^\
Digitized by the Internet Archive
in 2010 witii funding fr*m
University of Ottawa
Iittp://www.arcliive.org/details/journaldemdeci06pari
JOURXAL
BS
MEDECINE ET DE CHIPtURGIE
PSAT10U-2.5
A LrSlGE DES li£DECX<IS PEJkTICIOS
TIMIE SIXIEME-
DiPRDIlRlE DE DECOrRCB13>T,
JOURNAL
DE
MÉDECINE ET DE CHIRURGIE
PRATIQUES,
A L'USAGE DES MÉDECINS PRATICIENS.
INTRODUCTION.
En créant le Journal de Médecine et de Chirurgie pratiques ,
nous nous sommes proposé d'offrir aux médecins praticiens
un recueil qui leur fût entièrement destiné , et qui leur pré-
sentât chaque mois, dans un petit nombre de pages, l'ana-
lyse raisonnée de toutes les publications concernant l'art de
guérir. Notre but était de mettre ainsi sous les yeux de tous
le mouvement de la science et surtout de la thérapeutique,
et de ne rien laisser ignorer des efforts qui sont faits chaque
jour pour le perfectionnement de notre art.
L'accueil flatteur faitàce Journal par la classe nombreuse
des médecins pourlesquels nous écrivons, l'empressement
souteim qu'ils ont mis à encourager notre entreprise, et l'im-
mense succès que nous avons obtenu, ont assez prouvé qu'a-
vant sa publication un ouvrage de ce genre manquait à la
science, et qu'aucun des nombreux recueils qui existaient
alors ne s'adressait aux praticiens éloignés du centre de l'in-
struction; mais nous n'avons pas tardé à nous apercevoir que
la presse seule ne donnait pas une idée exacte de l'état de la
science; que la plupart des médecins placés à la tète de nos
grands hôpitaux, ceux surtout qui s'occupent de quelques
spécialités de l'art de guérir, ne publiaient point lo résultat
de leur pratique, ou que si quelques parties nous eu étaient
dévoiléespar les élèves attachés à leur service , ce n'était qu'à
dcsintervallLîS éloignéi et d'une minière Lout-à-fait incom-
plète. Nous avons donc senti la nécessité do suivre nous-
même chaque hôpital successivement, et d'y recueillir un
assez grand nombre de faits pour que de leur exposition mé-
(4)
thodique résultât la conna issance exacte des doctrines du mé-
decin ou du chirurgien sur les principales maladies qu'on ren-
contre habituellement dans son service. C'est ainsi que, sans
négliger l'analyse de toutes les publications nouvelles, nous
avons passé en revue d'abord les salles de MM. Roux et
Boyer, à la Charité, Dupuylren, à l'Hôtel-Dieu, Lisfranc,
à la Pitié. Et nous ne nous sommes pas borné à extraire au
hasard de la clinique de ces habiles chirurgiens quelques faits
isolés, quelquesobservations curieuses, telsqu'onen rencon-
tre si souvent sur ces vastes théâtres : nous avons cherché
à établir, par une suite d'exemples, les opinions de ces pro-
fesseurs sur tel ou tel sujet; à rapporter leurs préceptes; en
un mot , à exposer leur pratique , afin que nos lecteurs , ren-
contrant des cas semblables, puissent mettre à profil leur
expériences, couuiie s'ils avaient assisté eux-mêmes à leurs
leçons cliniques.
On conçoit quel intérêt doit se rattacher à une collection
qui, avant peu d'années, contiendra l'exposé exact des opi-
nions des principaux médecins et chirurgiens de Paris sur
la plupart des pointsde l'art de guérir auxquels ils se seront
attachés plus spécialement. Jusqu'à ce jour, aucun autre
ouvrage que le nôtre n'a envisagé la science sous ce rapport.
C'est en suivant cette méthode que nous avens exposé la
pratique de M. Cullerier, chirurgien en chef de l'hôpital des
Vénérien'^. INos lecteurs connaissent maintenant la manière
toute philosophique dont ce médecin considère et traite la
syphilis en général, et ils ont dû s'étonner, avec juste raison,
que depuis huit ans des changemens d'une si haute impor-
tance eussent été apportés à la thérapeutique dans un grand
hôpital, et par un praticien si justement célèbre dans le trai-
tement de celte spécialité, sans que les recueils périodiques
chargés d'enregistrer le mouvement de la science aient in-
struit le public de ces efforts et de leur résultat. C'est en nous
appuyant sur une masse de faits olïerls par l'examen conti-
nuel de deux cents malades, que nous avons exposé la thé-
rapeutique des symptômes syphilitiques primitifs, ce sera
encore par des observations scrupuleusement recueillies
daii> les mêmes salles (|ue nous ferons connaître cette année
la pratique de ce chirurgien dans les affections dites consé-
cutives.
La revue de cet hôpital sera suivie de celle des salles de
M. Ilostan ;i l'hospice clinique de la Faculté. INous cherche-
rons également , par l'exposé méthodique de nombreuses
observations, à faire connaître à nos confrères la pratique
(5)
de ce professeur, dont les leçons attirent un si grand con-
cours d'élèves.
Nous achèverons en outre de publier quelques-unes des
lerons de M. Lisfianc surdivers points de chirurgie qui n'ont
pu trouver place dans le volume précédent, et nous termi-
nerons chaque cahier par quelques articles dans lesquels on
passera successivement en revue tous les cas de médecine
légale qui peuvent se présenter à l'observation des praticiens.
M. Alphonse Devergie, professeur agrégé à la Faculté de
médecine de Paris, si honorablement connu par ses travaux
eu médecine légale, a bien voulu se charger de ce travail,
qu'il publiera sous forme de lettres, afin que le sujet soit
traité plus simplement, et que la lecture en devienne plus
facile.
Tel est le plan que nous avons suivi jusqu'à ce joui-, et
celui que nous adoptons encore pour l'année i855. Le suc-
cès flatteur dont ou a accueilli notre publication nous a per-
mis d'ajouter l'an dernier une feuille d'impression à chaque
numéro, c'est-à-dire d'augmenter le Journal d'un tiers
sans rien changer au prix fixé dès le principe. Le nombre de
nos souscripteurs s'étant encore accru depuis ces nouvelles
dispositions, nous continuerons de donner à notre recueil
la même étendue, pour ne rien négliger de ce qui peut être
utile aux praticiens.
ART. 965.
Considérations sur C emploi d'une pâte destinée à détruire les tu-
meurs cancéreuses. — Effets du sublimé en poudre dans les
mêmes circonstances.
M. le docteur Cancoin a annoncé à l'Académie que, depuis
dix ans, il employait avec succès, contre les cancers, une
pâte phagédénique avec laquelle il détruisait les tissus, en mo-
difiant son action au point d'atteindre exactement à la pro-
fondeur qu'il désirait. Cette pâte, pi'éférable, suivant ce mé-
decin, à tous les autres caustiques, est distinguée par troi?
numéros, suivant le degré d'activité qu'on veut obtenir, et
est ainsi composée :
Pâte n" 1 .
Pr. Farine, deux parties ;
Chlorure de zinc, une partie.
(6)
Pâte n° 2.
Pr. Farine, trois parties;
Chlorure de zinc, une partie.
Pâte n' 5.
Pr. Farine, quatre parties;
Chlorure de zinc, une partie.
On forme de ce mélanpe une pâte en y ajoutant la plus
petite quantité d'eau possible, et on en étend sur la partie
malade une couche plus ou moins épaisse, suivant la pro-
fondeur A laquelle on veut pénétrer. Mais pour donner à
cette pâte la consistance d'une cire molle, il est nécessaire
d'ajouter une certaine quantité de beurre d'antimoine.
Réfleocions. On sait que de tous les caustiques employés
pour détruire les tumeurs cancéreuses, la pâte arsenicale
est presque le seul auquel les praticiens aient encore re-
cours, ujalgré les dangers reconnus de son application. La
pâte phagédénique annoncée a donc dfi paraître ime décou-
verte précieuse à l'Académie, qui a nommé, pour l'exami-
ner, une commission composée de MM. Amussat, Sanson
et Lisfranc^ TSous reviendrons sur ce sujet lors du rapport
qui en sera fait par ces chirurgiens; mais nous devons ajou-
ter, en attendant leurs concluMOtis, qu'à la séance suivante,
M.Velpeau, qui avait d'abord parlé eu faveur de M.Caucoinet
de sa découverte, s'est vivement élevé contre la conduite de
ce médecin qui, comprouietlant la dignité de sa profession,
se fait annoncer dans les journaux politiques, distribue des
prospectus, etc. Il a fait observer, en outre, que la commu-
nicalion laite à l'Acadéniie était tout-à-fait incomplète; que
la pâle, telle que la formule en a été indiquée, n'a pas d'ac-
tion sur la peau, si on n'a le soin d'enlever sou épidémie;
enfin, que l'hydrochloralc de zinc jouit, contrairement à l'o-
pinion émise j)ar M. Cancuin, de propriétés semblables à
celb-s du chlorure. Plusieurs échantillons de ces diverses
pâles, préparées par M. Velpeau, ont été uiontrés à l'Acadé-
mie. Voici la formule dont ce médecin s'est servi :
Pâle de chlorure de zinc,
Pr. Chlorure de zinc, cent parties;
Farine, cinquante parties.
(7)
Pâte d' hydrochlorate de zinc.
Pr. Hydrochlorate de zinc, cent cinquante parties j
Farine, cinquante parties.
Il faut ajouter, dans la préparation de ces deux pâtes, la
plus petite quantité d'eau possible, pour les rendre molles et
(luctilos. Leur action est à peu près la même; mais la der-
nière ^era toujours préférée, puisque l'hydrochlorate de zinc
est inflninaeiit moins cher que le chlorure.
Quelles que soient les conclusions de la commission qui va
se livrer à des expériences sur la pâte de M, Cancoin, nous
devons rappeler que M. le docteur Ordinaire, médecin à
Saiut-Laurent-les-Mâcon, nous a adressé, l'an dernier, quel-
ques observations sur l'emploi d'un autre caustique dans des
cas semblables, observations qui ont été insérées à notre ar-
ticle 847. Nous voulons parler de la poudre de sublimé, qui
aurait, suivant ce médecin, la propriété de ronger, de dé-
truire les tissus sans qu'il survienne par l'absorption aucun
trouble dans l'économie. Ce moyen, suivant notre corres-
pondant, peut être employé sans aucune espèce de danger
par les uialades, dans les cancers ulcérés de diverses parties
du corps, et de l'intérieur même de la bouche, et nous dou-
tons que la pilte de M. Cancoin soit d'une application plus
facile. Plusieurs médecins, ayant lu l'article que nous venons
de citer, ont répété ces expériences, et s'en sont parfaitement
bien trouvés. heBulletinyiiédical de Bordeaux a annoncé qu'un
chirurgien de cette ville avait employé le sublimé dans un
cas de cancer, d'après la méthode indiquée par M. Ordinaire,
et avait également réussi. A l'hôpital des Vénériens, M, Cul-
lerier en a fait usage chez trois sujets, et, nous devons Je
dire à l'avance, dans les conditions les plus défavorables.
L'un de ces malades était un jeune homme entré à l'hôpital
avec deux bubons ulcérés, contre lesquels, pendant cinq
mois, on a employé tous les moyens imaginables. Le bubon
du côté gauche présentait un trajet flsluleux qui conduisait
au pubis évidemment carié. L'autre offrait un ulcère de la
largeur de la paume de la main, couvert de bourgeons de
mauvaise nature, saignans, de couleur blafarde, et résistant
à tous les moyens de cicatri:>alion. Trois ou quatre grains de
subliiné en poudre furent répandus sur un point seulement
de l'ulcère. Le lendemain une escarre de la largeur d'une
pièce de quarante sous s'était formée. La plaie fut recouverte
(8)
d'un cataplasme émoUient, et au bout de quelques jours l'es-
carre étant tombée, laissa voir une surface rouge, vermeille,
qui bientôt se recouvrit de bourgeons charnus de bonne na-
ture. Encouragé par cette amélioration, M. Cullerier ré-
pandit de la poudre sur le reste de l'ulcère. Il n'en résulta
d'autre eflet qu'une douleur locale assez vive, et à la chute
de l'escarre, la plaie se cicatrisa.
Un jeune homme, couché à quelques lits plus loin, portait
à la cuisse gauche un ulcère de la largeur des deux mains
réunies. Quelques grains de sublimé furent répandus sur un
coin de cette vaste plaie. La surface, ainsi cautérisée, pré-
senta un meilleur aspect après la chute de l'escarre ; mais
il était évident qu'un exutoire de ce genre, qui datait de plu-
sieurs années, et qui avait amené le malade à un état d'éma-
ciation telle qu'il ne restait plus d'espoir de guérison, ne
pouvait être cicatrisé par l'emploi de ce moyen. Cette cau-
térisation ne fut pas répétée.
Dans la salle voisine est encore couché un homme d'une
quarantaine d'années, dont le corps est couvert de cicatrices
et d'ulcères résultant du développement de tubercules plu-
tôt scrofuleux que syphilitiques. L'un de ces ulcères, situé
au coude gauche, a été cautérisé à plusieurs reprises avec le
sublimé, et bien qu'il soit appuyé sur un noyau d'engorge-
ment qui le mette ainsi dans les circonstances les plus défa-
vorables, on en a obtenu la cicatrisation presque complète.
Ln autre ulcère, situé à la cuisse du même côté, traité de la
même manière, touche également à la guérison. Les autres
points ulcérés qui sont disséminés sur le corps, et qu'on a
combattus avec les moyens généralement usités, n'ont fait
aucun progrès vers la cicatrisation.
M. Cullerier se borne à répandre le sublimé en poudre
sur l'ulcère, dans u\^c quantité de six à dix grains, et à
recouvrir le tout avec une compresse, en faisant garder le
repos. La douleur produite est assez vive, et se prolonge or-
dinaireme.it pendant toute la journée. Le lendemain on re-
couvre avec un cataplasme émollienl l'escarre, qui ne tarde
pas ù tomber.
Ces diverses expériences, jointes à celles qui ont été pu-
bliées à notre art. 817, nous permettent donc d'espérer que
le sublimé en poudre peut remplacer toutes les pâles phagé-
déniques, dont la eompositioa reste toujours plus ou moins
secrète, et que tous les praticiens ne peuvent pas d'ailleurs
se procurer.
(9)
ART. 966.
Du. coryza chronique et de l'ozène non vénérien ( analyse ).
M. le docteur Cazenaye a publié sous ce titre une bro-
chure dans laquelle il propose une nouvelle méthode de
traiter le coryza chronique, appuyant sa théorie d'un grand
nombre d'observations dans lesquelles elle lui a réussi. Déjà,
à notre article 409, nous avons parlé des succès obtenus
par ce médecin , et des divers cas dans lesquels sa méthode
était applicable : nous allons revenir sur ce sujet , qui offre
une grande importance pour la pratique.
M. Cazenave, étudiant les divers cas de coryza chronique
qni se présentaient à son observation , remarqua d'abord
que tous les accidens étaient dus à l'épaississement de la
membrane pituitaire, et par suite à l'obstacle mécanique
que cette membrane apportait à la sortie du mucus. Il re-
connut en outre que les malades rapportaient toujours leur
gêne, le sentiment de pesanteur et leur enchifrènement, à la
racine du nez, à la criblure ethmoïdale, et à une portion du
reste de la paroi supérieure des fosses nasales; que dans ce
point, la muqueuse était presque toujours épaissie; que chez
quelques-uns même les narines étaient complètement obs-
truées. Il espéra donc par la cautérisation pouvoir ramener
cette muqueuse à son état normal, et à cet effet il choisit le
nitrate d'argent, dont l'action favorable avait déjà été re-
connue dans les affections coueuneuses du pharynx, des
fosses nasales, etc.
Cette cautérisation ne doit d'abord être pratiquée, suivant
l'auteur de cette brochure, que sur ce point, qui, dans un
très-grand nombre de cas, est l'unique siège du mal. Si plus
tard on voit que l'odeur infecte ne s'amende pas ou ne change
pas de nature, on promène le nitrate d'argent dans toutes
les directions où l'on peut faire pénétrer le porte-caustique.
L'opérateur doit avoir soin d'humecter par des fumigations
émollientes les fosses nasales quand elles sont trop sèches,
ou d'absterger la trop grande quantité de mucosités qui peu-
vent les tapisser, et lorsqu'il ne peut parvenir sur tous les
points malades, il doit recourir à la solution plus ou moins
concentrée de nitrate d'argent, en la portant sur les parties
avec un pinceau, ou en l'injectant avec une seringue. Cette
(10)
solution doit être composée de quatre grains de nitrate d'ar-
gent sur une once de véhicule ; on augmente successivement
la dose du caustique jusqu'à un demi-gros.
La niélhode que nous venons d'exposer est appuyée sur
une trentaine d'observations consignées dans ce Mémoire,
et ces faits sont assez nombreux sans doute pour mériter de
fixer l'attention des praticiens. TNous allons en rapporter
quelques-uns choisis dans les différens degrés du coryza.
On rencontre fréquemment dans le monde des individus
qui sont habituellement enchifrenés, dont la voix est /iasonnre,
et qui ne peuvent ni parler ni lire haut sans se fatiguer beau-
coup. Telle était la position d'un avocat qui, ne pouvant
travailler auprès du feu sans s'endormir, s'habitua à prendre
du tabac pour se tenir éveillé. Ce moyen lui réussit assez
bien dans les premiers temps, mais au bout de deux mois
ses narines se desséchèrent et se bouchèrent graduellement.
Les choses en arrivèrent au point que ce jeune homme ne
pouvait presque plus se livrer au travail du cabinet sans
éprouver bientôt de l'embarras et de la douleur à la racine
du nez, suivis d'une céphalalgie frontale. Lorsqu'il plaidait,
sa voix était en outre fortement nasonnèe. Les moyens ordi-
naires ayant été inutilement employés, M. Cazenave fit cesser
l'usage du tabac, et cautérisa la membrane pituitaire tous
les trois jours, pendant un mois. Au bout de ce temps, le
malade était entièrement débarrassé de ces incommodi-
tés (i).
(i) Parmi les nombreuses observations rapportées par M. Cazenave,
celle-là nous a paru remarquable, noo tant par le succès obtenu à l'aide
de la cautérisatiiin. «{tie par la cause qui a déterminé et entretenu le
coryza cbronique. Il est beaucoup de personnes, en ellel, qui croient
se débarrasser d'un encliirrénement habituel p;ir l'eujploi de la pou-
dre de tabac ; les secousses d'éternuement et l'abondante sécrétion
que cette jioudre déleruiine d'abord peuvent bien apporter quelque
soulagement dans le principe de son administration; mais la muqueuse
nasale, continuell<:ment irritée, iinit |)ar s'épaissir, oblitérer les con-
duits qui donnent passa^^e à l'air, et produire enGn tous les accidens
du coryia cbronique. 1^'observation suivante viendra à l'appui de ce
que nous avançons; elle a été publiée dans le re(;ueil de la Société
royale de médecine de Marseille, par M. Serène, doeteurcn médecine
a Toulon.
Une fenimi- de soixante-deux ans consulta ce médecin dans le cou-
rant de novembre 1827. Klle se plaifçnait d'éprouver, depuis le com-
mencement de l'élc pasiié, tous lis accidens du coryza. La malade
était obligée de tenir constamment la boucLc ouverte, car l'air ne pou-
(«0
On n'aura sans doute occasion de cautériser la muqueuse
nasale que dans un bien petit nombre de cas, pour cause de
rhinite chronique simple; un traitement anliphlogistique et
révulsif bien entendu devant suffire presque constamment
pour amener la p;uérison; mais ce moyen sera précieux lors-
que le coryza chronique est porté au point de produire des
accidens graves, qui résistent le plus souvent à tous les
moyens de l'art. C'est ainsi que M. Cazenave a guéri par la
cautérisation un homme âgé de cinquante-quatre ans, qui,
depuis quatorze ans, portait un coryza chronique avec odeur
di: punais. L'exploration avec le crochet mousse fit seulement
reconnaître un gonflement de la muqueuse qui obstruait
presque entièrement le passage de l'air. « Dans ce cas, dit
l'auteur du Mémoire que nous analysons, je commen-
çai les cautérisations sur l'une et l'autre narines à l'origine
de la membrane de Schneider, que j'usai peu à pevi : au fur
et à mesure que les escarres tombaient, et que j'avançais,
le diamètre des narines augmentait; le malade respirait plus
lacilement, et l'odeur de panais s'amendait un peu en chan-
geant de nature. Quand je fus arrivé à la racine du nez , la
vait passer dans le canal aérien par les narines et les fosses nasales:
il en résultait un état de sécheresse fort incommode dans la bouche, et
une assez vive céphalalgie frontale. Dans le principe de cette maladie,
elle s'était mise à prendre du tabac pour se désobstruer les narines, et
était parvenue graduellement à en consommer une très-fjrande quan-
tité chaque jour; mais loin de respirer plus librement, elle vovait, au
contraire, son état empirer. La muqueuse nasale était effectivement
boursoudlée, d'un rouge très-vif, et très-sensible à la moindre pression.
Le rétrécissement des narines était tel, qu'elles eussent à j)eine permis
l'introduction d'une sonde de calibre ordinaire, M. Serène commença
par prescrire la cessation absolue de l'usage du tabac, et l'applicatio'n
de quatre sangsues à l'ouverture de chaque narine. Des injections fu-
rent pratiquées avec la décoction de racine de guimauve, et on plaida
un vesicatoire à la nuque. La guérison définitive eut lieu dans dix
jours.
M. Serène se demande avec raison si l'usage du tabac dans le co-
ryza chronique ne peut pas favoriser le développement de certains po-
lypes, «;n enticlenant une irritation [)ermanente de la muqueuse na-
sale. Il est probable que l'application d'une poudre irritante sur la
muqueuse déjà enflammée a , dans un certain nombre de cas, donné
naissance à des polypes; mais ce que l'on peut afïîrmcr, c'est que les
observations de coryzas chroniques entretenus piir son usage sont si
In quentes, qu'il suffit d'indiquer cette cause aux praticiens pour qu'ils
en trouvent autour d'eux une Ibule d'exemple».
( !Voie du rédact. )
(.2)
mauvaise odeur disparut, comme par enchantement, en cinq
cautérisations. Le malade se moucha beaucoup, respira lar-
gement par le nez, et lut complètement guéri après uu mois
et demi de traitement. »
Un pareil succès a été obtenu chez un homme do quarante-
cinq ans, qui offrait depuis trois années une odeur do punais
si repoussante, qu'il nepouvaitplus avoir de rapports avecqui
que ce fût. Lnpelitcrochetmousse, promenésurlesparois de
la cloison et sur la voûte des fosses nasales, demeura accroché
à l'un des bords d'ime ulcération. On recourut inutilement à
tous les moyens usités en pareil cas ; six cautérisations faites
sur l'ozène, en mettant trois jours d'intervalle pour chacune
d'elles, suffirent pour faire presque disparaître l'odeur et
faire changer le mucus d'aspect et de consistance. Quatre
cautérisations ultérieures, faites sur toute la circonférence
de la narine droite, firent enfin complètement cesser l'odeur,
qui n'a jamais reparu depuis.
Ce moyen a encore été suivi de succès dans plusieurs au-
tres cas de coryza chronique avec ozène, odeur de punais,
et même caried'une portion duvomer.Les bornes de cet ar-
ticle ne nous permettent pas d'analyser ces faits intéressans;
mais nous ne pouvons passer sous silence le suivant, qui
offrira plus d'une considération pratique importante.
Un jeune homme contracta en 1822, à Paris, deux chan-
cres sur le gland et un bubon; il prit la liqueur de Van-
Swieten et les sudorifiques, et guérit assez rapidement;
mais bientôt ne se croyant pas débarrassé, quoique rien ne
décelât la présence du virus syphilitique, il se confia à des
charlatans qui lui administrèrent successivement toutes les
préparations mercurielles connues ou secrètes.
L'année suivante , ce jeune homme ayant été faire vn
voyage dans le (nidi, se persuada de nouveau que le vii'us
vénérien n'était pas entièrement éliminé de ses humeurs, et
il trouva des médecins qui lui donnèrent encore des prépa-
rations mercurielles, les préparations d'or du docteur (]hres-
tien et quelques remèdes secrets. Des Iraitemcns si multi-
pliés n'avaient cependant pas altéré sa santé, lorsqu'à la fin
de 1829 > •^**- j*^"nc homme eut des relations avec une femme
suspecte ; quelques jours après, il lui survint des boutons
sur le corps, et ce malheureux s'imagina aussitôt qu'il avait
ime .syphilis conslilutionnelle que rien ne pourrait guérir.
Des médecins l'ayant cru sur parole , recommencèrent l'ad-
ministration variée des préparations mercurielles.
Sous l'influence de ces traitemens, répétés avec une opi-
(i3)
niâtreté si déplorable, survinrent enfin d'affreux accidens:
un coryza chronique lui enleva l'odorat et le goût. Des ma-
tières purulentes, sanieuses et infectes s'écoulèrent jour et
nuit des narines ; des fragmens d'os cariés tombèrent, et l'o-
deur de punais fut portée à son comble. De nouveaux méde-
cins, consultés alors, ordonnèrent encore des médicamens
syphilitiques, et enfin, en dernier lieu, le rob de Laffecteur
fut administré sans plus de succès. •
Nous dirons, pour abréger cette intéressante observation,
que M. Cazenave, consulté à cette époque, supprima tout
traitement mercuriel, et fit l'application de sa méthode par
la cautérisation. Il obtint une amélioration considérable, et
ce jeune homme le quitta presque guéri de cette grave af-
fection ; mais il ne tarda pas à retomber dans l'état où il
était avant son traitement. S'étant enfin rendu à Paris, il fut
guéri par des moyens inconnus à M. Cazenave, mais sa^ns
avoir pris de nouvelles préparations mercurielles (i).
Nous regrettons de ne pouvoir rapporter les sages ré-
flexions de l'auteur sur la nature de cette maladie et les
nombreux traitemens qu'on s'est obstiné à prescrire.
(i) Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur un fait aussi curieux
qu'instructif. Il démontre qu'à Paris, comme dans le midi de la France,
on rencontre encore des médecins qui, sur le plus léger indice et même
sans qu'aucun symptôme vienne justifier leur détermination (puisque
dans le cas cité, rien, absolument rien, suivant M. Cazenave, n'annon-
çait la présence d'un virus vénérien), il en est, disons-nous, qui soumet-
tent leurs malades à l'administration répétée des mercuriaux sous
toutes les formes. jNous publierons dans le courant de cette année plus
d'un exemple de ce genre, mais il en sera peu sans doute dans les-
quels on aura fait un si prodigieux abus du mercure. Quelle constitu-
tion aurait pu résister à une médication si incendiaire? C'est adminis-
trer en aveuLîIe un remède puissant, et que quelques médecins de nos
jours veulent rejeter de la pratique, uniquement parce qu'on en abuse
de la plus étrange manière.
Les désordres produits par l'adrainislration des mercuriaux ne sont
pas encore tellement bien spécifiés qu'on puisse dans tous les cas les
distinguer de ceux produits par la vérole ; mais il est hors de doute que
les exosloses, la carie, certaines ulcérations graves de la gorge et du
nez, sont dans un grand nombre de cas les elFcts du remède et non de
la maladie, et cette proposition, qui pourra choquer les opinions de
quelques-uns de nos confrères, sera résolue, comme toutes les questions
controversées, par des faits dont ils apprécieront la valeur. Nous
croyons donc pouvoir attribuer à la prodigieuse quantité de mercure
consommée par le jeune homme dont on vient de lire l'histoire les ac-
cidens déplorables qui se sont manifestés.
(iV. du H.)
(»4)
La brochure de M. Gazenave,s'adressant directement aux
praticiens, sera lue avec d'autant plus d'intérêt que les faits
qu'elle contient sont classés avec ordre et exposés avec clarté :
c'est à l'expérience à démontrer si la méthode ((ni nous est
proposée aura autant de succès dans nos mains qu'elle pa-
raît CQ ayoir eu dans celles de son inventeur.
ART. 967.
Considérations sur l'empoisonnement de sept chevaux par
l'arséniate de potasse.
Le dernier numéro des Annales d'hygiène contient un Mé-
moire lu à l'Académie royale de médecine, par M. Bonley
jeune, vétérinaire à Paris, sur un empoisonnement de plu-
siem-s chevaux par l'arséniate de potasse. Cet empoisonne-
ment a donné lieu à plusieurs considérations pratiques im-
portantes.
IJnroulier, chargé de transporter au domicile d'un négo-
ciant quatre paquets de marchandise*enveloppées de papier
gris, et pesant vingt-cinq kilogramiijes cliacun, les déposa
le soir dans son écurie. Trois furent placés ;'i terre, mais le
quatrième, qui était percé dans son fond, lui déposé sur un
tonneau non fermé, et rempli d'avoine. Le lendemain malin
ces quatre sacs furent enlevés et placés dans une charrette,
avei; trente pains de sucre destinés à un épicier.
Cependant on distribua comme à l'ordinaire, ;\ sept che-
vaux qui étaient dans l'écurie, l'avoine contenue dans le ton-
neau. On re .larqua qu'ils mangeaient avec moins d'avidité
que de coutume, quoiqu'ils achevassent tous dans la journée
la quantité qui leur ètail destinée. L'un de ces chevaux, qui
était parti pour Versailles, tomba subitement sur la roule,
entre onze heures et minuit. Son conducteur s'empressa de
lui porter des secours, mais il mourut presque immédia-
tement.
Les six autres chevaux rentrèrent de l'ouvrage sur les
sept heures. On leur donna à manger du son et du foin ;
mais, à minuit, ils furent pris de diarrhée et ilc violentes
coliques. Un maréchal, appelé sur-le-cliainp, examina l'a-
voine, et remartjua qu'elle contenait de petites pierres blan-
ches. Il eu goûta une avec précaution, et ayant reconnu
qu'elle était fort amère, il déclara, à tout hasard, que les
chevaux étaient empoisonnés.
(i5)
Le grainetier qui avait fourni l'avoine assura que la mar-
chandise qu'il avait livrée ne contenait rien qui pût être nui-
sible aux animaux; il goûta, même sans précaution, une de
ces prétendues pierres, qui lui causa d'assez violentes co-
liques.
Enfin, M. Bouiey ayant été appelé, reconnut que la sub-
stance mêlée à l'avoine était de l'arséniate de potasse. Tous
les chevaux étant déjà ou morts ou près de succomber, le
tritoxide de fer hydrate fut administré à trois d'entre eux,
qui restaient encore vivans (i), à la dose d'un litre environ.
Le premier mourut six heures après avoir pris cet antidote,
le second ne succomba qu'au bout de trente-sept heures, et
enfin le dernier vécut jusqu'au huitième jour.
Réflexions. Nous avons dit à notre article gSS que cet in-
succès n'infirmait aucunement les résultats obtenus par plu-
sieurs médecins dans l'empoisonnement par les préparations
arsenicales, i" parce que l'antidote a été administré à une
époque où le poison derait être absorbé, et porté dans le
torrent de la circulation ; 2° parce que la dose employée n'é-
tait pas assez forte pour la quantité du poison. Ce ne fut en
effet que le lendemain de l'ingestion de la substance véné-
neuse, et lorsque les animaux qui avaient survécu se trou-
vaient dans l'état le plus déplorable, qu'on administra le
tritoxide de fer, et il est permis de croire que la prolongation
de la vie de celui qui offrait encore quelques chances de gué-
rison a été due à son action, qui n'a pas pu s'étendre d'ail-
leurs aux portions du poison qui n'étaient plus dans l'es-
tomac.
L autopsie qui fut faite de ces sept animaux offrit aussi
quelques particularités importantes pour la pratique. On
trouva chez tous une inflammation plus ou moins étendue
du tube intestinal, et quelquefois les autres organes étaient
pareillement altérés. Chez tous des ecchymoses nombreuses se
remarquaient à la base du ventricule gauche du cœur. Cette cir-
constance est fort importante à noter; car souvent les ex-
(i) M. Labarr.ique, auquel on s'adressa pour se procurer cette sub-
stance, n'en ayant point à sa disposition, piit du sulfate ilererducom-
noerce qui, avant été exposé pendant long-temps à l'air, avait passé en
partie de l'état de protosulfate à l'état de persidfale ; ce sel fut dissous
dans l'eau, puis précipité par l'alcali volatil. On oljtint ainsi un tri-
toxide de fer hydraté, mêlé à des hydrates de protoxide et de dcu-
toxide.
( i6)
perts négligent de constater l'état de la membrane interne
de cet organe, et cependant les auteurs de médecine légale,
et en particulier M. Orfila, ont signalé cette lésion, qui se
rencontre assez fréquemment après l'empoisonnement par
les préparations arsenicales.
INous devons aust^i faire remarquer que les matières con-
tenues dans le tube intestinal du premier cheval, mort treize
heures après l'ingestion du poison, n'ont présenté ù l'analyse
aucune trace d'arsenic; il est probable que la diarrhée abon-
dante que l'on a observée chez tous ces animaux aura com-
plètement vidé les intestins de toute la matière vénéneuse
qu'on y aurait rencontrée plus tôt.
L'annonce d'un contre-poison de l'arsenic a fait sensation
dans le monde médical ; des chimistes se sont empressés de
soumettre à de nouvelles expériences un aussi précieux an-
tidote. M. Orflla, entre autres, a déclaré à l'Académie qu'il
était convaincu des propriétés attribuées par MM. Bunsen
et Berthold au tritoxide de fer hydraté. Avant peu, sans
doute, il ne saurait rester d'indécision à cet égard, car les
savans de tous les pays s'occupent avec activité de cette im-
portante question. Nous allons rapporter, dans l'article sui-
vant, des expériences qui ont été tentées en Angleterre, et
qui ne semblent pas promettre d'aussi beaux résultats que
ceux annoncés par M. Orlila.
ART. 968.
Expériences tentées avec le tritoxide de fer hydraté pour con-
stater ses effets comme antidote dans l'empoisonnement par l'a-
cide arsénieux.
On trouve dans le journal anglais London médical Gazelle,
une lettre adressée au rédacteur par le docteur Brett, qui
s'est occupé de quelques recherches sur l'antidote de l'arse-
nic, présenté par MM. Bunsen et Bcrlhold, (leGœllingiu; (1).
Ce médecin a voulu s'assurer si le liiloxide de fer hydraté,
s'unissant à l'acide arsénieux, formait un composé insolu-
ble dans l'estomac, et voici les expériences auxquelles il s'est
livré :
(1) Voy. :irl. «j.V").
(17)
1° Deux grains et demi d'arsenic ( acide arsénieux ) ont
été administrés à un lapin de moyenne grosseurà neuf heu-
res vingt minutes du matin. Aucune nourriture ne lui a été
donnée pendant les i^ix ou sept premières heures, durant les-
quelles l'animal est resté très-bien portant; après cet inter-
valle on lui a oilVi t une petite quanlité de nourriture qu'il a
mangée avec avidité. A dix heures du soir l'animal pa lais-
sait encore en bon état, mais le lendemain matin, à huit heu-
res, il fut trouvé mort. Les veines jugulaires en particulier,
et tout le système veineux en général, étaient remplis de
sang à demi coagulé; presque toute la surface interne de
l'estomac était enflammée; sa muqueuse était ramollie et se
détachait fiicilement : les intestins étaient s.iins.
2" Un peu moins de deux grains de ce poison furent ad-
ministrés à un petit lapin, et trois ou quatre minutes après
on lui fit avaler huit à dix grains de tritoxyde de fer hydraté.
Ce, petit animal mourut en moins de trois heures, après être
resté pendant ce temps dans un état de torpeur, mais sans
donner de marques de souffrances. On trouva le cœur et le
système veineux gorgés de sang fluide, l'estomac distendu
par de la nourriture, et une quantité considérable de muco-
sités recouvrant sa membrane, qui n'oflVait aucune trace
d'inflammation. Les intestins n'étaient nullement altérés. On
doit faire observer qu'une petite quantité d eau avait été in-
troduite dans l'estomac après l'ingestion de l'acide arsénieux
et du tritoxyde de fer.
5° De l'arséniate de fer fut préparé en précipitant du per-
sulfate de fer au moyen del'arsénitede potasse. Le précipité,
après avoir été lavé quelque temps dans de l'eau bouillante,
fut séché à une douce chaleur. Cinq grains en furent admi-
nistrés à un fort lapin à dix heures du matin. L'animal parut
à peine indisposé jusqu'à six heures après midi, époque à la-
quelle il devint languissant et refusa de la nourriture. Il resta
dans cet état pendant deux heures, au bout desquelles il pa-
rut violemment agité. La respiration était évidemment très-
gênée. Il mourut en fort peu de temps. On trouva le système
veineux gorgé de sang coagulé ; la muqueuse du larynx et
de l'estomac fortement enflammée, et couverte d'une couche
de mucosités fort épaisses et fort adhérentes.
4" Six grains d'arséniate de fer, mêlés avec environ pa-
reille quantité d'oxide de fer libre, furent adnn'nistrés à un
fort lapin ; mais comme cette substance lui fut donnée le soir,
ou ne put savoir combien de temps il vécut après son inges-
TOM. VI. 2
(i8)
tion : il fut trouvé mort le lendemain matin. Le système vei-
neux était également gorgé de sang coagulé, et la muqueuse
stomacale enûammée et couverte d'une couche de mucosi-
tés seinbUible à celle qu'on avait rencontrée dans l'observa-
tion précédente.
De ces expériences et de quelques autres, tentées pour
reconnaître l'action de l'antidote proposé sur l'acide arsé-
nieux à diverses températures, M. Brelt conclut : que le tri-
toxide de fer hydraté ne peut être administré comme anti-
dote de l'acide arsénieux avec aucune chance de succès, et
que, comme les autre antidotes déjà proposés, il agit pro-
bablement en protégeant les parois de l'estomac contre l'ac-
tion du poison, et non en en formant un composé insoluble.
Réflexions. Nous ne pensons pas que les expériences de
M. Brelt doivent nous faire perdre l'espoir d'avoir enfin ren-
contré un antidote de l'acide arsénieux : il paraît en effet,
d'après la remarque faite par des chimistes français, qu'il
faut, pour nculraliser une quantité donnée d'arsenic, une
dose beaucoup plus forte de tritoxide. Cependant nous appel-
lerons l'attention des médecins qui se livreront à de nouvelles
expériences, sur cette couche épaisse et presque solide de
mucosités qui tapissait toute la paroi interne de l'estomac,
et formait en effet comme une barrière qui devait s'opposer,
jusqu'à un certain point, à l'absorption du poison. On con-
çoit que si le tritoxide hydraté ne prévenait que par ce mé-
canisme les fâcheux effct'^ de l'arsenic, ce serait un antidote
bien infidèle, et qui ne mériterait assurément pas ce nom.
Mais il paraît que par des causes que nous ne pouvons indi-
quer, les chimistes français obtiennent de leur côté des suc-
cès assez prononcés pour ne guère laisser de doute sur la
précieuse propriété de ce corps. Nous avons déjà parlé des
essais tentés par M. Lesueur; M. Soubeiran a lu à l'Acadé-
mie, dans sa séance du 2 décembre, le résultat d'expériences
variées qu'il a faites avec M. IMiquel,et qui lui ont permis de
conclure que le tritoxide de fer est un excellent contrepoi-
son de l'acide arsénieux, mais que, pour avoir un résultat
satisfaisant, il faut l'administrer : i°peu de temps après l'in-
gestion du poison; 2° à une dose au moins cinq fois plus
grande que celle de la matière véncQCuse; 3° enfin étendu
d'eau.
ART. 969.
Considérations sur femploi du séton dans te traitement du nœvus
sous-cutané.
Le docteur Thomas Fawdington a publié dans le même
journal quelques considérations sur l'emploi du séton pro-
posé par lui eu i83o pour le traitement du nœvus sous-cu-
tané. Ce moyen, adopté depuis lors par plusieurs chirur-
giens, a réussi un assez grand nombre de fois pour fixer
l'attention des praticiens.
Pour employer le séton, dit ce chirurgien, il est néces-
saire de s'assurer de deux points principaux : la suppression
de l'hémorrhagie fournie par les vaisseaux que divise l'ai-
guille^ et plus tard le développement d'un degré d'irritation
suffisant pour exciter l'inflammation et la suppuration qui
doit dissiper la tumeur; on accomplit le premier en em-
ployant un fd assez gros pour remplir exactement l'ouver-
ture faite par l'aiguille, et le second en choisissant une
aiguille qui puisse admettre un séton très-considérable,
proportionnément à la tumeur. Si cependant l'irritation
déterminée était trop faible, il serait facile de faire pénétrer
dans le canal nouvellement établi quelques irrilans, et même
un caustique.
Ce moyen fut employé avec succès dans l'observation
suivante :
"William Bancroft, âgé de quarante ans, se présenta le
19 mai 1854 avec un nœvus situé sur la joue droite, au-
dessous de l'angle externe de l'œil. La tumeur était du vo-
lume d'une noix, considérablement élevée au-dessus du ni-
veau des tégumens et de couleur bleuâtre, et quoiqu'elle
eût son siège principal dans la peau, elle s'étendait jusqu'au
tissu cellulaire, de manière à offrir en même temps les ca-
ractères du nœvus cutané et sous-cutané. Le malade décla-
rait que dans le principe celte tumeur s'était montrée sous
la forme d'une tache, mais que depuis trois ou quatre ans
elle avait commencé à faire saillie et avait crû dans toutes
les dimensions. Il ne pouvait dire cependant si depuis six
mois elle avait éprouvé quelques changemens. Uu séton fut
aussitôt passé au travers de ce nœvus, dans la direction ho-
rizontale qui correspondait à son plus grand diamètre.
(ao)
Le 24 la tumeur avait un peu augmenté de volume, mais
la suppuration n'était pas encore établie.
Le 26 la suppuration s'opérait par les deux plaies, et le
gonflement de la tumeur était moindre, ce qui fit craindre
que l'irritation ne fût pas assez forte pour amener sa résolu-
tion; en conséquence le séton fut trempé dans une solution
de potasse caustique et placé de nouveau dans la plaie : cette
manœuvre produisit une légère douleur.
Le 3o la suppuration était assez copieuse etla tumeur con-
sidérablement diminuée. Le séton fut enlevé.
Le 4 juitï l6 noevus était en grande partie dissipé. Ildépas-
sait à peine les tissus voisins, et semblait ferme au toucher
comme si les vaisseaux qui entraient dans sa composition eus-
sent contenu un corps solide.
Le 10 la tumeur était réduite au quart de son volume pri-
mitif et ne dépassait pas le niveau de la peau. Cependant,
voulant obtenir sa réduction complète, M. Fawdington passa
un petit séton dans la direction perpendiculaire, et le laissa
en place une huitaine de jours, pendant lesquels il excita
une vive inflammation.
Le 28 juillet, il n'y avait aucune apparence de nœvus, et
les tégumens sur lesquels la tumeur était située se trouvaient
lisses et unis, et offraient à peine une cicatrice indiquant le
point où avait été la maladie. Les cicatrices qui suivent cette
opération sont en eflét à peine sensibles, et il faut les re-
chercher avec soin pour reconnaître leur existence.
ART. 970.
Séance d'Académie. — Considérations sur le spasme de l'urètre et
du col de la vessie.
M. Civiale a lu à l'Académie des sciences un mémoire
fort intéressant sur le spasme des organes urinaires. Suivant
ce médecin, la vessie doit être comparée à la matrice dans
l'état de gestation; quand cet organe entre en contraction,
la résistance des fibres du col, ou plutôt du cercle fibreux
contractile qui l'entoure, est vaincue par la contraction des
fibres du corps. Tant que l'harmonie existe entre l'action
de ces deux puissances, les contractions des fibres du corps
n'ont lieu que lorsque la vessie est pleine d'urine, et, celles du
(21)
col cédant alors sans difficulté, la fonction s'exécnte presque
sans la participation de la volonté. Mais, dès que cette har-
monie cesse, il survient des accidens plus ou moins graves.
Ainsi, une multitude de causes, telles que l'abus du coït,
l'action des canlharides, l'usage de la bière, etc., peuvent
déterminer un étatspasmodique du conduit urinaire; en voici
plusieurs exemples dus à des causes différentes.
Un officier, âgé de trente-six ans, avait eu plusieurs blen-
norrhajîies dont il s'était débarrassé avec beaucoup de bon-
heur. Sa santé était excellente, lorsqu'à la suite d'un excès
dans le coït, il se trouva tout-à-coup dans l'impossibilité ab-
solue d'uriner. Un seul cathétérisme suffit pour rendre à la
vessie la régularité de ses fonctions. Quelque temps après, le
même accident se reproduisit ; le même moyen fut suivi d'un
aussi prompt succès. Cet officier, ayant reconnu la né-
cessité de se livrer plus modérément au coït, n'éprouva plus
de rétention d'urine.
D'autres fois la cautérisation pratiquée pour remédier à un
rétrécissement de l'urètre suffit pour déterminer le spasme
de ce canal et s'opposer à l'émission des urines. M. Civiale
a cité l'exemple d'un Anglais que l'on traitait par cette
méthode pour des rétrécissemens très -anciens, et qui
se trouvait dans l'impossibilité d'uriner toutes les fois
qu'on avait cautérisé un point du canal, bien que cette opé-
ration fût pratiquée très-rationnellement, et que l'urètre ad-
mît facilement d'ailleurs l'introduction d'une sonde de petit
calibre.
EnGn ce spasme de Purètre s'observe assez fréquemment
lorsqu'on pratique la lithotritie, et il est des malades chez
lesquels chaque tentative détermine une rétention d'urine
plus ou moins prolongée.
Dans tous ces cas, il est, suivant M. Civiale, un seul moyen
à employer, c'est le cathétérisme, qui, pratiqué à temps, et
en mettant la plus grande lenteur dans l'introduction de
l'instrument, rétablit bientôt l'équilibre entre les différentes
parties des organes urinaires, et prévient toute espèce d'ac-
cidens.
ART. 971.
Emploi des émissions sanguines pour combattre la cyanose des
nouveaux-nés. — Instrumens pour remédier aux rétrécisse"
mens de l'urètre. — Ophtalmie scropliuleuse traitée par les
lotions avec la solution de nitrate d'argent. — Virus-vaccin
neutralisé par l'ammoniaque.
Le dernier compte-rendu des travaux de la Société de mé-
decine pratique contient plusieurs faits intéressans, que nous
allons faire connaître à nos lecteurs.
Cyanose. Une dame avait perdu deux enfans cyanoses quel-
ques jours après leur naissance, et le médecin ayant fait l'au-
topsie de l'un d'eux, avait reconnu la non-oblitération du
trou de Botal. M. Bertholet, appelé pour accoucher la mère
une troisième fois, craignit le même accident, et laissa sai-
gner abondamment le cordon ombilical. L'enfant téta bien
pendant trois jours, et fut pris de cyanose le quatrième. Trois
sangsues furent appliquées à l'épigastre, et le sang ayant
coulé toute la nuit, la cyanose disparut.
Fistule vésico-vaginale. Une femme de vingt-sept ans por-
tait une ouverture de plus d'un pouce de diamètre, faisant
communiquer le vagin avec la vessie. Cette fistule, suite d'une
escarre gangreneuse, survenue après un accouchement, don-
nait continuellement passage à l'urine. MM. les professeurs
Boyer et Koux, après lui avoir inutilement donné des soins
à la Charité, la renvoyèrent, en l'engageant à garder son
infirmité. Cependant M. le docteur Guillon crut pouvoir re-
médier k cet état de choses, en introduisant dans le vagin un
obturateur qui consistait en une petite bouteille piriforme
en caoutchouc, trouée de manière à livrer passage aux men-
strues. Une sonde fut en outre placée dans la vessie, et fixée
très-aisément à l'extrémité de l'obturateur, qui dépassait la
vulve d'environ un demi-pouce. De ce moment l'urine sortit
par la sonde, et ne passa plus par la fistule. Le cinquième
jour la sonde ayant été retirée, la malade put conserver l'u-
rine pendant environ une heure. Lorsque M. Guillon com-
muniqua cette observation à la Société, celte femme restait
cinq a six heures sans uriner; elle avait complèleinent re-
couvré le sommeil, et vaquait à ses occupations habituelles.
Rétrécissemens de l' urètre. Le même médecin, qui paraît
(25)
s'occuper des rétrécisseniens de l'urètre avec un très-grand
succè?, a présenté à la Société un grand nombre d'instru-
mens inventés ou peifeclionnés par lui, pour arriver à la
guérison des diverses coarctalions. On a distingué surtout
des bougies élastiques très-flexibles, de forme conique, dont
l'extrémité ofîVe un renflement olivaire, destinées à être in-
troduites avec lacilité dans le canal, lorsque les sondes or-
dinaires ne peuvent passer; des bougies à ventre, également
flexi!)Ics, qui présentent un renflement du double de leur
diamètre dans une étendue d'environ deux pouces et demi;
des porle-caustiques, et plusieurs espèces de sarcotomes des-
tinés à exciser les excroissances qui peuvent exister dans le
canal de l'urètre. Voici un exemple cité par ce médecin, et
dans lequel un de ces sarcotomes réussit parfaitement à dis-
siper la coarctation.
Un malade offrait une cloison qui séparait l'urètre en deux
parties égales ; cette cloison était le résultat d'une fausse
route faite par nue sonde armée, et qui avait été convertie
ensuite par le cathétérisme en un second canal, offrant six
lignes environ de longueur. L'urine passant ainsi par ces
deux canaux formait un jet bifurqué. Le malade urinait qua-
tre à cinq fois pendant la nuit, et sept à huit fois pendant le
jour. M. Guillon, pour inciser cette bride, inventa un sar-
colome composé de deux canules d'acier reçues l'une dans
l'autre. La première, de neuf pouces de long, un peu arron-
die à son extrémité vésicale, présentait une fenêtre d'un ponce
de longueur, et qui occupait la moitié de la circonférence;
la deuxième, de douze pouces de longueur, offrait à l'une de
ses extrémités une fenêtre pareille à celle de la canule ex-
terne, et devant y correspondre lorsqu'elles sont l'une dans
l'autre. Elles se mouvaient comme ces espèces de niches
mobiles dans lesquelles on renferme de petites statues d'i-
voire. L'autre extrémité de la canule intérieure se terminait
par une sorte de baïonnette, dont les côtés étaient tranchans
et, roulant sur les bords des fenêtres également tranchans,
agissaient comme les lames d'une paire de ciseaux. En faisant
agir ces deux tubes en sens inverse, ce chirurgien excisa et
ramena dans l'instrument la cloison membraneuse qui avait
quatre à cinq lignes de hauteur, deux de largeur, et une
d'épaisseur. Le malade s'est trouvé complètement déhar-
rassé de son rétrécissement.
Ophtalmie scroplmleuse. Le docteur Sterlin a cité un fait in-
téressant de cautérisation des yeux dans une ophtalmie scro-
(24)
fuleuse très-intense, faite avec succès, en barbouillant l'œil
avec un pinceau enduit de la pomnaade ci-après :
Pr. Axonge, une once;
Nitrate d'argent, un grain.
Plusieurs membres ont assuré avoir obtenu des succès
semblables par ce moyen ; et M. Tanchou, entre autres ,
a déclaré avoir employé dans des cas analogues le nitrate
d'argent à la dose de deux, cinq et même dix grains par once
d'eau. Cependant iM. Léger a dit avoir déterminé une in-
flammation considérable de l'œil et de la joue, en cautéri-
sant légèrement avec la pierre infernale un petit point ulcé-
reux de la paupière intérieure, cliez une jeune dame
Firus vaccin. M. Nauche a fait quelques expériences cu-
rieuses pour constater l'action de l'ammoniaque sur le virus-
vaccin. Il est résulté de ces expériences que, lorsqu'on vac-
cine après avoir exposé pendant quelques secondes à la vapejr
de l'anmioniariue la lancette cliargée de vaccin, il ne se fait
aucun développement de pustules.
En inoculant sur un bras du vaccin qui a été exposé à cette
vapeur, et sur l'autre bras du vaccin non altéré , non-seu-
lement le développement ne se fait pas sur le premier bras,
mais il ne se fait qu'imparfaitement sur le second bras.
Enfin, en vaccinant un enfant avec du vaccin bien sûr, et
en faisant, quelques minutes après, de nouvellespiqûresavec
des lancettes exposées à la vapeur de l'ammoniaque, l'action
du vaccin est alTaibiie ou détruite, et il n'en résulte qu'un
développement incomplet de pustules.
M. Nauche a conclu de ces expériences, et de plusieurs
autres que l'on a tentées avec la même substance, dans les cas
de morsures d'animaux venimeux, que l'ammoniaque pour-
rait être employé avec succès pour neutraliser l'action de
certains virus, tels que celui delà rage, des affections syphi-
litiques , et même dans le choléra-morbus.
ART. 972.
HOPITAL DES VÉNÉRIENS.
g 1. — Considérations pratiques sur le traitement du bubon sy-
plidilique à son drhul, dans sa période inflammatoire et dans
sa période de suppuration.
Nous avons tracé à nos art. 936 et 937 l'histoire de ce
( 25 )
symptôme syphilitique, que l'on désigne généralement sous
la dénominalion de bubon, symptôme, avons-nous dit, ex-
cessivement commun chez l'homme, et dont la thérapeutique
mérite de fixer toute notre attention.
Le bubon syphilitique est, comme on le sait, presque tou-
jours la suite des chancres du pénis ou de la vulve. La blen-
norrhagie détermine bien quelquefois un engorgement des
glandes inguinales, mais ce symptôme étant de peu d'impor-
tance, nous ne nous en occuperons point ici, et nous suppo-
serons que la tumeur se sera développée sous l'influence d'un
ulcère syphilitique plus ou moins enflammé, dont la cure ne
devra point être négligée dans le cours du traitement.
On rencontre rarement à l'hôpital desVénériens des bubons
syphilitiques au moment même de leur début. Nous avons dit
plus haut que les malades admis dans les salles offraient presque
constamment des symptômes assez graves pour rendre tout
travail absolument impossible, et, d'un autre côté, le repos
au lit, le régime assez sévère qu'ils sont forcés d'observer, et
le traitement doux et rationnel auquel ils sont soumis après
leur admission dans l'établissement, ne permettent guère
l'engorgement des glandes inguinales. Cependant, lorsque,
par une cause quelconque, de la douleur se développe dans
cette région, que les ganglions se tuméfient et s'agglomèrent,
M. Cullerier fait couvrir aussitôt la tumeur de quinze à trente
sangsues, puis d'un cataplasme de farine de graine de lin, qui
favorise l'écoulement du sang. Les chancres de la verge sont
pansés avec du cérat opiacé, et le malade mis au repos ab-
solu, et au quart de la portion (quatre onces de pain), ou
même à l'usage des bouillons et des soupes, suivant la vio-
lence de l'inflammation.
Dans la presque totalité des cas, le développement de l'en-
gorgement inguinal est arrêté, la tumeur s'affaisse, et bien-
tôt se résout. 31ais quand le bubon est formé depuis plusieurs
jours, quand il est rouge, enflammé, que des élancemens s'y
font sentir, il ne faut pas espérer une si prompte résolution.
C'est cependant encore par la diète, le repos au lit, et les
émissions sanguines, que M. Cullerier combat cet engor-
gement tant qu'il reste à l'état aigu, et dans le plus grand
nombre des cas la tumeur se dissipe et se fond, sans
qu'il s'établisse un foyer de suppuration. La résolution ainsi
obtenue, les malades sortent de l'hôpital, sans avoir pris au-
cuns préparation mercurielle, et depuis huit ans que cette
pratique est suivie, le nombre des rechutes, beaucoup plus
faible que dans les années précédentes, n'a point fait regret-
(a6)
ter d'avoir négligé de détruire par un spécifique le virus in-
troduit dans l'économie.
Lorsqu'on n'obtient pas de cette manière la résolution du bu-
bon S} philitique, il arrive alors, ou bien qu'il s'établit un foyer
de suppuration, ou bien que l'engorgenrient, passant à l'état
cbronique, se présente sous la forme d'une niasse indurée,
peu douloureuse, mais toujours disposée à s'enflammer à la
moindre stiniidation. Le traitement de ce bubon indolent
fera le sujet d'un article à part, nous n'allons nous occuper
ici que de celui du bubon dans lequel un foyer de suppura-
tion est déjà formé.
Lorsque le mercure e'tait administré indistinctement à
toutes les' périodes de la maladie, rien n'était plus commun
que ces énormes phlegmons à l'ouveiture desquels on trou-
vait toute la peau de la région inguinale décollée, que ces
vastes clapiers qui nécessitaient de nombreuses et larges ou-
vertures, soit avec le bistouri, soit avec la potasse caustique.
Aujourd'hui de pareils désordres sont presque sans exem-
ple dans les salles de M. Cullerier, et on en aura la preuve
quand on saura que ce chirurgien ne se sert jamais du bis-
touri pour ouvrir les bubons, une simple ponction pratiquée
avec la lancette dans la partie la plus déclive sullisaut presque
constamment pour l'évacuation du pus et le recollement de
la peau. Cette disposition favorable est certainement due à
l'absence de toute stimulation, règle principale de traitement
dont on ne doit jamais s'écarter tant que le bubon est à l'état
aigu. Il est même un grand nombre de circonstances dans
lesquelles le traitement indiqué détermine l'absorption du
pus sans qu'il soit besoin d'inciser les parois du foyer.
Un jeune homme a été couché le i5 novembre dernier au
n" 53 de la seconde salle, offrant quelques chancres à la base
du gland et un bubon dans l'aine du côté droit. Ce bubon
était du volume d'un œuf de poule; la peau qui le recouvrait
était rouge et enflammée, cl l'on sentait manifestement dans
son centre une fluctuation annonçant la présence d'une
assez grande quantité de pu?. Cet homme offrait en outre
quelques légers symptômes d'une fièvre inflammatoire, qui
engagèrent M. Cullerier à lui faire pratiquer une large sai-
gnée du bras. Dés le 18, l'état général du malade était Irès-
sali^faisant, mais la tumeur n'éprouvait aucun changement;
vingt-cinq sangsues furent appliquées autour de sa base, et,
au bout de quelques jours, ime diète assez sévère ayant été
observée, on ne rencontrait plus de fluctuation. Le pus avait
été absorbé en totalité. La >en)aine suivante, la peau se re-
colla, et la tumeur se fondit en tolalilé. Ce jcuue homme
(37)
sortit de l'hôpital dans les premiers jours de décembre, n'of-
frant aucune trace de la maladie qui avait niolivé son entrée.
Le régime prescrit avait élé le suivant : pendant les trois
premiers jours, diète absolue; les deux jours suivans, deux
bouillons, deux soupes, puis ensuite le quart et la dymi-
portion. Tisane commune de chiendent et de réglisse pour
boisson ordinaire.
Cependant, soit que l'inflammation ait pénétré trop pro-
fondément, soit que sa persistance tienne à des dispositions
particulières, il est des cas dans lesquels lapeau, décollée dans
une certaine étendue, s'amincit, et ne peut plus contracter
d'adhérence avec les parties sous-jacentes. Ici nous devons
faire une distinction importante. Tant que les tégumens con-
servent leur épaisseur, et surtout leur couleur naturelle, on
peut espérer d'obtenir par des pausemens simples le recol-
lement de ces parties ; mais quand la peau est amincie, et a
pris une couleur violette, il est presque indispi nsable de
iéndie le trajet ûstuleux dans toute son étendue, et même
d'en réséquer les bords pour arriver à la guérison.
Au n" 44 d^ ^^ seconde salle était encore couché, il y a peu
de temps, un homme qui portait dans l'aine gauche un bu-
bon naguère très -volumineux et fluctuant, mais depuis
une semaine réduit à une fistule de trois pouces environ de
profondeur; les tégumens conservaient leur couleur natu-
relle ; mais l'extrémité du stylet, parvenue au fond du cul-de-
sao, soulevait la peau tellement amincie, qu'elle ne sem-
blait pas avoir dans ce point plus d'épaisseur qu'une feuille
de papier. Une légère contre-ouverture fut faite avec la
pointe d'une lancette, et l'on pansa les deux petites plaies
avec la solution suivante :
Extrait gommeux d'opium, un gros;
Eau, une once.
Au bout de trois jours un recollement s'était opéré dans
toute l'étendue du trajet fisluleux.
On a été moins heureux chez un homme de quarante ans,
couché à quelques lits plus loid, et qui offrait également un
décollement de la peau dans l'aine du côté droit. Des injec-
tions furent faites avec une solution de sublimé (un grain de
Siiblimé pour une once d'eau distillée); mais la peau était
amincie, de couleur violette, et il fallut, après quehfues nou-
veaux essais, fendre le trajet ûstuleux dans toute sa lon-
gueur, et enlever avec des ciseaux toutes les portions de
peau décollées et flottantes de chaque côté.
(28)
Le plus souvent, daus ces cas de fistules, M. Cullerier in-
troduit sous la peau dénudée un crayon de nitrate d'argent,
qu'il promène à plusieurs reprises dans tous les sens. Si
le trajet fistuleux est trop profond pour que tous les points
soient ainsi cautérisés, on fait des injections avec le sulfate
de cuivre (quatre à six grains par once d'eau), le sulfate de
zinc (huit à dix grains pour la nième quantité de liquide),
le sublimé ( un grain par once ), les acides minéraux
étendus d'eau, l'alcool, le nitrate acide de mercure, etc.
ÀKT. 975.
Sa. — Traitement du bubon ulcéré ; incision des bords de C ul-
cère; ulcérations succédant aux piqûres de sangsues: emploi
de la carotte, des sangsues, de l'opium, etc.
Quel que soit le moyen qu'on ait employé pour ouvrir un
bubon à l'état de suppuration, il en résulte toujours un ul-
cère dont les bords sont formés par la peu décollée, et le fond
repose sur une masse engorgée. Ici encore le repos au lit,
un régime sévère et des applications émollienles conviennent
le plus souvent jusqu'à cicatrisation parfaite; mais il est des
cas dans lesquels le mal résiste avec opiniâtreté, et qui né-
cessitent l'emploi successif de beaucoup de moyens dontnous
devons donner le détail.
Il arrive souvent, par exemple, que la peau formant les
bords de l'ulcère se reploie en dedans de manière à se tou-
cher de chaque côté par son épiderme.
Il est impossible que dans cet état de choses la cicatrisa-
tion s'opère, si l'on n'a pas la précaution de réséquer en bi-
seau les bords de la plaie, avec des ciseaux courbes sur leur
plat ; c'est une forme d'ailleurs qu'il faut toujours avoir soin
de donner à toutes les incisions qu'on est obligé de pratiquer
pour remédier aux décollemens de la peau.
Au n" L[i était couché un jeune homme qui, depuis trois
semaines, offrait un ulcère de ce genre, situé dans l'aine du
côté droit, et dont la forme alongée semblait devoir faciliter
la cicatrisation ; mais les bords en étaient repliés sur eux-
mêmes, de manière que pour que la cicatrisation eût eu lieu,
il aurait été nécessaire que la peau, recouverte de son épi-
derme, adhérût à la peau du côté opposé; de chaque côté,
les rebords ont été enlevés avec les ciseaux et taillés en /'«eau;
(29)
au bout de quelques jours, la plaie avait diminué d'un tiers
de son étendue : après une semaine environ, elle était com-
plètement cicatrisée.
Mais pour faire cette opération, de même que pour pra-
tiquer toute incision sur des points qui sont le siège d'une
aflection syphilitique, les praticiens ne doivent jamais né-
gliger de commencer par combattre l'inflammation de la
peau avant de l'entamer avec l'instrument tranchant. L'ou-
bli de cette précaution essentielle peut avoir les conséquen-
ces les plus fâcheuses. Souvent, en effet, la peau de la ré-
gion inguinale, aprèsces incisions imprudemment pratiquées,
est envahie par un ulcère phagédéniqne qui la détruit dans
une surface plus ou moins étendue, comme nous avons vu
le prépuce rongé par un ulcère de même nature après l'opé-
ration du phimosis faite dans des circonstances aussi défa-
vorables.
C'est pour avoir négligé ce précepte qu'on a vu survenir
chez un jeune homme, encore couché dans les salles de l'in-
firmerie, l'ulcère le plus épouvantable que nous ayons ja-
mais rencontré. Ce malade, qui est dans les salles de 31. Cul-
lerier depuis huit mois environ, était traité depuis un temps
plus long-temps encore dans un autre service. Deux bubons
inguinaux avaient été ouverts, et l'on avait réséqué avec des
ciseaux la peau décollée et flottante, alors même qu'elle était
le siège d'une vive inflammation. Les plaies, loin de se ci-
catriser, prirent aussitôt l'aspect du chancre, et envahirent,
par un mouvement qu'il fut impossible d'arrêter, tous les té-
gumens de l'abdomen. Cet horrible ulcère occupait, lorsque
nous vîmes le malade pour la première fois, tout l'espace
compris entre l'ombilic et le pubis de haut en bas , et trans-
versalement s'étendait d'un os des isles à l'autre.
Ce malheureureux avait vainement fait usage des prépa-
rations mercurielles sous soutes les formes; on avait égale-
ment employé tous les topiques recoxnmandés en pareil cas.
Il était fort amaigri; une suppuration excessive répandait
une odeur infecte. M. CuUerier supprima toute espèce de
médication active, se bornant à prescrire des applications
émollientes et chlorurées, et des bains de siège de même na-
ture. Ces moyens simples ne tardèrent pas à amener une
amélioration sensible, et en quelques semaines l'ulcère prit
un assez bon aspect.
Le malade qu'on laissait ainsi reposer reprit bientôt du
courage et de l'embonpoint ; une vaste cicatrice s'étendit
(5o)
enfin sur la plaie dans presque touteson étendue ; celte pel-
licule s'étant rompue dans quelques points, on pansa avec
la pommade de proto-iodure aflaiblie (i), et sous l'inûuence
de ce traitement simple, la cicatrisation s'est complètement
opérée.
M. CuUerier a vu dans sa longue pratique un assez grand
nombre de faits de ce genre, et nous-même nous avons été
témoin d'accidens semblables qui, pour avoir eu des suites
moins fâcheuses, n'en doivent pas moins vivement frapper
ratterition des praticiens.
Les plaies faites par l'instrument tranchant sur des tégu-
mens enflammés ne sont pas les seules causes de ces ulcéra--
tions interminables, il en est une autre que nous devons si-
gnaler ici, bien que l'ulcère qui en résulte soit en quelque
sorte distinct du bubon lui-même. Nous voulons parier des
piqûres de sangsues qui se Iransformeut quelquefois en vé-
ritables chancres d'apparence syphilitique. La nature de ces
ulcères est évidemment dillérente de ceux qui succèdent à
l'ouverture du bubon; car ce dernier, qui est un symptôme
consécutif de vérole, n'est pas susceptible de se transmettre
par contagion, tandis que l'ulcère qui résulte de la piqûre
des sangsues peut produire par l'inoculation lu contagion
aussi bien que l'ulcère S3'^phililique du gland.
Daus le dernier rang de la seconde salle, nous avons vu
un jeune homme porteur d'un bubon autour duquel plu-
sieurs sangsues avaient été appliquées; quebjues-unes des
piqûres s'étant enflammées, du pus fut lecueilli sur l'une
d'elles avec une lancette, et inoculé sur la partie interne de
la cuisse. Il en résulta une pustule dont lo sumuiet s'ulcéra
et fournit un puscjui, inoculé une seconde fwis, produisit en-
core une ulcération semblable (2).
Si malgré les dillërcnces essentielles qui existent entre le
(1) Prolo-iotliire de mcrciiro, un scruimli; ;
Cérat, deux onces.
(2) M. Cullcricr a vaiaetncnt Icnlé d'inoculer du pus recueilli sur un
buLuii a diverses époques. Il n'a pas élé plus heureux en intrudiiisant
du pus l)lennorrlia^'i(pie sous la peau, et l'un sait ipie celte inocula tiua
réussit dans la plupart des cas dans l'urèlre. Les cliancres situés dan s
cette partie, de même que sur le ^land, le prépuee, etc., sont éuiinein -
ment contagieux, etïoat traDSoiLs par l'inoculation sur toutes les par -
ties du corps.
(31)
bubon ulcéré et les ulcérations qui résultent des piqûres de
sangsues, nous nous occupons ici de ces dernières, c'est que,
dans un grand nombre de cas, tous ces ulcères se réunissent
pour n'en former'qii'un seul, et que quelles que soient d'ailleurs
les différences de causes et d'origine de ces diverses affec-
tions, le traitement à leur opposer est toujours absolument
la même.
Un jeune homme de vingt-huit ans, exerçant la profession
de tailleur, est entré à l'hôpital le 25 février i835, offrant un
bubon dans l'aine du côté droit et quelques chancres sur le
gland. Des sangsues furent aussitôt appliquées sur le bubon;
il en résulta peu de diminution dans la tumeur. Le 25 mars,
quinze autres sangsues furent mises autour de sa base; les
piqûres ne tardèrent pas à s'enflammer et à s'ulcérer à leur
sommet. Ces ulcérations s'agrandissant s'unirent par leurs
bords et formèrent bientôt une vaste plaie occupant le côté
droit du bas-ventre , et la partie supérieure de la cuisse dans
la largeur des deux mains environ.
On combattit d'abord cet ulcère par des applications
émollientes sans aucune espèce d'amendement; puis, dans
l'espace de plusieurs mois, on eut recours à des compresses
trempées dans l'eau blanche, puis dans une solution d'o-
pium; on sema à sa surface successivement le calomel et le
proto-iodure de mercure ; on appliqua un vésieatoire sur la
plaie elle-même sans en retirer plus d'avantages. Des com-
presses trempées dans de la liqueur de Van-Swieten sem-
blèrent agir un peu plus efficacement ; mais cette légère
amélioration fut de courte durée. Enûn un vésieatoire fut
pliicé ;\ la partie moyenne de la cuisse, et n'eut pas de meil-
leur résultat.
