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Full text of "Journal de la Société de statistique de Paris"

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JOURNAL 


DE  LA 


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SOCIETE  DE  STATISTIQUE 


DE   PARIS 


TREiYTE    ET    UNIÈME    ANNÉE 

(1890) 

BERGER-LEVRAULT   ET  C/,   LIBRAIRES-ÉDITEURS 

PARIS 

NANCY 

RUE   DES   DEAUX-ARTS,  5 

RUE  JEAN-LAMOUR.    H 

MDCCCXG 


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KANCV,    IMPRIHKRIK    IIKROKK-L.KVRAUt,T    BT    C". 


TABLE  DES  MATIÈRES  DU  TRENTE  ET  UNIÈME  VOLUME 

(ÂNNiiE  1890.) 


FAOES 

Numéro  de  janvier.  —  I.  Procès-verbai  des  séances  du  20  novembre  et  du  18  décembre  1SS9    .  I 
II.  Conférences  pour  les  aspirants  à  l'intendance  militaire  organisées  par  la  Société  de  statistique 

de  Paris,  séance  d'inauguration .....  8 

m.  L'Album  de  statistique  grapliique  du  ministère  des  travaux  publics,  par  M.  E.  Cheysson.     .  1 1 

IV.  Liste  des  membres  de  la  Société  statistique  de  Paris 23 

Numéro  de  février.  —  I.  Procès-verbal  de  la  séance  du  15  janvier  1890    ....  ....    33 

11.  La  Fiscalité  alimentaire  et  gastronomique  à  Paris,  par  M.  Gustave  Bienaymé 40 

IH.  La  Statistique  des  dépenses  publiques  d'assistance  en  France,  par  M.  A.  de  Crisenoy  ...  GO 

\uméro  de  7nars .  —  I.  Irocès-verbal  de  la  séance  du  19  février  1 890 (iô 

II.  De  la  nationalité  au  point  de  vue  du  dénombrement  de  la  population  dans  chaque  pays  et  de 

la  loi  française  sur  la  nationalité  du  26  juin  1889,    par  M.  Th.  Diicrocq 69 

III.  L'émigration  à  Marseille  pendant  l'année  1889 78 

IV.  Ce  que  la  France  a  gagné  à  l'Exposition  de  1S89,  par  M  Alf.  Neymarck 79 

Numéro  d'avril.  —  I.  Procès-verbal  de  la  séance  du  19  mars  1890 97 

H,  De  la  nationalité  au  point  de  vue  du  dénombrement  (si(»7e  eM'i) 103 

III.  Résultats  stalisliques  de  cinq  années  de  divorce,  par  M.  Victor  Turquan "  106 

IV.  Les  accidents  d'appareils  à  vapeur,  par  M.  Octave  Relier 112 

V.  La  mortalité  par  profession  en  Angleterre,  par  M.  Arthur  Cook 116 

VI.  L'Initiative  privée  et  la  mendicité  professionnelle,  par  M.  Grosseteste-Tliierry 119 

Variété.  —  Les  grèves  en  1886  et  1887 127 

Numéro  de  mai.  —  I.  Procès-verbal  de  la  séance  du  16  avril  1890 129 

II.  Le  mouvement  des  navires  dans  les  ports  russes  depuis  50  ans,  par  .M.  G.  Martin  ....  135 

III.  Le  classement  et  la  répartition  des  actions  et  obligalions  des  chemins  de  fer  dans  les  porto- 

feuilles,  par  .M.  Alf.  iNeymarck 138 

IV.  La  France  équinoxiale,  notes  et  impressions  sur  la  Guyane  française,  par  M.  C.  Cerisier  .     .  146 

V.  Correspondance.  —  Lettre  de  M.  Kiaer  sur  un  point  particulier  de  la  table  de  mortalité    .     .  159 

Numéro  de  juin.  —  I.  Procès-verbal  de  la  séance  du  21  mai  1890 164 

II  Quelques  considérations  élémentaires  sur  les  constructions  graphiques  et  leur  emploi  eu  statis- 
tique, par  M.  S.  L.  Vauthicr 166 

III.  Variétés.  —  Ce  que  coûte  un  coup  de  canon 191 

Numéro  de  juillet.  —  I.  Procès-verbal  de  la  séance  du  18  juin  1890 193 

II   Le  Conseil  supérieur  de  statistique 196 

III.  Le  Congrès  international  des  accidents  du  travail,  par  .M.  K.  Gruner 198 

IV.  Statistique  comparée  de  l'agriculture  française  en  1790  et  1882,  par  iM.  iMauqiiij]  ....  200 

V.  Statistique  générale  des  naufrages,  par  M   Victor  Turquan 214 

VL  Le  secrétariat  ouvrier  en  Suisse,  par  M.  A.  Liégcard  .          218 

VII.  Variété.  — L'impôt  sur  les  cartes  à  jouer 223 

Numéro  d'août.  —  I.  Les  salaires  des  travailleurs  et  le  revenu  de  la  France,  par  M.  Ad.  Cosle     .  225 

II.  Les  Syndicats  agricoles  en  France,  p?r  M.  François  Bernard 241 

III.  Variété.  —  Le  Duel  eii  Italie 254 


PAOIS. 

iSnnn'ro  de  septembre.  —  I.  La  Statistique  religieuse  à  Paris,  par  M.  Fonrniei'  de  Flaix.     .     .     .  257 

II.  Un  nouveau  progrès  à  réaliser  dans  la  statistique  des  libéralités  aux  personnes  morales,  par 

M.  Th.  Ducrocq 268 

III.  La  mortalité  des  militaires  en  temps  de  paix    ...          271 

IV.  Le  mouvement  de  la  circulalion  parisienne  pendant  l'Exposition,  par  M.  T.  Loua    ...  277 

V.  Variétés.  —  Les  Opérations  de  la  Banque  de  France  en  1889 278 

La  Récolte  des  céréales  en  Russie 281 

La  Marine  à  vapeur  italienne 283 

Les  Chemins  de  fer  de  l'Europe 284 

VI.  Bibliographie.  —  Recherches  sur  la  théorie  des  prix  do  MM.  Rudolph  Auspitz  et  Richard  Lieben, 

pjr  M.  Cheysson 285 

Géographie  de  la  République  Argentine  de  M.  Latzina,  par  M.  E.  Levasseur  .     .  287 

Numéro  d'octobre.  —  I.  Procès-verbal  de  la  séance  du  l(j  juillet  1890  (avec  annexes)  ....  289 

II.  —  La  Loi  des  calastiophes  de  AI.  Aug.  Chirac,  par  M.  A.  de  Foville    ....         ...  293 

III.  De  la  morbidité  et  de  la  mortalité  dans  les  Sociétés  de  secours  mutuels  italiennes,  par 

M.  T.  Loua 309 

IV.  Variété.  —  Les  Permis  de  chasse 314 

Les  Tramways  de  Paris  et  de  la  banlieue 316 

La  Production  minérale  de  la  Grande-Pretagni' 317 

Le  Commerce  réciproque  de  la  France  et  de  l'Italie 317 

Essai  statistique  sur  le  nombre  r. 318 

V.  Bibliographie.  —  Le  Rapport  de  M.  Siegfried  sur  le  budget  du  Ministère  du  commerce,  par 

M.  Alf.  .Neymarcii 319 

fiuméro  de  novembre.  —  1.  Procès- verbal  de  la  séance  du  l.i  octobre  1890    ...          ...  321 

II.  Les  Bureaux  de  statistique  du  travail  aux  Etats-Unis,  par  M.  A.  Liégeard 324 

III.  Le  Mouvement  de  la  population  de  lu  France  en  1889 339 

IV.  Le  Commerce  extérieur  de  la  France  en  1889,  par  M.  T.  Loua 347 

V.  Paris  en  1888,  par  M.  T.  Loua 3W 

VI.  Variété.  —  La  Marine  marchande  japonaise 351 

Numéro  de  décembre.  —  I.  Procès-verbal  de  la  séance  du  19  novembre  1890.                '    .          .  353 

II.  La  Dépopulalion  de  la  France,  par  M.  A.  Ray 359 

IIL  La  Clientèle  des  caisses  d'épargne,  par  M.  T.  Loua 301 

IV.  Variétés  parisiennes,  par  M.  T.  Loua.  —  La  Production  du  gaz.                    .          ....  3Gi 

Le  Prix  des  terrains  et  des  immeubles    .          ;jG7 

Les  Enfants  moralement  abandonnés .          .          3G9 

Les  Enterrements  civils .371 

Les  Omnibus 372 

V.  L'Exploitation  de  la  Tour  Eiffel  pendant  l'Exiio.'ilion   .     .                              37i 

\1.  La  Loi  dfs  catastrophes  de  M.  Chirac 37G 

VII.  Table  alphabétique  des  matières  —  Table  des  auteurs            382 

VIII.  Travaux  de  la  Société 3S3 


Ce  numéro  contient  la  Liste  des  Membres  de  la  Société,  voir  pages  24-32. 


JOURNAL 


DK  LA 


SOCIÉTÉ  DE  STAÏlSTKililî  l)K  PAlilS 


NO  1    —  JANVIER  1890. 


I. 
PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES  DES  20  NOVEMBRE  ET  18  DÉCEMBRE  1889. 

i°  Séance  du  20  novembre  1889. 

SoMMArBB.  —  Liste  des  membres  proposés  pour  le  Bureau  de  1S90.  —  Les  conférences  de  statistique 
organisées  par  la  Société  de  statistique  de  Paris  à  la  Réunion  des  officiers.  —  La  bibliothèque  de  la 
Société.  —  l'résentation  des  ouvrages.  —  Les  constructions  graphiques  et  leur  emploi  en  statistique, 
par  iM.  Yauthier. 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  sous  la  présidence  de  M.  A.  de  Crisenoy,  vice- 
présldenl. 

M.  DE  Crisenoy  remercie  ses  collègues  du  Bureau  de  l'avoir  appelé  à  présider  la 
séance  de  ce  jour,  en  l'absence  de  M.  Paul  Leroy-Benulieu,  relenu  chez  lui  par  un 
deuil  cruel,  la  perte  de  sa  fille,  à  peine  âgée  de  onze  ans.  La  plupart  des  membres 
de  la  Société  ont  tenu  à  honneur  d'assister  aux  funérailles,  et  la  Société  tout  en- 
tière envoie  à  notre  Président  et  à  sa  famille,  si  douloureusement  éprouvés,  l'ex- 
pression de  ses  regrets  et  de  sa  vive  sympathie. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  d'octobre  est  adopté. 

M.  le  Président  rappelle  qu'il  y  aura  lieu  de  procéder,  dans  la  séance  du  iS  dé- 
cembre, à  l'élection  des  membres  appelés  à  compléter  le  Bureau  et  le  Conseil  pour 
l'année  1890. 

Conformément  à  l'article  6  du  Hèglemenl,  le  Conseil  a  désigné  au  choix  de  la 
Société  les  membres  ci-après  désignés  : 

Président  honoraire  .   M.  Eug.  TtssKUAND,  directeur  de  l'agriculture. 

Président  .  .  .  .  .  M.  Octave  Keller,  ingénieur  en  chef  des  mines,  en  rem- 
placement de  M.  Paul  Leroy-Beaulieu,  président  sor- 
tant en  vertu  de  l'article  7  des  Statuts. 

1"    SKBIB.   31"   VOL.   —   N«   1.  i 


—  2  — 

Vice-présidejils  .    .    .   MM.  Th.  Ducrocq,  professeur  à  la  Facullé  de  droit  de 

Paris,  en  remplacemenl  de  M.  Kiig.  Tisserand,  vice- 
prùsidenl,  sorlanl  en  vcrlu  des  Statuts  ;  Adolpiic  Coste, 
puljlicisle,  en  remplacement  de  M.  0.  Keiler,  proposé 
pour  la  présidence. 
Membres  du  Conseil  .  .MM.  Paul  Chalvet  et  Victor  Turquan  en  remplacement 

de  MM.  Ducrocq  et  Coste,  proposés  pour  la  vice-pré- 
sidence. 
En  communiquant  celte  liste,  M.  le  Président  fait  observer  qu'en  vertu  de  l'ar- 
ticle 6  du  règlement,  toute  candidature  proposée  par  cinq  membres  au  moins  est 
de  droit  ajoutée  à  la  liste  du  Conseil,  pourvu  qu'elle  soit  conforme  aux  articles  5 
et  8  des  Statuts  et  transmise  au  Secrétaire  général  dans  le  délai  de  huit  jours. 
Il  est  procédé  à  l'élection  de  deux  membres  nouveaux. 

Sur  la  proposition  de  MM.  E.  Levasseur  et  V.  Turquan,  M.  le  commandant  Quic- 
viLLON,  breveté  d'élat-major,  est  nonnné  membre  titulaire. 

D'autre  part,  M.  Guillermo  Herrea,  sous-directeur  de  la  statistique  du  .Mexique, 
dont  on  a  pu  remar(|uer  les  beaux  travaux  à  l'Exposition  universelle,  reçoit,  sur  la 
demande  de  M.M.  Vannacque  et  Loua,  le  litre  de  membre  associé. 

Invité  par  M.  le  Président  à  prendre  la  parole,  .M.  E.  Levasseur  informe  la 
Société  que,  sur  l'initiative  de  M.  Cheysson,  le  Conseil  a  organisé,  à  la  demande 
de  M.  le  Ministre  de  la  guerre,  un  certain  nombre  de  conférences  de  statistique 
et  de  géographie  économique,  destinées  à  l'insti'uction  des  aspirants  à  l'intendance 
militaire,  mais  qui  seront,  en  même  temps,  ouvertes  gratuitement  au  public. 

Ces  conférences  auront  lieu  le  samedi  de  chaque  semaine,  à  8  heures  et  demie  du 
soir,  dans  la  salle  d'escrime  de  la  Réunion  des  officiers,  rue  Bellechasse,  n"  37,  à 
partir  de  samedi  23  novembre  1889,  jusqu'au  samedi  1"  mars  1890  inclusivement. 
La  première  séance,  consacrée  à  une  conférence  de  M.  Levasseur,  membre 
de  l'Institut,  sera  ouverte  par  M.  Paul  Leroy-Beaulieu,  membre  de  l'Institut,  au  nom 
de  la  Société  de  statistique  de  Paris. 

M.  Levasseur  invite  expressément  tous  les  membres  de  la  Société  à  accompagner 
leur  Président  et  à  participer  aux  conférences  suivantes  dont  voici  le  programme  : 

i  )  Généralités  sur  la  statistique. 

Conférences.  ^  Samedis. 

1". —  M.  E.  Levasseur.  La  statistique,  son  objet,  son  histoire 23nov.l889 

2'.  —  M.  Fi.  CiiEYSsoN.  Les  méthodes  de  la  statistique 30  — 

;^e.  —  M.  le  D'  Beutillon.  L'organisation  des  bureaux  de  statistique  en 

France  et  à  l'étranger 7  déc, 

2)  Statistique  et  géographie  économiques. 

4".  —  M.  Levasseur.  La  production  et  le  commerce  des  céréales  dans 

le  niondo 14  déc. 

5«.  —  M.  Levasseur.  La  culture  et  la  production  du  froment  en  France.  21  — 

6^  —  M.  de  FoviLi.E.  Le  sel  et  le  sucre  dans  le  monde 28  — 

T. — M.  DE  FoviLLE.  Le  vin  dans  le  monile 4janv.l890 

ge.  —  M.  E.  Tisserand.  La  production  et  le  commerce  de  la  viande  dans 

le  monde H  — 


Conffr.>nce!.  Samedi». 

9».  — ■  M.  E.  Tisserand  (ou  son  délêgiié).  Le  bétail  et  les  fourrages  en 

France  . 18janv.l889 

10°.  —  M.  Pigeonneau,  professeur  à  la  Sorbonne.  Les  régions  agricoles  de 

la  France 25  — 

H". — M.  Pigeonneau.  Le  commerce  de  la  France l"fév. 

1:2".  —  M.  Ciieysson.  Les  transports  par  routes,  canaux  et  chemins  de  fer 

en  France 8  — 

43°.  —  M.  Tisserand  (ou  son  délégué).  Les  forêts  et  le  commerce  des  bois 

en  France 15  — 

li°.  —  M.  0.  Keller.  Le  charbon,  le  fer  et  l'acier  en  France 22  — 

15°.  —  M.  Pigeonneau.  L'industrie  te.xtile  en  France 1"  mars. 

Des  applaudissements  unanimes  saluent  la  communication  de  M.  E.  Levasseur, 
dont  les  conclusions  sont  votées  par  la  Société. 

M.  Aug.  Vannacque  se  dit  heureux  de  pouvoir  annoncer  officiellement  à  la  So- 
ciété que  les  locaux  que  le  Ministre  du  commerce  et  de  l'industrie  a  bien  voulu, 
sur  la  demande  de  M.  de  Foville,  notre  ancien  président,  aff^ecter,  dans  l'Hôtel  du 
ministère,  rue  de  Varennes,  à  la  Ijibliolhèque  de  la  Sociéié  de  statistique,  sont 
actuellement  aménagés  et  prêts  à  la  recevoir.  Ce  local  est  entièrement  séparé  de  la 
bibliothèque  du  ministère.  Cette  dernière  n'en  sera  pas  moins  ouverte  aux  membres 
de  la  Société  de  statistique  qui  voudraient  y  travailler.  Ils  y  trouveront  des  docu- 
ments précieux  qu'ils  pourront  consulter  sur  place  et  sans  autre  formalité. 

M.  le  Président  se  félicite  de  cet  excellent  résultat,  et  il  en  exprime,  au  nom  de  la 
Sociélé,  toute  sa  reconnaissance  à  M.  de  Foville,  qui  a  entamé  les  premières  négo- 
ciations à  ce  sujet,  ainsi  qu'à  M.  Vannacque  qui  en  a  assuré  la  réussite,  au  delà 
même  des  vœux  qui  avaient  été  exprimés.  Un  témoignage  de  notre  gratitude  sera 
adressé  à  M.  le  Président  du  Conseil,  ministre  du  commerce  et  de  l'industrie,  pour 
les  mesures  qu'il  a  prises  et  qui  sont  si  avantageuses  à  la  Société  de  statistique 
de  Paris. 

M.  le  Secrétaire  général  fait  une  rapide  énumération  des  ouvrages  transmis  à  la 
Société.  Parmi  les  ouvrages  venus  de  l'étranger,  il  cite  la  Statistique  des  œuvres 
pies  en  Italie,  le  Tableau  du  commerce  de  la  Russie,  le  Commerce  de  la  Bulgarie, 
et  le  dernier  fascicule  du  Journal  de  la  Société  de  statistique  de  Londres,  où  l'on 
remarque  une  traduction  de  l'article  que  notre  collègue,  M.  Neymarck,  a  consacré 
aux  valeurs  mobilières. 

De  France,  la  Société  a  reçu  la  Statistique  des  voies  navigables  pour  i888,  ou- 
vrage très  considérable  et  qui  fait  le  plus  grand  honneur  au  ministère  des  travaux 
publics,  non  seulement  par  ce  qu'il  contient,  mais  par  la  rapidité  de  son  exécution. 
Parmi  les  documents  officiels,  il  y  a  encore  à  citer,  V Atlas  d^i  ministère  des  finances, 
qui  mériterait  une  mention  détaillée,  et  {'Allas  de  la  Caisse  des  retraites  pour  la 
vieillesse,  où  l'on  trouve  l'expression  graphique  de  la  grande  table  de  mortalité 
établie  d'après  ses  propres  opérations. 

Notre  collègue,  M.  Coste,  nous  a  gratifiés  de  sa  dernière  brochure  sur  le  Congrès 
monétaire,  et  M.  0.  Keller,  de  son  ouvrage  sur  les  accidents,  où  l'on  remarque  par- 
ticulièrement une  statistique  toute  nouvelle  sur  les  accidents  résultant  de  l'explo- 
sion des  machines  à  vapeur. 

Enfin,  M.  de  Foville  a  bien  voulu  nous  offrir  la  seconde  édition  de  sa  France 


économique  qui  a  trouvé  partout  le  succès  qu'elle  mérite,  et  rnème  i)  l'Exposilioii 
universelle,  où  certains  lecteurs  lro|i  zélés,  mais  peu  délicats,  se  sont  approprié 
les  exemplaires  qui  s'y  trouvaient. 

M.  DE  Grisenoy  dépose  alors  sur  le  bureau  la  dernière  Situation  financière  des 
communes,  établie  sur  les  budgets  primitifs  de  1889,  et  demande  la  permission 
d'en  faire  ressortir  les  résultats  les  plus  saillants.  Les  revenus  ordinaires  des 
communes  (Paris  excepté)  sont  évalués  pour  1889  à  2.53  millions,  (irésenlant  sur 
1888  un  excédent  de  ô  millions  de  francs.  Les  centimes  ordiujires  ont  augmenté 
de  41,000  fr.,  ce  qui  est  la  plus  forte  augmentation  connue  de|iuis  1885.  —  1/ac- 
croissement  a  été  beaucoup  plus  (aiblo  pour  les  centimes  extraordinaires;  enfin, 
la  moyenne  des  impositions  communales  est  restée  à  peu  près  slationnaire,  la 
variation  n'ayant  été  que  de  54  à  55. 

M.  Cheysson  fait  hommage  à  la  Société,  au  nom  du  Ministre  des  travaux  publics, 
du  dernier  Album  graphique  de  son  ministère.  Gel  album  ofl're  uèic  grande  variété 
el  des  figures  nouvelles  d'un  grand  intérêt.  11  lui  a  été  consacré  une  notice  spéciale 
qu'on  trouvera  plus  loin. 

M.  V.  TuRQUAN  présente  à  son  tour  un  exemplaire  de  la  SUUisliquc  agricole  des 
Êliils-L'nis.  Cet  album  indi(]ue,  d.ms  un  certain  nombre  de  cartes  teintées,  la  ré- 
partition géographique  des  principales  productions  agricoles,  ainsi  que  des  notices 
très  intéressantes  sur  l'économie  rurale  de  ce  pays.  Il  fait  reniarquer,  à  ce  propos, 
que  les  représentations  graphiques  qm  se  trouvent  dans  cet  ouvrage  sont  calquées 
sur  celles  que  M.  Cheysson  a  établies,  de  concert  avec  M.  Tisserand,  dans  l'atlas  qui 
accompagne  la  grande  enquéle  de  1882.  C'est  un  fait  qu'il  convenait  de  signaler, 
car  il  prouve  que  les  pays  étrangers  et  l'un  de  ceux  où  la  statistique  est  le  plus  en 
honneur,  savent  apprécier  les  publications  françaises  et  les  prennent  quelquefois 
pour  modèle. 

A  la  suite  de  ces  diverses  présentations,  l'assemblée  reprend  son  ordre  du 
jour. 

M.  Vauthier  achève  alors  sa  communication  sur  les  constructions  graphi  pjes  et 
leur  emploi  en  statistique.  Son  travail,  que  tous  les  statisticiens  consulteront  avec 
le  plus  grand  profit,  sera  inséré  in  extenso  dans  notre  Journal. 

kn  terminant,  l'orateur  fait  hommage  à  la  Société  de  deux  superbes  tableaux, 
qui  ont  figuré  à  l'Exposition  universelle  de  1878  et  où  il  a  rassemblé  le  résultat  de 
ses  recherches  sur  les  cartes  à  courbes  de  niveau,  dont  il  a  été  un  des  principaux 
promoteurs. 

La  séance  est  levée  à  onze  heures  et  demie. 


2'  Séance  du  i8  décembre  1889. 

SoMMAiBE.  —  Élections  pour  le  renouveltement  du  bureau  et  du  Conseil.  —  Communication  de  M.  Ducrocq 
sur  la  question  de  la  nationalité  au  point  de  vue  du  dénombrement.  Discussion  :  MU.  Turquan,  Levas- 
seur,  Yvernès  et  Liégard. 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  sous  la  présidence  de  M.  de  Grisenoy,  l'un  des 
vice-présidents. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  20  novembre  est  adopté. 
11  e^t  procédé  à  l'élection  de  deux  membres  nouveaux. 


—  5  -- 

Sont  élus  fi  riinnnimilé,  membres  titulaires  : 

MM.  Jenii-Pniil  Roux,  piibliciste,  présenté  par  MM.  Th.  Ducrocii,  Hailm.inn  el 
Loua  ; 
Calixte  CAiiiiAUY,  coiilrôltiir  s:énéral  du  Crédit  lyonnais,  dont  la  candiilaliire 
a  élé  présentée  par  MM,  Lafahrègue  el  Yvernès. 

Aprc.s  le  dépouillement  de  la  correspondance,  qui  contient  une  leKre  de  remer- 
ciL-nient  de  M.  Parmentier,  chef  de  caliinel  dw  président  du  Conseil,  récemment  élu 
membre  de  la  Société,  et  ileiix  lettres,  l'une  de  M.  Cerisier  cpii,  avant  de  partir 
pour  le  Sénégal,  jirie  la  Société  d'agréer  un  travail  qu'il  a  fait  pour  elle,  sur  la 
situation  économi(pie  de  la  Guyane,  et  l'autre,  de  M.  François  Bernard  qui,  retenu 
chez  lui  par  une  indisposition,  s'excuse  de  ne  pouvoir  assister  à  la  séance  de  ce 
jour.  Il  est  sursis  à  la  présentation  des  ouvrag-es  offerts  à  la  Société,  et  M.  le  Prési- 
dent donne  la  parole  à  M.  Th.  Ducrocq. 

M.  Th.  Ducrocq  lit  un  mémoire  étendu,  sur  la  question  de  la  nalionalité  au  point 
de  vue  du  df'nomhrement  de  la  populalion  dans  chaque  pays,  et  ses  rapporls  avec 
la  loi  française  sur  la  nalionalité  du  26  juin  1889. 

L'oiateur,  après  avoir,  avec  les  statistiques,  montré  l'invasion  continue  de  l'élé- 
ment étranger  dans  notre  populalion,  s'attache  principalement  à  ceux  qui  sont  nés 
sur  noîre  territoire,  (|ui  y  vivent  de  notre  vie  depuis  plusieurs  générations,  et  qui 
ne  s'abstiennent  de  la  naturalisation  que  dans  l'espoir  d'éviter  le  service  militaire. 
La  loi  du  26  juin  est  heureusement  venue  qui  déjouera  ces  calculs.  D'autre  part, 
elle  accroîtra  le  nombre  des  naturalisés,  dont  le  chiffre  de  cent  mille  est  infime, 
r.  pproché  de  onze  cent  mille  étrangers. 

Cela  posé,  il  est  du  devoir  de  la  statisti(iue  de  discerner  dans  ces  agglomérations 
étrangères,  ceux  qui  sont  vraiment  étrangers  de  ceux  qui  sont  devenus  Français. 
Il  lui  incombe  d'appliquer  exclusivement  la  loi  du  pays,  et  cela  dans  chaque  pays. 

La  communication  de  M.  Ducrocq  est  accueillie  par  d'unanimes  applaudissements, 
elle  Président,  se  faisant  l'interprète  de  l'assemblée,  adresse  à  l'auteur  ses  plus 
vives  lelicilations.  On  trouvera  dans  un  de  nos  plus  prochains  numéros  le  mémoire 
de  M.  Ducrocq. 

Un  court  débat  s'engage  au  sujet  de  la  question  qui  vient  d'être  traitée; 

.M.  TuRQUAN  reconnaît  qu'il  serait  désiiable  que  les  déclarations  de  nationalité 
pussent  être  contrôlées,  mais  cela  lui  paraît  diUicile,  élant  donnée  la  manière  dont 
se  font  les  opérations  du  dénombrement.  Ces  opérations  reposent  sur  des  bulletins 
individuels,  dans  lesquels  les  intéressés  font  leur  déclaration  sous  leur  simple  res- 
ponsabdité  :  si  quelqu'un  se  déclare  Belge,  la  statistique  le  considère  comme 
Belge,  sans  autre  appréciation.  Il  en  est  ainsi  u\)  peu  partout;  ainsi  on  a  vu  des 
Français  qui  vivent  aux  Ktals-Unis  exciper  de  leur  ([ualilé  d'Américain  pour  ne  pas 
se  faire  insci'ii'e  au  consulat;  i's  se  déclareraient  Français  si  on  les  assujettissait  à 
certaines  thaiges  qu'il  serait  de  leur  intérêt  d'éNiter. 

Il  partage  d'ailleurs  l'espoir  exprimé  par  M.  Ducrocq  que  la  loi  du  26  juin  1889 
facilitera  les  naturalisations.  Déjà  avant  cette  loi  l'effet  s'était  produit,  et  le  recen- 
sement de  1880  a  montré  qu'il  y  avait  en  France  plus  de  100,000  naturalisés. 

.M.  Dl'crocq  répond  que  les  (juestioiis  par  lui  examinées  et  résolues  par  la  loi 
U'iuvelle  sont  tontes  autres  que  celles  indiqué*  s  par  .M.  Tiirquan,  qui  a  parlé  de  gens 
qui  cachent  lein'  nationidil(;  sans  (ju'aucune  législation  lein'  en  confère  une  autre. 

.M.  LicvASSiiUR  dii  (pi'an  milieu  des  millions  de  bulletins  qu'utdise  la  slatisli(|ue, 


—  6  — 

il  est  impossible  de  vérifier  les  énoncialions  qui  y  soni  porlées;  ainsi,  combien  de 
gens  se  disent  mariés  qui  ne  le  sont  pas;  n'a-t-on  pas  vu  une  femme  déclarer  qu'elle 
avait  cent  ans  lorsqu'elle  n'en  avait  pas  plus  de  lrente?En  résumé,  les  bulletins 
n'ont  et  ne  peuvent  avoir  aucune  valeur  juridique. 

M.  DucROCQ  répond  que  l'art.  471,  n°  15,  du  Code  pénal  contient  une  sanction  et 
qu'il  en  admettrait  une  plus  efficace  ;  M.  Liégeard  ajoute  qu'en  Allemagne  la  péna- 
lité attachée  à  une  fausse  déclaration  peut  aller  jusqu'à  une  amende  de  30  marks. 

M.  YvERNÈs  croit  qu'en  ce  cas  il  vaut  mieux  faire  une  enquête  particulière,  dans 
laquelle  les  déclarations  sont  reçues  par  l'autorité  compétente.  C'est  ce  qui  est 
arrivé  lorsqu'on  a  assujetti  les  étrangers  à  faire  eux-mêmes  leur  déclaration.  De  là 
un  nouveau  dénombrement  plus  précis  que  ne  pouvait  l'être  le  dénombrement  gé- 
néral. Toutefois,  si  l'on  s'en  rapporte  aux  chini-es  publiés  pour  Paris,  il  y  aurait 
peu  de  différences  enire  les  résultats  des  deux  opérations. 

La  discussion  se  trouve  close  à  la  suite  de  ces  observations. 

M.  le  Secrétaire  général  reprend  alors  la  nomenclature  des  ouvrages  offerts  à  la 
Société,  parmi  lesquels  il  distingue  le  109°  volume  de  la  slalislique  de  Prusse;  le 
tableau  du  mouvement  de  la  population  en  Bulgarie,  la  stalisti(|ue  de  l'instruction 
primaire  et  de  la  justice  civile  et  commerciale  en  Italie,  et  enfin  le  Census  municipal 
de  Buenos-Ayres. 

Notre  collègue  M.  Hartmann  fait  distribuer  aux  membres  présents  plusieurs 
exemplaires  de  son  ouvrage  sur  la  Chambre  de  commerce  de  Paris,  dans  lequel  on 
trouve  une  statistique  des  professions.  M.  Paul  Taquet  dépose  sur  le  bureau  son 
Manuel  viticole  qui  a  figuré  à  l'Kxposition  universelle.  M.  Antony  Rouillet,  une  bro- 
chure très  intéressante  sur  l'Économie  sociale  à  l'Exposition,  et  .M.  Roy,  un  travail 
très  étendu  sur  l'Assistance  publique  en  .\llemagne. 

M.  Fravaton  offre  à  la  Société,  au  nom  du  D'^  J.  J.  Kummer,  directeur  du  bureau 
fédéral  des  assurances  à  Berne,  une  brochure  relative  à  ['Assurance  des  employés. 
L'auteur,  après  avoir  analysé  les  différents  systèmes  suivis  en  France  et  dans  les 
pays  étrangers  pour  assurer  aux  fonctionnaires  et  employés  une  pension  de  l'etraite, 
expose  ensuite  quel  est,  à  son  avis,  le  rôle  de  l'Etat,  de  la  compagnie  ou  du  patron 
el  quel  est  celui  de  l'assurance  proprement  dite  dans  les  mesures  de  prévoyance  en 
faveur  des  fonctionnaires,  des  employés  et  de  leur  famille. 

Dans  le  même  ordre  d'idées,  M.  Fravaton  signale  à  l'attention  de  la  Société  deux 
brochures  du  D'  G.  Schaerttin,  de  Berne,  l'une,  en  allemand,  renfermant  des  tables 
très  curiiuses  de  la  mortalité  en  Suisse,  pendant  les  années  1876  à  1881  ;  l'autre, 
en  français,  relative  aux  Mesures  de  prévoyance  en  faveur  des  fonctionnaires  et 
employés  fédéraux. 

Ces  deux  ouvrages  ont  pour  but  d'étabHr  mathématiquement  quelles  sont  les 
prestations  annuelles  ou  primes  nécessaires  pour  constituer  des  pensions  de  retraite. 

M.  Fravaton  communiquera  prochainement  à  la  Société  un  exposé  du  système 
préconisé  par  le  D'  Schaerttin. 

Enfin,  M.  Fravaton  offre  à  la  Société  les  deux  premiers  rapports  du  Bureau  fé- 
dénd  suisse  des  assurances  dressés  en  exécution  de  la  loi  de  1885.  Dans  ces  i ap- 
ports, lo  buieau  indique  quelles  sont  les  principales  régies  dont  il  s'est  servi  pour 
apprécii  rsi  les  entreprises  d'assurances  privées  offraient  aux  assurés  des  garanties 
sérieuses  de  solvabilité  et  si  leurs  opérations  étaient  basées  sur  des  données  scien- 
lifirpies  el  mathématiques  résultant  de  statistiques  sérieuses  et  contrôlées. 


—  7  — 

Ces  rapports  renferment,  outre  les  bilans  et  tableaux  des  opérations  (Je  chaque 
Suciété,  établis,  d'après  un  cadre  uniforme,  des  tableaux  comparatifs  des  opéra- 
lions,  des  réserves  et  des  résultats  de  toutes  les  sociétés  autorisées  à  exercer  leur 
industrie  en  Suisse.  La  science,  la  recherche  consciencieuse  de  la  vérité  qui  ont 
présidé  à  la  confection  de  ces  rapports  en  font  des  ouvrages  extrêmement  précieux 
à  consulter. 

La  situation  des  compagnies  d'assurance  siu-  la  vie,  françaises  et  étrangères,  qui 
opèrent  en  France,  ajoute  M.  Fravaton,  mérite  un  sérieux  examen.  Depuis  quelques 
années,  plus  du  quart  de  ces  Sociétés  a  dû  procéder  à  une  liquidation  judiciaire  ou 
amiable,  au  grand  détriment  des  actionnaires  et  même  des  assurés;  un  autre  quart 
s'est  vu  refuser,  pour  des  motifs  sérieux,  l'autoi'isalion  d'opérer  en  Suisse,  il  y  a  là 
un  danger  réel  pour  les  intérêts  de  ceux  qui  ont  confié  leurs  épargnes  et  l'avenir  de 
leur  famille  à  ces  Sociétés.  M.  Fravaton  pense  que  le  contrôle  exercé  actuellement  sur 
les  Compagnies  d'a.^surance  sur  la  vie  est  insuffisant  et  il  appelle  l'attention  de  la 
Société  sur  cet  état  de  choses,  il  émet  le  vœu  qu'elle  étudie  dans  quelle  mesure  la 
statistique  peut  servir  à  établir  des  règles  de  contrôle  sur  les  Compagnies  d'assu- 
rance sur  la  vie.  Loin  de  préconiser  le  système  de  contrôle  intégral  adopté  dans 
certaines  provinces  des  États-Unis  d'Amérique  et  tout  en  dégageant  d'une  manière 
complète  la  responsabilité  de  l'État,  M.  Fravaton  pense  que  l'on  peut,  grâce  aux 
données  de  la  science  statistique,  déterminer  un  certain  nombre  de  règles  géné- 
rales, absolues,  qu'une  Compagnie  d'assurance  sur  la  vie  ne  saurait  enfreindre, 
sous  peine  de  transformer  ses  opérations,  qui  doivent  avoir  la  rigueur  mathéma- 
tique, en  entreprises  aléatoires  et  en  véritables  jeux  de  bourse. 

Ainsi,  la  Société  pourrait  examiner  si  le  risque  de  guerre  est  aujourd'hui  un 
lisque  véritablement  assurable  par  les  Compagnies  à  primes  ;  si  les  caisses  de  décès 
(dites  assurances  à  1  fr.)  ont  tenu  compte  dans  leurs  prévisions  des  risques  de  mor- 
talité augmentant  graduellement  avec  l'âge  des  sociétaires.  Un  autre  sujet  d'étude 
pouriaiL  être  de  rechercher  (|uelles  sont  les  tables  de  mortalité  qui  paraissent  les 
plus  exactes,  ou  bien  encore  de  déterminer  quelle  est  la  réserve  minima  que  les 
Compagnies  doivent  constituer  pour  leurs  risques  en  cours.  M.  Fravaton  se  borne 
à  signaler  quelques  points  de  ce  vaste  sujet  d'étude,  persuadé  que  les  travaux  de  la 
Société  relatifs  à  ces  questions  fourniraient  au  Gouvernement  et  aux  Chambres 
des  renseignements  de  la  plus  haute  valeur  lorsque  le  projet  de  loi  relatif  aux  Com- 
pagnies d'assurance  sur  la  vie  viendra  en  discussion  devant  le  Parlement. 

M.  T.  Loua  se  dit  heureux  de  pouvoir  annoncer  la  distribution  prochaine  de 
V Annuaire  slalisUque  de  la  France  pour  l'année  l^iSU,  ipi'on  peut  d'ailleurs  se 
procurer  dès  à  présent  chez  lîerger-Levrault  el  C'%  5,  rue  des  Beaux-Arts,  à  Paris, 
au  prix  de  5  fr.  l'exemplaire. 

Cet  ouvrage,  dont  la  gran  le  utilité,  la  nécessité  même  sont  depuis  longtemps 
démontrées,  est  trop  connu  pour  exiger  une  analyse.  Le  volume  actuel  a  été  établi 
sur  le  même  plan  que  les  précédents,  avec  cette  seule  modification  que  les  tableaux 
rétrospeclils,  dont  le  nombre  dépasse  aujourd'hui  quarante,  ont  été  distraits  du 
C(.n|is  de  l'ouviage  pour  former  un  fiscicule  séparé  beaucoup  plus  facile  à  con.-uller. 

M.  E.  Levasseuiî  remercie  M.  Loua  de  sa  communication,  et  reconnaît  avec  lui 
que  l'idée  de  réunir  cnsi;inbli;  les  tableaux  rétrospectifs  qui  forment  une  véritable 
histoire  cconomitpie  de  la  France  constitiie  une  irmovatioii  heureuse,  et  (pie  pwur 
sa  part  il  ne  peut  qu'approuver. 


—  8  - 

Il  esl  alors  procédé  aux  élections  pour  le  renouvellement  du  bureau  du  Conseil. 

i-e  scrutin  qui  avait  été  ouvert  à  9  heures,  est  fermé  à  1 1  heures.  MM.  Liégeard 
el  Robyns  font  le  dépouillement  des  bulletins  de  vole,  lesquels  sont  au  nombre  de 
38,  après  quoi,  M.  le  Président  déclare  élus  à  l'unanimité  : 

Président  honoraire  .    .  M.  Eug.  Tisserand,  directeur  de  l'agriculture. 

Président  pour  i 890 .    .  M.  Ocl.  Keller,  ingénieur  en  chef  des  mines. 

Vice-présidents  ....   M.M.  Th.  Uucrocq  et  Adolphe  Coste. 

Membres  du  Conseil  .    .   M.M.  Paul  Chalvet  el  Victor  Turquan. 

En  conséquence,  le  bureau  dé  la  Société  se  trouve  ainsi  constitué  pour  l'année 
1890: 

Président M.  Oct.  Keller. 

Vice-présidents  ....  .MM.  de  Grisenoy,  Th.  Ducrocq  et  Ad.  Coste. 
Membres  du  Conseil .    .   M.M.  Alf.  Neymauck,  Aug.  Vannacque,  Beaurin-Gres- 

siER,  GiMEL,  Paul  Chalvet,  Turquan. 
Secrétaire  général.    .    .   M.  Toussaint  Loua. 
Secrétaire  adjoint .    .    .   M.  Armand  Liégeard. 
Trésorier M.  Jules  KonvNS. 

La  séance  est  levée  à  i  I  heures  el  demie. 


II. 
CONFÉRENCES 

POUR    LES   ASPIRANTS   A   l'INTENDANCE   MILITAIRE 
Organisée  par  la  Société  de  Statistique  de  Paris. 


SEANCE  D'LNADGURATIO.N 

Les  conférences  de  statistique  organisées  par  la  Société  sur  la  demande  de 
M.  le  Minisire  de  la  guerre  pour  les  candidats  à  1  Intendance  ont  été  inaugurées  le 
23  novembre  dans  la  salle  d'escrime  de  la  Réunion  des  officiei's,  rue  de  Beilechasse, 
n°  87,  sous  la  présidence  de  M.  de  Crisenoy,  vice-président  de  la  Société  de  sta- 
tistique, remplaçant  .M.  Leroy-Beaulieu  empêché  par  un  deuil  de  famille. 

M.  l'intendant  militaire  Baratier,  membre  du  comité  technique  de  l'intendance  el 
représentant  M.  l'inlendant  général  Rossignol,  président  du  comité,  empêché,  et 
M.  Levasseur  avaient  pris  place  au  bureau  :  l'assistance  était  considéiable  et  rem- 
plissait lu  salle. 

A  l'ouverture  de  la  séance,  M.  Baralier  a  prononcé  l'allocution  suivante: 

«  Messieurs,  M.  le  Minisire  de  la  guerre,  dont  la  sollicitude  pour  les  besoins  de 
l'armée  est  toujours  en  éveil,  a  appelé  l'attfnlion  du  comité  technique  de  l'inten- 
dance sur  la  convenance  de  développer  dans  les  services  administratifs  iesconnais- 
sancts  qui  touchent  à  la  statistique  et  à  la  géografiliie  économiques,  en  ce(|ui  a  trait 
aux  choses  utiles  à  l'armée. 

«  Le  comité  ne  pouvait  mieux  faire  que  de  se  mettre  en  rapport  avec  les  niem- 


—  9  — 

bres  éminents  de  la  Société  de  stalislique  de  Paris,  et  d'élaborer  avec  leur  con- 
cours le  programme  et  le  mode  d'exécution  des  travaux  qui  seront  prochainement 
entrepris  en  vue  de  répondre  aux  intentions  du  ministre. 

«  Nous  alfachôns,  Messieurs,  une  réelle  importance  à  ces  travaux  qui  dirigeront 
l'activité  de  notre  personnel  administratif  dans  une  voie,  un  peu  nouvelle  ptul-êire, 
mais  rendue  nécessaire  par  l'imporlance  de  nos  besoins,  cotnme  par  la  nature  ac- 
tuelle des  l'apporls  sociaux  et  inicrnalionaux. 

«  Comme  prélude  de  Ces  travaux,  la  Société  de  stalislique  a  proposé  à  l'admi- 
nistralion  de  la  guerre  de  faire  un  Certain  nombre  de  conférences  Irailant  soit  des 
généralités  de  la  stalislique,  soit  de  quelques  spécia'ilés.  Vous  y  puiserez,  Messieui  s, 
à  la  fois  le  goût  et  la  mélhode  de  Cette  science. 

«  M.  le  Minisire  de  la  guerre  a  accueilli  avec  reconnaissance  les  propositions  qui 
lui  étaient  faites. 

s  Permettez-moi  donc,  en  son  nom  et  comme  repiésenlant  du  comité  de  Iln- 
tendance,  d'exprimer  publiquement  ici  nos  remerciements  les  plus  vifs  à  la  Sociélé 
de  statistique  de  Paris  et  spécialement  aux  hommes  considérables  par  leur  situulion 
comme  par  leur  talent,  qui  ont  bien  voulu  nous  apporter  un  concours  si  gracieux 
et  si  précieux  à  l'œuvre  éminemment  utile  qui  est  entreprise.  » 

M.  de  Crisenoy  a  pris  ensuite  la  parole  pour  indiquer  que  la  création  d'un  ensei- 
gnement de  la  statistique  avait  toujours  fait  partie  du  programme  de  la  Sociélé, 
et  comment  on  pouvait  espérer  voir  cet  enseignement  se  développer. 

«  En  1860,  dit-il,  les  fondateurs  de  la  Sociélé  avaient  inscrit  dans  les  slatuls,  au 
nombre  des  moyens  d'action  et  de  propagande,  la  création  de  chaires  d'enseigne- 
ment, et  il  y  a  quelques  années,  plusieurs  de  ses  membres,  jaloux  de  ne  pas  laisser 
prescrire  cette  parlie  de  leur  programme,  avaient  entrepris  des  séries  de  confé- 
rences qui  ont  eu  un  certain  retentissement.  Les  projets  de  M.  le  Ministre  de  la 
guerre  fournissaient  une  occasion  précieuse  de  reprendre  celte  idée  et  de  l'appli- 
(]'Jor  dans  des  conditions  autrement  avantageuses,  puisqu'à  de  simples  conférences 
sans  but  précis,  ne  pouvant  attirer  dès  lors  qu'un  public  d'amateurs,  on  allait  sidts- 
liluer  de  véritables  couis  ayant  une  cHentèle  spéciale,  appelant  toute  une  classe 
o'auditeurs  qui  viendraient  y  chercher  des  connaissances  re(|uises  dans  les  concours 
auxquels  ils  se  préparent.  Les  anciens  conférenciers  se  sont  offeils  pour  reprendre 
sous  celle  nouvelle  forme  l'œuvre  de  vulgarisation  qu'ils  n'avaient  inlerrornpue 
qu'à  regret,  et  la  Société  de  stalisliqueaapplaudià  ce  concert  de  désirs  et  de  bonnes 
volontés  qui  doit  marquer  un  nouveau  pas  dans  l'accomplissement  de  sa  mission, 
en  même  temps  qu'il  s'exercera  pour  le  bien  i\u  pays. 

«  C'est  ce  concert,  c'est  cette  association  qui  donne  à  la  réunion  de  ce  soir  son 
véritable  caractère  et  une  importance  beaucoup  plus  grande  que  n'en  ont  la  plu- 
part des  cours  et  des  conférences,  et  c'est  pourquoi  vous  nous  voyez  ici,  Messieurs, 
nous,  les  représentants  de  la  Société  de  stalislique,  et  près  de  nous,  unis  avec  nous 
dans  une  pensée  commune,  les  plus  hauts  représenlanis  du  corps  de  l'intendance  et 
du  ministère  de  la  guerre. 

«  Et  permellez-moi  de  l'espérer  et  de  le  dire,  ce  n'est  encore  qu'un  premier  pas 
dans  une  voie  nouvelle,  sur  un  va.^te  leriain  s'élendanl  bien  au  delà  des  limites  de 
l'administration  militaire. 

«  L'enseignement  qui  sei-a  donné  ici  est  à  la  vérité  spécialement  de.-tiné  à  MM.  les 
candidats  à  l'iiileudance,  et  son  programme  a  élé  préfiaré  dans  celte  vue,  mais 


-  10  — 

les  conférences  sont  publiques,  elles  seront  siénograpliiées  et  publiées,  et  la  pre- 
mière série  comprend  des  nolioiis  générales  qui  s'uppliquent  à  luulf  s  les  adiniiiis- 
tralions,  dont  toutes  les  administrations  ont  un  égal  besoin. 

«  Il  n'y  a  pas  longtemps  que  l'on  commence  à  comprendre  en  effet  que  pour 
opérer  des  réformes  sérieuses  —  et  tout  le  monde  en  réclame  aujourd'hui  — 
pour  marcher  à  pas  assurés  vers  le  progrès,  le  véritable  progrès,  celui  qui  repré- 
sente des  améliorations  réelles,  et  non  des  changements  stériles  ou  des  systèmes 
déjà  vainement  essayés,  il  faut,  avant  tout,  voir  clair  autour  de  soi,  étudier  avec 
soin  les  faits  et,  pour  cela,  savoir  regarder,  observer,  grouper,  découvrir  la  réalité 
sous  des  apparences  parfois  trompeuses. 

c  Les  adeptes  de  cette  doctrine  ne  sont  pas  encore  nombreux,  mais  heureusement 
ce  sont  les  chefs  ;  ils  se  sont  mis  à  l'œuvre  cl  ils  feront  école.  Dans  toutes  les  admi- 
nistrations publiques  on  travaille,  quel(|ues-unes  ont  déjà  beaucoup  produit;  ceux 
tpii  étaient  restés  les  plus  en  arrière,  se  sont  mis  eux-mêmes  en  mouvement  à  leur 
tour. 

«  Toutefois, à  des  travaux  de  cette  nature  la  bonne  volonté  ne  suffit  pas;  le  con- 
cours d'employés  instruits,  expérimentes,  en  état  d'opérer  avec  méthode  et  sans 
tâtonner  est  indispensable,  sans  quoi,  l'on  n'aboutit  pas,  ou  l'on  produit  des  docu- 
ments médiocres  dont  on  ne  saurait  tirer  aucun  parti. 

«  Eh  bien,  nous  espérons,  nous  croyons  que  toutes  les  administrations  publiques 
en  arriveront  successivement  à  inscrire  dans  leurs  programmes  de  concours,  les 
notions  de  la  statisti(|ue  et  que  ces  modestes  cours  qui  s'ouvrent  aujourd'hui  de- 
viendront dans  la  suite  un  enseignement  complet.  C'est  à  l'administration  de  la 
guerre  que  reviendra  l'honneur  d'avoir  ouvert  la  marche  et  montré  la  voie. 

«  Au  nom  de  la  Société  de  statistique  de  France,  au  nom  de  la  science,  au  nom  du 
progrès,  je  remercie  donc  M.  le  Ministre  de  la  guerre  et  M.  de  Freycinet  person- 
nellement de  la  mesure  qu'il  a  prise,  je  remercie  les  hauts  fonctionnaires  de  l'in- 
tendance qui  y  ont  concouru  et  qui  ont  bien  voulu  venir  ici  consacier,  par  leur 
présence,  l'œuvre  (pie  nous  inaugurons  et  en  alïîimer  l'importance.  » 

Après  ce  discours  M.  Levasseur  a  commencé  sa  conférence  sur  les  généralités  de 
la  statistique,  son  objet  et  son  histoire,  et  pendant  une  heure  et  demie  il  a  tenu  l'au- 
ditoire sous  le  charme  de  sa  parole,  par  le  mouvement  qu'il  a  su  donner  à  l'exposé 
d'un  sujet  quelque  peu  aride  par  lui-même. 

La  seconde  conférence  doit  être  faite  par  M.  Cheysson,  sur  les  méthodes  de  la 
statistique  et  la  troisième  par  le  docteur  Bertillon  sur  l'organisation  des  bureaux  de 
statistique  en  France.  Les  conférences  suivantes,  au  nombre  de  douze,  Iraiteront 
différentes  questions  de  statistique  et  de  géographie  économiques. 

(Voir  le  programme,  page  2.) 


Au  moment  de  mettre  sous  presse,  nous  avons  la  douleur  d'apprendre  la 
mort  subite  d'un  de  nos  meilleurs  collaboralèurs,  l'honorable  M.  Gh.irles 
GiMEL,  membre  du  Conseil  de  la  Société.  Une  notice  spéciale  sera  consaciéo 
à  sa  mémoire. 


—  H  — 

III. 
L'ALBUM  DR  STATISTIQUE  GRAPHIQUE 

ruUié  par  le  Ministère  des  traviiux  pul)lics. 


N  0  T I C  K 
Par  M.  E.  CHEYSSON 

Ancien  Directeur  des  cartes  et  plans  au  Ministère  des  travaux  publics. 
Ancien  Président  de  la  Société  de  statistique. 


1°  Généralités  sur  l'Album. 

Le  corps  des  Ponis  et  chaussées  peut  à  bon  droit  revendiquer  une  part  impor- 
tante dans  l'emploi  et  la  vulgarisation  de  la  statistique  graphique.  M.  Minard  a  été 
l'un  des  premiers  à  l'appliquer  et  il  en  a  montré  par  ses  beaux  travaux  la  fécon- 
dité et  la  souplesse;  M.  Lalanne,  membre  de  l'Institut,  en  a,  de  son  côté,  élevé  la 
portée  scientifique  et  a  fait  faire  de  remarquables  progrès  au  calcul  par  le  trait. 

Le  ministère  des  travaux  publics,  comprenant  toute  l'importance  de  ce  mode  de 
représentation,  a,  par  un  arrêté  du  12  mars  1878,  décidé  la  publication  annuelle  d'un 
Album  de  statistique  graphique,  consacré  aux  faits  économiques,  techniques  ou  finan- 
ciers qui  intéressent  les  travaux  publics,  soit  directement,  soit  par  voie  de  répercussion. 

L'Album  de  1879  a  été  la  première  application  de  cette  mesure.  Depuis  lors,  neuf 
autres  albums  ont  été  publiés  et  nous  donnons  ci-dessous  la  description  du  dernier 
d'entre  eux  qui  vient  de  paraître  : 

Les  planches  de  ces  albums  peuvent  se  ranger  en  deux  catégories  distinctes  : 
celle  des  «  planches  de  fondation  »,  qui  reparaissent  tous  les  ans  et  pei'mettent 
ainsi  de  suivre  les  variations  annuelles  d'un  même  fait;  celle  des  «  planches  spé- 
ciales »,  se  rapportant  à  des  faits  d'importance  plus  faible  ou  d'allure  plus  lente, 
dont  il  suffit  dès  lors  de  constater  les  variations  à  de  plus  longs  intervalles. 

Planches  de  fondation.  —  Les  planches  de  fondation  sont  les  suivantes: 

CHKMINS  DE  FKR. 

Recettes  brutes  kilométriques  ; 

Recettes  nettes  kilométriques; 

Tonnage  moyen  de  petite  vitesse  ; 

Mouvement  moyen  des  voyageurs; 

Recettes  brutes  des  stations  ; 

Tonnage  et  mouvement  des  voyageurs  par  station. 

NAVIGATION. 

Tonnage  des  voies  navigables  et  des  ports  ; 
Décomposition  de  ce  tonnage  : 

a.  Par  courant  de  transport  (1)  ; 

b.  Par  nature  des  marcliaiulises  ; 
Chômage  des  voies  navigaliies. 

(1)  La  statistique  distingue  ies  quati'C  courants  do  transport  ci-après:  le  trafic  iniér/eur.  le  IranxH, 
Varrivage,  Vexpédilion . 

Cette  dècoiiiposition  et  celle  du  tonnage  par  nature  de.  iiiarcliandises.  l'une  et  l'autre  d'un  très  srand 


—  12  — 

Planches  spéciales.  —  Quant  aux  planches  spéciales,  elles  ont  touché  aux  sujets 
les  plus  variés,  en  conseiviinl  toutefois  une  pbce  d'honneur  aux  chemins  de  fer,  à 
raison  de  leur  importance  dans  l'économie  générale  du  pays. 

On  ne  s'est  pas  d'ailleurs  borné  à  la  France  :  on  a  ci'u  bon  de  franchir  souvent  nos 
frontières  pour  procéder  à  des  comparaisons  internationales  qui  éclairent  d'un  jour 
très  vif  les  faits  locaux.  On  voit  lien  mieux  chez  soi,  après  ces  excursions  à  rélraii'j^er. 

Il  a  de  même  semblé  utile  de  ne  pas  s'enfermer  exclusivement  dans  les  faits  actuels 
et  de  jeter  parfois  un  coup  d'œil  en  ai  rière,  en  vue  de  rapprocher  dans  des  relevés 
synoptiques  le  présent  du  passé. 

Pour  donner  une  idée  de  la  variété  des  sujets  traités  dans  les  planches  spéciales, 
on  se  contentera  de  mentionner  les  suivants  : 

CHEMINS  DE  FEU.  Èaie  dp  lulbum. 

Coiuiitions  techniques  de  premier  établissement 1880 

l)é|ieiises  kilouiétiiques  de  premier  établissement 1880  et  188:2 

Tonnages  en  1 801  et  1879 1881 

Garanties  d'intérêt 188-2 

T  ./>.  .A.     l'i    1  ••     .    (Fiésean  lie  Lyon 1882 

Trafic  par  tôle  d  habitant,  j  /. 

Miéseau  (I  Orléans 1883 

Nouveaux  tarifs  de  la  Compagnie  (le  l'Est  (+ planches) 1884 

Prolils  particuliers  réalisés  par  i'Ktat  sur  l'exploitation  des  chemins  de  IVr.  1884 

Dévelo|ipemeiU  des  chemins  de  1er  du  inonde 1885 

Frais  de  premier  élublisseinent  des  chemins  de  fer  du  inonde 1885 

Fit'(|ueMtali(in  des  chemins  de  fer  (lu  monde 1885 

U(jsultats  d'exploitation  des  chemins  de  fer  du  monde 1885 

Kapporl  des  transports  des  voyageurs  et  des  marchandises  (1) 1885 

Tonnages  sur  les  principales  voies  de  communicalion  depuis  1851  .    .    .  188G 

Colis  postaux  et  petits  paquets 1887 

NAViCATK»-    INTÉniKURE. 

Frais  de  premier  établissement  des  voies  navigables ,    .  1880  et  1888 

Tonnages  annuels  depuis  1855 1881 

lialeaux-oinnibiis 1880  ii  1884 

Mouvement  du  port  de  Paris 1885 

Effectif  et  capacité  de  tianspoit  de  la  batellerie  fluviale. 1888 

Conditions  de  navigabilité  (2) 1888 

inléi'jt,  sont  encore  à  l'état  de  desidecalum  pour  les  ctirinins  de  fir  et  n'ont  pu  Hrc  iéa!isi;e.s  pour  les 
voies  navigables  que  depuis  la  loi  du  19  l'évrier  IHsO,  qui,  en  su.ipiimaiil  les  dmiis  île  navigation  inté- 
rieure, a  eu  pour  conséquenee  d'enlever  cette  statistique  aux  cuntributiuns  ind.reetes,  puis'iu'elle  n'avait 
plus  un  but  fiscal  et  de  la  transférer  à  l'adininistratiun  des  fonts  et  ciiaussérs. 

(Il  Uetle  élude  a  mis  en  évidence  les  faits  suivants:  presque  partout  au  début,  les  voyageurs  sont 
beaucoup  plus  nombreux  que  les  tonnes,  et  leur  transport  représente  la  plus  grosse  part  des  recettes. 
Ces  rapports  décroissent  progressivement  et,  dans  pres;|ue  lo'is  les  pays  industriels,  les  mal■chandi^es 
donnent  aiijourd'bui  la  reeelte  la  plus  furie.  Il  semble  donc  qu  ai  premier  in  iinent  où  elle  a  pénétré 
dans  un  bassin  fermé,  la  voie  ferrée  y  ait  déterminé  le  déplacement  des  pnpiilalions.  Celui  des  marclian- 
dises  n"a  p;'s  tarde  à  suivre  et  à  devenir  prépondérant  (a;i  point  de  vue  des  recettesi,  quand  les  courants 
commerciaux  ont  été  sullisanunent  établis  par  la  mise  en  coiiimiinieation  des  inarcliis. 

(•-')  Les  deux  plancties  consacrées  aux  conditions  de  navigabilité  figurent  paur  chaque  canal  :  son  tirant 
d'eau,  son  «  tirant  d'air  »  iliauleur  libre  au-de.  sus  des  pnnls  et  tunnels),  les  dimensions  et  te  i  oniliie  île 
ses  écluses... 


—  13 


ROUTES   NATIONALES.  ï)m  do  l'album. 

Principaux  éiéinenls  de  l'enlretien  des  routes  nationales 1880 

Uecensement  de  la  circulation  sur  les  routes  nationales  en  1882  (série 
de  8  planches,  (igiiiant  les  principaux  résultats  de  cette  opération, 
avec  une  grande  cartes  l'échelle  de  1,260,000%  qui  représente  par 
section  de  route  les  postes  de  comptage  et  de  fréquentation)    ....         1883 

CIRCUL.VTION    PAKISIENNE. 

Recettes  des  omnibus,  tramways,  batcau.x-omnibus,  chemins  de  fer  de 
ceinture  (série  de  planches  spécialement  destinées  à  illustrer  les  études 

pour  le  «  métropolitain  ») 1880a  1884 

Inllucnce  de  la  transformation  des  omnibus  sur  la  circulation 1888 

La  circulation  des  voyageurs  dans  Paris 1888 

NAVIGATION   MARITIME- 

Jlouvenienl  des  principaux  ports  de  la  France  et  du  monde 1881  à  1884 

Mouvement  du  cabotage 1881 

Résultats  d'exploitation  du  canal  de  Suez 1882 

Marine  marchande  et  mouvement  maritime  des  principaux  pays  ....  1885 

Mouvements  maritimes  dans  les  principaux  ports  français,  de  1837  à  1886  1887 

Effectif  de  la  marine  marchande 1882  à  1887 

On  ne  s'en  est  pas  tenu  à  ces  questions  qu'on  peut  appeler  «  professionnelles  » 
pour  le  ministère  des  travaux  publics;  mais  on  a  également  aborJé  celles  qui  peu- 
vent réagir  sur  les  transports  et  sur  les  différentes  manifestations  de  l'aclivité  écono- 
mique pour  les  ralentir  ou  les  exciter. 

Parmi  ces  influences,  l'une  des  plus  décisives  est  celle  des  récoltes.  Qjand  l'agri- 
culture est  prospère,  elle  donne  des  produits  à  transporter;  elle  répand  l'aisance 
dans  la  population  et  développe  de  proche  en  proche,  avec  le  mouvement  des  affaires, 
le  déplacement  des  voyageurs  et  des  marchandises.  Un  fléau,  qui  sévit  sur  une  de 
nos  cultures  nationales  comme  la  vigne,  atteint  de  la  façon  la  plus  grave  les  recettes 
de  la  compagnie  qui  dessert  la  région  ainsi  frappée. 

Le  transport  n'est  pas  seulement  influencé  par  l'abondance  ou  la  rareté  des  ré- 
colles, mais  encore  par  leur  nature.  11  n'est  pas  indifférent  pour  une  compagnie  que 
la  contrée  desservie  produise  du  vin  ou  du  blé,  du  sucre  ou  de  la  viande.  Chacune 
de  ces  cultures  correspond,  pour  les  transports  agricoles,  à  des  courants  différents 
et  d'inégale  intensité:  ainsi  le  vigneron,  qui  exporte  ses  produits  et  importe  ses 
aliments,  sera  pour  une  Ugne  de  chemin  de  fer  un  meilleur  client  que  le  laboureur 
qui  consomme  son  blé. 

La  relation  entre  l'agriculture  et  les  transports  est  si  étroite,  que  les  albums  sont 
souvent  revenus  sur  les  questions  agricoles:  celui  de  1881,  par  exemple,  a  figuré 
les  ravages  du  phylloxéra  et  celui  de  188G  a  consacré  vingt  planches  à  la  statistique 
agricole  décennale  de  1882. 

Enfin,  ne  pouvant  reproduire  ici  la  table  des  matières  de  tous  les  albums,  on  se 
bornera  à  mentionner  encore:  le  mouvement  du  commerce  extérieur  de  la  France 
de  1710  à  1881  (Album  de  1884'),  celui  de  la  population  française  au  cours  de  cesiècle 


—  14  - 

(Album  de  1884),  l'étude  sur  le  personnel  des  compag^nies  de  chemins  de  fer  et  les 
salaires  des  ouvriers  du  bâtiment  (Album  de  1887);  l'étal  d'avancement  des  cartes  à 
grande  échelle  en  Europe  (Album  de  1882). 

Procédés  graphiques. — Les  procédés  mis  en  œuvre  appartiennent  aux  deux  grandes 
catégories  des  Diagrammes  et  des  Cartograinmcs,  les  diagiamuies  convenant  surtout 
pour  exprimer  les  variations  d'un  fait  dans  le  temps;  les  cartogrammes,  pour 
exprimer  ses  variations  dans  l'espace. 

Diagrammes.  —  Les  diagrammes,  généralement  de  forme  reclangulaire  (1),  ont 
pour  abscisse  l'année  et  pour  ordonnée  le  fait  correspondant.  On  réunit  par  un  Irait 
continu  ou  par  des  gradins  horizontaux  les  sommets  de  ces  ordonnées,  et  la  figure 
anisi  obtenue  représente  l'allure  chronologique  du  fait  dont  il  s'agit. 

Cartogrammes.  —  Le  carlogramme  associe  la  géographie  à  la  statistirpie  et  peint 
le  fait  à  l'emplacement  même  où  il  s'est  produit.  L'album  emploie  de  préférence 
trois  formes  de  cartogrammes  distincts  : 

1°  Le  carlogramme  à  bandes,  où  le  fait  est  exprimé  par  une  bande  de  largeur  pro- 
portionnelle à  son  intensilé  le  long  du  tracé  de  la  voie  qui  lui  sert  de  théâtre.  Ainsi 
ce  carlogramme  rend  de  grands  services  pour  les  tonnages  des  diverses  voies  de 
communication.  La  largeur  des  bandes  de  chemins  de  fer,  de  canaux,  de  roules 
nalionales,  ligure  aux  yeux  les  débits  d'un  réseau  fluvial  qui,  au  lieu  de  rouler  des 
mètres  cubes  d'eau,  servirait  à  l'écoulement  de  tonnes  de  marchandises  (2)  ; 

2°  Le  cartograitrme  à  teintes  dégradées,  le  plus  connu,  le  plus  populaire  de  tous. 
Il  consiste  en  une  carte  géographique,  dont  les  divisions  régionales  sont  recouvertes 
de  teintes  nuancées  suivant  l'intensité  du  fait  statistique  à  exprimer.  Ces  caries 
peuvent  d'ailleurs  être  à  une  ou  plusieurs  couleurs,  la  couleur  unique  ou  les  cou- 
leurs multiples  étant  elles-mêmes  subdivisées  en  nuances  de  manière  à  augmenter 
les  ressources  dont  dispose  le  dessin.  C'est  dans  ce  sysième  qu'ont  clé  établies  la 
plupart  des  planches  du  recensement  de  la  circulation  sur  les  roules  nationales,  et 
celles  de  la  statistique  agricole  (Albums  de  1883  et  de  1886),  dont  les  résultats 
apparaissent  ainsi  par  départements  ; 

3°  Le  carlogramme  à  foyers  diagraphique.  Il  combine  le  diagramme  et  le  carlo- 
gramme et  comprend  une  série  de  diagrammes  construits  au  chef-lieu  de  la  cir- 
conscriplion  qu'embrasse  le  fait  considéré.  Ce  chef-lieu  est  une  sorte  de  «  foyer  » 

(1)  On  se  sert  aussi  avec  succès  des  diagrammes  polaires,  dont  les  ordonnées  convergent  b  un  centre. 
Ils  conviennent  principalement  aux  phénomènes  à  périodicité  régulière,  pour  lesquels  il  est  bon  de  rap- 
procher les  extrémités  des  périodes  contlguës,  par  exemple  à  ceux  qui  ont  pour  base  le  jour,  la  semaine, 
le  mois,  ou  les  points  cardinaux... 

(2)  Soient  t,  t ,  t" . .  .  les  tonnages  parcourant  respectivement  les  distances  dj  d' ,  d" . . .  sur  une  section 
de  longueur  totale  D.  Les  différentes  expressions  du  tonnage  peuvent  se  représenter  par  les  formules 
suivantes  : 

Tonnage  effectif T     =  t  -\-  l'  +  t" 

Tonnage  ramené  au  parcours  d'un  kilomètre 'Ui  =  td -{- t' d'  -h  t" d" . . . 

td  +  t'  d'  -{- 1" d" . . . 
Tonnage  ramené  à  la  distance  entière  ou  tonnage  moyen   .    .   T»u  = 

Parcours  moyen  d  une  tonne 1     =  — - — ,       „     

C'est  le  tonnage  moyen  Tm  qui  est  exprimé  par  les  bandes  figuratives  du  carlogramme. 


—  15  — 

pour  le  diagramme  local  :  de  là  le  nom  du  procédé.  H  convient  au  cas  où  l'on  veut 
représenler  sur  la  carie,  non  plus  un  seul  renseignement,  comme  dans  le  carto- 
gramme  à  leintes  dégradées,  mais  plusieurs  renseignements  juxtaposés.  C'est  ainsi 
qu'on  l'a  appliqué  à  figurer  des  phénomènes  où  intervient  la  notion  du  temps,  gé- 
néralement inaccessible  au  cartogramme,  tels  que  les  progrès  successifs  des  che- 
mins de  fer  du  monde,  ceux  de  la  popidation  française,  etc.,  et  des  faits  simultanés, 
contemporains,  qui  concourent  à  former  un  ensemble  (1). 

La  statistique  graphi(|ue  dispose  ainsi  de  ressources  variées  qu'elle  met  en  œuvre 
suivant  les  cas,  de  manière  à  trouver,  pour  le  fait  à  peindre,  l'expression  qui  lui 
donne  le  plus  de  relief,  tout  en  présentant  l'aspect  le  plus  décoratif.  Il  faut  surtout 
se  garder  de  vouloir  trop  dire  de  choses  à  la  fois,  et  de  devenir  obscur  à  force 
d'être  complet.  Le  principal  mérite,  on  pourrait  dire,  la  véritable  raison  d'être  de 
la  statistique  graphique,  c'est  la  clarté.  Si  un  diagramme  est  touffu  au  point  de 
n'être  plus  clair,  mieux  vaut  le  tableau  de  chiffres  dont  il  est  la  traduction. 

Échelles.  —  On  s'est  attaché,  non  seulement  dans  la  série  des  planches  d'un  même 
album,  mais  encore  dans  celle  des  albums  successifs,  à  rendre  comparable  les  dessins 
qui  se  rapportent  à  des  faits  homogènes,  par  exemple,  aux  tonnages.  Tous  les  car- 
togrammes  de  tonnage  sur  les  diverses  voies  de  communication  sont  à  une  échelle 
identique,  aussi  bien  pour  les  artères  de  l'ancien  réseau  des  chemins  de  fer  à 
grande  fréquentation,  que  pour  les  bandes  filiformes  des  roules  nationales.  Si  celle 
condition  entraine  quelques  complications  pour  le  dessin,  elle  le  rend  beaucoup 
plus  instructif  et  facilite  les  rapprochements  entre  les  phénomènes  voisins  auxquels 
on  ne  songeait  pas  d'ordinaire  à  appliquer  une  commune  mesui'e(2). 

C'est  en  vue  de  ce  même  résultat  qu'a  été  ménagé,  pour  la  statistique  agricole, 
un  nouveau  procédé  de  carlogrammes  à  teintes  dégradées,  fondé  sur  \es  écarts  pro- 
porlionnels.  Ce  système  (ï5)  permet  les  comparaisons  entre  les  divers  aspects  d'un 
même  fait;  il  rattache  par  un  lien  étroit  toutes  les  planches  d'une  môme  série  qui 
s'éclairent  l'une  l'autre,  au  lieu  qu'elles  soient  une  simple  juxtaposition  de  feuilles 
volantes,  dont  chacune  aurait  son  échelle  et  sa  langue  et  que  le  lecteur  doit  bien  se 
garder  d'interroger  à  la  fois,  par  crainte  des  pièges  où  celte  discordance  pourrait  le 
faire  tomber. 

Légendes.  —  La  plupart  des  planches  sont  accompagnées  de  tableaux  qui  résument 
les  principales  données  numériques  traduites  graphiquement;  en  outre,  on  a  inscrit 


(1)  Par  exemple,  dans  la  statistique  agricole  (All)um  1886,  pi.  3-1),  pour  représenter  par  département 
les  modes  d'exploitation,  on  a  tracé  sur  le  centre  de  chaque  département,  comme  foyer,  un  demi-cercle 
partagé  en  trois  secteurs,  respectivement  proportionnels  au  nombre  des  exploitations  sous  le  régime  du 
faire  valoir,  du  métayage  et  du  fermage.  La  somme  des  trois  secteurs  (ou  le  demi-cercle)  a  une  surface 
égale  au  nombre  total  des  exploitations.  Ils  sont  d'ailleurs  dilîércnciés  par  des  teintes  conventionnelles,  ce 
qui  donne  aux  diagrammes  départementaux  l'aspect  d'éventails  coloriés. 

(2)  On  avait  autrefois  l'habitude  d'exprimer  uniquement  la  fréquentation  des  roules  en  colliers.  Cette 
unité,  qui  a  une  valeur  technique  pour  l'entretien,  n'en  a  pas  pour  la  statistique  comparée.  Aussi,  dans 
les  albums,  lui  a-t-on  substitué  la  tonne  (après  due  transformation)  pour  rapprocher  les  routes  nationales 
des  voies  ferrées  et  fluviales.  On  a  opéré  de  même  à  l'égard  du  cabotage,  dont  on  a  ramené  par  de  labo- 
rieux calculs  les  mouvements  de  port  à  port  a  un  courant  unique  longeant  tout  le  littoral,  et  d'intensité 
équivalente  à  ces  mouvements  partiels. 

(.3)  Voir  la  description  de  ce  système  dans  le  Journal  de  la  Société,  de  statistique,  1887,  page  128. 


-     16  — 

mr  la  figure  elle-même  celle  de  ces  donnéeg  qui  ne  nuisent  pas  à  sa  clarlé,  de  ma- 
nière à  joindre  la  précision  du  chiffre  au  relief  suggestif  du  dessin.  Elles  contiennenl 
(ouïes  une  légende  détaillée,  qui  doiinil  les  situes  convenlionnels  adoptés,  les  sources 
où  l'on  a  puigo  les  leuseignements  mis  eu  œuvre,  en  s'allaclianl  à  celles  (|ui  les 
fournissent  à  la  fois  les  plus  aullienli{|uei  el  les  plus  récents  (1).  Ces  légendes  si- 
gnalent sans  rélicence  les  hypothèses  (jue  comporte  le  dessin,  avec  leur  plus  ou 
moins  ^raml  degré  de  vi'aisemhiance,  les  lacunes,  les  incertitudes  et  les  desiderata 
des  ressources  dont  on  disposait,  pour  qu'on  \\e  se  méprenne  pas  sur  la  valeur  des 
affirmations  du  dessin.  Il  importe  heaucoup  (|u'on  sache  et  qu'on  dise  ce  qui  est 
ceitain,  ce  «(ui  est  pruhahie,  ce  (pii  est  douteux  :  à  ce  prix  seidemeul,  la  statistique 
mérite  confiance  et  crédit. 

Polices.  —  En  tête  de  chaque  album,  une  notice  donne  des  explications  sommaires 
sur  les  planches  nouvelles  qu'il  contient,  sur  leurs  procédés  de  réduction  et  sur  leurs 
particularités  lechni(pies;  mais  elle  s'abstient  de  commentaires  sur  leur  portée  éco- 
nomique et  sur  les  enseignenienls  à  en  déduire.  L'.\dministration  n'a  d'autre  objet, 
eu  publiant  ses  albums  annuels,  (|ue  de  prçparer  des  matériaux  d'étude  et  de  les 
fournir  de  bon  aloi  ;  mais  elle  ne  se  croit  pas  tenue  de  conclure.  C'est  là  l'œuvre  de 
tous  les  hommes  de  travail  aux(|uels  est  destinée  celte  publication  :  à  eux  d'en  dé- 
gager les  conclusion>  à  leurs  lisqucs  et  périls. 

Formai.  —  Le  format  de  l'album  est  de  dimensions  assez  réduites  pour  qu'il  soit 
commode  de  le  classer  dans  une  bibliothèque  et  de  le  consulter.  Cette  exiguïté  crée, 
il  est  vrai,  au  dessinateur  certaines  difficultés  (ju;  lui  épargnaient  les  grands  formats, 
jadif  seuls  en  usage  ;  mais  il  a  semblé  (pi'on  ne  saurait  acheter  trop  cher  l'avantage 
de  rendre  le  document  très  maniable.  On  a  donc  accepté  ces  difficultés  et  l'on 
espère  les  avoir  résolues  par  la  finesse  de  la  gravure  et  l'emploi  des  couleurs,  qui 
concilient  la  clarté  du  dessin  avec  la  réduction  du  format. 

Depuis  la  création  de  l'album  du  ministère  des  travaux  publics,  cet  exemple  a 
été  suivi  par  plusieurs  administrations  (pii  se  sont  inspirées  de  ce  [irécédent,  tant 
en  France  qu'à  rélranger(2).  L'Académie  des  sciences  a  décernée  celle  publication, 
conjointement  avec  le  Bulletin  du  ministère,  le  prix  Montyon  de  statistique  en 
1883. 

Après  ces  généralités,  nous  allons  entrer  dans  quelques  détails  sur  le  dernier 
album  paru. 

2°  Album  de  1889(3). 

Les  trails  qui  caractérisent  cet  album  sonl,  d'une  part,  un  nouveau  pas  dans  la 
voie  de  l'actualité,  de  la  fraîcheur  du  renseignement  slatislique;  d'autre  part,  le 
développement  donné  aux  relevés  rétrospectifs,  enfin  la  série  des  planciies  consa- 
crées à  l'histoire  de  la  navigation  intérieure  et  à  la  circulation  parisienne. 

(Il  far  suite  du  retard  dans  la  production  de  la  plupart  des  relevés  officiels,  les  renseigneiiients  publiés 
par  rAlbuni  se  rapportent  généralement  à  une  année  de  deux  ans  inférieure  à  son  uiillésinie.  Toutefois 
CD  est  parvenu  à  gagner  un  an  pour  certains  relevés  et  même  deux  ans  pour  ceux  de  la  navigation  qui 
ont  la  même  date  que  l'album. 

(2)  Voir  le  procès-verbal  du  prochain  numéro.  (Observation  de  il.  Turquan,  p.  16.) 

(3)  £n  vente  dans  les  librairies  Cbaix  et  Duood. 


—  17  — 

l.a  |>remière  pi'éoocit[)alion  proviiiiil  du  senlimenl  que  les  faits  se  modifient  vite 
et  (|ue  i'adminisliali'in-,  l'homme  d'Klal,  l'économisle  ont  besoin,  pour  trailer  une 
rpieslion,  d'en  connaître  la  situation  actuelle.  La  slatisti(|ue  doit  se  plier  à  cette  né- 
cessité et  ne  consacrer  à  ses  relevés  que  le  temps  strictement  indisfiensabic  pour 
en  assurer  la  précision  ri;3foureuse.  A  cette  condition,  elle  perdra  son  caractère  pu- 
rement hislorii|ue  et  devii  ndra  le  guide  précieux  ii  consulter  pour  la  solution  des 
prol)ièmes  coriteÈTipoi'ains.  (J'est  dans  celte  vue  «pie  l'on  s'est  constamment  elTorcé 
de  diminuer  l'intervalle  entre  la  date  des  faits  exprimés  et  celle  de  la  publication  de 
l'Album. L'année  dernière,  grâce  à  l'activité  ap(iorlée  à  la  rédaction  de  la  statistique 
de  la  navigation  intérieure,  on  avait  pu  gagner  un  an  sur  la  date  des  tonnages  de 
ces  voies.  On  va  voir  plus  loin  que  le  présent  Album  réalise  un  progrès  analogue 
pour  les  recettes  brutes  et  nettes  des  clieniins  de  fer. 

Quant  aux  relevés  létrospeclifs,  ils  répondent  de  leur  côté  à  un  besom  tout  aussi 
impérieux.  Si  la  science  et  l'administration  recherchent  les  renseignements  de  la 
dernière  heure,  elles  réclament  aussi  ces  lelours  en  arrière  qui  permettent  de 
comparer  le  présent  au  passé,  de  suivre  la  marche  des  faits  à  travers  le  temps,  d'en 
prévoir  et  même  d'en  orienter  les  tendances  pour  l'avenir.  Il  a  semblé  qu'il  con- 
venait surtout  de  développer  ce  genre  de  recherches  dans  cette  année  du  Cente- 
naire, où  l'on  se  plaît  de  toute  part  à  évoquer  le  passé,  à  éclairer  l'histoire  du  siècle 
qui  s'achève,  et,  par  exemple,  en  matière  le  travaux  publics,  à  exposer  dans  le  pa- 
lais des  Arts  libéraux  la  série  des  moyens  successifs  de  transports,  à  mettre  le  mo- 
dèle de  «  la  fusée  »  de  Stephenson  en  face  des  locomotives  modernes.  Pour  apporter 
sa  contribution  à  ces  recherches  historiques,  le  nouvel  Album  a  consacré  un  cer- 
tain nombre  de  planches  à  illustrer  les  [)rogi'ès  accomplis  dans  la  rapidité,  la  masse 
et  l'économie  des  transports  par  rail,  par  canaux  et  par  mer. 

A  cause  de  la  part  croissante  que  prennent  les  voies  navigables  dans  la  réparti- 
tion des  transports  intérieurs,  et  eu  égard  aux  discussions  de  plus  en  plus  vives  que 
soulève  leur  lutte  avec  les  chemins  de  fer,  on  a  cru  nécessaire  d'apporter  au  débat 
des  informations  détaillées  sur  tout  ce  qui  les  concerne. 

Enfin,  en  présence  de  l'importance  des  questions  ipii  se  lattaclienl  à  l'étude  du 
métropolitain  et  aux  moyens  de  transports  dans  la  Capitale,  on  s'est  décidé  à 
affecter  quelques  planches  de  cet  album  à  la  circulation  parisienne. 

Chemins  de  fer.  — Jusqu'ici,  l'Album  d'une  année  fournissait  pour  les  chemins 
de  fer  les  données  en  retard  de  deux  ans  sur  s  )n  millésime.  Ainsi  l'Album  de  1887 
contient  les  résultats  d'exploitation  de  1885.  On  a  pu,  cette  année,  gagner  lui  an 
pour  les  deux  premières  planches  de  fondation,  celles  (|ui  ont  trait  aux  receltes 
brutes  et  nettes,  c'est-à-dire  y  figurer  les  résultats  de  1887.  Mais  il  n'a  pas  été  encore 
possible  d'obtenir  la  même  avance  pour  les  deux  planches  suivantes  relatives  au 
mouvement  moyen  des  voyageurs  et  des  tonnes,  à  cause  des  longs  calculs  qu'elles 
exigent.  Les  planches  des  receltes  brutes  et  nette»  du  réseau  ferré  se  rapportent 
donc  à  1887,  et  celles  de  la  fréquenlalion  à  1886.  On  s'efforcera  de  faire  un  pas  de 
plus  dans  cette  voie  de  l'actualité  des  informations  et  de  publier,  si  c'est  possible, 
les  quatre  planches  pour  le  même  exercice. 

Les  effets  de  la  crise  industrielle  ont  continué  à  se  fairescnlir  sur  les  chemins  de 
fer.  Notamment  en  ce  qui  concerne  le  tonnage,  il  a  encore,  après  toutes  ses  pertes 
antérieures,  subi  de  1885  à  1886  une  nouvelle  réduction  de 477,191 ,350 tonnes  ki- 

l"    8BUIB.    3i«    VOL.    —   S"  1.  et 


—   18  — 

loniélriques,  soit  près  de  5  p.  100,  bien  (|ue,  pendant  cette  année,  le  réseau  se  soit 
allongé  de  857  kilomètres,  ou  de  près  de  3  p.  100. 

Dans  la  planche  5  on  a  ligure  l'importance  et  l'utilisation  ihi  malériel  roukint  de 
nos  voies  ferrées  pour  faire  pendant  aux  planches  12  et  13,  consacrées  au  matériel 
(lotiant  de  nos  voies  navigables. 

On  y  voit  qu'au  31  décembre  1886  l'cflectil'  des  wagons  à  marchandises  de  petite 
vilesse  s'élevait,  pour  les  grandes  compagnies,  à  ^00,450,  ayant  ensemble  une  ca- 
pacité de  1,95i,716  tonnes,  soii  de  9'5  par  véhicule.  Le  tonnage  effectif  en  1886 
ayant  été  de  7O,^'J7,0OO  tomics,  le  rapport  entre  ce  tonnage  et  la  capacité  à  pleine 
charge  est  de  37.5  ;  c'est-à-dire  (|ue  le  mouvement  de  petite  vitesse  sur  l'ensemble 
du  ré.seau  équivaut  à  37.5  voyage  de  tout  le  matériel  roulant  supposé  à  pleine 
charge,  chacun  de  ces  voyages  ayant  duré  environ  10  jours  (9'7). 

Si  ce  matériel  eût  fait  tout  le  temps,  à  pleine  charge,  son  parcours  amiiiel  moyen, 
(|ui  est  de  1 '2,000  kilomètres  par  wagon,  le  tonnage  «  idéal  »  correspondant  aurait 
été  de  23,682  millions  de  tonnes  kilomélri(|ues,  au  lieu  du  tonnage  réel  (9,251 
millions).  Le  rapport  de  ce  tonnage  réel  au  tonnage  idéal  est  de  0.39,  ce  (pii  re- 
vient à  dire  que  le  poids  utile  efléclivement  transporté  par  tonne  de  capacité  est  de 
390  kilogrammes. 

A  côté  de  ces  chillVes  en  bloc  aflérents  à  tout  le  réseau,  la  planche  5  en  donne 
la  décomposition  par  compagnie  et  montre,  par  exemple,  que  le  poids  utile  lians- 
porté  par  tonne  de  capacité  varie  depuis  300  kilogrammes,  pour  les  chemins 
de  fer  de  l'Etat,  jusqu'à  440  kilogrammes  pour  ceux  de  la  compagnie  de 
Lyon(l). 

La  planche  6  (igure  la  consoiinnatioii  des  lails  en  France  pour  chacune  des 
grandes  compagnies  de  chemins  de  fer  français  et  pour  leur  ensemble  depuis  1869 
jusqu'en  1887.  Il  s'en  dégage  une  double  conclusion:  en  premier  lieu,  la  substitu- 
tion progressive,  puis  totale  à  partir  de  1883,  de  l'acier  au  fer;  en  second  lieu,  la 
diminution  brusque  de  la  consommation  des  rails  depuis  1884,  à  cause  tant  du  ra- 
entissemenl  dans  la  construction  des  nouvelles  voies  que  de  la  plus  longue  durée 
des  rails  d'acier. 

La  planche  7  représente  le  développement  des  chemins  de  fer  du  monde  de  1830 
à  1886  à  la  fois  par  pays  et  par  période  déceimale  (saufpour  la  période  1880-1886). 
Elle  donne  non  seulement  la  longueur  absolue  des  réseaux  nationaux,  mais  encore 
leur  longueur  proportionnelle  par  rapport  à  la  population  et  au  territoire.  Elle 
permet  ainsi  d'apprécier  la  progression  de  cette  œuvre  immense,  qui  n'avait  pas 
absorbé  à  la  fin  de  1886  moins  de  136  milliards  (dont  75  milliards  pour  l'Europe), 
soit  une  moyenne  annuelle  d'environ  5  milliards  depuis  une  vingtaine  d'années.  On 
peut  y  suivre  les  phases  par  lesquelles  est  passée  cette  œuvre  dans  les  divers  pays: 
les  uns,  abordant  résolument  la  tâche  dès  les  premiers  jours,  puis  ralentissant  leur 
allure,  comme  l'Angleterre  ;  les  autres,  hésitant  d'abord,  puis  dans  ces  dernières 
années,  marchant  à  pas  de  géant,  comme  les  États-Unis. 

Ce  développement  des  chemins  de  fer  a  amené,  entre  autres  conséquences,  l'ac- 
célération et  le  bas  prix  des  voyages.  Les  deux  cartes  placées  en  regard  l'une  de 


(1)  Cette  utilisation  va  à  9J0  liilograninies  pour  les  coiii|)agiiies  secondaires,  parce  (|uc  leur  matériel 
leur  est  en  partie  fourni  par  les  grandes  compagnies. 


—  l'J  — 

l'autre  sur  la  planche  S  meltenl  en  évidence  el  mesurent  cette  double  influence 
pour  notre  pays. 

La  carte  de  gauche  est  une  carte  de  France  à  l'intérieur  de  laquelle  sont  tracées 
cinq  cartes  concentriques  à  contours  plus  ou  moins  irréguliers,  dont  chacune  cor- 
respond à  la  durée  des  voyages  pour  une  époque  déterminée.  Leur  accélération 
équivaut  à  une  réduclion  dans  l'échelle  de  la  carte.  A  chaque  nouveau  progrès 
dans  la  vitesse  des  transports,  les  villes  se  rapprochent  du  centre,  comme  si  la 
carte  était  rétractile  et  avait  fini  en  "200  ans  par  se  réduire  aux  limites  du  départe- 
ment de  la  Seine.  L'homme  actuel  a  chaussé  les  hottes  de  sept  lieues  et  se  déplace 
vingt  fois  plus  vite  que  ses  pères  il  y  a  deux  siècles.  Si  l'on  admet  que  son  cercle  d'ac- 
tion se  soit  accru  proportionnellement,  ce  cercle  couvre  aujourd'hui  une  surface 
quatre  cents  fois  plus  étendue  qu'alors. 

Quant  à  la  carte  de  droite,  elle  exprime,  à  l'aide  des  mêmes  notations  convention- 
nelles, la  baisse  du  prix  des  voyages  par  terre  en  PVance,  en  indiquant  ces  prix 
pour  les  deux  dates  de  1798  et  de  1887  qui  encadrent  à  peu  près  le  siècle  du  Cen- 
tenaire. La  baisse  qu'accusent  les  cartes  concentriques  a  été  en  moyenne  de  30  à 
40  p.  100  dans  cet  intervalle,  c'est-à-dire  beaucoup  moins  considérable  que  celle 
de  la  durée  des  voyages. 

Naviguùon  inlérieure.  —  Le  congrès  de  navigation  qui  s'est  tenu  à  Francfort 
en  août  1888  a  exprimé  le  vœu  que  chaque  nation  dressât  la  statistique  de  ses 
transports  fluviaux,  en  se  conformant  aux  mêmes  règles  dont  il  a  tracé  le  pro- 
gramme. 

Les  planches  9  à  17  du  présent  Album  sont  précisément  la  réalisation  de  ce  vœu 
en  ce  qui  concerne  la  France.  Elles  étudient  successivement  les  voies  navigables 
sous  les  points  de  vue  ci-après  : 

1°  Développement  du  réseau  ; 

2°  Conditions  de  navigabilité  ; 

3°  Matériel  flottant; 

4°  Dépenses  de  premier  établissement  ; 

5°  Progrès  du  tonnage. 

On  voit  ainsi  que  ces  planches  précisent  l'histoire  technique  el  financière  de  nos 
voies  navigables,  les  définissent  en  tant  qu'instrument  de  transport,  enfin  mesurent 
les  services  qu'elles  rendent. 

Pour  faire  apprécier  le  développement  du  réseau  navigable  dans  notre  pays,  on 
a  mis  en  regard,  dans  la  planche  9,  deux  cartes  de  ce  réseau  dressées  à  la  même 
échelle  et  d'après  les  mêmes  signes  conventionnels,  l'une  pour  l'année  1822,  c'est- 
à-dire  à  la  veille  du  grand  mouvement  que  les  lois  de  1821  el  de  1822  ont  imprimé 
à  l'amélioration  de  la  navigation  intérieure,  l'autre  pour  1887.  En  jetant  un  coup 
d'œil  sur  ces  deux  cartes  ainsi  rapprochées,  on  constate  les  progrès  accomplis,  sur- 
tout dans  le  Nord  et  dans  l'Est,  et  qui  ont  fait  passer  au  cours  de  cette  période  nos 
canaux  de  1,276  à  5,146  kilomètres  malgré  les  pertes  de  1871.  Quant  au  dévelop- 
pement global  annuel  pour  tout  le  pays,  il  est  donné  par  un  diagramme  placé  dans 
la  partie  gauche  de  la  planche  11. 

Les  planches  10  et  11  figurent  les  conditions  de  navigabilité  du  réseau,  c'est-à- 
dire  pour  chaque  voie  navigable,  son  tirant  d'eau,  son  «  tirant  d'air  ï  (hauteur 
libre  sous  les  ponts),  le  nombre  des  ponts  et  souterrains  qui  la  jalonnent,  son  profil 


—  20  — 

en  long,  le  nombre  et  les  dimensions  de  ses  écluses,  sa  catégorie  (ligne  principale 
ou  secondiiire  d'après  la  loi  de  classunienl  du  5  août  1879)  (^1),  enfin  son  mode 
d'adniinislralion  (exploitation  par  l'Etat,  \)â  p.  100  du  rési\iu,  ou  par  une  conipa- 
gnie  concessionnaire,  7  p.  100). 

Qo  n'avait  jusqu'ici  que  des  données  approximatives  sur  l'elîectif  et  la  com|)osi- 
lion  de  notre  batellerie  fluviale.  C'est  cependant  un  renseignement  d'une  liaule 
importance,  non  seulement  pour  l'étude  des  (]ueslioiis  économiijaes  et  lechnj(|uesde 
navigation  (utilisation,  traction,  organisation  commerciale),  mais  encore  pour  celle 
des  services  militaires  que  ce  réseau  est  en  étal  de  rendre  éventuellement.  Aussi 
l'Administration  a-l-elle  fait  procéder  le  15  octobre  1887  au  recensement  des  ba- 
teaux en  marche  ou  eu  stationnement  sur  tout  le  réseau  fiançais,  chaque  voie  ayant 
été  part^agée  en  cantonnements  assez  courts  pour  être  parcourus  en  quehjues 
heures  par  les  recenseurs.  .\fin  de  compléter  ro|)ération,  on  a  d'ailleurs  continué 
àt  recenser  jusqu'à  la  lin  de  novembre  les  bateaux  fiançais  en  cours  de  voyage  à 
l'étranger  au  fur  et  à  mesure  de  leur  retour  sur  notre  territoire. 

On  a  ainsi  constaté  la  présence  de  1G,-403  bateaux  jaugeant  ensemble  à  pleine 
charge  2,769,902  tonneaux  (dont  45,865  pour  les  bateaux  à  vapeur).  Comme  le 
tonnage  effectif  transporté  en  1887  sur  les  voies  navigables  a  été  de  23,028, 4;^J6 
tonnes,  il  s'ensuit  que  chaque  tonne  de  capacité  du  matériel  flottant  a  été  utilisée 
un  peu  plus  de  huit  fois  (8.31). 

On  a  vu  plus  haut  (jue  celle  utilisation  était  de  37.5  pour  le  matériel  roulant  des 
chemins  de  fer  :  elle  est  donc  de  4  à  5  fois  plus  grande  sur  les  voies  ferrées  que 
sur  les  voies  navigables. 

La  capacité  moyenne,  qui,  ()ar  bateau,  est  de  173  tonnes,  est  par  wagon  de  9  loimes 
et  demie.  Aussi,  bien  (|ue  l'effectif  de  la  batellerie  soit  13  fois  moindre  que  celui  des 
wagons  de  petite  vitesse,  sa  puissance  de  transport  est-elle  de  40  p.  100  environ 
supérieure  à  celle  des  chemins  de  fer  (2,769,902  contre  1,954,716).  Si  la  masse 
des  transports  sur  rails,  exprimée  en  tonnes  kilométriques,  dépasse  néanmoins  le 
triple  de  celle  des  transports  par  eau  (9,314,o46,285  contre  2,798,460,915),  cette 
dillërence  tient  à  l'allure  des  mouvements  plus  rapides  sur  les  premières  voies  que 
sur  les  secondes  et  à  la  meilleure  utilisation  de  matériel  (37.5  contre  8.5).  D'ail- 
leurs le  parcours  moyen  de  la  tonne  est  sensiblement  le  même  sur  les  deux  réseaux 
(133  kilomètres  pour  la  navigation,  128  kilomètres  pour  les  chemins  de  fer). 

Tels  sont  les  résultats  généraux  mis  en  lumière  par  le  recensement  du  15  oc- 
tobre 1887.  Quant  aux  détails  de  celte  opération  pour  chaque  voie,  ils  sont  figurés 
par  les  deux  planches  12  et  13  :  la  jiremière,  consacrée  à  l'effectif  de  la  batellerie  ; 
la  seconde,  à  son  tonnage  à  pleine  charge. 

Ces  d«ux  cartes  sont  loin  d'être  superposables,  à  cause  de  la  différence  des  types 
de  bateaux  qui  fréquentent  les  diverses  voies.  Ainsi,  sur  la  planche  13  le  canal  laté- 
ral à  la  Loire  et  le  canal  du  Centre  ont  une  importance  supérieure  au  canal  de 


(1)  On  sait  qa'aux  termes  de  la  loi  du  5  août  1879  les  voies  de  première  catégorie  sont  celles  qui  réu- 
nissent la  double  condition  d'avoir  un  mouillage  de  2  mètres  et  des  écluses  de  SS^jûO  de  longueur  sur 
5", 20  de  largeur.  Ces  lignes  principales  mesurent  une  longueur  totale  de  ."ijâse  kilomètres,  soit  28  p.  100 
du  réseau.  En  1878,  leur  longueur  n'était  que  de  2,107  kilomètres.  Dans  cette  période  de  neuf  ans,  la 
plupart  des  canaux  ont  été  transformés,  soit  par  rapprofondlssement  des  biefs,  soit  par  rallongement  des 
écluses.  En  outre,  ojj  kilomèlres  de  canaux  nouveaux  ont  été  ouverts  de  1S78  à  I8S7  pour  compenser 
nos  pertes. 


—  21  — 

Sninl-Quentin,  qui,  an  coiitrjiire,  reprend  son  rang  sur  la  planclie  M.  Celia  lient  à 
Ci;  ipie  le  lonnnge  moyen  par  liatean  est  de  140  loinies  snr  les  premiers  canaux  et 
de  ^70  tonnes  sur  le  dernier. 

Les  deux  planches  suivantis,  15  et  10,  se  rappi.rtenl  aux  dépenses kil.oméi ri  jucs 
de  |iremier  élablissement  du  réseau  navi,^able,  en  les  disliiiguant  en  dois  périodes: 
cidle  qui  est  antérieure  au  xix"  siècle,  celh  qui  s'élend  de  1800  à  1870,  enfin  celle 
(|ui  va  de  1870  à  1887.  On  voit  ainsi  la  part  revenant  à  chacune  de  ces  périodes 
dans  les  sacrifices  financiers  qu'ont  enliaînés  l'exécution  et  l'aniciioraiion  de  cha(|ue 
voie. 

Un  diag-rainme  spécial  placé  sur  le  côlé  droit  de  la  planche  groupe  ces  dépensée 
pour  chacun  des  régimes  (]ui  se  sont  succédé  en  France  depuis  ISl^  et  qui  ont 
coulrihué  dans  les  proportions  suivantes  à  la  dépense  totale  de  1,330  millions, 
savoir  : 

Restauration  (1814-1830) 149  millions. 

Règne  de  Louis-Philippe  (1830-1848)..  341       — 
Deuxième  République  (1848-1851).    .    .  38       — 

Second  Empire  (1851-1870) 239       — 

Troisième  République  (1870-1887).  .    .  563      — 

Total 1,330  millions. 

Enfin,  pour  apprécier  l'utilité  de  ces  sacrifices,  il  reste  à  montrer  les  services 
rendus  par  les  voies  navigables.  L'oulil  étant  bien  défini,  quel  travail  a-t-il  produit'/ 
C'est  à  cette  question  que  répondent  les  planches  16  et  17,  où  l'on  a  figuré  pour 
chaque  voie  les  tonnages  à  Irois  dates  éloignées  de  20  ans,  1847,  1867,  1887;  ce 
qui  permet  de  constater  les  voies  stationnaires,  comme  celles  de  l'Ouest  et  du  .Midi, 
et  les  voies  en  progression  rapide,  comme  celles  du  Nord  et  de  l'Est. 

Un  diagrannïie  placé  dans  la  partie  gauche  de  la  planche  17  représente  la  marché 
de  ces  tonnages  année  par  année  —  mais  poiir  l'ensemble  du  réseau  —  entre  1847 
eH887. 

Quant  au  tonnage  en  1887,  il  est  décomposé  à  la  fois  par  courants  de  transport 
et  par  nature  de  maiihandises  pour  chaque  vo'e  sur  les  quatre  planches  (6  à  9)  de 
l'.-Mbuin  précédent  qui  se  rattachent  étroitement  à  ce  sujet  et  complètent,  avec  les 
neuf  planches  (9  à  17)  du  présent  Albiun,  une  série  de  treize  planches  répondant  dé 
tous  points  au  programme  formulé  par  le  (longrès  de  Francfort  pour  la  stalijti(p]e 
internationale  de  la  navigation. 

Navigation  maritime.  —  De  même  que  les  phnches  11  et  12  ci-dessus  donnent 
les  conditions  de  navigabilité  de  nos  voies  navigables,  la  planche  19  indique  potth 
nos  |)rinci(iaux  ports  maritimes  leur  profondeur  el  le  développement  de  Ienr3 
quais  d'échouage  et  à  flot,  en  y  ajoutant  la  comparaison  entre  1876  et  1880  et 
l'indication  des  améliorations  projetées  pour  l'avenir. 

L'accélération  dont  on  a  vu  plus  haut  l'histoire  et  la  mesure  pour  les  voyages  à 
l'intérieur  de  la  France  s'est  également  manifestée  pour  les  traversées  maritimes. 
C'est  ce  que  figure  la  planche  19,  qu'on  peut  mettre  en  parallèle  avec  la  planche  8 
et  (pii  a  été  dressée  d'après  le  même  mode  de  représentation. 

Ce  mode  consiste,  comme  on  l'a  vu,  dans  le  tracé  de  |)lusienrs  cartes  concen- 
riques  dont  les  dimensions  se  réduisent  avec  la  durée  des  traversées.  K  mesure 


—  22  — 

que  la  vitesse  des  transports  s'accroît,  les  cotes  étrangères  se  rapproclient,  par 
combes  progressives,  de  la  côte  française  supposée  immobile,  comme  si  les  mers 
allaient  sans  cesse  en  se  rétrécissant.  Ainsi,  il  semble  que,  dans  l'intervalle  de  ce 
siècle,  l'océan  Atlantique  se  soit,  en  moyenne,  réduit  des  deux  tiers,  ou  encore  que 
BuenosAyres,  qui  était  en  1830  à  11,000  kilomètres  de  Bordeaux  (sa  distance 
géographique  réelle),  n'en  soit  plus  aujourd'hui  qu'à  3,870  kilomètres  au  point  de 
vue  de  la  durée  du  trajet. 

Des  effets  analogues  se  sont  produits  pour  la  baisse  des  prix  :  les  progrès  com- 
merciaux et  techniques  ont  réduit  les  frets  et  rapproché  à  ce  point  de  vue  les  côtes 
étrangères,  de  même  que  les  taxes  de  port  et  les  droits  de  douane  les  éloignent.  Mais, 
si  l'on  a  pu  pour  les  voyages  tericslres  dresser  une  carte  des  prix  en  regard  de 
celle  des  durées,  on  a  dû  renoncer  à  ce  parallélisme  pour  les  frets,  à  cause  de  leur 
incessante  mobilité  et  faute  de  données  suffisamment  concordantes  et  précises  sur- 
tout pour  le  passé. 

Circulation  parisienne.  —  La  planche  20  représente,  poiu"  chacun  des  princi- 
paux modes  de  transport  (omnibus,  tramways,  ceinture  et  chemins  de  fer  rayonnants, 
bateaux-omnibus,  petites  voitures),  le  mouvement  de  la  circulation  à  l'intérieur  de 
Paris  entre  185-i  et  1887,  en  l'exprimant  à  la  fois  par  le  nombre  des  voyageurs  qui 
ont  recouru  à  chacun  de  ces  divers  modes  et  par  les  recettes  auxquelles  ce  trans- 
port a  donné  lieu.  En  l'absence  de  documents  assez  précis,  on  n'a  pu  y  comprendre 
ni  les  voitures  de  place  autres  que  les  petites  voitures,  ni  les  voitures  de  remises, 
ni  les  voitures  particulières,  ni  les  omnibus  de  courses  et  de  touristes. 

Sous  la  réserve  de  celte  lacune  et,  en  sens  inveise,  des  doubles  emplois  prove- 
nant des  correspondances,  on  voit,  sur  le  diagramme  récapitulatif  de  la  planche  20, 
que  le  mouvement  intérieur  de  la  circulation  parisienne  s'est  traduit  en  1887  par 
27!  millions  de  voyageurs  et  par  63  millionsde  recettes,  ce  qui  équivaut  en  moyenne 
à  113  voyages  par  habitant  et  à  0  fr.  23  par  voyage. 

Cette  planche  ayant  groupé  ensemble  en  un  chiffre  unique  annuel  les  éléments 
afférents  à  chaque  mode  de  transport,  il  a  semblé  utile  de  les  décomposer  en  ce  qui 
concerne  le  chemin  de  fer  de  ceinture  et  les  principales  lignes  de  banlieue,  de  ma- 
nière à  éclairer  les  questions  relatives,  soit  à  l'étude  du  Métropolitain,  soit  à  l'addi- 
tion des  gares  réclantées  par  divers  quartiers,  soit  enfin  à  l'élablis.senient  de  nou- 
veaux moyens  de  communication  dans  le  sens  périphérique  ou  rayonnant. 

Tel  est  l'objet  de  la  planche  21,  qui  indique  l'accroissement  de  la  fréquentation 
dans  les  gares  parisieimes  de  1865  à  1887.  On  y  voit  que,  pendant  celle  période 
de  23  ans,  le  mouvement  de  la  gare  Saint-Lazare  est  passé  de  5,5  millions  à  près 
de  13  millions  de  voyageurs;  celui  de  la  gare  de  Belleville  de  200,000  à  600,000; 
celui  de  la  gare  de  Ménilmonlant  de  300,000  à  1,200,000;  celui  de  la  gare  d'Au- 
teuil  de  600,000  à  1,700,000.  Ce  sont  là  des  progressions  très  rapides  et  qui  mon- 
trent avec  quel  empressement  la  circulation  répond  aux  facilités  qu'on  lui  assure 
par  la  création  des  voies  nouvelles. 

Ce  même  résultat  peut  être  obtenu  par  une  simple  transformation  du  matériel 
sur  des  lignes  existantes.  C'est  ce  que  met  en  évidence  la  planche  22,  consacrée  à 
l'influence  de  la  IriinsCormation  du  matériel  des  omnibus  sur  leur  fréquentation 
de  1872  à  1887. 

Trois  séries  de  diagrammes  montrent  le  mouvement  sur  les  lignes  dont  les  voi- 


-  2:}  — 

tiires  n'ont  pas  été  transformées  et  sur  celles  dont  les  anciennes  voitures  à  26  ou 
2S  places  ont  été  remplacées  par  des  voitures  à  40  places  (que  le  public  apprlle  à 
cause  de  ce  chiffre  les  «  Académies  »)  ou  par  des  tramways  à  51  places.  Partout  la 
transformation  du  matériel  a  coïncidé  avec  des  accroissements  de  circulation  ipii, 
surcertnines  lignes  (par  exemple  Monlrouge-Gai'c  de  l'Est),  a  dépassé  le  triple  de 
la  circulation  primitive.  Il  semble  que  les  facilités  ofl'ertes  aux  voyageurs  en  multi- 
plient le  nombre.  La  circulation  sur  certaines  lignes  est  comme  un  réservoir  illimilé  : 
plus  on  augmente  les  moyens  d'y  puiser,  plus  le  débit  s'accroît. 

D'ailleurs,  sur  les  lignes  où  le  matériel  n'a  pas  été  transformé,  la  fréquentation 
est  restée  stationnaire.  C'est  donc  bien  à  la  transformation  du  matériel  et  non  au 
progrés  normal  de  la  cii'culation  qu'est  due  la  plus-value  constatée  sur  les  autres 
lignes. 

Il  sera  intéressant  de  comparer  à  ces  divers  résultats  ceux  de  l'année  1889.  Nous 

ne  mani|uerons  pas  dans  le  prochain  album,  actuellement  en  préparation,  de  nous 

livrer  à  ces  rapprochements  sous  diverses  formes,  de  manière  à  mettre  nettement 

en  évidence  l'influence  exercée  par  l'Exposition  sur  le  déplacement  des  hommes  et 

des  choses,  non  seulement  dans  Paris  même,  mais  encore  dans  les  ports  et  dans 

tout  l'ensemble  du  pays.  „   „ 

E.  Cheysson. 


SOCIÉTÉ  DE  STATISTIQUE  DE  PARIS 

RECONNUE   ÉTABLISSEMENT   D'UTILITÉ    PUBLIQUE 
PAR  DÉCRET  DU   19  JUIN   1869. 


Médailles  d'argent  aux  Expositions  universelles  de  187S  et  de  lss9 
Diplôme  d'honneur  de   1''=  classe  à  i'ICxposition  internationale  de  géographie  de  Venise,   18S1. 


Composition  du  bureau  pour  l'année  1889. 

Président MM.  Octave  Kelleii,  ingénieur  on  chef  des  Mines. 

Vice-Présidents.   .    .    .  Jules  de  Crisenoy,  ancien  directeur  de  l'adminislralioii 

départementnie  et  conimnnale  ;iii  Mini.stère  de  l'intérieur. 
ïh.  DucROCQ,  professeur  à  l.n  Faculté  de  droit  (le  Paris. 
Adolphe  CosTE,  publicisle. 
Secrétaire  général.  .    .  Toussiiinl  Loua,  chef  de  ilivisioii  honoraire  de  In  slati.slique 

ijénérale  de  France. 
Trésorier-archiviste .   .  Jules  Hobyns,  5,  rue  Bridaine,  à  Paris-Batignolles. 

Membres  du  conseil .    .  Alfred  Neymafick,  directeur  du  journal  le  fienlier. 

Auguste  Vannacque,  cherdu  division  nn  Ministère  du  com- 
merce, de  l'industrie  et  des  colonies. 
L.  L.  Beauiun-Gressieu,  chef  do  division  nu  Ministère  des 

irav.iux  publics. 
Clmrles  Gimel,  ancien  directeur  de';  conlrihufioiis  dirorles. 
Paul  Cuai.vet,  directeur  do  la  Foncière. 
Victor  TuriQUAN,  chef  de  bureau  de  hi  slalisticpie  générale 
(le  France. 


-  -24 


LISTE  ALPHABETIQUE 

DES  MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  STATISTIQUE  DE  PARIS 

AU  1"  JANVIER  1890. 


Membres  d'honneur. 

MM.  Sadi  Caniot,  président  de  la  République. 

S.  M.  Doin  Pedro  II  d'Alcantani,  empereur  du  Brésil. 

Baron  Haussniann,  ancien  préfet  de  la  Seine,  14,  rue  Boissy-d'Anglas,  à  Paris. 

Couile  Ferdinand  de  Lesseps,  21,  avenue  Montaijîne,  à  Paris. 

Membres  titulaires  (M.  P.,  membres  à  vie). 

d'aduiiuion.  MM* 

1886.  Alglave,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paiis,  27,  avenue  de  Paris,  à 

Versailles. 

1881.  Ambaud,  conseiller  maître  à  la  Cour  des  comptes,  89,  rue  de  Grenelle. 
187'J.  Amrliii  (Alcide),  13,  avenue  des  Gobclins. 

1883.  Aniiot  (Henri),  ingénieur  civil,  4,  rue  Weber  (Porte  Maillot). 
1S84.  M.  P.  AndrieuN,  député,  32,  avenue  Friediand. 

1882.  M.  p.  Antboine  (Ed.),  cbef  des  Irav.  grapliii[ues  au  min.  de  l'intérieur,  8,   rue 

Treilbard. 
1889.  Arnaudeau,  chef  de  la  statistique  ii  la  (Compagnie  Iransatlanlique,  43,  rue 

Joiiffroy. 

1882.  M.  P.  Balsan  (Charles),  député,  8,  rue  de  La  Baume. 

1882.  M.  P.  Bandérali,  ingénieur  civil  des  mines,  7,  rue  la  Bruyère. 

1876.  Barbier,  ancien  <lireclenr  (\e^  dou;ines,  villa  Campanus,  à  Aix-les-Bains. 

1882.  M.  p.  Bardy  ((^Ih.),  dir.  îles  hdjoratoires  des  cont.  ind.,  26,  rue  du  Général-Foy. 

1882.  M.  P.  Bauni  (Gbarlos),  ing.  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  21,  rue  de  la  Pompe, 

Passy. 
1886.  Baudry  (L.),  sous-direcleur  de  la  Mutuelle  de  Sew-York  (assurance  sur  la 

vie),  48,  avenue  Kléber. 
1864.  M.  P.  Bavelier  (A.),  1,  rue  de  la  Ville-l'Évéque. 
1869.  M.  P.  Beaurin-Gressier  (L.  L.),  cliefdediv.  au  min.  des  Irav.  publics,  40,  boni. 

Baspail. 

1884.  Berger  (Georges),  député,  8,  rue  Legendre. 

1860.  M.  P.  *Bei'ger-Levrault  (Oscar)  [l],  imprimeur  éditeur,  à  Nancy. 

1888.  Bernard  (François),  44,  rue  Saint-Placi.le. 

1882.  Bernard  (U.),  directeur  de  la  Banque  maritime,  2,  rue  Cbaptal. 

1888.  Berr(cmile),  publiciste,  52,  boulevard  Sébaslopol. 

1889.  M.  P.  B  Ttillon  (Alphonse),  chef  du  service  anthropométrique  à  la  préfecture  de  po- 

lice, 7,  rue  Lillré. 

1882.  M.  P.  Bertilion  (D'  Jacques),  chef  des  trav.  de  la  stat.  munie,  5,  avenue  Frochot, 
26,  rue  Virlor-Massé. 

1882.  Bertrand  (S..),  directeur  de  la  Correspondance  républicaine,  7,  rue  Saint- 

Louis  (Versailles). 

1873.  M.  P.  Bertrand  (Ed.),  avocat  général  à  la  Cour  de  cassation,  29,  boul.  Malesherbes. 

18S2.  Besnucèle  (de),  réd;icleur  au  min.  du  commerce  et  de  l'industrie,  141,  rue 

Saint-Dominique. 

1889.  M.  P.  Bélhouard,  ingénieur  civil,  86,  avenue  de  Wagram,  à  Paris  et  à  Cliartres. 

1881.  Ijienaynié  (Jules),  chef  de  bureau  auv:  archives  du  Min.  des  finance.-;,  13,  rue 

des  Snints-Pères. 

1882.  Billotle  (J.  B.),  secrétaire  général  à  la  Banque  de  France,  rue  Croi.\-des-Pe- 

lits-Champs. 


(Il  L'astérisque  indique  les  membres  fondateurs  (année  1S60). 


—  35  - 

MM. 

1860.  M.  P.  *Biiig-Bénard  (Alfred),  ancien  Consul,  2(5,  rue  de  Naples. 
1<S86.  Biollav  (Léon),  90,  boulevard  Pereire. 

1884.  M.  P.  Bischôlfsheiin,  iléputé,  3,  rue  Tailbout. 

1879.  Bivorl(Â.),direcleurdii  Rulklin  des  hallen  et  marchéa,  33,  rue  J.-J.-Rousseau. 

1885.  M.  P.  Bonaparte  (S.  A.  lu  prince  Roland),  i-î,  cours  l;i  Heine. 
1883.  M.  P.  Bonlliou>;-Laville  (Francisque),  15,  rue  Montaitçne. 
1882.  Bouclierot  (Jules),  44,  rue  de  la  Pompe,  Passy. 

1882.  Boudeau  (Elie),  député,  73,  rue  de  la  Victoire. 

1882.  Bouffard,  ancien  jut;e  au  tribunal  de  commerce,  148,  rue  de  la  Tour. 
1885.            Bourgeois  (Léon),  député,  50,  rue  Pierre-Charron. 

1887.  M.  P.  Bouteille  (D'),  dir.  méd.  en  cbef  de  l'asile  d'aliénés  de  Braqueville-Toulouse. 

1883.  M.  P.  Boutin  (Emile),  dir.  gén.  des  cont.  directes,  174,  rue  de  Rivoli. 

1882.  Brelay  (Ernest),  pubiicisle,  ancien  conseiller  général  de  la  Seine,  35,  rue 

d'Offémont. 

1885.  Cabirau,  ingénieur  civil,  commissaire  général  de  la  République  Argentine, 

85,  rue  Tailbout. 

1888.  Cachard  (Edward-B.),  dir.  gén.  de  la  Mutuelle  de  New- York  {assurance  sur 

la  vie),  43,  boulevard  Haussmann. 

1889.  Cachard  (Henry),  avocat-conseil  de  la  légation  des  États-Unis,  3,  place  des 

États-Unis. 

1881.  M.  P.  Caignon  (L.>,  chef  de  bur.  au  min.  des  fin.,  h  Villiers-le-Bel  (S.-et-O.). 
1877.  Calary,  président  de  chambre  à  la  cour  d'appel  de  Paris,  11,  quai  d  Orsay. 
1889.  Carraby  (Calixte),  contrôleur  spécial  au  Crédit  iyoïmais,  14,  rue  Pigalle. 

1873.  Cauvet  (A.),  directeur  de  l'école  centrale,  1,  rue  MontgoKîer. 

1882.  M.  P.  Cerisier  (Ciiarles),  secrétaire  général  du  gouvernement  des  rivières  du  Sud 

(Sénégal). 

1882.  iM.  P.  Cernuschi  (Henri),  7,  rue  Vélasquez. 

1881.  M.  P.  Chailley,  avocat,  pui)liciste,  9,  rue  Guy-de-la-Brosse. 

1886.  Clialv(>t  (Etienne),  clud'du  cont.  à  la  dir.  de  l'eni'eg.,  19,  rue  de  Bourgogne. 

1886.  M.  P.  Clialvel  (Paul),  directeur  de  la  Foncière,  3()(i,  rue  Saint-Houoré. 
1885.  Chanoine  (Général^,  sous-directeur  du  Cercle  militaire,  3,  rue  SclielTer. 
1889.  Chauvin  (Jules),  rédacleur  au  ministère  des  finances,  15,  rue  Houdon. 

1874.  M.  P.  Chervin  (C,  Arthur),  82,  avenue  Victor-Hugo. 

1877.  M.  P.  Ctieysson  (Emile),  ing.  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  professeur  à  rËc<»le 

des  mines,  115,  boulevard  Saint-Germain. 
18^2.  M.  P.  Choquet  (D'  Ed.),  13,  rue  <le  Seine. 

1883.  Chotteau  (Léon),  publiciste,  138,  boulevanl  Pereire. 

1883.  M.  P.  Christoplile  (AI.),  député,  gouverneur  du  Crédit  foncier,  19,  place  Vendôme 
l8iSti.  Churchill  (D'  Franck),  au  château  d'HargevdIe  (S.-et-O.). 

1882.  Ciezkowski  (Comte  .\uguste),  à  VVierzcnica,  près  l'osen. 
1882.  Clamageran  (J.-J.),  sénateur,  57,  avenue  Marceau. 

1882.  M.  P.  Cochery  (Adolphe),  sénateur,  ancien  ministre,  38,  avenue  d'iéna. 

1882.  M.  P.  Cochery  (Georges),  député,  38,  avenue  d'iéna. 

1882.  Cochut^André),  dir.  honoraire  du  Mont-de-Piété,  66,  boni,  de  Strasbourg. 

1884.  M.  P.  Colin  (Armand),  éditeur,  174,  boulevard  Saint-Germain. 
1882.  Combaluzier,  publiciste,  43,  rue  Lallitte. 

1887.  Compagnie  d'assurances  sur  la  vie  le  Phénix,  33,  rue  Lafayette. 

1884.  Cornuault  (Emile),  ingénieur  civil,  21,  rue  de  Madrid. 

1881.  Coste  (Adolphe),  publiciste,  4,  cité  (iaillard  (rue  Blanche). 

1882.  M.  p.  Cotard  (Charles),  ingénieur,  35,  boulevard  Haussmann  et  au  Valandre  par 

Pléneuf(C.-du-N.). 

1885.  M.  P.  Cottin-Angar,  président  du  Syndicat  des  assurances  mutuelles,  9,  rue  Royale. 

1883.  Coulonjon  (Fernand  de),  clief  de  bureau  de  l'enr.  et  des  ilomaiiies,  57,"  rue 

de  Bourgogne. 
1883  Couturier  (Gabriel,  ancien  gouverneur  de  la  Guadeloupe,  24,  rue   Saint- 

Pétersbourg. 

1884.  Crisenoy  (Jules  de),  anc.  dir.  au  min.  de  l'intérieur,  8,  villa  Sa'id. 
1882.            Gro/.es,  adminisirateur  des  contr.  indirectes,  8,  rue  Castiglione. 

1882.  Dalsème  (J.),  publiciste,  6,  boulevard  de  Clichy. 

1881.  Déchaud  (Ch.),  administrateur  des  cont.  indir.,2,  rue  VVattenu,àCourbevoie. 

1887.  Decroi.vL  (E  ),  prés,  de  la  So  dété  contre  l'abus  du  tabac,  52,  rue  Bonaparte. 


—  m  — 

MM. 

1882.  M.  P.  Delboy  (P.  A.),  cons.  général  de  la  Gironde,  8i,  rue  de  Pessac,  à  Bordeaux. 
188"2.  Denis  (E.  D.),  rédacteur  au  ministère  des  finances,  10,  rue  Nollet. 

1882.  M.  P.  Dcsplanr|ues,  trésorier-nnyeur  général  du  Pas-de-Calais,  ii  Arras. 
1882.  M.  P.  Desprès  (D'  Armand),  iléputé,  3,  rue  .lacob. 
1885.  Desroys  du  Heure,  percepteur  à  Biaritz. 

1882.  M.  P.  Dielz-Monnin,  sénateur,  38,  rue  La  Bruvère. 

1883.  M.  P.  DolHus  (E.),  banquier,  G,  rue  Favart. 

1882.  M.  P.  Donnel(DÔ,  sénateur,  101,  rue  Saint-Jacques. 

ISSC).  M.  P.  Ducret,  président  de  la  Gliambre  syndicale  des  Industries  diverses,  15,  rue 

de  Bru.xelles. 
1885.  M.  P.  Ducrocq  (Th.),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris,  12,  rue  Stanislas. 

1884.  Duhamel  (Henri),  puhliciste,  31,  rue  de  Tocqueville. 

1888.  Dujaidiu-Beaumetz  (J.),  ingénieur  civil,  14",  boulevard  Male.sherbes. 

1883.  Duîaurier,  rédacteur  au  ministère  du  commerce  et  de  l'industrie,  100,  rue 

de  Grenelle. 

1883.  Duqnénel,  agronome,  il,  rue  Washington. 
1882.  M.  P.  Dreyfus  (Auguste),  banquier,  3,  avenue  Ruysdaël. 

1879.  Dreyfus  (Camille),  député,  directeur  politique  de  la  Nation,  195,  rue  de 

l'Université. 

1885.  M.  P.  Eggermont  (Comte  d'),  conseiller  d'ambassade  à  la  légation  de  Belgique  ti 

Saint-Pétersbourg. 
1882.  Essars  (Pierre  des),  attaché  à  la  Banque  de  France,  10,  rue  Chabannais. 

1868.  M.  P.  Flechey  (Edmond),  chef  de  bureau  au  min.  de  l'agriculture,  25,  rue  de  la 
Collégiale. 

1889.  M.  P.  Fontaine  (Louis),  actuaire  de  la  Caisse  nationale  des  retraites  pour  la  vieil- 

lesse, 157,  boulevard  Saint-Germain. 
1882.  Foucher  de  Careil  (Comte),  sénateur,  9,  rue  François  I". 

1885.  Fougerousse,  publiciste,  5,  rue  Stanislas. 

1882.  M.  P.  Fouid  (Henri),  exportateur,  30,  Faubourg-Poissonnière. 
1882.  Fourneret  (H.  .1.  L),  receveur-percepteur,  221,  rue  du  Faub.-St-Honoré. 

1882.  Fournier  de  Flaix,  publiciste,  45,  rue  Brancis,  à  Sèvres. 

1884.  M.  P.  Fouquiau,  architecte,  18,  rue  Taitbout. 
1h87.  Fravalon,  publiciste,  à  Boiigival. 
1867.  M.  P.  Froger  de  Maiiny,  28,  rue  Washington. 

1878.  M.  P.  Fovillc  (Alfred  de),  chef  du  bureau  de  Statistique  el  législation  au  min.  des 
finances,  prof,  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  60,  rue  des  Saints-Pères. 
1881.  Foyot  (Louis),  chef  de  bureau  au  min.  des  finances,  rue  de  Rivoli. 

1881.  Funck-Brenlano,  professeurs  l'École  des  sciences  politiques,  5,  rue  de  la 

Barouillière. 

1882.  Gaiffe,  puhliciste,  152,  avenue  des  Champs-Elysées. 
1884.  Gaillard,  inspecleur  d'Académie,  16,  nie  de  Tournon. 

1882.  Gauvvain  (Paul),  maître  de^  requêtes  au  Conseil  d'État,  89,  rue  do  Grenelle. 
1877.  Giinel  (.\.),  ancien  directeur  des  contributions  directes. 

1869.  M.  P.  Gomel  (Charles),  anc.  maître  des  requêtes  au  Conseil  d'État,  1,  rue  de  la 

Yille-l'Kvèque. 
1884.  iM.  P.  Goupy  (Edmond),  cons.  général  de  Seine-et-Oise,  4,  rue  de  Berry. 

1883.  M.  P.  Graff,  attaché  à  la  Cai.s.se  des  dépôts  et  consignations,  33,  avenue  de  la  Toiir- 

Maubourg. 

1884.  Gragnon,  rue  Taitbout. 

1883.  M.  P.  Gravier  (Charles),  insp.  princ.  de  la  C"  de  l'Ouest,  118,  rue  Saussure. 
1882.  Grévy  (liénéral),  sénateur,  49,  avenue  Montaigne. 

1885.  Grodet  (Arthur),  ancien  gouverneur  de  la  Martinique,  15,  rue  de  l'Estrapade. 
1888.             Grosseteste-Tliierry,  industriel,  3,  rue  Crevaux. 

1882.  Groiialle  (Victor),  anc.  prés,  de  section  au  Conseil  d'État,  256,  boulevard 

Saint-Germain. 

1886.  M.  P.  Guinier,  inspecteur  des  contributions  directes,  à  Foix  (Ariè'.;e). 
1882.  M.  P.  Guinol,  sénateur,  24,  rue  de  Milan. 

1876.  M.  P.  Guyot  (Yves),  ininislre  des  Travaux  publics,  député,  95,  rue  de  Seine. 

1882.  M.  P.  Halphen  (Salomon),  2,  rue  Blanche. 

1886.  M.  P.  Haranger  (Ferdinand),  174,  boulevard  Saint-Germain. 


—  '11  — 

MM. 

188',).  Harbulot  (Maurice),  publicisle,  40,  avenue  de  Sé^çur. 

188i-.  M.  I'.  Harlmaun  (Georges),  14,  quai  de  la  Mégisserie. 

188').  Hennequin  (Félicien),  sous-clieC  au  min.  de  l'intérieur,  40,  rue  de  Bourgogne. 

1882.  llériiull  (.\ir.),  cons. -maître  à  la  Cour  des  comptes,  1,  rue  Pierre-Cliarron. 

1884.  M.  P.  Hérisson,  conseiller  à  la  Cour  de  cassation,  âO,  rue  Madame. 
1882.  M.  P.  Hiernau.x  (Léon),  ingénieur  civil,  11,  rue  de  Javel. 

1885.  Hugo  (Comte  Léopold),  14,  rue  des  Saints-Pères. 

1882.  M.  P.  Jacquêmc  (Casimir),  insp.  gén.  des  finances,  à  Cadenel  (Vaucluse). 

1881.  M.  P.  Jakcliitch  (Wladimir),  ilirecteur  de  la  statistique  à  Belgrade  (Serbie). 
1884.  M.  P.  Janzé  (Baron  de),  ancien  député,  17,  rue  de  Monceau. 

1880.  Joly,  professeur  au  Collège  de  France,  105,  rue  de  Rennes. 
1879.  M.  P.  Jude  (Edmond),  chef  de  bureau  au  Gaz,  9,  rue  Ambroise-Paré. 
1860.  M.P.  *  Juglar  (D'  Clément),  167,  rue  Saint-Jacques. 

1882.  Keller  (Octave),  ingénieur  en  chef  des  mines,  3,  quai  Malaquais. 

1886.  M.  P.  Kergall,  directeur  de  la  Revue  économique  et  financière,  1  bis,  avenue  des 

Champs-Elysées. 

1887.  Kœchlin  (Camille),  14,  rue  Pierre-Charron. 

1884.  Kunckel  d'Herculais  (J.),  aide-naturaliste  au  Muséum,  20,  villa  Saïd. 

1882.  Labry  (F.  0-  de),  ing.  en  chef  des  Ponts  et  Chaussées,  51,  rue  de  Varennes. 

1877.  Lafabrègue  (René),  anc.  dir.  de  l'Hospice  des  enfants  assistés,  20,  rue  du 

Cardinal-Lemoine. 
1882.  M.  P.  Laisant,  député,  102,  avenue  Victor-Hugo. 

1860.  *Lalande  (.\rmand),  ancien  député,  130,  rue  du  Faubourg-Saint-Honoré. 

1882.  Lallemand  (Léon),  publiciste,  5,  rue  des  Beau.x-Arls. 

1882.  M.  P.  Lamane  (Henry),  attaché  au  Crédit  foncier,  9,  rue  BerlhoUet. 

1883.  Lamas  (Pedro  S.),  réd.  en  chef  de  la  Revue  Sud- Américaine,  23,  rue  Cia- 

peyron. 
1860.  M.P.  *Lamé-Fleury,  conseiller  d'État,  62,  rue  de  Verneuil. 

1883.  M.  P.  Larclause  (Général  Savin  de),  commandant  la  24'  div.  d'inf.,  à  Périgueux. 

1884.  M.  P.  Larranaga  y  Loyola  (Luis),  ingénieur  à  Lima  (Pérou). 

1882.  Laszloy  (Albert),  sou.s-chef  de  bureau  au  min.  des  finances,  58,  rue  Denfert- 

Rochereau. 

1887.  Lazarus,  14,  rue  de  la  Perle. 

1889.  Lazzarini  (Pio),  publiciste,  47,  rue  Taitbout. 

1883.  M.  P.  Lebey,  directeur  de  YArjence  Havas,  34,  rue  N.-D.-des-Victoires. 

1885.  Lechartier,  publiciste,  97,  rue  de  la  Pompe. 

1881.  Lecler,  sénateur,  33,  rue  de  St-Pétersbourg. 

1883.  Lecoq  (Charles),  rue  Le  Hon,  à  Dinan  (Côtes-du-Nord). 

1888.  Lédé  (D'),  26,  rue  François-Miron. 

1883.  M.  P.  Leguay  (Baron  Albert),  sous-gouverneur  du  Crédit  foncier,  23,  rue  d'Astorg. 

1882.  M.  P.  Lemercier  (Abel),  anc.  conservateur  des  hypothèques,  90,  rue  d'Assas. 
1876.  Lemercier  (.Marcel),  secr.   du  dir.  des  Chemins  de  fer  de  l'Est,  16,  rue 

Marignan. 
1881.  Leroy  (Nestor),  chef  de  bur.  des  douanes  au  min.  des  fin.,  11,  rue  de  Lille. 

1878.  Leroy-BeauMeu  (Paul),  membre  de  l'Institut,  professeur  au  Collège  de  France, 

dir.  de  VEcon.  français,  27,  avenue  du  Bois-de-Boulogne. 

1881.  Letort  (Charles),  attaché  à  la  Bibliothèque  nationale,  61,  avenue  de  Wagram. 
1863.  M.  P.  Levasseur  (Emile),  membre  de  l'Institut,  professeur  au  Collège  de  France  et 

au  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  26,  rue  Monsieur-lc-Prince. 

1883.  M.  P.  Levèque,  député,  sous-gouverneur  du  (îrédit  foncier,  15,  rue  d'Argenleuil. 

1882.  M.  P.  Leviez  (Ernest),  docteur  eu  droit,  dir.  de  VUrbaine,  27,  r.  du  Mont-Thabor. 
1882.  M.  P.  Leys  (Ernest),  négociant,  27,  lioidevard  de  Courcelles. 

1882.  M.  P.  Liégeard  (Armand),  sous-;:hef  do  bureau  nu  min.  du  commerce  et  de  l'in- 
dustrie, 28,  rue  de  Varennes. 

1882.  Limet  (Félix),  correspondant  de  YAtliéiiée  iouisianais,  6,  rue  Saint-Georges. 

1882.  Limousin  (Ch.  M),  dir.  de  la  Revue  du  mouvement  social  et  du  Bulletin  des 

sommaires,  44,  rue  Beaunier. 

1885.  M.  P.  Liste  (Itenéj,  anc.  inspecteur  des  finances,  3,  rue  Boccador. 

1885.  M.  P.  Lodiii  de  l'Epinay  (Arthur),  ing.  des  mines,  prof,  de  métallurgie  à  l'École 
nal.  sup.  des  mines,  85,  rui'  îles  Saints-Pères. 


—  28  — 

MM. 

1864.  M.  P.  Loiin  (Toussaint),  chef  de  div.  honor.  de  la  Stat.  gértér.  de  Pr.ince,  HO,  rue 

de  l'Université. 

1882.  Louis  (D'  A.),  médecin-major  en  Retraite. 

1880.  Lucy  (Armand),  lauréat  de  l'Institut,   directeur  de  \'Mex  géographique, 

16,  roule  de  Laborde,  au  Vé.siuet. 
1889.  Lyon-Caen  (Ch.),  professeur  h  la  t'acullé  de  droit  de  Paris,  13,  rue  Soufllol. 

1883.  M.  P.  Magnin  (Josepli),  sénateur,  gouverneur  de  la  Banque  de  France,  rue  de  la 

Vrillière. 
1873.  Marchand  (.loscph),  ancien  dir.  de  la  slatistiqiie  an  Pérou,  T),  r.  dos  Minimes. 

1882.  M.  P.  Marteau  (Aniédée),  consul  chaîné  de  missions, 25,  bout,  du  Midi,  au  Vésinel. 

1883.  Marliil  (D'  A.  J.),  3,  rue  Gay-Lussac. 

1865.  M.  P.  Martin  (D'  de)  fils,  h  Narhohno. 

1881.  M.  P.  Martinet  (Camille),  sulxtitul  du  procureur  général,  5',),  boni.  Suchet. 

1882.  Marx  (Léopold),  anc   inspecteur  ^ciniral  des  ponts  et  chaussées,  43,  rue  de 

Boulainvilliers.  ,,_■ 

1882.  Méliodon  (l'Iiiliberl),    secr.  gén.  du  drédit  foncier,    19,  place  Vcniirtme. 
1889.  M.  P.  Melon  (Paul),  banquier,  24^  place  Malesherbes. 

1883.  Mercier  (Achille),  bihl.  adj.  h  la  Facullé  de  droit,  3,  rue  de  l'Èstrnpade. 

1885.  .Mercier  (Eugène),  menihr(!  de  la  Chambre  de  commerce  deUeims,  à  lîpernay. 

1868.  M.  P.  Mesnil  (D'  duj,  médecin  de  l'asile  hat.  de  Viiicennes,  14,  rue  du  Cardinaf- 

Lcmoinc. 
1860.  M.  P.  •Metlernich-Winnebourg  (S.  A.  le  prince  Richard  de),  Rennweg,  îi  Vienne 
(Autriche). 

1882.  M.  P.  Michaut  (Gabriel-Alphonse),  Secrétaire  général  du  Petit  Jow^nal,  26,  rue 

Condorcel. 
1882  Minol  (Kugèiie),  chef  de  bureau  au  min.  du  commerce  et  de  l'industrie,  6, 

rue  de  La  Condauiine. 
1884    M.  J».  Mouat  (Frédérir.-.Iolmi,  .M.  I).  F.  R  :  C.  S.,  inspecteur  local  du  Ciouveriiemenl, 

ancien  président  de  la  Société  royale  de  statisti(|iie  de  Londres,  18,l)iiiliaiTi 

villa,  Keii.sington  W.,  Londres. 

1887.  Moiigeolle,  5,  rue  de  GhiUeaudun. 

1886.  Nacian  (J.  J.),  attaché  au  min.  des  finances,  à  Bueliarost  (Roumanie). 

1883.  iNapias  (W),  insp.  gén.  au  min.  de  l'intérieur,  08,  iiio  du  lîocher. 

1883.  M.  P.  NeyuMrck  (.VIfred),  direcleur-propriélaire  dn  journal /c /f^'w//Vv  18,  r  Vii^non. 
1860.  M.P.*i\iobey  (D'),  maire  d'Hamhye,  par  Gavray  (Manche). 

1884.  Noël  (OctaVe),  pubiiciste,  70  In»,  rue  de  l'Universilé. 
1882.  M.  P.  Norberg  (Jules),  imprimeur-éditeur,  à  Nancy. 

1884.  M.  p.  Normand-Diifie  (D'  Sixte),  h  Royau. 

1882.  Ohreeu  (Ilermanu),  ingénieur,  3,  rue  Fugène-Delacroi\. 

1883.  Osiris,  banquier,  9,  rue  lia  Bruyère. 

1881.  Pallain  (Georges),  direct,  gén.  des  douanes,  12,  quai  de  Billy. 

1885.  M.  P.  Paidiard  (René),  m.inufaclurier,  5,  rue  Roy.ile. 

1886.  Parmeniier  (Charles),  28,  place  Vendôme. 

1889.  M.  p.  Parmentier  (Léonce),  lauréat  île  l'Institut  et  de  l'Académie  de  médecine» 
chef  du  cabinet  du  président  du  (Conseil,  Ministre  du  commerce,  de  l'in- 
dustrie et  des  colonies,  101,  rue  de  Grenelle. 

18S2.  .\|.  P.  Parizol  (Ernest),  agent  de  ch.in;ie,  8,  rue  de  la  Michodière. 

1880.  .M.  P.  Passy  (Edgar),  ane.  secrétaire  d'audiassade,  27, avenue  de  .Messine. 

1877.  Al.  P.  Pas.<'y  (Loui.s),  député,  4^),  rue  de  Clichy. 

1882.  M.  p.  Pépin  (Louis),  receveur  particulier,  à  Abbeville. 

18li4.  M    P.  Pér, ire  (Eugène),  ancien  député,  45,  rue  du  Faubourg-St-Hoiioré. 

1883.  Persiii  (E  lou.ird),  receveur  des  finances,  à  Epernay. 

1869.  M   P.  Petithieii,  ancien  iléputé,  à  Blénod-lès-Toul. 

1872.  M   P.  P.iilippe  (Léon),  ing.  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  28,  avenue  Marceau. 
1860.  M.P.*Piogev  (Jidien),  juge  de  paix  du  18°  arromiissemenl,  24,  rue  SiGeorges. 

1888.  M.  P.  Prungel(Josejdi),  II,  rue  du  Regard. 

1SS2.  l'uér.ui  (Eugène-Bon),  hanipii^-r,  29,  rue  Taitbout. 

1889.  M.  P.  Oiievillon  ([,éon-Ftrnand).  coinmandant  d'élat-major,  hrevolé,  tiief  de  ba- 

taillon au  119°  de  ligne,  12,  avenue  Bosquet. 


—  ■'29  — 

MM. 

1880.  Rabot  (Charles),  explorateur,  11,  rue  de  Coudé. 
188i.  M.  P.  R;iffalovich  (Artliur),  pulilicisle,  19,  avenue  Hoche. 

1881").  Rameau  (Paiil-Clievrey),  dir.  au  niiii.  îles  alT.  étrangères,  23,  rue  Blanche. 

1800.  M.  F.  *Rapin  (.■^niédée),  à  Levet  (Cher). 

1882.  Récipou  (Emile),  ancien  dépulé,  39,  me  liassano. 

1882.  M.  p.  Rcinacli  (Baron  Jacques),  lauréat  de  l'iuslitut,  "20,  rue  i\lurillo. 

1808.  .M.  P.  Rciiaiid  (Gcoryes),  dir.  de  la   lieniie  géograjihiquc  uilevnationuk,  7G,  rue  de 

la  Pumpe,  il  Pa.ssy. 
1885.  .\1.  P.  Reynaud  (Josepli),  chef  de  hur.  au  min.de  riiitérieur,  00,  rue  de  Miroinénil. 
188;!.  Risler  (Charles),  maire  du  7"  arrondissement,  39,  me  de  l'Université. 

1882  M.  P.  Rohinot  de  la  Pichardais,  dir.  iiu  sous-comptoir  des  entrepreneurs,   11  bi», 

rue  de  Milan. 
18àO.  M.  P.  *Hol)'yns  (Jules),  trésor,  de  la  Société  française  de  tempérance,  5,  rue  Bridaine. 
1875.  .M.  P.  Rouïliet  (Antonv),  pujjliciste,  48,  rue  de  Provence. 

1881.  Roussiu  (Henri),  chef  de  bureau  au  min.  des  finances,  25,  avenue  Trulaiiie 
188  i  Roussel  (!)"  Tliéophib;),  sénateur,  01,  rue  des  Maihurius. 

1889.  Roux  (Jean-Paul),  publiciste,  53,  rue  Vivienne. 

1873.  M.  P.  Rouyer  (D' Jules),  ancien  maire  de  Laigle. 

1882.  Ruau,  directeur  général  des  monnaies,  quai  Conti. 

1882.  M.  P.  Sainl-Genis  (Flour  de),  conservateur  des  hypothèques,  au  Havre. 

1882.  Salomori  (Georges),  ingénieur  civil,  97,  houl.  Malesherhes. 

1803.  AI.  P.  Santos  (S.  Iv  J.  don  José  Emilio  de),  président  du  Conseil  de  l'agriculture, 

de  l'industiie  et  du  commerce,  à  Madrid  (Espagne). 
1882.  Sarrieii,  dépulé,  ancien  ministre,  10,  rue  Galilée. 

1882.  Sartiaux,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  73,  rue  de  Maubeugo. 

1888.  .M.  P.  Saury  (Honoré),  23,  quai  de  Suresne^,  à  Suresnes. 

1883.  Sauvage  (de),  professeur  au  Conservatoire  des  arts  el  métiers,  0,  rue  Barbette. 

1883.  M.  P.  Say  (Léon),  de  l'Académie  française,  député,  21,  rue  Fresnel. 

1882.  M.  P.  Sciielle  (A.),  chef  de  div.  au  min.  des  travaux  publics,  13,   boulevard  des 
Batignolles. 

1887.  Sénéchal,  réd.  a  la  Statistique  générale  de  France,  4-i,  rue  de  Bruxelles. 
1805.  M.  P.  Séré  (D'  de),  insp.  du  serv.  de  la  vérification  des  décès,  4,  rue  Desbrosses. 
1882.  Siegfried  (Jacques),  banquier,  18,  rue  Murillo. 

1882.  Siegfrieil  (Jules),  député,  0,  rond-point  des  Champs-Elysées. 

1884.  M.  P.  Smith  (S.  E.  L.  0.),  sénateur,  h  Stockholm. 

1889.  Sol  (Paul-Lucien),  chef  de  bur.  de  la  statistique  minérale,  44,  rue  Vlllejust. 
188i.  Souques,  manufacturier  à  lii  Guadeloupe. 

18()3.  M.  P.  Spiliolakis  (Spiridion),  à  Athènes  (Grèce). 

1882.  Stourm  (René),  anc.  adm.  des  contr.  indirectes,  218,   boni.   Saint-Germain. 

1882.  M.  P.  Swarte  (Victor  de),  trésorier-payeur  général,  à  Melun. 

1883.  M.  P.  Tarry  (Harold),à  Alger. 

1885.  M.  P.  Thierry-Mieg  (Charles),  marmfactnrier,  44,  rue  desMalhurins. 

1888.  .M.  p.  Tliomereau  (A.  ),  7,  rue  Galvany,  Les  Ternes-Paris. 

1882.  Thulié  (D'),  anc.  président  de  la  Soc.  d'anthr.,  31,  boul.  Beauséjour. 

1884.  Tinière  (A.),  127,  boulevard  Péreiçe. 

1887.  ïiphaigne,  dir.  gén.  de  l'enreg.,  des  domaines  el  du  timbre,  5,  rue  du  Marché- 

Sainl-Hoiioré. 
1882.  Tisserand  (Eugène),  directeur  de  l'agriculture,  17,  rue  du  Cirque. 

1884,  Trélat  (Emile),  dir.  de  l'Écoio  d'architecture,   17,  rue  Dealert-Rochereaif. 

1882.  Trystram  (J.-B.),  député,  95,  rue  de  Rennes. 

1887.  Turquan  (S.),  sous-chef  de  bureau  au  min.  de  l'intérieur,  10,  rue  Galilée. 

1882.  M.  P.  Turquan  (Victor), chef  debureauà  la  Stat.  générale  de  France,  10,  rueGalilée. 

1807.  Vacher  (U'  Léon),  député,  132,  rue  du  Faubourg-Saitit-Deiiis. 

1883.  Vannacqne  (Auguste),  chef  de  div.  au  min.  du  commerce   et  de  l'industrie, 

40,  rue  Sainte-Placide. 

1884.  Vauthier,  ingénieur,  18,  rue  Molilor  (villa  Boileau). 

1882.  Verginaud  (Jean-Gabriel),  anc.  sec.  gén.  de  la  préf.  de    la  Seine,  126,   boul. 

Saint-Germain. 
1882.  Villard,, ingénieur  civil,  138,  boul.  Malesherhes. 

1 884.  M.  P.  Villey  (Edouard),  prof,  à  la  Faculté  de  droit,  6,  rue  Bicoquel,  à  Caeu 


—  30- 

MM. 
188:2.  Waddiiigton  (Richard),  député,  41,  rue  François  1". 

1882.  M.  P.  Warin  (C;ilixle),  receveur  des  finances,  à  Castclsarrasin. 
1882.  Warnier (Jules),  anc.  député,  membre  delà  Chambre  de  commerce,  rue  An- 

drieux,  à  Keims. 
1888.  M.  p.  Warnier  (\..  G),  dir.  du  Moniteur  des  assurances,  48,  rue  LadUtc. 

1877.  M.  P.  Wilson  (Daniel),  ancien  député,  2,  avenue  d'Iéna. 

1882.  Yturrei;ui  (Jean),  0,  avenue  Victor-Hui;o. 

1881.  Yvernès  (Emile),  chef  de  div.  au  niin.\le  la  justice,  6,  rue  Guichard,  Passy. 

1884.  M.  P.  Yvernès  (Maurice),  rédacteur  au  min.  de  la  justice,  5,  rue  Guichard,  Passy. 

1882.  M.  P.  Zens  (Paul),  ingénieur,  direclourdesCheminsde  rer(lépartemenlaux,20;?i/.f, 

boul.  Saint-Germain. 

Membres  correspondants. 
MM. 

1885.  Chastellu.\(E.  de),  ancien  sous-prél'et,  30  bia,  rue  du  Bocage,  à  Nantes. 

1888.  Cook  (Arthur  J.),  dir.  de  la  Société  d'assurances  sur  la  vie  la  Victoria;  à  Londres. 

1881.  Grandeau,  doyen  honoraire  de  la  Faculté  des  sciencjs,  :{,  quai  Voltaire,  Paris. 
188'J.  Lelievre,  directeur  de  la  Mutuelle  française,  au  Mans. 

1882.  Mircdo  y  Visedo  (don  José),  avocat,  chef  du  bureau  d'émigration  de  l'Inslitut   géo- 

graphique et  statistique  d'Kspagne,  20,  calle  Pizarro,  segunilo  izquierdo,  en  Madrid. 

1884.  lUvera  y  Valenzuela  (don  Juan),  chef  des  Irav.  statistiques  de  lu  province  à  Huesca. 
1873.  Serret  (Jules),  dir.  de  la  Gomp.  marit.  Gironde-Garonne,  rue  Lalande,  à  Agen. 

Membres  associés. 
MM. 

1883.  Amici  Bey  (Frédéric),  ingénieur,  au  Caire  (Egypte). 

1885.  Arinos  (Vicomte  de),  ministre  plénipotentiaire  du  Brésil,  h  Londres. 

1882.  Barclay  (Thomas),  avocat  du  barreau  tle  Londres,  25,  boulevard  des  Italiens. 

1884.  Beaujon,  directeur  de  l'Institut  statistique  d'Amsterdam. 

1878.  Becker,  chef  de  la  statistique  de  l'empire  d'Allemagne,  à  Berlin. 

1883.  Bengolea  (Ismaël),  chef  de  la  division  de  statistique  à  Buenos-Ayrcs. 

1883.  Besso  (Marco),  sec.  gén.  des  ass.  gén.  de  Venise-Trieste,  membre  de  l'Instilul  des 
actuaires  de  Londres,  à  Triesle. 

1883.  Blenck  (Ch.-J.E),  conseiller  intime  supérieur,  chef  de  la  statistique  du  royaume 

de  Prusse,  28,  Lindenslrasse,  S.  D.  à  Berlin. 
1878.  Bodio  (Le  commandeur  Lu igi),  dir.  gén.  delastatistiqueduroyaumed'ltalie,  à  Rome. 
1878.  Boothby,  directeur  du  bureau  de  sUitistique  de  r.\ustralie  du  Sud. 
1878.  Bosch-Kemper  (G.  de),  sec.  gén.  du   ministère  du  commerce  et  industrie,   rue 

Bankîert,  à  La  Haye. 

1886.  Broxkroin,  directeur  de  la  statistique  à  Helsingfors  (Finlande). 

1884.  Gaillard  (.\.),  directeur  général  des  douanes  à  Alexandrie  (Egypte). 
1886.  Cazari  (Nicolas),  directeur  de  la  statistique  à  Athènes  (Grèce)" 
1878.  Cinque  (Marquis  de),  Palais  Cinque,  rue  Golonna,  à  Home. 

1882.  Colucci  Pacha  (S.  Ëxc.   le  docleur  baron   Antoine),  ex-président  de  l'intendance 

sanitaire  d'Egypte  et  de  l'Institut  égyptien,  17,  via  dei  Mille,  à  Rome. 

1883.  Coni  (Emilie),  ancien  directeur  de  la  statistique  ii  La  Ptata. 

1882.  De  Laveleye  (Emile),  professeur  à  l'Université  de  Liège,  correspondant  de  l'Institut, 

38,  rue  Courtois,  à  Liège. 
1882.  Ue  Laveleye  (Georges),  rédacteur  en  chef  du  Moniteur  des  intérêts  matériels.  G,  rue 

de  la  Banque,  à  Bruxelles. 

1884.  Delon  (Eugène),  photographe,  18,  rue  Lafayelte,  à  Toulouse. 
1884.  Déparlement  du  trésor,  à  Washington,  U.  S. 

1878.  Directeur  (Le)  de  la  statistique  du  royaume  île  Bavière,  a  Munich. 

1879.  Directeur  (Le)  de  la  slat.  oflic.  d'Espagne,  au  ministère  du  Fomente,  à  Madrid. 
1878.  Directeur  (Le)  de  la  statistique  de  la  ville  de  Hambourg  (D'  Koch). 

1880.  Directeur  (Le)  du  bureau  de  statistique  de  la  ville  de  Palerme  (Sicile). 
1878.  Directeur  (Le)  du  bureau  royal  de  statistique  des  Pays-Bas,  à  La  Haye. 


—  31  — 

MM. 

1878.  Directeur  (Le)  de  la  slatisl.  au  min.  de  l'intérieur  de  Kounianie,  à  Bukarest. 
1878.  Directeur  (Le)  de  la  statistique  du  royaume  de  Saxe,  à  Dr.sde. 
1878.  Directeur  (Le)  de  la  statistique  du  royaume  de  Wurtemberg;,  à  Stuttgard. 
188G.  Demis  de  Semerpont,  sec.  gén.  au  ministère  de  la  justice,  à  Bru.xelles. 

1883.  Ellena  (V.),  ancien  directeur  général  des  douanes,  à  Rome. 

1861.  Engel  (D'j,  conseiller  intime,  h  Oberlossnitz-Uadebeul,  près  Dresde. 

1882.  Engelbronner  (C.-C-E.  d'),  sec.  gén.  de  la  Société  néerlandaise  contre  l'alcoolisme, 

ancien  sec.  gén.  du  ministère  de  la  justice,  30,  Gedempte-Burgwal,  à  La  Haye. 
1885.  Erben  (Joseph),  dir.  du  bur.  communal  de  statistique  de  la  ville  capitale  de  Prague. 

1874.  Faider  (Charles),  ancien  ministre  de  la  justice,  président  honoraire  de  la  Commis- 

sion centrale  (le  statistique,  63,  rue  du  Commerce  ((|uartier  Léopold),  à  Bruxelles. 

1884.  Fassiaux,  secrétaire  général  au  ministère  des  postes,  télégraphes  et  chemins  de 

fer,  à  Bruxelles. 

1878.  Gad  (Marins),  directeur  de  la  statistique  odicielle  à  Copenhague. 
1871).  Giffen,  ancien  directeur  du  Board  of  Trade,  à  Londres. 

1885.  Hancock  (Charles),  membre  de  la  Société  de  stalist.  de  Londres,  125,  Queen's  Gale. 

1883.  Haytter  (H.),  directeur  du  Bureau  de  statistique  de  l'Australie  du  Sud  à  Victoria, 

il  Melbourne  (Australie). 
188'J,  Herrea  (Guillermo),  sous-directeur  de  la  statistique  du  Mexique,  à  Mexico. 
1885.  Hunfulvi,  à  Buda-Peslh  (Hongrie). 

1878.  Ignatius  (Ch.  Km.  F.),  docteur  en  philosophie,  sénateur  à  Helsingfors  (Finlande). 
1885.  Inama-Sternegg  (von),  à  Vienne  (Autriche). 

1875.  Jahnson  (Jules-Ed.),  professeur  h  l'Université,  conseiller  d'État,  à  St-Pétersbourg. 

1883.  Jamnie  (Emile),  membre  de  la  Chambre  des  représ.,  rue  de  Chestret,  à  Liège. 
1872.  Janssens  (E.),  inspecteur  en  chef  du  service  d'hygiène  I,  rue  des  Riches-Claires, 

à  Bruxelles. 

1885.  Kauiïmann  (D' H.),  à  Saint-Pétersbourg. 

1878.  Keieli,  directeur  de  la  statistique  de  Hongrie,  à  Buda-Pesth. 

1878.  Kiaér  (A.  N),  chef  de  la  statistique  générale,  à  Christiania  (Norvège). 

1878.  Kôrosi,  directeur  de  la  statistique  municipale  de  la  ville  de  Buda-Pestii  (Hongrie). 

1878.  Kummer  (D'  J.  J.),  directeur  au  ministère  fédéral,  à  Berne. 

1884.  Latzina  (F.),  directeur  de  la  statistique  nationale  argentine,  à  Buénos-Ayres. 

1877.  Lebon  (Léon),  chef  de  division  de  la  slatist  générale,  116,  r.  de  la  Loi,  à  Bruxelles. 
1883.  Leemans  (Hubert),  directeur  général  au  ministère  de  l'intérieur,  8,  rue  Vergote, 

à  Scharbeeck  (Belgique). 
1883.  Lefebvre  (D'),  doyen  de  la  Faculté  de  médecine  à  l'Université  de  Louvain,24,  rue 

des  Marais,  à  Louvain. 
1883.  Leyfïler  (D'),  directeur  du  service  de  la  Caisse  d'épargne  postale  en  Suède,  à 

Stockholm. 

1883.  Liagre  (Général  J.  B.),  secrétaire  perpétuel  de  IWcadémie  des  sciences,  lettres  et 

beaux-arts,  président  de  la  commission  centrale  de  statistique,  ancien  ministre, 
rue  Caroly,  à  Bruxelles. 

1885.  Lopez  Lombra  (don  Ramon),  oflicier  supérieur  du   ministère  de  la  justice,  des 

cultes  et  de  l'instruction  publique  de  la  République  orientale  de  l'Uruguay,  à 
Montevideo. 
1882.  Luzzatti  (le  Commandeur),  député,  professeur  à  l'Université  de  Padoue,  à  Padoue. 

1878.  Manzolas,  directeur  au  ministère  de  l'intérieur,  à  Athènes. 

1885.  Martin  (.John  Biddulph),  17,  Hydepark-Gate,  Londres.  S.  W. 
186'J.  Mayr  (D'  Georges),  à  Tutring  (Haute-Bavière). 

1886.  Milliet,  directeur  de  la  statistique,  à  Berne. 

1884.  Molteni  (A.),  physicien,  44,  rue  du  Chàteau-d'Eau,  à  Paris. 

1885.  Murray  (Henry),  membre  de  la  Société  de  statistique  de  Londres. 

1885.  Nagayo-Sensai,  à  Tokio,  et  75,  avenue  Marceau,  à  Paris. 
1888.  Nicaise  (D''  François),  à  Ghàlons-sur-Marne. 

1885.  Penaliel  (don  Antonio  de),  directeur  général  de  la  statistique  de  la  République 
mexicaine,  à  Mexico. 


—  32  — 

MM. 

1883.  f'erozzo,  ingénieur  civil,  clief  de  section,  iuspecletir  chef  des  oflices  teclintr|ucs  au 
niinisliM'L'  des  fin.iiices,  î>  lioiiie. 

1870.  Péry(Le  N'-Coluiu!!  Gerardo),  membre  de  l'Aca  léniie  des  sciences,  rharjté  du  ser- 
vice de  hi  stHtisliqiie  agricole  (Lisboniu'l- 

1879.  Président  (Le)  de  la  Coniiuission  Aes  i.irils  et  valeurs  de  douanes,  à  Ma-lrid. 

l876.  Président  (Le)  de  la  Société  de  stu'istiquc  de  Londres,  9,  .Ydeiplii-Terrac'c,  ii 
Londres.  W.  C 

1885.  Kawsoti.(Sir),  W.  Kamsou,  ti8,  Gornwali  Gardeiis  Queiiu's-Gate,  a  l/uidres,  S.  VV. 

1874.   Holiyns  (Alfred),  10,  rue  des  Rentiers,  à  EUerijeek-iez-nruNelies. 

1885v  Saiafov  (K),  directeur  de  la  statisti(jue  de  Uiilj;arie,  a  Solia. 

18M4|.  ^Mveur  (J.),  sec.  gén.   du   niinistècu  lie  i'iutérieur  et  de  rinslruetion  |iul)li(|ii(', 

k  Bruxelles. 
1863.  Seinenov  (de),  ancien  président  de  la  Conini  cenlr  de  stalisli(|ue  à  St-Pélershourj;. 

1878.  Siden()ladli  (Elis),  dirertenr  en  clief  du  liiir(>au  ceniral  de  slatislii|ue  de  Suéde,  ii 

Stockholm. 

188-2.  Ter/.i  (D'  lirneslo),  8,  San  Guise|ipe,  :^  Milan. 

1883i.  Tbouissen  (.1.  J),  courespoiidanl  de  l'iuslilul  de  France,  12,  rue  des  Orphelines, 

à  Louvain. 
1885.  Troinitsky  (Nicolas),  directeur  de  la  statistique  à  Sl-Pétersbourj;. 

1885.  Walker  (Général  Francis),  à  Washington.  U.  S. 

1879.  Ybanès  {Le  générai),  directeur  de  l'Institut  géographique  et  slatistique  d'Espagne, 

b  Madrid. 

Uésumk. 

Membres  d'hoiiueur .    .    .  i 

Membres  fondateurs.   .    .  136. 

.Membres  lilulaires.  .    .    .  150 

Membres  correspondants  .  7 

Membres  a.ssociés  ....  84 


381 


AVIS  IMPORTANT 

MM.  les  Membres  tiUilaircs  de  la  Société  sont  priés  d'acquitter  le  inontuiit 
de  leur  cotisation  de  1890  (25  IV.),  entre  les  mains  du  Trésorier,  soit  en 
séance,  soit  à  son  domicile,  5,  rue  Bridaine,  avant  la  fin  du  mois  de  janvier 

Dans  le  courant  du  mois  de  février,  les  membres  retardataires  recevront 
leur  quittance,  à  laquelle  ils  voudront  faire  bou  accueil. 


Quelques  exemplaires  du  beau  volume  que  la  Société  a  consacré  à  son 
vingt-cinquième  anniversaire  sont  encore  en  vente.  Les  meiiibres  de  la  So- 
ciété peuvent  se  procurer  cet  ouvrage,  chez  le  Trésorier,  5,  rue  Bridaine, 
au  prix  réduit  de  "2  fr.  l'exemplaire. 


iS"L^^- 


Le  Gérant,  (J.  Beuoer-Luvrault. 


JOURNAL 


DE  LA 


SOCIÉTÉ  DE  STATISTIQUE  DE  PA15IS 


NO  2.  —  FÉVRIER  1890. 


I 


PROCÈS-VERBAL  DE  LA  SÉANCE  DU  15  JANVIER  1890. 

Sommaire.  —  Installation  du  président.  —  Allocution  de  M.  Paul  Leroy-Beaulleu,  président  sortant.  — 
Discours  de  M.  Kellcr,  président  pour  l'année  1890.  —  Éloge  funèbre  de  M.  Gimel.  —  Présentation 
de  l'Annuaire  statistique  de  la  France,  de  la  Statistique  annuelle  et  de  la  Statistique  agricole  de  1888. 
—  Le  prix  Montyon  de  statistique.  —  La  fiscalité  alimentaire  et  gastronomique  à  Paris,  par  M.  Gus- 
tave Bienajmé. 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  sous  la  présidence  de  M.  Paul  Lcroy-Beaulieu 
(de  rinstilut). 
M.  Paul  Leroy-Beaulieu  prononce  l'alloculion  suivante  : 

Allocution  de  M.  Paul  Leroy-Beaulieu. 

Messieurs,  il  y  a  un  an,  je  vous  exprimais  ma  reconnaissance  pour  l'honneur  que  vous 
m'aviez  fait  en  m'appeiant  à  la  présidence  de  la  Société  de  slalistique  de  Paris. 

C'est,  en  effL-t,  un  honneur  que  de  présider  une  Société  qui  se  fait  remarquer  entre 
toutes  par  l'importance  et  la  précision  de  ses  travaux  et  par  l'influence  qu'elle  exerce  sur 
la  direction  générale  de  la  grande  société. 

La  tâche  était  d'ailleurs  facile,  grâce  au  concours  de  votre  Bureau  et  à  votre  appui  per- 
sonnel, et  s'il  est  vrai  ([ue  vous  m'ayez  attribué  un  pouvoir  discrélionnaire,  je  dois  avouer 
que  je  n'ai  pas  eu  l'occasion  de  m'en  servir. 

Dans  le  cours  de  l'année  qui  vient  de  s'écouler  vous  avez  eu  à  célébrer  de  grandes 
solennités  et  notamment  vous  avez  reçu  l'Institut  international  de  statistique.  J'ai  vive- 
ment regretté  de  ne  pouvoir  me  joindre  à  vous  dans  ces  circonstances,  retenu,  comme  je 
l'étais,  par  des  occupations  absorbantes  ou  des  tristesses  privées. 

V'   SÉRIE.   31e   VOL.    —    N"   2.  Q 


—  34  - 

Aujoiird'liui  il  faut  que  je  vous  quille,  mais,  en  même  temps,  j'éprouve  la  plus  grande 
satisfaction  à  laisser  ma  place  ii  un  ingénieur  éminenlqui  s'occupe  d'une  des  branches  les 
plus  intéressantes  de  la  stalislique,  branche  qui  reste  constamment  à  l'ordre  du  jour,  qui 
l'était  il  y  a  peu  de  temps,  h  propos  des  accidents  du  travail  et  qui  l'est  aujourd'hui  qu'on 
se  préoccupe  plus  que  jamais  de  la  situation  matérielle  des  mineurs  et  de  la  produclion 
même  des  mines.  Vous  savez  tous  que  M.  Keller  a  jeté  sur  ces  difliciles  questions  les 
plus  vives  lumières  et  s'est  acquis  par  là  un  renom  mérité. 

Si  donc  j'ai  dû  vous  exprimer  quelques  regrets,  c'est,  d'autre  part,  avec  joie  que  je 
cède  le  fauteuil  à  mon  successeur,  l'honorable  M.  Keller.  (Applaudissements.) 

M.  Keller  prend  alors  la  parole  et  s'exprime  dans  les  termes  suivants  : 


Discours  de  M.  Octave  Keller,  président. 

Messieurs  et  chers  Collègues, 

Mon  premier  devoir,  en  occupant  ce  fauteuil,  est  de  vous  adresser  l'expression  de  ma 
profonde  reconnaissance  pour  le  très  grand  honneur  que  vous  m'avez  fait  en  m'appelant 
à  présider,  pendant  l'année  1890,  la  Société  de  statistique  de  Paris. 

Croyez  que  je  sens  vivement  le  prix  de  vos  suffrages  et  l'importance  des  fonctions  qui 
me  sont  dévolues.  Comme  vous  —  et  plus  que  vous  —  j'aurais  désiré  voir  l'éminent  et 
sympathique  directeur  de  l'agriculture,  M.  Tisserand,  accepter  la  présidence  effuctive, 
dont  il  a  décliné  l'offre,  malheureusement,  à  cause  de  la  multiplicité  de  ses  travaux  officiels. 
Je  suis  assuré  d'exprimer  voire  propre  pensée,  si  je  dis  qu'en  le  nommant  Président  ho- 
noraire, notre  Société  a  entendu  lui  donner  une  marque  publique  de  sa  reconnaissance 
pour  le  ferme  appui  qu'il  ne  cesse  de  lui  prêter  en  toutes  circonstances.  (Applaudisse- 
ments.) 

Pour  moi,  ce  n'est  pas  sans  regret  que  je  sors  du  rang;  lorsque  M.  Leroy-Beaulieu, 
ayant  à  préparer  les  élections  prévues  par  les  statuts  pour  le  renouvellement  du  bureau, 
m'a  proposé  à  votre  choix  pour  lui  succéder,  j'ai  fait  de  sincères  efforts  —  les  membres 
de  votre  conseil  en  ont  été  témoins  —  pour  me  dérober  à  un  honneur  dont  je  me  sens  si 
peu  préparé  à  porter  le  fardeau. 

En  effet,  il  y  a  un  an,  en  s'installant  à  ce  même  fauteuil,  M.  Leroy-Beaulieu  (et  j'ouvre 
ici  une  parenthèse  pour  le  remercier  du  fond  du  cœur  des  paroles  si  bienveillantes  dont 
il  a  bien  voulu  se  servir  tout  à  l'heure  à  mon  égard),  après  avoir  déclaré,  par  une  exagé- 
ration de  modestie,  qu'il  n'était  pas,  à  proprement  parler,  un  statisticien,  ajoutait  à  bon 
droit  :  «  Mais  je  suis  un  des  hommes  de  France  qui  usent  et  profitent  le  plus  des  statis- 
tiques d'aulrui.  »  Il  est  en  outre,  comme  économiste  et  comme  publicisle  —  c'est  ici  le 
lieu  pour  le  dire,  —  un  des  plus  habiles  à  extraire  les  éléments  essentiels,  les  éléments 
féconds  des  statistiques,  pour  les  répandre  dans  le  public  et  les  imposer  à  l'attention  gé- 
nérale, soit  du  haut  de  la  chaire  par  la  séduction  de  l'orateur,  soit  dans  la  presse  ou  dans 
le  livre  par  la  plume  alerte  de  l'écrivain. 

Au  contraire.  Messieurs,  j'ai  la  confusion  de  le  confesser,  je  suis  un  des  hommes  qui 
usent  et  profitent  le  moins  des  statistiques  d'autrui.  Pourquoi?  Parce  qu'en  matière  de 
statistique,  je  suis  un  praticien,  un  simple  artisan,  dont  le  temps  est  absorbé  par  son 
propre  labeur. 

Voici  treize  ans  que  l'Administration  des  mines  m'a  appelé  à  diriger  le  service  de  la 
statistique  des  mines,  des  usines  métallurgiques  et  des  appareils  à  vapeur,  au  Ministère 
des  travaux  publics,  avec  un  programme  complexe  consistant  à  liquider  l'arriéré,  à  publier 
les  renseignements  définitifs  annuellement  (et  non  plus  à  des  intervalles  irréguliers  de 
trois,  quatre  et  même  cinq  ans),  à  les  éclairer  au  moyen  de  diagrammes  et  de  cartes,  tout 


—  35  — 

en  les  simplifiant,  enfin  ii  les  enrichir  des  délails  les  plus  propres  à  captiver  fructueuse- 
ment l'attention  des  ingénieurs. 

Depuis  cinq  ans,  par  suite  des  exigences  d'autres  fonctions  administratives  qui  m'ont 
été  confiées,  j'ai  dû  remettre  au  chef  de  la  division  des  mines  le  soin,  qui  lui  revenait 
naturellement  d'ailleurs,  de  diriger  cette  statistique.  Toutefois,  comme  secrétaire  d'une 
commission  spéciale,  je  n'ai  pas  cessé  de  prendre  une  certaine  part  à  la  mise  en  œuvre 
des  informations  que  les  ingénieurs  du  corps  des  mines  sont  chargés  de  réunir  tous 
les  ans. 

Je  suis  donc  un  spécialiste;  et  vous  me  voyez  forcé  de  m'excuser  de  connaître  beaucoup 
moins  les  détails  des  statistiques  particulières,  aujourd'hui  si  nombreuses,  que  les  pro- 
cédés variés,  dont  l'emploi  semble  le  plus  avantageux  pour  obtenir  les  résultats  les  meil- 
leurs possible. 

Le  plus  grand  progrès  qui  ait  été  réalisé  sous  ce  rapport,  dans  ces  dernières  années, 
consiste  dans  l'emploi  rationnel  du  dessin  géométrique. 

Comme  l'a  dit  excellemment  M.  Léon  Say,  à  cette  place,  en  janvier  1885  :  «  On  ne 
«  saurait  placer  trop  haut  les  nouvelles  méthodes  graphiques,  qui  substituent,  avec  tant 
«  d'avantages,  des  tableaux  simples,  formant  image,  aux  colonnes  de  chiffres  si  difficiles 
4  à  saisir,  et  permettent  de  tirer  en  un  clin  d'œil  des  conséquences  générales  qu'on  n'au- 
(.(  rait  pu  découvrir  autrement  qu'à  la  suite  de  calculs  longs  et  fatigants.  » 

Dans  aucun  pays  le  dessin  appliqué  à  la  statistique  n'a  fait  autant  de  progrès  et  ne  s'est 
autant  répandu  qu'en  France.  On  l'a  bien  vu,  à  l'Exposition  universelle,  cette  grande 
œuvre  si  réussie,  où,  dans  plusieurs  pavillons,  des  pans  de  mur  entiers  étaient  couverts  de 
diagrammes  et  d'autres  images  numériques  ingénieusement  combinés. 

Notre  Société  a  beaucoup  contribué  à  ces  excellents  résultats.  Elle  compte  dans  son 
sein,  comme  vous  le  savez,  les  propagateurs  les  plus  zélés,  les  initiateurs  les  plus  auto- 
risés de  la  statistique  graphique.  La  supériorité  de  la  France,  à  ce  point  de  vue,  est 
reconnue  à  l'étranger;  et  l'on  s'efforce  de  marcher  sur  nos  traces  dans  les  pays  les  plus 
lointains. 

C'est  en  effet  grâce  à  ces  dispositifs,  qui  s'imposent  à  la  mémoire,  lorsqu'ils  sont  clairs, 
bien  conçus,  et  n'affectent  pas  une  allure  trop  algébrique,  que  le  public  prend  goût  îi 
la  statistique  et  que  la  culture  de  cette  science  se  répand,  toujours  davantage,  parmi  les 
hommes  qui  se  préoccupent  d'élucider  un  grand  nombre  de  questions  sociales  ou  scien- 
tifiques, dont  le  calcul  mathématique  est  impuissant  à  fournir  la  solution. 

Un  autre  progrès,  non  moins  considérable,  caractérise  notre  époque.  Je  veux  parler 
du  caractère  international  que  prend,  de  plus  en  plus,  la  statistique. 

Permettez-moi  de  citer  la  Statistique  de  l'industrie  minérale  comme  une  des  premières 
publications  officielles  qui  sont  entrées  dans  cette  voie.  Depuis  1880,  on  y  trouve,  chaque 
année,  des  tableaux  synoptiques  consacrés  à  la  production  du  charbon,  des  différents 
minerais  et  de  tous  les  métaux,  dans  le  monde  entier. 

La  diversité  des  langues  étrangères  est  le  principal  obstacle  à  la  réunion  des  rensei- 
gnements internationaux;  mais  la  difficulté  que  je  signale  va  constamment  en  s'amoin- 
drissant,  à  mesure  des  progrès  de  l'instruction  pratique  parmi  les  générations  nou- 
velles. 

Le  besoin,  tout  moderne,  qui  s'impose  aux  peuples  de  mettre  en  commun  leurs  infor- 
mations, dans  l'ordre  économique  et  social,  est  attesté  par  la  fondation  récente  et  le 
succès  de  V Institut  international  de  statistique,  qui  a  tenu  sa  première  session  à  Rome, 
au  mois  d'avril  de  l'année  1887.  Si  sa  seconde  réunion  a  eu  lieu  à  Paris,  au  mois  de  sep- 
tembre dernier,  c'est  giûce  aux  efforts  persévérants  d'un  de  nos  anciens  présidents,  dont 
la  voix  jouit  d'une  si  légitime  autorité,  de  M.  Levasseur. 

La  Société  de  statistique  de  Paris  a  considéré  comme  un  devoir  de  confraternité  et  un 
honneur  de  recevoir  le  Président  Sir  Rawson  W.  Rawson  et  les  membres  de  l'Institut 


—  m  — 

inleniational  dans  une  séance  solennelle,  suivie  d'un  banquet,  ;i(iii  de  iiuiri]uer  l'intérêt 
que  lui  inspire  celte  libre  fissociation,  ii  hiquelle  un  certain  nombre  d'entre  nous  sont 
affiliés,  et  dont  le  but,  éminemment  civilisateur,  est  de  faire  progresser  la  science  que 
nous  cultivons  par  l'écliange  de  vues  régulier,  s'il  est  possible,  et  par  l'accord  des  statis- 
ticiens de  tous  les  pays. 

Messieurs,  la  Société  de  statistique  de  Paris  tient  un  rang  des  plus  honorables  parmi 
les  sociétés  savantes.  Elle  est  dans  la  31°  année  de  son  existence,  et  compte  actuellement 
385  inend)res,  dont  plus  des  deux  tiers  sont  des  membres  fondateurs  ou  titulaires,  c'est- 
à-dire  payants. 

Grâce  à  la  table  des  matières  contenues  dans  les  30  premiers  volumes,  table  qui  vient 
d'être  dressée  et  qui  forme  le  supplément  du  dernier  numéro  de  188.1,  vous  avez  pu  voir 
que  la  colleclion  complète  de  noire  Journal,  de  juillet  1860  à  décembre  1889,  ne  contient 
pas  moins  de  904  articles,  signés  par  :i78  auteurs,  parmi  lesquels  se  rencontrent  les  sta- 
tisticiens et  les  économistes  les  plus  en  vue. 

Nous  possédons  un  grand  nombre  d'ouvrages,  qu'il  était  malheureusement  fort  difficile 
de  consulter  jusqu'à  présent.  En  affectant  un  local  spécial  à  la  bibliothèque  de  notre 
Société,  dans  l'hôtel  du  ministère,  M.  le  Ministre  du  commerce  et  de  l'industrie  nous 
rend  un  grand  service,  dont  nous  lui  devons  une  réelle  reconnaissance. 

Les  livres  et  brochures  une  fois  classés,  il  faudra  établir  un  catalogue,  le  publier,  dans 
le  cas  où  les  fonds  <lisponibles  le  permettraient,  et  le  distribuer  aux  membres  de  la  So- 
ciété. Je  ne  sais  toutefois  si  cette  tâche  laborieuse  pourra  être  menée  à  bonne  fin  dans 
le  courant  de  l'année,  en  l'absence  d'un  bibliothécaire  particulier. 

Mais  je  crois  qu'il  nous  serait  possible  de  réaliser,  sans  délai,  une  amélioration  d'un 
ordre  analogue,  dont  le  besoin  se  fait  vivement  sentir.  Je  veux  parler  de  l'indication 
régulière,  dans  noire  Journal,  des  ouvrages  statistiques  récemment  parus.  Vous  t-avez 
tous  combien  il  nous  est  difficile  et  combien  il  serait  avantageux,  pour  les  études  aux- 
quelles nous  nous  livrons,  de  connaître  et  de  pouvoir  aisément  nous  procurer  les  der- 
nières statistiques,  dans  tous  les  genres. 

Le  conseil  supérieur  de  staiistique  a  déjà  été  saisi  de  cette  difficulté,  dans  sa  session  de 
1887,  et  a  émis  un  vœu  favorable  à  la  création  d'un  bulletin  bibliographique  consacré  aux 
statistiques  officielles  émanant  des  différenls  ministères.  Ce  vœu,  (|ui  n'a  pas  encore  été 
suivi  d'effet,  notre  Société,  par  sa  seule  initiative,  peut  le  réaliser,  en  l'élargissant,  en  y 
comprenant  les  travaux,  officiels  ou  privés,  des  statisticiens  français  ou  élrangers. 

Notre  zélé  secrétaire  général  M.  Loua,  dont  nous  apprécions  tous  la  compétence  et  le 
dévoùment,  a  déjà  fait  quelques  essais  de  bibliographie,  notamment  dans  les  numéros  de 
décembre  1887  et  de  janvier  1888,  essais  trop  tôt  ahamlonnôs.  Il  me  semblerait  avan- 
tageux de  reprendre  l'étude  de  la  question,  et  de  j>ublier,  chaque  mois,  en  bonne  place 
dans  le  Journal  de  la  Société,  un  index  composé  de  deux  sections  :  La  première  serait 
consacrée  aux  livres  ou  brochures  que  nous  recevons  en  don  et  qui  font  dès  lors  partie 
de  notre  bibliothèque;  et  la  seconde,  aux  autres  publications  statistiques  dont  l'apparition 
parviendrait  à  notre  connaissance,  soit  directement,  soit  par  l'entremise  des  éditeurs  ou 
des  libraires,  soit  de  toute  autre  façon. 

Je  compte  soumettre  prochainement  au  conseil  de  la  Société,  dont  l'avis  me  sera  pré- 
cieux, les  moyens  d'exécution  du  programme  dont  je  viens  de  vous  tracer  l'esquisse, 
pourvu  que  vous  vouliez  bien  nie  permettre  d'escompter  votre  approbation.  (Applaudis- 
semenls.) 

La  bibliographie  est  intimement  liée  à  l'enseignement. 

Celui  de  la  statistique  est  entré,  de  la  façon  la  plus  heureuse,  dans  la  voie  de  l'exécution, 
grâce  aux  conférences  organisées,  sur  la  dem.uide  de  M.  le  Ministre  de  la  guerre,  sous 
les  auspices  de  notre  Société,  pour  les  officiers  qui  désirent  concourir  aux  emplois  de 
l'intendance  militaire. 


—  37  - 

Ces  conférences  sonl  bien  propres  à  agrandir  notre  sphère  d'action,  à  vulgariser  les 
éléments  de  la  science  que  nous  nous  sommes  donné  la  mission  de  faire  progresser,  et 
h  répandre  la  notion,  parfois  encore  contestée,  do  l'utiliié  considéral)le  de  nos  études. 

C'est  par  leur  utilité  que  les  statistiques,  dignes  de  ce  nom,  se  recommandent  en 
effet,  par  leur  utilité  qu'elles  se  justifient  et  qu'elles  méritent  l'appui  des  pouvoirs 
publics. 

L'œuvre  des  s'atisticiens  peut,  par  certiiins  ccMés,  se  comparer  a  celle  des  ingénieurs, 
qui  construisent  des  phares  pour  fiicilitor  aux  navigateurs  l'accès  des  ports,  qui  sondent 
les  profondeurs  de  la  mer  et  qui  fixent  sur  les  récifs  submersibles  des  bouées,  sonores  ou 
lumineuses,  afin  de  prévenir  des  naufrages. 

Il  est,  en  effet,  une  fouie  de  questions,  dans  l'examen  desquelles  on  ne  peut  s'aven- 
turer, sans  risquer  de  tomber  d.ms  les  plus  grossières  erreurs,  si  l'on  n'a  pas  le  soin  de 
s'éclairer  préalablement  au  moyen  de  chiffres  authentiques. 

Messieurs,  nous  n'amassons  pas  seulement  d'innombrables  matériaux  pour  l'avancement 
des  sciences  fondées  sur  l'observation.  Notre  ambition  est  plus  haute  :  c'est  de  les  dis- 
poser en  bon  ordre  en  les  relinnt  solidement,  soit  pour  constituer  d'inébranlables  plates- 
formes,  capables  de  supporter  d'importants  édifices,  soit  encore  pour  construire  de  nou- 
velles routes  où  l'on  puisse  s'engager  avec  sécurité,  qu'il  .s'agisse  d'économie  politique  ou 
sociale,  d'administration,  de  finances,  d'industrie,  d'agriculture,  ou  bien  encore  de  mé- 
téorologie, d'hygiène,  de  médecine,  etc.  Notre  domaine  est  si  vaste  qu'on  n'en  aperçoit 
pas  les  limites. 

C'est  pour  l'explorer  que  nous  nous  réunissons  ici,  ou  du  moins  pour  encourager  et 
pour  préparer  des  explorations  fructueuses. 

En  ce  qui  me  concerne,  Messieurs  et  chers  Collègues,  je  m'efforcerai,  avec  votre  con- 
cours, avec  celui  de  nos  anciens  Présidents,  dont  j'éprouve  le  plus  grand  besoin,  je  m'ef- 
forcerai de  favoriser  votre  marche  en  avant;  et  je  m'appliquerai  à  maintenir  les  relations, 
empreintes  de  courtoisie  et  de  cordialité,  qui  existent  entre  les  m.embres  actifs  de  la 
Société  de  statistique  de  Paris  et  qui  constituent  un  puissant  auxiliaire  de  sa  prospérité. 
( Vifs  applaudissements.) 

I.a  séance  continue  sous  la  présidence  de  M.  0.  Keller. 

«  Messieurs,  dit  M.  Keller,  en  prenant  possession  du  fauteuil,  j'ai  la  pénible  mis- 
sion de  vous  informer  du  décès  de  l'un  des  membres  de  la  Société,  M.  Charles- 
Gimel,  mort  subitement  le  27  décembie  dernier.  Ancien  directeur  des  contribu- 
tions directes  dans  l'important  département  du  Nord,  M.  Gimel  n'avait  pas  cessé, 
depuis  qu'il  avait  pris  sa  retraite,  d'exercer  l'activité  de  son  esprit.  H  avait  largement 
contribué  aux  travaux  de  noire  Société  depuis  1877,  et  notre  .lournal  contient  une 
série  d'articles  qui  lui  sont  dus  et  dont  voici  l'énumération  : 

Les  cotes  foncières  et  la  division  de  la  propriété; 

Les  travaux  d'Hippolyte  Passy  sur  la  propriété  foncière  ; 

La  division  de  la  propriété  en  Fiance,  depuis  le  commencement  du  siècle  ; 

Nouvelle  évaluation  des  propriétés  non  bâties; 

Le  morcellement,  d'après  M.  de  Foville  ; 

Le  cadastre  ; 

La  Direction  générale  des  contributions  directes  à  l'Exposition  universelle  de 
18i8. 

J'ajoute  que  notre  collègue  a  lu,  devant  l'Institut  international  de  statistique,  un 
travail  très  impoi  tant  sur  le  sujet  (ju'il  affectionnait,  et  ([ue  des  applaudissements 
unanimes  y  ont  salué  sa  communication. 


—  38  — 

M.  Gimel,  par  sa  compélence  dans  les  questions  relatives  à  la  propriété,  par  la 
rectitude  de  son  jugement  et  l'aménité  de  ses  relations,  avait  conquis  une  place  en 
évidence  dans  la  Société  qui  l'avait  à  deux  reprises  élu  comme  membre  de  son 
bureau. 

Je  suis  assuré  d'être  votre  fidèle  interprète  en  exprimant  les  profonds  regrets  que 
nous  inspire  la  mort  de  ce  savant,  de  cet  homme  de  bien.  »  {Marques  nnaiiitnes 
d'adhésion.) 

La  séance  est  suspendue  pendant  quelques  instants. 

M.  le  Président  rappelle  que  le  procès- verbal  de  la  séance  du  18  décembre  a  été 
imprimé  dans  le  numéro  de  janvier;  il  demande  si  personne  n'a  à  présenter  d'ob- 
servations à  ce  sujet. 

M.  YvERNÈs.  A  la  dernière  séance  M.  Ducrocq  a  expliqué  avec  sa  compétence  et 
son  autorité  la  loi  du  26  juin  1889  sur  la  nationalité,  et  notamment  au  point  de  vue 
des  recensements  de  la  population.  Lorsqu'il  a  eu  terminé,  j'ai  pris  la  liberté  dédire 
quelques  mois.  Si  je  n'avais  fait  que  donner  mon  opinion,  je  ne  relèverais  pas  cette 
petite  lacune  du  procès- verbal;  mais  je  m'étais  fait  l'intei'prète  des  confrères  qui 
m'entouraient  en  remerciant  M.  Ducrocq  de  son  intéressante  communication  et  en 
exprimant  la  conviction  que  les  idées  émises  par  lui  ne  pouvaient  qu'être  approuvées 
par  tous  les  statisticiens. 

Le  procès-verbal  est  ensuite  adopté. 

Il  est  procédé  à  l'élection  de  plusieurs  membres  nouveaux  : 

M.M.  Napoléon  Ney,  explorateur,  dont  la  candidature  est  présentée  par  MM.  E.Le- 
vasscur  et  Turquan  ; 

Castonnet  des  Fosses,  président  de  section  à  la  Société  de  géographie  com- 
merciale, présenté  par  les  mêmes  membres  ; 

Paul  de  Chamberet,  publiciste,  inspecteur  généial  de  la  Compagnie  d'assurances 
la  Mutuelle-Vie,  présenté  pnr  .M.M.  Baudry  et  Robyus. 

•  Ces  trois  candidats  sopt  élus  à  l'unanimité  membres  titulaires  de  la  Société  de 
statistique  de  Paris. 

M.  le  Président  donne  lecture  de  plusieurs  lettres  de  remerciement  qui  lui  ont 
été  adressées  par  des  membres  nouvellement  élus,  et  d'une  lettre  de  notre  collègue 
M.  Flechey,  annonçant  que  .M.  E.  Tisserand  ne  pourra,  à  son  grand  regret,  assister 
à  la  séance  de  ce  jour  pour  saluer  l'avènement  du  nouveau  président.  Par  la  même 
occasion,  M.  Flechey  envoie  le  premier  exemplaire  paru  de  la  dernière  Statistique 
agricole  annuelle,  qui  se  rapporte  à  l'année  1888. 

M.  le  Secrétaire  général  fait  une  rapide  analyse  des  ouvrages  offerts  à  la  So- 
ciété. 

11  annonce  d'abord  l'envoi,  par  le  Ministre  du  commerce  et  de  l'industrie,  de 
deux  exemplaires  de  Y  Annuaire  statistique  de  la  France,  ouvrage  dont  il  eut  l'oc- 
casion de  parler  dans  la  séance  de  décembre;  il  cite  ensuite  le  dernier  rapport  de 
M.  Tirman  au  conseil  supérieur  de  l'Algérie  (novembre  1889),  et  parmi  les  ou- 
vrages étrangers,  la  Statistique  des  incendies  en  Russie  et  ^e  Mouvement  de  la 
population  de  la  Russie  d'Europe  en  1884.  C'est,  pour  la  première  fois,  ajoute- t-il, 
que  ce  document  important  paraît  officiellement,  et  quoique  imprimé  en  langue 
russe,  les  indications  en  langue  française  qu'il  contient  permettent  de  le  consulter 
avec  facilité. 


—  39  — 

M.  TuRQUAN  dépose  sur  le  bureau  deux  exemplaires  du  tome  XVI-XVII  de  la  sta- 
tislique  annuelle,  publiée  par  le  service  de  la  slalislique  générale.  11  montre  qu'une 
année  a  pu  être  gagnée,  les  documents  de  1887  ayant  paru  en  1889,  au  lieu  de 
s'arrêter,  suivant  les  derniers  errements,  à  l'année  1886. 

H  entre  ensuite  dans  quelques  détails  sur  les  nouvelles  statistiques  qu'on  y  trouve, 
parmi  lesquelles  celles  des  grèves,  de  la  navigation,  de  la  construction  navale  et  de 
la  grande  pêche,  etc.  11  indique  aussi  celle  des  sinistres,  où  l'on  remarque  le  relevé 
des  pertes  résultant  des  tremblements  de  terre  qui  ont  désolé,  en  1887,  une  partie 
du  département  des  Alpes-Maritimes. 

M.  Harbulot  offre  à  la  Société,  de  la  part  de  M.  Lefebvre,  un  livre  sur  YOrgani- 
sation  de  la  charité  en  France,  et,  en  son  nom  personnel,  une  brochure  sur  \En- 
seignement  public  en  Espagne. 

Enfin,  notre  collègue,  .M.  Anlony  Roulliet,  nous  adresse  un  opuscule  relatif  aux 
travaux  du  Congrès  international  des  habitations  à  bon  marché. 

Avant  de  donner  suite  à  l'ordre  du  jour,  M.  le  Président  dit  que  c'est  avec  le  plus 
grand  plaisir  qu'il  est  dans  le  cas  d'annoncer  que,  celte  année  encore,  un  membre 
de  la  Société  de  statistique  de  Paris  vient  d'obtenir  le  prix  Montyon  de  statistique 
de  l'Académie  des  sciences.  Notre  collègue,  M.  le  D'Lédé,  a  obtenu  celte  haute  ré- 
compense pour  ses  éludes  sur  la  mortalité  du  jeune  âge,  dont  on  se  rappelle  que 
nous  avons  eu  la  primeur  dans  les  premiers  jours  de  l'année  1889. 

L'autre  titulaire  du  prix  de  statistiijue  est  M.  l'ingénieur  des  mines  Lallemand, 
pour  ses  travaux  sur  les  accidents  de  grisou,  exécutés  en  collaboration  avec  feu 
M.  Pelitdier,  travaux  dont  M.  Cbeysson  a  fait  connaître  à  notre  Société  le  plan  et  les 
principaux  résultats. 

M.  Gustave  Bienaymé  donne  alors  lecture  de  sa  communicalion  sur  la  Fiscalité 
alimentaire  et  gastronomique  à  Paris,  et  retient  pendant  plus  d'une  heure  l'altenlion 
de  l'assemblée.  On  trouvera,  dans  le  présent  numéro,  cette  spirituelle  et  intéres- 
sante notice,  reproduite  in  extenso. 

M.  le  Président  annonce  que  M.  Fontaine  s'est  fait  inscrire,  pour  la  prochaine 
séance,  pour  une  communication  sur  la  Table  de  mortalité  de  la  Caisse  nationale 
des  retraites. 

Cette  communication  fera  suite  à  celle  de  M.  François  Bernard  sur  les  syndicats 
agricoles,  et  précédera  celle  de  M.  Fravaton  sur  les  Compagnies  d'assurances. 

Enfin,  M.  Alfred  Neymarck  se  propose  d'étudier  prochainement  la  question  de 
savoir  si  les  traités  de  commerce  ont  enrichi  ou  appauvri  la  France. 

La  séance  est  levée  à  11  heures  1/4. 


40 


II. 


LA    FISCALITÉ   ALIMENTAIRE   ET  GASTRONOMIQUE  A   PARIS. 

I.  —  La  fiscalité  alimentaire. 

L'imposition  à  Paris  du  blé  el  du  pain  au  xiii'  siècle  ainsi  que  celle  du  blé  el  de 
la  farine  au  xv*  sont  certaines  (1).  Elles  ne  le  sont  pas  pour  les  siècles  suivants  el  il 
est  probable  qu'elles  avaient  cessé  longtemps  avant  leur  abolition  officielle  en  1651, 
de  sorte  que  si,  pendant  quelques  centaines  d'années,  il  y  a  eu,  dans  notre  ville, 
des  liabitants  assez  mallieureux  pour  ne  pouvoir  manger  que  du  pain  el  boire  que 
de  l'eau,  ils  n'ont  pas  contribué  aux  produits  fiscaux  par  leur  subsistance. 

Les  presque  aussi  pauvres  gens  à  qui  il  a  été  donné  d'ajouter  à  leur  pain  du  fio- 
mage  ont  subi  au  xiii'  siècle  une  imposition  qui  n'a  vraisemLlablemeiil  pas  plus 
duré  que  celles  dont  il  vient  d'être  (jueslion.  Ils  ont  supporte  de  1360  à  liôS  le  sol 
pour  livre  à  la  vente,  rien,  delà  à  1651,  et,  de  cette  date  à  1791,  une  taxe  d'entrée 
qui  s'esl  élevée  jusqu'à  3  livres  2  sous  tournois  pour  les  2,000  livres  pesant,  soit 
pas  tout  à  fait  une  obole  par  livre  ou  0.2  p.  100. 

Depuis  1817  un  octroi  qui  a  été  à  12  cent,  le  kilogramme  porte  sur  les  fromages 
secs,  lesquels  en  somme  n'onl  été  que  deux  cents  ans  sans  impôt. 

Les  pois  cl  fèves,  les  légumes  verts,  l'ail  el  autres  plantes  bulbeuses  ainsi  que  les 
fruils  payèrent  presque  comme  les  farines  el  le  pain  au  xiii^  siècle  el  sans  doute  pen- 
dant le  même  temps  apiès.  De  1092  à  1791,  les  légumes  secs,  le  riz,  les  fruils  crus, 
les  nuix  verles  ou  sèches,  les  noisettes  el  les  cbâtaignes  payèrent  à  l'entrée  de  1  à 
20  livres  tournois  les  2,000  livres  pesant.  On  voit  que  jadis  beaucoup  d'aliments 
végétaux  étaient  imposée,  mais  que,  après  une  longue  immunité,  peu  reparurent 
sur  les  tarifs  au  dernier  siècle  de  l'ancien  régime. 

De  nos  jours  (1855-1878)  les  fiuits  et  les  légumes  n'onl  acquitté  que  des  droits 
de  vente,  au  plus  de  2.55  p.  100  du  prix. 

Les  Parisiens  pouvant  substituer  ou  mêler  à  une  frugale  nourriture  du  lard  salé 
ou  fumé  eurent,  au  xui'  siècle,  à  ressentir  l'effet  de  la  taxe  due  par  les  acheteurs  • 
d'une  certaine  quantité,  taxe  dont  la  durée  est  aussi  problématique  que  celles  qui 
comptent  de  la  même  époque.  A  partir  de  1300  le  sol  pour  livie  sur  les  cliairs  dé- 
taillées cuites  ou  crues  porta-l-il  sur  les  préparations  appelées  déjà  chaircuileries 
au  temps  de  Rabelais  et  de  Brantôme?  Toujours  esl-il  que,  de  1680  à  1791,  ces 
piéparations  furent  tarifées:  la  petite  andouille,  la  chair  à  saucisse  el  le  fromage 
de  porc  de  6  à  9  deniers  la  livre  pesant;  la  douzaine  de  saucisses  et  de  crépinettes 
de  2  à  3  sous.  Mais  il  faut  remarquer  que  ces  taxes  d'octroi  ne  concernaient  que 
les  produits  entrant  tout  pré,)arés.  Or,  il  ne  devait  pas  en  êlie  introduit  beau- 
coup, car  les  forains  qui  vendaient  plus  de  porc  aux  halles  que  les  charcutiers  pa- 
risiens, ne  paraissent  pas  avoir  débité  leur  marchandise  autrement  qu'en  quartiers 
ou  en  gros  morceaux  (2).  Les  préparations  se  faisaient  donc  vraisemblablement 

(1)  A.  de  Saint-Julien  et  G.  Bienaymé,  Histoire  des  droits  d'entrée  el  d'octroi  à  Paris.  Paris,  1887, 
in-S».  Ouvrage  couronné  par  l'Institut. 

(2)  Delamare,  Traité  de  la  police.  Paris,  1722.  T.  II,  p.  599. 


—  41    - 

pour  la  plupart  avec  la  viande  d'animaux  entrés  aliallus  ou  sur  pied.  Ces  derniers, 
qui  étaient  le  plus  forleuienl  laxés,  avaient  payé  depuis  8  deniers  jus(|u'à  18  livres 
tournois,  ce  qui,  pour  un  poids  moyen  de  200  livres,  portait  la  taxe  maxima  à  un 
peu  moins  de  2  sous  la  livre  pesant.  En  songeant  à  la  quantité  d'andouilles,  sau- 
cisses, etc.,  qui  peut  sortir  d'une  livre  de  la  viande  dite  de  liacliage  combinée  avec 
certaines  parties  des  issues,  on  voit  combien  élait  minime  l'impôt  pour  chacun  de 
ces  produils.  Il  y  a,  de  plus,  à  considérer  (pie  les  liachages  n'étant  fiiits  qu'avec  la 
sixième  partie  envii'on  du  poids  net  de  l'animal  (I),  la  presque  totalité  du  droit 
devait  être  remboursée  par  le  prix  relativement  élevé  des  bons  morceaux. 

Cette  remarque  empêchera  de  croire  que,  dfms  le  premier  quart  du  xix*  siècle, 
où  le  tarif  de  la  viande  de  boucherie  s'appliquait  à  la  charculerie,  son  rehausse- 
ment successif  a  été  sensible  pour  celle-ci.  L'eût-il  été,  l'impôt  n'aurait  pas  atteint 
le  taux  des  dernières  années  du  xviii"  siècle.  Ce  taux  n'a  été  que  peu  dépassé  de- 
puis le  retour  en  1825  à  un  tarif  distinct;  mais,  nous  le  répéterons,  bien  peu  des 
produils  en  question  devaient  provenir  directement  de  l'extérieur.  Il  n'en  arrive 
presque  plus  aujourd'hui,  si  ce  n'est  pour  la  fou'e  annuelle  de  la  semaine  sainte. 

Le  droit  de  3  à  11  centimes  payé  par  kilogramme  de  viande  de  porc  vif,  de  1798 
à  1846,  et  le  droit  presque  pareil  payé  depuis  pour  le  porc  abattu  ont  été  de  moitié 
moins  forts  que  les  droits  analogues  d'avant  la  Révolution.  C'est  donc  pour  une  part 
infinitésimale  que  le  consommateur  moderne  de  charculerie  contribue  à  la  fiscalité 
parisienne. 

Il  n'a  plus  guère  l'habitude  d'accompagner  son  pain  de  divers  produils  tirés  de 
l'intérieur  des  animaux  comestibles.  Autrefois  ses  pareils  s'en  délectaient.  Les  tripes, 
fressures,  nœuds  d'époe,  pieds  et  issues  dont  les  écoliers,  le  bas  clergé  et  le  peuple 
se  pourléchaient,  n'étaient  grevés  d'aucun  droit  avant  1692.  Depuis,  des  tarifs  dé- 
taillés avaient  fixé  une  taxe  pour  chaque  espèce,  mais  elle  n'avait  jamais  été  bien 
forte. 

Ce  dont  les  pauvies  gens  ont  dû,  pendant  de  longs  siècles,  faire  usage  pour 
leurs  sommaires  réfections,  c'est  le  poisson,  non  pas  probablement  d'eau  douce  ni 
de  mer  frais,  mais  sec  ou  salé.  Depuis  les  gros,  débités  en  morceaux,  jusqu'aux  plus 
menus,  confondus  sous  la  vieille  dénomination  de  u  allez  de  mer  »,  en  passant  par 
les  harengs  saurs  ou  salés  et  les  ma(|uereaux  conservés  par  des  procédés  analogues, 
tous  ces  poissons  constituaient  un  aliment  à  bas  prix  et  pour  lequel  les  tarifs,  indul- 
gents de  tout  temps,  venaient  d'êlre  abaissés,  sous  l'influence  des  idées  philanthro- 
piques, peu  d'années  avant  la  Révolution.  Les  plus  forts  droits  n'avaient  guère 
dépassé  une  livre  tournois  pour  2,000  livres  pesant. 

Les  consommateurs  modernes  de  harengs  saurs  et  de  morue  salée,  dont  le  nombre 
s'en  va  diininnanl,  n'ont  eu  à  ressentir  le  poids  problémati(|ue  de  l'impôt  à  Paris 
que  depuis  1864  (droit  de  3  p.  100  du  prix  de  vente  aux  halles  converti  dès  1879 
en  un  simple  droit  d'abri).  11  est  peu  vraisemblable  que  le  commerce  de  détail  ait 
fait  profiler  ses  clients  de  la  diminution. 

Si  nous  avons  supposé  des  Parisiens  assez  dénués  pour  ne  pouvoir  vivre  (pie  de 
pain  sec,  nous  devons  admettre  que  ceux  à  qui  nous  venons  de  permettre  le  fro- 
mage, les  légumes,  la  charcuterie,  le  poisson  conservé,  devaient  mouiller  leur 
nourriture  autrement  que  d'eau  claire. 


(1)  Husson,  les  Consommations  de  Paris.  Paris,  187,"),  2"  édit,,  p.  3 il. 


—  42  — 

A  en  croire  les  auteurs  qui  ont  traité  des  usages  dans  les  classes  populaires, 
plusieurs  boissons  fermenlées  furent  bues  avant  le  vin.  La  cervoise  est  la  seule  qu'on 
trouve  imposée  au  xiii*  siècle.  .Au  xrv'  elle  est  frappée,  avec  d'autres  breuvages,  du 
droit  de  treizième  à  la  vente  en  gros  et  en  détail,  puis  au  xv'  siècle  du  sol  pour 
livre  du  gros  et  du  (|uairième  au  détail.  Ces  droits  devaient  interdire  presque  com- 
plètement au  peuple  l'usage  de  ces  boissons,  même  après  la  réduction  en  1395  du 
droit  de  détail  au  huitième;  mais,  dès  1465,  la  cervoise  et  les  «  autres  menus  breu- 
vages »  furent  exemptés  de  toute  imposition.  Il  y  eut  ensuite  près  de  deux  cents  ans 
d'immunité. 

Le  droit  sur  la  bière  française  ne  date  que  de  1025.  D'abord  de  6  deniers  par 
muid,  il  avait  atteint  en  1697  3  livres  12  sous  7  deniers  pour  aller  jusqu'à  21  livres 
peu  avant  la  Révolution.  C'était  près  de  2  sous  la  pinte,  proportion  énorme  qui  fait 
penser  que,  pas  plus  que  l'usage  quotidien  du  vin,  celui  de  la  bière  ne  devait  être 
permis  aux  prolétaires.  En  effet,  si  les  boissons  ont  toujours  supporté  la  plus  forte 
part  de  l'impôt,  c'est  que,  à  tort  ou  à  raison,  elles  sont  considérées  comme  réser- 
vées aux  classes  haute  et  moyenne. 

Il  est  donc  probable  (|ue  le  pauvre  diable  d'autrefois  n'absorbait  que  des  boissons 
factices  telles  que  des  hydromels.  L'usage  du  cidre  et  du  poiré  ne  parait  guère  re- 
monter à  Paris  au  delà  du  xvii°  siècle,  car  on  ne  les  trouve  imposés  qu'en  1 640  Le 
droit  d'alors,  d'un  sou  par  muid,  n'échappa  pas  aux  augmentations  et  alla  à  la  moitié 
du  droit  du  vin  pour  le  cidre  et  à  la  moitié  environ  de  celui-ci  pour  le  poiré  par 
rapport  à  leurs  prix  respectifs.  Les  deux  derniers,  non  plus  que  la  bière,  n'ont  été 
usités  chez  le  peuple  au  xix'*  siècle.  Pour  le  vin  qu'il  boit  de  nos  jours,  l'impôt 
acquitté  par  une  pièce  est,  pour  ainsi  dire,  délayé  comme  elle  et  n'est  presque  pour 
rien  dans  ce  qui  est  payé  au  débitant.  ' 

Il  n'y  a  pas  non  plus  de  part  fiscale  appréciable  pour  les  bas  morceaux  de 
viande  mangés  par  les  irréguliers  de  tous  les  temps,  puisipi'il  est  évident  que,  dans 
la  vente  au  détail,  la  plus  foite  part  du  droit  est  supportée  par  les  morceaux  les 
plus  chers  (1). 

Pour  les  poissons  frais,  les  taxes,  presque  toujours  légères  à  l'entrée  et  propor- 
tionnelles au  prix  à  la  vente,  ont  peu  frappé  les  espèces  communes,  lesquelles,  depuis 
1879,  sont  exemptes  de  l'octroi. 

Les  œufs  consommés  par  les  pauvres  gens  n'ont  guère  payé,  en  rapport  avec 
leur  valeur,  que  de  très  faibles  droits  d'entrée. 

En  somme,  les  éléments  de  la  pitance  chétive  des  gagne-deniers  n'ont  jamais  été 
renchéris  dans  une  proportion  appréciable  du  fait  de  l'impôt,  et  quand  ces  petits 
consommateurs  ont  réclamé  à  grands  cris  la  suppression  des  barrières  ou  même 
les  ont  brûlées,  ils  se  mêlaient  de  ce  qui  ne  les  regardaient  que  bien  peu. 

Nous  trouverons  des  contribuables  plus  sérieux  dans  les  gens  pouvant  se  donner 
une  subsistance  moins  sommaire  et  plus  réglée. 

