 a 21,258 el dans 19 villes,
où un travail régulier est exigé, de 16,295 à 7,598. Qu'enfin dans 48 villes renfer-
mant ensemble 5 millions d'habitants, 31,065 individus de moins avaient été arrêtés
pendant l'année 1887 qu'en 1882.
D'autre part, .M. le D' Grofeber, de Konitz, cite les chiffres suivants montrant une
diminution appréciable des hôtes des maisons de travail et de correction :
1882. 1887.
En Prusse 23,808 15,466
En Allemagne 28,027 19,180
Au point de vue du travail et de la santé, il est intéressant de remarquer aussi
que la colonie de Wilhelmsdorf a hébergé en six années 4,750 colons et fourni
411,764 journées de travail. Elle a eu 32 malades qui ont nécessité 960 jours de
soins; elle n'a enregistré qu'un seul décès.
Les adversaires des stations de secours el des colonies agricoles disent que ces
résultais ne proviennent que de l'amélioration des conditions sociales, et ils ajou-
tent que quiconque veut travailler tiouve de l'ouvrage, cela peut être vrai en par-
tie du moins; mais il ett impossible de nier que ces institutions philanthropiques
n'y aient largement contribué en opérant par le travail la sélection entre l'élément
corrompu et celui qui ne l'est pas encore.
Pour arriver au but, il faut que le public soit bien persuadé que l'aumône irré-
fléchie devient presque toujours une arme contre la société dans la main de celui
qui la reçoit. L'aggravation des mesures répressives demeurera lettre morte tant
que cette vérité n'aura pas pénétré dans la masse de ceux qui croient ainsi prati-
quer la philanthropie. Que le nomade sans antécédents judiciaiies ne soit pas consi-
déré comme un criminel, mais dirigé vers une colonie agricole où, se pliant volon-
tairement à un règle inflexible, il puisse retrouver dans un travail libre l'énergie
qu'il a perdue ; que tous les moyens d'action soient concentrés sur le libéré, que des
asiles lui soient ouverts où il pourra librement poursuivre sa réhabilitation; que le
vagabond étranger soit expulsé et, en cas de récidive, soumis à la répression la plus
(1) Extraction de oiinerui, dériichenieot de forêts, de broussailles, dessèchement de marais, consiruc-
tion de routes, de canaux, etc.
— 127 —
sévère — cellule, cachot, privation partielle de nourriture; — qu'on réserve enfin
la réiégalion avec travail forcé au vagabond endurci et que ce travail soit de na-
ture à lui inspirer une crainte salutaire (i).
Si l'on songe aux sacrifices considérables qu'imposent à l'épargne privée et au
trésor public cette foule de désœuvrés qui deviennent presque tous des récidivistes
dangereux pour la sécurité des citoyens, parce que la prison et le travail dans l'ate-
lier commun leur font perdre tout sentiment de dignité personnelle, on arrive for-
cément à cette conclusion : Que la transformation de l'aumôme individuelle en un
secours dont le travail serait la rémunération; que l'association de l'initiative
privée, communale ou régionale avec l'assistance publique dans le but de fonder
des stations de secours ou des colonies de travail libre, constitueraient dans un
pays agricole comme la France une entrave bien plus rationnelle à la recrudescence
du vagabondage qu'une aggravation du système répressif. Qu'on joigne à ces deux
institutions des bureaux de placement gratuits et un service de statistique sur les
antécédents des assistés, on arrivera à relever l'énergie d'une quantité d'hommes
dont les bras manquent à l'agriculture et qui, une fois régénérés, ne tarderont pas
à coopérerer à l'épargne nationale, au lieu d'imposer au budget des dépenses qui
s'accroissent chaque jour.
Grosseteste-Thierry.
VARIETE.
Les grèves en :t886 et 1887.
Le tableau suivant indique, pour les deux dernières années, le nombre des grèves
(enregistrées par la statistique) ; leur durée cumulée en jours, le nombre des gré-
vistes, enfin le nombre des journées de travail perdues :
1886. 1887.
Nombre total des grèves 161 108
Nombre des grèves dont la durée est connue . . 148 73
Durée des grèves en jours 1,787 732
Nombre dos grévistes 19,556 10,117
Le nombre des journées de travail perdues est évalué à 87,803 pour 1887 et à
445,974 pour 1886, la grève de Decazeville (27 janvier 1886), ensanglantée par le
meurtre de l'ingénieur Watrin, comptant à elle seule pour 240,000 journées. Le
travail a fini par être repris aux anciennes conditions.
En 1887, les grèves les plus importantes sont celles des fileurs, à Roubaix
(2 juillet, 6,900 journées perdues), des tisseurs, à Armentières (11 juin, 5,200 jour-
nées perdues) et des mouleurs, à Revin et Laison, dans les Ardennes (2 novemlire,
4,950 journées perdues). Les ouvriers n'ont obtenu gain de cause, en partie, que
dans ce dernier cas.
{Statistique de France.)
(1) Ce fait a une importance capitale.
— 128 —
OUVRAGES PRÉSENTÉS (MARS 1890).
Ouvrages signés : La Géographie et lu slatislique, par Th. Villard. Paris, Jouaust(1889).
Les Associations du travail, par le même. Paris, Imprimerie Nouvelle (1880).
Volks-und Specialsc/iuleii in Wien. V. Lôwy. Vienne (1890).
Beitrdge i. Théorie Dienslens- und Sterbens-Statistik. V, Zillmer. Derlin, 1890.
Une visite à l'élablissemenl d'horticulture internationale, par E. Rodigan. Bruxelles,
1890.
DOCU.MENTS OFFICIELS. Situation financière des déparlements en 1887, publiée par le mi-
nistre de l'intérieur. Melun, 1890.
Délia Leva sui nali 1868, publié par le ministre de la guerre. Rome, 1890.
Di imporlaz-ioue et esporlaiione (1889). Rome, 1890.
Stalisticn délie Tasse et Diretli communaliti (1887). Rome, 1890.
Casse di Hisparmio (anno V.), 2° semestre 1888. Rome, 1890.
Preussische Slalislik (n°' 102 et 107). — Universités et Étal civil (1888). 2 v. Berlin,
1890.
Slatislik dcr Sparcassen jiir's Jahr 1887 . Vienne, 1889.
Waaren-Ein/uhr 1888. Vienne, 1889.
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Revues ET JOUHNAUX. Fcance. Revue maritime et coloniale. — Le Travail national. —
L'Avenir économique. — La Réforme sociale — Bulletin de la Société des agri-
culteurs. — Bulletin hebdomadaire de statistique municipale.
Belgique. — Moniteur des intérêts matériels.
Suisse. — Journal de statistique suisse.
Italie. — Annali di statistica. — Bulletin des publications italiennes. — Bulletin
des Sociétés de crédit. — Economista (de Florence).
Autriche. — Monatschrifl. (Revue statistique de l'Autriche.)
États-Unis. — Revue de l'Association statistique américaine.— Journal illustré de
New-York.
Amérique du Sud. — Bulletin mensuel de statistique municipale de la ville de
Buénos-Ayres. — Gazette officielle de Venezuela.
Le Gérant, 0. Berger-Levrault.
JOURNAL
DE LA
SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PARIS
N» 5. — MAI 1890.
I
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 16 AVRIL 1890.
Sommaire. — Avis relatif au prochain congrès des sociétés savantes. — Translation du siège social à
l'hôtel des Sociétés savantes. — Communication de M. Fravaton sur le contrôle des compagnies d'assu-
rances sur la vie. — Renvoi de la discussion k la prochaine séance.
La séance est ouverte à 9 heures.
En l'absence de M. Octave Keller, retenu hors de France par des devoirs de fa-
mille, le fauteuil de la présidence est occupé par M. Th. Ducrocq, vice-président.
Le procès-verbal de la séance du 19 mars est adopté.
Il est procédé à l'élection de membres nouveaux.
MM. Béziat d'Audibert, actuaire, présenté par M.M. Octave Keller et Cheysson,
et Paul Daurrée, docteur en droit, attaché au ministère de l'intérieur, dont la can-
didature est soutenue par MM. E. Levasseur et Prunget, sont élus, à l'unanimité, mem-
bres titulaires de la Société.
M. E. Levasseur demande le litre de membre associé, à titre étranger, en faveur
le l'éminent statisticien autrichien, le chevalier de Scherzer, Consul général d'Au-
riche à Gênes, qui s'est fait connaître par de remarquables ouvrages dont il fera
)ientôl bénéficier la Société.
Après quelques observations de M. E. Cheysson qui parle dans le même sens, il
lest procédé au vote, et M. de Scherzer est nommé à l'unanimité, membre associé
jdela Société de statistique de Paris.
Par un arrêté en date du 14 avril, M. le ministre de l'agriculture accorde à la
ÏSociété, pour l'exercice 1890, une subvention de 1,200 fr., témoignant ainsi du
haut intérêt qu'il attache â ses travaux. C'est là un encouragement précieux qui
[doit exciter toute noire reconnaissance.
l'« aÉKUD. 31' VOL. — »• 5. Q
— 130 —
M. le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts annonce pour le mardi
27 mai prochain l'ouverture du congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne et in-
vite la Société à désigner ses délégués.
Se font inscrire, à ce titre, MM. 0. Relier, Coste, Vannacque, Turquan, Ducrocq
et Harbulot.
M. E. Levasseur, en sa qualité de président de la section économique, annonce
qu'il sera traité celte annéo de la Slatislique des professions et de la mortalité pro-
fessionnelle. Cette question est de noire compétence, et il espère que nos délégués
voudront bien, dès à présent, se préparer à la traiter.
M. 4e secrétaire général fait l'énumération des ouvrages et documents reçus par
la Société depuis la précédente réunion. La liste de ces publications se trouve ci-
après (1).
Parmi ces envois figurent : la Statistique des chemins de fer français, aux 31 dé-
cembre 1887 et 1888, la(|uelle est accompagnée des documents statistiques sur les
chemins de fer d'intérêt général et d'intérêt local pour 1886, dont la série remonte
à 1872.
Sur l'invitation du président, M. Schelle, chef de division du chemin de fer qui
a ces publications dans son service, indique en peu de mots en quoi la nouvelle
stalistique des chemins de fer diflère des précédentes : elle n'en renferme pas
moins les tableaux essentiels, et cela suflit pour tenir l'administration au courant
des comptes de la garantie d'intérêt. En attendant les documents plus complets qui
paraîtront à l'époque habituelle, la modification adoptée a l'avantage de permettre
de livrer au public, avec toute la rapidité possible, des informations impatiemment
attendues. C'est ainsi qu'on a pu publier dans les premiers mois de 189U la statis-
tique de 1888. (Applaudissements.)
M. A. CosTE appelle l'attention de la Société sur le compte rendu du congrès
monétaire international, dont il dépose un exemplaire sur le bureau. Cet ouvrage
contient, in extenso, les discours des nombreux économistes qui ont pris part au
congrès et renferme, dans sa quatrième partie, un nombre considérable de docu-
ments statistiques où la question est envisagée sous toutes ses faces.
M. Loua achève l'énuméralion des ouvrajics, en offiant, de la (>art de l'auteur,
un grand volume in-4°, consacié aux accidents du travail et de l'industrie, par
M. A. Gibon, ingénieur des arts et manufactures, vice-président de la section de
l'Économie sociale. Cet ouviage est la condensation de tout ce qu'on a écrit jus(|u'à
ce jour sur celte importante question qui est plus que jamais à l'ordre du jour.
On ne pourra rien faire sans le consulter.
On pourrait en dire autant de l'ouvrage de MM. Jacques Siegfried et Raphaël
Lévy, intitulé : le Relèvemoit du marché, qui s'est inspiré des beaux travaux de
M. Juglar, que nous connaissons tous, sur les crises commerciales.
Avant de passer à l'ordre du jour, M. le président rappelle la communication qu'il
a eu l'honneur de faiic sur la slatisli(|ue des libéralités et sur les améliorations
dont elle serait susceptible. On n'a pas oublié que, dans ce liavail, il demandait
qu'en ce qui concerne les établissements qui reçoivent des libéralités, il fût fait une
(1) Voir la dernière page du présent numéro.
— 131 —
séparation complète entre les établissements publics et les établissements d'utilité
publiijue, et que, d'autre part, «n séparât ég.dement les libéralités approuvées en
Conseil d'Etal de celles qui sont simplement soumises à l'approbation des préfets.
Il esi beureux de pouvoir déclarer que le service de la statistique générale de
France lui a pleinement accordé saiisfaclion sur ces points importants. Désormais,
ajoute-t-il, la statistique des libéralités sera complète, mais peut-être pourrait-on
relever également celles de ces libéralités qui n'ont pas été accueillies.
M. Vannacque remercie M. le président et déclare que les modifications appar-
tenant au cadre des libéralités ont été inspirées par la communication de M. Du-
crocq. 11 regrette seulement qu'il n'ait pas été possible de donner satisfaction à la
deuxième demande en dressant l'état des libéralités offertes et non acceptées, mais
il a paru délicat de rechercher les causes de non-acceplation.
En présence des résultats déjà obtenus, M. Ducrocq n'insiste pas pour la réa-
lisation immédiate de la seconde demande.
L'ordre du jour appelle la délibération sur un projet de changement du siège
social de la Société qui serait transporté à l'IIôtel des Sociétés savantes.
M. le Président rappelle à ce propos que la question a été effleurée à la précé-
dente séance, et a déjà donné lieu à un échange de vues, sans toutefois amener de
solution, l'assemblée ayant désiré, avant de se décider, obtenir de nouveaux éclair-
cissements. Depuis, le Conseil a fait de nouvelles démarches. Il a visité en corps les
nouveaux locaux, pris tous les renseignements nécessaires et débattu les conditions
du bail à intervenir. En l'absence de M. Keller, M. Cheysson a accepté la mission
de faire un rapport au nom du Conseil. Après avoir décrit l'établissement, sorte de
ruche intellectuelle, où fonctionnent déjà 25 sociétés, et dont l'accès jadis incom-
mode, et devenu facile, grâce à une percée sur le boulevard Saint-Germain, l'hono-
rable membre annonce qu'il nous est offert, au prix de 600 fr. (plus 5 p. 100 pour
les frais généraux): 1° une salle de séances fort bien aménagée, précédée de vastes
vestiaires et autres dépendances, dont la jouissance nous est accordée le troisième
mercredi de chaque mois; 2° une petite salle de commissions, également chaufTée
et éclairée, qui sera exclusivement réservée à la Société, dont elle aura la clef
et oîi elle pourra placer ses livres et ses archives. Le rapporteur pense qu'il est
inutile d'insister sur cette dernière combinaison qui nous assure un véritable siège
social, et passant à un autre point de vue, l'institution du dîner qui précède nos séan-
ces, il ajoute que, contrairement à ce qui a lieu présentement, où le dîner nous est
apporté du dehors, l'Hôtel des Sociétés savantes possède un restaurant permanent qui
, fera nos dîners de corps à raison de 7 fr. 50 c. par tète au lieu de 10 fr. qu'il nous
[coûte aujourd'hui, et des déjeuners et dîners particuliers au prix de 3 et 4 fr.
Ce sont là de grands avantages que le Conseil s'estime heureux d'avoir obtenus,
[mais le plus grand de tous, c'est de nous trouver réunis aux principales sociétés
[savantes de Paris. Il n'est pas possible que, dans un tel milieu, notre Société n'ac-
iquièrede nouveaux adhérents attirés par l'importance et la variété des questions
[que nous avons à traiter. {Applaudissements prolongés.)
Sur l'invitation du président, M. Cheysson donne lecture du projet de bail inter-
venu entre le Conseil et l'Administrateur de l'Hôtel. Il la termine en annonçant que
sur le prix convenu il sera fait déduction d'une somme de 200 fr., que la Société a
— 132 —
votée au début, pour frais d'études et de propagande au bénéfice de celte institution,
dont MM. les secrétaires généi aux des diverses sociétés de Paris avaient pris l'ini-
tiative et qu'ils ont eu la gloire de mener à bonne fin.
M. le Président insiste à son tour sur les avantages qui nous sont offerts par le
projet de bail, dont la Société vient de prendre connaissance, et annonce qu'il va le
mettre aux voix, s'il n'y a pas d'observations.
M. DE FoviLLE approuve le projet, mais il craint que les conditions tout à fait
favorables qui nous sont faites aujourd'hui ne soient pas renouvelées à la fin du
bail de 3 ans qui nous est consenti.
M. le Président espère qu'il n'en sera pas ainsi, mais, en tout cas, la Société doit
conserver sa liberté d'action.
M. Flechey demande à être fixé sur le point de savoir si la salle des commissions
nous est attribuée d'une manière permanente et à un jour quelconque.
M. le Président répond que cette clause est formellement précisée dans le projet
de bail.
M. TuRQUAN avait fait, en Conseil, une autre proposition, mais il y renonce à
cause du dîner, dont l'instilution doit être conservée, et surtout par le fait que la
Société possédera un local lui appartenant en propre et dont elle aura la clef.
A la suite de ces observations, le projet de bail avec l'administrateur de l'Hôtel
des Sociétés savantes est adopté à l'unanimité et pleins pouvoirs sont accordés au
Bureau pour l'exécution du projet.
* •
La porole est donnée à M. Fravaton qui a demandé de faire une communication
sur le contrôle des compagnies d'assurances sur la vie et sur le moyen de l'assurer,
à l'aide de la statistique.
M. Fravaton, après avoir indiqué sommairement quels sont les motifs qui né-
cessitent l'organisation d'un contrôle sur les compagnies d'assurances sur la vie,
passe en revue la législation en vigueur dans les États étrangers, notamment en
Angleterre, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Suisse et aux
États-Unis d'Amérique; puis, il fait l'historique de la question en ce qui con-
cerne le régime français antérieurement et postérieurement à la loi de 1867 ;
il rappelle quelles ont été les tentatives faites par le ministère du commerce pour
assujettir les compagnies d'assurance sur la vie à la même surveillance que les so-
ciétés tontinières, tentatives repoussées par les compagnies et qui ont abouti à un
arrêt du Conseil d'État, eh date du 14. mai 1880, aux termes duquel il n'est pas
permis d'établir un contrôle effectif et direct par une simple décision ministérielle,
l'intervention du pouvoir législatif étant nécessaire pour l'organisation de ce con-
trôle. M. Fravaton rappelle encore les différents projets de loi élaborés depuis
1880 et donne lecture de la dernière proposition déposée par M. Lockroy sur le
bureau de la Chambre des députés le 19 novembre dernier.
Après cet exposé, M. Fravaton examine quels sont les points sur lesquels peut
porter la surveillance de l'État; le contrôle peut être préventif ou répressif: il est
préventif lorsque l'État soumet la création des compagnies à la condition d'une
autorisation administrative, ou bien, lorsqu'il impose aux compagnies d'assurances
d'une manière générale, soit par une loi, soil par une décision administrative, cer-
I
— 133 —
taines obligations relatives à la formation du capital des sociétés, au tarif des primes,
au calcul des réserves, à l'emploi des fonds, etc.
Le contrôle préventif, a dit M. Fravaton, est nécessairement arbitraire ; il l'a été,
ainsi que le prouvent les divergences existant entre les divers décrets d'autorisation
lendus jusqu'à ce jour ; il le serait nécessairement à l'avenir, attendu que ni la science
statistique, ni les données de l'expérience ne permettent de déterminer d'une manière
précise toutes les conditions que doit remplir une compagnie d'assurance pour être
viable. En l'absence d'un critérium infaillible, le fonctionnaire ou le juge appelé à
se prononcer sur la demande d'autorisation sera exposé à se tromper, à trancher
arbitrairement dans un sens ou dans l'autre. Plusieurs exemples sont apportés à
l'appui de cette opinion.
L'autorisation préalable est, en outre, inefficace, attendu que, quelles que soient les
dispositions restrictives et les réglementations méticuleusesimposés aux compagnies,
elles ont presque toujours été impuissantes à prévenir les mauvaises gestions, cause
principale de la ruine des compagnies. Les frais de premier établissement, le taux
des commissions, les dépenses générales sont à peu près impossibles à réglementer
préventivement, et c'est leur exagération qui, dans la plupart des cas, a provoqué
la déconfiture des sociétés.
Le contrôle préventif ne doit même pas s'appliquer à l'emploi des capitaux des
réserves. Certains États ont intérêt à ordonner le placement des réserves en fonds
d'État, pour faciliter l'émission de leurs emprunts; mais ce sont surtout les États
dont le crédit n'est pas bien assis qui ont édicté cette mesure au grand détriment
de la garantie des assurés. Les placements en immeubles autorisés par tous les gou-
vernements, sauf ceux de plusieurs États d'Amérique, offrent les plus graves dan-
gers et, en cas de crise, seraient d'une réalisation à peu près impossible.
M. Fravaton expose ensuite les difficultés que présente la détermination exacte
de la valeur des rentes, obligations ou immeubles représentant les réserves; l'État,
obligé d'adopter une règle invariable, serait exposé à faire des évaluations théori-
ques, toujours inexactes et par conséquent inutiles.
L'autorisation est non seulement inefficace, elle peut être dangereuse, car elle
donne sans garantie, sans responsabilité de l'État, une sorte d'estampille officielle à
des compagnies bonnes ou mauvaises; accordée à des compagnies étrangères dont
il est encore plus difficile d'apprécier la solidité et les chances de réussite, elle pour-
rail avoir de graves inconvénients.
La seule condition à imposer aux compagnies d'assurances sur la vie c'est qu'elles
fassent la preuve qu'elles possèdent réellement un capital suffisant pour leur in-
dustrie.
Le contrôle répressif peut porter sur le choix des risques, sur le calcul des ré-
serves de primes et sur le placement des fonds.
Le contrôle du choix des risques, proposé par M. Chaufton(l), consisterait dans
la comparaison entre la mortalité vraie des assurés et la mortalité présumée d'après
les Tables. Ce rapprochement peut évidemment fournir quelques indications utiles,
mais il n'offre pas une certitude suffisante pour être la base d'un contrôle et donner
lieu à l'application de peines déjà fort difficiles à déterminer.
(1) Les Assurances, Paris, Maresque afné. 1885.
~ 13-4 -
Le contrôle du calcul des primes nécessite la fixation de deux éléments indispen-
sables : 1° le taux de l'intérêt des placements de la compagnie; 2° une table de mor-
talité à employer. La fixalion du taux de l'intérêt ne peut qu'être arbitraire, les
variations du cours des valeurs, les différences du revenu des différents éléments
représentant les réserves, s'opposent à un calcul exact. L'un des élénunls de calcul
manque donc d'une base scientifique et pourra toujours être critiiiué et contesté par
les compagnies. Il sera môme inévitable de l'abaisser ou de le rebausscr lorsque le
revenu réel moyen des valeurs approuvées par l'État subira des fluctuations trop
considérables.
En ce qui concerne l'autre élément de calcul, la table de mortalité, il se présente
une autre difficulté: il est facile de choisir une table de mortalité suffisamment
exacte, mais il faudra alors en ordonner l'emploi à toutes les compagnies françaises
qui font usage delà table de Duvillard, reconnue ab.solument inexacte et défectueuse
au point de vue des assurances et impropre h tout calcul scientifique. Cet abandon
de la table de Duvillard entraînerait le remaniement des écritures et même de la
situation financière des compagnies; de là un travail et des frais hors de toute pro-
portion avec le résultat à obtenir. Aucune compagnie n'ignore à quel cliiffre doivent
s'élever ses réserves; lorsqu'elles sont insuffisantes c'est presque toujours le résul-
tat d'une situation tellement embarrassée que le contrôle de l'État serait impuissant
à y remédier; la liquidulion s'impose, elle peut être provoquée sans l'intervention
de l'État.
Quant au contrôle du placement des fonds, il n'est nécessaire que si ce point a
été réglementé préventivement ; dans tous les cas, il n'offre ni difficultés, ni in-
convénients.
Le contrôle répressif a enfin le grave défaut, outre qu'il est fort difficile et peu
efficace, de néressiter la création de nombreux fonctionnaires, plus de cent, et
d'aboutir à une dépense de deux à trois cent mille francs.
M. Fravalon propose de faire exercer le contrôle des compagnies d'assurances sur
la vie, non plus par l'État, mais par les intéressés eux mêmes, c'est-à-dire par les
actionnaires et les assurés. Il suffit pour cela de mettre à leur portée les éléments
de contrôle. 11 Cit facile d'arrivei' à ce résultat p^ir une publicité bien comprise des
comptes rendus des sociétés. A cet effet, on imposerait à chaque compagnie l'obli-
gation de remettre à un bureau spécial composé de deux ou ti'ois fonctionnaires
seulement, ayant les connaissances d'un actuaire et la science d'un statisticien, des
étals d'un modèle uniforme renfermant tous les reiiseiguements nécessaires, sur la
situation des opérations, la nature et la valeur des placements de fonds, le bilan, etc.
Ces états à ppu près indécbiffrnbles pour la masse d. s intéressés devraient servir
à composer dos tableaux comparatifs, auxipiels il S'.i'ait peut-être possible d'ajouter
un terme de conjparaison établi scientifiquement. A l'appui de ce système M. Fra-
vaton présente â la Société les tableaux figurant dans les rapports du bureau fédéral
suisse des assurances.
Ces tableaux présentent d'une manière extrêmement claire et précise, tiès intel-
ligible pour tout le monde, la situation de chaque compagnie, la marche de ses
opérations, les différences qui existent avec les compagnies rivales, soit dans son
portefeuille, soit dans ses réserves, dans sa production et ses extinctions et dans
ses bénéfices.
M. Fravaton pense que ces tableaux pourraient encore être améliorés, on pour-
— 135 —
rait également* utiliser dans ce but les travaux de statistique faits en France sur le
même sujet et arriver à composer une série de documents qui feraient la pleine
lumière sur les opérations et la situation des compagnies d'assurances sur la vie;
ces documents distribués obligatoirement aux actionnaires et aux assurés leur per-
mettraient d'exercer un contrôle direct beaucoup plus efficace que celui de l'Etal et
de dégager complètement sa responsabilité.
Quant à la vérification des états et relevés fournis par les compagnies et soup-
çonnés de fraude ou d'irrégularité, elle aurait lieu par. un ou plusieurs experts
commis par le tribunal sur la demande d'un intéressé, après dépôt d'une provision
pour les frais.
M. Fravaton termine en disant qu'il s'est borné à indiquer les grandes lignes de
son système; il serait reconnaissant à la Société de vouloir bien compléter son tra-
vail plus particulièrement en ce qui concerne les tableaux comparatifs et de dési-
gner, si elle le juge convenable, quelques-uns de ses membres pour étudier les bases
et la forme de ces tableaux.
Le beau travail dont on vient de lire le résumé, en attendant qu'il paraisse in
extenso dans notre Journal, est accueilli par les applaudissements de l'assemblée.
Après un éobange d'observations émises par MM. Vannacque, A. Coste, Aubertin
et M. le Président, la discusion en est renvoyée à la prochaine réunion.
La séance est levée à onze heures et demie.
II.
LE MOUVEMENT DES NAVIRES DANS LES PORTS RUSSES
DEPUIS 50 ANS.
Le journal la Russie commerciale, qui paraît en français à Odessa, confient, dans
son numéro du 31 janvier (12 février) 1890, un tableau fort intéressant du mouve-
ment des navires de commerce entrés dans les ports de la Russie en 1837, 1847,
1857, 1867, 1876 et 1887. « Il a été fait, dit le journal, sur les données du Comité
statistique du département des douanes russes, et distingue les navires en navires
de cabotage et navires au long cours (ou plus exactement navires venant de l'étran-
ger). Il groupe les résultats par mer : 1° mer Blanche ; 2° mer Baltique ; 3° mer
Nuire et mer d'Azov ; 4° mer Caspienne.
Nous ne pouvons pas malheureusement copier ici ce tableau en entier; mais
nous en extrayons les principales données.
La première place appartient à la mer Baltique pour le nombre des navires arri-
vant de l'étranger. Viennent ensuite la mer Noire et la mer d'Azov. Mais en re-
vanche, excepté en 1837 et en 1870, les navires qui font le commerce de la mer
Noire et de la mer d'Azov sont de dimensions plus considérables, de sorte que leur
tonnage est aussi plus grand.
Comme importance, le port de Saint-Pétersbourg et Cronstadt a constamment
tenu le premier rang jusqu'en 1887, où il a été détrôné pour le tonnage par le port
- 136 —
d'Odessa et pour le nombre de navires par celui de Riga. Les poils de Riga el
d'Odessa se sont, pendant le dernier demi-siècle, disputé la seconde place, Riga
étant plus important comme nombre, mais l'étant moins comme tonnage.
Le port d'Arkhangel, sur la mer RIanche, s'est moins développé que les ports si-
tués sur des mers plus chaudes. Il occupait, en 1837, le 4''rang et n'a plus, en 1887,
que le 8', comme nombre de navires, et le 10' comme tonnage. Quant au commerce
international de la mer Caspienne, il est nécessairement restreint. Rakou est le
principal port ; il avait, en 1887, le 9° rang comme nombre de navires el le 12'
comme tonnage. Par contre, il était le plus important de tout l'empire russe pour
le cabotage, avec 4,067 navires et 610,309 tonneaux. Après lui venaient Astrakhan,
puis Odessa. La mer Noire avec la mer d'Azov tiennent la première place pour le
cabotage. Vient ensuite la mer Caspienne; la mer Raltique n'a que le troisième rang.
Afin de mieux donner une idée du développement des ports russes au point de
vue du commerce international, nous avons groupé les chiffres suivants :
PORTS.
Cronitadt
Attimi
1.
Arkbangel.
et
Kig«.
Odeua.
Bakou.
Péteribonrg.
183T .
j Nombre .
353
1,240
1,149
814
180
' ( Tonnage .
29,948
124,719
76,444
107,417
5,289
1847 .
Nombre .
820
2,986
2,456
1,619
67
Tonnage .
58,720
224,669
141,210
212,234
1,665
1857
Nombre .
725
2,320
1,709
1 ,228
214
Tonnage .
58,740
228,374
123,621
210,766
6,990
1867
j Nombre .
723
2,841
1,937
1,380
»
■ ) Tonnage .
60,396
345,529
177,840
329,333
»
1876
j Nombre .
773
2,803
2,643
1,166
372 ,
( Tonnage .
87,783
557,098
446,754
476,309
22,760
1887
j Nombre .
554
2,001
2,080
1,385
548
■ 1 Tonnage.
67,536
536,434
462,157
739,177
58,927
MERS.
Her
Mer Noire
Mer
* H K £ E 8.
Mer Blanche.
B>ltiqu«.
Mer d'Alov.
Caspienne.
TOTAL.
1837 .
l Nombre .
378
2,925
1,701
270
5,274
1 Tonnage .
33,600
228,897
193,552
13,385
469,434
1847 .
Nombre .
824
6,231
4,268
110
11,433
Tonnage .
59,294
419,023
486,338
4,940
969,595
1857 .
Nombre .
779
4,680
3,049
340
8,848
Tonnage .
63,864
395,257
395,326
12,966
767,403
1867 .
Nombre .
841
5,768
4,438
»
11,047
Tonnage .
70,089
607,609
708,060
»
1,386,758
1876 .
j Nombre .
933
7,379
•5,398
740
14,450
1 Tonnage.
102,126
1,263,253
938,995
57,861
2,363,235
1887 .
i Nombre .
655
6,424
5,434
1,146
13,659
1 Tonnage.
85,102
1,464,688
1,886,601
1S7,960
3,574,351
— 137 —
Le tableau dont nous avons extrait ces chiffres ne fait aucune distinction entre
Iês navires russes et ceux des autres pays. Mais, dans l'article qui l'accompagne,
nous lisons :
« Notre marine marchande ne répond pas aux exigences de notre commerce ex-
térieur; la plupart des navires russes s'occupent de cabotage, un petit nombre
seulement prend part au commerce extérieur, de sorte que l'exportation et l'im-
portation se font par l'intermédiaire des navires étrangers.
« La somme des navires à vapeur et à voile, tant étrangers que russes, qui ont
fait, en 1888, le commerce extérieur dans toutes les mers russes, sauf la mer Cas-
pienne, nous est donnée par les chiffres suivants :
Navires, Lenats.
Il est entré 13,936 4,086, 750
Ont quitté les ports . 13,791 4,050,000
« Dans cette quantité le nombre des navires russes était :
Naviret. Leasu.
Pour l'arrivée. . . . 1,506 300,700
Pour le départ . . . 1,445 276,000
En d'autres termes, si l'on prend l'ensemble des navires qui ont fait le com-
merce extérieur de la Russie, nous voyons que les navires russes ne forment que
les 11p. 100 de toute la quantité et les 7 p. 100 de tout le tonnage, tandis que les
navires étrangers forment les 89 p. 100 de la quantité, et les 93 p. 100 de tous les
chargements faits dans le courant de l'année 1888.
« Celte prépondérance des navires étrangers dans le commerce extérieur de la
Russie coûte à celle-ci assez cher; le commerce se trouve en quelque sorte entre
les mains des étrangers, auxquels la Russie paie 75 millions de roubles de fret
par an. »
Georges Martin.
— 138 —
III.
LE CLASSEMENT ET LA RÉPARTITION
DES ACTIONS ET OBLIGATIONS DE CHEMINS DE FER
DANS LES PORTEFEUILLES.
L
Au moment où va s'ouvrir la discussion Hn bud^^et, il nous a semblé ulile d'éta-
blir à nouveau, en la mettant à jour, une statistique que nous avons à diverses
dates publiée dans ces colonnes et dans des études spéciales-
Il s'afrit d'indiquer comment sont réparties, dans les portefeuilles des capitalistes,
les actions et obligations des six grandes compagnies de chemins de fer, et quel est
le montant de leurs titres au nominatif et au porteur.
Nos chiffres s'appuient sur des documents et renseignements officiels. Nous les
devons à l'extrême obligeance des grandes compagnies de chemins de fer, et nous
tenons à leur renouveler ici tous nos remerciements pour les indications pré-
cieuses qu'elles ont mises, comme toujours, à notre disposition.
Cette étude n'a pas seulement pour but de donner une statistique, une énuméra-
tion de chiffres : elle a une portée tout autre. Une statistique, aussi complète qu'elle
soit, n'est utile qu'autant qu'elle renferme un enseignement : c'est cet enseignement
que nous nous efforcerons de mettre en lumière.
En effet, dans les précédentes législatures, un préjugé enraciné a fait supposer
à bon nombre de députés que toutes les valeurs de chemins de fer étaient entre les
mains de quelques capitalistes. De là, les grands mots de « ploutocratie î et « d'aris-
tocratie financière » ; de là, les projets les plus bizarres et les plus dangereux ; de
là, des menaces, sans cesse renouvelées, de frapper de lourds impôts les compa-
gnies, leurs actionnaires et oi)ligataires, et d'aggraver les charges qui pèsent sur
tout ce monde de travail et d'épargne ! Ce préjugé n'a pas disparu. Combien
d'hommes politiques croient encore aujourd'hui que quelques riches financiers
sont seuls à posséder les valeurs de ces compagnies et peuvent en disposer à leur
gré! La «réalité », dmme l'écrivait M. Yves Guyot, -aujourd'hui ministre des
travaux publics, dans son rapport sur l'impôt sur le revenu, montre « qu'elles
sont, au contraire, dispersées dans une multitude de petites bourses (1) ».
C'est cette « réalité » qu'il convient d'établir par des chiffres précis et des docu-
ments certains.
Nous publierons successivement dans ce travail :
1° La situation générale des titres, actions et obligations des six grandes com-
pagnies, en circulation au 31 décembre 1889;
2° La répartition, en titres nominatifs et au porteur, des actions des six grandes
compagnies ;
3° La proportion des actions nominatives comparées à l'ensemble des titres ;
(1) L'Impôt sur le revenu, in-S", chez Guiltaumin et Cie, p. 263.
- 139 —
4° Le nombre de certificats nominatifs d'actions et la moyenne des actions que
représente chacun d'eux;
5° La même stalistii|iie pour les obligations ;
6° Nous indiquerons enfin, le montant des obligations placées par les compagnies
pendant l'exercice écoulé, les capitaux produits par ces placements. Nous y ajou-
terons, ce qui, jusqu'à ce jour, n'a pas été l'ait, le relevé des obligations remboursées
et le montant des remboursements effectués pendant cette même période.
II.
1° Situation générale des titres, actions et obligations des six grandes compagnies,
au Si décembre 1889.
La .situation générale des litres, actions et obligations des six grandes compa-
gnies, en circulation au 31 décembre 1889, est la suivante :
Total des tilres Total des titres I*îombre total
des titres
BN CIRCULATION.
KOU DES COMPAGNIES. ,„ _„„._„„_ „,,.,„.„._. des titres
AU PORTEUR. NOMINATIFS
Est. 1,730,144 3,254,266 4,984,410
Lyon 3,606,172 7,944,938 11,611,110
Midi 1,282,374 2,070,799 3,353,173
Nord 1 ,015,963 2,504,543 3,520,506
Orléans 1,481,505 3,728,108 5,209,613
Ouest 1,694,004 2,841.630 4,535,634
Totaux. . . . 10,870,162 22,344,284 33,214,446
On voit, par ce relevé, que le total des actions et obligations des six grandes
compagnies était, au 31 décembre 1889, de 33,214,446, se décomposant comme
suit :
Actions (capital et jouissance). . . 3,059,000
Obligations 30,155,446
Total égal 33,214,446
Sur ce total de 33,514,446 litres, actions et obligations :
22,344,284 étaient inscrits au nominatif, soit 67.27 p. 400
10,870,162 étaient au porteur, soit 32.73 p. 100
Ces cbiffres montrent le classement merveilleux de ces valeurs, car les titres
nominatifs constituent, par excellence, les placements sérieux de l'épargne: le ren-
tier qui possède une valeur nominative s'en défait avec moins de facilité que d'un
titre au porteur; il la garde dans son portefeuille comme placement définitif ou,
du moins, à long terme.
Ces cbiffres montrent encore — et le rapprochement mérite réflexion — que les
Renies françaises sont les seules valeurs qui soient aussi bien classées el divisées
en un aussi grand nombre de tilres nominatifs.
— 140 —
D'après un travail publié dans le Rentier du 7 octobre dernier, s'appuyant sur
les chiffres et documenis fournis par le ministère des finances, il résulte que, sur
le total général des rentes françaises en circulation, il existait, au 1" avril 1889,
plus de 65 p. 100 de litres au nominatif.
Celte proportion est légèrement plus élevée sur les titres de chemins de fer,
puisqu'elle atteint sur l'ensemble des actions et des obligations 67.27 p. 100.
2° Total des actions de chemins de fer au ilominalif et au porteur,
au 31 décembre 1889.
Nombre total Nombre total Nombre total
sou Dli COHPÀSlIiBI. , . ** '"'.""'' . , d'actions d'action»
(acliouft d« capital
«dejouisMoce). nominatives. au porteur.
Est, actions de capital. 545,001 250,663 294,344
— — de jouissance 38,993 18,716 20,277
Lyon, actions de capital 800,000 354,607 445,393
Midi, actions de capital 243.868 90,432 153,436
— — de jouissance 6,132 2,126 4,006
Nord, actions de capital. 515,067 287,886 227,181
— — de jouissance 9,933 5,566 4,367
Orléans, actions de capital 539,018 293,182 245,836
— — de jouissance .... 60,982 35,155 25,827
Ouest, actions de capital 279,677 111,286 168,391
— — de jouissance 20,323 7,051 13,272
Totaux 3,059,000 1,456,670 1,602,330
Ce tableau indique que le nombre des actions de capital et de jouissance des six
grandes compagnies de chemins de fer s'élève à 3,059,000.
1,456,670 actions sont nominatives, soit 47.60 p. 100.
1,602,330 actions sont au porteur, soit 52.39 p. 100 du nombre total des
titres.
La proportion des actions nominatives, comparée à l'ensemble des titres, s'éta-
blit aux chiffres suivants pour chacune des compagnies :
Est 46.13 p. 100
Lyon 44.33 —
Midi 37.02 —
Nord 55.90 —
Orléans 54.72 —
Ouest. 39.45 —
La compagnie du Nord possède le plus grand nombre d'actions mises au no-
minatif; viennent ensuite les compagnies de l'Orléans, Est, Lyon, Midi et Ouest.
Ces divers titres nominatifs sont représentés par des certificats; dans le relevé
suivant nous en indiquons le total pour chacune des compagnies, et la moyenne
des actions qu'ils représentent :
Tableau.
Ui —
NOM DES COUPAONIKS.
HOUBKK
de
MOTBNKE
dei
RBTIPZC&T8.
CERTIFICATS.
16,184
15
3,615
10
23,573
15
6,303
14
720
3
15,963
18
1,220
5
18,598
16
5,719
6
9,534
12
2,165
3
Est, actions de capital . .
— — de jouissance
Lyon
Midi, actions de capital .
— — de jouissance.
Nord, actions de capital .
— — de jouissance.
Orléans, actions de capital
— — de jouissance.
Ouest, actions de capital. . .
— — de jouissance .
Que conclure tout d'abord de ces chiffres?
C'est que, en ce qui concerne les actions de chemins de far, celte grande n féo-
dalité » financière qui a servi de thème à de si nombreuses déclamations, n'est, en
réalité, qu'une vaste démocratie : la diffusion extrême de ces titres dans les porte-
feuilles en est la preuve.
Ces actions, au nominatif, appartiennent, en effet, à des gens d'épargne possé-
dant, en moyenne, de 12 à 18 titres, représentant, d'après le cours des actions, un
capital de 12,000 à 32,000 fr. Et comme nous l'avons déjà dit (1):
« En examinant cette diffusion, cette répartition du capital-actions des compa-
gnies, comment pourrait-on y découvrir une féodalité dangereuse, prête à tout
envahir, à tout submerger? Cette féodalité, tout le monde en fait partie, les petites
gens, les petits bourgeois, les petits rentiers. » Tout capitaliste possédant 1,400 fr.
d'économies peut entrer dans cette féodalité, en achetant une action de Lyon ;
avec 1,800 fr., il peut être l'associé de la compagnie du Nord; avec 1,400 fr., il
peut acheter une action d'Orléans ; avec 820 fr., une action de l'Est ; avec 980 fr.,
une action de l'Ouest. Ces petits actionnaires, dès qu'ils possèdent 20, 30 ou 40 ac-
tions, peuvent faire partie de droit des assemblées générales, voter ou refuser les
comptes, nommer les administrateurs : voilà les maîtres de ces puissantes compa-
gnies que l'on représente comme des divinités cachées, s'entourant de mystère,
complotant contre la sécurité de l'État et la fortune des particuliers !
« Ces chiffres prouvent que les actions de chemins de fer ne sont pas concen-
trées dans les mains de quelques banquiers; elles sont la propriété de la partie la
plus intéressante de l'épargne française : elles sont le patrimoine, comme le décla-
rait à la Chambre, en 1883, l'honorable M. Rouvier, rapporteur des conventions,
de 300,000 familles françaises. Où donc est le danger de voir l'épargne moyenne
du pays associée par quelques actions aux plus grandes affaires industrielles de
notre époque, à celles qui ont été le plus utiles au développement du commerce, de
l'industrie, du crédit ? »
Ce que nous écrivions, il y a cinq ans, est donc encore vrai aujourd'hui ; ajoutons
que l'on ne saurait accuser cette épargne si intéressante de rester attachée aux ac-
tions qu'elle possède, parce qu'elle reçoit de forts dividendes. Les actions de che-
{l) L'Épargne française et la Féodalité financière, in-8°, Guillaumin, 18Si. — Voir le Rentier du
7 décembre 1885.
— 142 —
miiis de fer rapportent en moyenne 4 p. 100 inlcrêt et dividende compris. Que l'on
compare les revenus des actionnaires aux profils de toute sorle que, sous mille
formes diverses, l'Élat réalise dans l'exploitalion des cliemins de fer, on verra que
celui-ci est le plus favorise. Tandis <)ue, bon an niul an, les 3,059, 0(J0 actions des
six grandes compagnies ont à se partager 155 millions, montant des intérêts et di-
videndes payés pendant l'exercice 1888 et qui, pour 1889, sera légèrement plus
élevé par suite de l'augmentation du dividende de l'Orléans et du Nord, l'Élal, lui,
lanten recettes perçues qu'en économies réalisées, perçoit près de ;300 millions.
D'après les Documents statistiques puliliés fin 1889 par le ministère des travaux
publics concernant les cliemins de fer d'intérêt général, les profils piocurés à
l'Etal par les chemins de fer se décomposent ainsi qu'il suit pour l'année 1886 :
Receltes perçues. . .
Économies réalisées .
Totaux.
171,956,100 fr.
116,424,280
288,380,380 fr.
En 1886, la longueur exploitée du réseau éiant de 30,674 kilomètres, le profit
moyen réalisé par kilomètre représente 9,367 fr. Les actionnaires changeraient
bien leur situation avec celle de l'Élat!
m.
3" Statistique des obligations des six grandes compagnies. — Obligations
en circulation au 31 décembre 1889, au nominatif et au porteur.
Etablissons maintenant les relevés relatifs aux obligations. Ces titres donneni un
revenu égal, sinon inférieur, à celui des renies. Une obligalioii de chemin de fer
coûte, en moyenne, 425 fr., rapporte net 13 fr. 70 c, soit 3.22 p. 100. Or, le 3 p.
100 amortissable à 92 rapporte 3 27 p. 100; le 3 p. 100 ancien, à 88 fr. 50 c,
rapporte 3.38 p. 100. Il s'agit donc encore là d'une classe de capitalistes bien inlé-
ressanli, que l'on n'accusera pas de s'enrichir au délrimenl du pays, car les inié-
rêls qui leur sont payés sont plus faibles que ceux perçus par les rentiers de
l'Elal; et cependant, c'est grâce aux capitaux qu'ils ont fournis, que les compagnies
ont trouvé les ressources nécessaires pour développer le réseau de nos voies
ferrées.
Voici quel était, au 31 décembre 1889, le nombre d'obligations diverses en cir-
culation, en titres nominatifs et au porteur :
HOH Dal OOliPAOSIKS.
Est.
Lyon
Midi
Nord
Orléans
Ouest
Totaux . . .
Obligaiioni
ES CIECDLATIOK
des
obligations
des
obligviiooi
31 décembre 1889.
NOUINATIVES.
AU POKTKUa.
4,400,410
2,984,887
1,415,523
10,811, 110
7,590,331
3,220,779
3,103,173
1,978,241
1,124,932
2,995,506
2,211,091
784,415
4,609,613
3,399,771
1,209,842
4,235,634
2,723,293
1,512,341
30,155,446
20,887,614
9,267,832
— us —
Ainsi, sur 30,155,446 oblijrations de chemins de fer, 20,887,614 sont nomina-
tives, soit 69.26 p. 100 et 9,267,833 sont au porteur, soit 30.74 p. 100. La moyenne
générale est do 69 p. 100 de titres nominatifs.
Il y a cinq ans, au 31 décembre 1884, il existait en circnlalion 27,660,973 obli-
gations de chemins de fer sur lesquelles 18,118,865 étaient nominatives et
9,542,108 au porteur,
La moyenne générale était alors de 67.10 p. 100 de titres nominatifs (1). On
voit qne la proportion s'est encore accrue.
Pour chacune des compagnies la proportion des obligations nominatives est la
suivante :
A l'Est. . .
Au Lyon .
Au Midi . .
Au Nord . .
A l'Orléans.
A l'Ouest .
A.U 31 DÉCBUBBB 1889-
67.83 p. 100
70.21 —
63.75 —
73.81 —
73.75 —
64.29 -
AU 31 DÉCEMBRE 1334*
64.50 p. 100
67.23 —
58.42 —
70 —
70 —
59.92 —
Le nombre des certificats nominatifs d'obligations et la moyenne des titres repré-
sentés par chacun d'eux peut s'établir ainsi qu'il suit :
-, K, Nombre
Nombre , moyenne
NOM DE8 OOMPAQNIES. d'OBLIGATTONS OERTl^IOAS ^"
NOMISiTIVES. NOMIHATIF». CBBT1F10AT8.
Est 2,984,887 112,570 26
Lyon 7,590,331 227,142 33
Midi 1,978,241 55,733 35
Nord 2,211,091 57,511 39
Orléans 3,399,771 107,040 32
Ouest 2,723,293 96,918 28
Totaux. ... 20,887,614 656,914 32
Ainsi, les 20,887,614 obligations nominatives sont représentées par 656,914 cer-
tificats nominatifs. Ce qui donne, comme moyenne de titres inscrits sur chacun
d'eux, 32 obligations, soit un capital de 13,600 fr., rapportant annuellement
438 fr., soit 3.22 p. 100.
IV.
Avant de terminer cette étude, nous indiquerons le montant des ventes d'obli-
gations effectuées par les compagnies pendant l'exercice écoulé; le montant pro-
duit par ces ventes; le prix moyen de vente par obligation. A ces renseignements,
que nous donnons habiiuellement dans le Rentier et que les Journaux de finances
repioduisent, nous en ajoutons un qui est entièrement nouveau et sur lequel nous
appelons l'attention du public et de nos conhères de la presse économique et finan-
(1) Voir le Rentier du 7 décembre 1885.
I
— 144 —
cière: c'est le relevé des obligations amorties pendant la même période et le mon-
tant des remboursements qui ont été ainsi effectués.
Obligations des six grandes compagnies vendues et amorties pendant l'année 1889.
HOHBBB MOHTiHT P»IX MOTBN -_,.„.„.„.. MONTAHT
d'obligation. produit de vente OBLIOATIomi ^^
Tendoei par par ^l^^lià' remboursbmbmt»
en 1889. ces ventes. obligation. '" ""■ en 1889.
Est 130,921 51,729,505 52 395 12 6,960 3,480,000 »
Lyon 126,438 51,701,438 75 408 91 50,796 27,145,800 »
Midi 32,930 13,463,621 13 408 856 14,422 6,753,932 58
Nord 25,986 10,693,640 75 411 52 18,684 9,342,000 »
Orléans .... 137,144 55,481,000 » 404 » 26,623 13,676,750 »
Ouest. .... 122,507 49,685,000 » 405 60 24,533 12,706,700 »
Totaux . . 575,926 232,754,506 15 142,018 73,105,182 58
Ainsi, pendant l'année 1889, les six grandes compagnies de chemins de fer ont
placé 575,926 obligations qui ont produit 232,754,506 fr. 15 c.
La moyenne du prix de vente, pendant l'année 1889, est la plus élevée qui ait
été jamais atteinte: c'est la preuve indéniable du crédit croissant des compagnies
et de la confiance qu'elles inspirent à l'épargne tout entière : on en jugera par les
relevés suivants des cinq dernières années :
Prix moyen de vente des obligations depuis 1885.
1889 188e 1887 1888 1889
Est 371 45 380 09 382 07 390 25 395 12
Lyon 376 080 384 318 385 263 400 306 408 91
Midi 376 12 385 16 391 82 398 73 408 856
Nord 384 22 398 40 395 25 401 547 411 52
Orléans. ... 377 67 384 91 393 57 399 » 404 »
Ouest 376 318 385 334 390 22 396 71 405 60
Cette hausse continue est d'autant plus remarquable que, d'année en année, le
nombre d'obligations mises en vente s'est constamment accru.
Depuis 1885, les six grandes compagnies ont placé 3,131 ,779 obligations, repré-
sentant un capital de 1 milliard 218,109,329 fr. 54 c.
En voici le relevé ;
._,i_, OBLIOÀTIOSB TOTAL
VENDUES. DU PBIX DE TENTE.
1885 750,752 283,656,206 02
1886 873,992 336,005,657 15
1887 434,396 168,463,646 41
1888 496,713 197,229,253 81
1889 575,926 232,754,566 15
Totaux. . 3,131,779 1,218,109,329 54
Les capitaux disponibles se portent sans cesse sur ces valeurs de tout repos, et à
ces disponibilités s'ajoutent celles provenant du remploi des obligations de chemins
de fer amorties tous les ans et remboursées à leurs détenteurs. Lorsqu'un rentier
possède des obligations ou titres quelconques, et que l'un ou plusieurs d'entre eux
— 145 —
sortent remboursables, il achète avec les fonds provenant des litres qui lui sont
remboursés, les mêmes valeurs. C'est ce qui se produit tous les ans avec les obli-
gations de chemins de fer.
Pendant l'année 1889, 142,018 obligations diverses ont été amorties pour 7iJ mil-
lions ; pendant la même période, 575, 9io oblii(alions ont été vendues pour 232 mil-
lions: il en résulte que le montant des amortissements et remboursements effec-
tués par les compagnies représente un peu plus du tiers du montant des obligations
qu'elles placent. Au fur et à mesure que les années s'écoulent, les amortissements
deviennent plus élevés, et il arrivera bientôt un moment où les remboursements
atteindront la moitié, les trois quarts et même la totalité du montant des obligations
placées annuellement. Ainsi s'explique la hausse graduelle mais conlini-e des obli-
gations des grandes lignes ; le public a toujours des emplois et remplois nouveaux
à effeciuer sur ces valeurs ; il ne cesse, malgré la hausse acquise, d'en acheter de
nouvelles et conserve précieusement celles qu'il posïède, sachant bien que la grande
sécurité de ces titres en fait la base première de tout portefeuille sérieux, de toute
fortune de « père de famille ». La progression des titres mis au nominatif s'accroît
chaque année : or, il n'est pas de critérium plus sûr du solide classement d'une
valeur.
V.
Que prouve enfin cette longue statistique que nous venons d'établir? C'est que
les titres des compagnies de chemins de fer, actions et obligations, représentent la
parlie la plus importante, la plus sérieuse de l'épargne. Aux cours de la Bourse, les
33,214,446 titres des compagnies de chemins de fer forment un capital de plus de
16 milliards. Celte fortune énorme appartiendra à l'État d'ici 1953 à 1960 au plus
tard, soit dans 63 à 70 ans (ce qui est un court espace de temps dans la vie d'une
nation). N'est-il donc pas vrai de dire que, lorsque des hommes politiques, ainsi (|ue
nous l'avons vu dans la précédente législature, attaquent et risquent de discréditer
les grandes compagnies, c'est porter atteinte à la fortune, à l'épargne pénible-
ment acquise d'une foule de petites gens, et nuire à la fortune même de l'État ?
L'expérience et les faits indiquent que, dans la composition de leur portefeuille,
les capitalistes et les rentiers font entrer en parties égali.'s, avec la même confiance
et la même sécurité, des rentes, des actions et des obligations de chemins de fer.
Ce qui le prouve, c'est la répartition des rentes françaises comparée à celle des va-
leurs de chemins de fer, répartition que nous citions au début de ce travail, et que
nous voudrions voir méditée par les députés, anciens ou nouveaux, qui croiraient
se rendre populaires en rééditant les grands mots de « ploutocratie » et d' « aris-
tocratie financière », alors qu'il s'agit de compagnies ayant émis des titres aujour-
d'hui disséminés et classés dans toutes les bourses à l'égal des rentes sur l'État.
Sur le total général des renies françaises en circulation, 65 p. 100 des titres sont
constitués en nominatif.
Sur le total général des valeurs de chemins de fer, actions et obligations, 67.27
p. 100 sont au nominalif.
Attaquer et discréditer les unes, c'est donc attaquer et discréditer les autres:
voilà la vérité qu'il convient de ne pas oublier.
Alfred Neymarck.
lt> SÉBIB. 31« VOI. — S°5. jQ
— 146 —
IV.
LA FRANCE ÉQUINOXIALE.
NOTES tT IMPRESSIONS SUR LA GUYANE FRANÇAISE.
Si la Guyane française, au lieu d'être
une vieille terre, était une découverte
moderne, on s'y précipiterait avec fu-
reur.
Saint-Amant.
Je vais parler ici d'une colonie déjà vieille, très vieille même, quoique bien jeune
cependant au point de vue pratique auquel je l'envisage. LA, plusieurs générations
françaises, qui n'ont peut-être pas produit tout ce qu'elles auraient dû produire
avec les élémenls qui à diverses reprises ont été rais à leur disposition, ont déjà
vécu. Là-bas, on a le sentiment réel et vrai de ce qu'est notre belle France. On
l'aime; mais on ne sait pas la comprendre. Ce pays regrelte peut-être aujourd'hui
ce qu'il a été autrefois, à certaines époques.
La responsabilité de l'état actuel des choses doit-elle incomber aux Français de
là-bas ou bien aux Français de la métropole ; aux Français d'autrefois ou aux Français
d'aujourd'hui? C'est ce que nous allons examiner.
Certes, actuellement la Guyane ne demanderait pas mieux d'être un peu moins
négligée dans notre politique coloniale, car elle aussi a sa valeur à côté des pays
neufs.
Certes, elle proteste avec trop d'amertumecontre l'oubli momentané qui la frappe
aujourd'hui. Mais il n'en est pas moins vrai que, pour celui qui n'a aucun parti
pris, la Guyane fiançaiso est encore une colonie qui pourrait devenir prospère et se
développer.
Pour le moment, elle est à l'état d'embryon, malgré sa vieillesse nationale, malgré
ses trésors cachés, malgré ses richesses naturelles, malgré tout ce qu'ont pu faire
nos devanciers, malgré enfin tout l'argent que nous y avons dépensé.
Pourquoi? Parce que l'esprit de suite n'a pas présidé à ses destinées; parce que,
.soumise à des régimes intermittents, à des fluctuations de direclion, ce qui était
bon à une époque ne Tétait plus à l'autre; parce qu'elle a passé successivement,
suivant l'ère des vents de la politique locale ou métropolitaine, de la période d'ac-
tivité à la période de sommeil, livrée, suivant les temps, à des administialeurs
enthousiastes et de mérite ou à des indifférents. Qu'on me permette d'effleurer en
quelques mots la partie diplomatique de la queslion.
Personne n'ignore que la Guyane française n'a pas encore de frontières. L'Oya-
pock, du côté du Brésil, la limite pour le moment. Mais, sur la rive droite de ce
fleuve, n'avons-nous pas le territoire contesté avec le Brésil? De l'autre côté, Le
Maroni, la limite avec la Guyane hollandaise. Mais n'avons-nous pas sur la rive gau-
che de ce fleuve le territoire contesté avec la Hollande, ce fameux territoire de
l'Awa, ce triangle oîi l'or se remue à la pelle?
Pourquoi en 1889 ces questions ne sont-elles pas résolues d'une façon ou d'une
autre? A qui en attribuer fa responsabilité?
— U7 —
I
C'est sans doute que la Guyane était déjà trop grande pour les Français, nos
devanciers ; que peut-être le besoin de cette délimitation précise ne se faisait pas
alors sentir. Il n'en est pas moins vrai que c'est justement à ce moment que la
diplomatie aurait dû agir. La tâche eût alors été plus facile, car la question de la
République indépendante de Counani, du côté du Brésil, n'était pas encore créée;
et, du côté de la Hollande, les gisements d'or de l'Awa n'étaient pas encore
découverts.
Les appétits réciproques des peuples riverains n'avaient donc pas à cette
époque l'acuité qu'ils ont aujourd'hui. La question eût donc été plus facile à résoudre.
Je conclus donc qu'en ce qui concerne la question de délimitation des deux côlés,
nos devanciers ont vraiment été négligents, et qu'ils nous ont laissé une lourde
tâche à accomplir comme une lourde responsabilité. Ces deux questions n'en doi-
vent pas moins être résolues au plus tôt.
Au point de vue géographique, le territoire colonial de la Guyane, qui s'étend,
non compris les territoires contestés, de l'Oyapock au Maroni et du littoral aux
Tumuc-Humac (région pour ainsi dire inexplorée), a une étendue approximative
de 6 millions d'hectares.
Le territoire se divise en deux régions distinctes : la région des terres basses ou
alluvionnaires, et celle des terres hautes sur lesquelles Crevaux, s'il n'était pas mort,
et les chargés de missions, comme l'explorateur Coudreau, seraient plus à même
que moi de vous fournir des appréciations authentiques.
La région des terres basses occupe tout le littoral et s'étend jusqu'aux premiers
sauts des rivières, à 30 ou 40 kilomètres dans l'intérieur.
Lesterresalluvionnaires sont d'une fertilité surprenante: de l'Oyapock au Mahury,
les terres à proximité des rivages sont bordées de palétuviers ; du Mahury au Maroni,
ces mêmes terres sont des savanes sèches ou noyées, des pis-pis entrecoupés de
palétuviers.
C'est dans ces endroits, comme l'avaient d'ailleurs compris nos devanciers, que
par des canaux de dérivation et de dessiccation, on peut donner aux terres la valeur
réelle qu'elles devraient avoir; le canal du Tour de l'Ile, la crique fouillée, le canal
Laussat, sont là pour prouver que c'est ainsi qu'on avait compris jadis la colonisa-
tion sur les côtes de la Guyane. 11 n'y a pas de territoire malsain et inaccessible
pour l'homme intelligent qui veut réussir. Notre époque fournit toutes sortes de
moyens prati(|ues pour arriver au but.
La Guyane anglaise, si prosfière à côté de nous, n'a-l-eile pas eu et n'a-t-elle
pas encore à vaincre les mêmes difficultés?
Au delà des premiers sauts, le sol se relève peu à peu par étages successifs jus-
qu'aux Tumuc-Humac en donnant des altitudes de 200 à 300 mètres. C'est là que
gît le précieux métal dans des forêts vierges d'une beauté indescriptible.
Ce territoire immense est sillonné de nombreux cours d'eau, dont les principaux
sont de véritables fleuves. Ce sont le Maroni, la Mana, le Sinnamary, le Kourou, la
rivière de Cayenne, à l'embouchure de laquelle se trouve la capitale avec ses
12,000 habitants, le Mahury, l'Approuague, l'Ouanary et l'Oyapock. J'ai la satisfac-
tion de pouvoir dire que je les ai tous visités, sans toutefois avoir pu les remonter
bien haut, faute de temps et de moyens commodes de transport.
Ces fleuves seraient navigables jusqu'aux premiers sauts et même au delà pour
des navires d'un petit tirant d'eau (I à 2 mètres environ), A l'embouchure, il existe
— 148 —
raalheureusemenl des barres, bancs de sable ou de vase; ils sont cependant suscep-
tibles d'offrir des refuges aux bâtiments d'un tonnage de 300 à 500 tonneaux,
comme la rivière de Cayenne et de Maroni, par exemple, mais à la condition que les
navires pénètrent à marée haute.
La population de la Guyane française peut être estimée approximativement à
20,000 âmes, disséminées sur plus de 300 kilomètres de côtes, Cayenne compris.
A ce chiffre, il y a lieu d'ajouter la population autochtone, composée de tribus
d'Indiens Peaux-Rouges qu'a éloignées petit à petit la civilisation, et qui habitent les
terres hautes. D'après Coudreau, il existerait encore dans les hauts de l'Oyapock
une population de plus de 20,000 Indiens qu'une politique prudente et bienveil-
lante serait susceptible, à l'heure qu'il est, de nous attirer, et qui serait apte à
mettre en valeur tous ces hauts territoires encore inconnus.
Comme terme de compaiaison, au point de vue population, je dirai que notre
voisine, la Guyane anglaise, compte plus de 300,000 habitants, et que son mouve-
ment commercial et agricole dépasse 100 millions de francs. Comme je vais dire
un mot du commerce de la Guyane, il sera facile déjuger de l'infériorité de notre
colonie à ce point de vue.
Commerce. — Ce serait aller trop loin que de dire qu'à la Guyane les commer-
çants ne font pas fortune. Le commerce local a même une certaine activité qu'on
ne trouve pas dans d'autres colonies.
L'élément commerçant se compose de bons et braves négociants, faits au climat,
ayant en France d'anciennes relations bien assises. Le mouvement ordinaire des
affaires s'y perpétue sans qu'on songe que tout se modifie et s'amélio're chez nous
et que dans la métropole la nouveauté du jour remplace à chaque saison celle d'hier.
J'ai eu occasion de constater avec regret que les étrangers nous font en toutes
choses une concurrence redoulable et que les articles étrangers, anglais ou amé-
ricains, sont représentés sur une vaste échelle aussi bien en ce qui concerne les
tissus, les objets de première nécessité, etc., que pour les conserves alimentaires.
Il liaudrait, je crois, de la part des fournisseurs de la métropole plus d'activité, et
ceux-ci devraient, par eux-mêmes ou par des agents de leur partie, aller se rendre
compte sur place de la possibilité d'une concurrence avantageuse.
Le commerce de la colonie peut être approximativement évalué comme suit:
Exportation pour France 5 à 6 millions.
Exportation pour les autres colonies . Nulle (1,500 fr. environ).
Exportation pour l'étranger 40,000 fr.
hnportation de France 7 millions environ.
Importation des autres colonies . . . 175,000 fr. environ, mais ce chilîre a dû aug-
menter en 1889.
Importation de l'étranger 1,500,000 fr. environ. Ce dernier chiffre est
plus fort aujourd'hui, car mes données statis-
tiques datent de i ans.
La navigation commerciale donne approximativement par an 80 ou 90 navires,
jaugeant environ 35,000 tonneaux et montés par 1,500 hommes d'équipage.
Quelques chiffres de détail suffiront d'ailleurs pour donner un aperçu sur la va-
leur commerciale de la Guyane.
— 149 —
Du 1" janvier au 1" juillet 1887, il aurait été exporté en fait de denrées, savoir :
Cacao 4,507 kilogr. pour France.
Café 50 —
Plumes 106 - —
Rocou en pâte 21,657 — —
Tafia 455 litres —
Vessies 737 kilogr. —
Peaux de bœufs 850 — pour les colonies et l'étranger, et
encore ces peaux de bœufs pro-
viennent-ellesdes bœufs importés
vivants par navire de Denserari.
Or natif fondu 60T',51 15 pour France.
Or natif non fondu 261^162 —
Les quantités d'or déclarées du 1" juin au I" juillet 1887 ont été de UD'^jS??.
D'après la mercuriale, le prix des denrées et produits de la colonie s'établirait
comme suit au 1" juillet 1887 :
Peaux de bœuf
. la peau . . .
10'
»
Vessies natatives desséchées . .
. le kilogr. . .
3
»
Bois de construction
. le mèlre cube
80
»
Bois d'ébénisterie
—
. 100
»
Sucre brut
. le kilogr. . .
0
45
Café en parchemin
— ...
1
50
Cacao. ...
__
0
2
2
90
Or natif fondu . . — . . .
85
Or natif non fondu
— ...
70
Rocou
.
1
1
G
Yl
Clous de girofle. .
»
Griffes de girofle
— ...
50
Tafia
le litre . . .
0
0
4
65
Couac
le kilogr. . .
fiO
Caoutchouc
»
D'après les déclarations en douane, en 1887, les quantités d'or produites auraient
été les suivantes pour toute l'année:
Janvier . .
Février . .
Mars . . .
Avril . . .
Mai. . . .
Juin. . . .
Juillet. . .
Août . . .
Septembre
Octobre . .
Novembre
Décembre
134S133"
134
403
141
256
132
775
134
524
143
450
134
553
161
758
159
990
131
768
144
911
110
485
Total 1,664S006«'
— 1.50 —
C'est là le résultai de 369 permis d'exploitation accordés sur 800,000 hectares
de superficie.
En 1879, on avait alleint 2,174 kilogr., mais ce relevé ne donne que le chiffre
de l'or volontairement déclaré en douane. Or, comme la douane guyanaise n'a que
des moyens de contrôle absolument problématiques, on peut affirmer, sans crainte
de se tromper, que les chiffres officiels sont au-dessous de la vérité, et cela par suite
de provenances en fraude, (\m ne manquent pas d'avoir une certaine valeur.
En résumé, je mets en fait que tous ces chiffres seraient susceptibles de décupler
si tous les éléments de commerce et d'industrie que possède la Guyane étaient plus
connus au dehors el surtout en France.
La colonie produirait autant qu'on le voudrait si la demande excitait l'offre.
Clitnaloloffie. — La Guyane n'est pas un pays malsain, malgré les malheureuses
épidémies qui sont venues à certaines époques l'éprouver. Il ne faut pas y rester de
prime abord trop longtemps sans venir se retremper momentanément en France ;
mais j'ajouterai que l'acclimatemenl se fait normalement et même au bout de peu
de temps.
Ce n'est pas par suite un pays funeste à l'Européen, et, pour peu que ce deinier
n'y commette pas d'excès et suive une bonne hygiène, il peut y vivre et même très
longtemps.
Les générations qui nous ont précédés en sont la preuve. Il existe encore en
Guyane de nombreuses el vieilles familles, très honorables, descendance des pre-
miers colonisateurs de celte France éijuinoxiale, dont les vestiges, à l'époque
actuelle, montrent surabondamment qu'il était possible d'y faire souche.
Immigration. — Tout le monde est d'accord aujourd'hui pour reconnaître
qu'une affluence de bras peut seule relever ce pays si fertile; mais, dans celte
importante question, les opinions diffèrent sur le mode d'immigration qui convient
à la Guyane. En raison de l'élendue de son territoire, ce qu'il faut à la Guyane pour
la transformer un jour, c'est un peuplement régulier, c'est-à-dire une immigration
permanente el fixe, surtout choisie d'après les aptitudes des immigrants, selon
l'affectation qui devra leur êlre donnée : industrie aurifère ou travaux agricoles.
Il ne faudrait pas, en effet, que l'industrie aurifère, qui, elle aussi, a besoin de bras,
fit concurrfnce à l'agriculture qui en manque absolument et n'en aura jamais assez.
L'immigration africaine est, sans aucun doute, celle qui paraît le mieux convenir
à cette colonie, puisque ce sont les Noirs qui forment aujourd'hui la majorité de sa
population el ont été amenés à constituer les vrais citoyens du pays, électeurs
et Fiançais au même litre que nous autres Européens, el certainement aussi intel-
ligents.
Le conseil général du pays a compris celte nécessité et demande instamment une
solution en ce sens. Malheureusement, le pays se trouve arrêté dans la circonstance
par la question pécuniaire. Sans cela, ce ne serait pas un stock de 1,000 hommes
que devrait appeler la colonie, mais de 10,000 au moins.
Je ne verrais pas non plus l'impossibilité d'une immigration annamite ou chi-
noise comme complément de l'immigration africaine. L'immigration volontaire
chinoise et annamite est déjà très accentuée, au point qu'elle a soulevé une certaine
jalousie dans la population locale. Les Chinois notamment font, en effet, une con-
currence effrénée au petit commerce du pays, ce qui a amené bien des méconlente-
menls el des plaintes.
— 15i —
Toujours est-il que la création en Guyane d'un syndical composé de représen-
tants de l'agriculture, de l'industrie et du commerce français, sous la surveillance
de l'adminislralion, offrirait des garanties sérieuses pour donner à l'immigration,
de quel(|ue part qu'elle provienne, le développement qu'elle devrait avoir, car
ce qu'il faut à ce pays, c'est le peuplement ; et il le reconnaît déjà si bien qu'il est
prêt à consentir dans ce but de véritables sacrifices.
Agriculture. — L'agriculture laisse énormément à désirer. La population du pays
s'est portée en foule sur les territoires aurifères et a abandonné cette branche de la
fortune publique depuis la découverte de l'or.
On voit encore d'immenses et riches propriétés plantées de roucoux, de café, de
cacao, provenances de l'époque antérieure, qui continuent à végéter au milieu des
lianes et des herbes qui maintenant les étouffent et qu'aucune main, puisiju'il n'y a
plus personne, n'est là pour arracher.
Les ressources agricoles susceptibles en Guyane d'une exploitation avantageuse
sont les suivantes : cacaoyer, caféier, cotonnier, caoutchouc, canneàsucre,rocouyer,
giroflier, muscadier, poivrier, mûrier, cannelier, les aromates (vanilles, etc.), les
graines oléagineuses de toute espèce, carapa, aouara, caurnon, sésame, palma-christi,
pataoua, enfin l'indigo et le tabac.
De magnifiques pâturages, offerts par d'immenses savanes, s'étenlent à perte
de vue, mais à part les points de Kourou et Sinnamary où quelques maigres essais
sont tentés cependant avec succès par de rares propriétaires (deux ou trois tout
au plus), on peut dire qu'on ne voit pas beaucoup de têtes de bétail.
Cependant il suffirait de vouloir pour pouvoir et pour faire cesser surtout ce
ravitaillement en béiail, qui consiste à aller, avec des navires à vapeur, chercher
dans la colonie anglaise voisine les animaux destinés à l'alimentation.
Ici, je suis obligé d'avouer que personne ne veut s'occuper de ces intéres-
santes questions, parce que la fortune provenant de l'agriculture ou de l'éle-
vage semble trop lente à venir. Aussi préfère-t-on la loterie du placer où cependant
sur 100 appelés on rencontre à peine 3 élus.
A l'élève du bétail peut venir s'ajouter l'exploitation forestière. Certes, la Guyane
est un des pays de la terre les plus riches en bois de toute espèce pour la construc-
tion et l'ébénisterie. Son sol est couvert de forêts vierges et de cours d'eau
propres à faciliter l'exploitation de ces forêts. Depuis que la Guyane est devenue
la France équinoxiale, qu'ont fait pour faciliter l'exploitation forestière ses premiers
pionniers, ses habitants du vieux temps, ses habitants actuels et même les Français
en général ? Hélas! rien, absolument rien.
Et cependant n'avons-nous pas actuellement en mains tous les moyens pratiques
que le progrès moderne met à notre disposition !
Il est constant, indéniable qu'il n'y a pas de pays au monde où il y ait de plus
belles forêts, de plus curieuses et de plus belles essences, malgré le reproche que
l'on fait aux arbres de la Guyane de ne pas se trouver réunis par familles.
Pour la construction, l'ébénisterie, la menuiserie, il y aurait, si on le voulait,
d'immenses débouchés, et l'on ne verrait pas en 1889 se bâtir en plein Cayenneun
établissement de dislillerie avec des bois, des poutres, des planches, etc., provenant
de Démerari, de la Guyane anglaise, ou des États-Unis. J'ai rou;,n en assistant au
débarquement d'un paquebot français de voir ces bois de coiislniciion qu'on aurait
pu trouver à ((uelques heures à peine de Cayenne et cela sans paquebot.
— 152 —
Il suffît d'ailleurs de voir à l'exposition coloniale les spécimens des bois exposés
et les meubles faits par des ouvriers forçais de l'administration pénitentiaire avec
ces bois, pour en apprécier la valiîur et le parti qu'on en peut tirer.
Mines. — L'industrie minière ne manque pas non plus d'éléments d'activité. Il me
suffira de citer les phosphates du Grand-Connétable dont l'exploitation a été concédée
parla colonie il y a quelques années à une compagnie américaine, comme si dans la
colonie aussi bien qu'en France, on n'aurail pas pu trouver les éléments d'une ex-
ploitation avantageuse qui aurait au moins profilé à des Français. Du côtédeUoura,
un ingénieur, M. Mufilet, a découvert des gisements exploitables de beauxite. Il
existe encore bien d'autres sources de richesse dans celte partie, quand ce ne serait
que la terre à fabriquer les briques et la poterie, dont un homme d'iniliative,
M. Houry, a bien su, lui, trouver l'emploi.
Industrie aurifère. — L'industrie aurifère a acquis à la Guyane une importance
capitale et si plus haut je déclarais qu'il y avait beaucoup d'appelés et peu d'élus,
c'est que jusqu'à ce jour, faute de moyens efficaces, le transport sur les terrains
d'exploitation el le ravitaillement conslitueiit une vérilable difficulté.
Il laut, pour résister aux fatigues de pareils voyages et vivre sur les terrains ex-
ploités, une constitution spéciale; il faul des connaissances et une pratique qui s'ap-
prend comme un métier; il faut enfin des qualilés physiques que l'Européen n'a
pas le temps d'acquérir, mais qu'un séjour de quelque temps avec des facilités de
communication rapide et des installalions hygiéniques bien con)prises peuvent lui
donner. Néanmoins toute la Guyane depuis l'Approuague où le premier placer a été
découvert par mon grand-père M. Félix Gouy, conduit par l'Indien Tapouille Paoline,
jusqu'au Sinnamary où se trouvent les fameux placers de Saint-Elie el d'Aden-Vat,
justju'à la Mana où travaille actuellement la société de la Mana, jusqu'au Maroni,
toute la Guyane contient de l'or. Il est à qui le veut. 11 suffit de s'inscrire aux conditions
réglementaires à la direclion de l'intérieur pour avoir le droit de recueillir le pré-
cieux métal. Et à ce sujet, il serait à désirer pour l'authenticité réelle des plans
délivrés qu'une carte bien exacte de la zone aurifère fût établie, car celle qui sert
actuellement d'étalon repose sur des données absolument problématiques.
En résumé, l'induslrie auril'èie est susceptible, avec les moyens que la science et
le progrès metlenl aujourd'hui à notre disposition, de décupler pour la Guyane et
pour la Fiance celle source de revenus. Indépendamment des formalités admi-
nistralives que je viens d'indiquer, l'or paie, à l'entrée en ville à Guyenne, un droit
fixe par kilo qui nécessite une déclaration en douane, formalité sur le mérite de
laquelle mon opinion est bien arrêtée. C'est là une naïveté administrative locale,
qui n'a de prise que sur les honnêtes gens, et il est difficile de dire si c'est là la
majorité.
En définitive, si les moyens pratiques dont nous disposons en France étaient mis
à la disposition des chercheurs, si le ravitaillement élait plus facile, il ne faudrait
pas 23 jours, par exemple, à partir du poste du Maroni pour remonter ce fleuve et
atteindre l'Eldorado de l'Awa où les cailloux, paraît-il, sont en or, d'après les en-
thousiastes. Il ne faudrait pas passer des semaines en pirogue pour atteindre son
placer; et les moyens d'exploitation et d'extraction eux-mêmes pourraient èlie per-
fectionnés de façon à faire rendre au sable ou au quartz tout ce qu'il peul
donner, et cela à moins de frais. En outre de l'amélioration des moyens de trans-
port il faut des bras. Et, cela se comprend, les bras sont très chers. Ils sont en raison
— 153 —
de l'offre et de la demonde. De là des exigences réciproques et comme conséquence
un défaut de moralité dans les contrats.
L'industrie aurifère, si elle constitue actuellement la base sérieuse de la fortune
de la Guyane, a cependant l'ait beaucoup de mal à ce pays. Elle a affaibli le niveau
moral de la population. Elle a gâté cette excellenleiiopulalion d'autrefois qui préfère
maintcnani attendre les résultats d'une spéculation hasardée plutôt que de soigner
son sol, de cultiver et de s'occuper de la vente des produits agricoles, plutôt que de
songer à entretenir ses routes, ses pouls, ses canaux, ses bâtiments et d'améliorer
au point de vue matériel les conditions de l'existence, au risque de laisser même
tomber en ruines ses propres maisons, tant que la fortune n'a pas souri à la tentative,
.le pardonne ses défauts et ses conséquences à cette folie de l'or, puisque sans le
précieux métal, qui la soutient encore, la Guyane ne respirerait plus. Mais j'ai la
conviction gue celle cause de fortune devrait pouvoir non seulement s'associer'
avec les autres éléments qui existent dans le pays, mais encore aider même à leur
développement, si les choses étaient judicieusement comprises, a.ssises et réglées.
Organisaiioii politique. — Elle est calquée sur celle de nos grandes colonies.
Le conseil général, élu au suffrage universel, gère, de concert avec l'administration
de l'intérieur, les affaires locales. Les arrondissements se subdivisent en communes.
Mais dans la question communale, j'ai l'assurance, et en cela je suis absolument
d'accord avec la représentation locale, que le pays n'est pas encore assez raùr pour
jouir avantageusement et pratiquement d'un système communal proprement dit.
Anciennement, les administrateurs, qui avaient l'esclavage comme moyen de
peuplement, ont pensé que la dissémination sur d'immenses étendues de terrain
constituait la vraie colonisation du pays. Ils avaient peut-être raison à cette épo-
que ; mais ils auraient dû en même temps penser à relier entre eux les centres de
population qu'ils voulaient créer. Or actuellement il faut 8 à 10 jours pour commu-
niquer, et encore par mer, de Cayenne avec la commune de l'Oyapock, 3ou 4 jours
pour communiquer avec l'Approuague et 8 ou 10 jours pour communiquer avec
Mana.
Il eu résulte que non seulement ces centres s'ignorent entre eux, mais encore
qu'ils constituent des points isolés où il n'existe plus d'agglomération réelle. Bien
au contraire, la population diminue et reflue vers le chef-lieu ou vers les placers.
Ce qui reste d'habitants se trouve disséminé à des distances de 20, 30 et même
40 kilomètres de la maison commune, sauf cependant à Rourou, à Sinnamary et à
Mana où un certain nombre d'habitants résident encore au lieu où se trouvent
l'église, la mairie et la gendarmerie.
Ces communes sont loin d'être dans un état florissant et le conseil général, d'ac-
cord en cela avec l'administration, vient d'en demander récemment la réorganisation
administrative et même la suppression, dans un but économique et pratique.
En effet, voici, par exemple, la composition d'un budget communal de 16,000 fr.
en dépenses et recettes.
Les 16,000 fr. en lecettes comprennent 10,000 fr. de subvention du service
local de la colonie, 5,500 fr. de recette de l'octroi de mer affecté par le décret de
constitution aux communes et perçus en totalité au seul port de Cayenne, 500 fr.
au maximum de licences ou droits locaux.
En ré.sumé, sur un budget de 16,000 fr., les recettes propres de la commune
s'élèvent au grand maximum à 500 fr.
— 154 —
Les dépenses sonl de 14,000 fr., enlièremenl absorbés par les frais du per-
sonnel administratif de la commune et il reste ^2,000 fr. pour l'entretien annuel des
immeubles communaux et l'amélioration matérielle ainsi que l'inslruclion du centre
communal. Raisonnez maintenant et concluez d'après ce tableau aull)entii|ue.
Transportation. — Jusqu'ici la Iransportalion à la Guyane réglée suivant les régi-
mes el les dispositions des gouvernements locaux a été, mais par intermittence ,
d'une utilité incontestable. C'est quand elle ii employé ses forces à l'amélioiaiion
des conditions matérielles locales en même temps qu'à l'amélioration morale des
éléments dont elle avait charge el dont la métropole était débarrassée.
Actuellement la Iransportalion proprement dite, je ne parlerai pas de la reléga-
lion, d'institution absolument lécente et qui a à faire ses preuves, la transporlalion,
dis-je, s.e trouve disséminée en Guyane au \laroni, aux Roches-de-Rourou, aux Iles
du Salut, à Cayenne et même à la Montagne-d'Argent récemment réoccupée.
Le Maroni est très important. Là, des résultats vraiment sérieux ont été obtenus
par la colonie pénitentiaire. Une commune pénitentiaire forméo des éléments libérés
y fonctionne dans des conditions absolument normales. La période d'enfantement
a dû élre pénible et coûter beaucoup; mais on ne saurait contester les résultats
obtenus.
Jusqu'ici la iransportalion s'est peul-êlre un peu trop tenue en dehors des ques-
tions locales, restant pour ainsi dire comme un petit Élal à part dans la colonie. Cela
tient à ce que son budget était indépendant de celui de la colonie ; que ses intérêts
étaient sans doute absolument différents, et peut-être qu'un certain antagonisme
existait entre elle et le pays lui-même. Il n'en est pas moins vrai que la Iransporlatioii
a créé en Guyane une source d'activité commerciale qui n'aurait pas existé el n'exis-
terait pas sans elle. Elle alimente pour une bonne pari le commerce guyanais et si
dernièrement le conseil général du pays a protesté contre le contact de la transporta-
tion, il ne faut voir dans celle protestation que le sentiment légitime de cœurs trop bien
placés qui ne savent pas comprendre que l'Étal avait justement mis à côté d'eux,
avec intention, un élément dont ils devaient savoir se servir, sans pour cela se croire
déshonorés. De nombreuses protestations en sens contraire, notamment de la
chambre de commerce, ont fait ressortir les consé(|uences désastreuses qu'aurait
pour Cayenne la concentration au Maroni, et le budget local lui-même en aurait subi
le contre-coup. N'est-ce pas d'ailleurs comme résultat final un moyen de peuplement
pour un pays qui manque absolument de bras?
Dans tous les cas, laissant de côté la question de lu colonisation pénitentiaire,
(]ui par elle-même et à elle seule embrasse tout un monde, examinons seulement
le parti que l'on |)eul tirer de l'utilisation des bras des condamnés. Ceux-ci, qui
coûtent si cher à la métropole, devraient au moins être utiles à la colonisation mé-
tropolitaine dans le pays choisi comme lieu de dépôt.
Là où il n'y a ni routes ni canaux, pas de ponts, pas de quais, etc., pourquoi ne
seraient-ils pas employés à les construire?
On m'objectera, je le sais, qu'il est inhumain de faire tiavailler des Européens à
des travaux de ce genre dans certains endroits inhospitaliers el malsains. .Mais dans
ce cas, on n'aurait pas dû non plus entreprendre le canal de Panama où les condi-
tions climatériques sont aussi dangereuses et où cependant des hommes libres
et de bonne volonté, qui eux n'étaient pas condamnés aux travaux forcés, mouraient
comme ouvriers attachés à un travail absolument volontaire.
— 155 —
D'ailleurs, jusqu'à ce jour ce ne sont pas les Européens qui ont constitué le fonds
principal Je la Guyane; et il y a d'autres travaux que ceux des routes et des marais
à exécuter. Il y a des centres sains et habitables, des ateliers, etc., où ils peuvent
être utilisés.
En résumé, je pense qu'indépendamment des travaux généraux d'utilité publique,
décrétés par le Gouvernement ou volés par la colonie, toutes les spécialités de forçats
en cours de peine doivent être généreusement mises à la disposition des industriels,
des agriculteurs qui voudront les employer pendant les heures réglementaires de
travail à des conditions avantageuses. C'est ainsi, d'ailleurs, qu'on a procédé
à certaines époques et le pays ne s'en est pas plaint. Il faut que l'administration pé-
nitentiaire locale, au lieu de se confiner dans son terrain proprement dit, com-
prenne qu'elle doit s'identifier avec le pays qu'elle habile et le fasse bénéficier des
énormes et puissants éléments de force et de production qu'elle a à sa disposition
avec sa discipline, sa bonne direction et ses moyens matériels.
Il faut que non seulement elle produise elle-même, mais encore qu'elle aide gé-
néreusement l'élément local pur et libre à produire également.
Alors, au lieu d'être l'objet d'une hostilité sourde de la part d'une certaine caté-
gorie de citoyens, elle sera considérée comme une nécessité et un bienfait. C'est
d'ailleurs dans cet ordre d'idées que se meut l'administration supérieure actuelle et
pour peu que l'unité de vues et d'ensemble dans le programme futur préside à
l'exécution de ce programme, pour peu que des instructions précises et fermes
soient adressées par !e pouvoir central aux autorités locales, on arrivera à démontrer
que la colonisation pénitentiaire peut marcher de front en Guyane avec la colonisa-
lion libre, et qu'elle doit même en être l'accessoire nécessaire dans ce pays où tout
le passé est à reconstituer, pour ne pas dire où tout est à créer.
C'est d'ailleurs la main-d'œuvre pénitentiaire qui a fait les roules existant actuel-
lement ; 13 kilomètres de Cayenne au Dégrad-des-Cannes, 6 à 7 kilomètres de
Gayenne à Bourda, 19 kilomètres de Macouria vers Rourou, car à partir du 19' kilo-
mètre la route ne devient plus qu'un sentier de quelques mètres jusqu'à Sinnamary,
sur une longueur de 50 kiloiTiètres environ.
Colonisation. — Pour la Guyane, c'est par des communications fréquentes et
rapides que l'on arrivera à faire connaître et apprécier en France tout ce qui peut
être exploité avantageusement dans ce pays.
A l'exemple de nos voisins les Anglais, nous devrions avoir une ligne directe de
paquebots faisant comme Demerari avec l'Angleterre, le va-et-vient constant par
quinzaine entre Cayenne et la France. Des voyages d'aller et retour, valables pour
4 ou 6 mois, pourraient, avec réduction de prix, être concédés sur ces paquebots. Il
suffirait qu'une dizaine d'individus tentassent l'essai pour qu'ils fussent ensuite et en
peu de temps imités par cent autres, qui pourraient alors raisonner, apprécier les
choses de visu et concevraient sans aucun doute, selon leur spécialité ou leurs
aptitudes, des entreprises dont ils ne soupçonnent pas aujourd'hui l'existence.
Des concessions de terrains pourraient être données ; et au moment d'accorder
ces concessions, l'Éiat ou la colonie spécifierait, par exemple, certaines conditions
que l'administration locale serait tenue de faire respecter.
S'il s'agissait d'exploitation de forêts on dirait au concessionnaire : Je vous donne
un droit d'exploitation sur 5, 10, 15,000 hectares, mais à une condition c'est que
dans 5 ans vous m'aurez, en échange des avantages que je vous fais, rejoint telle
— 156 —
roule à telle autre sur tant de kilomètres. Ou bien vous allez m'établir une commu-
nication pai' bateaux à vapeur ou tout autre moyen de tel point à tel point. Vous
aurez pour vous pendant lanl de temps les deux tiers ou le tiers de l'exploitation ou
des revenus et dans 5 ou 10 ans, s'il y a lieu, la colonie vous achètera votre matériel
pour en faire, si la nécessité en est reconnue, un service purement public. Que d'au-
tres combinaisons du même genre ne pourrait-on pas faire !
On pourrait dire aux agronomes, aux agriculteurs : Voilà des terrains. Faites-les
valoir comme vous ronlendrez, je vous les donne, mais à condition que suivant un
plan fixé vous me construirez dans un délai de avec même les bras de la
tran.sportalion que je vous prêterai au besoin, une route pour aller rejoindre telle
ou telle autre concession ou habitation; ou bien encore à lacondilion que tel pont,
tel canal constituera pour vous une charge spéciale d'entretien pendant lanl d'an-
nées, etc. Ce sera la servitude allacliée au cadeau généreux que je vous fais. Ajoutez
de plus à tous ces (fforts individuels l'initiative d'adminislralions bien conduites
et bien dirigées; ajoutez-y la force de la main-d'œuvre pénale bien comprise, sage-
ment surveillée, sagement appliquée. Ajoulez-y un programme bien défini, cons-
tant, bien suivi, bien exécuté et vous verrez si au bout de 25 ans vous n'aurez pas
transformé une génération et avec elle le pays tout entier.
Je saisis celle occasion pour donner un aperçu plus détaillé de mes idées per-
sonnelles sur la colonisation en Guyane. Certes, ma manière d'envisager la ques-
tion n'aura peut-être pas le don de satisfaire tous les désirs, car je me place à
un point de vue absolument général, absolument désintéressé, .le veux parler non
de la colonisation parliculière et du moment, mais de la colonisation française
en général, je veux, en un mot, et par-dessus tout, une préparation de l'avenir.
Comme je l'ai dit plus haut, la Guyane, malgré son ancienneté, est un pays ab-
solument neuf. Si la propriété y est constituée dans certaines communes, elle n'a
jamais été absolument bien définie. Il n'en résulte pas moins de ce fait, que d'im-
menses terrains sonl à la disposilion des preneurs. Ils constituent les terres du
Domaine (domaine presque inconnu dans certaines parties de la colonie). Certes, ces
terrains auront besoin d'une appropriation utilisable. Mais qui empêcherait le Gou-
vernement de les concéder à titre provisoire par contrat à des sociétés chargées
uniquement d'en exploiter les revenus primitifs, tels que bois, ressources naturel-
les, productions, mines, etc.?
Certaines conditions seraient imposées à ces sociétés, certaines facilités leur se-
raient en même temps concédées pour le travail pratique. La colonie et même
l'Élat, d'après les spécialités des endroits choisis, pourraient aussi accorder des
subventions.
Par contre, on exigerait d'elles que dans une période de 10 ans, par exemple, elles
aient défriché, exploité les revenus naturels du sol, les bois, les plantes, etc., etc.,
qu'elles aient canalisé, établi des voies de communication, avec l'aide au besoin
de la main-d'œuvre pénale et d'après un plan d'ensemble indicateur.
Ce défrichement fait et cette adaptation primitive obtenue, la Société concession-
naire aurait le droit, par exemple, de concéder à son tour certaines portions de ce
territoire au fur et à mesure de l'appropriation, autrement dit de la conquête sur
la nature. Les conditions de cette concession seraient bien spécifiées et définies.
La société concessionnaire aurait le droit de dire à ses colons : Voici un terrain
que j'ai préparé ; avec mon appui vous allez y bâtir une maison démontable ou
— 157 —
loule autre; je vous aiderai de tous mes moyens pendanl votre période d'installation,
seulement, pour me rémunérer de mes avances, de mes peines et de mes débours,
vous allez être tenu de me verser dans la suite, annuellement ou semestriellement,
une part proportionnelle de vos revenus soit en argent, soit en nature, que vous
soyez agriculteur, industriel, etc.
Au bout d'un certain nombre d'années, si vous avez tenu vis-à-vis de moi vos
engagements, vous recevrez alors, de la colonie ou de l'État, un litre définitif de
propriété. Vous serez en fait dégagés de tout engagement et propriétaires, et à partir
de ce moment c'est vous qui devrez l'impôt au pays, puisque vous en serez devenus
sans débours, pour ainsi dire, les véritables citoyens.
A moi, Société, l'Elat me donne en échange un nouveau terrain équivalent, en
gagnant toujours sur le pays inconnu.
Certes, l'idée a des proportions grandioses. C'est une affaire et même une colossale
affaire. Mais, en matière de colonisation rien n'est trop grandiose, et lorsque l'on veut
peupler un pays, en faire une colonie véritable, l'État ne saurait faire trop de sacri-
fices. A l'origine il faudra sans doute des avances de capitaux, puisqu'il s'agira sim-
plement de préparer les voies, le sol, et de soutenir au besoin les sociétés. Mais plus
lard, si l'on persiste, si l'on .sait ne pas aller trop vite ni à l'aveuglette pour être
obligé de tout abandonner ensuite, on n'aura pas à regretter des placements de ce
genre.
Ce n'est plus à la colonie ou plutôt à son budget proprement dit que devra s'ap-
pliquer la subvention de l'Etat, ce sera aux sociétés fondées dans l'unique but de
transformer et d'approprier le pays. Le budget de la colonie se récupérera sur
la mise en valeur de ses terrains, sur les produits, le jour où la généralisation de
la propriété aura été accomplie, le jour où sur des myriamèlres de terrains autre-
fois noyés, forestiers ou incultes, vous aurez des habitants devenus propriétaires,
sans s'en douter, heureux de récolter ce qu'on leur aura aidé ou facilité à semer.
J'ajouterai même qu'en dehors des teires du Domaine les sociétés dont je veux
parler, pourront acheter à vil prix les vieilles propriétés abandonnées d'autrefois,
dont les cheminées d'usines sont enfouies dans la vase actuellement. Ces propriétés
pourront, entre leurs mains, recouvrer leur ancienne splendeur et reprendre leur
valeur, car si plusieurs de leurs fondateurs ont déserté ou sont morts, les arbres
plantés par eux (caféiers, cacaoyers, etc.) sont encore vivaces et produisent tou-
jours en dépit des lianes, vases et parasites qui les étoufl'ent.
Certes, on m'objectera qu'il faudra des bras pour réaliser im pareil programme.
Je ne le conteste pas. Mais ne pourrons-nous pas avoir rimn)igralion?Et dans cette
question de la colonisation n'est-ce pas le point essentiel? Pourquoi ne faciliterait-
on pas l'immigration française, l'immigration africaine, et même l'immigration
annamite ou chinoise?
Pourquoi chaque immigrant n'aurait-il pas, lui aussi, droit à sa part de terrain
dans la distribution ?
Pourquoi ne serait-il pas tenu de fournir, d'après contrat, à l'engagiste, cinq jours
de travail par semaine, se réservant pour lui, pour son terrain personnel, pour ses
plantations les deux autres jours de la semaine? Ce serait une simple réglementation
à établir.
Que l'on serait loin de la traite et de l'esclavage avec un pareil système !
Au lieu d'engagés proprement dits, vous auriez des travailleurs propriétaires,
— 158 —
de véritables citoyens intéressés. La main-d'œuvre agricole pourrait se constituer
en Guyane sur les mêmes bases que dans nos fermes et nos campag;nes en France.
Qui bénéficierait du résultat pratique de cette organisation? La colonie seule. El
l'Eiat aurait l'orgueil et lu satisfaction d'avoir relevé un pays qui se meurt, et cela,
tout en faisant ses afTaires d'abord et, en même temps, la fortune des sociétés
ainsi que celle des habitants.
Le programme bien suivi et le but une fois atteint, enfin pour rentrer lui-même
dans ses sacrifices du premier moment, il pourrait peut-être un jour exiger du pays
un contingent et, au lieu d'entendre comme aujourd'hui les citoyens crier misère
et solliciter des subventions du budget de l'Étal, ces ciioyens ou leurs descendants
seraient fiers de pouvoir dire: C'est nous qui snbvenlionnons la métropole. Je vois
déjà les critiques surgir à l'endroit de ce syslèm-i de sociétés. Mais actuellfment
même n'avons-nous pas pour le commerce des mers les compagnies à mo-
nopole comme les Transatlantiques et les messageries maritimes? L'important
pour l'Etal est de savoir surveiller sérieusement ces compagnies privilégiées,
de savoir à qui il s'adresse, et surtout d'exiger d'elles la stricte exécution des con-
ditions fixées, des engagements contractés; d'avoir à cet effet des inspecteurs
spéciaux, contrôleurs indépendants et désintéressés du contrat imposé.
Empruntons aux Américains, aux Anglais leurs bonnes méthodes. Copions, puis-
qu'il en est temps encore, les systèmes employés, par exemple, par l'Australie, no-
tamment par la colonie de Victoria, qui sont arrivées en 40 ans à égaler la vieille
Europe en progrès.
Luttons contre l'apalbie du vieil élément colonial. Le jour où vous aurez créé des
appétits nouveaux pour ceux qui ne connaissent pas encore ces besoins et ces néces-
sités, vous aurez un facteur de plus pour la prospérité commerciale et imluslrielle,
non seulement du pays lui-même, mais encore de la France.
C'est en Guyane, à Cayenne par exemple, que les Eiffel, les Moisant, les Bon et
Luslremenl peuvent trouver le placement de leurs fers ouvrés, rien (pie pour les
iiuiombraliles ponts qui relient les canaux et les rivîères et dont quel(|ues-uns
sont formés actuellement de simples troncs d'arbres.
C'est en Guyane que les constructeurs de navires à fond plat pour rivières, que
les Decauville et autres peuvent trouver un écoulement normal de tous leurs pro-
duits. Sous condition d'un bon entrelieu et d'une surveillance sérieuse, le succès est
au bout de tous ces essais. C'est en Guyane que le commerce français pourra trou-
ver un jour une activité saine et de bon aloi, si l'on sait bien comprendre la mise
en valeur d'un pays jusqu'alors si mal compris.
C. Cerisier,
Directeur de l'intérieur de la Guyane française,
Secrétaire général du Gouvernement à Konàkry
iBivière du Sud), Sénégal.
— 159 —
A l'âge de 15 ans . , ,
0,0045
A l'âge de 26 ans
— 16 — . . .
0,0053
- 27 -
— 17 — . . .
0,0(i(i3
— 28 —
- 18 — . . .
0,0073
— 29 —
— 19 — . . .
0,0082
- 30 —
- 20 - . . .
0,0088
— 31 —
- 21 - . . .
0,0092
— 33 —
- 22 — . . .
0,0094
— 83 —
— 23 — . . .
0,0094
— 34 —
— 24 — . . ,
0,009 i
- 35 —
- 25 — . , .
0,0093
V. — ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 19 MARS 1890
CORRESPONDANCE.
Sur un point particulier de la mortalité par âge.
Monsieur et cher Collègue,
Je lis dans le n° 4 du Journal de la Société de Statistique de Paris pour l'année
courante une observation provoquée par une interrogation de vous et qui m'a intéressé
vivement. C'est celle relative au maximum de mortalité qui se produit d'après la table de
(le mortalité la Caisse nationale de retraite à l'âge de 22 ans et qui cesse dès l'âge sui-
vant pour laisser à la mortalité son cours régulier.
Eh bien, ce même maximum s'est produit aussi dans notre pays d'après la table de
mortalité calculée pour la période décennale de 1870-1871 — 1880-1881, mais seulement
pour le sexe masculin, pour lequel la mortalité probable a été calculée comme il suit:
0,0091
0,0090
0,0U88
0,0087
0,0084
0,0082
0,0081
0,0081
0,0084
0,0086
Cette diminution remarquable de la mortalité à partir de l'âge de 23 ou de 24 ans se
retrouve aussi dans certains autres pays, et doit être attribuée, je crois, principalement à
cette circonstance que la majeure partie de la population masculine entre en mariage
dans les années d'âge suivantes. Du moins, nous avons constaté pour la Norvège que si
l'on calcule les taux de mortalité séparément pour les hommes mariés et pour les hommes
non mariés, on voit que pour ces derniers la morlalilé suit son cours ordiTiaire en crois-
sant toujours pendant chacune des années de 22 à 32, pendant lesquelles, comme vous
voyez, la mortalité générale des hommes va en diminuant.