Pendant l'usage de ces divers topiques, on ne négligea pas
les moyens intérieurs. Des frictions mercurielles furent faites
pendant seize jours; une violente salivation étant survenue,
il fallut les interrompre; on donna alors des pilules de pro-
to-iodure de mercure (i) sans plus de succès.
(i) Pr. Proto-iodure de mercure, donze grains ;
Extrait gommeux d'opium, douze grains;
Extrait de gaiac, un gros.
Faites vingt-quatre pilules : le malade en prend une le matin et
une le soir.
(32)
Le 5 décembre, l'ulcère s'étendait en serpentant jusqu'à
la partie supérieure de la cuisse, ses bords étaient fort élevés
et rugueux, son fond, de couleur blafarde, fournissait un
ichor fétide et très-abondant. Quelquefois plusieurs points
de sa surface semblaient di.»posés à se cicatriser et se recou-
vraient d'une pellicule blanche, mais cette légère membrane
se rompait bientôt, et la plaie restait dans le même état.
M. CuUerier se disposait à promener un cautère actuel
sur la surface blafarde de ce large ulcère, lorsqu'il voulut,
avant d'en venir à ce moyen extrême, essayer un cataplasme
de carottes crues, râpées, dont nous avions eu occasion de
voir les bons efîets dans un cas semblable. Le malade se
plaignit le lendemain d'avoir éprouvé quelques do'jleurs
dans la plaie; le jour suivant il nous montra de petits vers
qui rampaient à la surface de l'ulcère; ces vers, qui s'étaient
évidemment développés dans la pulpe de carotte, trop an-
ciennement râpée, ne reparurent plus lorsqu'on eut pris la
précaution de ne broyer cette racine qu'au moment même
d'en faire usage. Pendant quinze jours, l'ulcère olïiit à peu
près le même aspect; cependant une légère amélioration en-
gageait à en continuer l'usage, lorsque tout-à-coup ses bords
s'affaissèrent, son fond se couvrit sur plusieurs points d'une
pellicule qui s'étendit en quelques jours sur toute sa surface,
et pioduisit ainsi une cicatrisation complète et solide d'un
ulcère qui avait l'ésislé neuf mois à toutes les ressources de
l'art.
Ce jeune homme est rentré à l'hôpital au bout de six mois
pour se faire traiter de chancres et d'un nouveau bubon qui
s'était développé sous la cicatrice de l'ancien. Il est sorti
guéri après un mois de traitement simple (i). Le bubon
était assez voluuiineux ; il s'est terminé par résolution, et
l'on n'a fait aucune application de sangsues
11 serait inutile de s'étendre davantage sur le traitement
de ces sortes d'ulcères, l'exemple que nous venons de citer
résume tous les moyens que M. CuUerier est dans l'usage
de leur opposer.
(i) Nous avons eu occasion «le voir il y a douze ans environ, dans le
service de M. Cfichard, à l'Ilùttl-Dicu de Nantes, une piHrison abso-
lument semblable, obtenue avec la pulpe de carotte crue, i.1p<e, et ap-
pliquée directement sur l'ulcerc. La cicatrisation s'opéra plus rapide-
ment encore que dans l'exemple que nous venons de citei. Nous pou-
vons ajouter l'observation d'un ancien cbel' de musique, coucbé pri'.a
(55)
Il est lin autre point sur lequel nous insistons ici : souvent
le bubon ulcéré prend une couleur hluAircle, ses bords se
gonflent, et le malade y re?.«-enl une dduleur exhtmfiiient
■vive. Cet état a le plus grand rapport avec celui qu'on a dé-
sigué sous le nom de puuiriluie d'hôpilal, et il est probable
que si l'on n'y oj-po.siil le? moyens convenables, on aurait
les mêmes résultais. M. Culleiitr s'empresse alors déplacer
à plusieurs reprises des sangsues dans le centre même de
Pulcére, puis il le recouvre d'une liès-lorle .«-(dulion d'o-
piuui. Les morsures de sangsues sont beaucoup moins dou-
loureuses sur le fond même d'un ulcère qu'à la surface des
tégumens, et nous n'avons jamais remarqué que celle pra-
tique fût suivie des plus légers accidens.
Le dégorgement obtenu par ces évacuations sanguines
amène toujours une amélioialion sensible dans l'aspect de la
pluie et même dans l'elat géucial du malade.
Kous répéterons eu lei minant cet ailicie ce que nous
avoiis eu occasion de diie plusieurs fois : c'est que les
médecins ne consultent pas assez la santé générale des ma-
lades qui sont atteints d'allectious syphilitiques. Les symptô-
mes locaux absorbent toute leur attention, lanilis qu'ils doi-
vent dans tous les cas commencer pas guérir les viscères
souflrans, s'ils veulent obtenir la cure de la vérole en gé-
néral, et surtout la cicatrisation des bubons ulcérés.
du tailleur dont nous venojis de rapporter l'histoire, et qui présentait
depuis deux ans de larges ulcères tuberculeux occupant toute la joue
gauche, la tempe et une partie du cou. Ce malheureux séjournait à
rhùjiilal depuis plus d'une année, lorsque la pulpe de carotte râpée fut
appliquée cuiiinie r'ans les exemple» precédcn». Au bout de quelques
jours !.<ulenient l'ulcère prit un meilleur a>pect, el <|ue]qiies scniaioes
suSîitat pour «n ami uei la ci( atiisiilmn presque cunplèu-; mais il resta
quelques points induiés sur lesquels la nouvelle peau ne pul s'etendie.
Cependant le malade, après un séjour de plusii urs mois encore, sortit
en septembre de l'hôpital pai l'ailemcnt guéri ; il s'est présenté plusieurs
fois depuis cette époque à la considtalion, sa guérison se maintient
paifaitemeat.
VI.
(54)
AUT. 974.
LEÇONS CLINIQUES DE LA PITIÉ (1).
Charbon très 'étendu; réflexions pratiques sur cette affection et
sur le traitement à y opposer.
Le 21 novembre dernier, un homme Sgé de cinquante
ans, employé à laver les laines, senlit se former en quelques
heures, sur la partie antérieure et droite du front, à un demi-
pouce au-dessus du sourcil, un bouton à base dure et pro -
fonde, qui, d'abord peu étendu, ne tarda pas à s'élargir. Le
centre de ce bouton prit une tetnle livide, puis brune, et les
parties enviroimantes finirent par se tendre et constituèrent
un cercle euûauimé et hiisaiit.
Le lendemain, la tuméfaction avait envahi toute la moitié
droite du front, la paupière supérieure et inférieure, la joue,
et une portion du cou de ce côté.
Le troisième jour, ces parties offraient une tension élas-
tique qui gagna le côté gauche de la face. La douleur, qui
d'abord avait été nulle, devint sourde, puis gravative ; le
malade éprouva de temps à autre un sentiment de froid dans
les parties affectées, les paupières de l'œil droit se tuméflè-
rent au point de ne plus s'ouvrir, et ce fut dans cet état que
le malade se présenta à la Pitié.
La simple inspection du mal permit facilement de consta-
ter l'existfMice d'un charbon, et tout de suite on cul recours à
la cautérisation avec le fer rouge qui fut promené sur les
points morliûéà aussi bien que sur les parties environ-
nantes.
Le lendemain de cette cautérisation, les symptômes mor-
bides, loin de s'auieiidfîr, seuil>luient avoir pris un nouvel
accroissement, et l'enflure élastique était encore plus pro-
noncée.
M. Lisfranc, bien convaincu que le succès dans une afiec-
(1) M. Hosfan n'ayant pas encore com inencé ses leçons <Jc clinique,
nous sommis J'orcé de rejeter au prochaia cabicc la revue des salles de
ce professeur à l'hospice de la Faculté.
(35)
tion aussi grave dépend à la fois de la promptitude et de la
hardiesse avec lesquelles on agit, procéda à uae nouvelle
caulérisation de la manière suivante.
Le 25 novembre au matin, le malade étant couché sur le
dos, la tête ajipiiyée sur des oreillers et maintenu par des
aides, rescarie lut incisée crucialement, uu fer légèrement
rougi fut placé profondément dans la plaie et maintenu jus-
qu'à un commencement de refroidissement ; ensuite ce fer
fut porté sur toute la circonférence du mal dans l'étendue
de quatre pouces, de manière à prodisire ainsi des brûlures
à divers degrés et d'autant moins profondes qu'on s'écartait
du centre de la tumeur. Quatre fuis de suite de nouveaux
cautères furent ainsi portés dans l'intérieur de l'escarre
incisée et sur toute la face, et pour entretenir par le contact
de l'air, l'excitation dans les parties brûlées, la plaie fut
laissée à découvert.
Le canal intestinal étant en bon état, on prescrivit pour
boisson la décoction de quinquina, celle de serpentaire de
Virginiri et de polygala.
Le 26 novembre, la nature de la douleur avait sensible-
ment changée; au sentiment de froid et d'engourdissement
qui existait la veille avait succédé une chaleur cuisante, et
une rougeur érysipélateuse couvrait le côté gauche de la face;
les mêmes prescriptions furent encore continuées.
Le 27, l'état de torpeur avait presque entièrement dis-
paru ; l'enflure élastique, qui, les jours précédens, occupait
une si grande surface, était à peine appréciable, et bien que
le cercle inflammatoire n'eût point séparé les parties mortes
des parties saines, on apercevait néanmoins au pourtour du
mal une rougeur franche sous l'épiderme, soulevé par l'ac-
tion du cautère.
L'excitation ayant paru suffisante, M. Lisfranc fit couvrir
les parties malades d'un cataplasme de farine de lin, en re-
commandant de le supprimer dans le cas où l'enflure élasti-
que reparaîtrait, aussi bien que les symptômes généraux,
tels que la torpeur, l'engourdissement, etc.
Du 6 au 12 décembre, les escarres se détachèrent suc-
cessivement : une d'elles occupant la paupière supérieure
fit craindre pendant quelques jours que l'épaisseur de la
paupière eût été comprise avec elle, et que l'œil lui-même
ne lui sacrifié. Mais bientôt on reconnut l'inlégrité de ces
parties. Aujourd'hui les paupières, quoique iiifiltr-ées, s'en-
Ir'ouvrent assez pour permettre au malade de disti nguer les
objets environuans. La plaie, r tduite aux deux tiers, offre
(36)
toutes les conditions d'une simple brûlure, qui n'aura d'au-
tre résultat lâcheux qu'une cicatrice un peu étendue.
Celte intéressante observation a donné occasion à M. Lis-
franc d'exposer les considérations pratiques suivantes :
De toutes les maladies qui aflectent l'économie, le char-
bon est sans contredit une des plus redoutables, en ce qu'elle
peut, si l'on n'arrête sa n)arche dès le début, amener en fort
peu de temps la mort du malade. Il est donc important d'a-
gir avec toute la promptitude possible pour éviter l'absorp-
tion du virus. La gravité des symptômes étant aussi subor-
donnée à la manière dont le mal a été communitjué, on
doit s'enquérir d'abord des causes qui l'ont fait naître; ainsi
le danger sera moindre si le charbon a été produit par le
simple contact de la peau, c'est-à-dire en touchant des par-
ties d'animaux morts de cette maladie, que s'il est le résul-
tat de l'aspiration de vapeurs méphitiques provenant des
matières des selles, parce que dans ce dernier cas le prin-
cipe délétère agit presque instantanément sur toute l'éco-
nomie.
On a pensé que le virus du charbon était différent de celui
de la pustule maligne; suivant M. Lisfranc, ce virus paraît
identique : ainsi, un homme atteint de charbon peut commu-
niquer la pustule maligne, et vice versa.
Les résultats presque toujours funeste? du charbon déve-
loppé sur un point quelconque de l'économie, ont engagé
beaucoup d'auteurs ;'i conseiller de cautériser dans tous les
cas. Néanmoins il faut savoir qu'il est quelques circonstances
rares où la maladie s'ariête d'elle-même, et il y aurait in-
convénient grave ù cautériser, si l'on était appelé lorsque
déjà un cercle inflammatoire bien tranché borne les progrès
du mal.
Quelques praticiens veulent qu'on emploie de préférence,
pour aiieux centraliser le mal, le cautère potentiel qui, sui-
vant eux, agit plus profondément; mais avec le fer rouge, il
est facile d'atteindre à la profondeur nécessaire, et l'on me-
sure bien mieux l'action de ce fer qu'on ne le ferait du caus-
tique, qui parfois dépasse les limites du mal : c'est donc au
Cautère actuel (|u'il faut avoir recours.
Généralement on se contente, lorsque l'on emploie le fer
rouge, de cautériser .«-eulenient ijur l'escarre, après l'avoir
incisée crucialement, ou enlevée en partie; ou bien, si l'on
croit devoir étendre plus loin la cautérisation, on promène
le fer sur les parties qui ciiconsciivent l'tbcarre; néanmoins
ces précautions sont pour l'ordinaire iusuflisantes, et l'on s'ex-
(37)
pose à voir la maladie se reproduire : en effet, si l'on cautérise
sur le centre de la tumeur seulement, l'action du fer rouge
n'a lieu que sur des parties mortifiées, et le résultat est nul ;
et lorsqu'on ne fait qu'étendre la cautérisation sur les points
immédiatemeaten rapport avec l'escarre, on agitalors sur des
tissus qui, bien que n'étant pas entièrement privés de vie,
sont au moins impiégnés du virus et frappés d'une asthénie
telle que toute réaction devient impos^sible; il faut donc
cautériser au loin, en agissant d'autant moins profondément
qu'on s'éloigne de l'escarre.
Le but qu'on se propose en cautérisant sur une large sur-
face n'est pas seulement de séparer comjtlètement les par-
ties imprégnées du virus et déjà gangrenées, mais aussi
d'exalter les propriétés vitales dans celles qui sont seulement
frappées de stupeur, et le meilleur moyeu est d'employer
des fers peu rougis, de manière à exciter les tissus et y déter-
miner la formation d'un cercle inflammatoire, indice cer-
tain de l'arrêt du progrès de la maladie.
Le charbon, peu commun à Paris, s'observe particulière-
ment dans le midi de la France, et il faut avoir été témoin
de la rapidité avec laquelle il sévit parfois, pour s'expliquer
la témérité du chirurgien en cautérisant ; et ce serait bien à
tort que, dans un cas de charbon un peu étendu , on hésite-
rait à porter au loin le fer. dans la crainte de léser des par-
ties intéressantes , telles que l'oeil, etc., ou de produire des
cicatrices difformes; car, en temporisant, on voue le malade
à une mort certaine.
Il est important, lorsque la cautérisation a été opérée, de
ne pas employer trop tôt les émolliens, comme le conseil-
lent quelques chirurgiens qui couvrent tout de suite la partie
cautérisée de cataplasmes : cette méthode s'oppose souvent
à la réaction ou amène la récidive.
Le cercle inflaumiatoire dont parlent tous les auteurs qui
ont écrit sur le charbon et dont ils donnent une définition si
exacte, n'existe pas toujours, bienque les progrès de la ma-
ladie soientarrëtés, etchezie malade qui faille sujet de cette
observation, il ne s'est point développé d'une manière ap-
préciable. On ne doit pas perdre de vue cette donnée prati-
que, sans laquelle on pourrait se croire dans l'obligation de
réitérera l'infini les cautérisations. On jugera facilement, en
pareille circonstance, qu'elles auront été poussées assez
loin, lorsque les parties environnant le chaibon offriront sous
les escarres produites par le cautère une rougeur franche, de
nature érysipélateuse, et qui coïncidera avec la cessation des
(38)
autres symptômes morbides, tels que ce sentiment de froid
dans la partie affectée, l'enflure élastique, etc.
Le chirurgien ne doit pa.s ignorer non plus que le cercle
inflaunnatoire , après s'être rencontré avec les caractères les
mieux tranchés, peut dans quelques circonstances disparaître
inslantanément sans cause cuniiue, et la maladie se repro-
duire avec une intensilé nouvelle.
L'action délétère du charhon porte ordinairement à l'éco-
nomie tout entière une atteinte assez profonde pour exiger
un traitement interne, et, de l'avis de tous les chirurgiens,
ce traitement doit consister dans l'emploi des toniques ; mais
il est encore ici une remarque pratique à faire: c'est que ces
toniques ne sauraient êlre indistinctement employés chez
tous les individus, parliculièrtment chez ceux déjà atteints de
gastrite ou de gastro-entérite. On peut alors, avecavantagc,
remplacer, en pareille circonstance, le quinquina et les autres
boissons excitantes par les acides, soit végétaux, soit miné-
raux, qui tiennent le milieu entre les toniques et les émoi-
liens.
Mais faut-il, comme le veulent certains praticiens, recou-
rir à l'emploi (les sangsues au pourloin- de la tumeur formée
parle charbon? «Toujours, dit M. Lisfranc, j'ai vu leur
application avoir de funestes résultats. Un jeune chirurgien
de marine, qui, à mon cours d'opération, contracta, il y a
quelques années, une pustule maligne, périt en fort peu de
temps des suites de celte maladie, traitée parles sangsues.
Je crois donc devoir les proscrire eu toute circonstance. «
(Voy. art. 834)
ART. 975.
De radminisiration endcrmique de l'acétate de morphine pour
calmer ou prévenir les accès de quintes convulsives dans ta co-
queluche.
M. Baïé, docteur eu médecineà Yilvorde (Belgique), nous
adresse la lettre suivante, au sujet de notre articlegSo.
«. Le 29 octobre i854, je fus prié de me rendre en toute
h5le il un village éloigné d'une demi-lienede mon habitation,
pour y donner mes soins au fils d'un riche propriétaire at-
teint dipui> dix-huit jours d'umr coqucliirhe couln; laqiM;lle
plusieurs de mes collègues avaient eni[)li)yé en vain les re-
mèdes les plus efficaces et les mieux administrés.
(39)
nAmon arrivée, i'enfaut était dans un accès de quintes tel-
lement violent, que je crus qu'il allait suffoquer ; sa figure
et son cou étaient hovilTi? et bleuritres , ses yeux animés et
larnioyans; il .-e cr;in:[)onnait aux objets enviionnans, et ne
pouvait repreudre lialeine, tant la toux était douloureuse et
continue.
«Les quintes se renouvelaient onze à douze fois dans les
vingt-quatre heures. Comme je viens de le dire, tout te qu'a-
vaient l'ait mes honorables collègues ayant échoué, j'aduii-
ni.-lrai, dans l'inlenlion de diminuer l'accès suivant, un grain
d'extrait alcoolique de belladone dans un véhicule mucilagi-
neux, que Je fis prendre par cuillerée à café. Le 5o au matin,
le malade avait passé une mauvaise nuit, lesquintes n'avaient
pas diminué ; j'ordonnai laconlinualion de la potion. Le 3i,
amélioration peu niarqnée; j'augmentai la potion d'un grain.
Cette fois le petit malade ne lut plus atteint que de sept
accès ; enfin, il marchaitvers la guéridon, tout en ccntinuaiit
sa potion, lorsque le 4 novembre, au m.ilieu de la nuit, et
sans causes appréciables, il lut pris de nouvelles quintes de
toux tellement intenses, que je crus devoir renoncer à l'ex-
trait de belladone, pour recourir à des remèdes plus effi-
caces.
» J'oublie de dire que la coqueluche était endémique dans
ce village , et que j'y traitais la majorité de mes petits mala-
des par l'acétate de moiphine administré endeimiqucment ,
mais seulement après que les mucosités étaitnt en grande
partie expectorées.
» Les parens du malade, qui jusqu'ici s'étaient opposés à
ce moyen, cédèrent à mes instances. Je fis donc appliquera
l'épigastre, au milieu du sternum, et entre les deux clavicu-
les, un vésicaloirc de la grandeur d'un Iranc, que je maintins
en place pendant six hem es, époque où il y eut vésical ion; j'en-
levai l'épiderme, et les saupoudiai tous ti ois avec un sei-
zième de grain d'acétate de n;orphine; une heure après, le
malade, qui avait eu deux quintes pendant l'adhésion des
emplâtres, fut pris d'un léger sommeil , qui dura jusqu'à
midi (5 novembre). Je le revis à deux heures, il était dans
l'état le plus satisfaisant, ne toussait que très-peu; j'ordon-
nai un htiilième de grain d'acétate de morphine, divisé en
trois poudres, une pour chaque vésicatoire ; il n'eut qu'un
accès très-léger jusqu'au 6, trois heures de lelevée. On con-
tinua de même jusqu'au i5, époque où le petit malade était
radicalement guéri.
» Je pourrais encore ajouter, moDsieur, dix-sept observa-
(^10)
tions non moins intéressantes que celle-ci, si je ne craignais
d'absorber le temps de vo;- lecteurs, sansêlre plus utile; tontes
sont recueillies ^ujr d s individus atteints de coqueluche dans
un village oi'i, couitne je l'ai dit, cette névrose a régré épi-
démiqueraent. Je souhaite que mes confrères renouvellent
mes expériences : et si vous les croyez dignes de quelque
intérêt, veuillez, je vous prie, les faire connaître par la voie
de votre Journal. »
ART. 976.
Emplâtre employé par le docteur Corsin contre la coqueluche.
Pr. Emplâtre de cigui-, deux parties;
Emplâtre de poix de Bourgogne, une partie;
Emplâtre de dia(;hilon gommé, une partie.
Mêlez, et, après avoir étendu cette masse sur un morceau
suffisant de peau de chamois, saupoudrez avec tartrate de
pola<;seel d'antimoine, six, huit, dix, douze grains, et au-delà,
selon l'âge du malade.
Cet emplâtre, employé dans la première huitaine de l'in-
vasion de la coqueluche, produit dans les vingt-quatre heures
une assez forte rubéfection, puis des petites pustules nacrées
comme celles causées par la pommade d' Autenrieth, et mo-
diûe et diminue de beaucoup le nombre des quintes fati-
gantes de toux et de vomissemeus. (V. art. ^58, 83o, gSo.)
(^Lancette.)
ART. 977.
MÉDECINE LÉGALE.
Lettre première.
Monsieur,
Vous me demandez de vous remettre sous les yeux les princi-
paux f^aiti» qui se raltaclient à la pratique de la médecine léj^ale.
Vous me faites observer que Ici liases de cet art, déjà négligi'es dans
les études par un grand nombre d'élèves, restent le [)lus souvent
ignories de» médecins; qu'il arrive bientôt dans la pialique de l'art
de guérir une circonstance qji néce>8iie leur application, et qu'a-
lors un médecin peut perdre en un seul instant une réputation
jastemeut acquise par plusieurs années de succès mérités. Eu
(4t)
province, dites-vous, chaque médacîn exerce un contrôle sur les
actes de son confrère; et comme dans les affaires judiciaires ces
actes se passent au grand jour, ils deviennent l'olijot d'une critique
sévère, et souvent d'une censure piibiicjue. Pincé loin de ces villes
centrales où les hommes de l'art se réunissent fréquemment pour se
communiquer le résullat de leurs observations, vous êtes entière-
ment livré à vous-même; le temps vous manque pour étudier une
science dans son ensemble, parce que votre attention, sans cesse
détournée par les divers objets sur lesquels elle est appelée dans le
cours de votre pratique, ne vous permet pas de la fixer assez long-
temps sur un seul genre d'application de la médecine. Vous m'in-
vitez eufin à vous considérer comme un homme tout-à-fait étran-
ger à la médecine légale, de manière à vous faire passer successi-
vement en revue les données pratiques de cette branche de l'an de
guérir. Je vais donc vous satisfaire; mais pour remplir votre but
vous trouverez bon que je vous rappelle en premier lieu certaines
formules généralement employées pour rapporter en justice; que je
vous fasse connaître les divers actes qu'un médecin peut être appelé
à faire, et la valeur de ces actes. Si cette entrée en matière vous of-
fre peu d'attrait, elle devra au moins être considérée par vous
comme très-importante. Observez qu'un magistrat juge souvent un
expert non pas tant par le fond de son rapport, que par la forme,
par l'ordre d'exposition des matières, par la clarté et le choix de ses
expressions; et s'il est vrai que la pratique de la médecine légale
soit loin de consister dans ces qualités extérieures, elles ne doivent
.cependant pas être négligées, puisqu'elles servent surtout à faciliter
l'intelligence des actes de l'expert : ce sera donc l'objet de cette pre-
mière lettre.
§ 1. — Des actes que tes médecins sont appelés à faire en justice.
— Considérations pratiques sur les certificats. — Circonstan-
ces dans lesquelles te médecin doit se refusera en délivrer.
On admet trois espèces différentes d'actes : les certificats, les rap-
ports et les consultations médico-légales.
Un certificat n'est que l'attestation d'un fait : il peut être donné
par une personne étrangère à la médecine comme par un médecin ;
il ne suppose aucune mission; il n'entraîne pas avec lui de presta-
tion de serment, et cependant c'est un acte qui peut, dans certaines
circonstances, conduire à des conséquences assez graves.
Tout médecin, chirurgien ou autre officier de santé qui, pour fa-
voriser quelqu'un, certifiera faussement des maladies ou infirmités
propres à dispenser d'un service public, sera puni d'un emprisonne-
ment de deux à cinq ans; et s'il y a été mu par dons ou promes-
ses, il sera puni du bannissement. Les corrupteurs seront dans ce
cas punis de la même peine. (Art. i6o, C. p.)
Si le témoin auprès duquel le juge se sera transporté n'était pas
dans l'impossibilité de comparaître sur la citation qui lui aurait été
donnée, le juge décernera un mandat de dépôt contre le témoin et
l'officier de sauté qui aura délivré le certificat ci-dessus mentionné.
(4a)
La peine i)ortée en pareil cas sera prononcée parle juge d'instruc-
tion dn même lieu, et sur la réquisition du procureur du roi, en la
forme prescrite par l'art. 80. (Art. 86, C. d'inst. c. )
Je vous citerai quelques ex; mples applicables à ces deux articles.
Nomhje de personnes veulent se dispenser des devoirs de jurés:
c'est surtout en province que ces fonctions deviennent souvent fort
onéreuses, puisqu'elles entraînent à des déplacemeus de longue du-
rée. Ces personnes s'adressent à leur médecin, et lui demandent
un certificat qui constate l'impossibilité de remplir la missioti dont
elles sont chargées par la loi. Celui-ci cède souvent à des considé-
rations d'i bligeance ou de reconnaissance, et s'expose ainsi à des
peines affliftivrs. C< s peines sciaient même ii.famantes, s'il était re-
connu que l'officier de santé a délivré le certificat par suite de pro-
messes ou de dons qui lui auraient éti' faits.
Tel est encore le cas où l'on certifie faussement d'une infirmité
propre à dispenser de la tutelle, du fervice luilitaiie, etc.
Je sais qu'eu province, où tout le monde se connaît, où les
rapports sont journaliers, il est souvent difficile au médecin de re-
fuser un certificat, et (]u'on le taxe de désobligeance, alois qu'il
sait résister aux demandes qui lui sont faites. Cependant riea
n'est plus déplorable que la facilité avec laquelle on constate des
faits inexacts. Il faut que le médecin réponde à de pareilles de-
mandes, par la Ifctnre des articles que je vitns de citer.
Croyez -le bien, Tbomme qui atteste un fait inexact perd tout
droit à la considération publique. Sa signature n'a plus de valeur,
et s'il oblige une persoxnie, il nuit à cent autres; car du moment
qu'il aura faussement ceiiifié d'un fait, on ne lui accordera plus
aucune confiance, alors même qu'il attestera la vérité. Sachez donc
résister, si vous voulez jouir de i'estime publique.
Vous donnerai-je la formule d'un certiiical? C'est l'acte le plus
simple.
Je soussigné ( docteur en médecine, ou officier de santé, de-
meurant à commune de ) certifie que
M. (nom, prénoms, âge, profession et demeure du
requérant), est affecté de.,,. , ( 1a maladie) qui le met dans l'im-
possibilité de
Ou bien : atteste que telle ou telle circoDStance exist«.
En foi de quoi j'ai délivré le présent certificat-
Fait a , commune de , la i834.
r
Art. 9^8.
§ 2. — - Des rapports judiciaires, administratifs, d'estimation.
— Modèles de rapports et ordonnances. - — Vu médecin peut-
il refuser de faire un rapport.
Un rapport est une narration de faits d'où l'on lire des consé-
quences dans trois buts difftrens : i" pour éclairer la justice, soit
dans les matitres civiles, soit dans les matièjes criminelbs ; 2" pour
éclairer le» questions administratives; 3° pour estimer à leur juste
(43)
valeur certains objets vendus ou fabriqnës, ou bien des soins donnés
dans le cours d'une maladie. De là les qualificaiîons de rapports ju-
diciaires, rapports aflmiiiistratifs et rapports d'estinuition. Ces dis-
tinctions sont très-tranchées: ainsi, un crime est commis, la ques-
tion d'aliénation mentale est soulevée; des roédecins sont appelés
pour décider si, aux termes de l'art. H4 du Code pénal, l'accusé était
en démence au temiis de l'action? Un rapport est fait à ce sujet; il
est alors qualifR' raiiport judiciaire, car si la question est résolue par
raf/irm.aiive, l'accusé jouit du hméfice de cet article, qui ne rrcon-
naît ni crime ni délit s'il y a démence au temps de l'action. Voilà un
rapport judiciaire en matière criminelle. « Dans le cas de fureur, dit
l'art. 491 du Code civ., si l'interdiction n'est provoquée ni par
ré|)oux ni par les parens, elle doit l'être par le procureur du roi,
qui, dans les cas d'inib(cilliié ou dedémence, peut aussi la provoquer
contre nn individu qui n'a ni époux, ni épouse, ni parens connus. »
Le procureur du roi n'est pas apteà constater la fureur, l'imbécillité
ou la démence, il ne peut donc provoquer l'interdiction que d'après
le rapport de médecins qui affirnent la réalité de l'existence de
l'une de ces aliénations mentales. Ce rapport est donc encore judi-
ciaire, mais en matière civile.
Les rapports judiciaires ne sont pas toujours provoqués, ils sont
quelquefois faits d'office. Ainsi, un médecin est appelé pour voir un
malade en danger de mort depuis quelques heures ou quelques jours, et
les jiarens du malade rendent mal compte de la cause qui a amené la
blessure ou l'état alarmant de la maladie. Le médecin conçoit des
soupçons d'homicide : la loi vent que, sans avoir été provoqué, il
adresse immédiatement un rapport au maire de l'endroit, ou au
commissaire de police, ou enfin au procureur du roi, sur le fait
dont il a été témoin. Je nomme ces rapports judiciaires, d'office,
pour les distinguer des rapports judiciaires provoqués.
Des plaintes sont adressées à un préfet par les habitans d'une
commune, sur les inconvéniens qui résultent pour la salubrité pu-
blique de l'existence d'une fabrique d'huile de vitriol, d'eau forte, de
noir animal, d'une féculerie, etc. Ici deux ordres d'intérêts sont en
présence: ceux d'une famille, d'une industrie, et ceux des habitans
qui avoisinent le lieu de la fabrication. Le préfet ne peut décider
une pareille question par lui-même. 11 nomme des experts qui, après
un niùr examen, dressent un rapport dans lequel ils concluent à la
suppression ou à la persistance de l'usine. Ce rapport est alors ad-
ministratif. Il ne regarde pas les tribunaux; l'autorité municipale
est seule juge en cette matière.
£nfia des soins ont été donnes à un malade. Le médecin, invité à
fixer la quotité de ses honoraires, demande une somme qui parait
exorbitante à son client : ou bien encore des médicamens ont clé
fournis par un pharmacien, et leur j)rix a été trop élevé. Le malade
refuse celle allocation, ou en réfère aux tribunaux. les juges com-
mettent alors des experts pour connaître des demanrlos. Ceux-ci les
estiment à leur juste valeur, eX font un rapport cTesiiwation.
Vous voyez, par ces exemples, que les distinctions que je vous ai
rappelées reposent sur des bases palpables dans leurs différences.
(44)
Toutefois ces distinctions ne sont utiles qu'en ce qu'elles mettent
plus d'ordre et plus de pn'cision dans les idées, car les règles d'un
rapport sont communes à ces trois espèces, et c'est ce que vous allez
Voir tout-à-i'heure; mais avant d'aborder cet objet, je veux tout de
suite vous éclairer sur une question que beaucoup de médecins se
sont adressée.
Un médecin peut-il refuser un rapport?
Les avis ont été partagés à ce sujet; et cette divergence d'opinion
tient, je crois, à ce que les uns ont assimilé le médecin à un té-
moin, tandis que les autres l'ont considéré comme un expert. Dans
le premier cas, la loi donne ati juge le pouvoir d'appréhender au
Cor|)s le témoin qui refuse de comparaître et de rapporter; dans le
second, au contraire, les rapports ne sont faits que sous accep-
tatron ; puisque le mé li^cin ne peut rapporter avant qu'il ait prêté
serment de remplir fidèlement la mission qui lui est confiée, la pres-
tation de serment suppose donc l'acceptation, et celle-ci ne peut
être évidemment que facultative.
Il faut établir à ce sujet une distinction : tout médecin qui a été
témoin d'un fait ne peut pas refuser un rapport. Il peut bien ne
pas tirer de conclusion des faits qu'il relate, mais il est Jorcé de les
rapporter.
Tout médecin qui est appelé par un magistrat pour connaître
des faits dont il n'a pas été témoin et les interpréter dans le sens
de son art, peut librement refuser cette mission.
Mais en général on a mauvaise grâce à donner un refus, à moins
qu il ne soit fondé sur une excuse valable: tel serait le cas où on
serait invité a connaître de faits avec lesquels on est peu familier;
c est même un devoir, et l'amour-propre doit alors être entiè-
rement mis de côté. Quand un magistrat vous chargera d'une
mission aussi délicate que celle de l'interprétation de faits judiciai-
res, ce sera une preuve de la considération qu'il vous accordera, et
par conséquent vous devrez l'accepter.
Il ne s'ensuit pas de là que vous soyez aux ordres du premier
venu. La loi a fixé les limites dans lesquelles elle a donné la faculté
de demander uu rapport. Je vais vous citer les homnes qu'elle a
compris dans cette catégorie; les juges des tribunaux attachés ou
non à l'instruction; le procureur du roi et ses substituts, et à leur
défaut, les officier» de police judiciaire, auxiliaires du procureur
du roi, et sous ce titre se trouvent compris, les maires, adjoints de
maires, juges de paix, commissaires de police et officiers de gendar-
merie, depuis le grade de colonel jusqu'à celui de sous-lieutenant
inclusivement, (Art. 49 Code d'inst. crim. et 8i Code civil. ) Les
maréchaux-de-logis et brigadiers de gendarmerie, recevant le litre
de sous officiers d'après la loi du fi prairial an viii, n'ont pas titre
pour provoquer un rapport d'un médecin.
Il appartient aux préfets, sous-préfets, maires, adjoints de mai-
res. Conseils d'administration, conseils de salubrité, de demander
des rapports administratifs; mais ceux-ci sont toujours facultatifs, et
par conséquent vous n'hésiterez pas à refuser votre concours à de
(45)
pareils actes, si vous ne vous sentez pas l'aptitude nécessaire pour
remplir la mission qui vous sera proposée.
Vous refléchirez aux conséquences morales et physiques d'une
déci.'-ion prise sans une connaissance parfaite de la matière, au re-
tentissement que vos dtcisious pourraient avoir, si elles venaient
à être contrôlées par d'autres experts, ce qui ne manque presque ja-
mais d'avoir lieu, la partie en cause ayant trop intérêt à provoquer
un nouvel examen en attaquant le jugement de Tautorité adminis-
trative, et en portant l'affaire devant les tribunaux civils.
Des conditions dans lesquelles vous serez placé lorsque vous serez
appelé à faire un rappport.
Vous serez mandé auprès du magistrat qui vous confiera une
miâsiou, par une lettre dont voici la teneur:
de première iiiataocc
du déparlemeDl de
N* du P.
N* du G.
N* du }.
M.
Paris,
i83
Juge d'instruction, invite M.
à se rendre en son cabinet, au Palais-de- Justice,
le
heure d
pour
C'est sur cette lettre, que vous devrez conserver par-devers vous,
que sera inscrite la taxe des opérations que vous aurez faites.
Arrivé chez le juge d'instruction, celui-ci vous donne lecture d'une
ordonnance, dont la teneur variera comme l'objet sur lequel votre
examen devra porter. Elle a pour but de vous exposer les questions
sur lesquelles vous aurez à vous expliquer. En voici un exemple:
ORDONNANCE.
de première iosiaDce
du déparlemrnt
de U Seiae.
du P.
du G.
du i.
Vu au Parquet.
Nous
juge d'instruction près le tribunal de première
instance du déparlement de
Vu l'instruction commencée contre les nommés
inculpés de chasse dans une forêt
nationale, sans port d'armes, et de violence envers
un citojen chargé d'un ministère de service public.
Commettons M. à l'effet par lui
de visiter le nommé garde- forestier à
la résidence de et de constater la nature,
la gravité et la durée présumée des blessures qui ont
été faites an sieur et la maladie ou in-
capacité de travail personnel qui a pu ou pourra en
résulter.
De tout quoi il nous sera fait rapport par écrit,
serment préalablement prêté entre nos mains de bien
et fidèlement remplir la mission qui lui est confiée .
Fait au Palais, ce i83
(46)
Le juge vous demandera alors si vous acceptez la mission qu'il
veut vous confier; et daas le cas d'une réponse affirmative, il vous
fera prêter serment.
Alors il vous remettra cette ordonnance pour qu'elle reçoive
son exécution.
Règle générale, il faut autant que possible que la mission soit
remplie dans les vingt-quaire heures. Dcj.i les formes de la justice
sont tellement longues, que les visites des médecins sont trop tar-
dives; vous ne devrez donc pas ajouter à ces longueurs, vous qui
par état connaissez l'importance d'un examen fait à propos en mé-
decine légale.
Avant de quitter le juge d'instruction, vous devez le prier de
vous communiquer les renseignemens qui ont déjà été recueillis;
de vous donner lecture des premiers rapports faits par des méde-
cins appelés au moment où le crime ou le délit a été découvert:sou-
vent même le juge d'instruction vous confiera ces piècesqui peuvent
non-seulement vous éviter des méprises, mais encore vous diriger
vers les poiiiis principaux qu'il s'agit d'éclairer.
La communication de ces pièces est donc de la plushaute impor*
tance, mais il ne faut pas leur assigner une grande valeur, parce
que des rapports faits par des liommes étrangers ;i l'art de guérir
ne peuvent fournir que des documens fort incertains; et quant au x
dépositions de témoins ou à des interrogatoires faits par des auxi-
liaires de la police judiciaire, ils ne renferment pas toujours l'ex-
pression sincère de la vérité.
C'est muni de ces pièces et de ces données que dans ma pro-
chaine lettre je vous suivrai dans votre expertise, en cherchant à
vous diriger dans vos opérations.
Agréez, etc.
Aiph. Devkrotk,
Profess. ag. la Fac. de .Med.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
Acadcmia des Sciences,
Prix lie médecine. L'Académie avait mis au concours pour iS54 la
question suiviinti; :
Uelerminer quelles soni la atléraliont des or/jfinos dans les maladies dè-
si/fnéen tous le nom de ficvrcs conliniies ; quels font tes rapports qui exis-
teiil entre les tyntpli'/ines de ces mtiladins et les ultilraliiins observées ; in-
sister S(ir les vues ihcrapeutiqitcs qui se déduisent de ces rappurls.
Le prix n'ujaiit jias été décerné, la niéim' cjiMîsliDii est remise au
concours. Le piix (onsislera en une médaille d'cir de la valeur d e
10,000 l'r. L(;s Mémoire» devront ètn; remis francs de j)orl an secréta-
riat de rinslitdl, avant le l*' avril i?î36.
Prix de cUirurnie. L'Acadénjic avait proposé, cumnie sujet d'un prix
à décerniT l'n iSS/J, lu question suivante! ;
Déterminer par 011e série de faits et d'observations aiillirntiqucs quels
sont les avnntagts et les incoiivtniens des moyens mértini'/ues et gymnusU-
que» appliqués à la cure des difformités du sytk'mt oifCHX.
(47)
Aacun Mémoire n'ayant paru à la commission mériter le prix pro-
posé, l'Académie remet de nouveau cette question au concours. Le
prix consistera également en une médaille d'or de la valeurde 10,000 fr.
Les Mémoires devront être envoyés avant le i*"" avril iS36.
Prix Monlliyon. Prix à décerner aux auteurs des ouvrages ou des dé'
couvertes jugés le plus utiles à l'art de guérir, ou à ceux qui auront rendu
un art ou un métier moins insalubre.
Les pièces admises au concours n'auront droit au prix qu'autant
qu'elles contiendroat «ne découverte parfaitement déterminée. Les
ouvrages ou M< moires enTdyés pour le concours devront être remis avant
le i" avril i855,
VARIÉTÉS.
Responsabilité médicale. Un événement des plus déplorables ame-
nait, le 4 décembre dernier, devant la sixième chambre rorreclion-
nelie, un médecin, sous la prévention d'bomiiide, par imprudence,
sur la personne d'un enfant de trois ans et demi. Voici les détails de
celle malheureuse alTaire, tels que les donne la Gazette des Tribunaux :
0 Le sieur i^'lamment, père de la malheureuse victime, expuse en
ces termes l'objet de sa plainte : Mon petit soullVait depuis quelque
temps de la fièvre; j'envoyai chercher le médecin, qui prescrivit un
lavement au malade. Je portai l'ordonnance chez M. Commenfhail-
Peigné, pharmacien, place Baudoyer, n'> 4î qui me dit de repasser le
soir. pour venir chercher le médicament qu'il allait préparer. Le soir,
j'envoyai ma Qlle chercher la drogue. Je remis au lendemain matin à
administrer le lavement à mou pauvre enlant. A peine l'eut-il pris,
qu'il me dit : Papa, papa, je tombe. — Eh non ! mou enfant , lui lé-
pondis-je; tu ne peux pas tomber, puisque je te tiens dans mes bras.
Mais bienlût ce pauvre petit devint pourpre et violet, et puis il suait
à grosses gouttes; enfin, les convulsions le prirent, et après quatre
heures d'une agonie cruelle, il mourut. (Ici le père est obligé de s'ar-
rêter, les sanglots étoulTent sa voix; l'auditoire tout entier partage son
émotion profonde, et le malheureux médecin essuie ses larmes.)
» Le témoin reprend ainsi : En voyant les tortures de inun enfant,
j'envoyai aussitôt chercher plusieurs médecins. Il en vint deux qui me
dirent, en lisant l'ordonnance, que mou enfant avait été empoisimné
en prenant ce lavement, où il entrait huit grains d'acétate de mor-
phine et quelques gouttes de laudanum de Sydenham. Je ne pouvais
certainement pas accuser la mauvaise intention de mon médecin qui
était mon ami, qui soignait ma famille dep lis dit ans, et qui même
m'avait sauve déjà une fuis mon pauvre enfant; mais, mon Dieu, son
imprudence m'a causé une perle irrsparab le 1
» Le pharmacien est introduit comme témoin. Il déclare qu'en li-
sant la prescription du huit grains d'acétate de morphine pour lavement,
il a jugé lui-même la dose trop forte, ce qui l'a engagé à la réduire a
cinq 4le sou propre mouvement; encore pensait-il que cette dose, ainsi
diminuée, devait être étendue dans plusieurs lavemens. Au surplus, en
délivrant cinq grains d'acétate de morphine, il s'est conformé au for-
mulaire de Magendie et de Foy, qui permettent l'emploi de ce sel à
pareille dose.
» M. le président : Vous ne pouvez alléguer, monsieur, que vous
croyiez que ces cinq graios d'acétate de morphine dussent servir à plu-
sieais lavuuieos, cai- l'ordouuaace n'en prescrivait qu'un à prendre.
>
(48)
» M. l'avocat du roi : D'ailleurs, vous n'ignoriez pas que ce lavement
était destiné a un enfant de trois ans, et vous auriez dû savoir que cette
dose de cinq grains, ninsi rcdnile par vous-iiit'uie, t-tail encore beau-
coup trop forte pour un malade cet âge. L'opinion de MM. Orfiia et
Bounassier, consultes à ce sujet, est que, pour un enfynt de trois ans,
on ne devait administrer qu'un ttuitième, qu'un sixième, ou tout au
plus qu'nu quai t de grain. (Sensation dans l'auditoire.)
» M. le président avec sévéïité : Votre devoir dans une pareille cir-
constance, monsieur, était, non pas de réduiie la dose, mais de vous
abstenir d'en délivrer aucune avant de vous être entendu av( c le signa-
taire de l'ordonnance, qui, a nos yeux, avait evid< mment commis une
erreur qui pouvait avoir et qui malbeuieusement a eu des suites si
fatales.
a M. Saint-Amand, défenseur du prévenu, expliqua l'erreur de son
client : Préoccupe, dit-il, d'une conversation quil venait d'avoir sur
Vacétale de moriiltine, il arrive cbez le sieur Flamment dévoré d'inquié-
tude a l<i vue de la soulfrauce de son cnlant. Tout en cherchant à le con-
soler, il formule sa malheureuse ordonnance. Il voulait ordonner liait
grains de sulfate de quinine, et, cédant à une malheureuse préoccupation,
sa main écrivit liui( grains d'acétate de morphine. Cela est si vrai, que,
lorsque ses confrères appelés lui dirent ; Eh! malheureux, qu'avez-vous
fait? Il répondit : Comment ! mais j'ai prescrit huit grains de sulfate
de quinine, et il n'y avait que cela à prescrire. La vue de son ordon-
nance lui causa une espèce de vertige, il ne pouvait croire qu'il eût
écrit acétate de morphine, pour sulfate de quinine, etc.
» Le tribunal, après en avoir xiélibéré, admettant des circonstances
atténuantes, condamne le médecin à l.oo fr, d'amende et aux dépens.»
Prix décernés. Dans sa séance annuelle du S décembre, l'Académie
des Sciences a décerné les prix de médecine et de chirurgie, ainsi
qu'il suit :
1" 6,000 fr. à M. le docteur Gensoul, de Lyon, pour son Mémoire
sur quelques maladies graves des os maxillaires supérieurs ;
2" 3,000 fr. à M. le docteur Bousquet, pour ses recherches expéri-
mentales sur la vaccine ;
5» 3,000 fr. à M. Mayor, de Lausanne, pour son ouvrage intitulé :
Déligafion populaire;
4" 2,oou fr. à M. Souberbielle, pour les pcrfectionnemens qu'il a
apportés à la taille sus-pubienne ;
5" 2,000 fr. a M. le docteur Ségalas, pour son nouvel instrument
appelé brise-pierre, à pression et a peicussion ;
6' 2,ooo fr. à M. ^icod, pour ses recherches sur les polypes da col
de la ve»»ie et du canal de l'uieiie;
7» i,5oo fr. à M. Coslallaz, pour ses recherches sur les coarctalions
du rectum ;
8" i,5oofr.à M. Gannal, pour ses essais faits avec le chlore, dans le
traitement de la phihisie;
(j" 1,000 fr. à aM. James, pour ses recherches sur la vaccine.'
— Dans sa séance du i6 décembre, l'Académie a proclamé M. Ci-
viale membre titulaire, à la majorité de Hu voix sur 82.
— M. Lallemenl, chirurgien en chef de la Salpètriére, professeur
honorait e de l'Jb^cule de Médecine, vient de mourir à l'Âge de soixaote-
dix-huit uns.
— M. Lisfranc a été nommé président, et M. Louyer-Villcrmay vice-
président de l'Académie royale de Médecine pour l'année i8.i5.
(49)
ART. 979.
De l'emploi des furhigaitons pulmonaires faites avec une décoction
de plantes narcotiques et de feuilles de belladone en particulier,
contre l'asthme sec, la coqueluche, la toux nerveuse, etc.
M. 3IagisteI a publié dans la Gâiette médicale quelques cou-
sidératioûs sur l'usage des fumigations ayec des substances
narcotiques dans certaines uialadies. Ce moyen, employé
chez onze personnes atteintes d'irritations bronchiques, a
obtenu chez neuf d'entre elles uu plein succès; chez deux
seulement iln'a procuré que du soulagement. Voici, parmi
les observations recueillies par ce médecin, celles qui lui
ont paru les plus intéressantes. •
Lu homme âgé de cinquante ans était atteint de cette ma-
ladie, désignée parles auteurs sous le nom d'asthme sec, se'
manifestant par des accès de suffocation qui survenaient tous
les deux ou trois jours; la face alors devenait pâle, le pouls
petit et irrégulior; les yeux semblaient sortir de leurs orbi-
tes; l'expiration était sifflante, le corps couvert de sueur; dés
iiiouvemens Convulsifs accompagnaient cet accès de suffoca-
tion qui durait plusieurs heures.
\ L'affection résistait depuis huit ans aux saignées, aux ré-
vulsifs de la peau, aux divers extraits narcotiques. Le 9 août
i855 M. Magistel ordonna des fumigations pulmonaires avec
la vapeur d'une décoction de feuilles de belladone. Après
quelques fumigations, la respiration devint plus facile; les
accès furent beaucoup moins violens dans le mois dé sep-
tembre. Dans le mois d'octobre, ils ne donnaient plus lieu
qu'à une légère oppression. Depuis le mois de décembre 1 855,
époque ù laquelle cet homme cessa de faire des fumigations,
aucun accès d'asthme n'est survenu.
Sur cinq malades semblables, traités par la même méthode,
quatre ont guéri ; le cinquième, qui était un vieillard de
soixante-quinze ans, après avoir obtenu de l'amélioration,
succomba à une lésion des voies digestives.
Le même moyen réussit également dans un cas de toux
convulsivc chez un adulte ; mais c'est surtout chez les enfans
affectés de coqueluche que M. Magistel assure avoir obtenu
de très-bons effets de ces fumigations. Trois observations
nous sont citées par ce médecin. Chez l'un des enfans on es-
saya vainement rijpécacuanha et la belladone en poudre. Les
TOM. VI. — N" DE FÉVRIER. 4
(5o)
fumigations avec les vapeurs d'une décoction de ieuilles de
cette planle amenèrent une amélioration sensible dés le len-
demain. Au bout de douze jours la toux avait entièrement
cessé. Les deux autres observations sont à peu près sembla-
bles chez l'un des malades; la j^uérisun fut obtenue après
quinze jours de traitement; chez l'autre, après huit jours
seulement.
M. Magistel paraît conseiller ces fumigations à toutes les
périodes de ces toux nerveuses ; mais, lorsqu'il y a des symp-
tômes de pléthore, il commence par recourir aux évacuatious
sanguines. Il emploie le plus souvent les feuilles de bella-
done, commen^;ant par deux gros dans une livre d'eau. Au
bout de quatre ou cinq jours ou en fait bouillir une demi-
once dans une livre de liquide. Trois fumigations, de dix mi-
nutes chacune, sont faites chaque jour dans le principe; on
porte ensuite le nombre graduellement à cinq ou six, et on
en prolonge la durée jusqu'à vingt minutes. L'extrait aqueux
de belladone peut être substitué aux feuilles, à la dose de
quinze à vingt grains, dans une chopine d'eau bouillante.
Pour les enfans, on ne doit employer d'abord qu'un gros de
feuilles sèches de belladone dans une livre d'eau ; la dose peut
en être élevée graduellement jusqu'à trois gros.
Quant au mode d'administration, l'appareil le plus simple
est suffisant. Tout vase en verre, en fer-blanc, ou en grès, à
une ou deux tubulures, peut servir à cet effet; et ceux de
nos confrères qui n'auraient pas un de ces appareils à leur
disposition pourraient en composer un sur-le-champ, en
adaptant à un vase quelconque un tube un peu long, qui don-
nerait passage à la vapeur, et permettrait de la diriger ver8
la bouche des malades, (Voy. art. 49 et 80G.)
ART. 980.
Note sur le traitement de l'aménorrhée par t'irrltaiion des
mamelles.
On trouve dans \(i Journal hebdomadaire i\\n:\i[\i(i?> observa-
lious publiée» par M. Mondièn;, médecin à Loudun, et ser-
vant à prituver la sympathie (jui existe entre les mamelles
et l'utérus, cl à indiquer le parti (ju'on peut tirer du rapport
do ces deux organes eu therapeuticpie. Voici dans (jnelles
circoustunccs ce médecin observa, pour la première fois, les
effets d'une irrilatioa artificielle des maoïelfes sur l'utérus.
(5i)
Un de ses amis Jui présenta une jeune personne avec la*
quelle il entretenait des relations, et qui portait i\la mamelle
droite un engorgement glanduleux de la grosseur d'une noiï.
Les règles, en outre, n'avaient pas paru depuis dix-huit moiSj
et un médecin avait inutilement essayé, pour rétablir leur
cours, des applications de sangsues, et tous les moyens usi-
tés en pareil cas.
M. Mondière, ne s'occupant d'abord que de Fa tumeur du
sein, conseilla de recourir aux sangsues, qui ne furent point
appliquées, et aux frictions avec l'iode, aux cataplasmes
émolliens, etc., qui n'avaient eu absolument aucun effet au
bout de deux mois. Ce fut alors que ce médecin engagea son
ami à recourir à la succion souvent répétée du mamelon,
qui détermina bientôt un gonflement assez considérable de
la mamelle, avec rougeur et sensibilité. Cet éréthismb fut
porté au point que le moindre contact était fort doulou*
reux, et qu'il fallut recourir à l'application de cataplasmes
anodins. L'engorgement squirrheux ne reçut aucune in-
fluence de cette succion répétée; mais l'utérus fut assez
excité pour que les règles reparussent, et continuassent
ensuite de fluer périodiquement avec régularité.
Dans un autre cas d'engorgement squirrheux de la ma-
melle, l'irritation déterminée sur ce point par de nombreuses
applications de sangsues eut une action aussi sensible. 11 n'y
avait point aménorrhée, mais la menstruation se montra plus
fréquente et plus abondante.
Après avoir rapporté ces deux faits, l'auteur du Mémoire
cite deux observations du même genre, publiées dans Uti
journal étranger par le docteur Patterson. La première est
celle d'une jeune fllle de vingt-quatre ans, chez laquelle les
règles n'avaient pas paru depuis deux ans et demi. Lors-
qu'elle se présenta à l'hôpital, le lo août iSÔa, elle avait
mie légère fièvre inflammatoire, avec quelques symptômes
d'hystérie. On prescrivit, pour combaitre une douleur sur-
venue dans la partie supérieure et externe de la poitrine, un
petit sinapisme qui, par l'inadvertance de l'infirmière, fut
fait trop grand, de manière à recouvrir la mamelle pres-
que entière. Ce sinapisme détermina une vive irritation de
cette partie, avec gouflenient considérable et douleur très-
vive; mais les règles ne tardèrent paé t\ paraître, fet la ma-
melle reprit peu à peu sou volume ordinaire.
Dans la seconde observation citée par M. Patterson, il s'a-
gissait d'une jeune fille chez laquelle l'écoulement menstruel,
supprimé pendant une exposition à un froid violent, n'avait
(52)
pas reparu depuis cinq mois. Un grand nombre de remèdes
avaient été employés inutilement, et cette malade éprouvait
tous les accidens de l'aménorrhée. La moitié clavicuiaire de
la mamelle fut recouverte avec un sinapisme qu'on laissa en
place pendant une demi-heure. Il en résulta une tuméfaction
considérable de ce côté de la poitrine, et dès le lendemain
les règles parurent.
A ces observations M. Mondière en ajoute une autre tirée
de sa pratique:
Une jeune fille, réglée avec peine, vit tout-à-coup le flux
menstruel supprimé, à la suite d'une frayeur. Après cinq
mois de suppression, elle avait le teint pâle, la langue blan-
châtre, éprouvait de la céphalalgie, des palpitations, etc. Des
coliques assez vives se faisaient sentir avec chaleur dans le
bas-ventre, et douleur dans les reins à chaque époque mens-
truelle. M. Mondière attendit donc l'époque convenable, et
prescrivit alors l'application d'un sinapisme pendant quinze
à vingt minutes sur le côté externe de chaque mamelle. L'ir-
ritation déterminée fut assez vive, et dès le lendemain les
règles parurent, mais furent peu abondantes. A l'époque sui-
vante on eut recours au même moyen. Le flux menstruel
s'opéra plus abondamment, et continua par la suite de se
montrer avec régularité, sans qu'il fût besoin de recourir de
nouveau aux sinapismes.
M. Mondière fait observer avec raison que ce moyen ne
saurait être proposé indistinctement pour toute espèce d'a-
ménorrhées; qu'on ne devra, au contraire, y avoir recours
que dans les cas oi'i la rétention ou suppression des règles
n'est due qu';\ un défaut d'activité vitale de l'utérus. Ces cas,
qui sont assez ft-équens, surtout dans les grandes villes,
où se trouvent tant de femmes à tempérameut lympha-
tique, pourront donc être avantageusement traités par ce
moyen.
Enfin, l'auteur du Mémoire, examinant de quelle manière
on devra déterminer cette irritation des mamelles, après
avoir rejeté les applications répétées de sangsues, dont l'eflét
est fort inconstant, la succion, qui ne pourrait être employée
que dans un très-petit nombre de cas, recommande les
sinapismes de la manière indiquée comme le moyen le plus
simple et en même temps le plus cflicace.
(53)
ART. 981.
Observation de pcritonîte survenue d la suite d'accouchement,
rapidement guérie par les frictions mercurielles.
M. le docteur Duffresse-Chassaigne a publié, dans le même
recueil, une observation sur laquelle nous devons appeler
l'attention de nos lecteurs.
"Une jeune dame accoucha le 12 mars i834) pour la cin-
quième fois, d'un enfant âgé de cinq mois, etmort depuis plu-
sioursjours- Le dix-septième jourde ses couches elle s'exposa
à l'action d'un air froid et humide, et dès le soir quelques
douleurs légères se firent sentir dans la partie inférieure gau-
che du ventre. Le 5o les douleurs augmentèrent, et le 5i elle
était étendue horizontalement sur le dos, ne pouvant faire le
moindre mouvement sans éprouver de vives souffrances. La
région inférieure gauche de l'abdomen était très-sensible
au toucher; la face était rouge, le pouls petit, fréquent.
(^Saignée de seize onces, vingt sangsues sur ta partie douloureuse
du ventre et dix au siège, fomentations émollientes.)
Les applications de sangsues déterminèrent chez cette
femme, qui était très-nerveuse, les attaques d'hystérie les
plus violentes : tantôt elle restait sans mouvement et sans
respirer, tantôt la respiration était haute et ronflante, elle
se soulevait, faisait des efforts de vomissemens, et s'agitait
convulsivement. Enfin, ces accidens se calmèrent, ainsi
que le mal de tète; mais les douleur» du ventre étaient into-
lérables. (^Potion calmante, friction sur le ventre avec un gros
d'onguent mercuriel.) Trois heures après, la malade avait
dormi d'un paisible sommeil, les extrémités étaient chaudes
et tout le corps couvert d'une douce moiteur; la douleur était
fort diminuée, le pouls moins fréquent. Le i" avril la nuit
avait été calme, cependant la douleur du ventre était revenue
plus intense. [Continuation de la friction avec un gros d'on-
guent mercuriel, un bain entier, un demi - lavement émollient,
fomentations sur le ventre.) Le soir la douleur était beaucoup
diminuée. [Une nouvelle friction avec un gi'os d'onguent.)
Le 2 avril le ventre était souple et non douloureux à la pres-
sion. [Même friction.) Le 5 la maladie principale pouvait être
considérée comme guérie; mais les frictions faites avec qua-
tre gros d'onguent mercuriel avaient déterminé une salivation
des plus intenses, qui ne céda qu'après dix jours d'un traite-
ment approprié.
(54)
Réflexions. Nous avons laissé à celte observation le titre
f[iu; lui a donné son auteur, l)ien qu'il soit loin do notre pen-
sée de vouloir la présentera nos lecteurs comme un exemple
de reilicacilé des Irictions mercurielles dans les all'ictions
de ce genre. Il nous semble, au contraire, évident que l'a-
niélioralion rapide n'est due qu'aux abondantes émissions
sanguines fort prudemment pratiquées dès le début de la
maladie, aux cmbrocations éniollientes, aux bains, etc., dont
on n'a pris discontinué l'usage. Cependant M. UuflVesse-Clias-
saigne, attribuant tout l'honneur de la guérison aux frictions
mercurielles, croit que les sangsues n'ont l'ail qu'aggiaver le
mal; «ce qui le prouve d'ailleurs, ajoute-t-il, c'est l'amélio-
ration survenue presque subilement après la première l'ric-
lion, et l'action lapide du iiu';dicauient sur les glandes sali-
vaires et la membrane muqueuse de la bouche. » On ne doit
pas être surpris qu'une application de trente sangsues ait
déterminé chez une iéinme nerveuse de violentes attaques
d'hystérie ; mais peut-on en conclure que l'inflammation du
péritoine en ait été aggravée, quand on volt les accidcns du
côté du ventre se dissiper bientôt d'eux-mÊmep, ainsi que la
céphalalgie? 11 est évideut que les déplétions sanguines ne
pouvaient amener d'amélioration pendant la durée même des
convulsions; elles n'ont d'ailleurs jamais d'action sensible sur
l'économie qu'après un certain temps, et cependant c'est aus-
sitôt que le cahne est rétabli qu'on s'enjpresse de l'aire des
Irictions mercurielles. Ne peut-on pas objecter que (juclques
inslans encore, et l'on allait juger de l'cflet des saignées?
Cela est d'autant plus probable, (|ue c'est immédiatement
après l'emploi des fiictionscjuci survient une détente générale;
or, qucb|ue vertu que l'on prGte à l'onguent meicuriel, il
est impossible de lui aecorder une action aussi instantanée.
C'est précisément celte rapide guérison, qu'on assure être si
probante en laveur du remède, qui nous l'ail croire qu'il est
resté tout-à-lail étranger à la guérison; et si le lendemain il
y a eu exaccrbation momentanée dans les douleurs, n'a-t-on
pas donné im bain qui les a dissipées de nouveau? Quant à
l'action rapide du niédicanienl sur les glandes salivaires, elle
ne nous parait pas davantage allester son elTicacité; car il n'y
a rien d'étonnant à ce (pie quatre gros d'onguent mercuriel
dépensés en fiiclions dans l'espace de deux jours, chez, une
fenune délicate, aient déterminé une violente salivation.
l'",ii ré-'Hiné, c'est aux émissions sanguines, et non aux Iric-
tions m<:'''^nri(;lles, qu'il faut attribuer dans ce cas la guéri-
son. Ce n'est pas que nous veuillons mettre en doute les succès
qu'on a obtenus par cette méthode, succès que nous avons
(55)
eonsignéà ailleurs (i)j nous prendrons au contraire roccaàion
de rappeler que ces friction* ont paru produire quelque effet
dans un petit nombre de cas, et que c'est une ressource pour
le praticien, lorsque touâ les autres moyens ayant été tentés,
le malade parait menacé d'une mort certaine. Ajoutons enfin
qu'il semble résulter de pluîiems laits publies récemment,
que l'onguent mercuriel doit être employé plutôt en oj\ctions
qu'en frictions, le moindre frottement déterminant de la dou-
leur, et pourant par conséquent aggraver Tinflamniation.
ART. 98a.
Observations et considérations sur le traitement des tumeurs
scrofuleuses par l'établissement d'un exutoire à leur centre.
Article communiqué par M. Ordinaire, docteur en méde-
cine à Saint-Laurent-lès-Mûcon.
Chez les sujets prédisposés à l'inflammation et à l'irritation
chronique des glande? lymphatiques, il survient fréquem-
ment autour de la glande parotide, a la partie supérieure,
moyenne ou inférieure des diverses faces du cou, sous les
aisselles, aux aines, autour des articulations de l'avant-bras
et de la jambe, une ou plusieurs tumeurs de grosseur et de
forme irrégiilières, indolentes, plus ou moins dures, fixes ou
flottantes, sans changement de couleur à la peau. Ces tu-
meurs grossissent plus ou moins vite, restent une ou plu-
sieurs semaines stationnaires, et se désignent ordinairement
sons le nom de tumeurs scrofuleuses.
Plus ou moins long-temps après leur apparition, il peut
arriver que ces tumeurs deviennent douloureuses et s'amol-
lissent ; la peau qui les recouvre s'altère, prend une couleur
pourpre, bleue ou rose-pSie, et se perfore en un ou plusieurs
points. La matière qui s'écoule se rapproche d'abord du pus
phlegmoneux, se montre bientôt plus délayée, prend une
odeur aigre, et dégénère enfin en une sérosité visqueuse,
entremêlée de flocons blanchâtres semblables à du lait caillé.
L'ouverture qui lui donne issue s'élargit insensiblement, ou
les diverses perforations par lesquelles le pus s'écoule se
réunissentet forment une p^aie à bords minces, frangés, irré-
guliers, flottans, qui s'avan^cent plus ou moins sur son fond
et caractérisent l'ulcère cutané.
(1) Voy. art. 82. et 4^2.
(56)
Quelquefois une seule tumeur parûGii plusieurs autres en-
tre en suppuration, et, après avoir sécrété pendant un certain
temps, s'eîrace et disparait en laissant une cicatrice saillante
ou profonde. D'autres fois plusieurs de ces tumeurs s'en-
flamment les unes après les autres et suppurent en même
temps. Enfin, très-souvent l'irritation semble partir de la
tumeur primitivement affectée, suivre sous la peau le trajet
des vaisseaux lymphatiques, se communique à d'autres tu-
meurs déjà formées, ou occasione le développement de nou-
velles. Cette irritation amène la suppuration, et il en résulte
des foyers purulens, communiquant entre eux par des ca-
naux qui sont de véritables fiUales sous-cutanées.
Ces dernières peuvent encore être déterminées parla fil-
tration dans le tissu cellulaire de la matière purulente pro-
venant d'une ulcération voisine, ainsi que je l'ai souvent ob-
servé. La peau qui recouvre ces fistules est quelquefois sim-
plement soulevée, saillante, sans altération ; d'autres fois elle
est enflammée, de couleur rouge ou bleuTitre, et dans ces deux
cas l'étendue et le trajet des conduits fistuleux se reconnais-
sent facilement; mais très-souvent aussi la peau reste dans
son état normal, et ce n'est qu'à l'aide d'un stiletfin ou d'une
injection par un des orifices fistuleux que l'on parvient à les
découvrir.
lin grand nombre de moyens ont été préconisés pour com-
battre cesdiverses affections du système lymphatique. Parmi
eux se placent en premier lieu les drastiques, lessudorifiques,
les mercuriaux et les diverses préparations d'iode, d'après la
méthode de 31. Lugol. Je ne contesterai pas à ces dernières
les propriétés curalives qu'on leur a attribuées, mais je crois
avoir remarqué qu'elles ont une fâcheuse influence sur Pap-
pareil respiratoire, et comme chez les scrofiileux les organes
contenus dans la poitrine sont très-impressionables, et dans
le plus grand nombre de cas même plus ou moins profondé-
ment aflectés, j'en ai conclu que l'iode ne devait se prescrire
à l'inlérienr qu'avec la plus grande circanspe<;tion. ilmployé
à l'extérieur, il n'a pas les mêmes inconvéniens ; aussi, en
fais-je un fréquent usage en bains, en injections et en pom-
mades.
Le traitement général duquel j'ai obtenu le plus de suc-
cès consiste, si le sujet est fiible, dans l'ii.'^age prolongé des
boissons mucilagineuses et du sirop antiscorbulique à la dose
de deux ou trois onces j)ar jour, de légers laxatifs, d'une
iioiirrltiue animale et d'un vin généreux a petites doses. Si
le malade est robuste, j'alterne les boissons mucilagineuses
avec les décoctions concentrées de salsepareille. Si l'appareil
(57)
digestif est sain, j'insiste sur les drastiques, et je n'ai recours
à l'iode qu'autant que les or£;anes de la poitrioe sont dans
leur état normal : alors je fais prendre dix gouttes, le matin
à jeun et le soir une heureavant le souper, de la teinture
suivante, dans un A'erre d'eau froide :
Iode, un scrupule ;
Hydriodate de potasse, trois scrupules;
Eau, huit onces.
J'augmente la dose d'une goutte tous les six à huit jours,
et la porte ainsi jusqu'à vingt-cinq, que je ne dépasse
jamais.
Les dérivatifs sont des moyens puissans que je suis loin
de négliger : j'établis constament un, quelquefois deux cau-
tères aux bras ou aux extrémités inférieures, d'après le siège
de la maladie, et je ne les entretiens pas, comme on le fait
journellement dans la pratique, avec un ou deux pois, je
commence toujours par cinq ou six, et tous les deux ou trois
jours j'en ajoute un nouveau, jusqu'au nombre de quinze,
vingt et vingt-cinq, suivant l'embonpoint du sujet.
Dans le traitement local j'alterne toujours les frictions io-
durées avec les frictions mercurielles, auxquelles je donne-
rais volontiers la préférence. Je fais recouvrir les parties fric-
tionnées de laine grasse d'agneau. Je panse les ulcérations
avec du cérat opiacé et de la pommade d'hydriodate iodurée
de potasse, alternativement. Celte dernière, employée ex-
clusivement, détermine souvent une irritation telle, que l'on
est forcé d'en suspendre l'emploi. Si j "ai cautérisé, je me sers
du tafetas ou diachylum gommé, et de cataplasmes émoi-
liens.