De  tout  temps  Pai'is  a  été  pourvu  d'établissements  où  ceux  qui  n'ont  pas  de  mé- 
nage, ceux  que  leurs  occupations  empêchent  de  déjeuner  ou  de  dîner  chez  eux  et 
ceux  qui  ne  s'en  soucient  pas,  trouvent  des  repas  tout  préparés.  Sous  les  noms 
primitifs  d'oyers,  de  cuisiniers,  de  rôtisseurs,  sous  les  noms  plus  modernes  de 
traiteurs,  restaurants,  restaurateurs,  ils  ont  toujours  apprêté  des  morceaux  d'oie 

(1)  Cf.  M.  p.  Leroy-Beaulieu  dans  V Économiste  frawais  du  14  juillet  tsr.S,  p,  80. 


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rôlie,  (ie  bœuf,  de  mouton,  de  porc,  de  veau,  d'ajrneaii,  etc.,  et  n'ont  pas  tardé  à  y 
joindre  des  légumes,  puis  du  dessert.  De  nos  jouis  les  crémeries  et  les  bouillons 
ont  un  nombre  considérable  de  clients. 

La  spécialité  des  oyers  avait  éié,  comme  est  encore  celle  des  rôtisseurs,  démettre 
à  la  brocbe  la  volaille  et  de  la  vendre  entière  ou  clotaillée.  Les  oies  avaient  payé  au 
xiii°  siècle  un  denier  parisis  par  charrette  et  continuèrent  probablement'  ainsi  jus- 
qu'en 1651,  de  même  qu'avait  continué  la  coutume  de  la  poulaille  dont  la  quotité 
n'est  pas  connue  et  qui  s'appliquait  sans  doute  à  toute  la  gent  volatile.  Entre  temps 
(1360-1465),  le  sol  pour  livre  <à  la  vente  avait  porté  sur  celle-ci.  A  partir  de  1640, 
la  charrette  (2,000  livres  pesant)  de  volaille  ou  gibier  ayant  été  assujettie  à  2  sous 
tournois  d'entrée,  puis  jusqu'à  10  sous  10  deniers  pour  ne  l'être  plus  qu'à  5  sous 
10 deniers  de  1781  à  1791,  on  peut  regarder  ces  droits  comme  insignifiants;  mais, 
depuis  1722,  3  à  4  sous  par  livre  du  piix  ayant  été  mis  à  la  vente,  il  y  eut  à  payer 
environ  15  sous  pour  une  dinde,  9  sous  pour  une  oie,  0  sous  pour  un  canard, 
5  sous  pour  un  poulet,  12  sous  pour  un  lièvre,  5  sous  pour  un  lapin,  etc. 

De  l'an  XII  à  1848  le  droit  de  vente  oscilla  entre  2.50  et  9  p.  100.  Depuis,  tandis 
qu'il  montait  à  12.05  p.  100,  l'octroi  était  rétabli  et  allait,  selon  les  espèces  et  les 
dates,  de  0*,165  à  0^48  le  kilogr.  Enfin  les  droits  de  vente  qui  n'ont  du  reste 
jamais  fait  double  emploi  avec  ceux  d'entrée  ou  d'octroi,  ont  été  convertis  (1874) 
en  une  augmentation  de  ces  derniers  :  18  et  30  cent,  pour  les  catégories  ordinaire 
et  commune  et  75  cent,  pour  la  catégorie  de  luxe.  Celle-ci  n'entre  pas  plus  mainte- 
nant qu'autrefois  dans  le  commerce  de  la  rôtisserie. 

Dans  ces  diverses  conditions,  l'influence  de  l'impôt  sur  le  prix  demandé  aux 
acheteurs  de  morceaux  de  volaille  a  presque  toujours  été  et  est  bien  petite  évi- 
demment. 

Le  prix  de  la  portion  de  viande  dans  les  établissements  publics,  sans  se  ressentir 
encore  beaucoup  de  l'impôt,  a  dû  et  doit  être  plus  influencé  par  lui  que  la  portion 
de  basse  qualité  mangée  presque  sur  le  pouce.  Dans  les  grandes  maisons  surtout,  ce 
qu'on  sert  provient  des  bonnes  parties,  lesquelles  supportent  véritablement  l'octroi. 

Depuis  1360  les  chairs  détaillées  cuites  ou  crues,  on  l'a  vu,  avaient  payé  le  sol 
pour  livre  de  vente  et  de  revente.  Après  1680  ce  droit  dit  de  Pied  fo^irché  ne  sub- 
sista plus  que  pour  la  revente,  mais  il  dura  jusqu'à  la  Révolution.  La  taxe  d'entrée 
par  tête  de  bétail,  étaldio  tout  à  la  fin  du  xv"  siècle,  fiit  d'abord  fort  mince  et  elle 
n'arriva  jamais  (ju'à  un  taux  assez  faible  eu  égard  au  poids  des  animaux;  c'est  du 
moins  ce  que  donne  à  penser  sa  comparaison  avec  le  droit  d'entrée  sur  la  viande 
en  livres  avec  lequel  il  y  avait  sans  doute  concordance.  Ce  dernier  droit  fut  long- 
temps de  6  deniers  pour  les  morceaux  de  toute  espèce  de  viande,  et  il  ne  dépassa 
pas,  pendant  l'ancien  régime,  1  sou  par  livre  pesant  de  bœuf,  vache  et  mouton, 
2  sous  3  deniers  par  livre  de  veau  et  1  sou  5  deniers  par  livre  de  porc. 

Actuellement  ces  mêmes  viandes  dites  «  à  la  main  »  payent  0  cent,  1/2  le  demi- 
kilogr.,  c'est-à-dire,  [lar  rapport  à  autrefois,  la  même  chose  pour  le  bœuf  et  le  porc 
et  la  moitié  pour  le  veau;  mais  elles  ont  payé  davantage,  et  notamment  près  du 
double,  en  1817, 

C'est  seulement  depuis  1846,  époque  de  la  substitution  du  droit  d'après  le  poids 
au  droit  par  tête,  que  pourrait  se  tenter  le  calcul  qui  nous  intéresse,  sous  la  réserve 
de  la  difficulté  d'attribuer  à  certains  morceaux  leur  juste  part  dans  les  9  à  10  cent, 
payés  par  kilogramme  de  bœuf,  par  exemple,  sortant  des  abattoirs. 


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Comme  jadis  les  prescriptions  religieuses  sur  l'abstinence  s'observaient  rijrou- 
reusement,  la  viande  échappait  pour  une  centaine  de  repas  dans  l'année  à  l'occasion 
d'êlre  un  produit  fiscal.  Mais  le  poisson  et  les  œufs  y  subvenaient  en  partie. 

On  a  vu  combien  peu  rapportait  le  poisson  sec  ou  salé.  Le  poisson  de  mer  frais 
avait  payé  à  la  vente  au  plus  2  sols  pour  livre  jusqu'en  1791  et  de  4  à  G  p.  100  de 
1807  à  [Sis.  A  l'entrée,  il  avait  payé  moins  d'une  livre  tournois  la  voie.  Le  poisson 
d'eau  douce  avait  acquitté  le  sol  pour  livre  de  la  vente  du  1360  à  1465  et  2  sols 
6  deniers  pour  livre  de  1730  à  1791;  à  l'entrée,  de  2  sons  tournois  à  1  livre 
4  sous  la  charrette  ou  le  fourgon,  jusqu'en  1781,  et  5  sous  9  deniers  de  là  à  la 
Révolution  et  puis  plus  rien  jusqu'en  1811.  Assujetti  dès  lors  aux  seuls  droits 
de  vente  de  5  à  6  p.  100  du  prix,  le  poisson  d'eau  douce  a,  après  1848,  été 
confondu  avec  le  poisson  de  m^r  frais.  Les  deux  ont  alors  supporlé  10  et  même 
15  p.  100  à  la  vente,  mois  pas  plus  de  36  fr.  les  lOO  kilogr.  à  l'entrée  pour  les  es- 
pèces moyennes  et  seulement  21  fr.  60  c.  pourles  espèces  communes.  Depuis  1879, 
nous  l'avons  déjà  dit,  plusieurs  de  ces  dernières  sont  exemples  de  l'octroi. 

Le  droit  d'entrée  pour  les  œwfs  n'a  jamais  été  autrefois  (1692-1791)  (jue  de  1  ou 
2  sous  le  millier,  mais  le  droit  de  vente  de  1360,  supprimé  en  1465,  rétabli  en 
1722  à  3  sols  pour  livre,  puis  ramené  à  2  sols  pour  livre  en  1756,  avait  duré  jus- 
qu'à la  Révolution.  Le  peu  de  valeur  des  œufs  pouvait  seul  vraisemblablement 
rendre  insignifiant  un  pareil  droit.  Dans  notre  siècle,  l'augmentation  de  prix  à 
Paris  n'a  pu  èlre  causée  par  la  taxe  de  2.50  p.  100  à  la  vente  mise  en  1808  et  qui 
était  de  3.10  p.  100  lors  de  sa  suppression  en  1879.  Depuis  celte  année-là,  l'ortroi, 
qui  datait  de  1850  (3  fr.  à  4  fr.  80  c.  pour  les  2,000  œufs),  réduit  à  4  fr.  20  c,  ne 
met  guère  qu'à  3  cent,  le  droit  pour  la  douzaine.  Le  droit  de  vente  pour  le  beurre 
avait  été  presque  constamment  le  même  que  pour  les  œufs.  De  1808  à  1879,  il  a 
monté  de  1.25  à  6.10  p.  100.  L'entrée,  de  1  à  2  livres  tournois  les  2,000  livres  pe- 
sant, a  duré  de  1692  à  1791,  et  l'octroi  mis  en  1848  avec  5  fr.  50  c.  les  100  kilogr. 
a  été  jusqu'à  20  fr.  40  c.  et  est  encore  de  14  fr.  40  c. 

L'élément  presque  indispen.^able  des  desserts,  le  fromage,  n'a  jamais  —  on  l'a  vu 
—  fait  tomber  une  demi-obole  dans  l'escarcelle  du  receveur  poiw  une  livre  pesant 
et,  de  nos  jours,  le  fromage  sec  (seul  imposé)  n'a  pas  dépassé  12  cent,  par  kilo- 
gramme. 

On  a  vu  que  les  fruits  et  les  légumes  avaient  toujours  donné  lieu  à  une  faible 
recette  aux  balles  et  aux  barrières. 

Ces!  pour  mémoire  qu'il  faut  citer  l'huile,  le  vinaigre  et  les  divers  condiments 
dont  on  n'a,  dans  aucun  temps,  abusé  en  préparant  les  mets  à  bon  marché. 

Pour  le  sel,  que  la  gabelle  faisait  jadis  renchérir  dans  une  si  énorme  proportion, 
rien  n'était  demandé  aux  entrées  de  Paris.  Depuis  1817  le  sel  a  été  pris  par  l'octroi; 
mais  les  5  et  6  cent,  qu'acquitte  le  kilogramme  ne  le  frappent  pas  bien  fortement. 
D'autres  objets  qui  sont  les  auxiliaires  des  éléments  principaux  de  la  cuisine  ti'ou- 
vei'ont  leur  [«lace  dans  la  partie  de  cette  élude  consacrée  à  la  fiscalité  prn-ement 
gastronomique.  A  la  partie  alimentaire  appartiennent  le  lait  et  le  cnfé,  dorrt  le  mé- 
lange constitue  plus  encore  une  nouirilure  qu'un  régal.  Le  lait  n'a  jamais  figuré  sur 
les  tarifs.  Le  café  n'est  plus  imposé  à  Par'is  pr'écisément  depuis  que  son  usa^e  est 
bien  entré  dans  les  mœurs,  tandis  qu'au  temps  orj  M""*  de  Sévigné  émettait  un 
doute  sur  sa  fortune,  une  taxe  de  15  sous  attendait  à  l'entrée  les  2,000  livres  pesant. 
Cent  ans  après,  c'était  près  de  40.1ivr'es  tournois  pour  In  même  quantité. 


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Le  sucre  et  le  chocolat,  (|ui  avaient  eu  le  même  trailemeni,  n'étant  plus  soumis  à 
aucun  droit  aux  barrières,  rien  n'empêche  les  Parisiens  de  se  rendre  'compte  que 
leur  premier  repas  échappe  à  l'octroi;  mais  bien  peu  connaissent  leur  bonliear. 

Très  sensible  a  toujours  été  l'influence  de  l'impôt  sur  les  boissons  consommées 
dans  les  étabiissemenis  dont  nous  nous  occupons.  Leurs  chefs  étaient  jadis  réputés 
hôteliers  par  les  agents  des  aides,  parce  qu'ils  vendaient  «  à  assiette  »  en  fournissant 
pain,  viande,  etc.,  comme  les  marchands  de  vin  modernes.  C'est  ce  qui  les  distin- 
guait des  taverniers  ou  cabareliers  qui  ne  vendaient  de  liquides  qu'  c  à  huis  coupé  » 
(à  emporter),  (|u'  «  à  pot  renversé  »  (à  mesure  du  débit)  ou  qu'  «  à  pot  sans  four- 
nir tables  ni  sièges  »,  c'est-à-dire  sur  le  comptoir.  Or,  selon  que  ces  débitants  fai- 
saient leur  commerce  dans  telle  ou  telle  de  ces  conditions,  ils  devaient  un  droit  de 
vente  au  détail  différent.  C'est  le  plus  élevé  qu'acquittaient  ceux  rangés  sous  la  qua- 
lification d'hôtehers,  (|u'ils  tinssent  des  rôtisseries,  des  cuisines  ou  des  restaurants. 

Les  boissons  consommées  dans  ces  endroits  étaient,  dans  les  siècles  reculés,  les 
hydromels,  la  cervoise,  dont  il  a  été  parlé,  et  le  vin.  Le  prix  de  celui  des  environs  de 
Paris,  appelé  vin  français,  était,  sans  impôt,  sous  le  roi  Jean  (1360),  de  8  livres 
13  sous  4  deniers  parisis  le  muid  (272  litres),  sous  Louis  XIV  de  45  livres  tournois 
environ  et  de  près  de  60  Hvres  à  la  Révolution.  En  tout  cas,  qu'il  fût  bon  ou  mau- 
vais, cher  ou  non,  les  raisons  administratives  qui  existent  encore  à  l'heure  qu'il  est 
ont  fait,  dès  le  xiv'  siècle  pour  les  droits  d'entrée  et  d'octroi  et  depuis  le  xvii'^pour 
les  droits  de  gros  et  de  détail,  changer  la  base  ad  valorem  en  base  spécifique.  Ainsi 
le  muid  de  vin  de  toute  qualité  ou  provenance,  après  avoir  payé,  par  exemple,  2  sous 
6  deniers  au  commencement  du  xvi"  siècle,  devait  le  sol  pour  livre  du  gros  et 
12  sous  au  détail.  A  la  fin  du  même  siècle  et  au  milieu  du  suivant,  le  droit  avait  été 
de  15  à  21  livres  pour  l'entrée,  de  2  livres  16  sous  3  deniers  pour  le  gros,  de  6  li- 
vres 15  sous  pour  le  détail  à  assiette,  et  de  5  livres  8  sous  à  pot.  En  1719  les  droits 
de  vente  avaient  été  convertis  en  augmentation  d'entrée  et  le  tout  montait  à  60  li- 
vres 12  sous  8  deniers  en  1791. 

Il  est  évident  qu'en  présence  d'un  tel  impôt  qui  était  de  7  p.  100  du  prix  du  vin 
dans  Paris  sous  le  roi  Jean,  de  13  à  32  p.  100  sous  Louis  XIV  et  de  50  p.  100 
sous  Louis  XVI,  les  habitués  des  hôtelleries,  tavernes,  cabarets,  cuisines  puhlii|ues, 
etc.,  devaient  donner  la  préférence  aux  boissons  que  la  fiscalité  n'empêchait  pas 
d'être  abordables. 

Le  vin  est  devenu,  dès  le  commencement  du  xix"  siècle,  d'un  usage  presque 
exclusif  pour  ceux  qui  mangent  hors  de  chez  eux.  Or,  comme  le  droit  total  d'entrée 
et  d'octroi,  après  avoir  oscillé  de  5  fr.  50  c.  à  28  fr.  05  c.  l'hectolitre  est,  depuis 
huit  ans,  de  18  fr.  85  c,  soit  encore  de  22  à  23  p.  100  de  la  valeur  dans  Paris, 
c'est  une  forte  somme  que  celle  qu'il  faut  récupérer  sur  le  client  par  des  moyens 
licites  ou  autres. 

La  bière,  depuis  pas  mal  d'années,  et  le  cidre,  assez  récemment,  sont  bus  par 
un  certain  nombre  d'habitués  des  restaurants.  Le  droit  jqai,  pour  la  bière,  a  été, 
par  hectolitre,  de  1  fr.  20  c.  et  est  actuellement  de  15  fi'.  et  le  droit,  qui  pour  le 
cidre  est  de  8  fr.  50  l'hectolitre  depuis  1881,  n'ont  pas  laissé  d'apporter  un  con- 
tingent fiscal  appréciable. 

Qu'il  mange  et  qu'il  boive  hors  de  chez  lui  ou  dans  son  ménage,  le  Parisien  con- 
somme à  peu  près  autant,  dans  la  vie  ordinaire.  Pourtant  la  régularité  des  repas 
se  prêle  davantage  aux  appréciations  stalistH|ues.  Pour  la  viande,  par  exemple,  si 


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on  suppose  que,  sous  l'ancien  régitne,  une  livre  faisait  l'ordinaire  d'une  personne 
en  moyenne,  les  jours  de  l'année  étant  réduits  à  250  à  cause  du  maig-re,  des  dîners 
en  ville,  des  maladies,  des  absences,  etc.,  les  6  deniers,  les  1  ou  2  sous  payés  pour 
cette  livre  auraient  produit  la  recette  de  6  à  25  livres  tournois  au  bout  de  douze 
mois. 

Dans  la  période  moderne,  les  125  kilogfr.  de  l'année,  en  ne  laissant  plus  que 
60  jours  de  maigre  religieux  ou  laï(|ue,  n'ont  pas  fait  recevoir  à  l'octroi  plus  de 
27  fr.  50  c.  et  ne  lui  font  plus  recevoir  que  14  fr.  50  c.  depuis  1855.  Autrefois, 
quand  la  volaille,  le  gibier  ou  le  poisson  se  substituaient  ou  s'ajoutaient  à  la  viande 
de  boucberie,  c'était  la  proportionnalité  des  droits  de  vente  qui,  plus  que  l'unifor- 
mité des  droits  d'entrée  pour  toutes  les  espèces,  se  faisait  ressentir  dans  les  mé- 
nage saisés.  Depuiij  1848,  l'octroi  rétabli  a  rangé  dans  une  catégorie  plus  fortement 
taxée  les  pièces  servies  sur  leur  table.  Avec  l'un  ou  l'autre  système,  l'impôt  a  évi- 
demment produit  bien  plus  pour  la  consommation  de  famille  que  pour  la  consom- 
mation en  public. 

Il  en  a  dû  toujours  être  de  même  pour  les  œufs,  le  beurre,  les  condiments,  etc., 
plus  bugemenl  employés  dans  la  cuisine  bourgeoise. 

Quant  aux  boissons,  la  qualité  des  vins  n'est  pour  rien,  on  le  sait,  dans  l'impôt, 
et  ni  la  bière  ni  le  cidre  n'entrent  généralement  dans  la  cave  des  Parisiens. 


II.  —  La  fiscalité  gastronomique. 

Comment  le  poids  de  l'impôt  porte-l-il,  non  plus  sur  les  mets  simples  de  l'ordi- 
naire du  bourgeois  ou  de  l'artisan  aisé,  mais  sur  les  préparations  culinaires  compli- 
quées qui  n'apparaissent  qu'exceptionnellement  sur  les  tables  modestes,  ou  qui 
composent  le  menu  quotidien  des  riches  V  Que  ces  mets  délicats  soient  servis  dans 
telle  ou  telle  condition,  qu'ils  soient  apprêtés  p.our  des  grands  seigneurs,  des  finan- 
ciers, des  repas  de  gala,  des  noces  et  festins  de  famille,  etc.,  ces  mets  n'ont  jamais 
pour  base  que  de  la  viande,  de  la  volaille,  du  gibier,  du  poisson,  des  légumes,  des 
pâtisseries,  du  beurre,  des  œufs,  des  sucreries,  etc.  Le  compte  du  produit  fiscal 
qu'ils  occasionnent  peut  être  facilement  établi  avec  les  indications  qui  viennent 
d'être  données  ;  mais  ce  qui  fait  le  succès  gastronomique  d'un  plat  n'est  pas  tant 
la  réunion  des  matières  premières  qui  entrent  dans  sa  composition,  que  l'art  avec 
lequel  un  cuisinier  habile  a  su  l'accommoder.  C'est  donc  par  les  condiments  qui 
l'assaisonnent  qu'il  plaît  au  goiit,  ce  sont  donc  ces  condiments  qu'il  importe  d'ana- 
lyser, c'est  leur  quantité  qu'il  faut  connaître  pour  déduire  ce  qui  arrive  de  leur 
chef  dans  la  caisse  municipale.  Nous  avons  à  dessein  réservé  pour  cette  partie  de 
notre  étude  les  ingrédients  accessoires.  Il  s'agit  maintenant  d'évaluer  leur  produit, 
tout  en  rappelant  ce  que  rapportent  les  éléments  principaux  qu'ils  accompagnent. 
Ne  senible-t-ii  pas  qu'il  serait  fastidieux  de  passer  en  revue  les  divers  condiments 
et  les  résultats  variés  de  leur  combinaison  avec  les  différentes  bases  alimentaires? 
Aussi  croyons-nous  préférable  de  prendre  quelques  exemples  seulement,  à  plusieurs 
épofjues  et  dans  des  conditions  diverses,  parmi  les  repas  où,  soit  la  qualité  des  con- 
vives, soit  le  fasie  de  l'amphitryon,  ne  faisait  rien  épargner  pour  la  perfection  des 
plats.  Nous  préférons  aussi  étudier  quelques  menus  choisis  parmi  ceux  des  repas 
dont  les  invités,  en  fêtant  un  événement  de  famille  ou  en  terminant  une  cérémonie 


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locale,  prétendent  plus  à  l'abondance  qu'à  la  délicatesse  des  plats.  Nous  disons  ex- 
près plats  et  non  pas  mels,  car  pour  ce  qui  concerne  les  festins  du  moyen  âge, 
ainsi  que  cela  a  été  mieux  exposé  que  nous  ne  saurions  le  faire  (1),  «  au  lieu  de 
«  présenter  séparément,  comme  aujourd'hui,  chacun  des  mels  qui  composent  un 
«  service,  on  en  rassemblait  plusieurs  dans  un  seul  plat  qui  prenait  le  nom  de 
«  mets.  Ainsi  tous  les  rôtis  superposés  constituaient  un  seul  mets,  dont  les  sauces 
«  fort  variées  étaient  servies  à  part.  On  n'hésitait  pas  à  accumuler  tout  le  repas 
«  dans  un  unique  vaisseau,  et  ce  plat,  affreux  salmij^^ondis,  s'appelait  aussi  un  mets. 
«  On  trouve  parfois  chaque  service  désigné  sous  le  nom  d'assietle.  »  Un  livre  com- 
posé vers  1393  (2)  par  un  riche  bourgeois  pour  l'instruclion  de  sa  jeune  femme  et 
où  il  lui  parle  de  tout,  depuis  la  théologie  jusqu'à  la  cuisine,  contient  des  menus 
dont  voici  un  spécimen  : 

«  Premier  mets.  —  Pastés  de  bœuf  et  rissoles;  purée  noire;  un  gravé  de  lam- 
proies; un  brouet  d'alemaigne  de  char,  un  brouet  georgié  de  char;  une  sausse 
blanche  de  poisson;  une  arboulastre. 

«  Second  mels.  —  Rost  de  char;  poisson  de  mer;  poisson  doulx;  une  crelonnée 
de  cliar;  laniolles  ;  un  rosé  de  lapereaulx  et  d'oiselets  ;  bourrées  à  la  sausse  chaudes  ; 
tourtes  pisaines. 

«  Tiers  mels. —  Tranches  aux  souppes;  blanc  mangier;  lait  lardé  et  croittes; 
queues  de  sanglier  à  la  sausse  chaude;  chapons  à  la  dodine;  pasté  de  bresme  et  de 
saumon;  plais  en  l'eau;  leschefrites  et  darioles. 

«  Quart  mels.  —  Fromentée;  venoison  ;  doreures  ;  rost  de  poisson  ;  froide  sauge  ; 
anguilles  renversées;  gelée  de  poisson;  pastés  de  chappons(3).  » 

«  Hien  n'empêcherait  d'offrir  aujourd'hui  un  repas  de  ce  genre,  l'auteur  ayant 
«  précieusement  enregistré  la  manière  de  préparer  la  plupart  des  plats  qui  le  com- 
«  posent.  Toutefois  on  ne  saurait  sans  cruauté  y  engager  personne,  car  la  lecture 

«  de  ces  recettes  fait  dresser  les  cheveux  sur  la  tête Pourtant,  comme  tous  les 

«  goûts  sont  dans  la  nature,  voici  la  recette  du  brouet  d'Allemagne  :  Prenez  œufs 
«  en  huile,  puis  prenez  amandes  et  les  pelez,  broyez  et  coulez,  mincez  oignons  par 
«  rouelles  et  soient  cuis  en  eaue,  puis  fritz  en  huille,  et  faites  tout  boulir;  puis 
«  broyez  gingembre,  canelle,  girofle  et  un  peu  de  safl'ran  delTait  de  verjus;  enfin 
«  mettez  vos  espices  au  potage  et  bouillir  en  un  bouillon,  et  soit  bien  liant  et  non 
«  trop  jaune  (4).  » 

A  quoi  se  réduit  la  recette  si  compliquée?  A  des  œufs,  des  amandes,  du  gingem- 
bre, de  la  cannelle,  du  girofle,  du  safran,  des  oignons,  de  l'huile  et  du  verjus. 

En  1393  tous  ces  objets  payaient  le  sol  pour  livre  du  prix  de  vente.  C'était  2  sols 
parisis  par  millier  d'œufs  qui  coûtait  alors  2  livres. 

D'après  l'auteur  du  Ménagier,  les  prix  étaient  de  14  deniers  pour  la  livre  d'a- 
mandes, de  5  sols  pour  la  demi-livre  de  cannelle,  de  5  sols  pour  le  quarteron  de 
gingembre,  de  6  sols  pour  le  quintal  de  girofle  et  de  3  sols  pour  l'once  de  safran. 
Le  sol  pour  livre  perçu  à  la  vente  de  ces  condiments  étant  de  1  obole  à  3  deniers 


(1)  Alfred  Franlilin,  la  Vie  privée  d'autre/ois,  etc.  —  La  Cuisine.  Paris,  Ï88S;  in-18,  p.  47. 

(2)  Le  Ménagier  de  Paris.  Publié  pour  la  première  fois  par  le  B»"  Jérôme  Piclion.  2  vol.  in-8°.  Paris, 
1847. 

(3)  ma.,  t.  II,  p.  172. 

(4)  Alfred  Frai.klin,  la  Vie  privée  d'autre/ois,  etc.  —  La  Cuisine,  p.  49. 


ï 


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1  obole  pour  les  mesures  indiquées,  on  voit  r|u'ori  ne  s;iurail  cbiiïrer  la  part 
infinitésimale  <lu  droit  correspondant  aux  r|nanlilés  minimes  employées  pour  le 
brouel. 

Nous  n'avons  pas  le  prix  des  oignons  en  1393,  mais  il  est  probable  qu'il  était 
faible  et  parlant  le  sol  pour  livre  aussi;  mais  nous  savons  qu'en  outre  la  cbarrette 
de  ces  racines  bulbeuses  devait  à  la  vente  1  denier  de  congé  et  hallage  et  2  de- 
niers de  lonlieu  avec,  à  l'entrée,  1  sol  de  chaussée. 

Nous  ignorons  le  prix  de  l'huile  à  cette  époque  et  ne  pouvons  élablir  le  sol  pour 
livre,  mais  il  est  certain  que  le  niuid  de  ce  liquide  devait  eu  plus,  à  la  vente,  un  de- 
nier de  lonlieu,  6  deniers  à  l'enlrée  du  pelil-ponl  et  autant  aux  jaugetirs. 

Enfin  le  verjus  ne  devait  alors  aucun  droit. 

Si  donc  nous  ne  pouvons  calculer  les  infiniment  petites  parts  d'impôt  payées  par 
la  plupart  des  ingrédients  donnés  dans  la  recette  du  Ménagier,  il  nous  est  loisible 
de  faire  le  calcul  des  éléments  principaux  en  usant  d'artifice,  c'est-à-dire,  en  appli- 
quant la  méthode  du  grossissement. 

Que  si  on  suppose  un  amateur  de  «  brouet  d'alemaigne  »  qui  s'en  soit  offert  à 
tous  ses  repas  et  en  ait  imposé  à  tous  ses  convives  pendant  assez  d'années  pour 
casser  un  millier  d'œufs,  éplucher  les  2,000  livres  pesant  d'oignons  dont  se  compo- 
sait la  charretée  et  pour  épuiser  un  muid  d'huile,  cet  amateur  aurait  versé  dans 
les  coffres  du  Roi  ou  de  la  Ville  au  moins  4  sols  4  deniers  parisis,  soit  vingt  et 
quelques  francs  de  notre  monnaie. 

Si  aujourd'hui  un  aussi  grand  amateur  de  brouet  d'Allemagne  avait  la  fantaisie 
d'en  faire  servir  autant  sur  sa  table,  l'octroi  prélèverait  2  fr.  10  c.  par  millier 
d'œufs,  67  fr.  par  100  kilogr.  d'huile  d'olive  et  rien  pour  le  reste.  Malheureusement 
pour  la  caisse  municipale,  cette  hypothèse,  toute  à  son  avantage,  n'est  pas  vérifiable, 
puisque  de  telles  quantités  ne  sauraient  entrer  dans  la  confection  de  ce  qui  n'était 
en  léalité  iju'une  sauce.  Les  gourmets  les  plus  raffinés  ont  beau  inventer  des  assai- 
sonnements compliqués,  la  perfection  de  ceux-ci,  résullanl  de  l'habileté  du  mélange 
des  parties,  n'exige  jamais  leur  emploi  copieux.  S'il  est  vrai  que  les  Romains,  qui  se 
connaissaient  aussi  bien  en  fiscalité  qu'en  cuisine,  aient  assujetti  les  condiments 
aux  veciigalia  qui  frappaient  les  objets  de  consommation,  la  sauce  piquante  à  la- 
quelle le  Sénat  délibéra  de  mettre,  a-t-on  prétendu  (1),  le  turbot  de  Domiiien,  ne 
dut  pas  rapporter  sensiblement  au  Trésor  impérial,  y  eût-on  mis  du  garum,  le 
plus  dispendieux  et  le  plus  taxé  des  condiments  d'alors. 

Le  menu  du  Ménagier  porte  les  mots  :  «  un  brouet  d'alemaigne  de  char  »  ;  il 
nous  faut  donc  voir  ce  que  cette  chair,  indépendamment  de  sa  sauce,  pouvait  bien 
rapporter  au  fisc. 

Par  un  raisonnement  inverse  de  celui  qui  nous  a  fait  considérer  les  moins  bons 
morceaux  comme  ne  prenant  qu'une  faible  pai't  de  l'impôt,  nous  devons  croire 
que  ceux  qui  comportaient  un  pareil  assaisonnement  étaient  choisis  parmi  les 
meilleurs.  Le  sol  pour  livre  du  prix  de  ces  morceaux  était  par  consé(|uent  assez 
élevé  si  l'animai  dont  ils  provenaient  avait  coûté  cher  lui-même.  Or,  la  valeur  d'un 
bœuf,  par  exemple,  était  d'environ  8  livres  tournois  à  la  fin  du  xiv"  siècle  et,  d'après 
l'évaluation  en  viande  nette,  si  on  suppose  les  bœufs  d'alors  pareils  à  ceux  d'il  y  a 


(I)  Berchoux,  la  Gastronomie.  Paris,  1801,  p.  40.  On  sait  que  Juvénal  ne  dit  pas  un  mot  de  cela. 


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cent  ans  (l),  la  livre  pesant  devait  revenir  à  2  ou  3  deniers  et  le  sol  pour  livre, 
seul  impôt  auquel  fût  assujetti  à  cette  époque  le  «  bestial  à  pied  fourché  »,  devait 
être  bien  difficile  à  exprimer  même  avec  les  toutes  petites  monnaies  du  temps.  Mais, 
si  faible  qu'ait  pu  être  la  portion  d'impôt  afférente  au  morceau  de  «  char  »  accom- 
modé en  brouet,  en  la  multipliant  assez  pour  arriver  à  la  quantité  de  viande  pro- 
portionnée aux  gigantesques  unités  fiscales  des  ingrédients,  le  produit  laisserait 
paraître  bien  minime  le  total  de  -4  sols  A  deniers  auquel  le  droit  du  millier  d'œufs, 
des  2,000  livres  pesant  d'oignons  et  du  muid  d'huile  viennent  d'être  évalués. 

Aujourd'hui  le  kilogramme  de  bœuf  paie  0*^,097  et  le  morceau  du  plus  beau  filet 
consacré  o  la  confection  d'un  «  brouet  de  char  »  pareil  à  celui  de  \:i9^  et  pesant 
dans  les  deux  ou  trois  kilogr.  ne  rapporterait  guère  (|ue  20  ou  30  cent,  à  la  ville  de 
Paris.  Il  est  vrai  que,  multipliés  proportionnellement  aux  quantités  correspondantes 
des  ingrédients,  ces  (pielques  centimes  donneraient  un  produit  bien  supérieur  aux 
2  fr.  10  c.  du  millier  d'œufs,  et  aux  67  fr.  des  100  kilogr.  d'huile  d'olive  dont  nous 
avons  supposé  l'emploi. 

Toujours  est-il  que,  pas  plus  maintenant  que  jadis,  la  pièce  de  viande  et  son  assai- 
sonnement n'ont  occasionné  au  consommateur  une  dépense  importante  pour  le  droit 
à  payer  et  nous  fatiguerions  le  lecteur  de  calculs  mis,  on  peut  le  dire  ici,  à  toules 
sauces,  en  poursuivant  l'analyse  de  chacun  des  plats  composant  les  «  mets  »  du 
xiv"  siècle,  aussi  bien  que  les  recettes  données  dans  les  livres  de  cuisine  postérieurs 
et  dans  ceux  les  plus  modernes,  que  nous  n'arriverions  pas  à  dépasser  le  modeste 
chilTre  hscal  qui  vient  d'être  établi. 

Nous  voyons  bien,  dira-t-on,  que,  pour  la  viande,  le  festin  du  riche  ne  produit 
pas  beaucoup  plus  à  l'octroi  que  le  repas  du  prolétaire,  à  quantités  égales,  puisque 
le  filet  le  mieux  choisi  ne  paie  pas  davantage  à  la  barrière  que  le  plus  grossier  mor- 
ceau ;  mais  pour  les  plats  de  gibier,  de  volaille  ou  de  poisson?  —  Eh  bien,  cela  ne 
change  pas  beaucoup.  Les  plus  belles  volailles  et  le  gibier  le  plus  rare  n'ont  jamais, 
on  l'a  déjà  vu,  été  imposés  à  l'entrée  qu'au  poids  et  la  taxe  maxima  n'a  pas  dépassé 
10  sols  10  deniers  les  2,000  livres,  sous  l'ancien  régime,  et  75  cent,  le  kilogramme 
depuis.  A  la  vente  le  droit  avait  été  jusqu'à  3  et  -i  sous  pour  livre  et  à  12  p.  100 
du  prix.  Gomme  nous  l'avons  fait  remarquer,  ces  taux  ne  laissaient  pas  que  d'êlre 
sensibles  pour  les  espèces  communes,  mais  qu'a  pu  faire  et  surtout  que  peut  faire 
dans  la  dépense  d'une  poularde  ou  d'un  faisan,  d'un  foie  grau  d'oie  ou  de  canard, 
les  75  cent,  que  paie  le  kilogramme  ? 

Même  question  pour  le  poisson  de  luxe.  La  plus  belle  pièce  n'a  jamais  payé  à 
l'entrée  que  sur  le  pied  d'un  peu  plus  d'une  livre  tournois  le  fourgon  ou  la  voie; 
de  67  cent,  à  0'",782  le  kilogr.  (1852-1878);  2  sous  6  deniers  pour  livre  de  la  vente 
avant  la  Révolution  et  de  4  à  15  p.  100  depuis  (1807-1879).  C'était,  à  ce  dernier 
taux,  relativement  appréciable,  mais  les  40  cent,  d'octroi  que  paie,  pour  tout  droit, 
depuis  onze  ans  le  kilogramme  de  poisson  du  plus  grand  choix,  n'influe  certainement 
que  bien  peu  sur  la  dépense  du  grand  dîner  où  il  figure. 

Les  légumes,  on  l'a  vu  aussi,  n'ont  jamais  payé  grand'chose  au  moyen  âge  et  ils 
ne  payent  rien  depuis. 
Les  pâtisseries  non  plus. 
Le  miel  et  le  sucre,  dont  les  Parisiennes  ont  toujours  su  tirer  d'agréables  produits 

(1)  Husson,  les  Consommalions  de  Paris.  Paris,  1873,  2"  édit.,  p.  202. 

1"   SÉBIB.   31»   VOL,.    —   N°  2.  A. 


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pour  leurs  eiifanls,  leurs  maris,  leurs  directeurs,  leurs  amies  et  elles-mêmes,  ont 
été  très  anciennement  imposés,  mais  pas  plus  que  les  autres  condiments  classés 
sous  la  dénomination  d'épiceries-drogueries. 

L'imposition  à  la  vente  avait  cessé  en  1465  pour  ces  articles  ainsi  que  pour  tous 
ceux  non  réservés  et  l'imposition  à  l'entrée  ne  fut  rétablie  qu'en  1640.  Alors  les 
2,000  livres  pesant  payèrent  5  sous  et  des  augmentalions  successives  les  menèrent 
jusqu'au  chiffre  de  19  livres  19  sous  que  la  Révolution  empêcha  de  s'arrondir. 

On  sait  que  les  lois  somptuaires  sont  les  moins  exécutées.  Aussi,  bien  inutiles 
avaient  été  les  ordonnances  du  20  janvier  \b&A  et  du  20  février  1565  qui  limi- 
taient ce  qu'on  pouvait  servir,  même  dans  les  fêtes  de  famille  ;  ainsi  des  autres 
ordonnances  de  dates  postérieures,  et  surtout  de  l'édit  de  janvier  1 629  qui  défendait 
de  «  mettre  plus  de  six  pièces  au  plat  ».  On  avait  donc  fort  bien  mangé  aux  xvi'  et 
xvii°  siècles,  tous  les  auteurs  du  temps  sont  d'accord  sur  ce  point  (1).  Eh  bien, 
pendant  cette  époque  où  la  «  science  de  la  gueule  »  —  le  mot  est  de  Montaigne  — 
avait  grandement  son  emploi,  c'est  à  peine  si  le  Trésor  royal  et  la  caisse  munici- 
pale préludaient  à  l'établissement  des  droits  devenus  si  importants  plus  tard,  et  le 
plus  grand  nombre  des  objets  payaient  peu  ou  point.  C'est  en  1640  et  en  1651  que 
les  très  anciens  droits  du  domaine,  de  chaussée  et  de  barrage  dont  «  le  malheur 
des  guerres  avait  rendu  la  perception  difficile  et  dont  aucun  n'étaient  plus  en  valeur 
par  la  négligence  des  receveurs  (2)  »,  furent  consolidés  avec  un  taux  encore  minime. 
Toutefois,  par  l'effet  des  troubles,  ce  ne  fut  guère  qu'en  1660  que,  la  légitimité  de 
ces  droits  ayant  été  reconnue,  leur  recouvrement  put  se  faire  avec  régularité. 

Pour  les  boissons,  les  viandes  et  les  poissons  les  droits  de  barrage,  de  domaine 
et  d'autres  dits  de  subvention  (1640)  s'ajoutèrent  à  des  droits  préexistants,  de  sorte 
que  le  montant  total  pour  chacun  de  ces  articles  se  trouva  plus  fort  que  pour  la 
plupart  des  objets  de  consommation. 

Par  exemple,  la  moitié  du  gigot  en  hachis  que  Tartuffe  mangeait  en  1664,  moitié 
qu'on  peut  évaluer  à  2  Uvres  os  compris,  avait  dû  payer  à  raison  de  6  deniers  la 
livre  pesant,  c'était  1  sou  que  le  pauvre  homme  faisait  entrer  dans  la  poche  du 
Roi.  Les  moutons,  ceux-là  mêmes  que  M"" Deshoulières  voyait  mener  sur  les  bords 
fleuris  de  la  Seine,  devaient  7  sous  6  deniers  quand  ils  arrivaient  à  l'abattoir  de 
r^aris.  Or,  le  prix  de  la  viande  entrant  dépecée  était  alors  de  moins  de  5  sous  la 
livre  (3)  et  le  mouton  sur  pied  coûtait  environ  6  livres  tournois.  Donc,  d'après  l'un 
et  l'autre  calcul,  le  droit  montait  à  10  ou  12  p.  100  de  la  valeur,  c'est-à-dire  à  peu 
près  comme  aujourd'hui. 

Quelques  objets  avaient,  au  contraire,  été  exemptés  en  1651;  ainsi  les  deux 
perdrix  avec  lesquelles  Tartuffe  avait  mangé  son  demi-gigot  ne  devaient  rien  au 
Roi  ni  à  la  Ville,  car  le  droit  de  barrage  mis  en  1640  sur  la  volaille  et  le  gibier 
venaient  d'être  supprimés  ainsi  que  la  très  ancienne  coutume  de  la  pouluille. 

Comme  exemple  de  la  conditiqn  fiscale,  à  la  même  époque,  d'autres  objets  de 
consommation,  il  se  trouve  justement  que  la  Description  d'un  repas  ridicule  par 
Boileau  (1665)  peut  nous  servir.  Le  menu,  sinon  vrai,  du  moins  vraisemblable,  en 
faisant  la  part  de  l'exagération  voulue,  est  trop  connu  pour  que  les  vers  de  la 


(()  Cf.  A.  Franklin,  la  Cuisine,  etc.,  p.  102. 

(2)  Déclaration  du  8  février  1651. 

(3)  Lettre  de  M""  de  Maintenon  à  .\l.  d'Autiigne  son  frère.  167S. 


—  51  — 

111°  satire  aient  besoin  d'être  répétés,  elle  voici  tel  que  l'analyse  le  donne  débarrassé 
des  expressions  poétiques  : 

Potage  au  chapon 

au  jus  (le  citron  et  de  verjus  avec  jaunes  d'œuf. 

Langue  en  ragoût  couronnée  de  persil.  —  Goiliveau. 

Lièvre  entouré  de  six  poulets,  surmonté  de  trois  lapins 

de  chou  avec  cordon  d'alouettes  et  six  pigeons. 

Salade  de  pourpier  jaune.  —  Salade  d'herbes. 

Jambon  de  Mayence. 
Ris  de  veau  aux  champignons.  —  l'ois  verts. 

A  (|noi  cette  sèche  et  prosaïque  analyse  nous  conduit-elle?  A  constater  d'abord 
que  le  chapon  ou  le  coq  prétendu  tel,  le  lièvre,  les  poulets,  les  lapins,  les  alouettes 
et  les  pigeons  étaient  exempts  de  tous  droits,  comme  nous  venons  de  le  voir.  A 
constater  ensuite  que  les  citrons  avaient  été  exemptés  en  même  temps. 

Nous  remarquons  aussi  que  le  verjus  ne  devait  rien  depuis  que  les  2  deniers 
parisis  par  caque  concédés  en  1415  aux  jaugeiirs  avaient  disparu  avec  eux.  Les 
œufs  étaient  exempts  depuis  la  suppression  en  1651  du  vieux  droit  de  comptage  et 
de  même  pour  le  beurre.  La  langue  (de  bœuf  probablement)  et  le  ris  de  veau 
payaient  alors  comme  viande  de  boucherie  sar  le  pied  de  6  deniers  la  livre  pesant. 

Il  en  était  de  même  pour  le  hachis  de  veau  et  les  andouilleltes  du  godiveau. 

Les  jambons  réputés  gros,  c'est-à-dire  pesant  au  moins  10  livres,  payaient  en 
entrant  5  sous  2  deniers  et  si  celui  en  question,  qualifié  «d'assez  maigre  appa- 
rence »,  n'était  pas  de  plus  de  6  livres,  il  n'avait  payé  que  3  sous. 

Les  champignons  et  les  salades  étaient  exempts;  mais  depuis  1651  les  pois  de- 
vaient 2  sous  par  charrette. 

Le  vinaigre,  imposé  jadis  comme  le  vin,  n'avait  pas  encore  reparu  sur  les  tarifs. 

L'huile  payait  1  livre  3  deniers  les  2,000  livres  pesant.  Le  poivre  et  la  muscade, 
qu'on  n'avait  pas  ménagés  dans  l'assaisonnement  des  plats  susdits,  devaient  15  sous 
les  2,000  livres  pesant  comme  toutes  les  drogueries-épiceries;  on  pouvait  donc  en 
mettre  partout  sans  beaucoup  faire  gagner  le  fisc. 

Enfin,  en  ce  qui  concerne  les  vins,  on  se  rappelle  que  dès  longtemps  les  droits 
étaient  les  mêmes  pour  toutes  les  qualités.  Ainsi  «  un  Auvernat  fumeux  »  et  «  mêlé 
de  Lignage  »,  l'Hermitage  pris  chez  Crenet  ou  les  vins  pareils  à  ceux  de  Boucingo, 
payaient  également  15  livres  2  sous  7  deniers  le  muid  d'entrée  par  terre  et  18  livres 
3  sous  2  deniers  d'entrée  par  eau. 

Des  objets  énumérés  ci-dessus  il  n'y  a  à  retenir  pour  notre  sujet  que  :  la  langue, 
le  ris  de  veau,  le  hachis  et  les  andouillettcs  qui  payaient  6  deniers  la  livre  pesant; 
le  jambon  qui,  selon  son  calibre,  devait  de  3  à  5  sous  2  deniers;  les  pois  dont  la 
charrette  de  2,000  livres  devait  2  sous  ;  enfin  le  poivre  et  la  muscade  dont  la  même 
quantité  devait  15  sous.  Quant  au  vin,  son  droit  le  plus  fort,  celui  de  l'entrée  par 
eau,  revenait  à  1  sou  3  deniers  la  pinte  (93  centilitres),  soit  près  de  29  p.  100  de 
sa  valeur  dans  Paris. 

En  somme,  la  recette  faite  aux  barrières  pour  les  éléments  du  repas  en  question 
aurait  été  environ  d'une  livre  tournois  à  cause  de  ce  qui  s'y  serait  bu,  mais  seu- 
lement de  quelques  sons  en  ne  comptant  que  ce  qu'on  y  aurait  mangé. 

Nous  devrions  maintenant  nous  excuser  de  la  liberté  grande  prise  avec  les  vers 


—  Sa- 
de Boileau  et,  laissant  la  fiction  pour  la  réalité,  choisir  les  exemples  pour  les  épo- 
ques postérieures  dans  la  prose  des  rnenus  de  repas  vérilables;  mais  ceux-ci,  par 
leur  diversité,  ne  donneraient  lieu  qu'à  des  comparaisons  incomplètes,  et,  puisque 
nous  avons  commencé  à  prendre  pour  exemple,  à  tort  ou  à  l'aison,  un  menu  fan- 
taisiste, nous  persévérerons  dans  cette  voie.  Avant,  suivons,  à  dates  espacées,  la 
condition  faite  à  la  fiscalité  gastronomiijue  par  les  variations  de  tarif. 

Les  droits  de  domaine  et  de  barrage  réunis  en  1692  avaient  été  doublés  en  1705 
et  assujettis  successivement  à  des  droits  en  sus  qui  montaient  a  (|uatre  sous  pour 
livre  du  principal  en  1715.  Un  peu  avant  (17H),  le  vingtième  de  l'kôpital  général 
avait  été  mis  sur  plusieurs  objets  cl,  passagèrement  (1697, 170.']  et  1713),  des  droits 
avaient  été  concédés  à  des  corporations  d'ofliciers  de  police  sur  les  quais,  halles  et 
marchés.  Ainsi  l'accroissement  de  l'impôt  de  consommation  à  Paris  avait  coïncidé 
avec  le  perfeclionnement  culinaire  des  cincjuante  ans  écoulés  depuis  la  date  du 
lepas  ridicule.  De  bien  autres  progrès  devaient  venir  pour  la  table  et  pour  le  tarif; 
mais  tandis  que  le  Hégent  se  montrait  «  le  restaurateur  de  la  cuisine  française  (1)  », 
aucune  modilication  importante  n'était  apportée  à  la  perception  établie  pour  l'in- 
troduction des  denrées  dans  la  ville  ou  pour  leur  vente  sur  les  places  marchandes; 
ce  ne  fut  (|u'en  1730,  sous  Louis  XV,  «  (|ui  airnait  à  s'occuper  de  cuisine  (2)  »,  (|u'à 
intervalles  rapprochés  (1730,  1741,  1743)  reparurent  les  droits  de  police  consolidés 
aux  mains  du  lioi.  Puis  en  1747  ces  nouveaux  droits  et  ceux  de  domaine  et  bar- 
rage, viiigiième  de  l'hôpilal,  etc.,  furent  soumis  aux  sous  pour  livre  additionnels  aux- 
quels en  1760, 1763, 1771  et  1781  d'autres  s'ajoutèrent,  si  bien  qu'a  partir  de  cette 
dernière  date,  il  y  eut  dix  sous  [lour  livre,  c'est-à-dire  moitié  en  sus  du  principal. 
Nous  |tassons  (|uelt|ues  autres  accidents  fiscaux  qui  aggravèrent  les  laiifs  jusqu'à 
l'avènement  de  Louis  XVI,  el,  nous  voyons,  sous  son  règne,  diminuer  (juelques 
articles  regardés  comme  de  première  nécessité  ou  à  peu  près,  à  la  faveur  des  nou- 
velles idées  économiques.  Or,  c'était  précisément  dans  cette  période  d'exagération 
fiscale  que  s'accentuait  le  perfeclionnement  de  l'art  d'utiliser  «  les  dons  de  Comus  », 
comme  on  disait  alors,  et  Mercier  écrivait  en  1782  :  «  On  ne  sait  guère  manger 
délicatement  que  depuis  un  demi-siècle  (3).  »  En  effet,  la  science  du  cuisinier  con- 
sistait alors  à  «  quintessencier  les  viandes  et  à  en  tirer  des  sucs  nourrissants  el 
légers  (4)  ».  Il  y  avait  loin  de  là  aux  franches  lippées  du  moyen  âge  et  aux  plantu- 
reux repas  des  xv%  xvi'  et  xvh"  siècles.  Eh  bien,  il  est  curieux  de  remarquer  que  la 
consommation  des  articles  assujettis  aux  droits  n'avait  pas  diminué  pour  cela. 
Seulement  nombre  d'entre  les  éléments  des  repas  n'allaient  qu'indirectement  flatter 
le  palais  ou  garnir  l'estomac  des  convives,  car  après  avoir  donné  leurs  sucs  pour 
la  préparation  des  coulis,  bien  des  pièces  de  viande  ou  de  volaille  étaient  mangées 
à  l'office.  Sans  doute,  l'abondance  des  basses-cours,  l'usage  des  redevances  en  na- 
ture et  des  privilèges  pour  ce  qui  était  «  du  cru  de  leur  terres  »,  permei (aient  à  la 
noblesse,  au  clergé  et  aux  bourgeois  de  Paris  ayant  maison  des  champs  de  s'appro- 
visionner facilement  ;  mais  peu  importait  au  fisc  ou  à  la  Ville  qu'il  n'en  arrivât 
qu'une  partie  dans  les  salles  à  manger. 


(i)  Alf.  Franklin,  la  Cuisine,  p.  201. 

(2)  Ibid.,  p.  204. 

(3)  Mercier,  Tableau  de  Paris,  t.  V,  p.  79. 

(4)  Les  Dons  de  Comus  ou  les  délices  de  la  table,  17SS. 


p 
I 


—  53  - 

Quoi  qu'il  en  ail  été,  le  fisc  ni  la  Ville  n'y  eurent  pas  d'intérêt  de  mai  1/91  ;t  1798 
(vendémiaire  an  VU),  puisque  la  République  s'était  privée  d'une  des  mcilleines 
ressources  en  supprimant  les  droits  d'entrée  et  d'octroi.  Quand  ils  furent  rétablis, 
sous  le  nom  timide  d'octroi  municipal  et  de  bienfaisance,  bien  des  objets  ne  figu- 
rèrent pas  sur  les  tarifs  et,  malgré  les  accroissements  successifs,  ils  n'y  ont  plus 
jamais  été  portés. 

Quand  Berchoux,  dans  la  Gastronomie  {\),  en  1801,  donne  la  composition  d'un 
dîner,  ses  poétiques  descriptions  ramenées  par  l'analyse  à  la  stricte  indication  des 
mets,  peuvent  être  résumées  dans  le  menu  suivant  : 

Potage  au  jambon. 

Aloyau. 

Poularde  au  gros  sel. 

Tête  farcie.  —  Gigot  ii  l'eau. 

Rôti  de  lièvre,  lapin,  perdrix,  cailles  et  ortolans. 

Poularde  rôlie. 

Carpe  et  laitance  de  carpe. 

Cochon  de  lait. 

Entremets. 

Dessert. 

La  petite  quantité  de  jambon  nécessaire  pour  le  potage  peut  certes  être  négligée 
comme  partie  conti'ibutive  de  l'oclroi,  car,  de  1798  à  1825,  le  porc  débité  sous 
n'importe  quelle  forme  paya  le  droit  de  viande  de  boucherie.  Ce  droit  étant,  en 
1801,  de  0  cent,  le  kilogr.,  revenait  pour  l'aloyau,  qui  pesait  vraisemblablement 
5  kilogr.,  à  30  cent. 

Les  poulardes,  le  lièvre,  les  lapins,  les  perdrix,  les  cailles  et  les  ortolans  ne  de- 
vaient rien,  puisque  la  volaille  et  le  gibier  n'allaient  être  frappés  qu'en  l'an  XII. 

La  tête  (de  veau  en  tortue?)  qui,  sous  l'ancien  régime,  avait  eu  une  tarification 
spéciale,  était  pour  longtemps  encore  imposée  comme  la  viande  ordinaire.  A  elle, 
comme  au  gigot,  s'appliquaient  donc  les  6  cent,  par  kilogr.,  soit  pour  les  deux,  qui 
pesaient  sans  doute  quelque  15  kilogr.,  90  cent.  En  ajoutant  un  autre  kilogr.  pour 
la  viande  hachée  dont,  entre  autres  choses  succulentes,  la  tête  était  farcie  (2),  et 
9  kilogr.  pour  le  cochon  de  lait  (54  cent.),  c'est  à  30  kilogr.  payant  1  fr.  80  c. 
qu'on  arrive. 

Comme  il  n'y  a  rien  à  ajouter  pour  la  carpe,  puisque  le  poisson  ne  devait  repa- 
raître sur  les  tarifs  qu'en  1807,  que  les  entremets,  non  dénommés,  n'étaient  sans 
doute  pas  composés  d'éléments  assujettis  aux  droits  ou  du  moins  ne  l'étaient  que 
pour  une  faible  part  et  comme  enfin  «  l'énorme  fromage  senti  de  loin  »  dont  l'au- 
teur parle  à  l'article  du  dessert,  ne  payait  pas  alors,  on  trouve  que  le  dîner  n'aurait 
rapporté  à  l'octroi  que  la  somme  de  1  fr.  80  c.  ci-dessus.  En  y  ajoutant  les  6  cent, 
que  payait  le  litre  de  vin  de  toute  espèce  en  1801  et  en  supposant  qu'une  dizaine 
de  bouteilles  aient  arrosé  les  plats,  on  a  60  cent,  pour  la  partie  liquide  du  repas,  et 
en  tout  2  fr.  40  c. 

Or,  si  le  menu  en  question  n'est,  comme  celui  du  Repaa  ridicule,  qu'un  jeu  d'es- 

(1)  Jos.  Berchoux,  la  Gastronomie.  Paris,  1801,  p.  57,  58,  74,  84  et  suiv. 

(2)  La  maison  (lu  Puits  certain  avait  déjà  acquis  la  renommée  qu'elle  a  gardée  jusqu'au  premier  tiers 
de  ce  siècle  pour  la  préparation  de  ce  mets  d'ordre  composite. 


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prit,  Berchoux,  sous  une  forme  légère,  donne  bien,  celle  fois  sans  exagération,  un 
exemple  de  ce  qu'offraient  les  amphitryons  du  temps.  Les  menus  qu'on  trouve  pour 
les  années  suivantes  diffèrent  peu,  et  leur  analyse  ne  pourrait  guère  que  servir  au  cal- 
cul du  produit  fiscal,  pour  les  objets  qui  venaient  s'ajouter  aux  tarifs,  non  pas  encore 
d'octroi,  mais  de  vente,  comme  les  volailles,  gibiers  et  poissons.  L'abondance  des 
tables  à  ces  époques  est  attestée  par  ceux  qui  ont  traité  le  sujet  en  prose  (1)  ou  en 
vers(2),  et  quoique  les  droits  sur  ces  objets  fussent  encore  faibles,  la  quantité  finis- 
sait par  rendre  appréciable  le  total.  Or,  voici  qu'en  1811  les  huîtres  viennent  à  leur 
lour  reprendre  place  parmi  les  articles  imposés.  Passagèrement  jadis  (1350-1351) 
les  huîtres  «  en  l'escaille  »  avaient  supporté  un  droit  de  vente  de  4  et  6  deniers  pour 
livre  du  prix,  alors  que  Froissart  parlait  de  «  Cancale  où  l'en  mange  les  bonnes 
oistres»;  mais  ce  n'est  qu'en  1692  qu'on  les  trouve  payant  à  l'entrée  de  Paris 
comme  poisson  de  mer  frais  et  de  même  pendant  les  cent  années  suivantes.  Pour- 
tant «  les  huylres  »  en  escalle  ou  frites  font  partie  de  la  nomenclature  du  Pantagruel  ; 
on  voit  les  huîtres  sans  écaille  dans  un  lepas  donné  à  la  reine  Elisabeth  d'Autriche 
en  1571,  puis,  crues  ou  cuites,  elles  figurent  dans  les  menus  des  xvii"  et  xviii"  siè- 
cles, mais  comme  perdues  dans  la  foule  des  plats  et  le  plus  souvent  dans  les 
assaisonnements.  Bien  que  t  la  marchande  d'huîtres  »  qui  fait  partie  des  dessins  de 
Bouchardon  sur  les  Cris  de  Paris  témoigne  d'une  consommation  assez  répandue 
cinquante  ans  avant  la  Révolution,  ce  ne  paraît  être  que  dans  notre  siècle  que  celte 
consommation  est  bien  entrée  dans  les  mœurs.  C'est  seulement  alors  que  les  douze 
douzaines  dont  se  composait  la  cloyère  ont  commencé  à  se  montrer  à  la  porte  des 
restaurants.  Leur  imposition  moderne  avec  un  droit  de  vente  de  4  p.  100  du  prix 
date  de  1811  et  l'augmentation  qui  porta  ce  droit  à  0  p.  100  est  de  1815.  Comme 
depuis  il  n'y  eut  guère  de  dîner  ou  de  déjeuners  fins  sans  huîtres,  surtout  dans  les 
cabarets  à  la  mode,  la  perception  municipale  fut  importante. 

Kn  1848  l'octroi  se  mit  de  la  fête  et  son  tarif,  d'abord  de  5  fr.  50  c.  les  100  kilogr. 
pour  les  huîtres  ordinaires  et  de  Marennes,  arriva  en  1875  à  18  fr.  pour  les  huîtres 
à  coquilles  légères  (moins  de  15  kilogr.)  et  à  30  fr.  pour  les  huîtres  d'Ostende.  Ce 
tarif,  qui  est  encore  en  vigueur,  offre  l'exemple  le  plus  frappant  de  l'inconvénient 
qu'ont  au  point  de  vue  fiscal  les  droits  spécifiques  dans  les  temps  de  renchérisse- 
ment. Tandis,  en  effet,  que  les  droits  ad  valorem  suivent  l'augmentation  des  prix, 
les  droits  fixes  font  manquer  à  gagner  les  recettes.  Tant  que  la  vente  aux  halles  fut 
taxée,  et  surtout  ^uand  le  droit  eut  été  porté  à  10  p.  100(1852),  la  caisse  de  la 
Ville  participa  à  la  plus-value  pour  les  quantités  qui  aciiuiltaienl  l'impôt  sous  celle 
forme;  mais  depuis  la  conversion  (1875)  des  droits  de  vente  sur  les  huîtres  en 
octroi,  cehii-ci,  malgré  l'accroissement  de  tarif,  n'a  pn  voir  progresser  son  pro- 
duit en  raison  de  l'élévation  des  prix. 

L'imposition  des  truffes  à  Paris  ne  date  que  de  1832  avec  un  droit  de  33  cent,  le 
kilogr.  Croit-on  que  le  gourmet  qui,  dans  le  tableau  connu  peint  par  lîoilly  en 
1829  (3),  semble  prendre  tant  de  plaisir  à  déguster  une  poularde  truffée,  se  serait 
moins  délecté  trois  ans  plus  tard  parce  qu'au  prix  du  savoureux  volatile  l'octroi 
venait  d'ajouter  la  bien  légère  somme  de  33  cent,  par  kilogr.  de  garniture? 

(1)  Grimod  de  la  Reynière,  Manuel  des  amphitryons ,  etc.  Paris,  180R. 

(2)  Colnet  dii  Ravel,  l'Art  de  dîner  en  ville.  Poème  en  IV  chants.  Paris,  ISIO. 

(3)  Exposé  dans  la  maison  Corccllet  au  Palais-Royal. 


—  55  — 

Lorsqu'en  1848  on  crut  porter  des  coups  décisifs  au  luxe  de  table  des  «  aristos  » 
en  mellanl  le  droit  à  88  cent,  puis  à  96  cent.,  il  n'en  fut  pas  moins  mangé  de  truffes 
chez  les  parvenus  politiques  et,  si  les  financiers  s'abstinrent  pour  un  temps  des 
«  orgies  du  régime  déchu  »,  ce  fut  parce  que  leurs  fourneaux  s'étaient  éteints  au 
souffle  de  l'économie. 

Ces  mesures  somptuaires  n'ayant  pas  eu  l'effet  fiscal  qu'on  en  attendait,  on 
porta  le  droit  en  1849  à  1  fr.  50  c,  en  1852  à  1  fr.  41  c.  et  depuis  1855  il  est  de 
1  fr.  44  c.  Au  prix  où  est  ce  tubercule  à  la  naissance  mystérieuse,  on  voit  combien 
le  rapport  du  droit  à  la  valeur  est  relativement  faible  et  combien  la  Ville  serait 
fondée  à  solliciter  une  augmentation  de  tarif. 

Quand  (1825)  Brillât-Savarin  fit  paraître  sa  Physiologie  du  goût,  les  trufles 
n'étaient  pas  imposées  à  Paris  et  les  huîtres  ne  l'étaient  qu'à  la  vente  aux  halles. 
Personne  ne  pensera  que  l'immunité  d'octroi  dont  jouissaient  ces  deux  objets, 
bien  loin  d'être  de  première  nécessité,  ait  été  pour  quelque  chose  dans  l'enthou- 
siasme avec  lequel  l'éminent  gastronome  célèbre  les  déjeuners  d'huîtres  et  les 
dîners  truffés,  il  est  un  de  ceux-ci  que  l'auteur  présente  comme  le  plus  coûteux 
des  dîners  et  dont  il  donne  le  menu  sous  le  nom  A'éprouvette  gastronomique,  parce 
qu'il  le  juge  propre  à  mesurer  l'aptitude  des  connaisseurs.  C'est  ce  menu  qui  va 
servir  d'exemple  pour  évaluer  la  force  fiscale  des  mets  luxueux  de  la  fin  du  premier 
quart  du  xix"  siècle  : 

Une  pièce  de  volaille  de  sept  livres,  bourrée  de  truffes  du  Périgord  jusqu'à  sa 
conversion  en  sphéroïde; 

Un  énorme  pâté  de  foie  gras  de  Strasbourg,  ayant  forme  de  bastion; 

Une  grosse  carpe  du  Rhin  à  la  Chambord  ; 

Des  cailles  truffées  à  la  moelle; 

Un  brochet  de  rivière  piqué,  farci  et  baigné  d'une  crème  d'écrevisses  ; 

Un  faisan  piqué  en  toupet,  gisant  sur  une  rôtie  à  la  Sainte-Alliance  ; 

Cent  asperges  de  cinq  à  six  lignes  de  diamètre,  en  primeur,  sauce  à  l'osma- 
zôme; 

Deux  douzaines  d'ortolans  à  la  provençale. 

11  se  trouve  qu'aucun  des  articles  du  menu  susdit  n'était  en  1825  tributaire  de 
l'octroi  et  que  seuls  la  volaille,  le  gibier  et  le  poisson  étaient  assujettis  à  des  droits 
de  vente  :  la  pièce  de  volaille  principale,  les  cailles,  le  faisan  et  les  ortolans 
auraient  payé  9  p.  100  de  leur  prix  à  la  Ville  et  1  p.  100  auxfacteurs,  soitIO  p.  100 
en  tout,  mais  la  carpe  et  le  brochet  n'auraient  payé  que  le  droit  de  5  p.  100  du 
poisson  d'eau  douce  acheté  aux  halles.  Toujours  est-il  que  le  droit  de  10  p.  100 
portant  sur  le  plus  grand  nombre  des  plats  du  dîner  aurait  presque  maintenu  à  ce 
taux  la  portion  fiscale  de  la  dépense.  Il  faut  remarquer  qu'il  ne  s'agit,  bien  entendu, 
que  de  la  dépense  relative  aux  éléments  principaux  et  on  sait  combien  s'y  ajoute 
toujours  le  prix  des  ingrédients  et  des  assaisonnements. 

Comme  il  serait  fastidieux  de  suivre  jusqu'à  nos  jours  les  transformations  de  la 
cuisine  parisienne  et  de  chercher  si  l'art  de  préparer  les  mets,  en  s'enrichissant  de 
méthodes  nouvelles,  a  influé  sur  le  rendement  fiscal,  nous  nous  contenterons 
d'émettre  l'opinion  que  la  mode  qui,  depuis  une  trentaine  d'années,  a  substitué  la 
succession  des  plats  présentés  un  à  un  aux  services  composés  symétriquement,  a 
diminué  le  nombre  de  ces  plats  et  par  suite  la  part  d'octroi  afi'érente  aux  dîners 
modernes.  Il  est  vrai  que,  depuis  la  période  en  question,  bien  des  taxes  ont  été 


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surélevées  et  que  peut-êlre  un  calcul  plus  ardu  qu'intéressant  établirait  qu'il  y  a 
compensation.  Quoi  qu'il  en  soit,  poursuivant  noire  étude,  nous  aurions  maintenant 
à  déterminer  la  part  fiscale  d'un  repas  tout  à  fait  actuel.  Au  lieu  de  prendre  pour 
cela  un  menu  quelconque,  si  nous  cliercliions  simplement  l'effet  octroyen  de  l'eproM- 
vclle  gastronomique  de  tout  à  l'heure'.'  Nous  aurions  ainsi  une  base  rigoureuse  de 
comparaison  entre  1825  et  1889. 

La  pièce  de  volaille  de  7  livres,  dinde  ou  chapon,  paierait,  à  raison  de  30  cent, 
le  kiloj;r.,  1  fr.  05  c.  d'octroi. 

Les  3  kilogr'.  de  truffes  nécessaires  pour  bourrer,  sans  l'adjonction  d'aucune  farce, 
la  pièce  de  volaille  «jusqu'à  sa  conversion  en  sphéroïde  »  paieraient,  à  raison  de 
1  fr.  44  c.  lekiloîîr.,4fr.  32  c. 

L'énorme  pâle  de  foie  gras,  dont  nous  estimerons  le  poids  à  4 kilogr.,  paierait,  à 
raison  de  75  cent,  l'un,  3  fr.  s'il  était  arrivé  à  Paris  tout  confectionné  ;  mais  on  sait 
que,  dans  la  pratique,  les  foies  arrivent  sans  croûte  et  que  le  plus  beau  foie  ne  pèse 
pas  un  kilogr. 

La  grosse  carpe  de  \  kilogr.  1/2  et  le  brochet  de  5  kilogr.  paieraient,  à  raison  de 
0^216  le  kilogr.,  à  eux  deux  1  fr.  40  c.  A  quoi  il  faudrait  ajouter  20  cent,  pour  le 
1/2  kilogr.  d'écrevisses  dont  la  crème  baigne  le  brochet. 

Les  cailles  que  nous  fixerons  arbitrairement  à  12  de  125  gr.  pesant  ensemble 
1  kilogr.  1, '2,  le  faisan  d'un  kilogr.  et  les  24  ortolans  de  70  gr.,  feraient  un  total  de 
plus  de  4  kilogr.,  payant,  à  75  c.  l'un,  3  fr.  13  c. 

Comme  les  asperges  ne  doivent  aucun  droit,  nous  aurons  fini  si  nous  négligeons 
les  as.saisonnements,  et  l'addition  des  chiffres  ci-dessus  nous  donnera  le  total  de 
13fr.  10  c. 

Or,  nos  évaluations  en  poids  ont  été  faites  au  maximum;  on  voit  donc  que  la 
part  de  l'octroi  pour  les  éléments  principaux  du  menu  sont  dans  un  faible  rapport 
avec  le  prix  d'un  tel  dîner  et  que  nous  voilà  bien  au-dessous  des  10  p.  100  que 
représentaient  les  droits  de  vente  en  1825. 

On  s'attend  bien  maintenant  à  ce  que  nous  obéissions  à  la  mode  des  centenaires. 
Nous  allons,  en  conséquence,  comparer  le  résultat  de  nos  calculs  pour  la  présente 
année  à  ce  qu'aurait  produit  aux  entrées  de  Paris  Yéprouvelte  susdite,  si  un  pré- 
curseur de  Brillât-Savarin  l'avait  composée  la  veille  de  l'incendie  des  barrières,  il  y 
a  juste  un  siècle,  alors  que  le  tarif  n'avait  pas  varié  depuis  huit  ans. 

Nous  l'avons  déjà  dit,  la  volaille  et  le  gibier,  après  avoir  payé  plus  de  10  sous  les 
2,000  livres  pesant,  ce  qui  était  bien  peu,  ne  payait  plus  en  1789  que  près  delà 
moitié  (5  s.  10  d.).  Nous  l'avons  dit  aussi,  le  poisson  d'eau  douce,  après  avoir  payé 
1  livre  4  sous  4  deniers  la  charrette  ou  le  fourgon,  ne  payait  plus  à  la  même  époque 
que  5  sous  9  deniers.  Comme  les  foies  gras  ni  les  truffes,  ni  les  asperges  n'étaient 
imposés,  on  voit  tout  de  suite  que  le  produit  de  l'entrée  aurait  été  infinitésimal 
pour  l'ensemble  du  menu;  mais  les  droits  de  vente  de  4  sous  par  livre  du  prix  de 
la  volaille,  ce  qui  faisait  6  sous  pour  livre  avec  les  droits  en  sus,  soit  30  p.  100, 
auraient  pesé  lourdement  sur  la  consommation  si,  pour  la  favoriser,  on  n'avait  établi 
le  tarif  sur  une  évaluation  très  modique  des  prix,  laquelle  ne  faisait  ressortir  le 
taux  des  droits  qu'à  18  p.  100  environ.  Toujours  est-il  que  l'écart  entre  ce  taux  et 
celui  de  10  p.  100  pour  1825  justifie  le  mauvais  renom  qui  s'était  attaché  dans  les 
dernières  années  du  xviii*  siècle  aux  impositions  sur  les  comestibles.  Aujourd'hui 
la  réputation  de  l'uctroi  n'est  guère  meilleure,  mais,  du  moins  en  ce  qui  concerne 


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les  objets  (ralimenlalion  de  première  nécessité,  on  vient  de  voir  ce  qu'il  faut  penser 
de  cette  réputation.  En  ce  qui  concerne  les  objets  du  ressort  de  la  gastronomie, 
l'exemple  donné  aura  suffi,  nous  l'espérons,  pour  montrer  la  faible  part  qu'a  l'im- 
pôt dans  la  dépense  d'un  dîner  préparé  pour  régaler  à  la  maison  les  convives 
les  plus  délicats. 

Il  reste  à  revenir  sur  la  question  des  restaurants  qui  n'a  été  touchée  qu'à  propos 
des  établissements  modestes  dont  le  rôle  est  de  nourrir  économiquement  ceux  qui 
mangent  hors  de  chez  eux.  Pour  parler  un  peu  des  lieux  de  rendez-vous  à  la  mode 
où  se  servent  les  plats  de  leur  spécialité  à  des  amateurs  ou  à  des  couples  passagers, 
nous  demanderons  de  convenir  que  la  part  d'impôt  contenue  à  l'état  latent  dans  le 
prix  des  mets  n'a  pas  plus  éloigné  des  bons  endroits  aux  siècles  passés  qu'aux 
temps  modernes.  On  ne  croira  pas  que  celte  considération  ait  jamais  empêché,  par 
exemple,  le  damoiseau  ou  l'escholier  du  moyen  âge  d'alléger  son  escarcelle  pour 
l'amour  de  sa  mie,  en  la  régalant  de  tripes  fumantes  alors  que  les  tarifs  commen- 
çaient à  se  complif|uer.  On  ne  croira  pas  qu'aux  années  du  xviii"  siècle  où  les 
droits  étaient  le  plus  élevés,  ils  ont  empêché  aucuns  soupers.  On  ne  croira  pas  que 
l'abolition  révolutionnaire  des  droits  d'aides  ait  favorisé  les  parties  organisées  par 
les  muscadins  et  les  incroyables.  On  ne  croira  pas  enfin  que  de  nos  jours  l'octroi 
ait  fait  hésiter  à  offrir  en  cabinet  particulier  le  perdreau  truffé,  le  homard  à  l'amé- 
ricaine ou  l'écrevisse  bordelaise. 

Pour  parler  de  plaisirs  moins  coûteux  et  plus  permis,  à  la  noce  d'un  zingueur 
et  d'une  blanchisseuse  chez  un  marchand  de  vin  du  boulevard  de  la  Chapelle,  il  y 
a,  par  exemple,  comme  repas  (1)  : 

Potage  au  vermicelle. 

Tourte  aux  godiveaux. 

Gibelotte  de  lapin. 

Fricandeau  au  jus. 

Haricots  verts. 

Poulets  rôtis. 

Salade. 

Œufs  à  la  neige. 

Dessert. 

De  ce  menu,  que  nous  supposerons  dressé  pour  quinze  personnes,  il  n'est  à  con- 
sidérer à  notre  point  de  vue  que  les  2  lapins  de  la  gibelotte,  lapins  domestiques 
:  probablement,  payant  ensemble  pour  ieurs4kilogr.,  à  9  cent.,  36  cent.;  les  3  kilogr. 
de  veau  du  fricandeau  à  9  cent,  l'un,  soit  27  cent.,  et  les  2  poulets  d'un  kilogr.  chacun 
à  30  cent.,  soit  60  cent.  Le  total  est  de  1  fr.  23  c.  et  il  semble  superllu  d'y  joindre 
les  évaluations  infinitésimales  relatives  aux  œufs,  beurre,  fromage,  huiles,  vinaigre, 
sel,  etc.,  employés  à  la  confection  ou  à  l'assaisonnement  des  plats.  Pour  plus  d'exac- 
titude cependant,  nous  arrondirons  à  la  somme  de  1  fr.  50  c.  le  produit  des  éléments 
du  repas  à  leur  introduction  dans  l'aris.  Nous  y  joindrons  le  droit  afférent  aux 
25  litres  de  vin  bus  par  les  15  convives  (ce  qui  n'est  pas  exagéré,  paraît-il),  le 
montant  de  ce  droit  aura  été,  à  raison  de  18  cent,  le  litre,  de  4  fr.  50  c,  en  les 
supposant  exempts  de  tout  mouillage.  Le  total  général  se  trouvant  être  de  6  fr.  et 

(1)  Emile  Zoli,  l'Assommoir.  Paris,  1877. 


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le  prix  vraisemblable  <k  5  fr.  pnr  tête  mettant  le  coût  du  repas  à  75  fr.,  sans 
suppléments,  on  voit  que  la  proportion  entre  la  part  fiscale  et  la  dépense  est  de 
8  p.  100.  Celte  proportion  ne  varie  guère  selon  les  quartiers  de  la  ville  et,  qu'il 
s'agisse  d'une  noce  d'artisans  à  Grenelle  ou  du  repas  de  baptême  du  petit  nouveau- 
né  d'un  ébéniste  de  la  rue  Saint-Antoine,  il  y  aura,  à  prix  égal,  un  produit  d'octroi 
a:ialogue. 

Il  est  clair  que,  pour  les  fêtes  de  famille  ouvrière,  la  proportion  de  l'impôt  à  la 
dépense  est  bien  plus  forte  que  pour  les  festins  (|ue  font,  dans  les  grands  restau- 
rants ou  dans  les  hôtels  luxueux,  les  classes  fortunées  de  la  société.  La  dispropor- 
tion est  encore  plus  marquée  pour  les  dîners  fournis  par  les  maisons  d'universelle 
renommée  qui,  pour  des  plats  recherchés,  majorent  le  prix  déjà  élevé  en  lui-même. 

C'est  ainsi  qu'on  voit  figurer  parmi  les  prix  courants  de  telle  de  ces  maisons,  un 
chaud-froid  d'ortolans  à  la  Rothschild  pour  6  personnes  coté  50  fr.,  alors  que  les 
matières  premières  n'auront  payé  à  la  bairière  qu'un  franc  et  quelques  centimes. 

Quant  aux  vins  dignes  d'arroser  des  mets  si  coûteux,  les  droits  qu'ils  ont  payés  à 
l'entrée  disparaissent,  bien  entendu,  puisque  les  48  cent,  par  litre  ne  sont,  pour 
ainsi  «lire,  rien  dans  le  prix  auquel  montent  les  crus  plus  ou  moins  fameux. 

Quelle  est  donc  la  proportion  fiscale  pour  les  repas  que  la  classe  moyenne  va 
prendre  dans  les  restaurants  spéciaux  à  l'occasion  de  noces  principalement?  Voici 
le  menu  le  plus  ordinairement  commandé  dans  une  des  maisons  les  plus  en  vogue, 
le  Salon  des  familles,  avenue  de  Saint-Mandé  : 

Pelages  Saint-Germain  et  printanier. 

Hors-d'œuvre  variés. 

Saumon  sauce  aux  câpres. 

Filet  de  bœuf  sauce  madère  pommes  Duchesse. 

Bouciiées  Reine. 

Poulardes  à  la  Toulouse. 

Petits  pois  ;i  la  française. 

Haricots  verts  maître  d'hôtel. 

Dindonneaux.  —  Perdreaux. 

Bombes  glacées. 

Pièces  de  nougat,  biscuit,  corbeilles  de  fruit. 

Les  éléments  principaux  pour  15  personnes  auront  rapporté  à  l'octroi  de  Paris: 
le  saumon  de  2  kilogr.  1/2  à  40  cent.,  1  fr.  ;  le  filet  de  bœuf  de  3  kilogr.  à  9  cent., 
27  cent.;  les  deux  poulardes  de  3  kilogr.  chacune  à  30  cent.,  1  fr.  80c.  ;  les  deux 
dindonneaux  de  2  kilogr.  chacun  à  30  cent.,  1  fr.  20  c,  et  les  4  perdreaux  de  250  gr. 
chacun  à  75  cent,  le  kilogr.,  75  cent.;  total  5  fr.  02  c.  En  y  joignant  les  4  fr.  50  c. 
pour  les  25  litres  de  vins  fins  et  ordinaire,  on  a  9  fr.  52  c. 

On  pourra  se  demander  quelle  serait  la  proportion  fiscale  si,  au  lieu  du  Salon 
des  famille'i,  qui  est  dans  l'enceinte  de  Paris,  un  restaurant  exlra-muros  était  choisi 
pour  le  repas  en  question  dans  une  commune  limitrophe  ayant  un  octroi  peu  élevé. 
A  Bagnolet,  par  exemple,  le  saumon  ne  paierait  rien;  le  filet  de  bœuf  imposé, 
comme  les  viandes  dépecées  de  toute  espèce,  à  5  cent,  le  kilogr.,  ne  produirait  que 
15  cent.;  les  deux  poulardes  et  les  deux  dindonneaux,  à  raison  de  10  cent,  le  kilogr., 
paieraient  1  fr.;  les  4  perdreaux  à  15  cent,  le  kilogr.  paieraient  15  cent.,  soit  pour 
la  partie  solide  1  fr.  30  c. 


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Le  vin  ne  devrait  pour  l'entrée  et  l'ootroi  que  14  millimes  par  litre,  soit,  pour 
les  25,  35  cent.;  mais  comme,  à  cause  du  chiffre  de  la  population,  la  commune  de 
Bagnolet  est  soumise  au  droit  de  détail  montant  à  12.50  p.  100  du  prix  de  vente,  le 
produit  fiscal  pour  le  vin  compenserait  à  lui  seul  la  diminution  afférente  à  la  partie 
comestible  du  repas.  Or,  il  s'en  faut  que  celte  diminution  vraie  en  théorie  le  soit 
dans  la  pratique,  car,  excepté  pour  la  viande  et  encore,  presque  tous  les  éléments 
des  plats  servis  dans  la  banlieue  sont  achetés  aux  halles  centrales  et,  non  seulement 
ont  payé  l'oclroi  de  Paris,  mais  doivent  payer  de  plus,  en  repassant  la  barrière, 
l'oclroi  local.  Que  les  choses  se  passent  rigoureusement  ainsi  ou  non,  toujours 
est-il  que  les  prix  des  restaurants  suburbains  sont  les  mêmes,  sinon  plus  élevés  que 
ceux  des  établissements  parisiens  et  que  ce  n'est  pas  par  raison  d'économie  que 
des  fêtes  de  famille  se  célèbrent  hors  des  murs  de  la  capitale,  si  tant  est  qu'il  y  en 
ait.  C'est  même  le  contraire  qui  arrive,  puisque  pour  bien  des  réunions  d'habitants 
des  communes  entourant  la  grande  ville,  on  y  vient,  certain  d'y  trouver  les  res- 
sources culinaires,  le  bon  service,  etc.,  monopole  des  maisons  organisées  pour 
une  grande  clientèle. 

C'est  dans  un  de  ces  établissements  intra-imiros  que  s'est  fait,  il  n'y  a  pas  long- 
temps, un  banquet  d'adeptes  à  la  déjà  vieille  idée  de  la  suppression  des  octrois. 
Aucun  d'eux,  dégageant  la  portion  fiscale  de  ce  qu'il  consommait,  calcul  facile,  on 
doit  le  croire,  pour  ceux  qui  ont  le  monopole  de  la  question,  a-l-il  remarqué  com- 
bien l'exiguïté  de  cette  portion  fiscale  donnait  un  démenti  au  principe  même  de 
revendication  ? 

Que  le  Parisien,  même  celui  qui  ne  vit  pas  pour  manger,  mais  qui  mange  pour 
vivre,  aille  sans  intention  de  faire  «  cliere  lie  »  dans  un  des  premiers  restaurants 
ou  faire  la  noce  dans  la  plus  infime  gargote,  pour  peu  qu'il  ne  soit  pas  limité  dans 
sa  dépense  par  la  nécessité  ou  par  la  raison,  ce  Parisien  ne  manquera  pas  généra- 
lement de  prendre,  après  le  dessert,  sa  demi-tasse  de  café  et  quelque  liqueur. 
Beaucoup  —  pas  toujours  des  plus  aisés  —  font  ainsi  chez  eux  et  quand  leur  table 
a  reçu  des  convives,  même  sans  cérémonie,  la  maîtresse  de  la  maison  se  réserve 
d'offrir  personnellement  cet  appendice  gastronomique.  C'est  bien,  en  effet,  le  nom 
de  cet  ultime  régal  du  repas.  C'est  bien  aussi  celui  du  punch,  du  thé,  du  chocolat, 
des  glaces  et  des  boissons  glacées,  des  gâteaux,  etc.,  qui  terminent  la  soirée. 

Nous  avons  déjà  vu  le  café,  trop  souvent  avec  son  auxiliaire  la  chicorée  et  pres- 
que toujours  avec  le  lait  ou  le  liquide  prétendu  tel,  ouvrir  la  série  des  aliments 
quotidiens.  Pas  plus  que  là,  le  café  pris  dans  la  journée  ou  le  soir,  non  plus  que  le 
chocolat,  le  thé  et  la  glace,  n'est  tributaire  de  la  fiscalité  parisienne,  mais  ils  l'ont 
tous  été,  les  trois  premiers,  au  moins  de  1692  à  1791  en  tant  qu'épiceries-dro- 
gueries et  on  a  vu  la  faiblesse  des  droits  sur  icelies;  plus  pour  le  thé  une  imposition 
temporaire  en  1848.  A  cette  date,  la  glace  a  été  prise  par  l'octroi,  lequel  a  dès  lors 
«  frappé  »  indirectement  toutes  les  compositions  sucrées  qui  procurent  une 
agréable  fiaîcheur.  Le  droit  (6  cent,  par  kilogr.  au  moment  de  la  suppression)  était 
fort  pour  la  glace  brute,  mais,  déjà  employée  au  xvii"  siècle  (1),  celle-ci  a  toujours 
été  un  objet  de  luxe.  Quant  aux  produits  de  l'art  du  glacier,  ils  n'ont  pas  diminué 
de  prix,  au  contraire,  depuis  la  suppression. 


(I)  tloileau,  satire  lit  :  «  An  plus  fort  de  Vi-Xt  nous  n'avions  point  de  gla 


—  60   — 

Ce  fut  quand  l'eau-de-vie  eut  été  «  tournée  en  usage  de  boisson  »  qu'en  1633 
elle  prit  place  au  tarif  parisien  avec  un  droit  de  18  livres  parmuid.  D'augmentation 
en  augmentation,  au  bout  de  cent  ans,  le  droit  avait  alteint  65  livres  et,  en  1791, 
il  était  de  162  livres  3  sous.  Il  revenait  alors  à  70  p.  100  de  la  valeur  dans  Paris. 
Depuis  1687  le  droit  avait  été  porté  au  double  pour  l'eau-de-vie  rectifiée  et  au 
triple  pour  l'esprit-de-vin. 

Dès  l'an  Vil  (1798)  0',165  étaient  mis  sur  le  lilre  et  on  sait  par  quels  accroisse- 
ments le  droit  est  arrivé  au  chilTre  énorme  de  2  fr.  66  c.  par  lilre.  d'alcool  à  100  de- 
grés et  à  3  fr.  28  c.  pour  les  absinihes,  du  moins  jusq  'en  1880  pour  celles-ci. 
Or,  il  est  dans  la  pratique  commerciale  de  ne  vendre  près  ue  rien  à  Paris  au-dessus 
de  4-5  degrés  et,  pour  la  confection  des  liqueurs,  29  degrés  ne  sont  pas  toujours 
atteints  (1).  Voilà  qui  atténue  singulièrement  l'exagération  apparente  du  tarif. 
Toutefois  les  droits  ne  laissent  pas  d'être  très  sensibles.  Répétons  seulement  pour 
les  liqueurs  ce  que  nous  avons  fait  remarquer,  sans  prendre  aucunement  parti,  pour 
les  boissons,  à  savoir  que,  dans  l'évaluation  de  la  fiscalité,  a  tort  ou  à  raison,  ce  qui 
se  boit  occupe  une  place  bien  autrement  grande  que  ce  qui  se  mange. 

Que  conclure? 

Qu'à  Paris  la  fiscalité  a  cessé  dés  longtemps  d'inquiéter  les  pauvres,  qu'elle  a  été 
et  est  encore  assez  légère  pour  les  peu  fortunés,  sensible  aux  classes  moyennes 
dans  leur  vie  ordinaire  et  pres(|ue  indifférente  aux  classes  ricbes;  qu'en  effet  les 
tarifs  ont  toujours  contenu  les  principaux  objets,  le  pain  excepté,  destinés  à  nourrir 
ou  à  désaltérer  les  habitants  de  la  capitale,  mais  que  ceux-ci,  mangeant  et  buvant 
pour  leur  agrément  ou  ajoutant  aux  éléments  nutritifs  pour  en  relever  la  saveur, 
n'ont  jamais  été  trop  gênés  par  l'inipôl. 

Si  donc  on  peut  considérer  comme  sérieuse  la  fiscalité  alimentaire,  on  trouve 
presque  que  par  rapport  au  prix  des  éléments  de  la  bonne  chère,  la  fiscalité  gastro- 
nomique n'existe,  pour  ainsi  dire,  pas. 

Gustave  BrENAYMi^. 


III. 


LA   STATISTIQUI2   DES    DÉPENSES   PUBLIQUES   D'aSSISTANCE   EN    FRANCE. 

Ce  travail  a  été  entrepris  par  M.  Monod,  directeur  de  l'Assistance  publique  au 
ministère  de  l'intérieur,  afin  d'éclairer  l'administration  dans  l'œuvre  qu'elle  pour- 
suit et  le  Conseil  supérieur  de  l'assistance  publique  dans  ses  travaux.  Il  présente 
le  relevé  des  dépenses  publiques  d'assistance  d'après  les  comptes  de  1885.  Il  com- 
prend outre  les  dépenses  faites  directement  pour  les  services  de  l'Assistance  publique, 
celles  qui,  étant  payées  au  moyen  de  deniers  publics,  sont  consacrées  à  subven- 
tionner les  œuvres  privées.  Il  comprend  également  les  opérations  des  établissements 
de  bienfaisance  qui  sont  des  établissements  publics,  mais  non  celles  des  établisse- 
ments d'utilité  publique  non  plus  que  celles  de  la  charité  privée  qui  ne  passent  pas 
par  une  caisse  publique. 

(I)  Husson,  les  Consommations  de  Paris,  2«  édit.,  1876,  p.  281. 


I 


—  61   - 

Le  lolal  (les  dépenses  publiques  d'assislance  s'est  élevé  en  1885  à  184,121,099  fr. 
réparties  de  la  manière  suivante  : 

État 7,511,955 

Départements 29,912,459 

Communes  (Paris  non  compris) 28,309,483 

Établissements  publics  (non  compris  l'Assis- 
tance publique  de  Paris) 75,436,251 

Fondations 423,090 

Paris 42,527,859 

Dans  le  total  des  184,121,099  fr.,  les  dépenses  payées  sur  les  revenus  des  éta- 
blissements de  bienfaisance,  les  fondations  et  les  concours  individuels  repré- 
sentent 94,879,003  fr.  et  les  dépenses  payées  par  l'impôt  et  à  la  charge  des  con- 
tribuables, 89,242,096  fr.,  soit  48  p.  lOÔ  du  total  représentant  2  fr.  33  c.  par 
habitant. 

Les  dépenses  d'assistance  acquittées  par  l'Assistance  publique  de  Paris  au  moyen 
de  l'impôt  s'élèvent  à  31,753,168  fr.,  soit  13  fr.  54  c.  par  habitant. 

Les  mômes  dépenses  s'élèvent  pour  le  reste  de  la  France  à  57,488,928  fr.,  soit 
1  fr.  60  c.  par  habitant. 

En  Angleterre  les  dépenses  de  même  nature  représentent  6  fr.  77  c.  par  habitant 
et  à  Londres  13  fr.  60  c,  à  peu  piès  le  même  chilfre  qu'à  Paris.  En  outre,  le  service 
de  l'assistance  en  Angleterre  est  organisé  sur  tout  le  terriloiie,  ce  qui  n'est  pas,  le 
cas  en  France.  «  Il  est  important,  dit  M.  Monod  dans  son  rapport,  de  ne  pas  perdre 
de  vue  cette  observation;  si  on  l'oubliait,  notre  statistique  donnerait  une  impression 
tout  à  fait  inexacte.  C'est  le  vice  nécessaire  de  ce  travail  d'être  une  étude  d'en- 
semble sur  une  matière  dont  la  caractéristique  est  de  manquer  d'ensemble.  11  n'existe 
d'organisation  générale  de  l'Assistance  publique  en  France  que  pour  le  service  des 
enfants  assistés  et  des  aliénés.  Le  reste  est  livré  au  hasard  des  bonnes  volontés.  » 

La  statisti(|ue  est  divisée  en  6  parties  : 

1°  Les  dépenses  de  l'État; 

2°  Celles  des  déparlements; 

3°  Celles  des  communes; 

4°  Celles  des  éiablissements  publics,  asiles  nationaux,  hôpitaux,  hospices,  bu- 
reaux de  bienfaisance; 

5°  Celles  de  l'Assistance  publique  de  Paris; 

6°  Récapitulation  générale. 

Dépenses  de  l'État. 

Les  dépenses  de  l'État  figurent  pour  7,511,956  fr.  représentant  4  p.  100  du 
total. 

Dans  ce  chiffre  sont  comptés  2,467,627  fr.  de  secours  spéciaux  distribués  par  le 
ministère  de  l'agriculture  pour  des  sinistres  et  252,537  fr.  de  secours  exceptionnels 
pour  le  choléra.  Il  ne  reste  donc  que  4,791,792  fr.  de  dépenses  d'assistance  pro- 
prement dites  sur  un  total  de  184  millions.  Encore  ce  chiffre  a-t-il  été  réduit  de 
94,.j00  fr.  au  budget  de  1889. 


—  62  — 

Les  dépenses  de  l'Élat  se  répartissent  de  la  manière  suivante  : 

Enfants  assistés 994,453 

Protection  des  enl'anls  du  premier  âge 743,983 

Établissements  nationaux 1,088,323 

Subventions  aux  établissements  de  bienfaisance.  .  529,759 

Service  de  la  médecine  gratuite 50,000 

Sociétés  de  cliarité  maternelle  et  crèches  ....  146,000 

Individus  sans  domicile  de  secours 149,999 

Secours  divers 779,016 

Étrangers 209,095 

Rapatriement  des  Français 40,564 

Dépenses  des  départements. 

Les  budgets  des  services  départementaux  d'assistance  sont  alimentés  par  des 
ressources  d'origines  diverses.  L'Élat,  les  communes,  les  hospices,  les  familles  y 
apportent  leurs  contingents.  L'ensemble  des  dépenses  s'élève  à  -43,447,080  fr.,  mais 
sur  ce  chiffre  il  ne  reste  à  la  charge  même  des  départements  que  29,912,459  Ir., 
savoir  : 

Aliénés 12,185,565 

Enfants  assistés 11,856,015 

Enfants  du  premier  âge 599,331 

Vaccine  gratuite 190,795 

Médecine  gratuite 287,728 

Frais  de  séjour  dans  les  hôpitaux  et  hospices.  .    .  1,070,323, 

Sourds-muets  et  aveugles 947,861 

Dépôts  de  mendicité 1,067,226 

Secours  d'extrême  misère 351,018 

Voyageurs  indigents 168,498 

Subventions  à  des  œuvres  de  bienfaisance.    .    .    .  1,187,549 

Nous  ne  passerons  pas  en  revue  les  22  tableaux  consacrés  aux  divers  chapitres 
qui  viennent  d'être  indiqués,  et  nous  nous  an'êterons  seulement  aux  comparaisons 
très  intéressantes  qu'a  faites  M.  Monod  entre  les  départements,  au  point  de  vue  des 
sacrifices  qu'ils  s'imposent  pour  l'assistance  : 

1°  Comparaison  entre  les  dépenses  d'assistance  et  les  dépenses  totales  du  budget 
départemental; 

2°  Comparaison  entre  les  mêmes  dépenses  et  le  produit  des  impositions  dépar- 
tementales; 

3°  Proportion  par  habitant  des  dépenses  d'assistance  à  la  charge  des  départe- 
ments. 

Dans  le  premier  tableau  comparatif  on  voit  figurer  en  tête  la  Seine,  où  les 
dépenses  d'assistance  atteignent  40.27  p.  100  de  l'ensemble  des  dépenses  départe- 
mentales. Puis  viennent. les  Bouches-du-Rhône  où  la  proportion  tombe  immédiate- 
ment à  27  p.  100,  et  le  Hhône  à  23  p.  100.  Les  derniers  départements  sont  la 
Savoie  où  la  proportion  est  seulement  de  7.49  p.  100,  les  Landes,  7.36  et  enfin 
l'Ardèche,  6.57. 


I 


—  63  — 

11  esl  à  remarquer  que  la  proportion  est  indépendante  de  la  richesse  ou  de  la 
pauvreté  des  départements  :  on  trouve  dans  la  première  partie  du  tableau  des  dé- 
partements pauvres,  tels  que  l'Ain,  la  Drôme,  le  Moibihan,  les  Deux-Sèvres,  la 
Vendée,  auprès  de  la  Seine-Inférieure,  de  la  Loire-Inférieure,  de  la  Loire,  de  l'Eure, 
et,  dans  la  dernière  partie,  la  Dordogne,  le  Pas-de-Calais,  l'Orne,  la  Charente-Infé- 
rieure, la  Manche,  en  compagnie  du  Cantal,  de  la  Creuse,  du  Tarn,  des  Basses- 
Alpes. 

Il  y  a  là  une  question  d'habitudes  prises,  beaucoup  plus  que  de  possibilités  et  de 
ressources.  Les  départements  vivent  isolés  les  uns  par  rapport  aux  autres,  ignorant 
ce  que  font  leurs  voisins,  et  ils  se  figurent  parfois  être  très  généreux  pour  l'assis- 
tance, alors  que  la  comparaison  fait  ressortir  tout  le  contraire,  et  qu'en  réduisant 
ou  en  supprimant  certaines  dépenses  d'utilité  secondaire,  ils  pourraient  doter  plus 
largement  les  services  d'assistance. 

Le  second  tableau  comparatif  fournit  un  élément  de  comparaison  analogue  au 
premier,  mais  un  peu  différent.  Les  dépenses  d'assistance  y  étant  comparées,  non 
plus  à  l'ensemble  des  dépenses  départementales,  mais  aux  ressoui'ces  proprement 
départementales,  c'est-à-dire  déduction  faite  des  contingents  divers  qui  grossissent 
considérablement  les  budgets.  La  majeure  partie  de  ces  contingents  étant  fournis  par 
les  communes,  les  différences  sont  dues  à  ce  que  les  conseils  généraux  chargent 
plus  ou  moins  les  communes,  et  elles  se  produisent  surtout  en  ce  qui  concerne  les 
dépenses  des  aliénés. 

Le  troisième  tableau  indique  pour  chaque  département  la  proportion  par  habitant 
des  dépenses  d'assistance  restées  à  la  charge  du  département.  Cette  proportion 
varie  de  2  fr.  64  c.  dans  la  Seine  à  27  cent,  dans  l'Ardèche.  Elle  est  supérieure  à 
1  fr.  dans  6  départements  :  Seine,  Khône,  Bouches-du-Rhône,  Seine-Inférieure, 
Eure  et  Calvados.  Elle  varie  de  1  fr.  à  50  cent,  dans  56  et  est  inférieure  à  50  cent, 
dans  25.  Parmi  ces  derniers  figurent  la  Haute-Garonne,  les  Vosges,  le  Pas-de-Calais, 
l'Hérault,  le  Nord,  la  Charente-Inférieure,  et  l'on  voit  à  côté  d'eux  la  Lozère  dé- 
penser 82  cent,  et  le  Jura  72  cent,  par  habitant. 


Dépenses  faites  par  les  communes. 

Les  dépenses  des  communes  (Paris  non  compris)  figurent  pour  28,.309,48.3  fr., 
mais  on  n'a  pu  passer  en  revue  les  comptes  de  toutes  les  communes  pour  y  recher- 
cher les  dépenses  d'assistance;  on  en  a  relevé  la  plus  grosse  part  dans  les  budgets 
départementaux,  et  on  a  en  outre  dépouillé  les  comptes  de  408  communes  consi- 
dérées comme  villes,  chefs-lieux  de  départements,  autres  villes  comptant  plus  de 
10,000  habitants,  communes  de  5,000  à  10,000  habitants,  indiquées  par  la  di- 
rection générale  des  contributions  directes  comme  ayant  un  caractère  plutôt 
urbain  et  industriel  que  rural  et  agricole.  Ces  relevés  ont  laissé  de  côté  les  dé- 
penses d'hospitalisation  des  malades  et  des  vieillards  dans  les  communes  rurales, 
nous  les  évaluons  à  un  million  au  moins  en  prenant  pour  base  les  dépenses  de 
même  nature  faites  par  les  départements  qui  généralement  viennent  en  aide  aux 
communes  et  prennent  à  leur  charge  la  moitié  des  dépenses  de  cette  nature;  c'est 
un  maximum.  Nous  pensons  donc  que  les  dépenses  d'assistance  dans  les  com- 
munes rurales  doivent  s'élever  en  réalité  à  29  millions  i/2.  Le  total  qui  figure 


—  64  — 

dans  la  statistique  se  répartit  ainsi  qu'il  suit  entre  les  différents  chapitres  d'assis- 
tance : 

Aliénés 3,583,358 

Enfants  assistés 1,951,176 

Subventions  aux  hôpitaux  et  hospices 12,750,398 

—  aux  bureaux  de  bienfaisance  ....  5,908,944 

—  pour  divers  services 4,049,601 

La  comparaison  des  tableaux  de  cette  partie  de  la  statistique  donne  les  résultats 
suivants  :  A  Paris  la  population  étant  par  rapport  à  la  population  totale  de  la  France 
de  6.13  p.  10U,  les  dépenses  d'assistance  représentent  45.30  p.  100  du  total  des 
dépenses  budgétaires.  Dans  les  dix  autres  villes  de  plus  de  100,000  âmes  ayant 
ensemble  une  pojiulation  égale  à  .J.37  p.  100  de  la  population  totale  de  la  France, 
les  dépenses  d'assistance  représentent  ensemble  21  p.  100  des  dépenses  de  leurs 
budgets  réunis. 

Dans  les  398  autres  villes,  les  proportions  sont  de  18.81  p.  100  pour  la  popula- 
tion et  de  51  p.  100  pour  les  dépenses. 

Enfin  pour  les  35,71:2  autres  communes,  les  proportions  sont  de  72.10  p.  100 
pour  la  population  et  de  19.97  p.  100  seulement  pour  les  dépenses. 

Autrement  dit,  à  Paris  les  dépenses  d'assi>tance  représentent  environ  8  fois  le 
rapport  de  la  po|)ukition  à  la  population  totale  de  la  France.  Dans  les  dix  autres 
villes  de  100,OuO  âmes,  cette  proportion  n'est  plus  que  de  4,  puis  elle  descend  à 
21/2  pour  les  autres  villes.  Enfin  pour  les  communes  rurales  elle  n'est  plus  en 
moyenne  que  du  quart  du  rapport  de  leur  population  à  la  population  totale. 

Autre  comparaison  non  moins  intéressante. 

A  Paris  les  dépenses  totales  d'assistance  représentent  10  fr.  03  c.  par  habitant, 
et  les  dépenses  facultatives  8  fr.  76  c. 

Dans  les  10  autres  villes  de  100,000  âmes,  les  mêmes  catégories  de  dépenses 
représentent  3  fr.  70  c.  et  3  ir.  17  c.  par  habitant;  dans  les  398  autres  villes, 
1  fr.  69  c.  et  1  fr.  40  c;  dans  les  35,712  autres  communes,  38  cent,  et  28  cent. 

Le  rapport  se  termine  par  deux  notices  sur  l'assistance  en  Angleterre  et  en  Alle- 
magne. 

J.  DE  Grisenoy. 


Le  Gérant,  0.  Berger-Levrault. 


JOURNAL 


DE  LA 


^     ^ 


SOCIETE  DE  STATISTIQUE  DE  PARIS 


No  3.  —  MARS  1890. 


PROCÈS-VERBAL  DE  LA  SÉANCE  DU  19  FÉVRIER  1890. 

SoMMAiiiE.  —  Éloge  funèbre  de  M.  André  Cochut  et  de  M.  Jacquème.  —  Note  sur  la  statistique  graphique, 
par  M.  Georges  Mayr.  —  Les  Syndicats  agricoles,  par  M.  François  Dernard.  Discussion  :  MM.  Kergall, 
G.  Martin,  de  Crisenoy,  Duhamel,  Uobyns,  Tisserand.  —  La  Table  de  mortalité  de  la  Caisse  nationale 
des  retraites,  par  M.  A.  Fontaine. 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  sous  la  présidence  de  M.  Oct.  Keller. 

M.  le  Président  prononce  l'allocution  suivante  : 

«  Messieurs,  j'avais  à  peine  adressé  quelques  paroles  d'adieu  à  notre  regretté 
collègue,  M.  Ch.  Gimel,  que  nous  avons  appris  la  mort  du  savant  qui  récemment 
encore  présidait  à  nos  travaux,  j'ai  nommé  M.  André  CochuL  La  Société  s'est  fait 
un  devoir  d'assister  à  ses  obsèques  et,  appelé  par  elle  à  la  représenter  dans  cette 
triste  cérémonie,  j'ai  prononcé  sur  la  tombe  de  notre  vénéré  collègue  les  paroles 
suivantes  que  je  prends  la  liberté  de  vous  rappeler  : 

«  Messieurs,  ai-je  dit,  la  Société  de  statistique  de  Paris  vient  à  son  tour,  par 
l'organe  de  celui  de  ses  membres  qui  a  l'honneur  de  la  présider  cette  année,  dé- 
poser le  tribut  de  ses  profonds  regrets  sur  la  tombe  de  son  avant-dernier  Pré- 
sident. 

«Les  nombreux  travaux  d'économie  politique  auxquels  ,11  s'était  consacré  avaient 
inspiré  à  M.  Cochut  le  désir  de  coopérer  au  développement  des  études  statistiques 
dont  il  ressentait  toute  l'importance  et  la  haute  utilité;  et  il  s'était  fait  recevoir,  en 
1882,  membre  de  notre  Société,  où  sa  légitime  réputation  d'écrivain  et  de  penseur 
l'avait  depuis  longtemps  précédé.  Quand,  en  1888,  les  suffrages  de  ses  collègues 
l'appelèrent  à  remplir  les  fonctions  présidentielles,  il  oublia  volontairement  les  exi- 
gences d'une  santé  que  son  grand  âge  avait  rendue  capricieuse,  selon  sa  propre 
expression,  pour  payer  de  sa  personne  et  se  dévouer,  de  la  façon  la  plus  com- 
plète, aux  intérêts  de  la  Société  de  statistique. 

1"    SÉRIK.    31'   VOL.    —    H»   3.  t 


—  00  — 

«  Lors  du  renouvellemenl  du  Bureau,  le  16  janvier  1889,  M.  Paul  Leroy-Beau- 
lieu,  son  successeur,  lui  adressait,  dans  son  discours  d'installation,  les  paroles  sui- 
vantes bien  dignes  d'être  répétées  aujourd'hui  : 

«  J'adresse  mes  remercîments  à  M.  Cochul.  Ma  maturité  rend  hommage  à  l'un 
«  des  maîtres  de  ma  jeunesse.  Aux  heures  hésitantes  qui  suivent  l'adolescence,  je 
«  lisais  les  œuvres  de  M.  Cochut,  qui  collaborait  alors  au  Temps,  où  il  produisait 
t  des  articles  très  pensés,  ti'ès  nourris  et  très  instructifs  sur  les  questions  ouvrières. 
«  J'ai  lu  aussi  ses  articles  de  la  Revue  des  Deux-Mondes  sur  l'esclavage  à  Cuba,  les 
«  prix,  les  monnaies,  questions  très  variées  qui  ont  conservé  toute  leur  actualité. 
«Je  rends  l'hommage  qui  lui  est  dû  à  l'un  de  ces  hommes  dont  la  vie  a  toujours 
€  été  droite,  et  dont  le  seul  défaut  a  été  de  se  tenir  trop  dans  l'ombre  et  de  n'avoir 
«jamais  recherché,  comme  il  les  avait  mérités,  les  suffrages  du  grand  public.  » 

«  Messieurs,  ce  juste  hommage  rendu  au  Président  sortant,  qui  a  dû  lui  aller  au 
cœur,  parce  qu'il  venait  d'une  bouche  autorisée  entre  toutes,  fut  accueilli  par  les 
plus  vifs  applaudissements  de  l'assemblée.  Nul  ne  pouvait  se  douter  qu'un  an  après, 
presque  jour  pour  jour,  ces  élogieuses  paroles  serviraient  d'oraison  funèbre  et 
seraient  dites  devant  son  tombeau. 

«  Que  la  veuve  de  M.  Cochut  et  sa  famille  reçoivent  ici,  comme  un  témoi- 
gnage d'unanime  sympathie,  de  la  part  des  membres  de  la  Société  de  statistique 
de  Paris,  l'expression  de  la  douleur  que  nous  cause  la  perte  d'un  collègue  vénéré 
qui  employa  sa  vie  laborieuse  à  cultiver  le  bien  et  à  chercher  la  vérité.  »  {Vives 
marques  d'adhésion.) 

A  la  suite  de  ce  discours,  M.  le  Président  annonce  le  décès  récent  de  notre  col- 
lègue, M.  Jacquéme,  inspecteur  général  des  finances.  M.  Jacquèmc,  habitant  la  pro- 
vince, n'assistait  que  rarement  à  nos  séances,  où  son  concours  aurait  été  cependant 
si  précieux.  Chargé  par  le  Gouvernement  de  nombreuses  missions  au  Mexique,  aux 
Etats-Unis,  en  Hussie,  en  Allemagne,  en  Angleterre,  cet  honorable  savant  a  rendu 
à  l'Etat  des  services  éminents.  C'était  un  maître  en  ce  qui  concerne  les  questions 
d'impôt. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  de  janvier  est  adopté  sans  observations. 

Il  est  procédé  à  l'élection  de  plusieurs  membres  nouveaux  : 

MM.  Léon  Donnât,  conseiller  municipal  de  Paris,  dont  la  candidature  est  pré- 
sentée par  MM.  de  Foville  et  Turquan  ; 

Georges  Martin,  inspecteur  des  financer  en  disponibilité,  présenté  par 
MM.  Yves  Guyot,  Levasseur  et  Turquan  ;  * 

A.  Pigeonneau,  professeur  à  la  Sorbonne,  présenté  par  MM.  E.  Levasseur, 
Cbeysson  et  Loua  ; 

sont  élus  à  l'unanimité,  en  qualité  de  membres  titulaires  de  la  Société  de  statistique 
de  Paris. 

Dans  la  correspondance  figure  une  lettre  adressée  au  Président  par  M.  Geor- 
ges Mayr,  l'un  des  statisticiens  les  plus  connus  de  l'Allemagne.  M.  Mayr  approuve 
pleinement  ce  que  M.  Keller  a  dit,  dans  son  discours  d'inauguration,  sur  la  statisti- 
que graphique,  et  il  ne  saurait  mieux  le  remercier  qu'en  offrant  à  la  Société  un 
opuscule  qu'il  a  fait  paraître  sur  ce  sujet,  dès  l'année  1874.  Par  la  même  occasion, 
M.  Mayr  annonce  qu'il  publiera,  à  partir  de  cette  année,  un  nouveau  Journal  de 
statistique,  ou  plutôt  une  Revue  qui,  sous  le  titre  d'«  AlUjemeines  statistisches 


—  (J7  — 

Archiu  »,  conliibueia,  il  l'cspèie  du  moins,  à  l'amélioialion  et  à  la  propagation  de 
cette  science. 

M.  le  Secrétaire  général  fait  une  rapide  analyse  des  ouvrages  offerts  à  la  Société, 
il  cite  notamment  : 

Pour  la  France,  le  dernier  volume  de  la  Statistique  annuelle  et  l'album  gra- 
phique de  la  Statistique  générale,  offerts  par  M.  le  Minisire  du  commerce  ; 

Pour  Y  Italie,  le  mouvement  de  l'état  civil,  pendant  l'année  1887; 

Pour  la  Norvège,  divers  fascicules  comprenant  les  télégraphes,  les  caisses  d'é- 
pargne, l'instruction  publique,  le  commerce,  la  justice  criminelle,  l'état  sanitaire  et 
médical,  documents  qui  se  rapportent  aux  années  1886,  1887  et  1888; 

Pour  la  Russie,  les  résultats  de  la  récoke  de  1889; 

Pour  Y  Autriche,  la  statistique  de  la  justice  criminelle  et  de  la  justice  civile  en 
1888; 

Pour  la  Prusse,  trois  volumes  de  la  statistique  générale,  relatifs  aux  accidents  et 
aux  suicides  et  au  mouvement  de  la  population; 

Pour  la  Belgique,  l'Annuaire  statistique  de  1889. 

Le  tout,  sans  préjudice  des  revues,  journaux,  rapports,  relevés  trimestriels  ou 
mensuels,  qui  font  l'objet  d'un  envoi  régulier. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  communication  de  M.  François  Bernard,  sur  la  Sta- 
tistique des  syndicats  agricoles. 

Avant  de  prendre  la  parole  sur  ce  point,  M.  Bernard  recommande,  en  quelques 
mots,  la  Statistique  agricole  du  département  de  l'Indre  pendant  une  période  d'un 
siècle,  par  M.  Heini  Ratouis.  Cet  opuscule,  fruit  de  longues  et  patientes  recher- 
ches, offre  une  monographie  complète  de  l'agriculture  de  ce  département,  à  tous 
les  points  de  vue  auxquels  l'agronome  peut  se  placer.  Il  serait  extrêmement  désirable 
que  des  recherches  semblables  pussent  être  faites  dans  les  diverses  régions  de 
notre  territoire  national. 

.M.  François  Bernard  donne  alors  lecture  d'un  travail  étendu  sur  les  syndicats 
agricoles,  tels  qu'ils  fonctionnent  d'après  la  loi  de  1884.  Dans  ce  travail  qui  ne  ré- 
sulte pas  d'une  enquête  ofBcielle,  mais  de  recherches  particulières  qui  lui  ont  permis 
de  rassembler  une  (|uaiitité  considérable  de  matériaux,  M.  Bernard  étudie  les  syndi- 
cats agricoles  dans  leur  nombre,  dans  celui  de  leurs  membres  et  indique  les  servi- 
ces qu'ils  sont  appelés  à  rendre  en  ce  qui  concerne  la  suppression  des  intermé- 
diaires dans  l'achat  des  grains,  des  engrais  et  des  machines  agricoles  et  de  l'appui 
qu'ils  pourraient  donner  aux  institutions  de  crédit  agricole  ou  d'assurances  en  cas 
de  grêle  ou  de  pertes  de  bestiaux.  M.  Bernard  fait  remarquer  en  terminant  que  la 
prodigieuse  extension  des  opérations  des  syndicats  agricoles  prend  le  caractère 
d'une  véritable  révolution  économique,  la  plus  profonde  qui  ait  jamais  été  réalisée 
en  agriculture.  —  Les  chiffres  fournis  au  cours  de  sa  conférence  le  démontrent 
amplement. 

Cette  communication,  que  l'assemblée  a  accueilli  avec  la  plus  grande  faveur,  sera 
insérée  in  extenso  dans  l'un  des  plus  prochains  numéros  de  notre  journal. 

M.  Keugall  remercie  M.  Bernard  des  détails  intéressants  qu'il  a  fournis  sur  l'or- 
ganisation des  syndicats  agricoles  et  les  divers  buts  que  poursuivent  ces  institutions. 
11  les  félicite  tout  d'abord  d'être  arrivés  à  supprimer  les  intermédiaires  pour  l'achat 
des  denrées,  mais  il  ajoute  qu'il  y  a  même  beaucoup  à  faire  pour  arriver  à  obtenir 
la  même  suppression  en  ce  qui  concerne  la  vente.  Bien  que  les  syndicats  ne  soient 


—  08  — 

qu'à  leur  début,  il  lui  semble  qu'ils  arriveront  à  ce  résultai  plus  aisément  que  les  so- 
ciétés coopératives,  dont  les  efforls  sont  découragés  par  les  résistances  des  mar- 
chands au  détail  et  même  des  ménagères;  les  syndicats  ont,  en  effet  déjà  leurs 
clients,  tandis  que  les  sociétés  sont  réduites  à  les  chercher,  c'est  pour  les  syndicats 
une  condition  de  réussite  qui  n'est  pas  à  dédaigner.  Quant  au  crédit  agricole,  il  lui 
semble  que  les  syndicats  sont  le  mieux  à  même  de  le  fournir;  il  suffit  que  la  loi 
leur  accorde  la  latitude  nécessaire. 

M.  Georges  Martin  parle  des  syndicats  d'irrigation  que  l'on  trouve  dans  le  dé- 
partement des  Pyrénées-Orientales,  où  ils  fonctionnent  depuis  un  temps  immémo- 
rial, mais  il  avoue  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  des  syndicats  qu'a  définis  M.  Bernard  et 
qui  ont  un  tout  autre  objet. 

M.  DE  Crisenoy,  rappelant  ce  qu'a  dit  M.  Bernard  du  rôle  que  pourraient  prendre 
les  syndicats  en  cas  d'assurances  contre  la  grêle  et  les  perles  de  bestiaux,  rappelle 
que  certains  conseils  généraux,  notamment  dans  le  département  de  l'Aube,  ont  pris, 
sous  leur  patronage,  des  caisses  de  cette  nature,  lesquelles  tendent  à  se  propager. 

M.  Duhamel  croit  que  des  caisses  de  ce  genre,  dont  l'action  ne  dépasse  pas  le 
département,  n'ont  pas  de  chances  de  durée,  leur  champ  étant  trop  limité  pour 
permettre  d'asseoir  des  tarifs  équitables. 

M.  RoBYNs  partage  celte  opinion  et  croit  que,  pour  la  grêle  surtout,  ce  n'est 
pas  irop  du  territoiie  entier  du  pays,  pour  compenser  les  risques  qui  frappent  cer- 
taines parties  du  territoire. 

M.  Kergall  pense  de  son  côté  qu'il  n'appartient  pas  au  Gouvernement,  ni  même 
aux  conseils  généraux  de  prendre  l'initiative  à  cet  égard.  Les  institutions  de  ce 
genre  ne  peuvent  être  le  fait  (lue  d'associations  hbres  agissant  en  pleine  liberté. 

M.  Eugène  Tisserand,  directeur  de  l'agriculture,  rappelant  ce  qui  a  été  dit  du  rôle 
que  pourraient  remplir  les  syndicats  en  ce  qui  concerne  le  crédit  agricole,  annonce 
que  le  conseil  supérieur  de  l'agriculture  s'est  occupé  de  celte  question  et  qu'il 
sera  apporté  à  la  loi  de  1884  des  modifications  qui  permettront  aux  syndicats  de 
faire  le  crédit  agricole  dans  les  campagnes.  (Applaudissements.) 

M.  Fontaine,  qui  obtient  ensuite  la  parole,  fait  connaître  en  peu  de  mots  les 
procédés  dont  il  s'est  servi  pour  dresser  la  table  de  mortalité  et  de  la  Caisse  nationale 
des  Retraites,  mais  l'heure  avancée  l'oblige  à  remettre  la  fin  de  sa  lecture  à  la  pro- 
chaine séance. 

La  séance  est  levée  à  onze  heures. 


—  69  — 

II. 
DE  LA  NATIONALITÉ 

AU  POINT  DE  VUE  DU  DÉNOMBREMENT  DE  LA  POPULATION  DANS  CHAQUE  PAYS 
ET  DE  LA  LOI  FRANÇAISE  SUR  LA  NATIONALITÉ  DU  26  JUIN  1889  (1). 


Dans  la  dernière  séance  de  la  session  de  l'InstiliU  inlernational  de  statistique, 
tenue  à  Paris  au  mois  de  septembre  dernier,  nous  avons  entendu  le  savant  délégué 
d'un  pays  voisin  poser  la  question  suivante  :  «  Quelle  règle  faut-il  suivre  au  point 
«  de  vue  de  la  nationalité  pour  le  dénombrement  de  la  population  dans  chaque 
«  pays?  » 

La  session  du  congrès  avait  été  laborieuse,  bien  remplie,  sous  la  direction  la 
plus  éclairée,  par  de  savants  rapports,  des  discussions  approfondies,  toutes  inspi- 
rées par  l'amour  du  bien  public,  de  la  science  et  de  l'humanité.  L'heure  de  la 
séparation  était  venue  et  la  question  posée  ne  fut  pas  examinée. 

La  réponse  nous  avait  immédiatement  paru  facile.  Elle  nous  semblait  de  nature 
à  être  acceptée  unanimement  par  les  statisticiens  du  monde  entier.  J'étais  prêt  à 
!a  faire  séance  tenante.  Ne  le  pouvant,  j'ai  demandé  dès  lors,  le  jour  même,  à  la 
produire  au  milieu  de  vous. 

La  lâche  à  remplir  par  le  service  de  la  Statistique,  appelé  dans  chaque  pays  à 
faire  le  dénombrement  des  nationaux  et  des  étrangers  résidant  dans  ce  pays,  nous 
apparaît,  en  effet,  bien  claire  et  bien  précise.  Ce  service  public  doit  partout  voir 
des  nationaux  dans  tous  ceux  qui  le  sont  d'après  la  loi  du  pays  où  il  remplit  sa 
fonction,  et  des  éirangers  dans  tous  ceux  qui  sont  tels  d'après  la  même  loi.  Il  n'a 
pas  à  se  préoccuper  des  divergences  des  législations,  ni  des  difficultés  qui  peuvent 
en  résulter,  soit  au  point  de  vue  du  droit  civil,  soit  au  point  de  vue  du  droit  des 
gens.  Il  ignore,  il  a  le  droit  et  le  devoir  d'ignorer,  à  ce  point  de  vue,  les  législations 
qui  ne  sont  pas  celles  de  son  pays.  Pour  lui,  sont  nationaux  ou  étrangers  tous  les 
individus  que  la  loi  de  son  pays  reconnaît  comme  tels. 

Ma  réponse  pourrait  être  bornée  à  ce  mol  unique.  Elle  y  est  tout  entière.  Mais 
vous  me  reprocheriez  peut-être  de  ne  pas  y  ajouter  quelques  explications. 

Il  ne  s'agit  point  ici  de  ce  principe  des  nationalités  qui,  dans  celle  dernière 
moitié  de  siècle,  au  nom  soil  de  la  race,  soit  de  la  langue,  soit  de  l'unité  de  cul- 
ture, soil  du  principe  des  gouvernements  libres  et  parfois  en  foulant  aux  pieds  la 
volonté  des  populations,  a  été  invoqué  pour  l'indépendance  des  unes  et  l'oppression 
des  autres.  Les  slalisticiens  ont  l'avantage,  reconnu  par  tous,  de  n'avoir  point  à 
s'en  occuper  pour  l'accomplissement  de  leur  utile  et  pacifique  mission. 

Mais  doivenl-ils,  dans  cet  accomplissement,  se  préoccuper  davantage  du  conflit 
possible  des  lois,  civiles  ou  de  droit  public,  sur  la  nationalité  et  la  naturalisation,  sur 
les  modes  d'acquérir,  de  perdre  et  de  recouvrer  la  qualité  de  citoyen  des  divers 
pays  du  monde  civilisé? 

(1)  Communication  faite  à  la  Société   de  statistique  de  Paris  dans  sa  séance  du  17  décembre  1889, 


—  70  — 

Nous  ne  le  pensons  pas. 

Ni  le  droit,  ni  la  politique,  ne  sont  de  leur  domaine.  L'unification  de  législation 
sur  ces  points  délicats  esl-elle  un  idéal  réalisable  ou  cliimérique,  et,  dans  tous  les 
cas,  généreux?  Les  statisticiens  n'ont  ni  qualité  ni  compétence,  en  tant  que  statisti- 
ciens, pour  le  dire.  Il  ne  leur  appartient  pas  de  résoudre  de  telles  questions.  Com- 
ment donc  pourraient-ils,  sans  usurpation,  y  avoir  égard,  dans  un  sens  ou  dans 
l'autre,  s'ériger  en  juges  entre  des  législations  différentes,  lorsqu'ils  procèdent  au 
dénombrement  de  la  population  de  leur  pays?  Ils  ne  connaissent  et  n'appliquent 
que  leur  loi  nationale. 

Il  est,  en  effet,  peu  de  parties  des  législations  positives,  qui  présentent  plus  de 
diversité  et  qui  aient  plus  souvent  varié  que  celles  relatives  à  la  iialionaillé. 

Le  principe  même  de  l'acquisition  de  la  nationalité  par  la  naissance  donne  lieu  à 
trois  systèmes  suivis  par  les  peuples  les  plus  éclairés. 

Le  système  dominant  attache  la  nationalité  à  la  filiation,  sans  tenir  compte  du 
lieu  de  la  naissance.  Il  vient  des  lois  romaines.  Notre  Code  civil,  dans  sa  rédaction 
primitive,  l'a  consacré.  C'est  le^Ks  sanguinis.  Nous  l'avons  transmis  à  la  Belgique 
et  la  plupart  des  législations  européennes  s'en  sont  inspirées. 

L'Angleterre  suit  un  système  contraire.  Tout  enfant  né  en  Angleterre,  même 
de  parents  étrangers,  est  Anglais.  C'est  le  jus  soli.  Il  formait  aussi  à  ce  point  de 
vue  le  droit  de  notre  ancienne  France,  avant  1789.  Il  vient  du  droit  féodal  faisant 
homme  du  seigneur,  tout  individu  né  sur  le  territoire  soumis  à  sa  suzeraineté. 

Ce  serait  une  grave  erreur  de  croire  qu'en  refusant  d'admettre  le  jus  loci  de 
notre  ancien  droit,  les  premières  Constitutions  et  les  lois  de  la  liévolulion  fran- 
çaise s'étaient  prononcées,  comme  le  Code  civil  de  1804,  pour  le  jus  sanguinis. 
Elles  n'admettaient  d'une  manière  absolue  ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  deux  règles,  ni 
\ejus  soli,  ni  \e  jus  sanguinis,  tout  en  les  combinant.  Les  Constitutions  de  1791, 
de  l'an  III  et  même  de  l'an  VIII  jusqu'en  1804,  consacraient  en  réalité  un  troisième 
système.  Les  individus  nés  en  France  d'un  père  étranger  étaient  Français,  à  la  con- 
dition d'y  fixer  leur  résidence  et,  à  l'âge  de  21  ans,  de  se  faire  in.^crire  sur  le 
registre  civique.  La  Constitution  de  1791  admettait  à  la  qualité  de  Français  les 
enfants  nés  en  pays  étranger  d'un  père  français,  mais  à  la  condition  de  s'établir  en 
France  et  d'y  prêter  le  serment  civique. 

Ces  règles  indiquent  que  dans  notre  droit  intermédiaire  la  qualité  de  Fran- 
çais ne  s'acquérait  exclusivement  ni  jure  sanguinis,  ni  jure  loci.  Il  consacrait  réel- 
lement un  troisième  système,  mixte,  dégagé  de  tout  principe  doctrinal  absolu. 

C'est  un  autre  système  mixte  qui  est  sorti  des  modifications  successives  apportées 
par  la  loi  française  à  l'article  9  du'Gode  civil  et  de  notre  loi  récente  du  26  juin 
1889  sur  la  nationalité. 

Il  n'est  pas  douteux  que  le  lien  du  sang  constitue  une  présomption  de  nationalité 
plus  logique  que  celle  du  sol,  lorsque  celle-ci  ne  repose  que  sur  le  fait  accidentel 
de  la  naissance  dans  un  lieu  déterminé.  Lorsque  la  question  est  ainsi  posée  entre 
les  deux  doctrines,  la  première  apparaît  comme  l'expression  d'une  idée  plus  hu- 
maine, plus  vraie,  plus  juste,  plus  spiritualiste,  plus  conforme  aussi  aux  progrès 
du  monde  moderne,  des  relations  de  peuple  à  peuple  et  de  la  civilisation.  Mais  il 
faut  se  défier  des  doctrines  absolues.  S'il  est  peu  judicieux  de  faire  dériver  la  na- 
tionalité du  simple  hasard  de  la  naissance  sur  un  point  déterminé  du  globe,  n'est-il 
pas  judicieux  et  légitime,  au  contraire,  de  la  faire  dériver  de  celte  circonstance, 


I 


—  71  — 

lorsqu'elle  est  précédée  d'une  longue  présence  des  parenis  sur  le  même  sol  et  de 
leur  domicile  fixe  pendant  deux  générations  successives?  Est-il  logique,  est-il  juri- 
dique, esl-il  moral  d'admetire  qu'indéfiniment  sur  nos  frontières  ou  au  cœur  de  la 
France  une  foule  d'individus  puissent  se  dire  alternativement  Français  ou  étran- 
gers, suivant  qu'ils  ont  intérêt  à  être  l'un  ou  l'autre,  spécialement  afin  d'échapper 
au  service  militaire? 

Dès  1831  la  modification  du  Gode  civil  dans  ce  sens  a  été  demandée  dans  la  dis- 
cussion de  la  loi  du  recrutement.  Elle  n'a  jamais  cessé  de  l'être  depuis  celte  époque. 
Cinq  lois  successives  sont  venues  apporter  des  modifications  diverses  à  l'arlicle  9 
du  Code  civil,  lois  des  22  mars  1849,  7  février  1851,  16  décembre  1874,  14  février 
1882,  28  juin  1883.  Malgré  la  timidité  de  leurs  réformes,  tontes  ces  lois  marquent 
les  étapes  de  décroissance  dans  la  superstition  exclusive  à  la  théorie  absolue  du  jus 
sanyuinis.  Ce  sont  les  précédents  naturels  de  notre  nouvelle  loi  du  26  juin  1889 
sur  la  nationalité. 

Le  nouvel  article  8  du  Code  civil  modifié  par  cette  dernière  loi  donne  une  défi- 
nition complète  de  la  qualité  de  Français,  en  combinant  les  deux  principes.  Il  s'ex- 
prime ainsi  : 

«  Sont  Français  :  1°  Tout  individu  né  d'un  Français  en  France  ou  à  l'étranger  »  ; 
c'est  \&  jus  sanguinis; 

«  2°  Tout  individu  né  en  France  de  parents  inconnus  ou  dont  la  nationalité  est 
«  inconnue  »  ;  c'est  une  application  très  rationnelle  du  jus  soli; 

«  3°  Tout  individu  né  en  France  d'un  étranger  qui  lui-même  y  est  né.  »  C'est 
encore  le  jus  soli.  C'est  aussi  la  principale  innovation  de  la  loi  du  26  juin  1889. 
Elle  consiste  dans  ce  cas  à  supprimer  l'exception  d'extranéité  maintenue  par  les 
lois  antérieures  modificatives  du  Code  civil,  non  sans  de  continuelles  protestations 
au  sein  de  nos  Parlemenls^des  représentants  de  nos  départements  frontières. 

On  avait  vu  des  candidats  à  nos  Ecoles  de  Saint-Cyr  ou  polytechnique  exciper 
de  leur  extranéité  après  leur  échec,  pour  éviter  de  servir  sous  nos  drapeaux  comme 
simples  soldats,  après  avoir  voulu  y  prendre  place  comme  officiers,  jusqu'au  jour 
où  la  déclaration  fut  exigée  avant  l'épreuve. 

On  en  avait  vu  d'autres  prendre  part  au  tirage  au  sort  et  ne  soulever  l'exception 
d'extranéité  que  si  le  sort  ne  les  favorisait  pas,  jusqu'au  jour  où  l'on  exigea  que 
l'option  de  nationalité  fût  faite  avant  le  tirage. 

Remarquez  d'ailleurs  que  l'individu  ainsi  déclaré  Français  est  celui  «  né  en 
«  France  d'un  étranger  qui  lui-même  y  est  né  »,  c'est-à-dire  qui  représente  la  troi- 
sième génération  établie  dans  notre  pays.  La  vérité  est  qu'il  est  Français  d'esprit, 
d'éducation,  de  mœurs;  qu'il  ne  connaît  pas  d'autre  patrie;  qu'il  ne  quittera  pas 
la  France.  Ceux  qui  l'entourent  ignorent  le  plus  souvent  sa  véritable  origine  et 
le  croient  bon  Français;  il  est,  en  effet,  pour  l'être  dans  toutes  les  conditions 
voulues. 

Le  droit  d'exciper  de  son  extranéité  n'était  qu'une  faculté  d'éluder  la  loi  mili- 
taire et  comme  une  tentation  de  la  loi  civile. 

Cependant  il  profitait  de  tous  les  avantages  de  notre  état  social  dans  nos  villes, 
des  jouissances  affouagères  dans  nos  campagnes,  sans  supporter  la  charge  princi- 
pale. 

La  faiblesse  de  la  loi  avait  même  pour  conséquence  de  lui  assurer,  dans  nos  ma- 
nufactures, dans  nos  usines,  dans  nos  mines,  dans  tous  nos  ateliers,  les  positions  de 


—  72  — 

contremaître  et  toutes  les  bonnes  places,  en  l'absence  et  au  détriment  de  nos  na- 
tionaux. Ceux-ci,  au  retour  du  régiment,  trouvaient  toutes  ces  places  prises  et 
ne  pouvaient  regagner  celle  avance,  devenant  un  privilège  inique,  qui  révoltait,  à 
bon  droit,  ceux  qui  en  étaient  les  témoins  ou  les  victimes. 

Si  nous  ajoutons  que  la  progression  du  nombre  des  étrangers  établis  définitive- 
ment en  France  est  considérable,  ce  nouveau  fait  social  explique  assez  le  dévelop- 
pement et  les  transformations  de  ce  troisième  système,  datant  de  la  Révolution,  qui 
a  revêtu  des  formes  diverses  et  qui  combine  d'une  manière  équitable  h  jus  soli  et 
le  jns  sanguinis. 

Le  .§  4  du  nouvel  article  8  du  Code  civil  déclare  également  Français  «  tout  indi- 
€  vidu  né  en  France  d'un  étranger  et  qui  à  l'époque  de  sa  majorité  est  domicilié 
«  en  France  ».  C'est  encore  le  pis  soli;  mais  pour  celui-là  qui  ne  représente  que 
la  seconde  génération  d'élrangers  établie  en  France,  la  loi  du  2(3  juin  1889  lui  per- 
met d'exciper  de  son  extrancilé  sous  deux  conditions  :  1°  de  prouver,  par  une 
altestalion  en  due  forme  de  son  gouvernement,  qu'il  a  conservé  la  nationalité  de 
ses  parents,  et  2°  de  produire  un  certificat  constatant  qu'il  a  répondu  à  l'appel  sous 
les  drapeaux  conformément  à  la  loi  militaire  de  son  pays,  sauf  les  exceptions  pré- 
vues aux  traités. 

Vous  comprenez  sans  peine  ces  justes  exigences.  Elles  sont  à  l'adresse  de  ceux 
dont  l'idéal  serait  de  se  soustraire  également  aux  charges  des  deux  pays  et  de 
n'avoir  pas  de  patrie,  tout  en  profilant  des  avantages  de  notre  état  économique  et 
social. 

Le  texte  reconnaît  en  outre  la  qualité  de  Français  «  5°  aux  étrangers  naturalisés  ». 
L'autorisation  donnée  aux  étrangers  d'établir  leur  domicile  en  France,  aux  termes 
de  l'article  13  du  Code  civil,  est  réduite  quant  à  ses  effets  à  cinq  années  et  devient 
uniquement  le  préliminaire  obligé  de  la  procédure  en  naturalisation. 

Ajoutons  à  ces  indications  le  nouvel  article  9  du  Code  civil,  par  lequel  la  loi  du 
26  juin  1889  permet  à  «  tout  individu  né  en  France  d'un  étranger  et  qui  n'y  est 
«  pas  domicilié  à  l'époque  de  sa  majorité  »,  de  réclamer  la  qualité  de  Français  jus- 
qu'à l'âge  de  22  ans  accomplis,  sans  avoir  recours  à  la  naturalisation  et]  à  charge 
seulement  d'établir  son  domicile  en  France  ou  de  prendre  part  aux  opérations  du 
recrutement  sans  opposer  son  extranéité.  C'est  encore  un  autre  effet  du  jus  soli 
qui  se  justifie  de  lui-même. 

Voilà  les  principales  dispositions  de  la  loi  du  26  juin  1889  au  point  de  vue  qui 
nous  occupe;  elles  constituent  les  éléments  essentiels  de  ce  troisième  système  qui 
a  pour  caractère  distinctif  de  ne  reposer  d'une  manière  absolue,  ni  sur  le  jus  soli, 
ni  sur  le  jus  sanguinis,  et  d'admettre  l'un  et  l'autre  dans  leurs  applications  ration- 
nelles. 

Je  crois  que  nous  devons  les  approuver  et  qu'elles  sont  les  conséquences  néces- 
saires d'une  situation  nouvelle  et  de  besoins  nouveaux. 

Mais  pour  des  statisticiens  peu  importe  ce  qu'ils  pensent  des  lois  de  leur  pays, 
lorsqu'ils  sont  chargés  de  procéder  au  dénombrement  de  sa  population.  Ils  doivent 
se  borner  à  les  appliquer.  Ils  auraient  beau  être  fanatiques  en  France  du  jus  san- 
guinis, ils  devront  compter  en  outre  comme  Français  tous  ceux  auxquels  les  pres- 
criptions nouvelles  impriment  cette  qualité  j»re  so/i,  directement  ou  indirectement. 
Ils  ne  devront  pas  se  préoccuper  des  lois  étrangères,  au  point  de  vue  de  la  déter- 
fpination  de  no^  nationaux; 


—  73  — 

Les  slatisliciens  de  la  Grande-Bretagne,  de  la  Belgique  et  de  tous  les  autres  pays 
en  feront  autant;  les  uns  ne  pourront  appliquer  que  la  loi  anglaise,  jus  soif,  les 
autres  ne  pourront  appliquer  que  la  loi  belge,  jus  sanf/uinis,  soit  pour  le  dénom- 
brement des  sujets  de  Sa  Majesté  britannique,  soit  pour  le  dénombrement  du  peu- 
ple belge. 

Il  en  est  ainsi  pour  tous  les  peuples.  Dans  chacun  d'eux  le  dénombrement  devra 
comprendre  comme  nationaux  tous  les  individus  auxquels  la  loi  du  pays  confère  la 
nationalité. 

Il  n'y  a  pas  d'autre  règle  possible.  Elle  résulte  du  principe  même  de  la  souverai- 
neté de  chaque  Elat.  Le  premier  devoir  d'un  grand  service  public  comme  celui  de 
la  Statistique  est  de  s'y  soumettre.  Il  n'est  même  pas  facile  de  comprendre  comment 
il  pourrait  faire  autrement.  Gomment,  par  exemple,  le  service  de  la  Statistique  du 
Boyaume-Uni  pourrait-il  appliijuer,  à  la  détermination  des  nationaux  britanniques, 
la  loi  française  ou  belge  et  réciproquement?  Il  en  est  de  même  de  chaque  État. 
L'application  exclusive  de  sa  propre  législation  sur  la  nationalité  au  dénombrement 
de  ses  nationaux  est  une  conséquence  directe  et  nécessaire  de  sa  souveraineté. 

Sans  doute,  il  pourra  en  résulter  que  le  même  individu  pourra  être  compté  à 
Londres  comme  Anglais  {jure  soli),  et  à  Paris  ou  à  Bruxelles  comme  Français  ou 
Belge  (Jure  sanguinis);  ou,  dans  un  des  cas  indiqués  plus  haut,  comme  Belge  à 
Bruxelles  {jure  sanguinis)  et  Français  à  Paris  {jure  soli). 

Le  fait  n'est  pas  douteux.  Ces  cas  de  double  nationalité  ou  de  Heimathlosat  sont 
déjà  fréquents.  Mais  il  peut  arriver  aussi  qu'il  résulte  de  certaines  lois  sur  l'indigé- 
nat  qu'une  personne,  privée  de  sa  nationalité  en  raison  de  son  absence  même,  n'ait 
été  naturalisée  nulle  part  et  se  trouve  ainsi  n'avoir  aucune  nationalité. 

De  même  pour  la  femme  mariée  à  un  étranger  et  qui,  suivant  plusieurs  législa- 
tions, perd  sa  nationalité  d'origine,  sans  acquérir  celle  de  son  mari,  d'après  la 
législalion  du  pays  de  ce  dernier. 

Chacun  de  ces  faits  est  regrettable.  Tout  individu  doit  avoir  une  patrie  et  il  ne 
doit  en  avoir  qu'une  seule.  Ce  double  principe  n'est  pas  contestable.  Mais  la  statis- 
tique n'en  a  jamais  été  la  gardienne  dans  le  passé;  elle  ne  peut  y  prétendre  davan- 
tage dans  le  présent.  Elle  n'a  pas  qualité  et  manque  des  moyens  d'assurer  l'appli- 
cation de  ces  principes. 

Du  reste,  lorsque  deux  pays  revendiquent  le  même  individu  comme  leur  apparte- 
nant, il  est  rationnel  que  cet  individu  figure  dans  le  dénombrement  de  la  popula- 
tion de  l'un  et  de  l'autre.  Il  doit  même  en  être  ainsi  au  point  de  vue  spécial  de  la 
Statistique,  de  cette  science  d'État  par  excellence,  qui  doit  présenter  la  population 
de  chaque  État  en  conformité  avec  la  législation  de  cet  État  et  non  d'après  les 
prétentions  des  autres  États  ou  celles  des  intéressés  eux-mêmes. 

C'est  aux  jurisconsultes  et  aux  politiques,  surtout  aux  gouvernements  et  aux 
législatures,  d'aviser  aux  moyens  d'éviter,  s'il  est  possible,  ces  cas  d'absence  de 
nationalité  et  de  double  nationalité  ou  de  Heimathlosat. 

S'il  survient  des  conflits,  et  ce  dernier  cas  en  a  engendré  souvent,  c'est  à  la 
diplomatie  d'y  pourvoir,  sans  que  les  statisticiens  aient  à  s'en  mêler,  si  ce  n'est  pour 
constater  ces  cas.  Cela  seul  rentre  dans  leur  domaine.  Ils  rendraient  service  enles 
recherchant  et  en  leur  faisant  une  place  dans  le  dénombrement  de  la  population,  et 
en  sollicitant,  surtout  pour  cette  partie  de  leur  œuvre,  une  sanction  effective  et 
moins  générale  que  celle  de  l'article  471,  n°  15,  du  Code  pénal,  contre  les  déclara- 


—  74  — 

lions  mensongères  en  matière  de  nationalité.  Mais  les  statisticiens  usurperaient 
en  Voulant  faire  davantage.  Ils  n'ont  pas  qualité  pour  corriger  ou  critiquer  les 
lois  de  leur  propre  pays;  comment  le  pourraient-ils  en  ce  qui  concerne  celles 
des  autres? 

Ce  serait,  du  reste,  une  grave  erreur  de  croire  que  les  dispositions  nouvelles  de 
noire  loi  du  26  juin  1889  auraient  le  privilège  de  ces  conflits  des  lois  en  matière 
de  nationalité  et  de  dissidences  possibles  dans  les  rapports  internationaux.  Les  lois 
antérieures  y  donnaient  éfjalement  lieu;  ils  se  sont  également  produits  de  tout 
temps  entre  d'autres  nations.  Des  négociations  diplomatiques  et  des  conventions 
internationales  sont  souvent  intervenues  dons  ces  matières.  Nous  avons  vu  dans  le 
§  4  du  nouvel  article  8  du  Gode  civil  la  mention  de  ces  traités. 

Je  me  borne  à  vous  signaler  quelques  exemples. 

Il  est  arrivé  souvent  qu'un  individu  réunissant  deux  nationalités  différentes  ait 
été  considéré  comme  insoumis  en  France,  tandis  qu'il  était  retenu  malgré  lui  sous 
les  drapeaux  d'une  puissance  étrangère.  Ce  fait  s'est  produit  spécialement  en  Bel- 
gique, où  le  Français,  né  en  Belgi(|ue,  a  le  droit  d'opter  à  21  ans  pour  la  nationa- 
lité belge;  mais  à  20  ans,  il  est  porté  en  France  sur  le  tableau  du  recrutement,  et 
porté  comme  déserteur  et  insoumis  au  moment  oîj  il  peut  opter. 

La  naturalisation  a  engendré  aussi  des  conflits  dans  les  rapports  internationaux. 
La  plupart  des  législations  admettent,  comme  la  nôtre  aujourd'hui,  que  la  nationalité 
se  perd  par  la  naturalisation  en  pays  étranger;  quelques-unes  cependant  ont 
maintenu  l'antique  règle  de  l'allégeance  perpétuelle.  Il  en  résulte  alors  que  l'étran- 
ger naturalisé,  soit  en  France,  soit  ailleurs,  et  ayant  acquis  cette  nouvelle  nationa- 
lité, d'après  la  loi  de  son  nouveau  pays,  se  trouve  avoir  conservé  sa  première  na- 
tionalité d'après  la  loi  de  son  pays  d'origine. 

D'autres  législations  subordonnent  la  validité  de  la  naturalisation  obtenue  en 
pays  étranger  à  l'accomplissement  préalable  de  certaines  formalités  dans  le  pays 
d'origine,  dont  l'omission  est  encore  une  cause  de  cumul  de  nationalité. 

De  graves  conflits  se  sont  élevés  aussi  au  point  de  vue  de  l'enfant  mineur  de 
l'étranger  naturalisé  Français,  lequel  mineur  restait  étranger,  bien  que  d'autres 
législations  lui  fissent  perdre  sa  nationalité  d'origine.  D'après  les  modifications  ap- 
portées par  la  loi  du  26  juin  1889  au  nouvel  article  12  du  Code  civil,  cet  enfant 
mineur  devient  désormais  Français  par  la  naturalisation  de  son  père,  à  moins  que, 
dans  l'année  qui  suivra  sa  majorité,  il  ne  décline  cette  qualité. 

La  législation  helvétique  est  une  de  celles  qui  ont  donné  lieu  à  des  difficultés, 
spécialement  en  1872  et  1873,  en  ce  qui  concerne  les  fils  mineurs  de  Français  na- 
turalisés Suisses.  La  loi  fédérale  du  3  juin  1876,  relative  à  la  naturalisation  en 
Suisse  et  à  la  renonciation  à  la  nationalité  suisse,  et  une  convention^  internationale 
y  ont  pourvu. 

Ce  ne  sont  là  que  des  exemples.  Ils  suffisent  pour  montrer  que  la  question  posée 
à  la  fin  de  la  dernière  session  de  l'Institut  international  de  statistique  et  à  laquelle 
nous  répondons,  se  réfère  à  des  collisions  de  législation  dont  il  y  a  eu  des  exemples 
de  tout  temps.  Elles  sont  fort  antérieures  à  notre  loi  du  26  juin  1889.  Comme  toute 
loi  sur  la  nationalité,  elle  peut  en  créer  de  nouvelles  ;  des  Belges,  par  exemple, 
pourront  rester  tels  en  Belgique  1 1  seront  considérés  comme  Français  en  France  ; 
la  diplomatie  fera  difficilement  disparaître  l'antinomie.  Ce  n'en  sera  qu'une  de  plus. 
Notre  loi  n'en  est  pas  moins  légitime  et  rationnelle  ;  elle  aura  certainement  le 


-  75  — 

mérile  de  ruiner  l'idéal  de  ceux  qui  pouvaient  rêver  en  France  de  n'avoir  point  de 
patrie. 

Dans  tous  les  cas,  le  rôle  de  la  Statistique  reste  aujourd'hui  ce  qu'il  était  hier. 

Malgré  les  avantages  de  l'unification  des  lois  des  divers  pays  sur  ce  point  comme 
sur  beaucoup  d'autres,  il  est  à  croire  que  sa  réalisation  en  cette  matière  est  destinée 
à  rester  longtemps  encore  à  l'état  de  rêve. 

Ce  sujet  tient,  en  effet,  d'une  façon  trop  intime  à  la  constitution  intérieure  de 
chaque  Etat,  à  sa  souveraineté,  à  sa  sécurité  même,  tant  extérieure  qu'intérieure 
(puisqu'eii  Frt-nce  la  criminalité  des  étrangers,  d'après  les  statistiques  criminelles  si 
bien  dressées  par  noire  éminent  collègue,  M.  Yvernès,  est  quadruple  de  celle  de 
nos  nalionniix),  pour  que  les  avantages  de  l'uniformité  puissent  de  longtemps  l'em- 
porter, non  seulement  sur  les  traditions,  mais  surtout  sur  le  besoin  pour  chaque 
Ktat  de  pourvoir  par  lui-même,  avec  une  entière  indépendance,  à  sa  propre  sauve- 
garde. 

Gomment,  du  reste,  les  Etats  pourraient- ils,  sans  imprévoyance,  abdiquer  abso- 
lument, en  présence  de  circonstances  sans  cesse  modifiées,  leur  droit  de  pourvoir 
par  eux-mêmes,  avec  un  soin  jaloux,  au  lèglement  de  leur  propre  nationalité,  et 
se  lier  les  mains  pour  l'avenir,  d'une  manière  générale,  sur  de  telles  questions? 

La  Slatistique  a  révélé  aux  pouvoirs  publics  les  faits  nouveaux  auxquels  je  faisais 
allusion  tout  à  l'heure.  Des  courants  de  migration,  dans  notre  pays,  en  chan- 
geant la  composition  respective  des  populations  sur  divers  points  du  territoire,  ont 
provoqué  les  mesures  complémentaires  que  je  vous  ai  fait  connaître. 

La  Slatistique  générale  de  la  France  constate,  en  effet,  dans  le  dénombrement 
de  1886,  que  le  chiffre  des  étrangers  de  toute  nationalité  existant  en  France  était 
alors  de  1,126,531  sur  une  population  totale  de  37,930,759  individus,  c'est-à-dire 
de  près  de  3  p.  100  (exactement  2.97). 

La  distinction  des  habitants  par  nationalité  est  faite  depuis  l'année  1851.  Le 
chiffre  des  étrangers  habitant  en  France  n'était  alors  que  de  380,831,  pour  une 
population  totale  de  35,78-3,170,  c'est-à-dire  de  1  p.  100  seulement  (exacte- 
ment 1.06). 

Depuis  cette  époque,  la  progression  a  été  constante  :  en  1861,  497,091  (1.33 
p.  100);  en  1866,  635.495  (1.67);  en  1872,  740,668  (2.03);  en  1876,  801,754 
(2.17);  en  1881,  1,001,090  (2.67  p.  100). 

Le  chiffre  du  recensement  de  1886  présente  donc,  sur  celui  de  1881,  546,855 
étrangers  en  plus,  c'est-à-dire  un  excédent  de  0.30  p.  100  d'un  dénombrement  à 
l'autre. 

Il  résulte  de  ces  chiffres  que  le  nombre  des  étrangers  en  France  a  triplé  en 
35  ans,  tandis  que  la  population  nationale  ne  s'accroît  qu'avec  une  extrême  lenteur. 

Les  trois  nationalités  qui  occupent  la  plus  grande  place  dans  ce  chiffre  total  de 
1,126,531  étrangers  dans  le  dénombrement  de  1886,  sont  les  nationalités  allemande, 
belge  et  italienne. 

100,114  pour  les  Allemands,  dont  le  tiers  dans  le  département  de  la  Seine  et  le 
cinquième  dans  Meui'the-et-Moselle,  avec  une  majorité  pour  le  sexe  féminin  de 
100  femmes  contre  91  hommes. 

482,261  Belges,  dont  les  deux  tiers  dans  nos  départements  frontières  du  Nord 
(62  p.  100  dans  le  seul  département  du  Nord,  où  l'on  comptait,  en  1886,  298,991 
Belges,  formant  18  p.  100  de  la  popidation  totale  du  département)  ;  57,649  Belges, 


—  Te- 
ls p.  100  de  leur  nombre  lolal,  se  trouvent  dans  le  département  de  la  Seine.  En 
35  ans  le  nombre  des  Belges  en  France  a  quadruplé. 

264,568  Italiens,  principalement  dans  les  régions  du  Sud  et  du  Sud-Est.  Ils  sont 
70,088  dans  le  déparlement  cjes  Boucbes-du-Rhône  (où  ils  forment  12  p.  100  de  la 
population  totale  du  département),  39,165  dans  le  département  des  Alpes-Maritimes, 
23,105  dans  le  Var,  16,087  en  Corse,  et  28,351  dans  le  département  de  la  Seine. 
Leur  effectif  a  plus  que  quadruplé  en  France  depuis  l'année  1851. 

Après  ces  trois  nationalités  étrangères  de  beaucoup  les  plus  nombreuses  en 
France,  viennent  d'abord  les  Espagnols  (79,550),  surtout  répandus  dans  le  bassin 
de  la  Garonne  et  sur  le  littoral  de  la  Méditerranée  (17,958  dans  les  Basses-Pyré- 
nées et  10,404  dans  les  Pyrénées-Orientales);  4,242  dans  le  déparlement  de  la 
Seine;  leur  nombre  ne  cesse  de  s'accroître;  il  a  presque  triplé  depuis  35  ans. 

La  nationalité  helvétique  est  représentée  en  France  par  un  chiflVe  très  peu  infé- 
rieur à  celui  de  la  nationalité  espagnole,  78,58 i;  mais  les  Suisses  sont  plus  égale- 
ment répartis  sur  l'ensemble  de  notre  territoire,  bien  qu'on  en  trouve  davantage 
dans  nos  départements  de  l'Est  (10,777  dans  le  Doubs,  4,617  dans  le  Rhône,  3,930 
dans  le  département  de  la  Haute-Savoie),  et  dans  le  département  de  la  Seine  oîi  ils 
sont  27,233.  Leur  nombre  a  aussi  triplé  depuis  35  ans. 

Les  étrangers  qui  sont  ensuite  le  plus  nombreux  en  France  sont  les  Hollandais 
et  Luxembourgeois  (37,149),  les  Anglais  (36,134),  les  Austro-Hongrois  (11,817), 
les  Russes  (11,980)  et  les  Américains  (10,253). 

Nos  habiles  et  dévoués  collègues,  chargés  du  service  de  la  Statistique  générale 
au  Ministère  du  commerce  et  de  l'industrie,  à  qui  j'emprunte  tous  ces  chidres,  ont 
en  outre  dressé,  dans  le  volume  qui  constate  les  résultats  statistiques  du  dénombre- 
ment de  1886,  une  carte  des  plus  intéressantes  (carte  n°2l,  page  96)  de  l'accroisse- 
ment proportionnel  des  étrangers  par  départements  pendant  la  période  de  1881- 
1886.  On  y  voit  presque  tous  nos  départements  frontières,  avec  la  Corse  et  le  dé- 
partement de  la  Seine  et  ceux  qui  l'environnent,  teintés  de  couleur  plus  ou  moins 
vive,  faisant  un  contraste  saisissant  avec  la  pâleur  ou  la  couleur  absolument  blanche 
des  autres  départements. 

Pourquoi,  Messieurs,  vous  ai-je  rappelé  ces  résultats  de  nos  dénombrements  ? 
Esl-ce  pour  protester  contre  la  venue,  même  croissante,  des  étranger!  en  France? 
Pour  approuver  des  mesures  législatives  ou  gouvernementales  qui  auraient  pour 
but  d'y  mettre  obstacle?  Non,  certes,  et  la  loi  du  26  juin  1889  ne  s'est  pas  non  plus 
placée  dans  cet  ordre  d'idées. 

Il  n'est  pas  question  pour  la  France  de  renoncer  à  ses  traditions  de  terre  hospi- 
talière. La  présence  d'étrangers  n'est  pas  toujours  une  cause  d'accroissement  de 
richesse,  mais  elle  l'est  souvent;  elle  l'est  surtout  pour  ces  nationalités  que  je 
citais  en  dernier  lieu  et  qui  occupent  une  place  moindre,  au  point  de  vue  du  nom- 
bre de  leurs  représentants,  dans  le  chiffre  total  de  notre  population  étrangère. 
Attirés  par  notre  climat,  notre  civilisation,  leur  sympathie  pour  notre  nation,  ils 
apportent  à  noire  pays  un  supplément  de  richesse  et  de  force  morale.  A  quelque 
nationalité  qu'appartiennent  les  étrangers  de  cette  catégorie,  il  eût  été  déraison- 
nable de  mettre  des  entraves  à  des  habitudes  de  séjour  dans  notre  pays,  au  main- 
tien desquelles  nous  avons  tout  à  gagner. 

Même  pour  les  étrangers  qui,  au  lieu  d'habiter  la  France  pour  y  dépenser  de 
larges  revenus,  viennent  pour  y  travailler,  y  gagner  leur  vie  ou  augmenter  leurs 


—  // 


ressources,  ce  seruil  une  cireur,  que  des  économistes  ne  peuvent  commeltrc,  que 
de  les  repousser  comme  des  concurrents  au  travail  national.  En  outre  des  principes 
de  liberté  qui  nous  sont  chers,  sans  rien  sacrifier  toutefois  de  la  sécurité  du  pays, 
il  convient  de  reconnaître  que  ces  élrangers  peuvent  être  utiles,  dans  le  monde  in- 
dustriel, au  plus  libre  fonctionnement  de  la  loi  de  l'offre  et  de  la  demande.  Ils  peu- 
vent être  utiles,  au  point  de  vue  même  de  la  population,  pour  réparer  les  vides 
d'unenatalité  insuffisante,  au  milieu  de  nations  plus  prolifiques. 

Mais  lorsque  ces  étrangers  se  sont  fixés  définitivement  en  France,  y  ont  obtenu, 
avec  l'autorisation  d'y  établir  leur  domicile,  la  jouissance  de  tous  les  droits  civils, 
qu'ils  profilent  ainsi,  eux  et  leurs  familles,  de  génération  en  génération  de  tous  les 
avantages  de  notre  vie  sociale,  ils  doivent  en  supporter  les  charges,  devenir  mem- 
bres d'une  nation  à  laquelle  ils  sont  venus  demander  et  prendre  tout  ce  qu'elle  peut 
donner  à  ses  propres  fils. 

La  loi  du  26  juin  1889  ne  fait  pas  autre  chose.  Elle  ne  chassera  point  de  notre 
territoire  des  gens  qui  y  vivent  de  notre  vie  depuis  trois  générations  et  qui  ne 
s'abstenaient  de  la  naturalisation  que  dans  l'espoir  d'éviter  le  service  militaire.  La 
loi  du  26  juin  1889  déjouera  ces  calculs  plus  efficacement  que  nos  lois  antérieures 
depuis  1851,  qui  l'avaient  vainement  tenté.  Elle  augmentera  les  naturalisés  qui, 
malgré  leur  nombre  croissant,  n'étaient  encore  en  1886  que  de  103,886  contre 
36,700,342  Français  d'origine  et  1,126,531  étrangers. 

Si  ces  grandes  agglomérations  de  travailleurs  étrangers,  dans  nos  départements 
frontières  du  Nord,  de  l'Est,  du  Midi  et  dans  Paris,  nous  apportent  avec  le  temps 
de  nouveaux  et  bons  Français,  nous  devrons  nous  en  féliciter.  Mais  si  ces  agglomé- 
rations toujours  grossissantes  devaient  faire  souche  à  perpétuelle  demeure  d'étran- 
gers sur  noire  lerriloire,  de  génération  en  génération,  d'une  manière  indéfinie, 
elles  ne  seraient  |)as  seulement  pour  nos  nationaux  la  source  des  injustices  que 
nous  avons  signalées,  elles  seraient,  pour  notre  nationalité  et  noire  sécurité,  le 
péril  dont  nous  venons  de  montrer  la  gravité.  Le  devoir  du  législateur  élail  d'y 
pourvoir;  il  n'a  fait  que  le  remplir. 

Ce  qui  est  vrai  de  la  métropole,  ne  l'est  pas  moins  des  possessions  françaises. 
La  Statistique  des  populations  de  l'Algérie  en  donne  la  preuve  manifeste.  En  1865, 
il  y  avait  122,119  Français  et  95,871  étrangers.  En  1886  les  chiffres  s'élèvent  à 
217,652  Français  natifs  ou  naturalisés,  202,036  étrangers,  et  21,183  Marocains  et 
Tunisiens.  Il  y  a  là  deux  masses  de  populations,  française  et  étrangère,  presque 
égales  en  nombre  pour  les  trois  départements  de  l'Algérie.  Il  faut  y  joindre 
41,263  israéhtes.  Si  l'on  distingue  la  population  de  chaque  département,  on  voit 
que,  dans  celui  d'Oran,  la  population  étrangère  est  même  supérieure  à  la  popula- 
tion française,  64,025  Français,  natifs  ou  naturalisés,  avec  15,761  israélites,  contre 
92,317  étrangers,  avec  13,293  Marocains  et  Tunisiens,  deux  nationahtés  que  la 
statistique  algérienne  fera  bien  de  séparer  désormais.  Si  l'on  songe  que  cette  popu- 
lation étrangère  de  l'Algérie  est  composée  pour  les  4/5"  d'Italiens  et  d'Espagnols, 
que  ces  races  sont  plus  prolifiques  que  la  nôtre  ;  que  leur  contingent  s'accroît  sans 
cesse  par  l'immigration  ;  que  nous  vivons  en  Algérie  au  milieu  d'une  population 
indigène  de  3  millions  d'Arabes  (exactement  2,787,033),  il  sera  facile  de  com- 
prendre que  les  pouvoirs  publics  de  France  devaient  à  la  génération  présente, 
devaient  aux  générations  futures,  devaient  à  la  patrie,  de  se  dire  à  eux-mêmes  le 
«  cavcunl  consules  ».  Us  l'ont  fait. 


—  78  - 

L'article  2  de  la  loi  du  26  juin  1889  esl  ainsi  conçu  :  <i  La  présenle  loi  est  appli 
«  cable  à  l'Algérie  et  aux  colonies  de  la  Guadeloupe  el  de  la  Réunion.  Conlinue- 
«  ront  toutefois  de  recevoir  leur  application  le  sénatus-consulte  du  14- juillet  1805 
«  et  les  autres  dispositions  spéciales  à  la  naturalisation  en  Algérie.  » 

Il  ne  s'agit  pas  d'éloigner  les  travailleurs  et  les  colons  étrangers  de  nos  posses- 
sions d'Afrique  ou  d'Amérique;  mais,  lorsque  trois  générations  de  la  même  famille 
s'y  sont  perpétuées  et  que  deux  y  sont  nées,  d'en  faire  des  Français;  et  non  des 
Français  malgré  eux,  car  ils  peuvent  partir. 

Le  législateur  français  a  bien  fait  d'édicter  cette  loi.  Elle  aurait  même  pu 
intervenir  [)lus  tôt.  Dans  tous  les  cas,  en  le  faisant,  il  a  disposé,  en  vertu  de 
la  souveraineté  du  pays,  du  plus  indéniable  de  tous  les  droits,  comme  dans 
chacune  des  revisions  en  sens  divers  apportées  depuis  un  siècle  à  cette  partie 
de  la  législation. 

Quelle  (|ue  soit,  d'ailleurs,  sur  la  législation  d'un  peuple,  la  pensée  d'un  statisticien 
à  quelque  nationalité  <|u'il  appartienne,  il  n'est  pas  douteux  (jue,  dans  le  dénombre- 
ment de  la  population  de  son  pays,  son  devoir  absolu,  celui  du  service  ofliciel  de 
la  Statistique,  est  d'appliquer  exclusivement,  et  dans  les  conditions  d'exactitude 
les  plus  complètes,  la  législation  de  ce  pays  sur  la  nationalité  (1).     Tu.  DucnocQ. 


m. 

L'É.M1GRATI0N  A  MAUSKILLE  EN  1889. 

Le  service  spécial  des  ports  vient  d'achever  la  statistique  de  l'émigration,  pour 
l'année  dernière. 

Des  comptes  exactement  tenus,  il  résulte  (|ue  27,7:23  émigrants  sont  venus  passer 
leurs  contrats  à  Marseille,  en  1889.  Sur  ce  nombre,  22,594  individus  se  sont  em- 
barqués dans  nos  ports,  et  5,129  sont  partis  par  la  gare,  à  destination  du  Havre, 
Bordeaux,  Boulogne,  .\nvers,  Amsteidam, Rotterdam,  Saint-Nazuire  et  Gènes,  ports 
d'embarquement. 

Comme  d'habitude,  ce  sont  les  Italiens  qui  ont  fourni,  l'année  dernière,  le  plus 
fort  appoint  à  l'émigration  à  laquelle  nos  nationaux  n'ont  donné  que  1,061  sujets, 
et  c'est  Buenos-Ayres  qui  a  attiré  le  plus  d'émigrants,  la  moitié  environ  du  chiffre 
total,  puis  Santos  et  Rio-Janeiro. 

L'embarquement  des  émigrants,  à  Marseille,  a  donné  lieu  à  76  départs  de  stea- 
mers dont  14  étrangers  seulement. 

Les  émigrants  français,  au  nombre  de  2,061,  provenaient  de  74  départements 
divers  dont  la  Savoie  a  fourni  239  individus,  la  Corse  221,  les  Bouches-du-Rhône 
181,  les  Hautes-Alpes  170,  l'Aveyron  86,  l'Isère  80,  le  Var  65,  le  Vaucluse  61,  le 
Rhône  63,  la  Drôme,  46,  les  Basses-Alpes  45,  etc.  L'Algérie  figure  dans  cette  énu- 
mération  avec  le  chiffre  de  74  et  l'Alsace-Lurraine  avec  celui  de  8. 

En  ajoutant  le  nombre  des  22,594  émigrants  embarqués,  l'année  dernière,  dans 
notre  port,  à  celui  de  237,317  (|ui  représente  le  mouvement  des  autres  passagers, 
cela  fait  un  total  de  259,911  individus  embarqués  ou  arrivés  dans  notre  port,  en 
1889.  Pendant  cette  année,  la  moyenne  du  mouvement  quotidien  a  donc  été,  ap- 
proximativement, de  712  personnes  arrivées  ou  parties. 

(1)  Voir  Tappendice  au  prochain  numéro. 


—  71)  — 

IV. 
CE  QUE  LA  FRANGE  A  GAGNÉ  A  L'EXPOSITION  DE  1889(1). 

SOMMAIRE. 

1.  Le  rapport  de  M.  llouvicr  du  5  novembre  1884.  —  Discussions  sur  l'utilité  de  l'Exposition.  —  Ap- 
probation des  Chambics  syndicales  et  de  la  Chambre  syndicale  des  industries  diverses. 

II.  Rapports  sur  l'Exposition.  —  Utilité  de  la  statistique. 

III.  Les  bénétices  causés  par  l'Exposition.  —  1/encaisse  or  de  la  lianque  de  France.  —  Les  voyageurs 

d'Angleterre  à  Paris.  —  Les  Américains.  —  Nationalité  des  étrangers  venus  en  France.  —  Les 
personnages  de  marque. 

IV.  Augmentation  des  dépôts  dans  les  Banques.  —  Les  recettes  des  chemins  de  fer.  —  Les  grandes  Com- 

pagnies et  les  trains  de  plaisir.  —  Les  Sociétés  de  transport.  —  Les  Omnibus.  —  Les  Petites- 
Voitures. —  Les  Urbaines.  —  Les  Hirondelles  et  les  Bateaux  omnibus.  —  Les  Bateaux  du  Louvre. 

—  Le  chemin  de  fer  Decauville.  —  Ce  que  gagnaient  les  cochers  de  fiacre  ;  les  profits  des  «  tapis- 
sières ».  —  La  Compagnie  transatlantique,  son  Panorama.  —  Les  Messageries.  —  Les  transports, 
à  Paris,  sur  les  omnibus,  tramwavs  .Nord  et  Sud,  bateaux. 

V.  Les  recettes  de  l'octroi.  —  La  consommation  à  Paris  pendant  l'Exposition  :  pain,  vin,  alcool,  bière, 
viande,  charcuterie,  beurre  et  fromages,  œufs,  poissons,  etc.  —  Les  recettes  de  théâtre.  —  Les 
recettes  du  Grand-Hôtel,  des  Grands  Bouillons  parisiens,  des  Bouillons  Duval,  le  «  Ventre  de  Paris  ». 

—  La  Compagnie  Richer,  les  Chalets  de  nécessité. 

VI.  La  tour  Eiffel,  —  ce  qu'elle  a  coûté,  —  ce  qu'elle  a  rapporté  aux  actionnaires  et  au  fondateur. 

Les  Bons  à  lots  de  l'Exposition,  —  leurs  cours,  —  leurs  lots  et  tirages. 
Vil.  iN'ombre  de  ticltets  utilisés  en  1867,  1878,  1889.  —  Les  entrées  à  l'Exposition.  —  Le  nombre  des 

exposants  et  des  récompenses  de  1802  à  1889. 
VIII.  Paris  et  l'Exposition  :  ce  qu'il  a  gagné  doit-il  nuire  à  la  piovinceï  —  Travaux  divers  fails  à  l'Expo- 
sition. —  Une  pensée  de  Montaigne. 
IX.  Résumé  général  et  conclusion.  —  Les  profits  de  l'Exposition  ;  profits  généraux  et  particuliers,  — 
Les  petites  industries:  les  marchands  de  gaufres,  de  cidre,  de  lickets;  les  restaurants  et  cabarets 
à  la  mode.  —  Les  aimées  de  la  rue  du  Caire. 
Profit  moral.  —  La  France  aux  yeux  de  l'étranger  :  ses  dissensions  intérieures;  ses  projets  belli- 
queux ;  son  gouvernement.  —  Les  haines  de  peuple  à  peuple.  —  La  confiance  en  nous-mêmes. 

—  Les  produits  étrangers.  —  La  concurrence.  —  La  protection  et  le  libre-échange.  —  Paris  et 
la  France  en  1870-1871  et  en  1889. 


Il  y  a  cinq  nns,  le  5  nnvemhi'e  188-4,  M.  Rouvier,  minislre  du  commerce,  adres- 
sait à  M.  le  Président  de  la  République  un  rappoi-t  tendant  à  ouvi'ir  une  Exposition 
universelle  en  1889. 

Dans  ce  rapport,  le  ministre  rappelait  que  la  République,  en  1798,  avait  décrété 
la  première  exposition  de  l'industrie  française  ;  que,  depuis  cette  époque,  la  France 
avait  eu  quatorze  grandes  expositions,  et  que  la  date  de  1889  apparaissait  au  senti- 

Iment  national  comme  l'échéance  d'une  nouvelle  exposition  universelle. 
Celte  date,  disait  M.  Rouvier,  semblait  indiquée  par  la  périodicité  de  11  à  12  ans 
qui  s'était  établie  entre  les  dernières  expositions.  Elle  l'était  bien  plus  encore  parce 
qu'elle  devait  coïncider  avec  le  centenaire  «  d'une  hégire  chère  au  patriotisme 
français  ». 

(1)  Communication  faite  à  la  Chambre  syndicale  des  industries  diverses  dans  sa  séance  du  19  novembre, 
par  M.  Alfred  Keymarck,  l'un  des  vice-présidents. 


—  80  — 

Un  ilécrel  conforme  aux  propositions  du  minisire  fui  signé  par  M.  le  Président 
de  la  République:  un  arrêté  ministériel  nommait  M.  Antonin  Proust  commissaire 
général  de  la  future  Exposition. 

Si,  à  cette  époque,  l'ouverture  d'une  Exposition  universelle,  en  1889,  était  favo- 
rablement accueillie  dans  le  monde  politi(]ue,ce  ne  fut  pas  sans  controverses,  sans 
appréhensions,  qu'elle  fut  acceptée  par  le  monde  commercial  et  industriel. 

A  quoi  bon,  disait-on,  une  exposition  après  celles  de  1855,  de  1867,  de  1878? 

Pourquoi,  si  nos  produits  sont  supérieurs  à  ceux  des  nations  qui  nous  entourent, 
leur  montrer  les  secrets  de  noire  supériorité  et,  s'ils  sont  inférieurs  aux  leurs,  avouer, 
en  quelque  sorte,  notre  infériorité? 

A  quoi  bon  une  Exposition  universelle,  c'est-à-dire  une  œuvre  de  paix,  quand 
l'Europe  n'est  qu'un  vaste  camp  armé,  quand  la  moindre  étincelle  peut  metire  le 
feu  aux  quatre  coins  du  continent,  quand,  enfin,  nous  nous  débattons  contre  des 
difficultés  sans  cesse  renaissantes? 

Pourquoi  une  exposition  quand  nous  sortons  à  peine  d'une  crise  financière,  crise 
de  spéculation  des  plus  intenses,  le  krach  de  1882  qui  a  englouti  des  centaines  de 
millions? 

Des  objections  de  toute  nature  étaient  faites  contre  le  projet  du  gouvernement, 
et,  en  se  reportant  aux  journaux  de  l'époque,  on  peut  voir  que,  si  les  partisans  en 
étaient  nombreux,  les  adversaires  n'étaient  ni  moins  compacts,  ni  moins  résolus. 

Les  Chambres  syndicales,  il  faut  leur  rendre  cette  justice,  donnèrent,  après  de 
nombreuses  discussions,  leur  appui  chaleureux. 

La  Chambre  syndicale  des  industries  diverses  tout  entière,  son  honorable  prési- 
dent, M.  Ducret,  son  bureau  et  les  membres  de  la  Chambre,  appuyèrent  chaude- 
ment le  projet  du  minisire  et  du  gouvernement. 

Nous  avions  tous  la  foi  la  plus  complète  dans  le  résultat  de  l'œuvre  qui  devait 
s'accomplir;  on  pouvait  penser  que  nous  étions  trop  optimistes  et  que  nous  écar- 
tions avec  trop  de  facilité  les  difficultés  que  soulevait  une  telle  entreprise. 

Les  faits  répondent  pour  nous. 


II. 

Aujourd'hui,  en  effet,  l'œuvre  est  accomplie.  L'exposition  est  close.  Elle  apparaît 
à  tous  comme  la  manifestation  la  plus  brillante  du  génie  français; elle  a  dépassé  les 
espérances  les  plus  enthousiastes  ;  en  France,  dans  le  monde  entier,  ce  n'a  été 
qu'un  cri  d'admiration.  Et  nous  pouvons  juger  des  résultats  qu'elle  a  procurés  en 
donnant  quelques  statistiques,  en  cherchant  à  relever  le  profit  que  noire  pays  a  pu 
trouver  dans  cette  manifestation  économique,  commerciale,  industrielle,  en  établis- 
sant, en  un  mot,  ce  que  la  France  a  gagné  à  l'Exposition. 

En  parlant  «  chiffres  »,  je  resterai,  en  vérité,  dans  l'esprit  et  le  cadre,  si  je  puis 
m'exprimer  ainsi,  de  l'Exposition. 

A  aucune  époque,  les  chiffres,  les  statistiques,  les  graphiques,  n'ont  élé  plus  en 
honneur  qu'au  Champ  de  Mars.  Statistiques  agricoles,  financières,  commerciales  ; 
statistiques  de  l'hygiène,  de  l'épargne,  de  la  production,  de  la  consommation;  sta- 
tistiques de  la  vie  humaine  ;  statistiques  des  chemins  de  fer,  des  compagnies  d'as- 
surances, des  receltes  et  dépenses  budgétaires,  des  contributions  directes  et  indi- 


—  81   - 

recles,  du  commerce,  de  la  population,  de  la  jusiice,  etc.,  elles  ont  abondé  dans 
toutes  les  parties  de  l'Exposition,  au  Champ  de  Mars,  à  l'Esplanade  des  Invalides, 
dans  le  magnifique  groupe  de  l'Economie  sociale,  si  admirablement  dirigé  et  mis 
en  lumière  par  MM.  Léon  Say,  Levasscur,  Cheysson,  de  Foviile,  Frédéric  Passy, 
Baudrillart,  et  qui  a  obtenu  tant  de  succès!  Les  statistiques  publiées  par  les  minis- 
tères et  par  les  diverses  administrations  publiques,  notamment  celles  de  M.VL  Tur- 
quan  et  Loua,  font  le  plus  grand  honneur  à  notre  pays,  en  même  temps  qu'ils  lui 
rendent  les  services  les  plus  utiles.  La  slatislique  est  im  miroir  fidèle  de  l'état  d'une 
nation,  de  la  situation  de  telle  ou  telle  branche  de  l'activité  humaine;  elle  ne  flatte 
pas,  elle  reproduit  et  monire  ce  qui  est;  elle  est  tout  à  la  fois  un  procès-verbal  et 
un  avertissement  :  si,  par  elle,  on  se  rend  compte  des  progrès  accomplis,  des  déca- 
dences ou  des  défaillances  survenues,  par  elle  aussi  on  voit  que  tout  n'est  pas  fait 
quand  il  reste  encore  quelque  chose  à  faire,  un  progrès  à  réaliser,  une  réforme  à 
accomplir;  par  elle,  on  compare  et  on  marche  alors  avec  plus  d'assurance  dans  la  vie, 
plus  de  confiance  dans  l'avenir.  On  évite  ainsi  un  des  plus  grands  malheurs  qui  puis- 
sent atteindre  un  peuple  comme  un  individu,  c'est-à-dire,  l'immobilité,  le  station- 
nement dans  l'ouvrage  entrepris,  car  le  stationnement  c'est  la  mort,  et  la  société 
doit  continuer  sa  route  vers  le  progrès  et  le  bien. 


IIL 

Si  notre  pays  a  travaillé,  s'il  a  gagné  à  cette  Exposition,  s'il  a  trouvé  des  profils, 
ce  sont  les  slalisticjues,  ce  sont  les  chiffres  qui  vont  nous  le  dire. 

Quoi  de  plus  éloquent,  quoi  de  plus  convaincant  qu'un  chiffre?  «  Les  chiffres, 
a-t-on  dit,  gouvernent  le  monde  ;  non,  ils  indiquent  comment  il  est  gouverné  !  î  Rien 
n'est  plus  vrai  que  celte  pensée.  Quoi  de  plus  exact,  en  effet,  pour  s'assurer  de  l'état 
économi(|ue  d'un  pays,  que  de  consulter  les  grands  éléments  dont  il  se  compose  et 
qui  reflètent  Va  situation  bonne  ou  mauvaise? 

J'aurai  donc  recours  aux  bilans  de  la  Banque  de  France,  aux  publications  hebdo- 
madaires des  compagnies  de  chemins  de  fer,  aux  recettes  budgétaires.  Je  prendrai 
ensuite  les  chiffres  que  me  fournissent  plusieurs  compagnies  et  sociétés  particu- 
lières et,  de  cet  ensemble,  se  dégagera  un  résultat  final. 

Un  des  signes  les  plus  frappants  du  profit,  pour  le  pays,  de  l'Exposition  univer- 
selle, c'est,  depuis  l'ouverture  de  l'Exposition,  l'augmen talion  énorme  de  l'encaisse  or 
de  la  Banque  de  France.  D'une  année  à  l'autre,  du  25  octobre  1888  au  24-  octobre 
1889,  l'encaisse  or  a  augmenté  de  1,021,641,8^45  fr.  82  à  1,294,282,085  fr.  21, 
soit  une  augmentation  de  272,(540,240  fr.  08.  Et  c'est  surtout  depuis  l'ouverture 
de  l'Exposition  que  cette  augmentation  s  est  produite. 

Voici  du  25  avril  au  25  octobre,  mois  par  mois,  les  chiffres  de  cette  encaisse  : 

25  avril 1,012,387,409' 57-^ 

23  mai 1,033,337,477  33 

20  juin 1,129,955,231  78 

25  juillet 1,231,787,347  32 

22  août 1,326,196,817  59 

26  septembre 1,321,444,663  53 

24  octobre 1,294,282,085  90 

1"    SÉRIE.   31«   VOL.    —    N"   2.  6 


—  82  — 

D'avril  1889  à  octobre  1889,  l'augmeiilalionesl  exactement  de  '282  millions,  et  on 
peut  voir  que,  plus  cette  encaisse  s'accroît,  plus  le  succès  de  l'Exposition  s'affirme, 
plus  le  nombre  des  visiteurs  est  élevé. 

D'avril  à  mai  ....       21  millions  d'augmentation. 
De  mai  à  juin  ....       86        —  — 

De  juin  à  juillet  .    .    .  112        —  — 

De  juillet  à  août.    .    .  95        —  — 

D'août  à  septembre,  l'encaisse  diminue  de  70  millions,  mais  cette  diminution 
lient  à  des  causes  particulières.  La  Banque  a  utilisé  le  trop-plein  de  son  or  pour 
éviter  en  France  le  contrecoup  du  renchérissement  du  loyer  de  l'argent  qui  a  eu 
lieu  sur  toutes  les  places  européennes  ;  depuis  le  mois  d'avril,  en  effet,  l'escompte 
esll,  2  et  3  p.  100  plus  haut  à  Londres,  à  Berlin,  à  Amsterdam,  etc.,  que  chez 
nous  ;  une  crise  monétaire  intense  a  sévi  dans  plusieurs  pays,  tandis  que  nous  avons 
l'argf  nt  aussi  bon  marché  que  possible  et  que  la  Banque  n'a  pas  augmenté  le  taux 
de  son  escompte.  Qui  a  contribué  à  augmenter  l'encaisse  or  de  la  Banque?  Les 
étrangers  qui,  venus  en  France,  y  ont  apporté  de  l'or  et  l'ont  dépensé. 

Il  est  venu  près  de  000,000  voyageurs  d'Angleterre  à  Paris,  à  l'occasion  de  l'Expo- 
sition, depuis  le  0  mai.  Ces  voyageurs  se  répartissent  ainsi  par  ports  d'arrivée  : 

Calais-Douvres:  313,702;  Dieppe-Newhaven  :  172,935;  Boulogne-Folkestone : 
101,834. 

Le  dernier  mois  de  l'Expostion  (octobre)  compte  pour  70,408  passagers,  dont 
40,950  i'î«  Calais-Douvres,  18,163  via  Dieppe-Newhaven,  11,924  via  Boulogne- 
Folkeslone. 

En  Amérique,  on  calcule  que  les  Américains  ont  seuls  apporté  et  dépensé  chez  nous 
plus  de  350  millions  en  or,  et  tout  récemment,  dans  une  notice  d'une  banque  sé- 
rieuse de  notre  place,  qui  examinait  les  causes  de  la  crise  monétaire  argentine,  on 
évaluait  à  70  ou  80  millions  en  or  les  capitaux  apportés  par  les  habitants  de  ce 
pays  qui  sont  venus  visiter  notre  Exposition. 

On  estime  qu'il  est  venu  en  France,  à  l'occasion  de  l'Exposition,  1,500,000  étran- 
gers se  réparlissant  ainsi  : 

Belges,  225,400;  —  Anglais,  380,000;  —  Allemands,  160,000;  —  Suisses, 
52,000  ;  —  Espagnols,  56,000  ;  —  Italiens  38,000  ;  —  Russes,  7,000;  —  Suédois 
et  Norvégiens,  2,500;  —  Grecs,  Roumains, Turcs,  5,000;  —  Autrichiens,  32,000; 
—  Portugais,  3,500;  — diverses  nations  de  l'Asie,  8,250;  —  diverses  nations  de 
l'Afrique,  12,000  (les  Algériens  forment  la  plus  grande  partie  de  ceux-ci)  ;  — Amé- 
rique du  Nord,  90,000;  —  Amérique  du  Sud,  25,000;  —  Océanie,  Java,  etc.,  3,000. 

Malgré  les  tristes  prédictions  qu'un  ministre  étranger  ne  craignait  pas  d'émettre, 
du  haut  de  la  tribune,  sur  le  «  Paris  révolutionnaire  et  son  insécurité  »,  on  voit 
que  de  tous  les  points  du  globe  les  nationaux  de  tous  les  pays  ont  afflué,  et  l'énu- 
mération  des  personnages  de  marque  qui  sont  venus  à  Paris  est  curieuse  à  citer. 
Je  l'emprunte  à  une  chronique  très  bien  faite  qui  a  paru,  il  y  a  quelques  semaines, 
dans  le  Soir.  Comme  le  dit  l'auteur  de  ce  travail,  les  visiteurs  sont  nombreux  et 
point  du  tout  «  nouvelles  couches  »  dans  leur  immense  majorité  : 

«  Le  roi  des  Hellènes,  les  princes  de  la  famille  impériale  de  Russie,  le  shah  de 
Perse,  le  prince  de  Galles,  le  duc  d'Edimbourg,  le  prince  Albert- Victor,  le  prince 


Georye  d'Aiiglelene,  l'éiiiirAli  Khan,  le  prince  Biion  de  Couilande,  le  prince  George 
de  BcauforI,  le  prince  Jean  II  de  LiclitensUin,  l'archiduc  Albert,  le  prince  Mien 
Trien,  frère  de  l'empereur  d'Annam,  M.  Dclyannis,  le  duc  de  Leuchtemberg,  le 
prince  Borghèse,  le  prince  Sourmonoff,  le  comte  de  Flandre,  le  prince  Dolgorouki, 
le  prince  WoronzofT,  lord  Ilamilton,  lord  Seyniour,  le  prince  Rougouchoff,  Thomas 
Edison,  le  général  Wannovski,  l'ancien  président  de  la  République  du  Pérou,  le 
prince  Pejatcki,  le  bey  de  Zibouti,  le  pi  ince  Manousky,  le  prince  Eslerhazy,  le  duc 
de  Bragance,  aujourd'hui  roi  de  Portugal;  le  prince  Radzivill,  le  baron  de  Frauen- 
berg,  l'amiral  Macdoiiald,  le  prince  Roslowsky,  le  prince  Serge  Garaznine,  le  prince 
Allomont,  le  prince  Blûcher  de  Walslalt,  le  chef  de  police  de  Budapest,  M.Lincoln, 
le  prince  Spielj'  ry,  lord  Childers,  le  général  Légitime,  le  général  Ignatieff,  le  prince 
Wserolojsky,  lord  Mariborough,  l'archevêque  Croke,  le  prince  de  Croy,  le  prince 
Cantacuzène,  M.  Washburne,  le  neveu  de  l'empereur  du  Japon,  Ali-kaoli-Kan,  le 
grand-duc  Alexis,  le  grand-duc  Michaïlowich,  le  prince  Schakouskoy,  le  grand-duc 
de  Mecklembourg,  sir  Ashiey,  le  prince  Baihyanyi,  le  baron  Wolff,  le  gouverneur 
de  Saint-Pétersbourg  Soulkowski,  le  duc  Alexandre  d'Oldenbourg,  le  général 
Gouiko,  Malcom  Khan,  le  grand-duc  Wladimir,  le  prince  Alexis  Oiloff,  le  duc  de 
Newcastle,  lord  Walsingham,  le  conseiller  prince  Baticheff,  le  lord-maire  Whi- 
tehead,  le  prince  Hohenlohe,  ancien  gouverneur  d'Alsace-Lorraine,  lord  Dufferin , 
etc.  »  J'en  passe,  mais  cette  énuméralion  suffit. 


IV. 

Ce  n'est  pas  seulement  l'encaisse  or  de  la  Banque  de  France  qui  a  augmenté  dans 
de  fortes  proportions,  comme  je  viens  de  le  montrer,  mais  les  disponibilités  de 
l'épai'gne  se  sont  accrues,  comme  le  prouvent  les  capitaux  déposés  dans  les  grandes 
banques  de  dépôt  de  Paris. 

Voici  quelques  chiffres  qui  peuvent,  à  ce  point  de  vue,  servir  d'indication  : 

FIN  FIN 

avril  1889.  jp|ilerabre  1889. 

Millions.  Million!. 

Société  générale (  v  i^S  160 

Crédit  lyonnais l    ^  189  227 

Dépôts  et  comptes  courants  .    .  <   «  27  30 

Crédit  industriel l'a.  41  46 

Crédit  foncier [  o  82  95 

Totaux  ....  472  558 

L'augmentation  des  dépôts  à  vue,  de  fin  avril  à  fin  septembre,  est  donc  de  86  mil- 
lions dans  les  cinq  établissements  ci-dessus  désignés. 

Les  recettes  des  grandes  compagnies  de  chemins  de  fer  nous  fournissent  une 
autre  preuve  des  profits  que  la  France  a  retirés  de  l'Exposition. 

Cette  augmentation  des  recettes  sur  la  période  correspondante  de  1888  dépasse, 
fin  octobre,  66  millions. 

A  aucune  époque,  il  n'y  a  eu  un  plus  grand  nombre  de  marchandises  et  de  voya- 
geurs transportés;  les  trains  ordinaires  et  supplémentaires,  trains  de  voyageurs. 


—  84  — 

trains  de  plaisir  à  prix  réduit,  n'ont  jamais  été  plus  nombreux.  El,  fait  tout  à  la 
louange  des  grandes  compagnies,  malgré  cet  accroissement  extraordinaire  de  trans- 
ports, jamais  les  accidents  n'ont  été  moins  fréquents,  jamais  la  surveillance  n'a  été 
plus  active  et  mieux  entendue. 

La  compagnie  du  Nord  a  transporté  425,000  voyageurs  en  sus  du  mouvement 
habituel,  que  l'on  évalue  à  700,000,  soit  1,12.5,000  personnes. 

Le  service  de  statistique  de  la  Compagnie  de  l'Est  n'a  pas  encore  terminé  ses 
comptes  pour  le  semestre  de  l'Exposition,  mais  on  croit  bien  que  le  nombre  des 
voyageurs  transportés  par  tous  les  trains  a  alleinl  un  million. 

La  Compagnie  a  organisé  128  trains  à  prix  réduits;  dans  ce  nombre,  il  y  en  avait 
20  venant  de  l'étranger  par  Délie,  Belfort  et  le  Saint-Golhard. 

Les  trains  spéciaux  ont  conduit  à  Paris  103,000  voyageurs,  dans  lesquels  les 
Suisses,  les  Italiens  et  les  Autrichiens  étaient  en  majorité. 

Les  trains  de  plaisir  de  Nancy  ont  été  plus  particulièrement  bondés.  On  comptait, 
parmi  les  voyageurs,  un  giand  nombre  d'Alsaciens. 
■   A  l'Orléans,  100,000  personnes  ont  prohié  de  IGi  trains  de  |)laisir. 

Les  comptes  de  la  Compagnie  de  l'Ouest  se  cliiflVenl,  au  31  octobre,  par  dix  mil- 
lions d'excédent  de  recettes  sur  la  période  correspondante  de  l'année  dernière. 

En  deux  jours  seulement,  les  trains  de  plaisir  du  réseau  P.-L.-M.  ont  déposé  sur 
le  quai  d'arrivée  21,500  Marseillais,  Savoisiens,  Bourguignons,  etc. 

Les  sociétés  parisiennes  de  transports  ont  prolilé  dans  de  larges  proportions  de 
l'ouverture  et  du  succès  de  l'Exposition. 

L'augmentation  des  lecettes  de  la  Compagnie  des  Omnibus,  sur  la  périoile  cor- 
respondante de  l'année  1888,  n'a  pas  été  moindre  de  4  millions  pour  les  neuf  pre- 
miers mois  de  l'année  ;  pour  la  Compagnie  des  Voitures,  elle  atteignait  4,336,941  fr. 
au  15  octobre  ;  cette  augmentation  était,  fin  septembre,  de  2,000,381  fr.  80  pour 
la  Compagnie  parisienne  des  voitures  l'Urbaine.  Sur  la  Seine  des  millions  de  voya- 
geurs ont  été  transportés  à  l'Exposition  par  les  Hirondelles  et  les  Bateaux-Omnibus; 
celle  dernière  Compagnie  avait  transporté,  en  1878, 14,901,800  voyageiu's.  En  1889, 
elle  a  transporté,  du  1"  janvier  au  1"  novembre,  29,097,112  voyageurs,  alors  que, 
pendant  la  même  période  de  l'année  1888,  elle  avait  transporté  12  millions  de 
voyageurs.  Les  recettes  de  1889,  comparées  à  celles  de  1888,  sont  en  augmenta- 
tion de  1,558,000  fr.  Les  bateaux  spéciaux  du  Louvre,  qui  étaient  au  nombre  de 
quatre,  ont  eu  1,320,000  passagers  gratuits. 

Mais  il  convient  de  faire  observer  que  tous  les  voyageurs  n'allaient  pas  exclusi- 
vement à  l'Exposition,  ces  steamers  en  rainialure  desservant  aussi  Charenton, l'inté- 
rieur de  Paris,  Meudon  et  l'hippodrome  deLongchamps  ;  à  aucune  époque,  on  ne 
vit,  à  Paris,  une  affluence  aussi  grande  de  palaches,  de  tapissières,  de  berlines,  de 
voilures  de  toutes  sortes  et  de  toutes  dimensions.  La  statistique  fait  défaut  pour 
évaluer  les  recettes  que  ces  entreprises  particulières  ont  réalisées.  D'après  la  Li- 
berté, les  compagnies  et  les  loueurs  exigeaient  des  cochers  de  fiacre  une  moyenne 
variant  entre  18  el  25  fr.  par  jour,  ce  qui  semblerait  prouver  ([u'ils  gagnaient  au 
moins  pareille  somme.  Quant  aux  tapissières,  elles  ont  fait  des  recettes  inouïes; 
le  conducteur  d'un  de  ces  véhicules  avouait  avoir  fait  trente-trois  courses,  le  jour 
de  la  fermeture,  à  huit  voyageurs  à  vingt  sous  l'un  :  cela  fait  264  fr.,  —  et  il  y  avait 
bien  ce  jour-là  trois  cents  voilures  du  même  genre  sur  le  pavé  de  Paris. 

Le  chemin  de  fer  Decauville,  qui  a  été  un  des  grands  succès  de  l'Exposition,  avait 


—  85  — 

Iransporlé,  du  6  mai  au  31  octobre,  6,342,670  voyageurs,  au  moyen  de  trains  qui 
ont  parcouru  92,520  kilomètres.  En  ne  percevant  que  le  prix  de  0  fr.  25,  coût  des 
places  de  seconde,  sans  parler  des  premières  qui  coûtaient  0  fr.  50,  la  Société  De- 
cauville  aurait  reçu  net  plus  de  1,500,000  fr.  On  peut  dire  que  le  Decauvillea  été  la 
ligne  la  plus  fréquentée  du  monde  entier,  puisque  10,000  voyageurs  par  heure  ont 
pu  être  conduits  entre  la  place  de  la  Concorde  et  le  Palais  des  Machines:  quelle 
preuve  plus  manifeste  de  la  solidité  avec  laquelle  ce  petit  chemin  de  fer  a  résisté 
à  un  travail  aussi  considérable,  des  services  qu'il  a  rendus  et  de  ceux  qu'il  peut 
rendre? 

Les  compagnies  maritimes,  telles  que  la  Compagnie  Transatlantique,  dont  le  Pano- 
rama, à  l'Exposition,  a  obtenu  un  si  vit  succès  et  a  donné  lieu,  du  6  mai  au  6  no- 
vembre, à  1,097,416  entrées,  les  Messageries,  etc.,  ont  profité  de  l'affluence  des 
étrangers  qui  sont  venus  en  France.  11  a  fallu,  à  New-York,  retenir  plusieurs  mois 
à  l'avance  une  cabine  sur  les  paquebots  de  la  Compagnie  transatlantique,  et  pendant 
toute  la  durée  de  l'Exposition,  tous  ces  immenses  bâtiments  sont  arrivés  dans  nos 

k ports,  chargés  de  passagers  et  de  marchandises. 
A  aucune  époque,  on  ne  vit,  à  Paris,  un  plus  grand  nombre  d'étrangers,  de  pro- 
vinciaux ;  jamais  la  circulation,  le  mouvement  dans  Paris  n'a  été  plus  actif. 
Rien  que  pendant  les  trois  premiers  mois  de  l'Exposition  (mai;  juin  et  juillet),  il 
avait  été  transporté  sur  les  :  aâiiifi'b 

Omnibus  et  tramvays .     52,858,401  voyageurs 

Tramways  Nord  et  Sud 16,215,825      — 

Bateaux 10,393,217      — 

En  comparant  ces  chiffres  à  ceux  de  l'année  1888,  M.  Emile  Berr,  de  la  Société 
de  statistique  de  Paris,  les  traduisait  d'une  façon  saisissante  en  disant,  dans 
le  Figaro,  que  du  5  mai  au  31  juillet  1889,  les  omnibus  ont  Iransporlé  (en  chiffres 
ronds)  90,000  ;  les  chemins  de  fer  parisiens,  22,000;  les  bateaux,  65,000  voyageurs 
de  plus  par  jour  en  1889  qu'en  1888. 

Les  trains  de  ceinture  ont  transporté  30,000  voyageurs  de  plus  par  jour  qu'en 
1888.  Les  grandes  compagnies  de  chemins  de  fer,  pendant  les  mois  de  mai,  juin, 
juillet,  ont  transporté  1,878,747  voyageurs  de  phu  qu'en  1888,  sans  parler  de 
6  millions  et  demi  de  voyageurs  que  les  trains  spéciaux  du  Champ  de  Mars  ont 
conduits  à  l'Exposition. 

Pendant  les  mois  d'août,  septembre  et  octobre,  l'Exposition  a  été  dans  son  plein 

Le  nombre  des  visiteurs  a  été  considérable  et  les  chiffres  prodigieux ,  mais  exacts, 
que  nous  citons  pour  les  trois  premiers  mois  quront  plus  que  doublé  pendant  cette 
dernière  période. 

•tufttofi'ub  %ùl  itmn^ 

V.  .      ,         ..         , 

Les  recettes  de  l'octroi  de  Paris  devaient  nécessairement  se  ressentir  de  cet  afflux 
de  visiteurs.  '«"«v  ,»jsuij  junià  lyal) 

Le  produit  des  dix  mois  écoulés  de  1889  présente  une  plus-Vàltie(}^1'0^39'8;7fr"fr, 


I 


—  86  — 

par  rapport  aux  prévisions  budgétaires,  et  une  plus-value  de  9,946,551  fr.  par  rap- 
port à  la  période  correspondante  de  1888. 

Pendant  le  mois  de  mai,  les  recettes  de  l'octroi  de  Paris  ont  présenté  un  accrois- 
sement de  1,082,645  fr.  sur  les  receltes  de  mai  4888. 

Pour  juin,  l'augmentation  a  été  de  1,039,278  fr. 

Pour  juillet,  de  1,139,029  fr. 

Pour  août,  de  1,683,152  fr. 

Pour  septembre,  de  2,022,155  fr. 

Quelques  cliiffres  donneront  une  idée  des  principaux  articles  de  consommation 
que  Paris  a  absorbés  pendant  les  trois  premiers  mois  de  l'Exposition. 

BN   PLUS   KN    1889. 

Vins  en  cercle 1,195,654  hectol.  119,702  hectol. 

Alcool  pur  et  liqueurs 39,983  —  5,152    — 

Bière 140,812  —  52,062    — 

Viande  de  boucherie 43,036,650  kilogr.  1,490,396  kilogr. 

—     de  porc 5,639,018  —  372,202    — 

Charcuterie 636,874  —  430,189    — 

Beurre  et  fromages 0,428,516      ~  "  17,141     — 

Œufs 6,325,716  — 

On  a  calculé,  d'après  l'octroi  et  les  statistiques  des  Halles,  que,  pendant  l'Exposi- 
tion, Paris  avait  absorbé  180,555,000  kilogr.  de  pain,  et  que  la  consommation  quo- 
tidienne des  viandes  a  été  en  moyenne  : 

Pour  le  bœuf,  de 102,780  kilogr. 

Pour  le  venu,  de 121,532    — 

Pour  le  mouton,  de 97,629    — 

Pour  le  porc,  de 69,007     — 

Pour  le  cheval  et  l'âne,  de 12,252    — 

On  a  consommé  cbaque  jour  209,293  kilogr.  de  volailles  et  gibier,  625,272  œufs, 
92,573  kilogr.  de  fruits  et  primeurs  et  1,200,632  kilogr.  de  gros  légumes. 

Comptons  aussi  15,963  kilogr.  de  triperie,  79,180  kilogr.  de  beurre,  230,522 
kilogr.  de  graisses  diverses,  42,272  kilogr.  de  fromages. 

Les  conserves  en  boîte  ne  sont  pas  comprises  dans  ces  chiffres. 

Voici  enfin  les  poissons  :  la  consommation  quotidienne  a  été  de  18,249  kilogr.  de 
poissons  d'eau  douce,  de  156,712  kilogr.  de  marée,  de  41,270  sacs  de  100  kilogr. 
de  moules,  enfin  de  412,532  douzaines  d'huîtres  ! 

Les  visiteurs  de  l'Exposition  n'ont  pas  oublié  les  distractions  de  toute  nature  que 
l'intérieur  de  Paris  leur  offrait.  Les  théâtres  ont  fait  des  recettes  splendides. 

Une  statistique  publiée  par  le  Temps,  d'après  des  documents  officiels,  prouve  que 
la  période  de  l'Exposition,  loin  d'avoir  les  conséquences  désastreuses  que  redou- 
taient les  directeurs  de  théâtre,  a  été  des  plus  favorables  à  leurs  intérêts. 

On  sait  que  les  établissements,  théâtres,  concerts,  etc., -versant  la  contribution 
du  droit  des  pauvres  sont  classés  en  deux  catégories. 

Ils  sont  ou  contrôlés  ou  abonnés. 

Ceci  étant  posé,  voici,  en  ce  qui  touche  les  années  1877-1878,  1888-1889,  un  ta- 
bleau comparatif  du  nombre  de  ces  étabhssements  : 


-  87  — 
NomBre  d'établissemenls. 


r 


1877 

1878 

1888 

1889 

Contrôlés 76 

81 

71 

87 

Abonnés 275 

311 

283 

337 

Totaux.   .    .     351 

392 

354 

424 

Différence  en 

faveur  de 

1878 

1889 

Établissements  contrôlés.   .    .    . 

5 

16 

—            abonnés  .... 

36 

54 

f 


Voici  maintenant  le  tableau  connparatif  du  montant  des  recettes  du  droit  des 
pauvres  perçu  pendant  les  mois  de  mai,  juin,  juillet,  août,  septembre,  des  mêmes 
années  1877-1878  et  1888-1889: 

1877  1878  1888  1889 

Mai.   .    .    .  237,00T08''  258,G06'67'=  259,92e)'62''  2f)0,145f52'= 

Juin  .    .    .  131,098  38  354,691  47  182,281  07  318,399  47 

Juillet.  .   .  118,628  81  318,162  61  157,038  92  370,222  38 

Août  .   .    .  133,317  96  369,210  61  144,838  67  490,345  21 

Septembre.  199,204  04  488,535  51  214,558  05  597,286  25 

Totaux.  .     819,256'27«    1,789 ,206 '87'       958,643'33'=    2,045,398 '83= 

Différence  en  faveur  de  1878 969,950'60' 

—  —         1889 1,086,755  60 

Les  théâtres  ayant,  en  conséquence,  versé  sous  forme  de  contribution  du  droit 
des  pauvres,  pendant  la  période  des  cinq  mois  cités  plus  haut  de  l'année  1889,  une 
somme  de  1,086,755  fr.  50  supérieure  à  celle  de  l'année  précédente,  et  correspon- 
dant au  dixième  environ  de  la  recette  (chiffre  approximatif),  nous  sommes  en  droit 
de  tirer  la  conclusion  suivante,  que  les  théâtres  de  Paris,  établissements,  con- 
certs, etc.,  ont  perçu  pendant  les  cinq  premiers  mois  de  l'Exposition  la  somme  de 
10,867,555  fr.  (dix  millions  huit  cent  soixmite-sept  mille  cinq  cent  cinquante- cinq 
francs)  en  plus  qu'à  la  période  correspondante  de  l'année  précédente. 

Le  mois  d'octobre  a  ajouté  encore  son  contingent  de  bénéfices. 

Voici  les  receltes  comparatives  des  théâtres  de  Paris,  pendant  les  mois  d'octobre 
des  trois  Expositions: 

1867  1878  1889 

1,765,311  fr.  2,656,981  fr.  3,492,000  fr. 

Soit  une  augmentation,  en  faveur  du  mois  d'octobre  1889,  de  836,211  francs 
sur  les  recettes  d'octobre  1878,  et  de  1,526,000  francs  sur  les  recettes  d'octobre 
1867. 

Enfin,  voici  les  recettes  totales  des  théâtres  de  Paris  pendant  ces  trois  Exposi- 
tions : 

1867 10,417,344  fr. 

1878 13,074,927 

1889 15,276,860 


—  88  — 

Oiiani  aux  reslauranis,  aux  hôtels,  ils  n'oni  jamais  fail  d'afTaires  aussi  brillantes: 
la  slalistique  de  leurs  recelles  est  impossible  à  établir,  car  toutes  ces  industries 
appartiennent  à  des  particuliers  qui  n'ont  de  comptes  à  rendre  qu'à  eux-mêmes. 

Les  sociétés  fondées  par  actions,  telles  que  le  Grand  Hôtel,  les  Grands  Bouillons 
Parisiens,  les  Bomllons  Duval  ne  peuvent  taire,  à  leurs  actionnaires,  les  recettes 
et  bénéfices  qu'elles  ont  réalisés.  Ces  bénéfices  sont,  pour  le  Grand  Hôtel,  de 
1,500,000  francs  plus  élevés  qu'en  1888. 

Au  31  octobre,  avec  sept  établissements  dont  trois  de  création  récente,  les 
Grands  Bouillons  Parisiens  avaient  encaissé  une  recelte  de  2,797,803  fr.  30.  Quant 
aux  liouillons  Duval,  leur  dividende  de  1889  sera,  dit-on,  de  200  fr.,  alors  qu'il 
était  de  95  fr.  en  1888;  de  plus,  il  sera  mis  à  la  réserve  100  fr.  par  action  :  comme, 
il  existe  8,000  titres,  cette  augmentation  du  dividende  et  de  la  réserve  suppose  un 
supplément  de  bénéfice  de  1,640,000  fr.  Les  recettes  des  restaurants  Duval  à  l'Ex- 
position de  1878  avaient  été  de  2  1/2  millions  :  en  1889,  les  recettes  faites  dans  les 
bouillons  Duval  du  Champ  de  Mars  se  sont  élevées  à  6  millions.  On  avait  dit  à  tous 
les  étrangers  et  provinciaux  que  la  vie  était  chère  à  Paris  et  que,  pour  goûter  la 
cuisine  française,  il  fallait  dépenser  beaucoup.  Le  Matin,  dans  une  chronique  cu- 
rieuse sur  le  «  Ventre  de  Paris  »,  a  répondu  avec  raison  que  les  étrangers  ont  été 
grandement  surpris  en  constatant  que,  si  l'on  mangeait  mieux  à  Paris  qu'à  Londres, 
à  Vienne,  à  Madrid,  à  Rome,  à  Saini-Pétersbourg,  à  New- York,  il  en  coûtait  moins, 
à  qualité  égale,  à  Paris  que  partout  ailleurs. 