C'est que la mortalité des hommes mariés n'est qu'environ les deux tiers de la mortalité
générale dans les mêmes années d'âge, ce qui sulTit pour expliquer la diminution succes-
sive de celle-ci à partir de l'âge de 24 ans, la population générale masculine de ces âges
comprenant un nombre toujours croissant d'hommes mariés.
Je crois que ces faits louchent à une grande question sociale qui mérite d'être étudiée
i d'une manière plus approfondie qu'elle ne l'a été jusqu'à présent, et c'est pourquoi j'ai
pris la liberté de soumettre ces observations ix votre savante appréciation. Si la question
i vous intéresse, vous pourrez trouver plus de détails dans le mémoire que j'ai rédigé en
[allemand dans un appendice consacré à la table de mortalité mentionnée plus haut et dont
[je me fais un plaisir de vous envoyer ci-joint un exemplaire (voir pages XIX-XX du texte
allemand).
Veuillez agréer. Monsieur et cher Collègue, mes salutations distinguées et cordiales.
A. N. KlAER.
-Monsieur T. Loua,
Chef de division honoraire de la statistiqiie générale de France,
Secrétaire général de la Société de Statistique de
PARIS.
— 160 —
OUVRAGES PRÉSENTÉS (AVRIL 1890)
Ouvrages signés : Les Accidents du Travail et de l'Industrie, in-l", par M. A. Gibon.
Paris, Guillaumin, 1890. .
Le Congrès monétaire international, compte rendu m extenso. Paris, Guillaumin,
1890.
Du Relèvement du. marché françaiii, par MM. Jacques Siegfried et R. Lévy. Paris,
Guillaumin, 1890.
La Mortalité et la Morbidité en Bavière, par MM. Bœhm et Marlins. Munich, 189U.
Documents officiels. Statistique des chemins de fer français, 1888, le même pour 1887.
Documents statistiques sur les chemins de fer d'intérêt général et d'intérêt local
(1886). 2 vol.
(Olferls par M. le Ministre des travaux publics.)
Instruction du Comité des travaux historiques et scientifiques {Littérature latine et
histoire du moyen âge, par L. Delisle).
(Offert par M. le Ministre de l'inslruclion publique et des beaux arts.)
Mouvement de la population et commerce extérieur de la Bulgarie (1889). "1 vol.
Sopliia, 1890.
Statistique des importations et des exportations du royaume d'Italie en 1889. Rome,
1890.
Documents divers sur les institutions de prévoyance et de crédit d'Italie (1889-
1890).
Statistique des chemins de fer de Norvège (1888-1889). État économique des profes-
sions du même pays (n°' 101 et 102 de la collection).
L'Émigration suisse dans les pays d'outre-mer, en 1889.
Supplément aux résultats de la récolte de 1889, en Russie (paille et foin). Peters-
bourj;, 1890.
Le Commerce des Etals-Unis (commerce extérieur, émigration, tonnage) en 1888.
Revues et jouhnaux. France. Revue maritime et coloniale. — Revue de riiitendance
militaire (janvier, février 1890), contenant la 1" série des conférences spéciales
de la Sociélé de statistique. — Bulletins el comptes rendus de la Société de géo-
graphie. — Bulletin de l'Association philotechnique. — L'Avenir économique et
social. — Le Rentier. — Les Tablettes statistiques. — Le Travail national.
Autriche. — Statistische Monatschrift (Revue statistique de l'Autriche).
Bavière. — Bairische Zeilschrift (Journal du bureau de statistique de Bavière).
Belgique. — Le Moniteur des intérêts matériels.
Espagne. — Populacion a Territorio (journal statistique de Séville).
Grèce. — L'Œkonoraos d'Athènes.
Italie. — L'Economisla de Florence.
Norvège. — Journal du bureau de statistique, 1° vol., n° 102.
Etats-Unis. — Revue de l'Associalion statistique américaine.
Mexique. — Revue financière et statistique de Mexico.
Veneztiela. — Gazette officielle.
Le Gérant, G. Berger-Levrault.
JOUHNAL
DK LA
SOCIÉTÉ DÉ STATlSTKUiÉ DÉ PAIUS
NO 6. — JUIN 1890.
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE UU 21 MAI 1890
Sommaire. — IleUblisseuient de la siibveiilioii de la ville de Paris. — Communication du iiriiicc Koland
Bonaparte, avec documents à l'appui, sur quelques points intéressant l'ethnographie et la géographie.
— Communication de M. Grûner sur le Congrès du travail — Discussion du uiémoire de M. Fravatun ;
MM. Béziat d'Audibert et Thomereau.
La séance est ouverte à 9 heures sous la présidence de M. Octave Koller.
A l'occasion du procès-verbal de la séance du 16 avril, M. Th. Ducrocq demande
à présenter une observation. Si, à propos de la statistique des libéralités, il a cru
devoir exprimer le vœu qu'on pût faire mention des legs non acceptés, il n'a jamais
eu l'intention de demander les causes qui ont provoqué le refus.
M. Vannacque dit que le procès-verbal a reproduit avec une entière exactitude
J'échange de paroles qui a eu lieu entre M. Ducrocq et lui. L'observation présentée
'par l'honorable membre doit donc être considérée comme nouvelle, mais rien
.n'empêche qu'il en soit fait mention.
A la suite de ces quelques mots, le procès-verbal est adopté.
M. le Président se dit heureux de pouvoir annoncer à la Société que la subven-
tion de la ville de Paris qui lui avait été retirée en 1885 vient d'être rétablie. Il
Ipropose de voler des remerciements à notre collègue, M. Donnât, à la haute inler-
renlion duquel nous devons la solution favorable d'une question trop longtemps
restée en suspens. {Applaudissements prolongés.)
M. le Secrétaire général distribue à ceux des membres qui lui en ont fait la
tdemande un certain nombre de cartes pour le congrès des sociétés savantes, ipn
ftloit avoir lieu à la Sorbonne le 27 courant.
1''^ SÉRIK, ai' VOL.. — K» 6. t i
— -162 —
M. le Secrélaire de l'Associalion française pour ravancoinent des sciences, qui iloii
lenir son dix-neuvième congrès à Limoges du 7 au 14 août 1890, invite la Société
de slalislique à nommer un déiégné à ce confirès.
La Société désigne en celte ijualité M. Prunget, allaché à la slalisli(|ue générale
de France, ainsi que M. le Docteur LéJé, lauréat de riiistilul.
Il e^l procédé à l'éleclion de plusieurs membres nouveaux:
M. le comte de Coldert-Laplack, député du Calvados, présenté par MM. Oct.
Keiler et A. de Foville.
M. Bellom, ingénieur des mines, présenté par MM. Oct. Keiler et Cheysson.
M. Arnaud, inspecteur de la Compagnie d'assurances contre l'incendie l'Union,
présenté par MM. .losepli Pruiigel et Fravalon.
M. Laugier, liibliolliécaire du ministère du commerce, de l'industrie et des colo-
nies, présenté par MM. Loua et Liégeard.
M. le Président énumère les tilres de ces divers candidats cl s'étend notamment
sur les travaux statistiques de M. deGolbert-La(dace ; parlant ensuite de M. Laugier,
il le félicite du zèle qu'il a apporté dans l'installation au mini^tèrede la bibliothèque
de la Société. Celle installation est aujourd'hui terminée et le catalogue à peu prés
achevé. Il ajoute que noii'e l)iiiliollié((iie (ainsi que celle du ministère) est dès à
présent ouverte tous les jours non fériés de midi à (juatre heures.
M. le Président met aux voix l'a Imission des quatre membres ci-dessus dénommés;
elle ect votée à l'unanimité.
La correspimdauce contient une lettre de M. de Foville, (|u'un deuil de famille
empêche d'assister à la séance de ce jour. M. de Foville piolitc de la circonstance
pour reconunander à l'atlention de la Société un magnifique ouvrage que vient de
faire paraître M. de Marciliac sur la Caisse centrale du Trésor public, et dont nous
rendrons compte prochainement. Il offre en même temps à la Société ime brochure
contenant la conférence qu'il a faite dans un des palais de l'Exposition universelle
sur V Épargne en France.
M. le Secrétaire général fait l'énuméralion des ouvrages et documents offerts à
la Société depuis sa dernière séance. La liste de ces publications se trouve ci-après (1).
M. le Président dépose sur le bureau, au nom du ministre des travaux publics, un
exemplaire de la Stati.;tique de l'industrie minérale et des appareils à vapeur pour
l'année 1888. Après avoir fait une analyse succincte de cet ouvrage important,
M. Keiler insiste principalement sur le tableau de la production des métaux dans le
monde. Si, en ce qui concerne notamment le cuivre, on avait consulté ce
tableau, on se serait bien vite aperçu que le chiffre auquel on portail l'accapare-
ment de ce métal, qui a fait dernièrement tant de bruit, ne reposait sur aucune
base sérieuse.
M. DE ScuERZER, consul général d'Autriche à Gênes, fait hommage à la Société,
en reconnaissance de sa récente admission comme membie honoraire, de ses trois
principaux ouvrages.
M. E. Levasseur se propose d'en rendre compte à la prochaine séance.
M. Gruner présente un compte rendu très développé du dernier congrès inter-
national du Travail et dépose sur le bureau deux volumes dont le premier comprend
le rapport du conn'lé d'organisation et le deuxième les séances et visites du congrès.
(1| Voir ta dciiiière page du iiunioro.
— 163 —
Il annonce que ce confjrès continue ses travaux et il s'empressera de faire con-
naître successivement les résultats ac(juis.
Nous publierons la communication de M. Griiner dès que le texte nous en aura
été remis.
M. le Prince Roland Bonaparte offre à la Société ses deux derniers ouvrages.
Le premier est le récit d'un voyage alpestre: il renferme la description du glacier
de l'Alelsch et du lac de Miirzelen. Les Alpes, qui contiennent tant de lacs élevés et
pittoresques, n'en présentent guère qui soient aussi curieux que celui-ci, car, dépen-
dant du glacier, il se vide et se remplit à des périodes fixes, et quand il se vide,
c'est prescjue en entier, et cela, au gran i détriment des cantons voisins dont il
détruit les cultures. Le second est une étude historique relative au premier éta-
blissement des Néerlandais à l'île Maurice, vers 1642, c'est-à-dire à l'époque où les
Français- commençaient â explorer Madagascar. On y voit qu'avant d être aban-
donnée définitivement par les Hollandais en 1710, l'île Maurice fut évacuée deux
fois par eux, en 1544 et 1654. A ces deux ouvrages, magnifiquement illustrés ,1e
prince ajoute une conférence qu'il a faite à Genève sur les Corses et les Lapons; il
annonce ensuite qu'il sera bientôt en mesure, de concert avec M. Gh. Rabot, de
donner une idée précise de la répartition des Lapons en Suéde, en Norvège et sur les
côtes de Russie.
M. le Présiilent remercie le Prince Roland de sa communication et le félicite au
sujet des progrès qu'il a fait faire, par ses nombreuses publications, à la science
etbnograpbiijue.
•
* «
L'ordre du jour appelle la discussion du mémoire de M. Fravaton sur le contrôle
des Sociétés d'assurances sur la vie :
M. Béziat d'Audibert rend hommage au consciencieux travail de notre collègue.
Sans le suivre dans tous les détails de la question qu'il a soulevée, il se bornera à
^examiner ses conclusions.
Mais, au préalable, il croit qu'il convient de rectifier une erreur matérielle qu'il
ne faudrait pas laisser se propager. M. Fravalon a dit que sur les 43 compagnies
françaises d'assurances sur la vie, 17 seulement avaient obtenu l'autorisation de
fonctionner en Suisse; or, dans la période de la plus grande expansion, il y a de
cela 8 ou 10 ans, il n'y avait en France que 23 compagnies frani;aises d'assurances
sur la vie à primes fixes, et sur ces 23 compagnies, il n'en reste aujourd'hui que 17,
parmi lesquelles 12 ont demandé et obtenu l'autorijation de fonctionner en Suisse.
Il y a loin de ce chiffre <à celui qu'a indiijué M. Fravalon.
.M. Béziat d'Audibert ne comprend pas bien la distinction que fait M. Fravaton
entre le contrôle préventif et le contrôle répressif, et cela d'autant moins que plu-
sieurs opérations ren(renl à la fois dans ces deux contrôles. Il déplore, comme notre
collègue, la diversité des statuts des compagnies, mais il proteste énergi(|uemenl
contre cette affirmation (|ue ni la science siatisti(pie, ni les données de l'expérience
ne permetlent de déterminer la condition que doit remplir une compagnie d'as-
suiances sur la vie pour être viable.
M. Béziat d'Audibert dit (jue s'il n'est pas possible en effet d'assurer la prospérité
future d'une compagnie de ce genre, il en est do même de toute société financière,
— 164 —
mais qu'on peul pariaiteiiienl premlre loules les mesures nécessaires pour iju'ellc
soil viable.
M. Fravaton semble ignorer l'existence do la science des opérations viagères. Or,
cette science existe; elle est aussi rigoureuse que foules les autres sciences d'appli-
cation et les règles à suivre peuvent être parfaitement déterminées. M. Fravaton
avait donné à entendre que la difTicuké avec laquelle le Crédit viager pouvait modi-
fier ses statuts avait pu contiibuer à sa faillite. M. Déziaf d'Audibert, qui a précisé-
ment liquidé cette compagnie au point de vue du passif, fait remarquer qu'au con-
traire jamais il n'a rencontré de compagnie ayant opéré sur tant de tarifs difl'érenfs
et sur tant de combinaisons diverses.
Toutefois, il ett heureux de dire qu'il est d'accord sur un point important avec
M. Fravaton, c'est sur la nécessité qu'il y a pour le Gouvernement d'examiner, avant
toute opération, si la compagnie possède réellement le capital nécessaire à sou
entreprise. On ne peul qu'approuver celte mesure préventive, mais il en résulte
nécessairement tjue la constatation de l'existence de ce capital entraîne l'autorisa-
lion, quelque nom <|u'on donne à la permission d'opérer.
M. Béziat d'Audibert ne partage pas l'opinion de M. Fravaton sur la surveil-
lance des compagnies. Il dit que le conlnMe des risques d'après une table exacte
existe partout; c'est une opération 1res simple et très rapide qui a son utilité, mais
dont i'eflicacilé est assez douteuse. Dans fous les cas, l'idée de M. Chaufton est déjà
appli(|uée depuis fort longtemps. D'ailleurs, foules les compagnies, même les plus
médiocres, fonctionnent régulièrement au point de vue médical.
Quant aux réserves, M. Fravaton croit que jamais le Gouvernement ne pourra
dire si elles sont sufllsantcs ou non. C'est encore là une erreur, car il n'y a aucune
raison pour que le Gouvernement n'ait pas recours aux mêmes spécialistes que les
compagnies. M. Fravaton pense qu'il faudrait plus de 100 fonctionnaires pour exer-
cer la surveillance, mais c'est «[u'il est toujours hanté par l'idée de 43 compagnies-
En résumé, .M. Fravaton veul la suppression de l'autorisation, tout en demandant
que le Gouvernement constate si la compagnie possède réellement le capital néces-
saire. M. Béziat demande la même chose, mais il donne nettement le nom d'autori-
sation à la sanction de l'examen dont il s'agil.
Quant à la surveillance, l'opinion des deux membres est absolument différente:
M. Fravaton étant partisan du système anglais de publicité, tandis que M. Béziat
d'Audibert est pour la surveillance rigoureuse sur les réserves et leur mode d'emploi.
En résumé, M. Bézial d'Audibert voudrait qu'après avoir pris toute précaution
contre les cas de nullité d'une société, la surveillance filt limitée aux intérêts seuls
des assurés ; les opérations dont il s'agit étant à long terme, le sort des assurés se
trouve par le fait livré sans défense à la compagnie. D'autre part, il désirerait que
la partie essentiellement commerciale de l'entreprise restât dans le droit commun,
le Gouvernement n'ayant pas à se mêler du choix des risques ni des tarifs, sauf cer-
taines restrictions, ni même du placement des fonds autres que ceux des réserves
pour risques en cours. En un mot, il voudrait sauvegarder, autant que possible, le
principe de la liberté commeiciale et n'y porter atteinte que par mesure d'ordie
public et en vue seulement de proléger les intérêts de ceux qui n'ont aucun défen-
seur dans une entreprise (ju'ils alimenlent pourtant de leurs capitaux.
.M. ïnoMiinEAU demande à ajoutei' (|uelques mois à ce qui a été si bien dit par
M. Béziat d'Audibert. Il reconnaît que la communication de M. Fravaton a été en-
— 165 -
tendue avec d'autant plus de faveur que le sujet en est fort intéressant; il pense,
toutefois, que celte matière est presque entièrement hors de la compétence de la
Société de statistique.
M. Tliomereau tient, en tout cas, à insister sur ce fait que l'histoire de nos com-
pagnies nationales ne saurait être dépeinte sous les couleurs sombres que lui a
données le mémoire de notre honorable collègue. Il résulte, en effet, de la stalis-
tique, comme l'a déjà reconnu M. Béziat d'Audibert, que si, il y a 8 ou 10 ans, on a
compté en France jusqu'à 24 Compagnies, il n'y en a plus aujourd'hui que 1 7 qui fonc-
tionnent. Sept compagnies sont en effet en état de liquidation, et sur ces sept com-
pagnies liquidées, il n'y en a qu'une, le Crédit viager, qui se soit terminée par une
faillite, et même une faillite désastreuse, mais c'est le cas de dire que l'exception
confirme la règle, car les agissements dont cette Compagnie a été victime relèvent
moins de la science que de la police correctionnelle et de la cour d'assises. Or, il ne
peut exister, en fait de contrôle financier, aucun sysième qui mette entièrement à
l'abri de la fraude et du vol. C'est donc là, il le répète, un cas tout à fait exception-
nel. Quant aux autres compagnies liquidées, compagnies d'ailleurs fort peu impor-
tantes, elles sont nées au milieu de la crise financière qui a précédé le krack de
1882. Se ressentant de leur origine, elles ne se sont pas trouvées viables, mais
il faut se hâter de dire qu'aucune de ces compagnies n'a fait tort d'un centime à
ses assurés, les actionnaires seuls ont eu à en souffrir. On voit donc que les
dépenses exagérées que blâme avec raison M. Fravaton n'ont pas amené pour le
public français les résultais déplorables, les déconfitures dont il a parlé.
Ce qui vient d'être dit s'applique aux compagnies anonymes par actions. On sait
• qu'il a existé concurremment deux sociétés mutuelles dont l'une a liquidé hono-
rablement après quelques années d'existence ; l'autre continue à lutter de son
mieux, quoique sans succès, sur ce terrain de la mutualité,
r .M. Thomereau pense que si les désastres financiers ont pu être ainsi évités en
; matière d'assurances sur la vie, cela est dû au régime de l'autorisation préalable,
i régime qu'il convient de ne pas abandonner sans savoir au juste ce qu'on lui substi-
tuerait. On peut d'ailleurs l'améliorer en le dégageant de l'arbitraire signalé à juste
titre par M. Fravaton.
En Angleterre et en Amérique, où les sociélés-vie sont régies par d'autres sys-
Itèmes, les compagnies sont beaucoup plus nombreuses que chez nous, mais les fail-
lites totales ou partielles ont toujours élé très fréquentes et souvent scandaleuses.
La matière est 1res délicate et demande à être traitée avec beaucoup de prudence.
Il y a, notamment, la question des compagnies étrangères que l'on ne doit pas
trancher à la légère. En imposant certaines conditions aux compagnies étrangères,
on ariiverait, sans le vouloir, à les placei' dans une situation plus avantageuse que
nos compagnies nationales. Mais ce n'est pas ici, ni en ce moment qu'on peut étu-
dier cette question. Sous le mérite de ces observations, M. Thomereau déclare
accepter, d'une façon générale et sous réserve de certains détails, les conclusions
de l'honorable M. Fravaton.
Personne ne demandant plus la parole sur celte question, M. le Président invite
M. Goste à présenter sa communication sur les salaires des travailleurs et le revenu
delà France, mais, vu l'heure avancée, cette communication est, sur la demande de
M. Coste, renvoyée à la prochaine séance.
La séance est levée à 11 heures 1/4.
— 166
II.
QUELQUES CONSIDÉRATIONS ÉLÉMENTAIRES
SUR LES CONSTRUCTIONS GRAPHIQUES ET LEUR EMPLOI
EN STATISTIQUE.
I.
Préliminaires.
Le prnphique, dont l'emploi devient si usuel en statistique, n'y joue pos un rôle
différent de celui qu'il remplit dans toutes les autres sciences qui en font usage.
Ce rôle, qu'il faul distinguer nettement de celui des diagrammes directement
obtenus au moyen d'appareils enregistreurs, et aussi des tableaux ou abaques,
d'un ordre bien |dus élevé, ayant pour objet de faciliter et d'abréger certains cal-
culs numériques, consiste essentiellement à peindre à l'œil, par une représentation
figurée, des valeurs ou lapports numériques déterminés par avance; et ce qui
explique el justifie, fondamentalement, dans ces cas, la substitution du dessin à
l'algorithme, c'est que l'œil saisit sponlanémenl, avec plus de facilité, sinon plus
d'exactitude, le rapport approximatif de grandeur de deux droites et même, quoi-
que beaucoup moins farilcment, celui de deux surlaces semblables juxtaposées
que l'isprit ne perçoit, d'ordinaire, celui de deux nombres à comparer. Ce à quoi
il faut ajouter tout de suite que, lorsqu'il s'agit d'exprimer en même temps plu-
sieurs valeuis numériciues ou |ilusieuis rapports du même genre, le giapliique a,
par sa nature, l'avantage, en les groupant sous l'œil de l'observateur, de les ré-
sumer synthéliquemeiit, tandis ipie les lafiports iiuméii(]ues se succèdent en mode
analytique, el ne se présentent à l'es|)rit que détachés les uns des autres.
Peinture approximative spontanée de valeurs et rapports numériques déter-
minés ; rapprocliement synthétique de valeurs et rapports similaires, tels sont les
caractères essentiels, les avantages fondamentaux des représentations gra|)lnqnes.
Ces avantages sont grands et le parti à tirer du procédé est considérable, à con-
dition d'en respecter scrupuleusement le caractère, et de ne pas le dénaturer, en
essayant d'en siufaire la portée. Les représentations graphiques, — on l'a dit avec
raison, — constituent une langue nouvelle qui donne aux cbinies qu'elle traduit
la vie qui leur manque. Mais quelque heureuse influence que puisse avoir pour la
génération des idées la langue qui sert à les exprimer, elle ne les remplace pas, el
ce sont toujours les combinaisons intellectuelles qui prévalent.
1. Celte communication a été lue dans les séances de la Société d'octobre et de novembre 18S9.
— 167 —
D'après sa définilion même, telle que nous la concevons, le rôle, du graphique,
quelque utile qu'il soit, est subordonné. Il peint approximativement les rapports
numériques, mais n'y sup|>lée pas; et c'est toujours à ceux-ci qu'il faut en revenir
quand la précision rigoureuse est nécessaire.
Si le graphique traduit, il ne crée rien ; s'il montre, il ne démontre pas. C'est là
une limite absolue qu'il ne faut jamais essayer de franchir.
Ce n'est pas que le graph-ique ne puisse dans bien des cas, même sous ses for-
mes les plus élémentaires, devenir un précieux instrument de recherche (1) et de
contrôle. 11 peut faciliter les interpolations rationnelles dans une série numérique,
aussi bien que déceler, dans une telle série, des lapsus et des incohérences qui s'y
seraient glissés. Mais ce sont là, ou des applications spéciales que rien ne régle-
mente, ou des cas particuliers accidentels. La fonction essentielle du graphique est
celle que nous avons indiquée plus haut, et, lors même qu'on le maintient dansces
limites, il faut se défier des impulsions de la causalité que tend à inciter ce mode
de représentation.
Les principes qui précèdent conduisent à quelques conséquences pratiques.
Si le graphique est utile, c'est qu'il produit un effet spontané. La clarté est sa
condition maîtresse, en l'absence de laquelle on peut dire qu'il n'existe pas. Un
giaphique dont il faut chercher le sens c'est un trait d'espiil qui nécessite explica-
tion. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille en écarter tout ce i]ui n'est pas compris
de tout le monde à première vue. La compréhcn.-ion des choses les plus simples
exige une certaine préparation. La carte topographi(]ue la plus élémentaire ne dit
absolument rien à quelqu'un qui n'en a jamais vu. Serait-ce une raison pour pros-
crire de semblables cartes? Personne ne le pensera. Seulement il y a des cartes
plus ou moins claires. C'est en ce sens qu'il faut entendre ce que nous disons de la
clarté dans les représentations graphiques.
11 y a d'ailleurs une distinction essentielle à faire entre la construction d'un gra-
phique et sa lecture. La construction peut être difficile et la lecture ficile, et réci-
proipiement. Combien de gens, pour nous servir de l'exemple que nous venons
d'employer, aptes à lire couiamiiiciu des cartes topographiques, seraient hors d'état
de les construire, et ne se doutent même pas de la série des opérations nécessaires
pour y arriver ! Les constructions graphiques sont tout à fait dans le même cas;
et il serait absolument irrationnel de proscrire tel systèiue ou tel procédé, donnant
des résultats faciles à saisir, parce qu'il exigerait, poui' être mis en œuvre, quel-
ques connaissances scientificiues spéciales.
C'est à tous (pie s'adresse le résultat; c'est pour tous qu'il doit être préparé;
mais, s'il n'est pas indifférent ipie le procédé (jui y conduit soit autant que possible
à la portée de tous, on ne saurait élever contre lui une objection de ce que le ma-
niement en échapperait au premier venu.
Tout ce qui précède a été dit et mieux dit que nous ne l'exprimons. Mais ce
préambule nous a paru nécessaire en tète de ce petit travail, où nous nous propo-
sons, indépendamment d'éclaircissements à donner sur une application déjà connue,
mais peu ou mal employée, de rechercher quelques-unes des règles à suivre pour
(1) iNous en avons fait une épreuve personnelle. Dans des recliercties sur la dépense d'exploitalion
des lUnes ferrées en relation avec leur proiluil bntt, c'est par la méttiode grapliique que nmis avons
pu délerniiiicr la loi simple reliant ce.s éléments entre eux, et obtenir les valeurs approximatives de
coefficients, finalement rectifiés ensuite par le calcul.
— 168 —
reiiiploi (lu procédé graphiiiue. Toiile langue comporte une syntaxe. Il est bon
que la sponlanéilé ait fait son œuvre; beaucoup de créations, dont nous ne con-
naissons qu'une faible partie, sont pleines d'ingéniosité; et il serait fâcheux de
vouloir prématurément poser des règles strictes. Toutefois, il peut être utile d'en
discuter quelques-unes. C'est cette discussion qui nous a tenté.
II.
Emploi additionnel de couleurs ou de teintes monochromes nuancées.
La clarté, avons-nous dit, est la qualité maltresse d'une représentation graphique,
celle sans laquelle elle n'a pas de raison d'être et que rien ne peut suppléer. Mais
il est pour elle une autre propriété bien nécessaire : c'est Y expressivité. S'il est in-
dispensable qu'un graphique soit facilement compris, il est éminemment désirable
qu'il soit frappant d'aspect.
Le plus souvent c'est à l'intervention d'éléments étrangers au graphique propre-
ment dit, notamment à la couleur, à des teintes monochromes nuancées, ou à une
combinaison de ces deux éléments, qu'on fait appel pour réaliser la seconde condi-
tion indi(|uée. Et les deux idées marchent si souvent ensemble que la plupart du
temps on les confond, quoiqu'elles appartiennent à des domaines bien différents.
Si la ligne est moins précise que le nombre, de leur côté la couleur et les teintes
nuancées, — que pour la simplicité du discours nous comprendrons sous le même
vocable, — sont moins précises que la ligne.
D'après cela, la couleur ne devrait jouer dans une représentation figurée qu'un
rôle accessoire. Là où son rôle devient le principal, on sort, logiquement, aussi
bien qu'élymologiquemenl, de la notion graphique, et il faudrait un autre mot pour
caractériser cet emprunt fait à des idées d'un autre ordre.
Ce mot, nous ne le chercherons pas, mais nous aurons soin de distinguer les
deux notions, si différentes dans leur portée et leurs aptitudes.
Notons d'ailleurs, qu'il s'agisse de ligne ou de couleur, que, dans les représen-
tations figurées qui nous occupent, tout tend moins à charnier l'œil qu'à lui sug-
gérer des idées. Dès lors, dans l'une et l'autre sphère, on peut admelire, sans
s'écarter en rien de la logique des choses, une suite de moyens de différenciation
qui ne découlent pas directement de la notion graphique pure. C'est dans cette ca-
tégorie de moyens que rentrent les divers ordres de pointillés employés comme
succédanés de couleurs différentes, pour distinguer l'une de l'autre des lignes
d'ordre divers appartenant à la même figuialion.
Toutefois, là encore, il y a souvent certaines règles logiques à observer, et nous
en indi(|uerons quelques-unes dans les observations qui vont suivre.
III.
Essai de classification des représentations graphiques.
Il y a, pour les représentations graphiques, une classification fort simple qui
semble ressortir de la nature même des choses. Est-elle bonne et utile? C'est ce que
nous livrons à la discussion.
— 169 —
On peut, par les procédés graphiques, représenter des nombres isolés, sans lien
de dépendance entre eux, ce qui constitue une variable unique ;
On peut, et c'est là le cas le plus fréquent, représenter graphiquement les rap-
ports mutuels de deux éléments variables, dont l'un reçoit des valeurs successives
déterminées ;
Enfin la représentation graphique peut s'étendre au cas de trois éléments varia-
bles dont deux déterminés successivement.
De là, trois degrés ou plutôt trois classes, afin d'éviter toute confusion avecl'ex--
pression algébrique degré/qui a un sens différent.
La première classe comprendra toutes les représentations ayant pour objet de
mettre en présence des figures : lignes ou surfaces, proportionnelles en longueur
ou superficie à des nombres détachés correspondant à la même quantité concrète
ou à des quantités concrètes de même espèce. On y pourrait, légitimement, à ce
titre, faire l'entrer les stéréo grammes, ayant pour objet de figurer par leurs volumes
relatifs l'importance du stock ou de la production de telles ou telles substances dans
un même pays ou dans divers pays donnés. Peut-être même conviendrait-il — mais
ce point est plus contestable — de ranger dans cette classe ce (|ue notre collègue,
M. Glieysson, dans son rapport sur les méthodes de statistique graphique à l'Expo-
sition de 1878, appelle les a carto grammes à foyers diagraphiques ». Ces der-
nières reproductions, peut-on dire, ne se bornent pas à figurer les rapports de
grandeur d'éléments détachés, mais elles fixent en outre la situation géographique
qu'ils occupent. Par ce côté, ne rentrent-ils pas plutôt dans la troisième classe? Tel
ne serait point notre avis, et cet avis est basé surtout sur la différence du procédé
graphique qui, contrairement à ce qui a lieu pour la troisième classe, porte exclu-
sivement, dans le cas présent, sur la bonne figuration des éléments num.ériques
détachés.
Nous maintiendrons, en conséquence, provisoirement, sous réserve de meilleur
avis ultérieur, les cartogrammes à cartouches ou foyers diagraphiques dans la pre-
mière classe.
En ce qui touche la seconde classe, il serait superflu d'insister sur ce qu'elle
comprend. C'est elle qui constitue presque seule, jusqu'à ce jour, la totalité des re-
présentations de statistique graphique proprement dite. Les constructions qu'elle
comporte sont les plus faciles, celles qui sont le mieux à la portée de tout le monde
et donnent en même temps, moyennant quelques précautions, les résultats les plus
clairs et les plus saisissants.
Quant à la troisième classe, elle ne comprend pas seulement les cartes à relief
qui feront l'objet principal des observations qui vont suivre, mais encore toutes les
figurations analogues à celles indiquées par M. Léon Lalanne dans son résumé his-
torique de 1878 sur les méthodes graphiques qui lui sont dues, figurations qu'il ne
faut pas confondre avec les constructions anamorphiques, d'un ordre bien plus
élevé, qu'a créées le même savant.
IV.
Représentations graphiques de la i" classe.
Par le secours de l'œil, avons-nous dit, l'esprit saisit plus facilement le rapport
de grandeur de deux ou plusieurs lignes juxtaposées qu'il ne saisit, en général, le
— 170 —
rapport des nombres correspondants. Cela peut être encore vrai, moyennant une
suffisante préparation, lorsqu'il s'agit de surfaces semblables. Mais cela deviendrait
faux pour des surfaces dissemblables; et, même dans le cas de simihtude, l'a^iproxi-
malion avec laquelle le rapport est perçu est toujours plus faible pour des surfaces
semblables que lorsqu'il s'agit de lignes. Quant à ces dernières, quoiqu'il ne faille
pas exclure les arcs de circonférences de même rayon, c'est sur les droites particu-
lièrement que s'exerce facilement et exactement l'action comparative.
D'après cela, ce (|u'il y aurait de mieux, toujours pour figurer des nombres déta-
chés, ce serait d'employer des lignes ou des colonnes de même largeur, de façon à
faire porter exclusivement la comparaison sur une seule dimension. Dans ce cas,
le procédé figuratif est aussi simple d'emploi que facile de compréhension; et, si
cela suffisait, nous n'aurions pas davantage à nous en occuper.
Mais on ne peut en rester là. A tout ce que fait l'homme se mêle forcément et
très légitimement un impératif esthétique, auquel il faut savoir faire sa place. Or
l'emploi de simples lignes ou colonnes est, eu général, peu satisfaisant pour l'œil et
donne des résullats peu expressifs. De là, la tendance spontanée de presque tous
les auteurs à préférer, dans ce cas, des surfaces qui condensent mieux les figura-
tions et leur donnent plus d'expression et de caraclère.
C'est ainsi que M. Levasseur, dans sa Statistique graphique de 1885, a employé
des rectangles et des carrés pour représenter jiar des aires proportionnelles : d'une
part, les superficies ; de l'autre, les populations des principaux Étals du globe (i).
C'est encore ainsi que M. ChHVSson, dans ses albums si remarqués de staiisiique
graphique, fait appel à des éventails disposés en demi-cercles, pour figurer, à di-
verses époques, le mouvement marilime des ports français et la répartition de ce
mouvement entre les divers pays de provenance et de destination (2).
Il est à remarquer que dans cette dernière figuration la mesure visuelle des rap-
ports n'est pas seulement provoquée par des éléments superficiels, mais aussi par
des éléments linéaires. Chacun des éventails est, en effet, partagé en secleins dont
les rapports mutuels de grandeur résultent simplement de l'arc qu'ils embrassent.
C'est ce qui arrive dans une fouie de cas de ce genre, et loin de nous en plaindre
nous nous en félicitons.
L'Exposiiion statistique de l'Amérique du Nord, en 1878, contenait des spécimens
de figurations de cette sorte extrêmement réussis. A la population de chaque État
de l'Union était affeclc un carré de surface proporiionnelle, partagé, par deux
verticales, en trois rectangles de largeur inégale, dont deux, à droite, divisés eux-
mêmes par des horizonlalos, et tous les cinq portant des teintes différentes, repro-
duites dans le même ordre d'un carré à l'autre. Des trois premiers rectangles
énumérés, celui de gauche représentait ia population de l'f^lat née hors de l'Amé-
(1) L'auteur, dans cette figure, qui n'en reste pas moins très expressive, a mêlé abusivement des
carrés et des rectangles dissemblables, ce qui fait que, sans les nombres inscrits dans chaque quadrilatère,
on en saisirait diflicileraent le rapport de grandeur. Mais on voit que, pour ainsi procéder, il a obéi à une
nécessité de groupement dont on ne peut méconnaître, dans une certaine mesure, la légitimité et l'heu-
reux eflet.
(2) Cetle figuration comporte une observation, mais étrangère au procédé graphique. Déduite du ton-
nage de jauge de> navires, elle exprime le mouvement de la navigation, mais non, comme le titre
semblerait l'indiquer, le trafic commercial, dont le mouvement de la navigation ne donne qu'une idée
inexacte, variable aussi bien d'un port à l'autre que d'une époque à l'autre.
— 171 —
rique du Nord; les deux autres, la population de couleur et la population blanche
originaire des États-Unis, les portions inférieures de chacun de ces derniers rec-
tangles consacrées respectivement aux gens de couleur et aux blancs nés dans l'Etat,
les portions supérieures à ceux nés hors de l'Étut. A chaque carré se trouvait an-
nexé, sur le même plan, un rectangle de même hauteur, divisé en deux par une
horizontale, et donnant les blancs et gens de couleur nés dans l'Etat mais vivant
au dehors.
Cela nous a paru, à l'époque, des mots statistiques extrêmement bien faits.
D'autres carrés encore, représentant, pour chaque Élat, la population totale au-
dessus de 10 ans, portaient, centralement, un carré plus petit, figurant la fraction
de la population occupée lucralivement ou fréquentant les écoles, ce dernier divisé
en cinq rectangles affectés : à l'agriculture ; à l'industrie manufacturière ; au com-
merce et aux transports ; aux services personnels et professions libérales ; enfin, à la
population scolaire. La zone formant cadre, comprise entre les deux carrés concen-
triques, se trouvait représenter ainsi la population au-dessus de 10 ans, non occupée
d'une façon lucrative.
Ces figurations placées sur une carte de l'Union Américaine, à l'emplacement de
chaque État, auraient constitué un cartogramme à foyers diagraphiques. Il ne nous
paraît pas, cela eût-il été réalisé, que cette opération eût modifié le caractère de la
représentation graphique, portant presque exclusivement sur la bonne constitution
des carrés, et qu'elle fût sufTi^ante pour faire passer celte représentation de la pre-
mièie à la troisième classe.
11 faut convenir d'ailleurs que les cartogrammes à foyers diagraphiques ne sont
vraiment intéressants que lorsque les foyers ou cartouches qui en constituent le
principal intérêt sont heureusement construits et qu'on ne veut pas charger la carte
d'un trop grand nombre de renseignements. Il y a telle de ces cartes figurant à
l'Exposition actuelle (1), dont on a voulu faire une sorte d'encyclopéilie complète et
qui, par la miilliplicilé dfs cercles, des cai'iés et des triant;les nuillicolores dont
elle est illu;trée, perd absolument l'avantage essentiel de clarté et de facile lecture
qui est l'apanage et doit rester la caractéristique des figurations graphiques.
En revanche, nous naus plaisons à citer un exemple de ce genre qui nous a
particulièr-enient frappé par sa simplicité expressive. C'est, à l'Exposition du Ministère
de l'Instruction publique, un couple de cartes destinées à indiquer les progrès de
l'instruction fiar département, de 1837 à 1(^87. Sur toutes deux, des cercles de
même diamètre contenus dans le périmètre de chaipie département figurent la
population totale, dont la fraction illettrée est repiésentée par un cercle noir con-
centrique, la population lettrée formant ainsi, autour de ce dernier, un anneau
teinté en jaune d'ocre. Sur la carte de 1837, les cercles noirs sont beaucoup plus
grands que sur la carte plus récente, ce qui constitue déjà un effet général très
saisissant; mais, lorsqu'on y regarde avec plus d'attention et qu'on compare l'un à
l'autre les divers départements, il semble que l'on voit, en passant de la première
à la seconde, des y e nx qui.î'ouvrenl en se dilatant à la lumière. L'effet est magique
et peut-être le serait-il plus encore si les teirjtes avaient été interverties, et si la
teinte jaune avait été placée au centre, le noir réservé pour l'anneau (2).
(i) Ceci était écrit avant la fernielure de ftîxposition de I8S9.
(2) Au cours de la lecture de ce travail à ta Société de Statistique, nous avons appris que l'idée de
ces cartes si bien réussies était due k M. Clioysson.
— 172 —
En définitive aucune règle stricte n'est à tracer pour les figurations graphiques
de la première classe, en dehors de celles qui relèvent de la précision, de la clarté,
et (le la logique ; mais, dans le nombre, il faut placer celle-ci qu'il est toujours pré-
férable de faire porter la comparaison sur des lignes que sur des surfaces. Quant
au reste, il convient de s'appliquer à le réaliser par surcroît ; c'est loin d'être à
négliger, et cela est surtout nécessaire lorsqu'il s'agit de répartir ces cartouches sur
des cartes. Certaines de celles-ci sont presque ridicules par la disgracieuse disposi-
tion des foyers diagraphiques qui y sont semés.
Rep-ésentations graphiq^ies de la seconde classe; courbes compeiisatrices.
Dans celle classe, nous sommes logiquement portés à comprendre, avec les gra-
phiques à coordonnées orthogonales ou polaires, ce que M. Cheysson désigne sous
le nom de « cartogrammes à bandes », d'un emploi si fréquent aujourd'hui pour
exprimer le mouvement des voies de transport, et qui ont pour objet de mettre en
relation deux variables : le tracé de la voie el sa fréquentation en chaque point.
Rien ne dislingue, en effet, ces cartes des graphiques ordinaires à cooidonnées
orthogonales en dehors de ces circonstances que la ligne des abscisses, base du
graphique, au lieu d'être recliligne, est une ligne courbe ou brisée, elque la bande
de largeur variable est, en général, rapportée symétriquement de part et d'autre
de la ligne des abscisses, au lieu d'avoir ses ordonnées situées d'un seul côté, ainsi
qu'il arrive le plus souvent, mais pas toujours, pour les graphiques ordinaires.
Ce poinl de classification vidé, — et après avoir pris note, en passant, de ce fait que
les stéréogrammes mettant en relation deux variables, tels que ceux donnant, à l'Ex-
position, la population à ses divers âges el la production de la houille en France,
depuis un certain nombre d'années, rentrent logiquement dans la seconde classe, —
il n'y a rien à ajouter ici quant aux cartogrammes à bandes, dont les effets sont si
frappants et qui offrent de si puissants secours dans toutes les études se rattachant
aux questions de transport. Un seul défaut sérail à leur reprocher, c'est la confusion
qui résulte, vers les nœuds de circulation oii la fréquentation est beaucoup au-dessus
de la moyenne, de la superposition des bandes el de l'enchevêtrement de leurs con-
tours. Colle confusion et l'infirmité qu'elle accuse n'est pas spéciale aux bandes. Un
défaut analogue peut se produire sous des formes diverses dans tous les graphiques
de la seconde classe; ce défaut tient, pour loule figuration qui comporte des élé-
ments similaires de grandeurs très différentes, à la stricte proportionnalité inhé-
rente au graphique. C'est une observation sur laquelle nous reviendrons. Dans
l'espèce des caries à bandes, on pourrait parer au défaut signalé, en réduisant
beaucoup (selon l'échelle de la carte) celle qui sert à établir les bandes, seulement
alors, si la même carte comprenait, ainsi qu'il arrive le plus souvent, des voies forte-
ment chargées el d'autres qui le sont très peu, ces dernières se distingueraient à
peine et disparaîtraient presque de la carte. Il est préférable dans ce cas, et c'est
ainsi que la pratique résout la difficulté, de placer, à part, dans des cartouches
détachés, à plus grande échelle lopographique, ce qui se rapporte aux nœuds de
circulation.
Après cette digression relative aux cartogrammes à bandes, arrivons aux gra-
— 173 —
phiques les plus répandus de lu seconde cinsse, dont iii consli'uction comporte l'em-
ploi soit de coordonnées orthogonales (1), soit de coordonnées polaires; el com-
mençons par les coordonnées orthogonales.
Graphiques à coordonnées orthogonales. — Considérons une des figurations
graphiques les plus simples. Il s'agit d'un phénomène ohservé, stalistique ou autre,
qui se déroule dans le temps. La période de l'observation est indifférente : sup-
posons que ce soit le jour.
L'idée la plus courante est de porter le temps sur la ligne des abscisses, en attri-
buant à chaque jour des segments de longueur égale, et de représenter ensuite à
une échelle quelconque, dont le choix est d'ailleurs loin d'èlre indifférent (2), l'iu-
lensité variable du phénomène par des longueurs portées sur les ordonnées.
Ceci est le dernier degré du rudimenlaire. Toutefois, ce problème, tcut simple
qu'il est, soulève plusieurs questions dont la solution logique, presque toujours la
meilleure, comme clarté et expression, varie suivant les divers cas. Par quels points
de la ligne des abscisses doivent êlre élevées les ordonnées? Ces ordonnées doivent-
elles rester isolées? Doivent-elles, au contraire, former comme une série de co-
lonnes juxtaposées? Et, ces questions résolues, comment le lableau doit-il se
terminer dans le liaut? Par des points isolés? Par des horizontales à la hauteur des
sommets des ordonnées? Par une ligne brisée réunissant ces sommets entre eux?
Enfin par une couibe continue? Essayons de répondre à ces diverses questions.
Supposons quatre phénomènes différents que nous empruntons à l'ordre physi-
(1) Dans ce système de coordonnées, où les valeurs des deux variables sont représentées par des
longueurs portées, à partir du point de croisement, sur deux axes rectiligncs formant entre eux un cer-
tain angle, la perpendicularite de ces axes n'est pas absolument nécessaire, et la géométrie emploie
souvent des coordonnées obliques. Peut-être celte disposition pourrait- elle être utilisée dans certains cas
en stalistique graphique. Nous n'en connaissons pas d'exemples.
(2) Ce clioix importe, non pas seulement pour l'espace dont on dispose, mais encore pour l'expres-
sivité du graphique lui-même. Si l'échelle des ordonnées est trop faible par rapport à celle des abscisses,
les différences en hauteur sont peu accusées et le graphique est mou. Si cetle échelle est trop forte,
certaines différences s'accentuent trop énergiquement, et, pour avoir trop haussé le ton, le graphique
devient criard.
Les observations qui précèdent tombent sous le sens. Une autre qui, au premier abord, frappe moins
l'attention, est la suivante, déjà indiquée à propos des cartogrammes à bandes. Quand un phénomène
présente, en même temps que des valeurs faibles et peu différentes, d'autres valeurs au contraire très
considérables, il est bien difficile de le représenter dans son ensemble à la même échelle. Si, afin de
n'avoir pas de hauteurs excessives pour ces dernières, on prend une petite échelle, on n'aura que des
variations insignifiantes pour les premières; et, si pour accuser, au contraire, les variations faibles on
grandit l'échelle, les valeurs considérables prennent des dimensions exagérées.
On a là quelque chose d'analogue à ce qui se passerait dans un profil en long de terrain qui comprea-
drait à la fois des régions de plaines et des contrées fortement accidentées, telles qu'un passage des
Alpes, par exemple. Si pour la plaine, avec des hauteurs décuples des longueurs, ainsi que les ingé-
nieurs le font généralement, on établissait les ordonnées à l'échelle de 1 millimètre pour 1 mètre, celles-ci
prendraient, quand le profil coupe les Alpes, des hauteurs de 2 mètres, 3 mètres et -4 mètres, c'est-à-
dire des dimensions absolument disproportionnées. Or, certains phénomènes statistiques, la population à
l'hectare, par exenjple, varient dans des proportions aussi fortes que les altitudes topographiques.
11 y a donc là une sorte d'infirmité, spéciale aux représentations graphiques, qui est dans la nature
des choses, et qu'il ne faut pas essayer d'esquiver. Les statisticiens ne sont pas les seuls à en souffrir.
Le meilleur remède est d'avoir un champ pour les valeurs faibles, un autre pour les fortes, avec échelles
différentes d'un cas à l'autre.
— 174
que, sans bien nous in(|uiéter de savoir si nos données hypothéli(|ues sont usuelle-
menl employées ou non, ce qui importe peu pour noire inveslinalion graphique.
Ima{,nnons que l'on donne, pour un lieu délerminé, et une série de jouis:
1. La tempéralure maximum diurne observée;
2. La hauteur des eaux d'une rivière à midi;
3. La moyenne température diurne;
4. La moyenne hauteur diurne des eaux de la rivière susvisée.
Il s'agit de construire les quatre graphi(|ues.
Les données 1 et 2 ne concernant qu'un instant indivisible de chaque jour, les
ordonnées qui s'y rapportent, élevées, dans ciia(|ue segment diurne, par les points
correspondants à l'heure de l'observation, doivent, logii|uemenl, être considérées
comme des éiémenls isolés. Les données Set 4, au contraire, embrassent, chacune,
toute la période diurne ; elles doivent, par ce motif, constituer des colonnes juxta-
posées ayant pour base les segments. Et cette solution ne résulte pas de ce que les
données 3 et 4 représentent des moyennes, mais bien de la raison (|ue nous indi-
quons.
Ces bases établies, et les longueurs voulues, |)Our les ordonnées isolées; les
hauteuis voulues, pour les colonnes, ayant été portées à leurs places respectives,
comment terminer le tableau par le haut?
Pour les graphi(pies S et 4 (voir page suivante), il n'y a pas à hésiter; c'est de
limiter rhiique colonne par une horizontale. Les proliis siqiérieurs seront des
escaliers a.-cendanis et de.-cendanis fermés d'échelons |)lus ou moins élevés. Ce
n'est ni joli ni élégant, mais c'est clair; et, au fond, cela rend, giapliii|uement,
tout ce que fournit, numériquement, la série des données. Toutefois nous y revien-
drons tout à riieure et montrerons qu'on peut, dans certains cas, faire mieux et
plus expressif.
iir1l ' li 'I
' j
h L_
ptg. 1.
Fig. 2.
Cela dit, que faire pour le graphique 1 ? Tracera-t-on des horizontales, dans l'é-
tendue de chaque segment, par les sommets des ordonnées? Gela n'aurait pas de
sens, et exprimerait même une idée fausse. L'élément donné est la température, à
un moment de la joui née oîi elle atteint en général son maximum, c'est-à-dire
vers 2 heures et demie. Cette tempéralure ne se maintient pas tout le jour pour
changer brusquement à minuit : c'est cependant ce que semblerait dire le graphi-
que. Réunira-t-on par une ligne brisée les sommets des ordonnées? Cela ne vau-
drait pas mieux et serait tout aussi faux. De chaque maximum à ceux qui le pré-
cèdent et le suivent, la tempéralure s'abaisse pour se relever. Il n'y a qu'une
solution logique, c'est de laisser les ordonnées isolées parle haut, en les terminant
par un poinl, pour en bien marquer le sommet, ainsi que le représente la figure 1.
L'œil a ainsi tout ce qu'il peut avoir, sans que l'esprit soit induit en erreur : une
— 175 —
série de points, les uns plus haut, les autres plus bas, lui disant comment varient en
intensité les maximnnns succt^ssiCs de la cli:deur diurne, en même temps que la ra-
pidité plus ou moins grande de ces variations ascendantes ou descendantes.
Passons au {;raplii(|ne 2. Ici, le cas n'est plus le même. Sauf circonstances parti-
culières, que nous signalerons, d'un midi à l'autre la rivièie croît ou décroît. Cette
marche peut ne pas être régulière; toutefois, en joignant par des droites les som-
mets des ordonnées, la ligne brisée obtenue figurera logiquement la marche du
phénomène et la croissance ou décroissance continue des eaux. Cependant, deux
cas particuliers se présentent. Entre deux midis successifs, après avoir crû, la rivière
peut décroître, ou récipro(|nement ; le graphique ne le dira pas. Au lieu d'une por-
tion de profil se relevant ou s'abaissant entre les deux midis successifs, il donnera
une droite. La représentation du phénomène est faussée.
Comment peut-on parer à cet inconvénient, et peindre plus exactement la marche
réelle du phénomène? En faisant passer par la série des points fournis par l'obser-
vation, non plus une ligne brisée, mais une courbe continue, Joui les segments du
contour polygonal ne seront plus que des cordes. Cette courbe, à laipielle on ne
peut imposer d'autre condition absolue (jue la continuité, c'est-à-dire l'absence de
jarrets, mais qui, pour être logi(}uement tracée, doit avoir le moins d'inflexions et
les variations de courbure le mieux graduées possible, s'adapte au phénomène d'une
façon |)lus exacte, surtout plus expressive, que la ligne brisée; et, dans l'exemple
que nous donnons (fig. 2), on voit que dans plusieurs des points où le mouvement
ascendant ou descendant change de sens, la courbe s'élève au-dessus ou s'abaisse
au-dessous du segment de contour polygonal (|u'elle remplace.
Cela veut-il dire, toutefois, d'une façon absolue, que l'on obtienne ainsi une courbe
comfdélement idenli(pje à ce que serait le diagramme que tracerait directement
l'eau elle-même au moyen d'un appareil enregistreur? Non sans doute. Le diagramme
contiendrait probablement dans ses segments diurnes des dentelures de détail plus
ou moins accusées que la courbe ne donne pas ; mais, si celle-ci est logi(jnement
tracée, elle a toute chance de se confondre sans différence appréciable avec le dia-
gramme dont jl s'agit.
Revenons après ces explications aux graphiques 3 et 4.
j
c
-A
r
V
/
^
i:'U
il. y.
! ■' D ':
Fig. i.
En quelque nombre que soient et de quelque façon (|u'aient été combinées les
observations faites pour constater les moyennes, nous savons, en ce qui concerne
le graphique 3, (|ue, dans chaque période diurne, il y a ascension de la tempéra-
— 176 —
ture de la iiuil au jour, et abaissement, au contraire, du jour à la nuit. Un appareil
enregisireur ijui tracerait direclemenl le diayrauime des hauteurs thermoniélriques
présenterait, non plus une courbe avec des dentelures adventices, comme nous
venons de ledire à propos du cas précédent, mais une courbe sinusoïdale du genre
de celle que contient la figure 3, avec doubles dentelures diurnes se reproduisant
périodiquement. Ce pourrait être un problème intéressant que de cliercber le ca-
ractère de ces dentelures lliermo-diurnales, soit aux diverses saisons de l'année, soit
dans le cours d'une année entière, soit pour une période plus longue ; et celte re-
chercbe faite d'abord numériquement pourrait donner lieu à la construction d'un
graphique digne d'attention, surtout avec la disposition polaire. Mais le caractère
el les variations de la dentelure dont il s'agit ne sont pas censés avoir laissé de
trace dans le nombre unique qui donne la température moyenne de chaque jour.
Ce nombre ne dit pas (|uels sont les maxima et minima successifs. Pour substituer
aux horizontales de la figure S la dentelure sinusoïdale représentée, il faudrait des
données en dehors de la moyenne, ce que nous ne supposons pas. Une telle substi-
tution impliquerait d'ailleurs que l'échelle du graphique fut considérable, sans quoi
la dentelure perdrait tout caractère. Enfin celte sinusoïde elle-même parlerait moins
clairement à l'œil, et n'en dirait pas plus à l'esprit que les horizontales remplacées.
Il est de beaucoup plus logique et plus simple, dans l'espèce, de rester dans le champ
strict des moyennes el de conserver tout .«implement les horizontales qui les expri-
ment.
Il n'en est pas de même pour le graphique -4. Ici nous n'avons plus d'ascensions
et d'abaissements diurnes périodiques ; el, quoique la succession des hauteurs
moyennes représentée par la série des horizontales ne présente rien de choquant,
(|Uoi(iue ce soit même là ce (pii exprime, graphiquemenl, avec plus de précision que
toute autre chose, les hauteurs moyennes diurnes de l'eau, seules données qu'on
possède, on se seul loulcfois en présence d'un phénomène à marche continue; les
moyennes ne disent rien des hauteurs d'eau aux diverses heures du jour, et il serait
plus expressif, tout en respectant ces moyennes, de peindre par leur secours le
phénomène dans toute sa réahlé continue.
Cela n'est pas impossible ainsi que nous allons le montrer.
Supposons le problème résolu. Imaginons qu'à l'aide d'un nombre d'observations
suffisamment multipliées, ou même d'un enregistreur automatique, on ait construit
un dessin ou obtenu un diagramme donnant la courbe hydromélrique (fig. 4),elqu'il
s'agisse d'en déduire les moyennes hauteurs diurnes de l'eau.
11 suffira pour cela de substituer à chacun des arcs de courbe compris dans les
divers segments diurnes une horizontale qui laisse entre elle el la courbe, tant en
dessus qu'en dessous, des surfaces parfaitement égales. Cette égalité absolue, qui
sérail la perfection, ne peut, au vis-à-vis d'arcs de courbe non définis géométri-
quement, s'obtenir par aucun procédé rigoureux; mais, avec quelque attention, de
l'habitude el un pelil nombre de notions géométriques, on peut en approcher de
très près.
Quelques indications très élémentaires peuvent y aider.
A la montée aussi bien qu'à la baissée de l'eau, tant dans les segments tels que
A el A' où les arcs sont concaves vers le haut, que dans ceux tels que B el B' où
ces arcs tournent vers le haut leur convexité, l'horizontale donnant la moyenne
coupe toujours l'arc plus près de celle des deux verticales au voisinage de laquelle
— 177 —
le mouvement d'ascension ou de descente est le plus rapide. Le triangle niixliligne
contigu à cetle verticale a plus de hauteur, et, quoique le sens de la courbure
réduise sa surface landis (ju'elle augmeule celle de l'autre, c'est, en général, le
triangle le plus pointu qui doit avoir une base moindre ; d'où suit, par voie de con-
séquence, que, dans le cas des segments concaves, l'horizontale domine le point de
la courbe à midi, tandis qu'elle est au-dessous de ce point dans le cas des segments
convexes.
Quant aux segments spéciaux, tels que G et 1), où le mouvement change de sens,
le principe de la compensation par égalité des surfaces interceptées subsiste tou-
jours. Seulement le mesurage s'applicpie alors à des surfaces de foi'mes plus diffé-
rentes. Ce sont, en général, deux triangles mixlilignes à comparer avec un segment
superficiel (fig. 5) enveloppé par la courbe et ayant l'horizontale pour base. Or,
deux indications très sim|iles peuvent faciliter le mesurage comparatif: la première
c'est que des segments enveloppés par dt'ux courbes de même hauteur, l'une
symétrique, l'autre non symélrii|ue, ne diffèrent pas pour cela de superficie; la
seconde que l'un ou l'autre de ces segments a pour surface très approchée le produit
de sa base b par les 2/3 de sa hauteur h, ce qui n'est rigoureusement vrai que lors-
(|ue la courbe est une parabole du second degré, mais se vérifie, en général, à luie
très minime différence près.
Le résultat qui précède obtenu, et étant démontré qu'on peut, au moyen de la
courbe réelle peignant le phénomène, tracer les moyeunes diurnes correspon-
dantes, rien n'est plus simple, en renversant les termes, que de concevoir que l'on
déduise des horizontales de la figure 4 la courbe qui a servi à les obtenir.
H Four le tracé de celte courbe, les règles à suivre sont les mêmes (pie celles in-
diquées à propos du graphicjue 2 ; mais, quoique dans ce deinier cas on possède
des points de la courbe, tandis que, dans le graphique 4, ce secours fasse défaut,
le mouvement de la courbe est ici plus étroitement conditionné que dans le cas de
la figure 2, — et cela par la nécessité de la compensation des surfaces au-dessus et
au-dessous de l'horizontale, dans chacun des segments diurnes. Sans doute celte
compensation peut s'établir de bien des façons, et nous en donnons un exemple
du côté gauche de la figure 4. Mais la courbe sinusoïdale tracée en pointillée et
i toutes celles du même genre que l'on pourrait intercaler entre elle et la courbe pleine
pe satisfont pas à la condition essentielle d'une marche continue du phénomène;
loutes sembleraient dire que le mouvement de montée ou de baissée s'accélère la
nuit et se ralentit le jour, ce qui ne correspond en quoi que ce soit aux r éalités natu-
relles. Ces réalités naturelles c'est la courbe ACA'BB'D qui les représente seule avec
les caractères assignés ci-dessus d'avoir le moins d'inflexions et les variations de
courbure le mieux graduées possible ; et, si le diagramme que tracerait un enregis-
treur présentait quelques ondulations de détail non exprimées par elle, comme ces
1"= SÉRIE. 31' VOL. — s" 6. \1
— 178 —
ondulations ont dû influer sur la détermination delà moyenne diurne, on peut être
assuré, dans l'espèce, mieux que dans le cas du ^aapliique 2, que la courbe théo-
rique laisse autant de ces ondulations en dessus d'elle qu'en dessous, aulanl à sa
droite qu'à sa gauche.
Courbes compensatrices. — iNous donnons aux courbes théoriques telles que
AGA'BB'D le nom de courbes compcnsalvices. (^es courbes correspondent à une
notion essentielle pour la représentation graphique, à la fois logique et expres-
sive, de phénomènes naturels ou statistiques a marche continue, numériquement
donnés par des moyennes.
Le.s courbes compensatrices ont, jusqu'à présent, été peu employées en statis-
tique. Nous pensons qu'elles peuvent rendre quelques services. Mais il importe de
ne pas en abuser; surtout de ne pas les employer à faux. Elles ne s'appliquent
strictement qu'au cas où le phénomène est donné par des moyennes ; nullement à
ceux analogues au cas de la figure 2, où l'on ne connaît du phénomène que des
valeurs isolées. La courbe substituée au tracé polygonal dans cette dernière figure
u pour objet de remplacer l'expression discontinue et par cela même nécessairement
fausse d'un mouvement naturel, par une courbe dont les ondulations continues le
peignent, selon toute probabilité, avec plus d'exactitude. Mais cette courbe n'est
pas pour cela compensatrice. Elle serpente autour du contour polygonal, mais il
n'y a nulle raison pour chercher entre les segments qu'elle laisse tantôt d'un côté,
tantôt de l'autre, aucune é(|uivalence, tandis que ce point est essentiel et fondamen-
tal dans le cas de la figure 4.
Quoique portant, en apparence, sur des minimités, la question à laquelle ceci
louche est importante. Nous croyons devoir y insister un peu.
Prenons un exemple connu. Empruntons à un opuscule de Mr le docteur Jans-
sens sur la mortalité de la ville de Biuxelles en 1877, une portion (fig. 6) de l'un
des tracés graphiques par lesquels il exprime le nombre des décès mensuels dus à
l'une des classes de maladies (l'entérite et la diarrhée).
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Fig. 6.
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L'auteur a placé, à l'échelle, au milieu de chaque segment mensuel, un point cor-
respondant au nombre total de décès constatés; puis il a réuni ces points- par des
— 179 —
droites. On saisit parfaitement ainsi les changements morluaires en plus et en
moins d'un mois à l'autre. Si la figure ne comprenait qu'une maladie unique, des
points seuls en diraient autant. Mais, comme celle figure en réunit plusieurs, les
droites de jonction, utiles dans tous les cas ()Our guider l'œil, sont ici indispen-
sables; et, grâce à l'emploi de traits pleins ou pointillés (pouvant, suivant les cas,
être remplacés par des couleurs), le tableau est très clair et exprime bien ce qu'il
veut dire, pourvu qu'on n'attribue pas aux droites de jonction d'autre caractère
que celui indiqué.
Ne pourrait-on pas, toutefois, chercher à remplacerpar des courbes ces contours
polygonaux un peu dégingandés, présentant des pointes aiguës, et de brusques
montées et descentes qui ne correspondent guère à la marche des faits naturels?
Dans l'espèce, avec les données constitutives du tableau, ce serait une complète
erreur. Dans la figure 2, où nous avons substitué une courbe au polygone, lessom-
, mets de ce dernier étaient déterminés par une seule valeur numérique du phéuo-
! mène, correspondant exactement à la place occupée par l'ordonnée sur l'abscisse.
Dans le cas de la figure 6, rien de semblable. Les ordonnées sont obtenues par
totalisation, et c'est conventionnellement qu'elles sont placées au milieu du segment
' mensuel. Une courbe sinueuse qui rattacherait leurs sommets serait un contresens.
Ces ordonnées pourraient, sans doute, être considérées, si les mois étaient tous d'égale
longueur, comme représentant à peu près des moyennes; il n'y aurait là qu'une
différence d'échelle, mais alors le tracé des courbes à substituer au polygone ne
consisterait pas à réunir ces sommets; il relèverait du cas de la figure 4 ci-dessus,
non de celui de la figure 2, et, pour montrer la différence, il nous a semblé utile
d'en donner l'application sur la figure 6 elle-même.
Dans le bas de cette figure, à une échelle décuple du tracé original, sont repré-
sentées les moyennes mensuelles par des horizontales, et la sinusoïde mortuaire est
tracée, d'après celles-ci, au moyen de courbes compensatrices. Les ordonnées de
cette sinusoïde ne représentent plus que des décès journaliers dont la somme, pour
un même mois, rétablirait les totaux de la figure originale; et l'on aurait ainsi une
image approchée des mouvements mortuaires diurnes lius à la maladie considérée.
Dans les cas oà ce dernier objet présenterait une importance maniuée, le tracé
courbe vaudrait mieux que l'autre. M;iis, pour le but poursuivi par le docteur Jans-
sens, c'eût été tomber dans des complications inutiles. Avec plusieurs maladies
réunies dans le même cadre, les courbes se seraient enchevêtiées ; le tracé poly-
gonal par totaux mensuels, parfaitement clair et très simple, valait mieux. Un pi'o-
cédé n'est bon qu'à sa place. C'est le cas des tracés courbes, et il faut surtout se
garder de les employer illogiquement et à faux.
Nous ap|diquerons cette conclusion aux diagrammes symétriques ou quasi-symé-
triques, si élégants en général, analogues à ceux que consacre à certains phéno-
ènes de population et de mortalité l'Album de statistique graphi(iue du ministère
n Commerce. Dans cet album, la séparation par sexes suflit pour donner j ces
iagrammes des formes esthétiquement très satisfaisantes; et, lorsqu'iutervient la
istinction par état civil, les figures inscrites l'une dans l'autre conservent encore
n galbe attrayant, en même temps que l'œil saisit facilement les rapports numé-
ques que les figures mettent en évidence. Seulement, ces diagrammes sont dressés
'après des. moyennes quinquennales. De là, des redans que des courbes compensa-
ices, faciles à tracer et parfaitement à leur place ici, feraient disparaître. L'auteur
- 180 —
de l'album a songé à celle subslitulioii ; nous l'avons constaté à l'Exposition, et
l'avons nous-même essayé. Avec du soin, dans les cas simples, on obtient des
formes liés gracieuses; dans les cas complexes, là où trois courbes devraient mar-
cher parallèlement, ce serait notablemeni plus difficile et moins satisfaisant ; dans
tous, nous croyons que la substitution doit èlre écartée. L'avantage ne compense-
rail pas les inconvénients. L'œil suit sans fatigue les gfadins échelonnés, en saillie
ou en retraite, de deux tranches successives qui décroissent ou s'allongent ; et, dans
les cas complexes, il saisirait beaucoup moins bien, avec des contours courbes, les
rapports de grandeur des catégories distinctes composant chaque tranche. Pour un
efl'et d'ensemble, il/aul conserver les gradins. Il en serait autrement si l'on tenait à
représenter, non plus par périodes, mais continuement, la marche du phénomène.
Les courbes alors seraient à leur place ; seulement, elles diraient autre chose que
ce que l'auteur a voulu exprimer.
En résumé, pour la seconde classe, dans le système orthogonal, la spontanéité
nous parait avoir heureusement fait son œuvre. Elle a été guidée par le besoin de
simplicité et de clarté. C'étaient là les meilleuis guides. La notion des courbes
compensalrices peut lui rendre quelques services à condition de recevoir un em-
ploi judicieux. Au total, la statistique graphi(|ue est en bonne voie, pour les figura-
lions de la seconde classe. A peine aurions-nous quelques mots à ajouter sur les
ordonnées négatives. Mais nous retrouverons tout à l'heure, à propos de la troi-
sième classe, cette question (|ui y prend plus d'importance.
Graphiques à coordonnées polaires. — Ce système, avec ses angles et ses
rayons vecteurs, est aussi connu et presque aussi appliqué que le système ortho-
gonal avec ses abscisses et ses ordonnées. Nous ne le décrirons pas. Rien ne paraît
logiquement s'opposer à ce qu'il supplée l'autre en toutes fonctions. Les praticiens
n'en ont pas jugé ainsi, et ils ont assigné aux coordonnées polaires des emplois
à part. Nous aurons nous-même quelques réserves à faire. Commençons par jus-
tifier les praticiens.
Chacun reconnaît que les constructions en coordonnées polaires sont douées
d'une certaine élégance décorative. Elles sont expressives, se replient sur elles-
mêmes et tiennent peu de place. Cependant leur véritable domaine n'est guère que
celui des représentations qui, dans l'espace, embrassent ce que les marins appellent
le tour du compas, et, dans le temps, comprennent seulement un cycle entier :
heure, jour, mois, ou année. Pour une période de temps indéterminée, ou le gra-
phique polaire ne comprendrait qu'une partie de la circonférence, ce qui serait
gauche, ou il s'étendrait, au contraire, à plusieurs révolutions circulaires, et alors
les spires successives, ramenées sur elles-mêmes, risqueraient, sauf cas particu-
liers, de s'enchevêtrer el de se confondie, ce qui n'arrive pas avec le système or-
thogonal qui les déroule à la suite les unes des autres.
Ces points posés, nous pourrions, pour le système polaire, examiner, quant aux
dispositions à suivre pour terminer ou circonscrire le graphi(|ue, les mêmes ques-
tions que nous avons étudiées ci-dessus à propos des coordonnées orthogonales.
Nous préférons raisonner sur un exemple.
Prenons, à cet cfTet, l'un des diagrammes polaires si frappants exposés en 1878
par le docteur Janssens déjà cité, pour figurer les mortalités mensuelles résultant à
Biuxelles de diverses causes dans la période décennale 1864-187ï}. Il est diffi-
— 181 —
cile de frapper plus fort, et de montrer avec plus rréloquenre la variété des in-
fluences morbides des diverses saisons de l'année. Voici la construction: sur les
bissectrices de 1!2 secteurs circulaires égaux comprenant un cercle entier sont,
pour chaque cause de mort, portées, à partir du centre, des longueurs proportion-
nelles aux moyennes mensuelles de la période. Les extrémités ainsi déterminées
des rayons vecteurs sont unies par des droites, faisant de l'ensemble un polygone
irrégulier; la moyenne générale annuelle a donné le rayon d'une circonférence
également décrite sur la figure; et les surfaces tant intérieures qu'extérieures au
cercle comprises entre le polygone et la circonférence sont teintées de couleurs
diflérentes.
Rien n'est plus frappant que le résultat ; est-il parfaitement juste ? Examinons.
Avec le même mode de construction, dans le système orthogonal, des bandes
verticales de même largeur figurant les divers mois, et la moyenne annuelle, cal-
culée de la même façon, établie horizontalement à la hauteur voulue, les portions
de la figure situées au-dessus de l'horizontale et celles situées au-dessous présen-
teraient une étendue superficielle parfaitement égale, ainsi que cela doit être. Il
n'en est pas de même dans le système polaire. En s'éloignantdu centre les secteurs
s'élargissent, et, si, quant aux rayons vecteurs, la somme des segments en dedans
de la circonférence est égale à celle des segments en dehors, les surfaces inté-
rieures sont forcément moindres que les surfaces extérieures. En rendant la figure
expressive et frappante, on l'a faussée. Les circonstances défavorables sont exa-
gérées au déUiment des favorables.
Cela tient-il au mode de formation du contour polygonal ? Non. Ferait-on passer
dans chaque secteur, des arcs de cercle par les extrémités des rayons vecteurs, qui
représentent des moyennes, ce serait un peu plus logique, mais la nouvelle figure à
périmètre discontinu, ainsi constituée, serait plus disgracieuse, et, au point de vue
de la compensation des surfaces, on aurait plutôt forcé qu'atténué le manque
d'équilibre, qui est un vice constitutif.
Il serait encore possible, facile même, de substituer à ce dernier contour une
courbe compensatrice. On n'y gagnerait rien ; le défaut subsisterait. Le seul moyen
serait d'attirer l'allenlion exclusivement sur les bissectrices seules, et, pour cela,
de les laisser isolées, en les terminant par des points. Mais la figure perdrait alors
toute expression. Le remède serait pire que le mal. Le mieux est de s'en fier à l'in-
telligence de l'observateur.
Il n'était pas mauvais peut-être de signaler, pour cette circonstance et d'autres
analogues, im défaut qui peut s'attacher aux figurations polaires, et qui dépend de
leur expressivité même. Il serait extrêmement fâcheux que cela conduisît à y re-
noncer. Seulement, il est clair qu'on ne peut absolument pas s'en servir, comme on
le fait des figures orthogonales dans certains cas, pour obtenir par des mesures de
superficie la valeur numérique des degrés d'un phénomène.
La troisième classe, à laquelle nous allons passer, offre à notre élude un champ
plus vaste.
18-2 —
VI.
Représentations graphiques de la troisième dusse. Cartes à courbes isoplHhes.
Surfaces compensatrices.
Les caries slolisiiqnes par courbes de niveau, dont l'intérêt nous a surtout pro-
vo(]ué à écrire ces notes, ne sont qu'un des groupes des représentations graphiques
qui forment la troisième classe.
C'est en 1843 qu'à roccasion de ses beaux travaux de géométrie anamorpliique,
dont l'utilité a été si grande, .M. Léon Lalanne a|)pliqua, pour la première fois, à
une question niétéorologiijue le principe génér.d de l'expression graphique d'une
table à double entrée (1); et c'est plus tard, en 1845, qu'il fit connaître à l'Académie,
sans l'appuyer d'un exemple, l'application possible de ce principe à des caries statis-
tiques de la population, application (|ue nous crûmes imaginer nous-même près de
trente ans plus tard.
Toutes les représentations possibles auxquelles conduit l'idée dont nous venons
de parler rentrent dans le présent chapitre. Klles ne constituent en réalité que deux
groupes principaux distincts. Pour l'un de ceux-ci, les deux coordonnées horizon-
tales , empruntées à l'espace ou au temps, qui peuvent se segmenter en parties
égales, constituent, pour la surface que détermine la troisième coordonnée, une
base à contour régulier, régulièrement découpée elle-même. Pour l'autre groupe
principal, les coordonnées sont empruntées à des circonscriptions géographiques.
Les constructions issues du premier groupe sont peu nombreuses. On pourrait,
pour certains usages, constituer par leur moyen des abaques utiles, mais cela est
en dehors de notre examen. Elles n'ont, à notre connaissance, joué jusqu'à présent
aucun rôle en statistique (2). Nous les laissons de côté, pour ne traiter que du
second groupe : celui des cartes statistiques proprement dites.
A ce propos, avant d'entrer dans le sujet, un point essentiel est à vider.
Dans la statistique graphique, on fait le plus fréquent usage de cartes simplement
teintées dont quelques-unes rendent les plus grands services. Rentrent-elles dans
la troisième classe? Par le procédé, nous ne le croyons pas ; par le résultat, il nous
semble que si. Nous allons nous expliquer.
Nous avons, dès le début, distingué le dessin de la couleur, et marqué à celle-ci
un rôle utile mais essentiellement subordonné. Dans les cartes teintées cet élément
accessoire joue un rôle principal. Nous sommes néanmoins d'avis d'admettre cet
élément, à condition qu'il soit bien employé.
On a fait autrefois des cartes statistiques où, pour exprimer l'intensité vaiiable
du phénomène à représenter, on recourait soit à des couleurs différentes, auxquelles
(1) Méthodes graphiques, par M. Léon Lalanne, 1S78.
(2) Nous avons toutefois mis sous les yeux de la réunion une carte par courbes de niveau du mouve-
ment des marées au Havre, pendant le mois de septembre 1877, extraite de l'opuscule déjà cité de
M. Léon LalSnne sur les Méthodes (/raphiques. Cette carte, avec l'aide rie teintes plates graduées par
zones de hauteurs successives, produit l'effet le plus fr^ipant.
Nous avons également montré i la réunion comme obtient la figuratio'i d'un paraboloide hyper-
bolique {z = xy, à l'aide de courbes de niveau tr h une table de l'ythagure, en supposant que
les nombres inscrits au certre des carreaux représentent les hauteurs de verticales élevées en ces points.
— 183 —
on attribuait conventionneliement certaines valeuz's déterminées, soit à des grisés,
d'intensité identique ou analogue, obtenus par des combinaisons de iiachures, pa-
rallèles ou croisées, et de points. Celait là une période d'initiation rudimentaire,
dont il est à peine besoin de faire la criliijue. Aucune raison pour faire exprimer
au rouge une valeur numérique supérieure au bleu, plutôt que de faire l'inverse,
ou pour mettre le jaune au-dessus du vermillon, au lieu de le placer en dessous.
C'étaient là des conventions incomprébensibles sans le secours incessant de la lé-
gende. Or, qu'est-ce qu'une langue qu'on ne peut lire sans avoir à chaque mot
recours au glossaire ?
Si les cartes teintées en étaient restées à cette phase, elles n'auraient vérilable-
nient pas place ici. Elles ont beaucoup [irogressé depuis.
Aux teintes purement conventionnelles on a substitué des teintes nuancées d'in-
tensité crois.^ante, ou, quand on ne pouvait faire mieux, des grisés s'élevant gra-
duellement du blanc au noir ; et la question a dès lors changé de face. D'après les
images de la langue d'emploi le plus courant, dans les nuances croissantes ou dé-
croissantes d'une même couleur l'esprit voit, comme d'intuition, quelque chose qui
s'élève ou s'abaisse : une échelle de coideurs c'est comme une série d'éléments li-
néaires superposés ;la couleur employée d'une certaine manière devient une dimen-
sion. Par ce côté, les figurations à teintes graduées rentrent légitimement dans le
graphique. Le tout est de faire de la couleur un bon usage.
Malheureusement, le moyen n'offre que peu de ressources. Une droite se seg-
mente à l'infini. La couleur ne comporte qu'un petit nombre de divisions. L'œil le
plus exercé ne peut guère saisir, dans une même couleur graduée, que six nuances
distinctes; le coloriste le plus habile, muni des couleurs les plus fines, n'en peut
produire davantage. De là une grande pauvreté de moyens. On a tonlefois fait,
dans ces derniers temps, par l'emploi des teintes graduées, des cartes extrêmement
remarquables et du plus haut intérêt, au nombre desquelles nous citerons la plu-
part de celles de ce genre que contient l'Album destatisiiquegraphiquedu ministère
du Commerce.
Nous ne voudrions pas trop nous étendre ici sur la question des cartes à teintes
graduées qui n'esl pour nous que secondaire. Nous croyons toutefois devoir en dire
quelques mots de plus.
Du moment que les colorations graduées entrent dans le domaine de la géomé-
trie, elles doivent en accepter les lois sévères. A des teintes graduées par degrés
égaux, — c'est là le but cherché par celui qui les emploie, — doivent correspondre
des ascensions numériquement égales ; il faut construire en cons.équenceles échelles
ou diapasons de teintes. Les auteurs ne s'assujettissent pas toujours à cette règle,
(|ui est, |)Our ainsi dire, de probité scientifique et de bonne foi. Voici trois teintes
graduées conliguës. Ma vue et mon esprit s'élèvent avec elles d'un pas égal. Or les
ascensions réelles correspondantes du phénomène sont 2, i et 3. Je suis induit en
erreur; la représenlalion est fausse.
Il n'est pas toujours facile, il est quelquefois même impossible, sans tomber
dans des fractionnemcnls numériques inadmissibles, de bien régler une échelle
de teintes. Ce n'est pas une raison pour ne pas faire effort pour y parvenir. L'indi-
gence du moyen en)ployé est un obstacle et une excuse. Ces deux circonstances ont
conduit les auteurs des cartes à teintes graduées, pour se procurer des échelles
plus étendues, à recourir à deux couleurs au lieu d'une seule, en appliquant cha-
— 18/* —
cime H lieux phases inverses du phénomène à représenler. Il vaut ici la peine d'en
dire un mol.
Pour tons les phénomènes qui impliquent, soit d'après la nature des choses, soit
d'après des conventions universellement admises, une inversion de sens bien carac-
lérisée, rien n'est plus légitime que l'emploi de deux couleurs. La perte et le gain,
la recette et la dépense, le chaud et le froid, la profondeurau-dessous et la hauteur
au-dessus du niveau de la mer sont dans ce cas. C'est le positif et le négatif mis en
opposition; le plus et le moins de l'algèbre. Mais on a été plus loin. Dans un même
phénomène continu, lel, par exemple, que l'inlensiléspéciliquede la population, qui
ne comporte pas de sens négatif, on a pris pour situation déterminative de l'inver-
sion de sens la moyenne générale du phénomène. Cela est purement conventionnel,
mais n'est pas arbitraire ; et l'indigence du moyen justilie pleinement qu'on ait re-
cours à cet expédient.
r.eci nous amène à un point de la question qui a soulevé des controverses, et
dont nous ne voulons dire qu'un mot. Kn acceptant l'emploi de deux couleurs,
quelques auteurs ont cru devoir, dans chacune des régions, faire marcher les nuan-
ces dans le même sens, au lieu de leur imprimer, comme le veut la logique, une
marche inverse. Du moment que l'inversion du froid au chaud, par exemple, eslad-
mise, on compte les degrés de i'roid et de chaleur en sens inverse à partir du zéro
conventionnel. De même, quand on intervertit volontairement le sens d'un phéno-
mène, à partir de sa valeur moyenne, c'est de cette valeur moyenne qu'on doit
comjiter aussi bien en dessus qu'en dessous. D'un côté, vers le haut, sont les excé-
dents ; de l'autre, vers le bas, les insuffisances. Celles-ci croissent, en leur qualité
d'insuffisances, non pas à mesure qu'elles se rapprochent, mais à mesure qu'elles
s'éloignent de la moyenne. Ceci est élémentaire.
Quoiqu'il en soit, des cartes constituées comme il vient d'être dit, dans lesquelles
une confusion naissait de la rnijc en contact de la nuance la plus forte de l'une des
teintes avec la plus faible nuance de la seconde, ont fait croire à la nécessité d'une
zone moyenne bien distincte; et, pour celte zone, quelques auteurs ont adopté, soit
une teinte spéciale, soit d'autres dispositions plus compliquées.
En rentrant dans la vérité, l'existence d'une telle zone n'est pas indispensable. Si
on la juge nécessaire, elle se trouve naturellement formée, — à la rencontre des
deux couleurs qui s'en rapprochent en se dégradant, — par la zone blanche, leur
limite commune, comprenant les valeurs les plus rapprochées de la moyenne.
L'album déjà visé du ministère du Commerce montre quel heureux parti on peut
tirer de cette disposition.
Quels qu'en soient le mérite, la valeur et l'utilité, ces figurations coloriées ne peu-
vent s'appliquer strictement qu'à des circonscriptions territoriales. Chaque nuance est
obligée de se renfermer étroitement dans l'une d'elles. Rien de mieux, quand c'est
à ces circonscriptions, au département par exemple, que l'étude se rapporte. Mais
elles n'expriment qu'imparfaitement la répartition continue et graduelle d'un phé-
nomène donné pour tout un territoire, indépendamment des circonscriptions qui le
divisent. C'est à cette fonction que sont spécialement propres, au contraire, les
caries par courbes de niveau.
Cartes par courbes isoplèlhes. — Chacun sait ce qu'est une courbe de niveau.
Nous ne les définirons pas. M. Lalanne, envisageant d'un point de vue tout à fait
— 185 —
général les surfaces dont ces courlies servent à représenter les formes, les appelait
courbes d'égal élément. 11 a depuis emprunté à un écrivain allemand un mot qu'il
a jugé bien fait, celui des courbes isoplètltes(\). Nous sommes du même avis, et
nous en ferons usage comme synonyme de courbes de niveau.
Abordons la génération des cartes que nous voulons décrire.
Imaginons un pliénomène quelconque observé sur divers points d'un territoire
donné. Des nombres en représentent, pour chaque point, suivant les cas, l'inten-
sité spécifique ou absolue. Pienons une carte du territoire où sont figurés les
points d'observation, el, plaçant la carte horizontalement, élevons par chacun de ces
points des verticales de hauteur proportionnelle aux nombres déduits de l'obser-
vation. Si ces verticales sont assez serrées, une enveloppe souple, suffisamment
élastique et rétractile, s'appuyant sur leurs extrémités constituera une surface ma-
melonnée présentant des talus, des sommets et des creux, des vallées et des lignes
de faîie, analogues à ceux d'un relief topograpliique, el susceptibles, comme les
mouvements de ce dernier, d'être représentés, sur la carte servant de base, au
moyen de courbes de niveau. Plus les points d'observation seront multipliés, plus
les ordonnées seront rapprochées et leurs sommets nombreux, mieux les acci-
dents de détail, mieux les ondulations partielles se manilesieront sur la surlàce. Et
l'analogie est ici complète avec ce que fait vis-à-vis du terrain le géographe qui, lui
aussi, représente la plastique du sol dans sa continuité, quoiqu'il n'en ait relevé
qu'un certain nombre de points, mais qui peut en exprimer d'autant mieux les
détails et les reliefs minimes que les points relevés sont plus multipliés.
Imaginons que l'on connaisse, pour chaque commune de France, des faits natu-
rels ou démographiques tels que les suivants : la moyenne température de l'année;
la moyenne hauteur pluviomélri(|ue annuelle; la population spécifique; le nombre
spécifique annuel des naissances, des mariages, des morts entre tels et tels âges,
les nombres correspondants permettront de construire, pour la France, des cartes
thermoméiriques, pluviométriques, natalitaires, matrimonialitaires et mortalitaires
de diverses catégories.
Pour qui connaît les procédés que le géographe emploie pour déduire, d'un
t certain nombre de points du sol d'altitude connue, les courbes de niveau dont la
projection sur le plan de la carte en exprime les mouvements lopographiques, rien
n'est plus facile et plus simple que de concevoir la construction des cartes natura-
f logiques et démographiques que nous venons d'indiquer. Et quant aux dispositions
(Complémentaires à prendre pour rendre chacune d'elles suffisamment expressive
suivant son objet, cela constitue un autre problème important, quoique secondaire,
^que les géographes ont résolu et résolvent chaque jour à leur manière, et qui
correspond, en statistique, à des exigences spéciales dont nous dirons quelques
mots.
Il n'y a, pensons-nous, personne qui puisse repousser la conception que nous
venons de présenter; elle contient, en essence, la théorie des caries statistiques
Ipar courbes de niveau tout entière.
Cependant des objections naissent ou subsistent. Nous allons chercher d'où elles
viennent, et montrer comment la théorie y répond.
Le géographe, avons-nous dit, trace ses courbes de niveau d'après un certain
(1) Iio;, égal, et -Xr,Oo;. valeur, quantité.
— 186 —
nombre de points connus du sol. Seulement, les points (i'nprès lesquels il opère
sont bien des points du sol lui-même, et, à moins d'une inintelliprence absolue de
son métier, ces points auront été cboisis dans des situations caracléristiques déter-
minées. En outre, en cas de besoin, la vue du terrain lui permet de préciser cer-
tains détails que les points de pHssajre des courbes ne suffisent pas à signaler.
Pour vos conslrur.tions idéales, objeutera-t-on, vous n'êtes pas du tout dans les
mêmes conditions. Lorsque les points connus sont très multipliés, comme dans
l'hypoihès^e de données commune par commune, nous fiouvons admettre la simi-
litude. Mais, le plus souvent, les données fournies par la statisli(|ue sont dos
moyennes se rapportant à des circonscriptions territoriales plus étendues. Dans ce
cas, d'après ce que vous avez dit vous-même, ce qui exprime exactement le fait na-
turel ou statistique enregistré ce n'est pas une portion de surface lopographi(|ne-
ment mouvementée, mais un plan horizontal parallèle à la base de la carte ; de
telle sorte que nous sommes conduits à concevoir, non la surface que vous nous
dites, mais les sommets horizontaux, échehumés à des hauteurs différentes, d'une
série de prismes droits ayant pour bases les circonscriptions géographiques aux-
quelles les moyennes se rapportent. De plus, ces moyennes ne correspondent pas
à des régions naturelles, mais bien à des circonscriptions administratives; vous
n'avez rien là qui ressemble aux points caractéristiques choisis par le géographe.
Enfin la carte idéale à construire est un territoire inconnu qui ne peut vous servir
à combler, de visu, les lacunes que peuvent présenter les points donnés. La cons-
truction de vos cartes est donc le plus souvent insuffisamment déterminée; elle
relève de la fantaisie ; peut nous conduire à l'erreur, et nous leur préférons nos
cartesà teintes conventionnelles ou graduées par circonscriptions, suivant l'intensité
queprend sur chacune le phénomène à représenter.A(|uoi((uel(|ues-uns deceux qui
ont pénétré plus avant dans le sujet, sans en admettre le caractère rationnel, ajou-
tent : on peut bien concevoir, nous le savons, qu'on transforme l'espèce de pavé
des géants formé par la série des bases supérieures des prismes en une surface
continue ; nous savons même qu'il suffira pour cela d'abattre les arêtes et les angles
saillants de ce pavé raboteux, et d'en combler les angles rentrants. Mais qu'est-ce
qui nous guidera dans cette opération ? En sommes-nous plus avancés?
Ce Sont bien là, pensons-nous, les objections faites dans toute leur force. C'est à
la dernière que nous allons répondre. Sa solution donne la clef de tout le reste.
Sans doute, on ne connaît, numéri(|uement, qu'une chose, la valeur des moyennes
par circonscriptions, et, graphiquement, que la situation des bases supérieures
horizontales des prismes droits qui y correspondent. Mais, le volume de ces
prismes se trouve ainsi déterminé, et, d'après la façon dont les moyennes sont
obtenues, on sait que le volume de chaque prisme est absolument égal à celui du
faisceau d'éléments constilutils correspondants. Or les éléments constitutifs dont
nous venons de parler, inégaux au début et ramenés à l'égalité dans la moyenne,
avaient auparavant leurs sommets sur la surface cherchée. Cette surface jouit
donc de cette propriété essentielle et fondamentale qu'entre elle et la base supé-
rieure de chaque prisme droit, il doit y avoir autant de volume en moins que de
volume en plus. La surface cherchée, en un mot, est par rapport à chacun des
prismes une surface compensatrice, pleinement analogue avec trois dimensions à
ce que nous avons dit précédemment, pour deux dimensions, des courbes compen-
satrices.
- 187 —
Le problème graphique à résoudre pour substituer au pavé inégal formé par le
sommet des prismes droits une surface continue, ne présentant ni jarrets ni bri-
sures, n'ayant pas d'inflexions inutiles, dont les courbures se succèdent le moins
brusquement possible, est donc, lliéori(|nenient, très déterminé. Ou peut le juger
difficile à résoudre; être impuissant à trouver la solution; on ne peut déclarer que
celle-ci n'est pas étroitement conditionnée. Sans doule, ainsi que nous l'avons dit
pour les courbe*, il n'y a pas (|u'uue surface cpii donne la solution ch* reliée; mais
parmi la myriade de celles qu'on peut imaginer, il y en a une qui satisfait njieux que
toutes les autres au problème, sous des conditions qui n'ont rien de vague et dont
il est toujours possible de vérifier la bonne application.
Ce serait ici le lieu, si nous traitions à fond le sujet, d'expliquer en détail la
marche à suivre pour déterminer par 'le dessin ces surfaces com(iensalrices qui
jouent dans la question le rôle cupilal. Nous devons nous borner à quelques mots
rapides (1).
Avec un peu d'habitude, lors(|u'on a, dans les diverses circonscriptions de la
carte plane où elles sont dessinées, inscrit les nombres respectifs qui expriment les
moyennes du |)hénomène représenté, on se fait assez facilement une idée appro-
chée des mouvements principaux de la carte à reliefs. Alors, comme la gamme des
courbes à employer est imposée par la nature du phénomène ; que ces courbes
doivent être plus ou moins rapprochées suivant l'amplitude des écarts qui séparent
les moyennes, on peut, presque toujours, immédiatement, tracer avec une certaine
approximation quelques unes d'entre elles, ce qui donne une première ébauche.
C'est sur cette ébauche que le travail est repris, et qu'avec de nombreux profils lon-
gitudinaux et transversaux, suivant des directions entre-croisées bien choisies, on
arrive, au moyen de courbes compensatrices substituées aux contours à redans
produits par la rencontre des limites des circonscriptions et des sommets hori-
zontaux des prismes, à déterminer, par rapport à ces limites, les points de pas-
sage de celles des courbes de niveau qui se projettent dans l'étendue de chacune.
Quelques observations élémentaires facilitent ce travail.
Talus concaves ou convexes, lignes de faîte ou de thalweg, promontoires ou fonds
de vallées, sommets ou ombilics, telles sont les diverses formes caractéristiques que
peuvent affecter les reliefs à saisir. Pour les talus, de quehjue côté que leur con-
cavité soit tournée et qu'ils soient sur plan droit ou courbe, pourvu que la cour-
bure ne soit pas excessive, un seul profil, normal à leur direction, suffît en général
pour déterminer les affleurements ou points de passage cherchés. Il en est à peu
près de même aux environs des lignes de faîte ou de thalweg, lorsque les formes
de ces deux espèces ont une certaine continuité et ne sont pas de simples acci-
dents. Mais, pour les (jiialre autres formes, surtout pour les deux dernières, des
profils dans deux directions orthogonales, avec recoupements, quelquefois, suivant
des directions diagonales, deviennent indispensables ; et encore faut-il faire subir
aux résultats obtenus dans chaque direction par les courbes compensatrices, des
corrections dont aucune théorie géométrique ne peut rigoureusement préciser la
mesure.
Il y a là l'intervention obligée d'une sorte d'art spécial, qui n'est pas cependant
(1) Dans une brochure : Cartes statistiques à relief, publiée en 1878, nous avons donné quelques
indications pratiques propres à guider les personnes (fui voudraient mettre en oeuvre ce procédé.
— 188 —
assez personnel pour ne pas pouvoir s'enseigner, et qui trouve d'ailleurs des
guides précieux dans les formules théoriques qui donnent les volumes tant des
solides à faces planes et des trois corps ronds de la géométrie élémentaire, que des
solides de révolution en général.
Après ces courtes explications, faut-il conclure de ce que nous avons précédem-
ment établi qu'il soit indifTérenl de dresser une carte statistique par courbes de
niveau, d'après des moyennes correspondant à des circonscriptions plus ou moins
étendues, comprenant un nombre plus ou m)iiis grand d'éléments primaires?
Il n'est pas besoin d'avertir que ce serait là une grande erreur. Plus le champ d'une
moyenne s'étend, plus s'absorbent en elle et disparaissent les inégalités des éléments
constitulifs. 11 en est de même des surfaces compensatrices. Une telle surface obte-
nue, par exeni|)le avec des moyennes par commune, pourra présenter de nom-
breuses aspérités et cavités, des rides en saillie et en creux, des mamelonnements
enfin (|ui, dans une sinface déduite des moyennes par canton, dis|)araîironl pour ne
laisser subsi.^ler que les ondulalions de second ordre. Celles-ci s'effaceront elles-
mêmes ou s'atténueront beaucoup dans une surface provenant de moyennes par
arrondissement, et des moyennes par département, enfin, ne fourniront plus que
des surfaces à larges ondulations reproduisant seulement les mouvements généraux
du phénomène représenté.
De ces diverses cartes, quelle est la meilleure? La réponse dépend à la fois de
l'objet qu'on a en vue et de la nature du phénomène représenté. Les premières
entrent plus intimement dans l'expression analyti(pje du sujet; les dernières en
peignent mieux, synihéliquement, les masses principales, en manifestent plus clai-
rement les lois générales. La multiplicité des détails des premières nuit-elle à
l'effet d'ensemble, et est-ce celui-ci qu'on recherche? Il faut les rejeter et adopter
les dernières. La nature du phénomène, au contraire, laisse-t-elle, nonobstant
l'abondance des détails, subsister l'effet d'ensemble, ou tient-on moins à celui-ci
qu'à une figuration très circonstanciée? Il faut, si la chose est possible, recourir
aux premières. Le tout subordonné d'ailleurs aux données dont on dispose, puis au
temps qu'on peut consacrer à l'élaboration, enfin à l'échelle même de la carte qui
doit contenir les résultats.
Nous ne voudrions pas clore ces observations sans une remarque pratique im-
portante. Il peut sembler à ceux qui n'ont pas mis en œuvre le procédé dont nous
expliquons l'emploi que, nonobstant la condition impérative de compensation, des
courbes de niveau tracées d'après un petitnombre de données doivent rester molles
et indécises. C'est là, en effet, un inconvénient à redouter. Toutefois, les courbes
successives se commandent étroitement l'une l'autre, et, lorsque les plans qui les
contiennent sont convenablement rapprochés, le tracé de chacune est contrôlé, par
suite rectifié, s'il est nécessaire, par celui des courbes les plus voisines. Cela est
vrai en topographie comme dans le système dont nous parlons.
Les points qui précèdent établis, que reste-t-il des objections présentées? Sans
doute les données fournies par la statistique ne correspondent pas, en général,
pour le phénomène représenté, à des régions naturelles, mais les cartes par courbes
isoplèthes ont justement pour effet — c'est là même leur grand avantage, — de
reconstituer ces régions naturelles, et d'en indiquer, pour chaque cas, les limites
plus ou moins approximatives, suivant la plus ou moins grande multiplicité des
données dont on dispose. Sans doute aussi ces données, dans leur relation avec
— 189 —
la surface à construire, ne correspondent pas à des points caractérislii|ues
de cette surface, et l'ignorance où l'on est des formes de celle-ci, tant qu'elle
n'est pas déterminée, prive des indications complémentaires que trouve le géo-
graphe dans la vue du terrain. Mais la condition rectrice des compensations,
dont le géographe ne dispose pas, rétablit largement l'équilibre sous les deux
aspects envisagés ; et ces points ou lignes caractéristiques que les données ne
contiennent pas se dégagent très nettement de courbes de niveau logiquement
tracées. C'est ainsi, par exemple, qu'une carte statistique de la population par ar-
rondissements, dont les principaux sommets correspondent natiirellement aux
grandes villes du territoire, présentera dans le nord et le longdes cotes maritimes,
de grandes élévations, fera courir des lignes de faîte le long des grandes artères
fluviales, creusera au contraire des thalwegs profonds suivant les lignes de faîte to-
pographiques, et indiquera nettement, au dessinateur qui enlgnorerait la position,
l'emplacement des régions à peine peuplées de la Brenne et de la Sologne, choses
qui la plupart ne sont pas contenues ou ne le sont que confusément dans les don-
nées numériques mises en usage.
Une objection subsiste toutefois. Elle semble puérile. Ne la négligeons pas cepen-
dant. Oui, nous dit-on, nous admettons bien que vos courbes situées à divers niveaux
passent bien par les zones où, moyennement, le phénomène représenté atteint la
proportion qu'elles indiquent. Cependant, s'il s'agit de population, par exemple,
nous voyons une courbe correspondant à une population de 100 habitants au kilo-
mètre carré passer justement sur l'emplacement d'une ville où la population s'élève
au décuple. Vos courbes n'indiquent donc pas exactement la population spécifique
àe tous les points (\u sol où elles se projettent. Celle objection, remarquons- le, vient de
personnes qui préconisent les indications statistiijues par colorations différentes ou
ternies graduées. Admettons qu'il s'agisse de population comme dans l'exemple choisi.
Combien il est facile de leur répondre ! Vous teintez un département tout entier d'une
nuance correspondant à une moyenne de 100 habitants à l'hectare. Or ce départe-
ment contient des communes dont la population est notablement inférieure, et des
villes dont la population spécifique aiteitil le centuple de votre cbifire. Vous con-
fondez donc, dans voire moyenne superficielle, les choses les plus inégales. Pour-
quoi me refuseriez-vous une latitude analogue, dans des limites beaucoup plus res-
treintes, pour des moyennes linéaires qui ont, par ailleurs, sur vos teintes, d'énor-
mes avantages de localisation et de précision ?
Nous supposons le procès vidé.
Restent les moyens de donner aux cartes à relief par courbes de niveau l'expres-
sivité voulue.
Les géographes, dans ce but, se servent de hachures, normales à la fois aux deux
courbes entre lesquelles elles sont comprises , et d'autant plus larges et plus
serrées qu'elles sonl plus courtes, ou, en d'autres termes, que la pente du terrain est
plus forte. En ajoutant à ce point de départ conventionnel, l'hypothèse d'une lu-
mière éclairant obliquement le terrain, la topographie atteint un degré d'expressi-
vité dont les admirables caries de la Suisse du général Dufour sont, à notre con-
naissance, le plus bel exemple. Toutefois, pour la précision, un renseignement
complémentaire est indispensable, c'est l'altitude de certains points déterminés.
Un trop grand nombre de ces indications encombrerait et déparerait la carte ; quel-
ques-unes en revanche sonl indispensables.
— 190 —
Ce que la topographie slalistique aurait de mieux à faire, pour l'expressivité de
ses caries, ce serait de suivre pas à |)as la topographie géométrique. Mais le plus
souvent le travail nécesî^aire excéik-rait par sou imponance le résultat à obtenir. La
précision même peut gagner à employer d'autres moyens.