Dans les cas de tumeurs scrofuleuses, je n'ai jamais obtenu
de résultats avantageux de l'application des sangsues; mais
un moyeti puissant auquel je dois de beaux succès, c'est l'é-
tablissement d'un exutoire au centre ou à la partie déclive de
la tumeur. Cet exutoire n'a d'autre inconvénient que la lé-
gère cicatrice qui en est la suite: encore cette cicatrice, ré-
gulière, arrondie, n'est-elle jamais aussi difforme que celle qui
suivrait toute autre ulcération.
Je choisis, sur onze cas où j'ai employé ce moyen avec
succès, les trois observations suivantes.
Mademoiselle '^ioltet, de la Maison-Blanche (Saône-et-
Loire), âgée (le vingt et un ans, d'un tempérament sanguin lym-
phatique, d'une bcMinc constitution, vint me consulter dansie
courant d'août i855 pour une tumeur qu'elle portait depuis
trois mois à la partie latérale gauche du cou, s'étendant de
(56)
Pangle de la mfichoire inférieure à un pouce au-dessus de la
clavicule. Cette tumeur, de la grosseur d'un œuf d'oie, était
ovale, bosselée, paraissait formée par l'engorgement de plu-
sieurs glandes, dure, indolente, sans changement de couleur
à la peau, et ne gênait la malade que dans les mouvemensdu
cou. Du côté opposé se rencontrait, au-dessous de l'oreille,
derrière l'angle de la mâchoire inférieure, deux au très glandes,
l'une de la grosseur d'une amande, et l'autre plus petite. La
malade attribuait l'apparition de ces tumeurs à un bain froid
qu'elle avait pris pendant le cours de la menstruation, qui
fut supprimée. J'avais guéri un de ses frères, Hgé de quatorze
ans, d'une teigne faveuse; son père était mort jeune, d'une
affection catarrhale; sa mère était d'une faible constitution.
Ces tumeurs ne paraissant nullement disposées à se ramol-
lir, encoremoinsàse résoudre, j'employaipourles combattre
les moyens suivans -.saignée générale copieuse^ quatre verres par
jour de décoction concentrée de salsepareille, purgations répétées
tous les dix jours, diœ gouttes, soir et matin, de la teinture d'iode
ci-dessus, dans un verre d'eau froide : celte dose fut portée, dans
la suite du traitement, i\ vingt-cinq gouttes, en ajoutant une
goutte tous les quatre jours; appticationde sangsues aux cuisses
pour rappeler la menstruation; frictions sur les tumeurs, avec un
gros, soir et matin, d'hydriodate de potasse ; vaste exutoire au
bras gauche de dix pois, dont le nombre fut porté à vingt-deux.
Malgré ces moyens, qui furent continués pendant plus de
quarante jours, nous n'obtînmes aucune amélioration dans la
tumeur. La malade n'était nullement fatiguée do son trai-
tement qu'elle suivait à la lettre. Alors je ne balançai pas à
recourir à un moyen dont je connaissais depuis long-temps
l'efficacité, mais que la crainte d'une cicatrice au cou m'avait
fait ajourner. J'appliquai sur la partie la plus déclive de la
tumeur principale un morceau de potasse caustique qui dé-
termina une escarre de la largeur d'ime pièce do vingt sous.
Je fendis le lendemain l'escarre, et logeai dans son milieu
un pois, afin d'en activer la chute, qui s'opéra dix jours après.
J'entretins cette plaie à l'aide de trois pois, maintenus par
du tafetas agglutinatif; je prescrivis des frictions avec un
demi-gros d'onguent mercuriel double, matin et soir, et, en
un mois, la tumeur disparut. Les deux petites tiuneurs du
côté opposé n'avaient éprouvé qu'une très-légère diminution.
Au mois de décembre de la même année, je fus appelé pour
donner des soins à la mOme personne, atteinte d'un catarrhe
aigu des plus graves, avec toux fréquente, expectoration de
crachats purulens, fièvre, sueurs nocturnes, etc., aceidens
qu'elle attribuait à l'étal froid de la température. Son cautère
(59)
co menait encore quinze pois, mais j'appris qu'elle dépassait
beaucoup la dose d'iode prescrite, dans l'espoir de guérir plus
p ronipienient, et surtout d'empêcher le retour de lamaladie,
et j'en tondus que l'iode n'était pas étranger à la gravité de
l'affection pulmonaire. .Alademoiselle Coltet fut long-temps
alitée, mais, enfin, la maladie céda aux nombreux emplâtres
stibiés, dont je ne balançai pas à recouvrir la poitrine. Elle se
rétablitauprinlemps,et,depuiscetteépoque, elle jouit d'une
bonne santé ; toutes les tumeurs ont disparu.
M. Mai***, fils d'un propriétaire de Saint-Sorlin (Saône-
et-Loire), .Igé de dix-huit ans, vint me consulter, en mars
■ i85i, pour une tumeur qu'il portait derrière l'angle de lamâ-
choire inférieure, à la partie latérale gauche du cou. Cette
masse glandulaire était formée de trois portions : une, plus
interne, de la grosseur d'un œuf; une, postérieure à celle-ci,
avait le volume d'une noix; et enfin la troisième, placée
au-dessus des deux autres, était plus petite et plus profonde.
M. Mar*** était d'une faible constitution, d'un tempérament
lymphatique, et portait des traces profondes de petite vérole.
Lorsque le malade vint me consulter, l'engorgement datait
de deux ans, et, loin de diminuer, faisait chaque jour des pro-
grès. On avait vainement employé des sangsues, des cata-
plasmes émoUien s, des frictions avec la pommade iodurée, etc.
Je «prescrivis le traitement suivant : teinture d'iode àpetite dose,
cinq àsix gouttes dans un verre d'eau matin et soir, boissons mu-
cilagineuses, vaste exutoire au bras gauche, frictions mercurietles
et application d'un morceau de potasse caustique sur la tumeur la
plus saillante.
Un mois après, cette tumeur avait disparu ; mais les deux
autres, loin de s'effacer, étaient devenues plus apparentes
par la résolution de celle qui les recouvrait en partie. A cette
époque je fus forcé de suspendre liode, à cause d'une toux
rare, avec expectoration le matin et sentiment de gêne der-
rière le sternum, symptômes qui disparurent quelques jours
après la cessation de l'usage de l'iode, que je remplaçai par
le sirop anti-scorbutique. J'attaquai par an nouveau cautère la
seconde tumeur, qui disparut en moins de vingt jours. J'aban-
donnai à elle-même la troisième, dans l'espérance que les
frictions, le vaste cautère du bras, en favoriseraient la réso-
lution; mais, au printemps suivant, elle prit en peu «le joups
un accroissement considérable, et Mar*** vint rêclajiier un
troisième cautère. Je l'appliquai de nouveau, et, en trente-
cinq jours, la guérison fut complète. Depuis cette époque ce
jeune homme, qui s'est marié, continue de jouird'une bonne
santé. Les trois cicatrices sont peu sensibles.
(6o )
Mademoiselle Nav***, de Saint-Didier (Ain), 5gée de douze
ans, nnc fut amenée en 1829, portant deux tumeurs scrofu-
leuses, l'une du volume d'un œuf de pigeon, à la partie in-
férieure du tibia, au-devant de son articuliilion, l'autre, plus
petite, derrière la malléole interne, gênant bcu.'^ihlouient la
marche. Ces tumeurs étaient indolentes, molles, et sans
changement de couleur à la peau. Cette petite malade était,
en outre, sujette depuis son enfance à une ophtalmie qui
avait déterminé l'ulcération du bord libre des paupières et la
chute des cils. Elle était pille, maigre, puilait au cou plu-
sieurs glandes engorgées, olfrait enfm tous les signes du vice
scrofuleux.
Les tumeurs du pied dataient de plusieurs années etavaient
résisté à divers traitemens. J'établis an vaste cautère à la partie
interne et supérieure de la jambe. Soir et matin je fis prendre un
bain local dans un litre d'eau iiide, contenant : iode, trois crains,
iodurc de potassium, six grains. J'ordonnai en outre des frictions
iodurées et mercurielles alternativement, le sirop aniiscorbutique
et des laxatifs. Le tout fut continué sans succès apparent pen-
dant plus de deux mois. Alors je plaçai un morceau de potasse
caustique sur chaque tumeur, et, en moins d'un mois, la gué-
rison futcompl.ète. J'ai revu la malade plusieurs annéesaprés,
elle jouissait d'une sauté parl'aile. L'ojjhialmic avait disparu,
et les glandes du cou s'ellacaient graduellement. Elle avait
conservé le cautère de la jambe.
ART. 985.
Observations sur le traitement de l'érysipèle par la cauté-
risation.
M. IlaudcnSj chirurgien-major et professeur à l'hùpi'al mi-
litaire d'instruction d'Alger, a publié dans la Lancette du 8
janvier quelques considérations sur l'emploi du cautère ac-
tuel, déjà proposé par plusieurs praticiens, et entre autres
par M. l^arrey,dans le traitement de l'érysipèle. L'elTroi que
cause en géuéral l'application du feu fera toujours rejeter ce
moyen dans les cas ordinaires ; mais, dans certaines circon-
stances, la cautérisation peut être, suivant M. Baudens, une
précieuse ressource. Souvent des malades voués à une mort
à peu près certaine ont été promplemeut guéris pa r cette mé-
tliodc, »;i ce chirurgien a i;ité, parmi un très-grand nombre
d'exeuiples, les trois fiiit«i Miivans.
Un militaire reçut a Bougie une balle qui glissa sur la face
(61)
interne et moyenne du tibia, où elle détermina une plaie con-
tuse. Tout alla bien pendant dix jours, au bout desquels ce
jeune homme ayant été évacué sur Alger, le fond de la plaie
devint j;iisâtre, le pus se tarit, et il survint un érysipèle qui,
malgré une application de cinquante sangsues, envahit pres-
que tout le membre abdominal. Lorsque M. Baudens le vi-
sita, il y avait fièvre, soif, douleurs épigastriques, céphalal-
gie, etc. Deux cautères à cônes tronqués furent chauffés à blanc
et promenés très-rapidement sur toute la surface érysipélatease^
en portant les pointes de fera huit ou dix lignes de distance envi-
ron, et en diipassant de quelques lignes le cercle du mal, dont les
Uiniles étaient cautérisées avec un peu plus de force.
La rougeur disparut instantanément, et fit place à une cou-
leur d'un blanc jaunâtre; l'épiderme sain avait été atteint par
le fer, et le malade, qui d'abord avait été fort effrayé, déclara
n'avoir que très-peu souffert. La plaie futpansée simplement,'
et, pendant deux jours, imbibée d'eau froide avec addition
d'extrait de saturne. Trente sangsues furent en outre appli-
quées à l'épigastrc, et dix à chaque apophyse mastoïde. Une
détente générale suivit cette opération, et, en peu de jours,
il ne restait aucune trace de l'érysipèle.
La seconde observationcitéepar M. Baudens est à peu près
semblable pour son intensité. Mais la dernière est fort remar-
quable, et témoigne réellement des bons effets de la cautéri-
sation.
Un marin fut pris d'une irritation gastro-intestinale et ad-
mis à l'hôpital d'Alger. Il fut traité vigoureusement par les
anliphlogistiques, et les phénomènes inflammatoires étaient
déjà fort amendés, lorsqu'un érysipèle se développa dans le
haut de la cuisse droite, avec rougeur et chaleur. Vingt-cinq
sangsues, des frictions mercurielles, un vésicatoire volant,
n'en purent arrêter la inarche Ce malade fut, au bout de
quelques jours, transporté dans les salles de M. Baudens, of-
frant l'état suivant : l'érysipèle envahissait tout le menibre
pelvien droit, toute la moitié antérieure et latérale de l'abdo-
men et toute la face postérieure du tronc jusqu'à la tête.
Des points gangreneux se montraient çà et là. La lan-
gue était rouge, les dents fuligineuses; il y avait soif vive et
délire.
La mort paraissait inévitable, lorsque M. Baudens fit chauf-
fer à blanc quatre gros cautères qu'il porta de la têteauxpieds
du malade. Par cette médication énergique, le mal fut limité
au pli de l'aine où était la gangrène, tandis qu'il disparut
sur tous les autres points. Une réaction eut lieu spontané-
ment, et fut suivie d'une sueur abondante; on pratiqua une
(62)
saignée générale, et, dès lemêûie jour, icpoulsse développa,
la langue s^humectaet le délire disparut. La peau gangrenée
laissa à découvert une large surface, qui ne lut cicatrisée
qu'au bout de deus mois.
AtiT. 984.
Ongles entrés dans tes chairs; traitement par la cautérisatioH
avec le fer rouge.
On trouve dans les Annales de la médecine physiologique
quelques considérations sur le procédé de la cautérisation
adopté parM.le docteur Labat dans le traitement de l'ongi^
incarné.
M. le docteur Pointier s'aperçut, à la suite de marches
forcées,que l'ongle du gros orteil droit pénétrait dans les chairs
par son côté interne; bientôt celui du côté gauche prit la
même direction vicieuse, et la marche devint tout-à-fait im-
possible. Une lame de plomb fut vainement introduite entre
l'ongle et les chairs boursoufllées ; il fallut renoncer à ce
moyen qui n'avait aucun résultat avantageux. La portion de
l'ongle entrée dans les chairs fut donc arrachée; on crut d'a-
bord la guérison obtenue; mais, au bout de deux mois, la
maladie récidiva.
M. le docteur Labat, consulté alors, résolut de détruire ,
par la cautérisation, la racine ou matrice de l'ongle des deux
gros orteils; une lame de fer rouge, grosse de deux lignes,
fut portée sur la matrice des ongles , de manière à donner à
la brûlure une direction on arc de cercle coïncidant avec celle
do l'ongle. La cautérisation fut profonde ; des cataplasmes
laudanibés furent appliqués, et, au bcil de quelques jours,
les escarres ee séparèrent. Los ongles prirent alors une cou-
leur jaunâtre, se racornirent, et ne tardèrent pas à tomberé
La cicatrisation fut complète quinze jours après ropéralion ,
et celte fuis il n'y eut plus de récidive.
Enhardi par ce succès, 31. Labat a employé la cautérisa-
tion dans un grand nouibre de cas de ce genre, et toujours une
guéribon parfaite a été obtenue.
Réflexions. M. l'ointier , en rapportant ce procédé , pro-
pose de le modilier de telle manière que la portion de la ma-
trice «jui donne naissance à la partie de l'ongle incarnée soit
seule cautérisée. L'opération serait alors beaucoup plus sim-
ple, et il Hullirait, pour l'exccutcr , d'un boulon de feu d'un
Irès-'pcUt dianièlre ; lUttis, de même que lorsqu'on u'arrache
(63)
pas l'oQgle enticiemeat, on est exposé à des accidens, de
même aussi, en ne cautérisant qu'une partie de sa matrice,
ou u'aurait sans doute pas la certitude de voir reprendre à
l'ongle une bonne direction. C'est, en effet, cet arrache-
ment incomplet qui, dans un assez grand nombre de cas,
est suivi de récidive. Quand la matrice est complètement en-
levée, la guérisou est à peu près certaine; car, si le procédé
de JL Dupuytren est rejeté par beaucoup de chirurgiens,
c'est bien moins ù cause de l'incertitude de son action qu'à
raison de l'atrocité des douleurs qu'il détermine.
Il est à regretter que l'auteur de cet article, qui a été lui-
même soumis à l'arrachement et à la cautérisation, ne se
soit pas expliqué sur la diiïérence qu'il a dû reconnaître dans
l'intensité de la douleur pendant ces deux opérations; il se
borne à dire : « L'avulsion de l'ongle par le procédé de
M. Dupuytren estuneopération tout aussi douloureuse, bien .
qu'elle soit moiui propre à effrayer les malades. » Il nous
semble, a^i contraire, que l'opération qui consiste à fendre
l'ongle, à le renverser et à arracher ses racines, a quelque
chose de plus eilrayant encore que l'application momentanée
d'un cautère actuel, et que les malades doivent s'y soumet-
tre avec une répugnance au moins égale. Quelle que soit au
reste la diiïérence qui peut exister entre les douleurs produi-
tes par ces deux procédés, les praticiens ne se décideront le
plus souvent à y recourir qu'après avoir reconnu l'insuffi-
sance d'une des méthodes exposées à nos articles 109, 499'
596 et 893.
A&T. 985.
Observation curieuse de suicide par asphyxie. — Monomanie sui-'
ciUe causée par la répercussion d'une affection cutanée,. «-—
Pendus rappelés à la xi", après une longue suspension.
M. Gérard, docteur en médecine à Gray, a communiqué
à la Société de médecine de Paris une curieuse observation
de suicide par le charbon.
Un jeune homme de vingt-cinq ans, d'une taille Ircs-éle-
vée, et d'une bonne constitution, ayant résolu de ^c suicider,
s'enferma dans une petite chambre, et après avoir placé dans
une alcôve uu put contenant du charbon, y mit le feu, et
sortit aussitôt pour annoncer à quelques voisins qu'il allait
se donner la morl> Au boui. d'une heure environ il rentra
(64)
dans sa chambre, et ce ne fut que le lendemain matin qu'en
présence du maire, qui était son oncle, on ouvrit la porte.
Des vapeurs de charbon d'une odeur insoutenable forcèrent
les assistans de reculer; dès qu'ils apcrcurc^nt le corps de
ce malheureux étendu sur son !if, ils le crurent mort, et
s'empressèrent de refermer la porte. Soixante - six heures
après l'époque probable de la mort, M. Gérard, accompagné
du juge de paix, se présenta pour faire la visite du cadavre.
II. était complètement habillé , étendu sur le dos au
travers du lit, la jambe droite croisant la jambe gauche, et
les deux bras appuyés sur la poitrine. La figure était horri-
blement gonflée, livide et noirâtre. Le corps entier paraissait
augmenté du quart de son volume. Le pantalon était souillé
d'urine et de matières fécales, et la bouche et les fosses na-
sales avaient laissé échapper des matières alimentaires.
L'autopsie n'a guère démontré que l'engorgement des
poumons, et l'absence complète du sang dans les cavités du
cœur.
Il paraît que ce malheureux a peu soufl'ert avant de mou-
rir, car rien n'annonçait qu'il se fût agité dans ses derniers
momens. Près de lui se trouvaient deux volumes d'une En-
cyclopédie, ouverts, l'un à l'article extase, l'autre à l'article
mort. Le premier était au pied du lit, le second était près de
sa main droite, ce qui, joint à quelques lignes écrites dans
les premiers momens, porterait à croire que ce jeune homme
avait éprouvé d'abord une sorte d'ivresse. Quelques mots,
en ellét, tracés au crayon, annonçaient que, tant que le cer-
veau avait pu guider sa main, auciuie sensation douloureuse
n'avait été perçue.
Cette observation , écoutée par la Société avec ut»
grand intérêt , a doiuié lieu à une discussion assez in-
téressante. M. Bourgeois a dit qu»: la monomanie suicide
pouvait se déclarer presque subitement après la rép«jrcus-
siou d'une affection cutanée, et il a cité l'exemple d'une
jeune dame qui, après avoir vainement cond);ittu par des
moyens rationnels une dartre squannneusc humide, dévelop-
pée sur la figure, s'en débarrassa complètement à l'aide de
répercussifs. Mais bientôt le désir de mettre fin à ses jours
la poursuivit au milieu des plaisirs de tous genres que lui
offraient sa position et sa fortune , et elle finit par s'as-
phyxier à l'aide de la vapeur du charbon.
Relativement à la tranquillité dont le jeune liomnie cilé
plus haut parait avoir joui dans ses derniers monicns, ce mé-
decin a déclaré que, d'après sa propre expérience, il pensait
que la douleur ne survenait dan? ces cas que lorsque les as-
(65)
phyxiés avaient perdu connaissance (i). Deux autres mem-
bres, au contraire, ont affirmé que des personnes incomplè-
tement asphyxiées leur avaient dit qu'elles conservaient le
souvenir de très - vives douleurs aux tempes et dans les
membres.
Enfin M. Chailly, voulant faire remarquer l'inégalité de
la durée de la vie chez les asphyxiés, dans des conditions en
apparence semblables, a cité l'exemple d'un employé qui
s'est enfermé dans sa chambre avec sa femme, afin de se
donner la mort. Ils allumèrent un brasier près de leur lit,
et le lendemain, lorsqu'on ouvrit la porte, la femme respirait
encore, tandis que l'homme était mort depuis plusieurs
heures.
Dans une autre séance, M. Teallier a rapporté l'observa-
tion d'un individu qui s'était pendu, et chez lequel on trouva
une phlegmasie d'une portion du cerveau, inflammation qui
a paru expliquer suffisamment la profonde mélancolie du
suicidé. A cette occasion, plusieurs membres se sont élevés
contre le préjugé populaire qui empêche que l'on ne coupe
la corde d'un pendu, afin que la justice puisse faire les re-
cherches convenables. M. Bourgeois a raconté qu'un indi-
vidu était venu en toute hâte le chercher pour porter des
secours à un homme qui, quoique pendu, remuait encore;
il n'avait pas osé, disait-il, couper la corde, de peur qu'on
ne l'accusât d'être l'auteur du crime.
Un des membres de la Société a même avoué qu'ayant été
appelé pour donner des soins à un pendu, il n'avait pas cru
devoir couper la corde avant d'appeler deux témoins. Il se
hâta alors, mais inutilement, de donner des soins à ce mal-
heureux.
Reflexions. Nos lecteurs s'étonneront sans doute qu'un
médecin, appelé pour donner des soins à un pendu, ait cru de-
voir attendre l'arrivée de deux témoins pour couper la corde,
et tâcher de le rappeler à la vie; autant vaudrait ne pas
tendre la main à un noyé, dans la crainte d'être accusé de l'a-
voir jeté dans l'eau. Cette crainte est d'autant plus blâmable,
qu'on sait que souvent les pendus peuvent être rappelés à la
vie après une longue suspension, et que, dans un grand nom-
bre de cas même, des individus réputés asphyxiés ont été
sauvés par des soins convenablement administrés. Dans un
(i) Voy. art. 2^ et 37,
TOM. VI. — N" DE FÉVRIER.
(66)
ouvrage publié récemment (i), M. Julia de Fontenelle a
réuni une douzaine d'observations de ce genre, dont plusieurs
ont été recueillies par lui-même.
« M. Capuron, dit ce médecin, m'a raconté qu'à Toulouse
des étudians avaient acheté le corps d'un pendu pour le dis-
séquer. On l'apporta dans la chambre de l'un d'eux, et pen-
dant que celui-ci va chercher ses camarades, Chaton (c'était le
nom du pendu) donna de tels signes de vie, que les étudians,
à leur retour, furent interdits en le trouvant assis sur une
chaise; on le saigna tout de suite, et au bout de quelques
jours de soins, ils se cotisèrent entre eux pour l'habiller et le
faire partir. Le malheureux fut ainsi sauvé, pour le moment,
de la potence; car, semblable à Jacques le Fataliste, il devait
tôt ou tard en venir là. EnGn, l'année suivante , il fut pendu
sous un autre nom, et pour un autre vol qu'il avait commis.
» En août 1833, revenant de la fièvre jaune de Barcelone,
je passai quelques jours au village de Lascaldas, où se trou-
vent des eaux thermales. Mina rôdait aux environs avec ses
partisans. Un matin nous rencontrâmes un paysan qu'ils
avaient pendu à un olivier. Sa bouche était remplie d'une
écume sanguinolente. Nous nous hâtâmes de couper la corde;
il conservait encore un reste de chaleur, et, d'après les ren-
seignemens recueillis, il paraissait établi que cet homme avait
été pendu depuis une demi-heure. Soupçonnant la possi-
bilité d'un retour à la vie, je voulais le saigner; mais j'étais
dépourvu de lancettes, quand un berger me proposa de se
charger de cette opération, qui lui était familière, attendu
qu'il la pratiquait sur des bêtes à laine. Il sort alors de son
sac de peau une espèce de canif, il comprime fortement le
bras et déchire la veine avec cet instrument. Le malade
ouvre bientôt les yeux, pousse quelques soupirs; il est
transporté chez lui, où une forte saignée du pied et des
secours appropriés à son état le rendirent à la vie. Cet
homme devint épileptique, et mourut, cinq ans après, d'une
attaque d'apoplexie. <>
M. Julia (le Fontenelle cite encore plusieurs autres exem-
ples de ce genre, en faisant remarquer qu'on en trouve de
semblables dans la plupart des recueils de médecine. Or,
s'il est rrai que dans certains cas on a pu rappeler à la vie
(i) R<.clieiclic»intdico-légalcs sur l'incerlitudc de» si;;ncs de. la mort,
les dangers dis inluimalion» pri;cipit«"fîs, les moyens de constalcr ie.t
décès et de rappeler à la vie ceux qui soul en élat de morl apparente.
I vol. in-S".
des individus après une suspension de vingt mlnutesi, d'une
demi-heure mOme, u'est-il pas évident que lorsqu'il reste
encore de la chalcut- vitale, on doit s'empresser de couper la
corde qui a produit l'asphyxie, et de donner au pendu tous
les soins qui peuvent le rappeler à. la vie?
IRT. 986.
Considérations sur le traitement du charbon et de ta pustule
maligne par les évacuations sanguines et les applications
èmoiUtntes.
M. Schacken, docteur en tnédecioe à Nancy, nous adresse
la lettre suivante :
Tout médecin qui lira l'article 974 de votre journal, et qui
n'aura pas connaissance de l'efficacité du traitement auti-
phlcgistique contre les phlegmasies gangreneuses, croira de-
vuirproscrire lasaignée, Icssangsueset les cataplasmesémol-
liens du traitement du charbon et de la pustule maligne ; il
aura recours au quinquina, à la cautérisation, etc.; en un
mol, il fera beaucoup souffrir son malade, en aggravant sa
maladie, et il aidera à la destruction des tissus enflammés, au
lieu d'en prévenir la moriiQcation ; bien plus, il détruira lui-
même, avec le feu, des organes que la gangrène aurait res-
pectés sous l'influence d'un traitement rationnel.
Je crois avoir le premier, ou au moins un des premiers, ap-
pliqué le traitement antiphlogistique aux phlegmasies gan-
greneuses. Depuis 1818, je traiteces phlegmasies de la même
manière que le phlegmon le plus franchement inflammatoire,
ne prenant nullement en considération leur mode de termi-
naison.
Le charbon et lapustule naaiigne, afifectioos réellement idea-
liqucs, sont très-communs dans notre département; à peu
prés tous mes confrères ont recours aux saignée?, aux sang-
sucs et auxapplications émoUientes, et toujours avec succès;
bien entendu que, dans les cas graves, on doit se hâter d'agir,
et proportionner les évacuations de sang â l'intensité des
symptômes et à la force des malades. Plus le pouls est débile,
plus les syncopes sont fréquentes, plus il faut se hâler de
saigner et d'appliquer les sangsues, non sur le lieu malade,
mais aux environs; presque toujours elles rendent l'incision
inutile.
Quant à la cautérisation, elle est teliement nuisible que,
si un médecin y avait recours, il encourrait le blùjcQe d'aveu
près tous SCS confrères.
(68)
J'ai publié en 1826, dans un journal dont j'étais un des
rédacteurs [Journal de médecine du département de la Mcurthe),
un article surl'application du traitement antiphlogistique aux
phlegmasies gangreneuses; je vais en extraire l'observation
suivante, dans l'espoir que vous voudrez bien lui donner une
place dans votre recueil, afin que vosnombreuxlecteurs puis-
sent sans crainte combattre la pustule maligne parlesmoyens
en usage contre les autres phlegmasies, et comparer les ré-
sultats de cette pratique à ceux de celle qui était générale-
ment adoptée.
« Première observation. Dom, fossoyeur à la Neuveville-Iès-
Nancy,âgé de trente-huit ans, d'une très-bonne constitution,
portait depuis quelques jours, sansqu'il en connût la cause, un
petit tubercule àla face antérieure de l'avant-bras ; il y ressen-
tait une démangeaison assez vive, et les parties environnan-
tes étaient gonflées et douloureuses, lorsque, le 6 septembre
i85o, il creusa une fosse. Le lendemain -j, je vois ce malade :
un gonflement inflammatoire intense occupe le bras et l'é-
paule ; la peau est terne et rouge à la face interne du mem-
bre; à l'avant-bras, elle est couverte d'un grand nombre de
vésicules, dont quelques-unes contieiment une sérosité noi-
râtre, et paraissent cacher une escarre gangreneuse; les dou-
leurs sont violentes , elles déterminent quelques lipothymies;
la peau est chaude et humide; le pouls est concentré, très-
accéléré et facile à déprimer; la soif ardente, la langue sèche
et rouge. Presc. : Saignée de six à huit onces, immédiate-
ment suivie d'une application de vingt sangsues à la face
postérieure de l'avant-bras, limonade pour boisson, panse-
mens émoUiens. Le 8, l'amélioration produite par le traite-
ment de la veille, quoique très-manifeste, avait été de peu de
durée; le gonflement du membre était aussi fort, les lipothy-
mies se succédaient chaque vingt minutes environ. Presc. :
Quarante sangsues sur la face postérieure du membre; du
reste, même traitement. Le y, amélioration très-sensible,
plus de lipothymies; le bras est moins douloureux, mais il
est encore très-gonflé; le pouls est moins concentré, mais il
est fréquent et trùs-facile à déprimer. Presc. : Trente sang-
sues, luême traitement. Le 10 et le 11, plus de douleurs ni de
réaction fébrile; le gonflement du bras est à peine sensible;
les vésicules ouvertes, on aperçoit à l'avant-bras une escarre
de l'étendue d'une pièce de deux francs; les alimens sont
rendus au malade, les cataplasnjes émoiliens hâtent la chute
de l'escarre, qui est bientôt suivie de la cicatrisation de la
plaie, qui n'avait en profondeur que l'épaisseur delà peau. »
Celle observation préscnlc un cas depuslulc maligne, dont
(69)
la gravité a été la conséquence d'un travail forcé et du dé-
faut de traitement au début de la maladie. C'est là ce qui se
passe chez les hommes robustes, et surtoutchez ceux qui sont
échaufl'és par des spiritueux. Il n'en est pas de même lors-
que les malades se mettent tout de suite au régime ; souvent,
alors, des applications émoUientes, quelques bains, suffi-
sent.
L'escarre n'a cependant eu que l'étendue d'une pièce de
deux francs. C'est à l'activité du traitement, appliqué encore
à temps, que cet heureux résultat doit être attribué. Dans la
même commune, la femme Carrard, qui fait le sujet de la
deuxième observation ; le nommé Job, d'une autrecommune,
qui fait le sujet de la troisième, ont eu des escarres plus con-
sidérables, parce que les évacuations sanguines ont été ajour-
nées, et parce que Job s'est plusieurs fois enivré. Ce malade
a eu plusieurs pustules, quelques-unes ont été incisées et cau-
térisées. Celles qui ont été cautérisées ont laissé des traces
profondes, dont la guérison s'est fait attendre bien au-delà
de celle des autres.
Quant au mode de propagation de la pustule maligne, il
est certain que les animaux atteints de gastro-entérites épi-
démiques, avec ou sans tumeurs charbonneuses, la donnent
à l'homme, lors même qu'il n'a été que souillé par le sang
de ces animaux en les saignant, ou par la peau transportée
aux marchés. Dans d'autres cas, on ne peut rapporter son
apparition à aucune cause.
Je n'ai jamais vu la pustule maligne se propager d'homme
à homme, malgré les contacts les plus fréquens. J'ignore s'il
en serait de même de l'inoculation (i).
ART. 987.
Observation de fistule stercoralc •guérie sans opération ; consi-
dérations pratiques sur les fistules A l'anus.
M. le docteur Gillet a publié l'observation suivante dans
le Recueil de la Société royale de médecine de Marseille.
Un homme de quarante-cinq ans fut atteint d'une tumeur
inflammatoire au voisinage du côté gauche de l'auus ; il se
borna, pendant quelques jours, à appliquer des cataplasmes
émolliens; et lorsque M. Gillet fut appelé, la tumeur était
(i) Voy. art. i5o.
(70)
çoBsidéraJ)lc, et son poiot le plus élevé présentait une large
escarre gangreneuse. Une forte saignée fut aussitôt prati-
quée, et, la tumeur ayant été incisée , il s'en écoula une
grande quantité de pus entraînant des matières fécales et
des portions de tissu cellulaire morlifié. Le doigt introduit
dans le rectum rencontra la perforation à deux pouces envi-
ron de l'anus; elle pouvait admettre l'extrémité de l'index.
L'intestin était détaché du tissu cellulaire dans une grande
étendue; M. Gillet proposa de le fendre dans toute l'étendue
de sa dénudation; mais le malade se refusa à subir celte opé-
ratiou, et il fallut chercher un autre moyen de recoller les
parois. En conséquence, un tampon de charpie fut introduit
dans le rectum, dans toute la longueur du décollement do
l'intestin; une mèche fut placée entre les lèvres de l'incision,
et on recouvrit le tout d'un large cataplasme.
Le malade, maintenu au régime le plus sévère, ne tarda
pas ù éprouver une amélioration sensible. Chaque fois qu'il
allait ù la selle, le tampon était replacé daus le rectum. Soua
l'influence de cette compression, les parois de l'abcès com-^
mencérent à se recoller, la suppuration devint moindre, et
chaque jour une plus petite quantité de matière fécale passa
par la fistule. Au bout d'un mois, le recollement était opéré
dans les trois quarts de l'étendue du foyer; on accorda quel-
ques alimens, et enfin, le cinquantième jour, la plaie était
entièrement cicatrisée.
R( flexions. Nous rapprocherons cette observation de cel-
les que nous avons rapportées à notre art. 821, en exposant
les préceptes de M. Lisfranc sur ce sujet. Il est hors de doute
qu'un certain nombre de fistules peuvent être guéries sans
incision; et bien que, dans ces cas simples, l'opération soit
en général peu douloureuse, les malades se décident assez
volontiers à tenter tous les moyens qu'on leur propose, pour
éviter de se soumettre à l'action du bistouri qu'ils redoutent
toujours. L'importance de ce sujet nous engage ù rapporter
ici quelques-uns des préceptes émis par le chirurgien de la
Pitié dans une de ses le<;ons sur la fistule stercorale, pour
servir de complément A l'article indi((ué ci-dessus.
Il est des chirurgiens, a dit >I. Lisfranc, qui donnent le
précepte de ne p.is ouvrir les furoncles que certains malades
oflrcnt parfois aux environs de l'anus. Il résulte de cette né-
f;ligcnce que rinflamnialion gagne le tissu cellulaire voisin,
e foyer de suppuration s';igraiidit, et souvent il s'établit
une fistule borgne interne. On ne doit donc pas abandonner
ces sortes de pldegmons à eux-mêmes; il faut, au contraire,
se hâter de les inciser crucialement ; c'est le meilleur moyen
(70
de prévenir les accidensqui peuvent résulter de leur déve-
loppement.
Souvent des individus, bien portans d'ailleurs, offrent, à
la niarfje de l'anus, des abcès dont la marche n'est ni lente,
ni rapide. Ces abcès s'ouvrent, puis se referment avant que
l'engorgement soit complèlement fondu. On croit les mala-
des guéris, et on leur permet de reprendre leurs occupations;
mais l'induratiin du tissu cellulaire, qui n'est pas entière-
ment dissipée, est ia source d'une rechute qui survient à la
suite d'un excès dans le régime, la marche, etc. La douleur
et l'engorgement du tissu cellulaire annoncent bientôt un
nouvel abcès qui s'ouvre, et, se terminant encore d'une ma-
nière incoaiplète, peut donner lieu à une seconde rechute.
Souvent la récidive de ces abcès finit par amener le dévelop-
pement d'une fistule : il faut donc ne pas laisser fermer coip-
plètement ces plaies avant d'avoir dissipé l'engorgement par
des émolliens et des évacuations sanguines, ou, si l'indura-
tion est ù l'état chronique, par des frictions avec l'onguent
mercuriel, l'hydriodate de potasse, par la compression, etc.
Il est des praticiens qui, pour savoir si la fistule pénètre
dans l'intérieur du reriuni, n'ont pas besoin d'introduire un
stylet dans son trajet; il leur suffit d'explorer avec le doigt
la face interne de l'intestin. L'orifice de la fistule présente
toujours une induration ou une sorte d'infundibulum, qu'il
est impossible de mécoimaîlre lorsqu'on a contracté une
certaine habitude de faire ces recherches : le professeur Pel-
letan se bornait toujours à ce mode d'exploration.
Il faut convenir cependant que souvent ces fistules sont
complètement méconnues. M. Lisfranc a été fréquemment
consulté par des personnes qui n'avaient, suivant leur mé-
decin, qu'un écoulement par l'anus, et chez lesquelles un
examen plus attentif faisait reconnaître une fistule borgne
interne; dans ces cas, l'orifice de la fistule était le plus ordi-
nairement situé à quelques lignes seulement de l'extrémité
du rectum; quand les malades allaient i la selle, ils rendaient
environ une cuillerée à café de pus, et, la fistule s'étant com-
plètement vidée de cette manière, on ne pouvait plus en re-
trouver la trace; mais on peut, en faisant des tractions sur les
parties qui environnent l'anus, apercevoir l'intérieur de l'in-
testin aune très-grande profondeur; promenant alors un sty-
let sur toute sa surface, on parvient à pénétrer dans rorifice
de la fistule.
M. Lisfranc fut appelé, l'an dernier, auprès d'un négociant
chez lequel du pus, ou plutôt, des mucosités s'écoulaient
continuellement sur le périnée, et le long de la partie supé-
(72)
rieure des cuisses. Le ùiédecia ordinaire pensait cjue cet écou-
lement était lié à l'existence d'hémorrhoïdes; mais, en l'exami-
nant de la manière indiquée, on trouva l'orifice d'une fistule
qui pénétrait fort profondément dans le tissu cellulaire.
Les fistules, en général, ont leur orifice le plus souvent
entre le premier et le second sphincter ; mais quelquefois
elles sont situées beaucoup plus haut; dans certains cas
même le doigt ne saurait les atteindie.
On sait qu'il est des circonstances dans lesquelles il faut
bien se donner de garde de les opérer; ainsi, lorsqu'elles se
sont dévelopées sous l'influence d'un engorgemeut chroni-
que du bas-ventre ou de la poitrine, leur guérison pourrait
être funeste aux malades. Il y a en effet, entre la poitrine
et le bassin, une telle sympathie, que M. Serres a renuaqué
que, chez les phthisiques, les artères de cette région étaient
presque toujours doublées de volume ; aussi, lorsque, dans
le cours d'une affection chronique de la poitrine, il s'établit
nn exutoire vers le rectum, l'amélioration ne tarde pas à
suivre, comme l'affection de poitrine se réveille ou fait de ra-
pides progrés lorsqu'on obtient imprudemment la cicatrisa-
tion d'une fistule stercorale. II faut donc, suivant M. Lisfranc,
s'informer avec grand soin de l'état de santé du malade avant
rétablissement de sa fistule. S'il déclare qu'il toussait avant
cette époque, et que la toux a disparu avec l'établissement
de cet exutoire, il faut bien se donner de garde de le sup-
primer, se fùt-il écoulé sept ou huit ans depuis cette amé-
lioration dans la santé générale.
Pour éviter l'établissement de ces fistules, il faut se hâter
d'ouvrir les abcès qui se forment à la marge de l'anus dès que
la fluctuation se manifeste ; mais cette fluctuation n'est pas
toujours facile à reconnaître. Pour la constater, on doit in-
troduire le doigt indicateur dans le rectum, puis, tournant
sa pulpe vers le foyer de l'abcès, on presse ainsi de dedans
en dehors, tandis qu'avec l'autre main ou reconnaît la présence
du pus. Un coup de bistouri vide le foyer purulent, et fait
éviter souvent ainsi l'établissement d'une fistule. Mais ici se
présente une considération pratique importante.
Souvent le pus qui s'écoule d(; cet abcès exhale une
odeur de matières fécales, et il ne faut pas toujours en con-
clure que l'intestin est perforé. Il n'est pas étonnant, en ef-
fet, que ce liquide, séjournant dans le voisinage de ces ma-
tières, s'imprègne de leur ndeur, qui pénètre les tissus; les
gaz d'ailleurs traversent parfois l'intestin, et peuvent voyager
dans différentes parties du corps ; ce qu'il y a de certain,
c'est que des abcès ainsi ouverts, et qui répandaient une odeur
(73)
très -prononcée de matières fécales, se sont fermés très-
souvenl on vingt-quatre ou trente-six heures, ce qui n'au-
rait pas eu lieu si riatcstin avait été perforé.
Passant aux moyens thérapeutiques, M. Lisfranc a Jit
quelques mots de la compression qui a fait le sujet de notre
art, 821. Suivant ce professeur, il ne faut guère songer à
l'employer quand la fistule date de plus de trois mois; dans
tous les cas, il est des précautions qu'on ne doit pas négli-
ger quand on veut recourir à ce moyen : ainsi il faut com-
mencer par combattre l'inflammation qui résulte de l'ouver-
ture de l'abcès, et ne songer à l'appliquer que lorsque la
plaie est devenue indolente. S'il y a des indurations, il faut
les combattre et les détruire, parce qu'il est très-difficile
d'obtenir l'adhésion de tissus anormaux. S'il survient de la
douleur ou une hémorrhagie, il faut arrêter ces accidens. En-
fin, si le pus ne s'écoule pas facilement, il faut agrandir lé-
gèrement l'ouverture avec le bistouri ou avec l'éponge pré-
parée.
Pour établir cette compression, on introduit dans le rec-
tum une compresse mouillée, seulement jusqu'au-dessus du
sphincter supérieur; on écarte avec les doigts les bords de
l'anus, et avec une pince on y porte successivement une
certaine quantité de tampons de charpie, jusqu'à ce que la
cavilé formée par la compresse soit entièrement r«":niplie;
enfiu, on applique plusieurs gâteaux de charpie à l'extérieur,
on exerce quelques tractions sur les bords de la compresse,
et on termine par un bandage convenable.
On obtient quelquefois la guérison par ce procédé en quatre
ou cinq jours; d'autrefois, il faut un temps beaucoup plus
long.
ART. 988.
HOPITAL DES VÉNÉRIENS.
Du bubon indolent; ion traitement par les frictions avec
l'Iiydriodate de potasse^ la teinture d'iode, les réfrigérans, la
compression, etc.
Les moyens que nous avons exposés dans nos articles 972
et 9^3 ne sont pas toujours suffisans pour amener la résolu-
tion complète du bubon syphilitique. Assez souvent, en
effet, la tumeur inguinale perd sa chaleur et sa sensibilité,
et, au lieu de se terminer par résolution ou par suppuration,
(74)
passe à l'état chronique, et ne fait plus aucun progrès vers
In guérison. Cette fâcheuse terminaison peut survenir, soit
qu'aucun l'oser purulent ne se soit formé, soit que le bubon
ait suppuié en partie. Cette forme de bubon est assez com-
mune chez les malades qui n'ont pas gardé le rjpos, cheu
ceux surtout qui ont été stimulés par un traitement peu ra-
tionnel pendant la période inflammatoire. On ne peut s'em-
pêcher d'admettre aus!^i qu'il existe certaines prédispositions
particulières qui favorisent le développement de cette io-
flaniniation chronique dans les masses ganp;lionnaires.
Il est sorti dernièrement de l'hôpital un homme qui y sé-
journait depuis cinq mois pour un bubon indolent de l'aine
droite. Ce malade avait déjà eu plusieurs véroles, circon-
stance fâcheuse, comme on lésait, mais il n'offrait aucun des
attributs du tempérament lymphatique. Il était âgé d'environ
quarante ans; des anliphlogistiqucs furent d'abord employés,
mais ne parvinrent point à empêcherle développement d'un
foyer purulent considérable, qui fut ouvert avec la lancette.
Comme il restait encore une masse très-volumineuse, en-
durcie et présentant quelques points de sensibilité, on appli-
qua à diverses reprises des vésicatoires, suivant la méthode
qui sera exposée dans le prochain article. On donna en même
temps à l'intérieur les sudorifiqucs et le proto-iodure de mer-
cure. Malgré ce traitement actif, la portion la plus élevée de
la masse indurée suppura, et une seconde ouverture fut pra-
tiquée avec la lancette; nouvelle application du vésicaloire,
et bientôt nouvel abcès qu'il fallut encore ouvrir; des fric-
lions mercurielles furent faites à la cuisse, des menaces de
salivation forcèrent à les suspendre, on les remplaça par des
frictions avec la pommade hydriodatéi. .
Hydriodate de potasse, un demi-gros;
Axonge, une once.
Plusieurs vésicatoires furent encore appliqués; mais il
semblait que, tandis que la résolution s'opérait sur un point,
l'engorgement envahissait les parties opposées. Enfin, on
douna la potion iodée (i), et l'on établit plus tard un ban-
(i) Iode, un grnin ;
Ilydriodalc de potasse, deux ou trois grains.
Dani une potioa à prendre dans la journée, on élève graduclleinem
la doue d'iode à deux grains, la dose d'hydriodate de potasse à huit ou
dix grains.
(95)
dage compressif. Le malade sortit eu conservant encore un
noyau d'induration qui finira, sans doute, par se résoudre
entièrement.
La même opiniâtreté a été observée chez un homme Hgé
de quarnnle ans, qui entra à l'hôpital le 12 décembre i833,
et fut couché au numéro 22 de la seconde salle. Cet homme,
dont la bonne foi ne semblait pas suspecte, déclara n'avoir
eu de rapports qu'avec sa femme qui, bientôt après, entra
dans un hôpital ety mourut. Ce ne fut qu'au bout de six se»
maines que des douleurs se firent sentir dans l'aine gauche,
et qu'il survint un bubon qui força ce malade d'entrer aux
Vénériens. La tumeur était très -volumineuse et présentait à
son centre un point fluctuant, dans lequel on plongea la
pointe d'une lancette. Vingt-cinq sangsues furent appliquées
à la base du bubon; mais, malgré le dégorgement considé-
rable qu'on obtint, la résolution fut incomplète, et l'engorge-,
ment passa à l'état chronique. Les vésicatoires, les fiictions
avec l'hydriotate de potasse et l'onguent mercuriel, la com-
prcision, furent tour à tour employés ; mais la tumeur ré-
sistait à tous ces moyens combinés, s'enflanmiant sur quel-
ques points par intervalle, et fournissant un pus de mauvaise
qualité. Enfin, des trochisques de minium furent introduits
dans les trajets sinueux de la tumeur, et ranimèrent la vita-
lité des tissus. La potion iodée seconda en même temps les
applications extérieures, et le malade sortit guéri après trois
mois et demi de séjour à l'hôpital.
Cette observation est d'autant plus remarquable que,
malgré sa ténacité, il n'est pas probable que ce bubon fût de
nature syphilitique. Le malade n'a présenté à notre examen
aucune ulcération du gland, du prépuce ou de l'urètre. Au-
cune préparation mercurielle n'a été administrée pendant
tout le cours du traitement, si ce n'est quelques gros d'on-
guent employés en frictions sur la tumeur, et qui n'ont eu
d'autre effet que de retarder sa résolution.
Quelle que soit ISjrigine de ces bubons indolens, qu'ils
aient ou non suppuré en partie, il est nécessaire de recher-
cher la cause de cette ITicheuse disposition. Quelquefois on
la trouve dans le régime du malade qui n'observe pas une
diète assez sévère, d'autres fois elle tient à ce qu'il ne garde
pas assez le repos ; enfin, dans d'autres cas, il est absolument
impossible d'expliquer d'uncmanière satisfaisante cet obsta-
cle à la guérison.
C'est dans ces circonstances embarrassantes que l'on a le
plus souvent recours à un traitement mercuriel intérieur.
M. Cullerier pense que cette stimulation générale est d'une
(76)
utile application; mais, comme l'administration du mer-
cure n'est pas exempte de danger, il préfère toujours les
applications locales, lorsque les circonstances n'en font pas
une nécessité absolue. Voici donc les slinuilaus locaux em-
ployés dans son service :
On frictionne la tumeuravecl'iodepure ou mêlée d'eau (i),
l'hydriodate de potasse, la pommade de proto-iodure, de
mercure (a), l'onguent mercuriel ordinaire. On applique sur
le bubon des emplâtres de Vigo, de ciguë, des compresses
trempées dans une solution de sous-acétate de plomb (5),
souvent renouvelées. Les douches peuvent encore être utiles,
ainsi que les vésicatoires, appliqués à plusieurs reprises, et
sans solution caustique; la compression, mais ce moyen n'est
pas toujours d'une facile application. Enfin, quand il existe
des trajets fistuleux intarissables, on introduit des trochîs-
ques escarrotiques, qui produisent dans la tumeur une vive
inflammation et réveillent sa vitalité; on agrandit l'oriGcede
ces fistules, ou enfin on fait des injections avec une solu-
tion irritante.
Après avoir essayé quelques-uns de ces moyens, si la tu-
meur persiste à l'état chronique, et si rien n'annonce sa ré-
solution, M. CuUerier fait faire quelques frictions mercu-
rielles à la partie interne des cuisses, ou bien il donne à
l'intérieur le proto-iodure de mercure (4) ou la potion iodée;
mais il faut, dans l'emploi de ces stimulans locaux et géné-
raux, surveiller attentivement l'état de la tumeur. Souvent
la stimulation étant portée trop loin, celle-ci s'enflamme et
suppure comme dans la période aiguë ; on revient alors
aux moyens indiqués dans l'article Qy'ô. D'autres fois il
faut tâtonner en quelque sorte, et avoir successivement re-
cours à de nombreux stimulans pour rencontrer enfin celui
qui doit être efficace. Rien n'est plus commun, par exemple, que
de voir l'onguent mercuriel, produisant un effet tout opposé
à celui qu'on attendait, remplacé avantageusement par un autre
topique auquel personne ne s'est avisé d'attribuer une spéci-
ficité. Il n'y a d'ailleurs sur ce sujet aucune règle à prescrire;
(i) Ti'inture d'iode, une once ;
Eau dibtiliec, deux onces.
(a) Proto-iodure de mercure, un scrupule ;
Axonge, une once.
(5) Souk -a ce (.'lie de plomb, deux onces;
Eau, une livre.
(4) Voy. arr. 975.
(77)
c'est au médecin à varier ses prescriptions suivant les effets
qu'il observe.
Nous dirons enfin, pour terminer la thérapeutique du
bubon indolent, que souvent, malgré l'emploi de tous les fon-
dans indiqués, il reste un noyau induré qu'il est impossible de
résoudre entièrement. L'expérience a prouvé que cet engor-
gement finissait par se dissiper de lui-même sans que les
malades en soient plus exposés à l'infection consécutive.
Tels sont les principaux moyens employés par M. Gulle-
rier pour combattre le bubon syphilitique. On voit que dans
!a très-grande majorité des cas, les malades ne sont point
soumis à un traitement mercuriel; que, sans proscrire un
médicament puissant, mais d'une application difficile, ce
chirurgien le réserve pour un petit nombre de circonstances
dans lesquelles la maladie se montre rebelle à des traitemens
plus simples, et dont les effets sont moins à craindre. Dans
l'article suivant, nous allons nous occuper d'un moyen sur
lequel nous appelons toute l'attention de nos lecteurs, car
l'expérience a déjà démontré toute l'utilité qu'on peut en
tirer dans la pratique.
ABT. 989.
§ 2. — Du traitement du bubon syphilitique par les vésicatoires
et la cautérisation.
En i832, M. iMalapert, chirurgien aide-major au troisième
régiment de chasseurs, publia, dans les Archives générales de
médecine, un Mémoire sur les effets du sublimé appliqué en
lotions sur certains ulcères vénériens. Ce chirurgien citait
en outre quelques observations de bubons inguinaux dont
il avait promptement obtenu la résolution par la méthode
suivante :
Un vésicatoire de la grandeur d'une pièce d'un franc était
placé au sommet de la tumeur; le lendemain, Tépiderme
étant enlevé, 011 appliquait sur la plaie un plumasseau de
charpie trempée dans une solution de sublimé (vingt grains
par once d'eau). Ce plumasseau était maintenu en place, par
du diachylon gommé, pendant deux heures, au bout des-
quelles on l'enlevait, et on trouvait une escarre de la profon-
deur de quelques lignes. Les jours suivans, on renouvelait
ces applications escarrotiques, les remplaçant toujours par
des cataplasmes émolliens, et l'on voyait, en un espace de
temps fort court, la tumeur s'affaisser, se résoudre, et enfin
(78)
disparaître complètement, en ne iaissani qu'une cicatrice
très-peu apparente.
M. Malapert n'avait pas encore employé ce moyen sur les
bubons à maturité, mais il pensait que ses elfcts seraient les
mêmes. Ses malades n'avaient point, du reste, été assujettis
au repos, et avaient continué de vaquer à leurs occupations
militaires.
Au commencement de l'année i833, M. Reynaud, méde-
cin de la marine, adressa à l'Académie un Mémoire sur le
traitement du bubon syphilitique par le même moyen. Ce
médecin avait employé la méthode de >I. Malapcrt dans un
assez grand nombre de cas, et les rapides guérisons qu'il
avait obtenues l'engageaient à conseiller aux praticiens l'ad-
option d'un procédé d'une exécution si facile. M. Reynaud
avait appliqué le vésicatoire dans tous les cas de bubons,
qu'ils rus.->ent enflammés, indolens, ou avec foyer de sup-
puration, et il avait obtenu ainsi une grande économie de
temps et de moyens plus dispendieux.
Nous devons ajouter que ces deux chirurgiens attribuaient
à l'action spécifique du mercure, ainsi applique directement
sur le symptôme syphilitique, la prompte résolution de la
tumeur, et par suite la guérison parfaite de la maladie, opi-
nion que nous ne larderons pas à démontrer tout-ù-fait con-
traire à l'observ'ation.
M. Cullerier fut d'autant plus frappé des résultats avanta-
geux annoncés dans ces Mémoires, que depuis long-temps
il employait avec beaucoup de succès les vésicaloires appli-
qués sur les bubons indolens, mais uniquement comme
moyen résolutif, et sans les recouvrir d'une solution caus-
tique. Il s'empressa donc de se livrer ù une série d'expé-
riences assez nombreuses, pour qu'il ne resl.lt absolument
aucun doute sur l'action de ce moyen. C'est de ces tentatives,
qui aujourd'hui sont changées en méthode générale, que
nous allons entretenir nos lecteuis.
La solution de sublimé (vingt grains par once d'eau dis-
tillée) a été appliquée sur la peau pK-alablement dénudée
par un vésicatoire et recouvrant des l)ubons qui flatnienl de
(jiielques jours, et étaient parvetuis à un très-faible dévelop-
pement. Ordinairement la marche de la tumeur a été en-
rayée, et après être resté quelques j(jurs slalionnaire, l'en-
gorgement s'est promptemeut résolu.
Dans celte expérience, le procédé indiqué par M. Malapcrt
a été exactement suivi; seulement les malade." ont été soumis
au repos du lit, et le caustique n'u été appliqué qu'une seule
fois jusqu'à la chute de l'escurre.
(79)
Lorsque les bubons, parvenus à une période plus ayancée,
étaient rouges, enflammés, douloureux, mais ne contenaient
point encore de foyer de suppuration, le même moyen a
paru accélérer leur résolution; cependant ses effets ont été
moins appréciables que dans le cas- précédent, bien qu'on
eût eu recours en même temps à desapplications de sangsues
autour de la base indurée.
Lorsqu'un foyer de suppuration était établi, l'application
des vésicatoires et du caustique pouvait être suivie de deux
effets différons : la peau était-elle amincie et la fluctuation
très-manifeste? le caustique la détruisait dans toute son
épaisseur, et donnait issue au pus absolument comme l'au-
rait fait une application de pierre à cautère. La peau conser-
vait-elle encore de l'épaisseur? à la chute de l'escarre on
voyait quelquefois le pus filtrer au travers des mailles du
derme, et le matin une certaine quantité s'en trouvait dépo-"
sée sur le cataplasme émollient dont on recouvre toujours
le bubon. Dans beaucoup de cas, le pus réuni au centre du
bubon ne sortait point à l'extérieur, et celui qu'on trouvait
dans le cataplasme provenait de la surface dénudée, qui
suppure comme un cautère ou un vésicatoire. Enfin, quel-
quefois la peau était percée par un certain nombre de trous
qui donnaient issue à la suppuration. Quelle que soit, au
reste, la source de la sécrétion qu'on trouve à l'exlérieur,
ses résultats n'en sont pas moins des plus satisfaisans sur la
marche de la tumeur, qui ne tarde pas à s'affaisser ; la fluc-
tuation devient peu à peu moins sensible, et le pus finit par
s'absorber entièrement. Le bubon est alors réduit aux con-
ditions les plus simples, et on en achève la résolution par
de nouveaux vésicatoires, ou l'emploi des moyens indiqués
dans l'article précédent.
Mais si le moyen proposé par M. Malapert a été utile dans
les périodes que nous venons d'indiquer, c'est surtout con-
tre le bubon avec forme chronique qu'il s'est montré vérita-
blement efficace. Ici il est presque toujours nécessaire de
recourir plusieurs ibis aux applications caustiques ; mais ces
applications seraient à peu près sans action si on les renou-
velait avant la chute de l'escarre ; et faites sur la plaie elle-
même avant sa cicatrisation, elles détermineraient une irri-
tation trop forte pour l'effet qu'on veut en obtenir. Il faut
donc attendre, pour réappliquer les plumasseaux imbibés de
solution caustique, que la cicatrisation soit opérée, ou bien
placer de nouveaux vésicatoires Sur d'autres points de la
masse engorgée; c'est en cela que la méthode adoptée par
M. Cullerier diffère de celle que M. Malapert a préconisée.
(8o)
Ainsi, en résumé, le vésicatoire employé dans presque
tous les cas de bubons syphilitiques qui se sont présentés
dans le service de M. Culleiier, depuis plus d'une année, a
paru un moyen d'une utililé incontestable; son efficacité
nous est démontrée surtout au début du bubon et dans le
bubon chronique ou indolent. Lorsqu'il s'est formé un foyer
de suppuration, il a favorisé l'absorption du pus et la réso-
lution de la tumeur; et dans le bubon douloureux et inflam-
matoire, si ses heureux effets ont été moins bien constatés,
il n'est du moins jamais résulté d'accidons de son applica-
tion : voyons cependant quels sont les inconvéniens attachés
à cette méthode.
Ln plumasseau de charpie imbibée d'une solution causti-
que, appliqué sur le derme dénudé, cause une douleur assez
vive qui se prolonge pendant plusieurs heures (en générai
on le laisse en place pendant quatre à cinq heures) ; cepen-
dant les malades ne se refusent jamais à de nouvelles appli-
cations nécessitées par la persistance de l'engorgement, ce
qui démontre que ces sortes d'application ne sont pas très-
pénibles.
Le second reproche qu'on pourrait faire à celte cautérisa-
tion est la cicatrice qu'elle laisse après elle. M. Cullerier pen-
sait d'abord que, la peau n'étant pas profondément détruite
par le caustique, il n'en résulterait que des traces légères et
momentanées; mais, depuis quelques mois, plusieurs mala-
des, déjà traités par cette méthode, sont rentrés dans l'hô-
pital pour une infection nouvelle ; ils conservent dans l'aine
de larges plaques blanches semblables à celles qui résultent
des vésicatoires qui ont long-temps suppuré, et que le temps
ne parviendra jamais à effacer; ces manjues indélébiles sont
assurément préférables aux cicatrices dillbrmes qui résultent
de l'ouverture de certains bubons; mais, comme un grand
nombred'entrccestumcMrs n'auraient point.suppurési on les
eût traitées autrement, que, par conséquent, elles n'auraient
laissé aucune cicatrice, on peut en conclure que ces traces
inefl'açables sont un inconvénient attaché au procédé de
M. Malapert.
Les deux reproches qu'on peut faire à cette méthode sont
loin d'être sul'fisans pour la faire rejeter de la pratique;
car ces inconvéniens sont largement compensés par l'avan-
tage inappréciable d'éviter de pratiquer des ouvertures avec
l'instrument tranchant, et de hâter singulièrement la résolu-
tion de ces tumeurs syphilitiques; ce sont ces raisons qui
ont engagé M. Cullerier à adopter d'une maniéie générale
le procédé des vésicatoires avec cautérisation dans son hôpi-
(81)
tal et dans sa pratique particulière, comme un moyen auxi-
liaire de tous ceux que nous aTons exposés dans les articles
précédons.
Il nous reste à dire quelques mots du mode d'action de
ces vésicatoires sur ces tumeurs syphilitiques. MM. Malapert
et Reynaud ont attribué à l'action du mercure la prompte
résolution du bubon ; mais les observations de M. le docteur
Ordinaire, consignées à notre article 847, et rappelées à l'ar-
ticle 9f!5, ont prouvé qu'aucune parcelle de sublimé n'est in-
troduite dans l'économie; que l'action de ce caustique est
purement locale, et absolument nulle au-delà de l'escarre.
Les faits suivans renversent d'ailleurs d'une manière com-
plète la théorie qui nous est proposée.
M. Cullerier a remplacé la solution de sublimé par
la solution de sulfate de cuivre (un à deux gros par once),
de sulfate de zinc (même dose), de sulfate de cadmium
(quarante grains par once), l'iode pure, le sous-acétate de
plomb pur, etc. Les résultats ont été absolument les mêmes,
et la résolution n'a été plus tardive que lorsque l'escarre était
moins profonde. Sous ce rapport, la solution de sulfate de
cuivre a même été trouvée préférable, et c'est elle qu'au-
jourd'hui l'on emploie d'une manière générale.
C'est donc à la révulsion opérée par une irritation vive
déterminée sur la peau, et à la sécrétion abondante qui en est
la suite, qu'il faut attribuer les succès obtenus par cette mé-
thode, et non à l'action spécifique du mercure, puisque tous
les autres caustiques agissent de la même manière (i).
Les vésicatoires ont été appliqués par cette même méthode
au cou, aux aisselles et sur toutes les parties du corps où les
bubons se manifestent ordinairement. Les effets ont été les
mêmes; seulement on doit remarquer que, comme ces bu-
bons, qui sont le plus ordinairement le signe d'une affection
générale, résistent avec plus d'opiniâtreté que les bubons
primitifs, et que, lors même qu'ils sont le résultat d'une
infection récente, la cure en est toujours fort difficile, on a
dû obtenir plus tardivement leur résolution complète.
M. Cullerier ne s'est pas borné à étendre l'application de
la méthode de M. Malapert à tous les cas de bubons syphi-
litiques, il en a fait l'essai contre un symptôme consécutif
fort grave, et qui résiste le plus ordinairement à tous les
(i) M. Cullcrirr a quelquefois appliqué ces vt-sicatoires autour do la
tumeur; l'amélioration qui en est résnitée l'engagera sans doute à ré-
péter ces expériences.
TOM. VI. — N" DE FÉVRIER. 0
(82)
moyens qui sont en noire pouvoir : nous voulons parler des
tubercules qui se développent ordinairement dans le tissu
cellulaire sous-cutané, et que les auteurs ont quelquefois
désignés parle nom de tumeurs gommeuses.
On sait que ces tumeurs, une fois parvenues à un certain
degré de développement, ne sont plus susceptibles de réso-
lution, qu'elles s'abcèdent au bout d'un temps plus ou
moins long, et qu'elles se transforment alors en ulcères qui
ne se referment qu'avec les plus grandes difficultés, et en
laissant des cicatrices profondes, inégales et de l'aspect le
plus hideux.
Jusqu'à ce jour, quatre malades seulement, affectés de
tumeurs semblables, et présentant sur d'autres parties du
corps des cicatrices profondes résultant de ces tubercules
ulcérés, ont été soumis à l'application du vésicatoire, qu'on a
employé absolument de la manière indiquée pour le bubon
inguinal. Chez tous on a obtenu en fort peu de temps la ré-
solution complète. Un d'eux portait quatre tumeurs de ce
genre, et en a été successivement débarrassé. Il est encore
à l'hôpital, et l'on s'occupe de détruire les cicatrices en relief
qui couvrent plusieurs parties de son corps, par des vésica-
toires sans solution caustique.
Tout porte donc à croire que le vésicatoire, appliqué sur
ces tumeurs non abcédées, sera le meilleur remède à leur
opposer, et, sous ce rapport, cette application thérapeuti-
que sera de la plus haute importance, car, nous le répétons,
jusqu'à présent il avait été à peu près impossible d'empêcher
ces tumeurs d'abcéder.
HOPITAL CLINIQUE DE LA FACULTÉ.
L*hôpital clinique de la Faculté, spécialement destiné à
l'instruction des élèves, est ouvert depuis quelque temps,
mais n'a reçu encore qu'un très-petit nombre de malades.
MM. Paul Dubois, Jules Cloquet et Ilostan doivent y ensei-
gner la pratique des accouchemens, delà chirurgie et de la
médecine. C'est de cette dernière clinique seulement que
nous rendrons compte cette année, nous efforçant de faire
connaître les opinions du professeur sur les cas principaux
qui se présenteront à notre observation. Cinquante malades
doivent être reçus dans ses salles; jusqu'à ce jour, douze lits
seulement sont occupés, et c'est dans cette salle même, et
en passant, en quelque sorte, que M. Ilostan a exposé quel-
ques idées sur les cas les plus iiuporlaus. Nous nous borne-
(85)
rôns aujourd'hui à rapporter une observation qui à fOUrûi
matière à quelques eonsidératioiis pratiques.
ART. 990.
Considérations pratiques sur la suppression des règles et les
accidens qui peuvent en résulter.
Une fille de yingt-cinq ans, forte et bien constituée, était
habituellement réglée très-abondamment, et jouissait d'une
santé parfaite, lorsque, à l'occasion d'un violent accès de co-
lère, la menstruation, qui durait depuis quelques jours, se
supprima tout-à-coup. Cette suppression fut bientôt suivie
d'accidens assez graves : des maux de tête déchirans, des pal-
pitations, des douleurs dans la poitrine, de rétouiïement, la
forcèrent ;i entrer à l'Hùtel-Dieu, où on lui pratiqua une
saignée du bras, qui lui procura quelque soulagement, mais
ne ramena pas le cours des règles; elle prit, en outre, une
infusion d'armoise et fit quelques remèdes insigniûans qui
n'eurent pas plus de succès.
Ennuyée de son séjour à l'hôpital, elle quitta l'Hôtel-
Dieu et fut dirigée sur l'hôpital clinique, où elle arriva dans
l'état suivant : la face était rouge et gonflée, le pouls plein et
fréquent, la peau très-chaude, signes évidens d'une pléthore
générale; douleurs de tête très-vives, palpitations; liypérémie
des organes de la poitrine et du cerveau : expression em-
ployée par .M. Ilostan pour désigner cet état de congestion
d'un organe qui n'est pas encore enQammé, mais qui ne
tarderait pas à le devenir si on ne faisait usage de moyens
convenables.
Il se présentait ici deux indications : renàèdièr auxaccî-^
dens déterminés par la suppression de la menstruation, et
en même temps rappeler le cours des règles. On était en-
core à quinze jours du distance de l'époque présumée du flux
menstruel: Al. Ilostan crut daac devoir combattre d'abord la
congestion des organes, qui pouvait avoir des suites fâcheu-
ses, t'ue large saignée fut pratiquée, et cette évacuation san-
guine dissipa presque tous les accidens. On se borne main-
tenant â faire usage debaiasdepiedssinapisés et de quelques
lavemens purgatifs, en attendant le mois prochain, époque à
laquelle on fera quelques tentatives pour rappeler le cours
des règles.
Les réflexions de M. Rostan ont porte sur deux points
principaux: les moyens à employer pour rappeler le cours
(84)
des règles et l'opportunité de ces moyens. Ce professeur ne
paraît avoir aucune espèce de confiance dans les remèdes
dits emménagogues. La rue, la sabine, l'armoise, etc., sont,
pour lui, des médicainens qui n'ont d'autre elVet, le plus
souvent, que de causer une inflammation de l'estomac. C'est
aux sangsues, appliquées en grand nombre à la partie supé-
rieure des cuisses, et ù l'époque présumée de la menstrua-
tion, qu'il faut, suivant ce médecin, avoir recours. Ces éva-
cuations sanguines ont le double avantage de diriger l'afTIvix
du sang vers la matrice, et de débarrasser les organes, qui
sont alors presque toujours hypérémiés. On seconde les
évacuations sanguines par des bains de pied sinapisés et des
lavemens purgatifs.
Mais, lorsque des accidens graves compromettent la vie
des malades, comme dans l'observation qu'on vient de lire,
quand il y a congestion au cerveau ou dans les poumons,
que ces organes menacent de s'enflammer, il est évident
qu'on ne saurait, sans imprudence, attendre l'époque pré-
sumée des règles ; il faut bien dégorger ces organes par de
larges saignées faites instantanément. En général, plus les
saignées sont faites à une époque rapprochée du début de la
maladie, et plus elles sont abondantes, plus on peut espérer
de rétablir l'ordre dans les fonctions, et de voir bientôt les
règles reprendre leur cours naturel.
Une autre question se présente ici. Quand une femme est
dans ses règles, comme on dit vulgairement, et qu'elle a en
même temps une inflammation d'un organe important, doit-
on recourir aux émissions sanguines avant que l'époque
menstruelle soit pass^ée ? Oui, sans doute, si la vie de la ma-
lade est compromise par cette nouvelle affection, car, de
deux dangers, il faut choisir le moindre. En pratiquant des
saignées, on s'expose à troubler la menstruation et à déter-
miner par là des acciden;; plus ou moins graves; mais, d'un
autre côté, si on laisse marcher l'inflammation, on s'expose
à ne plus pouvoir en arrêter les progrès. Sans doute, c'est
une chose grave qu'une déviation de la menstruation; mais
une pneumonie, une encéphalite, négligées dansles premiers
jours, sont des accidens beaucoup plus graves encore, puis-
que la mort en est souvent la conséquence.