Les  Bouillons  Duval,  dont  je  citais  i)lus  haut  les  recelles  extraordinaires,  ont 
servi,  un  de  ces  derniers  jours  (c'est  M.  Duval  lui-même  qui  a  donné  ces  chiffres  à 
un  des  rédacteurs  du  Figaro)  : 

20,089  repas  dont  6,000  de  2  fr.  05  à  2  fr.  50; 
4,549  de  i  fr.  55  à  2  fr.  ; 
4,06i  de  2  fr.  55  îi  3  fr.  ; 
267  au-dessous  de  i  fr.  ; 
95  au-dessus  de  5  fr. 

D'autres  sociétés  devaient,  elles  aussi,  voir  leurs  affaires  prospérer  pendant  l'Ex- 
position. Je  n'en  citerai  que  deux  :  elles  sont  d'une  nature  particulière  ;  pour  h  sta- 
tistique, les  compagnies  n'ont  pas  d'odeur  et  vous  m'excuserez  de  vous  parler  de 
la  compagnie  Richer  et  de  la  compagnie  des  Chalets  de  nécessité. 

Au  commencement  de  l'année,  les  actions  de  la  compagnie  Richer  valaient  envi- 
ron 800  fr.  ;  elles  sont  maintenant  au-dessus  de  1,500  fr.  ;  les  Chalets  de  nécessité 
valaient  1,800  fr.  ;  ils  se  négocient  maintenant  à  1,900. 

Les  actionnaires  de  ces  compagnies  profilent,  eux  aussi,  de  l'aflluence  des  voya- 
geurs et  des  bénéfices  réalisés  pendant  l'Exposition. 


VL 

Avant  de  clore  celte  longue  énumération  de  chiffres,  voici  quelques  détails  sur 
deux  entreprises  qui  ont  contribué  pour  beaucoup  au  succès  de  l'Exposition  de 
1889;  l'une  est  une  entreprise  industrielle  :  la  Tour  Eiiïel;  l'autre,  une  opération 
financière  :  les  Bons  de  l'Exposition. 


-m  - 

La  Tour  Eiffel,  le  clou  lie  l'Exposition,  si  l'on  peut  appeler  clou  cette  immense 
machine  en  fer,  a  coûté  7,514,094  fr.  Voici,  d'après  un  document  fourni  par  l'admi- 
nislralion  elle-même,  la  décomposition  de  cette  dépense  (1)  : 

Terrassements  et  maçonneries 59:2,4:25 'Si" 

Construction  métallique 5,398,307  25 

Charpentes  en  bois 193,760  51 

Couverture,  plomberie,  zinc 230,082  74 

Carrelage  et  parquetage 78,591  04 

Menuiserie 34,3f5  86 

Vitrerie 182,242  07 

Ornementation  en  slafT. 256,141  50 

Peinture 158,547  40 

Imprévu  et  régie  ;  sommes  à  valoir  .    .    .  190,227  66 

Frais  d'agence 192,822  52 

Total  égal   ....     7,514,094  69 

Dans  le  principe,  le  devis  initial  n'élail  que  de  7,2^3,384.  fr.,  mais,  par  suite  de 
dépenses  imprévues,  il  acte  majoré  de  280,716  fr.,  ce  quiest  un  chiffre  insignifiant 
pour  un  ouvrage  de  cette  importance. 

Pour  subvenir  à  celte  dépense,  une  société  fut  formée  au  capital  de  5,500,000  fr. 
divisé  en  10,100  actions  de  500  fr.  l'une;  le  surplus  fut  fourni  par  les  subventions 
|de  la  ville  de  Paris  et  de  l'P^tat. 

Aux  termes  des  slatuls,  le  fondateur  a  reçu  10,100  aciions  dites  parts  de  jouis- 
sance, qui  ne  doivent  avoir  droit  au  même  revenu  que  les  actions  de  capital,  que 
lorsque  ces  dernières  auront  reçu  500  fr.  par  action,  c'est-à-dire  le  montant  dé- 
^boursé  par  chacune  d'elles. 

Quelques  chiffres  démontreront  le  succès  matériel  remporté  par  la  Tour  Eiffel  et 
fies  béfiéfices  obtenus  par  les  actionnaires  primitifs. 

Les  recettes  brutes  du  15  mai  au  5  novembre  ont  atteint  6,459,584  fr.  20.  Le 
Lcapital  primitif  de  500  fr.  par  titre  e.-t  remboursé.  Les  actions  de  jouissance  et  paris 
[de  fondateur  valent  environ  400  fr.  l'une,  ce  qui  représente,  pour  les  20,200  titres, 
liine  valeur  totale,  d'après  les  cours  de  la  Bourse,  de  8,200,000  fr.  Le  souscripteur 
jprimitif  gagne  donc  400  fr.  par  litre;  le  fondateur,  M.  Eiffel,  s'il  n'a  pas  encore  aliéné 
[ses  actions,  possède  10,100  titres  qui,  à  400  fr.  l'im,  représentent  4,400,000  fr. 

Les  Bons  à  lots  de  l'Exposition  ont  eu  un  grand  succès  et  ont  contribué  pour 
Ibeaucoup  à  augmenter  l'aflluence  des  visiteurs.  C'est  le  Crédit  foncier,  représenté 
par  son  gouverneur,  M.  Christophle,  qui  eut  l'idée  de  celte  combinaison  ingénieuse, 
fut  créé  1,200,000  Bons  à  25  fr.,  munis  de  25  tickets  chacun,  donnant  droit 
Jà  6  tirages  de  lots  pendant  la  durée  de  l'Exposition,  et  remboursables  ensuite,  par 
tirage  annuel,  avec  lots  et  au  moins  à  25  fr.  l'un,  d'ici  1964.  Les  1,200,000  Bons 
ont  ainsi  fourni  SO  millions  de  lickels  qui,  chaque  jour,  subissaient  des  oscillations 
de  prix,  conmie  toutes  les  valeurs  colées  à  la  Bourse.  Les  Bons  à  lois,  avec  leurs 
25  tickets,  ont  valu  28  fr.  au  plus  haut  et  14  fr.  au  plus  bas.  Quant  aux  tickets,  ils  se 
sont  négociés,  comme  prix  extrêmes,  à  0  fr.  90  et  à  0  fr.  20.  Un  marché  énorme 


(1)  M.  de  FoviUe  a  publié,  dans  le  Journal  des  éco7iomisles ,  livraison  de  janvier,  une  conférence  des 
fl  s  intéressantes  qu'il  a  faite  au  Conservatoire  des  Arts-et  Métiers  sur  la  tour  Eiffel. 


^-  9a  — 

s'était  établi  sur  ces  tickets  sous  le  péristyle  de  la  Bourse  et  aux  abords  de  l'Expo- 
sition; dans  les  rues  de  Paris  on  entendait  à  cliaque  instant,  comme  un  refrain  à  la 
mode  :  «  J'ai  des  tickets?  Qui  veut  des  tickets?  Je  prends  et  je  donne  des  tickets!  » 
Des  personnes  qui  auraient  liésilé  à  débourser  un  franc  pour  entrer  à  l'Exposi- 
tion, achetaient  des  tickets  à  30,  4.0,  50,  60  centimes  et,  pour  les  utiliser,  visi- 
taient plusieurs  fois  l'Exposition,  ou  bien  les  donnaient  à  des  amis,  à  des  em- 
ployés, à  des  domestiques!  Lors  de  l'émission,  on  a  pu,  pour  25  fr.,  avoir  25  tickets 
d'entrée,  plus  un  lilre,  solidement  garanti,  participant  à  des  tirages  de  lots 
de  500,000  fr.,  100,000  fr.,  10,000  fi.,  etc.  Pendant  les  6  tirages  qui  ont  eu  lieu  de 
mai  en  octobre,  il  a  été  distribué  : 

i  lot  de  500,000 500,000  fr. 

5  lots  de  100,000 500,000 

7     —        10,000 70,000 

60       -         1,000. 60,000 

040    —  100 64,000 

Total.  ...     713  lots  pour  l,194,000fr. 

De  plus,  après  avoir  participé  à  ces  gros  tirages,  les  Bons  de  l'Exposition  démunis 
de  tickets  auront  encore  à  concourir  annuellement  aux  tirages  suivants  : 

De  1890  à  1809;  De  1900  à  1964  : 

1  lot  (le      50,000  fr.                    1  lot  de  10,000  fr. 

10  lots  de      1 ,000                          1     —  2,000 

130    —             100                     200  lois  de  100 

1,000    —  25 
Soit  au  total,  d'ici  à  1964  : 

10  lots  de  50,000. 500,000  fr. 

5    —       10,000 650,000 

65    —        2,000 130,000 

100    —        1,000. 100,000 

14,200    —  100 1,420,000 

65,000    —  25 1,625,000 

79,440  lots  pour  4,425,000  fr. 

Au  dernier  tirage,  tous  les  Bons  en  circulation  non  sortis  avec  lots  seront  rem- 
boui-sés  à  25  fr.  l'un. 


VII. 

On  ne  pouvait  imaginer  une  combinaison  plus  séduisante.  Il  a  été  utilisé 
28,169,353  tickets  sur  les  30  millions  qui  étaient  attachés  aux  1,200,000  Bons 
créés,  représentant  ainsi,  sans  compter  les  entrées  gratuites,  exposants,  abonnés, 
gens  de  service,  etc.,  28  millions  d'entrées  à  l'Exposition  de  1889,  alors  qu'aux 
deux  grandes  Expositions  précédentes  de  1867  et  de  1878,  le  nombre  des  tickets 
perçus  avait  été  de  : 

En  1867 8,407,209 

En  1878 12,623,847 


—  91  — 

Kn  1889,  la  moyenne  journalière  des  visiteurs  qui  sont  entrés  dans  l'Exposilion 
a  été  de  137,289;  celle  des  tickels  perçus,  de  152,158. 
Sur  les  186  jours  d'ouverture,  les  entrées  se  répartissent  ainsi  : 

8  jours  jusqu'à 50,000 

•       41  jours  de 50,000  à  100,000 

86      —      100,000  150,000 

19      —      150,000  200,000 

19      —      200,000  250,000 

5      —      250,000  300,000 

G      —      300,000  350,000 

2      —      350,000  400,000 

C'est  le  10  mai  1889,  un  vendredi,  que  les  entrées  ont  été  le  moins  nombreuses 
soit  :  36,922.  Les  chiffres  les  plus  élevés  ont  été  atteints  le  dimanche  3  octobre, 
soit  :  387,877,  et  le  jour  de  la  clôture  de  l'Exposition,  373,000  entrées  payantes 
et  15,000  non  payantes,  soit  au  lutal  :  388,000  entrées. 

Enfin,  après  celte  sialistiipie  des  visiteurs,  on  aimera  aussi  à  connaître  celles  des 
exposants  et  des  récompenses. 

Dans  le  tableau  suivant,  j'ai  indiqué  l'incessante  progression  des  exposants  et  des 
récompenses  depuis  l'an  X  (1802),  date  de  la  première  grande  exposition. 

Voici  quelle  a  été  l'incessante  |)rogression  depuis  le  commencement  du  siècle. 

EXPOSANTS.  BÉCOUPENSES. 

An  X  (1802) 540  254 

1806 1,422  610 

1823 1,642  1,091 

1827 1,695  1,254 

1834 2,247  1,785 

1839 3,281  2,305 

1844 3,960  3,253 

1849 4,532  3,741 

1855 23,954  11,033 

1867 50,226  19,776 

1878 60,000  29,000 

1889 60,000  33,139 

Les  33,139  récompenses  accordées,  en  1889,  se  répartissent  ainsi  : 

Grands  prix 903 

Médailles  d'or 5,153 

—  d'argent 9,690 

—  de  bronze 9,323 

Mentions  honorables  ....  8,070 

De  plus,  il  a  élé  accordé  5,500  diplômes  de  diverses  catégories  à  un  nombre  égal 
de  collaborateurs. 

M.  Tirard,  président  du  conseil,  avait  raison  de  dire,  le  29  septembre  dernier, 
lors  de  la  distribution  des  récompenses  :  «  Ces  chiffres  considérables  témoignent 
beaucoup  moins  de  la  bienveillance  de  Messieurs  les  jurés  que  du  mérite  de  l'en- 
semble des  exposants,  et  il  est  à  craindre  qu'il  n'y  ait  encore  bien  des  mécon- 
tents et  bien  des  blessures  d'amour-propre.  C'est  le  sort  inévitable  de  tous  les  con- 
cours. » 


—  92  — 

VIII. 

Ainsi,  de  quelque  côlé  que  l'on  envisage  les  résultats  de  l'Exposition,  on  ne  trouve 
que  profits  et  avantages  :  profits  pour  les  particuliers,  profits  pour  les  sociétés,  pro- 
fits pour  la  ville  de  Paris,  profits  pour  l'Elat  dont  les  recettes  budgétaires  sont  en 
augmentation  sensible  sur  celles  réalisées  l'an  dernier. 

En  ce  qui  concerne  les  dépenses  et  les  recettes  de  l'Exposition  elle-même,  l'en- 
treprise laissera  un  excédent  de  8  millions,  alors  qu'en  1867,  l'excédent  des  recettes 
avait  été  de  4  millions  130,840  fr.,  et  qu'en  1878,  l'excédenl,  non  pas  des  recettes, 
mais  des  dépenses,  avait  été  de  31  millions  704,890  fr. 

Je  sais  bien  qu'une  objection  a  été  faite  surtout  par  ceux  qui,  ne  croyant  pas 
tout  d'abord  au  succès  de  l'Exposition,  voudraient  aujourd'hui  prouver  que  ce  que 
les  uns  ont  gagné,  d'autres  l'ont  perdu,  et  qui  prédisent,  une  fois  l'Exposition  close, 
une  misère  noire  dans  la  province,  qui  est  venue  dépenser  beaucoup  à  Paris. 

On  dit,  en  effet,  «  tous  ces  bénéfices  procurés  par  l'Exposition,  c'est  Paris,  Paris 
seul,  qui  en  a  profité.  Les  étrangers  et  les  habitants  de  la  province  sont  venus  dé- 
penser largement  dans  la  capitale;  les  dépenses  qu'ils  ont  faites  ne  pourront  profiter 
et  n'ont  profilé  qu'à  Paris.  » 

Il  y  a  là  une  erreur  d'appréciation,  un  point  de  vue  inexact  qu'il  est  nécessaire  de 
rectifier.  Sans  doute,  il  a  été  beaucoup  dépensé  à  Paris  ;  sans  doute,  les  commer- 
çants, les  industriels,  tous  ceux  qui  ont  été  mêlés  à  ce  mouvement  qui  donnait  à 
notre  capitale  l'aspect  d'une  ville  internationale,  ont  beaucoup  gagné  ;  mais  ce 
qui  a  été  acheté,  consommé,  vendu  à  Paris,  no  doit-il  pas,  en  fin  de  compte,  faire 
retour  à  la  province?  Paris  est  le  principal  centre  de  consommation  et  d'approvi- 
sionnement de  la  France.  Les  départements  du  Nord  y  vendent  leurs  charbons, 
leurs  huiles,  leur  bétail  ;  ceux  du  Midi,  leurs  vins  et  leurs  alcools;  ceux  de  l'Ouest 
et  du  Centre,  leurs  bois,  leurs  bestiaux.  On  a  beaucoup  banqueté,  beaucoup  bu, 
beaucoup  mangé  pendant  ces  six  mois  de  fêtes.  Je  ne  crois  pas  que  jusqu'à  présent, 
les  vignobles  parisiens  que  nous  connaissons  par  la  piquette,  agréable  sans  doute, 
de  Suresnes,  aient  supporté  la  comparaison,  en  qualité  et  en  quantité,  avec  les  vins 
de  Champagne,  du  Bordelais,  de  la  Bourgogne  ou  avec  ceux  du  Midi,  ni  qu'ils  aient 
pu  suffire  à  la  consommation  de  la  population  parisienne  ;  je  n'ai  jamais  vu,  si  ce 
n'est  dans  les  prés  fleuris  du  Jardin  d'acclimatation,  où  une  vingtaine  de  vaches 
bretonnes  donnent  du  lait  aux  bébés  qui  s'y  promènent  le  dimanche,  des  pâturages 
aussi  vastes  que  ceux  de  la  Normandie,  de  la  Bretagne  :  sans  les  bestiaux  du  Cotentin, 
de  la  Franche-Comté,  de  la  Normandie,  de  l'Est  et  du  Nord  de  la  France,  Paris 
aurait  été  obligé,  s'il  avait  compté  sur  sa  production  en  bétail,  de  faire  maigre. 

On  a  consommé  beaucoup  de  pain,  beaucoup  de  farine.  Les  moulins  parisiens,  à 
part  ceux  de  l'Hippodrome  de  Longchamps  et  des  Buttes-Montmartre  qui  forment 
un  joli  décor  d'opéracomique,  sont  tout  à  fait  inconnus  dans  notre  ville.  Il  y  a  eu 
beaucoup  de  fêtes;  on  a  fait  de  grandes  dépenses  de  toilette  ;  couturiers  et  coutu- 
rières ont  vendu  de  riches  et  nombreux  costumes.  Je  ne  crois  pas  davantage  que 
Paris  soit  un  centre  de  fabrication  de  draps,  d'étoffes,  de  ces  mille  et  un  riens  qui 
font  du  Parisien  l'homme  fashionable  entre  tous,  de  la  Parisienne,  la  reine  de  l'élé- 
gance, et  de  tous  ceux  qui  suivent  d'aussi  charmants  modèles,  des  gens  de  goût  et 
de  bon  ton. 


—  93  — 

Ce  n'est  pas  tout.  Pour  préparer  l'Esplanade  des  Invalides  et  le  Champ  de  Mars, 
pour  les  mettre  en  élat  de  recevoir  des  constructions  et  permettre  aux  visiteurs  de 
s'y  promener  à  l'aise,  il  a  fallu  bouleverser  le  terrain,  remuer  des  milliers  de 
mètres  cubes  de  terre,  employer  des  milliers  d'ouvriers. 

Le  cube  total  des  terrassements  pour  le  nivellement  et  les  jardins  a  été  de  plus 
de  200,000  mètres  cubes. 

La  longueur  des  galeries  souterraines  élait  de  700  mètres;  celle  des  égouls  de 
3,510  mètres;  celle  de  la  canalisation  du  gaz  de  3,000  mètres;  celle  de  toutes  les 
conduites  d'eau  de  près  de  15  kilomètres.  Au  Trocadéro,  on  avait  réservé  à  l'horti- 
culture 40,000  mètres  carrés;  on  a  construit  25  serres,  14  pavillons  et  kiosques  ; 
dans  les  parties  basses,  on  a  planté  des  arbres  fruitiers,  des  plantes  potagères. 

Les  travaux  de  viabilité  que  le  service  de  la  voirie  a  eu  à  entretenir  compre- 
naient : 

Pour  le  Champ  de  Mars  (voies),  92,400  mètres  carrés. 

Pour  l'Esplanade  et  le  quai  (voies),  32,400  mètres  carrés. 

Pour  les  trottoirs  et  bordures,  45,520. 

Pour  les  parties  de  l'Exposition  les  plus  fréi|uenlées  pendant  les  travaux,  on  avait 
fait  des  chaussées  pavées,  pour  lesquelles  on  a  employé  393,000  pavés. 

Les  allées  des  jardins  ont  reçu  6,800  mètres  cubes  de  sable. 

Le  service  d'entretien  était  fait  par  Go  cantonniers. 

La  quantité  d'eau  employée  a  été  de  730  mètres  cubes  par  jour. 

Enfin,  neuf  tombereaux  enlevaient  chaque  jour  une  quantité  d'ordures  d'environ 
85  mètres  cubes. 

Qui  donc  a  fait,  en  grande  partie,  ces  rudes  travaux,  sinon  les  ouvriers  de  la  pro- 
vince, les  terrassiers  et  les  maçons  du  Centre  et  de  l'Est?  Et  ces  magnifii|ues  pa- 
lais, véritables  triomphes  du  fer,  qui  donc  en  a  fourni  les  matériaux,  si  ce  n'est  la 
province?  Où  sont  les  mines  de  fer  parisiennes  ?  les  forges  parisiennes?  Est-ce  tout 
encore?  Faut-il  parler  des  sociétés  de  transport,  bateaux  à  vapeur,  omnibus,  voi- 
tures, berlines  de  toutes  dimensions  qui  ont  gagné  beaucoup  en  transportant  des 
millions  de  visiteurs?  Est-ce  Paris  qui  a  fourni  le  charbon,  les  chevaux,  fabriqué 
toutes  les  voilures  dont  on  a  eu  besoin?  Il  s'est  dépensé  beaucoup  d'argent  à  Paris; 
mais  cet  argent,  sous  mille  formes  diverses,  retourne  à  la  province.  La  capitale 
n'a  pas  gagné  ce  que  les  départements  ont  perdu;  la  vérité  est  que  la  Frdiice  en- 
tière a  trouvé  gloire  et  profit  dans  celte  splendide  exposition  qui  restera  l'honneur 
de  notre  pays. 

III  ne  faut  donc  pas  porter  envie  à  la  prospérité,  à  la  richesse  de  notre  beau 
Paris;  et  je  serais  tenté  de  dire,  comme  l'écrivait,  il  y  a  plus  de  trois  siècles,  notre 
vieux  Montaigne  :  «  Je  ne  veux  pas  oublier  cecy,  que  je  ne  me  mutine  jamais  contre 
fa  France,  que  je  ne  regarde  Paris  de  bon  œil;  elle  a  mon  cœur  dés  mon  enfance 
et  m'en  est  advenu  comme  des  choses  excellentes  ;  plus  j'ay  veu,  depuis,  d'autres 
villes  belles,  plus  la  beauté  de  cette  cy  peut  et  gaigne  sur  mon  affection  :  je  l'ayme 
par  elle-mesme,  et  plus  en  son  estre  seul  que  rechargée  de  pompe  estrangère;  je 
l'ayme  tendrement,  jusques  à  ses  verrues  et  à  ses  taches  :  je  ne  suis  François  que 
par  cette  grande  cité,  grande  en  peuples,  grande  en  félicité  de  son  assiette;  mais 
surtout  grande  et  incomparable  en  variété  et  diversité  de  commoditez  ;  la  gloire  de 
la  France  et  l'un  des  plus  nobles  ornements  du  monde  !  Dieu  en  chasse  loing  nos 
divisions!  Entière  et  unie,  je  la  trouvé  defïendue  de  tout  autre  violence.  Je  l'advise, 


—  04  — 

que  de  tous  les  partis,  le  pire  est  celui  qui  la  rnelra  en  discorJe,  et  ne  crains  pour 
elle,  qu'elle-niesme » 

IX. 

J'ai  cherché  à  indiquer  aussi  succinclemcnt  que  possible,  dans  celle  élude  déjà 
bien  longue,  les  bénéfices  que  le  pays  avait  retirés  de  l'Exposition  : 

Augmentation  de  l'encaisse  or  de  la  Banque 282  millions. 

—  des  recettes  des  chemins  de  fer C6 

—  des  dépôts  dans  les  élablissements  de  crédit.  .       86      — 

—  des  recettes  de  l'octroi il       — 

Total .U5  millions. 

Ajoutez  à  ces  445  millions  l'augmentation  probable  de  30  à  40  millions  dans  les 
recelles  budgétaires  de  celle  année,  et  vous  arriverez  déjà  à  un  chiffre  global  de  près 
de  500  millions. 

Tels  sont,  dans  leurs  grandes  lignes,  les  profils  généraux  du  pays;  parallèlement 
à  ces  profils,  vous  avez  vu  ceux  que  les  parliculiers  et  les  entreprises  privés  ont  re- 
tirés. Ce  sont  des  cenlaines  de  millions  qui  sont  entrés,  comme  une  riche  aubaine, 
dans  les  cai^;ses  publiques  et  privées.  On  a  calculé  que  plus  de  6  millions  de  per- 
sonnes étrangères  à  Paris:  1  1/2  million  à  2  millions  d'éti-angers  et  5  millions 
de  provinciaux  avaient  visité  l'Exposition  cl  on  a  essayé  de  faire  une  moyenne  des 
dépenses  de  chacun  d'eux.  On  a  supposé  que  les  1,500,000  étrangers  avaient  pu 
dépenser  500  fr.  chacun,  soit  750  millions;  les  provinciaux,  100  fr.  en  moyenne, 
soit  4  à  500  millions,  soit  au  lolal,  1,250  millions. 

On  a  cherché  à  évaluer  les  bénéfices  de  plusieurs  petites  industries  et  distrac- 
tions. Un  marchand  de  gaufres  débilail  journellement  20,000  gaufres  à  0  fr.  15, 
soil  une  recelle  de  3,000  fr.  ;  un  marchand  de  «  cidre  bienfaisant  de  Normandie  » 
gagnait  journellement  25  fr.  sur  le  quai  d'Orsay;  les  vendeurs  de  tickets  se  faisaient 
des  journées  de  15,  20,  25  fr.  ;  les  recettes  de  ces  restaurants  el  cabarets  à  la  mode, 
du  Champ  de  .Mars,  delà  Tour  Eiffel,  de  la  célèbre  rue  du  Caire,  ont  été  fabu- 
leuses; chez  les  aimées  de  la  rue  du  Caire,  la  fameuse  danse  du  ventre  a  eu  le  don 
d'atlirer  (piolidiennemenl  environ  2,000  spectateurs  :  la  recette  générale  est  évaluée 
à  400,000  fr.,  chiffre  rond.  De  tels  calculs  peuvent  permetire  des  fanlaisies,  des 
exagérations  et  surtout  des  inexactitudes;  je  me  garderai  bien  de  m'y  livrer,  il  me 
suffit  d'avoir  indiqué,  avec  documents  officiels  à  l'appui,  les  principaux  résultats 
dont  bénéficie  le  pays. 

Mais,  au-dessus  de  ces  constatations  consolantes,  au-dessus  de  ces  millions  ga- 
gnés et  de  ces  profits  matériels,  aussi  importants  qu'ils  soient,  une  richesse  plus 
précieuse  encore,  richesse  incalculable,  reste  acquise  à  la  Fiance  :  c'est  le  profit 
moral  qu'elle  a  retiré,  la  renommée  el  l'honneur  qu'elle  a  acquis  en  entreprenant  et 
en  réussissant  une  œuvre  aussi  considérable. 

Les  étrangers  ont  vu  la  France  sous  son  vrai  jour  :  ils  la  croyaient  peut-être 
livrée  à  des  dissensions  intérieures  qui  lui  faisaient  oublier  ce  qui  assure  l'avenir  et 
la  prospérité  d'un  peuple,  c'est-à-dire,  le  lravail,lecommerce,  l'industrie,  les  beaux- 
arts,  les  œuvres  de  la  paix.  Ils  ont  pu  croire  qu'elle  ne  songeait  qu'à  parlir  en  guerre 
contre  ses  voisins  el  nourrissait  sans  cesse  des  projets  belliqueux.   Ils  ont  vu,  au 


—  l)ô  — 

contraire,  un  peuple  Iraiiquille,  lier  dans  sa  force,  ne  menaçant  personne,  accueil- 
lant ses  visiteurs  avec  joie,  leur  donnant  une  franche  et  cordiale  hospitalité;  jamais 
Paris  n'a  été  plus  calme,  jamais  l'ordre  n'a  été  plus  assuré  (1). 

Rentrés  chez  eux,  ils  raconteront  leurs  impressions  ;  ils  penseront  aux  merveilles 
qui  les  ont  éblouis,  à  cette  explosion  du  génie  français,  produite  par  la  collaboration 
de  l'élite  intellectuelle,  commerciale  et  industrielle  d'une  nation  qui,  au  milieu  de 
son  activité,  n'a  pas  oublié  les  grandes  œuvres  sociales,  en  faveur  des  ouvriers,  des 
travailleurs,  des  malheureux,  des  déshérités  des  classes  qui  souffrent,  ainsi  qu'en 
témoignent  les  magnifiques  productions  de  l'exposition  d'Economie  sociale  (2);  ils 
penseront  aussi  aux  fêtes  de  Paris,  où,  au  milieu  de  l'ordie  le  plus  parfait,  toutes  les 
classes  de  la  société  étaient  confondues  et  ne  formaient  plus  qu'une  seule  famille. 

On  leur  a  dit  que  la  France  et  Paris  étaient  indisciplinés,  ingouvernables;  ils  ré- 
pondront par  ce  qu'ils  ont  vu  :  Un  Président  de  la  République  tout  dévoué  à  ses 
devoirs,  aimé  et  respecté  de  tous,  accueilli  partout  avec  le  plus  profond  respect, 
jouissant  d'une  popularité  croissante  dans  tous  les  rangs  de  la  société  et  rendant 
plus  précieuse  encore  à  nos  hôtes  l'hospitalité  française,  par  ses  léceptions  mer- 
veilleuses de  goùl,  pru'  son  accueil  plein  d'aménité;  l'autorité  du  gouvernement 
partout  respectée.  A  ceux  qui  nous  méconnaissent,  ils  répondront  encore  qu'un 
peuple  qui  travaille  et  opère  de  tels  labeurs  aime  avant  tout  la  paix,  et  considère 
comme  le  souverain  bien,  le  développement  de  son  commerce  et  de  son  industrie. 

Peut-être  aussi,  faisant  un  retour  sur  eux-mêmes,  sur  ce  <[u'ils  pensaient  de  nous, 
avant  de  nous  avoir  vus  et  appréciés  de  près,  les  visiteurs  étrangers  se  demanderont 
si  les  attaques  injustes,  les  défiances  séculaires,  les  haines  de  peuple  à  peuple,  ont 
leur  raison  d'être;  si  les  préparatifs  de  gueire  et  la  guerre  doivent  être,  pour 
toutes  les  nations,  le  but  final  et  l'idéal  rêvé,  à  une  époque  où  le  monde  civilisé  se 
montre  chaque  jour  comme  un  immense  Etat  économique  dont  les  différentes  par- 
ties, solidarisées  par  le  travail,  par  le  commerce,  parles  échanges,  par  les  relations 
quotidiennes  d'affaires  entre  les  individus,  sont  moins  étrangères  les  unes  aux 
autres,  que  ne  l'étaient,  il  y  a  un  siècle,  les  différentes  provinces  d'un  niênjc  pays. 
Ils  penseront  aux  richesses  que  produit  la  paix,  aux  bienfaits  qu'elle  procure,  et 
aussi  aux  ruines  et  aux  deuils  que  la  guerre  a  enfantés. 

Une  des  richesses  les  plus  grandes,  un  des  biens  les  plus  précieux  que  l'Exposi- 
tion nous  aura  donnés,  c'est  enfin  la  confiance  en  nous-mêmes,  c'est  la  confirma- 
tion nouvelle  et  la  constatation,  aux  yeux  de  tous,  des  ([ualités  maîtresses  de  la 
France  :  l'opiniâtre  travail  de  nos  commerçants  et  de  nos  industriels,  le  bon  goût 
de  nos  artistes  et  de  nos  artisans,  l'esprit  d'ordre,  d'économie  et  de  prévoyance  qui 
règne  dans  toutes  les  classes  de  la  nation. 

L'Exposition  a  créé  un  mouvement  considérable  d'idées  et  d'affaires;  elle  nous 
aura  permis  de  comparer  nos  produits  à  ceux  des  nations  qui  nous  entourent,  d'a- 
méliorer celles  de  nos  productions  qni  en  ont  besoin,  de  faire  connaître  et  de  ré- 
pandre an  loin  celles  dont  la  supériorité  est  incontestable,  de  travailler  encore 
davantage  pour  marcher  en  avant  dans  la  voie  du  progrès.  Nous  avons,  nous  aussi, 

(1)  l'Ius  de  30  millions  de  visiteurs  ont  parcouru  PExposition;  les  arrestations  ont  été  seulement  de 
198  individus  appartenant  à  18  nationalités. 

(2)  Voir:  L'Économie  sociale  à  l'Exposition  de  1889,  communication  faite  au  Congrès  d'économie 
sociale  le  13  juin  1889,  par  M.  E.  Chevsson,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  président  de  la 
section  XIV  de  l'exposition  d'économie  sociale,  ln-8''.  Librairie  Guillaumin. 


—  96  - 

remarqué  de  près  lesamélioralioiis  ac(|uises  par  plusieurs  îtidustries  étrangères,  et 
nous  saurons  en  tirer  un  utile  parti. 

Nous  avons  tous  vu  les  produits  du  coniinent  et  ceux  d'outre  mer,  et  admiré, 
entre  autres,  les  envois  du  Brésil,  du  Mexique,  des  belles  colonies  australiennes  ;  les 
machines  agricoles  des  Étals-Unis  et,  plus  près  de  nous,  la  brillante  exhibition  de 
la  Belgique  qui,  si  elle  est  un  des  plus  petits  pays  sur  la  carte  d'Europe,  est  une  des 
nations  les  plus  avancées  et  les  plus  puissantes  pour  son  industrie  minière,  manu- 
faclurière  et  pour  son  agriculture.  Elle  tient  un  des  premiers  rangs  pour  l'extrac- 
tion de  la  houille,  la  fabrication  du  fer  et  du  zinc,  la  construction  des  machines,  et 
elle  n'est  pas  moins  brillante  dans  l'apprêt  des  tissus  les  plus  modestes  que  dans  la 
confection  des  dentelles  les  plus  riches  et  les  plus  variées.  La  Suisse,  avec  sa  bijou- 
terie et  son  horlogerie;  l'Kspagne,  avec  ses  vins  et  les  richesses  de  son  sol,  mines 
de  cuivre,  argent,  plomb,  mercure;  l'Autriche-IIongrie,  avec  ses  articles  de  bimbe- 
loterie, sa  cristallerie  et  verroterie,  ses  faïences  ;  la  Russie,  avec  ses  riches  four- 
rures et  ses  objets  de  luxe  ornés  de  lapis,  de  malachite,  ont  obtenu  les  suffrages  de 
tons;  et  enfin,  nous  avons  applaudi  à  l'exposition  spéciale  de  nos  colonies,  de  l'Al- 
gérie, de  la  Tunisie,  de  la  Cochinchine,  de  nos  possessions  des  Antilles,  de  l'hide, 
de  rOcéanie,  exposition  dont  l'importance  et  la  variété  ont  été  pour  le  plus  grand 
nombre  des  visiteurs  une  véritable  révélation. 

En  contemplant  ces  richesses,  nous  avons  tous  pensé  qu'il  faut  que  la  France 
travaille,  travaille  toujours,  tiavaille  encore,  pour  tenir  le  premier  rang,  lutter 
contre  la  concurrence  qui  l'enserre  de  tous  côtés,  produire  bien  et  à  bon  marché, 
alors  que  la  main-d'œuvre,  les  frais  de  toute  nature,  les  lourds  impôts  (|ue  nous 
supportons,  rendent  nos  prix  de  revient  d'autant  plus  élevés. 

Nous  nous  sommes  dit  aussi,  nous  qui  sommes  les  ennemis  de  la  protection  et  ne 
demandons  rien  qu'à  notre  activité,  à  notre  persévérant  travail,  nous  qui  aimons 
le  h'bre  commerce  et  le  libre  échange  des  produits,  combien  il  est  étrange  de  voir 
l'Europe  presque  entière  et  même  la  France,  revenir  aux  idées  de  protectioimisme, 
vouloir  la  disette  au  lieu  de  l'abondance,  la  cherté  au  lieu  du  bon  marché,  créer  des 
barrières  artificielles  pour  empêcher  le  commerce  de  s'étendre.  Par  la  plus  singu- 
lière des  contradictions,  on  paye  des  ingénieurs  pour  faciliter  les  relations  de  peuple 
à  peuple,  creuser  des  ports  et  des  canaux,  couper  des  isthmes,  franchir  les  mers  en 
creusant  des  tunnels  sous-marins  ou  en  établissant  des  ponts  sur  l'Océan;  on  éta- 
blit des  chemins  de  fer  dans  toutes  les  parties  du  monde,  on  relie  toutes  les  nations 
par  des  lignes  lélégraphi(]nes  et  téléphoniques,  et  ensuite,  on  place  des  douaniers 
à  la  frontière  pour  empêcher  et  entraver  les  communications  elles  échanges. 

Tels  sont  quelques-uns  des  enseignements,  des  profils  moraux  que  la  France  aura 
retirés  de  celte  magnifique  Exposition  qui,  du  premier  jusqu'au  dernier  jour,  favo- 
risée par  un  temps  radieux  et  par  une  afïluence  inouïe  de  visiteurs  venus  de  tous 
les  points  du  globe,  n'a  été  qu'un  immense  succès.  Ils  ne  sont  pas  moins  nombreux 
ni  moins  précieux  que  les  profits  matériels,  que  les  millions  que  celte  grande  fêle 
du  travail  aura  laissés  dans  tout  le  pays. 

En  définitive,  la  France  n'a  rien  perdu  de  sa  grandeur:  frappée  durement,  elle  a 
mûri  à  l'école  de  l'adversité,  et  elle  vient  de  prouver  qu'il  ne  (aut  jamais  désespérer 
d'elle  puisque  ses  enfants  sont  capables  de  tels  efforts.  Alfred  NEYMAHCK. 


Le  Gérant,  0.  BEiiGiïR-LEVUAULT. 


JOURNAL 

DE  LA. 

SOCIÉTÉ  DE  STATISTIQUE  DK  PÂKIS 


r 


N»  4    —  AVRIL  1890. 


I. 

PROCÈS-VEnBAI.    DE    LA    SÉANCE    DU    19    MARS    1890 

SoMMAiRt.  —  Discussion  et  vote  du  budget  de  la  Société.  —  ConfiM-enees  Uellectiasse.  —  La  Table  de 
mortalité  de  la  Caisse  des  retraites,  par  M.  Fontaine.  —  Gommuniculion  de  M.  Neymarck  sur  la  répar- 
tition des  actions  et  obligations  des  chemins  de  fer. 

La  séance  est  ouvcrle  à  9  lieures  sous  la  présidence  de  M.  Octave  Keller. 
Le  procès-verbal  de  la  séance  du  19  février  est  adopté. 

M.  le  Secrétaire  général  énumère  les  publications  qui  ont  été  reçues  par  la  Société 
depuis  la  précédente  réunion.  La  liste  de  ces  publications  se  trouve  ci- après  (1). 
Il  est  procédé  à  l'élection  de  membres  nouveaux  : 

M.\l.  Gruner,  ingénieur,  présenté  par  .MM.  Octave  Keller  et  Dujardin-Beaumetz; 
Plassard  (Jules),  directeur  du  Bon-.Marché  et  administrateur  du  Crédit  fon- 
cier, présenté  par  MM.  Th.  Ducrocq  et  Paul  Ghalvet; 

sont  élus,  à  l'unanimité,  membres  tilulairfs  de  la  Société  de  slalislique  de  Paris. 

M.  Alfrfld  Neymarck,  rapporteur  de  la  commission  des  comptes,  présente  au 
nom  du  Conseil  un  rapport  sommaire  sur  la  situation  financière  de  la  Société.  Il 
résulte  des  comptes  annexés  au  présent  procès-verbal  que  l'ensemble  des  ressources 
tant  ordinaires  qu'extraordinaires  de  l'exercice  1889  s'est  élevé  à  10,633  fr., 
tandis  que  les  dépenses  ont  atteint  la  somme  de  9,371  fr.  L'excédent  des  receltes 
se  trouve  dès  lors  porté  à  1,262  fr.  La  situation  est  donc  favorable,  mais  on  n'a  pu 
l'obtenir  qu'en  réduisant  les  dépenses  au  strict  nécessaire,  et  en  ne  donnant  qu'une 
faible  subvention  aux  travaux  scientifiques  de  la  Société.  H  y  a  donc  un  progrès  à 
réaliser  à  cet  égard,  et  il  sera  facilement  atteint  si  les  membres  actifs  de  la  Société 


(1)  Voir  à  la  dernière  page  du  présent  numéro. 

U^    SÉRIE,    31e    vol..    —    S«  4. 


—  98  — 

s'elTorcenl,  par  leur  propagande,  à  nugmenler  son  personnel  actuel,  qui  se  compose 
de  380  membres,  dont  i29i2  seulement  sont  payants. 

Le  bilan  accuse  un  actif  de  27,993  fr.  placés  en  renies.  11  est  à  craindre  seule- 
ment que,  par  suite  de  la  conversion  prochaine  du  4  1/2,  la  Société  n'éprouve  de  ce 
chef  une  perte  sensible  aussi  bien  dans  son  capital  que  dans  son  revenu.  Le  Conseil 
aura  à  aviser,  en  temps  utile,  à  prendre  les  mesures  nécessaires  pour  sauvegarder 
cette  fortune. 

Le  Conseil  s'est  attaché  ;i  établir  le  budget  de  1890  conformément  aux  prévi- 
sions suggérées  par  les  comptes.  Ce  budget  se  résume,  en  recettes,  par  une  somme 
de  10,930  fr.  et,  en  dépenses,  par  9,986  fr.,  mais  il  y  a  lieu  d'espérer,  pour  cette 
année  même,  une  augmentation  des  receltes,  et  une  diminution  notable  des  dé- 
penses ordinaires,  ce  qui  donnera  à  nos  comptes  une  élasticité  qui  leur  fait  encore 
défaut. 

En  résumé,  le  rapporteur  ne  peut  que  remercier  M.  le  trésorier  du  zèle  qu'il  a 
apporté  dans  ses  fondions,  et  le  féliciter  du  bon  résultat  de  sa  gestion 

M.  le  Président  dit  n'avoir  que  peu  de  mots  à  ajouter  au  résumé  si  clair  que  vient 
de  présenter  M.  Neymnrck.  Il  se  contentera  d'appeler  l'attention  de  la  Société  sur 
les  frais  de  location  de  la  salle  de  nos  séances  qui  se  sont  élevés,  en  1889,  acces- 
soires compris,  à  la  somme  de  1,020  fr.  il  estime  que  cette  dépense  pourrait  être 
diminuée  par  le  choix  d'un  autre  local,  et  à  cette  occasion  il  ne  croit  pas  mieux  faire 
que  de  donner  lecture  d'une  lettre  dans  laquelle  M.  Cheysson  recommande  et  préco- 
nise le  Palais  des  Sociétés  savantes,  où  un  local  convenable  nous  est  offert  au  prix 
de  500  fr.,  et  nous  assure  l'organisation  permanente  d'un  restaurant,  tant  pour  nos 
banquets  avant  les  séances  que  pour  nos  repas  individuels  à  des  prix  modérés. 
M.  Cheysson  insi.'^tc  sur  le  rapprochement  que  cette  installation  nous  vaudrait  avec 
les  autres  sociétés  savantes,  ainsi  que  sur  la  faculté  de  participer  aux  services  col- 
lectifs constitués  dans  l'hôlel.  Il  y  a  là,  ajoute  M.  le  Président,  une  série  d'avantages 
qui  ne  sont  pas  à  dédaigner,  mais,  d'autre  part,  un  changement  de  quartier  et 
un  déménagement  inopiné  sont  choses  graves,  sur  lesquelles  il  est  bon  de  consul- 
ter la  Société  tout  entière. 

A  la  suite  d'une  discussion  à  laquelle  prennent  part  MM.  de  Crisenoy,  Ducrocq, 
Donnât,  Thierry-Mieg,  Lédé  et  Turquan,  qui  se  déclarent  les  uns  pour,  les  autres 
contre  la  mesure  proposée,  l'assemblée  se  prononce  pour  l'ajournement  de  la  ques- 
tion à  la  prochaine  séance  et  décide  qu'elle  sera  portée  en  tête  de  l'ordre  du  jour. 

.M.  Alfred  NEVMAncK,  rapporleur  du  budget,  demande  à  ajouter  quelques  mots 
à  son  exposé  :  «  Si,  dit-il,  notre  budget  se  solde  par  un  léger  excédent  et  si  nous 
avons  été  obligés  de  modérer  nos  dépenses,  cela  lient,  M.  Donnai  m'excusera,  au 
retrait  de  la  subvention  de  1,000  fr.  de  la  ville  de  Paris,  retrait  qui  a  eu  lieu  sans 
qu'on  nous  en  ait  fourni  les  motifs  et  qui  nuit  à  notre  expansion,  n 

M.  Donnât  ignorait  ce  retrait,  mais  il  déclare  qu'il  fera  au  conseil  municipal  les 
démarches  nécessaires  pour  faire  rétablir  la  subvention  dont  il  s'agit. 

Cette  déclaration  est  accueillie  par  les  plus  vifs  applaudissements. 

M.  le  Président  met  aux  voix  l'approbation  des  comptes  du  trésorier,  ainsi  que  le 
budget  de  la  Société  pour  l'exercice  1890,  tel  qu'il  a  été  étabU  par  la  commission 
des  comfites. 

Les  comptes  et  le  budget  sont  adoptés  à  l'unanimité. 

Avant  de  passer  à  l'ordre  jour,  M.  le  Président  annonce  que  les  conférences 


—  !)9  — 

organisées  par  la  Société  de  slatisliijiie  en  faveur  îles  aspiraiils  à  rintendance  mi- 
lilaire  ont  pris  fin  le  samedi  22  février.  Inaugurées  par  noire  illustre  confrère 
M.  E.  Levasseur,  elles  se  sont  poursuivies  avec  le  concours  de  MM.  Cheysson,  Ber- 
tillon,  de  Foville,  Pigeonneau,  Relier,  Tisserand  et  quelques-uns  de  ses  collabora- 
teurs. Elles  ont  porté  sur  les  principales  brandies  de  la  stalisti(|ue,  et  quelques- 
unes  d'entre  elles  peuvent  être  considérées,  malgré  leur  brièveté  obligée,  comme  de 
véritables  traités  sur  la  matière. 

«  Chargé,  en  l'absence  de  M.  Cheysson,  retenu  chez  lui  par  un  cruel  deuil  de  famille, 
(le  faire  la  conférence  de  clôture,  j'ai  reçu  verbalement,  dit  M.  Relier  en  terminant, 
ul  nous  recevrons  bientôt  officiellement,  de  l'autorité  militaire  (|ui  a  bien  voulu 
accepter  notre  concours,  le  témoignage  de  sa  haute  satisfaction.  » 

La  parole  est  à  M.  Fontaine  pour  la  suite  de  sa  communication  sur  la  table  de 
mortalité  de  la  Caisse  nationale  des  retraites. 

.'\près  avoir  indiqué  la  méthode  employée  pour  dresser  cette  table,  M.  Fontaine 
en  fait,  ressortir  les  principaux  résultat?,  qu'il  compare  à  ceux  des  tables  anté- 
rieures, et  principalement  à  celles  de  Deparcieux  et  des  quatre  compagnies. 

Sur  une  interrogation  de  M.  Loua,  l'orateur  fait  connaître  une  particularité 
(|u'offre  la  nouvelle  table,  el  qui  ne  se  trouve  pas  exprimée  dans  celle  de  Depar- 
cieux, c'est  un  maximum  de  mortalité  qui  se  produit  à  l'âge  de  22  ans  et  qui  cesse 
dès  l'âge  suivant,  pour  laisser  à  la  mortalité  son  cours  régulier. 

M.  TuRQUAN  fait  obseiver  que  ce  maximum,  qui  porte  sur  l'ensemble  des  deux 
sexes,  a  déjà  été  remarqué  en  ce  qui  concerne  le  sexe  féminin. 

M.  le  Président  remercie  M.  Fontaine  de  sa  communicalion,  qu'on  pourra  mieux 
apprécier  lorsqu'elle  aura  été  publiée  dans  le  Journal. 

M.  Alfred  Neymauck,  qui  obtient  la  parole  après  M.  Fontaine,  fait  une  analyse 
rapide  d'une  étude  qu'il  vient  de  terminer  sur  le  Classement  el  la  réparlUion  des 
actions  cl  des  obligations  de  chemin  de  fer  dans  les  portefeuilles.  Dans  ce  travail, 
qui  paraîtra  in  extenso  dans  un  des  plus  [)rocliains  numéros  de  notre  Journal,  l'ora- 
teur s'attache  à  combattre  ce  préjugé  que  quelques  riches  financiers  sont  seuls  â 
posséder  les  valeurs  de  ces  compagnies  ;  la  vérité  est  que  ces  valeurs  sont  aujour- 
d'hui dispersées  dans  une  multitude  de  petites  bourses,  et  rentrent,  pour  la  plus 
grande  partie,  dans  l'épargne  populaire.  Toute  attaque  faite  au  crédit  des  grandes 
compagnies  ne  peut  donc  qu'être  très  préjudiciable  à  la  démocratie  financière, 
c'est-à-dire  à  la  masse  même  de  la  nation. 

M.  Neymarck  reçoit  en  terminant  les  félicitations  de  ses  collègues. 

M.  le  Président  fixe  ainsi  qu'il  suit  l'ordre  du  jour  de  la  prochaine  séance  : 

1°  Suite  de  la  discussion  sur  le  projet  de  transport  du  siège  des  séances  de  la 
Société  au  Palais  des  Sociétés  savantes. 

2°  Communication  de  M.  Fravaton  sur  le  contrôle  des  compagnies  d'assurances 
sur  la  vie  et  de  ses  rapports  avec  la  statistique. 

La  séance  est  levée  à  onze  heures. 


—  10(1  — 
ANNEXE    AU    l'UOCÈS-VEHBAL. 


COMPTES  DE  1889 

ET  PROJET  DE  BUDGET  POUR  L'EXERCICE  1890. 


I.  RESSOURCES 
A.  —  Ressources  oruinaires. 


RESSOURCES 


réaliiéeB  prévues 

en  1889.  pour  1890. 

.     .                      (des  renies ' 987 fM  1,032^  » 

Arrérages    .    .    •  j  d,,  legs  Roiirdin  . 30     »  30     » 

Colisalionsnonra-(  14-4  cotisations  encaissées  en  1889.   .  3,000     »  »     » 

chetées  à  25  fr.    1 150  colisalions  à  encaisser  en  1890(1)  »     »  3,750     » 

..                 ,          rl03cn1889 1,832  10  »     » 

Abonnemenls.    .ji68en1890  . »     .,  1,900     » 

'de  la  ville  de  Paris  (en  suspens).   .    .  »     »  »     » 
du  Ministère  de  l'inslriiction  publique 
Subvenlions.   .    .  {     (contre  25  exemplaires  du  Journal 

de  la  Société) 300     »  300     » 

du  Ministère  de  l'agriculture.    .    .    .  1,200     »  1,200     » 

Vente  de  numéros  du  Journal  . 24  10   y      .f-a 

Vente  de  5  volumes  du  2.5'  anniversaire 37  00   ' 


Totaux  des  ressources  ordinaires.   .    .  8,017  74      8,308     » 

B.  —  Ressources  extraordinaires. 

Rachat  de  colisalions  en  1889 1,000*^  »    >, 

Annuités  de  1880, 1887  et  1888  perçues  en                   I  a  nnn 

1889 200  00  1  ^''*""     *              *     * 

Annuités  payables  en  1890  perçues  en  1889.      100  00  ) 

Rachat  de  cotisations  en  1890,  y  compris  l'arriéré  .    .    .  »     >       1,300     » 

Cotisation  de  1888  perçue  en  1889 25     »              »     » 

Du  trésorier  pour  la  médaille  Bourdin 108     »              »     » 

Total  des  ressources  extraordinaires.  .  1,433     »       1,300     » 


■  C.  —  Reliquat  libre  des  exercices  antérieurs. 

Encaisse  au  1"  janvier 72  10  151  74 

Cotisations  arriérées  (2) 000     »  000  » 

Abonnemenls  arriérés 510     »  510  » 


1,182  10      1,201  74 

•  ■.:  ■i:-'7l 

(1)  Le  personnel  en  1890  se  compose  de  380  membres,  savoir  : 

4  membres  d'honneur; 
I3ô  membres  fondateurs; 
150  membres  titulaires; 

7  membres  correspondants  ; 
84  membres  associés; 

380 

(2)  Les  recouvrements   à  opérer  sur  les  exercices  antérieurs  (cotisations)  ont  été   frappés   d'une 
dépréciation  de  300  fr. 


—  KM  — 

fc  Rf^CAriTUr.ATION. 

■  A.  —  Ressources  ordinaires 8,OI7'7i      8,368'   » 

B  B.  —  Ressources  extraordinaires 1,433     »       1,300     » 

K.  C.  —  Reliquat  libre  des  exercices  anlérieurs 1,182  10      1,261  74 


10,632  84    10,929  74 


BILAN  AU  31   DECEMBRE   1889 

I.  — ACTIF. 

1°  Renies  :  Emploi  du  capital  engagé: 

Legs  Rourdin  :  36  fr.  de  rente  3  p.  100  .    .  997  '60 

/  36  fr.  de  rente  3  p.  100  .    .  952  20 

Valeur          306  fr.  de  rente  4'/  p.  100.  7,830  95 
prix  d'achat    j  645  fr.   de  rente   3  p.  100 

(      amortissable 17,497  95 

Provision  à  placer  en  rente 713  90 


Total  de  la  valeur  des  renies  placées  et  à  placer 27,992*^60 

2°  Mobilier:  Deux  corps  de  bibliothèque   .    .  2,800^  » 
Amortissement 300     » 

Reste.    . 2,500 f  » 

Chevalet,  appareil  n°  7  pour  pro- 
jections          70     » 

Amortissement 20     » 

Reste 50     ï 


Total  de  la  valeur  du  mobilier 2,550     » 

3''Débiteurs  :  Cotisations  et  abonnements 1,110'  » 

Annuités 800     » 

Total  des  débiteurs 1,910     » 

4°  Espèces  en  caisse  .  ^ ,,'.,,'^,.'. 151  74 

5"  Matériel,  imprimés:  Évaluation  1887  avec  diminution  de  50  fr..    .  950     > 
6°  Bibliothèque  :  Valeur  des  livres  composant  la  bibliothèque  (pour 

mémoire).  »     » 

Total  de  l'actif 33,554  ""34 

IL  — PASSIF. 

1°  Capital  engagé  ou  de  réserve  : 
Versements  effectués  pour  rachat  de  cotisa- 
tions  27,495^     «iQO/QQfpA 

LegsBonrdin. 997  60 r^''*^^  ^^ 

A  déduire  : 

Robinol  de  La  Pichardaisde  1882 250     »)       rnn 

Laffineur  de1881 250     M      '^"'^     * 


> 


Capital  engagé 27,992^60 

2°  Capital  libre  : 

Débiteurs  (1) 1,910     » 

Espèces  en  caisse  .       151  74 

Total  du  capital  libre  . 2,^161  74 


(I)  liCs  recouvrements  à  opérer  sur  les  exercices  antérieurs  (cotisations)  ont  été  frappés  d'une  dépré- 
ciation de  300  fr. 


—  102  — 

3°  Maléricl,  bibliollièque  el  mobilier  : 
Collections,  compte  rendu  des  conférences  de  statistique 

de  1878  et  volume  (lu  25°  anniversaire 950'    » 

Deux  corps  de  bibliollièque 2,500     » 

Chevalet,  appareil  pour  projections 50     » 

Total.  . 3,500     » 

Total  du  passif 33,554^34 


II.   DEPENSES. 
A.  —  Charges  ordinaires. 

DÉPENSES 

fuites  prévue» 

en   1889.  pour  1890. 

Secrétariat, procès-verbaux, administration, publications.     1,100'   »  1,100'   » 

Indemnité  au  trésorier 900     »  900     » 

Frais  de  recouvrement  el  de  publicité 115     »  115     » 

Impression  du  Journal 4,382  10  4,300     » 

Rédaction  du  Journal ;    .        384     »  600     » 

Frais  de  location  et  dépenses  accessoires  des  séances.    .     1,020  50  1,000     » 

Frais  de  convocations,  gratifications  el  divers 234  80  235     » 

Réserve  pour  faire  face  à  la  destination  du  legs  liourdin.    .      30     »  36     » 


Totaux  des  dépenses  ordinaires    ....     8,172  40      8,286 


B.  —  Charges  extraordinaires. 

Immobilisation  pour  acbal  de  renies  sous  forme  de  capital 

engagé    ......  713  90  1,300  » 

Exposition  de- 1889 376  80  »  » 

Crédit  éventuel  ouvert  au  Piésidenl  pour  représentation 

de  la  Société »     »  200  » 

Bibliothèque  et  dépenses  diverses »     »  200  » 

Médaille  d'or.  —  Prix  Bourdin 108     »  »  » 


Totaux  des  dépenses  extraordinaires.  .    .     1,198  70      1,700     » 


Récapitulation. 

.4.  —  Charges  ordinaires 8,17240      8,286 

B.  —  Charges  extraordinaires 1,198  70      1,700 


Totaux  généraux  des  dépenses 9,371  10      9,986 


—  103  — 

II. 

DE  LA  NATIONALITÉ 

AU    POINT    DE    VUE     DU    DÉNOMBREMENT    DE    LA    POPULATION    DANS     CHAQUE    PAYS 
ET    DE    LA    LOI    FRANÇAISE    SUR    LA    NATIONALITÉ    DU    26    JUIN    1889.    (SuUe.) 

APPENDICE 

Rapport  adressé  au  Ministre  de  la  Justice  par  M.  Bard,  directeur  des  affaires 
civiles  et  du  sceau,  sur  l'application  de  la  loi  du  26  juin  1889  sur  la  natio- 
nalité. {Journal  Officiel  du  16  février  1890.  —  ExtniUs[\.].) 

<s  Monsieur  le  Garde  des  sceaux,  une  nouvelle  et  imporlante  loi  sur  la  nationalité 
est  entrée  en  vigueur  le  26  juin  1889.  Il  a  paru  intéressant  d'examiner  dès  cette  an- 
née les  effets  de  cette  loi  et  les  résidtals  qui  paraissent  se  dégager  de  ses  premières 
applications.  On  précisera,  par  la  même  occasion,  les  conditions  dans  lesquelles 
fonctionne  la  naturalisation,  car  le  rôle  et  la  portée  de  cette  institution  ont  été 
tantôt  exagérés,  tantôt  dimiimés,  faute  de  renseignements  statistiques  suffisamment 
complets  et  détaillés. 

«  En  ce  qui  concerne  la  loi  du  26  juin  1889,  il  faut  distinguer  deux  ordres  de 
dispositions.  Les  unes  attribuent  de  plein  droit  la  qualité  de  Français  à  des  indivi- 
dus qui  jusque-là  vivaient  sur  notre  territoire  en  dehors  de  notre  nationalité,  et  qui, 
désormais,  seront  Français  sans  qu'aucune  mesure  ait  besoin  d'être  prise  à  leur 
égard.  Les  autres  visent  l'acquisition  de  la  nationalité  française,  soit  par  décret,  soit 
par  voie  de  déclaration  désintéressés,  c'est-à-dire  par  la  naturalisation  ordinaire  ou 
par  une  sorte  de  naturalisation  de  faveur  mise  à  la  disposition  des  étrangers  qui  se 
trouvent  dans  certains  cas  déterminés. 

«  Le  nombre  des  individus  devenus  Français  par  l'effet  pur  et  simple  de  la  loi  ne 
peut  être  évalué  qu'approximativemenl.  D'après  la  statistique  de  1886  (ministère 
du  commerce),  sur  1,126,531  étrangers  établis  en  France,  431,423  étaient  nés  sur 
notre  territoire.  La  loi  du  26  juin  1889  déclare  Français  sans  faculté  de  répudiation 
ceux  qui  sont  nés  d'un  étranger  né  lui-même  en  France.  Le  nombre  des  répudia- 
lions  ordinairement  effectuées  pour  échapper  au  service  militaire,  était,  d'ail- 
leurs, extrêmement  restreint. 

«  Quant  aux  individus  nés  en  France  d'un  étranger  qui  n'y  est  pas  né,  la  nationa- 
lité française  leur  appartient  désormais  de  plein  droit  lorsqu'à  leur  majorité  ils  sont 
domiciliés  en  France,  sauf  la  faculté  qui  leur  est  réservée  de  décliner  notre  natio- 
nalité en  prouvant  qu'ils  ont  conservé  celle  de  lenrs  parents  et  qu'ils  ont  répondu 
à  l'appel  sous  les  drapeaux  dans  le  pays  i|u'ils  revendi(iuent  pour  leur  patrie.  La 
différence  essentielle  entre  le  régime  nouveau  et  la  législation  antérieure,  c'est 
qu'autrefois  ces  individus  avaient  besoin  d'ac(]iiérir  la  nationalité  française  soit  en 


(1)  Très  postérieurement  à  notre  communication  du  17  décembre  1889  à  la  Société  de  statistique  de 
Paris,  le  Journal  officiel  du  IC  février  1890  a  publié  cet  important  rap;iort  sur  les  premiers  résultats 
de  l'apiiiitalion  de  la  loi  du  20  juin  1S80,  Nos  appréciait  ins  et  nos  prévisions  s'y  trouvent  confirmées  par 
les  passages  et  les  chiCTres  dont  les  présents  extraits  font  connaître  la  portée. 

Th.  DucaocQ. 


—  104  — 

prenanirinialitive  d'une  déclaralioii  (|ui  ne  pouvait  être  faite  après  vingt-deux  ans, 
soil  en  se  soumettant  à  la  procédure  de  l'admission  à  domicile  et  de  la  naturalisa- 
tion, tandis  que  depuis  le  26  juin  dernier  tout  individu  né  en  France  et  qui  s'y 
trouvera  domicilié  à  sa  majorité  est  Français  sans  avoir  aucune  formalité  à  accom- 
plir. Il  est  présumé  appartenir  au  pays  où  il  est  né  et  où  il  est  établi;  c'est  pour 
sortir  de  la  nationalité  française  et  non  pour  y  rentrer  qu'il  peut  avoir  à  faire  certai- 
nes démarches. 

<  Le  nombre  des  répudiations  paraît  devoir  être  assez  faible,  .entant,  en  effet,  on 
acceptait  volontiers  le  bénéfice  des  lois  précédentes  qui  présumaient  l'extranéité 
et  par  suite  ne  faisaient  pas  du  service  militaire  une  obligation  formelle,  autant,  en 
présence  des  dispositions  nouvelles  sur  le  recrutement  et  la  nationalité,  les  indivi- 
dus fixés  en  France  liésiteronl  à  décliner  une  nationalité  dont  ils  recueillent  en 
grande  partie  les  avantages.  Il  convient  d'ajouter  que  ces  individus  sont  exclus  par 
le  législateur  du  droit  deiéclamer  ultérieurement  la  qualité  de  Français  par  voie  de 
déclaration,  et  que  le  Gouvernement  s'inspirera  évidemment  de  l'esprit  de  la  loi  en 
leur  refusant  la  faveur  de  l'admission  à  domicile  ainsi  que  celle  de  la  natiu'alisation. 

«  Les  répudiations  de  ce  genre,  comme  d'ailleurs  toutes  les  déclarations  relatives 
à  la  nationalité,  sont  actuellement  vérifiées,  et,  lorsqu'elles  sont  régulières,  enre- 
gistrées à  la  chancellerie  ;  le  relevé  qui  en  a  été  fait  pour  le  second  semestre  de 
1889  ne  donne  qu'un  nombre  de  49  répudiations.  Mais  l'applicalion  du  régime 
nouveau  peut,  en  cette  matière,  comporter  pour  les  intéressés  une  période  d'incer- 
titude el  de  tâtonnements  dont  il  y  a  lieu,  si  courte  qu'elle  soit,  de  tenir  compte 
dans  une  mesure  notable.  La  proportion  indiquée  ci-dessus  ne  doit  donc  pas  être 
considérée  comme  normale,  el  les  résultats  de  l'année  courante  serontseuls  décisifs.  » 

Les  naluralisalions  el  déclarations  en  France. 

Sous  l'empire  de  la  loi  de  1867,  le  nombre  total  des  admissions  à  domicile  a 
élé  de  29,679.11  était  de  303  en  1868,  de  5,082  en  1888.  Les  naturalisations  n'ont 
été  que  de  10,123. 

Du  26  juin  au  31  décembre  1889,  première  période  d'applicalion  de  la  loi  nou- 
velle, il  y  a  eu  2,223  naturalisations,  chiffre  très  notablement  supérieur  à  ceux  que 
donnait  l'application  de  la  législation  antérieure.  Pendant  la  même  période,  le  nom- 
bre des  admissions  à  domicile,  qui  avait  élé  de  2,152  avant  le  20  juin,  est  tombé 
à  471,  un  grand  nombre  de  ceux  qui  auraient  sollicité  cette  mesure  se  trouvant 
dans  le  cas  d'être  naturalisés  immédiatement. 

Au  point  de  vue  de  la  condition  sociale,  sur  ces  2,223  natui  alises  on  trouve 
91  rentiers,  142  exerçant  des  professions  libérales,  389  industriels  ou  commer- 
çants établis  à  leur  compte,  324  employés  de  commerce  ou  d'administration, 
884  ouvriers  ayant  un  métier  spécial,  sur  lesquels  713  sont  occupés  dans  la  petite 
industrie  et  171  seulement  dans  de  grandes  usines,  dans  des  chantiers  ou  des  mi- 
nes. Il  y  a  42  travailleurs  agricoles  el  61  marins  pêcheurs,  presque  tous  des  bords 
de  la  Méditerranée. 

Au  point  de  vue  du  pays  d'origine,  si  l'on  fait  abstraction  des  Alsaciens  el  des 
Lorrains  annexés,  qui  forment  le  contingent  le  plus  élevé  des  naturalisés,  on  trouve 
(|iic  c'est  ritaiie  qui  donne  le  chiffre  le  plus  important  (563).  Viennent  ensuite 
463  Belges  ou  Luxembourgeois,  9!  Suisses,  etc.  11  convient  d'ajouter  immédiate- 


—  105  — 

menl  que  la  fM'opoilion  des  étrangers  fixés  en  France  et  qui  deviennent  Français 
par  voie  de  déclaralion  est  an  contraire  en  faveur  des  Belges,  et  cela  depuis  l'im- 
portant arrêt  rendu  par  la  Cour  de  cassation,  le  7  décembre  1883. 

Si  l'on  rapproche  pour  chaque  nationalité  le  nombre  des  hommes  naturalisés  de 
celui  des  résidants  du  sexe  masculin  (statistique  de  1886),  ce  sont  les  pays  de  race 
slave  qui  donnent  la  proportion  la  plus  forte,  puis  successivement  l' Autriche-Hon- 
grie, la  Grèce,  les  Étals  Scandinaves.  Les  pays  voi.sinsde  la  France  donnent,  au  con- 
traire, une  proportion  très  faible:  la  Suisse  2. 024  pour  1,000  résidants,  la  Belgique 
1.092  pour  1,000,  l'Espagne  0.467  pour  1,000  (21  naturalisations  seulement  en 
1889). 

En  ce  qui  concerne  les  déclarations  pour  obtenir  la  qualité  de  Français,  le  service 
du  sceau  a  relevé  les  chiffres  suivants:  déclarations  en  vue  d'obtenir  la  qualité  de 
Français:  1°  faites  devant  les  maires  avant  la  loi  du  20  juin  1889,  3,971;  2°  faites 
devant  les  maires  depuis  la  loi  du  20  juin  1889,  mais  avant  le  décret  du  13  août 
1889, 17  ;3"  faites  devant  les  juges  de  paix  depuis  le  décret  du  13  août  et  enregistrées 
avant  le  1"  janvier  de  la  présente  année,  173.  Total  :  4,101. 

Si  l'on  additionne  les  chiffres  relevés  ci-dessus  (non  compris  celui  des  enfants 
mineurs  d'individus  naturalisés  ou  réintégrés),  on  trouve  les  totaux  suivants  :  De- 
venus Français  par  décret,  6,623;  devenus  Français  en  vertu  de  déclarations  véri- 
fiées au  ministère  de  la  justice,  4,161.  Total  :  10,784. 

Les  naturalisation^  daiis  les  colonies. 

La  loi  du  20  juin  1889  est  applicable  à  l'Algérie.  On  évalue  à  environ  100,000 
le  nombre  des  étrangers  nés  en  Algérie  et  qui  habitent  actuellement  l'une  des  trois 
provinces.  En  vertu  de  la  nouvelle  loi,  leurs  enfenis  nés  eux-mêmes  en  Algérie 
sont  désormais  irrévocablement  Français. 

En  1889,  le  nombre  des  naturalisés,  en  y  comprenant  31  indigènes  admis  aux 
droits  de  citoyen,  est  de  1,546  individus. 

Sur  les  1,318  hommes  naturalisés,  défalcation  faite  des  indigènes  musulmans, 
504  appartenaient  à  l'armée,  814  à  la  population  civile. 

Sur  les  814  civils,  517  étaient  célibataires,  175  étaient  nés  en  Afrique,  639  hors 
d'Afrique.  On  comptait  438  Italiens,  104  Espagnols,  38  Maltais.  La  province  de 
Constanline  donne  .334  naturalisations,  Alger  28t,  Oran  199.  La  proportion  est  en 
sens  inverse  du  nombre  des  étrangers  résidant  sur  le  territoire  des  trois  départe- 
ments. 

Les  professions  exercées  par  les  814  naturalisés  civils  se  répartissent  ainsi: 
•     Agriculture,  commerce,  industrie,  257;  pêche  maritime,  406;  emplois  divers, 

■  121  ;  professions  libérales,  12;  propriétaires  et  rentiers,  18. 

[*     Le  quart  des  indigènes  admis  aux  droits  de  citoyen  appartient  aux  professions 
p  libérales.  Le  surplus  se  répartit  d'une  façon  à  peu  près  égale  entre  les  emplois  pu- 
yblics,  l'armée  et  l'agriculture  ou  le  commerce. 
Y     En  Tunisie,  le  nombre  des  naturalisations  a  été  de  47.  Il  est  de  43  pour  l'Indo- 

■  Chine. 


—  106  — 

III. 
RÉSULTATS  STATISTIQUES  DE  CINQ  ANNÉES  DE  DIVORCE. 

Il  y  a  cinq  années  que  le  divorce  a  été  rétabli  en  France,  et  le  Journal  oijiciela 
donné  récemment,  en  même  temps  que  les  autres  diiflres  bruts  relatifs  au  mouve- 
ment de  la  population,  le  nombre  de  divorces  enregistrés  depuis  la  mise  en  vigueur 
de  la  loi  du  "27  juillet  1884.  Ces  chiffres  nous  ont  paru  assez  intéressants  pour 
faire  l'objet  d'une  étude  particulière,  dont  nous  allons  exposer  rapidement  les  résul- 
tats ci-après  : 

Il  y  a  eu,  en  France,  17,177  divorces  prononcés  depuis  1884.jusqu'au31  décembre 
1888  :  nous  allons  examiner  comment  ces  divorces  se  répartissent  par  année,  puis 
par  département  ;  nous  examinerons  ensuite  quelles  sont  leurs  causes  et  combien 
proviennent  de  conversions  de  séparalions  de  corps;  puis  nous  les  distinguerons 
d'après  l'âge  des  divorcés,  d'après  la  durée  des  mariages  dissous.  Enfin,  nous  étu- 
dierons dans  quelle  mesure  les  diiïérenles  professions  ont  contribué  à  fournir  un 
chiffre  aussi  gros  de  divorces. 

Le  nombre  des  divorces  a  été  le  suivant,  pour  chacune  des  cinq  années  écoulées: 


1884  (cinq  mois).    .    . 

1885 

1886 

1887 

1888 

Total 17,177        ^     23,0 

Si  l'année  1884  avait  été  complète,  c'est  elle  qui  aurait  fourni  le  plus  de  divorces  : 
il  paraît  clairement  que  la  loi  rétablissant  le  divorce  était  impatiemment  attendue, 
et  que  beaucoup  de  couples  n'ont  guère  perdu  de  temps  pour  se  séparer.  Les 
divorces  diminuent  jusqu'en  1880,  pour  reprendre  de  plus  belle  ;  l'année  dernière 
a  presque  égalé  les  douze  premiers  mois  qui  ont  suivi  la  mise  en  vigueur  de  la  loi. 
Le  divorce  semble  donc  entrer  de  plus  en  plus  dans  les  mœurs.  Il  ne  faut  cepen- 
dant pas  se  bâter  de  conclure  que  le  nombre  des  ménages  dissous  augmente  ;  il 
faut  tenir  compte  de  l'importance  parallèle  des  séparalions  de  corps;  plus  il  y  a  de 
divorces,  moins  il  y  a  de  séparations  de  corps. 

Il  convient  de  rappeler  également  que  la  loi  du  18  avril  1886  a  simplifié  la  pro- 
cédure du  divorce  ;  les  effels  de  celte  loi  ne  se  sont  point  fait  attendre,  et,  d'après 
les  comptes  de  l'administration  de  la  justice  civile  (Journal  officiel  du  24  août),  les 
tribunaux  qui,  en  1885  et  1886,  n'avaient  statué  que  sur  2,330  et  3,190  divorces 
non  précédés  de  séparation  de  corps,  n'en  ont  pas  vu  porter  devant  eux  moins  de  5,434 
en  1887.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  nombre  des  divorces  augmente  d'année  en  année  et 
atteint  aujourd'hui  le  chiffre  considérable  de  17,177.  Comme  il  y  a,  en  France, 
7,472,000  ménages  de  personnes  mariées,  on  peut  dire  qu'il  y  a  eu  23  divorces  sur 


Pour  10,000 

niéuagcs. 

1,657 

soit      2,2(1) 

-1,227 

-       5,7 

2,949 

-       4,0 

:],()3C. 

-      5,0 

4,708 

-       6,1 

(1)  Mais  6.6  pour  10,000  ménages  si  l'année  avait  été  complète. 


—  107  — 

10,000  ménages,  ou  un  divorce  pour  4ïJ5  ménages.  C'est  là  une  moyenne  générale 
pour  tout  l'ensemble  de  la  France  ;  il  sera  iniéressant  d'examiner  comment  celte 
moyenne  varie  suivant  les  régions  et  suivant  les  départements.  Sur  100  divorces, 
30,  soit  près  du  tiers,  ont  été  fournis  par  le  seul  département  de  la  Seine  (5,208 
en  chiffres  absolus),  45  p.  100  l'ont  été  par  l'ensemble  des  villes  de  France,  c'est-à- 
dire  par  la  population  urbaine,  et  le  quart,  soit  25  p.  100,  l'a  été  par  les  cam- 
pagnes. Si  l'on  se  souvient  que  la  population  du  département  de  la  Seine  est  à  peu 
près  égale  à  la  dixième  partie  de  la  population  des  campagnes,  on  pourra  conclure 
que  le  divorce  est  près  de  12  fois  plus  fréquent  dans  la  capitale  que  parmi  les 
ruraux.  Il  y  a  eu  dans  la  population  urbaine  deux  fois  et  demie  moins  de  divorces 
qu'à  Paris,  mais  cinq  fois  plus  que  dans  les  campagnes,  toutes  proportions  gardées, 
bien  entendu. 

Les  départements  qui  ont  compté  le  plus  de  divorces  depuis  188-4  sont:  la  Seine, 
5,208;  la  Gironde,  634;  Seine-et-Oise,  612;  le  Nord,  587;  les  Bouches-du- 
Rhône,  555;  le  Hhône,  549;  la  Seine-Inférieure,  493;  l'Aisne  415;  l'Aube,  329; 
l'Eure,  318;  l'Oise,  311;  la  Somme,  302;  la  Marne,  292;  le  Calvados,  276; 
Meurtlie-et-Moselle,  229;  le  Pas-de-Calais,  228;  ("Isère,  217;  Seine-et-Marne, 
211,  et  enfin  la  IJaute-Garonne,  206.  Ces  19  départements,  à  eux  seuls,  compren- 
nent plus  de  70  p.  100  des  divorces  prononcés.  Ceux  qui  en  ont  enregistré  le 
moins  sont  la  Lozère,  2  divorces;  la  Savoie,  8;  les  Hautes-Alpes,  9;  le  Cantal,  10; 
la  Corrèze,  12. 

Mais  pour  donner  à  ces  chiffres  leur  véritable  signification,  il  convient  de  com- 
parer le  nombre  des  divorces  à  celui  des  couples  existants.  Nous  avons  dit  plus 
haut  que  l'on  a  compté,  en  moyenne,  en  France,  23  divorces  sur  10,000  ménages, 
pendant  la  période  1884-1888;  il  y  en  a  eu  dans  la  Seine  88  pour  le  même  nombre 
de  ménages,  et  cent  fois  moins  dans  la  Lozère.  C'est  dans  le  centre  du  bassin  de  la 
Seine,  dans  l'Aube,  l'Oise,  la  Marne,  l'Eure,  d'une  part,  et  dans  des  départements 
isolés,  mais  contenant  de  grandes  villes,  comme  les  Bouches-du-Rhône,lc  Rhône,  la 
Gironde,  que  l'on  a  compté  le  plus  de  divorces  pour  10,000  ménages. 

Il  est  inconteslable  que  la  Bretagne  et  la  Vendée,  pays  religieux,  ainsi  que  cer- 
tains pays  montagneux,  semblent  offrir  infiniment  moins  de  ménages  désunis  que 
la  capitale  et  ses  environs,  mais  il  faut  remarquer  que  dans  ces  départements  le 
nombre  des  séparations  de  corps  est  très  grand  relativement.  Ainsi,  dans  le  Finis- 
tère, il  y  a  eu  trois  fois  plus  de  séparations  de  corps  que  de  divorces  et,  dans  les 
Côtes-du-Nord,  cinq  fois  plus.  Les  proportions  inverses  sont  observées  dans  la  Seine 
et  dans  l'Aube. 

Notre  attention  a  élé  adirée  par  la  proportion  anormale  de  divorces  prononcés 
dans  le  département  de  l'Aube,  et  nous  nous  sommes  demandé  quelle  était  la  raison 
pour  laquelle  le  divorce  est  si  populaire  dans  ce  déparlement.  Renseignements 
pris,  nous  avons  su  que  le  divorce  est  très  en  honneur  parmi  les  ouvriers  (bon- 
nefiers  principalement)  do  l'Aube,  et  que  l'assistance  judiciaire  accueille  très  faci- 
lement les  demandes  qui  lui  sont  faites  en  vue  de  pouvoir  divorcer  sans  frais. 
Voilà  une  raison,  certes,  à  laquelle  on  était  loin  de  s'attendre. 

Voici,  au  surplus,  comment  se  classent  les  dé|»artements  d'après  l'ordre  de  fré- 
quence respective  du  divorce  (résultat  des  cinq  années). 


k 


108  — 


Nombres  de  divorces  par  10,000  ménages. 


88  Seine. 

54  Seine-ct-Oise. 

52  Aube. 

50  Bouclies-du-Rhône. 

37  Eure.  —  Gironde. 

33  Aisne.  —  Marne.  —  Oise.  —  Rhône. 

30  Seine-Inférieure. 

28  Calvados.  —  Var. 

26  MeurIhe-el-Moseile. 

25  Seine-el-Marne.  —  Somme. 

24  Eure-et-Loir. 

23  Gard.  —  Vaucluse. 

22  Alpes -Maritimes.  —  Ardennes.  — 
;.<      Haute-Garonne.  —  Nord. 

50"  Côte-d'Or. 

19  Charente -Inférieure.  —  Indre-et- 
Loire.  —  Isère.  —  Haute-Saône. 

i8  Basses-Alpes.  —  Meuse. 

il  Doubs.  —  DrOme.  —  Sartlie. 

46  Hérault.  —  Lot-et-Garonne.  —  Saône- 
et-Loire. 

15  Loire.  —  Pas-de-Calais.  —  Pyrénées- 
Orientales. 


14  Charente.  —  Loir-et-Cher.  —  Yonne. 
13  Orne.  —  Belfort. 
12  Loiret.  —  Tarn-et-Garonne.  — Vosges. 
1 1  Corse.  —  Loire-Inférieure.  —  Maine- 
et-Loire.  —  Haute-Marne. 
10  ,Iura. 

9  Manche.  —  Puy-do-Dôme. 

8  Ain.  —  Gers.    -  Nièvre. 

7  Aude.  —  Hautes-Pyrénées. 

0  Cher.  —  Indre.  —  Deux-Sèvres.  — 

Tarn.  —  Haute-Vienne. 

n  Allier.  —  Ardèche.  ■ —  Dordogne.  — 
Finistère.  —  Ille-et-Vilaine.  — 
Landes.  —  Haule-Loire.  —  Lot. — 
Mayenne.  —  Morbihan.  —  Haute- 
Savoie. 

4  Hautes-Alpes.  —  Vienne. 

3  Ariège.  —  Creuse. 

2  Aveyron.  —  Cantal.  —  Corrèze.  — 
Basses-Pyrénées.  —  Vendée. 

1  Côtes-du-Nord.  —  Lozère.  —  Savoie. 


Tout  d'abord,  la  plus  grande  partie  des  divorces  ont  été  de  simples  conversions 
d'anciennes  séparations  de  corps,  les  proportions  suivantes  en  font  foi. 

DIVORCES  l'aOPOBTlON 
par  conversion  p.  100 

lie  sé[»arations  dus  divorcej 

lie  corps,  par  conversion. 

1884 1,549  93p7l00 

1885 2,163  53    — 

1886 1,300  33    — 

1887 1,112  19    — 


On  remarque  surtout  l'accroissement  inquiétant  des  demandes  de  divorces  directs, 
c'est-à-dire  non  précédés  de  séparations  de  corps. 

Causes  des  divorces.  —  Les  neuf  dixièmes  des  demandes  en  séparation  de  corps 
sont  fondées  sur  des  excès,  sévices  ou  injures  graves  ;  pour  les  demandes  en  divorce, 
cette  proportion  n'est  plus  que  des  trois  quarts  (76  p.  100).  L'adultère,  qui  n'est 
invo(|ué  que  dans  les  neuf  centièmes  des  cas  pour  obtenir  la  séparation  de  corps, 
l'est,  au  contraire,  dans  le  cinquième  des  afi'aires  (21  p.  100)  pour  arriver  au 
.divorce;  enfin,  l'époux  dont  le  conjoint  a  été  condamné  à  une  peine  alîliclive  et 
infam.3nte  représente  1  cas  sur  100  pour  la  sé[iaialion,  mais  3  cas  sur  100  pour  le 
divorce.  Pour  la  tolalilé  des  cas  dans  lesquels  l'adullère  est  invoqué,  l'adultère  du 
mari  l'a  été  i29  fois  sur  100,  et  celui  de  la  femme  71  fois.  H  ne  faudrait  cependant 
pas  tirer  de  ces  deux  dernières  proportions  des  conclusions  fermes  sur  la  moralité 
respective  de  chacun  des  époux  en  général  ;  on  sait  que  l'adul'.ère  de  l'homme  et 


—  109  — 

celui  (le  la  femme  ne  soiil  pas  tous  deux  envisagés  de  la  même  manière  par  le 
législateur. 

Divorce  par  l'nje.  —  En  mettant  de  côté  les  1,657  divorces  de  la  fin  de  l'année 
1884,  qui  n'ont  pas  été  classés  d'après  l'âge  des  parties  intéressées,  nous  trouvons 
que  les  15,521  divorces  constatés  pendant  les  quatre  années  qui  suivent  se  sont 
classés  de  la  manière  suivante,  par  âge  : 

Déparlement     Population       Population  „ 

DlvouciiES.  Je  la  Seine.        urbaine.    •        rurale.  ''''^^■ 

Au-dessous  de  20  ans 10  79  16  105 

De  20  à  25  ans 243  546  359  1,U8 

De  25  à  30  ans 748  1,286  047  2,081 

De  30  à  35  ans 1,023  1,564  828  3,415 

De  35  à  40  ans 1,039  1,393  723  3,155 

De  40  à  50  ans  .' 1,049  1,465  813  3,331 

De  50  ans  et  au-dessus 495  714  417  1,626 


Totaux 4,607       7,047       3,867      15,521 

Toutes  projiortions  gardées,  les  femmes  divorcées  sont  donc  plus  âgées  à  Paris 
qu'en  province,  mais  surtout  qu'à  la  campagne;  c'est  entre  30  et  45  ans  que  l'on 
en  rencontre  le  plus. 

Département     Population       Population 

UIVORCKS.  A     \     a    ■  v.    ■  i  TOTAL. 

de  la  Seine.        urbaine.  rurale.  

Au-dessous  de  20  ans 1  7  2  10 

De  20  à  25  ans 32  98  58  1 88 

De  25  à  30  ans 280  547  319  1,146 

De  30  à  35  ans 798  1,279  703  2,780 

De  35  à  40  ans.    . 1,128  1,033  908  3,669 

De  40  à  50  ans 1,386  2,132  1,178  4,690 

De  50  ans  et  au-dessus 982  1,351  099  3,032 

Totaux 4,607       7,047       3,807       15,521 

Pour  ce  qui  est  des  hommes  divorcés,  c'est  entre  35  et  50  ans  qu'ils  sont  les  plus 
nombreux  ;  mais  leur  répartition  par  âge  est  presque  exactement  la  même  à  Paris 
et  dans  les  villes  qu'à  la  campagne.   . 

L'âge  moyen  du  divorce  était,  l'année  dernière,  40  ans  8  mois,  pour  les  hommes, 
et  35  ans  et  7  mois,  pour  les  femmes;  il  était,  au  commencement  de  la  mise  en 
vigueur  de  la  loi  du  "11  juillet  1884,  44  ans  6  mois  pour  les  hommes  et  39  ans 
8  mois  pour  les  femmes.  L'âge  moyen  a  diminué  d'un  an,  à  très  peu  près,  par 
année,  depuis  que  le  divorce  est  rétabli.  Cela  montre  bien  suffisamment  combien 
les  piemières  années  ont  été  influencées  par  la  liquidation  des  anciennes  unions 
mal  assorties  ou  irréconciliables. 

La  durée  moyenne  du  mariage  dissous  était,  en  effet,  16  ans,  en  1885;  elle  est 
actuellement  de  12  ans  et  onze  mois. 

Voici  comment  se  décomposent,  d'après  la  durée  de  l'union  dissoute,  les 
4,708  divorces  enregistrés  pendant  les  années  1885  et  1888. 


—   110  — 

AHNKB    1885.  ANNKK    1888. 

-Nombres        Proportion         Nombres         Proporlroii 
absolus.  p.  100.  absolus.  p.  100. 

Moins  (le  2  années 33  0,8  121  2,0 

De2à5ans 205  4,9  520  11,0 

•     De  5  à  10  ans 765  18,0  1,275  27,2 

De  10  k  15  ans 1,01'J  24,1  1,162  24,7 

De  15  îi  20  ans 870  20,6  740  15,7 

De  20  à  25  ans 602  14,2  437  9,3 

De  25  ans  el  au-dessus 733  17,4  453  9,5 

Totaux 4,227       100,0       4,708       100,0 

Les  proportions  ont  donc  totalement  changé  depuis  quelques  années.  11  n'y  a 
que  pour  la  durée  de  10  à  45  ans  de  mariage  que  la  proportion  est  restée  la  même 
(près  d'un  quart).  Kn  1885,  23  p.  100  des  unions  dissoutes  avaient  moins  de 
10  ans  de  durée;  aujourd'hui  cette  proportion  dépasse  40  p.  100;  à  la  même 
époque,  32  p.  100  de  ces  unions  comptaient  plus  de  20  ans  de  durée;  aujourd'hui, 
on  n'en  compte  que  18  p.  100. 

Divorce  suivant  les  professions.  —  Nous  avons  vu  plus  haut  (|ue  le  divorce 
n'était  pas  répandu  dans  toute  la  France  de  la  même  façon  et  qu'il  était  plus  fré- 
quent dans  les  départements  commerçants  et  manufacturiers  que  dons  les  départe- 
ments agricoles  ;  d'un  autre  côté,  le  département  de  la  Seine  et  les  villes  en  comp- 
tent beaucoup  plus  que  la  campagne  ;  on  peut  déjà  tirer  de  ces  constatations  cette 
conclusion  (|ue  l'agriculture  fournil  peu  de  divorces. 

Conformément  aux  instructions  ministérielles,  les  divorces  ont  été  classés  par  la 
statistique  d'après  la  profession  de  l'homme  divorcé.  Voici  comment  se  sont  répartis 
les  15,521  divorces  enregistrés  pendant  la  période  1885-1888  (quatre  années),  dans 
les  douze  groupes  professionnels  prescrits: 

DIVOKCÉB. 

Militaires  et  marins 247 

Fonctionnaires  publics. 612 

Propriétaires  et  rentiers 1,365 

Professions  libérales 870 

Agricidleurs  (patrons  el  chefs  d'exploitations) 764 

Industriels  (patrons) 1,016 

Commerçants  (patrons) 1,935 

Employés  de  commerce  et  d'industrie 2,073 

Ouvriers  et  journaliers  de  l'industrie 4,176 

Ouvriers  et  journaliers  de  l'agriculture 1,252 

Domestiques  attachés  à  la  personne 310 

Autres  professions 901 

Total 15,521 

Les  groupes  professionnels  qui  auraient  le  plus  usé  du  divorce  seraient  donc,  en 
première  ligne,  les  ouvriers  industriels,  puis  les  commerçants  et  leurs  employés, 
enfin  les  propriétaires  et  rentiers,  et  les  ouvriers  agricoles. 

Mais  ce  classement  n'est  pas  rationnel:  la  comparaison  ne  serait  complète  que  si 
l'on  comparait  le  nombre  de  chaque  groupe  professionnel  avec  l'effectif  même  de 


—  111  — 

ce  groupe,  tel  f|ii'il  ressort  de  la  statistique  du  dénombrement  de  la  population. 
Encore  il  faut  admettre,  faute  de  données  suffisantes,  que  la  proportion  de  per- 
sonnes mariées  reste  la  même,  ce  qui  est  vraisemblable,  dans  chacun  des  groupes. 
Aussi  aurons-nous  soin  d'écarter  des  comparaisons  qui  vont  suivre  les  militaires 
et  marins  et  les  domestiques,  parmi  lesquels  le  nombre  de  personnes  mariées  est 
très  faible. 


NOMBUES 

des  divorces. 


Agnculleurs  propriétaires  et  faisant  valoir.  "lô  sur  100,000. 

Ouvriers  et  domesliques  agricoles  ...  73  soit  3  fois  plus  que  les  premiers. 

Industriels  (patrons) 128  —  5               —  — 

Ouvriers  de  l'industrie 19d  —  8              —  — 

Fonctionnaires 254  —  10   *         —  — 

Propriétaires  et  rentiers 277  —  11             —  — 

Commerçants 294  —   12             —  — 

Employés  du  commerce  et  de  l'industrie.  366  —  15            —  '      — 

Professions  libérales 433  —  17             —  — 

C'est  donc  l'agriculture  qui  fournit  le  moins  de  divorces  —  un  divorce  sur 

4,000   propriétaires  faisant  valoir  —  et  c'est   dans  les   titulaires  de  professions 

.libérales  que   l'on   a   le   plus  de  goût  pour  celte  institution:  483  divorces  sur 

100,000  tilulaires,  soit  un  divorce  sur  i230  titulaires.  Parmi  ces  derniers,  le  divorce 

est  17  fuis  plus  fréquent  que  chez  les  agriculteurs. 

La  statistique  des  divorces  que  nous  venons  d'exposer  rapidement  offre  donc  des 
aperçus  nouveaux  et  inléressanis  sur  la  solidité  respective  des  liens  du  mariage, 
suivant  les  professions;  nous  les  compléterons  en  disant,  d'après  les  rapports  de 
l'administration  de  la  justice  civile  et  commerciale,  que  les  propriétaires,les  rentiers, 
les  titulaires  de  professions  libérales,  les  cultivateurs,  ont  plus  souvent  recours  à 
la  séparation  de  corps  qu'au  divorce,  et  que,  au  contraire,  les  commerçants,  les 
ouvriers  et  les  domestiques  usent  plus  volontiers  du  divorce  que  de  la  séparation 
de  corps. 

On  sait  que  les  ouvriers,  les  paysans  ont  Iieaucoup  d'enfanis,  alors  que  les  gens 
aisés  des  villes,  les  titulaires  des  professions  libéiales  en  ont  peu  ou  point  ;  c'est 
peut-être  là  aussi  qu'il  faut  chercher  à  expliquer  en  partie  le  peu  de  goijt  des  pre- 
miers pour  le  divorce  ;  si  l'on  consulte  les  statistiques  qui  distinguent  les  divorcés 
en  deux  catégories,  suivant  qu'ils  ont  des  enfants  ou  qu'ils  n'en  ont  pas,  voici  ce 
que  l'on  observe  :  sur  16,233  familles  de  divorcés  dont  on  a  pu  connaître  le  nombre 
d'enfants,  il  s'en  est  trouvé  7,818,  soit  48  p.  100,  qui  étaient  sans  enfants; ainsi  près 
de  la  moitié  étaient  stériles  ou  n'avaient  pas  eu  le  temps  d'avoir  des  enfants. 

Il  importe  de  rappeler  que,  lors  du  dernier  dénombrement,  toutes  les  familles 
avaient  été  classées,  dans  chaque  catégorie  d'état  civil,  d'après  le  nombre  de  leurs 
enfants,  et  que  la  même  remarque  avait  déjà  été  faite. 

{Économiste  français.)  Victor  Turquan. 


—  112  — 


IV. 


LES  ACCIDENTS  D'APPAREILS  A  VAPEUR. 

Un  lableau  délaillé  des  explosions  d'appareils  à  vapeur  est  dressé  cluique  année 
en  France,  au  minislère  des  travaux  publics,  par  les  soins  de  la  commission  cen- 
trale des  appareils  à  vapeur.  Les  renseignements  qu'il  contient  méritent  toute  con- 
fiance, parce  qu'aux  termes  de  la  législation  en  vigueur  tou(e  explosion  donne  lieu 
à  une  enquête  et  à  un  procès-verbal  de  la  part  de  l'autorité  cliargée  de  la  police 
locale  et  des  ingénieurs  des  mines,  ou  bien,  s'il  s'agit  d'appareils  installés  sur  des 
bateaux,  de  la  part  de  la  commission  de  surveillance,  commission  dont  les  ingénieurs 
font  partie.  

L'objet  principal  de  l'enquête  est  de  décwivrir  la  cause  de  l'accident  ;  le  nombre 
des  victimes,  tués  ou  blessés,  qui  forme  un  élément  important  de  la  question,  est 
toujours  consigné  dans  les  procès-verbaux  et  dans  les  rapports  dressés  à  ce  sujet. 
Ces  pièces  officielles  sont  transmises  aux  autorités  administratives  ou  judiciaires, 
en  exécution  de  l'ordonnance  royale  du  23  mai  1843  relative  aux  bateaux  à  vapeur 
qui  naviguent  sur  les  fleuves  et  rivières,  de  l'ordonnance  royale  du  17  janvier  1846 
relative  aux  bateaux  à  vapeur  qui  naviguent  sur  mer,  enfin  du  décret  du  30  avril  1 880 
portant  règlement  d'administration  publique  sur  l'emploi  de  la  vapeur  dans  les  ap- 
pareils fonctionnant  à  terre.  Ce  dernier  décret,  qui  remplace  l'ancienne  ordonnance 
du  22  mai  1843  et  le  décret  du  25  janvier  1865  reliitif  aux  chaudières  à  vapeur 
autres  que  celles  des  bateaux,  oblige  expressément,  par  son  article  38,  le  chef  de 
Vctahlissemenl  à  prévenir  immédiatement  l'ingénieur  chargé  de  la  surveillance,  s'il 
arrive  un  accident  quelconque  ayant  occasionné  la  mort  ou  des  blessures  ou  n'ayant 
entraîné  que  des  dégâts  matériels.  Un  rapport  est  dressé  dans  tous  les  cas,  parce 
qu'il  importe  à  la  sécurité  publique  de  rechercher  toutes  les  causes  susceptibles  de 
déterminer  des  explosions. 

Le  Journal  officiel  ainsi  que  les  Annales  des  mines  et  la  Slalisliquedel'induslrie 
minérale  et  des  appareils  à  vapeur,  publient  annuellement  le  Tableau  des  accidents 
arrivés  dans  l'etnploi  des  appareils  à  vapeur,  tel  qu'il  est  dressé  parla  commission 
centrale.  On  y  trouve  la  daledel'accident,  la  nature  et  la  situation  de  l'établissement 
où  l'appareil  était  placé,  la  nature,  la  forme  et  la  destination  de  cet  appareil,  les 
circonstances  de  l'accident,  ses  conséquences  pour  les  personnes  et  pour  les  choses, 
enfin  sa  cause  présumée. 

Nous  avons  dépouillé  les  tableaux  concernant  les  huit  dernières  années,  en  nous 
plaçant  au  point  de  vue  des  risques  inhérents  à  l'emjjloi  de  la  vapeur,  et  en  avons 
extrait  les  données  suivantes,  pour  la  France  et  l'Algérie  réunies  : 


Tauleau. 


11:3  — 


A  C  i:  I  D  K  S  T  S  V  I    ('  T  1  M   K  f 


ANSÉES. 

avant  fail 
'  des 
\iclimes. 

n'iiyanl    pas 

t'aïL  de 

viciinies. 

ÎVoiiibi'o 
10  lai. 

Tués. 

ayuilluliùiné 

nliis 
de  20  jours. 

Bli-ssés 
ayaiuclionit- 

moins 
de  20  jours. 

Noinhre 
10  toi. 

1880.   .    . 

19 

6 

25 

30 

30 

» 

60 

1881.   .    . 

19 

10 

29 

15 

10 

M 

36 

1882.    .    . 

30 

7 

37 

40 

20 

19 

79 

1883.   .    . 

17 

17 

34 

40 

62 

30 

132 

1884.    .    . 

25 

12 

37 

46 

40 

34 

120 

1885.   .    . 

18 

7 

25 

34 

33 

29 

96 

1886.   .    . 

23 

7 

30 

33 

24 

14 

71 

1887.   .    . 

21 

15 

36 

17 

17 

33 

67 

Moyennes  des  I     g^  g         ^q.^         3j  q         3^;,         qg  -         21,2         82,6 
8  années,      j  >'''''  > 

A  travers  les  variations  que  présentent  les  chiffres  ci-dessus,  d'une  année  à  l'autre, 
on  découvre,  avec  un  peu  d'atlenlion,  une  sorte  de  régularité  fatale.  Les  accidents 
sont  plus  ou  moins  graves,  occasionnent  plus  ou  moins  de  victimes,  ou  n'en  font 
aucune,  suivant  des  chances  mystérieuses.  Mais  leur  nombre  annuel  ne  présente 
que  des  écarts  médiocres;  il  oscille  autour  du  chiffre  de  31  ou  de  32.  Celui  des 
morts  approche  du  même  chiffre,  en  présentant  toutefois  des  écarts  plus  grands. 
Si  l'on  néglige  les  personnes  légèrement  blessées,  et  dont  le  chômage  n'a  pas  atteint 
50  jours,  on  voit  qu'en  moyenne  la  moitié  des  victimes,  grièvement  atteintes,  ne 
survit  pas  aux  blessures  ou  aux  brûlures  reçues.  C'est  In  fréquence  des  morts,  par 
rapport  aux  blessés,  (|ui  caractérise  les  conséquences  funestes  des  explosions. 

Le  tableau  statistique  suivant,  concernant  la  période  anli'rieure  (1873-1879), 
confirme  nos  observations.  Il  y  a  lieu  de  remanjucr  que  certaines  personnes  bles- 
sées légèrement  n'y  figurent  pas,  leur  nombre  n'ayant  pas  été  donné. 


SSÉES. 

1873 

1874 
1875 
1876 

ACCIDEKTS. 

30 
32 
26 
35 

22 
35 
35 

TCKS. 

37 
54 
26 
28 
40 
37 
35 

BLESSÉS 

48 
63 
31 
51 

1877 

32 

1878 

31 

1879 

Moyennes 

des  7  années.  . 

52 

31 

37 

44 

En  comparant  les  moyennes  relatives  aux  deux  périodes  1873-1879  et  1880-1887, 
în  est  amené  à  constater  que  le  nombre  des  accidents  est  slationnaire,  et  que  celui 
jes  morts  tend  plutôt  à  diminuer.  Or  le  nombre  des  appareils  à  vapeur  n'a  cessé 
l'augmenter  chaque  année.  On  comptait  en  France  67,489  chaudières  et  récipients 
m  activité  en  1873;  il  y  en  a  eu  404,360  en  1887,  soit  moitié  plus. 

On  peut  conclure  de  là,  avec  une  entière  certitude,  qu'il  s'est  produit,  dans  l'in- 
[lervalle,  une  diminution  relative  des  accidents  causés  par  l'emploi  de  la  vapeur  et 
[une  amélioration  incontestable  sous  le  rapport  de  la  sécurité. 

l^e   SÉRIE.  31«   VOL.    —  M»  4.  8 


-  114  — 

La  commission  centrale  des  appareils  à  vapeur  range  les  causes  présumées  des 
accidents  en  trois  catégories,  savoir  : 

1°  Conditions  défectueuses  d'établissement. 

Construclion,  disposition,  installation  ou  malières  défectueuses. 

2°  Conditions  défectueuses  d'entretien. 

Usure,  fatigue  ou  amaincissement  du  métal,  réparations  (pour  d'autres  causes) 
non  faites  ou  défectueuses. 

3°  Mauvais  emploi  des  appareils. 

Manque  d'eau  (suivi  ou  non  d'alimentation  intempestive),  excès  de  pression,  au- 
tres imprudences  ou  négligences. 

Les  causes  restées  inconnues  ou  diverses  forment  une  quatrième  catégorie. 

Le  total  annuel  des  causes  présumées  est  supérieur  à  celui  des  accidents  corres- 
pondants, parce  que  le  même  accident  est  souvent  dû  à  diverses  causes  réunies. 
Pour  la  période  de  1880  à  1887,  la  statistique  ainsi  définie  a  donné  les  cliiffies 
suivants  : 

Causes  présumées  des  accidents. 

UONDJTIOSB  lUPBDDEItCES  „.„._„ 

,                                             défectueuies  ou  negligencei         .  ,„    ,„  „. 

AHHIBfl.  1  mcojïDuef 

«a  CI  M»  a.  ^^  ^m  (lanH 

....  ou 

—  d'éublisiemeul  .      d'entrelien.        ,      *'"P  **'..  diverse*. 

aei  appareil!. 

1880 A  9  13  3 

1881 3  7  20  2 

1882 10  22  15  2 

1883 11  6  23  2 

1884 16  9  22  » 

1885 5  9  16  2 

188G 9  12  12  3 

1887 13  12  20  1 

Totaux  ....  71  86  141  15 

Le  nombre  des  accidents  survenus  dans  la  période  ci-dessus  a  été  de  253.  On 
voit  que,  dans  14.1  cas,  c'est-à-dire  55  fois  sur  100,  l'enquête  a  permis  d'établir 
l'imprudence  ou  la  négligence  du  mécanicien  ou  du  chauffeur  préposé  à  la  marche 
de  l'appareil.  D'autre  part,  dans  157  cas  (62  fois  sur  100)  des  défauts  dans  l'installa- 
tion, la  construction  ou  l'entretien  de  l'appareil  pouvaient  être  relevés  à  la  charge 
du  constructeur  ou  du  chef  d'établissement,  soit  indépendamment  de  la  faute  des 
chauffeurs  et  mécaniciens,  soit  simultanément. 

Cette  statistique  particulière,  émanée  des  hommes  les  plus  compétents  en  matière 
d'appareils  à  vapeur,  nous  a  semblé  devoir  prendre  place  dans  ce  rapport. 

Il  reste  à  résoudre  une  question  aussi  importante  que  celle  du  partage  de  la  res- 
ponsabilité des  explosions  entre  les  patrons  et  les  ouvriers,  c'est  d'évaluer  les  ris- 
ques d'accidents  occasionnés  |)ar  l'emploi  de  ces  appareils. 

La  statistique  relative  à  la  péiiode  1880-1887  a  donné,  comme  on  l'a  vu  précé- 
demment, une  moyenne  annuelle  d'environ  32  tués  et  51  blessés,  soit  de  83  victimes. 
Si  l'on  connaissait  le  nombre  des  personnes  qui  étaient  exposées  au  danger  d'ex- 
plosion, on  en  déduirait  mathématiquement  le  coefficient  de  risque.  Or,  ce  nombre 
échappe  à  tout  recensement  direct  :  ce  serai(  une  erreur  grave  que  de  compter 


—  115  — 

parmi  ces  personnes  tout  le  personnel  des  usines  à  vapeur,  et  une  autre,  non  moins 
grande,  de  compter  les  mécaniciens  el  chauffeurs  exclusivement.  Suivant  la  dispo- 
sition des  locaux,  suivant  la  gravilé  de  l'explosion,  la  zone  dangereuse  augmente  ou 
diminue. 

D'autre  part,  le  nombre  des  viclimes  est  généralement  en  rapport  avec  celui  des 
ouvriers  qui  se  trouvent,  en  permanence  ou  bien  temporairement,  dans  celle  zone 
au  momenl  de  la  rupture  de  l'appaieil.  i'andis  que  tel  accident  de  chaudière  n'at- 
teint personne,  tel  autre  a  pour  conséquence  de  nombreuses  victimes.  Ainsi  une 
explosion  survenue  en  1883,  aux  forges  de  Marnaval,  a  fait  30  morts  et  6i  blessés» 
dans  un  cas  analogue,  en  ISSA,  aux  forges  d'Eurville,  on  a  compté  ^2^  tués  et 
33  blessés. 

On  rencontre,  dans  celte  question,  un  concours  de  circonstances  variables  qui 
semblent  la  vouer  à  l'obscurité.  La  statistique  nous  offre  cependant  un  moyen 
d'éliminer  les  particularités  les  plus  embarrassantes,  et  de  résoudre  le  problème 
d'une  façon  suffisamment  approchée. 

Remarquons  que,  dans  les  huit  dernières  années,  il  y  a  eu  661  personnes  tuées 
ou  blessées  pour  un  total  de  253  explosions.  D'où  il  résulte  que  chaque  accident 
de  ce  genre  a  frappé  ff^  ^^  2,6  personnes,  en  moyenne.  Ainsi  la  zone  dangereuse 
en  comprenait  moyennement  de  2  à  3,  sinon  plus,  par  appareil  à  vapeur.  A  n'en 
pas  douter,  il  y  en  avait  au  moins  2,6  exposées  à  des  blessures,  puisque  tel  est  le 
nombre  moyen  de  celles  qui  ont  été  atteintes.  Dès  lors,  en  prenant  pour  base  cette 
donnée  fournie  par  l'expérience,  il  esl  permis  de  dire  que,  sur  les  personnes,  en 
nombre  quelconque,  qui  travaillent  ou  qui  simplement  se  trouvent  dans  le  voisinage 
de  100,000  appareils  à  vapeur,  par  exemple,  il  y  en  a  260,000  au  moins  qui  cou- 
rent le  risque  d'être,  les  unes  ou  les  autres,  viclimes  d'une  explosion. 

Or,  le  nombre  des  appareils  dépasse  actuellement  100,000.  On  a  compté  comme 
ayant  été  en  activité,  en  France,  pendant  l'année  1887,  80,421  chaudières  (y  com- 
pris les  locomotives  et  les  chaudières  des  bateaux),  et  23,945  récipients  de  vapeur 
soumis  à  la  déclaration  réglementaire,  ensemble  104,366  appareils  explosibles. 

Il  y  en  avait,  en  outre,  1,028  en  Algérie. 

Par  conséquent,  les  risques  d'accident  se  divisent  bien  entre  260,000  personnes, 
pour  le  moins. 

Comme,  d'après  la  statistique  des  huit  dernières  années,  le  nombre  moyen  des 
victimes  est  de  32  tués  et  51  blessés  par  an,  la  proportion  ne  dépasse  pas  : 


2  6  0  .  0  0  U 


0,123  sur  1,000,  pour  les  morts,  et  ,,„'/„„,  ,  soit  un  peu  moins  de  0,2  sur  1,000 
pour  les  blessés. 

Ainsi  que  ces  chiffres  le  démontrent,  les  chaudières  à  vapeur  sont  devenues  d'un 
emploi  beaucoup  moins  dangereux  qu'on  ne  le  pense  généralement.  Comparative- 
ment aux  autres  chances  mauvaises,  si  nombreuses,  dont  les  ouvriers  ont  à  se  pré- 
occuper, elles  jouent  un  rôle  presque  négligeable  dans  les  accidents  du  travail. 

Cet  heureux  résultat  esl  dû,  pour  une  bonne  part,  au  remarquable  ensemble  de 
mesures  préservatrices  dont  l'usage  des  appareils  à  vapeur  est  entouré,  les  unes 
imposées  par  le  législateur,  les  autres  adoptées  spontanément  par  les  industriels, 
afin  de  garantir  la  sécurité  publique. 

[Extrait  des  travaux  du.  Congrès  international  des  accidents  du  Iravait  (Exposition  universelle 
de  I8S9).] 

G.  Keller. 


—  116  — 

V. 

LA  MORTALITÉ  PAR  PROFESSIONS  EN  ANGLETERRE. 

A  l'une  des  séances  du  Congrès  inlernational  de  statistique,  M.  le  docteur  J.  Ber- 
tillon  a  lu  un  mémoire  sur  la  nomencUUurc  des  professions  au  point  de  vice  du 
dénombrement  de  la  population.  M.  Bertillon  pense  qu'il  est  à  désirer  que  les  gou- 
vernements de  lous  les  pays  d'Europe  fassent  publier  les  professions  des  habitants 
en  suivant  un  système  uniforme. 

Comme  éviiience  de  liitilité  d'un  dénombrement  par  professions, j'ai  moi-même 
alliré  l'allenlion  du  Congrès  sur  le  rapport  décennal  du  Regislrar  General  du 
Royaume-Uni,  qui  contient  une  table  de  morlalilé  par  professions. 

Après  discussion,  l'assemblée  a  nommé  une  commission  composée  de  MM.Bodio, 
Blenck,  Kôrôsi,  Beaujon,  Ogie,  Vannacque,  Loua,  Levasseur,  Cheysson  et  Cook, 
pour  étudier  le  sujet,  et  dresser  un  rapport  pour  le  prochain  Congrès  qui  sera  tenu 
à  Vienne. 

Nous  publions  ci-après  une  traduction  de  la  table  du  Registrar  General  avec  les 
observations  qu'elle  m'a  suggérées. 

Dans  son  rapport  décennal  de  1885  (dit  Supplément  la  tite  45^^'  Anminl  Report), 
M.  le  docteur  William  Ogle,  le  Registrar  General  du  Royaume-Uni,  a  publié,  pour 
la  première  fois  depuis  sa  nomination,  la  mortalité  par  professions  des  hommes 
entre  les  âges  de  ^Ib  et  C5  ans  qui  sont  employés  dans  les  principaux  métiers.  Son 
prédécesseur,  M.  le  docteur  Farr,  avait  dressé  une  table  semblable,  mais  pour  moins 
de  professions:  une  comparaison  entre  les  deux  tables  démontre  qu'entre  les  éges 
de  25  et  45  ans  les  morts  par  mille  vivants  sont  moins  nombreuses  qu'auparavant 
dans  65  professions  sur  73;  mais,  entie  les  âges  de  45  et  65  ans,  elles  sont  moins 
nombreuses  seulement  dans  35  de  ces  professions,  et  elles  sont  même  plus  nom- 
breuses dans  les  38  autres.  La  mortalité  générale  du  pays  dans  les  dernières  années 
a  suivi  le  même  mouvement. 

Eu  cherchant  les  raisons  de  la  baisse  dans  la  morlalité  ci-dessus  mentionnée,  on 
doit  rappeler  que  les  heures  de  travail  de  l'ouvrier  sont  plus  courtes;  les  popula- 
tions boivent  moins  de  buissons  alcooliques  et  les  mesures  sanitaires  dans  les  usines 
et  dans  les  vdles  sont  plus  rigoureuses  qu'auparavant. 

La  mortalité  par  professions  est  un  sujet  (|ui  intéresse  entre  autres  les  compa- 
gnies d'assurances  sur  la  vie.  H  y  a  des  compagnies  anglaises  d'assurances  sur  la 
vie  qui  refusent  absolument  d'assurer  les  débitants  de  boissons  alcooliques;  d'autres 
demandent  une  foile  surprime.  D'autre  part,  quelques  compagnies  accordent  aux 
ecclésia.vliques  un  abaissement  de  la  piime  de  10  p.  100  à  cause  du  faible  taux  de 
mortalité  de  celte  profession  bbérale. 

\\  e^t  nécessaire,  dit  M.  le  docteur  Ogic,  de  tenir  compte  de  certaines  considéra- 
lions  en  faisant  des  comparaisons  entre  les  taux  de  mortalité  des  différents  métiers. 
Par  exemple,  les  ouvriers  de  certaines  professions,  comme  les  forgerons,  sont 
forcément  des  hommes  forts  et  sains  (hommes  d'élite),  tandis  qu'il  y  a  d'autres 
métiers,  comme  ceux  de  cominis  et  de  tailleurs  d'habils,  qui  attirent  les  faibles. 
Les  travailleurs  journaliers  des  villes,  ainsi  que  les  marchands  des  rues  et  les  mes- 
sagers qui  présentent  des  taux  de  mortalités  bien  élevés,  sont  fréquemment  des 


117  — 


hommes  qui  sont  devenus  trop  faibles  pour  travailler  à  leurs  méliers  d'origine.  De 
plus,  le  nombre  des  hommes  travaillant  à  certaines  (irofessions  est  trop  restreint 
pour  donner  lieu  à  des  résultats  suffisamment  exacts.  iNonobslanl,"les  taux  de  mor- 
talités sont  tellement  semblables,  généralement,  à  ceux  qui  ont  été  publiés  par 
M.  le  docteur  Farr,  qu'il  semble  raisonnable  de  les  considérer  comme  dignes  de 
confiance  et  suffisants  pour  les  calculs. 
Voici  les  chiffres  de  M.  le  docteur  Ogle  : 


NOMS   PAR   PROFESSIONS. 


Tous  les  hommes  du  pays 

—  —  occupés  

—  —  non  occupés  

1.  Ecclésiastique  (clergyman,  priest,  minister) 

2.  Avocat,  avoué 

3.  Médecin  consullant,  chirurgien 

.1.  àlattre  d'école,  sous-nialtre  d'école 

b.  Peintre,  graveur,  architecte,  sculpteur 

6.  Musicien,  maître  de  musique 

7.  Fermier,  herbager 

8.  Ouvrier  d'agriculture,  cantonnier 

9.  Jardinier,  pépiniériste 

10.  Pêcheur  de  mer 

1 1.  Cocher,  conducteur  (des  voitures  de  place  et  des  omnibus) 

12.  Ouvriers  des  canaux,  allégeur,  batelier 

13.  lloulior,  volturler 

14.  Palefrenier,  cocher  (domestique) 

15.  Commis  voyageur. 

16.  Brasseur 

17.  Aubergiste,   cabaretler,   marchand  de  spiritueux,  marchand  de  vin, 

marchand  de  bière 

18.  Kmployé  d'auberge,  de  cabaret  et  d'hôtel 

19.  Mallcur 

20.  Clerc  d'huissier,  d'avoué,  de  notaire 

21.  lîmployé  de  commerce,  d'assurance 

22.  Libraire,  papetier 

23.  Pharniiiclen.  droguiste 

2A.  Débitant  de  tabac 

25.  Épicier 

26.  Marchand  de  nouveautés,  marchand  de  nouveautés  et  de  draps,  elc, 

en  gros   

27.  Ouincalllier 

28.  Marchand  de  charbon  de  terre 

29.  Petit  liouliquier 

30.  Marchand  de  fromage,  lait,  beurre 

31.  Fruitier,  marchand  de  légumes 

32.  Marchand  de  poisson,  volaille 

33.  Boiitiiiuler  (représenté  par  les  11  professions  des  n"  22  à  32)   .    .    . 

34.  Boucher  

35.  Boulanger,  confiseur 

36.  Meunier 

37.  Chapelier 

38.  Coiffeur 

39.  Tailleur  d'habits 

40.  Cordonnier 

11.  Tanneur,  marchand 'et  ouvriers)  de  peaux 

12    Corroyeur  

13.  Sellier,  harnacheur 

U.  Fabricant  de  ihandelle,  fabricant  de  savon 

15.  (luvrliMs  des  fabriques  de  savon,  de  colle  forte  et  d'engrais 

16.  Iniprinieiir 

47.  lielleur 

48.  Horloger  pour  les  montres  et  pour  les  pendules 


TAUX 

MOYEN 

de  mortalité  annuel  pour 

1,000 

vivants. 

AGB. 

23-45. 

45-65. 

10,16 

25,27 

9,71 

24,63 

32,43 

36,20 

4,64 

15,93 

7,54 

23,13 

11,57 

28,03 

6,41 

19,84 

8,39 

25.07 

13,78 

32,39 

6,09 

16,53 

7,13 

17,68 

5,52 

16,19 

8,32 

19,74 

15,39 

36,83 

14.25 

31,13 

12,52 

33,00 

8,53 

23,28 

9,04 

25,03 

13,90 

34,25 

18,02 

33,68 

22,63 

55,30 

7,28 

23,11 

10,77 

30,79 

10,48 

24,49 

8,53 

20,57 

10,58 

25,16 

11,14 

23,46 

8,00 

19,16 

9,70 

20,96 

8,42 

23,87 

6,90 

20,62 

9,12 

21,23 

9,48 

26,90 

10,04 

26,57 

10,53 

23,45 

9,04 

21,90 

12,16 

29,08 

8,70 

26,12 

8,40 

26,62 

10,78 

26,95 

13,64 

33,25 

10,73 

26,47 

9,31 

23,36 

7,97 

25,37 

8,56 

24,07 

9,19 

26,49 

7,74 

26,19 

7,31 

27,. ■)7 

11.12 

26,60 

11,73 

29,72 

9.26 

22,64 

—  H8  — 

TAUX    MOYEN 
de  mortalité  annuel  pour 
KOMS  PAR  PBOrESSIONS.  1,000  vivant!. 


25-45.  45-6S. 


49.  Ouvriers  des  fabriques  de  pendules,  de  montres  et  d'instruments  de 

mathématiques,  bijoutier 9  22  23 

50.  Ouvriers  de  fabrique  (le  papeterie c'is  19 

51             —             —          verrerie II   21  31 

52.  —             —          poterie 13,'70  51 

53.  Ouvriers  de  filature  de  coton,  employés  de  fabrique  de  linge  (comté  de 

Lancashire  ) 9  gg  29 

54.  Ouvriers  de  lilature  de  soie 7'gl  92 

55.  Ouvriers  de  fabrique  de  laine  (comté  de  Vorkshire) y'71  ô? 

56.  Ouvriers  de  fabrique  de  tapis  et  de  tapis  de  cheminée g^ ^^  04 

57.  Ouvriers  de  fabrique  de  dentelle 6*  78  20 

58.  Ouvriers  de  fabrique  de  bonneterie  (comtés  de  Leicestershire  et  Wol- 

tinghamshire) Ç  C9  19 

59.  Teinturier,  blanchisseur  de  toiles,  imprimeur,  etc.,  des  tisssus  ...  y '46  27 

60.  Cordier,  fabricant  de  ficelle 7  90  .  22 

61.  Entrepreneur  de  biUiments,  maçon,  maçon  en  briques g\^  25 

62.  Couvreur  en  ardoises,  couvreur  en  tuiles §'97  94 

63.  Plâtrier,  badigeonneur 7*79  25 

64.  Plombier,  peintre  de  bâtiments,  vitrier Il'o7  32 

65.  Tapissier,  ébéniste,  polisseur 9  55  94 

66.  Charpentier,  menuisier 7 '77  ôj 

67.  Scieur 7'4(;  93 

68.  Tourneur  de  bois,  layctier,  tonnelier ' 1056  28 

69.  Carrossier 9' 13  24 

70.  Charron g^SS  jg 

71.  Constructeur  de  vaisseaux G  95  21 

72.  Serrurier,  poseur  de  sonnettes,  gazier g'iâ  25 

73.  Arquebusier 1062  25 

74.  Coutelier 12  30  34 

75.  Fabricant  de  limes 1529  45 

76.  Ouvriers  de  coutellerie,  de  ciseaux,  de  limes,  d'aiguilles,  de  scies  et 

d'outils ■ 11,71  31 

77.  Ouvriers  de  machines,  ajusteur 7  97  23 

78.  Ouvriers  de  chaudières 9 '97  20 

79.  Les  deux  dernières  (n°' 77  et  78)  ensemble 8  23  23 

80.  Forgeron,  maréchal-ferrant 9  29  25 

81.  Ouvriers  (non  mentionnés)  d'usines  de  fer  et  d'acier y  36  22 

82.  Ouvriers  en  fer-blanc 8^00  24 

83.  Ouvriers  eu  cuivre  rouge,  en  plomb,  en  zinc  et  en  airain 9^15  26 

84.  Ouvriers  en  métaux  (n°' 72  à  83)  réunis 8^  80  25 

85.  Mineur  de  houille  (des  comtés  de  Uurham  et  de  iNorthumberland)    .    .  7^79  94 

86.  —              (comté  de  Lancashire) 7,91  26 

87.  —              /comté  de  Vorkshire) 0,59  21 

88.  —              (comte  de  Derbjshire  et  de  Kottinghamshire)  .    .    .  0,54  20 

89.  —               (comté  de  StafTordshire) 7   81  26 

90.  —  (le  midi  du  pays  de  Galles  et  le  comté  de  Monniouth- 

shire) 9,05  30 

91.  --               (n"»  85  à  90  réunis) 7,64  95 

92.  Mineur  de  minerai  de  fer .    .    ■    •  8,05  21 

93.  Mineur  de  mine  d'ttain  (comté  de  Cornwall) .    .    .    ■  14,77  53 

94.  Carrier  de  pierre,  carrier  d'ardoise 9,95  31 

95.  Ouvrier  journaliei' de  chemin  de  fer,  de  sable  et  d'argile.    .....  11,01  24 

96.  Porteur  de  charbon  de  terre 10,22  23 

97.  Ramoneur  de  cheminées 13,73  41 

98.- Messager,  porteur,  gardien  de  nuit  (ceux  dans  le  service  du  gouver- 
nement exceptés)   17,07  37 

99.  Marchand  (les  quatre  saisons,  colporteur,  marchand  des  rues  .    .    .    .  20,26  45 

100.  Ouvrier  journalier  (a  Londres  seulement) 20,62  50 

Arlliur  J.  CooK. 


—  119  — 

VI. 

L'INITIATIVE  PRIVÉE  ET  LA  MENDICITÉ  PROFESSIONNELLE. 

Au  moment  où  la  ville  de  Paris  va  construire  à  Méry-sur-Oise  un  dépôt  de  mendi- 
cité et  lui  appliquer  le  système  d'assistance  par  le  travail,  il  est  intéressant  de  re- 
clierclier  quelle  est  l'influence  de  la  charité  privée  sur  la  mendicité  professionnelle 
et  d'étudier  les  moyens  employés  pour  lutter  contre  cette  exploitation  de  la  voie 
publique  qui  devient  inquiétante  par  la  rapidité  de  sa  progression  et  surtout  par  la 
nature  de  ses  éléments. 

Le  vagabond,  malgré  la  mulliplicité  des  inslilulions  philanthropiques,  devient 
une  véritable  plaie  sociale,  et  l'émolion  que  produisent  les  déportements  de  ces  dé- 
sœuvrés se  traduit  par  des  critiques  qui  engagent  la  police  à  pratiquer  périodique- 
ment des  1  rafles  »  sans  grand  profit  pour  la  sécurité  générale;  car  bientôt  le 
mendiant  reparaît  et  avec  lui  l'aumône  insouciante  et  frivole. 

C'est  l'aumône  irréfléchie  qui  encourage  cette  exploitation  ;  par  elle  la  mendicité 
est  devenue  une  profession  rémunératrice. 

Dès  le  xvi°  siècle  l'Angleterre  édicta  contre  la  mendicité  des  lois  draconiennes  ;  à 
la  fin  du  siècle  dernier,  la  ville  de  Hambourg  cherchant  à  réagir  contre  la  plaie 
du  paupérisme,  établit  des  règlements  qui,  modifiés  en  1800  par  quelques  citoyens 
d'Elberfeld,  furent  suivis  par  l'Inslitut  des  pauvres  fondé  vers  cette  époque,  puis 
servirent  de  base  à  l'assistance  privée  en  Allemagne,  en  Autriche  et  en  Suisse. 
Plus  récemment  des  efforts  dus  à  l'initiative  privée  ont  obtenu  dans  ces  contrées  des 
résultats  appréciables.  A  Râle,  par  exemple,  une  propagande  active  a  fait  disparaî- 
tre la  mendicité  professionnelle,  en  créant  des  sociétés  dont  les  statuts  exigent  de 
la  part  de  leurs  adhérents  l'engagement  de  diriger  tous  les  mendiants  vers  un  bu- 
reau central  chargé  de  leur  distribuer  des  secours. 

En  Allemagne,  des  organes  du  gouvernement,  des  fonctionnaires  expérimentés 
ne  craignent  pas  de  demander  au  législateur  d'interdire  sous  peine  d'amende  à 
toute  autre  personne  que  celles  qui  en  ont  reçu  la  mission,  le  droit  de  distribuer 
des  secours,  et  dans  ce  pays,  comme  en  Suisse,  là  où  existe  une  société  contre  la 
mendicité,  le  mendiant  professionnel  a  disparu,  préférant  soit  travailler,  soit  exer- 
cer ailleurs  une  industrie  rendue  difficile  et  peu  lucrative.  A  Paris,  un  homme  de 
bien,  M.  Mamos,  a  provoqué  la  création  de  plusieurs  sociétés  de  |Ce  genre,  dont  les 
résultats  sont  1res  satisfaisants  et  justement  appréciés  pour  tous  ceux  (|ue  ces  ques- 
tions intéressent. 

I. 

La  Société  contre  la  mendicité  s'alimente  des  ressources  puisées  au  dehors  sous 
forme  de  cotisations  payées  par  des  adhérents  auxquels  elle  fournit  par  contre 
des  cartes  ou  des  jetons  destinés  à  être  remis  aux  mendiimts  au  lieu  de  secours  en 
argent.  De  plus,  chaque  sociétaire  reçoit  et  fixe  à  sa  porte  une  petite  plaque  en  fonte 
émaillée  indiquant  (ju'il  fait  partie  de  la  Société.  Ces  portes  sont  res|iectées  par  les 
mendiants  professionnels,  d'abord  parce  qu'ils  savent  qu'ils  n'y  i-ecevront  pas  d'es- 
pèces, et  en  second  lieu  parce  que  la  présentation  de  la  carte  au  bureau  central 
entraîne  un  interrogatoire  qui  leur  semble  parfaitement  superflu.  En  effet,  ils  y 


—  120  — 

sonl  accueillis  avec  bienveillance,  mais  on  inscrit  sur  un  regisire  spécial  leurs  noms  et 
prénom,  leur  lieu  de  naissance,  leur  état  elle  secours  qui  leur  est  accordé  (souper, 
gîle,  liardes  ou  soins  médicaux)  ;  de  plus,  ils  ne  peuvent  se  représenter  au  bureau 
qu'un  mois  après  cette  inscription  (1).  On  conçoit  que  ces  formalités,  toutes  natu- 
relles qu'elles  puissent  païaître  à  un  indigent  véritable,  déplaisent  au  mendiant 
professionnel. 

La  cotisation  est  fixée  en  général  à  un  taux  qui  paraît,  de  prime  abord,  être  in- 
suffisant (2)  ;  mais  la  Société  qui  se  renferme  dans  les  limites  tracées  par  ses  sta- 
tuts, voit  décroître  cbaipie  jour  le  nombre  des  assistés,  et  son  but  étant  de  les  faire 
disparaître,  son  capital  peut  à  la  rigueur  être  décroissant.  Cependant  il  ne  faut  pas 
perdre  de  vue  que  son  œuvre  est  éminemment  moralisatrice,  et  que  des  conseils, 
voire  même  des  secours  en  argent  intelligemment  distribués,  peuvent  avoir  une  in- 
fluence salutaire  sur  certains  mendiants. 

La  Société  qui  existe  à  Dàle  nomme  une  commission  qui  pendant  trois  ans  dirige 
et  suit  les  afl'aires  gratuitement.  C'est  précisément  à  cette  commission  qu'incombe, 
en  deliors  des  soins  matériels  que  réclame  la  tenue  des  bureaux,  la  charge  plus 
délicate  de  relever  l'énergie  des  assistés  qui  lui  paraissent  être  dignes  d'intérêt. 

Les  mendiants  sont  donc  reçus  à  des  heures  déterminées  dans  un  bureau  ouvert 
à  cet  effet  ;  ils  présentent  le  jeton  qu'ils  ont  reçu,  qui  porte  l'adresse  du  local  où  ils 
doivent  se  rendre,  l'heure  de  réception  et  un  numéro  d'ordre.  Lorsqu'ils  ont  satis- 
fait aux  questions  ipii  leur  sont  posées,  ils  reçoivent  un  bon  de  pain,  de  soupe  ou 
de  coucher  fourni  par  un  aubergiste  ou  une  institution  charitable  qui  en  débile 
la  Société  ;^  ce  bon  étant  personnel  et  valable  pour  la  journée  ou  la  nuit  ne  donne 
généralement  lieu  à  aucune  spéculation.  On  leur  enjoint  alors  de  ne  plus  avoir  à 
se  présenter  avant  un  mois. 

Chaque  année  le  bureau  fournil  un  compte  rendu  de  ses  opérations. 

Voilà,  dans  ses  lignes  princi()ales,  ce  qu'est  la  Société  contre  la  mendicité  ; 
son  fonctionnement  est  d'une  simplicité  extrême  lorsque  sou  facteur  le  plus  impor- 
tant, le  public,  a  compris  que  l'aumône  individuelle  est  non  seulement  un  capital 
considérable  absolument  dilapidé;  mais  une  arme  qu'il  tourne  contre  lui-même. 

En  effet,  on  arrête  chaque  année  pour  vagabondage  et  mendicité,  en  chiffres  ronds, 
30,000  individus  qui,  en  moyenne,  reçoivent  un  minimum  par  jour  de  2  fr.  50 
sur  la  voie  publique  ;  cela  fait  28  millions  (3)  dépensés  en  dehors  des  17  millions 
alloués  par  le  conseil  municipal  à  l'assistance  publique  et  des  millions  non  moins 
nombreux  qu'une  charité  plus  efllcace  consacre  aux  institutions  d'initiative  privée. 

Quant  à  la  moralité  de  ces  désœuvrés,  on  peut  s'en  faire  une  idée  très  nette  en 
parcourant  les  statistiques  de  la  justice  criminelle.  En  1880,  les  gens  sans  aveu, 
sans  profession  ni  domicile  figuraient  75  fois  sur  100  dans  les  vols  qualifiés,  et 
à  Paris  58  p.  100  des  prévenus  condamnés  à  la  requête  du  ministère  public  étaient 
des  récidivistes. 

Ces  chiffres  ont  une  éloquence  bien  autrement  persuasive  que  les  récriminations 


(Ij  II  faut  que  le  secoors  soit  périodique,  afin  d'éviter  les  abus  dont  le  premier  serait  inévitablement 
«  le  droil  au  suceurs  ».! 

(?)  En  général,  5  à  7  fr.  50  par  jour. 

Ci)  Il  ne  faut  compter  que  300  jours  utiles  par  an;  il  y  en  a  en  moyenne  Gj  passés  en  prison  ou  dans 
les  bijpitaux. 


—  121  — 

de  (|uel(]iies  lionnes  âmes  hostiles  à  la  réglementai  ion  des  secours;  — •  un  élément 
criminel  tend  à  se  substituer  à  l'exploiteur  vulgaire,  il  faut  donc  que  l'indifférence 
et  la  sentimentalité  disparaissent  devant  une  philanthropie  plus  éclairée  et  plus  pra- 
tique (I). 

Les  bureaux  de  bienfaisance  connaissent  à  peine  cette  population  nomade,  l'as- 
sistance publique  ne  les  rencontre  que  dans  les  hôpitaux  où  dans  les  maisons  de 
détention;  le  public  seul  vit  en  contact  avec  elle.  Ce  contact  lui  est  pénible,  l'effraie, 
et  cependant  il  l'encoui'age  à  ce  point  que  dans  les  villes  d'une  certaine  importance 
les  sociétés  qui  font  périodiquement  appel  à  sa  charité,  sont  obligées  de  lui  rappe- 
ler chaque  année  que  des  personnes  connues  et  munies  d'une  autorisation  spéciale 
sont  seules  chargées  de  recevoir  ses  dons.  De  pareils  faits  joints  au  sentiment  d'in- 
sécurité que  provoque,  chez  les  dames  surtout,  la  vue  d'un  homme  déguenillé  et 
souvent  à  figure  patibulaire  s'approcliant  d'elles  pour  leur  tendre  la  main,  sont  bien 
de  nature  à  diminuer  les  aumônes  qu'on  jette  sans  discernement. 

Si  donc  on  voit  que  la  Société,  pour  combattre  la  mendicité,  lutte  avec  succès 
contre  l'envahissement  d'un  élément  dangereux  partout  où  elle  existe,  rien  ne  doit 
s'opposer  à  sa  constitution,  et  cependant  on  hésite,  et  malgré  quelques  essais  dont  les 
résultats  ne  se  sont  pas  l'ait  attendre  (2),  on  se  demande  comment  elle  peut  fonction- 
ner dans  une  ville  aussi  vaste  que  Paris. 

L'expérience  a  démontré,  partout  où  l'on  fait  un  usage  régulier  des  jetons  de  la 
Société,  que  les  ipiartiers  abandonnés  parles  mendiants  sont  ceux  où  l'on  rencontre 
le  plus  de  plaques  aux  portes;  l'on  a  observé  que  plus  la  population  était  favorable 
à  cette  institution,  plus  la  police  était  rigoureuse  envers  les  vagabonds  ;  il  convient 
même  d'ajouter  que  ces  derniers  ont  cessé  d'envahir  les  districts  où  ces  sociétés 
sont  nombreuses,  pour  se  porter  vers  ceux  qui  en  possèdent  moins. 

Ce  qui  précède  donne  la  marche  à  suivre  pour  les  grandes  agglomérations.  Paris 
avec  ses  20  arrondissements  représente  20  villes  différentes  qui  peuvent  être  elles- 
mêmes  subdivisées  en  (piartiers  visités  par  les  mendiants  en  raison  directe  de  la 
fortune  de  leurs  habitants.  Prenons  donc  le  seizième,  coté  comme  arrondisse- 
ment riche  et  par  là  même  très  couru  ;  nons  avons  affaire  à  une  population  d'envi- 
ron 80,000  âmes,  contenant  quelques  centaines  de  familles  indigentes  secourues 
par  le  bureau  de  bienfaisance,  par  les  sociétés  d'initiative  privée  et  par  un  certain 
nombre  de  particuliers  —  ce  sont  les  pauvres  connus  et  domiciliés,  que  nous  ne 
mettons  pas  en  cause.  —  Par  contre,  chaipie  malin  un  contingent  considérable 
de  gens  sans  aveu  et  sans  domicile  vient  s'abattre  sur  Passy  et  se  dirige  de  préfé- 
rence vers  la  partie  comprise  entre  les  fortifications,  l'avenue  du  Bois,  la  rue  de 
la  Pompe  et  la  rue  Mozard  jusqu'à  Auteuil  ;  la  population  de  celle  portion  de  l'ar- 
rondisssement  s'élève  environ  à  10,000  habitants  aisés  ou  fortunés,  propriétaires 
pour  la  plupart  des  immeubles  qu'ils  occupent,  .admettons  que  ce  soit  dans  ce  mi- 
lieu que  se  recrutent  les  adhérents  de  la  société,  et  que  certaines  rues  ou  avenues 
plus  particulièrement  bordées  d'hôtels  privés  se  distinguent  par  le  nombre  de  pla- 

Iques  qui  s'y  trouvent  —  plaques  émaillées  de  la  Société  pour  combattre  la  mendi- 
cité, —  que  se  passera-l-il?  Les  indigents  qui  à  certains  jours  reçoivent  des  subsi- 
des de  familles  charitables,  ne  se  laisseront  pas  arrêter  par  cette  démonstration  ; 
l 


fi  (1)  Qu'on  pourrait  appeler  •  l'assistance  préventive  ». 
(2|  Les  fondations  .Mamos. 


—  122  — 

ils  savent  qu'on  les  attend  et  que  leur  présence  n'est  pas  importune.  Quant  au 
mendiant  prolessionnel,  la  plaque  représente  pour  lui  le  morceau  de  carton  dont  il 
ne  peut  rien  faire  et  qui  l'expose  à  des  questions  qu'il  juge  indiscrètes  ou  dange- 
reuses; il  tenlera  peut-être  une  fois  ou  deux  raventure,  mais  un  peu  de  persévé- 
rance le  fera  bientôt  disparaître.  —  Où  se  rendra-t-il?  Dans  les  rues  adjacentes, 
jusqu'au  jour  où  les  plaques  y  feront  leur  apparition,  et  ces  plaques  qui  le  chasse- 
ront de  l'arrondissement,  envahissant  peu  à  peu  les  arrondissements  voisins,  le  ré- 
duiront à  disparaître  ou  à  chercher  du  travail. 

Ce  lahleau  n'a  rien  de  fantaisiste,  l'expérience  en  est  faite  depuis  hien  des 
années,  et  les  personnes  qui  ont  parcouru  récemment  l'Allemagne  ou  la  Suisse, 
ont  dû  remarquer  dans  les  villes,  même  importantes,  le  manque  absolu  de  men- 
diants. 

De  ce  qui  précède  se  dégage  un  fait  anormal  dans  les  sociétés  commerciales  et 
suitout  philanlhropi(|ues  :  le  capital  nécessaire  à  l'œuvre  peut  décroîhe  dans  cer- 
taines limiles  sans  entraver  sa  marche.  La  cotisation  annuelle  (loutes  les  fonc- 
tions étant  gratuites)  n'est  grevée  que  des  frais  d'impression  des  cartes  ou  des  je- 
tons, des  registres  et  quelijuefois  du  coût  d'un  local  occupé  pendant  environ  une 
heure  par  jour;  la  presque  lotalilé  des  rentrées  est  donc  appliquée  aux  secours 
fournis  par  des  œuvres  de  bienfaisance  (fourneaux,  asiles  de  nuit,  restaurants  ou 
auberges)  auxquels  la  Société  paie  une  redevance  déterminée  suivant  la  nature  du 
secours.  Or,  dans  une  ville  comme  Paris  où  le  mendiant  professionnel  ne  se  ren- 
contre en  nombre  appréciable  que  dans  certains  quartiers,  il  est  évident  qu'à  son 
éviction  graduelle  correspondra  une  dépense  moindre,  et  que  la  défection  de  quel- 
ques membres  n'alteindra  pas  la  Société  dans  ses  œuvres  vives. 

Dans  les  villes  où  la  Société  contre  la  mendicité  a  été  fondée  avec  la  conviction 
profonde  que  l'aumône  individuelle  favorise  le  vagabondage,  des  résultais  considé- 
rables ont  été  obtenus  sans  grande  publicité  et  sans  un  nombre  1res  élevé  d'adhé- 
rents. 

Certaines  objections  se  présentent  à  l'esprit  lorsqu'il  s'agit  de  passer  de  la  théo- 
rie à  la  pratique.  Qui  voudra  faire  partie  d'une  commission  chargée  de  diriger  et 
suivre  les  aflaires  de  la  Société  ? 

Cette  question  s'est  posée  partout,  et  partout  elle  a  été  résolue  d'une  façon  salis- 
faisante. 

A  Mulhouse,  c'est  un  négociant  qui  reçoit  les  assistés  dans  son  bureau  à  une 
heure  déterminée;  —  à  Bàle,  ce  sont  les  membres  de  la  commission  qui,  à  tour  de 
rôle,  se  chargent  de  cette  mission;  —  ailieuis,  c'est  un  employé  de  la  mairie  ou 
d'un  bureau  de  bienfaisance  qui,  moyennant  une  légère  indemnité,  se  rend  chaque 
jour  dans  un  local  que  la  ville  fournit  pendant  une  heure  ou  deux  à  la  Société,  et 
qui  procède  à  l'inscription  des  assistés  et  à  la  distribution  des  bons  de  secours  ;  — 
ailleurs  encore,  c'est  une  œuvre  charitable  qui  se  charge  de  ce  service.  Le  travail  de 
la  commission  se  trouve  donc  singulièrement  allégé,  puisqu'il  ne  consiste  qu'à 
recevoir  des  rapports  de  ceux  (|ui  sont  chargés  de  la  partie  matérielle  de  l'œuvre 
et  à  contrôler  périodiquement  leurs  agissements. 

Quant  aux  plaques  de  membre  de  la  Société,  le  rôle  de  la  commission  consiste  à 
user  de  son  influence  pour  qu'elles  soient  apposées  en  grand  nombre  aux  portes 
des  hôtels  et  des  villas  dont  le»  concierges  ou  les  hadilants  sont  continuellement 
harcelés  par  les  mendiants  ;  tandis  que  les  différents  locataires  des  maisons  à  éta- 


t 


—  123  — 

ges  sont  pourvus  de  jetons  d'une  valeur  minime  et  d'une  forme  telle  qu'on 
puisse  facilement  en  porter  sur  soi  ou  les  lancer  par  la  fenêlre  comme  une  pièce  de 
monnaie. 

La  queslion  du  bureau  central  pouvant  se  résoudre  de  différentes  manières,  il 
ne  reste  à  élucider  que  celle  du  secours  matériel,  qui  a  une  certaine  importance. 
H  faut  éviter  d'envoyer  les  mendiants  chez  des  logeurs  de  profession  qui  reçoivent 
des  hôtes  de  toute  espèce,  ou  chez  des  auhergisles  dont  la  moralité  ne  soil  pas  très 
bien  connue  ;  car  il  est  essentiel  que  le  secours,  quelque  minime  qu'il  soit,  revête 
un  caractère  de  respectabilité  et  de  moralité  qui  doit  trancher  sur  la  frivolité  d'une 
grande  partie  des  dons  individuels.  Il  faut  que  le  mendiant,  s'il  existe  chez  lui  en- 
core une  lueur  de  dignité  personnelle,  puisse  élablir  une  distinction  entre  les  deux 
manières  d'agir.  Il  est  donc  nécessaire  d'apporter  un  soin  extrême  dans  le  choix 
des  personnes  qui  fournissent  le  gîte  ou  le  manger,  et  s'adresser  de  préférence, 
quand  on  le  peut,  à  des  élablissemenls  fondés  dans  ce  but  et  dirigés  avec  honora- 
bilité et  fermeté. 

En  résumé,  la  Société  contre  la  mendicité  exige  :  une  propagande  active  pour 
faire  disparaîlre  l'aumône  individuelle;  un  contrôle  sérieux  déterminant  l'identité 
de  l'assisté;  et  une  respeclabililé  parfaite  de  tous  ceux  qin"  sont  appelés  à  fournir  le 
secours  dont  le  caractère  périodique  doit  éloigner  l'exploitation  ou  l'imposture. 


II. 

Si  du  mendiant  nous  passons  au  vagabond,  nous  remarquons  (|u'il  y  a  une  dis- 
tinction bien  nette  à  élablir  entre  eux,  lorsqu'il  s'agit  de  déterminer  leur  origine. 
Le  vagabond  est  en  général  un  homme  de  la  campagne  que  le  manque  de  ressour- 
ces, l'attrait  de  la  grande  ville,  souvent  un  chômage  prolongé  dans  un  centre  in- 
dustriel où  il  est  venu  échouer,  ont  voué  à  la  vie  nomade.  Il  cherche  d'abord  dans 
un  rayon  restreint  à  se  procurer  une  occupation  semblable  à  celle  qu'il  a  perdue, 
puis  il  tente  de  revenir  au  travail  de  la  terre  qu'un  long  séjour  sur  un  chantier, 
dans  l'atelier  ou  le  magasin  lui  rend  pénible;  enfin,  le  désœuvrement  aidant,  il 
erre  à  l'aventure,  mendiant  son  pain  et  couchant  à  la  belle  étoile  ou  dans  les  gran- 
ges, jusqu'au  jour  où  la  prison  en  fera  un  être  malfaisant,  un  danger  pour  la  so- 
ciété. Le  mendiant,  par  contre,  est  originaire  des  villes  :  il  y  exerce  une  profes- 
sion lucrative  qui  demande  un  apprentissage  assez  long,  un  certain  talent 
d'observation  ;  il  ne  sollicite  pas  la  chaiilé  comme  le  vagabond,  il  l'exploite,  et  si 
l'on  rencontre  parfois  des  nomades  qui  n'ont  à  leur  actif  aucune  condamnation 
pour  vol,  il  est  assez  difficile  d'admettre,  surtout  dans  les  grandes  villes,  que  le 
mendiant  professionnel  ne  mette  pas  son  expérience  au  service  des  criminels  qu'il 
rencontre  dans  leurs  lieux  de  réunion. 

Dans  les  contrées  où  cette  plaie  sociale  a  pris  des  proportions  inquiétantes,  la 
charité  privée  s'est  alliée  à  l'assistance  publique  pour  traiter  le  vagabond  comme 
un  homme  déséquilibré  auquel  un  travail  rationnel  doit  permettre  de  reprendre  une 
position  stable  et  rémunérée,  et  le  mendiant  comme  un  être  dont  le  sens  moral 
affaibli  exige  un  relèvement  graduel  basé  sur  l'étude  même  des  causes  qui  ont 
produit  son  indigence. 

Les  deux  organisations  qui  jusqu'à  ce  jour  ont  donné  les  meilleurs  résultais  sont 


—  12  i  — 

le  système  d'Elberfeld  el  la  colonie  ouvrière  libre,  c'esl-à-clire  l'individualifalion 
du  secours  el  le  travail  formant  sa  base. 

En  France,  les  vagabonds  ou  gens  sans  aveu  qui  ont  élé  légalement  déclarés 
tels,  sont  pour  ce  seul  fait  punis  de  trois  à  six  mois  d'emprisonnement,  puis  en- 
voyés, après  avoir  subi  leur  peine,  sous  la  surveillance  de  la  liante  police  pendant 
cinq  ans  au  moins  ou  dix  ans  au  plus  (art.  271,  C.  P.).  La  loi  du  27  mai  1885  a 
étendu  l'application  de  la  peine  de  la  rélégation  aux  vagabonds  récidivistes. 

Et  enfin  les  individus  déclarés  vagabonds  par  jugement  peuvent,  s'ils  sont  étran- 
gers, être  conduits  par  les  ordres  du  Gouvernement  hors  du  territoire  français  et 
être  condamnés  de  un  à  six  mois  d'emprisonnement  s'ils  rentrent  en  France  sans 
autorisation. 

Quelle  a  été  sur  les  nomades  et  les  mendiants  l'influence  de  ces  mesures  répres- 
sives? On  peut  s'en  rendre  compte  par  le  nombre  d'affaires  que  les  tribunaux  cor- 
rectionnels ont  jugées  en  : 

1866.    1872.    1876.    1881.     1886.     1887. 

Vîigabondage 0,599     10,389    X,270     12,452     18,357     17,020 

Mendicité 5,007      6,853    5,700      7,569     12,495     12,462 

Si  nous  passons  au  déparlement  de  la  Seine,  nous  voyons  qu'on  a  arrêté  en  : 

1866.    1872.    1876.    1881.     1886.    1887. 

Vagabondage 10,063    9,515    9,205     13,840    14,208     13,006 

Mendicité 2,462    2,542    2,190      3,058      5,848      7,090 

En  1876  déjà,  les  tribunaux,  voulant  sans  doute  soustraire  les  condamnés  à  la 
surveillance  de  la  haute  police  pour  ne  pas  mettre  obstacle  à  leur  rentrée  dans  la 
société,  admellaienl  des  circonstances  atténuantes  dans  98  p.  100  des  délits  de  va- 
gabondage, 92  p.  100  de  ceux  de  mendicité  et  80  p.  100  de  ceux  de  vol  simple. 

En  1881  la  proportion  élail  restée  sensiblement  la  même  ;  mais  on  remari|ua  que 
les  courtes  peines  (de  six  jours  à  un  an  de  prison)  avaient  donné  93  p.  100  de  réci- 
divistes et  que  sur  6,069  hommes  sortis  en  1879  des  prisons  centrales,  49  p.  100 
avaient  été  repris  dans  l'année  même  de  leur  libération,  36  p.  100  en  1880  et 
15  p,  100  en  1881.  L'ivresse  publique,  ce  corollaire  du  désœuvrement,  avait  donné 
lieu  à  67,379  afiplicalions  du  la  loi  du  23  janvier  1873  —  augmentation  considé- 
rable sur  1880  —  el  le  nombre  des  condamnations  pour  vols  sinîples  s'était  élevé 
de  31,781  en  1880  à  35,757  en  1881. 

Le  mendiant  n'était  donc  plus  le  pauvre  hère  que  la  misère  ou  la  paresse  for- 
çaient à  tendre  la  main  ;  mais,  en  grande  partie  du  moins,  un  homme  violent  et  cri- 
minel sur  lequel  les  mesures  de  répression  n'avaient  aucune  influence. 

Afin  d'enrayer  le  mal,  les  tribunaux  eurent  de  moins  en  moins  recours  aux  cir- 
constances atténuantes;  puis  vint  la  loi  du  27  mai  1885  sur  la  relégation  qui,  éten- 
due aux  vagabonds,  devait  en  accentuer  la  décroissance.  Or,  pemlant  la  période  de 
1871  à  1885  le  nombre  des  accusations  déférées  au  jury  avait  éprouvé,  il  est  vrai, 
une  diminution  de  15  p.  100;  mais  le  nombre  proportionnel  des  individus  sans  do- 
micile sur  cent  accusés  de  crimes,  s'étail  élevé  de  neuf  en  1881 ,  à  (piaîorze  en  1886, 
el  dans  cette  même  année  les  gens  sans  aveu,  sans  profession  ni  domicile  figuraient 
75  fois  sur  100  dans  les  vols  qualifiés  ;  d'autre  part,  à  Paris,.  58  p.  100  des  pré- 


—  1-25  — 

venus  condamnés  à  la  requête  du  niinislère  public  étaient  des  récidivistes;  le  rap- 
port des  prévenus  récidivistes  au  total  des  condamnés  correctionnels  avait  passé 
de  41  p.  100,  de  1876  à  1880,  à  45  p.  100  en  1880,  et  dans  cette  même  année  sur 
91,055  réciilivisles,  63,472,  soit  les  7/10  étaient  des  libérés  d'un  an  ou  moins  de 
prison.  Le  nombre  des  prévenus  poursuivis  pour  mendicité  s'était  accru  de  44  p.  100 
de  1884  à  1886. 

A  cet  élément  de  gens  vivant  hors  la  loi,  danger  permanent  pour  la  ville  et  la 
campagne,  vint  se  joindre  le  vagabondage  étranger  qui,  en  1881,  est  représenté  par 
330  individus  envoyés  aux  assises  sur  1,001,110  étrangers  résidant  en  France,  soit 
33  p.  100,000,  proportion  triple  de  celle  qu'on  obtient  pour  les  Français  (11  p. 
100,000),  et  qui  en  1886  entre  pour  9  p.  100,  et  en  1888  à  Paris  pour  9.5  p.  100 
dans  le  rapport  des  étrangers  au  total  des  individus  accusés  de  crimes  contre  les 
personnes  ou  les  propriétés. 

Pour  combattre  ces  deux  plaies  sociales,  le  législateur  a  eu  recours  à  des  mesu- 
res de  répression  graduées  dont  la  premièie,  l'emprisonnement,  fait  temporaire- 
ment disparaître  le  vagabond  pour  le  plonger  dans  un  milieu  démoralisateur;  la 
seconde,  la  surveillance  de  la  haute  police,  en  fait  un  être  hors  la  loi,  objet  de 
mépris  pour  ses  semblables;  puis  la  troisième,  la  rélégaiion  consomme  sa  chute 
morale.  C'est  en  vain  qu'on  chercherait  dans  ce  système  le  stimulant  qui  ranime 
l'énergie  et  relève  le  courage.  Le  nomade  devient  un  récidiviste,  un  malfaiteur  et 
eiilin,  de  par  la  loi,  une  non-valeur  dispendieuse. 

Or,  la  prison  correctionnelle,  courtes  peines,  a  donné  jusqu'à  93  p.  100  de  réci- 
divistes en  une  année  (1881),  les  maisons  de  force  et  de  correction  de  41  à  45  p. 
100  (1881-1886).  Quant  à  la  relégatiun,  la  loi  de  1885  ne  produira  aucun  effet  sa- 
lutaire tant  que  les  déportés  ne  seiont  pas  convaincus  qu'aux  colonies  ils  seront 
astreints  à  une  discipline  rigoureuse  et  à  des  travaux  pénibles. 

D'autre  part,  on  a  remarqué  que  les  pénitenciers  agricoles  de  la  Corse  qui  ne 
renferment  que  des  coupables  ayant  encouru  des  peines  de  longue  durée,  donnent 
moins  de  récidivistes  que  les  maisons  centrales,  15  à  28  p.  100  de  1872  à  1886; 
on  dit  que  ces  pénitenciers  ne  servent  qu'aux  crimes  contre  les  personnes  qut  sont 
rarement  commis  par  des  criminels  endurcis,  tandis  que  les  maisons  de  Gaillon  et 
de  Poissy  reçoivent  surtout  des  condamnés-de  la  Seine,  parmi  lesquels  les  rechutes 
sont  plus  fréquentes;  mais  on  ajoute  que  le  régime  agricole  est  incontestablement 
plus  favorable  à  la  régénération  morale  que  celui  des  ateliers  en  commun. 

Ce  fait  n'est  pas  propre  à  la  France  et  nous  allons  voir  que  là  où  la  station  de 
secours  et  la  colonie  agricole  fondées  par  l'initiative  privée  luttent  contre  la  maison 
de  force  et  de  correction,  le  vagabondage  diminue,  la  mendicité  disparaît. 

En  Allemagne  où  la  solution  de  ces  questions  sociales  a  été  poursuivie  avec  une 
énergie  que  le  nombre  de  ses  indigents  sédentaires  ou  nomades  explique  surabon- 
Jamment,  l'initiative  privée  a  créé  successivement  la  Société  contre  la  mendicité,  la 
Station  de  secours  et  la  colonie  agricole  ;  ces  institutions  ont  donné  des  résultats 
iju'une  statistique  sérieuse  a  enregistrés  et  qui  se  passent  de  tout  commentait  e. 

Il  existait  en  1887,  dans  le  royaume  de  Prusse,  917  stations  de  secours  et  les  89i2 
districts  dans  lesquels  elles  se  trouvent  ont  vu  la  mendicité  : 

Rester  la  inènie  (hiiis  .    .    .     24  districts.         Fortement  diminuer  dans  403  districts. 
Diminuer  dans 161       —  Disparaître  dans  ....  304       — 


—  126  — 

Et  dans  36  districts  pourvus  de  stations  le  nombre  des  individus  condamnés  cor- 
rectionneliement  est  tombé  de  23,808  à  15,466  en  cinq  ans  (1882-1887).  M.  le  con- 
seiller supérieur  de  la  justice  Starke  attribue  aux  stations  et  aux  colonies  agricoles 
la  diminution  dans  le  nombre  des  peines  deionj^ue  durée  :  49,485  en  1887-1888 
contre  97,606  en  1881-1882  et  dans  celui  des  arrestations  451,  U9  contre  620,404. 

Dans  le  royaume  de  Saxe,  de  1880  à  1887,  le  nombre  des  délils  a  diminué  de 
34  p.  100  et  celui  des  individus  condamnés  de  '.iS  p.  100  ;  le  délit  de  vagabondage 
n'a  donné  lieu  qu'à  9,412  arrestations  contre  14,066,  et  là,  comme  en  Prusse,  on  a 
remarqué  qu'il  y  avait  eu  moins  de  condamnalions  prononcées  contre  des  individus 
jeunes,  mais,  par  contre,  beaucoup  plus  contre  des  mendiants  de  profession  plus 
âgés  (1). 

On  a  constaté  que  de  1882  à  1887  dans  5  villes  sans  sections  les  arrestations 
sont  tombées  de  5,300  à  4,050;  dans  23  villes  possédant  des  stations  qui,  faute  de 
moyens,  n'exigeaient  pas  un  travail  suffisant  de  27,376  a  21,258  el  dans  19  villes, 
où  un  travail  régulier  est  exigé,  de  16,295  à  7,598.  Qu'enfin  dans  48  villes  renfer- 
mant ensemble  5  millions  d'habitants,  31,065  individus  de  moins  avaient  été  arrêtés 
pendant  l'année  1887  qu'en  1882. 

D'autre  part,  .M.  le  D'  Grofeber,  de  Konitz,  cite  les  chiffres  suivants  montrant  une 
diminution  appréciable  des  hôtes  des  maisons  de  travail  et  de  correction  : 

1882.  1887. 

En  Prusse 23,808      15,466 

En  Allemagne 28,027      19,180 

Au  point  de  vue  du  travail  et  de  la  santé,  il  est  intéressant  de  remarquer  aussi 
que  la  colonie  de  Wilhelmsdorf  a  hébergé  en  six  années  4,750  colons  et  fourni 
411,764  journées  de  travail.  Elle  a  eu  32  malades  qui  ont  nécessité  960  jours  de 
soins;  elle  n'a  enregistré  qu'un  seul  décès. 

Les  adversaires  des  stations  de  secours  el  des  colonies  agricoles  disent  que  ces 
résultais  ne  proviennent  que  de  l'amélioration  des  conditions  sociales,  et  ils  ajou- 
tent que  quiconque  veut  travailler  tiouve  de  l'ouvrage,  cela  peut  être  vrai  en  par- 
tie du  moins;  mais  il  ett  impossible  de  nier  que  ces  institutions  philanthropiques 
n'y  aient  largement  contribué  en  opérant  par  le  travail  la  sélection  entre  l'élément 
corrompu  et  celui  qui  ne  l'est  pas  encore. 

Pour  arriver  au  but,  il  faut  que  le  public  soit  bien  persuadé  que  l'aumône  irré- 
fléchie devient  presque  toujours  une  arme  contre  la  société  dans  la  main  de  celui 
qui  la  reçoit.  L'aggravation  des  mesures  répressives  demeurera  lettre  morte  tant 
que  cette  vérité  n'aura  pas  pénétré  dans  la  masse  de  ceux  qui  croient  ainsi  prati- 
quer la  philanthropie. Que  le  nomade  sans  antécédents  judiciaiies  ne  soit  pas  consi- 
déré comme  un  criminel,  mais  dirigé  vers  une  colonie  agricole  où,  se  pliant  volon- 
tairement à  un  règle  inflexible,  il  puisse  retrouver  dans  un  travail  libre  l'énergie 
qu'il  a  perdue  ;  que  tous  les  moyens  d'action  soient  concentrés  sur  le  libéré,  que  des 
asiles  lui  soient  ouverts  où  il  pourra  librement  poursuivre  sa  réhabilitation;  que  le 
vagabond  étranger  soit  expulsé  et,  en  cas  de  récidive,  soumis  à  la  répression  la  plus 


(1)  Extraction  de  oiinerui,  dériichenieot  de  forêts,  de  broussailles,  dessèchement  de  marais,  consiruc- 
tion  de  routes,  de  canaux,  etc. 


—  127  — 

sévère  —  cellule,  cachot,  privation  partielle  de  nourriture;  —  qu'on  réserve  enfin 
la  réiégalion  avec  travail  forcé  au  vagabond  endurci  et  que  ce  travail  soit  de  na- 
ture à  lui  inspirer  une  crainte  salutaire  (i). 

Si  l'on  songe  aux  sacrifices  considérables  qu'imposent  à  l'épargne  privée  et  au 
trésor  public  cette  foule  de  désœuvrés  qui  deviennent  presque  tous  des  récidivistes 
dangereux  pour  la  sécurité  des  citoyens,  parce  que  la  prison  et  le  travail  dans  l'ate- 
lier commun  leur  font  perdre  tout  sentiment  de  dignité  personnelle,  on  arrive  for- 
cément à  cette  conclusion  :  Que  la  transformation  de  l'aumôme  individuelle  en  un 
secours  dont  le  travail  serait  la  rémunération;  que  l'association  de  l'initiative 
privée,  communale  ou  régionale  avec  l'assistance  publique  dans  le  but  de  fonder 
des  stations  de  secours  ou  des  colonies  de  travail  libre,  constitueraient  dans  un 
pays  agricole  comme  la  France  une  entrave  bien  plus  rationnelle  à  la  recrudescence 
du  vagabondage  qu'une  aggravation  du  système  répressif.  Qu'on  joigne  à  ces  deux 
institutions  des  bureaux  de  placement  gratuits  et  un  service  de  statistique  sur  les 
antécédents  des  assistés,  on  arrivera  à  relever  l'énergie  d'une  quantité  d'hommes 
dont  les  bras  manquent  à  l'agriculture  et  qui,  une  fois  régénérés,  ne  tarderont  pas 
à  coopérerer  à  l'épargne  nationale,  au  lieu  d'imposer  au  budget  des  dépenses  qui 
s'accroissent  chaque  jour. 

Grosseteste-Thierry. 


VARIETE. 

Les  grèves  en  :t886  et  1887. 

Le  tableau  suivant  indique,  pour  les  deux  dernières  années,  le  nombre  des  grèves 
(enregistrées  par  la  statistique)  ;  leur  durée  cumulée  en  jours,  le  nombre  des  gré- 
vistes, enfin  le  nombre  des  journées  de  travail  perdues  : 

1886.  1887. 

Nombre  total  des  grèves 161  108 

Nombre  des  grèves  dont  la  durée  est  connue  .   .  148  73 

Durée  des  grèves  en  jours 1,787  732 

Nombre  dos  grévistes 19,556  10,117 

Le  nombre  des  journées  de  travail  perdues  est  évalué  à  87,803  pour  1887  et  à 
445,974  pour  1886,  la  grève  de  Decazeville  (27  janvier  1886),  ensanglantée  par  le 
meurtre  de  l'ingénieur  Watrin,  comptant  à  elle  seule  pour  240,000  journées.  Le 
travail  a  fini  par  être  repris  aux  anciennes  conditions. 

En  1887,  les  grèves  les  plus  importantes  sont  celles  des  fileurs,  à  Roubaix 
(2  juillet,  6,900  journées  perdues),  des  tisseurs,  à  Armentières  (11  juin,  5,200  jour- 
nées perdues)  et  des  mouleurs,  à  Revin  et  Laison,  dans  les  Ardennes  (2  novemlire, 
4,950  journées  perdues).  Les  ouvriers  n'ont  obtenu  gain  de  cause,  en  partie,  que 
dans  ce  dernier  cas. 

{Statistique  de  France.) 


(1)  Ce  fait  a  une  importance  capitale. 


—  128  — 

OUVRAGES   PRÉSENTÉS    (MARS    1890). 

Ouvrages  signés  :  La  Géographie  et  lu  slatislique,  par  Th.  Villard.  Paris,  Jouaust(1889). 

Les  Associations  du  travail,  par  le  même.  Paris,  Imprimerie  Nouvelle  (1880). 

Volks-und  Specialsc/iuleii  in  Wien.  V.  Lôwy.  Vienne  (1890). 

Beitrdge  i.  Théorie  Dienslens-  und  Sterbens-Statistik.  V,  Zillmer.  Derlin,  1890. 

Une  visite  à  l'élablissemenl  d'horticulture  internationale,  par  E.  Rodigan.  Bruxelles, 
1890. 
DOCU.MENTS  OFFICIELS.  Situation  financière  des  déparlements  en  1887,  publiée  par  le  mi- 
nistre de  l'intérieur.  Melun,  1890. 

Délia  Leva  sui  nali  1868,  publié  par  le  ministre  de  la  guerre.  Rome,  1890. 

Di  imporlaz-ioue  et  esporlaiione  (1889).  Rome,  1890. 

Stalisticn  délie  Tasse  et  Diretli  communaliti  (1887).  Rome,  1890. 

Casse  di  Hisparmio  (anno  V.),  2°  semestre  1888.  Rome,  1890. 

Preussische  Slalislik  (n°'  102  et  107).  —  Universités  et  Étal  civil  (1888).  2  v.  Berlin, 
1890. 

Slatislik  dcr  Sparcassen  jiir's  Jahr  1887 .  Vienne,  1889. 

Waaren-Ein/uhr  1888.  Vienne,  1889. 

Norges  officielle  Slatislik  (1890-1897-1899).  9  fascicules.  Kristiania,  1889-1890. 

Report  of  internai  Commerce  United  State,  publié  par  le  Bureau  de  statistique  du 
ministère  des  finances.  AVasIiinglon,  1889. 

Report  of  internai  Commerce  United  Slate,  publié  pur  le  Bureau  de  statistique  du 
ministère  de  finances.  Washington,  1889. 

Censo  Agricolo  Pecuario  de  Buenos-Ayres  (fait  pour  rExposition  Universelle). 
Buenos- Ayres,  1889. 
Revues  ET  JOUHNAUX.  Fcance.  Revue  maritime  et  coloniale.  —  Le  Travail  national. — 
L'Avenir  économique.  —  La  Réforme  sociale  —  Bulletin  de  la  Société  des  agri- 
culteurs. —  Bulletin  hebdomadaire  de  statistique  municipale. 

Belgique.  —  Moniteur  des  intérêts  matériels. 

Suisse.  —  Journal  de  statistique  suisse. 

Italie.  —  Annali  di  statistica.  —  Bulletin  des  publications  italiennes.  —  Bulletin 
des  Sociétés  de  crédit.  —  Economista  (de  Florence). 

Autriche.  —  Monatschrifl.  (Revue  statistique  de  l'Autriche.) 

États-Unis.  —  Revue  de  l'Association  statistique  américaine.—  Journal  illustré  de 
New-York. 

Amérique  du  Sud.  —  Bulletin  mensuel  de  statistique  municipale  de  la  ville  de 
Buénos-Ayres.  —  Gazette  officielle  de  Venezuela. 


Le  Gérant,  0.  Berger-Levrault. 


JOURNAL 

DE  LA 

SOCIÉTÉ  DE  STATISTIQUE  DE  PARIS 


N»  5.  —  MAI  1890. 


I 


PROCÈS-VERBAL  DE  LA  SÉANCE  DU  16  AVRIL  1890. 

Sommaire.  —  Avis  relatif  au  prochain  congrès  des  sociétés  savantes.  —  Translation  du  siège  social  à 
l'hôtel  des  Sociétés  savantes.  —  Communication  de  M.  Fravaton  sur  le  contrôle  des  compagnies  d'assu- 
rances sur  la  vie.  —  Renvoi  de  la  discussion  k  la  prochaine  séance. 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures. 

En  l'absence  de  M.  Octave  Keller,  retenu  hors  de  France  par  des  devoirs  de  fa- 
mille, le  fauteuil  de  la  présidence  est  occupé  par  M.  Th.  Ducrocq,  vice-président. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  19  mars  est  adopté. 

Il  est  procédé  à  l'élection  de  membres  nouveaux. 

MM.  Béziat  d'Audibert,  actuaire,  présenté  par  M.M.  Octave  Keller  et  Cheysson, 
et  Paul  Daurrée,  docteur  en  droit,  attaché  au  ministère  de  l'intérieur,  dont  la  can- 
didature est  soutenue  par  MM.  E.  Levasseur  et  Prunget,  sont  élus,  à  l'unanimité,  mem- 
bres titulaires  de  la  Société. 

M.  E.  Levasseur  demande  le  litre  de  membre  associé,  à  titre  étranger,  en  faveur 
le  l'éminent  statisticien  autrichien,  le  chevalier  de  Scherzer,  Consul  général  d'Au- 
riche  à  Gênes,  qui  s'est  fait  connaître  par  de  remarquables  ouvrages  dont  il  fera 
)ientôl  bénéficier  la  Société. 

Après  quelques  observations  de  M.  E.  Cheysson  qui  parle  dans  le  même  sens,  il 
lest  procédé  au  vote,  et  M.  de  Scherzer  est  nommé  à  l'unanimité,  membre  associé 
jdela  Société  de  statistique  de  Paris. 

Par  un  arrêté  en  date  du  14  avril,  M.  le  ministre  de  l'agriculture  accorde  à  la 
ÏSociété,  pour  l'exercice  1890,  une  subvention  de  1,200  fr.,  témoignant  ainsi  du 
haut  intérêt  qu'il  attache  â  ses  travaux.  C'est  là  un  encouragement  précieux  qui 
[doit  exciter  toute  noire  reconnaissance. 

l'«    aÉKUD.   31'    VOL.    —   »•   5.  Q 


—  130  — 

M.  le  ministre  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts  annonce  pour  le  mardi 
27  mai  prochain  l'ouverture  du  congrès  des  Sociétés  savantes  à  la  Sorbonne  et  in- 
vite la  Société  à  désigner  ses  délégués. 

Se  font  inscrire,  à  ce  titre,  MM.  0.  Relier,  Coste,  Vannacque,  Turquan,  Ducrocq 
et  Harbulot. 

M.  E.  Levasseur,  en  sa  qualité  de  président  de  la  section  économique,  annonce 
qu'il  sera  traité  celte  annéo  de  la  Slatislique  des  professions  et  de  la  mortalité  pro- 
fessionnelle. Cette  question  est  de  noire  compétence,  et  il  espère  que  nos  délégués 
voudront  bien,  dès  à  présent,  se  préparer  à  la  traiter. 

M.  4e  secrétaire  général  fait  l'énumération  des  ouvrages  et  documents  reçus  par 
la  Société  depuis  la  précédente  réunion.  La  liste  de  ces  publications  se  trouve  ci- 
après  (1). 

Parmi  ces  envois  figurent  :  la  Statistique  des  chemins  de  fer  français,  aux  31  dé- 
cembre 1887  et  1888,  la(|uelle  est  accompagnée  des  documents  statistiques  sur  les 
chemins  de  fer  d'intérêt  général  et  d'intérêt  local  pour  1886,  dont  la  série  remonte 
à  1872. 

Sur  l'invitation  du  président,  M.  Schelle,  chef  de  division  du  chemin  de  fer  qui 
a  ces  publications  dans  son  service,  indique  en  peu  de  mots  en  quoi  la  nouvelle 
stalistique  des  chemins  de  fer  diflère  des  précédentes  :  elle  n'en  renferme  pas 
moins  les  tableaux  essentiels,  et  cela  suflit  pour  tenir  l'administration  au  courant 
des  comptes  de  la  garantie  d'intérêt.  En  attendant  les  documents  plus  complets  qui 
paraîtront  à  l'époque  habituelle,  la  modification  adoptée  a  l'avantage  de  permettre 
de  livrer  au  public,  avec  toute  la  rapidité  possible,  des  informations  impatiemment 
attendues.  C'est  ainsi  qu'on  a  pu  publier  dans  les  premiers  mois  de  189U  la  statis- 
tique de  1888.  (Applaudissements.) 

M.  A.  CosTE  appelle  l'attention  de  la  Société  sur  le  compte  rendu  du  congrès 
monétaire  international,  dont  il  dépose  un  exemplaire  sur  le  bureau.  Cet  ouvrage 
contient,  in  extenso,  les  discours  des  nombreux  économistes  qui  ont  pris  part  au 
congrès  et  renferme,  dans  sa  quatrième  partie,  un  nombre  considérable  de  docu- 
ments statistiques  où  la  question  est  envisagée  sous  toutes  ses  faces. 

M.  Loua  achève  l'énuméralion  des  ouvrajics,  en  offiant,  de  la  (>art  de  l'auteur, 
un  grand  volume  in-4°,  consacié  aux  accidents  du  travail  et  de  l'industrie,  par 
M.  A.  Gibon,  ingénieur  des  arts  et  manufactures,  vice-président  de  la  section  de 
l'Économie  sociale.  Cet  ouviage  est  la  condensation  de  tout  ce  qu'on  a  écrit  jus(|u'à 
ce  jour  sur  celte  importante  question  qui  est  plus  que  jamais  à  l'ordre  du  jour. 
On  ne  pourra  rien  faire  sans  le  consulter. 

On  pourrait  en  dire  autant  de  l'ouvrage  de  MM.  Jacques  Siegfried  et  Raphaël 
Lévy,  intitulé  :  le  Relèvemoit  du  marché,  qui  s'est  inspiré  des  beaux  travaux  de 
M.  Juglar,  que  nous  connaissons  tous,  sur  les  crises  commerciales. 

Avant  de  passer  à  l'ordre  du  jour,  M.  le  président  rappelle  la  communication  qu'il 
a  eu  l'honneur  de  faiic  sur  la  slatisli(|ue  des  libéralités  et  sur  les  améliorations 
dont  elle  serait  susceptible.  On  n'a  pas  oublié  que,  dans  ce  liavail,  il  demandait 
qu'en  ce  qui  concerne  les  établissements  qui  reçoivent  des  libéralités,  il  fût  fait  une 

(1)  Voir  la  dernière  page  du  présent  numéro. 


—  131  — 

séparation  complète  entre  les  établissements  publics  et  les  établissements  d'utilité 
publiijue,  et  que,  d'autre  part,  «n  séparât  ég.dement  les  libéralités  approuvées  en 
Conseil  d'Etal  de  celles  qui  sont  simplement  soumises  à  l'approbation  des  préfets. 
Il  esi  beureux  de  pouvoir  déclarer  que  le  service  de  la  statistique  générale  de 
France  lui  a  pleinement  accordé  saiisfaclion  sur  ces  points  importants.  Désormais, 
ajoute-t-il,  la  statistique  des  libéralités  sera  complète,  mais  peut-être  pourrait-on 
relever  également  celles  de  ces  libéralités  qui  n'ont  pas  été  accueillies. 

M.  Vannacque  remercie  M.  le  président  et  déclare  que  les  modifications  appar- 
tenant au  cadre  des  libéralités  ont  été  inspirées  par  la  communication  de  M.  Du- 
crocq.  11  regrette  seulement  qu'il  n'ait  pas  été  possible  de  donner  satisfaction  à  la 
deuxième  demande  en  dressant  l'état  des  libéralités  offertes  et  non  acceptées,  mais 
il  a  paru  délicat  de  rechercher  les  causes  de  non-acceplation. 

En  présence  des  résultats  déjà  obtenus,  M.  Ducrocq  n'insiste  pas  pour  la  réa- 
lisation immédiate  de  la  seconde  demande. 


L'ordre  du  jour  appelle  la  délibération  sur  un  projet  de  changement  du  siège 
social  de  la  Société  qui  serait  transporté  à  l'IIôtel  des  Sociétés  savantes. 

M.  le  Président  rappelle  à  ce  propos  que  la  question  a  été  effleurée  à  la  précé- 
dente séance,  et  a  déjà  donné  lieu  à  un  échange  de  vues,  sans  toutefois  amener  de 
solution,  l'assemblée  ayant  désiré,  avant  de  se  décider,  obtenir  de  nouveaux  éclair- 
cissements. Depuis,  le  Conseil  a  fait  de  nouvelles  démarches.  Il  a  visité  en  corps  les 
nouveaux  locaux,  pris  tous  les  renseignements  nécessaires  et  débattu  les  conditions 
du  bail  à  intervenir.  En  l'absence  de  M.  Keller,  M.  Cheysson  a  accepté  la  mission 
de  faire  un  rapport  au  nom  du  Conseil.  Après  avoir  décrit  l'établissement,  sorte  de 
ruche  intellectuelle,  où  fonctionnent  déjà  25  sociétés,  et  dont  l'accès  jadis  incom- 
mode, et  devenu  facile,  grâce  à  une  percée  sur  le  boulevard  Saint-Germain,  l'hono- 
rable membre  annonce  qu'il  nous  est  offert,  au  prix  de  600  fr.  (plus  5  p.  100  pour 
les  frais  généraux):  1°  une  salle  de  séances  fort  bien  aménagée,  précédée  de  vastes 
vestiaires  et  autres  dépendances,  dont  la  jouissance  nous  est  accordée  le  troisième 
mercredi  de  chaque  mois;  2°  une  petite  salle  de  commissions,  également  chaufTée 
et  éclairée,  qui  sera  exclusivement  réservée  à  la  Société,  dont  elle  aura  la  clef 
et  oîi  elle  pourra  placer  ses  livres  et  ses  archives.  Le  rapporteur  pense  qu'il  est 
inutile  d'insister  sur  cette  dernière  combinaison  qui  nous  assure  un  véritable  siège 
social,  et  passant  à  un  autre  point  de  vue,  l'institution  du  dîner  qui  précède  nos  séan- 
ces, il  ajoute  que,  contrairement  à  ce  qui  a  lieu  présentement,  où  le  dîner  nous  est 
apporté  du  dehors,  l'Hôtel  des  Sociétés  savantes  possède  un  restaurant  permanent  qui 
,  fera  nos  dîners  de  corps  à  raison  de  7  fr.  50  c.  par  tète  au  lieu  de  10  fr.  qu'il  nous 
[coûte  aujourd'hui,  et  des  déjeuners  et  dîners  particuliers  au  prix  de  3  et  4  fr. 

Ce  sont  là  de  grands  avantages  que  le  Conseil  s'estime  heureux  d'avoir  obtenus, 
[mais  le  plus  grand  de  tous,  c'est  de  nous  trouver  réunis  aux  principales  sociétés 
[savantes  de  Paris.  Il  n'est  pas  possible  que,  dans  un  tel  milieu,  notre  Société  n'ac- 
iquièrede  nouveaux  adhérents  attirés  par  l'importance  et  la  variété  des  questions 
[que  nous  avons  à  traiter.  {Applaudissements  prolongés.) 

Sur  l'invitation  du  président,  M.  Cheysson  donne  lecture  du  projet  de  bail  inter- 
venu entre  le  Conseil  et  l'Administrateur  de  l'Hôtel.  Il  la  termine  en  annonçant  que 
sur  le  prix  convenu  il  sera  fait  déduction  d'une  somme  de  200  fr.,  que  la  Société  a 


—  132  — 

votée  au  début,  pour  frais  d'études  et  de  propagande  au  bénéfice  de  celte  institution, 
dont  MM.  les  secrétaires  généi  aux  des  diverses  sociétés  de  Paris  avaient  pris  l'ini- 
tiative et  qu'ils  ont  eu  la  gloire  de  mener  à  bonne  fin. 

M.  le  Président  insiste  à  son  tour  sur  les  avantages  qui  nous  sont  offerts  par  le 
projet  de  bail,  dont  la  Société  vient  de  prendre  connaissance,  et  annonce  qu'il  va  le 
mettre  aux  voix,  s'il  n'y  a  pas  d'observations. 

M.  DE  FoviLLE  approuve  le  projet,  mais  il  craint  que  les  conditions  tout  à  fait 
favorables  qui  nous  sont  faites  aujourd'hui  ne  soient  pas  renouvelées  à  la  fin  du 
bail  de  3  ans  qui  nous  est  consenti. 

M.  le  Président  espère  qu'il  n'en  sera  pas  ainsi,  mais,  en  tout  cas,  la  Société  doit 
conserver  sa  liberté  d'action. 

M.  Flechey  demande  à  être  fixé  sur  le  point  de  savoir  si  la  salle  des  commissions 
nous  est  attribuée  d'une  manière  permanente  et  à  un  jour  quelconque. 

M.  le  Président  répond  que  cette  clause  est  formellement  précisée  dans  le  projet 
de  bail. 

M.  TuRQUAN  avait  fait,  en  Conseil,  une  autre  proposition,  mais  il  y  renonce  à 
cause  du  dîner,  dont  l'instilution  doit  être  conservée,  et  surtout  par  le  fait  que  la 
Société  possédera  un  local  lui  appartenant  en  propre  et  dont  elle  aura  la  clef. 

A  la  suite  de  ces  observations,  le  projet  de  bail  avec  l'administrateur  de  l'Hôtel 
des  Sociétés  savantes  est  adopté  à  l'unanimité  et  pleins  pouvoirs  sont  accordés  au 
Bureau  pour  l'exécution  du  projet. 

*  • 

La  porole  est  donnée  à  M.  Fravaton  qui  a  demandé  de  faire  une  communication 
sur  le  contrôle  des  compagnies  d'assurances  sur  la  vie  et  sur  le  moyen  de  l'assurer, 
à  l'aide  de  la  statistique. 

M.  Fravaton,  après  avoir  indiqué  sommairement  quels  sont  les  motifs  qui  né- 
cessitent l'organisation  d'un  contrôle  sur  les  compagnies  d'assurances  sur  la  vie, 
passe  en  revue  la  législation  en  vigueur  dans  les  États  étrangers,  notamment  en 
Angleterre,  en  Allemagne,  en  Autriche,  en  Hongrie,  en  Italie,  en  Suisse  et  aux 
États-Unis  d'Amérique;  puis,  il  fait  l'historique  de  la  question  en  ce  qui  con- 
cerne le  régime  français  antérieurement  et  postérieurement  à  la  loi  de  1867  ; 
il  rappelle  quelles  ont  été  les  tentatives  faites  par  le  ministère  du  commerce  pour 
assujettir  les  compagnies  d'assurance  sur  la  vie  à  la  même  surveillance  que  les  so- 
ciétés tontinières,  tentatives  repoussées  par  les  compagnies  et  qui  ont  abouti  à  un 
arrêt  du  Conseil  d'État,  eh  date  du  14.  mai  1880,  aux  termes  duquel  il  n'est  pas 
permis  d'établir  un  contrôle  effectif  et  direct  par  une  simple  décision  ministérielle, 
l'intervention  du  pouvoir  législatif  étant  nécessaire  pour  l'organisation  de  ce  con- 
trôle. M.  Fravaton  rappelle  encore  les  différents  projets  de  loi  élaborés  depuis 
1880  et  donne  lecture  de  la  dernière  proposition  déposée  par  M.  Lockroy  sur  le 
bureau  de  la  Chambre  des  députés  le  19  novembre  dernier. 

Après  cet  exposé,  M.  Fravaton  examine  quels  sont  les  points  sur  lesquels  peut 
porter  la  surveillance  de  l'État;  le  contrôle  peut  être  préventif  ou  répressif:  il  est 
préventif  lorsque  l'État  soumet  la  création  des  compagnies  à  la  condition  d'une 
autorisation  administrative,  ou  bien,  lorsqu'il  impose  aux  compagnies  d'assurances 
d'une  manière  générale,  soit  par  une  loi,  soil  par  une  décision  administrative,  cer- 


I 


—  133  — 

taines  obligations  relatives  à  la  formation  du  capital  des  sociétés,  au  tarif  des  primes, 
au  calcul  des  réserves,  à  l'emploi  des  fonds,  etc. 

Le  contrôle  préventif,  a  dit  M.  Fravaton,  est  nécessairement  arbitraire  ;  il  l'a  été, 
ainsi  que  le  prouvent  les  divergences  existant  entre  les  divers  décrets  d'autorisation 
lendus  jusqu'à  ce  jour  ;  il  le  serait  nécessairement  à  l'avenir,  attendu  que  ni  la  science 
statistique,  ni  les  données  de  l'expérience  ne  permettent  de  déterminer  d'une  manière 
précise  toutes  les  conditions  que  doit  remplir  une  compagnie  d'assurance  pour  être 
viable.  En  l'absence  d'un  critérium  infaillible,  le  fonctionnaire  ou  le  juge  appelé  à 
se  prononcer  sur  la  demande  d'autorisation  sera  exposé  à  se  tromper,  à  trancher 
arbitrairement  dans  un  sens  ou  dans  l'autre.  Plusieurs  exemples  sont  apportés  à 
l'appui  de  cette  opinion. 

L'autorisation  préalable  est,  en  outre,  inefficace,  attendu  que,  quelles  que  soient  les 
dispositions  restrictives  et  les  réglementations  méticuleusesimposés  aux  compagnies, 
elles  ont  presque  toujours  été  impuissantes  à  prévenir  les  mauvaises  gestions,  cause 
principale  de  la  ruine  des  compagnies.  Les  frais  de  premier  établissement,  le  taux 
des  commissions,  les  dépenses  générales  sont  à  peu  près  impossibles  à  réglementer 
préventivement,  et  c'est  leur  exagération  qui,  dans  la  plupart  des  cas,  a  provoqué 
la  déconfiture  des  sociétés. 

Le  contrôle  préventif  ne  doit  même  pas  s'appliquer  à  l'emploi  des  capitaux  des 
réserves.  Certains  États  ont  intérêt  à  ordonner  le  placement  des  réserves  en  fonds 
d'État,  pour  faciliter  l'émission  de  leurs  emprunts;  mais  ce  sont  surtout  les  États 
dont  le  crédit  n'est  pas  bien  assis  qui  ont  édicté  cette  mesure  au  grand  détriment 
de  la  garantie  des  assurés.  Les  placements  en  immeubles  autorisés  par  tous  les  gou- 
vernements, sauf  ceux  de  plusieurs  États  d'Amérique,  offrent  les  plus  graves  dan- 
gers et,  en  cas  de  crise,  seraient  d'une  réalisation  à  peu  près  impossible. 

M.  Fravaton  expose  ensuite  les  difficultés  que  présente  la  détermination  exacte 
de  la  valeur  des  rentes,  obligations  ou  immeubles  représentant  les  réserves;  l'État, 
obligé  d'adopter  une  règle  invariable,  serait  exposé  à  faire  des  évaluations  théori- 
ques, toujours  inexactes  et  par  conséquent  inutiles. 

L'autorisation  est  non  seulement  inefficace,  elle  peut  être  dangereuse,  car  elle 
donne  sans  garantie,  sans  responsabilité  de  l'État,  une  sorte  d'estampille  officielle  à 
des  compagnies  bonnes  ou  mauvaises;  accordée  à  des  compagnies  étrangères  dont 
il  est  encore  plus  difficile  d'apprécier  la  solidité  et  les  chances  de  réussite,  elle  pour- 
rail  avoir  de  graves  inconvénients. 

La  seule  condition  à  imposer  aux  compagnies  d'assurances  sur  la  vie  c'est  qu'elles 
fassent  la  preuve  qu'elles  possèdent  réellement  un  capital  suffisant  pour  leur  in- 
dustrie. 

Le  contrôle  répressif  peut  porter  sur  le  choix  des  risques,  sur  le  calcul  des  ré- 
serves de  primes  et  sur  le  placement  des  fonds. 

Le  contrôle  du  choix  des  risques,  proposé  par  M.  Chaufton(l),  consisterait  dans 
la  comparaison  entre  la  mortalité  vraie  des  assurés  et  la  mortalité  présumée  d'après 
les  Tables.  Ce  rapprochement  peut  évidemment  fournir  quelques  indications  utiles, 
mais  il  n'offre  pas  une  certitude  suffisante  pour  être  la  base  d'un  contrôle  et  donner 
lieu  à  l'application  de  peines  déjà  fort  difficiles  à  déterminer. 


(1)  Les  Assurances,  Paris,  Maresque  afné.  1885. 


~  13-4  - 

Le  contrôle  du  calcul  des  primes  nécessite  la  fixation  de  deux  éléments  indispen- 
sables :  1°  le  taux  de  l'intérêt  des  placements  de  la  compagnie;  2°  une  table  de  mor- 
talité à  employer.  La  fixalion  du  taux  de  l'intérêt  ne  peut  qu'être  arbitraire,  les 
variations  du  cours  des  valeurs,  les  différences  du  revenu  des  différents  éléments 
représentant  les  réserves,  s'opposent  à  un  calcul  exact.  L'un  des  élénunls  de  calcul 
manque  donc  d'une  base  scientifique  et  pourra  toujours  être  critiiiué  et  contesté  par 
les  compagnies.  Il  sera  môme  inévitable  de  l'abaisser  ou  de  le  rebausscr  lorsque  le 
revenu  réel  moyen  des  valeurs  approuvées  par  l'État  subira  des  fluctuations  trop 
considérables. 

En  ce  qui  concerne  l'autre  élément  de  calcul,  la  table  de  mortalité,  il  se  présente 
une  autre  difficulté:  il  est  facile  de  choisir  une  table  de  mortalité  suffisamment 
exacte,  mais  il  faudra  alors  en  ordonner  l'emploi  à  toutes  les  compagnies  françaises 
qui  font  usage  delà  table  de  Duvillard,  reconnue  ab.solument  inexacte  et  défectueuse 
au  point  de  vue  des  assurances  et  impropre  h  tout  calcul  scientifique.  Cet  abandon 
de  la  table  de  Duvillard  entraînerait  le  remaniement  des  écritures  et  même  de  la 
situation  financière  des  compagnies;  de  là  un  travail  et  des  frais  hors  de  toute  pro- 
portion avec  le  résultat  à  obtenir.  Aucune  compagnie  n'ignore  à  quel  cliiffre  doivent 
s'élever  ses  réserves;  lorsqu'elles  sont  insuffisantes  c'est  presque  toujours  le  résul- 
tat d'une  situation  tellement  embarrassée  que  le  contrôle  de  l'État  serait  impuissant 
à  y  remédier;  la  liquidulion  s'impose,  elle  peut  être  provoquée  sans  l'intervention 
de  l'État. 

Quant  au  contrôle  du  placement  des  fonds,  il  n'est  nécessaire  que  si  ce  point  a 
été  réglementé  préventivement  ;  dans  tous  les  cas,  il  n'offre  ni  difficultés,  ni  in- 
convénients. 

Le  contrôle  répressif  a  enfin  le  grave  défaut,  outre  qu'il  est  fort  difficile  et  peu 
efficace,  de  néressiter  la  création  de  nombreux  fonctionnaires,  plus  de  cent,  et 
d'aboutir  à  une  dépense  de  deux  à  trois  cent  mille  francs. 

M.  Fravalon  propose  de  faire  exercer  le  contrôle  des  compagnies  d'assurances  sur 
la  vie,  non  plus  par  l'État,  mais  par  les  intéressés  eux  mêmes,  c'est-à-dire  par  les 
actionnaires  et  les  assurés.  Il  suffit  pour  cela  de  mettre  à  leur  portée  les  éléments 
de  contrôle.  11  Cit  facile  d'arrivei'  à  ce  résultat  p^ir  une  publicité  bien  comprise  des 
comptes  rendus  des  sociétés.  A  cet  effet,  on  imposerait  à  chaque  compagnie  l'obli- 
gation de  remettre  à  un  bureau  spécial  composé  de  deux  ou  ti'ois  fonctionnaires 
seulement,  ayant  les  connaissances  d'un  actuaire  et  la  science  d'un  statisticien,  des 
étals  d'un  modèle  uniforme  renfermant  tous  les  reiiseiguements  nécessaires,  sur  la 
situation  des  opérations,  la  nature  et  la  valeur  des  placements  de  fonds,  le  bilan,  etc. 
Ces  états  à  ppu  près  indécbiffrnbles  pour  la  masse  d.  s  intéressés  devraient  servir 
à  composer  dos  tableaux  comparatifs,  auxipiels  il  S'.i'ait  peut-être  possible  d'ajouter 
un  terme  de  conjparaison  établi  scientifiquement.  A  l'appui  de  ce  système  M.  Fra- 
vaton  présente  â  la  Société  les  tableaux  figurant  dans  les  rapports  du  bureau  fédéral 
suisse  des  assurances. 

Ces  tableaux  présentent  d'une  manière  extrêmement  claire  et  précise,  tiès  intel- 
ligible pour  tout  le  monde,  la  situation  de  chaque  compagnie,  la  marche  de  ses 
opérations,  les  différences  qui  existent  avec  les  compagnies  rivales,  soit  dans  son 
portefeuille,  soit  dans  ses  réserves,  dans  sa  production  et  ses  extinctions  et  dans 
ses  bénéfices. 

M.  Fravaton  pense  que  ces  tableaux  pourraient  encore  être  améliorés,  on  pour- 


—  135  — 

rait  également*  utiliser  dans  ce  but  les  travaux  de  statistique  faits  en  France  sur  le 
même  sujet  et  arriver  à  composer  une  série  de  documents  qui  feraient  la  pleine 
lumière  sur  les  opérations  et  la  situation  des  compagnies  d'assurances  sur  la  vie; 
ces  documents  distribués  obligatoirement  aux  actionnaires  et  aux  assurés  leur  per- 
mettraient d'exercer  un  contrôle  direct  beaucoup  plus  efficace  que  celui  de  l'Etal  et 
de  dégager  complètement  sa  responsabilité. 

Quant  à  la  vérification  des  états  et  relevés  fournis  par  les  compagnies  et  soup- 
çonnés de  fraude  ou  d'irrégularité,  elle  aurait  lieu  par.  un  ou  plusieurs  experts 
commis  par  le  tribunal  sur  la  demande  d'un  intéressé,  après  dépôt  d'une  provision 
pour  les  frais. 

M.  Fravaton  termine  en  disant  qu'il  s'est  borné  à  indiquer  les  grandes  lignes  de 
son  système;  il  serait  reconnaissant  à  la  Société  de  vouloir  bien  compléter  son  tra- 
vail plus  particulièrement  en  ce  qui  concerne  les  tableaux  comparatifs  et  de  dési- 
gner, si  elle  le  juge  convenable,  quelques-uns  de  ses  membres  pour  étudier  les  bases 
et  la  forme  de  ces  tableaux. 

Le  beau  travail  dont  on  vient  de  lire  le  résumé,  en  attendant  qu'il  paraisse  in 
extenso  dans  notre  Journal,  est  accueilli  par  les  applaudissements  de  l'assemblée. 

Après  un  éobange  d'observations  émises  par  MM.  Vannacque,  A.  Coste,  Aubertin 
et  M.  le  Président,  la  discusion  en  est  renvoyée  à  la  prochaine  réunion. 

La  séance  est  levée  à  onze  heures  et  demie. 


II. 

LE  MOUVEMENT  DES  NAVIRES  DANS  LES  PORTS  RUSSES 
DEPUIS  50  ANS. 

Le  journal  la  Russie  commerciale,  qui  paraît  en  français  à  Odessa,  confient,  dans 
son  numéro  du  31  janvier  (12  février)  1890,  un  tableau  fort  intéressant  du  mouve- 
ment des  navires  de  commerce  entrés  dans  les  ports  de  la  Russie  en  1837,  1847, 
1857,  1867,  1876  et  1887.  «  Il  a  été  fait,  dit  le  journal,  sur  les  données  du  Comité 
statistique  du  département  des  douanes  russes,  et  distingue  les  navires  en  navires 
de  cabotage  et  navires  au  long  cours  (ou  plus  exactement  navires  venant  de  l'étran- 
ger). Il  groupe  les  résultats  par  mer  :  1°  mer  Blanche  ;  2°  mer  Baltique  ;  3°  mer 
Nuire  et  mer  d'Azov  ;  4°  mer  Caspienne. 

Nous  ne  pouvons  pas  malheureusement  copier  ici  ce  tableau  en  entier;  mais 
nous  en  extrayons  les  principales  données. 

La  première  place  appartient  à  la  mer  Baltique  pour  le  nombre  des  navires  arri- 
vant de  l'étranger.  Viennent  ensuite  la  mer  Noire  et  la  mer  d'Azov.  Mais  en  re- 
vanche, excepté  en  1837  et  en  1870,  les  navires  qui  font  le  commerce  de  la  mer 
Noire  et  de  la  mer  d'Azov  sont  de  dimensions  plus  considérables,  de  sorte  que  leur 
tonnage  est  aussi  plus  grand. 

Comme  importance,  le  port  de  Saint-Pétersbourg  et  Cronstadt  a  constamment 
tenu  le  premier  rang  jusqu'en  1887,  où  il  a  été  détrôné  pour  le  tonnage  par  le  port 


-  136  — 

d'Odessa  et  pour  le  nombre  de  navires  par  celui  de  Riga.  Les  poils  de  Riga  el 
d'Odessa  se  sont,  pendant  le  dernier  demi-siècle,  disputé  la  seconde  place,  Riga 
étant  plus  important  comme  nombre,  mais  l'étant  moins  comme  tonnage. 

Le  port  d'Arkhangel,  sur  la  mer  RIanche,  s'est  moins  développé  que  les  ports  si- 
tués sur  des  mers  plus  chaudes.  Il  occupait,  en  1837,  le  4''rang  et  n'a  plus,  en  1887, 
que  le  8',  comme  nombre  de  navires,  et  le  10' comme  tonnage.  Quant  au  commerce 
international  de  la  mer  Caspienne,  il  est  nécessairement  restreint.  Rakou  est  le 
principal  port  ;  il  avait,  en  1887,  le  9°  rang  comme  nombre  de  navires  el  le  12' 
comme  tonnage.  Par  contre,  il  était  le  plus  important  de  tout  l'empire  russe  pour 
le  cabotage,  avec  4,067  navires  et  610,309  tonneaux.  Après  lui  venaient  Astrakhan, 
puis  Odessa.  La  mer  Noire  avec  la  mer  d'Azov  tiennent  la  première  place  pour  le 
cabotage.  Vient  ensuite  la  mer  Caspienne;  la  mer  Raltique  n'a  que  le  troisième  rang. 

Afin  de  mieux  donner  une  idée  du  développement  des  ports  russes  au  point  de 
vue  du  commerce  international,  nous  avons  groupé  les  chiffres  suivants  : 


PORTS. 

Cronitadt 

Attimi 

1. 

Arkbangel. 

et 

Kig«. 

Odeua. 

Bakou. 

Péteribonrg. 

183T  . 

j  Nombre  . 

353 

1,240 

1,149 

814 

180 

'  (  Tonnage . 

29,948 

124,719 

76,444 

107,417 

5,289 

1847  . 

Nombre  . 

820 

2,986 

2,456 

1,619 

67 

Tonnage . 

58,720 

224,669 

141,210 

212,234 

1,665 

1857 

Nombre  . 

725 

2,320 

1,709 

1 ,228 

214 

Tonnage . 

58,740 

228,374 

123,621 

210,766 

6,990 

1867 

j  Nombre  . 

723 

2,841 

1,937 

1,380 

» 

■  )  Tonnage . 

60,396 

345,529 

177,840 

329,333 

» 

1876 

j  Nombre  . 

773 

2,803 

2,643 

1,166 

372    , 

(  Tonnage . 

87,783 

557,098 

446,754 

476,309 

22,760 

1887 

j  Nombre . 

554 

2,001 

2,080 

1,385 

548 

■  1  Tonnage. 

67,536 

536,434 

462,157 

739,177 

58,927 

MERS. 

Her 

Mer  Noire 

Mer 

*  H  K  £  E  8. 

Mer  Blanche. 

B>ltiqu«. 

Mer  d'Alov. 

Caspienne. 

TOTAL. 

1837  . 

l  Nombre  . 

378 

2,925 

1,701 

270 

5,274 

1  Tonnage . 

33,600 

228,897 

193,552 

13,385 

469,434 

1847  . 

Nombre  . 

824 

6,231 

4,268 

110 

11,433 

Tonnage . 

59,294 

419,023 

486,338 

4,940 

969,595 

1857  . 

Nombre  . 

779 

4,680 

3,049 

340 

8,848 

Tonnage . 

63,864 

395,257 

395,326 

12,966 

767,403 

1867  . 

Nombre  . 

841 

5,768 

4,438 

» 

11,047 

Tonnage . 

70,089 

607,609 

708,060 

» 

1,386,758 

1876  . 

j  Nombre  . 

933 

7,379 

•5,398 

740 

14,450 

1  Tonnage. 

102,126 

1,263,253 

938,995 

57,861 

2,363,235 

1887  . 

i  Nombre  . 

655 

6,424 

5,434 

1,146 

13,659 

1  Tonnage. 

85,102 

1,464,688 

1,886,601 

1S7,960 

3,574,351 

—  137  — 

Le  tableau  dont  nous  avons  extrait  ces  chiffres  ne  fait  aucune  distinction  entre 
Iês  navires  russes  et  ceux  des  autres  pays.  Mais,  dans  l'article  qui  l'accompagne, 
nous  lisons  : 

«  Notre  marine  marchande  ne  répond  pas  aux  exigences  de  notre  commerce  ex- 
térieur; la  plupart  des  navires  russes  s'occupent  de  cabotage,  un  petit  nombre 
seulement  prend  part  au  commerce  extérieur,  de  sorte  que  l'exportation  et  l'im- 
portation se  font  par  l'intermédiaire  des  navires  étrangers. 

«  La  somme  des  navires  à  vapeur  et  à  voile,  tant  étrangers  que  russes,  qui  ont 
fait,  en  1888,  le  commerce  extérieur  dans  toutes  les  mers  russes,  sauf  la  mer  Cas- 
pienne, nous  est  donnée  par  les  chiffres  suivants  : 

Navires,  Lenats. 

Il  est  entré 13,936  4,086, 750 

Ont  quitté  les  ports  .  13,791  4,050,000 

«  Dans  cette  quantité  le  nombre  des  navires  russes  était  : 

Naviret.  Leasu. 

Pour  l'arrivée.  .  .   .  1,506  300,700 

Pour  le  départ  .   .    .  1,445  276,000 

En  d'autres  termes,  si  l'on  prend  l'ensemble  des  navires  qui  ont  fait  le  com- 
merce extérieur  de  la  Russie,  nous  voyons  que  les  navires  russes  ne  forment  que 
les  11p.  100  de  toute  la  quantité  et  les  7  p.  100  de  tout  le  tonnage,  tandis  que  les 
navires  étrangers  forment  les  89  p.  100  de  la  quantité,  et  les  93  p.  100  de  tous  les 
chargements  faits  dans  le  courant  de  l'année  1888. 

«  Celte  prépondérance  des  navires  étrangers  dans  le  commerce  extérieur  de  la 
Russie  coûte  à  celle-ci  assez  cher;  le  commerce  se  trouve  en  quelque  sorte  entre 
les  mains  des  étrangers,  auxquels  la  Russie  paie  75  millions  de  roubles  de  fret 
par  an.  » 

Georges  Martin. 


—  138  — 


III. 


LE  CLASSEMENT  ET  LA  RÉPARTITION 
DES   ACTIONS   ET  OBLIGATIONS   DE   CHEMINS   DE   FER 
DANS  LES  PORTEFEUILLES. 

L 

Au  moment  où  va  s'ouvrir  la  discussion  Hn  bud^^et,  il  nous  a  semblé  ulile  d'éta- 
blir à  nouveau,  en  la  mettant  à  jour,  une  statistique  que  nous  avons  à  diverses 
dates  publiée  dans  ces  colonnes  et  dans  des  études  spéciales- 

Il  s'afrit  d'indiquer  comment  sont  réparties,  dans  les  portefeuilles  des  capitalistes, 
les  actions  et  obligations  des  six  grandes  compagnies  de  chemins  de  fer,  et  quel  est 
le  montant  de  leurs  titres  au  nominatif  et  au  porteur. 

Nos  chiffres  s'appuient  sur  des  documents  et  renseignements  officiels.  Nous  les 
devons  à  l'extrême  obligeance  des  grandes  compagnies  de  chemins  de  fer,  et  nous 
tenons  à  leur  renouveler  ici  tous  nos  remerciements  pour  les  indications  pré- 
cieuses qu'elles  ont  mises,  comme  toujours,  à  notre  disposition. 

Cette  étude  n'a  pas  seulement  pour  but  de  donner  une  statistique,  une  énuméra- 
tion  de  chiffres  :  elle  a  une  portée  tout  autre.  Une  statistique,  aussi  complète  qu'elle 
soit,  n'est  utile  qu'autant  qu'elle  renferme  un  enseignement  :  c'est  cet  enseignement 
que  nous  nous  efforcerons  de  mettre  en  lumière. 

En  effet,  dans  les  précédentes  législatures,  un  préjugé  enraciné  a  fait  supposer 
à  bon  nombre  de  députés  que  toutes  les  valeurs  de  chemins  de  fer  étaient  entre  les 
mains  de  quelques  capitalistes.  De  là,  les  grands  mots  de  «  ploutocratie  î  et  «  d'aris- 
tocratie financière  »  ;  de  là,  les  projets  les  plus  bizarres  et  les  plus  dangereux  ;  de 
là,  des  menaces,  sans  cesse  renouvelées,  de  frapper  de  lourds  impôts  les  compa- 
gnies, leurs  actionnaires  et  oi)ligataires,  et  d'aggraver  les  charges  qui  pèsent  sur 
tout  ce  monde  de  travail  et  d'épargne  !  Ce  préjugé  n'a  pas  disparu.  Combien 
d'hommes  politiques  croient  encore  aujourd'hui  que  quelques  riches  financiers 
sont  seuls  à  posséder  les  valeurs  de  ces  compagnies  et  peuvent  en  disposer  à  leur 
gré!  La  «réalité  »,  dmme  l'écrivait  M.  Yves  Guyot, -aujourd'hui  ministre  des 
travaux  publics,  dans  son  rapport  sur  l'impôt  sur  le  revenu,  montre  «  qu'elles 
sont,  au  contraire,  dispersées  dans  une  multitude  de  petites  bourses  (1)  ». 

C'est  cette  «  réalité  »  qu'il  convient  d'établir  par  des  chiffres  précis  et  des  docu- 
ments certains. 

Nous  publierons  successivement  dans  ce  travail  : 

1°  La  situation  générale  des  titres,  actions  et  obligations  des  six  grandes  com- 
pagnies, en  circulation  au  31  décembre  1889; 

2°  La  répartition,  en  titres  nominatifs  et  au  porteur,  des  actions  des  six  grandes 
compagnies  ; 

3°  La  proportion  des  actions  nominatives  comparées  à  l'ensemble  des  titres  ; 

(1)  L'Impôt  sur  le  revenu,  in-S",  chez  Guiltaumin  et  Cie,  p.  263. 


-  139  — 

4°  Le  nombre  de  certificats  nominatifs  d'actions  et  la  moyenne  des  actions  que 
représente  chacun  d'eux; 

5°  La  même  stalistii|iie  pour  les  obligations  ; 

6°  Nous  indiquerons  enfin,  le  montant  des  obligations  placées  par  les  compagnies 
pendant  l'exercice  écoulé,  les  capitaux  produits  par  ces  placements.  Nous  y  ajou- 
terons, ce  qui,  jusqu'à  ce  jour,  n'a  pas  été  l'ait,  le  relevé  des  obligations  remboursées 
et  le  montant  des  remboursements  effectués  pendant  cette  même  période. 