Ces moyens, nous les trouvons dans l'emploi des teintes nuancées.
Tout ce que nous avons dit plus haut à ce sujet s'applique ici. Les règles à suivre
pour les inversions de teintes du positif au négatif, les précautions à prendre, pour
la constitution des é.chelles ou diapasons de celles-ci, restent les mêmes que dans le
cas des caries coloriées par circonscriptions ; avec la différence, pour ce dernier
objet, que l'administration des nuances est à la fois, ici, plus facile et plus expres-
sive. C'est à des bandes continues que chaque teinte se rapporte; les courbes de ni-
veau l'eucadient, et si l'on a soin de ne tracer ces courbes à l'encre qu'après coup,
on peut obtenir l'effel voulu par grandes teintes se superposant successivement.
En un mot, sans insister davantage, nous pensons que, pour certains usages, la
statistique graphique a, dans les cartes à relief, par courbes de niveau ou courbes
isoplèthes, un instrument précieux pour qui sait le manier.
Applications du procédé. — Depuis 1872 que nous en avons fait la première
application, depuis 1878, oii nous en avons exposé quelques spécimens, les cartes par
courbes de niveau n'ont pas, à notre connaissance, été souvent employées, et
quelquefois, elles l'ont été assez mal (1). Nous savons un cas dans lequel, sans s'in-
quiéter aucunement de la loi de compensation des volumes, l'auteur de la carte a
simplement réglé le tracé de ses courbes de niveau d'après la cote moyenne située
au centre de chaque circonsciiption. Or cette circonstance ne se vérifie que pour
les circonscriptions auxquelles correspond un talus plan, et donne lieu, dans tous
les autres, à des écarts plus ou moins marqués, lesquels deviennent excessifs lors-
qu'on approche d'un creux ou d'un sommet.
Les spécimens exposés en 1878 pourraient nous fournir le sujet de quelques in-
dicalions utiles. Nous n'en relèverons qu'une seule.
Le système se prête excellemment à la construction d'une catégorie de cartes,
dont M. Turquan a fail après nous une application, et que nous dénommons caries
différenlielles. Ces cartes expriment, non plus l'intensité d'un phénomène par cir-
conscriptions, mais les différences de cette intensité sur les divers points, dans une
période donnée.
C'est le mouvement de la population sur le territoire qui nous a servi de premier
argument de recherche. L'étude des mouvements des fonds de l'estuaire de la
Seine, nous en a fourni un second. On en peut trouver bien d'autres. Il y a certai-
nement là une ressource intéressante pour le statisticien.
(1) Mentionnons tout de suite ane exception remarquable, celle de l'honorable M. Turquan, qui a, au
contraire, tiré du procédé le parti le plus heureux dans ses belles cartes de la répartition de la population
française et dan» beaucoup d'autres.
— 191 —
VII.
Résumé. — En résumi', nous pensons qne la slaiistique graphique, qui, lorsque les
basesde la statistique elle-même seront solidement assises, aura intérêt à perfection-
ner ses méthodes, et fera peut-être alors appela ce que les constructions graphiques
ont de plus savant, a atteint aujourd'hui un point assez élevé de la route pour
qu'elle se préoccupe plus de hien produire que de beaucoup produire.
La clarté et l'expressivité nous paraissent toujours, pour elle, des conditions do-
minantes. .Mais il faut de moins en moins céder sur l'exactitude et la rigueur lo-
gique. Cette dernière s'impose même dans l'emploi des couleurs et la disposition
des pointillés.
Nous avons hasardé une classification. Elle nous a rendu quelques services, au
moins pour le présent exposé. Elle est livrée à la discussion. Il n'y a dans ces ma-
tières rien (|ui relève de l'absolu scientifique.
Nous avons enfin appelé l'attention sur un procédé fort négligé qui, bien em-
ployé, peut avoir son utilité.
Notre lâche était modeste. Nous regrettons de ne pas l'avoir mieux remplie.
L.-L. Vauthier.
III.
VARIÉTÉ.
Ce que coûte un coup de canon.
Tout le monde aujourd'hui suit avec une attention patriotique et louable l'évo-
lution de l'art militaire : les inventions nouvelles, les perfectionnements apportés
aux rouages fies armes de guerre, les méthodes de combat, les expériences de tir,
les revues, etc., etc. Cependant, bien des détails intéressants, le côté technique
des choses, échappent à la masse du public. Sait-on, par exemple, l'ombien coûte
un coup de canon d'une grosse pière d'artillerie de marine de HO tonnes? La
somme ronde de 4,160 fr., ce i|ui, à 4 p. luO, correspond au revenu annuel d'un
capital de 104,000 fr.
Cette somme se décompose ainsi :
Poudre, 450 kilogr 1,900 fr.
Projectile, 900 kilogr 2,175
Soie pour la cartouche 85
Total 4,160 fr.
Mais ce n'est pas tout. La pièce de 110 tonnes ne supporte, paraît-il, que
95 coups, c'est-à-dire qu'après ce nombre de coups elle devient incapable à l'usage
et demande des réparations. Or, le prix de la pièce étant de 412,000 fr., il faut
donc compter environ 4,340 fr. de frais d'usure à chaque coup, ce qui ramène le
coût de chaque charge de canon à 8,500 fr.
Ainsi, quand on tire un coup de canon de 110 tonnes, c'est le revenu d'un
capital de 21-2,500 fr. qui saute en l'air. Mille coups de canon représenteraient
"e capital de 212,500,000 fr. !
En comparant des pièces de calibre inférieur, on trouve, d'après les calculs
athémaliques les plus rigoureux, qu'un coup de canon d'une pièce de 67 tonnes
dont le prix est de 250,000 fr. et qui s'use après 127 coups) coule 4,600 fr. ; de
ême la pièce de 45 tonnes, d'un prix de 157,500 fr. avec un usagedel50 coups,
[occasionne une dépense de 2,450 fr. par chaque coup de canon.
L'Économisle belge (mai 1890).
— 192
OUVRAGES PRÉSENTÉS (MAI 4890)
Ouvrages signés : La Caisse centrale du Trésor public, gr. in-8°, par M Cli. de Marcillac.
Berger-Levraull et C'°, 1890.
L'Epargne en France, par M. de Foville. Paris, t. IV, 1890.
Déposition concernant les droits sur les mais et les riz, par M. Marquât de Vasselot.
Paris, Dubreuil, 1890.
La Laponie et la Corse ; le premier Etablissement des Néerlandais à Maurice ; le
Glacier de l'Alelsch et le lac de Marjolcn, p;ir le prince iloland Bonaparte.
Le Congrès international du travail (2 vol.), par M. Grùner.
Ihr Staal als Schuldncr und als Glàubiger, von G. von Mayr. Munich. 1890.
Indien, China, Siam und Japan {\HiM -\%1\). Weltindustrien (1880). Das tvirth-
scliaftliche Leben der Vœlker, von Sclierzer. Leipzig, 1875.
La Province de Tucuman, par P. Rodriguez. 1890.
Documents officiels. Rapport sur la caisse nationale des retraites pour la vieillesse (an-
nées 1887 et 1888). Paris, 1 vol. 1889.
Statistique de l'industrie minérale et des' appareils à vapeur, pour 1888, Paris, I. N.
1890.
Annuaire de Vudminislrationdes contributions directes et du Cadastre.
Statistique de Prusse {n° 103). Grundeigenihum und Gebàude (1878). Berlin, 1889.
Statistique du commerce extérieur {i^^'é) , Ue l' instruction publique (1887-1888),
Statistique sanitaire (1887), publiée par la Commission centrale de statistique
d'Autriche. Vienne, 1890.
Statistique du Wurtemberg (\SHH), 2 vol. Stullgard, 1890.
Statistique delà ville de Hambourg (XV vol.). 1890.
Mélanges statistiques sur la ville de Leipzig (22' fascicules), 1890.
Statistique des postes et télégraphes et de la caisse d'épargne postale d'Italie. Rome
1890.
Statistique des causes de mort (1887). (Le duel en Italie, le recensement des méde-
cins). 1 vol., 1890.
Statistique ofjxciellede la Suède. L'Etat économique des préfectures (1882-1885). —
Aliénés (1888). — Unances des communes (1884-1885). — Navigation (1888).
— Slorkholm, 1890.
Allas agricole de la Russie (Prix de l'avoine et du seigle).
Atlas de la République Argentine.
Revues et journaux. France. Revue des travaux scientifiques. — Revue maritime
et coloniale. — Bulletin de la Société de géographie. — Bulletin de la Société
des agriculteurs de France. — La Réforme sociale. — L'Avenir économique et
financier. — Le Travail national. — Le Propagateur viticole. — La Tempérance.
Autriche. — Stalistische Monaischrift. (Revue statistique d'Autriche.)
Angleterre — Journal de la Société royale de statistique de Londres (1'' trimestre
1890).
Belgique — Le Moniteur des intérêts matériels.
Espagne. — Bulletin de la Société géographique de Madrid. — Poblacio e terri-
torio.
Italie. — Annali di stalistica. — l'Kconomista de Florence.
Mexique. — Revue financière et statistique de Mexico.
Venezuela. — Gazette officielle.
Documents mensuels ou semestriels d'Italie et de divers pays.
Le Gérant, 0. Berger-Levrault.
JOURNAL
DE LA
p A
SOCIETE DE STATISTIQUE DE PARIS
No 7. — JUILLET 1890.
I.
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 18 JUIN 1890.
Sommaire. — Lettre du Président de la Société de statistique au Président du Conseil municipal relative
au rétablissemcut de la subvention de la ville de Paris. — Liste des sociétés françaises et étrangères
d'assurance sur la vie fonctionnant en l'rance. — Communications de M. Fournier de Flaix sur la
Statistique religieuse de Paris, et de M. Adolphe Coste sur les Salaires des Travailleurs et le
Revemi de la France. — Discussion : MM. 0. Relier et A. de Foville.
La séance est ouverte à 9 heures, sous la présidence de M. Octave Keller.
Le procès-verbal de la séance du 21 mai est adopté sous le bénéfice de l'addition
suivante.
M. le président, revenant sur la subvention accordée à la Sociélé par le Conseil
municipal de Paris, rappelle avoir dit qu'il lui avait été impossible de faire parve-
nir ses remerciements à ce Conseil, parce que le vote favorable à la Société n'était
intervenu que deux jours avant la clùlure de la session et l'expiration de ses pou-
roirs. Un témoignage de gratitude doit, du moins, être adressé à M. Richard,
taujourd'hui président du nouveau Conseil, qui a rapporté la proposition et l'a fait
laboutir.
A cette occasion, plusieurs membres demandent l'impression de la lettre adressée
là l'ancien président du Conseil municipal par noire président. Voici cette lettre, où
[sont indiqués le rôle scientifique de la Société et le but qu'elle poursuit :
A Monsieur le Président du Conseil municipal de la ville de Paris.
22 mars 1890.
Monsieur le Président,
La Société de statistique de Paris est une inslitulion libre (jui a pour ohjul de susciter
des reclierclies et de réunii' les documents les plus précieux pour l'étudu des questions
1" 8ÉU1K. bl--- VOL. — M" 7. 13
— v.u —
économiques, sociales, financières, administratives, industrielles ou agricoles, etc.... Elle
est dégagée de tout esprit de doctrine et se propose de développer le goût des investiga-
tions précises, des recensements, des comparaisons numériques, dans la persuasion que
la connaissance des chiffres authentiques est indispensable à tous ceux qui désirent
s'avancer, d'une façon sûre, dans les voies illimitées du progrès. Elle a trente années
d'existence et compte près de quatre cents membres. Mais ses ressources sont insuffi-
santes. Une large subvention lui serait extrêmement nécessaire pour donner plus d'impor-
tance à son journal mensuel et pour encourager des travaux personnels plus abondants.
M'acquitlant avec confiance d'une mission dont la Société de statistique a bien voulu
me charger dans sa dernière séance, j'ai l'honneur de vous prier. Monsieur le Président,
de faire appel aux sentiments éclairés du Conseil municipal de Paris, en vue d'obtenir
une subvention annuelle en faveur de cette Société, dont le caractère est d'être éminem-
ment pratique et conforme aux besoins de notre époque.
Veuillez agréer. Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.
Le Président de la Société de statistique,
Signé : Octave Keller.
Les membres présents donnent par leurs applaudissements leur adhésion à l'es-
poir exprimé par M. le Président qu'il sera prochainement possible d'augmenter le
nombre des feuilles du Journal de la Société.
Il est procédé au dépouillement de la correspondance. Des lettres de remercie-
ments sont adressées au président par MM. de Colbert-Laplace, Bellom, Arnaud
et Laugier pour leur récente nomination en qualité de membres titulaires de la
Société.
Le président de la Sociélé protectrice des animaux envoie plusieurs exemplaires
d'une protestation contre les courses de taureaux qui ont lieu depuis l'année der-
nière à Paris.
M. le secrétaire général fait l'énumération des ouvrages et documents offerts à la
Société depuis sa dernière séance. La liste détaillée de ces publications se trouve
ci-après (1).
Il signale parmi ces ouvrages le liecensement de la circulation des routes natio-
nales en 1888, dont cinq exemplaires ont été offerts à la Société par le ministre des
travaux publics, et indique que, contrairement à l'opinion courante, la circulation
des routes nationales est en progrès et tend à redevenir ce qu'elle était avant
l'établissement des chemins de fer.
M. TuRQUAN rend compte en peu de mots de l'ouvrage de M. Emile Delecroix sur
la législation des mines en France et en Belgique. On y trouve les renseignements
statistiques les plus étendus, notamment sur la production houillère de chacune
des exploitations des deux pays.
M. Loua appelle l'attention de la Société sur un petit opuscule de M. Ferraris,
l'éminenl statisticien italien, sur la théorie de la statistique. Cet ouvrage sera utile-
ment consulté par ceux de nos membres qui ont suivi les conférences faites récem-
ment sur ce même sujet par nos collègues, MM. Levasseur, Bertillon et Cheysson.
M. Thomereau offre à la Société le premier numéro d'un journal qu'il vient de
faire paraître sous le titre de Mémorial parlctnentaire. Cette feuille, éditée avec un
(1) Voir la dernière page du numéro.
— 195 —
grand luxe, a pour but de faire connaître les votes des députés dans les grandes
questions. Elle se rattache à la statistique par un procédé graphique permettant de
distinguer en regard de chaque nom les votes pour ou contre, les abstentions et
les absences par congé.
M. Marie, rappelant la discussion qui a eu lieu dans la précédente séance sur les
compagnies d'assurances sur la vie, demande la permission de communiquer à la
Société les renseignements authentiques qu'il a relevés sur le nombre des sociétés
fonctionnant en France.
Nous les résumons ainsi qu'il suit :
I. Compagnies françaises. ■ — 1° A primes fixes.
Existantes : Abeille, Aigle, Assurances générales, Caisse générale des familles, Caisse
paternelle, Confiance, Foncière, France, Monde, Nationale, Nord, Patrimoine, Phénix,
Providence, Soleil, Union, Urbaine.
En liquidation : Alliance, Centrale, Métropole, Ouest, Progrès national. Temps.
En faillite : Crédit viager.
2° Sociétés mutuelles: Conservateur, Devoir de famille, Mutuelle vie, Union française.
En liquidation : Réserve (garantie générale).
II. Compagnies étrangères. — 1° Anglaises: Gresham, Guardian, Liverpool-Londres-
Globe, London, London amicable, Northern, Union-Assurance.
2° Américaines : Equitable, Mutuelle de New- York, New-York, Réserve mutuelle.
3° Autrichienne : Ancre.
4° Belges: Espérance, Mutualité, Royal-Belge.
5° Hollandaises : Cosmos, Société néerlandaise, Société générale néerlandaise.
Q" Suisses : Bâloise, Genevoise, Suisse.
1° Espagnoles : Union et Phénix espagnols.
Il résulte de ce relevé qu'il y a en France 29 compagnies françaises, dont 21 exis-
tantes (17 à primes fixes et 4 mutuelles), 7 en liquidation (6 à primes fixes et 1 mu-
tuelle), 1 en faillite;
Et 22 étrangères, savoir : 7 anglaises, A américaines, 1 autrichienne, 3 belges,
3 hollandaises, 3 suisses et 1 espagnole.
Sur ces 51 sociétés, deux seulement n'ont pas été autorisées en Suisse, ce sont
I la Centrale et la Mutuelle vie.
Ces renseignements confirment, avec plus de détails, les déclarations précédem-
' ment faites par MM. Thomereau et Béziat d'Audibert.
*
* *
L'ordre du jour appelle la communication de M. Fournier de Flaix sur la stalis-
tique religieuse de Paris. En terminant cette lecture, que l'assemblée a écoutée avec
îe plus vif intérêt, l'orateur demande que la discussion en soit retardée jusqu'à
l'impression de son mémoire dans le bulletin de la Société.
M. le président lui demande de la compléter en donnant, si cela est possible,
[la population des diverses paroisses de Paris;
* *
M. Adolphe Coste obtient alors la parole et donne lecture d'un travail très étendu
' et fortement étudié suc les salaires des travailleurs et le revenu de la France. Sur
— r.H) —
la demande de M. Founiier de Flaix et du consenlemenl de M. Cosle, la discus-
sion de ce travail imporlanl esl renvoyée à une prochaine séance.
M. le président remercie M. Coste et lui adresse ses félicitations les plus sin-
cères; le problème qu'il vient d'étudier répond aux préoccupations de tous; les
grèves si nombreuses qui ont marqué ces dernières années paraissent tenir, en
grande partie, au défaut d'équilibre entre les salaires des ouvriers et leurs charges.
Ces charges mêmes trouvent leur explication dans la situation anormale créée au
pays par les suites de la guerre, el dans les dépenses énormes nécessitées par
l'état de paix armée qui s'impose à toutes les nations et dont il est malheureuse-
ment impossible de prévoir le terme.
M. de Foville tient à joindre ses félicitations à celles de notre président. Pour sa part,
il adhère complètement aux conclusions de M. Cosle, et peut-être va-t-il plus loin
que lui-même. Sans vouloir entrer immédiatement dans la discussion, il croit que
la part revenant aux capitalistes dans le revenu de la France, que M. Coste estime
à 10 milliards, doit être réduite à 8 ou 7 milliards, mais ce résultat ne donne que
plus de portée et de force aux arguments de l'orateur, et il ne saurait trop les
approuver. (Applaudissemeuls.)
M. le président fixe l'ordre du jour de la prochaine séance :
M. de Foville fera une communication qu'il intitule dès à présent la Loi des ca
laslroplies. M. Th. Ducrocq parlera sur l'utilité de mentionner les legs non acceptés
dans les statistiques relatives aux dons ellegs aux établissements publics et d'utilité
publique.
La séance est levée à onie heures et quart.
IL
LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE STATISTIQUE.
La session ordinaire du Conseil supérieur de statistique a été ouverte, le mer-
credi 4 juin, au ministère du commerce, par M. Jules Roche, ministre du commerce,
de l'industrie et des colonies.
M. le ministre, dans son discours d'ouverture, a fout d'abord rappelé les services
déjà rendus par le Conseil supérieur de statistique, et s'est félicité d'avoir été assez
heureux pour obtenir du Gouvernement, en 1885, la création de cette utile insti-
tution.
Après avoir mentionné les travaux à l'ordre du jour, M. le ministre du commerce
a saisi le Conseil d'un certain nombre de questions sur lesquelles il lui a demandé
de délibérer d'urgence, dût la session se prolonger un peu plus que de coutume.
Ces questions, qui préoccupent à juste litre l'opinion et les pouvoirs publics, sont
relatives au travail dans l'industrie. Il y aurait lieu, sur plusieurs points très impor-
tants, de réunir des éléments d'information plus complets que ceux qui existent et
des renseignements statistiques qui, jusqu'à présent, et sauf pour les industries
minières, n'ont été recueillis ni avec assez de méthode, ni dans des conditions suffi-
.-antes d'exactitude et de rigueur.
— 197 —
En premier lieu, sur les accidenls professionnels, en établissant le départ entre
les accidents qui incombent aux patrons, ceux qui sont du fait des ouvriers et ceux
qui sont imputables à la nature même des choses. Aucune statistique générale n'existe
sur la question. Il conviendrait de déterminer le nombre des accidents ; leurs con-
séquences au point de vue de l'incapacité de travail, totale ou partielle, qu'ils en-
traînent; la proportion des cas de mort et de blessure; l'élat civil des ouvriers
atteints et de leur famille, etc.
La durée effective du travail dans les différentes industries représente, en second
lieu, une donnée absolument indispensable à acquérir, et qui devra être l'objet d'une
enquête d'ensemble. Pareille enquête n'a encore été faite que pour les établisse-
ments qui dépendent de l'État.
Une statistique des salaires et des modes variés du travail : à la journée, à l'heure,
à la tâche, avec participation aux bénéfices et en recherchant dans quelle mesure
cette participation contribue à accroître le salaire, s'impose d'autre part.
M. le ministre du commerce soumet enfin à l'examen du Conseil supérieur une
dernière question, où l'application des méthodes statistiques est de toute nécessité
si l'on veut obtenir des résultats précis. Quelles sont les conséquences physiolo-
giques et pathologiques du travail prolongé dans les diverses industries, et plus
particulièrement dans celles qui sont, par nature, dangereuses ou insalubres? L'un
des éléments les plus importants de cette élude consisterait dès à présent dans la
mise en œuvre des données numériques fournies par les rapports des conseils de
révision. Le Conseil supérieur de statistique trouvera sans doute à dégager des
tableaux existants de précieux renseignements touchant la proportion des cas
d'exemption du service militaire, pour infirmités, faiblesse de constitution ou défaut
de taille, dans les centres industriels. En même temps, il pourra examiner, ainsi que
le lui propose un de ses membres, M. le D' Chervin, les modifications qu'il serait
utile d'apporter au cadre même de ces tableaux.
M. le ministre, en terminant, reconnaît les difficultés de la lâche dont il vient de
tracer le programme.
Il compte, pour la mener à bien, sur tout le dévouement et sur les lumières du
Conseil supérieur.
M. le ministre du commerce cède alors le fauteuil à M. le sénateur Edouard Mil-
laud, vice-président du Conseil.
M. Edouard Millaud remercie M. le ministre d'avoir bien voulu ouvrir en personne
la session.
Il ajoute qu'en revenant au milieu du Conseil après une assez longue absence, il
ne peut reprendre les fonctions présidentielles que vient de lui céder avec tant
d'amabilité M. le ministre du commerce, de l'industrie et des colonies, sans dire
combien il se sent honoré de se retrouver à cette place, et combien il est touché de
la part que quelques-uns de ses collègues ont prise à sa rentrée au Conseil supérieur
de statistique.
De telles sympathies, de telles marques d'estime lui sont d'autant plus précieuses
que, parmi ceux de qui elles lui viennent, se trouvent les hommes éminentsquiont
dirigé avec tant de science et de distinction, depuis 1885, les travaux du Conseil.
La discussion est ensuite ouverte sur les deux premières questions mises à l'ordre
du jour: la statistique des eaux minérales (M. le D' Chervin, rapporteur) et la sta-
tistique des sociétés par actions (M. Lefebvre de Laboulaye, rapporteur).
— 198 —
La deuxième séance du Conseil supérieur de statistique a été tenue le samedi
7 juin, sous la présidence de M. le sénateur Edouard Millaud.
Le Conseil, après avoir terminé la discussion du rapport de M. Lefebvre de Labou-
laye, dont les conclusions ont été adoptées, a passé à l'examen du rapport de
M. E. Cheysson sur l'enseignement de la statistique.
Le Conseil a consacré sa troisième séance à l'examen d'ensemble des propositions
dont il a été saisi par M. le ministre du commerce, relativetucnt à la statistique du
travail, propositions dont on a vu plus haut le résumé et dont l'étude a été répartie
entre trois sous-commissions.
in.
LE CONGRÈS INTERNATIONAL DES ACCIDENTS DU TRAVAIL.
Les deux volumes que nous avons eu l'honneur de déposer dans la séance du
H) mai sur le bureau de la Société résument les travaux préparatoires et les dis-
cussions du Congrès international des accidents du travail, qui a été certainement
l'un des plus sérieux et des plus actifs de l'Exposition.
Dès sa constitution, le bureau d'organisation du Congrès s'est préoccupé défaire
œuvre durable, d'éviter les dissertations vagues, sur des questions générales, pour
concentrer au contraire l'attention sur des points précis, nettement définis. Il a jugé
qu'il obtiendrait ce résultat en préparant à l'avance un programme détaillé et en
demandant à des personnalités désignées par leurs connaissances spéciales des
rapports qui seraient imprimés et distribués avant la session. Ainsi fut fait.
La question des accidents du travail peut être étudiée à un triple point de vue :
1° Le point de vue technique ;
2° Le point de vue statistique et administratif;
3° Le point de vue économique et de législation.
De là trois séries de rapports préparatoires et trois sections pour le Congrès lui-
même.
Donner un exposé général de ce qui a été fait en France pour prévenir les acci-
dents et de ce que l'Exposition de Berlin présentait à cet égard, tel a été le pro-
gramme des deux rapports de MM. Toqué, Mamy et Danzer ; voir sur place, dans les
galeries du Champ-de-Mars, ou entendre exposer ce qui a pu être fait dans différentes
industries pour prévenir les accidents, tel a été le but de la section technique du
Congrès.
Les travaux de la section de statistique et d'administration qu'a présidée notre
président M. Relier, avaient été préparés par une série de rapports des plus
remarquables.
Qu'est-ce qu'un accident du travail? devait-on tout d'abord se demander. A cette
question difTicile, ni le rapport de M. Marestaing, ni la discussion n'ont pu apporter
de solution précise, tant est souvent délicate la démarcation entre l'accident et la
maladie professionnelle.
Après la définition, le dénombrement des accidents et le calcul des charges qui
en sont la conséquence : telle a été la double question qu'a traitée M. Relier avec
— 199 —
sa profonde compétence. Nous ne nous arrêterons pas sur les données (ju'il a su
demander aux travaux officiels ou aux enquêtes spéciales officieuses et grouper de
façon à faire saisir les modifications survenues depuis le commencement du siècle
dans les conditions du travail.
La conclusion à laquelle M. Keller est arrivé et que M. Harzé est venu confirmer
avec les statistiques belges, est tout au moins encourageante, qu'il s'agisse des
houillères, où les difficultés techniques s'accumulent d'année en année, ou des
appareils à vapeur dont le nombre et la puissance se développent sans cesse, ou des
chemins de fer dont le trafic et la vitesse croissent avec une rapidité qu'on ne pou-
vait prévoir à l'origine, partout on constate une diminution considérable de la pro-
portion des accidents.
L'intervention des pouvoirs publics par une surveillance administrative de plus
en plus active et intelligente, et l'action tout officieuse des associations libres de
propriétaires d'appareils à vapeur, ou pour prévenir les accidents, ont participé à
cet heureux résultat.
Plusieurs rapporis qui figurent dans le premier volume, et des notes très inté-
ressantes qui complètent, dans le second volume, les discussions elles-mêmes, ont
montré à la fois ce qui existe et ce qui pourrait encore être fait. L'action de l'ini-
tiative privée a trouvé des défenseurs convaincus ; et on peut regretter que leur voix
ne trouve pas plus d'écho dans le monde industriel.
Le champ d'études de la section économique et de législation était plus vaste
encore. Questions de principes, méthodes d'application, résultats obtenus dans les
divers pays , il y avait tant à dire sur tous ces points que le choix des. sujets pour
les rapports fut des plus difficiles et que la discussion était bien loin d'être épuisée
quand il a fallu clore le Congrès.
L'éminent professeur à l'université de Liège, M. Dejace, a, dans un rapport
magistral, étudié sous toutes ses faces la responsabilité des accidents du travail et
le risque professionnel.
Notre ancien président, M. Cheysson, avec une puissance de synthèse et une net-
teté de vues des plus remarquables, a tracé un plan d'organisation de l'assurance qui
aura un juste retentissement. Au lieu de tout remettre à l'État, assureur et banquier
universel, M. Cheysson provoque le groupement des intéressés par régions indus-
trielles en associations mutuelles d'assurances. Accumulés conformément aux règles
précises de l'assurance, les capitaux seraient gérés et utilisés sur place.
Si le socialisme d'Étal et l'assurance obligatoire par l'État ont trouvé aux séances
du Congrès quelques défenseurs, cependant la majorité s'est nettement prononcée
contre l'assurance obligatoire, pratiquée comme en Allemagne.
Sans refuser à l'État son rôle nécessaire pour poser les principes et venir au
secours des faibles, la France industrielle a jusqu'ici demandé plus volontiers la
solution de ces questions à l'action libre des intéressés, ouvriers et patrons, qui
ont multiplié à l'envi les associations et institutions de prévoyance.
Ce point de vue, qui honore notre pays, a été vigoureusement défendu au Con-
grès, et il n'est pas sans intérêt de signaler que ce trait a été hautement reconnue
la conférence de Berlin.
L'importance et la gravité de toutes ces questions, soulevées mais non résolues,
ont frappé si vivement tous les membres du Congrès qu'ils ont unanimement de-
mandé la formation d'une association permanente qui continuerait ces études et
— 200 —
grouperait dans un Bulletin quelques-uns au moins des documents français et
étrangers sur la queslion.
Près de 500 adiiérenls sont dès maintenant groupés el j'ai eu l'honneur de vous
offrir les trois premiers numéros du Bulletin du comité permanent du Congrès des
accidents du travail (1).
A côté des questions économiques et législatives, le comité de rédaction de ce
Bulletin désire faire une large part à toutes les questions relatives à la statistique
des industries et des accidents et il fait appel à chacun de vous, Messieurs, pour lui
préler l'appui de votre précieuse collaboration.
E. Gruner.
IV.
STATISTIQUE COMPARÉE DE L'AGRICULTURE FRANÇAISE
EN 1790 ET EN 1882.
La statistique est une science tout à fait moderne, car si les polyptyques four-
nissent quelques renseignements sur la silualiou économique du pays sous Charle-
magne, le premier essai, en France, d'une slalislique sérieuse ne remonte qu'à
l'année 1539, époque à laquelle François l"', par son édit, rendu au mois d'août, à
Villers-Cotterets, avait prescrit la rédaction d'un état hebdomadaire des denrées
alimentaires.
Charles IX, par un édit rendu en 1572, avait complété le précédent en ordonnant
l'envoi, deux fois par an, d'élals des produits agricoles et industriels. Les circons-
tances politiques ne permirent pas aux gouverneurs des provinces de toujours obéir
d'une manière suivie à ces prescriptions, mais celles-ci conservaient néanmoins
force de loi, car elles ont été conlinnées dans l'ordonnance, dite Code Michau,
publiée en janvier 1C29.
Plus lard, Colbert, dans les deinières aimées de son ministère, avait voulu pres-
crire un arpentage généial du i oyaume, et ce projet ne fut réalisé, mais trop im-
parfailemenl, qu'en 1700 par l'un de ses successeurs, Chamillard, qui ordonna
d'élcndre l'enquête à tous les faits relatifs à l'agriculture. C'est ce travail qui fut
lésunié dans les mémoires des Inlendants : ajoutons que cette tentative, faite sans
plan ni études préalables, ne réalisa pas les vues du Gouvernement.
En 1763, le contrôleur général Rertin, reprenant la pensée de Colbert, essaya de
faire opérer un arpentage général de la France, afin de procurer au Gouverne-
ment une base régulière d'opération en matière d'impôt, et ce travail, s'jI eût pu
être exécuté, eût donné le degré d'exactitude nécessaire aux recherches statistiques
ag|icolcs. Mais, Berlin, puis Silhouette, son successeur, qui partageait les mêmes
idées, disparurent du Contrôle général avant que le projet put être mis à exécution.
Cependant, des études statistiques étaient poursuivies en France au cours du
xvin' siècle, par Vauban, Voyer d'Argenson, Trudaine, Turgot, Dupré de Saint-
Maur, Quesnay, d'Expilly, Dupont (de Nemours) et quelques autres économistes;
mais ces travaux, en l'absence -d'une base régulière, se contredisaient trop entre
(1) On obtient le litre de membre adhérent du Congrès des accidents par le versement d'une coti-
sation annuelle de 1 0 francs en échange de laquelle sera envoyé le Bulletin du comité peimanent.
On obtient le litre de membre donateur par le versement, en sus de sa cotisation, d'un don annuel
d'au moins 50 francs.
Les adhésions et versements doivent être adressés à M. Gruneu, secrétaire général et trésorier du
Comité permanent, 37, boulevard Magenta, à Paris
— 201 —
eux pour qu'il fût possible iJe leur allribuerun caractère suffisant d'exactitude. Poui'
donner au Gouvernement des moyens d'inveslignlion sérieux, de Cnlonne, pendant
son passoR-e au Contrôle général, provorpia la publication de l'édit du 59 mars 1785
(pii organisait le service de la balance du commerce sous la direction de Dupont de
Nemours; puis, plus tard, en 1788, Necker, pendant son second ministère, créa un
bureau spécial de statistique qui devait embrasser toutes les branches de l'industrie
nationale, ainsi que tous les faits économiques.
Tous ces efforts, cependant, n'avaient obtenu que bien peu de succès, et un exem-
ple peut faire apprécier combien la science de la statistique était encore incertaine.
Au xviii" siècle, les naissances, les mariages et les décès étaient constatés, on le
sait, sur des registres tenus par le clergé, et il semble (|u'un dépouillement de ces
documents, contrôlé par une simple enquête poursuivie par le curé dans chaque
paroisse, puis adressé à l'intendant de la généralité qui eût résumé ces recherches,
aurait dû pouvoir permettre de constater le chifTre de la population; ce chiffre était
encore fort peu connu et très controversé en 1790. En effet, en 1777, Moheau l'é-
valuait à 23,81 7,930 habitants; Necker, en 1784, à 24,676,000; de Galonné, en
1787, à 23,052,475; le chevalier des Pommelles, en 1789, à 25,065,883, et Beau-
vallel des Brosses, à la même époque, à 27,947,157.
Dupont (de Nemours), qui, de 1785 à 1787, avait été attaché au Gontrôle géné-
ral où il dirigeait le bureau de la Balance du commerce, en même temps qu'il fai-
sait partie du comité dit : Administration de l'agriculture, ne donnait, en 1786, sur
la production agricole, que des renseignements incomplets et surtout tro|) confus.
En 1790, l'Assemblée consiituante, qui avait à établir le nouveau système des
contributions publi(|nes, comprit qu'elle avait besoin, pour a-^seoir l'impôt foncier
sur des bases équitables, d'avoir un élat statisti(|ue sérieusement établi et compre-
nant le recensement général delà population, ainsi qu'un tableau des produits bruts
et nets de l'agriculture. Elle s'adressa à Lavoisier pour l'exécution de ce travail.
Lavoisier était l'un des fermiers généraux, el ceux-ci, associés depuis longtemps,
formaient la compagm'e dite la Feime généi'ale, dont les agents étaient répandus
dans toute la France. Lavoisier utilisa ce réseau d'agents pour recueillir les rensei-
gnements dont il avait besoin, et c'est du mémoire résumant les résultats de son
enquête et adressé à l'Assemblée constituante qu'ont été extraits, pour la plus grande
partie, les chiffres contenus dans les tableaux ci-après pour 1790. Ces chiflres ont
été complétés par quelques renseignements puisés dans les travaux de Quesnay, de
Bertin, de Dupont {de Nemours), dans divers documents autographes existant aux
Archives nationales, et enfin dans le Bulletin de skUislique du ministère des
finances.
Le choix, pour une statistique agricole de 1790, des travaux de Lavoisier, les
plus complets, d'ailleurs, dans la matière, quoiqu'ils présentent encore de grandes
lacunes, se justifie par les considérations suivantes.
A défaut d'un cadastre, les agents de Lavoisier étaient réduits à opérer au moyen
id'évaluations et d'estimations qui n'avaieirt pas, toutefois, un car'actèi'e aussi incer'-
pin (pie celles des économistes cités plus haut. Chargés, en effet, par leui's fondions
:)fïicielles, du recouvrement de piesqire tous les impôts, taxes et dîmes, ces agents
Jfiisposaient ainsi de moyens d'investigation dont on ne saurait contester la valeur
3t l'exactitude relative. Les économistes étaient restés dans le (hamp des hypothèses,
|es agents de Lavoisier s'étaient ti'ouvés dans celui des r-éalités. En outre, le célèbre
chimiste, par un corrtr-ôle savant, avait su donner aux renseignements recueillis un
paractèr'e d'exactitude ipii fut si bien a[)précié que ses tr'avaux ont servi, pendant
fplus d'un quart de siècle, de base à l'assiette de la contribution foncière.
Cette confiance dans les travaux de Lavoisier est, d'ailleurs, justifiée en quelque
sorte par la statistique de 1882 elle-même. En efl'et, s'il est évident que tous les
chiffres de la statrstique agricole de 1790 ne pouvaient avoir' la pr'écision obtenue
pour celle de 1882, un rapprochement permet de se convainci-e que les chiffres
inscrits dans les tableaux de Lavoisier présentent, avec ceux des tableaux de 1882,
une concordance si grande que l'on peut les tenir comme absolument vr-aisembla-
— 202 —
blés, en tenant compte, toutefois, de la différence des habitudes, ainsi que des con-
ditions économiques et sociales des deux époques.
En effet, lorsqu'on examine le 'iMableau : Consommations, qui sert en quelque
sorte de contrôle pour les précédents, on voit qu'en 1700 la consommation des cé-
réales élait de 3''', 54 par habitant et par an, et qu'en 1882, elle élait de 3''',93,
soit 39 litres en plus.
Pour l'avoine, la différence entre les deux époques était de 44 litres.
Pour le vin, de 31 litres.
Pour la viande de 0''8,98 pour l'ensemble delà pojiulalion, soit, pour celle de Paris
et des grandes villes, de 5''^',2i5; pour les petites villes, de 14''^, 765 et pour les
campagnes, de 4''f^,735.
Enfin, la moyenne générale du prix des viandes était, en 1790, de 0 fr. 58 c. le
kilogr., alors qu'elle a été, en 1882, del fr.,47c., soit une différence deOfr. 89 c.
Comme tous ces détails de consommation reposent sur les chiffres consignés dans
les premiers tableaux, il en résulte (|ue ceux-ci ont atteint tous les degrés de certi-
tude et de vraisemblance qu'il élait possible de réunir avec les instruments impar-
faits dont disposait alors Lavoi^ier.
Après avoir ainsi justifié l'exactitude relative des renseignements consignés dans
les tableaux de 1790, il reste à indiquer le but (jui a porté à les rédiger. Il n'y a
piiint là une simple j'émimscence du passé; cette revue rétrospective de la situation
de notre agriculture en 1790 a un but filus sérieux en ce qu'elle nous a paru pou-
voii- servir de point de départ, de prélace, aux statisti(|ues de 1840,1852, 1862,
1872 et 1882, et permettre de mesurer les progrès accomplis depuis un siècle,
comme l'a fait, d'ailleurs, avec tant d'intelligence, le rédacteur de la statistique de
1882 qui, dans son introduction et ses tableaux, consigne les chiffres relevés dans
les siati.<ti{|ues antérieures de 1840, 1852 et 1802, pour les opposer à ceux de 1882.
En effet, en comparant les résultats consignés pour chacune des deux époques,
1790 et 1882, on est surpris des différences qu'ils présentent, notamment de la
quantité de teires laissées eu jachères ou en vaincs pâtures eu 1790; mais, en
rapprochant les faits sociaux et économiques qui caractérisent ces époques, on est
amené à reconnaître les causes de ces différences aiusi que celles (|ui arrêtaient
l'essor des cultivateurs vers le progrès. Ainsi, îles documents très nombreux exis-
tant aux Archives nationales prouvent que les cultivateurs de 1790 n'étaient arrêtés
ni par l'ignorance ni par l'esprit de routine, (|u'ils comprenaient le progrés et y as-
piraient; mais que les charges de l'impôt et des dîmes, ainsi que le fâcheux régime
de leur assiette et de leur perception, étaient le principal obstacle auquel ils se heur-
taient. Nous ne citerons ici que (|uelques-uns de ces documents.
On verra plus bas que Guay faisait usage d'un semoir à main; le boulanger Ma-
lisset perfectionnait les appareils de moulure et, avec moins de dépenses, donnait
des farines plus belles et mieux épurées; Charlemagne, cultivateur à Dobigny, in-
ventait une charrue bissoc, ainsi qu'une nouvelle méthode de culture exigeant moi-
tié moins de frais que celles pratiquées communément et rendant, néanmoins, des
récoltes beaucoup plus abondantes. On sait par quels travaux scientifiques appliqués
à l'agriculture se sont rendus célèbres les deux Jussieu, Duhamel Dumonceau, La-
voisier, Thouin, Tessier, Yvarl, Parmentier. Vilmorin, l'abbé Uozier, Gilbert, Ila-
zard, Bourgelat, Ghabert, etc. Les membres des dix-neuf sociétés agricoles alors
existantes joignaient l'exemple aux préceptes, et grâce à eux les racines fouriagères
ainsi que les prairies artificielles commençaient à être connues et cultivées.
Mais tous les travaux de ces savants et de ces praticiens venaient échouer devant
la fâcheuse organisation sociale. « Le défaut de lumière et d'instruction ne sont
« pas les seules causes qui s'opposent, en France, aux progrès de l'agriculture, disait
« Lavoisier dans le sein du comité d'administration de l'agriculture ; c'est dans nos
« institutions et dans nos lois qu'elle trouve des obstacles plus réels. Premièrement
« l'arbitraire de la taille s'oppose à toute amélioration, parcequ'elle attire sur celui
1 qui les fait une augmentation inévitable d'impôt. Secondement, les corvées..., ce
« fléau de l'agriculture, lui enlève souvent les bras dont elle a besoin au moment où
— 203 —
« ils luisontle plus nécessaires. Troisièmement, Ieschamparts,les dîmes inféodées, les
« dîmes même ecclésiastiques enlèvent, dans quelques cantons, plus de moitié, quel-
« quefois, la totalité du produit net de la culture... » Lavoisier cite encore comme
obstacles au progrès la forme vicieuse de la plupai't des perceptions, la banalité des
moulins, le droit de parcours, le mauvais régime des petits cours d'eau et le système
prohibitif adopté pour l'exportation des denrées, et il conclut ainsi : « On ne doit
« plus être étonné si, au milieu de tant d'obstacles, l'agriculture est languissante en
« France; si un royaume essentiellement agricole, et qui devrait exporter des pro-
« ductions de toutes espèces, manque de chanvre, de lin, d'huile, de laine, de bes-
« tiaux.... »
Ce témoignage n'est pas isolé :
Ainsi, sans parler de la Société d'agriculture d'Alençon, la Société d'agriculture de
Paris constatait que l'exagération et le système vicieux de perception des impôts,
dîmes et champarls étaient le plus grand obstacle au progrès agricole.
Cbarlemagne, de Bobigny, déclarait qu'il renonçait à appliquer en grand sa nou-
velle méthode de culture, malgré les avantages (|u'elle procurait, afin de ne pas
subir une augmentation d'impôt et de dîme qui lui en enlèverait tout le bénéfice.
Berrier, intendant de la généralité de Beauvais, écrivait, en novembre 1787, au
contrôleur général : « Le cultivateur n'a pas le droit de mieux cultiver la terre sans
« crainte de se voir obligé de payer au roi une plus forte somme... La plupart des
€ lois agraires demandent à être réformées... Une foule d'usages, de couiumes,...
« mettent des entraves à l'industrie du cultivateur... »
L'intendant de la généralité de Soissons écrivait, en'1786, au contrôleur général:
« La multiplicité des impôts, les convois pour le passage des troupes, les corvées,
« la milice, les recrues... tout cela rassemblé ôte au laboureur les moyens de faire
« une culture entière... Il y a moins de chevaux... Le cultivateur ne peut donner à
« ses terres le nombre de labours nécessaire... Presque sans bestiaux, faute d'aisance
« et dans la crainte d'en voir chaque tête taxée à la taille, les engrais lui manquent.
« Les longs baux, que beaucoup voudraient faire, sont arrêtés par les droits aux-
« quels ces baux sont sujets. .. Les droits de contrôle pour les longs baux sont du
« double de ceux de neuf ans; ainsi, pour un bail de 1,500 livres, on paie à la ferme
« des domaines, en total, 2:27 livres 10 sols(l).
Enfin, Berlin, ministre des affaires du dedans, dans un mémoire au Roi, s'expri-
mait ainsi : « Le commerce des bestiaux était intercepté de province à province et
« avec les pays étrangers par des droits excessifs... alors les pâturages étaient dé-
« serls et le nombre des bestiaux avait tellement diminué qu'ils manquaient à l'en-
« grais des terres... »
Nous arrêtons ici les citations (2), elles suffisent amplement pour justifier ce que
nous disions plus haut, à savoir que les cultivateurs de 1790 n'étaient point aussi
ignorants, ni aussi rebelles au progrès qu'on s'est plu souvent à le dire.
(1) Soit, en francs, 272', 90°. -actuellement, un bail de IS ans, pour la même somme de fermage, ne
donne lieu qu'à la perception d'un droit d'enregistrement do eG'jlO".
(2) Toutes C5S citations sont extraites de documents contenus dans les liasses H. 501, K. 900 et
F. 10.
— 20i —
s O U I! c E s
aux(iQclIes
les reusetgueineuls
out été puisés.
EN 1790.
o o
et M
"3 Em
totale
rurale
Lavoisior.
I Suivant le recensemout de 17!)0.
ECONOMl
2B, 363, 071 lu\ljitai
; L,aboureur8, fermiers, valotB, berger.*, sorvantos
0,000,000
Journalier)^ 4,000,000
Lavoiticr. ^Vigneron» 1,7.^0,000
' J Salariés par It's vi};ncron.s 800,000
\ Petits propriétaires vivaut f.ur leurs fonds 420,000
Rapport de la population rurale à ta population totale : 414,2 p. 100.
2° Superficie
de la Tranoe
totale. .
oalUvée.
3" Répartition
des
cultures.
i" Constitution
de la
propriété agricole.
i" Valeur vénale
des
terres culllvées.
6° Tanz des fermages .
Lavoisier.
Lavoisier.
Lavols'er.
105,000,000 arpeuts (.02, «23,000 heotaros).
100,8X4,000 — (61,455,300 — )
Céréales
Jachères .... 18,000,000
Vaines pâturos . 18,000,000
Lin et chanvre . 600,000
Calfnm diirrws. . . 100,000
Pré» l't herbages 9,800,000
Vignes 3,074,000
Bol» 82,550,000
28,200,000 arpeuts (14,402,000 hectares) ou 26,44 p. lOo
( 9,4!iy,000
( 9,ii)a,oiio
1 18,46
) 17,88
( 218,000
( 4!l,t>ll0 —
) 0,48
) 0,09
( 4,91)6,4)00 —
) 10,96
( 1,. 507, 700 -^
) 3,04
(11,300,000 —
) 22,li5
— / -o
10,350,000 arpei \
labourable», 40,050,000 arpei j
Que^nay.
]>ocum(^itU exlbtaut
aux
Archivoft uatioiialcB,
Ez'-Ô7ti.
Idem.
Ija grande culture occupai t , dans les terres labourables ,
(H, 347, 900 bcclares) ou ^iô p. 100.
I La petite culture occupait, UaiiB les terres
(25,043,700 hectare») ou 75 p. 100.
OBSERVATION. — i'^ Duns ses caluiiU, QiK'snay cngidbait dans ta petite ciiliiire
px|il(*iLatiûiis lie 70 arjieiits i'M lieclarcï iO nres; et au-dessous, re ([lie l'on cnlt-nil aclii l
lenieut comme petite el moyenne nilture. 3<> La pïm (grande partie des biens de la nobleil
t't Kiiiluiu de vi-n\ tlu L-lerpé éuiil alors uxploitée i-n petileit fermi'H, les ruhivaleon {
jmsGéddni généralement pas le ea|nial nécessaire poui' l'exploiiation d)- grandes fermes, j
Terres labourables . 1H& liv, t* (223 fr.) l'arpent ( 51fif 60c l'hectare).
Prés et herbages . . 300 (oOO ) — ( 837 2L — ).
Vigrues 400 (480 ) — (1,116 79 — ).
Bois 90 (108 ) — ( 2jl Iti ~ ).
Terres labourables . f» liv. t« S'' 2'' ( CyUl<^) l'arpent (14' 91<: l'hectare).
! Terres
Prés et
Vigues
et herbages
10
20
(12
(21
(27 90 — ).
(55 »0 — ).
7" Revena net Imposable. * Lavoisier, Bertln et Dn-
* pont (de Nemours)
8" Charges
résultant des impôts
et dîmes.
Lavoisfer.
Dupont (do Nemours).
I Document existant aux
Archives nationaleSjK.
9» Salaires et gages.
90G.
Documents existaut
aux
Archives nationales,
K. 90G-50.
1,800,000,000 liv. t» (1,410,000,000 fr.).
600,000,000 liv. t» ( 720,000,000 fr.).
093,000,000 liv. t» ( 831,*)00,OOU fr.).
Les deux tiers du produit «les terres, frais do culture d<:duits.
I
90 liv. t^
140
100
10«l
72
42
24
flOSfOO-:)
(108 00 )
(120 00 )
(120 00 J
( 80 4(J )
( 50 40 )
( 28 80 )
lO'j Machines agricoles.
Lavoisier.
Laboureur et charretier
1 Berger
l Gar»;on de ferme
I Maîtresse-servante on première servante
j Deuxième servante
/ Vachère
\ Taupier
En outre, les laboiirenrs, les bei^ers, les charretiers et les garçons de ferme reeeTalfen
généralement, par ao, une blouse et une paire de sabots; les servantes et vachèret| u
i;asaquin et une paire de .sabuts.
Batteur eu grange et vigneron (par jour et nourri) 1 liv. t* 4» (UlS*
Journalier (par jour et nourri; 0 21 (1 0&
Charrues : 920,000.
Koues hydrauliques ou moulins à eaux.
Moulins à vent.
Semoirs à main.
Aucun document ne fournit de renseignements sur le nombre de ces appareils. 0<udU
aux senioii!', inventés en An«Ieterre et imporiés en France vers 1760(1), ils étaient eocoDH
peu nombieux et fort imparfaits en 1790.
(1) Le fuit suivant justiûe cette daie de 1760 : on trouve aux Archives nationales (K 906-50), dans un compte tenu, en 1766, par un sieur Guay, fen
de la Barre, près Chevreuse, dans les dépenses, l'article suivant : Réparation d'un semoir à main, 2 livres e soit.
205 —
SOURCES
auxquelles
les renseiguement3
ont été puisés.
EN 188 2.
lURALE.
fltati
istique agricole
de 1882
■«de rAgriculturo).
Idem.
Idem.
Idem.
I
ftisdqueagricole delSSiJ, |
i i a relevé ses chiffres '
i DB les tableaux de l'ou- '
uêtesurla propriété non l
»itie (Min"-- des Fin.). '
(Suivant le recensement de 1S81 37,672,048 habitants.
Cultivateurs travaillant uniquement pour leur compte \ \
— — pour leur compte et pour autrui I j
— — pour autrui (régisseurs) . . . [ 6,913,504 ( ,„ „,„ ..,,„
— — — (fermiers, métayers et journaliers). . . l , i<;,i*j,iiv
— — — (domestiques de ferme) / 1
Membres de la famille do ces agriculteurs 11,335,705 /
Rapport de la population rurale à la population totale : 48,4 p. 100.
52,857,199 hectares.
60,560,716 —
15,096,066 hectares, ou 29,85 p. lOj de la superficie cultivée.
«,643,799 — 7,20 — —
6, 222, .537 — 12,30 — —
107,632 — 0,21 — —
3,361,607 — 6,65 — —
10,477,051 — 20,91 — —
2,196,799 — 4,34 — —
9,455,225 — 3,54 — —
Exploitations au-dessous de 1 hectare . . . . 1,083,833 hectares l Petite culture 1 27,295,757 hect.
— • de 1 à 10 hectares 11,366,274 — ( 12,4.50,107 hect. [ ou
— de 10 à 40 hectares (moyenne culture) 14,845,650 — ) . 53 p. 100
— au-dessus de 40 hectares (grande culture) ( 22,266,104 heol.
^ ' f ou 47 p. 100
OBSERVATIO.N. — Les hois ?onl compris, ici, dans le calcul de-s hectares occupés par la grande i-ukure, ce qui
explique la différence de surface de la superfnûe actuelle avec celle indiquée par Quesnay, qui ne basait siin calcul que
sur les teires labourables. Si, au chiff.-e de celles-ci, 8,347,900 hectares, en effet, on ajoutait les 1 1,500,000 hectares
de bois indiqués par Lavoisier, on aurait, pour la grande culture eu 1790, 19,847,900 hectares, se rapprochant sensi-
blement des 22,266,104 hectares ludiques, pour la grande culture également, par la statistique do 1882.
2, 197 f 43': l'hectare.
2,960 92 —
2,968 24 —
745 13 —
:)tatistiquo agricole
de 1882.
56f 74<: l'heclare.
96 67 —
129 95 —
2,645,505,565 fr.
Idem. 587,000,000
lant un calcul commu- (
iqué par M. L. Passy, 959,000,000
Lputé.
itatistique agiicolo
4« 1882.
Laboureur et charretier 324 fr. \
Herger de jilus du 16 ans 290 1 -3
Garvou de ferme de pluB de 16 au8 ^95 / ^ '
— de inoius de lt> ans 140 \ §
Bouvier do plus de Iti ans 289 / "
Maître-valet 465 L S
Servante de ferme 235 1 ^
Ouvrier fromager 43I j O
Journalier i homme, en hiver, nourri, If 3lc non nourri, 2' 22cj eu été , nourri , If 93« non nourri, 3f 11*
par ■ femme, — — 0 79 — 1 42 — — 3 14 — 1 87
jour. ( enfant, __ — 0 52 — 0 94 — _ 0 74 — 1 31
Roues hydrauliques 12,883
Moulins à vent ■ 9,428
Machines à vapeur fixes ou locomobiles ii,2Hi
Charrues simples ou polysocs 3,2G7,IS2
Houes à cheval 195,410
Machines à battre 211,045
Sumoirs mécaniques 20,391
Moissonneuses mécaniques ltj,025
Faneuses et Kateaux à cheval 27,3(U
Faucheuses mécaniques 19,147
— 206 —
NATUKK
DES PRODUITS.
(Fromout et épeautre.
Méteil
Seigle
■S , Orge
^ .ÂVOiUtt
"J / Mȕs
« [ Sarrasin
l Millet
SOURCES
auxquelles
IcR reuseiguemcnts
eut été puisés.
EN 17 90.
QUANTITES.
' LftTOisler, Dnpont de Ne-
monrSf QaesDay et Ber-
lin.
Quesnay.
Quosnay.
S •' I l''ivBa et féverolea.
Si \ Haricot»
S -2 < Poi»
^ B i Lontillea
« "5 ( Vosces et autres. .
3" Jardins potagers et
maraîchers.
4° Pommas de terre. .
/ Racines fourragères.
, 1 Plantes fourragère»
annuelles '
I Dupont (de Nemours).
g 1 annuelles { l^Tol.ler
1 Prairies artiflcielle». » ^ oujJ^Yi'Lmonr,).
o J Prés temporaires - - 1 r \
natarels .
■'■■]
\ Herbages pàtnréi
'é j Betteraves à sucre.
*§ I oléagineuses . . .
•2 1 textiles
S < diverses f
a l arborescentes oléagi- , Dupont (de Nemours)
^ I nenses L
u I arborescentes frul - f
i \ tlères
7° Mûriers et Soles.
go Vignes
9» Bols et Forêts .
10° Alcool . . . .
llo Cidre et poiré.
12o Vinaigre
Lavoîsier.
Dnpont (de Nemonrs).
Lavoisier.
Bulletin de statistique
du ministère des finances.
Document existant aux
Archives nationales,
K. 906-50.
Bulletin de statistique
du ministèredesânances.
Bulletin de statistique
) du ministère des finances.
I
68,000,000«eptier8 (106, 147,728 hectolitres).
17,000,000 — ( Ï6, 5*0,000 —
8,000,000 — ( 1,218,000 —
ToUl. . . la», 1115, 728 hectolitres
soit 9 hectolitres par hectare.
B. — PRODUCTIC
1 1,020,000,000 liv. t>
I (1,224,000,000 fr.)
( 238,680,000 liv. t"
I (286,416,000 fr.)
1
i Aucun document no fait
J uaîtrc la valeur de ces gra
laquelle devait atteindre
virou 90,000,000 fr.
Aucun document ne fait connaître ul l'importance
do la production, ui la valeur d'aucun de ces
grains alimentaires.
Dupont, qui, seul, donne des reoselRnemonts snr
ces Jardins, se borne à indiquer que leurproduc-
tiou, à laquelle il Joint celte des huiles de toute
espèce, présentait une valeur de
150,000,000 liv. t»
'(180,000,000 fr.)
)
Cette culture, prc-^ique nulle eucore en 1790, occu- \
patt alors au plus 40,000 arpents [16,000 hec à
tares (1)]. Ko (évaluant la productiou au même ^
chiffre <iue celui indiqué par la statistique de y
lS8i (75 quintaux par hectare) lo produit eut été, i
alors, de 1,200,000 quintaux, dont la pins grande i
partie était consacrée A la nourriture des ani- ]
maux.
Lavoisier et Dupont (de Nemonrs) n*ont indiqué
que la valeur de ces produits, qu'ils portent à. .
La betterave à sucre n'était point, alors, l'objet
I d'une cnltum spéciale.
i Dupont, réunissant à la valeur des produits do ces
cultures celles du poisson, du f:el, des mines et
des carrières, en portait renserable à
I mais il ne donne aucun renseignement sur l'im-
portance de leur production.
9,631,674 mûriers.
En moyenne , la récolte en cocons atteignait
12,111!, 692 livres (6,056,346 kllogr.).
9,260,000 niuids de vin (25,000,000 hectolitres).
Point de renseignements sur le chiffre des produits
annuels.
Ce bulletin se borne à donner ta valeur du muid,
soit
Dupont (de Nemours) indique que la production
du vin, de l'alcool, du cidre et de la bière s'élevait,
en 1786, à 1,000,000,000 liv. t* (1,200,000,000 fr.).
mais, de ce chiffre en bloc, on ne peut tirer la
valeur de chacun de ces produits.
Point de renseignements sur le chiffre do la pro-
duction annuelle.
Point de renseignements sur le chiffre de la pro-
duction annuelle.
Point de renseignements i
valeur des pommes de tel
451,120,000 liv. t»
(541,344,000 fr.)
282,000,000 liv. t«
(328,400,000 fr.)
12,112,692 liv. t»
(14,535,230 fr.)
386,000,000 liv. U
(463,200,000 fr.)
120,000,000 liv. t»
(144,000,000 fr.)
392 liv. 3*(l74f28':rhectolttil|
le poinçon, 15 liv. t» (18 ft»)î |
muid, 71 liv. 8» (31 ^73^ l*l»t I
Le muid , 58 liv. 11^ 3<ï {»fy\
l'hectolitre).
(i) La disette du froment, si excessive, chez nous, en 1793, 1794 el 1795, el qui, à maintes reprises, entraîna le rationnement dans les distribotiowll
pain, surtout à Paris ; la loi du maximum, qui frappait le blé aux mêmes époques, alors qu'elle n'atteignait pas les pommes de terre, non comprises daBs]
tableaux ; les réquisitions, les vexations ei les pénalités auxquelles les cultivateurs étaient exposé.s par la culture du froment, mais auxquelles ils échappaitll
par la culture des pommes de terre, toutes ces causes firent beaucoup plus pour la propagation de la culture de celte solanée et pour vaincre la répilgaai|
que celle-ci inspirait encore, que la faveur royale dont elle avait été l'objet sous Louis XVi. C'est, en effet, â dater de ces années 1793, 1794 et 1795 ^
pomme de terre s'est popularisée dans l'alimentation généi-ale de la France.
— 207 —
SOURCES
auxquelles
les rfiisei^nements
ont été puisés.
rETALE.
ktistique agricole
de 1882.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
EN 1882.
QUANTITES.
VA L E U U.
( 120, .338, 1)71! hectolilres
j «,1«U,4(;2 —
' 28,5li0,4fil —
( li),2.->i!,500 —
I 9U,7iW,37a —
9,907,793 —
n, 1(1.5,679 —
477,91a —
lC4,0G.5,.ôn9 hectolitres
110,034,873
1 3,156,800,497 fr. ]
' 129,274,489 [ 3,829,670,641 fr.
21,611,385
295,731,857 —
soit 19''î,59 par hectare.
2,939,127 hoctolitros
1,642,209 —
1,090,297 —
220,781 —
La fitatititiquc de 1882 n'indique que la valeur de ces produits.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
iiptc rendu du Congres
i itoraalioual d'agricul-
■ n-e de 1882.
t La statistique de 1882 n'indique que la valeur des produits de ces jar-
' dins, qu'elle porte à
100,993,666 quintaux.
121,377,727 —
60,995,648 —
123,4.58,297 —
142,869,060 —
12,960,671 —
32,161,139 —
88,503,921 — rendant 4,500,000 quintaux de sucre et 556,056
hectolitres d'alcool ramené à 100 degrés
2,007,729 hectolitres.
582,160 — de graines.
750,244 quintaux de filasse.
311,045 —
La statistique de 1882 n'indique que la valeur de ces produits
25,806,177 hectolitres.
Feuilles de mûrier. 1 ,942,337 quint.inx.
Cocons 9,711,079 kilogrammes.
33,581,632 hectolitres.
25,070,140 mètres cubes.
Produit de l'alcool de vin, environ 165,000 hrctolitres d'une valeur de.
— de grains, de pommes do terre, de mélasse, etc.,
environ 2,000,000 d'heetolitros, d'une valeur de .. . 101,000,000 fr.
Valeur des drôches provenant de ce dernier alcool . . 4,800,0i;0
La statistique de 1882 ne fournit aucun renseignement sur la production
du cidre, du poiré et du vinaigre, non plus que sur leur valeur.
543,. 595, 655
266, 341,. 383
978,148,843
166,438,90^
126,839,064
7,786,002
37,221,906
49,003,338
29,227,259
6,619,701
5,498,000
322,378,745
227,709,949
746,621,845
876,830,739
68,673,645
159,922,819
46,915,688
11,984,600
75,039,114
45,657,152
50,850,178
140,047,749
8,443,780
41,003,234
34,650,000
103,800,000
1,244,490,233
301,064,575
117,570,264
902,372,000
648,317,905
I 2,402,137,742
173,209,409
I
; 370,494,479
\
I
J 49,447,081
1,130,718,318
334,000,000
143,450,000
— -208 —
SOURCES
auxquelles
les rouselgnements
ont été puitiés.
EN 17 90.
C.
ANIMAU
1" Espèoe chaTaline.
Lavoisier.
iAVoisicr.
(ïjDi^va
tare
Chevii
("M
/ Cbi^vaus apijli<iiii!s aux travaux ilo l'agicul- .
I,5ij0,0f>0 tôtea. i
nx employés dauB Paris 21,500 — f 1,781,.'
— dauB lej autres villes et [ tOtei.
pour 1(; roulage I*î0,000 — \
Chevaux einpioyôs dans l'année 40,000 — /
2'' Espèce malassiére . .
30 Espèce aslne.
/ Cheval de labour : GO à 400 liv.t', moyenne 1 .,.„
y pour uu bon cheval, 300 liv. t* (360 fr.) ( * °
I Cheval do roulage: 300à4001iv.t'', moyenne j ._ ... „„j.
(•9 '1 pour un bon «-heval, :130 liv. t» {J96 fr.). i ^o,\}W,wyi
> I Chev«ldecarro8ije:400àl,00Ùl.t», moyenne ( ,.,. «„,, ^^^
\ pour un bon cheval, 700 liv. f^SlOfr.). { t>S0Q0,00Q
000,000 liv. t^ (501,000,000*
( 18,060,000
( 79,200,000
LavciBier.
4» Espèce bovine .
Lavoisier.
LavoiBîer.
Lavoiflier et un document j
existant aux Archives
nationales, K. 906-50.
LavuUier.
549,050,000 Uv.t» (068,81^0, UOOi
Aucun document tif fournit do renseignements sur les animaux de cette (';^|>''ce,
' cependant étaient a»i^ut nombreux, recherchés à l'étranger, surtout en Itulie, et ilunt 1'
f porUtion alieignuii uu chiffre as&ez élevé.
Aucun document ne fuurnit de renseign<Mncnl8 sur les animaux de cette es|M-cls f
rèpanduH cefieudaut djns les campuguet, où Ils aidaient beaucoup aux tiavaux agricol^i.
, . I Bœufs de travail et taureaux . . . . 2,700,000 têtes J
.2 g I Bœufs à l'engrais 389,000 - f „ - . .^^
r^ = ) Vaches 4,000,000 ~ ( J,i7i,Jt)otete
B { Veaux 2,082,500 — )
/ Bœufs de travail et taureaux. . . . 3501'v t»à500liv t», moyae4251ivt» (2I2'',50
^. ( Bœufs engraissés 500 àSôO — 700 (350
2 I Vaches consoniméoi* dans les villes. 200 à350 — 250 (125
"o 1 Veaux consommés dani* les villes .30 à 80 — GO {30
^ j Vaches consomméeei dans le» camp, de 200 (100
\ Veaux consommés daua les camp .de 30 ( 15
, Bœuf de travail ettaureau, 200Uv. t*(ïi40fr.) 510,000,000liv.t« (018,000,000 fr
l Bœuf eugralBBé 300 (36:) ). 116,700,000 (110,010,000
] Vache 110 a32 ). 440.000,000 (528,000,000
[Veau 30 ( 36 ). 62,475,000 ( 74,!»7f),000
1,159,175,000 (1,391, 010, OuOfr
Espèce ovine.
Lavoitiier.
I Lavoisier et un document
existant aux Archives
uationalef-, K. 906-50.
Lavoisier.
Lavoisier.
Moulons. — Aucun document ne fait connaître le
nombre des sujets des différents âges ; on n*a que le
total présenté par Lavoisier^ qui révalue à 20 , 000 , 000 tét(
Moutons consommés dans les villes, poids moyen 40 liv. (20ii,
— — dans les campagnes, poids moyeu . . 35 (17 ,50t
Moutons gras, de 7 à 9 liv. t*, moyenne 8 liv. t» (91", 60
Agnelle 3 (3 ,60
Vieille brebis 3 (3 ,«0
En l'absence de renseignements sur !e nombre des siijels des diJTérenis agi
il est impossible de tirer le total tie la valeur des animaux ovins, qui dSTi
approcher de 110,000,000 liv. t* (l;i2,000,000 fr.).
— 209 —
S (,> U R G E S
auxfiuelles
les reuseignements
ont été puisi^s.
EN 188 2.
lESTIQUES.
i«ti- tique agricole
de ISSU.
Idem.
Idem.
Idem.
Chevaux entiers employés uniquement à la reproduction. . 8,28.t têtes.
Juments employées uniquement à la reproduction .... 190, lit!) —
Chevaux entiers employés au travail 3(6, 5ôl —
Juments employées au travail 1,019,021 —
Chevaux hongres 73;i,2i>7 —
Poulaius et pouliches 530,593 —
Chevanx enti«'rs reproducteurs 1,209 fr. 10,016,922 fr.
Juments reproductrices 5'Jt'i — 99,519,090 —
Chevaux entiers employés au trav.iil 510 — 196,878,*U5 —
Juments employées au travail -iSG — 492,8(1,7'^;; —
Chevaux hongres 5:i2 — 390,603,054 —
Poulains et pouliches 323 — 171,489,012 —
Existences. — Mulets, mules et élèves .
Valeur
Existences.
Valeur. . ,
- Anes, ânepses et élèvtjs ,
in
IM
Taureaux
bœufs do travail .
liœufs à l'engrais .
Uouvillous . . . ,
Viiches
Créaisses
Veaux et velles . .
313,n'J2 lêtCF.
1,5IS,501
561,071
800,155
6,587,1)30
1,273,795
2,UO,301
;êteF. \
El
Taureaux
Bœufs de travail
Bœufs à Tengrais
Buuvillons
Vaches
flénisaes
Ëtèves de 6 mois à 1 au
Veaux et Telles au-dessus de t> mois.
Taureaux 231 fr.
Bœufs de travail 391
Bœufs eugraissés •173
Bouvillons 16^>
Vaches 2.il
Génisses 15^
Klèves de 6 mois à 1 au loi
Veaux et velles au-dessus de 6 mois 61»
Béliers
Moutons
Brebis
Âgueaux et agnelles de 2 aas
— de 1 an
— au-dessous do 1 an
87,991,211 fr.
594,037,692
171, '107,1^7
13.', 1175, 027
1,71», 793, -'51
200,iU8,6l)J
110,0J9,352
72,297,577
351,831 tètes.
5,299,728 —
9,758,528 —
2,836,585 —
2,713,733 —
2,819,025 —
2,837,952 tôles.
1,.1IU,372,0J5 fr.
260,673 télés
107,161,193 fr.
395,833 tètes.
44,765,707 fr.
12,997,051 têtes.
362 kilogr.
417 —
538 —
193 —
321 —
16A —
104 —
69 —
3,086, 153, iliô fr.
Béliers
Moutons
Brebis
Agneaux et aguelles de 2 iuis
— de 1 au
— au-des;^oas de 1 an
Béliers 37 fr. 13,223,600 fr.
[tous 32 1:8,767,0)7
25 215,690,017
Agneaux et agnelles de 2 ai. s 22 62,330,4'7
de 1 an 18 48,2iO,3H
au-dessous de 1 an 12 33,692,710
/ Béliers
\ Moutoi
] Brebis
' A.
23,809,433 têtes.
39 ki! 'ïr.
35 —
30 —
24 —
19 —
12 —
Sy ,924,212 fr.
■ •isiK. 31» VOL. — N" 7.
u
u.
210 -
s O U R C K s
auxquelles
les renseignements
out été puiséB.
EN 17 9 0.
Lavoisfer.
Lavoisicr.
6^ Espèce porcine.
1» Espèce caprine.
Aalmaux de basse-
Gour.
Produits des animaux
domestiques.
Document cxUUnt aux
Archives uatioualus
K. yOd-50.
c. — animai:
I Existences. — Verrats, truies, porcs à Tengrais, porcelets. . . 4,000,000 tôtes
I js ( Porcs consoramés daus les villes, poids moyeu. . . . 200 liv. (100 kllog
I i ( — daus les campagnes, poids juoycu . 150 ( 7ô
. , ^ , . 1 I iJ ( Porcs, prix moyeu i.*» Hv. t' (ôlf Q
Lavoisier et un document I ;- j j porcelets . . I 23 u'7 6
existant aux ArciiU es : ^^ |'tb«t*nte de rcuseigneuieiils »ur le uomhre des «ujeis de chaque fige, on ne peut
naiiODales,K. 906-50. / le toul de la valeur de. porcs.
Aucun document ne fournit de renseigoeinents sur le nombre et la valeur de» uuiu
Gsprtns k celte époque.
On ne trouve aucuns renseignements sur le nombre des animaux de basse-cour, k c
époque.
Poule, prix moyen, la pièce 0 liv. t» 15» (0^,7
Poulette, prix moyen, la pièce 0 la (0 6
Dindon, prix mo^cn, la pièce 1 8 (1 &
Pigeou, prix moyen, la piëco 0 1(0
On lie trouve aucuns rcuseiguemeuis sur U valeur des oies, des canard», des pintade
des lapins.
En l'abkeuce de renseiguemeuts sur le nombre des animaux de bassc-rour, ou ne |
tirer le cbiffre de la valeur totale qu'ils représentaient eu 1700.
Valeur. — Produit des laines 50, 0©0, 000 liv. f (60,000,000 1
Aucun document m* faii connaître le chiffre et la valeur, à celte é|>oque, du luit,
beurres, des fromagus, des œufs, du miel et de la cire, ainsi que des peaux, coruaiile
autres dépouilles des animaux. Dupont (de Nemours), qui, seul, fuil lUeiitioii de pluM'
de ces produit», les confond, dans un même compte, avec les graines el fourrages de
les bi_'Stiaux, les chevaux, les mulets el les volailles. En effet, dans son Hpen;u dt-s rvflo
du royaume, présenté au Comité d'administration de l'agriculture, séance du o Ju
1786 (Archives nationales, F. 10' — P. 10'i>i._r. lO'"'). il avait inséré les deux srli
suivants :
|w Grains et fourrages de mars, bestiaux, beurre et fromjges des fermes, volaille
a-ufH <les basses-cours, 425,000,000 liv. t« (510,000,000 fr.).
t" Prairies, besliuux de naurriture et d'engrais, beurre et fromages des pays dep&tu
et .le montagne, chevaux, mulets, eic, UOO.OOO.OOO liv. t» (a60,OOU,000 fr.).
De son cûlé, Lavoisier porte, en bloc, œufs, beurre, fromages, fruits, légumes, bu
100,000,000 liv. f (120,000,000 fr.).
U a donc été impossible d'utiliser ces renseignements pour constater la valeur le
des |>roduils des animaux.
D. — CONSOMMATION Dl
1" céréales .
3u Autres liquides. . . .
fKau-do-vie, cidre et
b!6re.)
4' Vinaigre.
5>- Bois. . .
Lavoiaier.
Lavoibler.
LiToisier.
Lavoisier.
liv.
kil.
heel. hect.
*"'■''?'!""( JoirriUrfdMbonmifs. 11,667,000,000 (5,833,500,00» 77,780,000) i!,!i5
et or " (Semence. . . . 2,233,000,000 (1. US, 500,000 14,886,066) 0,50 f «.
Orge (sosrnlnrp in loiiDvi;.
105,000,000 ( 50,000,000 660,666)
14,000,000,000 (7,000,000,000 93,3J3,332) 3,76
■1 7K '
Avoine, semence non comprise, 400,000,000 boifes., mesure de Paris (52,000,000 hfr
suit, par au et par habitant, 1,97.
: 1,642,500,000 pintes (1,529,693,100 litres) ou 5,703,125 muids (15,2*J6,921 heeli
soit, par au et par habitant, 0 ,58.
Aucun document ne fait connaître le chiffre de la consommation totale de l'esa-df»'
du cidre et de la bière, Dupont (de Xemours), dans son compte rendu cité plu» k»
indique que la valeur de la produclion du vin, de l'eau-de-vie, du cidre et de la bi
s'élevait à i, 000,000,000 liv. ts mais, comme il englobe, d'une part, tous ces lîqO:
dans son chiffre sans faire aucune distinction entre eux, et que, d'autre part, il ne m
lionne | as le cliiffre de l'exportation qui, pour le vin et l'eau-de-yie, éùit alors consi
rable, on ne peut tirer de ses chiffres celui de la consommation de l'eau-de-vie, du cidft
de la biêie, dans la France entière.
Aucun document ne fournil de renseignements sur la consommation du vinaigre en \i
Même observation pour la consommation du* bois, laquelle devait être assez cunsidé
h'e, celle de la houille étant encore très restreinte.
(I) Le nombre des animaux clievalins, bovins, ovins et [lorcins, qui est de U4,y53,000, représente g tites i3 par hectare des terres labourables consurr
à la culture des céréales, soit 0,67, ou près de 1/5 de moins qu'en i88i.
211 —
SOUKCES
auxquelles
les renseignements
ont été puisés.
EN 1882.
DMESTIQUES. {Suite.]
istiiiueagricole de 1882. I Existences. — Verrats, truies, porcs à l'engrais, porcelets 7,146,996;tête8(l)
Verrats, poids moyeu.
Truies, poids moyen
Porcs à l'engrais, poids moyen
Porcelets, poids moyen
Verrats, prix moyen 96 fr.
Truies, prix moyen 91
Porcs & l'engrais, prix moyen lltj
Porcelets, prix moyen 36
4,711,346 fr.
73,19B,7.')2
389,509,612
105,597,792
I Valeur. — Boucs, clièvres et chevreaux.
Existences. — Poules, canards, oies, dindons, pintades, pigeons et lapins
110 kilogr.
100 —
120 —
34 —
573,015,532 fr.
1,851,131 têtei.
30,759,793 fr.
79,836,061 tête».
Poules, prix moyen, la pièce
Oies — —
Canards — —
Diudons — —
Pintades — —
Pigeons — —
Lapins — —
lf,92«
4 ,56
2 ,23
5 ,48
3 ,18
0 ,78
1 ,77
Valeur totale : 161 , 436 , 1 04 f r.
Produits des moutons .
S 1 Produits de la laiterie.
Idem.
Idem.
Œufs . . . ,
Miel et cire
Laines 82,500,000 fr.
Peaux 2,000,000
Lait, moins les
quantités em-
ployées pour
la fabrication
. , des beurres et
1 des fromages. 740,480,000 fr.
/ Lait de chèvre. 100,000,000
[Beurres 164,071,676
\ Fromages 117,858,364
81,500,000 fr.
840,480,000
1,122,410,040 fr.
120,000,000 fr.
19,913,662 fr.
La Statistique agricole de iSS2 ne donne aucuns renseignements sur le nombre et la valeur des animaux bovins,
ovins, porcins, caprins et de basse-cour vendus pour la reproduction, le travail et l'engraissement, non plus que sur la
valeur des peaux des bovins, du suif, des cornailles, des plumes, des crins et autres dépouilles desanimaux domestiques.
AGRICOLES
tUtique agricole de 1882.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Pour la nourriture des hommes. 92,444,000 hect. l
Pour la semence 14,490,000 > 110,955,000 hect. par au et par hab. 2 hect. 60.
Pour l'industrie 4,012,000 )
Seigle 28,560,461 — 0 76
Méteil 6,166,462 — 0 16
Orge 19,256,500 — 0 ^i
164,938,423 hect. — 3 9.i
Avoine, semence comprise 90,798,373 — 2 41
— non compris la semence 81,718,535 — 2 17
Vin 33,581,632 hect. par an et par hab. 0 hect. 89.
La Slatlslique de 18S2 n'a point donné les chiffres de la production et de la cousommatioii du cidre et de la bière, ni
celui de la consommation de l'eau-de-vie.
Iden
M6me observation pour le vinaigre.
31,448,000 màtres cubes, soit, par an et par habitant, 0n>'^,924.
) Le nombre des animaux chevalins, bovins, ovins et porcins, qui est de 46,791,435, représente 3 tètes 10 par hectare des'terres labourables consacrées
loollure des céréales, suit 6,67 ou près de 1/5 de plus qu'en 1790.
— 212 —
SOURCES
auxquelles
les reuseignoinents
ont été puisés.
EN 17 9 0.
D.
CONSOMMATION DE
Poids luoyou
télés. liv.
Lavoisier.
\ii
Bœufs . .
Vaohcs. .
Veaux. .
Muutons .
Porcs . ,
6" Vlaade.
' Vaches. ,
I Veaux. .
I Moutons.
Pures . .
;W7,000
451,000
1,48.', 0)0
3,75ii,!!5ll
443,750
G, 53 J, 000
tj,000
BOO.UOO
1,500,000
3,000,000
5,10(i,000
700
250
«0
40
200
kil.
(.')5'l
(125
( 30
( 20
(100
liv. kil.
277,000,000 (138,9.')O,nO0' j
113,500,000 ( 50,750,000' I
88,920,000 ( 44,4(;0,00i/ |
(100 )
( 15 )
( 17,5)
( Î5 )
15U,250,0i0
it8,750,OOJ
719,320,000
1,2011,000
18,000,000
52, .500, 000
75,125,
( 44,375,0') '
(3Ji),tJliO,UI)(i
( 000,0111 1
( 9,D()i),0i)l)
( 2B, 250,000
450, 00), 000 (225,000,000,
521,700,000 (2ti0,K50,O00)
1,241,0^0,000 (020, 510,000-'/
Lavoisier.
7*^ Gralas alimentaires.
Cultures lud-)<:' diverses
Pain
Vin ordinaire
Viu de liqueur
Kau-de.vle
Cidre
Bière
Vinaigre
Bœufs
Viiches
Veaux
Moutons
Pures
Viandes dépecées. . . .
Bois à brûler
Charbon de bois
Œufs
Beurre frais
— Falé et foudu. .
Fromage» frais ....
— secs ....
Huiles de toutes espèces
Poiu
Paille
Avoine
Orge
Vesces et grenailles. .
Bois à œuvrer
Fruits et légumes. . .
Totaux réunis 11,039,000
Suivant Lavoisier, laconsommatiou de la viande, prise en bloc, se répartissaitaint
â Paris et dans les graudes villes ; par tête et pai- jour, do 0 à 7 onces (181
218 gr.), moyenne 203 gr., soit par an de 68*fî20(ir à 79''570ëi-, moyenne 71^095
dAns les petites villes, par tête et parjour, 4-ouces (125 gr.), soit par an, ib^tài5
dans les campagnes, — — 1 once 1/2(47 gr.), — 17H55
Dans rens-'mblf-, Lavoisier évalue le prix des viandtîs consommées dans Paris et)
autres villes à 109,000,0 )0 liv. t' (202,800,000 fr.l, soit : Of,58° le kil.
En évaluant au même prix le total des viandes consommées dans les campagnes,
aurait nue somme de 151,293,000 fr., soit, pour les villes et les campagaei
364,093,000 fr., d'où, par habitaut, 13'',4')t.
Aucun document ne fait connaître le cbitFre de la consommation de ces divers p
duils, htquolle devait, d'ailleurs, être à peu près égale à la production, le aurpl
étant exporté.
E.
ETAT DES DENREES AGRICOLE
20i;,000,000 liv. (103,000,090 kil.), à 2 sols la
livre (0',20° le kil.)
250,000 muids (075,000 heet.), à 130 liv. t> le
muid (57r,77 l'bect.)
1,000 muids (2,700 hcct.), à 300 liv. le muid
(134t,70 1'hect.)
8,000 muids (21,600 liect.) à 392 llr. 3> le muid
(171t28 rbect.)
2,000 muids (5.400 hect.) à 71 liv. 8' le muid
(31f73 l'bect.)
20,000 muids (51,000 hect.) à 81 liv. 2« ai le
muid (36104 l'hect.)
4,000 tnuids (10,800 hect.) à 58 liv. 1I« S^ le
muiil) (26123 l'hect.)
70,000 têtes de 700 Uv. (350 kil.) | 78,000 têtesà
18,000 — 360 (180 ) ( 329 liv, 8- 3<l
120,000 — 72 liv. (36 kil.) à 61 liv. 7< 3^
par tête
350,000 têtes de 50 liv. (25 kil.) à 17 liv. 18' 3''
par tête
35,000 têtes de 200 liv. (100 kil.) à 45 liv. 8>
par tôte
Lavoisier et Bulletin de |l.380,000 liv. à U- 7<1 la livre.
statistique du minis- 1714,000 cordes (2,856,000 st.) à 64 liv. 16> la
tère des finances, n-.de/ corde (IGI,44= le stère)
ianvier, mai, juin etV «OliOOO voies (1,388,000 hectol.), à 5 liv. 04. la
octobre 1885 \ voii'(3f,02<i l'hect.)
1 78,00O,O')O, à 44 liv. le panier ou millier (52f,80«
le mille)
3,4.50,000 liv. à 1,827 iiv. 14< 7<1 la charretée
de 2,C00 liv. (ou 2f, 19'i le kil,)
2,700,000 liv. à 6> e^l la livre
424,.50J liv, à 2 liv. t« 12' la livre
2,600,000 liv. à 6« la livre*
6,000,000 liv. à 196 liv. U la charretée de
2,000 liv
6,388,000 bottes de 10 liv. (319,400 qolnt,), à
6 liv. 6> 8'1 les 1,000 bottes (7' 89 le quint). .
11,090,000 botte.'!, à 1 liv. !• 8''- les 1,000 bottes
(ou 2f 14 le quint.)
21,409 muids (801,5i2''l,96), à 216 liv. le muid
(7f85 l'hectol.)
8,500 muids (318,240 hectol.) (point de rensei-
gnements sur le prix).
1,400 muids (52,416 hectol.) (point de rensei-
gnements SUT* le prix).
1,600,000 pieds cubes (166,666 stères)
Point de renseignements sur les animaux de
bas:se-cour, les pommes de terre et le lait.
20,600,000 liv. f (24,720,000f
32,500,000 (39,000,00
300,000
3,137,200
142,800
1,622,300
235,255
29,024,840
7,415,330
6,269,375
1,608,3.30
763,025
39,133,963
3,500,000
3,432,000
2,878,7^7
1,800,000
900,000
1,500,000
585,000
2,100,000
1,980,000
6,260,000
4,000,000
12,500,000
( 360,000
( 3,761,610
( 171,360
( 1,940,560
( 283,306
(34,829,808
( 8,898,399
( 7,, 523, 250
( 1,9.'9,91)6
( 616,630
(46,960,778
( 4,200,000
( 4,200,000
( 3,4,54,478
( 2,160,000
( 1,080,000
( 1,800,009
( 702,000
( 2,500,000
( 2,376,000
( 6,800,000
(
(
( 4,800,000
(15,200,000
213 —
s o u 11 c B s
auxquelles
les renseignements
ont été puîsfis.
EN 1882.
ÏRÉES AGRICOLES. (Suite.)
r.tlstiquo agricole de 1882.
Viandes fraîches importées .
Bœufs
Vaches
Taureaux.
Gréuisses
Veaux .
liêtes ovines
et caprines.
Agneaux
et chevreaux
Porcs et co-
clious de lait.
1,873,739 têtes, poids moyen de 261 Itll.l
215, liO
3,278,li7(!
9,663,315
4,014,058
131
49
21
la
7
97
10
24,412,413 têtes.
5,126,000 liil. ]
524,240,725 J
160,765,082 f
167,648,773 I
387,804,772 |
1,245,085,3.52 kil. /
Soit, par an
et par habitant :
.331,000.;'.
Ideni.
Consommation dans Paris, par tête et par jour, 0'<,2I7yr, et, par an, 79'' ,310k''.
— dans les autres villes, par lète et par jour, u^,lG5;r, et, par an, 60's390nr.
— dans les campagnes, par tète ot par jour, l>^,060o'", et, par au, 21^, 890s'".
Espace bovine, le kilogr. l^SS-^ j inov"^,l,47,et,total,roiirI'en8embIedesaiumaux l,830,fi03,037 fr.
— ovine, — f '^5 } soit :48'',ô;t<:parliab.,
— caprine, ~ , '^7 I différence de 35f,H>s en plus, sur 1790.
— porcme — 1 ,51 ; t i f t
La staiistiqiie de 1882 ne ilonnc point le chiffre de la coiisominatiûn de ces divers produits , laquelle doit être à peu
près égale à la production, le surplus étant exporté.
ÏSOMMÉES DANS PARIS.
Octroi de Paris.
Farine (on 340,130,000 kil. de p.ain)
Vins en cercles et eu bouteilles
Bau'de-vie
Cidre
Bière
Vinaigre
Bœufs 238,926 têtes
Vaches 45,445 —
Veaux 2)4,505 —
.Moutons 1,903,710 —
Porcs 218,921 —
Boucs et chèvres 1,399 —
Viandes à la inain
Viande et graisse de porc et charcuterie
Animaux de basse-cour
Bois à brûler
Charbon de bois
Œufs
Itenrre
Fromages secs
Huile d'olives 1,278,32.5'' 500s'
Autres huiles 11,393,937 640
Foin
Paille
Avoine
Orge
Bois à œuvrer
Légumes frais et secs
Pommes de terre
Fruits
Lait
2.58,097,000 kilogrammes.
4,287,672 hectolitres.
141,554 —
172,652 —
2()3,018
39,572 —
148,421,012 kilogranimei.
31,072,138 —
21,169,489 —
18,0.i5,774 —
725,225 stères.
4,723,180 hectolitres.
308,166 milliers.
I2,999,'J16 kilogrammes.
2,322,191 —
12,672,263'040«'
20,
36
182
4,
909,907 bottes de 5 kil.
327,264 —
896,482 hectolitres.
634,602 —
419,662 stères.
215,760,691 kilogrammes.
93,902,000 —
57,258,243 —
160,000,000 litres.
Cn. Mauguin.
— 214 —
V.
STATISTIQUE GÉNÉRALE DES NAUFRAGES.
Pour la première fois, une statistique complète des naufrages et autres accidents
de mer vient d'être publiée par les soins du ministère de la marine; jusqu'à pré-
sent nous ne connaissions qu'une partie des sinistres par l'administration du bu-
reau Verilas. Cette administration, en effet, ne comprend dans ses statistiques que
les navires ayant au moins 50 tonneaux pour les voiliers, et 400 tonneaux pour les
navires à vapeur. Les renseignements qui vont suivre comprennent non seulement
les bâtiments français ou étrangers naufragés sur les côtes de France, d'Algéiie et
des colonies, mais encore les bâtiments français qui ont disparu en mer ou qui ont
péri sur les côtes des pays étrangers. Ils s'appliquent à l'année 1888.
Pendant cette année, le nombre des bâtiments dont il s'agit s'est élevé à 278,
parmi lesquels 198 ont fait naufrage ou ont péri corps et biens, et 80 se sont
échoués sans bris ou sans éprouver de dommages importants..
Les 198 naufrages se sont répartis de la manière suivante :
Voiliers de plus de 50 tonneaux 88
— de moins de 50 tonneaux 90
Vapeurs de plus de 100 tonneaux H
— de moins de 100 tonneaux 9
Total général des voiliers et des vapeurs. 198
Ces navires portaient ensemble 1,978 hommes et jaugeaient 4.0,318 tonneaux.
Ils comptaient donc en moyenne 10 hommes et jaugeaient 200 tonneaux.
D'après la nationalité, ils se divisaient de la manière suivante :
Bâtiments français.
Voiliers. . . . 159 | Vapeurs. .... 9
Bâtiments étrangers.
Voiliers. ... 19 | Vapeurs 11
La proportion des naufrages d'étrangers serait donc, d'après cela, de 15 p. 100;
il ne faut pas perdre de vue que la statistique dont nous présentons ici les résultats
ne s'occupe des navires étrangers que lorsqu'ils ont fait naufrage sur nos côtes.
Le nombre de navires ayant fait naufrage sur les côtes de France a été de 116,
dont 94 français et 22 étrangers. Ces 116 navires étaient montés par 946 hommes.
Les côtes de nos colonies et pays de protectorat ont vu sombrer 24 navires, com-
prenant 16 français et 8 étrangers (164 hommes en tout).
Enfin les bâtiments français perdus en mer ou naufragés sur les côtes des pays
étrangers ont été au nombre de 58, dont 52 voiliers et 6 vapeurs, montés ensemble
par 868 hommes.
Il est utile de remarquer que le nombre des bâtiments perdus en dehors de
France s'est trouvé deux fois moindre (52 voiliers et 6 vapeurs, perdus à l'étran-
— -215 —
^geI• ou en mer) que celui des bâiimenis naufragés sur les côles de Frnnr.e (103 voi-
liers et 13 vapeurs). L'effectif des équipages et le tonnage s'est trouvé à très peu
près le même, ce qui montre que les sinistres qui se soni produits en mer ou à
l'étranger étaient deux fois plus importants que sur nos côles.
Pour compléter notre statistique, il convient de mentionner 80 échouements
sans bris et autres accidents, dont 50 de voiliers et 9 de vapeurs portant ensemble
510 hommes d'équipage.
Considérés d'après leur nature, les 278 navires se décomposaient comme il suit:
NAVIRES. FRANÇAIS. ÉTRANQBR8. TOTAL.
Goélettes 42 5 47
Trois-mâts 26 12 38
Chaloupes de pèche 35 » 35
Vapeurs 15 14 29
Sloops 28 » 28
Bateaux de pêche 20 » 20
Bricks 1 5 12
Bricks-goélettes 11 » H
Cotres 7 1 8
Lougres 8 j> 8
Tartanes 4 » 4
Balancelles 2 1 3
Yachts 3 » 3
Chasse-marée 1 » 1
Flambard 1 » 1
Canots, bateaux de plaisance et
embarcations diverses .... 30 » 30
Totaux < 240 38 278
Les 38 étrangers se décomposeraient delà manière suivante, d'après le pavillon :
Anglais 15 navires.
Norvégiens .... 11 —
Italiens 3 —
Belges 2 —
Espagnols 2 —
Russes 2 —
Allemand 1 —
Grec 1 —
Suédois 1 —
Parmi les 278 navires naufragés ou échoués, on a compté, suivant le tonnage, 70
au-dessous de 10 tonneaux, 36 de 10 à 25 tonneaux, 32 d.^ 20 à 50 tonneaux, 35
de 51à 100 tonneaux, 41 de 100 à 200 toimeaux ; à partir de 200 tonneaux, le
nombre diminue sensiblement: 13 navires de 201 à 300 tonneaux, 18 de 301 à
500, 16 de 501 a 800, enfin l'on a compté 8 navires de 801 à 1,000 tonneaux, et 9
de plus de 1,000 tonneaux, qui ont fait naufrage.
— 216 —
Pour ce qui esl des causes el des circonstances des sinistre?, los doriimenls re-
çus par le déparlement de la marine ont permis de les classer comme il suit :
Navire» sombres ou brisés.
Remplis par lames ou chavirés 49
Par suite de voie d'eau 22
— d'écliouement 87
— d'incendie 1
Perdus corps et biens, trouvés à l'état d'épaves à la côte
ou dont on était sans nouvelles depuis plus d'un an
au 1" janvier 1890 21
Par suite d'abordages 18
Total ~m
Navires échoués.
A la voile par mauvais temps 22
— pi>r beau temps (dont 7 par abordage) . ... 17
— par brume ou neige 12
— par suite de la violence des courants .... 10
— désemparés 4
— par suite de voie d'eau (dont 1 par abordage). 7
Au mouillage ayant chassé sur leurs ancres 6
— ayant brisé leurs chaînes 2
Total 80
Aux termes du rapport technique, on a pu imputer, d'une manière générale, ces
naufrages et échouemenls aux causes suivantes :
217 à des cas de force majeure;
2 à de mauvaises conditions de navigabilité;
20 à la négligence ou à de fausses manœuvres;
26 à des abordages;
13 à des erreurs de feux ou de route.
Nous avons vu tout à l'heure que l'effectif des équipages de ces navires était de
1,978 hommes pour les vaisseaux naufragés ou perdus corps et biens, et de 510
hommes pour ceux qui se sont échoués. Sur les 2,/(88 hommes d'équipages, il y a eu
à déplorer la mort de 428, soit 17 p. 100. Dans ce nombre de victimes, il ne s'est
trouvé que 12 passagers. Si l'on défalque ces 12 passagers, ain.sique 19 marins tués
à bord des navires étrangers, on arrive à conclure que 397 marins français ont été
victimes de naufrages ou d'autres accidents de mer. C'est la grande pêche qui a fait
le plus de victimes; on se rappelle que la lin du mois d'avril 1888 a été particulière-
ment funeste aux bâtiments pratiquant la pèche de la morue : onze goélettes appar-
tenant aux ports de Dunkerque, de Saint-Brieuc et de Paimpol et montées par 177
hommes ont péri corps et biens sur les côtes de l'Islande.
— 217 —
Voici, (lu reste, le chiffre des hommes perdus décomposé par nature de navign-
lion :
Long cours 45 victimes.
Grande pêche 221 —
Cabotage 14 —
Bornage 12 —
Pilotage 7 —
Petite pêche 93 —
Plaisance 5 —
Total 397 victimes.
La plupart de ces malheureux ont laissé des veuves et des orphelins dans la mi-
sère, aussi les secours ont-ils afflué : indépendamment des secours réglementaires
accordés par la caisse des invalides de la marine, pour subvenir aux premiers be-
soins des nombreuses victimes appartenant aux ports de Dunkerque, de Granville, de
Saint-Rrieuc et de Paimpol, victimes dont le nombre s'est élevé à 221 pour les cam-
pagnes d'Islande et de Terre-Neuve, il a été distribué une somme de 2-4,000 francs
provenant d'une souscription ouverte au département de la marine.
D'autre part, le Parlement a voté, pour venir en aide aux veuves, enfants et as-
cendants des marins qni ont péri en 1888 victimes d'événements de mer, une somme
de 50,000 francs.
Des caisses spéciales de secours instituées en faveur des familles de marins morts
en mer, ont contribué aussi au soulagement des infortunes de nos populations du
littoral. La seule caisse de Dunkerque a pu distribuer aux victimes de la campagne
d'Islande, une somme de 128,5'33 francs.
Enfin la société de secours aux familles des marins naufragés a distribué, de son
côté, 65,750 francs.
Pour terminer cette rapide élude des naufrages et autres sinistres de mer, il con-
viendrai! de parler des actes de dévouement et d'héroïsme qui ont été signalés tant
parmi les victimes que parmi les sauveteurs, mais les faits de cette nature sont peu
susceptibles d'être mis en lumière par une statistique régulière, et beaucoup d'ail-
leurs ont dû rester ignorés. Que de dévouements héroïques ont dû rester obscurs
et quelquefois inutiles ! Les annales du ministère de la marine, aussi bien que celles
de la société de secours aux naufragés, ne les comptent pas.
Ne pouvant énumérer les faits de sauvetage autrement que par un récit anecdo-
tique, nous nous bornerons à mentionner les récompenses qui ont été accordées
par le département de la marine.
En 1888, ces récompenses, pour les Français seulement, atteignent le chiffre de
281 se répartissant comme il suit ;
Jumelle marine 1
Médaille d'or de 1" classe 1
Médailles d'or de 2° classe 9
Médailles d'argent de 1" classe 16
Médailles d'argent de 2' classe 57
Témoignages officiels de satisfaction. .... 131
Gratifications 00
— 218 —
Mais il existe aulre chose, pour ces braves gens, que le témoignage officiel de sa-
lisfaclion venant du minislère. La société centrale des naufragés, elle aussi alimen-
tée par des ressources privées, s'est donné pour mission de récompenser les actions
d'éclat de ces obscurs marins: il y a quelques jours, celte société, présidée par
M. l'amiral Jurien de la Gravière, tenaitsesassises annuelles et applaudissaitlesnoms
de M. Basroger, de VEtnmtt, ce capitaine au long cours qui a sauvé dans la mer du
Nord dés centaines de passagers, et du palrou Tluuizza, du canot de sauvetage du
Locoa (Saint-Jean-de-Luz), tous deux nommés chevaliers de la Légion d'honneur.
Victor TuRQUAN.
VI.
LE SECRÉTARLVT OIJVRIKR SUISSE
ifnstilutefiirArbeilg-Stalistik,\onD'i. Joachim. Leipzig und Wieii, Franz Denlicke, 1890.)
Les tendances démocratiques de la Suisse, l'occupation des hauts emplois admi-
nistratifs par des fonctionnaires élus qui, par suite, ne sont pas toujours des spécia-
listes, le fréquent changement de ceux qui sont mis à la tête de chaque département,
la diversité des circonstances économiques dans chaque canton, enfin le fait que le
canton est chargé de sa propre législation économique, tous ces motifs réunis ont
eu pour résultat de laisser l'initiative privée administrer librement ses intérêts écono-
miques,- l'Etat se bornant à tirer parti pour son propre compte de ces institutions
et à leur venir à l'aide par des subventions, lorsque cela est nécessaire. C'est ainsi
qu'il s'est formé, pour chaque branche économique, de grandes associations ayant
des sccrétanals dont les attributions incombent dans les antres pays à l'administra-
tion publique et qui sont seulement subventionnés par l'Etat. Ces associations sont
l'Union industrielle et commerciale suisse, l'Union manufacturière suisse, l'Union
agricole suisse, la Société d'agriculture de la Suisse romande. C'est à l'abri et sous
le contrôle de ces associations que s'accomplit presque toute la vie économique de
la Suisse.
Une organisation analogue manquait jusqu'ici aux ouvriers. Plusieurs tentatives
en vue tl'organiser une vaste association ouvrière avaient échoué. Le vœu émis par
le congrès ouvrier suisse tenu à Zurich en 1883, en vue de fonder à Berne un bureau
fédéral de la statistique du travail sur le modèle du bureau des États-Unis, n'avait
pas été suivi d'exécution. Le pas décisif fut fait par la Société duRutli qui demanda,
par lettre du 28 août 1886, au déparlement fédéral du commerce et de l'agriculture,
une subvention pour un secrétariat ouvrier suisse qui devait être annexé à la Société
du Rulli en tant qu'association purement nationale et rendre en même temps des
services à la Confédération, « mais seulement pour l'étude et l'examen des intérêts
économiques des ouvriers ».
Cette demande contenait aussi un projet d'organisation. Le département répondit
par une fin de non-recevoir, mais en ajoutant qu'un secrétariat général des ouvriers
suisses serait bien vu par l'administration.
En conséquence, le comité de la Société du Rutli demanda l'adhésion de plusieurs
sociétés ouvrières.