Il y a quelques mois, M. Rostan fut appelé en consulta-
tion par un médecin qui donnait des soins à une demoiselle
atteinte d'une angine portée jusqu'à la suffocation. Cette
jeune malade, en danger de mort imminente, était à l'époque
du flux menstruel, et on n'avait pas osé pratiquer d'évacua-
tions sanguines, de peur de le supprimer. Le professeur ap-
(85)
prouva cette réserve, mais, cependant, pensa que de deux
dangers il fallait choisir le moindre; eu conséquence il fit
sur-le-champ pratiquer une large saignée qui sauva la ma-
lade (i).
AftT. 991.
^ote sur un nouveau procédé pour la réduction des luxations du
fémur.
M. le docteur Valette, chirurgien-major du 42* régiment
de ligne, nous communique la note suivante :
«M. le docteur Rognetta a donné, dans le Bulletin général
de thérapeutique (août i834), la description d'unnouveau pro-
cédé pour la réduction des luxations du témur; ce procédé,
que quelques personnes qualifient de méthode italienne, parce
qu'on le trouve fort bien exposé dans le grand ouvrage de
chirurgie de Monteggia, mérite d'être connu des praticiens.
>) Quelle que soit l'espèce de luxation de la cuisse à la-
quelle on a affaire, le malade est couché en supination sur
un matelas placé par terre; plusieurs aides assujettissentle
corps dans cette position. Le chirurgien saisit le membre
luxé, l'élève comme pour le fléchir sur le bassin, et par là
met dans le relâchement tous les muscles qui de cette cavité
se rendent au fémur. Ensuite , seul ou de concert avec un
aide vigoureux, il tire fortement et subitement ce mem-
bre en haut, comme pour soulever le bassin; en même
temps il fait tourner le fémur sur son axe, en le portant
dans une direction opposée à celle où il se trouve par l'effet
du déplacement. On recommence plusieurs fois la même
(1) Nous regrettons bien vivement que M, Rostan ne se soit pas ex-
)>liqiié d'une in.nnière plus positive sur les accidens que la saignée, faite
pendant le cours des règles, pourrait déterminer, cl n'ait pas indiqué
avec piecisiiin les cas où il consent a en prescrire l'usage. Il nous a
setublé qu'il conseillait de se borner à l'expectation pendant cette
épjque , à moins que le danger ne fût tcUemen limminent que ia vie
de la maladese trouvât immédiatement compromise. Le professeur s'ex-
pliquera sans duute plus tard sur ce sujet imp.'rtaat, et nous nous em-
presserons d'y revenir, car l'opinion qu'il remise nous semble devoir
entraînera une inaction funeste, pendant aquellc le mal peut faire des
progrés tels qu'il ne soit plus pu.-.-il) en arrêter la marche. (Voyez
art. 625. )
( Aott du rédact. )
(86)
paanœuvre, s'il est nécessaire, et la luxation se réduit avec
une exirtme faciliié.
» Je n'oserais assurer qu'il en sera ainsi dans tous les cas;
mais je crois devoir rappeler ici que l'illustre chef de la chi-
rurgie militaire, M. le baron Larrey, a eu recours en 1819
à un procédé analogue à celui que nous venons de décrire,
et cela avec le plus grand succès, quoique le cas fût extrê-
mement grave. Le fémur était luxé en haut et en avant; le
membre était tellement écarté et renversé sur le bassin
qu'il formait une équerre avec celui du côté opposé; le pied
et le genou étaient déviés en dehors ; la fesse et l'éminencc
trochanlérienne étaient remplacées par une dépression pro-
fonde ; la tête du fémur faisait une saillie prononcée au pli
de l'aine, sous les vaisseaux cruraux qui en étaient forte-
ment distendus; le membre était tuméfié, de couleur mar-
brée et complètement immobile. Le blessé éprouvait des
douleurs vives et déchirantes à l'aine et au bas-ventre ; la
jambe était engourdie et le pied froid.
« Nous avions vainement fait plusieurs extensions, et l'on
désespérait du succès de nos manœuvres, dit M. Larrey,
lorsque je réduisis seul la luxation, en élevant lout-à-coup
avec nfon épaule l'extrémité inférieure de la cuisse, tandis
que j'abaissais avec mes deux mains la têlc du fémur portée
au-devant de la branche horizontale du pubis. Par ce dou-
ble mouvement simultané et exécuté avec force et prompti-
tude, la luxation fut réduite, et le malade soulagé sur-le-
champ.» {Nouv. Journ. de médecine. 1819.)
» J'ai conservé le titre de nouveau au procédé deMonteggia:
toutefois il ne faut pas oublier qu'IIippocralc, après avoir
décrit les dillérenles méthodes de réduction usitées de son
temps, dit positivement que, pour réduire les luxations de
la cuisse, il siiflit souvent de fléchir le membre au pli de
l'aine» et de lui faire exécuter un mouvement de circumduc-
lion. Paul d'Egine avait recours à un semblable procédé, et,
plus récemment, quelques chirurgiens anglais, Andersen et
Kirkland, réduisaient les luxations de la cuisse en fléchis-
^anl le membre à angle droit. l*onteau et Palelta donnent
également le précepte de fléchir la cuisse à angle très-aigu,
après l'avoir tournée en dehors pour la reporter en dedans en
décrivant un dcmi-cercIe. » {Voy. la Chirurgie de Léveillé.)
(87)
ART. 993.
Pommade ophtalmique du docteur Carron du Fillard, pour le
traitement de la conjonctivite scrofuleuse.
Axonge de foie de raie, une once;
Cyanure de fer, vingt-quatre grains;
Cyanure de mercure, huit grains.
MêleV l'axonge aux cyanures, après avoir porphyrisé ceux-
ci avec le plus grand soin ; aussitôt que le mélange est achevé,
ajoulez :
Huile essentielle de laurier cerise, quatre gouttes. •
Pour préparer l'axonge de foie de raie, il suffit de prendre
uue suffisante quantité de foie de raie, de le fondre à feu
lent, de le piler avec soin, et d'en extraire par expression
une huile épaisse qui ressemble assez à l'huile de morue, à
la différence qu'elle se fige en refroidissant. Pour rendre cet
effet plus prompt et plus durable, l'on ajoute une suffisante
quantité de blanc de baleine ou de beurre de cacao.
Cette pommade est fort active; il faut donc l'employer
avec les précautions qu'on ne devrait jamais perdre de vue
dans l'application des agens puissans aux maladies des pau-
pières et de la conjonctive pulpébrale et oculaire. Il faut
commencer par l'employer à des doses légères, et en la cou-
pant avec un tiers de cérat. A mesure qu'elle produit son
effet, et que la conjonctive s'y accoutume, l'on augmente la
dose du médicament.
( Bull, thérap. )
Art. 993.
l^ote .tur un sirop aniicatarrhal, par M. Grimaud.
Pr. Acétate de morphine, huit grains;
Emétine, vingt-quatre grains;
Gomme adraganle pulvérisée, un dragme;
Sirop simple, quatre livres;
Infusion de coquelicots, trois onces d'eau;
Pétales de coquelicots, un dragme.
(88)
Je fais dissoudre la gomme adragante dans l'infusioD, je
dissous également les autres ingrédiens dans une portion de
l'infusion; je mêle le tout en sirop, et le mets dans des petites
fioles de trois onces.
On donne ce sirop à la dose de deux gros, le soir en se
couchant; et si le malade tousse beaucoup, il en prend au-
tant dans le courant de la nuit. {Ann. des se. de pli. et cfi.)
ART. 994.
Tridace alcoolique retirée des tiges fraîches des laitues,
par M. Michel.
Prenez la quantité que vous voudrez de tiges fraîches de
laitues, cueillies au moment de leur floraison, mondées de
leurs feuilles, et coupées par tronçons; pilez dans un mortier
de marbre avec un pilon en bois ; soumettez ù la presse ;
retirez le suc ; mêlez avec parties égales d'alcool ù trente-
cinq pour cent; laissez le tout macérer dans un matras pen-
dant huit jours, ayant soin d'agiter cinq à six fois par jour.
Filtrez et faites évaporer au baiu-marie, dans un vase de terre
vernie, jusqu'à consistance d'extrait sec, en remuant sans
cesse avec une spatule d'ivoire ; fermez dans des vases à large
ouverture, bouchez à l'émeri.
En agissant sur une grande quantité, on peut retirer l'al-
cool en distillant le liquide au bain-marie. [Ibid.)
ART. 995.
^ote sur un empoisonnement par le bleu en liqueur.
On trouve l'observation suivante dans le Journal de Chi-
mie médicale.
Une dame âgée de vingt-sept ans, vouhmt terminer ses
jours, fit acheter chez un épicier pour deux sons de bleu en
liqueur (solution d'indigo dans l'acide sulfurique concentré).
Trouvantqu'il yavait trop peu de liquide, et par unmotif qu'il
est dilïïcilc d'apprécier, cette dame y ajouta une pinte d'eau
environ, et but, d'après son dire, un plein verre de celte
liqueur, dont la saveur fut trouvée des plus désagréables. Ses
lèvres ayant été un peu colorées, elle les lava, pour cacher
ce qu'elle venait de faire. Presque aussitôt se déclarèrent des
douleurs à la région de l'estomac, et des nausées qui fure.it
suivies d'un vomissement elfectué dans les latrines, ce qui
mil dans l'impossibilité de constater ce qui avait été rejeté.
(89)
Les douleurs augiucutant, on yiot chercher M. Gabriel
Pellelan, qui arriva environ vingt minutes après la tentative
d'empoisonnement. La malade était fort pâle, et accusait
de vives douleurs; les membres et toute la surface du corps
étaient froids, la surface interne de la bouche et l'arrière-
bouche d'un rouj^e très-vif; des douleurs violentes dans l'es-
tomac et les intestins se faisaient sentir. Non-seulement cette
dame avoua la cause de son mal, mais encore on vit sur la
cheminée le vase dans lequel elle avait mis le poison, et qui
en contenait encore quelques gouttes.
Dans l'intervalle de moins d'une heure, et en quatre doses,
on fit prendre six gros de magnésie calcinée suspendue dans
une pinte d'eau sucrée. La première dose fut vomie, elle
était légèrement colorée en bleu. x\près la dernière, les dou-
leurs diminuèrent avec rapidité; mais la sensibilité de l'ab-
domen persistant, quarante sangsues furent appliquées pour
prévenir tout développement inflammatoire. Troi? heures
après la malade était dans un état si satisfaisant qu'on pou-
vait la regarder comme guérie.
M. Pelletau termine cette observation en faisant observer
que le bleu concentré n'est nécessaire qu'aux personnes
en petit nombre qui s'occupent de faire du cirage, et qu'on
ne devrait en permettre la vente pour donner au linge une
teinte bleuâtre, que lorsqu'il serait assez étendu d'eau pour
n'être plus caustique, ou lorsqu'il serait privé, comme on le
faisait autrefois, parle blanc de.Meudon, de son excès d'acide.
ART. 996.
Considérations sur l'emploi des douches d'air comme moyen de
développer l'ouie dans les affections de l'oreille moyenne.
M. le docteur Deleau jeune a publié, dans le Journal des
connaissances médicales, quelques observations sur l'emploi
des injections d'air dms la trompe d'Eustachi, pour remédier
à certaines surdités. 11 arrive souvent, suivant ce médecin,
qu'une affection inflammatoire siégeant pendant long-temps
à l'entrée du conduit guttural du tympan, rétrécit tellement
cet orifice que les soudes les plus minces ne peuvent y pé-
nétrer. Dans ces <;us, lorsque l'inflamination a été convena-
blement combattue, ou peut rétablir l'ouie, ou en introdui-
sant avec de grandes précautions une sonde jusque dans la
caisse du tamixjur, et en rétablissant ainsi l'intégrité du ca-
nal, on bien en injectant, plusieurs jours de suite, de l'air
atmosphériquequis'insinue jusqu'à la membrane du tympan.
(90)
C'est donc contre l'engorgement des trompes d'Eustachi
que M. Deleau conseille d'employer d'abord l'action d'un
corps solide qui puisse dilater [le canal, comme on le pra-
tique dans les rétrécissethens de l'urètre, puis des douches
d'air qui écartent ses parois, et parviennent, sans dilacérer
les tissus, jusque dans la caisse elle-même.
Les plilegmasies de la caisse du tambour, avec ou sans
suppuralion, sont encore avantageusement traitées par ce
moyen, lorsque la douche n'y détermine pas de sensibilité.
Il en est de même de l'engouement de la caisse sans otite
apparente. Dans tous les cas, ces douches doivent être répé-
tées un grand nombre de fois, et aidées d'ailleurs des au-
tres moyens connus, tels que l'emploi d'un régime conve-
nable, les saignées, les exutoires, les bains, etc.
M. Deleau rapporte, à l'appui de ces préceptes, trois ob-
servations dans lesquelles ce moyen fut suivi d'un succès
vraiment remarquable.
Un enfant, ûgé de quatorze ans, était sourd depuis neuf
années. Il ressentait parfois des élancemens dans l'oreille, et
était sujet à de violons maux de gorge et à des corysas. Des
vomitifs amenaient une légère amélioration de l'ouic, qui
durait peu. Cet enfant étant venu à Paris, un chirurgien lui
appliqua d'abord des vésicatoires, ordonna l'usage d'un sirop
purgatif, des frictions sur les membres, etc. La surdité per-
sistant, on appliqua deuxlargescautères à la partie postérieure
des apophyses mastoïdes, on enleva les amygdales, on rem-
plaça les cautères par de profonds moxas; mais, après une
année de traitement, le jeune malade était dans le même
état. Il n'entendait le battement d'une montre qu'à cinq ou
six pouces du pavillon. M. Deleau ayant alors été consulté,
lui administra trois douches d'air, ce qui suffit pour amener
une guérison complète. i
La seconde observation est celle d'un homme qui ardit été
atteint, au mois de janvier 182G, d'une surdité due i un re-
froidissement de tout le corps. On employa d'abord divers
moyens qui n'eurent que fort peu d'action; une éruption
pustuleuse étant survenue sur quelques parties du corps, on
soupçonna la présence du virus syphilitique, et un traite-
ment fut administré en conséquence ; mais on ne fut pas plus
heureux. Le malade prit alors le remède de Leroy, et enfin
consulta M. Deleau au mois de juillet. Il n'cntendaii plus
alors les battcmens d'ime montre, soit qu'il l'appuyât sur
les côtés de la tête, soit qu'il la serrAt entre les dents. Le pha-
rynx était phlogosé dans toute son étendue. Plusieurs ven-
touses furent d'abord appliquées, puis on s'occupa de faire
(90
pénétrer une sonde dans la trompe d'Eustachi; mais Jes pre-
mières tentntives furent infructueuse? : l'air, poussé avec
force, ne put pénétrer. Cependant, le 27 juillet, on parvint à
fai>e parvenir un petit filet d'air du côté droit, et le malade
perçut aussitôt les sons assez distinctement. Le 8 août l'air
pénétra du côté gauche, et l'ouie s'améliora sensiblement.
Le même moyen fut encore continué quelque temps pour
assurer une guérison définitive.
La troisième observation citée par M. Deleau est à peu
près semblable, et démontre également les avantages que l'on
peut retirer de ces douches d'air atmosphérique.
ART. 997.
MÉDECINE LÉGALE.
Lettre deuxième.
§ I . — Des conditions dans lesquelles vous serez placé lorsque vous
ferez mi rapport. — 3Ianiire de recueillir les faits. — Modèle de
rapport. — Préceptes à observer dans les conclusions à prendre.
— Portée des conclusions du médecin.
MOKSIEUH,
Dans ma première lettre, je vous ai conduit auprès du juge
d'instruction, et je vous ai tracé la ligne des devoirs que vous auriez
à y remplir. Vous avez reçu une ordonnance; vous aliez actuelle-
ment la mettre à exécution; veuillez donc vous reporter, pour sa
teneur , aux termes dans lesquels je l'ai transcrite ; car, lorsque
l'on remplit une mission de ce genre, il faut se renfermer autant que
possible dans l'esprit qui l'a dictée.
Vous vous rendrez donc au bois de... (poste des gardes forestiers),
et là vous ferez connaître au sieur D... l'objet de votre mission ;
cependant, dans quelques circonstances , vous aurez intérêt à le
taire, et alors vous vous bornerez à décliner le rang du magistrat
qui vous a délégué.
Vous paraîtrez ignorer les circonstances dans lesquelles les bles-
sures auront été reçues, et vous adresserez au sieur D.... toutes les
questions que vous jugerez propres à éclairer la manière dont elles
auront été faites. Si ses réponses ne sont pas en rapport avec les
documens que vous possédez , vous lui en ferez l'observation. Ad-
mettons donc qu'il vous relate les faits suivans :
A. Le II juin i8^4> à quatre heures et demie du matin, j'ai sur'
pris deux personnes qui chassaient dans la foret; j'ai voulu les arrêter ;
elles se sont défendues, et m'ont porté plusieurs coups, tant sur la télé
qu'à la figure, avec la partie du fusil oii se trouvent les pistons; il en est
résulté 1° plusieurs contusions légères au cuir chevelu; i" une contusion
plus forte au-dessus du sourcil gauche ; 'à" une troisième contusion au-
dessous de l'œil franche , avec plaie qui a donné une assez grande quan-
tité de iang. Toutefois je n'ai pas perdu connaissance; je suis resté vingt-
(9^)
quatre heures à la chambre sans cependanc garder le Ut. Un médecin
m'a fait appliquer trois sangsues au-dessous de Va-il gauche , la contu-
sion qui existait dans ce point étant la plus considérable. Je n'ai pas été
saigné, il n'est pas survenu d'accidens , et f ai pu nie livrer jusqi^à ce
jour à quelques occupations peu fatigantes.
Vous procéderez alors à l'examen de ces blessures dont vous
prendrez note; cet examen vous conduira, je suppose, à la description
suivante :
B. Il ne reste que des traces de la contusion du front et de celle de la
pommette gauche. A la place de la première se trouve une tache bleuâ-
tre de trois à quatre lignes de largeur sur un pouce de longueur. La se-
conde consiste dans une tache bleuâtre, environnée d'un cercle jaune qui
contourne la paupière inférieure, remonte vers la racine du nez , parcourt
sa jonction avec le front , et se dessine encore en dedans de l'ceil droit.
On aperçoit très-distinctement les piqûres des trois sangsues ; l'une d'elles
parait un peu plus grande que les deux autres ; elle a une forme alongée
qu'ulle ne présente pas ordinairement ; le malade nous en fait connaître
la cause en nous apprenant qu'une sangsue s'est fixée auprès de la petite
plaie dont il nous a annoncé l'existence. [Cette plaie avait donc de bien
faibles dimensions, puisquHl a suffi de la morsure d'une sangsue pour la,
masquer enpartie.)
Du reste, la santé générale du malade est bonne; il ne ressent de ses
blessures d''autre incommodité qu'un état de pesanteur à la télé quand il
s'éveille le matin.
Miiui de ces documens, vous procéderez, soit immédiatement,
soit dans le silence du cabinet , à la rédaction de votre rapport, d'a-
près les règles que je vais vous tracer.
Confection des rapports.
Tout rapport comprend trois parties distinctes ;
1° Lt préambule , que l'on appelle encore protocole , formule d'u-
sage , etc.
2° h'exposition, ou narration, description des faits;
3° Les conclusions.
Dans le préambule, on place par ordre la date du jour et l'an-
née où l'on procède à l'expertise ;
Les noms , titres et demeure de l'expert ;
La qualité du magistrat qui a requis;
Le lieu on l'on s'est tran spor té pour procéder à l'expertise, et même,
dans quelques cas, la description minutieuse des localités;
L'objet de l'ordonnance en vertu de laquelle oj» est délégué;
Ce que l'on a appris des personnes auprès desquelles on s'est
transporté, ou des étrangers (jui l'assistaient, en tant que ces dé-
tails peuvent offrir quelque intérêt pour la justice.
L'ex()ositiou des faits comprend tout ce que l'on a observe (quod
viium et repertuin).
Les conclusions doivent être la conséquence rigoureuse des faits.
Ainsi , pour l'exemple que je viens de vous citer, vous formule-
riez votre rapport conmie je vais le faire.
Préambule. Le vingt juin mil huit cent trente-qoatre (eu lettres et
non pas en chiffres ; cette observation est applicable à tous les
(95)
nombres, quel que soit l'objet qu'ils expriment), nous, M. G. A
D..., docteur en médecine, demeurant à X..,, commune de.,., dé-
partement de... , en vertu d'une ordonnance de M... , juge d'instruc-
tion près le tribunal de première instance du département de..., en
date du dix-neuf coti m nt; nous sommes transporté au bois de...,
commune de..., à l'effet de visiter le nommé D..,., i,arde Jorestier, de
constater la nature, la gravité et la durée présumée des blessures qui lui
ont été faites , et la maladie ou incapacité de travail personnel qui a pu
ou pourra en résulter. (On doit toujours rapporter les termes de l'or-
donnance , et les souligner afin de faire voir qu'ils ont été copiés
textuellement.)
Après avoir fait connaître au sieur D... l'objet de notre mission ,
nous lui avons adressé quelques questions sur les circonstances qui
ont précédé, accompagné et suivi ses blessures; il nous a appris
que, le onze juin mil buit cent trente-quatre, à quatre beures et
demie du matin , etc. La suite comme en A...
Exposition des faits. Nous avons alors examiné le sieur D... , et
nous avons observé qu'il ne reste de traces de ses blessures, etc. La
suite comme en B...
Conclusions. D'où nous concluons :
i" Que les blessures du nommé D... n'ont pas présenté et ne pré-
sentent pas, quant à présent, de gravité ;
a° Qu'il y a tout lieu de croire qu'il ne se manifestera pas d'ac-
cidens d'ici à la disparition complète des traces des contusions qu'il
a reçues ;
3° Que l'on peut évaluer à huit à dix jours l'incapacité de travail
qui aura été le résultat de ses blessures.
La rédaction d'un rapport doit être claire, concise, les pbrases
courtes, exprimant en général un seul fait. 11 faut , autant que pos-
sible , éviter les termes techniques, afin de se faire comprendre de
tout le monde. Lorsque la dénomination est par trop vulgaire, et
qu'elle pourrait faire taxer le médecin d'ignorance des ternies de
son art, on doit se servir du mot technique, et placer la significa-
tion qu'il représente entre deux parenthèses. Tous les faits qui peu-
vent conduire à des circonstances importantes, sous le rapport des
conclusions que l'on devra prendre, seront annotés par un numéro
d'ordre, de manière à motiver les conclusions d'après chacun d'eux.
Cette méthode n'est pas une règle dont on ne puisse pas s'abste-
nir ; mais , lorsqu'elle est employée avec succès , elle dénote un es-
prit juste et conséquent ; vous en trouverez l'exemple dans le modèle
de consultation médico-légale que je vous donnerai. Il faut bien se
garder de la mettre en usage quand on n'est pas bien sûr d'interpré-
ter à sa juste valeur chacun des faits en particulier. Voici quelles
pourraient être les conséquences d'une méthode inverse : tout
rapport , quelque simple qu'il soit, peut devenir par la suite l'ob-
jet de discussions. De nouveaux médecins sont appelés à donner
leur avis sur les premiers rapports, et c'est alors qu'ils commen-
tent chacun des faits en particulier; leur position leur impose l'obli-
gation d'annoter ceux dont on n'a pas tiré des conséquences ri-
goureusement exactes.
Quant aux conclusions, elles ne doivent jamais être que la consé-
(94)
quence rigoureuse de chacun des (aks , suivant les uns, et l'expres-
sion de la conviction morale du médecin, ^M/i'/z/zf les autres. La ma-
nière de voir des premiers nous paraît trop exclusive. D'après elle ,
il faudrait prendre chacun des faits isolément, les peser à leur juste
valeur, et voir ce qu'ils prouvent : eh bien ! il arrive souvent que sur
vingt faits isolés, on n'en trouve pas un qui puisse donner la preuve
d'un crime ; mais , si l'on vient à grouper ces faits , on acquiert
des présomptions tellement grandes, d'après leur agglomération,
qu'elles équivalent à une preuve, ou au moins qu'elles sufiîseut
pour établir une conviction.
Or , la justice appelle les médecins pour interpréter des faits dont
elle ue peut pas connaître; elle met, a l'égard de ces faits, le mé-
decin en son lieu et place; elle le qualifie d'expert, c'est-à-dire
qu'elle lui reconnaît l'aptitude pour juger ; elle lui demande un ju-
gement qu'elle accepte et qu'elle reconnaît, par cela même qu'elle
ne peut pas l'infirmer : c'est donc à la conviction morale du
médecin qu'elle se rapporte. Ainsi qu'au juré, elle ne lui de-
mande pas la raison pour laquelle il a conclu de telle ou de telle
manière; elle accepte ses conclusions.
C'est cette latitude si grande, que le juge laisse au médecin ,
qui doit le rendre circonspect , et lui faire sentir toute la portée d es
décisions qu'il va prendre : ausu a-t-on dit avec raison que , d.ms
les affaires criminelles qui rentrent dans le domaine de la méde-
cine, l'expert tient en ses mains le sort de l'accusé. La conviction
médicale s'établira donc surtout sur l'ensemble des faits médicaux ,
et non pas sur une foule de renseignemens souvent inexacts que le
médecin peut recueillir des personnes auprès desquelles il est obligé
de se rendre.
On est, eu général, porté à conclure affirmativement. 11 faut se
prémunir contre celte tendance à résoudre ce qui est insoluble : le
défaut contraire a aussi ses inconvéniens. Nous avons fréquem-
ment entendu dire à des magistrats que, dans beaucoup de circon-
stances, ils auraient préféré n'avoir pas consulté de médecins, parce
que leurs conclusions les avaient jetés dans une incertitude d'au-
tant plus complète qu'ils étaient incapables d'apprécier les motifs
sur lesquels était basé le doute des experts.
En général, un médecin ne doit pas prendre de conclusions ex
abrupto, à moins qu'il ait une grande habitude d'observer les mô-
mes faits sous le même point de vue : c'est dans le silence du cabi-
net qu'il tire des inductions des faits du jour.
Dans beaucoup de circonstances vous ^erez appelé à procéder en
nrésenced'un juge d'instruction qui vous aura accompagné dans vo-
treexpertise. Lu marclieà suivre est alors toujours la même : seule-
ment le magistral vous appellera auprès de lui, il vous fera connaî-
tre le but dans lequel il vous a mandé. Si vous acceptez la niissiou
qu'il va vous faire remplir, vous vous rendrez avec lui sur les
lieux : là il vous remettra une ordonnance qui contiendra l'exposi-
tion des faits sur lesquels vous aurez .1 vous expliquer ; il vous fera
ensuite prêter serment, et vous mettra en rapiiortavec le corps de
délit pour l'explorer. Souveut alors l'expert procède à la rédaction
immédiate de sun rapport, le magistrat ayant un intérêt puissant
(95)
à recueillir le plus de renseigaemens possible dans un espace de
temps très-court, afin d'arriver à la découverte de l'auteur du crime.
Il faut que vous sachiez que, dans ces circonstances même, vous
n'êtes pas tenu à prendre immédiatement des conclusions ; mais on
peut exiger de vous le corps de votre rapport, qui comprend la nar-
ration des faits.
Pendant votre expertise , gardez-vous bien de tirer des consé-
quences des faits que vous observerez en présence des magistrats.
Sachez que souvent même vous serez invité à vous expliquer au fur
et R mesure de vos recherches. Vous ne devez pas de réponse à ces
questions indiscrètes : en satisfaisant une curiosité déplacée, vous
vous exposeriez à vous contredire, parce qu'il est impossible de con-
clure d'après un fait isolé; parce qu'une circonstance nouvelle peut
venir détruire une opinion fondée sur une observation faite anté-
rieurement.
Enfin vous ferez la remise de votre rapport entre les mains du
magistrat qui vous aura requis ; vous en signerez le dépôt. Vous
joindrez à votre rapport l'ordonnance qui vous a été confiée et là
lettre d'avis que vous avez reçue. (Voir lettre première, des condi-
tions dans lesquelles vous serez placé lorsque vous serez appelé à faire
un rapport.) Alors on taxera votre expertise de la manière suivante :
Vu le rapport du sieur..., en date du...;
Vu l'art. 17 du décret du 18 juin 181 1, avons, sur sa réquisition,
accordé taxe au sieur..., et l'avous fixée à la somme de..., pour vi-
sites et rapports;
Et attendu que la partie prenante n'est pas habituellement em-
ployée;
Attendu l'urgence et l'absence de partie civile en cause;
Vu les art. laS et 184 du décret précité;
Ordonnons que ladite somme de..., montant des causes sus-énon-
cées, sera payée au sieur... par le receveur de l'enregistrement au
bureau du Palais de justice, sur les fonds de la justice criminelle.
ART. 998.
§ 2. — Des rapports administratifs ; de leur forme ; des connais-
sances que doit posséder le médecin pour les accepter. — Des
rapports d' estimation.
Les règles générales que je vous ai tracées peuvent être appli-
quées à la confection des rapports administratifs; car qu'il s'agisse
de recherches propres à constater Texisience d'un corps de délit ou
d'une question de salubrité , il faudra toujours qu'un rapport com-
prenne un préambule, une narration des faits et des conclusions;
c'est donc la même marche à suivre.
Un médecin doit attacher la même importance à un rapport ad-
ministratif qu'à un rapport judiciaire; car, si dans ce dernier il s'a-
git d'une peine afflictive ou infamante, dans le premier c'est l'exis-
tence de toute une famille qui peut être compromise.
Vous serez presque toujours en butte aux sollicitations de toute
espèce: d'un côte, les personnes intéressées au déplacement d'un
étabhssement ; de l'autre, les propriétaires de l'usine. C'est à
vous de vous prémunir contre leur influence ; vous y paryien Irez
(96)
facilement alors que vous aurez pénétré dans tous les' détails des
opérations qui constituent la fabrication , et que votre conviction
sur la salubrité ou l'insalubrité sera basée sur vos observations.
Je ne saurais trop vous recommander de vous abstenir, toutes lés
fois que vous ne vous croire/, pas une somme d'instruction suffi-
sante pour apprécier les faits. N'imitPz pas en cela les médecins qui
sollicitent leur admission dans les conseils de salubrité sans pos-
séder de notions sur les diverses brancbes d'industrie, et qui ne
voient qu'un titre dans des fonctions d'une aussi haute importance.
Des rapports d'estimation. Je terminerai cetic lettré en vous ex-
p.osant. les règles générales que Devaux a établies ^ l'égard de ce
genre de rapports
Outre les règles générales que je vous ai tracées pour les autres
rapports, il faut i° marquer en marge du mémoirequi a été présenté
le jugement porté sur chaque article pour proTiver que l'on a fait
droit sur tous avec l'exactitude requise. 2" Si l'on réduit le prix d'un
article à une moindre somme, cette somme modific'-e doit être mar-
quée en chiffres. 3° Lorsqu'on ne trouve rien à rttranclier ,on doit
mettre en marge le mot bon. /^° Le travail terminé, on doit le certi-
fier en bas du mémoire. 5° Dans l'appréciation des honoraires récla-
més par la partie intéressée, il faudra avoir égard à la nature et à
la gravité de la maladie; aux soins qu'elle a dû nécessiter, à sa
durée; aux pansemens dont elle a été l'objet; .i la proximité ou à
l'éloignement du malade, et surtout à la qualité et à la fortune de ce
dernier. 6° S'il s'agissait de fourniture de médicamens, on devrait
adopter un prix moyen auquel les substances sont débitées chez les
pharmaciens. A. D.
VARIÉTÉS.
CoKCOCRs. Trois concours vont s'ouvrir devant la Faculté de méde-
cine de Paris pour douzf placps d*agrégt*s slajiiaires.
Le i'''", pour cinq places de la set,-lion de médecine, s'ouvrira le
i5 avril prncliaiii.
Le y.*", pour quatre places de la section de chirurgie, s'ouvrira le
i5 juin.
Le 5", pour trois places de la section des sciences préliuiinnires et
accessoiren, s'ouvrira le 16 novembre.
Reaponsabiliic médicale. La s('uscri|)tion en faveur di? M. Thouret-
Noroy, annoneée dans les jniirnaux, s'élève en ee moment i\ près de
5,000 l'r. A Paris, comme dans les déparlemens, cliacun s'est empressé
d'apporter son offrande et de protester contre le juj^enient de la Cour
royale de Itouen. I>e nouvelles sommes sont encore clia(|ue jour en-
voyées soit aux Journaux de médecine, soit diredenienl'au destina-
taire lui-même , et nous devons espérer que noire malheureux ronlVére
finira par fitre enlièrenn'nt indemnisé des (Vais énormesd'un procès lui-
neiix. .Nous avons re<;u d«: A(. Delaporle, médecin à \iniiiuiiers (Urni'),
une lettre dans laquelle cet honorable confrère nous annonce avoir lait
passer directement à M. Thouret-Noroy la somme de /iHV, (V., montant
d'une ponscriplion ouverte par se» soins. IVous regretlons vi\enienl que
le» bornes et la nature de ( <■ journal n«- nous permettent pas de publier
les non)» «les souscripteurs, (:l la lettre «le M. le docliur l)r|apoi !«;, qui
nous semble avoir considéré la responsabilité médicale s(uis son véri-
table pomt de vue.
(97)
AfiT. 999.
Mémoire sur le traitement des éryaipèles d l'aide des corps gras.
M. le docteur Barthez, médecin adjoint à l'hùpital mili-
taire du Gros-Caillou, a publié dans le dernier volume du
Recueil de mémoires de médecine, de chirurgie et de pharmacie
militaires un travail fort intéressant, dans lequel il examine
quels sont les effets des corps gras appliqués sur les érysi-
pèles. Il résulte des expériences de ce médecin, que la graisse
seule est tout aussi efficace que lorsqu'on la mélange avec le
mercure. L'huile et le cérat n'ont pas montré une action
aussi certaine; cependant des onctions faites avec tous ces
corps ont souvent guéri avec une très-grande rapidité, et ja-
mais d'ailleurs il n'est résulté aucun mauvais effet de leur
application. Il est ici question de l'érysipèle vrai, soit fixe,
soit ambulant, mais non de Pérysipèle phlegmoneux, qui a
constamment résisté à cette médication.
Le Mémoire de M. Barthez contient vingt observations
dans lesquelles ce moyen a été employé; nous allons en rap-
porter quelques-unes pour faire connaître et le mode d'appli-
cation de ce topique, et les cas dans lesquels on peut en es-
pérer du succès.
Un jeune soldat fut reçu à l'hôpital miUtaire de Lyon, le
25 août i853, pour y être traité d'une pneumonie intense du
côté gauche. Le 5 juin, il entrait en convalescence lorsqu'il
fut pris d'une parotidite aiguë avec un érysipèle de la face,
qui, dans les vingt-quatre heures, envahit toute la joue du
côté gauche, ainsi que l'oreille correspondante. En même
temps la fièvre se ralluma. On mit le malade à la diète, et
l'on recouvrit l'érysipèle d'une couche légère d'onguent mer-
curiel. La douleur cessa subitement, la nuit fut calme, et le
lendemain l'amélioration était sensible. Même prescription.
Le 7, l'érysipèle avait disparu, la desquamation s'opéra les
jours suivans, et le malade sortit bientôt parfaitement guéri.
Le même moyen fut employé dans un cas à peu près sem-
blable. Le malade éprouvait les douleurs les plus vives, et
ilfut soulagé miraculeusement, suivant son expression, dès que
l'onguent mercuriel fut étendu sur son érysipèle.
Beaucoup d'observations de ce genre ont été publiées ail-
leurs, mais M. Barthez a voulu prouver que la graisse seule
avait, contre l'érysipèle, une action aussi certaine que l'on-
guent mercuriel. C'est donc tantôt avec cette substance et
TOM. VI. — N" DE MARS. 7
(98)
tantôt avecl'ongueat mercuriel que ses autres malades ont
été traités.
Un jeune soldat se présenta à l'hôpital de Lyon, le 25 mai
i835, avec un érysipèle tort intense de la face. Une saignée
tut pratiquée, et l'on fit des onctions mercuriellcs sur toute
la surface enflammée. Ces moyens, continués pendant quel-
ques jours, amenèrent une guérison parfaite; mais le 'iO juin
un second érysipèle se déclara. On eut de nouveau recours
aux onctions; mais cette fois on remplaça l'onguent mercu-
riel par delà graisse fraîche, en ayant soin de répéter ces ap-
plications plusieurs fois le jour et la nuit. Le malade se trou-
va soulagé dès la première application de la graisse. Les
jours suivans l'érysipèle continua ù se résoudre, cl l'on put
remarquer que les points sur lesquels on avait négligé d'ap-
pliquer de la graisse restaient rouges et enflammés.
Chez un malade trop affaibli par une affection antécédente
pour qu'on pût recourir aux évacuations sanguines, on ob-
tint par le même moyen une rapide guérison. L'érysipèle
de la face était compliqué de gastro-entérite et de diarrhée.
Quoique l'inflammation fût très-vive et très-étendue, les onc-
tions avec la graisse la détruisirent en quelques jours, sans
que la phlegmasie abdominale en parût le moins du monde
influencée.
Ces onctions, soit avec la graisse, soit avec l'onguent mer-
curiel, ont été faites lorsqu'il existait en même temps une
pneumonie, une encéphalite, ou une gastro-entérite, et,hien
que plusieurs fois les malades soumis à ce traitement aient
succombé, rien n'a pu faire croire qu'on dût en attribuer la
cause à une prétendue métastase. Le plus mauvais effet que
l'on ait quelquefois retiré de ces onctions, est de n'avoir pro-
duit ni bien ni mal sur le cours de la maladie.
M. Barthez conclut de ces expériences que l'application
des corps gras sur les érysipèles aigus n'est nullement nui-
sible; qu'on n'en obtient pas à la vérité unsuccès toujours égal,
mais que la graisse simple est aussi eflicace que l'ongncnl
mercuriel, enfin que l'huile et le cérat ne paraissent pas jouir
des mêine? propriétés.
Les conditions à remplir pour le succès de cette médica-
tion sont :
I " D'employer des substances fraîchement préparées ;
2" De tenir l'cxanlhème continuellement couvert par le
corps gras, même au-delà des linu'tes du mal : on pourrait,
si l'on voulait, mais ceci n'est pas d'une extrême rigueur,
absorber légèrement de lemps à autre, à l'aide d'un linge
fiu, le résidu des onctions, afin d'avoir le plus possible, en
(99)
conlact avec la peau malade, uae malière toujours fraîche;
j'^ De réitérer cette opératioQ huit ou dix l'ois au inoius
dans les vingt-quatre heures.
ABX. 1000.
Réflexions et observations sur la blennorrhagie chronique^ entre-
tenue le plus souvent par des ulcérations dans l'intérieur de
l'urètre. — Son traitement par le suc de persil.
On trouve dans le même recueil quelques observations
importantes sur la cause la plus ordinaire de la hlennorrha-
gie chronique, par M. Brun, chirurgien aide -major au
59* de ligue.
Ce médecin, ayant eu occasion d'examiner après la mort
un certain nombre de sujets qui portaient depuis long-temps
des écoulemens urétraux, et qui avaient succombé à des af-
fections tout-à-lait étrangères, a presque constamment trouvé
des ulcérations, soit dans la fosse naviculaire, soit sur d'au-
tres points du canal. Ces ulcérations étaient d'une petite
dimension, et fournissaient ce que les malades appelaient
leur goutte militaire. Douze observations semblables ont été
recueillies par M. Brun; et si ce nombre n'est pas suffisant
pour autoriser à conclure que ce désordre est la cause la plus
ordinaire des blennorrhagies chroniques, on ne peut du
moius se refuser à croire qu'il joue un certain rôle dans la
persistance de quelques-unes d'entre elles.
Quant au traitement de ces ulcérations, M. Brun pense
que, si l'on pouvait s'assurer de leur existence, on devrait
chercher à les cautériser eu introduisant dans le canal la
sonde porte-caustique, ou en injectant une forte solution de
nitrate d'argent (un grain dans trois onces d'eau distilléi;).
Rijlexions. Le travail de SI. Brun engagera sans doute les
praticiens à poursuivre ces recherches, et à déterminer par
de nombreuses autopsies quelle est la cause de ces écoule-
ment interminables, qui font à la fois le désespoir des ma-
lades et celui des médecins. Déjà, à notre article ^85, nous
avions avancé que ces sortes d'ulcérations devaient être très-
communes d;ms la blennorrhagie chronique, mais nous ne
pouvions confirmer celte assertion par des recherches sur le
cadavre, recherches si heureusement faites par ce chirur-
gien; cependant il nous semble nécessaire du faire quelques
(lOO)
remarques sur cette cause de la persistance de la blennor-
rhagie.
Il arrive assez souvent que des individus sont atteints de
chancres primitifs dont le siège est l'urètre lui-uiènie. Ces
ulcères présentent absolument les mêmes caractères que ceux
du gland et du prépuce; or, le principal caractère du chan-
cre vénérien primitif est de se transmettre, par inoculation,
sur les diverses parties du corps. Les expériences de M. Cul-
lerier ont démontré que les chancres de l'urètre possédaient
cette propriété; ils sont d'ailleurs fréquemment suivis de
l'infection générale consécutive, et ne se développent guère
qu'à l'entrée du canal, où la simple inspection sullit pour les
faire reconnaître.
II n'en est pas de même des ulcérations trouvées par
M. Brun chez les sujets porteurs d'urétrites chroniques ; leur
siège était souvent sur un point du canal fort éloigné de son
orifice, et le pus qui s'écoulait de leur surface, et qui don-
nait lieu à la goutte militaire, n'était nullement contagieux,
comme l'ont prouvé plusieurs de ses observations. 11 existe
donc une très-grande différence entre le chancre de l'urètre
et l'ulcération qui coïncide, dans un certain nombre de cas,
avec l'urétrite chronique : c'est une ulcération consécutive à
l'inflammation plus ou moins vive qui a séjourné long-
temps dans le canal, et tout porte à croire que la blennorrha-
gie chronique est souvent entretenue par le gonflement in-
flammatoire de la muqueuse urétrale long-temps avant de
l'être par une solution de continuité.
Nous ne terminerons pas cet article sans parler d'une bro-
chure qui vient d'être publiée par un chirurgien militaire sur
un nouveau traitement de la blennorrhagie, tant aiguii que
chronique. La substance que l'on propose est le suc de per-
sil,'qui, suivant M. Laburthe, chirurgien-major au Zj* de hus-
sards, administré hoviœopatlùquement, aurait une vertu toute
particulière poui' dissiper l'urétrite aiguë, et surtout l'uré-
trite chronique. Le Mémoire (jue ce chirurgien a publié sur
ce Nujet (i) contient une cinquantaine d'observations recueil-
lies à l'hôpital niililaire de Versailles, où il était chargé du
service des vénériens. Le nombre des blennorrhagies aiguës
(i) Du suc (le persil dans le traitement de l'urétrite aiguë ou chroni-
que,suivi de quelques autres applications desiemèdes liomdupatliiqueB
'a la guérison des uialadie» syphilitique»; par G. Doin et Cjj. Ji.iljiirlhe.
Druch. in-K".
(101)
traitées par cette méthode a été de vingt-neuf. Le maximum
du traitement a été de cinquante-deux jours, et le minimum de
neuf, ce qui établit une moyenne proportionnelle de vingt-
huit jours à peu près. Tous les malades sont sortis guéris.
Les urétriles passées à l'état chronique, c'est-à-dire durant
au moins depuis un mois, sont au nombre de vingt-deux.
La durée moyenne du traitement a été de vingt jours.
Voici, d'ailleurs, la manière dont le suc de persil a été
administré homœopathiquement.
Pour la préparation de cette substance, il a suffi d'arracher
et de nettoyer avec soin la plante au moment où elle allait
entrer en fleurs; les feuilles en ont été pilées, et le suc exprimé
a été placé dans un vase, où on l'a laissé reposer vingt-qua-
tre heures. Le lendemain on a décanté, et, rejetant toute la
partie trouble qui s'était déposée au fond du vase, on a mêlé
la partie claire avec son poids d'alcool rectifié à quarante
degrés. En cet état, le suc peut être conservé long-temps
sans s'altérer.
On en versait deux ou trois gouttes sur la langue du ma-
lade, qui restait deux minutes sans parler et sans ouvrir la
bouche, et auquel on recommandait de ne boire, de ne
manger, ou de ne se rincer la bouche qu'une heure après.
Le médicament était toujours administré le matin à jeun.
Le régime est, suivant l'auleur, d'une importance ex-
trême pour le succès; il se réduit à ne pas prendre comme
alimens les substances qui peuvent être employées comme
médicament. Ainsi il fallait retrancher le poivre, le vinaigre,
le citron, le persil, le café, le thé, le chocolat, l'oseille, etc.;
mais dans un hôpital militaire, où la base de la nourriture
est le bouillon, qui contient toujours du poivre, des poi-
reaux, du céleri, etc., il n'était pas facile d'éviter ces incon-
véniens. Voici comme on s'y prit : quelques jours avant le
moment où le suc de persil devait être administré, on don-
nait aux malades quart de pain matin et soir, portion de lé-
gumes et riz au lait, et portion de lait; on augmentait quel-
quefois la portion de pain, et on permettait aussi l'usage des
pruneaux.
On n'a pas, en général, donné plus de deux ou trois doses
de suc de persil, à quelques jours d'intervalle, dans le cours
du traitement (i).
(i) Qaelques-uns de nos confrères nous ont demandé ce que nous
pensions de l'bomœopathie, de cette doctrine qui a envahi une grande
(102)
ART. 1001.
Du traitement de la fissure à l'anus par l'excision.
On lit dans le journal la Lancette deux observations de
fissure à l'anus recueillies ù l'hôpital Saint-Louis, et dans
lesquelles M. Jobert a employé un traitement qui paraît aussi
simple qu'efficace.
Une jeune femme n'allait à la selle depuis long-lenips qu'a-
vec de vives douleurs, et rendait des matières i'écales striée^
de sang. A la suite d'une fausse couche elle entra à l'Hôlel-
Dieu, où l'on reconnut un prolapsus de la matrice. Tn pes-
saire fut appliqué; mais la malade étant sortie peu de temps
partie de l' Allemagne, e\. qui semble faire de nombreux prosélytes parmi
les médecins français. Nous avions cru qu'il sutlisait d'avoir donné
dans li;s précédons volumes une idi-e de la doctrine m général pour
que chacun pût l'apprécier convenablement; néanmoins nous ne re-
fuserons point de publier les faits qui pourraient lui être favorables,
mais ceux-là seulement qui auront été recueillis dans les hôpitaux.
Nous serons peut-être bientôt à même de voir par nos propres yeux les
miracles qu'on nous annonce, puisque, sur la demande de quelques dis-'
v\[>U'.t d'ilanneman, le ministre vient de consulter l'Académie pour
savoir s'il serait convenable de mettre quelques salles d'un bôpitai à
leur disposition. Il ne sera peut-être pas hors de propos de rapporter
la petite discussion à laquelle cette demande a donné lieu parmi les
académiciens.
Le bureau ayant proposé de nommer une commission composée de
MM. lIussoD, Itenauiilin, Guéneau de Mussy, Llicrminier, Buulay,
Di.'Iens et Lisfranc, M. Main<;ault a demandé que cette c'uminissiou fût
composée, par partie égale, de membres croyans et de membres non
croyans. Cette proposition a excité des éclats de rire universels. M. An-
dral père s'est oiiposé avi^c chaleur à ce qu'on ndmm.'kt une commis-
sion. Il n'a pas peuse qu'il fût de la dignité de l'Académie de s'occu-
per d'absurdités semblables : plusieurs membres ont partagé son opi-
nion. Ce[)endant on a reconnu la nécessité de faiie une réponse quel-
conque au ministre. M. Keraudien iiyant proposé de se mettre en rap-
port avec les sociétés savantes d'AlIrmaguc, M. Maïc s'est emjircssé de
ili'clarer que L'hontd-opathie était touilitedans un tel discre(iil en Aile»
uia^'u»:, que derriieiement un médecin de Berlin lui assurait qu'il n'y
av.iit dans cette ville que trois homa-opathes dont un fripon et deux
if^nortins. M. Brr;chel a ajouté que s'étant trouvé en Allemagne dans
une réunion de prè« de six cents médecins, l'un d'eux avait voulu par-
lei lie i'lionio:ii()athie, mais que l'assemblée n'avait pas même consenti
a r<Miten'ire.
On a ajouté A la commission les noms de MM. Andral père et (ils cl
Adelon. (N.duR.)
(io3)
après, coDtinua à éprouver des douleurs dans les lombes et
dans le bassin. Il l'allul enlever le pessaire^ et elle entra à
Saint-Louis le lo décembre i834-
Examinée au spéculum, elle présenta une ulcération à la
lèvre antérieure du museau de tanche, qui lut cautérisée avec
le nitrate acide de mercure; mais on reconnut en outre une
petite ulcération superficielle, située entre les rayonnemens
de la partie postérieure de Tanus.
Le 7 janvier, la malade étant placée sur le bord de son lit
comme pour l'opération de la fissure, M. Jobert saisit avec
une pince le trajet de la fissure, et l'excisa avec des ciseaux.
Aucun pansement, bain de siège, potion calmante.
Le lendemain, la malade n'éprouvait ni douleur ni pesan-
teur au fondement. Elle eut une selle plus facile et ne se plai-
gnit que d'une légère cuisson lors du passage des matièi'es
stercorales sur la plaie. On remédia à la constipation par
l'eau de Sedlitz. Le 19, la petite plaie était entièrement
fermée. En examinant celte femme au spéculum, on recon-
nut que les ulcères du col utérin étaient cicatrisés. Elle sor-
tit de l'hùpital le 26, n'éprouvant plus que de la douleur dans
les aines et dans les lombes, effets nécessaires d'une tension
au prolapsus de la matrice.
La seconde observation est en tout semblable à celle qu'on
vient de lire, puisque la femme portait également des ulcé-
rations au col utérin, qui furent traitées par la cautérisation,
et une fissure qui fut excisée avec des ciseaux. Dès le lende-
main elle alla à la selle sans éprouver d'autre douleur que
celle qui résultait du passage des matières fécales sur une
petite plaie; et au bout de quelques jours, elle était complè-
tement guérie.
Examinant ensuite les divers procédés conseillés contre
la fissure ;\ l'anus, le rédacteur de ces observations passe en
revue les avantages et les inconvéniens de la cautérisation,
de la dilatation et de l'incision proposée par Boyer, et adop-
tée aujourd'hui par la généralité des praticiens. Il démontre
aisément les inconvéniens de ces trois méthodes, et conclut
en faveur du procédé de M. Jobert, que ce chirurgien a déjà
eu l'occasion d'employer chez un assez grand nombre de su-
jets, et toujours avec un égal succès, ce qui prouverait que
la constriction du sphyncter n'est que l'effet de la fissure et
non sa cause, comme l'avait prétendu le professeur Boyer.
(104)
ART. 1002.
De l'emploi de l'eau froide dans plusieurs affections c/drurgicalesi
Erysipèles, phlegmons, plaies coniuses, par arrachement, etc.
On trouve dans un ouvrage publié récemment (i) des re-
cherches utiles sur une médication déjà préconisée depuis
long-temps, mais érigée en méthode générale de traitement
depuis sept ans seulement, par M. Josse, chirurgien de l'Hô-
tel-Dieu d'Amiens, et employée avec succès comme un anli-
phlogistique puissant dans plusieurs circonstances. Ce moyen
est l'eau froide qui, appliquée sur les parties enflammées
et réduite en vapeurs à l'aide d'un léger courant d'air, ab-
sorbe une quantité énorme de calorique, et prévient ainsi les
accidens qui pourraient résulter de violentes contusions, de
déchirures, enfin de toute lésion externe de nos parties.
Suivant M. Josse, c'est surtout sous la forme d'affusions
qu'il faut employer l'eau ; et rien n'est plus facile que de
construire un petit appareil à cet effet : une petite fontaine, par
exemple, destinée à contenir l'eau qui sert habituellement ù
laver les mains, peut être suspendue à un pied et demi en-
viron au-dessus du membre blessé; une toile cirée, étendue
sous celui-ci, garantit le lit et facilite l'écoulement de l'eau,
qui est reçue dans un seau placé près du lit, et dans lequel
on fait descendre l'extrémité de la toile cirée.
On peut remplacer cette fontaine par un vase en bois, au
fond duquel on pratique un petit trou ; et une peau quelcon-
que ou une plaque en métal flexible peuvent être substituées
à la toile cirée.
Pour pratiquer ces allusions, on jette négligemment une
compresse sur la partie malade; puis une Sfx;onde compresse,
partant du robinet, s'étend jusque sur l'appareil, afin d'em-
pêcher Peau de tomber de tout son poids sur les organes
malades.
Si la nature de la lésion oblige de placer un bandage, il
doit toujours être le plus léger et le moins serré possible,
afin de ne pas empêcher l'air de circuler entre les tégumens
(i) Mi;lanf»c» (le chirurgie pratiqur, d'aprcR la cliniqur cliirurgical»;
de riIôid-Dicu d'AmicDs et les leçons de M. Josse ; par M. Josse fils.
I vol. in-8".
(105)
et le linge mouillé par l'affusion. Il faut aussi avoir l'atten-
tion de mouiller en même temps toute la partie malade, car,
sans cette précaution, l'inflammation pourrait disparaître en
un point pour se reproduire dans un autre.
Ce mode d'employer l'eau est de beaucoup préférable à la
simple application de compresses mouillées, car le liquide
n'agissant absolument que comme réfrigérant, son action est
d'autant plus sensible que le courant est plus fréquemment
renouvelé, et qu'une plus grande masse d'air circule autour
des parties malades.
Quel que soit le procédé auquel on ait recours, on peut
employer l'eau à divers degrés. Il faut en général que la
première application du liquide fasse naître sur les parties
l'impression du froid. Ainsi, on commence ordinairement
par l'eau à la température de l'atmosphère; si ces applicar
tions produisent une vive douleur qui persiste pendant quel-
que temps, il faut élever un peu sa température; on la bais-
sera, au contraire, si le malade n'en ressent que très-peu
d'effet. On doit, sans qu'il soit possible de fixer à l'avance le
degré nécessaire, produire un refroidissement marqué, sans
impression douloureuse; puis bientôt la cessation complète
de la douleur.
Ces affusions ont le pouvoir de prévenir, quand on se con-
forme aux préceptres sus-énoncés, la fièvre, la douleur et
les autres accidens qui suivent les déchirures, les écrase-
mens, les fractures comminutives, les plaies par armes à
feu, piqûres, arrachement, etc. ; et on pourrait même, sui-
vant M. Josse, en tirer parti dans certaines phlegmasies in-
ternes, telles que les maladies de la vessie, du ventre, du
cerveau.
Les affections dans lesquelles le chirurgien de l'Hôtel-Dieu
d'Amiens a employé les affusions avec le plus de succès, sont
les érysipèles, les phlegmons survenus à la suite de violences
extérieures, les brûlures, les fractures comminutives, etc.
Voici quelques-unes de ces observations :
Un homme fut atteint d'un érysipèle à la face; malgré deux
saignées et une application de sangsues, la langue était sè-
che, contractée, la fièvre violente, le gonflement de la face
énorme. Des compresses trempées dans l'eau froide furent
posées légèrement sur la face, de manière à laisser l'air cir-
culer entre elles et les tégumens. L'humidité se trouvant ainsi
rapidement absorbée, il fallut les renouveler très-souvent.
Sous riufluence de cette seule médication, le délire cessa le
jourmême, ainsi que la fièvre. La tension destégumens, larou-
(106)
^eur et la chaleur diminuèrent bientôt, et au bout de quatre
jours l'érysipèle avait presque entièrement disparu. On con-
tinua cependant les applications d'eau froide pendant deux
jours.
Depuis cette époque, cet homme, ayant été plusieurs fois
atteint de nouveaux érysipèles, s'est guéri lui-même par la
même méthode.
f ne femme, âgée de quarante-cinq ans, entra à l'Hôtel-
Dieu avec un érysipèle plilegmoneux de la jambe et de la
cuisse, cinq jours après l'invasion de la maladie; la peau
était tendue, violacée, couverte de phlycténes et de taches
gangreneuses; les douleurs étaient profondes, insupporta-
bles, la fièvre violente, la soif vive, etc.
Toute la partie affectée, mise hors du lit, fut placée sur
une toile cirée; des linges trempés dans l'eau froide furent
jetés négligemment sur elle de manière ;\ ce que l'eau ruis-
selât en quelque sorte de tous points. Les douleurs atroces
que la malade éprouvait furent arrêtées presque instantané-
ment, et le lendemain l'érysipèle était complètement borné.
Létat général de la malade était fort bon, mais la phlegma-
sie elle-même présentait à peu près le même aspect, quoi-
que les parties fussent infiniment moins douloureuses au
toucher.
Le troisième jour, l'érysipèle était dans l'état le plus satis-
faisant; mais, dés qu'on cessait d'arroser les linges, la cha-
leur et la douleur reparaissaient aussitôt. La malade conti-
nua de marcher rapidement vers la guérison. Le douzième
jour, elle sortit de l'hôpital parfaitement guérie.
Le affusions ont égaleuient réussi dans un autre cas beau-
coup plus grave encore, puisque l'érysipèle, qui occupait
tout le bras, et datait déjà de sept jours lors de l'entrée de
la malade à rhôpital, ne laissait presque aucun espoir d'em-
pêcher la terminaison jîar suppuration et gangrène. Vingt
sangsues furent appliquées sur l'épaule en même temps
qu'on eut recours aux affusions; mais la malade ayant trouvé
moyen de se soustraire au courant continuel de l'eau froide,
l'érysipèle continua à faire des progrès; la fluctuation de-
vint sensible; une escarre gangreneuse se développa sur
toute la face interne du bras; il y avait du délire, des dou-
leurs épigastriques, toutes les boissons étaient rejetées par
le vomissement.
Malgré des accidens si graves, et qui semblaient présager
une mort prochaine, l'emploi des affusious fut surveillé
a?ec plus de soins, et, de ce moment, la maladie cessa sa
( 107)
marche envahissante. L'escarre se détacha; les foyers puru-
lens ne fournirent que peu de pus, et enfin ie rétablissement
s'opéra d'une manière complète.
Le mOme moyen réussit également bien dans le phlegmon
des doigts, qu'on désigne sous le nom de panaris, et qui né-
cessite si fréquemment de profondes incisions. Mais c'est
surtout dans les brûlures aux divers degrés que l'eau froide
s'est montrée vraiment efficace; elle détruit, suivant M. Josse,
le caractère envahissant de la maladie, favorise l'élimination
des escarres, ainsi que la formation de la cicatrice, en rame-
nant les plaies à un état d'excitation convenable.
Dans les écrasemens des membres, ainsi que les plaies
par armes â feu, ces affusions, bien dirigées, peuvent faire
éviter, dans bien des cas, les débridemens et les émissions
sanguines. Nous n'en voulons citer qu'une seule obser-
vation.
Lu jeune garçon eut la jambe accrochée entre les rais et
le moyeu d'une charrette, et brisée à sa partie inférieure.
Une plaie longitudinale occupait tout le bord interne du
pied, et laissait à découvert la face plantaire des trois der-
niers os métatarsiens; deux de ces os étaient fracturés;
plusieurs autres vastes plaies couvraient le pied, et la partie
inférieure du péroné était lirisée; la jambe offrait également
des plaies larges et contuses sur différens points. Les dés-
ordres étaient tels, que l'ampulation immédiate semblait la
seule ressource à propo;er; cependant H. Josse voulut,
avant de se décider à la pratiquer, essayer les effets des affu-
sions.
La jambe fut posée à demi fléchie sur le côté interne, et
placée sur une paillasse de balle d'avoine couverte de toile
cirée et de linge; on lui donna la rectitude voulue. La sensi-
bilité des plaies ne permit pas d'appliquer un bandage con-
tentif. Le membre fut donc laissé libre, et l'on se borna à
recouvrir les plaies de charpie sèche et de quelques pièces
de linge. Les affusions furent faites alors de la manière indi-
quée. Dès le lendemain, la rougeur inflammatoire qui s'était
emparée des plaies avait déjà diminué d'une manière nota-
ble; le malade souffrait beaucoup moins; il avait dormi, et
n'avait point de flèvre. On !e mit au quart de la portion, et
il ue survint absolument aucun signe de réaction jusqu'au
quinzième jour. A cette époque, les affusions ayant été sus-
pendues pendant toute une luiit, il y eut aussitiH fièvre, dé-
lire, agitation, tuméfaction considérable de la jambe et du
pied. Les affusions faites de nouveau avec le plus grand soin
ne suffirent pas d'abord pour dissiper ces accidens , mais la
(io8)
mère de cet enfant, s'étant aperçu du bien-être que produi-
sait l'augmentation du courant d'eau, eut la pensée de l'aug-
menter encore en versant constamment un flot d'eau sur le
membre malade. En moins de trois jours la réaction cessa,
et les plaies prirent un meilleur aspect. Il ne se présenta plus
rien de particulier jusqu'à la guérison, qui était complète le
cinquantième jour.
Réflexions. Les bornes de cet article ne nous permettent
pas d'analyser quelques autres observations également re-
marquables et rapportées par M. Josse dans son intéressant
travail sur les effets de l'eau froide. Il nous suffira d'avoir
appelé l'attention de nos lecteurs sur un moyen qui n'était
peut-être resté dans l'oubli que faute d'avoir été expéri-
menté convenablement et appliqué avec méthode et persé-
vérance, comme l'a fait le chirurgien de l'Hôtel-Dieu d'A-
miens.
Il paraît, au reste, que, depuis quelques années, d'autres
chirurgiens ont cherché à tirer parti de ces irrigations conti-
nuelles, et s'en sont bien trouvés. M. Bérard jeune, entre au-
tres, actuellement chirurgien de laSalpêtrière,apublié, dans
le dernier numéro dtsAr-c/iîves générales de médecine, un Mé-
moire dans lequel il annonce avoir employé ce même moyen
avec beaucoup de succès à l'hôpital Saint-Antoine, oi'i l'on
reçoit habituellement beaucoup d'ouvriers atteints de plaies
contuses extrêmement graves; c'est surtout contre ces bles-
sures que M. Bérard a reconnu les bons effets des irrigations
d'eau froide. Bien qu'à cette époque il ignorât que M. Josse
en fit depuis long-temps un usage général, il se servit ce-
pendant du même procédé. Quelle que fût la saison, on em-
ploya toujours l'eau de pompe, dont la température est à
peu près semblable à celle de l'eau de puits.
M. Bérard a employé ces irrigations dans des cas de plaies
d'armes à feu horriblement contuses, compliquées de la
présence d'esquilles, de fragmens de balles, et dans lesquels
il ne s'est manifesté aucune tuméfaction pendant huit, dix,
douze jours, que l'irrigation a été continuée. La sécrétion du
pus et l'inflammalicm adhésive n'en ont cej)cndant point été
empêchées. (le moyen préserve delà mortification les tissus
aflectés; mais lorsfjue les membres ont été écrasés de ma-
nière à ce que les vaisseaux soient presque entièrement dé-
chirés, les affusions, loin d'améliorer l'état du malade,
seud)lent au contraire s'opposer au rétablissement de la
circulation.
Le Mémoire inséré dans les Archives contient une dou-
zaine d'observations, la plupart semblables à celle rappor-
tée par M. Josse, et dans laquelle la jambe avait été déchirée
par la roue d'une voiture. De ces différentes observations,
M. Bérard croit pouvoir conclure que l'irrigation continue
d'eau froide est un moyen héroïque et infaillible pour pré-
venir et combattre l'inflammation dans les cas de lésions
tramaliques les plus graves, telles que les plaies d'armes à
feu, par écrasement, celles qui résultent de l'ablation et de
la dissection des kystes, etc. Ce chirugien pense en outre
que le même moyen, employé après les amputations, pour-
rait prévenir les accidens et favoriser la réunion par pre-
mière intention.
ART. ioo5.
Pommade de Dupuytrenpour arrêter la chute des cheveux.
Teinture de cantharide, dix parties;
Axonge, quatre-vingt-dix parties.
La teinture se prépare en faisant infuser une partie de
cantharide en poudre fine dans huit parties d'alcool, et fil-
trant la liqueur.
On incorpore à froid cette teinture dans l'axonge, en la
triturant dans un mortier de marbre.
AHT. ioo4>
Nouvelles observations sur l'efficacité de la saie dans les ulcéra-
tions diverses.
M. Blaud, médecin en chef de l'hôpital de Beaucaire, a
publié, dans la Revue médicale, plusieurs observations sur
l'emploi de la suie dans diverses affections de la peau. Nos
lecteurs se rappellent qu'à notre art. 872 nous avons déjà
exposé les premières expériences tentées par ce médecin, et
les succès qu'il annonçait avoir obtenus. Voici de nouveaux
faits qui viennent témoigner en faveur de ce topique, dont
l'efficacité avait déjà été signalée, mais dont on semblait
avoir abandonné l'usage (1),
(i)M. le docteur Blaud nous avait adresse une réclamatiob en ré-
(.12)
M. Guéretin, premier chirurgien interne de l'Hôtel-Dieu
d'Angers
Ce chirurgien n'admet point la contagion immédiate. Il
convient cependant que rarement un seul individu était af-
fecté dans chaque maison; mais un foyer d'infection lui sem-
ble suffisant pour expliquer cette mulciplicilé d'action.
Chacun connaît les symptômes de la dyssenteric, il nous
suffira d'indiquer seulement les lésions cadavériques que l'on
a rencontrées, et le traitement qui a paru le plus efficace.
Quelquefois l'estomac était sain, d'autres fois il présentait
de légères traces de phlogose. Dans les deux tiers des cas,
on a rencontré vers la région pylorique, et mOnie dans les
intestins grêles, des pointillations noirâtres. Quelquefois
l'intestin grêle était sain; mais le plus souvent sa muqueuse
était boursouflée, rouge en plusieurs points, ulcérée ou ra-
mollie. Presque constamment des boursouflemens grisâtres
dans le cœcum, mais rarement d'ulcérations. Le gros intes-
tin offrait un épaississement de ses parois et était le plus sou-
vent parsemé de boursouflements noirâtres et d'ulcérations;
la muqueuse était rouge et souvent ramollie.
Quant au traitement, quelque moyen que l'on employât
au début de l'épidémie, lorsque les cas étaient graves, les
symptômes allaient toujours en augmentant, et il était im-
possible d'enrayer la maladie. Les évacuations sanguines qui
paraissaient si bien indiquées, n'ont guère réussi que chez
les individus jeunes, vigoureux et pléthoriques; encore ont-
elles échoué dans beaucoup de cas. Les saignées générales
ont été rarement employées. Elles n'ont jamais eu d'action
favorable. Les sangsues autour de l'anus et de l'ombilic n'a-
vaient guère d'action que sur le cerveau qu'elles contri-
buaient à dégorger, mais elles n'enlevaient ni la cuisson à
l'anus ni les épreintes. Chez les enfans et les vieillards,
leur elfet était moindre encore ; cependant dans certaines
communes on en faisait un usage général.
11 n'en a pas été de même des oj)iacés. L'opium donné en
pilule à la dose d'un grain, de deux heures en deux heures,
est le médicament dont l'ellét a été le plus sensible.
L'action des purgatifs mérite d'être notée. Des charlatans
ayant donné des purgatifs violens au début de la maladie,
ont augmenté les symptômes d'une manière clfrayanle. Les
médecins n'en ont point fait usage lors de l'invasiun de l'épi-
démie ; mais quand la maladie eut pris un aspect moins ef-
frayant, on eut fréquemment recours à cette médication. Deux
gros à une once de sulfate de magnésie ou de soude étaient
(ii3)
donnés seuls ou unis à une ou deux onces de manne. Admi-
nistrés à des malades chez lesquels la dyssenterie était en
quelque sorte à un état de chronicité, les selles devenaient
en général plus abondantes et plus faciles. Les épreintes
et le téoesme disparaissaient pour se reproduire au bout de
douze à trente-six heures, si on ne renouvelait pas le pur-
gatif.
Dans le cas de saburres prononcées, on y joignait quelque-
fois dix à \iogt-quatre grains d'ipécacuanha.
Donnés au début de l'afiection, quand la dyssenterie était
modérée, les effets ont été à peu prés les mêmes; cependant,
dans l'un et l'autre cas, ils ont échoué un grand nombre de
fois.
M. Gueretin fait remarquer que s'il n'a jamais observé
de mauvais effets de cette médication, il n'en a pas été de
même dans beaucoup de communes environnantes, où les
médecins ont été obligés de rejeter tout-à-fait ce moyen.
Quelque traitement que l'on adoptât, la diète était si
nécessaire, que les malades qui ne s'y soumettaient pas ré-
gulièrement voyaient s'aggraver la dyssenterie, ou ne tar-
daient pas à éprouver des rechutes.
Tel est en quelques mots le résumé des observations de
M. Gueretin. Les autres Mémoires publiés sur ce sujet nous
ont paru exprimer des opinions à peu près semblables, ou
contenir des assertions trop hasardées pour qu'il soit utile
de les reproduire ici. Mais il a paru dans le Journal hebdoma-
daire un travail sur la dyssenterie, que nous ne pouvons
nous empêcher de mentionner, bien que cette maladie ait
été observée sous une autre latitude et dans des circon-
stances différentes.
M. le docteur Segond, charge en chef du service de santé
à Cayenne, rend compte dans ce Mémoire des cas de dyssente-
rie qu'il a observés dans ce pays, où l'inflammation du colon
eslendémique, et où elle régna épidémiquement dans le cours
du premier semestre de 1854- Soixante-quatorze mah\des,
en effet, furent admis à l'hôpital de Cayenne dans cet inter-
valle de temps. L'affection se présentant sous diverses for-
mes, on a employé pour la combattre des moyens variés.