II. 

1°  Situation  générale  des  titres,  actions  et  obligations  des  six  grandes  compagnies, 

au  Si  décembre  1889. 

La  .situation  générale  des  litres,  actions  et  obligations  des  six  grandes  compa- 
gnies, en  circulation  au  31  décembre  1889,  est  la  suivante  : 


Total  des  tilres  Total  des  titres  I*îombre  total 

des  titres 
BN    CIRCULATION. 


KOU  DES  COMPAGNIES.  ,„    _„„._„„_  „,,.,„.„._.  des  titres 

AU    PORTEUR.  NOMINATIFS 


Est. 1,730,144  3,254,266  4,984,410 

Lyon 3,606,172  7,944,938  11,611,110 

Midi 1,282,374  2,070,799  3,353,173 

Nord 1 ,015,963  2,504,543  3,520,506 

Orléans 1,481,505  3,728,108  5,209,613 

Ouest 1,694,004  2,841.630  4,535,634 

Totaux.   .    .    .         10,870,162         22,344,284         33,214,446 

On  voit,  par  ce  relevé,  que  le  total  des  actions  et  obligations  des  six  grandes 
compagnies  était,  au  31  décembre  1889,  de  33,214,446,  se  décomposant  comme 
suit  : 

Actions  (capital  et  jouissance).  .   .  3,059,000 

Obligations 30,155,446 

Total  égal 33,214,446 

Sur  ce  total  de  33,514,446  litres,  actions  et  obligations  : 

22,344,284  étaient  inscrits  au  nominatif,  soit  67.27  p.  400 
10,870,162  étaient  au  porteur,  soit  32.73  p.  100 

Ces  cbiffres  montrent  le  classement  merveilleux  de  ces  valeurs,  car  les  titres 
nominatifs  constituent,  par  excellence,  les  placements  sérieux  de  l'épargne:  le  ren- 
tier qui  possède  une  valeur  nominative  s'en  défait  avec  moins  de  facilité  que  d'un 
titre  au  porteur;  il  la  garde  dans  son  portefeuille  comme  placement  définitif  ou, 
du  moins,  à  long  terme. 

Ces  cbiffres  montrent  encore  —  et  le  rapprochement  mérite  réflexion  —  que  les 
Renies  françaises  sont  les  seules  valeurs  qui  soient  aussi  bien  classées  el  divisées 
en  un  aussi  grand  nombre  de  tilres  nominatifs. 


—  140  — 

D'après  un  travail  publié  dans  le  Rentier  du  7  octobre  dernier,  s'appuyant  sur 
les  chiffres  et  documenis  fournis  par  le  ministère  des  finances,  il  résulte  que,  sur 
le  total  général  des  rentes  françaises  en  circulation,  il  existait,  au  1"  avril  1889, 
plus  de  65  p.  100  de  litres  au  nominatif. 

Celte  proportion  est  légèrement  plus  élevée  sur  les  titres  de  chemins  de  fer, 
puisqu'elle  atteint  sur  l'ensemble  des  actions  et  des  obligations  67.27  p.  100. 

2°  Total  des  actions  de  chemins  de  fer  au  ilominalif  et  au  porteur, 
au  31  décembre  1889. 

Nombre  total  Nombre  total  Nombre  total 

sou  Dli  COHPÀSlIiBI.  ,      .  **  '"'.""''    .    ,  d'actions  d'action» 

(acliouft  d«  capital 
«dejouisMoce).  nominatives.  au  porteur. 

Est,  actions  de  capital. 545,001  250,663  294,344 

—  —     de  jouissance 38,993  18,716  20,277 

Lyon,  actions  de  capital 800,000  354,607  445,393 

Midi,  actions  de  capital 243.868  90,432  153,436 

—  —     de  jouissance 6,132  2,126  4,006 

Nord,  actions  de  capital. 515,067  287,886  227,181 

—  —      de  jouissance 9,933  5,566  4,367 

Orléans,  actions  de  capital 539,018  293,182  245,836 

—  —     de  jouissance  ....  60,982  35,155  25,827 
Ouest,  actions  de  capital 279,677             111,286             168,391 

—  —      de  jouissance 20,323  7,051  13,272 

Totaux 3,059,000  1,456,670  1,602,330 

Ce  tableau  indique  que  le  nombre  des  actions  de  capital  et  de  jouissance  des  six 
grandes  compagnies  de  chemins  de  fer  s'élève  à  3,059,000. 

1,456,670  actions  sont  nominatives,  soit  47.60  p.  100. 

1,602,330  actions  sont  au  porteur,  soit  52.39  p.  100  du  nombre  total  des 
titres. 

La  proportion  des  actions  nominatives,  comparée  à  l'ensemble  des  titres,  s'éta- 
blit aux  chiffres  suivants  pour  chacune  des  compagnies  : 

Est 46.13  p.  100 

Lyon 44.33    — 

Midi 37.02    — 

Nord 55.90    — 

Orléans 54.72    — 

Ouest. 39.45    — 

La  compagnie  du  Nord  possède  le  plus  grand  nombre  d'actions  mises  au  no- 
minatif; viennent  ensuite  les  compagnies  de  l'Orléans,  Est,  Lyon,  Midi  et  Ouest. 

Ces  divers  titres  nominatifs  sont  représentés  par  des  certificats;  dans  le  relevé 
suivant  nous  en  indiquons  le  total  pour  chacune  des  compagnies,  et  la  moyenne 
des  actions  qu'ils  représentent  : 


Tableau. 


Ui  — 


NOM     DES     COUPAONIKS. 


HOUBKK 

de 

MOTBNKE 
dei 

RBTIPZC&T8. 

CERTIFICATS. 

16,184 

15 

3,615 

10 

23,573 

15 

6,303 

14 

720 

3 

15,963 

18 

1,220 

5 

18,598 

16 

5,719 

6 

9,534 

12 

2,165 

3 

Est,  actions  de  capital .   . 

—  —      de  jouissance 

Lyon 

Midi,  actions  de  capital   . 

—  —      de  jouissance. 
Nord,  actions  de  capital  . 

—  —      de  jouissance. 
Orléans,  actions  de  capital 

—  —      de  jouissance. 

Ouest,  actions  de  capital.    .    . 

—  —      de  jouissance   . 

Que  conclure  tout  d'abord  de  ces  chiffres? 

C'est  que,  en  ce  qui  concerne  les  actions  de  chemins  de  far,  celte  grande  n  féo- 
dalité »  financière  qui  a  servi  de  thème  à  de  si  nombreuses  déclamations,  n'est,  en 
réalité,  qu'une  vaste  démocratie  :  la  diffusion  extrême  de  ces  titres  dans  les  porte- 
feuilles en  est  la  preuve. 

Ces  actions,  au  nominatif,  appartiennent,  en  effet,  à  des  gens  d'épargne  possé- 
dant, en  moyenne,  de  12  à  18  titres,  représentant,  d'après  le  cours  des  actions,  un 
capital  de  12,000  à  32,000  fr.  Et  comme  nous  l'avons  déjà  dit  (1): 

«  En  examinant  cette  diffusion,  cette  répartition  du  capital-actions  des  compa- 
gnies, comment  pourrait-on  y  découvrir  une  féodalité  dangereuse,  prête  à  tout 
envahir,  à  tout  submerger?  Cette  féodalité,  tout  le  monde  en  fait  partie, les  petites 
gens,  les  petits  bourgeois,  les  petits  rentiers.  »  Tout  capitaliste  possédant  1,400  fr. 
d'économies  peut  entrer  dans  cette  féodalité,  en  achetant  une  action  de  Lyon  ; 
avec  1,800  fr.,  il  peut  être  l'associé  de  la  compagnie  du  Nord;  avec  1,400  fr.,  il 
peut  acheter  une  action  d'Orléans  ;  avec  820  fr.,  une  action  de  l'Est  ;  avec  980  fr., 
une  action  de  l'Ouest.  Ces  petits  actionnaires,  dès  qu'ils  possèdent  20,  30  ou  40  ac- 
tions, peuvent  faire  partie  de  droit  des  assemblées  générales,  voter  ou  refuser  les 
comptes,  nommer  les  administrateurs  :  voilà  les  maîtres  de  ces  puissantes  compa- 
gnies que  l'on  représente  comme  des  divinités  cachées,  s'entourant  de  mystère, 
complotant  contre  la  sécurité  de  l'État  et  la  fortune  des  particuliers  ! 

«  Ces  chiffres  prouvent  que  les  actions  de  chemins  de  fer  ne  sont  pas  concen- 
trées dans  les  mains  de  quelques  banquiers;  elles  sont  la  propriété  de  la  partie  la 
plus  intéressante  de  l'épargne  française  :  elles  sont  le  patrimoine,  comme  le  décla- 
rait à  la  Chambre,  en  1883,  l'honorable  M.  Rouvier,  rapporteur  des  conventions, 
de  300,000  familles  françaises.  Où  donc  est  le  danger  de  voir  l'épargne  moyenne 
du  pays  associée  par  quelques  actions  aux  plus  grandes  affaires  industrielles  de 
notre  époque,  à  celles  qui  ont  été  le  plus  utiles  au  développement  du  commerce,  de 
l'industrie,  du  crédit  ?  » 

Ce  que  nous  écrivions,  il  y  a  cinq  ans,  est  donc  encore  vrai  aujourd'hui  ;  ajoutons 
que  l'on  ne  saurait  accuser  cette  épargne  si  intéressante  de  rester  attachée  aux  ac- 
tions qu'elle  possède,  parce  qu'elle  reçoit  de  forts  dividendes.  Les  actions  de  che- 


{l)  L'Épargne  française  et  la  Féodalité  financière,  in-8°,  Guillaumin,  18Si.  —  Voir  le  Rentier  du 
7  décembre  1885. 


—  142  — 

miiis  de  fer  rapportent  en  moyenne  4  p.  100  inlcrêt  et  dividende  compris.  Que  l'on 
compare  les  revenus  des  actionnaires  aux  profils  de  toute  sorle  que,  sous  mille 
formes  diverses,  l'Élat  réalise  dans  l'exploitalion  des  cliemins  de  fer,  on  verra  que 
celui-ci  est  le  plus  favorise.  Tandis  <)ue,  bon  an  niul  an,  les  3,059, 0(J0  actions  des 
six  grandes  compagnies  ont  à  se  partager  155  millions,  montant  des  intérêts  et  di- 
videndes payés  pendant  l'exercice  1888  et  qui,  pour  1889,  sera  légèrement  plus 
élevé  par  suite  de  l'augmentation  du  dividende  de  l'Orléans  et  du  Nord,  l'Élal,  lui, 
lanten  recettes  perçues  qu'en  économies  réalisées,  perçoit  près  de  ;300  millions. 

D'après  les  Documents  statistiques  puliliés  fin  1889  par  le  ministère  des  travaux 
publics  concernant  les  cliemins  de  fer  d'intérêt  général,  les  profils  piocurés  à 
l'Etal  par  les  chemins  de  fer  se  décomposent  ainsi  qu'il  suit  pour  l'année  1886  : 


Receltes  perçues.  .   . 
Économies  réalisées  . 

Totaux. 


171,956,100  fr. 
116,424,280 

288,380,380  fr. 


En  1886,  la  longueur  exploitée  du  réseau  éiant  de  30,674  kilomètres,  le  profit 
moyen  réalisé  par  kilomètre  représente  9,367  fr.  Les  actionnaires  changeraient 
bien  leur  situation  avec  celle  de  l'Élat! 


m. 

3"  Statistique  des  obligations  des  six  grandes  compagnies.  —  Obligations 
en  circulation  au  31  décembre  1889,  au  nominatif  et  au  porteur. 

Etablissons  maintenant  les  relevés  relatifs  aux  obligations.  Ces  titres  donneni  un 
revenu  égal,  sinon  inférieur,  à  celui  des  renies.  Une  obligalioii  de  chemin  de  fer 
coûte,  en  moyenne,  425  fr.,  rapporte  net  13  fr.  70  c,  soit  3.22  p.  100.  Or,  le  3  p. 
100  amortissable  à  92  rapporte  3  27  p.  100;  le  3  p.  100  ancien,  à  88  fr.  50  c, 
rapporte  3.38  p.  100.  Il  s'agit  donc  encore  là  d'une  classe  de  capitalistes  bien  inlé- 
ressanli,  que  l'on  n'accusera  pas  de  s'enrichir  au  délrimenl  du  pays,  car  les  inié- 
rêls  qui  leur  sont  payés  sont  plus  faibles  que  ceux  perçus  par  les  rentiers  de 
l'Elal;  et  cependant,  c'est  grâce  aux  capitaux  qu'ils  ont  fournis,  que  les  compagnies 
ont  trouvé  les  ressources  nécessaires  pour  développer  le  réseau  de  nos  voies 
ferrées. 

Voici  quel  était,  au  31  décembre  1889,  le  nombre  d'obligations  diverses  en  cir- 
culation, en  titres  nominatifs  et  au  porteur  : 


HOH   Dal  OOliPAOSIKS. 

Est. 

Lyon 

Midi 

Nord 

Orléans 

Ouest 

Totaux .   .    . 


Obligaiioni 

ES  CIECDLATIOK 

des 

obligations 

des 

obligviiooi 

31  décembre  1889. 

NOUINATIVES. 

AU    POKTKUa. 

4,400,410 

2,984,887 

1,415,523 

10,811, 110 

7,590,331 

3,220,779 

3,103,173 

1,978,241 

1,124,932 

2,995,506 

2,211,091 

784,415 

4,609,613 

3,399,771 

1,209,842 

4,235,634 

2,723,293 

1,512,341 

30,155,446 

20,887,614 

9,267,832 

—  us  — 


Ainsi,  sur  30,155,446  oblijrations  de  chemins  de  fer,  20,887,614  sont  nomina- 
tives, soit  69.26  p.  100  et  9,267,833  sont  au  porteur,  soit  30.74  p.  100.  La  moyenne 
générale  est  do  69  p.  100  de  titres  nominatifs. 

Il  y  a  cinq  ans,  au  31  décembre  1884,  il  existait  en  circnlalion  27,660,973  obli- 
gations de  chemins  de  fer  sur  lesquelles  18,118,865  étaient  nominatives  et 
9,542,108  au  porteur, 

La  moyenne  générale  était  alors  de  67.10  p.  100  de  titres  nominatifs  (1).  On 
voit  qne  la  proportion  s'est  encore  accrue. 

Pour  chacune  des  compagnies  la  proportion  des  obligations  nominatives  est  la 
suivante  : 


A  l'Est.  .  . 
Au  Lyon . 
Au  Midi  .  . 
Au  Nord .  . 
A  l'Orléans. 
A  l'Ouest   . 


A.U    31    DÉCBUBBB    1889- 

67.83  p.  100 
70.21  — 
63.75  — 
73.81  — 
73.75  — 
64.29  - 


AU   31    DÉCEMBRE    1334* 

64.50  p.  100 
67.23  — 
58.42  — 
70  — 
70  — 
59.92    — 


Le  nombre  des  certificats  nominatifs  d'obligations  et  la  moyenne  des  titres  repré- 
sentés par  chacun  d'eux  peut  s'établir  ainsi  qu'il  suit  : 

-, K,  Nombre 

Nombre  ,  moyenne 

NOM   DE8   OOMPAQNIES.  d'OBLIGATTONS  OERTl^IOAS  ^" 

NOMISiTIVES.  NOMIHATIF».  CBBT1F10AT8. 

Est 2,984,887  112,570  26 

Lyon 7,590,331  227,142  33 

Midi 1,978,241  55,733  35 

Nord 2,211,091  57,511  39 

Orléans 3,399,771  107,040  32 

Ouest 2,723,293  96,918  28 

Totaux.  ...  20,887,614         656,914  32 

Ainsi,  les  20,887,614  obligations  nominatives  sont  représentées  par  656,914  cer- 
tificats nominatifs.  Ce  qui  donne,  comme  moyenne  de  titres  inscrits  sur  chacun 
d'eux,  32  obligations,  soit  un  capital  de  13,600  fr.,  rapportant  annuellement 
438  fr.,  soit  3.22  p.  100. 

IV. 


Avant  de  terminer  cette  étude,  nous  indiquerons  le  montant  des  ventes  d'obli- 
gations effectuées  par  les  compagnies  pendant  l'exercice  écoulé;  le  montant  pro- 
duit par  ces  ventes;  le  prix  moyen  de  vente  par  obligation.  A  ces  renseignements, 
que  nous  donnons  habiiuellement  dans  le  Rentier  et  que  les  Journaux  de  finances 
repioduisent,  nous  en  ajoutons  un  qui  est  entièrement  nouveau  et  sur  lequel  nous 
appelons  l'attention  du  public  et  de  nos  conhères  de  la  presse  économique  et  finan- 


(1)  Voir  le  Rentier  du  7  décembre  1885. 


I 


—  144  — 

cière:  c'est  le  relevé  des  obligations  amorties  pendant  la  même  période  et  le  mon- 
tant des  remboursements  qui  ont  été  ainsi  effectués. 


Obligations  des  six  grandes  compagnies  vendues  et  amorties  pendant  l'année  1889. 

HOHBBB  MOHTiHT  P»IX    MOTBN  -_,.„.„.„..  MONTAHT 

d'obligation.  produit  de  vente  OBLIOATIomi  ^^ 

Tendoei  par  par  ^l^^lià'  remboursbmbmt» 

en  1889.  ces  ventes.  obligation.  '"  ""■  en  1889. 

Est 130,921  51,729,505  52  395  12  6,960  3,480,000  » 

Lyon 126,438  51,701,438  75  408  91  50,796  27,145,800  » 

Midi 32,930  13,463,621  13  408  856  14,422  6,753,932  58 

Nord 25,986  10,693,640  75  411  52  18,684  9,342,000  » 

Orléans  ....  137,144  55,481,000    »  404    »  26,623  13,676,750  » 

Ouest.  ....  122,507  49,685,000    »  405  60  24,533  12,706,700  » 

Totaux  .    .       575,926     232,754,506  15  142,018       73,105,182  58 

Ainsi,  pendant  l'année  1889,  les  six  grandes  compagnies  de  chemins  de  fer  ont 
placé  575,926  obligations  qui  ont  produit  232,754,506  fr.  15  c. 

La  moyenne  du  prix  de  vente,  pendant  l'année  1889,  est  la  plus  élevée  qui  ait 
été  jamais  atteinte:  c'est  la  preuve  indéniable  du  crédit  croissant  des  compagnies 
et  de  la  confiance  qu'elles  inspirent  à  l'épargne  tout  entière  :  on  en  jugera  par  les 
relevés  suivants  des  cinq  dernières  années  : 

Prix  moyen  de  vente  des  obligations  depuis  1885. 

1889  188e  1887  1888  1889 

Est 371  45  380  09  382  07  390  25  395  12 

Lyon 376  080  384  318  385  263  400  306  408  91 

Midi 376  12  385  16  391  82  398  73  408  856 

Nord 384  22  398  40  395  25  401  547  411  52 

Orléans.  ...  377  67  384  91  393  57  399    »  404    » 

Ouest 376  318  385  334  390  22  396  71  405  60 

Cette  hausse  continue  est  d'autant  plus  remarquable  que,  d'année  en  année,  le 
nombre  d'obligations  mises  en  vente  s'est  constamment  accru. 

Depuis  1885,  les  six  grandes  compagnies  ont  placé  3,131 ,779  obligations,  repré- 
sentant un  capital  de  1  milliard  218,109,329  fr.  54  c. 

En  voici  le  relevé  ; 

._,i_,  OBLIOÀTIOSB  TOTAL 

VENDUES.  DU    PBIX   DE    TENTE. 

1885 750,752  283,656,206  02 

1886 873,992  336,005,657  15 

1887 434,396  168,463,646  41 

1888 496,713  197,229,253  81 

1889 575,926  232,754,566  15 

Totaux.  .      3,131,779      1,218,109,329  54 

Les  capitaux  disponibles  se  portent  sans  cesse  sur  ces  valeurs  de  tout  repos,  et  à 
ces  disponibilités  s'ajoutent  celles  provenant  du  remploi  des  obligations  de  chemins 
de  fer  amorties  tous  les  ans  et  remboursées  à  leurs  détenteurs.  Lorsqu'un  rentier 
possède  des  obligations  ou  titres  quelconques,  et  que  l'un  ou  plusieurs  d'entre  eux 


—  145  — 

sortent  remboursables,  il  achète  avec  les  fonds  provenant  des  litres  qui  lui  sont 
remboursés,  les  mêmes  valeurs.  C'est  ce  qui  se  produit  tous  les  ans  avec  les  obli- 
gations de  chemins  de  fer. 

Pendant  l'année  1889,  142,018  obligations  diverses  ont  été  amorties  pour  7iJ  mil- 
lions ;  pendant  la  même  période,  575, 9io  oblii(alions  ont  été  vendues  pour  232  mil- 
lions: il  en  résulte  que  le  montant  des  amortissements  et  remboursements  effec- 
tués par  les  compagnies  représente  un  peu  plus  du  tiers  du  montant  des  obligations 
qu'elles  placent.  Au  fur  et  à  mesure  que  les  années  s'écoulent,  les  amortissements 
deviennent  plus  élevés,  et  il  arrivera  bientôt  un  moment  où  les  remboursements 
atteindront  la  moitié,  les  trois  quarts  et  même  la  totalité  du  montant  des  obligations 
placées  annuellement.  Ainsi  s'explique  la  hausse  graduelle  mais  conlini-e  des  obli- 
gations des  grandes  lignes  ;  le  public  a  toujours  des  emplois  et  remplois  nouveaux 
à  effeciuer  sur  ces  valeurs  ;  il  ne  cesse,  malgré  la  hausse  acquise,  d'en  acheter  de 
nouvelles  et  conserve  précieusement  celles  qu'il  posïède,  sachant  bien  que  la  grande 
sécurité  de  ces  titres  en  fait  la  base  première  de  tout  portefeuille  sérieux,  de  toute 
fortune  de  «  père  de  famille  ».  La  progression  des  titres  mis  au  nominatif  s'accroît 
chaque  année  :  or,  il  n'est  pas  de  critérium  plus  sûr  du  solide  classement  d'une 
valeur. 

V. 

Que  prouve  enfin  cette  longue  statistique  que  nous  venons  d'établir?  C'est  que 
les  titres  des  compagnies  de  chemins  de  fer,  actions  et  obligations,  représentent  la 
parlie  la  plus  importante,  la  plus  sérieuse  de  l'épargne.  Aux  cours  de  la  Bourse,  les 
33,214,446  titres  des  compagnies  de  chemins  de  fer  forment  un  capital  de  plus  de 
16  milliards.  Celte  fortune  énorme  appartiendra  à  l'État  d'ici  1953  à  1960  au  plus 
tard,  soit  dans  63  à  70  ans  (ce  qui  est  un  court  espace  de  temps  dans  la  vie  d'une 
nation).  N'est-il  donc  pas  vrai  de  dire  que,  lorsque  des  hommes  politiques,  ainsi  (|ue 
nous  l'avons  vu  dans  la  précédente  législature,  attaquent  et  risquent  de  discréditer 
les  grandes  compagnies,  c'est  porter  atteinte  à  la  fortune,  à  l'épargne  pénible- 
ment acquise  d'une  foule  de  petites  gens,  et  nuire  à  la  fortune  même  de  l'État  ? 

L'expérience  et  les  faits  indiquent  que,  dans  la  composition  de  leur  portefeuille, 
les  capitalistes  et  les  rentiers  font  entrer  en  parties  égali.'s,  avec  la  même  confiance 
et  la  même  sécurité,  des  rentes,  des  actions  et  des  obligations  de  chemins  de  fer. 
Ce  qui  le  prouve,  c'est  la  répartition  des  rentes  françaises  comparée  à  celle  des  va- 
leurs de  chemins  de  fer,  répartition  que  nous  citions  au  début  de  ce  travail,  et  que 
nous  voudrions  voir  méditée  par  les  députés,  anciens  ou  nouveaux,  qui  croiraient 
se  rendre  populaires  en  rééditant  les  grands  mots  de  «  ploutocratie  »  et  d'  «  aris- 
tocratie financière  »,  alors  qu'il  s'agit  de  compagnies  ayant  émis  des  titres  aujour- 
d'hui disséminés  et  classés  dans  toutes  les  bourses  à  l'égal  des  rentes  sur  l'État. 

Sur  le  total  général  des  renies  françaises  en  circulation,  65  p.  100  des  titres  sont 
constitués  en  nominatif. 

Sur  le  total  général  des  valeurs  de  chemins  de  fer,  actions  et  obligations,  67.27 
p.  100  sont  au  nominalif. 

Attaquer  et  discréditer  les  unes,  c'est  donc  attaquer  et  discréditer  les  autres: 
voilà  la  vérité  qu'il  convient  de  ne  pas  oublier. 

Alfred  Neymarck. 


lt>  SÉBIB.   31«  VOI.    —  S°5.  jQ 


—  146  — 

IV. 
LA  FRANCE  ÉQUINOXIALE. 

NOTES    tT    IMPRESSIONS    SUR   LA    GUYANE    FRANÇAISE. 

Si  la  Guyane  française,  au  lieu  d'être 
une  vieille  terre,  était  une  découverte 
moderne,  on  s'y  précipiterait  avec  fu- 
reur. 

Saint-Amant. 

Je  vais  parler  ici  d'une  colonie  déjà  vieille,  très  vieille  même,  quoique  bien  jeune 
cependant  au  point  de  vue  pratique  auquel  je  l'envisage.  LA,  plusieurs  générations 
françaises,  qui  n'ont  peut-être  pas  produit  tout  ce  qu'elles  auraient  dû  produire 
avec  les  élémenls  qui  à  diverses  reprises  ont  été  rais  à  leur  disposition,  ont  déjà 
vécu.  Là-bas,  on  a  le  sentiment  réel  et  vrai  de  ce  qu'est  notre  belle  France.  On 
l'aime;  mais  on  ne  sait  pas  la  comprendre.  Ce  pays  regrelte  peut-être  aujourd'hui 
ce  qu'il  a  été  autrefois,  à  certaines  époques. 

La  responsabilité  de  l'état  actuel  des  choses  doit-elle  incomber  aux  Français  de 
là-bas  ou  bien  aux  Français  de  la  métropole  ;  aux  Français  d'autrefois  ou  aux  Français 
d'aujourd'hui?  C'est  ce  que  nous  allons  examiner. 

Certes,  actuellement  la  Guyane  ne  demanderait  pas  mieux  d'être  un  peu  moins 
négligée  dans  notre  politique  coloniale,  car  elle  aussi  a  sa  valeur  à  côté  des  pays 
neufs. 

Certes,  elle  proteste  avec  trop  d'amertumecontre  l'oubli  momentané  qui  la  frappe 
aujourd'hui.  Mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que,  pour  celui  qui  n'a  aucun  parti 
pris,  la  Guyane  fiançaiso  est  encore  une  colonie  qui  pourrait  devenir  prospère  et  se 
développer. 

Pour  le  moment,  elle  est  à  l'état  d'embryon,  malgré  sa  vieillesse  nationale,  malgré 
ses  trésors  cachés,  malgré  ses  richesses  naturelles,  malgré  tout  ce  qu'ont  pu  faire 
nos  devanciers,  malgré  enfin  tout  l'argent  que  nous  y  avons  dépensé. 

Pourquoi?  Parce  que  l'esprit  de  suite  n'a  pas  présidé  à  ses  destinées;  parce  que, 
.soumise  à  des  régimes  intermittents,  à  des  fluctuations  de  direclion,  ce  qui  était 
bon  à  une  époque  ne  Tétait  plus  à  l'autre;  parce  qu'elle  a  passé  successivement, 
suivant  l'ère  des  vents  de  la  politique  locale  ou  métropolitaine,  de  la  période  d'ac- 
tivité à  la  période  de  sommeil,  livrée,  suivant  les  temps,  à  des  administialeurs 
enthousiastes  et  de  mérite  ou  à  des  indifférents.  Qu'on  me  permette  d'effleurer  en 
quelques  mots  la  partie  diplomatique  de  la  queslion. 

Personne  n'ignore  que  la  Guyane  française  n'a  pas  encore  de  frontières.  L'Oya- 
pock,  du  côté  du  Brésil,  la  limite  pour  le  moment.  Mais,  sur  la  rive  droite  de  ce 
fleuve,  n'avons-nous  pas  le  territoire  contesté  avec  le  Brésil?  De  l'autre  côté,  Le 
Maroni,  la  limite  avec  la  Guyane  hollandaise.  Mais  n'avons-nous  pas  sur  la  rive  gau- 
che de  ce  fleuve  le  territoire  contesté  avec  la  Hollande,  ce  fameux  territoire  de 
l'Awa,  ce  triangle  oîi  l'or  se  remue  à  la  pelle? 

Pourquoi  en  1889  ces  questions  ne  sont-elles  pas  résolues  d'une  façon  ou  d'une 
autre?  A  qui  en  attribuer  fa  responsabilité? 


—  U7  — 

I 

C'est  sans  doute  que  la  Guyane  était  déjà  trop  grande  pour  les  Français,  nos 
devanciers  ;  que  peut-être  le  besoin  de  cette  délimitation  précise  ne  se  faisait  pas 
alors  sentir.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  c'est  justement  à  ce  moment  que  la 
diplomatie  aurait  dû  agir.  La  tâche  eût  alors  été  plus  facile,  car  la  question  de  la 
République  indépendante  de  Counani,  du  côté  du  Brésil,  n'était  pas  encore  créée; 
et,  du  côté  de  la  Hollande,  les  gisements  d'or  de  l'Awa  n'étaient  pas  encore 
découverts. 

Les  appétits  réciproques  des  peuples  riverains  n'avaient  donc  pas  à  cette 
époque  l'acuité  qu'ils  ont  aujourd'hui.  La  question  eût  donc  été  plus  facile  à  résoudre. 
Je  conclus  donc  qu'en  ce  qui  concerne  la  question  de  délimitation  des  deux  côlés, 
nos  devanciers  ont  vraiment  été  négligents,  et  qu'ils  nous  ont  laissé  une  lourde 
tâche  à  accomplir  comme  une  lourde  responsabilité.  Ces  deux  questions  n'en  doi- 
vent pas  moins  être  résolues  au  plus  tôt. 

Au  point  de  vue  géographique,  le  territoire  colonial  de  la  Guyane,  qui  s'étend, 
non  compris  les  territoires  contestés,  de  l'Oyapock  au  Maroni  et  du  littoral  aux 
Tumuc-Humac  (région  pour  ainsi  dire  inexplorée),  a  une  étendue  approximative 
de  6  millions  d'hectares. 

Le  territoire  se  divise  en  deux  régions  distinctes  :  la  région  des  terres  basses  ou 
alluvionnaires,  et  celle  des  terres  hautes  sur  lesquelles  Crevaux,  s'il  n'était  pas  mort, 
et  les  chargés  de  missions,  comme  l'explorateur  Coudreau,  seraient  plus  à  même 
que  moi  de  vous  fournir  des  appréciations  authentiques. 

La  région  des  terres  basses  occupe  tout  le  littoral  et  s'étend  jusqu'aux  premiers 
sauts  des  rivières,  à  30  ou  40  kilomètres  dans  l'intérieur. 

Lesterresalluvionnaires  sont  d'une  fertilité  surprenante:  de  l'Oyapock  au  Mahury, 
les  terres  à  proximité  des  rivages  sont  bordées  de  palétuviers  ;  du  Mahury  au  Maroni, 
ces  mêmes  terres  sont  des  savanes  sèches  ou  noyées,  des  pis-pis  entrecoupés  de 
palétuviers. 

C'est  dans  ces  endroits,  comme  l'avaient  d'ailleurs  compris  nos  devanciers,  que 
par  des  canaux  de  dérivation  et  de  dessiccation,  on  peut  donner  aux  terres  la  valeur 
réelle  qu'elles  devraient  avoir;  le  canal  du  Tour  de  l'Ile,  la  crique  fouillée,  le  canal 
Laussat,  sont  là  pour  prouver  que  c'est  ainsi  qu'on  avait  compris  jadis  la  colonisa- 
tion sur  les  côtes  de  la  Guyane.  11  n'y  a  pas  de  territoire  malsain  et  inaccessible 
pour  l'homme  intelligent  qui  veut  réussir.  Notre  époque  fournit  toutes  sortes  de 
moyens  prati(|ues  pour  arriver  au  but. 

La  Guyane  anglaise,  si  prosfière  à  côté  de  nous,  n'a-l-eile  pas  eu  et  n'a-t-elle 
pas  encore  à  vaincre  les  mêmes  difficultés? 

Au  delà  des  premiers  sauts,  le  sol  se  relève  peu  à  peu  par  étages  successifs  jus- 
qu'aux Tumuc-Humac  en  donnant  des  altitudes  de  200  à  300  mètres.  C'est  là  que 
gît  le  précieux  métal  dans  des  forêts  vierges  d'une  beauté  indescriptible. 

Ce  territoire  immense  est  sillonné  de  nombreux  cours  d'eau,  dont  les  principaux 
sont  de  véritables  fleuves.  Ce  sont  le  Maroni,  la  Mana,  le  Sinnamary,  le  Kourou,  la 
rivière  de  Cayenne,  à  l'embouchure  de  laquelle  se  trouve  la  capitale  avec  ses 
12,000  habitants,  le  Mahury,  l'Approuague,  l'Ouanary  et  l'Oyapock.  J'ai  la  satisfac- 
tion de  pouvoir  dire  que  je  les  ai  tous  visités,  sans  toutefois  avoir  pu  les  remonter 
bien  haut,  faute  de  temps  et  de  moyens  commodes  de  transport. 

Ces  fleuves  seraient  navigables  jusqu'aux  premiers  sauts  et  même  au  delà  pour 
des  navires  d'un  petit  tirant  d'eau  (I  à  2  mètres  environ),  A  l'embouchure,  il  existe 


—  148  — 

raalheureusemenl  des  barres,  bancs  de  sable  ou  de  vase;  ils  sont  cependant  suscep- 
tibles d'offrir  des  refuges  aux  bâtiments  d'un  tonnage  de  300  à  500  tonneaux, 
comme  la  rivière  de  Cayenne  et  de  Maroni,  par  exemple,  mais  à  la  condition  que  les 
navires  pénètrent  à  marée  haute. 

La  population  de  la  Guyane  française  peut  être  estimée  approximativement  à 
20,000  âmes,  disséminées  sur  plus  de  300  kilomètres  de  côtes,  Cayenne  compris. 

A  ce  chiffre,  il  y  a  lieu  d'ajouter  la  population  autochtone,  composée  de  tribus 
d'Indiens  Peaux-Rouges  qu'a  éloignées  petit  à  petit  la  civilisation,  et  qui  habitent  les 
terres  hautes.  D'après  Coudreau,  il  existerait  encore  dans  les  hauts  de  l'Oyapock 
une  population  de  plus  de  20,000  Indiens  qu'une  politique  prudente  et  bienveil- 
lante serait  susceptible,  à  l'heure  qu'il  est,  de  nous  attirer,  et  qui  serait  apte  à 
mettre  en  valeur  tous  ces  hauts  territoires  encore  inconnus. 

Comme  terme  de  compaiaison,  au  point  de  vue  population,  je  dirai  que  notre 
voisine,  la  Guyane  anglaise,  compte  plus  de  300,000  habitants,  et  que  son  mouve- 
ment commercial  et  agricole  dépasse  100  millions  de  francs.  Comme  je  vais  dire 
un  mot  du  commerce  de  la  Guyane,  il  sera  facile  déjuger  de  l'infériorité  de  notre 
colonie  à  ce  point  de  vue. 

Commerce.  —  Ce  serait  aller  trop  loin  que  de  dire  qu'à  la  Guyane  les  commer- 
çants ne  font  pas  fortune.  Le  commerce  local  a  même  une  certaine  activité  qu'on 
ne  trouve  pas  dans  d'autres  colonies. 

L'élément  commerçant  se  compose  de  bons  et  braves  négociants,  faits  au  climat, 
ayant  en  France  d'anciennes  relations  bien  assises.  Le  mouvement  ordinaire  des 
affaires  s'y  perpétue  sans  qu'on  songe  que  tout  se  modifie  et  s'amélio're  chez  nous 
et  que  dans  la  métropole  la  nouveauté  du  jour  remplace  à  chaque  saison  celle  d'hier. 

J'ai  eu  occasion  de  constater  avec  regret  que  les  étrangers  nous  font  en  toutes 
choses  une  concurrence  redoulable  et  que  les  articles  étrangers,  anglais  ou  amé- 
ricains, sont  représentés  sur  une  vaste  échelle  aussi  bien  en  ce  qui  concerne  les 
tissus,  les  objets  de  première  nécessité,  etc.,  que  pour  les  conserves  alimentaires. 

Il  liaudrait,  je  crois,  de  la  part  des  fournisseurs  de  la  métropole  plus  d'activité,  et 
ceux-ci  devraient,  par  eux-mêmes  ou  par  des  agents  de  leur  partie,  aller  se  rendre 
compte  sur  place  de  la  possibilité  d'une  concurrence  avantageuse. 

Le  commerce  de  la  colonie  peut  être  approximativement  évalué  comme  suit: 

Exportation  pour  France 5  à  6  millions. 

Exportation  pour  les  autres  colonies  .      Nulle  (1,500  fr.  environ). 

Exportation  pour  l'étranger 40,000  fr. 

hnportation  de  France 7  millions  environ. 

Importation  des  autres  colonies  .  .  .  175,000  fr.  environ,  mais  ce  chilîre  a  dû  aug- 
menter en  1889. 

Importation  de  l'étranger 1,500,000  fr.   environ.  Ce  dernier  chiffre  est 

plus  fort  aujourd'hui,  car  mes  données  statis- 
tiques datent  de  i  ans. 

La  navigation  commerciale  donne  approximativement  par  an  80  ou  90  navires, 
jaugeant  environ  35,000  tonneaux  et  montés  par  1,500  hommes  d'équipage. 

Quelques  chiffres  de  détail  suffiront  d'ailleurs  pour  donner  un  aperçu  sur  la  va- 
leur commerciale  de  la  Guyane. 


—  149  — 
Du  1"  janvier  au  1"  juillet  1887,  il  aurait  été  exporté  en  fait  de  denrées,  savoir  : 

Cacao 4,507  kilogr.  pour  France. 

Café 50     — 

Plumes 106     -  — 

Rocou  en  pâte 21,657     —  — 

Tafia 455  litres  — 

Vessies 737  kilogr.  — 

Peaux  de  bœufs 850     —      pour  les  colonies  et  l'étranger,  et 

encore  ces  peaux  de  bœufs  pro- 
viennent-ellesdes bœufs  importés 
vivants  par  navire  de  Denserari. 

Or  natif  fondu 60T',51 15  pour  France. 

Or  natif  non  fondu 261^162  — 

Les  quantités  d'or  déclarées  du  1"  juin  au  I"  juillet  1887  ont  été  de  UD'^jS??. 
D'après  la  mercuriale,  le  prix  des  denrées  et  produits  de  la  colonie  s'établirait 
comme  suit  au  1"  juillet  1887  : 


Peaux  de  bœuf 

.    la  peau  .   .    . 

10' 

» 

Vessies  natatives  desséchées  .    . 

.    le  kilogr.  .   . 

3 

» 

Bois  de  construction 

.    le  mèlre  cube 

80 

» 

Bois  d'ébénisterie 

— 

.   100 

» 

Sucre  brut 

.    le  kilogr.  .   . 

0 

45 

Café  en  parchemin 

—     ... 

1 

50 

Cacao.  ... 

__ 

0 
2 

2 

90 

Or  natif  fondu  .   .                                   —     .   .   . 

85 

Or  natif  non  fondu 

—    ... 

70 

Rocou 

. 

1 
1 
G 

Yl 

Clous  de  girofle.  . 



» 

Griffes  de  girofle 

—    ... 

50 

Tafia 

le  litre  .   .   . 

0 
0 
4 

65 

Couac 

le  kilogr.   .  . 

fiO 

Caoutchouc   

» 

D'après  les  déclarations  en  douane,  en  1887,  les  quantités  d'or  produites  auraient 
été  les  suivantes  pour  toute  l'année: 


Janvier  .  . 
Février  .  . 
Mars  .  .  . 
Avril  .  .  . 
Mai.  .  .  . 
Juin.  .  .  . 
Juillet.  .  . 
Août  .  .  . 
Septembre 
Octobre  .  . 
Novembre 
Décembre 


134S133" 

134 

403 

141 

256 

132 

775 

134 

524 

143 

450 

134 

553 

161 

758 

159 

990 

131 

768 

144 

911 

110 

485 

Total 1,664S006«' 


—  1.50  — 

C'est  là  le  résultai  de  369  permis  d'exploitation  accordés  sur  800,000  hectares 
de  superficie. 

En  1879,  on  avait  alleint  2,174  kilogr.,  mais  ce  relevé  ne  donne  que  le  chiffre 
de  l'or  volontairement  déclaré  en  douane.  Or,  comme  la  douane  guyanaise  n'a  que 
des  moyens  de  contrôle  absolument  problématiques,  on  peut  affirmer,  sans  crainte 
de  se  tromper,  que  les  chiffres  officiels  sont  au-dessous  de  la  vérité,  et  cela  par  suite 
de  provenances  en  fraude,  (\m  ne  manquent  pas  d'avoir  une  certaine  valeur. 

En  résumé,  je  mets  en  fait  que  tous  ces  chiffres  seraient  susceptibles  de  décupler 
si  tous  les  éléments  de  commerce  et  d'industrie  que  possède  la  Guyane  étaient  plus 
connus  au  dehors  el  surtout  en  France. 

La  colonie  produirait  autant  qu'on  le  voudrait  si  la  demande  excitait  l'offre. 
Clitnaloloffie.  —  La  Guyane  n'est  pas  un  pays  malsain,  malgré  les  malheureuses 
épidémies  qui  sont  venues  à  certaines  époques  l'éprouver.  Il  ne  faut  pas  y  rester  de 
prime  abord  trop  longtemps  sans  venir  se  retremper  momentanément  en  France  ; 
mais  j'ajouterai  que  l'acclimatemenl  se  fait  normalement  et  même  au  bout  de  peu 
de  temps. 

Ce  n'est  pas  par  suite  un  pays  funeste  à  l'Européen,  et,  pour  peu  que  ce  deinier 
n'y  commette  pas  d'excès  et  suive  une  bonne  hygiène,  il  peut  y  vivre  et  même  très 
longtemps. 

Les  générations  qui  nous  ont  précédés  en  sont  la  preuve.  Il  existe  encore  en 
Guyane  de  nombreuses  el  vieilles  familles,  très  honorables,  descendance  des  pre- 
miers colonisateurs  de  celte  France  éijuinoxiale,  dont  les  vestiges,  à  l'époque 
actuelle,  montrent  surabondamment  qu'il  était  possible  d'y  faire  souche. 

Immigration.  —  Tout  le  monde  est  d'accord  aujourd'hui  pour  reconnaître 
qu'une  affluence  de  bras  peut  seule  relever  ce  pays  si  fertile;  mais,  dans  celte 
importante  question,  les  opinions  diffèrent  sur  le  mode  d'immigration  qui  convient 
à  la  Guyane.  En  raison  de  l'élendue  de  son  territoire,  ce  qu'il  faut  à  la  Guyane  pour 
la  transformer  un  jour,  c'est  un  peuplement  régulier,  c'est-à-dire  une  immigration 
permanente  el  fixe,  surtout  choisie  d'après  les  aptitudes  des  immigrants,  selon 
l'affectation  qui  devra  leur  êlre  donnée  :  industrie  aurifère  ou  travaux  agricoles. 
Il  ne  faudrait  pas,  en  effet,  que  l'industrie  aurifère,  qui,  elle  aussi,  a  besoin  de  bras, 
fit  concurrfnce  à  l'agriculture  qui  en  manque  absolument  et  n'en  aura  jamais  assez. 
L'immigration  africaine  est,  sans  aucun  doute,  celle  qui  paraît  le  mieux  convenir 
à  cette  colonie,  puisque  ce  sont  les  Noirs  qui  forment  aujourd'hui  la  majorité  de  sa 
population  el  ont  été  amenés  à  constituer  les  vrais  citoyens  du  pays,  électeurs 
et  Fiançais  au  même  litre  que  nous  autres  Européens,  el  certainement  aussi  intel- 
ligents. 

Le  conseil  général  du  pays  a  compris  celte  nécessité  et  demande  instamment  une 
solution  en  ce  sens.  Malheureusement,  le  pays  se  trouve  arrêté  dans  la  circonstance 
par  la  question  pécuniaire.  Sans  cela,  ce  ne  serait  pas  un  stock  de  1,000  hommes 
que  devrait  appeler  la  colonie,  mais  de  10,000  au  moins. 

Je  ne  verrais  pas  non  plus  l'impossibilité  d'une  immigration  annamite  ou  chi- 
noise comme  complément  de  l'immigration  africaine.  L'immigration  volontaire 
chinoise  et  annamite  est  déjà  très  accentuée,  au  point  qu'elle  a  soulevé  une  certaine 
jalousie  dans  la  population  locale.  Les  Chinois  notamment  font,  en  effet,  une  con- 
currence effrénée  au  petit  commerce  du  pays,  ce  qui  a  amené  bien  des  méconlente- 
menls  el  des  plaintes. 


—  15i  — 

Toujours  est-il  que  la  création  en  Guyane  d'un  syndical  composé  de  représen- 
tants de  l'agriculture,  de  l'industrie  et  du  commerce  français,  sous  la  surveillance 
de  l'adminislralion,  offrirait  des  garanties  sérieuses  pour  donner  à  l'immigration, 
de  quel(|ue  part  qu'elle  provienne,  le  développement  qu'elle  devrait  avoir,  car 
ce  qu'il  faut  à  ce  pays,  c'est  le  peuplement  ;  et  il  le  reconnaît  déjà  si  bien  qu'il  est 
prêt  à  consentir  dans  ce  but  de  véritables  sacrifices. 

Agriculture.  —  L'agriculture  laisse  énormément  à  désirer.  La  population  du  pays 
s'est  portée  en  foule  sur  les  territoires  aurifères  et  a  abandonné  cette  branche  de  la 
fortune  publique  depuis  la  découverte  de  l'or. 

On  voit  encore  d'immenses  et  riches  propriétés  plantées  de  roucoux,  de  café,  de 
cacao,  provenances  de  l'époque  antérieure,  qui  continuent  à  végéter  au  milieu  des 
lianes  et  des  herbes  qui  maintenant  les  étouffent  et  qu'aucune  main,  puisiju'il  n'y  a 
plus  personne,  n'est  là  pour  arracher. 

Les  ressources  agricoles  susceptibles  en  Guyane  d'une  exploitation  avantageuse 
sont  les  suivantes  :  cacaoyer,  caféier,  cotonnier,  caoutchouc, canneàsucre,rocouyer, 
giroflier,  muscadier,  poivrier,  mûrier,  cannelier,  les  aromates  (vanilles,  etc.),  les 
graines  oléagineuses  de  toute  espèce,  carapa,  aouara,  caurnon,  sésame,  palma-christi, 
pataoua,  enfin  l'indigo  et  le  tabac. 

De  magnifiques  pâturages,  offerts  par  d'immenses  savanes,  s'étenlent  à  perte 
de  vue,  mais  à  part  les  points  de  Kourou  et  Sinnamary  où  quelques  maigres  essais 
sont  tentés  cependant  avec  succès  par  de  rares  propriétaires  (deux  ou  trois  tout 
au  plus),  on  peut  dire  qu'on  ne  voit  pas  beaucoup  de  têtes  de  bétail. 

Cependant  il  suffirait  de  vouloir  pour  pouvoir  et  pour  faire  cesser  surtout  ce 
ravitaillement  en  béiail,  qui  consiste  à  aller,  avec  des  navires  à  vapeur,  chercher 
dans  la  colonie  anglaise  voisine  les  animaux  destinés  à  l'alimentation. 

Ici,  je  suis  obligé  d'avouer  que  personne  ne  veut  s'occuper  de  ces  intéres- 
santes questions,  parce  que  la  fortune  provenant  de  l'agriculture  ou  de  l'éle- 
vage semble  trop  lente  à  venir.  Aussi  préfère-t-on  la  loterie  du  placer  où  cependant 
sur  100  appelés  on  rencontre  à  peine  3  élus. 

A  l'élève  du  bétail  peut  venir  s'ajouter  l'exploitation  forestière.  Certes,  la  Guyane 
est  un  des  pays  de  la  terre  les  plus  riches  en  bois  de  toute  espèce  pour  la  construc- 
tion et  l'ébénisterie.  Son  sol  est  couvert  de  forêts  vierges  et  de  cours  d'eau 
propres  à  faciliter  l'exploitation  de  ces  forêts.  Depuis  que  la  Guyane  est  devenue 
la  France  équinoxiale,  qu'ont  fait  pour  faciliter  l'exploitation  forestière  ses  premiers 
pionniers,  ses  habitants  du  vieux  temps,  ses  habitants  actuels  et  même  les  Français 
en  général  ?  Hélas!  rien,  absolument  rien. 

Et  cependant  n'avons-nous  pas  actuellement  en  mains  tous  les  moyens  pratiques 
que  le  progrès  moderne  met  à  notre  disposition  ! 

Il  est  constant,  indéniable  qu'il  n'y  a  pas  de  pays  au  monde  où  il  y  ait  de  plus 
belles  forêts,  de  plus  curieuses  et  de  plus  belles  essences,  malgré  le  reproche  que 
l'on  fait  aux  arbres  de  la  Guyane  de  ne  pas  se  trouver  réunis  par  familles. 

Pour  la  construction,  l'ébénisterie,  la  menuiserie,  il  y  aurait,  si  on  le  voulait, 
d'immenses  débouchés,  et  l'on  ne  verrait  pas  en  1889  se  bâtir  en  plein  Cayenneun 
établissement  de  dislillerie  avec  des  bois,  des  poutres,  des  planches,  etc.,  provenant 
de  Démerari,  de  la  Guyane  anglaise,  ou  des  États-Unis.  J'ai  rou;,n  en  assistant  au 
débarquement  d'un  paquebot  français  de  voir  ces  bois  de  coiislniciion  qu'on  aurait 
pu  trouver  à  ((uelques  heures  à  peine  de  Cayenne  et  cela  sans  paquebot. 


—  152  — 

Il  suffît  d'ailleurs  de  voir  à  l'exposition  coloniale  les  spécimens  des  bois  exposés 
et  les  meubles  faits  par  des  ouvriers  forçais  de  l'administration  pénitentiaire  avec 
ces  bois,  pour  en  apprécier  la  valiîur  et  le  parti  qu'on  en  peut  tirer. 

Mines.  —  L'industrie  minière  ne  manque  pas  non  plus  d'éléments  d'activité.  Il  me 
suffira  de  citer  les  phosphates  du  Grand-Connétable  dont  l'exploitation  a  été  concédée 
parla  colonie  il  y  a  quelques  années  à  une  compagnie  américaine,  comme  si  dans  la 
colonie  aussi  bien  qu'en  France,  on  n'aurail  pas  pu  trouver  les  éléments  d'une  ex- 
ploitation avantageuse  qui  aurait  au  moins  profilé  à  des  Français.  Du  côtédeUoura, 
un  ingénieur,  M.  Mufilet,  a  découvert  des  gisements  exploitables  de  beauxite.  Il 
existe  encore  bien  d'autres  sources  de  richesse  dans  celte  partie,  quand  ce  ne  serait 
que  la  terre  à  fabriquer  les  briques  et  la  poterie,  dont  un  homme  d'iniliative, 
M.  Houry,  a  bien  su,  lui,  trouver  l'emploi. 

Industrie  aurifère.  —  L'industrie  aurifère  a  acquis  à  la  Guyane  une  importance 
capitale  et  si  plus  haut  je  déclarais  qu'il  y  avait  beaucoup  d'appelés  et  peu  d'élus, 
c'est  que  jusqu'à  ce  jour,  faute  de  moyens  efficaces,  le  transport  sur  les  terrains 
d'exploitation  el  le  ravitaillement  conslitueiit  une  vérilable  difficulté. 

Il  laut,  pour  résister  aux  fatigues  de  pareils  voyages  et  vivre  sur  les  terrains  ex- 
ploités, une  constitution  spéciale;  il  faul  des  connaissances  et  une  pratique  qui  s'ap- 
prend comme  un  métier;  il  faut  enfin  des  qualilés  physiques  que  l'Européen  n'a 
pas  le  temps  d'acquérir,  mais  qu'un  séjour  de  quelque  temps  avec  des  facilités  de 
communication  rapide  et  des  installalions  hygiéniques  bien  con)prises  peuvent  lui 
donner.  Néanmoins  toute  la  Guyane  depuis  l'Approuague  où  le  premier  placer  a  été 
découvert  par  mon  grand-père  M.  Félix  Gouy,  conduit  par  l'Indien  Tapouille  Paoline, 
jusqu'au  Sinnamary  où  se  trouvent  les  fameux  placers  de  Saint-Elie  el  d'Aden-Vat, 
justju'à  la  Mana  où  travaille  actuellement  la  société  de  la  Mana,  jusqu'au  Maroni, 
toute  la  Guyane  contient  de  l'or.  Il  est  à  qui  le  veut.  11  suffit  de  s'inscrire  aux  conditions 
réglementaires  à  la  direclion  de  l'intérieur  pour  avoir  le  droit  de  recueillir  le  pré- 
cieux métal.  Et  à  ce  sujet,  il  serait  à  désirer  pour  l'authenticité  réelle  des  plans 
délivrés  qu'une  carte  bien  exacte  de  la  zone  aurifère  fût  établie,  car  celle  qui  sert 
actuellement  d'étalon  repose  sur  des  données  absolument  problématiques. 

En  résumé,  l'induslrie  auril'èie  est  susceptible,  avec  les  moyens  que  la  science  et 
le  progrès  metlenl  aujourd'hui  à  notre  disposition,  de  décupler  pour  la  Guyane  et 
pour  la  Fiance  celle  source  de  revenus.  Indépendamment  des  formalités  admi- 
nistralives  que  je  viens  d'indiquer,  l'or  paie,  à  l'entrée  en  ville  à  Guyenne,  un  droit 
fixe  par  kilo  qui  nécessite  une  déclaration  en  douane,  formalité  sur  le  mérite  de 
laquelle  mon  opinion  est  bien  arrêtée.  C'est  là  une  naïveté  administrative  locale, 
qui  n'a  de  prise  que  sur  les  honnêtes  gens,  et  il  est  difficile  de  dire  si  c'est  là  la 
majorité. 

En  définitive,  si  les  moyens  pratiques  dont  nous  disposons  en  France  étaient  mis 
à  la  disposition  des  chercheurs,  si  le  ravitaillement  élait  plus  facile,  il  ne  faudrait 
pas  23  jours,  par  exemple,  à  partir  du  poste  du  Maroni  pour  remonter  ce  fleuve  et 
atteindre  l'Eldorado  de  l'Awa  où  les  cailloux,  paraît-il,  sont  en  or,  d'après  les  en- 
thousiastes. Il  ne  faudrait  pas  passer  des  semaines  en  pirogue  pour  atteindre  son 
placer;  et  les  moyens  d'exploitation  et  d'extraction  eux-mêmes  pourraient èlie per- 
fectionnés de  façon  à  faire  rendre  au  sable  ou  au  quartz  tout  ce  qu'il  peul 
donner,  et  cela  à  moins  de  frais.  En  outre  de  l'amélioration  des  moyens  de  trans- 
port il  faut  des  bras.  Et,  cela  se  comprend,  les  bras  sont  très  chers.  Ils  sont  en  raison 


—  153  — 

de  l'offre  et  de  la  demonde.  De  là  des  exigences  réciproques  et  comme  conséquence 
un  défaut  de  moralité  dans  les  contrats. 

L'industrie  aurifère,  si  elle  constitue  actuellement  la  base  sérieuse  de  la  fortune 
de  la  Guyane,  a  cependant  l'ait  beaucoup  de  mal  à  ce  pays.  Elle  a  affaibli  le  niveau 
moral  de  la  population.  Elle  a  gâté  cette  excellenleiiopulalion  d'autrefois  qui  préfère 
maintcnani  attendre  les  résultats  d'une  spéculation  hasardée  plutôt  que  de  soigner 
son  sol,  de  cultiver  et  de  s'occuper  de  la  vente  des  produits  agricoles,  plutôt  que  de 
songer  à  entretenir  ses  routes,  ses  pouls,  ses  canaux,  ses  bâtiments  et  d'améliorer 
au  point  de  vue  matériel  les  conditions  de  l'existence,  au  risque  de  laisser  même 
tomber  en  ruines  ses  propres  maisons,  tant  que  la  fortune  n'a  pas  souri  à  la  tentative, 
.le  pardonne  ses  défauts  et  ses  conséquences  à  cette  folie  de  l'or,  puisque  sans  le 
précieux  métal,  qui  la  soutient  encore,  la  Guyane  ne  respirerait  plus.  Mais  j'ai  la 
conviction  gue  celle  cause  de  fortune  devrait  pouvoir  non  seulement  s'associer' 
avec  les  autres  éléments  qui  existent  dans  le  pays,  mais  encore  aider  même  à  leur 
développement,  si  les  choses  étaient  judicieusement  comprises,  a.ssises  et  réglées. 

Organisaiioii  politique.  —  Elle  est  calquée  sur  celle  de  nos  grandes  colonies. 
Le  conseil  général,  élu  au  suffrage  universel,  gère,  de  concert  avec  l'administration 
de  l'intérieur,  les  affaires  locales.  Les  arrondissements  se  subdivisent  en  communes. 
Mais  dans  la  question  communale,  j'ai  l'assurance,  et  en  cela  je  suis  absolument 
d'accord  avec  la  représentation  locale,  que  le  pays  n'est  pas  encore  assez  raùr  pour 
jouir  avantageusement  et  pratiquement  d'un  système  communal  proprement  dit. 

Anciennement,  les  administrateurs,  qui  avaient  l'esclavage  comme  moyen  de 
peuplement,  ont  pensé  que  la  dissémination  sur  d'immenses  étendues  de  terrain 
constituait  la  vraie  colonisation  du  pays.  Ils  avaient  peut-être  raison  à  cette  épo- 
que ;  mais  ils  auraient  dû  en  même  temps  penser  à  relier  entre  eux  les  centres  de 
population  qu'ils  voulaient  créer.  Or  actuellement  il  faut  8  à  10  jours  pour  commu- 
niquer, et  encore  par  mer,  de  Cayenne  avec  la  commune  de  l'Oyapock,  3ou  4  jours 
pour  communiquer  avec  l'Approuague  et  8  ou  10  jours  pour  communiquer  avec 
Mana. 

Il  eu  résulte  que  non  seulement  ces  centres  s'ignorent  entre  eux,  mais  encore 
qu'ils  constituent  des  points  isolés  où  il  n'existe  plus  d'agglomération  réelle.  Bien 
au  contraire,  la  population  diminue  et  reflue  vers  le  chef-lieu  ou  vers  les  placers. 
Ce  qui  reste  d'habitants  se  trouve  disséminé  à  des  distances  de  20,  30  et  même 
40  kilomètres  de  la  maison  commune,  sauf  cependant  à  Rourou,  à  Sinnamary  et  à 
Mana  où  un  certain  nombre  d'habitants  résident  encore  au  lieu  où  se  trouvent 
l'église,  la  mairie  et  la  gendarmerie. 

Ces  communes  sont  loin  d'être  dans  un  état  florissant  et  le  conseil  général,  d'ac- 
cord en  cela  avec  l'administration,  vient  d'en  demander  récemment  la  réorganisation 
administrative  et  même  la  suppression,  dans  un  but  économique  et  pratique. 

En  effet,  voici,  par  exemple,  la  composition  d'un  budget  communal  de  16,000  fr. 
en  dépenses  et  recettes. 

Les  16,000  fr.  en  lecettes  comprennent  10,000  fr.  de  subvention  du  service 
local  de  la  colonie,  5,500  fr.  de  recette  de  l'octroi  de  mer  affecté  par  le  décret  de 
constitution  aux  communes  et  perçus  en  totalité  au  seul  port  de  Cayenne,  500  fr. 
au  maximum  de  licences  ou  droits  locaux. 

En  ré.sumé,  sur  un  budget  de  16,000  fr.,  les  recettes  propres  de  la  commune 
s'élèvent  au  grand  maximum  à  500  fr. 


—  154  — 

Les  dépenses  sonl  de  14,000  fr.,  enlièremenl  absorbés  par  les  frais  du  per- 
sonnel administratif  de  la  commune  et  il  reste  ^2,000  fr.  pour  l'entretien  annuel  des 
immeubles  communaux  et  l'amélioration  matérielle  ainsi  que  l'inslruclion  du  centre 
communal.  Raisonnez  maintenant  et  concluez  d'après  ce  tableau  aull)entii|ue. 

Transportation.  —  Jusqu'ici  la  Iransportalion  à  la  Guyane  réglée  suivant  les  régi- 
mes el  les  dispositions  des  gouvernements  locaux  a  été,  mais  par  intermittence , 
d'une  utilité  incontestable.  C'est  quand  elle  ii  employé  ses  forces  à  l'amélioiaiion 
des  conditions  matérielles  locales  en  même  temps  qu'à  l'amélioration  morale  des 
éléments  dont  elle  avait  charge  el  dont  la  métropole  était  débarrassée. 

Actuellement  la  Iransportalion  proprement  dite,  je  ne  parlerai  pas  de  la  reléga- 
lion,  d'institution  absolument  lécente  et  qui  a  à  faire  ses  preuves,  la  transporlalion, 
dis-je,  s.e  trouve  disséminée  en  Guyane  au  \laroni,  aux  Roches-de-Rourou,  aux  Iles 
du  Salut,  à  Cayenne  et  même  à  la  Montagne-d'Argent  récemment  réoccupée. 

Le  Maroni  est  très  important.  Là,  des  résultats  vraiment  sérieux  ont  été  obtenus 
par  la  colonie  pénitentiaire.  Une  commune  pénitentiaire  forméo  des  éléments  libérés 
y  fonctionne  dans  des  conditions  absolument  normales.  La  période  d'enfantement 
a  dû  élre  pénible  et  coûter  beaucoup;  mais  on  ne  saurait  contester  les  résultats 
obtenus. 

Jusqu'ici  la  iransportalion  s'est  peul-êlre  un  peu  trop  tenue  en  dehors  des  ques- 
tions locales,  restant  pour  ainsi  dire  comme  un  petit  Élal  à  part  dans  la  colonie.  Cela 
tient  à  ce  que  son  budget  était  indépendant  de  celui  de  la  colonie  ;  que  ses  intérêts 
étaient  sans  doute  absolument  différents,  et  peut-être  qu'un  certain  antagonisme 
existait  entre  elle  et  le  pays  lui-même.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  la  Iransporlatioii 
a  créé  en  Guyane  une  source  d'activité  commerciale  qui  n'aurait  pas  existé  el  n'exis- 
terait pas  sans  elle.  Elle  alimente  pour  une  bonne  pari  le  commerce  guyanais  et  si 
dernièrement  le  conseil  général  du  pays  a  protesté  contre  le  contact  de  la  transporta- 
tion,  il  ne  faut  voir  dans  celle  protestation  que  le  sentiment  légitime  de  cœurs  trop  bien 
placés  qui  ne  savent  pas  comprendre  que  l'Étal  avait  justement  mis  à  côté  d'eux, 
avec  intention,  un  élément  dont  ils  devaient  savoir  se  servir,  sans  pour  cela  se  croire 
déshonorés.  De  nombreuses  protestations  en  sens  contraire,  notamment  de  la 
chambre  de  commerce,  ont  fait  ressortir  les  consé(|uences  désastreuses  qu'aurait 
pour  Cayenne  la  concentration  au  Maroni,  et  le  budget  local  lui-même  en  aurait  subi 
le  contre-coup.  N'est-ce  pas  d'ailleurs  comme  résultat  final  un  moyen  de  peuplement 
pour  un  pays  qui  manque  absolument  de  bras? 

Dans  tous  les  cas,  laissant  de  côté  la  question  de  lu  colonisation  pénitentiaire, 
(]ui  par  elle-même  et  à  elle  seule  embrasse  tout  un  monde,  examinons  seulement 
le  parti  que  l'on  |)eul  tirer  de  l'utilisation  des  bras  des  condamnés.  Ceux-ci,  qui 
coûtent  si  cher  à  la  métropole,  devraient  au  moins  être  utiles  à  la  colonisation  mé- 
tropolitaine dans  le  pays  choisi  comme  lieu  de  dépôt. 

Là  où  il  n'y  a  ni  routes  ni  canaux,  pas  de  ponts,  pas  de  quais,  etc.,  pourquoi  ne 
seraient-ils  pas  employés  à  les  construire? 

On  m'objectera,  je  le  sais,  qu'il  est  inhumain  de  faire  tiavailler  des  Européens  à 
des  travaux  de  ce  genre  dans  certains  endroits  inhospitaliers  el  malsains.  .Mais  dans 
ce  cas,  on  n'aurait  pas  dû  non  plus  entreprendre  le  canal  de  Panama  où  les  condi- 
tions climatériques  sont  aussi  dangereuses  et  où  cependant  des  hommes  libres 
et  de  bonne  volonté,  qui  eux  n'étaient  pas  condamnés  aux  travaux  forcés,  mouraient 
comme  ouvriers  attachés  à  un  travail  absolument  volontaire. 


—  155  — 

D'ailleurs,  jusqu'à  ce  jour  ce  ne  sont  pas  les  Européens  qui  ont  constitué  le  fonds 
principal  Je  la  Guyane;  et  il  y  a  d'autres  travaux  que  ceux  des  routes  et  des  marais 
à  exécuter.  Il  y  a  des  centres  sains  et  habitables,  des  ateliers,  etc.,  où  ils  peuvent 
être  utilisés. 

En  résumé,  je  pense  qu'indépendamment  des  travaux  généraux  d'utilité  publique, 
décrétés  par  le  Gouvernement  ou  volés  par  la  colonie,  toutes  les  spécialités  de  forçats 
en  cours  de  peine  doivent  être  généreusement  mises  à  la  disposition  des  industriels, 
des  agriculteurs  qui  voudront  les  employer  pendant  les  heures  réglementaires  de 
travail  à  des  conditions  avantageuses.  C'est  ainsi,  d'ailleurs,  qu'on  a  procédé 
à  certaines  époques  et  le  pays  ne  s'en  est  pas  plaint.  Il  faut  que  l'administration  pé- 
nitentiaire locale,  au  lieu  de  se  confiner  dans  son  terrain  proprement  dit,  com- 
prenne qu'elle  doit  s'identifier  avec  le  pays  qu'elle  habile  et  le  fasse  bénéficier  des 
énormes  et  puissants  éléments  de  force  et  de  production  qu'elle  a  à  sa  disposition 
avec  sa  discipline,  sa  bonne  direction  et  ses  moyens  matériels. 

Il  faut  que  non  seulement  elle  produise  elle-même,  mais  encore  qu'elle  aide  gé- 
néreusement l'élément  local  pur  et  libre  à  produire  également. 

Alors,  au  lieu  d'être  l'objet  d'une  hostilité  sourde  de  la  part  d'une  certaine  caté- 
gorie de  citoyens,  elle  sera  considérée  comme  une  nécessité  et  un  bienfait.  C'est 
d'ailleurs  dans  cet  ordre  d'idées  que  se  meut  l'administration  supérieure  actuelle  et 
pour  peu  que  l'unité  de  vues  et  d'ensemble  dans  le  programme  futur  préside  à 
l'exécution  de  ce  programme,  pour  peu  que  des  instructions  précises  et  fermes 
soient  adressées  par  !e  pouvoir  central  aux  autorités  locales,  on  arrivera  à  démontrer 
que  la  colonisation  pénitentiaire  peut  marcher  de  front  en  Guyane  avec  la  colonisa- 
lion  libre,  et  qu'elle  doit  même  en  être  l'accessoire  nécessaire  dans  ce  pays  où  tout 
le  passé  est  à  reconstituer,  pour  ne  pas  dire  où  tout  est  à  créer. 

C'est  d'ailleurs  la  main-d'œuvre  pénitentiaire  qui  a  fait  les  roules  existant  actuel- 
lement ;  13  kilomètres  de  Cayenne  au  Dégrad-des-Cannes,  6  à  7  kilomètres  de 
Gayenne  à  Bourda,  19  kilomètres  de  Macouria  vers  Rourou,  car  à  partir  du  19' kilo- 
mètre la  route  ne  devient  plus  qu'un  sentier  de  quelques  mètres  jusqu'à  Sinnamary, 
sur  une  longueur  de  50  kiloiTiètres  environ. 

Colonisation.  —  Pour  la  Guyane,  c'est  par  des  communications  fréquentes  et 
rapides  que  l'on  arrivera  à  faire  connaître  et  apprécier  en  France  tout  ce  qui  peut 
être  exploité  avantageusement  dans  ce  pays. 

A  l'exemple  de  nos  voisins  les  Anglais,  nous  devrions  avoir  une  ligne  directe  de 
paquebots  faisant  comme  Demerari  avec  l'Angleterre,  le  va-et-vient  constant  par 
quinzaine  entre  Cayenne  et  la  France.  Des  voyages  d'aller  et  retour,  valables  pour 
4  ou  6  mois,  pourraient,  avec  réduction  de  prix,  être  concédés  sur  ces  paquebots.  Il 
suffirait  qu'une  dizaine  d'individus  tentassent  l'essai  pour  qu'ils  fussent  ensuite  et  en 
peu  de  temps  imités  par  cent  autres,  qui  pourraient  alors  raisonner,  apprécier  les 
choses  de  visu  et  concevraient  sans  aucun  doute,  selon  leur  spécialité  ou  leurs 
aptitudes,  des  entreprises  dont  ils  ne  soupçonnent  pas  aujourd'hui  l'existence. 

Des  concessions  de  terrains  pourraient  être  données  ;  et  au  moment  d'accorder 
ces  concessions,  l'Éiat  ou  la  colonie  spécifierait,  par  exemple,  certaines  conditions 
que  l'administration  locale  serait  tenue  de  faire  respecter. 

S'il  s'agissait  d'exploitation  de  forêts  on  dirait  au  concessionnaire  :  Je  vous  donne 
un  droit  d'exploitation  sur  5,  10,  15,000  hectares,  mais  à  une  condition  c'est  que 
dans  5  ans  vous  m'aurez,  en  échange  des  avantages  que  je  vous  fais,  rejoint  telle 


—  156  — 

roule  à  telle  autre  sur  tant  de  kilomètres.  Ou  bien  vous  allez  m'établir  une  commu- 
nication pai'  bateaux  à  vapeur  ou  tout  autre  moyen  de  tel  point  à  tel  point.  Vous 
aurez  pour  vous  pendant  lanl  de  temps  les  deux  tiers  ou  le  tiers  de  l'exploitation  ou 
des  revenus  et  dans  5  ou  10  ans,  s'il  y  a  lieu,  la  colonie  vous  achètera  votre  matériel 
pour  en  faire,  si  la  nécessité  en  est  reconnue,  un  service  purement  public.  Que  d'au- 
tres combinaisons  du  même  genre  ne  pourrait-on  pas  faire  ! 

On  pourrait  dire  aux  agronomes,  aux  agriculteurs  :  Voilà  des  terrains.  Faites-les 
valoir  comme  vous  ronlendrez,  je  vous  les  donne,  mais  à  condition  que  suivant  un 

plan  fixé  vous  me  construirez  dans  un  délai  de avec  même  les  bras  de  la 

tran.sportalion  que  je  vous  prêterai  au  besoin,  une  route  pour  aller  rejoindre  telle 
ou  telle  autre  concession  ou  habitation;  ou  bien  encore  à  lacondilion  que  tel  pont, 
tel  canal  constituera  pour  vous  une  charge  spéciale  d'entretien  pendant  lanl  d'an- 
nées, etc.  Ce  sera  la  servitude  allacliée  au  cadeau  généreux  que  je  vous  fais.  Ajoutez 
de  plus  à  tous  ces  (fforts  individuels  l'initiative  d'adminislralions  bien  conduites 
et  bien  dirigées;  ajoutez-y  la  force  de  la  main-d'œuvre  pénale  bien  comprise,  sage- 
ment surveillée,  sagement  appliquée.  Ajoulez-y  un  programme  bien  défini,  cons- 
tant, bien  suivi,  bien  exécuté  et  vous  verrez  si  au  bout  de  25  ans  vous  n'aurez  pas 
transformé  une  génération  et  avec  elle  le  pays  tout  entier. 

Je  saisis  celle  occasion  pour  donner  un  aperçu  plus  détaillé  de  mes  idées  per- 
sonnelles sur  la  colonisation  en  Guyane.  Certes,  ma  manière  d'envisager  la  ques- 
tion n'aura  peut-être  pas  le  don  de  satisfaire  tous  les  désirs,  car  je  me  place  à 
un  point  de  vue  absolument  général,  absolument  désintéressé,  .le  veux  parler  non 
de  la  colonisation  parliculière  et  du  moment,  mais  de  la  colonisation  française 
en  général,  je  veux,  en  un  mot,  et  par-dessus  tout,  une  préparation  de  l'avenir. 

Comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  la  Guyane,  malgré  son  ancienneté,  est  un  pays  ab- 
solument neuf.  Si  la  propriété  y  est  constituée  dans  certaines  communes,  elle  n'a 
jamais  été  absolument  bien  définie.  Il  n'en  résulte  pas  moins  de  ce  fait,  que  d'im- 
menses terrains  sonl  à  la  disposilion  des  preneurs.  Ils  constituent  les  terres  du 
Domaine  (domaine  presque  inconnu  dans  certaines  parties  de  la  colonie).  Certes,  ces 
terrains  auront  besoin  d'une  appropriation  utilisable.  Mais  qui  empêcherait  le  Gou- 
vernement de  les  concéder  à  titre  provisoire  par  contrat  à  des  sociétés  chargées 
uniquement  d'en  exploiter  les  revenus  primitifs,  tels  que  bois,  ressources  naturel- 
les, productions,  mines,  etc.? 

Certaines  conditions  seraient  imposées  à  ces  sociétés,  certaines  facilités  leur  se- 
raient en  même  temps  concédées  pour  le  travail  pratique.  La  colonie  et  même 
l'Élat,  d'après  les  spécialités  des  endroits  choisis,  pourraient  aussi  accorder  des 
subventions. 

Par  contre,  on  exigerait  d'elles  que  dans  une  période  de  10  ans,  par  exemple,  elles 
aient  défriché,  exploité  les  revenus  naturels  du  sol,  les  bois,  les  plantes,  etc.,  etc., 
qu'elles  aient  canalisé,  établi  des  voies  de  communication,  avec  l'aide  au  besoin 
de  la  main-d'œuvre  pénale  et  d'après  un  plan  d'ensemble  indicateur. 

Ce  défrichement  fait  et  cette  adaptation  primitive  obtenue,  la  Société  concession- 
naire aurait  le  droit,  par  exemple,  de  concéder  à  son  tour  certaines  portions  de  ce 
territoire  au  fur  et  à  mesure  de  l'appropriation,  autrement  dit  de  la  conquête  sur 
la  nature.  Les  conditions  de  cette  concession  seraient  bien  spécifiées  et  définies. 

La  société  concessionnaire  aurait  le  droit  de  dire  à  ses  colons  :  Voici  un  terrain 
que  j'ai  préparé  ;  avec  mon  appui  vous  allez  y  bâtir  une  maison  démontable  ou 


—  157  — 

loule  autre;  je  vous  aiderai  de  tous  mes  moyens  pendanl  votre  période  d'installation, 
seulement,  pour  me  rémunérer  de  mes  avances,  de  mes  peines  et  de  mes  débours, 
vous  allez  être  tenu  de  me  verser  dans  la  suite,  annuellement  ou  semestriellement, 
une  part  proportionnelle  de  vos  revenus  soit  en  argent,  soit  en  nature,  que  vous 
soyez  agriculteur,  industriel,  etc. 

Au  bout  d'un  certain  nombre  d'années,  si  vous  avez  tenu  vis-à-vis  de  moi  vos 
engagements,  vous  recevrez  alors,  de  la  colonie  ou  de  l'État,  un  litre  définitif  de 
propriété.  Vous  serez  en  fait  dégagés  de  tout  engagement  et  propriétaires,  et  à  partir 
de  ce  moment  c'est  vous  qui  devrez  l'impôt  au  pays,  puisque  vous  en  serez  devenus 
sans  débours,  pour  ainsi  dire,  les  véritables  citoyens. 

A  moi,  Société,  l'Elat  me  donne  en  échange  un  nouveau  terrain  équivalent,  en 
gagnant  toujours  sur  le  pays  inconnu. 

Certes,  l'idée  a  des  proportions  grandioses.  C'est  une  affaire  et  même  une  colossale 
affaire.  Mais,  en  matière  de  colonisation  rien  n'est  trop  grandiose,  et  lorsque  l'on  veut 
peupler  un  pays,  en  faire  une  colonie  véritable,  l'État  ne  saurait  faire  trop  de  sacri- 
fices. A  l'origine  il  faudra  sans  doute  des  avances  de  capitaux,  puisqu'il  s'agira  sim- 
plement de  préparer  les  voies,  le  sol,  et  de  soutenir  au  besoin  les  sociétés.  Mais  plus 
lard,  si  l'on  persiste,  si  l'on  .sait  ne  pas  aller  trop  vite  ni  à  l'aveuglette  pour  être 
obligé  de  tout  abandonner  ensuite,  on  n'aura  pas  à  regretter  des  placements  de  ce 
genre. 

Ce  n'est  plus  à  la  colonie  ou  plutôt  à  son  budget  proprement  dit  que  devra  s'ap- 
pliquer la  subvention  de  l'Etat,  ce  sera  aux  sociétés  fondées  dans  l'unique  but  de 
transformer  et  d'approprier  le  pays.  Le  budget  de  la  colonie  se  récupérera  sur 
la  mise  en  valeur  de  ses  terrains,  sur  les  produits,  le  jour  où  la  généralisation  de 
la  propriété  aura  été  accomplie,  le  jour  où  sur  des  myriamèlres  de  terrains  autre- 
fois noyés,  forestiers  ou  incultes,  vous  aurez  des  habitants  devenus  propriétaires, 
sans  s'en  douter,  heureux  de  récolter  ce  qu'on  leur  aura  aidé  ou  facilité  à  semer. 

J'ajouterai  même  qu'en  dehors  des  teires  du  Domaine  les  sociétés  dont  je  veux 
parler,  pourront  acheter  à  vil  prix  les  vieilles  propriétés  abandonnées  d'autrefois, 
dont  les  cheminées  d'usines  sont  enfouies  dans  la  vase  actuellement.  Ces  propriétés 
pourront,  entre  leurs  mains,  recouvrer  leur  ancienne  splendeur  et  reprendre  leur 
valeur,  car  si  plusieurs  de  leurs  fondateurs  ont  déserté  ou  sont  morts,  les  arbres 
plantés  par  eux  (caféiers,  cacaoyers,  etc.)  sont  encore  vivaces  et  produisent  tou- 
jours en  dépit  des  lianes,  vases  et  parasites  qui  les  étoufl'ent. 

Certes,  on  m'objectera  qu'il  faudra  des  bras  pour  réaliser  im  pareil  programme. 
Je  ne  le  conteste  pas.  Mais  ne  pourrons-nous  pas  avoir  rimn)igralion?Et  dans  cette 
question  de  la  colonisation  n'est-ce  pas  le  point  essentiel?  Pourquoi  ne  faciliterait- 
on  pas  l'immigration  française,  l'immigration  africaine,  et  même  l'immigration 
annamite  ou  chinoise? 

Pourquoi  chaque  immigrant  n'aurait-il  pas,  lui  aussi,  droit  à  sa  part  de  terrain 
dans  la  distribution  ? 

Pourquoi  ne  serait-il  pas  tenu  de  fournir,  d'après  contrat,  à  l'engagiste,  cinq  jours 
de  travail  par  semaine,  se  réservant  pour  lui,  pour  son  terrain  personnel,  pour  ses 
plantations  les  deux  autres  jours  de  la  semaine?  Ce  serait  une  simple  réglementation 
à  établir. 

Que  l'on  serait  loin  de  la  traite  et  de  l'esclavage  avec  un  pareil  système  ! 

Au  lieu  d'engagés  proprement  dits,  vous  auriez  des  travailleurs  propriétaires, 


—  158  — 

de  véritables  citoyens  intéressés.  La  main-d'œuvre  agricole  pourrait  se  constituer 
en  Guyane  sur  les  mêmes  bases  que  dans  nos  fermes  et  nos  campag;nes  en  France. 

Qui  bénéficierait  du  résultat  pratique  de  cette  organisation?  La  colonie  seule.  El 
l'Eiat  aurait  l'orgueil  et  lu  satisfaction  d'avoir  relevé  un  pays  qui  se  meurt,  et  cela, 
tout  en  faisant  ses  afTaires  d'abord  et,  en  même  temps,  la  fortune  des  sociétés 
ainsi  que  celle  des  habitants. 

Le  programme  bien  suivi  et  le  but  une  fois  atteint,  enfin  pour  rentrer  lui-même 
dans  ses  sacrifices  du  premier  moment,  il  pourrait  peut-être  un  jour  exiger  du  pays 
un  contingent  et,  au  lieu  d'entendre  comme  aujourd'hui  les  citoyens  crier  misère 
et  solliciter  des  subventions  du  budget  de  l'Étal,  ces  ciioyens  ou  leurs  descendants 
seraient  fiers  de  pouvoir  dire:  C'est  nous  qui  snbvenlionnons  la  métropole.  Je  vois 
déjà  les  critiques  surgir  à  l'endroit  de  ce  syslèm-i  de  sociétés.  Mais  actuellfment 
même  n'avons-nous  pas  pour  le  commerce  des  mers  les  compagnies  à  mo- 
nopole comme  les  Transatlantiques  et  les  messageries  maritimes?  L'important 
pour  l'Etal  est  de  savoir  surveiller  sérieusement  ces  compagnies  privilégiées, 
de  savoir  à  qui  il  s'adresse,  et  surtout  d'exiger  d'elles  la  stricte  exécution  des  con- 
ditions fixées,  des  engagements  contractés;  d'avoir  à  cet  effet  des  inspecteurs 
spéciaux,  contrôleurs  indépendants  et  désintéressés  du  contrat  imposé. 

Empruntons  aux  Américains,  aux  Anglais  leurs  bonnes  méthodes.  Copions,  puis- 
qu'il en  est  temps  encore,  les  systèmes  employés,  par  exemple,  par  l'Australie,  no- 
tamment par  la  colonie  de  Victoria,  qui  sont  arrivées  en  40  ans  à  égaler  la  vieille 
Europe  en  progrès. 

Luttons  contre  l'apalbie  du  vieil  élément  colonial.  Le  jour  où  vous  aurez  créé  des 
appétits  nouveaux  pour  ceux  qui  ne  connaissent  pas  encore  ces  besoins  et  ces  néces- 
sités, vous  aurez  un  facteur  de  plus  pour  la  prospérité  commerciale  et  imluslrielle, 
non  seulement  du  pays  lui-même,  mais  encore  de  la  France. 

C'est  en  Guyane,  à  Cayenne  par  exemple,  que  les  Eiffel,  les  Moisant,  les  Bon  et 
Luslremenl  peuvent  trouver  le  placement  de  leurs  fers  ouvrés,  rien  (pie  pour  les 
iiuiombraliles  ponts  qui  relient  les  canaux  et  les  rivîères  et  dont  quel(|ues-uns 
sont  formés  actuellement  de  simples  troncs  d'arbres. 

C'est  en  Guyane  que  les  constructeurs  de  navires  à  fond  plat  pour  rivières,  que 
les  Decauville  et  autres  peuvent  trouver  un  écoulement  normal  de  tous  leurs  pro- 
duits. Sous  condition  d'un  bon  entrelieu  et  d'une  surveillance  sérieuse,  le  succès  est 
au  bout  de  tous  ces  essais.  C'est  en  Guyane  que  le  commerce  français  pourra  trou- 
ver un  jour  une  activité  saine  et  de  bon  aloi,  si  l'on  sait  bien  comprendre  la  mise 
en  valeur  d'un  pays  jusqu'alors  si  mal  compris. 

C.  Cerisier, 
Directeur  de  l'intérieur  de  la  Guyane  française, 
Secrétaire  général   du   Gouvernement  à  Konàkry 
iBivière  du  Sud),  Sénégal. 


—  159  — 


A  l'âge  de  15  ans  .  ,  , 

0,0045 

A  l'âge  de  26  ans 

—   16  —  .  .  . 

0,0053 

-   27  - 

—   17  —  .  .  . 

0,0(i(i3 

—   28  — 

-   18  —  .  .  . 

0,0073 

—   29  — 

—   19  —  .  .  . 

0,0082 

-   30  — 

-   20  -  .  .  . 

0,0088 

—   31  — 

-   21  -  .  .  . 

0,0092 

—   33  — 

-   22  —  .  .  . 

0,0094 

—   83  — 

—   23  —  .  .  . 

0,0094 

—   34  — 

—   24  —  .  .  , 

0,009  i 

-   35  — 

-   25  —  .  ,  . 

0,0093 

V.  —  ANNEXE  AU  PROCÈS-VERBAL  DE  LA  SÉANCE  DU  19  MARS  1890 

CORRESPONDANCE. 

Sur  un  point  particulier  de  la  mortalité  par  âge. 

Monsieur  et  cher  Collègue, 

Je  lis  dans  le  n°  4  du  Journal  de  la  Société  de  Statistique  de  Paris  pour  l'année 
courante  une  observation  provoquée  par  une  interrogation  de  vous  et  qui  m'a  intéressé 
vivement.  C'est  celle  relative  au  maximum  de  mortalité  qui  se  produit  d'après  la  table  de 
(le  mortalité  la  Caisse  nationale  de  retraite  à  l'âge  de  22  ans  et  qui  cesse  dès  l'âge  sui- 
vant pour  laisser  à  la  mortalité  son  cours  régulier. 

Eh  bien,  ce  même  maximum  s'est  produit  aussi  dans  notre  pays  d'après  la  table  de 
mortalité  calculée  pour  la  période  décennale  de  1870-1871  —  1880-1881,  mais  seulement 
pour  le  sexe  masculin,  pour  lequel  la  mortalité  probable  a  été  calculée  comme  il  suit: 

0,0091 
0,0090 
0,0U88 
0,0087 
0,0084 
0,0082 
0,0081 
0,0081 
0,0084 
0,0086 

Cette  diminution  remarquable  de  la  mortalité  à  partir  de  l'âge  de  23  ou  de  24  ans  se 
retrouve  aussi  dans  certains  autres  pays,  et  doit  être  attribuée,  je  crois,  principalement  à 
cette  circonstance  que  la  majeure  partie  de  la  population  masculine  entre  en  mariage 
dans  les  années  d'âge  suivantes.  Du  moins,  nous  avons  constaté  pour  la  Norvège  que  si 
l'on  calcule  les  taux  de  mortalité  séparément  pour  les  hommes  mariés  et  pour  les  hommes 
non  mariés,  on  voit  que  pour  ces  derniers  la  morlalilé  suit  son  cours  ordiTiaire  en  crois- 
sant toujours  pendant  chacune  des  années  de  22  à  32,  pendant  lesquelles,  comme  vous 
voyez,  la  mortalité  générale  des  hommes  va  en  diminuant. 

C'est  que  la  mortalité  des  hommes  mariés  n'est  qu'environ  les  deux  tiers  de  la  mortalité 
générale  dans  les  mêmes  années  d'âge,  ce  qui  sulTit  pour  expliquer  la  diminution  succes- 
sive de  celle-ci  à  partir  de  l'âge  de  24  ans,  la  population  générale  masculine  de  ces  âges 
comprenant  un  nombre  toujours  croissant  d'hommes  mariés. 

Je  crois  que  ces  faits  louchent  à  une  grande  question  sociale  qui  mérite  d'être  étudiée 

i  d'une  manière  plus  approfondie  qu'elle  ne  l'a  été  jusqu'à  présent,   et  c'est  pourquoi  j'ai 

pris  la  liberté  de  soumettre  ces  observations  ix  votre  savante  appréciation.  Si  la  question 

i  vous  intéresse,  vous  pourrez  trouver  plus  de  détails  dans  le  mémoire  que  j'ai  rédigé  en 

[allemand  dans  un  appendice  consacré  à  la  table  de  mortalité  mentionnée  plus  haut  et  dont 

[je  me  fais  un  plaisir  de  vous  envoyer  ci-joint  un  exemplaire  (voir  pages  XIX-XX  du  texte 

allemand). 

Veuillez  agréer.  Monsieur  et  cher  Collègue,  mes  salutations  distinguées  et  cordiales. 

A.  N.  KlAER. 

-Monsieur  T.  Loua, 

Chef  de  division  honoraire  de  la  statistiqiie  générale  de  France, 
Secrétaire  général  de  la  Société  de  Statistique  de 

PARIS. 


—  160  — 


OUVRAGES    PRÉSENTÉS    (AVRIL    1890) 

Ouvrages  signés  :  Les  Accidents  du  Travail  et  de  l'Industrie,  in-l",  par  M.  A.  Gibon. 

Paris,  Guillaumin,  1890.    . 
Le  Congrès  monétaire  international,  compte  rendu  m  extenso.  Paris,  Guillaumin, 

1890. 
Du  Relèvement  du.  marché  françaiii,  par  MM.  Jacques  Siegfried  et  R.  Lévy.  Paris, 

Guillaumin,  1890. 
La  Mortalité  et  la  Morbidité  en  Bavière,  par  MM.  Bœhm  et  Marlins.  Munich,  189U. 

Documents  officiels.  Statistique  des  chemins  de  fer  français,  1888,  le  même  pour  1887. 
Documents  statistiques  sur  les  chemins  de  fer  d'intérêt  général  et  d'intérêt  local 

(1886).  2  vol. 
(Olferls  par  M.  le  Ministre  des  travaux  publics.) 
Instruction  du  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques  {Littérature  latine  et 

histoire  du  moyen  âge,  par  L.  Delisle). 
(Offert  par  M.  le  Ministre  de  l'inslruclion  publique  et  des  beaux  arts.) 
Mouvement  de  la  population  et  commerce  extérieur  de  la  Bulgarie  (1889).  "1  vol. 

Sopliia,  1890. 
Statistique  des  importations  et  des  exportations  du  royaume  d'Italie  en  1889.  Rome, 

1890. 
Documents  divers  sur  les  institutions  de  prévoyance  et  de  crédit  d'Italie  (1889- 

1890). 
Statistique  des  chemins  de  fer  de  Norvège  (1888-1889).  État  économique  des  profes- 
sions du  même  pays  (n°'  101  et  102  de  la  collection). 
L'Émigration  suisse  dans  les  pays  d'outre-mer,  en  1889. 
Supplément  aux  résultats  de  la  récolte  de  1889,  en  Russie  (paille  et  foin).  Peters- 

bourj;,  1890. 
Le  Commerce  des  Etals-Unis  (commerce  extérieur,  émigration,  tonnage)  en  1888. 

Revues  et  jouhnaux.  France.  Revue  maritime  et  coloniale.  —  Revue  de  riiitendance 
militaire  (janvier,  février  1890),  contenant  la  1"  série  des  conférences  spéciales 
de  la  Sociélé  de  statistique.  —  Bulletins  el  comptes  rendus  de  la  Société  de  géo- 
graphie. —  Bulletin  de  l'Association  philotechnique.  —  L'Avenir  économique  et 
social.  —  Le  Rentier.  —  Les  Tablettes  statistiques.  —  Le  Travail  national. 

Autriche.  —  Statistische  Monatschrift  (Revue  statistique  de  l'Autriche). 

Bavière.  —  Bairische  Zeilschrift  (Journal  du  bureau  de  statistique  de  Bavière). 

Belgique.  —  Le  Moniteur  des  intérêts  matériels. 

Espagne.  —  Populacion  a  Territorio  (journal  statistique  de  Séville). 

Grèce.  —  L'Œkonoraos  d'Athènes. 

Italie.  —  L'Economisla  de  Florence. 

Norvège.  —  Journal  du  bureau  de  statistique,  1°  vol.,  n°  102. 

Etats-Unis.  —  Revue  de  l'Associalion  statistique  américaine. 

Mexique.  —  Revue  financière  et  statistique  de  Mexico. 

Veneztiela.  —  Gazette  officielle. 


Le  Gérant,  G.  Berger-Levrault. 


JOUHNAL 


DK  LA 


SOCIÉTÉ  DÉ  STATlSTKUiÉ  DÉ  PAIUS 


NO  6.  —  JUIN  1890. 


PROCÈS-VERBAL    DE    LA    SÉANCE    UU    21    MAI    1890 


Sommaire.  —  IleUblisseuient  de  la  siibveiilioii  de  la  ville  de  Paris.  —  Communication  du  iiriiicc  Koland 
Bonaparte,  avec  documents  à  l'appui,  sur  quelques  points  intéressant  l'ethnographie  et  la  géographie. 
—  Communication  de  M.  Grûner  sur  le  Congrès  du  travail  —  Discussion  du  uiémoire  de  M.  Fravatun  ; 
MM.  Béziat  d'Audibert  et  Thomereau. 


La  séance  est  ouverte  à  9  heures  sous  la  présidence  de  M.  Octave  Koller. 

A  l'occasion  du  procès-verbal  de  la  séance  du  16  avril,  M.  Th.  Ducrocq  demande 
à  présenter  une  observation.  Si,  à  propos  de  la  statistique  des  libéralités,  il  a  cru 
devoir  exprimer  le  vœu  qu'on  pût  faire  mention  des  legs  non  acceptés,  il  n'a  jamais 
eu  l'intention  de  demander  les  causes  qui  ont  provoqué  le  refus. 

M.  Vannacque  dit  que  le  procès-verbal  a  reproduit  avec  une  entière  exactitude 
J'échange  de  paroles  qui  a  eu  lieu  entre  M.  Ducrocq  et  lui.  L'observation  présentée 
'par  l'honorable  membre  doit  donc  être  considérée  comme  nouvelle,  mais  rien 
.n'empêche  qu'il  en  soit  fait  mention. 

A  la  suite  de  ces  quelques  mots,  le  procès-verbal  est  adopté. 

M.  le  Président  se  dit  heureux  de  pouvoir  annoncer  à  la  Société  que  la  subven- 
tion de  la  ville  de  Paris  qui  lui  avait  été  retirée  en  1885  vient  d'être  rétablie.  Il 
Ipropose  de  voler  des  remerciements  à  notre  collègue,  M.  Donnât,  à  la  haute  inler- 
renlion  duquel  nous  devons  la  solution  favorable  d'une  question  trop  longtemps 
restée  en  suspens.  {Applaudissements  prolongés.) 

M.  le  Secrétaire  général  distribue  à  ceux  des  membres  qui  lui  en  ont  fait  la 
tdemande  un  certain  nombre  de  cartes  pour  le  congrès  des  sociétés  savantes,  ipn 
ftloit  avoir  lieu  à  la  Sorbonne  le  27  courant. 

1''^    SÉRIK,   ai'    VOL..    —   K»  6.  t  i 


—  -162  — 

M.  le  Secrélaire  de  l'Associalion  française  pour  ravancoinent  des  sciences,  qui  iloii 
lenir  son  dix-neuvième  congrès  à  Limoges  du  7  au  14  août  1890,  invite  la  Société 
de  slalislique  à  nommer  un  déiégné  à  ce  confirès. 

La  Société  désigne  en  celte  ijualité  M.  Prunget,  allaché  à  la  slalisli(|ue  générale 
de  France,  ainsi  que  M.  le  Docteur  LéJé,  lauréat  de  riiistilul. 

Il  e^l  procédé  à  l'éleclion  de  plusieurs  membres  nouveaux: 

M.  le  comte  de  Coldert-Laplack,  député  du  Calvados,  présenté  par  MM.  Oct. 
Keiler  et  A.  de  Foville. 

M.  Bellom,  ingénieur  des  mines,  présenté  par  MM.  Oct.  Keiler  et  Cheysson. 

M.  Arnaud,  inspecteur  de  la  Compagnie  d'assurances  contre  l'incendie  l'Union, 
présenté  par  MM.  .losepli  Pruiigel  et  Fravalon. 

M.  Laugier,  liibliolliécaire  du  ministère  du  commerce,  de  l'industrie  et  des  colo- 
nies, présenté  par  MM.  Loua  et  Liégeard. 

M.  le  Président  énumère  les  tilres  de  ces  divers  candidats  cl  s'étend  notamment 
sur  les  travaux  statistiques  de  M.  deGolbert-La(dace  ;  parlant  ensuite  de  M.  Laugier, 
il  le  félicite  du  zèle  qu'il  a  apporté  dans  l'installation  au  mini^tèrede  la  bibliothèque 
de  la  Société.  Celle  installation  est  aujourd'hui  terminée  et  le  catalogue  à  peu  prés 
achevé.  Il  ajoute  que  noii'e  l)iiiliollié((iie  (ainsi  que  celle  du  ministère)  est  dès  à 
présent  ouverte  tous  les  jours  non  fériés  de  midi  à  (juatre  heures. 

M.  le  Président  met  aux  voix  l'a  Imission  des  quatre  membres  ci-dessus  dénommés; 
elle  ect  votée  à  l'unanimité. 

La  correspimdauce  contient  une  lettre  de  M.  de  Foville,  (|u'un  deuil  de  famille 
empêche  d'assister  à  la  séance  de  ce  jour.  M.  de  Foville  piolitc  de  la  circonstance 
pour  reconunander  à  l'atlention  de  la  Société  un  magnifique  ouvrage  que  vient  de 
faire  paraître  M.  de  Marciliac  sur  la  Caisse  centrale  du  Trésor  public,  et  dont  nous 
rendrons  compte  prochainement.  Il  offre  en  même  temps  à  la  Société  ime  brochure 
contenant  la  conférence  qu'il  a  faite  dans  un  des  palais  de  l'Exposition  universelle 
sur  V Épargne  en  France. 

M.  le  Secrétaire  général  fait  l'énuméralion  des  ouvrages  et  documents  offerts  à 
la  Société  depuis  sa  dernière  séance.  La  liste  de  ces  publications  se  trouve  ci-après  (1). 

M.  le  Président  dépose  sur  le  bureau,  au  nom  du  ministre  des  travaux  publics,  un 
exemplaire  de  la  Stati.;tique  de  l'industrie  minérale  et  des  appareils  à  vapeur  pour 
l'année  1888.  Après  avoir  fait  une  analyse  succincte  de  cet  ouvrage  important, 
M.  Keiler  insiste  principalement  sur  le  tableau  de  la  production  des  métaux  dans  le 
monde.  Si,  en  ce  qui  concerne  notamment  le  cuivre,  on  avait  consulté  ce 
tableau,  on  se  serait  bien  vite  aperçu  que  le  chiffre  auquel  on  portail  l'accapare- 
ment de  ce  métal,  qui  a  fait  dernièrement  tant  de  bruit,  ne  reposait  sur  aucune 
base  sérieuse. 

M.  DE  ScuERZER,  consul  général  d'Autriche  à  Gênes,  fait  hommage  à  la  Société, 
en  reconnaissance  de  sa  récente  admission  comme  membie  honoraire,  de  ses  trois 
principaux  ouvrages. 
M.  E.  Levasseur  se  propose  d'en  rendre  compte  à  la  prochaine  séance. 
M.  Gruner  présente  un  compte  rendu  très  développé  du  dernier  congrès  inter- 
national du  Travail  et  dépose  sur  le  bureau  deux  volumes  dont  le  premier  comprend 
le  rapport  du  conn'lé  d'organisation  et  le  deuxième  les  séances  et  visites  du  congrès. 


(1|  Voir  ta  dciiiière  page  du  iiunioro. 


—  163  — 

Il  annonce  que  ce  confjrès  continue  ses  travaux  et  il  s'empressera  de  faire  con- 
naître successivement  les  résultats  ac(juis. 

Nous  publierons  la  communication  de  M.  Griiner  dès  que  le  texte  nous  en  aura 
été  remis. 

M.  le  Prince  Roland  Bonaparte  offre  à  la  Société  ses  deux  derniers  ouvrages. 
Le  premier  est  le  récit  d'un  voyage  alpestre:  il  renferme  la  description  du  glacier 
de  l'Alelsch  et  du  lac  de  Miirzelen.  Les  Alpes,  qui  contiennent  tant  de  lacs  élevés  et 
pittoresques,  n'en  présentent  guère  qui  soient  aussi  curieux  que  celui-ci,  car,  dépen- 
dant du  glacier,  il  se  vide  et  se  remplit  à  des  périodes  fixes,  et  quand  il  se  vide, 
c'est  prescjue  en  entier,  et  cela,  au  gran  i  détriment  des  cantons  voisins  dont  il 
détruit  les  cultures.  Le  second  est  une  étude  historique  relative  au  premier  éta- 
blissement des  Néerlandais  à  l'île  Maurice,  vers  1642,  c'est-à-dire  à  l'époque  où  les 
Français-  commençaient  â  explorer  Madagascar.  On  y  voit  qu'avant  d  être  aban- 
donnée définitivement  par  les  Hollandais  en  1710,  l'île  Maurice  fut  évacuée  deux 
fois  par  eux,  en  1544  et  1654.  A  ces  deux  ouvrages,  magnifiquement  illustrés  ,1e 
prince  ajoute  une  conférence  qu'il  a  faite  à  Genève  sur  les  Corses  et  les  Lapons;  il 
annonce  ensuite  qu'il  sera  bientôt  en  mesure,  de  concert  avec  M.  Gh.  Rabot,  de 
donner  une  idée  précise  de  la  répartition  des  Lapons  en  Suéde,  en  Norvège  et  sur  les 
côtes  de  Russie. 

M.  le  Présiilent  remercie  le  Prince  Roland  de  sa  communication  et  le  félicite  au 
sujet  des  progrès  qu'il  a  fait  faire,  par  ses  nombreuses  publications,  à  la  science 
etbnograpbiijue. 

• 
*  « 

L'ordre  du  jour  appelle  la  discussion  du  mémoire  de  M.  Fravaton  sur  le  contrôle 
des  Sociétés  d'assurances  sur  la  vie  : 

M.  Béziat  d'Audibert  rend  hommage  au  consciencieux  travail  de  notre  collègue. 
Sans  le  suivre  dans  tous  les  détails  de  la  question  qu'il  a  soulevée,  il  se  bornera  à 
^examiner  ses  conclusions. 

Mais,  au  préalable,  il  croit  qu'il  convient  de  rectifier  une  erreur  matérielle  qu'il 
ne  faudrait  pas  laisser  se  propager.  M.  Fravalon  a  dit  que  sur  les  43  compagnies 
françaises  d'assurances  sur  la  vie,  17  seulement  avaient  obtenu  l'autorisation  de 
fonctionner  en  Suisse;  or,  dans  la  période  de  la  plus  grande  expansion,  il  y  a  de 
cela  8  ou  10  ans,  il  n'y  avait  en  France  que  23  compagnies  frani;aises  d'assurances 
sur  la  vie  à  primes  fixes,  et  sur  ces  23  compagnies,  il  n'en  reste  aujourd'hui  que  17, 
parmi  lesquelles  12  ont  demandé  et  obtenu  l'autorijation  de  fonctionner  en  Suisse. 
Il  y  a  loin  de  ce  chiffre  <à  celui  qu'a  indiijué  M.  Fravalon. 

.M.  Béziat  d'Audibert  ne  comprend  pas  bien  la  distinction  que  fait  M.  Fravaton 
entre  le  contrôle  préventif  et  le  contrôle  répressif,  et  cela  d'autant  moins  que  plu- 
sieurs opérations  ren(renl  à  la  fois  dans  ces  deux  contrôles.  Il  déplore,  comme  notre 
collègue,  la  diversité  des  statuts  des  compagnies,  mais  il  proteste  énergi(|uemenl 
contre  cette  affirmation  (|ue  ni  la  science  siatisti(pie,  ni  les  données  de  l'expérience 
ne  permetlent  de  déterminer  la  condition  que  doit  remplir  une  compagnie  d'as- 
suiances  sur  la  vie  pour  être  viable. 

M.  Béziat  d'Audibert  dit  (jue  s'il  n'est  pas  possible  en  effet  d'assurer  la  prospérité 
future  d'une  compagnie  de  ce  genre,  il  en  est  do  même  de  toute  société  financière, 


—  164  — 

mais  qu'on  peul  pariaiteiiienl  premlre  loules  les  mesures  nécessaires  pour  iju'ellc 
soil  viable. 

M.  Fravaton  semble  ignorer  l'existence  do  la  science  des  opérations  viagères.  Or, 
cette  science  existe;  elle  est  aussi  rigoureuse  que  foules  les  autres  sciences  d'appli- 
cation et  les  règles  à  suivre  peuvent  être  parfaitement  déterminées.  M.  Fravaton 
avait  donné  à  entendre  que  la  difTicuké  avec  laquelle  le  Crédit  viager  pouvait  modi- 
fier ses  statuts  avait  pu  contiibuer  à  sa  faillite.  M.  Déziaf  d'Audibert,  qui  a  précisé- 
ment liquidé  cette  compagnie  au  point  de  vue  du  passif,  fait  remarquer  qu'au  con- 
traire jamais  il  n'a  rencontré  de  compagnie  ayant  opéré  sur  tant  de  tarifs  difl'érenfs 
et  sur  tant  de  combinaisons  diverses. 

Toutefois,  il  ett  heureux  de  dire  qu'il  est  d'accord  sur  un  point  important  avec 
M.  Fravaton,  c'est  sur  la  nécessité  qu'il  y  a  pour  le  Gouvernement  d'examiner,  avant 
toute  opération,  si  la  compagnie  possède  réellement  le  capital  nécessaire  à  sou 
entreprise.  On  ne  peul  qu'approuver  celte  mesure  préventive,  mais  il  en  résulte 
nécessairement  tjue  la  constatation  de  l'existence  de  ce  capital  entraîne  l'autorisa- 
lion,  quelque  nom  <|u'on  donne  à  la  permission  d'opérer. 

M.  Béziat  d'Audibert  ne  partage  pas  l'opinion  de  M.  Fravaton  sur  la  surveil- 
lance des  compagnies.  Il  dit  que  le  conlnMe  des  risques  d'après  une  table  exacte 
existe  partout;  c'est  une  opération  1res  simple  et  très  rapide  qui  a  son  utilité,  mais 
dont  i'eflicacilé  est  assez  douteuse.  Dans  fous  les  cas,  l'idée  de  M.  Chaufton  est  déjà 
appli(|uée  depuis  fort  longtemps.  D'ailleurs,  foules  les  compagnies,  même  les  plus 
médiocres,  fonctionnent  régulièrement  au  point  de  vue  médical. 

Quant  aux  réserves,  M.  Fravaton  croit  que  jamais  le  Gouvernement  ne  pourra 
dire  si  elles  sont  sufllsantcs  ou  non.  C'est  encore  là  une  erreur,  car  il  n'y  a  aucune 
raison  pour  que  le  Gouvernement  n'ait  pas  recours  aux  mêmes  spécialistes  que  les 
compagnies.  M.  Fravaton  pense  qu'il  faudrait  plus  de  100  fonctionnaires  pour  exer- 
cer la  surveillance,  mais  c'est  «[u'il  est  toujours  hanté  par  l'idée  de  43  compagnies- 
En  résumé,  .M.  Fravaton  veul  la  suppression  de  l'autorisation,  tout  en  demandant 
que  le  Gouvernement  constate  si  la  compagnie  possède  réellement  le  capital  néces- 
saire. M.  Béziat  demande  la  même  chose,  mais  il  donne  nettement  le  nom  d'autori- 
sation à  la  sanction  de  l'examen  dont  il  s'agil. 

Quant  à  la  surveillance,  l'opinion  des  deux  membres  est  absolument  différente: 
M.  Fravaton  étant  partisan  du  système  anglais  de  publicité,  tandis  que  M.  Béziat 
d'Audibert  est  pour  la  surveillance  rigoureuse  sur  les  réserves  et  leur  mode  d'emploi. 
En  résumé,  M.  Bézial  d'Audibert  voudrait  qu'après  avoir  pris  toute  précaution 
contre  les  cas  de  nullité  d'une  société,  la  surveillance  filt  limitée  aux  intérêts  seuls 
des  assurés  ;  les  opérations  dont  il  s'agit  étant  à  long  terme,  le  sort  des  assurés  se 
trouve  par  le  fait  livré  sans  défense  à  la  compagnie.  D'autre  part,  il  désirerait  que 
la  partie  essentiellement  commerciale  de  l'entreprise  restât  dans  le  droit  commun, 
le  Gouvernement  n'ayant  pas  à  se  mêler  du  choix  des  risques  ni  des  tarifs,  sauf  cer- 
taines restrictions,  ni  même  du  placement  des  fonds  autres  que  ceux  des  réserves 
pour  risques  en  cours.  En  un  mot,  il  voudrait  sauvegarder,  autant  que  possible,  le 
principe  de  la  liberté  commeiciale  et  n'y  porter  atteinte  que  par  mesure  d'ordie 
public  et  en  vue  seulement  de  proléger  les  intérêts  de  ceux  qui  n'ont  aucun  défen- 
seur dans  une  entreprise  (ju'ils  alimenlent  pourtant  de  leurs  capitaux. 

.M.  ïnoMiinEAU  demande  à  ajoutei'  (|uelques  mois  à  ce  qui  a  été  si  bien  dit  par 
M.  Béziat  d'Audibert.  Il  reconnaît  que  la  communication  de  M.  Fravaton  a  été  en- 


—  165  - 

tendue  avec  d'autant  plus  de  faveur  que  le  sujet  en  est  fort  intéressant;  il  pense, 
toutefois,  que  celte  matière  est  presque  entièrement  hors  de  la  compétence  de  la 
Société  de  statistique. 

M.  Tliomereau  tient,  en  tout  cas,  à  insister  sur  ce  fait  que  l'histoire  de  nos  com- 
pagnies nationales  ne  saurait  être  dépeinte  sous  les  couleurs  sombres  que  lui  a 
données  le  mémoire  de  notre  honorable  collègue.  Il  résulte,  en  effet,  de  la  stalis- 
tique,  comme  l'a  déjà  reconnu  M.  Béziat  d'Audibert,  que  si,  il  y  a  8  ou  10  ans,  on  a 
compté  en  France  jusqu'à  24  Compagnies,  il  n'y  en  a  plus  aujourd'hui  que  1 7  qui  fonc- 
tionnent. Sept  compagnies  sont  en  effet  en  état  de  liquidation,  et  sur  ces  sept  com- 
pagnies liquidées,  il  n'y  en  a  qu'une,  le  Crédit  viager,  qui  se  soit  terminée  par  une 
faillite,  et  même  une  faillite  désastreuse,  mais  c'est  le  cas  de  dire  que  l'exception 
confirme  la  règle,  car  les  agissements  dont  cette  Compagnie  a  été  victime  relèvent 
moins  de  la  science  que  de  la  police  correctionnelle  et  de  la  cour  d'assises.  Or,  il  ne 
peut  exister,  en  fait  de  contrôle  financier,  aucun  sysième  qui  mette  entièrement  à 
l'abri  de  la  fraude  et  du  vol.  C'est  donc  là,  il  le  répète,  un  cas  tout  à  fait  exception- 
nel. Quant  aux  autres  compagnies  liquidées,  compagnies  d'ailleurs  fort  peu  impor- 
tantes, elles  sont  nées  au  milieu  de  la  crise  financière  qui  a  précédé  le  krack  de 
1882.  Se  ressentant  de  leur  origine,  elles  ne  se  sont  pas  trouvées  viables,  mais 
il  faut  se  hâter  de  dire  qu'aucune  de  ces  compagnies  n'a  fait  tort  d'un  centime  à 
ses  assurés,  les  actionnaires  seuls  ont  eu  à  en  souffrir.  On  voit  donc  que  les 
dépenses  exagérées  que  blâme  avec  raison  M.  Fravaton  n'ont  pas  amené  pour  le 
public  français  les  résultais  déplorables,  les  déconfitures  dont  il  a  parlé. 

Ce  qui  vient  d'être  dit  s'applique  aux  compagnies  anonymes  par  actions.  On  sait 
•  qu'il  a  existé  concurremment  deux  sociétés  mutuelles  dont  l'une  a  liquidé  hono- 
rablement après  quelques  années  d'existence  ;  l'autre  continue  à  lutter  de  son 
mieux,  quoique  sans  succès,  sur  ce  terrain  de  la  mutualité, 
r  .M.  Thomereau  pense  que  si  les  désastres  financiers  ont  pu  être  ainsi  évités  en 
;  matière  d'assurances  sur  la  vie,  cela  est  dû  au  régime  de  l'autorisation  préalable, 
i  régime  qu'il  convient  de  ne  pas  abandonner  sans  savoir  au  juste  ce  qu'on  lui  substi- 
tuerait. On  peut  d'ailleurs  l'améliorer  en  le  dégageant  de  l'arbitraire  signalé  à  juste 
titre  par  M.  Fravaton. 
En  Angleterre  et  en  Amérique,  où  les  sociélés-vie  sont  régies  par  d'autres  sys- 

Itèmes,  les  compagnies  sont  beaucoup  plus  nombreuses  que  chez  nous,  mais  les  fail- 
lites totales  ou  partielles  ont  toujours  élé  très  fréquentes  et  souvent  scandaleuses. 
La  matière  est  1res  délicate  et  demande  à  être  traitée  avec  beaucoup  de  prudence. 
Il  y  a,  notamment,  la  question  des  compagnies  étrangères  que  l'on  ne  doit  pas 
trancher  à  la  légère.  En  imposant  certaines  conditions  aux  compagnies  étrangères, 
on  ariiverait,  sans  le  vouloir,  à  les  placei'  dans  une  situation  plus  avantageuse  que 
nos  compagnies  nationales.  Mais  ce  n'est  pas  ici,  ni  en  ce  moment  qu'on  peut  étu- 
dier cette  question.  Sous  le  mérite  de  ces  observations,  M.  Thomereau  déclare 
accepter,  d'une  façon  générale  et  sous  réserve  de  certains  détails,  les  conclusions 
de  l'honorable  M.  Fravaton. 

Personne  ne  demandant  plus  la  parole  sur  celte  question,  M.  le  Président  invite 
M.  Goste  à  présenter  sa  communication  sur  les  salaires  des  travailleurs  et  le  revenu 
delà  France,  mais,  vu  l'heure  avancée,  cette  communication  est,  sur  la  demande  de 
M.  Coste,  renvoyée  à  la  prochaine  séance. 
La  séance  est  levée  à  11  heures  1/4. 


—  166 


II. 


QUELQUES  CONSIDÉRATIONS  ÉLÉMENTAIRES 

SUR  LES  CONSTRUCTIONS  GRAPHIQUES  ET  LEUR  EMPLOI 

EN  STATISTIQUE. 


I. 

Préliminaires. 


Le  prnphique,  dont  l'emploi  devient  si  usuel  en  statistique,  n'y  joue  pos  un  rôle 
différent  de  celui  qu'il  remplit  dans  toutes  les  autres  sciences  qui  en  font  usage. 

Ce  rôle,  qu'il  faul  distinguer  nettement  de  celui  des  diagrammes  directement 
obtenus  au  moyen  d'appareils  enregistreurs,  et  aussi  des  tableaux  ou  abaques, 
d'un  ordre  bien  |dus  élevé,  ayant  pour  objet  de  faciliter  et  d'abréger  certains  cal- 
culs numériques,  consiste  essentiellement  à  peindre  à  l'œil,  par  une  représentation 
figurée,  des  valeurs  ou  lapports  numériques  déterminés  par  avance;  et  ce  qui 
explique  el  justifie,  fondamentalement,  dans  ces  cas,  la  substitution  du  dessin  à 
l'algorithme,  c'est  que  l'œil  saisit  sponlanémenl,  avec  plus  de  facilité,  sinon  plus 
d'exactitude,  le  rapport  approximatif  de  grandeur  de  deux  droites  et  même,  quoi- 
que beaucoup  moins  farilcment,  celui  de  deux  surlaces  semblables  juxtaposées 
que  l'isprit  ne  perçoit,  d'ordinaire,  celui  de  deux  nombres  à  comparer.  Ce  à  quoi 
il  faut  ajouter  tout  de  suite  que,  lorsqu'il  s'agit  d'exprimer  en  même  temps  plu- 
sieurs valeuis  numériciues  ou  |ilusieuis  rapports  du  même  genre,  le  giapliique  a, 
par  sa  nature,  l'avantage,  en  les  groupant  sous  l'œil  de  l'observateur,  de  les  ré- 
sumer synthéliquemeiit,  tandis  ipie  les  lafiports  iiuméii(]ues  se  succèdent  en  mode 
analytique,  el  ne  se  présentent  à  l'es|)rit  que  détachés  les  uns  des  autres. 

Peinture  approximative  spontanée  de  valeurs  et  rapports  numériques  déter- 
minés ;  rapprocliement  synthétique  de  valeurs  et  rapports  similaires,  tels  sont  les 
caractères  essentiels,  les  avantages  fondamentaux  des  représentations  gra|)lnqnes. 

Ces  avantages  sont  grands  et  le  parti  à  tirer  du  procédé  est  considérable,  à  con- 
dition d'en  respecter  scrupuleusement  le  caractère,  et  de  ne  pas  le  dénaturer,  en 
essayant  d'en  siufaire  la  portée.  Les  représentations  graphiques,  —  on  l'a  dit  avec 
raison,  —  constituent  une  langue  nouvelle  qui  donne  aux  cbinies  qu'elle  traduit 
la  vie  qui  leur  manque.  Mais  quelque  heureuse  influence  que  puisse  avoir  pour  la 
génération  des  idées  la  langue  qui  sert  à  les  exprimer,  elle  ne  les  remplace  pas,  el 
ce  sont  toujours  les  combinaisons  intellectuelles  qui  prévalent. 


1.  Celte  communication  a  été  lue  dans  les  séances  de  la  Société  d'octobre  et  de  novembre  18S9. 


—  167  — 

D'après  sa  définilion  même,  telle  que  nous  la  concevons,  le  rôle, du  graphique, 
quelque  utile  qu'il  soit,  est  subordonné.  Il  peint  approximativement  les  rapports 
numériques,  mais  n'y  sup|>lée  pas;  et  c'est  toujours  à  ceux-ci  qu'il  faut  en  revenir 
quand  la  précision  rigoureuse  est  nécessaire. 

Si  le  graphique  traduit,  il  ne  crée  rien  ;  s'il  montre,  il  ne  démontre  pas.  C'est  là 
une  limite  absolue  qu'il  ne  faut  jamais  essayer  de  franchir. 

Ce  n'est  pas  que  le  graph-ique  ne  puisse  dans  bien  des  cas,  même  sous  ses  for- 
mes les  plus  élémentaires,  devenir  un  précieux  instrument  de  recherche  (1)  et  de 
contrôle.  11  peut  faciliter  les  interpolations  rationnelles  dans  une  série  numérique, 
aussi  bien  que  déceler,  dans  une  telle  série,  des  lapsus  et  des  incohérences  qui  s'y 
seraient  glissés.  Mais  ce  sont  là,  ou  des  applications  spéciales  que  rien  ne  régle- 
mente, ou  des  cas  particuliers  accidentels.  La  fonction  essentielle  du  graphique  est 
celle  que  nous  avons  indiquée  plus  haut,  et,  lors  même  qu'on  le  maintient  dansces 
limites,  il  faut  se  défier  des  impulsions  de  la  causalité  que  tend  à  inciter  ce  mode 
de  représentation. 

Les  principes  qui  précèdent  conduisent  à  quelques  conséquences  pratiques. 

Si  le  graphique  est  utile,  c'est  qu'il  produit  un  effet  spontané.  La  clarté  est  sa 
condition  maîtresse,  en  l'absence  de  laquelle  on  peut  dire  qu'il  n'existe  pas.  Un 
giaphique  dont  il  faut  chercher  le  sens  c'est  un  trait  d'espiil  qui  nécessite  explica- 
tion. Ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'il  faille  en  écarter  tout  ce  i]ui  n'est  pas  compris 
de  tout  le  monde  à  première  vue.  La  compréhcn.-ion  des  choses  les  plus  simples 
exige  une  certaine  préparation.  La  carte  topographi(]ue  la  plus  élémentaire  ne  dit 
absolument  rien  à  quelqu'un  qui  n'en  a  jamais  vu.  Serait-ce  une  raison  pour  pros- 
crire de  semblables  cartes?  Personne  ne  le  pensera.  Seulement  il  y  a  des  cartes 
plus  ou  moins  claires.  C'est  en  ce  sens  qu'il  faut  entendre  ce  que  nous  disons  de  la 
clarté  dans  les  représentations  graphiques. 

11  y  a  d'ailleurs  une  distinction  essentielle  à  faire  entre  la  construction  d'un  gra- 
phique et  sa  lecture.  La  construction  peut  être  difficile  et  la  lecture  ficile,  et  réci- 
proipiement.  Combien  de  gens,  pour  nous  servir  de  l'exemple  que  nous  venons 
d'employer,  aptes  à  lire  couiamiiiciu  des  cartes  topographiques,  seraient  hors  d'état 
de  les  construire,  et  ne  se  doutent  même  pas  de  la  série  des  opérations  nécessaires 
pour  y  arriver  !  Les  constructions  graphiques  sont  tout  à  fait  dans  le  même  cas; 
et  il  serait  absolument  irrationnel  de  proscrire  tel  systèiue  ou  tel  procédé,  donnant 
des  résultats  faciles  à  saisir,  parce  qu'il  exigerait,  poui'  être  mis  en  œuvre,  quel- 
ques connaissances  scientificiues  spéciales. 

C'est  à  tous  (pie  s'adresse  le  résultat;  c'est  pour  tous  qu'il  doit  être  préparé; 
mais,  s'il  n'est  pas  indifférent  ipie  le  procédé  (jui  y  conduit  soit  autant  que  possible 
à  la  portée  de  tous,  on  ne  saurait  élever  contre  lui  une  objection  de  ce  que  le  ma- 
niement en  échapperait  au  premier  venu. 

Tout  ce  qui  précède  a  été  dit  et  mieux  dit  que  nous  ne  l'exprimons.  Mais  ce 
préambule  nous  a  paru  nécessaire  en  tète  de  ce  petit  travail,  où  nous  nous  propo- 
sons, indépendamment  d'éclaircissements  à  donner  sur  une  application  déjà  connue, 
mais  peu  ou  mal  employée,  de  rechercher  quelques-unes  des  règles  à  suivre  pour 

(1)  iNous  en  avons  fait  une  épreuve  personnelle.  Dans  des  recliercties  sur  la  dépense  d'exploitalion 
des  lUnes  ferrées  en  relation  avec  leur  proiluil  bntt,  c'est  par  la  méttiode  grapliique  que  nmis  avons 
pu  délerniiiicr  la  loi  simple  reliant  ce.s  éléments  entre  eux,  et  obtenir  les  valeurs  approximatives  de 
coefficients,  finalement  rectifiés  ensuite  par  le  calcul. 


—  168  — 

reiiiploi  (lu  procédé  graphiiiue.  Toiile  langue  comporte  une  syntaxe.  Il  est  bon 
que  la  sponlanéilé  ait  fait  son  œuvre;  beaucoup  de  créations,  dont  nous  ne  con- 
naissons qu'une  faible  partie,  sont  pleines  d'ingéniosité;  et  il  serait  fâcheux  de 
vouloir  prématurément  poser  des  règles  strictes.  Toutefois,  il  peut  être  utile  d'en 
discuter  quelques-unes.  C'est  cette  discussion  qui  nous  a  tenté. 

II. 

Emploi  additionnel  de  couleurs  ou  de  teintes  monochromes  nuancées. 

La  clarté,  avons-nous  dit,  est  la  qualité  maltresse  d'une  représentation  graphique, 
celle  sans  laquelle  elle  n'a  pas  de  raison  d'être  et  que  rien  ne  peut  suppléer.  Mais 
il  est  pour  elle  une  autre  propriété  bien  nécessaire  :  c'est  Y  expressivité.  S'il  est  in- 
dispensable qu'un  graphique  soit  facilement  compris,  il  est  éminemment  désirable 
qu'il  soit  frappant  d'aspect. 

Le  plus  souvent  c'est  à  l'intervention  d'éléments  étrangers  au  graphique  propre- 
ment dit,  notamment  à  la  couleur,  à  des  teintes  monochromes  nuancées,  ou  à  une 
combinaison  de  ces  deux  éléments,  qu'on  fait  appel  pour  réaliser  la  seconde  condi- 
tion indi(|uée.  Et  les  deux  idées  marchent  si  souvent  ensemble  que  la  plupart  du 
temps  on  les  confond,  quoiqu'elles  appartiennent  à  des  domaines  bien  différents. 

Si  la  ligne  est  moins  précise  que  le  nombre,  de  leur  côté  la  couleur  et  les  teintes 
nuancées,  —  que  pour  la  simplicité  du  discours  nous  comprendrons  sous  le  même 
vocable,  —  sont  moins  précises  que  la  ligne. 

D'après  cela,  la  couleur  ne  devrait  jouer  dans  une  représentation  figurée  qu'un 
rôle  accessoire.  Là  où  son  rôle  devient  le  principal,  on  sort,  logiquement,  aussi 
bien  qu'élymologiquemenl,  de  la  notion  graphique,  et  il  faudrait  un  autre  mot  pour 
caractériser  cet  emprunt  fait  à  des  idées  d'un  autre  ordre. 

Ce  mot,  nous  ne  le  chercherons  pas,  mais  nous  aurons  soin  de  distinguer  les 
deux  notions,  si  différentes  dans  leur  portée  et  leurs  aptitudes. 

Notons  d'ailleurs,  qu'il  s'agisse  de  ligne  ou  de  couleur,  que,  dans  les  représen- 
tations figurées  qui  nous  occupent,  tout  tend  moins  à  charnier  l'œil  qu'à  lui  sug- 
gérer des  idées.  Dès  lors,  dans  l'une  et  l'autre  sphère,  on  peut  admelire,  sans 
s'écarter  en  rien  de  la  logique  des  choses,  une  suite  de  moyens  de  différenciation 
qui  ne  découlent  pas  directement  de  la  notion  graphique  pure.  C'est  dans  cette  ca- 
tégorie de  moyens  que  rentrent  les  divers  ordres  de  pointillés  employés  comme 
succédanés  de  couleurs  différentes,  pour  distinguer  l'une  de  l'autre  des  lignes 
d'ordre  divers  appartenant  à  la  même  figuialion. 

Toutefois,  là  encore,  il  y  a  souvent  certaines  règles  logiques  à  observer,  et  nous 
en  indi(|uerons  quelques-unes  dans  les  observations  qui  vont  suivre. 

III. 

Essai  de  classification  des  représentations  graphiques. 

Il  y  a,  pour  les  représentations  graphiques,  une  classification  fort  simple  qui 
semble  ressortir  de  la  nature  même  des  choses.  Est-elle  bonne  et  utile?  C'est  ce  que 
nous  livrons  à  la  discussion. 


—  169  — 

On  peut,  par  les  procédés  graphiques,  représenter  des  nombres  isolés,  sans  lien 
de  dépendance  entre  eux,  ce  qui  constitue  une  variable  unique  ; 

On  peut,  et  c'est  là  le  cas  le  plus  fréquent,  représenter  graphiquement  les  rap- 
ports mutuels  de  deux  éléments  variables,  dont  l'un  reçoit  des  valeurs  successives 
déterminées  ; 

Enfin  la  représentation  graphique  peut  s'étendre  au  cas  de  trois  éléments  varia- 
bles dont  deux  déterminés  successivement. 

De  là,  trois  degrés  ou  plutôt  trois  classes,  afin  d'éviter  toute  confusion  avecl'ex-- 
pression  algébrique  degré/qui  a  un  sens  différent. 

La  première  classe  comprendra  toutes  les  représentations  ayant  pour  objet  de 
mettre  en  présence  des  figures  :  lignes  ou  surfaces,  proportionnelles  en  longueur 
ou  superficie  à  des  nombres  détachés  correspondant  à  la  même  quantité  concrète 
ou  à  des  quantités  concrètes  de  même  espèce.  On  y  pourrait,  légitimement,  à  ce 
titre,  faire  l'entrer  les  stéréo  grammes,  ayant  pour  objet  de  figurer  par  leurs  volumes 
relatifs  l'importance  du  stock  ou  de  la  production  de  telles  ou  telles  substances  dans 
un  même  pays  ou  dans  divers  pays  donnés.  Peut-être  même  conviendrait-il —  mais 
ce  point  est  plus  contestable  —  de  ranger  dans  cette  classe  ce  (|ue  notre  collègue, 
M.  Glieysson,  dans  son  rapport  sur  les  méthodes  de  statistique  graphique  à  l'Expo- 
sition de  1878,  appelle  les  a  carto grammes  à  foyers  diagraphiques  ».  Ces  der- 
nières reproductions,  peut-on  dire,  ne  se  bornent  pas  à  figurer  les  rapports  de 
grandeur  d'éléments  détachés,  mais  elles  fixent  en  outre  la  situation  géographique 
qu'ils  occupent.  Par  ce  côté,  ne  rentrent-ils  pas  plutôt  dans  la  troisième  classe?  Tel 
ne  serait  point  notre  avis,  et  cet  avis  est  basé  surtout  sur  la  différence  du  procédé 
graphique  qui,  contrairement  à  ce  qui  a  lieu  pour  la  troisième  classe,  porte  exclu- 
sivement, dans  le  cas  présent,  sur  la  bonne  figuration  des  éléments  num.ériques 
détachés. 

Nous  maintiendrons,  en  conséquence,  provisoirement,  sous  réserve  de  meilleur 
avis  ultérieur,  les  cartogrammes  à  cartouches  ou  foyers  diagraphiques  dans  la  pre- 
mière classe. 

En  ce  qui  touche  la  seconde  classe,  il  serait  superflu  d'insister  sur  ce  qu'elle 
comprend.  C'est  elle  qui  constitue  presque  seule,  jusqu'à  ce  jour,  la  totalité  des  re- 
présentations de  statistique  graphique  proprement  dite.  Les  constructions  qu'elle 
comporte  sont  les  plus  faciles,  celles  qui  sont  le  mieux  à  la  portée  de  tout  le  monde 
et  donnent  en  même  temps,  moyennant  quelques  précautions,  les  résultats  les  plus 
clairs  et  les  plus  saisissants. 

Quant  à  la  troisième  classe,  elle  ne  comprend  pas  seulement  les  cartes  à  relief 
qui  feront  l'objet  principal  des  observations  qui  vont  suivre,  mais  encore  toutes  les 
figurations  analogues  à  celles  indiquées  par  M.  Léon  Lalanne  dans  son  résumé  his- 
torique de  1878  sur  les  méthodes  graphiques  qui  lui  sont  dues,  figurations  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  les  constructions  anamorphiques,  d'un  ordre  bien  plus 
élevé,  qu'a  créées  le  même  savant. 

IV. 

Représentations  graphiques  de  la  i"  classe. 

Par  le  secours  de  l'œil,  avons-nous  dit,  l'esprit  saisit  plus  facilement  le  rapport 
de  grandeur  de  deux  ou  plusieurs  lignes  juxtaposées  qu'il  ne  saisit,  en  général,  le 


—  170  — 

rapport  des  nombres  correspondants.  Cela  peut  être  encore  vrai,  moyennant  une 
suffisante  préparation,  lorsqu'il  s'agit  de  surfaces  semblables.  Mais  cela  deviendrait 
faux  pour  des  surfaces  dissemblables;  et,  même  dans  le  cas  de  simihtude,  l'a^iproxi- 
malion  avec  laquelle  le  rapport  est  perçu  est  toujours  plus  faible  pour  des  surfaces 
semblables  que  lorsqu'il  s'agit  de  lignes.  Quant  à  ces  dernières,  quoiqu'il  ne  faille 
pas  exclure  les  arcs  de  circonférences  de  même  rayon,  c'est  sur  les  droites  particu- 
lièrement que  s'exerce  facilement  et  exactement  l'action  comparative. 

D'après  cela,  ce  (|u'il  y  aurait  de  mieux,  toujours  pour  figurer  des  nombres  déta- 
chés, ce  serait  d'employer  des  lignes  ou  des  colonnes  de  même  largeur,  de  façon  à 
faire  porter  exclusivement  la  comparaison  sur  une  seule  dimension.  Dans  ce  cas, 
le  procédé  figuratif  est  aussi  simple  d'emploi  que  facile  de  compréhension;  et,  si 
cela  suffisait,  nous  n'aurions  pas  davantage  à  nous  en  occuper. 

Mais  on  ne  peut  en  rester  là.  A  tout  ce  que  fait  l'homme  se  mêle  forcément  et 
très  légitimement  un  impératif  esthétique,  auquel  il  faut  savoir  faire  sa  place.  Or 
l'emploi  de  simples  lignes  ou  colonnes  est,  eu  général,  peu  satisfaisant  pour  l'œil  et 
donne  des  résullats  peu  expressifs.  De  là,  la  tendance  spontanée  de  presque  tous 
les  auteurs  à  préférer,  dans  ce  cas,  des  surfaces  qui  condensent  mieux  les  figura- 
tions et  leur  donnent  plus  d'expression  et  de  caraclère. 

C'est  ainsi  que  M.  Levasseur,  dans  sa  Statistique  graphique  de  1885,  a  employé 
des  rectangles  et  des  carrés  pour  représenter  jiar  des  aires  proportionnelles  :  d'une 
part,  les  superficies  ;  de  l'autre,  les  populations  des  principaux  Étals  du  globe  (i). 
C'est  encore  ainsi  que  M.  ChHVSson,  dans  ses  albums  si  remarqués  de  staiisiique 
graphique,  fait  appel  à  des  éventails  disposés  en  demi-cercles,  pour  figurer,  à  di- 
verses époques,  le  mouvement  marilime  des  ports  français  et  la  répartition  de  ce 
mouvement  entre  les  divers  pays  de  provenance  et  de  destination  (2). 

Il  est  à  remarquer  que  dans  cette  dernière  figuration  la  mesure  visuelle  des  rap- 
ports n'est  pas  seulement  provoquée  par  des  éléments  superficiels,  mais  aussi  par 
des  éléments  linéaires.  Chacun  des  éventails  est,  en  effet,  partagé  en  secleins  dont 
les  rapports  mutuels  de  grandeur  résultent  simplement  de  l'arc  qu'ils  embrassent. 
C'est  ce  qui  arrive  dans  une  fouie  de  cas  de  ce  genre,  et  loin  de  nous  en  plaindre 
nous  nous  en  félicitons. 

L'Exposiiion  statistique  de  l'Amérique  du  Nord,  en  1878,  contenait  des  spécimens 
de  figurations  de  cette  sorte  extrêmement  réussis.  A  la  population  de  chaque  État 
de  l'Union  était  affeclc  un  carré  de  surface  proporiionnelle,  partagé,  par  deux 
verticales,  en  trois  rectangles  de  largeur  inégale,  dont  deux,  à  droite,  divisés  eux- 
mêmes  par  des  horizonlalos,  et  tous  les  cinq  portant  des  teintes  différentes,  repro- 
duites dans  le  même  ordre  d'un  carré  à  l'autre.  Des  trois  premiers  rectangles 
énumérés,  celui  de  gauche  représentait  ia  population  de  l'f^lat  née  hors  de  l'Amé- 

(1)  L'auteur,  dans  cette  figure,  qui  n'en  reste  pas  moins  très  expressive,  a  mêlé  abusivement  des 
carrés  et  des  rectangles  dissemblables,  ce  qui  fait  que,  sans  les  nombres  inscrits  dans  chaque  quadrilatère, 
on  en  saisirait  diflicileraent  le  rapport  de  grandeur.  Mais  on  voit  que,  pour  ainsi  procéder,  il  a  obéi  à  une 
nécessité  de  groupement  dont  on  ne  peut  méconnaître,  dans  une  certaine  mesure,  la  légitimité  et  l'heu- 
reux eflet. 

(2)  Cetle  figuration  comporte  une  observation,  mais  étrangère  au  procédé  graphique.  Déduite  du  ton- 
nage de  jauge  de>  navires,  elle  exprime  le  mouvement  de  la  navigation,  mais  non,  comme  le  titre 
semblerait  l'indiquer,  le  trafic  commercial,  dont  le  mouvement  de  la  navigation  ne  donne  qu'une  idée 
inexacte,  variable  aussi  bien  d'un  port  à  l'autre  que  d'une  époque  à  l'autre. 


—  171  — 

rique  du  Nord;  les  deux  autres,  la  population  de  couleur  et  la  population  blanche 
originaire  des  États-Unis,  les  portions  inférieures  de  chacun  de  ces  derniers  rec- 
tangles consacrées  respectivement  aux  gens  de  couleur  et  aux  blancs  nés  dans  l'Etat, 
les  portions  supérieures  à  ceux  nés  hors  de  l'Étut.  A  chaque  carré  se  trouvait  an- 
nexé, sur  le  même  plan,  un  rectangle  de  même  hauteur,  divisé  en  deux  par  une 
horizontale,  et  donnant  les  blancs  et  gens  de  couleur  nés  dans  l'Etat  mais  vivant 
au  dehors. 

Cela  nous  a  paru,  à  l'époque,  des  mots  statistiques  extrêmement  bien  faits. 

D'autres  carrés  encore,  représentant,  pour  chaque  Élat,  la  population  totale  au- 
dessus  de  10  ans,  portaient,  centralement,  un  carré  plus  petit,  figurant  la  fraction 
de  la  population  occupée  lucralivement  ou  fréquentant  les  écoles,  ce  dernier  divisé 
en  cinq  rectangles  affectés  :  à  l'agriculture  ;  à  l'industrie  manufacturière  ;  au  com- 
merce et  aux  transports  ;  aux  services  personnels  et  professions  libérales  ;  enfin,  à  la 
population  scolaire.  La  zone  formant  cadre,  comprise  entre  les  deux  carrés  concen- 
triques, se  trouvait  représenter  ainsi  la  population  au-dessus  de  10  ans,  non  occupée 
d'une  façon  lucrative. 

Ces  figurations  placées  sur  une  carte  de  l'Union  Américaine,  à  l'emplacement  de 
chaque  État,  auraient  constitué  un  cartogramme  à  foyers  diagraphiques.  Il  ne  nous 
paraît  pas,  cela  eût-il  été  réalisé,  que  cette  opération  eût  modifié  le  caractère  de  la 
représentation  graphique,  portant  presque  exclusivement  sur  la  bonne  constitution 
des  carrés,  et  qu'elle  fût  sufTi^ante  pour  faire  passer  celte  représentation  de  la  pre- 
mièie  à  la  troisième  classe. 

11  faut  convenir  d'ailleurs  que  les  cartogrammes  à  foyers  diagraphiques  ne  sont 
vraiment  intéressants  que  lorsque  les  foyers  ou  cartouches  qui  en  constituent  le 
principal  intérêt  sont  heureusement  construits  et  qu'on  ne  veut  pas  charger  la  carte 
d'un  trop  grand  nombre  de  renseignements.  Il  y  a  telle  de  ces  cartes  figurant  à 
l'Exposition  actuelle  (1),  dont  on  a  voulu  faire  une  sorte  d'encyclopéilie  complète  et 
qui,  par  la  miilliplicilé  dfs  cercles,  des  cai'iés  et  des  triant;les  nuillicolores  dont 
elle  est  illu;trée,  perd  absolument  l'avantage  essentiel  de  clarté  et  de  facile  lecture 
qui  est  l'apanage  et  doit  rester  la  caractéristique  des  figurations  graphiques. 

En  revanche,  nous  naus  plaisons  à  citer  un  exemple  de  ce  genre  qui  nous  a 
particulièr-enient  frappé  par  sa  simplicité  expressive.  C'est,  à  l'Exposition  du  Ministère 
de  l'Instruction  publique,  un  couple  de  cartes  destinées  à  indiquer  les  progrès  de 
l'instruction  fiar  département,  de  1837  à  1(^87.  Sur  toutes  deux,  des  cercles  de 
même  diamètre  contenus  dans  le  périmètre  de  chaipie  département  figurent  la 
population  totale,  dont  la  fraction  illettrée  est  repiésentée  par  un  cercle  noir  con- 
centrique, la  population  lettrée  formant  ainsi,  autour  de  ce  dernier,  un  anneau 
teinté  en  jaune  d'ocre.  Sur  la  carte  de  1837,  les  cercles  noirs  sont  beaucoup  plus 
grands  que  sur  la  carte  plus  récente,  ce  qui  constitue  déjà  un  effet  général  très 
saisissant;  mais,  lorsqu'on  y  regarde  avec  plus  d'attention  et  qu'on  compare  l'un  à 
l'autre  les  divers  départements,  il  semble  que  l'on  voit,  en  passant  de  la  première 
à  la  seconde,  des  y  e  nx  qui.î'ouvrenl  en  se  dilatant  à  la  lumière.  L'effet  est  magique 
et  peut-être  le  serait-il  plus  encore  si  les  teirjtes  avaient  été  interverties,  et  si  la 
teinte  jaune  avait  été  placée  au  centre,  le  noir  réservé  pour  l'anneau  (2). 

(i)  Ceci  était  écrit  avant  la  fernielure  de  ftîxposition  de  I8S9. 

(2)  Au  cours  de  la  lecture  de  ce  travail  à  ta  Société  de  Statistique,  nous  avons  appris  que  l'idée  de 
ces  cartes  si  bien  réussies  était  due  k  M.  Clioysson. 


—  172  — 

En  définitive  aucune  règle  stricte  n'est  à  tracer  pour  les  figurations  graphiques 
de  la  première  classe,  en  dehors  de  celles  qui  relèvent  de  la  précision,  de  la  clarté, 
et  (le  la  logique  ;  mais,  dans  le  nombre,  il  faut  placer  celle-ci  qu'il  est  toujours  pré- 
férable de  faire  porter  la  comparaison  sur  des  lignes  que  sur  des  surfaces.  Quant 
au  reste,  il  convient  de  s'appliquer  à  le  réaliser  par  surcroît  ;  c'est  loin  d'être  à 
négliger,  et  cela  est  surtout  nécessaire  lorsqu'il  s'agit  de  répartir  ces  cartouches  sur 
des  cartes.  Certaines  de  celles-ci  sont  presque  ridicules  par  la  disgracieuse  disposi- 
tion des  foyers  diagraphiques  qui  y  sont  semés. 


Rep-ésentations  graphiq^ies  de  la  seconde  classe;  courbes  compeiisatrices. 

Dans  celle  classe,  nous  sommes  logiquement  portés  à  comprendre,  avec  les  gra- 
phiques à  coordonnées  orthogonales  ou  polaires,  ce  que  M.  Cheysson  désigne  sous 
le  nom  de  «  cartogrammes  à  bandes  »,  d'un  emploi  si  fréquent  aujourd'hui  pour 
exprimer  le  mouvement  des  voies  de  transport,  et  qui  ont  pour  objet  de  mettre  en 
relation  deux  variables  :  le  tracé  de  la  voie  el  sa  fréquentation  en  chaque  point. 
Rien  ne  dislingue,  en  effet,  ces  cartes  des  graphiques  ordinaires  à  cooidonnées 
orthogonales  en  dehors  de  ces  circonstances  que  la  ligne  des  abscisses,  base  du 
graphique,  au  lieu  d'être  recliligne,  est  une  ligne  courbe  ou  brisée,  elque  la  bande 
de  largeur  variable  est,  en  général,  rapportée  symétriquement  de  part  et  d'autre 
de  la  ligne  des  abscisses,  au  lieu  d'avoir  ses  ordonnées  situées  d'un  seul  côté,  ainsi 
qu'il  arrive  le  plus  souvent,  mais  pas  toujours,  pour  les  graphiques  ordinaires. 

Ce  poinl  de  classification  vidé,  —  et  après  avoir  pris  note,  en  passant,  de  ce  fait  que 
les  stéréogrammes  mettant  en  relation  deux  variables,  tels  que  ceux  donnant,  à  l'Ex- 
position, la  population  à  ses  divers  âges  el  la  production  de  la  houille  en  France, 
depuis  un  certain  nombre  d'années,  rentrent  logiquement  dans  la  seconde  classe,  — 
il  n'y  a  rien  à  ajouter  ici  quant  aux  cartogrammes  à  bandes,  dont  les  effets  sont  si 
frappants  et  qui  offrent  de  si  puissants  secours  dans  toutes  les  études  se  rattachant 
aux  questions  de  transport.  Un  seul  défaut  sérail  à  leur  reprocher,  c'est  la  confusion 
qui  résulte,  vers  les  nœuds  de  circulation  oii  la  fréquentation  est  beaucoup  au-dessus 
de  la  moyenne,  de  la  superposition  des  bandes  el  de  l'enchevêtrement  de  leurs  con- 
tours. Colle  confusion  et  l'infirmité  qu'elle  accuse  n'est  pas  spéciale  aux  bandes.  Un 
défaut  analogue  peut  se  produire  sous  des  formes  diverses  dans  tous  les  graphiques 
de  la  seconde  classe;  ce  défaut  tient,  pour  loule  figuration  qui  comporte  des  élé- 
ments similaires  de  grandeurs  très  différentes,  à  la  stricte  proportionnalité  inhé- 
rente au  graphique.  C'est  une  observation  sur  laquelle  nous  reviendrons.  Dans 
l'espèce  des  caries  à  bandes,  on  pourrait  parer  au  défaut  signalé,  en  réduisant 
beaucoup  (selon  l'échelle  de  la  carte)  celle  qui  sert  à  établir  les  bandes,  seulement 
alors,  si  la  même  carte  comprenait,  ainsi  qu'il  arrive  le  plus  souvent,  des  voies  forte- 
ment chargées  el  d'autres  qui  le  sont  très  peu,  ces  dernières  se  distingueraient  à 
peine  et  disparaîtraient  presque  de  la  carte.  Il  est  préférable  dans  ce  cas,  et  c'est 
ainsi  que  la  pratique  résout  la  difficulté,  de  placer,  à  part,  dans  des  cartouches 
détachés,  à  plus  grande  échelle  lopographique,  ce  qui  se  rapporte  aux  nœuds  de 
circulation. 

Après  cette  digression  relative  aux  cartogrammes  à  bandes,  arrivons  aux  gra- 


—  173  — 

phiques  les  plus  répandus  de  lu  seconde  cinsse,  dont  iii  consli'uction  comporte  l'em- 
ploi soit  de  coordonnées  orthogonales  (1),  soit  de  coordonnées  polaires;  el  com- 
mençons par  les  coordonnées  orthogonales. 

Graphiques  à  coordonnées  orthogonales.  —  Considérons  une  des  figurations 
graphiques  les  plus  simples.  Il  s'agit  d'un  phénomène  ohservé,  stalistique  ou  autre, 
qui  se  déroule  dans  le  temps.  La  période  de  l'observation  est  indifférente  :  sup- 
posons que  ce  soit  le  jour. 

L'idée  la  plus  courante  est  de  porter  le  temps  sur  la  ligne  des  abscisses,  en  attri- 
buant à  chaque  jour  des  segments  de  longueur  égale,  et  de  représenter  ensuite  à 
une  échelle  quelconque,  dont  le  choix  est  d'ailleurs  loin  d'èlre  indifférent  (2),  l'iu- 
lensité  variable  du  phénomène  par  des  longueurs  portées  sur  les  ordonnées. 

Ceci  est  le  dernier  degré  du  rudimenlaire.  Toutefois,  ce  problème,  tcut  simple 
qu'il  est,  soulève  plusieurs  questions  dont  la  solution  logique,  presque  toujours  la 
meilleure,  comme  clarté  et  expression,  varie  suivant  les  divers  cas.  Par  quels  points 
de  la  ligne  des  abscisses  doivent  êlre  élevées  les  ordonnées?  Ces  ordonnées  doivent- 
elles  rester  isolées?  Doivent-elles,  au  contraire,  former  comme  une  série  de  co- 
lonnes juxtaposées?  Et,  ces  questions  résolues,  comment  le  lableau  doit-il  se 
terminer  dans  le  liaut?  Par  des  points  isolés?  Par  des  horizontales  à  la  hauteur  des 
sommets  des  ordonnées?  Par  une  ligne  brisée  réunissant  ces  sommets  entre  eux? 
Enfin  par  une  couibe  continue?  Essayons  de  répondre  à  ces  diverses  questions. 

Supposons  quatre  phénomènes  différents  que  nous  empruntons  à  l'ordre  physi- 


(1)  Dans  ce  système  de  coordonnées,  où  les  valeurs  des  deux  variables  sont  représentées  par  des 
longueurs  portées,  à  partir  du  point  de  croisement,  sur  deux  axes  rectiligncs  formant  entre  eux  un  cer- 
tain angle,  la  perpendicularite  de  ces  axes  n'est  pas  absolument  nécessaire,  et  la  géométrie  emploie 
souvent  des  coordonnées  obliques.  Peut-être  celte  disposition  pourrait- elle  être  utilisée  dans  certains  cas 
en  stalistique  graphique.  Nous  n'en  connaissons  pas  d'exemples. 

(2)  Ce  clioix  importe,  non  pas  seulement  pour  l'espace  dont  on  dispose,  mais  encore  pour  l'expres- 
sivité du  graphique  lui-même.  Si  l'échelle  des  ordonnées  est  trop  faible  par  rapport  à  celle  des  abscisses, 
les  différences  en  hauteur  sont  peu  accusées  et  le  graphique  est  mou.  Si  cetle  échelle  est  trop  forte, 
certaines  différences  s'accentuent  trop  énergiquement,  et,  pour  avoir  trop  haussé  le  ton,  le  graphique 
devient  criard. 

Les  observations  qui  précèdent  tombent  sous  le  sens.  Une  autre  qui,  au  premier  abord,  frappe  moins 
l'attention,  est  la  suivante,  déjà  indiquée  à  propos  des  cartogrammes  à  bandes.  Quand  un  phénomène 
présente,  en  même  temps  que  des  valeurs  faibles  et  peu  différentes,  d'autres  valeurs  au  contraire  très 
considérables,  il  est  bien  difficile  de  le  représenter  dans  son  ensemble  à  la  même  échelle.  Si,  afin  de 
n'avoir  pas  de  hauteurs  excessives  pour  ces  dernières,  on  prend  une  petite  échelle,  on  n'aura  que  des 
variations  insignifiantes  pour  les  premières;  et,  si  pour  accuser,  au  contraire,  les  variations  faibles  on 
grandit  l'échelle,  les  valeurs  considérables  prennent  des  dimensions  exagérées. 

On  a  là  quelque  chose  d'analogue  à  ce  qui  se  passerait  dans  un  profil  en  long  de  terrain  qui  comprea- 
drait  à  la  fois  des  régions  de  plaines  et  des  contrées  fortement  accidentées,  telles  qu'un  passage  des 
Alpes,  par  exemple.  Si  pour  la  plaine,  avec  des  hauteurs  décuples  des  longueurs,  ainsi  que  les  ingé- 
nieurs le  font  généralement,  on  établissait  les  ordonnées  à  l'échelle  de  1  millimètre  pour  1  mètre,  celles-ci 
prendraient,  quand  le  profil  coupe  les  Alpes,  des  hauteurs  de  2  mètres,  3  mètres  et  -4  mètres,  c'est-à- 
dire  des  dimensions  absolument  disproportionnées.  Or,  certains  phénomènes  statistiques,  la  population  à 
l'hectare,  par  exenjple,  varient  dans  des  proportions  aussi  fortes  que  les  altitudes  topographiques. 

11  y  a  donc  là  une  sorte  d'infirmité,  spéciale  aux  représentations  graphiques,  qui  est  dans  la  nature 
des  choses,  et  qu'il  ne  faut  pas  essayer  d'esquiver.  Les  statisticiens  ne  sont  pas  les  seuls  à  en  souffrir. 
Le  meilleur  remède  est  d'avoir  un  champ  pour  les  valeurs  faibles,  un  autre  pour  les  fortes,  avec  échelles 
différentes  d'un  cas  à  l'autre. 


—  174 


que,  sans  bien  nous  in(|uiéter  de  savoir  si  nos  données  hypothéli(|ues  sont  usuelle- 
menl  employées  ou  non,  ce  qui  importe  peu  pour  noire  inveslinalion  graphique. 
Ima{,nnons  que  l'on  donne,  pour  un  lieu  délerminé,  et  une  série  de  jouis: 

1.  La  tempéralure  maximum  diurne  observée; 

2.  La  hauteur  des  eaux  d'une  rivière  à  midi; 

3.  La  moyenne  température  diurne; 

4.  La  moyenne  hauteur  diurne  des  eaux  de  la  rivière  susvisée. 
Il  s'agit  de  construire  les  quatre  graphi(|ues. 

Les  données  1  et  2  ne  concernant  qu'un  instant  indivisible  de  chaque  jour,  les 
ordonnées  qui  s'y  rapportent,  élevées,  dans  ciia(|ue  segment  diurne,  par  les  points 
correspondants  à  l'heure  de  l'observation,  doivent,  logii|uemenl,  être  considérées 
comme  des  éiémenls isolés.  Les  données  Set  4,  au  contraire,  embrassent,  chacune, 
toute  la  période  diurne  ;  elles  doivent,  par  ce  motif,  constituer  des  colonnes  juxta- 
posées ayant  pour  base  les  segments.  Et  cette  solution  ne  résulte  pas  de  ce  que  les 
données  3  et  4  représentent  des  moyennes,  mais  bien  de  la  raison  (|ue  nous  indi- 
quons. 

Ces  bases  établies,  et  les  longueurs  voulues,  |)Our  les  ordonnées  isolées;  les 
hauteuis  voulues,  pour  les  colonnes,  ayant  été  portées  à  leurs  places  respectives, 
comment  terminer  le  tableau  par  le  haut? 

Pour  les  graphi(pies  S  et  4  (voir  page  suivante),  il  n'y  a  pas  à  hésiter;  c'est  de 
limiter  rhiique  colonne  par  une  horizontale.  Les  proliis  siqiérieurs  seront  des 
escaliers  a.-cendanis  et  de.-cendanis  fermés  d'échelons  |)lus  ou  moins  élevés.  Ce 
n'est  ni  joli  ni  élégant,  mais  c'est  clair;  et,  au  fond,  cela  rend,  giapliii|uement, 
tout  ce  que  fournit,  numériquement,  la  série  des  données.  Toutefois  nous  y  revien- 
drons tout  à  riieure  et  montrerons  qu'on  peut,  dans  certains  cas,  faire  mieux  et 
plus  expressif. 


iir1l  '      li  'I 
'    j 

h  L_ 


ptg.  1. 


Fig.  2. 


Cela  dit,  que  faire  pour  le  graphique  1  ?  Tracera-t-on  des  horizontales,  dans  l'é- 
tendue de  chaque  segment,  par  les  sommets  des  ordonnées?  Gela  n'aurait  pas  de 
sens,  et  exprimerait  même  une  idée  fausse.  L'élément  donné  est  la  température,  à 
un  moment  de  la  joui  née  oîi  elle  atteint  en  général  son  maximum,  c'est-à-dire 
vers  2  heures  et  demie.  Cette  tempéralure  ne  se  maintient  pas  tout  le  jour  pour 
changer  brusquement  à  minuit  :  c'est  cependant  ce  que  semblerait  dire  le  graphi- 
que. Réunira-t-on  par  une  ligne  brisée  les  sommets  des  ordonnées?  Cela  ne  vau- 
drait pas  mieux  et  serait  tout  aussi  faux.  De  chaque  maximum  à  ceux  qui  le  pré- 
cèdent et  le  suivent,  la  tempéralure  s'abaisse  pour  se  relever.  Il  n'y  a  qu'une 
solution  logique,  c'est  de  laisser  les  ordonnées  isolées  parle  haut,  en  les  terminant 
par  un  poinl,  pour  en  bien  marquer  le  sommet,  ainsi  que  le  représente  la  figure  1. 
L'œil  a  ainsi  tout  ce  qu'il  peut  avoir,  sans  que  l'esprit  soit  induit  en  erreur  :  une 


—  175  — 

série  de  points,  les  uns  plus  haut,  les  autres  plus  bas,  lui  disant  comment  varient  en 
intensité  les  maximnnns  succt^ssiCs  de  la  cli:deur  diurne,  en  même  temps  que  la  ra- 
pidité plus  ou  moins  grande  de  ces  variations  ascendantes  ou  descendantes. 

Passons  au  {;raplii(|ne  2.  Ici,  le  cas  n'est  plus  le  même.  Sauf  circonstances  parti- 
culières, que  nous  signalerons,  d'un  midi  à  l'autre  la  rivièie  croît  ou  décroît.  Cette 
marche  peut  ne  pas  être  régulière;  toutefois,  en  joignant  par  des  droites  les  som- 
mets des  ordonnées,  la  ligne  brisée  obtenue  figurera  logiquement  la  marche  du 
phénomène  et  la  croissance  ou  décroissance  continue  des  eaux.  Cependant,  deux 
cas  particuliers  se  présentent.  Entre  deux  midis  successifs,  après  avoir  crû,  la  rivière 
peut  décroître,  ou  récipro(|nement  ;  le  graphique  ne  le  dira  pas.  Au  lieu  d'une  por- 
tion de  profil  se  relevant  ou  s'abaissant  entre  les  deux  midis  successifs,  il  donnera 
une  droite.  La  représentation  du  phénomène  est  faussée. 

Comment  peut-on  parer  à  cet  inconvénient,  et  peindre  plus  exactement  la  marche 
réelle  du  phénomène?  En  faisant  passer  par  la  série  des  points  fournis  par  l'obser- 
vation, non  plus  une  ligne  brisée,  mais  une  courbe  continue,  Joui  les  segments  du 
contour  polygonal  ne  seront  plus  que  des  cordes.  Cette  courbe,  à  laipielle  on  ne 
peut  imposer  d'autre  condition  absolue  (jue  la  continuité,  c'est-à-dire  l'absence  de 
jarrets,  mais  qui,  pour  être  logi(}uement  tracée,  doit  avoir  le  moins  d'inflexions  et 
les  variations  de  courbure  le  mieux  graduées  possible,  s'adapte  au  phénomène  d'une 
façon  |)lus  exacte,  surtout  plus  expressive,  que  la  ligne  brisée;  et,  dans  l'exemple 
que  nous  donnons  (fig.  2),  on  voit  que  dans  plusieurs  des  points  où  le  mouvement 
ascendant  ou  descendant  change  de  sens,  la  courbe  s'élève  au-dessus  ou  s'abaisse 
au-dessous  du  segment  de  contour  polygonal  (|u'elle  remplace. 

Cela  veut-il  dire,  toutefois,  d'une  façon  absolue,  que  l'on  obtienne  ainsi  une  courbe 
comfdélement  idenli(pje  à  ce  que  serait  le  diagramme  que  tracerait  directement 
l'eau  elle-même  au  moyen  d'un  appareil  enregistreur?  Non  sans  doute.  Le  diagramme 
contiendrait  probablement  dans  ses  segments  diurnes  des  dentelures  de  détail  plus 
ou  moins  accusées  que  la  courbe  ne  donne  pas  ;  mais,  si  celle-ci  est  logi(jnement 
tracée,  elle  a  toute  chance  de  se  confondre  sans  différence  appréciable  avec  le  dia- 
gramme dont  jl  s'agit. 

Revenons  après  ces  explications  aux  graphiques  3  et  4. 


j 

c 

-A 

r 

V 

/ 

^ 

i:'U 

il. y. 

!             ■'       D      ': 

Fig.  i. 


En  quelque  nombre  que  soient  et  de  quelque  façon  (|u'aient  été  combinées  les 
observations  faites  pour  constater  les  moyennes,  nous  savons,  en  ce  qui  concerne 
le  graphique  3,  (|ue,  dans  chaque  période  diurne,  il  y  a  ascension  de  la  tempéra- 


—  176  — 

ture  de  la  iiuil  au  jour,  et  abaissement,  au  contraire,  du  jour  à  la  nuit.  Un  appareil 
enregisireur  ijui  tracerait  direclemenl  le  diayrauime  des  hauteurs  thermoniélriques 
présenterait,  non  plus  une  courbe  avec  des  dentelures  adventices,  comme  nous 
venons  de  ledire  à  propos  du  cas  précédent,  mais  une  courbe  sinusoïdale  du  genre 
de  celle  que  contient  la  figure  3,  avec  doubles  dentelures  diurnes  se  reproduisant 
périodiquement.  Ce  pourrait  être  un  problème  intéressant  que  de  cliercber  le  ca- 
ractère de  ces  dentelures  lliermo-diurnales,  soit  aux  diverses  saisons  de  l'année,  soit 
dans  le  cours  d'une  année  entière,  soit  pour  une  période  plus  longue  ;  et  celte  re- 
chercbe  faite  d'abord  numériquement  pourrait  donner  lieu  à  la  construction  d'un 
graphique  digne  d'attention,  surtout  avec  la  disposition  polaire.  Mais  le  caractère 
el  les  variations  de  la  dentelure  dont  il  s'agit  ne  sont  pas  censés  avoir  laissé  de 
trace  dans  le  nombre  unique  qui  donne  la  température  moyenne  de  chaque  jour. 
Ce  nombre  ne  dit  pas  (|uels  sont  les  maxima  et  minima  successifs.  Pour  substituer 
aux  horizontales  de  la  figure  S  la  dentelure  sinusoïdale  représentée,  il  faudrait  des 
données  en  dehors  de  la  moyenne,  ce  que  nous  ne  supposons  pas.  Une  telle  substi- 
tution impliquerait  d'ailleurs  que  l'échelle  du  graphique  fut  considérable,  sans  quoi 
la  dentelure  perdrait  tout  caractère.  Enfin  celte  sinusoïde  elle-même  parlerait  moins 
clairement  à  l'œil,  et  n'en  dirait  pas  plus  à  l'esprit  que  les  horizontales  remplacées. 
Il  est  de  beaucoup  plus  logique  et  plus  simple,  dans  l'espèce,  de  rester  dans  le  champ 
strict  des  moyennes  el  de  conserver  tout  .«implement  les  horizontales  qui  les  expri- 
ment. 

Il  n'en  est  pas  de  même  pour  le  graphique  -4.  Ici  nous  n'avons  plus  d'ascensions 
et  d'abaissements  diurnes  périodiques  ;  el,  quoique  la  succession  des  hauteurs 
moyennes  représentée  par  la  série  des  horizontales  ne  présente  rien  de  choquant, 
(|Uoi(iue  ce  soit  même  là  ce  (pii  exprime,  graphiquemenl,  avec  plus  de  précision  que 
toute  autre  chose,  les  hauteurs  moyennes  diurnes  de  l'eau,  seules  données  qu'on 
possède,  on  se  seul  loulcfois  en  présence  d'un  phénomène  à  marche  continue;  les 
moyennes  ne  disent  rien  des  hauteurs  d'eau  aux  diverses  heures  du  jour,  et  il  serait 
plus  expressif,  tout  en  respectant  ces  moyennes,  de  peindre  par  leur  secours  le 
phénomène  dans  toute  sa  réahlé  continue. 

Cela  n'est  pas  impossible  ainsi  que  nous  allons  le  montrer. 

Supposons  le  problème  résolu.  Imaginons  qu'à  l'aide  d'un  nombre  d'observations 
suffisamment  multipliées,  ou  même  d'un  enregistreur  automatique,  on  ait  construit 
un  dessin  ou  obtenu  un  diagramme  donnant  la  courbe  hydromélrique  (fig.  4),elqu'il 
s'agisse  d'en  déduire  les  moyennes  hauteurs  diurnes  de  l'eau. 

11  suffira  pour  cela  de  substituer  à  chacun  des  arcs  de  courbe  compris  dans  les 
divers  segments  diurnes  une  horizontale  qui  laisse  entre  elle  el  la  courbe,  tant  en 
dessus  qu'en  dessous,  des  surfaces  parfaitement  égales.  Cette  égalité  absolue,  qui 
sérail  la  perfection,  ne  peut,  au  vis-à-vis  d'arcs  de  courbe  non  définis  géométri- 
quement, s'obtenir  par  aucun  procédé  rigoureux;  mais,  avec  quelque  attention,  de 
l'habitude  el  un  pelil  nombre  de  notions  géométriques,  on  peut  en  approcher  de 
très  près. 

Quelques  indications  très  élémentaires  peuvent  y  aider. 

A  la  montée  aussi  bien  qu'à  la  baissée  de  l'eau,  tant  dans  les  segments  tels  que 
A  el  A'  où  les  arcs  sont  concaves  vers  le  haut,  que  dans  ceux  tels  que  B  el  B'  où 
ces  arcs  tournent  vers  le  haut  leur  convexité,  l'horizontale  donnant  la  moyenne 
coupe  toujours  l'arc  plus  près  de  celle  des  deux  verticales  au  voisinage  de  laquelle 


—  177  — 

le  mouvement  d'ascension  ou  de  descente  est  le  plus  rapide.  Le  triangle  niixliligne 
contigu  à  cetle  verticale  a  plus  de  hauteur,  et,  quoique  le  sens  de  la  courbure 
réduise  sa  surface  landis  (ju'elle  augmeule  celle  de  l'autre,  c'est,  en  général,  le 
triangle  le  plus  pointu  qui  doit  avoir  une  base  moindre  ;  d'où  suit,  par  voie  de  con- 
séquence, que,  dans  le  cas  des  segments  concaves,  l'horizontale  domine  le  point  de 
la  courbe  à  midi,  tandis  qu'elle  est  au-dessous  de  ce  point  dans  le  cas  des  segments 
convexes. 

Quant  aux  segments  spéciaux,  tels  que  G  et  1),  où  le  mouvement  change  de  sens, 
le  principe  de  la  compensation  par  égalité  des  surfaces  interceptées  subsiste  tou- 
jours. Seulement  le  mesurage  s'applicpie  alors  à  des  surfaces  de  foi'mes  plus  diffé- 
rentes. Ce  sont,  en  général,  deux  triangles  mixlilignes  à  comparer  avec  un  segment 


superficiel  (fig.  5)  enveloppé  par  la  courbe  et  ayant  l'horizontale  pour  base.  Or, 
deux  indications  très  sim|iles  peuvent  faciliter  le  mesurage  comparatif:  la  première 
c'est  que  des  segments  enveloppés  par  dt'ux  courbes  de  même  hauteur,  l'une 
symétrique,  l'autre  non  symélrii|ue,  ne  diffèrent  pas  pour  cela  de  superficie;  la 
seconde  que  l'un  ou  l'autre  de  ces  segments  a  pour  surface  très  approchée  le  produit 
de  sa  base  b  par  les  2/3  de  sa  hauteur  h,  ce  qui  n'est  rigoureusement  vrai  que  lors- 
(|ue  la  courbe  est  une  parabole  du  second  degré,  mais  se  vérifie,  en  général,  à  luie 
très  minime  différence  près. 

Le  résultat  qui  précède  obtenu,  et  étant  démontré  qu'on  peut,  au  moyen  de  la 
courbe  réelle  peignant  le  phénomène,  tracer  les  moyeunes  diurnes  correspon- 
dantes, rien  n'est  plus  simple,  en  renversant  les  termes,  que  de  concevoir  que  l'on 
déduise  des  horizontales  de  la  figure  4  la  courbe  qui  a  servi  à  les  obtenir. 
H  Four  le  tracé  de  celte  courbe,  les  règles  à  suivre  sont  les  mêmes  (pie  celles  in- 
diquées à  propos  du  graphicjue  2  ;  mais,  quoique  dans  ce  deinier  cas  on  possède 
des  points  de  la  courbe,  tandis  que,  dans  le  graphique  4,  ce  secours  fasse  défaut, 
le  mouvement  de  la  courbe  est  ici  plus  étroitement  conditionné  que  dans  le  cas  de 
la  figure  2,  —  et  cela  par  la  nécessité  de  la  compensation  des  surfaces  au-dessus  et 
au-dessous  de  l'horizontale,  dans  chacun  des  segments  diurnes.  Sans  doute  celte 
compensation  peut  s'établir  de  bien  des  façons,  et  nous  en  donnons  un  exemple 
du  côté  gauche  de  la  figure  4.  Mais  la  courbe  sinusoïdale  tracée  en  pointillée  et 

i toutes  celles  du  même  genre  que  l'on  pourrait  intercaler  entre  elle  et  la  courbe  pleine 
pe  satisfont  pas  à  la  condition  essentielle  d'une  marche  continue  du  phénomène; 
loutes  sembleraient  dire  que  le  mouvement  de  montée  ou  de  baissée  s'accélère  la 
nuit  et  se  ralentit  le  jour,  ce  qui  ne  correspond  en  quoi  que  ce  soit  aux  r  éalités  natu- 
relles. Ces  réalités  naturelles  c'est  la  courbe  ACA'BB'D  qui  les  représente  seule  avec 
les  caractères  assignés  ci-dessus  d'avoir  le  moins  d'inflexions  et  les  variations  de 
courbure  le  mieux  graduées  possible  ;  et,  si  le  diagramme  que  tracerait  un  enregis- 
treur présentait  quelques  ondulations  de  détail  non  exprimées  par  elle,  comme  ces 

1"=  SÉRIE.    31'  VOL.  —   s"  6.  \1 


—  178  — 

ondulations  ont  dû  influer  sur  la  détermination  delà  moyenne  diurne,  on  peut  être 
assuré,  dans  l'espèce,  mieux  que  dans  le  cas  du  ^aapliique  2,  que  la  courbe  théo- 
rique laisse  autant  de  ces  ondulations  en  dessus  d'elle  qu'en  dessous,  aulanl  à  sa 
droite  qu'à  sa  gauche. 

Courbes  compensatrices.  —  iNous  donnons  aux  courbes  théoriques  telles  que 
AGA'BB'D  le  nom  de  courbes  compcnsalvices.  (^es  courbes  correspondent  à  une 
notion  essentielle  pour  la  représentation  graphique,  à  la  fois  logique  et  expres- 
sive, de  phénomènes  naturels  ou  statistiques  a  marche  continue,  numériquement 
donnés  par  des  moyennes. 

Le.s  courbes  compensatrices  ont,  jusqu'à  présent,  été  peu  employées  en  statis- 
tique. Nous  pensons  qu'elles  peuvent  rendre  quelques  services.  Mais  il  importe  de 
ne  pas  en  abuser;  surtout  de  ne  pas  les  employer  à  faux.  Elles  ne  s'appliquent 
strictement  qu'au  cas  où  le  phénomène  est  donné  par  des  moyennes  ;  nullement  à 
ceux  analogues  au  cas  de  la  figure  2,  où  l'on  ne  connaît  du  phénomène  que  des 
valeurs  isolées.  La  courbe  substituée  au  tracé  polygonal  dans  cette  dernière  figure 
u  pour  objet  de  remplacer  l'expression  discontinue  et  par  cela  même  nécessairement 
fausse  d'un  mouvement  naturel,  par  une  courbe  dont  les  ondulations  continues  le 
peignent,  selon  toute  probabilité,  avec  plus  d'exactitude.  Mais  cette  courbe  n'est 
pas  pour  cela  compensatrice.  Elle  serpente  autour  du  contour  polygonal,  mais  il 
n'y  a  nulle  raison  pour  chercher  entre  les  segments  qu'elle  laisse  tantôt  d'un  côté, 
tantôt  de  l'autre,  aucune  é(|uivalence,  tandis  que  ce  point  est  essentiel  et  fondamen- 
tal dans  le  cas  de  la  figure  4. 

Quoique  portant,  en  apparence,  sur  des  minimités,  la  question  à  laquelle  ceci 
louche  est  importante.  Nous  croyons  devoir  y  insister  un  peu. 

Prenons  un  exemple  connu.  Empruntons  à  un  opuscule  de  Mr  le  docteur  Jans- 
sens  sur  la  mortalité  de  la  ville  de  Biuxelles  en  1877,  une  portion  (fig.  6)  de  l'un 
des  tracés  graphiques  par  lesquels  il  exprime  le  nombre  des  décès  mensuels  dus  à 
l'une  des  classes  de  maladies  (l'entérite  et  la  diarrhée). 


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Fig.  6. 


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L'auteur  a  placé,  à  l'échelle,  au  milieu  de  chaque  segment  mensuel,  un  point  cor- 
respondant au  nombre  total  de  décès  constatés;  puis  il  a  réuni  ces  points- par  des 


—  179  — 

droites.  On  saisit  parfaitement  ainsi  les  changements  morluaires  en  plus  et  en 
moins  d'un  mois  à  l'autre.  Si  la  figure  ne  comprenait  qu'une  maladie  unique,  des 
points  seuls  en  diraient  autant.  Mais,  comme  celle  figure  en  réunit  plusieurs,  les 
droites  de  jonction,  utiles  dans  tous  les  cas  ()Our  guider  l'œil,  sont  ici  indispen- 
sables; et,  grâce  à  l'emploi  de  traits  pleins  ou  pointillés  (pouvant,  suivant  les  cas, 
être  remplacés  par  des  couleurs),  le  tableau  est  très  clair  et  exprime  bien  ce  qu'il 
veut  dire,  pourvu  qu'on  n'attribue  pas  aux  droites  de  jonction  d'autre  caractère 
que  celui  indiqué. 

Ne  pourrait-on  pas,  toutefois,  chercher  à  remplacerpar  des  courbes  ces  contours 
polygonaux  un  peu  dégingandés,  présentant  des  pointes  aiguës,  et  de  brusques 
montées  et  descentes  qui  ne  correspondent  guère  à  la  marche  des  faits  naturels? 
Dans  l'espèce,  avec  les  données  constitutives  du  tableau,  ce  serait  une  complète 
erreur.  Dans  la  figure  2,  où  nous  avons  substitué  une  courbe  au  polygone,  lessom- 
,  mets  de  ce  dernier  étaient  déterminés  par  une  seule  valeur  numérique  du  phéuo- 
!  mène,  correspondant  exactement  à  la  place  occupée  par  l'ordonnée  sur  l'abscisse. 
Dans  le  cas  de  la  figure  6,  rien  de  semblable.  Les  ordonnées  sont  obtenues  par 
totalisation,  et  c'est  conventionnellement  qu'elles  sont  placées  au  milieu  du  segment 
'  mensuel.  Une  courbe  sinueuse  qui  rattacherait  leurs  sommets  serait  un  contresens. 
Ces  ordonnées  pourraient,  sans  doute,  être  considérées,  si  les  mois  étaient  tous  d'égale 
longueur,  comme  représentant  à  peu  près  des  moyennes;  il  n'y  aurait  là  qu'une 
différence  d'échelle,  mais  alors  le  tracé  des  courbes  à  substituer  au  polygone  ne 
consisterait  pas  à  réunir  ces  sommets;  il  relèverait  du  cas  de  la  figure  4  ci-dessus, 
non  de  celui  de  la  figure  2,  et,  pour  montrer  la  différence,  il  nous  a  semblé  utile 
d'en  donner  l'application  sur  la  figure  6  elle-même. 

Dans  le  bas  de  cette  figure,  à  une  échelle  décuple  du  tracé  original,  sont  repré- 
sentées les  moyennes  mensuelles  par  des  horizontales,  et  la  sinusoïde  mortuaire  est 
tracée,  d'après  celles-ci,  au  moyen  de  courbes  compensatrices.  Les  ordonnées  de 
cette  sinusoïde  ne  représentent  plus  que  des  décès  journaliers  dont  la  somme,  pour 
un  même  mois,  rétablirait  les  totaux  de  la  figure  originale;  et  l'on  aurait  ainsi  une 
image  approchée  des  mouvements  mortuaires  diurnes  lius  à  la  maladie  considérée. 
Dans  les  cas  oà  ce  dernier  objet  présenterait  une  importance  maniuée,  le  tracé 
courbe  vaudrait  mieux  que  l'autre.  M;iis,  pour  le  but  poursuivi  par  le  docteur  Jans- 
sens,  c'eût  été  tomber  dans  des  complications  inutiles.  Avec  plusieurs  maladies 
réunies  dans  le  même  cadre,  les  courbes  se  seraient  enchevêtiées  ;  le  tracé  poly- 
gonal par  totaux  mensuels,  parfaitement  clair  et  très  simple,  valait  mieux.  Un  pi'o- 
cédé  n'est  bon  qu'à  sa  place.  C'est  le  cas  des  tracés  courbes,  et  il  faut  surtout  se 
garder  de  les  employer  illogiquement  et  à  faux. 

Nous  ap|diquerons  cette  conclusion  aux  diagrammes  symétriques  ou  quasi-symé- 
triques, si  élégants  en  général,  analogues  à  ceux  que  consacre  à  certains  phéno- 
ènes  de  population  et  de  mortalité  l'Album  de  statistique  graphi(iue  du  ministère 
n  Commerce.  Dans  cet  album,  la  séparation  par  sexes  suflit  pour  donner  j  ces 
iagrammes  des  formes  esthétiquement  très  satisfaisantes;  et,  lorsqu'iutervient  la 
istinction  par  état  civil,  les  figures  inscrites  l'une  dans  l'autre  conservent  encore 
n  galbe  attrayant,  en  même  temps  que  l'œil  saisit  facilement  les  rapports  numé- 
ques  que  les  figures  mettent  en  évidence.  Seulement,  ces  diagrammes  sont  dressés 
'après  des. moyennes  quinquennales.  De  là,  des  redans  que  des  courbes  compensa- 
ices,  faciles  à  tracer  et  parfaitement  à  leur  place  ici,  feraient  disparaître.  L'auteur 


-  180  — 

de  l'album  a  songé  à  celle  subslitulioii  ;  nous  l'avons  constaté  à  l'Exposition,  et 
l'avons  nous-même  essayé.  Avec  du  soin,  dans  les  cas  simples,  on  obtient  des 
formes  liés  gracieuses;  dans  les  cas  complexes,  là  où  trois  courbes  devraient  mar- 
cher parallèlement,  ce  serait  notablemeni  plus  difficile  et  moins  satisfaisant  ;  dans 
tous,  nous  croyons  que  la  substitution  doit  èlre  écartée.  L'avantage  ne  compense- 
rail  pas  les  inconvénients.  L'œil  suit  sans  fatigue  les  gfadins  échelonnés,  en  saillie 
ou  en  retraite,  de  deux  tranches  successives  qui  décroissent  ou  s'allongent  ;  et,  dans 
les  cas  complexes,  il  saisirait  beaucoup  moins  bien,  avec  des  contours  courbes,  les 
rapports  de  grandeur  des  catégories  distinctes  composant  chaque  tranche.  Pour  un 
efl'et  d'ensemble,  il/aul  conserver  les  gradins.  Il  en  serait  autrement  si  l'on  tenait  à 
représenter,  non  plus  par  périodes,  mais  continuement,  la  marche  du  phénomène. 
Les  courbes  alors  seraient  à  leur  place  ;  seulement,  elles  diraient  autre  chose  que 
ce  que  l'auteur  a  voulu  exprimer. 

En  résumé,  pour  la  seconde  classe,  dans  le  système  orthogonal,  la  spontanéité 
nous  parait  avoir  heureusement  fait  son  œuvre.  Elle  a  été  guidée  par  le  besoin  de 
simplicité  et  de  clarté.  C'étaient  là  les  meilleuis  guides.  La  notion  des  courbes 
compensalrices  peut  lui  rendre  quelques  services  à  condition  de  recevoir  un  em- 
ploi judicieux.  Au  total,  la  statistique  graphi(|ue  est  en  bonne  voie,  pour  les  figura- 
lions  de  la  seconde  classe.  A  peine  aurions-nous  quelques  mots  à  ajouter  sur  les 
ordonnées  négatives.  Mais  nous  retrouverons  tout  à  l'heure,  à  propos  de  la  troi- 
sième classe,  cette  question  (|ui  y  prend  plus  d'importance. 

Graphiques  à  coordonnées  polaires.  —  Ce  système,  avec  ses  angles  et  ses 
rayons  vecteurs,  est  aussi  connu  et  presque  aussi  appliqué  que  le  système  ortho- 
gonal avec  ses  abscisses  et  ses  ordonnées.  Nous  ne  le  décrirons  pas.  Rien  ne  paraît 
logiquement  s'opposer  à  ce  qu'il  supplée  l'autre  en  toutes  fonctions.  Les  praticiens 
n'en  ont  pas  jugé  ainsi,  et  ils  ont  assigné  aux  coordonnées  polaires  des  emplois 
à  part.  Nous  aurons  nous-même  quelques  réserves  à  faire.  Commençons  par  jus- 
tifier les  praticiens. 

Chacun  reconnaît  que  les  constructions  en  coordonnées  polaires  sont  douées 
d'une  certaine  élégance  décorative.  Elles  sont  expressives,  se  replient  sur  elles- 
mêmes  et  tiennent  peu  de  place.  Cependant  leur  véritable  domaine  n'est  guère  que 
celui  des  représentations  qui,  dans  l'espace,  embrassent  ce  que  les  marins  appellent 
le  tour  du  compas,  et,  dans  le  temps,  comprennent  seulement  un  cycle  entier  : 
heure,  jour,  mois,  ou  année.  Pour  une  période  de  temps  indéterminée,  ou  le  gra- 
phique polaire  ne  comprendrait  qu'une  partie  de  la  circonférence,  ce  qui  serait 
gauche,  ou  il  s'étendrait,  au  contraire,  à  plusieurs  révolutions  circulaires,  et  alors 
les  spires  successives,  ramenées  sur  elles-mêmes,  risqueraient,  sauf  cas  particu- 
liers, de  s'enchevêtrer  el  de  se  confondie,  ce  qui  n'arrive  pas  avec  le  système  or- 
thogonal qui  les  déroule  à  la  suite  les  unes  des  autres. 

Ces  points  posés,  nous  pourrions,  pour  le  système  polaire,  examiner,  quant  aux 
dispositions  à  suivre  pour  terminer  ou  circonscrire  le  graphi(|ue,  les  mêmes  ques- 
tions que  nous  avons  étudiées  ci-dessus  à  propos  des  coordonnées  orthogonales. 
Nous  préférons  raisonner  sur  un  exemple. 

Prenons,  à  cet  cfTet,  l'un  des  diagrammes  polaires  si  frappants  exposés  en  1878 
par  le  docteur  Janssens  déjà  cité,  pour  figurer  les  mortalités  mensuelles  résultant  à 
Biuxelles  de  diverses  causes  dans  la  période  décennale  1864-187ï}.  Il  est  diffi- 


—  181  — 

cile  de  frapper  plus  fort,  et  de  montrer  avec  plus  rréloquenre  la  variété  des  in- 
fluences morbides  des  diverses  saisons  de  l'année.  Voici  la  construction:  sur  les 
bissectrices  de  1!2  secteurs  circulaires  égaux  comprenant  un  cercle  entier  sont, 
pour  chaque  cause  de  mort,  portées,  à  partir  du  centre,  des  longueurs  proportion- 
nelles aux  moyennes  mensuelles  de  la  période.  Les  extrémités  ainsi  déterminées 
des  rayons  vecteurs  sont  unies  par  des  droites,  faisant  de  l'ensemble  un  polygone 
irrégulier;  la  moyenne  générale  annuelle  a  donné  le  rayon  d'une  circonférence 
également  décrite  sur  la  figure;  et  les  surfaces  tant  intérieures  qu'extérieures  au 
cercle  comprises  entre  le  polygone  et  la  circonférence  sont  teintées  de  couleurs 
diflérentes. 

Rien  n'est  plus  frappant  que  le  résultat  ;  est-il  parfaitement  juste  ?  Examinons. 
Avec  le  même  mode  de  construction,  dans  le  système  orthogonal,  des  bandes 
verticales  de  même  largeur  figurant  les  divers  mois,  et  la  moyenne  annuelle,  cal- 
culée de  la  même  façon,  établie  horizontalement  à  la  hauteur  voulue,  les  portions 
de  la  figure  situées  au-dessus  de  l'horizontale  et  celles  situées  au-dessous  présen- 
teraient une  étendue  superficielle  parfaitement  égale,  ainsi  que  cela  doit  être.  Il 
n'en  est  pas  de  même  dans  le  système  polaire.  En  s'éloignantdu  centre  les  secteurs 
s'élargissent,  et,  si,  quant  aux  rayons  vecteurs,  la  somme  des  segments  en  dedans 
de  la  circonférence  est  égale  à  celle  des  segments  en  dehors,  les  surfaces  inté- 
rieures sont  forcément  moindres  que  les  surfaces  extérieures.  En  rendant  la  figure 
expressive  et  frappante,  on  l'a  faussée.  Les  circonstances  défavorables  sont  exa- 
gérées au  déUiment  des  favorables. 

Cela  tient-il  au  mode  de  formation  du  contour  polygonal  ?  Non.  Ferait-on  passer 
dans  chaque  secteur,  des  arcs  de  cercle  par  les  extrémités  des  rayons  vecteurs,  qui 
représentent  des  moyennes,  ce  serait  un  peu  plus  logique,  mais  la  nouvelle  figure  à 
périmètre  discontinu,  ainsi  constituée,  serait  plus  disgracieuse,  et,  au  point  de  vue 
de  la  compensation  des  surfaces,  on  aurait  plutôt  forcé  qu'atténué  le  manque 
d'équilibre,  qui  est  un  vice  constitutif. 

Il  serait  encore  possible,  facile  même,  de  substituer  à  ce  dernier  contour  une 
courbe  compensatrice.  On  n'y  gagnerait  rien  ;  le  défaut  subsisterait.  Le  seul  moyen 
serait  d'attirer  l'allenlion  exclusivement  sur  les  bissectrices  seules,  et,  pour  cela, 
de  les  laisser  isolées,  en  les  terminant  par  des  points.  Mais  la  figure  perdrait  alors 
toute  expression.  Le  remède  serait  pire  que  le  mal.  Le  mieux  est  de  s'en  fier  à  l'in- 
telligence de  l'observateur. 

Il  n'était  pas  mauvais  peut-être  de  signaler,  pour  cette  circonstance  et  d'autres 
analogues,  im  défaut  qui  peut  s'attacher  aux  figurations  polaires,  et  qui  dépend  de 
leur  expressivité  même.  Il  serait  extrêmement  fâcheux  que  cela  conduisît  à  y  re- 
noncer. Seulement,  il  est  clair  qu'on  ne  peut  absolument  pas  s'en  servir,  comme  on 
le  fait  des  figures  orthogonales  dans  certains  cas,  pour  obtenir  par  des  mesures  de 
superficie  la  valeur  numérique  des  degrés  d'un  phénomène. 

La  troisième  classe,  à  laquelle  nous  allons  passer,  offre  à  notre  élude  un  champ 
plus  vaste. 


18-2  — 


VI. 


Représentations  graphiques  de  la  troisième  dusse.  Cartes  à  courbes  isoplHhes. 

Surfaces  compensatrices. 

Les  caries  slolisiiqnes  par  courbes  de  niveau,  dont  l'intérêt  nous  a  surtout  pro- 
vo(]ué  à  écrire  ces  notes,  ne  sont  qu'un  des  groupes  des  représentations  graphiques 
qui  forment  la  troisième  classe. 

C'est  en  1843  qu'à  roccasion  de  ses  beaux  travaux  de  géométrie  anamorpliique, 
dont  l'utilité  a  été  si  grande,  .M.  Léon  Lalanne  a|)pliqua,  pour  la  première  fois,  à 
une  question  niétéorologiijue  le  principe  génér.d  de  l'expression  graphique  d'une 
table  à  double  entrée  (1);  et  c'est  plus  tard,  en  1845,  qu'il  fit  connaître  à  l'Académie, 
sans  l'appuyer  d'un  exemple,  l'application  possible  de  ce  principe  à  des  caries  statis- 
tiques de  la  population,  application  (|ue  nous  crûmes  imaginer  nous-même  près  de 
trente  ans  plus  tard. 

Toutes  les  représentations  possibles  auxquelles  conduit  l'idée  dont  nous  venons 
de  parler  rentrent  dans  le  présent  chapitre.  Klles  ne  constituent  en  réalité  que  deux 
groupes  principaux  distincts.  Pour  l'un  de  ceux-ci,  les  deux  coordonnées  horizon- 
tales ,  empruntées  à  l'espace  ou  au  temps,  qui  peuvent  se  segmenter  en  parties 
égales,  constituent,  pour  la  surface  que  détermine  la  troisième  coordonnée,  une 
base  à  contour  régulier,  régulièrement  découpée  elle-même.  Pour  l'autre  groupe 
principal,  les  coordonnées  sont  empruntées  à  des  circonscriptions  géographiques. 

Les  constructions  issues  du  premier  groupe  sont  peu  nombreuses.  On  pourrait, 
pour  certains  usages,  constituer  par  leur  moyen  des  abaques  utiles,  mais  cela  est 
en  dehors  de  notre  examen.  Elles  n'ont,  à  notre  connaissance,  joué  jusqu'à  présent 
aucun  rôle  en  statistique  (2).  Nous  les  laissons  de  côté,  pour  ne  traiter  que  du 
second  groupe  :  celui  des  cartes  statistiques  proprement  dites. 

A  ce  propos,  avant  d'entrer  dans  le  sujet,  un  point  essentiel  est  à  vider. 

Dans  la  statistique  graphique,  on  fait  le  plus  fréquent  usage  de  cartes  simplement 
teintées  dont  quelques-unes  rendent  les  plus  grands  services.  Rentrent-elles  dans 
la  troisième  classe?  Par  le  procédé,  nous  ne  le  croyons  pas  ;  par  le  résultat,  il  nous 
semble  que  si.  Nous  allons  nous  expliquer. 

Nous  avons,  dès  le  début,  distingué  le  dessin  de  la  couleur,  et  marqué  à  celle-ci 
un  rôle  utile  mais  essentiellement  subordonné.  Dans  les  cartes  teintées  cet  élément 
accessoire  joue  un  rôle  principal.  Nous  sommes  néanmoins  d'avis  d'admettre  cet 
élément,  à  condition  qu'il  soit  bien  employé. 

On  a  fait  autrefois  des  cartes  statistiques  où,  pour  exprimer  l'intensité  vaiiable 
du  phénomène  à  représenter,  on  recourait  soit  à  des  couleurs  différentes,  auxquelles 

(1)  Méthodes  graphiques,  par  M.  Léon  Lalanne,  1S78. 

(2)  Nous  avons  toutefois  mis  sous  les  yeux  de  la  réunion  une  carte  par  courbes  de  niveau  du  mouve- 
ment des  marées  au  Havre,  pendant  le  mois  de  septembre  1877,  extraite  de  l'opuscule  déjà  cité  de 
M.  Léon  LalSnne  sur  les  Méthodes  (/raphiques.  Cette  carte,  avec  l'aide  rie  teintes  plates  graduées  par 
zones  de  hauteurs  successives,  produit  l'effet  le  plus  fr^ipant. 

Nous  avons  également  montré  i  la  réunion  comme  obtient  la  figuratio'i  d'un  paraboloide  hyper- 

bolique {z  =  xy,  à  l'aide  de  courbes  de  niveau  tr  h  une  table  de  l'ythagure,  en  supposant  que 

les  nombres  inscrits  au  certre  des  carreaux  représentent  les  hauteurs  de  verticales  élevées  en  ces  points. 


—  183  — 
on  attribuait  conventionneliement  certaines  valeuz's  déterminées,  soit  à  des  grisés, 
d'intensité  identique  ou  analogue,  obtenus  par  des  combinaisons  de  iiachures,  pa- 
rallèles ou  croisées,  et  de  points.  Celait  là  une  période  d'initiation  rudimentaire, 
dont  il  est  à  peine  besoin  de  faire  la  criliijue.  Aucune  raison  pour  faire  exprimer 
au  rouge  une  valeur  numérique  supérieure  au  bleu,  plutôt  que  de  faire  l'inverse, 
ou  pour  mettre  le  jaune  au-dessus  du  vermillon,  au  lieu  de  le  placer  en  dessous. 
C'étaient  là  des  conventions  incomprébensibles  sans  le  secours  incessant  de  la  lé- 
gende. Or,  qu'est-ce  qu'une  langue  qu'on  ne  peut  lire  sans  avoir  à  chaque  mot 
recours  au  glossaire  ? 

Si  les  cartes  teintées  en  étaient  restées  à  cette  phase,  elles  n'auraient  vérilable- 
nient  pas  place  ici.  Elles  ont  beaucoup  [irogressé  depuis. 

Aux  teintes  purement  conventionnelles  on  a  substitué  des  teintes  nuancées  d'in- 
tensité crois.^ante,  ou,  quand  on  ne  pouvait  faire  mieux,  des  grisés  s'élevant  gra- 
duellement du  blanc  au  noir  ;  et  la  question  a  dès  lors  changé  de  face.  D'après  les 
images  de  la  langue  d'emploi  le  plus  courant,  dans  les  nuances  croissantes  ou  dé- 
croissantes d'une  même  couleur  l'esprit  voit,  comme  d'intuition,  quelque  chose  qui 
s'élève  ou  s'abaisse  :  une  échelle  de  coideurs  c'est  comme  une  série  d'éléments  li- 
néaires superposés  ;la  couleur  employée  d'une  certaine  manière  devient  une  dimen- 
sion. Par  ce  côté,  les  figurations  à  teintes  graduées  rentrent  légitimement  dans  le 
graphique.  Le  tout  est  de  faire  de  la  couleur  un  bon  usage. 

Malheureusement,  le  moyen  n'offre  que  peu  de  ressources.  Une  droite  se  seg- 
mente à  l'infini.  La  couleur  ne  comporte  qu'un  petit  nombre  de  divisions.  L'œil  le 
plus  exercé  ne  peut  guère  saisir,  dans  une  même  couleur  graduée,  que  six  nuances 
distinctes;  le  coloriste  le  plus  habile,  muni  des  couleurs  les  plus  fines,  n'en  peut 
produire  davantage.  De  là  une  grande  pauvreté  de  moyens.  On  a  tonlefois  fait, 
dans  ces  derniers  temps,  par  l'emploi  des  teintes  graduées,  des  cartes  extrêmement 
remarquables  et  du  plus  haut  intérêt,  au  nombre  desquelles  nous  citerons  la  plu- 
part de  celles  de  ce  genre  que  contient  l'Album  destatisiiquegraphiquedu  ministère 
du  Commerce. 

Nous  ne  voudrions  pas  trop  nous  étendre  ici  sur  la  question  des  cartes  à  teintes 
graduées  qui  n'esl  pour  nous  que  secondaire.  Nous  croyons  toutefois  devoir  en  dire 
quelques  mots  de  plus. 

Du  moment  que  les  colorations  graduées  entrent  dans  le  domaine  de  la  géomé- 
trie, elles  doivent  en  accepter  les  lois  sévères.  A  des  teintes  graduées  par  degrés 
égaux,  —  c'est  là  le  but  cherché  par  celui  qui  les  emploie,  —  doivent  correspondre 
des  ascensions  numériquement  égales  ;  il  faut  construire  en  cons.équenceles  échelles 
ou  diapasons  de  teintes.  Les  auteurs  ne  s'assujettissent  pas  toujours  à  cette  règle, 
(|ui  est,  |)Our  ainsi  dire,  de  probité  scientifique  et  de  bonne  foi.  Voici  trois  teintes 
graduées  conliguës.  Ma  vue  et  mon  esprit  s'élèvent  avec  elles  d'un  pas  égal.  Or  les 
ascensions  réelles  correspondantes  du  phénomène  sont  2,  i  et  3.  Je  suis  induit  en 
erreur;  la  représenlalion  est  fausse. 

Il  n'est  pas  toujours  facile,  il  est  quelquefois  même  impossible,  sans  tomber 
dans  des  fractionnemcnls  numériques  inadmissibles,  de  bien  régler  une  échelle 
de  teintes.  Ce  n'est  pas  une  raison  pour  ne  pas  faire  effort  pour  y  parvenir.  L'indi- 
gence du  moyen  en)ployé  est  un  obstacle  et  une  excuse.  Ces  deux  circonstances  ont 
conduit  les  auteurs  des  cartes  à  teintes  graduées,  pour  se  procurer  des  échelles 
plus  étendues,  à  recourir  à  deux  couleurs  au  lieu  d'une  seule,  en  appliquant  cha- 


—  18/*  — 

cime  H  lieux  phases  inverses  du  phénomène  à  représenler.  Il  vaut  ici  la  peine  d'en 
dire  un  mol. 

Pour  tons  les  phénomènes  qui  impliquent,  soit  d'après  la  nature  des  choses,  soit 
d'après  des  conventions  universellement  admises,  une  inversion  de  sens  bien  carac- 
lérisée,  rien  n'est  plus  légitime  que  l'emploi  de  deux  couleurs.  La  perte  et  le  gain, 
la  recette  et  la  dépense,  le  chaud  et  le  froid,  la  profondeurau-dessous  et  la  hauteur 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer  sont  dans  ce  cas.  C'est  le  positif  et  le  négatif  mis  en 
opposition;  le  plus  et  le  moins  de  l'algèbre.  Mais  on  a  été  plus  loin.  Dans  un  même 
phénomène  continu,  lel,  par  exemple,  que  l'inlensiléspéciliquede  la  population,  qui 
ne  comporte  pas  de  sens  négatif,  on  a  pris  pour  situation  déterminative  de  l'inver- 
sion de  sens  la  moyenne  générale  du  phénomène.  Cela  est  purement  conventionnel, 
mais  n'est  pas  arbitraire  ;  et  l'indigence  du  moyen  justilie  pleinement  qu'on  ait  re- 
cours à  cet  expédient. 

r.eci  nous  amène  à  un  point  de  la  question  qui  a  soulevé  des  controverses,  et 
dont  nous  ne  voulons  dire  qu'un  mot.  Kn  acceptant  l'emploi  de  deux  couleurs, 
quelques  auteurs  ont  cru  devoir,  dans  chacune  des  régions,  faire  marcher  les  nuan- 
ces dans  le  même  sens,  au  lieu  de  leur  imprimer,  comme  le  veut  la  logique,  une 
marche  inverse.  Du  moment  que  l'inversion  du  froid  au  chaud,  par  exemple,  eslad- 
mise,  on  compte  les  degrés  de  i'roid  et  de  chaleur  en  sens  inverse  à  partir  du  zéro 
conventionnel.  De  même,  quand  on  intervertit  volontairement  le  sens  d'un  phéno- 
mène, à  partir  de  sa  valeur  moyenne,  c'est  de  cette  valeur  moyenne  qu'on  doit 
comjiter  aussi  bien  en  dessus  qu'en  dessous.  D'un  côté,  vers  le  haut,  sont  les  excé- 
dents ;  de  l'autre,  vers  le  bas,  les  insuffisances.  Celles-ci  croissent,  en  leur  qualité 
d'insuffisances,  non  pas  à  mesure  qu'elles  se  rapprochent,  mais  à  mesure  qu'elles 
s'éloignent  de  la  moyenne.  Ceci  est  élémentaire. 

Quoiqu'il  en  soit,  des  cartes  constituées  comme  il  vient  d'être  dit,  dans  lesquelles 
une  confusion  naissait  de  la  rnijc  en  contact  de  la  nuance  la  plus  forte  de  l'une  des 
teintes  avec  la  plus  faible  nuance  de  la  seconde,  ont  fait  croire  à  la  nécessité  d'une 
zone  moyenne  bien  distincte;  et,  pour  celte  zone,  quelques  auteurs  ont  adopté,  soit 
une  teinte  spéciale,  soit  d'autres  dispositions  plus  compliquées. 

En  rentrant  dans  la  vérité,  l'existence  d'une  telle  zone  n'est  pas  indispensable.  Si 
on  la  juge  nécessaire,  elle  se  trouve  naturellement  formée,  —  à  la  rencontre  des 
deux  couleurs  qui  s'en  rapprochent  en  se  dégradant,  —  par  la  zone  blanche,  leur 
limite  commune,  comprenant  les  valeurs  les  plus  rapprochées  de  la  moyenne. 
L'album  déjà  visé  du  ministère  du  Commerce  montre  quel  heureux  parti  on  peut 
tirer  de  cette  disposition. 

Quels  qu'en  soient  le  mérite,  la  valeur  et  l'utilité,  ces  figurations  coloriées  ne  peu- 
vent s'appliquer  strictement  qu'à  des  circonscriptions  territoriales.  Chaque  nuance  est 
obligée  de  se  renfermer  étroitement  dans  l'une  d'elles.  Rien  de  mieux,  quand  c'est 
à  ces  circonscriptions,  au  département  par  exemple,  que  l'étude  se  rapporte.  Mais 
elles  n'expriment  qu'imparfaitement  la  répartition  continue  et  graduelle  d'un  phé- 
nomène donné  pour  tout  un  territoire,  indépendamment  des  circonscriptions  qui  le 
divisent.  C'est  à  cette  fonction  que  sont  spécialement  propres,  au  contraire,  les 
caries  par  courbes  de  niveau. 

Cartes  par  courbes  isoplèlhes.  —  Chacun  sait  ce  qu'est  une  courbe  de  niveau. 
Nous  ne  les  définirons  pas.  M.  Lalanne,  envisageant  d'un  point  de  vue  tout  à  fait 


—  185  — 

général  les  surfaces  dont  ces  courlies  servent  à  représenter  les  formes,  les  appelait 
courbes  d'égal  élément.  11  a  depuis  emprunté  à  un  écrivain  allemand  un  mot  qu'il 
a  jugé  bien  fait,  celui  des  courbes  isoplètltes(\).  Nous  sommes  du  même  avis,  et 
nous  en  ferons  usage  comme  synonyme  de  courbes  de  niveau. 

Abordons  la  génération  des  cartes  que  nous  voulons  décrire. 

Imaginons  un  pliénomène  quelconque  observé  sur  divers  points  d'un  territoire 
donné.  Des  nombres  en  représentent,  pour  chaque  point,  suivant  les  cas,  l'inten- 
sité spécifique  ou  absolue.  Pienons  une  carte  du  territoire  où  sont  figurés  les 
points  d'observation,  el,  plaçant  la  carte  horizontalement,  élevons  par  chacun  de  ces 
points  des  verticales  de  hauteur  proportionnelle  aux  nombres  déduits  de  l'obser- 
vation. Si  ces  verticales  sont  assez  serrées,  une  enveloppe  souple,  suffisamment 
élastique  et  rétractile,  s'appuyant  sur  leurs  extrémités  constituera  une  surface  ma- 
melonnée présentant  des  talus,  des  sommets  et  des  creux,  des  vallées  et  des  lignes 
de  faîie,  analogues  à  ceux  d'un  relief  topograpliique,  el  susceptibles,  comme  les 
mouvements  de  ce  dernier,  d'être  représentés,  sur  la  carte  servant  de  base,  au 
moyen  de  courbes  de  niveau.  Plus  les  points  d'observation  seront  multipliés,  plus 
les  ordonnées  seront  rapprochées  et  leurs  sommets  nombreux,  mieux  les  acci- 
dents de  détail,  mieux  les  ondulations  partielles  se  manilesieront  sur  la  surlàce.  Et 
l'analogie  est  ici  complète  avec  ce  que  fait  vis-à-vis  du  terrain  le  géographe  qui,  lui 
aussi,  représente  la  plastique  du  sol  dans  sa  continuité,  quoiqu'il  n'en  ait  relevé 
qu'un  certain  nombre  de  points,  mais  qui  peut  en  exprimer  d'autant  mieux  les 
détails  et  les  reliefs  minimes  que  les  points  relevés  sont  plus  multipliés. 

Imaginons  que  l'on  connaisse,  pour  chaque  commune  de  France,  des  faits  natu- 
rels ou  démographiques  tels  que  les  suivants  :  la  moyenne  température  de  l'année; 
la  moyenne  hauteur  pluviomélri(|ue  annuelle;  la  population  spécifique;  le  nombre 
spécifique  annuel  des  naissances,  des  mariages,  des  morts  entre  tels  et  tels  âges, 
les  nombres  correspondants  permettront  de  construire,  pour  la  France,  des  cartes 
thermoméiriques,  pluviométriques,  natalitaires,  matrimonialitaires  et  mortalitaires 
de  diverses  catégories. 

Pour  qui  connaît  les  procédés  que  le  géographe  emploie  pour  déduire,  d'un 

t  certain  nombre  de  points  du  sol  d'altitude  connue,  les  courbes  de  niveau  dont  la 
projection  sur  le  plan  de  la  carte  en  exprime  les  mouvements  lopographiques,  rien 
n'est  plus  facile  et  plus  simple  que  de  concevoir  la  construction  des  cartes  natura- 
f  logiques  et  démographiques  que  nous  venons  d'indiquer.  Et  quant  aux  dispositions 
(Complémentaires  à  prendre  pour  rendre  chacune  d'elles  suffisamment  expressive 
suivant  son  objet,  cela  constitue  un  autre  problème  important,  quoique  secondaire, 
^que  les  géographes  ont  résolu  et  résolvent  chaque  jour  à  leur  manière,  et  qui 
correspond,  en  statistique,  à  des  exigences  spéciales  dont  nous  dirons  quelques 
mots. 

Il  n'y  a,  pensons-nous,  personne  qui  puisse  repousser  la  conception  que  nous 
venons  de  présenter;  elle  contient,  en  essence,  la  théorie  des  caries  statistiques 

Ipar  courbes  de  niveau  tout  entière. 
Cependant  des  objections  naissent  ou  subsistent.  Nous  allons  chercher  d'où  elles 
viennent,  et  montrer  comment  la  théorie  y  répond. 
Le  géographe,  avons-nous  dit,  trace  ses  courbes  de  niveau  d'après  un  certain 


(1)  Iio;,  égal,  et  -Xr,Oo;.  valeur,  quantité. 


—  186  — 

nombre  de  points  connus  du  sol.  Seulement,  les  points  (i'nprès  lesquels  il  opère 
sont  bien  des  points  du  sol  lui-même,  et,  à  moins  d'une  inintelliprence  absolue  de 
son  métier,  ces  points  auront  été  cboisis  dans  des  situations  caracléristiques  déter- 
minées. En  outre,  en  cas  de  besoin,  la  vue  du  terrain  lui  permet  de  préciser  cer- 
tains détails  que  les  points  de  pHssajre  des  courbes  ne  suffisent  pas  à  signaler. 