— 219 —
A la fin de 1886, la question fui portée devant l'Assemblée fédérale ; la commis-
sion du Conseil national se déclara, le 16 décembre, en faveur de| la création d'un
secrétariat ouvrier, et la résolution suivante fut prise dans la session du Conseil des
Étals :
« La Commission déclare qu'elle est d'accord pour la création d'un secrétariat
ouvrier, mais non au profit de la Société du Rutli en lont que société politique ou
de toute autre société politique; elle désire ([u'il soit organisé librement et d'une
manière indépendante, sans attacbe politique ou sociale, et qu'il soitrattacbé à l'or-
ganisation du département, par exemple au secrétariat de l'indusirie. » Le déparle-
ment fédéral du commerce et de l'agriculture s'étant montré formellement opposé
à l'idée de traiter les ouvriers autrement que les autres professions, le Conseil
fédéral prit le 20 décembre la résolution ci-après: <c Le déparlement du commerce
et de l'agriculture sera mis en demeure de fixer une contribution fédérale (lour le
paiement d'un secrétaire ouvrier permanent, sans qu'il soit donné aucune garantie
pour la durée de ce poste et sous la condition d'apporter au règlement proposé parle
Comité central de la Société du Rutli telles modifications qu'il jugera néces^aires. Le
déparlement ne devra participer en aucune façon au choix de ce secrétaire qui sera
entièrement laissé aux sociétés ouvrières intéressées. » Cette résolution fut commu-
niquée le 24 décembre 1886 par le département au Comité central et le règlement
adopté d'après les conditions suivantes :
1" Qu'il serait formé un comité dans lequel toutes les sociétés ouvrières seraient
représentées proportionnellement au nombre de leurs membres;
2° Que le secrétaire ouvrier serait nommé par ce comité et en recevrait les indi-
cations sur les travaux à effectuer et toutes autres instructions ;
y Que chaque année, une évaluation des recettes et dépenses présumées du se-
crétariat ouvrier et, au commencement de chaque année, le compte de l'année pré-
cédente seraient envoyés au département avec les pièces justificatives ;
4.° Qu'il serait loisible au déparlement du commerce de se faire représenter dans
les sessions du comité par un délégué avec voix consultative.
On accorda pour 1887 une subvention de 5,000 fr. à imputer sur le crédit
extraordinaire de 40,000 fr. mis annuellement à la disposition du département pour
les intérêts économiques.
La publication de ces conditions dans le GrtUlianer donna lieu à de vives dis-
cussions. Le Conseil fédéral redoutait que le secrétariat ouvrier ne servît à des
entreprises politiques et ne tombât entre les mains des socialistes allemands. Le
comité central de la Société du Rutli parvint à rassurer sur ce poinl le Conseil fédé-
ral et envoya un projet de statuts et de règlement. Il reçut en réponse une lettre
du bureau du commerce du 11 mars 1887 par laquelle on lui fil part des principes
que le Conseil fédéral désirait voir appliquer à l'organisation projetée :
1" Les Sociétés qui ont à choisir des délégués doivent être composées en majo-
rité de Suisses. Les bourgeois suisses ont seuls droit de vote pour la nomination
des délégués ;
2° Les Suisses seuls doivent composer l'assemblée des délégués pour la nomi-
nation du Comité de l'Union et la proposition pour la place de secrétaire ouvrier;
3° Les membres du comité de l'Union et le secrétaire ouvrier doivent être bour-
geois suisses.
Après quelques incidents d'importance secondaire, une assemblée se réunit à
— 220 —
Aarau : 22 associations centrales et 120 sociétés locales grandes ou peliles, corpo-
rations, caisses de secours en cas de maladie, etc., comprenant ensemhle plus de
100,000 membres, y prirent part, représentées par 157 déléguésayant voixdélibéra-
tive et 37 ayant voix consultative. Cette assemblée fonda une nouvelle association
ouvrière pour remplacer celle qui s'était dissoute en 1880. L'assemblée des délé-
gués, le comité directeur de l'association, le bureau du comité et le secrétaire ou-
vrier furent déclarés les organes de cette association.
D'après le paragraphe 6 du règlement organique, le secrétaire ouvrier doit être
nommé par le comité directeur de l'association pour trois années et être bourgeois
suisse. L'assemblée des délégués a le droit de proposition. Les attributions et les
fonctions sont déterminées par un règlement du comité directeur. Le programme
des travaux, le builget et la comptabilité du secrétariat ouvrier sont aussi soumis à
son approbation. Le contrôle direct des affaires du secrétariat ouvrier est confié au
bureau du comité. Le secrétaire ouvrier doit se mettre à la disposition du comité
directeur de l'association ouvrière suisse et du Conseil fédéral pour toutes recher-
ches conceinant la question du travail, les relevés et travaux statistiques ainsi que
les renseignements. Il a le droit de s'adresser pour demander des reiiseiguemenis
aux autorités, aux sociélés, aux associations et aux particuliers.
D'après le règlement élaboré par le comité directeur, le secrétaire ouvrier doit
réunir des relevés concernant les conditions des ouvriers suisses, s'occuper d'études
sociales et préparer des mémoires sur ce sujet; la durée de son travail journalier est
fixée à 8 heures et il lui est accordé 4 semaines de congé par an. Son traitement est fixé
à 4,000 fr., avec interdiction de toute occupation accessoire rétribuée. Ce traitement
a été élevé à 4,200 fr. dans la session de féviier 1888. Le secrétaire doit choisir lui-
même les employés auxiliaires ou temporaires de son bureau. Quand il s'agit de
nominations permanentes, il envoie ses propositions au comité directeur de l'asso-
ciation.
Telle est l'histoire de la fondation du secrétariat ouvrier suisse qui, d'après le
plan de .«es organisateurs, devait former par la suite un bureau de travail.
Le comité directeur choisit comme secrétaire ouvrier le stalisticien cantonal de
Zurich, llermann Greulich, qui, dans son progiamme, donnait une importance pri-
mordiale à la statistique et s'écartait de recherches trop étendues pour se borner à
l'indispensable et au possible. Mais même ce programme restreint dépassait la
mesure de ses forces et le comité directeur se vit obligé d'élever la subvention à
10,000 fr. et de nommer un adjoint en 1888 et un autre employé en 1889 ; de plus,
on demanda le concours accidentel de spécialistes, de médecins, etc., qui ofTiirenl
leurs services à litre gratuit. Le personnel et les revenus financiers furent encore
insuffisants et le comité, dans la session suivante, détermina les sociétés faisant
partie de l'Association à fournir une somme d'environ 10,000 fr. au secrétariat
ouvrier.
Voici le programme des travaux du secrétariat tel qu'il fut dressé par le comité
pour les années 1887, 1888 et 1889:
1° Statistique des salaires ;
2° Relevé des secours payés par les caisses de secours contre la maladie en cas
d'accident pour 1888;
3° Relevés des caisses de secours en cas de maladie existant en Allemagne, prin-
cipalement en ce qui concerne les suites du chômage ;
— 22'1 —
4° Enquête ouvrière concernant le projet de loi suisse sur l'industrie ;
5° Enquête concernant les conditions des couturières, blanchisseuses et autres
ouvrières ;
6° Etude de l'exposition allemande de protection contre les accidents.
De tous ces projets le second seul a été réalisé jusqu'à ce jour et les résultats en
ont été publiés dans un mémoire intitulé : « Statistique des accidents. — Exposition
des lésions corporelles et des cas de mort des membres des caisses de secours en
cas de maladie et des caisses de secoiiis suisses en iSH6. » Bien que ce mémoire
ne mette en œuvre qu'un petit nombre de matériaux, il répond à toutes les exi-
gences scientifiques.
Cette recherche est le premier des travaux préparatoires exécutés à l'in^tigalion
du Conseil fédéral pour l'assurance obligatoire en cas d'accident; le dénombrement
des accidents et la statistique des salaires devaient venir ensuite. On voulait obtenir
ainsi une buse solide pour la discussion, car pour une législation de celle nature,
c'est déjà un point de gagné que d'apercevoir clairement chaque partie de la tàclic
qu'il (but remplir.
Pour faire cette statistique, on envoya des formulaires excellents à plus de
1,200 caisses de secours en cas de maladie et on pria instamment le comité direc-
teur de l'associalion du commerce et de l'industrie suisse, le comité directeur de
l'association manufacturière sui.sse et tous les gouvernements de cantons d'apporter
leur concours à l'entreprise. Le secrétariat réussit à réunir les réponses de 949
caisses comprenant 170,884 membres. Il reçut en outre de l'administration centrale
(les caisses de secours en cas de maladie de la Société du Rutli les certificats de ma-
ladie des années 1880-1885 qui furent rais en ordre par un médecin. D'autres
caisses de secours ne rentrant pas dans la classe des caisses d'assui'ance contre la
maladie envoyèrent 127 bulletins concernant les accidents, de sorte que l'examen
put porter sur 5,067 documents aflérents à 1886 sans compter ceux de la Société
du Rutli pour les années antérieures, lesquels se référaient à la durée des secours,
l'âge des secourus, la nature des lésions, la branche d'industrie et le mode d'occu-
pation. Bien que cette statistique embrasse le quart des accidents, tout comme la
statistique des accidents de l'empire allemand, le secrétaire est d'avis que le nombre
des observations est encore trop petit pour être un guide certain et il a l'intention
de continuer les recherches pour les années suivantes. La slatisli(|ue des accidents
est terminée pour 1887 ; celle de 1888 est commencée et sera publiée au printemps
de 1890.
Une étude approfondie du projet de statistique des salaires fut faite par une com-
mission de statisticiens installée au département de l'industrie. On décida que le
secrétaire ouvrier ferait d'abord un essai local à Winterthur et aux environs, d'après
la méthode préconisée par lui de questions posées directement aux ouvriers au
moyen de bulletins individuels, afin de se rendre compte «i si, au moyen de la mé-
(1 thode statistique et en se basant sur les réponses des ouvriers, on pouvait obtenir
« une bonne statistique des salaires ». Mais la défiance des ouvriers fut éveillée par
la révision du registre des contributions cpii eut lieu au même moment et peu de
réponses parvinrent au bureau ; il fallut s'en tenir aux livres que les entrepreneurs
.-ont tenus de mettre à la disposition des inspecteurs de fabriques. Du reste, le
i:;.vail n'est pas encore terminé.
Le quairième point du programme, l'enquête ouvrière concernant le projet de
— 222 —
loi suisse sur l'industrie, donna lieu à plusieurs travaux préparatoires, notamment en
ce qui concerne les tribunaux d'arbitres et le conseil des prud'hommes.
Du reste, le secrétaire ouvrier ayant pour mission de protéger les intérêts du pro-
'élarial sur tout le domaine de l'économie sociale, eut grand'peine à suffire à ta
lâche : il dut foui'nir des lenseignemenls écrits ou oraux aux ouvriers, aux entre-
preneurs et aux autorités, intervenir dans les atteintes portées à la loi sur les fa-
briques et dans les démêlés du travail, représenter des ouvriers ou des groupes
d'ouvriers dans des questions de droit ou d'économie politique, élaborer des rap-
ports et faire des conférences sur des sujets relatifs à ces questions. Dans ces condi-
tions il lui fut difficile d'exécuter le programme du comité. Aussi ce dernier décida-
l-il, le 10 février 1889, que le programme ne contiendrait à l'avenir que des tra-
vaux qui pourraient être réellement exécutés dans le temps prévu, que le secrétaire
ouvrier lui-même en tracerait le plan et qu'il serait déchargé à l'avenir de consulta-
tions statistiques et de tous autres travaux ne se rapportant pas directement au pro-
gramme adopté. A l'avenir, le comité se chargeait de la correspondance et des
consultations orales. C'est là une bonne mesure, une évolution utile qui ne pourra
qu'activer la marche des travaux.
Le secrétaire ouvrier rendit encore des services importants au déparlement dont
il relève ; il apporta son concours à la commission nommée pour le recensement
des accidents; il invita 1,7UU associations ouvrières à collaborer à ce recensement
el développa la méthode et le but de cette opération. 11 pioposa, d'autre part, de
composer une nomenclature de toutes les industries pouvant servir de base aux
statistiques des professions el du travail ; mais, malheureusement, on ne donna pas
suite à son projet.
D'après ce lapide exposé, on voit que le secrétariat ouvrier suisse est une insti-
tution établie par les ouvriers et dirigée par eux, n'ayant reçu du Gouvernement
que les moyens de subsister et n'étant tenu que de lui fournir des renseignements.
Une pareille organisation ne pouvait à vrai dires'installer quesur le sol de la Suisse.
Elle répond aux mœurs du pays, elle a le grand avantage d'intéresser les ouvriers
à sa propre existence, de leur offrir un bureau de confiance où ils peuvent faire
des déclarations véridiques sans craindre les indiscrétions, où ils peuvent apporter
des renseignements que les organes officiels sont incapables de fournir et qui sont
indispensables pour la législation sociale.
Mais, d'autre part, cette institution présente de graves lacunes; sa dotation et son
autorité sont insuffisantes. Sans doute, jusqu'à présent, les autorités, les corpora-
tions et les individus, les entrepreneurs et les ouvriers se sont mis à sa disposition
et u^t pas marchandé leur concours, mais il ne faut pas oublier que ce concours
est absolument hbre et volontaire. Qu'adviendrait-il s'il venait à manquer au milieu
d'une enquête sociale importante qui réveillerait les hostilités de castes? Le secré-
tariat ouvrier doit conserver à la fois la confiance des ouvriers et celle des patrons,
des autorités et du département auquel il doit l'approbation de son budget annuel.
Il semble que ce soit là un problème bien difficile à résoudre. Nous sommes donc
autorisé à dire qu'une statistique ouvrière du travail, complète et régulière, ne sera
assurée, en Suisse, que le jour où le bureau du travail sera converti par l'Etal en un
bureau richement doté, muni de tous pouvoirs et indépendant.
Armand Liège ard.
- 2-23 —
VII.
VARIÉTÉ.
\
L'Impôt sur les caries à jouer.
Nous n'avons pas la prélenlion de remonter jusqu'à leur invention. Comme la
plupart des jeux de hasard, les cartes onl Iraversé les âges sans iju'on puisse re-
connaître nellenienl leur ori}>ine. Nous les prendrons au rnuinent où, venant 1res
probablement d'Ilalie, elles firent leur apparition en France.
On admet généialemc ni qu'elles ont éié importées sous le l'ègne de Charles VI,
pour distraire ce prince dans les intervalles lucides que lui laissait l'état de démence
dont il avait été frappé en 1392.
L'usage s'en répandit assez vile, ainsi qu'en témoigne une ordonnance du prévôt
de Paris, en date du 22 janvier 1397, faisant défense « aux gens de mélierde jouer,
les jours ouvrables, à la paume, à la boule, aux dez, aux caries el aux quilles ».
Elles furent, pour la première fois, soumises à une taxe fiscale par un édit de
Henri 111, en date du 22 mai 1583.
Le but du nouvel impôt, qui était autant de proléger la morale publi(|ue (|ne de
procurer des ressources à l'Etat, double caractère qu'il a, du reste, conservé de-
puis, y est parfaitement défini:
« Comme chacun, y est-il dit, voit par expérience que les jeux de cartes, tarots
el dez, au lieu de servir de plaisir et de récréation, selon l'inlenlion de ceux qui les
ont inventés, ne servent à présent que de dommage notoiie et scandale public,
estans jeux de bazard, subjets à toutes sortes de piperies, bauds el déceptions,
apporlans grandes despenses, querelles el blasphèmes, meuilres, desbauches, ruy-
nes el perditions de famille el de ceux qui en font profession ordinaire : mesme de
la jeunesse qui y consomme tous ses moyens el biens, de la perle desquels s'ensuit
une mauvaise et scandaleuse vie, ce qui procède de ce qu'aucuns tiennent banque
et maison ouverte à tels jeux, pour tirer commodités des dictes piperies à tous jours
el heures, singulièrement es fêtes et dimanches à quoy, comme en toutes cho-
ses concernant la réformation dos mœurs de nos subjecls et laire ce.<ser telles voyes
nous eussions bien désiré pouvoir; mais les choses ayant prins tel train et acurois-
sement, il est très difficile, ou plustôt impossible de ce faire. A l'occasion de quoy,
attendant que nous puissions effectuer ceste noslre bonne intention, avons estimé
n'eslre moins raisonnable et nécessaire de tirer quehiue commodité desdites car-
tes. »
« Et pour ce » , le Roi élabh'ssait un droit d'un sol parisis pour chaque paire
de cartes, créait un moule olTiciel et piescrivait, pour empaqueter les jeux, la fabri-
cation de « couvertures » que les cartiers devaient payer.
La quotité du droit el les formes de la perception subirent, pendant l'ancien ré-
gime, de nombreuses vicissitudes, elles principales mesures prises alors pour assu-
rer la perception de l'impôt ont servi de base à la législation actuelle sur la matière.
11 suffit de citer la déclaration du 14 janvier 1605, qui hmila la tabrication des
cartes à un certain nombre de villes déterminées, l'arrêt du Conseil, en date du
30 juin 1007, qui ordonna que les enveloppes des jeux seraient fournies par la Ré-
giej enfin l'arrêt du 9 novembre 1751 qui défendit aux cartiers d'employer d'autre
papier (pie celui à la marque de la Régie.
Aboli par décret du 2 mars 1791, le droit sur les caries fut rétabh par la loi du
9 vendémiaire an VI, et l'article 80 de la loi du 5 ventôse an XII en plaça la per-
ceplion dans les allribulions du service des contributions indirectes.
{Bullelin des Finances.)
— ±24
OUVRAGES PRÉSENTÉS (JUI.N 1890)
OuvuAGES SIGNÉS : La Législation des mines en France et en Belgique (Revue aiinuello,
T iiiinée), par M. Kiiiile Delacroix.
La Statistique, sa théorie et ses applications, par E. Ferraris. Rome, 189(1.
DocuME.NTS OFFICIELS, /ioulcs nationales ; Uecenseinent de la circulation en 1888, publié
par le ministère des travaux publics. Paris, linp. Nat. 18'J0.
Statistique de l'émigration italienne à l'étranger (i88'J-i8yO). Rome, 1890.
Annuaire statistique de la Suède (1890). N"" 1 et 3.
Le Commerce de la Russie sur les frontières d'Europe, 1889. Saiul-l'élersbouri;,
1890.
Stalislical abstract des Étals-Unis pour l'année 1889.
Journal de Statistique suisse (2° et 3" numéros, 1890).
Bulletin de statistique de la ville de Buenos-Ayrcs, 1890.
Bévue douanière d'Italie.
Revues et joubnaux. France. Revue maritime et coloniale. — Annales de la Souiété
pbilolechnique. — L'Avenir économique. — La Réforme sociale. — iiulletin de
la Société d'agriculture. — Tablettes statistiques. — Bulletin du Syndicat des
viticulteurs. — Bulletin de la Société de géographie de Paris. — Bulletin de
l'Association pplytechnique. — Revue géographique internationale. — Le Travail
national. — Le Rentier. — La Petite Gazette internationale (i"' numéro). — Bul-
letin de la Société d'économie politique (année 1890).
Belgique. — Le Moniteur des intérêts matériels.
Finlande. — Bulletin de la Société de géographie. N"' 2 et 3. 1890.
Grèce. — L'Œkonomos d'xVthènes.
Italie. — L'Econoniisla de Florence.
Mexique. — Revue (inancièrc et statistique de Me.xico.
Documents divers mensuels et trimestriels de divers pays.
Nota. — La Bibliothèque de la Société de statisti(iue de Paris est ouverte tous les jours
non fériés, de midi à 4 heures. (Ministère du Commerce, 80, rue de Varennes.)
Le Gérant, 0. Berger-Leviîault.
JOURNAL
DE LA
r ^
SOCIETE DE STATISTIQUE DE PARIS
N» 8. — AOUT 1890.
1.-
ÉTUDE STATISTIQUE SUR LES SALAIRES DES TRAVAILLEURS
ET LE REVENU DE LA FRANCE.
Les revendications ouvrières, soulevées avec tant d'insistance en ces derniers
temps, aussi bien par les agitateuis souverains que par les agitateurs populaires,
et accueillies avec une certaine complaisance par cotte partie du public que ne
trouble pas la crainte des répercussions économiques, qui se croit désintéressée
dans la question, et qui assiste au drame social avec une sorte de curiosité sympa-
thique,— ces revendications, dis-je, donnent une importance capitale aux données
positives que l'on peut recueillir sur la répartition du revenu national.
Malheureusement, il faut avouer que ces données sont encore assez impar-
faites. On ne connaît exactement, ni le montant du revenu collectif, ni les pro-
portions suivant lesquelles il se divise entre les différentes catégories d'ayants droit.
En pareille matière, il est néanmoins si dangereux de raisonner en l'air, sans
s'appuyer sur des chiffres, qu'une première approximation du problème m'a semblé
déjà fort utile. Je l'ai tentée pour mon usage personnel et je m'enhardis à vous la
soumettre, en n'ayant d'autre ambition que de provoquer, s'il est possible, un tra-
vail plus scientifique et plus satisfaisant.
Ce travail aurait deux points à élucider : Quel est le revenu national ? Quels sont
ceux qui se le partagent?
§ 1. — LE REVENU NATIONAL.
Sur le premier point, en attendant que la Société de statistique entreprenne une
évaluation nouvelle que j'appelle de tous mes vœux, je crois qu'on ne peut mieux
faire que de s'en tenir à l'estimation que propose M. de Foville, dans sa France
économique : !20 à 25 milliards de francs , soit probablement une moyenne de
22 milliards et demi avec un écart possible d'environ 10 p. 100 en plus ou en moins.
l"- 8ICRIB. ai-^ vol.. — N" 8. 15
— 220 —
Je ne saurais id démontrer complètement le bien-fondé de l'eslimalion de M. de
Foville, je crois cependant qu'on peut en justifier la vraisemblance par quelques
courtes observations.
Nous possédons un chifl're précieux qui peut nous servir de base dans l'évalua-
tion du revenu national : c'est celui de la production agricole, si magistralement
établi par-M. Tisserand dans son Inlrodiiclion à l'enquête agricole de 1882.
Je crois devoir en reproduire ici le résume :
Produit brut de l'exploitation du sol (en millions de francs).
/" Production végétale ;
Céréales, grains
— paille
Pommes de terre
drains alimentaires autres que les céréales .
Fourrages annuels et prairies artificielles . .
F'roiluil des prairies naturelles et pSUires . .
Cultures industrielles
Vignes
Jardins maraîchers, etc. . . . *
Oliviers, noyers, cultures arborescentes. . .
Bois et forêts
2° Production animale :
Chevaux, mulets, ânes (animaux vendus)
Animaux de boucherie
Lait
Laine
Volailles, lapins, etc '. . . .
Œufs
Cocons de vers h soie
Miel et cire
Travail des animaux de trait
Fumier
Total général de la production brute
4,081
1,294
648
148
1,365
1,036
358
1,137
902
199
334
80
1,634
4,157
77
188
131
41
20
3,017
838
11,502
I
1 7,183
A déduire :
1° Les semences 536
2° Le fumier 838
3° Les pailles, fourrages et grains consommés
par les animaux 3,850
18,685
5,224
Reste, d'après M. Tisserand, comme produit brut réel en 1882. 13,461
Mais il faut encore en retrancher la valeur du travail des ani-
maux de trait employés aux opérations de la culture, ci . . . 3,017
Reste en dernier lieu . .
10,444
Ce chiffre comprend les salaires agricoles, les loyers de la terre, les frais géné-
raux et les profils des cultivateurs.
Tî)us ces revenus forment en bloc le revenu de la population agricole. Il faut
pourlant dislinguer parmi les frais généraux ce qui revient aux divers fournisseurs
— 227 —
qui ne soiil pas des agriculteurs et qui oppailiennenl à un autre groupe de popu-
lation (fabricants de matériel, inaréciiaux ferrants, bourreliers, charrons, vétéri-
naires, etc.). Nous réduirons ainsi le {pial des revenus agricoles à la somme ronde
de 10 milliards de francs pour l'année 1882.
Ce produit brut fait vivre une population que le recensement professionnel
de 1886 évalue à 17,698,402 personnes des deux sexes et de tout âge. Or, dans
une nation aussi lioniogène que la nation française, où l'égalité dans les conditions
s'observe plus que partout ailleurs, avec les facilités de communication et de dépla-
cement qui permettent aux ouvriers des champs de se transporter aisément dans
les villes et de s'y consacrer aux travaux industriels quand ceux-ci sont réellement
plus rémunérateurs, on peut admettre que la production brute dans les différents
groupes de l'activité nationale doit être sensiblement proportionnelle à l'importance
de la population de chaque groupe. On aurait ainsi la relation suivante :
IMPORTANCE
de la PRODUCTION,
population.
Population agricole . . . . 17,698,402 10,000 millions
Population non agricole . . 10,272,279 10,889 —
Total. . . 30,970,681 20,889 millions
Mais ce n'est là qu'une première approximation, car on se heurte de suite à une
objection dont il faut tenir compte. La productivité dans les villes est plus forte que
dans les campagnes, soit à cause des capitaux plus nombreux, des moyens méca-
niques plus puissants que l'on met en œuvre, soit à cause de l'activité et de l'habileté
plus grandes que l'on y déploie. Dans tous les cas, la production par tète d'ouvrier a
plus de valeur dans les villes que dans les campagnes, et, en fail, les salaires et reve-
nus y sont plus élevés, non pas seulement nominalement mais effectivement; les
ouvriers, tout en faisant peut-être moins d'économies, consomment davantage et
obtiennent plus de satisfactions matérielles (je laisse absolument de côté en ce mo-
ment toute espèce de considération morale).
Il faut donc établir des coefTicients de productivité différents pour les populations
rurales et les populations urbaines. En vue de les déterminer, il me semble qu'on
peut raisonnablement s'appuyer sur les taux moyens des salaires, et à cet égard je
propose les trois coefTicients suivants :
SALAIRES MOVBNS
de de >'''"' <:»"]''«
de
COEFFICIENT
de
l'homme. la femme. iravailleur-s. prodiictivilé.
Campagnes 2,06 1,63 4,29 1 »
Chefs-lieux de départem" . 3,50 1,80 5,30 1,24
Paris 5,65 2,75 8,40 1,96
Il s'agit maintenant d'appliquer ces coefficients aux différents groupes de popu-
lation, et c'est ce que nous permet de faire le Dénombrement, puisqu'il distin-
gue la population urbaine de la population rurale.
On sait (jue la population rurale se compose de toutes les communes dont la po-
pulation agglomérée est inférieure à 2,000 habitants. Nous appliquerons le coeffi-
cient 1 à cette population rurale dans larjiielle nous comprendrons sans nous écarter
— 228 —
sensiblement de la vérité, toute la population agricole et un certain nombre d'arti-
sans, de commerçants, de transporteurs et autres producteurs, dont les salaires et
profils sont évidemment en rapport avec ceuît des paysans qui les environnent. Nous
appliquerons le coefficient 1,24 à toute la population urbaine, sauf à la population
de Paris qui bénéficiera du coefficient le plus élevé, 1,9G.
Ce travail nous donne les résultats suivants :
Calcul théorique de la production.
OBOnra» IMPORTANCE COEFFICIENT PRODUCTION
en de
de popuUUon. oliiffres ronds. prodnctivilé. («" ■m'»»"»)-
Population agricole 17,100,000 1 10,000
Population industrielle, commerciale et autre :
— rurale 6,000,000 1 3,400
— urbaine départementale 11,000,000 1,24 7,700
— parisienne 2,300,000 1,96 2,500
Ensemble 37,000,000(1) 23,600
Nous arrivons ainsi, pour la production annuelle ou le revenu delà France, à une
évaluation de 23 milliards et demi qui rentre tout à fait dans les chiffres proposés
par M. A. de Foville. Ce chiffre de 23 milliards et demi paraît même un peu trop
ibrl comme moyenne, parce que nous avons pris pour base la production agricole
de 1882 qui a été supérieure à la production d'une année ordinaire. En réduisant
cette donnée de 1/20° seulement, le calcul théorique ci-dessus ne nous fournirait
plus qu'une production totale de 22 milliards et demi environ.
Quoi qu'il en soit, nous pouvons être rassurés sur cette première partie du pro-
blème. Nous possédons avec une approximation suffisante, eu égard au degré de
précision des autres renseignements, l'évaluation du revenu 'de la France.
Nous passons maintenant à la seconde partie du problème.
§ 2. — LES COPARTAGEANTS DU REVENU NATIONAL: SALARIÉS.
Quels sont les copartageants du revenu national?
Sur ce point, le principal document auquel on puisse avoir recours est le Dénom-
brement de 1886, dont les données ont été si habilement mises en lumière par
.MM. Vannacque et Turquan.
D'après la classification de la population par professions et par conditions sociales,
on compterait, sans distinction de sexe :
8,109,103 patrons ou chefs d'exploitation;
964,032 employés et commis ;
6,774,590 ouvriers, journaliers, hommes de peine, manœuvres, etc.;
1,950,208 domestiques attachés à la personne;
I
17,797,933 patrons et travailleurs, au total.
Il) J"ai été obligé de n'employer ici que des chilTres ronds parce que, dans le dénombrement, la
distinction de la population urbaine et rurale a été établie sur la population de fait (38,218,902), tandis
que le dénombrement professionnel n'a pu porter que sur 30,970,081 individus.
— 229 —
En analysant ces chiffres j'ai été amené à les modifier de la manière suivante:
L'Enquête agricole de 1882, qui est un document si sérieux, compte 3,434,938 do-
mestiques de ferme et journaliers agricoles au lieu des 2,771,966 travailleurs agri-
coles que l'évèle le dénombrement de 1886. C'est une différence en moins, dans le
dénombrement, de 602,972 individus, qui ne peut s'expliquer par une réduction
survenue en quati'e ans, de 1882 à 1886, dans le personnel agricole: nous savons,
au contraire, que, durant ces années de crise, il y a eu un certain reflux des travail-
leurs, inoccupés dans les villes, qui sont retournés aux campagnes. L'explication de
la différence se trouve dans ce fait que 727,374 journaliers agricoles sont en même
temps propriétaires d'une parcelle de terre. La plupart se sont déclarés comme
propriétaires au dénombrement, tandis que l'Enquête agricole les inscrivait comme
journaliers. J'ai suivi sur ce point l'Enquête agricole qui a le mérite de fournir des
évaluations très précises sur les salaires.
D'autre part, il m'a semblé utile de séparer du groupe des ouvriers proprement
dits, les 67,761 garçons de bureau et assimilables que le dénombrement attribue
aux administrations publiques et aux professions libérales, ainsi que les 100,283
concierges et gagistes que le dénombrement attribue aux propriétaires non exploi-
tants et aux rentiers ou pensionnaires.
Voici, dans un tableau un peu plus détaillé que le précédent, le résultat de ces
rectifications :
Relevé des patrons et travailleurs.
Patrons ou chefs d'exploitation et assimilés.
NOMBRE.
Agriculture (1) . . . 3,383,192
Industrie, commerce, transports .... 2,009,914
Propriétaires non exploitants, rentiers, [. 7 446 131
force publique, administrations publi-
ques, professions libérales 2,053,025
Employés et gagistes.
Employés et commis de toutes professions. 964,032 \
Garçons de bureau et assimilables. . . . 67,761 | 1,132,076
Concierges, gagistes 100,283 )
Ouvriers et journaliers.
Agriculture (1) 3,434,938 1
Industrie 3,056,161 7,269,518
Commerce et transports 778,419 )
Domestiques attachés à la personne 1 ,950,208
Total 17,797,933
(1) Justification des chiffres relatifs à l'agriculture :
M6mps cliiffres après iransfoi-l
ENQUÊTE AGRICOLE DE 1882. DÉNOMBREMENT DE 1886. de 662,972 individus
des patrons aux ouvriers.
Chefs d'exploitation . . . 3,460,600 4,046,164 3,383,192
Ouvriers, journaliers . . 3,434,938 2,771,966 3,434,938
6,895,538 6,818,130 6,818,130
Régisseurs, commis . . . 17,9GG »
Employés » 97,835 (compris dans Ifs emplojés el gagistes)
Totaux . 6,913,504 6,915,965
— 230 —
En laissant de côlé provisoirement le groupe des patrons ou ciiefs d'exploitation,
nous voyons que les antres travailleurs se décomposent assez nalurcUenienl en sept
groupes inégaux, sur deux desquels — les ouvriers de l'agriculture et les ouvriers
de l'industrie — on possède des renseignements plus ou moins complets, à puiser
dans l'Enquête agricole de 1882, dans la Statistique annuelle des mines et dans la
Statistique annuelle de la France.
Pour toules les autres catégories de travailleurs, c'est par assimilation ou par
estimation individuelle que nous devrons évaluer les salaires, gages et traitements.
Il y a donc de grandes possibilités d'erreur ; cependant il importe de remarquer
que les deux dénombrements de Paris et de la France permettent de subdiviser
chacun des divers groupes de travailleurs en quatre catégories : travailleurs-hommes
et travailleurs- femmes à Paris, travailleurs-hommes et travailleurs-femmes dans
les départements. Nous arrivons ainsi à multiplier les catégories de travailleurs
auxquelles nous pouvons appliquer des renseignements distincts; et, comme les
plus grandes différences que l'on observe entre les salaires sont celles qui existent
entre les salaires des hommes et des femmes, entre les salaires de Paris et de la
province, bien plus qu'entre les salaires des diverses professions, nous pouvons
nous flatter par ce procédé analytique d'arriver à une approximation acceptable.
Voici le tableau de ces différentes catégories de travailleurs avec les rémunéra-
tions annuelles moyennes prises pour types dans chaque catégorie.
Évaluation des salaires annuels (en 1886) par catégories de travailleurs.
PAR
Individui.
IB.
Salaires.
DI^PARTEMENTS.
Individus.
Salaires.
Fr.
—
Fr.
Ouvriers agricoles
(en 1882).
hommes,
femmes.
2,646
282
i
1,960,266 j
1,471,744 i
578
Ouvriers industriels:
Industrie exlractive. . .
hommes,
femmes .
969
45
»
192,511
27,037
975
Métallurgie
1 hommes.
1 femmes.
3,823 j
190 (
1,670
88,838
11,867
j 1,049
.\ulres industries. . . .
1 iiommes.
( femmes.
262,266
232,203
1,710
838
1,434,612
801,800
1,042
532
Ouvriers du commerce et
1 hommes.
94,133
1,710
407,958
1,042
des transports . . . .
1 femmes.
66,949
838
209,379
532
Employés et commis . .
l hommes.
1 femmes.
168,988
59,162
1,500
1,000
541,680
194,202
900
600
Garçons de bureau et as-
j hommes.
■ 6,021
1,200
45,527
720
similables
( femmes.
2,055
800
14,158
480
Concierges et gagistes. .
j hommes.
( femmes.
11,018
22,985
720
480
31,471
34,809
360
• 240
Domestiques
l hommes.
1 femmes.
30,652
101,778
1,500
1,000
652,490
1,165,288
900
600
Totaux
( hommes.
( femmes.
580,516
485,649
5,355,353
3,930,284
9,285,637
1,060,165
1
10,35i,802
— ^231 —
Voici niainleiiaiit sur quelles bases les salaires onl élé évalués.
Salaires agricoles. — En ce qui concerne les salaires agricoles, j'ai suivi les
indications de l'Enquête agricole de 1882 qui sont très précises (voir Introduction,
p. 382 et 383). J'ai cru néanmoins devoir ajouter aux gages des domestiques de
ferme la valeur de la nourriture et du couchage (400 fr. par honmie, 290 fr. par
femme ou pe)il domestique). On obtient alors les résultais suivants (1).
PERSONNBl,.
NOUBR£.
130,022
541,050
197,043
8,086
292,238
253,786
540,687
OAOES.
465 + 400
324 + 400
290 + 400
431 + 400
295 + 400
140 + 290
666
MONTAST TOTAL
des salaires.
112,469,000
391,720,000
135,960,000
6,719,000
203,105,000
109,128,000
360,098,000
1,962,912
672
1,319,199,000
532,026
940,000
235 + 290
411
279,314,000
386,340,000
1,472,026
452
665,654,000
3,434,938
578
1,984,853,000
Maîtres-vfllets
Charretiers
Bouviers et bergers ....
Fromagers
Domestiques divers ....
Petits domestiques mâles . .
Journaliers
Hommes ....
Servantes de ferme ....
Journalières
Femmes ....
Travailleurs agricoles. . .
L'Enquête agricole ne donne qu'un nombre total de 1,480,687 journaliers, en
bloc, sans distinction d'hommes et de femmes. Pour en opérer la division, j'ai
utilisé l'indication du dénombrement de 1886 qui donne, parmi les journaliers
agricoles, 1,613,697 hommes et 1,158,269 femmes, soit environ 4/7" d'hommes et
3/7" de femmes. Cette dernière proportion appliquée aux 3,434,938 travailleurs
agricoles figurant dans l'Enquête produit 1,472,000 femmes parmi lesquelles nous
connaissons déjà 532,000 servantes; restent 940,000 journalières. J'ai calculé le
salaire des journaliers à raison de 250 jours de travail, 125 jours en élé à 3 fr. 11 c.
et 1 fr. 87 c. (sans nourriture), et 125 jours en hiver à 2 fr. 22 c. et 1 fr. 42 c.
Salaires de l'industrie minérale. — L'industrie minérale comprend l'industrie
extractive (combustibles minéraux, minerais de fer et autres minerais, salines et
carrières) et l'industrie métallurgique (fontes, fers, aciers, métaux). La Statistique
des mines donne chaque année la production et le montant des salaires du plus
grand nombre des exploitations de l'industrie extractive. Elle donne aussi la
production métallurgique, mais non le chiffre des salaires.
Pour 1886, l'exploitation de 456 mines et de 5,063 minières et marais salants a
occupé 121,196 ouvriers qui onl reçu un salaire total de 118,170,098 fr., soit une
moyenne de 975 fr. sans distinction d'âge ni de sexe.
(I) Les chiffres de TEnquéte agricole m'apparaissent plutôt comme un minimum qu'une moyenne.
Partout où je me suis renseigné personnellement, j'ai trouvé des gages plus élevés.
— 232 —
Mais il y a lieu d'observer que celle moyenne résulle d'élcmenls très disparates :
102,354 ouvriers des charbonnages à 1,049 fr.
10,308 — des mines et minières îi 822
8,534 — des salines et marais salants à . . . 273
La faiblesse de ces derniers chiffres tient à ce que le travail des minières et des
marais salants est très irrégulier et comporte un certain nombre d'avantages acces-
soires qui ne sont pas évalués.
Je me suis donc borné à appliquer la moyenne de 975 fr. à l'industrie extractive
en bloc ; mais pour l'industrie métallurgique, au sujet de laquelle la Statistique des
mines ne donne pas de renseignements quant aux salaires, et en considérant que
c'est toujours une grande industrie fort régulière, j'ai cru devoir prendre la moyenne
des charbonnages, l,0-4t) fr., en la majorant de 60 p. 100 pour les ouvriers de Paris,
soit environ 1 ,070 fr.
Ces chiffres sont plutôt faibles, car le salaire moyen des charbonnages est infé-
rieur à celui des autres industries dans les départements. Gela tient aux avantages
divers qui sont accordés en général par les compagnies houillères à leurs ouvriers :
secours en argent et en nature, soins médicaux, allocation de combustible gratuite-
ment ou à prix réduit, logement à bon marché dans des cités ouvrières, etc.
Salaires industriels. — J'ai d'abord tenté d'attribuer une moyenne particulière
de salaires à chaque groupe de professions : industrie textile, industrie extractive,
industrie métallurgique, etc. (il y en a dix-neuf qui ressortissent à l'industrie pri-
vée) ; mais en contrôlant ce premier travail, je me suis aperçu qu'on arrive sensi-
blement au même résultat en attribuant à tout l'ensemble des ouvriers industriels,
les moyennes générales suivantes fournies par la Statistique annuelle de la France :
Parii ou département de la Seine.
UOYENNES
1° Hommes: arithmétiques.
Petite industrie (49 métiers), salaire journalier ordinaire d'un ouvrier \
non nourri, 5 fr. 84 à multiplier par 300 jours de travail (hypothèse). 1,752 I
Grande industris (23 industries), salaire journalier ordinaire d'un ouvrier l '
de plus de 21 ans, non nourri, 5 fr. 45 à multiplier par 306 jours (donnée). 1,167 / ,
2" Femmes :
Petite industrie (10 métiers), salaire de la femme : 2,90 X 300 , . . . 870
Grande industrie (22 industries), salaire de la femme: 2,63 '/s X 306 . 806
Chefs-lieux des départements.
1° Hommes :
Petite industrie (51 métiers), salaire moyen ordinaire: 3,46 X 300 . . 1,038 1
Grande industrie (30 industries), salaire moyen des hommes de 21 ans : | 1,042
3,57x293 1,046 )
2° Femmes :
Petite industrie (11 métiers), salaire moyen ordinaire: 1,82 X 300 . . 546 ) _.,g
Grande industrie (30 industries), salaire moyen ordinaire: 1,77 x 393. 518 j
Ces chiffres sont afférents à l'année 1886, année du dénombrement de la popu-
838
— 233 —
lation, durant laquelle les salaires de la grande industrie paraissent avoir été assez
dépriuiés ainsi qu'on peut en juger par la série comparative suivante;
GRANDE INDUSTRIE (Salaire quotidien) OnARBONNAGES.
ANNÊBS. A PARIS. DÉPARTEMENTS. _ , .
^ ^, ^ ^^ Salaire moyen
Hommes. Femmes. Hommes. Femmes. annuel.
1881 ' 5,27 2,67 3,54 1,76 »
1882 5,27 2,67 3,51 1,78 1,099
1883 5,33 2,68 3,55 1,80 1,125
1884. .... 5,33 2,58 3,56 1,79 1,073
1885 5,45 2,66 3,58 1,77 1,042
1886 5,01 2,63 3,56 1,79 1,049
1887 5,02 2,65 3,57 1,78 1,067
PETITE INDUSTRIE (l).
1881 5,66 2,95 3,37 1,77
1882 -5,94 -3,07 3,42 1,79
1883 5,84 2,90 3,43 1,80
1884 Id. Id. 3,48 1,82
1885 Id. Id. 3,45 1,80
1886 Id. Id. 3,46 1,82
1887 Id. Id. 3,47 1,83
Pour établir les salaires annuels des ouvriers industriels, j'ai simplement pris
la moyenne arithmétique des deux chiffres généraux de la petite industrie et de la
grande. Les données sur lesquelles on opère ne sont pas assez sûres pour mériter
un calcul plus précis. D'ailleurs on ne peut pas douter que la petite industrie ne
soit, comme importance de main-d'œuvre, au moins égale à la grande. Le dénom-
brement de 1 881 lui attribuait deux fois plus de travailleurs qu'à la grande industrie.
Comme les salaires de la petite industrie sont généralement plus élevés que ceux
de la grande, une moyenne simplement arithmétique de ces deux grands groupes
doit donner un résultat plutôt inférieur à la réalité. Il y a là une atténuation qui
compense dans une certaine mesure l'infériorité des salaires des ouvriers apparte-
nant à la population rurale et dont il n'a pu être tenu compte.
Salaires du commerce et des transpoi'ls. — Faute dî données particulières, j'ai
appliqué les mêmes moyennes que pour l'industrie.
Employés el commis, {/arçons de bureau. — La Statistique annuelle du Com-
merce se borne aux évaluations suivantes :
Salaires ordinaires.
A PARIS- AUTREaTvILLES.
Commis, employés de magasin. . . . 1,200 918
Dames de comptoir 800 639
Demoiselles de boutique 480 485
Il n'est pas spécifié si ces employés sont nourris ou logés.
(1) La presque continuelle répétition des mêmes chiffres ne donne pas une haute idée de la manière
dont cette statistique est recueillie par les préfets, surtout k Paris.
k
— 234 —
11 m'a paru, en loul cas, que ces chiffres, qui ne s'appliquent qu'aux employés
de commerce, étaient inférieurs à la moyenne; j'y ai substitué les suivants:
A PARIS. DÉPARTBUBNTS.
Employés (hommes) 1,500 900
Employées (femmes) 1,000 600
Pour les garçons de bureau et assimilables, j'ai réduit ces taux d'un cinquième.
Domestiques ; concierges. — Pour les domestiques, les renseignements font
également défaut ; j'ai cru pouvoir adopter l'évaluation suivante en tenant compte
de la nourriture el du logement :
f- 1 Logement
f i Nourriture
"= ' DIanchissage, divers .
PARIS.
Hommes. Femmes.
600- 360
120 120
720 460
60 60
DEPARTEMENTS.
Hommes. Femmes.
300 216
» »
540 360
60 24
îferees, gages et logements.
1,500
720
1,000
480
900 600
360 240
Voici maintenant les résultats de l'application de ces différents types de salaires
aux catégories de travailleurs que nous avons ci-dessus établies.
Salaires, gages et traitements (en millions de francs).
DEPARTEMENTS. TOTAL.
Salaires agricoles ....
Salaires industriels.
Industrie extractive . .
Industrie métallurgique
Autres industries. . .
Salaires du commero» et
des transports . ...
Employés et commis . .
Garçons de bnreau et as-
similables
Concierges et gagistes . .
Domestiques
Totaux
t
1,984,8
1,984,8
ï
215,0
hommes.
6,7 .
448,5
105,6
1,494,9
2,891,9
femmes .
194,6
426,6
hommes.
161,0
425,1
753,6
femmes .
56,1
111,4
l hommes.
253,5
487,5 )
916,7
( femmes .
59,2
116,5 i
i hommes.
7,2
32,8
1 femmes .
1,6
6,8
87,0
hommes.
7,9
11,3
femmes.
11,0
8,4
hommes.
46,0
587,2
1,434,2
femmes .
101,8
699,2
6,713,1
X
1,355,1
8,068,2
— 235 —
§ 3. — LES COPARTAGEANTS DU REVENU NATIONAL: BÉNÉFICIAIRES DE PROFITS.
8 milljarfls de salaires, traitements et gages: telle serait donc la part des travail-
leurs dans le revenu de la France évalué à 20 ou 25 milliards. Mais s'ensuit-il que
la diiïérence, 12 à 17 milliards, doive être allribuée aux propriélaires et aux capi-
talistes? Oui et non. Il y a une dislinclion importante qu'il convient ici d'introduire.
Un grand nombre de petits propriétaires agricoles exploitant eux-mêmes leurs
terres, un grand nombre de petits industriels et d'artisans, de petits commerçants,
de petits transporteurs, voire de petits fonctionnaires et de petits rentiers, sont
dans une condition voisine de celle des travailleurs, et même dans une situation plus
précaire, parce que, ne gagnant pas ordinairement plus qu'eux, ils subissent quel-
quefois des risques plus grands et souffrent de variations très sensibles dans leurs
modestes revenus.
Il importe donc de déterminer autant que possible la proportion de ces petits
patrons et assimilés qui sont, pour ainsi dire, sur les confins du capital et du travail,
et qui doivent leur subsistance encore plus à leur travail qu'à leur capital. Celte
proportion étant reconnue avec une approximation suffisante, on aura dégagé le
groupe des propriétaires, industriels, commerçants et capitalistes qui jouissent de
quelque aisance et qui sont en état de supporter dans une certaine mesure des fluc-
tuations de revenu.
Rappelons d'abord ici les trois groupes de patrons ou de capitalistes assimilés à
des patrons que nous avons établis en commençant :
l'Agriculture 3,383,192
2° Industrie, commerce et transports 2,009,914
3° Propriétaires non exploitants, rentiers, force publique,
administrations publiques et professions libérales. . 2,053,025
Ensemble 7,446,131"
Dans le l" groupe des patrons (agriculture), l'Enquête agricole de 1882, en nous
faisant connaître la répartition de la propriété foncière, nous donne en quelque
sorte les bases de la distribution des fortunes rurales.
Nous y voyons que sur 5,672,007 exploitations rurales dont l'existence a été
relevée, 2,167,667 sont de moins d'un hectare (un arpent en moyenne), et que
1,865,878 se tiennent entre 1 et 5 hectares (six arpents en moyenne).
Cette proportion de 4,033,545 très petites exploitations sur 5,672,007 (71 p. 100)
est néanmoins exagérée. Il faut tenir compte du morcellement fictif des exploita-
tions qui se trouvent à cheval sur deux ou plusieurs communes, des terres détachées
mais non exploitées séparément, enfin des parcelles appartenant à des journaliers,
métayers ou fermiers. Ces rectifications étant faites, on retombe sur le chiffre de
3,383,000 exploitants réels que je viens de rappeler, et l'on ne peut pas évaluer à
moins de moitié de ce nombre, soit à 1,700,000 individus (chiffre qui est certaine-
ment au-dessous de la vérité), la classe des exploitants agricoles dans une situation
très voisine de celle des ouvriers.
En évaluant leur revenu moyen à 1,000 fr., on arrive pour ce groupe à un revenu
collectif de 1,700 millions.
— 236 —
Dans le 2" groupe des palrons (indiislriels, commerçants, transporteurs), pres(|ue
tous patentables, on peut s'appuyer sur la statistique des patentes en 1885, dont le
Bulletin du ministère des finances (livraisons d'octobre 1887) nous a donné les ré-
sultats généraux.
A cette époque, sur 1,658,882 établissements individuels ou collectifs assujettis
à la patente, dont le loyer présentait une moyenne de 726 fr., il a été constaté que :
501,226 n'avaient qu'un loyer moyen de 395 fr. ;
226,722 qu'un loyer moyen de 275 fr. ;
77,458 qu'un loyer moyen de 126 fr.
805,406 établissements étaient donc dans une situation des plus modestes.
On peut en inférer que la moitié environ des industriels, commerçants et trans-
porteurs (un million d'individus) sont des artisans dans une condition très voisine
de celle des ouvriers.
En leur attribuant des revenus approchant des salaires moyens des ouvriers
hommes, on a les résultats suivants :
90,000 petits patrons ou artisans parisiens à 1 ,800 fr 162 millions.
910,000 petits patrons ou artisans des départements à 1,100 fr. . 1,000 —
Total 1,162 millions.
Dans le 3° groupe des patrons (propriétaires autres que les cultivateurs, rentiers,
professions libérales, administrations publiques, force publique), il y a aussi un grand
nombre de petites gens qui vivent de leur travail encore plus que de leur capital ou
dont la dotation ne dépasse guère le montant d'un modeste salaire.
Il suffit pour s'en convaincre de parcourir les catégories réunies dans ce troi-
sième groupe :
Individus appartenant h la force publique : Armée de terre et de mer, gen-
darmerie et police (tout l'effectif a été compté parmi les patrons) . . . 484,898
Individus (dont 14,005 femmes) appartenant à l'administration publique :
Fonctionnaires et agents payés par l'État, les départements et les com-
munes (tous les employés de l'État ont été classés parmi les patrons). . 189,187
Individus (dont 63,985 femmes) appartenant à la profession religieuse:
Membres du clergé catholique (44,072), communautés religieuses (83,071). 128,738
Individus appartenant à la profession judiciaire : Personnel des tribunaux à
tous les degrés, avocats, notaires, avoués, huissiers, agents d'affaires, etc. 39,860
Individus (dont 14,003 femmes) appartenant h la profession médicale :
Médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, herboristes, den-
tistes, oculistes, pédicures, sages-femmes 40,714
Individus (dont 66,574 femmes) appartenant à l'enseignement : Profes-
seurs, instituteurs et institutrices, maîtres et maîtresses 146,225
Individus (dont 6,909 femmes) appartenant aux sciences, lettres et arts :
Savants, hommes de lettres et publicistes (6,376); architectes et ingé-
nieurs civils (10,019) ; musiciens, sculpteurs, peintres et graveurs (1 9,925);
acteurs et chanteurs (8,339) 44,659
Total (dont 165,476 femmes) 1,074,281
— 237 —
Il est certain que nous resterons dans une très grande modération en disant que
plus des 4/5"' de ce total comprennent des gens dont les ressources ne sont pas su-
périeures à celles des artisans : tels sont les soldats et marins, les petits fonction-
naires et employés, les desservants des églises de campagne, les religieux et reli-
gieuses, le personnel médical inférieur, les instituteurs et institutrices, etc. En y
joignant les petits rentiers, pensionnaires ou retraités et les réfugiés à la solde de
l'Etat, on ne peut évaluer à moins d'un million d'individus, les membres de ce troi-
sième groupe qui n'ont véritablement de patrons que le nom. La statistique qui
leur a fait l'honneur de cette classification ne peut guère leur reconnaître plus de
1,000 à 1,200 millions de ressources: ce qui complète environ 4 milliards pour les
revenus des petits cultivateurs, des artisans et de tous les travailleurs indépendants
dont les ressources ne dépassent pas le salaire maximum des ouvriers.
§ 4. — CONCLUSION.
Nous arrivons ainsi comme résultat final à la répartition suivante du revenu de
la France.
Répartition du Revenu national.
SOMMES
Travailleurs. miiHon! d" franc».
3,434,938 ouvriers de l'agricullure 2,000
3,834,580 ouvriers de l'industrie, du commerce et des transports . . 3,600
1,132,076 employés et gagistes 1,000
1,950,208 domestiques attachés à la personne 1,400
Ensemble des salaires, traitements et gages 8,000
3,700,000 petits cultivateurs, artisans, détaillants, transporteurs, sol-
dats, marins, gendarmes, petits fonctionnaires, desser-
vants ecclésiastiques, religieux et religieuses, instituteurs
et institutrices, etc., dont les ressources ne dépassent
pas le salaire maximum des précédents 4,000
Capitalistes proprement dits.
1,683,192 exploitants agricoles 3 'A à 4 '/j mill'"'' ]
1,009,914 industriels, commerçants, transporteurs. 3 '/« à 4 '/, mill'*' f
1,053,025 propriétaires, rentiers et membres des i lU,oOU
professions libérales 2 '/^ à 3 miUiards )
17,797,933 22,500
Ce tableau, je le répète, ne contient que des approximations, ce n'est qu'une sorte
de schéma, mais, il permet de fixer les idées et de donner une base positive aux
raisonnements économiques. D'ailleurs, comme on a pu le voir par les observations
qui précèdent, l'évaluation des- salaires, traitements et gages des travailleurs ainsi
que des revenus des petits patrons a été faite avec modération. Si l'on arrivait, à
l'aide de déterminations plus "précises, à relever cette évaluation, si d'autre part on
tenait compte des revenus des biens et domaines de l'État, des communes et des
établissements publics (lesquels dépassent 300 millions de francs), — il est évident
que la part afférente aux capitalistes proprement dits s'en trouverait réduite en
proporlion. Les conclusions auxquelles je vais aboutir en seraient forlifiées.
— 238 —
Le lolal des revenus du capital, quelle qu'en soil la source, — agricuilure, indus-
trie, commerce et transport, propriété urbaine, fonds publics, etc., — nous apparaît
comme fort peu élevé, surtout si l'on tient compte des aléas qu'il supporte.
Ce groupe des capitalistes comprend, en effet, tous les gros el moyens exploi-
tants : fermiers et métayers, propriétaires agricoles faisant valoir leurs terres, pro-
priétaires ne faisant pas valoir mais restant exposés au risque du non-paiement des
loyers et de la détérioration des terres, entrepreneurs, chefs d'industrie, négociants,
actionnaires, commanditaires, etc.
En dépit de ces risques, le total de 10 milliards et demi que nous avons attribué
aux .'},7'46,000 capitalistes plus ou moins aisés, ne représente qu'une moyenne de
2,800 fr. par famille, une fois payé, il est vrai, le service des domestiques dont nous
avons compris les gages et l'entretien dans le total des salaires, el une fois acquittée
cette partie des impôts qui sert à l'entretien de la force publique, de l'administra-
tion, du culte et de l'instruction publique, puisque tous les soldats et les fonction-
naires, les prêtres el les instituteurs figurent parmi les patrons el diminuent par
cela même la part des capitalistes dans le revenu collectif.
Ce revenu moyen de 2,800 fr., grossi de la quote-part des domestiques, des sol-
dats, des fonctionnaires, etc., ne monterait guère à plus de 3,500 fr. bruts; il est
si peu élevé que, pour trouver la place des grandes fortunes, il faut supposer un
grand nombre de faibles revenus, intermédiaires entre les revenus d'ouvriers ei
d'employés et les revenus des capitalistes. Dans la France erilière, M. Leroy-Beaulieu
ne croit pas qu'il existe plus de 700 ou 800 personnes ayant 250,000 fr. de rentes
ou davantage, ni plus de 18,000 à 20,000 revenus compris entre 50,000 et
250,000 fr.
Quoi qu'il en soit, on peut conclure des évaluations qui précèdent que la moyenne
des revenus en France impose une grande prudence dans les promesses que l'on
peut être tenté de faire aux travailleurs pour l'amélioration immédiate de leur
situation.
Je ne viserai, à ce sujet, que les deux points dont on s'est particulièrement
préoccupé ces derniers temps : 1° la réintégration de la femme au foyer domestique;
2" la réduction des heures de travail ou, ce qui est la même chose, le relèvement
du salaire des ouvriers.
En ce qui concerne le premier point, on remarquera que
Sur 3,435,000 ouvriers de l'agriculture, il y a 1,472,000 femmes en-
viron, auxquelles on peut attribuer un salaire de . 670 millions.
Sur 661,000 ouvriers parisiens, il y a 299,000 femmes avec un sa-
laire de 250 —
Sur 3,174,000 ouvriers des départements, il y a 1,050,000 femmes
avec un salaire de 540 —
Sur 1,132,000 employés et gagistes, il y a 327,000 femmes avec un
salaire de 200 —
Sur 1,950,000 domestiques, il y a 1,267,000 femmes avec un sa-
laire de 800 —
Su ri 0,352,000 travailleurs, il y a 4,415,000 femmes obtenant un sa-
laire (le 2,460 millions.
Chiffre représentant environ 30 p. 100 du lolal des salaires, gages et traitements.
— 239 —
Une telle somme de travail ne peut évidemment pas être remplacée par un
surcroît de labeur des seuls ouvriers français, elle ne peut l'être que par la main-
d'œuvre des immigrants étrangers ou bien par l'action des machines et des animaux
domestiques, c'est-à-dire par une application de capitaux plus considérables, ce
qui implique que l'on encourage et protège les épargnes et que l'on l'avorise le
crédit.
En ce qui concerne le second point — réduction des heures de travail ou hausse
des salaires, — les agitateurs populaires, encouragés dans une certaine mesure par
le socialisme professé en haut lieu, ont mis en avant la fameuse formule des « trois
huit » (huit heures de travail, huit heures de loisir, huit heures de sommeil),
complétée par le repos d'un jour par semaine. Us veulent que six journées de
huit heures, ou 48 heures de travail effectif, soient désormais payées autant que
sept journées de 11 ou 12 heures, c'est-à-dire que 77 ou 84 heures de travail : il
s'agit donc, au minimum, d'une augmentation de CO p. 100 des salaires.
Je n'ai point à examiner ici la justice de cette réclamation, je voudrais seulement
en évaluer les conséquences.
Accordée uniquement aux ouvriers de l'industrie, du commerce et des transports,
une telle hausse des salaires représenterait une surcharge de plus de 2 milliards
(le francs qui menacerait les industriels, petits et grands, les commerçants et les
transporteurs d'une réduction de 30 à 40 p. 100 de leurs profits bruts.
On peut prétendre, il est vrai, que cette surcharge de 2 milliards ne pèserait pas
uniciuement sur les entreprises, parce que les producteurs se la feraient rembourser
par la masse des consommateurs en relevant d'autant le prix des produits.
Ce résultat est des plus incertains, mais, en tout cas, si l'on admettait la possibi-
lité d'une répercussion sur tous les consommateurs, il faudrait aussi admettre la
généralisation de la hausse sur tous les salaires, gages et traitements. Les salaires
augmentés de l'industrie remorqueraient à leur suite aussi bien les salaires de l'a-
giicullure que les gages des domestiques et les traitements des employés et des
petits fonctionnaires. Ce ne serait plus 2 milliards, ce serait, d'après nos chiffres,
4 milliards 800 millions qu'il faudrait prélever sur l'ensemble des revenus du
capital : le prélèvement serait d'environ 40 p. 100.
Cela revient à dire que la terre qui rapporte à son propriétaire environ 2.75
p. 100 ne lui en rapporterait plus que 1.65. Le faire-valoir direct des domaines
ruraux ou la location des maisons de ville qui procurent au plus 4 à 5 p. 100 des
capitaux engagés, ne donneraient plus que 2 et demi à 3 p. 100. Les entreprises
par actions verraient leurs dividendes entièrement absorbés par cette hausse géné-
rale du prix du travail, et, de plus, le service de leurs obligations serait gravement
compromis. Je ne parle pas de l'augmentation nécessaire des impôts qui s'ensuivrait,
ni de la réduction de la Rente qui s'imposerait inévitablement.
Par ces conséquences, on voit qu'une telle mesure équivaudrait à la prohibition
absolue des épargnes et des entreprises nouvelles, qu'elle causerait une déprécia-
lion effroyable des capitaux engagés et qu'elle provoquerait, sans le moindre doute,
une vaste émigration de tous les capitaux disponibles.
Autant dire, n'est-ce pas? que les revendications ouvrières se heurtent présente-
ment à un obstacle invincible.
Mais faut-il rester sur cette négation qui semble cruelle, et devons-nous fermer
l'avenir mcnne à l'espérance?
— 240 —
Assuiémenl non ; loule l'hisloire des progrès économiques protesterait contre
un tel pessinnisme.
Certes, il est légitime que les salaires augmentent, que les heures de travail soient
réduites, non pas pour le seul divertissement de l'ouvrier, mais surtout pour l'ac-
croissement de sa culture intellectuelle et morale; certes, il est on ne peut plus dé-
sirable que la femme reprenne le plus tôt possible, et avant même la réduction des
heures de travail de l'homme, son rôle de ménagère et d'éducalrice au foyer de la
famille ; mais nous devons être bien convaincus que ces progrès sociaux ne pourront
se réaliser que successivement, à mesure que nos épargnes seront assez abondantes
pour créer des capitaux nouveaux qui se traduiront en moyens de production plus
puissants, à mesure que les craintes de guerre et les précautions de la paix armée
diminueront et permettront de supprimer les dépenses improductives, à mesure
que l'antagonisme entre les patrons et les ouvriers deviendra moins aigu et occa-
sionnera moins d'irrégularités dans le travail, moins de grèves et de déperditions
de force et de capital, à mesure enfin que, par le développement des échanges,
nous pourrons profiter plus largement des productions avantageuses des pays
étrangers, en nous consacrant particulièrement aux productions nationales où
nous jouissons de spécialités naturelles ou acquises.
C'est donc surtout par la sécurité et l'encouragement donnés aux épargnes, par
l'extension du crédit, par la multiplication des machines et par le développement
de la liberté commerciale que nous réaliserons dans l'avenir les progrès que l'on
réclame, comme nous avons déjà réalisé dans le passé les progrès qui sont accomplis.
Au contraire, en effrayant les capilaux, en déblatérant contre le machinisme, en
réclamant sous toutes les formes possibles la protection outrée de l'industrie na-
tionale et, d'une manière générale, en visant à restreindre la production, les socia-
listes d'en haut et les socialistes d'en bas tournent le dos au progrès économique et
nuisent à la cause qu'ils prétendent servir.
Ad. Coste.
— 241 —
II.
LES SYNDICATS AGRICOLES EN FRANCE.
Il existe à l'heure actuelle dans notre pays trois types distincts de syndicats sous
lesquels viennent se ranger les agriculteurs.
Les premiers et les plus anciens ont reçu leur dernière constitution juridique de
la loi du '21 juin 18G5, complétée par une loi plus récente de 1889 : ce sont surtout
des syndicats d'irrigation et d'assainissement des terres. Les seconds, dont la créa-
tion a été provoquée par l'invasion du phylloxéra, sont régis par les lois des 15 juil-
let 1878, i2 août 1879, et exceptionnellement par la loi du 15 décembre 1888.
Les derniers en date, mais de beaucoup les plus importants par leur puissance
d'action, sont ceux que l'on a appelés, d'un commun accord, les syndicats agricoles
et qui ont leur charte fondamentale dans la loi du 21 mars 1884 sur les syndicats
professionnels.
Les syndicats agricoles ont, en quelques années seulement, tiansformé presque
complètement les procédés économiques de l'agriculture française, et il importe de
suivre pas à pas leur évolution.
L'histoire de la création des syndicats agricoles peut se l'aire en très court
résumé. La première trace de l'action collective en agriculture ne paraît pas, en
effet, remonter au delà de 1759, et c'est en France qu'on la relève. En 1757, les
États- Généraux de Bretagne prirent l'iniiialive de fonder, à Rennes, une Société
d'agricuUure, des arts et du commerce pour favoriser le développement économi-
que de la province.
Deux ans après, en 1759, cette Société demanda aux Etats-Généraux de la sub-
ventionner pour pouvoir encourager les améliorations agricoles que, dès lors, elle
avait reconnues possibles. Les Etals-Généraux acquiescèrent à cette demande, et
ce fut la première concession d'encouragements administratifs à l'agriculture, pro-
cédé usité aujourd'hui par tous les gouvernements. Mais la nature même des sub-
ventions accordées à la Société d'agriculture de Rennes assimilait celle-ci bien plus
à un véritable syndicat qu'à une société d'agriculture: 3,000 livres devaient être
consacrées à l'achat de semences de trèfle pour être celles-ci distribuées gratuite-
ment dans la province; 6,400 livres devaient être réparties par primes de 50 livres
chacune entre les plus zélés créateurs de prairies artificielles ; enfin un troisième
crédit assez élevé devait être employé à l'acquisition de taureaux et de béliers de
bonnes races propres à améliorer les races locales.
Cette idée d'action commune, de coopération agricole, fut reprise peu à peu à
l'étranger ; les principales applications en furent faites en Suisse, en Allemagne,
(|uelques-unes se firent en France et d'autres plus récemment en Italie. Mais on ne
visa guère que le crédit communal, ou l'organisation de fruitières dans les pays de
montagnes, sans aller au delà de ces premiers besoins.
Ce n'est pas que les avantages de l'association eussent échappé aux économistes,
bien au contraire, mais la vraie formule de groupement des intérêts manquait
encore. Nous pouvons citer Louis Reybaud, de Cormenin, Rossi qui, vers 1840,
avaient nettement indiqué le but à poursuivre, sans que leurs appels fussent enten-
dus. Car pour faire accepter une innovation aussi considérable dans les masses, il
l'« 8IÏRIK. 31« VOL. — N" 8. JU
— 242 —
faut |)lus que de la clairvoyance, il faut un tempérament d'apôtres. Schullze-
Deiitscli eut ce tempérament et réussit à créer les banques coopératives qui portent
son nom.
Les propriétaires fonciers, petits ou grands, indépendants par leur situation
même, sont peu disposés à aliéner leur liberté au profil d'une association dans
laquelle ils ne sont plus (ju'une unité souvent négligeable, en tout cas un simple
élément dans un grand tout. Vaincre cette disposition d'esprit très naturelle est
une œuvre difficile et délicate. On y est arrivé aujourd'hui, et c'est encre notre pays
qui a donné le branle. On nous accuse bien souvent de n'avoir que des idées et de
n'en jamais poursuivre l'application pratique; revendiquons au moins, puisque l'oc-
casion s'en présente, l'honneur qui nous revient en cette circonstance.
Ce fut M. Tanviray, alors professeur d'agriculture de Loir-el-Cher, qui prit, en
188i}, l'initiative de la création du premier syndicat agricole dans son département.
A lui en revient tout le mérite. Après lui, de zélés partisans de la coopération, se
firent les propagateurs de cette idée féconde et réussirent à la rendre rapidement
d'application générale dans tous le pays. Toutefois, les syndicats agricoles n'ont jus-
qu'ici une existence légale que grâce à un mol, un seul, glissé sous forme d'amen-
dement présenté au Sénat par M. Oudel, pendant la deuxième délibération pour lu
discussion de la loi.
Une nouvelle proposition de loi déposée en mai i 890, par M. Méline, à la Chambre
des députés, tendant à organiser le crédit agricole par les syndicats agricoles, sera
le deuxième texte législatif, lorsqu'il sera volé, qui s'y référera, mais le premier en
réalité qui les ait visés directement. Nous renvoyons à un chapitre spécial l'étude
du fonctionnement des syndicats au point de vue légal; nous allons présenter dans
cette courte note un aperçu de leur fonctionnement économique.
La loi de 1884 n'ayant prévu qu'accidentellement la formation des syndicats agri-
coles; il n'est pas surprenant qu'elle ait laissé planer sur eux une assez grande in-
certitude, d'autant mieux qu'ils ont pris, avec une rapidité inouïe, une extension
considérable que la réputation traditionnelle de routine faite à l'agriculture était
loin de laisser soupçonner. Cette incertitude s'est traduite à maintes reprises par
des procès, des discussions dont les grandes réunions annuelles de la Société des
agriculteurs de France ont retenti dès 1888.
Si la loi de 1884 s'est révélée comme insuffisante pour pouvoir régler et em-
brasser tous les éléments d'action des syndicats agricoles, on peut ajouter que la
jurisprudence n'est jusqu'ici pas très avancée; peu d'espèces ont été soumises aux
tribunaux ; les jugements ont même été parfois contradictoires. Il est donc à peu
près complètement impossible d'avancer quoi que ce soit concernant les opérations
syndicales, sans que l'on puisse, d'autre part, présenter une augmentation exacte-
ment contraire. Aussi faut-il négliger complètement la dialectique du prétoire, en
cette matière, pour s'en tenir exclusivement à la pratique, tout en se maintenant,
bien entendu, dans les limites de la loi de 1884.
Les syndicats agricoles peuvent rapidement arriver à posséder une puissance
réelle, parce que, à la différence nés syndicats ouvriers, créés par la môme loi de
1884, leurs membres possèdent des capitaux. Fortifiée par des éléments de garan-
tie, la solidarité est aujourd'hui le plus fécond des principes d'action économique.
Et la forme même des syndicats se prête avec une facilité merveilleuse à la généra-
lisation de leurs opérations.
i
— us —
Avaiil d'éludier en tlélail le fonclionnemenl pratique des syndicals agricoles, mous
devons dire cpielques mots de leurs inconvénients possibles, sans parler de leur
puissance d'action sur l'opinion publiijue au cas où ils seraient tentés de sortir de
leur rôle purement économique.
1° Les syndicats ai(ricoles, comme d'ailleurs tous les syndicats professionnels au-
torisés par la loi de 1884, onl, sans ressusciter, comme on l'a dit à tort, les anciennes
corporations de métiers, organisé des groupements d'intérêts communs dans les-
quels les associés perdent quelque chose de leur individualité et de leur liberté
d'action, si peu que ce soit. Ce vice est inhérent à la constitution même des syndi-
cals. Avec le temps, la puissance des syndicals grandissant, ne pourraient-ils arriver
à confisquer l'initiative individuelle au profit de la collectivité, ne tendront-ils pas
à se former en clan fermé dont l'accès sera rendu de plus en plus difficile, comme
déjà l'ont fait quelques Sociétés coopéralivcs qui ont réalisé quelques bénéfices? Cet
écueil, facile à prévoir, mérite toute ralleiilion et la vigilance du législateur.
2° Il ne faudrait pas s'imaginer que la création des syndicats professionnels ren-
ferme en elle-même la solution de la grave question de la vie à bon marché. La
coopération est certainement l'étape la plus considérable que l'on puisse franchir à
l'heure actuelle dans la simplification de la machine économique, mais ellen'eslqu'une
étape, et non la dernière. En supposant qu'elle puisse se généraliser, que les inter-
médiaires soient réduits au strict minimum sur la nouvelle organisation économique
surgiront autant de nouveaux problèmes (pi'il en existe maintenant. De nouveaux
besoins se seront fait jour el les ressources laissées disponibles, pour la consom-
mation directe, par la disparition des intermédiaires, auront été absorbées à mesure
qu'elles auront apparu. Aucun doute n'est possible à cet égard.
La publication d'un Annuaii'e des syndicals agricoles nous a permis de faire une
étude minutieuse de tous les syndicats existant en France, et c'est le relevé de notre
examen que nous présentons ici. Nos sources sont donc extra-administratives, elles
sont néanmoins très soigneusement contrôlées.
Les programmes d'action des syndicals agricoles, leurs statuts et leurs opérations
sont très variés; leur fonctionnement est bien loin de répondre à un lype unique.
Celte diversité est d'ailleurs de toute nécessité ; il est évident que les régions vi-
licoles ont d'autres besoins que les régions d'élevage, de céréales ou fromagères ;
qu'un syndicat formé, par exemple, entre les viticulteurs de la Camargue aura à
faire face à d'autres opérations qu'un syndical fromager qui se serait constitué dans
la région vosgienne. Dans les régions de petite culiure, on recherchera le crédit,
l'assurance mutuelle ; dans les régions de grandes exploitations, on s'altachcra moins
au crédit, aux retraites el à l'assurance, qu'à la suppression des intermédiaires pour
l'achat el la vente. Dans quelques cas même, les syndicats onl des objets 1res spé-
ciaux. Lé syndical de Gorron (Mayenne) a pour but la destruction des hannetons;
ceux de Nancy el de Bayon (Meurthe-et-Moselle) entreprennent la défense des vignes
des syndicataires contre les gelées de printemps au moyen de nuages artificiels;
celui de Suresnes a pour objet principal la protection de la propriété contre les ma-
raudeurs, etc. il en est même dont l'objet est plus spécial encore.
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La circonscription que peut embrasser un syndical agricole est aussi variable
dans de très larges limites. Il en est, comme celui des Ardennes, celui de l'Hérault,
etc., qui s'étendent sur tout un département; d'autres se restreignent à une petite
unité territoriale, un canton, une petite région agricole ayant des intérêts communs
et spéciaux.
D'après le dépouillement de tous les statuts qui nous sont parvenus, nous clas-
sons ainsi les divers buts que se proposent les syndicats :
1" Étude cl défense des intérêts communs;
2° Suppression des intermédiaires à l'achat;
3° Suppresïiion des intermédiaires à la vente ;
4" Crédit agricole et crédit mutuel ;
5° Arbitrage litigieux;
C° Assurance mutuelle contre la grêle ou contre la mortalité du bétail ;
7° Secours mutuels, retraites;
8° Progrès de l'agriculture par la propagande cl par l'action.
Voici dès mainlenanl la première statistique dos syndicats agricoles qu'il nous est
permis de dresser. Nous faisons remarquer toul d'abord, que malgré des demandes
réitérées nous n'avons pu ariiver qu'à des résultats partiels. Les bureaux des syn-
dicats consultés nous ont fréquemment renvoyé des questionnaires inconiplète-
ments remplis, et il est absolument impossible de suppléer aux renseignements
qui nous manquent.
L'Annuaire porte la nomenclature de 018 syndicats agricoles créés depuis l'ori-
gine. Sur ce nombre, 30 sont aujourd'hui dissous, soit qu'ils n'aient pas continué
leurs opérations, soit simplement que, constitués pour un certain temps, ils n'ont
pas renouvelé le contrat social, soit eifin qu'ils aient fusionné avec d'autres. Il
en reste donc actuellement 888 en fonctionnement.
072 syndicats dont le nombre des adhérents est connu, groupent 289,000 mem-
bres. On peul estimer à environ 400,000 membres l'armée actuelle des syndicataires
de l'agriculture française.
C'est un chiflVe encore beaucoup trop faible. La statistique agricole de 1882 are-
levé en France 5,672,000 exploitations. Si l'on en retranche 2 millions et demi
pour les très petites exploitations, il reste encore plus de 3 millions d'agriculteurs,
chefs d'exploitation ou propriétaires eux-mêmes qui devraient faire partie des syn-
dicats agricoles. On voit que l'idée syndicale n'est pas au terme de ses progrès et
qu'elle peul réunir un bien plus grand nombre d'adeptes.
Exceptionnellement les très grands propriétaires se tiennent éloignés des syndi-
cats, mais généralement les petits cultivateurs sont les plus rebelles à l'association,
se rendant imparfaitement compte des avantages qu'elle pourrait leur apporter. A
part de très heureuses exceptions, localisées dans certaines régions, la plupart des
petits cultivateurs sont restés jusqu'ici en dehors des syndicats agricoles, soit parce
qu'on n'a pas su les attirer dans le mouvement qui se dessinait, soit parce qu'ils
n'ont pas compris eux-mêmes tous les avantages qu'ils pouvaient retirer de l'asso-
ciation. Presque partout les syndiqués sont les grands et surtout les moyens culti-
vateurs. Il faut reconnaître que le petit paysan est instinctivement plus rebelle que
l'homme instruit à toute innovation, qu'il craint souvent de se trouver négligé, de
ne pas se sentir indépendant dans un syndicat puissant. D'autres causes encore
ï
— 247 —
peiivenl le tenir éloigné de l'association, telles que l 'indiUérencc ou la simple obli-
l^alion de payer une cotisation de 2 ou 3 francs par an.
Et cependant ce sont précisément les petits paysans qui ont le plus grand besoin
de l'association, ce sont eux qui en retirent les plus grands avantages : ils se pri-
vent souvent par une obstination irraisonnée du meilleur adjuvant qui puisse lenr-
èlre offert.
Jusqu'à présent, la grande majorité des syndicats, quels que soi&nt leurs statuts,
ne visent guère que la suppression des intermédiaires à l'achat ; ils fonctionnent à
peu de chose près comme de simples sociétés coopératives de consommation. Les
statuts adoptés sont généralement, il est vrai, largement conçus; ils prévoient une
organisation complexe et apte à rendre aux syndicataires des services aussi précieux
que variés. Mais beaucoup de leurs clauses restent lettre morte, faute de moyens
d'action, de dévouement, d'activité, de hardiesse ou, ce qui est plus rare, des faibles
capitaux nécessaires pour organiser les offices.
L'association syndicale est souple par essence, elle a toutes les aptitudes, mais elle
demande aussi beaucoup de dévouement, d'habileté, de prudence chez [ses diri-
geants, pour donner tout ce qu'elle peut produire. C'est un instrument aussi délicat
que puissant qu'il faut apprendre à bien connaître pour bien s'en servir.
Nous nous contenterons de signaler les principaux traits de l'organisation syndi-
cale dans ses manifestations qui nous paraissent les plus avantageuses ou les plus
curieuses.
Tous les syndicats, par le seul fait de leur organisation, se donnent pour objet l'étude
et la défense des intérêts communs des syndicataires. Ils peuvent très naturellement
discuter les questions qui les touchent, émettre des avis à leur sujet et transmettre
ces avis sous forme de vœux ou de demandes aux pouvoirs pubhcs. Ils peuvent
aussi organiser des services d'intérêt commun, instruction pour l'emploi des en-
grais que l'on trouve dans le syndicat des Ardennes, champs de démonstration,
conférences, etc. A signaler surtout dans cet ordre d'idées la réforme obtenue par
les syndicats du Pas-de-Calais, qui ont fait adopter aux cultivateurs et aux fabricants
(le sucre un modèle uniforme de contrat pour la vente des betteraves afin d'éviter
les contestations.
Mais dans celte voie, cependant, les syndicats que nous appelons syndicats géné-
raux, nous semblent appelés à exercer une action bien plus considérable : le syn-
dicat des viticulteurs de France, le syndicat des sériciculteurs, le syndicat écono-
mique agricole, l'Union des syndicats agricoles de France, etc., nous paraissant être
en mesure d'influencer plus efficacement l'opinion publique ou le Parlement, tout
en présentant de plus grandes garanties d'habile administration que les petits syndi-
cats locaux.
Ceux-ci répondent, par contre, plus fidèlement aux intérêts régionaux; ils re-
prennent, sur ce terrain, toute autorité.
La suppression des intermédiaires à l'achat est, nous l'avons dit, la principale
préoccupation de nos syndicats agricoles ; bien rares sont ceux qui se proposent for-
mellement un autre but : c'est, du reste, dans ce genre d'opérations que jusqu'ici
ils ont trouvé leur principale raison d'être. Nous avons pu relever une clause spé-
ciale pour cet objet dans les statuts de 530 syndicats et nos relevés sont forcément
incomplets. Nous estimons à près de 500 millions de francs le montant total des
achats réalisés l'année dernière par l'intermédiaire des syndicats. En centralisant
— 248 -
les deniantles tie iiiarcli;inilises tie même naluro, ils arrivent à représcnicr un seul
et unique consommateur qui est d'autant plus à ménager qu'il est plus puissant.
Les engrais ont consiilcrabiemonl baissé de prix depuis la oréalion des syndicats
(de 20 à 40 p. 100), et la qualité livrée par le commerce ordinaire est bien supé-
rieure à ce qu'elle était autrefois; on ne vend guère que sur dosages garantis.
Presque tous les achats des syndicataires faits en vue de l'agriculture pourraient
passer par le syndical : semences, sulfate de cuivre, instruments à mains, machines,
charrues, échalas, etc. ; il y a à cela le grand intérêt de traiter ces affaires avec les
fournisseurs au nom d'une collectivité qui est toujours un client important pour
ceux-ci. Les grosses affaires sont toujours recherchées par les fabricants, parce
qu'elles occasionnent moins de frais généraux que les petites ventes de détail,
parce qu'elles activent leur industrie, et elles bénéficient de rabais importants. Ces
rabais se trouvent naturellement augmentés, bien évidemment, par la suppression
de l'intermédiaire, auquel le consommateur doit s'adresser lorsqu'il s'agit d'une
commande de faible importance. Les syndicats peuvent acheter à leurs fournisseurs,
soit par adjudication, soit par marché de gré à gré. Le choix de ces deux procédés
dépend de causes diverses que l'on ne peut apprécier que par espèces.
La suppression des intermédiaires à la vente présente plus de difficultés que leur
suppression à l'achat ; on y arrive cependant graduellement. Le syndicat de la Cha-
rente-Inférieure a organisé un service de transport de La Rochelle à Londres pour
les pommes de tene et l'orge chevalier, et traite directement avec les consigna-
laires de Londres pour la vente de ces produits. Le syndicat de l'Indre, dont on ne
saurait trop louer l'initiative, a, le premier, soumissionné pour les marchés du Mi-
nistère de la guerre, et il s'est rendu adjudicataire, dès 1887, de la fourniture de
500 quintaux de blé pour la place de Châleauroux.
Il sérail à désirer que l'administration de la guerre simplifiât les longues forma-
lités par lesquelles les syndicats doivent passer pour pouvoir soumissionner, car on
a cité de véritables excès de formalisme.
Les syndicats ont beaucoup à gagner en s'engageant dans cette voie des adjudi-
cations militaires ou civiles : elle leur est plus facilement ouverte que celle de la
tenue des magasins de débit direct au public, lesquels nécessitent une organisation
et une surveillance très assujettissante.
Plusieurs ont déjà tenté la vente directe de leurs produits. Le syndicat de Silans
(Drôme) a entrepris la vente du bétail et procure à ses acheteurs une économie de
30 p. 100. Cette question de la boucherie est, en effet, l'une de celles qui appellent
l'attention des syndicats ; les intermédiaires qui interviennent dans ce commerce
font renchérir les produits dans des proportions qui paraissent réductibles. Il y a
entre les prix de la viande sur pied et ceux de la viande à l'étal des différences qui
se chiffrent couramment par plus de 50 p. 100 ; à Paris, cette différence atteint plus
de 100 p. 100. Le syndicat du Calvados a entrepris de lutter avec le syndicat de la
boucherie de Caen. L'Union des syndicats de la Bourgogne a également établi une
boucherie coopérative à Dijon. Il y en a d'autres encore.
A Lyon, notamment, les 44 syndicats adhérents à l'Union du Sud-Est ont créé,
en 1889, deux boucheries coopératives qu'ils alimentent directement et qui, jus-
qu'ici, paraissent donner d'excellents résultats.
A signaler également le syndicat de Die qui se charge de la vente des laines, et
celui d'Ille-et- Vilaine qui vend les animaux reproducteurs des races bovine et che-
- 249 —
valine ; enfin celui rlu Ihiut-Beaujolais qui a commencé, en 1888, à vendre ses vins
sur le marché de Ponlaiievaux, el se propose de donner à ces opérations la plus
grande extension possible en s'adressanl directement aux syndicats des régions qui
ne produisent pas de vin ; comme il s'agit, dans ce cas, d'un produit spécial par
ses qualités, lequel peut se présenter avec une sorte de garantie morale, les résultais
à attendre ne peuvent qu'être excellents. A signaler aussi les opérations du syndicat
agricole de Montagnac, qui vend les vins de ses adhérents comme le ferait un
marchand ordinaire.
Nous ne parlerons pas ici des associations fromagères qui, normalement, ont pour
fonction de vendre les produits fabriqués en commun. L'exemple le plus remarquable
que l'on puisse citer en ce genre est celui de la Société anonyme civile des produc-
teurs de fromage de Roquefort. Bien qu'il sorte quelque peu du cadre des syndicats
créés par la loi de 1884, il est une excellente preuve de ce que peut donner la coo-
pération quand elle est bien conduite et acceptée sans réticence. Depuis 1881, la
fabrication du fromage de Roquefort, qui était presque monopolisée auparavant par
une Société unique, est passée, pour une large part, entre les mains d'une associa-
tion formée entre les seuls propriétaires et fermiers producteurs du lait de brebis
affecté à la fabrication. Il fut décidé que les adhérents mettraient en commun leurs
produits, loueraient ou construiraient des caves, prépareraient leur fromage, le
vendraient directement au consommateur, et, déduction faite des frais, partageraient
au [)rorala de leur apport en nature le bénéfice de la vente. On supprimait du même
coup l'industrie d'un intermédiaire, le ramasseur. En 1882, le syndical vendit
501,000 kilogr. de fromage; en 1888, la vente s'est élevée à 1,228,000 kilogr.
Grâce à la bonne administration, les dépenses d'installation des caves ont été ré-
duites à un chiffre très faible. L'ancienne Société avait 19 fr. 50 c. de frais de loyer
(le cave par quinlal métrique, le syndicat actuel a à peine 5 fr. Le syndicat de Ro-
(piefort ne fait pas de commerce, il n'a à supporter ni bénéfice ni perle; aucun aléa
ne peut exister dans ses opérations, puisqu'il se borne à vendre sa production. Il a
l'ié une bonne fortune pour tout le Larzac et la région avoisinante, car il a payé en
moyenne 110 à 145 fr. le quintal de fromage aux adhérents.
Notre statistique nous révèle que 166 syndicats se proposent de comprendre la
vente des produits récollés par les syndicataires dans leurs opérations, mais nous
n'avons que des renseignements très sommaires sur le fonctionnement de ces ser-
vices et sur leur importance.
Les achats el les ventes sont les opérations primordiales des syndicats agricoles,
mais à côté de celles-ci l'association permet de tenter un grand nombre d'autres opé-
rations qui sont comme des moyens d'action extérieure et qui n'en contribuent pas
moins à rendre plus aisée et souvent plus lucrative la direction de l'entreprise agricole.
De ce nombre sont, par exemple, le crédit mobilier, l'arbitrage en cas de procès,
l'assurance mutuelle, le contrôle des engrais, semences, etc., qui se rencontrent
tanlôl dans un syndical, tantôt dans un autre.
L'organisation du crédit aux agriculteurs par l'inlermédiaire des syndicats est assez
difficile. En effet, pour qu'un syndicat puisse faire l'office de banque, il faut qu'il
dispose de capitaux, et les débuts sont toujours pénibles. Les moyens qui permet-
tent de réunir lentement, mais sûrement, ces capitaux ne manquent pas; on peut
utiliser soit les intérêts des sommes perçues par avance par le syndicat et déposées
chez un banquier, soit une partie de l'escompte consenti par les fournisseurs pour
- 250 —
un paiement anticipé et reteHii aux syndicataires, soit les prélèvements en majora-
tion demandés anx acheteurs pour parer à certains petits besoins : analyses, frais
généraux de rcemballage, erreurs, etc., et enfin la petite somme provenant du droit
d'entrée perçu sur les nouveaux adhérents. La faible cotisation annuelle restant
exclusivement aflectée aux frais généraux d'administration, loyer des bureaux, ap-
pointements du personnel, etc., toutes les petites sommes que nous venons d'énu-
mérer peuvent donner à la fin de l'année, pour peu que le syndicat prospère,
quelques billets de mille francs, ce qui n'est pas à dédaigner. Les syndicataires ne
seront pas tentés de réclamer, puisque ces retenues restent leur propriété collec-
tive. Le pécule une fois créé, il ne tarde pas à s'accroître et à procurer une réiîlle
puissance au syndicat.
Les fonds du syndicat pourront servir de garantie pour un banquier qui consenti-
rait à escompter le papier des syndicataires, et plus tard le syndical peut et doit se
transformer lui-même en banque coopérative.
On peut relever déjà diverses tentatives en ce sens dans le fonctionnement des
syndicats agricoles en France, et 12 syndicats ont formi^llcment inscrit les opéra-
tions de crédit dans leurs statuts comme entrant dans leur programme d'action.
Le syndicat de l'Ariége a constitué un fonds de roulement pour pouvoir acquit-
ter sur une seule traite les commandes des membres associés; ce n'est pas là lej
crédit agricole, c'est un pas fait dans cette voie cependant. Le syndical de l'arron-
dissement de Poligny, plus hardi, a organisé une caisse de crédit mutuel qui avance
aux sociétaires les sommes nécessaires pour compléter leur outillage, acheter une
vache laitière, une paire de bœufs de travail, etc. ; les comptes rendus annuels de^
cette caisse de crédit (organisée par le syndicat, mais indépeniiantede celui-ci) sont
des plus intéressants; on les trouvera à leur place, soigneusemenl analysés. Le syn-
dicat des vignerons de Sancerre et celui de la Lozère ont également une caisse de
crédit mntuel; celui de Compiègne se sert de l'intermédiaire d'un gérant respon-
sable qui garantit le papier présenté à l'escompte par les syndicataires, moyennant;
un intérêt de 0 fr. 50 c. par mois; ce gérant devient caution vis-à-vis du banquier.;
Nous devons signaler également, comme organisation facile à imiter et apte à se
plier à tous les milieux, celle imaginée par M. de Fontgallant pour le syndicat de
Die (Drôme), dans laquelle l'emprunteur ne reçoit pas d'argent en espèces, mais;
bénéficie d'un délai de paiement pour les produits qui lui sont fournis par le syn-
dicat.
Nous recommanderions de préférence* à l'émission d'actions, pour se procurer,
des capitaux, l'acceplation des dépôts à intérêts sur le modèle des caisses d'épargne.
Et quant aux prêts eux-mêmes, il faut admettre en principe qu'ils puissent être
assez importants pour permettre une opération complète: acheter une bête de trait,
une charrue, une vache, etc., et en même temps être remboursables par acomptes
lorsqu'ils sont faits à de petits cultivateurs. Il est donc de toute rigueur que les '
billets souscrits soient renouvelables une ou deux fois, les spéculations agricoles
étant toutes à longue échéance. Obliger l'emprunteur à rembourser un prêt de se-;
menées ou d'engrais avant la récolte, c'est ne pas lui prêter.
Jusqu'ici, et d'une façon très générale, les syndicats reculent devant l'inscription
dans leurs statuts de la responsabilité soUdaire de tous les membres ; nous n'avons
relevé encore que 21 syndicats ayant admis cette solidarité. Nous pensons que c'est
à tort et (pi'ils se privent par trop de prudence d'un avantage inappréciable qu'ils
- 251 —
pourraient foire valoir en maintes circonstances, dans leurs achats et dans leurs
opérations avec les banipiiers surtout. Réduite à l'actif social, d'ailleurs, celte soli-
darité ne comporterait pas de grandes obligations et rendrait de grands services.
L'arbitrage pour les questions litigieuses est déjà inscrit dans les statuts de 56 syn-
dicats. Il fonctionne de façons très diverses, mais partout où on le pratique sérieu-
sement, il rend des services considérables, et dans la région normande surtout. Le
syndicat du Calvados, notamment, a créé dans son sein, une section de contentieux
composée d'anciens magistrats, d'avocats, etc., qui juge amiablement et gratuitement
toutes les affaires qui lui sont soumises et évite fréquemment les grosses dépenses
de la procédure judiciaire.
L'assurance mutuelle se présente, dans l'action des syndicats, sous des formes
1res différentes. La Société vigneronne sancerroise peut être citée comme un
exemj)le curieux de la souplesse de l'association. Celte Société, composée exclusi-
vement de viticulteurs, porte dans ses statuts l'engagement suivant : faire l'ouvrage
des sociétaires dans l'impossibilité momentanée de travailler leurs vignes, soit par
accident, soit par suite des appels de l'autorité militaire de vingt-huit ou treize jours.
Cette stipulation mérite une mention spéciale pour la confraternité qu'elle révèle et
qu'elle entraîne forcément; de même que celle d'un syndicat du centre et dont les
membres s'interdisent de médire les uns des autres.
Mais le plus habituellement l'assurance mutuelle se manifeste sous les formes
suivantes :
'/) Grélc. — L'assurance contre la grêle rentre bien dans le cadre d'action des
syndicats, mais elle présente de graves dangers pour eux, surtout dans les régions
où, comme dans le bassin de la Dordogne el dans celui du Lot, par exemple, les ra-
vages de ce météore sont fréquents. Il peut se produire telle occurrence qui, dans
une seule année, épAiiscra toutes les réserves accumulées pour couvrir les dom-
mages, et pourra même entraîner le syndicat à une situation fâcheuse. On a bien le
soin de limiter statutairement la responsabilité du syndicat, on prend toutes les
précautions que commande la prudence, mais jamais on est assuré de l'avenir, à
moins qne l'association ne soit déjà assez riche lorsqu'elle entreprend cette classe
d'opérations. De grandes compagnies financières solidement organisées ont dû quel-
quefois disparaître devant des cas de force majeure, qui épuisaient tous leurs capi-
taux de garantie, sans que les sinistrés fussent indemnisés conlme ils l'espéraient.
11 y a donc, de ce côté, des échecs possibles et bien difficiles à prévoir. Un syndicat
n'a cependant pas reculé devant ce redoutable aléa, celui de la Marne, et ne s'en
est pas trouvé mal jusqu'ici. On ne peut que recommander une grande circons-
pection en cette matière.
b) Morkdilé du bétail. — Presque tous les syndicats de la région normande et
des régions d'élevage ont créé une caisse mutuelle d'assurance mutuelle contre la
mortalité du bétail. Nous en avons relevé une quinzaine environ dans ce cas.
Très généralement les syndicats qui pratiquent l'assurance mutuelle font seulement
en fin d'exercice le règlement des indemnités dues aux sinistrés, et le rembourse-
ment des pertes soumises à réparation est fait par une caisse commune, proportion-
nellement aux responsabilité acceptées.
Avec la seule condition, dictée par la prudence, que les probabilités de perle se-
k
— 252 —
ront bien calculées, c'est un princi|)e à recommander. Toutefois, il faut avoir soin
(le limiter la responsabilité de celle caisse en prévision des épizooties.
c) Secours muluels. lielrailes. — Les syndicats agricoles n'ont pas, en principe,
à fonctionner comme sociétés de secours mutuels ; toutefois on s'explique aisément
que ceux qui comprennent un grand nombre de pelits propriétaires aient été ame-
nés à s'organiser de la sorte. La prévoyance est toujours à encourager ; elle découle
presque naturellement de l'association, et elle peut rendre d'immenses services dans
les campagnes, où l'assistance môme esl si mal organisée.
La sécurité, en cas de maladie, de chômage ou dans la vieillesse, peut faire beau-
coup pour retenir le cultivateur aux champs, pour l'attacher au village où il sera
assuré désormais de vivre sans tomber dans un dénuement qui l'humilie autant
qu'il en souffre. A ce titre au moins, l'organisation des caisses de prévoyance au
sein des syndicats se rattache directement aux intérêts professionnels des agri-
culteurs.
Nous ne connaissons qu'un seul syndicat agricole dans Vaucluse, qui ait organisé
une caisse de retraites, mais 15 ont admis le fonctionnement d'une caisse de se-
cours mutuels.
Enfin nous avons dit que les syndicats sont de puissants agents du progrès agri-
cole. Il ne nous sera pas difficile d'en faire la preuve. Ils ne résultent et ne repré-
sentent, il esl vrai, que des groupements d'intérêts économiques, mais le groupe-
ment même de ces intérêts a pour effet de développer et de perfectionner les
méthodes agricoles suivies par les syndicataires. Il n'est pas besoin pour cela de
mesures spéciales, ou môme de stipulations statutaires : cet effet résulte simplement
de l'action économique. En réduisant le prix de revient des engrais chimiques, en
contrôlant la qualité des produits achetés, en favorisant l'acquisition dans de bonnes
conditions des machines perfectionnées, des animaux nécessaires à l'exploitation
agricole, le syndical se transforme en un puissant agent du progrés de la culture.
Le syndicat d'Evreux a même eu l'heureuse idée d'acheter des 'animaux reproduc-
teurs au concours général de Paris en 1888, pour les revendre aux enchères parmi
ses membres.
On pourrait faire davantage encore. Le syndicat pourrait être propriétaire en
propre de quelques reproducteurs, des machines les plus importantes utilisées par
l'agriculture, telles que locomobiles, batteuses, semoirs mécaniques de semences
ou d'engrais, etc., celles surtout que les cultivateurs hésitent beaucoup à acheter
parce qu'elles représentent pour eux un capital considérable à immobiliser dont ils
ne retireraient qu'un profit limité pendant quelques jours de l'année seulement. Ces
reproducteurs, ces machines seraient mis à la disposition des syndicataires qui en
feraient la demande. La période des semailles, celle du battage surtout peuvent se
prolonger suffisamment longtemps pour qu'en établissant un roulement entre les
emprunteurs, les machines arrivent à fonctionner de longues semaines et rendent
des services très réels. Quant aux reproducteurs, l'organisation des saillies n'offre
aucune espèce de difficulté.
Ce serait même la voie la plus pratique, la plus féconde ; mais pour s'y engager sur
une vaste échelle, il faudrait que le syndicat fût déjà assez riche, que ses réserves
eussent une certaine importance. Cette affectation de fonds serait peut-être même
— 253 —
avantageuse, parce que, tout en rendant des services efficaces aux sociétaires, aux-
quels elle procurerait l'usage de ces animaux et de ces machines à des conditions
très modiques, les revenus de la location paieraient plus que l'entretien et le renou-
vellement des effectifs.
Le champ d'expériences du syndical, lorsqu'il y en a un — et il n'est pas indis-
pensable qu'il en possède, — est aussi un agent de progrès, un moyen d'instruc-
tion.
D'ailleurs, que le syndicat agisse ou qu'il n'agisse pas, l'agriculture n'a qu'à
bénéficier de son existence seule : le bulletin qu'il publie, les conférences qu'il peut
faire donner et jusqu'aux discussions qui se produisent dans son sein, ne peuvent
que développer l'initiative individuelle et générahser les procédés qui sont signalés
comme donnant les meilleurs résultats. Une centaine environ de syndicats publient
un bulletin périodique presque toujours fort instructif et répondant exactement aux
besoins de la région dans laquelle il paraît.
On voit par cette rapide revue combien est souple l'organisation syndicale, com-
bien est puissante cette forme d'association.
On pourra objecter, et cela a été dit avec autorité, que la loi de 1884 n'est pas
assez large pour que les syndicats puissent agir dans tous les cas suivant que leurs
intérêts divers l'exigeraient. Nous répondrons que cela est vrai, mais que l'arsenal
de nos lois est assez vaste pour que les syndicats puissent se transformer à leur gré
et organiser dans leur propre sein des sociétés civiles de production ou de consom-
mation, des sociétés de secours mutuels, etc. Quelques-uns d'ailleurs sont déjà
transformés en sociétés coopératives, notamment celui de Saintes, celui de l'Hé-
rault ; d'autres ont créé à côté de l'organisation syndicale des associations particu-
lières qui avaient en vue l'assurance ou le crédit; mais il n'en reste pas moins vrai
que ce sont les syndicats qui ont amené ces progrès.
La puissance des syndicats agricoles se trouve par ailleurs grandement accrue
par leur fusion. Groupés par exemple par département, en syndicats départementaux,
comme cela existe déjà en beaucoup de régions, ils arrivent à former de riches et
puissantes associations. Quant à l'agglomération de tous les syndicats, tentée par
l'Union des syndicats des agriculteurs de France, à laquelle 354 syndicats ont déjà
adhéré, elle pourrait éventuellement représenter une force considérable, mais par
contre, elle est d'un maniement délicat, et elle pourrait facilement devenir, par
suite de la direction qu'on lui imprimera, ou dangereuse, ou plus simplement
inutile.
Resterait à examiner quelle a été économiquement l'action réelle des syndicats
agricoles sur l'agriculture française. Ce serait là l'objet d'un inventaire à faire fort
intéressant. Malheureusement, les données positives du problème nous échappent,
et on ne pourrait s'en rendre compte que dans une statistique générale comme celle
entreprise par l'administration en 1882.
Nous donnons d'autre part la statistique de la répartition des syndicats agricoles
par département avec une étude analytique de leurs statuts. Ce tableau nous permet
de faire les constatations suivantes :
Le nombre des syndicats par département (considéré comme une unité moyenne),
leur densité donne en quelque mesure le degré de développement de l'esprit d'ini-
tiative parmi les cultivateurs.