La saignée générale a été ordinairement proscrite; mais
il n'en a pas été de même des sangsues, appliquées d'abord
en grande quantité, puis ensuite au nombre de trois ou qua-
tre, et en quelque sorte d'une manière continue, sur le tra-
jet du colon et à l'anus. Ce moyen doit être négligé dans \\n
seul cas, suivant M. Segond, c'est lors de la dyssenterie ty-
phoïde.
TOM. VI. — N" DE MARS. 8
(»i4)
Ce chirurgien admet d'ailleurs trois dyssenleries bien dis-
tinctes, et qui réclameut des traîtemens différens : la dys-
senlerie mucoso-sanguinolente, qui est la plus commune en
Europe, et que l'on doit traiter uniquement avec les anii-
phlogistiques, en bannissant avec soin les émétiqaes et les
purgatifs; la dyssenlerie bilieuse, fort commune dans les
pays chauds, et enfin la dyssenlerie séreuse.
Les antiphlogistiques seuls ne sont point sufTisans dans le
cas de dyssenterie bilieuse; mais dans le traitement de celle
variété il ne faut pas oublier qu'il y a en même temps débor-
dement de bile, pour nous servir de l'expression vulgaire, et
inflammation du colon. Voici, au reste, un cas de fe genre
qui fera connaître la méthode adoptée par ce médecin :
Un homme d'un tempérament bilieux, nouvellement ar-
rivé dans la Guyane, est pris de dyssenterie peu de temps
après avoir fait des excès de table : selles fréquentes chaudes,
puis bralantes; fortes coliques; quelques nausées, p<iis vo-
inissemens bilieux; teinte iclérique de la peau; langue jau-
nâtre; ameitume de la bouche; fièvre intense. Le malad<î
demandait instamment l'ipécacuanha ; mais M. Segond dé-
buta par uuc application de soixante sangsues sur le trajet
du colon et dans l'hypocondre droit. Quand elles furent tom-
bées, quarante nouvelles furent aussitôt appliquéesà l'anus;
on donna en outre de l'eau gommeuse, contenant par piule
un dcmi-gi-aiii d'extrait gommeux d'opium. Le lendemain,
il y avait un peu de rémission ; cependant les selles reparu-
rent, ainsi que les vomisscmcns. Le malade demandait l'i-
péca plus instamment encore. M. Segond, préférant le mer-
cure doux, administra ce médicament à la dose de luiit
grains, avec addition de deux grains d'extrait gommeux d'o-
pium. Le tout fut pris dans les vingt-qualrc heures, ;'i tr»)is
heures d'intervalle; on prescrivit en outre la continuation
des bains de siège, des frictions opiacées, des fomentations
éiuollientes sur l'abdomen, des lavemens amylacés et opia-
cés. Le troisième jour, il n'y avait plus d'envies de vomir;
les selles étaient diminuées des trois quarts, la teinte ictéri-
(|ue était aflaiblio. Les jours suivans, le mieux fut progres-
sif, cl, au bout d(! dix jours, la guérison èlait complète. Le
malade avait pris vingt-trois grains de calomcl et six grains
d'extrait jonuncux d'opinm.
L'ipécacuaidia peut encore être administré avec succès
dans 1,1 dyssenterie bilieu>e; mais ce médicament convient
surlonl lorsque les évacuations sont séreuses, c'est-à-dire
dans la troisième espèce de dyssenterie. M. Segond fait
usage de celte substance de la manière suivante : Pendant
(115)
trois jours, il donne l'ipéca, lepremier à la dose de slxcuillerées,
rinfusion pure de viugt-quatre grains d'ipéca; ie deuxième,
quatre cuillerées représentaut l'infusion du marc; et le troi-
.sièmc enfin, trois cuillerées provenant de la seconde infu-
sion de ce même marc. Des selles et des vomissemens nom-
breux sont le résultat de cette administration; mais cesacci-
dens sont bientôt suivis de calme et d'une sorte de réaction :
c'est l'époque à laquelle il faut appliquer les sangsues,
quand on jtige convenable d'y recourir.
Tels sont les moyens conseillés par M. Segond; on voit
qu'il ne proscrit les évacuations sanguines pour aucune de
ces trois espèces de dyssenterie. Il croit seulement qu'elles
ne sont pas suffisantes dans la forme bilieuse et la forme sé-
reuse, et qu'il est indispensable d'y associer le calomel et
l'ipécacuanha.
Ce médecin examine ensuite l'action des astringens dans
la dyssenterie. Il n'est pas nécessaire, suivant lui, que ta
dyssenterie soit arrivée à la période de chronicité pour qu'on
les emploie avec fruit; quand les sensations pénibles ont
cessé dans l'abdomen, quand le ventre cesse d'être collé à
l'épine, quand la pression n'est nullement douloureuse, que
tout mouvement fébrile a cessé, on peut administrer le si-
marouba, lors même que les selles sont encore teintes d'un
peu de sang, ou plutôt uniformément colorées; car si le
sang était libre à la surface des matières, ce serait une
preuve que l'irritation n'aurait pas cédé sur tous les points.
Le .«imarouba est le seul astringent administré par M. Se-
gond. Il préfère la décoction aqueuse à sa macération dans
le vin. Deux gros de cette racine bouillis dans un verre
d'eau, qu'on mêle ensuite à vingt-quatre onces de décoction
de riz, sont la dose et la forme accoutumées. Les malades
prennent, en outre, à intervalles plus ou moins rappro-
chés, une potion avec la morphine; s'ils supportent bien
cette médication, on peut augmenter successivement la
dose jusqu'à une once par pinte de décoction. Quant aux
vésicatoires et aux cautères, M. Segond en proscrit l'usage
à l'époque de chronicité; il se borne à l'emploi des vêle-
mens de laine, des bains chauds vinaigrés el des bains de
vapeur.
l'els sont les préceptes donnés par ce médecin, qu'on
pourrait véritablement appeler éclectique, puisqu'il varie
ses médicamens suivant l'exigence des cas, bien qu'il re-
connaisse constamment à la dyssenterie un caractère inflam-
matoire. L'épidémie, observée dernièrement dans les dépar-
teaiens de l'ouest, a rarement présenté la forme bilieuse ;
(116)
mais la mucoso-sangninolente a été très-l'réquente, ainsi
que la séreuse. Quant à la forme putride, c'est plutôt une
complication qu'une espèce particulière de dyssenterie, sur
laquelle nous aurons occasion de revenir.
ART. 1006.
ObsenatioM et remarques pratiques sur les ulcères du col de
Cutcrus.
M. le docteur Magistel a publié, dans la Gazette médicale,
quelques observations sur les ulcérations du col de l'utérus,
reconnues à l'aide du spéculum et guéries par la cautéri-
sation.
Le premier exemple cité par ce médecin est celui d'une
dame de trente-huit ans qui portait depuis huit mois unpes-
saire pour remédier à un relâchement de l'utérus. Lorsque
M. Magistel fut appelé, cette femme se plaignait d'éprouver
des douleurs intolérables au bas-ventre et dans les lombes.
Le pessaire lut enlevé, et le spéculum ayant été introduit,
on reconnut que le col était gonflé et ulcéré dans tout son
contour. Pendant huit jours, on fit des injections émollien-
tes, en ayant soin de maintenir dans l'intervalle les parois
du vagin écartées à l'aide de tampons de charpie. Le qua-
trième jour, les ulcérations furent touchées une seule fois
avec un pinceau de charpie imbibée de nitrate acide de
mercure. Cette seule cautérisation fut suffisante, et au bout
de deux mois cette dame était parfaitement guérie.
M. Magistel, attribuant au pessaire la lésion du col uté-
rin, voudrait que toutes les femmes, qui sont obligées de
porter ce bandage, ne le conservassent pas plus de vingt-
quatre heures sans laver les mucosités qui le recouvrent.
Elles devraient, suivant ce médecin, l'Oter chaque soir pour
le remettre le lendemain, à moins que leur infirmité n'exi-
geât qu'il restât à demeure.
La seconde observation est celle d'une dame anglaise qui
avait eu autrefois des ulcères vénériens aux parties génita-
les, et qui conservait un écoulement très-abondant, avec
dotileurs dans les reins et l'hypogastre. Examinée au spé-
culum, elle présenta deux ulcérations sur le col utérin, sé-
crétant un pus jaune verdâlre. Le vagin lui-même offrait
quelques traces d'inflammation chronique. Dans la persua-
sion f|ue (•«•Uc affection était de nature syphilitique, la ma-
lade fut s< umisc à un trailement mcrcuricl. Les ulcéralions
c
ènt touchées pendant quinze jours avec la créosote, sans
i'il eu résultât aucun amendement; puis on cautérisa suc-
cessivement, à six jours d'intervalle, avec le nitrate de mer-
cure et le nitrate d'argent. La malade faisait, en outre, des
injections émollientes, et maintenait un tampon de charpie
dans le vagin. Elle guérit au bout de deux mois et demi de
traitement.
M. Magistel conclut de ces deux cas, et d'un troisième à
peu près semblable, que très-souvent les ulcères simples du
col utérin, après avoir persisté pendant un certain temps et
reçu l'excitation de diverses causes, telles que le coït répété,
la malpropreté, etc., finissent par dégénérer en cancer lors-
que les médecins ne cherchent pas à prévenir cette funeste
terminaison.
Deux autres observations, citées dans ce Mémoire, nous
montrent une hémorrhagie très-abondante, provenant chez
l'une d'une simple ulcération du col, et chez l'autre d'une
dégénérescence cancéreuse. Dans la première, tous les
moyens conseillés pour arrêter le sang échouèrent, y com-
pris le seigle ergoté. On s'empressa de tamponner le vagin
en comprimant ï'hypogastre avec un bandage; puis, le len-
demain, ayant levé le tampon, on cautérisa l'ulcère avec
le nitrate de mercure. Dans la seconde observation, le sei-
gle ergeté, donné à la dose de dix-huit grains toutes les
deux heures, arrêta l'hémorrhagie; mais il fallut exciser une
partie du col.
Réflexions. Bien que dans notre précédent volume nous
ayons rapporté des faits à peu près semblables (i), nous re-
venons à dessein sur ces observations, parce qu'elles mon-
trent l'indispensable nécessité du spéculum dans toutes les
maladies de l'utérus. C'est en effet un instrument dont aucun
médecin ne peut aujourd'hui se passer, s'il veut éviter les
erreurs les plus funestes à ses malades et à sa propre réputa-
tion ; et il ne doit pas balancer à y recourir toutes les fois
que des femmes, qui ne sont plus vierges, éprouvent des ac-
cidens du côté de la matrice.
L'application du spéculum est facile, et les femmes s'y
soumettent sans trop de résistance, quand on leur parle d'une
maladie grave qu'il s'agit de leur faire éviter.
Plus cet instrument devient d'une application vulgaire,
plus les praticiens s'étonnent de la fréquence des ulcères du
(0 Voy. art. 766.
(118)
col utérin; mais il faudra bien des recherches encore p>si
nous faire reconnaître quand ces ulcérations sont de natu^
syphilitique, et quand elles ont un autre caractère: cetl^
question est encore bien loin d'être éclairée. Aussi croyons-
nous que M. Magistel a fait subir à la malade qui fait le sujet
de sa seconde observation, un traitement mercuricl tout-à-
fail en pure perte. Le mercure administré à l'inléiicur ne pa-
raît pasavoir une action très-prononcée sur ces sortes d'ulcè-
res; le pansement local, et surtout la cautérisation, voilà les
seuls spécifiques sur lesquels il faut compter, bien que dans
certains cas le caractère conlagieuxde ces ulcères neparaisse
pas douteux. C'est le traitement adopté par M. Cullerier, à
l'hôpital des Vénériens, où ces ulcérations sont excessive-
ment fréquentes, et nous sommes convaincu que, dans un
très-grand nombre de cas, on prévient ainsi des dégénérations
cancéreuses qui résulteraient d'excitations nouvelles exer-»
cées sur un col engorgé, ou même ulcéré sur plusieurs points
de sa surface.
ABT. jooy.
Considérations pratiques sur le traitement des ulcdr es et fistules
cutanées, par lacaatcrisaiionavec le deuto-cidorure de mercure.
Article communiqué par M. le docteur Ordinaire, médecin
à Saint-Laurent-les-Maçon.
Les ulcères scrofuleux sont entretenus, dans le plus grand
nombre des cas, par le décollement de leurs bords, amincis
et «lénudés, qui s'avancent plus ou moins sur le fond de la
plaie, et s'opposent ainsi à la cicatrisation. Deux moyens ont
été proposés pour détruire cet obstacle : l'ablation par l'in-
slrumenl tranchant et la cautérisation. L'emploi de l'instru-
ment Iraricbanl rencontre toujours nue vive opposition de
la part des malades, et a de plus l'inconvénient de ne rien
changer à la nature de l'ulcère et de n'en pouvoir légulariser
parfaitement le fond ni les bords. La cautérisation e^t donc
Iiréférable; mais, pratiquée jusqu'à présent uve(; le nitrate
d'argent fondu, elle a paru longue, douloureuse, et a souvent
découragé les malades qui ont refusé de s'y soumettre pen-
dant le temps nécessaire. Le deuto-chlorure de mercure
(sublimé corrosif), caustique Ir; plus actif, le plus facile à
graduer et à employer, le plus innocent sous le rapport des
(>i9)
suites de soo absorption (i), est donc bien préférable à tous
les autres. C'est même le seul convenable, toutes les fois
qu'une cautérisation quelconque est indiquée. Les exemples
suivans en fourniront la preuve.
Alibert, âgé de dix-neuf ans, menuisier à Mâcon, portait
depuis plusieurs années, à la partie moyenne latérale gauche
du cou, une tumeur située profondément, de la grosseur
d'un œuf de pigeon. A la suite de diverses applications, cette
tumeur se ramollit et présenta de la fluctuation. Abandonnée
à elle-même, ce ne fut qu'après l'altération et la déaudation
de la prau qui la recouvrait qu'il se forma, en même temps,
plusieurs petites ouvertures par lesquelles s'écoula une ma-
tière purulente peu abondante. Ces trous s'élargirent insen-
siblement, communiquèrent bientôt entre eux par les brides
qui les séparaient, et formèrent un ulcère qui paraissait à
l'œil avoir la largeur d'un écu de trois francs, mais qui avait
une étendue double, au-dessous des bords flottans qui s'a-
vançaient sur son fond. Le pourtour de cet ulcère n'était
poiiit régulier : il présentait des prolongemens en forme de
clapier qui disparaissaient sous les tégumeos, et ne se recon-
naissaient qu'à l'aide d'une sonde. Le malade s'était soumis
à plusieurs traitemens : il avait supporté nombre de fois la
cautérisation avec la pierre infernale, l'iode et l'iodure de
potassium. Ne coaservant plus l'espoir de guérir, il se bor-
nait à des soins de propreté, lorsque ses pareus me l'adres-
sèrent.
L'ulcère existait depuis aa an. Il était plutôt saillant que
profond, en ce que son centre dépassait les bords et qu'il pa-
raissait soulevé par un noyau d'engorgement. Ces derniers
étaient amincis, frangés, décollés dans une assez grande
étendue; la peau était d'autant plus altérée qu'elle se rap-
prochait davantage des bords libres de l'ulcération. Un pus
de mauvaise nature, d'une odeur aigre, s'éc'^ulait à chaque
pansement. Je soumis ce jeune homme au traitement géné-
ral des sujets délicats, m'abstenant de l'iode, dans la crainte
d'aggraver une toux ancienne avec expectoration purulente,
et je procédai immédiate ment à la cautérisation de la ma-
nière suivante : après avoir nettoyé les clapiers et le fond de
l'ulcère avec un linge fin, je chargeai de caustique l'extré-
(i) .le continue une série «^'expériences qui tléDii>ntreror>t que le
deDlo-chlornre de mcreHre appliqué sur une plaie se chaage ea prolu-
cblorurc ou se neutralise.
(118)
col utérin; mais il faudra bien des recherches encore p^si
nous faire l'cconnaîtrc quand ces ulcérations sont de natu^,
syphilitique, et quand elles ont un autre caractère: cett^
question est encore i)ien loin d'être éclairée. Aussi croyons-
nous que M. Wagistel a lait subir à la malade qui fait le sujet
de sa seconde observation, un traitement mercuricl tout-à-
fail en pure perte. Le uicrcure administré à l'intérieur ne pa-
raît pasavoir une action très-prononcée sur ces sortes d'ulcè-
res; le pansement local, et surtout la cautérisation, voilà les
seuls spécifiques sur lesquels il faut compter, bien que dans
certains cas le caractère contagieux de ces ulcères ne paraisse
pas douteux. C'est le traitement adopté par M. CuUerier, à
l'hôpital des Vénériens, où ces ulcérations sont excessive-
ment fréquentes, et nous sommes convaincu que, dans un
très-grand nombre de cas, on prévient ainsi des dégénérations
cancéreuses qui résulteraient d'excitations nouvelles exer-»
cées sur un col engorgé, ou même ulcéré sur plusieurs points
de sa surface.
ABT. 1007.
Considérations pratiques Sur le traitement des ulcères et fistules
cutanées, par lacaatirisationavec le deato-cidorure de mercure.
Article communiqué par M. le docteur Ordinaire, médecin
à Saint-Laurent-les-.^Iaçon.
Les ulcères scrofuleux sont entretenus, dans le plus grand
nombre des cas, par le décollement de leurs bords, amincis
et dénudés, qui s'avancent plus ou moins sur le fond de la
plaie, et s'opposent ainsi à la cicatrisation. Doux moyens ont
été proposés pour détruire cet obstacle : l'ablalion par l'in-
strument lianchanl et la cautérisation. L'emploi de l'instru-
ment Iraricliant rencontre toujours uue vive opposition de
la part des malades, et a de plus l'inconvénient de ne rien
cbanger à lu nature de l'ulcère et de n'en pouvoir régulariser
parfaitement !e fond ni les bords. La cautérisation est donc
préférable; mais, pratiquée jusqu'à présent avec lo nitrate
d'argent fondu, elle a paru longue, douloureuse, et a souvent
découragé les malades qui ont refusé de s'y soumettre pen-
dant le temps nécessaire. Le dento-chlorure de mercure
(sublimé corrosif), caustique l«; plus actif, U\ plus facile à
graduer et à employer, le plus innocent sous le rapport des
(>i9)
suites de soq absorption (i), est donc biea préférable à tous
les autres. C'est même le seul convenable, toutes les fois
qu'une cautérisation quelconque est indiquée. Les exemples
suivans en fourniront la preuve.
Alibert, âgé de dix-neuf ans, menuisier ù Mâcon, portail
depuis plusieurs années, à la partie moyenne latérale gauche
du cou, une tumeur située profondément, de la grosseur
d'im œuf de pigeon. A la suite de diverses applications, cette
tumeur se ramollit et présenta de la fluctuation. Abandonnée
ù elle-même, ce ne fut qu'après l'altération et la dénudation
de la peau qui la recouvrait qu'il se forma, en même temps,
plusieurs petites ouvertures par lesquelles s'écoula une ma-
tière purulente peu abondante. Ces trous s'élargirent insen-
siblement, communiquèrent bientôt entre eux par les brides
qui les séparaient, et formèrent un ulcère qui paraissait à
l'œil avoir la largeur d'un écu de trois francs, mais qui avait
une étendue double, au-dessous des bords flottans qui s'a-
vançaient sur son fond. Le pourtour de cet ulcère n'était
point régulier : il présentait des prolongemens en forme de
clapier qui disparaissaient sous les tégumeos, et ne se recon-
naissaient qu'à l'aide d'une sonde. Le malade s'était soumis
à plusieurs traitemens : il avait supporté nombre de fois la
cautérisation avec la pierre infernale, l'iode et l'iodure de
potassium. Ne coaservant plus l'espoir de guérir, il se bor-
nait à des soins de propreté, lorsque ses pareas me l'adres-
sèrent.
L'ulcère existait depuis tm an. Il était plutôt saillant que
profond, en ce que son centre dépaîSait les bords et qu'il pa-
raissait soulevé par un noyau d'engorgement. Ces derniers
étaient amincis, frangés, décollés dans une assez grande
étendue; la peau était d'autant plus altérée qu'elle se rap-
prochait davantage des bords libres de l'ulcération. Un pus
de mauvaise nature, d'une odeur aigre, s'éc niait à chaque
pansement. Je soumis ce jeune homme au traitement géné-
ral ries sujets délicats, m'abstenant de l'iode, daiiS la crainte
d'aggraver une toux ancienne avec expectoration purulente,
et je procédai immédiatement à la cautérisation de la ma-
nière suivante : après avoir nettoyé les clapiers et le fond de
l'ulcère avec un linge fin, je chargeai de caustique l'extré-
(i) .le contintic tme série d'expériences qui démon treroi>t que le
deoto-chloittre de racreare appliqué sur une plaie sa change ca prolo-
cblorure ou se oeutraUse.
( »20)
mité d'une sonde cannelée et une partie de sa rainure précé-
demment humectée, en la roulant dans de la poudre de su-
blimé, et je l'introduisis sous les bords flottans, dans le cla-
pier qui me parut le plus profond. Je tins la rainure tournée en
dehors un instant, et lui fis ensuite subir un mouvementlent
de rotation, de manière à mettre en contact le caustique et
les surfaces ulcérées. Je retirai ma sonde, la chargeai de nou-
veau, et cautérisai ainsi en trois fois la moitié du pourtour
de l'ulcère, remettant au lendemain la cautérisation de l'au-
tre partie, afin d'éviter au malade de trop vives douleurs. Je
recouvris la plaie d'un morceau de tafîetas de diachylon, et
restai vingt-quatre heures avant de pratiquer la deuxième
pansement. Je commençai ce dernier par des injections dé-
tersives, qui favorisèrent la chute d'escarres occupant la peau
dénudée dans plus des trois quarts de son étendue ; puis j'ap-
pliquai le caustique sur les parties que j'avais respectées d'a-
bord. Le surlendemain, c'est-à-dire au quatrième panse-
ment, j'avais obtenu une plaie beaucoup plus large, il est
vrai, mais dont les bords ne s'avançaient plus que d'une li-
gne à peine sur le fond. Je les cautérisai dans toute leur
étendue, ce qui les détruisit entièrement. Enfin je fis une
dernière application de poudre de sublimé sur le centre pro-
éminent de l'ulcère, et j'obtins en dix jours une plaie régu-
lière, couverte de bourgeons de bonne nature. La cicatrisa-
tion ne tarda pas à s'opérer, et en quarante jours la guérison
fut complète. Le noyau d'engorgement qui servait de base
à l'ulcère s'est effacé, et sans une toux légère, avec expecto-
ration le matin, Alibert jouirait de la meilleure santé.
Félix Lionuct, âgé de quatorze ans, portait depuis son
enfance un engorgement continuel de plusieurs des glan-
des du cou. A l'âge de neuf ans, il se développa un engor-
gement de même nature aux aines, et peu de temps après
un autre aux jarrets. A onze ans, les tumeurs des aines se
ramollirent, et donnèrent lieu ù trois ulcères cutanés du côté
droit et à deux du côté gauche. Cette maladie se compliqua
d'une toux rare avec expectoration abondante, particulière-
ment le matin, et d'un battement de cœur que tout exercice
actif rendait douloureux. Né de parens bien constitués, il of-
frait cependant tous les symptômes du vice scrofuleuxà son
plus haut degré. Depuis deux ans qu'existaient ces ulcères,
le jeune malade avait été soumis à une grande variété de
traitemens, qui tous étaient restés infructueux. Cédant aux
instances des parens, je logeai chez uioi cet enfant, afin de
pouvoir lui donner tous les soin^ nécessaires. Au premier
panseuieui, je découvris des ulcérations profondes, inégales.
(121)
dont les bords décollés étaient en plusieurs endroits roulés
sur eux-uiCmcs, et formaient de véritables bourrelets qui
s'opposaient à toute cicatrisation. Deux des ulcérations du
côté droit communiquaient entre elles par un trajet fistuleux.
A la partie interne et supérieure de la cuisse gauche se trou-
vait l'orifice d'une fistule provenant de la filtration du pus
dans le tissu cellulaire sous-cutané, fistule qui correspondait
à l'ulcération interne du pli de l'aine. Ces diverses plaies sé-
crétaient un pus séreux, abondant, et occasionaient une telle
gêne dans la marche, que le malade ne pouvait s'y livrer
que ployé en deux et pendant quelques minutes au plus.
Traitement local. Bains de siège deux fois par jour dans six
litres d'eau tiède iodarée, comme je l'ai indique ci-dessus (i);
cautérisation dés le premier jour avec le sublimé; application le
lendemain de cataplasmes émolliens ; pansemens avec des plu-
masseaux de charpie enduits tantôt de pommade d'hydriodate io-
durée de potasse, tantôt de cérat opiacé; frictions mercurielles
sur les tumeurs des jarrets; répéter la cautérisation jusqu'à
l'entière destruction des bords flottans et roulés, en la renouve-
lant tous les deux ou trois jours seulement.
Traitement général. Eau de poulet, dans laquelle j'ajoutais
tous les quatre jours une demi-once de crème de tartre; sirop
antiscorbutique; régime animal; vin généreux; exercice modéré,
malgré la fatigue qu'il produisait; deux vastes cautères à la par-
tie interne inférieure des cuisses; flanelle d'Angleterre sur toute
l'habitude extérieure du corps.
Je tentai plusieurs fois l'usage de l'iode à l'intérieur; je
l'associai à l'opium^ et chaque fois je fus forcé d'y renoncer,
ù cause de l'exaspération qu'il occasionait dans les symp-
tômes de l'affection pulmonaire.
Au bout d'un mois de ce traitement, j'avais obtenu une
telle amélioration, que le jeune Lionnet, qui naguère ne
pouvait faire dix pas sans souffrir beaucoup,' se promenait
un quart d'heure marchant presque droit. Deux mois après,
les ulcérations et les fistules étaient en grande partie cicatri-
sées ; le malade allait à la chasse, et faisait une lieue sans être
fatigué. Ses parens vinrent le chercher; et je m'applaudis-
sais d'une si belle cure, lorsque j'appris bientôt qu'à la suite
d'un refroidissement tous les symptômes d'une véritable
pneumonie s'étant déclarés, le malade avait succombé, mal-
gré l'emploi des moyens les plus rationels.
(i) Voy. art. 9S2.
(laa)
Le deuto-chlorure de mercure n'est pas moins utile dans le
trailcmcnt des fistules sous-cutanées et autres; et je dois à
ce précieux caustique des succès constans.
Louis D***, habitant le Charolais, âgé de vingt-neuf ans,
vint me consulter dans l'état maladif suivant : une tumeur
ulcérée, du volume d'une noix, siégeait au-dessous du men-
ton; deux autres ulcérations se l'encontraient, l'une à la
partienioyenne latérale du cou, l'autre à la partie posté-
rieure de l'angle de la mâchoire inférieure. Ces ulcérations,
qui dataient de plusieurs années, étaient slationnaires depuis
un ai). Le malade ne souffrait pas ; mais, désirant se marier,
il tenait beaucoup à obtenir une guérison qu'il avait en vain
réclamée de divers praticiens. Au premier aspect je crus re-
connaître trois ulcères scrofuleux sans rapport entre eux, et
je fus confirmé dans cette pensée après avoir, à l'aide d'un
stylet, cherché en vain à pénétrer dans quelques sinuosités;
mais ayant, avec une petite seringue, fait une injection d'eau
tiède sous les bords décollés de la petite ulcération située
derrière l'angle de la mâchoire, je m'aperçus que l'eau s'é-
chappait par les deux autres plaies. Je pus alors introduire
un stylet fin dans le trajet fistuieux qui établissait celte com-
munication. La peau qui recouvraitces fistules était dans son
état normal, et cependant ces dernières formaient un cordon
sensible au toucher. Je ne balançai pas à recourir au traite-
ment général avec la teinture d'iode, et je dirigeai le traite-
ment local de la manière suivante : Je pris une sonde cannelée,
j'en /lumcctai la rainure, et la remplis de sublimé; puis je l'in-
troduisis par l'ouverture de l'ulcération moyenne, et vins en faire
ressortir l'extrémité par l'orifice de celle qui était placée à l'an-
gle de la méichoire; je lui fis subir un mouvement lent de rota-
tion; je la retirai^ la chargeai de nouveau, et la portai une se-
conde fois dans le trajet futuleux. A l'aide d'une tête d'épingle
roulée dans le caustique, je cautérisai les bords fioltans de ces
deux petites ulcérations ; je recouvris le tout d'un taffetas de dia-
cliylon, et reui'oyui le malade au lendemain, en lui conseillant de
prendre le soir un bain de pied sinapisé.
Le jour suivant, un engorgement considérable existait
dans les partie» cautérisées; je fis des injections détersives,
et obtins ainsi la chuic des escarres qui embrassaient les
bords fiottans des ulcérations. Je fis recouvrir toute la par-
lie supérieure du cou d'un cataplasme de farine de lin, qur
fut renouvelé plusieurs fois dans les vingt-quatre heures.
Celte cautérisation fut renouvelée trois fois, et au bout de
deux mois j'avais obtenu une parfaite guérison.
Joseph Chap***, de Suin, canton de Saint-Bonnel-de-
( i»3)
Joug, âgé de trente-deux ans, d'une assez forte constitution,
était, depuis son enfance, sujet à l'engorgement des glandes
du cou, dont plusieurs s'étaient ulcérées et cicatrisées. Lors-
qu'il vint me consulter, toutes les faces du cou étaient par-
semées de cicatrices difformes, et sur les parties latérales se
rencontraient encore plusieurs ulcérations servant d'orifices
à des conduits fistuleux, les uns de quelques lignes, le plus
grand nombre de plus d'un pouce d'étendue : deux ulcéra-
tions du côté droit communiquaient entre elles; les autre»
étaient de véritables impasses s'enfonpant sous lestégumens.
La peau qui recouvrait ces fistules était altérée, amincie, de
couleur rouge lie-de-vin; la matière qui s'en écoulait était
peu abondante, se concrétait sur les surfaces ulcérées, et
formait des croûtes que le malade abandonnait à ■ elles-
mêmes, se bornant, pour tout traitement, à des soins de pro-
preté. Quelques-unes des ulcérations dataient de plusieurs
années, d'autres de quelques mois seulement.
J'employai la teinture d'iode à l'intérieur, des drastiques
répétés tous les huit jours, et je cautérisai avec le deuto-chlo-
rure de mercure, ayant la précaution de laisser le caustique
contenu dans la rainure de ma sonde cannelée quelques mi-
nutes en rapport avec la face interne des tégumens recou-
vrant les fistules. Le surlendemain, ces tégumens étaient
détr\iits, et je n'avais plus à combattre que des ulcères
étroits et sioueux. Je cautérisai de nouveau pour en régula-
riser les bords saillans, et en un mois et den^ j'obtins une
cicatrisation parfaite. Joseph Chap*** porte bien encore au
cou quelques glandes engorgées, mais elles s'effacent de jour
en jour sous l'influence du traitement par l'iode, qu'il sup-
porte parfaitement.
Combien d'observations semblables ne pourrais-je pas ci-
ter, qui toutes constatent de beaux succès obtenus par la
cautérisation, à l'aide du sublimé corrosif! Je ne doute pas
que ce caustique ne soit bientôt préféré à tous ceux em-
ployés jusqu'à ce jour, et même à toutes les pâtes phagédé-
niques anciennes et nouvelles, d'un application bien plus
difiicile, et d'un effet bien moins sûr.
Dans un troisième article je m'occuperai des fistules uri-
naires, salivaires et dentaires; de celles provenant de la né-
crose ou de la carie des os, de la destruction des kystes, des
obstructions du canal de l'urètre, et d'autros cas où le deu-
tochlorure de mercure a été ou peut être employé avec
avantaffe.
(ia4)
ABT. 1008.
F annales de tablettes à base de bicarbonate de soude, ou pastilles
digestivesdeDarcet, dites pastilles de Vichy.
. M. Béral, pharmacien, a adressé à la Société de chimie mé-
dicale des formules de tablettes de bicarbonate de soude, fort
employées comme digestives, et connues sous le nom de
pastilles de D;ircet. Voici quelques-unes de ces iormales,
qu'on trouve dans le Journal de Chimie médicale (février).
Tablettes de bicarbonate de soude simples.
Pr. Sucre réduit en poudre, trente-quatre onces;.
Bicarbonate de soude pulvérisé, deux onces ;
Mucilage de gomme arabique simple, trente-sixgros.
Mettez le sucre et le bicarbonate dans un mortier; agitez-
les en tous sens pour en obtenir un mélange parfait; ajoulcz-y
le mucilage prescrit, ou la quantité nécessaire, et formez du
tout uue masse pâteuse que vous diviserez en tablettes de
forme ovale et du poids de dix-huit grains. Chaque tablette
contient un grain de bicarbonate de soude.
Pour faire des tablettes à la rose ou à la fleur d'orange, on
fait usage de mucilage de gomme à la rose ou à la fleur d'o-
range, dans les mêmes proportions.
Tablettes de bicarbonate de soude à la vanille.
Pr. Sucre en poudre, vingt-six onces;
Saccharure de vanille au huitième, huit onces;
Bicarbonate de soude en poudre, deux onces ;
Mucilage de gomme arabique simple, environ trente-
six gros.
Faites, suivant l'art, des tablettes de dix-huit grains, dont
chacune contient un grain de substance alcaline.
Tablettes de bicarbonate de soude au chocolat.
Pr. Sucre, trente onces;
Chocolat, quatre onces;
Mucilage de gomme arabique simple, environ Irente-
{)ix gros.
(125)
Broyez et tamisez ensemble ie sucre et le chocolat pour
les réduire en poudre; mélangez-les exactement avec le bi-
carbonate, et faites-en une pâte que vous diviserez en tablet-
tes de dix-huit grains. Chaque tablette renferme un grain de
bicarbonate de soude et une quantité double de chocolat.
Tablettes de. bicarbonate de soude au baume de Têlu.
Pr. Sucre réduit en poudre, vingt-six onces;
Saccharure de baume de Tolu au 8% huit onces ;
Bicarbonate de soude pulvérisé, deux onces;
Mucilage de gomme arabique simple, environ trente-
six gros.
Pour des tablettes semblables aux précédentes, dans cha-
cune d'elles il existe un grain de bicarbonate de soude et un
16" de grain de baume de Tolu.
On doit prendre ces diverses tablettes à la dose de deux à
quatre ù la fois. Les tablettes aromatisées à la rose ou à la
fleur d'orange, et celles au chocolat et à la vanille, sont les
plus usitées. Celles qui contiennent du chocolat, de la va-
nille, du baume de Tolu, sont à la fois digestives et stoma-
chiques.
ART. 1009.
Considérations pratiques sur L'angine couenneuse ou plastique, et
son traitement par la cautérisation.
Le premier fascicule du tome IV des Mcynoires de l'j4cadé~
mie royale de médecine contient d'intéressantes observations
de M. le docteur Bourgeois sur la maladie connue sous le
nom d'angine couenneuse ou plastique, et qui a régné d'une
manière épidémique pendant les années 1827 et 1828 dans
la maison d'éducation de la Légion-d'Honneur à Saint-
Denis.
Ce fut après une épidémie d'oreillons que les premiers cas
d'angine se manifestèrent. Cette affreuse maladie eut en gé-
néral un début si insidieux que si l'on n'eût exercé la plus
stricte surveillance, on ne se serait aperçu la plupart du temps
de son invasion que lorsque déjà les progrès auraient été
considérables. Sur un total de cinq cents jeunes demoiselles
et de deux cents autres personnes environ, tant dames que
filles de service, cinquaute-sept furent atteintes de l'épidémie
(ia6)
daQS l'espace d'un an à peu près, et cinq d'entre elles suc-
combèreni.
Deux jeunes élèves furent affectées d'abord en même
temps; la toux était fréquente, quinteuse; la face altérée, la
respiration dilûcile, la voix basse et enrouée. Le fond de la
gorge, examiné, ne laissait même pas aperc voir de fausses
membranes, mais, chez l'une d'elles, le fr^nd de la gorge
était rouge, gonflé et recouverf d'un enduit muqueux blan-
châtre. On employa les sangsues, les vésicatoires, les vomi-
tifs. La première malade succomba, et l'on retira du gosier,
à l'autopsie, des lambeaux de concrétions pseudo-membra-
neuses, d'une couleur fauve ou noirâtre. La seconde expec-
tora dans une quinte de toux convulsive, un lambeau sem-
blable, et après plusieurs alternatives de mieux et de pire,
finit par se rétablir entièrement.
L'appariùon de ces deux angines fit craindre l'invasion
d'une épidémie de diphtérite, et cette crainte ne tarda pas à
se réaliser.
Pendant que cette dernière malade était encore convales-
cente, on amena un matin à l'infirmerie six jeunes élèves at-
teintes d'oreillons. Le fond de la gorge ayant été examiné
avec soin, on trouva chez toutes des taches d'un blanc gri-
sâtre répandues sur les amygdales, le voile du palais et l'en-
trée du pharynx. Ces jeunes malades n'avaient que peu ou
point de fièvre; elles n'accusaient qu'un très-léger malaise,
mais l'expérience avait appris à se tenir en garde contre cette
invasion insidieuse. Un pinceau, iml)ibé d'acide hydrochlo-
rique pur, fut porté sur toutes les ulcération» couenncuses
qu'on put atteindre. On donna de l'eau d'orge acidulée pour
boisson, et un gargarisme avec décoction de polygala et
miel rosat.
Les symptômes ne tardèrent pas à devenir plus graves.
La fièvre s'alluma, l'haleine était fétide, la toux raii(|ue; les
concrétions se détachiiieut bien sous l'inllucnce de la cau-
térisation; mais elles ne lardaient pas à se reproduire. Ce-
pendant vers le neuvième ou dixième jour, les plaques com-
mencèrent à être rejetées moins épaisses et moins étendues;
et bientôt ces jeunes malades entrèrent en convalescence.
L'all'^ction débutait nidiuaireujcnt par la bouche ou par
les fosses nasales, et de là, se portait à l'arrière-gorge et des-
cendait dans les voie» aériennes. Celte marche put être ob-
servée chezquelques-une.s, de la manière la plus évidente.
Une élève, âgée de dix ans, blonde et fraîche, fut distraite
de sa récréation pour faire voir une tache blanchâtre, de la
largeur d'une lentille, à l'orifice de la narine gauche. Au
(iî7)
bout de quelques jours se manifestèrent les symptômes d'un
coryza, et bientôt on put s'assurer que toutes les fosses na-
sales étaient le siège d'une phlegmasie plastique qui s'élen-
daitsur les amygdales, la luetteet le voile du palais; il y avait
'de la toux, de l'enrouement et de la fièvre. Ledixièmp jour,
on s'aperçut que la vulve et jforifice de l'anus étaient éga-
lement tapissés de ces fausses membranes.
La petite malade se refusant opiniâtrement aux tentatives
de cautérisation, on ne pouvait y parvenir qu'avec les plus
grandes difficultés et d'une manière tout-à-fait incomplète.
Cependant, après quinze jours d'une cruelle incertitude, le
mieux se manifesta et la maladie marcha, quoique lentement,
vers une heureuse solution.
On n'a observé que chez deux malades seulement cet en-
vahissement des plaques membraneuses à la vulve et au
pourtour de l'anus. Quelquefois des vésicatoires appliqués
dans l'intention de combattre cette angine, se sont recou-
verts d'une fausse membrane semblable à celle qu'on obser-
vait au fond de la gorge.
Chez une malade âgée de onze ans, l'affection pseudo-
membraneuse, après avoir commencé par les narines et s'être
étendue profondément dans la cavité gutturale et pharyn-
gienne, s'était montrée à l'anus et à la vulve; une sanie
noirâtre, exhalant une odeur infecte, distillait continuelle-
ment du nez ; une sorte de détritus putrilagineux remplissait
l'arrière-gorge, et, tombant dans l'estomac, semblait infec-
ter toute l'économie ; la figure, en effet, était pâle, bouffie,
la prostration des forces extrême, la peau livide, terreuse;
toute réconomie portait l'empreinte de la putridité. Des
lambeaux de fausses membranes furent rendus dans des
selles fréquentes; de longues défaillances semblaient à cha-
que instant marquer le terme fatal; cependant, après cinq
semaines de l'état le plus alarmant, le mieux survint enfin,
puis la convalescence se déclara.
Il a été difficile d'attribuer une cause probable à cette
épidémie ; cependant M. Bourgeois accuse Thumidilé du
local et l'encombrement des élèves. Aucune des personnes
attachées à la maison, et qui ont habituellement donné des
soins à ces malades, n'ont contracté d'affection semblable.
Mais quelquefois des parens sont venus puiser auprès d'elles
le germe de l'infection, ce qui ferait croire plutôt à l'infec-
tion de la localité qu'à la contagion de la maladie. Cette re-
marque a surtout été sensible pour quelques jeunes person-
nes qui, après avoir passé leur convalescence au dehors de
l'établissemeutj ont éprouve des récidives à leur rentrée;
(ia8)
tandis que non-seulement aucune de celles qui sont sorties
de la maison à cette époque (et il en est sorti un très-grand
nombre) n'a été attaquée d'angine, mais encore celles que
leurs parens emmenaient dans un état très-fâcheux ne tar-
daient pas à voir leur état s'améliorer à mesure qu'elles»
fuyaient loin du foyer de l'iufection.
Ces détails paraîtront sans doute du ne grande impor-
tance aux praticiens. Voici maintenant l'opinion de M. Bour-
geois sur la valeur des moyens thérapeutiques.
Les vomitifs répétés ont paru jouir d'une certaine efllca-
cité, ainsi que la potion avec la décoction de polygala et de
kermès. Les révulsifs sur la peau ont été plus nuisibles
qu'utiles; il en a été de même des sangsues, qui n'ont foit
qu'aggraver la position des malades. Mais la cautérisation,
faite en temps convenable, a constamment arrêté la marcjie
de la maladie; et il est probable que sur trois des quatre cas
où elle a échoué, les voies aériennes étaient déjà envahies
avant qu'on y eût recours.
Cette cautérisation était pratiquée avec de l'acide hydro-
chlorique à vingt-deux degrés, c'est-à-dire tel qu'on le ren-
contre communément dans le commerce. Le seul inconvé-
nient qu'offre cet acide est de répandre beaucoup de vapeurs
qui saisissent l'odorat et deviennent suffocantes. Mais comme
la plupart des petites malades se refusaient à celte cautéri-
sation, il fallait recourir à l'application préalable soit du spé-
culum oris, soit de divers instrumens que la nécessité faisait
imaginer, pour maintenir la bouche ouverte et abaisser la
langue. Les plaques ainsi mises à découvert, un pinceau fait
d'un morceau d'épongé, fixé solidement à une tige de ba-
leine et imbibé de l'acide pur, était porté sur tous les
points de la gorge où paraissaient les concrétions. Ces faus-
ses membranes ne tardaient pas à se détacher, et étaient
bientôt remplacées par d'autres qu'il devenait nécessaire de
cautériser de nouveau. On a quelquefois louché ainsi des
malades trois ou quatre fois par jour.
Cette opération n'a pas causé d'autres accidcns immédiats
que la chute de quelque portion du voile du palais. Chez
qiielques-uncs même cette destruction fut portée à un point
tel que la fosse gutturale et le pharynx ne formaient plus
qu'une seule cavité, sans que cependant il en résultât aucune
espèce de gêne ou d'incommodité.
Lorsque les concrétions s'étendaient à une profondeur in-
accessible, on a eu recours aux insulllations d'alun toutes
les deux ou trois heures, et autant que possible pendant l'in-
spiration. Ce moyen n'a pas paru d'un grand secours. Il
(J29)
en a été de même du calomel donné à doses fractionnées,
et jusqu'à vingt et trente grains par jour.
Une malade a refusé tout secours, et s'est bornée, après
aYoir rendu des portions de fausses membranes, à se garga-
riser fréquemment avec du fort vinaigre. Elle a fort bien
guéri.
M. Bourgeois termine cet intéressant Mémoire en propo-
sant, contre cette maladie, l'emploi du borax, soit insufflé,
soit en gargarisme; substance dont ce médecin assure avoir
retiré de très-bons effets dans le muguet, affection qui a
quelque ressem blance avec l'angine couenneuse (i).
fie/l!fa.-ton5,Depuisquequelquespraticiens ontappelé l'atten-
tion sur la cautérisation dansl'angine plastique, de nombreuses
expériences semblent avoir assuré ù cette méthode la pré-
éminence sur tous les autres traitemens. Malheureusement
ce moyen n'est plus proposable, dés que l'affection occupe
les voies de la respiration; et cependant, si dans certains
cas le mal s'étend de l'extérieur à l'intérieur, il en est d'au-
tres aussi, comme le prouvent les deux premières observa-
tions de M. Bourgeois, dans lesquels le larynx lui-même ou
les divisions des bronches sont le siège des premières con-
crétions. Quelque soit le nombre des cas d'angine plastique
qu'on ne puisse combattre par la cautérisation, il n'en reste
pas moins prouvé que cette méthode est une précieuse ac-
quisition pour la thérapeutique dans ces affections si graves,
et qui se développent souvent d'une manière épidémique
dans certaines contrées.
Parmi les travaux sur ce sujet que nous a fournis notre
correspondance, nous avons surtout remarqué un Mémoire
adressé par M. Bridel, médecin à Bléré, contenant dix ob-
servations recueillies avec soin et accompagnées d'utiles ré-
flexions. Nous regrettons que l'étendue de ce Mémoire ne
nous permette pas de le publier en entier; mais nous allons
en faire une courte analyse.
Depuis le commencement du mois de juin de l'année
i835, dit ce médecin, jusqu'à la fin d'octobre suivant, une
épidémie d'angine maligne est venue régner, non sans quel-
que interruption, dans plusieurs communes du canton de
Bléré, et notamment dans ce dernier lieu. Pendant ce laps
de temps, j'ai traité cinquante-un diphtériques d'âges et de
(i) Borax sursaturé de soude, un pro'? rt «lomi. Ajoute?: sirop dn
gomme, une onc<: ; faites dibsuudre dans une livre de décoction d'orge.
TOM. VI. — R" DE MARS. Q
(i3o)
sexe (îifféreus ; tous ont été cautérisés par la dissolution
aqueuse de nitrate d'argent fondu, à l'exception du premier
qui contracta la maladie, et qui succomba, après avoir été
soumis à un traitement antiphlogistique. Sur les cinquante
malades cautérisés, J'en ai perdu quatre. Pour tout$
boisson, ils ne prenaient que de l'eau miellée ou sucrée,
et se gargarisaient avec du lait chaud ou avec de l'eau miel-
lée, à laquelle j'ajoutais un peu de vinaigre ou d'alun.
Parmi les malades d'une même maison atteints du mal de
gorge malin, souvent il s'en trouvait un ou deux qui, de
même que dans la diphtérite, avaient les tonsilles et le voile
du palais plus ou moins phlogosés ; ils présentaient aussi
des granulations ou petites taches blanches, caséiformes ;
mais ces points anormaux n'acquéraient jamais, ou presque
jamais, la consistance d'une pseudo-membrane. Cette dis->
tinction entre ces deux espèces d'angine est importante à
établir; car l'une est très- meurtrière, malgré une médication
topique active, et l'autre, qui est infiniment moins grave,
cède le plus ordinairement aux évacuations sanguines.
Suivant M. Bridel, les saignées ne font qu'aggraver les symp-
tômes de l'angine couenneuse : c'est à la cautérisation qu'il
faut avoir recours à tontes les périodes delà maladie, et cette
cautérisation, ill'opère en portant au fond de la gorge un pin-
ceau imbibé d'une dissolution nitrique. Les procédés sont
d'ailleurs les mêmes que dans les exemples ci-dessus relatés,
mais le caustique dont il fait usage nous semble bien préfé-
rable à l'acide hydrochlorique. Le nitrate d'argent, soit so-
lide, soit liquide, est d'une application si facile qu'il sera tou-
jours choisi de préférence dans ces sortes de cauté. isatioas.
Art. 1010.
riote sur la préparation du proto-iodure de mercure, par
M. Bouiii^ny, p/tarrnacien à Evreux.
Pr. : Calomélas à la vapeur, trois onces cinq gros;
Hydriodate de potasse, deux onces quatre gros.
Pulvérisez l'hydriodatc dépotasse dans un mortier de verro
et mêlez-le au calomélas; placez ce mélange dans une cap-
sule de porcelaine on dans une assiette de faïence, et versea
dessus dix ;'i douze onc<> il'ean distillée bouillaiile. Laissez
refroidir, décantex la liqueur, et recueillez sur un filtre le pré-
cipité que vous laverez avec de l'eau distillée; laites-lc sé-
cher à l'ombre et conservez-le dans un flacon bouché.
[li. Tliér.)
(i3i)
ABT. 1011.
Note sur le traitement de l'inflammation de la bouche et de la
gorge par la cautérisation avec le nitrate d'argent.
M. le docteur Peronnaux, médecin à Paris, nous adresse
la lettre suivante :
J'ailu avec plaisir, à l'article 844 de votre Journal, les ob-
servations du docteur Hunt sur la cautérisation dans les in-
flammations de la bouche et de la gorge, et principalement
dans les angines ton^illaires ; je crois devoir joindre mon té-
moignage à celui du médecin anglais pour_appeler l'attention
de tous les praticiens sur un point de pratique qui n'est pas
sans importance. • i
Vers la fin de l'année 1826, lorsque j'étais secrétaire de$ '
consultations gratuites pour le cercle médical de l'Hôtel-de-
Ville de Paris, j'eus occasion d'annoncer à cette Société sa-
vante combien j'obtenais de succès de cette méthode sur les
personnes qui venaient consulter tous les mercredis. Depuis
cette époque, je n'ai jamais cessé de l'employer dans ma pra-
tique, et je puis assurer qu'elle m'a réussi quatre-vingt-dix--
neuf fois sur cent. Elle peut être appliquée dans tous les cas,*'
soit à l'état aigu, soit h l'état chronique. Elle a un avantage
immense sur les sangsues, les émolliens et les révulsifs, et
elle doit être précieuse, surtout pour les médecins de la pro-
vince, qui, souvent appelés à des distances fort éloignées,
ne peuvent surveiller leurs malades. Ils n'auront qu'à sortir
de leur portefeuille leur crayon de nitrate d'argent, à cauté-
riser et à prescrire l'emploi de l'eau miellée; le lendemain,
ils seront surpris de les trouver, sinon guéris, au moins sur
le point de l'être, car il est rare que deux ou trois cautérisa-
tions ne suffisent pas. ,'•
Je ne citeraiaucune observationàrappuidecetteméthode,"
craignant de rendre cette lettre trop longue ; mais je pourrais
faire connaître une foule de faits qui témoigneraient au be-
soin de son efficacité (1).
(i) C'est principalement dans les indammalions de Ja gorge, connues
sous le nom d'esqulnancie, que M. le docteur Peronnaiu emploie avec
succès la cautérisalion. Son procéda consiste a promener rapidement
sur la snrlace enflammée un crayon de nitrate d'^rgcnl, qui modiGu
sans doute l'état de la muqueuse, et arrête par une .soi;te de perturba-
tion le mouvement iailamuiatoire. Cette cautérisation est pratiquée .'1
toutes les époques de l'inflammation, et M. Peronnaux as*nrc qu'il n'est
amais résulté de son emploi le plus léger accident. (jY. du 11.)
(132)
ART. 1012.
Observât ions et considérations pratiques sur quelques cas d'accou-
chemens laborieux.
Le Journal des connaissances mêdico'-chirurgicales contient
une observation d'accouchement sur laquelle nous devons
appeler l'attention de nos lecteurs.
Une femme âjjée de vingt-sept à trente ans, forte et bien
constituée, malgré une camtirure extrême des reins, déjà
mère d'unpremier enfant qui était venu au monde sans acci-
dens, éprouva les premières douleurs de l'enfantement le sa-
medi 13 octobre au soir. Une sage-femme appelée reconnut
une position vicieuse de l'enfant, et réclama aussitôt l'assis-
tance du docteur Moulin. Celui-ci, après être resté deux
jours auprès de la malade et avoir vainement essayé l'appli-
cation du forceps, fit appeler le docteur liintot, puis le pro-
fesseur Maygrier. Ce dernier, étant absent, fut remplacé par
M. Halma-Grand, auquel on doitcette intéressante observa-
tion.
La face se présentait au détroit supérieur en première po-
sition; le vertex répondait à la partie inférieure de la fosse;,
iliaquegauche; le cou et les pieds étaient dirigés vers la fosse
iliaque droite; le côté latéral droit verslasymphise pubienne^ .
et le côté gauche vers la symphise sacro-vertébrale. |
M. Halma-Grand s'empressa aussitôt de tenter la version.,.
Il introduisit en conséquence la main gauche en supination,
mais, après de vaines tentatives, ne put parvenir à saisir les
pieds. Les violentes contractions de la matrice et la saillie
sacro-vertébrale, qui était considérable, gênaient beaucoup
la manœuvre.
Ce chirurgien, voyant ses efforts inutiles, voulut aussitôt
appliquer le forceps, mais ne fut pas plus heureux. Il pro-
posa alors la céphalotomie; perfora le crâne par la fontanelle
frontale, espérant que, son volume étant diminué par la sor-
tie de la substance cérébrale, il pourrait plus facilement aller
à la recherche des pieds; mais la tôle ti'éprouva aucun chan-
gement favorable, et avant de pratiquer l'embryotomic, on
réclama l'assistance de IM. Maygrier.
Celui-ci, étant arrivé, alla à la recherche des pieds; mais il
annoni;a aussitôt que l'ulérus était perforé, et que la main
arrivaitdans la cavité abdominale. Cependant il n'y avait eu
ni hémorrhagie ni apparition d'aucune anse intestinale; ne
pouvant entraîner les pieds, il chercha à appliquer le forceps,
et pratiqua des Iraclions vigoureuses: mais au moment où
(133)
l'on croyait que la tête s'abaissait, l'instrument laissa échap-
per tout-à-coup les parties qu'il tenait eoabrassées et n'en-
Iraîna rien au dehors. Une seconde tentative n'eut pas de plus
heureux résultats.
La femmeétait épuisée par les souffrances, et M. Maygrier,
ne pensant pas qu'on pût extraire l'enfant autrement que par
l'opération césarienne, proposa de recourir à cette dernière
ressource ; mais son avis ne fut pas adopté. La femme fut
plongé© dans un bain, puis remise dans son lit.
Le soir, MM. Deneux et Velpeau ayant été appelés, on se
demanda de nouveau à quelle ressource extrême on aurait
recours. La femme était dans un état d'affaissement qui pré-
sageait sa fin prochaine. Les yeux étaient ternes, la face dé-
colorée, l'abdomen balloné et tellement sensible à la pression
qu'elle ne pouvait supporter le poids de ses couvertures. On
convint que l'opération césarienne était la seule quifûtpropo-
sable, mais l'état déplorable dans lequel elle se trouvait
la fit rejeter par tous les consultans, qui se retirèrent avec la
douleur de laisser ainsi périr leur malade avant de l'avoir dé-
livrée.
Cependant le lendemain elle vivait encore, et, une nou-
velle réunion ayant eu lieu, M. Velpeau proposa de nouveau
l'opération césarienne; mais il était évident que, quelque parti
que l'on prît, cette femme n'avait plus que quelques heures
à vivre. Cet avis aurait donc été unanimement rejeté, si le
mari, auquel on fit part de cette détermination, n'eût sup-
plié de tenter encore cette dernière ressource. La malheu-
reuse femme s'y soumit avec courage, et cette opération fut
pratiquée par M. Velpeau. Le fœtus, qui était très-volumi-
neux, fut retiré, non sans quelque peine; mais la mère, épui-
sée par tant de douleurs, succomba une heure après la termi-
naison de cet accouchement. L'autopsie ne put en être faite.
Réflexions. On ne saurait donner trop de publicité à des
faits de ce genre, et l'on doit quelque reconnaissance au
médecin qui s'est chargé de nous retracer ce pénible ta-
bleau ; mais il est ù regretter que son observation demeure
incomplète, puisque nous ignorons depuis quel temps les
eaux étaient écoulées lorsque M. Moulin fut appelé, quelles
tentatives furent faites pour débarrasser la femme pendant
les deux premiers jours du travail ; enfin, à quels moyens
on eut recours pour faciliter l'action de ces efforts. On con-
çoit de quel prix ces détails seraient pour le praticien qui
voudrait être fixé sur cette question aujourd'hui tant débat-
tue : la version est-elle quelquefois impossible, alors même
que les eaux sont écoulées depuis, peu de temps, et qu'on
(134)
fait usage de tôuâ les moyens propres à faciliter cette opé-
ration ?
Déjà, dans plusieurs articles de ce journal, nous avons cité
des faits qui, s'ils n'ont pas prouvé que, dans certains cas, la
Tersion n'est pas praticable peu d'instaos après la rupture
des membranes, ont du moins démontré qu'on avait eu tort
d'avancer que constamment elle était possible, lorsque les
tentatives étaient faites par un habile accoucheur (i). Ce
principe, si fécond en malheureuses applications, et qui tend
à faire jeter le blâme sur le chirurgien, tandis qu'il ne faut
accuser que l'impuissance de l'art, a d'ailleurs été suffisam-
ment réfuté, et nous ne croyons pas qu'aujourd'hui on veuille
nier encore que dans certains cas la matrice entière se moule
tellement sur le corps de l'enfant, qu'il devienne absolument
impossible de faire pénétrer la main jusqu'à son fond. Aux
nombreux faits de cette espèce déjà rapportés, ajoutons-en
un autre que nous avons observé le mois dernier.
Une jeune femme, déjà mère de quatre enfans, qu'elle
avait mis au monde avec la plus grande facilité, éprouva les
premières douleurs d'un cinquième accouchement le 24 jan-
vier, vers l'heure de midi. Le docteur Dufrénois, ne pouvant
se rendre près d'elle, nousfit prierdeleremplacer,maisnous
n'arrivâmes chez celte dame que sur les cinq heures. Déjà
deux fois nous l'avions délivrée sans aucune peine, lors d'ac-
couchemens antérieurs, et nous nous attendions encore à la
même terminaison, lorsque le toucher nous flt reconnaître
une présentation de la face avec sortie du bras. La tête était
engagée dans le petit bas«in, le front appuyé sur la cavité co-
tyloîde gauche; le bras droit, passé par-dessus le front, sor-
tait de l'utérus et descendait dans le vagin. La femme, après
avoir éprouvé de violentes douleur», était dans le calme le
plus parfait. Tout semblait donc devoir se réunir pour favo-
riser la version, ou faciliter la manœuvre nécessaire pour re-
placer l'enfant dans une position convenable. Aussi nous déci-
dâmes-nous, conjointement avec le docteur Carleaux, qui
arriva peu d'instans après, à tenter cette opération, dans les
circonstances en apparence les plus favorables.
La main gauche, enduite d'un corps gras, fut introduite
sans difliculté, et pénétra jusqu'à l'ombilic de l'enfant ; mais
fl semblait que la matrice bilobée ffit molle et flexible dans
.ta partie antcticarc, et dan* un état de contraction permanente
"Vers sa partie poi^téricnre : de façon qu'un cercle fdjreux,
"bdhtpririiànt le éorpfi de l'enfant, s'opposait absolument à ce
•^Mt Mil . -,
^^'' h) Vny. an. ;?., f}5o, <)Sl •'
(135)
que la main pénétrât plu? loin. Des efforts plus prolongée
eussent ififailliblement amené la déchirure de la matrice,
comme dans l'observation citée plus haut. On dut se borner
alors à chercher à faire remonter le bras dans l'utérus, et k
ramener la tête dans une position convenable; mais ou n'y
parvint que d'une manière très-imparfaite, et les premières
contractions qui survinrent remirent la face à peu près dans
la même position.
La femme fut alors saignée très-largement; de l'huile fut
injectée dans le vagin, et l'on renouvela les tentatives de
version sans plus de succès. Enfin nous la plongeâmes dans
un bain tiède, et nous demandâmes l'assistance de M. Du-
frénois, qui arriva vers minuit. Il fut décidé qu'on termine-
rait l'accouchement par l'application du forceps, quelle que
fût la position de la tête et la gêne qui devait résulter par
cette manœuvre de la sortie du bras.
Les parties génitales internes étaient énormément tumé-
fiées, ainsi que le bras de l'enfant; mais, à la suite du bain,
la contraction de l'utérus était devenue moins violente et
moins continue. Il fut donc possible de refouler un peu le
bras de manière à faire glisser la branche mâle du forceps
sur l'occiput; la branche femelle fut appliquée sur la face;
après quoi des tractions bien ménagées amenèrent un foetus
très-voluraineux que nos soins ne purent rappeler à la vie.
La femme, qui avait souffert toutes ces manœuvres avec
docilité et courage, fut reportée sur son lit, et s'est parfaite-
ment rétablie sans qu'il soit survenu aucun accident grave.
On trouvera quelque analogie entre cette observation et
celle que M. Halma-Grand a publiée. Toutes deux ont dé-
montré l'impossibilité de faire la version; et si nous avons
été plus heureux que cet honorable confrère, il faut attribuer
celte heureuse issue à l'espèce de délente qui est survenue à
une époque o\\ nous étions loin de l'espérer. Ajoutons que,
dans le cas observé par nous, la tête était dans l'intérieur
du petit bassin, ce qui a permis de la saisir et d'extraire le
fœtus avec le forceps beaucoup plus facilement que si elle
eût été située à une grande distance.
Quoi qu'il en soit, nous avon? dû craindre que cet accou-
chement ne se terminât comme celui dont nous avons rap-
porté l'histoire à notre art. ^a ; et nous demandions déjà quel
parti il faudrait prendre si Tapplication du lorceps devenait
tout-à-fail impraticable. L'opération césarienne est une bien
triste ressource ; l'cmbryotomic n'ofTre guère plus de chan-
ces favorables. L'alternative eût été embahr^sionte ; mais
M. Carteaux, qui avait été témoin d'une heureeêe opération
(136)
pratiquée dans un cas semblable, n'aurait pas hésité à recou-
rir au forceps de M. Baudcloque. Nous rcinetlons au pro-
chain cahier à donner la description de cet instrument, qui
peut devenir une ressource précieuse dans les cas déses-
pérés.
ART. 10l3.
Note sur l'emploi de l'extrait d'aconit napcl dam le traitement
des affections rhumatismales.
M. Gintrac a publié dans le Journal de médecine pratique
de Bordeaux trois observations de rhumatismes dans lesquels
il a administré avec succès l'extrait d'aconit napel. On sait
que cette substance a été préconisée depuis long-temps,
mais qu'un petit nombre de praticiens seulement en font
usage, dans la crainte de susciter des accidens graves par
l'administration d'une plante vénéneuse. M. Gintrac ne pense
pas que l'aconit soit un poison aussi violent qu'on l'avait
annoncé. Il croit au contraire qu'administrée convenablement,
cette plante ne présente ni inconvénient ni danger, et qu'elle
peut être fort efficace surtout dans les cas de rhumatisme
chronique, ainsi que dans certaines névralgies.
Ce médecin a 'employé l'extrait d'aconit dans trois cas
seulement. Il a suivi la formule indiquée par M. Lombard, qui
conseille le mode de préparation suivant : Le suc de la plante,
exprimé et soumis à une légère ébullition pour coaguler
l'albumine végétale, est évaporé au bain-marie et repris par
l'alcool, filtré, et puis de nouveau évaporé à une douce tem-
pérature.
Le premier malade sur lequel M. Gintrac expérimenta cet
extrait était un jeune homme de vingt-quatre ans qui depuis
trois ans avait éprouvé plusieurs attaques de rhumatisme. A
la suite d'un exercice violent, il fut pris, l'automne dernier,
d'un rhumatisme de presque toutes les articulations des
membres supérieurs et inférieurs. Les parties affectées of-
fraient beaucoup de douleur, de la chaleur et de la tuméfac-
tion.Il yavait de la fièvrcet de l'insomnie. Plusieurs saignées,
soit générales, soil locales, furent pratiquées sans soulage-
ment notable. Une potion composée de douze grains de tartre
stibié dans douze onces d'eau fut administrée par cuillerée
de deux heures eu deux heures, et n'amena qu'un léger sou-
lagement. L'extrait d'aconit napel fut alors essayé. Le n)alade
en prit un grain en quatre pilules dans la journée. L'effet
fut nul. On donna alors des pilules d'un grain chacune, et
ce nombre en fut graduellement porté jusqu'à huit par jour.
L'amélioration obtenue fut aussi sensible que durable. Les
douleurs disparurent entièrement au bout de quelques jours,
et depuis elles ne se sont point reproduites.
Le même médicament administré de cette manière eut un
succès bien plus décisif encore chez une demoiselle qui, à la
suite d'un rhumatisme, conservait du gonflement au genou,
à la jambe et au pied, gonflement qu'on avait vainement
combattu par tous les moyens imaginables. Les douleurs et
la tuméfaction se dissipèrent au bout de trois jours, et la ma-
lade se rétablit entièrement, sans que son estomac parût le
moins du monde excité par le médicament.
Chez un troisième malade, la dose fut portée à dix grains
en vingt-quatre heures. Il n'en résulta aucun effet narcoti-
que, mais ce remède échoua complètement contre le rhu^
matisme.
Réflexions. L'extrait d'aconit a été préconisé par plusieurs
praticiens contre le rhumatisme, et entre autres par M. Du-
puytren, qui semblait y ajouter une très-grande conOance;
mais il s'en fallait de beaucoup que la dose en fût aussi éle-
vée, puisqu'on ne dépassait pas en général un grain dans la
journée (i). Bien que cette dose fût infiniment plus faible
que celle à laquelle M. Gintrac s'est élevé, il n'en résultait
pas moins chez quelques malades des accidens, qui souvent
forçaient de suspendre l'administration du remède. Ainsi,
nous avons éprouvé nous -même des douleurs d'estomac,
des étourdissemens et surtout une constriction singulière de
la gorge, avec soif et sécheresse de la bouche; après avoir
pris l'aconit suivant la formule de M. Dupuytren, les dou-
leurs n'en furent aucunement amendées. Nous pourrions ci-
ter des accidens plus graves. Peut-être faut-il attribuer à la
différence de préparation l'inégalité d'action de cette plante
narcotique, à iijoins qu'on ne voulût admettre qu'il en fût
de cette substance comme de l'émétique, dont les effets sont
souvent inaperçus à des doses énormes.
La fréquence des douleurs rhumatismales, et l'opiniâtreté
avec laquelle elles résistent souvent à tous les remèdes,
nous ont engagé à revenir fréquemment sur cette aft'ection,
énumérant avec soin tous les moyens qu'on a proposés pour
la combattre (2). Nous terminerons cet article en disant
quelques mots de diverses formules conseillées récemment
dans une brochure sur le rhumatisme, publiée par M. Lat-
tière.
( 1) Voy. art. 699.
(2) Voy. arl.Si, 294» 55 2, 455, 465, 477, 545,550,627, 655,699, 9 '5,
938.
(i38)
Ce médecin recommande, indépendamment des moyens
ordinaires et qui sont à la connaissance de tous les prati-
ciens, le Uniment suivant contre le rhumatisme aigu in-
tense :
Pr. Feuilles et fruit de morelle noire, deux onces ;
Fleurs et feuilles de guimauve, une once ;
Huile d'olive, dix onces;
Elher acétique, un gros;
Essence de bergamotte, un gros.
Faites bouillir dans l'huile les feuilles, fleurs et fruits,
pendant demi-heure; passez et ajoutez presqu'à froid l'élhcr
acétique; mettez dans une bouteille, bouchez et conservez
pour l'usage. La dose pour chaque friction, pour un seul
inembre, est de demi-once.
Pour le rhumatisme chronique, M. Lattière propose un
Uniment plus actif.
Pr. Feuilles et fruits de morelle noire, deux onces;
Huile d'olive, huit onces;
Ether acétique, trois gros;
Alcali volatil, vingt-cinq gouttes;
Essence de romarin, demi-gros.
La quantité à employer est également d'une demi-once.
On peut y ajouter, pour le rendre plus actif, de la teinture
de cantharide.
Un grand lïombre d'observation» de rhumatismes à diffé-
rens degrés et dans toutes les parties du corps, sont citées
dans cet ouvrage, et M. Latlière assure avoir relire de très-
bons effets de ces lininiens employés concurremment avec
les saignées, les bains, les révulsifs et tous les moyens con-
seillés par les auteurs.
ART. 1014.
Eliitir dentifrice rouge pour arrêter la carie dei dents.
Pr. Racine de gentiane, deux onces;
Ecorce de quinquina, deux gros;
Gayac râpé, une once;
(Cachou tu poudre, un gros;
Benjoin, un gros;
Orcaneltc, un gros et demi ;
Essence de menthe, quarante gouttes ;
Alcool à 3C", une livre.
( »59)
On coupe en petits morceaux la gentiane; on concasse !e
kina, le benjoin et i'orcanette; on introduit le tout dans un
flacon, on laisse macérer pendant quinze jours, en agitant de
temps en temps, et on filtre.
Cet élixir jouit de la propriété de raffermir les gencives;
il empêche les progrès de la carie en déposant des portions
de résine sur la dent, et s'oppose à l'effet malfaisant de l'air.
Il modifie beaucoup les mauvaises odeurs de la bouche.
Pour en faire usage, on en met un filet sur environ deux
onces d'eau, et, avec cette eau, on se rince la bouche.
(/. de la Soc. des se. pliys. et ch.)