Pour  vos  conslrur.tions  idéales,  objeutera-t-on,  vous  n'êtes  pas  du  tout  dans  les 
mêmes  conditions.  Lorsque  les  points  connus  sont  très  multipliés,  comme  dans 
l'hypoihès^e  de  données  commune  par  commune,  nous  fiouvons  admettre  la  simi- 
litude. Mais,  le  plus  souvent,  les  données  fournies  par  la  statisli(|ue  sont  dos 
moyennes  se  rapportant  à  des  circonscriptions  territoriales  plus  étendues.  Dans  ce 
cas,  d'après  ce  que  vous  avez  dit  vous-même,  ce  qui  exprime  exactement  le  fait  na- 
turel ou  statistique  enregistré  ce  n'est  pas  une  portion  de  surface  lopographi(|ne- 
ment  mouvementée,  mais  un  plan  horizontal  parallèle  à  la  base  de  la  carte  ;  de 
telle  sorte  que  nous  sommes  conduits  à  concevoir,  non  la  surface  que  vous  nous 
dites,  mais  les  sommets  horizontaux,  échehumés  à  des  hauteurs  différentes,  d'une 
série  de  prismes  droits  ayant  pour  bases  les  circonscriptions  géographiques  aux- 
quelles les  moyennes  se  rapportent.  De  plus,  ces  moyennes  ne  correspondent  pas 
à  des  régions  naturelles,  mais  bien  à  des  circonscriptions  administratives;  vous 
n'avez  rien  là  qui  ressemble  aux  points  caractéristiques  choisis  par  le  géographe. 
Enfin  la  carte  idéale  à  construire  est  un  territoire  inconnu  qui  ne  peut  vous  servir 
à  combler,  de  visu,  les  lacunes  que  peuvent  présenter  les  points  donnés.  La  cons- 
truction de  vos  cartes  est  donc  le  plus  souvent  insuffisamment  déterminée;  elle 
relève  de  la  fantaisie  ;  peut  nous  conduire  à  l'erreur,  et  nous  leur  préférons  nos 
cartesà  teintes  conventionnelles  ou  graduées  par  circonscriptions,  suivant  l'intensité 
queprend  sur  chacune  le  phénomène  à  représenter.A(|uoi((uel(|ues-uns  deceux  qui 
ont  pénétré  plus  avant  dans  le  sujet,  sans  en  admettre  le  caractère  rationnel,  ajou- 
tent :  on  peut  bien  concevoir,  nous  le  savons,  qu'on  transforme  l'espèce  de  pavé 
des  géants  formé  par  la  série  des  bases  supérieures  des  prismes  en  une  surface 
continue  ;  nous  savons  même  qu'il  suffira  pour  cela  d'abattre  les  arêtes  et  les  angles 
saillants  de  ce  pavé  raboteux,  et  d'en  combler  les  angles  rentrants.  Mais  qu'est-ce 
qui  nous  guidera  dans  cette  opération  ?  En  sommes-nous  plus  avancés? 

Ce  Sont  bien  là,  pensons-nous,  les  objections  faites  dans  toute  leur  force.  C'est  à 
la  dernière  que  nous  allons  répondre.  Sa  solution  donne  la  clef  de  tout  le  reste. 

Sans  doute,  on  ne  connaît,  numéri(|uement,  qu'une  chose,  la  valeur  des  moyennes 
par  circonscriptions,  et,  graphiquement,  que  la  situation  des  bases  supérieures 
horizontales  des  prismes  droits  qui  y  correspondent.  Mais,  le  volume  de  ces 
prismes  se  trouve  ainsi  déterminé,  et,  d'après  la  façon  dont  les  moyennes  sont 
obtenues,  on  sait  que  le  volume  de  chaque  prisme  est  absolument  égal  à  celui  du 
faisceau  d'éléments  constilutils  correspondants.  Or  les  éléments  constitutifs  dont 
nous  venons  de  parler,  inégaux  au  début  et  ramenés  à  l'égalité  dans  la  moyenne, 
avaient  auparavant  leurs  sommets  sur  la  surface  cherchée.  Cette  surface  jouit 
donc  de  cette  propriété  essentielle  et  fondamentale  qu'entre  elle  et  la  base  supé- 
rieure de  chaque  prisme  droit,  il  doit  y  avoir  autant  de  volume  en  moins  que  de 
volume  en  plus.  La  surface  cherchée,  en  un  mot,  est  par  rapport  à  chacun  des 
prismes  une  surface  compensatrice,  pleinement  analogue  avec  trois  dimensions  à 
ce  que  nous  avons  dit  précédemment,  pour  deux  dimensions,  des  courbes  compen- 
satrices. 


-  187  — 

Le  problème  graphique  à  résoudre  pour  substituer  au  pavé  inégal  formé  par  le 
sommet  des  prismes  droits  une  surface  continue,  ne  présentant  ni  jarrets  ni  bri- 
sures, n'ayant  pas  d'inflexions  inutiles,  dont  les  courbures  se  succèdent  le  moins 
brusquement  possible,  est  donc,  lliéori(|nenient,  très  déterminé.  Ou  peut  le  juger 
difficile  à  résoudre;  être  impuissant  à  trouver  la  solution;  on  ne  peut  déclarer  que 
celle-ci  n'est  pas  étroitement  conditionnée.  Sans  doule,  ainsi  que  nous  l'avons  dit 
pour  les  courbe*,  il  n'y  a  pas  (|u'uue  surface  cpii  donne  la  solution  ch* reliée;  mais 
parmi  la  myriade  de  celles  qu'on  peut  imaginer,  il  y  en  a  une  qui  satisfait  njieux  que 
toutes  les  autres  au  problème,  sous  des  conditions  qui  n'ont  rien  de  vague  et  dont 
il  est  toujours  possible  de  vérifier  la  bonne  application. 

Ce  serait  ici  le  lieu,  si  nous  traitions  à  fond  le  sujet,  d'expliquer  en  détail  la 
marche  à  suivre  pour  déterminer  par 'le  dessin  ces  surfaces  com(iensalrices  qui 
jouent  dans  la  question  le  rôle  cupilal.  Nous  devons  nous  borner  à  quelques  mots 
rapides  (1). 

Avec  un  peu  d'habitude,  lors(|u'on  a,  dans  les  diverses  circonscriptions  de  la 
carte  plane  où  elles  sont  dessinées,  inscrit  les  nombres  respectifs  qui  expriment  les 
moyennes  du  |)hénomène  représenté,  on  se  fait  assez  facilement  une  idée  appro- 
chée des  mouvements  principaux  de  la  carte  à  reliefs.  Alors,  comme  la  gamme  des 
courbes  à  employer  est  imposée  par  la  nature  du  phénomène  ;  que  ces  courbes 
doivent  être  plus  ou  moins  rapprochées  suivant  l'amplitude  des  écarts  qui  séparent 
les  moyennes,  on  peut,  presque  toujours,  immédiatement,  tracer  avec  une  certaine 
approximation  quelques  unes  d'entre  elles,  ce  qui  donne  une  première  ébauche. 
C'est  sur  cette  ébauche  que  le  travail  est  repris,  et  qu'avec  de  nombreux  profils  lon- 
gitudinaux et  transversaux,  suivant  des  directions  entre-croisées  bien  choisies,  on 
arrive,  au  moyen  de  courbes  compensatrices  substituées  aux  contours  à  redans 
produits  par  la  rencontre  des  limites  des  circonscriptions  et  des  sommets  hori- 
zontaux des  prismes,  à  déterminer,  par  rapport  à  ces  limites,  les  points  de  pas- 
sage de  celles  des  courbes  de  niveau  qui  se  projettent  dans  l'étendue  de  chacune. 

Quelques  observations  élémentaires  facilitent  ce  travail. 

Talus  concaves  ou  convexes,  lignes  de  faîte  ou  de  thalweg,  promontoires  ou  fonds 
de  vallées,  sommets  ou  ombilics,  telles  sont  les  diverses  formes  caractéristiques  que 
peuvent  affecter  les  reliefs  à  saisir.  Pour  les  talus,  de  quehjue  côté  que  leur  con- 
cavité soit  tournée  et  qu'ils  soient  sur  plan  droit  ou  courbe,  pourvu  que  la  cour- 
bure ne  soit  pas  excessive,  un  seul  profil,  normal  à  leur  direction,  suffît  en  général 
pour  déterminer  les  affleurements  ou  points  de  passage  cherchés.  Il  en  est  à  peu 
près  de  même  aux  environs  des  lignes  de  faîte  ou  de  thalweg,  lorsque  les  formes 
de  ces  deux  espèces  ont  une  certaine  continuité  et  ne  sont  pas  de  simples  acci- 
dents. Mais,  pour  les  (jiialre  autres  formes,  surtout  pour  les  deux  dernières,  des 
profils  dans  deux  directions  orthogonales,  avec  recoupements,  quelquefois,  suivant 
des  directions  diagonales,  deviennent  indispensables  ;  et  encore  faut-il  faire  subir 
aux  résultats  obtenus  dans  chaque  direction  par  les  courbes  compensatrices,  des 
corrections  dont  aucune  théorie  géométrique  ne  peut  rigoureusement  préciser  la 
mesure. 

Il  y  a  là  l'intervention  obligée  d'une  sorte  d'art  spécial,  qui  n'est  pas  cependant 


(1)  Dans  une  brochure  :  Cartes  statistiques  à  relief,  publiée  en  1878,  nous  avons  donné  quelques 
indications  pratiques  propres  à  guider  les  personnes  (fui  voudraient  mettre  en  oeuvre  ce  procédé. 


—  188  — 

assez  personnel  pour  ne  pas  pouvoir  s'enseigner,  et  qui  trouve  d'ailleurs  des 
guides  précieux  dans  les  formules  théoriques  qui  donnent  les  volumes  tant  des 
solides  à  faces  planes  et  des  trois  corps  ronds  de  la  géométrie  élémentaire,  que  des 
solides  de  révolution  en  général. 

Après  ces  courtes  explications,  faut-il  conclure  de  ce  que  nous  avons  précédem- 
ment établi  qu'il  soit  indifTérenl  de  dresser  une  carte  statistique  par  courbes  de 
niveau,  d'après  des  moyennes  correspondant  à  des  circonscriptions  plus  ou  moins 
étendues,  comprenant  un  nombre  plus  ou  m)iiis  grand  d'éléments  primaires? 
Il  n'est  pas  besoin  d'avertir  que  ce  serait  là  une  grande  erreur.  Plus  le  champ  d'une 
moyenne  s'étend,  plus  s'absorbent  en  elle  et  disparaissent  les  inégalités  des  éléments 
constitulifs.  11  en  est  de  même  des  surfaces  compensatrices.  Une  telle  surface  obte- 
nue, par  exeni|)le  avec  des  moyennes  par  commune,  pourra  présenter  de  nom- 
breuses aspérités  et  cavités,  des  rides  en  saillie  et  en  creux,  des  mamelonnements 
enfin  (|ui,  dans  une  sinface  déduite  des  moyennes  par  canton,  dis|)araîironl  pour  ne 
laisser  subsi.^ler  que  les  ondulalions  de  second  ordre.  Celles-ci  s'effaceront  elles- 
mêmes  ou  s'atténueront  beaucoup  dans  une  surface  provenant  de  moyennes  par 
arrondissement,  et  des  moyennes  par  département,  enfin,  ne  fourniront  plus  que 
des  surfaces  à  larges  ondulations  reproduisant  seulement  les  mouvements  généraux 
du  phénomène  représenté. 

De  ces  diverses  cartes,  quelle  est  la  meilleure?  La  réponse  dépend  à  la  fois  de 
l'objet  qu'on  a  en  vue  et  de  la  nature  du  phénomène  représenté.  Les  premières 
entrent  plus  intimement  dans  l'expression  analyti(pje  du  sujet;  les  dernières  en 
peignent  mieux,  synihéliquement,  les  masses  principales,  en  manifestent  plus  clai- 
rement les  lois  générales.  La  multiplicité  des  détails  des  premières  nuit-elle  à 
l'effet  d'ensemble,  et  est-ce  celui-ci  qu'on  recherche?  Il  faut  les  rejeter  et  adopter 
les  dernières.  La  nature  du  phénomène,  au  contraire,  laisse-t-elle,  nonobstant 
l'abondance  des  détails,  subsister  l'effet  d'ensemble,  ou  tient-on  moins  à  celui-ci 
qu'à  une  figuration  très  circonstanciée?  Il  faut,  si  la  chose  est  possible,  recourir 
aux  premières.  Le  tout  subordonné  d'ailleurs  aux  données  dont  on  dispose,  puis  au 
temps  qu'on  peut  consacrer  à  l'élaboration,  enfin  à  l'échelle  même  de  la  carte  qui 
doit  contenir  les  résultats. 

Nous  ne  voudrions  pas  clore  ces  observations  sans  une  remarque  pratique  im- 
portante. Il  peut  sembler  à  ceux  qui  n'ont  pas  mis  en  œuvre  le  procédé  dont  nous 
expliquons  l'emploi  que,  nonobstant  la  condition  impérative  de  compensation,  des 
courbes  de  niveau  tracées  d'après  un  petitnombre  de  données  doivent  rester  molles 
et  indécises.  C'est  là,  en  effet,  un  inconvénient  à  redouter.  Toutefois,  les  courbes 
successives  se  commandent  étroitement  l'une  l'autre,  et,  lorsque  les  plans  qui  les 
contiennent  sont  convenablement  rapprochés,  le  tracé  de  chacune  est  contrôlé,  par 
suite  rectifié,  s'il  est  nécessaire,  par  celui  des  courbes  les  plus  voisines.  Cela  est 
vrai  en  topographie  comme  dans  le  système  dont  nous  parlons. 

Les  points  qui  précèdent  établis,  que  reste-t-il  des  objections  présentées?  Sans 
doute  les  données  fournies  par  la  statistique  ne  correspondent  pas,  en  général, 
pour  le  phénomène  représenté,  à  des  régions  naturelles,  mais  les  cartes  par  courbes 
isoplèthes  ont  justement  pour  effet  —  c'est  là  même  leur  grand  avantage,  —  de 
reconstituer  ces  régions  naturelles,  et  d'en  indiquer,  pour  chaque  cas,  les  limites 
plus  ou  moins  approximatives,  suivant  la  plus  ou  moins  grande  multiplicité  des 
données  dont  on  dispose.  Sans  doute  aussi  ces  données,  dans  leur  relation  avec 


—  189  — 

la  surface  à  construire,  ne  correspondent  pas  à  des  points  caractérislii|ues 
de  cette  surface,  et  l'ignorance  où  l'on  est  des  formes  de  celle-ci,  tant  qu'elle 
n'est  pas  déterminée,  prive  des  indications  complémentaires  que  trouve  le  géo- 
graphe dans  la  vue  du  terrain.  Mais  la  condition  rectrice  des  compensations, 
dont  le  géographe  ne  dispose  pas,  rétablit  largement  l'équilibre  sous  les  deux 
aspects  envisagés  ;  et  ces  points  ou  lignes  caractéristiques  que  les  données  ne 
contiennent  pas  se  dégagent  très  nettement  de  courbes  de  niveau  logiquement 
tracées.  C'est  ainsi,  par  exemple,  qu'une  carte  statistique  de  la  population  par  ar- 
rondissements, dont  les  principaux  sommets  correspondent  natiirellement  aux 
grandes  villes  du  territoire,  présentera  dans  le  nord  et  le  longdes  cotes  maritimes, 
de  grandes  élévations,  fera  courir  des  lignes  de  faîte  le  long  des  grandes  artères 
fluviales,  creusera  au  contraire  des  thalwegs  profonds  suivant  les  lignes  de  faîte  to- 
pographiques, et  indiquera  nettement, au  dessinateur  qui  enlgnorerait  la  position, 
l'emplacement  des  régions  à  peine  peuplées  de  la  Brenne  et  de  la  Sologne,  choses 
qui  la  plupart  ne  sont  pas  contenues  ou  ne  le  sont  que  confusément  dans  les  don- 
nées numériques  mises  en  usage. 

Une  objection  subsiste  toutefois.  Elle  semble  puérile.  Ne  la  négligeons  pas  cepen- 
dant. Oui,  nous  dit-on,  nous  admettons  bien  que  vos  courbes  situées  à  divers  niveaux 
passent  bien  par  les  zones  où,  moyennement,  le  phénomène  représenté  atteint  la 
proportion  qu'elles  indiquent.  Cependant,  s'il  s'agit  de  population,  par  exemple, 
nous  voyons  une  courbe  correspondant  à  une  population  de  100  habitants  au  kilo- 
mètre carré  passer  justement  sur  l'emplacement  d'une  ville  où  la  population  s'élève 
au  décuple.  Vos  courbes  n'indiquent  donc  pas  exactement  la  population  spécifique 
àe  tous  les  points  (\u  sol  où  elles  se  projettent.  Celle  objection,  remarquons- le,  vient  de 
personnes  qui  préconisent  les  indications  statistiijues  par  colorations  différentes  ou 
ternies  graduées.  Admettons  qu'il  s'agisse  de  population  comme  dans  l'exemple  choisi. 
Combien  il  est  facile  de  leur  répondre  !  Vous  teintez  un  département  tout  entier  d'une 
nuance  correspondant  à  une  moyenne  de  100  habitants  à  l'hectare.  Or  ce  départe- 
ment contient  des  communes  dont  la  population  est  notablement  inférieure,  et  des 
villes  dont  la  population  spécifique  aiteitil  le  centuple  de  votre  cbifire.  Vous  con- 
fondez donc,  dans  voire  moyenne  superficielle,  les  choses  les  plus  inégales.  Pour- 
quoi me  refuseriez-vous  une  latitude  analogue,  dans  des  limites  beaucoup  plus  res- 
treintes, pour  des  moyennes  linéaires  qui  ont,  par  ailleurs,  sur  vos  teintes,  d'énor- 
mes avantages  de  localisation  et  de  précision  ? 

Nous  supposons  le  procès  vidé. 

Restent  les  moyens  de  donner  aux  cartes  à  relief  par  courbes  de  niveau  l'expres- 
sivité voulue. 

Les  géographes,  dans  ce  but,  se  servent  de  hachures,  normales  à  la  fois  aux  deux 
courbes  entre  lesquelles  elles  sont  comprises ,  et  d'autant  plus  larges  et  plus 
serrées  qu'elles  sonl  plus  courtes,  ou,  en  d'autres  termes,  que  la  pente  du  terrain  est 
plus  forte.  En  ajoutant  à  ce  point  de  départ  conventionnel,  l'hypothèse  d'une  lu- 
mière éclairant  obliquement  le  terrain,  la  topographie  atteint  un  degré  d'expressi- 
vité dont  les  admirables  caries  de  la  Suisse  du  général  Dufour  sont,  à  notre  con- 
naissance, le  plus  bel  exemple.  Toutefois,  pour  la  précision,  un  renseignement 
complémentaire  est  indispensable,  c'est  l'altitude  de  certains  points  déterminés. 
Un  trop  grand  nombre  de  ces  indications  encombrerait  et  déparerait  la  carte  ;  quel- 
ques-unes en  revanche  sonl  indispensables. 


—  190  — 

Ce  que  la  topographie  slalistique  aurait  de  mieux  à  faire,  pour  l'expressivité  de 
ses  caries,  ce  serait  de  suivre  pas  à  |)as  la  topographie  géométrique.  Mais  le  plus 
souvent  le  travail  nécesî^aire  excéik-rait  par  sou  imponance  le  résultat  à  obtenir.  La 
précision  même  peut  gagner  à  employer  d'autres  moyens. 

Ces  moyens,  nous  les  trouvons  dans  l'emploi  des  teintes  nuancées. 

Tout  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  à  ce  sujet  s'applique  ici.  Les  règles  à  suivre 
pour  les  inversions  de  teintes  du  positif  au  négatif,  les  précautions  à  prendre,  pour 
la  constitution  des  é.chelles  ou  diapasons  de  celles-ci,  restent  les  mêmes  que  dans  le 
cas  des  caries  coloriées  par  circonscriptions  ;  avec  la  différence,  pour  ce  dernier 
objet,  que  l'administration  des  nuances  est  à  la  fois,  ici,  plus  facile  et  plus  expres- 
sive. C'est  à  des  bandes  continues  que  chaque  teinte  se  rapporte;  les  courbes  de  ni- 
veau l'eucadient,  et  si  l'on  a  soin  de  ne  tracer  ces  courbes  à  l'encre  qu'après  coup, 
on  peut  obtenir  l'effel  voulu  par  grandes  teintes  se  superposant  successivement. 

En  un  mot,  sans  insister  davantage,  nous  pensons  que,  pour  certains  usages,  la 
statistique  graphique  a,  dans  les  cartes  à  relief,  par  courbes  de  niveau  ou  courbes 
isoplèthes,  un  instrument  précieux  pour  qui  sait  le  manier. 

Applications  du  procédé. —  Depuis  1872  que  nous  en  avons  fait  la  première 
application,  depuis  1878,  oii  nous  en  avons  exposé  quelques  spécimens,  les  cartes  par 
courbes  de  niveau  n'ont  pas,  à  notre  connaissance,  été  souvent  employées,  et 
quelquefois,  elles  l'ont  été  assez  mal  (1).  Nous  savons  un  cas  dans  lequel, sans  s'in- 
quiéter aucunement  de  la  loi  de  compensation  des  volumes,  l'auteur  de  la  carte  a 
simplement  réglé  le  tracé  de  ses  courbes  de  niveau  d'après  la  cote  moyenne  située 
au  centre  de  chaque  circonsciiption.  Or  cette  circonstance  ne  se  vérifie  que  pour 
les  circonscriptions  auxquelles  correspond  un  talus  plan,  et  donne  lieu,  dans  tous 
les  autres,  à  des  écarts  plus  ou  moins  marqués,  lesquels  deviennent  excessifs  lors- 
qu'on approche  d'un  creux  ou  d'un  sommet. 

Les  spécimens  exposés  en  1878  pourraient  nous  fournir  le  sujet  de  quelques  in- 
dicalions  utiles.  Nous  n'en  relèverons  qu'une  seule. 

Le  système  se  prête  excellemment  à  la  construction  d'une  catégorie  de  cartes, 
dont  M.  Turquan  a  fail  après  nous  une  application,  et  que  nous  dénommons  caries 
différenlielles.  Ces  cartes  expriment,  non  plus  l'intensité  d'un  phénomène  par  cir- 
conscriptions, mais  les  différences  de  cette  intensité  sur  les  divers  points,  dans  une 
période  donnée. 

C'est  le  mouvement  de  la  population  sur  le  territoire  qui  nous  a  servi  de  premier 
argument  de  recherche.  L'étude  des  mouvements  des  fonds  de  l'estuaire  de  la 
Seine,  nous  en  a  fourni  un  second.  On  en  peut  trouver  bien  d'autres.  Il  y  a  certai- 
nement là  une  ressource  intéressante  pour  le  statisticien. 

(1)  Mentionnons  tout  de  suite  ane  exception  remarquable,  celle  de  l'honorable  M.  Turquan,  qui  a,  au 
contraire,  tiré  du  procédé  le  parti  le  plus  heureux  dans  ses  belles  cartes  de  la  répartition  de  la  population 
française  et  dan»  beaucoup  d'autres. 


—  191  — 

VII. 

Résumé.  —  En  résumi',  nous  pensons  qne  la  slaiistique  graphique,  qui,  lorsque  les 
basesde  la  statistique  elle-même  seront  solidement  assises,  aura  intérêt  à  perfection- 
ner ses  méthodes,  et  fera  peut-être  alors  appela  ce  que  les  constructions  graphiques 
ont  de  plus  savant,  a  atteint  aujourd'hui  un  point  assez  élevé  de  la  route  pour 
qu'elle  se  préoccupe  plus  de  hien  produire  que  de  beaucoup  produire. 

La  clarté  et  l'expressivité  nous  paraissent  toujours,  pour  elle,  des  conditions  do- 
minantes. .Mais  il  faut  de  moins  en  moins  céder  sur  l'exactitude  et  la  rigueur  lo- 
gique. Cette  dernière  s'impose  même  dans  l'emploi  des  couleurs  et  la  disposition 
des  pointillés. 

Nous  avons  hasardé  une  classification.  Elle  nous  a  rendu  quelques  services,  au 
moins  pour  le  présent  exposé.  Elle  est  livrée  à  la  discussion.  Il  n'y  a  dans  ces  ma- 
tières rien  (|ui  relève  de  l'absolu  scientifique. 

Nous  avons  enfin  appelé  l'attention  sur  un  procédé  fort  négligé  qui,  bien  em- 
ployé, peut  avoir  son  utilité. 

Notre  lâche  était  modeste.  Nous  regrettons  de  ne  pas  l'avoir  mieux  remplie. 

L.-L.  Vauthier. 

III. 

VARIÉTÉ. 

Ce  que  coûte  un  coup  de  canon. 

Tout  le  monde  aujourd'hui  suit  avec  une  attention  patriotique  et  louable  l'évo- 
lution de  l'art  militaire  :  les  inventions  nouvelles,  les  perfectionnements  apportés 
aux  rouages  fies  armes  de  guerre,  les  méthodes  de  combat,  les  expériences  de  tir, 
les  revues,  etc.,  etc.  Cependant,  bien  des  détails  intéressants,  le  côté  technique 
des  choses,  échappent  à  la  masse  du  public.  Sait-on,  par  exemple,  l'ombien  coûte 
un  coup  de  canon  d'une  grosse  pière  d'artillerie  de  marine  de  HO  tonnes?  La 
somme  ronde  de  4,160  fr.,  ce  i|ui,  à  4  p.  luO,  correspond  au  revenu  annuel  d'un 
capital  de  104,000  fr. 
Cette  somme  se  décompose  ainsi  : 

Poudre,  450  kilogr 1,900  fr. 

Projectile,  900  kilogr 2,175 

Soie  pour  la  cartouche 85 

Total 4,160  fr. 

Mais  ce  n'est  pas  tout.  La  pièce  de  110  tonnes  ne  supporte,  paraît-il,  que 
95  coups,  c'est-à-dire  qu'après  ce  nombre  de  coups  elle  devient  incapable  à  l'usage 
et  demande  des  réparations.  Or,  le  prix  de  la  pièce  étant  de  412,000  fr.,  il  faut 
donc  compter  environ  4,340  fr.  de  frais  d'usure  à  chaque  coup,  ce  qui  ramène  le 
coût  de  chaque  charge  de  canon  à  8,500  fr. 

Ainsi,  quand  on  tire  un  coup  de  canon  de  110  tonnes,  c'est  le  revenu  d'un 
capital  de  21-2,500  fr.  qui  saute  en  l'air.  Mille  coups  de  canon  représenteraient 
"e  capital  de  212,500,000  fr.  ! 

En  comparant  des  pièces  de  calibre  inférieur,  on  trouve,  d'après  les  calculs 

athémaliques  les  plus  rigoureux,  qu'un  coup  de  canon  d'une  pièce  de  67  tonnes 
dont  le  prix  est  de  250,000  fr.  et  qui  s'use  après  127  coups)  coule  4,600  fr.  ;  de 

ême  la  pièce  de  45  tonnes,  d'un  prix  de  157,500  fr.  avec  un  usagedel50  coups, 
[occasionne  une  dépense  de  2,450  fr.  par  chaque  coup  de  canon. 

L'Économisle  belge  (mai  1890). 


—  192 


OUVRAGES    PRÉSENTÉS    (MAI    4890) 

Ouvrages  signés  :  La  Caisse  centrale  du  Trésor  public,  gr.  in-8°,  par  M  Cli.  de  Marcillac. 

Berger-Levraull  et  C'°,  1890. 
L'Epargne  en  France,  par  M.  de  Foville.  Paris,  t.  IV,  1890. 
Déposition  concernant  les  droits  sur  les  mais  et  les  riz,  par  M.  Marquât  de  Vasselot. 

Paris,  Dubreuil,  1890. 
La  Laponie  et  la  Corse  ;  le  premier  Etablissement  des  Néerlandais  à  Maurice  ;  le 

Glacier  de  l'Alelsch  et  le  lac  de  Marjolcn,  p;ir  le  prince  iloland  Bonaparte. 
Le  Congrès  international  du  travail  (2  vol.),  par  M.  Grùner. 
Ihr  Staal  als  Schuldncr  und  als  Glàubiger,  von  G.  von  Mayr.  Munich.  1890. 
Indien,  China,  Siam  und  Japan  {\HiM  -\%1\).  Weltindustrien  (1880).  Das  tvirth- 

scliaftliche  Leben  der  Vœlker,  von  Sclierzer.  Leipzig,  1875. 
La  Province  de  Tucuman,  par  P.  Rodriguez.  1890. 

Documents  officiels.  Rapport  sur  la  caisse  nationale  des  retraites  pour  la  vieillesse  (an- 
nées 1887  et  1888).  Paris,  1  vol.  1889. 

Statistique  de  l'industrie  minérale  et  des' appareils  à  vapeur,  pour  1888,  Paris,  I.  N. 
1890. 

Annuaire  de  Vudminislrationdes  contributions  directes  et  du  Cadastre. 

Statistique  de  Prusse  {n°  103).  Grundeigenihum  und  Gebàude  (1878).  Berlin,  1889. 

Statistique  du  commerce  extérieur  {i^^'é) ,  Ue  l' instruction  publique  (1887-1888), 
Statistique  sanitaire  (1887),  publiée  par  la  Commission  centrale  de  statistique 
d'Autriche.  Vienne,  1890. 

Statistique  du  Wurtemberg  (\SHH),  2  vol.  Stullgard,  1890. 

Statistique  delà  ville  de  Hambourg  (XV  vol.).  1890. 

Mélanges  statistiques  sur  la  ville  de  Leipzig  (22'  fascicules),  1890. 

Statistique  des  postes  et  télégraphes  et  de  la  caisse  d'épargne  postale  d'Italie.  Rome 
1890. 

Statistique  des  causes  de  mort  (1887).  (Le  duel  en  Italie,  le  recensement  des  méde- 
cins). 1  vol.,  1890. 

Statistique  ofjxciellede  la  Suède.  L'Etat  économique  des  préfectures  (1882-1885).  — 
Aliénés  (1888).  —  Unances  des  communes  (1884-1885).  —  Navigation  (1888). 
—  Slorkholm,  1890. 

Allas  agricole  de  la  Russie  (Prix  de  l'avoine  et  du  seigle). 

Atlas  de  la  République  Argentine. 

Revues  et  journaux.  France.  Revue  des  travaux  scientifiques.  —  Revue  maritime 
et  coloniale.  —  Bulletin  de  la  Société  de  géographie.  —  Bulletin  de  la  Société 
des  agriculteurs  de  France.  —  La  Réforme  sociale.  —  L'Avenir  économique  et 
financier.  —  Le  Travail  national.  —  Le  Propagateur  viticole.  —  La  Tempérance. 

Autriche.  —  Stalistische  Monaischrift.  (Revue  statistique  d'Autriche.) 

Angleterre  —  Journal  de  la  Société  royale  de  statistique  de  Londres  (1''  trimestre 
1890). 

Belgique  —  Le  Moniteur  des  intérêts  matériels. 

Espagne.  —  Bulletin  de  la  Société  géographique  de  Madrid.  —  Poblacio  e  terri- 
torio. 

Italie. —  Annali  di  stalistica.  —  l'Kconomista  de  Florence. 

Mexique.  —  Revue  financière  et  statistique  de  Mexico. 

Venezuela.  —  Gazette  officielle. 

Documents  mensuels  ou  semestriels  d'Italie  et  de  divers  pays. 


Le  Gérant,  0.  Berger-Levrault. 


JOURNAL 


DE  LA 


p     A 


SOCIETE  DE  STATISTIQUE  DE  PARIS 


No  7.  —  JUILLET    1890. 


I. 

PROCÈS-VERBAL    DE    LA    SÉANCE    DU   18   JUIN    1890. 

Sommaire.  —  Lettre  du  Président  de  la  Société  de  statistique  au  Président  du  Conseil  municipal  relative 
au  rétablissemcut  de  la  subvention  de  la  ville  de  Paris.  —  Liste  des  sociétés  françaises  et  étrangères 
d'assurance  sur  la  vie  fonctionnant  en  l'rance.  —  Communications  de  M.  Fournier  de  Flaix  sur  la 
Statistique  religieuse  de  Paris,  et  de  M.  Adolphe  Coste  sur  les  Salaires  des  Travailleurs  et  le 
Revemi  de  la  France.  —  Discussion  :  MM.  0.  Relier  et  A.  de  Foville. 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures,  sous  la  présidence  de  M.  Octave  Keller. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  21  mai  est  adopté  sous  le  bénéfice  de  l'addition 
suivante. 

M.  le  président,  revenant  sur  la  subvention  accordée  à  la  Sociélé  par  le  Conseil 
municipal  de  Paris,  rappelle  avoir  dit  qu'il  lui  avait  été  impossible  de  faire  parve- 
nir ses  remerciements  à  ce  Conseil,  parce  que  le  vote  favorable  à  la  Société  n'était 
intervenu  que  deux  jours  avant  la  clùlure  de  la  session  et  l'expiration  de  ses  pou- 
roirs.  Un  témoignage  de  gratitude  doit,  du  moins,  être  adressé  à  M.  Richard, 
taujourd'hui  président  du  nouveau  Conseil,  qui  a  rapporté  la  proposition  et  l'a  fait 
laboutir. 

A  cette  occasion,  plusieurs  membres  demandent  l'impression  de  la  lettre  adressée 
là  l'ancien  président  du  Conseil  municipal  par  noire  président.  Voici  cette  lettre,  où 
[sont  indiqués  le  rôle  scientifique  de  la  Société  et  le  but  qu'elle  poursuit  : 

A  Monsieur  le  Président  du  Conseil  municipal  de  la  ville  de  Paris. 

22  mars  1890. 
Monsieur  le  Président, 

La  Société  de  statistique  de  Paris  est  une  inslitulion  libre  (jui  a  pour  ohjul  de  susciter 
des  reclierclies  et  de  réunii'  les  documents  les  plus  précieux  pour  l'étudu  des  questions 

1"    8ÉU1K.    bl---    VOL.    —    M"    7.  13 


—  v.u  — 

économiques,  sociales,  financières,  administratives,  industrielles  ou  agricoles,  etc....  Elle 
est  dégagée  de  tout  esprit  de  doctrine  et  se  propose  de  développer  le  goût  des  investiga- 
tions précises,  des  recensements,  des  comparaisons  numériques,  dans  la  persuasion  que 
la  connaissance  des  chiffres  authentiques  est  indispensable  à  tous  ceux  qui  désirent 
s'avancer,  d'une  façon  sûre,  dans  les  voies  illimitées  du  progrès.  Elle  a  trente  années 
d'existence  et  compte  près  de  quatre  cents  membres.  Mais  ses  ressources  sont  insuffi- 
santes. Une  large  subvention  lui  serait  extrêmement  nécessaire  pour  donner  plus  d'impor- 
tance à  son  journal  mensuel  et  pour  encourager  des  travaux  personnels  plus  abondants. 

M'acquitlant  avec  confiance  d'une  mission  dont  la  Société  de  statistique  a  bien  voulu 
me  charger  dans  sa  dernière  séance,  j'ai  l'honneur  de  vous  prier.  Monsieur  le  Président, 
de  faire  appel  aux  sentiments  éclairés  du  Conseil  municipal  de  Paris,  en  vue  d'obtenir 
une  subvention  annuelle  en  faveur  de  cette  Société,  dont  le  caractère  est  d'être  éminem- 
ment pratique  et  conforme  aux  besoins  de  notre  époque. 

Veuillez  agréer.  Monsieur  le  Président,  l'assurance  de  ma  haute  considération. 

Le  Président  de  la  Société  de  statistique, 
Signé  :  Octave  Keller. 

Les  membres  présents  donnent  par  leurs  applaudissements  leur  adhésion  à  l'es- 
poir exprimé  par  M.  le  Président  qu'il  sera  prochainement  possible  d'augmenter  le 
nombre  des  feuilles  du  Journal  de  la  Société. 

Il  est  procédé  au  dépouillement  de  la  correspondance.  Des  lettres  de  remercie- 
ments sont  adressées  au  président  par  MM.  de  Colbert-Laplace,  Bellom,  Arnaud 
et  Laugier  pour  leur  récente  nomination  en  qualité  de  membres  titulaires  de  la 
Société. 

Le  président  de  la  Sociélé  protectrice  des  animaux  envoie  plusieurs  exemplaires 
d'une  protestation  contre  les  courses  de  taureaux  qui  ont  lieu  depuis  l'année  der- 
nière à  Paris. 

M.  le  secrétaire  général  fait  l'énumération  des  ouvrages  et  documents  offerts  à  la 
Société  depuis  sa  dernière  séance.  La  liste  détaillée  de  ces  publications  se  trouve 
ci-après  (1). 

Il  signale  parmi  ces  ouvrages  le  liecensement  de  la  circulation  des  routes  natio- 
nales en  1888,  dont  cinq  exemplaires  ont  été  offerts  à  la  Société  par  le  ministre  des 
travaux  publics,  et  indique  que,  contrairement  à  l'opinion  courante,  la  circulation 
des  routes  nationales  est  en  progrès  et  tend  à  redevenir  ce  qu'elle  était  avant 
l'établissement  des  chemins  de  fer. 

M.  TuRQUAN  rend  compte  en  peu  de  mots  de  l'ouvrage  de  M.  Emile  Delecroix  sur 
la  législation  des  mines  en  France  et  en  Belgique.  On  y  trouve  les  renseignements 
statistiques  les  plus  étendus,  notamment  sur  la  production  houillère  de  chacune 
des  exploitations  des  deux  pays. 

M.  Loua  appelle  l'attention  de  la  Société  sur  un  petit  opuscule  de  M.  Ferraris, 
l'éminenl  statisticien  italien,  sur  la  théorie  de  la  statistique.  Cet  ouvrage  sera  utile- 
ment consulté  par  ceux  de  nos  membres  qui  ont  suivi  les  conférences  faites  récem- 
ment sur  ce  même  sujet  par  nos  collègues,  MM.  Levasseur,  Bertillon  et  Cheysson. 

M.  Thomereau  offre  à  la  Société  le  premier  numéro  d'un  journal  qu'il  vient  de 
faire  paraître  sous  le  titre  de  Mémorial  parlctnentaire.  Cette  feuille,  éditée  avec  un 

(1)  Voir  la  dernière  page  du  numéro. 


—  195  — 

grand  luxe,  a  pour  but  de  faire  connaître  les  votes  des  députés  dans  les  grandes 
questions.  Elle  se  rattache  à  la  statistique  par  un  procédé  graphique  permettant  de 
distinguer  en  regard  de  chaque  nom  les  votes  pour  ou  contre,  les  abstentions  et 
les  absences  par  congé. 

M.  Marie,  rappelant  la  discussion  qui  a  eu  lieu  dans  la  précédente  séance  sur  les 
compagnies  d'assurances  sur  la  vie,  demande  la  permission  de  communiquer  à  la 
Société  les  renseignements  authentiques  qu'il  a  relevés  sur  le  nombre  des  sociétés 
fonctionnant  en  France. 

Nous  les  résumons  ainsi  qu'il  suit  : 

I.  Compagnies  françaises.  ■ —  1°  A  primes  fixes. 

Existantes  :  Abeille,  Aigle,  Assurances  générales,  Caisse  générale  des  familles,  Caisse 
paternelle,  Confiance,  Foncière,  France,  Monde,  Nationale,  Nord,  Patrimoine,  Phénix, 
Providence,  Soleil,  Union,  Urbaine. 

En  liquidation  :  Alliance,  Centrale,  Métropole,  Ouest,  Progrès  national.  Temps. 

En  faillite  :  Crédit  viager. 

2°  Sociétés  mutuelles:  Conservateur,  Devoir  de  famille,  Mutuelle  vie,  Union  française. 

En  liquidation  :  Réserve  (garantie  générale). 

II.  Compagnies  étrangères.  —  1°  Anglaises:  Gresham,  Guardian,  Liverpool-Londres- 
Globe,  London,  London  amicable,  Northern,  Union-Assurance. 

2°  Américaines  :  Equitable,  Mutuelle  de  New- York,  New-York,  Réserve  mutuelle. 

3°  Autrichienne  :  Ancre. 

4°  Belges:  Espérance,  Mutualité,  Royal-Belge. 

5°  Hollandaises  :  Cosmos,  Société  néerlandaise,  Société  générale  néerlandaise. 

Q"  Suisses  :  Bâloise,  Genevoise,  Suisse. 

1°  Espagnoles  :  Union  et  Phénix  espagnols. 

Il  résulte  de  ce  relevé  qu'il  y  a  en  France  29  compagnies  françaises,  dont  21  exis- 
tantes (17  à  primes  fixes  et  4  mutuelles),  7  en  liquidation  (6  à  primes  fixes  et  1  mu- 
tuelle), 1  en  faillite; 

Et  22  étrangères,  savoir  :  7  anglaises,  A  américaines,  1  autrichienne,  3  belges, 
3  hollandaises,  3  suisses  et  1  espagnole. 

Sur  ces  51  sociétés,  deux  seulement  n'ont  pas  été  autorisées  en  Suisse,  ce  sont 
I  la  Centrale  et  la  Mutuelle  vie. 

Ces  renseignements  confirment,  avec  plus  de  détails,  les  déclarations  précédem- 
'  ment  faites  par  MM.  Thomereau  et  Béziat  d'Audibert. 

* 

*  * 

L'ordre  du  jour  appelle  la  communication  de  M.  Fournier  de  Flaix  sur  la  stalis- 
tique  religieuse  de  Paris.  En  terminant  cette  lecture,  que  l'assemblée  a  écoutée  avec 
îe  plus  vif  intérêt,  l'orateur  demande  que  la  discussion  en  soit  retardée  jusqu'à 
l'impression  de  son  mémoire  dans  le  bulletin  de  la  Société. 

M.  le  président  lui  demande  de  la  compléter  en  donnant,  si  cela  est  possible, 
[la  population  des  diverses  paroisses  de  Paris; 

*  * 

M.  Adolphe  Coste  obtient  alors  la  parole  et  donne  lecture  d'un  travail  très  étendu 
'  et  fortement  étudié  suc  les  salaires  des  travailleurs  et  le  revenu  de  la  France.  Sur 


—  r.H)  — 

la  demande  de  M.  Founiier  de  Flaix  et  du  consenlemenl  de  M.  Cosle,  la  discus- 
sion de  ce  travail  imporlanl  esl  renvoyée  à  une  prochaine  séance. 

M.  le  président  remercie  M.  Coste  et  lui  adresse  ses  félicitations  les  plus  sin- 
cères; le  problème  qu'il  vient  d'étudier  répond  aux  préoccupations  de  tous;  les 
grèves  si  nombreuses  qui  ont  marqué  ces  dernières  années  paraissent  tenir,  en 
grande  partie,  au  défaut  d'équilibre  entre  les  salaires  des  ouvriers  et  leurs  charges. 
Ces  charges  mêmes  trouvent  leur  explication  dans  la  situation  anormale  créée  au 
pays  par  les  suites  de  la  guerre,  el  dans  les  dépenses  énormes  nécessitées  par 
l'état  de  paix  armée  qui  s'impose  à  toutes  les  nations  et  dont  il  est  malheureuse- 
ment impossible  de  prévoir  le  terme. 

M.  de  Foville  tient  à  joindre  ses  félicitations  à  celles  de  notre  président.  Pour  sa  part, 
il  adhère  complètement  aux  conclusions  de  M.  Cosle,  et  peut-être  va-t-il  plus  loin 
que  lui-même.  Sans  vouloir  entrer  immédiatement  dans  la  discussion,  il  croit  que 
la  part  revenant  aux  capitalistes  dans  le  revenu  de  la  France,  que  M.  Coste  estime 
à  10  milliards,  doit  être  réduite  à  8  ou  7  milliards,  mais  ce  résultat  ne  donne  que 
plus  de  portée  et  de  force  aux  arguments  de  l'orateur,  et  il  ne  saurait  trop  les 
approuver.  (Applaudissemeuls.) 

M.  le  président  fixe  l'ordre  du  jour  de  la  prochaine  séance  : 

M.  de  Foville  fera  une  communication  qu'il  intitule  dès  à  présent  la  Loi  des  ca 
laslroplies.  M.  Th.  Ducrocq  parlera  sur  l'utilité  de  mentionner  les  legs  non  acceptés 
dans  les  statistiques  relatives  aux  dons  ellegs  aux  établissements  publics  et  d'utilité 
publique. 

La  séance  est  levée  à  onie  heures  et  quart. 


IL 


LE  CONSEIL  SUPÉRIEUR  DE  STATISTIQUE. 

La  session  ordinaire  du  Conseil  supérieur  de  statistique  a  été  ouverte,  le  mer- 
credi 4  juin,  au  ministère  du  commerce,  par  M.  Jules  Roche,  ministre  du  commerce, 
de  l'industrie  et  des  colonies. 

M.  le  ministre,  dans  son  discours  d'ouverture,  a  fout  d'abord  rappelé  les  services 
déjà  rendus  par  le  Conseil  supérieur  de  statistique,  et  s'est  félicité  d'avoir  été  assez 
heureux  pour  obtenir  du  Gouvernement,  en  1885,  la  création  de  cette  utile  insti- 
tution. 

Après  avoir  mentionné  les  travaux  à  l'ordre  du  jour,  M.  le  ministre  du  commerce 
a  saisi  le  Conseil  d'un  certain  nombre  de  questions  sur  lesquelles  il  lui  a  demandé 
de  délibérer  d'urgence,  dût  la  session  se  prolonger  un  peu  plus  que  de  coutume. 
Ces  questions,  qui  préoccupent  à  juste  litre  l'opinion  et  les  pouvoirs  publics,  sont 
relatives  au  travail  dans  l'industrie.  Il  y  aurait  lieu,  sur  plusieurs  points  très  impor- 
tants, de  réunir  des  éléments  d'information  plus  complets  que  ceux  qui  existent  et 
des  renseignements  statistiques  qui,  jusqu'à  présent,  et  sauf  pour  les  industries 
minières,  n'ont  été  recueillis  ni  avec  assez  de  méthode,  ni  dans  des  conditions  suffi- 
.-antes  d'exactitude  et  de  rigueur. 


—  197  — 

En  premier  lieu,  sur  les  accidenls  professionnels,  en  établissant  le  départ  entre 
les  accidents  qui  incombent  aux  patrons,  ceux  qui  sont  du  fait  des  ouvriers  et  ceux 
qui  sont  imputables  à  la  nature  même  des  choses.  Aucune  statistique  générale  n'existe 
sur  la  question.  Il  conviendrait  de  déterminer  le  nombre  des  accidents  ;  leurs  con- 
séquences au  point  de  vue  de  l'incapacité  de  travail,  totale  ou  partielle,  qu'ils  en- 
traînent; la  proportion  des  cas  de  mort  et  de  blessure;  l'élat  civil  des  ouvriers 
atteints  et  de  leur  famille,  etc. 

La  durée  effective  du  travail  dans  les  différentes  industries  représente,  en  second 
lieu,  une  donnée  absolument  indispensable  à  acquérir,  et  qui  devra  être  l'objet  d'une 
enquête  d'ensemble.  Pareille  enquête  n'a  encore  été  faite  que  pour  les  établisse- 
ments qui  dépendent  de  l'État. 

Une  statistique  des  salaires  et  des  modes  variés  du  travail  :  à  la  journée,  à  l'heure, 
à  la  tâche,  avec  participation  aux  bénéfices  et  en  recherchant  dans  quelle  mesure 
cette  participation  contribue  à  accroître  le  salaire,  s'impose  d'autre  part. 

M.  le  ministre  du  commerce  soumet  enfin  à  l'examen  du  Conseil  supérieur  une 
dernière  question,  où  l'application  des  méthodes  statistiques  est  de  toute  nécessité 
si  l'on  veut  obtenir  des  résultats  précis.  Quelles  sont  les  conséquences  physiolo- 
giques et  pathologiques  du  travail  prolongé  dans  les  diverses  industries,  et  plus 
particulièrement  dans  celles  qui  sont,  par  nature,  dangereuses  ou  insalubres?  L'un 
des  éléments  les  plus  importants  de  cette  élude  consisterait  dès  à  présent  dans  la 
mise  en  œuvre  des  données  numériques  fournies  par  les  rapports  des  conseils  de 
révision.  Le  Conseil  supérieur  de  statistique  trouvera  sans  doute  à  dégager  des 
tableaux  existants  de  précieux  renseignements  touchant  la  proportion  des  cas 
d'exemption  du  service  militaire,  pour  infirmités,  faiblesse  de  constitution  ou  défaut 
de  taille,  dans  les  centres  industriels.  En  même  temps,  il  pourra  examiner,  ainsi  que 
le  lui  propose  un  de  ses  membres,  M.  le  D'  Chervin,  les  modifications  qu'il  serait 
utile  d'apporter  au  cadre  même  de  ces  tableaux. 

M.  le  ministre,  en  terminant,  reconnaît  les  difficultés  de  la  lâche  dont  il  vient  de 
tracer  le  programme. 

Il  compte,  pour  la  mener  à  bien,  sur  tout  le  dévouement  et  sur  les  lumières  du 
Conseil  supérieur. 

M.  le  ministre  du  commerce  cède  alors  le  fauteuil  à  M.  le  sénateur  Edouard  Mil- 
laud,  vice-président  du  Conseil. 

M.  Edouard  Millaud  remercie  M.  le  ministre  d'avoir  bien  voulu  ouvrir  en  personne 
la  session. 

Il  ajoute  qu'en  revenant  au  milieu  du  Conseil  après  une  assez  longue  absence,  il 
ne  peut  reprendre  les  fonctions  présidentielles  que  vient  de  lui  céder  avec  tant 
d'amabilité  M.  le  ministre  du  commerce,  de  l'industrie  et  des  colonies,  sans  dire 
combien  il  se  sent  honoré  de  se  retrouver  à  cette  place,  et  combien  il  est  touché  de 
la  part  que  quelques-uns  de  ses  collègues  ont  prise  à  sa  rentrée  au  Conseil  supérieur 
de  statistique. 

De  telles  sympathies,  de  telles  marques  d'estime  lui  sont  d'autant  plus  précieuses 
que,  parmi  ceux  de  qui  elles  lui  viennent,  se  trouvent  les  hommes  éminentsquiont 
dirigé  avec  tant  de  science  et  de  distinction,  depuis  1885,  les  travaux  du  Conseil. 

La  discussion  est  ensuite  ouverte  sur  les  deux  premières  questions  mises  à  l'ordre 
du  jour:  la  statistique  des  eaux  minérales  (M.  le  D'  Chervin,  rapporteur)  et  la  sta- 
tistique des  sociétés  par  actions  (M.  Lefebvre  de  Laboulaye,  rapporteur). 


—  198  — 

La  deuxième  séance  du  Conseil  supérieur  de  statistique  a  été  tenue  le  samedi 
7  juin,  sous  la  présidence  de  M.  le  sénateur  Edouard  Millaud. 

Le  Conseil,  après  avoir  terminé  la  discussion  du  rapport  de  M.  Lefebvre  de  Labou- 
laye,  dont  les  conclusions  ont  été  adoptées,  a  passé  à  l'examen  du  rapport  de 
M.  E.  Cheysson  sur  l'enseignement  de  la  statistique. 

Le  Conseil  a  consacré  sa  troisième  séance  à  l'examen  d'ensemble  des  propositions 
dont  il  a  été  saisi  par  M.  le  ministre  du  commerce,  relativetucnt  à  la  statistique  du 
travail,  propositions  dont  on  a  vu  plus  haut  le  résumé  et  dont  l'étude  a  été  répartie 
entre  trois  sous-commissions. 


in. 

LE  CONGRÈS  INTERNATIONAL  DES  ACCIDENTS  DU  TRAVAIL. 

Les  deux  volumes  que  nous  avons  eu  l'honneur  de  déposer  dans  la  séance  du 
H)  mai  sur  le  bureau  de  la  Société  résument  les  travaux  préparatoires  et  les  dis- 
cussions du  Congrès  international  des  accidents  du  travail,  qui  a  été  certainement 
l'un  des  plus  sérieux  et  des  plus  actifs  de  l'Exposition. 

Dès  sa  constitution,  le  bureau  d'organisation  du  Congrès  s'est  préoccupé  défaire 
œuvre  durable,  d'éviter  les  dissertations  vagues,  sur  des  questions  générales,  pour 
concentrer  au  contraire  l'attention  sur  des  points  précis,  nettement  définis.  Il  a  jugé 
qu'il  obtiendrait  ce  résultat  en  préparant  à  l'avance  un  programme  détaillé  et  en 
demandant  à  des  personnalités  désignées  par  leurs  connaissances  spéciales  des 
rapports  qui  seraient  imprimés  et  distribués  avant  la  session.  Ainsi  fut  fait. 

La  question  des  accidents  du  travail  peut  être  étudiée  à  un  triple  point  de  vue  : 

1°  Le  point  de  vue  technique  ; 

2°  Le  point  de  vue  statistique  et  administratif; 

3°  Le  point  de  vue  économique  et  de  législation. 

De  là  trois  séries  de  rapports  préparatoires  et  trois  sections  pour  le  Congrès  lui- 
même. 

Donner  un  exposé  général  de  ce  qui  a  été  fait  en  France  pour  prévenir  les  acci- 
dents et  de  ce  que  l'Exposition  de  Berlin  présentait  à  cet  égard,  tel  a  été  le  pro- 
gramme des  deux  rapports  de  MM.  Toqué,  Mamy  et  Danzer  ;  voir  sur  place,  dans  les 
galeries  du  Champ-de-Mars,  ou  entendre  exposer  ce  qui  a  pu  être  fait  dans  différentes 
industries  pour  prévenir  les  accidents,  tel  a  été  le  but  de  la  section  technique  du 
Congrès. 

Les  travaux  de  la  section  de  statistique  et  d'administration  qu'a  présidée  notre 
président  M.  Relier,  avaient  été  préparés  par  une  série  de  rapports  des  plus 
remarquables. 

Qu'est-ce  qu'un  accident  du  travail?  devait-on  tout  d'abord  se  demander.  A  cette 
question  difTicile,  ni  le  rapport  de  M.  Marestaing,  ni  la  discussion  n'ont  pu  apporter 
de  solution  précise,  tant  est  souvent  délicate  la  démarcation  entre  l'accident  et  la 
maladie  professionnelle. 

Après  la  définition,  le  dénombrement  des  accidents  et  le  calcul  des  charges  qui 
en  sont  la  conséquence  :  telle  a  été  la  double  question  qu'a  traitée  M.  Relier  avec 


—  199  — 

sa  profonde  compétence.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  sur  les  données  (ju'il  a  su 
demander  aux  travaux  officiels  ou  aux  enquêtes  spéciales  officieuses  et  grouper  de 
façon  à  faire  saisir  les  modifications  survenues  depuis  le  commencement  du  siècle 
dans  les  conditions  du  travail. 

La  conclusion  à  laquelle  M.  Keller  est  arrivé  et  que  M.  Harzé  est  venu  confirmer 
avec  les  statistiques  belges,  est  tout  au  moins  encourageante,  qu'il  s'agisse  des 
houillères,  où  les  difficultés  techniques  s'accumulent  d'année  en  année,  ou  des 
appareils  à  vapeur  dont  le  nombre  et  la  puissance  se  développent  sans  cesse,  ou  des 
chemins  de  fer  dont  le  trafic  et  la  vitesse  croissent  avec  une  rapidité  qu'on  ne  pou- 
vait prévoir  à  l'origine,  partout  on  constate  une  diminution  considérable  de  la  pro- 
portion des  accidents. 

L'intervention  des  pouvoirs  publics  par  une  surveillance  administrative  de  plus 
en  plus  active  et  intelligente,  et  l'action  tout  officieuse  des  associations  libres  de 
propriétaires  d'appareils  à  vapeur,  ou  pour  prévenir  les  accidents,  ont  participé  à 
cet  heureux  résultat. 

Plusieurs  rapporis  qui  figurent  dans  le  premier  volume,  et  des  notes  très  inté- 
ressantes qui  complètent,  dans  le  second  volume,  les  discussions  elles-mêmes,  ont 
montré  à  la  fois  ce  qui  existe  et  ce  qui  pourrait  encore  être  fait.  L'action  de  l'ini- 
tiative privée  a  trouvé  des  défenseurs  convaincus  ;  et  on  peut  regretter  que  leur  voix 
ne  trouve  pas  plus  d'écho  dans  le  monde  industriel. 

Le  champ  d'études  de  la  section  économique  et  de  législation  était  plus  vaste 
encore.  Questions  de  principes,  méthodes  d'application,  résultats  obtenus  dans  les 
divers  pays  ,  il  y  avait  tant  à  dire  sur  tous  ces  points  que  le  choix  des.  sujets  pour 
les  rapports  fut  des  plus  difficiles  et  que  la  discussion  était  bien  loin  d'être  épuisée 
quand  il  a  fallu  clore  le  Congrès. 

L'éminent  professeur  à  l'université  de  Liège,  M.  Dejace,  a,  dans  un  rapport 
magistral,  étudié  sous  toutes  ses  faces  la  responsabilité  des  accidents  du  travail  et 
le  risque  professionnel. 

Notre  ancien  président,  M.  Cheysson,  avec  une  puissance  de  synthèse  et  une  net- 
teté de  vues  des  plus  remarquables,  a  tracé  un  plan  d'organisation  de  l'assurance  qui 
aura  un  juste  retentissement.  Au  lieu  de  tout  remettre  à  l'État,  assureur  et  banquier 
universel,  M.  Cheysson  provoque  le  groupement  des  intéressés  par  régions  indus- 
trielles en  associations  mutuelles  d'assurances.  Accumulés  conformément  aux  règles 
précises  de  l'assurance,  les  capitaux  seraient  gérés  et  utilisés  sur  place. 

Si  le  socialisme  d'Étal  et  l'assurance  obligatoire  par  l'État  ont  trouvé  aux  séances 
du  Congrès  quelques  défenseurs,  cependant  la  majorité  s'est  nettement  prononcée 
contre  l'assurance  obligatoire,  pratiquée  comme  en  Allemagne. 

Sans  refuser  à  l'État  son  rôle  nécessaire  pour  poser  les  principes  et  venir  au 
secours  des  faibles,  la  France  industrielle  a  jusqu'ici  demandé  plus  volontiers  la 
solution  de  ces  questions  à  l'action  libre  des  intéressés,  ouvriers  et  patrons,  qui 
ont  multiplié  à  l'envi  les  associations  et  institutions  de  prévoyance. 

Ce  point  de  vue,  qui  honore  notre  pays,  a  été  vigoureusement  défendu  au  Con- 
grès, et  il  n'est  pas  sans  intérêt  de  signaler  que  ce  trait  a  été  hautement  reconnue 
la  conférence  de  Berlin. 

L'importance  et  la  gravité  de  toutes  ces  questions,  soulevées  mais  non  résolues, 
ont  frappé  si  vivement  tous  les  membres  du  Congrès  qu'ils  ont  unanimement  de- 
mandé la  formation  d'une  association  permanente  qui  continuerait  ces  études  et 


—  200  — 

grouperait  dans  un  Bulletin  quelques-uns  au   moins  des  documents  français  et 
étrangers  sur  la  queslion. 

Près  de  500  adiiérenls  sont  dès  maintenant  groupés  el  j'ai  eu  l'honneur  de  vous 
offrir  les  trois  premiers  numéros  du  Bulletin  du  comité  permanent  du  Congrès  des 
accidents  du  travail  (1). 

A  côté  des  questions  économiques  et  législatives,  le  comité  de  rédaction  de  ce 
Bulletin  désire  faire  une  large  part  à  toutes  les  questions  relatives  à  la  statistique 
des  industries  et  des  accidents  et  il  fait  appel  à  chacun  de  vous,  Messieurs,  pour  lui 
préler  l'appui  de  votre  précieuse  collaboration. 

E.  Gruner. 


IV. 

STATISTIQUE  COMPARÉE  DE  L'AGRICULTURE  FRANÇAISE 
EN  1790  ET  EN  1882. 

La  statistique  est  une  science  tout  à  fait  moderne,  car  si  les  polyptyques  four- 
nissent quelques  renseignements  sur  la  silualiou  économique  du  pays  sous  Charle- 
magne,  le  premier  essai,  en  France,  d'une  slalislique  sérieuse  ne  remonte  qu'à 
l'année  1539,  époque  à  laquelle  François  l"',  par  son  édit,  rendu  au  mois  d'août,  à 
Villers-Cotterets,  avait  prescrit  la  rédaction  d'un  état  hebdomadaire  des  denrées 
alimentaires. 

Charles  IX,  par  un  édit  rendu  en  1572,  avait  complété  le  précédent  en  ordonnant 
l'envoi,  deux  fois  par  an,  d'élals  des  produits  agricoles  et  industriels.  Les  circons- 
tances politiques  ne  permirent  pas  aux  gouverneurs  des  provinces  de  toujours  obéir 
d'une  manière  suivie  à  ces  prescriptions,  mais  celles-ci  conservaient  néanmoins 
force  de  loi,  car  elles  ont  été  conlinnées  dans  l'ordonnance,  dite  Code  Michau, 
publiée  en  janvier  1C29. 

Plus  lard,  Colbert,  dans  les  deinières  aimées  de  son  ministère,  avait  voulu  pres- 
crire un  arpentage  généial  du  i oyaume,  et  ce  projet  ne  fut  réalisé,  mais  trop  im- 
parfailemenl,  qu'en  1700  par  l'un  de  ses  successeurs,  Chamillard,  qui  ordonna 
d'élcndre  l'enquête  à  tous  les  faits  relatifs  à  l'agriculture.  C'est  ce  travail  qui  fut 
lésunié  dans  les  mémoires  des  Inlendants  :  ajoutons  que  cette  tentative,  faite  sans 
plan  ni  études  préalables,  ne  réalisa  pas  les  vues  du  Gouvernement. 

En  1763,  le  contrôleur  général  Rertin,  reprenant  la  pensée  de  Colbert,  essaya  de 
faire  opérer  un  arpentage  général  de  la  France,  afin  de  procurer  au  Gouverne- 
ment une  base  régulière  d'opération  en  matière  d'impôt,  et  ce  travail,  s'jI  eût  pu 
être  exécuté,  eût  donné  le  degré  d'exactitude  nécessaire  aux  recherches  statistiques 
ag|icolcs.  Mais,  Berlin,  puis  Silhouette,  son  successeur,  qui  partageait  les  mêmes 
idées,  disparurent  du  Contrôle  général  avant  que  le  projet  put  être  mis  à  exécution. 

Cependant,  des  études  statistiques  étaient  poursuivies  en  France  au  cours  du 
xvin'  siècle,  par  Vauban,  Voyer  d'Argenson,  Trudaine,  Turgot,  Dupré  de  Saint- 
Maur,  Quesnay,  d'Expilly,  Dupont  (de  Nemours)  et  quelques  autres  économistes; 
mais  ces  travaux,  en  l'absence  -d'une  base  régulière,  se  contredisaient  trop  entre 


(1)  On  obtient  le  litre  de  membre  adhérent  du  Congrès  des  accidents  par  le  versement  d'une  coti- 
sation annuelle  de  1 0  francs  en  échange  de  laquelle  sera  envoyé  le  Bulletin  du  comité  peimanent. 

On  obtient  le  litre  de  membre  donateur  par  le  versement,  en  sus  de  sa  cotisation,  d'un  don  annuel 
d'au  moins  50  francs. 

Les  adhésions  et  versements  doivent  être  adressés  à  M.  Gruneu,  secrétaire  général  et  trésorier  du 
Comité  permanent,  37,  boulevard  Magenta,  à  Paris 


—  201  — 

eux  pour  qu'il  fût  possible  iJe  leur  allribuerun  caractère  suffisant  d'exactitude.  Poui' 
donner  au  Gouvernement  des  moyens  d'inveslignlion  sérieux,  de  Cnlonne,  pendant 
son  passoR-e  au  Contrôle  général,  provorpia  la  publication  de  l'édit  du  59  mars  1785 
(pii  organisait  le  service  de  la  balance  du  commerce  sous  la  direction  de  Dupont  de 
Nemours;  puis,  plus  tard,  en  1788,  Necker,  pendant  son  second  ministère,  créa  un 
bureau  spécial  de  statistique  qui  devait  embrasser  toutes  les  branches  de  l'industrie 
nationale,  ainsi  que  tous  les  faits  économiques. 

Tous  ces  efforts,  cependant,  n'avaient  obtenu  que  bien  peu  de  succès,  et  un  exem- 
ple peut  faire  apprécier  combien  la  science  de  la  statistique  était  encore  incertaine. 

Au  xviii"  siècle,  les  naissances,  les  mariages  et  les  décès  étaient  constatés,  on  le 
sait,  sur  des  registres  tenus  par  le  clergé,  et  il  semble  (|u'un  dépouillement  de  ces 
documents,  contrôlé  par  une  simple  enquête  poursuivie  par  le  curé  dans  chaque 
paroisse,  puis  adressé  à  l'intendant  de  la  généralité  qui  eût  résumé  ces  recherches, 
aurait  dû  pouvoir  permettre  de  constater  le  chifTre  de  la  population;  ce  chiffre  était 
encore  fort  peu  connu  et  très  controversé  en  1790.  En  effet,  en  1777,  Moheau  l'é- 
valuait à  23,81 7,930  habitants;  Necker,  en  1784,  à  24,676,000;  de  Galonné,  en 
1787,  à  23,052,475;  le  chevalier  des  Pommelles,  en  1789,  à  25,065,883,  et  Beau- 
vallel  des  Brosses,  à  la  même  époque,  à  27,947,157. 

Dupont  (de  Nemours),  qui,  de  1785  à  1787,  avait  été  attaché  au  Gontrôle  géné- 
ral où  il  dirigeait  le  bureau  de  la  Balance  du  commerce,  en  même  temps  qu'il  fai- 
sait partie  du  comité  dit  :  Administration  de  l'agriculture,  ne  donnait,  en  1786,  sur 
la  production  agricole,  que  des  renseignements  incomplets  et  surtout  tro|)  confus. 

En  1790,  l'Assemblée  consiituante,  qui  avait  à  établir  le  nouveau  système  des 
contributions  publi(|nes,  comprit  qu'elle  avait  besoin,  pour  a-^seoir  l'impôt  foncier 
sur  des  bases  équitables,  d'avoir  un  élat  statisti(|ue  sérieusement  établi  et  compre- 
nant le  recensement  général  delà  population,  ainsi  qu'un  tableau  des  produits  bruts 
et  nets  de  l'agriculture.  Elle  s'adressa  à  Lavoisier  pour  l'exécution  de  ce  travail. 

Lavoisier  était  l'un  des  fermiers  généraux,  el  ceux-ci,  associés  depuis  longtemps, 
formaient  la  compagm'e  dite  la  Feime  généi'ale,  dont  les  agents  étaient  répandus 
dans  toute  la  France.  Lavoisier  utilisa  ce  réseau  d'agents  pour  recueillir  les  rensei- 
gnements dont  il  avait  besoin,  et  c'est  du  mémoire  résumant  les  résultats  de  son 
enquête  et  adressé  à  l'Assemblée  constituante  qu'ont  été  extraits,  pour  la  plus  grande 
partie,  les  chiffres  contenus  dans  les  tableaux  ci-après  pour  1790.  Ces  chiflres  ont 
été  complétés  par  quelques  renseignements  puisés  dans  les  travaux  de  Quesnay,  de 
Bertin,  de  Dupont  {de  Nemours),  dans  divers  documents  autographes  existant  aux 
Archives  nationales,  et  enfin  dans  le  Bulletin  de  skUislique  du  ministère  des 
finances. 

Le  choix,  pour  une  statistique  agricole  de  1790,  des  travaux  de  Lavoisier,  les 
plus  complets,  d'ailleurs,  dans  la  matière,  quoiqu'ils  présentent  encore  de  grandes 
lacunes,  se  justifie  par  les  considérations  suivantes. 

A  défaut  d'un  cadastre,  les  agents  de  Lavoisier  étaient  réduits  à  opérer  au  moyen 

id'évaluations  et  d'estimations  qui  n'avaieirt  pas,  toutefois,  un  car'actèi'e  aussi  incer'- 

pin  (pie  celles  des  économistes  cités  plus  haut.  Chargés,  en  effet,  par  leui's  fondions 

:)fïicielles,  du  recouvrement  de  piesqire  tous  les  impôts,  taxes  et  dîmes,  ces  agents 

Jfiisposaient  ainsi  de  moyens  d'investigation  dont  on  ne  saurait  contester  la  valeur 

3t  l'exactitude  relative.  Les  économistes  étaient  restés  dans  le  (hamp  des  hypothèses, 

|es  agents  de  Lavoisier  s'étaient  ti'ouvés  dans  celui  des  r-éalités.  En  outre,  le  célèbre 

chimiste,  par  un  corrtr-ôle  savant,  avait  su  donner  aux  renseignements  recueillis  un 

paractèr'e  d'exactitude  ipii  fut  si  bien  a[)précié  que  ses  tr'avaux  ont  servi,  pendant 

fplus  d'un  quart  de  siècle,  de  base  à  l'assiette  de  la  contribution  foncière. 

Cette  confiance  dans  les  travaux  de  Lavoisier  est,  d'ailleurs,  justifiée  en  quelque 
sorte  par  la  statistique  de  1882  elle-même.  En  efl'et,  s'il  est  évident  que  tous  les 
chiffres  de  la  statrstique  agricole  de  1790  ne  pouvaient  avoir'  la  pr'écision  obtenue 
pour  celle  de  1882,  un  rapprochement  permet  de  se  convainci-e  que  les  chiffres 
inscrits  dans  les  tableaux  de  Lavoisier  présentent,  avec  ceux  des  tableaux  de  1882, 
une  concordance  si  grande  que  l'on  peut  les  tenir  comme  absolument  vr-aisembla- 


—  202  — 

blés,  en  tenant  compte,  toutefois,  de  la  différence  des  habitudes,  ainsi  que  des  con- 
ditions économiques  et  sociales  des  deux  époques. 

En  effet,  lorsqu'on  examine  le 'iMableau  :  Consommations,  qui  sert  en  quelque 
sorte  de  contrôle  pour  les  précédents,  on  voit  qu'en  1700  la  consommation  des  cé- 
réales élait  de  3''', 54  par  habitant  et  par  an,  et  qu'en  1882,  elle  élait  de  3''',93, 
soit  39  litres  en  plus. 

Pour  l'avoine,  la  différence  entre  les  deux  époques  était  de  44  litres. 

Pour  le  vin,  de  31  litres. 

Pour  la  viande  de  0''8,98  pour  l'ensemble  delà  pojiulalion,  soit,  pour  celle  de  Paris 
et  des  grandes  villes,  de  5''^',2i5;  pour  les  petites  villes,  de  14''^, 765  et  pour  les 
campagnes,  de  4''f^,735. 

Enfin,  la  moyenne  générale  du  prix  des  viandes  était,  en  1790,  de  0  fr.  58  c.  le 
kilogr.,  alors  qu'elle  a  été,  en  1882,  del  fr.,47c.,  soit  une  différence  deOfr.  89  c. 

Comme  tous  ces  détails  de  consommation  reposent  sur  les  chiffres  consignés  dans 
les  premiers  tableaux,  il  en  résulte  (|ue  ceux-ci  ont  atteint  tous  les  degrés  de  certi- 
tude et  de  vraisemblance  qu'il  élait  possible  de  réunir  avec  les  instruments  impar- 
faits dont  disposait  alors  Lavoi^ier. 

Après  avoir  ainsi  justifié  l'exactitude  relative  des  renseignements  consignés  dans 
les  tableaux  de  1790,  il  reste  à  indiquer  le  but  (jui  a  porté  à  les  rédiger.  Il  n'y  a 
piiint  là  une  simple  j'émimscence  du  passé;  cette  revue  rétrospective  de  la  situation 
de  notre  agriculture  en  1790  a  un  but  filus  sérieux  en  ce  qu'elle  nous  a  paru  pou- 
voii- servir  de  point  de  départ,  de  prélace,  aux  statisti(|ues  de  1840,1852,  1862, 
1872  et  1882,  et  permettre  de  mesurer  les  progrès  accomplis  depuis  un  siècle, 
comme  l'a  fait,  d'ailleurs,  avec  tant  d'intelligence,  le  rédacteur  de  la  statistique  de 
1882  qui,  dans  son  introduction  et  ses  tableaux,  consigne  les  chiffres  relevés  dans 
les  siati.<ti{|ues  antérieures  de  1840, 1852  et  1802,  pour  les  opposer  à  ceux  de  1882. 

En  effet,  en  comparant  les  résultats  consignés  pour  chacune  des  deux  époques, 
1790  et  1882,  on  est  surpris  des  différences  qu'ils  présentent,  notamment  de  la 
quantité  de  teires  laissées  eu  jachères  ou  en  vaincs  pâtures  eu  1790;  mais,  en 
rapprochant  les  faits  sociaux  et  économiques  qui  caractérisent  ces  époques,  on  est 
amené  à  reconnaître  les  causes  de  ces  différences  aiusi  que  celles  (|ui  arrêtaient 
l'essor  des  cultivateurs  vers  le  progrès.  Ainsi,  îles  documents  très  nombreux  exis- 
tant aux  Archives  nationales  prouvent  que  les  cultivateurs  de  1790  n'étaient  arrêtés 
ni  par  l'ignorance  ni  par  l'esprit  de  routine,  (|u'ils  comprenaient  le  progrés  et  y  as- 
piraient; mais  que  les  charges  de  l'impôt  et  des  dîmes,  ainsi  que  le  fâcheux  régime 
de  leur  assiette  et  de  leur  perception,  étaient  le  principal  obstacle  auquel  ils  se  heur- 
taient. Nous  ne  citerons  ici  que  (|uelques-uns  de  ces  documents. 

On  verra  plus  bas  que  Guay  faisait  usage  d'un  semoir  à  main;  le  boulanger  Ma- 
lisset  perfectionnait  les  appareils  de  moulure  et,  avec  moins  de  dépenses,  donnait 
des  farines  plus  belles  et  mieux  épurées;  Charlemagne,  cultivateur  à  Dobigny,  in- 
ventait une  charrue  bissoc,  ainsi  qu'une  nouvelle  méthode  de  culture  exigeant  moi- 
tié moins  de  frais  que  celles  pratiquées  communément  et  rendant,  néanmoins,  des 
récoltes  beaucoup  plus  abondantes.  On  sait  par  quels  travaux  scientifiques  appliqués 
à  l'agriculture  se  sont  rendus  célèbres  les  deux  Jussieu,  Duhamel  Dumonceau,  La- 
voisier,  Thouin,  Tessier,  Yvarl,  Parmentier.  Vilmorin,  l'abbé  Uozier,  Gilbert,  Ila- 
zard,  Bourgelat,  Ghabert,  etc.  Les  membres  des  dix-neuf  sociétés  agricoles  alors 
existantes  joignaient  l'exemple  aux  préceptes,  et  grâce  à  eux  les  racines  fouriagères 
ainsi  que  les  prairies  artificielles  commençaient  à  être  connues  et  cultivées. 

Mais  tous  les  travaux  de  ces  savants  et  de  ces  praticiens  venaient  échouer  devant 
la  fâcheuse  organisation  sociale.  «  Le  défaut  de  lumière  et  d'instruction  ne  sont 
«  pas  les  seules  causes  qui  s'opposent,  en  France,  aux  progrès  de  l'agriculture,  disait 
«  Lavoisier  dans  le  sein  du  comité  d'administration  de  l'agriculture  ;  c'est  dans  nos 
«  institutions  et  dans  nos  lois  qu'elle  trouve  des  obstacles  plus  réels.  Premièrement 
«  l'arbitraire  de  la  taille  s'oppose  à  toute  amélioration,  parcequ'elle  attire  sur  celui 
1  qui  les  fait  une  augmentation  inévitable  d'impôt.  Secondement,  les  corvées...,  ce 
«  fléau  de  l'agriculture,  lui  enlève  souvent  les  bras  dont  elle  a  besoin  au  moment  où 


—  203  — 

«  ils  luisontle  plus  nécessaires.  Troisièmement,  Ieschamparts,les  dîmes  inféodées,  les 
«  dîmes  même  ecclésiastiques  enlèvent,  dans  quelques  cantons,  plus  de  moitié,  quel- 
«  quefois,  la  totalité  du  produit  net  de  la  culture...  »  Lavoisier  cite  encore  comme 
obstacles  au  progrès  la  forme  vicieuse  de  la  plupai't  des  perceptions,  la  banalité  des 
moulins,  le  droit  de  parcours,  le  mauvais  régime  des  petits  cours  d'eau  et  le  système 
prohibitif  adopté  pour  l'exportation  des  denrées,  et  il  conclut  ainsi  :  «  On  ne  doit 
«  plus  être  étonné  si,  au  milieu  de  tant  d'obstacles,  l'agriculture  est  languissante  en 
«  France;  si  un  royaume  essentiellement  agricole,  et  qui  devrait  exporter  des  pro- 
«  ductions  de  toutes  espèces,  manque  de  chanvre,  de  lin,  d'huile,  de  laine,  de  bes- 
«  tiaux....  » 

Ce  témoignage  n'est  pas  isolé  : 

Ainsi,  sans  parler  de  la  Société  d'agriculture  d'Alençon,  la  Société  d'agriculture  de 
Paris  constatait  que  l'exagération  et  le  système  vicieux  de  perception  des  impôts, 
dîmes  et  champarls  étaient  le  plus  grand  obstacle  au  progrès  agricole. 

Cbarlemagne,  de  Bobigny,  déclarait  qu'il  renonçait  à  appliquer  en  grand  sa  nou- 
velle méthode  de  culture,  malgré  les  avantages  (|u'elle  procurait,  afin  de  ne  pas 
subir  une  augmentation  d'impôt  et  de  dîme  qui  lui  en  enlèverait  tout  le  bénéfice. 

Berrier,  intendant  de  la  généralité  de  Beauvais,  écrivait,  en  novembre  1787,  au 
contrôleur  général  :  «  Le  cultivateur  n'a  pas  le  droit  de  mieux  cultiver  la  terre  sans 
«  crainte  de  se  voir  obligé  de  payer  au  roi  une  plus  forte  somme...  La  plupart  des 
€  lois  agraires  demandent  à  être  réformées...  Une  foule  d'usages,  de  couiumes,... 
«  mettent  des  entraves  à  l'industrie  du  cultivateur...  » 

L'intendant  de  la  généralité  de Soissons écrivait,  en'1786,  au  contrôleur  général: 
«  La  multiplicité  des  impôts,  les  convois  pour  le  passage  des  troupes,  les  corvées, 
«  la  milice,  les  recrues...  tout  cela  rassemblé  ôte  au  laboureur  les  moyens  de  faire 
«  une  culture  entière...  Il  y  a  moins  de  chevaux...  Le  cultivateur  ne  peut  donner  à 
«  ses  terres  le  nombre  de  labours  nécessaire...  Presque  sans  bestiaux,  faute  d'aisance 
«  et  dans  la  crainte  d'en  voir  chaque  tête  taxée  à  la  taille,  les  engrais  lui  manquent. 
«  Les  longs  baux,  que  beaucoup  voudraient  faire,  sont  arrêtés  par  les  droits  aux- 
«  quels  ces  baux  sont  sujets. ..  Les  droits  de  contrôle  pour  les  longs  baux  sont  du 
«  double  de  ceux  de  neuf  ans;  ainsi,  pour  un  bail  de  1,500  livres,  on  paie  à  la  ferme 
«  des  domaines,  en  total,  2:27  livres  10  sols(l). 

Enfin,  Berlin,  ministre  des  affaires  du  dedans,  dans  un  mémoire  au  Roi,  s'expri- 
mait ainsi  :  «  Le  commerce  des  bestiaux  était  intercepté  de  province  à  province  et 
«  avec  les  pays  étrangers  par  des  droits  excessifs...  alors  les  pâturages  étaient  dé- 
«  serls  et  le  nombre  des  bestiaux  avait  tellement  diminué  qu'ils  manquaient  à  l'en- 
«  grais  des  terres...  » 

Nous  arrêtons  ici  les  citations  (2),  elles  suffisent  amplement  pour  justifier  ce  que 
nous  disions  plus  haut,  à  savoir  que  les  cultivateurs  de  1790  n'étaient  point  aussi 
ignorants,  ni  aussi  rebelles  au  progrès  qu'on  s'est  plu  souvent  à  le  dire. 


(1)  Soit,  en  francs,  272', 90°.  -actuellement,  un  bail  de  IS  ans,  pour  la  même  somme  de  fermage,  ne 
donne  lieu  qu'à  la  perception  d'un  droit  d'enregistrement  do  eG'jlO". 

(2)  Toutes  C5S   citations  sont  extraites  de  documents  contenus  dans  les  liasses  H.   501,  K.  900  et 
F.  10. 


—  20i  — 


s  O  U  I!  c  E  s 

aux(iQclIes 

les  reusetgueineuls 

out  été  puisés. 


EN     1790. 


o  o 

et  M 

"3  Em 


totale 


rurale 


Lavoisior. 


I  Suivant  le  recensemout  de  17!)0. 


ECONOMl 

2B, 363, 071  lu\ljitai 


;  L,aboureur8,  fermiers,  valotB,  berger.*,  sorvantos 


0,000,000 

Journalier)^ 4,000,000 

Lavoiticr.  ^Vigneron» 1,7.^0,000 

'  J  Salariés  par  It's  vi};ncron.s 800,000 

\  Petits  propriétaires  vivaut  f.ur  leurs  fonds 420,000 

Rapport  de  la  population  rurale  à  ta  population  totale  :  414,2  p.  100. 


2°  Superficie 
de  la  Tranoe 


totale.  . 
oalUvée. 


3"  Répartition 

des 

cultures. 


i"  Constitution 

de  la 

propriété  agricole. 


i"  Valeur  vénale 

des 
terres  culllvées. 


6°  Tanz  des  fermages  . 


Lavoisier. 
Lavoisier. 


Lavols'er. 


105,000,000  arpeuts  (.02, «23,000  heotaros). 
100,8X4,000       —       (61,455,300       —        ) 


Céréales 


Jachères  ....  18,000,000 

Vaines  pâturos  .  18,000,000 

Lin  et  chanvre  .  600,000 

Calfnm  diirrws.    .    .  100,000 

Pré»  l't  herbages  9,800,000 

Vignes 3,074,000 

Bol» 82,550,000 


28,200,000  arpeuts  (14,402,000  hectares)  ou  26,44  p.  lOo 


(  9,4!iy,000 

(  9,ii)a,oiio 

1         18,46 

)         17,88 

(        218,000 

(         4!l,t>ll0       — 

)           0,48 

)           0,09 

(  4,91)6,4)00       — 

)         10,96 

(  1,. 507, 700       -^ 

)           3,04 

(11,300,000       — 

)         22,li5 

—       /   -o 


10,350,000  arpei \ 
labourable»,    40,050,000    arpei  j 


Que^nay. 


]>ocum(^itU  exlbtaut 

aux 

Archivoft   uatioiialcB, 

Ez'-Ô7ti. 


Idem. 


Ija  grande    culture    occupai t ,    dans    les   terres   labourables , 
(H, 347, 900  bcclares)  ou  ^iô  p.  100. 
I  La    petite    culture    occupait,    UaiiB    les  terres 
(25,043,700  hectare»)  ou   75   p.  100. 

OBSERVATION.  —  i'^  Duns  ses  caluiiU,  QiK'snay  cngidbait  dans  ta  petite  ciiliiire 
px|il(*iLatiûiis  lie  70  arjieiits  i'M  lieclarcï  iO  nres;  et  au-dessous,  re  ([lie  l'on  cnlt-nil  aclii  l 
lenieut  comme  petite  el  moyenne  nilture.  3<>  La  pïm  (grande  partie  des  biens  de  la  nobleil 
t't  Kiiiluiu  de  vi-n\  tlu  L-lerpé    éuiil  alors  uxploitée  i-n  petileit  fermi'H,  les  ruhivaleon  { 
jmsGéddni  généralement  pas  le  ea|nial  nécessaire  poui'  l'exploiiation  d)-  grandes  fermes,  j 

Terres  labourables  .  1H&  liv,  t*  (223  fr.)  l'arpent  (    51fif  60c  l'hectare). 

Prés  et  herbages   .    .  300              (oOO       )       —        (     837  2L         —          ). 

Vigrues 400              (480       )       —        (1,116  79         —          ). 

Bois 90              (108       )       —        (     2jl   Iti         ~          ). 

Terres  labourables   .       f»  liv.  t«  S'' 2''  (  CyUl<^)  l'arpent  (14' 91<:  l'hectare). 


!  Terres 
Prés  et 
Vigues 


et  herbages 


10 
20 


(12 
(21 


(27  90  —       ). 

(55  »0  —       ). 


7"  Revena  net  Imposable.  *  Lavoisier,  Bertln  et  Dn- 
*        pont  (de  Nemours) 


8"  Charges 

résultant  des  impôts 

et  dîmes. 


Lavoisfer. 
Dupont  (do  Nemours). 

I  Document   existant   aux 
Archives  nationaleSjK. 


9»  Salaires  et  gages. 


90G. 


Documents  existaut 

aux 

Archives  nationales, 

K.  90G-50. 


1,800,000,000  liv.  t»  (1,410,000,000  fr.). 


600,000,000  liv.  t»  (     720,000,000  fr.). 
093,000,000  liv.  t»  (    831,*)00,OOU  fr.). 

Les  deux  tiers  du  produit  «les  terres,  frais  do  culture  d<:duits. 


I 


90  liv.  t^ 
140 
100 
10«l 

72 

42 

24 


flOSfOO-:) 
(108  00  ) 
(120  00  ) 
(120  00  J 
(  80  4(J  ) 
(  50  40  ) 
(  28  80  ) 


lO'j  Machines  agricoles. 


Lavoisier. 


Laboureur  et  charretier 

1  Berger 

l  Gar»;on  de  ferme 

I  Maîtresse-servante  on  première  servante 

j  Deuxième  servante 

/  Vachère 

\  Taupier 

En  outre,  les  laboiirenrs,  les  bei^ers,  les  charretiers  et  les  garçons  de  ferme  reeeTalfen 
généralement,  par  ao,  une  blouse  et  une  paire  de  sabots;  les  servantes  et  vachèret|  u 
i;asaquin  et  une  paire  de  .sabuts. 

Batteur  eu  grange  et  vigneron  (par  jour  et  nourri) 1  liv.  t*  4»  (UlS* 

Journalier  (par  jour  et  nourri; 0  21   (1  0& 


Charrues  :  920,000. 

Koues  hydrauliques  ou  moulins  à  eaux. 

Moulins  à  vent. 

Semoirs  à  main. 

Aucun  document  ne  fournit  de  renseignements  sur  le  nombre  de  ces  appareils.  0<udU 

aux  senioii!',  inventés  en  An«Ieterre  et  imporiés  en  France  vers  1760(1),  ils  étaient  eocoDH 

peu  nombieux  et  fort  imparfaits  en  1790. 


(1)  Le  fuit  suivant  justiûe  cette  daie  de  1760  :  on  trouve  aux  Archives  nationales  (K  906-50),  dans  un  compte  tenu,  en  1766,  par  un  sieur  Guay,  fen 
de  la  Barre,  près  Chevreuse,  dans  les  dépenses,  l'article  suivant  :  Réparation  d'un  semoir  à  main,  2  livres  e  soit. 


205  — 


SOURCES 

auxquelles 

les  renseiguement3 

ont  été  puisés. 


EN     188  2. 


lURALE. 


fltati 


istique  agricole 
de  1882 
■«de  rAgriculturo). 


Idem. 
Idem. 


Idem. 


I 

ftisdqueagricole  delSSiJ,  | 
i  i  a  relevé  ses  chiffres  ' 
i  DB  les  tableaux  de  l'ou-  ' 
uêtesurla  propriété  non  l 
»itie  (Min"--  des  Fin.).       ' 


(Suivant  le  recensement  de  1S81 37,672,048  habitants. 

Cultivateurs  travaillant  uniquement  pour  leur  compte \  \ 

—  —          pour  leur  compte  et  pour  autrui I  j 

—  —          pour  autrui  (régisseurs)    .    .   . [  6,913,504    (        ,„  „,„  ..,,„ 

—  —                 —           (fermiers,  métayers  et  journaliers).    .   .  l  ,        i<;,i*j,iiv 

—  —                 —           (domestiques  de  ferme) /  1 

Membres  de  la  famille  do  ces  agriculteurs 11,335,705    / 

Rapport  de  la  population  rurale  à  la  population  totale  :  48,4  p.  100. 

52,857,199  hectares. 
60,560,716         — 

15,096,066  hectares,  ou  29,85  p.  lOj  de  la  superficie  cultivée. 

«,643,799  —  7,20  —  — 

6, 222, .537  —  12,30  —  — 

107,632  —  0,21  —  — 

3,361,607  —  6,65  —  — 

10,477,051  —  20,91  —  — 

2,196,799  —  4,34  —  — 

9,455,225  —  3,54  —  — 

Exploitations  au-dessous  de  1  hectare  .   .   .    .       1,083,833  hectares    l       Petite  culture      1    27,295,757  hect. 
— •  de  1  à  10  hectares 11,366,274        —  (      12,4.50,107  hect.    [  ou 

—  de  10  à  40  hectares  (moyenne  culture) 14,845,650    —      )     .      53  p.  100 

—  au-dessus  de  40  hectares  (grande  culture) (    22,266,104  heol. 

^  '  f        ou  47  p.  100 

OBSERVATIO.N.  —  Les  hois  ?onl  compris,  ici,  dans  le  calcul  de-s  hectares  occupés  par  la  grande  i-ukure,  ce  qui 
explique  la  différence  de  surface  de  la  superfnûe  actuelle  avec  celle  indiquée  par  Quesnay,  qui  ne  basait  siin  calcul  que 
sur  les  teires  labourables.  Si,  au  chiff.-e  de  celles-ci,  8,347,900  hectares,  en  effet,  on  ajoutait  les  1 1,500,000  hectares 
de  bois  indiqués  par  Lavoisier,  on  aurait,  pour  la  grande  culture  eu  1790,  19,847,900  hectares,  se  rapprochant  sensi- 
blement des  22,266,104  hectares  ludiques,  pour  la  grande  culture  également,  par  la  statistique  do  1882. 

2, 197 f  43':  l'hectare. 
2,960  92  — 

2,968  24  — 

745  13  — 


:)tatistiquo  agricole 
de  1882. 


56f  74<:  l'heclare. 
96  67  — 

129  95  — 

2,645,505,565  fr. 

Idem.  587,000,000 

lant  un  calcul  commu- ( 
iqué  par  M.  L.  Passy,        959,000,000 
Lputé. 


itatistique  agiicolo 
4«  1882. 


Laboureur  et  charretier 324  fr.    \ 

Herger  de  jilus  du  16  ans 290  1    -3 

Garvou  de  ferme  de  pluB  de  16  au8 ^95  /     ^  ' 

—               de  inoius  de  lt>  ans 140  \     § 

Bouvier  do  plus  de  Iti  ans 289  /     " 

Maître-valet 465  L     S 

Servante  de  ferme 235  1     ^ 

Ouvrier  fromager 43I  j    O 

Journalier    i    homme,  en  hiver,  nourri,  If  3lc  non  nourri,  2'  22cj  eu  été  ,    nourri ,  If  93«  non  nourri,  3f  11* 

par           ■     femme,           —         —             0  79             —             1  42             —         —             3   14               —  1  87 

jour.         (    enfant,           __        —            0  52            —            0  94            —        _            0  74              —  1  31 

Roues  hydrauliques 12,883 

Moulins  à  vent ■  9,428 

Machines  à  vapeur  fixes  ou  locomobiles ii,2Hi 

Charrues  simples  ou  polysocs 3,2G7,IS2 

Houes  à  cheval 195,410 

Machines  à  battre 211,045 

Sumoirs   mécaniques 20,391 

Moissonneuses  mécaniques ltj,025 

Faneuses  et  Kateaux  à  cheval 27,3(U 

Faucheuses  mécaniques 19,147 


—  206  — 


NATUKK 
DES   PRODUITS. 


(Fromout  et  épeautre. 
Méteil 
Seigle 

■S  ,  Orge 

^     .ÂVOiUtt 

"J  /  Mȕs 

«  [  Sarrasin 

l  Millet 


SOURCES 

auxquelles 

IcR  reuseiguemcnts 

eut  été  puisés. 


EN     17  90. 


QUANTITES. 


'  LftTOisler,  Dnpont  de  Ne- 
monrSf  QaesDay  et  Ber- 
lin. 

Quesnay. 
Quosnay. 


S  •'  I  l''ivBa  et  féverolea. 
Si  \  Haricot» 

S  -2  <  Poi» 

^  B  i  Lontillea 

«  "5  (  Vosces  et  autres.  . 

3"  Jardins  potagers  et 
maraîchers. 


4°  Pommas  de  terre.  . 


/  Racines  fourragères. 
,  1  Plantes     fourragère» 
annuelles ' 


I    Dupont  (de  Nemours). 


g  1     annuelles {  l^Tol.ler 

1     Prairies  artiflcielle».  »    ^  oujJ^Yi'Lmonr,). 
o  J  Prés  temporaires  -   -  1  r        \ 


natarels  . 


■'■■] 


\  Herbages  pàtnréi 


'é  j  Betteraves  à  sucre. 

*§  I  oléagineuses  .   .  . 

•2   1  textiles 

S  <  diverses f 

a   l  arborescentes  oléagi- ,     Dupont  (de  Nemours) 

^  I     nenses L 

u  I  arborescentes     frul  -  f 
i  \     tlères 


7°  Mûriers  et  Soles. 


go  Vignes 

9»  Bols  et  Forêts  . 
10°  Alcool  .  .   .   . 


llo  Cidre  et  poiré. 


12o  Vinaigre 


Lavoîsier. 

Dnpont  (de  Nemonrs). 
Lavoisier. 


Bulletin  de  statistique 
du  ministère  des  finances. 


Document  existant  aux 
Archives  nationales, 

K.  906-50. 

Bulletin  de  statistique 

du  ministèredesânances. 

Bulletin  de  statistique 
)  du  ministère  des  finances. 


I 


68,000,000«eptier8  (106, 147,728  hectolitres). 
17,000,000      —       (  Ï6, 5*0,000        — 
8,000,000      —       (    1,218,000        — 


ToUl.   .    .      la», 1115, 728  hectolitres 
soit  9  hectolitres  par  hectare. 


B.  —  PRODUCTIC 

1  1,020,000,000  liv.  t> 
I  (1,224,000,000  fr.) 

(  238,680,000  liv.  t" 
I  (286,416,000  fr.) 

1 

i  Aucun  document  no  fait 
J      uaîtrc  la  valeur  de  ces  gra 
laquelle  devait  atteindre 
virou  90,000,000  fr. 


Aucun  document  ne  fait  connaître  ul  l'importance 
do  la  production,  ui  la  valeur  d'aucun  de  ces 
grains  alimentaires. 


Dupont,  qui,  seul,  donne  des  reoselRnemonts  snr 
ces  Jardins,  se  borne  à  indiquer  que  leurproduc- 
tiou,  à  laquelle  il  Joint  celte  des  huiles  de  toute 
espèce,  présentait  une  valeur  de 


150,000,000  liv.  t» 
'(180,000,000  fr.) 


) 


Cette  culture,  prc-^ique  nulle  eucore  en  1790,  occu-  \ 
patt  alors  au  plus  40,000  arpents  [16,000  hec  à 
tares  (1)].  Ko  (évaluant  la  productiou  au  même  ^ 
chiffre  <iue  celui  indiqué  par  la  statistique  de  y 
lS8i  (75  quintaux  par  hectare)  lo  produit  eut  été,  i 
alors,  de  1,200,000  quintaux,  dont  la  pins  grande  i 
partie  était  consacrée  A  la  nourriture  des  ani-  ] 
maux. 


Lavoisier  et  Dupont  (de  Nemonrs)  n*ont  indiqué 
que  la  valeur  de  ces  produits,  qu'ils  portent  à.   . 


La  betterave  à  sucre  n'était  point,  alors,  l'objet 
I      d'une  cnltum  spéciale. 

i  Dupont,  réunissant  à  la  valeur  des  produits  do  ces 
cultures  celles  du  poisson,  du  f:el,  des  mines  et 
des  carrières,  en  portait  renserable  à 

I     mais  il  ne  donne  aucun  renseignement  sur  l'im- 
portance de  leur  production. 


9,631,674  mûriers. 

En  moyenne ,  la  récolte  en  cocons  atteignait 
12,111!, 692  livres  (6,056,346  kllogr.). 

9,260,000  niuids  de  vin  (25,000,000  hectolitres). 

Point  de  renseignements  sur  le  chiffre  des  produits 
annuels. 

Ce  bulletin  se  borne  à  donner  ta  valeur  du  muid, 
soit 

Dupont  (de  Nemours)  indique  que  la  production 
du  vin,  de  l'alcool,  du  cidre  et  de  la  bière  s'élevait, 
en  1786,  à  1,000,000,000  liv.  t*  (1,200,000,000  fr.). 
mais,  de  ce  chiffre  en  bloc,  on  ne  peut  tirer  la 
valeur  de  chacun  de  ces  produits. 


Point  de  renseignements  sur  le  chiffre  do  la  pro- 
duction annuelle. 


Point  de  renseignements  sur  le  chiffre  de  la  pro- 
duction annuelle. 


Point  de  renseignements  i 

valeur  des  pommes  de  tel 


451,120,000  liv.  t» 
(541,344,000  fr.) 


282,000,000  liv.  t« 
(328,400,000  fr.) 


12,112,692  liv.  t» 

(14,535,230  fr.) 

386,000,000  liv.  U 
(463,200,000  fr.) 

120,000,000  liv.  t» 
(144,000,000  fr.) 

392  liv.  3*(l74f28':rhectolttil| 


le  poinçon,  15  liv.  t»  (18  ft»)î  | 
muid,  71  liv.  8»  (31  ^73^  l*l»t  I 


Le  muid ,  58  liv.  11^  3<ï  {»fy\ 
l'hectolitre). 


(i)  La  disette  du  froment,  si  excessive,  chez  nous,  en  1793,  1794  el  1795,  el  qui,  à  maintes  reprises,  entraîna  le  rationnement  dans  les  distribotiowll 
pain,  surtout  à  Paris  ;  la  loi  du  maximum,  qui  frappait  le  blé  aux  mêmes  époques,  alors  qu'elle  n'atteignait  pas  les  pommes  de  terre,  non  comprises  daBs] 
tableaux  ;  les  réquisitions,  les  vexations  ei  les  pénalités  auxquelles  les  cultivateurs  étaient  exposé.s  par  la  culture  du  froment,  mais  auxquelles  ils  échappaitll 
par  la  culture  des  pommes  de  terre,  toutes  ces  causes  firent  beaucoup  plus  pour  la  propagation  de  la  culture  de  celte  solanée  et  pour  vaincre  la  répilgaai| 
que  celle-ci  inspirait  encore,  que  la  faveur  royale  dont  elle  avait  été  l'objet  sous  Louis  XVi.  C'est,  en  effet,  â  dater  de  ces  années  1793,  1794  et  1795  ^ 
pomme  de  terre  s'est  popularisée  dans  l'alimentation  généi-ale  de  la  France. 


—  207  — 


SOURCES 

auxquelles 

les  rfiisei^nements 

ont  été  puisés. 


rETALE. 


ktistique  agricole 
de  1882. 


Idem. 
Idem. 


Idem. 


Idem. 


EN    1882. 


QUANTITES. 


VA  L  E  U  U. 


(  120, .338, 1)71!  hectolilres 

j      «,1«U,4(;2  — 

'    28,5li0,4fil  — 

(    li),2.->i!,500  — 

I    9U,7iW,37a  — 

9,907,793  — 

n, 1(1.5,679  — 

477,91a  — 


lC4,0G.5,.ôn9  hectolitres 


110,034,873 


1  3,156,800,497  fr.  ] 

'      129,274,489        [  3,829,670,641  fr. 


21,611,385 


295,731,857  — 

soit  19''î,59  par  hectare. 

2,939,127  hoctolitros 
1,642,209  — 

1,090,297  — 

220,781  — 

La  fitatititiquc  de  1882  n'indique  que  la  valeur  de  ces  produits. 


Idem. 

Idem. 

Idem. 
Idem. 


iiptc  rendu  du  Congres 
i  itoraalioual  d'agricul- 
■  n-e  de  1882. 


t  La  statistique  de  1882  n'indique  que  la  valeur  des  produits  de  ces  jar- 
'      dins,  qu'elle  porte  à 


100,993,666  quintaux. 


121,377,727         — 

60,995,648  — 

123,4.58,297  — 

142,869,060  — 

12,960,671  — 

32,161,139  — 

88,503,921        —        rendant  4,500,000  quintaux  de  sucre  et  556,056 

hectolitres  d'alcool  ramené  à  100  degrés 

2,007,729  hectolitres. 
582,160  —  de  graines. 

750,244  quintaux  de  filasse. 

311,045  — 

La  statistique  de  1882  n'indique  que  la  valeur  de  ces  produits 

25,806,177  hectolitres. 

Feuilles  de  mûrier.     1 ,942,337  quint.inx. 
Cocons 9,711,079  kilogrammes. 


33,581,632  hectolitres. 


25,070,140  mètres  cubes. 


Produit  de  l'alcool  de  vin,  environ  165,000  hrctolitres  d'une  valeur  de. 
—  de  grains,  de  pommes  do  terre,  de  mélasse,  etc., 

environ  2,000,000  d'heetolitros,  d'une  valeur  de  ..   .     101,000,000  fr. 
Valeur  des  drôches  provenant  de  ce  dernier  alcool  .   .         4,800,0i;0 


La  statistique  de  1882  ne  fournit  aucun  renseignement  sur  la  production 
du  cidre,  du  poiré  et  du  vinaigre,  non  plus  que  sur  leur  valeur. 


543,. 595, 655 
266, 341,. 383 
978,148,843 
166,438,90^ 
126,839,064 
7,786,002 


37,221,906 

49,003,338 

29,227,259 

6,619,701 

5,498,000 


322,378,745 

227,709,949 
746,621,845 
876,830,739 
68,673,645 
159,922,819 


46,915,688 
11,984,600 
75,039,114 
45,657,152 

50,850,178 
140,047,749 

8,443,780 
41,003,234 


34,650,000 
103,800,000 


1,244,490,233 
301,064,575 


117,570,264 


902,372,000 


648,317,905 


I  2,402,137,742 
173,209,409 

I 

;   370,494,479 

\ 

I 

J   49,447,081 

1,130,718,318 
334,000,000 

143,450,000 


—  -208  — 


SOURCES 

auxquelles 

les  rouselgnements 

ont  été  puitiés. 


EN     17  90. 


C. 


ANIMAU 


1"  Espèoe  chaTaline. 


Lavoisier. 


iAVoisicr. 


(ïjDi^va 
tare 
Chevii 

("M 


/    Cbi^vaus  apijli<iiii!s  aux  travaux  ilo  l'agicul-  . 

I,5ij0,0f>0  tôtea.  i 

nx  employés  dauB  Paris 21,500     —      f   1,781,.' 

—        dauB  lej  autres  villes  et  [      tOtei. 

pour  1(;  roulage I*î0,000     —      \ 

Chevaux  einpioyôs  dans  l'année 40,000     —      / 


2''  Espèce  malassiére  .  . 


30  Espèce  aslne. 


/  Cheval  de  labour  :  GO  à  400  liv.t', moyenne  1  .,.„ 
y  pour  uu  bon  cheval,  300  liv.  t*  (360  fr.)  (  *  ° 
I  Cheval  do  roulage:  300à4001iv.t'', moyenne  j    ._  ...   „„j. 

(•9  '1      pour  un  bon  «-heval,  :130  liv.  t»  {J96  fr.).     i    ^o,\}W,wyi 
>  I  Chev«ldecarro8ije:400àl,00Ùl.t», moyenne  (    ,.,.  «„,,  ^^^ 
\      pour  un  bon  cheval,  700  liv.  f^SlOfr.).      {    t>S0Q0,00Q 


000,000  liv. t^  (501,000,000* 
(  18,060,000 
(  79,200,000 


LavciBier. 


4»  Espèce  bovine . 


Lavoisier. 

LavoiBîer. 
Lavoiflier  et  un  document  j 
existant  aux  Archives 
nationales,  K.  906-50. 


LavuUier. 


549,050,000  Uv.t»  (068,81^0, UOOi 


Aucun  document  tif  fournit  do   renseignements  sur  les  animaux  de  cette  (';^|>''ce, 
'  cependant  étaient  a»i^ut  nombreux,  recherchés  à  l'étranger,  surtout  en  Itulie,  et  ilunt  1' 

f  porUtion  alieignuii  uu  chiffre  as&ez  élevé. 


Aucun  document  ne  fuurnit  de  renseign<Mncnl8  sur  les  animaux  de  cette  es|M-cls  f 
rèpanduH  cefieudaut  djns  les  campuguet,  où  Ils  aidaient  beaucoup  aux  tiavaux  agricol^i. 


,    .    I    Bœufs  de  travail  et  taureaux  .    .    .    .  2,700,000  têtes  J 

.2  g    I    Bœufs  à  l'engrais 389,000     -  f  „     -  .  .^^ 

r^  =    )    Vaches 4,000,000    ~  (   J,i7i,Jt)otete 

B    {    Veaux 2,082,500    —  ) 

/  Bœufs  de  travail  et  taureaux.  .  .    .  3501'v  t»à500liv  t»,  moyae4251ivt»  (2I2'',50 

^.  (  Bœufs  engraissés 500  àSôO  —  700  (350 

2  I  Vaches  consoniméoi*  dans  les  villes.  200  à350  —  250  (125 

"o  1  Veaux  consommés  dani*  les  villes  .30  à  80  —      GO  {30 

^  j  Vaches  consomméeei  dans  le»  camp,  de  200  (100 

\  Veaux  consommés  daua  les  camp  .de  30  (  15 


,  Bœuf  de  travail  ettaureau,  200Uv.  t*(ïi40fr.)  510,000,000liv.t«  (018,000,000  fr 
l  Bœuf  eugralBBé 300  (36:)    ).  116,700,000  (110,010,000 

]  Vache 110  a32     ).  440.000,000  (528,000,000 

[Veau 30  (  36    ).     62,475,000  (  74,!»7f),000 

1,159,175,000        (1,391, 010, OuOfr 


Espèce  ovine. 


Lavoitiier. 


I  Lavoisier  et  un  document 
existant  aux  Archives 
uationalef-,  K.  906-50. 

Lavoisier. 

Lavoisier. 


Moulons.  —  Aucun  document  ne  fait  connaître  le 
nombre  des  sujets  des  différents  âges  ;  on  n*a  que  le 
total  présenté  par  Lavoisier^  qui  révalue  à 20 , 000 ,  000  tét( 


Moutons  consommés  dans  les  villes,  poids  moyen 40  liv.  (20ii, 

—  —  dans  les  campagnes,  poids  moyeu .    .     35         (17  ,50t 


Moutons  gras,  de  7  à  9  liv.  t*,  moyenne 8  liv.  t»  (91", 60 

Agnelle 3  (3  ,60 

Vieille  brebis 3  (3  ,«0 

En  l'absence  de  renseignements  sur  !e  nombre  des  siijels  des  diJTérenis  agi 

il  est  impossible  de  tirer  le   total    tie   la    valeur  des  animaux  ovins,  qui  dSTi 

approcher  de  110,000,000  liv.  t*  (l;i2,000,000  fr.). 


—  209  — 


S  (,>  U  R  G  E  S 

auxfiuelles 

les  reuseignements 

ont  été  puisi^s. 


EN     188  2. 


lESTIQUES. 


i«ti- tique  agricole 

de  ISSU. 


Idem. 


Idem. 


Idem. 


Chevaux  entiers  employés  uniquement  à  la  reproduction.   .  8,28.t  têtes. 

Juments  employées  uniquement  à  la  reproduction  ....  190, lit!)     — 

Chevaux  entiers  employés  au  travail 3(6, 5ôl     — 

Juments  employées  au  travail 1,019,021     — 

Chevaux  hongres 73;i,2i>7     — 

Poulaius  et  pouliches 530,593     — 

Chevanx  enti«'rs  reproducteurs 1,209  fr.  10,016,922  fr. 

Juments  reproductrices 5'Jt'i  —  99,519,090    — 

Chevaux  entiers  employés  au  trav.iil 510  —  196,878,*U5    — 

Juments  employées  au  travail -iSG —  492,8(1,7'^;;    — 

Chevaux  hongres 5:i2 —  390,603,054    — 

Poulains  et  pouliches 323 —  171,489,012   — 


Existences.  —  Mulets,  mules  et  élèves  . 
Valeur 


Existences. 
Valeur.   .    , 


-  Anes,  ânepses  et  élèvtjs  , 


in 


IM 


Taureaux 

bœufs  do  travail  . 
liœufs  à  l'engrais  . 
Uouvillous  .  .    .   , 

Viiches 

Créaisses 

Veaux  et  velles  .  . 


313,n'J2  lêtCF. 
1,5IS,501 

561,071 

800,155 
6,587,1)30 
1,273,795 
2,UO,301 


;êteF.    \ 

El 


Taureaux 

Bœufs  de  travail 

Bœufs  à  Tengrais 

Buuvillons 

Vaches  

flénisaes     

Ëtèves  de  6  mois  à  1  au 

Veaux  et  Telles  au-dessus  de  t>  mois. 


Taureaux 231  fr. 

Bœufs  de  travail 391 

Bœufs  eugraissés •173 

Bouvillons 16^> 

Vaches 2.il 

Génisses 15^ 

Klèves  de  6  mois  à  1  au loi 

Veaux  et  velles  au-dessus  de  6  mois 61» 


Béliers 

Moutons 

Brebis 

Âgueaux  et  agnelles  de  2  aas 

—  de  1  an 

—  au-dessous  do  1  an 


87,991,211  fr. 
594,037,692 
171, '107,1^7 
13.', 1175, 027 
1,71», 793, -'51 
200,iU8,6l)J 
110,0J9,352 

72,297,577 


351,831  tètes. 
5,299,728  — 
9,758,528  — 
2,836,585  — 
2,713,733  — 
2,819,025      — 


2,837,952  tôles. 


1,.1IU,372,0J5  fr. 


260,673  télés 
107,161,193  fr. 


395,833  tètes. 
44,765,707  fr. 


12,997,051  têtes. 


362  kilogr. 

417  — 

538  — 

193  — 

321  — 

16A  — 

104  — 

69  — 


3,086, 153,  iliô  fr. 


Béliers 

Moutons 

Brebis 

Agneaux  et  aguelles  de  2  iuis 

—  de  1  au 

—  au-des;^oas  de  1  an 


Béliers 37  fr.         13,223,600  fr. 

[tous 32  1:8,767,0)7 

25  215,690,017 

Agneaux  et  agnelles  de  2  ai. s 22  62,330,4'7 

de  1  an 18  48,2iO,3H 

au-dessous  de  1  an 12  33,692,710 


/  Béliers 

\  Moutoi 

]  Brebis 

'  A. 


23,809,433  têtes. 


39  ki!  'ïr. 

35  — 

30  — 

24  — 

19  — 

12  — 


Sy  ,924,212  fr. 


■  •isiK.  31»  VOL.  —  N"  7. 


u 


u. 


210  - 


s  O  U  R  C  K  s 

auxquelles 

les  renseignements 

out  été  puiséB. 


EN     17  9  0. 


Lavoisfer. 


Lavoisicr. 


6^  Espèce  porcine. 


1»  Espèce  caprine. 


Aalmaux    de    basse- 
Gour. 


Produits  des  animaux 
domestiques. 


Document    cxUUnt   aux 
Archives     uatioualus 
K.  yOd-50. 


c.  —  animai: 

I  Existences.  —  Verrats,  truies,  porcs  à  Tengrais,  porcelets.    .    .     4,000,000  tôtes 

I    js     (    Porcs  consoramés  daus  les  villes,  poids  moyeu.  .    .    .     200  liv.  (100  kllog 
I    i     (  —  daus  les  campagnes,  poids  juoycu  .     150         (  7ô 

.  ,        ^        ,  .  1     I  iJ     (    Porcs,  prix  moyeu i.*»  Hv.  t'  (ôlf  Q 

Lavoisier  et  un  document  I    ;-  j     j    porcelets   .    .    I 23  u'7   6 

existant   aux   ArciiU es  :  ^^  |'tb«t*nte  de  rcuseigneuieiils  »ur  le  uomhre  des  «ujeis  de  chaque  fige,  on  ne  peut 

naiiODales,K.  906-50.     /  le  toul  de  la  valeur  de.  porcs. 

Aucun  document  ne  fournit  de  renseigoeinents  sur  le  nombre  et  la  valeur  de»  uuiu 
Gsprtns  k  celte  époque. 

On  ne  trouve  aucuns  renseignements  sur  le  nombre  des  animaux  de  basse-cour,  k  c 
époque. 

Poule,  prix  moyen,  la  pièce 0  liv.  t»  15»  (0^,7 

Poulette,  prix  moyen,  la  pièce 0  la  (0  6 

Dindon,  prix  mo^cn,  la  pièce 1  8  (1    & 

Pigeou,  prix  moyen,  la  piëco 0  1(0 

On  lie  trouve  aucuns  rcuseiguemeuis  sur  U  valeur  des  oies,  des  canard»,  des  pintade 
des  lapins. 

En  l'abkeuce  de  renseiguemeuts   sur  le  nombre  des  animaux  de  bassc-rour,  ou  ne  | 
tirer  le  cbiffre  de  la  valeur  totale  qu'ils  représentaient  eu  1700. 

Valeur.  —  Produit  des  laines 50, 0©0, 000  liv.  f  (60,000,000  1 

Aucun  document  m*  faii  connaître  le  chiffre  et  la  valeur,  à  celte  é|>oque,  du  luit, 
beurres,  des  fromagus,  des  œufs,  du  miel  et  de  la  cire,  ainsi  que  des  peaux,  coruaiile 
autres  dépouilles  des  animaux.  Dupont  (de  Nemours),  qui,  seul,  fuil  lUeiitioii  de  pluM' 
de  ces  produit»,  les  confond,  dans  un  même  compte,  avec  les  graines  el  fourrages  de 
les  bi_'Stiaux,  les  chevaux,  les  mulets  el  les  volailles.  En  effet,  dans  son  Hpen;u  dt-s  rvflo 
du  royaume,  présenté  au  Comité  d'administration  de  l'agriculture,  séance  du  o  Ju 
1786  (Archives  nationales,  F.  10'  — P.  10'i>i._r.  lO'"').  il  avait  inséré  les  deux  srli 
suivants  : 

|w  Grains  et  fourrages  de  mars,   bestiaux,  beurre  et  fromjges   des   fermes,  volaille 
a-ufH  <les  basses-cours,  425,000,000  liv.  t«  (510,000,000  fr.). 

t"  Prairies,  besliuux  de  naurriture  et  d'engrais,  beurre  et  fromages  des  pays  dep&tu 
et  .le  montagne,  chevaux,  mulets,  eic,  UOO.OOO.OOO  liv.  t»  (a60,OOU,000  fr.). 

De  son  cûlé,  Lavoisier  porte,  en  bloc,  œufs,  beurre,  fromages,  fruits,  légumes,  bu 
100,000,000  liv.  f  (120,000,000  fr.). 

U  a  donc  été  impossible  d'utiliser  ces  renseignements  pour  constater    la    valeur   le 
des  |>roduils  des  animaux. 


D.  —  CONSOMMATION    Dl 


1"  céréales . 


3u  Autres  liquides.  .  .  . 
fKau-do-vie,  cidre  et 
b!6re.) 


4'   Vinaigre. 
5>-  Bois.    .   . 


Lavoiaier. 
Lavoibler. 


LiToisier. 


Lavoisier. 


liv. 


kil. 


heel.    hect. 


*"'■''?'!""(  JoirriUrfdMbonmifs.  11,667,000,000  (5,833,500,00»   77,780,000)  i!,!i5 

et  or  "    (Semence.  .   .    .     2,233,000,000  (1. US, 500,000  14,886,066)  0,50  f  «. 


Orge  (sosrnlnrp  in  loiiDvi;. 


105,000,000  (   50,000,000    660,666) 


14,000,000,000  (7,000,000,000  93,3J3,332)  3,76 


■1  7K  ' 


Avoine,  semence  non  comprise,  400,000,000  boifes.,  mesure  de  Paris  (52,000,000  hfr 
suit,  par  au  et  par  habitant,  1,97. 

:  1,642,500,000  pintes  (1,529,693,100  litres)  ou  5,703,125  muids  (15,2*J6,921  heeli 
soit,  par  au  et  par  habitant,  0 ,58. 

Aucun  document  ne  fait  connaître  le  chiffre  de  la  consommation  totale  de  l'esa-df»' 
du  cidre  et  de  la  bière,  Dupont  (de  Xemours),  dans  son  compte  rendu  cité  plu»  k» 
indique  que  la  valeur  de  la  produclion  du  vin,  de  l'eau-de-vie,  du  cidre  et  de  la  bi 
s'élevait  à  i, 000,000,000  liv.  ts  mais,  comme  il  englobe,  d'une  part,  tous  ces  lîqO: 
dans  son  chiffre  sans  faire  aucune  distinction  entre  eux,  et  que,  d'autre  part,  il  ne  m 
lionne  |  as  le  cliiffre  de  l'exportation  qui,  pour  le  vin  et  l'eau-de-yie,  éùit  alors  consi 
rable,  on  ne  peut  tirer  de  ses  chiffres  celui  de  la  consommation  de  l'eau-de-vie,  du  cidft 
de  la  biêie,  dans  la  France  entière. 

Aucun  document  ne  fournil  de  renseignements  sur  la  consommation  du  vinaigre  en  \i 

Même  observation  pour  la  consommation  du*  bois,  laquelle  devait  être  assez  cunsidé 
h'e,  celle  de  la  houille  étant  encore  très  restreinte. 


(I)  Le  nombre  des  animaux  clievalins,  bovins,  ovins  et  [lorcins,  qui  est  de  U4,y53,000,  représente  g  tites  i3  par  hectare  des  terres  labourables  consurr 
à  la  culture  des  céréales,  soit  0,67,  ou  près  de  1/5  de  moins  qu'en  i88i. 


211  — 


SOUKCES 

auxquelles 

les  renseignements 

ont  été  puisés. 


EN     1882. 


DMESTIQUES.  {Suite.] 


istiiiueagricole  de  1882.  I  Existences.  —  Verrats,  truies,  porcs  à  l'engrais,  porcelets 7,146,996;tête8(l) 


Verrats,  poids  moyeu. 

Truies,  poids  moyen 

Porcs  à  l'engrais,  poids  moyen 

Porcelets,  poids  moyen 

Verrats,  prix  moyen 96  fr. 

Truies,  prix  moyen 91 

Porcs  &  l'engrais,  prix  moyen lltj 

Porcelets,  prix  moyen 36 


4,711,346  fr. 
73,19B,7.')2 
389,509,612 
105,597,792 


I  Valeur.  —  Boucs,  clièvres  et  chevreaux. 
Existences.  —  Poules,  canards,  oies,  dindons,  pintades,  pigeons  et  lapins 


110  kilogr. 
100      — 
120      — 
34       — 

573,015,532  fr. 


1,851,131  têtei. 
30,759,793  fr. 

79,836,061  tête». 


Poules,  prix  moyen,  la  pièce 

Oies  —  — 

Canards  —  — 

Diudons  —  — 

Pintades  —  — 

Pigeons  —  — 

Lapins  —  — 


lf,92« 

4  ,56 

2  ,23 

5  ,48 

3  ,18 

0  ,78 

1  ,77 


Valeur  totale  :     161 ,  436 , 1 04  f r. 


Produits  des  moutons  . 


S    1    Produits  de  la  laiterie. 


Idem. 
Idem. 


Œufs  .    .    .    , 
Miel  et  cire 


Laines 82,500,000  fr. 

Peaux 2,000,000 

Lait,  moins  les 
quantités  em- 
ployées  pour 
la  fabrication 
.  ,      des  beurres  et 
1      des  fromages.     740,480,000  fr. 
/  Lait  de  chèvre.     100,000,000 

[Beurres 164,071,676 

\  Fromages 117,858,364 


81,500,000  fr. 


840,480,000 


1,122,410,040  fr. 

120,000,000  fr. 
19,913,662  fr. 

La  Statistique  agricole  de  iSS2  ne  donne  aucuns  renseignements  sur  le  nombre  et  la  valeur  des  animaux  bovins, 
ovins,  porcins,  caprins  et  de  basse-cour  vendus  pour  la  reproduction,  le  travail  et  l'engraissement,  non  plus  que  sur  la 
valeur  des  peaux  des  bovins,  du  suif,  des  cornailles,  des  plumes,  des  crins  et  autres  dépouilles  desanimaux  domestiques. 


AGRICOLES 


tUtique  agricole  de  1882. 

Idem. 
Idem. 
Idem. 


Idem. 


Pour  la  nourriture  des  hommes.      92,444,000  hect.  l 

Pour  la  semence 14,490,000           >  110,955,000  hect.     par  au  et  par  hab.  2  hect.  60. 

Pour  l'industrie 4,012,000  ) 

Seigle 28,560,461  —  0             76 

Méteil 6,166,462  —  0             16 

Orge 19,256,500  —  0 ^i 

164,938,423  hect.                   —  3             9.i 

Avoine,  semence  comprise 90,798,373  —  2             41 

—       non  compris  la  semence 81,718,535  —  2             17 

Vin 33,581,632  hect.     par  an  et  par  hab.  0  hect.  89. 


La  Slatlslique  de  18S2  n'a  point  donné  les  chiffres  de  la  production  et  de  la  cousommatioii  du  cidre  et  de  la  bière,  ni 
celui  de  la  consommation  de  l'eau-de-vie. 


Iden 


M6me  observation  pour  le  vinaigre. 
31,448,000  màtres  cubes,  soit,  par  an  et  par  habitant,  0n>'^,924. 


)  Le  nombre  des  animaux  chevalins,  bovins,  ovins  et  porcins,  qui  est  de  46,791,435,  représente  3  tètes  10  par  hectare  des'terres  labourables  consacrées 
loollure  des  céréales,  suit  6,67  ou  près  de  1/5  de  plus  qu'en  1790. 


—  212  — 


SOURCES 

auxquelles 

les  reuseignoinents 

ont  été  puisés. 


EN     17  9  0. 


D. 


CONSOMMATION  DE 


Poids  luoyou 


télés.        liv. 


Lavoisier. 


\ii 


Bœufs .    . 

Vaohcs.  . 
Veaux.  . 
Muutons  . 
Porcs  .    , 


6"  Vlaade. 


'  Vaches.  , 

I  Veaux.    . 

I  Moutons. 

Pures  .    . 


;W7,000 

451,000 

1,48.', 0)0 

3,75ii,!!5ll 

443,750 

G, 53 J, 000 

tj,000 

BOO.UOO 

1,500,000 

3,000,000 

5,10(i,000 


700 

250 

«0 

40 

200 


kil. 

(.')5'l 
(125 
(  30 
(  20 
(100 


liv.  kil. 

277,000,000  (138,9.')O,nO0' j 

113,500,000  (  50,750,000' I 

88,920,000  (  44,4(;0,00i/   | 


(100  ) 
(  15  ) 
(  17,5) 
(  Î5     ) 


15U,250,0i0 
it8,750,OOJ 

719,320,000 

1,2011,000 
18,000,000 
52, .500, 000 


75,125, 

(  44,375,0')  ' 

(3Ji),tJliO,UI)(i 

(         000,0111  1 

(     9,D()i),0i)l) 

(  2B, 250,000 


450, 00), 000     (225,000,000, 


521,700,000     (2ti0,K50,O00) 
1,241,0^0,000     (020, 510,000-'/ 


Lavoisier. 


7*^  Gralas  alimentaires. 
Cultures  lud-)<:'  diverses 


Pain 

Vin  ordinaire 

Viu  de  liqueur 

Kau-de.vle 

Cidre 

Bière 

Vinaigre 

Bœufs 

Viiches 

Veaux 

Moutons 

Pures 

Viandes  dépecées.   .    .   . 
Bois  à  brûler 

Charbon  de  bois 

Œufs 

Beurre  frais 

—     Falé  et  foudu.   . 
Fromage»  frais  .... 
—        secs   .... 
Huiles  de  toutes  espèces 

Poiu 

Paille 

Avoine 

Orge 

Vesces  et  grenailles.    . 

Bois  à  œuvrer 

Fruits  et  légumes.    .    . 


Totaux  réunis 11,039,000 

Suivant  Lavoisier,  laconsommatiou  de  la  viande,  prise  en  bloc,  se  répartissaitaint 

â  Paris  et  dans  les  graudes  villes  ;  par  tête  et  pai-  jour,  do  0  à  7  onces  (181 

218  gr.),  moyenne  203  gr.,  soit  par  an  de  68*fî20(ir  à  79''570ëi-,  moyenne  71^095 

dAns  les  petites  villes,  par  tête  et  parjour,  4-ouces  (125  gr.),  soit  par  an,  ib^tài5 

dans  les  campagnes,  —  —  1  once  1/2(47 gr.),  —  17H55 

Dans  rens-'mblf-,  Lavoisier  évalue  le  prix  des  viandtîs  consommées  dans  Paris  et) 
autres  villes  à  109,000,0  )0  liv.  t'  (202,800,000  fr.l,  soit  :  Of,58°  le  kil. 

En  évaluant  au  même  prix  le  total  des  viandes  consommées  dans  les  campagnes, 
aurait  nue  somme  de  151,293,000  fr.,  soit,  pour  les  villes  et  les  campagaei 
364,093,000  fr.,  d'où,  par  habitaut,  13'',4')t. 

Aucun  document  ne  fait  connaître  le  cbitFre  de  la  consommation  de  ces  divers  p 
duils,  htquolle  devait,  d'ailleurs,  être  à  peu  près  égale  à  la  production,  le  aurpl 
étant  exporté. 


E. 


ETAT  DES  DENREES  AGRICOLE 


20i;,000,000  liv.  (103,000,090  kil.),  à  2  sols  la 

livre  (0',20°  le  kil.) 

250,000  muids  (075,000  heet.),  à  130  liv.  t>  le 

muid  (57r,77  l'bect.) 

1,000  muids  (2,700  hcct.),  à   300  liv.  le   muid 

(134t,70  1'hect.) 

8,000  muids  (21,600  liect.)  à  392  llr.  3>  le  muid 

(171t28  rbect.) 

2,000  muids  (5.400  hect.)  à  71  liv.  8'  le  muid 

(31f73  l'bect.) 

20,000  muids  (51,000  hect.)  à  81  liv.  2«  ai  le 

muid  (36104  l'hect.) 

4,000   tnuids  (10,800  hect.)  à  58  liv.  1I«  S^   le 

muiil)  (26123  l'hect.) 

70,000  têtes  de  700  Uv.  (350  kil.)  |  78,000  têtesà 
18,000  —  360  (180  )  (  329  liv,  8-  3<l 
120,000     —  72    liv.  (36  kil.)  à  61  liv.  7<  3^ 

par  tête 

350,000  têtes  de  50  liv.  (25  kil.)  à  17  liv.  18'  3'' 

par  tête 

35,000  têtes  de  200  liv.  (100  kil.)  à  45  liv.  8> 

par  tôte 

Lavoisier  et  Bulletin  de  |l.380,000  liv.  à  U- 7<1  la  livre. 

statistique    du    minis-  1714,000  cordes  (2,856,000  st.)  à  64  liv.  16>  la 

tère  des  finances,  n-.de/      corde  (IGI,44=  le  stère) 

ianvier,   mai,   juin    etV  «OliOOO  voies  (1,388,000  hectol.),  à  5  liv.  04.  la 

octobre  1885  \     voii'(3f,02<i  l'hect.) 

1 78,00O,O')O,  à  44  liv.  le  panier  ou  millier  (52f,80« 

le  mille) 

3,4.50,000  liv.  à  1,827  iiv.  14<  7<1  la  charretée 
de  2,C00  liv.  (ou  2f,  19'i  le  kil,) 

2,700,000  liv.  à  6>  e^l  la  livre 

424,.50J  liv,  à  2  liv.  t«  12' la  livre 

2,600,000  liv.  à  6«  la  livre* 

6,000,000  liv.  à  196  liv.  U  la  charretée    de 

2,000  liv 

6,388,000  bottes  de  10  liv.  (319,400  qolnt,),  à 

6  liv.  6>  8'1  les  1,000  bottes  (7'  89  le  quint).    . 

11,090,000  botte.'!,  à  1  liv.  !•  8''-  les  1,000  bottes 

(ou  2f  14  le  quint.) 

21,409  muids  (801,5i2''l,96),  à  216  liv.  le  muid 

(7f85  l'hectol.) 

8,500  muids  (318,240  hectol.)  (point  de  rensei- 
gnements sur  le  prix). 
1,400  muids  (52,416  hectol.)  (point  de  rensei- 
gnements SUT*  le  prix). 
1,600,000  pieds  cubes  (166,666  stères) 

Point  de  renseignements  sur  les  animaux  de 
bas:se-cour,  les  pommes  de  terre  et  le  lait. 


20,600,000  liv.  f    (24,720,000f 
32,500,000  (39,000,00 


300,000 
3,137,200 

142,800 

1,622,300 

235,255 
29,024,840 

7,415,330 

6,269,375 

1,608,3.30 
763,025 

39,133,963 

3,500,000 

3,432,000 

2,878,7^7 

1,800,000 

900,000 

1,500,000 

585,000 

2,100,000 

1,980,000 

6,260,000 


4,000,000 
12,500,000 


(  360,000 

(  3,761,610 

(  171,360 

(  1,940,560 

(  283,306 
(34,829,808 

(  8,898,399 

(  7,, 523, 250 

(  1,9.'9,91)6 
(       616,630 

(46,960,778 

(  4,200,000 

(  4,200,000 

(  3,4,54,478 
(  2,160,000 
(  1,080,000 
(  1,800,009 

(       702,000 

(  2,500,000 

(  2,376,000 

(  6,800,000 

( 

( 

(  4,800,000 

(15,200,000 


213  — 


s  o  u  11  c  B  s 

auxquelles 

les  renseignements 

ont  été  puîsfis. 


EN     1882. 


ÏRÉES  AGRICOLES.  (Suite.) 


r.tlstiquo  agricole  de  1882. 


Viandes  fraîches  importées . 

Bœufs 

Vaches 

Taureaux. 

Gréuisses 

Veaux  . 

liêtes  ovines 

et  caprines. 

Agneaux 
et  chevreaux 
Porcs  et  co- 
clious  de  lait. 


1,873,739  têtes,     poids  moyen  de  261  Itll.l 


215, liO 
3,278,li7(! 

9,663,315 
4,014,058 


131 
49 

21 

la 

7 

97 

10 


24,412,413  têtes. 


5,126,000  liil.  ] 

524,240,725  J 

160,765,082  f 

167,648,773  I 

387,804,772  | 

1,245,085,3.52  kil.   / 


Soit,  par  an 

et  par  habitant  : 

.331,000.;'. 


Ideni. 


Consommation  dans  Paris,  par  tête  et  par  jour,  0'<,2I7yr,  et,  par  an,  79'' ,310k''. 

—  dans  les  autres  villes,  par  lète  et  par  jour,  u^,lG5;r,  et,  par  an,  60's390nr. 

—  dans  les  campagnes,  par  tète  ot  par  jour,  l>^,060o'",  et,  par  au,  21^, 890s'". 

Espace  bovine,  le  kilogr.  l^SS-^  j  inov"^,l,47,et,total,roiirI'en8embIedesaiumaux  l,830,fi03,037 fr. 

—  ovine,  —  f  '^5  }  soit  :48'',ô;t<:parliab., 

—  caprine,       ~  ,  '^7  I  différence  de  35f,H>s  en  plus,  sur  1790. 

—  porcme        —  1  ,51  ;  t      i        f      t 


La  staiistiqiie  de   1882  ne  ilonnc  point  le  chiffre  de  la  coiisominatiûn  de  ces  divers  produits ,  laquelle  doit  être  à  peu 
près  égale  à  la  production,  le  surplus  étant  exporté. 


ÏSOMMÉES  DANS  PARIS. 


Octroi  de  Paris. 


Farine  (on  340,130,000  kil.  de  p.ain) 

Vins  en  cercles  et  eu  bouteilles 

Bau'de-vie 

Cidre 

Bière 

Vinaigre  

Bœufs 238,926  têtes 

Vaches 45,445    — 

Veaux 2)4,505    — 

.Moutons 1,903,710     — 

Porcs 218,921     — 

Boucs  et  chèvres 1,399    — 

Viandes  à  la  inain 

Viande  et  graisse  de  porc  et  charcuterie 

Animaux  de  basse-cour 

Bois  à  brûler 

Charbon  de  bois 

Œufs 

Itenrre 

Fromages  secs 

Huile  d'olives 1,278,32.5'' 500s' 

Autres  huiles 11,393,937  640 

Foin 

Paille 

Avoine 

Orge 

Bois  à  œuvrer 

Légumes  frais  et  secs 

Pommes  de  terre 

Fruits 

Lait 


2.58,097,000  kilogrammes. 
4,287,672  hectolitres. 
141,554  — 

172,652  — 

2()3,018 
39,572  — 


148,421,012  kilogranimei. 


31,072,138  — 

21,169,489  — 

18,0.i5,774  — 

725,225  stères. 

4,723,180  hectolitres. 

308,166  milliers. 

I2,999,'J16  kilogrammes. 
2,322,191  — 

12,672,263'040«' 

20, 

36 

182 

4, 


909,907  bottes  de  5  kil. 
327,264  — 

896,482  hectolitres. 
634,602  — 

419,662  stères. 
215,760,691  kilogrammes. 
93,902,000  — 

57,258,243  — 

160,000,000  litres. 


Cn.  Mauguin. 


—  214  — 

V. 

STATISTIQUE  GÉNÉRALE  DES  NAUFRAGES. 

Pour  la  première  fois,  une  statistique  complète  des  naufrages  et  autres  accidents 
de  mer  vient  d'être  publiée  par  les  soins  du  ministère  de  la  marine;  jusqu'à  pré- 
sent nous  ne  connaissions  qu'une  partie  des  sinistres  par  l'administration  du  bu- 
reau Verilas.  Cette  administration,  en  effet,  ne  comprend  dans  ses  statistiques  que 
les  navires  ayant  au  moins  50  tonneaux  pour  les  voiliers,  et  400  tonneaux  pour  les 
navires  à  vapeur.  Les  renseignements  qui  vont  suivre  comprennent  non  seulement 
les  bâtiments  français  ou  étrangers  naufragés  sur  les  côtes  de  France,  d'Algéiie  et 
des  colonies,  mais  encore  les  bâtiments  français  qui  ont  disparu  en  mer  ou  qui  ont 
péri  sur  les  côtes  des  pays  étrangers.  Ils  s'appliquent  à  l'année  1888. 

Pendant  cette  année,  le  nombre  des  bâtiments  dont  il  s'agit  s'est  élevé  à  278, 
parmi  lesquels  198  ont  fait  naufrage  ou  ont  péri  corps  et  biens,  et  80  se  sont 
échoués  sans  bris  ou  sans  éprouver  de  dommages  importants.. 

Les  198  naufrages  se  sont  répartis  de  la  manière  suivante  : 

Voiliers  de  plus  de  50  tonneaux 88 

—  de  moins  de  50  tonneaux 90 

Vapeurs  de  plus  de  100  tonneaux H 

—  de  moins  de  100  tonneaux 9 

Total  général  des  voiliers  et  des  vapeurs.      198 

Ces  navires  portaient  ensemble  1,978  hommes  et  jaugeaient  4.0,318  tonneaux. 
Ils  comptaient  donc  en  moyenne  10  hommes  et  jaugeaient  200  tonneaux. 
D'après  la  nationalité,  ils  se  divisaient  de  la  manière  suivante  : 

Bâtiments  français. 
Voiliers.  .    .    .       159      |      Vapeurs.  ....      9 

Bâtiments  étrangers. 
Voiliers.  ...         19      |      Vapeurs 11 

La  proportion  des  naufrages  d'étrangers  serait  donc,  d'après  cela,  de  15  p.  100; 
il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  la  statistique  dont  nous  présentons  ici  les  résultats 
ne  s'occupe  des  navires  étrangers  que  lorsqu'ils  ont  fait  naufrage  sur  nos  côtes. 

Le  nombre  de  navires  ayant  fait  naufrage  sur  les  côtes  de  France  a  été  de  116, 
dont  94  français  et  22  étrangers.  Ces  116  navires  étaient  montés  par  946  hommes. 

Les  côtes  de  nos  colonies  et  pays  de  protectorat  ont  vu  sombrer  24  navires,  com- 
prenant 16  français  et  8  étrangers  (164  hommes  en  tout). 

Enfin  les  bâtiments  français  perdus  en  mer  ou  naufragés  sur  les  côtes  des  pays 
étrangers  ont  été  au  nombre  de  58,  dont  52  voiliers  et  6  vapeurs,  montés  ensemble 
par  868  hommes. 

Il  est  utile  de  remarquer  que  le  nombre  des  bâtiments  perdus  en  dehors  de 
France  s'est  trouvé  deux  fois  moindre  (52  voiliers  et  6  vapeurs,  perdus  à  l'étran- 


—  -215  — 

^geI•  ou  en  mer)  que  celui  des  bâiimenis  naufragés  sur  les  côles  de  Frnnr.e  (103  voi- 
liers et  13  vapeurs).  L'effectif  des  équipages  et  le  tonnage  s'est  trouvé  à  très  peu 
près  le  même,  ce  qui  montre  que  les  sinistres  qui  se  soni  produits  en  mer  ou  à 
l'étranger  étaient  deux  fois  plus  importants  que  sur  nos  côles. 
Pour  compléter  notre  statistique,  il  convient  de  mentionner  80  échouements 
sans  bris  et  autres  accidents,  dont  50  de  voiliers  et  9  de  vapeurs  portant  ensemble 
510  hommes  d'équipage. 
Considérés  d'après  leur  nature,  les  278  navires  se  décomposaient  comme  il  suit: 

NAVIRES.  FRANÇAIS.  ÉTRANQBR8.  TOTAL. 

Goélettes 42  5  47 

Trois-mâts 26  12  38 

Chaloupes  de  pèche 35  »  35 

Vapeurs 15  14  29 

Sloops 28  »  28 

Bateaux  de  pêche 20  »  20 

Bricks 1  5  12 

Bricks-goélettes 11  »  H 

Cotres 7  1  8 

Lougres 8  j>  8 

Tartanes 4  »  4 

Balancelles 2  1  3 

Yachts 3  »  3 

Chasse-marée 1  »  1 

Flambard 1  »  1 

Canots,   bateaux  de   plaisance  et 

embarcations  diverses   ....  30  »  30 

Totaux <    240  38  278 

Les  38  étrangers  se  décomposeraient  delà  manière  suivante,  d'après  le  pavillon  : 

Anglais 15  navires. 

Norvégiens   ....  11  — 

Italiens 3  — 

Belges 2  — 

Espagnols 2  — 

Russes 2  — 

Allemand 1  — 

Grec 1  — 

Suédois 1  — 


Parmi  les  278  navires  naufragés  ou  échoués,  on  a  compté,  suivant  le  tonnage,  70 
au-dessous  de  10  tonneaux,  36  de  10  à  25  tonneaux,  32  d.^  20  à  50  tonneaux,  35 
de  51à  100  tonneaux,  41  de  100  à  200  toimeaux  ;  à  partir  de  200  tonneaux,  le 
nombre  diminue  sensiblement:  13  navires  de  201  à  300  tonneaux,  18  de  301  à 
500, 16  de  501  a  800,  enfin  l'on  a  compté  8  navires  de  801  à  1,000  tonneaux,  et  9 
de  plus  de  1,000  tonneaux,  qui  ont  fait  naufrage. 


—  216  — 

Pour  ce  qui  esl  des  causes  el  des  circonstances  des  sinistre?,  los  doriimenls  re- 
çus par  le  déparlement  de  la  marine  ont  permis  de  les  classer  comme  il  suit  : 

Navire»  sombres  ou  brisés. 

Remplis  par  lames  ou  chavirés 49 

Par  suite  de  voie  d'eau 22 

—  d'écliouement 87 

—  d'incendie 1 

Perdus  corps  et  biens,  trouvés  à  l'état  d'épaves  à  la  côte 

ou  dont  on  était  sans  nouvelles  depuis  plus  d'un  an 

au  1"  janvier  1890 21 

Par  suite  d'abordages 18 

Total ~m 

Navires  échoués. 

A  la  voile  par  mauvais  temps 22 

—  pi>r  beau  temps  (dont  7  par  abordage)  .   ...  17 

—  par  brume  ou  neige 12 

—  par  suite  de  la  violence  des  courants  ....  10 

—  désemparés 4 

—  par  suite  de  voie  d'eau  (dont  1  par  abordage).  7 
Au  mouillage  ayant  chassé  sur  leurs  ancres 6 

—  ayant  brisé  leurs  chaînes 2 

Total 80 

Aux  termes  du  rapport  technique,  on  a  pu  imputer,  d'une  manière  générale,  ces 
naufrages  et  échouemenls  aux  causes  suivantes  : 

217  à  des  cas  de  force  majeure; 
2  à  de  mauvaises  conditions  de  navigabilité; 
20  à  la  négligence  ou  à  de  fausses  manœuvres; 
26  à  des  abordages; 
13  à  des  erreurs  de  feux  ou  de  route. 

Nous  avons  vu  tout  à  l'heure  que  l'effectif  des  équipages  de  ces  navires  était  de 
1,978  hommes  pour  les  vaisseaux  naufragés  ou  perdus  corps  et  biens,  et  de  510 
hommes  pour  ceux  qui  se  sont  échoués.  Sur  les  2,/(88  hommes  d'équipages,  il  y  a  eu 
à  déplorer  la  mort  de  428,  soit  17  p.  100.  Dans  ce  nombre  de  victimes,  il  ne  s'est 
trouvé  que  12  passagers.  Si  l'on  défalque  ces  12  passagers,  ain.sique  19  marins  tués 
à  bord  des  navires  étrangers,  on  arrive  à  conclure  que  397  marins  français  ont  été 
victimes  de  naufrages  ou  d'autres  accidents  de  mer.  C'est  la  grande  pêche  qui  a  fait 
le  plus  de  victimes;  on  se  rappelle  que  la  lin  du  mois  d'avril  1888  a  été  particulière- 
ment funeste  aux  bâtiments  pratiquant  la  pèche  de  la  morue  :  onze  goélettes  appar- 
tenant aux  ports  de  Dunkerque,  de  Saint-Brieuc  et  de  Paimpol  et  montées  par  177 
hommes  ont  péri  corps  et  biens  sur  les  côtes  de  l'Islande. 


—  217  — 

Voici,  (lu  reste,  le  chiffre  des  hommes  perdus  décomposé  par  nature  de  navign- 
lion  : 

Long  cours 45  victimes. 

Grande  pêche 221  — 

Cabotage 14  — 

Bornage 12  — 

Pilotage 7  — 

Petite  pêche 93  — 

Plaisance 5  — 

Total 397  victimes. 

La  plupart  de  ces  malheureux  ont  laissé  des  veuves  et  des  orphelins  dans  la  mi- 
sère, aussi  les  secours  ont-ils  afflué  :  indépendamment  des  secours  réglementaires 
accordés  par  la  caisse  des  invalides  de  la  marine,  pour  subvenir  aux  premiers  be- 
soins des  nombreuses  victimes  appartenant  aux  ports  de  Dunkerque,  de  Granville,  de 
Saint-Rrieuc  et  de  Paimpol,  victimes  dont  le  nombre  s'est  élevé  à  221  pour  les  cam- 
pagnes d'Islande  et  de  Terre-Neuve,  il  a  été  distribué  une  somme  de  2-4,000  francs 
provenant  d'une  souscription  ouverte  au  département  de  la  marine. 

D'autre  part,  le  Parlement  a  voté,  pour  venir  en  aide  aux  veuves,  enfants  et  as- 
cendants des  marins  qni  ont  péri  en  1888  victimes  d'événements  de  mer,  une  somme 
de  50,000  francs. 

Des  caisses  spéciales  de  secours  instituées  en  faveur  des  familles  de  marins  morts 
en  mer,  ont  contribué  aussi  au  soulagement  des  infortunes  de  nos  populations  du 
littoral.  La  seule  caisse  de  Dunkerque  a  pu  distribuer  aux  victimes  de  la  campagne 
d'Islande,  une  somme  de  128,5'33  francs. 

Enfin  la  société  de  secours  aux  familles  des  marins  naufragés  a  distribué,  de  son 
côté,  65,750  francs. 

Pour  terminer  cette  rapide  élude  des  naufrages  et  autres  sinistres  de  mer,  il  con- 
viendrai! de  parler  des  actes  de  dévouement  et  d'héroïsme  qui  ont  été  signalés  tant 
parmi  les  victimes  que  parmi  les  sauveteurs,  mais  les  faits  de  cette  nature  sont  peu 
susceptibles  d'être  mis  en  lumière  par  une  statistique  régulière,  et  beaucoup  d'ail- 
leurs ont  dû  rester  ignorés.  Que  de  dévouements  héroïques  ont  dû  rester  obscurs 
et  quelquefois  inutiles  !  Les  annales  du  ministère  de  la  marine,  aussi  bien  que  celles 
de  la  société  de  secours  aux  naufragés,  ne  les  comptent  pas. 

Ne  pouvant  énumérer  les  faits  de  sauvetage  autrement  que  par  un  récit  anecdo- 
tique,  nous  nous  bornerons  à  mentionner  les  récompenses  qui  ont  été  accordées 
par  le  département  de  la  marine. 

En  1888,  ces  récompenses,  pour  les  Français  seulement,  atteignent  le  chiffre  de 
281  se  répartissant  comme  il  suit  ; 

Jumelle  marine 1 

Médaille  d'or  de  1"  classe 1 

Médailles  d'or  de  2°  classe 9 

Médailles  d'argent  de  1"  classe 16 

Médailles  d'argent  de  2'  classe 57 

Témoignages  officiels  de  satisfaction.  ....  131 

Gratifications 00 


—  218  — 

Mais  il  existe  aulre  chose,  pour  ces  braves  gens,  que  le  témoignage  officiel  de  sa- 
lisfaclion  venant  du  minislère.  La  société  centrale  des  naufragés,  elle  aussi  alimen- 
tée par  des  ressources  privées,  s'est  donné  pour  mission  de  récompenser  les  actions 
d'éclat  de  ces  obscurs  marins:  il  y  a  quelques  jours,  celte  société,  présidée  par 
M.  l'amiral  Jurien  de  la  Gravière,  tenaitsesassises  annuelles  et  applaudissaitlesnoms 
de  M.  Basroger,  de  VEtnmtt,  ce  capitaine  au  long  cours  qui  a  sauvé  dans  la  mer  du 
Nord  dés  centaines  de  passagers,  et  du  palrou  Tluuizza,  du  canot  de  sauvetage  du 
Locoa  (Saint-Jean-de-Luz),  tous  deux  nommés  chevaliers  de  la  Légion  d'honneur. 

Victor  TuRQUAN. 


VI. 

LE  SECRÉTARLVT  OIJVRIKR  SUISSE 

ifnstilutefiirArbeilg-Stalistik,\onD'i.  Joachim.  Leipzig  und  Wieii,  Franz  Denlicke,  1890.) 

Les  tendances  démocratiques  de  la  Suisse,  l'occupation  des  hauts  emplois  admi- 
nistratifs par  des  fonctionnaires  élus  qui,  par  suite,  ne  sont  pas  toujours  des  spécia- 
listes, le  fréquent  changement  de  ceux  qui  sont  mis  à  la  tête  de  chaque  département, 
la  diversité  des  circonstances  économiques  dans  chaque  canton,  enfin  le  fait  que  le 
canton  est  chargé  de  sa  propre  législation  économique,  tous  ces  motifs  réunis  ont 
eu  pour  résultat  de  laisser  l'initiative  privée  administrer  librement  ses  intérêts  écono- 
miques,- l'Etat  se  bornant  à  tirer  parti  pour  son  propre  compte  de  ces  institutions 
et  à  leur  venir  à  l'aide  par  des  subventions,  lorsque  cela  est  nécessaire.  C'est  ainsi 
qu'il  s'est  formé,  pour  chaque  branche  économique,  de  grandes  associations  ayant 
des  sccrétanals  dont  les  attributions  incombent  dans  les  antres  pays  à  l'administra- 
tion publique  et  qui  sont  seulement  subventionnés  par  l'Etat.  Ces  associations  sont 
l'Union  industrielle  et  commerciale  suisse,  l'Union  manufacturière  suisse,  l'Union 
agricole  suisse,  la  Société  d'agriculture  de  la  Suisse  romande.  C'est  à  l'abri  et  sous 
le  contrôle  de  ces  associations  que  s'accomplit  presque  toute  la  vie  économique  de 
la  Suisse. 

Une  organisation  analogue  manquait  jusqu'ici  aux  ouvriers.  Plusieurs  tentatives 
en  vue  tl'organiser  une  vaste  association  ouvrière  avaient  échoué.  Le  vœu  émis  par 
le  congrès  ouvrier  suisse  tenu  à  Zurich  en  1883,  en  vue  de  fonder  à  Berne  un  bureau 
fédéral  de  la  statistique  du  travail  sur  le  modèle  du  bureau  des  États-Unis,  n'avait 
pas  été  suivi  d'exécution.  Le  pas  décisif  fut  fait  par  la  Société  duRutli  qui  demanda, 
par  lettre  du  28  août  1886,  au  déparlement  fédéral  du  commerce  et  de  l'agriculture, 
une  subvention  pour  un  secrétariat  ouvrier  suisse  qui  devait  être  annexé  à  la  Société 
du  Rulli  en  tant  qu'association  purement  nationale  et  rendre  en  même  temps  des 
services  à  la  Confédération,  «  mais  seulement  pour  l'étude  et  l'examen  des  intérêts 
économiques  des  ouvriers  ». 

Cette  demande  contenait  aussi  un  projet  d'organisation.  Le  département  répondit 
par  une  fin  de  non-recevoir,  mais  en  ajoutant  qu'un  secrétariat  général  des  ouvriers 
suisses  serait  bien  vu  par  l'administration. 

En  conséquence,  le  comité  de  la  Société  du  Rutli  demanda  l'adhésion  de  plusieurs 
sociétés  ouvrières. 


—  219  — 

A  la  fin  de  1886,  la  question  fui  portée  devant  l'Assemblée  fédérale  ;  la  commis- 
sion du  Conseil  national  se  déclara,  le  16  décembre,  en  faveur  de|  la  création  d'un 
secrétariat  ouvrier,  et  la  résolution  suivante  fut  prise  dans  la  session  du  Conseil  des 
Étals  : 

«  La  Commission  déclare  qu'elle  est  d'accord  pour  la  création  d'un  secrétariat 
ouvrier,  mais  non  au  profit  de  la  Société  du  Rutli  en  lont  que  société  politique  ou 
de  toute  autre  société  politique;  elle  désire  ([u'il  soit  organisé  librement  et  d'une 
manière  indépendante,  sans  attacbe  politique  ou  sociale,  et  qu'il  soitrattacbé  à  l'or- 
ganisation du  département,  par  exemple  au  secrétariat  de  l'indusirie.  »  Le  déparle- 
ment fédéral  du  commerce  et  de  l'agriculture  s'étant  montré  formellement  opposé 
à  l'idée  de  traiter  les  ouvriers  autrement  que  les  autres  professions,  le  Conseil 
fédéral  prit  le  20  décembre  la  résolution  ci-après:  <c  Le  déparlement  du  commerce 
et  de  l'agriculture  sera  mis  en  demeure  de  fixer  une  contribution  fédérale  (lour  le 
paiement  d'un  secrétaire  ouvrier  permanent,  sans  qu'il  soit  donné  aucune  garantie 
pour  la  durée  de  ce  poste  et  sous  la  condition  d'apporter  au  règlement  proposé  parle 
Comité  central  de  la  Société  du  Rutli  telles  modifications  qu'il  jugera  néces^aires.  Le 
déparlement  ne  devra  participer  en  aucune  façon  au  choix  de  ce  secrétaire  qui  sera 
entièrement  laissé  aux  sociétés  ouvrières  intéressées.  »  Cette  résolution  fut  commu- 
niquée le  24  décembre  1886  par  le  département  au  Comité  central  et  le  règlement 
adopté  d'après  les  conditions  suivantes  : 

1"  Qu'il  serait  formé  un  comité  dans  lequel  toutes  les  sociétés  ouvrières  seraient 
représentées  proportionnellement  au  nombre  de  leurs  membres; 

2°  Que  le  secrétaire  ouvrier  serait  nommé  par  ce  comité  et  en  recevrait  les  indi- 
cations sur  les  travaux  à  effectuer  et  toutes  autres  instructions  ; 

y  Que  chaque  année,  une  évaluation  des  recettes  et  dépenses  présumées  du  se- 
crétariat ouvrier  et,  au  commencement  de  chaque  année,  le  compte  de  l'année  pré- 
cédente seraient  envoyés  au  département  avec  les  pièces  justificatives  ; 

4.°  Qu'il  serait  loisible  au  déparlement  du  commerce  de  se  faire  représenter  dans 
les  sessions  du  comité  par  un  délégué  avec  voix  consultative. 

On  accorda  pour  1887  une  subvention  de  5,000  fr.  à  imputer  sur  le  crédit 
extraordinaire  de  40,000  fr.  mis  annuellement  à  la  disposition  du  département  pour 
les  intérêts  économiques. 

La  publication  de  ces  conditions  dans  le  GrtUlianer  donna  lieu  à  de  vives  dis- 
cussions. Le  Conseil  fédéral  redoutait  que  le  secrétariat  ouvrier  ne  servît  à  des 
entreprises  politiques  et  ne  tombât  entre  les  mains  des  socialistes  allemands.  Le 
comité  central  de  la  Société  du  Rutli  parvint  à  rassurer  sur  ce  poinl  le  Conseil  fédé- 
ral et  envoya  un  projet  de  statuts  et  de  règlement.  Il  reçut  en  réponse  une  lettre 
du  bureau  du  commerce  du  11  mars  1887  par  laquelle  on  lui  fil  part  des  principes 
que  le  Conseil  fédéral  désirait  voir  appliquer  à  l'organisation  projetée  : 

1"  Les  Sociétés  qui  ont  à  choisir  des  délégués  doivent  être  composées  en  majo- 
rité de  Suisses.  Les  bourgeois  suisses  ont  seuls  droit  de  vote  pour  la  nomination 
des  délégués  ; 

2°  Les  Suisses  seuls  doivent  composer  l'assemblée  des  délégués  pour  la  nomi- 
nation du  Comité  de  l'Union  et  la  proposition  pour  la  place  de  secrétaire  ouvrier; 

3°  Les  membres  du  comité  de  l'Union  et  le  secrétaire  ouvrier  doivent  être  bour- 
geois suisses. 

Après  quelques  incidents  d'importance  secondaire,  une  assemblée  se  réunit  à 


—  220  — 

Aarau  :  22  associations  centrales  et  120  sociétés  locales  grandes  ou  peliles,  corpo- 
rations, caisses  de  secours  en  cas  de  maladie,  etc.,  comprenant  ensemhle  plus  de 
100,000  membres,  y  prirent  part,  représentées  par  157  déléguésayant  voixdélibéra- 
tive  et  37  ayant  voix  consultative.  Cette  assemblée  fonda  une  nouvelle  association 
ouvrière  pour  remplacer  celle  qui  s'était  dissoute  en  1880.  L'assemblée  des  délé- 
gués, le  comité  directeur  de  l'association,  le  bureau  du  comité  et  le  secrétaire  ou- 
vrier furent  déclarés  les  organes  de  cette  association. 

D'après  le  paragraphe  6  du  règlement  organique,  le  secrétaire  ouvrier  doit  être 
nommé  par  le  comité  directeur  de  l'association  pour  trois  années  et  être  bourgeois 
suisse.  L'assemblée  des  délégués  a  le  droit  de  proposition.  Les  attributions  et  les 
fonctions  sont  déterminées  par  un  règlement  du  comité  directeur.  Le  programme 
des  travaux,  le  builget  et  la  comptabilité  du  secrétariat  ouvrier  sont  aussi  soumis  à 
son  approbation.  Le  contrôle  direct  des  affaires  du  secrétariat  ouvrier  est  confié  au 
bureau  du  comité.  Le  secrétaire  ouvrier  doit  se  mettre  à  la  disposition  du  comité 
directeur  de  l'association  ouvrière  suisse  et  du  Conseil  fédéral  pour  toutes  recher- 
ches conceinant  la  question  du  travail,  les  relevés  et  travaux  statistiques  ainsi  que 
les  renseignements.  Il  a  le  droit  de  s'adresser  pour  demander  des  reiiseiguemenis 
aux  autorités,  aux  sociélés,  aux  associations  et  aux  particuliers. 

D'après  le  règlement  élaboré  par  le  comité  directeur,  le  secrétaire  ouvrier  doit 
réunir  des  relevés  concernant  les  conditions  des  ouvriers  suisses,  s'occuper  d'études 
sociales  et  préparer  des  mémoires  sur  ce  sujet;  la  durée  de  son  travail  journalier  est 
fixée  à  8  heures  et  il  lui  est  accordé  4  semaines  de  congé  par  an.  Son  traitement  est  fixé 
à  4,000  fr.,  avec  interdiction  de  toute  occupation  accessoire  rétribuée.  Ce  traitement 
a  été  élevé  à  4,200  fr.  dans  la  session  de  féviier  1888.  Le  secrétaire  doit  choisir  lui- 
même  les  employés  auxiliaires  ou  temporaires  de  son  bureau.  Quand  il  s'agit  de 
nominations  permanentes,  il  envoie  ses  propositions  au  comité  directeur  de  l'asso- 
ciation. 

Telle  est  l'histoire  de  la  fondation  du  secrétariat  ouvrier  suisse  qui,  d'après  le 
plan  de  .«es  organisateurs,  devait  former  par  la  suite  un  bureau  de  travail. 

Le  comité  directeur  choisit  comme  secrétaire  ouvrier  le  stalisticien  cantonal  de 
Zurich,  llermann  Greulich,  qui,  dans  son  progiamme,  donnait  une  importance  pri- 
mordiale à  la  statistique  et  s'écartait  de  recherches  trop  étendues  pour  se  borner  à 
l'indispensable  et  au  possible.  Mais  même  ce  programme  restreint  dépassait  la 
mesure  de  ses  forces  et  le  comité  directeur  se  vit  obligé  d'élever  la  subvention  à 
10,000  fr.  et  de  nommer  un  adjoint  en  1888  et  un  autre  employé  en  1889  ;  de  plus, 
on  demanda  le  concours  accidentel  de  spécialistes,  de  médecins,  etc.,  qui  ofTiirenl 
leurs  services  à  litre  gratuit.  Le  personnel  et  les  revenus  financiers  furent  encore 
insuffisants  et  le  comité,  dans  la  session  suivante,  détermina  les  sociétés  faisant 
partie  de  l'Association  à  fournir  une  somme  d'environ  10,000  fr.  au  secrétariat 
ouvrier. 

Voici  le  programme  des  travaux  du  secrétariat  tel  qu'il  fut  dressé  par  le  comité 
pour  les  années  1887, 1888  et  1889: 
1°  Statistique  des  salaires  ; 

2°  Relevé  des  secours  payés  par  les  caisses  de  secours  contre  la  maladie  en  cas 
d'accident  pour  1888; 

3°  Relevés  des  caisses  de  secours  en  cas  de  maladie  existant  en  Allemagne,  prin- 
cipalement en  ce  qui  concerne  les  suites  du  chômage  ; 


—  22'1  — 

4°  Enquête  ouvrière  concernant  le  projet  de  loi  suisse  sur  l'industrie  ; 

5°  Enquête  concernant  les  conditions  des  couturières,  blanchisseuses  et  autres 
ouvrières  ; 

6°  Etude  de  l'exposition  allemande  de  protection  contre  les  accidents. 

De  tous  ces  projets  le  second  seul  a  été  réalisé  jusqu'à  ce  jour  et  les  résultats  en 
ont  été  publiés  dans  un  mémoire  intitulé  :  «  Statistique  des  accidents.  —  Exposition 
des  lésions  corporelles  et  des  cas  de  mort  des  membres  des  caisses  de  secours  en 
cas  de  maladie  et  des  caisses  de  secoiiis  suisses  en  iSH6.  »  Bien  que  ce  mémoire 
ne  mette  en  œuvre  qu'un  petit  nombre  de  matériaux,  il  répond  à  toutes  les  exi- 
gences scientifiques. 

Cette  recherche  est  le  premier  des  travaux  préparatoires  exécutés  à  l'in^tigalion 
du  Conseil  fédéral  pour  l'assurance  obligatoire  en  cas  d'accident;  le  dénombrement 
des  accidents  et  la  statistique  des  salaires  devaient  venir  ensuite.  On  voulait  obtenir 
ainsi  une  buse  solide  pour  la  discussion,  car  pour  une  législation  de  celle  nature, 
c'est  déjà  un  point  de  gagné  que  d'apercevoir  clairement  chaque  partie  de  la  tàclic 
qu'il  (but  remplir. 

Pour  faire  cette  statistique,  on  envoya  des  formulaires  excellents  à  plus  de 
1,200  caisses  de  secours  en  cas  de  maladie  et  on  pria  instamment  le  comité  direc- 
teur de  l'associalion  du  commerce  et  de  l'industrie  suisse,  le  comité  directeur  de 
l'association  manufacturière  sui.sse  et  tous  les  gouvernements  de  cantons  d'apporter 
leur  concours  à  l'entreprise.  Le  secrétariat  réussit  à  réunir  les  réponses  de  949 
caisses  comprenant  170,884  membres.  Il  reçut  en  outre  de  l'administration  centrale 
(les  caisses  de  secours  en  cas  de  maladie  de  la  Société  du  Rutli  les  certificats  de  ma- 
ladie des  années  1880-1885  qui  furent  rais  en  ordre  par  un  médecin.  D'autres 
caisses  de  secours  ne  rentrant  pas  dans  la  classe  des  caisses  d'assui'ance  contre  la 
maladie  envoyèrent  127  bulletins  concernant  les  accidents,  de  sorte  que  l'examen 
put  porter  sur  5,067  documents  aflérents  à  1886  sans  compter  ceux  de  la  Société 
du  Rutli  pour  les  années  antérieures,  lesquels  se  référaient  à  la  durée  des  secours, 
l'âge  des  secourus,  la  nature  des  lésions,  la  branche  d'industrie  et  le  mode  d'occu- 
pation. Bien  que  cette  statistique  embrasse  le  quart  des  accidents,  tout  comme  la 
statistique  des  accidents  de  l'empire  allemand,  le  secrétaire  est  d'avis  que  le  nombre 
des  observations  est  encore  trop  petit  pour  être  un  guide  certain  et  il  a  l'intention 
de  continuer  les  recherches  pour  les  années  suivantes.  La  slatisli(|ue  des  accidents 
est  terminée  pour  1887  ;  celle  de  1888  est  commencée  et  sera  publiée  au  printemps 
de  1890. 

Une  étude  approfondie  du  projet  de  statistique  des  salaires  fut  faite  par  une  com- 
mission de  statisticiens  installée  au  département  de  l'industrie.  On  décida  que  le 
secrétaire  ouvrier  ferait  d'abord  un  essai  local  à  Winterthur  et  aux  environs,  d'après 
la  méthode  préconisée  par  lui  de  questions  posées  directement  aux  ouvriers  au 
moyen  de  bulletins  individuels,  afin  de  se  rendre  compte  «i  si,  au  moyen  de  la  mé- 
(1  thode  statistique  et  en  se  basant  sur  les  réponses  des  ouvriers,  on  pouvait  obtenir 
«  une  bonne  statistique  des  salaires  ».  Mais  la  défiance  des  ouvriers  fut  éveillée  par 
la  révision  du  registre  des  contributions  cpii  eut  lieu  au  même  moment  et  peu  de 
réponses  parvinrent  au  bureau  ;  il  fallut  s'en  tenir  aux  livres  que  les  entrepreneurs 
.-ont  tenus  de  mettre  à  la  disposition  des  inspecteurs  de  fabriques.  Du  reste,  le 
i:;.vail  n'est  pas  encore  terminé. 

Le  quairième  point  du  programme,  l'enquête  ouvrière  concernant  le  projet  de 


—  222  — 

loi  suisse  sur  l'industrie,  donna  lieu  à  plusieurs  travaux  préparatoires,  notamment  en 
ce  qui  concerne  les  tribunaux  d'arbitres  et  le  conseil  des  prud'hommes. 

Du  reste,  le  secrétaire  ouvrier  ayant  pour  mission  de  protéger  les  intérêts  du  pro- 
'élarial  sur  tout  le  domaine  de  l'économie  sociale,  eut  grand'peine  à  suffire  à  ta 
lâche  :  il  dut  foui'nir  des  lenseignemenls  écrits  ou  oraux  aux  ouvriers,  aux  entre- 
preneurs et  aux  autorités,  intervenir  dans  les  atteintes  portées  à  la  loi  sur  les  fa- 
briques et  dans  les  démêlés  du  travail,  représenter  des  ouvriers  ou  des  groupes 
d'ouvriers  dans  des  questions  de  droit  ou  d'économie  politique,  élaborer  des  rap- 
ports et  faire  des  conférences  sur  des  sujets  relatifs  à  ces  questions.  Dans  ces  condi- 
tions il  lui  fut  difficile  d'exécuter  le  programme  du  comité.  Aussi  ce  dernier  décida- 
l-il,  le  10  février  1889,  que  le  programme  ne  contiendrait  à  l'avenir  que  des  tra- 
vaux qui  pourraient  être  réellement  exécutés  dans  le  temps  prévu,  que  le  secrétaire 
ouvrier  lui-même  en  tracerait  le  plan  et  qu'il  serait  déchargé  à  l'avenir  de  consulta- 
tions statistiques  et  de  tous  autres  travaux  ne  se  rapportant  pas  directement  au  pro- 
gramme adopté.  A  l'avenir,  le  comité  se  chargeait  de  la  correspondance  et  des 
consultations  orales.  C'est  là  une  bonne  mesure,  une  évolution  utile  qui  ne  pourra 
qu'activer  la  marche  des  travaux. 

Le  secrétaire  ouvrier  rendit  encore  des  services  importants  au  déparlement  dont 
il  relève  ;  il  apporta  son  concours  à  la  commission  nommée  pour  le  recensement 
des  accidents;  il  invita  1,7UU  associations  ouvrières  à  collaborer  à  ce  recensement 
el  développa  la  méthode  et  le  but  de  cette  opération.  11  pioposa,  d'autre  part,  de 
composer  une  nomenclature  de  toutes  les  industries  pouvant  servir  de  base  aux 
statistiques  des  professions  el  du  travail  ;  mais,  malheureusement,  on  ne  donna  pas 
suite  à  son  projet. 

D'après  ce  lapide  exposé,  on  voit  que  le  secrétariat  ouvrier  suisse  est  une  insti- 
tution établie  par  les  ouvriers  et  dirigée  par  eux,  n'ayant  reçu  du  Gouvernement 
que  les  moyens  de  subsister  et  n'étant  tenu  que  de  lui  fournir  des  renseignements. 
Une  pareille  organisation  ne  pouvait  à  vrai  dires'installer  quesur  le  sol  de  la  Suisse. 
Elle  répond  aux  mœurs  du  pays,  elle  a  le  grand  avantage  d'intéresser  les  ouvriers 
à  sa  propre  existence,  de  leur  offrir  un  bureau  de  confiance  où  ils  peuvent  faire 
des  déclarations  véridiques  sans  craindre  les  indiscrétions,  où  ils  peuvent  apporter 
des  renseignements  que  les  organes  officiels  sont  incapables  de  fournir  et  qui  sont 
indispensables  pour  la  législation  sociale. 

Mais,  d'autre  part,  cette  institution  présente  de  graves  lacunes; sa  dotation  et  son 
autorité  sont  insuffisantes.  Sans  doute,  jusqu'à  présent,  les  autorités,  les  corpora- 
tions et  les  individus,  les  entrepreneurs  et  les  ouvriers  se  sont  mis  à  sa  disposition 
et  u^t  pas  marchandé  leur  concours,  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  ce  concours 
est  absolument  hbre  et  volontaire.  Qu'adviendrait-il  s'il  venait  à  manquer  au  milieu 
d'une  enquête  sociale  importante  qui  réveillerait  les  hostilités  de  castes?  Le  secré- 
tariat ouvrier  doit  conserver  à  la  fois  la  confiance  des  ouvriers  et  celle  des  patrons, 
des  autorités  et  du  département  auquel  il  doit  l'approbation  de  son  budget  annuel. 
Il  semble  que  ce  soit  là  un  problème  bien  difficile  à  résoudre.  Nous  sommes  donc 
autorisé  à  dire  qu'une  statistique  ouvrière  du  travail,  complète  et  régulière,  ne  sera 
assurée,  en  Suisse,  que  le  jour  où  le  bureau  du  travail  sera  converti  par  l'Etal  en  un 
bureau  richement  doté,  muni  de  tous  pouvoirs  et  indépendant. 

Armand  Liège ard. 


-  2-23  — 

VII. 
VARIÉTÉ. 


\ 


L'Impôt  sur  les  caries  à  jouer. 

Nous  n'avons  pas  la  prélenlion  de  remonter  jusqu'à  leur  invention.  Comme  la 
plupart  des  jeux  de  hasard,  les  cartes  onl  Iraversé  les  âges  sans  iju'on  puisse  re- 
connaître nellenienl  leur  ori}>ine.  Nous  les  prendrons  au  rnuinent  où,  venant  1res 
probablement  d'Ilalie,  elles  firent  leur  apparition  en  France. 

On  admet  généialemc ni  qu'elles  ont  éié  importées  sous  le  l'ègne  de  Charles  VI, 
pour  distraire  ce  prince  dans  les  intervalles  lucides  que  lui  laissait  l'état  de  démence 
dont  il  avait  été  frappé  en  1392. 

L'usage  s'en  répandit  assez  vile,  ainsi  qu'en  témoigne  une  ordonnance  du  prévôt 
de  Paris,  en  date  du  22  janvier  1397,  faisant  défense  «  aux  gens  de  mélierde  jouer, 
les  jours  ouvrables,  à  la  paume,  à  la  boule,  aux  dez,  aux  caries  el  aux  quilles  ». 

Elles  furent,  pour  la  première  fois,  soumises  à  une  taxe  fiscale  par  un  édit  de 
Henri  111,  en  date  du  22  mai  1583. 

Le  but  du  nouvel  impôt,  qui  était  autant  de  proléger  la  morale  publi(|ue  (|ne  de 
procurer  des  ressources  à  l'Etat,  double  caractère  qu'il  a,  du  reste,  conservé  de- 
puis, y  est  parfaitement  défini: 

«  Comme  chacun,  y  est-il  dit,  voit  par  expérience  que  les  jeux  de  cartes,  tarots 
el  dez,  au  lieu  de  servir  de  plaisir  et  de  récréation,  selon  l'inlenlion  de  ceux  qui  les 
ont  inventés,  ne  servent  à  présent  que  de  dommage  notoiie  et  scandale  public, 
estans  jeux  de  bazard,  subjets  à  toutes  sortes  de  piperies,  bauds  el  déceptions, 
apporlans  grandes  despenses,  querelles  el  blasphèmes,  meuilres,  desbauches,  ruy- 
nes  el  perditions  de  famille  el  de  ceux  qui  en  font  profession  ordinaire  :  mesme  de 
la  jeunesse  qui  y  consomme  tous  ses  moyens  el  biens,  de  la  perle  desquels  s'ensuit 
une  mauvaise  et  scandaleuse  vie,  ce  qui  procède  de  ce  qu'aucuns  tiennent  banque 
et  maison  ouverte  à  tels  jeux,  pour  tirer  commodités  des  dictes  piperies  à  tous  jours 
el  heures,  singulièrement  es  fêtes  et  dimanches à  quoy,  comme  en  toutes  cho- 
ses concernant  la  réformation  dos  mœurs  de  nos  subjecls  et  laire  ce.<ser  telles  voyes 
nous  eussions  bien  désiré  pouvoir;  mais  les  choses  ayant  prins  tel  train  et  acurois- 
sement,  il  est  très  difficile,  ou  plustôt  impossible  de  ce  faire.  A  l'occasion  de  quoy, 
attendant  que  nous  puissions  effectuer  ceste  noslre  bonne  intention,  avons  estimé 
n'eslre  moins  raisonnable  et  nécessaire  de  tirer  quehiue  commodité  desdites  car- 
tes. » 

«  Et  pour  ce  » ,  le  Roi  élabh'ssait  un  droit  d'un  sol  parisis  pour  chaque  paire 

de  cartes,  créait  un  moule  olTiciel  et  piescrivait,  pour  empaqueter  les  jeux,  la  fabri- 
cation de  «  couvertures  »  que  les  cartiers  devaient  payer. 

La  quotité  du  droit  el  les  formes  de  la  perception  subirent,  pendant  l'ancien  ré- 
gime, de  nombreuses  vicissitudes,  elles  principales  mesures  prises  alors  pour  assu- 
rer la  perception  de  l'impôt  ont  servi  de  base  à  la  législation  actuelle  sur  la  matière. 
11  suffit  de  citer  la  déclaration  du  14  janvier  1605,  qui  hmila  la  tabrication  des 
cartes  à  un  certain  nombre  de  villes  déterminées,  l'arrêt  du  Conseil,  en  date  du 
30  juin  1007,  qui  ordonna  que  les  enveloppes  des  jeux  seraient  fournies  par  la  Ré- 
giej  enfin  l'arrêt  du  9  novembre  1751  qui  défendit  aux  cartiers  d'employer  d'autre 
papier  (pie  celui  à  la  marque  de  la  Régie. 

Aboli  par  décret  du  2  mars  1791,  le  droit  sur  les  caries  fut  rétabh  par  la  loi  du 
9  vendémiaire  an  VI,  et  l'article  80  de  la  loi  du  5  ventôse  an  XII  en  plaça  la  per- 
ceplion  dans  les  allribulions  du  service  des  contributions  indirectes. 

{Bullelin  des  Finances.) 


—  ±24 


OUVRAGES   PRÉSENTÉS    (JUI.N    1890) 


OuvuAGES  SIGNÉS  :  La  Législation  des  mines  en  France  et  en  Belgique  (Revue  aiinuello, 
T  iiiinée),  par  M.  Kiiiile  Delacroix. 

La  Statistique,  sa  théorie  et  ses  applications,  par  E.  Ferraris.  Rome,  189(1. 
DocuME.NTS  OFFICIELS,  /ioulcs  nationales  ;  Uecenseinent  de  la  circulation  en  1888,  publié 
par  le  ministère  des  travaux  publics.  Paris,  linp.  Nat.  18'J0. 

Statistique  de  l'émigration  italienne  à  l'étranger  (i88'J-i8yO).  Rome,  1890. 

Annuaire  statistique  de  la  Suède  (1890).  N""  1  et  3. 

Le  Commerce  de  la  Russie  sur  les  frontières  d'Europe,  1889.  Saiul-l'élersbouri;, 
1890. 

Stalislical  abstract  des  Étals-Unis  pour  l'année  1889. 

Journal  de  Statistique  suisse  (2°  et  3"  numéros,  1890). 

Bulletin  de  statistique  de  la  ville  de  Buenos-Ayrcs,  1890. 

Bévue  douanière  d'Italie. 
Revues  et  joubnaux.  France.  Revue  maritime  et  coloniale.  —  Annales  de  la  Souiété 
pbilolechnique.  —  L'Avenir  économique.  —  La  Réforme  sociale.  —  iiulletin  de 
la  Société  d'agriculture.  —  Tablettes  statistiques.  —  Bulletin  du  Syndicat  des 
viticulteurs.  —  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Paris.  —  Bulletin  de 
l'Association  pplytechnique.  —  Revue  géographique  internationale.  — Le  Travail 
national.  —  Le  Rentier.  —  La  Petite  Gazette  internationale  (i"'  numéro).  —  Bul- 
letin de  la  Société  d'économie  politique  (année  1890). 

Belgique.  —  Le  Moniteur  des  intérêts  matériels. 

Finlande.  —  Bulletin  de  la  Société  de  géographie.  N"'  2  et  3.  1890. 

Grèce.  —  L'Œkonomos  d'xVthènes. 

Italie.  —  L'Econoniisla  de  Florence. 

Mexique.  — Revue  (inancièrc  et  statistique  de  Me.xico. 

Documents  divers  mensuels  et  trimestriels  de  divers  pays. 


Nota.  —  La  Bibliothèque  de  la  Société  de  statisti(iue  de  Paris  est  ouverte  tous  les  jours 
non  fériés,  de  midi  à  4  heures.  (Ministère  du  Commerce,  80,  rue  de  Varennes.) 


Le  Gérant,  0.  Berger-Leviîault. 


JOURNAL 


DE  LA 


r    ^ 


SOCIETE  DE  STATISTIQUE  DE  PARIS 


N»  8.  —  AOUT    1890. 


1.- 

ÉTUDE  STATISTIQUE  SUR  LES  SALAIRES  DES  TRAVAILLEURS 
ET  LE  REVENU  DE  LA  FRANCE. 

Les  revendications  ouvrières,  soulevées  avec  tant  d'insistance  en  ces  derniers 
temps,  aussi  bien  par  les  agitateuis  souverains  que  par  les  agitateurs  populaires, 
et  accueillies  avec  une  certaine  complaisance  par  cotte  partie  du  public  que  ne 
trouble  pas  la  crainte  des  répercussions  économiques,  qui  se  croit  désintéressée 
dans  la  question,  et  qui  assiste  au  drame  social  avec  une  sorte  de  curiosité  sympa- 
thique,—  ces  revendications,  dis-je,  donnent  une  importance  capitale  aux  données 
positives  que  l'on  peut  recueillir  sur  la  répartition  du  revenu  national. 

Malheureusement,  il  faut  avouer  que  ces  données  sont  encore  assez  impar- 
faites. On  ne  connaît  exactement,  ni  le  montant  du  revenu  collectif,  ni  les  pro- 
portions suivant  lesquelles  il  se  divise  entre  les  différentes  catégories  d'ayants  droit. 

En  pareille  matière,  il  est  néanmoins  si  dangereux  de  raisonner  en  l'air,  sans 
s'appuyer  sur  des  chiffres,  qu'une  première  approximation  du  problème  m'a  semblé 
déjà  fort  utile.  Je  l'ai  tentée  pour  mon  usage  personnel  et  je  m'enhardis  à  vous  la 
soumettre,  en  n'ayant  d'autre  ambition  que  de  provoquer,  s'il  est  possible,  un  tra- 
vail plus  scientifique  et  plus  satisfaisant. 

Ce  travail  aurait  deux  points  à  élucider  :  Quel  est  le  revenu  national  ?  Quels  sont 
ceux  qui  se  le  partagent? 

§   1.    —   LE    REVENU    NATIONAL. 

Sur  le  premier  point,  en  attendant  que  la  Société  de  statistique  entreprenne  une 
évaluation  nouvelle  que  j'appelle  de  tous  mes  vœux,  je  crois  qu'on  ne  peut  mieux 
faire  que  de  s'en  tenir  à  l'estimation  que  propose  M.  de  Foville,  dans  sa  France 
économique  :  !20  à  25  milliards  de  francs ,  soit  probablement  une  moyenne  de 
22  milliards  et  demi  avec  un  écart  possible  d'environ  10  p.  100  en  plus  ou  en  moins. 

l"-  8ICRIB.   ai-^  vol..   —   N"  8.  15 


—  220  — 

Je  ne  saurais  id  démontrer  complètement  le  bien-fondé  de  l'eslimalion  de  M.  de 
Foville,  je  crois  cependant  qu'on  peut  en  justifier  la  vraisemblance  par  quelques 
courtes  observations. 

Nous  possédons  un  chifl're  précieux  qui  peut  nous  servir  de  base  dans  l'évalua- 
tion du  revenu  national  :  c'est  celui  de  la  production  agricole,  si  magistralement 
établi  par-M.  Tisserand  dans  son  Inlrodiiclion  à  l'enquête  agricole  de  1882. 

Je  crois  devoir  en  reproduire  ici  le  résume  : 

Produit  brut  de  l'exploitation  du  sol  (en  millions  de  francs). 


/"  Production  végétale  ; 

Céréales,  grains 

—        paille 

Pommes  de  terre 

drains  alimentaires  autres  que  les  céréales  . 
Fourrages  annuels  et  prairies  artificielles  .  . 
F'roiluil  des  prairies  naturelles  et  pSUires  .   . 

Cultures  industrielles 

Vignes 

Jardins  maraîchers,  etc.  .   .   .  * 

Oliviers,  noyers,  cultures  arborescentes.  .  . 
Bois  et  forêts 


2°  Production  animale  : 


Chevaux,  mulets,  ânes  (animaux  vendus) 

Animaux  de  boucherie 

Lait 


Laine 

Volailles,  lapins,  etc '.    .    .    . 

Œufs 

Cocons  de  vers  h  soie 

Miel  et  cire 

Travail  des  animaux  de  trait 

Fumier 

Total  général  de  la  production  brute 


4,081 

1,294 

648 

148 

1,365 

1,036 

358 

1,137 

902 

199 

334 


80 

1,634 

4,157 

77 

188 

131 

41 

20 

3,017 

838 


11,502 


I 


1      7,183 


A  déduire  : 

1°  Les  semences 536 

2°  Le  fumier 838 

3°  Les  pailles,  fourrages  et  grains  consommés 

par  les  animaux 3,850 


18,685 


5,224 


Reste,  d'après  M.  Tisserand,  comme  produit  brut  réel  en  1882.     13,461 
Mais  il  faut  encore  en  retrancher  la  valeur  du  travail  des  ani- 
maux de  trait  employés  aux  opérations  de  la  culture,  ci  .   .   .      3,017 

Reste  en  dernier  lieu  .    . 


10,444 


Ce  chiffre  comprend  les  salaires  agricoles,  les  loyers  de  la  terre,  les  frais  géné- 
raux et  les  profils  des  cultivateurs. 

Tî)us  ces  revenus  forment  en  bloc  le  revenu  de  la  population  agricole.  Il  faut 
pourlant  dislinguer  parmi  les  frais  généraux  ce  qui  revient  aux  divers  fournisseurs 


—  227  — 

qui  ne  soiil  pas  des  agriculteurs  et  qui  oppailiennenl  à  un  autre  groupe  de  popu- 
lation (fabricants  de  matériel,  inaréciiaux  ferrants,  bourreliers,  charrons,  vétéri- 
naires, etc.).  Nous  réduirons  ainsi  le  {pial  des  revenus  agricoles  à  la  somme  ronde 
de  10  milliards  de  francs  pour  l'année  1882. 

Ce  produit  brut  fait  vivre  une  population  que  le  recensement  professionnel 
de  1886  évalue  à  17,698,402  personnes  des  deux  sexes  et  de  tout  âge.  Or,  dans 
une  nation  aussi  lioniogène  que  la  nation  française,  où  l'égalité  dans  les  conditions 
s'observe  plus  que  partout  ailleurs,  avec  les  facilités  de  communication  et  de  dépla- 
cement qui  permettent  aux  ouvriers  des  champs  de  se  transporter  aisément  dans 
les  villes  et  de  s'y  consacrer  aux  travaux  industriels  quand  ceux-ci  sont  réellement 
plus  rémunérateurs,  on  peut  admettre  que  la  production  brute  dans  les  différents 
groupes  de  l'activité  nationale  doit  être  sensiblement  proportionnelle  à  l'importance 
de  la  population  de  chaque  groupe.  On  aurait  ainsi  la  relation  suivante  : 

IMPORTANCE 

de  la  PRODUCTION, 

population. 

Population  agricole  .   .    .   .  17,698,402  10,000  millions 

Population  non  agricole  .    .  10,272,279  10,889      — 


Total.  .    .  30,970,681  20,889  millions 

Mais  ce  n'est  là  qu'une  première  approximation,  car  on  se  heurte  de  suite  à  une 
objection  dont  il  faut  tenir  compte.  La  productivité  dans  les  villes  est  plus  forte  que 
dans  les  campagnes,  soit  à  cause  des  capitaux  plus  nombreux,  des  moyens  méca- 
niques plus  puissants  que  l'on  met  en  œuvre,  soit  à  cause  de  l'activité  et  de  l'habileté 
plus  grandes  que  l'on  y  déploie.  Dans  tous  les  cas,  la  production  par  tète  d'ouvrier  a 
plus  de  valeur  dans  les  villes  que  dans  les  campagnes,  et,  en  fail,  les  salaires  et  reve- 
nus y  sont  plus  élevés,  non  pas  seulement  nominalement  mais  effectivement;  les 
ouvriers,  tout  en  faisant  peut-être  moins  d'économies,  consomment  davantage  et 
obtiennent  plus  de  satisfactions  matérielles  (je  laisse  absolument  de  côté  en  ce  mo- 
ment toute  espèce  de  considération  morale). 

Il  faut  donc  établir  des  coefTicients  de  productivité  différents  pour  les  populations 
rurales  et  les  populations  urbaines.  En  vue  de  les  déterminer,  il  me  semble  qu'on 
peut  raisonnablement  s'appuyer  sur  les  taux  moyens  des  salaires,  et  à  cet  égard  je 
propose  les  trois  coefTicients  suivants  : 


SALAIRES    MOVBNS 


de  de  >'''"'  <:»"]''« 

de 


COEFFICIENT 
de 


l'homme.  la  femme.  iravailleur-s.        prodiictivilé. 

Campagnes 2,06  1,63  4,29  1    » 

Chefs-lieux  de  départem"  .  3,50  1,80  5,30  1,24 

Paris 5,65  2,75  8,40  1,96 

Il  s'agit  maintenant  d'appliquer  ces  coefficients  aux  différents  groupes  de  popu- 
lation, et  c'est  ce  que  nous  permet  de  faire  le  Dénombrement,  puisqu'il  distin- 
gue la  population  urbaine  de  la  population  rurale. 

On  sait  (jue  la  population  rurale  se  compose  de  toutes  les  communes  dont  la  po- 
pulation agglomérée  est  inférieure  à  2,000  habitants.  Nous  appliquerons  le  coeffi- 
cient 1  à  cette  population  rurale  dans  larjiielle  nous  comprendrons  sans  nous  écarter 


—  228  — 

sensiblement  de  la  vérité,  toute  la  population  agricole  et  un  certain  nombre  d'arti- 
sans, de  commerçants,  de  transporteurs  et  autres  producteurs,  dont  les  salaires  et 
profils  sont  évidemment  en  rapport  avec  ceuît  des  paysans  qui  les  environnent.  Nous 
appliquerons  le  coefficient  1,24  à  toute  la  population  urbaine,  sauf  à  la  population 
de  Paris  qui  bénéficiera  du  coefficient  le  plus  élevé,  1,9G. 
Ce  travail  nous  donne  les  résultats  suivants  : 

Calcul  théorique  de  la  production. 

OBOnra»  IMPORTANCE  COEFFICIENT      PRODUCTION 

en  de 

de  popuUUon.  oliiffres  ronds.  prodnctivilé.       («"  ■m'»»"»)- 

Population  agricole 17,100,000  1  10,000 

Population  industrielle,  commerciale  et  autre  : 

—  rurale 6,000,000  1  3,400 

—  urbaine  départementale 11,000,000  1,24  7,700 

—  parisienne 2,300,000  1,96  2,500 

Ensemble 37,000,000(1)  23,600 

Nous  arrivons  ainsi,  pour  la  production  annuelle  ou  le  revenu  delà  France, à  une 
évaluation  de  23  milliards  et  demi  qui  rentre  tout  à  fait  dans  les  chiffres  proposés 
par  M.  A.  de  Foville.  Ce  chiffre  de  23  milliards  et  demi  paraît  même  un  peu  trop 
ibrl  comme  moyenne,  parce  que  nous  avons  pris  pour  base  la  production  agricole 
de  1882  qui  a  été  supérieure  à  la  production  d'une  année  ordinaire.  En  réduisant 
cette  donnée  de  1/20°  seulement,  le  calcul  théorique  ci-dessus  ne  nous  fournirait 
plus  qu'une  production  totale  de  22  milliards  et  demi  environ. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  pouvons  être  rassurés  sur  cette  première  partie  du  pro- 
blème. Nous  possédons  avec  une  approximation  suffisante,  eu  égard  au  degré  de 
précision  des  autres  renseignements,  l'évaluation  du  revenu  'de  la  France. 

Nous  passons  maintenant  à  la  seconde  partie  du  problème. 

§  2.   —  LES  COPARTAGEANTS   DU   REVENU   NATIONAL:    SALARIÉS. 

Quels  sont  les  copartageants  du  revenu  national? 

Sur  ce  point,  le  principal  document  auquel  on  puisse  avoir  recours  est  le  Dénom- 
brement de  1886,  dont  les  données  ont  été  si  habilement  mises  en  lumière  par 
.MM.  Vannacque  et  Turquan. 

D'après  la  classification  de  la  population  par  professions  et  par  conditions  sociales, 
on  compterait,  sans  distinction  de  sexe  : 

8,109,103  patrons  ou  chefs  d'exploitation; 

964,032  employés  et  commis  ; 

6,774,590  ouvriers,  journaliers,  hommes  de  peine,  manœuvres,  etc.; 

1,950,208  domestiques  attachés  à  la  personne; 


I 


17,797,933    patrons  et  travailleurs,  au  total. 


Il)  J"ai  été  obligé  de  n'employer  ici  que  des  chilTres  ronds  parce  que,  dans  le  dénombrement,  la 
distinction  de  la  population  urbaine  et  rurale  a  été  établie  sur  la  population  de  fait  (38,218,902),  tandis 
que  le  dénombrement  professionnel  n'a  pu  porter  que  sur  30,970,081  individus. 


—  229  — 

En  analysant  ces  chiffres  j'ai  été  amené  à  les  modifier  de  la  manière  suivante: 

L'Enquête  agricole  de  1882,  qui  est  un  document  si  sérieux,  compte  3,434,938  do- 
mestiques de  ferme  et  journaliers  agricoles  au  lieu  des  2,771,966  travailleurs  agri- 
coles que  l'évèle  le  dénombrement  de  1886.  C'est  une  différence  en  moins,  dans  le 
dénombrement,  de  602,972  individus,  qui  ne  peut  s'expliquer  par  une  réduction 
survenue  en  quati'e  ans,  de  1882  à  1886,  dans  le  personnel  agricole:  nous  savons, 
au  contraire,  que,  durant  ces  années  de  crise,  il  y  a  eu  un  certain  reflux  des  travail- 
leurs, inoccupés  dans  les  villes,  qui  sont  retournés  aux  campagnes.  L'explication  de 
la  différence  se  trouve  dans  ce  fait  que  727,374  journaliers  agricoles  sont  en  même 
temps  propriétaires  d'une  parcelle  de  terre.  La  plupart  se  sont  déclarés  comme 
propriétaires  au  dénombrement,  tandis  que  l'Enquête  agricole  les  inscrivait  comme 
journaliers.  J'ai  suivi  sur  ce  point  l'Enquête  agricole  qui  a  le  mérite  de  fournir  des 
évaluations  très  précises  sur  les  salaires. 

D'autre  part,  il  m'a  semblé  utile  de  séparer  du  groupe  des  ouvriers  proprement 
dits,  les  67,761  garçons  de  bureau  et  assimilables  que  le  dénombrement  attribue 
aux  administrations  publiques  et  aux  professions  libérales,  ainsi  que  les  100,283 
concierges  et  gagistes  que  le  dénombrement  attribue  aux  propriétaires  non  exploi- 
tants et  aux  rentiers  ou  pensionnaires. 

Voici,  dans  un  tableau  un  peu  plus  détaillé  que  le  précédent,  le  résultat  de  ces 
rectifications  : 

Relevé  des  patrons  et  travailleurs. 
Patrons  ou  chefs  d'exploitation  et  assimilés. 

NOMBRE. 

Agriculture  (1)   .    .   . 3,383,192 

Industrie,  commerce,  transports  ....     2,009,914 
Propriétaires  non   exploitants,   rentiers,  [.     7  446  131 
force  publique,  administrations  publi- 
ques, professions  libérales 2,053,025 

Employés  et  gagistes. 

Employés  et  commis  de  toutes  professions.  964,032  \ 

Garçons  de  bureau  et  assimilables.   .    .   .  67,761  |    1,132,076 

Concierges,  gagistes 100,283  ) 

Ouvriers  et  journaliers. 

Agriculture  (1) 3,434,938  1 

Industrie 3,056,161        7,269,518 

Commerce  et  transports 778,419  ) 

Domestiques  attachés  à  la  personne 1 ,950,208 

Total 17,797,933 

(1)  Justification  des  chiffres  relatifs  à  l'agriculture  : 

M6mps  cliiffres  après  iransfoi-l 

ENQUÊTE  AGRICOLE  DE  1882.      DÉNOMBREMENT  DE  1886.  de  662,972  individus 

des  patrons  aux  ouvriers. 

Chefs  d'exploitation .    .    .     3,460,600  4,046,164                        3,383,192 

Ouvriers,  journaliers  .    .     3,434,938  2,771,966                        3,434,938 

6,895,538  6,818,130                         6,818,130 

Régisseurs,  commis .    .    .          17,9GG  » 

Employés »  97,835  (compris  dans  Ifs  emplojés  el  gagistes) 

Totaux  .                 6,913,504  6,915,965 


—  230  — 


En  laissant  de  côlé  provisoirement  le  groupe  des  patrons  ou  ciiefs  d'exploitation, 
nous  voyons  que  les  antres  travailleurs  se  décomposent  assez  nalurcUenienl  en  sept 
groupes  inégaux,  sur  deux  desquels  —  les  ouvriers  de  l'agriculture  et  les  ouvriers 
de  l'industrie  —  on  possède  des  renseignements  plus  ou  moins  complets,  à  puiser 
dans  l'Enquête  agricole  de  1882,  dans  la  Statistique  annuelle  des  mines  et  dans  la 
Statistique  annuelle  de  la  France. 

Pour  toules  les  autres  catégories  de  travailleurs,  c'est  par  assimilation  ou  par 
estimation  individuelle  que  nous  devrons  évaluer  les  salaires,  gages  et  traitements. 

Il  y  a  donc  de  grandes  possibilités  d'erreur  ;  cependant  il  importe  de  remarquer 
que  les  deux  dénombrements  de  Paris  et  de  la  France  permettent  de  subdiviser 
chacun  des  divers  groupes  de  travailleurs  en  quatre  catégories  :  travailleurs-hommes 
et  travailleurs- femmes  à  Paris,  travailleurs-hommes  et  travailleurs-femmes  dans 
les  départements.  Nous  arrivons  ainsi  à  multiplier  les  catégories  de  travailleurs 
auxquelles  nous  pouvons  appliquer  des  renseignements  distincts;  et,  comme  les 
plus  grandes  différences  que  l'on  observe  entre  les  salaires  sont  celles  qui  existent 
entre  les  salaires  des  hommes  et  des  femmes,  entre  les  salaires  de  Paris  et  de  la 
province,  bien  plus  qu'entre  les  salaires  des  diverses  professions,  nous  pouvons 
nous  flatter  par  ce  procédé  analytique  d'arriver  à  une  approximation  acceptable. 

Voici  le  tableau  de  ces  différentes  catégories  de  travailleurs  avec  les  rémunéra- 
tions annuelles  moyennes  prises  pour  types  dans  chaque  catégorie. 

Évaluation  des  salaires  annuels  (en  1886)  par  catégories  de  travailleurs. 


PAR 

Individui. 

IB. 

Salaires. 

DI^PARTEMENTS. 

Individus. 

Salaires. 

Fr. 

— 

Fr. 

Ouvriers  agricoles 
(en  1882). 

hommes, 
femmes. 

2,646 
282 

i 

1,960,266  j 
1,471,744  i 

578 

Ouvriers  industriels: 

Industrie  exlractive.    .    . 

hommes, 
femmes . 

969 
45 

» 

192,511 

27,037 

975 

Métallurgie 

1  hommes. 
1  femmes. 

3,823  j 
190  ( 

1,670 

88,838 
11,867 

j  1,049 

.\ulres  industries.   .    .   . 

1  iiommes. 
(  femmes. 

262,266 
232,203 

1,710 
838 

1,434,612 
801,800 

1,042 
532 

Ouvriers  du  commerce  et 

1  hommes. 

94,133 

1,710 

407,958 

1,042 

des  transports  .   .    .   . 

1  femmes. 

66,949 

838 

209,379 

532 

Employés  et  commis   .    . 

l  hommes. 
1  femmes. 

168,988 
59,162 

1,500 
1,000 

541,680 
194,202 

900 
600 

Garçons  de  bureau  et  as- 

j hommes. 

■  6,021 

1,200 

45,527 

720 

similables 

(  femmes. 

2,055 

800 

14,158 

480 

Concierges  et  gagistes.   . 

j  hommes. 
(  femmes. 

11,018 

22,985 

720 
480 

31,471 
34,809 

360 
•   240 

Domestiques 

l  hommes. 
1  femmes. 

30,652 
101,778 

1,500 
1,000 

652,490 
1,165,288 

900 
600 

Totaux 

(  hommes. 
(  femmes. 

580,516 
485,649 

5,355,353 
3,930,284 

9,285,637 

1,060,165 

1 


10,35i,802 


—  ^231  — 
Voici  niainleiiaiit  sur  quelles  bases  les  salaires  onl  élé  évalués. 

Salaires  agricoles.  —  En  ce  qui  concerne  les  salaires  agricoles,  j'ai  suivi  les 
indications  de  l'Enquête  agricole  de  1882  qui  sont  très  précises  (voir  Introduction, 
p.  382  et  383).  J'ai  cru  néanmoins  devoir  ajouter  aux  gages  des  domestiques  de 
ferme  la  valeur  de  la  nourriture  et  du  couchage  (400  fr.  par  honmie,  290  fr.  par 
femme  ou  pe)il  domestique).  On  obtient  alors  les  résultais  suivants  (1). 


PERSONNBl,. 


NOUBR£. 

130,022 
541,050 
197,043 
8,086 
292,238 
253,786 
540,687 

OAOES. 

465  +  400 
324  +  400 
290  +  400 
431  +  400 
295  +  400 
140  +  290 
666 

MONTAST    TOTAL 

des  salaires. 

112,469,000 
391,720,000 
135,960,000 
6,719,000 
203,105,000 
109,128,000 
360,098,000 

1,962,912 

672 

1,319,199,000 

532,026 
940,000 

235  +  290 
411 

279,314,000 
386,340,000 

1,472,026 

452 

665,654,000 

3,434,938 

578 

1,984,853,000 

Maîtres-vfllets 

Charretiers 

Bouviers  et  bergers  .... 

Fromagers 

Domestiques  divers  .... 
Petits  domestiques  mâles  .  . 
Journaliers 

Hommes  .... 

Servantes  de  ferme  .... 
Journalières 

Femmes  .... 

Travailleurs  agricoles.  .   . 

L'Enquête  agricole  ne  donne  qu'un  nombre  total  de  1,480,687  journaliers,  en 
bloc,  sans  distinction  d'hommes  et  de  femmes.  Pour  en  opérer  la  division,  j'ai 
utilisé  l'indication  du  dénombrement  de  1886  qui  donne,  parmi  les  journaliers 
agricoles,  1,613,697  hommes  et  1,158,269  femmes,  soit  environ  4/7"  d'hommes  et 
3/7"  de  femmes.  Cette  dernière  proportion  appliquée  aux  3,434,938  travailleurs 
agricoles  figurant  dans  l'Enquête  produit  1,472,000  femmes  parmi  lesquelles  nous 
connaissons  déjà  532,000  servantes;  restent  940,000  journalières.  J'ai  calculé  le 
salaire  des  journaliers  à  raison  de  250  jours  de  travail,  125  jours  en  élé  à  3  fr.  11  c. 
et  1  fr.  87  c.  (sans  nourriture),  et  125  jours  en  hiver  à  2  fr.  22  c.  et  1  fr.  42  c. 

Salaires  de  l'industrie  minérale.  —  L'industrie  minérale  comprend  l'industrie 
extractive  (combustibles  minéraux,  minerais  de  fer  et  autres  minerais,  salines  et 
carrières)  et  l'industrie  métallurgique  (fontes,  fers,  aciers,  métaux).  La  Statistique 
des  mines  donne  chaque  année  la  production  et  le  montant  des  salaires  du  plus 
grand  nombre  des  exploitations  de  l'industrie  extractive.  Elle  donne  aussi  la 
production  métallurgique,  mais  non  le  chiffre  des  salaires. 

Pour  1886,  l'exploitation  de  456  mines  et  de  5,063  minières  et  marais  salants  a 
occupé  121,196  ouvriers  qui  onl  reçu  un  salaire  total  de  118,170,098  fr.,  soit  une 
moyenne  de  975  fr.  sans  distinction  d'âge  ni  de  sexe. 


(I)  Les  chiffres  de  TEnquéte  agricole  m'apparaissent  plutôt  comme  un  minimum  qu'une  moyenne. 
Partout  où  je  me  suis  renseigné  personnellement,  j'ai  trouvé  des  gages  plus  élevés. 


—  232  — 

Mais  il  y  a  lieu  d'observer  que  celle  moyenne  résulle  d'élcmenls  très  disparates  : 

102,354    ouvriers  des  charbonnages  à 1,049  fr. 

10,308        —        des  mines  et  minières  îi 822 

8,534        —       des  salines  et  marais  salants  à  .   .    .        273 

La  faiblesse  de  ces  derniers  chiffres  tient  à  ce  que  le  travail  des  minières  et  des 
marais  salants  est  très  irrégulier  et  comporte  un  certain  nombre  d'avantages  acces- 
soires qui  ne  sont  pas  évalués. 

Je  me  suis  donc  borné  à  appliquer  la  moyenne  de  975  fr.  à  l'industrie  extractive 
en  bloc  ;  mais  pour  l'industrie  métallurgique,  au  sujet  de  laquelle  la  Statistique  des 
mines  ne  donne  pas  de  renseignements  quant  aux  salaires,  et  en  considérant  que 
c'est  toujours  une  grande  industrie  fort  régulière,  j'ai  cru  devoir  prendre  la  moyenne 
des  charbonnages,  l,0-4t)  fr.,  en  la  majorant  de  60  p.  100  pour  les  ouvriers  de  Paris, 
soit  environ  1 ,070  fr. 

Ces  chiffres  sont  plutôt  faibles,  car  le  salaire  moyen  des  charbonnages  est  infé- 
rieur à  celui  des  autres  industries  dans  les  départements.  Gela  tient  aux  avantages 
divers  qui  sont  accordés  en  général  par  les  compagnies  houillères  à  leurs  ouvriers  : 
secours  en  argent  et  en  nature,  soins  médicaux,  allocation  de  combustible  gratuite- 
ment ou  à  prix  réduit,  logement  à  bon  marché  dans  des  cités  ouvrières,  etc. 

Salaires  industriels.  —  J'ai  d'abord  tenté  d'attribuer  une  moyenne  particulière 
de  salaires  à  chaque  groupe  de  professions  :  industrie  textile,  industrie  extractive, 
industrie  métallurgique,  etc.  (il  y  en  a  dix-neuf  qui  ressortissent  à  l'industrie  pri- 
vée) ;  mais  en  contrôlant  ce  premier  travail,  je  me  suis  aperçu  qu'on  arrive  sensi- 
blement au  même  résultat  en  attribuant  à  tout  l'ensemble  des  ouvriers  industriels, 
les  moyennes  générales  suivantes  fournies  par  la  Statistique  annuelle  de  la  France  : 

Parii  ou  département  de  la  Seine. 

UOYENNES 

1°  Hommes:  arithmétiques. 

Petite  industrie  (49  métiers),  salaire  journalier  ordinaire  d'un  ouvrier  \ 

non  nourri,  5  fr.  84  à  multiplier  par  300  jours  de  travail  (hypothèse).  1,752  I 

Grande  industris  (23  industries),  salaire  journalier  ordinaire  d'un  ouvrier  l     ' 

de  plus  de  21  ans,  non  nourri,  5  fr.  45  à  multiplier  par  306  jours  (donnée).  1,167  /  , 

2"  Femmes  : 

Petite  industrie  (10  métiers),  salaire  de  la  femme  :  2,90  X  300 ,   .    .   .         870 
Grande  industrie  (22  industries),  salaire  de  la  femme:  2,63  '/s  X  306  .        806 

Chefs-lieux  des  départements. 
1°  Hommes  : 

Petite  industrie  (51  métiers),  salaire  moyen  ordinaire:  3,46  X  300  .   .     1,038  1 
Grande  industrie  (30  industries),  salaire  moyen  des  hommes  de  21  ans  :  |  1,042 

3,57x293 1,046  ) 

2°  Femmes  : 

Petite  industrie  (11  métiers),  salaire  moyen  ordinaire:  1,82  X  300  .   .        546  )      _.,g 
Grande  industrie  (30  industries),  salaire  moyen  ordinaire:  1,77  x  393.        518  j 

Ces  chiffres  sont  afférents  à  l'année  1886,  année  du  dénombrement  de  la  popu- 


838 


—  233  — 

lation,  durant  laquelle  les  salaires  de  la  grande  industrie  paraissent  avoir  été  assez 
dépriuiés  ainsi  qu'on  peut  en  juger  par  la  série  comparative  suivante; 

GRANDE     INDUSTRIE  (Salaire  quotidien)  OnARBONNAGES. 

ANNÊBS.  A    PARIS.  DÉPARTEMENTS.  _    ,    . 

^  ^,  ^  ^^  Salaire  moyen 

Hommes.  Femmes.  Hommes.  Femmes.  annuel. 