En tèle de ce lableau figurent Meurihe-et-Moselle avec 38 syndicats, la Côte-d'Or
— 254 —
avec S\, la Charenle avec 29, la Drôme avec 20, l'Isère, le Loir-et-Cher avec 24.
U'aulre pari, la Nièvre, la Ilautc-Loire, la Haute-Vienne, les Pyrénées-Orientales,
le Tarn, les Alpes, la Corse, la Creuse, sont au contraire ceux qui possèdent le
moins d'associations.
Mais le nombre des syndicats n'est pas un indice bien sérieux de l'importance de
leur rùle, le nombre des syndicataires nous paraît bien autrement signitîcatif, le
chiffre de leurs affaires serait aussi du plus grand intérêt si nous avions pu l'établir
avec certitude.
Les déparlements où les syndicats agricoles comptent le plus d'adhérents sont :
le Rhône avec 22,565 associés, la Charente-lnl'érieure avec 22,359, la Charenle
avec 12,329, la Drôme avec 11,593, la Haute-Vienne avec 10,176.
On remarque facilement que les syndicats les plus nombreux sonl ceux où a déjà
accédé la petite culture ; aussi ne sont-ce pas toujours ceux qui font les affaires les
plus considérables; mais ce sonl ceux qui rendent les services les plus efficaces très
certainement, malgré le léger accroissement de frais généraux d'administration
qu'ils comportent obligatoirement. Et c'est par l'accession de l'immense classe des
petits cultivateurs que les syndicats doivent, dans un prochain avenir, obtenir leurs
plus grands succès. Du jour où son adhésion cura été obtenue, les syndicats arrive-
ront à remplir pleinement la mission sociale qui leur incombe; alors seulement ce
puissant instrument économique pourra donner tout ce qu'il promet.
François Biîrnard.
m.
VARIETE.
Le Duel en Ilalie.
La statistique, de nos jours, s'occupe de loul. Qui eût cru qu'il fût possible de
faire une statistique du duel, et surtout de la rendre intéressante? C'est pourtant
ce qu'a fait dernièrement la direction générale de la statisti(iue du royaume d'Italie,
où l'on sait combien cette science est en honneur.
D'apiès les minutieuses recherches d'un observateur distingué, le chevalier Gelli,
il n'y aurait pas eu, en Italie, pendant la période de dix années 1879-1889, moins de
2,759 duels, soit en moyenne 270 duels par an. Il est certain que quelques duels
autour des(]uels le mystère a été fail, ont échappé à celle statistique; toujours est-il
qu'ils se sonl répartis de la façon suivante d'après l'année :
1879 (sept mois) 203 duels.
1880. 282 ^
1881 271 —
1882 268 -
1883 259 —
1884 287 -
1885 261 -
1886 249 —
1887 278 -
1888 269 —
1889 (six mois) 132 —
Ensemble 2,759 duels.
- "255 -
Nous allons indiquer de quelle manière se sonl partagés ces duels, d'apiès l'arme
clioisie, d'après la gravité de leur issue ; nous examinerons ensuite leurs causes,
leur distribution par mois, car le nombre des duels varie, parail-il, suivant la saison ;
nous dirons enfin quelques mots sur la fréquence respective du duel suivant la
province, et suivant la profession des combattants.
L'arme favorite des Italiens qui se battent en duel, est le sabre; en effet, sur les
"2,759 duels observés, il y en a eu 2,489, soit 90 p. 100, dans lesquels le sabre a
été choisi: le choix de l'épée est l'exception, 90 duels seulement, soit 3 p. 100. On
s'est battu au pistolet 180 fois, c'est-à-dire que 6 fois sur 100, cette arme a été
choisie : notons un duel au revolver.
Le duel au sabre sendjle indiquer au premier abord un grand acharnement chez
les deux adversaires : aussi n'est-il pas étonnant de compter de nombreuses bles-
sures parmi les combattants italiens. Comme cela du reste a lieu partout, les bles-
sures n'ont pas toutes, tant s'en faut, été mortelles. On n'a compté que 50 duels
qui aient eu une issue fatale pour l'un des adversaires : pour 2,759 duels, cela ne
fait pas 2 pour 100 duels ou 1 pour 100 duellistes; mais en revanche, les blessures
ont été nombreuses, 3,001 blessures ont été constatées, ce qui indique plus d'une
blessure par duel, en moyenne.
Les deux combattants ont donc été, en général, plus ou moins grièvement atteints,
ce qui arrive souvent lorsque l'on se bat au sabre, ou si l'un des deux est sorti
indemne, l'autre a été blessé deux fois au moins.
Le tempérament méridional est-il pour quelque chose dans ce résultat? Quoi
qu'il en soit, les blessures n'ont pas toutes été graves, si l'on en croit les chiffres
suivants :
Blessures graves l ,060
— légères 1,400
— très légères 1,141
Si les blessures ont été nombreuses, elles ont été peu graves en général ; il est
probable qu'en France, où l'arme favorite est le pistolet ou l'épée, le duel est en-
core moins dangereux.
Examinons maintenant les causes des duels :
Comme l'on devait s'y attendre, les polémiques dans les journaux ont été la
source la plus fréquente de duels, sur 100 duels, elles en ont causé 36; viennent
ensuite, par fréquence décroissante, des altercations et discussions d'ordre privé re-
lativement anodines, c'esl-à-dire non suivies d'insultes ni de voies défait: 230 duels
ou 27 p. 100 des duels italiens sont dus à ces causes qui semblent les plus fréquentes,
au contraire, dans notre pays; la politique a causé 348 duels, soit 13 p. 100.
Pour ce qui est des duels qui se sont produits à la suite d'insultes graves el de
voies de fait, ils ont été au nombre de 219, soit 8 p. 100. Les duels amenés par des
causes d'ordre intime, au nombre de 183, ou 7 p. 100, paraissent bien moins nom-
breux qu'en France. Il convient de noter en passant 29 duels amenés par des dis-
sentiments d'ordre religieux, et 19 par des querelles de jeu. Certes, nous ne nous
attendions pas à voir figurer la religion parmi les causes de duels. De nos jours, en
France, on ne pourrait citer, dans cet ordre d'idées, qu'un ou deux duels retentis-
sants, entre sémites el antisémites.
Si la religion el le jeu onl peu d'influence sur la fréquence des duels, il fautcon-
— 250 —
venir que la saison en a une 1res grande. C'esl ainsi que les duels sont cinq fois
plus fréquents en juin et en juillet qu'en décembre. Voici les chiffres fournis par la
période décennale observée :
En janvier on a compté 220 duels.
En février —
203
En mars —
291
En avril —
187
En mai —
273
En juin —
319
En juillet —
330
En août —
326
En septembre —
271
En octobre
120
En novembre —
92
En décembre —
67
A partir de juillet, le nombre des duels diminue progressivement jusqu'en décem-
bre : serait-ce parce que les jours diminuent?...
Toujours est-il qu'il y eut arrêt très remarquable dans les duels en avril, à l'é-
poque de Pâques; nous n'hésitons pas à attribuer cotte sorte de trêve au sentiment
religieux qui, comme on le sait, est très profond en Italie.
En France, c'est dans le Midi, où les tètes sont plus chaudes que dans le Nord,
que les duels se produisent plus souvent : en Italie, c'est dans le Nord, c'est-à-dire
précisément dan.s les provinces qui participent au même climat, et peut-être aussi
au même tempérament que le midi de la France, que la statistique a compté le
plus de duels. Ce sont les provinces de Bologne, de Florence, de Gênes, de Milan,
de Livourne, qui ont vu le plus de duels. Viennent ensuite, Rome, Naples, Catane.
Pour finir cette étude rapide, disons quelles professions sont le plus portées au
duel : bien entendu, les journalistes et les militaires avant tous les autres. Sur 100
duellistes, on compte en moyenne, en Italie, 30 militaires, 29 journalistes, 12 avocats,
4 étudiants, 3 professeurs, autant d'ingénieurs et autant de députés, 2 maîtres d'es-
crime, un magistrat, un banquier, etc., etc. Remarquons que ces chiffres ne donnent
pas d'une façon exacte l'expression du tempérament batailleur de messieurs les Ita-
liens. Etant donné le faible nombre des journalistes et surtout des députés dans ce
pays, il faut penser que ce sont là les deux professions qui fournissent le plus de com-
battants. Disons enfin que parmi les 165 officiers qui se sont battus dans la seule
année 1888, on a compté 12 élèves aux écoles militaires, 43 sous-lieutenanls, 77
lieutenants, 15 capitaines, 6 officiers supérieurs et 4 officiers généraux.
De curieux rapprochements pourraient être tentés, si une semblable statistique
existait en France. Mais... cette science d'observation semble n'être pas encore en-
trée dans nos mœurs... Il est infiniment pins facile de plaisanter la statistique que
d'en faire, et d'en faire de sérieuse.
V. ï.
-*=*-=3«t>e=-*=>~
Le Gérant, 0. Bi-itciîti-LEVRAui/r.
JOURNAL
DE LA
^ ^ ^
SOCIETE DE STATISTIQUE DE PAllIS
NO 9. — SEPTEMBRE 1890.
LA STATISTIQUE RELIGIEUSE DE PARIS (1).
Messieurs,
Y aurait-il lémérité de vous entretenir des faits religieux, des grandes religions
entre lesquelles se partage l'humanité, des moyens de connaître et d'établir soit la
consistance des religions diverses, principales et secondaires, soit les mouvements,
les oscillations en sens divers qui se produisent dans chaque religion?
Je ne le pense pas, quoique peut-être quelijues-uns d'entre vous puissent être,
plus ou moins, sous l'influence des préventions que l'on rencontre si souvent, à
Paris en particulier, contre tout ce qui relève du domaine des religions.
En effet, tous vous classez, avec moi, les religions au nombre des faits sociaux les
plus importants ; tous vous savez quelle'action elles ont exercée sur le développement
politique et moral de l'humanité. Le seul point sur lequel nous pourrions différer,
ne semblerait devoir être que le degré de puissance que les religions ont conservé.
A cet égard, permettez-moi de vous recommander l'étude générale que j'ai été
admis à soumettre l'année dernière au Congrès international de statistique, élude
qui va être publiée dans les Mémoires du congrès. Cette élude est accompagnée
de statistiques, faites d'après les documents les plus récents et les plus authentiques.
Elle suffit pour démontrer la grandeur des services que la statistique est en mesure
de rendre aux faits sociaux, en particulier aux religions. La statistique m'a fourni,
en effet, les moyens de réduire à sa véritable étendue, je me sers de l'expression
(1) Communication faite à la Société de Statistique de Paris, dans sa séance du IS juin 1800.
1" siBiE, 31' vol.. — »• 9. 17
— 258 —
même, toujours exacte, de Bayle, le Boudilhisme el de signaler, au contraire, com-
bien était sérieux l'avenir réservé au Mahomélisme. Les résultats de la stalistique
religieuse de l'Asie ne permettent pas de douter que le Maliométisme est à peu près
assuré de s'emparer de l'Asie entière ; ces prévisions expliquent la politique de
l'Angleterre dans l'Afrique orientale.
Si vous voulez bien, nous aborderons, l'année prochaine, l'examen de ces grands
problèmes, parce que vous serez en possession des tableaux qui accompagnent mon
mémoire.
Aujourd'hui, je me propose de vous entretenir d'un sujet plus restreint mais non
moins curieux et qui vous intéresse peut-être plus immédiatement, puisqu'il s'agit
de la statistique religieuse de Paris.
La statistique religieuse de Paris! Il semble, au premierabord, qu'il y ait comme
une antinomie, une contradiction flagrante dans les termes de cette proposition.
Pascal comptait déjà 30,000 athées à Paris, de son temps, sur 500,000 habitants.
Je ne m'aventurerai pas à supputer quel peut être aujourd'hui le nombre des
athées sur !3,'i00,000 Parisiens. Je me contenterai de maintenir qu'ils sont
moins nombreux que probablement vous n'êtes portés à le penser et que la religion
catholique, qui compte acluellemenl autant d'adhérents que l'Eglise orthodoxe et
les Églises protestantes réunies, possède à Paris une incontestable prépondérance.
Paris étant, de beaucoup, la seconde ville du globe par sa population et s'élevant
au premier rang, bien au-dessus de Londres, par son influence intellectuelle et scien-
tifique, il est tout à fait curieux de rechercher s'il est encore un foyer religieux.
Je me suis livré, sur ce beau sujet, il y a deux ans à des recherches qui ont été
facilitées par M*" d'HuIst, recteur de l'institut catholique de Paris, qui a bien voulu
consentir à mettre à ma disposition les archives de l'archevêché de Paris. C'est
un premier essai de statistique religieuse privée que je crois devoir recommander
à votre attention. J'en ai fait un second, relativement à la stalistique religieuse du
département de la Gironde, qui fera l'objet d'une communication ultérieure.
,. Vous devez vous rappeler que, depuis 1876, sur l'avis du conseil général de
statistique, les déclarations religieuses n'ont plus été comprises dans les recense-
ments de la population. Je considère ce l'ait comme très regrettable, parce qu'il tend
à amoindrir non pas l'importance, bien supérieure à tous les recensements, mais la
connaissance des faits religieux. Si vous consultiez à ce sujet un fonctionnaire de
l'Inde anglaise, il n'aurait pas besoin de beaucoup de temps pour vous expliquer
que les religions de l'Inde sont considérées parle gouvernement anglais comme des
faits de l'ordre social le plus élevé. Le fonctionnaire d'Algérie ou de l'Indo-Chine^
quiprétendrait ignorer l'état religieux de l'Afrique du Nord ou de l'Extrême-Orient,
s'exposerait aux méprises et aux erreurs les plus regrettables. C'est ce qui est
arrivé à M. Paul Bert.
. Les religions n'ont pas en Europe, et même à Paris, d'autre fonction et d'autre
caractère que dans l'Inde; elles présentent certaines différences qui permettent de
les distinguer, mais elles ont toutes la même base et se proposent la même fin,
donner à l'humanité une explication de sa destinée.
Ignorer les religions n'est qu'un acte d'ignorance. Les hommes politiques, Its
politiciens ou les savants qui admettent l'éventualité, non certainement pas de la
disparition, mais de la relégalion des religions dans la sphère de l'inconnu, se réser-
vent les plus graves méprises.
i
— 259 —
L'intérêt de drosser la statistique religieuse de Paris, ce foyer déjà ancien où
athées, épicuriens, matérialistes, positivistes, révolutionnaires de tout drapeau,
nihilistes même, s'imaginent régner en maîtres, se montre maintenant à vos esprits.
Quant aux moyens, les archives de l'Église catholique nous les fournissent en
abondance. J'aurais peut-être, Messieurs, hésitéà vous parler desarchivesde l'arche-
vêché de Paris, des services qu'elles ont rendus à toute la population de cette capi-
tale de l'intelligence, de l'art et de la science et de ce que la civilisation tout entière
doit à l'Eglise catholique au point de l'histoire de l'individualité humaine, de la per-
sonnalité de chacun par la fondation de l'état civil, qui remonte au baptême, si dans
le dernier congrès des Sociétés savantes, présidé avec tant de compétence par notre
doyen, M. Levasseur, une discussion des plus importantes, à laquelle ont pris part
MM. Levasseur, Lyon-Caen, Rameau, Tranchant n'avait mis en relief tout ce que
la grande institution de l'état civil doit à l'Église cathohque.
L'Église catholique a continué, depuis 1789, à tenir les livres de baptêmes, de
mariages et de sépultures. Chaque année ces Hvres sont remis à l'évêché. Chaque
évêché possède aujourd'hui des archives d'une grande valeur. J'ai eu occasion au
Congrès des Sociétés savantes de rappeler que c'était principalement à l'aide des
archives de l'archevêché de Paris qu'il avait été possible de reconstituer l'état civil
de Paris, après les incendies de la Commune.
En cessant de tenir, en quelque sorte pour le compte de l'État, les registres des
baptêmes, des mariages et des enterrements, l'Église calholique française n'a pas
abandonné l'œuvre à laquelle elle avait pourvu si longtemps, œuvre qui a constitué
l'un des plus grands progrès que la civilisation doive à l'Église calholique, la cons-
titution de l'état civil par la tenue régulière des actes de baptême, de mariage et
d'enterrement. L'état civil en Europe est un fait chrétien. Il ne paraît exister
d'autre état civil actuel, et encore est-il tout à fait privé, (|u'en Chine. Peut-être y
a-t-il eu quelques essais d'état civil, plus ou moins complets, en Babylonie et en
Egypte.
§ 1. — FONCTION DE PARIS COMME CENTRE RELIGIEUX.
La ville de Paris, celle comprise dans le périmètre de la première enceinte des
forlificalions, comprenant de 2,300,000 à 2,400,000 habitants, est restée, malgré
les révolutions et la propagande du siècle dernier et de celui-ci, essentiellement
catholique. Les autres cultes chrétiens, tels que les deux grandes Églises proles-
tantes et l'Église grecque, n'y comptent qu'un nombre assez restreint de fidèles.
Il en est de même de l'Église ou plutôt des f]glises jin'ves. Il ne serait pas possible
de donner d'indications pour les autres religions. Un paragraphe spécial sera con-
sacré à la statistique des Églises protestantes et des Églises juives à Paris.
Paris est, après Rome, à raison uniquement de la résidence des Papes, le [dus
grand centre calholique du globe. A certains égards, son influence est même plus
étendue que celle de Rome. Son action sur l'Église calholique, sur les autres
Églises chrétiennes, sur l'humanité tout entière est immense, soit par le fait que
Paris est la seconde ville du globe par sa population et sa richesse, soit par les
nombreux et puissants établissements religieux qu'il conlient, soi! par le nombre et
les ressources des catholiques, soit même à raison de la lutte religieuse qui n'est
nulle part plus accentuée. Partout la lulle est proporlionnelle à l'intensité de la vie.
— 260 —
Par une contradiction singulière, Paris est à la fois le foyer de l'irréligion et de
la religion. C'est à Paris que se rencontrent, comme le remarquait déjà Pascal, il y
a plus de deux siècles, le plus grand nombre d'indifférents, de sceptiques et d'athées.
Il serait difficile d'en faire aujourd'hui le décompte. Mais les chiffres auihentiques
qiii vont être produits démontreront qu'il n'existe nulle part un foyer catholique
plus puissant, plus actif, plus fécond que Paris, des sociétés religieuses plus univer-
selles, des fondations plus illustres, un clergé supérieur par ses lumières.
Je ne dirai rien, par une réserve que vous comprendrez facilement, de la lutte
que l'Eglise catholique soutient, en ce moment, avec une énergie et un succès
auxquels tout esprit impartial rendra hommage ; mais il importe de faire remarquer
que nulle pari les populations n'ont appuyé les revendications de l'Église catholique
avec plus de fermeté et de dévouement qu'à Paris.
§ 2. — STATISTIQUE RELIGIEUSE DE PARIS.
C'est en compulsant moi-même, dans les salles où ils sont placés à l'archevêché
de Paris, pendant plusieurs journées glaciales de mars 1888, les registres des 69 pa-
roisses de Paris, que je suis parvenu à dresser une statistique exacte des baptêmes
et mariages de la population catholique de Paris. L'une de ces salles porte encore
et conservera longtemps le nom de la Reconstitution parce que c'est là que l'on a
pu rendre leur personnalité à la grande majorité des familles parisiennes. J'ai
ajouté au dépouillement de ces registres les relevés de la Maternité et de l'Hospice
des enfants à ceux des paroisses. Le nombre des enfants baptisés dans les autres
hospices ou dans les hôpitaux est sans importance. Quant aux mariages, ils ne sont
célébrés, à très peu d'exceptions près, que dans les églises. Pour rendre le travail
plus intéressant j'ai comparé les résultats d'une période de dix ans. Les baptêmes
et les mariages ont été constatés pour les années 1875 et 1885. Quant aux décès,
l'archevêché de Paris ne réunit pas les registres des enterrements, qui ne sont pas
tenus avec le même soin dans les paroisses. J'ai pu y suppléer par la statistique
municipale de la ville de Paris.
§ 3. — N.USSANCES ET BAPTÊMES.
En 1875, le nombre des naissances à Paris s'est élevé à 53,878, dont 14,212 illé-
gitimes; les baptêmes ont été au nombre de 45,769. La différence est de 11,009.
C'est un chiffre sans importance réelle, si l'on tient compte du grand nombre d'en-
fants transportés hors Paris en nourrissage et baptisés dans les campagnes.
En 1885, le nombre des naissances ayant été de 61,400, dont 16,922 illégitimes,
on a compté 44,596 baptêmes. Quant aux enfants mis en nourrice hors Paris, ils
ont formé un ensemble de 15,631, c'est-à-dire plus du quart des naissances.
§ 4. MARIAGES.
En 1875, le nombre des mariages catholiques s'est élevé à 15,839, sur
18,184 mariages constatés par l'état civil, et en 1885 à 14,321 sur 20,265. Les
— 261 —
mariages catholiques ont donc assez sensiblement diminué, tandis que les baptêmes
se sont à peu près maintenus. En 1875 ils représentaient 8/10 et 1/2, ils sont tom-
bés en 1885 à 7/10. Toutefois, en tenant compte des mariages protestants et
israélites, sur 4 mariages à Paris 3 ont lieu avec une cérémonie religieuse.
§ 5. — DÉCÈS ET ENTERREMENTS.
La statistique municipale de Paris n'a pas donné de résultats pour les convois en
1875. Il n'est pas possible d'établir de comparaison entre les décès et les enterre-
ments de 1875 à 1885.
En 1885, le nombre des convois s'est élevé à 55,343 dont 39,525 religieux.
Sur les convois, non accompagnés de cérémonies religieuses, on a compté
1,135 convois à l'extérieur, 3,491 mort-nés, et 11,278 convois purement civils. La
plupart de ces convois proviennent des hôpitaux dans lesquels il y a eu 15,123 décès
en 1885. 7,218 convois d'hôpital ont été conduits sans enterrement.
Si on rapproche ces résultats de ceux de 1882, on trouve 59,786 convois dont
1,187 à l'extérieur, 3,771 mort-nés, 12,562 enterrements civils, 43,266 cérémonies
religieuses et 16,228 décès d'hôpitaux. En 1882, les convois sans cérémonie reli-
gieuse avaient représenté 19.5 p. 100. En 1885, ils ont représenté 21 p. 100.
Les convois dits civils se sont répartis de la manière suivante, en 1882 et 1885,
entre les diverses classes de convois :
1882 1885
CONVOIS CONVOIS
religieux. civils, religieux. civils.
1" classe 16 1 12 3
-2' —..... . 205 3 164 3
3' — 026 13 658 14
4« — 1,133 33 1,095 36
5° — 2,710 1,261 2,624 1,330
6^ — 5,933 567 5,046 498
7" — 12,269 2,155 9,813 1,613
8» — 2,655 709 2,304 563
9= — 17,719 11,818 17,809 11,758
Ce tableau ne laisse aucun doute sur la cause principale d'absence de cérémonie
religieuse : cette cause est la pauvreté. Il démontre encore que ce n'est pas dans le
milieu des classes populaires que se rencontrent proportionnellement le plus de
convois sans cérémonie religieuse.
§ 6. — CULTES PROTESTANT ET ISRAÉLITE.
En ce qui est des enterrements, en 1885, sur 30,525 convois religieux, on a
compté 988 convois protestants et 620 israélites, ensemble 1,605, soit un peu plus
de 4 p. 100.
Quant aux mariages protestants et israélites, je n'ai pu m'en procurer le nombre.
Ces mariages doivent être ajoutés aux mariages catholiques. Il en doit être de
même pour les baptêmes protestants. Les baptêmes sont à Paris dans un rapport à
— 262 —
peu près constant avec les décès. On peut les évaluer approximativement pour les
ég-lises prolestantes à 3 p. 100 des baptêmes callioliques. Par suite, en 1H85, le
nombre des baptêmes chrétiens a dû s'élever à bien près de 46,000 sur 61 ,400 nais-
sances (45,796).
En procédant de la même manière pour les mariages on trouve que les mariages
catholiques représentent, en 1885, 34 p. 100 des convois. Si on accepte les mêmes
proportions entre les mariages et les convois prolestants et israélites, il faudrait
ajouter 593 mariages aux mariages catholiques. On obtient ainsi approximativement
14,934 mariages religieux à Paris, en 1885, sur 20,365 civils.
§7.
MOUVEMENT DES PAROISSES A PARIS.
Les 69 paroisses de Paris peuvent être réparties en 7 groupes d'après le nombre
des baptêmes faits dans chacune d'elles. Le baptême est l'acte religieux primordial
et fondamental ; il indique la volonté des parents et la tradition des familles.
Le premier groupe comprend les paroisses où ont lieu par an 1,000 baptêmes au
moins. Ces paroisses sont au nombre de 12. .Aucune ne figure parmi les paroisses
en renom de Paris. Aucune ne se trouve sur les boulevards, dans les quartiers de
l'Opéra, la Bourse, la Madeleine, les Cbamps-Ëlysées. Les anciennes paroisses
de Paris , pourvues de belles églises : la Madeleine, Saint-Eustache , la Tri-
nité, Sainl-fioch, Saint - Augustin, Sainte -Clotilde, Notre-Dame, n'occupent
qu'inie condition secondaire dans le Paris catholique. Aucune d'elles ne compte
paimi les groupes de premier, second et troisième ordre. Saint-Sulpice, la paroisse
et l'église du foyer religieux de Paris et de la Fiance, est certainement la première
paroisse catholique du globe à raison du grand séminaire de Paris qui en fait partie.
Saint-Sulpice n'appartient (ju'au second groupe. La population, en eflet, a déserté
le centre de Paris pour se porter à la périphérie. Les vieilles paroisses et les belles
églises ont perdu une partie de leur clientèle. Il faut quitter le centre de Paris.
C'est le long des hauts boulevards que sont rangées les grandes églises de Paris, les
paroisses populaires, dirigées par un clergé infatigable.
Premier groupe.
PAROISSKS.
Sainte-Marguerite
Saint-Ambroise
Nolre-Dafiie de Clignaiicourt. .
Nolre-Dainc-Ménilnioiitaat. . .
Saiiit-Germain-Charonne . . .
Saint-Pierre- Montrouge . . . .
Saint-Michel-Batignolles. . . .
Sâint-Jean-Baptiste-Grenelle. .
Saint-Joseph . .
Saint-Georges
Saint-Jacques-Saint-Christoplie.
Saint-Jean-Belleville
Totaux! . .
BAPTI
:mks.
MAKIAOES.
1875
1885
1875
1885
1,656
1,541
511
393
1,675
1,423 ■
575
423
935
1,318
295
349
1,043
1,127
314
270
917
1,127
248
266
955
1,121
336
333
946
1,099
323
371
781
1,093
267
296
1,311
1,09-2
379
276
1,06-2
1,06-2
275
263
1,359
1,203
409
312
1,163
1,006
351
268
,13,803
14,211
4,288
3,820
- '263 —
Ce premier groupe esl formé des grandes paroisses populaires de Paris. Les évé-
nements de 1870 et 1871, la Commune de Paris, n'ont exercé qu'une iufluencfc
temporaire ; les chiffres ci-dessus le démontrent.
Le second groupe est composé des paroisses qui comptent de 1,000 à 700 bap-
têmes. Elles ont encore beaucoup d'importance.
Second groupe.
BAPTÊMES. MAHIAOKS.
PAROISSES. " ^ ^ !■ . ^ ^ ^ .
1875 1885 1875 1885
Saint-Laurent 1,067 829 399 329
Notre-Dame-Batignolles ■1,015 860 412 341
Saint-Sulpice 681 978 281 269
Saint-Médard 709 955 219 285
Notre-Dame de la Gare 660 894 172 210
Saint-Lambert 713 869 251 255
Saint-Éloi 925 811 463 246
Saint-Pierre-Montmartre 899 748 339 266
Saint-Bernard 765 799 264 225
Saint-Marcel 554 796 210 206
Totaux 7,988 8,539 2,810 2,632
Vient ensuite le troisième groupe avec de 700 à 500 baptêmes : :
Troisième groupe.
Saint-Antoine 740 679 267 182
Saint-Pierre-Gros-Caillou 714 622 277 238
Saint-Dcnis-La- Chapelle 662 695 212 203
Nolre-Dame-des-Champs 594 569 251 252
Notre-Dame-de-Lorette 632 526 328 300
Saint-François-Xavier 570 550 239 229
Notre-Dame de Plaisance 587 693 170 , 157
Saint-Vincent-de-Paul 567 524 292 249
Saint-Ferdinand des Ternes .... 575 593 209 226
Totaux 5,641 5,451 2,245 2,025
Dans le quatrième groupe, de 500 à 400 baptêmes, on rencontre les paroisses du
centre de Paris et dont la population a diminué.
Quatrième groupe.
Saint-Eustache 645 400 286 184
Saint-Paul-Saint-Louis 606 420 219 164
Notre-Dame-Bercy 468 408 146 112
Sainl-Éiienne-du-Mont 485 446 195 ' 160
Saint-Marcel-Salpètrière 256 416 65 101
SaintGermain-des-Prés 431 473 190 161
Immncidée-Conception 242 438 69 121
Totaux 3,133 3,001 1,170 1,003
— 264 —
On peul considérer le cinquième groupe, avec de 400 à 300 baptêmes et 17 pa-
roisses, comme le centre calholique du Paris d'autrefois.
A raison du nombre de paroisses qu'il contient, ce groupe sera subdivisé en deux.
Cinquième groupe (N° 1)
UAPTÊUKS. MAltlAOES'
PABOItSKB. ^ ^- ^ I - m ~,
1875 1885 1875 1885
Saint-Nicolas-des-Champs 532 372 239 184
Saint-Merry 485 384 199 200
Saint-Martin 490 372 242 211
Bonne-Nouvelle 489 370 185 134
Saint-François-de-Sales 273 392 87 186
Sainl-Honoré 336 396 143 152
Sainl-Jacqucs-Haut-Pas 342 362 133 134
Saint-Philippe-du-Roule 427 371 242 238
Saint-Augustin 415 364 277 240
Totaux 3,789 3,383 JTIVf 1~679
Cinquième groupe (N" 2).
Saint-Denis-Saint-Sacrement. ... 448 327 195 160
Saint-Sévérin 390 354 151 162
La Trinité 386 335 235 239
Saint-Nicolas-du-Chardonnet . ... 383 352 185 134
La Madeleine 414 327 305 242
Annonciation de Passy 354 362 135 149
Saint-Eugène 354 302 223 198
Saint-Roch 596 367 335 214
Totaux 3,325 2,726 1,764 ^498
Avec le sixième groupe commencent les petites paroisses.
Sixième groupe,
Sainte-Elisabeth 433 288 182 161
Saint-Leu 323 240 140 101
Saint-Gennain-l'Auxerrois 301 221 147 135
Notre-Dame-Blancs-Manteaux ... 284 268 134 123
Saint-Louis-d'Antin 282 230 215 182
Notre-Dame d'Auteuil 187 268 84 90
Sainte-Clotilde 208 211 158 134
Saint-Gervais 454 289 .169 132
Saint-Pierre de Cliaillot 290 264 129 179
Saint-Jean-Saint-François 479 276 » »
Totaux "ÏÏJST 2^555 1,358 ~^237
Viennent, enfin, les quatre plus petites paroisses.
Septième groupe. '
Saint-Thomas-d'Aquin 210 196 122 118
Saint-Louis-en-1'Ile 215 173 78 80
Notre-Dame-des-\'ictoires 231 154 146 107
Notre-Dame. . 83 152 45 34
Totaux 739 675 371 3;i9
265 —
STATISTIQUE RELIGIEUSE DE PARIS 1875-1885.
P A lï O l 8 s R s.
Sainte-Marguerite ...... 1,656
Saint-Ambroise 1,675
Saint-Joseph 1,311
Saint-Georges 1,062
Saint-Laurent 1,067
Kotre-Dame Ménilmontant . . . 1,043
Notre-Dame des Batignolles. . . 1,015
Saint-Pierre de Montrouge . . . 955
iXotreDanie de Clignancourt . . 935
Saint-Michel des Batignolles . . 946
Saint-Pierre de Montmartre. . . 899
Saint-Germain de Charonne . . 917
Saint-Jean-Baptiste de Grenelle . 781
Saint-Antoine 740
Saint-Bernard de la Chapelle. . 765
Saint-Pierre du Gros-Caillou . . 714
Saint-Éloi 925
Saint-Médard 709
Saint-Lambert < . . 713
Saint-Denis La Chapelle .... 662
Saint-Sulpice 681
Notre-Dame de la Gare .... 660
Saint-Enstache 645
Saint-Paul-Saint-Louis 606
Saint-François-Xavier 570
Notre-Dame-des-Champs. . . . 594
Notre-Darae-de-Lorette .... 632
Saint-Roch 596
.Notre-Dame de Plaisance . . . 587
Saint-Mareel-.Maison-Blanche . . 551
Saint-Ferdinand des Ternes. . . 575
Saint-Vincent-de-Paul 567
Saint-iNicoIas-des-Champs . . . 532
Notre-Dame de Bercy 468
Saint-Merry 485
Saint-Martin 490
Saint-Jean-Saint-François . . . 479
Sainte-Elisabeth 433
Saint-Étienne-du-Mont .... 485
Saint-Denis-du-Saint-Sacrement. 448
Saint-Séverin 390
La Trinité 380
Notre-Dame de Bonne-Nouvelle . 489
Saint-iMcolas-du-Chardonnet . . 383
Saint-Nicolas-des- Champs . . . 414
Saint-Philippe-du-Roule .... 427
Annonciation de Passy .... 354
Saint-Augustin 415
Saint-Eugène 354
Saint-Leu 323
MES.
RÉSULTATS
MARIAGES.
RÉSULTATS.
1—
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1885
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1875
1885
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1
— 266
PAROISSKS.
Saint-Geimain-rAuxeiTois . . .
Noire-Dame-Blancs-Manteaux . .
SaintMarcel-la-Sal|iélri6re . . .
Nolie-Danie-des-Victoires . . .
Saint-I'rançois-de-Sales ....
Sainl-Louis-en-l'Ile
Sailli-Louis d'Antin
Saint-Thonias-d'Aquin. ....
Noire-Dame d'Auteuil
Sainte-Clotilde
Nolri'-Dame
Sjin'.-l'ierre de Chaillol ....
Saint-Jean de Uelleville .... I
Saint -Honoré
Saint-Jacques-du-Haut-l'as. . .
Saiiit-Gervais
Saliit-Gcrmain-des-rrés ....
Sainl-Jacques-Saint-Cliristopbc , 1
L'Inimaculée-Conception ....
La .Maternité 1,1 J3 1,1S0 • . 27
Enfants trouvés 2,290 2,2r.6 24 »
BAP'J
:ÊHES.
K£âDl.TATB.
UaKIAOBB.
BÉSULTATS.
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>
52
Totaux 45,769 44,590 4,664 3,413 15,829 14,321 2,172 564
§ 8. — POPULATIO.N DES ARRONDISSEMENTS DE PARIS. RÉPARTITION DES PAROISSES
PAR ARRONDISSEMENT.
Il peul être intéressant de rapprocher ces chiffres de ceux de la populalion par
arrondissements, d'après Vordo de 1890.
/" Arrondissement. — 4 paroisses.
Sainl-Germaiii-l'Auxerrois : 13,010. — SniiU-Euslaclie : 20,000. — Saint-Roch :
28,817. — Saint-Leu, 17,250.
If Arrondissement. — 2 paroisses.
Notre-Daine-des-Victolres : 11,500. — Notre-Daine-de-Bonne-Nouvelle : 28,563.
///• Arrondissement. — 4 paroisses.
Saint-NicoIas-des-Champs : 28,190. — Sainl-Denis-du-Saint-Sacrement : 22,155. —
Sainte-Élisabelh : 23,007. — Sainl-Jean-Saint-François : 16,136.
yp Arrondissement. — G paroisses.
Notre-Dame ; 0,570. — Sainl-Gervais : 20,017. — Saiiit-Merry : 19,895. — Saint-
Louis-en-l'Ile : 9,164. — Notre-Daine-des-Blancs-Miinteaux : 15,101. — Sainl-Paul-
Saint-Louis : 31,581.
Y' Arrondissement. — 5 paroisses.
Saint-Élienne-duMont : 25,200. — Saint-Méiiard : 30,550. — Saint-Séverin : 18,000.
— Sainl-Jacques-du-Haul-Pas : 20,507. — Saint-Mcolas-du-Cliardoiinel : 10,000.
VI' Arrondissement. — 3 paroisses.
Siiint-Sulpicii : 37,940. — Rainl-Germain-des-Prés : 19,000. — Notre-Dame-des-
Champs : 39,185-
— 267 —
VII° Arrondissement. — 5 paroisses.
Sainte-Clotilde : 14,720. — Sainl-Tlioinas-,l*Aquin : 13,907. — Saitil-Louis-des-Inva-
lides : 2,423. —Saiiit-François-Xavier : 32,880. — Saint-Pierre-du-Gros-Caillou : 28,753.
Vni' Arrondissement. — 3 paroisses.
La Madeleine : 29,292. — Saint-Augustin : 29,178. — Saint-Phiiippe-du-Roule :
25,20().
IX' Arrondissement. — 4 paroisses.
Notre-Dame-de-Lorette : 44,030. — Saint-Louis d'Anlin : 19,.588 — Saint-Eugène :
25,320. — La Trinité : 28,208.
Y» Arrondissement. — 3 paroisses.
Saint-Laurent : 45,000. — Saint-Martin : 25,885. — Saint-Vincent-de-Paul : 35,233.
XI' Arrondissement. — 3 paroisses,
Sainte-Marguerite : 76,491. — Sainl-Ambroise : 72,971. — Saint-Joseph : 60,000.
XIP Arrondissement. — 4 paroisses.
Notre-Dame de Bercy : 16,062. — Saint-Antoine : 37,138. — Saint-Éloi : 40,653. —
Immaculée-Conception : 16,178.
XIW Arrondissement. — 3 paroisses.
Saint-Marcel : 22,800. — SaintMarcel-la-Maison-Blanche : 35,343. — Notre-Dame de
la Gare : 35,920.
A'/F" Arrondissement. — 2 paroisses.
Saint-Pierre du Petit-Montrouge : 57,554. — Notre-Dame de Plaisancu : 29,200.
XV' Arrondissement. — 2 paroisses.
§aint-Lambert de Vaugirard : 30,887. — Sainl-Jean-Baptiste de Grenelle : 47,426.
X 17° Arrondissement. — 4 paroisses.
Saint-Pierre de Chaillot : 22,825. — Annonciation de Passy : 20,492. — Saint-Honoré :
27,383. — Notre-Dame d'Auteuil : 15,981.
XVII' Arrondissement. ■ — 4 paroisses.
Sainte-Marie de Batignolles : 51,968. — Saint-Ferdinand des Ternes : 37,820. —
Saint-Michel de Batignolles : 54,700. — Saiiit-François-de-Sales : 22,700.
. XVIII" Arrondissement. — 4 paroisses.
Saint-Pierre de Montmartre : 51,433. — Saint-Bernard de la Chapelle : 37,895. —
Saint-Denis de la Chapelle : 26,283. — Notre-Dame de Clignancourt : 68,121.
XIX" Arrondissement. — 3 paroisses.
Saint-Jean-Baptiste de Belleville : 59,803. — Saint-Jacques-Saint-Christophe : S8,184.
Saint-Georges : 41,582.
XY' Arrondissement. — 2 paroisses.
Saint-Germain de Charonne : 33,682. — Notre-Dame-de-la-Crois, à Ménilniontant :
52,079.
§ 9. — VISITE DES PAROISSES DE PARIS.
Les chiffres des baptêmes, des mariages et des sépultures, malgré leur remar-
quable concordance, ne reposent-ils sur aucune réaliié vivante? ne correspondent-
ils qu'à un formalisme pur et simple, dernier débris de la coutume d'une foi éteinte?
Il me restait, après mes séjours dans les greniers de laReconslitulion, à entier en
quelque sorte en rapport avec les 69 paroisses de Paris, à faire connaissance avec
— 268 —
la plupart dVnlre elles cl à étudier sur le vif la vie religieuse de Paris. J'ai consacré
trois années à cette œuvre qui m'a laissé d'ineffaçables souvenirs.
C'est dans les grandes églises populaires de Sainte-Marguerite, Saint-Ambroise,
Saint-Germain de Charonne, Saint-Joseph, Saint-Pierre du Petit Monlrouge, Saint-
Michel, Sainte-Marie des Batignolles, Clignancourl, Belleviile et tant d'autres qu'il
faut se rendre pour constater sur place la force de l'Église catholique à Paris, l'éten-
due de ses ressources et le dévouement de ses prêtres. 11 m'est arrivé souvent,
notamment à Sainte-Marguerite, de ne pouvoir entrer le jour de la première com-
munion. J'ai pu assister dans la splendide église de Saint-Joseph à l'une des plus
belles têtes religieuses de ma longue vie. Dernièrement j'ai à peine trouvé une
chaise dans l'église de Saint-Jacques de la Villette, touchant les fortifications.
Je pourrais vous apporter, Messieurs, bien d'autres preuves de l'intensité du mou-
vement religieux à Paris. Mais il me suffira de le constater afin de vous affirmer que
ce soir je ne vous ai apporté que les résultats d'une statistique pleine d'enseigne-
ment et surtout de vie. Fournier de Flaix.
II.
UN NOUVEAU PROGRÈS A RÉALISER DANS LA STATISTIQUE
DES LIBÉRALITÉS AUX PERSONNES MORALES.
La Société de statistique a bien voulu garder le souvenir de la communication
que nous avions l'honneur de lui soumettre dans sa séance du 20 mars 1889 et
qui a été textuellement insérée dans le Journal de la Société du mois de juin
suivant (1). C'est une suite à cette communication primitive que nous avons l'hon-
neur de lui soumettre aujourd'hui.
Dans la première, en indiquant les améhorations dont la statistique des libéralités
aux personnes morales était susceptible, nous avions principalement insisté sur
l'utilité d'y introduire la distinction légale reconnue par la doctrine juridique et la
jurisprudence de la Cour de cassation, entre les établissements publics et les éta-
blissements d'utilité publique ; et, en second lieu, sur la division des autorités com-
pétentes pour accorder l'autorisation d'accepter les libéralités.
L'Administration a bien voulu reconnaître la convenance et les avantages de
l'adoption de ces distinctions par le service de la statistique. Une instruction
adressée aux préfets, le 6 février 1890, par M. le Ministre du commerce, de l'in-
dustrie et des colonies, a prescrit de les suivre dès la présente année.
En faisant connaître à la Société cet heureux résultat dans sa séance du 16 avril
dernier, nous avons profilé de cette occasion pour exprimer nos remerciements à
l'Administration et à ceux de nos confrères à qui leurs fonctions ont permis d'assurer
la réalisation de ce premier progrès.
En venant aujourd'hui en demander un nouveau, nous sommes assuré de ne pas
trop présumer du dévouement de tous au bien public dans ces graves questions.
A la fin de notre première communication, à la suite des vœux actuellement exaucés,
(1) La Statistique des libéralités aux personnes morales et les amélioralions dont elle est sus-
ceptible. (Journal de la Société de statistique, numéro de juin 1889, pages 213 et suivantes.)
— 26i) —
nous avions dès lors ajouté ce simple mot : « Enfin, s'il était possible d'avoir aussi
l'indication des libéralités pour lesquelles l'autorisation d'accepter est refusée, nos
vœux seraient comblés. »
C'est le développement et la justification de ce dernier vœu que j'ai l'honneur
de vous apporter.
La Statistique générale de la France se borne à faire connaître les libéralités aux
établissements publics el aux élablissements d'utilité publique dont l'acceptation
est autorisée. Elle garde le silence en ce qui concerne les refus d'autorisation.
Nous croyons qu'il y a là une lacune regrettable, el facile à combler, dans la statis-
tique des libéialités. Nous vous demandons la permission de l'établir à l'aide des
trois piopositions suivantes :
i" Le silence des statistiques officielles relatif aux refus d'autorisation n'est pas
logique, alors que la nécessité de la statistique des libéralités autorisées est univer-
sellement admise ;
2° La statistique des refus d'autorisation serait certainement utile;
3° Elle ne présente ni difficultés particulières ni inconvénients.
I. — Première proposition
Le silence des slalistiques ofJicieUes relatif aux refus d'autorisation
n'est pas logique.
La nécessité pour les établissements publics et les établissements d'utilité publique
d'une autorisation administrative ou gouvernementale à l'effet d'accepter des dons
ou legs, est une institution de notre droit national, consacrée par l'article 910 du
Code civil et par un grand nombre de lois d'administratioii générale ou locale.
Cette institution a été d'ailleurs empruntée par ces lois au droit de notre ancienne
France, où les mêmes dangers el les mêmes besoins avaient fait admettre des règles
analogues.
Cette institution est d'ordre public au premier chef. Elle a un triple objet : Pro-
téger les familles contre des influences puissantes dont l'action, sans tomber sous
le coup de la loi, place les héritiers isolés dans une injuste situation d'infériorité
qui leur serait fatale ; éviter l'accaparement des propriétés par les établissements de
mainmorte ; parfois proléger ceux d'entre eux que des liens légaux rattachent aux
services publics contre leur propre entraînement.
.\ quelque point de vue qu'elle soit envisagée, l'institution de l'autorisation
d'accepter les dons et legs nécessaire aux personnes morales est donc d'une
importance politique el sociale de premier ordre.
C'est pour cela que le service de la Statistique générale de la France a reconnu
dès longtemps la convenance de faire connaître les résultats annuels el prati(]ues
d'une telle institution.
Mais en ne parlant que des dons et legs suivis d'autorisation, l'Administration
n'atteint qu'une partie du but, qui est de faire connaître les résultats entiers de
l'inslilution. Une partie seulement de la lâche est accomplie. Sans doute, un incon-
testable service est rendu au public en lui apprenant que les libéralités dont l'ac-
ceplalion est autorisée présentent une moyenne annuelle de 25 à 26 millions. Mais
est-il logique de ne rien lui dire des refus d'autorisation? Ce silence empêche de
— 270 —
connailre exaclemenl le fonctionnement, les résultats de l'inslitulion, l'effet de la
protection légale qui en résulte pour les familles et pour l'Étal. L'institution n'ap-
parail pas dans son ensemble. Un seul de ses aspects est mis en lumière, une seule
de ses conséquences est constatée. Les autres sont omises. Il y a là une grave lacune
et un défaut inconleslable de logique.
L'omission crée de plus, bien qu'involontairement, l'obscurité et l'équivoque.
La science ne les aime nulle part. Elles doivent partout disparaître dans les docu-
ments officiels, surtout dans un pays de publicité, de démocratie et de liberté.
En un mol, sur ce premier point, il y a là un fait social grave, que la statistique,
celte science des faits sociaux, doit faire connaître tout entier, et dont, en l'état
actuel de ses tableaux, elle ne fait connaître que la moitié.
II. — Deuxième proposition.
La statistique des refus d'autorisation serait certainement utile.
Il y a là, ce nous semble, une vérité d'évidence, ce que les Anglais appellent, je
crois, un truism.
S'il e^t utile au pays de savoir qu'il y a en France, bon an mal an, 25 millions
de biens acquis, à litre gratuit, avec l'autorisation du Gouvernement, par les éta-
blissements publics et d'utilité publique ; que, dans ce chiffre total, les immeubles
figurent pour plus de 4 millions et les capitaux et rentes pour 21 millions; que la
répartition est tiès inégale par départements ; que cerlanies années le déparlement
de la Seine, à lui seul, a absorbé le quart de ces libéralités ; que certaines catégo-
ries d'établissements en reçoivent plus que d'autres; — toutes choses que les sta-
tistiques officielles nous rendent le grand service de nous apprendre, et qu'il nous
serait impossible de savoir sans elles ; — si toutes ces constatations sont éminem-
ment utiles, comment ne le serait-il pas également de savoir dans quelle mesure
ces millions, acquis à litre gratuit par les établissements gratifiés, se seraient aug-
mentés sans l'institution du droit d'autorisation? Les tableaux de l'Administration
peuvent seuls aussi nous l'apprendre.
La statistique des refus d'autorisation, que nous sollicitons, est indispensable
pour faire connaître, pour les uns, dans quelle proportion l'institution restreint ce
qu'on appelle la liberté de tester, et, pour les autres, dans quelle mesure elle pro-
tège les familles et la société contre l'extension de la propriété de mainmorte.
L'utilité qu'il y aurait pour le pays à être éclairé sur ces points n'est pas contestable.
Au nom des établissements intéressés, on a mené des campagnes ardentes contre
ce principe de notre droit. Des esprits éminenls ont cherché ailleurs que dans
l'autorisation administrative et gouvernementale une digue à l'accaparement des
propriétés par les collectivités. D'autres, enfin, se plaignent que la digue légale
manque d'efficacité et se plaignent de la reconstitution au xix' siècle de la propriété
de mainmorte.
Les uns et les autres ont besoin d'être fixés sur l'importance des refus d'autorisa-
tion, tant pour s'éclairer sur le fait social dans sa plénitude, que pour élayer ou
pour modifier leur argumentation ou leurs convictions.
Les défenseurs et les adversaires de l'institution, le Gouvernement et le Parle-
ment eux-mêmes, comme les familles et le pays tout entier, ont besoin de connaître
— 271 —
tous ses résiillnls, les icfus nus?i bien que les autoiisalions d'accepler les dons ou
legs aux établissements publics et d'utilité publique.
L'utilité de la statistique des refus ne le cède donc pas à celle des autorisations.
III. — Troisième et dernière proposition.
La slatislique des refus d'autorisation
ne présente ni difficultés spéciales ni inconvénients.
Il suffit de jeter les yeux sur les tableaux de la Slatislique générale de la France,
et, en outre, tout spécialement sur l'état n° 13 et le bulletin modèle 13 bis, visés
par la circulaire ministérielle n° 383 ci-dessus rappelée, en date du 6 février 1890,
pour reconnaître que les moyens d'investigation dont dispose le Ministère du com-
merce et de l'industrie, en ce qui concerne les autorisations accordées, sont appli-
cables de tous points aux refus d'autorisation.
Les autorités compétentes pour autoriser sont aussi celles qui refusent l'autorisa-
tion. Le service de la slatislique peut donc être renseigné par les mêmes voies,
et aussi facilement, pour les refus d'autorisation que pour les autorisations elles-
mêmes.
Il suffit qu'une nouvelle instruction ministérielle réclame des préfets, sur les
refus d'autoi'isalion, les mêmes renseignements que pour les autorisations sur la
nature de la libéralité, la désignation de l'établissement bénéficiaire, l'acte de refus,
la valeur et l'objet de la libéralité refusée. De même (|ue la circulaire du 6 février
1890 a modifié et complété les circulaires du 12 décembre 1888 el du 26 février
1872, la nouvelle circulaire que nous souhaitons viendrait compléter les pré-
cédentes en réalisant dans le service de la slati.sli(jue un progrès et un bienfait
de plus.
Il ne faut pas exagérer l'augmentation du travail pouvant en résulter pour les
préfectures, puisque les demandes d'autorisa'tion suivies de refus ont été soumises
au même mode d'instruction que les demandes suivies d'autorisation. Ce sont les
mêmes bureaux, les mêmes agents qui ont suivi les unes et les autres. En donnant
les renseignements réclamés actuellement pour le service de la statistique géné-
rale de France relativement aux autorisations accordées, les préfectures répon-
draient aussi facilement et dans le même travail, bien que sur des états el bul-
letins distincts, en ce qui concerne les refus d'autorisation.
Dans de nombreux cas elles sont même actuellement obligées de se reporter aux
dossiers contenant des refus d'autorisation pour répondre aux demandes de rensei-
gnemenls relatives aux autorisations données. En effet, l'instilulion, dans ses condi-
tions de fonctionnement pratique, comporte trois solutions possibles : l'autorisation
pour toute la libéralité, le refus pour le lout, et ce qu'on a appelé le droit de réduc-
tion. Ce prétendu droit de réduction n'est en réalité qu'une autorisation donnée
pour partie de la libéralité et un refus opposé pour le reste par la puissance pu-
blique. De sorte que dans ces cas, qui seraient assez nombreux, les agents d'infor-
mation du Ministère du commerce ne peuvent se reporter à l'acte administratif qui
autorise, sans avoir en même temps sous les yeux l'acte qui refuse, puisqu'il s'agit
de deux dispositions contenues dans un seul et même acte. Le travail ne serait donc
pas augmenté. C'est ce que la circulaire ministérielle du 6 février 1890 a déjà fait ob-
— 272 —
server pour le premier progrès accompli : « Ces différentes dislinclions naugmeii-
teront en rien le travail des préfectures. •<>
D'autre part, pourquoi, du même acte, constater, dans les statistiques, l'article
qui autorise et omettre l'article portant refus?
Pour les décisions contenant un refus total, la recherche ne serait pas moins
facile, puisque l'acte qui refuse pour le lout a été précédé d'une insiruction com-
plète accomplie par les mêmes agents que celles portant refus partiel ou autorisa-
lion totale.
Au point (le vue purement administratif, il n'y aurait donc aucune difficulté. Il
n'y aurait même pas un supplément de travail appréciahle. D'ailleurs en fùt-il
autrement, le progrès à réaliser en vaut certes la peine.
Il est donc évident que la statistique des refus ne présente pas plus de difficultés
que celle des autorisations et que le travail fait pour l'une profiterait à l'autre.
Existerait-il enfin des périls ou même des inconvénients?
Nous cherchons en vain comment, au point de vue politique et social, la
statistique des refus d'autorisation pourrait avoir des inconvénients de nature
à la faire repousser, tandis que la statistique des autorisations est admise et
consacrée.
On reconnaît qu'il y a lieu de faire savoir pour combien de millions la puissance
publique dit « oui » chaque année; quel péril pourrait-il y avoir à ce que l'on sût
pour combien de millions elle dit < non » ?
On a objecté qu'il y aurait des inconvénients à faire connaître les causes des
refus. Mais qui donc a demandé au service de la statistique de faire connaître ces
causes? Elles tiennent souvent à la situalion des familles, paifois à celle des éla-
blissemenls gratifiés, et aussi à l'intérêt économique ou politique de l'État. Ces
choses délicates ne sont pas de noire domaine. Les causes échappent à la statistique.
Elles ne sont d'ailleurs pas toujours l'objet d'une constatation ; l'acte qui refuse ne
mentionne pas toujours les causes de refus, pas plus que l'acte qui autorise ne donne
4es causes d'autorisation. Les donneraient-ils d'ailleurs, que la cause d'un fait so-
cial reste dislincte du fait social, qui seul appartient à la statistique.
Aussi nul n'a demandé, à notre connaissance, dans la Société, qu'il fût fait men-
tion des causes de refus par la statistique. Un fait nouveau, et le seul nouveau
dans cette question depuis que nous avons eu l'honneur de l'introduire au sein de
la Société, serait de parler des causes des refus, dont nul ne réclame la publication,
pour repousser la constatation des refus eux-mêmes, qui appartiennent à la science
des statisticiens, au même titre que les autorisations.
Il ne saurait d'ailleurs échapper à personne que puisque les préoccupations des
causes d'autorisation, qui tiennent également à la situalion des familles, des élablis-
scmenls, aux intérêts politiques et économiques de l'État, n'ont pas fait obstacle
à la statistique des autorisations, la préoccupation des causes de refus ne peut pas
davantage constituer un obstacle à la statistique des refus d'autorisation.
Dans un cas comme dans l'autre, la statistique n'aura ni le droit, ni la mission,
ni les moyens, ni la volonté de rechercher et constater ces causes.
D'ailleurs, et l'argument paraîtra sans doute sans réplique, ce que nous deman-
dons à la Statistique générale de France de vouloir bien faire, le Conseil d'Etat,
dans la statistique spéciale de ses travaux, le fait depuis longtemps, sans se préoc-
cuper ni des causes de refus, ni des causes d'autorisation, constatées ou non, dans
— 273 —
les décrets par lui préparés. Pour s'en convaincre, il suffît de se reporter notbm-
menl au dernier Compte général des travaux du Conseil d'Étal du i" janvier 1878
au 31 décembre 1882, pages xvi el suivantes du rapport du Ministre de la justice,
président du Conseil d'État, en date du 1" mai 1888.
« Les dons et legs acceptés par les bureaux de bienfaisance figurent dans la
statistique du Conseil pour une somme de 7,443,952 fr. ; il a été prononcé des
réductions pour 95,529 fr., el des rejets j)Our 171,300 fr. Dans la période anté-
rieure, les acceptations, les réductions et les rejets figurent lespectivemenl
pour 11,514,506 fr., 318,565 fr. et 12,200 fr On doit formuler les mômes
observations lors(iu'on compare i)Our les hospices les accoptalions, réductions el
rejets de la période actuelle, à savoir : 15,747,777 fr., 366,590 fr., 587,875 fi'.,
aux indications portées à la statistique précédente et d'après lesquelles les
acceptations se seraient élevées à 17,112,937 fr., les réductions et les rejets
à 376,236 fr. »
A la page suivante, le même rapport donne les chiffres lelatifs aux congrégations
religieuses reconnues : acceptations, 6,055,681 fr. au lieu de 16,340,544 fr. pen-
dant la période 1872-1877; rejets el réductions, 881,000 fr. contre 658,000 fr.
dans la période antérieure.
Nous terminerons ces citations par la suivante (page xviii) :
« Le montant des libéralités faites aux établissements des cultes pioteslants et
Israélites el autorisées par le Conseil d'État est évalué respectivement à 557,198 Ir.
el à 328,780 fr. ; le comjjte précédent les évaluait à 823,902 fr. pour les
élablissements protestants et à 465,854 fr. pour les établissements Israélites.
Une seule décision de réduction était intervenue pour lesdils établissements
de 1872 à 1877; il est intervenu 23 décisions de réduction ou lejet dans la
période 1878-1882. »
Si le rapport du .Ministre de la justice, président du Conseil d'Étal, au Président
de la République, peut s'exprimer ainsi sur ces divers points, c'est que les tableaux
de la statistique du Conseil, dont il met en relief les résultats, relèvent, en ce qui
concerne chaque catégorie d'établissements, le nombre des décrets d'autorisation,
.de réduction et de rejet, et la valeur, en meubles ou immeubles, des libéralités
acceptées, réduites ou rejelées.
On voit, en outre, par les comparaisons contenues dans les extraits qui précèdent,
que ce n'est pas seulement le compte général des travaux du Conseil d'État publié
en 1888 qui a fait connaîlie les rejets el les réductions en même temps que les
autorisations; on y voit qu'il en était de même du compte général |iublié en 1877.
Mais ce n'est pas tout. Il faut constater, en outre, que ces comptes généraux n'onl
fait à cet égard que continuer la tradition des statistiques du Conseil d'Etat, et que
les comptes généraux publiés sous l'Empire, en 1862 et en 1868, en faisaient autant,
suivant eux-mêmes l'exemple des comptes généraux antérieurs.
Nous ne demandons au service de la Statistique générale de France que de faire
enfin, après 1890, ce que les statistiques spéciales du Conseil d'Étal font depuis
cinquante ans.
Nous croyons avoir justifié nos trois propositions. La statistique des refus doit
donc trouver sa place dans les statistiques oflîcielles à côté de la statistique des
autorisations, et comme son indispensable complément.
Les progrès récemment réalisés par une administration vigilante et dévouée au
Itc 6ÉB1E. 31' VOL, — s" 9. t fi
— 274 —
bien public nous sont un sûr garant que le nouveau pas en avant que nous avons
riionneur de souhaiter sera fait également.
Nous serions heureux d'avoir, sur ce point, contribué à produire la lumière et
activé le travail des esprits. N'est-ce pas un des avantages précieux de notre Société
de nous mêler les uns aux autres, et, par l'échange des vues entre ceux qui font la
statistique et ceux qui en prufilent (dont je suis seulement), de travailler ensemliie,
par la seule force de la démonstration scientifique et de la di.scust^ion, à l'adoption
des idées justes et à la constatation de plus en plus exacte et complète des faits
sociaux ? ïh. Ducrocq,
Professeur ù la Faculté de Droit de Paris,
Corrcspondaut de l'iustitut,
Vice-Présidciit de la Société de statistique.
III.
LA MORTALITÉ DES MILITAIRES EN TEMPS DE PALX.
L'Annuaire statistique de la France, publié par le ministère du commerce en
1888, contient des tableaux très intéressants au point de vue de la statistique mi-
litaire. Nos compagnies d'assurances sur la vie ne soumettant à aucune surprime
le service militaire en temps de paix, il convient de vérifier, à l'aide des tableaux
de VAnnuaii'e de ISSS, si le risque de mortalité est aggravé ou non par ce service.
L'examen des tableaux nous fournira à ce sujet d'utiles indications; il prouvera,
d'ailleurs, que les statistiques ont besoin d'être examinées de près et qu'il est par-
fois dangereux d'accepter sans réserves leurs chiffres et leurs conclusions.
Le tableau 1 de la statistique sanitaire de l'armée indique l'effectif disponible et
indisponible, ainsi que la mortalité par arme, pour l'année 1885. L'effectif moyen
présent a été, dans cette année, de 451, 9i1 hommes.
Les décès ont atteint le chiffre de 3,421, ce qui représente 7.6 p. 1,000 de
l'effectif. Remarquons tout de suite que c'est la proportion la plus basse depuis
1875. Le taux de la mortalité a été, cette année-là, de 12.6. Il est descendu, l'an-'
née suivante, à 11.4, puis à 9.6 en 1877. Il descend encore dans les deux années
suivantes, mais il se relève brusquement à 10.9 en 1880; et depuis lors, il est des-
cendu à 7.6, taux des années 1884 et 1885. Il résulte bien de là que la situation
sanitaire de l'armée s'est améliorée grandement de 1875 à 1885.
Le taux de mortalité de 7.6 p. 1,000 est au-dessous de la mortalité générale.
Ce fait peut paraître étrange au premier abord, mais il a son explication.
L'effectif de 1885 se compose principalement de jeunes soldats. Nous trouvons
dans cet effectif 235,788 hommes pour l'infanterie, 19,385 chasseurs à pied,
62,004 cavaliers, 56,805 artilleurs. Il y a donc sur les 451,941 hommes de l'ef-
fectif, une très grande partie appartenant à des âges compris entre 21 et 25 ans.
Le taux de la morialité générale est pour ces âges de 9.12 p. 1,000, d'après l'ex-
cellente table de Beauvisage, un peu plus élevé d'après la table de la statistique de
la France.
Or, si nous nous rapportons au tableau que nous analysons, nous voyons que les
taux de mortalité ont été pour l'infanterie de 7.5 p. 1,000, pour les chasseurs à
pied de 7.3, pour la cavalerie de 6.6, pour l'artillerie de 6.7.
i
— 275 —
A première vue, on serait tenté de croire que le service militaire prolonge l'exis-
tence humaine. Il n'en est rien. Deux circonstances expliquent l'abaissement du
taux de morlalilé pour certaines armes.
La première est le mode de recrutement. Il constitue une véritable sélection
médicale, qui a les mêmes effets que dans les assurances sur la vie. Il débarrasse
l'armée des hommes peu valides ou sujets à des infirmités. Un tableau spécial nous
apprend que pour la classe de 1886, il y avait 316,090 jeunes gens inscrits sur les
listes de tirage et qu'il n'en est reslé que 138,446 pour l'armée aciive, les autres
ayant été exemples définilivement, ou ajournés à un nouvel examen, ou déclarés
propres au service auxiliaire, ou dispensés conditionneilement, ou enfin dispiMisés
du service en temps de paix.
«
* »
Les exemptions définitives, les classements au service auxiliaire et les ajourne-
ments à un nouvel examen ont pour cause des infirmités ou des faiblesses de
constitution dues à des maladies chroniques. Il y a eu de ce chef, pour la classe
1886, 98,059 jeunes gens retirés de l'armée active. C'est plus du tiers des jeunes
gens inscrits. C'est là une sélection qui continue son effet pendant le temps du ser-
vice et qui réduit, par suite, le nombre des décès.
Une autre circonstance vient encore réduire ce nombre. Quand les soldats con-
tractent des maladies graves, ils obtiennent des congés temporaires et quelquefois
des congés de réforme. Si les maladies entraînent des décès, ils se produisent
alors hors du service, dans les familles, et la statistique militaire n'a pas à en te-
nir compte.
Ces deux circonstances réunies — la sélection médicale et le rejet des malades —
ont pour conséquence d'abaisser le taux de la mortalité dans le service militaire,
en temps de paix, pour les principales armes, et il est impossible, par suite, d'ap-
précier les conséquences sanitaires de ce service. Nous croyons qu'il augmente la
mortalité, mais nous ne pouvons pas le constater.
Celte con.siatation n'est possible que pour certaines catégories de soldats. Les
pénitenciers donnent une mortalité élevée, 10.7 p. 1,000 en 1885. Pour trouver ce
taux dans la mortalité générale, il faut se rapprocher de l'âge de 40 ans. Ce n'est
certainement pas la moyenne de l'âge des soldats placés dans les pénitenciers. Les
compagnies de discipline donnent une mortalité de plus de 13 p. 1,000. Il y a en-
core là une exagération de morlalilé dont on comprend la cause. Les ateliers des
condamnés fournissent aussi une mortalité élevée, 14 p. 1,000. Elle n'est atteinte,
pour l'ensemble de la population, que par les hommes de 50 à 54 ans. Ici encore
on devine, sans qu'il soit nécessaire de les exprimer, les causes de cette aggrava-
tion de décès.
L'Algérie n'est pas favorable, sous ce rapport, à nos soldats. Les bataillons d'A-
frique ont eu, en 1885, une mortalité de 17.5 p. 1,000; la légion étrangère a eu
une mortalité de 23.5 p. 1,000.
On se demande si, avec ces taux élevés, l'assurance devrait être maintenue au
même prix, pour le ser\ice mdilaire en temps de paix, eu Algérie et en Tunisie.
Les sapeurs-pompiers ont, il est vrai, une mortalité au-dessus de la moyenne,
elle est de 11,1 p. 1,000; mais ce taux s'explique par les dangers que cour|,ce corps
Ld'élite et par l'âge plus avancé des hommes qui en font partie.
276
Les taux les plus bas de inoilalilé sont de 4.3 p. 1,000 et de 4.7 p. 1,000. Le
premier appartient à la geiidarmeiic, le second à l'élat-major. Ce sont là des sol-
dats d'élite; les premiers vivent sobrement; ils sont tiès ranj,'és cl ils sont choisis
parmi les mieux portants de l'armée. Les seconds font partie d'une classe qui échapj)e
aux conséauences défavorables de la vie militaire.
Un tableau de V Annuaire de statistique nous donne la mortalité par corps d'ar-
mée. Ceux qui ont eu, en 1885, les taux les plus élevés, sont le gouvenement de
Paris, le 15' corps, les divisions d'Alger et d'Oran, le corps de Tunisie.
Le gouvernement de Paris a eu une mortalité de 10.2 p. 1,000. C'est un taux
bien au-dessus de la moyenne générale. Faut-il l'attribuer aux mauvaises conditions
hygiéniques des casernes de Paris, à ses distractions ou au laisser-aller des officiers
supérieurs? Toutes ces circonstances ont leur part dans l'exagération du taux de la
mortalité. D'autres circonstances expliquent le taux de 9.6 pour la division d'Alger
et celui de 13.3 pour la division d'Oran. C'est le corps de Tunisie qui a eu, en 1885,
la mortalité la plus élevée : 19.4 p. 1,000. Nous aimons à croire qu'il n'en est plus
de même aujourd'hui.
Le même tableau nous apprend que sur un effectif de 451,941 hommes, il y avait,
en 1885, 24,298 hommes au-dessous de 20 ans, 355,714 de 21 à 25 ans, 71,929
de 20 ans el au-dessus. Nous avons eu donc raison plus haut de nous apj)uyer,
dans nos considérations, sur l'âge de 21 à 25 ans pour la plus grande partie de l'ef-
fectif. Il s'applique à 78 p. 100 environ de son effectif.
La moilalité varie suivant les grades. Elle a été de 7.77 p. 1,000 pour les soldats
elde5.8 p. 1,000 seulement |)our les sous-ofTiciei's. Ceux-ci sont cependant plus
âgés, car ils sont souvent arrivés à la hmite du service militaire; ils ont pu conti-
nuer à servir après leur temps réglementaire. Néanmoins ils ont une mortalité
moins grande. Il faut l'attribuer à une conduite plus réguhère, à un service moins
pénible el à une santé plus ferme, attestée par le gradC qui leur est conféré.
Un autre point ressort du même tableau. Les soldats de 21 à 25 ans ont eu une
moitalité de 8.48. Ceux au-dessous de 21 ans n'onl eu qu'une mortalité de 3.91 el
ceux au-dessus de 26 ans cprunc mortalité de 4.31. C'est dans la période inteimé-
diaire que se trouvent les nouveaux soldats, ceux qui sont éprouvés par le service.
Au-dessous, ce sont des enfants de troupe ou des engagés volontaires d'un an;
au-dessus, des soldats qui ont traversé la péiiode difficile du stage el qui sont habi-
tués au service.
Une dernière partie du tableau donne la décomposition des causes de décès. Sur
3,421 décès, 3,128 sont imputables à des maladies, 105 à des accidents et 188 à des
suicides. 11 y a lieu de remarquer le petit nombre d'accidents mortels. Peut-être
faudrait-il encore mettre en ligne de compte les décès provenant de celte cause et
survenus hors du service militaire à la suite de simples congés ou de congés de
réforme.
(L'Argus^ numéro de décembre 1889.)
277 —
IV.
LE MOUVEMENT DE LA CIRCULATION PARISIENNE TENDANT L'EXPOSITION
(i" mai au Si octobre i889.)
Il a paru qu'on pourrait se rendre un compte aussi exact que possible du mouve-
ment qui s'est fait dans Paris à l'occasion de celte grande solennité, en comparant
les résultats des diverses circulations en 1889 à ceux qui se sont produits pendant
la même période, en 1888, année qu'on peut considérer comme une année or-
dinaire.
Si nous examinons d'abord le mouvement à l'arrivée dans les gares, nous trou-
vons les résultats suivants :
Mouvement à Varrivée dans les gares.
Année 1888 18,804,737
Année 1889 28,689,208
Excédent au profit de 1889 9,884,471
Augmentation : 53 p. 100.
Nous passons maintenant au mouvement des voyageurs à l'intérieur de Paris.
Comme il est malheureusement impossible d'apprécier exactement tous les transports
de personnes effectués dans les six mois dont il s'agit, au nombre considérable de
voitures tolérées par la préfecture de police, telles que les voilures de courses,
tapissières, etc., ayant échappé à tout contrôle et n'ayant pas laissé de traces des
services qu'elles ont rendus, force est de s'en tenir au nombre de voyageurs
transportés en commun.
On verra par le tableau suivant que ce nombre s'est élevé, pour les six mois de
mai à octobre 1889, à 209,679,689. En 1888, ce transport avait été de 156,525,178.
L'excédent est donc de 53,154.,511 voyageurs ou de 33.8 p. 100, c'est-à-dire d'un
tiers environ.
Transports parisiens.
NOMBRB PART
de BXCÉDEST proporlionnelte
VOYAGEURS TRAITSPORTÉS de
^ „ P""' chaque mode
"'888. . en 1889. •8««- ,,J;„,.
Compagnie générale des Omnibus . 101,805,253 121,867,137 20,061,984 58.0
Tramways Nord et Sud 27,714,395 32,805,979' 5,091,584 15.7
Bateaux parisiens 9,195,775 24,005,850 14,810,081 11.4
Chemin de fer de ceinture. . . . 17,809,755 31,000,717 13,190,962 14.8
Totaux. , . 156,525,178 209,079,689 53,154,511 100.0
A ces nombres il faut encore ajouter, mais à titre approximatif, celui des voyageurs
tranjportés par les petites voitures de la Compagnie parisienne, soit 12,322,168
voyageurs en 1889 et 7,007,172 en 1888, ce qui porte les totaux généraux ci-des-
sus à 163,532,350 voyageurs pour 1888 et à 222,001,797 pour 1889 : c'est, en fa-
veur de 1889, un excédent de 58,469,447 voyageurs.
Enfin, pour cette dernière année seulement, il y a lieu de mentionner les trans-
— 278 -
porls efTectués par les omnibus des Compagnies de chemins de fer qui, bien que
faisant l'objel d'une circuialion spéciale, n'en ont pas moins contribué à la circula-!
lion générale pendant la durée de l'Exposition.
Le nombre des voyageurs ainsi transportés est de 4,518,221.
En résumé, et en tenant compte des observations laites en ce qui concerne les'
Petites voilures et les omnibus de chemins de fer, le nombre des voyageurs trans-
portés dans Paris, pendant la durée de l'Exposition, s'est élevé à 223,520,018.
Il ya lieu d'ajouter que sur 223,520,018 voyageurs transportés, 217,589,138
l'ont été par les services ordinaires des Compagnies et 5,930,880 par les véhicules
chargés de desservir spécialement l'enceinte de l'Exposition.
Rappelons que pendant la période étudiée, le nombre des entrées à l'Exposition
a été de 27,603,279 (1), de sorte qu'on peut dire que 24,687,839 visiteurs sont
venus à l'Exposition, soit à pied, soit en voitures particulières, soit en tapissières,
sans qu'il soit possible de dire dans quelle mesure ils sont entrés dans la circulation
générale de Paris.
Ajoutons, pour terminer cette étude dont nous avons emprunté les éléments au
Bulletin des Travaux publics (numéro de mai 1890), que dans l'enceinte même de
l'Exposition, le chemin de fer Decauville a transporté du 1" mai au 31 octobre 1889,
6,231,088 voyageurs, ayant produit, à raison de 0 fr. 50 c. pour la 1" classe et de
0 fr. 25 c. pour la seconde, une recelte de 1,533,836 fr.
T. Loua.
V.
VARIÉTÉS.
Les Opérnlions de la Banque de France en 1889.
Le rapport annuel de la Danque de France présente cette fois un intérêt excep-
tionnel. Il y a lieu de constater, d'une part, l'accroissement remarquable produit
par l'Exposition universelle et d'autre part l'intervention de la Banque de France,
lors du krach des cuivres. C'est par ces deux points que commence le rapport;
l'accroissement des affaires en 1889 n'a pas été moindre de 798 millions répartis
comme suit:
Escompte des effets de commerce. . . . 494,627,300 fr.
Avances sur titres et sur lingots .... 95,541,200
Billets à ordre, versements, etc 262,932,700
Encnissement d'arrérages 22,700
853,123,900 fr.
D'où il faut déduire, pour diminution sur
les effets au comptant (48,340,400 fr.) et
sur les opérations en matières d'or et d'ar-
gent (6,427,000 fr.) un total de 54,767,400
laissant comme augmentation définitive. . 798,356,500 fr.
(1) Il y a eu de plus 518,790 entrées pendant le mois de novembre ce qui porte le chiffre total des
enlrées i 28,122,075.
à
— 279 —
Arrivant à rintei'venlion de la Banque dans les affaires de l'ancien Comptoir
d'escompte, le rapport, après avoir établi rapidement de quelle façon éclata la crise,
rend un hommajj^e mérité à l'intervention du ministère des finances, intervenlion
que quelques-uns critiquèrent à l'époque, mais qui certes a été un service rendu
au marché français. Sans aucune hésitation, la Banque se rendit à cet appel, et
avança d'abord "100 millions, puis en second lieu 40 millions. Bien entendu, la Ban-
que s'entoura de toutes les garanties nécessaires, et en fait le premier prêt de 100
millions est considéré maintenant comme ne laissant plus place à aucune inquié-
tude. 11 en sera sans doute de même pour la seconde avance; mais fidèle à ses ha-
bitudes de prudence la Banque a prélevé sur les bénéfices de 1889 une somme de
4 millions, suffisante pour parer aux éventualités.
Pendant l'année 1889, l'encaisse a augmenté de 269 millions; dans ce montant,
l'or figure pour 255 millions, et l'argent pour 14 millions seulement. On voit là l'in-
fluence directe de l'Exposition, dont les nombreux visiteurs ont amené des entrées
d'or considérables. Les variations extrêmes de l'encaisse n'ont pas dépassé 380 mil-
lions; le minimum a été aiteint le 16 janvier, avec 2,223,700,000, et le maximum
le 20 septembre, avec 2,598,600,000 fr.
Le montant des effets escomptés, tant à Paris que dans les succursales, est de
9,180,352,900 fr. en 12,368,431 effets. La moyenne des échéances est à Paris de
31 jours 1/4, dans les succursales de 27 jours 1/2, contre 26 jours 1/2 et 26 jours
en 1888; la moyenne des sommes est à Paris de 815 fr. 24 c. contre 759 fr. 90 c.
en 1888, dans les siiccur.sales de 742 fr. 24 c. contre 717 fr. 75 c. en 1888.
Parmi les 5,667,119 effets escomptés à Paris, 1,947,589, soit plus du tiers, sont
inférieurs à 100 fr. Ce chiffre montre la part importante faite au petit commerce
dans les escomptes de la Banque.
Le minimum du portefeuille (Paris et succursales) a été atteint le 18 septembre,
avec 491,000,000; le maximum a été de 1,076,700,000, chiffre du 2 avril.
Les effets au comptant, tant à Paris que dans les succursales, ont donné un chif-
fre de 597,007,900 fr. pour 1,224,703 effets. Comparé avec 1888, c'est une dimi-
nution de 48,300,400 fr. de 249,525 effets.
Pendant l'année 1889, les agents de la Banque ont eu à encaisser 4,749,215 ef-
fets, présentés à 2,563,841 domicifes. La plus forte recette de l'année a été celle
du 30 novembre, 130,006,355 fr. en 233,054 effets payables à 74,672 domiciles (1).
Le maximum des soldes disponibles des comptes courants à la Ban([ue, Paris et
succursales, a été atteint le 4 avril avec 645,300,000 fr.; le minimum 343,1 00,000 fr.,
le 31 janvier. Ces chiffres ne comprennent pas le compte courant du Trésor.
Le nombre des comptes courants ouverts à Paris est de 4,157, dans les succur-
sales de 8,077, soit en tout 12,234, en augmentation de 1,182 sur l'année pré-
cédente.
Les virements opérés à la caisse centrale se sont élevés en 1 889 à 40,437,1 70,000 fr. ;
pour les virements, billets à ordre et chèques délivrés par la Banque centrale et les
succursales, le montant est de 2,2">5,181,200; sur ce chiffre, 1,895,641,500 fr.,
soit les 5/6 du total, n'ont donné lieu à la perception d'aucune commission.
Pendant l'exercice, les oscillations de la circulation ont dépassé un peu 500 mil-
(1) Ces cliiffres montrent combien complète est l'organisation (iVncaissemcnt à la Banque, mais en
comparant avec ce qui se passe en Angleterre, l'aTantage est loin d'être en faveur du système français.
k
— 280 —
Ions, du maximum (30 octobre) 3,1 23, 10 1,500, au minimum (26 décembre 1888)
2,616,817,200 fr.
Les bénéfices nets, déduction faite de la réserve spéciale au compte comptoir et
de celle faite pour effets en souffrance, se sont élevés à 28,659,745 fr., permettant
la distribution de 152 fr. par action, impôts déduits.
Le nombre des places bancables n'a pas varié en 1889, il est encore de 258,
ainsi réparties : 1 Banque centrale, 94 Succursales, 38 Bureaux auxiliaires, 20 Pla-
ces réunies, 105 Villes rattachées.
L'année 1889 a mis la Banque en face de réelles difficultés; son organisation
puissante et souple tout à la fois, lui a pernis de les surmonter. Elle a pu rendre
ainsi au pays de nouveaux et considérables services, tout en maintenant intact un
crédit bientôt séculaire, et dont elle n'a jamais usé que dans l'intérêt général.
(Revue des Banques.)
G. François.
Bilan au 2
ACTIF
Encaisse delà Banque (1). . . . 2, 503,913, 043'i0
Effets échus hier, à recevoir ce jour 1 ,682,634 28
Portefeuille de Paris :
ElTcts sur Paris 39i,795,lC0 26
Oblig. du Trésor à cou i terme . • >
Portefeuille des succursales . . . 477,308,319 »
Avances sur lingots et monnaies à
Paris 23,190,500 a
Avances sur lingots et monnaies
dans les succursales 1,013,000 »
Avances sur titres ,i Paris . . . 118,809,418 10
Avances sur titres dans les suc-
cursales 140,764,373 »
Avances à l'État (convention des
10 juin 1857, 99 mars 1878 et
30 mars 1888) 140,000,000 .
Rentes de la réserve :
Lci du 17 mai 1834 10,000,000 »
Ex-banques départementales . . . 2,980,750 13
Rentes disponibles 9;t,G26,303 90
Rentes immobilisées (loi du 9 juin
1857), compris 9,125,000 fr. de
la réserve 100,000,000 »
Hôtel et mobilier de la Banque. . 4,000,000 »
Immeubles des succursales. . . . 9,349,010 »
Dépenses d'administration do la
Banque et des succursales . . 24,393 70
Emploi de la réserve spéciale . . 8,907,444 16
Divers 20(J,706,340 ^4
janvier 1890.
PASSIF
Capital do la Banque 182,r)00,000f »
Bénéfice en addition au cnpital
(art. 3 de la loi du 9 juin 1857) 8,002,313 54
Réserves mobilières :
Loi du 17 mai 1834 10,000,000 .
Ex-banques départementales. . . 2,980,751 14
Loi du 9 juin 1857 9,125,000 »
Réserves innnobilièrcs do la Ban-
que 4,000,000 i>
Réserve spéciale 8,907,444 16
Billets au porteur en circulation
(Banque et succursales). . . . 3,155,229,160 »
Arrérages de valeurs transférées
ou déposées) 9,013,309 90
Billets à ordre et récépissés paya-
bles à Paris et dans les suc-
cursales 49,374,678 82
Comi le cornant du Trésor, cré-
diteur 295,450,42.-. 07
Comptes courants de Paris . . . 377,693,040 CI
Comptes courants dans les suc-
cursales 75,110,245 »
Dividendes à payer U,,545,597 85.
Escompte et intérêts divers à Pa-
ris et dans les succursales . .■ 1,408,933 60 ^
Réescompte du dernier semestre à
Paris et dans les succursales . 1,. 535, 818 98 :
Divers 32,487,803 10 !
4,237,070,620' t9
4,237,070,630' 89 •
Certifié conforme aux écrilures :
Le Gouverneur de la Banque de France,
}. Magmr.
(1) Décomposition de l'encaisse au 2 janvier 1890 :
Or -. . . 1,261, 619, I24'67
Argent 1, «42,293, 918 74
2, .n03, 913,043 41
— 281 —
2° La Récolte des céréales en Russie d'Europe pendant Vannée 1889.
Le tableau suivant indique en tchelwerts les chiffres de la récolte des céréales
de 1889 par régions et comparativement à 1888 ainsi qu'à la moyenne des années
1883-1887.
nioiONS.
Région agricole du centre
Moyen- Volga
Bn3-Voli?a
De NovoroasÎBk
Du Sud-Ouest
Do la Petite-RuPBîe . . .
Industrielle do Moscou .
Do Bielorousk
De l'Oural
De l'Extr<5ine-Nord . . ,
Des Lacs
Do Litovsk
De la Baltique
Total pour les. °>0 gouverne-
nieuts de la Russie d'Ku-
rope
TOTAIi
de
LARÉCOLTG
en 1889.
45,381,900
35,518,200
15,763,600
21,665,300
15,565,200
11,393,300
24,223,S0O
11,688,100
30,775,S00
3,152,400
9,080,000
8,915,000
7,651,400
246,801,900
Oouvornomcnt du rayon dci , , „,„ ,
la Vistule .( l'i»'-'i-
En tont, pour les 60 gou-l .
vcrneraents f 260,884,100
DIFFÉRENCE
avec
la moyenne
de la
période
1383-1887.
11,323,200
4,378,000
2,976,900
11,721,700
7,272,291}
6,149,700
1,551,400
I,4S1,6'0
1,030,900
1(6,100
131,700
415,900
370,20(1
41,643,900
avec
la récolle
de
1888.
l)irFf.aEK8
[ roportîonnellr
— 21,151,100
— 2,569,600
4- 4,643,400
— 31 ,026,300
— Il,164,f00
— 10,742,400
+ 1,417,0(0
+ 138,800
-f 5,303,100
+ 13,600
— 497,000
— 1,290,600
370,2(0
+
80.3
89.0
81.1
64.9
68.1
70.1
106.9
111.2
96.8
95.0
101.5
15.5
108.9
67,833,300
5,618,000
73,351,800
68.2
93.3
111.8
41.1
58.2
17.3
106.2
99.1
120.8
100.4
94.8
87.4
105.1
78.5
73.3
78.1
TOTAL NET
EN POUDB (1)
1889.
2,50,694,700
198,831,100
96,0i6,,500
132,925,000
87,048,600
74,498,000
12-2,054,600
77,S.i4,90O
1,>'),256,800
16,725,500
46,210,:00
49,986,200
48,200,900
1,356,343,100
79,624,800
1,435,967,900
PAK ANNEES
35.39
28.50
16.66
64.46
27.19
27.07
15.11
17.01
17.88
11,41
10.79
16.63
24.14
27.36
21.15
27.01
21.50
25.23
25.68
20.51
13.13
12.23
16.44
16.44
21.89
11.64
15.64
13,95
26,13
18.99
13.60
18.59
(1) Le poud = 16 kilogr. 381,
Des données publiées par le Comité central de stalislique du Ministère de l'inté-
rieur, il résulte que la récolte des céréales s'est élevée en 1889 au chiffre de
260,88/i.,000 tchetwerts ( 1 ), accusant une différence en moins sur 1 888 de 73,351 ,000
tchtewerts. Dans ce chiffre total, les gouvernements de la Russie d'Europe, non
compris ceux des provinces de la Vistnle, pour lesquelles on manque de données
sur la récolle moyenne des dernières années, figurent pour 246,805,000 tchelwerts,
tandis que la récolte moyenne pendant la période de 1883 à 1887 a été de
288,44'9,000 tchelwerts, soit une différence en moins de 41, 644,000 tchelwerts ou
11.4 p. 100. En 1888, la part de ces gouvernements était de 314,638,000 tchet-
werts, d'où une différence en moins pour 1889 de 67,833,000 ou 21.5 p. 100.
Cette diminution de la production a été surtout sensible dans la région du Sud,
notamment dans les gouvernemenis de la Nouvelle-Russie, où, comparativement à
(l) Le tchetwert = 210 litres.
— 282 —
1888, la différence en moins a été de 31,026,000 tchelwerls, soit 58.9 p. 100, el,
comparativement à la moyenne îles années 1883 à 1887, de 31.1 p. 100.
Les gouvernements du Sud-Ouest accusent également une différence de 41.8
p. 100 sur 1888 et de 31.9 p. 100 sur la moyenne des mêmes années. Dans ceux
de la Petite-Russie, la récolte a fléchi de 10,742,000 iclieiwerts ou de 42.2 p. 100
comparativement à 1888, et de 6,150,000 tchetwerts ou 29.9 p. 100 comparative-
ment à la moyenne de la période snsindiquée. On constate aussi une baisse notable
dans la récolte de la région agricole du centre de la Russie, 10,742,000 tchetwerts
ou 31.8 p. 100 en moins sur 1888 et 19.2 p. 100 sur la moyenne des années 1883
à 1887.
Il ressort de ces données cpje c'est surtout dans les centres principaux de cul-
ture que les récolles ont été le moins satisfaisantes. On ne signale d'exceptions que
pour les territoires du Bas-Volga cl de l'Oural, qui occupent aussi une place impor-
tante dans la production des céréales. Dans le premier de ces rayons, la récolte en
1889 a dépassé de 4,643,000 tchetwerts celle de l'année précédente, et, dans le "
second, de 5,303,000 tchelwerls.
La moins-value a porté principalement sur les céréales d'hiver, qui ont perdu
40,061 ,000 tchetwerts.
Les blés de printemps ont été moins éprouvés, mais la récolte de 1889 accuse
encore sur celle de 1888 une diminution de 33,291 tchetwerts.
Seigle. — Parmi les céréales, c'est le seigle qui a donné les plus mauvais résul-
tats. La récolte a produit pour toute la Russie d'Europe 98,899,700 tchetwerts, soit
un déficit de 27,784,900 sur celle de l'année précédente ou de 21.8 p. 100. Ce dé-
ficit s'est fait sentir principalement dans la Nouvelle-Russie, les gouvernements du
Sud et dans la région agricole du centre.
La qualité du grain a été cependant satisfaisante; le poids n'est pas inférieur
et même, dans quelques localités, il a été supérieur à celui de cette céréale en 1888.
Froment d'hiver. — La seconde place dans la nomenclature de ces déficits ap-
partient au froment d'hiver, en prenant les chilTres pour leur valeur absolue, mais
par rapport aux résultats de 1888 et à la moyenne des années 1883-1887. C'est la
récolte de cette céréale qui a subi la plus gra.nde diminution; elle a produit
8,668,600 tchetwerts, soit 12,275,700 de moins qu'en 1888 ou 58.6 p. 100. Le
froment d'hiver a été, comme poids, égal à celui de 1888,
Froment de printemps. — Le froment de printemps a donné 22,986,200 tchet-
werts en 1889, soit une différence en moins de 8,199,000 tchetwerts sur 1888 ou
26.1 p. 100. Le poids de cette céréale a varié en 1888 de 8.5 pouds à 10 pouds par
tchetwerl, en 1889 de 8 pouds à 9.7 pouds.
Avoine. — La récolte de l'avoine en 1889 a été de 85,806,900 tchetwerts, per-
dant sur celle de 1888 11,381,500 tchetwerts. Pour les quatre-vingts gouverne-
ments d'Europe, la différence en moins a été de 10.1 p. 100 comparativement à
1888 et de 7.7 p. 100 comparativement à la moyenne de 1883-1887. Le poids de
cette céréale a varié en 1889 de 5.2 pouds par ichetwert, à 6.4 en 1888; en 1888,
il a oscillé entre 5 pouds et 6 pouds.
Orge. — La production de l'orge a été en 1889 de 20,723,000 tchetwerts contre
28,443,000 tchetwerts en 1888; pour les cinquante gouvernements de la Russie,
à
— 283 —
le déficit s'exprime par 26.7 p. 100 comparativement à 1888 et par 13.9 p. 100
comparativement à la moyenne des années 1883 à 1887.
Maïs, sarrasin, épeaulre, millet. — La récolte du maïs a été de 1,913,000 Ichet-
werls en 1889; elle avait été de 3,507,000 en 1888, soit une différence de 45.6
p. 100 comparativement à l'année précédente et de 35.8 p. 100 comparativement
à la moyenne des six dernières années; celle du sarrasin, qui a atteint 11,454,000
pouds, a, au contraire, dépassé la récolte de 1888 de 225,000 tchelwerts; mais,
comparativement à la moyenne des années 1883 à 1887, elle a subi une moins-va-
vaiue de 343,000 tchetwerts, soit 3.1 p. 100.
L'épeautre a donné 1,528,000 tchelwerts en 1889 contre 1,721,000 en 1888 et
1,799,000 tchetwerts, résultat de l'année moyenne pour la période de 1883 à 1887.
La récoite du millet accuse également une diminution de 3,582,000 tchetwerts
(9,357,000 en 1888 et 5,775,000 en 1889); par rapport à la moyenne de la pé-
riode de 1883 à 1887, le déficit a été de 29.2 p. 100. Enfin, la récolte des pois
s'est élevée à 2,938,000 tchetwerts en 1889 contre 4,258,000 en 1888, soit une
différence de 3.1 p. 100.
Pommes de terre. — Par contre, la récolte des pommes de terre a donné des
résultats satisfaisants comparativement à 1888 et à la moyenne des cinq années
précédentes: elle a été de 77,919,200 tchetwerts contre 75,486,000 en 1888. La
Pologne figure à elle seule dans ce total pour le chiffre important de 27,034,000
tchetwerts.
{Bapport consulaire.)
S". — La Marine à vapeur italienne.
Le relevé officiel du mouvement delà marine marchande en 1887 enregistre 237
vapeurs affectés à l'industrie des transports.
165 de ces vapeurs, de 128,290 tonnes, sont de construction anglaise; 51, de
9,195 tonnes, ont été construits en Italie; 15, de 3,608 tonnes, ont été construits
dans les chantiers français; 4, de 503 totmes, en Autriche-Hongrie; 1, de 2,280
tonnes en Allemagne; 1, de 452 tonnes, en Hollande.
La propriété de ces vapeurs se répartit comme suit:
107 vapeurs, de 95,648 tonnes, appartiennent à la Navigation générale italienne;
5, de 8.838 tonnes, à la Compagnie de navigation à vapeur La Veloce de Gênes; 8,
de 2,669 tonnes, à la Compagnie de navigation à vapeur Puglia; 8, de 855 tonnes
à la Société napolitaine de navigation à vapeur; 2, de 4,017 tonnes, à la maison
Carlo Raggio, de Gênes; 2, de 3,068 tonnes, à MM. Scuiaffino et Solari, de Gênes;
2, de 1,847 tonnes, à la maison Ponzone et Astengo, de Savone, et 103, de 27,380
tonnes, à des propriétaires divers.
(Revue de la marine marchande.)
4°. — LES CHEMINS DE FER DE L'EUROPE.
Situation au 31 décembre 1888. — Ouvertures en 1888.
DÉSIGNATION DBS ÉTATS.
Altaoc-Lorraine. ,
Bado
navlèrc (i). . . .
llniiifwick ...
Hcsse-Dannstadt
i ( Mecklembourff .
S \
Oldenboarg
Priisflo
Saxe royalo
Saxe (ilacbéa de), vlU» libren, etc.
\ Wartemberg
Ensemble. . .
Autriche-TIongrio (3)
Bilgique
Danemark
Espagne
France (4)
Grande-Bretagne et Irlande (5) . . . .
Grèoe
Italie
Pays-Bas et Luxembourg (6)
Poringal
I^oumaole
Russie et Finlande (7)
Serbie
Suède et Norvège (8)
Suisse
Turquie, Bulgarie et Roomélie (9). . .
Moite (île de^
Totaux et moyennes. . . .
LONGUEUR
des
oheuihs db fer
livrtîs
à l'exploitation
au
a iéttmhn
1887(0.
.1
kilom.
1,337
1,393
5,32.3
121
937
800
351
24,718
2,346
5S7
1,585
39,596
21,705
4,682
l,9f9
9,492
84,227
31,698
605
11,590
2,952
1,829
2,:5l
23,518
517
8,950
2,723
1,393
11
207,803
kilom.
1,347
1,395
5,389
121
981
914
391
25,419
2,388
631
1,593
40, .575
25,731
4,828
1,969
9,969
35,263
32,031
625
12,351
3,0D0
1,913
2,475
29,411
517
9,089
2,792
1,619
11
213,925
a
a .
H 3
■/! 00
O a
o
o
<
kilom.
10
41
21
40
701
42
44
8
979
1,026
146
»
177
1,036
33'1
20
761
43
81
121
896
139
69
236
6,117
OBSERVATIONS.
(1) Les cliiffres des coloniips 3, 4 et 5
leprésfnlent la Innguciir Aph lignf s appar-
t(>nant aux atlmiDletrations ou compagnies
do chaque Érat, y compris les seclions
fonelruili'a sur le territoire étranger.
1887
1833
(î) Davière
Paialitiiit
kilom.
4,600
663
kilom.
4,720
663
Totaux. . .
5,3i3
5,389
S 1 autricliiennes (a)
i3) S» \ iiongroiscs. . .
^ ( liositiuqurs. . .
17,026
7,Î00
179
17,793
7,393
545
Totaux. . .
21,705
25,731
S i d'iiilér^t général
(4) S, j — ioial. .
>^ [ inilustriellcB . .
31,770 32,652
2,232 2,385
225 225
Totaux. . .
31,227 35,263
'5) Angleterre
Ecosse
Irlande
JerEcy et Han. . . .
22,346
4,954
4,302
96
22,578
4,983
4,397
90
Totaux. . .
31,698
32,054
(6) Ilolian.le
Luxembourg ....
2,522
430
2,932
2,560
440
Totaux. . .
3,000
(7) Busiif
Finlande
26,970
1,548
28,518
27,866
1,348
Totaux (6) . .
29,114
(S) Suède
.Norvège
7,3S8
1,562
7,527
1,562
Totaux. . .
8,950
9,089
(9) Turquie et Roumélie.
Bulgarie
1,169
224
1,264
385
Totaux. . .
1,393
1,649
(a) Y compris les l'gres an tro- hon-
groises, d'^ut l'éti^ndue sur lo territoire
hongrois est de 2,923 liilom. en 1887 et
de 3,027 kilom. en 1888.
(b) Non compris le chemin de fer trane-
caspien, 1,050 kilom. en 1887 et 1,419 en
1888.
NOTA. — Il résulte du tableau ci-dessus que la longueur totale des chemins de fer on Europe, qui était, au
31 décembre 1887, de 207,808 kilomètres, se trouve portée, au 31 décembre 1888, au chiffre de 213,923 ; l'accroisfe-
ment total en 1888 est donc de 6,117 kilomètres, «oit 2.94 p. 100 du réseau exploité à la fln de 1887.
— 285 —
VI.
BIBLIOGRAPHIE.
Beclierclies sur la théorie des prix,
par MM. Rodolphe Auspitz et Richard Lieben (1).
MM. Rodolphe Auspilz et Lieben viciinenl de publiei', sous le lili'e de Recherches
sur la théorie des prix, un remarquable travail où, après Dupuit, Cournot, Jevons,
Gossen, de Walra?, Edgewortb, Jennings, ils ont t'ait appel aux malhémaliques pour
élucider la question de l'utilité, de la valeur et des prix.
« Si, dans nos travaux, disent les auteurs, nous avons employé la mélliode
analytique et surtout la représenlatiou graphique, c'est à cause de leur précision,
qui exclut tous les malentendus pouvant l'ésulter des définitions susceptibles de
diverses inlei'prétations. »
Ce n'est pas nous qui serions tenté de médire de l'application des mathématiques
et surtout des procédés graphiques aux pai'lies de l'économie politique qui en
comportent l'emploi. Nous avons fait nous-même plus d'une tenlalive dans
ce sens (2) ; mais nous nous sommes heuité à une difficulté pratique, qui limite
beaucoup la diiTusion de ces njéthodes, et qu'il faut savoir reconnaître. Les écono-
mistes sont généialemcnt, et sauf d'honorables exccjjtions, peu familiai'isés avec les
mathématiques, si môme ils ne sont disposés à les traiter en suspectes et en intruses
le jour où elles s'ingèrent sur leur terrain; de leur côté, les mathématiciens ne
sont guère plus bienveillants pour les questions économiques, qui manquent, à leurs
yeux, de rigueur et de précision. Ce sont deux ordres de science n'allant guère
ensemble d'ordinaire, parce qu'elles s'adressent à des aptitudes au moins diverses,
sinon inéconciliables. De la soite,les applications des mathématiques à l'économie
politique trouvent peu de grâce chez les maihémaliciens, parce qu'elles ne sont pas
assez abstraites, chez les économistes parce qu'elles le sont trop.
11 faut donc, en entrant dans celte voie, s'attendre à un pareil déboire, qui est
celui des systèmes transactionnels, laissés seuls à mi-chemin entre les systèmes
qu'ils veulent rapprocher. C'est le sort de M. Robeit s'interposant entre Sganarelle
et sa femme et les accordant sur son dos. Quoique ingrat, ce rôle a son utilité et
même sa grandeur : l'on doit savoir gré aux hommes de bonne volonté qui cherchent
à mettre la paix dans les ménages désunis, comme aux auteurs courageux qui
tentent de réconcilier les mathématiques avec l'économie politique. A ce premier tilre,
l'ouvrage de MM. Auspitz et Lieben méritait déjà d'être signalé aux lecteurs du
Journal de la Société de statistique ; mais il se recommande en outre par des ob-
servations originales sui' un point de la science qui garde encore des obscurités,
malgré les travaux considérables dont il a été l'objet de la part des esprits les plus
vigoureux. Ce travail a été favorablement accueilli en Angleterre où le professeur
Edgeworlh l'a fait connaître au monde savant. Il est digne de recevoir en France un
aussi bon accueil.
Afin de mieux faire ressortir l'intérêt de ces recherches, nous avons prié les au-
(1) Leipsick, Dunclter et Humblot, éditeurs, 1889,
(2) Voir notamment notre Statistique géométrique. — (Journal de la Société de statistique, 1885.—
'. Génie civil, 1887.)
— 286 —
leurs eux-mêmes de nous en donner un résumé pour ce recueil. C'est ce résumé
que nous insérons ci-après, en l'accompagnant de quelques notes explicatives.