ART. 101 5.
Nouveau procédé pour préparer la pâte de guimauve, par
M. Pottier, pharmacien à la Ferrière-sur-Rille (Eure).
Le procédé que j'ai adopté pour |)réparer la pâte de gui-
mauve est plus simple encore et plus expéditif que celui qui
est consigné à l'article 5x8 de ce Journal, puisque je n'em-
ploie pas la plus petite quantité d'eau.
Pr. Gomme arabique et sucre blanc en poudre fine, de
chaque une livre;
Blancs d'oeufs, n° 12;
Eau de fleur d'oranger ou essence de néroli, quantité
suffisante.
Lorsque les blancs d'œufs sont battus en neige, on incor-
pore aujmoyen d'un tamis, et en agitant continuellement, les
poudres de sucre et de gomme mêlées ; on porte ensuite sur
le feu, et l'on agite jusqu'à ce qu'on reconnaisse que la cuis-
son soit suffisante. Un quart-d'heure suflit pour obtenir la
pâte parfaitement belle.
ART. 1016.
MÉDECINE LÉGALE.
Lettre troisième.
Consultations médico-légales ; — Par qui elles peuvent être pro-
voquées ; — Ce qui caractérise ces actes; — De la réserve qu'ils
exigent de la part du médecin; — Des régies à observer dans
leur confection.
MOHSIEDR,
Pour vous avoir fait passer en revue tout ce qui est relatif aux
(i4o)
divers actes que l'on est appelé à faire en justice, il me reste à
vous parler du plus important et aussi du plus difficile : ce sont les
consultations médico-légales.
On donne ce nom à un examen approfondi de tous les rapports
médicaux faits en justice à l'occasion d'une affaire criminelle oa
correctionnelle, duquel on tire des conséquences qui confirment ou
infirment celles qui ont été déduites des faits observés par les pre-
miers experts.
Cette dénomination n'est pas consacrée en justice : la loi ne parle
nulle par; des consultations médico-légales. Elle s'y trouve comprise
dans l'expression générale de rapports.
Les consultations médico-légales peuvent avoir deux sources dif-
férentes. Elles sont demandées ou par laparlie inculpée, ou par le
ministère public.
Elles se font presque toujours avant un jugement prononcé; mais
elles peuvent avoir lieu après, si la partie qui a succombé considère
la cbose comme mal Jugée. Dans ce dernier cas, ce sont toujours
des affaires très-graves qui y donnent lieu, et quelquefois ces con-
sultations deviennent Ja source de réhabilitations de personnes con-
damnées à des peines infamantes.
Plusieurs médecins sont ordinairement consultés à la fois. Comme
dans le cas d'un simple rapport, ils sont convoqués par un magis-
trat, et réunis auprès de lui pour requérir et recevoir leur accep-
tation, ainsi que pour leur faire prêter serment. Alors on meta leur
disposition : i" les différens rapports des médecins qui ont déjà
été appelés à donner leur avis ; 2° toutes les pièces de l'instruction
capables de les éclairer sur l'opinion à émettre.
Les consultations ne sont pas toujours demandées par les ma-
gistrats qui siègent dans la ville où résident les médecins. Ainsi,
dans les affaires très-graves, les assassinats, les empolsonnemens, il
arrive souvent que la justice n'est pas suffisamment éclairée par les
rapports des médecins qui ont examiné le corps du délit, ou bien
qu'il y a dissidence de manière de voir entre les experts; alors la
cctnimunicatjou des pièces n'est jamais directe du magistrat éloigné
aux médecins consultés. Le magistrat éloigné adresse à un juge
d'instruction du lieu une commission rogacoire, pai'laquelle il l'invito
a consulter qui de droit, eu même temps qu'il lui transmet tout le
dossier de l'instruction. Souvent même aussi on fait lever de-; plans
qui retracent la disjtosition des localités dans lesquelles le crime a
été commis. Le juge d'instruction rend alors uuu ordonnance qu'il
adresse aux médecins dans la forme accoutumée des rapports : elle
reproduit les termes de la commission rogaloir» dans laquelle ont
été exposées toutes les questions que les tlébals pourront soulever
par la suite, en raison de la nature de la cause, et de la dissiden<;e
dans les ojiinions émises.
Vous pouvez voir d'après ces préliminaires qu'une consultation
médico- légale est un acte dont les limites sont beaucoup plus éten-
dues que celles d'un rapport; ici il n'y a pas seulement observation
de faits et CDncInsions. Ces faits doivent y être l'objet dune discus-
sion, de commentaires ; et ces <;ommentaires seront appuyés de
tous le» raisuQiieuicus juges couveuablcs, et de faits même élran-
(140
gers à la cause. C'est là ce qui établit une différence entre un rap-
port et une consultation médico-légale.
Chaque médecin doit alors examiner dans son cabinet et en par
ticulier toutes les pièces qui lui sont remises; mais avant de procé-
der à cet examen, il est une précaution que je vous engage à pren-
dre : elle consiste à cacher les noms des premiers rapporteurs, de
manière à ce que vous les ignoriez, jusqu'au moment où votre con-
sultation médico-légale sera complètement terminée. Dans quelque
position que nous nous trouvions placés, nous nous laissons plus ou
moins influencer par l'autorité d'un nom, ou par sa nullité. Dans le
premier cas, nous sommes portés à faire plier notre manière
de voir à celle de l'expert; dans le second, nous sommes dominés
par une tendance i\ traiter fort légèrement les opinions émises. La
vérité, la conscience rejettent loin d'elles ces deux extrêmes. Un
homme d'un mérite supérieur peut se tromper; un médecin dont le
nom est inconnu souvent a droit aux mêmes égards que celui dont
le mérite transcendant s'est fait jour au dehors; mais ces égards
pour l'un et pour l'autre ne s'entendent que de la forme, car la vé-
rité, avec son écorce rude, doit se faire jour au milieu des conve-
nances que les hommes gardent entre eux.
Examinant alors avec le plus grand soin chacun des rapports, vous
pèserez à leur plus juste valeur les faits qu'ils renferment; vous ju-
gerez leur valeur absolue et leur valeur d'ensemble; vous les coor-
donnerez pour en tirer des conclusions. Alors vous comparerez vos
conclusions et l'interprétation que vous aurez donnée aux faits, avec
celles des premiers experts, et si elles présentent des dissidences,
vous rechercherez quelles ont pu être les motifs qui ont guidé vos
confrères dans leur détermination. Si ce nouvel examen vous con-
duit aux mêmes résultats, alors, fort de votre conscience, vous per-
sisterez dans votre manière de voir, et vous l'appuierez de tous les
faits et de tous les raisonnemens qui pourront la faire reposer sur
une base solide.
Vous procéderez ensuite à la rédaction de votre consultation, qui
comprend quatre parties distinctes:
1° Le préambule; . f
a° L'exposition des faiis^
3" La discussion des faits;
4° Les conclusions.
Le préambule est le même que dans tout rapport, seulement ici il
faut tenir compte du nombre de pièces qui vous ont été coniiées, et
de leur espèce.
L'exposition des faits consiste dans un extrait méthodique de
tous les faits puisés dans les pièces de l'instruction. 11 faudra
les classer par numéros dans l'ordre des événemens qui se seront
succédé, ou des observations qui auront été faites. Ainsi ce sera
un résumé succinct des circonstances dans lesquelles un crime
aura été commis. S'agit-il, par exemple, d'un empoisonnement?
on passera successivement en revue les faits qui se rattachent aux
symptômes morbides observés; les altérations pathologiques dé-
crites à l'occasion de l'ouverture du corps ; on extraira des rap-
ports les preuves chimiques que les expériences ont fournies, etc., etc.
(142)
Parmi les faits les plus probans, ceux dont on veut tirer par la suite
des inductions, seront tonlignés.
La partie qui comprend la discussion des faits est la plus difficile : elle
exige de la part du médecin beaucoup d'instruclionet de sagacité; il
faut qu'il s'élève des moindres preuves à celles de l'ordre le plus
élevé; qu'il commente les faits, soit isolément, soit réunis, ou groupés
deux a deux, trois à trois, etc. C'est alors qu'il peut puiser dans
le domaine de la science toutes les preuves à l'appui de la valeur
qu'il leur donne ; tous les faits étrangers à la cause, mais qui offrent
quelque similitude avec elle. Ces faits, pris dans les auteurs les plus
recommandables, donnent ordinairement beaucoup de poids aux
consultations. Il peut se livrer a des expiricuces sur les animaux,
à des recherches chimiques nouvelles ; en un mot, dans cette discus-
sion, il n'y a pas de bornes tracées, pas de limites posées à l'expert,
et plus il fournira de documens, plus il éclairera l'objet de la dis-
cussion. Aussi est-ce dans cette partie de la consultation qu'il peut
faire valoir l'autorité des médecins légistes appelés à résoudre de
semblables questions. Il en est en médecine légale comme en juiis-
prudeuce: dans les cas difficiles, on cherche des analogies dans les
temps éloignés de nous, et duns les jugemens rendus antérieure-
ment, pour appuyer de nouveaux faits et tirer les magistrats de la
route incertaine dans laquelle ils peuvent être engagés.
Eulin les conclusions, qui sont la conséquence de la discussion
précédente, seront exposées avec clarté; mais dans les consultations
médico-légales elles doivent être indispensablement motivées: aussi,
après chacune d'elles, doit-on rappeler les numéros d'ordre qui
ont été apposés à chaque fait de la seconde partie ou de la troi-
sième.
Ces conclusions ne resteront pas isolées : il faudra les faire suivre
d'un commentaire qui fasse ressortir en quoi elles diffèrent des con-
clusions des premiers experts.
Cet aperçu sommaire des règles à observer dans la confection
des consultations médico-légales doit suffire pour faire établir les
différences qui existent entre cet acte et les rapports : il donne aussi
une idée de son importance; les consulta ' )ns médico-légales exigent
non-seulement de la sagacité, mais encore -de l'instruction, et l'on
peut dire une instruction spéciale, puisée dans la pratique ue la
médecine légale et dans la lecture des auteurs qui ont écrit sur celte
matière. Ëniiu nous ferons observer qu'une fois entrés dans le
champ des consultations, les magistrats ou les parties intéressées ne
se tiennent pas toujours à un seul avis, en sorte que l'on ne saurait
apporter trop de réserve dans l'infirmation des faits, et trop d'impar-
tialité dans le jugement que l'on porte.
Terminons ces détails par une remarque utile: Lorsque les par-
lies inculpées demandent une consultation médico-légale, ils la veu-
lent capable de militer en leur faveur dans la défense. Le médecia
joue donc ici le rôle d'avocat ; ce rôle a des bornes, et souvent l«
médeciu abandonne le caractère honorable dont il est revêtu, lors-
que, contre sa conscience, il prend les faits, les isole ou les rapjjro-
che au licsoiu, les dispose, i ii un mot, de manière a leur donner
moins de valeur s'ils sont à la charge de l'accusé, et plus d'impor-
(145)
tance s'ils peuvent atténuer sa culpabilité. Que le médecin soit ap-
pelé par l'accusé, qu'il soit appelé par l'autorité judiciaire, le résul-
tat doit être le même, la stricte appréciation desjaits à leur juste va-
leur. 11 est cependant une nuance de partialité autorisée par le de-
voir, elle concerne les cas douteux; alors la balance doit toujours
pencher en faveur de l'accusé. A plus forte raison, si des conclusions
ne reposent pas sur une base solide: le médecin doit dans ce cas les
combattre avec force, et faire entrevoir aux magistrats les fausses
conséquences auxquelles ils pourraient être conduits. En un mot,
c'est dans les consultations médico-légales que le médecin peut
mettre au jour sou caractère d'homme probe, impartial, inaccessi-
ble aux passions comme à la clameur publique. Qu'il ait donc tou-
jours présentes à l'esprit les qualités qu'il doit posséder, et qu'on
puisse dire de lui ce qu'on disait de Mahon, vir probus par excel-
lence, âme forte sans exaltation, cœur bon et sensible sans faiblesse,
mœurd pures et douces, franchise iualtérable, sens droit, jugement
exquis, érudition vaste.
L'espace me manque pour vous donner l'exemple d'une consul-
.ation médico-légale, elle commencera ma première lettre. A. D.
VARIÉTÉS.
M. Dupuytren est mort le 8 février à l'âge de cinquante-six ans. II
était né à Pierre-Buffière le 3 octobre 1777, fut nommé prosecteur ea
1795, lorsde Ift réorganisation de l'école, et avant l'âge de dis-huit ans ;
chef des travaux anatomiques en 1801, chirurgien-adjoint de l'Hotel-
Dieu en i8o3, professeur de médecine opératoire en 1812, professeur
de clioique chirurgicale eni8i5,et chirurgien en chef de i'IIùlel-Dieu
en 1818.
On sait que le célèbre chirurgien de l'Hùtel-Dieu, atteint à la fin de
l'aunée iS35 d'une paralysie de la face, avait été faire un voyage en
Italie, d'où il n'était revenu qu'imparfaitement guéri. Bien qu'il eût
repris le cours de ses leçons et que même il eût présidé un concov.rs,
se» traits n'avaient plus leur ancienne expression, et sa démarche restait
chancelante et mal assu^iTe ; cependant il paraît que l'épanchement
cérébral n'a été pour rien dans sa fin prématurée, et que la mort a été
due à une pleurésie qui s'est terminée par épancheuieut. A'oici les dés-
ordres cadavériques trouvés à l'ouverture de son corps :
Corps d'un homme fortement et régulièrement constitué. Infiltra-
tion considérable des extrémités inférieures. Le visage est amaigri et
conserve l'expression de calme sévère qu'il avait avant la mort. Un
trois-quarts ayant été plongé dans le côté droit de la poitrine, il s'en
est écoulé quatre pintes environ d'une sérosité trouble, assez sembla-
ble à du petit-lait non clarifié; le cùté gauche en contenait une demi-
pinte environ. La plèvre était épaissie et recouverte de fausses membra-
nes. Le cœur était hypertrophié. La cavité du ventricule gauche aurait
Eu contenir un gros œuf de poule ; ses parois avaient neuf lignes à la
ase et six lignes à la partie moyenne. La cavité du ventricule droit
était un peu plus ample que celle du cùté gauche.
Les organes abdominaux n'offraient rien de remarquable, à l'excep-
tion des reins, dont le tissu était ramolli, et qui contenaient plusieurs
graviers.
Les deux moitiés de la voîite du crâne offraient un défaut de symé-
trie, la moitié gauche étant plus ample que la droite. Le cerveau, le
cervelet, la protubérance annulaire et la moi'ile alongée, pesaient en-
semble deux livres quatorze onces ; le cervelet seul pesait quatre onces
cinq gros.
(i44)
Le cerveau a présenté quelques traces de l'ancien épanchement dans
le corps strié des deux côtés.
Conforuiémcut au vœu de M. Dupuytren, l'ouverture de son corps
a été faite par les internes de riIôtel-Dieu, MM. Tlul'z et Teissier, sous
le» yeux dt; MM. Broussais, Cruveilhier, Husson et Bouillaud.
Les obsèques ont eu lieu le lo février : une foule immense entourait
le cercueil. En sortant de l'éjjlise, les élèves qui avaient porté le corps
sur leurs épaules depuis le chœur jusque sur le char, ont dételé les che-
Taux et traîné eux-mêmes le char jusqu'au cinieliùre du Pèrc-Lachaise.
Arrivés à la dernière demeure, M. Orfila, au nom de la Faculté de mé-
decine, M. Larrey» an nom de l'Académie des sciences, M. Pariset, au
nom de l'Académie de médecine, M. Bouillaud, M. Royer-Collard et
M. Teissier, interne de i'IIôtel-Dieu, ont successivement prononcé des
discours. Il était près de quatre heures quand le cortège s'est retiré.
La mort de M. Dupuvtren laisse une place vacante à l'Institut, à la
Faculté et à l'IIùtel-Dieu : on annonce que M. le professeur Roux va
quitter la Charité pour le remplacer À l'Hùtel-Dieu. On parle aussi de
permutations qui nécessiteraient un concours pour une chaire de pa-
thologie, au lieu d'une chaire de clinique.
M. Dupuytren avait un tel amour de son art qu'il a donné des con-
sultations jusqu'au dernier moment. On rapporte que la veille de sa
mort il s'est fait lire son journal comme à l'ordinaire, voulant, disait-il,
porter là-haut des nouvelles de ce monde.
On évalue la fortune laissée par le chirurgien de l'Hùtel-Dicu à sept
millions. 11 lègue à la Faculté par son testament la somme de 200,000 fr.,
destinée à fonder une chaire d'analomie pathologique, qui <lf)it être
occupée par son ami M. Cruveilhier. MM. San>on et Bégin doivent
terminer son mémoire sur la taille. 11 a laissé ses instrumeus de chirur-
gie à M. Marx, et sa bibliothèque à son neveu. Enfin, par une dernière
volonté, il a légué son corps à MM. Broussais et Cruveilhier.
— La Faculté de Sirasbourg vient aussi de faire une perte cruelle
dans la personne de M. le piofesseur Fodéré, mort à Sirasbourg le 3
février. M. Fodéré était né en 1764 .i S;iint-.Tean-de-Maurienne en Sa-
voie. Il prit ses degrés à l'Université de Turin, et, lorsque la Savoie fut
réunie à la France, il fut attaché à l'armée j y remplit des IbnctioDS
importantes. Rendu à la vie civile, il fut successivement professeur de
chimie et de physique à l'école centrale des Hautes Alpes, médecin de
l'Uùtel-Dieu de Marseille, de l'hospice des aliénés i e la même ville.
Enfin, en 1814, il obtint par concours la chaire de u.édecine légale à
la Faculté de Slrasbourfç.
Ce savant et laborieux professeur a publié un grand nombre d'ouvra-
ges fort répandus encore aujourd'hui. Le plus r<miari(iiable de tous est
son Traité d'Iiygicncet de médecine Icf^a/c, qui a valu à son uuleur une im-
mense réputation. Quoique arrivé h un âge très-avancé, M. Fodéré pre-
nait connaissance de tous les ouvrages nouveaux, et publiiit encore^
quelquefois le résultat de sa longue «■xpi'-rienec. Son amour pour la
scii'nce lui faisait encourager toutes les entrepii>es qu'il jugeait devoir
être de quelque utilité, et, pour notre part, nous ne saurions oublier le»
sages conseils qu'il nous a donnés lors de la création de ce Journal, et
i'ol)ligeant appui qu'il nous a [-.rêté pour le succès de cette entreprise.
— Une ordonnance du roi du 20 janvier porte ■ qu'il n'y aura plus à
l'avenir, dans le sein de l'Académie royale de Médecine, qu'une seule
classe de menibrcb résidau;;, jouissant tous des mêmes droits et préru-
gatircB. •
(.45)
ART. 1017.
Considérations pratiques sur les bouts de sein artificiels et les
biberons usités de nos jours.
L'attention de l'Académie a été attirée sur les bouts de
sein artificiels, par une demande du ministre qui désirait
savoir si les bouts de sein et biberons en tétine de vache con-
fectionnés par madame Breton pouvaient remplir les usages
auxquels cette dame les destinait? Cette demande avait été
faite dès l'année i853, et si la réponse de l'Académie a été
si tardive, c'est que les rapporteurs se sont livrés, avant de
conclure, à de très-longues recherches et à des expériences
variées. Un premier rapport, en effet, avait été lu par M. De-
neux, et ce chirurgien avait passé en revue dans son travail
tous les moyens usités, depuis les temps les plusreculés, pour
faciliter l'allaitement, soit naturel, soit artiflciel. Il avait con-
clu que les bouts de sein confectionnés par madame Breton
n'étaient pas d'invention nouvelle, et que de plus ils avaient
de graves inconvéniens, tels que de déterminer souvent le
muguet chez les enfans, et de répandre au bout de quelques
jours une odeur tellement infecte, que l'enfant refusait de les
prendre. De plus, ces bouts de sein étaient d'un prix exor-
bitant, puisqu'en vertu d'un brevet d'invention, cette dame
vendait pour 6 fr. ce que d'autres fabricans proposaient de
vendre pour 7 sous.
C'est cette concurrence, illégale suivant madame Breton,
qui avait motivé la demande du ministre; car cette dame
ayant fait condamner comme contrefacteurs ceux qui avaient
mis en vente des bouts de sein à peu près semblables, à un
prix de beaucoup inférieur, le gouvernement a roulu s'assu-
rer du degré d'utilité do cette invention ( 1 ).
Quoi qu'il en soit, les conclusions de M. Deneux ne furent
point adoptées par l'Académie, et M. Paul Dubois fut chargé
de faire un nouveau rapport. Ce chirurgien, dans la séance
du 22 février dernier, après avoir balancé les avantages et
les inconvéniens de ces bouts de sein, a conclu eu faveur
(1) Depuis cette époque, les fabricans, ayant interjeté appel, ont
fjairné leur procès devant la Cour royale, et la déchéance du brevet de
niadauic Urcton a été prononcée.
TOM. VI. — N" D'AVRIt. 10
(146)
de madame Breton ; mais il n'a pas été plus heureux que son
prédécesseur, car l'Académie a cru devoir ajouter à ces con-
clusions qu'ils ne valaient pas mieux que d'autres destinés au
même usage. Il est même résulté de la discussion qu'ils va-
laient beaucoup moins, et nous pensons que les praticien?
verront avec intérêt un court résumé des recherches qui ont
été faites à ce sujet.
On connaît l'utilité des bouts de sein artificiels; chacun
sait que c'est surtout un moyen excellent de guérir les fissu-
res, de former et d'alonger le mamelon ; mais, pour remplir
cette fonction, plusieurs conditions sont nécessaires ; ainsi : la
partie que l'enfant saisit dans sa bouche doit être molle,
flexible et se rapprocher le plus possible de la nature du
mamelon; cependant il faut qu'elle offre une certaine résis-
tance, car si elle s'affaissait trop facilement, les conduits se-
raient obstrués et le lait ne coulerait plus. On a employé di-
verses substances ù cet elfet, mais aujourd'hui la téliiio de
vache, le caoutchouc et le liège sont presque le^ seules dont
l'usage soit général.
Les bouts de sein en tétine de vache ont été employés il
y a plus d'un siècle, mais ce n'est guère que depuis (jue ma-
dame Breton s'est occupée de leur confection par un pro-
cédé qu'elle tient secret, que ces bouts ont été généralement
adoptés. Bien qu'ils fussent de beaucoup supérieurs à tout ce
qu'on avait fait jusqu'alors, ils ne laissaient pas que d'avoir
d'assez nombreux inconvéniens, dont le principal était, ainf<i
que nous le disions, d'offrir bientôt une odeur de putridité in-
supportable, de manière rju'il devenait nécessaire de les rem-
placer fréquemment, ce que toutes les femmes ne pouvaient
pas faire, attendu leur prix exorbitant.
M. le comte de Perrochelles, dans un but uniquement de
philantropie, fit confeclioimer des botits à peu près sembla-
bles, qu'il put distribuer au prix modique de 7 sou''. Ces
bouts étaient mieux conformés que ceux fournis par ma-
dame Breton; mai» celte dernière l'ayant fait condamner
comme contrefacteur, le public fut privé de celte utile con-
çu rreoce.
Enfin 31. Paquc, pharmacien à Orléans, fit égalemeiit des
bonis de sein avec la léline de vache, et les lribii:iaux
l'ayant autorisé à en couliniier le débit, on peut aujour-
d'hui se les procurer à un lrè>.-bas prix. Quel ([u»; soil au
n-slc le morle rh; préparation a(lo{)Lé parce phariuaficn, il est
probable que cette S(jb.stance animale doit se décompa^er
loujdiiis assez rapidement, lépandre une odeur infecte, et
(»47)
avoir d'ailleurs riiicouvûiiicuL cxtrêineineot grave de cau-
sei" ie dèveloppcinenl du muguet.
Les mamelons eu caoutchouc sout assez répandus. Ils
sont aujourd'hui fort bien fabriqués, mais ils ont une odeur
repoussante, ce qui fait que beaucoup d'cufaas refuseut de
les prendre dans leur bouche.
Mais il est une autre espèce de mamelons, qui laissent
bien loin derrière eux tous ceux qu'on avait faits jusqu'à ce
jour : ce sout les mamelons en liège que fabrique 31. Dar-
bot. iU. Vcipeau en a rendu un compte très-favorable à l'A-
cadéuiie, et dans la discussion qui vient d'avoir lieu, MM Mo-
reau, Ueueux, Naoquart et Girardin en ont fait le plus grand
éloge. Ce mamelon, en effet, n'est point susceptible de putré-
fuctiou et n a point d'odeur désagréable. Le liège bien pTé-
pare ollre aux geucives de i'enfaut une substance molle qu'il
peulpi'easer iuipuuément; en un mot, ce mamelon est sans
contredit celui qui approche le plus de la perfection, et il
n'a d'autresiiiconvèuiens que ceux qui sont attachés al usage
de tous les bouts de sein artiliciels.
Parmi ces inconvènieus est celui de nécessiter un cer-
tain elTort de succion, qui fait que les enfans sont toujours
beaucoup pius iong-lemps à vider le sein que lorsqu'ils sai-
sissent le uiamelon à nu. Ce sont, suivant M. Moreau, ces
eflbrts, plus encore que le conla'jt d'un objet dur et inégal,
qui déterminent le développement du muguet.
Malgré ces inconvéniens, il est des circonstances dans les-
quelles ces mamelons sont vraiment d'une très-grande utilité:
ils sont presque indispensables lorsque des gerçures sont sur-
venues, car, avec leur secours, l allaileuienl s'opère sans
douleur et sans que la cicatrice qui commence à se former
soit rompue.
Les méiucs substances que nous avons indiquées ont été
employées pour la confection des divers biberons en usage
dans l'a. laitem<;ntartiûciel; maisTappareilde M. l>arbot, qui
présente un bouchon en liège pouv.mt s'adapter .i toute es-
pèce de carafon, est encore bien supérieur a tous ceux qui
ont été proposés jusqu'à ce jour.
A.RT. 1018.
Obscroations tendant à dcmonlvcr les bons effets t/icrapculitjacs
de la ijncope.
Ua bomme âgé de treale-huit ans, doué d'une consti-
(148)
tution vigoureuse et d'un tempérament sanguin, fut pris
d'une céphalée affreuse, accompagnée de tous les signes les
plus évidens d'une forte congestion cérébrale, tels que ver-
tiges, obscurcissement de la vue, chute des paupières, tin-
temens d'oreilles, aberration dos facultés mentales. Deux
fortes saignées au bras, des sangsues à l'anus, des sina-
pismes, des réfrigérans sur la tête, n'ayant pu arrêter la
céphalée ni les signes de congestion, M. Labat se décida
aussitôt à provoquer la syncope, et il suffit, pour cet effet,
de faire prendre au malade un pédiluve chaud, et de l'y sou-
tenir debout durant quelques instans. La syncope ne tarda
pas à se manifester, et le malade ne fut rappelé à lui qu'au
bout d'une minute environ, afin que le dégorgement cé-
rébral eût le temps de s'opérer, après quoi la céphalée et la
congestion furent guéries comme par enchantement. Le
lendemain le rétablissement était complet.
M. Labat a eu recours à la syncope dans un grand nombre
d'autres circonstances.
Un homme éprouva pendant la nuit des signes d'une forte
congestion cérébrale, qui se termina par un saignement de
nez très-abondant. En peu de temps il s'écoula une quantité
énorme de sang. Quand M. Labat fut appelé, la faiblesse
était telle qu'il n'osa pas ouvrir la veine du bras, et encore
moins tamponner les fosses nasales, de peur de ramener les
signes d'apoplexie. Malgré l'inquiétude et l'effroi des pa-
rens, ce médecin se décida à provoquer la syncope, qui fut
prolongée pendant le temps nécessaire à la formation d'un
caillot et à la cessation de la congestion cérébrale. Le ma-
lade, après avoir repris ses sens, se trouva à la fois débar-
rassé de sa congestion et de son hémorrhagie.
Le même moyen fut encore employé chez un jeune homme
qui, pendant le cours d'une gastro-céphalite-typhoïde, fut
pris d'un épislaxis très-considérable, et chez une jeune
femme qui, à la suite d'un avorlement, avait une hémor-
rhagie abondante. Le résultat de la syncope fut absolument
le même que dans l'observation précédente.
M. Labat a eu recours à la syncope dans un autre but, et a
réussi aussi complèlemcnl que le docteur Wardrop, dont les
observations sont rapportées à notr»; art. 778.
Un jeune homme portait autour du prépuce des excrois-»
sauces vénériennes, qu'il ne pouvait se décider à laisser en-
lever. Ayant pris un prétexte spécieux pour lui pratiquer
iMic saignée, ce médecin poussa l'évacuation sanguine jus-
qu'à la '-yncopo, et, profilant de ce moment favorable,
excisa les tumeurs en question sans lui faire éprouver de
(»49)
douleur. La guérison s'opéra avec une grande rapidité. Il ea
fut de même d'une jeune demoiselle, qui portait un ché-
mosis, accompagné d'un tel boursouflement de la conjonc-
tive, que tout espoir de conserver la vue paraissait à jamais
perdu. Une laigc saignée du bras ayant été pratiquée pen-
dant que la malade restait debout, la syncope survint, les
yeux prdircnt et leur dégorgement s'opéra rapidement. On
profita de ce moment pour exciser quelques replis de la con-
jonctive, et lorsque cette jeune fille reprit ses sens, elle se
trouva débarrassée des cruelles douleurs qu'elle ressentait
auparavant; à partir de ce moment son affection marcha
comme une simple ophtalmie. (An/i. de la méd. phys.)
ART. 1019.
Note sur l'emploi de la digitale dans le traitement de la phlldsic
pulmonaire.
M. Bayle a publié dans la Revue médicale quelques obser-
vations tendant à prouver l'efficacité de la digitale dans cer-
tains cas de phthisie pulmonaire; ces observations sont ex-
traites d'un auteur anglais, médecin de l'hôpital de Ply-
moulh, appelé Magennis.
Vers la fin de l'année 1799, ce médecin ayant été chargé
de traiter des prisonniers français, il s'en trouva huit atteints
de phlhijie pulmonaire. Chez six d'entre eux la maladie était
au dernier degré, et chez les deux autres elle parcourait le
second degré. Tous les huit furent mis à l'usage de la digi-
tale, administrée sous forme de teinture; ils prirent ce re-
mède pendant trois semaines, et au bout de ce temps leur
élat était con>idérablement amélioré : la toux était moins fré-
quente, l'expectoration avait diminué de moitié. Les sueurs
nocturnes avaient entièrement disparu, excepté chez un seul
malade ; chez tous, le pouls, qui, avant le traitement, battait
cent dix fois par minute, était descendu à soixante-cinq pulsa-
tions, et les douleurs qu'ils éprouvaient dans le thoraxétaient
tout-à-fait calmées. Mais le temps, qui jusque là avait été
doux, devint tout-à-coup très-froid, et ce changement subit de
l'atmosphère fit reparaître la toux, augmenta l'expectoration
et tous les autres symptômes. Sur ces huit malades il en périt
cinq, deux furent entièrement rétablis, et le huitième fut
très- soulagé. Les deux sujets qui guérirent étaient moins
(i5o)
malades que les autreti, quoique leur expectoration fût pu-
rulente.
M. Magennis ayant été peu de temps après chargé du ser-
vice de l'hôpital royal de la marine à Plymouth, traita pen-
dant dix mois un nombre considérable de inaiinsphlhisiques.
Il choisit parmi eux soixante-douze individus atteints de
phthisie pulmonaire commençante ou confirmée, et leur fit
prendre la digitale. Voici les résultats de ce traitement ;
vingt-quatre malades étaient dans le premier degré de la
phthisie; il n'en mourut aucun ; neuf furent soulagés, quinze
guérirent. Quarante-huit étaient arrivés au troisième degré,
il en mourut dix, treize furent soulagés, vingt-cinq guéri-
rent. Voici une observation qui fera comprendre la manière
dont ce médecin administrait la digitale.
Le malade âgé de vingt-huit ans, atteint de phthisie pul-
monaire au dernier degré, entra à l'hôpital le 12 août 1800.
Il avait depuis plusieurs mois une toux continuelle et fati-
gante, avec douleur aux côtés de la poitrine. Les crachats
étaient abondans, d'une matière purulente, verte, extrê-
mement fétide et quelquefois mêlée de sang. Le malade,
dont la respiration était laborieuse, ne pouvait rester couché
sur le dos; le pouls battait cent huit fois par minute.
Le jour même de son entrée, cet homme fut mis à l'usage
de la ieinture de digitale, donnée ù la dose de sept gouttes
chaque quatre heures, et étendue dans une mixture de blanc
de baleine et de teinture d'opium. Le troisième jour, la dose
ayant été portée jusqu'à quarante gouttes, il vomit environ
une demi-pinte de matières de mauvaise qualité. Les sei-
iième, dix-septième et dix-huitième jours, la dose fut élevée
de dix gouttes par vingt-quatre heures. Le dix-neuvième
jour on donnait la teinture à la dose de cent gonllcs; il n'en
résulta que de légères nausées, le pouls était descendu à
(iu;itre-vingt-dix pulsations. On continua d'augmenter gra-
duellement la dose, et le vingt-cinquième jour, elle était
portée à cent cinquante gouttes. Le pouls marquait soixante-
dix-huil pulsations, les crachats étalent moins abondans cl
moins fétides. Le vingt-huitième jour (}n donna cent quatre-
vin"-ts gouttes, il en résulta des nausées et des vomissemens,
qui forcèrent à baisser la dose à cent trente gouttes. Le pouls
ne battait plus que quarante-huit fois. On continua ainsi à
varier la dose de la teinture, depuis cent trente jusqu'à deux
cents gouttes, suivant qu'elle déleruiinait plus ou nmins de
vertiges, de nausées, etc. Le poul.s fut constamment maintenu
dans uu étal de lenteur remarquable, et tous les accidcns se
( .51 )
dissipèrent graduollemcnt. A la fin du mois de septembre,
il ne paraissait aucune trace dephthisie.
Réflexions. En citant les observations rappelées dans ta
Revue médicale par M. Bayle, nous n'avons pas la préten-
tion d'offrir à nos lecteurs un précieux remède contre la
phthisie pulmonaire. En effet, la principale objection qu'on
puisse faire aux expériences de M. Magenni:?, est d'être pu-
bliées depuis long-temps en Angleterre, sans que les prati-
ciens aient paru reconnaître à la digitale la propriété que ce
médecin lui attribue; preuve certaine que cette plante ne
produit pas toujours des effets aussi merveilleux que l'an-
nonce cet auteur. En second lieu, il est au moins douteux
que la plupart de ses malades fussent véritablement atteints
dephthisie pulmonaire, puisqu'on ne pouvait à cette époque
vérifier par l'auscultation l'existence de cette lésion orga-
nique. Cependant, fût-il prouvé seulement que les succès ci-
lés par M. Magennis eussent été obtenus chez des sujets at-
teints de catarrhes pulmonaires chroniques, ces observations
mériteraient encore de fixer l'attention des praticiens. On
peut d'ailleurs être conduit très-rationnellement à l'admi-
nistration de la digitale dans les affections chroniques de la
poitrine, puisque chacun sait aujourd'hui qu'un excès de nu-
trition du cœur accompagne très-fi-équemment la phthisie
pulmonaire, et que l'hypertrophie de cet organe est une des
causes les plus puissantes de l'irritation du poumon. Il est
évident que le ralentissement de la circulation doit amener
une amélioration sensible dans l'état des organes respira-
toires; malheureusement la teinture de digitale ne produit
que très-difficilement cet affaiblissement prolongé des bat-
tem«ns du cœur, et il s'en faut de beaucoup que dans les es-
sais répétés chaque jour en France avec cette plante, on ob-
tienne d'aussi beaux résultats que M. Magennis paraît l'avoir
fait en Angleterre. Nous appelons néanmoins l'attention de
nos lecteurs sur ses expériences, qui peuvent ne pas être sans
utilité pour la thérapeutique.
ART. 1020.
Observations pratiques sur l'emploi du Ccphalotriùe inventé par
M. Baudclocque neveu pour le broiement de la tête du fœtus
dans les cas d'accoucUemens difficiles. Article commutniqué
par M. le docteur Carleaux.
Lorsqu'un bassin est mal conformé, et d'une étroitesse
(l52)
telle que la terminaison de l'accouchement par les voies na-
turelles devient absolument impossible, soit qu'on tente l'ap-
plication du forceps au-dessus du détroit supérieur, ou qu'on
opère la version du fœtus, l'opération césarienne ou la sym-
physéotomie, suivant l'étendue que conserve encore le dia-
mètre sacro-pubien, sont les seules cbances qui se présen-
tent de sauver ù la fois la mère et l'enfant.
Cependant, lorsqu'il est bien reconnu que le fœtus est
mort dans la cavité de l'utérus, il y aurait témérité à tenter
l'une ou l'autre de ces opérations, qui, outre la douleur
qu'elles procurent à la femme, compromettent singulière-
ment ses jours. Aussi presque tous les auteurs conseillent-ils,
en pareille circonstance, de perforer le crâne de l'enfant, de
le vider et de l'affaisser, et, afln de détruire entièrement la
disproportion du volume de la tête avec les dimensions du
bassin, de briser la base du crâne à l'aide de crochets poin-
tus ou de tenailles incisives. Mais il est facile de concevoir à
quels dangers on expose la mère en introduisant ainsi profon-
dément dans ses parties des instrumens tranchans ou pi-
quans qu'on ne saurait diriger ni de l'œil ni du doigt; et,
conime l'observait J. - S. lîaudelocque, <> sera-t-on assuré
d'iviplanter constamment la pointe du crochet aigu sur la tête du
fœtus, ety lorsqu'elle s'en écartera, de la détourner des parties de
la mère qui l' enveloppent si étroitement? »
Dans la vue d'obvier à de si graves inconvéniens, M. le
docteur A. Baudelocque neveu, professeur particulier d'ac-
couchement, présenta, en 1829, à l'Académie des sciences,
un Mémoire où il proposait un instrument de son invention,
à l'aide duquel on peut en un instant écraser la tête de l'en-
fant et lo réduire à un volume assez petit pour qu'elle puisse
ensuite franchir librement le bassin le plus étroit.
Déjà M. Baudelocque avait eu l'occasion d'employer avec
succès son instrument lorsqu'il adressa son rapport à l'Aca-
démie des sciences. De nouveaux succès ont été tentés par
lui et avec les mêmes avantages, et d'heureuses modifica-
tions apportées par l'auteur a cet instrument, en diminuant
son volume et son poids primitifs sans nuire en rien à sa so-
lidité, ont rendu son emploi plus facile pour le chirurgien et
moins douloureux pour les malades.
L'instrument employé par M. Baudelocque porte le nom de
crphalotribe, de (/e^c"/y,, tête et de TotCîJw, qui broie). Comme
le forceps de Smellie, il se compose de deux branches croi-
sées et se recouvrant nmliu;llenient. Dans chacune de ces
deux branches, l'ime droite et l'autre gauche, on doit distin-
guer la cuiller et le manche. Les cuillers sont sans ouvcr-
(i53)
liire, et ollVent au plus seize lignes de largeur, afin de pou-
voir traverser plus facilement un bassin déformé et dont le
détroit supérieur n'aurait que deux pouces, et même vingt
lignes d'arrière en avant. Leur longueur, de dix pouces, à
partir de l'axe ou pivot de l'instrument, permet de saisir ai-
sément une tête située au-dessus du détroit abdominal, et
leur courbure répond à celle formée parle canal vulvo-uté-
rin. Leur jonction est semblable à celle du forceps de
Smeliie ; seuleuient elle est en dessous au lieu d'être en des-
sus, et se trouve à la branche droite au lieu d'être à la bran-
che gauche. Les manches de ces cuillers, longs de onze
pouces depuis Paxe, sont taraudés dans leur partie inférieure
pour y recevoir une vis de la longueur de huit pouces et
demi, à laquelle est adaptée une manivelle pour la faire
mouvoir. Celle vis est à trois filets, ce qui augmente singu-
lièrement la promptitude de sa marche sans nécessiter au-
cun effort musculaire de la part du chirurgien. L'extrémité
inférieure de la branche droite est terminée par une poignée
qui sert à assujétir l'instrument lorsqu'on fait agir la mani-
velle à laquelle la vis est unie.
L'application du céphalotribe doit être faite avec les pré-
cautions recommandées pour l'emploi du forceps, et sou-
mise aux mêmes règles : c'est toujours par le diamètre du
détroit resserré offrant le plus de largeur que l'instrument doit
être introduit. Il est important de plonger dans les parties de
la femme les cuillers un peu plus profondément que lors-
qu'on applique le forceps ordinaire au-dessus du détroit ab-
dominal, afin qu'elles saisissent parfaitement la tête suivant
toute la longueur de son grand axe. Sans cette précaution,
la base du crâne pourrait n'être pas complètement broyée,
et, dans certains cas de difformité extrême du bassin, il pour-
rait arriver qu'on fût obligé de desserrer la vis et de retirer
les cuillers pour les plonger de nouveau plus profondément.
Lorsque les deux cuillers ont été convenablement appli-
quées, un aide placé à gauche de l'opérateur saisit de la
main droite les deux branches, les rapproche l'une de l'au-
tre et les soutient, tandis que le chirnrgien, tournant la ma-
nivelle, introduit la vis dans les trous pratiqués pour la
recevoir aux branches de l'instrument. Rapprochées par l'ac-
tion de la vis, les deux cuillers se trouvent alors exercer sur
la tête du fœtus une pression telle, qu'en un instant les os
du crâne brisés sortent de la ligne de leur direction et che-
vauchent les uns sur les autres, sans cependant produire
d'esquilles; le cuir chevelu ne tarde point à se déchirer, et
la matière cérébrale s'échappe bientôt par ses ouvertures.
(i54)
La tête ainsi écrasée, l'accouchement se termine comme
avec le forceps ordinaire.
Quand la lêfe a été bien saisie par le céphalotribe, et la
base du crAne purl'ailement broyée, si l'on mesure après son
extraction rintervalie existant au centre des deux cuillers,
on voit qu'il est ordinairement de vingt-deux à vingt-trois
lignes, parce que les cuillers cèdent chacune d'une ligne en-
viron, à cau?e de leur élasticité, pendant la pression qu'elles
ont exercée sur la tête. Ainsi l'instrument a pour effet de
réduire à un pouce et demi l'épaisseur de la tête, qui est sou-
vent de trois pouces et demi.
Les circonstances dans lesquelles on se sert du céphalo-
tribe sont absolument les mêmes que celles où l'on pratique
la perforation du crâne; bien entendu qu'on doit avoir acquis
à l'avance la certitude de la mort du fœtus. Voici, au reste,
plusieurs faits cilés par M. Baudclocque lui-même.
Observation i". — Ovale supérieur de la tête, première position ;
broiement, guérison.
Le 5 février 1819, A.. ., âgée de vingt-un ans, de petite
stature, de constitution scrofuleuse, ayant la colonne ver-
tébrale portée en avant, sentit des douleurs pour accoucher-
A neuf heures du soir, les eaux s'écoulent en grande quan-
tité, le col utérin est peu ouvert; la nuit, les douleurs
cessent.
Le 7 au matin, douleur aiguë à l'hypocondre droit, col
un peu plut» dilaté, mais épais, présentation de l'ovale supé-
rieur de la tête, écoulement de méconiun) d'une odeur fé-
tide. L'étendue du diamètre antéro-postérieur au détroit
abdominal est de deux pouces huit à neuf lignes. La forme
de ce détroit est régulit re, l'orifice utérin n'a que dix-huit à
Aingt lignes de diamètre et plusieurs lignes d'épaisseur.
Le H, abdomen tendu, douloureux, fièvre {saii^nee, bain).
L'ouverture du col est de deux pouces, l'un des pariétaux
fait saillie au détroit abdominal, lléuiu's en consultation,
MM. Desormeaux et l'aul Dubois sont d'avis que le fœtus
est mort, tant à cause tle l'évacuation du méconium et la
longueur du travail, qu'à cause de la compression (ju'il
éprouve depuis si long-temps, et ces médecins pensent que
si raj)plicalion du forceps ne suffit pas, on ne saurait ter-
miner l'accouchement qu'en diminuant levolume de la tête du
fœtus.
Le 9 au matin, même état; dans la journée le travail rc-
('55)
prend, les contractions utérines deviennent fréquentes. Le
soir, bain d'une heure et demie à huit heures, peau chaude,
pouls lort, abdomen tendu, mais moins douloureux que la
veille. La péritonite semble avoir cessé sous l'influence du
traitement antiphloijistique, mais la métrile persiste, et les
douleurs commencent de nouveau à s'éloigner; soixante-
quinze heures se sont écoulées depuis le commencement du
travail, et soixante-treize depuis l'écoulement des eaux.
Le céphalolribe est alors appliqué, et l'accouchement ter-
miné en quelques minutes. La malade a si peu conscience
de^j^tte opération, qu'elle témoigne son étonnement de voir
détourner la vis de l'instrument. Aucune déchirure du pé-
rinée ; le iœtus en partie putréOé : son poids est de six livres ;
délivrance naturelle au bout d'une heure. Les symptômes de
métrite qui ont reparu cèdent au bout de quelques jours au
traitement antiphlogistique; les lochies, qui étaient suppri-
mées, reparaissent le 1 1 ; entrée en convalescence le iG, gué-
rison complète vers la fin de février.
MM. Evrat neveu et Delestre, docteurs en médecine, ma-
dame Boudet, sage-femme, assistèrent à' celte opération.
Obsei'vation a'. — Ovale supérieur de ta tête ; première position^
tentatives de version et de l'application du forceps, broiement,
guérison.
Le i8 novembre i85o je fus appelé, vers trois heures de
l'après-midi chez madame M Cette femme, ûgée do qua-
rante ans environ, avait un bassin régulier de deux pouces
trois quarts; déjà elle était accouchée, huit ans auparavant,
d'une lîile qui, en venant au monde, était d'un poids au-dessus
de l'ordinaire, et n'avait pu être extraite qu'avec beaucoup
de peine à J'aide du forceps.
11 y avait déjà dix-neuf heures que le travail était com-
mencé, les eaux s'étaient écoulées de la veille. Depuis trois
heures environ on faisait de vaines tentatives pour terminer
l'accouchement, tant à l'aide du forceps qu'on avait applique
plusieurs fois, que de la version qu'on venait de regarder
comme impraticable. La mort du fœtus étant évidente par
l'absence de pulsations dans le cordon ombilical qui était au
dehors de la vulve, et l'impossibilité de l'accouchement étant
reconnue par les médecins présens, je broyai avec mon in-
strument la tête située en première position, au-dessous du
détroit abdominal. En très-peu de temps l'enfant fut extrait,
il pesait huit livres et demie ; le périnée ne fut point déchiré.
(156)
Après l'accouchement il survint une métriie suraiguë, qui
fut traitée par sept larges saignées dans les trente-six pre-
mières heures ; la malade présenta ensuite les symptômes de
la fièvre typhoïde. Une escarre se forma au sacrum, les lo-
chies prirent une odeur de gangrène très-prononcèc, et l'é-
coulement des urines se fit involontairement pendant quel-
que temps.
Du sixième au quinzième jour, deux larges escarres se
détachèrent de la matrice ou du vagin, et furent trouvées
dans les urines ; vers la deuxième semaine, l'état de la malade
commença cependant à s'améliorer un peu: à celte épo^e,
quelques injections de chlorure de sodium firent disparaître
la mauvaise odeur des lochies ; la muqueuse du vagin, de li-
vide qu'elle était, prit une teinte rosée, et la fièvre cessa. La
convalescence eut lieu seulement au trentième jour après
l'accouchement, et fut accompagnée d'une grande faiblesse,
peu à peu la femme reprit de l'embonpoint, et au bout de six
mois elle revit pour la première fois ses règles.
MM. Boue, Lamouroux, lley etLagneau ont été témoins
de cette opération.
Observation 3'. — ovale supérieur de la tête en première posilion^
version, extraction du tronc, tête au détroit abdominal, broie-
ment, guérison.
Le 16 mai i85i, je fus mandé, dans un des hôpitaux de
Paris, auprès d'une femme âgée de trente ans, qui y était
entrée au huitième mois de sa grossesse, pour se faire traiter
d'une entérite grave. Déjà avant mon arrivée on avait tenté
à plusieurs reprises l'application du forceps au-dessus du dé-
troit abdominal; l'instrument avait lâché prise; on avait en-
suite fait la version cl extrait le tronc, mais la tête n'avait pu
être entraînée ni avec les doigts portés dans la bouche, ni à
l'aide du forceps; le périnée était déchiré, le cordon ombili-
cat avait cessé de battre. Je procédai alors au broiement do
la tête. L'application de la branche gauche du céphalolribc
se fit assez, lacilement; j'eus plus de peine à introduire la
branche droite, sans doiUe à cause de l'irritation de la ma-
trice (déterminée par les manœuvres qui avaient été faites
précédemment). Je fus obligé de la plonger à plat et profon-
dément au-dessous du visage, pour la faire ensuite revenir
entre la paroi cotyloïdienne et le côté correspondant de la
tête. Enfin je parvins à réunir les branches, et l'accouche-
ment fut promptcmcnt terminé. Le bassin avait deux pou-
( »57)
ces trois quarts environ d'avant en arrière, le poids du fœtus
était de huit livres et demie.
Dans les premiers jours qui suivirent l'accouchement, la
malade fut prise de fièvre violente, et il fallut recourir à un
traitement antiphlogistiqueénergique; des injections de chlo-
rure de sodium étendu d'eau furent faites dans l'intérieur du
vagin, desescarres se détachèrent du périnée et lamalade resta
quelque temps avec une incontinence d'urine. Néanmoins au
12 juillet elle sortit de l'hôpital parfaitement guérie.
Cette opération fut pratiquée en présence de M. le doc-
teur de Gerdy et d'une vingtaine d'élèves.
Observation 4'. — Présentation de l'ovale supérieur de ta tête,
tentatives d'application de forceps, broiement, guérison, acci'
dens consécutifs nuls.
Le lo février i834, nous nous réunîmes vers sept heures
du soir, JMM. Dufrenois, Barbette jeune et moi, pour assis-
ter madame T.... qui était en travail depuis soixante heures,
éprouvant les douleurs les plus vives. Cette femme, de très-
petite stature et de constitution rachitique, a le bassin mal
conformé, surtout du côté gauche : son diamètre antéro-pos-
térieur estde deuxpouces trois quarts environ. En vain deux
d'entre nous avaient tenté avant notre réunion l'application
du forceps sans pouvoir terminer l'accouchement. L'absence
de tout mouvement de la part du foetus, l'écoulement par les
parties d'un liquide fétide mêlé à une quantité notable de
méconium,le temps depuis lequel le travail était commencé,
nous confirmèrent dans l'idée que l'enfant avait cessé de vi-
vre, et nous tombâmes tous trois d'accord que le seul moyen
de délivrer la malade était d'agir sur la tête de l'enfant,
pour en réduire le volume. Je fus chargé de cette opération.
J'introduisis le céphalolribe sans beaucoup de difficulté, et
en moins de dix minutes, la tête, qui se présentait en pre-
mière position au détroit abdominal, fut broyée, et l'enfant
extrait sans d'autres lésions des parties de la mère qu'une
légère échancrure au périnée, qui eut lieu lors du passage
des épaules.
Le poids du fœtus était de six livres; la femme eut ;\ peine
conscience de l'opération, et les suites de l'accouchement ne
furent compliquées d'aucun accident. Madame Petit-Jean,
sage-femme, et quelques élèves, assistèrent aussi à cette
0])éralion.
Une cinquième opération du broiement de la lêtc a été
pratiquée, le 29 avril i834, ^" pi'ésencc de MM. Fourcadel
(i58)
et Pagneguy, par M. Auguste Baudelocque. Jamais, dit cet
accoucheur, opération ne lut plus laborieuse, quoique le
bassin fût bien conformé. L'obstacleà l'expulsion de l'enfant,
qui était mort au moment où j'arrivai près de la femme,
provenait de son volume excessif: eneliet, son poids surpas-
sait celui de dix livres. L'extraction de la tète étant achevée,
j'éprouvai les plus grandes difficultés pour celle du tronc,
qui. s'enclava dans le bassin. La tête, sur laquelle j'élais forcé
de tirer, ne tarda pas à lâcher prise, et fut arrachée ; je tirai
sur un bras, qui se détacha de même : je pris alors le parti de
faire la version. J'introduisis la main droite jusqu'au fond de
l'ulérus, et, écrasant la poitrine de l'enfant, je parvins ùsai>.ir
les pieds et à les amener au dehors. L'extraction de la poi-
trine fut très-difficile.
Quelquesjours après son accouchement, la femme fut prise
de métro-péritonite qui nécessita un traitement anliphlogis-
tique très-énergique. Vers la troisième semaine elle eut une
colite intense qui fut traitée de la même manière; cepen-
dant un moisaprés elle était sans fièvre, et Ton pouvait la re-
garderconmie convalescente ; nous lui conseillâmes la cam-
pagne, où elle ne put rester que quelques jours: elle revint à
Paris, ayant de nouveau la fièvre avec exacerbation le soir.
La diarrhéesurvint, et, malgré les soins éclairés de MM.Fou-
quier et Bouillaad, qui furent appelés en consultation, cette
malade continua de maigrir, elle eut du délire, et succomba
deux mois et quelques jours après i;trc accouchée.
A rouvcrture du cadavre, nous trouvâmes, M. Pagneguy
et uîoi, le péritoine, et les organes génitaux parfaitement sains.
La muqueuse de l'intestin grêle était fort injectée, celle du co-
londescendant etcelledu rectum parsemées de perforations qui in-
diquaient que des escarres s'étaient détachées en certains eruiroits.
Les cinq faits rapportés ci-dessus nous semblent suffisans
pour démontrer le parti qu'on peut tiior du céphalotribe in-
vente par iM liaudelocque neveu, et combien cet instrument
est préférable au crochet aigu. Nous n'héritons point à ad-
mettre que les accidens qiH ont complique les suites des ac-
couchemens rapportés ci-dessus sont bien plutôt dus à la
pression forte exercée par le fœtus pendiuit la duréi du
travail sur les parties <le la mère, à cause de l'étroitesse du
bassin, et peut-être aussi aux diverses manœuvres tentées
avant de recourir au broiement de la tête, qu'au céphalo-
tribelui-mêmc, <pii,.j bien prendre, n'est qu'au forceps, aussi
facile .1 introduire que le forceps ordinaire. Une fois appli-
quent sur la tête, les branehe-i de cet iu-trumcit li compri-
ment de dehors en dedans, sans nuire en rien a ix parois de
la matrice ni du vagin, et aident eosuite ù extraire le fœtus
CD entier, sans qu'on soil, obligé il'eaiploycr des elibits aussi
violens qu'il en faudrait avec le l'orceps ordinaire, embras-
sant une tête dispioportionnée au diamètre du bassin,
Le broiement de la tête à l'aide du céplialotribe s'ellectue
en quelques minutes sans exiger aucune violence de ia part
del'opérateur; lapcrtbrationde la tête, par les moyens ordi-
naires (crochets aigus ou ciseaux du Smelliej , outre qu'elle
demande beaucoup de force de la part de l'accoucheur et
l'expose à produire des déchirures, iiccessite souvent une
durée de lemps de plusieurs heures, et paifois de plusieurs
jours.
Avouons enfin qu'avec le céphalotribe on serait assuré
contre tout accident consécutif, dans les accouchemens dilli-'
ciles, s'il ne fallait pas toujours attendre un temps fort long
pour ac(iuérir lu certitude complète de la mort du foetus ;
mais la durée du travail est sufïisante pour amener la gan-
grène des parties et la mort des malades.
En résumé, nous pensons que rinstriiment intrenlé p.tr
M. liaudelocque neveu est une heureuse découverte pour la
pratique des accouchemens, et nous ne doutons [las qu'une
fois bien connu des chirurgiens, il ne soit empl jyé par eux
de préférence à ceux inventés jusqu'à présL:n4, toutes les
fois que la perforation du crâne et l'allaisseuienl de la tête
auront été reconnus indispensables pour la terminaison d'un
accouchement.
ART. loai.
Oh'<ervation de colique ncrvcufsc iraitne par la méthode cwler-
mique ; inoculation de ia hlennovr/iagie chez deux sujets atteints
de douleurs abdominales.
Un jeune homme sujet à des douleurs névralgiques, dont
le siège était ordinairement dans la cuisse droite, sur le tra-
jet du nerf scialique, vit tout-à-conp ces douleurs remplacées
par des coliques extrêmement violentes, qui augmentèrent
encore, lorsqu'étant en sueur il se fut lai-sé tomber dans un
courant d'eau assez profond. Son médecin pratiqua de nom-
breuses émissions sanguines tant générales que locales, sans
aucun succès; les fomentations éinollientes, les bains, les
lavemens, etc., n'avaient pas eu plus d'elfet, lorsque, vers le
quinzième jour, M. le docteur Dorte, résidant à la Teste, fut
appelé. Ce médecia crut reconnaître nue névrose, et mit en
(i6o)
usage les divers antispasmodiques employés en pareils cas,
tels que le camphre, l'opium sous toutes les formes, l'assa-
fœtida en lavement, les cataplasmes avec les feuilles de rfa-
tura stramoniam; mais les effets en furent absolument nuls.
II résolut alors d'avoir recours aux narcotiques, administrés
par la méthode cndermique, et étendit deux grains de sulfate
de morphine sur des vésioatoires placés le long de la co-
lonne, vertébrale à la région lombaire. Dès la première ap-
plication, les douleurs remontèrent dans la région de l'es-
tomac; deux nouveaux vésicatoires placés plus haut, et
saupoudrés de la même quantité de ce sel, enlevèrent com-
plètement la douleur. Au bout de deux jours, il y eut une
rechute, mais la guérison fut obtenue de la même manière.
Ce malade s'est servi plusieurs fois, depuis cette époque, de
ce narcotique ainsi administré, et il s'en est toujours très-
bien trouvé.
[Bult. méd. de Bordeaux. )
Réflexions. La méthode endermiquc, dont les praticiens
font un usage général depuis quelquesannées seulement, est
un moyen avantageux d'introduire les médicamens actifs dans
l'économie sans irriter l'estomac; mais on a peut-être trop
compté sur son action, en vantant outre mesure ses précieux
effets. Aujourd'hui l'expérience a prouvé, que dans un très-
grand nojnbrede cas, les médicamens ainsi administrés n'a-
vaient qu'une action très-faible et même quelquefois tout-à-
fait nulle, et qu'on ne devait pas compter sur ce moyen quand
il était urgent d'obtenir la guérison. 11 faut cependant peut-
être en excepter les névralgies, contre lesquelles les narco-
tiques, administrés par la méthode endermiquc, ont des effets
souvent merveilleux; l'observation qu'on vient de lire en est
un exemple remarquable. On peut dans ces cas, pour ne pas
perdre un temps précieux par l'application du vésicaloire,
dont l'action exige plusieurs hiMues, lairc usage de la graisse
ammoniacale qui, à l'aide d'une ou deux onctions, enlève
l'épiderme au bout de quelques minutes (i).
(i) Axongc, un gros;
Suif de uioulon, six gr/iins.
Mtk'z exactement et incorporez proniplcmcnt ;
Ammoniaque Ii(|Ni(Jc, un gios.
(i6i)
Il est souvent fort difficile de décider si certaines coliques
opiniPilres sont de nature nerv(Mise on inflammaloire, et
lorsqui; tons les moytMis ralionnels ont cclumc, il tant bien
reconrir à cenxque nous dictent la nécessité et l'inspiration
du moment. Nous en avons vu dernièrement deux exemples
remarquables.
Un homme entra à l'hôpital des Vénériens sans symptômes
syphilitiques apparens, mais il avait eu une blennorrhagie dix-
huit mois auparavant, et lui attribuait une foule de maux
dont la plupart étaient imaginaires. Il souffrait, disait-il,
dans la tête, dans la poitrine, dans les hypccondres. Il uri-
nait avec beaucoup de difficulté, éprouvait des picotemens
dans l'urètre, et tout cela de])uis que sa blennorrhagie avait
été 7nal guérie. Cet homme était triste et morose, et de-
mandait instamment l'emploi de moyens violens qui le dé-
barrassassent de maux insupportables. Cependant l'examen
le plus attentif ne démontrait la souffrance d'aucun organe,
le canal de l'urètre était libre, le malade urinait sans diffl-
culté, bien qu'il prétendît le contraire; enfin, il était aisé de
voir que s'il souifrait, il exagérait sini;ulièremenl ses souf-
frances. Plusieurs moyens avaient déjà été employés inuti-
lement, il avait été même soumis à l'emploi des mercuriaux
à l'intérieur, et il portait encore dans l'hypocondre du côté
droit des traces d'un large vésicatoire.
jM. Cnllerier résolut, autant pour calmer l'imagination
du malade que pour faire une révulsion salutaire si quelque
organe était affecté, de faire reparaître la blennorrhagie, et
à cet effet, après avoir recueilli sur une sonde du pus blen-
norrhagique pris dans l'urètre du malade voisin, il l'inocula
en maintenant cette sonde dans le canal pendant quelques
heures. Trois jour après, l'urètre était enflammé, et bien-
tôt un écoulement abondant se manifesta. Le malade assura
aussitôt être débarrassé de toutes ses douleurs. Devait-on
croire à la vérité de cette assertion, ou expliquer cette pré-
tendue amélioration par l'effet produit sur son imagination?
c'est ce que nous ne chercherons pas à décider. Ce qu'il y a
de certain, c'est qu'après trois semaines de repos et d'un
régime léger, la blennorrhagie cessa de couler, et le malade
sortit de l'hôpital, assurant être bien guéri.
Le même moyen a été tenté chez un jeune homme qui est
encore dans les salles, et qui se trouvait à peu près dans le
même cas. Ce malade, qui est évidemment hypocondriaque,
dérlara également être fort soulagé lors de l'apparition de la
nouvelle blennorrhagie; mais cette inoculation a eu des ef-
fets beaucoup plus violens que dans l'observation précé-
XOM. VI. — N" d'avril. 1 I
(l62)
dénie; il y cat, comme on dit, cliaudepisxc cordée, el il jalliit
appliquer des sangsues pour combattre la douleur, qui était
extrême. Aujourd'hui le tond de !a gorge participe à l'in-
flammation : c'est évidemment l'angine hlcnnorrhagiquc
qu'ont signalée certains auteurs. Le malade, en proie à ses
nouvelles souffrances, a oublié les anciennes; mais il est à
craindre qu'on ait seulement ajouté une autre maladie à
celle qui existait déjà.
On ne saurait décider si les coliques qu'éprouvaient ces
deux malades étaient dues à nne névrose ou à quelque in-
flammation chronique de l'intestin, car, dans l'un et l'autre
cas, l'inoculation du pus blcnnorrhagique aurait pu avoir
une salutaire influence en calmant l'imagination des mala-
des, ou en déterminant une abondante sécrétion morbide.
Nous croyons toutefois que ce moyen doit être réservé pour
un très-petit nombre de cas, et qu'il ne doit être employé
qu'avec la plus grande réserve, et en quelque sorte en dés-
espoir de cause.
ART. 1022.
Nouvelles expériences constatant l'efficacité de l'Iiydrale de per-
oxide de fer comme antidote de l'arsenic.
Nous avons parléailleurs (i) de la découverte de M. Bunsen,
qui paraît avoir trouvé dans l'hydrate de peroxide d»; fer un
antidote de l'arsenic. |Les précieuses qualités de cette sub-
stance semblent se confirmer chaque jour, et les expériences
que l'on a tentées en France ont presque toujours été en sa
faveur. Voici l'extrait d'un Mémoire lu à l'Académie royale
de médecine, 'le 5 mars dernier, par M. Bouley jeune, et qui
nous offre des résultats positifs sur l'action de ce médica-
ment.
C'est sur des chevaux que M. lioidey a fait ses expériences.
En opérant sur ces animaux, il a trouvé le grand avantage
de n'rtre pas obligé de leur lier l'œsophage, conuiie on le
pratique chez les chiens, puisque la conformation de leur
estomac rend le vomissement impossible. Les premières ex-
périences ont été dirigées dans le but de reconnaître si le
peroxide de fer hyilraté était un contre-poison de l'arséniate de
polnxsc. On administra d'abord à un cheval de moyenne
taille deux onces d'arséiiiate de potasse, puis une livre et de-
(i) V.iy. ml. y5!), qGj, i-i (^68.
(.65)
tnie d'hydrate de peroxide de fer étendu dan? environ Ijuit
litres d'eau. L'animal resta abattu d'abord, puis bientôt
reprit sa gaîté et son appétit; mais le lendemain il devint
triste, refusa toute espèce de nourriture, et, après avoir eu
des coliques et de la diarrhée, mourut le troisième jour.
On trouva à Tautopsie les mêmes désordres que ceux indi-
qués à notre art. 967.
La même expérience, répétée plusieurs fois avec le sul-
fate de fer, donna le même résultat; il sembla même que
cette substance favorisait l'action nuisible de l'arséniate de
potasse. Enfin on essaya des doses plus fortes ou plus fai-
bles de l'antidote, et l'on n'eut pas plus de succès.
M. liouicy cessa alors ses expériences avec l'arséniate de
potasse, et s'occupa de constate)- les effets du peroxide de fer
sur l'arsenic (acide arsénieux). Il fillut d'abord reconnaître
quelle dose d'arsenic était nécessaire pour déterminer- la
mort d'un cheval. Il commença par donner quatre gros du
poison, une once, puis une once et demie sans déterminer de
graves accidens; mais, à la dose de deux onces, l'arsenic dé-
termina constamment ia mort.
En conséquence, deux onces d'acide arsénieux furent ad-
ministrées à un cheval de neuf ans, et immédiatement après
on lui fit avaler quatre livres d'hydrate de peroxide de fer
ptendu dans environ huit litres d'eau. L'animal n'en fut au-
cunement incommodé. Au bout de huit jours, on le fit abat-
tre; on trouva les intestins et le cœur sains; il y avait seule-
ment dans l'estomac deux légères ulcérations.
Chez un autre cheval qui n'avait pas ressenti davantage
les ellets toxiques de l'arsenic, bien que deux onces de ce
poison eussent été ingérées, on ne trouva, après l'avoir
abattu, qu'une légère inflammation de la partie inférieure de
l'intestin grêle. Enfin, dans un troisième cas, on reconnut
que l'estomac et les intestins étaient dans un état tout-à-fait
normal.
Dans tous ces cas on avait donné l'hydrate de peroxide de
fer immédiatement après l'ingestion du poison. M. Bouley
voulut reconnaître par de nouvelles expériences jusqu'à
quelle époque de l'empoisonnement on pouvait administrer
l'antidote avec chances de succès. Deux onces d'acide arsé-
nieux furent donc données à un cheval hors d'âge, et deux
heures après on administra le conlre-poison dans les propor-
tions indiquées ci-dessus. Au bout de huit jours, l'animal
n'ayant donné aucun signe d'empoisonneuicnt, fut abattu, et
l'on trouva seulement de légères érosions à l'estomac et
quelques rougeurs dans les intestins et dans le cœur.
(i64)
Sur un autre cheval, Tantidote fut donné quatre heures
après l'ingestion du poison. Le neuvième jour, le cheval fut
abattu, et l'on trouva à peu près les mlimes lisions. Enfin
sur un troisième cheval, l'hydrate de peroxide de fer fui ad-
ministré vingt-cinq heures après l'ingestion de l'arsenic, et au
moment où les premiers symptônies de l'cmpoisonncniont
se manifestaient. L'animal a succombé au bout de vingt-
quatre heures, et a montré à l'autopsie tous les signes ordi-
naires de l'empoisonnement.
M. Bouley voulut s'assurer en outre si, comme l'avait
avancé M. Bunsen, l'hydrate de peroxide de fer agissait en
se combinant avec l'acide arsénieux et en formant ainsi un
arsénite de fer. Il remit donc à M. Lassaigne les matières
contenues dans l'estomac et les intestins d'un cheval abattu
soixante-douze heures après l'inge<lion du poison et de l'an-
tidote, et ce chimiste n'a pu reconnaître aucune trace d'a-
cide arsénieux.
L»s précieux effets de l'hydrate de peroxide de fer sont
donc bien certainement démontrés. Il resterait à préciser
à quelle dose cet antidote doit Titre administré. M. Bunsen
avait fixé la quantité de deux à quatre gros pour huit à dix
grains d'arsenic. Il n'est guère possible de donner des pré-
ceptes positifs à cet égard; mais il suffit d'avancer que l'anti-
dote étant une substance innocente par elle-même, on doit
l'administrer en quantité bien plus grande que le poison.
M. Bouley a terminé son Mémoire par les conclusions
suivantes, qui résultent des nombreuses expériences aux-
quelles il s'est livré :
1° L'empoisonnement par l'arséniatc de potasse ne peut
Être combattu fructueusement au moyen de l'hydrate de per-
oxide de fer.
2° Le sulfate de fer employé dans le même but ne produit
non plus aucun clTet avantageux.
3° L'acide arsénieux ne détermine r(.'mpoisonnement chez
le cheval qu'à la dose de deux onces environ, et, dans cette
circonstance, la mort survient conslamment du deuxième au
troisième jour.
4° Le peroxide de fer hydraté paraît vive, comme l'a an-
noncé M. Bunsen, le contre-poison de l'arsenic; mais ce
moyen ne réussit que dans le cas seulement où il est em-
ployé à une dose beaurouj» plus élevée que celle du poison.
5" Lorsque cet anlidole e.sl donné en même temps <|uc
l'acide arsénieux, preS(|ue toujours il en annulle complcle-
mcni les effets.