1881 '  5,27  2,67  3,54  1,76      » 

1882 5,27  2,67  3,51  1,78  1,099 

1883 5,33  2,68  3,55  1,80  1,125 

1884.  ....  5,33  2,58  3,56  1,79  1,073 

1885 5,45  2,66  3,58  1,77  1,042 

1886 5,01  2,63  3,56  1,79  1,049 

1887 5,02  2,65  3,57  1,78  1,067 

PETITE     INDUSTRIE   (l). 

1881 5,66  2,95  3,37  1,77 

1882 -5,94  -3,07  3,42  1,79 

1883 5,84  2,90  3,43  1,80 

1884 Id.  Id.  3,48  1,82 

1885 Id.  Id.  3,45  1,80 

1886 Id.  Id.  3,46  1,82 

1887 Id.  Id.  3,47  1,83 

Pour  établir  les  salaires  annuels  des  ouvriers  industriels,  j'ai  simplement  pris 
la  moyenne  arithmétique  des  deux  chiffres  généraux  de  la  petite  industrie  et  de  la 
grande.  Les  données  sur  lesquelles  on  opère  ne  sont  pas  assez  sûres  pour  mériter 
un  calcul  plus  précis.  D'ailleurs  on  ne  peut  pas  douter  que  la  petite  industrie  ne 
soit,  comme  importance  de  main-d'œuvre,  au  moins  égale  à  la  grande.  Le  dénom- 
brement de  1 881  lui  attribuait  deux  fois  plus  de  travailleurs  qu'à  la  grande  industrie. 
Comme  les  salaires  de  la  petite  industrie  sont  généralement  plus  élevés  que  ceux 
de  la  grande,  une  moyenne  simplement  arithmétique  de  ces  deux  grands  groupes 
doit  donner  un  résultat  plutôt  inférieur  à  la  réalité.  Il  y  a  là  une  atténuation  qui 
compense  dans  une  certaine  mesure  l'infériorité  des  salaires  des  ouvriers  apparte- 
nant à  la  population  rurale  et  dont  il  n'a  pu  être  tenu  compte. 

Salaires  du  commerce  et  des  transpoi'ls.  —  Faute  dî données  particulières,  j'ai 
appliqué  les  mêmes  moyennes  que  pour  l'industrie. 

Employés  el  commis,  {/arçons  de  bureau.  —  La  Statistique  annuelle  du  Com- 
merce se  borne  aux  évaluations  suivantes  : 

Salaires  ordinaires. 

A   PARIS-        AUTREaTvILLES. 

Commis,  employés  de  magasin.    .    .    .  1,200  918 

Dames  de  comptoir 800  639 

Demoiselles  de  boutique 480  485 

Il  n'est  pas  spécifié  si  ces  employés  sont  nourris  ou  logés. 

(1)  La  presque  continuelle  répétition  des  mêmes  chiffres  ne  donne  pas  une  haute  idée  de  la  manière 
dont  cette  statistique  est  recueillie  par  les  préfets,  surtout  k  Paris. 


k 


—  234  — 

11  m'a  paru,  en  loul  cas,  que  ces  chiffres,  qui  ne  s'appliquent  qu'aux  employés 
de  commerce,  étaient  inférieurs  à  la  moyenne;  j'y  ai  substitué  les  suivants: 

A   PARIS.       DÉPARTBUBNTS. 

Employés  (hommes) 1,500  900 

Employées  (femmes) 1,000  600 

Pour  les  garçons  de  bureau  et  assimilables,  j'ai  réduit  ces  taux  d'un  cinquième. 

Domestiques  ;  concierges.  —  Pour  les  domestiques,  les  renseignements  font 
également  défaut  ;  j'ai  cru  pouvoir  adopter  l'évaluation  suivante  en  tenant  compte 
de  la  nourriture  el  du  logement  : 


f-  1  Logement 

f    i  Nourriture 

"=   '  DIanchissage,  divers  . 

PARIS. 

Hommes.               Femmes. 

600-            360 

120             120 

720             460 

60               60 

DEPARTEMENTS. 

Hommes.           Femmes. 

300          216 
»              » 

540          360 
60            24 

îferees,  gages  et  logements. 

1,500 
720 

1,000 
480 

900          600 
360          240 

Voici  maintenant  les  résultats  de  l'application  de  ces  différents  types  de  salaires 
aux  catégories  de  travailleurs  que  nous  avons  ci-dessus  établies. 

Salaires,  gages  et  traitements  (en  millions  de  francs). 


DEPARTEMENTS.      TOTAL. 


Salaires  agricoles .... 
Salaires  industriels. 

Industrie  extractive  .  . 

Industrie  métallurgique 

Autres  industries.    .    . 

Salaires  du  commero»  et 
des  transports .     ... 

Employés  et  commis  .   . 

Garçons  de  bnreau  et  as- 
similables  

Concierges  et  gagistes  .   . 

Domestiques 

Totaux 


t 

1,984,8 

1,984,8 

ï 

215,0 

hommes. 

6,7     . 
448,5 

105,6 
1,494,9 

2,891,9 

femmes . 

194,6 

426,6 

hommes. 

161,0 

425,1 

753,6 

femmes . 

56,1 

111,4 

l  hommes. 

253,5 

487,5  ) 

916,7 

(  femmes . 

59,2 

116,5  i 

i  hommes. 

7,2 

32,8 

1  femmes . 

1,6 

6,8 

87,0 

hommes. 

7,9 

11,3 

femmes. 

11,0 

8,4 

hommes. 

46,0 

587,2 

1,434,2 

femmes . 

101,8 

699,2 
6,713,1 

X 

1,355,1 

8,068,2 

—  235  — 

§   3.    —   LES    COPARTAGEANTS   DU    REVENU    NATIONAL:    BÉNÉFICIAIRES    DE   PROFITS. 

8  milljarfls  de  salaires,  traitements  et  gages:  telle  serait  donc  la  part  des  travail- 
leurs dans  le  revenu  de  la  France  évalué  à  20  ou  25  milliards.  Mais  s'ensuit-il  que 
la  diiïérence,  12  à  17  milliards,  doive  être  allribuée  aux  propriélaires  et  aux  capi- 
talistes? Oui  et  non.  Il  y  a  une  dislinclion  importante  qu'il  convient  ici  d'introduire. 

Un  grand  nombre  de  petits  propriétaires  agricoles  exploitant  eux-mêmes  leurs 
terres,  un  grand  nombre  de  petits  industriels  et  d'artisans,  de  petits  commerçants, 
de  petits  transporteurs,  voire  de  petits  fonctionnaires  et  de  petits  rentiers,  sont 
dans  une  condition  voisine  de  celle  des  travailleurs,  et  même  dans  une  situation  plus 
précaire,  parce  que,  ne  gagnant  pas  ordinairement  plus  qu'eux,  ils  subissent  quel- 
quefois des  risques  plus  grands  et  souffrent  de  variations  très  sensibles  dans  leurs 
modestes  revenus. 

Il  importe  donc  de  déterminer  autant  que  possible  la  proportion  de  ces  petits 
patrons  et  assimilés  qui  sont,  pour  ainsi  dire,  sur  les  confins  du  capital  et  du  travail, 
et  qui  doivent  leur  subsistance  encore  plus  à  leur  travail  qu'à  leur  capital.  Celte 
proportion  étant  reconnue  avec  une  approximation  suffisante,  on  aura  dégagé  le 
groupe  des  propriétaires,  industriels,  commerçants  et  capitalistes  qui  jouissent  de 
quelque  aisance  et  qui  sont  en  état  de  supporter  dans  une  certaine  mesure  des  fluc- 
tuations de  revenu. 

Rappelons  d'abord  ici  les  trois  groupes  de  patrons  ou  de  capitalistes  assimilés  à 
des  patrons  que  nous  avons  établis  en  commençant  : 

l'Agriculture 3,383,192 

2°  Industrie,  commerce  et  transports 2,009,914 

3°  Propriétaires  non  exploitants,  rentiers,  force  publique, 

administrations  publiques  et  professions  libérales.    .  2,053,025 

Ensemble 7,446,131" 

Dans  le  l"  groupe  des  patrons  (agriculture),  l'Enquête  agricole  de  1882,  en  nous 
faisant  connaître  la  répartition  de  la  propriété  foncière,  nous  donne  en  quelque 
sorte  les  bases  de  la  distribution  des  fortunes  rurales. 

Nous  y  voyons  que  sur  5,672,007  exploitations  rurales  dont  l'existence  a  été 
relevée,  2,167,667  sont  de  moins  d'un  hectare  (un  arpent  en  moyenne),  et  que 
1,865,878  se  tiennent  entre  1  et  5  hectares  (six  arpents  en  moyenne). 

Cette  proportion  de  4,033,545  très  petites  exploitations  sur  5,672,007  (71  p.  100) 
est  néanmoins  exagérée.  Il  faut  tenir  compte  du  morcellement  fictif  des  exploita- 
tions qui  se  trouvent  à  cheval  sur  deux  ou  plusieurs  communes,  des  terres  détachées 
mais  non  exploitées  séparément,  enfin  des  parcelles  appartenant  à  des  journaliers, 
métayers  ou  fermiers.  Ces  rectifications  étant  faites,  on  retombe  sur  le  chiffre  de 
3,383,000  exploitants  réels  que  je  viens  de  rappeler,  et  l'on  ne  peut  pas  évaluer  à 
moins  de  moitié  de  ce  nombre,  soit  à  1,700,000  individus  (chiffre  qui  est  certaine- 
ment au-dessous  de  la  vérité),  la  classe  des  exploitants  agricoles  dans  une  situation 
très  voisine  de  celle  des  ouvriers. 

En  évaluant  leur  revenu  moyen  à  1,000  fr.,  on  arrive  pour  ce  groupe  à  un  revenu 
collectif  de  1,700  millions. 


—  236  — 

Dans  le  2"  groupe  des  palrons  (indiislriels,  commerçants,  transporteurs),  pres(|ue 
tous  patentables,  on  peut  s'appuyer  sur  la  statistique  des  patentes  en  1885,  dont  le 
Bulletin  du  ministère  des  finances  (livraisons  d'octobre  1887)  nous  a  donné  les  ré- 
sultats généraux. 

A  cette  époque,  sur  1,658,882  établissements  individuels  ou  collectifs  assujettis 
à  la  patente,  dont  le  loyer  présentait  une  moyenne  de  726  fr.,  il  a  été  constaté  que  : 

501,226    n'avaient  qu'un  loyer  moyen  de  395  fr.  ; 
226,722    qu'un  loyer  moyen  de  275  fr.  ; 
77,458    qu'un  loyer  moyen  de  126  fr. 


805,406    établissements  étaient  donc  dans  une  situation  des  plus  modestes. 

On  peut  en  inférer  que  la  moitié  environ  des  industriels,  commerçants  et  trans- 
porteurs (un  million  d'individus)  sont  des  artisans  dans  une  condition  très  voisine 
de  celle  des  ouvriers. 

En  leur  attribuant  des  revenus  approchant  des  salaires  moyens  des  ouvriers 
hommes,  on  a  les  résultats  suivants  : 

90,000    petits  patrons  ou  artisans  parisiens  à  1 ,800  fr 162  millions. 

910,000    petits  patrons  ou  artisans  des  départements  à  1,100  fr. .     1,000       — 

Total 1,162  millions. 

Dans  le  3°  groupe  des  patrons  (propriétaires  autres  que  les  cultivateurs,  rentiers, 
professions  libérales,  administrations  publiques,  force  publique),  il  y  a  aussi  un  grand 
nombre  de  petites  gens  qui  vivent  de  leur  travail  encore  plus  que  de  leur  capital  ou 
dont  la  dotation  ne  dépasse  guère  le  montant  d'un  modeste  salaire. 

Il  suffit  pour  s'en  convaincre  de  parcourir  les  catégories  réunies  dans  ce  troi- 
sième groupe  : 

Individus  appartenant  h  la  force  publique  :  Armée  de  terre  et  de  mer,  gen- 
darmerie et  police  (tout  l'effectif  a  été  compté  parmi  les  patrons)  .   .   .  484,898 

Individus  (dont  14,005  femmes)  appartenant  à  l'administration  publique  : 
Fonctionnaires  et  agents  payés  par  l'État,  les  départements  et  les  com- 
munes (tous  les  employés  de  l'État  ont  été  classés  parmi  les  patrons).    .  189,187 

Individus  (dont  63,985  femmes)  appartenant  à  la  profession  religieuse: 
Membres  du  clergé  catholique  (44,072),  communautés  religieuses  (83,071).  128,738 

Individus  appartenant  à  la  profession  judiciaire  :  Personnel  des  tribunaux  à 

tous  les  degrés,  avocats,  notaires,  avoués,  huissiers,  agents  d'affaires,  etc.  39,860 

Individus  (dont  14,003  femmes)  appartenant  h  la  profession  médicale  : 
Médecins,  chirurgiens,  officiers  de  santé,  pharmaciens,  herboristes,  den- 
tistes, oculistes,  pédicures,  sages-femmes 40,714 

Individus  (dont  66,574  femmes)  appartenant  à  l'enseignement  :  Profes- 
seurs, instituteurs  et  institutrices,  maîtres  et  maîtresses 146,225 

Individus  (dont  6,909  femmes)  appartenant  aux  sciences,  lettres  et  arts  : 
Savants,  hommes  de  lettres  et  publicistes  (6,376);  architectes  et  ingé- 
nieurs civils  (10,019)  ;  musiciens,  sculpteurs,  peintres  et  graveurs  (1 9,925); 
acteurs  et  chanteurs  (8,339) 44,659 

Total  (dont  165,476  femmes) 1,074,281 


—  237  — 

Il  est  certain  que  nous  resterons  dans  une  très  grande  modération  en  disant  que 
plus  des  4/5"'  de  ce  total  comprennent  des  gens  dont  les  ressources  ne  sont  pas  su- 
périeures à  celles  des  artisans  :  tels  sont  les  soldats  et  marins,  les  petits  fonction- 
naires et  employés,  les  desservants  des  églises  de  campagne,  les  religieux  et  reli- 
gieuses, le  personnel  médical  inférieur,  les  instituteurs  et  institutrices,  etc.  En  y 
joignant  les  petits  rentiers,  pensionnaires  ou  retraités  et  les  réfugiés  à  la  solde  de 
l'Etat,  on  ne  peut  évaluer  à  moins  d'un  million  d'individus,  les  membres  de  ce  troi- 
sième groupe  qui  n'ont  véritablement  de  patrons  que  le  nom.  La  statistique  qui 
leur  a  fait  l'honneur  de  cette  classification  ne  peut  guère  leur  reconnaître  plus  de 
1,000  à  1,200  millions  de  ressources:  ce  qui  complète  environ  4  milliards  pour  les 
revenus  des  petits  cultivateurs,  des  artisans  et  de  tous  les  travailleurs  indépendants 
dont  les  ressources  ne  dépassent  pas  le  salaire  maximum  des  ouvriers. 


§  4.    —  CONCLUSION. 

Nous  arrivons  ainsi  comme  résultat  final  à  la  répartition  suivante  du  revenu  de 

la  France. 

Répartition  du  Revenu  national. 

SOMMES 

Travailleurs.  miiHon!  d"  franc». 

3,434,938    ouvriers  de  l'agricullure 2,000 

3,834,580  ouvriers  de  l'industrie,  du  commerce  et  des  transports  .   .  3,600 

1,132,076    employés  et  gagistes 1,000 

1,950,208    domestiques  attachés  à  la  personne 1,400 

Ensemble  des  salaires,  traitements  et  gages 8,000 

3,700,000  petits  cultivateurs,  artisans,  détaillants,  transporteurs,  sol- 
dats, marins,  gendarmes,  petits  fonctionnaires,  desser- 
vants ecclésiastiques,  religieux  et  religieuses,  instituteurs 
et  institutrices,  etc.,  dont  les  ressources  ne  dépassent 
pas  le  salaire  maximum  des  précédents 4,000 

Capitalistes  proprement  dits. 

1,683,192    exploitants  agricoles 3 'A  à  4 '/j  mill'"''  ] 

1,009,914    industriels,  commerçants,  transporteurs.     3 '/«  à  4 '/,  mill'*'  f 
1,053,025    propriétaires,  rentiers  et  membres  des  i  lU,oOU 
professions  libérales 2  '/^  à  3  miUiards  ) 


17,797,933  22,500 

Ce  tableau,  je  le  répète,  ne  contient  que  des  approximations,  ce  n'est  qu'une  sorte 
de  schéma,  mais,  il  permet  de  fixer  les  idées  et  de  donner  une  base  positive  aux 
raisonnements  économiques.  D'ailleurs,  comme  on  a  pu  le  voir  par  les  observations 
qui  précèdent,  l'évaluation  des- salaires,  traitements  et  gages  des  travailleurs  ainsi 
que  des  revenus  des  petits  patrons  a  été  faite  avec  modération.  Si  l'on  arrivait,  à 
l'aide  de  déterminations  plus  "précises,  à  relever  cette  évaluation,  si  d'autre  part  on 
tenait  compte  des  revenus  des  biens  et  domaines  de  l'État,  des  communes  et  des 
établissements  publics  (lesquels  dépassent  300  millions  de  francs),  —  il  est  évident 
que  la  part  afférente  aux  capitalistes  proprement  dits  s'en  trouverait  réduite  en 
proporlion.  Les  conclusions  auxquelles  je  vais  aboutir  en  seraient  forlifiées. 


—  238  — 

Le  lolal  des  revenus  du  capital,  quelle  qu'en  soil  la  source,  —  agricuilure,  indus- 
trie, commerce  et  transport,  propriété  urbaine,  fonds  publics,  etc.,  —  nous  apparaît 
comme  fort  peu  élevé,  surtout  si  l'on  tient  compte  des  aléas  qu'il  supporte. 

Ce  groupe  des  capitalistes  comprend,  en  effet,  tous  les  gros  el  moyens  exploi- 
tants :  fermiers  et  métayers,  propriétaires  agricoles  faisant  valoir  leurs  terres,  pro- 
priétaires ne  faisant  pas  valoir  mais  restant  exposés  au  risque  du  non-paiement  des 
loyers  et  de  la  détérioration  des  terres,  entrepreneurs,  chefs  d'industrie,  négociants, 
actionnaires,  commanditaires,  etc. 

En  dépit  de  ces  risques,  le  total  de  10  milliards  et  demi  que  nous  avons  attribué 
aux  .'},7'46,000  capitalistes  plus  ou  moins  aisés,  ne  représente  qu'une  moyenne  de 
2,800  fr.  par  famille,  une  fois  payé,  il  est  vrai,  le  service  des  domestiques  dont  nous 
avons  compris  les  gages  et  l'entretien  dans  le  total  des  salaires,  el  une  fois  acquittée 
cette  partie  des  impôts  qui  sert  à  l'entretien  de  la  force  publique,  de  l'administra- 
tion, du  culte  et  de  l'instruction  publique,  puisque  tous  les  soldats  et  les  fonction- 
naires, les  prêtres  el  les  instituteurs  figurent  parmi  les  patrons  el  diminuent  par 
cela  même  la  part  des  capitalistes  dans  le  revenu  collectif. 

Ce  revenu  moyen  de  2,800  fr.,  grossi  de  la  quote-part  des  domestiques,  des  sol- 
dats, des  fonctionnaires,  etc.,  ne  monterait  guère  à  plus  de  3,500  fr.  bruts;  il  est 
si  peu  élevé  que,  pour  trouver  la  place  des  grandes  fortunes,  il  faut  supposer  un 
grand  nombre  de  faibles  revenus,  intermédiaires  entre  les  revenus  d'ouvriers  ei 
d'employés  et  les  revenus  des  capitalistes.  Dans  la  France  erilière,  M.  Leroy-Beaulieu 
ne  croit  pas  qu'il  existe  plus  de  700  ou  800  personnes  ayant  250,000  fr.  de  rentes 
ou  davantage,  ni  plus  de  18,000  à  20,000  revenus  compris  entre  50,000  et 
250,000  fr. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  conclure  des  évaluations  qui  précèdent  que  la  moyenne 
des  revenus  en  France  impose  une  grande  prudence  dans  les  promesses  que  l'on 
peut  être  tenté  de  faire  aux  travailleurs  pour  l'amélioration  immédiate  de  leur 
situation. 

Je  ne  viserai,  à  ce  sujet,  que  les  deux  points  dont  on  s'est  particulièrement 
préoccupé  ces  derniers  temps  :  1°  la  réintégration  de  la  femme  au  foyer  domestique; 
2"  la  réduction  des  heures  de  travail  ou,  ce  qui  est  la  même  chose,  le  relèvement 
du  salaire  des  ouvriers. 

En  ce  qui  concerne  le  premier  point,  on  remarquera  que 

Sur  3,435,000  ouvriers  de  l'agriculture,  il  y  a  1,472,000  femmes  en- 
viron, auxquelles  on  peut  attribuer  un  salaire  de    .        670  millions. 

Sur  661,000  ouvriers  parisiens,  il  y  a  299,000  femmes  avec  un  sa- 
laire de 250      — 

Sur    3,174,000    ouvriers  des  départements,  il  y  a  1,050,000  femmes 

avec  un  salaire  de 540      — 

Sur    1,132,000    employés  et  gagistes,  il  y  a  327,000  femmes  avec  un 

salaire  de 200      — 

Sur  1,950,000  domestiques,  il  y  a  1,267,000  femmes  avec  un  sa- 
laire de 800      — 

Su  ri  0,352,000  travailleurs,  il  y  a  4,415,000  femmes  obtenant  un  sa- 
laire (le 2,460  millions. 

Chiffre  représentant  environ  30  p.  100  du  lolal  des  salaires,  gages  et  traitements. 


—  239  — 

Une  telle  somme  de  travail  ne  peut  évidemment  pas  être  remplacée  par  un 
surcroît  de  labeur  des  seuls  ouvriers  français,  elle  ne  peut  l'être  que  par  la  main- 
d'œuvre  des  immigrants  étrangers  ou  bien  par  l'action  des  machines  et  des  animaux 
domestiques,  c'est-à-dire  par  une  application  de  capitaux  plus  considérables,  ce 
qui  implique  que  l'on  encourage  et  protège  les  épargnes  et  que  l'on  l'avorise  le 
crédit. 

En  ce  qui  concerne  le  second  point  —  réduction  des  heures  de  travail  ou  hausse 
des  salaires,  —  les  agitateurs  populaires,  encouragés  dans  une  certaine  mesure  par 
le  socialisme  professé  en  haut  lieu,  ont  mis  en  avant  la  fameuse  formule  des  «  trois 
huit  »  (huit  heures  de  travail,  huit  heures  de  loisir,  huit  heures  de  sommeil), 
complétée  par  le  repos  d'un  jour  par  semaine.  Us  veulent  que  six  journées  de 
huit  heures,  ou  48  heures  de  travail  effectif,  soient  désormais  payées  autant  que 
sept  journées  de  11  ou  12  heures,  c'est-à-dire  que  77  ou  84  heures  de  travail  :  il 
s'agit  donc,  au  minimum,  d'une  augmentation  de  CO  p.  100  des  salaires. 

Je  n'ai  point  à  examiner  ici  la  justice  de  cette  réclamation,  je  voudrais  seulement 
en  évaluer  les  conséquences. 

Accordée  uniquement  aux  ouvriers  de  l'industrie,  du  commerce  et  des  transports, 
une  telle  hausse  des  salaires  représenterait  une  surcharge  de  plus  de  2  milliards 
(le  francs  qui  menacerait  les  industriels,  petits  et  grands,  les  commerçants  et  les 
transporteurs  d'une  réduction  de  30  à  40  p.  100  de  leurs  profits  bruts. 

On  peut  prétendre,  il  est  vrai,  que  cette  surcharge  de  2  milliards  ne  pèserait  pas 
uniciuement  sur  les  entreprises,  parce  que  les  producteurs  se  la  feraient  rembourser 
par  la  masse  des  consommateurs  en  relevant  d'autant  le  prix  des  produits. 

Ce  résultat  est  des  plus  incertains,  mais,  en  tout  cas,  si  l'on  admettait  la  possibi- 
lité d'une  répercussion  sur  tous  les  consommateurs,  il  faudrait  aussi  admettre  la 
généralisation  de  la  hausse  sur  tous  les  salaires,  gages  et  traitements.  Les  salaires 
augmentés  de  l'industrie  remorqueraient  à  leur  suite  aussi  bien  les  salaires  de  l'a- 
giicullure  que  les  gages  des  domestiques  et  les  traitements  des  employés  et  des 
petits  fonctionnaires.  Ce  ne  serait  plus  2  milliards,  ce  serait,  d'après  nos  chiffres, 
4  milliards  800  millions  qu'il  faudrait  prélever  sur  l'ensemble  des  revenus  du 
capital  :  le  prélèvement  serait  d'environ  40  p.  100. 

Cela  revient  à  dire  que  la  terre  qui  rapporte  à  son  propriétaire  environ  2.75 
p.  100  ne  lui  en  rapporterait  plus  que  1.65.  Le  faire-valoir  direct  des  domaines 
ruraux  ou  la  location  des  maisons  de  ville  qui  procurent  au  plus  4  à  5  p.  100  des 
capitaux  engagés,  ne  donneraient  plus  que  2  et  demi  à  3  p.  100.  Les  entreprises 
par  actions  verraient  leurs  dividendes  entièrement  absorbés  par  cette  hausse  géné- 
rale du  prix  du  travail,  et,  de  plus,  le  service  de  leurs  obligations  serait  gravement 
compromis.  Je  ne  parle  pas  de  l'augmentation  nécessaire  des  impôts  qui  s'ensuivrait, 
ni  de  la  réduction  de  la  Rente  qui  s'imposerait  inévitablement. 

Par  ces  conséquences,  on  voit  qu'une  telle  mesure  équivaudrait  à  la  prohibition 
absolue  des  épargnes  et  des  entreprises  nouvelles,  qu'elle  causerait  une  déprécia- 
lion  effroyable  des  capitaux  engagés  et  qu'elle  provoquerait,  sans  le  moindre  doute, 
une  vaste  émigration  de  tous  les  capitaux  disponibles. 

Autant  dire,  n'est-ce  pas?  que  les  revendications  ouvrières  se  heurtent  présente- 
ment à  un  obstacle  invincible. 

Mais  faut-il  rester  sur  cette  négation  qui  semble  cruelle,  et  devons-nous  fermer 
l'avenir  mcnne  à  l'espérance? 


—  240  — 

Assuiémenl  non  ;  loule  l'hisloire  des  progrès  économiques  protesterait  contre 
un  tel  pessinnisme. 

Certes,  il  est  légitime  que  les  salaires  augmentent,  que  les  heures  de  travail  soient 
réduites,  non  pas  pour  le  seul  divertissement  de  l'ouvrier,  mais  surtout  pour  l'ac- 
croissement de  sa  culture  intellectuelle  et  morale;  certes,  il  est  on  ne  peut  plus  dé- 
sirable que  la  femme  reprenne  le  plus  tôt  possible,  et  avant  même  la  réduction  des 
heures  de  travail  de  l'homme,  son  rôle  de  ménagère  et  d'éducalrice  au  foyer  de  la 
famille  ;  mais  nous  devons  être  bien  convaincus  que  ces  progrès  sociaux  ne  pourront 
se  réaliser  que  successivement,  à  mesure  que  nos  épargnes  seront  assez  abondantes 
pour  créer  des  capitaux  nouveaux  qui  se  traduiront  en  moyens  de  production  plus 
puissants,  à  mesure  que  les  craintes  de  guerre  et  les  précautions  de  la  paix  armée 
diminueront  et  permettront  de  supprimer  les  dépenses  improductives,  à  mesure 
que  l'antagonisme  entre  les  patrons  et  les  ouvriers  deviendra  moins  aigu  et  occa- 
sionnera moins  d'irrégularités  dans  le  travail,  moins  de  grèves  et  de  déperditions 
de  force  et  de  capital,  à  mesure  enfin  que,  par  le  développement  des  échanges, 
nous  pourrons  profiter  plus  largement  des  productions  avantageuses  des  pays 
étrangers,  en  nous  consacrant  particulièrement  aux  productions  nationales  où 
nous  jouissons  de  spécialités  naturelles  ou  acquises. 

C'est  donc  surtout  par  la  sécurité  et  l'encouragement  donnés  aux  épargnes,  par 
l'extension  du  crédit,  par  la  multiplication  des  machines  et  par  le  développement 
de  la  liberté  commerciale  que  nous  réaliserons  dans  l'avenir  les  progrès  que  l'on 
réclame,  comme  nous  avons  déjà  réalisé  dans  le  passé  les  progrès  qui  sont  accomplis. 

Au  contraire,  en  effrayant  les  capilaux,  en  déblatérant  contre  le  machinisme,  en 
réclamant  sous  toutes  les  formes  possibles  la  protection  outrée  de  l'industrie  na- 
tionale et,  d'une  manière  générale,  en  visant  à  restreindre  la  production,  les  socia- 
listes d'en  haut  et  les  socialistes  d'en  bas  tournent  le  dos  au  progrès  économique  et 
nuisent  à  la  cause  qu'ils  prétendent  servir. 

Ad.  Coste. 


—  241  — 

II. 
LES  SYNDICATS  AGRICOLES  EN  FRANCE. 

Il  existe  à  l'heure  actuelle  dans  notre  pays  trois  types  distincts  de  syndicats  sous 
lesquels  viennent  se  ranger  les  agriculteurs. 

Les  premiers  et  les  plus  anciens  ont  reçu  leur  dernière  constitution  juridique  de 
la  loi  du  '21  juin  18G5,  complétée  par  une  loi  plus  récente  de  1889  :  ce  sont  surtout 
des  syndicats  d'irrigation  et  d'assainissement  des  terres.  Les  seconds,  dont  la  créa- 
tion a  été  provoquée  par  l'invasion  du  phylloxéra,  sont  régis  par  les  lois  des  15  juil- 
let 1878,  i2  août  1879,  et  exceptionnellement  par  la  loi  du  15  décembre  1888. 

Les  derniers  en  date,  mais  de  beaucoup  les  plus  importants  par  leur  puissance 
d'action,  sont  ceux  que  l'on  a  appelés,  d'un  commun  accord,  les  syndicats  agricoles 
et  qui  ont  leur  charte  fondamentale  dans  la  loi  du  21  mars  1884  sur  les  syndicats 
professionnels. 

Les  syndicats  agricoles  ont,  en  quelques  années  seulement,  tiansformé  presque 
complètement  les  procédés  économiques  de  l'agriculture  française,  et  il  importe  de 
suivre  pas  à  pas  leur  évolution. 

L'histoire  de  la  création  des  syndicats  agricoles  peut  se  l'aire  en  très  court 
résumé.  La  première  trace  de  l'action  collective  en  agriculture  ne  paraît  pas,  en 
effet,  remonter  au  delà  de  1759,  et  c'est  en  France  qu'on  la  relève.  En  1757,  les 
États- Généraux  de  Bretagne  prirent  l'iniiialive  de  fonder,  à  Rennes,  une  Société 
d'agricuUure,  des  arts  et  du  commerce  pour  favoriser  le  développement  économi- 
que de  la  province. 

Deux  ans  après,  en  1759,  cette  Société  demanda  aux  Etats-Généraux  de  la  sub- 
ventionner pour  pouvoir  encourager  les  améliorations  agricoles  que,  dès  lors,  elle 
avait  reconnues  possibles.  Les  Etals-Généraux  acquiescèrent  à  cette  demande,  et 
ce  fut  la  première  concession  d'encouragements  administratifs  à  l'agriculture,  pro- 
cédé usité  aujourd'hui  par  tous  les  gouvernements.  Mais  la  nature  même  des  sub- 
ventions accordées  à  la  Société  d'agriculture  de  Rennes  assimilait  celle-ci  bien  plus 
à  un  véritable  syndicat  qu'à  une  société  d'agriculture:  3,000  livres  devaient  être 
consacrées  à  l'achat  de  semences  de  trèfle  pour  être  celles-ci  distribuées  gratuite- 
ment dans  la  province;  6,400  livres  devaient  être  réparties  par  primes  de  50  livres 
chacune  entre  les  plus  zélés  créateurs  de  prairies  artificielles  ;  enfin  un  troisième 
crédit  assez  élevé  devait  être  employé  à  l'acquisition  de  taureaux  et  de  béliers  de 
bonnes  races  propres  à  améliorer  les  races  locales. 

Cette  idée  d'action  commune,  de  coopération  agricole,  fut  reprise  peu  à  peu  à 
l'étranger  ;  les  principales  applications  en  furent  faites  en  Suisse,  en  Allemagne, 
(|uelques-unes  se  firent  en  France  et  d'autres  plus  récemment  en  Italie.  Mais  on  ne 
visa  guère  que  le  crédit  communal,  ou  l'organisation  de  fruitières  dans  les  pays  de 
montagnes,  sans  aller  au  delà  de  ces  premiers  besoins. 

Ce  n'est  pas  que  les  avantages  de  l'association  eussent  échappé  aux  économistes, 
bien  au  contraire,  mais  la  vraie  formule  de  groupement  des  intérêts  manquait 
encore.  Nous  pouvons  citer  Louis  Reybaud,  de  Cormenin,  Rossi  qui,  vers  1840, 
avaient  nettement  indiqué  le  but  à  poursuivre,  sans  que  leurs  appels  fussent  enten- 
dus. Car  pour  faire  accepter  une  innovation  aussi  considérable  dans  les  masses,  il 

l'«    8IÏRIK.  31«   VOL.    —  N"  8.  JU 


—  242  — 

faut  |)lus  que  de  la  clairvoyance,  il  faut  un  tempérament  d'apôtres.  Schullze- 
Deiitscli  eut  ce  tempérament  et  réussit  à  créer  les  banques  coopératives  qui  portent 
son  nom. 

Les  propriétaires  fonciers,  petits  ou  grands,  indépendants  par  leur  situation 
même,  sont  peu  disposés  à  aliéner  leur  liberté  au  profil  d'une  association  dans 
laquelle  ils  ne  sont  plus  (ju'une  unité  souvent  négligeable,  en  tout  cas  un  simple 
élément  dans  un  grand  tout.  Vaincre  cette  disposition  d'esprit  très  naturelle  est 
une  œuvre  difficile  et  délicate.  On  y  est  arrivé  aujourd'hui,  et  c'est  encre  notre  pays 
qui  a  donné  le  branle.  On  nous  accuse  bien  souvent  de  n'avoir  que  des  idées  et  de 
n'en  jamais  poursuivre  l'application  pratique;  revendiquons  au  moins,  puisque  l'oc- 
casion s'en  présente,  l'honneur  qui  nous  revient  en  cette  circonstance. 

Ce  fut  M.  Tanviray,  alors  professeur  d'agriculture  de  Loir-el-Cher,  qui  prit,  en 
188i},  l'initiative  de  la  création  du  premier  syndicat  agricole  dans  son  département. 
A  lui  en  revient  tout  le  mérite.  Après  lui,  de  zélés  partisans  de  la  coopération,  se 
firent  les  propagateurs  de  cette  idée  féconde  et  réussirent  à  la  rendre  rapidement 
d'application  générale  dans  tous  le  pays.  Toutefois,  les  syndicats  agricoles  n'ont  jus- 
qu'ici une  existence  légale  que  grâce  à  un  mol,  un  seul,  glissé  sous  forme  d'amen- 
dement présenté  au  Sénat  par  M.  Oudel,  pendant  la  deuxième  délibération  pour  lu 
discussion  de  la  loi. 

Une  nouvelle  proposition  de  loi  déposée  en  mai  i 890,  par  M.  Méline,  à  la  Chambre 
des  députés,  tendant  à  organiser  le  crédit  agricole  par  les  syndicats  agricoles,  sera 
le  deuxième  texte  législatif,  lorsqu'il  sera  volé,  qui  s'y  référera,  mais  le  premier  en 
réalité  qui  les  ait  visés  directement.  Nous  renvoyons  à  un  chapitre  spécial  l'étude 
du  fonctionnement  des  syndicats  au  point  de  vue  légal;  nous  allons  présenter  dans 
cette  courte  note  un  aperçu  de  leur  fonctionnement  économique. 

La  loi  de  1884  n'ayant  prévu  qu'accidentellement  la  formation  des  syndicats  agri- 
coles; il  n'est  pas  surprenant  qu'elle  ait  laissé  planer  sur  eux  une  assez  grande  in- 
certitude, d'autant  mieux  qu'ils  ont  pris,  avec  une  rapidité  inouïe,  une  extension 
considérable  que  la  réputation  traditionnelle  de  routine  faite  à  l'agriculture  était 
loin  de  laisser  soupçonner.  Cette  incertitude  s'est  traduite  à  maintes  reprises  par 
des  procès,  des  discussions  dont  les  grandes  réunions  annuelles  de  la  Société  des 
agriculteurs  de  France  ont  retenti  dès  1888. 

Si  la  loi  de  1884  s'est  révélée  comme  insuffisante  pour  pouvoir  régler  et  em- 
brasser tous  les  éléments  d'action  des  syndicats  agricoles,  on  peut  ajouter  que  la 
jurisprudence  n'est  jusqu'ici  pas  très  avancée;  peu  d'espèces  ont  été  soumises  aux 
tribunaux  ;  les  jugements  ont  même  été  parfois  contradictoires.  Il  est  donc  à  peu 
près  complètement  impossible  d'avancer  quoi  que  ce  soit  concernant  les  opérations 
syndicales,  sans  que  l'on  puisse,  d'autre  part,  présenter  une  augmentation  exacte- 
ment contraire.  Aussi  faut-il  négliger  complètement  la  dialectique  du  prétoire,  en 
cette  matière,  pour  s'en  tenir  exclusivement  à  la  pratique,  tout  en  se  maintenant, 
bien  entendu,  dans  les  limites  de  la  loi  de  1884. 

Les  syndicats  agricoles  peuvent  rapidement  arriver  à  posséder  une  puissance 
réelle,  parce  que,  à  la  différence  nés  syndicats  ouvriers,  créés  par  la  môme  loi  de 
1884,  leurs  membres  possèdent  des  capitaux.  Fortifiée  par  des  éléments  de  garan- 
tie, la  solidarité  est  aujourd'hui  le  plus  fécond  des  principes  d'action  économique. 
Et  la  forme  même  des  syndicats  se  prête  avec  une  facilité  merveilleuse  à  la  généra- 
lisation de  leurs  opérations. 


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Avaiil  d'éludier  en  tlélail  le  fonclionnemenl  pratique  des  syndicals  agricoles,  mous 
devons  dire  cpielques  mots  de  leurs  inconvénients  possibles,  sans  parler  de  leur 
puissance  d'action  sur  l'opinion  publiijue  au  cas  où  ils  seraient  tentés  de  sortir  de 
leur  rôle  purement  économique. 

1°  Les  syndicats  ai(ricoles,  comme  d'ailleurs  tous  les  syndicats  professionnels  au- 
torisés par  la  loi  de  1884,  onl,  sans  ressusciter,  comme  on  l'a  dit  à  tort,  les  anciennes 
corporations  de  métiers,  organisé  des  groupements  d'intérêts  communs  dans  les- 
quels les  associés  perdent  quelque  chose  de  leur  individualité  et  de  leur  liberté 
d'action,  si  peu  que  ce  soit.  Ce  vice  est  inhérent  à  la  constitution  même  des  syndi- 
cals. Avec  le  temps,  la  puissance  des  syndicals  grandissant,  ne  pourraient-ils  arriver 
à  confisquer  l'initiative  individuelle  au  profit  de  la  collectivité,  ne  tendront-ils  pas 
à  se  former  en  clan  fermé  dont  l'accès  sera  rendu  de  plus  en  plus  difficile,  comme 
déjà  l'ont  fait  quelques  Sociétés  coopéralivcs  qui  ont  réalisé  quelques  bénéfices?  Cet 
écueil,  facile  à  prévoir,  mérite  toute  ralleiilion  et  la  vigilance  du  législateur. 

2°  Il  ne  faudrait  pas  s'imaginer  que  la  création  des  syndicats  professionnels  ren- 
ferme en  elle-même  la  solution  de  la  grave  question  de  la  vie  à  bon  marché.  La 
coopération  est  certainement  l'étape  la  plus  considérable  que  l'on  puisse  franchir  à 
l'heure  actuelle  dans  la  simplification  de  la  machine  économique,  mais  ellen'eslqu'une 
étape,  et  non  la  dernière.  En  supposant  qu'elle  puisse  se  généraliser,  que  les  inter- 
médiaires soient  réduits  au  strict  minimum  sur  la  nouvelle  organisation  économique 
surgiront  autant  de  nouveaux  problèmes  (pi'il  en  existe  maintenant.  De  nouveaux 
besoins  se  seront  fait  jour  el  les  ressources  laissées  disponibles,  pour  la  consom- 
mation directe,  par  la  disparition  des  intermédiaires,  auront  été  absorbées  à  mesure 
qu'elles  auront  apparu.  Aucun  doute  n'est  possible  à  cet  égard. 

La  publication  d'un  Annuaii'e  des  syndicals  agricoles  nous  a  permis  de  faire  une 
étude  minutieuse  de  tous  les  syndicats  existant  en  France,  et  c'est  le  relevé  de  notre 
examen  que  nous  présentons  ici.  Nos  sources  sont  donc  extra-administratives,  elles 
sont  néanmoins  très  soigneusement  contrôlées. 

Les  programmes  d'action  des  syndicals  agricoles,  leurs  statuts  et  leurs  opérations 
sont  très  variés;  leur  fonctionnement  est  bien  loin  de  répondre  à  un  lype  unique. 

Celte  diversité  est  d'ailleurs  de  toute  nécessité  ;  il  est  évident  que  les  régions  vi- 
licoles  ont  d'autres  besoins  que  les  régions  d'élevage,  de  céréales  ou  fromagères  ; 
qu'un  syndicat  formé,  par  exemple,  entre  les  viticulteurs  de  la  Camargue  aura  à 
faire  face  à  d'autres  opérations  qu'un  syndical  fromager  qui  se  serait  constitué  dans 
la  région  vosgienne.  Dans  les  régions  de  petite  culiure,  on  recherchera  le  crédit, 
l'assurance  mutuelle  ;  dans  les  régions  de  grandes  exploitations,  on  s'altachcra  moins 
au  crédit,  aux  retraites  el  à  l'assurance,  qu'à  la  suppression  des  intermédiaires  pour 
l'achat  el  la  vente.  Dans  quelques  cas  même,  les  syndicats  onl  des  objets  1res  spé- 
ciaux. Lé  syndical  de  Gorron  (Mayenne)  a  pour  but  la  destruction  des  hannetons; 
ceux  de  Nancy  el  de  Bayon  (Meurthe-et-Moselle)  entreprennent  la  défense  des  vignes 
des  syndicataires  contre  les  gelées  de  printemps  au  moyen  de  nuages  artificiels; 
celui  de  Suresnes  a  pour  objet  principal  la  protection  de  la  propriété  contre  les  ma- 
raudeurs, etc.  il  en  est  même  dont  l'objet  est  plus  spécial  encore. 


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La  circonscription  que  peut  embrasser  un  syndical  agricole  est  aussi  variable 
dans  de  très  larges  limites.  Il  en  est,  comme  celui  des  Ardennes,  celui  de  l'Hérault, 
etc.,  qui  s'étendent  sur  tout  un  département;  d'autres  se  restreignent  à  une  petite 
unité  territoriale,  un  canton,  une  petite  région  agricole  ayant  des  intérêts  communs 
et  spéciaux. 

D'après  le  dépouillement  de  tous  les  statuts  qui  nous  sont  parvenus,  nous  clas- 
sons ainsi  les  divers  buts  que  se  proposent  les  syndicats  : 

1"  Étude  cl  défense  des  intérêts  communs; 

2°  Suppression  des  intermédiaires  à  l'achat; 

3°  Suppresïiion  des  intermédiaires  à  la  vente  ; 

4"  Crédit  agricole  et  crédit  mutuel  ; 

5°  Arbitrage  litigieux; 

C°  Assurance  mutuelle  contre  la  grêle  ou  contre  la  mortalité  du  bétail  ; 

7°  Secours  mutuels,  retraites; 

8°  Progrès  de  l'agriculture  par  la  propagande  cl  par  l'action. 

Voici  dès  mainlenanl  la  première  statistique  dos  syndicats  agricoles  qu'il  nous  est 
permis  de  dresser.  Nous  faisons  remarquer  toul  d'abord,  que  malgré  des  demandes 
réitérées  nous  n'avons  pu  ariiver  qu'à  des  résultats  partiels.  Les  bureaux  des  syn- 
dicats consultés  nous  ont  fréquemment  renvoyé  des  questionnaires  inconiplète- 
ments  remplis,  et  il  est  absolument  impossible  de  suppléer  aux  renseignements 
qui  nous  manquent. 

L'Annuaire  porte  la  nomenclature  de  018  syndicats  agricoles  créés  depuis  l'ori- 
gine. Sur  ce  nombre,  30  sont  aujourd'hui  dissous,  soit  qu'ils  n'aient  pas  continué 
leurs  opérations,  soit  simplement  que,  constitués  pour  un  certain  temps,  ils  n'ont 
pas  renouvelé  le  contrat  social,  soit  eifin  qu'ils  aient  fusionné  avec  d'autres.  Il 
en  reste  donc  actuellement  888  en  fonctionnement. 

072  syndicats  dont  le  nombre  des  adhérents  est  connu,  groupent  289,000  mem- 
bres. On  peul  estimer  à  environ  400,000  membres  l'armée  actuelle  des  syndicataires 
de  l'agriculture  française. 

C'est  un  chiflVe  encore  beaucoup  trop  faible.  La  statistique  agricole  de  1882  are- 
levé  en  France  5,672,000  exploitations.  Si  l'on  en  retranche  2  millions  et  demi 
pour  les  très  petites  exploitations,  il  reste  encore  plus  de  3  millions  d'agriculteurs, 
chefs  d'exploitation  ou  propriétaires  eux-mêmes  qui  devraient  faire  partie  des  syn- 
dicats agricoles.  On  voit  que  l'idée  syndicale  n'est  pas  au  terme  de  ses  progrès  et 
qu'elle  peul  réunir  un  bien  plus  grand  nombre  d'adeptes. 

Exceptionnellement  les  très  grands  propriétaires  se  tiennent  éloignés  des  syndi- 
cats, mais  généralement  les  petits  cultivateurs  sont  les  plus  rebelles  à  l'association, 
se  rendant  imparfaitement  compte  des  avantages  qu'elle  pourrait  leur  apporter.  A 
part  de  très  heureuses  exceptions,  localisées  dans  certaines  régions,  la  plupart  des 
petits  cultivateurs  sont  restés  jusqu'ici  en  dehors  des  syndicats  agricoles,  soit  parce 
qu'on  n'a  pas  su  les  attirer  dans  le  mouvement  qui  se  dessinait,  soit  parce  qu'ils 
n'ont  pas  compris  eux-mêmes  tous  les  avantages  qu'ils  pouvaient  retirer  de  l'asso- 
ciation. Presque  partout  les  syndiqués  sont  les  grands  et  surtout  les  moyens  culti- 
vateurs. Il  faut  reconnaître  que  le  petit  paysan  est  instinctivement  plus  rebelle  que 
l'homme  instruit  à  toute  innovation,  qu'il  craint  souvent  de  se  trouver  négligé,  de 
ne  pas  se  sentir  indépendant  dans  un  syndicat  puissant.  D'autres  causes  encore 


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—  247  — 

peiivenl  le  tenir  éloigné  de  l'association,  telles  que  l 'indiUérencc  ou  la  simple  obli- 
l^alion  de  payer  une  cotisation  de  2  ou  3  francs  par  an. 

Et  cependant  ce  sont  précisément  les  petits  paysans  qui  ont  le  plus  grand  besoin 
de  l'association,  ce  sont  eux  qui  en  retirent  les  plus  grands  avantages  :  ils  se  pri- 
vent souvent  par  une  obstination  irraisonnée  du  meilleur  adjuvant  qui  puisse  lenr- 
èlre  offert. 

Jusqu'à  présent,  la  grande  majorité  des  syndicats,  quels  que  soi&nt  leurs  statuts, 
ne  visent  guère  que  la  suppression  des  intermédiaires  à  l'achat  ;  ils  fonctionnent  à 
peu  de  chose  près  comme  de  simples  sociétés  coopératives  de  consommation.  Les 
statuts  adoptés  sont  généralement,  il  est  vrai,  largement  conçus;  ils  prévoient  une 
organisation  complexe  et  apte  à  rendre  aux  syndicataires  des  services  aussi  précieux 
que  variés.  Mais  beaucoup  de  leurs  clauses  restent  lettre  morte,  faute  de  moyens 
d'action,  de  dévouement,  d'activité,  de  hardiesse  ou,  ce  qui  est  plus  rare,  des  faibles 
capitaux  nécessaires  pour  organiser  les  offices. 

L'association  syndicale  est  souple  par  essence,  elle  a  toutes  les  aptitudes,  mais  elle 
demande  aussi  beaucoup  de  dévouement,  d'habileté,  de  prudence  chez  [ses  diri- 
geants, pour  donner  tout  ce  qu'elle  peut  produire.  C'est  un  instrument  aussi  délicat 
que  puissant  qu'il  faut  apprendre  à  bien  connaître  pour  bien  s'en  servir. 

Nous  nous  contenterons  de  signaler  les  principaux  traits  de  l'organisation  syndi- 
cale dans  ses  manifestations  qui  nous  paraissent  les  plus  avantageuses  ou  les  plus 
curieuses. 

Tous  les  syndicats,  par  le  seul  fait  de  leur  organisation,  se  donnent  pour  objet  l'étude 
et  la  défense  des  intérêts  communs  des  syndicataires.  Ils  peuvent  très  naturellement 
discuter  les  questions  qui  les  touchent,  émettre  des  avis  à  leur  sujet  et  transmettre 
ces  avis  sous  forme  de  vœux  ou  de  demandes  aux  pouvoirs  pubhcs.  Ils  peuvent 
aussi  organiser  des  services  d'intérêt  commun,  instruction  pour  l'emploi  des  en- 
grais que  l'on  trouve  dans  le  syndicat  des  Ardennes,  champs  de  démonstration, 
conférences,  etc.  A  signaler  surtout  dans  cet  ordre  d'idées  la  réforme  obtenue  par 
les  syndicats  du  Pas-de-Calais,  qui  ont  fait  adopter  aux  cultivateurs  et  aux  fabricants 
(le  sucre  un  modèle  uniforme  de  contrat  pour  la  vente  des  betteraves  afin  d'éviter 
les  contestations. 

Mais  dans  celte  voie,  cependant,  les  syndicats  que  nous  appelons  syndicats  géné- 
raux, nous  semblent  appelés  à  exercer  une  action  bien  plus  considérable  :  le  syn- 
dicat des  viticulteurs  de  France,  le  syndicat  des  sériciculteurs,  le  syndicat  écono- 
mique agricole,  l'Union  des  syndicats  agricoles  de  France,  etc.,  nous  paraissant  être 
en  mesure  d'influencer  plus  efficacement  l'opinion  publique  ou  le  Parlement,  tout 
en  présentant  de  plus  grandes  garanties  d'habile  administration  que  les  petits  syndi- 
cats locaux. 

Ceux-ci  répondent,  par  contre,  plus  fidèlement  aux  intérêts  régionaux;  ils  re- 
prennent, sur  ce  terrain,  toute  autorité. 

La  suppression  des  intermédiaires  à  l'achat  est,  nous  l'avons  dit,  la  principale 
préoccupation  de  nos  syndicats  agricoles  ;  bien  rares  sont  ceux  qui  se  proposent  for- 
mellement un  autre  but  :  c'est,  du  reste,  dans  ce  genre  d'opérations  que  jusqu'ici 
ils  ont  trouvé  leur  principale  raison  d'être.  Nous  avons  pu  relever  une  clause  spé- 
ciale pour  cet  objet  dans  les  statuts  de  530  syndicats  et  nos  relevés  sont  forcément 
incomplets.  Nous  estimons  à  près  de  500  millions  de  francs  le  montant  total  des 
achats  réalisés  l'année  dernière  par  l'intermédiaire  des  syndicats.  En  centralisant 


—  248  - 

les  deniantles  tie  iiiarcli;inilises  tie  même  naluro,  ils  arrivent  à  représcnicr  un  seul 
et  unique  consommateur  qui  est  d'autant  plus  à  ménager  qu'il  est  plus  puissant. 
Les  engrais  ont  consiilcrabiemonl  baissé  de  prix  depuis  la  oréalion  des  syndicats 
(de  20  à  40  p.  100),  et  la  qualité  livrée  par  le  commerce  ordinaire  est  bien  supé- 
rieure à  ce  qu'elle  était  autrefois;  on  ne  vend  guère  que  sur  dosages  garantis. 
Presque  tous  les  achats  des  syndicataires  faits  en  vue  de  l'agriculture  pourraient 
passer  par  le  syndical  :  semences,  sulfate  de  cuivre,  instruments  à  mains,  machines, 
charrues,  échalas,  etc.  ;  il  y  a  à  cela  le  grand  intérêt  de  traiter  ces  affaires  avec  les 
fournisseurs  au  nom  d'une  collectivité  qui  est  toujours  un  client  important  pour 
ceux-ci.  Les  grosses  affaires  sont  toujours  recherchées  par  les  fabricants,  parce 
qu'elles  occasionnent  moins  de  frais  généraux  que  les  petites  ventes  de  détail, 
parce  qu'elles  activent  leur  industrie,  et  elles  bénéficient  de  rabais  importants.  Ces 
rabais  se  trouvent  naturellement  augmentés,  bien  évidemment,  par  la  suppression 
de  l'intermédiaire,  auquel  le  consommateur  doit  s'adresser  lorsqu'il  s'agit  d'une 
commande  de  faible  importance.  Les  syndicats  peuvent  acheter  à  leurs  fournisseurs, 
soit  par  adjudication,  soit  par  marché  de  gré  à  gré.  Le  choix  de  ces  deux  procédés 
dépend  de  causes  diverses  que  l'on  ne  peut  apprécier  que  par  espèces. 

La  suppression  des  intermédiaires  à  la  vente  présente  plus  de  difficultés  que  leur 
suppression  à  l'achat  ;  on  y  arrive  cependant  graduellement.  Le  syndicat  de  la  Cha- 
rente-Inférieure a  organisé  un  service  de  transport  de  La  Rochelle  à  Londres  pour 
les  pommes  de  tene  et  l'orge  chevalier,  et  traite  directement  avec  les  consigna- 
laires  de  Londres  pour  la  vente  de  ces  produits.  Le  syndicat  de  l'Indre,  dont  on  ne 
saurait  trop  louer  l'initiative,  a,  le  premier,  soumissionné  pour  les  marchés  du  Mi- 
nistère de  la  guerre,  et  il  s'est  rendu  adjudicataire,  dès  1887,  de  la  fourniture  de 
500  quintaux  de  blé  pour  la  place  de  Châleauroux. 

Il  sérail  à  désirer  que  l'administration  de  la  guerre  simplifiât  les  longues  forma- 
lités par  lesquelles  les  syndicats  doivent  passer  pour  pouvoir  soumissionner,  car  on 
a  cité  de  véritables  excès  de  formalisme. 

Les  syndicats  ont  beaucoup  à  gagner  en  s'engageant  dans  cette  voie  des  adjudi- 
cations militaires  ou  civiles  :  elle  leur  est  plus  facilement  ouverte  que  celle  de  la 
tenue  des  magasins  de  débit  direct  au  public,  lesquels  nécessitent  une  organisation 
et  une  surveillance  très  assujettissante. 

Plusieurs  ont  déjà  tenté  la  vente  directe  de  leurs  produits.  Le  syndicat  de  Silans 
(Drôme)  a  entrepris  la  vente  du  bétail  et  procure  à  ses  acheteurs  une  économie  de 
30  p.  100.  Cette  question  de  la  boucherie  est,  en  effet,  l'une  de  celles  qui  appellent 
l'attention  des  syndicats  ;  les  intermédiaires  qui  interviennent  dans  ce  commerce 
font  renchérir  les  produits  dans  des  proportions  qui  paraissent  réductibles.  Il  y  a 
entre  les  prix  de  la  viande  sur  pied  et  ceux  de  la  viande  à  l'étal  des  différences  qui 
se  chiffrent  couramment  par  plus  de  50  p.  100  ;  à  Paris,  cette  différence  atteint  plus 
de  100  p.  100.  Le  syndicat  du  Calvados  a  entrepris  de  lutter  avec  le  syndicat  de  la 
boucherie  de  Caen.  L'Union  des  syndicats  de  la  Bourgogne  a  également  établi  une 
boucherie  coopérative  à  Dijon.  Il  y  en  a  d'autres  encore. 

A  Lyon,  notamment,  les  44  syndicats  adhérents  à  l'Union  du  Sud-Est  ont  créé, 
en  1889,  deux  boucheries  coopératives  qu'ils  alimentent  directement  et  qui,  jus- 
qu'ici, paraissent  donner  d'excellents  résultats. 

A  signaler  également  le  syndicat  de  Die  qui  se  charge  de  la  vente  des  laines,  et 
celui  d'Ille-et- Vilaine  qui  vend  les  animaux  reproducteurs  des  races  bovine  et  che- 


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valine  ;  enfin  celui  rlu  Ihiut-Beaujolais  qui  a  commencé,  en  1888,  à  vendre  ses  vins 
sur  le  marché  de  Ponlaiievaux,  el  se  propose  de  donner  à  ces  opérations  la  plus 
grande  extension  possible  en  s'adressanl  directement  aux  syndicats  des  régions  qui 
ne  produisent  pas  de  vin  ;  comme  il  s'agit,  dans  ce  cas,  d'un  produit  spécial  par 
ses  qualités,  lequel  peut  se  présenter  avec  une  sorte  de  garantie  morale,  les  résultais 
à  attendre  ne  peuvent  qu'être  excellents.  A  signaler  aussi  les  opérations  du  syndicat 
agricole  de  Montagnac,  qui  vend  les  vins  de  ses  adhérents  comme  le  ferait  un 
marchand  ordinaire. 

Nous  ne  parlerons  pas  ici  des  associations  fromagères  qui,  normalement,  ont  pour 
fonction  de  vendre  les  produits  fabriqués  en  commun.  L'exemple  le  plus  remarquable 
que  l'on  puisse  citer  en  ce  genre  est  celui  de  la  Société  anonyme  civile  des  produc- 
teurs de  fromage  de  Roquefort.  Bien  qu'il  sorte  quelque  peu  du  cadre  des  syndicats 
créés  par  la  loi  de  1884,  il  est  une  excellente  preuve  de  ce  que  peut  donner  la  coo- 
pération quand  elle  est  bien  conduite  et  acceptée  sans  réticence.  Depuis  1881,  la 
fabrication  du  fromage  de  Roquefort,  qui  était  presque  monopolisée  auparavant  par 
une  Société  unique,  est  passée,  pour  une  large  part,  entre  les  mains  d'une  associa- 
tion formée  entre  les  seuls  propriétaires  et  fermiers  producteurs  du  lait  de  brebis 
affecté  à  la  fabrication.  Il  fut  décidé  que  les  adhérents  mettraient  en  commun  leurs 
produits,  loueraient  ou  construiraient  des  caves,  prépareraient  leur  fromage,  le 
vendraient  directement  au  consommateur,  et,  déduction  faite  des  frais,  partageraient 
au  [)rorala  de  leur  apport  en  nature  le  bénéfice  de  la  vente.  On  supprimait  du  même 
coup  l'industrie  d'un  intermédiaire,  le  ramasseur.  En  1882,  le  syndical  vendit 
501,000  kilogr.  de  fromage;  en  1888,  la  vente  s'est  élevée  à  1,228,000 kilogr. 
Grâce  à  la  bonne  administration,  les  dépenses  d'installation  des  caves  ont  été  ré- 
duites à  un  chiffre  très  faible.  L'ancienne  Société  avait  19  fr.  50  c.  de  frais  de  loyer 
(le  cave  par  quinlal  métrique,  le  syndicat  actuel  a  à  peine  5  fr.  Le  syndicat  de  Ro- 
(piefort  ne  fait  pas  de  commerce,  il  n'a  à  supporter  ni  bénéfice  ni  perle;  aucun  aléa 
ne  peut  exister  dans  ses  opérations,  puisqu'il  se  borne  à  vendre  sa  production.  Il  a 
l'ié  une  bonne  fortune  pour  tout  le  Larzac  et  la  région  avoisinante,  car  il  a  payé  en 
moyenne  110  à  145  fr.  le  quintal  de  fromage  aux  adhérents. 

Notre  statistique  nous  révèle  que  166  syndicats  se  proposent  de  comprendre  la 
vente  des  produits  récollés  par  les  syndicataires  dans  leurs  opérations,  mais  nous 
n'avons  que  des  renseignements  très  sommaires  sur  le  fonctionnement  de  ces  ser- 
vices et  sur  leur  importance. 

Les  achats  el  les  ventes  sont  les  opérations  primordiales  des  syndicats  agricoles, 
mais  à  côté  de  celles-ci  l'association  permet  de  tenter  un  grand  nombre  d'autres  opé- 
rations qui  sont  comme  des  moyens  d'action  extérieure  et  qui  n'en  contribuent  pas 
moins  à  rendre  plus  aisée  et  souvent  plus  lucrative  la  direction  de  l'entreprise  agricole. 
De  ce  nombre  sont,  par  exemple,  le  crédit  mobilier,  l'arbitrage  en  cas  de  procès, 
l'assurance  mutuelle,  le  contrôle  des  engrais,  semences,  etc.,  qui  se  rencontrent 
tanlôl  dans  un  syndical,  tantôt  dans  un  autre. 

L'organisation  du  crédit  aux  agriculteurs  par  l'inlermédiaire  des  syndicats  est  assez 
difficile.  En  effet,  pour  qu'un  syndicat  puisse  faire  l'office  de  banque,  il  faut  qu'il 
dispose  de  capitaux,  et  les  débuts  sont  toujours  pénibles.  Les  moyens  qui  permet- 
tent de  réunir  lentement,  mais  sûrement,  ces  capitaux  ne  manquent  pas;  on  peut 
utiliser  soit  les  intérêts  des  sommes  perçues  par  avance  par  le  syndicat  et  déposées 
chez  un  banquier,  soit  une  partie  de  l'escompte  consenti  par  les  fournisseurs  pour 


-  250  — 

un  paiement  anticipé  et  reteHii  aux  syndicataires,  soit  les  prélèvements  en  majora- 
tion demandés  anx  acheteurs  pour  parer  à  certains  petits  besoins  :  analyses,  frais 
généraux  de  rcemballage,  erreurs,  etc.,  et  enfin  la  petite  somme  provenant  du  droit 
d'entrée  perçu  sur  les  nouveaux  adhérents.  La  faible  cotisation  annuelle  restant 
exclusivement  aflectée  aux  frais  généraux  d'administration,  loyer  des  bureaux,  ap- 
pointements du  personnel,  etc.,  toutes  les  petites  sommes  que  nous  venons  d'énu- 
mérer  peuvent  donner  à  la  fin  de  l'année,  pour  peu  que  le  syndicat  prospère, 
quelques  billets  de  mille  francs,  ce  qui  n'est  pas  à  dédaigner.  Les  syndicataires  ne 
seront  pas  tentés  de  réclamer,  puisque  ces  retenues  restent  leur  propriété  collec- 
tive. Le  pécule  une  fois  créé,  il  ne  tarde  pas  à  s'accroître  et  à  procurer  une  réiîlle 
puissance  au  syndicat. 

Les  fonds  du  syndicat  pourront  servir  de  garantie  pour  un  banquier  qui  consenti- 
rait à  escompter  le  papier  des  syndicataires,  et  plus  tard  le  syndical  peut  et  doit  se 
transformer  lui-même  en  banque  coopérative. 

On  peut  relever  déjà  diverses  tentatives  en  ce  sens  dans  le  fonctionnement  des 
syndicats  agricoles  en  France,  et  12  syndicats  ont  formi^llcment  inscrit  les  opéra- 
tions de  crédit  dans  leurs  statuts  comme  entrant  dans  leur  programme  d'action. 

Le  syndicat  de  l'Ariége  a  constitué  un  fonds  de  roulement  pour  pouvoir  acquit- 
ter sur  une  seule  traite  les  commandes  des  membres  associés;  ce  n'est  pas  là  lej 
crédit  agricole,  c'est  un  pas  fait  dans  cette  voie  cependant.  Le  syndical  de  l'arron- 
dissement de  Poligny,  plus  hardi,  a  organisé  une  caisse  de  crédit  mutuel  qui  avance 
aux  sociétaires  les  sommes  nécessaires  pour  compléter  leur  outillage,  acheter  une 
vache  laitière,  une  paire  de  bœufs  de  travail,  etc.  ;  les  comptes  rendus  annuels  de^ 
cette  caisse  de  crédit  (organisée  par  le  syndicat,  mais  indépeniiantede  celui-ci)  sont 
des  plus  intéressants;  on  les  trouvera  à  leur  place,  soigneusemenl  analysés.  Le  syn- 
dicat des  vignerons  de  Sancerre  et  celui  de  la  Lozère  ont  également  une  caisse  de 
crédit  mntuel;  celui  de  Compiègne  se  sert  de  l'intermédiaire  d'un  gérant  respon- 
sable qui  garantit  le  papier  présenté  à  l'escompte  par  les  syndicataires,  moyennant; 
un  intérêt  de  0  fr.  50  c.  par  mois;  ce  gérant  devient  caution  vis-à-vis  du  banquier.; 

Nous  devons  signaler  également,  comme  organisation  facile  à  imiter  et  apte  à  se 
plier  à  tous  les  milieux,  celle  imaginée  par  M.  de  Fontgallant  pour  le  syndicat  de 
Die  (Drôme),  dans  laquelle  l'emprunteur  ne  reçoit  pas  d'argent  en  espèces,  mais; 
bénéficie  d'un  délai  de  paiement  pour  les  produits  qui  lui  sont  fournis  par  le  syn- 
dicat. 

Nous  recommanderions  de  préférence*  à  l'émission  d'actions,  pour  se  procurer, 
des  capitaux,  l'acceplation  des  dépôts  à  intérêts  sur  le  modèle  des  caisses  d'épargne. 
Et  quant  aux  prêts  eux-mêmes,  il  faut  admettre  en  principe  qu'ils  puissent  être 
assez  importants  pour  permettre  une  opération  complète:  acheter  une  bête  de  trait, 
une  charrue,  une  vache,  etc.,  et  en  même  temps  être  remboursables  par  acomptes 
lorsqu'ils  sont  faits  à  de  petits  cultivateurs.  Il  est  donc  de  toute  rigueur  que  les  ' 
billets  souscrits  soient  renouvelables  une  ou  deux  fois,  les  spéculations  agricoles 
étant  toutes  à  longue  échéance.  Obliger  l'emprunteur  à  rembourser  un  prêt  de  se-; 
menées  ou  d'engrais  avant  la  récolte,  c'est  ne  pas  lui  prêter. 

Jusqu'ici,  et  d'une  façon  très  générale,  les  syndicats  reculent  devant  l'inscription 
dans  leurs  statuts  de  la  responsabilité  soUdaire  de  tous  les  membres  ;  nous  n'avons 
relevé  encore  que  21  syndicats  ayant  admis  cette  solidarité.  Nous  pensons  que  c'est 
à  tort  et  (pi'ils  se  privent  par  trop  de  prudence  d'un  avantage  inappréciable  qu'ils 


-  251  — 

pourraient  foire  valoir  en  maintes  circonstances,  dans  leurs  achats  et  dans  leurs 
opérations  avec  les  banipiiers  surtout.  Réduite  à  l'actif  social,  d'ailleurs,  celte  soli- 
darité ne  comporterait  pas  de  grandes  obligations  et  rendrait  de  grands  services. 

L'arbitrage  pour  les  questions  litigieuses  est  déjà  inscrit  dans  les  statuts  de  56  syn- 
dicats. Il  fonctionne  de  façons  très  diverses,  mais  partout  où  on  le  pratique  sérieu- 
sement, il  rend  des  services  considérables,  et  dans  la  région  normande  surtout.  Le 
syndicat  du  Calvados,  notamment,  a  créé  dans  son  sein,  une  section  de  contentieux 
composée  d'anciens  magistrats,  d'avocats,  etc.,  qui  juge  amiablement  et  gratuitement 
toutes  les  affaires  qui  lui  sont  soumises  et  évite  fréquemment  les  grosses  dépenses 
de  la  procédure  judiciaire. 

L'assurance  mutuelle  se  présente,  dans  l'action  des  syndicats,  sous  des  formes 
1res  différentes.  La  Société  vigneronne  sancerroise  peut  être  citée  comme  un 
exemj)le  curieux  de  la  souplesse  de  l'association.  Celte  Société,  composée  exclusi- 
vement de  viticulteurs,  porte  dans  ses  statuts  l'engagement  suivant  :  faire  l'ouvrage 
des  sociétaires  dans  l'impossibilité  momentanée  de  travailler  leurs  vignes,  soit  par 
accident,  soit  par  suite  des  appels  de  l'autorité  militaire  de  vingt-huit  ou  treize  jours. 
Cette  stipulation  mérite  une  mention  spéciale  pour  la  confraternité  qu'elle  révèle  et 
qu'elle  entraîne  forcément;  de  même  que  celle  d'un  syndicat  du  centre  et  dont  les 
membres  s'interdisent  de  médire  les  uns  des  autres. 

Mais  le  plus  habituellement  l'assurance  mutuelle  se  manifeste  sous  les  formes 
suivantes  : 

'/)  Grélc.  —  L'assurance  contre  la  grêle  rentre  bien  dans  le  cadre  d'action  des 
syndicats,  mais  elle  présente  de  graves  dangers  pour  eux,  surtout  dans  les  régions 
où,  comme  dans  le  bassin  de  la  Dordogne  el  dans  celui  du  Lot,  par  exemple,  les  ra- 
vages de  ce  météore  sont  fréquents.  Il  peut  se  produire  telle  occurrence  qui,  dans 
une  seule  année,  épAiiscra  toutes  les  réserves  accumulées  pour  couvrir  les  dom- 
mages, et  pourra  même  entraîner  le  syndicat  à  une  situation  fâcheuse.  On  a  bien  le 
soin  de  limiter  statutairement  la  responsabilité  du  syndicat,  on  prend  toutes  les 
précautions  que  commande  la  prudence,  mais  jamais  on  est  assuré  de  l'avenir,  à 
moins  qne  l'association  ne  soit  déjà  assez  riche  lorsqu'elle  entreprend  cette  classe 
d'opérations.  De  grandes  compagnies  financières  solidement  organisées  ont  dû  quel- 
quefois disparaître  devant  des  cas  de  force  majeure,  qui  épuisaient  tous  leurs  capi- 
taux de  garantie,  sans  que  les  sinistrés  fussent  indemnisés  conlme  ils  l'espéraient. 
11  y  a  donc,  de  ce  côté,  des  échecs  possibles  et  bien  difficiles  à  prévoir.  Un  syndicat 
n'a  cependant  pas  reculé  devant  ce  redoutable  aléa,  celui  de  la  Marne,  et  ne  s'en 
est  pas  trouvé  mal  jusqu'ici.  On  ne  peut  que  recommander  une  grande  circons- 
pection en  cette  matière. 

b)  Morkdilé  du  bétail.  —  Presque  tous  les  syndicats  de  la  région  normande  et 
des  régions  d'élevage  ont  créé  une  caisse  mutuelle  d'assurance  mutuelle  contre  la 
mortalité  du  bétail.  Nous  en  avons  relevé  une  quinzaine  environ  dans  ce  cas. 

Très  généralement  les  syndicats  qui  pratiquent  l'assurance  mutuelle  font  seulement 
en  fin  d'exercice  le  règlement  des  indemnités  dues  aux  sinistrés,  et  le  rembourse- 
ment des  pertes  soumises  à  réparation  est  fait  par  une  caisse  commune,  proportion- 
nellement aux  responsabilité  acceptées. 

Avec  la  seule  condition,  dictée  par  la  prudence,  que  les  probabilités  de  perle  se- 


k 


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ront  bien  calculées,  c'est  un  princi|)e  à  recommander.  Toutefois,  il  faut  avoir  soin 
(le  limiter  la  responsabilité  de  celle  caisse  en  prévision  des  épizooties. 

c)  Secours  muluels.  lielrailes.  —  Les  syndicats  agricoles  n'ont  pas,  en  principe, 
à  fonctionner  comme  sociétés  de  secours  mutuels  ;  toutefois  on  s'explique  aisément 
que  ceux  qui  comprennent  un  grand  nombre  de  pelits  propriétaires  aient  été  ame- 
nés à  s'organiser  de  la  sorte.  La  prévoyance  est  toujours  à  encourager  ;  elle  découle 
presque  naturellement  de  l'association,  et  elle  peut  rendre  d'immenses  services  dans 
les  campagnes,  où  l'assistance  môme  esl  si  mal  organisée. 

La  sécurité,  en  cas  de  maladie,  de  chômage  ou  dans  la  vieillesse,  peut  faire  beau- 
coup pour  retenir  le  cultivateur  aux  champs,  pour  l'attacher  au  village  où  il  sera 
assuré  désormais  de  vivre  sans  tomber  dans  un  dénuement  qui  l'humilie  autant 
qu'il  en  souffre.  A  ce  titre  au  moins,  l'organisation  des  caisses  de  prévoyance  au 
sein  des  syndicats  se  rattache  directement  aux  intérêts  professionnels  des  agri- 
culteurs. 

Nous  ne  connaissons  qu'un  seul  syndicat  agricole  dans  Vaucluse,  qui  ait  organisé 
une  caisse  de  retraites,  mais  15  ont  admis  le  fonctionnement  d'une  caisse  de  se- 
cours mutuels. 

Enfin  nous  avons  dit  que  les  syndicats  sont  de  puissants  agents  du  progrès  agri- 
cole. Il  ne  nous  sera  pas  difficile  d'en  faire  la  preuve.  Ils  ne  résultent  et  ne  repré- 
sentent, il  esl  vrai,  que  des  groupements  d'intérêts  économiques,  mais  le  groupe- 
ment même  de  ces  intérêts  a  pour  effet  de  développer  et  de  perfectionner  les 
méthodes  agricoles  suivies  par  les  syndicataires.  Il  n'est  pas  besoin  pour  cela  de 
mesures  spéciales,  ou  môme  de  stipulations  statutaires  :  cet  effet  résulte  simplement 
de  l'action  économique.  En  réduisant  le  prix  de  revient  des  engrais  chimiques,  en 
contrôlant  la  qualité  des  produits  achetés,  en  favorisant  l'acquisition  dans  de  bonnes 
conditions  des  machines  perfectionnées,  des  animaux  nécessaires  à  l'exploitation 
agricole,  le  syndical  se  transforme  en  un  puissant  agent  du  progrés  de  la  culture. 
Le  syndicat  d'Evreux  a  même  eu  l'heureuse  idée  d'acheter  des  'animaux  reproduc- 
teurs au  concours  général  de  Paris  en  1888,  pour  les  revendre  aux  enchères  parmi 
ses  membres. 

On  pourrait  faire  davantage  encore.  Le  syndicat  pourrait  être  propriétaire  en 
propre  de  quelques  reproducteurs,  des  machines  les  plus  importantes  utilisées  par 
l'agriculture,  telles  que  locomobiles,  batteuses,  semoirs  mécaniques  de  semences 
ou  d'engrais,  etc.,  celles  surtout  que  les  cultivateurs  hésitent  beaucoup  à  acheter 
parce  qu'elles  représentent  pour  eux  un  capital  considérable  à  immobiliser  dont  ils 
ne  retireraient  qu'un  profit  limité  pendant  quelques  jours  de  l'année  seulement.  Ces 
reproducteurs,  ces  machines  seraient  mis  à  la  disposition  des  syndicataires  qui  en 
feraient  la  demande.  La  période  des  semailles,  celle  du  battage  surtout  peuvent  se 
prolonger  suffisamment  longtemps  pour  qu'en  établissant  un  roulement  entre  les 
emprunteurs,  les  machines  arrivent  à  fonctionner  de  longues  semaines  et  rendent 
des  services  très  réels.  Quant  aux  reproducteurs,  l'organisation  des  saillies  n'offre 
aucune  espèce  de  difficulté. 

Ce  serait  même  la  voie  la  plus  pratique,  la  plus  féconde  ;  mais  pour  s'y  engager  sur 
une  vaste  échelle,  il  faudrait  que  le  syndicat  fût  déjà  assez  riche,  que  ses  réserves 
eussent  une  certaine  importance.  Cette  affectation  de  fonds  serait  peut-être  même 


—  253  — 

avantageuse,  parce  que,  tout  en  rendant  des  services  efficaces  aux  sociétaires,  aux- 
quels elle  procurerait  l'usage  de  ces  animaux  et  de  ces  machines  à  des  conditions 
très  modiques,  les  revenus  de  la  location  paieraient  plus  que  l'entretien  et  le  renou- 
vellement des  effectifs. 

Le  champ  d'expériences  du  syndical,  lorsqu'il  y  en  a  un  —  et  il  n'est  pas  indis- 
pensable qu'il  en  possède,  —  est  aussi  un  agent  de  progrès,  un  moyen  d'instruc- 
tion. 

D'ailleurs,  que  le  syndicat  agisse  ou  qu'il  n'agisse  pas,  l'agriculture  n'a  qu'à 
bénéficier  de  son  existence  seule  :  le  bulletin  qu'il  publie,  les  conférences  qu'il  peut 
faire  donner  et  jusqu'aux  discussions  qui  se  produisent  dans  son  sein,  ne  peuvent 
que  développer  l'initiative  individuelle  et  générahser  les  procédés  qui  sont  signalés 
comme  donnant  les  meilleurs  résultats.  Une  centaine  environ  de  syndicats  publient 
un  bulletin  périodique  presque  toujours  fort  instructif  et  répondant  exactement  aux 
besoins  de  la  région  dans  laquelle  il  paraît. 

On  voit  par  cette  rapide  revue  combien  est  souple  l'organisation  syndicale,  com- 
bien est  puissante  cette  forme  d'association. 

On  pourra  objecter,  et  cela  a  été  dit  avec  autorité,  que  la  loi  de  1884  n'est  pas 
assez  large  pour  que  les  syndicats  puissent  agir  dans  tous  les  cas  suivant  que  leurs 
intérêts  divers  l'exigeraient.  Nous  répondrons  que  cela  est  vrai,  mais  que  l'arsenal 
de  nos  lois  est  assez  vaste  pour  que  les  syndicats  puissent  se  transformer  à  leur  gré 
et  organiser  dans  leur  propre  sein  des  sociétés  civiles  de  production  ou  de  consom- 
mation, des  sociétés  de  secours  mutuels,  etc.  Quelques-uns  d'ailleurs  sont  déjà 
transformés  en  sociétés  coopératives,  notamment  celui  de  Saintes,  celui  de  l'Hé- 
rault ;  d'autres  ont  créé  à  côté  de  l'organisation  syndicale  des  associations  particu- 
lières qui  avaient  en  vue  l'assurance  ou  le  crédit;  mais  il  n'en  reste  pas  moins  vrai 
que  ce  sont  les  syndicats  qui  ont  amené  ces  progrès. 

La  puissance  des  syndicats  agricoles  se  trouve  par  ailleurs  grandement  accrue 
par  leur  fusion.  Groupés  par  exemple  par  département,  en  syndicats  départementaux, 
comme  cela  existe  déjà  en  beaucoup  de  régions,  ils  arrivent  à  former  de  riches  et 
puissantes  associations.  Quant  à  l'agglomération  de  tous  les  syndicats,  tentée  par 
l'Union  des  syndicats  des  agriculteurs  de  France,  à  laquelle  354  syndicats  ont  déjà 
adhéré,  elle  pourrait  éventuellement  représenter  une  force  considérable,  mais  par 
contre,  elle  est  d'un  maniement  délicat,  et  elle  pourrait  facilement  devenir,  par 
suite  de  la  direction  qu'on  lui  imprimera,  ou  dangereuse,  ou  plus  simplement 
inutile. 

Resterait  à  examiner  quelle  a  été  économiquement  l'action  réelle  des  syndicats 
agricoles  sur  l'agriculture  française.  Ce  serait  là  l'objet  d'un  inventaire  à  faire  fort 
intéressant.  Malheureusement,  les  données  positives  du  problème  nous  échappent, 
et  on  ne  pourrait  s'en  rendre  compte  que  dans  une  statistique  générale  comme  celle 
entreprise  par  l'administration  en  1882. 

Nous  donnons  d'autre  part  la  statistique  de  la  répartition  des  syndicats  agricoles 
par  département  avec  une  étude  analytique  de  leurs  statuts.  Ce  tableau  nous  permet 
de  faire  les  constatations  suivantes  : 

Le  nombre  des  syndicats  par  département  (considéré  comme  une  unité  moyenne), 
leur  densité  donne  en  quelque  mesure  le  degré  de  développement  de  l'esprit  d'ini- 
tiative parmi  les  cultivateurs. 
En  tèle  de  ce  lableau  figurent  Meurihe-et-Moselle  avec  38  syndicats,  la  Côte-d'Or 


—  254  — 

avec  S\,  la  Charenle  avec  29,  la  Drôme  avec  20,  l'Isère,  le  Loir-et-Cher  avec  24. 
U'aulre  pari,  la  Nièvre,  la  Ilautc-Loire,  la  Haute-Vienne,  les  Pyrénées-Orientales, 
le  Tarn,  les  Alpes,  la  Corse,  la  Creuse,  sont  au  contraire  ceux  qui  possèdent  le 
moins  d'associations. 

Mais  le  nombre  des  syndicats  n'est  pas  un  indice  bien  sérieux  de  l'importance  de 
leur  rùle,  le  nombre  des  syndicataires  nous  paraît  bien  autrement  signitîcatif,  le 
chiffre  de  leurs  affaires  serait  aussi  du  plus  grand  intérêt  si  nous  avions  pu  l'établir 
avec  certitude. 

Les  déparlements  où  les  syndicats  agricoles  comptent  le  plus  d'adhérents  sont  : 
le  Rhône  avec  22,565  associés,  la  Charente-lnl'érieure  avec  22,359,  la  Charenle 
avec  12,329,  la  Drôme  avec  11,593,  la  Haute-Vienne  avec  10,176. 

On  remarque  facilement  que  les  syndicats  les  plus  nombreux  sonl  ceux  où  a  déjà 
accédé  la  petite  culture  ;  aussi  ne  sont-ce  pas  toujours  ceux  qui  font  les  affaires  les 
plus  considérables;  mais  ce  sonl  ceux  qui  rendent  les  services  les  plus  efficaces  très 
certainement,  malgré  le  léger  accroissement  de  frais  généraux  d'administration 
qu'ils  comportent  obligatoirement.  Et  c'est  par  l'accession  de  l'immense  classe  des 
petits  cultivateurs  que  les  syndicats  doivent,  dans  un  prochain  avenir,  obtenir  leurs 
plus  grands  succès.  Du  jour  où  son  adhésion  cura  été  obtenue,  les  syndicats  arrive- 
ront à  remplir  pleinement  la  mission  sociale  qui  leur  incombe;  alors  seulement  ce 
puissant  instrument  économique  pourra  donner  tout  ce  qu'il  promet. 

François  Biîrnard. 


m. 


VARIETE. 

Le  Duel  en  Ilalie. 

La  statistique,  de  nos  jours,  s'occupe  de  loul.  Qui  eût  cru  qu'il  fût  possible  de 
faire  une  statistique  du  duel,  et  surtout  de  la  rendre  intéressante?  C'est  pourtant 
ce  qu'a  fait  dernièrement  la  direction  générale  de  la  statisti(iue  du  royaume  d'Italie, 
où  l'on  sait  combien  cette  science  est  en  honneur. 

D'apiès  les  minutieuses  recherches  d'un  observateur  distingué,  le  chevalier  Gelli, 
il  n'y  aurait  pas  eu,  en  Italie,  pendant  la  période  de  dix  années  1879-1889,  moins  de 
2,759  duels,  soit  en  moyenne  270  duels  par  an.  Il  est  certain  que  quelques  duels 
autour  des(]uels  le  mystère  a  été  fail,  ont  échappé  à  celle  statistique;  toujours  est-il 
qu'ils  se  sonl  répartis  de  la  façon  suivante  d'après  l'année  : 

1879  (sept  mois) 203  duels. 

1880. 282     ^ 

1881 271     — 

1882 268     - 

1883 259     — 

1884 287     - 

1885 261     - 

1886 249    — 

1887 278     - 

1888 269     — 

1889  (six  mois) 132     — 

Ensemble 2,759  duels. 


-  "255  - 

Nous  allons  indiquer  de  quelle  manière  se  sonl  partagés  ces  duels,  d'apiès  l'arme 
clioisie,  d'après  la  gravité  de  leur  issue  ;  nous  examinerons  ensuite  leurs  causes, 
leur  distribution  par  mois,  car  le  nombre  des  duels  varie,  parail-il,  suivant  la  saison  ; 
nous  dirons  enfin  quelques  mots  sur  la  fréquence  respective  du  duel  suivant  la 
province,  et  suivant  la  profession  des  combattants. 

L'arme  favorite  des  Italiens  qui  se  battent  en  duel,  est  le  sabre;  en  effet,  sur  les 
"2,759  duels  observés,  il  y  en  a  eu  2,489,  soit  90  p.  100,  dans  lesquels  le  sabre  a 
été  choisi:  le  choix  de  l'épée  est  l'exception,  90  duels  seulement,  soit  3  p.  100.  On 
s'est  battu  au  pistolet  180  fois,  c'est-à-dire  que  6  fois  sur  100,  cette  arme  a  été 
choisie  :  notons  un  duel  au  revolver. 

Le  duel  au  sabre  sendjle  indiquer  au  premier  abord  un  grand  acharnement  chez 
les  deux  adversaires  :  aussi  n'est-il  pas  étonnant  de  compter  de  nombreuses  bles- 
sures parmi  les  combattants  italiens.  Comme  cela  du  reste  a  lieu  partout,  les  bles- 
sures n'ont  pas  toutes,  tant  s'en  faut,  été  mortelles.  On  n'a  compté  que  50  duels 
qui  aient  eu  une  issue  fatale  pour  l'un  des  adversaires  :  pour  2,759  duels,  cela  ne 
fait  pas  2  pour  100  duels  ou  1  pour  100  duellistes;  mais  en  revanche,  les  blessures 
ont  été  nombreuses,  3,001  blessures  ont  été  constatées,  ce  qui  indique  plus  d'une 
blessure  par  duel,  en  moyenne. 

Les  deux  combattants  ont  donc  été,  en  général,  plus  ou  moins  grièvement  atteints, 
ce  qui  arrive  souvent  lorsque  l'on  se  bat  au  sabre,  ou  si  l'un  des  deux  est  sorti 
indemne,  l'autre  a  été  blessé  deux  fois  au  moins. 

Le  tempérament  méridional  est-il  pour  quelque  chose  dans  ce  résultat?  Quoi 
qu'il  en  soit,  les  blessures  n'ont  pas  toutes  été  graves,  si  l'on  en  croit  les  chiffres 
suivants  : 

Blessures  graves l  ,060 

—  légères 1,400 

—  très  légères 1,141 

Si  les  blessures  ont  été  nombreuses,  elles  ont  été  peu  graves  en  général  ;  il  est 
probable  qu'en  France,  où  l'arme  favorite  est  le  pistolet  ou  l'épée,  le  duel  est  en- 
core moins  dangereux. 

Examinons  maintenant  les  causes  des  duels  : 

Comme  l'on  devait  s'y  attendre,  les  polémiques  dans  les  journaux  ont  été  la 
source  la  plus  fréquente  de  duels,  sur  100  duels,  elles  en  ont  causé  36;  viennent 
ensuite,  par  fréquence  décroissante,  des  altercations  et  discussions  d'ordre  privé  re- 
lativement anodines,  c'esl-à-dire  non  suivies  d'insultes  ni  de  voies  défait:  230  duels 
ou  27  p.  100  des  duels  italiens  sont  dus  à  ces  causes  qui  semblent  les  plus  fréquentes, 
au  contraire,  dans  notre  pays;  la  politique  a  causé  348  duels,  soit  13  p.  100. 

Pour  ce  qui  est  des  duels  qui  se  sont  produits  à  la  suite  d'insultes  graves  el  de 
voies  de  fait,  ils  ont  été  au  nombre  de  219,  soit  8  p.  100.  Les  duels  amenés  par  des 
causes  d'ordre  intime,  au  nombre  de  183,  ou  7  p.  100,  paraissent  bien  moins  nom- 
breux qu'en  France.  Il  convient  de  noter  en  passant  29  duels  amenés  par  des  dis- 
sentiments d'ordre  religieux,  et  19  par  des  querelles  de  jeu.  Certes,  nous  ne  nous 
attendions  pas  à  voir  figurer  la  religion  parmi  les  causes  de  duels.  De  nos  jours,  en 
France,  on  ne  pourrait  citer,  dans  cet  ordre  d'idées,  qu'un  ou  deux  duels  retentis- 
sants, entre  sémites  el  antisémites. 

Si  la  religion  el  le  jeu  onl  peu  d'influence  sur  la  fréquence  des  duels,  il  fautcon- 


—  250  — 

venir  que  la  saison  en  a  une  1res  grande.  C'esl  ainsi  que  les  duels  sont  cinq  fois 
plus  fréquents  en  juin  et  en  juillet  qu'en  décembre.  Voici  les  chiffres  fournis  par  la 
période  décennale  observée  : 

En  janvier  on  a  compté  220  duels. 


En  février         — 

203 

En  mars            — 

291 

En  avril              — 

187 

En  mai               — 

273 

En  juin              — 

319 

En  juillet           — 

330 

En  août              — 

326 

En  septembre     — 

271 

En  octobre 

120 

En  novembre     — 

92 

En  décembre     — 

67 

A  partir  de  juillet,  le  nombre  des  duels  diminue  progressivement  jusqu'en  décem- 
bre :  serait-ce  parce  que  les  jours  diminuent?... 

Toujours  est-il  qu'il  y  eut  arrêt  très  remarquable  dans  les  duels  en  avril,  à  l'é- 
poque de  Pâques;  nous  n'hésitons  pas  à  attribuer  cotte  sorte  de  trêve  au  sentiment 
religieux  qui,  comme  on  le  sait,  est  très  profond  en  Italie. 

En  France,  c'est  dans  le  Midi,  où  les  tètes  sont  plus  chaudes  que  dans  le  Nord, 
que  les  duels  se  produisent  plus  souvent  :  en  Italie,  c'est  dans  le  Nord,  c'est-à-dire 
précisément  dan.s  les  provinces  qui  participent  au  même  climat,  et  peut-être  aussi 
au  même  tempérament  que  le  midi  de  la  France,  que  la  statistique  a  compté  le 
plus  de  duels.  Ce  sont  les  provinces  de  Bologne,  de  Florence,  de  Gênes,  de  Milan, 
de  Livourne,  qui  ont  vu  le  plus  de  duels.  Viennent  ensuite,  Rome,  Naples,  Catane. 

Pour  finir  cette  étude  rapide,  disons  quelles  professions  sont  le  plus  portées  au 
duel  :  bien  entendu,  les  journalistes  et  les  militaires  avant  tous  les  autres.  Sur  100 
duellistes,  on  compte  en  moyenne,  en  Italie,  30  militaires,  29  journalistes,  12  avocats, 
4  étudiants,  3  professeurs,  autant  d'ingénieurs  et  autant  de  députés,  2  maîtres  d'es- 
crime, un  magistrat,  un  banquier,  etc.,  etc.  Remarquons  que  ces  chiffres  ne  donnent 
pas  d'une  façon  exacte  l'expression  du  tempérament  batailleur  de  messieurs  les  Ita- 
liens. Etant  donné  le  faible  nombre  des  journalistes  et  surtout  des  députés  dans  ce 
pays,  il  faut  penser  que  ce  sont  là  les  deux  professions  qui  fournissent  le  plus  de  com- 
battants. Disons  enfin  que  parmi  les  165  officiers  qui  se  sont  battus  dans  la  seule 
année  1888,  on  a  compté  12  élèves  aux  écoles  militaires,  43  sous-lieutenanls,  77 
lieutenants,  15  capitaines,  6  officiers  supérieurs  et  4  officiers  généraux. 

De  curieux  rapprochements  pourraient  être  tentés,  si  une  semblable  statistique 
existait  en  France.  Mais...  cette  science  d'observation  semble  n'être  pas  encore  en- 
trée dans  nos  mœurs...  Il  est  infiniment  pins  facile  de  plaisanter  la  statistique  que 
d'en  faire,  et  d'en  faire  de  sérieuse. 

V.  ï. 


-*=*-=3«t>e=-*=>~ 


Le  Gérant,  0.  Bi-itciîti-LEVRAui/r. 


JOURNAL 


DE  LA 


^ ^      ^ 


SOCIETE  DE  STATISTIQUE  DE  PAllIS 


NO  9.  —  SEPTEMBRE  1890. 


LA  STATISTIQUE  RELIGIEUSE  DE  PARIS  (1). 

Messieurs, 

Y  aurait-il  lémérité  de  vous  entretenir  des  faits  religieux,  des  grandes  religions 
entre  lesquelles  se  partage  l'humanité,  des  moyens  de  connaître  et  d'établir  soit  la 
consistance  des  religions  diverses,  principales  et  secondaires,  soit  les  mouvements, 
les  oscillations  en  sens  divers  qui  se  produisent  dans  chaque  religion? 

Je  ne  le  pense  pas,  quoique  peut-être  quelijues-uns  d'entre  vous  puissent  être, 
plus  ou  moins,  sous  l'influence  des  préventions  que  l'on  rencontre  si  souvent,  à 
Paris  en  particulier,  contre  tout  ce  qui  relève  du  domaine  des  religions. 

En  effet,  tous  vous  classez,  avec  moi,  les  religions  au  nombre  des  faits  sociaux  les 
plus  importants  ;  tous  vous  savez  quelle'action  elles  ont  exercée  sur  le  développement 
politique  et  moral  de  l'humanité.  Le  seul  point  sur  lequel  nous  pourrions  différer, 
ne  semblerait  devoir  être  que  le  degré  de  puissance  que  les  religions  ont  conservé. 

A  cet  égard,  permettez-moi  de  vous  recommander  l'étude  générale  que  j'ai  été 
admis  à  soumettre  l'année  dernière  au  Congrès  international  de  statistique,  élude 
qui  va  être  publiée  dans  les  Mémoires  du  congrès.  Cette  élude  est  accompagnée 
de  statistiques,  faites  d'après  les  documents  les  plus  récents  et  les  plus  authentiques. 
Elle  suffit  pour  démontrer  la  grandeur  des  services  que  la  statistique  est  en  mesure 
de  rendre  aux  faits  sociaux,  en  particulier  aux  religions.  La  statistique  m'a  fourni, 
en  effet,  les  moyens  de  réduire  à  sa  véritable  étendue,  je  me  sers  de  l'expression 


(1)  Communication  faite  à  la  Société  de  Statistique  de  Paris,  dans  sa  séance  du  IS  juin  1800. 
1"  siBiE,  31'  vol..  —  »•  9.  17 


—  258  — 

même,  toujours  exacte,  de  Bayle,  le  Boudilhisme  el  de  signaler,  au  contraire,  com- 
bien était  sérieux  l'avenir  réservé  au  Mahomélisme.  Les  résultats  de  la  stalistique 
religieuse  de  l'Asie  ne  permettent  pas  de  douter  que  le  Maliométisme  est  à  peu  près 
assuré  de  s'emparer  de  l'Asie  entière  ;  ces  prévisions  expliquent  la  politique  de 
l'Angleterre  dans  l'Afrique  orientale. 

Si  vous  voulez  bien,  nous  aborderons,  l'année  prochaine,  l'examen  de  ces  grands 
problèmes,  parce  que  vous  serez  en  possession  des  tableaux  qui  accompagnent  mon 
mémoire. 

Aujourd'hui,  je  me  propose  de  vous  entretenir  d'un  sujet  plus  restreint  mais  non 
moins  curieux  et  qui  vous  intéresse  peut-être  plus  immédiatement,  puisqu'il  s'agit 
de  la  statistique  religieuse  de  Paris. 

La  statistique  religieuse  de  Paris!  Il  semble,  au  premierabord,  qu'il  y  ait  comme 
une  antinomie,  une  contradiction  flagrante  dans  les  termes  de  cette  proposition. 
Pascal  comptait  déjà  30,000  athées  à  Paris,  de  son  temps,  sur  500,000  habitants. 
Je  ne  m'aventurerai  pas  à  supputer  quel  peut  être  aujourd'hui  le  nombre  des 
athées  sur  !3,'i00,000  Parisiens.  Je  me  contenterai  de  maintenir  qu'ils  sont 
moins  nombreux  que  probablement  vous  n'êtes  portés  à  le  penser  et  que  la  religion 
catholique,  qui  compte  acluellemenl  autant  d'adhérents  que  l'Eglise  orthodoxe  et 
les  Églises  protestantes  réunies,  possède  à  Paris  une  incontestable  prépondérance. 

Paris  étant,  de  beaucoup,  la  seconde  ville  du  globe  par  sa  population  et  s'élevant 
au  premier  rang,  bien  au-dessus  de  Londres,  par  son  influence  intellectuelle  et  scien- 
tifique, il  est  tout  à  fait  curieux  de  rechercher  s'il  est  encore  un  foyer  religieux. 

Je  me  suis  livré,  sur  ce  beau  sujet,  il  y  a  deux  ans  à  des  recherches  qui  ont  été 
facilitées  par  M*"  d'HuIst,  recteur  de  l'institut  catholique  de  Paris,  qui  a  bien  voulu 
consentir  à  mettre  à  ma  disposition  les  archives  de  l'archevêché  de  Paris.  C'est 
un  premier  essai  de  statistique  religieuse  privée  que  je  crois  devoir  recommander 
à  votre  attention.  J'en  ai  fait  un  second,  relativement  à  la  stalistique  religieuse  du 
département  de  la  Gironde,  qui  fera  l'objet  d'une  communication  ultérieure. 
,.  Vous  devez  vous  rappeler  que,  depuis  1876,  sur  l'avis  du  conseil  général  de 
statistique,  les  déclarations  religieuses  n'ont  plus  été  comprises  dans  les  recense- 
ments de  la  population.  Je  considère  ce  l'ait  comme  très  regrettable,  parce  qu'il  tend 
à  amoindrir  non  pas  l'importance,  bien  supérieure  à  tous  les  recensements,  mais  la 
connaissance  des  faits  religieux.  Si  vous  consultiez  à  ce  sujet  un  fonctionnaire  de 
l'Inde  anglaise,  il  n'aurait  pas  besoin  de  beaucoup  de  temps  pour  vous  expliquer 
que  les  religions  de  l'Inde  sont  considérées  parle  gouvernement  anglais  comme  des 
faits  de  l'ordre  social  le  plus  élevé.  Le  fonctionnaire  d'Algérie  ou  de  l'Indo-Chine^ 
quiprétendrait  ignorer  l'état  religieux  de  l'Afrique  du  Nord  ou  de  l'Extrême-Orient, 
s'exposerait  aux  méprises  et  aux  erreurs  les  plus  regrettables.  C'est  ce  qui  est 
arrivé  à  M.  Paul  Bert. 

.  Les  religions  n'ont  pas  en  Europe,  et  même  à  Paris,  d'autre  fonction  et  d'autre 
caractère  que  dans  l'Inde;  elles  présentent  certaines  différences  qui  permettent  de 
les  distinguer,  mais  elles  ont  toutes  la  même  base  et  se  proposent  la  même  fin, 
donner  à  l'humanité  une  explication  de  sa  destinée. 

Ignorer  les  religions  n'est  qu'un  acte  d'ignorance.  Les  hommes  politiques,  Its 
politiciens  ou  les  savants  qui  admettent  l'éventualité,  non  certainement  pas  de  la 
disparition,  mais  de  la  relégalion  des  religions  dans  la  sphère  de  l'inconnu,  se  réser- 
vent les  plus  graves  méprises. 


i 


—  259  — 

L'intérêt  de  drosser  la  statistique  religieuse  de  Paris,  ce  foyer  déjà  ancien  où 
athées,  épicuriens,  matérialistes,  positivistes,  révolutionnaires  de  tout  drapeau, 
nihilistes  même,  s'imaginent  régner  en  maîtres,  se  montre  maintenant  à  vos  esprits. 

Quant  aux  moyens,  les  archives  de  l'Église  catholique  nous  les  fournissent  en 
abondance.  J'aurais  peut-être,  Messieurs,  hésitéà  vous  parler  desarchivesde  l'arche- 
vêché de  Paris,  des  services  qu'elles  ont  rendus  à  toute  la  population  de  cette  capi- 
tale de  l'intelligence,  de  l'art  et  de  la  science  et  de  ce  que  la  civilisation  tout  entière 
doit  à  l'Eglise  catholique  au  point  de  l'histoire  de  l'individualité  humaine,  de  la  per- 
sonnalité de  chacun  par  la  fondation  de  l'état  civil,  qui  remonte  au  baptême,  si  dans 
le  dernier  congrès  des  Sociétés  savantes,  présidé  avec  tant  de  compétence  par  notre 
doyen,  M.  Levasseur,  une  discussion  des  plus  importantes,  à  laquelle  ont  pris  part 
MM.  Levasseur,  Lyon-Caen,  Rameau,  Tranchant  n'avait  mis  en  relief  tout  ce  que 
la  grande  institution  de  l'état  civil  doit  à  l'Église  cathohque. 

L'Église  catholique  a  continué,  depuis  1789,  à  tenir  les  livres  de  baptêmes,  de 
mariages  et  de  sépultures.  Chaque  année  ces  Hvres  sont  remis  à  l'évêché.  Chaque 
évêché  possède  aujourd'hui  des  archives  d'une  grande  valeur.  J'ai  eu  occasion  au 
Congrès  des  Sociétés  savantes  de  rappeler  que  c'était  principalement  à  l'aide  des 
archives  de  l'archevêché  de  Paris  qu'il  avait  été  possible  de  reconstituer  l'état  civil 
de  Paris,  après  les  incendies  de  la  Commune. 

En  cessant  de  tenir,  en  quelque  sorte  pour  le  compte  de  l'État,  les  registres  des 
baptêmes,  des  mariages  et  des  enterrements,  l'Église  calholique  française  n'a  pas 
abandonné  l'œuvre  à  laquelle  elle  avait  pourvu  si  longtemps,  œuvre  qui  a  constitué 
l'un  des  plus  grands  progrès  que  la  civilisation  doive  à  l'Église  calholique,  la  cons- 
titution de  l'état  civil  par  la  tenue  régulière  des  actes  de  baptême,  de  mariage  et 
d'enterrement.  L'état  civil  en  Europe  est  un  fait  chrétien.  Il  ne  paraît  exister 
d'autre  état  civil  actuel,  et  encore  est-il  tout  à  fait  privé,  (|u'en  Chine.  Peut-être  y 
a-t-il  eu  quelques  essais  d'état  civil,  plus  ou  moins  complets,  en  Babylonie  et  en 
Egypte. 

§    1.    —   FONCTION    DE    PARIS    COMME    CENTRE    RELIGIEUX. 

La  ville  de  Paris,  celle  comprise  dans  le  périmètre  de  la  première  enceinte  des 
forlificalions,  comprenant  de  2,300,000  à  2,400,000  habitants,  est  restée,  malgré 
les  révolutions  et  la  propagande  du  siècle  dernier  et  de  celui-ci,  essentiellement 
catholique.  Les  autres  cultes  chrétiens,  tels  que  les  deux  grandes  Églises  proles- 
tantes et  l'Église  grecque,  n'y  comptent  qu'un  nombre  assez  restreint  de  fidèles. 
Il  en  est  de  même  de  l'Église  ou  plutôt  des  f]glises  jin'ves.  Il  ne  serait  pas  possible 
de  donner  d'indications  pour  les  autres  religions.  Un  paragraphe  spécial  sera  con- 
sacré à  la  statistique  des  Églises  protestantes  et  des  Églises  juives  à  Paris. 

Paris  est,  après  Rome,  à  raison  uniquement  de  la  résidence  des  Papes,  le  [dus 
grand  centre  calholique  du  globe.  A  certains  égards,  son  influence  est  même  plus 
étendue  que  celle  de  Rome.  Son  action  sur  l'Église  calholique,  sur  les  autres 
Églises  chrétiennes,  sur  l'humanité  tout  entière  est  immense,  soit  par  le  fait  que 
Paris  est  la  seconde  ville  du  globe  par  sa  population  et  sa  richesse,  soit  par  les 
nombreux  et  puissants  établissements  religieux  qu'il  conlient,  soi!  par  le  nombre  et 
les  ressources  des  catholiques,  soit  même  à  raison  de  la  lutte  religieuse  qui  n'est 
nulle  part  plus  accentuée.  Partout  la  lulle  est  proporlionnelle  à  l'intensité  de  la  vie. 


—  260  — 

Par  une  contradiction  singulière,  Paris  est  à  la  fois  le  foyer  de  l'irréligion  et  de 
la  religion.  C'est  à  Paris  que  se  rencontrent,  comme  le  remarquait  déjà  Pascal,  il  y 
a  plus  de  deux  siècles,  le  plus  grand  nombre  d'indifférents,  de  sceptiques  et  d'athées. 
Il  serait  difficile  d'en  faire  aujourd'hui  le  décompte.  Mais  les  chiffres  auihentiques 
qiii  vont  être  produits  démontreront  qu'il  n'existe  nulle  part  un  foyer  catholique 
plus  puissant,  plus  actif,  plus  fécond  que  Paris,  des  sociétés  religieuses  plus  univer- 
selles, des  fondations  plus  illustres,  un  clergé  supérieur  par  ses  lumières. 

Je  ne  dirai  rien,  par  une  réserve  que  vous  comprendrez  facilement,  de  la  lutte 
que  l'Eglise  catholique  soutient,  en  ce  moment,  avec  une  énergie  et  un  succès 
auxquels  tout  esprit  impartial  rendra  hommage  ;  mais  il  importe  de  faire  remarquer 
que  nulle  pari  les  populations  n'ont  appuyé  les  revendications  de  l'Église  catholique 
avec  plus  de  fermeté  et  de  dévouement  qu'à  Paris. 

§   2.    —   STATISTIQUE   RELIGIEUSE   DE    PARIS. 

C'est  en  compulsant  moi-même,  dans  les  salles  où  ils  sont  placés  à  l'archevêché 
de  Paris,  pendant  plusieurs  journées  glaciales  de  mars  1888,  les  registres  des  69  pa- 
roisses de  Paris,  que  je  suis  parvenu  à  dresser  une  statistique  exacte  des  baptêmes 
et  mariages  de  la  population  catholique  de  Paris.  L'une  de  ces  salles  porte  encore 
et  conservera  longtemps  le  nom  de  la  Reconstitution  parce  que  c'est  là  que  l'on  a 
pu  rendre  leur  personnalité  à  la  grande  majorité  des  familles  parisiennes.  J'ai 
ajouté  au  dépouillement  de  ces  registres  les  relevés  de  la  Maternité  et  de  l'Hospice 
des  enfants  à  ceux  des  paroisses.  Le  nombre  des  enfants  baptisés  dans  les  autres 
hospices  ou  dans  les  hôpitaux  est  sans  importance.  Quant  aux  mariages,  ils  ne  sont 
célébrés,  à  très  peu  d'exceptions  près,  que  dans  les  églises.  Pour  rendre  le  travail 
plus  intéressant  j'ai  comparé  les  résultats  d'une  période  de  dix  ans.  Les  baptêmes 
et  les  mariages  ont  été  constatés  pour  les  années  1875  et  1885.  Quant  aux  décès, 
l'archevêché  de  Paris  ne  réunit  pas  les  registres  des  enterrements,  qui  ne  sont  pas 
tenus  avec  le  même  soin  dans  les  paroisses.  J'ai  pu  y  suppléer  par  la  statistique 
municipale  de  la  ville  de  Paris. 

§   3.    —   N.USSANCES   ET    BAPTÊMES. 

En  1875,  le  nombre  des  naissances  à  Paris  s'est  élevé  à  53,878,  dont  14,212  illé- 
gitimes; les  baptêmes  ont  été  au  nombre  de  45,769.  La  différence  est  de  11,009. 
C'est  un  chiffre  sans  importance  réelle,  si  l'on  tient  compte  du  grand  nombre  d'en- 
fants transportés  hors  Paris  en  nourrissage  et  baptisés  dans  les  campagnes. 

En  1885,  le  nombre  des  naissances  ayant  été  de  61,400,  dont  16,922  illégitimes, 
on  a  compté  44,596  baptêmes.  Quant  aux  enfants  mis  en  nourrice  hors  Paris,  ils 
ont  formé  un  ensemble  de  15,631,  c'est-à-dire  plus  du  quart  des  naissances. 

§  4.   MARIAGES. 

En  1875,  le  nombre  des  mariages  catholiques  s'est  élevé  à  15,839,  sur 
18,184  mariages  constatés  par  l'état  civil,  et  en  1885  à  14,321  sur  20,265.  Les 


—  261  — 

mariages  catholiques  ont  donc  assez  sensiblement  diminué,  tandis  que  les  baptêmes 
se  sont  à  peu  près  maintenus.  En  1875  ils  représentaient  8/10  et  1/2,  ils  sont  tom- 
bés en  1885  à  7/10.  Toutefois,  en  tenant  compte  des  mariages  protestants  et 
israélites,  sur  4  mariages  à  Paris  3  ont  lieu  avec  une  cérémonie  religieuse. 

§   5.    —   DÉCÈS   ET    ENTERREMENTS. 

La  statistique  municipale  de  Paris  n'a  pas  donné  de  résultats  pour  les  convois  en 
1875.  Il  n'est  pas  possible  d'établir  de  comparaison  entre  les  décès  et  les  enterre- 
ments de  1875  à  1885. 

En  1885,  le  nombre  des  convois  s'est  élevé  à  55,343  dont  39,525  religieux. 
Sur  les  convois,  non  accompagnés  de  cérémonies  religieuses,  on  a  compté 
1,135  convois  à  l'extérieur,  3,491  mort-nés,  et  11,278  convois  purement  civils.  La 
plupart  de  ces  convois  proviennent  des  hôpitaux  dans  lesquels  il  y  a  eu  15,123  décès 
en  1885.  7,218  convois  d'hôpital  ont  été  conduits  sans  enterrement. 

Si  on  rapproche  ces  résultats  de  ceux  de  1882,  on  trouve  59,786  convois  dont 
1,187  à  l'extérieur,  3,771  mort-nés,  12,562  enterrements  civils,  43,266  cérémonies 
religieuses  et  16,228  décès  d'hôpitaux.  En  1882,  les  convois  sans  cérémonie  reli- 
gieuse avaient  représenté  19.5  p.  100.  En  1885,  ils  ont  représenté  21  p.  100. 

Les  convois  dits  civils  se  sont  répartis  de  la  manière  suivante,  en  1882  et  1885, 
entre  les  diverses  classes  de  convois  : 

1882  1885 

CONVOIS  CONVOIS 

religieux.  civils,  religieux.  civils. 

1"  classe 16  1  12  3 

-2'  —.....   .  205  3  164  3 

3'     —      026  13  658  14 

4«     —      1,133  33  1,095  36 

5°     —      2,710  1,261  2,624  1,330 

6^     —      5,933  567  5,046  498 

7"     —      12,269  2,155  9,813  1,613 

8»     —      2,655  709  2,304  563 

9=     —      17,719  11,818  17,809  11,758 

Ce  tableau  ne  laisse  aucun  doute  sur  la  cause  principale  d'absence  de  cérémonie 
religieuse  :  cette  cause  est  la  pauvreté.  Il  démontre  encore  que  ce  n'est  pas  dans  le 
milieu  des  classes  populaires  que  se  rencontrent  proportionnellement  le  plus  de 
convois  sans  cérémonie  religieuse. 

§   6.    —   CULTES    PROTESTANT    ET   ISRAÉLITE. 

En  ce  qui  est  des  enterrements,  en  1885,  sur  30,525  convois  religieux,  on  a 
compté  988  convois  protestants  et  620  israélites,  ensemble  1,605,  soit  un  peu  plus 
de  4  p.  100. 

Quant  aux  mariages  protestants  et  israélites,  je  n'ai  pu  m'en  procurer  le  nombre. 
Ces  mariages  doivent  être  ajoutés  aux  mariages  catholiques.  Il  en  doit  être  de 
même  pour  les  baptêmes  protestants.  Les  baptêmes  sont  à  Paris  dans  un  rapport  à 


—  262  — 

peu  près  constant  avec  les  décès.  On  peut  les  évaluer  approximativement  pour  les 
ég-lises  prolestantes  à  3  p.  100  des  baptêmes  callioliques.  Par  suite,  en  1H85,  le 
nombre  des  baptêmes  chrétiens  a  dû  s'élever  à  bien  près  de  46,000  sur  61 ,400  nais- 
sances (45,796). 

En  procédant  de  la  même  manière  pour  les  mariages  on  trouve  que  les  mariages 
catholiques  représentent,  en  1885,  34  p.  100  des  convois.  Si  on  accepte  les  mêmes 
proportions  entre  les  mariages  et  les  convois  prolestants  et  israélites,  il  faudrait 
ajouter  593  mariages  aux  mariages  catholiques.  On  obtient  ainsi  approximativement 
14,934  mariages  religieux  à  Paris,  en  1885,  sur  20,365  civils. 


§7. 


MOUVEMENT   DES   PAROISSES   A   PARIS. 


Les  69  paroisses  de  Paris  peuvent  être  réparties  en  7  groupes  d'après  le  nombre 
des  baptêmes  faits  dans  chacune  d'elles.  Le  baptême  est  l'acte  religieux  primordial 
et  fondamental  ;  il  indique  la  volonté  des  parents  et  la  tradition  des  familles. 

Le  premier  groupe  comprend  les  paroisses  où  ont  lieu  par  an  1,000  baptêmes  au 
moins.  Ces  paroisses  sont  au  nombre  de  12.  .Aucune  ne  figure  parmi  les  paroisses 
en  renom  de  Paris.  Aucune  ne  se  trouve  sur  les  boulevards,  dans  les  quartiers  de 
l'Opéra,  la  Bourse,  la  Madeleine,  les  Cbamps-Ëlysées.  Les  anciennes  paroisses 
de  Paris  ,  pourvues  de  belles  églises  :  la  Madeleine,  Saint-Eustache ,  la  Tri- 
nité,  Sainl-fioch,  Saint  -  Augustin,  Sainte -Clotilde,  Notre-Dame,  n'occupent 
qu'inie  condition  secondaire  dans  le  Paris  catholique.  Aucune  d'elles  ne  compte 
paimi  les  groupes  de  premier,  second  et  troisième  ordre.  Saint-Sulpice,  la  paroisse 
et  l'église  du  foyer  religieux  de  Paris  et  de  la  Fiance,  est  certainement  la  première 
paroisse  catholique  du  globe  à  raison  du  grand  séminaire  de  Paris  qui  en  fait  partie. 
Saint-Sulpice  n'appartient  (ju'au  second  groupe.  La  population,  en  eflet,  a  déserté 
le  centre  de  Paris  pour  se  porter  à  la  périphérie.  Les  vieilles  paroisses  et  les  belles 
églises  ont  perdu  une  partie  de  leur  clientèle.  Il  faut  quitter  le  centre  de  Paris. 
C'est  le  long  des  hauts  boulevards  que  sont  rangées  les  grandes  églises  de  Paris,  les 
paroisses  populaires,  dirigées  par  un  clergé  infatigable. 

Premier  groupe. 


PAROISSKS. 


Sainte-Marguerite 

Saint-Ambroise 

Nolre-Dafiie  de  Clignaiicourt.  . 
Nolre-Dainc-Ménilnioiitaat.  .  . 
Saiiit-Germain-Charonne  .  .  . 
Saint-Pierre- Montrouge  .  .  .  . 
Saint-Michel-Batignolles.  .  .  . 
Sâint-Jean-Baptiste-Grenelle.   . 

Saint-Joseph .    . 

Saint-Georges 

Saint-Jacques-Saint-Christoplie. 
Saint-Jean-Belleville 

Totaux!   .    . 


BAPTI 

:mks. 

MAKIAOES. 

1875 

1885 

1875 

1885 

1,656 

1,541 

511 

393 

1,675 

1,423    ■ 

575 

423 

935 

1,318 

295 

349 

1,043 

1,127 

314 

270 

917 

1,127 

248 

266 

955 

1,121 

336 

333 

946 

1,099 

323 

371 

781 

1,093 

267 

296 

1,311 

1,09-2 

379 

276 

1,06-2 

1,06-2 

275 

263 

1,359 

1,203 

409 

312 

1,163 

1,006 

351 

268 

,13,803 


14,211 


4,288 


3,820 


-   '263  — 

Ce  premier  groupe  esl  formé  des  grandes  paroisses  populaires  de  Paris.  Les  évé- 
nements de  1870  et  1871,  la  Commune  de  Paris,  n'ont  exercé  qu'une  iufluencfc 
temporaire  ;  les  chiffres  ci-dessus  le  démontrent. 

Le  second  groupe  est  composé  des  paroisses  qui  comptent  de  1,000  à  700  bap- 
têmes. Elles  ont  encore  beaucoup  d'importance. 

Second  groupe. 

BAPTÊMES.  MAHIAOKS. 

PAROISSES.                                                     "             ^          ^  !■                                   . ^ ^ ^           . 

1875  1885  1875  1885 

Saint-Laurent 1,067  829  399  329 

Notre-Dame-Batignolles ■1,015  860  412  341 

Saint-Sulpice 681  978  281  269 

Saint-Médard 709  955  219  285 

Notre-Dame  de  la  Gare 660  894  172  210 

Saint-Lambert 713  869  251  255 

Saint-Éloi 925  811  463  246 

Saint-Pierre-Montmartre 899  748  339  266 

Saint-Bernard 765  799  264  225 

Saint-Marcel 554  796  210  206 

Totaux 7,988  8,539  2,810  2,632 

Vient  ensuite  le  troisième  groupe  avec  de  700  à  500  baptêmes  :  : 

Troisième  groupe. 

Saint-Antoine 740  679  267  182 

Saint-Pierre-Gros-Caillou 714  622  277  238 

Saint-Dcnis-La- Chapelle 662  695  212  203 

Nolre-Dame-des-Champs 594  569  251  252 

Notre-Dame-de-Lorette 632  526  328  300 

Saint-François-Xavier 570  550  239  229 

Notre-Dame  de  Plaisance 587  693  170  ,  157 

Saint-Vincent-de-Paul 567  524  292  249 

Saint-Ferdinand  des  Ternes  ....                575  593  209  226 

Totaux 5,641  5,451  2,245  2,025 

Dans  le  quatrième  groupe,  de  500  à  400  baptêmes,  on  rencontre  les  paroisses  du 
centre  de  Paris  et  dont  la  population  a  diminué. 

Quatrième  groupe. 

Saint-Eustache 645  400  286  184 

Saint-Paul-Saint-Louis 606  420  219  164 

Notre-Dame-Bercy 468  408  146  112 

Sainl-Éiienne-du-Mont 485  446  195  '       160 

Saint-Marcel-Salpètrière 256  416  65  101 

SaintGermain-des-Prés 431  473  190  161 

Immncidée-Conception 242  438  69  121 

Totaux 3,133  3,001  1,170  1,003 


—  264  — 

On  peul  considérer  le  cinquième  groupe,  avec  de  400  à  300  baptêmes  et  17  pa- 
roisses, comme  le  centre  calholique  du  Paris  d'autrefois. 

A  raison  du  nombre  de  paroisses  qu'il  contient,  ce  groupe  sera  subdivisé  en  deux. 

Cinquième  groupe  (N°  1) 

UAPTÊUKS.  MAltlAOES' 

PABOItSKB.                                                       ^ ^-  ^ I            -            m     ~, 

1875  1885  1875  1885 

Saint-Nicolas-des-Champs 532  372  239  184 

Saint-Merry 485  384  199  200 

Saint-Martin 490  372  242  211 

Bonne-Nouvelle 489  370  185  134 

Saint-François-de-Sales 273  392  87  186 

Sainl-Honoré 336  396  143  152 

Sainl-Jacqucs-Haut-Pas 342  362  133  134 

Saint-Philippe-du-Roule 427  371  242  238 

Saint-Augustin 415  364  277  240 

Totaux 3,789  3,383  JTIVf          1~679 

Cinquième  groupe  (N"  2). 

Saint-Denis-Saint-Sacrement.  ...               448  327  195  160 

Saint-Sévérin 390  354  151  162 

La  Trinité 386  335  235  239 

Saint-Nicolas-du-Chardonnet .   ...                383  352  185  134 

La  Madeleine 414  327  305  242 

Annonciation  de  Passy 354  362  135  149 

Saint-Eugène 354  302  223  198 

Saint-Roch 596  367  335  214 

Totaux 3,325  2,726  1,764          ^498 

Avec  le  sixième  groupe  commencent  les  petites  paroisses. 

Sixième  groupe, 

Sainte-Elisabeth 433  288  182  161 

Saint-Leu 323  240  140  101 

Saint-Gennain-l'Auxerrois 301  221  147  135 

Notre-Dame-Blancs-Manteaux  ...                284  268  134  123 

Saint-Louis-d'Antin 282  230  215  182 

Notre-Dame  d'Auteuil 187  268  84  90 

Sainte-Clotilde 208  211  158  134 

Saint-Gervais 454  289  .169  132 

Saint-Pierre  de  Cliaillot 290  264  129  179 

Saint-Jean-Saint-François 479  276  »  » 

Totaux "ÏÏJST  2^555  1,358          ~^237 

Viennent,  enfin,  les  quatre  plus  petites  paroisses. 

Septième  groupe.  ' 

Saint-Thomas-d'Aquin 210  196  122  118 

Saint-Louis-en-1'Ile 215  173  78  80 

Notre-Dame-des-\'ictoires 231  154  146  107 

Notre-Dame.  . 83  152           45          34 

Totaux 739  675  371  3;i9 


265  — 


STATISTIQUE    RELIGIEUSE   DE    PARIS    1875-1885. 


P  A  lï  O  l  8  s  R  s. 

Sainte-Marguerite    ......  1,656 

Saint-Ambroise 1,675 

Saint-Joseph 1,311 

Saint-Georges 1,062 

Saint-Laurent 1,067 

Kotre-Dame  Ménilmontant  .    .    .  1,043 

Notre-Dame  des  Batignolles.  .   .  1,015 

Saint-Pierre  de  Montrouge  .    .    .  955 

iXotreDanie  de  Clignancourt  .    .  935 

Saint-Michel  des  Batignolles  .    .  946 

Saint-Pierre  de  Montmartre.   .    .  899 

Saint-Germain  de  Charonne    .    .  917 

Saint-Jean-Baptiste  de  Grenelle  .  781 

Saint-Antoine 740 

Saint-Bernard  de  la  Chapelle.    .  765 

Saint-Pierre  du  Gros-Caillou  .    .  714 

Saint-Éloi 925 

Saint-Médard 709 

Saint-Lambert <    .    .  713 

Saint-Denis  La  Chapelle  ....  662 

Saint-Sulpice 681 

Notre-Dame  de  la  Gare   ....  660 

Saint-Enstache 645 

Saint-Paul-Saint-Louis 606 

Saint-François-Xavier 570 

Notre-Dame-des-Champs.    .    .    .  594 

Notre-Darae-de-Lorette  ....  632 

Saint-Roch 596 

.Notre-Dame  de  Plaisance    .    .    .  587 

Saint-Mareel-.Maison-Blanche  .    .  551 

Saint-Ferdinand  des  Ternes.   .    .  575 

Saint-Vincent-de-Paul 567 

Saint-iNicoIas-des-Champs   .    .    .  532 

Notre-Dame  de  Bercy 468 

Saint-Merry 485 

Saint-Martin 490 

Saint-Jean-Saint-François   .    .    .  479 

Sainte-Elisabeth 433 

Saint-Étienne-du-Mont    ....  485 

Saint-Denis-du-Saint-Sacrement.  448 

Saint-Séverin 390 

La  Trinité 380 

Notre-Dame  de  Bonne-Nouvelle  .  489 

Saint-iMcolas-du-Chardonnet  .    .  383 

Saint-Nicolas-des- Champs  .    .    .  414 

Saint-Philippe-du-Roule  ....  427 

Annonciation  de  Passy    ....  354 

Saint-Augustin 415 

Saint-Eugène 354 

Saint-Leu 323 


MES. 

RÉSULTATS 

MARIAGES. 

RÉSULTATS. 

1— 

. ~^-- 

■  ■ 

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1885 

En 

moins. 

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1875 

1885 

En 

moins. 

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plu.s. 

1,541 

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M 

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1,127 

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1,318 

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156 

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25 

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240 

83 

» 

140 

101 

o9 

1 

—  266 


PAROISSKS. 


Saint-Geimain-rAuxeiTois  .  .  . 
Noire-Dame-Blancs-Manteaux .  . 
SaintMarcel-la-Sal|iélri6re  .  .  . 
Nolie-Danie-des-Victoires .  .  . 
Saint-I'rançois-de-Sales  .... 

Sainl-Louis-en-l'Ile 

Sailli-Louis  d'Antin 

Saint-Thonias-d'Aquin.   .... 

Noire-Dame  d'Auteuil 

Sainte-Clotilde 

Nolri'-Dame 

Sjin'.-l'ierre  de  Chaillol  .... 
Saint-Jean  de  Uelleville  ....       I 

Saint -Honoré 

Saint-Jacques-du-Haut-l'as.   .    . 

Saiiit-Gervais 

Saliit-Gcrmain-des-rrés  .... 
Sainl-Jacques-Saint-Cliristopbc   ,        1 
L'Inimaculée-Conception  .... 

La  .Maternité 1,1  J3       1,1S0  •    .       27 

Enfants  trouvés 2,290       2,2r.6  24  » 


BAP'J 

:ÊHES. 

K£âDl.TATB. 

UaKIAOBB. 

BÉSULTATS. 

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1875 

1885 

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1875 

1885 

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156      » 

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312 

97 

V 

242 

438 

196 

09 

121 

> 

52 

Totaux 45,769     44,590     4,664     3,413     15,829     14,321     2,172     564 

§  8.  —  POPULATIO.N  DES  ARRONDISSEMENTS  DE   PARIS.    RÉPARTITION   DES   PAROISSES 

PAR   ARRONDISSEMENT. 

Il  peul  être  intéressant  de  rapprocher  ces  chiffres  de  ceux  de  la  populalion  par 
arrondissements,  d'après  Vordo  de  1890. 

/"  Arrondissement.  —  4  paroisses. 
Sainl-Germaiii-l'Auxerrois   :   13,010.  —   SniiU-Euslaclie  :  20,000.  —  Saint-Roch  : 
28,817. —  Saint-Leu,  17,250. 

If  Arrondissement.  —  2  paroisses. 
Notre-Daine-des-Victolres  :  11,500.  —  Notre-Daine-de-Bonne-Nouvelle  :  28,563. 

///•  Arrondissement.  —  4  paroisses. 
Saint-NicoIas-des-Champs  :  28,190.  —  Sainl-Denis-du-Saint-Sacrement  :  22,155.  — 
Sainte-Élisabelh  :  23,007.  —  Sainl-Jean-Saint-François  :  16,136. 

yp  Arrondissement.  —  G  paroisses. 
Notre-Dame  ;  0,570.  —  Sainl-Gervais  :  20,017.  —  Saiiit-Merry  :  19,895.  —  Saint- 
Louis-en-l'Ile  :  9,164.  —  Notre-Daine-des-Blancs-Miinteaux  :   15,101.  —  Sainl-Paul- 
Saint-Louis  :  31,581. 

Y'  Arrondissement.  —  5  paroisses. 
Saint-Élienne-duMont  :  25,200.  —  Saint-Méiiard  :  30,550.  —  Saint-Séverin  :  18,000. 
—  Sainl-Jacques-du-Haul-Pas  :  20,507.  —  Saint-Mcolas-du-Cliardoiinel  :  10,000. 

VI'  Arrondissement.  —  3  paroisses. 
Siiint-Sulpicii  :  37,940.  —   Rainl-Germain-des-Prés  :   19,000.  —  Notre-Dame-des- 
Champs  :  39,185- 


—  267  — 

VII°  Arrondissement.  —  5  paroisses. 
Sainte-Clotilde  :  14,720.  —  Sainl-Tlioinas-,l*Aquin  :  13,907.  —  Saitil-Louis-des-Inva- 
lides  :  2,423.  —Saiiit-François-Xavier  :  32,880.  —  Saint-Pierre-du-Gros-Caillou  :  28,753. 

Vni'  Arrondissement.  —  3  paroisses. 
La  Madeleine  :  29,292.  —  Saint-Augustin  :  29,178.  —  Saint-Phiiippe-du-Roule  : 
25,20(). 

IX'  Arrondissement.  —  4  paroisses. 
Notre-Dame-de-Lorette  :  44,030.  —  Saint-Louis  d'Anlin  :  19,.588   —  Saint-Eugène  : 
25,320.  —  La  Trinité  :  28,208. 

Y»  Arrondissement.  —  3  paroisses. 
Saint-Laurent  :  45,000.  —  Saint-Martin  :  25,885.  —  Saint-Vincent-de-Paul  :  35,233. 

XI'  Arrondissement.  —  3  paroisses, 
Sainte-Marguerite  :  76,491.  —  Sainl-Ambroise  :  72,971.  —  Saint-Joseph  :  60,000. 

XIP  Arrondissement.  —  4  paroisses. 
Notre-Dame  de  Bercy  :  16,062.  —  Saint-Antoine  :  37,138.  —  Saint-Éloi  :  40,653.  — 
Immaculée-Conception  :  16,178. 

XIW  Arrondissement.  —  3  paroisses. 
Saint-Marcel  :  22,800.  —  SaintMarcel-la-Maison-Blanche  :  35,343.  —  Notre-Dame  de 
la  Gare  :  35,920. 

A'/F"  Arrondissement.  —  2  paroisses. 
Saint-Pierre  du  Petit-Montrouge  :  57,554.  —  Notre-Dame  de  Plaisancu  :  29,200. 

XV'  Arrondissement.  —  2  paroisses. 
§aint-Lambert  de  Vaugirard  :  30,887.  —  Sainl-Jean-Baptiste  de  Grenelle  :  47,426. 

X 17°  Arrondissement.  —  4  paroisses. 
Saint-Pierre  de  Chaillot  :  22,825.  —  Annonciation  de  Passy  :  20,492.  — Saint-Honoré  : 
27,383.  —  Notre-Dame  d'Auteuil  :  15,981. 

XVII'  Arrondissement.  ■ —  4  paroisses. 
Sainte-Marie  de  Batignolles    :    51,968.   —   Saint-Ferdinand  des  Ternes  :   37,820.   — 
Saint-Michel  de  Batignolles  :  54,700.  —  Saiiit-François-de-Sales  :  22,700. 

.    XVIII"  Arrondissement. — 4  paroisses. 
Saint-Pierre  de  Montmartre  :  51,433.  —  Saint-Bernard  de  la  Chapelle  :  37,895.  — 
Saint-Denis  de  la  Chapelle  :  26,283.  —  Notre-Dame  de  Clignancourt  :  68,121. 

XIX"  Arrondissement.  —  3  paroisses. 
Saint-Jean-Baptiste  de  Belleville  :  59,803.  —  Saint-Jacques-Saint-Christophe  :  S8,184. 
Saint-Georges  :  41,582. 

XY'  Arrondissement.  —  2  paroisses. 
Saint-Germain  de  Charonne  :  33,682.  —  Notre-Dame-de-la-Crois,  à  Ménilniontant  : 
52,079. 

§    9.    —   VISITE    DES    PAROISSES    DE    PARIS. 

Les  chiffres  des  baptêmes,  des  mariages  et  des  sépultures,  malgré  leur  remar- 
quable concordance,  ne  reposent-ils  sur  aucune  réaliié  vivante?  ne  correspondent- 
ils  qu'à  un  formalisme  pur  et  simple,  dernier  débris  de  la  coutume  d'une  foi  éteinte? 

Il  me  restait,  après  mes  séjours  dans  les  greniers  de  laReconslitulion,  à  entier  en 
quelque  sorte  en  rapport  avec  les  69  paroisses  de  Paris,  à  faire  connaissance  avec 


—  268  — 

la  plupart  dVnlre  elles  cl  à  étudier  sur  le  vif  la  vie  religieuse  de  Paris.  J'ai  consacré 
trois  années  à  cette  œuvre  qui  m'a  laissé  d'ineffaçables  souvenirs. 

C'est  dans  les  grandes  églises  populaires  de  Sainte-Marguerite,  Saint-Ambroise, 
Saint-Germain  de  Charonne,  Saint-Joseph,  Saint-Pierre  du  Petit  Monlrouge,  Saint- 
Michel,  Sainte-Marie  des  Batignolles,  Clignancourl,  Belleviile  et  tant  d'autres  qu'il 
faut  se  rendre  pour  constater  sur  place  la  force  de  l'Église  catholique  à  Paris,  l'éten- 
due de  ses  ressources  et  le  dévouement  de  ses  prêtres.  11  m'est  arrivé  souvent, 
notamment  à  Sainte-Marguerite,  de  ne  pouvoir  entrer  le  jour  de  la  première  com- 
munion. J'ai  pu  assister  dans  la  splendide  église  de  Saint-Joseph  à  l'une  des  plus 
belles  têtes  religieuses  de  ma  longue  vie.  Dernièrement  j'ai  à  peine  trouvé  une 
chaise  dans  l'église  de  Saint-Jacques  de  la  Villette,  touchant  les  fortifications. 

Je  pourrais  vous  apporter,  Messieurs,  bien  d'autres  preuves  de  l'intensité  du  mou- 
vement religieux  à  Paris.  Mais  il  me  suffira  de  le  constater  afin  de  vous  affirmer  que 
ce  soir  je  ne  vous  ai  apporté  que  les  résultats  d'une  statistique  pleine  d'enseigne- 
ment et  surtout  de  vie.  Fournier  de  Flaix. 


II. 

UN  NOUVEAU  PROGRÈS  A  RÉALISER  DANS  LA  STATISTIQUE 
DES  LIBÉRALITÉS  AUX  PERSONNES  MORALES. 

La  Société  de  statistique  a  bien  voulu  garder  le  souvenir  de  la  communication 
que  nous  avions  l'honneur  de  lui  soumettre  dans  sa  séance  du  20  mars  1889  et 
qui  a  été  textuellement  insérée  dans  le  Journal  de  la  Société  du  mois  de  juin 
suivant  (1).  C'est  une  suite  à  cette  communication  primitive  que  nous  avons  l'hon- 
neur de  lui  soumettre  aujourd'hui. 

Dans  la  première,  en  indiquant  les  améhorations  dont  la  statistique  des  libéralités 
aux  personnes  morales  était  susceptible,  nous  avions  principalement  insisté  sur 
l'utilité  d'y  introduire  la  distinction  légale  reconnue  par  la  doctrine  juridique  et  la 
jurisprudence  de  la  Cour  de  cassation,  entre  les  établissements  publics  et  les  éta- 
blissements d'utilité  publique  ;  et,  en  second  lieu,  sur  la  division  des  autorités  com- 
pétentes pour  accorder  l'autorisation  d'accepter  les  libéralités. 

L'Administration  a  bien  voulu  reconnaître  la  convenance  et  les  avantages  de 
l'adoption  de  ces  distinctions  par  le  service  de  la  statistique.  Une  instruction 
adressée  aux  préfets,  le  6  février  1890,  par  M.  le  Ministre  du  commerce,  de  l'in- 
dustrie et  des  colonies,  a  prescrit  de  les  suivre  dès  la  présente  année. 

En  faisant  connaître  à  la  Société  cet  heureux  résultat  dans  sa  séance  du  16  avril 
dernier,  nous  avons  profilé  de  cette  occasion  pour  exprimer  nos  remerciements  à 
l'Administration  et  à  ceux  de  nos  confrères  à  qui  leurs  fonctions  ont  permis  d'assurer 
la  réalisation  de  ce  premier  progrès. 

En  venant  aujourd'hui  en  demander  un  nouveau,  nous  sommes  assuré  de  ne  pas 
trop  présumer  du  dévouement  de  tous  au  bien  public  dans  ces  graves  questions. 
A  la  fin  de  notre  première  communication,  à  la  suite  des  vœux  actuellement  exaucés, 

(1)  La  Statistique  des  libéralités  aux  personnes  morales  et  les  amélioralions  dont  elle  est  sus- 
ceptible. (Journal  de  la  Société  de  statistique,  numéro  de  juin  1889,  pages  213  et  suivantes.) 


—  26i)  — 

nous  avions  dès  lors  ajouté  ce  simple  mot  :  «  Enfin,  s'il  était  possible  d'avoir  aussi 
l'indication  des  libéralités  pour  lesquelles  l'autorisation  d'accepter  est  refusée,  nos 
vœux  seraient  comblés.  » 

C'est  le  développement  et  la  justification  de  ce  dernier  vœu  que  j'ai  l'honneur 
de  vous  apporter. 

La  Statistique  générale  de  la  France  se  borne  à  faire  connaître  les  libéralités  aux 
établissements  publics  el  aux  élablissements  d'utilité  publique  dont  l'acceptation 
est  autorisée.  Elle  garde  le  silence  en  ce  qui  concerne  les  refus  d'autorisation. 
Nous  croyons  qu'il  y  a  là  une  lacune  regrettable,  el  facile  à  combler,  dans  la  statis- 
tique des  libéialités.  Nous  vous  demandons  la  permission  de  l'établir  à  l'aide  des 
trois  piopositions  suivantes  : 

i"  Le  silence  des  statistiques  officielles  relatif  aux  refus  d'autorisation  n'est  pas 
logique,  alors  que  la  nécessité  de  la  statistique  des  libéralités  autorisées  est  univer- 
sellement admise  ; 

2°  La  statistique  des  refus  d'autorisation  serait  certainement  utile; 

3°  Elle  ne  présente  ni  difficultés  particulières  ni  inconvénients. 

I.  —  Première  proposition 

Le  silence  des  slalistiques  ofJicieUes  relatif  aux  refus  d'autorisation 

n'est  pas  logique. 

La  nécessité  pour  les  établissements  publics  et  les  établissements  d'utilité  publique 
d'une  autorisation  administrative  ou  gouvernementale  à  l'effet  d'accepter  des  dons 
ou  legs,  est  une  institution  de  notre  droit  national,  consacrée  par  l'article  910  du 
Code  civil  et  par  un  grand  nombre  de  lois  d'administratioii  générale  ou  locale. 
Cette  institution  a  été  d'ailleurs  empruntée  par  ces  lois  au  droit  de  notre  ancienne 
France,  où  les  mêmes  dangers  el  les  mêmes  besoins  avaient  fait  admettre  des  règles 
analogues. 

Cette  institution  est  d'ordre  public  au  premier  chef.  Elle  a  un  triple  objet  :  Pro- 
téger les  familles  contre  des  influences  puissantes  dont  l'action,  sans  tomber  sous 
le  coup  de  la  loi,  place  les  héritiers  isolés  dans  une  injuste  situation  d'infériorité 
qui  leur  serait  fatale  ;  éviter  l'accaparement  des  propriétés  par  les  établissements  de 
mainmorte  ;  parfois  proléger  ceux  d'entre  eux  que  des  liens  légaux  rattachent  aux 
services  publics  contre  leur  propre  entraînement. 

.\  quelque  point  de  vue  qu'elle  soit  envisagée,  l'institution  de  l'autorisation 
d'accepter  les  dons  et  legs  nécessaire  aux  personnes  morales  est  donc  d'une 
importance  politique  el  sociale  de  premier  ordre. 

C'est  pour  cela  que  le  service  de  la  Statistique  générale  de  la  France  a  reconnu 
dès  longtemps  la  convenance  de  faire  connaître  les  résultats  annuels  el  prati(]ues 
d'une  telle  institution. 

Mais  en  ne  parlant  que  des  dons  et  legs  suivis  d'autorisation,  l'Administration 
n'atteint  qu'une  partie  du  but,  qui  est  de  faire  connaître  les  résultats  entiers  de 
l'inslilution.  Une  partie  seulement  de  la  lâche  est  accomplie.  Sans  doute,  un  incon- 
testable service  est  rendu  au  public  en  lui  apprenant  que  les  libéralités  dont  l'ac- 
ceplalion  est  autorisée  présentent  une  moyenne  annuelle  de  25  à  26  millions.  Mais 
est-il  logique  de  ne  rien  lui  dire  des  refus  d'autorisation?  Ce  silence  empêche  de 


—  270  — 

connailre  exaclemenl  le  fonctionnement,  les  résultats  de  l'inslitulion,  l'effet  de  la 
protection  légale  qui  en  résulte  pour  les  familles  et  pour  l'Étal.  L'institution  n'ap- 
parail  pas  dans  son  ensemble.  Un  seul  de  ses  aspects  est  mis  en  lumière,  une  seule 
de  ses  conséquences  est  constatée.  Les  autres  sont  omises.  Il  y  a  là  une  grave  lacune 
et  un  défaut  inconleslable  de  logique. 

L'omission  crée  de  plus,  bien  qu'involontairement,  l'obscurité  et  l'équivoque. 
La  science  ne  les  aime  nulle  part.  Elles  doivent  partout  disparaître  dans  les  docu- 
ments officiels,  surtout  dans  un  pays  de  publicité,  de  démocratie  et  de  liberté. 

En  un  mol,  sur  ce  premier  point,  il  y  a  là  un  fait  social  grave,  que  la  statistique, 
celte  science  des  faits  sociaux,  doit  faire  connaître  tout  entier,  et  dont,  en  l'état 
actuel  de  ses  tableaux,  elle  ne  fait  connaître  que  la  moitié. 


II.  —  Deuxième  proposition. 
La  statistique  des  refus  d'autorisation  serait  certainement  utile. 

Il  y  a  là,  ce  nous  semble,  une  vérité  d'évidence,  ce  que  les  Anglais  appellent,  je 
crois,  un  truism. 

S'il  e^t  utile  au  pays  de  savoir  qu'il  y  a  en  France,  bon  an  mal  an,  25  millions 
de  biens  acquis,  à  litre  gratuit,  avec  l'autorisation  du  Gouvernement,  par  les  éta- 
blissements publics  et  d'utilité  publique  ;  que,  dans  ce  chiffre  total,  les  immeubles 
figurent  pour  plus  de  4  millions  et  les  capitaux  et  rentes  pour  21  millions;  que  la 
répartition  est  tiès  inégale  par  départements  ;  que  cerlanies  années  le  déparlement 
de  la  Seine,  à  lui  seul,  a  absorbé  le  quart  de  ces  libéralités  ;  que  certaines  catégo- 
ries d'établissements  en  reçoivent  plus  que  d'autres;  —  toutes  choses  que  les  sta- 
tistiques officielles  nous  rendent  le  grand  service  de  nous  apprendre,  et  qu'il  nous 
serait  impossible  de  savoir  sans  elles  ;  —  si  toutes  ces  constatations  sont  éminem- 
ment utiles,  comment  ne  le  serait-il  pas  également  de  savoir  dans  quelle  mesure 
ces  millions,  acquis  à  litre  gratuit  par  les  établissements  gratifiés,  se  seraient  aug- 
mentés sans  l'institution  du  droit  d'autorisation?  Les  tableaux  de  l'Administration 
peuvent  seuls  aussi  nous  l'apprendre. 

La  statistique  des  refus  d'autorisation,  que  nous  sollicitons,  est  indispensable 
pour  faire  connaître,  pour  les  uns,  dans  quelle  proportion  l'institution  restreint  ce 
qu'on  appelle  la  liberté  de  tester,  et,  pour  les  autres,  dans  quelle  mesure  elle  pro- 
tège les  familles  et  la  société  contre  l'extension  de  la  propriété  de  mainmorte. 
L'utilité  qu'il  y  aurait  pour  le  pays  à  être  éclairé  sur  ces  points  n'est  pas  contestable. 

Au  nom  des  établissements  intéressés,  on  a  mené  des  campagnes  ardentes  contre 
ce  principe  de  notre  droit.  Des  esprits  éminenls  ont  cherché  ailleurs  que  dans 
l'autorisation  administrative  et  gouvernementale  une  digue  à  l'accaparement  des 
propriétés  par  les  collectivités.  D'autres,  enfin,  se  plaignent  que  la  digue  légale 
manque  d'efficacité  et  se  plaignent  de  la  reconstitution  au  xix'  siècle  de  la  propriété 
de  mainmorte. 

Les  uns  et  les  autres  ont  besoin  d'être  fixés  sur  l'importance  des  refus  d'autorisa- 
tion, tant  pour  s'éclairer  sur  le  fait  social  dans  sa  plénitude,  que  pour  élayer  ou 
pour  modifier  leur  argumentation  ou  leurs  convictions. 

Les  défenseurs  et  les  adversaires  de  l'institution,  le  Gouvernement  et  le  Parle- 
ment eux-mêmes,  comme  les  familles  et  le  pays  tout  entier,  ont  besoin  de  connaître 


—  271  — 

tous  ses  résiillnls,  les  icfus  nus?i  bien  que  les  autoiisalions  d'accepler  les  dons  ou 
legs  aux  établissements  publics  et  d'utilité  publique. 
L'utilité  de  la  statistique  des  refus  ne  le  cède  donc  pas  à  celle  des  autorisations. 

III.  —  Troisième  et  dernière  proposition. 

La  slatislique  des  refus  d'autorisation 
ne  présente  ni  difficultés  spéciales  ni  inconvénients. 

Il  suffit  de  jeter  les  yeux  sur  les  tableaux  de  la  Slatislique  générale  de  la  France, 
et,  en  outre,  tout  spécialement  sur  l'état  n°  13  et  le  bulletin  modèle  13  bis,  visés 
par  la  circulaire  ministérielle  n°  383  ci-dessus  rappelée,  en  date  du  6  février  1890, 
pour  reconnaître  que  les  moyens  d'investigation  dont  dispose  le  Ministère  du  com- 
merce et  de  l'industrie,  en  ce  qui  concerne  les  autorisations  accordées,  sont  appli- 
cables de  tous  points  aux  refus  d'autorisation. 

Les  autorités  compétentes  pour  autoriser  sont  aussi  celles  qui  refusent  l'autorisa- 
tion. Le  service  de  la  slatislique  peut  donc  être  renseigné  par  les  mêmes  voies, 
et  aussi  facilement,  pour  les  refus  d'autorisation  que  pour  les  autorisations  elles- 
mêmes. 

Il  suffit  qu'une  nouvelle  instruction  ministérielle  réclame  des  préfets,  sur  les 
refus  d'autoi'isalion,  les  mêmes  renseignements  que  pour  les  autorisations  sur  la 
nature  de  la  libéralité,  la  désignation  de  l'établissement  bénéficiaire,  l'acte  de  refus, 
la  valeur  et  l'objet  de  la  libéralité  refusée.  De  même  (|ue  la  circulaire  du  6  février 
1890  a  modifié  et  complété  les  circulaires  du  12  décembre  1888  el  du  26  février 
1872,  la  nouvelle  circulaire  que  nous  souhaitons  viendrait  compléter  les  pré- 
cédentes en  réalisant  dans  le  service  de  la  slati.sli(jue  un  progrès  et  un  bienfait 
de  plus. 

Il  ne  faut  pas  exagérer  l'augmentation  du  travail  pouvant  en  résulter  pour  les 
préfectures,  puisque  les  demandes  d'autorisa'tion  suivies  de  refus  ont  été  soumises 
au  même  mode  d'instruction  que  les  demandes  suivies  d'autorisation.  Ce  sont  les 
mêmes  bureaux,  les  mêmes  agents  qui  ont  suivi  les  unes  et  les  autres.  En  donnant 
les  renseignements  réclamés  actuellement  pour  le  service  de  la  statistique  géné- 
rale de  France  relativement  aux  autorisations  accordées,  les  préfectures  répon- 
draient aussi  facilement  et  dans  le  même  travail,  bien  que  sur  des  états  el  bul- 
letins distincts,  en  ce  qui  concerne  les  refus  d'autorisation. 

Dans  de  nombreux  cas  elles  sont  même  actuellement  obligées  de  se  reporter  aux 
dossiers  contenant  des  refus  d'autorisation  pour  répondre  aux  demandes  de  rensei- 
gnemenls  relatives  aux  autorisations  données.  En  effet,  l'instilulion,  dans  ses  condi- 
tions de  fonctionnement  pratique,  comporte  trois  solutions  possibles  :  l'autorisation 
pour  toute  la  libéralité,  le  refus  pour  le  lout,  et  ce  qu'on  a  appelé  le  droit  de  réduc- 
tion. Ce  prétendu  droit  de  réduction  n'est  en  réalité  qu'une  autorisation  donnée 
pour  partie  de  la  libéralité  et  un  refus  opposé  pour  le  reste  par  la  puissance  pu- 
blique. De  sorte  que  dans  ces  cas,  qui  seraient  assez  nombreux,  les  agents  d'infor- 
mation du  Ministère  du  commerce  ne  peuvent  se  reporter  à  l'acte  administratif  qui 
autorise,  sans  avoir  en  même  temps  sous  les  yeux  l'acte  qui  refuse,  puisqu'il  s'agit 
de  deux  dispositions  contenues  dans  un  seul  et  même  acte.  Le  travail  ne  serait  donc 
pas  augmenté.  C'est  ce  que  la  circulaire  ministérielle  du  6  février  1890  a  déjà  fait  ob- 


—  272  — 

server  pour  le  premier  progrès  accompli  :  «  Ces  différentes  dislinclions  naugmeii- 
teront  en  rien  le  travail  des  préfectures.  •<> 

D'autre  part,  pourquoi,  du  même  acte,  constater,  dans  les  statistiques,  l'article 
qui  autorise  et  omettre  l'article  portant  refus? 

Pour  les  décisions  contenant  un  refus  total,  la  recherche  ne  serait  pas  moins 
facile,  puisque  l'acte  qui  refuse  pour  le  lout  a  été  précédé  d'une  insiruction  com- 
plète accomplie  par  les  mêmes  agents  que  celles  portant  refus  partiel  ou  autorisa- 
lion  totale. 

Au  point  (le  vue  purement  administratif,  il  n'y  aurait  donc  aucune  difficulté.  Il 
n'y  aurait  même  pas  un  supplément  de  travail  appréciahle.  D'ailleurs  en  fùt-il 
autrement,  le  progrès  à  réaliser  en  vaut  certes  la  peine. 

Il  est  donc  évident  que  la  statistique  des  refus  ne  présente  pas  plus  de  difficultés 
que  celle  des  autorisations  et  que  le  travail  fait  pour  l'une  profiterait  à  l'autre. 

Existerait-il  enfin  des  périls  ou  même  des  inconvénients? 

Nous  cherchons  en  vain  comment,  au  point  de  vue  politique  et  social,  la 
statistique  des  refus  d'autorisation  pourrait  avoir  des  inconvénients  de  nature 
à  la  faire  repousser,  tandis  que  la  statistique  des  autorisations  est  admise  et 
consacrée. 

On  reconnaît  qu'il  y  a  lieu  de  faire  savoir  pour  combien  de  millions  la  puissance 
publique  dit  «  oui  »  chaque  année;  quel  péril  pourrait-il  y  avoir  à  ce  que  l'on  sût 
pour  combien  de  millions  elle  dit  <  non  »  ? 

On  a  objecté  qu'il  y  aurait  des  inconvénients  à  faire  connaître  les  causes  des 
refus.  Mais  qui  donc  a  demandé  au  service  de  la  statistique  de  faire  connaître  ces 
causes?  Elles  tiennent  souvent  à  la  situalion  des  familles,  paifois  à  celle  des  éla- 
blissemenls  gratifiés,  et  aussi  à  l'intérêt  économique  ou  politique  de  l'État.  Ces 
choses  délicates  ne  sont  pas  de  noire  domaine.  Les  causes  échappent  à  la  statistique. 
Elles  ne  sont  d'ailleurs  pas  toujours  l'objet  d'une  constatation  ;  l'acte  qui  refuse  ne 
mentionne  pas  toujours  les  causes  de  refus,  pas  plus  que  l'acte  qui  autorise  ne  donne 
4es  causes  d'autorisation.  Les  donneraient-ils  d'ailleurs,  que  la  cause  d'un  fait  so- 
cial reste  dislincte  du  fait  social,  qui  seul  appartient  à  la  statistique. 

Aussi  nul  n'a  demandé,  à  notre  connaissance,  dans  la  Société,  qu'il  fût  fait  men- 
tion des  causes  de  refus  par  la  statistique.  Un  fait  nouveau,  et  le  seul  nouveau 
dans  cette  question  depuis  que  nous  avons  eu  l'honneur  de  l'introduire  au  sein  de 
la  Société,  serait  de  parler  des  causes  des  refus,  dont  nul  ne  réclame  la  publication, 
pour  repousser  la  constatation  des  refus  eux-mêmes,  qui  appartiennent  à  la  science 
des  statisticiens,  au  même  titre  que  les  autorisations. 

Il  ne  saurait  d'ailleurs  échapper  à  personne  que  puisque  les  préoccupations  des 
causes  d'autorisation,  qui  tiennent  également  à  la  situalion  des  familles,  des  élablis- 
scmenls,  aux  intérêts  politiques  et  économiques  de  l'État,  n'ont  pas  fait  obstacle 
à  la  statistique  des  autorisations,  la  préoccupation  des  causes  de  refus  ne  peut  pas 
davantage  constituer  un  obstacle  à  la  statistique  des  refus  d'autorisation. 

Dans  un  cas  comme  dans  l'autre,  la  statistique  n'aura  ni  le  droit,  ni  la  mission, 
ni  les  moyens,  ni  la  volonté  de  rechercher  et  constater  ces  causes. 

D'ailleurs,  et  l'argument  paraîtra  sans  doute  sans  réplique,  ce  que  nous  deman- 
dons à  la  Statistique  générale  de  France  de  vouloir  bien  faire,  le  Conseil  d'Etat, 
dans  la  statistique  spéciale  de  ses  travaux,  le  fait  depuis  longtemps,  sans  se  préoc- 
cuper ni  des  causes  de  refus,  ni  des  causes  d'autorisation,  constatées  ou  non,  dans 


—  273  — 

les  décrets  par  lui  préparés.  Pour  s'en  convaincre,  il  suffît  de  se  reporter  notbm- 
menl  au  dernier  Compte  général  des  travaux  du  Conseil  d'Étal  du  i"  janvier  1878 
au  31  décembre  1882,  pages  xvi  el  suivantes  du  rapport  du  Ministre  de  la  justice, 
président  du  Conseil  d'État,  en  date  du  1"  mai  1888. 

«  Les  dons  et  legs  acceptés  par  les  bureaux  de  bienfaisance  figurent  dans  la 
statistique  du  Conseil  pour  une  somme  de  7,443,952  fr.  ;  il  a  été  prononcé  des 
réductions  pour  95,529  fr.,  el  des  rejets  j)Our  171,300  fr.  Dans  la  période  anté- 
rieure, les  acceptations,  les  réductions    et   les   rejets  figurent  lespectivemenl 

pour  11,514,506  fr.,  318,565  fr.  et  12,200  fr On  doit  formuler  les  mômes 

observations  lors(iu'on  compare  i)Our  les  hospices  les  accoptalions,  réductions  el 
rejets  de  la  période  actuelle,  à  savoir  :  15,747,777  fr.,  366,590  fr.,  587,875  fi'., 
aux  indications  portées  à  la  statistique  précédente  et  d'après  lesquelles  les 
acceptations  se  seraient  élevées  à  17,112,937  fr.,  les  réductions  et  les  rejets 
à  376,236  fr.  » 

A  la  page  suivante,  le  même  rapport  donne  les  chiffres  lelatifs  aux  congrégations 
religieuses  reconnues  :  acceptations,  6,055,681  fr.  au  lieu  de  16,340,544  fr.  pen- 
dant la  période  1872-1877;  rejets  el  réductions,  881,000  fr.  contre  658,000  fr. 
dans  la  période  antérieure. 

Nous  terminerons  ces  citations  par  la  suivante  (page  xviii)  : 

«  Le  montant  des  libéralités  faites  aux  établissements  des  cultes  pioteslants  et 
Israélites  el  autorisées  par  le  Conseil  d'État  est  évalué  respectivement  à  557,198  Ir. 
el  à  328,780  fr.  ;  le  comjjte  précédent  les  évaluait  à  823,902  fr.  pour  les 
élablissements  protestants  et  à  465,854  fr.  pour  les  établissements  Israélites. 
Une  seule  décision  de  réduction  était  intervenue  pour  lesdils  établissements 
de  1872  à  1877;  il  est  intervenu  23  décisions  de  réduction  ou  lejet  dans  la 
période  1878-1882.  » 

Si  le  rapport  du  .Ministre  de  la  justice,  président  du  Conseil  d'Étal,  au  Président 
de  la  République,  peut  s'exprimer  ainsi  sur  ces  divers  points,  c'est  que  les  tableaux 
de  la  statistique  du  Conseil,  dont  il  met  en  relief  les  résultats,  relèvent,  en  ce  qui 
concerne  chaque  catégorie  d'établissements,  le  nombre  des  décrets  d'autorisation, 
.de  réduction  et  de  rejet,  et  la  valeur,  en  meubles  ou  immeubles,  des  libéralités 
acceptées,  réduites  ou  rejelées. 

On  voit,  en  outre,  par  les  comparaisons  contenues  dans  les  extraits  qui  précèdent, 
que  ce  n'est  pas  seulement  le  compte  général  des  travaux  du  Conseil  d'État  publié 
en  1888  qui  a  fait  connaîlie  les  rejets  el  les  réductions  en  même  temps  que  les 
autorisations;  on  y  voit  qu'il  en  était  de  même  du  compte  général  |iublié  en  1877. 
Mais  ce  n'est  pas  tout.  Il  faut  constater,  en  outre,  que  ces  comptes  généraux  n'onl 
fait  à  cet  égard  que  continuer  la  tradition  des  statistiques  du  Conseil  d'Etat,  et  que 
les  comptes  généraux  publiés  sous  l'Empire,  en  1862  et  en  1868,  en  faisaient  autant, 
suivant  eux-mêmes  l'exemple  des  comptes  généraux  antérieurs. 

Nous  ne  demandons  au  service  de  la  Statistique  générale  de  France  que  de  faire 
enfin,  après  1890,  ce  que  les  statistiques  spéciales  du  Conseil  d'Étal  font  depuis 
cinquante  ans. 

Nous  croyons  avoir  justifié  nos  trois  propositions.  La  statistique  des  refus  doit 
donc  trouver  sa  place  dans  les  statistiques  oflîcielles  à  côté  de  la  statistique  des 
autorisations,  et  comme  son  indispensable  complément. 

Les  progrès  récemment  réalisés  par  une  administration  vigilante  et  dévouée  au 

Itc  6ÉB1E.    31'  VOL,  —  s"  9.  t  fi 


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bien  public  nous  sont  un  sûr  garant  que  le  nouveau  pas  en  avant  que  nous  avons 
riionneur  de  souhaiter  sera  fait  également. 

Nous  serions  heureux  d'avoir,  sur  ce  point,  contribué  à  produire  la  lumière  et 
activé  le  travail  des  esprits.  N'est-ce  pas  un  des  avantages  précieux  de  notre  Société 
de  nous  mêler  les  uns  aux  autres,  et,  par  l'échange  des  vues  entre  ceux  qui  font  la 
statistique  et  ceux  qui  en  prufilent  (dont  je  suis  seulement),  de  travailler  ensemliie, 
par  la  seule  force  de  la  démonstration  scientifique  et  de  la  di.scust^ion,  à  l'adoption 
des  idées  justes  et  à  la  constatation  de  plus  en  plus  exacte  et  complète  des  faits 
sociaux  ?  ïh.  Ducrocq, 

Professeur  ù  la  Faculté  de  Droit  de  Paris, 
Corrcspondaut  de  l'iustitut, 
Vice-Présidciit  de  la  Société  de  statistique. 


III. 

LA  MORTALITÉ  DES  MILITAIRES  EN  TEMPS  DE  PALX. 

L'Annuaire  statistique  de  la  France,  publié  par  le  ministère  du  commerce  en 
1888,  contient  des  tableaux  très  intéressants  au  point  de  vue  de  la  statistique  mi- 
litaire. Nos  compagnies  d'assurances  sur  la  vie  ne  soumettant  à  aucune  surprime 
le  service  militaire  en  temps  de  paix,  il  convient  de  vérifier,  à  l'aide  des  tableaux 
de  VAnnuaii'e  de  ISSS,  si  le  risque  de  mortalité  est  aggravé  ou  non  par  ce  service. 
L'examen  des  tableaux  nous  fournira  à  ce  sujet  d'utiles  indications;  il  prouvera, 
d'ailleurs,  que  les  statistiques  ont  besoin  d'être  examinées  de  près  et  qu'il  est  par- 
fois dangereux  d'accepter  sans  réserves  leurs  chiffres  et  leurs  conclusions. 

Le  tableau  1  de  la  statistique  sanitaire  de  l'armée  indique  l'effectif  disponible  et 
indisponible,  ainsi  que  la  mortalité  par  arme,  pour  l'année  1885.  L'effectif  moyen 
présent  a  été,  dans  cette  année,  de  451, 9i1  hommes. 

Les  décès  ont  atteint  le  chiffre  de  3,421,  ce  qui  représente  7.6  p.  1,000  de 
l'effectif.  Remarquons  tout  de  suite  que  c'est  la  proportion  la  plus  basse  depuis 
1875.  Le  taux  de  la  mortalité  a  été,  cette  année-là,  de  12.6.  Il  est  descendu,  l'an-' 
née  suivante,  à  11.4,  puis  à  9.6  en  1877.  Il  descend  encore  dans  les  deux  années 
suivantes,  mais  il  se  relève  brusquement  à  10.9  en  1880;  et  depuis  lors,  il  est  des- 
cendu à  7.6,  taux  des  années  1884  et  1885.  Il  résulte  bien  de  là  que  la  situation 
sanitaire  de  l'armée  s'est  améliorée  grandement  de  1875  à  1885. 

Le  taux  de  mortalité  de  7.6  p.  1,000  est  au-dessous  de  la  mortalité  générale. 
Ce  fait  peut  paraître  étrange  au  premier  abord,  mais  il  a  son  explication. 

L'effectif  de  1885  se  compose  principalement  de  jeunes  soldats.  Nous  trouvons 
dans  cet  effectif  235,788  hommes  pour  l'infanterie,  19,385  chasseurs  à  pied, 
62,004  cavaliers,  56,805  artilleurs.  Il  y  a  donc  sur  les  451,941  hommes  de  l'ef- 
fectif, une  très  grande  partie  appartenant  à  des  âges  compris  entre  21  et  25  ans. 
Le  taux  de  la  morialité  générale  est  pour  ces  âges  de  9.12  p.  1,000,  d'après  l'ex- 
cellente table  de  Beauvisage,  un  peu  plus  élevé  d'après  la  table  de  la  statistique  de 
la  France. 

Or,  si  nous  nous  rapportons  au  tableau  que  nous  analysons,  nous  voyons  que  les 
taux  de  mortalité  ont  été  pour  l'infanterie  de  7.5  p.  1,000,  pour  les  chasseurs  à 
pied  de  7.3,  pour  la  cavalerie  de  6.6,  pour  l'artillerie  de  6.7. 


i 


—  275  — 

A  première  vue,  on  serait  tenté  de  croire  que  le  service  militaire  prolonge  l'exis- 
tence humaine.  Il  n'en  est  rien.  Deux  circonstances  expliquent  l'abaissement  du 
taux  de  morlalilé  pour  certaines  armes. 

La  première  est  le  mode  de  recrutement.  Il  constitue  une  véritable  sélection 

médicale,  qui  a  les  mêmes  effets  que  dans  les  assurances  sur  la  vie.  Il  débarrasse 

l'armée  des  hommes  peu  valides  ou  sujets  à  des  infirmités.  Un  tableau  spécial  nous 

apprend  que  pour  la  classe  de  1886,  il  y  avait  316,090  jeunes  gens  inscrits  sur  les 

listes  de  tirage  et  qu'il  n'en  est  reslé  que  138,446  pour  l'armée  aciive,  les  autres 

ayant  été  exemples  définilivement,  ou  ajournés  à  un  nouvel  examen,  ou  déclarés 

propres  au  service  auxiliaire,  ou  dispensés  conditionneilement,  ou  enfin  dispiMisés 

du  service  en  temps  de  paix. 

« 
*  » 

Les  exemptions  définitives,  les  classements  au  service  auxiliaire  et  les  ajourne- 
ments à  un  nouvel  examen  ont  pour  cause  des  infirmités  ou  des  faiblesses  de 
constitution  dues  à  des  maladies  chroniques.  Il  y  a  eu  de  ce  chef,  pour  la  classe 
1886,  98,059  jeunes  gens  retirés  de  l'armée  active.  C'est  plus  du  tiers  des  jeunes 
gens  inscrits.  C'est  là  une  sélection  qui  continue  son  effet  pendant  le  temps  du  ser- 
vice et  qui  réduit,  par  suite,  le  nombre  des  décès. 

Une  autre  circonstance  vient  encore  réduire  ce  nombre.  Quand  les  soldats  con- 
tractent des  maladies  graves,  ils  obtiennent  des  congés  temporaires  et  quelquefois 
des  congés  de  réforme.  Si  les  maladies  entraînent  des  décès,  ils  se  produisent 
alors  hors  du  service,  dans  les  familles,  et  la  statistique  militaire  n'a  pas  à  en  te- 
nir compte. 

Ces  deux  circonstances  réunies  —  la  sélection  médicale  et  le  rejet  des  malades  — 
ont  pour  conséquence  d'abaisser  le  taux  de  la  mortalité  dans  le  service  militaire, 
en  temps  de  paix,  pour  les  principales  armes,  et  il  est  impossible,  par  suite,  d'ap- 
précier les  conséquences  sanitaires  de  ce  service.  Nous  croyons  qu'il  augmente  la 
mortalité,  mais  nous  ne  pouvons  pas  le  constater. 

Celte  con.siatation  n'est  possible  que  pour  certaines  catégories  de  soldats.  Les 
pénitenciers  donnent  une  mortalité  élevée,  10.7  p.  1,000  en  1885.  Pour  trouver  ce 
taux  dans  la  mortalité  générale,  il  faut  se  rapprocher  de  l'âge  de  40  ans.  Ce  n'est 
certainement  pas  la  moyenne  de  l'âge  des  soldats  placés  dans  les  pénitenciers.  Les 
compagnies  de  discipline  donnent  une  mortalité  de  plus  de  13  p.  1,000.  Il  y  a  en- 
core là  une  exagération  de  morlalilé  dont  on  comprend  la  cause.  Les  ateliers  des 
condamnés  fournissent  aussi  une  mortalité  élevée,  14  p.  1,000.  Elle  n'est  atteinte, 
pour  l'ensemble  de  la  population,  que  par  les  hommes  de  50  à  54  ans.  Ici  encore 
on  devine,  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  les  exprimer,  les  causes  de  cette  aggrava- 
tion de  décès. 

L'Algérie  n'est  pas  favorable,  sous  ce  rapport,  à  nos  soldats.  Les  bataillons  d'A- 
frique ont  eu,  en  1885,  une  mortalité  de  17.5  p.  1,000;  la  légion  étrangère  a  eu 
une  mortalité  de  23.5  p.  1,000. 

On  se  demande  si,  avec  ces  taux  élevés,  l'assurance  devrait  être  maintenue  au 
même  prix,  pour  le  ser\ice  mdilaire  en  temps  de  paix,  eu  Algérie  et  en  Tunisie. 

Les  sapeurs-pompiers  ont,  il  est  vrai,  une  mortalité  au-dessus  de  la  moyenne, 
elle  est  de  11,1  p.  1,000;  mais  ce  taux  s'explique  par  les  dangers  que  cour|,ce  corps 
Ld'élite  et  par  l'âge  plus  avancé  des  hommes  qui  en  font  partie. 


276 


Les  taux  les  plus  bas  de  inoilalilé  sont  de  4.3  p.  1,000  et  de  4.7  p.  1,000.  Le 
premier  appartient  à  la  geiidarmeiic,  le  second  à  l'élat-major.  Ce  sont  là  des  sol- 
dats d'élite;  les  premiers  vivent  sobrement;  ils  sont  tiès  ranj,'és  cl  ils  sont  choisis 
parmi  les  mieux  portants  de  l'armée.  Les  seconds  font  partie  d'une  classe  qui  échapj)e 
aux  conséauences  défavorables  de  la  vie  militaire. 


Un  tableau  de  V Annuaire  de  statistique  nous  donne  la  mortalité  par  corps  d'ar- 
mée. Ceux  qui  ont  eu,  en  1885,  les  taux  les  plus  élevés,  sont  le  gouvenement  de 
Paris,  le  15'  corps,  les  divisions  d'Alger  et  d'Oran,  le  corps  de  Tunisie. 

Le  gouvernement  de  Paris  a  eu  une  mortalité  de  10.2  p.  1,000.  C'est  un  taux 
bien  au-dessus  de  la  moyenne  générale.  Faut-il  l'attribuer  aux  mauvaises  conditions 
hygiéniques  des  casernes  de  Paris,  à  ses  distractions  ou  au  laisser-aller  des  officiers 
supérieurs?  Toutes  ces  circonstances  ont  leur  part  dans  l'exagération  du  taux  de  la 
mortalité.  D'autres  circonstances  expliquent  le  taux  de  9.6  pour  la  division  d'Alger 
et  celui  de  13.3  pour  la  division  d'Oran.  C'est  le  corps  de  Tunisie  qui  a  eu,  en  1885, 
la  mortalité  la  plus  élevée  :  19.4  p.  1,000.  Nous  aimons  à  croire  qu'il  n'en  est  plus 
de  même  aujourd'hui. 

Le  même  tableau  nous  apprend  que  sur  un  effectif  de  451,941  hommes,  il  y  avait, 
en  1885,  24,298  hommes  au-dessous  de  20  ans,  355,714  de  21  à  25  ans,  71,929 
de  20  ans  el  au-dessus.  Nous  avons  eu  donc  raison  plus  haut  de  nous  apj)uyer, 
dans  nos  considérations,  sur  l'âge  de  21  à  25  ans  pour  la  plus  grande  partie  de  l'ef- 
fectif. Il  s'applique  à  78  p.  100  environ  de  son  effectif. 

La  moilalité  varie  suivant  les  grades.  Elle  a  été  de  7.77  p.  1,000  pour  les  soldats 
elde5.8  p.  1,000  seulement  |)our  les  sous-ofTiciei's.  Ceux-ci  sont  cependant  plus 
âgés,  car  ils  sont  souvent  arrivés  à  la  hmite  du  service  militaire;  ils  ont  pu  conti- 
nuer à  servir  après  leur  temps  réglementaire.  Néanmoins  ils  ont  une  mortalité 
moins  grande.  Il  faut  l'attribuer  à  une  conduite  plus  réguhère,  à  un  service  moins 
pénible  el  à  une  santé  plus  ferme,  attestée  par  le  gradC  qui  leur  est  conféré. 

Un  autre  point  ressort  du  même  tableau.  Les  soldats  de  21  à  25  ans  ont  eu  une 
moitalité  de  8.48.  Ceux  au-dessous  de  21  ans  n'onl  eu  qu'une  mortalité  de  3.91  el 
ceux  au-dessus  de  26  ans  cprunc  mortalité  de  4.31.  C'est  dans  la  période  inteimé- 
diaire  que  se  trouvent  les  nouveaux  soldats,  ceux  qui  sont  éprouvés  par  le  service. 
Au-dessous,  ce  sont  des  enfants  de  troupe  ou  des  engagés  volontaires  d'un  an; 
au-dessus,  des  soldats  qui  ont  traversé  la  péiiode  difficile  du  stage  el  qui  sont  habi- 
tués au  service. 

Une  dernière  partie  du  tableau  donne  la  décomposition  des  causes  de  décès.  Sur 
3,421  décès,  3,128  sont  imputables  à  des  maladies,  105  à  des  accidents  et  188  à  des 
suicides.  11  y  a  lieu  de  remarquer  le  petit  nombre  d'accidents  mortels.  Peut-être 
faudrait-il  encore  mettre  en  ligne  de  compte  les  décès  provenant  de  celte  cause  et 
survenus  hors  du  service  militaire  à  la  suite  de  simples  congés  ou  de  congés  de 
réforme. 

(L'Argus^  numéro  de  décembre  1889.) 


277  — 


IV. 
LE  MOUVEMENT  DE  LA  CIRCULATION  PARISIENNE  TENDANT  L'EXPOSITION 

(i"  mai  au  Si  octobre  i889.) 

Il  a  paru  qu'on  pourrait  se  rendre  un  compte  aussi  exact  que  possible  du  mouve- 
ment qui  s'est  fait  dans  Paris  à  l'occasion  de  celte  grande  solennité,  en  comparant 
les  résultats  des  diverses  circulations  en  1889  à  ceux  qui  se  sont  produits  pendant 
la  même  période,  en  1888,  année  qu'on  peut  considérer  comme  une  année  or- 
dinaire. 

Si  nous  examinons  d'abord  le  mouvement  à  l'arrivée  dans  les  gares,  nous  trou- 
vons les  résultats  suivants  : 

Mouvement  à  Varrivée  dans  les  gares. 

Année  1888 18,804,737 

Année  1889 28,689,208 

Excédent  au  profit  de  1889 9,884,471 

Augmentation  :  53  p.  100. 

Nous  passons  maintenant  au  mouvement  des  voyageurs  à  l'intérieur  de  Paris. 
Comme  il  est  malheureusement  impossible  d'apprécier  exactement  tous  les  transports 
de  personnes  effectués  dans  les  six  mois  dont  il  s'agit,  au  nombre  considérable  de 
voitures  tolérées  par  la  préfecture  de  police,  telles  que  les  voilures  de  courses, 
tapissières,  etc.,  ayant  échappé  à  tout  contrôle  et  n'ayant  pas  laissé  de  traces  des 
services  qu'elles  ont  rendus,  force  est  de  s'en  tenir  au  nombre  de  voyageurs 
transportés  en  commun. 

On  verra  par  le  tableau  suivant  que  ce  nombre  s'est  élevé,  pour  les  six  mois  de 
mai  à  octobre  1889,  à  209,679,689.  En  1888,  ce  transport  avait  été  de  156,525,178. 
L'excédent  est  donc  de  53,154.,511  voyageurs  ou  de  33.8  p.  100,  c'est-à-dire  d'un 
tiers  environ. 

Transports  parisiens. 

NOMBRB  PART 

de  BXCÉDEST  proporlionnelte 

VOYAGEURS   TRAITSPORTÉS  de 

^  „ P""'  chaque  mode 

"'888.  .      en  1889.  •8««-  ,,J;„,. 

Compagnie  générale  des  Omnibus  .  101,805,253  121,867,137  20,061,984  58.0 

Tramways  Nord  et  Sud 27,714,395  32,805,979'  5,091,584  15.7 

Bateaux  parisiens 9,195,775  24,005,850  14,810,081  11.4 

Chemin  de  fer  de  ceinture.    .    .    .  17,809,755  31,000,717  13,190,962  14.8 

Totaux.    ,    .  156,525,178         209,079,689  53,154,511  100.0 

A  ces  nombres  il  faut  encore  ajouter,  mais  à  titre  approximatif,  celui  des  voyageurs 
tranjportés  par  les  petites  voitures  de  la  Compagnie  parisienne,  soit  12,322,168 
voyageurs  en  1889  et  7,007,172  en  1888,  ce  qui  porte  les  totaux  généraux  ci-des- 
sus à  163,532,350  voyageurs  pour  1888  et  à  222,001,797  pour  1889  :  c'est,  en  fa- 
veur de  1889,  un  excédent  de  58,469,447  voyageurs. 

Enfin,  pour  cette  dernière  année  seulement,  il  y  a  lieu  de  mentionner  les  trans- 


—  278  - 

porls  efTectués  par  les  omnibus  des  Compagnies  de  chemins  de  fer  qui,  bien  que 
faisant  l'objel  d'une  circuialion  spéciale,  n'en  ont  pas  moins  contribué  à  la  circula-! 
lion  générale  pendant  la  durée  de  l'Exposition. 

Le  nombre  des  voyageurs  ainsi  transportés  est  de  4,518,221. 

En  résumé,  et  en  tenant  compte  des  observations  laites  en  ce  qui  concerne  les' 
Petites  voilures  et  les  omnibus  de  chemins  de  fer,  le  nombre  des  voyageurs  trans- 
portés dans  Paris,  pendant  la  durée  de  l'Exposition,  s'est  élevé  à  223,520,018. 

Il  ya  lieu  d'ajouter  que  sur  223,520,018  voyageurs  transportés,  217,589,138 
l'ont  été  par  les  services  ordinaires  des  Compagnies  et  5,930,880  par  les  véhicules 
chargés  de  desservir  spécialement  l'enceinte  de  l'Exposition. 

Rappelons  que  pendant  la  période  étudiée,  le  nombre  des  entrées  à  l'Exposition 
a  été  de  27,603,279  (1),  de  sorte  qu'on  peut  dire  que  24,687,839  visiteurs  sont 
venus  à  l'Exposition,  soit  à  pied,  soit  en  voitures  particulières,  soit  en  tapissières, 
sans  qu'il  soit  possible  de  dire  dans  quelle  mesure  ils  sont  entrés  dans  la  circulation 
générale  de  Paris. 

Ajoutons,  pour  terminer  cette  étude  dont  nous  avons  emprunté  les  éléments  au 
Bulletin  des  Travaux  publics  (numéro  de  mai  1890),  que  dans  l'enceinte  même  de 
l'Exposition,  le  chemin  de  fer  Decauville  a  transporté  du  1"  mai  au  31  octobre  1889, 
6,231,088  voyageurs,  ayant  produit,  à  raison  de  0  fr.  50  c.  pour  la  1"  classe  et  de 
0  fr.  25  c.  pour  la  seconde,  une  recelte  de  1,533,836  fr. 

T.  Loua. 


V. 
VARIÉTÉS. 

Les  Opérnlions  de  la  Banque  de  France  en  1889. 

Le  rapport  annuel  de  la  Danque  de  France  présente  cette  fois  un  intérêt  excep- 
tionnel. Il  y  a  lieu  de  constater,  d'une  part,  l'accroissement  remarquable  produit 
par  l'Exposition  universelle  et  d'autre  part  l'intervention  de  la  Banque  de  France, 
lors  du  krach  des  cuivres.  C'est  par  ces  deux  points  que  commence  le  rapport; 
l'accroissement  des  affaires  en  1889  n'a  pas  été  moindre  de  798  millions  répartis 
comme  suit: 

Escompte  des  effets  de  commerce.  .    .    .  494,627,300  fr. 
Avances  sur  titres  et  sur  lingots   ....  95,541,200 

Billets  à  ordre,  versements,  etc 262,932,700 

Encnissement  d'arrérages 22,700 

853,123,900  fr. 
D'où  il  faut  déduire,  pour  diminution  sur 
les  effets  au  comptant  (48,340,400  fr.)  et 
sur  les  opérations  en  matières  d'or  et  d'ar- 
gent (6,427,000  fr.)  un  total  de 54,767,400 

laissant  comme  augmentation  définitive.  .  798,356,500  fr. 

(1)  Il  y  a  eu  de  plus  518,790  entrées  pendant  le  mois  de  novembre  ce  qui  porte  le  chiffre  total  des 
enlrées  i  28,122,075. 


à 


—  279  — 

Arrivant  à  rintei'venlion  de  la  Banque  dans  les  affaires  de  l'ancien  Comptoir 
d'escompte,  le  rapport,  après  avoir  établi  rapidement  de  quelle  façon  éclata  la  crise, 
rend  un  hommajj^e  mérité  à  l'intervention  du  ministère  des  finances,  intervenlion 
que  quelques-uns  critiquèrent  à  l'époque,  mais  qui  certes  a  été  un  service  rendu 
au  marché  français.  Sans  aucune  hésitation,  la  Banque  se  rendit  à  cet  appel,  et 
avança  d'abord  "100  millions,  puis  en  second  lieu  40  millions.  Bien  entendu,  la  Ban- 
que s'entoura  de  toutes  les  garanties  nécessaires,  et  en  fait  le  premier  prêt  de  100 
millions  est  considéré  maintenant  comme  ne  laissant  plus  place  à  aucune  inquié- 
tude. 11  en  sera  sans  doute  de  même  pour  la  seconde  avance;  mais  fidèle  à  ses  ha- 
bitudes de  prudence  la  Banque  a  prélevé  sur  les  bénéfices  de  1889  une  somme  de 
4  millions,  suffisante  pour  parer  aux  éventualités. 

Pendant  l'année  1889,  l'encaisse  a  augmenté  de  269  millions;  dans  ce  montant, 
l'or  figure  pour  255  millions,  et  l'argent  pour  14  millions  seulement.  On  voit  là  l'in- 
fluence directe  de  l'Exposition,  dont  les  nombreux  visiteurs  ont  amené  des  entrées 
d'or  considérables.  Les  variations  extrêmes  de  l'encaisse  n'ont  pas  dépassé  380  mil- 
lions; le  minimum  a  été  aiteint  le  16  janvier,  avec  2,223,700,000,  et  le  maximum 
le  20  septembre,  avec  2,598,600,000  fr. 

Le  montant  des  effets  escomptés,  tant  à  Paris  que  dans  les  succursales,  est  de 
9,180,352,900  fr.  en  12,368,431  effets.  La  moyenne  des  échéances  est  à  Paris  de 
31  jours  1/4,  dans  les  succursales  de  27  jours  1/2,  contre  26  jours  1/2  et  26  jours 
en  1888;  la  moyenne  des  sommes  est  à  Paris  de  815  fr.  24  c.  contre  759  fr.  90  c. 
en  1888,  dans  les  siiccur.sales  de  742  fr.  24  c.  contre  717  fr.  75  c.  en  1888. 

Parmi  les  5,667,119  effets  escomptés  à  Paris,  1,947,589,  soit  plus  du  tiers,  sont 
inférieurs  à  100  fr.  Ce  chiffre  montre  la  part  importante  faite  au  petit  commerce 
dans  les  escomptes  de  la  Banque. 

Le  minimum  du  portefeuille  (Paris  et  succursales)  a  été  atteint  le  18  septembre, 
avec  491,000,000;  le  maximum  a  été  de  1,076,700,000,  chiffre  du  2  avril. 

Les  effets  au  comptant,  tant  à  Paris  que  dans  les  succursales,  ont  donné  un  chif- 
fre de  597,007,900  fr.  pour  1,224,703  effets.  Comparé  avec  1888,  c'est  une  dimi- 
nution de  48,300,400  fr.  de  249,525  effets. 

Pendant  l'année  1889,  les  agents  de  la  Banque  ont  eu  à  encaisser  4,749,215  ef- 
fets, présentés  à  2,563,841  domicifes.  La  plus  forte  recette  de  l'année  a  été  celle 
du  30  novembre,  130,006,355  fr.  en  233,054  effets  payables  à  74,672  domiciles  (1). 

Le  maximum  des  soldes  disponibles  des  comptes  courants  à  la  Ban([ue,  Paris  et 
succursales,  a  été  atteint  le  4  avril  avec  645,300,000  fr.;  le  minimum  343,1 00,000  fr., 
le  31  janvier.  Ces  chiffres  ne  comprennent  pas  le  compte  courant  du  Trésor. 

Le  nombre  des  comptes  courants  ouverts  à  Paris  est  de  4,157,  dans  les  succur- 
sales de  8,077,  soit  en  tout  12,234,  en  augmentation  de  1,182  sur  l'année  pré- 
cédente. 

Les  virements  opérés  à  la  caisse  centrale  se  sont  élevés  en  1 889  à  40,437,1 70,000  fr.  ; 
pour  les  virements,  billets  à  ordre  et  chèques  délivrés  par  la  Banque  centrale  et  les 
succursales,  le  montant  est  de  2,2">5,181,200;  sur  ce  chiffre,  1,895,641,500  fr., 
soit  les  5/6  du  total,  n'ont  donné  lieu  à  la  perception  d'aucune  commission. 

Pendant  l'exercice,  les  oscillations  de  la  circulation  ont  dépassé  un  peu  500  mil- 


(1)  Ces  cliiffres  montrent  combien  complète  est  l'organisation  (iVncaissemcnt  à  la  Banque,  mais  en 
comparant  avec  ce  qui  se  passe  en  Angleterre,  l'aTantage  est  loin  d'être  en  faveur  du  système  français. 


k 


—  280  — 

Ions,  du  maximum  (30  octobre)  3,1 23, 10 1,500,  au  minimum  (26  décembre  1888) 
2,616,817,200  fr. 

Les  bénéfices  nets,  déduction  faite  de  la  réserve  spéciale  au  compte  comptoir  et 
de  celle  faite  pour  effets  en  souffrance,  se  sont  élevés  à  28,659,745  fr.,  permettant 
la  distribution  de  152  fr.  par  action,  impôts  déduits. 

Le  nombre  des  places  bancables  n'a  pas  varié  en  1889,  il  est  encore  de  258, 
ainsi  réparties  :  1  Banque  centrale,  94  Succursales,  38  Bureaux  auxiliaires,  20  Pla- 
ces réunies,  105  Villes  rattachées. 

L'année  1889  a  mis  la  Banque  en  face  de  réelles  difficultés;  son  organisation 
puissante  et  souple  tout  à  la  fois,  lui  a  pernis  de  les  surmonter.  Elle  a  pu  rendre 
ainsi  au  pays  de  nouveaux  et  considérables  services,  tout  en  maintenant  intact  un 
crédit  bientôt  séculaire,  et  dont  elle  n'a  jamais  usé  que  dans  l'intérêt  général. 


(Revue  des  Banques.) 


G.  François. 


Bilan  au  2 

ACTIF 

Encaisse  delà  Banque  (1).  .   .  .    2, 503,913, 043'i0 
Effets  échus  hier,  à  recevoir  ce  jour  1 ,682,634  28 

Portefeuille  de  Paris  : 

ElTcts  sur  Paris 39i,795,lC0  26 

Oblig.  du  Trésor  à  cou  i  terme  .  •     > 

Portefeuille  des  succursales .   .   .        477,308,319    » 
Avances  sur  lingots  et  monnaies  à 

Paris 23,190,500    a 

Avances  sur  lingots  et  monnaies 

dans  les  succursales 1,013,000    » 

Avances  sur  titres  ,i  Paris    .   .   .        118,809,418  10 
Avances  sur  titres  dans  les  suc- 
cursales          140,764,373    » 

Avances  à  l'État  (convention  des 

10  juin  1857,  99  mars  1878  et 

30  mars  1888) 140,000,000    . 

Rentes  de  la  réserve  : 

Lci  du  17  mai  1834 10,000,000    » 

Ex-banques  départementales .   .   .  2,980,750  13 

Rentes  disponibles 9;t,G26,303  90 

Rentes  immobilisées  (loi  du  9  juin 

1857),  compris  9,125,000  fr.  de 

la  réserve 100,000,000    » 

Hôtel  et  mobilier  de  la  Banque.   .  4,000,000    » 

Immeubles  des  succursales.  .   .   .  9,349,010    » 

Dépenses  d'administration  do  la 

Banque  et  des  succursales  .   .  24,393  70 

Emploi  de  la  réserve  spéciale  .   .  8,907,444  16 

Divers 20(J,706,340  ^4 


janvier  1890. 

PASSIF 

Capital  do  la  Banque 182,r)00,000f   » 

Bénéfice  en  addition  au  cnpital 
(art.  3  de  la  loi  du  9  juin  1857)  8,002,313  54 

Réserves  mobilières  : 

Loi  du  17  mai  1834 10,000,000    . 

Ex-banques  départementales.  .   .  2,980,751  14 

Loi  du  9  juin  1857 9,125,000     » 

Réserves  innnobilièrcs  do  la  Ban- 
que    4,000,000    i> 

Réserve  spéciale 8,907,444  16 

Billets  au  porteur  en  circulation 
(Banque  et  succursales).  .    .   .    3,155,229,160    » 

Arrérages  de  valeurs  transférées 
ou  déposées) 9,013,309  90 

Billets  à  ordre  et  récépissés  paya- 
bles à  Paris  et  dans  les  suc- 
cursales           49,374,678  82 

Comi  le  cornant  du  Trésor,  cré- 
diteur         295,450,42.-.  07 

Comptes  courants  de  Paris  .   .   .        377,693,040  CI 

Comptes  courants  dans  les  suc- 
cursales    75,110,245    » 

Dividendes  à  payer U,,545,597  85. 

Escompte  et  intérêts  divers  à  Pa- 
ris et  dans  les  succursales  .   .■  1,408,933  60 ^ 

Réescompte  du  dernier  semestre  à 
Paris  et  dans  les  succursales  .  1,. 535, 818  98  : 

Divers 32,487,803  10  ! 


4,237,070,620' t9 


4,237,070,630' 89  • 
Certifié  conforme  aux  écrilures  : 
Le  Gouverneur  de  la  Banque  de  France, 
}.  Magmr. 


(1)  Décomposition  de  l'encaisse  au  2  janvier  1890  : 

Or -.   .   .     1,261, 619, I24'67 

Argent  1, «42,293, 918  74 


2, .n03, 913,043  41 


—  281  — 


2°  La  Récolte  des  céréales  en  Russie  d'Europe  pendant  Vannée  1889. 

Le  tableau  suivant  indique  en  tchelwerts  les  chiffres  de  la  récolte  des  céréales 
de  1889  par  régions  et  comparativement  à  1888  ainsi  qu'à  la  moyenne  des  années 
1883-1887. 


nioiONS. 


Région  agricole  du  centre 

Moyen- Volga 

Bn3-Voli?a 

De  NovoroasÎBk 

Du  Sud-Ouest 

Do  la  Petite-RuPBîe  .   .    . 
Industrielle  do  Moscou  . 

Do  Bielorousk 

De  l'Oural 

De  l'Extr<5ine-Nord  .    .    , 

Des  Lacs 

Do  Litovsk 

De  la  Baltique 


Total  pour  les. °>0  gouverne- 
nieuts  de  la  Russie  d'Ku- 
rope 


TOTAIi 
de 

LARÉCOLTG 

en  1889. 


45,381,900 

35,518,200 

15,763,600 

21,665,300 

15,565,200 

11,393,300 

24,223,S0O 

11,688,100 

30,775,S00 

3,152,400 

9,080,000 

8,915,000 

7,651,400 


246,801,900 


Oouvornomcnt  du  rayon  dci     , ,  „,„  , 
la  Vistule .(     l'i»'-'i- 

En  tont,  pour  les  60  gou-l  . 

vcrneraents f  260,884,100 


DIFFÉRENCE 


avec 

la  moyenne 

de  la 

période 

1383-1887. 


11,323,200 

4,378,000 

2,976,900 

11,721,700 

7,272,291} 

6,149,700 

1,551,400 

I,4S1,6'0 

1,030,900 

1(6,100 

131,700 

415,900 

370,20(1 


41,643,900 


avec 

la  récolle 

de 

1888. 


l)irFf.aEK8 
[  roportîonnellr 


—  21,151,100 

—  2,569,600 
4-     4,643,400 

—  31 ,026,300 

—  Il,164,f00 

—  10,742,400 
+  1,417,0(0 
+  138,800 
-f  5,303,100 
+  13,600 

—  497,000 

—  1,290,600 
370,2(0 


+ 


80.3 
89.0 
81.1 
64.9 
68.1 
70.1 

106.9 

111.2 
96.8 
95.0 

101.5 
15.5 

108.9 


67,833,300 

5,618,000 
73,351,800 


68.2 
93.3 

111.8 
41.1 
58.2 
17.3 

106.2 
99.1 

120.8 

100.4 
94.8 
87.4 

105.1 


78.5 
73.3 
78.1 


TOTAL    NET 

EN    POUDB  (1) 


1889. 


2,50,694,700 

198,831,100 
96,0i6,,500 

132,925,000 
87,048,600 
74,498,000 

12-2,054,600 
77,S.i4,90O 

1,>'),256,800 
16,725,500 
46,210,:00 
49,986,200 
48,200,900 


1,356,343,100 

79,624,800 
1,435,967,900 


PAK  ANNEES 


35.39 
28.50 
16.66 
64.46 
27.19 
27.07 
15.11 
17.01 
17.88 
11,41 
10.79 
16.63 
24.14 


27.36 

21.15 
27.01 


21.50 
25.23 
25.68 
20.51 
13.13 
12.23 
16.44 
16.44 
21.89 
11.64 
15.64 
13,95 
26,13 


18.99 

13.60 
18.59 


(1)  Le  poud  =  16  kilogr.  381, 


Des  données  publiées  par  le  Comité  central  de  stalislique  du  Ministère  de  l'inté- 
rieur, il  résulte  que  la  récolte  des  céréales  s'est  élevée  en  1889  au  chiffre  de 
260,88/i.,000  tchetwerts  (  1  ),  accusant  une  différence  en  moins  sur  1 888  de  73,351 ,000 
tchtewerts.  Dans  ce  chiffre  total,  les  gouvernements  de  la  Russie  d'Europe,  non 
compris  ceux  des  provinces  de  la  Vistnle,  pour  lesquelles  on  manque  de  données 
sur  la  récolle  moyenne  des  dernières  années,  figurent  pour  246,805,000  tchelwerts, 
tandis  que  la  récolte  moyenne  pendant  la  période  de  1883  à  1887  a  été  de 
288,44'9,000  tchelwerts,  soit  une  différence  en  moins  de  41, 644,000  tchelwerts  ou 
11.4  p.  100.  En  1888,  la  part  de  ces  gouvernements  était  de  314,638,000  tchet- 
werts, d'où  une  différence  en  moins  pour  1889  de  67,833,000  ou  21.5  p.  100. 

Cette  diminution  de  la  production  a  été  surtout  sensible  dans  la  région  du  Sud, 
notamment  dans  les  gouvernemenis  de  la  Nouvelle-Russie,  où,  comparativement  à 


(l)  Le  tchetwert  =  210  litres. 


—  282  — 

1888,  la  différence  en  moins  a  été  de  31,026,000  tchelwerls,  soit  58.9  p.  100,  el, 
comparativement  à  la  moyenne  îles  années  1883  à  1887,  de  31.1  p.  100. 

Les  gouvernements  du  Sud-Ouest  accusent  également  une  différence  de  41.8 
p.  100  sur  1888  et  de  31.9  p.  100  sur  la  moyenne  des  mêmes  années.  Dans  ceux 
de  la  Petite-Russie,  la  récolte  a  fléchi  de  10,742,000  iclieiwerts  ou  de  42.2  p.  100 
comparativement  à  1888,  et  de  6,150,000  tchetwerts  ou  29.9  p.  100  comparative- 
ment à  la  moyenne  de  la  période  snsindiquée.  On  constate  aussi  une  baisse  notable 
dans  la  récolte  de  la  région  agricole  du  centre  de  la  Russie,  10,742,000  tchetwerts 
ou  31.8  p.  100  en  moins  sur  1888  et  19.2  p.  100  sur  la  moyenne  des  années  1883 
à  1887. 

Il  ressort  de  ces  données  cpje  c'est  surtout  dans  les  centres  principaux  de  cul- 
ture que  les  récolles  ont  été  le  moins  satisfaisantes.  On  ne  signale  d'exceptions  que 
pour  les  territoires  du  Bas-Volga  cl  de  l'Oural,  qui  occupent  aussi  une  place  impor- 
tante dans  la  production  des  céréales.  Dans  le  premier  de  ces  rayons,  la  récolte  en 
1889  a  dépassé  de  4,643,000  tchetwerts  celle  de  l'année  précédente,  et,  dans  le  " 
second,  de  5,303,000  tchelwerls. 

La  moins-value  a  porté  principalement  sur  les  céréales  d'hiver,  qui  ont  perdu 
40,061 ,000  tchetwerts. 

Les  blés  de  printemps  ont  été  moins  éprouvés,  mais  la  récolte  de  1889  accuse 
encore  sur  celle  de  1888  une  diminution  de  33,291  tchetwerts. 

Seigle.  —  Parmi  les  céréales,  c'est  le  seigle  qui  a  donné  les  plus  mauvais  résul- 
tats. La  récolte  a  produit  pour  toute  la  Russie  d'Europe  98,899,700  tchetwerts,  soit 
un  déficit  de  27,784,900  sur  celle  de  l'année  précédente  ou  de  21.8  p.  100.  Ce  dé- 
ficit s'est  fait  sentir  principalement  dans  la  Nouvelle-Russie,  les  gouvernements  du 
Sud  et  dans  la  région  agricole  du  centre. 

La  qualité  du  grain  a  été  cependant  satisfaisante;  le  poids  n'est  pas  inférieur 
et  même,  dans  quelques  localités,  il  a  été  supérieur  à  celui  de  cette  céréale  en  1888. 

Froment  d'hiver.  —  La  seconde  place  dans  la  nomenclature  de  ces  déficits  ap- 
partient au  froment  d'hiver,  en  prenant  les  chilTres  pour  leur  valeur  absolue,  mais 
par  rapport  aux  résultats  de  1888  et  à  la  moyenne  des  années  1883-1887.  C'est  la 
récolte  de  cette  céréale  qui  a  subi  la  plus  gra.nde  diminution;  elle  a  produit 
8,668,600  tchetwerts,  soit  12,275,700  de  moins  qu'en  1888  ou  58.6  p.  100.  Le 
froment  d'hiver  a  été,  comme  poids,  égal  à  celui  de  1888, 

Froment  de  printemps.  —  Le  froment  de  printemps  a  donné  22,986,200  tchet- 
werts en  1889,  soit  une  différence  en  moins  de  8,199,000  tchetwerts  sur  1888  ou 
26.1  p.  100.  Le  poids  de  cette  céréale  a  varié  en  1888  de  8.5  pouds  à  10  pouds  par 
tchetwerl,  en  1889  de  8  pouds  à  9.7  pouds. 

Avoine.  —  La  récolte  de  l'avoine  en  1889  a  été  de  85,806,900  tchetwerts,  per- 
dant sur  celle  de  1888  11,381,500  tchetwerts.  Pour  les  quatre-vingts  gouverne- 
ments d'Europe,  la  différence  en  moins  a  été  de  10.1  p.  100  comparativement  à 
1888  et  de  7.7  p.  100  comparativement  à  la  moyenne  de  1883-1887.  Le  poids  de 
cette  céréale  a  varié  en  1889  de  5.2  pouds  par  ichetwert,  à  6.4  en  1888;  en  1888, 
il  a  oscillé  entre  5  pouds  et  6  pouds. 

Orge.  —  La  production  de  l'orge  a  été  en  1889  de  20,723,000  tchetwerts  contre 
28,443,000  tchetwerts  en  1888;  pour  les  cinquante  gouvernements  de  la  Russie, 


à 


—  283  — 

le  déficit  s'exprime  par  26.7  p.  100  comparativement  à  1888  et  par  13.9  p.  100 
comparativement  à  la  moyenne  des  années  1883  à  1887. 

Maïs,  sarrasin,  épeaulre,  millet.  —  La  récolte  du  maïs  a  été  de  1,913,000  Ichet- 
werls  en  1889;  elle  avait  été  de  3,507,000  en  1888,  soit  une  différence  de  45.6 
p.  100  comparativement  à  l'année  précédente  et  de  35.8  p.  100  comparativement 
à  la  moyenne  des  six  dernières  années;  celle  du  sarrasin,  qui  a  atteint  11,454,000 
pouds,  a,  au  contraire,  dépassé  la  récolte  de  1888  de  225,000  tchelwerts;  mais, 
comparativement  à  la  moyenne  des  années  1883  à  1887,  elle  a  subi  une  moins-va- 
vaiue  de  343,000  tchetwerts,  soit  3.1  p.  100. 

L'épeautre  a  donné  1,528,000  tchelwerts  en  1889  contre  1,721,000  en  1888  et 
1,799,000  tchetwerts,  résultat  de  l'année  moyenne  pour  la  période  de  1883  à  1887. 
La  récoite  du  millet  accuse  également  une  diminution  de  3,582,000  tchetwerts 
(9,357,000  en  1888  et  5,775,000  en  1889);  par  rapport  à  la  moyenne  de  la  pé- 
riode de  1883  à  1887,  le  déficit  a  été  de  29.2  p.  100.  Enfin,  la  récolte  des  pois 
s'est  élevée  à  2,938,000  tchetwerts  en  1889  contre  4,258,000  en  1888,  soit  une 
différence  de  3.1  p.  100. 

Pommes  de  terre.  —  Par  contre,  la  récolte  des  pommes  de  terre  a  donné  des 
résultats  satisfaisants  comparativement  à  1888  et  à  la  moyenne  des  cinq  années 
précédentes:  elle  a  été  de  77,919,200  tchetwerts  contre  75,486,000  en  1888.  La 
Pologne  figure  à  elle  seule  dans  ce  total  pour  le  chiffre  important  de  27,034,000 
tchetwerts. 

{Bapport  consulaire.) 


S".  —  La  Marine  à  vapeur  italienne. 

Le  relevé  officiel  du  mouvement  delà  marine  marchande  en  1887  enregistre  237 
vapeurs  affectés  à  l'industrie  des  transports. 

165  de  ces  vapeurs,  de  128,290  tonnes,  sont  de  construction  anglaise;  51,  de 
9,195  tonnes,  ont  été  construits  en  Italie;  15,  de  3,608  tonnes,  ont  été  construits 
dans  les  chantiers  français;  4,  de  503  totmes,  en  Autriche-Hongrie;  1,  de  2,280 
tonnes  en  Allemagne;  1,  de  452  tonnes,  en  Hollande. 

La  propriété  de  ces  vapeurs  se  répartit  comme  suit: 

107  vapeurs,  de  95,648  tonnes,  appartiennent  à  la  Navigation  générale  italienne; 

5,  de  8.838  tonnes,  à  la  Compagnie  de  navigation  à  vapeur  La  Veloce  de  Gênes;  8, 

de  2,669  tonnes,  à  la  Compagnie  de  navigation  à  vapeur  Puglia;  8,  de  855  tonnes 

à  la  Société  napolitaine  de  navigation  à  vapeur;  2,  de  4,017  tonnes,  à  la  maison 

Carlo  Raggio,  de  Gênes;  2,  de  3,068  tonnes,  à  MM.  Scuiaffino  et  Solari,  de  Gênes; 

2,  de  1,847  tonnes,  à  la  maison  Ponzone  et  Astengo,  de  Savone,  et  103,  de  27,380 

tonnes,  à  des  propriétaires  divers. 

(Revue  de  la  marine  marchande.) 


4°.  —  LES  CHEMINS  DE  FER  DE  L'EUROPE. 
Situation  au  31  décembre  1888.  —  Ouvertures  en  1888. 


DÉSIGNATION    DBS    ÉTATS. 


Altaoc-Lorraine.  , 

Bado 

navlèrc  (i).    .    .    . 
llniiifwick  ... 
Hcsse-Dannstadt 

i  (  Mecklembourff  . 

S    \ 


Oldenboarg 

Priisflo 

Saxe  royalo 

Saxe  (ilacbéa  de),  vlU»  libren,  etc. 
\  Wartemberg 


Ensemble.  .   . 

Autriche-TIongrio  (3) 

Bilgique 

Danemark 

Espagne 

France  (4) 

Grande-Bretagne  et  Irlande  (5) .    .    .   . 

Grèoe 

Italie 

Pays-Bas  et  Luxembourg  (6) 

Poringal 

I^oumaole 

Russie  et  Finlande  (7) 

Serbie 

Suède  et  Norvège  (8) 

Suisse 

Turquie,  Bulgarie  et  Roomélie  (9).   .    . 
Moite  (île  de^ 

Totaux  et  moyennes.  .    .   . 


LONGUEUR 

des 

oheuihs  db  fer 

livrtîs 
à  l'exploitation 


au 

a  iéttmhn 

1887(0. 

.1 


kilom. 

1,337 

1,393 

5,32.3 

121 

937 

800 

351 

24,718 

2,346 

5S7 

1,585 


39,596 
21,705 

4,682 

l,9f9 

9,492 

84,227 

31,698 

605 

11,590 

2,952 

1,829 

2,:5l 

23,518 

517 

8,950 

2,723 

1,393 

11 


207,803 


kilom. 

1,347 

1,395 

5,389 

121 

981 

914 

391 

25,419 

2,388 

631 

1,593 


40, .575 
25,731 

4,828 
1,969 
9,969 

35,263 

32,031 
625 

12,351 
3,0D0 
1,913 
2,475 

29,411 

517 

9,089 

2,792 

1,619 

11 


213,925 


a 

a   . 
H  3 

■/!     00 

O    a 

o 
o 

< 


kilom. 
10 


41 

21 
40 
701 
42 
44 
8 


979 

1,026 

146 

» 

177 

1,036 

33'1 

20 

761 

43 

81 

121 

896 

139 
69 
236 


6,117 


OBSERVATIONS. 


(1)  Les  cliiffres  des  coloniips  3,  4  et  5 
leprésfnlent  la  Innguciir  Aph  lignf  s  appar- 
t(>nant  aux  atlmiDletrations  ou  compagnies 
do  chaque  Érat,  y  compris  les  seclions 
fonelruili'a  sur  le  territoire  étranger. 


1887 

1833 

(î)  Davière 

Paialitiiit 

kilom. 

4,600 
663 

kilom. 

4,720 

663 

Totaux.    .    . 

5,3i3 

5,389 

S  1  autricliiennes  (a) 

i3)  S»  \  iiongroiscs.    .    . 

^  (  liositiuqurs.    .    . 

17,026 

7,Î00 

179 

17,793 

7,393 

545 

Totaux.    .   . 

21,705 

25,731 

S  i  d'iiilér^t  général 

(4)  S,  j      —         ioial.  . 

>^  [  inilustriellcB   .    . 

31,770  32,652 

2,232    2,385 

225        225 

Totaux.    .    . 

31,227  35,263 

'5)  Angleterre 

Ecosse 

Irlande 

JerEcy  et  Han.    .    .    . 

22,346 

4,954 

4,302 

96 

22,578 

4,983 

4,397 

90 

Totaux.    .    . 