E. Cheysson.
Nous employons la mélliode graphique pour toutes nos dénionslmlioiis; ainsi nous
représentons loujoiirs par les dimensions liorizontales (les abscisses) des qii.inlités d'un
article A bien défini, et par les dimensions verticales (les ordonnées) des sommes d'ar-
pent. Par le choix de ces coordonnées, il nous est possible de mettre en évidence des
relations qui restent cachées, quand on prend le prix comme abscisse. Nous établissons
une courbe dulililé conformément à la définition de Dupuit, courbe qui, mimlanl d'abord,
atteint un maximum et redescend ensuite. D'autre part, nous formons une courbe des
Irais de production, qui part de zéro et monte conlinuellement, dans une proportion
supérieure à l'accroissement de la (luantité de l'article produit. En appliquant les obser-
vations de Gossen, de Jevons, de Walras, etc., établissant que la somme d'aryent dépensée
effectivement pour l'acquisition de toute quantité donnée d'un article quelconque, ne
correspond pas à l'utilité totale de cette quantité, mais à l'utilité de sa dernière particule,
nous trouvons un procédé graphique pour dériver de la courbe de l'utilité une courbe de
la demande. Celte dernière courbe monte, atteint un maximinii et redescend ii l'axe des
abscisses, exactement au-dessous du point où la courbe de l'utilité a son maximum. En
iîénéralisant la môme idée, nous dérivons une courbe de l'ollVe de la courbe des frais,
d'une manière enliérement analogue. L'intersection des deux courbes de l'offre et de la
demande nous donne la quantité de l'article acheté et vendu et la somme dépensée et
reçue, et, par là, le prix. Le prix d'un article A est donc égal h l'uldilé (le la dernière
particule achetée (1) et eu même temps aux frais de production de la dernière -particule
vendue.
Le profit des acheteurs, d'un côté, et celui des producteurs, de l'autre, sont représentés
dans nos diagrammes par l'intervalle vertical entre le point d'intersection et la courbe
primaire respective. La somme de ces intervalles ou la distance des deux courbes primaires
permet donc de mesurer l'avantage total découlant des transactions dans l'article A (i).
Employés avec les précautions nécessaires, ces diagrammes se prêtent encore ii bien
d'autres applications. Les effets de l'établissement d'un impôt, par exemple, ou d'un
changement dans la valeur du numéraire en ressortenl assez clairement.
On peut de môme rendre visibles les différences qui se manifestent dans le mouvement
du prix et de la quantité du débit entre les articles de luxe et les articles de consomma-
tion génér de, quand il y a des changements de l'offre ou de la demande.
Au lieu de nous borner à émettre des propositions et de laisser à d'autres le soin de
trouver les exceptions cl les restrictions nécessaires, nous nous sommes crus obligés de
rechercher nous-mêmes les conditions précises de la validité de nos propositions. C'était
là la partie la plus laborieuse de notre travail, et nous craignons que le lecteur ne s'en
aperçoive que trop en nous suivant. Notre second chapitre, destiné à la démonstration de
ce que nous avons énoncé sur la forme générale de nos courbes, nous amène à faire une
(1) La Théorie du degré final d'utilité n'a commencé à attirer l'attention des économistes qu'à
partir de la publication de l'ouvnigc de Jevons sur la Théorie de l'cconomie politique, en 1871, et de
celle d'un mémoire de M. de Walras i l'Académie des science.'* morales et politiques, en 1873. Mais elle
avait été précédemnienl exposée par Jevons, lui-même, en 18G2, au congrès de l'.issociation britannique
pour le progrès des sciences, et, plus tard, en lS(j8. Marshall l'enseignait à Cambridge depuis ISG'J. Le
père de M. de Wairas, dans ses doux écrits publiés en ls31 et 1849 sur h yulure de la richesse à l'ori-
gine de la valeur et la Théorie de la richesse sociale avail déjà posé les premiers jalons de la théorie.
Dans -ses beaux mémoires de ISil et 1SS9, Dupuit l'avait érlairée de sa dialectique si forte et si brillante.
En Angleterre, Gossen l'a repiise en 18j4 dans ses Lois du commerce Ituiiiain et en a déduit plusieurs
théorèmes qui portent son nom. l'arnii les auieurs modernes qui se sont inspirés de ces théories, citons
encore l'II/stoiie critique de la théorie de la râleur, par (iraziani (1889, .Uilan), la Théorie des prix:
de Zuckerkandl (18>s9, Leipsick), les Lois de la valeur (1884) et la Valeur naturelle, par Wicser
(18S9, Vienne).
Voir, sur ce sujet, les Principes d'économie pure, de M. Maffeo Pantaleoni, directeur de l'École supé-
rieure du commerce de Bah (1889. Florence). [Kote de M. E. C]
(2) Dans la Bcvue d'économie politique (numéros de mai-juin 1890), M. de Walras a présenté sous le
titre . Observations sur la théorie des prix, une série d'objections contre les méthodes et les conclu-
sions de MM. Auspitz et Lieben. La discuss.on de ces objections surtirait de notre cadre et il suffit de les
signaler aux lecteurs que ce sujet intéresse. (.Note de M E. C.)
— -287 —
étude pour ainsi dire microscopique de ces courbes, qui fait mieux comprendre leur
constitution et leur signification.
En analysant ensuite (cliap. III et IV), toujours à l'aide de nos diagrammes, la consom-
mation et la production individuelles, nous discutons les divers facteurs qui ont une
iniluence sur la forme de nos courbes. La nature de l'article envisagé se fait voir, ainsi
que les changements du prix d'autres articles, en relation plus ou moins rapprochée avec
l'article A. Les penchants et les exigences de l'individu même, la valeur plus ou moins
grande qu'il accorde au numéraire, ses habitudes et la qualité de son avoir antérieur no
restent pas sans influence sur la courbe qui exprime son offre et sa demande d'un ar-
ticle A. Quand la consommation et la production de cet article se réduit à zéro, il reste
toujours la salisfaction iuitinle, facteur qui ne peut être négligé. En l'ajoutant ii la courbe
de l'utilité et des frais, devenue unique, celle-ci gagne une signification plus étendue.
Le chapitre V nous mène quelques pas plus loin, en étendant notre procédé aux articles
qui ne se consomment pas immédiatement. En tenant compte des stocks disponibles,
notre méthode devient applicable, non seulement aux affaires de spéculation, affaires
à terme, à prime, etc., mais aussi aux transactions en articles d'usage, ainsi qu'en ces
objets dont il ne se rencontre pas plusieurs exemplaires identiques. Le dernier chapitre
s'occupe du monopole et des transactions internationales, ainsi que de l'influence des
droits d'entrée et des impôts, problème déjà abordé par Cournot.
Les raisonnements analytiques qui appuient nos démonstrations se trouvent dans les
appendices, pour ceux qui ne s'effraient pas de quelques formules du reste peu com-
pliquées.
AUSPITZ et LiEBEN.
Géographie de la République Argentine,
Par M. Latzina (1).
Notre collègue, M. Latzina, directeur général de la statisti(|ue de la République
Argentine et membre de l'Institut international de statistique, vient de publier, sous
ce titre, une stalislitiue détaillée, dressée à l'aide des documents les plus récents et
pour la plupart inédits.
L'ouvrage commence par un aperçu historique et par une description physique
de la région de La Plala; il présente ensuite successivement une étude déiaillée de
l'organisation politique et de l'état économique de chacune des provinces dont l'Etat
se compose.
C'est un travail considérable que nous n'essaierons pas de résumer. Nous nous
bornons à reproduire ici quelques passages de l'introduction que, sur la demande
de l'auteur et de l'éditeur, nous avons ajoutée au travail de M. Latzina.
Parlant de l'émigration européenne, nous disons :
Cet exode n'appauvrit pas l'Europe et il enrichit les contrées sur lesquelles se portent
ces courants humains. Celui qui se dirige sur la République Argentine est un des plus
considérables, et il augmente rapidement : le port de Buenos-Ayres, où débarquaient en
moyenne par an 5,000 émigraiits seulement de 1857 à 1860, en a reçu 40,000 en 1878
et2t3l,000en 1889.
Sur les 289,400,000 hectares du territoire de la République, 2,360,000 étaient en
culture en 1888, dont plus du tiers (824,000 hectares) en froment, un tiers en mais
(832,000 hectares), le reste en luzerne (380,000 hectares), lin (17,000 hectares), avoine
36,000 hectares), vignes (27, 000 heclarcs), canne à sucre (21,000 hectares).
En 1889, la culture du froment s'est encore étendue : 1,035,000 hectares ont été
(1) Buenos-Ayres, Félix Lajouane, éditeur, 1890.
— 288 —
emblavés (1). Quatorze ans auparavant, en 1875, le rapport de l'inspecteur de l'agricul-
ture n'évaluait pas ce nombre à plus de 100,000 : l'étendue a donc décuplé.
Pour.les moutons, l'importation, en 1826, d'un troupeau de 100 tètes de moulons noirs
d'Espagne et d'un troupeau de Southdowns français d'Angleterre, en 1830, celle de mé-
rinos allemands, ont été les premiers efforts faits pour améliorer les races ovines.
Aujourd'bui, le perfectionnement est un fait accompli ; il a été solennellement consacré
en 1889 par les nombreuses récompenses que les laines argentines ont obtenues à l'Ex-
position universelle de Paris.
En 1815, le nombre des animaux domestiques — il ne faut pas oublier qu'ils sont tous
des présents de la civilisation européenne (2) — était, d'après la slatislique officielle, de
3,%'J,000 chevau.'i, de 13,4'J3,000 botes à cornes, de 57,540,000 moutons, etc., et la
République était flore de produire devant le monde civilisé ces chiffres, qui attestaient
déjà un remarquable progrès.
En 1888, les nombres se sont élevés it 4,398,000 pour les chevaux, à 22,869,000 pour
les bètes à cornes et îi 70,453,000 pour les moutons.
La valeur des laines exportées en 1889 par la République Argentine montait à 56 mil-
lions de pesos, et celle de tous les produits de l'élevage (non compris les produits indus-
triels qui en dérivent) h plus de 100 millions.
Nous sommes convaincu que la race européenne, en peuplant l'Aménque el
l'Australie, a créé sur ces terres nouvelles des nations dont la puissance croîtra
rapidement el qui fera aux vieilles nations européennes une concurrence d'autant
plus redoutable au jour que celles-ci seront plus isolées du reste du monde par leur
législation douanière.
L'Europe n'a pas le pouvoir d'empêcher l'accomplissement de celte révolution
économique, qui sera un bien pour l'humanité en général, mais qui risquerait en
même temp.> d'être pour elle une diminution d'importance relative si elle ne fait
pas des eflorls bien dirigés pour se maintenir à son niveau. Elle peut la hâtei', en
poussant, par des lestrlclions douanières, le Nouveau-Monde à essayer ses forces
industrielles.
Nous avons dit, el nous répétons, qu'il n'y a pas que les nations jeunes auxquelles
la passion puisse faire commettre des fautes.
E. Levasseur.
(1) En 1889, la valeur totale des lécoltes était estimée à une valeur de 100 millions de pesos.
(2) Les clicvaux sont venus avec les premiers conquérants; ils étaient un instrument de conquête.
Le bétail est venu ensuite : la tradition attribue l'introduction des bœjfs et des moutons soit à Mendoza,
soit à Nuflo Ctiavis, soit au Portugais Garcia. 11 est probable que les animaux domestiques ont élé im-
portés d'Europe en divers lieux successivement et que presque tous les convois de colons en amenaient.
Le Gérant, 0. Bergeu-Leviiault.
JOURNAL
DE LA
SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PARIS
N» 10. — OCTOBRE 1890.
I.
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 16 JUILLET 4890.
SoMMAiiiE : Subvention accordée à la Société par le Ministère des travaux publics. — Discours de bien-
venue de M. Edouard Millaud, sénateur. — Complément à la statistique des libéralités aux personnes
morales, par Jl. Th. Ducrocq. — La loi des catastrophes, par M. A. de Foville.
La séance est ouverte à 9 heures, sous la présidence de M. Octave Keller.
M. le sénateur Edouard Millaud, Vice-Président du Conseil supérieur de statis-
tique, assiste à la séance et est invité par le président à prendre place au bureau.
Le procès-verbal de la séance de juin est adopté sans observations.
M. le Président, revenant sur l'allocation de 1,000 fr. accordée à la Société parle
conseil municipal de Paris, se dit heureux de pouvoir, en présence de M. Donnât,
renouveler l'expression des sentiments de reconnaissance que la Sociétélui doit
pour sa fructueuse intervention.
Il ajoute que le succès l'a enhardi; sachant que M. Yves Guyot, Ministre des
travaux publics, est depuis quatorze ans déjà membre de la Société de statistique,
devant laquelle il a produit plusieurs travaux importants, il a cru pouvoir tenter
des démarches auprès de lui, persuadé qu'avec sa largeur de vues habituelle,
l'homme d'État n'hésiterait pas à donner à nos travaux un encouragement propre à
en assurer le développement.
Cet espoir n'a pas été déçu : par une lettre en date du 19 juin, le Ministre des
travaux publics nous fait connaître que, conformément à la demande que le président
, lui a adressée, il a alloué à la Société de statistique de Paris une subvention de 500
[francs, qui pourra être renouvelée chaque année si les ressources budgétaires le
permettent.
En portant cette bonne nouvelle à la connaissance de l'assemblée, M. le Président
ajoute que les différents Ministres qui se sont succédé aux travaux publics,
MM. de Freycinet, Raynal, Carnot, ont tous porté un grand intérêt à la Statistique.
Cet intérêt, l'un de leurs successeurs, l'honorable M. Millaud, le prouve aujourd'hui
par sa présence au milieu de nous. M. Millaud est un des adeptes les plus fervents
l«r 9ÉB1B, 31' VOL. — N° 10. Jg
— 290 —
de la science que nous cultivons, aussi le Ministre du commerce l'a-t-il choisi pour
présider, en son absence, le Conseil supérieur de slalistique.
M. Levasseur ajoute que c'est sur le rapport de M. Millaud que le Conseil supé-
rieur a été créé en 1885.
M. E. Millaud remercie MM. Keller et Levasseur de l'honneur qu'ils lui ont fait
en l'invitant à assister à la séance de la Société et à s'asseoir au buieau.
Il est très fier qu'on veuille bien se rappeler la part qu'il a prise à la fondation du
Conseil supérieur ; il se félicite, en effet, d'avoir été, avec son ami, M. Jules Roche,
l'un des fondateurs en France de celle giande institution.
Désigné pour présider la commission chargée de l'étude préparatoire de l'organi-
sation de ce conseil, M. Millaud a rédigé, au nom de la commission, le rapport qui
précéda le décret orgaiii(iue du 19 février 1 885. Mais ce n'est que justice, il ne faut
pas oublier que dès 1882, la Société de statisti(|ue, préoccupée du man(|ue de lien
entre les divers services, avait demandé, pour les centraliser, la création d'un conseil
supérieur analogue à ceux qui existaient déjà dans divers pays. C'est alors que
MM. Jules Hoche et Éilouard Millaud furent au Parlement les interprètes des vœux
de la Société. Vinrent ensuite la commission instituée par le Gouvernement et le
rapport de 1884.
Le Conseil supérieur s'est souvenu des services rendus parla Société de statistique
de Paris et, dans sa présente session, il a tenu à lui témoigner sa gratitude en lui
confiant un rôle important au point de vue de l'enseignement de la science à laquelle
elle donne un si vif éclat; il a donc émis le vœu qu'elle fût chargée d'organiser des
cours pour les candidats au grade de rédacteur dans les administrations centrales
et de leur délivrer un diplôme spécial.
Ln terminant, M. Edouard Millaud exprime toute sa confiance dans l'avenir de la
Société, et compte beaucoup sur l'extension des connaissances statistiques pour
l'élude des grands problèmes sociaux. {Vifs applaudissements.)
*
* *
M. le Secrétaire général fait l'énuméralion des ouvrages et documents offerts à
la Société depuis sa dernière séance. La liste détaillée de ces publications se trouve
ci-après (1).
Parmi ces ouvrages figurent l'Exposé compuralifde la situation économique et com-
merciale de la France, offert parle Minisire du commerce et de l'industiie, et qu'on
peut considérer comme une sorte de Slalisiical abstrad français, et le -rapport de
notre collègue M. Jules Siegfried, député, sur le budget de ce département. Ce rap-
port, dont on peut constater le mérite spécial, renferme de nombreux documents
statistiques sur le commerce, l'enseignement technique, les musées commerciaux,
les assurances. C'est un travail qui sera souvent consulté.
M. Levasseur offre à la Société de la part de notre collègue, M. François Latzina,
membre de l'Institut international de statistique, un ouvrage portant pour titre:
Géographie de la République Argentine. Une place spéciale a été réservée, dans
le Journal, à l'analyse présentée par M. Levasseur (2).
(1) Voir à la dernière page du présent numéro.
(2) Voir le numéro de Septembre.
— 291 —
L'ordre du jour appelle la communication annoncée de M. Th. Ducrocq.
M. Ducrocq lit un mémoire intitulé: «Un nouveau progrès à réaliser dans la sta-
tistique des libéralités aux personnes morales. »
Cet important travail contient la démonstration des trois propositions suivantes:
1° Le silence gardé par les statistiques officielles sur les refus d'autorisation n'est pas
logique, du moment qu'il est admis que ces statistiques doivent faire connaître les
autorisations accordées ; elles ne montrent ainsi qu'une des faces de l'institution et
non le fait social tout entier. 2° La statistique des refus d'autorisation ne seiait pas
moins utile que celle des autorisations. 3° La pintistique des refus ne présenterait
ni plus de difficultés ni plus d'inconvénients que celle des autorisations.
Dans cette dernière partie, l'auteur montre qu'il ne faut pas exagérer le supplé-
ment de travail qui serait demandé aux préfectures, ainsi que déjà l'a sagement com-
pris la circulaire ministérielle du 6 février 1890. Il établit en outre que les causes des
refus sont en dehors de ce qui est demandé à la statistique, comme les causes d'auto-
risation. Il prouve, enfin, que les comptes généraux des travaux du Conseil, d'Étal
s'expliquent depuis longtemps sur les refus et les réductions, en même temps que
sur les autorisations. M. Ducrocq demande à la Statistique générale de la France de
faire ce que la statistique spéciale du Conseil d'Etat fait depuis un demi-sièjle.
En réponse aux observations présentées [lar M. G. Roussel, conseiller d'Étal,
M. Ducrocq répond que le service de la statistique ne doit s'occuper, en cette ma-
■ lière, ni des libéralités acceptées par les départements et les communes dans les
cas où ils sont dispensés d'autorisation, ni des libéralités faites à des sociétés sans
existence légale et qui, en cas de demande d'autorisation, amènent non un refus
d'autorisation, mais un non-lieu à statuer. Dans les deux cas, on est en dehors de
l'application de l'article 910 du GoJe civil et de l'institution de l'aulorisation d'ac-
cepter les dons et legs. M. Ducroci| fait observer en outre que, tout en profitant des
statistiques spéciales du Conseil d'Etat, ce n'est pas plus à lui que le Ministère du
commerce s'adressera pour faire sa statislifiue des refus, que pour la stalistique des
autorisations. Les préfectures possèdent tous les éléments d'information. Il remarque
enfin que c'est surtout le chiffre des autorisations d'acquisitions de capitaux et rentes
qui est considérable et contribue le plus à accroître la fortune des établissements
de mainmorte ; il n'attache qu'une importance secondaire aux conditions de vendre
les immeubles.
M. le Président remercie M. Ducrocq de Son intéressante communication. Elle
sera publiée in extenso dans le Bulletin de la Société (1).
En l'absence de M. A. de Foville, appelé subitement loin de Paris par un deuil de
famille, M. le Président invite M. A. Coste, l'un des membi-es du bureau, à vouloir
bien donner lecture du travail de notre collègue.
Cette lecture, qui ne dure pas moins d'une heure, soulève à presque tous les pa-
ragraphes, les applaudissements de l'assemblée. Rarement M. de Foville avait été
plus en verve. On sait que, mieux que personne, il sait allier aux sévérités de la
science l'humeur la plus enjouée et l'esprit le plus pénétrant.
(1) Voir le numéro do septembre.
— 292 —
M. le Président envoie ses félicitations à M. de Foville et remercie M. Cosle d'avoir,
dans sa lecture, si bien secondé la verve de l'auteur.
Avant de lever la séance, M. le Président annonce que, selon l'usage, la Société
prendra ses vacances pendant les mois d'août et de septembre. La rentrée aura lieu
le 15 octobre prochain, à 9 heures du soir, dans son nouveau siège social, à l'hôtel
spécialement construit pour les sociétés savantes, rue Danton. Cette rue nouvelle
débouche sur le boulevard Saint-Germain, vis-à-vis de l'École de médecine.
La séance est levée à onze heures et demie.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL.
A titre d'annexé au procès-verbal, nous croyons devoir reproduire la lettre que
M. Jules Roche, Ministre du commerce, de l'industrie et des colonies, vient d'adres-
ser à M. Edouard Millaud, sénateur, président du Conseil supérieur de statistique.
C'est la sanction officielle des paroles que l'honorable sénateur a prononcées devant
la Société et dont nous avons donné la substance.
Lettre du Ministre du commerce à M. Edouard Millaud, sénateur.
19 août 1890.
Monsieur le Sénateur,
J'ai l'honneur de vous accuser réception de la lettre par laquelle vous me rendez compte
des travaux du Conseil supérieur de statistique pendant sa première session de l'année
1890, et je suis heureux (le rendre hommage au zèle et à la compétence avec lesquels
celle assemblée a répondu à l'appel que je lui avais adressé. Je ne doutais pas que le Con-
seil supérieur de slatislique ne recouuût l'inlérêl primordial qui s'attache à ce que l'étude
législative des problèmes relatifs à l'organisation du travail soit éclairée par la connais-
sance aussi exacte et aussi précise que possible de leurs principales données, et je savais
que je ne pouvais trouver de guide plus sûr pour la recherche des mélliodes à employer
à l'ellel de les recueillir.
Je donne mon entière approbation aux délibérations que vous me soumettez, et j'ai fait
préparer en conséquence pur mon administration les cadres d'une enquête détaillée sur
les conditions du travail industriel en France.
Celle enquête portera en premier lieu sur les établissements et exploitations dépen-
dant de l'État ou soumis à son contrôle; les résultais ainsi obtenus seront portés à la con-
naissance du Conseil supérieur, qui sera appelé à délibérer sur les procédés pratiques à
employer pour mener à bien une enquête générale sur le même sujet.
Agréez, Monsieur le Sénateur, l'assurance de ma haute considération.
Le Ministre du commerce,
Jules Roche.
LES COMPAGNIES D'ASSURANCES SUR LA VIE.
liectificalion au procès-verbal de la séance du i 8 juin (numéro de juillet).
Dans le cours de la discussion relative aux compagnies d'assurances sur la vie,
M. Marie, actuaire au Phénix, a fourni le tableau des compagnies françaises et
étrangères exerçant en France.
Après avoir établi que ces sociétés sont au nombre de 51, M. Marie a déduit de
ce nombre 2 sociétés non inscrites, Centrale et Mutuelle vie, ce qui en réduit le
nombre à 49.
C'est par erreur qu'on lui a fait dire que ces deux sociétés n'ont pas été autorisées
à fonctionner en Suisse. Ce passage doit être rectifié comme il suit :
ï Sur 12 sociétés françaises qui ont sollicité en Suisse l'autorisation du Gouver-
nement fédéral, H ont obtenu celte autorisation après un examen minutieux de
leurs statut.-:. Une seule (la Caisse des Familles) n'a pas été admise. »
— 293 —
II.
LA LOI DES CATASTROPHES
de M. Auguste Chirac (i).
Messieurs,
Vous m'uiderez à tenir une promesse que j'ai faite si vous voulez bien permellre
(|iie je vous entielienne pendant f|ueli|iies instants d'un travail curieux, dont la plu-
|)arl d'entre vous doivent ignorer l'existence, bien (pi'il relève tout à fait de la juri-
diction de la Société de statistique. L'auteiu' m'assure Ini-méme qu'il n'a pas été lu
par ceux dont il allendait le jugement, avec le plus d'im[)atience. N'en concluez pas
qu'il s'agisse d'un de ces travailleurs discrets et timides qui vont traçant dans
l'ombre leur sillon solitaire. M. Auguste Chirac n'est rien moins que cela. C'est un
pampliléiaire agressif, un socialiste militant, un vrai démolisseur, dans toutes les
acceptions du mot. Je n'ai pas l'honneur de le connaître personnellement et la façon
dont il écrit — je parle de ses livres et non de ses lettres — n'était pas précisé-
ment de nature à me prévenir en sa faveur. .\vec des inspirations et des objectifs
différents, sa manière rappelle beaucoup celle de M. Edouard Drumont. Dans les
liois de la République et dans l'Agiotage sovs la troisième République, comme
dans la France juive, la Fin d'un Monde et la Dernière Bataille, les personnalités
abondent, et les mille noms propres qu'on y rencontre — avec une table alphabé-
tique pour faciliter les lecheiches — y sont généralement accompagnés des épi-
thètes les plus désobligeantes. Quand on accuse si facilement, il est difficile de ne
pas calomnier. Je n'ai, croyez-le bien, nidie envie de défendre contre les attaques
de M. Chirac les agioteurs, les tripoleurs, les escamoteurs de millions. Il semble
malheureusement i|ue l'efficacité de la législation pénale, en Fr.mce et ailleurs,
soit souvent en raison inverse de l'importance des escroqueries commises, et il
faut reconnaître que lien n'est plus propre à irriter, à révolter la conscience po-
pulaire. Les iniiignaiions qui viennent de là sont légitimes. .Mai?, pour pouvoir
dénoncer avec autorité les lacunes ou les défaillances de la justice sociale, il fau-
drait pci'sonnifier soi-même l'équité et ne passe faire un jeu de vdipender pêle-
mêle les coupables et les innocents.
Los violences dont M. Chirac estcoulumier me paraissent d'autant moins excu-,
sables (pic la passion chez lui se réclame toujours de la science. En fait de science,
M. Drumonl s'arrête volontiers à la chiromancie (2). M. Chirac, lui, est plus sérieux :
appuyées d'un côté sur l'algèbre et de l'auire sur la géométrie, toutes ses affirma-
tions se déclarent par cela seul irréfutables, et à ceux qui se permettraient l'expres-
sion d'un doute, il montrerait fièrement, du bout de son compas, i les poteaux de
la roule longue et pénible » au bout de laquelle « il a trouvé la vérité ».(3)
Que M. Chirac ait travaillé, beaucoup travaillé, je suis disposé à l'admettre, à la
(1) Commanication faite à la Société de statistique dans sa séance dn 16 juillet 1890.
(2) Dans la Dernière Bataille, M. Drumont ne consacre pas moins de trois pages à l'examen de la
main du général Boulanger et aux conclusi'ins qu'il en faut tirer. Par exemple, « la ligne de vie brisée
indique que le général mourra vers 58 ans de mort violente, probablement d'un coup de couteau. »
(3) Voir, on tête de Wigiotage sous la troisième République, 1888, Wivis aux ignorants dumonde
officiel, p. m.
— 294 —
condition d'ajouter que la plupart de ceux qui se donnent ici rendez-vous ne me
semblent pas moins laborieux que lui. Il a cherclié à éclaircir quelques-uns des
mystères de la vie sociale ; il a entrepris pour cela d'assez longs calculs et il croit
sincèrement avoir fait de grandes découvertes. Son espoir est que nous partagerons
tous cette impression, et si nous ne mettons pas sa loi des catastrophes au niveau
de la loi des tempêtes de M. Faye ou de la loi des crises de M. Juglar, pour ne pas
dire plus, nous lui causerons une vive déception.
Mais la critique lui sera moins pénible encore que ne le serait l'abstention. J'ai
reçu de lui, à cet égard, les déclarations les plus posilives.
Il paraît que lorsqu'il se borne à casser, dans la Revue socialiste, les vitres d'un
ministre, d'un financier ou d'un économiste, quarante journaux applaudissent (1);
mais le vide, me dit-il, se fait autour de lui — le vide et le silence — dès que les
arguments ad liominem font place sous sa plume aux équations algébrirpies et aux
diagrammes nuillicolores. Tout cela est de l'hébreu pour ses coreligionnaires; et,
de guerre lasse, l'ami de M. Benoît Malon est venu solliciter l'appréciation, bien-
veillante ou non, de ceux (pii, dans un autre milieu et avec d'autres liiibitudes d'es-
prit et de langage, s'intéressent aux mêmes questions que lui.
Voilà, Messieurs, comment je me trouve amené à vous parler ce soir des travaux
de M. Auguste Chirac, en général, et de sa loi des catastrophes en pai ticulier.
Ce qui, à première vue, m'y avait encouragé, c'est que M. Chirac, dans ses cal-
culs, fait souvent intervenir la statistique des mutations par décès. Pour la science
que nous cultivons tous ici, c'est une mine précieuse; et elle était restée longtemps
inexplorée. Depuis une douzaine d'années, les sondages ont commencé ; les gale-
(I) Il nous semble intéressant de reproduire ici, <i titre de doriiraent, la liste des journaux français et
étrangers que la Rii'ue socialiste considère comme partageant ses idées. Cette liste est prise sur la cou-
verture même de la revue de M. Benoît Malon en 1887 :
t.'lntraiisiyrdiil, Henri Uochefort, directeur po- Ln Revue du mouvement social, Cti. Limousin.
liliquc et rédacteur en chef. Paris. ie/'cîty;/;', organe du parti ouvrier belge, Bruxelles.
/.« Cri (lu Peuple, fondé par Jules Vallès, l'aris. Le Chante-Clair, Bruxelles.
L'Action, W. Michelin, directeur, l'aris. Le Coup de feu, Paris.
La Revue moderne, A. Bernier, rédacteur en J.e Journal du Peuple, organe an Comité revo-
chef, Paris. lutionnaire central (parti blanqniste), Paris.
/.e Devoir, Godin, fondateur-directeur du Fami- La Couture, organe des ouvriers tailleurs, Paris.
lisière de Guise. io Di-feuse des travailleurs, Reims.
La Société nouvelle, F. Brouez et .lames, secré- Ac Réveil ouvrier, Calais.
taires de rédaction, Bruxelles. Im France Juive, Bordeaux.
La Philosophie de l'avenir, Paris. /.e Nouveau Parti, Marseille.
Le Socialiste, organe du parti ouvrier (fraction L'Ouvrier chapelier, l'aris.
Marxiste), l'aris. Le Voyageur forain, Paris.
Le Prolétariat, organe du parti ouvrier (fraction Le Réveil typographique, Paris.
possibiliste), Paris. Le Languedoc, Montpellier.
La Réforme judiciaire, Paris. L'Arbitre, Paris.
El Socialista, organe du parti ouvrier espagnol, ta Semaine fraternelle, Paris.
Madrid. Le Droit des Femmes, l'aris.
De Vooruit, organe du parti ouvrier flamand, La Citoyenne, Hubertine Auclert, Paris.
Gand. La Rivista italiana del socialismo, liUgo, Ro-
Der Sozial-Demokrat, organe du parti socialiste magnes.
allemand, Zurich. Ll Fascio operajo, Milan.
La Tribune des peuples, l'aris. La Bandera Social, Madrid.
Le Travailleur, Lille.
— 295 —
ries se sont ouvertes et il a été fait d'heureuses tronvaillcs. Les bruyants eurêka
de M. Chirac semblaient en promettre de nouvelles et, socialisme à part, j'espérais
rencontrer dans les livres ou dans les manuscrits qu'il m'a communiqués d'ingé-
nieux aperçus, d'instructifs théorèmes. Plus d'une fois j'ai cru y arriver. Il y a, dans
M. Chirac, un philosophe et un mathématicien qui, à travers la stalislique, s'appel-
lent et se cherchent; malheureusement, ils ne réussissent pas à se donner la main et
demeurent égarés, l'un et l'antre, dans l'obscur labyrinthe où ils sont descendus sans
avoir pris le soin d'allumer leur lanterne. La manière de raisonner de l'auleur de
\ Agiotage est très singulière. On dit, vous le savez, que c'est la foi qui sauve : lui,
c'est sa foi qui le perd, sa foi révolutionnaire, bien entendu. Elle est si forte qu'elle
lui dicte d'avance toutes ses conclusions et qu'au lieu de s'attarder aux déductions
qu'un autre croirait nécessaires, il les supprime, se bornant à dire au lecteur, en
passant, de quel côté il pourrait aller chercher les pièces justificatives qu'on ne
lui montre pas.
C'est un système très commode, très expédilif, mais essentiellement trompeur.
Nous allons voir qu'il a l'inconvénient de conduire généralement M. Chirac à dire
blanc quand il faudrait dire noir et noir quand il faudrait dire blanc.
Exemple: c'est un des arguments favoris du socialisme que celui qui consiste à
opposer au petit nombre de ceux qui possèdent le nombre énorme de ceux qui ne
possèdent pas : on met d'un côté les capitalistes, petits et grands, de l'autre les gens
qui, en fait de capital, n'ont que leurs deux bras et leurs dix doigts ; et l'on s'indigne
qu'il y ait si peu de monde à droite et tant de monde à gauche.
M. Chirac, considérant celte étroite concentration des biens de ce monde comme
avérée à priori, n'hésite pas à certifier que nos statistiques successorales en don-
nent à la fois la preuve et la mesure : « La proportion ordinaire des possédants,
écrivait-il il y a déjà loiigtemps(l), est d'un quart ou 25 p. 100. On peut s'assurer
par l'examen des budgets définitifs qu'annuellement 800,000 décès n'ouvrent en
moyenne que 200,000 successions. » Et à cha()ue ciiapitre du livre, nous voyons
reparaître celte proportion soi-disant officielle: le quart d'abord; ensuite le cin-
quième; 18 p. 100 seulement depuis 1885. Ainsi une succession à peine pour cinq
décès, et par conséquent sur cinq familles une à peine ayant un patrimoine, si
humble, d'ailleurs, qu'on le veuille supposer.
Vous le voyez: c'est bref et c'est net; seulement c'est faux. Messieurs, absolument
faux, et je n'aurai pas de peineà vous en convaincre. Je ne vous dirai pas par où pèche
la démonstration de l'auteur de l'Agiotage, puisqu'il affirme sans dénionlrer. Mais
j'établiiai que, de par les statistiques successorales elles-mêmes, c'est le conlraiie
(le ce qu'il affirme qui est vrai.
Pour plus de sûreté, je reproduis ici la page du Compte définitif des recettes qu'il
invoque à l'appui de son assertion (2).
( I ) \o\rJ Agiotage, t. I, p. 43, note 2.
(21 Le Bulletin de statistique du Ministère des finances publie le même tableau pour chaque exercice
longtemps avant rapparition du Compte défmttif. Voir le Bulletin d'octobre ISSU, p. 358.
Tarleau.
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Examinez bien ce tableau et si vous y pouvez découvrir les 170,000 successions
que M. Chirac oppose aux 800,000 ou 900,000 décès de l'année, vous serez plus
habiles que moi. Ce qu'on y a inscrit, en même temps que les valeurs sur lesquelles
les droits de mutation ont été assis, c'est le nombre des dispositions soumises
aux droits. On en compte 936,368 en 1887 et 933,965 en 1888.
Mais cela ne nous apprend pas le nombre réel des ouvertures de successions, car
le même décès peut donner lieu à deux, cini|, dix taxations distinctes, il suffit
pour cela qu'il se rencontre, dans la succession considérée, des natures de vnlcurs
différentes et des ayants droit dont le degré de parenté par rapport au de cujus
ne soit pas le méme(1).
Il doit donc y avoir beaucoup moins de successions ouvertes que de dispositions
soumises aux droits. Mais pourquoi 170,000 plutôt que 400,000? M. Chirac dit
170,000, sans explication: moi, j'î dis 400,000, sinon plus, et j'explique mon dire.
La Direction générale de l'enregistrement, où la statistique est personnifiée par
un de nos plus savants, de nos plus clairvoyants et aussi de nos plus aimables con-
frères, fait relevei' par ses directeurs le nombre annuel des déclarations de succes-
sions, et elle a bien voulu me communiquer le résultat de cet utile dépouillement.
Voici ses chiffres, pour les trois dernières années :
ANNEES. NOMBRE DE DBCÈS. NOMBRE DES DECLARATIONS SOUSCRITES
1887 842,797 494,232
1888 837,867 487,573
1889 794,933 403,264
Moyenne 825,199 481,690
Il est vrai qu'il y a, ici encore, des cas où une seule succession entraîne plusieurs
déclarations simultanées : c'est quand le défunt avait des propriétés, des immeubles,
dans d'autres cantons que celui de son domicile. Le fait n'est pas rare. Cependant la
déclaration unique est bien plus ordinaire que la déclaration multiple, et ceux qui
ont l'expérience de ces choses ne me démentiront pas si j'admets (pic les 480,000
déclarations annuellement souscrites correspondent à une moyenne de plus de
400,000 successions par an.
Ainsi le chiffre sur lequel s'appuie toute l'argumentation de M. Chirac doit être
grossi de plus de 100 p. 100 et voilà déjà la pierre angulaire de la statistique socia-
liste bien ébranlée.
Mais ce n'est pas tout.
On nous dit : n 170,000 successions sur 850,000 décès ». .le dis, moi: « Plus de
400,000 successions sur moins de 500,000 décès ». Il estinconteslablequela France
enterre, bon an mal an, de 800,000 à 900,000 personnes. Mais n'est-il pas évident
que, jusqu'à un certain âge, le fait d'un décès sans succession n'implique nullement
le fait d'une famille sans patrimoine? Il faut des circonstances toutes particulières
pour qu'un mineur, en mourant, laisse des biens. L'enfant du millionnaire, s'il
(1) Le tarit' des droits de succession comporte, selon le degré de parenté, six taux différents, et le;
valeurs successorales se divisent en quatre groupes : immeubles, fonds d'État français ou étrangers, va-
leurs mobilières françaises ou étrangères, autres meubles. Une même succession pourrait ainsi, dans un
canton, produire jusqu'à 2i dispositions, et ce chiffre pourrait même, à la rigueur, être dépassé, si les
immeubles successoraux appartenaient à plusieurs cantons difTérents.
— 298 —
succombe prématiirémenf, ne met pas plus le fisc en mouvement que l'enfant dn
nieniijant. Cepcndanl il est clair que ra<;similalion est impossible etce ser.iit se mo-
quer du monde que d'inscrire à l'acliC du paupérisme le nouveau-né qui meurt
dans un berceau de dentelle et qu'un tombeau de marbre attend au cimetière. C'est
pourtant ce que fait, hardiment, M. Chirac.
A partir de quel âge l'absence de biens Iransmissibles peut-elle être considérée
comme un indice de pauvreté réelle? La question est délicate. Il y a là une moyenne
difficile à saisir et MM. Toussaint Loua ou Turquan seraient mieux à même'que moi
de la fixer avec précision. Mais je crois être très modéré, trop modéré, Messieiu-s,
en ne défalquant ici que les mineurs. Or, les décès survenus avant la 21" année
représentent, chez nous, près de 40 p. 100 de la mortalité totale (1). C'est donc
bien à 500,000 décès à peine qu'il faut opposer les 400,000 successions annuelle-
ment ouvertes.
Vous voyez combien nous sommes loin des chiffres de M. Chirac et combien mes
conclusions motivées diffèrent de ses conclusions hypothétiques I
Aux socialistes qui nous disent de confiance : « Les quatre cinquièmes des
français sont de pauvres gueux que les autres exploitent », nous répondons, chiffres
en main : « Les quatre cinquièmesdes Français, à l'âge où l'on peut posséder per-
sonnellement, sont effectivement pourvus d'un avoir suffisant pour que le fisc, eu
cas de décès, ail le droit et le devoir d'intervenir. »
Et ce n'est pas assez dire, Messieurs, car, malgré l'extrême vigilance du service
de 1 enregistrement, il y a nombre de petits héritages qui échappent à l'impôt.
Si le défunt avait une chaumière à lui ou lui champ, pas de fraude possible :
mais, à la ville comme au village, (pichpies milliei's de francs en meubles, titres
au porteur ou argent comptant, ont vite disparu. L'administration invite bien la
famille à passer au guichet ; mais, comme dit la chanson : « Va-l'en voir s'ils
viennent ! » Ces cas de volatilisations successorales sont si l'ré(|uents dans le dépar-
tement de la Seine que le rapport entre le nombre des déclarations souscrites et
celui des décès enregistrés y est moitié moindre qu'ailleurs.
La vérité est donc que la très grande majorité des Français majeurs ont à eux
une part, grande ou petite, de la richesse collective de la nation. Et, quand le so-
cialisme, par la bouche de M. Chirac ou par toute autre, dit le contraire au peuple,
il le trompe.
L'échantillon que je viens de vous donner des soi-disant démonstrations de
M. Chirac me permettrait peut-être de glisser rapidement sur le reste. Mais il ne
faut pas abuser de la formule : Ab uno disce omnes, et, sans vouloir, à beaucoup
près, m'arrêler à toutes les pages où je trouve matière à contestation, je tiens au
moins à attaquer de front celle des théories de M. Chirac dont il se montre le
plus fier.
Je vous prie donc de vouloir bien m'accorder encore quelques moments d'atten-
tion et j'arrive à la fameuse loi des catastrophes : c'est le nom même que l'auteur
lui donne.
Le problème dont cette loi croit être la vraie solution présente quelque analogie
(1) Voir A. de Foville, La France économique, 1890, p. 32 : « lîn France, sur 1,000 individus qui
meurent, il y en a 188 de 0 à 1 an, 105 de 1 à 5 ans, 30 de 5 à 10 ans, 18 de 10 à Ij ans, 25 de
15 à 20 ans »
— 299 —
avec celui que posait à Rome, lors de l'avant-dernière session de l'Institut interna-
tional de stalisti(|ue (avril 1887), notretant regretté confrère, M. F.-X. de Neumann-
Spaliart.
Pour tous ceux qui, comme lui, ont passé une partie de leur vie à traduire en
chiffres les diverses manifeslalions de la vie des peuples, c'est presque un besoin,
à un moment donné, que de chercher à remonter de l'analyse à la synthèse. L'émi-
nent professeur de Vienne aspirait à « mesurer les variations de l'élat économique
et social des peuples », et sa conclusion était que l'on pourrait, avec l'espèce de
baromètre statistique qu'il rêvait, « tenter des prévisions » et tout au moins « mettre
en lumière l'enchaînement récipro(|ue et l'étroite sohdarité des phénomènes de
l'ordre économique, social et moral ».
Le même ordre d'idées avait déjà été abordé, avec plus ou moins de hardiesse et
de succès, par un certain nombre de statisticiens, comme Dudley Baxter, Porter,
Slanley Jevons, Leone Levi, Giffen, en Angleterre; comme le D' Engel et le D' Sœt-
beer, en Allemagne ; comme David Wells et Edward Alkinson, au\ États-Unis.
En France, il est un nom que j'ai déjà prononcé et que vous avez tous sur les
lèvres : c'est celui de notre excellent collègue et ami M. Juglar, l'auteur du petit
livre de 1862 et du gros livre de 1889 sur les crises commerciales. Et je n'aurais
qu'à feuilleter notre journal pour trouver encore d'autres contributions à l'élude
de ce que j'appelais moi-même devant vous, il y a deux ans, la météorologie éco-
nomique et sociale{\).
M. Chirac, lui, dit : la sociomélrie, et le mot, quoique un peu solennel, me paraît
assez heureux. La définition l'est moins: M. Chirac appelle sociomélrie «c la science
« de mesurer, dans une collectivité organisée, la solidarité des agissements indivi-
« duels; par suite, la solidarité des agissements sociaux dans un ensemble de col-
« lectivilés humaines; enfin l'action et la réaction des nations entre elles. » L'idée
me semblait plus claire avant cette explication qu'après. Mais peu impoite! H y a
des problèmes qu'il faut résoudre pour les bien définir et le problème sociométrique
est du nombre. L'essentiel, pour nous, est de savoir si M. Chirac, qui prétend s'en
être rendu maître, ne se fait pas illusion.
Les recherches de M. Chirac sont antérieures au congrès de Rome. Dès 1885, il
se sentait en mesure, non seulement de « tenter des prévisions », comme M. de
Neumann-Spallart en 1887, mais de prédire nettement les calamités futures, témoin
la lettre qu'il adres.<;ait, il y a presque cinq ans, au Président de la Chambre des
députés et sur laquelle je reviendrai tout à l'heure. Aujourd'hui il assure que ses
pronostics se sont merveilleusement réalisés et il lui semble qu'il est temps que le
monde reconnaisse publiquement une loi qui a fait ses preuves.
Examinons donc cette loi et voyons jusqu'à quel point elle implique le don de
prophétie.
La loi des Catastrophes s'offre à nous sous les deux espèces du diagramme et de
l'équation.
La planche jaune, ronge, violette etnoiredont est illustré le tome II de Y Agiotage
(planche XIV) lui donne une forme bien concrète. Comme l'auteur se flatte d'y avoir
résumé l'histoire entière de notre temps, comme il prétend y avoir rendu visibles
à l'œil nu toutes les oscillations corrélatives de la richesse, du salariat et du pau-
(1) Voir le Journal ie juillet 1888, p. 243.
— 300 —
périsme, depuis la Restauration jusqu'à nos jours, j'ai tenu à faire amplifier celle
mystérieuse image. Je fais passer sous vos yeux l'original, el la copie à grande
échelle est là, suspendue devant vous (1).
Regardez-la bien, Messieurs, et tremblez !
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Là-haul, ces montagnes jaunes que semblent éclairer les rayons du soleil cou-
chant, ce sont les capitaux, ce sont les « trésors des possédants ».
La zone rouge qui vient ensuite, ce sont « les non-possédants, les salariés, les
prolétaires ».
(1) Dans la reproduction ci-dessus du diagramme de M. Chirac, on a supprimé les couleurs pour sim-
plifier.
— 301 —
Puis viennent « les vallées violettes du dénuement » ; et enfin, « les abîmes noirs
de la destruction ».
Voilà, certes, un décor tragique et fait pour plaire aux lecteurs ordinaires de la
Revue socialiste. On y voit des choses bien invraisemblables pour nous autres,
simples statisticiens: on y voit la détresse augmenter en bas toutes les fois qu'en
haut la richesse se développe; on y voit le flot montant de la misère submerger
peu à peu l'armée des travailleurs et ne reculer, momentanément, que lorsqu'un
cataclysme est venu décimer celte foule sans défense. C'est tantôt la guerre, tantôt
la famine, tantôt la peste. De là, entre les montagnes jaunes et les vallées violettes,
ces triangles rouges {|ui vont s'amincissanl comme des fers de lance et dont la
pointe ensanglantée mar(|ue, le long du siècle, la place des grandes catastrophes
historiques.
Il y a, disais-je, dans cette figure des choses bien invraisemblables ; mais aux
sceptiques qui se demanderaient si c'est bien là l'image fidèle des faits passés, pré-
sents et futurs, l'auteur ferme impérieusement la bouche: « Pas une ligne dans ce
« tableau, s'écrie-l-il, qui ne soit le résultat d'un chiffre; pas un chiffre qui ne soit
« le résultat d'une constatation officielle. »
Je me suis cependant permis d'y regarder d'un peu près et je suis resté confondu
de la puissance d'imagination qu'il a fallu à M. Chirac pour voir dans son diagramme
l'exacte traduction des données les plus authentiques de la statistique nationale.
Vous allez en juger.
L'auteur nous explique lui-même (|ue des quatre courbes A,B, D et G, qui sépa-
rent le noir du jaune, le jaune du rouge, le rouge du violet el le violet du noir
deux seulement, B et D, ont une valeur propre, les deux autres étant simplement
complémentaires de celles-là. D'autre part les deux équations qui engendrent les
courbes B et 1) se composent des mêmes éléments, de sorte que l'on peut presque
se contenter d'en discuter une (1).
Prenons la courbe B. La valeur variable de ses ordonnées s'obtient, tout compte
fait, en divisant annuellement ie chiffre de la circulation française (monnaie métal-
(1) M. Chirac écrit ainsi son équation (voir V Agiotage, t. II, p. 287) :
3 (O + K — B) X M X 100
B =-
Jf xs
0 représentant le total des monnaies métalliques en circulation, N le total des billets de banque émis,
E l'encaisse, or et argent, de la Banque de France, le tout à la fin de l'année ; M le nombre des décès
de l'année, P la population, S le chiffre en capital des successions taxées dans l'année.
p N/ S
Mais l'auteur a lui-même expliqué ailleurs (p. 283) que — rj — donne « l'héritage de la nation en-
tière », c'est-à-dire le montant total des fortunes individuelles et il en donne cet exemple :
En 1881, il est mort 828,828 personnes et ce total de décès a fait taxer 4,914,227,477 francs de
successions. La population recensée étant de 37,672,048, on a :
37,672,048X4,917,227,477 ^ ^^_
S2S,828
L'autre équation se rattache étroitement ï la première :
,^_3(0 + N-E)XM'X 100_„
P' + S'
M,' P' et S' représentant les valeurs de M, P et S au commencement de chaque période.
11 résulterait de là qu'à cette date initiale B = 0, ce que le diagramme ne confirme pas. C'est une
contradiction ajoutée ii beaucoup d'autres.
— 302 —
lique et billets de banque non couverts) par la somme totale des fortunes indivi-
duelles et en multipliant le quotient de cette division par 300:
B^300x^rf"°"
Kicriesse
G'esl encore la circulation et la richesse, évaluées à deux époques différentes,
qui déterminent la courbe D. De sorte que le diagramme tout entier, avec ses noirs,
ses jaunes, ses rouges et ses violets, résulterait uui(|uement de la combinaison mys-
térieuse de ces deux éléments: richesse et numéraire.
Ici, Messieurs, ma réfutation n'a que l'embarras du choix, car le principe qu'on
applique est de pure fantaisie et il n'en est pas même fait une application correcte.
Je dis que le [iriiicipe est illusoire, et vraiment cela saule aux yeux.
Quoi ! il sufllrait de mettre en présence, algébriquement ou géométriquement,
ces deux facteurs : la circulation d'un peuple, métal et papier, et sa richesse capi-
talisée, pour savoir comment celte richesse se répartit à chaque époque; quels sont
ceux qui l'absorbent; quels sont ceux qui, sous forme de salaires, en reçoivent
seulement les miellés; quels sont ceux qui meurent d'itianiiion au pied de celle
montagne d'or !
Cette lutte entre le travail et la faim, qui donne à M. Chirac ses triangles violets et
ses triangles rouges, toutes les péripéties s'en trouveraient contenuesdansles varia-
tions de ces deux totaux : circulation, richesse! Assurément ce sonl là des agents puis-
sants et ils jouent dans l'économie générale des peuples un rôle dont je ne songe
pas à méconnaître l'importance. Mais il y en a d'autres en scène ; il y en a beaucoup
d'autres, et je voudrais savoir pourquoi, prenant les uns, on a laissé les autres de côté.
Comment avoir pu supposer que quelques phrases nuageuses sur la vie, sur la
mort, sur les forces de produclioti et les forces de consommation, sur l'échange et
sur la monnaie, nous feraient accepter, sans autre forme de procès, l'aventureu.se
équation d'où est sorti le diagramme que vous regardez? Les syllogismes les plus
rigoureux ne seraient pas de trop ici pour nous persuader: or, on ne nous offre pas
même l'apparence d'une démonstration.
Il y a pour cela une bonne raison. Messieurs: c'est qu'on ne peut démontrer que
ce qui est vrai et que nous sommes ici aux prises avec un vain mirage...
Mais, comme je le disais tout à l'heure, d'un principe illusoire M. Chirac ne fait
même pas une application correcte et dans sa fraction
Circulation
Richesse
le numérateur et le dénominateur sont également suspects.
Le numérateur, ici, c'est la circulation française, or, argent, et billets émis à
découvert. L'excédent des émissions de billets par rapport à l'encaisse de la Banque
est facile à connaître. Mais il n'eût pas été superflu de nous dire comment on fixait
l'importance totale et surtout les variations annuelles de notre stock métallique,
or et argent. Vous savez tous, Messieurs, que la question est délicate : M. Chirac
ne semble pas en apprécier les difficultés, car il ne nous dil même pas comment
il s'y est pris.
Quant à son dénominateur, c'est-à-dire à l'évaluation du montant total des for-
tunes privées, M. Chirac nous en livre le secret et peut-être aurait-il mieux fait de
— 303 —
le garder pour lui, car sa formule est bien vicieuse. Que fait-il? Il multiplie la masse
successorale par le nombre des liabilants et il divise par le nombre des décès :
M
S'il avait suivi — fût-ce de loin — les travaux de la Société de statistique, il sau-
rait qu'il y a quel(|ues précautions de plus à prendre pour tirer du quantum des
successions annuelles une évaluation sérieuse de l'ensemble des capitaux sur lesquels
ces successions se Irouvcnt impuiccs.
Il saurait, d'abord, qu'au lieu de prendre les successions seules, il faut y joindre
les donalions, qui, dans la jdupart des cas, ne sont qu'une simple dérivation du cou-
rant successoral. Il saurait également que ce n'est point le rapport des populations
aux décès, que ce n'est point la vie moyenne (jui doit multiplier la masse succes-
sorale, mais bien la survie moyenne des héritiers aux de cujus, ce qui n'est pas la
même chose.
11 saurait encore que la nun-déduction du passif, les dissimulations d'actif et les
modes d'évaluation automatiques imposés par la loi pour les successions immobi-
lières ne permettent d'accepter les résultais d'un pareil calcul que sous bénéfice
d'inventaire.
Il saurait surtout que les ventilations de ce genre ne peuvent avoir quehjue
autorité qu'à la condition de porter sur une péi'iode un peu étendue. C'est le cas
ou jamais de faire des moyennes. M. Chirac n'en fait pas ; il appliiiue à chaque
P X S
millésime, pris isolément, sa formule — i-. — , et il ne prend pas garde aux anomalies
qui fatalement doivent en résulter.
Je repioduis, par curiosité, la série des valeurs successives qu'il attribue ainsi,
année par année, à l'ensemble des capitaux possédés par les Français:
ANNÉES. CAPITAL CAPITAL CAPITAL CAPITAL
(31 décembre.) immobilier. mobilier, fiiiaucitr. total.
millions de frauca.
1851' 48,G37 29,501 3,805 82,003
1869 88,213 64,855 8,754 161,822
1870 61,317 46,216 5,911 113,444
1871 75,400 59,:)00 7,100 142,000
1872 98,000 73,900 8,300 180,200
1873 88,300 58,400 18,800 165,500
1874 92,500 63,500 19,400 175,400
1875 96,600 65,900 22,900 185,400
1876 115,000 08,400 26,300 209,700
1877 105,900 65,100 25,100 196,100
1878 110,200 67,900 31,700 209,800
1879 115,300 68,100 37,700 221,100
1880 123,200 72,900 36,500 232,600
1881 113,800 69,500 40,000 223,300
1882 120,000 71,000 35,800 226,800
1883 121,300 72,900 41,800 236,000
1884 117,100 70,000 37,200 224,300
1885 126,500 76,400 42,800 245,700
1886 122,400 72,500 43,800 238,700
1887 » . > 240,265
L'incohérence même des résultats obtenus aui-ait dû inquiéter le calculateur :
comment admettre ces plus-values ou moins-values énormes d'une année à l'autre?
— 304 —
La roue de la fortune, surtout lorsqu'il s'agit de ia fortune publique, ne comporte
pas de tels cahots.
Mais M. Chirac ne se trouble point pour si peu: quand il voit qu'en douze mois,
même aux époques les plus tranquilles, le pays a gagné ou perdu 20, 30, 40 mil-
liards, il ne se dit pas : « J'ai dû me tromper » ; il se borne à rechercher quels sont
les financiers véreux, quels sont les vils agioteurs qui peuvent avoir fait danser de
la sorte l'anse du panier où la France met ses œufs ; et, un coup d'œil lui suffisant
pour s'éclaii'er à cet égard, voilà, du coup, quelques noms de plus mis au pilori.
Voulez-vous un exemple?
De décembre 1875 à décembre 1876, les multiplications de M. Chirac accusent,
rien que sur la richesse immobilière, un relèvement de 18 milliards; et loin de s'en
étonner il trouve cela tout simple:
« C'est tout simple, dit-il textuellement; on avait parlé de concéder des lignes,
<i de faire des expropriations et de donner des indemnités ; en outre, on avait exé-
« cuté des gages, c'est-à-dire vendu des immeubles, et ceux qui les avaient achetés
« voulaient gagner sur leur acquisition. Enfin qu'on se rappelle donc la circulaire
t de Dufaure sui' le notariat. >
M. Chirac, qui se rappelle si bien la circulaire Dufaure, aurait mieux fait de se
rappeler la loi Wolowski. Vous savez que, sur la proposition de notre ancien
président, l'Assemblée nationale, en 1875 (loi du 21 juin 1875, art. 2}, avait
porté de 20 à 25, pour les immeubles ruraux, le coefficient par lequel l'administra-
tion de l'enregislremenl doit multiplier les valeurs locatives pour l'assiette des
droits de mutation par décès. C'est celte majoration d'un quart qui grossit tant la
niasse successorale de 1876 et l'on peut affirmer que la circulaire Dufaure n'y est
pour rien, ni les projets de chemins de fer, ni les liquidations, ni ce « congrès
des Juifs des (jualre parties du monde » qui s'était réuni au Grand-IIôtel le 15 dé-
cembre et que M. Chirac met aussi en cause.
Un autre détail qu'il eût été bon de ne pas perdre de vue, c'est que la moitié des
successions taxées chaiiue année correspond à des décès remontant à l'année
précédente. Vous savez, en effet, que les héritiers ont six mois pcfur faire leur dé-
claration et pour acquitter les droits: il est rare qu'on devance beaucoup l'échéance
et il arrive quelquefois que l'on obtient un sursis. Le fisc retarde donc de six
mois par rapport à la mort et c'est ainsi que nous voyons en ce moment le Trésor
récolter les opulentes plus-values que Yin/luenza a semées en décembre 1889 et
janvier 1890. Il en a toujuurs été ainsi et M. Chirac commet un véritable quiproquo
quand il suppose que toutes les déclarations de successions souscrites pendant telle
ou telle année concernent les biens des personnes mortes celte année-là. Or, le
quiproquo ne se trouve pas répété moins de vingt fois dans le tableau dont je vous
signalais tout à l'heure les étrangetés.
Je suis bien obligé. Messieurs, d'insister sur les diverses erreurs que M. Chirac
a commises en calculant ce qu'il appelle a l'héritage total de la nation », car nous
avons vu que ce calcul fait le fond de la partie graphique de son travail et nous
allons voir maintenant que sa loi des catastrophes n'a pas non plus d'autre base. La
base tombant, ia loi est bien malade.
C'est M. Chirac lui-même qui nous apprend que toute sa loi est contenue dans la
formule K = — n — •
— 305 —
11 a bien voulu, pour faciliter la lâche à laquelle il m'avait convié, m'envoyer
une noie manuscrite où il réduit la loi dite des catastrophes à sa plus simple expres-
sion. El voici en quels termes il le fait. Après avoir posé, comme à la fin de son
P X S
livre, l'équation que je critiquais tout à l'heure: K== — j-, — , il ajoute:
« il n'est pas contestable que le chiffre de la population, que le chiffre des capi-
« taux successoraux, que le chiffre des décès ne résument aussi exactement que
« possible l'ensemble des mouvements sociaux résultant du fonctionnement des
« forces de produclion et de consommation (?). Or, en cherchant la valeur annuelle
« de K, on obtient une série de sommes tantôt croissantes, tantôt décroissantes. En
« les comparant entre elles, on trouve toute une série de rapports.
c Mais en adoptant la règle de ne choisir, comme point de départ d'une période
P X S
« de comparaison de K, que la valeur de K obtenue par — r-, — dans l'année qui a
« suivi la plus grande mortalité, sans distinguer fi ces mortalités ont été produites
« par des épidémies, des guerres ou des émeutes, on découvrira que, depuis 1816
V
«par exemple, trois années seulement ont conduit à-^-^ = !2 '/ ; que ces trois an-
« nées ont pour millésimes : 184.7-184.8; 1869-1870; 1887-X; et enfin que les deux
« premières indiquent des époques où se sont ouvertes des séries de deslructions
« humaines ayant duré plus ou moins longtemps, suivant le degré de leur intensité (1).
« Rapprocher l'indice 2 '/* des causes qui l'ont amené, étudier la marche des pro-
« dromes, prévoir dans quelles conditions le même indice se reproduira et savoir
« comment on peut s'y prendre pour enrayer les causes, la marche et les condi-
« lions, (el est le but que se propose la sociométrie. »
Vous le voyez, la sociométrie, telle que la conçoit M. Chirac, repose loul entière sur
P X S
celte soi-disant formule de la richesse: K = -— ri — , qui, loin de pouvoir fournir
toutes les révélations qu'il en allend, n'est même pas conforme à la définition qu'il
en donne.
Et, chose piquante, c'est à raison même d'une des erreurs commises par
M. Chirac dans l'établissement de son équation de la richesse que celle équation
lui donne les soubresauts dont il croit pouvoir tirer un si grand parti.
Si, par exemple, la fortune totale des Français lui paraît avoir doublé et plus
que doublé depuis 1870, c'est que le quiproquo dont j'ai parlé lui a fait croire
la France d'il y a vingt ans beaucoup plus ruinée qu'elle ne l'était réellement. Aux
hécatombes de 1870, il aurait dû opposer, comme je l'exphquais tout à l'heure, non
pas les successions taxées en 1870, lesquelles n'ont rien d'anormal, mais les succes-
sions taxées en 1871, dont le chiffre est énorme pour l'époque (plus de 5 milliards).
Cette simple rectification suffit pour éloigner de nous ce chiffre fatal de 2 ^j^, der-
rière lequel tant de fléaux sont embusqués. Elle suffit même pour renverser de fond
(1) M. Chirac termine ainsi la note d'où ces lignes sont extraites : • Je dois ajouter que jusqu'ici
(hiver I8S9-1S90) mes études sur les autres nations, Belgique, Allemagne, Angleterre..., m'ont donné les
mêmes résultats précis, et que les plus récentes, qui ont porté sur le Brésil, ont également donné l'in-
dice 2 I /4 pour la fin de 18S8. Dans ce pays, c'est la seule fois que cet indice s'est produit depuis 1848. »
Ce n'est pas une des moindres vertus de la formule magique de M. Chirac que de pouvoir voyager si
facilement à travers toutes les broussailles de la statistique internationale.
1" SÉRIE. 31" TOI.. — n" 10. 20
— 306 —
en comble loul le fragile édifice sur lequel le grand-maîlre de la sociométrie s'est
trop pressé d'écrire son terrible mane Ihcccl phares!
La loi des catastrophes n'est donc rien moins qu'une loi.
Il me reste cependant à prévoir de la part de quelques-uns d'entre vous une
réflexion toute naturelle.
On juge l'arbre par ses fruits mieux que par ses racines et, de même, il semble
que l'on doive mieux juger un prophète par ses prédictions que par ses raisonne-
ments. Or, M. Chirac a prophétisé; et si, comme il l'assure, l'événement a donné
pleinement raison à ses pronostics, que peuvent contie cette ralificalion du lait
accompli les vaines arguties de notre pédantisme?
Voyons donc ce qu'il a prédit.
Il y a cinq ans déjà que, fort de ses équations, l'inventeur de la loi des catas-
trophes adressait au Président de la Chambre des députés la lettre dont la teneur suit :
« Monsieur le Président,
t Comme citoyen français et comme électeur, j'ai le devoir de vous faire la com-
« municalion suivante, qui résulte d'une élude approfondie de la situation malé-
« rielle de notre pays.
« Si la constitution économique, légale et sociale de la France n'est pas modifiée
« sans délai en prenant pour base le principe de Yégalilé des échanges à l'intérieur
« comme à Vexh'rieur, elle marchera, quels que soient d'ailleurs les expédients
« politiques employés, vers uno série de catastrophes qui se succéderont dans
« l'ordre suivant :
« 1° En 1888, les forces de consommation du pays absorberont la moitié de ses
i forces de production, ce qui ramènera exactement la situation d'où sont sorties
« les crises de 1848.
« 2° En 1890, les forces de consommation absorberont les deux tiers des forces
« de production, ce qui ramènera exactement la situation ayant caractérisé l'année
« 1850 et, en outre, ouvrira l'ère du papier-monnaie, centenaire des assignats de
« 1790.
« 3° En t893, les forces de consommation absorberont la totalité des forces de
« production, ce qui engendrera cette situation qu'il n'y aura plus ni épargne, ni
« travail, ni réserves, ni monnaie, et que dès lors la masse affamée exigera impé-
€ rieusemenl une liquidation analogue à celle de 1793.
« Toutes ces indications résultent de chiffres officiels groupés dans une formule
€ contrôlable, mais irréfutable et que je vous envoie (1). »
La lettre est du 18 novembre 1885.
Pour 1893, Messieurs, nous ne pouvons que dire: « Dî avertant omen! » Il
serait presque aussi téméraire, à trois ans de dislance, de nier que d'affirmer, et la
sagesse humaine peut ici se résumer tout entière dans le vieux dicton : Qui vivra
verra !
Pour 1890, bien que l'année ait encore un pied dans l'avenir, il nous semble
(1) Il parait que la formule < qui a engendré les pronostics contenus dans la lettre au Président de la
Cliambre des députés » n'est pas —, mais (l-*-p) =n(l-+--|, équation expliquée dans les Itois
de la République, t. II, p. 404, 420. Heureusement que « la concordaace technique » des deux formules
nous permet de ne parler ici que des calculs insérés dans V Agiotage.
— 307 —
*
bien difficile de prendre au sérieux les menaces de M. Chirac. Si vraiment nous
devons être mis avant le M décembre au régime des assignats, ce sera pour tout le
monde — excepté pour M. Chirac — une grande surprise et l'on peut dire au moins
que nous n'en prenons pas le chemin, puisque la Banque de France a encore accru
son encaisse de plus d'un quart de milliard, or et argent, depuis le jour où fut
écrite la lettre que je viens de lire.
Quant à l'année 1888, elle appartient déjà tout entière à l'histoire et l'histoire est
loin d'en avoir fait, conformément aux vues pessimistes de M. Chirac, une réédition
de l'année 1848. En 1848, une révolution, qiio h disette avait précédée et que le
choléra allait suivre, ensanglantait Paris, ébranlait l'Europe, terrorisait le monde. Il
me semble que nous n'avons rien vu de pareil il y a deux ans et que les catastro-
phes promises ont manqué à l'appel.
Tel n'est pas l'avis de M. Chirac. « Avez-vous donc oublié, nous dit-il, la « chute
de M. Grévy et tout ce qui l'a précédée? »
Messieurs, je ne me pardonnerais pas de prononcer ici une seule parole qui pût
être jugée malséante. Mais, en vérité, qui oserait comparer à toutes les angoisses
de 1848 la crise sui generis dont le résultat a été d'éloigner de l'Elysée le prédé-
cesseur de M. Carnot? La France n'a pas eu alors le sentiment ni la sensation d'un
grand malheur public. En tout cas, la transmission des pouvoirs présidentiels n'a
évidemment provoqué aucune de ces tueries, aucune de ces « destructions en
masse » auxquelles M. Chirac lui-même reconnaît les grandes catastrophes sociales
dont il croit avoir formulé la loi. Il est donc vraiment impossible de ne pas consi-
dérer ses prédictions pour 1888 comme ayant fait long feu.
Au besoin, on pourrait ajouter que les incidents qu'il est réduit à invoquer, comme
preuve de sa clairvoyance, remontent, non pas à 1888, mais bien à 1887; de sorte
qu'en réalité il n'y a accord nisurlesfaits, ni sur le millésime. A part cela, tout va bien!
Ah I Messieurs, que le métier de devin deviendrait facile si l'on pouvait, pour
triompher, se contenter de si vagues approximations!
La loi de M. Chirac, telle qu'il l'interprète, me rappelle, malgré moi, celle que
professait naguère, sous le nom élégant de météopsychologie, l'ingénieux capitaine
Delauney (1). Fixant — on ne sait pourquoi — à 165 ans « environ » l'intervalle
régulier des suprêmes épreuves infligées à l'espèce humaine, il qualifiait ainsi, pour
les besoins de sa cause, des faits d'un intérêt beaucoup moins général, tels que la
mort de Judas Machabée. Comme il meurt tous les ans beaucoup de monde, le
hardi capitaine, à chacune des dates que son système évoquait, trouvait assez vite
quelque personnage plus ou moins illustre à pleurer, et le tour élait joué (2)!
Il n'y aurait peut-être eu, Messieurs, qu'à lire tout haut les prédictions de M. Chirac
pour vous édifier sur la valeur de la loi des catastrophes; et je devrais alors m'ex-
cuser d'avoir prolongé plus que de raison une discussion qui ne pouvait être agréable
ni pour moi, ni pour vous, ni pour celui dont, à sa demande, j'avais à analyser les
travaux. J'ai regretté plus d'une fois, au cours de cette ingrate analyse, l'engagement
(1) Voir le Gaulois du 11 août 1884; voir aussi, dans le Journal de la Société de statistique de
Paris de 1885, notre discours sur la Statistique et ses ennemis.
(2) M. Drumont (la Dernière Bataille, p. 545) extrait d'un livre introuvable de Bruck, eu date de 18G2,
une théorie historique qu'il loue sans réserve et qui n'est pas sans analogie avec celle du capitaine De-
launey : elle limite à 1,032 ans la durée d'un peuple comme « peuple-chef ». Pour la France, la période
aurait commencé en 843 et fini en 187C,
— 308 —
que j'avais pris, car je ne suis pas de ceux qui aiment à dire aux gens des choses
pénibles. Si quelqu'un d'entre vous, Messieurs, pouvait croire que je me suis montré
plus sévère que de raison, je lui rcmetirais, non seulement avec plaisir, mais
presque avec reconnaissance, les volumes et les notes qui constituent le dossier de
l'affaire. Je crois seulement que, quand il se serait bien rendu compte de l'exlraor-
dinaire fragilité des soi-disant théories dont je viens de vous apporter les morceaux,
il me reprocherait d'avoir été trop indulgent.
M. Chirac possède cependant quelques-uns des dous du statisticien ; il lui en
manque d'autres, malheureusement, qui ne sont |)as moins essenlicls. On peut dire
de lui que c'est un impressionniste. Le mot est à la mode et notre siècle fait preuve
d'une tolérance croissante pour l'impressionnisme dans l'art; mais la science n'est
plus la science quand elle se met ainsi à travailler au jugé. Par niomenls, j'ai pu
me demander si la prétendue loi des catastrophes n'était pas une simple mysti-
fication à l'adresse de ces pauvres bourgeois auxquels le socialisme aime tant à faire
peur. Mais non! .M. Chirac est un homme convaincu. Ceux qui l'ont lu tout au long
n'en peuvent douter et l'insistance même qu'il a mise à nie faire prendre la parole
suffirait à le prouver.
Je dirai même — quel que soit mon respect pour toutes les grandes convictions
— que M. Chirac est trop convaincu.
Il est si sûr de lui et il fait si peu de cas de ses contradicteurs que tout ce que je
viens de dire ne pourra guère le troubler. Ce n'est pas qu'il se déclare tout à fait
infaillible: « Je sais, dii-il, que je suis d'une matière sujette aux détériorations;
il est donc « possible qu'une défaillance matérielle, une 'parle à la terre ait eu l'oc-
casion de se « produire duiis le jeu des fils conducteurs qui de mon cerveau vont à
ma plume. »
Il ajoute : « C'est pourquoi, si un autre cerveau, ayant passé où j'ai passé, me
« signale un poteau omis dans mes dénombrements ; une opération, une formule
« erronée, capables de détruire mes conclusions, oh! alors, mais alors seulement,
* je m'incliiierai, parce que ce sera la science qui me l'ordonnera. »
C'est sur la foi de cette promesse que j'avais tenu à donner à ma réfutation les
développements qui viennent de mettre, un peu trop longtemps, votre bienveillance
à l'épreuve.
Hélas ! en relisant l'étrange préface d'oîi ces lignes son! tirées, je vois bien que
ma réfutation, si minutieuse qu'elle soit, va se heurter à une fin de non-recevuir
des plus humiliantes. Car il y a toute une catégorie de gens dont l'auteur brave
d'avance la contradiction. Ce sont ceux qu'il appelle « les gens du monde officiel 9
et il a une façon très large d'interpréter cette formule. C'est « aux ignorants du
monde officiel » que le livre est dédié, « aux ignorants du genre des Paul Leroy-
Beaulieu, Jules Simon, Léon Say, Ribot, Jules Ferry, Edouard Hervé, Freppel,
Buffet, Chesnelong, John Lemoinne, Passy, etc.. ». Et l'auteur explique gracieu-
sement à tous ces Messieurs qu'ils doivent s'estimer heureux d'être seulement trai-
tés d'ignai'es, car sans cela c'est fourbes qu'il faudrait dire.
Cette manière inusitée de juger des hommes dont quelques-uns sont pour moi
des maîtres aimés et respectés me mettait fort à l'aise pour discuter M. Chirac et
ses œuvres. Mais il est clair qu'elle le mettra fort à l'aise lui-même pour ne tenir
aucun compte de mes objections.
A. DE FOVILLE.
— 309
m.
DE LA MORBIDITÉ ET DE LA MORTALITÉ DANS LES SOCIÉTÉS
DE SECOURS MUTUELS ITALIENNES (1;.
Le conseil supérieur de statistique de France a consacré plusieurs séances à
l'examen de cette (|ncstion. On s'en est occupé également en Italie, et à ce sujet
M. Rodio, directeur général de la statistique de ce royaume, a présenté un mémoire
très intéressant, dont nous croyons utile de faire connaître les parties essentielles.
Sans entrer dans !e détail des efforts faits jusqu'à ce jour pour arriver à la solu-
tion du problème, et en dépit des lacunes qu'offrent les documents fournis par
un très grand nombre de sociétés, M. Bodio est parvenu à recueillir par sélection,
un nombre suffisant de matériaux pour arriver à fournir une table provisoire de
morbidité, laquelle manque dans presque tous les pays.
Ajoutons qu'il n'est pas dans notre inlenlion de suivre l'éminent statisticien ita-
lien dans tous ses calculs, nous nous bornerons à prendre dans ses travaux de
simples constatations statistiques.
Les recherches opérées par M. Bodio se sont poursuivies de 1881 à 1885 et ont
porté sur3M sociétés, comptant 277,107 membres non compris les membres hono-
raires, (|ui prennent leur part des charges de la société, sans en profiler pour leur
compte personnel.
Le tableau suivant indique la répartition des données recueillies par province.
Ces données ont été ramenées à une année d'observation.
Répartition des Sociétés observées par province.
PROVINC ES.
Piémont
Ligurie
Lombardie ....
Vénélie
Emilie
Toscane
Marche
Ombrie
Latium
Abruzzes et Molise.
Campanie . . . .
Fouille
Calabre
Sicile
NOMBRE
de
sociétés.
68
4
71
25
33
38
18
9
6
5
n
7
2
NOUBllE DE SOCTETAIBES
soumis à une année d'observations.
26,190
2,831
78,597
26,986
37,559
25,855
15,314
8,426
4,236
2,427
16,854
3,416
2,230
3,212
Femmes.
3,195
»
5,683
3,385
2,967
4,836
1,576
576
»
45
543
45
183
Total.
29,385
2,831
84,280
30,371
40,526
30,691
16,890
9,002
4,236
2,472
17,397
3,461
2,413
3,212
311 254,133 23,034 277,167
(1 j Tavole délia frequenza e darata délie malattie pieno gli inseritta aile Société di mutuo soccorso.
Relazione presentate dal direttore générale délia statistica.
(Annali del Crédita e delta Previdenza. Anno 1890.)
— 310 —
Il est à remarquer que sur 311 sociétés offrant les résultats les plus variables en
ce qui concerne la répartition des secours en cas de maladie, un grand nombre
n'admettent même leurs membres aux secours qu'après un noviciat plus ou moins
long.
La durée de ce noviciat, qui d'ailleurs est fixée par les statuts de chaque société,
varie, en effet, d'un jour à cinq ans.
Dans le tableau suivant, on a classé ces sociétés d'après la durée de ce noviciat,
après lequel les secours peuvent être accordés. Quant au nombre de leurs mem-
bres, les totaux sont ramenés à une année d'çxpérience effective.
Durée du stage avant l'admission au secours.
TEMPS APRÈS LEQUEL houbrb nombre dB8 sociâtaireb.
LB SOCIlbTlIRB des ^^ 1^
peut receTOir dei Mconn. sociétés. Hommes. Fcmines. TotaL
Sans limite 5 1,930 » 1,930
Après 15 jours i 590 98 688
— 1 mois. 4 3,036 264 3,300
— 2 — 1 315 » 315
— 3 — -13 10,091 363 10,454
— 4 — 12 10,711 » 10,711
— 5— 2 2,411 978 3,389
— 6 — 117 103,479 12,293 115,772
— 8— 4 3,017 139 3,156
— 9 — 4 4,912 178 5,090
— 10 — 1 912 » 912
— 12 — m 91,176 6,672 97,848
— 15 — 1 519 » 519
— 18 — 4 2,389 37 2,426
— 24 — 16 9,539 874 10,413
— 36 — 9 2,898 749 3,647
— 60 — 1 180 » 180
— 6 ou 12 mois (a) 1 540 » 540
— 12 — 24 — {b) 1 478 » 478
— 6— 9 ou 12 mois (c) 1 2,067 389 2,456
Selon rage du sociétaire à l'admission (rf). 2 2,943 • 2,943
"iÏÏ 254,133 23,034 277,167
En dehors du stage dont il vient d'être parlé, il arrive que certaines sociétés ne
paient pas le secours pour le premier jour de la maladie, d'autres pour les deux
premiers, le? trois, etc., en descendant, comme on le voit par le tableau suivant :
(a) La Société de Manorano accorde un secours en cas de maladie, G mois après l'admission pour les
membres ayant au moment de l'admission de 16 à 40 ans, et un an après l'admission pour les membres
igés de 40 à 50 ans.
(b) La Société d'Evolo a deux catégories distinctes de sociétaires, l'une payant un subside hebdo-
madaire plus élevé que l'autre; la durée du stage varie à leur égard d'un à deux ans.
(c) Pour la Société de Remini, il y atrois classes de sociétaires, dont le stage varie de 6, 9 et 12 mois.
(d) Dans ces deux sociétés, le stage varie suivant l'âge du sociétaire.
— 311 —
Délais pour l'admission au secours.
NOMBRE
do jours de maladie NOMBRE NOMBRE DE SOCIETAIRES. NOMBRE DE JOURNEES DE MALADIE.
LE SOCIÉTAIRE
est
admis aux secours.
do
société».
Hommes.
Femmes.
Total.
Hommes.
Femmes.
Total.
Après 1 jour .
112
87,11G
6,600
93,716
493,936
46,520
540,456
— 2 — .
18
10,682
588
11,170
62,841
3,020
65,816
— 3 — .
54
60,363
7,021
67,384
408,181
73,310
481,491
— 4 — .
110
83,857
6,375
90,232
527,214
46,205
573,419
— 5 — .
13
10,172
2,241
12,413
61,182
13,472
74,954
— 6 — .
4
2,043
209
2,252
9,810
2,820
12,630
311 254,133 23,034 277,167 1,563,464 185,347 1,748,811
Voici maintenant le classement des sociétés d'après le nombre maximum de jours
de maladie pendant lesquels le secours est maintenu :
Durée maxima du secours.
NOMBRE
do jours de maladie NOMBRE
NOMBRE DE SOCIÉTAIRES.
NOMBRE DE JOURNÉES DR MALADIE.
LE SOCIÉTAIRE
de
est
sociétés.
Hommes.
Femmes.
Total.
Horamos.
Femmes.
Total.
admis aux secours
Après 20 jours
1
335
»
335
1,593
»
1,593
— 30 —
5
2,839
292
3,131
9,995
1,850
11,845
— 40 —
18
15,897
515
16,412
91,237
3,325
94,562
— 45 —
2
812
600
1,412
3,334
3,527
6,861
— 50 —
7
3,418
354
3,772
14,214
2,300
16,514
— 60 —
23
17,020
1,470
18,490
92,615
9,322
101,937
— 70 —
4
336
133
469
651
868
1,519
— 75 —
3
2,320
»
2,320
7,787
»
7,787
— 80 —
9
6,616
2,547
9,163
36,629
16,000
52,629
— 90 —
68
46,051
3,185
49,236
284,681
24,174
308,855
— 100 —
3
1,915
146
2,061
5,575
933
6,508
— 105 — .
345
>
345
935
»
935
— 110 —
1,269
1»
1,269
7,906
n
7,906
— 120 — .
27
30,088
3,O0G
33,094
65,196
24,782
189,978
— 125 - .
1,287
B
1,287
3,184
»
3,184
— 130 —
417
U
417
2,920
»
2,920
— 150 —
4,970
364
5,334
41,083
2,438
43,521
— 180 —
53
44,764
2,585
47,349
277,279
18,23G
295,515
— 182 — .
884
U
884
5,164
n
5,164
— 190 — .
422
»
422
3,855
*
3,855
— 270 —
17,883
140
18,023
172,847
1,872
174,719
— 300 —
2,810
M
2,810
24,736
n
24,736
— 360 — .
3,034
847
3,881
24,713
9,563
34,276
— 365 — .
10
8,613
1,310
9,923
51,729
11,055
62,784
De toute la durée
(le la maladie.
59
39,788
5,540
45,328
233,606
55,102
288,708
311 254,133 23,034 277,167 1,563,464 185,347 1,748,811
Ces données une fois établies, des calculs séparés ont été faits pour les sociétés
admettant les membres au secours après un, deux, trois, quatre, cinq, six jours de
— 312 —
maladie (1), et on en a tiré pour l'ensemble les résultats moyens indiqués dans le
tableau ci-après :
Malades et journées de maladie suivant l'âge des sociétaires.
Rapports calculés sur les nombres observés.
AGE
des
nunifHK
DB SOCIÉTAIRES
malades
I.AS
DB UALADIE
Journées
DE MALADIE
Journi'OB
DK MALADIE
Durée
HOTENHE
»»».A.«. ,»..« dans l'année
SOCIÉTAIRES. p„ 100 sociétaires.
par
100 sociétaires.
pour
un malade.
par Bociétairo
de la maladie
10 à 15 ans.
. . . 18,7
23,0
19,4
3,6
15,8
15—20 — .
22,9
26,9
20,0
4,6
17,0
20-25 — .
20,9
24,5
22,3
4,6
19,0
25 — .
22,3
25,9
22,6
5,0
19,5
30 — .
. 21,7
24,9
22,1
4,8
19,3
35 — .
23,4
27,1
23,8
5,6
20,5
40 — .
22,6
26,6
25,6
5,8
21,8
45 -.
24,7
28,1
25,9
6,4
22,6
50 -.
25,1
29,6
29,5
7,4
25,1
55 — .
26,8
32,1
32,3
8,7
27,0
60 — .
29,2
35,3
35,8
10,5
29,6
65 — .
. 32,5
39,5
38,9
12,6
33,0
70 — .
33,6
38,8
41,2
13,9
35,7
75 — .
27,9
32,8
45,2
12,6
38,4
80 — «i
»-d(
tii
14,8
21,6
• 49,5
7,3
33,9
Moyennes générales
23,7
27,6
26,0
6,2
22,3
On voit par ce tableau que nous donnons tel quel — quoiqu'il puisse être légère-
ment modifié en déterminant par âge le degré de probabilité des observations obte-
nues — que la durée de la maladie s'accroît avec l'âge des sociétaires.
En moyenne, elle serait de 22 jours, c'est-à-dire quelque peu supérieure à celle
des sociétés françaises, où elle varie de 17 à 19 jours.
Les matériaux recueillis par M. Bodio ne lui ont pas paru en nombre suffisant
pour dresser une table de mortalité applicable aux sociétés de secours mutuels. Il a
pu, toutefois, en se bornant aux sociétaires du sexe masculin, calculer leur mortalité
par âge, et la rapprocher de celle de la mortalité de la population générale, dressée
sur les observations des dix années 1876-1887 et qui figure dans le relevé du mou-
vement de la population del'Italie nour l'année 1887.
(1) Pour les malades qui ne sont secourus que le 2° jour, on a ajouté un jour pour parfaire le nombre
total des journées, pour ceux du 3° jour deux, du quatrième 4, et ainsi de suite.
Tableau.
313
Voici les chiffres obtenus
Mortalité par âge dans les sociétés de secours mutuels {Sexe masculin).
NOMBRE
NOMBRE
DÉCÈS
Mortalité
Ut'S
dp8
PAR AQE
SOCIKTAIRES
SOCIÉTAIBES
par
morte
dans l'année.
observés
dans l'année.
1,000 sociétaires.
(Je la popuUtio
mâle.
10 à 15 ans. . . 7
958
7,3
5,2
15-20 —
44
7,448
5,9
6,0
20-25 —
118
18,652
6,3
9,2
25 — 30 —
175
29,778
5,9
8,5
30—35 —
228
36,724
6,2
8,3
35—40 —
306
39,172
7,8
10,1
40—45 -
339
36,642
9,2
11,3
45_50 _
341
29,334
11,6
16,1
50—55 —
353
23,624
14,9
18,7
55-60 —
356
16,050
9,329
22,2
32,5
27,7
60—65 —
308
33,3
65—70 —
262
3,910
50,4
60,5
70-75 -
135
1,769
73,6
80,0
75_80 _
48
567
81,2
132,8
80 et au-dessns
20
176
107,5
11,7
186,7
Totaux et moyennes. .
2,980
254,133
14,6
On voit qu'à tous les âges, ou à peu près, la mortalité est moins élevée dans les
sociétés de secours mutuels que dans la population générale. C'est que la clientèle
des sociétés se compose de la partie la plus saine de la population ouvrière, les
sociétés refusant d'admettre les individus infirmes ou affectés de maladies qu'on
peut supposer incurables.
Ajoutons que la mortalité générale des membres des sociétés de secours mutuels
italiennes nous paraît exceptionnellement faible; en Fiance cette mortalité est d'en-
viron 15,5 p. 1,000 dans les sociétés approuvées et dépa.sse 20 p. 1,000 dans les so-
ciétés simplement autorisées.
T. Loua.
— 314 —
IV.
VARIÉTÉS.
1 . — Les Permis de chasse.
Aux termes de la loi du 3 mai 1844, la délivrance d'un permis de chasse donne
lieu au paiement de deux droits, l'un au profit de l'État, l'autre au profit de la com-
mune. Ce second droit a toujours été de 10 fr. Le droit perçu au profit de l'Élat,
fixé à 15 fr. par la loi du 3 mai 1844, avait été doublé par celle du 23 août 1871 ;
la loi du 20 décembre 1872 l'a ramené à 15 fr. et celle du 2 juin 1875 y a ajouté
2 décimes, ce qui en porte la quotité actuelle à 18 fr.
Gela posé, voici quelles ont été depuis 1876, année depuis laquelle le droit n'a pas
varié, le nombre des formules délivrées et le montant des droits perçus.
Nombre et produit des formules annuellement délivrées.
SOlfBRE
PEODOIT TOTAL,
AVmAii. dei reTenant revenant
formulei.
à k Total.
l'Eut. la
commono.
Fr. Fr. Fr.
1876 341,588 6,147,584 3,415,880 9,563,464
■ 1877 344,790 6,206,220 3,447,900 9,054,120
1878 342,333 6,161,994 3,423,330 9,585,324
1879 346,787 6,242,166 3,467,870 9,710,036
1880. . . . • 338,923 6,100,614 3,389,230 9,489,844
1881 350,000 6,408,000 3,500,000 9,968,000
1882 372,825 6,710,850 3,728,250 10,439,100
1883 390,437 7,027,866 3,904,370 10,932,236
1884 404,353 7,281,954 4,045,530 11,327,484
1885 400,151 7,202,718 4,001,510 11,204,228
1886 391,056 7,039,008 3,910,560 10,949,568
1887 378,131 6,806,358 3,781,710 10,587,668
1888 371,754 6,291,572 3,717,540 10,009,112
1889 348,195 6,267,500 3,481,950 9,749,450
A ces renseignements qui semblent indiquer un certain ralentissement dans le
goût de 'a cbasse à partir de l'année 1884, où il a atteint son maximum, le Bvlletin
de statistique du ministère des finances (1), auquel nous les avons empruntés, ajoute
quelques données sur le prix de location des chasses en 1890, comparé à celui de
la terre en culture. Ces observations soigneusement recueillies par un des membres
les plus distingués de la Société de statistique de Paris, M. de Swarle, trésorier-
payeur général de Melun, ont porté sur 9 déparlements; on lésa résumées dans le
tableau suivant:
(1) Bulletin des Finances, numéro d'août 1890.
Tableau.
- 315
Prix de location des terrains de chasse et des terrains de culture.
DépABTBUBNTS.
Orne . .
Ardennes.
Somme .
Marne. .
Oise. . .
Côte-d'Or
Nord . .
Seine-et-Oise,
Seine-et-Marne
Totaux et moyennes
SUBFACK
totfllo
des chastes.
Hectares.
12,083
144,579
23,083
39,966
12,837
104,555
12,269
46,977
43,818
LOCATION DB LA CHASSE.
Prix total. /";^,'"7''"
de ] hectare.
LOCATION
(terrain de culture).
Fr.
15,818
133,747
58,206
90,86*5
41,208
170,134
59,511
437,944
460.329
Fr. 0.
1,31
0,92
2,52
2,27
3,21
1,63
4,84
9,32
10,51
Fr.
489,161
4,399,335
1,027,546
780,914
627,329
1,298,231
1,517,852
2,753,282
2,608,792
Prix moyen
de l'hectare.
Fr. c.
40,48
30,43
44,51
19,56
48,87
12,42
123,71
58,18
58,19
440,167 1,467,762 3,33 15,502,442 35,22
D'après ces chiffres d'ensemble, portant sur toutes les natures de terrain : plaine,
bois et superficies partiellement boi.sées, le prix moyen de l'hectare loué pour la
chasse, est environ le dixième du prix de location pour la culture, mais il est facile
de voir que cette proportion varie considérablement suivant les départements.
Le prix moyen de location des chasses est d'ailleurs très différent suivant qu'il
s'agit de la chasse en plaine ou de la chasse au bois, c'est ce qu'indiquent les chiffres
ci-après:
Prix moyen de l'hectare loué pour la chasse.
dApartembnts.
Orne . .
Ardennes
Somme .
Marne . .
Oise. . .
Côte-d'Or
Nord . .
Seine-et-Oise
Seine-et-Marne
En plaine. Au bois.
Fr. o.
0,54
0,86
0,94
1,45
1.91
2,69
4,65
7,83
8,70
Fr. c.
1,67
1,32
9,00
3,30
8,22
1,10
»
14,30
18,61
Terrains
mixtes.
Fr. c.
1,64
0,73
2,04
4,84
5,24
3,12
5,51
8,41
9,80
PRIX DB LOCATIOW
des terrains en culture.
Plaine.
Pr. c.
61,75
30,88
42,36
15,14
54,27
14,08
129,17
71,30
72,76
Fr. c.
21,83
15,20
54,09
30,27
29,55
11,81
»
40,46
41,25
Entier,
Fr, c.
45,81
44,06
43,28
21,10
38,69
13,93
34,20
48,96
52,45
Ce lableau est curieux, car il montre que le prix de location en culture comparé
à celui de la chasse en plaine, qui n'est que 8 fois plus élevé dans Seine-et-Marne,
l'est 114 fois plus dans l'Orne. C'est dans la Côte-d'Or que la différence est à son
maximum.
T.L.
81 B —
2. — Les Tramways de Paris et de la banlieue.
Dans son numéro de juin 1890, le Didlelin de slalislique du minislère des travaux
publics publie un tableau très intéressant sur les tramways de Paris et de sa banlieue.
Les lignes de tramways étaient, en 1888, au nombre de 41, s'étendant sur un
réseau total de 259 kilomètre?, dont 170 intra et 89 exira-muros. Ils ont transporté
dans l'année 130,906,650 voyageurs, et réalisé une recette brûle de '21,500,000 fr.,
soit 83,218 fr. par kilomètre.
Il nous a paru curieux de rechercher quelles sont dans la nomenclature des
tramways, les bonnes et les mauvaises lignes. La liste ci-après, dans laquelle les
lignes sont classées d'après leurs receltes journalières par voiture, nous paraît
répondre à la question que nous venons de nous poser :
Lignes de tramways classés d'après la recette journalière d'une voiture.
1. Cimetière St-Ouen-Bnslille. .
2. Montrouge-Gare de l'Est. . .
3. La Villelte-Étoile
4. Bastille-Quai d'Orsay ....
5. Coiirbevoie-Éloile
6. Éioile-Moiitparnasse ....
7. La Chapelle-Square Monge. .
8. Louvre-Cours de Vincennes .
9. Montparnasse-Bastille ....
10. Gare de Lyon-Place de l'Aima .
11. Fontenay-iiux - Roses -Saint-
Germain-des-Prés ....
12. La Villette-Trocadéro ....
13. Louvre-Vincennes
14. Louvre-Passy
15. La Villette-Place de la Nation.
16. La Muette-Rue Taitbout. . .
17. Aubervilliers-Place de la Ré-
publique
18. Louvre-Saint-Cloud
19. Louvre-Charenton
20. Gennevillers-Boulevard Hauss-
mann
21. Neuilly-Madeleine
fr. c.
201,08
22.
169,21
23.
153,41
24.
150,89
25.
149,20
2G.
148,87
27.
146,17
28.
145,74
29.
140,69
133,10
30.
31.
130,41
129,79
32,
124,79
33.
123,8S
34.
123,54
35.
120,90
36,
117,00
37,
114,98
38
113,09
39
40.
113,26
41,
111,00
fr. c.
Saint-Denis- Rue Lafayelte . 109,17
Louvre -Sèvres 108,92
Courbevoie-Madeleine . . . 10(),45
Vitry-Square Cluny .... 103,87
Vinceniies-Ville-Evrard . . 103,11
l'antiii-Piacedu la Itépubliq. 102,55
Levallois-Perrel-Madeletne . 101,44
Sainl-Denis-Boulevard Hauss-
mann 94,80
Charenlon-Bastille .... 94,57
Clainart-Saint-Gennain-des-
Prés 95,35
Âuteuil-Boulogne 88,55
Montreuil-Place de la Nation. 84,70
Ivry-Square Cluny 84,29
Place Widhubert- Place de
la Nation 67,97
Vanves-Avenue d'Antin . . 64,99
Vdlejuif-Place Walhuhcrt. . 61,68
Suresnes-Courbevoie . . . 54,75
Charenlon-Auteuil .... 54,34
Boulogne-Billancourt . . . 24,33
Saint-Ouen-Landy 3,84
La ligne qui a transporté le plus de voyageurs est celle de Montrouge, gare de
l'Est: 11,506,815, laquelle est suivie presque immédiatement parcelle du cimetière
Saint-Ouen à la Bastille : 9,821,853. La ligne de Saint-Ouen-Landy, n'en a trans-
porté que 18,803. Il est vrai qu'elle n'a que 540 mètres de parcours.
— 317 —
3. — La Production mincrale dans la Grandc-Brelaç/ne.
La produclion totale de charbons de mines du Royaume-Uni a élé, pour 1887, de
162,119,812 tonnes, représenlanl une valeur de 989 million? de francs el, pour
1886, de 157,518,482 tonne:! d'une valeur de 965 millions.
En 1887, le lolal des personnes employées au service intérieur ou extérieur des
mines a clé de 508,026, dont 5,725 femmes travaillant au jour. Le nombre des
accidents a été de 881 et le nombre des morts de 1,051. 11 y a, comparativement à
l'année précédente, une augmentation de 12 accidents et de 33 morts. La proportion
des accidents se trouve de 1 pour64i personnes employées aux mines, et celle des
morts, de 1.85 p. 1,000. Cette dernière proportion est légèrement plus élevée
que pour 1886, mais elle est inférieure à la moyenne des treize années pi'écédentes.
Le nombre total des personnes employées au service intérieur ou exiéi leur des
mines régies par le Coal Mines Régulation Act a été de 526,277, dont 4,1 83 femmes
travaillant au jour. Il y a eu 830 accidents et 995 morts ; le nombre des accidents
est supérieur de 23 et celui des morts de 42 aux chiffres correspondants de 1886.
11 y a eu 1 accident pour 634 personnes et 1 mort pour 529. Ces proportions sont
moindres que celles de la moyenne des dix années de 1874 à 1883, où l'on trouve
respectivement 587 et 446.
Sans compter la terre réfiaclaire, on trouve que la quantité des matières miné-
rales extraites dans les différenlsdistiicls a été de 173,049,795 tonnes, dont, comme
on l'a vu plus haut, 162,119,812 tonnes de charbon et 7,569,918 tonnes de minerai
de fer ; il y a une augmentation de 4,601,330 tonnes pour le charbon et une dimi-
nution de 1,282,730 tonnes pour le minerai.
Si on rapporte le nombre des accidents el des morts à la produclion, on trouve
en 1887, 1 accident pour 208,494 tonnes extraites de matières minérales etl mort
pour 173,919, tandis que pour 1886, les chiffres correspondants étaient 210,665 el
178,391.
Le nombre lolal des jiersonnes employées à l'extérieur ou à l'intérieur des mines
régies par le Metalliferous Mines Régulation Act a élé de 41 ,749, dont 1 ,542 femmes
travaillant au dehors. Il y a eu 51 accidents et 96 morts, soil 11 accidents et9 morts
de moins que l'année précédente. Cela donne une proportion de 1 accident sur
818 el une mort sur 745 personnes. Les chiffres correspondants, pour la moyenne
des dix années de 1874 à 1883, étaient de 668 el 607.
(D'après les Mémoires delà Société des Ingénieurs civils.)
4. — Le Commerce réciproque de la France el de l' Italie.
Le tableau général du commerce de la France avec les pays étrangers et ses pro-
pres colonies vient de paraître. Cela nous donne l'occasion de chercher à nous
rendre compte des résultats produits depuis trois ans par la quasi-rupture com-
merciale que, pour leur malheur, des circonstances politiques récentes onl amenée
entre les deux pays.
Sans autre commentaire, voici les résultats officiels :
— 318 —
Valeurs actuelles exprimées en francs.
1887 1888
DIMINDTION DIMINUTION
absolue. p. 100.
Fr. Fr. Fr. Fr.
4
.„„,.,. „J Objets d'alimentation. . 163,069,633 31,891,307 131,178,326 80.
""R?,V^''°"^ Matières nécessaires à
..i?n,L l'industrie 123,214,436 89,464,750 33,749,686 27.4
^"'^™**^^- (Objets fabriqués. . . . 21,425,447 12,247,859 9,177,588 42.9
307,709,516 133,603,916 174,105.600 56 6
Fvnnriaiinnci Objets d'alimentation. . 13,759,043 9,895,972 3,863,471 28.2
exportations Matières nécessaires à
PHliàn^ l'industrie 90,024,149 88,320,058 1,704,091 1.9
( Objets fabriqués. . . . 88,349,653 45,565,460 42,784,193 18.5
192,132,845 143,781,490 48,351,365 25.2
Ces résultats sont désastreux, mais beaucoup moins pour nous que pour l'Italie,
le déficit ayant été pour cette dernière de 57 p. 100, tandis que celui de la France
n'est que de 25 p. 100.
Toutefois, nos manufactures ont dû supporter une perte considérable dansleuis
envois en Italie, mais elles y ont pourvu par d'autres débouchés, l'exportation géné-
rale des produits fabriqués qui se chilTrait, en 1887, par 1,738 millions de francs,
s'élevanl en 1889 à 1,925 millions. T. L.
5. — Essai statistique sur le nombre k.
Le rapport de la circonférence au diamètre a été évalué autrefois par Archimède,
22 355
dans son traité de La Mesure du cercle à —y-: P. Métius a établi le rapport -jj^ ;
mais aujourd'hui tz est connu avec 530 décimales, d'après un long travail de Shanks,
vérifié jusqu'à la 440° décimale par Rutherford.
Il m'avait paru à propos d'examiner la suite des chiffres du nombre t:, et j'ai /ail
divers essais tant statistiques que graphiques sans obtenir rien de marquant.
Mais je viens, accessoirement, de faire une constatation assez singulière, que
chacun pourrait vérifier facilement.
D'ailleurs il ne s'agit que de la valeur de tc, écrite en employant la numération à
base 10; il est évident qu'avec une autre base de numération, la suite des chiffres
est tout autre.
Mais dans notre valeur de x ordinaire, en fraction décimale, j'ai trouvé que les
10 X 2 premières décimales (laissant la partie entière) donnent pour somme
lœ (100).
De plus, les 10 premières décimales de rang impair donnent une somme égale à
celle de nos chiffres arabes 0 à 9 =: (45).
Et les 10 premières décimales de rang pair donnent une somme égale à celle des
nombres 1 à 10 = (55).