G" L'hydrate de pero.xidc de fer produit encore des résul-
r.65)
tats favorables, administré même quatre heures après l'in-
gestion du poison.
7° Enfin son action est nulle et il n'empêche pas l'animal
de succomber quand on l'emploie long-temps après l'empoi-
sonnement.
ART, 1023.
Considérations sur un cas de suspicion d'infanticide.
Le dernier numéro des Annales d'hygiène et de médecine té-
gale contient une observation sur laquelle nous devons ap-
peler l'attention de nos lecteurs.
Deux médecins lurent requis par un commissaire de po-
lice, pour rechercher la cause de la mort d'un nouveau-né.
C'était, suivant le rapport, une petite fille née à terme, bien
constituée; sa longueur était de dix-huit pouces, son poids
de cinq livres cinq onces. Le cordon ombilical avait été
coupé à deux lignes de son insertion à l'abdomen.
La tête était déformée : elle présentait un gonflement li-
vide à la tempe gauche, et l'on suivait sur tout ce côté, au
travers des tégumens, le bord des os fracassés. Les désordres
étaient moindres du côté opposé, quoiqu'il fût aisé de les
constater. On trouva, en effet, après avoir enlevé les tégu-
mens, d'abord un épanchement de sang considérable, puis le
périoste décollé, le pariétal droit divisé en quatre fragmens.
Le pariétal gauche était également fracturé. Les os étant
enlevés, le cerveau parut affaissé. Les vaisseaux de la dure-
mère et de l'arachnoïde étaient fortement gorgés de sang
noir. Vers le quatrième ventricule il y avait un épanchement
sanguin très-considérable. A la base du crâne, les fosses oc-
cipitales postérieures étaient remplies de sang noir un peu
fluide.
Mais une autre lésion sur laquelle les médecins ont dfi fixer
toute leur attention, était la suivante : on observait au cou
une empreinte rouge circulaire, offrant deux sillons paral-
lèles qui s'étendaient jusqu'à la nuque, et avaient la largeur
d'une ligne et demie. Entre ces deux sillons la peau con-
servait sa couleur naturelle, et cet espace était à peu près
de la largeur d'une demi-ligne. Quelques ecchymoses se
trouvaient sur le trajet de cette empreinte.
L'un des médecins, M. le docteur (iuichard, pensa que la
strangulation n'avait pas été opérée à l'aide du cordon ombi-
lical, puisque l'empreinte circulaire ne pouvait se rapporter
au volume du cordon, et <pie, d'ailleur«, il n'y avait pas de
(,66)
signe de morl par apoplexie. Deux autres tnédccins ayant
déclaré qu'il n'était pas impossible que le cordou eût produit
la strangulation, MM. Marc et Capuron lurent appelés à
donner leur avis sur cette affaire délicate. Voici les conclu-
sions de ces deux médecins sur ce point :
« Il est difficile de concevoir comment l'tinfant serait
mort par strangulation, et surtout au moyen du cordon om-
bilical; d'abord parce que l'empreinte circulaire ne répond
point au volume ordinaire du cordon; ensuite parce que
l'empreinte offre des raies séparées par un inlcrvalle de
même couleur que la peau, ce qui est inexplicable dans le
système de strangulation par le cordon. Admettant même
que le cordon ait lait deux fois le tour du cou, et que les deux
circulaires eussent été juxtaposées, on n'expliquerait pas en-
core le peu d'intervalle qui sépare les deux raies.
» En supposant que l'enfant eût été étranglé par le cordon
ombilical, nous ne pourrions pas mieux concevoir comment
la respiration et la vie extra-utérine auraient pu s'établir, à
moins que l'enfant eût respiré avant la strangulation (i), et
dans ce cas, les voies de la respiration auraient offert quel-
ques signes de ce genre de mort. »
Ces deux médecins concluaient d'ailleurs que les lésions
du cerveau étaient bien suffisantes pour expliquer la mort.
S'élant transportés près de la demoiselle inculpée d'infan-
ticide, ils reconnurent que le bassin avait une largeur plus
qu'ordinaire à l'extérieur, et qu'à l'intérieur il était d'une
forme et d'une largeur normales.
Le placenta ayant été extrait de la fosse d'aisance, dans
laquelle il avait été jeté, offrait un cordon ombilical de trente-
deux pouces de long.
La mère raconta qu'elle était accouchée seule dans sa
chambre, et que l'enfant étant tombé par terre, elle l'avait
ramassé, ets'étaittransportée jusqu'à la porte pour demander
des ciseaux à sa jeune sœur; qu'ensuite elle avait refermé la
porte, et étant retournée près de son lit, elle avait perdu con-
naissance, et l'enfant était tombé de nouveau. Ayant repris
ses sens, elle avait coupé le cordon ombilical, mais l'enfant
n'existait déjà plus.
Sur le rapport des médecins, les poursuites furent inter-
rompues.
hé flexions. Ce cas peut donner matière à des considé-
(i) L'autopsie avait dcmonlir di; la inaiii(;r« la plus évitl(!nfe que
l'i/nlant avaii n'apirc.
(i67)
ralion> pratiques fort importantes. C'est, suivant M. Marc, un
(les plus obscurs qu'où puisse rencontrer, et cet habile mé-
decin ne paraît pas éloigné de croire que le cordon ombilical,
qui était d'une très-grande longueur, ait pu faire deux fois
le tour du cou, et imprimer ces deux lignes circulaires sé-
parées par un espace non altéré. Quant aux lésions graves
rencontrées à la tête, elles lui semblent être le résultat de la
chute, lorsque la mère, au moment de tomber en syncope,
et prise peut-être d'un mouvement convulsif, aura jeté avec
violence, de ses bras, l'enfant qu'elle y tenait.
Cette explication était la plus favorable à l'accusée, et les
experts n'ayant pas, dans cette affaire délicate, de preuves
évidentes du contraire, devaient conclure ainsi qu'ils l'ont
fait, et engager par leur déclaration le ministère public à ces-
ser toute poursuite; mais en raisonnant dans le seul intérêt
de la science, et donnant aux faits leur interprétation la plus
naturelle, ne doit-on pas rester convaincu que cette fille,
voulant se débarrasser de son enfimt, aura cherché, à l'aide
d'une corde passée deux fois autour du col, à déterminer la
mort par strangulation, et que, n'y parvenant pas assez vite,
elle aura abandonné ce moyen pour briser les os du crâne,
soit en frappant sur la tête avec un corps contondant, soit
plutôt en frappant la tête elle-même sur le carreau ?
Cette explication, tout horrible qu'elle est, a dû se pré-
senter la première à l'esprit des médecins appelés pour exa-
miner le petit cadavre. Bien que plusieurs d'entre eux, en
eflet, se fussent livrés d'une manière spéciale à la pratique
des accouchemens, aucun n'avait encore vu le cordon om-
bilical imprimer ainsi autour du cou de l'enfant un double
sillon circulaire, séparé par un petit intervalle de peau saine.
Pour notre part nous n'avons rien vu de semblable, bien
que nous ayons rencontré un grand nombre de fois le cordon
formant un collier simple ou double, autour du cou d'un en-
fant presque asphyxié ; et si l'on admet que des ecchymoses
peuvent être produites par le cordon ombilical, l'explication
n'en sera pas plus claire; car, dans ce cas, le double sillon
tracé eût dfi présenter une bien plus grande largeur.
Si le raisonnement et l'expérience devaient faire rejeter
le moyen invoqué en faveur de l'accusée, pour rendre raison
des ecchymoses du cou, il était bien plus difficile encore
d'admettre que les désordres de la tête provinssent de la
chute indiquée.
En eftet, la femme était de petite stature: la distance de sa
poitrine au sol était de trois pieds un pouce; et cependant,
malgré la mobilité, la flexibilité des os à cet âge, malgré la
(,6R)
difficulté qu'on éprouve à opérer leur fracture, le pariétal
droit était fracture, en éclat ; cet os était réduit en quatre frau.-
vicns mobiles; le pariétal s;aiichc était également fracturé dans
deux sens différens, et le périoste était détaché de la surface des
deux os pariétaux.
Nous ne pensons pas que de pareils désordres aient jaDiais
été produits par une chute do trois pieds de hauteur seulement
d'un enfant nouveau -né, et notre opinion sera encore appuyée
par les curieuses recherches faites en Allemagne, sur cesujet,
et insérées à notre article 285. lin voilà assez pour justifier le
soupçon d'un crime, mais ces considérations ne sont sans
doute pas suffisantes pour motiver la condamnation de l'ac-
cusée, car toutes ces questions sur l'infanticide sont bien loin
d'être décidées, et, nous le répétons, c'est uniquement dans
l'intérêt de la science et sans vouloir hlâmer les conclusions
des experts, que nous sommes entré dans ces détails.
Déjà, plus d'une fois, nous avons eu occasion de revenir
sur ce sujet épineux, et nous ne saurions mieux faire pour
éclaircir ce point important de médecine légale, que de
prier ceux de nos confrères qui possèdent quelques faits, soit
de fracture des os du crâne du fœtus, soit d'ecchymoses dé-
terminée'^ par la pression du cordon ombilical, de vouloir
bien nous en faire part, afin que les réunissant et les com-
parant, comme nous l'avons fait pour quelques autres points
de médecine pratique, nous puissions en tirer quelques cou-
clusions utiles à la science.
AKT. 1024>
Formulaire pour la préparation et l'emploi de plusieurs nouveaux
médicamcns, tels que la morphine, ta codéine, l'acide prussi-
quc, la strychnine, etc., par F. Magendie. (Analyse.)
M. Magendie vient de publier une huitième édition de son
Fonnulaire. Cet ouvrage, dans lequel sont examinées plu-
sieurs substances nouvellemcut introduites dans la théra-
peutique, telles que la codéine, l'éther prussique, la nar-
céine, etc., forme aujourd'hui un recueil complet contenant
l'histoire, la préparation et le mode d'administration de la
plupart des médicamens qui ont une action puissante sous
un petit volume. Le danger qin" accompagne toujours l'em-
ploi de ces médicamens ()l)lige le< praticiens à connaître leur
dose d'une manière précise, et explique facilement le succès
obtenu par ce Fornnilain;, qui d'ailleurs diffère de tous les
autres sous plus d'un rupptni.ISous allons donucr une courte
(»69)
analyse de quelques-uns des articles contenus dans ce vo-
lume.
Noi.v vomiqne. On sait que l'extrait de noix vomique a été
conseillé dans toutes los maladies avec affaiblissement, soit
locales, soit génî'rales, les paralysies de tout genre, générales
ou partielles. Ainsi on a cité des guérisons d'amaurose, d'af-
faiblissemeiis des organes génitaux, de paralysie des mem-
bres supérieurs et inférieurs, de l'intestin rectum, du col de
la vessie, etc. On sait aussi que les effets de la noix vomique
sont de déterminer dans les membres paralysés de fortes se-
cousses, à la suite desquelles le mouvement se rétablit.
Il faut l'employer à une époque éloignée de l'apoplexie,
de peur de renouveler les accidens. Voici le mode d'adminis-
tration de cette substance :
La forme préférable pour donner l'extrait alcoolique de
noix vomique est celle de pilules, si l'on veut obtenir des
secousses tétaniques. Chaque pilule doit être d'u:i grain d'ex-
trait. On commence par une ou deux, on augmente chaque
jour jusqu'à ce qu'on arrive à l'effet désiré ; alors on s'arrête,
pour éviter les arcideus. Le soir est l'ioslantle plus oppor-
tun pour administrer ce remède. On a quelquefois porté la
do?e jusqu'à trente à trente -six grains par jour; mais le
plus souvent quatre à six grains suffisent. Quand il s'agit de
produire des effets lents, on donne un demi-grain à un grain
par jour. On peut aussi se servir de la solution alcoolique
suivante :
Alcool à trente-six degrés, une once;
Extrait sec de noix vomique, quatre grains.
Celte teinture s'administre par gouttes dans des potions
ou des boissons. On peut aussi l'employer en frictions sur les
parties paralysées ou atrophiées. M. Magendie assure retirer
de grands avantages de ce mode d'administration, et à cet
effet il emploie la formule suivante :
Alcool de noix vomique, une once;
Ammoniaque concentré, deux gros.
Codéine. La codéine est un alcali qu'on retire de l'opium,
et qui jouit à peu près des mêmes propriétés que la mor-
phine. Celte substance a même réussi à produire du soula-
gement et du sommeil dans des cas où cette dernière avait
complète.nieiit échoué. Un seul grain, administré une ou
deux fois, suffit pour produire un sommeil profond, qui
n'est point suivi de somnolence et de pesanteur de tête,
comme on l'observe pour la morphine. M. Magendie l'ad-
(t7ô)
minislre, à la dose d'un, deux ou trois grains, dans un julep
ou un look gommeux ; elle peut être donnée en pilules d'un
grain. Le nitrate ou l'hydrochlorate de codéine sont prescrits
à des doses moins élevées.
Chlorure de chaux. On connaît le mode de préparation et
les nombreux usages des chlorures. La propriété désinfec-
tante dont ils jouissent les a fait préconiser dans une foule
de circonstances (i), telles que la pourriture d'hôpital, les ul-
cères, les brûlures, etc. Cette substance convient en outre
parfaitement dans certaines affections de la bouche, telles
que le ramollissement des gencives, les ulcères de la langue;
elle est surtout utile pour obtenir la désinfection de l'ha-
leine. M. Magendie réunit quelques-unes des formules con-
seillées à cet effet. Voici celle indiquée par M. Chevalier :
Chlorure de chaux sec, trois gros;
Eau distillée, deux onces;
Alcool à trente-six degrés, deux onces.
On divise le chlorure dans un mortier de verre avec un
pilon de même matière. Quand le chlorure est bien divisé,
on ajoute une partie de l'eau distillée, on laisse reposer, ou
décante la liqueur qui s'est éclaircie, on ajoute une nouvelle
quantité d'eau au résidu, on triture, on laisse reposer une
deuxième fois, et on répète une troisième fois le lavage, en
st servant des dernières portions de l'eau distillée; on dé-
cante, et on réunit des li(|ucurs décantées ; on les filtre, puis
on y mêle la quantité indiquée d'alcool, et on y ajoute quel-
ques gouttes d'une huibi essentielle.
On met une demi-cuillerée à café de ce mélange dans un
verre d'eaii, et on lave les gencives en se servant d'une
brosse à éponge. Cette préparation peut être employée pour
détruire l'odeur de la fumée du tabac.
On peut aussi employer dans le même but des pastilles
ainsi composées :
ChlorQre de chaux, sept gros ;
Sucre vanillé, trois gros;
Gomme arabique, cinq gros-
Faites dès pastilles de quinze à dix-huit grains. Deux où
trois de ces pastilles ôtCnt à l'haleine l'odeur désagi-éable.
(i) Voy. :iii. I, 5i, j8r), i^2, 23ç), 282, 7)2~>, 4')o, 466, 4"^, 619, Cijy
G55, 820, 842.
(I70
Le docteur Angelot, médecin à Briançon, a employé en
lotion la solution suivante pour combattre une ulcéfatioû
des gencives, très-fréquente chez les soldats :
Chlorure de chaux, seize à trente grains ;
Solution de gomme, une once ;
Sirop d'écorce d'orauge, quatre gros.
Huile de croion. M. Magendie fait un fréquent usage de
l'huile de croton. Les effets purgatifs de celte substance sont
trop connus pour que nous nous arrêtions à indiquer les cas
dans lesquels on peut l'admiuistrer ; nous dirons seulement
quel est le mode d'emploi le plus fréquent. On donne ordi-
nairement uue, deux OQ trois gouttes au plus d'huile de cro-
ton dans Une demi-once de sirop de gomme; on s'en sert
asssi en friciions autour de l'ombilic ; trois ou quatre gouttes
déterminent un effet purgatif, et en même temps une légère
éruption.
L'administration thérapeutique de l'huile de croion pré-
sentant desinconvéniens sous le rapport de l'exacte détermi-
nation des gouttes, M. Caventou eu a préparé un savon ù
base de soude, qui a été employé avec succès par le docteur
Bally.
Ce savon se prépare à froid, en triturant deux parties
d'huile et une partie de lessive dite des savonniers. Lorsque
la combinaison a acquis de la consistance, on la coule dans
des moules de carton, et au bout de quelques jours on en-
lève le savor^par tranches, que l'on conserve dans un flacon
ù large embouchure et bien bouché.
M. le docteur Bally a donné le savon d'huile de croion a
la dose de deux à troi» grains divisés dans un peu d'eau ou
dans du sucre, ou en pilules. L'effet purgatif est le même
que celui de l'huile de croton.
ART. 1025.
HOPITAL DES VÉNÉRIENS.
Considérations pratiques sur la syphilis constHutiohnelte et les
symptômes par lesquels elle se manifeste : symptômes successifs
ou secondaires et consécutifs. Revue des affections consécutives
que l'on observe dans ce moment dans les salles des Vénériens.
L'existence d'un virus syphilitique a été, comme chacun
sait, mise en doute dans ces dernières années, et on a cher-
ché à expliquer de difféjscutes manières, et sans le secours de
( »7^)
cet agent, les symptômes qui se développent tardivement
dans la plupart de nos tissus. M. Cullerier croit à l'existence
d'un virus comme cause de propagation de la maladie, mais
il rejette les théories admises par les auteurs sur cette cause
première des maux vénériens. Ainsi ce chirurgien ne croit
pas qu'il soit tantôt bejiin et tantôt malin, mais il expli(|uc les
ravages plus ou moins grands qu'il produit par la disposition
dans laquelle se trouvent les individus afîectés. Il n'admet
point que le mercure soit son spécifique, puisqu'une foule
d'autres moyens font cesser les effets de la syphilis, et,quesou-
ventau contraire ce métal reste tout-à-fait sans action con-
tre eux. Enfin il est porté à adopter l'opinion de ceux qui
pensent que le développement d'accidens consécutifs est dû
non au long séjour du virus dans l'économie oô il sommeille
pour ainsi dire pendant plusieurs années, mais à une sorte
d'habitude qui fait que des tissus une fois affectés tendent à
le devenir ime seconde fois, et que l'irritation ainsi reproduite
se propage toujours plus profondément d'un organe à un
autre.
Quelque théorie qu'on se forme du virus syphilitique, il est
des vérités qu'on ne peut nier, parce qu'elles sont l'expression
de faits nombreux que chacun a pu observer. C'est ainsi
qu'on s'est accordé pour diviser les symptômes syphilitiques
en primitifs et en consécutifs,c'est-à-dire enjsymptômes sur-
venus peu detempsaprèsl'infeclion, et en symptômes surve-
nant un temps plus ou moins long après la disparition de
ceux-ci.
Mais nul n'a précisé le temps nécessaire qui a dû s'écou-
ler pour que les accidens fussent rangés dans Tune ou l'au-
tre classe. Dans la stricte acception du mot, le chancre serait
le seul symptôme primitif, car il est le seul résultat d'une
infection directe, le bubon n'est déjà plus que secondaire.
La blennorrhagie, si on l'admet comme symptôme de syphi-
lis, serait dans la'uiênie classe que l'ulcère syphililique, mais
l'orchile ne serait déjà plus que secondaire.
Ce n'est point l'acception le plus généralement donnée à ce
mol, et l'on ne considère comme consécutifs que les symptô-
mes qui dénotent une affection ancienne ; ainsi la blennorrha-
gie, l'orchite, l'ulcère, le bubon, sont rangés dans la classe
des symptômes primitifs ; ceux qui surviendront après une
guérison a[)parentc, tels que les chancres de la gorge, les exos-
toses, la carie , etc. , seront considérés comme consécutifs.
Mais il est une sorte de syniplônn; mixte, qui établit un pas-
sage de l'accident primitif à l'accident consécutif, c'est celui
que M. Cullerier a désigné sous le. nom de successif ou se-
condaire. Aînsi prenons pour exemple lespustules muqueu-
ses qui succèdent h une hicnnorrhagie ; on les voit souvent
garnir en quoique sorte la vulve et l'nnus, se montrer avec
leurs caractères indiqués ù notre art. 864 dans la bouche, 'es
oreilles, sous les aisselles, au cou; puis dans les parties envi-
ronnantes se développent des boutons qui déjà revêtent l'as-
pect de la sjpbilide. et sur le reste du corps enfin une vérita-
ble éruption pustuleuse ou papuleuse et qui annonce que l'in-
fection est devenue générale.
L'observateur peut donc remarquer une succession de
symptômes : blennorrhagie d'abord, éminemment conta-
gieuse et survenue peu de tempsaprès un coïl impur; pus-
tules muqueusesqui déjà ne sont plus contagieuses, mais qui
guérissent à peu près aussi rapidement que les symptômes
primitifs; enfin syphilide générale non contagieuse, de dilïî-
cile guérison, et souvent suivie d'accidens plus graves en-
core.
Il en est de même de l'ulcère du gland : survenu peu de
temps après un coït impur, il peut être suivi d'un bubon,
d'une syphilide légère, et enfin d'un ulcère de la gorge.
Dans ces deux cas, la blennorrhagie, le chancre et le bu-
bon sont les accidens primitifs, les pustules muqueuses et
la syphilide sont lessymptômes secondairesou successifs; en-
fin l'ulcère de la gorge et les autres accidens sont consécu-
tifs, et annoncent une affection beaucoup plus grave.
D'autres fois, et c'est le plus souvent peut être les symptômes
consécutifs se manifestent au bout d'un temps assez long,
sans apparition de celte espèce mixte qu'on désigne sous le
nom de secondaire; mais il esta remarquer qu'alors ils sont
beaucoup plus graves et qu'il est fort difficile même d'en
débarrasser complèlemenl l'économie.
Les symptômes successifs sont assez communs chez les
malades qui ont négligé leur affection primitive, et chez
quelques-uns de ceux qui ont suivi le traitement simple, sans
mercure; mais les symptômes consécutifs, dénotant une sy-
philis constitutionnelle, s'observent presque constamment
chez les sujets qui ont fait usage de prépirations mercurielles.
Il est même certains symptômes qui ne s'observent jamais ou
presque jamais que lorsque les malades ont pris du mercure :
telles sont les douleurs ostéocopes, la carie des os, et surtout
l'exostose. Il est des médecins qui ont attribué cette dernière
affeclionuniquement;'i l'usage (le ce métal; sans partager en-
tièrement cette opinion, M. Culleriercroit cependant que le
mercure n'est pas étranger au déveli)ppcment de ce sym-
ptôme, car il n'a jamais rencontré qu'un seul individu atteint
(»74)
d'exostose, qui n'eût pa» pris, à une époque plus ou moins
éloignée, une préparation mercuriellc quelconque; encore les
rapports de ce malade n'étaient-ils pas tellement précis,
qu'on ne pût conserver quelque doute à ce sujet. Mais comme,
d'un autre côté, le mercure ne produit guère cet accident
quand il est administré contre une maladie autre que la sy-
philis, M. CuUerier serait porté à croire que le mercure a la
propriété d'exciter en quelque sorte le virus syphilitique de
manière à favoriser le développ&meat do l'ex'estose.
Mais ce symptôme consécutif n'est pas le seul sur la na-
ture duquel il s'élève des doutes : les ulcère du nez et du fond
de la gorge, comme nous en avons cité des exeiiiples (i),
les tubercules sous-cutanés, l'alopécie, le tremblement, en
un mot la plupart des accidens consécutifs ont été attribués
S')uvent, soit à la syphilis, soit aux remèdes employés, soit
enfin à des causes générales, tout-à-fait étrangères à la ma-
ladie qui nous occupe. De plus, il n'est pas toujours fiicile
de distinguer les symptômes primitifs, des symptômes con-
sécutifs; de déclarer, par exemple, si un bubon qui «e mani-
feste sans ulcérations bien marquées du gland est le résultat
d'une absorption directe ou d'une infection générale; si une
ulcération des lèvres annonce un contact direct du virus,
ou son introduction dans toute l'économie. On voit donc que
l'étude des symptômes syphilitiques censécutifs est encore
extrêmement obscure, et que les recherches auxquelles nous
allons nous livrer peuvent offrir un très-grand intérêt pour
la pratique ; mais avant de citer des faits particuliers, il est
nécessaire d'entrer dans quelques considératioBS générales
sur l'état, le nombre et la variété des affections consécutives,
que l'on rencontre dans les salles des Vénériens.
Noms avons eu occasion de dire ailleurs que les affections
consécutives étaient infiniment plus rares et en même temps
moins graves qu'elles ne l'étaient il y a un certain nombre
d'années. Ainsi, sur un total de deux cents malades dans l'hô-
pital, on en rencontre liabitucllernent tout au plus quinze ou
vingt qui offrent des symptômes syphilitiques eonsécnlifs (2)
(nous eu exceptons toutefois les pustules muqueuses, qui sont
excessivement communes chez les femmes).
Ce petit nondire surprendra sans doute ceux de nos confrères
qui sont encore persuadés qu'en n'administrant pas le mer-
(1) \ oy. art. 766.
(2) A la consultation, l(;s alFtïCtious conscculives sont ilans une pro-
portion l)ifn moindre encore.
(175)
cure, on ne fait que pallier les symptômes primitifs, puisque,
depuis près de dix ans, ce métal n'est réservé dans cet hôpi-
tal qu'à un certain nombre de cas rebelles, et que la plupart
des malades sortent aitrès avoir été soumis à un traitement
simple; mais ils auront encore bien plus sujet de s'étonner
quand ils sauront que la presque totalité de ces malades chei^
lesquels des récidives se déclarent, s'étaient souuîis à un trai-
tement mercuriel régulier, lors de l'apparition des symptô-
mes primitifs. Voici au reste le relevé des affections consé-
cutives qui se trouvaient dans le service de M. Cullerier, le
17 mars, salles des hommes.
xVu n" 6 de la seconde salle est un jeune homme qui a des
tubercules ulcérés sur plusieurs points du corps. Il y a trois
ans, il eut une blennorrhagie contre laquelle il ne fit aucun
traitement, puis il survint des chancres qui furent traités pen-
dant plusieurs mois par des préparations mcrcurielles. Un ah
après il eut un ulcère de la gorge, puis des tubercules.
N° 10. i'iccrations de la gorge. Il y a trois ans, cet homme
eut un chancre au gland qui fut cautérisé. Un bubon s'étant
développé, il pritdes pilules mercurielles pendant sept semai-
nes^ et fut entièrement guéri.
N°i 1. Exostose des deux tibias. Il y a six ans, cet homme
eut une blennorrhagie et des chancres pour lesquels il prit la
liqueur de Van-Swieten pendant vingt- cinq jours seulement.
Il était bien guéri en apparence, mais au bout de trois ans il
survint une éruption contre laquelle il prit un grand nombre
de pilules mcrcurielles. Enfin survint l'exostose de la jambe.
Presque toules les préparations mcrcurielles lui ont été ad-
ministrées.
N° i4- Rougeur à la gorge et quelques boutons sur le corps.
Sorti de l'hôpital, il y a quelques mois, après avoir subi un
traitement mercuriel incomplet pour quelques chancres du
gland.
N" 1 8. Vlccration du voile du palais. Il y a onze ans, ce ma-
lade contracta un écoulement et deux chancres; il se traita
d'abord chez lui, pansa les chancres avec l'onguent mercuriel
et but de la tisane de salsepareille; mais un bubon étant sur-
venu, il entra à l'Hôtel-DieUj'où il resia trois mois et demi.
Pendant ce temps il prit deux pilules de Dupuytren chaque
jour, et sortit presque guéri. Il paraît que lors de son entrée
à l'Hôtel-Dieu, la gorge était déjà malade.
N° 19. Sypiùlide pustuleuse et adénite sous-maxillaire. Ce
malade assure qu'il n'a jamais eu qu'im écoulement il y a
dix-huit mois. Ce n'était, dit-il, qu'un échauffement qui
dura six semaines et qu'il coupa avec du copahu après avoir
pris pendant ce temps de la liqueur de Van-Swielen et des
pilules mercurielles,
IN" 4 ï • Ulcération de la face dorsale du pied et tnhcrcules, que
l'on suppose de îiafure syphilitique. Il y a trois ans, ce malade
a eu des chancres qui ont été brûlés plusieurs fois, et pour
lesquels il a pris une trentaine de pilules mercurielles.
N° 42- Tubercules de la face. Ancien militaire. Il y a quinze
ans aeu une blennorrhagie, est entré à l'hùpilal et a pris de la
liqueur de Van-SAvieten et du sirop pendant quarante à qua-
rante-cinq jours. Six à sept ans apiès, ^ans qu'il ait con-
tracté, assure-t-il, d'autre alTeclion, est survenue une exos-
tose à la jambe droite. Rentré à l'hôpital, il y est resté trois
mois, a fait deux traitcmens par la liqueur et le sirop, et est
sorti guéri : les tubercules de la fiice datent de deux ans.
N°5i. Exostose du sternum. En 1829,"^ étant militaire, il
eut une blennorrhagie et des chancres. Il prit, dit-il, quatre
boîtes de pilules napolitaines, soixante doses de liqueurs,
sept frictions, quatre-vingt-dix pots de tisane sudorifique,
etc.
N* 6. Petite saWe. Syphillde pustuleuse. Il y a six mois, chan-
cres à la verge, traitement complet par la liqueur de \an-
SAvieten et les applications mercurielles.
N. 7. SypfiUidc tuberculeuse. En 1828, chancres et bubons.
Deux mois et huit jours à CPt hôpital. Il prit vingt-cinq do-
ses de liqueurde A an-SAvietcn seulonient (treize grains de su-
blimé), et sortit guéri. Il y a neuf à dix mois, des tubercules
se sont montrés sur plusieurs points du corps.
N° 4- lîifirmerie. Sypldlidc squammeuse. Au mois d'août
dernier, chancres du gland qu'il traita par les applications
d'onguent mercuriel et d'une poudre blanche. Les ulcères
avaient complètement disparu au bout de quinze jours. Deux
mois après, ulcération delà gorge, quarante pa(|uelsd(; mn-
riate d'or; éruption de la syphilide ;'i peu près à la même
époque,
N" 5, Ulcirc de la langue. Cet homme assure n'avoir ja-
mais eu d'autre syn)ptôine syphilitique qm; de*- végétations
au gland il y a dix-huit ans. Il était alors militaire. Il prit,
dit-il, trois bouteilles de liqueur de Van-SA\ ieten et fui com-
plètement débarrassé. L'iib-ère de la langue s'est manifesté
il y a quatre mois seulement.
N" 5 2. Exostoscs de la téic cl des tibias. Il y a trente ans,
blennorrhagie et chaïu.res pour lesqtuds il subit un traite-
ment complet pendant quarante-deux jours. Trois trailemen.s
semblables ont été faits avec exactitude p.mr ime ;>yi)])ilide,
des ulcères et des exostoscs.
( «77)
N* i6. Vastes ulcérations de la face avec destruction du nez et
des paupières. Cet homme a eu un grand nombre d'aflections
syphililiques pour lesquelles il a subi divers traitemens mer-
curiels, mais il paraîtrait que ces traitemens n'ont pas tous été
complets, et qu'étant militaire, il en a négligé quelques-uns.
IS" 17. Nca-ose du tibia et des os du nez. Il y a huit ans,
chancres à la verge et bubons, tisane et liqueur de Van-Swie-
ten à plusieurs reprises. Quelque temps après, ulcérations
de la gorge, traitement complet par les frictions.
Les symptômes consécutifs de syphilis, sur un total de
cent hommes environ, s'élèvent dans ce moment à seize. Sur
un pareil nombre de femmes à peu près, ou n'en compte pas
plus de cinq ou six; mais les renseignemens qu'on obtient
chez ces dernières sont trop inexacts pour que nous cher-
chions à noter ainsi kurs antécédens.
Fidèle à notre habitude de ne juger la valeur des moyens
thérapeutiques que par des faits nombreux soigneusement
recueillis, nous avons dressé cette petite table, afln que nos
lecteurs, transportés en quelque sorte dans les salles de
M. CuUerier, pussent juger sainement de la nature de la ma-
ladie et des effets des remèdes. Ils ont pu voir en effet que
ces affections consécutives étaient fort peu nombreuses eu
égard aux maladies primitives; qu'elles étaient peu graves
en général, car tous, à l'exception de trois ou quatre, sont
assurés d'une prochaine guérison; enfin que les antécédens,
chez ces divers malades, sont loin de plaider en faveur du
traitement mercuriel. Tous en effet ont été soumis à l'admi-
nistration du mercure; mais, il faut le dire, on doit remar-
quer que tous n'ont pas suivi un traitement général d'une
manière complète; cependant les n"' 10, ig, 42, 5i,
deuxième salle, 6, petite salle, et 5, 12, 18, infirmerie, ont
pris le mercure de la manière la plus complète. Nos ques-
tions réitérées n'ont pu les faire convenir d'un symptôme
syphilitique négligé, et cependant la récidive s'est opérée au
bout d'un temps plus ou moins long, et chez quelques-uns
d'une manière assez grave.
ÎSous devons à la vérité de dire que, de temps ù autre,
nous rencontrons quelques malades chez lesquels la récidive
s'est opérée après un traitement simple; mais ces cas sont
assez rares, comme on le voit, puisque sur seize malades
qui se trouvent en ce moment dans les salies, pas un seul ne
se trouve dans ce cas (1).
(i) Il est évident que nous ne pouvons langei dans la classe des nja-
TOM. YI. — N" d'avril. 12
( 178 )
Quoi qu'il en soit, et quelques objections que l'on fasse
contre le traitement simple, nous croyons qu'on ne saurait
mettre en doute les propositions suivantes, qui découlent de
l'observation exacte d'une masse de faits :
1° Quelque traitement que l'on ait employé pour combat-
tre les symptômes syphilitiques primitifs, qu'on ait adminis-
tré le mercure, ou qu'on se soit borné au régime et au trai-
tement local, on n'est jamais assuré d'avoir préservé le
malade de toute récidive.
a" Les récidives sont plus fréquentes quand on a fait usage
des préparations mercurielles.
5° Elles sont plus tardives, mais elles sont plus graves.
4' Enfin, quand un symptôme; consécutif s'est déclaré,
qu'on administre au malade des mercuriaux, ou qu'on se
borne à l'usage d'un traitemeut simple", il est excessivement
difficile de débarrasser entièrement l'économie de la maladie
dont elle est infectée, et de nouvelles rechutes sont infini-
ment probables.
Dans les faits particuliers que nous allons citer, nous au-
rons souvent occasion de fournir la preuve de ces assertions.
Pour procéder du simple au composé, nous commencerons
par l'étude des afléclions de la peau et du tissu cellulaire;
nous examinerons ensuite celles dont le siège est sur les nm-
queuses; enfin nous pénétrerons plus profondément, et nous
étudierons les maladies du périoste et des os. Nous termine-
rons par les symptômes que peuvent offrir les nourrices et
lesenfaus nouveau-nés, et par l'examen de quelques mala-
dies qui proviennent de l'abus du mercure, ou dont les rap-
porta avec la syphilis ne sont pas assez tranches pour qu'on
puisse les ranger dans la même catégorie (i).
r.
lades (iijuniis à un Ir.iitenitnt simple, les individus qui ont abandonn*^
leur» synilùnies sypliililicjues ;i eiix-niôines, ou qui ont employé poui'
les enlever quelque moyen violent, tels que la cautérisation avec la
icrrc infern;ile, li; tabac, ou d'auli(;s poudres iriitautes; nous ne vou-
ons parler ({ue de ceux chez les(|uels le Iraileuienl ratiouncl indiqué
dans le volume précédent a été suivi jusqu'à la disparition complète
des Kymplômes.
(i) M. Cullericr pense que le virus syphilitique peut porter son ac-
tion dans les cavités spluachniques, et sur le parenchyme <les organes
eux-m()u)es. Si des faits de te genre se présentent à notre observation,
nous terminerons notre travail par l'exposé de ces cas inléressans.
( ^79)
ART. 1026.
HOPITAL CLINIQUE DE LA FACULTÉ.
§ i^'. — Coiisideratiom pratiques sur l'astfnne piriodujue des
vieillards^ ses causes et son traitement.
Au n" 9 de la salle des femmes, a été couchée, vers le mi-
lieu du mois de mars, une malade âgée de cinquante-cinq ans,
sujette depuis plusieurs années à des accès d'étoufFemens qui
se montrant à des époques plus ou moins éloignées. C'est
pour cet asthme périodique qui s'était manifesté de nouveau,
qu'elle a été reçue à l'hôpital.
Eu examinant la poitrine, oa a reconnu que^la percussion
donnait uu son clair dans toute sa partie antérieure, et que la
respiration s'j entendait aisément. La partie postérieure don-
nait également un son clair, mais ou y entendait un cliquetis
particulier et du raie muqueux qui annonçaient l'emphysème
du poumon dans une certaine étendue, accompagné de bron-
chite légère.
Midgré ces signes stélhoscopiques, M. Rostan n'a considéré
ni l'une ni l'autre de ces lésions comuie causes de l'asthme
périodique. Il a supposé, au contraire, qu'il existait une af-
fection du cœur, et a eu recours, en conséquence, au repos,
à la diète, et aux évacuations sanguines qui ont prouiptemcnt
amélioré l'état de cette malade.
Ce professeur s'est beaucoup occupé de l'asthme pério-
dique et des causes qui y donnent lieu chez les vieillards : il
fut conduit à. taire ces recherches à la Salpêtrière, où ces sortes
de maladies étaient excessivement communes. Quand, en
effet, pendant l'hiver, le thermomètre descendait à quelques
degrés au-dessous de zéro, les salles se remplissaient de
vieilles femmes qui étaient en proie, par accès et surtout
pendant la nuit, à des étouffemens extrêmement pénibles.
Quelques symptômes de bronchites se manifestant eu même
temps, on disait que ces femmes étaient atteintes d'asthmes
ou de catarrhes pulmonaires.
Cependant un grand nombre d'entre elles succombaient, et,
l'autopsie en étant faite avec soin, on trouvait souvent l'aorte
offrant des plaques de concrétions dans une grande partie de
son étendue, le vonlricule gauche amplifié et épaissi, les
poumons engorgés, et la muqueuse de l'estomac et des in-
testins d'un gris ardoisé. Souvent aussi le thorax était eu
même temps dévié de manière à ne pas permettre le jeu du
poumon, ou cet organe lui-mOiue était ulteinl d'une phleg-
(i8o)
masie chroniqae. Enfin, dans tous les cas, il y avait une
cause qui entretenait la difficulté de la respiration.
Cet asthme'périodique, qu'on considérait à cette époque
comme primitif, sembla donc à M. Rostan le résultat de ces
diverses lésions, et les nombreuses autopsies cadavériques
qu'il a eu occasion de faire jusqu'à ce moment, l'ont encore
confirmé dans cette opinion. Suivant ce médecin, l'asthme
périodique des vieillards n'est donc point une affection ner-
veuse, et voici, indépendamment des lésions cadavériques
constamment rencontrées, les raisons sur lesquelles il s'ap-
puie pour soutenir sa proposition.
Le système nerveux n'est pas développé chez les vieillards.
Sur des milliers de malades, à peine en voit-on un seul qui ait
une affection de ce genre ; tandis que l'asthme périodique est
au contraire une maladie excessivement commune, puisque
sur un total de quatre à cinq cents malades, dès qu'il faisait
froid, on en rencontrait trois cents peut-être ainsi affectés.
L'ossification de l'aorte est une lésion, comme on sait,
extrêmement fréquente, et il s'en faut de beaucoup quêtons
les malades qui en sont atteints présentent des accès de suf-
focation; assurément cette ossification peut exister sans pro-
duire l'asthme, puisque, pendant les chaleurs de l'été, ces
malades n'en présentent plus les symptômes; mais de ce que
cette lésion ne détermine pas chez tous les mêmes effets, on
ne peut en conclure que ce n'est point elle qui, chez d'autres,
les produit; car, nous le répétons, on a toujours trouvé les
désordres indiqués à l'autopsie, et quand on ne les a pas trou-
vés, c'estque, suivant .M. llostan, on a mal cherché. Voici, du
reste, le mécanisme présumé de cette suffocation.
C'est dans l'hiver, et lorsque la température est basse, que
ces accès se manifestent. A cette époque, en effet, la circu-
lation capillaire des vieillards est suspendue; le sang, qui
était à la périphérie du corps, doit se porter au centre ; il s'en
trouvera donc une plus grande quantité dans le ventricule
gauche, et comme il existe déjà un obstacle à sa libre sor-
tie ce sang stagne dans le ventricule de ce côté, puis dans
l'oreillette, puis dans le poumon qu'on trouve en effet alors
comme splénisé. Le poumon ainsi gorgé de sang n'oflVe donc
plus une place suffisante à l'air, et les malades éprouvent une
telle gêne de cette privation d'air, qu'ils -sont comme en
proie à des convulsions.
Telle est l'explication que M. llostan donne à la produc-
tion de cet asthme périodique. La nature de cette maladie
ain-ii expliquée nous dispense d'entrer dans d'autres détails
surl« IraitemcQt.
(18.)
ART. 1027.
§ 2. — Considérations pratiques sur l'emploi du séton dans tes
■ affections chroniques de la poitrine.
Aux n" 14 et 17 de la salle des hommes, sont deux ma-
lades, sur la poitrine desquels on a placé un séton pour des
sj'mptômesassezprononcésdepneumoniechronique. M. Ros-
tan fait un fréquent usage du séton dans ce cas, et voici com-
ment il a été conduit ;; l'employer :
Un jeune médecin d'une assez bonne constitution vint le
trouver, il y a quelques années, se plaignant d'avoir une toux
opiniâtre, accompagnée d'amaigrissement. Il l'examina, et,
ne reconnaissant que l'existence d'une légère bronchite, se
borna à lui prescrire quelques soins hygiéniques. Au bout de
trois semaines, ce jeune homme se présenta de nouveau ù
son cabinet; il était pûle et abattu. L'auscultation ne dénota
que du râle muqueux. On prescrivit l'application d'un vési-
catoire.
Quelques mois après, ce malade revint encore; il était
pâle, languissant, et pouvait à peine se soutenir. Cette fois,
l'auscultation démontra différens bruits anormaux, et en ou-
tre il y avait de la matité sur plusieurs points de la poitrine.
Enfin M. Rostan, ayant été appelé en consultation chez lui
avec plusieurs médecins, le trouva dans le marasme, et cha-
cun resta persuadé qu'on avait affaire à une phthisie au
troisième degré. Cependant, pour consoler le malade, on lui
dit qu'il avait une pleurésie chronique; on le mit au régime
lacté, et on plaça sur la poitrine un large séton.
Quelques mois s'écoulèrent; et lorsque M. Rostan croyait
que ce jeune homme avait succombé, il apprit au contraire
qu'il allait beaucoup mieux. On lui conseilla d'habiter à la
campagne, et au bout d'un an il revint, dans le meilleur
état possible, pour demander à son médecin s'il pouvait se
débarrasser du séton. M. Rostan lui conseilla de le garder
encore; ce qu'il fit pendant un an. Depuis cette époque, il a
fait, sans trop de fatigue, son service lors du choléra ; il a
même eu une pleurésie, dont il s'est' parfaitement guéri;
enfin aujourd'hui il est dans un excellent état de santé.
Vers la même époque, un médecin de la province fit ve-
nir M. Rostan pour lui présenter une jeune dame au déclin
d'une pleurésie aigui). L'affection pour laquelle on le consul-
tait était peu grave; mais il paraît qu'à partir de ce mo-
ment des tubercules se développèrent ou s'enflammèrent
dans les poumons, car celte dame vint à Paris au bout de
(l82)
quelques mois, après avoir éprouvé de nombreuses hémop-
tysies. Le bruit du gargouillement était des plus sensibles.
M. Rostan la fit placer à la maison- de santé des Néother-
mes, où l'on put entretenir continuellement dans sa cham-
bre une température à >ingt degrés; il la fit saigner, pres-
crivit des bains de vapeur et divers autres moyens qui
n'entravèrent pas la marche de l'affection tuberculeuse.
Après quelque temps de séjour à Paris, cette dame voulut
retourner chez elle, et M. Rostan lui conseilla, comme der-
nière ressource, l'application d'un selon sur les parois de la
poitrine. Trois mois après, son mari écrivit qu'elle ne tous-
sait plus, et qu'elle prenait de l'embonpoint. Elle vint elle-
même. Tannée suivante, à Paris, et sa santé était dans l'état
le plus satisfaisant.
M. Rostan possède encore plusieurs autres cas de ce
genre qui, pour n'être pas aussi concluans, n'en offrent pas
moins beaucoup d'intérêt, et l'engagent à continuer l'emploi
de ce moyen.
AET. 102b.
Séances d'Académie. — Traitement du varicocèle. — Homœopathie.
Varicocèle. Nous avons parlé, à notre art. 775, du procédé
préconisé par M. lireschet, pour la cure complète du vari-
cocèle, et qui consiste à pincer au travers de la peau les vei-
nes développées avec un instrument particulier, ressemblant
aune pince à disséquer. Ce chirurgien a présenté à l'Acadé-
mie un homme dont le varicocèle était si volumineux, que,
pour se servir de son expression, il semblait avoir des boyaux
autour du testicule. Les pinces à compression en ont amené la
résolution complète. C'est environ la soixantième guérison
obtenue parce procédé. Mais M. lireschet a pu se convaincre
qu'il ne déterminait pas par celle compression, comme il le
pensait d'abord, seulement une inllammation adhésivc des
parois de lu veine, il a reconnu que le vaisseau entier était
morlifié, et cette remarque l'a conduit à modifier son instru-
ment, au(juel il donne aujourd'hui la l'orme de l'entérotomc
de Dupuylren.
M. Velpeau s'est élevé contre ce procédé, au(|uel il a re-
proché ses dangers et ladiUicullé de son applicali»»n. Suivant
ce chirurgien, l'occlusion des veines est loin de constituer
une opération innocente, et le danger est le même par quel-
fine procédé que Ton arrive. Or, il serait plus simple de
mellrc la V(;ine à nu et do la lier directement; ou, si l'on ne
veut pas faire d'incision à la peau, de passer une aiguille au-
(183)
dessous d'elle, et de pratiquer une sorte de suture entor-
UUée.
M. Breschet est convenu que le danger qui accompagne
l'oblitération des veines par les autres procédés a dû faire re-
noncer les chirurgiens à pratiquer cette opération ; mais il y
a, suivant lui, une grande différence entre la ligature, l'inci-
sion, la cautérisation et une compression lente, qui morlifle
les tissus, sans propager au loin l'inflammation. C'est en ef-
fet de celle manière qu'ilobtient l'oblitération des veines, et
jusqu'à ce jour il n'a encore rencontré ni accideus, ni in-
succès.
Hoinœopatide. Deux séances ont été consacrées à l'examen
de la question adressée par le ministre (i). La commission a
d'abord proposé de répondre au gouvernement .'Qu'il n'est
pas convenable, dans l'intérêt de la santé publique, d'auto-
riser quant à présent dans Paris l'établissement d'un dispen-
saire et d'un hôpital où tous les malades seraient traités gra-
tuitement. La discussion, ouverte immédiatement, a été des
plus intéressantes, et des faits nombreux ont été cités, qui
pourront enfin fixer l'esprit de nos lecteurs sur la valeur de
cette doctrine, si quelques-uns d'entre eux doutaient encore
de son absurdité.
M. Esquirol le premier a rapporté qu'à Naples, M. de Ho-
ratiis ayant obtenu la permission d'établir un hôpital où les
malades devaient être traités homœopathiquement , après
quarante jours d'essais infructueux, on a reconnu que les
médicamens ainsi administrés n'avaient aucune action, et il
a fallu fermer l'hôpital. Depuis cette époque, l'homoeopa-
thie ne jouit d'aucun crédit dans le royaume de Naples, et
M. de Horatiis lui-même y a renoncé.
M. Andral a rapporté des faits bien plus curieux. Ce mé-
decin a partagé ses expériences en deux séries. Il a voulu
vérifier d'abord si les médicamens administrés homœopathi-
quement déterminaient chez l'homme sain les maladies
qu'ils guérissent. En conséquence il a pris, ainsi qu'une
dizaine d'élèves, le quinquina ;\ des doses homœopathiques,
et ni ks uns ni les autres n'en ont absolument rien éprouvé.
Puis ils ont continué l'usage de la même substance à des
doses plus élevées. Ceux qui avaient un bon estomac n'en
ont rien éprouvé; ceux dont l'estomac était plus faible ont
ressenti du malaise, de la céphalalgie, des douleurs à l'épi-
gastre, mais absolument rien de ce qui pouvait ressembler à
un accès de fièvre intermittente. L'aconit, le soufre, l'arnica,
(i) Voy. art. looo. Note.
(»84)
ont été expérimenlés de la même manière, et dans aucun
cas n'ont déterminé les maladies contre lesquelles on les re-
commande.
L'autre série d'expériences consistait à administrer les
médicamens à doses homœopathiques à des individus ma-
lades. Le quinquina a été donné dans des cas de fièvre inter-
mittente. Quelques-unes ont guéri ; mais on sait qu'un grand
nombre de fièvres d'accès guérissent d'elles-mêmes : pres-
que toutes ont résisté opiniâtrement, et il a fallu les traiter
par la méthode ordinaire. L'aconit a été donné dans plus de
quarante cas de fièvres inflammatoires, et n'a absolument
rien produit. Il en a été de même de la bryone dans les rhu-
matismes, de l'aconit et de la belladone dans la pneumonie,
et d'une foule d'autres substances qu'il serait inutile d'énu-
mérer ici.
Malgré le talent bien connu de M. Andral, les homœo-
pathes auraient pu objecter son peu d'expérience dans l'ap-
plication des préceptes de Hahnemann. M. Bally, médecin
de l'Hôtel-Dieu, a voulu éviter ce reproche, en faisant faire
sous ses yeux des expériences par deux médecins homœo-
pathes. L'un d'eux, M. Curie, suivit ses malades pendant
quatre à cinq mois: il avait fait venir ses médicamens d'Alle-
magne. De tous les sujets ainsi traités, pas un seul ne guérit.
Ces faits ont paru faire une très-grande impression sur
l'Académie. A peine quelques membres ont-ils pris la parole
non en faveur de l'homœopathie, mais en faveur des homœo-
pathes, qui en général ont été traités avec une extrême
sévérité.
La réponse de la commission n'ayant pas paru assez pré-
cise, l'Académie, presque à l'unanimité, en a voté une se-
conde dans laquelle, après avoir repoussé l'homneopathic
comme doctrine, elle la rejette encore en se fondant sur les
faits rapportés (i).
(i) Nos lectfiurs se rappellent qu'à noire art. looo, en analysant une.
brochure sur l'emploi du suc de persil dans le traitement de la blcn-
norrhaj^ie, nous avons df'-claré que nous nous refuserions à publier des
laits recueillis par des médecins liomœopatlics, ailleurs que dans des hô-
pitaux. Nos motifs seront parfaitement appréciés quand on aura pris
connaissance de la note suivante, que M. le docteur Laurent comptait
lire à l'Académie, et qu'il a conmiuniquée à la Gazette médicale :
• La publication de celle brocliurc (celle dont nous avons fait l'ana-
lyse) nous étonne d'autant plus que le traitement homœopatliique
fut appliqua à l'insu des cliefs d<; service de l'établissement, et sans
aucun conirôle de leur part. M. le docteur Paradis, chirurgien en chef
de l'hôpital, crut devoir, dans l'iiilérCl de la vérité, faire toutes les rc-
(185)
ART. 1029.
MÉDECINE Légale;
Lettre quatrième.
Modèle de consultation médico-légale.
M.,
Il esl assez rare de pouvoir renfermer une consultation médico-
légale dans un cadre étroit : voici cependant un fait qui peut s'y
prêter. Cet exemple doit appeler votre attention, parce qu'il n'a pas
encore reçu de publicité, et que je ne sache pas que de pareils faits
aient été publiés en France. Il s'agit d'une asphyxie par un genre
de combustion du bois, d'autant plus dangereux qu'il s'effectue dans
un espace de temps très-long, et qu'il ne manifeste sa présence que
par l'action que ses produits déterminent sur l'économie animale,
sans qu'on puisse deviner la source d'où ils proviennent. J'ai rap-
proché de ce fait un cas analogue, rapporté par les journaux alle-
mands, et dans lequel un graud nombre de personnes ont été suc-
cessivement asphyxiées au fur et à mesure de leur arrivée dans la
pièce infectée, alors qu'elles y venaient pour porter secours à des
personnes déjà malades. Le traitement employé était peu rationnel,
parce qu'on ignorait la cause des accidens, quoiqu'ils se reprodui-
sissent sous la même forme chez tous les individus.
Préambule.
Nous, M. G. A. D , docteur en médecine, consulté par M.
G > juge d'instruction, sur la question de savoir si un appareil ca-
lorifère, chauffé par le charbon de terre, peut laisser échapper des gaz
cherches pour la découvrir. Il écrivit à tous les cbirurgiens-majors des
régimens auxquels appartenaient les hommes qui sont désignés dans
les observations, et voici le premier document qu'il a reçu. Il est de
M. Merle, chirurgien-major du 4^^ de ligne. Voici, dit ce chirurgien, le
résultat de mes recherches ;
• 1" Deux de ces hommes sont inconnus au régiment.
» a° Sur les dix-huit autres, cinq sont absens depuis plusieurs
mois.
» 5° Parmi les treize présens, il n'en n'est qu'un seul dont la cure
puisse être attribuée à la méthode honiœopathique ; encore il est à re-
marquer que son urétrite était récente et sans phénomène inflamma-
toire. Tous les autres, après avoir pris une ou plusieurs doses de suc de
persil, sans en éprouver, comme ils le disent, ni bien ni mal, ont fait
us;igt; de baum(! de copahu, d'injections astringentes, qiicdescomplai-
sans leur ont apportés du dehors, et c'est à ces derniers moyens théra-
peutiques qu'ils ont dû leur guérison. »
Celte note n'a pas bcsoio de commentaires. ( N. du R. )
(186)
qui respires produiraient Fasphjxie, et si dans l'espèce il faudrait attri-
buer à cette cause, ou à toute autre, la mort d'un cocher attaché à la mai'
son de M. le duc de M..., ainsi que les accidens éprouvés par plusieurs
domestiques de la mêine maison, nous avons demande^ communica-
tion de toutes les pièces de l'instruction. Elles nous ont été remises,
et consistaient : i° en un rapport du commissaire de police du quar-
tier de....; a" en deux rapports de MM. M et C...., docteurs
en médecine, appelés à donner des soins à la personne qui est dé-
cédce; 3° en les dépositions des sieurs B...., R...., G....; 4" en un
rapport de M. N...., architecte expert.
Nous extrayons de ces pièces les faits qui suivent :
Exposition des faits.
§ I. Le trois décembre, à sept heures du matin, Régnier, cocher
de M. le duc de Mo...., entre dans la chambre de D...., située au
deuxième étage. Il y voit une fumée épaisse et sent une odeur de
charbon qui lui porte à la tête. {Rapport du commissaire de police.)
% 2. D..,., qui pour la première fois avait passé la nuit dans
celte chambre, était sans connaissance; en vainR l'appelle, il ne
donne pas signe de vie. {Idem.)
§ 3. R.... entre alors dans la chambre d'un sieur Rob...., il le
trouve dans le même état que D {Idem.)
§ 4- Il appelle du secours, des soins sont donnés à Rob...., il re-
vient à lui, {Idem.)
§ 5. En vain on administre les mêmes secours à D....; en vain
un médecin est appelé et met en usage les moyens propres à le rap-
peler à la vie. ( Idem. )
§ 6. A deux heures après midi, un second médecin, trouvant le
corps de 1) encore chaud, ouvre l'artère temporale, mais sans
lésultats. ( Idem. )
§ 7. Depuis quelques jours R éprouvait des maux de tête en
s'éveillant, et sentait dans sa chambre l'odeur de la vapeur de char-
bon. ( Idem. )
§ 8. Dans la même nuit, un autre cocher, nommé G...., s'était
couché à minuit ; il s'était éveillé <i deux heures du matin dans un
état complet de malaise, qui ne s'était dissipé qu'en prenant l'air à
une fenêtre. {Déposition de G )
§ 9. Le commissaire de police et les deux médecins appelés le
trois décembre mil huit cent trente-quatre, constatent, en entrant
dans les chambres de D et de R , non-seulement l'odeur très-
forte de la vapeur du charbon, mais encore la sortie de cette -va-
peuT par les bouches de chaleur du calorijere ; elles étaient placées dans
lesdites chambres. {liapporc du commissaire de police.)
§ 10. Au rez-de-chaussée existait un calorifère; il avait été al-
lumé pour la dernière foi.*;, le samedi vingt-neuf novembre, c'est-à-
dire quatre jours avant la moit de D {Déposition de U....). Sa
Cunstrnciion remontait en mai mil huit cent trente-trois.
,^ I 1 . Df-pnis fort long-teni|)s les peisoiines qui habitaient le corps
<le bâtiment qu'il était destiné a ccliaiider, en étaient inciinniodées ;
leur plainte donna lieu à une r< paralion en février mil huit cent
trente-quatre. Celte réparation n'eul aucun résultat, et ces per-
(i87)
sonnes prirent le parti de fermer les bouches de chaleur destinées
à échauffer la chambre qu'elles habitaient. 11 s'en exhalait une fu-
mée d'une odeur particulière: c'était, dit G..., une exhalaison qui
m'empoiionnait. G.... couchait au premier.
§ 12. Le soir même de l'événement de la mort de D...., le calori-
fère est démoli.
Le vingt-deux décembre un architecle expert est commis pour
constater l'état des lieux ; le mode de construction qui avait été
adopté pour le calorifère, et désigner la cause des accideus survenus.
Il résulte de son rapport que le calorifère, établi au rez-de-chaus-
sée, daus une sellerie, avait son tuyau de fumée pose au droit d'une
cheminée, et ses tuyaux calorifères daus l'épaisseur du plancher bas
de l'entresol, entre deux solives. Ils .«orlaient tous ensuite par plu-
sieurs embranchemens dans la hauteur de l'entresol et d'une par-
tie du premier et du second étage, pour conduire la chaleur dans
diverses pièces.
§ i3. Lors de la démolition dudit calorifère et de tous ses acces-
soires, on a trouvé les deux pièces de bois entre lesquelles passaient
les tuyaux de la fumée et de la chaleur, consumées à un tel point
qu'elles s'enflammaient au contact de l'air.
§ 14. 11 paraît résulter des renseiguemens qu'a recueillis l'archi-
tecte, que le placement du tuyau de la fumée trop près des solives,
les a tellement échauffées, qu'il y a mis !e feu ; que le feu s'est étendu
successivement dans toute la longueur des solives et les a mises dans
un état de carbonisation qui a produit dans l'entrevoux, où étaient
places les tuvaux de chaleur, un gaz qui se sera introduit dans les
tuyaux mal joints de la chaleur, et se sera répandu ensuite dans les
chambres où ces tuyaux aboutissaient sans aucune soupape de fer-
meture.
§ i5. Que l'on aurait dû placer les tuyaux de conduite de la
clialeur eu contre-bas du plafond des pièces du rez-de-chaussée,
en les enveloppant d'uue poterie en grès ou en terre cuite, au lieu de
les mettre dans l'intérieur du plancher entre les solives.
Discussion des /aies.
Trois personnes sont prises à la fois d'une affection qui présente
les caractères d'une asphyxie par le charbon. (§, i, 2, 3.)
L'une d'elles succombe, malgré les secours proj)res à rappeler un
asphvxié à la vie; les deux autres reprennent connaissance. (§ 5, 6,
4, 8.)
Il y a donc tout lieu de croire que D... a succombé à une as-
phyxie, quoique l'ouverture du corps n'ait pas été faite.
Depuis long-temps une odeur désagréable se faisait sentir daus
les chambres où se distribuaient les bouches du calorifère. Ga...
en éprouvait les mauvais effets tous les matins en s'éveillaut; la
cause des accidens provenait donc très-probablement de cette
source. (§11.)
Une réparation faite en février mil huit cent trente-quatre, au
tuyau de la fumée du calorifère, n'avait pas amené d'amélioration
dans les inconvtuiens attachés à son emploi; d'ailleurs on n'y avait
pas allumé de feu depuis quatre jours. (§ 11,10.) La cause des acci-
(188)
dens ne provenait donc pas des tuyaux de conduite de la fumée.
Les bouclies de chaleur exhalaient une odeur tellement désagréa-
ble, que plusieurs domestiques avaient pris le parti de les fermer
avec un torchon roulé sous la forme d'un tampon. {Déposition de
G....) Le lendemain de l'accident on a constaté une vapeur d'une
odeur infecte qui s'échappait de ces bouches de chaleur. (§ 9. )
Des bouches de chaleur ne pouvant amener d'un calorifère que
de l'air échauffé, et le calorifère n'ayant pas été allumé depuis qua-
tre jours, la fumée provenait donc d'un autre foyer de combustion.
L'expert architecte en fait connaître la source dans la carbonisation
des poutres auxquelles étaient adossés les tuyaux calorifères, et la
présomption qu'il établit à ce sujet relativement à la jonction in-
complète de ce conduit, paraît très-probable. (§ 14.) H sufflt en effet
d'une petite ouverture aux tuyaux de conduite de la chaleur, pour
permettre l'accès d'une vapeur ou fumée quelconque dans leur in-
térieur. Dans le cas dont il s'agit, ils étaient échauffés par la cha-
leur qui provenait de la carbonisation des poutres ; l'air qu'ils ren-
fermaient, dilaté par le calorique, faisait un appel continu de la
fumée, et transmettait dans les chambres de la vapeur de charbon
et de bois qui se carbonise.
La quantité de vapeur disséminée dans les chambres avait d'a-
bord été trop faible pour causer des accidens; mais peu à peu et
à la longue la carbonisation des jioutres faisant des progrès, il est
arrivé un moment où la production de vapeur a été assez considé-
rable pour causer l'asphyxie, d'autant que plusieurs bouches de
chaleur avaient été fermées dans plusieurs chambres.
Ce moment est fort bien exprimé dans le rapport de l'architecte,
oti il est dit que, lors de la démolition du calorifère, certains points
des poutres prenaient feu à l'air.
Il reste actuellement à rechercher : i" à quelle cause est due la
carbonisation des poutres? 2" comment une poutre qui se carbo-
nise aussi lentement peut devenir la source 'd'asphyxie par la va-
peur du charbon.
Il est très-probable que c'est à la chaleur du tuyau de fumée placé
trop près des poutres qu'il faut attribuer leur carbonisation ; les
exemples à l'appui de cette présomption ne sont pas rares; je citerai
le suivant :
Une famille habitait le logement du jiremier étage delà maison
rue de la Harpe, n" 90. Dans une arrière-boutique placée immédia-
tement au-dessous, se trouTail le fourncan d'un traiteur fort acha-
landé. Depuis long-temjis les habitans du premier étage se j)lai-
gnaient d'une odeur «le fimice dans leur appartement et principale-
ment dans leur salon. (C'était justement la y)ière qui correspondait
à la cuisine du traiteur). Un soir un domestique marchant j)iefls nus
sur le parquet, sentit un endroit du plancher beaucoup |)lus chaud
que le reste, sans toutef(jis que la couleur ou rap[iarence du parquet
fu'-sciii changées; on appelle des pompiers. Le parquet est ouvert,
et l'on liouve une très-grosse poutn- presque complètement carbo-
nisée dans l'étendue de i\cu\ pieds environ. Ce point correspondait
aux fourneaux du traiteur.
La chaleur seule suffit donc pour carboniser du bois, fût-il enfermé
dans un plancher et à l'abri du contact de l'air par une couche de
(»89)
plâtre. C'est d'ailleurs ce qui a lieu tous les jours dans la confection
du charbon qui se pratique en plein air. Là, on entasse le bois sou»
la forme d'une pyramide, on le recouvre de mottes de terre afin de
l'abriter du contact de 1 air, on laisse seulement au centre de la
masse un canal vertical par lequel on introduit du feu, et qui est
destiné à transmettre au dehors les vapeurs provenant du bois
chauffé et par suite carbonisé. Ces faits offrent donc la plus grande
analogie avec ceux dont il s'agit.
Quant à ce qui regarde la seconde question, celle de savoir com-
ment une poutre qui se carbonise aussi lentement peut devenir la
source d'asphyxies tout aussi graves que celles qui résultent de la
combustion du charbon, nous ferons remarquer que les produits
qui proviennent de la décomposition du bois sont a peu près ana-
logues, quant au gaz qu'ils contiennent, à ceux qui résultent du char-
bon en ignition; qu'ils renferment de l'acide carbonique et de l'hy-
drogène carboné, et que par conséquent ils peuvent amener la même
espèce d'asphyxie.
Le fait suivant, tiré des Annales de la médecine politique de Henke,
année i83o, vient à l'appui de cette assertion.
Dans une petite ville de l'Odenwald, plusieurs personnes, qui habi-
taient ensemble une même maison, éprouvaient depuis quelques
jours de la céphalalgie et un malaise général. Les symptômes s'ag-
gravèrent de jour en jour, au point que le 8 janvier (1829), la dame
Sk.... fut obligée de garder le lit; et comme la maladie paraissait
faire des progrès rapides, on lit appeler un médecin (on n'indique
pas le traitement qui fut prescrit). Vers minuit le malaise et surtout
la céphalalgie de madame Sk.... s'étaient accrus au point qu'une
parente de la malade, madame L... , qui couchait dans le même ap-
partement, se leva pour lui donner des soins et pour faire appeler
de nouveau le médecin. Avant que ce dernier fût arrivé, ma-
dame Sk.... avait presque entièrement perdu l'usage de ses sens, et
pendant que madame L.... était occupée à la ranimer, elle tomba
elle-même sans connaissance au pied du lit de la malade. Madame
Sk.... étant revenue à elle, aida une servante, qui venait d'accourir,
à relever madame L.... et à la mettresur unlit. On appela aussitôt
M. L.,.. qui trouva, en arrivant, sa femme ainsi que sa cousine Sk...
étendues sans connaissance, et bientôt après en proie à des convul-
sions violentes, auxquelles vint se joindre une raideur presque to-
tale du corps chez madame Sk.... Sur ces entrefaites, arriva le
docteurH..., et pendant queM.L.. .veut l'informer de ce qui vient de se
passer, il tombe lui-même sans connaissance ; la même chose arrive
à la servante quelques iustans après. Deux domestiques étant accou-
rus, on s'empresse, sur la demande du docteur H..., d'appeler un
second médecin et d'avertir plusieurs parens de M. L....
M. N...., de qui M. Beriholot tient cette observation, étant arrivé
dans la maison où cette scène se passait, trouva quatre personnes
couchées sur des lits, sans connaissance. M. L... paraissait plongé
dans un profond sommeil, madame L... dans un état d'absence
complète et en proie u des convulsions et à des spasmes tétaniques.
L'infirmier seul était encore sur pied, mais il se plaignait d'un vio-
lent mal de tête et d'un malaise inexprimable, prodromes d'une li-
polbyQiie commençante.
( »9o)
M. L... se réveilla peu à peu vers neuf heures du matin; un tor-
rent de larmes, qui s'échappa spontanément, trahit le trouble de
sou système nerveux ; mais enfin il recouvrit l'usage de ses sens au
point qu'il put quiiter son lit, quoiqu'il fût encore dans un état de
prostration considérable. Les dames L..,. et Sk... passèrent le
reste de la journée dans leur lit, dans un état de somnolence pres-
que continuelle.
Le second médecin étant arrivé, on se borna , après une consul-
tation, à prescrire l'application de sinapismes, l'inhalation de va-
peurs spiritueuscs et aromatiques, et du thé de camomille pour
l)oisiSon. Comme toutes les personnes de la maison étaient malades,
M. N... se chargea de les veiller pendant la nuit suivante, assisté
de deux infirmiers et de mademoiselle No..., la nièce de M. L..., qui
venait d'arriver.
Pendant que l'on s'occupait à préparer tout ce qui était nécessaire
pour les malades, mademoiselle No... tomba subitement en syncope;
elle fut aussitôt ranimée au moyen d'aspersions d'eau de Cologne,
par l'une des persoimes qui, elle-même, peu d'instans après, tomba
sans connaissance et fut de même ranimée par l'eau de Cologne.
IVJais peu de temps après elle éprouva un nouvel accès de lipothy-
mie, accompagné de contractions spasmodiques très-violentes. Ces
convulsions se répétèrent fréquemment, malgré le traitement mis en
usage, jusqu'à dix heures et demie l\u. soir, époque à laquelle celte
femme paraissait s'endormir profondément. Les dames L... et Sk...,
ainsi que la servante, furent dans un état d'agitation continuelle;
.M. L... [)araissait plongé dans un sommeil profond. L'agitation de
madame de Sk... allant toujours en augmentant, la seconde ser-
vante lui appliqua des sinapismes, suivant les ordonnances du mé-
decin ; au même instant cette femme, ainsi que AL N..., furent pris
d'un mal de tête des plus violens, qui céda pour le moment à l'u-
sage du thé de camomille. M. N... s'était assis dans un fauteuil dans
un état de prostration complète, lorsque la première infirmière qui
avait i té affectée dès le commencement de la nuit, fut fie nouveau
prise de convulsions très-violentes. M. N... se leva brusquement
pour lui porter secours; il appela la seconde infirmière, la ■•eide
dout la santé se fîit maintenue jusqu'alors : ce ne fut qu'après avoir
été appelée à plusieurs reprises, (ju'ellese leva en snrsaut pour don-
ner a Al. N... le flacon d'eau de Cologne, et aussitôt elle perdit con-
naissance et tomba au pied du lit des malades.