31,698 

32,054 

(6)  Ilolian.le 

Luxembourg  .... 

2,522 
430 

2,932 

2,560 
440 

Totaux.    .    . 

3,000 

(7)  Busiif 

Finlande 

26,970 
1,548 

28,518 

27,866 
1,348 

Totaux  (6) .    . 

29,114 

(S)  Suède 

.Norvège 

7,3S8 
1,562 

7,527 
1,562 

Totaux.    .    . 

8,950 

9,089 

(9)  Turquie  et  Roumélie. 
Bulgarie 

1,169 

224 

1,264 
385 

Totaux.    .    . 

1,393 

1,649 

(a)  Y  compris  les  l'gres  an  tro- hon- 
groises, d'^ut  l'éti^ndue  sur  lo  territoire 
hongrois  est  de  2,923  liilom.  en  1887  et 
de  3,027  kilom.  en  1888. 

(b)  Non  compris  le  chemin  de  fer  trane- 
caspien,  1,050  kilom.  en  1887  et  1,419  en 
1888. 


NOTA.  —  Il  résulte  du  tableau  ci-dessus  que  la  longueur  totale  des  chemins  de  fer  on  Europe,  qui  était,  au 
31  décembre  1887,  de  207,808  kilomètres,  se  trouve  portée,  au  31  décembre  1888,  au  chiffre  de  213,923  ;  l'accroisfe- 
ment  total  en  1888  est  donc  de  6,117  kilomètres,  «oit  2.94  p.  100  du  réseau  exploité  à  la  fln  de  1887. 


—  285  — 

VI. 
BIBLIOGRAPHIE. 

Beclierclies  sur  la  théorie  des  prix, 
par  MM.  Rodolphe  Auspitz  et  Richard  Lieben  (1). 

MM.  Rodolphe  Auspilz  et  Lieben  viciinenl  de  publiei',  sous  le  lili'e  de  Recherches 
sur  la  théorie  des  prix,  un  remarquable  travail  où,  après  Dupuit,  Cournot,  Jevons, 
Gossen,  de  Walra?,  Edgewortb,  Jennings,  ils  ont  t'ait  appel  aux  malhémaliques  pour 
élucider  la  question  de  l'utilité,  de  la  valeur  et  des  prix. 

«  Si,  dans  nos  travaux,  disent  les  auteurs,  nous  avons  employé  la  mélliode 
analytique  et  surtout  la  représenlatiou  graphique,  c'est  à  cause  de  leur  précision, 
qui  exclut  tous  les  malentendus  pouvant  l'ésulter  des  définitions  susceptibles  de 
diverses  inlei'prétations.  » 

Ce  n'est  pas  nous  qui  serions  tenté  de  médire  de  l'application  des  mathématiques 
et  surtout  des  procédés  graphiques  aux  pai'lies  de  l'économie  politique  qui  en 
comportent  l'emploi.  Nous  avons  fait  nous-même  plus  d'une  tenlalive  dans 
ce  sens  (2)  ;  mais  nous  nous  sommes  heuité  à  une  difficulté  pratique,  qui  limite 
beaucoup  la  diiTusion  de  ces  njéthodes,  et  qu'il  faut  savoir  reconnaître.  Les  écono- 
mistes sont  généialemcnt,  et  sauf  d'honorables  exccjjtions,  peu  familiai'isés  avec  les 
mathématiques,  si  môme  ils  ne  sont  disposés  à  les  traiter  en  suspectes  et  en  intruses 
le  jour  où  elles  s'ingèrent  sur  leur  terrain;  de  leur  côté,  les  mathématiciens  ne 
sont  guère  plus  bienveillants  pour  les  questions  économiques,  qui  manquent,  à  leurs 
yeux,  de  rigueur  et  de  précision.  Ce  sont  deux  ordres  de  science  n'allant  guère 
ensemble  d'ordinaire,  parce  qu'elles  s'adressent  à  des  aptitudes  au  moins  diverses, 
sinon  inéconciliables.  De  la  soite,les  applications  des  mathématiques  à  l'économie 
politique  trouvent  peu  de  grâce  chez  les  maihémaliciens,  parce  qu'elles  ne  sont  pas 
assez  abstraites,  chez  les  économistes  parce  qu'elles  le  sont  trop. 

11  faut  donc,  en  entrant  dans  celte  voie,  s'attendre  à  un  pareil  déboire,  qui  est 
celui  des  systèmes  transactionnels,  laissés  seuls  à  mi-chemin  entre  les  systèmes 
qu'ils  veulent  rapprocher.  C'est  le  sort  de  M.  Robeit  s'interposant  entre  Sganarelle 
et  sa  femme  et  les  accordant  sur  son  dos.  Quoique  ingrat,  ce  rôle  a  son  utilité  et 
même  sa  grandeur  :  l'on  doit  savoir  gré  aux  hommes  de  bonne  volonté  qui  cherchent 
à  mettre  la  paix  dans  les  ménages  désunis,  comme  aux  auteurs  courageux  qui 
tentent  de  réconcilier  les  mathématiques  avec  l'économie  politique.  A  ce  premier  tilre, 
l'ouvrage  de  MM.  Auspitz  et  Lieben  méritait  déjà  d'être  signalé  aux  lecteurs  du 
Journal  de  la  Société  de  statistique  ;  mais  il  se  recommande  en  outre  par  des  ob- 
servations originales  sui'  un  point  de  la  science  qui  garde  encore  des  obscurités, 
malgré  les  travaux  considérables  dont  il  a  été  l'objet  de  la  part  des  esprits  les  plus 
vigoureux.  Ce  travail  a  été  favorablement  accueilli  en  Angleterre  où  le  professeur 
Edgeworlh  l'a  fait  connaître  au  monde  savant.  Il  est  digne  de  recevoir  en  France  un 
aussi  bon  accueil. 

Afin  de  mieux  faire  ressortir  l'intérêt  de  ces  recherches,  nous  avons  prié  les  au- 

(1)  Leipsick,  Dunclter  et  Humblot,  éditeurs,  1889, 

(2)  Voir  notamment  notre  Statistique  géométrique.  — (Journal  de  la  Société  de  statistique,  1885.— 
'.         Génie  civil,  1887.) 


—  286  — 

leurs  eux-mêmes  de  nous  en  donner  un  résumé  pour  ce  recueil.  C'est  ce  résumé 
que  nous  insérons  ci-après,  en  l'accompagnant  de  quelques  notes  explicatives. 

E.  Cheysson. 

Nous  employons  la  mélliode  graphique  pour  toutes  nos  dénionslmlioiis;  ainsi  nous 
représentons  loujoiirs  par  les  dimensions  liorizontales  (les  abscisses)  des  qii.inlités  d'un 
article  A  bien  défini,  et  par  les  dimensions  verticales  (les  ordonnées)  des  sommes  d'ar- 
pent. Par  le  choix  de  ces  coordonnées,  il  nous  est  possible  de  mettre  en  évidence  des 
relations  qui  restent  cachées,  quand  on  prend  le  prix  comme  abscisse.  Nous  établissons 
une  courbe  dulililé  conformément  à  la  définition  de  Dupuit,  courbe  qui,  mimlanl  d'abord, 
atteint  un  maximum  et  redescend  ensuite.  D'autre  part,  nous  formons  une  courbe  des 
Irais  de  production,  qui  part  de  zéro  et  monte  conlinuellement,  dans  une  proportion 
supérieure  à  l'accroissement  de  la  (luantité  de  l'article  produit.  En  appliquant  les  obser- 
vations de  Gossen,  de  Jevons,  de  Walras,  etc.,  établissant  que  la  somme  d'aryent  dépensée 
effectivement  pour  l'acquisition  de  toute  quantité  donnée  d'un  article  quelconque,  ne 
correspond  pas  à  l'utilité  totale  de  cette  quantité,  mais  à  l'utilité  de  sa  dernière  particule, 
nous  trouvons  un  procédé  graphique  pour  dériver  de  la  courbe  de  l'utilité  une  courbe  de 
la  demande.  Celte  dernière  courbe  monte,  atteint  un  maximinii  et  redescend  ii  l'axe  des 
abscisses,  exactement  au-dessous  du  point  où  la  courbe  de  l'utilité  a  son  maximum.  En 
iîénéralisant  la  môme  idée,  nous  dérivons  une  courbe  de  l'ollVe  de  la  courbe  des  frais, 
d'une  manière  enliérement  analogue.  L'intersection  des  deux  courbes  de  l'offre  et  de  la 
demande  nous  donne  la  quantité  de  l'article  acheté  et  vendu  et  la  somme  dépensée  et 
reçue,  et,  par  là,  le  prix.  Le  prix  d'un  article  A  est  donc  égal  h  l'uldilé  (le  la  dernière 
particule  achetée  (1)  et  eu  même  temps  aux  frais  de  production  de  la  dernière  -particule 
vendue. 

Le  profit  des  acheteurs,  d'un  côté,  et  celui  des  producteurs,  de  l'autre,  sont  représentés 
dans  nos  diagrammes  par  l'intervalle  vertical  entre  le  point  d'intersection  et  la  courbe 
primaire  respective.  La  somme  de  ces  intervalles  ou  la  distance  des  deux  courbes  primaires 
permet  donc  de  mesurer  l'avantage  total  découlant  des  transactions  dans  l'article  A  (i). 

Employés  avec  les  précautions  nécessaires,  ces  diagrammes  se  prêtent  encore  ii  bien 
d'autres  applications.  Les  effets  de  l'établissement  d'un  impôt,  par  exemple,  ou  d'un 
changement  dans  la  valeur  du  numéraire  en  ressortenl  assez  clairement. 

On  peut  de  môme  rendre  visibles  les  différences  qui  se  manifestent  dans  le  mouvement 
du  prix  et  de  la  quantité  du  débit  entre  les  articles  de  luxe  et  les  articles  de  consomma- 
tion génér  de,  quand  il  y  a  des  changements  de  l'offre  ou  de  la  demande. 

Au  lieu  de  nous  borner  à  émettre  des  propositions  et  de  laisser  à  d'autres  le  soin  de 
trouver  les  exceptions  cl  les  restrictions  nécessaires,  nous  nous  sommes  crus  obligés  de 
rechercher  nous-mêmes  les  conditions  précises  de  la  validité  de  nos  propositions.  C'était 
là  la  partie  la  plus  laborieuse  de  notre  travail,  et  nous  craignons  que  le  lecteur  ne  s'en 
aperçoive  que  trop  en  nous  suivant.  Notre  second  chapitre,  destiné  à  la  démonstration  de 
ce  que  nous  avons  énoncé  sur  la  forme  générale  de  nos  courbes,  nous  amène  à  faire  une 

(1)  La  Théorie  du  degré  final  d'utilité  n'a  commencé  à  attirer  l'attention  des  économistes  qu'à 
partir  de  la  publication  de  l'ouvnigc  de  Jevons  sur  la  Théorie  de  l'cconomie  politique,  en  1871,  et  de 
celle  d'un  mémoire  de  M.  de  Walras  i  l'Académie  des  science.'*  morales  et  politiques,  en  1873.  Mais  elle 
avait  été  précédemnienl  exposée  par  Jevons,  lui-même,  en  18G2,  au  congrès  de  l'.issociation  britannique 
pour  le  progrès  des  sciences,  et,  plus  tard,  en  lS(j8.  Marshall  l'enseignait  à  Cambridge  depuis  ISG'J.  Le 
père  de  M.  de  Wairas,  dans  ses  doux  écrits  publiés  en  ls31  et  1849  sur  h  yulure  de  la  richesse  à  l'ori- 
gine de  la  valeur  et  la  Théorie  de  la  richesse  sociale  avail  déjà  posé  les  premiers  jalons  de  la  théorie. 
Dans  -ses  beaux  mémoires  de  ISil  et  1SS9,  Dupuit  l'avait  érlairée  de  sa  dialectique  si  forte  et  si  brillante. 
En  Angleterre,  Gossen  l'a  repiise  en  18j4  dans  ses  Lois  du  commerce  Ituiiiain  et  en  a  déduit  plusieurs 
théorèmes  qui  portent  son  nom.  l'arnii  les  auieurs  modernes  qui  se  sont  inspirés  de  ces  théories,  citons 
encore  l'II/stoiie  critique  de  la  théorie  de  la  râleur,  par  (iraziani  (1889,  .Uilan),  la  Théorie  des  prix: 
de  Zuckerkandl  (18>s9,  Leipsick),  les  Lois  de  la  valeur  (1884)  et  la  Valeur  naturelle,  par  Wicser 
(18S9,  Vienne). 

Voir,  sur  ce  sujet,  les  Principes  d'économie  pure,  de  M.  Maffeo  Pantaleoni,  directeur  de  l'École  supé- 
rieure du  commerce  de  Bah  (1889.  Florence).  [Kote  de  M.  E.  C] 

(2)  Dans  la  Bcvue  d'économie  politique  (numéros  de  mai-juin  1890),  M.  de  Walras  a  présenté  sous  le 
titre  .  Observations  sur  la  théorie  des  prix,  une  série  d'objections  contre  les  méthodes  et  les  conclu- 
sions de  MM.  Auspitz  et  Lieben.  La  discuss.on  de  ces  objections  surtirait  de  notre  cadre  et  il  suffit  de  les 
signaler  aux  lecteurs  que  ce  sujet  intéresse.  (.Note  de  M   E.  C.) 


—  -287  — 

étude  pour  ainsi  dire  microscopique  de  ces  courbes,  qui  fait  mieux  comprendre  leur 
constitution  et  leur  signification. 

En  analysant  ensuite  (cliap.  III  et  IV),  toujours  à  l'aide  de  nos  diagrammes,  la  consom- 
mation et  la  production  individuelles,  nous  discutons  les  divers  facteurs  qui  ont  une 
iniluence  sur  la  forme  de  nos  courbes.  La  nature  de  l'article  envisagé  se  fait  voir,  ainsi 
que  les  changements  du  prix  d'autres  articles,  en  relation  plus  ou  moins  rapprochée  avec 
l'article  A.  Les  penchants  et  les  exigences  de  l'individu  même,  la  valeur  plus  ou  moins 
grande  qu'il  accorde  au  numéraire,  ses  habitudes  et  la  qualité  de  son  avoir  antérieur  no 
restent  pas  sans  influence  sur  la  courbe  qui  exprime  son  offre  et  sa  demande  d'un  ar- 
ticle A.  Quand  la  consommation  et  la  production  de  cet  article  se  réduit  à  zéro,  il  reste 
toujours  la  salisfaction  iuitinle,  facteur  qui  ne  peut  être  négligé.  En  l'ajoutant  ii  la  courbe 
de  l'utilité  et  des  frais,  devenue  unique,  celle-ci  gagne  une  signification  plus  étendue. 

Le  chapitre  V  nous  mène  quelques  pas  plus  loin,  en  étendant  notre  procédé  aux  articles 
qui  ne  se  consomment  pas  immédiatement.  En  tenant  compte  des  stocks  disponibles, 
notre  méthode  devient  applicable,  non  seulement  aux  affaires  de  spéculation,  affaires 
à  terme,  à  prime,  etc.,  mais  aussi  aux  transactions  en  articles  d'usage,  ainsi  qu'en  ces 
objets  dont  il  ne  se  rencontre  pas  plusieurs  exemplaires  identiques.  Le  dernier  chapitre 
s'occupe  du  monopole  et  des  transactions  internationales,  ainsi  que  de  l'influence  des 
droits  d'entrée  et  des  impôts,  problème  déjà  abordé  par  Cournot. 

Les  raisonnements  analytiques  qui  appuient  nos  démonstrations  se  trouvent  dans  les 
appendices,  pour  ceux  qui  ne  s'effraient  pas  de  quelques  formules  du  reste  peu  com- 
pliquées. 

AUSPITZ  et  LiEBEN. 


Géographie  de  la  République  Argentine, 
Par  M.  Latzina  (1). 

Notre  collègue,  M.  Latzina,  directeur  général  de  la  statisti(|ue  de  la  République 
Argentine  et  membre  de  l'Institut  international  de  statistique,  vient  de  publier,  sous 
ce  titre,  une  stalislitiue  détaillée,  dressée  à  l'aide  des  documents  les  plus  récents  et 
pour  la  plupart  inédits. 

L'ouvrage  commence  par  un  aperçu  historique  et  par  une  description  physique 
de  la  région  de  La  Plala;  il  présente  ensuite  successivement  une  étude  déiaillée  de 
l'organisation  politique  et  de  l'état  économique  de  chacune  des  provinces  dont  l'Etat 
se  compose. 

C'est  un  travail  considérable  que  nous  n'essaierons  pas  de  résumer.  Nous  nous 
bornons  à  reproduire  ici  quelques  passages  de  l'introduction  que,  sur  la  demande 
de  l'auteur  et  de  l'éditeur,  nous  avons  ajoutée  au  travail  de  M.  Latzina. 

Parlant  de  l'émigration  européenne,  nous  disons  : 

Cet  exode  n'appauvrit  pas  l'Europe  et  il  enrichit  les  contrées  sur  lesquelles  se  portent 
ces  courants  humains.  Celui  qui  se  dirige  sur  la  République  Argentine  est  un  des  plus 
considérables,  et  il  augmente  rapidement  :  le  port  de  Buenos-Ayres,  où  débarquaient  en 
moyenne  par  an  5,000  émigraiits  seulement  de  1857  à  1860,  en  a  reçu  40,000  en  1878 
et2t3l,000en  1889. 

Sur  les  289,400,000  hectares  du  territoire  de  la  République,  2,360,000  étaient  en 
culture  en  1888,  dont  plus  du  tiers  (824,000  hectares)  en  froment,  un  tiers  en  mais 
(832,000  hectares),  le  reste  en  luzerne  (380,000  hectares),  lin  (17,000  hectares),  avoine 
36,000  hectares),  vignes  (27,  000  heclarcs),  canne  à  sucre  (21,000  hectares). 

En  1889,  la  culture  du  froment  s'est  encore  étendue  :  1,035,000  hectares  ont  été 

(1)  Buenos-Ayres,  Félix  Lajouane,  éditeur,  1890. 


—  288  — 

emblavés  (1).  Quatorze  ans  auparavant,  en  1875,  le  rapport  de  l'inspecteur  de  l'agricul- 
ture n'évaluait  pas  ce  nombre  à  plus  de  100,000  :  l'étendue  a  donc  décuplé. 

Pour.les  moutons,  l'importation,  en  1826,  d'un  troupeau  de  100  tètes  de  moulons  noirs 
d'Espagne  et  d'un  troupeau  de  Southdowns  français  d'Angleterre,  en  1830,  celle  de  mé- 
rinos allemands,  ont  été  les  premiers  efforts  faits  pour  améliorer  les  races  ovines. 
Aujourd'bui,  le  perfectionnement  est  un  fait  accompli  ;  il  a  été  solennellement  consacré 
en  1889  par  les  nombreuses  récompenses  que  les  laines  argentines  ont  obtenues  à  l'Ex- 
position universelle  de  Paris. 

En  1815,  le  nombre  des  animaux  domestiques  —  il  ne  faut  pas  oublier  qu'ils  sont  tous 
des  présents  de  la  civilisation  européenne  (2)  —  était,  d'après  la  slatislique  officielle,  de 
3,%'J,000  chevau.'i,  de  13,4'J3,000  botes  à  cornes,  de  57,540,000  moutons,  etc.,  et  la 
République  était  flore  de  produire  devant  le  monde  civilisé  ces  chiffres,  qui  attestaient 
déjà  un  remarquable  progrès. 

En  1888,  les  nombres  se  sont  élevés  it  4,398,000  pour  les  chevaux,  à  22,869,000  pour 
les  bètes  à  cornes  et  îi  70,453,000  pour  les  moutons. 

La  valeur  des  laines  exportées  en  1889  par  la  République  Argentine  montait  à  56  mil- 
lions de  pesos,  et  celle  de  tous  les  produits  de  l'élevage  (non  compris  les  produits  indus- 
triels qui  en  dérivent)  h  plus  de  100  millions. 

Nous  sommes  convaincu  que  la  race  européenne,  en  peuplant  l'Aménque  el 
l'Australie,  a  créé  sur  ces  terres  nouvelles  des  nations  dont  la  puissance  croîtra 
rapidement  el  qui  fera  aux  vieilles  nations  européennes  une  concurrence  d'autant 
plus  redoutable  au  jour  que  celles-ci  seront  plus  isolées  du  reste  du  monde  par  leur 
législation  douanière. 

L'Europe  n'a  pas  le  pouvoir  d'empêcher  l'accomplissement  de  celte  révolution 
économique,  qui  sera  un  bien  pour  l'humanité  en  général,  mais  qui  risquerait  en 
même  temp.>  d'être  pour  elle  une  diminution  d'importance  relative  si  elle  ne  fait 
pas  des  eflorls  bien  dirigés  pour  se  maintenir  à  son  niveau.  Elle  peut  la  hâtei',  en 
poussant,  par  des  lestrlclions  douanières,  le  Nouveau-Monde  à  essayer  ses  forces 
industrielles. 

Nous  avons  dit,  el  nous  répétons,  qu'il  n'y  a  pas  que  les  nations  jeunes  auxquelles 
la  passion  puisse  faire  commettre  des  fautes. 

E.  Levasseur. 


(1)  En  1889,  la  valeur  totale  des  lécoltes  était  estimée  à  une  valeur  de  100  millions  de  pesos. 

(2)  Les  clicvaux  sont  venus  avec  les  premiers  conquérants;  ils  étaient  un  instrument  de  conquête. 
Le  bétail  est  venu  ensuite  :  la  tradition  attribue  l'introduction  des  bœjfs  et  des  moutons  soit  à  Mendoza, 
soit  à  Nuflo  Ctiavis,  soit  au  Portugais  Garcia.  11  est  probable  que  les  animaux  domestiques  ont  élé  im- 
portés d'Europe  en  divers  lieux  successivement  et  que  presque  tous  les  convois  de  colons  en  amenaient. 


Le  Gérant,  0.  Bergeu-Leviiault. 


JOURNAL 

DE  LA 

SOCIÉTÉ  DE  STATISTIQUE  DE  PARIS 


N»  10.  —  OCTOBRE  1890. 


I. 

PROCÈS-VERBAL    DE    LA    SÉANCE   DU    16    JUILLET    4890. 

SoMMAiiiE  :  Subvention  accordée  à  la  Société  par  le  Ministère  des  travaux  publics.  —  Discours  de  bien- 
venue de  M.  Edouard  Millaud,  sénateur.  —  Complément  à  la  statistique  des  libéralités  aux  personnes 
morales,  par  Jl.  Th.  Ducrocq.  —  La  loi  des  catastrophes,  par  M.  A.  de  Foville. 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures,  sous  la  présidence  de  M.  Octave  Keller. 

M.  le  sénateur  Edouard  Millaud,  Vice-Président  du  Conseil  supérieur  de  statis- 
tique, assiste  à  la  séance  et  est  invité  par  le  président  à  prendre  place  au  bureau. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  de  juin  est  adopté  sans  observations. 

M.  le  Président,  revenant  sur  l'allocation  de  1,000  fr.  accordée  à  la  Société  parle 
conseil  municipal  de  Paris,  se  dit  heureux  de  pouvoir,  en  présence  de  M.  Donnât, 
renouveler  l'expression  des  sentiments  de  reconnaissance  que  la  Sociétélui  doit 
pour  sa  fructueuse  intervention. 

Il  ajoute  que  le  succès  l'a  enhardi;  sachant  que  M.  Yves  Guyot,  Ministre  des 
travaux  publics,  est  depuis  quatorze  ans  déjà  membre  de  la  Société  de  statistique, 
devant  laquelle  il  a  produit  plusieurs  travaux  importants,  il  a  cru  pouvoir  tenter 
des  démarches  auprès  de  lui,  persuadé  qu'avec  sa  largeur  de  vues  habituelle, 
l'homme  d'État  n'hésiterait  pas  à  donner  à  nos  travaux  un  encouragement  propre  à 
en  assurer  le  développement. 

Cet  espoir  n'a  pas  été  déçu  :  par  une  lettre  en  date  du  19  juin,  le  Ministre  des 

travaux  publics  nous  fait  connaître  que,  conformément  à  la  demande  que  le  président 

,  lui  a  adressée,  il  a  alloué  à  la  Société  de  statistique  de  Paris  une  subvention  de  500 

[francs,  qui  pourra  être  renouvelée  chaque  année  si  les  ressources  budgétaires  le 

permettent. 

En  portant  cette  bonne  nouvelle  à  la  connaissance  de  l'assemblée,  M.  le  Président 
ajoute  que  les  différents  Ministres  qui  se  sont  succédé  aux  travaux  publics, 
MM.  de  Freycinet,  Raynal,  Carnot,  ont  tous  porté  un  grand  intérêt  à  la  Statistique. 
Cet  intérêt,  l'un  de  leurs  successeurs,  l'honorable  M.  Millaud,  le  prouve  aujourd'hui 
par  sa  présence  au  milieu  de  nous.  M.  Millaud  est  un  des  adeptes  les  plus  fervents 

l«r    9ÉB1B,   31'   VOL.    —   N°  10.  Jg 


—  290  — 

de  la  science  que  nous  cultivons,  aussi  le  Ministre  du  commerce  l'a-t-il  choisi  pour 
présider,  en  son  absence,  le  Conseil  supérieur  de  slalistique. 

M.  Levasseur  ajoute  que  c'est  sur  le  rapport  de  M.  Millaud  que  le  Conseil  supé- 
rieur a  été  créé  en  1885. 

M.  E.  Millaud  remercie  MM.  Keller  et  Levasseur  de  l'honneur  qu'ils  lui  ont  fait 
en  l'invitant  à  assister  à  la  séance  de  la  Société  et  à  s'asseoir  au  buieau. 

Il  est  très  fier  qu'on  veuille  bien  se  rappeler  la  part  qu'il  a  prise  à  la  fondation  du 
Conseil  supérieur  ;  il  se  félicite,  en  effet,  d'avoir  été,  avec  son  ami,  M.  Jules  Roche, 
l'un  des  fondateurs  en  France  de  celle  giande  institution. 

Désigné  pour  présider  la  commission  chargée  de  l'étude  préparatoire  de  l'organi- 
sation de  ce  conseil,  M.  Millaud  a  rédigé,  au  nom  de  la  commission,  le  rapport  qui 
précéda  le  décret  orgaiii(iue  du  19  février  1 885.  Mais  ce  n'est  que  justice,  il  ne  faut 
pas  oublier  que  dès  1882,  la  Société  de  statisti(|ue,  préoccupée  du  man(|ue  de  lien 
entre  les  divers  services,  avait  demandé,  pour  les  centraliser,  la  création  d'un  conseil 
supérieur  analogue  à  ceux  qui  existaient  déjà  dans  divers  pays.  C'est  alors  que 
MM.  Jules  Hoche  et  Éilouard  Millaud  furent  au  Parlement  les  interprètes  des  vœux 
de  la  Société.  Vinrent  ensuite  la  commission  instituée  par  le  Gouvernement  et  le 
rapport  de  1884. 

Le  Conseil  supérieur  s'est  souvenu  des  services  rendus  parla  Société  de  statistique 
de  Paris  et,  dans  sa  présente  session,  il  a  tenu  à  lui  témoigner  sa  gratitude  en  lui 
confiant  un  rôle  important  au  point  de  vue  de  l'enseignement  de  la  science  à  laquelle 
elle  donne  un  si  vif  éclat;  il  a  donc  émis  le  vœu  qu'elle  fût  chargée  d'organiser  des 
cours  pour  les  candidats  au  grade  de  rédacteur  dans  les  administrations  centrales 
et  de  leur  délivrer  un  diplôme  spécial. 

Ln  terminant,  M.  Edouard  Millaud  exprime  toute  sa  confiance  dans  l'avenir  de  la 
Société,  et  compte  beaucoup  sur  l'extension  des  connaissances  statistiques  pour 
l'élude  des  grands  problèmes  sociaux.  {Vifs  applaudissements.) 

* 
*  * 

M.  le  Secrétaire  général  fait  l'énuméralion  des  ouvrages  et  documents  offerts  à 
la  Société  depuis  sa  dernière  séance.  La  liste  détaillée  de  ces  publications  se  trouve 
ci-après  (1). 

Parmi  ces  ouvrages  figurent  l'Exposé  compuralifde  la  situation  économique  et  com- 
merciale de  la  France,  offert  parle  Minisire  du  commerce  et  de  l'industiie,  et  qu'on 
peut  considérer  comme  une  sorte  de  Slalisiical  abstrad  français,  et  le -rapport  de 
notre  collègue  M.  Jules  Siegfried,  député,  sur  le  budget  de  ce  département.  Ce  rap- 
port, dont  on  peut  constater  le  mérite  spécial,  renferme  de  nombreux  documents 
statistiques  sur  le  commerce,  l'enseignement  technique,  les  musées  commerciaux, 
les  assurances.  C'est  un  travail  qui  sera  souvent  consulté. 

M.  Levasseur  offre  à  la  Société  de  la  part  de  notre  collègue,  M.  François  Latzina, 
membre  de  l'Institut  international  de  statistique,  un  ouvrage  portant  pour  titre: 
Géographie  de  la  République  Argentine.  Une  place  spéciale  a  été  réservée,  dans 
le  Journal,  à  l'analyse  présentée  par  M.  Levasseur  (2). 


(1)  Voir  à  la  dernière  page  du  présent  numéro. 

(2)  Voir  le  numéro  de  Septembre. 


—  291  — 

L'ordre  du  jour  appelle  la  communication  annoncée  de  M.  Th.  Ducrocq. 

M.  Ducrocq  lit  un  mémoire  intitulé:  «Un  nouveau  progrès  à  réaliser  dans  la  sta- 
tistique des  libéralités  aux  personnes  morales.  » 

Cet  important  travail  contient  la  démonstration  des  trois  propositions  suivantes: 
1°  Le  silence  gardé  par  les  statistiques  officielles  sur  les  refus  d'autorisation  n'est  pas 
logique,  du  moment  qu'il  est  admis  que  ces  statistiques  doivent  faire  connaître  les 
autorisations  accordées  ;  elles  ne  montrent  ainsi  qu'une  des  faces  de  l'institution  et 
non  le  fait  social  tout  entier.  2°  La  statistique  des  refus  d'autorisation  ne  seiait  pas 
moins  utile  que  celle  des  autorisations.  3°  La  pintistique  des  refus  ne  présenterait 
ni  plus  de  difficultés  ni  plus  d'inconvénients  que  celle  des  autorisations. 

Dans  cette  dernière  partie,  l'auteur  montre  qu'il  ne  faut  pas  exagérer  le  supplé- 
ment de  travail  qui  serait  demandé  aux  préfectures,  ainsi  que  déjà  l'a  sagement  com- 
pris la  circulaire  ministérielle  du  6  février  1890.  Il  établit  en  outre  que  les  causes  des 
refus  sont  en  dehors  de  ce  qui  est  demandé  à  la  statistique,  comme  les  causes  d'auto- 
risation. Il  prouve,  enfin,  que  les  comptes  généraux  des  travaux  du  Conseil,  d'Étal 
s'expliquent  depuis  longtemps  sur  les  refus  et  les  réductions,  en  même  temps  que 
sur  les  autorisations.  M.  Ducrocq  demande  à  la  Statistique  générale  de  la  France  de 
faire  ce  que  la  statistique  spéciale  du  Conseil  d'Etat  fait  depuis  un  demi-sièjle. 

En  réponse  aux  observations  présentées  [lar  M.  G.  Roussel,  conseiller  d'Étal, 
M.  Ducrocq  répond  que  le  service  de  la  statistique  ne  doit  s'occuper,  en  cette  ma- 
■  lière,  ni  des  libéralités  acceptées  par  les  départements  et  les  communes  dans  les 
cas  où  ils  sont  dispensés  d'autorisation,  ni  des  libéralités  faites  à  des  sociétés  sans 
existence  légale  et  qui,  en  cas  de  demande  d'autorisation,  amènent  non  un  refus 
d'autorisation,  mais  un  non-lieu  à  statuer.  Dans  les  deux  cas,  on  est  en  dehors  de 
l'application  de  l'article  910  du  GoJe  civil  et  de  l'institution  de  l'aulorisation  d'ac- 
cepter les  dons  et  legs.  M.  Ducroci|  fait  observer  en  outre  que,  tout  en  profitant  des 
statistiques  spéciales  du  Conseil  d'Etat,  ce  n'est  pas  plus  à  lui  que  le  Ministère  du 
commerce  s'adressera  pour  faire  sa  statislifiue  des  refus,  que  pour  la  stalistique  des 
autorisations.  Les  préfectures  possèdent  tous  les  éléments  d'information.  Il  remarque 
enfin  que  c'est  surtout  le  chiffre  des  autorisations  d'acquisitions  de  capitaux  et  rentes 
qui  est  considérable  et  contribue  le  plus  à  accroître  la  fortune  des  établissements 
de  mainmorte  ;  il  n'attache  qu'une  importance  secondaire  aux  conditions  de  vendre 
les  immeubles. 

M.  le  Président  remercie  M.  Ducrocq  de  Son  intéressante  communication.  Elle 
sera  publiée  in  extenso  dans  le  Bulletin  de  la  Société  (1). 


En  l'absence  de  M.  A.  de  Foville,  appelé  subitement  loin  de  Paris  par  un  deuil  de 
famille,  M.  le  Président  invite  M.  A.  Coste,  l'un  des  membi-es  du  bureau,  à  vouloir 
bien  donner  lecture  du  travail  de  notre  collègue. 

Cette  lecture,  qui  ne  dure  pas  moins  d'une  heure,  soulève  à  presque  tous  les  pa- 
ragraphes, les  applaudissements  de  l'assemblée.  Rarement  M.  de  Foville  avait  été 
plus  en  verve.  On  sait  que,  mieux  que  personne,  il  sait  allier  aux  sévérités  de  la 
science  l'humeur  la  plus  enjouée  et  l'esprit  le  plus  pénétrant. 


(1)  Voir  le  numéro  do  septembre. 


—  292  — 

M.  le  Président  envoie  ses  félicitations  à  M.  de  Foville  et  remercie  M.  Cosle  d'avoir, 
dans  sa  lecture,  si  bien  secondé  la  verve  de  l'auteur. 

Avant  de  lever  la  séance,  M.  le  Président  annonce  que,  selon  l'usage,  la  Société 
prendra  ses  vacances  pendant  les  mois  d'août  et  de  septembre.  La  rentrée  aura  lieu 
le  15  octobre  prochain,  à  9  heures  du  soir,  dans  son  nouveau  siège  social,  à  l'hôtel 
spécialement  construit  pour  les  sociétés  savantes,  rue  Danton.  Cette  rue  nouvelle 
débouche  sur  le  boulevard  Saint-Germain,  vis-à-vis  de  l'École  de  médecine. 

La  séance  est  levée  à  onze  heures  et  demie. 

ANNEXE   AU   PROCÈS-VERBAL. 

A  titre  d'annexé  au  procès-verbal,  nous  croyons  devoir  reproduire  la  lettre  que 
M.  Jules  Roche,  Ministre  du  commerce,  de  l'industrie  et  des  colonies,  vient  d'adres- 
ser à  M.  Edouard  Millaud,  sénateur,  président  du  Conseil  supérieur  de  statistique. 
C'est  la  sanction  officielle  des  paroles  que  l'honorable  sénateur  a  prononcées  devant 
la  Société  et  dont  nous  avons  donné  la  substance. 

Lettre  du  Ministre  du  commerce  à  M.  Edouard  Millaud,  sénateur. 

19  août  1890. 
Monsieur  le  Sénateur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  accuser  réception  de  la  lettre  par  laquelle  vous  me  rendez  compte 
des  travaux  du  Conseil  supérieur  de  statistique  pendant  sa  première  session  de  l'année 
1890,  et  je  suis  heureux  (le  rendre  hommage  au  zèle  et  à  la  compétence  avec  lesquels 
celle  assemblée  a  répondu  à  l'appel  que  je  lui  avais  adressé.  Je  ne  doutais  pas  que  le  Con- 
seil supérieur  de  slatislique  ne  recouuût  l'inlérêl  primordial  qui  s'attache  à  ce  que  l'étude 
législative  des  problèmes  relatifs  à  l'organisation  du  travail  soit  éclairée  par  la  connais- 
sance aussi  exacte  et  aussi  précise  que  possible  de  leurs  principales  données,  et  je  savais 
que  je  ne  pouvais  trouver  de  guide  plus  sûr  pour  la  recherche  des  mélliodes  à  employer 
à  l'ellel  de  les  recueillir. 

Je  donne  mon  entière  approbation  aux  délibérations  que  vous  me  soumettez,  et  j'ai  fait 
préparer  en  conséquence  pur  mon  administration  les  cadres  d'une  enquête  détaillée  sur 
les  conditions  du  travail  industriel  en  France. 

Celle  enquête  portera  en  premier  lieu  sur  les  établissements  et  exploitations  dépen- 
dant de  l'État  ou  soumis  à  son  contrôle;  les  résultais  ainsi  obtenus  seront  portés  à  la  con- 
naissance du  Conseil  supérieur,  qui  sera  appelé  à  délibérer  sur  les  procédés  pratiques  à 
employer  pour  mener  à  bien  une  enquête  générale  sur  le  même  sujet. 

Agréez,  Monsieur  le  Sénateur,  l'assurance  de  ma  haute  considération. 

Le  Ministre  du  commerce, 
Jules  Roche. 

LES  COMPAGNIES  D'ASSURANCES  SUR  LA  VIE. 

liectificalion  au  procès-verbal  de  la  séance  du  i 8  juin  (numéro  de  juillet). 

Dans  le  cours  de  la  discussion  relative  aux  compagnies  d'assurances  sur  la  vie, 
M.  Marie,  actuaire  au  Phénix,  a  fourni  le  tableau  des  compagnies  françaises  et 
étrangères  exerçant  en  France. 

Après  avoir  établi  que  ces  sociétés  sont  au  nombre  de  51,  M.  Marie  a  déduit  de 
ce  nombre  2  sociétés  non  inscrites,  Centrale  et  Mutuelle  vie,  ce  qui  en  réduit  le 
nombre  à  49. 

C'est  par  erreur  qu'on  lui  a  fait  dire  que  ces  deux  sociétés  n'ont  pas  été  autorisées 
à  fonctionner  en  Suisse.  Ce  passage  doit  être  rectifié  comme  il  suit  : 

ï  Sur  12  sociétés  françaises  qui  ont  sollicité  en  Suisse  l'autorisation  du  Gouver- 
nement fédéral,  H  ont  obtenu  celte  autorisation  après  un  examen  minutieux  de 
leurs  statut.-:.  Une  seule  (la  Caisse  des  Familles)  n'a  pas  été  admise.  » 


—  293  — 

II. 

LA  LOI  DES  CATASTROPHES 
de  M.  Auguste  Chirac  (i). 

Messieurs, 

Vous  m'uiderez  à  tenir  une  promesse  que  j'ai  faite  si  vous  voulez  bien  permellre 
(|iie  je  vous  entielienne  pendant  f|ueli|iies  instants  d'un  travail  curieux,  dont  la  plu- 
|)arl  d'entre  vous  doivent  ignorer  l'existence,  bien  (pi'il  relève  tout  à  fait  de  la  juri- 
diction de  la  Société  de  statistique.  L'auteiu'  m'assure  Ini-méme  qu'il  n'a  pas  été  lu 
par  ceux  dont  il  allendait  le  jugement,  avec  le  plus  d'im[)atience.  N'en  concluez  pas 
qu'il  s'agisse  d'un  de  ces  travailleurs  discrets  et  timides  qui  vont  traçant  dans 
l'ombre  leur  sillon  solitaire.  M.  Auguste  Chirac  n'est  rien  moins  que  cela.  C'est  un 
pampliléiaire  agressif,  un  socialiste  militant,  un  vrai  démolisseur,  dans  toutes  les 
acceptions  du  mot.  Je  n'ai  pas  l'honneur  de  le  connaître  personnellement  et  la  façon 
dont  il  écrit  —  je  parle  de  ses  livres  et  non  de  ses  lettres  —  n'était  pas  précisé- 
ment de  nature  à  me  prévenir  en  sa  faveur.  .\vec  des  inspirations  et  des  objectifs 
différents,  sa  manière  rappelle  beaucoup  celle  de  M.  Edouard  Drumont.  Dans  les 
liois  de  la  République  et  dans  l'Agiotage  sovs  la  troisième  République,  comme 
dans  la  France  juive,  la  Fin  d'un  Monde  et  la  Dernière  Bataille,  les  personnalités 
abondent,  et  les  mille  noms  propres  qu'on  y  rencontre  —  avec  une  table  alphabé- 
tique pour  faciliter  les  lecheiches —  y  sont  généralement  accompagnés  des  épi- 
thètes  les  plus  désobligeantes.  Quand  on  accuse  si  facilement,  il  est  difficile  de  ne 
pas  calomnier.  Je  n'ai,  croyez-le  bien,  nidie  envie  de  défendre  contre  les  attaques 
de  M.  Chirac  les  agioteurs,  les  tripoleurs,  les  escamoteurs  de  millions.  Il  semble 
malheureusement  i|ue  l'efficacité  de  la  législation  pénale,  en  Fr.mce  et  ailleurs, 
soit  souvent  en  raison  inverse  de  l'importance  des  escroqueries  commises,  et  il 
faut  reconnaître  que  lien  n'est  plus  propre  à  irriter,  à  révolter  la  conscience  po- 
pulaire. Les  iniiignaiions  qui  viennent  de  là  sont  légitimes.  .Mai?,  pour  pouvoir 
dénoncer  avec  autorité  les  lacunes  ou  les  défaillances  de  la  justice  sociale,  il  fau- 
drait pci'sonnifier  soi-même  l'équité  et  ne  passe  faire  un  jeu  de  vdipender  pêle- 
mêle  les  coupables  et  les  innocents. 

Los  violences  dont  M.  Chirac  estcoulumier  me  paraissent  d'autant  moins  excu-, 
sables  (pic  la  passion  chez  lui  se  réclame  toujours  de  la  science.  En  fait  de  science, 
M.  Drumonl  s'arrête  volontiers  à  la  chiromancie  (2).  M.  Chirac,  lui,  est  plus  sérieux  : 
appuyées  d'un  côté  sur  l'algèbre  et  de  l'auire  sur  la  géométrie,  toutes  ses  affirma- 
tions se  déclarent  par  cela  seul  irréfutables,  et  à  ceux  qui  se  permettraient  l'expres- 
sion d'un  doute,  il  montrerait  fièrement,  du  bout  de  son  compas,  i  les  poteaux  de 
la  roule  longue  et  pénible  »  au  bout  de  laquelle  «  il  a  trouvé  la  vérité  ».(3) 

Que  M.  Chirac  ait  travaillé,  beaucoup  travaillé,  je  suis  disposé  à  l'admettre,  à  la 


(1)  Commanication  faite  à  la  Société  de  statistique  dans  sa  séance  dn  16  juillet  1890. 

(2)  Dans  la  Dernière  Bataille,  M.  Drumont  ne  consacre  pas  moins  de  trois  pages  à  l'examen  de  la 
main  du  général  Boulanger  et  aux  conclusi'ins  qu'il  en  faut  tirer.  Par  exemple,  «  la  ligne  de  vie  brisée 
indique  que  le  général  mourra  vers  58  ans  de  mort  violente,  probablement  d'un  coup  de  couteau.  » 

(3)  Voir,  on  tête  de  Wigiotage  sous  la  troisième  République,  1888,  Wivis  aux  ignorants  dumonde 
officiel,  p.  m. 


—  294  — 

condition  d'ajouter  que  la  plupart  de  ceux  qui  se  donnent  ici  rendez-vous  ne  me 
semblent  pas  moins  laborieux  que  lui.  Il  a  cherclié  à  éclaircir  quelques-uns  des 
mystères  de  la  vie  sociale  ;  il  a  entrepris  pour  cela  d'assez  longs  calculs  et  il  croit 
sincèrement  avoir  fait  de  grandes  découvertes.  Son  espoir  est  que  nous  partagerons 
tous  cette  impression,  et  si  nous  ne  mettons  pas  sa  loi  des  catastrophes  au  niveau 
de  la  loi  des  tempêtes  de  M.  Faye  ou  de  la  loi  des  crises  de  M.  Juglar,  pour  ne  pas 
dire  plus,  nous  lui  causerons  une  vive  déception. 

Mais  la  critique  lui  sera  moins  pénible  encore  que  ne  le  serait  l'abstention.  J'ai 
reçu  de  lui,  à  cet  égard,  les  déclarations  les  plus  posilives. 

Il  paraît  que  lorsqu'il  se  borne  à  casser,  dans  la  Revue  socialiste,  les  vitres  d'un 
ministre,  d'un  financier  ou  d'un  économiste,  quarante  journaux  applaudissent  (1); 
mais  le  vide,  me  dit-il,  se  fait  autour  de  lui  —  le  vide  et  le  silence  —  dès  que  les 
arguments  ad  liominem  font  place  sous  sa  plume  aux  équations  algébrirpies  et  aux 
diagrammes  nuillicolores.  Tout  cela  est  de  l'hébreu  pour  ses  coreligionnaires;  et, 
de  guerre  lasse,  l'ami  de  M.  Benoît  Malon  est  venu  solliciter  l'appréciation,  bien- 
veillante ou  non,  de  ceux  (pii,  dans  un  autre  milieu  et  avec  d'autres  liiibitudes  d'es- 
prit et  de  langage,  s'intéressent  aux  mêmes  questions  que  lui. 

Voilà,  Messieurs,  comment  je  me  trouve  amené  à  vous  parler  ce  soir  des  travaux 
de  M.  Auguste  Chirac,  en  général,  et  de  sa  loi  des  catastrophes  en  pai  ticulier. 

Ce  qui,  à  première  vue,  m'y  avait  encouragé,  c'est  que  M.  Chirac,  dans  ses  cal- 
culs, fait  souvent  intervenir  la  statistique  des  mutations  par  décès.  Pour  la  science 
que  nous  cultivons  tous  ici,  c'est  une  mine  précieuse;  et  elle  était  restée  longtemps 
inexplorée.  Depuis  une  douzaine  d'années,  les  sondages  ont  commencé  ;  les  gale- 

(I)  Il  nous  semble  intéressant  de  reproduire  ici,  <i  titre  de  doriiraent,  la  liste  des  journaux  français  et 
étrangers  que  la  Rii'ue  socialiste  considère  comme  partageant  ses  idées.  Cette  liste  est  prise  sur  la  cou- 
verture même  de  la  revue  de  M.  Benoît  Malon  en  1887  : 

t.'lntraiisiyrdiil,  Henri  Uochefort,  directeur  po-  Ln  Revue  du  mouvement  social,  Cti.  Limousin. 

liliquc  et  rédacteur  en  chef.  Paris.  ie/'cîty;/;',  organe  du  parti  ouvrier  belge,  Bruxelles. 

/.«  Cri  (lu  Peuple,  fondé  par  Jules  Vallès,  l'aris.  Le  Chante-Clair,  Bruxelles. 

L'Action,  W.  Michelin,  directeur,  l'aris.  Le  Coup  de  feu,  Paris. 

La  Revue  moderne,  A.  Bernier,  rédacteur  en  J.e  Journal  du  Peuple,  organe  an  Comité  revo- 

chef,  Paris.  lutionnaire  central   (parti  blanqniste),  Paris. 

/.e  Devoir,  Godin,  fondateur-directeur  du  Fami-  La  Couture,  organe  des  ouvriers  tailleurs,  Paris. 

lisière  de  Guise.  io  Di-feuse  des  travailleurs,  Reims. 

La  Société  nouvelle,  F.  Brouez  et  .lames,  secré-  Ac  Réveil  ouvrier,  Calais. 

taires  de  rédaction,  Bruxelles.  Im  France  Juive,  Bordeaux. 

La  Philosophie  de  l'avenir,  Paris.  /.e  Nouveau  Parti,  Marseille. 

Le  Socialiste,  organe  du  parti  ouvrier  (fraction  L'Ouvrier  chapelier,  l'aris. 

Marxiste),  l'aris.  Le  Voyageur  forain,  Paris. 

Le  Prolétariat,  organe  du  parti  ouvrier  (fraction  Le  Réveil  typographique,  Paris. 

possibiliste),  Paris.  Le  Languedoc,  Montpellier. 

La  Réforme  judiciaire,  Paris.  L'Arbitre,  Paris. 

El  Socialista,  organe  du  parti  ouvrier  espagnol,  ta  Semaine  fraternelle,  Paris. 

Madrid.  Le  Droit  des  Femmes,  l'aris. 

De   Vooruit,  organe  du  parti  ouvrier  flamand,  La  Citoyenne,  Hubertine  Auclert,  Paris. 

Gand.  La  Rivista  italiana  del  socialismo,  liUgo,  Ro- 
Der  Sozial-Demokrat,  organe  du  parti  socialiste  magnes. 

allemand,  Zurich.  Ll  Fascio  operajo,  Milan. 

La  Tribune  des  peuples,  l'aris.  La  Bandera  Social,  Madrid. 
Le  Travailleur,  Lille. 


—  295  — 

ries  se  sont  ouvertes  et  il  a  été  fait  d'heureuses  tronvaillcs.  Les  bruyants  eurêka 
de  M.  Chirac  semblaient  en  promettre  de  nouvelles  et,  socialisme  à  part,  j'espérais 
rencontrer  dans  les  livres  ou  dans  les  manuscrits  qu'il  m'a  communiqués  d'ingé- 
nieux aperçus,  d'instructifs  théorèmes.  Plus  d'une  fois  j'ai  cru  y  arriver.  Il  y  a,  dans 
M.  Chirac,  un  philosophe  et  un  mathématicien  qui,  à  travers  la  stalislique,  s'appel- 
lent et  se  cherchent;  malheureusement,  ils  ne  réussissent  pas  à  se  donner  la  main  et 
demeurent  égarés,  l'un  et  l'antre,  dans  l'obscur  labyrinthe  où  ils  sont  descendus  sans 
avoir  pris  le  soin  d'allumer  leur  lanterne.  La  manière  de  raisonner  de  l'auleur  de 
\ Agiotage  est  très  singulière.  On  dit,  vous  le  savez,  que  c'est  la  foi  qui  sauve  :  lui, 
c'est  sa  foi  qui  le  perd,  sa  foi  révolutionnaire,  bien  entendu.  Elle  est  si  forte  qu'elle 
lui  dicte  d'avance  toutes  ses  conclusions  et  qu'au  lieu  de  s'attarder  aux  déductions 
qu'un  autre  croirait  nécessaires,  il  les  supprime,  se  bornant  à  dire  au  lecteur,  en 
passant,  de  quel  côté  il  pourrait  aller  chercher  les  pièces  justificatives  qu'on  ne 
lui  montre  pas. 

C'est  un  système  très  commode,  très  expédilif,  mais  essentiellement  trompeur. 
Nous  allons  voir  qu'il  a  l'inconvénient  de  conduire  généralement  M.  Chirac  à  dire 
blanc  quand  il  faudrait  dire  noir  et  noir  quand  il  faudrait  dire  blanc. 

Exemple:  c'est  un  des  arguments  favoris  du  socialisme  que  celui  qui  consiste  à 
opposer  au  petit  nombre  de  ceux  qui  possèdent  le  nombre  énorme  de  ceux  qui  ne 
possèdent  pas  :  on  met  d'un  côté  les  capitalistes,  petits  et  grands,  de  l'autre  les  gens 
qui,  en  fait  de  capital,  n'ont  que  leurs  deux  bras  et  leurs  dix  doigts  ;  et  l'on  s'indigne 
qu'il  y  ait  si  peu  de  monde  à  droite  et  tant  de  monde  à  gauche. 

M.  Chirac,  considérant  celte  étroite  concentration  des  biens  de  ce  monde  comme 
avérée  à  priori,  n'hésite  pas  à  certifier  que  nos  statistiques  successorales  en  don- 
nent à  la  fois  la  preuve  et  la  mesure  :  «  La  proportion  ordinaire  des  possédants, 
écrivait-il  il  y  a  déjà  loiigtemps(l),  est  d'un  quart  ou  25  p.  100.  On  peut  s'assurer 
par  l'examen  des  budgets  définitifs  qu'annuellement  800,000  décès  n'ouvrent  en 
moyenne  que  200,000  successions.  »  Et  à  cha()ue  ciiapitre  du  livre,  nous  voyons 
reparaître  celte  proportion  soi-disant  officielle:  le  quart  d'abord;  ensuite  le  cin- 
quième; 18  p.  100  seulement  depuis  1885.  Ainsi  une  succession  à  peine  pour  cinq 
décès,  et  par  conséquent  sur  cinq  familles  une  à  peine  ayant  un  patrimoine,  si 
humble,  d'ailleurs,  qu'on  le  veuille  supposer. 

Vous  le  voyez:  c'est  bref  et  c'est  net;  seulement  c'est  faux.  Messieurs,  absolument 
faux, et  je  n'aurai  pas  de  peineà  vous  en  convaincre.  Je  ne  vous  dirai  pas  par  où  pèche 
la  démonstration  de  l'auteur  de  l'Agiotage,  puisqu'il  affirme  sans  dénionlrer.  Mais 
j'établiiai  que,  de  par  les  statistiques  successorales  elles-mêmes,  c'est  le  conlraiie 
(le  ce  qu'il  affirme  qui  est  vrai. 

Pour  plus  de  sûreté,  je  reproduis  ici  la  page  du  Compte  définitif  des  recettes  qu'il 
invoque  à  l'appui  de  son  assertion  (2). 


(  I  )  \o\rJ Agiotage,  t.  I,  p.  43,  note  2. 

(21  Le  Bulletin  de  statistique  du  Ministère  des  finances  publie  le  même  tableau  pour  chaque  exercice 
longtemps  avant  rapparition  du  Compte  défmttif.  Voir  le  Bulletin  d'octobre  ISSU,  p.  358. 


Tarleau. 


296 


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—  297  — 

Examinez  bien  ce  tableau  et  si  vous  y  pouvez  découvrir  les  170,000  successions 
que  M.  Chirac  oppose  aux  800,000  ou  900,000  décès  de  l'année,  vous  serez  plus 
habiles  que  moi.  Ce  qu'on  y  a  inscrit,  en  même  temps  que  les  valeurs  sur  lesquelles 
les  droits  de  mutation  ont  été  assis,  c'est  le  nombre  des  dispositions  soumises 
aux  droits.  On  en  compte  936,368  en  1887  et  933,965  en  1888. 

Mais  cela  ne  nous  apprend  pas  le  nombre  réel  des  ouvertures  de  successions,  car 
le  même  décès  peut  donner  lieu  à  deux,  cini|,  dix  taxations  distinctes,  il  suffit 
pour  cela  qu'il  se  rencontre,  dans  la  succession  considérée,  des  natures  de  vnlcurs 
différentes  et  des  ayants  droit  dont  le  degré  de  parenté  par  rapport  au  de  cujus 
ne  soit  pas  le  méme(1). 

Il  doit  donc  y  avoir  beaucoup  moins  de  successions  ouvertes  que  de  dispositions 
soumises  aux  droits.  Mais  pourquoi  170,000  plutôt  que  400,000?  M.  Chirac  dit 
170,000,  sans  explication:  moi,  j'î  dis  400,000,  sinon  plus,  et  j'explique  mon  dire. 

La  Direction  générale  de  l'enregistrement,  où  la  statistique  est  personnifiée  par 
un  de  nos  plus  savants,  de  nos  plus  clairvoyants  et  aussi  de  nos  plus  aimables  con- 
frères, fait  relevei'  par  ses  directeurs  le  nombre  annuel  des  déclarations  de  succes- 
sions, et  elle  a  bien  voulu  me  communiquer  le  résultat  de  cet  utile  dépouillement. 

Voici  ses  chiffres,  pour  les  trois  dernières  années  : 

ANNEES.  NOMBRE    DE    DBCÈS.  NOMBRE    DES    DECLARATIONS    SOUSCRITES 

1887 842,797  494,232 

1888 837,867  487,573 

1889 794,933  403,264 

Moyenne 825,199  481,690 

Il  est  vrai  qu'il  y  a,  ici  encore,  des  cas  où  une  seule  succession  entraîne  plusieurs 
déclarations  simultanées  :  c'est  quand  le  défunt  avait  des  propriétés,  des  immeubles, 
dans  d'autres  cantons  que  celui  de  son  domicile.  Le  fait  n'est  pas  rare.  Cependant  la 
déclaration  unique  est  bien  plus  ordinaire  que  la  déclaration  multiple,  et  ceux  qui 
ont  l'expérience  de  ces  choses  ne  me  démentiront  pas  si  j'admets  (pic  les  480,000 
déclarations  annuellement  souscrites  correspondent  à  une  moyenne  de  plus  de 
400,000  successions  par  an. 

Ainsi  le  chiffre  sur  lequel  s'appuie  toute  l'argumentation  de  M.  Chirac  doit  être 
grossi  de  plus  de  100  p.  100  et  voilà  déjà  la  pierre  angulaire  de  la  statistique  socia- 
liste bien  ébranlée. 

Mais  ce  n'est  pas  tout. 

On  nous  dit  :  n  170,000  successions  sur  850,000  décès  ».  .le  dis,  moi:  «  Plus  de 
400,000  successions  sur  moins  de  500,000  décès  ».  Il  estinconteslablequela  France 
enterre,  bon  an  mal  an,  de  800,000  à  900,000  personnes.  Mais  n'est-il  pas  évident 
que,  jusqu'à  un  certain  âge,  le  fait  d'un  décès  sans  succession  n'implique  nullement 
le  fait  d'une  famille  sans  patrimoine?  Il  faut  des  circonstances  toutes  particulières 
pour  qu'un  mineur,  en  mourant,  laisse  des  biens.  L'enfant  du  millionnaire,  s'il 

(1)  Le  tarit'  des  droits  de  succession  comporte,  selon  le  degré  de  parenté,  six  taux  différents,  et  le; 
valeurs  successorales  se  divisent  en  quatre  groupes  :  immeubles,  fonds  d'État  français  ou  étrangers,  va- 
leurs mobilières  françaises  ou  étrangères,  autres  meubles.  Une  même  succession  pourrait  ainsi,  dans  un 
canton,  produire  jusqu'à  2i  dispositions,  et  ce  chiffre  pourrait  même,  à  la  rigueur,  être  dépassé,  si  les 
immeubles  successoraux  appartenaient  à  plusieurs  cantons  difTérents. 


—  298  — 

succombe  prématiirémenf,  ne  met  pas  plus  le  fisc  en  mouvement  que  l'enfant  dn 
nieniijant.  Cepcndanl  il  est  clair  que  ra<;similalion  est  impossible  etce  ser.iit  se  mo- 
quer du  monde  que  d'inscrire  à  l'acliC  du  paupérisme  le  nouveau-né  qui  meurt 
dans  un  berceau  de  dentelle  et  qu'un  tombeau  de  marbre  attend  au  cimetière.  C'est 
pourtant  ce  que  fait,  hardiment,  M.  Chirac. 

A  partir  de  quel  âge  l'absence  de  biens  Iransmissibles  peut-elle  être  considérée 
comme  un  indice  de  pauvreté  réelle?  La  question  est  délicate.  Il  y  a  là  une  moyenne 
difficile  à  saisir  et  MM.  Toussaint  Loua  ou  Turquan  seraient  mieux  à  même'que  moi 
de  la  fixer  avec  précision.  Mais  je  crois  être  très  modéré,  trop  modéré,  Messieiu-s, 
en  ne  défalquant  ici  que  les  mineurs.  Or,  les  décès  survenus  avant  la  21"  année 
représentent,  chez  nous,  près  de  40  p.  100  de  la  mortalité  totale  (1).  C'est  donc 
bien  à  500,000  décès  à  peine  qu'il  faut  opposer  les  400,000  successions  annuelle- 
ment ouvertes. 

Vous  voyez  combien  nous  sommes  loin  des  chiffres  de  M.  Chirac  et  combien  mes 
conclusions  motivées  diffèrent  de  ses  conclusions  hypothétiques  I 

Aux  socialistes  qui  nous  disent  de  confiance  :  «  Les  quatre  cinquièmes  des 
français  sont  de  pauvres  gueux  que  les  autres  exploitent  »,  nous  répondons,  chiffres 
en  main  :  «  Les  quatre  cinquièmesdes  Français,  à  l'âge  où  l'on  peut  posséder  per- 
sonnellement, sont  effectivement  pourvus  d'un  avoir  suffisant  pour  que  le  fisc,  eu 
cas  de  décès,  ail  le  droit  et  le  devoir  d'intervenir.  » 

Et  ce  n'est  pas  assez  dire,  Messieurs,  car,  malgré  l'extrême  vigilance  du  service 
de  1  enregistrement,  il  y  a  nombre  de  petits  héritages  qui  échappent  à  l'impôt. 

Si  le  défunt  avait  une  chaumière  à  lui  ou  lui  champ,  pas  de  fraude  possible  : 
mais,  à  la  ville  comme  au  village,  (pichpies  milliei's  de  francs  en  meubles,  titres 
au  porteur  ou  argent  comptant,  ont  vite  disparu.  L'administration  invite  bien  la 
famille  à  passer  au  guichet  ;  mais,  comme  dit  la  chanson  :  «  Va-l'en  voir  s'ils 
viennent  !  »  Ces  cas  de  volatilisations  successorales  sont  si  l'ré(|uents  dans  le  dépar- 
tement de  la  Seine  que  le  rapport  entre  le  nombre  des  déclarations  souscrites  et 
celui  des  décès  enregistrés  y  est  moitié  moindre  qu'ailleurs. 

La  vérité  est  donc  que  la  très  grande  majorité  des  Français  majeurs  ont  à  eux 
une  part,  grande  ou  petite,  de  la  richesse  collective  de  la  nation.  Et,  quand  le  so- 
cialisme, par  la  bouche  de  M.  Chirac  ou  par  toute  autre,  dit  le  contraire  au  peuple, 
il  le  trompe. 

L'échantillon  que  je  viens  de  vous  donner  des  soi-disant  démonstrations  de 
M.  Chirac  me  permettrait  peut-être  de  glisser  rapidement  sur  le  reste.  Mais  il  ne 
faut  pas  abuser  de  la  formule  :  Ab  uno  disce  omnes,  et,  sans  vouloir,  à  beaucoup 
près,  m'arrêler  à  toutes  les  pages  où  je  trouve  matière  à  contestation,  je  tiens  au 
moins  à  attaquer  de  front  celle  des  théories  de  M.  Chirac  dont  il  se  montre  le 
plus  fier. 

Je  vous  prie  donc  de  vouloir  bien  m'accorder  encore  quelques  moments  d'atten- 
tion et  j'arrive  à  la  fameuse  loi  des  catastrophes  :  c'est  le  nom  même  que  l'auteur 
lui  donne. 

Le  problème  dont  cette  loi  croit  être  la  vraie  solution  présente  quelque  analogie 

(1)  Voir  A.  de  Foville,  La  France  économique,  1890,  p.  32  :  «  lîn  France,  sur  1,000  individus  qui 
meurent,  il  y  en  a  188  de  0  à  1  an,  105  de  1  à  5  ans,  30  de  5  à  10  ans,  18  de  10  à  Ij  ans,  25  de 
15  à  20  ans » 


—  299  — 

avec  celui  que  posait  à  Rome,  lors  de  l'avant-dernière  session  de  l'Institut  interna- 
tional de  stalisti(|ue  (avril  1887),  notretant  regretté  confrère,  M.  F.-X.  de  Neumann- 
Spaliart. 

Pour  tous  ceux  qui,  comme  lui,  ont  passé  une  partie  de  leur  vie  à  traduire  en 
chiffres  les  diverses  manifeslalions  de  la  vie  des  peuples,  c'est  presque  un  besoin, 
à  un  moment  donné,  que  de  chercher  à  remonter  de  l'analyse  à  la  synthèse.  L'émi- 
nent  professeur  de  Vienne  aspirait  à  «  mesurer  les  variations  de  l'élat  économique 
et  social  des  peuples  »,  et  sa  conclusion  était  que  l'on  pourrait,  avec  l'espèce  de 
baromètre  statistique  qu'il  rêvait,  «  tenter  des  prévisions  »  et  tout  au  moins  «  mettre 
en  lumière  l'enchaînement  récipro(|ue  et  l'étroite  sohdarité  des  phénomènes  de 
l'ordre  économique,  social  et  moral  ». 

Le  même  ordre  d'idées  avait  déjà  été  abordé,  avec  plus  ou  moins  de  hardiesse  et 
de  succès,  par  un  certain  nombre  de  statisticiens,  comme  Dudley  Baxter,  Porter, 
Slanley  Jevons,  Leone  Levi,  Giffen,  en  Angleterre;  comme  le  D'  Engel  et  le  D'  Sœt- 
beer,  en  Allemagne  ;  comme  David  Wells  et  Edward  Alkinson,  au\  États-Unis. 

En  France,  il  est  un  nom  que  j'ai  déjà  prononcé  et  que  vous  avez  tous  sur  les 
lèvres  :  c'est  celui  de  notre  excellent  collègue  et  ami  M.  Juglar,  l'auteur  du  petit 
livre  de  1862  et  du  gros  livre  de  1889  sur  les  crises  commerciales.  Et  je  n'aurais 
qu'à  feuilleter  notre  journal  pour  trouver  encore  d'autres  contributions  à  l'élude 
de  ce  que  j'appelais  moi-même  devant  vous,  il  y  a  deux  ans,  la  météorologie  éco- 
nomique et  sociale{\). 

M.  Chirac,  lui,  dit  :  la  sociomélrie,  et  le  mot,  quoique  un  peu  solennel,  me  paraît 
assez  heureux.  La  définition  l'est  moins:  M.  Chirac  appelle  sociomélrie  «c  la  science 
«  de  mesurer,  dans  une  collectivité  organisée,  la  solidarité  des  agissements  indivi- 
«  duels;  par  suite,  la  solidarité  des  agissements  sociaux  dans  un  ensemble  de  col- 
«  lectivilés  humaines;  enfin  l'action  et  la  réaction  des  nations  entre  elles.  »  L'idée 
me  semblait  plus  claire  avant  cette  explication  qu'après.  Mais  peu  impoite!  H  y  a 
des  problèmes  qu'il  faut  résoudre  pour  les  bien  définir  et  le  problème  sociométrique 
est  du  nombre.  L'essentiel,  pour  nous,  est  de  savoir  si  M.  Chirac,  qui  prétend  s'en 
être  rendu  maître,  ne  se  fait  pas  illusion. 

Les  recherches  de  M.  Chirac  sont  antérieures  au  congrès  de  Rome.  Dès  1885,  il 
se  sentait  en  mesure,  non  seulement  de  «  tenter  des  prévisions  »,  comme  M.  de 
Neumann-Spallart  en  1887,  mais  de  prédire  nettement  les  calamités  futures,  témoin 
la  lettre  qu'il  adres.<;ait,  il  y  a  presque  cinq  ans,  au  Président  de  la  Chambre  des 
députés  et  sur  laquelle  je  reviendrai  tout  à  l'heure.  Aujourd'hui  il  assure  que  ses 
pronostics  se  sont  merveilleusement  réalisés  et  il  lui  semble  qu'il  est  temps  que  le 
monde  reconnaisse  publiquement  une  loi  qui  a  fait  ses  preuves. 

Examinons  donc  cette  loi  et  voyons  jusqu'à  quel  point  elle  implique  le  don  de 
prophétie. 

La  loi  des  Catastrophes  s'offre  à  nous  sous  les  deux  espèces  du  diagramme  et  de 
l'équation. 

La  planche  jaune,  ronge,  violette  etnoiredont  est  illustré  le  tome  II  de  Y  Agiotage 
(planche  XIV)  lui  donne  une  forme  bien  concrète.  Comme  l'auteur  se  flatte  d'y  avoir 
résumé  l'histoire  entière  de  notre  temps,  comme  il  prétend  y  avoir  rendu  visibles 
à  l'œil  nu  toutes  les  oscillations  corrélatives  de  la  richesse,  du  salariat  et  du  pau- 


(1)  Voir  le  Journal  ie  juillet  1888,  p.  243. 


—  300  — 

périsme,  depuis  la  Restauration  jusqu'à  nos  jours,  j'ai  tenu  à  faire  amplifier  celle 
mystérieuse  image.  Je  fais  passer  sous  vos  yeux  l'original,  el  la  copie  à  grande 
échelle  est  là,  suspendue  devant  vous  (1). 
Regardez-la  bien,  Messieurs,  et  tremblez  ! 


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Là-haul,  ces  montagnes  jaunes  que  semblent  éclairer  les  rayons  du  soleil  cou- 
chant, ce  sont  les  capitaux,  ce  sont  les  «  trésors  des  possédants  ». 

La  zone  rouge  qui  vient  ensuite,  ce  sont  «  les  non-possédants,  les  salariés,  les 
prolétaires  ». 


(1)  Dans  la  reproduction  ci-dessus  du  diagramme  de  M.  Chirac,  on  a  supprimé  les  couleurs  pour  sim- 
plifier. 


—  301  — 

Puis  viennent  «  les  vallées  violettes  du  dénuement  »  ;  et  enfin,  «  les  abîmes  noirs 
de  la  destruction  ». 

Voilà,  certes,  un  décor  tragique  et  fait  pour  plaire  aux  lecteurs  ordinaires  de  la 
Revue  socialiste.  On  y  voit  des  choses  bien  invraisemblables  pour  nous  autres, 
simples  statisticiens:  on  y  voit  la  détresse  augmenter  en  bas  toutes  les  fois  qu'en 
haut  la  richesse  se  développe;  on  y  voit  le  flot  montant  de  la  misère  submerger 
peu  à  peu  l'armée  des  travailleurs  et  ne  reculer,  momentanément,  que  lorsqu'un 
cataclysme  est  venu  décimer  celte  foule  sans  défense.  C'est  tantôt  la  guerre,  tantôt 
la  famine,  tantôt  la  peste.  De  là,  entre  les  montagnes  jaunes  et  les  vallées  violettes, 
ces  triangles  rouges  {|ui  vont  s'amincissanl  comme  des  fers  de  lance  et  dont  la 
pointe  ensanglantée  mar(|ue,  le  long  du  siècle,  la  place  des  grandes  catastrophes 
historiques. 

Il  y  a,  disais-je,  dans  cette  figure  des  choses  bien  invraisemblables  ;  mais  aux 
sceptiques  qui  se  demanderaient  si  c'est  bien  là  l'image  fidèle  des  faits  passés,  pré- 
sents et  futurs,  l'auteur  ferme  impérieusement  la  bouche:  «  Pas  une  ligne  dans  ce 
«  tableau,  s'écrie-l-il,  qui  ne  soit  le  résultat  d'un  chiffre;  pas  un  chiffre  qui  ne  soit 
«  le  résultat  d'une  constatation  officielle.  » 

Je  me  suis  cependant  permis  d'y  regarder  d'un  peu  près  et  je  suis  resté  confondu 
de  la  puissance  d'imagination  qu'il  a  fallu  à  M.  Chirac  pour  voir  dans  son  diagramme 
l'exacte  traduction  des  données  les  plus  authentiques  de  la  statistique  nationale. 

Vous  allez  en  juger. 

L'auteur  nous  explique  lui-même  (|ue  des  quatre  courbes  A,B,  D  et  G,  qui  sépa- 
rent le  noir  du  jaune,  le  jaune  du  rouge,  le  rouge  du  violet  el  le  violet  du  noir 
deux  seulement,  B  et  D,  ont  une  valeur  propre,  les  deux  autres  étant  simplement 
complémentaires  de  celles-là.  D'autre  part  les  deux  équations  qui  engendrent  les 
courbes  B  et  1)  se  composent  des  mêmes  éléments,  de  sorte  que  l'on  peut  presque 
se  contenter  d'en  discuter  une  (1). 

Prenons  la  courbe  B.  La  valeur  variable  de  ses  ordonnées  s'obtient,  tout  compte 
fait,  en  divisant  annuellement  ie  chiffre  de  la  circulation  française  (monnaie  métal- 

(1)  M.  Chirac  écrit  ainsi  son  équation  (voir  V Agiotage,  t.  II,  p.  287)  : 

3  (O  +  K  —  B)  X  M  X  100 


B  =- 


Jf  xs 


0  représentant  le  total  des  monnaies  métalliques  en  circulation,  N  le  total  des  billets  de  banque  émis, 
E  l'encaisse,  or  et  argent,  de  la  Banque  de  France,  le  tout  à  la  fin  de  l'année  ;  M  le  nombre  des  décès 
de  l'année,  P  la  population,  S  le  chiffre  en  capital  des  successions  taxées  dans  l'année. 

p    N/    S 

Mais  l'auteur  a  lui-même  expliqué  ailleurs  (p.  283)  que  — rj —  donne  «  l'héritage  de  la  nation  en- 
tière »,  c'est-à-dire  le  montant  total  des  fortunes  individuelles  et  il  en  donne  cet  exemple  : 

En  1881,  il  est  mort  828,828  personnes  et  ce  total  de  décès  a  fait  taxer  4,914,227,477  francs  de 
successions.  La  population  recensée  étant  de  37,672,048,  on  a  : 

37,672,048X4,917,227,477  ^  ^^_ 

S2S,828 

L'autre  équation  se  rattache  étroitement  ï  la  première  : 

,^_3(0  +  N-E)XM'X  100_„ 

P'  +  S' 

M,'  P'  et  S'  représentant  les  valeurs  de  M,  P  et  S  au  commencement  de  chaque  période. 

11  résulterait  de  là  qu'à  cette  date  initiale  B  =  0,  ce  que  le  diagramme  ne  confirme  pas.  C'est  une 
contradiction  ajoutée  ii  beaucoup  d'autres. 


—  302  — 

lique  et  billets  de  banque  non  couverts)  par  la  somme  totale  des  fortunes  indivi- 
duelles et  en  multipliant  le  quotient  de  cette  division  par  300: 

B^300x^rf"°" 
Kicriesse 

G'esl  encore  la  circulation  et  la  richesse,  évaluées  à  deux  époques  différentes, 
qui  déterminent  la  courbe  D.  De  sorte  que  le  diagramme  tout  entier,  avec  ses  noirs, 
ses  jaunes,  ses  rouges  et  ses  violets,  résulterait  uui(|uement  de  la  combinaison  mys- 
térieuse de  ces  deux  éléments:  richesse  et  numéraire. 

Ici,  Messieurs,  ma  réfutation  n'a  que  l'embarras  du  choix,  car  le  principe  qu'on 
applique  est  de  pure  fantaisie  et  il  n'en  est  pas  même  fait  une  application  correcte. 

Je  dis  que  le  [iriiicipe  est  illusoire,  et  vraiment  cela  saule  aux  yeux. 

Quoi  !  il  sufllrait  de  mettre  en  présence,  algébriquement  ou  géométriquement, 
ces  deux  facteurs  :  la  circulation  d'un  peuple,  métal  et  papier,  et  sa  richesse  capi- 
talisée, pour  savoir  comment  celte  richesse  se  répartit  à  chaque  époque;  quels  sont 
ceux  qui  l'absorbent;  quels  sont  ceux  qui,  sous  forme  de  salaires,  en  reçoivent 
seulement  les  miellés;  quels  sont  ceux  qui  meurent  d'itianiiion  au  pied  de  celle 
montagne  d'or  ! 

Cette  lutte  entre  le  travail  et  la  faim,  qui  donne  à  M.  Chirac  ses  triangles  violets  et 
ses  triangles  rouges,  toutes  les  péripéties  s'en  trouveraient  contenuesdansles  varia- 
tions de  ces  deux  totaux  :  circulation,  richesse!  Assurément  ce  sonl  là  des  agents  puis- 
sants et  ils  jouent  dans  l'économie  générale  des  peuples  un  rôle  dont  je  ne  songe 
pas  à  méconnaître  l'importance.  Mais  il  y  en  a  d'autres  en  scène  ;  il  y  en  a  beaucoup 
d'autres,  et  je  voudrais  savoir  pourquoi,  prenant  les  uns,  on  a  laissé  les  autres  de  côté. 

Comment  avoir  pu  supposer  que  quelques  phrases  nuageuses  sur  la  vie,  sur  la 
mort,  sur  les  forces  de  produclioti  et  les  forces  de  consommation,  sur  l'échange  et 
sur  la  monnaie,  nous  feraient  accepter,  sans  autre  forme  de  procès,  l'aventureu.se 
équation  d'où  est  sorti  le  diagramme  que  vous  regardez?  Les  syllogismes  les  plus 
rigoureux  ne  seraient  pas  de  trop  ici  pour  nous  persuader:  or,  on  ne  nous  offre  pas 
même  l'apparence  d'une  démonstration. 

Il  y  a  pour  cela  une  bonne  raison.  Messieurs:  c'est  qu'on  ne  peut  démontrer  que 
ce  qui  est  vrai  et  que  nous  sommes  ici  aux  prises  avec  un  vain  mirage... 

Mais,  comme  je  le  disais  tout  à  l'heure,  d'un  principe  illusoire  M.  Chirac  ne  fait 
même  pas  une  application  correcte  et  dans  sa  fraction 

Circulation 
Richesse 

le  numérateur  et  le  dénominateur  sont  également  suspects. 

Le  numérateur,  ici,  c'est  la  circulation  française,  or,  argent,  et  billets  émis  à 
découvert.  L'excédent  des  émissions  de  billets  par  rapport  à  l'encaisse  de  la  Banque 
est  facile  à  connaître.  Mais  il  n'eût  pas  été  superflu  de  nous  dire  comment  on  fixait 
l'importance  totale  et  surtout  les  variations  annuelles  de  notre  stock  métallique, 
or  et  argent.  Vous  savez  tous,  Messieurs,  que  la  question  est  délicate  :  M.  Chirac 
ne  semble  pas  en  apprécier  les  difficultés,  car  il  ne  nous  dil  même  pas  comment 
il  s'y  est  pris. 

Quant  à  son  dénominateur,  c'est-à-dire  à  l'évaluation  du  montant  total  des  for- 
tunes privées,  M.  Chirac  nous  en  livre  le  secret  et  peut-être  aurait-il  mieux  fait  de 


—  303  — 

le  garder  pour  lui,  car  sa  formule  est  bien  vicieuse.  Que  fait-il?  Il  multiplie  la  masse 
successorale  par  le  nombre  des  liabilants  et  il  divise  par  le  nombre  des  décès  : 

M 

S'il  avait  suivi  —  fût-ce  de  loin  —  les  travaux  de  la  Société  de  statistique,  il  sau- 
rait qu'il  y  a  quel(|ues  précautions  de  plus  à  prendre  pour  tirer  du  quantum  des 
successions  annuelles  une  évaluation  sérieuse  de  l'ensemble  des  capitaux  sur  lesquels 
ces  successions  se  Irouvcnt  impuiccs. 

Il  saurait,  d'abord,  qu'au  lieu  de  prendre  les  successions  seules,  il  faut  y  joindre 
les  donalions,  qui,  dans  la  jdupart  des  cas,  ne  sont  qu'une  simple  dérivation  du  cou- 
rant successoral.  Il  saurait  également  que  ce  n'est  point  le  rapport  des  populations 
aux  décès,  que  ce  n'est  point  la  vie  moyenne  (jui  doit  multiplier  la  masse  succes- 
sorale, mais  bien  la  survie  moyenne  des  héritiers  aux  de  cujus,  ce  qui  n'est  pas  la 
même  chose. 

11  saurait  encore  que  la  nun-déduction  du  passif,  les  dissimulations  d'actif  et  les 
modes  d'évaluation  automatiques  imposés  par  la  loi  pour  les  successions  immobi- 
lières ne  permettent  d'accepter  les  résultais  d'un  pareil  calcul  que  sous  bénéfice 
d'inventaire. 

Il  saurait  surtout  que  les  ventilations  de  ce  genre  ne  peuvent  avoir  quehjue 
autorité  qu'à  la  condition  de  porter  sur  une  péi'iode  un  peu  étendue.  C'est  le  cas 
ou  jamais  de  faire  des  moyennes.  M.  Chirac  n'en  fait  pas  ;  il  appliiiue  à  chaque 

P  X  S 

millésime,  pris  isolément,  sa  formule  — i-. — ,  et  il  ne  prend  pas  garde  aux  anomalies 

qui  fatalement  doivent  en  résulter. 

Je  repioduis,  par  curiosité,  la  série  des  valeurs  successives  qu'il  attribue  ainsi, 
année  par  année,  à  l'ensemble  des  capitaux  possédés  par  les  Français: 

ANNÉES.  CAPITAL  CAPITAL  CAPITAL  CAPITAL 

(31  décembre.)  immobilier.  mobilier,  fiiiaucitr.  total. 

millions  de  frauca. 

1851' 48,G37  29,501  3,805  82,003 

1869 88,213  64,855  8,754  161,822 

1870 61,317  46,216  5,911  113,444 

1871 75,400  59,:)00  7,100  142,000 

1872 98,000  73,900  8,300  180,200 

1873 88,300  58,400  18,800  165,500 

1874 92,500  63,500  19,400  175,400 

1875 96,600  65,900  22,900  185,400 

1876 115,000  08,400  26,300  209,700 

1877 105,900  65,100  25,100  196,100 

1878 110,200  67,900  31,700  209,800 

1879 115,300  68,100  37,700  221,100 

1880 123,200  72,900  36,500  232,600 

1881 113,800  69,500  40,000  223,300 

1882 120,000  71,000  35,800  226,800 

1883 121,300  72,900  41,800  236,000 

1884 117,100  70,000  37,200  224,300 

1885 126,500  76,400  42,800  245,700 

1886 122,400  72,500  43,800  238,700 

1887 »        .        >  240,265 

L'incohérence  même  des  résultats  obtenus  aui-ait  dû  inquiéter  le  calculateur  : 
comment  admettre  ces  plus-values  ou  moins-values  énormes  d'une  année  à  l'autre? 


—  304  — 

La  roue  de  la  fortune,  surtout  lorsqu'il  s'agit  de  ia  fortune  publique,  ne  comporte 
pas  de  tels  cahots. 

Mais  M.  Chirac  ne  se  trouble  point  pour  si  peu:  quand  il  voit  qu'en  douze  mois, 
même  aux  époques  les  plus  tranquilles,  le  pays  a  gagné  ou  perdu  20,  30,  40  mil- 
liards, il  ne  se  dit  pas  :  «  J'ai  dû  me  tromper  »  ;  il  se  borne  à  rechercher  quels  sont 
les  financiers  véreux,  quels  sont  les  vils  agioteurs  qui  peuvent  avoir  fait  danser  de 
la  sorte  l'anse  du  panier  où  la  France  met  ses  œufs  ;  et,  un  coup  d'œil  lui  suffisant 
pour  s'éclaii'er  à  cet  égard,  voilà,  du  coup,  quelques  noms  de  plus  mis  au  pilori. 

Voulez-vous  un  exemple? 

De  décembre  1875  à  décembre  1876,  les  multiplications  de  M.  Chirac  accusent, 
rien  que  sur  la  richesse  immobilière,  un  relèvement  de  18  milliards;  et  loin  de  s'en 
étonner  il  trouve  cela  tout  simple: 

«  C'est  tout  simple,  dit-il  textuellement;  on  avait  parlé  de  concéder  des  lignes, 
<i  de  faire  des  expropriations  et  de  donner  des  indemnités  ;  en  outre,  on  avait  exé- 
«  cuté  des  gages,  c'est-à-dire  vendu  des  immeubles,  et  ceux  qui  les  avaient  achetés 
«  voulaient  gagner  sur  leur  acquisition.  Enfin  qu'on  se  rappelle  donc  la  circulaire 
t  de  Dufaure  sui'  le  notariat.  > 

M.  Chirac,  qui  se  rappelle  si  bien  la  circulaire  Dufaure,  aurait  mieux  fait  de  se 
rappeler  la  loi  Wolowski.  Vous  savez  que,  sur  la  proposition  de  notre  ancien 
président,  l'Assemblée  nationale,  en  1875  (loi  du  21  juin  1875,  art.  2},  avait 
porté  de  20  à  25,  pour  les  immeubles  ruraux,  le  coefficient  par  lequel  l'administra- 
tion de  l'enregislremenl  doit  multiplier  les  valeurs  locatives  pour  l'assiette  des 
droits  de  mutation  par  décès.  C'est  celte  majoration  d'un  quart  qui  grossit  tant  la 
niasse  successorale  de  1876  et  l'on  peut  affirmer  que  la  circulaire  Dufaure  n'y  est 
pour  rien,  ni  les  projets  de  chemins  de  fer,  ni  les  liquidations,  ni  ce  «  congrès 
des  Juifs  des  (jualre  parties  du  monde  »  qui  s'était  réuni  au  Grand-IIôtel  le  15  dé- 
cembre et  que  M.  Chirac  met  aussi  en  cause. 

Un  autre  détail  qu'il  eût  été  bon  de  ne  pas  perdre  de  vue,  c'est  que  la  moitié  des 
successions  taxées  chaiiue  année  correspond  à  des  décès  remontant  à  l'année 
précédente.  Vous  savez,  en  effet,  que  les  héritiers  ont  six  mois  pcfur  faire  leur  dé- 
claration et  pour  acquitter  les  droits:  il  est  rare  qu'on  devance  beaucoup  l'échéance 
et  il  arrive  quelquefois  que  l'on  obtient  un  sursis.  Le  fisc  retarde  donc  de  six 
mois  par  rapport  à  la  mort  et  c'est  ainsi  que  nous  voyons  en  ce  moment  le  Trésor 
récolter  les  opulentes  plus-values  que  Yin/luenza  a  semées  en  décembre  1889  et 
janvier  1890.  Il  en  a  toujuurs  été  ainsi  et  M.  Chirac  commet  un  véritable  quiproquo 
quand  il  suppose  que  toutes  les  déclarations  de  successions  souscrites  pendant  telle 
ou  telle  année  concernent  les  biens  des  personnes  mortes  celte  année-là.  Or,  le 
quiproquo  ne  se  trouve  pas  répété  moins  de  vingt  fois  dans  le  tableau  dont  je  vous 
signalais  tout  à  l'heure  les  étrangetés. 

Je  suis  bien  obligé.  Messieurs,  d'insister  sur  les  diverses  erreurs  que  M.  Chirac 
a  commises  en  calculant  ce  qu'il  appelle  a  l'héritage  total  de  la  nation  »,  car  nous 
avons  vu  que  ce  calcul  fait  le  fond  de  la  partie  graphique  de  son  travail  et  nous 
allons  voir  maintenant  que  sa  loi  des  catastrophes  n'a  pas  non  plus  d'autre  base.  La 
base  tombant,  ia  loi  est  bien  malade. 
C'est  M.  Chirac  lui-même  qui  nous  apprend  que  toute  sa  loi  est  contenue  dans  la 

formule  K  =  — n — • 


—  305  — 

11  a  bien  voulu,  pour  faciliter  la  lâche  à  laquelle  il  m'avait  convié,  m'envoyer 
une  noie  manuscrite  où  il  réduit  la  loi  dite  des  catastrophes  à  sa  plus  simple  expres- 
sion. El  voici  en  quels  termes  il  le  fait.  Après  avoir  posé,  comme  à  la  fin  de  son 

P  X  S 
livre,  l'équation  que  je  critiquais  tout  à  l'heure:  K== — j-, — ,  il  ajoute: 

«  il  n'est  pas  contestable  que  le  chiffre  de  la  population,  que  le  chiffre  des  capi- 
«  taux  successoraux,  que  le  chiffre  des  décès  ne  résument  aussi  exactement  que 
«  possible  l'ensemble  des  mouvements  sociaux  résultant  du  fonctionnement  des 
«  forces  de  produclion  et  de  consommation  (?).  Or,  en  cherchant  la  valeur  annuelle 
«  de  K,  on  obtient  une  série  de  sommes  tantôt  croissantes,  tantôt  décroissantes.  En 
«  les  comparant  entre  elles,  on  trouve  toute  une  série  de  rapports. 

c  Mais  en  adoptant  la  règle  de  ne  choisir,  comme  point  de  départ  d'une  période 

P  X  S 

«  de  comparaison  de  K,  que  la  valeur  de  K  obtenue  par — r-, —  dans  l'année  qui  a 

«  suivi  la  plus  grande  mortalité,  sans  distinguer  fi  ces  mortalités  ont  été  produites 
«  par  des  épidémies,  des  guerres  ou  des  émeutes,  on  découvrira  que,  depuis  1816 

V 

«par  exemple,  trois  années  seulement  ont  conduit  à-^-^  =  !2  '/  ;  que  ces  trois  an- 

«  nées  ont  pour  millésimes  :  184.7-184.8;  1869-1870;  1887-X;  et  enfin  que  les  deux 

«  premières  indiquent  des  époques  où  se  sont  ouvertes  des  séries  de  deslructions 

«  humaines  ayant  duré  plus  ou  moins  longtemps,  suivant  le  degré  de  leur  intensité  (1). 

«  Rapprocher  l'indice  2  '/*  des  causes  qui  l'ont  amené,  étudier  la  marche  des  pro- 

«  dromes,  prévoir  dans  quelles  conditions  le  même  indice  se  reproduira  et  savoir 

«  comment  on  peut  s'y  prendre  pour  enrayer  les  causes,  la  marche  et  les  condi- 

«  lions,  (el  est  le  but  que  se  propose  la  sociométrie.  » 

Vous  le  voyez,  la  sociométrie,  telle  que  la  conçoit  M.  Chirac,  repose  loul  entière  sur 

P  X  S 
celte  soi-disant  formule  de  la  richesse:  K  =  -— ri — ,  qui,  loin  de  pouvoir   fournir 

toutes  les  révélations  qu'il  en  allend,  n'est  même  pas  conforme  à  la  définition  qu'il 
en  donne. 

Et,  chose  piquante,  c'est  à  raison  même  d'une  des  erreurs  commises  par 
M.  Chirac  dans  l'établissement  de  son  équation  de  la  richesse  que  celle  équation 
lui  donne  les  soubresauts  dont  il  croit  pouvoir  tirer  un  si  grand  parti. 

Si,  par  exemple,  la  fortune  totale  des  Français  lui  paraît  avoir  doublé  et  plus 
que  doublé  depuis  1870,  c'est  que  le  quiproquo  dont  j'ai  parlé  lui  a  fait  croire 
la  France  d'il  y  a  vingt  ans  beaucoup  plus  ruinée  qu'elle  ne  l'était  réellement.  Aux 
hécatombes  de  1870,  il  aurait  dû  opposer,  comme  je  l'exphquais  tout  à  l'heure,  non 
pas  les  successions  taxées  en  1870,  lesquelles  n'ont  rien  d'anormal,  mais  les  succes- 
sions taxées  en  1871,  dont  le  chiffre  est  énorme  pour  l'époque  (plus  de  5  milliards). 

Cette  simple  rectification  suffit  pour  éloigner  de  nous  ce  chiffre  fatal  de  2  ^j^,  der- 
rière lequel  tant  de  fléaux  sont  embusqués.  Elle  suffit  même  pour  renverser  de  fond 

(1)  M.  Chirac  termine  ainsi  la  note  d'où  ces  lignes  sont  extraites  :  •  Je  dois  ajouter  que  jusqu'ici 
(hiver  I8S9-1S90)  mes  études  sur  les  autres  nations,  Belgique,  Allemagne,  Angleterre...,  m'ont  donné  les 
mêmes  résultats  précis,  et  que  les  plus  récentes,  qui  ont  porté  sur  le  Brésil,  ont  également  donné  l'in- 
dice 2  I  /4  pour  la  fin  de  18S8.  Dans  ce  pays,  c'est  la  seule  fois  que  cet  indice  s'est  produit  depuis  1848.  » 
Ce  n'est  pas  une  des  moindres  vertus  de  la  formule  magique  de  M.  Chirac  que  de  pouvoir  voyager  si 
facilement  à  travers  toutes  les  broussailles  de  la  statistique  internationale. 

1"  SÉRIE.    31"  TOI..  —   n"  10.  20 


—  306  — 

en  comble  loul  le  fragile  édifice  sur  lequel  le  grand-maîlre  de  la  sociométrie  s'est 
trop  pressé  d'écrire  son  terrible  mane  Ihcccl  phares! 

La  loi  des  catastrophes  n'est  donc  rien  moins  qu'une  loi. 

Il  me  reste  cependant  à  prévoir  de  la  part  de  quelques-uns  d'entre  vous  une 
réflexion  toute  naturelle. 

On  juge  l'arbre  par  ses  fruits  mieux  que  par  ses  racines  et,  de  même,  il  semble 
que  l'on  doive  mieux  juger  un  prophète  par  ses  prédictions  que  par  ses  raisonne- 
ments. Or,  M.  Chirac  a  prophétisé;  et  si,  comme  il  l'assure,  l'événement  a  donné 
pleinement  raison  à  ses  pronostics,  que  peuvent  contie  cette  ralificalion  du  lait 
accompli  les  vaines  arguties  de  notre  pédantisme? 

Voyons  donc  ce  qu'il  a  prédit. 

Il  y  a  cinq  ans  déjà  que,  fort  de  ses  équations,  l'inventeur  de  la  loi  des  catas- 
trophes adressait  au  Président  de  la  Chambre  des  députés  la  lettre  dont  la  teneur  suit  : 

«  Monsieur  le  Président, 

t  Comme  citoyen  français  et  comme  électeur,  j'ai  le  devoir  de  vous  faire  la  com- 
«  municalion  suivante,  qui  résulte  d'une  élude  approfondie  de  la  situation  malé- 
«  rielle  de  notre  pays. 

«  Si  la  constitution  économique,  légale  et  sociale  de  la  France  n'est  pas  modifiée 
«  sans  délai  en  prenant  pour  base  le  principe  de  Yégalilé  des  échanges  à  l'intérieur 
«  comme  à  Vexh'rieur,  elle  marchera,  quels  que  soient  d'ailleurs  les  expédients 
«  politiques  employés,  vers  uno  série  de  catastrophes  qui  se  succéderont  dans 
«  l'ordre  suivant  : 

«  1°  En  1888,  les  forces  de  consommation  du  pays  absorberont  la  moitié  de  ses 
i  forces  de  production,  ce  qui  ramènera  exactement  la  situation  d'où  sont  sorties 
«  les  crises  de  1848. 

«  2°  En  1890,  les  forces  de  consommation  absorberont  les  deux  tiers  des  forces 
«  de  production,  ce  qui  ramènera  exactement  la  situation  ayant  caractérisé  l'année 
«  1850  et,  en  outre,  ouvrira  l'ère  du  papier-monnaie,  centenaire  des  assignats  de 
«  1790. 

«  3°  En  t893,  les  forces  de  consommation  absorberont  la  totalité  des  forces  de 
«  production,  ce  qui  engendrera  cette  situation  qu'il  n'y  aura  plus  ni  épargne,  ni 
«  travail,  ni  réserves,  ni  monnaie,  et  que  dès  lors  la  masse  affamée  exigera  impé- 
€  rieusemenl  une  liquidation  analogue  à  celle  de  1793. 

«  Toutes  ces  indications  résultent  de  chiffres  officiels  groupés  dans  une  formule 
€  contrôlable,  mais  irréfutable  et  que  je  vous  envoie  (1).  » 

La  lettre  est  du  18  novembre  1885. 

Pour  1893,  Messieurs,  nous  ne  pouvons  que  dire:  «  Dî  avertant  omen!  »  Il 
serait  presque  aussi  téméraire,  à  trois  ans  de  dislance,  de  nier  que  d'affirmer,  et  la 
sagesse  humaine  peut  ici  se  résumer  tout  entière  dans  le  vieux  dicton  :  Qui  vivra 
verra  ! 

Pour  1890,  bien  que  l'année  ait  encore  un  pied  dans  l'avenir,  il  nous  semble 

(1)  Il  parait  que  la  formule  <  qui  a  engendré  les  pronostics  contenus  dans  la  lettre  au  Président  de  la 

Cliambre  des  députés  »  n'est  pas  —,  mais  (l-*-p)    =n(l-+--|,  équation  expliquée  dans  les  Itois 

de  la  République,  t.  II,  p.  404,  420.  Heureusement  que  «  la  concordaace  technique  »  des  deux  formules 
nous  permet  de  ne  parler  ici  que  des  calculs  insérés  dans  V Agiotage. 


—  307  — 

* 

bien  difficile  de  prendre  au  sérieux  les  menaces  de  M.  Chirac.  Si  vraiment  nous 
devons  être  mis  avant  le  M  décembre  au  régime  des  assignats,  ce  sera  pour  tout  le 
monde  —  excepté  pour  M.  Chirac  —  une  grande  surprise  et  l'on  peut  dire  au  moins 
que  nous  n'en  prenons  pas  le  chemin,  puisque  la  Banque  de  France  a  encore  accru 
son  encaisse  de  plus  d'un  quart  de  milliard,  or  et  argent,  depuis  le  jour  où  fut 
écrite  la  lettre  que  je  viens  de  lire. 

Quant  à  l'année  1888,  elle  appartient  déjà  tout  entière  à  l'histoire  et  l'histoire  est 
loin  d'en  avoir  fait,  conformément  aux  vues  pessimistes  de  M.  Chirac,  une  réédition 
de  l'année  1848.  En  1848,  une  révolution,  qiio  h  disette  avait  précédée  et  que  le 
choléra  allait  suivre,  ensanglantait  Paris,  ébranlait  l'Europe,  terrorisait  le  monde.  Il 
me  semble  que  nous  n'avons  rien  vu  de  pareil  il  y  a  deux  ans  et  que  les  catastro- 
phes promises  ont  manqué  à  l'appel. 

Tel  n'est  pas  l'avis  de  M.  Chirac.  «  Avez-vous  donc  oublié,  nous  dit-il,  la  «  chute 
de  M.  Grévy  et  tout  ce  qui  l'a  précédée?  » 

Messieurs,  je  ne  me  pardonnerais  pas  de  prononcer  ici  une  seule  parole  qui  pût 
être  jugée  malséante.  Mais,  en  vérité,  qui  oserait  comparer  à  toutes  les  angoisses 
de  1848  la  crise  sui  generis  dont  le  résultat  a  été  d'éloigner  de  l'Elysée  le  prédé- 
cesseur de  M.  Carnot?  La  France  n'a  pas  eu  alors  le  sentiment  ni  la  sensation  d'un 
grand  malheur  public.  En  tout  cas,  la  transmission  des  pouvoirs  présidentiels  n'a 
évidemment  provoqué  aucune  de  ces  tueries,  aucune  de  ces  «  destructions  en 
masse  »  auxquelles  M.  Chirac  lui-même  reconnaît  les  grandes  catastrophes  sociales 
dont  il  croit  avoir  formulé  la  loi.  Il  est  donc  vraiment  impossible  de  ne  pas  consi- 
dérer ses  prédictions  pour  1888  comme  ayant  fait  long  feu. 

Au  besoin,  on  pourrait  ajouter  que  les  incidents  qu'il  est  réduit  à  invoquer,  comme 
preuve  de  sa  clairvoyance,  remontent,  non  pas  à  1888,  mais  bien  à  1887;  de  sorte 
qu'en  réalité  il  n'y  a  accord  nisurlesfaits,  ni  sur  le  millésime.  A  part  cela,  tout  va  bien! 

Ah  I  Messieurs,  que  le  métier  de  devin  deviendrait  facile  si  l'on  pouvait,  pour 
triompher,  se  contenter  de  si  vagues  approximations! 

La  loi  de  M.  Chirac,  telle  qu'il  l'interprète,  me  rappelle,  malgré  moi,  celle  que 
professait  naguère,  sous  le  nom  élégant  de  météopsychologie,  l'ingénieux  capitaine 
Delauney  (1).  Fixant  —  on  ne  sait  pourquoi  —  à  165  ans  «  environ  »  l'intervalle 
régulier  des  suprêmes  épreuves  infligées  à  l'espèce  humaine,  il  qualifiait  ainsi,  pour 
les  besoins  de  sa  cause,  des  faits  d'un  intérêt  beaucoup  moins  général,  tels  que  la 
mort  de  Judas  Machabée.  Comme  il  meurt  tous  les  ans  beaucoup  de  monde,  le 
hardi  capitaine,  à  chacune  des  dates  que  son  système  évoquait,  trouvait  assez  vite 
quelque  personnage  plus  ou  moins  illustre  à  pleurer,  et  le  tour  élait  joué  (2)! 

Il  n'y  aurait  peut-être  eu,  Messieurs,  qu'à  lire  tout  haut  les  prédictions  de  M.  Chirac 
pour  vous  édifier  sur  la  valeur  de  la  loi  des  catastrophes;  et  je  devrais  alors  m'ex- 
cuser  d'avoir  prolongé  plus  que  de  raison  une  discussion  qui  ne  pouvait  être  agréable 
ni  pour  moi,  ni  pour  vous,  ni  pour  celui  dont,  à  sa  demande,  j'avais  à  analyser  les 
travaux.  J'ai  regretté  plus  d'une  fois,  au  cours  de  cette  ingrate  analyse,  l'engagement 

(1)  Voir  le  Gaulois  du  11  août  1884;  voir  aussi,  dans  le  Journal  de  la  Société  de  statistique  de 
Paris  de  1885,  notre  discours  sur  la  Statistique  et  ses  ennemis. 

(2)  M.  Drumont  (la  Dernière  Bataille,  p.  545)  extrait  d'un  livre  introuvable  de  Bruck,  eu  date  de  18G2, 
une  théorie  historique  qu'il  loue  sans  réserve  et  qui  n'est  pas  sans  analogie  avec  celle  du  capitaine  De- 
launey :  elle  limite  à  1,032  ans  la  durée  d'un  peuple  comme  «  peuple-chef  ».  Pour  la  France,  la  période 
aurait  commencé  en  843  et  fini  en  187C, 


—  308  — 

que  j'avais  pris,  car  je  ne  suis  pas  de  ceux  qui  aiment  à  dire  aux  gens  des  choses 
pénibles.  Si  quelqu'un  d'entre  vous,  Messieurs,  pouvait  croire  que  je  me  suis  montré 
plus  sévère  que  de  raison,  je  lui  rcmetirais,  non  seulement  avec  plaisir,  mais 
presque  avec  reconnaissance,  les  volumes  et  les  notes  qui  constituent  le  dossier  de 
l'affaire.  Je  crois  seulement  que,  quand  il  se  serait  bien  rendu  compte  de  l'exlraor- 
dinaire  fragilité  des  soi-disant  théories  dont  je  viens  de  vous  apporter  les  morceaux, 
il  me  reprocherait  d'avoir  été  trop  indulgent. 

M.  Chirac  possède  cependant  quelques-uns  des  dous  du  statisticien  ;  il  lui  en 
manque  d'autres,  malheureusement,  qui  ne  sont  |)as  moins  essenlicls.  On  peut  dire 
de  lui  que  c'est  un  impressionniste.  Le  mot  est  à  la  mode  et  notre  siècle  fait  preuve 
d'une  tolérance  croissante  pour  l'impressionnisme  dans  l'art;  mais  la  science  n'est 
plus  la  science  quand  elle  se  met  ainsi  à  travailler  au  jugé.  Par  niomenls,  j'ai  pu 
me  demander  si  la  prétendue  loi  des  catastrophes  n'était  pas  une  simple  mysti- 
fication à  l'adresse  de  ces  pauvres  bourgeois  auxquels  le  socialisme  aime  tant  à  faire 
peur.  Mais  non!  .M.  Chirac  est  un  homme  convaincu.  Ceux  qui  l'ont  lu  tout  au  long 
n'en  peuvent  douter  et  l'insistance  même  qu'il  a  mise  à  nie  faire  prendre  la  parole 
suffirait  à  le  prouver. 

Je  dirai  même  —  quel  que  soit  mon  respect  pour  toutes  les  grandes  convictions 
—  que  M.  Chirac  est  trop  convaincu. 

Il  est  si  sûr  de  lui  et  il  fait  si  peu  de  cas  de  ses  contradicteurs  que  tout  ce  que  je 
viens  de  dire  ne  pourra  guère  le  troubler.  Ce  n'est  pas  qu'il  se  déclare  tout  à  fait 
infaillible:  «  Je  sais,  dii-il,  que  je  suis  d'une  matière  sujette  aux  détériorations; 
il  est  donc  «  possible  qu'une  défaillance  matérielle,  une  'parle  à  la  terre  ait  eu  l'oc- 
casion de  se  «  produire  duiis  le  jeu  des  fils  conducteurs  qui  de  mon  cerveau  vont  à 
ma  plume.  » 

Il  ajoute  :  «  C'est  pourquoi,  si  un  autre  cerveau,  ayant  passé  où  j'ai  passé,  me 
«  signale  un  poteau  omis  dans  mes  dénombrements  ;  une  opération,  une  formule 
«  erronée,  capables  de  détruire  mes  conclusions,  oh!  alors,  mais  alors  seulement, 
*  je  m'incliiierai,  parce  que  ce  sera  la  science  qui  me  l'ordonnera.  » 

C'est  sur  la  foi  de  cette  promesse  que  j'avais  tenu  à  donner  à  ma  réfutation  les 
développements  qui  viennent  de  mettre,  un  peu  trop  longtemps,  votre  bienveillance 
à  l'épreuve. 

Hélas  !  en  relisant  l'étrange  préface  d'oîi  ces  lignes  son!  tirées,  je  vois  bien  que 
ma  réfutation,  si  minutieuse  qu'elle  soit,  va  se  heurter  à  une  fin  de  non-recevuir 
des  plus  humiliantes.  Car  il  y  a  toute  une  catégorie  de  gens  dont  l'auteur  brave 
d'avance  la  contradiction.  Ce  sont  ceux  qu'il  appelle  «  les  gens  du  monde  officiel  9 
et  il  a  une  façon  très  large  d'interpréter  cette  formule.  C'est  «  aux  ignorants  du 
monde  officiel  »  que  le  livre  est  dédié,  «  aux  ignorants  du  genre  des  Paul  Leroy- 
Beaulieu,  Jules  Simon,  Léon  Say,  Ribot,  Jules  Ferry,  Edouard  Hervé,  Freppel, 
Buffet,  Chesnelong,  John  Lemoinne,  Passy,  etc..  ».  Et  l'auteur  explique  gracieu- 
sement à  tous  ces  Messieurs  qu'ils  doivent  s'estimer  heureux  d'être  seulement  trai- 
tés d'ignai'es,  car  sans  cela  c'est  fourbes  qu'il  faudrait  dire. 

Cette  manière  inusitée  de  juger  des  hommes  dont  quelques-uns  sont  pour  moi 
des  maîtres  aimés  et  respectés  me  mettait  fort  à  l'aise  pour  discuter  M.  Chirac  et 
ses  œuvres.  Mais  il  est  clair  qu'elle  le  mettra  fort  à  l'aise  lui-même  pour  ne  tenir 
aucun  compte  de  mes  objections. 

A.    DE   FOVILLE. 


—  309 


m. 


DE  LA  MORBIDITÉ  ET  DE  LA  MORTALITÉ  DANS  LES  SOCIÉTÉS 
DE  SECOURS  MUTUELS  ITALIENNES  (1;. 

Le  conseil  supérieur  de  statistique  de  France  a  consacré  plusieurs  séances  à 
l'examen  de  cette  (|ncstion.  On  s'en  est  occupé  également  en  Italie,  et  à  ce  sujet 
M.  Rodio,  directeur  général  de  la  statistique  de  ce  royaume,  a  présenté  un  mémoire 
très  intéressant,  dont  nous  croyons  utile  de  faire  connaître  les  parties  essentielles. 

Sans  entrer  dans  !e  détail  des  efforts  faits  jusqu'à  ce  jour  pour  arriver  à  la  solu- 
tion du  problème,  et  en  dépit  des  lacunes  qu'offrent  les  documents  fournis  par 
un  très  grand  nombre  de  sociétés,  M.  Bodio  est  parvenu  à  recueillir  par  sélection, 
un  nombre  suffisant  de  matériaux  pour  arriver  à  fournir  une  table  provisoire  de 
morbidité,  laquelle  manque  dans  presque  tous  les  pays. 

Ajoutons  qu'il  n'est  pas  dans  notre  inlenlion  de  suivre  l'éminent  statisticien  ita- 
lien dans  tous  ses  calculs,  nous  nous  bornerons  à  prendre  dans  ses  travaux  de 
simples  constatations  statistiques. 

Les  recherches  opérées  par  M.  Bodio  se  sont  poursuivies  de  1881  à  1885  et  ont 
porté  sur3M  sociétés,  comptant  277,107  membres  non  compris  les  membres  hono- 
raires, (|ui  prennent  leur  part  des  charges  de  la  société,  sans  en  profiler  pour  leur 
compte  personnel. 

Le  tableau  suivant  indique  la  répartition  des  données  recueillies  par  province. 

Ces  données  ont  été  ramenées  à  une  année  d'observation. 


Répartition  des  Sociétés  observées  par  province. 


PROVINC  ES. 


Piémont 

Ligurie 

Lombardie .... 

Vénélie 

Emilie 

Toscane 

Marche 

Ombrie 

Latium 

Abruzzes  et  Molise. 
Campanie  .    .    .    . 

Fouille 

Calabre 

Sicile 


NOMBRE 

de 
sociétés. 

68 

4 
71 
25 
33 
38 
18 

9 

6 

5 

n 

7 
2 


NOUBllE  DE  SOCTETAIBES 

soumis   à   une   année    d'observations. 


26,190 

2,831 

78,597 

26,986 

37,559 

25,855 

15,314 

8,426 

4,236 

2,427 

16,854 

3,416 

2,230 

3,212 


Femmes. 

3,195 

» 
5,683 
3,385 
2,967 
4,836 
1,576 

576 

» 
45 

543 
45 

183 


Total. 

29,385 

2,831 

84,280 

30,371 

40,526 

30,691 

16,890 

9,002 

4,236 

2,472 

17,397 

3,461 

2,413 

3,212 


311        254,133        23,034        277,167 


(1  j  Tavole  délia  frequenza  e  darata  délie  malattie  pieno  gli  inseritta  aile  Société  di  mutuo  soccorso. 
Relazione  presentate  dal  direttore  générale  délia  statistica. 

(Annali  del  Crédita  e  delta  Previdenza.  Anno  1890.) 


—  310  — 

Il  est  à  remarquer  que  sur  311  sociétés  offrant  les  résultats  les  plus  variables  en 
ce  qui  concerne  la  répartition  des  secours  en  cas  de  maladie,  un  grand  nombre 
n'admettent  même  leurs  membres  aux  secours  qu'après  un  noviciat  plus  ou  moins 
long. 

La  durée  de  ce  noviciat,  qui  d'ailleurs  est  fixée  par  les  statuts  de  chaque  société, 
varie,  en  effet,  d'un  jour  à  cinq  ans. 

Dans  le  tableau  suivant,  on  a  classé  ces  sociétés  d'après  la  durée  de  ce  noviciat, 
après  lequel  les  secours  peuvent  être  accordés.  Quant  au  nombre  de  leurs  mem- 
bres, les  totaux  sont  ramenés  à  une  année  d'çxpérience  effective. 

Durée  du  stage  avant  l'admission  au  secours. 

TEMPS  APRÈS  LEQUEL  houbrb  nombre  dB8  sociâtaireb. 

LB  SOCIlbTlIRB  des ^^ 1^ 

peut  receTOir  dei  Mconn.  sociétés.  Hommes.  Fcmines.  TotaL 

Sans  limite 5  1,930  »  1,930 

Après  15  jours i  590  98  688 

—  1  mois. 4  3,036  264  3,300 

—  2   — 1  315  »  315 

—  3  — -13  10,091  363  10,454 

—  4  — 12  10,711  »  10,711 

—  5— 2  2,411  978  3,389 

—  6  — 117  103,479  12,293  115,772 

—  8— 4  3,017  139  3,156 

—  9  — 4  4,912  178  5,090 

—  10  — 1  912  »  912 

—  12  — m  91,176  6,672  97,848 

—  15  — 1  519  »  519 

—  18  — 4  2,389  37  2,426 

—  24  — 16  9,539  874  10,413 

—  36  — 9  2,898  749  3,647 

—  60  — 1  180  »  180 

—  6  ou  12  mois  (a) 1     540     »     540 

—  12  —  24  —  {b) 1     478      »     478 

—  6—    9  ou  12  mois  (c) 1        2,067         389        2,456 

Selon  rage  du  sociétaire  à  l'admission  (rf).         2        2,943  •        2,943 

"iÏÏ    254,133    23,034    277,167 


En  dehors  du  stage  dont  il  vient  d'être  parlé,  il  arrive  que  certaines  sociétés  ne 
paient  pas  le  secours  pour  le  premier  jour  de  la  maladie,  d'autres  pour  les  deux 
premiers,  le?  trois,  etc.,  en  descendant,  comme  on  le  voit  par  le  tableau  suivant  : 


(a)  La  Société  de  Manorano  accorde  un  secours  en  cas  de  maladie,  G  mois  après  l'admission  pour  les 
membres  ayant  au  moment  de  l'admission  de  16  à  40  ans,  et  un  an  après  l'admission  pour  les  membres 
igés  de  40  à  50  ans. 

(b)  La  Société  d'Evolo  a  deux  catégories  distinctes  de  sociétaires,  l'une  payant  un  subside  hebdo- 
madaire plus  élevé  que  l'autre;  la  durée  du  stage  varie  à  leur  égard  d'un  à  deux  ans. 

(c)  Pour  la  Société  de  Remini,  il  y  atrois  classes  de  sociétaires,  dont  le  stage  varie  de  6,  9  et  12  mois. 

(d)  Dans  ces  deux  sociétés,  le  stage  varie  suivant  l'âge  du  sociétaire. 


—  311  — 


Délais  pour  l'admission  au  secours. 

NOMBRE 

do  jours  de  maladie    NOMBRE  NOMBRE   DE   SOCIETAIRES.  NOMBRE   DE  JOURNEES  DE   MALADIE. 


LE    SOCIÉTAIRE 
est 

admis  aux  secours. 

do 
société». 

Hommes. 

Femmes. 

Total. 

Hommes. 

Femmes. 

Total. 

Après  1  jour  . 

112 

87,11G 

6,600 

93,716 

493,936 

46,520 

540,456 

—     2    —  . 

18 

10,682 

588 

11,170 

62,841 

3,020 

65,816 

—     3    —  . 

54 

60,363 

7,021 

67,384 

408,181 

73,310 

481,491 

—     4    —  . 

110 

83,857 

6,375 

90,232 

527,214 

46,205 

573,419 

—     5    —  . 

13 

10,172 

2,241 

12,413 

61,182 

13,472 

74,954 

—     6    —   . 

4 

2,043 

209 

2,252 

9,810 

2,820 

12,630 

311   254,133   23,034   277,167   1,563,464   185,347   1,748,811 

Voici  maintenant  le  classement  des  sociétés  d'après  le  nombre  maximum  de  jours 
de  maladie  pendant  lesquels  le  secours  est  maintenu  : 


Durée  maxima  du  secours. 


NOMBRE 
do  jours  de  maladie      NOMBRE 


NOMBRE   DE   SOCIÉTAIRES. 


NOMBRE   DE  JOURNÉES   DR   MALADIE. 


LE    SOCIÉTAIRE 

de 

est 

sociétés. 

Hommes. 

Femmes. 

Total. 

Horamos. 

Femmes. 

Total. 

admis  aux  secours 

Après    20  jours 

1 

335 

» 

335 

1,593 

» 

1,593 

—       30    — 

5 

2,839 

292 

3,131 

9,995 

1,850 

11,845 

—       40    — 

18 

15,897 

515 

16,412 

91,237 

3,325 

94,562 

—       45    — 

2 

812 

600 

1,412 

3,334 

3,527 

6,861 

—       50    — 

7 

3,418 

354 

3,772 

14,214 

2,300 

16,514 

—       60    — 

23 

17,020 

1,470 

18,490 

92,615 

9,322 

101,937 

—       70    — 

4 

336 

133 

469 

651 

868 

1,519 

—        75    — 

3 

2,320 

» 

2,320 

7,787 

» 

7,787 

—       80    — 

9 

6,616 

2,547 

9,163 

36,629 

16,000 

52,629 

—       90    — 

68 

46,051 

3,185 

49,236 

284,681 

24,174 

308,855 

—      100    — 

3 

1,915 

146 

2,061 

5,575 

933 

6,508 

—      105    —  . 

345 

> 

345 

935 

» 

935 

—      110    — 

1,269 

1» 

1,269 

7,906 

n 

7,906 

—      120    —  . 

27 

30,088 

3,O0G 

33,094 

65,196 

24,782 

189,978 

—      125    -  . 

1,287 

B 

1,287 

3,184 

» 

3,184 

—      130    — 

417 

U 

417 

2,920 

» 

2,920 

—      150    — 

4,970 

364 

5,334 

41,083 

2,438 

43,521 

—      180    — 

53 

44,764 

2,585 

47,349 

277,279 

18,23G 

295,515 

—      182    —  . 

884 

U 

884 

5,164 

n 

5,164 

—      190    —  . 

422 

» 

422 

3,855 

* 

3,855 

—     270    — 

17,883 

140 

18,023 

172,847 

1,872 

174,719 

—      300    — 

2,810 

M 

2,810 

24,736 

n 

24,736 

—      360    —  . 

3,034 

847 

3,881 

24,713 

9,563 

34,276 

—     365    —  . 

10 

8,613 

1,310 

9,923 

51,729 

11,055 

62,784 

De  toute  la  durée 

(le  la  maladie. 

59 

39,788 

5,540 

45,328 

233,606 

55,102 

288,708 

311   254,133   23,034   277,167   1,563,464   185,347   1,748,811 

Ces  données  une  fois  établies,  des  calculs  séparés  ont  été  faits  pour  les  sociétés 
admettant  les  membres  au  secours  après  un,  deux,  trois,  quatre,  cinq,  six  jours  de 


—  312  — 

maladie  (1),  et  on  en  a  tiré  pour  l'ensemble  les  résultats  moyens  indiqués  dans  le 
tableau  ci-après  : 


Malades  et  journées  de  maladie  suivant  l'âge  des  sociétaires. 
Rapports  calculés  sur  les  nombres  observés. 


AGE 
des 

nunifHK 

DB    SOCIÉTAIRES 
malades 

I.AS 

DB   UALADIE 

Journées 

DE    MALADIE 

Journi'OB 

DK   MALADIE 

Durée 
HOTENHE 

»»».A.«. ,»..«                  dans  l'année 
SOCIÉTAIRES.            p„  100  sociétaires. 

par 
100  sociétaires. 

pour 
un  malade. 

par  Bociétairo 

de  la  maladie 

10  à  15  ans. 

.   .   .       18,7 

23,0 

19,4 

3,6 

15,8 

15—20  — . 

22,9 

26,9 

20,0 

4,6 

17,0 

20-25  — . 

20,9 

24,5 

22,3 

4,6 

19,0 

25  — . 

22,3 

25,9 

22,6 

5,0 

19,5 

30  — . 

.       21,7 

24,9 

22,1 

4,8 

19,3 

35  — . 

23,4 

27,1 

23,8 

5,6 

20,5 

40  — . 

22,6 

26,6 

25,6 

5,8 

21,8 

45  -. 

24,7 

28,1 

25,9 

6,4 

22,6 

50  -. 

25,1 

29,6 

29,5 

7,4 

25,1 

55  — . 

26,8 

32,1 

32,3 

8,7 

27,0 

60  — . 

29,2 

35,3 

35,8 

10,5 

29,6 

65  — . 

.       32,5 

39,5 

38,9 

12,6 

33,0 

70  — . 

33,6 

38,8 

41,2 

13,9 

35,7 

75  — . 

27,9 

32,8 

45,2 

12,6 

38,4 

80  —  «i 

»-d( 

tii 

14,8 

21,6 

•   49,5 

7,3 

33,9 

Moyennes  générales 


23,7 


27,6 


26,0 


6,2 


22,3 


On  voit  par  ce  tableau  que  nous  donnons  tel  quel  —  quoiqu'il  puisse  être  légère- 
ment modifié  en  déterminant  par  âge  le  degré  de  probabilité  des  observations  obte- 
nues —  que  la  durée  de  la  maladie  s'accroît  avec  l'âge  des  sociétaires. 

En  moyenne,  elle  serait  de  22  jours,  c'est-à-dire  quelque  peu  supérieure  à  celle 
des  sociétés  françaises,  où  elle  varie  de  17  à  19  jours. 

Les  matériaux  recueillis  par  M.  Bodio  ne  lui  ont  pas  paru  en  nombre  suffisant 
pour  dresser  une  table  de  mortalité  applicable  aux  sociétés  de  secours  mutuels.  Il  a 
pu,  toutefois,  en  se  bornant  aux  sociétaires  du  sexe  masculin,  calculer  leur  mortalité 
par  âge,  et  la  rapprocher  de  celle  de  la  mortalité  de  la  population  générale,  dressée 
sur  les  observations  des  dix  années  1876-1887  et  qui  figure  dans  le  relevé  du  mou- 
vement de  la  population  del'Italie  nour  l'année  1887. 


(1)  Pour  les  malades  qui  ne  sont  secourus  que  le  2°  jour,  on  a  ajouté  un  jour  pour  parfaire  le  nombre 
total  des  journées,  pour  ceux  du  3°  jour  deux,  du  quatrième  4,  et  ainsi  de  suite. 


Tableau. 


313 


Voici  les  chiffres  obtenus 


Mortalité  par  âge  dans  les  sociétés  de  secours  mutuels  {Sexe  masculin). 


NOMBRE 

NOMBRE 

DÉCÈS 

Mortalité 

Ut'S 

dp8 

PAR      AQE 

SOCIKTAIRES 

SOCIÉTAIBES 

par 

morte 
dans  l'année. 

observés 
dans  l'année. 

1,000  sociétaires. 

(Je  la  popuUtio 
mâle. 

10  à  15  ans.   .    .            7 

958 

7,3 

5,2 

15-20  — 

44 

7,448 

5,9 

6,0 

20-25  — 

118 

18,652 

6,3 

9,2 

25  —  30  — 

175 

29,778 

5,9 

8,5 

30—35  — 

228 

36,724 

6,2 

8,3 

35—40  — 

306 

39,172 

7,8 

10,1 

40—45  - 

339 

36,642 

9,2 

11,3 

45_50  _ 

341 

29,334 

11,6 

16,1 

50—55  — 

353 

23,624 

14,9 

18,7 

55-60  — 

356 

16,050 
9,329 

22,2 
32,5 

27,7 

60—65  — 

308 

33,3 

65—70  — 

262 

3,910 

50,4 

60,5 

70-75  - 

135 

1,769 

73,6 

80,0 

75_80  _ 

48 

567 

81,2 

132,8 

80  et  au-dessns 

20 

176 

107,5 
11,7 

186,7 

Totaux  et  moyennes.  . 

2,980 

254,133 

14,6 

On  voit  qu'à  tous  les  âges,  ou  à  peu  près,  la  mortalité  est  moins  élevée  dans  les 
sociétés  de  secours  mutuels  que  dans  la  population  générale.  C'est  que  la  clientèle 
des  sociétés  se  compose  de  la  partie  la  plus  saine  de  la  population  ouvrière,  les 
sociétés  refusant  d'admettre  les  individus  infirmes  ou  affectés  de  maladies  qu'on 
peut  supposer  incurables. 

Ajoutons  que  la  mortalité  générale  des  membres  des  sociétés  de  secours  mutuels 
italiennes  nous  paraît  exceptionnellement  faible;  en  Fiance  cette  mortalité  est  d'en- 
viron 15,5  p.  1,000  dans  les  sociétés  approuvées  et  dépa.sse  20  p.  1,000  dans  les  so- 
ciétés simplement  autorisées. 

T.  Loua. 


—  314  — 

IV. 

VARIÉTÉS. 

1 .  —  Les  Permis  de  chasse. 

Aux  termes  de  la  loi  du  3  mai  1844,  la  délivrance  d'un  permis  de  chasse  donne 
lieu  au  paiement  de  deux  droits,  l'un  au  profit  de  l'État,  l'autre  au  profit  de  la  com- 
mune. Ce  second  droit  a  toujours  été  de  10  fr.  Le  droit  perçu  au  profit  de  l'Élat, 
fixé  à  15  fr.  par  la  loi  du  3  mai  1844,  avait  été  doublé  par  celle  du  23  août  1871  ; 
la  loi  du  20  décembre  1872  l'a  ramené  à  15  fr.  et  celle  du  2  juin  1875  y  a  ajouté 
2  décimes,  ce  qui  en  porte  la  quotité  actuelle  à  18  fr. 

Gela  posé,  voici  quelles  ont  été  depuis  1876,  année  depuis  laquelle  le  droit  n'a  pas 
varié,  le  nombre  des  formules  délivrées  et  le  montant  des  droits  perçus. 

Nombre  et  produit  des  formules  annuellement  délivrées. 


SOlfBRE 


PEODOIT    TOTAL, 


AVmAii.  dei  reTenant  revenant 


formulei. 


à  k  Total. 


l'Eut.  la 


commono. 


Fr.  Fr.  Fr. 

1876 341,588  6,147,584  3,415,880  9,563,464 

■     1877 344,790  6,206,220  3,447,900  9,054,120 

1878 342,333  6,161,994  3,423,330  9,585,324 

1879 346,787  6,242,166  3,467,870  9,710,036 

1880.  .    .    .  •  338,923  6,100,614  3,389,230  9,489,844 

1881 350,000  6,408,000  3,500,000  9,968,000 

1882 372,825  6,710,850  3,728,250  10,439,100 

1883 390,437  7,027,866  3,904,370  10,932,236 

1884 404,353  7,281,954  4,045,530  11,327,484 

1885 400,151  7,202,718  4,001,510  11,204,228 

1886 391,056  7,039,008  3,910,560  10,949,568 

1887 378,131  6,806,358  3,781,710  10,587,668 

1888 371,754  6,291,572  3,717,540  10,009,112 

1889 348,195  6,267,500  3,481,950  9,749,450 

A  ces  renseignements  qui  semblent  indiquer  un  certain  ralentissement  dans  le 
goût  de  'a  cbasse  à  partir  de  l'année  1884,  où  il  a  atteint  son  maximum,  le  Bvlletin 
de  statistique  du  ministère  des  finances  (1),  auquel  nous  les  avons  empruntés,  ajoute 
quelques  données  sur  le  prix  de  location  des  chasses  en  1890,  comparé  à  celui  de 
la  terre  en  culture.  Ces  observations  soigneusement  recueillies  par  un  des  membres 
les  plus  distingués  de  la  Société  de  statistique  de  Paris,  M.  de  Swarle,  trésorier- 
payeur  général  de  Melun,  ont  porté  sur  9  déparlements;  on  lésa  résumées  dans  le 
tableau  suivant: 


(1)  Bulletin  des  Finances,  numéro  d'août  1890. 


Tableau. 


-  315 


Prix  de  location  des  terrains  de  chasse  et  des  terrains  de  culture. 


DépABTBUBNTS. 


Orne  .  . 
Ardennes. 
Somme  . 
Marne.  . 
Oise.  .  . 
Côte-d'Or 
Nord  .  . 
Seine-et-Oise, 
Seine-et-Marne 


Totaux  et  moyennes 


SUBFACK 
totfllo 

des  chastes. 
Hectares. 

12,083 
144,579 
23,083 
39,966 
12,837 
104,555 
12,269 
46,977 
43,818 


LOCATION  DB  LA  CHASSE. 


Prix  total.      /";^,'"7''" 
de    ]  hectare. 


LOCATION 

(terrain  de  culture). 


Fr. 

15,818 

133,747 

58,206 

90,86*5 

41,208 

170,134 

59,511 

437,944 

460.329 


Fr.  0. 

1,31 

0,92 
2,52 
2,27 
3,21 
1,63 
4,84 
9,32 
10,51 


Fr. 

489,161 
4,399,335 
1,027,546 
780,914 
627,329 
1,298,231 
1,517,852 
2,753,282 
2,608,792 


Prix  moyen 
de  l'hectare. 


Fr.  c. 

40,48 
30,43 
44,51 
19,56 
48,87 
12,42 
123,71 
58,18 
58,19 


440,167      1,467,762        3,33      15,502,442        35,22 


D'après  ces  chiffres  d'ensemble,  portant  sur  toutes  les  natures  de  terrain  :  plaine, 
bois  et  superficies  partiellement  boi.sées,  le  prix  moyen  de  l'hectare  loué  pour  la 
chasse,  est  environ  le  dixième  du  prix  de  location  pour  la  culture,  mais  il  est  facile 
de  voir  que  cette  proportion  varie  considérablement  suivant  les  départements. 

Le  prix  moyen  de  location  des  chasses  est  d'ailleurs  très  différent  suivant  qu'il 
s'agit  de  la  chasse  en  plaine  ou  de  la  chasse  au  bois,  c'est  ce  qu'indiquent  les  chiffres 
ci-après: 


Prix  moyen  de  l'hectare  loué  pour  la  chasse. 


dApartembnts. 


Orne  .  . 
Ardennes 
Somme  . 
Marne  .  . 
Oise.  .  . 
Côte-d'Or 
Nord  .  . 
Seine-et-Oise 
Seine-et-Marne 


En  plaine.  Au  bois. 


Fr.  o. 

0,54 
0,86 
0,94 
1,45 
1.91 
2,69 
4,65 
7,83 
8,70 


Fr.  c. 

1,67 
1,32 
9,00 
3,30 
8,22 
1,10 

» 
14,30 
18,61 


Terrains 
mixtes. 

Fr.  c. 

1,64 
0,73 
2,04 
4,84 
5,24 
3,12 
5,51 
8,41 
9,80 


PRIX   DB  LOCATIOW 

des  terrains  en  culture. 


Plaine. 
Pr.  c. 

61,75 
30,88 
42,36 
15,14 

54,27 
14,08 
129,17 
71,30 
72,76 


Fr.  c. 

21,83 
15,20 
54,09 
30,27 
29,55 
11,81 

» 
40,46 
41,25 


Entier, 
Fr,  c. 

45,81 
44,06 
43,28 
21,10 
38,69 
13,93 
34,20 
48,96 
52,45 


Ce  lableau  est  curieux,  car  il  montre  que  le  prix  de  location  en  culture  comparé 
à  celui  de  la  chasse  en  plaine,  qui  n'est  que  8  fois  plus  élevé  dans  Seine-et-Marne, 
l'est  114  fois  plus  dans  l'Orne.  C'est  dans  la  Côte-d'Or  que  la  différence  est  à  son 
maximum. 

T.L. 


81 B  — 


2.  —  Les  Tramways  de  Paris  et  de  la  banlieue. 

Dans  son  numéro  de  juin  1890,  le  Didlelin  de  slalislique  du  minislère  des  travaux 
publics  publie  un  tableau  très  intéressant  sur  les  tramways  de  Paris  et  de  sa  banlieue. 

Les  lignes  de  tramways  étaient,  en  1888,  au  nombre  de  41,  s'étendant  sur  un 
réseau  total  de  259  kilomètre?,  dont  170  intra  et  89  exira-muros.  Ils  ont  transporté 
dans  l'année  130,906,650  voyageurs,  et  réalisé  une  recette  brûle  de '21,500,000  fr., 
soit  83,218  fr.  par  kilomètre. 

Il  nous  a  paru  curieux  de  rechercher  quelles  sont  dans  la  nomenclature  des 
tramways,  les  bonnes  et  les  mauvaises  lignes.  La  liste  ci-après,  dans  laquelle  les 
lignes  sont  classées  d'après  leurs  receltes  journalières  par  voiture,  nous  paraît 
répondre  à  la  question  que  nous  venons  de  nous  poser  : 


Lignes  de  tramways  classés  d'après  la  recette  journalière  d'une  voiture. 


1.  Cimetière  St-Ouen-Bnslille.  . 

2.  Montrouge-Gare  de  l'Est.  .    . 

3.  La  Villelte-Étoile 

4.  Bastille-Quai  d'Orsay  .... 

5.  Coiirbevoie-Éloile 

6.  Éioile-Moiitparnasse  .... 

7.  La  Chapelle-Square  Monge.    . 

8.  Louvre-Cours  de  Vincennes  . 

9.  Montparnasse-Bastille .... 

10.  Gare  de  Lyon-Place  de  l'Aima    . 

11.  Fontenay-iiux  -  Roses -Saint- 

Germain-des-Prés   .... 

12.  La  Villette-Trocadéro  .... 

13.  Louvre-Vincennes 

14.  Louvre-Passy 

15.  La  Villette-Place  de  la  Nation. 

16.  La  Muette-Rue  Taitbout.    .    . 

17.  Aubervilliers-Place  de  la  Ré- 

publique  

18.  Louvre-Saint-Cloud 

19.  Louvre-Charenton 

20.  Gennevillers-Boulevard  Hauss- 

mann 

21.  Neuilly-Madeleine 


fr.      c. 

201,08 

22. 

169,21 

23. 

153,41 

24. 

150,89 

25. 

149,20 

2G. 

148,87 

27. 

146,17 

28. 

145,74 

29. 

140,69 

133,10 

30. 

31. 

130,41 

129,79 

32, 

124,79 

33. 

123,8S 

34. 

123,54 

35. 

120,90 

36, 

117,00 

37, 

114,98 

38 

113,09 

39 

40. 

113,26 

41, 

111,00 

fr.      c. 

Saint-Denis- Rue  Lafayelte  .  109,17 

Louvre -Sèvres 108,92 

Courbevoie-Madeleine .   .    .  10(),45 

Vitry-Square  Cluny  ....  103,87 

Vinceniies-Ville-Evrard    .    .  103,11 

l'antiii-Piacedu  la  Itépubliq.  102,55 

Levallois-Perrel-Madeletne .  101,44 
Sainl-Denis-Boulevard  Hauss- 

mann 94,80 

Charenlon-Bastille  ....  94,57 
Clainart-Saint-Gennain-des- 

Prés 95,35 

Âuteuil-Boulogne 88,55 

Montreuil-Place  de  la  Nation.  84,70 

Ivry-Square  Cluny 84,29 

Place   Widhubert- Place    de 

la  Nation 67,97 

Vanves-Avenue  d'Antin  .    .  64,99 

Vdlejuif-Place  Walhuhcrt.  .  61,68 

Suresnes-Courbevoie    .    .    .  54,75 

Charenlon-Auteuil    ....  54,34 

Boulogne-Billancourt  .   .    .  24,33 

Saint-Ouen-Landy 3,84 


La  ligne  qui  a  transporté  le  plus  de  voyageurs  est  celle  de  Montrouge,  gare  de 
l'Est:  11,506,815,  laquelle  est  suivie  presque  immédiatement  parcelle  du  cimetière 
Saint-Ouen  à  la  Bastille  :  9,821,853.  La  ligne  de  Saint-Ouen-Landy,  n'en  a  trans- 
porté que  18,803.  Il  est  vrai  qu'elle  n'a  que  540  mètres  de  parcours. 


—  317  — 

3.  —  La  Production  mincrale  dans  la  Grandc-Brelaç/ne. 

La  produclion  totale  de  charbons  de  mines  du  Royaume-Uni  a  élé,  pour  1887, de 
162,119,812  tonnes,  représenlanl  une  valeur  de  989  million?  de  francs  el,  pour 
1886,  de  157,518,482  tonne:!  d'une  valeur  de  965  millions. 

En  1887,  le  lolal  des  personnes  employées  au  service  intérieur  ou  extérieur  des 
mines  a  clé  de  508,026,  dont  5,725  femmes  travaillant  au  jour.  Le  nombre  des 
accidents  a  été  de  881  et  le  nombre  des  morts  de  1,051.  11  y  a,  comparativement  à 
l'année  précédente,  une  augmentation  de  12  accidents  et  de  33  morts.  La  proportion 
des  accidents  se  trouve  de  1  pour64i  personnes  employées  aux  mines,  et  celle  des 
morts,  de  1.85  p.  1,000.  Cette  dernière  proportion  est  légèrement  plus  élevée 
que  pour  1886,  mais  elle  est  inférieure  à  la  moyenne  des  treize  années  pi'écédentes. 

Le  nombre  total  des  personnes  employées  au  service  intérieur  ou  exiéi  leur  des 
mines  régies  par  le  Coal  Mines  Régulation  Act  a  été  de  526,277,  dont  4,1 83  femmes 
travaillant  au  jour.  Il  y  a  eu  830  accidents  et  995  morts  ;  le  nombre  des  accidents 
est  supérieur  de  23  et  celui  des  morts  de  42  aux  chiffres  correspondants  de  1886. 
11  y  a  eu  1  accident  pour  634  personnes  et  1  mort  pour  529.  Ces  proportions  sont 
moindres  que  celles  de  la  moyenne  des  dix  années  de  1874  à  1883,  où  l'on  trouve 
respectivement  587  et  446. 

Sans  compter  la  terre  réfiaclaire,  on  trouve  que  la  quantité  des  matières  miné- 
rales extraites  dans  les  différenlsdistiicls  a  été  de  173,049,795  tonnes,  dont,  comme 
on  l'a  vu  plus  haut,  162,119,812  tonnes  de  charbon  et  7,569,918  tonnes  de  minerai 
de  fer  ;  il  y  a  une  augmentation  de  4,601,330  tonnes  pour  le  charbon  et  une  dimi- 
nution de  1,282,730  tonnes  pour  le  minerai. 

Si  on  rapporte  le  nombre  des  accidents  el  des  morts  à  la  produclion,  on  trouve 
en  1887, 1  accident  pour  208,494  tonnes  extraites  de  matières  minérales  etl  mort 
pour  173,919,  tandis  que  pour  1886,  les  chiffres  correspondants  étaient  210,665  el 
178,391. 

Le  nombre  lolal  des  jiersonnes  employées  à  l'extérieur  ou  à  l'intérieur  des  mines 
régies  par  le  Metalliferous  Mines  Régulation  Act  a  élé  de  41 ,749,  dont  1 ,542  femmes 
travaillant  au  dehors.  Il  y  a  eu  51  accidents  et  96  morts,  soil  11  accidents  et9  morts 
de  moins  que  l'année  précédente.  Cela  donne  une  proportion  de  1  accident  sur 
818  el  une  mort  sur  745  personnes.  Les  chiffres  correspondants,  pour  la  moyenne 
des  dix  années  de  1874  à  1883,  étaient  de  668  el  607. 

(D'après  les  Mémoires  delà  Société  des  Ingénieurs  civils.) 


4.  —  Le  Commerce  réciproque  de  la  France  el  de  l' Italie. 

Le  tableau  général  du  commerce  de  la  France  avec  les  pays  étrangers  et  ses  pro- 
pres colonies  vient  de  paraître.  Cela  nous  donne  l'occasion  de  chercher  à  nous 
rendre  compte  des  résultats  produits  depuis  trois  ans  par  la  quasi-rupture  com- 
merciale que,  pour  leur  malheur,  des  circonstances  politiques  récentes  onl  amenée 
entre  les  deux  pays. 

Sans  autre  commentaire,  voici  les  résultats  officiels  : 


—  318  — 
Valeurs  actuelles  exprimées  en  francs. 

1887  1888 


DIMINDTION  DIMINUTION 

absolue.  p.  100. 


Fr.  Fr.  Fr.  Fr. 

4 


.„„,.,.  „J  Objets  d'alimentation.   .  163,069,633  31,891,307  131,178,326  80. 

""R?,V^''°"^  Matières  nécessaires    à 

..i?n,L         l'industrie 123,214,436  89,464,750  33,749,686  27.4 

^"'^™**^^-  (Objets  fabriqués.   .    .    .  21,425,447  12,247,859  9,177,588  42.9 


307,709,516  133,603,916  174,105.600  56  6 

Fvnnriaiinnci  Objets  d'alimentation.   .     13,759,043  9,895,972  3,863,471  28.2 
exportations    Matières    nécessaires  à 

PHliàn^         l'industrie 90,024,149  88,320,058  1,704,091  1.9 

(  Objets  fabriqués.   .    .    .     88,349,653  45,565,460  42,784,193  18.5 


192,132,845  143,781,490    48,351,365      25.2 
Ces  résultats  sont  désastreux,  mais  beaucoup  moins  pour  nous  que  pour  l'Italie, 
le  déficit  ayant  été  pour  cette  dernière  de  57  p.  100,  tandis  que  celui  de  la  France 
n'est  que  de  25  p.  100. 

Toutefois,  nos  manufactures  ont  dû  supporter  une  perte  considérable  dansleuis 
envois  en  Italie,  mais  elles  y  ont  pourvu  par  d'autres  débouchés,  l'exportation  géné- 
rale des  produits  fabriqués  qui  se  chilTrait,  en  1887,  par  1,738  millions  de  francs, 
s'élevanl  en  1889  à  1,925  millions.  T.  L. 


5.  —  Essai  statistique  sur  le  nombre  k. 

Le  rapport  de  la  circonférence  au  diamètre  a  été  évalué  autrefois  par  Archimède, 

22  355 

dans  son  traité  de  La  Mesure  du  cercle  à  —y-:  P.  Métius  a  établi  le  rapport  -jj^  ; 

mais  aujourd'hui  tz  est  connu  avec  530  décimales,  d'après  un  long  travail  de  Shanks, 
vérifié  jusqu'à  la  440°  décimale  par  Rutherford. 

Il  m'avait  paru  à  propos  d'examiner  la  suite  des  chiffres  du  nombre  t:,  et  j'ai  /ail 
divers  essais  tant  statistiques  que  graphiques  sans  obtenir  rien  de  marquant. 

Mais  je  viens,  accessoirement,  de  faire  une  constatation  assez  singulière,  que 
chacun  pourrait  vérifier  facilement. 

D'ailleurs  il  ne  s'agit  que  de  la  valeur  de  tc,  écrite  en  employant  la  numération  à 
base  10;  il  est  évident  qu'avec  une  autre  base  de  numération,  la  suite  des  chiffres 
est  tout  autre. 

Mais  dans  notre  valeur  de  x  ordinaire,  en  fraction  décimale,  j'ai  trouvé  que  les 
10  X  2  premières  décimales  (laissant  la  partie  entière)  donnent  pour  somme 
lœ  (100). 

De  plus,  les  10  premières  décimales  de  rang  impair  donnent  une  somme  égale  à 
celle  de  nos  chiffres  arabes  0  à  9  =:  (45). 

Et  les  10  premières  décimales  de  rang  pair  donnent  une  somme  égale  à  celle  des 
nombres  1  à  10  =  (55). 

„  ,„.   1    1    9    6    3    8    7    3    3    4   =  45 
^^  (.^^   4525599286  =  55 

lÔ"' 

L'existence  de  cette  triple  coïncidence  est  singulière  peut-être,  mais  il  est  surtout 
remarquable,  n'étant  motivée  par  rien,  qu'elle  ait  été  enfin  constatée. 

Léopold  Hugo. 


—  319  — 


BIBLIOGRAPHIE. 

LE  BUDGET  DU  MINISTÈRE  DU  COMMERCE. 

Le  rapport  rédigé  par  M.  Jules  Siegfried,  député,  au  nom  de  la  commission  du 
budget,  sur  le  budget  du  ministère  du  commerce  (section  du  commerce  et  de  l'in- 
dustrie), est  un  document  considérable,  moins  par  son  étendue  que  par  le  caractère 
élevé  et  pratique  des  considérations  qui  y  sont  développées. 

Le  ministère  du  commerce  et  de  l'industrie,  considéré  jusqu'ici,  dans  le  monde 
politique,  comme  un  des  déparlemeiits  ministériels  secondaires,  a,  dans  la  situation 
économique  actuelle  de  la  France  et  du  monde,  une  importance  de  premier  ordre, 
quoi(]ue  son  budget  atteigne  à  peine  20  millions.  La  France  a  de  vigoureux  efforts 
à  faire  pour  lutter  contre  ses  concurrents  étrangers,  et  dans  cette  lutte  il  y  a  deux 
facteurs  principaux  qui  doivent  s'entr'aider  et  se  compléter,  l'initiative  individuelle 
et  l'action  gouvernementale. 

Quelle  somme  de  résultats  produisent,  en  France  et  dans  les  principaux  pays 
étrangers,  ces  deux  sources  de  production  et  d'activité? 

Nous  tir»ns  du  rapport  de  M.  Jules  Siegfried  l'intéressant  tableau  comparatif  de 
l'accroissement  de  la  population  et  du  commerce  de  la  France  et  des  principaux 
pays  étrangers  depuis  1860  : 


France  

Angleterre  .  .  . 
Allemagne.  .    .    . 

Italie 

Belgique  .  .  .  . 
Autriche-Hongrie. 
Étals-Unis.   .    .    . 


Population 
en  1860. 

millions. 

35,9 

28,7 
36,4 
21,8 
4,7 
32,2 
31,4 


Augmentation 
j>ro-       ^ 
porlionnelle 
en  1889. 


p.  100. 

6,4 
9,5 

28,57 
39,90 
27,65 
26,21 
96,50 


Commerce 

total 
en  1886. 

inill.  de  fr. 

4,175 
7,950 
4,000 
1,150 
1,200 
1,275 
3,548 


Augmentation 

pro- 

portiouDelle 

en  1860. 


p.  lOX 


76 
109 
112 

92 
122 
146 
119 


Exportation 
en  i860. 

mill.  do  fr. 

2,275 

3,400 

1,875 

475 

475 

650 

1,709 


Augmentation 
pro- 
portionnelle 
en  1389. 


p.  100. 

43 


123 
103 
161 
180 
109 


De  l'avis  de  l'honorable  rapporteur,  l'enseignement  de  la  jeunesse  n'est  pas  assez 
pratique,  l'esprit  d'initiative,  l'instinct  des  voyages  n'est  pas  cultivé  chez  elle  comme 
il  l'est  chez  nos  concurrents  étrangers,  d'Angleterre,  d'Allemagne,  de  Suisse.  Il 
conviendrait  que  le  ministère  du  commerce  stimulât  par  tous  les  moyens  possibles, 
en  leur  donnant  plus  d'autorité,  en  les  consultant  plus  efficacement,  en  les  faisant 
participer  au  recrutement  du  Conseil  supérieur  du  commerce  et  de  l'industrie,  les 
chambres  de  commerce,  actuellement  au  nombre  de  '107,  les  78  chambres  consul- 
tatives des  arts  et  manufactures,  les  2,620  syndicats  professionnels  de  patrons  et 
d'ouvriers,  les  chambres  de  commerce  françaises  éiablies  à  l'étranger  (il  en  existe 
déjà  vingt-huit),  les  consuls.  Il  demande  des  encouragements  pour  les  musées  com- 
merciaux dans  nos  grands  centres  industriels,  pour  les  expositions  françaises  à 
l'étranger,  et  surtout  pour  l'enseignement  technique. 

On  trouve,  dans  ce  rapport,  d'intéressantes  statisti(iues  comparées  sur  l'état  de 


—  320  — 

l'enseignement  commercial  el  leclmique  en  France,  en  Allemagne,  en  Autriche- 
Hongrie,  en  Italie,  en  Suisse,  aux  États-Unis.  Il  expose  les  bases  de  cet  enseigne- 
ment professionnel  et  du  développement  qui  devrait  lui  être  donné  en  France,  en 
le  divisant  en  deux  parties  bien  distinctes  :  la  partie  industrielle  el  la  partie  com- 
merciale, chacune  d'elles  à  trois  degrés. 

Sans  suivre  l'honorable  rapporteur  dans  l'examen  détaillé  de  son  budget,  on  doit 
lui  savoir  gré  d'en  avoir  fait  ressortir  la  haute  imporlance  nationale  el  inlernalio- 
nale,  et  d'avoir  émis  sur  ce  sujet  des  vues  larges  cl  suggestives. 

Alf.  Neymaiick. 


OUVRAGES   PRÉSENTÉS    (JUILLET   4890)- 

OuvnACES  SIGNÉS  :  Discours  de  M.  E.  Boulin  au  banquet  de  TAssocialion  de  prévoyance 
de  l'adininistralion  des  contributions  directes.  Paris,  1890. 

Rapport  de  M.  E.  Siegfried,  député,  sur  le  budget  du  ministère  du  commerce. 
Paris,  1890. 

L'Inde  française  avant  Dupleix,  par  M.  Castonnet  des  Fosses.  Paris,  188T. 

Statistique  de  la  morbidité  en  llavière,  par  MM.  Hoffmann  et  Bôhm.  Munich,  1890. 

Statistik  und  Verwaltung,  von  G.  von  Mayr.  Tiibingen,  1890. 

Archives  de  l'tducation  nationale  aux  États-Unis,  par  M.  Biackmar.  Washington, 
1890. 

Vocabulaire  esquimo-anglais,  par  MM.  Kelly  et  Roger  Wells.  WasiiingtOn,  1890. 

Géographie  de  la  Bépublique  Argentine,  par  M.  F.  Latzina.  Biienos-Ayres,  1890. 
Documents  officiels.  Exposé  de  la  situation  économique  el  commerciale  de  la  France 
(1874-1888),  publié  par  le  ministère  du  commerce.  Paris,  1890. 

Allas  statistique  de  la  ville  de  Paris,  donné  par  le  service  de  la  statistique  munici- 
pale. Paris,  1890. 

Statistique  de  l'émigration  italienne  en  1889.  Rome,  1890. 

Mouvement  de  la  navigation  italienne  en  1889. 

Mouvement  commercial  du  royaume  d'Italie  en  1889. 

Annuaire  statistique  de  la  ville  capitale  de  Prague. 

Commerce  extérieur  de  la  Russie  d'Europe  (1889). 

Journal  de  statistique  de  Bavière  (1890).  N°  1. 

Annuaire  statistique  du  Wurtemberg  (1"  volume,  2°  livr).  Stuttgard,  1890. 

Commerce  des  i!,tats-Unis  (1889).  Washington,  1890. 

Rapport  du  Directeur  de  la  Monnaie  (production  des  inélaux  précieux  en  1889). 
Washington,  1890. 

Annales  de  l'Académie  américaine.  (N°  1.)  Washington,  1890. 

Le  Commerce  du  Mexique  (1888-1889). 

Notice  sur  la  production  et  la  consommation  des  métaux  précieux.  Mexico,  1890. 

Statistique  municipale  de  Buenos-Ayrcs  (1"  trimestre  1890). 
Revues  et  journaux.  France.  Revue  maritime  et  coloniale.  —  Bullelin  de  l'Institut 
des  actuaires  français.  (IS°  1.)  —  Bullelin  du  syndicat  des  agriculteurs.  —  Ta- 
blettes statistiques.  —  L'Avenir  économique.  —  La  Réforme  sociale.  —  Bulletin 
de  la  Société  d'agriculture.  —  Bullelin  de  la  Société  de  géographie.  — Bulletin 
de  l'Association  philotechnique.  —  Le  Travail  national.  —  Le  Rentier. 

Angleterre  —  Journal  of  Ihe  royal  stalislical  Society.  (Juin  1890.) 

Autriche.  —  Nalional-Œkonom.  —  Slalislische  Monatschrift. 

Belgique.  —  Le  Moniteur  des  intérêts  matériels. 

Espagne.  —  Poblacion  e  el  territorio.  (Séville,  1890.) 

Italie.  —  Annali  di  statislica.  —  L'Economisla  (de  Florence). 

Nota.  -^  La  Bibliothèque  de  la  Société  de  slatislique  de  Paris  est  ouverte  tous  les  jours 
non  fériés,  de  midi  à  4  heures.  (Ministère  du  Commerce,  80,  rue  de  Varennes.) 


Le  Gérant,  0.  Berger-Levrault. 


JOURNAL 


DE  LA 


SOCIÉTÉ  DE  STATISTIQUE  DE  PARIS 


N°  11.  —  NOVEMBRE    1890 


I. 

PROCÈS-VERBAL    DE    I.A    SEANCE    DU    1 5    OCTOBRE    1890. 

Sommaire.  —  Kote  nécrologique  sur  M.  Léopold  Marx.  —  Le  llouvomcnt  de  la  population  de  la  Franco 
en  1889,  par  M.  Yaniiacquo.  —  Discussion:  M.\l.  Baudry,  Turquan.  Klecliey,  Decroix.  — Compte  rendu 
du  Congrès  de  Limoges,  par  M.  J.  l'rungot.  —  Les  Bureaux  de  statistique  du  travail  aux  États-Unis,  par 
M.  A.  Liégeard. 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  sous  la  présidence  de  M.  Octave  Keller. 

En  inaugurant  la  nouvelle  salle  de  nos  séances,  M.  le  président  exprime  l'espoir 
que  les  travaux  de  la  Société  s'y  effectueront  dans  des  conditions  aussi  favorables 
que  dans  l'ancien  siège  social  de  la  rue  de  Grenelle  que  nous  avons  dû  abandonner 
non  sans  quel(|ue  regret,  car  nous  ne  pouvons  oublier  les  relations  amicales  qui 
existaient  entre  nous  et  la  Société  nationale  d'Horticulture  qui  nous  donnait  l'hospi- 
talité. Que  son  président  actuel,  M.  Léon  Say,  qui  a  élé  également  le  nôtre,  à  une 
époque  mémorable  de  noire  histoire,  veuille  bien  agréer  l'expression  de  nos  senti- 
ments reconnaissants. 

M.  le  président  ra|ipelle  le  décès  de  notre  collègue,  M.  Léopold  Marx,  ancien  ins- 
pecteur général  des  ponts  et  chaussées;  c'est  un  véritable  deuil  pour  notre  Société, 
à  laquelle  l'honorable  défunt  a  apporié,  il  y  a  (|uei<|ues  années,  un  concours  pré- 
cieux. On  se  rappelle  les  beaux  travaux  dont  il  a  enrichi  notre  Bulletin  sur  la  vici- 
nalité  et  l'entretien  des  routes  ualionales.  M.  Marx  était  encore,  au  moment  de  si 
mort,  président  de  la  commission  des  chemins  vicinaux  au  ministère  de  l'intérieur, 
et  sa  compétence  était  universellement  reconnue.  Nous  devions  donc  un  juste  tribut 
de  regrets  à  sa  mémoire. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  1 G  juillet  est  adopté  sans  observations. 

Il  est  procédé  à  l'ouverture  des  lettres  de  plusieurs  candidats  nouveaux. 

lr«    SÉRIE.    31»  VOL.    —   N»   11.  21 


—  322  — 

M.  LouRioTis,  chef  de  bureau  <le  la  slalisli(|ue  du  royaume  de  Grèce,  doul  la 
candidature  est  soutenue  par  MM.  E.  Levasseur  et  Turquan,  est  nommé  membre  as- 
socié au  titre  étranger. 

Sont  nommés  membres  titulaires: 

M.  HenriJames  Clarck,  statisticien  du  gouvernement  de  la  Trinidad  et  membre  de 
la  Société  de  statistique  de  Londres,  présenté  par  MM.  Loua  et  Tun|uan. 

M.  BouRDELONQUE,  rédacteur  au  ministère  des  postes  et  télégraphes,  secrétaire 
de  la  commission  du  congrès  postal  international,  présenté  par  MM.  Levasseur  et 
Turquan. 

M.  Eugène  Rocuetin,  publiciste,  présenté  par  MM.  Loua  et  de  Foville. 

M.  Ernest  Lazarus,  directeur  à  Paris  de  la  Banque  russe  pour  le  commerce  étran- 
ger, présenté  par  MM.  Lafabrègue  et  Caraby. 

M.  le  secrétaire  général  lit  la  nomenclature  des  ouvrages  offerts  à  la  Société 
pendant  les  mois  de  juillet,  août,  septembre  et  octobre,  et  signale  particulièrement 
la  statistique  de  la  navigation  intérieure,  pour  1889,  offerte  à  la  Société  par  le  mi- 
nistre des  travaux  publics  et  l'Annuaire  statistique  de  la  ville  de  Paris  (1888).  La  liste 
de  ces  publications  se  trouve  ci-après  (1). 


M.  Vannacque  dépose  le  rapport  qu'il  a  présenté  au  Ministre  du  commerce  sur 
le  mouvement  de  la  population  de  la  France  pendant  l'année  1889  (2).  Jus()u'en  1887, 
l'administration  se  bornait  à  publiera  VOfficiel  le  résumé  numérique  de  ce  mouve- 
ment, mais  ces  chiffres  échappaient  à  l'attention  du  grand  public,  et  c'est  pour  ce 
motif  qu'on  s'est  décidé  à  y  ajouter  un  commentaire  explicatif. 

Après  plusieurs  années  défavorables,  l'année  1889  paraît,  comme  on  peut  facile- 
ment s'en  rendre  compte,  indiquer  une  situation  meilleure  que  par  le  passé. 

C'est  ainsi  que  non  seulement  la  diminution  des  naissances  semble  s'arrêter,  mais 
qu'il  y  a  dans  la  mortalité  une  diminution  très  remarquable. 

Il  ne  faut  pas  se  dissimuler  toutefois  que  dans  les  derniers  mois  de  l'année  la 
mortalité  a  pris,  par  suite  de  l'épidémie  d' inftuenza,  une  grande  extension,  dont 
les  effets  se  sont  prolongés  dans  les  premiers  mois  de  l'année  1890,  et  peuvent  aug- 
menter par  là,  dans  une  proportion  encore  inconnue,  la  mortalité  de  cette  année. 

M.  Baudry  fait  remarquer  qu'une  des  raisons  principales  de  la  diminution  de  la 
mortalité  est  la  diminution  même  des  naissances,  la  mortalité  la  plus  forte  portant 
sur  les  jeunes  enfants.  Il  ajoute  que  cette  diminution  de  mortalité  peut  tenir  aussi 
à  l'application  de  plus  en  plus  générale  de  la  méthode  antiseptique. 

M.  le  Président  revenant  sur  l'épidémie  de  l'influenza,  fait  remarquer  que  tout 
en  étant  un  moindre  épouvanlailpour  la  population,  elle  a  causé  probablement  plus 
de  ravages  que  le  choléra.  Il  regrette,  à  ce  propos,  que  M.  le  D'  Jacques  Berlillon 
ne  soit  pas  présent  à  la  séance.  Plus  que  personne  il  serait  à  même  de  donner 
des  renseignements  à  ce  sujet. 

M.  Loua  croit  savoir  que  M.  Turquan  a  étudié  dernièrement  l'épidémie  de  l'in- 
fluenza à  Paris  à  l'aide  des  chiffres  qu'il  a  empruntés  à  M.  Berlillon. 

(1)  Voir  la  dernière  page  du  présent  numéro. 

(2)  Voir  plus  loin  le  rappport  de  M.  Vanaaeque,  et  le  tableau  qui  lui  fait  suite. 


à 


—  323  — 

M.  TuiiQUAN  dit  qu'en  effet,  il  a  publié  un  travail  de  ce  genre  dans  h  Revue  scien- 
tifique (numéro  du  9  août  1890).  Il  est  résulté  de  ses  recherches  qu'il  a  poursuivies 
de  semaine  en  semaine  depuis  novembre  1889  jusqu'en  avril  1890,  que  la  mortalité 
due  à  cette  cause  n'a  pas  enlevé  à  Paris  moins  de  6,000  habitants. 

M.  E.  Flechey  exprime  l'idée  qu'il  est  possible  de  mesurer  l'effet  produit  par 
l'influenza,  en  se  basant  sur  la  consommation  de  la  viande  à  Paris,  en  1889.  S'il  est 
une  consommation  constante,  c'est  bien  celle-là.  Toutefois,  il  y  a  eu  pendant  cette 
année  une  augmentation  de  7  millions  de  kilos  environ  (193,600,000  contre 
186,196,000  en  1887),  mais  ce  progrès  est  la  résultante  de  deux  mouvements 
contraires:  augmcnlation  pendant  les  six  mois  de  l'Exposition  qu'on  peut  évaluer 
à  un  peu  moins  d'un  tiers  de  la  consommation;  2°  diminution  pendant  les  deux 
deiniers  mois  de  l'année,  qui  n'a  pas  été  moindre  des  deux  tiers. 

Cette  diminution  est  sûrement  due  à  l'influenza  qui  a  forcé  lanl  de  personnes  à 
garder  la  chambre  et  à  prendre,  au  détriment  de  la  viande,  une  consommation  con- 
sidérable de  produits  pharmaceutiques. 

M.  le  Président  pense  que  l'idée  émise  par  M.  Flechey  mérite  d'appeler  l'atten- 
tion des  statisticiens.  Si  la  diminution  de  la  viande  et  du  pain  consommés  chaque 
semaine  à  Paris,  pendant  l'influenza,  ne  permet  pas  d'évaluer  directement  le  nombre 
des  malades,  elle  peut  cependant  servir  de  base  pour  déterminer  approximative- 
ment le  nombre  total  des  journées  de  maladie  imputables  à  cette  épidémie,  à  la 
condition  de  connaître  le  chiffre  correspondant  de  la  population. 

M.  Decroix  voudrait  montrer  que  la  diminution  de  la  natalité  pourrait  provenir 
de  l'abus  du  tabac.  Il  demande  à  renvoyer  ses  explications  à  la  prochaine  séance. 

M.  Prunget  rend  compte  du  congrès  ouvert  à  Limoges  par  l'Association  pour  le 
progrès  des  sciences,  où  il  avait  été  délégué  par  la  Société,  et  fait  l'analyse  des  ques- 
tions traitées  par  la  section  d'économie  politique  et  de  statistique.  Ce  compte  rendu 
paraîtra  dans  un  des  prochains  numéros  de  notre  journal. 


La  parole  est  accordée  à  M.  r>iégeard  pour  la  lecture  d'un  mémoire  sur  les  bu- 
reaux de  statistique  du  travail  aux  États-Unis. 

Avant  d'entrer  dans  le  cœur  du  sujet,  l'honorable  membre  présente  quelques 
considérations  générales  que  nous  croyons  devoir  reproduire  ici  : 

La  question  sociale  est  aujourd'hui  le  principal  objet  qui  préoccupe  l'opinion  et  les 
pouvoirs  publics.  Dans  tous  les  pays  civilisés,  on  cherche  à  diminuer  les  désavantages  qui 
résultent  pour  l'ouvrier  de  l'organisation  économique  du  capital  et  à  améliorer  sa  condi- 
tion d'après  les  bases  de  l'ordre  social  existant.  Pour  y  parvenir  on  a  besoin  de  connaître 
la  condition  des  ouvriers  non  pas  d'une  façon  vague  et  superlicielle,  mais  d'une  manière 
approfondie  et  détaillée  que  la  statistique  sociale  est  seule  en  état  de  nous  procurer. 

Tant  qu'on  a  cru  que  les  forces  économiques  pouvaient  et  devaient  s'équilibrer  libre- 
ment, l'État  n'avait  aucune  raison  pour  intervenir,  la  statistique  sociale  était  inutile. 

Aujourd'hui,  le  vieil  adage  de  Gournay  :  «  Laissez  faire,  laissez  passer  »,  a  fait  place  à 
celui  d'Auguste  Comte  :  «  Savoir  pour  prévoir,  afin  de  pourvoir.  » 

On  a  fini  par  écouter  les  réclamations  des  ouvriers  et  des  réformateurs  sociaux  et  on 
s'est  efforcé  d'y  satisfaire  à  l'aide  des  organes  existants  dans  l'État.  On  a  inauguré  une  lé- 
gislation sociale. 

Tel  est,  par  exemple,  l'objet  du  projet  d'enquête  ouvrière  dont  ieministre  du  commerce 


—  32i  — 

et  de  l'industrie  a  saisi  le  conseil  supérieur  de  statistique  dans  sa  dernière  session.  Une 
enquête  sur  la  condilion  des  ouvriers  dans  les  divers  départements  ministériels  est  en 
cours  d'exécution  et  doit  être  bientôt  suivie,  si  la  Chambre  accorde  les  crédits  nécessaires, 
d'une  vaste  enquête  dans  l'industrie  privée. 

Mais  ces  enquêtes  à  longs  intervalles  ne  répondent  pas  complètement  aux  besoins  de  la 
science.  Des  phénomènes  essentiellement  variables,  comme,  par  exemple,  les  salaires  des 
ouvriers,  demandent  pour  les  suivre  et  les  étudier,  un  bureau  permanent. 

Trois  pays  sont  entrés  dans  cette  voie  :  les  Etals-Unis,  le  Royaume-Uni  et  la  Suisse. 
Plusieurs  Etats  de  l'Union  américaine  oui  fondé  des  bureaux  de  slatisli(iue  du  travail  et  le 
Congrès  a  créé  un  bureau  fédéral  |)our  centraliser,  autant  que  possible,  les  résultats. 

L'Angleterre  a  institué  auprès  du  déparlement  du  commerce  un  bureau  du  travail.  La 
Suisse  a  subventionné  et  rattaché  au  département  du  commerce  et  de  l'agriculture  un 
secrélariat  ouvrier  fondé  par  diverses  associations  ouvrières  de  la  coid'édérati 

Dé  toutes  ces  créations,  celle  des  Étals-Unis  est  de  beaucoup  la  plus  importante,  tant 
par  son  ancienneté,  son  nombreux  personnel  et  sa  riche  dotation,  (|ue  par  l'étendue  et  la 
valeur  de  ses  travaux. 

Le  docteur  Joachim  de  l'Université  de  Vienne  a  publié  une  brochure  donnant  l'Iiislo- 
rique,  l'organisation  et  le  fonctionnement  des  bureaux  de  statistique  du  travail  américains. 
C'est  celle  brochure  dont  nous  allons  donner  un  résumé. 

M.  LiÉGEARD  ayant  ensuite  donné  lecture  de  son  lravail,M.  le  président  remercie 
l'auteur  de  son  inléressante  communication  et  demande  à  l'assemblée  d'en  voler 
l'insertion.  {Applandixsemenls.) 

M.  le  président  fixe  ainsi  qu'il  suit  l'ordre  du  jour  de  la  séance  de  novembre. 

1°  Élude  sur  la  richesse  compuralive  des  déparlements  de  la  France,  par  .\1.  Adol- 
phe Coste. 

2°  Le  labac  cl  la  dépopulaiion  de  la  France,  par  M.  Decroix. 

Ilannonce(|ue. M.  Boulin,  directeur  général  des  contributions  direcles.fera,  dans  la 
séance  de  décembre,  une  conlerence  sur  les  résultais  de  la  grande  enquête  sur  les 
propriétés  bàlies. 

Dans  la  séance  de  janvier,  M.  Georges  Martin  hra  un  travail  dont  le  véritable  litre 
est  :  Les  Différentes  Bourses  au  point  de  vue  des  placements  à  V étranger. 

La  séance  est  levée  à  H  heures  1  /4. 


II. 

LES  BUREAUX  DE  STATISTIQUE  DU  TRAVAIL  AUX  ÉTATS-UNIS  (I). 
{InstUulefiirArbeils-Stalislik,  vonD'  J.  Joachim.  Leipzig  und  Wien,  Franz  Deulicke,  1890.) 

C'est  aux  Élals-Unis  que  l'organisation  de  la  statistique  du  travail  a  pris  le  plus 
de  développement.  11  y  a  longtemps  (|ue  les  ouvrieis  de  ce  pays  réclamaient  l'insli- 
lulion,  dans  chaque  Etal,  d'un  bureau  du  travail  et  d'un  bureau  central  pour  l'U- 
nion. Le  Congrès  ouvrier  de  Ballimore  émit,  dès  1866,  ce  vœu  qui  n'a  pas  cessé  de- 
puis d'enlrer  dans  le  programme  des  revendications  du  parti.  Dans  le  Massachusetts, 


(1)  Voir  rarticlc  du  môme  auteur  intitule  le  Secrélariat  ouvrier  suisse.  Livraison  de  juillet  1890. 


—  325  — 

Klat  éminemment  industriel,  la  commission  chargée  en  ISOBd'étuciierlesqiieslioii!; 
de  la  durée  du  travail  et  du  travail  des  enfants,  prit  les  résolutions  suivantes: 

«  Des  mesures  devraient  être  prises  pour  relever,  chaque  année,  une  statistique 
complète  de  la  situation,  des  revendications  et  des  besoins  des  classes  indusirielles.  » 
La  commission  nommée  la  môme  année  pour  étudier  les  mêmes  questions  de- 
manda dans  son  rapport  du  l'"'' janvier  1867: 

«  Qu'im  bui'eau  de  statistique  fût  créé  pour  assembler  et  rendre  utilisables  tous 
les  faits  se  rapportant  aux  inlérêls  industriels  et  sociaux  de  la  communauté.  » 

On  n'accorda  tout  d'aboid  que  peu  d'attention  à  ces  réclamalions  et  l'on  n'aurait 
g-uère  écouté  davantage  le  général  II.  K.  Olivier,  chargé  de  l'inspection  des  fabri- 
ques, qui  demandait  instamment  la  création  de  ces  bureaux,  si  l'agitation  produite 
par  les  pétitions  ouvrières,  notamment  celle  de  l'association  des  cordonniers,  n'a- 
vait fait  craindre  que  les  voix  des  ouvriers  ne  fussent  perdues  pour  le  (jouverne- 
ment  au  moment  des  élections.  On  résolut,  en  conséquence,  de  leur  accorder,  sinon 
des  lois  de  protection  du  travail,  tout  au  moins  un  bureau  de  statistique  du  travail. 
C'est  pour  ce  motif  que  la  loi  rejelée  par  le  Sénat  le  13  juin  1869  fut  reprise  le  14 
et  homologuée  par  le  Gouvernement  le  2'2  du  même  mois. 

Dans  d'autres  États,  des  bureaux  analogues  furent  créés  sous  la  pression  des  ou- 
vriers, notamment  dans  l'Ohio,  grâce  au  dé[)uté  Foran,  président  de  l'association  in- 
ternationale et  industrielle  des  bottiers,  et  au  député  Ferenbatch,  président  de  l'asso- 
ciation nationale  des  constructeurs  de  machines.  Dans  l'illinois  un  bureau  fut  fondé 
en  1879  sur  la  demande  de  quatre  députés  ouvriers. 

Actuellement  21  États  de  l'Union  possèdent  îles  bureaux  de  travail  ayant  diverses 
dénominations  :  bureaux  de  statisti(|ue  du  travail,  bureaux  de  statistique  de  l'indus- 
trie, bureaux  de  statistique  et  d'inspection  du  travail.  En  voici  la  liste  avec  le  siège 
et  la  date  de  la  fondation  : 


ÉTATS. 


DATE    UR    LA    FOXDATIOX. 


SIHOR    TUT   BUREAU 


Massachusetts. 

l'ensylvanie. 

Connecticul. 

Otiio. 

New-Jersey. 

Missouri. 

Illinois. 

Indiana. 

New-York. 

Cnlifornie. 

Michigan. 

Wisconsin. 

lown. 

Mnrylnnd. 

Kansas. 

Maine. 

Minnesota. 

Norlii-Carolina. 

Colorado. 

Rliode-Island. 

Nebraska. 


4869 
187-2 
1873 
1877 
1878 
18711 
1879 
1879 
1883 
1883 
1883 
1883 
1884 
1884 
1885 
1887 
1887 
1887 
1887 
1887 
1887 


Boston. 

Harrisbourg. 

Hnrilbrd. 

Colimibus. 

Trenton. 

Jelïerson-City. 

Springfield. 

Indianapolis. 

Albany. 

San-Francisco. 

Lansing. 

Madison. 

Des  Moines. 

Baltimore. 

Topeka. 

Angusta. 

Saint-Paul. 

Raleigli. 

Denver. 

Providence. 

Lincoln. 


Il  ressoit  de  ce  tableau  que  ce  sont  les  Etats  indiislriels  de  l'Est  qui  ont  créé  les 


—  326  — 

premiers  bureaux  ;  les  Étais  de  l'Ouest,  plutôt  miniers  qu'industriels,  ont  suivi  lente- 
ment l'exemple  qui  leur  était  donné.  Un  tiers  environ  de  ces  bureaux  a  été  créé 
à  la  suite  de  l'agitation  ouvrière  des  années  1886  et  1887. 

On  ne  peut  méconnaître  que  des  considérations  politiques  ont  joué  un  rôle 
prépondérant  dans  le  choix  du  personnel  de  ces  nouveaux  bureaux,  mais  la  direc- 
tion de  leurs  travaux  est  presque  toujours  restée  indépendante.  Toutefois,  le  bureau 
du  Connecticut  a  été  dis«ous  en  1875,  sous  le  prétexte  de  l'attitude  politique  de  ses 
employés.  Réédifié  en  1885,  sous  la  direction  du  général  H.  K.  Olivier,  il  dut  sou- 
tenir les  assauts  des  patrons  qui  trouvaient  leur  chef  trop  favorable  aux  ouvriers. 
Après  une  lutte  qui  dura  six  années,  le  personnel  fut  renouvelé  et  on  lui  donna 
pour  chef  le  colonel  D.  Wright,  dont  la  réputation  comme  statisticien  est  aujourd'hui 
universelle. 

Il  existe  une  certaine  uniformité  dans  l'organisation  de  ces  bureaux:  ilssontdiri- 
gés  par  un  chef  ou  commissaire  nommé  pour  une  période  de  deux  à  quatre  années 
par  le  Gouvernement  ou  par  le  secrétaire  des  affaires  intérieures  avec  approbation 
du  Gouvernement;  ce  chef  a  sous  ses  ordres  des  employés  auxiliaires  dont  le  nom- 
bre varie  suivant  les  besoins.  Seul  le  bureau  deTlIlinois  diffère  essentiellement  des 
autres  par  son  organisation  qui  a  une  certaine  analogie  avec  celle  des  chambres 
ouvrières  proposées  en  1885  par  le  parti  ouvrier  social  démocratique  de  l'Alle- 
magne; ce  bureau  se  compose  de  5  commissaires  élus  pour  deux  années,  dont 
3  ouvriers  et  2  patrons;  ces  commissaires  nomment  un  secrétaire  qui,  en  qualité 
d'employé  de  la  commission,  accompUt  les  travaux  slalistiqueset  rédige  un  rapport 
annuel. 

La  tâche  des  divers  bureaux  est  déterminée  par  les  lois  de  chaque  État. 

«  Le  bureau  est  chargé  de  rassembler  des  données  statistiques  sur  toutes  les 
branches  du  travail  de  la  communauté,  notamment  en  ce  qui  concerne  la  situation 
commerciale,  industrielle,  sociale,  pédagogique  et  sanitaire  des  classes  ouvrières  et 
le  développement  progressif  de  l'industrie;  de  classer  ces  documents,  de  les  systé- 
matiser et  de  les  présenter  dans  des  rapports  annuels  au  corps  législatif  avant  le 
1"  mars  de  chaque  année.  > 

Tels  sont  les  termes  de  la  loi  de  Massachusetts.  Un  certain  nombre  de  bureaux 
ont  encore  d'autres  attributions:  ainsi,  dans  quelques  États  ils  doivent  relever  la 
statistique  industrielle,  qui  est  ordinairement  confiée  à  l'inspection  des  fabriques. 
Le  bureau  d'Iowa  doit  répondre  aux  questions  qui  lui  sont  posées  en  ce  qui  con- 
cerne l'industrie  de  l'État;  le  bureau  de  l'Illinois  nomme  les  inspecteurs  des  mines 
et  est  chargé  de  l'exécution  de  leurs  décisions. 

Le  «  département  de  statistique  et  de  géologie  »  d'Indiana  offrait  tout  d'abord  le 
plus  étonnant  amalgame  des  attributions  les  plus  hétérogènes  ;  il  avait  pour  mission 
€  d'assembler,  de  classer,  de  disposer  en  tableaux  et  de  présenter  dans  des  publi- 
cations annuelles,  des  informations  statistiques  sur  l'agriculture,  l'industrie,  les  mi- 
nes, le  commerce,  l'instruction  publique,  les  conditions  sociales  et  hygiéni(|ues,  la 
population,  les  mariages  et  les  décès  et  les  progrès  industriels  de  l'État  ».  Le  chef 
de  ce  bureau  devait  être  géologue  de  profession.  Pour  satisfaire  à  ce  programme, 
le  bureau  publia  une  description  géologique  dei'lndiana,  un  traité  sur  les  avantages 
de  la  statistique,  puis  une  série  de  tableaux  statistiques  sur  toutes  sortes  de  sujets, 
sauf  sur  la  situation  des  ouvriers.  Cette  confusion  d'attributions  ne  prit  fin  qu'en 
1882,  sans  grand  profit,  du  reste,  pour  la  statistique  du  travail. 


—  327  — 

Il  est  de  toute  évidence  que  la  statistique  du  travail  exige  à  elle  seule  un  person- 
nel spécial.  La  statistique  industrielle  doit  être  entreprise  séparément  à  l'aide 
d'employés  auxiliaires  nombreux  et  exercés.  Il  faut  lejeter  d'une  manière  absolue 
l'adjonction  de  rinspeclion  de  l'industrie  au  bureau  de  la  statistique  du  travail,  non 
seulement  pour  éviter  de  le  surcharger,  mais  surtout  pour  lui  conserver  la  con- 
fiance des  personnes  appelées  à  lui  fournir  des  renseignements.  On  pourrait  crain- 
dre que  les  patrons  ne  donnassent  pas  de  renseignements  véridiques  au  bureau  de 
l'inspection  lorsque  ce  dernier  les  interroge  en  qualité  de  bureau  de  statistique  du 
travail.  Qu'arriverail-il  si  le  bureau  d'inspection  entrait  en  conflit  avec  les  patrons? 
Le  bureau  du  travail  doit  avoir  pour  mission  d'observer,  d'étudier  et  de  noter  l'ac- 
tion des  lois  existantes  et  non  de  veiller  à  leur  applicfitio.i.  [I  ne  doit  pas  non  plus 
être  chargé  de  préparer  des  projets  de  loi,  ainsi  que  cela  se  fait  dans  plusieurs 
Étals  de  l'Union,  notamment  dans  le  Massachusetts;  une  pareille  mission  a  l'incon- 
vénient de  diminuer  la  confiance  du  public  dans  l'impartialité  du  bureau  au  point 
de  vue  statistique. 

La  question  sociale  est  une  question  de  classes  sociales  ;  dans  toute  législation 
sociale  il  s'agit  de  régler  les  intérêts  de  deux  classes  rivales.  Si  le  bureau  de  statis- 
tique du  travail  est  chargé  de  préparer  la  loi,  il  se  trouve  nécessairement  forcé  de 
prendre  parti  ;  c'est  ce  qu'il  faut  éviter. 

Il  est  préférable  que  la  statistique  du  travail  et  l'inspection  des  fabriques  soient 
confiées  à  des  bureaux  distincts  et  que  le  bureau  de  l'inspection  soit  chargé  de  l'é- 
lude préparatoire  des  projets  de  loi  concernant  la  protection  du  travail.  D'ailleurs 
l'inspection  des  fabriques  n'a-t-eile  pas  en  vue  la  protection  de  l'employé  contre  les 
violations  de  la  loi  de  la  part  de  l'employeur.  Ce  service  peut  donc,  en  s'appuyant 
sur  les  données  fournies  par  le  bureau  delà  statistique  du  travail,  contribuer  à  l'a- 
mélioration de  la  situation  des  classes  ouvrières. 

Malgré  le  cumul  d'attributions  que  nous  venons  de  signaler,  la  dotation  des  bu- 
reaux est  très  faible.  Seul  l'Etat  de  Massachusetts  a  libéralement  doté  son  bureau, 
il  lui  a  alloué  une  somme  annuelle  de  10,000  à  15,000  dollars  dont  2,500  à  3,000 
dollars  pour  le  traitement  du  chef.  Dans  l'Ohio,  la  somme  est  dérisoire,  550  dollars. 
L'Étal  de  Wisconsin  paie  1,500  dollars  à  son  commissaire,  plus  500  dollars  pour 
frais  accessoires.  Le  Kansas  donne  1,000  dollars  au  chef  de  bureau,  plus  1,000  dol- 
lars d'indemnité,  le  Maryland  2,500  dollars,  l'Iowa  1,500,  le  Connecticut  2,000,  et 
rindiana  1,200,  plus  2,500  dollars  pour  frais  accessoires. 

Les  bureaux  suivants  sont  mieux  dotés:  celui  du  Missouri  a  2,000  dollars  pour 
son  chef  et  2,000  dollars  pour  frais  accessoires;  celui  de  Californie  2,400  dollars 
pour  son  commissaire,  plus  1,500  dollars  pour  les  employés  auxiliaires  ;  celui  de 
Pensylvanie  nne  somme  totale  de  6,425  dollars;  ceux  oe  New-Jersey  et  de  New- 
York  2,500  dollars  pour  le  chef,  1,200  dollars  pour  les  employés  auxiliaires  et  3,000 
dollars  pour  frais  accessoires;  celui  de  Michigan 2,000 dollars  pour  le  commissaire, 
1,500  pour  l'employé  auxiliaire  et  5,000  pour  frais  accessoires. 

Étant  donnée  celte  maigre  dotation,  la  place  du  chef  de  bureau  et  à  plus  forte 
raison  celles  des  employés  subalternes  ne  peuvent  êlre  occupées  par  des  spécialistes 
qui  du  reste  font  généralement  défaut  en  Amérique,  où  il  n'existe  pas  de  chaire  de 
statistique.  La  plupart  des  employés  ignorent  d'une  manière  absolue  les  éléments 
de  cette  science,  n'en  manient  la  technique  que  d'une  façon  très  défectueuse  et 
man(|uenl  de  l'expérience  nécessaire  pour  mener  à  bien  une  tâche  aussi  importante 


—  328  — 

(jue  difficile.  Il  faul  encore  regreller  le  fréquent  changement  des  employés  dû  h 
plus  souvent  à  des  motifs  d'ordre  politique  qui  pèsent  plus  dans  la  balance  pour 
l'obtention  des  places  que  la  valeur  et  la  capacité  réelles.  Toutefois  il  serait  injuste 
de  méconnaître  que  les  employés  font  les  plus  louables  efforts  pour  se  maintenir  à 
la  hauteur  de  leurs  fonctions,  qu'ils  suivent  avec  attention  les  progrès  delà  statisti- 
que et  en  tirent  leur  profit;  enfin  que  dans  des  congrès  annuels  ils  se  font  mntuel- 
lement  part  de  leur  expérience  et  cherchent  à  arriver  à  une  entente  sur  les  faits  à 
relever  et  sur  la  méthode  à  suivre. 

La  méthode  est  très  défectueuse;  le  manque  d'éducation  statistique  d'une  part, 
les  faibles  ressources  pécuniaires  de  l'autre,  font  que  les  bureaux  américahis  em- 
ploient des  méthodes  reconnues  insuffisantes  tant  au  point  de  vue  de  la  théorie  que 
de  la  pratique  de  la  statisliijue  du  travail.  La  recherche  des  conditions  du  travail 
peut  être  efTectuée  par  trois  mélhodes  indlcjnées  par  le  tableau  suivant,  et  rangées 
d'après  leur  valeur  croissante  : 

1°  Méthode  des  circulaires  et  des  nueslionnaires.  )  „ 

a. .,       „  ,  Procédé  écrit. 

2°  Lnquôle  par  correspondance.  ) 

—      par  une  commission.  )  „ 

'  Prorécip  ûrul 
3°  Investigations  opérées  par  des  agents  spéciaux.  ) 

(Mélhode  de  l'inspeclion.) 

Tous  les  bureaux  américains  ont  tenté  la  fortune  de  la  méthode  des  circulaires, 
mais  ils  ont  vite  reconnu  que  les  résultats  ainsi  obtenus  étaient  insuffisants.  Le  bureau 
de  Massachusetts,  sur  1,248  questionnaires  envoyés  aux  fabricants,  ne  reçut  que  217 
réponses,  soit  17  p.  100,  et  sur  2,680  questionnaires  envoyés  aux  ouvriers  114  ré- 
ponses ou  4  p.  100.  Il  est  vrai  que  le  nombre  des  questions  posées  aux  fabricants 
était  de  81  et  celui  des  questions  posées  aux  ouvriers  de  137!  Profitant  de  l'expé- 
rience acquise,  le  même  bureau  réduisit  en  1878  le  nombre  de  questions  posées  à 
15.  Il  fit  imprimer  son  questionnaire  dans  227  journaux  et  en  envoya  5,000  exem- 
plaires aux  ouvriers  qui  pouvaient  y  répondre  au  moyen  de  cartes  postales  expé- 
diées franco;  638  questionnaires  et  273  caries  postales  seulement  furent  retournés 
au  bureau.  43  caries  postales  insuffisamment  remplies  restèrent  inutilisables.  —  X 
New-.lersey,  le  premier  questionnaire  ne  reçut  que  106  réponses  de  patrons 
sur  1,450  interrogés,  soit  7  p.  100,  et  290  réponses  d'ouvriers  sur  2,900,  soit  10 
p.  100.  Le  bureau  de  l'État  d'Ohio  ne  reçut,  en  1882,  que  1,685  réponses  à  ses 
4,707  questionnaires,  soil  38  p.  100.  Sur  600  questionnaires  envoyés  aux  ouvriers, 
16  seulement  furent  remplis. 

L'enquête  par  correspondance  ne  donna  pas  de  meilleurs  résultats.  Dans  le  Mas- 
sachusetts, sur  1,530  ecclésiasiiqnes  interrogés,  le  bureau  ne  reçut  de  réponse  que 
de  544  d'entre  eux,  soit  35  p.  100.  En  Californie,  sur  52  assesseurs  du  comlé  inter- 
rogés, 3  seulement  ou  5.8  p.  100  répondirent.  L'enquête  orale  fut  peu  employée. Il 
faut  remarquer,  du  reste,  que  l'enquête  fournit  rarement  de  bons  résultats  statisti- 
ques; elle  donne  des  renseignements  très  utiles  au  point  de  vue  économique,  mais 
non  un  ensemble  de  chiffres  pouvant  être  traités  par  les  procédés  statistiques,  l'en- 
quête aboutissant  principalement  à  des  évaluations. 

C'est  la  troisième  mélhode,  celle  de  l'inspection,  qui  a  donné  les  meilleurs  résul- 
tats. Cette  méthode  exige,  il  est  vrai,  un  personnel  nombreux  et  exercé  et  d'impor- 


—  329  — 

lants  capiiaiix.  Aussi  u'a-l-ellc  été  employée  que  pnr  un  polit  nombre  de  bureanw 
Dans  leur  congrès  de  1884-,  les  chefs  de  bureaux  se  déclarèrent  à  l'unanimité  con-. 
Ire  rem[)loi  des  circulaires.  Les  bureaux  de  l'Oliio,  de  New-Jersey,  de  l'Illinois,  etc., 
résolurent  de  suivre  l'exemple  du  Massachusetts  et  d'employer  la  méthode  de  l'ins- 
pection par  des  agents  spéciaux;  d'autres  bureaux,  comme  ceux  du  Micbigan  et  du 
Missouri,  se  virent  contraints  faute  d'argentde  persévérer  dans  les  anciens  procédés. 
Mais  ils  les  combinèrent  entre  eux  pour  en  diminuer,  autant  que  possible,  les  incon- 
vénients. 

Pour  remplir  leur  làclie  les  bureaux  doivent  être  armés  d'une  sanction.  Dans  le 
procédé  écrit,  celle  sanction  leur  est  indispensable  pour  parer  au  défaut  de  réponse 
ou  aux  réponses  mensongères.  Dans  le  procédé  oral,  des  agents  spéciaux  devant 
examiner  sur  place  les  conditions  de  la  classe  ouvrière,  et  ayant  par  suite  besoin  de 
connaître  le  lieu  d'habitation  et  de  travail  de  l'ouvrier,  le  bureau  doit  avoir  le  droit 
d'envoyer  ces  agents  dans  ces  diverses  localités  avec  la  faculté  d'y  entrer  au  besoin 
par  la  force,  avec  l'aide  de  la  police  locale,  mais  seulement  pour  y  recueillir  des 
données  statistiques.  Pour  pouvoir  constater  le  taux  des  salaires,  ces  agents  doi- 
vent avoir  le  droit  d'examiner  les  carnets  où  ces  salaires  se  trouvent  inscrits.  Le  bu- 
reau étant,  en  outre,  tenu  de  s'informer  des  autres  conditions  de  la  classe  ouvrière, 
doit  avoir  le  droit  de  convoquer  des  témoins,  de  les  poursuivre  en  cas  de  refus  et  de 
recevoir  leurs  dépositions  sous  serment.  Par  contre,  le  bureau  a  le  devoir  d'indem- 
niser les  témoins  pour  leur  déplacement,  comme  le  fait  la  justice.  Enfin,  le  bureau 
doit  êlre  investi  du  pouvoir  de  poser  des  questions  à  tous  les  employés  de  l'État  ou 
de  la  commune  et  cela  directement,  sans  intermédiaires  administratifs,  et  ces  em- 
ployés doivent  être  tenus  de  leur  répondre  à  bref  délai. 

Examinons  maintenant  dans  quelles  limites  les  bureaux  américains  ont  été  munis 
de  l'autorilé  qui  répond  aux  exigences  que  nous  venons  de  signaler. 

Dans  le  Massachusetts,  la  loi  édicté  «  que  le  bureau  a  le  pouvoir  d'assigner  des 
témoins  à  comparaître  devant  lui,  de  leur  demander  des  réponses  écrites,  et  de  re- 
cevoir des  déclarations  sous  serment  et  que  ces  témoins  seront  renvoyés  et  indem- 
nisés de  la  même  manière  que  ceux  des  cours  d'appel  de  l'État  ». 

Répondant  aux  questions  qui  lui  furent  posées  à  ce  sujet  par  le  chef  du  bureau, 
l'altorney  général  interpréta  cette  loi  de  la  manière  suivante  : 

1°  Le  bureau  n'a  pas  le  droit  d'exiger  le  serment  (pour  surmonter  cette  difficulté, 
le  chef  de  bureau  fut  nommé  juge  de  paix). 

2°  Le  bureau  n'a  pas  le  pouvoir  d'exiger  la  déposition  de  témoins.  Il  peut  inviter 
des  personnes  à  déposer  et  demander  des  réponses  écrites,  mais  il  n'a  pas  le  droit 
d'exiger  une  réponse  écrite  ou  orale  (le  bureau  n'a  même  pas  le  droit  de  prendre 
note  du  refus  de  répondre  ou  de  comparaître). 

3°  Le  bureau  peut  recevoir  sous  serment  les  dépositions  de  témoins,  à  la  condi- 
tion de  leur  payer  1,25  dollar  d'indemnité  par  jour  et  U  cents  par  mille  deleurdo- 
micileau  bureau  et  du  bureau  à  leur  domicile,  pour  frais  de  déplacement. 

Cette  singulière  interprétation  de  la  loi  prouve  que  les  pouvoirs  publics  étaient 
peu  disposés  dans  cet  État  à  exiger  dos  renseignements  par  la  force. 

Le  bureau  s'est  donc  vu  obligé  de  se  contenter  de  dépositions  volontaires  et  de 
recherches  opérées  par  ses  propres  agents.  Il  n'est  muni  de  pleins  pouvoirs  que 
lorsqu'il  opère  le  census  décennal.  Alors,  d'après  la  loi,  toute  personne  chargéede 
fournir  des  relevés  statistiques  qui  donne  sciemment  des  renseignements  erronés 


—  330  — 

est  passible  d'une  amende  de  200  dollars  ;  et  toute  personne  qui  refuse  de  donner 
des  renseig;nemenls,  d'une  amende  de  100  dollars. 

Les  prescriptions  de  la  loi  pour  les  bureaux  des  autres  États  ressemblent  beau- 
coup à  celles  du  Massacliusetts.  Pourtant  la  loi  est  à  peu  près  muette  à  cet  égard 
pourrillinois  et  le  Maryland.  Le  bureau  de  New-Jersey  a  le  droit  de  recevoir  des 
dépositions  sous  serment;  le  bureau  de  l'Obio  peut  inviter  des  personnes  à  compa- 
raître devant  lui  et  exiger  des  réponses  écrites,  et  recevoir  des  témoignages  sous 
serment.  Toutefois,  les  déposants  ne  sont  pas  tenus  de  se  déplacer,  sauf  dans  les  en- 
virons de  leur  résidence. 

La  loi  de  New-York  est  ainsi  conçue:  <  Le  bureau  a  le  droit  de  convoquer  des  té- 
moins, d'exiger  des  réponses  écrites,  de  recevoir  des  témoignages  sous  serment,  et 
de  désigner  une  personne  désintéressée  chargée  de  convoquer  des  témoins  sous  peine 
d'amende,  mais  à  la  charge  de  leur  payer  la  même  indemnité  que  celle  qui  est  dé- 
volue par  les  tribunaux  de  comté.  Toutefois,  les  personnes  désignées  ne  sont  pas 
tenues  de  se  défilacer  hors  du  voisinage  de  leur  domicile  et  aucun  témoin  ne  doit 
être  forcé  de  répondre  contre  sa  volonté  à  une  question  concernant  ses  intérêts  pri- 
vés. »  Mais  la  loi  se  tait  sur  ce  qu'elle  entend  par  intérêts  privés. 

Le  bureau  d'Iowa  a  le  droit  de  convoquer  des  témoins  sous  peine  d'amende,  de 
leur  déférer  le  serment  et  d'exiger  une  réponse  à  ses  questions  delà  même  manière 
que  le  juge  de  paix. 

Plusieurs  bureaux  de  statistique  peuvent  infliger  une  amende  en  cas  de  refus. 

La  loi  de  Pensylvanie,  après  avoir  décrit  les  attributions  du  bureau  de  cet  État, 
ajoute:  «  Pour  faciliter  l'accomplissement  de  la  tâche  qui  vient  d'être  indif|uée,  les 
sociétés,  maisons  de  commerce  ou  individus  qui  exploitent  des  mines,  des  usi- 
nes ou  autres  branches  industrielles  et  tous  les  ouvriers  salariés  de  l'État  sont  tenus 
do  communiquer  les  documents  statistiques  réclamés  par  le  chef  de  bureau.  Le 
chef  ou  un  employé  expressément  autorisé  a  le  pouvoir  de  convoquer  des  témoins 
concernant  toutes  les  attributions  ci-dessus  désignées  et  de  recevoir  leurs  déposi- 
tions sous  serment.  La  société,  maison  ou  personne  de  [cet  État  qui  pendant 
trente  jours  refuse  de  répondre  ou  ne  réponl  pas  à  une  circulaire  ou  à  une  ques- 
tion individuelle  ou  qui  ne  donne  pas  suite  à  une  convocation  ou  ne  dépose  pas  son 
témoignage  d'après  les  prescriptions  de  la  présente  loi,  est  passible  d'une  amende 
de  100  dollars  recouvrable  par  une  action  dirigée  par  le  commissaire  de  l'État  en 
qualité  de  demandeur.» 

Ert  Californie,  la  peine  est  de  10  à  25  dollars  d'amende  ou  de?  à  30  jours  de  prison  ; 
elle  est  de  50  dollars  dans  le  Kansas.  Dans  le  Michigan  un  renseignement  sciemment 
faux  est  puni  en  tant  que  félonie  de  5  jours  de  prison.  Dans  la  Californie,  le  Mis- 
souri et  le  Michigan,  les  employés  de  l'État  doivent  recueillir  les  renseignements 
sur  la  demande  du  commissaire.  Dans  ce  dernier  État,  les  employés  distribuent  les 
circulaires  du  bureau,  les  assesseurs  du  comté  et  les  inspecteurs  les  remplissent  ; 
de  plus  les  premiers  sont  aussi  tenus  de  fournir  les  renseignements  demandés  par 
le  bureau  pendant  le  census  et  d'envoyer  à  ce  sujet  un  compte  rendu  au  bureau 
dans  les  trois  mois.  Dans  le  .Missouri,  le  Wisconsin,  le  Kansas  et  la  Californie,  les 
commissaires  doivent  entreprendre  des  recherches  en  qualité  d'inspecteurs  de  fa- 
briques dans  toutes  les  localités  où  s'efl'ectue  un  travail  quelconque,  ils  peuvent 
avoir  recours  à  des  témoins  même  par  la  force  et  procéder  à  l'examen  de  tous  do- 
cuments. La  dernière  prescription  est  surtout  importante  pour  la  statisticjue  des 


—  331  — 

salaires,  l'étude  des  carnets  de  salaires    étant  reconnue  comme  la  meilleure 
méthode. 

11  ressort  de  ce  qui  précède,  que  les  bureaux  n'ont  pas  répondu  à  toutes  les  es- 
pérances qu'on  avait  mises  en  eux.  Plusieurs,  surtout  les  plus  anciens,  celui  de  Mas- 
sachusetts en  première  ligne,  ont  rendu  d'éminenls  services  à  la  statistique  du 
travail  ;  mais  le  plus  grand  nombre  est  aux  prises  avec  de  graves  difficultés. 
Les  rapports  publiés  jusqu'à  ce  jour  et  qui  sont  au  nombre  de  plus  de  cent  for- 
ment un  immense  stock  de  matériaux  qui  éclaire  la  condition  des  ouvriers  améri- 
cains ;  malheureusement  les  meilleurs  de  ces  traités  n'ayant  qu'un  intérêt  local  ne 
se  prêtent  pas  à  des  conclusions  ni  à  des  comparaisons  générales.  Les  diverses 
méthodes  employées  ont  une  précision  inégale  et  la  différence  des  pouvoirs  attri- 
bués à  chaque  bureau  conduit  à  une  approximation  variable.  De  plus  chaque  chef  de 
bureau  peut  diriger  ses  recherches  sur  l'objet  qui  a  le  plus  d'attrait  pour  lui,  sans 
s'inquiéter  des  travaux  des  bureaux  voisins.  De  là  impossibilité  absolue  d'établir 
entreces  divers  travaux  une  comparaison  scientifique.  D'autre  parties  chiffres  ob- 
tenus à  diverses  époques»  par  les  divers  bureaux  sont  trop  faibles  pour  permettre 
d'en  tirer  une  conclusion  certaine. 

Si  nous  jetons  un  coup  d'œil  sur  quelques-uns  de  ces  mémoires,  nous  trouvons, 
par  exemple,lel8"rapport  lie  Massachusetts  pour  1889,  relatif  au  census  de  cet  État  en 
1885  et  aux  chômages;  le  IS"  rapport  de  Pensylvanie  pour  1887  qui  se  réfère  pres- 
que exclusivement  à  la  description  des  principales  industries  du  fer  dans  cet  État. 
Le  nouveau  commissaire  nommé  en  1887  dans  le  Connecticut  consacre  son  mé- 
moire à  un  historique  du  développement  industriel  de  cet  FAal  et  à  la  reproduction 
de  lettres  d'hommes  célèbres  où  ceux-ci  expriment  leur  opinion  sur  la  question  du 
travail.  Le  bureau  de  l'Ohio  traite  pendant  la  même  année  la  question  du  salaire  et 
de  la  durée  du  travail.  Le  bureau  de  la  statistique  du  travail  et  de  l'industrie  de 
New-Jersey,  laissant  de  côté  dans  son  10°  rapport  publié  en  1887  une  statisti- 
que des  salaires  longuement  élaborée,  aborde  une  intéressante  étude  sur  l'histoire 
et  la  statistique  des  Trade-Vnions  et  autres  organisations  des  ouvriers  dans  l'Etat  ; 
il  donne  en  annexe  un  mémoire  sur  la  coopération  et  sur  les  lois  de  protection 
des  ouvriers  pendant  les  six  premiers  mois  de  l'année.  Le  9"  rapport  du  bureau  de 
statistique  du  travail  et  d'inspection  du  Missouri  renferme  un  rapport  de  l'inspecteur 
des  mines,  un  rapport  de  la  commission  parlementaire  du  travail  dans  les  prisons, 
une  statistique  des  salaires  et  de  la  durée  du  travail;  enfin  une  statistique  delà  pro- 
duclion.  Le  bureau  du  travail  de  llllinois  consacre  son  3'  rapport  en  1886  à  une 
compilation  de  1,666  rapports  des  employés  du  gouvernement  relatifs  au  census;  de 
plus  il  envoya  des  agents  qui  établirent  à  l'aide  de  2,129  familles  d'ouvriers  comp- 
tant 9,834  personnes,  pour  263  branches  d'industrie,  des  comptes  rendus  détaillés 
sur  la  nature  de  leurs  dépenses.  Ces  mémoires  renferment  167  budgets  de  ménage 
d'ouvriers  auxquels  sont  jointes  des  conclusionsfort  importantes  et  fort  exactes  sur 
leur  situation  sociale.  Le  bureau  du  Kansas  publie  uneenquêtc  dirigée  par  le  commis- 
saire sur  les  maisons  de  refuge  et  les  comptes  rendus  mensuels  d'un  grand  nombre 
d'ouvriers  sur  leurs  recettes  et  leurs  dépenses.  Le  bureau  de  New-York  consacre 
son  5"  rapport  à  l'étude  de  2,212  contestations  relatives  au  travail.  Le  rapport  du 
bureau  de  l'Iowa  pour  1887  donne  une  statistique  très  incomplète  des  salaires;  le 
derniei'  rapport  du  Wisconsin  publie  les  réponses  des  ouvriers  touchant  l'immigra- 
tion, l'état  de  l'instruction,  l'organisation  des  ouvriers,  les  maisons  ouvrières,  etc. 


—  832  — 

Le  5'  rapport  annuel  du  Michigan  Iraile  de  la  char{,'e  liypoUiécaire  qui  grève  les 
fermes  et  de  la  nationalilc  des  fermiers.  Le  bureau  du  Maryland  s'occupe  des  grè- 
ve?, du  boycottage,  des  mines,  des  chemins  de  fer,  des  salaires,  etc. 

On  voit  par  ce  qui  précède  que  c'est  à  peine  si  deux  bureaux  de  statistique  trai- 
tent le  même  sujtt;  le  chaos  slalisti(|ue  règne  ici  d'une  manière  absolue.  Ce  fâcheux 
élat  de  choses  est  le  résultat  de  l'isolement  récipro(|ue  des  bureaux,  qui  est  bien 
différent  de  la  décentralisation  prônée  par  nombre  de  statisticiens  éminents.  La  dé- 
centralisation des  relevés  statistiques  permet  de  pénétrer  plus  profondément  dans 
les  circonstances  locales  et  de  tirer  dus  conclusions  générales  plus  justes  et  plus 
complètes.  Dans  l'êlat  d'isolement  des  bureaux,  les  faits  locaux  deviennent  les  faits 
principaux,  tonte  comparaison,  tout  traitement  uniforme  des  malériaux  statistiques 
deviennent  impraticables. 

Les  chefs  des  différents  bureaux  reconnurent  bientôt  les  graves  inconvénients  de 
leur  manière  de  travailler  et  résolurent  d'y  remédier  dans  une  certaine  mesure  à 
l'aide  d'un  congrès  annuel.  Jusqu'ici  ces  réunions  n'ont  guère  «u  d'autre  résultat 
que  d'initier  aux  éléments  de  la  statistique  les  nouveaux  chefs  de  bureau  dépourvus 
de  connaissances  spéciales  et  de  mettre  tout  le  monde  d'accord,  après  de  laborieuses 
discussions,  sur  la  meilleure  méthode  à  employer.  Quoiqu'il  en  soit,  on  ne  peut 
méconnaître  dans  ce  fait  un  effort  sérieux  en  vue  d'améliorer  la  slalisliqiie  du  tra- 
vail et  lorsque  ces  chefs  auront  une  situation  plus  stable  et  par  suite  une  plus  grande 
expérience  de  leurs  fonctions,  on  peut  espérer  que  ces  congrès  présenteront  de 
grands  avantages.  Les  chefs  de  bureau  pourront  obtenir  par  une  entente  réciproque 
et  volontaire,  au  moins  en  partie,  ce  que  procure  le  pouvoir  exécutif  dans  les  États 
pourvus  d'une  centralisation  administrative  qui  n'existe  pas  aux  États-Unis. 

A  la  vérité,  cette  lacune  ne  pourra  jamais  être  tout  à  fait  comblée.  C'est  ce  dont 
se  sont  rendu  compte  les  personnes  intéressées  à  la  création  des  bureaux  de  tra- 
vail, ouvriers  et  partisans  de  la  réforme  sociale,  qui  demandèrent  alors  la  création 
d'un  bureau  central  pour  toute  l'Union. 

D'autre  part,  le  Congrès  avait  procédé  à  plusieurs  enquêtes  sur  la  condition  des 
ouvriers,  enquêtes  effectuées  soit  par  l'Union,  soit  par  les  divers  États.  Ces  enquêtes 
exécutées  avec  le  plus  grand  soin,  ont  démontré  aux  législateurs  que  les  relevés 
statistiques  ne  peuvent  être  effectués  que  par  un  corps  d'employés  munis  de  con- 
naissances théoriques  et  pratiques,  initiés  à  l'industrie,  rompus  aux  procédés  sta- 
tistiques et  que  ce  corps  ne  peut  exister  que  constitué  sous  forme  de  bureau  per- 
manent et  stable. 

C'est  M.  Slianks  qui  proposa  le  26  janvier  1874  à  la  Chambre  des  représentants 
d'installer  à  Washington  un  bureau  national  de  statistique  du  travail.  Ce  projet  fut 
renvoyé  à  la  commission  de  l'instruction  et  du  travail  et  il  n'en  fut  plus  question. 
Les  propositions  de  M.  Murch  du  5  mai  1879  et  du  13  décembre  1881  subirent  le 
même  sort.  Le  projet  de  loi  du  sénateur  Iloar  de  décembre  1879  sur  la  création 
d'une  commission  du  travail  chargée  de  fonctions  analogues  fut  rejeté  par  la  com- 
mission parlementaire  le  22  février  1881,  mis  à  l'ordre  du  jour  sur  le  désir  de  l'au- 
teur du  projet,  maisne  vint  pas  endiscussion- Le9  janvier  1882,  M.  O'Neil,  membre 
delà  Chambre  des  représentants,  pioposa  de  fonder  audépartement  des  affaires  inté- 
rieures un  bureau  des  mines,  un  bureau  de  l'industrie  et  un  bureau  de  statistique 
du  travail  et  de  transformer  le  bureau  de  statistique  placé  sous  les  ordres  du  se- 
crétariat du  Trésor  en  bureau  du  commerce,  conformément  à  ses  attributions.  Ce 


—  àiâ  — 

projet  eut  un  sort  anîilogue  aux  précédents  et  s'il  ne  fut  pas  enterré  parla  couîmis- 
sion  de  l'instruction  et  du  travail,  il  le  fut  par  celle  des  mines. 