„ ,„. 1 1 9 6 3 8 7 3 3 4 = 45
^^ (.^^ 4525599286 = 55
lÔ"'
L'existence de cette triple coïncidence est singulière peut-être, mais il est surtout
remarquable, n'étant motivée par rien, qu'elle ait été enfin constatée.
Léopold Hugo.
— 319 —
BIBLIOGRAPHIE.
LE BUDGET DU MINISTÈRE DU COMMERCE.
Le rapport rédigé par M. Jules Siegfried, député, au nom de la commission du
budget, sur le budget du ministère du commerce (section du commerce et de l'in-
dustrie), est un document considérable, moins par son étendue que par le caractère
élevé et pratique des considérations qui y sont développées.
Le ministère du commerce et de l'industrie, considéré jusqu'ici, dans le monde
politique, comme un des déparlemeiits ministériels secondaires, a, dans la situation
économique actuelle de la France et du monde, une importance de premier ordre,
quoi(]ue son budget atteigne à peine 20 millions. La France a de vigoureux efforts
à faire pour lutter contre ses concurrents étrangers, et dans cette lutte il y a deux
facteurs principaux qui doivent s'entr'aider et se compléter, l'initiative individuelle
et l'action gouvernementale.
Quelle somme de résultats produisent, en France et dans les principaux pays
étrangers, ces deux sources de production et d'activité?
Nous tir»ns du rapport de M. Jules Siegfried l'intéressant tableau comparatif de
l'accroissement de la population et du commerce de la France et des principaux
pays étrangers depuis 1860 :
France
Angleterre . . .
Allemagne. . . .
Italie
Belgique . . . .
Autriche-Hongrie.
Étals-Unis. . . .
Population
en 1860.
millions.
35,9
28,7
36,4
21,8
4,7
32,2
31,4
Augmentation
j>ro- ^
porlionnelle
en 1889.
p. 100.
6,4
9,5
28,57
39,90
27,65
26,21
96,50
Commerce
total
en 1886.
inill. de fr.
4,175
7,950
4,000
1,150
1,200
1,275
3,548
Augmentation
pro-
portiouDelle
en 1860.
p. lOX
76
109
112
92
122
146
119
Exportation
en i860.
mill. do fr.
2,275
3,400
1,875
475
475
650
1,709
Augmentation
pro-
portionnelle
en 1389.
p. 100.
43
123
103
161
180
109
De l'avis de l'honorable rapporteur, l'enseignement de la jeunesse n'est pas assez
pratique, l'esprit d'initiative, l'instinct des voyages n'est pas cultivé chez elle comme
il l'est chez nos concurrents étrangers, d'Angleterre, d'Allemagne, de Suisse. Il
conviendrait que le ministère du commerce stimulât par tous les moyens possibles,
en leur donnant plus d'autorité, en les consultant plus efficacement, en les faisant
participer au recrutement du Conseil supérieur du commerce et de l'industrie, les
chambres de commerce, actuellement au nombre de '107, les 78 chambres consul-
tatives des arts et manufactures, les 2,620 syndicats professionnels de patrons et
d'ouvriers, les chambres de commerce françaises éiablies à l'étranger (il en existe
déjà vingt-huit), les consuls. Il demande des encouragements pour les musées com-
merciaux dans nos grands centres industriels, pour les expositions françaises à
l'étranger, et surtout pour l'enseignement technique.
On trouve, dans ce rapport, d'intéressantes statisti(iues comparées sur l'état de
— 320 —
l'enseignement commercial el leclmique en France, en Allemagne, en Autriche-
Hongrie, en Italie, en Suisse, aux États-Unis. Il expose les bases de cet enseigne-
ment professionnel et du développement qui devrait lui être donné en France, en
le divisant en deux parties bien distinctes : la partie industrielle el la partie com-
merciale, chacune d'elles à trois degrés.
Sans suivre l'honorable rapporteur dans l'examen détaillé de son budget, on doit
lui savoir gré d'en avoir fait ressortir la haute imporlance nationale el inlernalio-
nale, et d'avoir émis sur ce sujet des vues larges cl suggestives.
Alf. Neymaiick.
OUVRAGES PRÉSENTÉS (JUILLET 4890)-
OuvnACES SIGNÉS : Discours de M. E. Boulin au banquet de TAssocialion de prévoyance
de l'adininistralion des contributions directes. Paris, 1890.
Rapport de M. E. Siegfried, député, sur le budget du ministère du commerce.
Paris, 1890.
L'Inde française avant Dupleix, par M. Castonnet des Fosses. Paris, 188T.
Statistique de la morbidité en llavière, par MM. Hoffmann et Bôhm. Munich, 1890.
Statistik und Verwaltung, von G. von Mayr. Tiibingen, 1890.
Archives de l'tducation nationale aux États-Unis, par M. Biackmar. Washington,
1890.
Vocabulaire esquimo-anglais, par MM. Kelly et Roger Wells. WasiiingtOn, 1890.
Géographie de la Bépublique Argentine, par M. F. Latzina. Biienos-Ayres, 1890.
Documents officiels. Exposé de la situation économique el commerciale de la France
(1874-1888), publié par le ministère du commerce. Paris, 1890.
Allas statistique de la ville de Paris, donné par le service de la statistique munici-
pale. Paris, 1890.
Statistique de l'émigration italienne en 1889. Rome, 1890.
Mouvement de la navigation italienne en 1889.
Mouvement commercial du royaume d'Italie en 1889.
Annuaire statistique de la ville capitale de Prague.
Commerce extérieur de la Russie d'Europe (1889).
Journal de statistique de Bavière (1890). N° 1.
Annuaire statistique du Wurtemberg (1" volume, 2° livr). Stuttgard, 1890.
Commerce des i!,tats-Unis (1889). Washington, 1890.
Rapport du Directeur de la Monnaie (production des inélaux précieux en 1889).
Washington, 1890.
Annales de l'Académie américaine. (N° 1.) Washington, 1890.
Le Commerce du Mexique (1888-1889).
Notice sur la production et la consommation des métaux précieux. Mexico, 1890.
Statistique municipale de Buenos-Ayrcs (1" trimestre 1890).
Revues et journaux. France. Revue maritime et coloniale. — Bullelin de l'Institut
des actuaires français. (IS° 1.) — Bullelin du syndicat des agriculteurs. — Ta-
blettes statistiques. — L'Avenir économique. — La Réforme sociale. — Bulletin
de la Société d'agriculture. — Bullelin de la Société de géographie. — Bulletin
de l'Association philotechnique. — Le Travail national. — Le Rentier.
Angleterre — Journal of Ihe royal stalislical Society. (Juin 1890.)
Autriche. — Nalional-Œkonom. — Slalislische Monatschrift.
Belgique. — Le Moniteur des intérêts matériels.
Espagne. — Poblacion e el territorio. (Séville, 1890.)
Italie. — Annali di statislica. — L'Economisla (de Florence).
Nota. -^ La Bibliothèque de la Société de slatislique de Paris est ouverte tous les jours
non fériés, de midi à 4 heures. (Ministère du Commerce, 80, rue de Varennes.)
Le Gérant, 0. Berger-Levrault.
JOURNAL
DE LA
SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PARIS
N° 11. — NOVEMBRE 1890
I.
PROCÈS-VERBAL DE I.A SEANCE DU 1 5 OCTOBRE 1890.
Sommaire. — Kote nécrologique sur M. Léopold Marx. — Le llouvomcnt de la population de la Franco
en 1889, par M. Yaniiacquo. — Discussion: M.\l. Baudry, Turquan. Klecliey, Decroix. — Compte rendu
du Congrès de Limoges, par M. J. l'rungot. — Les Bureaux de statistique du travail aux États-Unis, par
M. A. Liégeard.
La séance est ouverte à 9 heures sous la présidence de M. Octave Keller.
En inaugurant la nouvelle salle de nos séances, M. le président exprime l'espoir
que les travaux de la Société s'y effectueront dans des conditions aussi favorables
que dans l'ancien siège social de la rue de Grenelle que nous avons dû abandonner
non sans quel(|ue regret, car nous ne pouvons oublier les relations amicales qui
existaient entre nous et la Société nationale d'Horticulture qui nous donnait l'hospi-
talité. Que son président actuel, M. Léon Say, qui a élé également le nôtre, à une
époque mémorable de noire histoire, veuille bien agréer l'expression de nos senti-
ments reconnaissants.
M. le président ra|ipelle le décès de notre collègue, M. Léopold Marx, ancien ins-
pecteur général des ponts et chaussées; c'est un véritable deuil pour notre Société,
à laquelle l'honorable défunt a apporié, il y a (|uei<|ues années, un concours pré-
cieux. On se rappelle les beaux travaux dont il a enrichi notre Bulletin sur la vici-
nalité et l'entretien des routes ualionales. M. Marx était encore, au moment de si
mort, président de la commission des chemins vicinaux au ministère de l'intérieur,
et sa compétence était universellement reconnue. Nous devions donc un juste tribut
de regrets à sa mémoire.
Le procès-verbal de la séance du 1 G juillet est adopté sans observations.
Il est procédé à l'ouverture des lettres de plusieurs candidats nouveaux.
lr« SÉRIE. 31» VOL. — N» 11. 21
— 322 —
M. LouRioTis, chef de bureau <le la slalisli(|ue du royaume de Grèce, doul la
candidature est soutenue par MM. E. Levasseur et Turquan, est nommé membre as-
socié au titre étranger.
Sont nommés membres titulaires:
M. HenriJames Clarck, statisticien du gouvernement de la Trinidad et membre de
la Société de statistique de Londres, présenté par MM. Loua et Tun|uan.
M. BouRDELONQUE, rédacteur au ministère des postes et télégraphes, secrétaire
de la commission du congrès postal international, présenté par MM. Levasseur et
Turquan.
M. Eugène Rocuetin, publiciste, présenté par MM. Loua et de Foville.
M. Ernest Lazarus, directeur à Paris de la Banque russe pour le commerce étran-
ger, présenté par MM. Lafabrègue et Caraby.
M. le secrétaire général lit la nomenclature des ouvrages offerts à la Société
pendant les mois de juillet, août, septembre et octobre, et signale particulièrement
la statistique de la navigation intérieure, pour 1889, offerte à la Société par le mi-
nistre des travaux publics et l'Annuaire statistique de la ville de Paris (1888). La liste
de ces publications se trouve ci-après (1).
M. Vannacque dépose le rapport qu'il a présenté au Ministre du commerce sur
le mouvement de la population de la France pendant l'année 1889 (2). Jus()u'en 1887,
l'administration se bornait à publiera VOfficiel le résumé numérique de ce mouve-
ment, mais ces chiffres échappaient à l'attention du grand public, et c'est pour ce
motif qu'on s'est décidé à y ajouter un commentaire explicatif.
Après plusieurs années défavorables, l'année 1889 paraît, comme on peut facile-
ment s'en rendre compte, indiquer une situation meilleure que par le passé.
C'est ainsi que non seulement la diminution des naissances semble s'arrêter, mais
qu'il y a dans la mortalité une diminution très remarquable.
Il ne faut pas se dissimuler toutefois que dans les derniers mois de l'année la
mortalité a pris, par suite de l'épidémie d' inftuenza, une grande extension, dont
les effets se sont prolongés dans les premiers mois de l'année 1890, et peuvent aug-
menter par là, dans une proportion encore inconnue, la mortalité de cette année.
M. Baudry fait remarquer qu'une des raisons principales de la diminution de la
mortalité est la diminution même des naissances, la mortalité la plus forte portant
sur les jeunes enfants. Il ajoute que cette diminution de mortalité peut tenir aussi
à l'application de plus en plus générale de la méthode antiseptique.
M. le Président revenant sur l'épidémie de l'influenza, fait remarquer que tout
en étant un moindre épouvanlailpour la population, elle a causé probablement plus
de ravages que le choléra. Il regrette, à ce propos, que M. le D' Jacques Berlillon
ne soit pas présent à la séance. Plus que personne il serait à même de donner
des renseignements à ce sujet.
M. Loua croit savoir que M. Turquan a étudié dernièrement l'épidémie de l'in-
fluenza à Paris à l'aide des chiffres qu'il a empruntés à M. Berlillon.
(1) Voir la dernière page du présent numéro.
(2) Voir plus loin le rappport de M. Vanaaeque, et le tableau qui lui fait suite.
à
— 323 —
M. TuiiQUAN dit qu'en effet, il a publié un travail de ce genre dans h Revue scien-
tifique (numéro du 9 août 1890). Il est résulté de ses recherches qu'il a poursuivies
de semaine en semaine depuis novembre 1889 jusqu'en avril 1890, que la mortalité
due à cette cause n'a pas enlevé à Paris moins de 6,000 habitants.
M. E. Flechey exprime l'idée qu'il est possible de mesurer l'effet produit par
l'influenza, en se basant sur la consommation de la viande à Paris, en 1889. S'il est
une consommation constante, c'est bien celle-là. Toutefois, il y a eu pendant cette
année une augmentation de 7 millions de kilos environ (193,600,000 contre
186,196,000 en 1887), mais ce progrès est la résultante de deux mouvements
contraires: augmcnlation pendant les six mois de l'Exposition qu'on peut évaluer
à un peu moins d'un tiers de la consommation; 2° diminution pendant les deux
deiniers mois de l'année, qui n'a pas été moindre des deux tiers.
Cette diminution est sûrement due à l'influenza qui a forcé lanl de personnes à
garder la chambre et à prendre, au détriment de la viande, une consommation con-
sidérable de produits pharmaceutiques.
M. le Président pense que l'idée émise par M. Flechey mérite d'appeler l'atten-
tion des statisticiens. Si la diminution de la viande et du pain consommés chaque
semaine à Paris, pendant l'influenza, ne permet pas d'évaluer directement le nombre
des malades, elle peut cependant servir de base pour déterminer approximative-
ment le nombre total des journées de maladie imputables à cette épidémie, à la
condition de connaître le chiffre correspondant de la population.
M. Decroix voudrait montrer que la diminution de la natalité pourrait provenir
de l'abus du tabac. Il demande à renvoyer ses explications à la prochaine séance.
M. Prunget rend compte du congrès ouvert à Limoges par l'Association pour le
progrès des sciences, où il avait été délégué par la Société, et fait l'analyse des ques-
tions traitées par la section d'économie politique et de statistique. Ce compte rendu
paraîtra dans un des prochains numéros de notre journal.
La parole est accordée à M. r>iégeard pour la lecture d'un mémoire sur les bu-
reaux de statistique du travail aux États-Unis.
Avant d'entrer dans le cœur du sujet, l'honorable membre présente quelques
considérations générales que nous croyons devoir reproduire ici :
La question sociale est aujourd'hui le principal objet qui préoccupe l'opinion et les
pouvoirs publics. Dans tous les pays civilisés, on cherche à diminuer les désavantages qui
résultent pour l'ouvrier de l'organisation économique du capital et à améliorer sa condi-
tion d'après les bases de l'ordre social existant. Pour y parvenir on a besoin de connaître
la condition des ouvriers non pas d'une façon vague et superlicielle, mais d'une manière
approfondie et détaillée que la statistique sociale est seule en état de nous procurer.
Tant qu'on a cru que les forces économiques pouvaient et devaient s'équilibrer libre-
ment, l'État n'avait aucune raison pour intervenir, la statistique sociale était inutile.
Aujourd'hui, le vieil adage de Gournay : « Laissez faire, laissez passer », a fait place à
celui d'Auguste Comte : « Savoir pour prévoir, afin de pourvoir. »
On a fini par écouter les réclamations des ouvriers et des réformateurs sociaux et on
s'est efforcé d'y satisfaire à l'aide des organes existants dans l'État. On a inauguré une lé-
gislation sociale.
Tel est, par exemple, l'objet du projet d'enquête ouvrière dont ieministre du commerce
— 32i —
et de l'industrie a saisi le conseil supérieur de statistique dans sa dernière session. Une
enquête sur la condilion des ouvriers dans les divers départements ministériels est en
cours d'exécution et doit être bientôt suivie, si la Chambre accorde les crédits nécessaires,
d'une vaste enquête dans l'industrie privée.
Mais ces enquêtes à longs intervalles ne répondent pas complètement aux besoins de la
science. Des phénomènes essentiellement variables, comme, par exemple, les salaires des
ouvriers, demandent pour les suivre et les étudier, un bureau permanent.
Trois pays sont entrés dans cette voie : les Etals-Unis, le Royaume-Uni et la Suisse.
Plusieurs Etats de l'Union américaine oui fondé des bureaux de slatisli(iue du travail et le
Congrès a créé un bureau fédéral |)our centraliser, autant que possible, les résultats.
L'Angleterre a institué auprès du déparlement du commerce un bureau du travail. La
Suisse a subventionné et rattaché au département du commerce et de l'agriculture un
secrélariat ouvrier fondé par diverses associations ouvrières de la coid'édérati
Dé toutes ces créations, celle des Étals-Unis est de beaucoup la plus importante, tant
par son ancienneté, son nombreux personnel et sa riche dotation, (|ue par l'étendue et la
valeur de ses travaux.
Le docteur Joachim de l'Université de Vienne a publié une brochure donnant l'Iiislo-
rique, l'organisation et le fonctionnement des bureaux de statistique du travail américains.
C'est celle brochure dont nous allons donner un résumé.
M. LiÉGEARD ayant ensuite donné lecture de son lravail,M. le président remercie
l'auteur de son inléressante communication et demande à l'assemblée d'en voler
l'insertion. {Applandixsemenls.)
M. le président fixe ainsi qu'il suit l'ordre du jour de la séance de novembre.
1° Élude sur la richesse compuralive des déparlements de la France, par .\1. Adol-
phe Coste.
2° Le labac cl la dépopulaiion de la France, par M. Decroix.
Ilannonce(|ue. M. Boulin, directeur général des contributions direcles.fera, dans la
séance de décembre, une conlerence sur les résultais de la grande enquête sur les
propriétés bàlies.
Dans la séance de janvier, M. Georges Martin hra un travail dont le véritable litre
est : Les Différentes Bourses au point de vue des placements à V étranger.
La séance est levée à H heures 1 /4.
II.
LES BUREAUX DE STATISTIQUE DU TRAVAIL AUX ÉTATS-UNIS (I).
{InstUulefiirArbeils-Stalislik, vonD' J. Joachim. Leipzig und Wien, Franz Deulicke, 1890.)
C'est aux Élals-Unis que l'organisation de la statistique du travail a pris le plus
de développement. 11 y a longtemps (|ue les ouvrieis de ce pays réclamaient l'insli-
lulion, dans chaque Etal, d'un bureau du travail et d'un bureau central pour l'U-
nion. Le Congrès ouvrier de Ballimore émit, dès 1866, ce vœu qui n'a pas cessé de-
puis d'enlrer dans le programme des revendications du parti. Dans le Massachusetts,
(1) Voir rarticlc du môme auteur intitule le Secrélariat ouvrier suisse. Livraison de juillet 1890.
— 325 —
Klat éminemment industriel, la commission chargée en ISOBd'étuciierlesqiieslioii!;
de la durée du travail et du travail des enfants, prit les résolutions suivantes:
« Des mesures devraient être prises pour relever, chaque année, une statistique
complète de la situation, des revendications et des besoins des classes indusirielles. »
La commission nommée la môme année pour étudier les mêmes questions de-
manda dans son rapport du l'"'' janvier 1867:
« Qu'im bui'eau de statistique fût créé pour assembler et rendre utilisables tous
les faits se rapportant aux inlérêls industriels et sociaux de la communauté. »
On n'accorda tout d'aboid que peu d'attention à ces réclamalions et l'on n'aurait
g-uère écouté davantage le général II. K. Olivier, chargé de l'inspection des fabri-
ques, qui demandait instamment la création de ces bureaux, si l'agitation produite
par les pétitions ouvrières, notamment celle de l'association des cordonniers, n'a-
vait fait craindre que les voix des ouvriers ne fussent perdues pour le (jouverne-
ment au moment des élections. On résolut, en conséquence, de leur accorder, sinon
des lois de protection du travail, tout au moins un bureau de statistique du travail.
C'est pour ce motif que la loi rejelée par le Sénat le 13 juin 1869 fut reprise le 14
et homologuée par le Gouvernement le 2'2 du même mois.
Dans d'autres États, des bureaux analogues furent créés sous la pression des ou-
vriers, notamment dans l'Ohio, grâce au dé[)uté Foran, président de l'association in-
ternationale et industrielle des bottiers, et au député Ferenbatch, président de l'asso-
ciation nationale des constructeurs de machines. Dans l'illinois un bureau fut fondé
en 1879 sur la demande de quatre députés ouvriers.
Actuellement 21 États de l'Union possèdent îles bureaux de travail ayant diverses
dénominations : bureaux de statisti(|ue du travail, bureaux de statistique de l'indus-
trie, bureaux de statistique et d'inspection du travail. En voici la liste avec le siège
et la date de la fondation :
ÉTATS.
DATE UR LA FOXDATIOX.
SIHOR TUT BUREAU
Massachusetts.
l'ensylvanie.
Connecticul.
Otiio.
New-Jersey.
Missouri.
Illinois.
Indiana.
New-York.
Cnlifornie.
Michigan.
Wisconsin.
lown.
Mnrylnnd.
Kansas.
Maine.
Minnesota.
Norlii-Carolina.
Colorado.
Rliode-Island.
Nebraska.
4869
187-2
1873
1877
1878
18711
1879
1879
1883
1883
1883
1883
1884
1884
1885
1887
1887
1887
1887
1887
1887
Boston.
Harrisbourg.
Hnrilbrd.
Colimibus.
Trenton.
Jelïerson-City.
Springfield.
Indianapolis.
Albany.
San-Francisco.
Lansing.
Madison.
Des Moines.
Baltimore.
Topeka.
Angusta.
Saint-Paul.
Raleigli.
Denver.
Providence.
Lincoln.
Il ressoit de ce tableau que ce sont les Etats indiislriels de l'Est qui ont créé les
— 326 —
premiers bureaux ; les Étais de l'Ouest, plutôt miniers qu'industriels, ont suivi lente-
ment l'exemple qui leur était donné. Un tiers environ de ces bureaux a été créé
à la suite de l'agitation ouvrière des années 1886 et 1887.
On ne peut méconnaître que des considérations politiques ont joué un rôle
prépondérant dans le choix du personnel de ces nouveaux bureaux, mais la direc-
tion de leurs travaux est presque toujours restée indépendante. Toutefois, le bureau
du Connecticut a été dis«ous en 1875, sous le prétexte de l'attitude politique de ses
employés. Réédifié en 1885, sous la direction du général H. K. Olivier, il dut sou-
tenir les assauts des patrons qui trouvaient leur chef trop favorable aux ouvriers.
Après une lutte qui dura six années, le personnel fut renouvelé et on lui donna
pour chef le colonel D. Wright, dont la réputation comme statisticien est aujourd'hui
universelle.
Il existe une certaine uniformité dans l'organisation de ces bureaux: ilssontdiri-
gés par un chef ou commissaire nommé pour une période de deux à quatre années
par le Gouvernement ou par le secrétaire des affaires intérieures avec approbation
du Gouvernement; ce chef a sous ses ordres des employés auxiliaires dont le nom-
bre varie suivant les besoins. Seul le bureau deTlIlinois diffère essentiellement des
autres par son organisation qui a une certaine analogie avec celle des chambres
ouvrières proposées en 1885 par le parti ouvrier social démocratique de l'Alle-
magne; ce bureau se compose de 5 commissaires élus pour deux années, dont
3 ouvriers et 2 patrons; ces commissaires nomment un secrétaire qui, en qualité
d'employé de la commission, accompUt les travaux slalistiqueset rédige un rapport
annuel.
La tâche des divers bureaux est déterminée par les lois de chaque État.
« Le bureau est chargé de rassembler des données statistiques sur toutes les
branches du travail de la communauté, notamment en ce qui concerne la situation
commerciale, industrielle, sociale, pédagogique et sanitaire des classes ouvrières et
le développement progressif de l'industrie; de classer ces documents, de les systé-
matiser et de les présenter dans des rapports annuels au corps législatif avant le
1" mars de chaque année. >
Tels sont les termes de la loi de Massachusetts. Un certain nombre de bureaux
ont encore d'autres attributions: ainsi, dans quelques États ils doivent relever la
statistique industrielle, qui est ordinairement confiée à l'inspection des fabriques.
Le bureau d'Iowa doit répondre aux questions qui lui sont posées en ce qui con-
cerne l'industrie de l'État; le bureau de l'Illinois nomme les inspecteurs des mines
et est chargé de l'exécution de leurs décisions.
Le « département de statistique et de géologie » d'Indiana offrait tout d'abord le
plus étonnant amalgame des attributions les plus hétérogènes ; il avait pour mission
€ d'assembler, de classer, de disposer en tableaux et de présenter dans des publi-
cations annuelles, des informations statistiques sur l'agriculture, l'industrie, les mi-
nes, le commerce, l'instruction publique, les conditions sociales et hygiéni(|ues, la
population, les mariages et les décès et les progrès industriels de l'État ». Le chef
de ce bureau devait être géologue de profession. Pour satisfaire à ce programme,
le bureau publia une description géologique dei'lndiana, un traité sur les avantages
de la statistique, puis une série de tableaux statistiques sur toutes sortes de sujets,
sauf sur la situation des ouvriers. Cette confusion d'attributions ne prit fin qu'en
1882, sans grand profit, du reste, pour la statistique du travail.
— 327 —
Il est de toute évidence que la statistique du travail exige à elle seule un person-
nel spécial. La statistique industrielle doit être entreprise séparément à l'aide
d'employés auxiliaires nombreux et exercés. Il faut lejeter d'une manière absolue
l'adjonction de rinspeclion de l'industrie au bureau de la statistique du travail, non
seulement pour éviter de le surcharger, mais surtout pour lui conserver la con-
fiance des personnes appelées à lui fournir des renseignements. On pourrait crain-
dre que les patrons ne donnassent pas de renseignements véridiques au bureau de
l'inspection lorsque ce dernier les interroge en qualité de bureau de statistique du
travail. Qu'arriverail-il si le bureau d'inspection entrait en conflit avec les patrons?
Le bureau du travail doit avoir pour mission d'observer, d'étudier et de noter l'ac-
tion des lois existantes et non de veiller à leur applicfitio.i. [I ne doit pas non plus
être chargé de préparer des projets de loi, ainsi que cela se fait dans plusieurs
Étals de l'Union, notamment dans le Massachusetts; une pareille mission a l'incon-
vénient de diminuer la confiance du public dans l'impartialité du bureau au point
de vue statistique.
La question sociale est une question de classes sociales ; dans toute législation
sociale il s'agit de régler les intérêts de deux classes rivales. Si le bureau de statis-
tique du travail est chargé de préparer la loi, il se trouve nécessairement forcé de
prendre parti ; c'est ce qu'il faut éviter.
Il est préférable que la statistique du travail et l'inspection des fabriques soient
confiées à des bureaux distincts et que le bureau de l'inspection soit chargé de l'é-
lude préparatoire des projets de loi concernant la protection du travail. D'ailleurs
l'inspection des fabriques n'a-t-eile pas en vue la protection de l'employé contre les
violations de la loi de la part de l'employeur. Ce service peut donc, en s'appuyant
sur les données fournies par le bureau delà statistique du travail, contribuer à l'a-
mélioration de la situation des classes ouvrières.
Malgré le cumul d'attributions que nous venons de signaler, la dotation des bu-
reaux est très faible. Seul l'Etat de Massachusetts a libéralement doté son bureau,
il lui a alloué une somme annuelle de 10,000 à 15,000 dollars dont 2,500 à 3,000
dollars pour le traitement du chef. Dans l'Ohio, la somme est dérisoire, 550 dollars.
L'Étal de Wisconsin paie 1,500 dollars à son commissaire, plus 500 dollars pour
frais accessoires. Le Kansas donne 1,000 dollars au chef de bureau, plus 1,000 dol-
lars d'indemnité, le Maryland 2,500 dollars, l'Iowa 1,500, le Connecticut 2,000, et
rindiana 1,200, plus 2,500 dollars pour frais accessoires.
Les bureaux suivants sont mieux dotés: celui du Missouri a 2,000 dollars pour
son chef et 2,000 dollars pour frais accessoires; celui de Californie 2,400 dollars
pour son commissaire, plus 1,500 dollars pour les employés auxiliaires ; celui de
Pensylvanie nne somme totale de 6,425 dollars; ceux oe New-Jersey et de New-
York 2,500 dollars pour le chef, 1,200 dollars pour les employés auxiliaires et 3,000
dollars pour frais accessoires; celui de Michigan 2,000 dollars pour le commissaire,
1,500 pour l'employé auxiliaire et 5,000 pour frais accessoires.
Étant donnée celte maigre dotation, la place du chef de bureau et à plus forte
raison celles des employés subalternes ne peuvent êlre occupées par des spécialistes
qui du reste font généralement défaut en Amérique, où il n'existe pas de chaire de
statistique. La plupart des employés ignorent d'une manière absolue les éléments
de cette science, n'en manient la technique que d'une façon très défectueuse et
man(|uenl de l'expérience nécessaire pour mener à bien une tâche aussi importante
— 328 —
(jue difficile. Il faul encore regreller le fréquent changement des employés dû h
plus souvent à des motifs d'ordre politique qui pèsent plus dans la balance pour
l'obtention des places que la valeur et la capacité réelles. Toutefois il serait injuste
de méconnaître que les employés font les plus louables efforts pour se maintenir à
la hauteur de leurs fonctions, qu'ils suivent avec attention les progrès delà statisti-
que et en tirent leur profit; enfin que dans des congrès annuels ils se font mntuel-
lement part de leur expérience et cherchent à arriver à une entente sur les faits à
relever et sur la méthode à suivre.
La méthode est très défectueuse; le manque d'éducation statistique d'une part,
les faibles ressources pécuniaires de l'autre, font que les bureaux américahis em-
ploient des méthodes reconnues insuffisantes tant au point de vue de la théorie que
de la pratique de la statisliijue du travail. La recherche des conditions du travail
peut être efTectuée par trois mélhodes indlcjnées par le tableau suivant, et rangées
d'après leur valeur croissante :
1° Méthode des circulaires et des nueslionnaires. ) „
a. ., „ , Procédé écrit.
2° Lnquôle par correspondance. )
— par une commission. ) „
' Prorécip ûrul
3° Investigations opérées par des agents spéciaux. )
(Mélhode de l'inspeclion.)
Tous les bureaux américains ont tenté la fortune de la méthode des circulaires,
mais ils ont vite reconnu que les résultats ainsi obtenus étaient insuffisants. Le bureau
de Massachusetts, sur 1,248 questionnaires envoyés aux fabricants, ne reçut que 217
réponses, soit 17 p. 100, et sur 2,680 questionnaires envoyés aux ouvriers 114 ré-
ponses ou 4 p. 100. Il est vrai que le nombre des questions posées aux fabricants
était de 81 et celui des questions posées aux ouvriers de 137! Profitant de l'expé-
rience acquise, le même bureau réduisit en 1878 le nombre de questions posées à
15. Il fit imprimer son questionnaire dans 227 journaux et en envoya 5,000 exem-
plaires aux ouvriers qui pouvaient y répondre au moyen de cartes postales expé-
diées franco; 638 questionnaires et 273 caries postales seulement furent retournés
au bureau. 43 caries postales insuffisamment remplies restèrent inutilisables. — X
New-.lersey, le premier questionnaire ne reçut que 106 réponses de patrons
sur 1,450 interrogés, soit 7 p. 100, et 290 réponses d'ouvriers sur 2,900, soit 10
p. 100. Le bureau de l'État d'Ohio ne reçut, en 1882, que 1,685 réponses à ses
4,707 questionnaires, soil 38 p. 100. Sur 600 questionnaires envoyés aux ouvriers,
16 seulement furent remplis.
L'enquête par correspondance ne donna pas de meilleurs résultats. Dans le Mas-
sachusetts, sur 1,530 ecclésiasiiqnes interrogés, le bureau ne reçut de réponse que
de 544 d'entre eux, soit 35 p. 100. En Californie, sur 52 assesseurs du comlé inter-
rogés, 3 seulement ou 5.8 p. 100 répondirent. L'enquête orale fut peu employée. Il
faut remarquer, du reste, que l'enquête fournit rarement de bons résultats statisti-
ques; elle donne des renseignements très utiles au point de vue économique, mais
non un ensemble de chiffres pouvant être traités par les procédés statistiques, l'en-
quête aboutissant principalement à des évaluations.
C'est la troisième mélhode, celle de l'inspection, qui a donné les meilleurs résul-
tats. Cette méthode exige, il est vrai, un personnel nombreux et exercé et d'impor-
— 329 —
lants capiiaiix. Aussi u'a-l-ellc été employée que pnr un polit nombre de bureanw
Dans leur congrès de 1884-, les chefs de bureaux se déclarèrent à l'unanimité con-.
Ire rem[)loi des circulaires. Les bureaux de l'Oliio, de New-Jersey, de l'Illinois, etc.,
résolurent de suivre l'exemple du Massachusetts et d'employer la méthode de l'ins-
pection par des agents spéciaux; d'autres bureaux, comme ceux du Micbigan et du
Missouri, se virent contraints faute d'argentde persévérer dans les anciens procédés.
Mais ils les combinèrent entre eux pour en diminuer, autant que possible, les incon-
vénients.
Pour remplir leur làclie les bureaux doivent être armés d'une sanction. Dans le
procédé écrit, celle sanction leur est indispensable pour parer au défaut de réponse
ou aux réponses mensongères. Dans le procédé oral, des agents spéciaux devant
examiner sur place les conditions de la classe ouvrière, et ayant par suite besoin de
connaître le lieu d'habitation et de travail de l'ouvrier, le bureau doit avoir le droit
d'envoyer ces agents dans ces diverses localités avec la faculté d'y entrer au besoin
par la force, avec l'aide de la police locale, mais seulement pour y recueillir des
données statistiques. Pour pouvoir constater le taux des salaires, ces agents doi-
vent avoir le droit d'examiner les carnets où ces salaires se trouvent inscrits. Le bu-
reau étant, en outre, tenu de s'informer des autres conditions de la classe ouvrière,
doit avoir le droit de convoquer des témoins, de les poursuivre en cas de refus et de
recevoir leurs dépositions sous serment. Par contre, le bureau a le devoir d'indem-
niser les témoins pour leur déplacement, comme le fait la justice. Enfin, le bureau
doit êlre investi du pouvoir de poser des questions à tous les employés de l'État ou
de la commune et cela directement, sans intermédiaires administratifs, et ces em-
ployés doivent être tenus de leur répondre à bref délai.
Examinons maintenant dans quelles limites les bureaux américains ont été munis
de l'autorilé qui répond aux exigences que nous venons de signaler.
Dans le Massachusetts, la loi édicté « que le bureau a le pouvoir d'assigner des
témoins à comparaître devant lui, de leur demander des réponses écrites, et de re-
cevoir des déclarations sous serment et que ces témoins seront renvoyés et indem-
nisés de la même manière que ceux des cours d'appel de l'État ».
Répondant aux questions qui lui furent posées à ce sujet par le chef du bureau,
l'altorney général interpréta cette loi de la manière suivante :
1° Le bureau n'a pas le droit d'exiger le serment (pour surmonter cette difficulté,
le chef de bureau fut nommé juge de paix).
2° Le bureau n'a pas le pouvoir d'exiger la déposition de témoins. Il peut inviter
des personnes à déposer et demander des réponses écrites, mais il n'a pas le droit
d'exiger une réponse écrite ou orale (le bureau n'a même pas le droit de prendre
note du refus de répondre ou de comparaître).
3° Le bureau peut recevoir sous serment les dépositions de témoins, à la condi-
tion de leur payer 1,25 dollar d'indemnité par jour et U cents par mille deleurdo-
micileau bureau et du bureau à leur domicile, pour frais de déplacement.
Cette singulière interprétation de la loi prouve que les pouvoirs publics étaient
peu disposés dans cet État à exiger dos renseignements par la force.
Le bureau s'est donc vu obligé de se contenter de dépositions volontaires et de
recherches opérées par ses propres agents. Il n'est muni de pleins pouvoirs que
lorsqu'il opère le census décennal. Alors, d'après la loi, toute personne chargéede
fournir des relevés statistiques qui donne sciemment des renseignements erronés
— 330 —
est passible d'une amende de 200 dollars ; et toute personne qui refuse de donner
des renseig;nemenls, d'une amende de 100 dollars.
Les prescriptions de la loi pour les bureaux des autres États ressemblent beau-
coup à celles du Massacliusetts. Pourtant la loi est à peu près muette à cet égard
pourrillinois et le Maryland. Le bureau de New-Jersey a le droit de recevoir des
dépositions sous serment; le bureau de l'Obio peut inviter des personnes à compa-
raître devant lui et exiger des réponses écrites, et recevoir des témoignages sous
serment. Toutefois, les déposants ne sont pas tenus de se déplacer, sauf dans les en-
virons de leur résidence.
La loi de New-York est ainsi conçue: < Le bureau a le droit de convoquer des té-
moins, d'exiger des réponses écrites, de recevoir des témoignages sous serment, et
de désigner une personne désintéressée chargée de convoquer des témoins sous peine
d'amende, mais à la charge de leur payer la même indemnité que celle qui est dé-
volue par les tribunaux de comté. Toutefois, les personnes désignées ne sont pas
tenues de se défilacer hors du voisinage de leur domicile et aucun témoin ne doit
être forcé de répondre contre sa volonté à une question concernant ses intérêts pri-
vés. » Mais la loi se tait sur ce qu'elle entend par intérêts privés.
Le bureau d'Iowa a le droit de convoquer des témoins sous peine d'amende, de
leur déférer le serment et d'exiger une réponse à ses questions delà même manière
que le juge de paix.
Plusieurs bureaux de statistique peuvent infliger une amende en cas de refus.
La loi de Pensylvanie, après avoir décrit les attributions du bureau de cet État,
ajoute: « Pour faciliter l'accomplissement de la tâche qui vient d'être indif|uée, les
sociétés, maisons de commerce ou individus qui exploitent des mines, des usi-
nes ou autres branches industrielles et tous les ouvriers salariés de l'État sont tenus
do communiquer les documents statistiques réclamés par le chef de bureau. Le
chef ou un employé expressément autorisé a le pouvoir de convoquer des témoins
concernant toutes les attributions ci-dessus désignées et de recevoir leurs déposi-
tions sous serment. La société, maison ou personne de [cet État qui pendant
trente jours refuse de répondre ou ne réponl pas à une circulaire ou à une ques-
tion individuelle ou qui ne donne pas suite à une convocation ou ne dépose pas son
témoignage d'après les prescriptions de la présente loi, est passible d'une amende
de 100 dollars recouvrable par une action dirigée par le commissaire de l'État en
qualité de demandeur.»
Ert Californie, la peine est de 10 à 25 dollars d'amende ou de? à 30 jours de prison ;
elle est de 50 dollars dans le Kansas. Dans le Michigan un renseignement sciemment
faux est puni en tant que félonie de 5 jours de prison. Dans la Californie, le Mis-
souri et le Michigan, les employés de l'État doivent recueillir les renseignements
sur la demande du commissaire. Dans ce dernier État, les employés distribuent les
circulaires du bureau, les assesseurs du comté et les inspecteurs les remplissent ;
de plus les premiers sont aussi tenus de fournir les renseignements demandés par
le bureau pendant le census et d'envoyer à ce sujet un compte rendu au bureau
dans les trois mois. Dans le .Missouri, le Wisconsin, le Kansas et la Californie, les
commissaires doivent entreprendre des recherches en qualité d'inspecteurs de fa-
briques dans toutes les localités où s'efl'ectue un travail quelconque, ils peuvent
avoir recours à des témoins même par la force et procéder à l'examen de tous do-
cuments. La dernière prescription est surtout importante pour la statisticjue des
— 331 —
salaires, l'étude des carnets de salaires étant reconnue comme la meilleure
méthode.
11 ressort de ce qui précède, que les bureaux n'ont pas répondu à toutes les es-
pérances qu'on avait mises en eux. Plusieurs, surtout les plus anciens, celui de Mas-
sachusetts en première ligne, ont rendu d'éminenls services à la statistique du
travail ; mais le plus grand nombre est aux prises avec de graves difficultés.
Les rapports publiés jusqu'à ce jour et qui sont au nombre de plus de cent for-
ment un immense stock de matériaux qui éclaire la condition des ouvriers améri-
cains ; malheureusement les meilleurs de ces traités n'ayant qu'un intérêt local ne
se prêtent pas à des conclusions ni à des comparaisons générales. Les diverses
méthodes employées ont une précision inégale et la différence des pouvoirs attri-
bués à chaque bureau conduit à une approximation variable. De plus chaque chef de
bureau peut diriger ses recherches sur l'objet qui a le plus d'attrait pour lui, sans
s'inquiéter des travaux des bureaux voisins. De là impossibilité absolue d'établir
entreces divers travaux une comparaison scientifique. D'autre parties chiffres ob-
tenus à diverses époques» par les divers bureaux sont trop faibles pour permettre
d'en tirer une conclusion certaine.
Si nous jetons un coup d'œil sur quelques-uns de ces mémoires, nous trouvons,
par exemple,lel8"rapport lie Massachusetts pour 1889, relatif au census de cet État en
1885 et aux chômages; le IS" rapport de Pensylvanie pour 1887 qui se réfère pres-
que exclusivement à la description des principales industries du fer dans cet État.
Le nouveau commissaire nommé en 1887 dans le Connecticut consacre son mé-
moire à un historique du développement industriel de cet FAal et à la reproduction
de lettres d'hommes célèbres où ceux-ci expriment leur opinion sur la question du
travail. Le bureau de l'Ohio traite pendant la même année la question du salaire et
de la durée du travail. Le bureau de la statistique du travail et de l'industrie de
New-Jersey, laissant de côté dans son 10° rapport publié en 1887 une statisti-
que des salaires longuement élaborée, aborde une intéressante étude sur l'histoire
et la statistique des Trade-Vnions et autres organisations des ouvriers dans l'Etat ;
il donne en annexe un mémoire sur la coopération et sur les lois de protection
des ouvriers pendant les six premiers mois de l'année. Le 9" rapport du bureau de
statistique du travail et d'inspection du Missouri renferme un rapport de l'inspecteur
des mines, un rapport de la commission parlementaire du travail dans les prisons,
une statistique des salaires et de la durée du travail; enfin une statistique delà pro-
duclion. Le bureau du travail de llllinois consacre son 3' rapport en 1886 à une
compilation de 1,666 rapports des employés du gouvernement relatifs au census; de
plus il envoya des agents qui établirent à l'aide de 2,129 familles d'ouvriers comp-
tant 9,834 personnes, pour 263 branches d'industrie, des comptes rendus détaillés
sur la nature de leurs dépenses. Ces mémoires renferment 167 budgets de ménage
d'ouvriers auxquels sont jointes des conclusionsfort importantes et fort exactes sur
leur situation sociale. Le bureau du Kansas publie uneenquêtc dirigée par le commis-
saire sur les maisons de refuge et les comptes rendus mensuels d'un grand nombre
d'ouvriers sur leurs recettes et leurs dépenses. Le bureau de New-York consacre
son 5" rapport à l'étude de 2,212 contestations relatives au travail. Le rapport du
bureau de l'Iowa pour 1887 donne une statistique très incomplète des salaires; le
derniei' rapport du Wisconsin publie les réponses des ouvriers touchant l'immigra-
tion, l'état de l'instruction, l'organisation des ouvriers, les maisons ouvrières, etc.
— 832 —
Le 5' rapport annuel du Michigan Iraile de la char{,'e liypoUiécaire qui grève les
fermes et de la nationalilc des fermiers. Le bureau du Maryland s'occupe des grè-
ve?, du boycottage, des mines, des chemins de fer, des salaires, etc.
On voit par ce qui précède que c'est à peine si deux bureaux de statistique trai-
tent le même sujtt; le chaos slalisti(|ue règne ici d'une manière absolue. Ce fâcheux
élat de choses est le résultat de l'isolement récipro(|ue des bureaux, qui est bien
différent de la décentralisation prônée par nombre de statisticiens éminents. La dé-
centralisation des relevés statistiques permet de pénétrer plus profondément dans
les circonstances locales et de tirer dus conclusions générales plus justes et plus
complètes. Dans l'êlat d'isolement des bureaux, les faits locaux deviennent les faits
principaux, tonte comparaison, tout traitement uniforme des malériaux statistiques
deviennent impraticables.
Les chefs des différents bureaux reconnurent bientôt les graves inconvénients de
leur manière de travailler et résolurent d'y remédier dans une certaine mesure à
l'aide d'un congrès annuel. Jusqu'ici ces réunions n'ont guère «u d'autre résultat
que d'initier aux éléments de la statistique les nouveaux chefs de bureau dépourvus
de connaissances spéciales et de mettre tout le monde d'accord, après de laborieuses
discussions, sur la meilleure méthode à employer. Quoiqu'il en soit, on ne peut
méconnaître dans ce fait un effort sérieux en vue d'améliorer la slalisliqiie du tra-
vail et lorsque ces chefs auront une situation plus stable et par suite une plus grande
expérience de leurs fonctions, on peut espérer que ces congrès présenteront de
grands avantages. Les chefs de bureau pourront obtenir par une entente réciproque
et volontaire, au moins en partie, ce que procure le pouvoir exécutif dans les États
pourvus d'une centralisation administrative qui n'existe pas aux États-Unis.
A la vérité, cette lacune ne pourra jamais être tout à fait comblée. C'est ce dont
se sont rendu compte les personnes intéressées à la création des bureaux de tra-
vail, ouvriers et partisans de la réforme sociale, qui demandèrent alors la création
d'un bureau central pour toute l'Union.
D'autre part, le Congrès avait procédé à plusieurs enquêtes sur la condition des
ouvriers, enquêtes effectuées soit par l'Union, soit par les divers États. Ces enquêtes
exécutées avec le plus grand soin, ont démontré aux législateurs que les relevés
statistiques ne peuvent être effectués que par un corps d'employés munis de con-
naissances théoriques et pratiques, initiés à l'industrie, rompus aux procédés sta-
tistiques et que ce corps ne peut exister que constitué sous forme de bureau per-
manent et stable.
C'est M. Slianks qui proposa le 26 janvier 1874 à la Chambre des représentants
d'installer à Washington un bureau national de statistique du travail. Ce projet fut
renvoyé à la commission de l'instruction et du travail et il n'en fut plus question.
Les propositions de M. Murch du 5 mai 1879 et du 13 décembre 1881 subirent le
même sort. Le projet de loi du sénateur Iloar de décembre 1879 sur la création
d'une commission du travail chargée de fonctions analogues fut rejeté par la com-
mission parlementaire le 22 février 1881, mis à l'ordre du jour sur le désir de l'au-
teur du projet, maisne vint pas endiscussion- Le9 janvier 1882, M. O'Neil, membre
delà Chambre des représentants, pioposa de fonder audépartement des affaires inté-
rieures un bureau des mines, un bureau de l'industrie et un bureau de statistique
du travail et de transformer le bureau de statistique placé sous les ordres du se-
crétariat du Trésor en bureau du commerce, conformément à ses attributions. Ce
— àiâ —
projet eut un sort anîilogue aux précédents et s'il ne fut pas enterré parla couîmis-
sion de l'instruction et du travail, il le fut par celle des mines.
Les membres du Congrès ne se hâtèrent pas trop d'aller au-devant des vœux des
ouvriers et des savants. Il fallut atlendre que les ouvriers devinssent une puissance
électorale pour qu'on les jugeât dignes d'un bureau spécial chargé d'étudier leur
situalion. Lorstpi'ils se furent manifestés sous ce nouveau jour, on ne s'occupa
plus que d'eux. Le 14 décembre 1883, le sénateur Blain présenta un projet de loi
sur la création d'un bureau de slatisli(|ue du travail; le 10 du même mois, M. Wil-
lis demanda à la Chambre des représentants la création d'un bureau du tiavaii et de
l'industrie; le 11, M. O'Neil la création d'un bureau de statistique, et M. Hopkins
d'un déparlement spécial. Les 8 et 10 janvier 1884 virent éclore deux nouveaux
projets analogues de MM. Kiniey et Lanib.
Le meilleur de ces projets de loi, celui du sénateur Blain, fut adopté le 7 mars
1884 par la commission, discuté les 7 et 8 mars et amendé par M. Sherman; puis
il disparut de l'ordre du jour.
Le projet de loi du représentant llopluns vint ensuite en discussion. Ce projet
eut deux sortes d'adversaires; ceux qui demandaient plus, et ceux qui demandaient
moins. Tout le monde était d'accord sur la nécessité de procéder à des recherches
approfondies sur la condition des ouvriers, mais quelques-uns pensaient qu'il n'é-
tait pas nécessaire de créer un nouveau bureau et qu'il suffisait d'augmenter les at-
tributions du bureau de statistique du secrétariat de la Trésorerie. On leur répliquait
que les représentants de toutes les associations ouvrières dans la commission par-
lementaire et dans des pétitions demandaient à l'unanimité la création d'un bureau
distinct et qu'on devait se rendre aux vœux d'une classe aussi nombreuse d'élec-
teurs parce que « la question était assez importante poin- occuper l'attention et le
temps de l'homme le plus capable que l'on poin'rait trouver dans le pays et que
l'exécution fidèle et active de cette tâche exigeait non seulement de l'habileté mais
de l'expérience et des connaissances spéciales ». (Discours du sénateur Cal! de la
Floride, session du 14 mai 1884.)
On donna lecture au Parlement d'une lettre de M. Nimmo, chef du bureau de sta-
tistique, dans laquelle il s'exprimait ainsi :
« Ce bureau de statistique, n'est en dépit de sa dénomination vague qu'un bureau
du commerce qui embrasse les transports, l'immigration et les droitsd'importation. —
Le bureau de statisti(|ue n'a employé ni un homme ni un dollar en vue de rassem-
bler des informations sur les ouvriers etj'espère que le Congrès ne me donnera jamais
les moyens d'accomplir une œuvre de ce genre, parce que le bureau que je dirige
a toujours eu un autre but et d'autres attributions. »
D'autres membres du Congrès demandaient la création non pas d'un bureau spé-
cial, mais d'un bureau placé dans un des départements existants, par excm(ile dans
le secrétariat des affaires intéi'ieures. D'autres encore prétendaient que l'on satis-
ferai! complètement aux vœux des ouvriers en leur laissant la direction des affaires
du bureau à organiser, mais cette proposition fut rejetée. Après de longs débats et
une entente entre la Chambre des représentants et le Sénat, la loi fut volée par les
deux Chambres le 25 juin 1884, contresignée par le président le 27 juin suivant, et
c'est ainsi que fut créé un bureau national de statistique du travail plus de dix ans
après l'apparilion du premier projet de loi relitif à cet objet.
Cette loi décide qu'un bureau du travail sera installé auprès du déparlonient des
— 334 —
affaires intérieures, sous la direcliond'un commissaire nommé par le président avec
l'approbation du Sénat. Ce commissaire doit, à moins de destitution préalable,
exercer son emploi pendant quatre années et jusqu'à ce que son successeur soit
nommé et au courant de ses fonctions; il a un traitement annuel de 3,000 dollars. Il
doit recueillir des informations surle iravail et ses rapports avec le capital, sur la
durée du tiavail, les salaires des ouvriers et des ouvrières et les moyens d'nrriver
à leur développement matériel, social, intellectuel et moral. Le secrétaire de l'inlé-
rieur est chaj-gé de nommer, sur la préscnlalion du commissaire, un employé subal-
terne jouissant d'un traitementannuel de 2,000 dollars et les autres employés néces-
saires. Le budget total du bureau ne doit pas dépasser annuellement 2,500 dollars.
Le commissaire est tenu de communiquer, dans un rapport annuel, les informa-
tions recueillies et de faire les propositions nécessaires pour l'amélioration du fonc-
tionnement du bureau. En janvier 1885, le colonel Garoll D.Wright, le chef es-
timé du bureau de Massachusetts, fut nommé commissaire et au mois de février
suivant M. Oren W. Wtaver fut nommé employé sous ses ordres. Les différentes
opérations nécessaires pour l'inslallalion du bureau retardèrent le commencement
des travaux jusqu'en juin, mois dans lequel le bureau procéda à l'étude de la crise
induslrielle retenante. Le mémoire relatif à cette question continue le premier rap-
port publié le 17 mars 1886. Il se divise en cinq chapitres dont le premier traite
l'histoire des crises industrielles en Angleterre, en France, en Belgique, en Allema-
gne el aux États-Unis depuis 1837; le 2° la crise dans les États-Unis, le 3° la réper-
cussion des crises sur les diverses nations; le 4° les remèdes proposés, tandis que
le 5° offre un aperçu général sur la simultanéité des crises, leurs causes et leurs
remèdes. Comme annexes suivent le relevé des personnes occupées dans les éta-
blissements inspectés et leurs salaires, les revenus et les dépenses des ouvriers
salariés en Europe et un recueil des lois de protection des ouvriers dans les États-
Unis. Cette publication, résultat de recherches originales faites par 20 agents spé-
ciaux dont 5 pour l'étranger et 15 pour l'Amérique, est la plus importante qui ait
paru sur cet objet et a fait progresser d'une façon notable nos connaissances éco-
nomiques.
Si séduisant que nous paraisse l'examen approfondi des publications de ce bu-
reau, nous nous voyons à regret forcé de l'abandonner dans la présente étude qui ne
doit parler des travaux des diverses institutions relatives au travail- qu'en tant
qu'ils nous renseignent sur l'organisation des bureaux. Le deuxième rapport
présenté le 28 février 1887, d'après les instructions du Congrès en date du 2 août
1880, traite du travail des prisons, la première partie se référant à leur importance
actuelle en iVmérique, la deuxième partie donnant des renseignemenis historiques
sur le travail pénitentiaire dans plusieurs autres États et sur les lois américaines
réglant la matière. Le cinquième mémoire annuel du 24 décembre 1887 donne
dans de nombreux tableaux les détails les plus complets sur 3,902 grèves et coa-
htions de patrons survenues de 1881 à 1886, pour 22,304 établissements et
1,323,203 ouvriers. Le chapitre IV traite des contestations du travail de 1741 à
1880, tandis que le chapitre V présente un ensemble des décisions judiciaires et
les lois concernant les grèves, les coalitions de patrons, les associations, boycotts,
etc. Ces rapports sont fondés sur des recherches personnelles approfondies faites
par des agents spéciaux ; ils nous offrent les données résultant de l'enquête
avec l'exactitude la plus parfaite et peuvent nous inspirer une entière confiance.
— 335 —
Le 'i' rapport (iii bureau national publié récemment s'occupe exclusivement de la
condition des ouvrières dans les grandes villes. Les recherches ont été exécutées
jusqu'en Californie et se sont étendues aux faits relatifs à la prostitution ; cette en-
quête a été conduite par des femmes qui, rémunérées comme les hommes, ont fourni
également un bon travail, ainsi que le déclare M.Wright. Les agents féminins se mi-
rent d'abord au courant des conditions générales des ouvrières dans les grandes
villes soumises à l'enquête et choisirent ensuite un certain nombre d'individus, en
espèce et en nombre suffisants. On obtint ainsi des renseignements pour 17,427
ouvrières; le chiffre est élevé, mais il n'est que de 0 à 7 p. 100 des ouvrières
occupées dans ces villes. Tout en edmetfant, avec le commissaire du travail,
que ces femmes aient bien rempli leur tâche et pris des cas typiques de ma-
nière à nous fournir une image exacte des faits à rechercher, nous ne pouvons
pas nous dissimuler que le fait matériel doit encore être préféré à une opinion per-
sonnelle. L'art statistique ne doit pas l'emporter sur la science statistique et tra-
vailler avec des types est plutôt œuvre d'art. On ne peut s'empêcher de manifester
une vive inquiétude sur la véracité des chiffres recueillis quand on lit, par exemple,
que sur le chiffre total des ouvrières interrogées, 15,387 (89.61 p. 100) étaient cé-
libataires, 745 (4.33 p. 100) mariées et 1.038(5.87 p. 100) veuves; nous deviendrons
plus sceptiques encore en apprenant que toutes les ouvrières interrogées n'ont pas
répondu à un grand nombre de questions, dont quelques-unes n'ont reçu que le
tiers de réponses.
Il faut ajouter que les villes qui ont fait l'objet de l'enquête ne sont situées que
dans 17 Étals.
ÉTATS.
TILLES. KOMBKB
D'OUVRIKRES I
Massachusetts.
Boston.
1,406
New-York.
New-York.
2,984
—
Brooklin.
830
—
Buifalo.
017
Maryland.
Baltimore.
936
Illinois.
Chicago.
1,716
Ghio.
Cincinnati.
816
—
Cleveland.
721
New-Jersey.
Navark.
625
Pensylvanie.
Philadelphie.
1,700
Rhode-Island.
Providence.
610
Louisiane.
Nouvelle-Orléans.
517
Missouri.
Saint-Louis.
1,071
Caroline du Sud.
Charleslon.
172
Kentucky.
Louisville.
538
Géorgie.
Atalante.
297
—
Savannah.
144
Virginie.
Richmond.
360
Indiana.
Indianapolis.
518
Californie.
San-Francisco.
285
—
San-José.
84
Minnesota-.
Saint-Paul.
473
— SSG —
Les renseig^nemenls sont syslématiquement ordonnés et les tableaux nous don-
nent par industries et villes réponse aux questions sur l'âge actuel des ouvrières,
leur âge à leur entrée dans l'industrie, le nombre d'années passées dans le même
travail, leur lieu de naissance et celui de leurs parents, leur état civil, le nombre des
occupations antérieures, leur état de santé, leurs services et leur cbômage, enfin
leur salaire annuel et leurs dépenses (seulement 5,716 réponses). L'élaboration des
matériaux a été exécutée de main de maître par M. Wright.
D'autres travaux ont été entrepris en même temps : une recberche sur les
conditions du travail dans les chemins de fer et une vaste enquête sur les frais d'ex-
ploitation des principaux produits. En outre, le bureau nouvellement fondé a été
chargé de travaux spéciaux : il a reçu avant tout la mission de réunir des données
sur les mariages et les' divorces dans les États-Unis pendant les20dernièresannées
et a accompli cette œuvre importante, à laquelle on a consacré 10,000 dollars, avec
l'aide de quel(|ues experts nommés en sus des agents spéciaux ordinaires; un mé-
moire doit paraître prochainement sur cette question.
Le bureau a dcnc répondu complètement aux espérances qu'on avait fondées
sur sa création ; toutefois ses partisans ne s'en tinrent pas là et cherchèrent à
améliorer autant que possible son organisation. Les propositions des représentants
Butterworth du 1" mars 1886 et lleard du 7 lévrier 1887 tendant à la création
d'un département de l'industrie et du travail, puis celle du sénateur Frye du 9 mars
18X7 demandant la réorganisation du bureau de statistique auquel devait être con-
fiée la statistique du travail, n'ayant pas abouti, M. O'iNei! présenta dans la session
delà Chambre des représentants, le 15 mars 1^88, un projet de loi pour la création
d'un déparlement du travail, afin que le bureau de statisticjue du travail ne fût en-
travé par aucune administration suj)érieure et eût la libre direction de ses travaux.
Ce projet fut adopté par la Chambre, recommandé par la commission du Sénat poiu"
l'inïtruction et le travail. Adopté [tar le Sénat après un court débat, il fut contresi-
gné par le président le 13 juin 1888. Par cette loi le bureau du travail, subordonné
jusi|ue-là au département des affaires intérieures, fut transformé en département
spécial du travail avec les diverses attributions, droits et services du bureau dont il
a continué les travaux.
L'article 1" de la loi précitée détermine comme suit les attributions du départe-
ment : t relever et mettre en ordre sur la population des Etals-Unis des renseigne-
ments utiles se référant au travail dans le sens général et le plus étendu de ce mot,
mais principalement dans ses relations avec le capital, la durée du travail, le salaire
des ouvriers et des ouvrières et les moyens d'améliorer la situation matérielle, so-
ciale, intellectuelle et morale des classes ouvrières. » Déplus l'article 7 décide que:
fie commissaire du travail est spécialement chargé, aux termes des attributions dé-
terminées par l'article 1"'de la loi, de relever, aussitôt que possible et aussi souvent
que des modifications industrielles se manifesteront, des renseignements détaillés sur
les frais de production des articles actuellement soumis aux droits de douane dans
les États-Unis dans les pays où ces articles sont produits, en spécifiant exactement
les divers points concernant leur production et avec une classification qui indique
les divers facteurs des frais de production de ces articles de fabrication, y compris
les salaires payés dans les branches d'industrie, considérés |)ar jour, semaine, mois
ou année ou aussi par pièce, les heures de travail, le bénéfice des fabricants ou
producteurs de ces articles, les frais proportioimels d'enlrelien et les moyens
— 337 —
d'existence. Le commissaire a aussi le devoir d'établir les effets des lois douanières
et l'influence de l'état de la valeur du numéraire dans les Etats-Unis sur l'industrie
agricole, et de rédiger un rapport sur cet objet, principalement au point de vue de
la dette hypothécaire des cultivateurs; il indiquera quels sont les articles atteints
par les trusts ou autres coalitions de capitaux, d'affaires ou de travail et quelle in-
fluence ces trusts ou coalitions exercent sur la production et les prix. Il doit de plus
inaugurer un système d'informations en vue de se renseigner, dans l'intervalle de
moins de deux années, sur la situation générale des principales branches d'indus-
trie du pays en tant que celles-ci ont rappoit à la production. Le commissaire du
travail est aussi spécialement chargé de faire des enquêtes sur les causes et les cir-
constances de toutes les contestations entre patrons et ouvriers qui peuvent surve-
nir et sont de nature à porter atteinte au bien-êlre du peuple dansles divers États;
il doit présenter un rapport sur ce point au Congrès. Le commissaire du travail doit
recueillir aussi des renseignements auprès des nations étrangères sur les objets
rentrant dans ses attributions, lorsqu'il le juge utile, ainsi que sur la question sui-
vante: quelles marchandises produites dans les prisons sont importées aux États-
Unis et quelle est leur provenance? »
L'article 8 de la loi satisfait un vœu émis avec raison par M. Wright lui-même :
il l'aulorise à publier, outre les rapports annuels, des rapports spéciaux pour des
motifs particuliers, par exemple sur le désir exprimé par le Président ou le
Congrès.
Ainsi qu'il ressort des prescriptions de la loi, les recherches confiées aux soins
de ce département ne se réfèrent pas seulement à la statistique du travail mais à la
slatisticjue économique en général. Cela peut surprendre si l'on songe que le bu-
reau de statistique est déjà chargé de fournir des rapports statistiques sur l'état des
transports, l'émigration, le commerce maritime, les douanes et les monnaies et
chaque département économique sur les objets ressortissant à son administration.
La raison de ce fait se trouve dans les débats parlementaires où l'on a proclamé
qu'une statistique du travail approfondie n'est possible que si elle se réfère à toutes
les autres circonstances économiques et sociales. Aussi la recherche de ces faits
n'est-elle confiée au département du travail qu'en tant qu'ils sont en relation avec
les conditions du travail; leur description doit donner du relief à la peinture de
l'état social.
11 va de soi que toutes ces attributions ne peuvent être remplies qu'à l'aide d'un
corps de fonctionnaires nombreux et exercés, pour lequel la dotation primitive de
25,000 dollars était insuffisante. Aussi le nombre des employés et le chiffre
de la dotation furent-ils considérablement augmentés. La loi du 13 juin 1888 et
celle du 26 février 1889 fixèrent comme suit la situation des employés: « Ai t. 2.
Le département sera placé sous la direction d'un commissaire du travail nommé
par le Président avec l'agrément du Sénat; ce fonctionnaire conservera son emploi,
sauf révocation préalable, pendant quatre années, et recevra un traitement annuel
de 5,000 dollars.
« Art. 3. Le commissaire choisira pour son département : un employé supérieur
avec un traitement annuel de 2,500 dollars; 4 employés de 4" classe qui seront
tous statisticiens de profession; 5 employés de 3'= classe dont un sténographe; 6
employés de 2" classe dont un traducteur et un sténographe; 8 employés de 1™
classe; 5 employés avec 1,000 dollars de traitement annuel; deux copistes avec 720
ir 8ÛR1E. ol« VOL. — N« tl.
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dollars de traitement annuel; un messager, un aide-messager, un gardien, deux
aides-gardiens; deux ouvriers exercés avec 600 dollars de traitement annuel; deux
femmes pour les soins de la maison avec 240 dollars p;ir an ; 6 agents spéciaux avec
1,600 dollars; 10 agents spéciaux avec i,400 dollars; 4 agents spéciaux avec 1,200
dollars par an et une indemnité pour frais de voyage qui ne pourra dépasser 3 dol-
lars par jour, pour le temps où ils seront occupés effectivement à l'étranger ou hors
du district de Colombie, sans compter les fi ais de route y compris les indemnités de
wagonslils; des experts volontaires, des aides et autres employés, au sujet desquels
le Congrès doit statuer de temps à autre jouissant d'un traitement égal à celui
que reçoiventles employésanaloguesdans les autres branches de l'administration. »
La loi du 10 juillet 1888 ajouta encore 2 copistes avec 960 dollars de traitement
annuel ; ils ont été maintenus par celle du 26 février 1889. Le personnel du dépar-
tement comprend ainsi au moins 6i personnes (dont 20 agents spéciaux) qui tou-
chent un traitement annuel de 84,540 dollars. Avec ce chiffre un service peut ob-
tenir de très beaux résultats, d'autant plus beaux que les employés sont sous
l'excellente direction de MM. Wright et Weaver qui les maintiennent, autant que
possible, à leur poste, partant de ce principe fort juste 'que les attributions d'un
fonctionnaire stastisticien demandent de l'acquit et de l'expérience pour être bien
remplies.
La dotation mise à la disposition du bureau pour ses travaux est très riche et sans
cesse croissante :
1884 25,000 dollars.
1880 40,000 —
1886 95,710 —
1887 105,110 —
i888 150,040 —
1889 154,040 —
dont pour la publication des rapports :
I (1880) 19,083 dollars.
11(1887) 19,994 —
111(1888) 25,000 —
IV (1889) 19,202 —
Quand le paragraphe 4 du projet de M. Blair eut été supprimé par le Sénat, le
service se vit privé de son plein pouvoir ; il doit se borner désormais à des répon-
ses volontaires, n'entraînant aucune responsabilité ; cette lacune importante à la-
quelle il a été remédié jusqu'à un certain point par l'organisation du personnel
d'inspection, sera prochainement complètement comblée.
Une autre lacune grave (|ui ressort de l'étude de l'organisation de la statistique
du travail aux Étals-Unis, et qui demande un prompt remède, c'est la décentralisa-
lion des 21 bureaux des États et du département de l'Union. Quel que soit le pres-
tige dont jouisse dans le congrès annueldesbureauxlechefdudéparlementcentral,
qui enestle président, grâce à sa situation, à son expérience et à ses services, il man-
que toutefois de l'autorité légale qui lui permettrait d'effectuer un travail d'ensemble
sur une question, avec des procèdes uniformes. Chaque bureau continue à suivre
sa voie sans s'occuper de celle que suit le département central; les recherches sta-
tisliquesont loujours l'aspect lies images d'un caléidoscope el il est li'ès difficile (le tirer
parti des travaux des divers bureaux pour représenter un fait d'ensemble se rappor-
tant à l'Union américaine. Celle difficulté nous apparaît avec toute son évidence
dans les parties du rapport du bureau national, qui sont fondées sur les rccberches
antérieures des autres bureaux (Rapport H, cliap. III. — Rapport Ilf.chap. IV). Pour
pouvoir comprendre que l'on n'ait pas plus tôt réalisé une entente aussi nécessaire,
il faut se rappeler que la moitié des Étals ne possède pas encore de bureau du
travail; d'autre part, le principe fédératif de l'administration américaine, conservé
avec un soin jaloux par chaque Etat, ne s'accommode pas avec l'incorporation des
bureaux des Etats dans le bureau de la Confédération. On ponriail remédier provi-
soirement à ces deux obstacles par l'entente volontaire des chefs des divers bu-
reaux, la fondation de nouveaux bui'eaux et l'appui matériel accordé au moyen de
subventions par l'Union aux bureaux trop faiblement dotés. Nous disons provisoi-
rement, car dans peu d'années la nécessité d'une organisation plus parfaile s'impo-
sera d'elle-même. Jusque-là les bureaux isolés pourront produire d'excellents résul-
tats pour la localité, le département pour l'ensemble de l'État; leurstravaux pourront
s'entre-croiser, se relier ou se contrarier. Mais l'organisation de la statistique du
travail ne sera vraiment parfaile aux Étals-Unis que le jour où un grand départe-
ment fédéral, avec plein pouvoir, avec de puissantes ressources et un nombreux
personnel, sera le centre auquel viendront se rattacher les divers bureaux des États,
qui ne seront plus alors que les posles d'observation de ce département.
ÂRMAiNi) LIÉGEARD.
III.
LE MOUVEMENT DE LA POPULATION EN FRANCE
PENDANT L'ANNÉE 1889 (1).
Les ré.^'Ultals généraux du mouvement de la population de la France pendant
l'année 1889 sont, dans leur ensemble et principalement en ce qui concerne l'excé-
dent des naissances sur les décès, un peu plus favorables que les résultats de 1888,
constatés au rapport qui a été inséré au Journal officiel du 28 août 1889.
Il a été relevé pendant l'année dernière, d'après le dépouillement des regisires
de l'élal civil, 272,934 mariages, 4,786 divorces, 880,579 naissances et 794,933
décès. En 1888, il avait été enregistré 276,848 mariages, 4,708 divorces, 882,639
naissances et 837,867 décès.
L'année 1889, comparée à la précédente, accuse donc une différence en moins
de 3,914 mariages, 2,069 naissances et 42,934 décès.
Pour apprécier la valeur de ces diminutions, il importe de les rapprocher des di-
minutions similaires constatées entre les deux aimées précédentes, 1888 et 1887. A
ce point de vue, deux faits importants doivent être notés : le premier, c'est qu'alors
que l'année 1888 perdait 16,794 naissances sur 1887, l'année 1889 ne perd plus
que 2,060 naissances sur 1888; le second, c'est que la diminution des décès de
(I) Extrait du Journal officiel du 14 octobre 1890.
— 340 —
1888, qui n'était que de 4,930, a été de 42,934 en 1889. Par suite, l'excédent des
naissances sur les décès est passé du chiffre de 44,772 en 1888, à 85,046 en 1889,
présentant ainsi, d'une année sur l'autre, une plus-value de population de 40,874
unités.
Il faut remonter à l'année 1885 pour trouver un excédent de naissances (87,661)
sur les décès aussi favorable qu'en 1889. Le résultai de 1889 serait donc satisfaisant
s'il n'était pas uni(|uement dû à une très forte diminution du chiffre des décès.
Après ces considérations générales, voici les observations auxquelles donne lieu
le mouvement des mariages, des divorces, des naissances et des décès:
Mariages. — Il a été célébré en France, pendant l'année dernière, 272,934 ma-
riages, soit 3,91 i de moins (|u'en 1888. La proportion des mariages est actuelle-
ment de 7.1 pour 1,000 habilanls. Jamais, si ce n'est en 1870, le taux des mariages
n'était descendu aussi bas. La diminution des mariages est générale en France, et
elle affecte aussi bien les régions dans lesquelles ils sont ordinairement le plus fré-
quents, Bretagne, centre de la France, Limousin, Périgord et Gascogne (de 8 à
9 mariages pour 1 ,000 habilnnls), que celles ([ui en comptent le moins, telles que les
deux départements de la Savoie, les déparlements alpins et pyrénéens (de 5 à 6 ma-
riages pour 1,000 habitants).
Néanmoins, l'âge moyen des mariages reste très sensiblement le même: de 29 à
30 ans pour les hommes et de 24 à 25 ans pour les femmes. Cet âge moyen, qui
varie peu d'un déparlement à l'autre, est cependant plus faible dans le centre de
la France et dans le milieu du bassin de la Garonne (21 à 22 ans pour les filles,
26 à 27 ans pour les garçons) et plus élevé en Brelagne, dans les Alpes, dans les
Pyrénées et en Corse (25 à 26 ans pour les filles et 30 à 31 ans pour les garçons).
D'une manière générale, les départements dans lesquels il y a le moins de ma-
riages, ou dans lesquels ils sont plus tardifs, sont les mêmes que ceux qui présentent
la plus forte natalité. C'est dans ces mêmes départemenls que l'on constate le moins
de divorces.
Divorces. — Il a été relevé sur les registres de l'état civil 4,786 divorces pendant
l'année 1889, soit 78 de plus que l'année précédente. Les divorces se maintiennent
donc à un taux élevé, surtout depuis que la loi du 18 avril 1886 en a simplifié la
procédure. Depuis le réiablissement du divorce en France (loi du 27 juillet 1884),
21,906 divorces ont été inscrils sur les registres de l'état civil.
Us se répartissent par année de la manière suivante :
1884(1). . l,t)57 divorces, soit 6.6 pour 10,000 ménages.
1885 . . 4,217 — 5.7 —
1886 . . 2,950 — 4.0 —
1887 . . 3,636 _ 5.0 —
1888 . . 4,708 — 6.1 —
1889 . . 4,786 — 6.1 —
'> '
La durée moyenne des mariages dissous par le divorce, après avoir été de 16 ans,
est tombée actuellement à 12 ans.
(I) Quatre derniers moij de lriS4 seulement, époque à laquelle la loi du divorce a été mise en vigueur.
— SM —
Comme toujours, c'est dans les ciépaitements liu bassin de la Seine, mais siiiluul
à Paris et dans l'Aube, puis à Marseille, Lyon et Bordeaux, que les divorces sont les
plus nombreux ; c'est en Bretagne et dans les déparlements du massif central que
l'on en compte le moins. Comme toujours également, c'est parmi les personnes
exerçant les professions libérales, parmi les commerçants et les renliers, que le di-
vorce est le plus fréquent, tandis qu'il est fort rare chez les agriculteurs.
Naissances. — Le nombre des naissances, déjà fort bas l'année dernière, a encore
fléchi en 1889: il a été enregistré 880,579 naissances pourl'ensembiede la France,
soit 2,060 naissances de moins qu'en 1888. La proportion des naissances se main-
tient à 1res peu près au taux moyen de 3 par mariage. Cette moyenne s'élève à
4 naissances par mariage dans le Finistère, dans la Lozère, dans les Hautes-Alpes et
en Corse ; elle s'abaisse au contraire à 2.11 dans le Gers, à 2.28 dans la Seine, à
2.35 dans Lot-et-Garonne, à 2.40 dans la Gironde, l'Eure, le Calvados et l'Orne. Les
départements gascons accusent aujourd'hui une natalité plus faible encore que celle
des départements normands.
La population diminue d'autant plus dans le midi de la France, et surtout dans
les départements gascons, qu'on y compte fort peu de naissances illégitimes. Dans
le nord de la France, au contraire, et principalement dans le Pas-de-Calais, la Somme
et la Seine-Inférieure, mais surtout à Paris, l'afipoint des naissances illégitimes est
considérable et contribue à relever d'une façon très sensible la natalité générale.
Leur nombre, d'une constance remarquable, a été en 1889 de 73,671, accusant une
proportion de 8.4 p. 100 par rapport au chiffre total des naissances. Cette propor-
tion a varié de 24 p. 100 dans le département de la Seine, de 13.4 p. 100 dans la
Somme, et de 12.5 p. iOO dans le département de la Seine-Inférieure, à 2 p. 100
dans celui du Finistère.
D'après les calculs effectués par le bureau de la statistique générale sur les résul-
tats de la natalité en France, dont l'affaiblissement paraît si grave, le nombre annuel
des naissances a diminué de plus de 5 p. 100 pendant la dernière période décen-
nale, et presque tous les départements ont plus ou moins participé à cette diminu-
tion. Cependant, c'est dans la région du Sud-Ouest, comprise entre les deux mers,
que la décroissance de la natalilé est la plus sensible. Dans certains des départe-
ments de la région dont il s'agit, le nombre des naissances est de 15 à 20 p. 100
inférieur à ce qu'il était il y a dix ans. Dans huit départements il y a eu accroisse-
ment, mais cet accroissement ne paraît devoir être attribué qu'à l'augmentation de
la population par suite de l'immigration, comme le prouve la liste de ces départe-
ments: Alpes-Maritimes, Aube, Bouches-du-Rhône, Meurthe-et-Moselle, Pas-de-Ca-
lais, Seine, Seine-Inférieure et Seine-et-Oise.
Eniésumé, le taux moyen de la natalité, qui était de plus de 30 naissances par
1,000 habitants au commencement de ce siècle, de 25 il y a vingt ans, n'est plus
aujourd'hui que de 23.
Décès. — Mais si les naissances ont diminué, les décès ont diminué encore plus,
et l'année 1889 a vu pour la première fois en France, depuis 1874, le chifl're des
décès tomber à moins de 800,000. On n'a compté, l'année dernière, que 794,933
décès, en diminution de 42,934 unités sur les chiffres précédents, soit 20.5 décès
pour 1,000 habitants. Jamais citte proportion n'avait été aussi faible. Malgré l'épi-
— 342 —
demie de grippe qui a sévi à la fin de l'année sur la plus grande partie de la France,
le chiffre de la morlaliléa élépartoutrelativemenlsalisfaisant. Aussi, la vie moyenne
lentl-elle à s'accroître de plus en plus par la double raison que les décès diminuent
et (pie le nombre des adultes s'accroît de jour en jour. Les calculs effectués par le
service à ce sujet ont démontré, en effet, que c'est précisément dans les parties de
la France qui voient leur population diminuer que la vie moyenne tend de plus en
plus à au^rmenler : dans le Gers et dans Lot-et-Garonne, elle dépasse 50 années,
tandis que dans le Finistère et en Corse, elle dépasse à peine 28 ans.
Comme les années précédentes, c'est dans le centre de la France que l'on remar-
que la mortalité la plus faible : 15.5 décès pour 1,000 habitants dans l'Indre, 16
pour 1,000 dans la Creuse et dans l'Allier. Dans la plus grande partie du bassin de
la Loire, le nombre des décès ne dépasse guère la proportion de 17 pour 1,000 ha
bitants, tandis qu'il est de 19 pour le même nombre d'habitants dans celui de la
Garonne, et qu'il varie de 22 à 24 pour 1,000 dans les départements baignés par la
Seine depuis Paris. En Bretagne, la mortalité a été de 21 décès pour 1,000 habi-
tants, sauf dans le Finistère, où il s'est élevé à près de 24 pour 1,000. Celte forte
mortalité lient à la fois à une hygiène défectueuse et à la présence de beaucoup
de nouveau-nés.
Mais c'est surtout dans le sud-est de la France, dans la région qui s'étend de Lyoi;
à la mer, de l'IIéraull à la frontière d'Italie, que la mortalité est considérable: le:'
départements des Bouches-du-Rhône (27.3 pour 1,000 habitants), de Vauclusc
(25.5), du Gard (24.7), de l'Ardèche (24.2), des Basses, des Hautes-Alpes (24. e;
23) et des Alpes-Maritimes (24.8) semblent avoir le plus souffert d'une mortalité
très grande qui exerce ses ravages sur la première enfance. Aussi, malgré une forte
natalité, cette région voit-elle sa population diminuer sur les points qui ne sont pas
l'objet d'une immigration continue.
Un tableau annexé pour la première fois au rapport sur le mouvement de la po-
pulation donne la répartition des décès par mois dans la population urbaine, dans la
population rurale, et dans celle du département de la Seine. Il ressort de ce tableau
que le nombre des décès dans le département de la Seine s'est maintenu pendant
dix mois consécutifs, de novembre à février inclusivement, enire 5,933 décès, chif-
fre le plus élevé (avril), et 5,416 décès, chiffre le plus bas (novembre). Deux mois
seuls ont dépassé le chiffre de 6,000 décès, savoir: janvier, 6,316 décès, et décem-
bre, 9,393 décès. Dans la population totale, la mortalité la plus élevée a été relevée
en mars (77,264 décès), et la mortalité la plus faible en novembre (58,307
décès).
Excédent des naissances sur les décès. — L'excédent des naissances sur les décès
a été de 85,646 unités, ce qui correspond à peu près à un accroissement de 2.3
pour 1,000 habitants. A raison du temps écoulé depuis le dernier dénombrement
de la population, effectué en 1886, et des déplacements considérables de population
qui se sont produits pendant l'année de l'Exposition universelle, il convient, afin de
faire des comparaisons utiles, de ne pas rapprocher l'excédent des décès ou des
naissances du chiffre de la population même, mais de comparer les naissances aux
décès. Pour 100 décès, il a été enregistré 111 naissances dans l'ensemble de la
France; mais dans 32 départements les décès ont excédé les naissances dans des
proportions variables.
— 343 —
C'esl dans le Gers, Lot-et-Garonne, Vaucluse, l'Orne, Tarn-el-Garonne et l'Euie
que cet excédent de décès a été le plus considérable.
Dans le Gers, pour 100 décès, il y a eu seulement 76 naissances.
Au contraire, les naissances ont dépassé le nombre des décès de moitié en Corse
(152 naissances pour 100 décès) et dans le Pas-de-Calais (151 p. 100).
La Corse étant mise à pari, c'est surtout dans le centre, dans l'ouest (delà Vendée
à la Manche) et dans le nord de la France que la population a le plus augmenté (120
à 140 naissances pour 100 décès, en moyenne).
Sans entrer dans plus de détails, on peut inférer des observations présentées ci-
dessus qu'il s'est produit en 1889 un arrêt dans la diminution des naissances en
même temps qu'une heureuse amélioration s'est révélée dans l'état de la mortalité
générale.
ANNEXE.
Mouvement de la population étranijère domiciliée en France
Depuis l'année 1888, la statistique recueille des renseignements sur les mariages,
les naissances et les décès des étrangers habitant la France. Les résultats de l'an-
née 1889 ont été nécessairement troublés dans une certaine mesure, surtout en ce
qui concerne les décès, par la |irésence momentanée de très nombreux étrangers
venus pour visiter l'Exposition; aussi les chiffres qui suivent, relatifs au mouvement
de l'état civil pour les étrangers, ne sauraient-ils être comparés utilement que pour
les mariages et les naissances à l'effectif ordinaire des étrangers domiciliés sur le
territoire français.
Il a été constaté en France pendant l'année 1889 :
10,980 mariages d'étrangers;
20,480 naissances d'étrangers ;
40,120 décès d'étrangers.
Les mariages d'étrangers se sont décomposés comme il suit :
2,833 entre étrangers et étrangères;
3,541 entre Français et étrangères;
4,60C entre Françaises et étrangers.
On voit que le nombre de Françaises qui ont perdu leur nationalité par suite de
mariage avec un étranger est, comme en 1888, plus grand que celui des étrangères
qui sont devenues Françaises par leur mariage. Le nombre de personnes de natio-
nalité étrangère qui se sont mariées a été de 13,81-:$, ce qui, eu égard au nombre
des étrangers résidant en France, indiijue une proportion à peine inférieure à celle
des mariages observée dans la masse de la population française (6.9 au lieu de 7.1
pour 1,000 habitants).
Les naissances d'étrangers, au nombre de 26,480, soit 3 p. 100 de l'effectif total
des naissances, font ressortir une natalité générale de 23.5 pour 1,000 étrangers.
C'esl parmi les Italien^ qu'on a compté le plus de naissances (33.5 naissances
pour 1,000 Italiens). Viennent ensuite, par ordre décroissant, les Espagnols (23.5
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I I
— 346 —
naissances pour 1,000), les Belges (22 pour 1,000), les Suisses (17.5 pour 1,000),
les Allemands (10 pour 1,000), et enfin les Anglais (11 pour 1,000). L'ordre des
nationalités esl resté le même que celui qui avait été observé l'année précédente.
Parmi les 26,480 naissances étrangères, on a compté 3,127 naissances illégili-
mes, soitune proportion générale de 11.8 pour 100. Parmi les naissances françai-
ses, la proportion n'a été que de 8.2. Cette moyenne de 11. 8 naissances illégitimes
se décompose comme il suit, d'après la nationalité :
Allemands.
. 2-2
Suisses . .
16
Belges . .
. 12
Italiens . .
. 10.1
Anglais . .
. 10.1
Espagnols .
6.8
naissances illégitimes sur 100.
Comme il a été dit plus haut, 19,120 décès d'étrangers ont été relevés en France
pendant l'année 1889. Ce cliifïre, qui accuse une augmentation de 1,851 unités sur
le nombre des décès d'étrangers qui s'étaient produits en 1888, paraît devoir être
attribué à la grande affluence d'étrangers de toute nationalité pendant la durée de
l'Exposition universelle.
Voici quelle a été la mortalité proportionnelle de chacune des nationalités étran-
gères en 1888 et en 1889, sous la réserve que l'effectif des étrangers devait être
plus considérable en 1889 qu'en 1888:
1888 1889
Allemands
Italiens
Espagnols
Belges
Anglais
Suisses
Nationalités diverses
Toutes nationalités réunies. . .
Français
L'accroissement naturel de la population étrangère par suite de l'augmentation
des naissances et de la diminution des décès s'est élevé en 1889 à 7,360 individus,
soit 136 naissances pour 100 décès, au lieu de 11,134 excédents de naissances sur
les décès (162 naissances sur 100 décès) constatés en 1888. Si cet excédent s'est
trouvé diminué de près d'un tiers, il est demeuré supérieur de beaucoup à celui
qui ressort des mouvements de la population française; il a été de 8.6 pour 1,000
habitants, au heu de 2.5, accroissement naturel de l'ensemble de la population.
UÂCÈS
par 1,000 bab.
par 1,000 liab
23
20.8
19
20.0
18
18.5
14
13.7
14
n.7
13
16.0
13.5
13.4
16
17.4
22
20.5
{Extrait du Rapport officiel.)
— 347 —
IV.
LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE, EN 1889.
Le (ableaii général du commerce de la France pour 1889 vient de paraître, et
noire premier devoir est de remercier l'administration des douanes de la rapidité
avec laquelle elle a livré au public ce document important, qu'on attendait avec
impatience, ne fût-ce que pour savoir quelle influence l'Exposition universelle, dont
le succès a été si éclatant, pouvait avoir eue sur nos transactions avec l'étranger.
C'est pour nous en rendre compte qu'il nous a paru utile de comparer l'année
1889 à celle qui l'a précédée, et, pour aller plus vite, nous ne nous occuperons que
du commerce spécial.
Si nous considérons d'abord le mouvement commercial exprimée la fois en poids
et en valeurs, nous trouvons les résultats suivants:
Mouvement du commerce spécial en poids et en valeurs.
MARCHANDISES IMPORTATION. EXPORTATION.
■muux précieux - ^J^J^— " ^^^ ' ^^^^^ ^ -7^^;^
reunift,
Poids en tonnes . . . 20,999,69-2 21,529,576 6,469,768 5,395,359
Valeurs en francs . . 4,765,122,427 4,372,771,118 3,936,046,246 3,548,119,275
On voit qu'en 1889, l'importation a été en poids plus faible qu'en 1888, mais elle
lui est supérieure en valeurs.
Quant à l'exportation, la balance en faveur de 1889 est de 1,074,409 tonnes et
387,927,031 fr.
En n'ayant égard qu'aux valeurs, l'importation et l'exportation se sont comportées
comme il suit, d'après la nature des marchandises:
Mouvement du commerce, par nature de produits,
IMPORTATION. EXPORTATION.
1889. 1888. 1888. 1888.
Fr. Fr. Fr. Fr.
Objets d'alimentation 1,441,161,639 1,507,035,909 837,524,004 726,722,630
Matières nécessaires à l'indusdrie . 2,262,454,205 2,021,161,134 940,565,225 813,442,949
Objets fabriqués 613,151,660 578,807,772 1,925,867,275 1,706,583,741
Métaux précieux 448,354,923 265,763,303 232,089,712 301,369,895
4,765,122,427 4,372,771,118 3,936,046,246 3,518,119,215
Plus-value de 1889
IMPORTATION. EXPORTATION.
Objets daiimentalion — 65,874,270 +110,801,374
Matières nécessaires à l'industrie. +241,290,071 +127,122,276
Objets fabriqués + 34,343,888 +219,283,534
Métaux précieux +182,591,620 — 69,280,153
+ 392,351,309 + 387,927,031
— 348 —
Ce qu'il importe de remarquer, c'est l'augmentation considérable qui s'est pro-
duite dans l'importation des matières nécessaires à l'industrie et des métaux pré-
cieux, et enfin celle qui a marqué l'exportation des produits fabriqués.
Cette dernière |)lus-value, qui marque l'essor nouveau pris par notre industrie
nationale, mérite d'être étudiée en détail.
Exportation de produits fabriqués, par nature de produits.
UIFPKItBHCa
1889. 1888. CD plus. CD moini.
Fr. Fr.
Produits chimiques 49,521,138 .iS, 02-1,560 3,899,578
Teinture préparée 23,415,069 22,074,738 1,370,331
Couleurs 8,171,585 8,515,185 » 343,000
Compositions diverses 44,892,006 42,079,186 2,813,480
Poterie, verres et cristaux 43,692,470 39,173,733 4,518,737
Fils 72,645,001 52,784,408 19,860,593
Tissus 756,103,187 665,079,924 91,023,203
Papier et ses applications 43,313,308 43,258,233 55,075
Peaux et pelleteries diverses 247,260,078 231,616,134 15,649,944
Bijouterie, horlogerie, or et métaux . . . 218,188,623 189,470,789 28,717,834
Armes, poadres, munitions 8,431,220 11,639,384 » 3,208,164
Meubles, ouvr. en bois, bois de marqueterie. 43,292,960 36,867,437 0,425,523
Ouviages en sparlerie, vannerie, corderie. 21,625,997 17,927,292 3,698,705
Ouvrages de natures diverses 345,274,973 300,472,738 44,802.235
1,925,867,275 1,700,583,741 222,835,298 3,551,704
219,283,534
Ainsi, à l'exception des armes, poudre et munitions dont la diminution a été de
3 millions, et les couleurs dont la diminution est insignifiante, tous les articles ont
profité de la hausse générale de 1889. Nous citerons notamment les fils et tissus,
la bijouterie, les meubles et les ouvrages en matières diverses.
Examinons enfin quels sont les pays où nous avons envoyé en 1889 pour plus
de 80 millions d'objets fabriqués.
Exportation de produits fabriqués sans pays de destination.
1888. 1888.
Fr. Fr.
Angleterre 507,698,240 444,941,431
Allemagne 145.930,313 130,587,4'.)3
Belgique 231,151,359 195,701,098
Espagne 101,132,374 86,516,728
Élats-Uuis 218,024,519 193,750,005
Algérie 120,082,284 120,156,470
République Argentine. . 87,162,118 134,416,126
Autres pays 514,686,066 400,514,390
1,925,867,275 1,706,583,741
Ces chiffres montrent que notre exportation en produits fabriqués a augmenté
partout, sauf pour l'Algérie, où cette exportation est restée slalionnaire, et la
République Argentine, où elle a été notablement plus faible qu'en 1888.
— 349 —
Il n'est pas jusqu'à l'Italie où le progrès de nos exporlations en produits fabriqués
re se soit fait sentir: de 44,893,303 en 1888, cette exportation spéciale s'est élevée,
en 1889, à 45,565,460 fr. T. LOUA.
I
V.
PARIS EN 1888, D'APRÈS LE BULLETIN MUNICIPAL (1).
Dans le numéro de décembre 1888, notre Journal a publié, sous noire signature,
un article développé sur la situation économique de Paris, pendant l'année 1887.
Nous avons sous les yeux une série de documents analogues relatifs à l'année
1888. Quels sont les progrès accomplis dans ce court intervalle? C'est ce que nous
allons rapidement examiner.
Nous ne dirons rien de la population, dont nous ne connaîtrons l'accroissement
que vers la fin de l'année prochaine, et en ce qui concerne les propriétés bâties, il
nous suffira de constater que de 82,502, leur nombre s'est élevé un an plus tard à
82,712, et s'est accru par conséquent de 210.
Si nous passons aux voies desservies par les compagnies de transports publics,
la comparaison de deux années fournit les résultats ci-après:
I.OKOUEURB (1888) BAPPBL
intra-muros, extra-miiros. totales. 1887.
Omnibus 221,498 3,023 22i,,521 224,521
Tramways exploités par la C" G" des Omnibus . 71,939 13,813 85,752 86,526
Voies ferrées (Louvre, St-Cioud, Sèvres, Vin-
cennes) 21,006 8,732 29,738 29,738
„. . , , .. (Réseau Nord. . . 31,907 32,338 64,245 64,245
Chemms de fer pansiens.jj^.^^^^g,jj 45,332 25,723 71,055 71,055
|Rive droite. . . . 17,000 » 17,000 17,000
Chemins de fer de ceinture. ) Rive gauche . . . 13,000 » 13,000 13,000
(Auteuil 9,000 » 9,000 9,000
Tramways du Louvre à Versailles 7,400 11,785 19,185 19,185
Totaux de 1888. . . . 438,082 95,414 533,496 534,270
Rappel de 1887. . . . 440,206 94,064 .534,270 l
Il résulte de ce tableau que les longueurs extra-muros ont augmenté de 1,350
mètres, mais par contre il y a eu une diminution de 2,124 mètres dans le parcours
parisien. Ces modifications en sens inverse n'ont affecté que les lignes d'omnibus,
rien n'ayant été changé dans le parcours des autres compagnies.
Faisons remarquer à ce propos que, dans les chiffres relatifs aux tramways et
voies ferrées, les longueurs indiquées s'appliquent aux lignes exploitées et que,
lorsque les deux lignes se confondent sur une certaine partie de leur longueur,
cette longueur est comptée une fois sur chaque ligne, c'est-à-dire deux fois; exemple:
(1) Bulletin des travaux publics, décembre 1889.
— ^50 —
les tramways tle la gare de l'Est à Montrouge et de la Chapelle au square Monge,
qui ont le parcours commun de la gare de l'Fst à la rue des Kcoles.
Les longueurs fréquentées par les divers services de bateaux à vapeur sur la
Seine et la Marne sont les suivants, en tenant compte également des parcours com-
muns :
Traversée de Paris (Austerlitz-Auteuil) T'SOO
Traversée et banlieue, amont (A.uteuil-Cliarenlon). 13 300
Banlieue, aval (Tuileries-Suresnes) li 500
SO'COO
Tandis que la longueur réelle du trajet entre Gliarenton et Suresnes n'est que de
2-2,800.
Quant au nombre de voyageurs transportés par les diverses compagnies, il s'éta-
blit comme il suit :
Nombre de voyages par an (l).
1S88. 1887. Ài/OUKKTATioii.
Compagnie générale des Omnibus . Iîl2,2n,:257 1«8,<.I60,731 3,250,526
Tramways 50,0U,1'J1 48,60«,234 1,345,957
Chemin de fer de ceinture, Auteuil. 31,1(03,508 * 30,433,703 1,409,805
Bateaux à vapeur 15,064,000 10,359,155 1,295,155
289,198,956(2) 284,421,823 4,777,133
Ainsi, malgré la diminution assez considérable du nombre des voyageurs en ba-
teaux, il a été transporté, en 1888, 4,777, 1:13 voyageurs de plus qu'en 1887.
L'augmentation projiortionnelie la plus forte a porté sur le chemin de fer de
ceinture (46 p. 100) et sur les tramways (27 p. 100). La plus faible sur les lignes
desservies par la Compagnie générale des omnibus (12 p. 100).
Voici quelle a été la quantité d'eau débitée à Paris dans le cours des deux années.
Ce tableau, dressé à cet effet, indique dans quelle proportion les différentes sources
ou cours d'eau qui alimentent la capitale ont contribué à cette production.
Quantités débitées en tnèlres cubes.
1888. 1887.
Sources 48,053,675 42,031,594
Puits artésiens 2,464,141 2,486,396
Seine et Marne 53,005,999 56,389,091
Ourcq 47,439,054 43,458,334
150,962,869 144,365,415
Augmentation 6,597,454
(1) Sans compter les \oyageurs transportés par les voitures diles à volonté (fiacies, remises, voitures
de courses, omnibus de chemins de fer, etc., etc.).
(2) Voici, à titre de rapprochement, les résultats de l'année 1889 :
Compagnie générale des Omnihus. 214,296,910 i
Tramways 65,417,124 j. ^^.j./ 00,941,028 de plus qu'en 1888.
Chemins de fer de ceinture, Auleuil. ■i7,i40,'H61 '' ' ' ' 'i Gi,71S, ICI de plus qu'en 1887.
Bateaux à vapeur 32,885,104)
I
— 3r)i —
L'augmentation a porté presque exclusivement sur les eaux fie sources, celle des
puits ou rivières étant restée, dans l'ensemble, à peu piès slationnaire.
La compagnie des eaux, qui desservait, en 1887, 67,788 abonnés, en desservit, en
1888, 69,212.
En 1888, l'électricité n'avait pas acquis à Paris l'extension que nous lui avons vu
prendre en 1889 et l'année suivante. C'est donc au gaz qu'on a eu presque exclusi-
vement recours. Le tableau suivant indii|i)e quelle a été la consommation de ce
combustible dans les deux années que nous comparons.
Gaz, distribué à Paris (mètres cubes).
1888. 1889. AUOUEKTATIOM.
Voies publiques 26,413,320 25,536,132 877,188
Établissements municipaux 18,280,396 18,011,896 274,500
Administrations, établissements publics. . 4,208,301 3,850,602 357,699
Particuliers 213,048,700 208,467,156 4,581,544
261,956,717 255,865,786 6,090,931
L'augmentation a été générale pour tous les services ; plus grande toutefois pour
la voie publique que pour les simples particuliers. L'augmentation la plus faible a
porté sur les établis.^ements municipaux.
Nous nous bornerons cette fois à ces simples constatations, nous proposant de
traiter la question avec plus d'ampleur lorsque nous aurons à notre disposition les
documents de 1889, c'est-à-dire de l'année de la grande Exposition.
T. L.
»
VARIETE
La marine marchande japonaise.
La marine marchande du Japon est représentée par 16,427 navires de forme
japonaise, 814 navires de forme européenne, 490,275 bateaux pêcheurs et 151,555
bateaux servant à la culture des rizières et à d'autres usages agricoles.
Les 412 vapeurs de forme européenne ont un tonnage de 49,845 tonneaux et
une force totale de 15,187 chevaux-vapeur. En 1880, le Japon ne possédait que
210 de ces navires, de la force de 11,801 chevaux.
Les côtes sont éclairées par 150 phares, dont 54 sont entretenus par l'État et 90
par des particuliers.
— 352
OUVRAGES PRÉSEMÉS (OCTOBRE 1890)
Ouvrages signés : Le Vin, par M. de Foville. Paris, Victor Rozier, 1890.
Une loi sur len habitations ouvrières, par M. Anlony Uoulliet. Paris, 1890.
Notices choisies de Ch. Fourier. Paris, Guillaumin, 1890.
Docu.MENTS OFFICIELS. Statistique de la navigation intérieure (1889), publiée parle minis-
tère des Travaux publics.
Mouvement de la population (1885) et Commerce extérieur (1889) de la Bulgarie.
Commerce extérieur de la Grèce, 1889.
Mouvement de la population (1888) de i'Autriclie.
Commerce et Navigation (1889) de la République Argentine.
Commerce et Navigation (1889) du port de Hambourg.
Statistique de la Finlande. Mouvement de la population, 1888. — Écoles, 1888. —
Statistique sanitaire, 1886.
Statistique des Œuvres pics d'Italie. VI1° volume.
Statistique générale de la Norvège (1888). — (Mouvement de la population. Assis-
lance publi(|tie. Recrutement. Postes et télégrapbes. Caisses d'épargne. Finances
des communes. Instruction publique.)
Annoairks statistiques de la ville de Paris (1888), de Buenos-Ayres (1888), de l'Alle-
magne (1890), des Pays-Bas (1888), de Russie (1890), de Victoria (1888-1889).
Journaux de statistique de Prusse, de Bavière, d'Italie (Annali di Statistica), d'Autriclie
{Statistiche Monatsschrift), de la Société royale de Londres (2" trimestre 1890).
— Bulletin de l'inslilul statistique des Pays-Bas.
Revues et journaux. France. Revue des travaux scientifiques. — Bulletin de la Société
des agriculteurs. — La Réforme sociale. — Le Travail national. — Le Ri^ntier.
— La Petite Gazette internationale. — Le Mercure scientifique. — L'Avenir
économique et financier. — Bulletin de la Société des Agriculteurs. — Bulletin
du Syndicat des Viticulteurs. — Bulletin de la Société de géographie. — Bulle-
tin de la Société d'économie politique.
République Argentine. — Bulletin de l'Institut géographique. — Bulletin municipal
de Santa-Fé de Rorarco.
Autriche. — National-Œkonom.
Belgique — Le Moniteur des intérêts matériels.
Espagne. — Bulletin de la Société de géographie de Madrid. — Popolacioe Territorio.
Italie. — Bulletin du Ministère des finances (Douanes). — L'Economista de Florence.
Suisse. — Bulletin de la Société neuchâteloise de géographie.
Nota. — La Bibliothèque de la Société de statistique de Paris est ouverte tous les jours
non fériés, de midi à 4 heures. (Ministère du Commerce, 80, rue de Varennes.)
Le Gérant, 0. Beuger-Levrault.
.1 0 U II N A L
DE LA
SOCIÉTÉ DÉ STATISTIQUE 1)12 PARIS
NO 12. — DECEMBRE 1890.
I
PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DU 19 NOVEMBRE 1890.
SoMMJiiiK. — Avis relatif aux élections pour le renouvellement du bureau. — Les conditions du travail et
la grève de IS89 dans las houillères prussiennes, par M. Kcllcr. — Les caisses d'épargne, par
M. Vannacque. — l/Intluenza, par M. Victor Turquan. — Les Annales des assemblées dépaiionen-
tales, par M de Crisenoy. — Les Rivières du Sud du Sénégal, par M. Cerisier. — La richesse com-
parative des départements français, par M. Ad. Coste. — Le tabac et la dèpopulalion de la France,
par M. Decroix.
Ln séance est ouverte à 9 heures, sous la présidence de M. Octave Keller.
Le procès- verbal de la séance du 15 octobre est adopté sans observations.
M. le Président rappelle qu'il y aura lieu de procéder, dans la séance du mer-
credi 17 décembre, à l'élection des membres appelés à compléter le Bureau et le
Conseil pour l'année 1891.
Conformément à l'article G du règlement, le Conseil a proposé au choix de la So-
ciété les membres ci-après désignés:
Président : M. Jules de Crisenoy, ancien directeur de l'administration dé-
partementale et communale au ministère de l'intérieur, en remplacement de
M. Octave Keller, président sortant en vertu de l'article 7 des statuts.
Vice-Président: M. Alfred Ney.marck, publiciste, en remplacement de
M. de Crisenoy, proposé pour la présidence.
Membres du Conseil : M. A. Donnât, ancien conseiller municipal, en rem-
placement de M. Neymarck; M. Edouard Flecuey, chef de bureau de la sta-
tistique agricole, en remplacement de M. Gimel, décédé.
Secrétaire général : ^[. Toassïmi Lovx, chef de division hoiiur.iire do la
Statistique générale de France, rééligible pour trois ans.
Trésorier: M. Jules Robyns, trésorier sortant, rééligible pour trois ans.
1" SÉBIX. 31* VOL. — K° 12. q«
— 354 —
En communiquant celle liste, M. le Présitlenl fail observer qu'en venu de l'ar-
lide 6 du règlement, toute candidature proposée par cinq membres au moins est
de droit ajoutée à la liste du Conseil, pourvu qu'elle soit conforme aux articles 5
et 8 des s^tatuls, et liansmise au secrélaire général dans le délai de huit joui's.
Il est procédé à l'élection de membres nouveaux :
Sur la proposition de MM. de Foville, Cheysson et Vannacquc: .M. A. de Vesse-
LOVSKY, conseiller d'État actuel, directeur du journal du ministère des fiiuiiioes à
Saint-Pétersbourg, est nommé membre associé à titre étranger.
Sur la présentation de MM. I.evasseur et Turquan, M. Frédéric Noguès, prolés-
seur à l'école Monge, esl élu membre titulaire.
M. le Secrélaire général fait une rapide énumération des ouvrages et documents
oflerts à la Suciété et parmi lesquels se trouvent deux exemplaires du rapport de
notre collègue, M. K. Boulin, directeur général des contributions directes, sur l'éva-
luation des propriétés bâties; la statistique de la justice civile du royaume d'Italie ;
le recensement de la population de la Grèce; le Bulletin des finances des grandes
villes et la statistique municipale de Budapest, [lar notre collègue M. J. Kôrôsi, eic.
Il rappelle en quelques mots le dépôt fait à la dernièi'e séance de ÏAnniiaire sla-
tislique de la ville de Paris; sans entrer dans les détails, il se plaît à reconnaître
que cet ouvrage est rempli d'informations et de documents qu'aucun Parisien ne
doit ignorer (1).
M. de SwAHTE, trésorier-payeur général de Seine-et-.\iarne, dont on se rappelle
la conférence faite devant la Société sur l'histoire de la comptabilité publique, lui
fait hommage d'une nouvelle brochure pleine d'érudition sur : Les Financiers
amateurs d'art (2).
M. A. Courtois, secrélaire perpétuel de la Société d'économie politique, adressée
la Société son ouvrage sur les banques populaires (associations coopératives de cré-
dit). Les banques populaires sont encore peu répandues en France ; on ne les connaît
pas ou on les comiaît mal. Le nouvel ouvrage de M. Courtois vient donc bien à
(1) Voir la liste complète des ouvrages à la fia du présent numéro.
(2) Voici la lettre d'envoi de l'honorable M. de Swarte :
Monsieur le Président, dans les rpclierches que j'ai été amené à faire pour mon Histoire Uu Trésor
public en France, j'ai recueilli divers documents sur le rôle des financiers des trois derniers siècles
comme protecteurs des arts et aussi des artistes , distinciion subtile en apparence, mais que nous suggère
un grand auteur dramatique dans Le (Rendre de M. Poirier.
J'estime que la Société dont j'ai l'honneur de faire partie ne m'en voudra pas trop de lui dédier une
élude qui, pour ne pas rentrer directement dans le cadre ordinaire de ses travaux, y confine pourtant; ne
peut-on pas dire, en eflet, que les statisticiens sont les plus précis de tous les financiers, et, d'autre part,
qu'ils font des tableaux où le pittoresque et l'harmonie rendraient jaloux bien des peintres. Enfin, en
pressant bien ce travail qui est déjà fort condensé, on en pourrait extraire des prix payés pour des
œuvres d'art à différentes époques, il serait aussi possible d'aligner quelques éléments de statistique
dans le nombre des œuvres d'art, qui furent exécutées alors à la demande et souvent ii l'inspiration des
financiers.
Je m'aperçois que je m'excuse. J'oublie que vous êtes indulgent, vous me l'avez déjà prouvé, il y a
quelques années, en faisant bon accueil à ma conférence sur la comptabilité publique.
Veuillez, Monsieur le Président, agréer l'assurance de mes sentiments les plus respectueux et dis-
tingués.
Victor DE SWARTE.
— 355 —
propos au moment où les questions ouvrières sont plus que jamais à l'ordre du
jour.
M. Octave Keller fait une courte analyse d'un travail dont il fait également
hommage à la Société et qu'il a pulilié dans les Annales des mines, intitulé: Les
Conditions du travail et la grève de i889 dans les hoiiillères prussiennes.
La grève qui s'est déclarée en 1889 dans les houillères prussiennes et principa-
lement en Weslphalie, et à laquelle 150,000 mineurs ont pris part, lui a paru de
nature à appeler l'altenlion générale. Elle a, en effet, motivé les rescrils de l'em-
pereur Guillaume 111, où les (luestions sociales les plus difficiles à résoudre ont été
vainement agitées, mais qui ont abouti à la conférence de Berhii, événement d'une
haute portée dont l'avenir seul fera connaître les conséquences. Cette grève a été
avantageuse pour les mineurs, car elle leur a amené une augmentation générale des
salaires. Mais elle a eu pour contre-coup un renchérissement de la houille, ren-
chérissement qui s'est propagé au loin, au grand détriment des consommateurs.
Des tableaux statistiques établis au moyen de chiffres officiels viennent à l'appui des
conclusions de l'auteur.
C'est dans cette grève qu'eut lieu la première manifestation en faveur de la
hmitation du travail à 8 heures par jour, qu'on a inconsidérément étendue à toutes
les industries. Les revendications des mineurs ont abouti à certaines améliorations
dans les installations des puits, et à une faible réduction de la durée du travail ;
mais aujourd'hui encore la journée de 10 heures est usuelle, bien que peu de
travaux soient aussi pénibles que celui des mineurs. En outre, on a continué,
comme auparavant, à faire des heures supplémentaires, aussi la production du
charbon ne s'est pas ralentie en Prusse. On a extrait 75,642,000 tonnes en 1889,
contre 72,68:3,000 en 1888, bien que la grève ouverte le 3 mai ne se soit terminée
complètement qu'au commencement de juin.
M. A. Vannacque dépose, au nom du ministre du commerce, de l'industrie et des
colonies, ï Annuaire statistique de la France pour l'année 1890. Cet ouvrage est
trop connu pour exiger de longs commentaires, il se bornera donc à le présenter,
en laissant à M. Loua, qui est chargé depuis 1878 de la rédaction et de la publica-
tion de l'Annuaire, le soin d'indiquer les modifications et additions qui y ont été
introduites.
M. T. Loua remercie M. Vannacque des paroles bienveillantes qu'il a bien voulu
lui adresser, et demande à renvoyer à la prochaine séance les explications qu'il se
propose de fournir à ce sujet.
M. A. Vannacque, reprenant la parole, demande à dire quelques mots sur l'arti-
cle qu'il a fait pour le Dictionnaire des finances de M. Léon Say, en collaboration
avec M. Breton, sur la question des caisses d'épargne.
Dans cet article les deux auteurs ont consigné les enseignements qu'ils ont tirés
d'une longue expérience administrative acquise au bureau du commerce, dans les
attributions duquel ces établissements se trouvent placés. Le cadre adopté comprend
les quatre divisions principales suivantes: caisses d'épargne privées, caisse nationale
d'épargne, caisses d'épargne scolaires et caisses d'épargne étrangères.
Chiicuu de ces articles a été traité avec des développements aussi étendus que
possible ; le chapitre des caisses d'épargne étrangères notamment contient des
informations sur la législation el sur les résultats statistiques qui ont été puisées
aux sources les plus autorisées soit en France, soit à l'étranger. Ue nombreux et
— 300 —
intci-essaiits empiunls ont été faits, entre autres, au Bulletin de slalistlque cl de lé-
fjislalion comparée du ministère des finances.
L'article peut donc être consulté utilement par les administrateurs, par les éco-
nomistes et par les membres du Parlement. Chacun y trouvera, dans l'ordre d'idées
qui lui est propre, des indications précises sur l'organisation et le fonctionnement
des caisses d'épargne.
A ce sujet, M. Vannacque croit devoir appeler, d'une manière toute particulière,
l'attention des membres de la Société sur l'exposé qu'il a fait des règles relatives à
l'emploi des fonds des caisses d'épargne et des conséquences financières qui peu-
vent résulter pour le Trésor de la geslion de ces fonds.
M. Vannac(|ue s'est attaché à faire prévaloir cette idée que l'Étal, représenté par
la Caisse des dépôts et consignations, ne se trouve pas, comme on le croit généra-
lement, dans les conditions d'un dépositaire ordinaire, mais qu'il agit en qualilé de
negoliorum (jeslor des caisses d'épargne. 11 résulte, en efl"et, de la législation orga-
nique des caisses d'épargne, aussi bien que des pratiques administratives conslam-
menl appliquées par le ministre du commerce que l'État est simplement substitué
aux caisses d'épargne pour accomplir en leur lieu et place les opérations qu'elles
sont slalulairemenl chargées de faire pour le compte de leurs déposants.
La conséquence de cette doctrine c'est que le portefeuille représentatif des
sommes versées par les caisses d'épargne est tout au moins la garantie entière
sinon la propriété absolue des caisses d'épargne et que l'État doit à ces établisse-
ments, à lilre d'intérêt, le montant des arrérages du portefeuille.
M. Victor TuRQUAN rappelle qu'à l'occasion de la discussion qui s'est élevée dans
la séance d'octobre sur le rapport relatif au mouvement de la population de la
France en 1889, il a été amené à dire quelques mois sur l'épidémie d'in/luenza
(|ui a sévi pendant les derniers mois de cette année pour ne prendie fin qu'eu 1800.
Se bornant à la ville de Paris, pour laquelle des documents out été fournis semaine
par semaine par le bulletin municipal, M. Turquan a étudié l'évolution complète de
la maladie, et cette étude a fait l'objet d'un article publié dans la Revue scicuHlique
du 9 août, dont il dépose un exemplaire sur le bureau.
Nous reproduirons cet article dans le Journal de la Société.
M.Jules de Crisenoy présente à la Société le 4° volume de sa publication des
Annales des assemblées départementales, contenant les comptes rendus des travaux
de l'année 1889. Il rappelle que le but de cette publication est de remédier à l'état
d'isolement dans lequel se trouvent les conseils généraux, et à l'ignorance où sont
ces assemblées de ce qui se fait à côté d'elles; des progrès réalisés parfois depuis
longtemps; des résultats acquis depuis des années, incontestés, demeurent in-
connus dans les trois quarts de la France.
L'orateur en cite quelques exemples: Les conseils généraux dépensent chaque
année des sommes considérables pour le service des enfants assistés. Un certain
nombre de ces enfants sont atteints de scrofule, et l'on sait combien le séjour au
bord de la mer est efficace pour guérir celte terrible maladie. Les résultats sont
merveilleux: en quelques mois, on voit les membres contournés se redresser, le
teint repiendre la coloration de la santé, c'est une véritable résurrection. Ce Irai-
lement s'est beaucoup répandu depuis quelques années. Les hôpitaux pour les
enfants se tonl nmllipliés sur les bords de la mer, et nombre de conseils généraux
les y envoient; c'est une bonne œuvre en même temps qu'une bonne an'aire
I
— 357 —
pour leurs finances, puisque quelques mois de Iraitement rendent à la sanlé des
enfants qui resteraient à leur cliarg-e dans les liôpiiaux déposilaires jusqu'à l'âge
de 21 ans et même plus. On trouve cependant encore dans les délibérations de
1889 des rapports concluant au rejet de la mesure par ce motif que l'état des
finances des départements ne permettrait pas de faire les dépenses, et les conseillers
généraux de ces déparlements ignorent tellement ce qui se passe à ce sujet qu'il
ne s'en est pas trouvé un seul pour faire observer que, loin d'èlre une dépense nou-
velle, ce traitement procurerait une économie, et les conclusions de !) commission
ont été votées à l'unanimité.
Le volume de 1880 conlienl un certain nombre de faits de ce genre.
Les renseignements qui s'y trouvent réunis ne sont pas moins utiles aux fonc-
tionnaires de l'administration qu'aux conseils généraux eux-mêmes, car ni les préfets
ni les bureaux du ministère de l'intérieur n'ont le temps de dépouiller chaque année
les 180 volumes des délibérations des conseils généraux pour y chercher celles qui
peuvent offrir un intérêt général.
Les Annales des assemblées déparlemenlalcs se rattachent d'une manière géné-
rale aux travaux auxquels se consacre la Société de statistique.
Le livre contient en outre un certain nombre de documents statistiques dans les-
quels les faits se présentent sous la forme de nombres. M. de Crisenoy cite comme
exemples le tableau donnant, pour chaque département, la proportion des dépenses
d'assistance aux dépenses totales, et le chiffre de la dépense par habitant; le tableau
présentant la part que supportent dans les dépenses des aliénés les départements,
les communes et les familles. 11 ressort de ce tableau que certains départements
négligent d'exiger des familles le concours qu'elles peuvent et qu'elles doivent
donner, et se privent ainsi d'utiles et légitimes ressources. Il cite enfin un tableau
donnant les détails de certaines dépenses qui absorbent d'importantes ressources,
quelquefois sans utilité. Les dépenses exagérées que font certains conseils généraux
pour leurs commissions départementales sont dans ce cas. Les sacrifices toujours
croissants que d'autres sont obligés de faire pour assurer le service de leurs caisses
de retraites ne laissent pas que d'èlre menaçants pour l'avenir. Ici on a pris des
mesures pour arrêter le flot montant, là on ne paraît pas voir le danger, et il était
utile de donner l'alarme.
Cette publication, on le voit, répond à un besoin incontestable; elle est à sa
troisième année, malheureusement son avenir n'est pas encore assuré, et il n'est
pas encore certain que le travail concernant la présente anîiée puisse être publié.
M. le Président remercie M. ^de Crisenoy de son [intéressante communication,
dont il reconnaît comme lui la grande utilité.
M. VON Maïr, ancien sous-secrétaire d'Ktat de l'Empire allemand, adresse à la
Société le premier volume d'une publication qu'il vient de fonder, exclusivement
consacrée à la statistique :
Ce volume comprend :
1° Des généralités relatives à la science de la statistique;
2° Un aperçu des progrès de la statistique officielle dans le monde civilisé ;
3° Des travaux spéciaux fournissant des résultats statistiques bien étudiés et com-
parables entre eux;
4" Une bibliographie statistique aussi complète que possible.
La haute compétence de l'auleur, qui a dirigé pendant longtemps le, bureau royal
— 358 —
de statistique de Bavière, le désignait naturellement pour cette entreprise dont le
succès semblent assuré.
M. le Président donne la parole à M. Cerisier, directeur de l'intérieur au Gabon-
Congo.
Avant de partir pour sa destination, M. Cerisier désirerait adresser ses adieux à
la Société de statistique, dont il est un des membres les plus anciens.
L'honorable membre saisit celte occasion pour présenter une étude approfondie
sur les Rivières du Sud du Sénégal, colonie qu'il a dirigée pendant près d'une an-
née, et dont il a pu étudier les besoins sur place.
L'assemblée vole l'impression de cette intéressante communicalion.
L'ordre du jour appelle la communication de M. Ad. Goste sur la richesse com-
parative des départements de la France.
Celte étude e.«t établie sur un plan tout nouveau, à l'aide des documents fournis
par la grande enquête de M. Boulin, directeur général des contributions directes,
l'enquête agricole de 1882 et le recensement de la population par professions. La
lecture en est écoulée avec la plus vive allenlion et se termine au milieu des ap-
plaudissements unanimes de l'assemblée.
M. Flechey fait remarquer qu'il serait utile de reconnaître exaclement à quelle
catégorie de population s'appliquent les conclusions tirées par M. Coste du rappro-
chement de la valeur locative et de la population qu'il appelle non agricole. S'agit-
il de la population industrielle?
M. Coste répond négativement en disant que celte dernière est difficile à définir
exactement et qu'il appelle population non agricole toute celle qui n'est pas vouée
à l'agriculture (industrie, transports, commerce, professions libérales, elc).
M. Flechey remarque en outre que dans le rapprochement de la valeur locative
et du rendement du blé à l'hectare, M. Coste fait ressortir avec juste raison le pa-
rallélisme de la marche de ces deux quantités, qui, dans le classement qu'il a
choisi, vont toutes deux s'accroissanl du 1" au IX' groupe. Mais il y a cependant
une exception pour le VI1I° où le rendement en blé est très sensiblement inférieur
à celui du Vil'.
M. Coste répond que l'anomalie n'est pas dans le VI!1% mais bien dans le VII'
groupe qui est en effet supérieur au VIII"; le motif en est que le VIII' groupe com-
prend le Nord dont le rendement en blé à l'heclare, absolument maximum, aflecle
d'une manière anormale la moyenne du rendemeni dudil groupe. Ici l'exception
confirme la règle.
M. Flechey remercie M. Coste de ses explications.
M. Octave Keller loue M. Coste d'avoir donné un excellent exemple en utilisant
les dernières statistiques officielles, les plus considérables, pour établir son curieux
et important travail. Il saisit cette occasion pour donner une indication aux statis-
ticiens qui désireraient étudier spécialement la puissance industrielle des divers
départements : ils trouveraient à cet égard de précieux indices dans la Statistùjue
de l'industrie miiiérale et des appareils à vapeur, savoir: la consommation de la
houille, le nombre et la puissance des machines à vapeur par département.
La parole est alors accordée à M. Decroix pour la communicalion qu'il avail an-
noncée sous ce litre : « Le tabac et la dépopulation de la France. »
Après avoir exposé l'avis de plusieurs médecins sur les dangers qui résultent de
l'abus du tabac, l'honorable membre s'efforce de démontrer que le tabac a une in-
— 359 —
fluenre directe sur la dépopulation. C'est en vain qu'on voudrait opposer à son af-
firniiiiion l'exemple de l'Allemagne où l'usage du tabac est plus répandu encore
qu'en France, et où cependant la natalité est plus considérable. L'orateur estime
que la contradiction n'est ici qu'apparente, car si l'on fume beaucoup en Allemagne,
le tabac employé contient infiniment moins de nicotine que le tabac français.
Il termine en présentant un tableau d'où il semblerait résulter que ce sont les
départements où l'on use le moins de tabac qui donnent lieu à la plus forte nata-
lité. Il est vrai que le Nord fait exception, mais cela tient peut-être à la forte immi-
gration qui caractérise, ce déparlement.
M. le Président fixe ainsi qu'il suit l'ordre du jour de la prochaine séance :
1° Elections pour le renouvellemmit du Bureau;
2° Conférence de M. E. Boulin sur la propriété bâtie;
3° L'imperfection croissante des recensements de la population en France, par
M. le D' Jacques Bertillon.
La séance est levée à 11 heures un quart.
n.
LA DÉPOPULATION DE LA FRANCE.
Sous ce titre, nous trouvons dans le journal la Justice du mardi 12 août 1889,
un article qui nous paraît répondre aussi parfaitement qu'on le peut en pareille ma-
tière, aux idées quelque peu pessimistes qui ont cours sur ce qu'on appelle la
dépopulation de notre pays. Nous le reproduisons d'autant plus volontiers que nous
avons nous-mème soutenu une thèse semblable dans YEconomiste français (i) à
l'époque où fut poussé le fameux cri d'alarme de Léonce de Lavergne. T. L,
«Depuis la publication du rapport présenté à l'Académie de médecine par
M. Lagneau, tous les journaux sont remplis de lamentations sur la dépopulation
de la France.
« Dans « Mon Petit Journal », publié par le Temps le 8 août dernier, M. Jules
Simon termine ainsi un article navrant : i La France s'en va! Eh bien, non, la
France ne s'en va pas, et quant à moi, je ne vois pas la nécessité d'étaler les misères
de la France et particulièrement quand les faits démentent ces paroles désolées. »
(1) Cet article a été reproduit dans le Journal de la Société de Statistique (1876, page 263) et il
nous paraît opportun d'en signaler un passage :
Apriis avoir comparé la l'rance qui en 1872 comptait 7,592,853 adultes mâles de 20 à 50 ans pour
une population de 3G, 102,902 habitants, à la Prusse dont les chiffres respectifs étaient, à la môme époque,
de 4,829,337 et 24,G99,8i7, 11. Loua conclut en ces tenues : « La l'rance tient, comme on le voit, le
premier rang en ce qui concerne les adultes : sur 1,000 habitants elle peut disposer de 210 hommes
de 20 à 50 ans, tandis que la Prusse n'en possède que 195. Et comme les chiffres absolus sont plus
significatifs que les rapports, il y a lieu d'ajouter que la France compte actuellement 7,660,000 individus
en âge de porter les armes, lorsque la Prusse n'en a que 4,900,000. Enfin l'empire allemand tout entier
fournirait, dans ces conditions, un effectif de 8,000,000 d'hommes, chiffre très peu supérieur 'à celui de
notre pays. »
— 360 -
« El, en effet, M. Jules Simon, à la fin de sonarlicle, publie un tableau de l'excé-
dent des naissances sur les décès, dans tous les pays de l'Europe, dans la période de
18G1 à 1880. Eh bien! je disque le choix d'une pareille période comprenant pour
la France l'année calamitcuse 1870, où elle a perdu plus de 300,000 reproducteurs,
est fâcheux! M. Jules Simon iic devait-il pas au moins rappeler ces circonstances
fatales, et dire l'influence que ces perles immenses ont eues sur la natalité des an-
nées subséquentes! Mais non ! le pessimisme est à la mode, cette période (1861 à
1880) commence au lendemain de la guerre d'Iiabe où la France a perdu 100,000
hommes; puis elle comprend l'année 1870! Après une perte aussi considérable de
son capital humain, la France élait-elle en droit d'espérer des excédents importanis
de nalalilé avant l'expitali jn d'une assez longue période? Et sans entrer dans l'exa-
men des causes politiques économiques historiques, on s'écrie : la France se meurt,
la France est morte !
€ Mais non, la France ne s'en va pas, puisque vous constatez vous-même que
dans cette période fatale qui ne peut être prise pour base de calculs sérieux l'excé-
dent des naissances sur les décès a été encore de 2.3 p. 100.
« Du reste, ainsi que le dit fortbienM. Jules Simon, le sujet est inépuisable ; atten-
dons pour le traiter d'une manière complète que M. le docteur Lagneau ait trans-
formé le mémoire qu'il a présenté à l'Académie de médecine en un petit livre dans
lequel il doit exposer le fait, énumérer les causes et rechercher les remèdes.
« Aujourd'hui, je veux à mon tour offrir un chiffre qui pourra consoler beaucoup
de bons Français, et leur montrerque la France possède encore une grande vitalité.
A cet effet, j'ouvre VAunuaire stalislique de l'empire allemand {i),[>nh\ié en 1889,
et je vois à la page 2 qu'en 1885, la population entière de l'Allemagne était de
46,855,704 individus, et, à la page 6, que le nombre des mâles adultes (20 ans et
au-dessus) était de 12,435,706, ce qui représente 26.5 p. 100 de la population!
t Consultons maintenant la slatisti(|ue de la population française, publiée par le
ministre du commerce, et nous constaterons qu'à la même date, la population delà
France s'élevait à 38,218,803, ce qui conslitue pour la PVance une infériorité de
8,636,901. Poursuivons notre examen, et nous verrons que la population adulte
mâle de la France comprend 11,828,363 individus. Ainsi la France, avec une popu-
lation de 38,000,000 d'individus seulement, n'a que 607,341 adultes de moins que
l'Allemagne, bien que cette dernière compte, comme nous venons de le voir, environ
47 millions d'habitants, soit à peu près 9 millions de plus que la France.
« De ces chiffres, il résulte qu'en France la proportion des adultes (c'est-à-dire de
la force vive d'une nation) vis-à-vis de la population totale est de 30.98 p. 100, et
qu'en Allemagne celte même population n'est que de 26.50 p. 100! Différence en
faveur de la France 5.5 p. 100 !
« Laissons parler les chiffres et n'ajoutons rien qui puisse affaiblir leur éloquence.
« P. A. Le Roy. »
(1) Statistisehes Jahrbuch far das Deutsche Reich, cliez Pultkammer et Mulilbrecht, à Berlin.
i
— .-un —
III.
LA CLIENTÈLE DES CAISSES D'ÉPARGNE.
Au 31 décembre 1888, claie à liiquelle s'arrèle le dernier compte des Caisses
d'épargne ordinaires, le stock des dépôis fait à ces caisses s'élevait à près de 2 mil-
liards et demi de francs (2,495,367,793 \'\-. 15 c.) à répartir entre 5,361,908 dé-
posants. Ce chiffre imposant dont la plus grande part est due à l'ancienne clientèle
des caisses, tend, jus(|u'à présent, à s'augmenter sans cesse, grâce à l'accession
d'une clienlèle nouvelle, qui s'aggrandit cha([ue année. C'est sur cette clienlèle nou-
velle que nous voudrions appeler un instant l'allonlion :
Grâce à un lableau rétrospectif qu'on a bien voulu nous communi(|uer et qui
donne le relevé des comptes nouveaux depuis 1850 jusqu'à 1888, nous nous trou-
vons à même de faire, à ce sujet, quelques recherches qui nous paraissent de nature
à intéresser le public; nous avons voulu savoir, en effet, de quelle nature est la
clienlèle dont il s'agit, et comment elle se répartit entre les diverses classes de la
population.
Grosso modo, le document officiel semble répondre directement à la question
par une classificalion sommaire qu'on cherche actuellement à développer, mais qui
peut néanmoins se ramener aux gi'oupes ci-après : ouvriers, domestiques, employés,
militaires el marins, propriétaires, rentiers, titulaires de professions libérales,
« individus sans profession y), enfants mineurs ; mais la part contributive de ces
divers groupes ne peut être exprimée seulement par le nombre relatif des livrets
qui leur est afférent. Pour avoir une idée précise de cette répartilion, il est néces-
saire de déterminer la population de cha(]ue groupe particulier. C'est là ce que
nous avons tenté.
L'opération ne laissait pas d'offrir certaines diflîcidtés, consistant principalement
dans les règles prescrites par l'Administration pour ranger les déposants nouveaux
dans les diverses professions qui les concernent; c'est ainsi, pour en donner un
exemple, que les femmes mariées sont classées à leur profession quand elles en ont
une, ou à la profession de leur mari, si elles sont simplement leur ménagère, et
que, dans le cas où leur livret a été ouvirt sans l'assistance du mari, elles sont ins-
crites dans la classe trop vasie, selon nous, des propriétaires, rentiers ou individus
sans profession. D'autre part, certains enfants mineurs, qui peuvent avoir une pro-
fession distincte, sont rattachés à cette profession, tandis que la masse de ces
enfants forme une catégorie tout à fait à part.
Rien n'indiquant, dans les tableaux officiels, dans quelle mesure s'opère la ré-
partition des femmes et des enfants entre les divers groupes professionnels dési-
gnés, nous avons dû nous contenter d'évaluer en bloc la population correspon-
dante à ces divers groupes, el nous devons dire que ce n'est pas sans peine que
nous sommes arrivés au résultat désiré, par une étude consciencieuse des divers
dénombrements:
Le chiffre de la population se trouvant ainsi établi, il suffît de le rapprocher de
celui des livrets, pour arriver à des rapports qui seuls permettent d'obtenir des
résultats plausibles, ce qui ne pouvait être fait par la méthode jusqu'ici suivie, où
poi'ur.vriON,
LIVRETS.
LtvRRTS
|iar
<.(IOOhabllaDls.
0,250,000
2,320,000
1 ,705,000
465,000
125,089
54,804
22,031
7,229
20
24
13
15
7,750,000
13,000,000
122,870
133,598
16
10
— 362 —
il n'était tenu compte que des déposants nouveaux sans avoir éfrard à la popu-
lation dont ils dépendent.
Formons d'abord ce tableau par l'année la plus récente des comptes, c'est-à-dire
par 1888:
LIVRETS NOUVEAUX PAR PROFESSION POUR 100 HABITANTS DE CHAQUE GROUPE.
GRODPKS.
Ouvriers
Domestiques
Employés
Militaires et marins
Propriétaires, rentiers et indivi-
dus sans profession
Enfants mineurs
Totaux 31,550,000 466,221 14,8
Il résulte de ce tableau qu'il y aurait environ 15 déposants nouveaux par 1,000
habitants. Dans les groupes professionnels, ce sont, comme on devait s'y attendre,
les domestiques qui occupent le premier rang: nourris, logés chez leurs patrons,
il leur est plus facile de disposer de leurs économies ; les ouvriers viennent ensuite,
malgré les occasions nombreuses qu'ils trouvent de dépenser leur argent mal à
propos. Ils sont suivis par les personnes qui sont réputées vivre de leurs revenus,
mais qui n'en font pas moins à la Caisse d'épargne des placements momentanés.
Au dernier rang se trouvent les militaires et marins, les employés, et tout à fait au
bas de l'échelle, les enfants mineurs.
On vient de voir que les livrets ouverts à de nouveaux déposants se sont élevés,
en 1888, à 460,221. En y ajoutant ,956 livrets, délivrés à des Sociétés et associa-
tions de diverse nature, on arrive au chiffre total de 467,177 livrets.
Passons maintenant au point le plus intéressant, en étudiant la marche compa-
rative des livrets nouveaux depuis 1850. Nous aurions pu donner ce travail par
année ; nous nous contenterons de le produire par période, en avertissant que nous
avons laissé en dehors de nos calculs les années de la i^uerre, 1870 et 1871.
En voici le tableau :
LIVRETS NOUVEAUX PAR PROFESSION.
Moyenne annuelle par période.
pâRIODBB.
Ouvriers.
DoniAstiquei.
Employés.
et
marins.
rentiers,
saos profession.
Enfant!
mineurs.
TOTAL,
1850-1854.
51,296
29,623
8,094
9,916
42,170
25,685
167,384
1855-1859.
60,614
31,130
9,183
8,511
37,471
20,569
173,478
1800-1861.
79,429
38,375
11,488
9,123
52,110
37,924
228,449
1865-1869.
96,658
44,160
12,634
8,315
71,912
52,894
280,573
1872-1876.
88,397
39,254
12,397
7,072
70,413
83,234
300,767
1877-1881 .
125,545
56,603
22,466
10,360
139,943
182,505
537,422
1882-1886.
129,867
55,290
21,778
8,729
121,553
146,489
483,706
1887. . .
112,829
51,231
20,180
6,755
111,497
127,906
430,398
1888. . .
125,089
54,804
22,631
7,229
122,870
133,598
466,221
— ms —
Population approximative des groupes {millions d'habitants).
1850- 1854.
4,000
1,900
995
340
6,800
13,500
27,535
1855-1869. .
4,500
1,950
1,000
345
6,900
13,400
28,095
1860-1864. .
5,075
2,200
1,100
370
7,000
14,000
29,745
1865-1869 . .
6,086
2,204
1,188
374
7,100
14,100
31,052
1872-1876. .
6,060
2,200
1,566
360
6,600
13,200
29,986
:877-1881 . .
6,100
2,400
1,712
410
7,300
13,150
31,072
1882-1886 . .
6,150
2,250
1,758
460
7,700
13,100
31,418
1887. . . .
6,200
2,300
1,760
462
7,720
13,090
31,532
1888. . . .
6,250
2,320
1,765
4655
7,750
13,200
31,550
PERIODES.
1850-1854 .
1855
•1859 .
1860-1SG4 .
1865
-1869 .
1872-
1876 .
1877-
1881 .
1882
1886 .
1887
1888
uvriers.
Domestiques
13
15
13
16
16
17
19
20
15
18
21
24
21
25
18
22
20
24
ililair«
Propriétaires
et
rentiers,
tiarini.
sans profession.
29
6
25
5
25
7
22
10
19
11
25
19
19
16
15
15
15
16
Enfants
mineurs.
TOTlr*
2
6,1
2
6,2
. 3
7,7
4
9,5
6
10,0
14
17,3
11
15,0
9
13,6
10
14,8
En rapprochant les chiffres de ces deux lahleaux lerme à terme, on obtient en
dernière analyse les rapports suivants, qui expriment le nombre des iivrels nouveaux
par 1,000 habitants de chaque groupe:
LIVRETS NOUVEAUX PAR 1,000 HARITANTS DE CHAQUE GROUPE.
Employés.
11
12
8
13
12 .
11
13
Le premier fait qui ressort de cette succession de rapports, c'est l'accroissement
progressif de la clientèle des Caisses d'épargne; le mouvement ne s'est arrêté qu'à
la suile du krach de 1882, mais pour reprendre, à la fin de celte crise, un nouvel
élan. On remarquera, de plus, que l'arrêt produit par le krach a porté sur tous les
groupes, sans exception.
La supériorité relative des domestiques sur les ouvriers s'est maintenue à toutes
les périodes, c'est donc là un résultat qui confirme ce que nous avons dit plus haut.
Les soldats et marins se font remarquer par leurs apports croissant jusqu'en 1870,
ce qui tenait au montant considérable des primes allouées aux militaires réengagés
et que ces derniers trouvaient commode de placer à la Caisse d'épargne. La part
des enfants mineurs, d'abord très faible, s'accroît subitement dans la période 1877-
1881, par suite de la création et du développement des Caisses d'épargne scolaires.
On ne peut s'empêcher, enfin, de reconnaître que les rentiers ont recours de plus
en plus à la Caisse d'épargne, qui leur paie leurs dépôts [ilus cher que les Banques
ordinaires. Si, comme pour les autres groupes, un ralentissement s'est produit
dans ces dépôts à la suile de la crise de 1882, cet arrêt n'a été que momentané.
En résumé, la situation des Caisses d'épargne semble être aussi prospère qu'on
peut le désirer, et on |)cut voir que toutes les classes de la société contribuent à
en assurer le succès (1). (Économiste français.) T. Loua.
(1) Cet article a été reproduit, avec commentaires à l'appui, par le Journal des Cuisses d'épargne.
— 36<i —
IV.
"VARIÉTÉS PARISIENNES
1 . — La production et la consommation du gaz à Paris.
L'Annuaire statistique de la ville de Paris en 1888 conlieni, comme d'ailleurs les
précédenls, un certain nombre de données inléres-sanles sur la produclion el la
consommation du gaz à Paris. Nous lui avons emprunté les éléments de notre ré-
sumé, lequel porte sur les cinq dernières années observées.
Parlons d'abord de la fabrication. Si l'on rapproche le gaz produit de la bouille
distillée dont on l'a extrait, on trouve les chiffres ci-après :
HOUII^LHS
PRODDCTIOB
BBNI>KUE!«T
du gaz
distillées.
du gat.
par l,i)OOVilo(ç.
de houille.
lilog.
mt'trcB rubpi.
1884. . .
1885. . .
1886. . .
1887. . .
1888. . .
961,293,678
965,301,710
959,478,406
902,371,026
976,742,535
287,355,662
286,436,739
280,927,080
280,806,810
297,690,540
299
297
299
302
304
Ce tableau indique une certaine économie dans la fabrication, puisqu'à quantité
égale de houille, on obtient actuellement une plus grande quantité de gaz.
Le chiffre total de l'émission du gaz diffère quelque peu de celui qui vient d'être
indiqué par suite du stock existant en magasin en fin d'année.
Nous l'indiquons ci-dessous, en rapprochant la production de la consommation
réellement effectuée. De cette comparaison se déduit le montant de la perle, qui,
comme on va le voir, va constamment en diminuant.
iuiasiOB
PBHTB
totale
COKSOMMATIOS.
^^^""^-
du g«i.
totale.
p. 100
1884 . .
287,355,862
267,471,576
19,884,266
679
1885 . .
286,403,999
208,921,840
17,542,159
6.1
1886 . .
286,652,360
270,870,478
15,980,882
5.6
1887 . .
290,774,540
275,631,850
15,142,690
5.2
1888 . .
297,697,820
282,523,729
15,174,091
5.1
La quantité de gaz consommée, telle que le fournit la seconde colonne du
tableau précédent, se répartit comme il suit entre trois zones desservies par la
Compagnie.
Consommation par zone.
ancie:i paeis.
ZONE ANNEXÉE.
COMMUNES
liort
de Pari».
TOTAL.
1884. . .
1885. .
1886. . .
1887. . .
1888. .
194,358,019
194,540,081
195,222,574
198,485,249
202,076,355
54,262,139
55,261,701
.56,223,531
57,380,537
59,880,362
18,851,438
19,113,998
19,424,373
19,706,064
20,507,012
207,4"71,596
268,921,840
270,870,478
275,031,850
282,523,729
— C5(i5 —
Le progrès, sans être considérable, est du moins continu et s'étend parallèlement
sur les trois zones.
Il convient de rapporter la consommation à la longueur de la canalisation, mais
donnons d'abord cette dernière.
Longueur de la canalisation par zone (en mètres).
ANCIEN PARIS.
SCNE ANHEXés.
COMMUNES
hors
de Paris.
1884.
. . 778,834
643,984
658,962
1885.
. . 786,386
650,507
664,291
1886.
. . 790,563
655,154
674,910
1887 .
. . 797,731
656,383
693,724
1888 .
. . 803,606
642,584
706,023
Du rapprochement de ces deux tableaux, on déduit l'intensité du mouvement du
gaz, selon les zones. Voici les résultats de ce calcul :
Mètres cubes de gaz par 1,000 mètres de conduites.
1884. .
250,460
84,258
28,869
1885. .
247,514
85,018
28,786
1886. .
247,017
85,837
28,886
1887. .
249,040
87,470
28,800
1888. .
251,339
93,272
29,132
D'après ces rapports, on voit qu'enmoyenne il passe dans les conduites de l'ancien
Paris trois fois plus de gaz (|ue dans la zone annexée, et neuf fois plus que dans
les conduites de la banlieue.
Laissant de côté l'éclairage de la banlieue, pour lequel on n'a pas fait tous les
ans les distinctions nécessaires, nous ne parlerons désormais que de l'éclairage de
Paris, et nous allons rechercher tout d'abord quelle est la part dans la consomma-
tion totale de l'éclairage public et privé.
Consommation de Paris.
iCLAlBAGE
T 0 T A t.
248,620,158
249,807,842
251,446,105
255,865,786
261,956,717
PROPOETION
p. 100
1884. .
1885. .
1886. .
1887. .
1888. . .
PUBLIC.
41,634,358
43,366,732
44,026,712
43,518,028
44,699,716
PRIVÉ.
206,985,800
206,441,110
207,419,393
212,347,758
217,257,001
deTécIairaga
public.
16.7
17.3
17.5
17.0
17.0
La part de l'éclairage public dans la consommation générale ne s'éloigne guère
de 17 p. 100, chiffre auquel il s'est mainlenu pendant les deux dernières années.
Rappelons à ce sujet que le prix du mètre cui)e du gaz a été maintenu pour
l'éclairage public à 0 fr. 15 c. et à 0 fr. 30 c. pour l'éclairage privé.
Voici maintenant comment l'éclairage public s'est réparti entre la voie publiijue
d'une part, et les établissements municipaux et militaires.
— 366 —
Éclairage public.
VOIK KTABL198KMENTS
EOBLKiDlt. SPKCIAOI.
TOTAL.
1884. . .
1885. . .
1886 . . .
1887. . .
1888. . .
24,538,012 17,096,346
25,539,896 17,826,836
25,805,667 18,221,045
25,536,132 17,981,890
26,413,325 18,286,391
41,634,358
43,366,732
44,026,712
43,518,028
44,099,716
Le nombre des candélabres destinés à l'éclairage de la voie publique a plus ou
moins varié suivant les années, leur nombre d'ailleurs iuiporte moins que leur dis-
position, les lanternes pouvant avoir do 1 à 4 becs. Le tableau suivant donne poui'
Paris tout entier le délai! des lanternes par nature de becs qu'elles renferment.
Lanternes à 1 bec (ordinaire ou intensif).
De 100 il 120 litres ii riietire
140 litres il l'heure
225 il 750 litres i» l'heure
895 à 1,400 —
Lanternes ii 2, 3 et 4 becs
148
44,275
23
1,502
428
Total
Chiffre correspondant ii 46,834 becs ou foyers.
46,376
Quant à l'éclairage privé, les chiffres suivants en fixent l'importance, tant au point
de vue de la consommation qu'à celui du nombre des abonnés.
1884.
1885.
1886.
1887.
1888.
Éclairage privé.
N OMBRK
COKBOMMATIOS
MOYEN
du
ABOSviS,
de
lOèlreB cubes
OÂZ.
de gaz
par abonné.
206,985,800
167,890
1,221
206,441,110
172,109
1,199
207,419,393
177,026
1,115
212,347,758
172,169
1,233
217,257,001
167,890
1,294
Dans le document que nous analysons, le nombre des becs s'appli(|ue aux trois
zones sans distinction, y compris les établissements municipaux et militaires. En le
rapprocbant des consommations correspondantes, on en déduit la consommation
annuelle moyenne de chaque bec.
Mombra de becs d'éclairage.
HOUBRK
de
BECS.
CONSOllMATION.
ÉCL.AIRAGB ÉCLAIBAOE
privé. public.
TOTAL*
CONSOMMA
TIO»
annuelle
d'un bec.
1884. .
1,716,377
223,011,238
18,004,346
■241,015,584
140
1885. .
1,738,157
221,024,978
18,737,336
240,362,314
138
1886. .
1,771,733
222,759,250
19,130,347
241,895,597
137
1887. .
1,791,152
227,940,871
18,944,701
246,885,572
138
1888. .
1,824,743
233,410,978
19,351,054
252,768,632
138
— 367 —
On concliU de la dernière colonne de ce lableau que la consommalion d'un bec
a élé à pfcu prèi conslnnle chaque année. Elle équivaut à une consonim;Uion de 36
à 38 litres i)ar jour.
La compagnie parisienne d'éclairage et de cliaullage par le gaz est tenue, aux
termes de son contrat avec la ville de Paris, de fournir un gaz dont, le |iou voir éclai-
rant suit tel que la consommation de 25 à 27 litres '/a ^u maximum, sous une
pression de 2 à 3 millimètres d'eau, donne la même quantité de lumièrequelO gram-
mes d'huile de colza é|iurée, briîlée pendant le même temps dans une lampe carcel
réglée de manière à consommer 42 grammes d'huile par heure (le traité exige que
la moyenne semestiielle ne dépasse pas 25 litres).
Les essais journaUers du pouvoir éclairant ont donné pour résultats moyens
annuels :
En 1884 24 litres 88 pour 10 grammes d'huile.
1885 24 — 94 — —
1886 24 — 93 — —
1887 24 — 92 — —
1888 24 — 9G — —
Le pouvoir éclairanl du gaz a donc satisfait aux conditions imposées, avec des
variations annuelles sans importance.
Au moment de terminer cet article, il nous reste à dire qu'en 1888 l'éclairage
électrique n'était encore qu'à la période d'essai.
Dans le cours de celte année, l'éclairage électrique appliqué à la voie pubhque
se composait de :
14 foyers système Loubin (Compagnie Lyonnaise), place du Carrousel;
12 foyers système Jablochkoff, au parc Monceau;
39 foyers système Brush, au parc des Buttes-Chaumont.
11 nous larde de connaître à cet égard les résultats des années suivantes, car, dès
à présent, l'éclairage électrique lait bonne ligure à Paris.
2. — Le prix des terrains et des immeubles dam les divers arrondissements
de Paris.
En feuilletant le dernier Annuaire statistique de la ville de Paris, nous y avons
trouvé un tableau indiquant les ventes de terrains par adjudication publique, en la
chambre des notaires. Nous regrettons qu'il n'y soit pas fait mention des ventes.par
autorité de justice.
Il nous a paru qu'il y aurait un certain intérêt à récapituler ces renseignements
pour une période de cinq ans, ce (|ui nous a conduit à dresser le tableau ci-après.
On ne doit voir dans ces chiffres que de simples indications, car pour obtenir le
viai prix moyen du îeirain de chaque arrondissement, il iàudrait un nombre d'obser-
vations beaucoup plus grand que celui que nousoffrent les ventes relativement assez
rares qui ont élé effectuées à Paris, notamment dans les arrondissements du centre.
Il y a en eiïel dans le prix des leirains d'un même arrondissement des ilucluations
— a68 —
souvent énornies qui liennenl aux conditions d'accès de ces terrains, à leur position
sur le plan, aux chances d'avenir qu'ils pourraient présenter, grâce-à des perce-
ments plus ou moins bien combinés.
Tout ce qu'on peut dire c'est qu'en général, le terrain est beaucoup plus cher dans
l'intérieur de Paris que dans les arrondissemenis excentriques. Mais là même on
trouve des prix assez élevés, notamment dans ceux du Nord-Ouest, de Passy à Mont-
martre, à l'exception toutefois de Ménilmonlanl, qui échappe plus que les arrondis-
sements voisins, au mouvement de la concentration parisienne.
Un autre fait ressort du tableau, c'est qu'il a été fait peu de percements nouveaux
dans le centre de Paris, bien que certaines grandes opérations de voirie s'y imposent,
comme le prolongement de la rue du Louvre, de celle du Qualre-Septembre, l'achè-
vement du boulevard Ilaussmann, celui du boulevard Kaspail, etc. Il semble pour le
moment que les grandes opérations de voirie affectent principalement les quartiers
ouvriers, mais on ne lardera pas à être obligé de songer au cœur de la ville, où
la circulation deviendra bientôt impossible si l'on n'opère pas les dégagements
nécessaires qu'on réclame depuis si longtemps.
Prix moyen du mètre de terrain (période 1884-1888).
ARR0SUI8S£MEHTS.
I". Louvre
II'. Bourse
III'. Temple
1V°. Hôlel-de-Ville . . .
V. Panthéon
VI'. Luxembourg . . . .
VIP. Palais-Bourbon. . .
VIII'. Elysée
IX'. Opéra
X'. Saint-Laurent . . .
XI'. Popincourt
Xll'. Reuilly
XIII'. Gobelins
XIV'. Observatoire ....
XV°. Vaugirard
XVI'. Passy
XVII'. Batignolles-Monceau.
XVIII'. Buttes-Montmartre .
XIX'. Buttes-Chaumont . .
XX'. Ménilmonlanl . . .
KOUBKK
d'adJudicaUoiu.
3
3
3
1
3
»
i
2
3
2
i
20
14
22
29
13
y
12
17
23
187
SUPBRFICIB
en
mètres carrés.
985
784
798
587
1,'JOl
»
1,495
571
934
2,655
1,446
11,193
9,618
8,741
32,090
10,749
8,912
5,182
12,558
12,503
123,762
PRIX
d'adjudicaiion.
1,579,500
981,750
233,500
241,000
257,000
»
459,850
153,500
328,200
420,200
240,900
701,636
219,545
878,490
588,796
924,900
756,950
646,021
682,050
251 ,980
10,545,828
r»ix
du
UKTRK.
1,004
1,252
293
411
131
»
308
209
351
162
167
63
23
100
18
86
89
125
54
20
85
Si nous passons aux immeubles, nous trouvons, dans le même document qui nous
a servi pour les terrains, que pendant la période de cinq ans que nous étudions, il
— 361)
en a élé vendu, par-Jevaut la cliambre des nolaires 1,182, pour le prix tolul de
-187,707,150 fr., ce qui ramène le prix moyen d'un immeuble à 158,805 fr.
Mais à cet égard, on peut voir par le tableau suivant que les divers arrondis-
semeiils offrent des dissemblances souvent très considérables.
Prix moyen des immeubles vendus.
NOHBRK
ARRONDISSEMENTS. des PRIX TOTAL.
ADJl'DICATIOSS.
PRIX MOYEN.
I
I
I"- I-ouvre 52 17,381,000 3-24,200
11°. Bourse 60 17,302,000 288,361
m». Temple ..'.... ^. . . 58 10,333,900 178,175
IV°. Hôtel-ile-Ville 73 12,533,300 171,689
V«. PHnthéon 56 7,707,900 137,041
VP. Luxembourg 56 8,330,100 148,752
VIP. Palnis-Bourbon 43 6,332,000 147,2.56
VHP. Elysée 50 22,198,900 443,978
IX^ Opéra 73 23,926,300 327,768
X^ Saint-Laurent 50 11,603,000 203,078
XP. Popincourt 51 7,903,700 156,739
XIP. Reuilly 38 3,247,200 85,453
XIIP. Gobelins 51 3,040,700 50,622
XIV". Observatoire 60 3,753,800 62,503
XV°. Vaugirard 77 2,913,500 37,837
XVP. Passy 67 7,023,700 118,801
XVIF. Batignolles-Monceau .... 72 8,008,300 123,726
XVllP. Bulles-Montmartre 66 4,645,100 70,380
X1X°. Butles-Chaumont 57 4,135,150 72,540
XX°. Ménilmontant 72 3,796,200 55,503
1,182 187,707,150 158,805
On remarquera le prix élevé qu'ont atteint les immeubles des 8* et 9° arrondis-
sements, et le prix infime auquel sont descendus ceux de Vaugirard. En général, ce
sont les maisons des arrondissements excentriques qui se sont vendues le moins
cber. Il faut en excepter le 17% qui renferme le beau quartier de la plaine Monceau,
où le prix moyen des maisons vendues atteint presque 125,000 fr.
11 est regrettable que V Annuaire de la ville de Paris ne fournisse aucune donnée
sur le revenu des maisons, bien que ce chiffre soit généralement consigné sur
les affiches de ventes. Nous serions heureux que celle lacune pût être comblée dans
les annuaires à venir.
3. — Les enfants moralement abandonnés du département de la Seine.
Le service des enfants moralement abandonnés, fondé sous les auspices du con-
seil général de la Seine, fonctionne de|iuis le 1" janvier 1881. Il est destiné à recueil-
lir et à placer en apprentissage, soit chez des patrons isolés, soit dans de grands
établissements industriels, des enfants de dix à seize ans, vagabonds livrés à eux-
1" SÉRIE. 31" VOL. — N" la. 1, 1
— 370 —
mêmes par des parenls négligeais ou coupables, el que l'aJrniiiistralion sauve
ainsi de la maison de correction.
Le chiffre total des enfants présents dans le service des Enfants
moralement abandonnés de la Seine s'élevait, au 31 dé-
cembre 1887, à 2i,794
Il en est entré, en 1888 676
Total 3,470
Il en est sorti, pour causes diverses 503
De sorte qu'il en est resté, au 31 décembre 1888 2,967
Soit 173 de plus qu'en 1887.
Les 676 admissions de l'année 1888 se décomposent ainsi au point de vue de la
provenance :
Envoyés par le Parquet 40 j , ,, ,.^
•" "^ ,,,.,; . , ,. j-1 / ,•-<• * tiîirçons . . 478
— par la Prélecture de police . . lo4 > OiU ■. „
Présentés par leurs parenls 482 )
Ils peuvent se partager ainsi, suivant les conditions du milieu dont ils proviennent:
Enfants de parents indigents 337
— — indignes 71 , , - •.• crj
,. -K I „-,. * Legitnnes. . 501
— — disparus '5 ) o70 ■, „,"•.. .,-
< I f 1 1 IaoiIi mue 4 i -t
— — décédés 142
— vicieux 51
lUéuilimes. . 11 û
Quant aux sorties, elles se décomposent comme il suit :
Rendus à leur famille 319
/ majorité 70
Sortis par ' mariage 1
( engagement militaire 2 | 503
Décédés 14
Passés aux Enfants assistés 13
Évasions 84
Les enfants que le service des moralement abandonnés conserve après la période
d'observation, sont dirigés sur les divers centres de placement qui sont à la dis-
position de radministration, les uns à Paris ou aux environs de Paris, les autres en
province.
En voici le détail pour les 2,967 enfants assistés au 31 décembre 1888:
Enfants en observation 813 I
— placés en apprentissage 1,778 [ o okt
— — dans les écoles professionnelles 301 ' '
— — dans divers hôpitaux 75
— 871 -
Ces enfants possédaient, à la même date, 109,428 fr. en livrets de la caisse
d'épargne, soit 10,780 de plus qu'en 1887.
I
4. — Les enterrements civils à Paris.
Bien qu'il y ait eu avant 1870 quelques tentatives en ce sens, ce n'est guère que
depuis cette époque qu'on a fait une propagande active pour soustraire les enter-
rements au service religieux. Il nous a paru qu'il serait intéressant de savoir si le
nombre des enterrements sans cérémonie religieuse a ou non augmenté depuis
lors. Malheureusement les relevés statistiques relatifs à cette question n'ont été
commencés qu'en 1882 ; force nous est donc de borner notre comparaison aux années
1882 et 1888, pour lesquels l'Annuaire statistique de la ville de Paris fournit les
renseignements voulus.
Dans ce document, les convois sans cérémonie religieuse comprennent non seule-
ment les enterrements civils, mais les transports à l'extérieur et les mort-nés :
dans le tableau qui suit on n'a pas eu égard à ces deux dernières catégories, et l'on
s'est borné à relever les enterrements civils proprement dits.
CLAB8BUBKT
des
COHVOIB.
N»' 1 et 2
N°' 3, 4 et 5 . . . .
N"' 6, 7 et 8 . . . .
Enterrements gratuits
Classement des convois.
ANNÉE 1882.
BSIiiaiBUX.
221
4,469
20,857
17,719
43,266
ENTERBEHBNTS
4
1,307
3,391
6,860
225
5,776
24,248
24,579
11,562 54,828
PROPORTION
p. 100
des
euierrenienls
civiU.
1.8
22.6
13.9
27.9
21.9
ANNÉE 1888.
N" 1 et 2
N»' 3, 4 et 5 . . . .
N»' 6, 7 et 8 . . . .
Enterrements gratuits
165
4,222
16,547
18,898
39,832
2
1,377
2,298
6,702
167
5,599
18,845
25,600
10,379 50,211
1.2
24.4
13.9
26.2
20.7
On voit, d'après ces rapports, que la proportion des enterrements civils a varié
enire les deux années de 22 à 21 p. 100, ce qui équivaut à l'état slationnaire. Tout au
plus peut-on dire qu'il y a eu une légère augmentation ilans les enierremenls
civils des classes 3, 4, 5 qui appartiennent à la population riche ou du moins aisée,
et une diminution correspondante dans les enterrements gratuits, dans lesquels
ligure.nl en grand nombre les corps provenant des hôpitaux.
— 372 —
Nous étions loin de nous allendre à ces conclusions.
Il nous reste à indiquer la répartion des enterrements civils entre les divers
arrondissements. Nous nous contenterons à cet égard des chiffres de 1888.
Répartition des enterrements civils par arrondissement.
ÀBnONOISSEUEKTS.
I". Louvre
11°. Bourse
JI1=. Temple
* 1V°. Hôlel-de-Ville. . .
V. Panthéon
VP. Luxembourg . . .
VII°. Palais-Bourbon . .
VIII'. Elysée
IX°. Opéra
X". Saint-Laurent . . .
XI*. Po|)incourt ....
XII'. Reuilly
XlIP. Gobelins
XIV". Observatoire . . .
XV'. Vaugirard
XVI'. Passy
XVII*. Batignolles-Monceau
XVIII'. Butles-MonI martre.
XIX°. Bultes-Chaumonl. .
XX'. Ménilmontant. . .
COKVOM
BSLiaiEur.
SNTEKKEMKNTS
(nvILS.
773
716
1,099
1,845
2,218
1,051
1,560
1,371
1,310
3,020
2,700
2,979
2,091
2,289
3,039
1,099
2,380
3,070
2,152
2,458
96
116
261
472
620
229
240
199
122
763
909
1,006
543
641
895
68
307
880
428
1,578
39,832 10,379
869
832
1,300
2,317
2,838
1,880
1,800
1,570
1,438
3,789
3,609
3,985
2,634
2,930
3,934
1,107
2,087
3,950
2,780
4,030
50,211
PKOPOKTION
p. 100
des
eDlerremenls
civiU.
11
14
19
20
22
12
13
13
9
20
25
26
21
22
• 23
G
il
22
17
39
21
Les arrondissements au-dessous de la moyenne sont Passy, Opéra, Louvre, Bâti-
gnollcs, Luxembourg, Palais-Bourbon, Elysée, Bourse, Buttes-Chaumont, Temple,
llôlel-de- Ville et Saint-Laurent. Au-dessus de la moyenne figurent par ordre crois-
sant : Gobelins, Panthéon, Observatoire, Montmartre, Vaugirard, Popincourt, Reuilly.
Ménilmontant.
Trois arrondissements de l'ancien Paris se trouvent au nombre de ceux qui dépas-
sent la moyenne, savoir : le Panthéon, Popincourt et Reuilly.
5. — Les Omnibus de Paris (1).
Dans le numéro d'octobre, nous avons publié un article sur les tramways dans
lequel nous avons constaté qu'en 1888 ces voitures avaient transporté dans l'année
1.30,900,650 voyageurs, et réalisé par kilomètre une recette de 81,218 fr. Si nous
considérons les omnibus proprement dits, nous trouvons que les voitures de moins
(l)Pour les tramways, voir Journal de la Société de Statistique (1890), p.316.
— 373 -
de 30 places ont fait par kilomètre une recette de 56,459 ù\, et les voitures à
40 places une recetle de 158,298 fr. Elles ont transporté ensemble 109,059,354
voyageurs, c'est-à-dire 21,000 voyageurs de moins que les tramways.
Comme nous l'avons fait pour les tramways, nous croyons devoir classer les dif-
férentes lignes d'omnibus, d'après le montant de la recetlejournalière d'une voiture.
C'est par ce moyen que les inspecteurs se rendent compte le plus facilement de la
fréquentation respective des diverses lignes :
1» Grands omnibus (à 40 places). — Moyenne : 124 fr. 32.
Maileleilie-Bastille 1-49' 16"
Gare Saint-Lazare-Place Saint-
Michel 138 08
Trocadéro-Gare de l'Est ... 134 70
Porte Maillot-Hôtel de Ville. . 125 26
Ternes-Calvaire 120 59
Gare de Lyon -Saint-Philippe -
du-Rotile 120 00
Clichy-Odéon 119^60°
Batignolles-Jardin des Plantes. 115 67
Villette-Saint-Sulpice .... 144 22
Passy-Bourse 112 31
Villette-Champs-Élysées ... 110 40
Rond-point des Ternes -Cal-
vaire 103 62
.... 99 42
Vaugirard-Louvre ,
2» Petits omnibus (26 à 28 places). — Moyenne : 71 fr. 36.
Belleville-Louvre
Ménilmontant-Montparnasso . .
Montmartre-Place Sainl-Jacques
Place Wagram-Bastille ....
Vaugirard-Gare Saint-Lazare. .
Maine-Gare du Nord
Place Pigalle-Halle aux Vins . ,
Grenelle-Porte-Saint-Marlin . .
Plaisance-Hôlel de Ville. . . .
Believille-Arts-et-Métiers . . .
Panlhéon-Courcelles
Charonne-Place d'Italie ....
Charonne-Placedela République
sg'Ge^
89 49
87 33
86 19
79 15
78 81
74 11
71 99
71 38
71 00
69 18
67 30
65 27
Gare d'Orléans-Square Monlliolon. . 65 02'
Porte d'Ivry-Halles 62'31
Place de la République -École
militaire 61 17
Gare du Nord-Saint-Marcel. . , 59 66
Montsouris -Place de la Répu-
blique 51 74
Grenelle-Bastille 50 13
Auteuil-Madeleine 49 GO
Auteuil-Saint-Sulpice 45 33
Parc Monceau-La Villelte ... 39 74
Forges d'ivry- Place Saint-Mi-
chel 20 62
Pendant que l'omnibus Madeleine-Bastille a transporté dans l'année 13,947,804
voyageurs, il n'en a été transporté, des Forges d'ivry à la place Saint-Michel, que
272,902.
T. Loua.
— 374 —
V.
L'EXPLOITATION DE LA TOUR EIFFEL PENDANT L'EXPOSITION.
Notre Journal contenait, dans son numéro de janvier 1889, un article résu-
mant une conférence de M. de Foville sur la construction de la fameuse Tour de
300 mètres; nous avons désiré être renseigné sur les résultats de son exploitation
pendant la durée de l'Exposition. Dans ce but, nous ne pouvions mieux faire que
de nous adresser à M. Eiffel lui-même. L'illustre ingénieur a bien voulu satisfaire
à notre désir en nous envoyant la notice ci-après.
c La tour Eiffel a été ouverte au public à partir du 15 mai 1889.
« Au début, le service n'a été fait que par les escaliers avec une moyenne de
3,000 visiteurs par jour.
« Le 1" ascenseur livré au public a été celui de la piIeEst(sy6tèmeRoux-Comba-
luzier et Lepape), mis en service le 20 mai et conduisant jusqu'au 1" étage. Les
autres ascenseurs ont été mis en exploitation quelques jours après.
« La durée des ascensions était d'une minute environ du rez-de-chaussée au l"'
étage par les ascenseurs Roux-Combaluzier et Lepape; de 100 secondes pour le
voyage direct du sol au 2' étage et de 50 secondes pour le trajet du \" au second
étage par les ascenseurs Olis; enfin de 3 minutes environ pour le trajet du 2' au 3'
étage par l'ascenseur Edoux, non compris le temps employé au transbordement des
voyageurs à l'étage intermédiaire.
« Le nombre des visiteurs a été en moyenne de 11,000 par jour pendant la der-
nière quinzaine de juin et tout le mois de juillet, et en moyenne de 14,000 parjour
pendant les mois d'août, de septembre et d'octobre. Sur ce dernier chiffre, 10,000
environ s'élevaient jusqu'au 2* étage et 5,000 jusqu'au sommet de la tour.
« La journée la plus forte au point de jvue du nombre des visiteurs a|été le 10
juin, lundi de la Pentecôte, jour pendant lequel il est entré à la tour 23,202 visileurs.
t En résumé, au 6 novembre, jour de la clôture de l'Exposition, le nombre total
des voyageurs s'estélevé à 1,953,122, se décomposant comme il suit :
680,348 visileurs qui n'ont pas dépassé le 1" étage.
699,630 — qui sont allés jusqu'au 2' étage.
573,144 — qui ont fait l'ascension complète jusqu'au S° étage.
1,953,122 visiteurs.
« Cette énorme affluence de public n'a jamais provoqué le moindre désordre, ni
le plus petit accident.
t Pendant l'Exposition, les recettes de toute nature se sont élevées au total de
6,509,900. fr.
« Les deux plus fortes receltes journalières produites par les ascensions sont : celle
du lundi 9 septembre qui a été de 00,750 fr., et celle du lundi 16 septembre qui a
été de 59,437 fr.
« Les deux plus fortes receltes hebdomadaires dues aux ascensions sont: celle de
la 18' semaine (du 11 au 17 septembre), s'élevant à 349,796',50, soit une moyenne
— 375 —
(le 49,971 Ir. par jour, el celle de la 17° semaine (du 4 an 10 septembre), s'clevanl
à î543,7'2'2f,ûO, soit une moyenne de 49,103 (r. par jour.
« Le personnel d'exploitation ne comprenait pas moins de 250 agents de tous
ordres. »
Les dépenses d'exploitation n'ayant atteint que 1,036,857 fr. pendant la période
de l'Exposition, et les recetles s'étanl élevées à 0,509,900 fr., le bénéfice obtenu
ressort à 5,473,043 fr., c'est 473,043 fr. de plus que la tour n'a coûté. Les action-
naires lie lii tour ont donc été intégralement remboursés, el leurs actions Iransfor-
mées en actions de jouissance.
Veul-on savoir maintenant quels ont été les résultats de la saison de 1890 (31
mars au 2 novembre)? — 394,494 visiteurs et 696,354 fr. 50 c. de recelles. — Il
y a lieu d'espérer mieux pour l'année prochaine, lorsque le Champ de Mars, dont
on a conservé les principaux palais, aura repris sa physionomie de fête. Les visi-
teurs continueront alois à affluer à la tour, car l'administration a tout fait pour
exciter leur curiosité et assurer leur bien-être. Pour le prouver, fournissons quel-
ques détails sur les diverses plates-formes de la tour; on verra qu'elles offrent
chacune un attrait particulier.
Sur la plate-forme du premier étage, dont la surface est de 4,200 mètres, est dis-
posée une galerie couverte à arcades, qui fait le tour complet du premier étage. Ce
piomenoir a un développement de 283 mètres et une largeur de 2"", 60. Il se trouve
à une hauteur de 57"', 63 au-dessus du sol.
Dans ce même étage, quatre salles affectées, l'une à un restaurant, l'autre à une
brasserie, la troisième à une sorte de musée, la quatrième, dite salie de fêtes, à des
concerts ou grandes réunions, peuvent contenir chacune de 500 à 600 personnes.
Au deuxième étage, dont la surface est de 1,400 mètres, règne sur le pourtour
extérieur une galerie couverte formant un deuxième promenoir, dont le dévelop-
pement est de 150 mètres et la largeur de 2"',00. Un bar est affecté à cette plate-
forme, dont la hauteur au-dessus du sol est de 115"', 73.
Au troisième étage se trouve une dernière galerie de 16"',50 de côté fermée par
des glaces sur tout le pourtour et d'où l'on peut observer, à l'abri du vent et des
intempéries, le magnifique panorama de 180 kilomètres d'étendue, qui s'y déve-
loppe sous les yeux des spectateurs. Cette plate-forme est la dernière à laquelle le
public ait accès; elle se trouve à 276'°, 13 au-dessus du sol.
Au-dessus de cette salle sont disposés des laboratoires destinés aux observations
scieuliliques et l'appartement particulier que M. Eiffel s'est réservé.
Un escalier en hélice, placé au centre de celte plate-forme, conduit à la lanterne
du phare qui couronne l'édifice. Au-dessus de cette lanterne et à 300 mètres du
sol, se trouve la dernière terrasse qui a I^.SO de diamètre. C'est là qu'est le dra-
peau qui porte si haut les couleurs de la France !
T. L.
— r376 —
VI.
L\ LOI DES CATASTROPHES DE M. AUGUSTE CflIRAC.
M. de Foville communique en ces termes au président de la Société la lettre qu'il
a reçue de M. Chirac en réponse à l'article inséré dans notre précédente livcaison.
LETTRE DE M. DE FOVILLE.
Paris, 17 octobre 1890.
Mon cher Président,
Le Journal de la Société de statistique vient de publier l'étude critique qu'a la demamie
de l'auteur j'ai consacrée aux reclierches sociomélriques de M. Auguste Chirac. En ré-
ponse à celle publication, M. Chirac m'adresse la lettre ci-jointe dont il sollicite l'inser-
tion dans notre recueil. Loin de m'y opposer, j'expriuie personnellement lu désir de voir
la prochaine livraison du Journal reproduire intégralement cette lettre i\ laquelle je n'ai
pas, d'ailleurs, l'intention de répliquer.
Quoi qu'il en soit, M. Chirac ne pourra pas contester notre impartialité, puisque nous
lui aurons laissé le dernier mot et, cela étant, vous jugerez sans doute inutile de déroger
ti nos usages en organisant un déhat verbal qui ferait double emploi.
Agréez, mon cher Président
A. DE Foville.
Après avoir pris connaissance de la lettre de M. AugusteClu'rac, le président, dési-
reux de satisfaire au désir de M. de Foville, a autorisé l'impression de cette lettre
dans le Journalde la Société de statistique à titre exceptionnel.
LETTRE DE M. CHIRAC A U. DE FOVILLE.
Monsieur,
Je vous dois de connaître les objections que l'école ofiicielle croit pouvoir opposer à
ma transcription en langage scientifique des principes fondamentaux du socialisme.
Permettez-moi de vous témoigner publiquement ma très vive reconnaissance et d'ajouter
qu'ayant, moi-même, enqiloyé l'épigramme, je trouve absolument naturel qu'en me criti-
quant, vous m'ayez rendu, comme on dit : « la monnaie de ma pièce ».
Toutefois, au cours de votre remarquable travail, vous avez eu soin de rappeler, ce que
j'avais déclaré moi-môme, à savoir : que si quelqu'un, passant où j'ai pas.-é, « me signa-
« lait une erreur capable de détruire mes conclusions, \ii m'inclinerais parce'que, alors, ce
« serait la science qui me l'ordonnerait ».
Par cette citation, vous avez mis en cause ma loyauté, c'est pourquoi je fais appel à la
vôtre, en vous priant de faire connaître, à ceux qui ont applaudi vos conclusions, les
motifs pour lesquels je n'en accepte pas le bien-fondé.
Je serai, d'ailleurs, aussi bref que possible car, m'adressant à vous et h la Société de
statistique, je n'aurai pas à me préoccuper d'expliquer, préalablement, les termes que
j'emploierai, sauf, bien entendu, dans le cas où le même mot n'évoquerait pas la même
idée dans mon esprit et dans le vôtre.
Au surplus, un exemple se présente aussitôt : vous dirigez voire première attaque sur
« l'argument favori des socialistes », opposant au petit nombre de ceux qui possèdent le
grand nombre de ceux qui ne possèdent pas.
Posséder, ou, plus exactement, être nanti, n'aurait aucun sens en économie, s'il n'ex-
- 377 —
primait pas la siUiation J'un ôlre « détenant une source de revenus périodiques capables
« de satisfaire à toute sa consommation et io dispensant d'ajouter l'appoint d'une valeur
« créée personnellement ».
Or, d'après vos chiffres, serait possédant le travailleur qui, écrasé par le déficit, meurt
dans un mobilier que le fisc pourrait évaluer 150 ou 200 fr. ! Ce n'est point là une thèse
admissible. Klre partiellemeni nanti, c'est ôlre salarié d'une jaçon ■particulière, voilà
tout.
C'est pourquoi vous n'auriez pas dû tirer argument de la seule proportion moyenne qae
je me sois permise, lorsque j'ai indiqué : un quart de possédants, contre trois quarts de
non-possédants.
Vous de deviez pas, non plus, confondre les non-possédants avec les dénués, parce
que le dénûment est chiffré à part, dans mes formules, et que, seulement dans la période
1881 à 1887, il a été évalué, en chiffres ronds, de H à 13 p. 100, ce qui est loin de
25 p. 100.
Je ne puis davantage accepter vos « 400,000 successions pour moins de 500,000 décès »,
parce que la dernière enquête sur la propriété bâtie révole que 5,400,000 maisons sont
occupées, en tout ou en partie, par leur propriétaire et qu'en appliquant le taux de la
mortalité de 1888 à ce nombre de propriétaires, j'obtiens, certainement, 11 9,300 succes-
sions, dégagées de la complication des déclarations multiples.
La même enquête m'apprend que 70.21 p. 100 de ces propriétaires occupent une maison
représentant cent fr. et au-dessous de revenu locatif.
Ce ne sont pas ceu.x-là dont le capital mobilier pourrait atteindre des proportions con-
sidérables. De telle sorte que, quand j'ai évalué à 200,000 le nombre des successions, véri-
tablement dignes de ce nom, j'ai été très large et suis très loin d'avoir commis l'erreur
qui m'est reprochée.
Mais je m'attarde là à une question de statistique étroite et de dénombrement inutile.
Peu m'importe le nombre des mains entre lesquelles les capitaux sont répartis ; c'est-
seulement l'importance et la valeur de ces capitaux qui me préoccupent.
Il résulte de ceci que, lorsque vous croyez « avoir ébranlé la pierre angulaire de la
statistique socialiste » vous ne l'avez même pas effleurée. Car, une erreur de dénombre-
ment me serait-elle valablement reprochable, cette erreur laisserait intacte la construc-
tion (lu diagramme des catastrophes.
En abordant la discussion de ce diagramme, vous avez, tout d'abord, donné au numé-
rateur et au dénominateur de ma fraction des noms qui ne les qualifient pas exactement:
Circulation a un sens étroit et conventionnel -, je dis moi : « total des moyens d'échange
existants».
Mais, dites-vous, comment M. Chirac fixe t-il l'importance totale et les variations
annuelles du stock métallique or et argent?
Je réponds : pour établir ma formule, je n'évalue pas ; je prends tout uniment, chaque
année, déiluclion faile des démonétisations, le total des monnaies ayant cours, tel que le
publient réguliêremert le Bulletin de statistique et V Annuaire des longitudes.
Ov, je prends ce ehilfre sachant parfaitement qu'il est faux, en ce sens qu'il est bien
loin d'exprimer la quantité réelle de monnaie circulant utilement. Mais c'est justement cet
écart entre le chiffre réel et le chiffre nominal qui est un des éléments de ma formule.
Dans mon nouveau livre, intitulé: Oh est l'argent? (en ce moment sous presse et que
j'aurai l'honneur de vous envoyer), vous pourrez voir que je réduis à quatre milliards, à
peine, la quantité d'or et d'argent circulant véritablement en France au 31 décembre 1889.
Donc, pas de discussion théorique sur le stock monétaire; je prends le fait tel qu'il est
allégué.
Il y a, à cela, une raison de premier ordre : c'est que nous ne possédons aucun point
de départ pour établir soil la quantité initiale des monnaies, soit la valeur initiale des
- 378 -
capitaux nationaux ; nous en sommes réduits h prendre, îi partir dn l'adoption du système
décimal, les évaluations telles qu'elles furent faites, eu 1790, et à admettre qu'à travers le
désordre des assignats, il y a eu un rapport logique entre les frappes annuelles et les exi-
gences desdélenleurs de tous les capitaux ; s'il y a eu une erreur, à cette époque, nous la
commettons périodiquement et toujours de la même façon, ce qui on paralyse les consé-
quences, et comme, pour ma part, je ne compare que des rapports, je m'inquiète peu de
l'exactitude ou de l'inexactitude des chiffres absolus.
Il en est ainsi, principalement, pour l'évaluation des capitaux nationaux. Les 223 milliards
de francs que j'ai assignés comme valeur aux capitaux de 1881, me sont toujours apparus
souverainement absurdes. Mais c'est eu comniettaiil toujours les mêmes absurdités et en
les comparant entre elles, que j'obtiens des fluctuations qui, elles, correspondent à des
changements vrai*.
Ce qu'il y a de certain c'est que si, aux 30 milliards de capitaux cadastralemeut évalués
en 1790. j'ajoute tous les budgets qui se sont succédé jusqu'en 1881 par exemple, je re-
PS
trouve très approximativement le chiffre des capitaux immobiliers que je lire de-^ {{)•
Ayant ainsi constaté que les capitaux se majoraient automatiquement, je me suis bien
gardé de démajorer le numéraire actuel, en l'isolant du total frappé depuis l'adoption du
système décimal.
Donc, c'est entendu : comme chiffres absolus, la quantité du numéraire et l'évaluation
des capitaux sont absurdes ; mais, comparées entre elles à diverses époques, leurs varia-
tions mesurent, exactement, la situation économique et sociale de ces époques; et la
preuve c'est qu'en opérant toujours de la même façon, sur les quantités de monnaies
accusées, sur le numéraire et les billets déclarés par la Banque de France, sur les popu-
lations recensées elles décès annuellement constatés, j'ai vu, de 1831 à 1870, toutes mes
courbes coïncider très exactement avec les crises, historiques et par suite indéniables, de
1834, 1848, 1851,1870-1871, sans compter les guerres du second Empire.
Vous pourrez voir, d'ailleurs, dans mon livre Oh est l'argent? que j'ai ramené, ;i des
proportions beaucoup plus vraisemblables, Tévaluation des capitaux nationaux et qu'en
1889, par exemple, au lieu de 244 milliards de capitaux (immobiliers, mobiliers et finan-
ciers) j'ai pu écrire 73 milliards, en ne tablant que sur la circulation métallique, et
125 milliards Ijî en tenant compte des billets de banque.
Je dois aussi vous faire remarquer que la qualification de « richesse » donnée à mon
dénominateur ne correspond pas du tout aux éléments de ma formule. Le dénominateur
Px S exprime simplement la conversion en francs des choses et des êtres, car, pour la
possibilité des calculs, il fallait n'opérer que sur des unités de même nature. J'ai adopté
le franc ; j'aurais pu adopter le mètre ou même le cube. Mais le franc est une valeur faci-
lement appréciable, pouvant se plier à toutes les exigences et contenant une notion toute
vulgarisée ; c'est pourquoi je l'ai préféré.
Donc, mon dénominateur, je l'appelle : valeur des capitaux.
Mais capital n'est pas richesse pour fous ; s'il constitue un avantage à ceux qui le dé-
tiennent ; il est un fardeau pour ceux qui en produisent la rente.
17 r ■ ., .■ A , c , 3(0+N-E)M100
Enfin vous avez omis de faire remarquer que, dans 1 a formule p^ ,
100 est mis là pour obtenir un rapport proportionnel ; tandis que 3 indique la capacité
d'échange qui appartient, normalement, à l'unité de monnaie, quelle que soit, d'ailleurs,
sa valeur intrinsèque.
PS
Ceci dit, vous comprendrez aisément que -rr- donne une évaluation capitale susceptible
ft) Voyez 1ns ftois de la république, tome IT, documents, p. <38.
— 379 —
P'S'
d'être comparée à — - , appartenant à une autre année, et qu'en outre yavais raison
de dire que toutes lea lignes de mon diagramme étaient le résultat d'un chiffre et d'un chiffre
officiel, dont j'ai indiqué les sources ; 0, N, E, M, P, S, étant pris tels quels dans les pu-
blications du Gouvernement {{).
J'arrive maintenant à voire objection portant sur les six mois de délai accordés aux
héritiers pour déclarer les successions et acquitter leurs droits. Cette objection n'e^t pas
sérieuse.
D'une part, si la succession est importante, je me fie au zèle des héritiers pour abréger
le délai qui les sépare de la mise en possession; si elle est illusoire, son chiffre n'influence
pas les évaluations capitales; et enfin, quand même le retard porterait sur la moitié des
de cujus annuels, la répétition périodique de ces retards en annulerait complètement les
conséquences chiffrées.
yoila pour l'évaluation des capitaux successoraux.
Quant à la perception de la taxe, elle m'est absolument indifférente ; à quelque
époque quelle soit opérée, c'est seulement ii cette époque qu'elle réalisera la majoration
produite par tout impôt, mais elle n'agira que sur le budget de l'année.
Donc les six mois de retard sont absolument négligeables, car, je le répète, il s'agit
d'évaluer et non de dénombrer.
C'est même pour ce motif que je n'ai point pris les donations — ce que vous me re-
prochez, — parce que les discussions entre le fisc et les héritiers m'ofîrent une garantie
de minimum que ne m'offrent pas les donations.
Votre rappel delà loi Wolowski n'a pas plus d'importance: que m'importe que les
capitaux se majorent ;)ar Mwe/oJ, plutôt que parla simple accumulation de l'impôt, de
l'intérêt et de l'épargne? L'essentiel est qu'en se majorant ils élèvent leurs prétentions
et exigent un plus fort revenu. Cela me suffit; or c'est à la majoration de 1876, qui vous
a si fort étonné, que nous devons le krach et la crise de 1882.
Ainsi tombe, du même coup, la rectification que vous voudriez me faire accepter pour
les successions de 1870-1871.
P X S
En effet, si le chiffre de 1870 est si bas par rapport à 1871 , c'est, d'abord, que dans — — ,
M (les décès) est diviseur et a atteint un chiffre fort élevé ; c'est, ensuite, que les évalua-
tions ont été plus basses à cause de la triple crise économique, sociale et internationale.
(En mai 1870, le 3 p. 100 cotait 75,10; en octobre .50,80 ; et le plus grand nombre des
successions ont été ouvertes dans le deuxième semestre).
D'ailleurs, il est si vrai que les capitaux successoraux ne sont, pour moi, qu'une mesure
de valeur et non pas un dénombrement, que je puis, d'une année à l'autre, me dispenser
de me servir des successions, en remplaçant celles-ci par le taux moyen des fonds d'Etat
durant l'année étudiée, et le montant du budget des recettes do l'année précédente, rap-
proché des déficits ou excédents accusés.
J'ai appliqué ce système aux époques où les successions me faisaient défaut (1815-1825),
PS
après l'avoir contrôlé, bien entendu, en l'employant concurremment avec r-- dans la
période postérieure à 1826.
PS
(1) -rr est la solution de M : S :: P ; C. J'estime, en effet, que la masse des décédés n'est pas autre-
ment composée que la masse des survivants; elle contient, proportionnellement et pêle-mêle, des hommes
et des femmes, des enfants et des adultes, des riches et des pauvres, et, en y regardant de très près,
C, calculé de cette façon et pris, non comme évaluation mais comme dénombrement, serait plutôt mini-
mum que maximum.
— 380 —
Pour ne pas ahiiser de votre atlciilion, je ne développerai pas, ici, l'identilé des résul-
tais que j'ai obtenus par diverses formuiesj dont j'ai banni à dessein les éléments qui
entraient dans d'autres, alin de pouvoir les contrôler mutuellement. Je me borne à vous
(lire que j'ai obtenu l'indice 2 4/4, aussi bien avec —, , comme vous l'avez expliqué,
K
qu'en employant tt et — (B exprimant le budget de l'année ; D, la densité de la popu-
lation) et en les soumettant à la formule suivante :
Q =
Hé bien, lorsque -; égale 2 1/4, on trouve constamment que « + 1 met en relief l'époque
d'une crise intense, presque toujours accompagnée de destructions.
Dans celte formule, vous le voyez, les successions n'entrent pour rien ; mais il y a les
capitaux, sous la forme de population et de territoire ; il y a, aussi, la quantité de numé-
raire, concrétée par le budget.
Je crois avoir, ainsi, écarté absolument toutes les bésitations que vous inspire l'Iiabitude
des dénombrements, comme aussi l'usage trop hasardeux des moyennes (1).
Il ne me reste plus maintenant. Monsieur, qu'à dire quelques mots de la façon dont
vous combattez mes pronostics de 1888 et 181)0.
Quant à la ressemblance de 1888 et de 1848, je me bornerai à citer le témoignage (non
suspect assurément) de M. Jules Simon, qui, dans le Slatin du 31 octobre 1888, com-
mençait ainsi un article intitulé : « 1848 et 1888 » : « Il y a de grandes analogies entre
« ces deux époques; je crains qu'elles ne se ressemblent surtout par la manière de finir(2) .»
Or, la manière de finir a été une réaction que j'avais prévue dès 1883 (3).
Et si j'ai écrit, au président de la Chambre des députés, ma lettre du 18 novembre
1885, c'est que ma loi des catastrophes m'avait indiqué que nous marchions vers une
situation économique et sociale identique à celle de 1848, laquelle serait préparée par
des scandales équivalents à ceux de 1847, où se déroula le procès Teste, Despans-Cu-
bière, etc.
Hé bien, les procès scandaleux de 1887 ne sont-ils pas des équivalents précis des;)rocè«
Teste, etc.?
L'abdication de Louis-Philippe a eu lieu en février 1848 ; celle de M. Grévy, en dé-
cembre 1887.
Allez-vous me reprocher trois mois? Et ne voyez-vous pas que prévoir, même à six ou
huit mois près, mais à trois ou cinq ans de distance, c'est déjà quelque chose de pré-
(1) C'est la formule basée sur la raison des progressions que (les successions et d'autres éléments me
manquant) j'.ii appliquée au Brésil, à la Prusse, à VAn'jleterre. au Portmjal, à l'Italie, etc.
Je saisis cette occasion pour vous faire remarquer qu'en critiquant la formule de mes courbes, vous
avez cru qu'à une date initiale j'avais posé B = zéro. J'ai posé B = B,par hypothèse, ce qui conduit,
en effet, à B — B := zéro ou, ce qui revient au même, D = zéro. Mais, en tenant compte du solde pré-
cédent, je pouvais avoir, en fait, B > B, ce qui m'aurait donné B — B '= r. Il aurait fallu alors reporter
X annuellement, ce qui était absolument inutile et aurait encombré mes calculs, sans, pour cela, modi-
fier d'une façon sensible la jonction des courbes, excepté dans le cas où j'aurais pris une échelle au
moins décuple de celle que j'ai adoptée.
(2) Je pourrais citer bien d'autres journalistes.
(3) Les Rois de la République, t. 1, p. 372.
— 381 —
deux, surtout si vous voulez bien vous reporter à l'étal mental de la population française
en novembre 1885(1).
Je ne crois pas devoir insister.
Quant à 1890, vous n'admettez pas l'état spécial de crise économique qui, pourtant
crève les yeux, surtout après les métaux, le Panama, le Comptoir d'escompte, le Crédit
foncier et l'extraordinaire difficulté d'asseoir le budget.
Ce qui vous trouble, c'est le mot assignat et, tout de suite, vous me déclarez que,
depuis 1885, la Banque de France a accru son encaisse d'un quart de milliard.
Sur ce point encore, vous allez être fort surpris quand je vous dirai que la circulation
actuelle est plus en papier qu'en métal et que vous pourrez lire dans mon nouveau livre:
Oîi est l'argent, la démonstration très détaillée et très complète que, là où les bilans de
la Banque de France inscrivent plus de 2 milliards et demi de numéraire, il faut lire
à peine 1,300 millions !
J'entends bien : selon vous, il manque à la réalisation de mes/)ro;j/ie7«es(!) un élément
essentiel : la tuerie, le massacre, la destruction ! Les destructions n'ont pas encore eu
lieu, heureusement, et, dans tous mes livres, j'ai déclaré qu'elles n'étaient ni forcées ni
fatales.
D'abord je ne saurais prophétiser une destruction à date fixe, parce que, je fais entrer
dans la liste de celles pouvant dénouer les crises, les épidémies les plus meurtrières qui,
celles-là, tout en étant plus désastreuses dans les époques de misère, ne dépendent pas
directement des éléments sur lesquels est basée ma loi des catastrophes.
Il reste donc deux solutions: les destructions voulues (guerre |intérieure ou extérieure)
et les réformes, dictées par la formule (suppression de l'intérêt capitaliste sous toutes ses
formes).
Or, dans le passé, j'ai toujours vu qu'aux réformes socialistes on a préféré les mas-
sacres ; les théories régnantes ne se montrant pas favorables aux réformes socialistes,
comment voulez-vous que je ne suppose pas qu'on se prépare à recourir aux massacres à
l'intérieur ou à l'extérieur.
Voyez-vous, Monsieur, le plus grand obstacle qui s'oppose à l'acceptation, par les gou-
vernants, de ma loi des catastrophes, c'est cet aveu, échappé, en 1884, à M. Jules Ferry,
en plein Parlement : « S'il existait, s'écriait-il, une école économiste ou socialiste possé-
« dant la solution du problème de la misère, il n'y aurait qu'une chose à faire : lui remettre
a. le gouvernement tout entier (2). »
Or, il n'est pas douteux qu'une formule pronostiquant les crises et indiquant tous les
éléments qu'il faut modifier pour les paralyser, contient, du même coup, la solution du
problème de la misère.
Je vous demande pardon d'avoir si longtemps occupé votre attention, mais je devais, à
vous-même et à ma conscience, de vous expliquer pourquoi je ne pouvais pas 'considérer
comme fondées les objections par vous formulées.
J'ajoute, en terminant, que, si la Société de statistique voulait me convier à une dis-
cussion contradictoire qui, je n'en doute pas, serait présidée par la bonne foi, je me
déclare prêt à réduire à néant toutes les objections qui me seraient opposées.
Sur ce, Monsieur et en vous renouvelant mes remerciements, je vous prie d'agréer
l'expression de mes sentiments les plus distingués.
Auguste Chirac.
(1) Voyez, pour le surplus, l'Agiotage, t. 11, p. 64 et 267. D'ailleurs, si l'on veut préciser les mois,
il faut se souvenir qa'écoHomi(juement et socialement, c'est en septembre et décembre 1870 que
l'année a commencé, ce qui nous reporterait à septembre et décembre 1887.
(2) Journal officiel (Chambre), 1" février 1884, p. 247.
— 382 —
Vil.
TABLE ALPHABETIQUE DES MATIERES
CONTENUES DANS LE XXXI' VOLUME (ANNÉE 1890).
Accidents (Les) d'appareils à vapeur, 112. Le Cou-
giÈs (les accidenta du travail, 188.
Actions ol obligations do clieinius de fer (Classe-
nu'nt et répartition des), 138.
Agriculture (L') française eu 1790 et 1882, 200.
AHGLETEBBE (La mortalité par professious oui,
UG.
Assistance publique (Statistique des dépenses
publiques d") en France, 60.
Banque (Opérations de la) de France en 1889,
27.S.
Bibliographie. Recherches sur la théorie des prix,
par MM. Rodolphe Auspitz et Richard Lichen, 285.
Géographie de la République Argentine, par
M. Latzina, 287. Le budget du ministère du
coiiimorco, par M. do Siegfried, 319.
Bureaux (Les) de statistique du travail aux États-
Unis, S14.
Caisses d'épargne (La clientèle dos), 361.
Canon iCo que coûte un coup de), 191.
Cartes à jouer (L'impôt sur les), as.
Catastrophes (La loi des), 876.
Chasse (Les permis et les terrains de), 314.
Commerce (Le) de la France en 1889, 347. — Id.
avec l'Italie, 317.
Comptes et budgets de la Société de statistique de
Paris, 100.
Conférences Bellechasse, séance d'ouverture, 8.
Conseil (Le) supérieur de statistique, i9g.
Dépopulation (I-a) de la France, 359.
Divorce (Résultats statistiques de s années de) 106.
Duel Le) en Italie, 234.
EIFFEL (L'exploitation de la Tour), 374.
Émigration (L') à Marseille en 1889, 78.
EUROPE (Les chemins de fer de 1') en 1888, 284.
Exposition universelle (Ce que la France a gagné
à 1'), 79.
Fiscalité (La) alimentaire et gastronomique a
Paris, 40.
Craphique (L'Album) au ministère des travaux
publics, 11.
Graphiques (Quelques considérations élémentai-
res sur les constructions) et leur emploi en
statistique, 166. **
Grèves (Les) on France en 1886 et 1887, 127.
Guyane (La) française, 146.
GRAKDE-BBETAGHE (La production minérale de
la), 317.
privée ot la mendicité profession-
Initiative (L')
nclle, 219.
ITALIE. La machine à vapour, 283. Concurrence
avec la France, 317. Sociétés de secours mu-
tuels, S09.
JAPON (La marine marchande du), 351.
Libéralités (Les) aux personnes morales. 268.
Morbidité (Du la) et de la mortalité dans les so-
ciétés do secours mutuels d'Italie, 307.
mortalité (La) des militaires en temps de paix,
274.
Mortalité par âge (Quelques observations sur les
tables de), 159.
Rationalité (De la) au point de vue du déuom-
bremoul de la population, 69, 103.
naufrages (Statistique générale dos), 214.
Hombre r. (Uccbercbes statistiques sur le), 314.
PABIS. La circulation pendant l'Exposition, 277.
Les tramways, 316. Situation générale en 1888,
319. La production et la consommation du gaz,
364. Le prix des terrains et des immeubles, 3(i7.
Les enfants moralement abandonnés, 369. Les
enterrements civils, 371. Les omnibus, 372.
Population (Mouvement de la) de la France en
I8S9, 33a.
Procès-verbaux des séances de la Société, 1, 33,
65, 97, 129, 161, 193, 289, 321, 353.
B03SIE. Le mouvement des ports russes depuis
50 ans, 135. La production des céréales, 278.
Religieuse (La statistique) de Paris, 257.
Salaires (Les) des travailleurs et les revenus de
la France, 225.
Secrétariat (Le) ouvrier en Suisse, 2I8.
Société de statistique de Paris. Liste des mem-
bres, 24. Situation financière, 160. Procès-ver-
baux des séances, 1 à 353.
Syndicats (Les) agricoles en France, 241.
TABLE DES AUTEURS.
BERHABD (François). Les Syndicats agricoles de
la France, 241.
BIENATHÉ (Uustave). La Fiscalité alimentaire et
gastronomique à Paris, 40.
CERISIEB (Charles). La France équinoxiale. Notes
et impressions sur la Guyane française, 146.
CHETSSOR (Emile). L'Album graphique des tra-
vaux publics, 11. Recherches sur la théorie des
prix (article bibliographique), 285.
COOK (Arthur). La Mortalité par professions en
Angleterre, 1I6.
COSTE (Adolphe). Le Salaire des travailleurs et le
revenu de la France, 225.
CBISEROT (Jules de). La Statistique des dépenses
puliliques d'assistance en France, 60.
DUCROCS iTh.). Le principe dé la nationalité, 69,
103. Les libéralités aux personnes morales, 218.
FOURRIER de FLAIX. La Statistique religieuse de
Paris, 257.
FOVILLE (A. de). La Loi des catastrophes de M. de
Chirac, 293.
383
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GRUNER (limile). Lo Cougrés intornalional des
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HUGO (Léopold). Kecherches statistiques sur le
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LIE&EARD (Armand). Le Secrétariat ouvrier suisse,
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dant l'Exposition, 287. De la Morbidité et do la
mortalité dans les sociétés de secours mutuels
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de la France en 1889, 347. La Clientèle des cais-
ses d'épargne, 301. Variétés parisiennes, 364.
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l'Exposition universelle do 1889, 79. Le classe-
ment et la répartition des actions et obligations
de cliemins de for dans le portefeuille, 138.
Le Rapport de M. Siegfried sur le budget du
Ministère du commerce (article bibliographique),
319.
ROT (Alph.). La Dépopulation de la France, 369.
IDRODAN (Victor). Résultats statistiques do cinq
années de divorce, 106. Statistique générale
des naufrages, 214. Le Duel en Italie, 25t.
TAUTHIER (L.). Quelques considérations sur les
constructions graphiques et leur emploi en sta-
tistique, 166.
Vlll.
TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ
(communications, DISCUSSIONS. — » 889- 1890.)
Novembre 1889. — Résolution relative aux con-
férences organisées par lu Société de statis-
tique destinées à l'instruction des aspirants
à l'intendance militaire. — Programme de
ces conférences. — Translation de la Biblio-
thèque de la Société au ministère du com-
merce. — Communication de M. L. L. Vau-
thier sur les constructions graphiques et
leur emploi. Statistique.
Décembre. — Communication de M. Th. Ducrocq
sur la nationalité au point de vue des dé-
nombrements de laijopulation. — Discussion :
MM. Turquan, Levasseur, Yvernès, Liégeard.
Janvier 1890. — Installation du bureau. — Dis-
cours de MM. Paul Leroy-Beaulieu et Oct.
Keller. — Présentation de l'Annuaire statis-
tique de la France. — Communication de
M. Gust. Bienaymé sur la liscalité alimeu-
tairo et gastronomique à Paris.
Février. — Éloge funèbre de M. André Cochât. —
Note sur la statistique graphique, par M. Geor-
ges Mayr. — Communication de M. Fran-
çois Bernard sur les syndicats agricoles.
Discussion : MM. Kergall, G. Martin, de Crise-
noy, Duhamel, Robyns, Tisserand. — Com-
munication de M. Fontaine sur la table de
mortalité de la Caisse nationale des retraites.
Mars. — Discussion sur la situation financière de
la Société. — Adoption du rapport de M. Ney-
marck. — Suite de la communication de M.
Fontaine. Discussion : MM. Loua, Turquan. —
Communication de M. Neymarck sur le
classement et la répartition des actions et
obligations de chemins de fer dans. les port u-
feuilles.
Avril. — Rapport sur le transfert du siège so-
cial à l'hôtel des sociétés savantes. — Com-
munication de M. Fravaton sur le contrôle
des compagnies d'assurances sur la vie.
Mai. — Rétablissement de la subvention de la VTÎIë
de Paris. — Communications ethnographiques
du prince Roland Bonaparte. — Communica-
tion de M. Gruner sur le congrès inter-
national des accidents de travail. — Discussion
du mémoire de M. Fravatou : MM. Béziat-
d'Audibert et Thomereau.
Juin. — Suite de la discussion du mémoire de
M. Fravaton : M. Marie. — Communication
de M. Fournier de Flaix sur la statistique re-
ligieuse de Paris. — Communication de
M. Ad. Coste sur les salaires des travail-
leurs et le revenu de la France. Discussion :
MM. Keller et A. de Foville.
Juillet. — Avis relatif à une subvention du mi-
nistère des travaux publics. — Le conseil supé-
• rieur de statistique, par M. Edouard Millaud,
sénateur. — Communication de M. Th. Du-
crocq sur la statistique dos libéralités aux
personnes morales. — Communication de
M. A. do Foville sur la loi des catastrophes
de M. A. Chirac.
Août et septembre. — (Vacances.)
Octobre. — Communication de M. Aug. Vanuacque
sur le mouvement de la population en France
pendant l'année 1889. Discussion : MM. Bau-
dry, Turquan, Flechey, Décrois. — Com-
munication de M. A. Liégeard sur les Bureaux
de statistique du travail aux Etats-Unis.
— 384 —
OUVRAGES PRÉSEiNTÉS (NOVEMBRE 1890).
Ouvrages signés : Les Financiers amateurs d'art, par M. V. de Swarte. Paris, Firmin-
Didol(1890).
Archives de statistique, par M. G. Mayr. Munich (1890).
Les Banques populaires, par M. Courtois. Paris, Garnier frères (1890).
Les Conditions du travail cl les grèves dans les houillères prussiennes {Annales des
Mines), par M. Oct. Keller. Paris (1890).
Les Caisses d'épargne, article du Dictionnaire des Finances, par MM. Aug. Van-
nacque et J. Breton.
Annales des Assemblées départementales (travaux des Conseils généraux de 1889),
tome IV, par M. Jules de Criscnoy.
Les Traités maritimes du Royaume-Uni, par M. W. Rawson. Londres (1890).
Documents officiels. Rapport au Ministre des finances sur les résultats de l'évaluation
des propriétés bâties. Paris, Impr. des journaux olïïciels (1890).
Annuaire statistique de la France. — Treizième année (1890). Publié par le Mi-
nistre du commerce et de l'industrie.
Statistique de la justice civile et commerciale du royaume d'Italie en 1880.
Rome (1890).
Recensement de la population de la Grèce {avril 1889). Athènes (1890).
Bulletins annuels des finances des grandes villes.
Statistique municipale de Budapest.
Revues et jouknaux. France. Revue des travaux scientifiques. — Revue maritime et co-
loniale. — Le Rentier. — La Réforme sociale. — L'Avenir économiijue. —
Dullelin de l'Institut des actuaires. — Bulletin de la Société des agriculteurs.
— Bulletin des associations de prévoyance. — Bulletin du syndicat des viticul-
teurs. — Le Travail national. — La Défense publique.
Autriche. — Le National-Œkonom.
République Argentine. — Bulletin mensuel de BuenosAyres.
Belgique. — Le Moniteur des intérêts matériels.
Espagne. — Notices commerciales. — Popolacio e teritorio.
Italie. - L'Econoraista (de Florence). — Bulletin de l'administration des douanes.
Nota. — La Bibliothèque de la Société de Statistique de Paris est ouverte tous les
jours non fériés, de midi à quatre heures (Ministère du Commerce),
80, rue de Varennes.
Le Gérant, 0. Beuger-Levrault.
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S6
t. 31
Société de statistique
de paris
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