Les  membres  du  Congrès  ne  se  hâtèrent  pas  trop  d'aller  au-devant  des  vœux  des 
ouvriers  et  des  savants.  Il  fallut  atlendre  que  les  ouvriers  devinssent  une  puissance 
électorale  pour  qu'on  les  jugeât  dignes  d'un  bureau  spécial  chargé  d'étudier  leur 
situalion.  Lorstpi'ils  se  furent  manifestés  sous  ce  nouveau  jour,  on  ne  s'occupa 
plus  que  d'eux.  Le  14  décembre  1883,  le  sénateur  Blain  présenta  un  projet  de  loi 
sur  la  création  d'un  bureau  de  slatisli(|ue  du  travail;  le  10  du  même  mois,  M.  Wil- 
lis  demanda  à  la  Chambre  des  représentants  la  création  d'un  bureau  du  tiavaii  et  de 
l'industrie;  le  11,  M.  O'Neil  la  création  d'un  bureau  de  statistique,  et  M.  Hopkins 
d'un  déparlement  spécial.  Les  8  et  10  janvier  1884  virent  éclore  deux  nouveaux 
projets  analogues  de  MM.  Kiniey  et  Lanib. 

Le  meilleur  de  ces  projets  de  loi,  celui  du  sénateur  Blain,  fut  adopté  le  7  mars 
1884  par  la  commission,  discuté  les  7  et  8  mars  et  amendé  par  M.  Sherman;  puis 
il  disparut  de  l'ordre  du  jour. 

Le  projet  de  loi  du  représentant  llopluns  vint  ensuite  en  discussion.  Ce  projet 
eut  deux  sortes  d'adversaires;  ceux  qui  demandaient  plus,  et  ceux  qui  demandaient 
moins.  Tout  le  monde  était  d'accord  sur  la  nécessité  de  procéder  à  des  recherches 
approfondies  sur  la  condition  des  ouvriers,  mais  quelques-uns  pensaient  qu'il  n'é- 
tait pas  nécessaire  de  créer  un  nouveau  bureau  et  qu'il  suffisait  d'augmenter  les  at- 
tributions du  bureau  de  statistique  du  secrétariat  de  la  Trésorerie.  On  leur  répliquait 
que  les  représentants  de  toutes  les  associations  ouvrières  dans  la  commission  par- 
lementaire et  dans  des  pétitions  demandaient  à  l'unanimité  la  création  d'un  bureau 
distinct  et  qu'on  devait  se  rendre  aux  vœux  d'une  classe  aussi  nombreuse  d'élec- 
teurs parce  que  «  la  question  était  assez  importante  poin-  occuper  l'attention  et  le 
temps  de  l'homme  le  plus  capable  que  l'on  poin'rait  trouver  dans  le  pays  et  que 
l'exécution  fidèle  et  active  de  cette  tâche  exigeait  non  seulement  de  l'habileté  mais 
de  l'expérience  et  des  connaissances  spéciales  ».  (Discours  du  sénateur  Cal!  de  la 
Floride,  session  du  14  mai  1884.) 

On  donna  lecture  au  Parlement  d'une  lettre  de  M.  Nimmo,  chef  du  bureau  de  sta- 
tistique, dans  laquelle  il  s'exprimait  ainsi  : 

«  Ce  bureau  de  statistique,  n'est  en  dépit  de  sa  dénomination  vague  qu'un  bureau 
du  commerce  qui  embrasse  les  transports,  l'immigration  et  les  droitsd'importation.  — 
Le  bureau  de  statisti(|ue  n'a  employé  ni  un  homme  ni  un  dollar  en  vue  de  rassem- 
bler des  informations  sur  les  ouvriers  etj'espère  que  le  Congrès  ne  me  donnera  jamais 
les  moyens  d'accomplir  une  œuvre  de  ce  genre,  parce  que  le  bureau  que  je  dirige 
a  toujours  eu  un  autre  but  et  d'autres  attributions.  » 

D'autres  membres  du  Congrès  demandaient  la  création  non  pas  d'un  bureau  spé- 
cial, mais  d'un  bureau  placé  dans  un  des  départements  existants,  par  excm(ile  dans 
le  secrétariat  des  affaires  intéi'ieures.  D'autres  encore  prétendaient  que  l'on  satis- 
ferai! complètement  aux  vœux  des  ouvriers  en  leur  laissant  la  direction  des  affaires 
du  bureau  à  organiser,  mais  cette  proposition  fut  rejetée.  Après  de  longs  débats  et 
une  entente  entre  la  Chambre  des  représentants  et  le  Sénat,  la  loi  fut  volée  par  les 
deux  Chambres  le  25  juin  1884,  contresignée  par  le  président  le  27  juin  suivant,  et 
c'est  ainsi  que  fut  créé  un  bureau  national  de  statistique  du  travail  plus  de  dix  ans 
après  l'apparilion  du  premier  projet  de  loi  relitif  à  cet  objet. 

Cette  loi  décide  qu'un  bureau  du  travail  sera  installé  auprès  du  déparlonient  des 


—  334  — 

affaires  intérieures,  sous  la  direcliond'un  commissaire  nommé  par  le  président  avec 
l'approbation  du  Sénat.  Ce  commissaire  doit,  à  moins  de  destitution  préalable, 
exercer  son  emploi  pendant  quatre  années  et  jusqu'à  ce  que  son  successeur  soit 
nommé  et  au  courant  de  ses  fonctions;  il  a  un  traitement  annuel  de  3,000  dollars.  Il 
doit  recueillir  des  informations  surle  iravail  et  ses  rapports  avec  le  capital,  sur  la 
durée  du  tiavail,  les  salaires  des  ouvriers  et  des  ouvrières  et  les  moyens  d'nrriver 
à  leur  développement  matériel,  social,  intellectuel  et  moral.  Le  secrétaire  de  l'inlé- 
rieur  est  chaj-gé  de  nommer,  sur  la  préscnlalion  du  commissaire,  un  employé  subal- 
terne jouissant  d'un  traitementannuel  de  2,000  dollars  et  les  autres  employés  néces- 
saires. Le  budget  total  du  bureau  ne  doit  pas  dépasser  annuellement  2,500  dollars. 

Le  commissaire  est  tenu  de  communiquer,  dans  un  rapport  annuel,  les  informa- 
tions recueillies  et  de  faire  les  propositions  nécessaires  pour  l'amélioration  du  fonc- 
tionnement du  bureau.  En  janvier  1885,  le  colonel  Garoll  D.Wright,  le  chef  es- 
timé du  bureau  de  Massachusetts,  fut  nommé  commissaire  et  au  mois  de  février 
suivant  M.  Oren  W.  Wtaver  fut  nommé  employé  sous  ses  ordres.  Les  différentes 
opérations  nécessaires  pour  l'inslallalion  du  bureau  retardèrent  le  commencement 
des  travaux  jusqu'en  juin,  mois  dans  lequel  le  bureau  procéda  à  l'étude  de  la  crise 
induslrielle  retenante.  Le  mémoire  relatif  à  cette  question  continue  le  premier  rap- 
port publié  le  17  mars  1886.  Il  se  divise  en  cinq  chapitres  dont  le  premier  traite 
l'histoire  des  crises  industrielles  en  Angleterre,  en  France,  en  Belgique,  en  Allema- 
gne el  aux  États-Unis  depuis  1837;  le  2°  la  crise  dans  les  États-Unis,  le  3° la  réper- 
cussion des  crises  sur  les  diverses  nations;  le  4°  les  remèdes  proposés,  tandis  que 
le  5°  offre  un  aperçu  général  sur  la  simultanéité  des  crises,  leurs  causes  et  leurs 
remèdes.  Comme  annexes  suivent  le  relevé  des  personnes  occupées  dans  les  éta- 
blissements inspectés  et  leurs  salaires,  les  revenus  et  les  dépenses  des  ouvriers 
salariés  en  Europe  et  un  recueil  des  lois  de  protection  des  ouvriers  dans  les  États- 
Unis.  Cette  publication,  résultat  de  recherches  originales  faites  par  20  agents  spé- 
ciaux dont  5  pour  l'étranger  et  15  pour  l'Amérique,  est  la  plus  importante  qui  ait 
paru  sur  cet  objet  et  a  fait  progresser  d'une  façon  notable  nos  connaissances  éco- 
nomiques. 

Si  séduisant  que  nous  paraisse  l'examen  approfondi  des  publications  de  ce  bu- 
reau, nous  nous  voyons  à  regret  forcé  de  l'abandonner  dans  la  présente  étude  qui  ne 
doit  parler  des  travaux  des  diverses  institutions  relatives  au  travail-  qu'en  tant 
qu'ils  nous  renseignent  sur  l'organisation  des  bureaux.  Le  deuxième  rapport 
présenté  le  28  février  1887,  d'après  les  instructions  du  Congrès  en  date  du  2  août 
1880,  traite  du  travail  des  prisons,  la  première  partie  se  référant  à  leur  importance 
actuelle  en  iVmérique,  la  deuxième  partie  donnant  des  renseignemenis  historiques 
sur  le  travail  pénitentiaire  dans  plusieurs  autres  États  et  sur  les  lois  américaines 
réglant  la  matière.  Le  cinquième  mémoire  annuel  du  24  décembre  1887  donne 
dans  de  nombreux  tableaux  les  détails  les  plus  complets  sur  3,902  grèves  et  coa- 
htions  de  patrons  survenues  de  1881  à  1886,  pour  22,304  établissements  et 
1,323,203  ouvriers.  Le  chapitre  IV  traite  des  contestations  du  travail  de  1741  à 
1880,  tandis  que  le  chapitre  V  présente  un  ensemble  des  décisions  judiciaires  et 
les  lois  concernant  les  grèves,  les  coalitions  de  patrons,  les  associations,  boycotts, 
etc.  Ces  rapports  sont  fondés  sur  des  recherches  personnelles  approfondies  faites 
par  des  agents  spéciaux  ;  ils  nous  offrent  les  données  résultant  de  l'enquête 
avec  l'exactitude  la  plus  parfaite  et  peuvent  nous  inspirer  une  entière  confiance. 


—  335  — 

Le  'i'  rapport  (iii  bureau  national  publié  récemment  s'occupe  exclusivement  de  la 
condition  des  ouvrières  dans  les  grandes  villes.  Les  recherches  ont  été  exécutées 
jusqu'en  Californie  et  se  sont  étendues  aux  faits  relatifs  à  la  prostitution  ;  cette  en- 
quête a  été  conduite  par  des  femmes  qui,  rémunérées  comme  les  hommes,  ont  fourni 
également  un  bon  travail,  ainsi  que  le  déclare  M.Wright.  Les  agents  féminins  se  mi- 
rent d'abord  au  courant  des  conditions  générales  des  ouvrières  dans  les  grandes 
villes  soumises  à  l'enquête  et  choisirent  ensuite  un  certain  nombre  d'individus,  en 
espèce  et  en  nombre  suffisants.  On  obtint  ainsi  des  renseignements  pour  17,427 
ouvrières;  le  chiffre  est  élevé,  mais  il  n'est  que  de  0  à  7  p.  100  des  ouvrières 
occupées  dans  ces  villes.  Tout  en  edmetfant,  avec  le  commissaire  du  travail, 
que  ces  femmes  aient  bien  rempli  leur  tâche  et  pris  des  cas  typiques  de  ma- 
nière à  nous  fournir  une  image  exacte  des  faits  à  rechercher,  nous  ne  pouvons 
pas  nous  dissimuler  que  le  fait  matériel  doit  encore  être  préféré  à  une  opinion  per- 
sonnelle. L'art  statistique  ne  doit  pas  l'emporter  sur  la  science  statistique  et  tra- 
vailler avec  des  types  est  plutôt  œuvre  d'art.  On  ne  peut  s'empêcher  de  manifester 
une  vive  inquiétude  sur  la  véracité  des  chiffres  recueillis  quand  on  lit,  par  exemple, 
que  sur  le  chiffre  total  des  ouvrières  interrogées,  15,387  (89.61  p.  100)  étaient  cé- 
libataires, 745  (4.33  p.  100)  mariées  et  1.038(5.87  p.  100)  veuves;  nous  deviendrons 
plus  sceptiques  encore  en  apprenant  que  toutes  les  ouvrières  interrogées  n'ont  pas 
répondu  à  un  grand  nombre  de  questions,  dont  quelques-unes  n'ont  reçu  que  le 
tiers  de  réponses. 

Il  faut  ajouter  que  les  villes  qui  ont  fait  l'objet  de  l'enquête  ne  sont  situées  que 
dans  17  Étals. 


ÉTATS. 

TILLES.                     KOMBKB 

D'OUVRIKRES   I 

Massachusetts. 

Boston. 

1,406 

New-York. 

New-York. 

2,984 

— 

Brooklin. 

830 

— 

Buifalo. 

017 

Maryland. 

Baltimore. 

936 

Illinois. 

Chicago. 

1,716 

Ghio. 

Cincinnati. 

816 

— 

Cleveland. 

721 

New-Jersey. 

Navark. 

625 

Pensylvanie. 

Philadelphie. 

1,700 

Rhode-Island. 

Providence. 

610 

Louisiane. 

Nouvelle-Orléans. 

517 

Missouri. 

Saint-Louis. 

1,071 

Caroline  du  Sud. 

Charleslon. 

172 

Kentucky. 

Louisville. 

538 

Géorgie. 

Atalante. 

297 

— 

Savannah. 

144 

Virginie. 

Richmond. 

360 

Indiana. 

Indianapolis. 

518 

Californie. 

San-Francisco. 

285 

— 

San-José. 

84 

Minnesota-. 

Saint-Paul. 

473 

—  SSG  — 

Les  renseig^nemenls  sont  syslématiquement  ordonnés  et  les  tableaux  nous  don- 
nent par  industries  et  villes  réponse  aux  questions  sur  l'âge  actuel  des  ouvrières, 
leur  âge  à  leur  entrée  dans  l'industrie,  le  nombre  d'années  passées  dans  le  même 
travail,  leur  lieu  de  naissance  et  celui  de  leurs  parents,  leur  état  civil,  le  nombre  des 
occupations  antérieures,  leur  état  de  santé,  leurs  services  et  leur  cbômage,  enfin 
leur  salaire  annuel  et  leurs  dépenses  (seulement  5,716  réponses).  L'élaboration  des 
matériaux  a  été  exécutée  de  main  de  maître  par  M.  Wright. 

D'autres  travaux  ont  été  entrepris  en  même  temps  :  une  recberche  sur  les 
conditions  du  travail  dans  les  chemins  de  fer  et  une  vaste  enquête  sur  les  frais  d'ex- 
ploitation des  principaux  produits.  En  outre,  le  bureau  nouvellement  fondé  a  été 
chargé  de  travaux  spéciaux  :  il  a  reçu  avant  tout  la  mission  de  réunir  des  données 
sur  les  mariages  et  les' divorces  dans  les  États-Unis  pendant  les20dernièresannées 
et  a  accompli  cette  œuvre  importante,  à  laquelle  on  a  consacré  10,000  dollars,  avec 
l'aide  de  quel(|ues  experts  nommés  en  sus  des  agents  spéciaux  ordinaires;  un  mé- 
moire doit  paraître  prochainement  sur  cette  question. 

Le  bureau  a  dcnc  répondu  complètement  aux  espérances  qu'on  avait  fondées 
sur  sa  création  ;  toutefois  ses  partisans  ne  s'en  tinrent  pas  là  et  cherchèrent  à 
améliorer  autant  que  possible  son  organisation.  Les  propositions  des  représentants 
Butterworth  du  1"  mars  1886  et  lleard  du  7  lévrier  1887  tendant  à  la  création 
d'un  département  de  l'industrie  et  du  travail,  puis  celle  du  sénateur  Frye  du  9  mars 
18X7  demandant  la  réorganisation  du  bureau  de  statistique  auquel  devait  être  con- 
fiée la  statistique  du  travail,  n'ayant  pas  abouti,  M.  O'iNei!  présenta  dans  la  session 
delà  Chambre  des  représentants,  le  15  mars  1^88,  un  projet  de  loi  pour  la  création 
d'un  déparlement  du  travail,  afin  que  le  bureau  de  statisticjue  du  travail  ne  fût  en- 
travé par  aucune  administration  suj)érieure  et  eût  la  libre  direction  de  ses  travaux. 
Ce  projet  fut  adopté  par  la  Chambre,  recommandé  par  la  commission  du  Sénat  poiu" 
l'inïtruction  et  le  travail.  Adopté  [tar  le  Sénat  après  un  court  débat,  il  fut  contresi- 
gné par  le  président  le  13  juin  1888.  Par  cette  loi  le  bureau  du  travail,  subordonné 
jusi|ue-là  au  département  des  affaires  intérieures,  fut  transformé  en  département 
spécial  du  travail  avec  les  diverses  attributions,  droits  et  services  du  bureau  dont  il 
a  continué  les  travaux. 

L'article  1"  de  la  loi  précitée  détermine  comme  suit  les  attributions  du  départe- 
ment :  t  relever  et  mettre  en  ordre  sur  la  population  des  Etals-Unis  des  renseigne- 
ments utiles  se  référant  au  travail  dans  le  sens  général  et  le  plus  étendu  de  ce  mot, 
mais  principalement  dans  ses  relations  avec  le  capital,  la  durée  du  travail,  le  salaire 
des  ouvriers  et  des  ouvrières  et  les  moyens  d'améliorer  la  situation  matérielle,  so- 
ciale, intellectuelle  et  morale  des  classes  ouvrières.  »  Déplus  l'article  7  décide  que: 
fie  commissaire  du  travail  est  spécialement  chargé,  aux  termes  des  attributions  dé- 
terminées par  l'article  1"'de  la  loi,  de  relever,  aussitôt  que  possible  et  aussi  souvent 
que  des  modifications  industrielles  se  manifesteront,  des  renseignements  détaillés  sur 
les  frais  de  production  des  articles  actuellement  soumis  aux  droits  de  douane  dans 
les  États-Unis  dans  les  pays  où  ces  articles  sont  produits,  en  spécifiant  exactement 
les  divers  points  concernant  leur  production  et  avec  une  classification  qui  indique 
les  divers  facteurs  des  frais  de  production  de  ces  articles  de  fabrication,  y  compris 
les  salaires  payés  dans  les  branches  d'industrie,  considérés  |)ar  jour,  semaine,  mois 
ou  année  ou  aussi  par  pièce,  les  heures  de  travail,  le  bénéfice  des  fabricants  ou 
producteurs   de  ces  articles,    les  frais  proportioimels  d'enlrelien    et  les  moyens 


—  337  — 

d'existence.  Le  commissaire  a  aussi  le  devoir  d'établir  les  effets  des  lois  douanières 
et  l'influence  de  l'état  de  la  valeur  du  numéraire  dans  les  Etats-Unis  sur  l'industrie 
agricole,  et  de  rédiger  un  rapport  sur  cet  objet,  principalement  au  point  de  vue  de 
la  dette  hypothécaire  des  cultivateurs;  il  indiquera  quels  sont  les  articles  atteints 
par  les  trusts  ou  autres  coalitions  de  capitaux,  d'affaires  ou  de  travail  et  quelle  in- 
fluence ces  trusts  ou  coalitions  exercent  sur  la  production  et  les  prix.  Il  doit  de  plus 
inaugurer  un  système  d'informations  en  vue  de  se  renseigner,  dans  l'intervalle  de 
moins  de  deux  années,  sur  la  situation  générale  des  principales  branches  d'indus- 
trie du  pays  en  tant  que  celles-ci  ont  rappoit  à  la  production.  Le  commissaire  du 
travail  est  aussi  spécialement  chargé  de  faire  des  enquêtes  sur  les  causes  et  les  cir- 
constances de  toutes  les  contestations  entre  patrons  et  ouvriers  qui  peuvent  surve- 
nir et  sont  de  nature  à  porter  atteinte  au  bien-êlre  du  peuple  dansles  divers  États; 
il  doit  présenter  un  rapport  sur  ce  point  au  Congrès.  Le  commissaire  du  travail  doit 
recueillir  aussi  des  renseignements  auprès  des  nations  étrangères  sur  les  objets 
rentrant  dans  ses  attributions,  lorsqu'il  le  juge  utile,  ainsi  que  sur  la  question  sui- 
vante: quelles  marchandises  produites  dans  les  prisons  sont  importées  aux  États- 
Unis  et  quelle  est  leur  provenance?  » 

L'article  8  de  la  loi  satisfait  un  vœu  émis  avec  raison  par  M.  Wright  lui-même  : 
il  l'aulorise  à  publier,  outre  les  rapports  annuels,  des  rapports  spéciaux  pour  des 
motifs  particuliers,  par  exemple  sur  le  désir  exprimé  par  le  Président  ou  le 
Congrès. 

Ainsi  qu'il  ressort  des  prescriptions  de  la  loi,  les  recherches  confiées  aux  soins 
de  ce  département  ne  se  réfèrent  pas  seulement  à  la  statistique  du  travail  mais  à  la 
slatisticjue  économique  en  général.  Cela  peut  surprendre  si  l'on  songe  que  le  bu- 
reau de  statistique  est  déjà  chargé  de  fournir  des  rapports  statistiques  sur  l'état  des 
transports,  l'émigration,  le  commerce  maritime,  les  douanes  et  les  monnaies  et 
chaque  département  économique  sur  les  objets  ressortissant  à  son  administration. 
La  raison  de  ce  fait  se  trouve  dans  les  débats  parlementaires  où  l'on  a  proclamé 
qu'une  statistique  du  travail  approfondie  n'est  possible  que  si  elle  se  réfère  à  toutes 
les  autres  circonstances  économiques  et  sociales.  Aussi  la  recherche  de  ces  faits 
n'est-elle  confiée  au  département  du  travail  qu'en  tant  qu'ils  sont  en  relation  avec 
les  conditions  du  travail;  leur  description  doit  donner  du  relief  à  la  peinture  de 
l'état  social. 

11  va  de  soi  que  toutes  ces  attributions  ne  peuvent  être  remplies  qu'à  l'aide  d'un 
corps  de  fonctionnaires  nombreux  et  exercés,  pour  lequel  la  dotation  primitive  de 
25,000  dollars  était  insuffisante.  Aussi  le  nombre  des  employés  et  le  chiffre 
de  la  dotation  furent-ils  considérablement  augmentés.  La  loi  du  13  juin  1888  et 
celle  du  26  février  1889  fixèrent  comme  suit  la  situation  des  employés:  «  Ai  t.  2. 
Le  département  sera  placé  sous  la  direction  d'un  commissaire  du  travail  nommé 
par  le  Président  avec  l'agrément  du  Sénat;  ce  fonctionnaire  conservera  son  emploi, 
sauf  révocation  préalable,  pendant  quatre  années,  et  recevra  un  traitement  annuel 
de  5,000  dollars. 

«  Art.  3.  Le  commissaire  choisira  pour  son  département  :  un  employé  supérieur 
avec  un  traitement  annuel  de  2,500  dollars;  4  employés  de  4"  classe  qui  seront 
tous  statisticiens  de  profession;  5  employés  de  3'=  classe  dont  un  sténographe;  6 
employés  de  2"  classe  dont  un  traducteur  et  un  sténographe;  8  employés  de  1™ 
classe;  5  employés  avec  1,000  dollars  de  traitement  annuel;  deux  copistes  avec  720 


ir     8ÛR1E.   ol«   VOL.   —    N«   tl. 


2,' 


—  im  — 

dollars  de  traitement  annuel;  un  messager,  un  aide-messager,  un  gardien,  deux 
aides-gardiens;  deux  ouvriers  exercés  avec  600  dollars  de  traitement  annuel;  deux 
femmes  pour  les  soins  de  la  maison  avec  240  dollars  p;ir  an  ;  6  agents  spéciaux  avec 
1,600  dollars;  10  agents  spéciaux  avec  i,400  dollars;  4  agents  spéciaux  avec  1,200 
dollars  par  an  et  une  indemnité  pour  frais  de  voyage  qui  ne  pourra  dépasser  3 dol- 
lars par  jour,  pour  le  temps  où  ils  seront  occupés  effectivement  à  l'étranger  ou  hors 
du  district  de  Colombie,  sans  compter  les  fi  ais  de  route  y  compris  les  indemnités  de 
wagonslils;  des  experts  volontaires,  des  aides  et  autres  employés,  au  sujet  desquels 
le  Congrès  doit  statuer  de  temps  à  autre  jouissant  d'un  traitement  égal  à  celui 
que  reçoiventles  employésanaloguesdans  les  autres  branches  de  l'administration.  » 
La  loi  du  10  juillet  1888  ajouta  encore  2  copistes  avec  960  dollars  de  traitement 
annuel  ;  ils  ont  été  maintenus  par  celle  du  26  février  1889.  Le  personnel  du  dépar- 
tement comprend  ainsi  au  moins  6i  personnes  (dont  20  agents  spéciaux)  qui  tou- 
chent un  traitement  annuel  de  84,540  dollars.  Avec  ce  chiffre  un  service  peut  ob- 
tenir de  très  beaux  résultats,  d'autant  plus  beaux  que  les  employés  sont  sous 
l'excellente  direction  de  MM.  Wright  et  Weaver  qui  les  maintiennent,  autant  que 
possible,  à  leur  poste,  partant  de  ce  principe  fort  juste  'que  les  attributions  d'un 
fonctionnaire  stastisticien  demandent  de  l'acquit  et  de  l'expérience  pour  être  bien 
remplies. 

La  dotation  mise  à  la  disposition  du  bureau  pour  ses  travaux  est  très  riche  et  sans 
cesse  croissante  : 

1884 25,000  dollars. 

1880 40,000      — 

1886 95,710      — 

1887 105,110      — 

i888 150,040     — 

1889 154,040     — 

dont  pour  la  publication  des  rapports  : 

I  (1880) 19,083  dollars. 

11(1887) 19,994      — 

111(1888) 25,000      — 

IV  (1889) 19,202     — 

Quand  le  paragraphe  4  du  projet  de  M.  Blair  eut  été  supprimé  par  le  Sénat,  le 
service  se  vit  privé  de  son  plein  pouvoir  ;  il  doit  se  borner  désormais  à  des  répon- 
ses volontaires,  n'entraînant  aucune  responsabilité  ;  cette  lacune  importante  à  la- 
quelle il  a  été  remédié  jusqu'à  un  certain  point  par  l'organisation  du  personnel 
d'inspection,  sera  prochainement  complètement  comblée. 

Une  autre  lacune  grave  (|ui  ressort  de  l'étude  de  l'organisation  de  la  statistique 
du  travail  aux  Étals-Unis,  et  qui  demande  un  prompt  remède,  c'est  la  décentralisa- 
lion  des  21  bureaux  des  États  et  du  département  de  l'Union.  Quel  que  soit  le  pres- 
tige dont  jouisse  dans  le  congrès  annueldesbureauxlechefdudéparlementcentral, 
qui  enestle  président,  grâce  à  sa  situation,  à  son  expérience  et  à  ses  services,  il  man- 
que toutefois  de  l'autorité  légale  qui  lui  permettrait  d'effectuer  un  travail  d'ensemble 
sur  une  question,  avec  des  procèdes  uniformes.  Chaque  bureau  continue  à  suivre 
sa  voie  sans  s'occuper  de  celle  que  suit  le  département  central;  les  recherches  sta- 


tisliquesont  loujours  l'aspect  lies  images  d'un  caléidoscope  el  il  est  li'ès  difficile  (le  tirer 
parti  des  travaux  des  divers  bureaux  pour  représenter  un  fait  d'ensemble  se  rappor- 
tant à  l'Union  américaine.  Celle  difficulté  nous  apparaît  avec  toute  son  évidence 
dans  les  parties  du  rapport  du  bureau  national,  qui  sont  fondées  sur  les  rccberches 
antérieures  des  autres  bureaux  (Rapport  H,  cliap.  III. — Rapport  Ilf.chap.  IV).  Pour 
pouvoir  comprendre  que  l'on  n'ait  pas  plus  tôt  réalisé  une  entente  aussi  nécessaire, 
il  faut  se  rappeler  que  la  moitié  des  Étals  ne  possède  pas  encore  de  bureau  du 
travail;  d'autre  part,  le  principe  fédératif  de  l'administration  américaine,  conservé 
avec  un  soin  jaloux  par  chaque  Etat,  ne  s'accommode  pas  avec  l'incorporation  des 
bureaux  des  Etats  dans  le  bureau  de  la  Confédération.  On  ponriail  remédier  provi- 
soirement à  ces  deux  obstacles  par  l'entente  volontaire  des  chefs  des  divers  bu- 
reaux, la  fondation  de  nouveaux  bui'eaux  et  l'appui  matériel  accordé  au  moyen  de 
subventions  par  l'Union  aux  bureaux  trop  faiblement  dotés.  Nous  disons  provisoi- 
rement, car  dans  peu  d'années  la  nécessité  d'une  organisation  plus  parfaile  s'impo- 
sera d'elle-même.  Jusque-là  les  bureaux  isolés  pourront  produire  d'excellents  résul- 
tats pour  la  localité,  le  département  pour  l'ensemble  de  l'État;  leurstravaux  pourront 
s'entre-croiser,  se  relier  ou  se  contrarier.  Mais  l'organisation  de  la  statistique  du 
travail  ne  sera  vraiment  parfaile  aux  Étals-Unis  que  le  jour  où  un  grand  départe- 
ment fédéral,  avec  plein  pouvoir,  avec  de  puissantes  ressources  et  un  nombreux 
personnel,  sera  le  centre  auquel  viendront  se  rattacher  les  divers  bureaux  des  États, 
qui  ne  seront  plus  alors  que  les  posles  d'observation  de  ce  département. 

ÂRMAiNi)  LIÉGEARD. 


III. 

LE  MOUVEMENT  DE  LA  POPULATION  EN  FRANCE 
PENDANT  L'ANNÉE  1889  (1). 

Les  ré.^'Ultals  généraux  du  mouvement  de  la  population  de  la  France  pendant 
l'année  1889  sont,  dans  leur  ensemble  et  principalement  en  ce  qui  concerne  l'excé- 
dent des  naissances  sur  les  décès,  un  peu  plus  favorables  que  les  résultats  de  1888, 
constatés  au  rapport  qui  a  été  inséré  au  Journal  officiel  du  28  août  1889. 

Il  a  été  relevé  pendant  l'année  dernière,  d'après  le  dépouillement  des  regisires 
de  l'élal  civil,  272,934  mariages,  4,786  divorces,  880,579  naissances  et  794,933 
décès.  En  1888,  il  avait  été  enregistré  276,848  mariages,  4,708  divorces,  882,639 
naissances  et  837,867  décès. 

L'année  1889,  comparée  à  la  précédente,  accuse  donc  une  différence  en  moins 
de  3,914  mariages,  2,069  naissances  et  42,934  décès. 

Pour  apprécier  la  valeur  de  ces  diminutions,  il  importe  de  les  rapprocher  des  di- 
minutions similaires  constatées  entre  les  deux  aimées  précédentes,  1888  et  1887.  A 
ce  point  de  vue,  deux  faits  importants  doivent  être  notés  :  le  premier,  c'est  qu'alors 
que  l'année  1888  perdait  16,794  naissances  sur  1887,  l'année  1889  ne  perd  plus 
que  2,060  naissances  sur  1888;  le  second,  c'est  que  la  diminution  des  décès  de 

(I)  Extrait  du  Journal  officiel  du  14  octobre  1890. 


—  340  — 

1888,  qui  n'était  que  de  4,930,  a  été  de  42,934  en  1889.  Par  suite,  l'excédent  des 
naissances  sur  les  décès  est  passé  du  chiffre  de  44,772  en  1888,  à  85,046  en  1889, 
présentant  ainsi,  d'une  année  sur  l'autre,  une  plus-value  de  population  de  40,874 
unités. 

Il  faut  remonter  à  l'année  1885  pour  trouver  un  excédent  de  naissances  (87,661) 
sur  les  décès  aussi  favorable  qu'en  1889.  Le  résultai  de  1889  serait  donc  satisfaisant 
s'il  n'était  pas  uni(|uement  dû  à  une  très  forte  diminution  du  chiffre  des  décès. 

Après  ces  considérations  générales,  voici  les  observations  auxquelles  donne  lieu 
le  mouvement  des  mariages,  des  divorces,  des  naissances  et  des  décès: 

Mariages.  —  Il  a  été  célébré  en  France,  pendant  l'année  dernière,  272,934  ma- 
riages, soit  3,91  i  de  moins  (|u'en  1888.  La  proportion  des  mariages  est  actuelle- 
ment de  7.1  pour  1,000  habilanls.  Jamais,  si  ce  n'est  en  1870,  le  taux  des  mariages 
n'était  descendu  aussi  bas.  La  diminution  des  mariages  est  générale  en  France,  et 
elle  affecte  aussi  bien  les  régions  dans  lesquelles  ils  sont  ordinairement  le  plus  fré- 
quents, Bretagne,  centre  de  la  France,  Limousin,  Périgord  et  Gascogne  (de  8  à 
9  mariages  pour  1 ,000  habilnnls),  que  celles  ([ui  en  comptent  le  moins,  telles  que  les 
deux  départements  de  la  Savoie,  les  déparlements  alpins  et  pyrénéens  (de  5  à  6  ma- 
riages pour  1,000  habitants). 

Néanmoins,  l'âge  moyen  des  mariages  reste  très  sensiblement  le  même:  de  29  à 
30  ans  pour  les  hommes  et  de  24  à  25  ans  pour  les  femmes.  Cet  âge  moyen,  qui 
varie  peu  d'un  déparlement  à  l'autre,  est  cependant  plus  faible  dans  le  centre  de 
la  France  et  dans  le  milieu  du  bassin  de  la  Garonne  (21  à  22  ans  pour  les  filles, 
26  à  27  ans  pour  les  garçons)  et  plus  élevé  en  Brelagne,  dans  les  Alpes,  dans  les 
Pyrénées  et  en  Corse  (25  à  26  ans  pour  les  filles  et  30  à  31  ans  pour  les  garçons). 

D'une  manière  générale,  les  départements  dans  lesquels  il  y  a  le  moins  de  ma- 
riages, ou  dans  lesquels  ils  sont  plus  tardifs,  sont  les  mêmes  que  ceux  qui  présentent 
la  plus  forte  natalité.  C'est  dans  ces  mêmes  départemenls  que  l'on  constate  le  moins 
de  divorces. 

Divorces.  —  Il  a  été  relevé  sur  les  registres  de  l'état  civil  4,786  divorces  pendant 
l'année  1889,  soit  78  de  plus  que  l'année  précédente.  Les  divorces  se  maintiennent 
donc  à  un  taux  élevé,  surtout  depuis  que  la  loi  du  18  avril  1886  en  a  simplifié  la 
procédure.  Depuis  le  réiablissement  du  divorce  en  France  (loi  du  27  juillet  1884), 
21,906  divorces  ont  été  inscrils  sur  les  registres  de  l'état  civil. 

Us  se  répartissent  par  année  de  la  manière  suivante  : 

1884(1).  .  l,t)57  divorces,  soit  6.6  pour  10,000  ménages. 

1885  .     .  4,217  —  5.7  — 

1886  .     .  2,950  —  4.0  — 

1887  .     .  3,636  _  5.0  — 

1888  .     .  4,708  —  6.1  — 

1889  .     .  4,786  —  6.1  — 


'>  ' 


La  durée  moyenne  des  mariages  dissous  par  le  divorce,  après  avoir  été  de  16  ans, 
est  tombée  actuellement  à  12  ans. 

(I)  Quatre  derniers  moij  de  lriS4  seulement,  époque  à  laquelle  la  loi  du  divorce  a  été  mise  en  vigueur. 


—  SM  — 

Comme  toujours,  c'est  dans  les  ciépaitements  liu  bassin  de  la  Seine,  mais  siiiluul 
à  Paris  et  dans  l'Aube,  puis  à  Marseille,  Lyon  et  Bordeaux,  que  les  divorces  sont  les 
plus  nombreux  ;  c'est  en  Bretagne  et  dans  les  déparlements  du  massif  central  que 
l'on  en  compte  le  moins.  Comme  toujours  également,  c'est  parmi  les  personnes 
exerçant  les  professions  libérales,  parmi  les  commerçants  et  les  renliers,  que  le  di- 
vorce est  le  plus  fréquent,  tandis  qu'il  est  fort  rare  chez  les  agriculteurs. 

Naissances.  —  Le  nombre  des  naissances,  déjà  fort  bas  l'année  dernière,  a  encore 
fléchi  en  1889:  il  a  été  enregistré  880,579  naissances  pourl'ensembiede  la  France, 
soit  2,060  naissances  de  moins  qu'en  1888.  La  proportion  des  naissances  se  main- 
tient à  1res  peu  près  au  taux  moyen  de  3  par  mariage.  Cette  moyenne  s'élève  à 
4  naissances  par  mariage  dans  le  Finistère,  dans  la  Lozère,  dans  les  Hautes-Alpes  et 
en  Corse  ;  elle  s'abaisse  au  contraire  à  2.11  dans  le  Gers,  à  2.28  dans  la  Seine,  à 
2.35  dans  Lot-et-Garonne,  à  2.40  dans  la  Gironde,  l'Eure,  le  Calvados  et  l'Orne.  Les 
départements  gascons  accusent  aujourd'hui  une  natalité  plus  faible  encore  que  celle 
des  départements  normands. 

La  population  diminue  d'autant  plus  dans  le  midi  de  la  France,  et  surtout  dans 
les  départements  gascons,  qu'on  y  compte  fort  peu  de  naissances  illégitimes.  Dans 
le  nord  de  la  France,  au  contraire,  et  principalement  dans  le  Pas-de-Calais,  la  Somme 
et  la  Seine-Inférieure,  mais  surtout  à  Paris,  l'afipoint  des  naissances  illégitimes  est 
considérable  et  contribue  à  relever  d'une  façon  très  sensible  la  natalité  générale. 
Leur  nombre,  d'une  constance  remarquable,  a  été  en  1889  de  73,671,  accusant  une 
proportion  de  8.4  p.  100  par  rapport  au  chiffre  total  des  naissances.  Cette  propor- 
tion a  varié  de  24  p.  100  dans  le  département  de  la  Seine,  de  13.4  p.  100  dans  la 
Somme,  et  de  12.5  p.  iOO  dans  le  département  de  la  Seine-Inférieure,  à  2  p.  100 
dans  celui  du  Finistère. 

D'après  les  calculs  effectués  par  le  bureau  de  la  statistique  générale  sur  les  résul- 
tats de  la  natalité  en  France,  dont  l'affaiblissement  paraît  si  grave,  le  nombre  annuel 
des  naissances  a  diminué  de  plus  de  5  p.  100  pendant  la  dernière  période  décen- 
nale, et  presque  tous  les  départements  ont  plus  ou  moins  participé  à  cette  diminu- 
tion. Cependant,  c'est  dans  la  région  du  Sud-Ouest,  comprise  entre  les  deux  mers, 
que  la  décroissance  de  la  natalilé  est  la  plus  sensible.  Dans  certains  des  départe- 
ments de  la  région  dont  il  s'agit,  le  nombre  des  naissances  est  de  15  à  20  p.  100 
inférieur  à  ce  qu'il  était  il  y  a  dix  ans.  Dans  huit  départements  il  y  a  eu  accroisse- 
ment, mais  cet  accroissement  ne  paraît  devoir  être  attribué  qu'à  l'augmentation  de 
la  population  par  suite  de  l'immigration,  comme  le  prouve  la  liste  de  ces  départe- 
ments: Alpes-Maritimes,  Aube,  Bouches-du-Rhône,  Meurthe-et-Moselle,  Pas-de-Ca- 
lais, Seine,  Seine-Inférieure  et  Seine-et-Oise. 

Eniésumé,  le  taux  moyen  de  la  natalité,  qui  était  de  plus  de  30  naissances  par 
1,000  habitants  au  commencement  de  ce  siècle,  de  25  il  y  a  vingt  ans,  n'est  plus 
aujourd'hui  que  de  23. 

Décès.  —  Mais  si  les  naissances  ont  diminué,  les  décès  ont  diminué  encore  plus, 
et  l'année  1889  a  vu  pour  la  première  fois  en  France,  depuis  1874,  le  chifl're  des 
décès  tomber  à  moins  de  800,000.  On  n'a  compté,  l'année  dernière,  que  794,933 
décès,  en  diminution  de  42,934  unités  sur  les  chiffres  précédents,  soit  20.5  décès 
pour  1,000  habitants.  Jamais  citte  proportion  n'avait  été  aussi  faible.  Malgré  l'épi- 


—  342  — 

demie  de  grippe  qui  a  sévi  à  la  fin  de  l'année  sur  la  plus  grande  partie  de  la  France, 
le  chiffre  de  la  morlaliléa  élépartoutrelativemenlsalisfaisant.  Aussi,  la  vie  moyenne 
lentl-elle  à  s'accroître  de  plus  en  plus  par  la  double  raison  que  les  décès  diminuent 
et  (pie  le  nombre  des  adultes  s'accroît  de  jour  en  jour.  Les  calculs  effectués  par  le 
service  à  ce  sujet  ont  démontré,  en  effet,  que  c'est  précisément  dans  les  parties  de 
la  France  qui  voient  leur  population  diminuer  que  la  vie  moyenne  tend  de  plus  en 
plus  à  au^rmenler  :  dans  le  Gers  et  dans  Lot-et-Garonne,  elle  dépasse  50  années, 
tandis  que  dans  le  Finistère  et  en  Corse,  elle  dépasse  à  peine  28  ans. 

Comme  les  années  précédentes,  c'est  dans  le  centre  de  la  France  que  l'on  remar- 
que la  mortalité  la  plus  faible  :  15.5  décès  pour  1,000  habitants  dans  l'Indre,  16 
pour  1,000  dans  la  Creuse  et  dans  l'Allier.  Dans  la  plus  grande  partie  du  bassin  de 
la  Loire,  le  nombre  des  décès  ne  dépasse  guère  la  proportion  de  17  pour  1,000  ha 
bitants,  tandis  qu'il  est  de  19  pour  le  même  nombre  d'habitants  dans  celui  de  la 
Garonne,  et  qu'il  varie  de  22  à  24  pour  1,000  dans  les  départements  baignés  par  la 
Seine  depuis  Paris.  En  Bretagne,  la  mortalité  a  été  de  21  décès  pour  1,000  habi- 
tants, sauf  dans  le  Finistère,  où  il  s'est  élevé  à  près  de  24  pour  1,000.  Celte  forte 
mortalité  lient  à  la  fois  à  une  hygiène  défectueuse  et  à  la  présence  de  beaucoup 
de  nouveau-nés. 

Mais  c'est  surtout  dans  le  sud-est  de  la  France,  dans  la  région  qui  s'étend  de  Lyoi; 
à  la  mer,  de  l'IIéraull  à  la  frontière  d'Italie,  que  la  mortalité  est  considérable:  le:' 
départements  des  Bouches-du-Rhône  (27.3  pour  1,000  habitants),  de  Vauclusc 
(25.5),  du  Gard  (24.7),  de  l'Ardèche  (24.2),  des  Basses,  des  Hautes-Alpes  (24.  e; 
23)  et  des  Alpes-Maritimes  (24.8)  semblent  avoir  le  plus  souffert  d'une  mortalité 
très  grande  qui  exerce  ses  ravages  sur  la  première  enfance.  Aussi,  malgré  une  forte 
natalité,  cette  région  voit-elle  sa  population  diminuer  sur  les  points  qui  ne  sont  pas 
l'objet  d'une  immigration  continue. 

Un  tableau  annexé  pour  la  première  fois  au  rapport  sur  le  mouvement  de  la  po- 
pulation donne  la  répartition  des  décès  par  mois  dans  la  population  urbaine,  dans  la 
population  rurale,  et  dans  celle  du  département  de  la  Seine.  Il  ressort  de  ce  tableau 
que  le  nombre  des  décès  dans  le  département  de  la  Seine  s'est  maintenu  pendant 
dix  mois  consécutifs,  de  novembre  à  février  inclusivement,  enire  5,933  décès,  chif- 
fre le  plus  élevé  (avril),  et  5,416  décès,  chiffre  le  plus  bas  (novembre).  Deux  mois 
seuls  ont  dépassé  le  chiffre  de  6,000  décès,  savoir:  janvier,  6,316  décès,  et  décem- 
bre, 9,393  décès.  Dans  la  population  totale,  la  mortalité  la  plus  élevée  a  été  relevée 
en  mars  (77,264  décès),  et  la  mortalité  la  plus  faible  en  novembre  (58,307 
décès). 

Excédent  des  naissances  sur  les  décès.  —  L'excédent  des  naissances  sur  les  décès 
a  été  de  85,646  unités,  ce  qui  correspond  à  peu  près  à  un  accroissement  de  2.3 
pour  1,000  habitants.  A  raison  du  temps  écoulé  depuis  le  dernier  dénombrement 
de  la  population,  effectué  en  1886,  et  des  déplacements  considérables  de  population 
qui  se  sont  produits  pendant  l'année  de  l'Exposition  universelle,  il  convient,  afin  de 
faire  des  comparaisons  utiles,  de  ne  pas  rapprocher  l'excédent  des  décès  ou  des 
naissances  du  chiffre  de  la  population  même,  mais  de  comparer  les  naissances  aux 
décès.  Pour  100  décès,  il  a  été  enregistré  111  naissances  dans  l'ensemble  de  la 
France;  mais  dans  32  départements  les  décès  ont  excédé  les  naissances  dans  des 
proportions  variables. 


—  343  — 

C'esl  dans  le  Gers,  Lot-et-Garonne,  Vaucluse,  l'Orne,  Tarn-el-Garonne  et  l'Euie 
que  cet  excédent  de  décès  a  été  le  plus  considérable. 

Dans  le  Gers,  pour  100  décès,  il  y  a  eu  seulement  76  naissances. 

Au  contraire,  les  naissances  ont  dépassé  le  nombre  des  décès  de  moitié  en  Corse 
(152  naissances  pour  100  décès)  et  dans  le  Pas-de-Calais  (151  p.  100). 

La  Corse  étant  mise  à  pari,  c'est  surtout  dans  le  centre,  dans  l'ouest  (delà  Vendée 
à  la  Manche)  et  dans  le  nord  de  la  France  que  la  population  a  le  plus  augmenté  (120 
à  140  naissances  pour  100  décès,  en  moyenne). 

Sans  entrer  dans  plus  de  détails,  on  peut  inférer  des  observations  présentées  ci- 
dessus  qu'il  s'est  produit  en  1889  un  arrêt  dans  la  diminution  des  naissances  en 
même  temps  qu'une  heureuse  amélioration  s'est  révélée  dans  l'état  de  la  mortalité 
générale. 

ANNEXE. 
Mouvement  de  la  population  étranijère  domiciliée  en  France 

Depuis  l'année  1888,  la  statistique  recueille  des  renseignements  sur  les  mariages, 
les  naissances  et  les  décès  des  étrangers  habitant  la  France.  Les  résultats  de  l'an- 
née 1889  ont  été  nécessairement  troublés  dans  une  certaine  mesure,  surtout  en  ce 
qui  concerne  les  décès,  par  la  |irésence  momentanée  de  très  nombreux  étrangers 
venus  pour  visiter  l'Exposition;  aussi  les  chiffres  qui  suivent,  relatifs  au  mouvement 
de  l'état  civil  pour  les  étrangers,  ne  sauraient-ils  être  comparés  utilement  que  pour 
les  mariages  et  les  naissances  à  l'effectif  ordinaire  des  étrangers  domiciliés  sur  le 
territoire  français. 

Il  a  été  constaté  en  France  pendant  l'année  1889  : 

10,980  mariages  d'étrangers; 
20,480  naissances  d'étrangers  ; 
40,120  décès  d'étrangers. 

Les  mariages  d'étrangers  se  sont  décomposés  comme  il  suit  : 

2,833  entre  étrangers  et  étrangères; 
3,541  entre  Français  et  étrangères; 
4,60C  entre  Françaises  et  étrangers. 

On  voit  que  le  nombre  de  Françaises  qui  ont  perdu  leur  nationalité  par  suite  de 
mariage  avec  un  étranger  est,  comme  en  1888,  plus  grand  que  celui  des  étrangères 
qui  sont  devenues  Françaises  par  leur  mariage.  Le  nombre  de  personnes  de  natio- 
nalité étrangère  qui  se  sont  mariées  a  été  de  13,81-:$,  ce  qui,  eu  égard  au  nombre 
des  étrangers  résidant  en  France,  indiijue  une  proportion  à  peine  inférieure  à  celle 
des  mariages  observée  dans  la  masse  de  la  population  française  (6.9  au  lieu  de  7.1 
pour  1,000  habitants). 

Les  naissances  d'étrangers,  au  nombre  de  26,480,  soit  3  p.  100  de  l'effectif  total 
des  naissances,  font  ressortir  une  natalité  générale  de  23.5  pour  1,000  étrangers. 
C'esl  parmi  les  Italien^  qu'on  a  compté  le  plus  de  naissances  (33.5  naissances 
pour  1,000  Italiens).  Viennent  ensuite,  par  ordre  décroissant,  les  Espagnols  (23.5 


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—  346  — 


naissances  pour  1,000),  les  Belges  (22  pour  1,000),  les  Suisses  (17.5  pour  1,000), 
les  Allemands  (10  pour  1,000),  et  enfin  les  Anglais  (11  pour  1,000).  L'ordre  des 
nationalités  esl  resté  le  même  que  celui  qui  avait  été  observé  l'année  précédente. 
Parmi  les  26,480  naissances  étrangères,  on  a  compté  3,127  naissances  illégili- 
mes,  soitune  proportion  générale  de  11.8  pour  100.  Parmi  les  naissances  françai- 
ses, la  proportion  n'a  été  que  de  8.2.  Cette  moyenne  de  11. 8  naissances  illégitimes 
se  décompose  comme  il  suit,  d'après  la  nationalité  : 


Allemands. 

.      2-2 

Suisses  .   . 

16 

Belges   .    . 

.      12 

Italiens  .    . 

.      10.1 

Anglais  .   . 

.      10.1 

Espagnols  . 

6.8 

naissances  illégitimes  sur  100. 


Comme  il  a  été  dit  plus  haut,  19,120  décès  d'étrangers  ont  été  relevés  en  France 
pendant  l'année  1889.  Ce  cliifïre,  qui  accuse  une  augmentation  de  1,851  unités  sur 
le  nombre  des  décès  d'étrangers  qui  s'étaient  produits  en  1888,  paraît  devoir  être 
attribué  à  la  grande  affluence  d'étrangers  de  toute  nationalité  pendant  la  durée  de 
l'Exposition  universelle. 

Voici  quelle  a  été  la  mortalité  proportionnelle  de  chacune  des  nationalités  étran- 
gères en  1888  et  en  1889,  sous  la  réserve  que  l'effectif  des  étrangers  devait  être 
plus  considérable  en  1889  qu'en  1888: 


1888  1889 


Allemands 

Italiens 

Espagnols 

Belges 

Anglais 

Suisses 

Nationalités  diverses 

Toutes  nationalités  réunies.  .   . 
Français 

L'accroissement  naturel  de  la  population  étrangère  par  suite  de  l'augmentation 
des  naissances  et  de  la  diminution  des  décès  s'est  élevé  en  1889  à  7,360  individus, 
soit  136  naissances  pour  100  décès,  au  lieu  de  11,134  excédents  de  naissances  sur 
les  décès  (162  naissances  sur  100  décès)  constatés  en  1888.  Si  cet  excédent  s'est 
trouvé  diminué  de  près  d'un  tiers,  il  est  demeuré  supérieur  de  beaucoup  à  celui 
qui  ressort  des  mouvements  de  la  population  française;  il  a  été  de  8.6  pour  1,000 
habitants,  au  heu  de  2.5,  accroissement  naturel  de  l'ensemble  de  la  population. 


UÂCÈS 

par  1,000  bab. 

par  1,000  liab 

23 

20.8 

19 

20.0 

18 

18.5 

14 

13.7 

14 

n.7 

13 

16.0 

13.5 

13.4 

16 

17.4 

22 

20.5 

{Extrait  du  Rapport  officiel.) 


—  347  — 

IV. 
LE  COMMERCE  EXTÉRIEUR  DE  LA  FRANCE,  EN  1889. 

Le  (ableaii  général  du  commerce  de  la  France  pour  1889  vient  de  paraître,  et 
noire  premier  devoir  est  de  remercier  l'administration  des  douanes  de  la  rapidité 
avec  laquelle  elle  a  livré  au  public  ce  document  important,  qu'on  attendait  avec 
impatience,  ne  fût-ce  que  pour  savoir  quelle  influence  l'Exposition  universelle,  dont 
le  succès  a  été  si  éclatant,  pouvait  avoir  eue  sur  nos  transactions  avec  l'étranger. 

C'est  pour  nous  en  rendre  compte  qu'il  nous  a  paru  utile  de  comparer  l'année 
1889  à  celle  qui  l'a  précédée,  et,  pour  aller  plus  vite,  nous  ne  nous  occuperons  que 
du  commerce  spécial. 

Si  nous  considérons  d'abord  le  mouvement  commercial  exprimée  la  fois  en  poids 
et  en  valeurs,  nous  trouvons  les  résultats  suivants: 

Mouvement  du  commerce  spécial  en  poids  et  en  valeurs. 

MARCHANDISES  IMPORTATION.  EXPORTATION. 

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Poids  en  tonnes .   .    .  20,999,69-2         21,529,576  6,469,768  5,395,359 

Valeurs  en  francs  .  .     4,765,122,427     4,372,771,118    3,936,046,246    3,548,119,275 

On  voit  qu'en  1889,  l'importation  a  été  en  poids  plus  faible  qu'en  1888,  mais  elle 
lui  est  supérieure  en  valeurs. 

Quant  à  l'exportation,  la  balance  en  faveur  de  1889  est  de  1,074,409  tonnes  et 
387,927,031  fr. 

En  n'ayant  égard  qu'aux  valeurs,  l'importation  et  l'exportation  se  sont  comportées 
comme  il  suit,  d'après  la  nature  des  marchandises: 

Mouvement  du  commerce,  par  nature  de  produits, 

IMPORTATION.  EXPORTATION. 

1889.  1888.  1888.  1888. 

Fr.  Fr.  Fr.  Fr. 

Objets  d'alimentation 1,441,161,639  1,507,035,909  837,524,004  726,722,630 

Matières  nécessaires  à  l'indusdrie .  2,262,454,205  2,021,161,134  940,565,225  813,442,949 

Objets  fabriqués 613,151,660  578,807,772  1,925,867,275  1,706,583,741 

Métaux  précieux 448,354,923  265,763,303  232,089,712  301,369,895 

4,765,122,427      4,372,771,118     3,936,046,246     3,518,119,215 
Plus-value  de  1889 

IMPORTATION.  EXPORTATION. 

Objets  daiimentalion —    65,874,270  +110,801,374 

Matières  nécessaires  à  l'industrie.  +241,290,071  +127,122,276 

Objets  fabriqués +    34,343,888  +219,283,534 

Métaux  précieux +182,591,620  —    69,280,153 

+  392,351,309  +  387,927,031 


—  348  — 

Ce  qu'il  importe  de  remarquer,  c'est  l'augmentation  considérable  qui  s'est  pro- 
duite dans  l'importation  des  matières  nécessaires  à  l'industrie  et  des  métaux  pré- 
cieux, et  enfin  celle  qui  a  marqué  l'exportation  des  produits  fabriqués. 

Cette  dernière  |)lus-value,  qui  marque  l'essor  nouveau  pris  par  notre  industrie 
nationale,  mérite  d'être  étudiée  en  détail. 

Exportation  de  produits  fabriqués,  par  nature  de  produits. 

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1889.  1888.  CD  plus.  CD  moini. 

Fr.  Fr. 

Produits  chimiques 49,521,138  .iS, 02-1,560  3,899,578 

Teinture  préparée 23,415,069  22,074,738  1,370,331 

Couleurs 8,171,585  8,515,185  »                343,000 

Compositions  diverses 44,892,006  42,079,186  2,813,480 

Poterie,  verres  et  cristaux 43,692,470  39,173,733  4,518,737 

Fils 72,645,001  52,784,408  19,860,593 

Tissus 756,103,187  665,079,924  91,023,203 

Papier  et  ses  applications 43,313,308  43,258,233  55,075 

Peaux  et  pelleteries  diverses 247,260,078  231,616,134  15,649,944 

Bijouterie,  horlogerie,  or  et  métaux .    .   .  218,188,623  189,470,789  28,717,834 

Armes,  poadres,  munitions 8,431,220  11,639,384  »             3,208,164 

Meubles,  ouvr.  en  bois,  bois  de  marqueterie.  43,292,960  36,867,437  0,425,523 

Ouviages  en  sparlerie,  vannerie,  corderie.  21,625,997  17,927,292  3,698,705 

Ouvrages  de  natures  diverses 345,274,973  300,472,738  44,802.235 

1,925,867,275      1,700,583,741      222,835,298     3,551,704 

219,283,534 

Ainsi,  à  l'exception  des  armes,  poudre  et  munitions  dont  la  diminution  a  été  de 
3  millions,  et  les  couleurs  dont  la  diminution  est  insignifiante,  tous  les  articles  ont 
profité  de  la  hausse  générale  de  1889.  Nous  citerons  notamment  les  fils  et  tissus, 
la  bijouterie,  les  meubles  et  les  ouvrages  en  matières  diverses. 

Examinons  enfin  quels  sont  les  pays  où  nous  avons  envoyé  en  1889  pour  plus 
de  80  millions  d'objets  fabriqués. 

Exportation  de  produits  fabriqués  sans  pays  de  destination. 

1888.  1888. 

Fr.  Fr. 

Angleterre 507,698,240  444,941,431 

Allemagne 145.930,313  130,587,4'.)3 

Belgique 231,151,359  195,701,098 

Espagne 101,132,374  86,516,728 

Élats-Uuis 218,024,519  193,750,005 

Algérie 120,082,284  120,156,470 

République  Argentine.   .  87,162,118  134,416,126 

Autres  pays 514,686,066  400,514,390 

1,925,867,275        1,706,583,741 

Ces  chiffres  montrent  que  notre  exportation  en  produits  fabriqués  a  augmenté 
partout,  sauf  pour  l'Algérie,  où  cette  exportation  est  restée  slalionnaire,  et  la 
République  Argentine,  où  elle  a  été  notablement  plus  faible  qu'en  1888. 


—  349  — 

Il  n'est  pas  jusqu'à  l'Italie  où  le  progrès  de  nos  exporlations  en  produits  fabriqués 
re  se  soit  fait  sentir:  de  44,893,303  en  1888,  cette  exportation  spéciale  s'est  élevée, 
en  1889,  à  45,565,460  fr.  T.  LOUA. 


I 


V. 
PARIS  EN  1888,  D'APRÈS  LE  BULLETIN  MUNICIPAL  (1). 

Dans  le  numéro  de  décembre  1888,  notre  Journal  a  publié,  sous  noire  signature, 
un  article  développé  sur  la  situation  économique  de  Paris,  pendant  l'année  1887. 
Nous  avons  sous  les  yeux  une  série  de  documents  analogues  relatifs  à  l'année 
1888.  Quels  sont  les  progrès  accomplis  dans  ce  court  intervalle?  C'est  ce  que  nous 
allons  rapidement  examiner. 

Nous  ne  dirons  rien  de  la  population,  dont  nous  ne  connaîtrons  l'accroissement 
que  vers  la  fin  de  l'année  prochaine,  et  en  ce  qui  concerne  les  propriétés  bâties,  il 
nous  suffira  de  constater  que  de  82,502,  leur  nombre  s'est  élevé  un  an  plus  tard  à 
82,712,  et  s'est  accru  par  conséquent  de  210. 

Si  nous  passons  aux  voies  desservies  par  les  compagnies  de  transports  publics, 
la  comparaison  de  deux  années  fournit  les  résultats  ci-après: 

I.OKOUEURB    (1888)  BAPPBL 

intra-muros,     extra-miiros.         totales.  1887. 

Omnibus 221,498  3,023  22i,,521  224,521 

Tramways  exploités  par  la  C"  G"  des  Omnibus  .  71,939  13,813  85,752  86,526 
Voies   ferrées   (Louvre,  St-Cioud,  Sèvres,  Vin- 

cennes) 21,006  8,732  29,738  29,738 

„.      .       ,     ,           ..         (Réseau  Nord.    .    .  31,907  32,338  64,245  64,245 

Chemms  de  fer  pansiens.jj^.^^^^g,jj  45,332  25,723  71,055  71,055 

|Rive  droite.   .    .    .  17,000         »  17,000  17,000 

Chemins  de  fer  de  ceinture.  )  Rive  gauche  .    .    .  13,000         »  13,000  13,000 

(Auteuil 9,000         »  9,000  9,000 

Tramways  du  Louvre  à  Versailles 7,400  11,785  19,185  19,185 

Totaux  de  1888.   .    .    .     438,082    95,414    533,496    534,270 

Rappel  de  1887.   .    .    .     440,206     94,064    .534,270  l 

Il  résulte  de  ce  tableau  que  les  longueurs  extra-muros  ont  augmenté  de  1,350 
mètres,  mais  par  contre  il  y  a  eu  une  diminution  de  2,124  mètres  dans  le  parcours 
parisien.  Ces  modifications  en  sens  inverse  n'ont  affecté  que  les  lignes  d'omnibus, 
rien  n'ayant  été  changé  dans  le  parcours  des  autres  compagnies. 

Faisons  remarquer  à  ce  propos  que,  dans  les  chiffres  relatifs  aux  tramways  et 
voies  ferrées,  les  longueurs  indiquées  s'appliquent  aux  lignes  exploitées  et  que, 
lorsque  les  deux  lignes  se  confondent  sur  une  certaine  partie  de  leur  longueur, 
cette  longueur  est  comptée  une  fois  sur  chaque  ligne,  c'est-à-dire  deux  fois;  exemple: 

(1)  Bulletin  des  travaux  publics,  décembre  1889. 


—  ^50  — 

les  tramways  tle  la  gare  de  l'Est  à  Montrouge  et  de  la  Chapelle  au  square  Monge, 
qui  ont  le  parcours  commun  de  la  gare  de  l'Fst  à  la  rue  des  Kcoles. 

Les  longueurs  fréquentées  par  les  divers  services  de  bateaux  à  vapeur  sur  la 
Seine  et  la  Marne  sont  les  suivants,  en  tenant  compte  également  des  parcours  com- 
muns : 

Traversée  de  Paris  (Austerlitz-Auteuil) T'SOO 

Traversée  et  banlieue,  amont  (A.uteuil-Cliarenlon).     13  300 

Banlieue,  aval  (Tuileries-Suresnes) li  500 

SO'COO 

Tandis  que  la  longueur  réelle  du  trajet  entre  Gliarenton  et  Suresnes  n'est  que  de 
2-2,800. 

Quant  au  nombre  de  voyageurs  transportés  par  les  diverses  compagnies,  il  s'éta- 
blit comme  il  suit  : 

Nombre  de  voyages  par  an  (l). 

1S88.  1887.  Ài/OUKKTATioii. 

Compagnie  générale  des  Omnibus .     Iîl2,2n,:257  1«8,<.I60,731  3,250,526 

Tramways 50,0U,1'J1  48,60«,234  1,345,957 

Chemin  de  fer  de  ceinture,  Auteuil.      31,1(03,508  *  30,433,703  1,409,805 

Bateaux  à  vapeur 15,064,000  10,359,155  1,295,155 

289,198,956(2)  284,421,823  4,777,133 

Ainsi,  malgré  la  diminution  assez  considérable  du  nombre  des  voyageurs  en  ba- 
teaux, il  a  été  transporté,  en  1888,  4,777, 1:13  voyageurs  de  plus  qu'en  1887. 

L'augmentation  projiortionnelie  la  plus  forte  a  porté  sur  le  chemin  de  fer  de 
ceinture  (46  p.  100)  et  sur  les  tramways  (27  p.  100).  La  plus  faible  sur  les  lignes 
desservies  par  la  Compagnie  générale  des  omnibus  (12  p.  100). 

Voici  quelle  a  été  la  quantité  d'eau  débitée  à  Paris  dans  le  cours  des  deux  années. 
Ce  tableau,  dressé  à  cet  effet,  indique  dans  quelle  proportion  les  différentes  sources 
ou  cours  d'eau  qui  alimentent  la  capitale  ont  contribué  à  cette  production. 

Quantités  débitées  en  tnèlres  cubes. 

1888.  1887. 

Sources 48,053,675  42,031,594 

Puits  artésiens 2,464,141  2,486,396 

Seine  et  Marne 53,005,999  56,389,091 

Ourcq 47,439,054  43,458,334 

150,962,869  144,365,415 

Augmentation 6,597,454 

(1)  Sans  compter  les  \oyageurs  transportés  par  les  voitures  diles  à  volonté  (fiacies,  remises,  voitures 
de  courses,  omnibus  de  chemins  de  fer,  etc.,  etc.). 

(2)  Voici,  à  titre  de  rapprochement,  les  résultats  de  l'année  1889  : 
Compagnie  générale  des  Omnihus.     214,296,910  i 

Tramways 65,417,124  j.  ^^.j./ 00,941,028  de  plus  qu'en  1888. 

Chemins  de  fer  de  ceinture,  Auleuil.       ■i7,i40,'H61    ''  '       '       '        'i  Gi,71S, ICI  de  plus  qu'en  1887. 
Bateaux  à  vapeur 32,885,104) 


I 


—  3r)i  — 

L'augmentation  a  porté  presque  exclusivement  sur  les  eaux  fie  sources,  celle  des 
puits  ou  rivières  étant  restée,  dans  l'ensemble,  à  peu  piès  slationnaire. 

La  compagnie  des  eaux,  qui  desservait,  en  1887,  67,788  abonnés,  en  desservit,  en 
1888,  69,212. 

En  1888,  l'électricité  n'avait  pas  acquis  à  Paris  l'extension  que  nous  lui  avons  vu 
prendre  en  1889  et  l'année  suivante.  C'est  donc  au  gaz  qu'on  a  eu  presque  exclusi- 
vement recours.  Le  tableau  suivant  indii|i)e  quelle  a  été  la  consommation  de  ce 
combustible  dans  les  deux  années  que  nous  comparons. 

Gaz,  distribué  à  Paris  (mètres  cubes). 

1888.  1889.  AUOUEKTATIOM. 

Voies  publiques 26,413,320  25,536,132  877,188 

Établissements  municipaux 18,280,396  18,011,896  274,500 

Administrations,  établissements  publics.  .  4,208,301  3,850,602  357,699 

Particuliers 213,048,700  208,467,156  4,581,544 

261,956,717     255,865,786     6,090,931 

L'augmentation  a  été  générale  pour  tous  les  services  ;  plus  grande  toutefois  pour 
la  voie  publique  que  pour  les  simples  particuliers.  L'augmentation  la  plus  faible  a 
porté  sur  les  établis.^ements  municipaux. 

Nous  nous  bornerons  cette  fois  à  ces  simples  constatations,  nous  proposant  de 
traiter  la  question  avec  plus  d'ampleur  lorsque  nous  aurons  à  notre  disposition  les 
documents  de  1889,  c'est-à-dire  de  l'année  de  la  grande  Exposition. 

T.  L. 


» 


VARIETE 

La  marine  marchande  japonaise. 

La  marine  marchande  du  Japon  est  représentée  par  16,427  navires  de  forme 
japonaise,  814  navires  de  forme  européenne,  490,275  bateaux  pêcheurs  et  151,555 
bateaux  servant  à  la  culture  des  rizières  et  à  d'autres  usages  agricoles. 

Les  412  vapeurs  de  forme  européenne  ont  un  tonnage  de  49,845  tonneaux  et 
une  force  totale  de  15,187  chevaux-vapeur.  En  1880,  le  Japon  ne  possédait  que 
210  de  ces  navires,  de  la  force  de  11,801  chevaux. 

Les  côtes  sont  éclairées  par  150  phares,  dont  54  sont  entretenus  par  l'État  et  90 
par  des  particuliers. 


—  352 


OUVRAGES   PRÉSEMÉS    (OCTOBRE    1890) 

Ouvrages  signés  :  Le  Vin,  par  M.  de  Foville.  Paris,  Victor  Rozier,  1890. 

Une  loi  sur  len  habitations  ouvrières,  par  M.  Anlony  Uoulliet.  Paris,  1890. 
Notices  choisies  de  Ch.  Fourier.  Paris,  Guillaumin,  1890. 
Docu.MENTS  OFFICIELS.  Statistique  de  la  navigation  intérieure  (1889),  publiée  parle  minis- 
tère des  Travaux  publics. 
Mouvement  de  la  population  (1885)  et  Commerce  extérieur  (1889)  de  la  Bulgarie. 
Commerce  extérieur  de  la  Grèce,  1889. 
Mouvement  de  la  population  (1888)  de  i'Autriclie. 
Commerce  et  Navigation  (1889)  de  la  République  Argentine. 
Commerce  et  Navigation  (1889)  du  port  de  Hambourg. 
Statistique  de  la  Finlande.  Mouvement  de  la  population,  1888.  —  Écoles,  1888.  — 

Statistique  sanitaire,  1886. 
Statistique  des  Œuvres  pics  d'Italie.  VI1°  volume. 

Statistique  générale  de  la  Norvège  (1888).  —  (Mouvement  de  la  population.  Assis- 
lance  publi(|tie.  Recrutement.  Postes  et  télégrapbes.  Caisses  d'épargne.  Finances 
des  communes.  Instruction  publique.) 
Annoairks  statistiques  de  la  ville  de  Paris  (1888),  de  Buenos-Ayres  (1888),  de  l'Alle- 
magne (1890),  des  Pays-Bas  (1888),  de  Russie  (1890),  de  Victoria  (1888-1889). 
Journaux  de  statistique  de  Prusse,  de  Bavière,  d'Italie  (Annali  di  Statistica),  d'Autriclie 
{Statistiche  Monatsschrift),  de  la  Société  royale  de  Londres  (2"  trimestre  1890). 

—  Bulletin  de  l'inslilul  statistique  des  Pays-Bas. 

Revues  et  journaux.  France.  Revue  des  travaux  scientifiques.  —  Bulletin  de  la  Société 
des  agriculteurs.  —  La  Réforme  sociale.  —  Le  Travail  national.  —  Le  Ri^ntier. 

—  La  Petite  Gazette  internationale.  —  Le  Mercure  scientifique.  —  L'Avenir 
économique  et  financier.  —  Bulletin  de  la  Société  des  Agriculteurs.  —  Bulletin 
du  Syndicat  des  Viticulteurs.  —  Bulletin  de  la  Société  de  géographie.  —  Bulle- 
tin de  la  Société  d'économie  politique. 

République  Argentine.  —  Bulletin  de  l'Institut  géographique.  —  Bulletin  municipal 

de  Santa-Fé  de  Rorarco. 
Autriche.  —  National-Œkonom. 
Belgique  —  Le  Moniteur  des  intérêts  matériels. 

Espagne.  —  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Madrid.  —  Popolacioe  Territorio. 
Italie.  —  Bulletin  du  Ministère  des  finances  (Douanes).  —  L'Economista  de  Florence. 
Suisse.  —  Bulletin  de  la  Société  neuchâteloise  de  géographie. 

Nota.  —  La  Bibliothèque  de  la  Société  de  statistique  de  Paris  est  ouverte  tous  les  jours 
non  fériés,  de  midi  à  4  heures.  (Ministère  du  Commerce,  80,  rue  de  Varennes.) 


Le  Gérant,  0.  Beuger-Levrault. 


.1 0  U  II  N  A  L 


DE  LA 


SOCIÉTÉ  DÉ  STATISTIQUE  1)12  PARIS 


NO  12.  —  DECEMBRE  1890. 


I 


PROCÈS-VERBAL    DE    LA    SÉANCE    DU    19    NOVEMBRE    1890. 

SoMMJiiiK.  —  Avis  relatif  aux  élections  pour  le  renouvellement  du  bureau.  —  Les  conditions  du  travail  et 
la  grève  de  IS89  dans  las  houillères  prussiennes,  par  M.  Kcllcr.  —  Les  caisses  d'épargne,  par 
M.  Vannacque.  —  l/Intluenza,  par  M.  Victor  Turquan.  —  Les  Annales  des  assemblées  dépaiionen- 
tales,  par  M  de  Crisenoy.  —  Les  Rivières  du  Sud  du  Sénégal,  par  M.  Cerisier.  —  La  richesse  com- 
parative des  départements  français,  par  M.  Ad.  Coste.  —  Le  tabac  et  la  dèpopulalion  de  la  France, 
par  M.  Decroix. 

Ln  séance  est  ouverte  à  9  heures,  sous  la  présidence  de  M.  Octave  Keller. 

Le  procès- verbal  de  la  séance  du  15  octobre  est  adopté  sans  observations. 

M.  le  Président  rappelle  qu'il  y  aura  lieu  de  procéder,  dans  la  séance  du  mer- 
credi 17  décembre,  à  l'élection  des  membres  appelés  à  compléter  le  Bureau  et  le 
Conseil  pour  l'année  1891. 

Conformément  à  l'article  G  du  règlement,  le  Conseil  a  proposé  au  choix  de  la  So- 
ciété les  membres  ci-après  désignés: 

Président  :  M.  Jules  de  Crisenoy,  ancien  directeur  de  l'administration  dé- 
partementale et  communale  au  ministère  de  l'intérieur,  en  remplacement  de 
M.  Octave  Keller,  président  sortant  en  vertu  de  l'article  7  des  statuts. 

Vice-Président:  M.  Alfred  Ney.marck,  publiciste,  en  remplacement  de 
M.  de  Crisenoy,  proposé  pour  la  présidence. 

Membres  du  Conseil  :  M.  A.  Donnât,  ancien  conseiller  municipal,  en  rem- 
placement de  M.  Neymarck;  M.  Edouard  Flecuey,  chef  de  bureau  de  la  sta- 
tistique agricole,  en  remplacement  de  M.  Gimel,  décédé. 

Secrétaire  général  :  ^[.  Toassïmi  Lovx,  chef  de  division  hoiiur.iire  do  la 
Statistique  générale  de  France,  rééligible  pour  trois  ans. 

Trésorier:  M.  Jules  Robyns,  trésorier  sortant,  rééligible  pour  trois  ans. 

1"   SÉBIX.  31*  VOL.    —  K°  12.  q« 


—  354  — 

En  communiquant  celle  liste,  M.  le  Présitlenl  fail  observer  qu'en  venu  de  l'ar- 
lide  6  du  règlement,  toute  candidature  proposée  par  cinq  membres  au  moins  est 
de  droit  ajoutée  à  la  liste  du  Conseil,  pourvu  qu'elle  soit  conforme  aux  articles  5 
et  8  des  s^tatuls,  et  liansmise  au  secrélaire  général  dans  le  délai  de  huit  joui's. 

Il  est  procédé  à  l'élection  de  membres  nouveaux  : 

Sur  la  proposition  de  MM.  de  Foville,  Cheysson  et  Vannacquc:  .M.  A.  de  Vesse- 
LOVSKY,  conseiller  d'État  actuel,  directeur  du  journal  du  ministère  des  fiiuiiioes  à 
Saint-Pétersbourg,  est  nommé  membre  associé  à  titre  étranger. 

Sur  la  présentation  de  MM.  I.evasseur  et  Turquan,  M.  Frédéric  Noguès,  prolés- 
seur  à  l'école  Monge,  esl  élu  membre  titulaire. 

M.  le  Secrélaire  général  fait  une  rapide  énumération  des  ouvrages  et  documents 
oflerts  à  la  Suciété  et  parmi  lesquels  se  trouvent  deux  exemplaires  du  rapport  de 
notre  collègue,  M.  K.  Boulin,  directeur  général  des  contributions  directes,  sur  l'éva- 
luation des  propriétés  bâties;  la  statistique  de  la  justice  civile  du  royaume  d'Italie  ; 
le  recensement  de  la  population  de  la  Grèce;  le  Bulletin  des  finances  des  grandes 
villes  et  la  statistique  municipale  de  Budapest,  [lar  notre  collègue  M.  J.  Kôrôsi,  eic. 
Il  rappelle  en  quelques  mots  le  dépôt  fait  à  la  dernièi'e  séance  de  ÏAnniiaire  sla- 
tislique  de  la  ville  de  Paris;  sans  entrer  dans  les  détails,  il  se  plaît  à  reconnaître 
que  cet  ouvrage  est  rempli  d'informations  et  de  documents  qu'aucun  Parisien  ne 
doit  ignorer  (1). 

M.  de  SwAHTE,  trésorier-payeur  général  de  Seine-et-.\iarne,  dont  on  se  rappelle 
la  conférence  faite  devant  la  Société  sur  l'histoire  de  la  comptabilité  publique,  lui 
fait  hommage  d'une  nouvelle  brochure  pleine  d'érudition  sur  :  Les  Financiers 
amateurs  d'art  (2). 

M.  A.  Courtois,  secrélaire  perpétuel  de  la  Société  d'économie  politique,  adressée 
la  Société  son  ouvrage  sur  les  banques  populaires  (associations  coopératives  de  cré- 
dit). Les  banques  populaires  sont  encore  peu  répandues  en  France  ;  on  ne  les  connaît 
pas  ou  on  les  comiaît  mal.  Le  nouvel  ouvrage  de  M.  Courtois  vient  donc  bien  à 


(1)  Voir  la  liste  complète  des  ouvrages  à  la  fia  du  présent  numéro. 

(2)  Voici  la  lettre  d'envoi  de  l'honorable  M.  de  Swarte  : 

Monsieur  le  Président,  dans  les  rpclierches  que  j'ai  été  amené  à  faire  pour  mon  Histoire  Uu  Trésor 
public  en  France,  j'ai  recueilli  divers  documents  sur  le  rôle  des  financiers  des  trois  derniers  siècles 
comme  protecteurs  des  arts  et  aussi  des  artistes ,  distinciion  subtile  en  apparence,  mais  que  nous  suggère 
un  grand  auteur  dramatique  dans  Le  (Rendre  de  M.  Poirier. 

J'estime  que  la  Société  dont  j'ai  l'honneur  de  faire  partie  ne  m'en  voudra  pas  trop  de  lui  dédier  une 
élude  qui,  pour  ne  pas  rentrer  directement  dans  le  cadre  ordinaire  de  ses  travaux,  y  confine  pourtant;  ne 
peut-on  pas  dire,  en  eflet,  que  les  statisticiens  sont  les  plus  précis  de  tous  les  financiers,  et,  d'autre  part, 
qu'ils  font  des  tableaux  où  le  pittoresque  et  l'harmonie  rendraient  jaloux  bien  des  peintres.  Enfin,  en 
pressant  bien  ce  travail  qui  est  déjà  fort  condensé,  on  en  pourrait  extraire  des  prix  payés  pour  des 
œuvres  d'art  à  différentes  époques,  il  serait  aussi  possible  d'aligner  quelques  éléments  de  statistique 
dans  le  nombre  des  œuvres  d'art,  qui  furent  exécutées  alors  à  la  demande  et  souvent  ii  l'inspiration  des 
financiers. 

Je  m'aperçois  que  je  m'excuse.  J'oublie  que  vous  êtes  indulgent,  vous  me  l'avez  déjà  prouvé,  il  y  a 
quelques  années,  en  faisant  bon  accueil  à  ma  conférence  sur  la  comptabilité  publique. 

Veuillez,  Monsieur  le  Président,  agréer  l'assurance  de  mes  sentiments  les  plus  respectueux  et  dis- 
tingués. 

Victor  DE  SWARTE. 


—  355  — 

propos  au  moment  où  les  questions  ouvrières  sont  plus  que  jamais  à  l'ordre  du 
jour. 

M.  Octave  Keller  fait  une  courte  analyse  d'un  travail  dont  il  fait  également 
hommage  à  la  Société  et  qu'il  a  pulilié  dans  les  Annales  des  mines,  intitulé:  Les 
Conditions  du  travail  et  la  grève  de  i889  dans  les  hoiiillères  prussiennes. 

La  grève  qui  s'est  déclarée  en  1889  dans  les  houillères  prussiennes  et  principa- 
lement en  Weslphalie,  et  à  laquelle  150,000  mineurs  ont  pris  part,  lui  a  paru  de 
nature  à  appeler  l'altenlion  générale.  Elle  a,  en  effet,  motivé  les  rescrils  de  l'em- 
pereur Guillaume  111,  où  les  (luestions  sociales  les  plus  difficiles  à  résoudre  ont  été 
vainement  agitées,  mais  qui  ont  abouti  à  la  conférence  de  Berhii,  événement  d'une 
haute  portée  dont  l'avenir  seul  fera  connaître  les  conséquences.  Cette  grève  a  été 
avantageuse  pour  les  mineurs,  car  elle  leur  a  amené  une  augmentation  générale  des 
salaires.  Mais  elle  a  eu  pour  contre-coup  un  renchérissement  de  la  houille,  ren- 
chérissement qui  s'est  propagé  au  loin,  au  grand  détriment  des  consommateurs. 
Des  tableaux  statistiques  établis  au  moyen  de  chiffres  officiels  viennent  à  l'appui  des 
conclusions  de  l'auteur. 

C'est  dans  cette  grève  qu'eut  lieu  la  première  manifestation  en  faveur  de  la 
hmitation  du  travail  à  8  heures  par  jour,  qu'on  a  inconsidérément  étendue  à  toutes 
les  industries.  Les  revendications  des  mineurs  ont  abouti  à  certaines  améliorations 
dans  les  installations  des  puits,  et  à  une  faible  réduction  de  la  durée  du  travail  ; 
mais  aujourd'hui  encore  la  journée  de  10  heures  est  usuelle,  bien  que  peu  de 
travaux  soient  aussi  pénibles  que  celui  des  mineurs.  En  outre,  on  a  continué, 
comme  auparavant,  à  faire  des  heures  supplémentaires,  aussi  la  production  du 
charbon  ne  s'est  pas  ralentie  en  Prusse.  On  a  extrait  75,642,000  tonnes  en  1889, 
contre  72,68:3,000  en  1888,  bien  que  la  grève  ouverte  le  3  mai  ne  se  soit  terminée 
complètement  qu'au  commencement  de  juin. 

M.  A.  Vannacque  dépose,  au  nom  du  ministre  du  commerce,  de  l'industrie  et  des 
colonies,  ï Annuaire  statistique  de  la  France  pour  l'année  1890.  Cet  ouvrage  est 
trop  connu  pour  exiger  de  longs  commentaires,  il  se  bornera  donc  à  le  présenter, 
en  laissant  à  M.  Loua,  qui  est  chargé  depuis  1878  de  la  rédaction  et  de  la  publica- 
tion de  l'Annuaire,  le  soin  d'indiquer  les  modifications  et  additions  qui  y  ont  été 
introduites. 

M.  T.  Loua  remercie  M.  Vannacque  des  paroles  bienveillantes  qu'il  a  bien  voulu 
lui  adresser,  et  demande  à  renvoyer  à  la  prochaine  séance  les  explications  qu'il  se 
propose  de  fournir  à  ce  sujet. 

M.  A.  Vannacque,  reprenant  la  parole,  demande  à  dire  quelques  mots  sur  l'arti- 
cle qu'il  a  fait  pour  le  Dictionnaire  des  finances  de  M.  Léon  Say,  en  collaboration 
avec  M.  Breton,  sur  la  question  des  caisses  d'épargne. 

Dans  cet  article  les  deux  auteurs  ont  consigné  les  enseignements  qu'ils  ont  tirés 
d'une  longue  expérience  administrative  acquise  au  bureau  du  commerce,  dans  les 
attributions  duquel  ces  établissements  se  trouvent  placés.  Le  cadre  adopté  comprend 
les  quatre  divisions  principales  suivantes:  caisses  d'épargne  privées,  caisse  nationale 
d'épargne,  caisses  d'épargne  scolaires  et  caisses  d'épargne  étrangères. 

Chiicuu  de  ces  articles  a  été  traité  avec  des  développements  aussi  étendus  que 
possible  ;  le  chapitre  des  caisses  d'épargne  étrangères  notamment  contient  des 
informations  sur  la  législation  el  sur  les  résultats  statistiques  qui  ont  été  puisées 
aux  sources  les  plus  autorisées  soit  en  France,  soit  à  l'étranger.  Ue  nombreux  et 


—  300  — 

intci-essaiits  empiunls  ont  été  faits,  entre  autres,  au  Bulletin  de  slalistlque  cl  de  lé- 
fjislalion  comparée  du  ministère  des  finances. 

L'article  peut  donc  être  consulté  utilement  par  les  administrateurs,  par  les  éco- 
nomistes et  par  les  membres  du  Parlement. Chacun  y  trouvera,  dans  l'ordre  d'idées 
qui  lui  est  propre,  des  indications  précises  sur  l'organisation  et  le  fonctionnement 
des  caisses  d'épargne. 

A  ce  sujet,  M.  Vannacque  croit  devoir  appeler,  d'une  manière  toute  particulière, 
l'attention  des  membres  de  la  Société  sur  l'exposé  qu'il  a  fait  des  règles  relatives  à 
l'emploi  des  fonds  des  caisses  d'épargne  et  des  conséquences  financières  qui  peu- 
vent résulter  pour  le  Trésor  de  la  geslion  de  ces  fonds. 

M.  Vannac(|ue  s'est  attaché  à  faire  prévaloir  cette  idée  que  l'Étal,  représenté  par 
la  Caisse  des  dépôts  et  consignations,  ne  se  trouve  pas,  comme  on  le  croit  généra- 
lement, dans  les  conditions  d'un  dépositaire  ordinaire,  mais  qu'il  agit  en  qualilé  de 
negoliorum  (jeslor  des  caisses  d'épargne.  11  résulte,  en  efl"et,  de  la  législation  orga- 
nique des  caisses  d'épargne,  aussi  bien  que  des  pratiques  administratives  conslam- 
menl  appliquées  par  le  ministre  du  commerce  que  l'État  est  simplement  substitué 
aux  caisses  d'épargne  pour  accomplir  en  leur  lieu  et  place  les  opérations  qu'elles 
sont  slalulairemenl  chargées  de  faire  pour  le  compte  de  leurs  déposants. 

La  conséquence  de  cette  doctrine  c'est  que  le  portefeuille  représentatif  des 
sommes  versées  par  les  caisses  d'épargne  est  tout  au  moins  la  garantie  entière 
sinon  la  propriété  absolue  des  caisses  d'épargne  et  que  l'État  doit  à  ces  établisse- 
ments, à  lilre  d'intérêt,  le  montant  des  arrérages  du  portefeuille. 

M.  Victor  TuRQUAN  rappelle  qu'à  l'occasion  de  la  discussion  qui  s'est  élevée  dans 
la  séance  d'octobre  sur  le  rapport  relatif  au  mouvement  de  la  population  de  la 
France  en  1889,  il  a  été  amené  à  dire  quelques  mois  sur  l'épidémie  d'in/luenza 
(|ui  a  sévi  pendant  les  derniers  mois  de  cette  année  pour  ne  prendie fin  qu'eu  1800. 
Se  bornant  à  la  ville  de  Paris,  pour  laquelle  des  documents  out  été  fournis  semaine 
par  semaine  par  le  bulletin  municipal,  M.  Turquan  a  étudié  l'évolution  complète  de 
la  maladie,  et  cette  étude  a  fait  l'objet  d'un  article  publié  dans  la  Revue  scicuHlique 
du  9  août,  dont  il  dépose  un  exemplaire  sur  le  bureau. 
Nous  reproduirons  cet  article  dans  le  Journal  de  la  Société. 
M.Jules  de  Crisenoy  présente  à  la  Société  le  4°  volume  de  sa  publication  des 
Annales  des  assemblées  départementales,  contenant  les  comptes  rendus  des  travaux 
de  l'année  1889.  Il  rappelle  que  le  but  de  cette  publication  est  de  remédier  à  l'état 
d'isolement  dans  lequel  se  trouvent  les  conseils  généraux,  et  à  l'ignorance  où  sont 
ces  assemblées  de  ce  qui  se  fait  à  côté  d'elles;  des  progrès  réalisés  parfois  depuis 
longtemps;  des  résultats  acquis  depuis  des  années,  incontestés,  demeurent  in- 
connus dans  les  trois  quarts  de  la  France. 

L'orateur  en  cite  quelques  exemples:  Les  conseils  généraux  dépensent  chaque 
année  des  sommes  considérables  pour  le  service  des  enfants  assistés.  Un  certain 
nombre  de  ces  enfants  sont  atteints  de  scrofule,  et  l'on  sait  combien  le  séjour  au 
bord  de  la  mer  est  efficace  pour  guérir  celte  terrible  maladie.  Les  résultats  sont 
merveilleux:  en  quelques  mois,  on  voit  les  membres  contournés  se  redresser,  le 
teint  repiendre  la  coloration  de  la  santé,  c'est  une  véritable  résurrection.  Ce  Irai- 
lement  s'est  beaucoup  répandu  depuis  quelques  années.  Les  hôpitaux  pour  les 
enfants  se  tonl  nmllipliés  sur  les  bords  de  la  mer,  et  nombre  de  conseils  généraux 
les  y  envoient;  c'est  une  bonne  œuvre  en  même  temps  qu'une  bonne  an'aire 


I 


—  357  — 

pour  leurs  finances,  puisque  quelques  mois  de  Iraitement  rendent  à  la  sanlé  des 

enfants  qui  resteraient  à  leur  cliarg-e  dans  les  liôpiiaux  déposilaires  jusqu'à  l'âge 
de  21  ans  et  même  plus.  On  trouve  cependant  encore  dans  les  délibérations  de 
1889  des  rapports  concluant  au  rejet  de  la  mesure  par  ce  motif  que  l'état  des 
finances  des  départements  ne  permettrait  pas  de  faire  les  dépenses,  et  les  conseillers 
généraux  de  ces  déparlements  ignorent  tellement  ce  qui  se  passe  à  ce  sujet  qu'il 
ne  s'en  est  pas  trouvé  un  seul  pour  faire  observer  que,  loin  d'èlre  une  dépense  nou- 
velle, ce  traitement  procurerait  une  économie,  et  les  conclusions  de  !)  commission 
ont  été  votées  à  l'unanimité. 
Le  volume  de  1880  conlienl  un  certain  nombre  de  faits  de  ce  genre. 
Les  renseignements  qui  s'y  trouvent  réunis  ne  sont  pas  moins  utiles  aux  fonc- 
tionnaires de  l'administration  qu'aux  conseils  généraux  eux-mêmes,  car  ni  les  préfets 
ni  les  bureaux  du  ministère  de  l'intérieur  n'ont  le  temps  de  dépouiller  chaque  année 
les  180  volumes  des  délibérations  des  conseils  généraux  pour  y  chercher  celles  qui 
peuvent  offrir  un  intérêt  général. 

Les  Annales  des  assemblées  déparlemenlalcs  se  rattachent  d'une  manière  géné- 
rale aux  travaux  auxquels  se  consacre  la  Société  de  statistique. 

Le  livre  contient  en  outre  un  certain  nombre  de  documents  statistiques  dans  les- 
quels les  faits  se  présentent  sous  la  forme  de  nombres.  M.  de  Crisenoy  cite  comme 
exemples  le  tableau  donnant,  pour  chaque  département,  la  proportion  des  dépenses 
d'assistance  aux  dépenses  totales,  et  le  chiffre  de  la  dépense  par  habitant;  le  tableau 
présentant  la  part  que  supportent  dans  les  dépenses  des  aliénés  les  départements, 
les  communes  et  les  familles.  11  ressort  de  ce  tableau  que  certains  départements 
négligent  d'exiger  des  familles  le  concours  qu'elles  peuvent  et  qu'elles  doivent 
donner,  et  se  privent  ainsi  d'utiles  et  légitimes  ressources.  Il  cite  enfin  un  tableau 
donnant  les  détails  de  certaines  dépenses  qui  absorbent  d'importantes  ressources, 
quelquefois  sans  utilité.  Les  dépenses  exagérées  que  font  certains  conseils  généraux 
pour  leurs  commissions  départementales  sont  dans  ce  cas.  Les  sacrifices  toujours 
croissants  que  d'autres  sont  obligés  de  faire  pour  assurer  le  service  de  leurs  caisses 
de  retraites  ne  laissent  pas  que  d'èlre  menaçants  pour  l'avenir.  Ici  on  a  pris  des 
mesures  pour  arrêter  le  flot  montant,  là  on  ne  paraît  pas  voir  le  danger,  et  il  était 
utile  de  donner  l'alarme. 

Cette  publication,  on  le  voit,  répond  à  un  besoin  incontestable;  elle  est  à  sa 
troisième  année,  malheureusement  son  avenir  n'est  pas  encore  assuré,  et  il  n'est 
pas  encore  certain  que  le  travail  concernant  la  présente  anîiée  puisse  être  publié. 

M.  le  Président  remercie  M.  ^de  Crisenoy  de  son  [intéressante  communication, 
dont  il  reconnaît  comme  lui  la  grande  utilité. 

M.  VON  Maïr,  ancien  sous-secrétaire  d'Ktat  de  l'Empire  allemand,  adresse  à  la 
Société  le  premier  volume  d'une  publication  qu'il  vient  de  fonder,  exclusivement 
consacrée  à  la  statistique  : 

Ce  volume  comprend  : 

1°  Des  généralités  relatives  à  la  science  de  la  statistique; 

2°  Un  aperçu  des  progrès  de  la  statistique  officielle  dans  le  monde  civilisé  ; 

3°  Des  travaux  spéciaux  fournissant  des  résultats  statistiques  bien  étudiés  et  com- 
parables entre  eux; 

4"  Une  bibliographie  statistique  aussi  complète  que  possible. 

La  haute  compétence  de  l'auleur,  qui  a  dirigé  pendant  longtemps  le,  bureau  royal 


—  358  — 

de  statistique  de  Bavière,  le  désignait  naturellement  pour  cette  entreprise  dont  le 
succès  semblent  assuré. 

M.  le  Président  donne  la  parole  à  M.  Cerisier,  directeur  de  l'intérieur  au  Gabon- 
Congo. 

Avant  de  partir  pour  sa  destination,  M.  Cerisier  désirerait  adresser  ses  adieux  à 
la  Société  de  statistique,  dont  il  est  un  des  membres  les  plus  anciens. 

L'honorable  membre  saisit  celte  occasion  pour  présenter  une  étude  approfondie 
sur  les  Rivières  du  Sud  du  Sénégal,  colonie  qu'il  a  dirigée  pendant  près  d'une  an- 
née, et  dont  il  a  pu  étudier  les  besoins  sur  place. 

L'assemblée  vole  l'impression  de  cette  intéressante  communicalion. 

L'ordre  du  jour  appelle  la  communication  de  M.  Ad.  Goste  sur  la  richesse  com- 
parative des  départements  de  la  France. 

Celte  étude  e.«t  établie  sur  un  plan  tout  nouveau,  à  l'aide  des  documents  fournis 
par  la  grande  enquête  de  M.  Boulin,  directeur  général  des  contributions  directes, 
l'enquête  agricole  de  1882  et  le  recensement  de  la  population  par  professions.  La 
lecture  en  est  écoulée  avec  la  plus  vive  allenlion  et  se  termine  au  milieu  des  ap- 
plaudissements unanimes  de  l'assemblée. 

M.  Flechey  fait  remarquer  qu'il  serait  utile  de  reconnaître  exaclement  à  quelle 
catégorie  de  population  s'appliquent  les  conclusions  tirées  par  M.  Coste  du  rappro- 
chement de  la  valeur  locative  et  de  la  population  qu'il  appelle  non  agricole.  S'agit- 
il  de  la  population  industrielle? 

M.  Coste  répond  négativement  en  disant  que  celte  dernière  est  difficile  à  définir 
exactement  et  qu'il  appelle  population  non  agricole  toute  celle  qui  n'est  pas  vouée 
à  l'agriculture  (industrie,  transports,  commerce,  professions  libérales,  elc). 

M.  Flechey  remarque  en  outre  que  dans  le  rapprochement  de  la  valeur  locative 
et  du  rendement  du  blé  à  l'hectare,  M.  Coste  fait  ressortir  avec  juste  raison  le  pa- 
rallélisme de  la  marche  de  ces  deux  quantités,  qui,  dans  le  classement  qu'il  a 
choisi,  vont  toutes  deux  s'accroissanl  du  1"  au  IX'  groupe.  Mais  il  y  a  cependant 
une  exception  pour  le  VI1I°  où  le  rendement  en  blé  est  très  sensiblement  inférieur 
à  celui  du  Vil'. 

M.  Coste  répond  que  l'anomalie  n'est  pas  dans  le  VI!1%  mais  bien  dans  le  VII' 
groupe  qui  est  en  effet  supérieur  au  VIII";  le  motif  en  est  que  le  VIII'  groupe  com- 
prend le  Nord  dont  le  rendement  en  blé  à  l'heclare,  absolument  maximum,  aflecle 
d'une  manière  anormale  la  moyenne  du  rendemeni  dudil  groupe.  Ici  l'exception 
confirme  la  règle. 

M.  Flechey  remercie  M.  Coste  de  ses  explications. 

M.  Octave  Keller  loue  M.  Coste  d'avoir  donné  un  excellent  exemple  en  utilisant 
les  dernières  statistiques  officielles,  les  plus  considérables,  pour  établir  son  curieux 
et  important  travail.  Il  saisit  cette  occasion  pour  donner  une  indication  aux  statis- 
ticiens qui  désireraient  étudier  spécialement  la  puissance  industrielle  des  divers 
départements  :  ils  trouveraient  à  cet  égard  de  précieux  indices  dans  la  Statistùjue 
de  l'industrie  miiiérale  et  des  appareils  à  vapeur,  savoir:  la  consommation  de  la 
houille,  le  nombre  et  la  puissance  des  machines  à  vapeur  par  département. 

La  parole  est  alors  accordée  à  M.  Decroix  pour  la  communicalion  qu'il  avail  an- 
noncée sous  ce  litre  :  «  Le  tabac  et  la  dépopulation  de  la  France.  » 

Après  avoir  exposé  l'avis  de  plusieurs  médecins  sur  les  dangers  qui  résultent  de 
l'abus  du  tabac,  l'honorable  membre  s'efforce  de  démontrer  que  le  tabac  a  une  in- 


—  359  — 

fluenre  directe  sur  la  dépopulation.  C'est  en  vain  qu'on  voudrait  opposer  à  son  af- 
firniiiiion  l'exemple  de  l'Allemagne  où  l'usage  du  tabac  est  plus  répandu  encore 
qu'en  France,  et  où  cependant  la  natalité  est  plus  considérable.  L'orateur  estime 
que  la  contradiction  n'est  ici  qu'apparente,  car  si  l'on  fume  beaucoup  en  Allemagne, 
le  tabac  employé  contient  infiniment  moins  de  nicotine  que  le  tabac  français. 

Il  termine  en  présentant  un  tableau  d'où  il  semblerait  résulter  que  ce  sont  les 
départements  où  l'on  use  le  moins  de  tabac  qui  donnent  lieu  à  la  plus  forte  nata- 
lité. Il  est  vrai  que  le  Nord  fait  exception,  mais  cela  tient  peut-être  à  la  forte  immi- 
gration qui  caractérise,  ce  déparlement. 

M.  le  Président  fixe  ainsi  qu'il  suit  l'ordre  du  jour  de  la  prochaine  séance  : 

1°  Elections  pour  le  renouvellemmit  du  Bureau; 

2°  Conférence  de  M.  E.  Boulin  sur  la  propriété  bâtie; 

3°  L'imperfection  croissante  des  recensements  de  la  population  en  France,  par 
M.  le  D'  Jacques  Bertillon. 

La  séance  est  levée  à  11  heures  un  quart. 


n. 

LA  DÉPOPULATION  DE  LA  FRANCE. 

Sous  ce  titre,  nous  trouvons  dans  le  journal  la  Justice  du  mardi  12  août  1889, 
un  article  qui  nous  paraît  répondre  aussi  parfaitement  qu'on  le  peut  en  pareille  ma- 
tière, aux  idées  quelque  peu  pessimistes  qui  ont  cours  sur  ce  qu'on  appelle  la 
dépopulation  de  notre  pays.  Nous  le  reproduisons  d'autant  plus  volontiers  que  nous 
avons  nous-mème  soutenu  une  thèse  semblable  dans  YEconomiste  français  (i)  à 
l'époque  où  fut  poussé  le  fameux  cri  d'alarme  de  Léonce  de  Lavergne.         T.  L, 

«Depuis  la  publication  du  rapport  présenté  à  l'Académie  de  médecine  par 
M.  Lagneau,  tous  les  journaux  sont  remplis  de  lamentations  sur  la  dépopulation 
de  la  France. 

«  Dans  «  Mon  Petit  Journal  »,  publié  par  le  Temps  le  8  août  dernier,  M.  Jules 
Simon  termine  ainsi  un  article  navrant  :  i  La  France  s'en  va!  Eh  bien,  non,  la 
France  ne  s'en  va  pas,  et  quant  à  moi,  je  ne  vois  pas  la  nécessité  d'étaler  les  misères 
de  la  France  et  particulièrement  quand  les  faits  démentent  ces  paroles  désolées.  » 


(1)  Cet  article  a  été  reproduit  dans  le  Journal  de  la  Société  de  Statistique  (1876,  page  263)  et  il 
nous  paraît  opportun  d'en  signaler  un  passage  : 

Apriis  avoir  comparé  la  l'rance  qui  en  1872  comptait  7,592,853  adultes  mâles  de  20  à  50  ans  pour 
une  population  de  3G,  102,902  habitants,  à  la  Prusse  dont  les  chiffres  respectifs  étaient,  à  la  môme  époque, 
de  4,829,337  et  24,G99,8i7,  11.  Loua  conclut  en  ces  tenues  :  «  La  l'rance  tient,  comme  on  le  voit,  le 
premier  rang  en  ce  qui  concerne  les  adultes  :  sur  1,000  habitants  elle  peut  disposer  de  210  hommes 
de  20  à  50  ans,  tandis  que  la  Prusse  n'en  possède  que  195.  Et  comme  les  chiffres  absolus  sont  plus 
significatifs  que  les  rapports,  il  y  a  lieu  d'ajouter  que  la  France  compte  actuellement  7,660,000  individus 
en  âge  de  porter  les  armes,  lorsque  la  Prusse  n'en  a  que  4,900,000.  Enfin  l'empire  allemand  tout  entier 
fournirait,  dans  ces  conditions,  un  effectif  de  8,000,000  d'hommes,  chiffre  très  peu  supérieur  'à  celui  de 
notre  pays.  » 


—  360  - 

«  El,  en  effet,  M.  Jules  Simon,  à  la  fin  de  sonarlicle,  publie  un  tableau  de  l'excé- 
dent des  naissances  sur  les  décès,  dans  tous  les  pays  de  l'Europe,  dans  la  période  de 
18G1  à  1880.  Eh  bien! je  disque  le  choix  d'une  pareille  période  comprenant  pour 
la  France  l'année  calamitcuse  1870,  où  elle  a  perdu  plus  de  300,000  reproducteurs, 
est  fâcheux!  M.  Jules  Simon  iic  devait-il  pas  au  moins  rappeler  ces  circonstances 
fatales,  et  dire  l'influence  que  ces  perles  immenses  ont  eues  sur  la  natalité  des  an- 
nées subséquentes!  Mais  non  !  le  pessimisme  est  à  la  mode,  cette  période  (1861  à 
1880)  commence  au  lendemain  de  la  guerre  d'Iiabe  où  la  France  a  perdu  100,000 
hommes;  puis  elle  comprend  l'année  1870!  Après  une  perte  aussi  considérable  de 
son  capital  humain,  la  France  élait-elle  en  droit  d'espérer  des  excédents  importanis 
de  nalalilé  avant  l'expitali  jn  d'une  assez  longue  période?  Et  sans  entrer  dans  l'exa- 
men des  causes  politiques  économiques  historiques,  on  s'écrie  :  la  France  se  meurt, 
la  France  est  morte  ! 

€  Mais  non,  la  France  ne  s'en  va  pas,  puisque  vous  constatez  vous-même  que 
dans  cette  période  fatale  qui  ne  peut  être  prise  pour  base  de  calculs  sérieux  l'excé- 
dent des  naissances  sur  les  décès  a  été  encore  de  2.3  p.  100. 

«  Du  reste,  ainsi  que  le  dit  fortbienM.  Jules  Simon,  le  sujet  est  inépuisable  ;  atten- 
dons pour  le  traiter  d'une  manière  complète  que  M.  le  docteur  Lagneau  ait  trans- 
formé le  mémoire  qu'il  a  présenté  à  l'Académie  de  médecine  en  un  petit  livre  dans 
lequel  il  doit  exposer  le  fait,  énumérer  les  causes  et  rechercher  les  remèdes. 

«  Aujourd'hui,  je  veux  à  mon  tour  offrir  un  chiffre  qui  pourra  consoler  beaucoup 
de  bons  Français,  et  leur  montrerque  la  France  possède  encore  une  grande  vitalité. 
A  cet  effet,  j'ouvre  VAunuaire  stalislique  de  l'empire  allemand  {i),[>nh\ié  en  1889, 
et  je  vois  à  la  page  2  qu'en  1885,  la  population  entière  de  l'Allemagne  était  de 
46,855,704  individus,  et,  à  la  page  6,  que  le  nombre  des  mâles  adultes  (20  ans  et 
au-dessus)  était  de  12,435,706,  ce  qui  représente  26.5  p.  100  de  la  population! 

t  Consultons  maintenant  la  slatisti(|ue  de  la  population  française,  publiée  par  le 
ministre  du  commerce,  et  nous  constaterons  qu'à  la  même  date,  la  population  delà 
France  s'élevait  à  38,218,803,  ce  qui  conslitue  pour  la  PVance  une  infériorité  de 
8,636,901.  Poursuivons  notre  examen,  et  nous  verrons  que  la  population  adulte 
mâle  de  la  France  comprend  11,828,363  individus.  Ainsi  la  France,  avec  une  popu- 
lation de  38,000,000  d'individus  seulement,  n'a  que  607,341  adultes  de  moins  que 
l'Allemagne,  bien  que  cette  dernière  compte,  comme  nous  venons  de  le  voir,  environ 
47  millions  d'habitants,  soit  à  peu  près  9  millions  de  plus  que  la  France. 

«  De  ces  chiffres,  il  résulte  qu'en  France  la  proportion  des  adultes  (c'est-à-dire  de 
la  force  vive  d'une  nation)  vis-à-vis  de  la  population  totale  est  de  30.98  p.  100,  et 
qu'en  Allemagne  celte  même  population  n'est  que  de  26.50  p.  100!  Différence  en 
faveur  de  la  France  5.5  p.  100  ! 

«  Laissons  parler  les  chiffres  et  n'ajoutons  rien  qui  puisse  affaiblir  leur  éloquence. 

«  P.  A.  Le  Roy.  » 


(1)  Statistisehes  Jahrbuch far  das  Deutsche  Reich,  cliez  Pultkammer  et  Mulilbrecht,  à  Berlin. 


i 


—  .-un  — 

III. 

LA  CLIENTÈLE  DES  CAISSES  D'ÉPARGNE. 

Au  31  décembre  1888,  claie  à  liiquelle  s'arrèle  le  dernier  compte  des  Caisses 
d'épargne  ordinaires,  le  stock  des  dépôis  fait  à  ces  caisses  s'élevait  à  près  de  2  mil- 
liards et  demi  de  francs  (2,495,367,793  \'\-.  15  c.)  à  répartir  entre  5,361,908  dé- 
posants. Ce  chiffre  imposant  dont  la  plus  grande  part  est  due  à  l'ancienne  clientèle 
des  caisses,  tend,  jus(|u'à  présent,  à  s'augmenter  sans  cesse,  grâce  à  l'accession 
d'une  clienlèle  nouvelle,  qui  s'aggrandit  cha([ue  année.  C'est  sur  cette  clienlèle  nou- 
velle que  nous  voudrions  appeler  un  instant  l'allonlion  : 

Grâce  à  un  lableau  rétrospectif  qu'on  a  bien  voulu  nous  communi(|uer  et  qui 
donne  le  relevé  des  comptes  nouveaux  depuis  1850  jusqu'à  1888,  nous  nous  trou- 
vons à  même  de  faire,  à  ce  sujet,  quelques  recherches  qui  nous  paraissent  de  nature 
à  intéresser  le  public;  nous  avons  voulu  savoir,  en  effet,  de  quelle  nature  est  la 
clienlèle  dont  il  s'agit,  et  comment  elle  se  répartit  entre  les  diverses  classes  de  la 
population. 

Grosso  modo,  le  document  officiel  semble  répondre  directement  à  la  question 
par  une  classificalion  sommaire  qu'on  cherche  actuellement  à  développer,  mais  qui 
peut  néanmoins  se  ramener  aux  gi'oupes  ci-après  :  ouvriers,  domestiques,  employés, 
militaires  el  marins,  propriétaires,  rentiers,  titulaires  de  professions  libérales, 
«  individus  sans  profession  y),  enfants  mineurs  ;  mais  la  part  contributive  de  ces 
divers  groupes  ne  peut  être  exprimée  seulement  par  le  nombre  relatif  des  livrets 
qui  leur  est  afférent.  Pour  avoir  une  idée  précise  de  cette  répartilion,  il  est  néces- 
saire de  déterminer  la  population  de  cha(]ue  groupe  particulier.  C'est  là  ce  que 
nous  avons  tenté. 

L'opération  ne  laissait  pas  d'offrir  certaines  diflîcidtés,  consistant  principalement 
dans  les  règles  prescrites  par  l'Administration  pour  ranger  les  déposants  nouveaux 
dans  les  diverses  professions  qui  les  concernent;  c'est  ainsi,  pour  en  donner  un 
exemple,  que  les  femmes  mariées  sont  classées  à  leur  profession  quand  elles  en  ont 
une,  ou  à  la  profession  de  leur  mari,  si  elles  sont  simplement  leur  ménagère,  et 
que,  dans  le  cas  où  leur  livret  a  été  ouvirt  sans  l'assistance  du  mari,  elles  sont  ins- 
crites dans  la  classe  trop  vasie,  selon  nous,  des  propriétaires,  rentiers  ou  individus 
sans  profession.  D'autre  part,  certains  enfants  mineurs,  qui  peuvent  avoir  une  pro- 
fession distincte,  sont  rattachés  à  cette  profession,  tandis  que  la  masse  de  ces 
enfants  forme  une  catégorie  tout  à  fait  à  part. 

Rien  n'indiquant,  dans  les  tableaux  officiels,  dans  quelle  mesure  s'opère  la  ré- 
partition des  femmes  et  des  enfants  entre  les  divers  groupes  professionnels  dési- 
gnés, nous  avons  dû  nous  contenter  d'évaluer  en  bloc  la  population  correspon- 
dante à  ces  divers  groupes,  el  nous  devons  dire  que  ce  n'est  pas  sans  peine  que 
nous  sommes  arrivés  au  résultat  désiré,  par  une  étude  consciencieuse  des  divers 
dénombrements: 

Le  chiffre  de  la  population  se  trouvant  ainsi  établi,  il  suffît  de  le  rapprocher  de 
celui  des  livrets,  pour  arriver  à  des  rapports  qui  seuls  permettent  d'obtenir  des 
résultats  plausibles,  ce  qui  ne  pouvait  être  fait  par  la  méthode  jusqu'ici  suivie,  où 


poi'ur.vriON, 

LIVRETS. 

LtvRRTS 

|iar 

<.(IOOhabllaDls. 

0,250,000 

2,320,000 

1 ,705,000 

465,000 

125,089 

54,804 

22,031 

7,229 

20 
24 
13 
15 

7,750,000 
13,000,000 

122,870 
133,598 

16 

10 

—  362  — 

il  n'était  tenu  compte  que  des  déposants  nouveaux  sans  avoir  éfrard  à  la  popu- 
lation dont  ils  dépendent. 

Formons  d'abord  ce  tableau  par  l'année  la  plus  récente  des  comptes,  c'est-à-dire 
par  1888: 

LIVRETS  NOUVEAUX  PAR  PROFESSION  POUR  100  HABITANTS  DE  CHAQUE  GROUPE. 

GRODPKS. 

Ouvriers 

Domestiques 

Employés 

Militaires  et  marins 

Propriétaires,  rentiers  et  indivi- 
dus sans  profession 

Enfants  mineurs 

Totaux 31,550,000  466,221  14,8 

Il  résulte  de  ce  tableau  qu'il  y  aurait  environ  15  déposants  nouveaux  par  1,000 
habitants.  Dans  les  groupes  professionnels,  ce  sont,  comme  on  devait  s'y  attendre, 
les  domestiques  qui  occupent  le  premier  rang:  nourris,  logés  chez  leurs  patrons, 
il  leur  est  plus  facile  de  disposer  de  leurs  économies  ;  les  ouvriers  viennent  ensuite, 
malgré  les  occasions  nombreuses  qu'ils  trouvent  de  dépenser  leur  argent  mal  à 
propos.  Ils  sont  suivis  par  les  personnes  qui  sont  réputées  vivre  de  leurs  revenus, 
mais  qui  n'en  font  pas  moins  à  la  Caisse  d'épargne  des  placements  momentanés. 

Au  dernier  rang  se  trouvent  les  militaires  et  marins,  les  employés,  et  tout  à  fait  au 
bas  de  l'échelle,  les  enfants  mineurs. 

On  vient  de  voir  que  les  livrets  ouverts  à  de  nouveaux  déposants  se  sont  élevés, 
en  1888,  à  460,221.  En  y  ajoutant ,956  livrets,  délivrés  à  des  Sociétés  et  associa- 
tions de  diverse  nature,  on  arrive  au  chiffre  total  de  467,177  livrets. 

Passons  maintenant  au  point  le  plus  intéressant,  en  étudiant  la  marche  compa- 
rative des  livrets  nouveaux  depuis  1850.  Nous  aurions  pu  donner  ce  travail  par 
année  ;  nous  nous  contenterons  de  le  produire  par  période,  en  avertissant  que  nous 
avons  laissé  en  dehors  de  nos  calculs  les  années  de  la  i^uerre,  1870  et  1871. 

En  voici  le  tableau  : 

LIVRETS    NOUVEAUX    PAR    PROFESSION. 

Moyenne  annuelle  par  période. 


pâRIODBB. 

Ouvriers. 

DoniAstiquei. 

Employés. 

et 
marins. 

rentiers, 
saos  profession. 

Enfant! 

mineurs. 

TOTAL, 

1850-1854. 

51,296 

29,623 

8,094 

9,916 

42,170 

25,685 

167,384 

1855-1859. 

60,614 

31,130 

9,183 

8,511 

37,471 

20,569 

173,478 

1800-1861. 

79,429 

38,375 

11,488 

9,123 

52,110 

37,924 

228,449 

1865-1869. 

96,658 

44,160 

12,634 

8,315 

71,912 

52,894 

280,573 

1872-1876. 

88,397 

39,254 

12,397 

7,072 

70,413 

83,234 

300,767 

1877-1881  . 

125,545 

56,603 

22,466 

10,360 

139,943 

182,505 

537,422 

1882-1886. 

129,867 

55,290 

21,778 

8,729 

121,553 

146,489 

483,706 

1887.     .     . 

112,829 

51,231 

20,180 

6,755 

111,497 

127,906 

430,398 

1888.     .     . 

125,089 

54,804 

22,631 

7,229 

122,870 

133,598 

466,221 

—  ms  — 

Population  approximative  des  groupes  {millions  d'habitants). 


1850- 1854. 

4,000 

1,900 

995 

340 

6,800 

13,500 

27,535 

1855-1869.   . 

4,500 

1,950 

1,000 

345 

6,900 

13,400 

28,095 

1860-1864.  . 

5,075 

2,200 

1,100 

370 

7,000 

14,000 

29,745 

1865-1869  .    . 

6,086 

2,204 

1,188 

374 

7,100 

14,100 

31,052 

1872-1876.  . 

6,060 

2,200 

1,566 

360 

6,600 

13,200 

29,986 

:877-1881  .   . 

6,100 

2,400 

1,712 

410 

7,300 

13,150 

31,072 

1882-1886  .   . 

6,150 

2,250 

1,758 

460 

7,700 

13,100 

31,418 

1887.     .     .  . 

6,200 

2,300 

1,760 

462 

7,720 

13,090 

31,532 

1888.     .     .   . 

6,250 

2,320 

1,765 

4655 

7,750 

13,200 

31,550 

PERIODES. 

1850-1854  . 

1855 

•1859  . 

1860-1SG4  . 

1865 

-1869  . 

1872- 

1876  . 

1877- 

1881  . 

1882 

1886  . 

1887 

1888 

uvriers. 

Domestiques 

13 

15 

13 

16 

16 

17 

19 

20 

15 

18 

21 

24 

21 

25 

18 

22 

20 

24 

ililair« 

Propriétaires 

et 

rentiers, 

tiarini. 

sans  profession. 

29 

6 

25 

5 

25 

7 

22 

10 

19 

11 

25 

19 

19 

16 

15 

15 

15 

16 

Enfants 
mineurs. 

TOTlr* 

2 

6,1 

2 

6,2 

.     3 

7,7 

4 

9,5 

6 

10,0 

14 

17,3 

11 

15,0 

9 

13,6 

10 

14,8 

En  rapprochant  les  chiffres  de  ces  deux  lahleaux  lerme  à  terme,  on  obtient  en 
dernière  analyse  les  rapports  suivants,  qui  expriment  le  nombre  des  iivrels  nouveaux 
par  1,000  habitants  de  chaque  groupe: 

LIVRETS    NOUVEAUX    PAR    1,000   HARITANTS    DE    CHAQUE    GROUPE. 

Employés. 


11 

12 

8 

13 

12     . 
11 
13 

Le  premier  fait  qui  ressort  de  cette  succession  de  rapports,  c'est  l'accroissement 
progressif  de  la  clientèle  des  Caisses  d'épargne;  le  mouvement  ne  s'est  arrêté  qu'à 
la  suile  du  krach  de  1882,  mais  pour  reprendre,  à  la  fin  de  celte  crise,  un  nouvel 
élan.  On  remarquera,  de  plus,  que  l'arrêt  produit  par  le  krach  a  porté  sur  tous  les 
groupes,  sans  exception. 

La  supériorité  relative  des  domestiques  sur  les  ouvriers  s'est  maintenue  à  toutes 
les  périodes,  c'est  donc  là  un  résultat  qui  confirme  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut. 
Les  soldats  et  marins  se  font  remarquer  par  leurs  apports  croissant  jusqu'en  1870, 
ce  qui  tenait  au  montant  considérable  des  primes  allouées  aux  militaires  réengagés 
et  que  ces  derniers  trouvaient  commode  de  placer  à  la  Caisse  d'épargne.  La  part 
des  enfants  mineurs,  d'abord  très  faible,  s'accroît  subitement  dans  la  période  1877- 
1881,  par  suite  de  la  création  et  du  développement  des  Caisses  d'épargne  scolaires. 
On  ne  peut  s'empêcher,  enfin,  de  reconnaître  que  les  rentiers  ont  recours  de  plus 
en  plus  à  la  Caisse  d'épargne,  qui  leur  paie  leurs  dépôts  [ilus  cher  que  les  Banques 
ordinaires.  Si,  comme  pour  les  autres  groupes,  un  ralentissement  s'est  produit 
dans  ces  dépôts  à  la  suile  de  la  crise  de  1882,  cet  arrêt  n'a  été  que  momentané. 

En  résumé,  la  situation  des  Caisses  d'épargne  semble  être  aussi  prospère  qu'on 
peut  le  désirer,  et  on  |)cut  voir  que  toutes  les  classes  de  la  société  contribuent  à 
en  assurer  le  succès  (1).  (Économiste  français.)  T.  Loua. 


(1)  Cet  article  a  été  reproduit,  avec  commentaires  à  l'appui,  par  le  Journal  des  Cuisses  d'épargne. 


—  36<i  — 

IV. 
"VARIÉTÉS    PARISIENNES 


1 .  —  La  production  et  la  consommation  du  gaz  à  Paris. 

L'Annuaire  statistique  de  la  ville  de  Paris  en  1888  conlieni,  comme  d'ailleurs  les 
précédenls,  un  certain  nombre  de  données  inléres-sanles  sur  la  produclion  el  la 
consommation  du  gaz  à  Paris.  Nous  lui  avons  emprunté  les  éléments  de  notre  ré- 
sumé, lequel  porte  sur  les  cinq  dernières  années  observées. 

Parlons  d'abord  de  la  fabrication.  Si  l'on  rapproche  le  gaz  produit  de  la  bouille 
distillée  dont  on  l'a  extrait,  on  trouve  les  chiffres  ci-après  : 


HOUII^LHS 

PRODDCTIOB 

BBNI>KUE!«T 

du  gaz 

distillées. 

du  gat. 

par  l,i)OOVilo(ç. 
de  houille. 

lilog. 

mt'trcB  rubpi. 

1884.  .    . 

1885.  .   . 

1886.  .   . 

1887.  .    . 

1888.  .    . 

961,293,678 
965,301,710 
959,478,406 
902,371,026 
976,742,535 

287,355,662 
286,436,739 
280,927,080 
280,806,810 
297,690,540 

299 
297 
299 
302 
304 

Ce  tableau  indique  une  certaine  économie  dans  la  fabrication,  puisqu'à  quantité 
égale  de  houille,  on  obtient  actuellement  une  plus  grande  quantité  de  gaz. 

Le  chiffre  total  de  l'émission  du  gaz  diffère  quelque  peu  de  celui  qui  vient  d'être 
indiqué  par  suite  du  stock  existant  en  magasin  en  fin  d'année. 

Nous  l'indiquons  ci-dessous,  en  rapprochant  la  production  de  la  consommation 
réellement  effectuée.  De  cette  comparaison  se  déduit  le  montant  de  la  perle,  qui, 
comme  on  va  le  voir,  va  constamment  en  diminuant. 


iuiasiOB 

PBHTB 

totale 

COKSOMMATIOS. 

^^^""^- 

du  g«i. 

totale. 

p.  100 

1884  .    . 

287,355,862 

267,471,576 

19,884,266 

679 

1885   .    . 

286,403,999 

208,921,840 

17,542,159 

6.1 

1886  .   . 

286,652,360 

270,870,478 

15,980,882 

5.6 

1887  .    . 

290,774,540 

275,631,850 

15,142,690 

5.2 

1888  .   . 

297,697,820 

282,523,729 

15,174,091 

5.1 

La  quantité  de  gaz  consommée,  telle  que  le  fournit  la  seconde  colonne  du 
tableau  précédent,  se  répartit  comme  il  suit  entre  trois  zones  desservies  par  la 
Compagnie. 

Consommation  par  zone. 


ancie:i  paeis. 

ZONE  ANNEXÉE. 

COMMUNES 

liort 
de  Pari». 

TOTAL. 

1884.  .   . 

1885.  . 

1886.  .    . 

1887.  .    . 

1888.  . 

194,358,019 
194,540,081 
195,222,574 
198,485,249 
202,076,355 

54,262,139 
55,261,701 
.56,223,531 
57,380,537 
59,880,362 

18,851,438 
19,113,998 
19,424,373 

19,706,064 
20,507,012 

207,4"71,596 
268,921,840 
270,870,478 
275,031,850 
282,523,729 

—  C5(i5  — 

Le  progrès,  sans  être  considérable,  est  du  moins  continu  et  s'étend  parallèlement 
sur  les  trois  zones. 

Il  convient  de  rapporter  la  consommation  à  la  longueur  de  la  canalisation,  mais 
donnons  d'abord  cette  dernière. 

Longueur  de  la  canalisation  par  zone  (en  mètres). 


ANCIEN   PARIS. 

SCNE  ANHEXés. 

COMMUNES 

hors 

de  Paris. 

1884. 

.    .               778,834 

643,984 

658,962 

1885. 

.    .               786,386 

650,507 

664,291 

1886. 

.   .              790,563 

655,154 

674,910 

1887  . 

.   .              797,731 

656,383 

693,724 

1888  . 

.   .              803,606 

642,584 

706,023 

Du  rapprochement  de  ces  deux  tableaux,  on  déduit  l'intensité  du  mouvement  du 
gaz,  selon  les  zones.  Voici  les  résultats  de  ce  calcul  : 

Mètres  cubes  de  gaz  par  1,000  mètres  de  conduites. 


1884.    . 

250,460 

84,258 

28,869 

1885.   . 

247,514 

85,018 

28,786 

1886.   . 

247,017 

85,837 

28,886 

1887.    . 

249,040 

87,470 

28,800 

1888.    . 

251,339 

93,272 

29,132 

D'après  ces  rapports,  on  voit  qu'enmoyenne  il  passe  dans  les  conduites  de  l'ancien 
Paris  trois  fois  plus  de  gaz  (|ue  dans  la  zone  annexée,  et  neuf  fois  plus  que  dans 
les  conduites  de  la  banlieue. 

Laissant  de  côté  l'éclairage  de  la  banlieue,  pour  lequel  on  n'a  pas  fait  tous  les 
ans  les  distinctions  nécessaires,  nous  ne  parlerons  désormais  que  de  l'éclairage  de 
Paris,  et  nous  allons  rechercher  tout  d'abord  quelle  est  la  part  dans  la  consomma- 
tion totale  de  l'éclairage  public  et  privé. 

Consommation  de  Paris. 


iCLAlBAGE 

T  0  T  A  t. 

248,620,158 
249,807,842 
251,446,105 
255,865,786 
261,956,717 

PROPOETION 
p.  100 

1884.  . 

1885.  . 

1886.  . 

1887.  . 

1888.  .   . 

PUBLIC. 

41,634,358 
43,366,732 
44,026,712 
43,518,028 
44,699,716 

PRIVÉ. 

206,985,800 
206,441,110 
207,419,393 
212,347,758 
217,257,001 

deTécIairaga 
public. 

16.7 
17.3 
17.5 

17.0 
17.0 

La  part  de  l'éclairage  public  dans  la  consommation  générale  ne  s'éloigne  guère 
de  17  p.  100,  chiffre  auquel  il  s'est  mainlenu  pendant  les  deux  dernières  années. 

Rappelons  à  ce  sujet  que  le  prix  du  mètre  cui)e  du  gaz  a  été  maintenu  pour 
l'éclairage  public  à  0  fr.  15  c.  et  à  0  fr.  30  c.  pour  l'éclairage  privé. 

Voici  maintenant  comment  l'éclairage  public  s'est  réparti  entre  la  voie  publiijue 
d'une  part,  et  les  établissements  municipaux  et  militaires. 


—  366  — 

Éclairage  public. 

VOIK                              KTABL198KMENTS 
EOBLKiDlt.                                SPKCIAOI. 

TOTAL. 

1884.  .    . 

1885.  .    . 

1886 .  .    . 

1887.  .    . 

1888.  .    . 

24,538,012           17,096,346 
25,539,896           17,826,836 
25,805,667           18,221,045 
25,536,132           17,981,890 
26,413,325           18,286,391 

41,634,358 
43,366,732 
44,026,712 
43,518,028 
44,099,716 

Le  nombre  des  candélabres  destinés  à  l'éclairage  de  la  voie  publique  a  plus  ou 
moins  varié  suivant  les  années,  leur  nombre  d'ailleurs  iuiporte  moins  que  leur  dis- 
position, les  lanternes  pouvant  avoir  do  1  à  4  becs.  Le  tableau  suivant  donne  poui' 
Paris  tout  entier  le  délai!  des  lanternes  par  nature  de  becs  qu'elles  renferment. 


Lanternes    à    1    bec    (ordinaire    ou    intensif). 

De  100  il  120  litres  ii  riietire 

140  litres  il  l'heure 

225  il  750  litres  i»  l'heure 

895  à  1,400  —  

Lanternes  ii  2,  3  et  4  becs 


148 

44,275 

23 

1,502 

428 


Total 


Chiffre  correspondant  ii  46,834  becs  ou  foyers. 


46,376 


Quant  à  l'éclairage  privé,  les  chiffres  suivants  en  fixent  l'importance,  tant  au  point 
de  vue  de  la  consommation  qu'à  celui  du  nombre  des  abonnés. 


1884. 
1885. 
1886. 
1887. 
1888. 


Éclairage  privé. 

N  OMBRK 

COKBOMMATIOS 

MOYEN 

du 

ABOSviS, 

de 
lOèlreB  cubes 

OÂZ. 

de  gaz 

par  abonné. 

206,985,800 

167,890 

1,221 

206,441,110 

172,109 

1,199 

207,419,393 

177,026 

1,115 

212,347,758 

172,169 

1,233 

217,257,001 

167,890 

1,294 

Dans  le  document  que  nous  analysons,  le  nombre  des  becs  s'appli(|ue  aux  trois 
zones  sans  distinction,  y  compris  les  établissements  municipaux  et  militaires.  En  le 
rapprocbant  des  consommations  correspondantes,  on  en  déduit  la  consommation 
annuelle  moyenne  de  chaque  bec. 

Mombra  de  becs  d'éclairage. 


HOUBRK 

de 

BECS. 

CONSOllMATION. 
ÉCL.AIRAGB                             ÉCLAIBAOE 

privé.                               public. 

TOTAL* 

CONSOMMA 

TIO» 

annuelle 

d'un  bec. 

1884.  . 

1,716,377 

223,011,238 

18,004,346 

■241,015,584 

140 

1885.  . 

1,738,157 

221,024,978 

18,737,336 

240,362,314 

138 

1886.  . 

1,771,733 

222,759,250 

19,130,347 

241,895,597 

137 

1887.  . 

1,791,152 

227,940,871 

18,944,701 

246,885,572 

138 

1888.  . 

1,824,743 

233,410,978 

19,351,054 

252,768,632 

138 

—  367  — 

On  concliU  de  la  dernière  colonne  de  ce  lableau  que  la  consommalion  d'un  bec 
a  élé  à  pfcu  prèi  conslnnle  chaque  année.  Elle  équivaut  à  une  consonim;Uion  de  36 
à  38  litres  i)ar  jour. 

La  compagnie  parisienne  d'éclairage  et  de  cliaullage  par  le  gaz  est  tenue,  aux 
termes  de  son  contrat  avec  la  ville  de  Paris,  de  fournir  un  gaz  dont,  le  |iou  voir  éclai- 
rant suit  tel  que  la  consommation  de  25  à  27  litres  '/a  ^u  maximum,  sous  une 
pression  de  2  à  3  millimètres  d'eau,  donne  la  même  quantité  de  lumièrequelO  gram- 
mes d'huile  de  colza  é|iurée,  briîlée  pendant  le  même  temps  dans  une  lampe  carcel 
réglée  de  manière  à  consommer  42  grammes  d'huile  par  heure  (le  traité  exige  que 
la  moyenne  semestiielle  ne  dépasse  pas  25  litres). 

Les  essais  journaUers  du  pouvoir  éclairant  ont  donné  pour  résultats  moyens 
annuels  : 

En  1884 24  litres  88  pour  10  grammes  d'huile. 

1885 24    —    94  —  — 

1886 24    —    93  —  — 

1887 24    —    92  —  — 

1888 24    —    9G  —  — 

Le  pouvoir  éclairanl  du  gaz  a  donc  satisfait  aux  conditions  imposées,  avec  des 
variations  annuelles  sans  importance. 

Au  moment  de  terminer  cet  article,  il  nous  reste  à  dire  qu'en  1888  l'éclairage 
électrique  n'était  encore  qu'à  la  période  d'essai. 

Dans  le  cours  de  celte  année,  l'éclairage  électrique  appliqué  à  la  voie  pubhque 
se  composait  de  : 

14  foyers  système  Loubin  (Compagnie  Lyonnaise),  place  du  Carrousel; 

12  foyers  système  Jablochkoff,  au  parc  Monceau; 

39  foyers  système  Brush,  au  parc  des  Buttes-Chaumont. 

11  nous  larde  de  connaître  à  cet  égard  les  résultats  des  années  suivantes,  car,  dès 
à  présent,  l'éclairage  électrique  lait  bonne  ligure  à  Paris. 


2.  —  Le  prix  des  terrains  et  des  immeubles  dam  les  divers  arrondissements 

de  Paris. 

En  feuilletant  le  dernier  Annuaire  statistique  de  la  ville  de  Paris,  nous  y  avons 
trouvé  un  tableau  indiquant  les  ventes  de  terrains  par  adjudication  publique,  en  la 
chambre  des  notaires.  Nous  regrettons  qu'il  n'y  soit  pas  fait  mention  des  ventes.par 
autorité  de  justice. 

Il  nous  a  paru  qu'il  y  aurait  un  certain  intérêt  à  récapituler  ces  renseignements 
pour  une  période  de  cinq  ans,  ce  (|ui  nous  a  conduit  à  dresser  le  tableau  ci-après. 

On  ne  doit  voir  dans  ces  chiffres  que  de  simples  indications,  car  pour  obtenir  le 
viai  prix  moyen  du  îeirain  de  chaque  arrondissement,  il  iàudrait  un  nombre  d'obser- 
vations beaucoup  plus  grand  que  celui  que  nousoffrent  les  ventes  relativement  assez 
rares  qui  ont  élé  effectuées  à  Paris,  notamment  dans  les  arrondissements  du  centre. 
Il  y  a  en  eiïel  dans  le  prix  des  leirains  d'un  même  arrondissement  des  ilucluations 


—  a68  — 

souvent  énornies  qui  liennenl  aux  conditions  d'accès  de  ces  terrains,  à  leur  position 
sur  le  plan,  aux  chances  d'avenir  qu'ils  pourraient  présenter,  grâce-à  des  perce- 
ments plus  ou  moins  bien  combinés. 

Tout  ce  qu'on  peut  dire  c'est  qu'en  général,  le  terrain  est  beaucoup  plus  cher  dans 
l'intérieur  de  Paris  que  dans  les  arrondissemenis  excentriques.  Mais  là  même  on 
trouve  des  prix  assez  élevés,  notamment  dans  ceux  du  Nord-Ouest,  de  Passy  à  Mont- 
martre, à  l'exception  toutefois  de  Ménilmonlanl,  qui  échappe  plus  que  les  arrondis- 
sements voisins,  au  mouvement  de  la  concentration  parisienne. 

Un  autre  fait  ressort  du  tableau,  c'est  qu'il  a  été  fait  peu  de  percements  nouveaux 
dans  le  centre  de  Paris,  bien  que  certaines  grandes  opérations  de  voirie  s'y  imposent, 
comme  le  prolongement  de  la  rue  du  Louvre,  de  celle  du  Qualre-Septembre,  l'achè- 
vement du  boulevard  Ilaussmann,  celui  du  boulevard  Kaspail,  etc.  Il  semble  pour  le 
moment  que  les  grandes  opérations  de  voirie  affectent  principalement  les  quartiers 
ouvriers,  mais  on  ne  lardera  pas  à  être  obligé  de  songer  au  cœur  de  la  ville,  où 
la  circulation  deviendra  bientôt  impossible  si  l'on  n'opère  pas  les  dégagements 
nécessaires  qu'on  réclame  depuis  si  longtemps. 

Prix  moyen  du  mètre  de  terrain  (période  1884-1888). 


ARR0SUI8S£MEHTS. 

I".  Louvre 

II'.  Bourse 

III'.  Temple 

1V°.  Hôlel-de-Ville  .   .    . 

V.  Panthéon 

VI'.  Luxembourg  .   .    .    . 

VIP.  Palais-Bourbon.    .    . 

VIII'.  Elysée 

IX'.  Opéra 

X'.  Saint-Laurent   .    .    . 

XI'.  Popincourt 

Xll'.  Reuilly 

XIII'.  Gobelins 

XIV'.  Observatoire .... 

XV°.  Vaugirard 

XVI'.  Passy 

XVII'.  Batignolles-Monceau. 

XVIII'.  Buttes-Montmartre  . 

XIX'.  Buttes-Chaumont .   . 

XX'.  Ménilmonlanl    .   .   . 


KOUBKK 

d'adJudicaUoiu. 


3 

3 

3 

1 

3 

» 

i 

2 

3 

2 

i 

20 

14 

22 

29 

13 

y 

12 
17 

23 


187 


SUPBRFICIB 

en 
mètres  carrés. 

985 

784 

798 

587 

1,'JOl 

» 

1,495 

571 

934 

2,655 

1,446 

11,193 

9,618 

8,741 

32,090 

10,749 

8,912 

5,182 

12,558 

12,503 

123,762 


PRIX 

d'adjudicaiion. 


1,579,500 
981,750 
233,500 
241,000 
257,000 

» 
459,850 
153,500 
328,200 
420,200 
240,900 
701,636 
219,545 
878,490 
588,796 
924,900 
756,950 
646,021 
682,050 
251 ,980 

10,545,828 


r»ix 

du 

UKTRK. 

1,004 

1,252 

293 

411 

131 

» 

308 

209 

351 

162 

167 

63 

23 

100 

18 

86 

89 

125 

54 

20 


85 


Si  nous  passons  aux  immeubles,  nous  trouvons,  dans  le  même  document  qui  nous 
a  servi  pour  les  terrains,  que  pendant  la  période  de  cinq  ans  que  nous  étudions,  il 


—  361) 


en  a  élé  vendu,  par-Jevaut  la  cliambre  des  nolaires  1,182,  pour  le  prix  tolul   de 
-187,707,150  fr.,  ce  qui  ramène  le  prix  moyen  d'un  immeuble  à  158,805  fr. 

Mais  à  cet  égard,  on  peut  voir  par  le  tableau  suivant  que  les  divers  arrondis- 
semeiils  offrent  des  dissemblances  souvent  très  considérables. 

Prix  moyen  des  immeubles  vendus. 


NOHBRK 
ARRONDISSEMENTS.  des  PRIX  TOTAL. 

ADJl'DICATIOSS. 


PRIX   MOYEN. 


I 
I 


I"-  I-ouvre 52  17,381,000  3-24,200 

11°.  Bourse 60  17,302,000  288,361 

m».  Temple   ..'....  ^.    .    .  58  10,333,900  178,175 

IV°.  Hôtel-ile-Ville 73  12,533,300  171,689 

V«.  PHnthéon 56  7,707,900  137,041 

VP.  Luxembourg 56  8,330,100  148,752 

VIP.  Palnis-Bourbon 43  6,332,000  147,2.56 

VHP.  Elysée 50  22,198,900  443,978 

IX^  Opéra 73  23,926,300  327,768 

X^  Saint-Laurent 50  11,603,000  203,078 

XP.  Popincourt 51  7,903,700  156,739 

XIP.  Reuilly 38  3,247,200  85,453 

XIIP.  Gobelins 51  3,040,700  50,622 

XIV".  Observatoire 60  3,753,800  62,503 

XV°.  Vaugirard 77  2,913,500  37,837 

XVP.  Passy 67  7,023,700  118,801 

XVIF.  Batignolles-Monceau ....  72  8,008,300  123,726 

XVllP.  Bulles-Montmartre 66  4,645,100  70,380 

X1X°.  Butles-Chaumont 57  4,135,150  72,540 

XX°.  Ménilmontant 72  3,796,200  55,503 

1,182  187,707,150  158,805 

On  remarquera  le  prix  élevé  qu'ont  atteint  les  immeubles  des  8*  et  9°  arrondis- 
sements, et  le  prix  infime  auquel  sont  descendus  ceux  de  Vaugirard.  En  général,  ce 
sont  les  maisons  des  arrondissements  excentriques  qui  se  sont  vendues  le  moins 
cber.  Il  faut  en  excepter  le  17%  qui  renferme  le  beau  quartier  de  la  plaine  Monceau, 
où  le  prix  moyen  des  maisons  vendues  atteint  presque  125,000  fr. 

11  est  regrettable  que  V Annuaire  de  la  ville  de  Paris  ne  fournisse  aucune  donnée 
sur  le  revenu  des  maisons,  bien  que  ce  chiffre  soit  généralement  consigné  sur 
les  affiches  de  ventes.  Nous  serions  heureux  que  celle  lacune  pût  être  comblée  dans 
les  annuaires  à  venir. 


3.  —  Les  enfants  moralement  abandonnés  du  département  de  la  Seine. 

Le  service  des  enfants  moralement  abandonnés,  fondé  sous  les  auspices  du  con- 
seil général  de  la  Seine,  fonctionne  de|iuis  le  1"  janvier  1881.  Il  est  destiné  à  recueil- 
lir et  à  placer  en  apprentissage,  soit  chez  des  patrons  isolés,  soit  dans  de  grands 
établissements  industriels,  des  enfants  de  dix  à  seize  ans,  vagabonds  livrés  à  eux- 

1"   SÉRIE.   31"   VOL.    —    N"   la.  1,  1 


—  370  — 

mêmes  par  des  parenls  négligeais  ou  coupables,  el  que  l'aJrniiiistralion  sauve 
ainsi  de  la  maison  de  correction. 

Le  chiffre  total  des  enfants  présents  dans  le  service  des  Enfants 
moralement  abandonnés  de  la  Seine  s'élevait,  au  31  dé- 
cembre 1887,  à 2i,794 

Il  en  est  entré,  en  1888 676 

Total 3,470 

Il  en  est  sorti,  pour  causes  diverses 503 

De  sorte  qu'il  en  est  resté,  au  31  décembre  1888 2,967 

Soit  173  de  plus  qu'en  1887. 

Les  676  admissions  de  l'année  1888  se  décomposent  ainsi  au  point  de  vue  de  la 
provenance  : 

Envoyés  par  le  Parquet 40    j  ,    ,,  ,.^ 

•"      "^      ,,,.,;    .         ,        ,.  j-1    /    ,•-<•    *    tiîirçons    .    .     478 

—  par  la  Prélecture  de  police .    .     lo4    >    OiU    ■.    „ 

Présentés  par  leurs  parenls 482    ) 

Ils  peuvent  se  partager  ainsi,  suivant  les  conditions  du  milieu  dont  ils  proviennent: 

Enfants  de  parents  indigents 337 

—  —       indignes 71    ,  ,  -  •.•  crj 

,.  -K    I    „-,.    *    Legitnnes.   .     501 

—  —       disparus '5    )    o70    ■,    „,"•..  .,- 

<  I  f        1 1  IaoiIi  mue  4  i  -t 

—  —       décédés 142 

—  vicieux 51 


lUéuilimes.  .     11  û 


Quant  aux  sorties,  elles  se  décomposent  comme  il  suit  : 

Rendus  à  leur  famille 319 

/  majorité 70 

Sortis  par  '  mariage 1 

(  engagement  militaire 2    |         503 

Décédés 14 

Passés  aux  Enfants  assistés 13 

Évasions 84 

Les  enfants  que  le  service  des  moralement  abandonnés  conserve  après  la  période 
d'observation,  sont  dirigés  sur  les  divers  centres  de  placement  qui  sont  à  la  dis- 
position de  radministration,  les  uns  à  Paris  ou  aux  environs  de  Paris,  les  autres  en 
province. 

En  voici  le  détail  pour  les  2,967  enfants  assistés  au  31  décembre  1888: 

Enfants  en  observation 813    I 

—  placés  en  apprentissage 1,778    [        o  okt 

—  —     dans  les  écoles  professionnelles       301    '  ' 

—  —     dans  divers  hôpitaux 75 


—  871  - 

Ces  enfants  possédaient,  à  la  même  date,  109,428  fr.   en  livrets  de  la  caisse 
d'épargne,  soit  10,780  de  plus  qu'en  1887. 


I 


4.  —  Les  enterrements  civils  à  Paris. 

Bien  qu'il  y  ait  eu  avant  1870  quelques  tentatives  en  ce  sens,  ce  n'est  guère  que 
depuis  cette  époque  qu'on  a  fait  une  propagande  active  pour  soustraire  les  enter- 
rements au  service  religieux.  Il  nous  a  paru  qu'il  serait  intéressant  de  savoir  si  le 
nombre  des  enterrements  sans  cérémonie  religieuse  a  ou  non  augmenté  depuis 
lors.  Malheureusement  les  relevés  statistiques  relatifs  à  cette  question  n'ont  été 
commencés  qu'en  1882  ;  force  nous  est  donc  de  borner  notre  comparaison  aux  années 
1882  et  1888,  pour  lesquels  l'Annuaire  statistique  de  la  ville  de  Paris  fournit  les 
renseignements  voulus. 

Dans  ce  document,  les  convois  sans  cérémonie  religieuse  comprennent  non  seule- 
ment les  enterrements  civils,  mais  les  transports  à  l'extérieur  et  les  mort-nés  : 
dans  le  tableau  qui  suit  on  n'a  pas  eu  égard  à  ces  deux  dernières  catégories,  et  l'on 
s'est  borné  à  relever  les  enterrements  civils  proprement  dits. 


CLAB8BUBKT 

des 

COHVOIB. 


N»'  1  et  2 

N°'  3,  4  et  5  .  .  .  . 
N"'  6,  7  et  8  .  .  .  . 
Enterrements  gratuits 


Classement  des  convois. 

ANNÉE    1882. 


BSIiiaiBUX. 

221 

4,469 

20,857 

17,719 

43,266 


ENTERBEHBNTS 


4 

1,307 
3,391 

6,860 


225 

5,776 
24,248 
24,579 


11,562  54,828 


PROPORTION 

p.  100 
des 

euierrenienls 
civiU. 

1.8 
22.6 
13.9 

27.9 


21.9 


ANNÉE    1888. 


N"  1  et  2 

N»'  3,  4  et  5  .  .  .  . 
N»'  6,  7  et  8  .  .  .  . 
Enterrements  gratuits 


165 

4,222 
16,547 
18,898 

39,832 


2 
1,377 
2,298 
6,702 


167 

5,599 

18,845 

25,600 


10,379  50,211 


1.2 
24.4 
13.9 
26.2 


20.7 


On  voit,  d'après  ces  rapports,  que  la  proportion  des  enterrements  civils  a  varié 
enire  les  deux  années  de  22  à  21  p.  100,  ce  qui  équivaut  à  l'état  slationnaire.  Tout  au 
plus  peut-on  dire  qu'il  y  a  eu  une  légère  augmentation  ilans  les  enierremenls 
civils  des  classes  3,  4,  5  qui  appartiennent  à  la  population  riche  ou  du  moins  aisée, 
et  une  diminution  correspondante  dans  les  enterrements  gratuits,  dans  lesquels 
ligure.nl  en  grand  nombre  les  corps  provenant  des  hôpitaux. 


—  372  — 

Nous  étions  loin  de  nous  allendre  à  ces  conclusions. 

Il  nous  reste  à  indiquer  la  répartion  des  enterrements  civils  entre  les  divers 
arrondissements.  Nous  nous  contenterons  à  cet  égard  des  chiffres  de  1888. 


Répartition  des  enterrements  civils  par  arrondissement. 


ÀBnONOISSEUEKTS. 

I".  Louvre 

11°.  Bourse 

JI1=.  Temple 

*    1V°.  Hôlel-de-Ville.   .   . 

V.  Panthéon 

VP.  Luxembourg  .   .    . 

VII°.  Palais-Bourbon  .    . 

VIII'.  Elysée 

IX°.  Opéra 

X".  Saint-Laurent .   .    . 

XI*.  Po|)incourt  .... 

XII'.  Reuilly 

XlIP.  Gobelins 

XIV".  Observatoire  .   .   . 

XV'.  Vaugirard 

XVI'.  Passy 

XVII*.  Batignolles-Monceau 

XVIII'.  Butles-MonI  martre. 

XIX°.  Bultes-Chaumonl.  . 

XX'.  Ménilmontant.    .    . 


COKVOM 

BSLiaiEur. 


SNTEKKEMKNTS 
(nvILS. 


773 
716 

1,099 

1,845 

2,218 

1,051 

1,560 

1,371 

1,310 

3,020 

2,700 

2,979 

2,091 

2,289 

3,039 

1,099 

2,380 

3,070 

2,152 

2,458 


96 
116 
261 
472 
620 
229 
240 
199 
122 
763 
909 

1,006 
543 
641 
895 
68 
307 
880 
428 

1,578 


39,832  10,379 


869 
832 
1,300 
2,317 
2,838 
1,880 
1,800 
1,570 
1,438 
3,789 
3,609 
3,985 
2,634 
2,930 
3,934 
1,107 
2,087 
3,950 
2,780 
4,030 

50,211 


PKOPOKTION 

p.  100 

des 

eDlerremenls 

civiU. 

11 
14 
19 
20 
22 
12 
13 
13 

9 
20 
25 
26 
21 
22 
•   23 

G 
il 
22 
17 
39 


21 


Les  arrondissements  au-dessous  de  la  moyenne  sont  Passy,  Opéra,  Louvre,  Bâti- 
gnollcs,  Luxembourg,  Palais-Bourbon,  Elysée,  Bourse,  Buttes-Chaumont,  Temple, 
llôlel-de- Ville  et  Saint-Laurent.  Au-dessus  de  la  moyenne  figurent  par  ordre  crois- 
sant :  Gobelins,  Panthéon,  Observatoire,  Montmartre,  Vaugirard,  Popincourt,  Reuilly. 
Ménilmontant. 

Trois  arrondissements  de  l'ancien  Paris  se  trouvent  au  nombre  de  ceux  qui  dépas- 
sent la  moyenne,  savoir  :  le  Panthéon,  Popincourt  et  Reuilly. 


5.  —  Les  Omnibus  de  Paris  (1). 

Dans  le  numéro  d'octobre,  nous  avons  publié  un  article  sur  les  tramways  dans 
lequel  nous  avons  constaté  qu'en  1888  ces  voitures  avaient  transporté  dans  l'année 
1.30,900,650  voyageurs,  et  réalisé  par  kilomètre  une  recette  de  81,218  fr.  Si  nous 
considérons  les  omnibus  proprement  dits,  nous  trouvons  que  les  voitures  de  moins 


(l)Pour  les  tramways,  voir  Journal  de  la  Société  de  Statistique  (1890),  p.316. 


—  373  - 

de  30  places  ont  fait  par  kilomètre  une  recette  de  56,459  ù\,  et  les  voitures  à 
40  places  une  recetle  de  158,298  fr.  Elles  ont  transporté  ensemble  109,059,354 
voyageurs,  c'est-à-dire  21,000  voyageurs  de  moins  que  les  tramways. 

Comme  nous  l'avons  fait  pour  les  tramways,  nous  croyons  devoir  classer  les  dif- 
férentes lignes  d'omnibus,  d'après  le  montant  de  la  recetlejournalière  d'une  voiture. 
C'est  par  ce  moyen  que  les  inspecteurs  se  rendent  compte  le  plus  facilement  de  la 
fréquentation  respective  des  diverses  lignes  : 


1»  Grands  omnibus  (à  40  places).  —  Moyenne  :  124  fr.  32. 


Maileleilie-Bastille 1-49' 16" 

Gare  Saint-Lazare-Place  Saint- 
Michel    138  08 

Trocadéro-Gare  de  l'Est  ...  134  70 

Porte  Maillot-Hôtel  de  Ville.   .  125  26 

Ternes-Calvaire 120  59 

Gare  de  Lyon -Saint-Philippe - 

du-Rotile 120  00 


Clichy-Odéon 119^60° 

Batignolles-Jardin  des  Plantes.  115  67 

Villette-Saint-Sulpice   ....  144  22 

Passy-Bourse 112  31 

Villette-Champs-Élysées    ...  110  40 
Rond-point  des  Ternes -Cal- 
vaire    103  62 

....       99  42 


Vaugirard-Louvre , 


2»  Petits  omnibus  (26  à  28  places).  —  Moyenne  :  71  fr.  36. 


Belleville-Louvre 

Ménilmontant-Montparnasso  .  . 
Montmartre-Place  Sainl-Jacques 
Place  Wagram-Bastille  .... 
Vaugirard-Gare  Saint-Lazare.  . 

Maine-Gare  du  Nord 

Place  Pigalle-Halle  aux  Vins .  , 
Grenelle-Porte-Saint-Marlin  .  . 
Plaisance-Hôlel  de  Ville.  .  .  . 
Believille-Arts-et-Métiers  .    .    . 

Panlhéon-Courcelles 

Charonne-Place  d'Italie  .... 
Charonne-Placedela  République 


sg'Ge^ 

89  49 

87  33 

86  19 

79  15 

78  81 

74  11 

71  99 

71  38 

71  00 

69  18 

67  30 

65  27 

Gare  d'Orléans-Square  Monlliolon.   .  65  02' 

Porte  d'Ivry-Halles 62'31 

Place  de  la  République -École 

militaire 61  17 

Gare  du  Nord-Saint-Marcel.  .   ,  59  66 
Montsouris -Place  de  la  Répu- 
blique    51  74 

Grenelle-Bastille 50  13 

Auteuil-Madeleine 49  GO 

Auteuil-Saint-Sulpice 45  33 

Parc  Monceau-La  Villelte  ...  39  74 
Forges   d'ivry- Place  Saint-Mi- 
chel    20  62 


Pendant  que  l'omnibus  Madeleine-Bastille  a  transporté  dans  l'année  13,947,804 
voyageurs,  il  n'en  a  été  transporté,  des  Forges  d'ivry  à  la  place  Saint-Michel,  que 
272,902. 


T.  Loua. 


—  374  — 

V. 
L'EXPLOITATION  DE  LA  TOUR  EIFFEL  PENDANT  L'EXPOSITION. 

Notre  Journal  contenait,  dans  son  numéro  de  janvier  1889,  un  article  résu- 
mant une  conférence  de  M.  de  Foville  sur  la  construction  de  la  fameuse  Tour  de 
300  mètres;  nous  avons  désiré  être  renseigné  sur  les  résultats  de  son  exploitation 
pendant  la  durée  de  l'Exposition.  Dans  ce  but,  nous  ne  pouvions  mieux  faire  que 
de  nous  adresser  à  M.  Eiffel  lui-même.  L'illustre  ingénieur  a  bien  voulu  satisfaire 
à  notre  désir  en  nous  envoyant  la  notice  ci-après. 

c  La  tour  Eiffel  a  été  ouverte  au  public  à  partir  du  15  mai  1889. 

«  Au  début,  le  service  n'a  été  fait  que  par  les  escaliers  avec  une  moyenne  de 
3,000  visiteurs  par  jour. 

«  Le  1"  ascenseur  livré  au  public  a  été  celui  de  la  piIeEst(sy6tèmeRoux-Comba- 
luzier  et  Lepape),  mis  en  service  le  20  mai  et  conduisant  jusqu'au  1"  étage.  Les 
autres  ascenseurs  ont  été  mis  en  exploitation  quelques  jours  après. 

«  La  durée  des  ascensions  était  d'une  minute  environ  du  rez-de-chaussée  au  l"' 
étage  par  les  ascenseurs  Roux-Combaluzier  et  Lepape;  de  100  secondes  pour  le 
voyage  direct  du  sol  au  2'  étage  et  de  50  secondes  pour  le  trajet  du  \"  au  second 
étage  par  les  ascenseurs  Olis;  enfin  de  3  minutes  environ  pour  le  trajet  du  2'  au  3' 
étage  par  l'ascenseur  Edoux,  non  compris  le  temps  employé  au  transbordement  des 
voyageurs  à  l'étage  intermédiaire. 

«  Le  nombre  des  visiteurs  a  été  en  moyenne  de  11,000  par  jour  pendant  la  der- 
nière quinzaine  de  juin  et  tout  le  mois  de  juillet,  et  en  moyenne  de  14,000  parjour 
pendant  les  mois  d'août,  de  septembre  et  d'octobre.  Sur  ce  dernier  chiffre,  10,000 
environ  s'élevaient  jusqu'au  2*  étage  et  5,000  jusqu'au  sommet  de  la  tour. 

«  La  journée  la  plus  forte  au  point  de  jvue  du  nombre  des  visiteurs  a|été  le  10 
juin,  lundi  de  la  Pentecôte,  jour  pendant  lequel  il  est  entré  à  la  tour  23,202  visileurs. 

t  En  résumé,  au  6  novembre,  jour  de  la  clôture  de  l'Exposition,  le  nombre  total 
des  voyageurs  s'estélevé  à  1,953,122,  se  décomposant  comme  il  suit  : 

680,348  visileurs  qui  n'ont  pas  dépassé  le  1"  étage. 

699,630       —      qui  sont  allés  jusqu'au  2'  étage. 

573,144       —      qui  ont  fait  l'ascension  complète  jusqu'au  S°  étage. 


1,953,122  visiteurs. 

«  Cette  énorme  affluence  de  public  n'a  jamais  provoqué  le  moindre  désordre,  ni 
le  plus  petit  accident. 

t  Pendant  l'Exposition,  les  recettes  de  toute  nature  se  sont  élevées  au  total  de 
6,509,900.  fr. 

«  Les  deux  plus  fortes  receltes  journalières  produites  par  les  ascensions  sont  :  celle 
du  lundi  9  septembre  qui  a  été  de  00,750  fr.,  et  celle  du  lundi  16  septembre  qui  a 
été  de  59,437  fr. 

«  Les  deux  plus  fortes  receltes  hebdomadaires  dues  aux  ascensions  sont:  celle  de 
la  18'  semaine  (du  11  au  17  septembre),  s'élevant  à  349,796',50,  soit  une  moyenne 


—  375  — 

(le  49,971  Ir.  par  jour,  el  celle  de  la  17°  semaine  (du  4  an  10  septembre),  s'clevanl 
à  î543,7'2'2f,ûO,  soit  une  moyenne  de  49,103  (r.  par  jour. 

«  Le  personnel  d'exploitation  ne  comprenait  pas  moins  de  250  agents  de  tous 
ordres.  » 

Les  dépenses  d'exploitation  n'ayant  atteint  que  1,036,857  fr.  pendant  la  période 
de  l'Exposition,  et  les  recetles  s'étanl  élevées  à  0,509,900  fr.,  le  bénéfice  obtenu 
ressort  à  5,473,043  fr.,  c'est  473,043  fr.  de  plus  que  la  tour  n'a  coûté.  Les  action- 
naires lie  lii  tour  ont  donc  été  intégralement  remboursés,  el  leurs  actions  Iransfor- 
mées  en  actions  de  jouissance. 

Veul-on  savoir  maintenant  quels  ont  été  les  résultats  de  la  saison  de  1890  (31 
mars  au  2  novembre)?  —  394,494  visiteurs  et  696,354  fr.  50  c.  de  recelles.  —  Il 
y  a  lieu  d'espérer  mieux  pour  l'année  prochaine,  lorsque  le  Champ  de  Mars,  dont 
on  a  conservé  les  principaux  palais,  aura  repris  sa  physionomie  de  fête.  Les  visi- 
teurs continueront  alois  à  affluer  à  la  tour,  car  l'administration  a  tout  fait  pour 
exciter  leur  curiosité  et  assurer  leur  bien-être.  Pour  le  prouver,  fournissons  quel- 
ques détails  sur  les  diverses  plates-formes  de  la  tour;  on  verra  qu'elles  offrent 
chacune  un  attrait  particulier. 

Sur  la  plate-forme  du  premier  étage,  dont  la  surface  est  de  4,200  mètres,  est  dis- 
posée une  galerie  couverte  à  arcades,  qui  fait  le  tour  complet  du  premier  étage.  Ce 
piomenoir  a  un  développement  de  283  mètres  et  une  largeur  de  2"", 60.  Il  se  trouve 
à  une  hauteur  de  57"', 63  au-dessus  du  sol. 

Dans  ce  même  étage,  quatre  salles  affectées,  l'une  à  un  restaurant,  l'autre  à  une 
brasserie,  la  troisième  à  une  sorte  de  musée,  la  quatrième,  dite  salie  de  fêtes,  à  des 
concerts  ou  grandes  réunions,  peuvent  contenir  chacune  de  500  à  600  personnes. 

Au  deuxième  étage,  dont  la  surface  est  de  1,400  mètres,  règne  sur  le  pourtour 
extérieur  une  galerie  couverte  formant  un  deuxième  promenoir,  dont  le  dévelop- 
pement est  de  150  mètres  et  la  largeur  de  2"',00.  Un  bar  est  affecté  à  cette  plate- 
forme, dont  la  hauteur  au-dessus  du  sol  est  de  115"', 73. 

Au  troisième  étage  se  trouve  une  dernière  galerie  de  16"',50  de  côté  fermée  par 
des  glaces  sur  tout  le  pourtour  et  d'où  l'on  peut  observer,  à  l'abri  du  vent  et  des 
intempéries,  le  magnifique  panorama  de  180  kilomètres  d'étendue,  qui  s'y  déve- 
loppe sous  les  yeux  des  spectateurs.  Cette  plate-forme  est  la  dernière  à  laquelle  le 
public  ait  accès;  elle  se  trouve  à  276'°, 13  au-dessus  du  sol. 

Au-dessus  de  cette  salle  sont  disposés  des  laboratoires  destinés  aux  observations 
scieuliliques  et  l'appartement  particulier  que  M.  Eiffel  s'est  réservé. 

Un  escalier  en  hélice,  placé  au  centre  de  celte  plate-forme,  conduit  à  la  lanterne 
du  phare  qui  couronne  l'édifice.  Au-dessus  de  cette  lanterne  et  à  300  mètres  du 
sol,  se  trouve  la  dernière  terrasse  qui  a  I^.SO  de  diamètre.  C'est  là  qu'est  le  dra- 
peau qui  porte  si  haut  les  couleurs  de  la  France  ! 

T.  L. 


—  r376  — 

VI. 

L\  LOI  DES  CATASTROPHES  DE  M.  AUGUSTE  CflIRAC. 

M.  de  Foville  communique  en  ces  termes  au  président  de  la  Société  la  lettre  qu'il 
a  reçue  de  M.  Chirac  en  réponse  à  l'article  inséré  dans  notre  précédente  livcaison. 

LETTRE  DE  M.  DE  FOVILLE. 

Paris,  17  octobre  1890. 
Mon  cher  Président, 

Le  Journal  de  la  Société  de  statistique  vient  de  publier  l'étude  critique  qu'a  la  demamie 
de  l'auteur  j'ai  consacrée  aux  reclierches  sociomélriques  de  M.  Auguste  Chirac.  En  ré- 
ponse à  celle  publication,  M.  Chirac  m'adresse  la  lettre  ci-jointe  dont  il  sollicite  l'inser- 
tion dans  notre  recueil.  Loin  de  m'y  opposer,  j'expriuie  personnellement  lu  désir  de  voir 
la  prochaine  livraison  du  Journal  reproduire  intégralement  cette  lettre  i\  laquelle  je  n'ai 
pas,  d'ailleurs,  l'intention  de  répliquer. 

Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Chirac  ne  pourra  pas  contester  notre  impartialité,  puisque  nous 
lui  aurons  laissé  le  dernier  mot  et,  cela  étant,  vous  jugerez  sans  doute  inutile  de  déroger 
ti  nos  usages  en  organisant  un  déhat  verbal  qui  ferait  double  emploi. 

Agréez,  mon  cher  Président 

A.  DE  Foville. 

Après  avoir  pris  connaissance  de  la  lettre  de  M.  AugusteClu'rac,  le  président,  dési- 
reux de  satisfaire  au  désir  de  M.  de  Foville,  a  autorisé  l'impression  de  cette  lettre 
dans  le  Journalde  la  Société  de  statistique  à  titre  exceptionnel. 

LETTRE  DE  M.  CHIRAC  A  U.  DE  FOVILLE. 

Monsieur, 

Je  vous  dois  de  connaître  les  objections  que  l'école  ofiicielle  croit  pouvoir  opposer  à 
ma  transcription  en  langage  scientifique  des  principes  fondamentaux  du  socialisme. 

Permettez-moi  de  vous  témoigner  publiquement  ma  très  vive  reconnaissance  et  d'ajouter 
qu'ayant,  moi-même,  enqiloyé  l'épigramme,  je  trouve  absolument  naturel  qu'en  me  criti- 
quant, vous  m'ayez  rendu,  comme  on  dit  :  «  la  monnaie  de  ma  pièce  ». 

Toutefois,  au  cours  de  votre  remarquable  travail,  vous  avez  eu  soin  de  rappeler,  ce  que 
j'avais  déclaré  moi-môme,  à  savoir  :  que  si  quelqu'un,  passant  où  j'ai  pas.-é,  «  me  signa- 
«  lait  une  erreur  capable  de  détruire  mes  conclusions, \ii  m'inclinerais  parce'que,  alors,  ce 
«  serait  la  science  qui  me  l'ordonnerait  ». 

Par  cette  citation,  vous  avez  mis  en  cause  ma  loyauté,  c'est  pourquoi  je  fais  appel  à  la 
vôtre,  en  vous  priant  de  faire  connaître,  à  ceux  qui  ont  applaudi  vos  conclusions,  les 
motifs  pour  lesquels  je  n'en  accepte  pas  le  bien-fondé. 

Je  serai,  d'ailleurs,  aussi  bref  que  possible  car,  m'adressant  à  vous  et  h  la  Société  de 
statistique,  je  n'aurai  pas  à  me  préoccuper  d'expliquer,  préalablement,  les  termes  que 
j'emploierai,  sauf,  bien  entendu,  dans  le  cas  où  le  même  mot  n'évoquerait  pas  la  même 
idée  dans  mon  esprit  et  dans  le  vôtre. 

Au  surplus,  un  exemple  se  présente  aussitôt  :  vous  dirigez  voire  première  attaque  sur 
«  l'argument  favori  des  socialistes  »,  opposant  au  petit  nombre  de  ceux  qui  possèdent  le 
grand  nombre  de  ceux  qui  ne  possèdent  pas. 

Posséder,  ou,  plus  exactement,  être  nanti,  n'aurait  aucun  sens  en  économie,  s'il  n'ex- 


-  377  — 

primait  pas  la  siUiation  J'un  ôlre  «  détenant  une  source  de  revenus  périodiques  capables 
«  de  satisfaire  à  toute  sa  consommation  et  io  dispensant  d'ajouter  l'appoint  d'une  valeur 
«  créée  personnellement  ». 

Or,  d'après  vos  chiffres,  serait  possédant  le  travailleur  qui,  écrasé  par  le  déficit,  meurt 
dans  un  mobilier  que  le  fisc  pourrait  évaluer  150  ou  200  fr.  !  Ce  n'est  point  là  une  thèse 
admissible.  Klre  partiellemeni  nanti,  c'est  ôlre  salarié  d'une  jaçon  ■particulière,  voilà 
tout. 

C'est  pourquoi  vous  n'auriez  pas  dû  tirer  argument  de  la  seule  proportion  moyenne  qae 
je  me  sois  permise,  lorsque  j'ai  indiqué  :  un  quart  de  possédants,  contre  trois  quarts  de 
non-possédants. 

Vous  de  deviez  pas,  non  plus,  confondre  les  non-possédants  avec  les  dénués,  parce 
que  le  dénûment  est  chiffré  à  part,  dans  mes  formules,  et  que,  seulement  dans  la  période 
1881  à  1887,  il  a  été  évalué,  en  chiffres  ronds,  de  H  à  13  p.  100,  ce  qui  est  loin  de 
25  p.  100. 

Je  ne  puis  davantage  accepter  vos  «  400,000  successions  pour  moins  de  500,000  décès  », 
parce  que  la  dernière  enquête  sur  la  propriété  bâtie  révole  que  5,400,000  maisons  sont 
occupées,  en  tout  ou  en  partie,  par  leur  propriétaire  et  qu'en  appliquant  le  taux  de  la 
mortalité  de  1888  à  ce  nombre  de  propriétaires,  j'obtiens,  certainement,  11 9,300  succes- 
sions, dégagées  de  la  complication  des  déclarations  multiples. 

La  même  enquête  m'apprend  que  70.21  p.  100  de  ces  propriétaires  occupent  une  maison 
représentant  cent  fr.  et  au-dessous  de  revenu  locatif. 

Ce  ne  sont  pas  ceu.x-là  dont  le  capital  mobilier  pourrait  atteindre  des  proportions  con- 
sidérables. De  telle  sorte  que,  quand  j'ai  évalué  à  200,000  le  nombre  des  successions,  véri- 
tablement dignes  de  ce  nom,  j'ai  été  très  large  et  suis  très  loin  d'avoir  commis  l'erreur 
qui  m'est  reprochée. 

Mais  je  m'attarde  là  à  une  question  de  statistique  étroite  et  de  dénombrement  inutile. 

Peu  m'importe  le  nombre  des  mains  entre  lesquelles  les  capitaux  sont  répartis  ;  c'est- 
seulement  l'importance  et  la  valeur  de  ces  capitaux  qui  me  préoccupent. 

Il  résulte  de  ceci  que,  lorsque  vous  croyez  «  avoir  ébranlé  la  pierre  angulaire  de  la 
statistique  socialiste  »  vous  ne  l'avez  même  pas  effleurée.  Car,  une  erreur  de  dénombre- 
ment me  serait-elle  valablement  reprochable,  cette  erreur  laisserait  intacte  la  construc- 
tion (lu  diagramme  des  catastrophes. 

En  abordant  la  discussion  de  ce  diagramme,  vous  avez,  tout  d'abord,  donné  au  numé- 
rateur et  au  dénominateur  de  ma  fraction  des  noms  qui  ne  les  qualifient  pas  exactement: 

Circulation  a  un  sens  étroit  et  conventionnel  -,  je  dis  moi  :  «  total  des  moyens  d'échange 
existants». 

Mais,  dites-vous,  comment  M.  Chirac  fixe  t-il  l'importance  totale  et  les  variations 
annuelles  du  stock  métallique  or  et  argent? 

Je  réponds  :  pour  établir  ma  formule,  je  n'évalue  pas  ;  je  prends  tout  uniment,  chaque 
année,  déiluclion  faile  des  démonétisations,  le  total  des  monnaies  ayant  cours,  tel  que  le 
publient  réguliêremert  le  Bulletin  de  statistique  et  V Annuaire  des  longitudes. 

Ov,  je  prends  ce  ehilfre  sachant  parfaitement  qu'il  est  faux,  en  ce  sens  qu'il  est  bien 
loin  d'exprimer  la  quantité  réelle  de  monnaie  circulant  utilement.  Mais  c'est  justement  cet 
écart  entre  le  chiffre  réel  et  le  chiffre  nominal  qui  est  un  des  éléments  de  ma  formule. 
Dans  mon  nouveau  livre,  intitulé:  Oh  est  l'argent?  (en  ce  moment  sous  presse  et  que 
j'aurai  l'honneur  de  vous  envoyer),  vous  pourrez  voir  que  je  réduis  à  quatre  milliards,  à 
peine,  la  quantité  d'or  et  d'argent  circulant  véritablement  en  France  au  31  décembre  1889. 

Donc,  pas  de  discussion  théorique  sur  le  stock  monétaire;  je  prends  le  fait  tel  qu'il  est 
allégué. 

Il  y  a,  à  cela,  une  raison  de  premier  ordre  :  c'est  que  nous  ne  possédons  aucun  point 
de  départ  pour  établir  soil  la  quantité  initiale  des  monnaies,  soit  la  valeur  initiale  des 


-  378  - 

capitaux  nationaux  ;  nous  en  sommes  réduits  h  prendre,  îi  partir  dn  l'adoption  du  système 
décimal,  les  évaluations  telles  qu'elles  furent  faites,  eu  1790,  et  à  admettre  qu'à  travers  le 
désordre  des  assignats,  il  y  a  eu  un  rapport  logique  entre  les  frappes  annuelles  et  les  exi- 
gences desdélenleurs  de  tous  les  capitaux  ;  s'il  y  a  eu  une  erreur,  à  cette  époque,  nous  la 
commettons  périodiquement  et  toujours  de  la  même  façon,  ce  qui  on  paralyse  les  consé- 
quences, et  comme,  pour  ma  part,  je  ne  compare  que  des  rapports,  je  m'inquiète  peu  de 
l'exactitude  ou  de  l'inexactitude  des  chiffres  absolus. 

Il  en  est  ainsi,  principalement,  pour  l'évaluation  des  capitaux  nationaux.  Les  223  milliards 
de  francs  que  j'ai  assignés  comme  valeur  aux  capitaux  de  1881,  me  sont  toujours  apparus 
souverainement  absurdes.  Mais  c'est  eu  comniettaiil  toujours  les  mêmes  absurdités  et  en 
les  comparant  entre  elles,  que  j'obtiens  des  fluctuations  qui,  elles,  correspondent  à  des 
changements  vrai*. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain  c'est  que  si,  aux  30  milliards  de  capitaux  cadastralemeut  évalués 

en  1790.  j'ajoute  tous  les  budgets  qui  se  sont  succédé  jusqu'en  1881  par  exemple,  je  re- 

PS 
trouve  très  approximativement  le  chiffre  des  capitaux  immobiliers  que  je  lire  de-^  {{)• 

Ayant  ainsi  constaté  que  les  capitaux  se  majoraient  automatiquement,  je  me  suis  bien 
gardé  de  démajorer  le  numéraire  actuel,  en  l'isolant  du  total  frappé  depuis  l'adoption  du 
système  décimal. 

Donc,  c'est  entendu  :  comme  chiffres  absolus,  la  quantité  du  numéraire  et  l'évaluation 
des  capitaux  sont  absurdes  ;  mais,  comparées  entre  elles  à  diverses  époques,  leurs  varia- 
tions mesurent,  exactement,  la  situation  économique  et  sociale  de  ces  époques;  et  la 
preuve  c'est  qu'en  opérant  toujours  de  la  même  façon,  sur  les  quantités  de  monnaies 
accusées,  sur  le  numéraire  et  les  billets  déclarés  par  la  Banque  de  France,  sur  les  popu- 
lations recensées  elles  décès  annuellement  constatés,  j'ai  vu,  de  1831  à  1870,  toutes  mes 
courbes  coïncider  très  exactement  avec  les  crises,  historiques  et  par  suite  indéniables,  de 
1834, 1848,  1851,1870-1871,  sans  compter  les  guerres  du  second  Empire. 

Vous  pourrez  voir,  d'ailleurs,  dans  mon  livre  Oh  est  l'argent?  que  j'ai  ramené,  ;i  des 
proportions  beaucoup  plus  vraisemblables,  Tévaluation  des  capitaux  nationaux  et  qu'en 
1889,  par  exemple,  au  lieu  de  244  milliards  de  capitaux  (immobiliers,  mobiliers  et  finan- 
ciers) j'ai  pu  écrire  73  milliards,  en  ne  tablant  que  sur  la  circulation  métallique,  et 
125  milliards  Ijî  en  tenant  compte  des  billets  de  banque. 

Je  dois  aussi  vous  faire  remarquer  que  la  qualification  de  «  richesse  »  donnée  à  mon 
dénominateur  ne  correspond  pas  du  tout  aux  éléments  de  ma  formule.  Le  dénominateur 
Px  S  exprime  simplement  la  conversion  en  francs  des  choses  et  des  êtres,  car,  pour  la 
possibilité  des  calculs,  il  fallait  n'opérer  que  sur  des  unités  de  même  nature.  J'ai  adopté 
le  franc  ;  j'aurais  pu  adopter  le  mètre  ou  même  le  cube.  Mais  le  franc  est  une  valeur  faci- 
lement appréciable,  pouvant  se  plier  à  toutes  les  exigences  et  contenant  une  notion  toute 
vulgarisée  ;  c'est  pourquoi  je  l'ai  préféré. 

Donc,  mon  dénominateur,  je  l'appelle  :  valeur  des  capitaux. 

Mais  capital  n'est  pas  richesse  pour  fous  ;  s'il  constitue  un  avantage  à  ceux  qui  le  dé- 
tiennent ;  il  est  un  fardeau  pour  ceux  qui  en  produisent  la  rente. 

17  r                         ■    .,    .■                                A       ,     c        ,     3(0+N-E)M100 
Enfin  vous  avez  omis  de  faire  remarquer  que,  dans  1  a  formule    p^ , 

100  est  mis  là  pour  obtenir  un  rapport  proportionnel  ;  tandis  que  3  indique  la  capacité 
d'échange  qui  appartient,  normalement,  à  l'unité  de  monnaie,  quelle  que  soit,  d'ailleurs, 
sa  valeur  intrinsèque. 

PS 
Ceci  dit,  vous  comprendrez  aisément  que  -rr-  donne  une  évaluation  capitale  susceptible 

ft)  Voyez  1ns  ftois  de  la  république,  tome  IT,  documents,  p.  <38. 


—  379  — 

P'S' 
d'être  comparée  à    — -    ,  appartenant  à  une  autre  année,  et  qu'en  outre  yavais  raison 

de  dire  que  toutes  lea  lignes  de  mon  diagramme  étaient  le  résultat  d'un  chiffre  et  d'un  chiffre 
officiel,  dont  j'ai  indiqué  les  sources  ;  0,  N,  E,  M,  P,  S,  étant  pris  tels  quels  dans  les  pu- 
blications du  Gouvernement  {{). 

J'arrive  maintenant  à  voire  objection  portant  sur  les  six  mois  de  délai  accordés  aux 
héritiers  pour  déclarer  les  successions  et  acquitter  leurs  droits.  Cette  objection  n'e^t  pas 
sérieuse. 

D'une  part,  si  la  succession  est  importante,  je  me  fie  au  zèle  des  héritiers  pour  abréger 
le  délai  qui  les  sépare  de  la  mise  en  possession;  si  elle  est  illusoire,  son  chiffre  n'influence 
pas  les  évaluations  capitales;  et  enfin,  quand  même  le  retard  porterait  sur  la  moitié  des 
de  cujus  annuels,  la  répétition  périodique  de  ces  retards  en  annulerait  complètement  les 
conséquences  chiffrées. 

yoila  pour  l'évaluation  des  capitaux  successoraux. 

Quant  à  la  perception  de  la  taxe,  elle  m'est  absolument  indifférente  ;  à  quelque 
époque  quelle  soit  opérée,  c'est  seulement  ii  cette  époque  qu'elle  réalisera  la  majoration 
produite  par  tout  impôt,  mais  elle  n'agira  que  sur  le  budget  de  l'année. 

Donc  les  six  mois  de  retard  sont  absolument  négligeables,  car,  je  le  répète,  il  s'agit 
d'évaluer  et  non  de  dénombrer. 

C'est  même  pour  ce  motif  que  je  n'ai  point  pris  les  donations  —  ce  que  vous  me  re- 
prochez, —  parce  que  les  discussions  entre  le  fisc  et  les  héritiers  m'ofîrent  une  garantie 
de  minimum  que  ne  m'offrent  pas  les  donations. 

Votre  rappel  delà  loi  Wolowski  n'a  pas  plus  d'importance:  que  m'importe  que  les 
capitaux  se  majorent  ;)ar  Mwe/oJ,  plutôt  que  parla  simple  accumulation  de  l'impôt,  de 
l'intérêt  et  de  l'épargne?  L'essentiel  est  qu'en  se  majorant  ils  élèvent  leurs  prétentions 
et  exigent  un  plus  fort  revenu.  Cela  me  suffit;  or  c'est  à  la  majoration  de  1876,  qui  vous 
a  si  fort  étonné,  que  nous  devons  le  krach  et  la  crise  de  1882. 

Ainsi  tombe,  du  même  coup,  la  rectification  que  vous  voudriez  me  faire  accepter  pour 
les  successions  de  1870-1871. 

P  X  S 

En  effet,  si  le  chiffre  de  1870  est  si  bas  par  rapport  à  1871 ,  c'est,  d'abord,  que  dans  — —  , 

M  (les  décès)  est  diviseur  et  a  atteint  un  chiffre  fort  élevé  ;  c'est,  ensuite,  que  les  évalua- 
tions ont  été  plus  basses  à  cause  de  la  triple  crise  économique,  sociale  et  internationale. 
(En  mai  1870,  le  3  p.  100  cotait  75,10;  en  octobre  .50,80  ;  et  le  plus  grand  nombre  des 
successions  ont  été  ouvertes  dans  le  deuxième  semestre). 

D'ailleurs,  il  est  si  vrai  que  les  capitaux  successoraux  ne  sont,  pour  moi,  qu'une  mesure 
de  valeur  et  non  pas  un  dénombrement,  que  je  puis,  d'une  année  à  l'autre,  me  dispenser 
de  me  servir  des  successions,  en  remplaçant  celles-ci  par  le  taux  moyen  des  fonds  d'Etat 
durant  l'année  étudiée,  et  le  montant  du  budget  des  recettes  do  l'année  précédente,  rap- 
proché des  déficits  ou  excédents  accusés. 

J'ai  appliqué  ce  système  aux  époques  où  les  successions  me  faisaient  défaut  (1815-1825), 

PS 
après  l'avoir  contrôlé,  bien  entendu,  en  l'employant  concurremment  avec    r--    dans   la 

période  postérieure  à  1826. 

PS 
(1)  -rr  est  la  solution  de  M  :  S  ::  P  ;  C.  J'estime,  en  effet,  que  la  masse  des  décédés  n'est  pas  autre- 
ment composée  que  la  masse  des  survivants;  elle  contient,  proportionnellement  et  pêle-mêle,  des  hommes 
et  des  femmes,  des  enfants  et  des  adultes,  des  riches  et  des  pauvres,  et,  en  y  regardant  de  très  près, 
C,  calculé  de  cette  façon  et  pris,  non  comme  évaluation  mais  comme  dénombrement,  serait  plutôt  mini- 
mum  que  maximum. 


—  380  — 

Pour  ne  pas  ahiiser  de  votre  atlciilion,  je  ne  développerai  pas,  ici,  l'identilé  des  résul- 
tais que  j'ai  obtenus  par  diverses  formuiesj  dont  j'ai  banni  à  dessein  les  éléments  qui 
entraient  dans  d'autres,  alin  de  pouvoir  les  contrôler  mutuellement.  Je  me  borne  à  vous 

(lire  que  j'ai  obtenu  l'indice  2  4/4,  aussi  bien  avec    —,   ,   comme   vous    l'avez   expliqué, 

K 

qu'en  employant   tt  et  —  (B  exprimant  le  budget  de  l'année  ;  D,  la  densité  de  la  popu- 
lation) et  en  les  soumettant  à  la  formule  suivante  : 


Q  = 


Hé  bien,  lorsque  -;  égale  2  1/4,  on  trouve  constamment  que  «  + 1  met  en  relief  l'époque 

d'une  crise  intense,  presque  toujours  accompagnée  de  destructions. 

Dans  celte  formule,  vous  le  voyez,  les  successions  n'entrent  pour  rien  ;  mais  il  y  a  les 
capitaux,  sous  la  forme  de  population  et  de  territoire  ;  il  y  a,  aussi,  la  quantité  de  numé- 
raire, concrétée  par  le  budget. 

Je  crois  avoir,  ainsi,  écarté  absolument  toutes  les  bésitations  que  vous  inspire  l'Iiabitude 
des  dénombrements,  comme  aussi  l'usage  trop  hasardeux  des  moyennes  (1). 

Il  ne  me  reste  plus  maintenant.  Monsieur,  qu'à  dire  quelques  mots  de  la  façon  dont 
vous  combattez  mes  pronostics  de  1888  et  181)0. 

Quant  à  la  ressemblance  de  1888  et  de  1848,  je  me  bornerai  à  citer  le  témoignage  (non 
suspect  assurément)  de  M.  Jules  Simon,  qui,  dans  le  Slatin  du  31  octobre  1888,  com- 
mençait ainsi  un  article  intitulé  :  «  1848  et  1888  »  :  «  Il  y  a  de  grandes  analogies  entre 
«  ces  deux  époques;  je  crains  qu'elles  ne  se  ressemblent  surtout  par  la  manière  de  finir(2) .» 
Or,  la  manière  de  finir  a  été  une  réaction  que  j'avais  prévue  dès  1883  (3). 

Et  si  j'ai  écrit,  au  président  de  la  Chambre  des  députés,  ma  lettre  du  18  novembre 
1885,  c'est  que  ma  loi  des  catastrophes  m'avait  indiqué  que  nous  marchions  vers  une 
situation  économique  et  sociale  identique  à  celle  de  1848,  laquelle  serait  préparée  par 
des  scandales  équivalents  à  ceux  de  1847,  où  se  déroula  le  procès  Teste,  Despans-Cu- 
bière,  etc. 

Hé  bien,  les  procès  scandaleux  de  1887  ne  sont-ils  pas  des  équivalents  précis  des;)rocè« 
Teste,  etc.? 

L'abdication  de  Louis-Philippe  a  eu  lieu  en  février  1848  ;  celle  de  M.  Grévy,  en  dé- 
cembre 1887. 

Allez-vous  me  reprocher  trois  mois?  Et  ne  voyez-vous  pas  que  prévoir,  même  à  six  ou 
huit  mois  près,  mais  à  trois  ou  cinq  ans  de  distance,  c'est  déjà  quelque  chose  de  pré- 

(1)  C'est  la  formule  basée  sur  la  raison  des  progressions  que  (les  successions  et  d'autres  éléments  me 
manquant)  j'.ii  appliquée  au  Brésil,  à  la  Prusse,  à  VAn'jleterre.  au  Portmjal,  à  l'Italie,  etc. 

Je  saisis  cette  occasion  pour  vous  faire  remarquer  qu'en  critiquant  la  formule  de  mes  courbes,  vous 
avez  cru  qu'à  une  date  initiale  j'avais  posé  B  =  zéro.  J'ai  posé  B  =  B,par  hypothèse,  ce  qui  conduit, 
en  effet,  à  B  —  B  :=  zéro  ou,  ce  qui  revient  au  même,  D  =  zéro.  Mais,  en  tenant  compte  du  solde  pré- 
cédent, je  pouvais  avoir,  en  fait,  B  >  B,  ce  qui  m'aurait  donné  B  —  B  '=  r.  Il  aurait  fallu  alors  reporter 
X  annuellement,  ce  qui  était  absolument  inutile  et  aurait  encombré  mes  calculs,  sans,  pour  cela,  modi- 
fier d'une  façon  sensible  la  jonction  des  courbes,  excepté  dans  le  cas  où  j'aurais  pris  une  échelle  au 
moins  décuple  de  celle  que  j'ai  adoptée. 

(2)  Je  pourrais  citer  bien  d'autres  journalistes. 

(3)  Les  Rois  de  la  République,  t.  1,  p.  372. 


—  381  — 

deux,  surtout  si  vous  voulez  bien  vous  reporter  à  l'étal  mental  de  la  population  française 
en  novembre  1885(1). 

Je  ne  crois  pas  devoir  insister. 

Quant  à  1890,  vous  n'admettez  pas  l'état  spécial  de  crise  économique  qui,  pourtant 
crève  les  yeux,  surtout  après  les  métaux,  le  Panama,  le  Comptoir  d'escompte,  le  Crédit 
foncier  et  l'extraordinaire  difficulté  d'asseoir  le  budget. 

Ce  qui  vous  trouble,  c'est  le  mot  assignat  et,  tout  de  suite,  vous  me  déclarez  que, 
depuis  1885,  la  Banque  de  France  a  accru  son  encaisse  d'un  quart  de  milliard. 

Sur  ce  point  encore,  vous  allez  être  fort  surpris  quand  je  vous  dirai  que  la  circulation 
actuelle  est  plus  en  papier  qu'en  métal  et  que  vous  pourrez  lire  dans  mon  nouveau  livre: 
Oîi  est  l'argent,  la  démonstration  très  détaillée  et  très  complète  que,  là  où  les  bilans  de 
la  Banque  de  France  inscrivent  plus  de  2  milliards  et  demi  de  numéraire,  il  faut  lire 
à  peine  1,300  millions  ! 

J'entends  bien  :  selon  vous,  il  manque  à  la  réalisation  de  mes/)ro;j/ie7«es(!)  un  élément 
essentiel  :  la  tuerie,  le  massacre,  la  destruction  !  Les  destructions  n'ont  pas  encore  eu 
lieu,  heureusement,  et,  dans  tous  mes  livres,  j'ai  déclaré  qu'elles  n'étaient  ni  forcées  ni 
fatales. 

D'abord  je  ne  saurais  prophétiser  une  destruction  à  date  fixe,  parce  que,  je  fais  entrer 
dans  la  liste  de  celles  pouvant  dénouer  les  crises,  les  épidémies  les  plus  meurtrières  qui, 
celles-là,  tout  en  étant  plus  désastreuses  dans  les  époques  de  misère,  ne  dépendent  pas 
directement  des  éléments  sur  lesquels  est  basée  ma  loi  des  catastrophes. 

Il  reste  donc  deux  solutions:  les  destructions  voulues  (guerre  |intérieure  ou  extérieure) 
et  les  réformes,  dictées  par  la  formule  (suppression  de  l'intérêt  capitaliste  sous  toutes  ses 
formes). 

Or,  dans  le  passé,  j'ai  toujours  vu  qu'aux  réformes  socialistes  on  a  préféré  les  mas- 
sacres ;  les  théories  régnantes  ne  se  montrant  pas  favorables  aux  réformes  socialistes, 
comment  voulez-vous  que  je  ne  suppose  pas  qu'on  se  prépare  à  recourir  aux  massacres  à 
l'intérieur  ou  à  l'extérieur. 

Voyez-vous,  Monsieur,  le  plus  grand  obstacle  qui  s'oppose  à  l'acceptation,  par  les  gou- 
vernants, de  ma  loi  des  catastrophes,  c'est  cet  aveu,  échappé,  en  1884,  à  M.  Jules  Ferry, 
en  plein  Parlement  :  «  S'il  existait,  s'écriait-il,  une  école  économiste  ou  socialiste  possé- 
«  dant  la  solution  du  problème  de  la  misère,  il  n'y  aurait  qu'une  chose  à  faire  :  lui  remettre 
a.  le  gouvernement  tout  entier  (2).  » 

Or,  il  n'est  pas  douteux  qu'une  formule  pronostiquant  les  crises  et  indiquant  tous  les 
éléments  qu'il  faut  modifier  pour  les  paralyser,  contient,  du  même  coup,  la  solution  du 
problème  de  la  misère. 

Je  vous  demande  pardon  d'avoir  si  longtemps  occupé  votre  attention,  mais  je  devais,  à 
vous-même  et  à  ma  conscience,  de  vous  expliquer  pourquoi  je  ne  pouvais  pas  'considérer 
comme  fondées  les  objections  par  vous  formulées. 

J'ajoute,  en  terminant,  que,  si  la  Société  de  statistique  voulait  me  convier  à  une  dis- 
cussion contradictoire  qui,  je  n'en  doute  pas,  serait  présidée  par  la  bonne  foi,  je  me 
déclare  prêt  à  réduire  à  néant  toutes  les  objections  qui  me  seraient  opposées. 

Sur  ce,  Monsieur  et  en  vous  renouvelant  mes  remerciements,  je  vous  prie  d'agréer 
l'expression  de  mes  sentiments  les  plus  distingués. 

Auguste  Chirac. 

(1)  Voyez,  pour  le  surplus,  l'Agiotage,  t.  11,  p.  64  et  267.  D'ailleurs,  si  l'on  veut  préciser  les  mois, 
il  faut  se  souvenir  qa'écoHomi(juement  et  socialement,  c'est  en  septembre  et  décembre  1870  que 
l'année  a  commencé,  ce  qui  nous  reporterait  à  septembre  et  décembre  1887. 

(2)  Journal  officiel  (Chambre),  1"  février  1884,  p.  247. 


—  382  — 


Vil. 


TABLE   ALPHABETIQUE   DES   MATIERES 

CONTENUES  DANS  LE  XXXI'  VOLUME  (ANNÉE  1890). 


Accidents  (Les)  d'appareils  à  vapeur,  112.  Le  Cou- 

giÈs  (les  accidenta  du  travail,  188. 
Actions  ol  obligations  do  clieinius  de  fer  (Classe- 

nu'nt  et  répartition  des),  138. 
Agriculture  (L')  française  eu  1790  et  1882,  200. 
AHGLETEBBE  (La  mortalité  par  professious  oui, 

UG. 
Assistance  publique   (Statistique  des  dépenses 

publiques  d")  en  France,  60. 

Banque    (Opérations  de  la)  de   France   en   1889, 

27.S. 

Bibliographie.  Recherches  sur  la  théorie  des  prix, 
par  MM.  Rodolphe  Auspitz  et  Richard  Lichen,  285. 
Géographie  de  la  République  Argentine,  par 
M.  Latzina,  287.  Le  budget  du  ministère  du 
coiiimorco,  par  M.  do  Siegfried,  319. 

Bureaux  (Les)  de  statistique  du  travail  aux  États- 
Unis,  S14. 

Caisses  d'épargne  (La  clientèle  dos),  361. 
Canon  iCo  que  coûte  un  coup  de),  191. 
Cartes  à  jouer  (L'impôt  sur  les),  as. 
Catastrophes  (La  loi  des),  876. 
Chasse  (Les  permis  et  les  terrains  de),  314. 
Commerce  (Le)  de  la  France  en  1889,  347.  —  Id. 

avec  l'Italie,  317. 
Comptes  et  budgets  de  la  Société  de  statistique  de 

Paris,  100. 
Conférences  Bellechasse,  séance  d'ouverture,  8. 
Conseil  (Le)  supérieur  de  statistique,  i9g. 

Dépopulation  (I-a)  de  la  France,  359. 

Divorce  (Résultats  statistiques  de  s  années  de)  106. 

Duel    Le)  en  Italie,  234. 

EIFFEL  (L'exploitation  de  la  Tour),  374. 

Émigration  (L')  à  Marseille  en  1889,  78. 
EUROPE  (Les  chemins  de  fer  de  1')  en  1888,  284. 
Exposition  universelle  (Ce  que  la  France  a  gagné 
à  1'),  79. 

Fiscalité  (La)  alimentaire  et  gastronomique  a 
Paris,  40. 

Craphique  (L'Album)  au  ministère  des  travaux 
publics,  11. 

Graphiques  (Quelques  considérations  élémentai- 
res sur  les  constructions)  et  leur  emploi  en 
statistique,  166.  ** 


Grèves  (Les)  on  France  en  1886  et  1887,  127. 
Guyane  (La)  française,  146. 

GRAKDE-BBETAGHE  (La  production  minérale  de 
la),  317. 


privée  ot  la  mendicité  profession- 


Initiative  (L') 
nclle,  219. 

ITALIE.  La  machine  à  vapour,  283.  Concurrence 
avec  la  France,  317.  Sociétés  de  secours  mu- 
tuels, S09. 

JAPON  (La  marine  marchande  du),  351. 

Libéralités  (Les)  aux  personnes  morales.  268. 

Morbidité  (Du  la)  et  de  la  mortalité  dans  les  so- 
ciétés do  secours  mutuels  d'Italie,  307. 
mortalité  (La)  des  militaires  en    temps  de  paix, 

274. 

Mortalité  par  âge  (Quelques  observations  sur  les 
tables  de),  159. 

Rationalité  (De  la)  au  point  de  vue  du  déuom- 

bremoul  de  la  population,  69,  103. 
naufrages  (Statistique  générale  dos),  214. 
Hombre  r.  (Uccbercbes  statistiques  sur  le),  314. 

PABIS.  La  circulation  pendant  l'Exposition,  277. 
Les  tramways,  316.  Situation  générale  en  1888, 
319.  La  production  et  la  consommation  du  gaz, 
364.  Le  prix  des  terrains  et  des  immeubles,  3(i7. 
Les  enfants  moralement  abandonnés,  369.  Les 
enterrements  civils,  371.  Les  omnibus,  372. 

Population  (Mouvement  de  la)  de  la  France   en 

I8S9,  33a. 

Procès-verbaux  des  séances  de  la  Société,  1,  33, 

65,  97,  129,  161,  193,  289,  321,  353. 

B03SIE.  Le  mouvement  des  ports  russes  depuis 

50  ans,  135.  La  production  des  céréales,  278. 
Religieuse  (La  statistique)  de  Paris,  257. 

Salaires  (Les)  des  travailleurs  et  les  revenus  de 
la  France,  225. 

Secrétariat  (Le)  ouvrier  en  Suisse,  2I8. 

Société  de  statistique  de  Paris.  Liste  des  mem- 
bres, 24.  Situation  financière,  160.  Procès-ver- 
baux des  séances,  1  à  353. 

Syndicats  (Les)  agricoles  en  France,  241. 


TABLE   DES  AUTEURS. 


BERHABD  (François).  Les  Syndicats  agricoles  de 

la  France,  241. 
BIENATHÉ  (Uustave).   La  Fiscalité  alimentaire  et 

gastronomique  à  Paris,  40. 
CERISIEB  (Charles).  La  France  équinoxiale.  Notes 

et  impressions  sur  la  Guyane  française,  146. 

CHETSSOR  (Emile).  L'Album  graphique  des  tra- 
vaux publics,  11.  Recherches  sur  la  théorie  des 
prix  (article  bibliographique),  285. 

COOK  (Arthur).  La  Mortalité  par  professions  en 
Angleterre,  1I6. 


COSTE  (Adolphe).  Le  Salaire  des  travailleurs  et  le 

revenu  de  la  France,  225. 
CBISEROT  (Jules  de).  La  Statistique  des  dépenses 

puliliques  d'assistance  en  France,  60. 

DUCROCS  iTh.).  Le  principe  dé  la  nationalité,  69, 
103.  Les  libéralités  aux  personnes  morales,  218. 

FOURRIER  de  FLAIX.  La  Statistique  religieuse  de 

Paris,  257. 
FOVILLE  (A.  de).  La  Loi  des  catastrophes  de  M.  de 

Chirac,  293. 


383 


&ROSSETESTE-THIERRT.  Llnitiative  iodividuoUe 
et  la  lueiidicitô  proicssioiineUe,  X21. 

GRUNER  (limile).  Lo  Cougrés  intornalional  des 
accidents  du  travail,  200. 

HUGO  (Léopold).  Kecherches  statistiques  sur  le 
uombrez,  314. 

XELLER  (Octave).  Les  Accidents  d'appareils  à  va- 
peur, 112. 

LEVASSEUR  (Emile).  Géographie  de  la  République 
.Argentine  (article  bibliographique),  287. 

LIE&EARD  (Armand).  Le  Secrétariat  ouvrier  suisse, 
21».  Les  Bureaux  de  statistique  de  travail  aux 
États-Unis,  324. 

LOUA  (Toussaint).  La  Circulation  parisienne  pen- 
dant l'Exposition,  287.  De  la  Morbidité  et  do  la 
mortalité  dans  les  sociétés  de  secours  mutuels 
italiennes,  309.  Paris  en  1888,  38t).  Le  Commerce 


de  la  France  en  1889,  347.  La  Clientèle  des  cais- 
ses d'épargne,   301.    Variétés   parisiennes,   364. 

HETMARCK  (Alfredj.  Ce  que  la  France  a  gagné  à 
l'Exposition  universelle  do  1889,  79.  Le  classe- 
ment et  la  répartition  des  actions  et  obligations 
de  cliemins  de  for  dans  le  portefeuille,  138. 
Le  Rapport  de  M.  Siegfried  sur  le  budget  du 
Ministère  du  commerce  (article  bibliographique), 
319. 

ROT  (Alph.).  La  Dépopulation  de  la  France,  369. 

IDRODAN  (Victor).  Résultats  statistiques  do  cinq 
années  de  divorce,  106.  Statistique  générale 
des  naufrages,  214.  Le  Duel  en  Italie,  25t. 

TAUTHIER  (L.).  Quelques  considérations  sur  les 
constructions  graphiques  et  leur  emploi  en  sta- 
tistique, 166. 


Vlll. 
TRAVAUX  DE  LA   SOCIÉTÉ 

(communications,  DISCUSSIONS.  —   »  889- 1890.) 


Novembre  1889.  —  Résolution  relative  aux  con- 
férences organisées  par  lu  Société  de  statis- 
tique destinées  à  l'instruction  des  aspirants 
à  l'intendance  militaire.  —  Programme  de 
ces  conférences.  —  Translation  de  la  Biblio- 
thèque de  la  Société  au  ministère  du  com- 
merce. —  Communication  de  M.  L.  L.  Vau- 
thier  sur  les  constructions  graphiques  et 
leur  emploi.  Statistique. 

Décembre.  —  Communication  de  M.  Th.  Ducrocq 
sur  la  nationalité  au  point  de  vue  des  dé- 
nombrements de  laijopulation.  —  Discussion  : 
MM.  Turquan,  Levasseur,  Yvernès,  Liégeard. 

Janvier  1890.  —  Installation  du  bureau.  —  Dis- 
cours de  MM.  Paul  Leroy-Beaulieu  et  Oct. 
Keller.  —  Présentation  de  l'Annuaire  statis- 
tique de  la  France.  —  Communication  de 
M.  Gust.  Bienaymé  sur  la  liscalité  alimeu- 
tairo  et  gastronomique  à  Paris. 

Février.  —  Éloge  funèbre  de  M.  André  Cochât.  — 
Note  sur  la  statistique  graphique,  par  M.  Geor- 
ges Mayr.  —  Communication  de  M.  Fran- 
çois Bernard  sur  les  syndicats  agricoles. 
Discussion  :  MM.  Kergall,  G.  Martin,  de  Crise- 
noy,  Duhamel,  Robyns,  Tisserand.  —  Com- 
munication de  M.  Fontaine  sur  la  table  de 
mortalité  de  la  Caisse  nationale  des  retraites. 

Mars.  —  Discussion  sur  la  situation  financière  de 
la  Société.  —  Adoption  du  rapport  de  M.  Ney- 
marck.  —  Suite  de  la  communication  de  M. 
Fontaine.  Discussion  :  MM.  Loua,  Turquan.  — 
Communication  de  M.  Neymarck  sur  le 
classement  et  la  répartition  des  actions  et 
obligations  de  chemins  de  fer  dans. les  port u- 
feuilles. 


Avril.  —  Rapport  sur  le  transfert  du  siège  so- 
cial à  l'hôtel  des  sociétés  savantes.  —  Com- 
munication de  M.  Fravaton  sur  le  contrôle 
des  compagnies  d'assurances  sur  la  vie. 

Mai.  —  Rétablissement  de  la  subvention  de  la  VTÎIë 
de  Paris.  — Communications  ethnographiques 
du  prince  Roland  Bonaparte.  —  Communica- 
tion de  M.  Gruner  sur  le  congrès  inter- 
national des  accidents  de  travail.  —  Discussion 
du  mémoire  de  M.  Fravatou  :  MM.  Béziat- 
d'Audibert  et  Thomereau. 

Juin.  —  Suite  de  la  discussion  du  mémoire  de 
M.  Fravaton  :  M.  Marie.  —  Communication 
de  M.  Fournier  de  Flaix  sur  la  statistique  re- 
ligieuse de  Paris.  —  Communication  de 
M.  Ad.  Coste  sur  les  salaires  des  travail- 
leurs et  le  revenu  de  la  France.  Discussion  : 
MM.  Keller  et  A.  de  Foville. 

Juillet.  —  Avis  relatif  à  une  subvention  du  mi- 
nistère des  travaux  publics.  —  Le  conseil  supé- 
•  rieur  de  statistique,  par  M.  Edouard  Millaud, 
sénateur.  —  Communication  de  M.  Th.  Du- 
crocq sur  la  statistique  dos  libéralités  aux 
personnes  morales.  —  Communication  de 
M.  A.  do  Foville  sur  la  loi  des  catastrophes 
de  M.  A.  Chirac. 

Août  et  septembre.  —  (Vacances.) 

Octobre.  —  Communication  de  M.  Aug.  Vanuacque 
sur  le  mouvement  de  la  population  en  France 
pendant  l'année  1889.  Discussion  :  MM.  Bau- 
dry,  Turquan,  Flechey,  Décrois.  —  Com- 
munication de  M.  A.  Liégeard  sur  les  Bureaux 
de  statistique  du  travail  aux  Etats-Unis. 


—  384  — 


OUVRAGES   PRÉSEiNTÉS    (NOVEMBRE    1890). 

Ouvrages  signés  :  Les  Financiers  amateurs  d'art,  par  M.  V.  de  Swarte.  Paris,  Firmin- 
Didol(1890). 

Archives  de  statistique,  par  M.  G.  Mayr.  Munich  (1890). 
Les  Banques  populaires,  par  M.  Courtois.  Paris,  Garnier  frères  (1890). 
Les  Conditions  du  travail  cl  les  grèves  dans  les  houillères  prussiennes  {Annales  des 
Mines),  par  M.  Oct.  Keller.  Paris  (1890). 

Les  Caisses  d'épargne,  article  du  Dictionnaire  des  Finances,  par  MM.  Aug.  Van- 
nacque  et  J.  Breton. 

Annales  des  Assemblées  départementales  (travaux  des  Conseils  généraux  de  1889), 

tome  IV,  par  M.  Jules  de  Criscnoy. 
Les  Traités  maritimes  du  Royaume-Uni,  par  M.  W.  Rawson.  Londres  (1890). 

Documents  officiels.  Rapport  au  Ministre  des  finances  sur  les  résultats  de  l'évaluation 
des  propriétés  bâties.  Paris,  Impr.  des  journaux  olïïciels  (1890). 

Annuaire  statistique  de  la  France.  —  Treizième  année  (1890).  Publié  par  le  Mi- 
nistre du  commerce  et  de  l'industrie. 

Statistique  de  la  justice  civile  et  commerciale  du  royaume  d'Italie  en  1880. 
Rome  (1890). 

Recensement  de  la  population  de  la  Grèce  {avril  1889).  Athènes  (1890). 

Bulletins  annuels  des  finances  des  grandes  villes. 

Statistique  municipale  de  Budapest. 

Revues  et  jouknaux.  France.  Revue  des  travaux  scientifiques.  —  Revue  maritime  et  co- 
loniale. —  Le  Rentier.  —  La  Réforme  sociale.  —  L'Avenir  économiijue.  — 
Dullelin  de  l'Institut  des  actuaires.  —  Bulletin  de  la  Société  des  agriculteurs. 
—  Bulletin  des  associations  de  prévoyance.  —  Bulletin  du  syndicat  des  viticul- 
teurs. —  Le  Travail  national.  —  La  Défense  publique. 

Autriche.  —  Le  National-Œkonom. 

République  Argentine.  —  Bulletin  mensuel  de  BuenosAyres. 

Belgique.  —  Le  Moniteur  des  intérêts  matériels. 

Espagne.  —  Notices  commerciales.  —  Popolacio  e  teritorio. 

Italie.  -   L'Econoraista  (de  Florence).  —  Bulletin  de  l'administration  des  douanes. 


Nota.  —  La  Bibliothèque  de  la  Société  de  Statistique  de  Paris  est  ouverte  tous  les 
jours  non  fériés,  de  midi  à  quatre  heures  (Ministère  du  Commerce), 
80,  rue  de  Varennes. 


Le  Gérant,  0.  Beuger-Levrault. 


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t.  31 


Société  de  statistique 
de  paris 
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