JVL iV... fit alors tous ses elfurt» pr»ur ranimer les deux infirmiè-
res; il ne réussit qu'au bout de dix minutes et après leur avoir versé
de l'eau de Cologne dans les narines. Elles revinrent à elles fort
heureusement an moment où .VL N... cessait de pouvoir résister à une
céphalalgie atroce et a un sentiment de cunslriction à la poitrine
accompagné d'angoisses inexprimables. Il sortit avec préci()itati(jn
de la ch.'ind)re des maladi.'s pour éveiller tous les domestiques, et
pour envoyer tout de suite cli<rcher le médecin. M. N... étant rentré
dans lappartement des malades, s'apeirut que madame L... avait
eu de» vfjmissemens et qu'elle était en partie penchée hors de «on
lit. De» sinapisme» lui furent aussitôt appliques. Cependant la cé-
phalalgie et l'oppression augmentèrent chez M. N.,.; I)ientôl il
é|>rouva des nausées, et au moment où il s'approcha de la croisée,
il vomit avec des efforts violens trois ou quatre fois de petites
(190
quantités de matières; après ces vomissemens, la respiration devint
un peu plus libre, mais la céphalalgie persista.
Comme les spasmes de l'intirinière continuèrent avec une grande
intensité, et que le médecin que l'on avait appelé lardait à venir, on fît
chercher en tonte hâte un troisième médecin, le docteur B..., qui
prescrivit pour cette malade l'application d'un véslcatoire à Ja
nuque; cette apphcation fut suivie d un peu de calme. M. N... (l'au-
teur de celte relation), après avoir éprouvé un grand frisson et une
anxiété inexprimable, perdit lui-même conaaissance.il revint à lui
au moment où l'on cria que le feu était dans la maison.
Cet accident fut découvert par un domestique, qui, ayant par ha-
sard a|ipliqué la main contre la muraille, sentit qu'elle é^ait extrè-
raemeat chaude. On fit aussitôt venir des ouvrier?, et l'on découvrit
qu'un des murs et le plafond de la cuisine étaient en incandescence.
On trouva de plus réduite en charbon toute la charpente du coin
du mur formant l'angle de l'appartement des malades et de la
cuisine.
Le feu fut éteint en moins d'une heure. Les malades ayant été
transportés dans un autre appartement, leur état s'améliora ra-
pidement, et ils ne tardèrent pas à être complètement rétablis.
C'est ainsi que fut découverte la véritable cause de tous ces accidens.
Déjà, dans la matinée du lundi, plusieurs des malades avaient
remarqué une odeur désagréable dans les appartemens dont il s'a-
git, comme si on v avait biiilé du bois de sapin. Depuis plusieurs
jours la porte de la chambre à coucher ne pouvait plus être fermée
(nue porte voisine avait été trouvée carlionisée). La combustion s'é-
tait continuée pendant au moins huit jours ; quatorze personnes en
tout ont plus uu moins souffert des effets de cette combustion. Chez
madame Sk... (qui était couchée la plui près de la muraille incan-
descente) les accidens en étaient arrivés au point que le pouls avait
cessé de battre pendant assez long-temps, et que ses mains et une
partie de ses bras étaient déjà devenues froides.
En continuant les fouilles, on finit par trouver encore un grand
nombre de poutres qui, quoique recouvertes d'une couche de terre
glaise, se trouvaient complètement carbonisées. On n'aperçut
nulle part la moindre trace de fentes ou de fissures dans les
murailles.
Conclusion.
Des faits et docuinens qui précèdent nous concluons : i" que la
mort de D... et les accidens éprouvés par les autres domestiques doi-
vent être attribués à une asphyxie;
2° Qu'il y a tout lieu de croire que la cause de cette asphyxie a
été la carbonisation des poutres placées dans le plancht-r de l'en-
tresol.
3' Nous ajouterons, pour répondre aux diverses questions qui nous
ont été posées , que la fumée provenant de la combustion du char-
bon lie terre qui alimentait le calorifère, peut tout aussi bien pro-
duire l'asphyxie que celle qui résulte de la vapeur du charbon de
bois en combustion,
Fait à Paris, ce douze février mil huit cent trente-cinq.
Vous voyez qu'ainsi que je vous le ili.'-ais dans ma liernière lettre,
le médecin peut discuter la valeur de tous hs faits dans une con-
(192)
sultation médico-légale, et qu'il peut puiser non-seulement dans les
pièces de l'instiuctiou, mais encore partout ailleurs des preuves
à l'appui de sa manière de voir. A.. D.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
La Société de Médecine de Caen proroge jusqu'au i*"" juillet le con-
cours ouvert par elle sur l'emploi des purgatifs, et dont la clûture de-
vait avoir lieu le i" avril.
VARIÉTÉS.
M. Lobstein, professeur de clinique et d'anatomie pathologique à la
Faculté de Strasbourg, vient de mourir d'une affection de vessie.
— Un grand nombre de candidats se disputent l'héritage de M. Du-
puytren a l'Institut. On a parlé de MM. Breschet, Lisfranc, Velpeau,
Civiale, Leroy, Gerdy, Samson, Ségalas. La nomination doit avoir lieu
lundi 6 avril.
— La chaire de clinique chirurgicale, laissée vacante par la mort de
ce professeur, ne sera mise au concours que le 2 janvier i856.
— M. le professeur Roux a pris possession de la chaire de clinique de
l'Hôtel-Dieu.
— M. le docteur René a été nommé professeur de médecine légale à
la Faculté de Montpellier.
— Le Conseil royal de l'instruction publique vient, sur la proposition
de M. Orûla, de prendre un arrêté d'une grande importance pour les
élèves en médecine et les oluciers de santé qui aspirent au titre de
docteur. On sait que les inscriptions prises dans les écoles secondaires
comptaient, dans les trois Facultés, pour les deux tiers des inscriptions
exigées, mais que, bien qu'on les eût payées uue première fois, il fal-
lait les payer une seconde, ce qui entraînait à des frais énormes. A
l'avenir, les inscriptions conserveront la même valeur, mais ce double
droit ne sera plus perçu. Cette disposition sera étendue aux trois Fa-
cultes.
— Depuis l'invasion du choléra en iS33, plusieurs points de la France
ont vu successivement reparaître ce fléau, qui s'est toujours montré
avec ses mêmes caractères et sa même gravite. Parmi les villes qui ont
le plus souflért de ces recrudescences inattendues, on doit citer Mar-
seille, dans laquelle on a observé depuis quelques mois quatre ou cinq
cents cas de choiera, dont la plupart ont été mortels. 11 paraît cepen-
dant qu'aujourd'hui l'épidémie est presque complètement éteinte, et
que les décès deviennent de plus en plus rares.
Nous n'avons rien observé de semblable à Paris, mais à aucune
époque peut-être on n'avait rencontré un aussi grand nombre de. fièvres
typhoïdes. Bien que cette cruelle affection ne se soit pas montrée cet
hiver d'une manière èpidemique, un nombre considérable de malades
ont succombe dans les hôpitaux; et malheureusement on compte parmi
eux plusieurs élèves en droit et en médecine, nouvellement arrives a
paris. Le» traitemens employés par les médecins ont etc forl'variés, et,
nous le disons avec peine, beaucoup de moyens, naguère fortement
préconisés, sont restes sans actiuo, et ont été abandonnes. Dans ce
nombre, il faut ranger les chlorures proposés par M. Chomel, et qui,
cette année, n'ont pas répondu a son attente. Ce médecin s'est aussi
fort mai trouve des purgatifs que d'autre» préconisent dans ce mo-
ment. IS'ijus aurons occasion de revenir sur ce sujet.
La péritonite puerpérale a revêtu le caractère èpidemique à l'hospice
de U Ùalernilé, et a enlève cet hiver un gruud nombre Ue femme*.
( «95 )
ART. 1000.
Du traitement des maux de gorge et de quelques inflammations
des autres membranes viuqueuses par Valun.
M. Velpeau a présenté ù l'Acaclémie des sciences un Mé-
moire dans lequel il préconise l'emploi de Talun contre
différentes inflammations des muqueuses. On connaît les
succès obtenus par M. Bretonneau avec cette substance
dans le croup et l'angine maligne; plusieurs praticiens, et
entre autres M. Laennec, de jSantes, l'avaient déjà recom-
mandé dans l'angine tonsillaire simple; d'autres ont eu re-
cours à la cautérisation avec le nitrate d'argent, le nitrate
acide de mercure (i), bien que l'inflammation fût à l'état
aigu et que les antiphlogistiques se trouvassent par consé-
quent indiqués. Les observations publiées par M. Velpeau
viendront à l'appui d'une méthode de traitement que l'on
peut appeler empirique, mais qui n'en conjple pas moins
d'assez nombreux succès.
Le Mémoire de ce chirurgien a été composé à la fin de
l'année i855. Depuis cette époque il a recueilli, assure-t-il,
un grand nombre de faits qui auraient pu témoigner en fa-
veur de ce moyen, si déjà les observations contenues dans
ce travail n'étaient suffisantes pour fixer l'attention des pra-
ticiens.
Vingt-cinq personnes atteintes d'angines avec fièvre ont
été soumises à ce traitement, et toutes ont été guéries très-ra-
pidement. Il est vrai que la plupart d'entre elles étaient au
début de cette affection; maisenfîn^ chez quelques-unes, cinq,
six et même huit jours s'étaient écoulés depuis l'invasion;
il y avait fièvre violente, rougeur et tuméfaction du visage,
gonflement des amygdales, diflîculté de respirer. Dans deux
cas la suppuration était imminente.
Voici la médication adoptée par M. Velpeau chez tous ces
malades. L'alun a été employé, soit en poudre fine, soit en
gargarisme. Pour appliquer la poudre, après avoir mouillé
le doigt indicateur avec de l'eau ou de la salive, on le roulait
dans cette poudre, puis, abaissant la langue avec le doigt de
l'autre main, on portait ainsi le médicament sur tous les
points enflammés en ayant soin de le faire pénétrer dans les
anfractuosités et les excavations, derrière les glandes, le
(i) Voy. art. loii.
TOM. VI. — N° DE MAI.
(»94)
voile du palais, et même jusqu'à l'entrée du larynx. On aurait
également pu se servir d'un pinceau de charpie, d'épongé,
ou recourir à l'insufflation avec un tube de verre. Dans
quelques cas les malades ont eux-mêmes pratiqué cette
légère opération.
Le doigt peut être ainsi introduit à plusieurs reprises et
chargé de nouvelles doses d'alun, afin que tous les points
enflammés en soient bien couverts. Cette médication doit
être renouvelée deux ou trois fois par jour, et dans l'inter-
valle le malade se gargarise avec une solution de deux à
quatre gros d'alun dans quatre onces d'eau d'orge
miellée.
Cette opération est plutôt désagréable que douloureuse,
car il n'en résulte guère que quelques nausées qui ne
taivient même pas à se dissiper. Les effets en sont on ne
peut plus rapides, puisque la douleur de gorge et la fièvre
cessent presque aussitôt; le timbre de la voix redevient naturel,
et au bout de quelques jours le malade est complètement
débarrassé.
Le gargarisme indiqué peut suffire lorsque l'angine est
légère. Enfin il est inutile de retenir les malades au lit et de
leur refuser desalimens quand ils en désirent.
Le Mémoii'e de JLVcIpeaucontient plusieurs observations
dans lesquelles l'application de cette méthode lut suivie du
plus heureux succès.
Un homme âgé de trente ans, n'ayant jamais eu de maux
de gorge, éprouva sans cause appréciable une douleur au
gosier, avec frisson et mouvement fébrile assez marqué. A
son entrée ù l'hôpital de la Pitié, le 1 1 octobre i853, ou re-
connut que les amygdales étaient énormément tuméfiées,
présentant une surface rouge, bosselée, couverte cà et lu
d'un mucus grisâtre. Une forte quantité d'alun en poudre fut
portée le 13, à l'aide du doigt indicateur, sur les parties
enflammées. Dès le soir même il y avait une amélioration
sensible. Le i3, les amygdales avaient considérablement
diminué de vohuae. On continua ces applications malin et
soir, et l'on accorda des potages au malade. Le iG, la réso-
lution était presque comptète, et cet homme sortit de l'hô-
pital.
Telle C3t à peu près la marche de la plupart des angines
qui furent traitées par ces applications d' ilun. Cette sub-
stance s'est montrée môan;. si cin ace, que chez un étudiant ea
médecine, déjà altciiil de noml)reiises angines qui s'élaienl
toujours terminées par suppuraUo.i, l'inflimmition fut
arrêtée sur-le-champ, et les amygdales rcviareat ù leur état
(»95)
naturel presque aussi facilemeat que si la gorge eût été ma-
lade pour la première fois.
Il est un autre accideut également très-commun et contre
lequel, suivant l'auteur du 3Iémoire, l'alun réussit parfai-
tement : ce sont ces ulcérations de la joue et de la gencive
qui résultent du pincement opéré par la dent de sagesse peu
saillante dans les mouvemens de mastication ; mais le succès
de cette médication dépend surtout de la manière dont on
l'emploie. Il faut, en effet, avoir soin de porter l'alun avec
un pinceau jusqu'au fond de la bouche, et, soulevant l'espèce
de bourrelet qui cache la dent, de couvrir couvenablemeût
toutes les parties affectées.
M. Velpeau termine son Mémoire en faisant remarquer
de quelle utilité peut être cette méthode de traitement dont
l'application est si facile, et qui serait employée par les ma-
lades eux-mêmes lorsqu'ils ne peuvent pas consulter les
hommes de l'art dès le début de leur affection.
ABT. io3i.
Accoachement naturel ; métrorrhagie foudroyante arrêtée par le
tamponnement de l'utérus lui-même. — Métrorrhagie interne
causée par des ossifications dans le placenta.
M. le docteur Dupouy a publié dans le Bulletin médical de
Bordeaux une observation curieuse et qui mérite de fixer
l'attention des praticiens.
Lnefemme de vingt-quatre ans, grande et bien constituée,
accoucha, pour la première fois, le 6 novembre 1829. ^^^
travail ne présenta rien de remarquable, seulement le cor-
don étant passé autour du cou de l'enfant, celui-ci fut ex-
pulsé dans un état de mort apparente. Des soins bien enten-
dus rétablirent la respiration. La mère alors se plaignit
de quelques coliques, et M. Dupouy exerça de légères trac-
tions sur le cordon, qui opérèrent la délivrance sans diHl-
cuUé. L'utérus étant revenu sur lui-même, ce chirurgien
playa la main d'une femme sur le globe qu'on sentait au ira-
vers des parois abdominales, et retourna pi es de l'enfant pour
continuer de lui administrer des soius. Mais bicntùt la niére
se plaignit desifllemens d'oreilles. Déjà elle était yans con-
naissance, lorsqu'il fut possible de lui administrer quelques
secours; ses yeux étaient fixes, hagards, et le sang coulait à
grands flots sur le lit et jusque sur le carrreau.
La main fut aussitôt introduite dans la matrice; mais on
chercha vainement, en irritant sa surface, à déterminer ses
i3.
contractions; des seaux d'eau froide furent versés sur le
ventre sans plus de succès : il en fut de même des injections
de vinaigre et de tous les moyens conseillés en pareil cas.
Cette malheureuse femme était dans uu état de mort appa-
rente d'où elle ne sortait que pour entrer dans des convul-
sions épouvantables qui semblaient être les derniers efforts
de la vie. Encore quelques secondes, et il ne restait plus d'es-
poir. M. Dupouy prit alors la résolution de tamponner l'uté-
rus lui-même, et pour y parvenir, ayant imbibé une ser-
viette de vinaigre pur, il la plongea tout entière dans sa
cavité. Les frictions extérieures et les ablutions d'eau froide
furent continuées, et bientôt après l'hémorrhagie s'arrêta.
La femme, pâle et décolorée, resta quelque temps encore sans
connaissance, mais bientôt elle donna quelques signes de
vie. Le pouls devint sensible et la respiration se rétablit.
Cependant elle était si faible, que de nouvelles syncopes se
manifestaient continuellement, et cette situation alarmante
dura une partie de la journée. La faiblesse extrême de la
malade, et la crainte de voir se renouveler l'hémorrhagie,
engagèrent à laisser la serviette dans l'utérus jusqu'à sept
heures du soir. Cet organe se contractait alors d'une manière
douloureuse. La main gauche étant placée sur le globe uté-
rin, on introduisit la main droite dans le vagin, et ayant saisi
une partie de la serviette, on exerça avec lenteur de légères
tractions. On parvint ainsi, avec beaucoup de peine et de
temps, à extraire toute la serviette, et l'hémorrhagie ne se
reproduisit plus. La fenunc se rétablit sans accident.
Réflexions. Celte observation n'a pas besoin de commen-
taires pour qu'on en sente toutes les conséquences pratiques.
On ne saurait mettre en doute les résultats avantageux du
moyen employé en désespoir de cause par M. Dupouy ; mais
nous croyons qu'on se l'erait une fausse idée du mécanisme
par lequel rhémorrliaj;ie a été suspendue, si l'on donnait le
nom de tamponnement à l'introduction de la serviette dans
l'utérus. Ce n'est point, en effet, en bouchant les orifices des
vaisseaux utérins, en les roniprimant comme dans le tam-
ponnement des fosses nasales, par exemple, que ce corps
étranger a arrêté récoulement du sang, c'est en irritant une
grande surface de la membrane interne de l'utérus, qu'il a
(léteiininé cet organe à se contracter sur lui, et qu'il a pro-
duit de cette manière l'oblitération des vaisseaux.
S'il en était autrement, le caillot qui se forme dans le cas
de niétrorrhagie interne, devrait amener la suspension de
l'héuionliagie, tandis qu'au contraire plus le sang s'accumule
dans son intérieur plus il la favorise.
( '97 )
Nous ne reviendrons pas sur lesdivers moyens conseillés
pour arrêter les pertes utérines, puisque nous nous sommes
déjà longuement étendu sur ce sujet (i); mais nous saisirons
cette occasion de parler d'une cause d'hémorrhagie utérine,
qui doit être fort rare à la vérité, mais que lt:s praticiens ne doi-
vent pas ignorer, puisque l'expérience prouve qu'ils peuvent
la rencontrer. Cette cause est signalée dans une observation
qui nous est adressée par un de nos correspondans d'Alle-
magne, M. le docteur Hoffmann, médecin à Francfort-sur-
Ie-5lein.
« Dans la nuit du i5 au 16 mars de cette année, nous écrit
ce médecin, j'accouchai madame)***; c'était son quatrième
enfant. Pendant plus d'un mois elle s'était plainte presque
chaque soir de douleurs extraordinaires, se manifestant d'une
manière aiguë, et ayant son siège dans la région de la ma-
trice. Elle accusa les mêmes douleurs toute la journée qui
précéda l'accouchement. Appelé le soir, à huit heures et
demie, je trouvai l'orifice de la matrice dilaté environ de la
largeur d'une pièce de cinq francs. Les douleurs étaient for-
tes et expulsives,et se conservèrent dans cet état jusqu'à mi-
nuit; les membranes alors bombajentet faisaient saillie dans
le vagin; mais comme elles étaient fort consistantes, elles ne
se déchiraient pas. Je résolus alors, pour activer les contrac-
tions utérines qui commençaient use ralentir, de les rompre
moi-même; et en effet, les douleurs, a^aot pris aussitôt beau-
coup d'intensité, portèrent à une heure la tête de l'enfant vers
l'orifice du vagin.
»JMais dès ce moment le travail se ralentit, la femme eut
quelques défaillances : l'abaissement du pouls et des forces,
ainsi qu'un certain gonflement de la matrice, me firent crain-
dre une hémorrhagie intérieure; j'appliquai donc le forceps
et fis l'extraction d'un enfant du sexe féminin, vivant et bien
constitué. A peine l'enfant était - il expulsé, qu'une masse
énorme de sang, partie fluide, partie déjà coagulé, se préci-
pita avec violence. Je me hâtai de faire des frictions sur l'ab-
domen, en répandant sur cette partie de la liqueur anodine
minérale d'Hoffmann, et je fis avaler en outre à l'accouchée
de fortes doses de teinture de cannelle mêlées avec la même
liqueur. Ces moyens ne produisirent ni contractions utérines
ni cessation de la métrorrhagie. Je n'hésitai donc plus à in-
troduire la main, et je pus extraire facilement le placenta déjà
(i) Voy. nos art. 9, 6S, 74. '07, loS, j65, 2(>y, 547, ^^^' ^°*' ^D'''
701, 7Ô4, 746, 708, »45, 929.
(«98)
décollé en grande partie ; je continuai ensuite les moyens
fnHiqii<''S en y joignant des applications froides de rhum, et
enfin l'hémorrhagie cessa; mais l'accouchée paraissait telle-
ment faible, que sa vie était en danger.
«J'examinai alors le placenta, et découvris que toute sa su-
perficie qui faisait face à la matrice, ainsi que sa surface in-
térieure, étaient parsemées de points osseux et d'esquilles ayant
souvent plus d'une ligne de longueur, de sorte que la main
en passant dessus éprouvait le sentiment qui résulterait du
frottement d'une râpe.
» Cette ossification considérable, qui non-seulement irri-
tait mécaniquement et blessait les parois de l'utérus, mais
qui donnait au placenta une dureté surnaturelle et le dispo-
sait à se séparer d'une manière irrégulière, m'expliqua les
symptômes extraordinaires de cet accouchement. Il serait
plus difficile de découvrir la cause de cette formation osseuse
et de la faire remonter à un état de phthisie pulmonaire avec
aménorrhée qui précéda de plusieurs mois la conception, et
qui fut suspendue ( ce qu'on a déjà observé plusieurs fois )
totalement pendant la grossesse, ou à une jaunisse avec des
douleurs hépatiques qui survinrent au sixième mois de la ges-
tation, et qui furent dissipées par l'application de quelques
sangsues et l'usage des évacuans et des amers.
«Quelle que soit la cause de cette ossification, ilestinfiniment
probable que la face interne de l'utérus en avait été lésée, car,
vingt jours après son accouchement, cette femme offrait en-
core par le vagin un écoulement purulent très-considé-
rable.»
Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur ces deux cas
de métrorrhagie, véritablement curieux, qui ont failli deve-
nir mortels en peu d'instans ; hémorrhagies dont l'une est
remarquable par le moyen qu'on lui a opposé, et l'autre par
la cause qui l'a produite.
A»T. 10^2.
Hôpital de la Charité, Considérations sur le traitement des
brûlures par les bandelettes de diachylon.
On trouve dans /a Z<oncc<<e du 1 8 avril, quelques réflexions
faites par M. Velpcau à la clinique de la Charité, sur iwi nou-
veau traitement des brûlures. Ce chirurgien, après avoir expé-
rimenté tous les moyens proposés dans ces dernières années
(»99)
contre cetaccidenl(i), en est arrivé à reconnaîtrela supériorité
incontestable du traitement par les bandelettes de dia-
chylou.
On doit dire cependant que ce traitement n'est pas appli-
cable dans tous les cas; mais pour bien apprécier les condi-
tions dans lesquelles il est proposable, il faut remonter aux
divisions que l'on a établies dans les divers degrés des brû-
lures. Ainsi, dans le premier degré, lorsqu'il n'y a encore
que formation d'un érylhème, ou simplement tuméfaction
avec prurit ou douleur, tous les moyens proposés réussissant
également bien, ce n'est pas le cas de proposer les bande-
lettes de diachylon; au second degré, quand des phlyctènes
sont formées, ces bandelettes peuvent être utiles; mais c'est
surtout dans le troisième et le quatrième degrés, quand le
réseau muqueuxaété détruit en partie, ou quand la peau est
complètement convertie en escarres, que ce mode de traite-
ment est véritablement efficace.
Dans les brfdures du premier degré on obtient, suivant
M. Velpeau, de très-bons résultats de l'eau froide, de l'eau-
de-vie camphrée, des solutions chlorurées, et de la compres-
sion surtout,qui est remplacée très-avantageusement par les
bandelettes de diachylon, lesquelles ne se défont pas et peu-
vent rester en place plus long-temps que tous les autres ban-
dages.
Quand la brûlure est au deuxième degré, l'eau froide et
les solutions chlorurées ont une action très-efficace si l'on a
la précaution d'enlever d'abord les phlyctènes. Ainsi, chez un
malade admis récemment dans les salles delà Charité avec des
brûlures à des degrés dififérens, au bout de six jours celles du
premier et du deuxième degrés étaient complètement cica-
trisées à l'aide des réfrigérans et des solutions chlorurées.
Après dix, celles du troisième n'avaient pas entièrement dis-
paru et celles du quatrième degré restaient encore. On put
alors employer les bandelettes sur les bras et sur les épaules,
car leur application n'est pas possible sur toutes les parties
du corps.
L'expérience a démontré, suivant ce professeur, que les
réfrigérant et les chlorures étaient presque inutiles dans les
brûlures du troisième et du quatrième degrés, parce que ces
moyens ne contribuent en rien à la réparation du corps mu-
queux. Ce sont les bandelettes qui dans ces deux cas rempli-
ront le but qu'on veut atteindre. Mais leur effet dépend sou-
vent de leur application ; il est donc important, lorsqu'on
(i) Voy. art. Sg, 90, i55, 162, 278, 655, 880.
( 200 )
veut eii faire tisap;c, de ne pas s'écarter des règles suivantes:
1" Il faut tenir en contact avec l'étendue de la surface ma-
lade, des lanières de toile enduites de diachylon.
2° Il est indispensable qu'elles portent d'une manière Irès-
éga!e sur tous les points de la plaie, afin de prévenir l'étran-
glement.
5" Elle? doivent être appliquées de manière à ne pas se re-
lâcher, et à cet effet il est nécessaire qu'elles fassent au moins
une fois el demie le tour du iiicmbre.
4° Quand les régions sur lesquelles on les applique sont
inégales, il faut en remplir les enfoncemens avec de la char-
pie ou du coton; ainsi, par exemple, si on a affaire à une plaie
sur le pied, on en garnira la face plantaire de manière à ce
que le tout forme un rouleau.
5° Elles affecteront différentes directions suivant la forme
de la région du membre sur laquelle on les applique : ainsi
à la jambe qui forme un cône elles seront placées en spirales
en commençant de bas en haut.
6' Chaque jet de la bande recouvrira celui qui est au-des-
sous, dans les deux tiers de son étendue, afin de comprimer
d'une manière plus uniforme.
Quand les plaies sont très-larges, il est nécessaire d'enle-
ver les bandelettes tous les deux jours; mais quand elles ont
moins d'étendue, il peut cire utile de ne renouveler le panse-
ment qu'à des époques beaucoup plus éloignées.
Pour enlever le pansement, quelques précautions sont né-
cessaires. Ainsi on coupera les bandelettes en évitant avec
soin de tracer des sillons sur la nouvelle peau avec la pointe
des ciseaux. Pour cela' il faut que la lame de ceux-ci soit
glissée à plat avec une minutieuse précaution. Il faut coni-
iHencer à couper par la partie inférieure du bandage, afin de
nepaspassersur des bandoleltesqu'on n'atteindraitpas;par ce
mov<'n l'imbrication des jets favorise l'invasion de presque
tout le baudage en un ou deux coups de ciseaux au plus.
ART. io53.
Note sur quelques pommades employées contre les liémorr/ioidcs.
Le docteur Geddings, de Baltimore, emploie l'onguent sui-
vant pour calmer l'irritation causée par les hémorrhoïdes:
Pr. (>arl)niial<' de plomb en poudre, demi-once;
ÎSulliile de morphine, quinze grains;
(201 )
Onguent de strainonium, uueonce;
Huile d'olive, quantité suffisante.
La pommade sui^'ante, d'une compo'sition plus simple, a
des effets à peu près semblables :
Pr. Onguent d'althMa J
Pommade à la rose s de chaque, parties égales.
— narcotique J
M. Dupuytren, lorsqu'il A'oulait rappeler un écoulement
hémorrhoïdal supprimé, faisait frotter l'extrémité de l'intes-
tin avec une petite quantité du mélange suivant :
Axonge, une once;
Aloës succotrin, un gros.
Quand on veut, au contraire, prévenir le gonflement des
veines hémorrhoïdales, on peut faire usage delà pommade
ainsi formulée :
Pr. Poudre de noix de galle, deux parties;
Poudre de camphre, une ici.;
Mêlez et incorporez dans :
Cire liquéfiée, huit id.
Ajoutez:
Teinture d'opium, deux ij.
On fait des frictions matin et soir avec un gros de cette
pommade.
On peut aussi employer simplement :
Axonge, huit parties;
Poudre de noix de galle, une id.
ART. 1004.
Mémoire sur une épidémie de dyssenierie, observée dans les com.'
munes du Cellier et de Ligné[Loire-Inférieure), par M.Eugcne
Bonamy, docteur en médecine à Nantes (i).
Pendant le séjour que j'ai fait au Cellier (depuis le 22 oc-
tobre jusqu'au 24 novembre), j'ai vu dans cette commune
(i) Nous avo.'is ]>.i! le, 1 nolrn articln lo.i.), (!'un«; cpiilt-iiiic ilc dys-
SL'iitL'i'ie qui, a la ilii de i'amiéc iSô/j., a sùvi avec fjtcur «lans les tlOpar-
( 202)
centneuf maladesatteîntsdela dyssenterie.Je ne compte pas
dans ce nombre les simples diarrhées. Sur ces cent neuf in-
dividus, quarante-septétaicnt malades depuis un temps plus
ou moinslong; à mon arrivée dansle pays soixante-deux ont
été vus par moi dès le début. Des quarante - sept malades,
douze sont morts; deux étaient encore en traitement quand
j'ai quille la commune ; trente-trois étaient guéris. Des soixan-
le-deux nouveaux, huit étaient morts, quatre en traitement,
cinquante guéris.
Surce nombre total, soixante-septétaientpauvres,quarante-
deux dans un état plus ou moins aisé.
J'ai soigné dansla commune de Ligné (depuis le 5 novem-
brejusqu'au 24) trente-huilmalades,savoir : vingt-et-undont
la maladie était plus ou moins avancée quand je les ai rus
pour la première fois; dix- sept que j'ai vus dès le début. Les
premiers étaient en général gravement malades, quelques-
uns mourans. Quatre sont morts, quatre étaient en traitement
quand j'ai quitté la localité, treize étaient guéris. Des dix-
sept nouveaux, neuf étaient guéris, huit en traitement.
Voici eu général quelle a été la marche de cette affection
que j'ai pu observer sous toutes ses formes.
Avant l'apparition des symptômes caractéristiques,les ma-
lades étaient souvent atteints pendant quelques jours de cé-
phalalgie, d'étourdissemens, de douleurs dans les membres.
Ils se plaignaient en outre d'un sentiment de faiblesse. Dans
d'autres cas, sans aucun prodrome, sans inappétence anté-
rieure, le cours de ventre s'établissait. Quelquefois la pre-
mière selle était sanguinolente, mais cela était rare; le plus
souvent il y avait une ou deux évacuations de matières bi-
lieuses; en même temps survenaient des douleurs dans le
ventre; elles siégeaient surtout autour de l'ombilic, dans les
flancs et dans les régions iliaques, et étaient augmentées à
chaque défécation. En même temps encore on voyait surve-
nir de la tension dans ces parties. Les selles devenaient de
plus en plus fréquentes ( quelquefois deux cents dans les
temens de i'ouesl de la France. Cette terrible aflection par.iît, d'.Tprès
notre correspond.Tncr, se manifoiter de nouveau sur plusieuis points, et
éprouver, comme le choléra, Heg recrudescences presque aussi fatales
que l'invasion première.
Dan» ces circonstances, un Mémoire fait sur les lieux mêmes où a
réene la dv^seolerie, ne naurail manquer d'ofl'rir ljeaucou|) d'intérêt it
tin grand "nombre de ne» confrère)-. ISoiis regrettons vivement de n'a-
voir pu livrer plus lût ce travail à la pulilicité.
( Note du Rédacteur. )
(203)
Tingt-qîiatre heures), mais elles étafent de moins en moins
copieuses. Parfois les efforts du malade n'amenaient abso-
lument rien. C'est alors que le tenesme s'accompagnait par-
fois delà chute du rectum. Le tenesme a été souvent le symp-
tôme le plus insupportable de la maladie.
La matière des selles était très-variable, non-seulement
chez les divers individus, mais encore sur le même sujet dans
le cours de sa maladie. Voici le cas le plus ordinaire : après
une ou deux évacuations de matières bilieuses, les selles
devenaient sanguinolentes; c'était une sérosité teinte de
sang où flottaient comme de petites parcelles de membranes.
Puis de temps en temps, entre deux évacuations de cette na-
ture, il en survenait une d'une toute autre apparence; c'é-
tait une substance molle, poisseuse, grenue, verte, quelque-
fois noire et ressemblant au méoonium des enfans; parfois
même une matière moulée, très-dure. J'ai vu une seule éva-
cuation produire des matières vertes et la sérosité sanguino-
lente.
Souvent, après un certain temps de maladie, le sang cessait
de fluer. Il n'y avait plus dans le vase qu'une simple sérosité
avec les petites parcelles dont nous parlions tout-à-l'heure.
Dans certains cas, cette sérosité était comme salie et en même
temps fétide. Cela ressemblait assez à l'eau qui a servi à la
macération des chairs. Ce dernier cas m'a paru en général
grave.
Dans les derniers temps de l'épidémie, le changement des
selles sanguinolentes en selles purement séreuses, mais non
fétides, avait lieu plus souvent et beaucoup plus tôt; quel-
quefois après deux ou trois jours de maladie.
La matière des selles a présenté quelques autres aspects;
je l'ai vue plusieurs fois ressembler à la substance cérébrale
délayée dans une petite quantité d'eau, ou bien au pus san-
guinolent de quelques abcès. Dans plusieurs cas la matière
était blanche et ressemblait assez à du suif. Cela avait lieu
surtout après une longue durée de la maladie, et assez ordi-
nairement dans le commencement de la convalescence.
Le pouls était en général dur et fréquent au commence-
ment de la maladie; il perdait bientôt de sa dureté, et peu
après il devenait faible, puis insensible si la dyssenteric con-
tinuait à faire des progrès. La disparition du pouls pouvait
se prolonger plusieurs jours avant que le malade succombât.
Un petit nombre d'individus cependant n'ont présenté de fiè-
vre à aucune époque de leur dyssenterie.
A la fin de la maladie il y avait une grande disposition aux
épanchemens séreux; c'était quelquefois une ascite, quelque-
( 'io4 )
fois une auasarque générale; d'autres fois un cpanchement
dans les synoA'iales et surtout dans celles des genoux.
Voici la marche que j'ai suivie en général dans le traite-
ment : Au début, alors que les symptômes inflammatoires
étaient vivement prononcés, j'employais le traitement anti-
phlogistique pur: j'ai rarement ouvert la veine; j'appliquais
un bon nombre de sangsues à la fois, soit à l'anus, soit aux
diverses parties de l'abdomen. Les petites applicationsavaient
pour l'ordinaire peu de résultats ; bien des fois j'ai pu m'en
convaincre, parce que les sangsues étant rares et fatiguées, les
parens des malades n'en faisaient prendre souvent que le
quart de la quantité prescrite. J'ai vu chez un bon nombre
de malades plusieurs applications successives d'un petit
nombre de sangsues ne rien produire, et si enfin on parve-
nait à s'en procurer de bonnes et à en faire une forte
application, l'amélioration était promptement très-notable.
Si les symptômes inflammatoires continuaient, je revenais
bientôt à une nouvelle et même à plusieurs applica-
tions de sangsues. Chez le malade dont je vais rapporter
l'observation, ainsi que chez plusieurs autres, le traitement
antiphlogistique, sans aucun mélange, a sulTi pour amener
la guérison.
Pierre Lejugeur, fariiiier aisé, du village de la Briantière, âgé de
vingt-cinq an«, floué d'une forte organisation, avait déjà élc affecté
de la maladie épidéniique. Le 7 novembre il devint rualade de nou-
veau, fut j)ris d'uiic vlole.nte céphalalgie et de diarili e; le 8, les
selles devinrent sanguinolentes. Le 9, je fus appelé et le trouvai dans
l'état suivant: face rouge, animée; pouls dur et fréquent; abdomen
tendu, douloureux, surtout dans ses parties inférieures. Cent sel-
les sanguinolentes de['uis la veille au soir {vingt sangsues à l'anus,
diète, cataplasmes sur le vcn/re). On ne peut faire prendre que cinq
sangsues.
Le ir, le malade fait .i clia([ue instant des efforts pour aller à la
garde-robe ( deux cents fois dans les vingt-quatre heures, me dit-il);
ces tentatives sont le ji'us souvi-ntsans résultat. Parlois, cependant,
elles amènent une pttite quantité de sang presque pur. Coliques
trés-vives, ventre toujours tendu, fièvre. Je prescris <le nouveau
vingt-cinq sangsues et un bain. Quatre ou cinq sangsues seulement
ont pu être appliquées; le lendemain, les parens du malade, de leur
propre mouvement, en firent prendre quatre nouvelles.
Le i4, les matières ne sont pins sanguinolentes; elles sont com-
posées de sérosité et de petites parcelles qui occupent le fond du
va'^e. Un reste, presque aussi fré(]iientes, les évacuations sont aussi
doulouieuses. Le ventre i-si dur; il \n un peu de fièvre. De nouvel-
les sangsues bien vives avant été aj)portées de Nantes, j'en lis aj^pli-
qiu-r vingt-cinq, dont iespifp'ires sa lignèrent abondamment. Le i(), le
nouibre des hk'Ac» u'avail plu'i été que de quinze. Les jours suivans
(■-^05)
ces évacuations continuèrent h diminuer de fréquence; je permis
l'usage lie (|uclques cuillerées de panade. Le 20, le malade entrait
en convalescence.
Cette observation montre le peu d'efficacité des petites
applications de sanjjsucj, alors même qu'elles sont répétées
souvent. Il faut dire aussi que le cas dont il s'agit est un de
ceux où la forme inflammatoire était le plus tranchée.
Le bain a été en général avantageux; mais la pauvreté et
l'incurie des parens rendaient son emploi impossible pour
la plupart des malades.
Dans un certain nombre de cas, comme dans celui-ci, le
mal a cédé auxantiphlogistiques seuls; mais d'autres fois ces
moyens n'ont pu suffire: les évacuations alvines continuaient,
le pouls perdait de sa force. On ne pouvait guère alors in-
sister sur les saignées. Dans cette circonstance j'ai employé
les purgatifs, et en particulier les sulfates de soude et de
magnésie. Bien souvent, après l'usage de cette médication
employée à l'époque indiquée, les selles sanguinolentes
étaient remplacées par des selles bilieuses.
J'ai administré un très-petit nombre de fois les sels neutres
au début : c'était chez des sujets d'une constitution faible,
offrant d'ailleurs peu de symptômes inflammatoires. Quand
le pouls était très-aflaibli, je n'osais employer ni sangsues ni
purgatifs; alors je faisais usage volontiers de révulsifs sur la
peau, et surtout d'un large vésicatoire appliqué sur le bas-
ventre. J'ai trouvé plusieurs fois que sous l'influence de ce
moyen le pouls se relevait un peu. Cet effet obtenu, je
donnais un purgatif. Voici l'observation d'une malade que
j'ai traitée de celte manière.
La fille Alard, pauvre, d'une assez forte constitution, âgée de vingt-
sept ans, habitant le village de la BasseBranchère, atteinte de la
dyssenterie depuis trois semaines, quand j'arrivai dans le pays, avait
étésoignée'jusqu'à ceinoment par deux sœurs decharité qui, pendant
toute répidémic, ont apporté à leurs fonctions un zèle et un dévoù-
ment infatigables. Malgré une application de sangsues faite dans le
commencement, et divers autres moyens essayés tour à tour, la ma-
ladie n'avait cessé de faire des progrès. Je trouvai cette fille pres-
que sans pouls, sa peau était fioide. Quatre-vingts selles sanguino-
lentes avaient eu lieu depuis vingt-quatre heures. Je prescrivis un
large vésicatoire sur le has-ven'.re. Les parens, malgré mes pres-
santes recommandations, omirent d'aller chercher ce vésicatoire
au bourg, prétendant que la malade allait mourir, et que ce serait
une peine absolument perdue. Cependant le lendemain, voyant que
leur parente vivait encore, ils se décidèrent à faire le voyage. Le
vésicatoire fut enfin appliqué.
A ma visite suivante, je trouvai le pouls un peu relevé; du reste
( 206)
les évacuations étaient de même nature et aussi nombreuses. Je
prescrivis alors le sulfate de soude.
Le leiideaiaiii, les selles n'étaient plus sanguinolentes; cependant
elles av:iient été très-nombreuses ; la malade les laissait encore aller
sous elle, mais peu à peu leur nombre a diminué, et enfin la conva-
lescences'est établie.
Dans le cas suivant, j'ai employé un purgatif dès le
début.
Richard, jeune homme de dix-sept ans, habitant le même village,
fils d'un laboureur aisé, qui était atteint lui-même, depuis quelques
jours, par la maladie épidémique, est d'une faible constitution. Il
fut pris de la dyssenterie le 2 5 octobre.
Je le vis l'e 26 ; il avait eu soixante selles dans les vingt-quatre
heures; il avait peu de coliques, point de fièvre. {Sulfate de soude,
six gros : en trois doses à dix minutes d'intervalle.)
Dès le lendemain les selles furent réduites à six par vingt-quatre
heures et devinrent bilieuses. La diarrhée a conliuué encore quel-
que temps. Après avoir cède, elle est revenue de nouveau par suite
d'imprudences, et n'a définitivement cessé qu'après uu temps assez
long. Mais depuis l'administration du sel neutre ce malade n'a plus
rendu de sang.
Le cas n'était assurément pas très-grave, mais on a pu
remarquer cependant ie.s bons elTets du purgatif administré
dès le début, llareinent j'ai procédé de cette manière. Le
plus souvent j'ai lait précéder l'usage des purgatifs d'tin irai-
lement auliphlogistique assez actif, et chez un assez grand
nombre de malades, ces anliphlogisliques seuls ont suffi pour
amener la guérisou. Avant d'aller plus loin, je citerai encore
quelques cas où les purgatifs salins ont exercé une inUuence
bien évidemment avantageuse.
Une jeune fille, du village de la Gaboricerie, âgée de dix-huit
ans, était malade depuis dix jours. Ou Un avait fait [>luaieurs appli-
cations de .sangsues qui n'avaient piodiiit aucune amélioration. Le
ai octobre, jour de ma piemicre visite, je lui trouvai li- pouls fré-
quent, uu peu dur, la face rouge; vingt-cinq selles sauguiijolenles,
coliques vives, tenesnie, soil. Les évacuation» sangLiiuus ayant été
déjà considérables, je n'osai y reveuir. {Diète, tisanes cmollicntes,
pièce de laine iinj/régnée d'huile sur le ventre. )
Le 24, j ''ssayal les astiiugens, dont riinfilcacité ne m'était pas
encore en ce moment pai failenienl dctuontiee. Je prescrivis le
sirop de quinquina e( une tisane .ivec l'extrait de ratauiiia. Celle
médication, couiinuce pendant trois jours, ue fut suivie d'aucun
hou résultat. Le 27, seizième jour de la maladie, il y avait encore
viiigl-cinq selles sangiiiiioknles. Le pouls était un pc-u fréquent,
mais faible : sentiment de malaise extrême; la malade n'avait [dus
assez de force pour s'asseoir bur son lit. {Sulfate de soude, uric ouco
en trois doses,)
(ao7)
Le 98, selles moins nombreuses et nullement sanguiaolentes; cette
fille se sent beaucoup mieux. Le 3o au maliu, je fais prendre encore
une once du même sel.T)\x ésacuations jusqu'à midi, ciuq selles seu-
lement depuis midi jusqu'au soir. {Eau de poulet.)
Le3i, sept selles molles et bilieuses. L'amélioration s'est soute-
nue, et au bout de quelques jours, la convalescence s'est établie.
Ce fait et un petit nombre d'autres m'ont donné la con-
viction qu'il ne fallait rien attendre des astringens tant que
les selles étaient sanguinolentes; à une époque plus avancée,
quand les selles bilieuses, molles, qui avaient remplacé les
selles djssentériques, restaient long-temps fréquentes au
copieuses, alors seulement les astringens pouvaient être
utiles. Le diascordium est la substance dont j'ai retiré le
plus d'avantages dans ce cas. Mon ami, M. le docteur
Blandin, qui exerce la médecine à Mauves, a fait la même re-
marque sur l'emploi des astringens.
La fille Rive, habitant le village du ChampBriant, âgée de vingt-
cinq ans, était atteinte de la dyssenterie depuis huit jours, et avait
été traitée par la méthode antiphlogistique pure.
Le 2 5 octobre, vingt selles sanguinolentes. {Sulfate de magnésie,
une demi-once en trois doses )
Le j6, le sang a cessé de couler; selles bilieuses encore peu liées
(sept en \ingt-quatre heures); co-.itiuuation de la diète. Le 27 et
le 28, même état. Le 3o, six selles jaunes, molles. Le 4 novembre,
une seule selle épaisse.
Dans ce cas encore le bon effet du purgatif me semble
incontestable. Une seule fois l'administration du sulfate de
magnésie a paru produire un peu d'exacerbation, mais je
l'avais employé peut-être dans un moaient peu opportun.
Je n'ai donné l'ipécacuanha qu'à un très-petit nombre
d'individus, à six, je crois. Chez deux il m'a paru produire
de bons effets ; chez les autres il n'a ni amendé ni aggravé les
symptômes : c'est à une époque avancée de la maladie que
j'ai administré cette substance; je n'ai point osé le faire au
début, comme quelques médecins l'ont conseillé.
Il est un autre moyen dont je me suis servi quelquefois
avec avantage, c'est la solution étendue de chlorure de
chaux que j'administrais de la manière suivante : à douze
onces d'une eau gommée ou d'une décoction de guimauve
j'ajoutais un gros de solution concentrée de chlorure, et je
faisais prendre de cette solution une cuillerée à bouche
toutes les demi-heures. J'augmentais ordinairement la dose
le second ou le troisième jour.
J'ai plusieurs fois employé ce médicament dans des cas
(208)
désespérés, alors que je n'osais plus, vu rexfrême faiblesse
du pouls, avoir recours ni aux évacuations sanguines, ni aux
pur^alils. Dans ces cas j'avais peu d'avantages à en attendre;
mais je l'ai administré aussi dans des cas où la maladie, quoi-
que grave et déjà fort avancée, n'était pas encore arrivée au
dernier terme, et j'en ai obtenu quelques bons résultats. Je
citerai un de ces faits.
La femme Atmon, du village de l'Anneau, âgée de quarante
ans, était malade depuis trois semaines. Au conmieucenieut de sa
maladie, elle avait eu environ soixante selles sanguinolentes par
vingt-quatre heures. D;ins la semaine qui précéda ma première
visite, elles n'étaient plus sanguinolentes; leur nombre variait de
trente à quarante-cinq.
Le 9 novembre, je la vis {)our la première fois. La matière des
évacuations alvines était variable à chaque instant : parfois molle,
jaune , le plus souvent séreuse avec de petits grains au fond du
vase. Trente selles dans les dernières vingt-quatre heures. Coliques,
douleurs dans les reins. Aphtes occupant toute la partie postérieure
de la bouche. Pouls très-faible, face altérée. Senti riient de faiblesse
générale. Quoique les selles ne fussent plus sanguinolentes ni e.\-
irémement nombreuses, le cas me parut fort grave, eu égard au
mauvais état de la circulation. La numifestation des aphtes de l'ar-
rière-bouche n'était pas propre a rassurer sur l'issue de la maladie.
Je jirescrivis une demi-once de sulfate de magnésie ; un tiers seulement
de la dose fut avalé.
Le II, quarante selles. Pouls encore petit. {Solution étendue de
chlorure de chaux pour gavi^arisme et pour boisson.) Sous l'influence de
ce moyen continué jusqu'au 23, les aphtes ont successivement dis-
paru, les selles sont devenues plus rares. La malade était debout;
elle allait encore huit fols à la seJle par vingt-quatre heures, mais les
matières étaient épaisses. L'appétit était revenu.
J'ai retiré peu de bons effets de l'opium, que j'ai
du reste trop peu administré pour rien allirmcr à son
égard.
La pommade avec l'extrait de be lladone àla dose de cinq
grains dans ime once, appliquée autour de l'anus, m'a été
fort utile pour procurer du soulagement aux malades tour-
mentés par un violent tencsuie.
Chez tous ces malades,quel qu'ail été le traitemenlemployé,
j'ai insisté loug-teiiips sur la diète, puis sur un régime
sévère, et je suis convaincu que si tous avaient .suivi stricte-
ment le régime presciil, il n'en serait mojt qu'un bi(.'u petit
nombre.
Il paraît bien démonlié (pie la température froide a eu
imc action salutaire sur l'épidémie en général. (7cst en eflet
aux premiers froids de l'hiver que la maladie a suspendu ses
(209)
ravages; mais l'influence de cet agent sur les individus déjà
atteints a été loin d'être favornble. Chez les pauvres malades
qui n'avaient pas de couvertures suffisantes, il a presque
constamment aggravé les symptômes.
L'ouverture des cadavres étant une chose fort difficile,
presque impossible à la campagne, je n'en ai fait aucune, et
n'ai par conséquent rien à dire sur les altérations organiques;
je citerai cependant deux résultats d'autopsie qui m'ont été
communiqués : le médecin de l'hôpital Saint-Jacques, à
Nantes, ayant ouvert deux cadavres de dysscnlériques, a
trouvé chez l'un et chez l'autre des traces d'une vive in-
flammation dans le rectum. Malgré les différences qui de-
vaient exister entre la dyssenterie observée au Cellier, où il
y avait infection, certains villages étant encombrés de ma-
lades, et à Nantes, où ils se rencontraient rarement, il me
paraît probable que la lésion de l'intestin devait être à peu
près la même. Comment expliqueras bons effets d'un purga-
tif employé à une certaine époque dans une phlegmasie in-
testinale ? Je ne prétends point donner raison du phénomène,
et je me borne à rappeler que ce fait n'est pas sans analogue
en thérapeutique.
Quand quelque lacune existe dans les institutions sociales,
c'est au moment des grandes calamités qu'elle se fait vive-
ment sentir; ainsi dans cette épidémie on a eu à désirer des
institutions ayant pour but de soulager les paysans pauvres
dans leurs maladies. Des faits graves se sont passés sur les-
quels on ne doit pas omettre d'appeler l'attention de ceux
qui gouvernent; en voici un entre autres :
A la première visite que je fis dans la commune de Ligné, on me
conduisit chez une famille habitant le village de la Hamonière. On
me flitqne cette famille était composée, avant l'épidémie, t!e neufin-
diviflus: le père, la mère et sept enfiins; que quatre de ces derniers
étalent déjà morts, deux dans le même jour.
J'entrai dans une chambre Infecte, contenant quatre lits et plu-
sieurs grands meubles malpropres. Trois des lits étaient occupés; le
(jiiatrième était vide. La première personne à laquelle je parlai était
unefemme de quarante-sept ans; c'était la mère ; elle était grosse de
huit mois, et malade de la dyssenterie depuis quinze jour.';. Elle n'était
pas arrivée au dernier degré de la maladie; le pouls était hiea con-
servé, mais elle allait à la selle à chaque instant. Elle lâchait ses ma-
tières fécales sous elle, et on ne la changeait point de linge, car de-
puis plusieurs jours {)ersonne n'était entré dans la maison.
Un peu plus loin était un jeune homme de dix-huit ans à peu
près. Celui-là était beaucoup plus malade ; son pouls ne battait plus,
sa peau était froide, ses yeux hagards; il me regardait fixement.
Cemalheiueux était couché dans l'ordure et ne pouvait même chan-
TOM. VI. — N" DE MAI. l4
(210)
ger de place dans son lit. Il était sans doute dans cettt affreuse
position depuis trois ou quatre jours.
Dans le troisième lit était son frère, âgé de quatorze ans. Lui aussi
était atteint de la dyssentcrie, mais à un degré moins avancé ; il
pouvait encore aller dehors satisfaire à ses besoins. Un autre gar-
çon de sept ans était encore debout, bien qu'atteint aussi de la
dyssenterie.
Le père, homme de cinquante ans, atteint également, marchait
dans sa chambre, s'appuyanl sur les meubles pour ne pas tomber.
Sa figure exprimait le plus profond découragement. Il n'avait plus,
me dit-il, la force de donner à boire à sa femme et à ses enfans.
Je lui demandai s'il avait du linge, il me répondit que ses draps
avaient été employés à ensevelir ses morts.
Ici c'était de 1 hygiène qu'il fallait bien plus que de la médecine
proprement dite. J'écrivis au maire de Ligné pour qu'il procurât
quelques secours. Je donnai également connaissance de ce fait à
M. le docteur Fouré, médecin en chef des épidémies, qui s'empressa
de le communiquer à M. le préfet; mais ce ne fut qu'après qua-
raute-buit heures qu'il arriva quelques secours en linge. Une pa-
rente se décida enfin à nettoyer la maison. Elle y consacra une
journée entière. Le fils aîné était mort le lendemain de ma première
visite.
Quand j'ai quitté le pays, la mère était mieux ; le second fils, dont
la maladie avait fait encore beaucoup de progrès, avait enfin éprouvé
une amélioration très-sensible, lorsque ses imprudences lui donnè-
rent une rechute. Il était encore dans un état grave au moment de
mon départ. La partie supérieure du canal intestinal était affectée.
Le père était beaucoup mieux; le jeune fils était guéri.
Dans cette circonstance ce sont les soins hygiéniques qui
ont enrayé les progrès du mal; il me paraît démontré que si
les circonstances funestes qui enveloppaient cette famille
n'eussent pas changé, tous ses membres eussent éprouvé le
même sort que les premiers atteints.
ART. 1035.
Considilrations pratiques sur quelques moyens employés dans les
p/icgmasies cérébrales : emploi de la glace, des purgatifs^ de l'é-
mélique à haute dose, du vésicatoire sur ta tête.
Dans un ouvrage publié récetnmeiit (i), M. Gendrin a
(i) Det mala<ties itc d nccphale cl de la moelle épim'dre, par J«'an
Abercrumbie, traduit «le l'anglais, <:t augincnli; <lc notes par Gendrin,
médecin de 1 hûpilal Cuchin ; dcuxiciuc cditioa. Un volume ia-8*, 64o
pages.
(211)
passé en revue quelques-uns des moyens proposés contre
les phlegmasies cérébrales. L'examen de ces diverses médi-
cations, et l'exposé des opiuions de ce médecin sur le degré
de confiance qu'on doit leur accorder, ne paraîtront pas sans
intérêt à nos lecteurs.
L'application du froid, dit M. Gendrin, n'est utile et ne
peut être sans danger qu'après que l'on a calmé, par des
saignées, la violence des accidens inflammatoires, car il est
toujours à craindre que la réaction consécutive ne soit la
cause d'une exacerbation qui annulle les avantages que l'on
se proposait de l'effet sédatif du médicament (i). Mais,
lorsque le froid est appliqué sur toute la surface du corps,
cette réaction est bien moins violente, et ses effets sédatifs
sont bien plus prononcés; il faut cependant surveiller avec
soin l'étal du malade, afin de ne pas le jeter dans un prolapsus
trop profond, dont il serait difficile de le retirer. Les affusions
à seize ou dix-huit degrés, pendant cinq à six minutes, n'ex-
posent point à cet inconvénient, et sont presque toujours
suffisantes. L'eau à cette température, passant rapidement
sur le corps, ù la surface duquel on la fait ruisseler en grande
quantité, sans opérer aucune percussion, suffit pour enlever
une grande masse de calorique. Cependant quelquefois on
peut diminuer la température de l'eau, mais on ne doit ja-
(i) L'application momentanée de la glace sur la tôto est un ninyen
si dangrreux, qu'un grand nombre de praticiens y ont entiéreiDeiit re-
noncé. Presque toujours, en effet, la réaction qui suit la cessation du
remède ramène les choses dans un ('■tat beaucoup plus fficlieux que
celui dans lequel elles se trouvaient d'abord. Nous avons éprouvé nous-
inëuie les l'àcheux effets de cette réaction. Atteint d'une cérebiite
viuli'Ute, nous fûmes soumia à l'application de la glace après d'abon-
dantes évacuations sanguines. Le premier effi:l de cette médication
fut une douleur "de tête horrible, puis un soulagement très-marqué,
c'est-a-dire un état é peu près semblable .i celui dans lequel nous nous
trouvions avant l'application de la glace. Bientùt nous toniiiàmcs dans
une sorte de btupeur et d'iasensibililé qui força d'enlever bien vite les
rèfrigèrans. La lèaction ne se Ct pas long-ttmps attendre; alors l:i cé-
phalalgie, le délire et l'agitation redoublèrent, et la nuit fut beaucoup
plus mauvaise que les précédentes.
L'application partielle du froid, pour être de quelque utilité, soit
U la tète, soit sur d'autres parties du corps, devrait être continuée fort
long-temps, comme dans les observations rajiportées à notre article
1002; mai-i la glace ne peut être maintenue sur !'■ ci Ane s.ins danger
que pendant quelques instans, et les rèfrigèrans moins fictifs ne parais-
sent pas avoir sur les pblegmasieâ cérébrales une action bieu mar-
quée.
( Notedurédact. )
14.
(aia)
mais descendre au-dessous de dix à douze degrés. L'obser-
vation suivante fera juger «le l'effet de ces affusinns.
Un jeune homme tomlni malade le 17 mars 1829, il éprou-
vait de la fièvre et une céphalalgie intolérable. La peau était
chaude, il y avait beaucoup d'agitation. Une saignée de seize
onces fut pratiquée le 18. Dans la nuit il survint du délire.
Le 19, les yeux étaient fixes et la figure tniluminée. Le pouls
était très-fréqdent, l'anxiété extrême. Une nouvelle saignée
fut faite sans aucun avantage : le pouls augmenta de fré-
quence, et le délire devint plus violent. I-e an, la face portait
l'empreinte de la stupeur, la parole était brève, il y avait du
délire, la peau était sèche et brûlante. Une alTusion générale
à seize degrés, pendant cinq minutes, amena une diminution
immédiate de la fréquence du pouls. Le malade resta dans
un état de coUapsus, avec fraîcheur de la peau, pendant une
heure, après laquelle il y eut une vive réaction. Une saignée
de huit onces fut faite dans la journée, et l'on appliqua la
glace sur la tête pendant une heure. La céphalalgie diminua,
cependant il restait de la pesanteur à la tête, il y avait beau-
coup de malaise, des rêvasseries et de la fièvre. Une affusiori
à douze degrés fut administrée pendant cinq minutes. Le
pouls tomba immédiatement de cent dix à soixante-cinq pul-
sations. La peau devint fraîche, le malade reprit toutes ses
facultés. La réaction fut douce. Aucun accident ne reparut,
et le lendemain il n'y avait plus de phlegmasie céiébrale.
Suivant M. Gendrin, l'administration des purgatifs et des
émétiques convient surtout dans deux cas : dans les encé-
phalites des enfans, et dans celles qui sont compliquées d'un
état saburral.
Un homme de dix-neuf ans était débarrassé d'une fièvre-
tierce, depuis quelque temps, lorsqu'il fut pris le i5 sep-
tembre i8'27, d'une violente céphalalgie avec envies de vo-
mir. Le délire survint dans la nuit. Le lO, il était dans une
sorte de stupeur, le pouls mou et fréquent, la langue jaune et
saburralc, la bouche très-amèrc; il y avait des nausées et une
courbature générale. Une saignée de dix onces fut pratiquée.
Dans la nuit les accidens augmentèrent, le délire, î'agilalion
et la céphalalgie élait;nl extrêmes. Le 17, l'état était le même;
la langue recouverte d'une couche épaisse de saburres. ( Trois
grains d' étnélique dans une cliopine d'eau tiède donnée par tasses. )
La connaissance se rétablit, et le délire cessa pendant l'ef-
fet du vomitif. Le soir il y avait encore de la cé[)halalgie,
mais la fièvre était modérée. Il survint de la moiteur, et le
malade doruiil trois heures pendant la nuit. Le 18, la langue
était encore saburralc, mais l'élat général était cousidé-
(2l5)
rablenient amélioré. Un éméto-catliar tique composé, de tartre
siihié, un grain, et sulfate de soude, une demi-once, fut admi-
nistré. IlJ n'y eut qu'un vomissement, et beaucoup de selles
bilieuses. La céphalalgie disparut imuiédiatemeul. Le lende-
main le malade élait en convalescence.
L'émélique à haute dose a quelquefois réussi dans les
mains de M. Gendrin contre les encépluililes ; mais ce mé-
decin reste persuadé que, de même que dans la pneumonie et
le rhumatisme articulaire, l'émétique n'a d'action que par
les crachats, les selles on les vomissemens procurés, et que
lorsque la tolérance, comme on dit, est établie, ce n'est plus
qu'une substance tout-à-fait inutile. Aussi est-il arrivé à
n'administrer l'émétique qu'en lavage, en y ajoutant même
quelques cathartiques pour prolonger son action pendant
quelques jours.
Lorsque l'encéphalite se prolonge et tend à se terminer
par suppuration, les dérivatifs autour de la tête, et surtout
les vésicatoires sur le crâne, peuvent être d'une très-grande
utilité. M. Gendrin assure en avoir retiré maintes fois de
très-bons effets, et il se borne à citer l'exemple suivant.
Un jeune homme de dix-neuf ans fut pris tout-à-coup, le
i4 juillet i852, d'une très-vive céphalalgie, avec fièvre vio-
lente. Les accidens persistèrent le lendemain, et il s'y joignit
des nausées. Le faciès était abattu, portant l'empreinte d'une
stupeur profonde, les yeux errans et très-brillans, la parole
brève, la douleur de têle insupportable; deux saignées du
bras furent faites dans le même jour. Le 16, on appliqua vingt-
quatre sangsues aux tempes, et on fit des affusions fraîches de
deux à tr. is minutes de durée sur la tête, réitérées toutes les
deux heures. Le 17, il y avait fort peu de changement; la pe-
santeur de tête avait augmenté. On ordonna du petit-lait
émulsioné avec addition de deux grains de tartre stibié par
litre. Le 18, il y avait une amélioration marquée, mais le 19
le malade tomba dans un état comateux dont il était difficile
de le retirer, [^application d'un vcsicaloire sur la tête préala-
blement rasée; administration de vingt-quatre grains de calo-
viélas, divisés en trois prises. )
La même médication fut continuée les jours suivans ; une
salivation abondante ne tarda pas à s'établir; les symptômes
d'assoupissement se dissipèrent promptement, et la phleg-
masie cérébrale, détournée p.w cette double révulsion, se dis-
sipa entièrement. Le 25, le malade entrait en convalescence.
(•ii4)
ART. 1036.
Considérations pratiques sur quelques accidens produits par la
présence de deux jumeaux dans la matrice.
La note suivante nous est communiquée par M. le
docteur Delaporte, de Vimoutiers (Orne).
Il a été question aux séances de l'Académie royale de mé-
decine du dernier trimestre de l'année i 854> de ce cas parti-
culier de délivrance dans lequel on a affaire à une {grossesse
double accompagnée d'hémorrhagie par le cordon du pre-
mier enfant sorti (i); je m'étonne, en vérité, que cela ait pu
donner lieu ù une discussion sérieuse parmi les académiciens,
car nombre de faits témoignent en faveur de la ligature du
bout placentaire du cordon appartenant à l'enfant déjà né,
et cette précaution se trouve indiquée dans les bons traités
d'accouchement comme moyen de prévenir le danger d'une
communication vasculaire entre deux placentas réunis.
En i8a i j'ai adressé à la Société de médecine de Paris
l'observation d'une hémorrhagie devenue mortelle par
l'omission d'une double ligature sur le cordon ombilical, et
plus tard j'ai cru reconnaître, d'après l'observation du doc-
teur Chevreul, accoucheur distingué à Angers, que la sortie
du placenta dans l'accouchement simple était, sinon plus
facile, du moins exempte d'accidens, lorsqu'on faisait deux
ligatures au cordon.
Une foule de circonstances apportent encore des obstacles
ù la parturition dans le cas de jumeaux. Eq voici un exemple
remarquable.
Je fus appelé, il y a environ dix ans, auprès d'une femme
qui était dans les douleurs de l'enfantement, et après avoir
constaté la rupture de la poche des eaux, ainsi qu'une pré-
sentation des fesses, je me mis en dcvoird'agir, mais avec la
lenteur convenable à ce genre de position. Cependant je ne
pus terminer l'accouchement, et la cause de cette difficulté
était due à l'existence d'un second enfant encore enferme dans
une poche membraneuse distincte, dont la tête occupait l'exca-
vation pelvienne.
Jugeantalors le cas fort grave, je réclamai l'assistance d'un
confrère qui ne fut pas moins surpris que moi de cet événe-
(i) \uy. art. 701.
(215)
uieDt. Nous résolûmes cependant d'essayer l'application du
forceps sur la tête la plus rapprochée de la vulve, au lieu de
recourir à la détroncation du fœtus qui était au dehors. Je
divisai donc les membranes pour employer l'instrument;
mais pendant que nous cherchions à suppléer à notre expé-
rience par la lecture des auteurs (MM. Capuron et Gardien),
chez lesquels nous trouvâmes un accord de principes qui
nous confirma dans l'opinion que l'enfant qui aurait dû
venir le dernier allait naître le premier, la nature déploya
toutes ses forces pour opérer la terminaison d'un accou-
chement que l'on pouvait a priori croirejmpossible sans
l'emploi de moyens extrêmes. En un mot, l'expulsion de
deux enfants morts fut prompte et inattendue, comme s'ils
avaient voulu se disputer le droit d'aînesse.
Les suites des couches furent simples et heureuses, quoi-
que nous eussions à craindre chez cette femme, qui avait
beaucoup souffert et qui n'était plus mère que de nom, le
développement d'une péritonite dont l'origine, suivant
M. Velpeau, est souvent en rapport avec la commotion
morale.
A.aT. 1037.
HOSPICE DE LA MATERNITÉ.
Accouchement impossible chez une femme quin'ojfrait que deux
pouces au diamètre antéro-postérieur. Opération césarienne f
extraction d'un enfant vivant ; mort de la mère.
Dans sa leçon du 27 mars, M. le professeur P. Dubois a
entretenu ses élèves d'un cas d'opération césarienne qu'il
avait pratiquée la veille, et il a fait suivre cette intéressante
observation de considérations pratiques importantes.
Une femme éprouva les premières douleurs de l'enfan-
tement le 25 mars vers les trois heures du soir. Une sage-
femme fut appelée, et dans la nuit, voyant que le travail
n'avançait pas, elle rompit les membranes par un motif qu'il
est difficile de s'expliquer. Le lendemain matin, 26, re-
connaissant apparemment que l'accouchement naturel était
impossible, elle fit transporter cette femme à la Mater-
nité.
M. Dubois ne put s'y rendre que le soir. Il trouva une
femme qui, couchée dans son lit, n'offrait d'abord aucun
signe de rachitisme ; la tête, la poitrine et l'abdomen étaient
(-216)
régulièreuient confomiés, mais les extrémités abdominales
manquaientpresque en entier, lescuisses étant réduites pres-
que à rien, et les jambes torses, grêles et fort courtes.
Le toucher fit reconnailre un bassin d'une si petite dimen-
sion, qu'on pouvait prévoir tout de suite que l'accouchement
ne pouvaitse lerminersans uneopéralion,ctenefl'etlecompas
d'épaisseur donna pour le diamètre antéro-poslérieur une
dimension de deux poiices quatre lignes à deux pouces six
lignes (i). L'oreille appliquée sur l'abdomen percevait des
pulsations très-lortes ; la mère était dans un état trés-salis-
t'aisant, le travail durait depuis un temps qui n'avait pas été
très-long, en un mot tout sejiiblait se réunir pour présenter
des chances favorables à une opération pratiquée dans le but
de remédiera l'étroilesse du bassin.
Plusieurs moyens pouvaient se présenter à l'esprit :
d'abord devait-on attendre et espérer encore un accouche-
ment naturel? La tète était située à une si grande hauteur et
le rétrécissement du bassin était tel qu'il n'}'^ avait absolu-
ment rien à espérer de l'cxpectaliou. L'application du for-
ceps était assurément impossible, et on no pouvait, par des
tentatives qui auraient été infructueuses, que diminuer les
chances de vie pour l'enfant. La section de la sjmphise
n'était pas plus proposable, car on n'aurait jamais pu obtenir
un écartement sulïisant pour le passage de la tête. Restait
donc l'opération Césarienne, à laquelle M. Dubois dut se dé-
cider sur-le-champ.
Les instrumens et pièces d'appareil consistaient en deux
bistouris larges et convexes, un bistouri droit boutoiuié, des
ciseaux et une sonde cannelée; de larges éponges, des éponges
plus petites, des fds placés dans des aiguilles courbes à
suture, (juelques tuyaux de plume, de la char])ie et un ban-
dage de corps.
Ou commença par vider la vessie et écarter autant que
possible par de fortes i'riclions les intestins <)ui pouvaient se
trouver au-devant de l'utérus, pui.- on ramena au centr»-. de
l'abdomen cet organe qui était un peu tourné vers le côté
gauche, (".'est pour l'exécution de cette dernière njanœuvre
qu'on s'était muni de larges éponges, mais on reconnut
bientôt que les mains des aides étaient suflisantes.
La femme étant pla<;ée sur un plan oblique, M. Dubois fit
une incision sur la ligne médiane partant de l'ombilic et
descendant jusqu'à un [jouce à un pouce et dciui du pubis.
;i) L'iiiitoi»ii; il cJi-iiiDiilir «lu'ii y .m ail ilnix |>oikx.s .seul» iik.iiI.
(217)
La peau avait été divisée dans celte première incision. Il
pénétra ensuite successivement, sans léser aucun vaisseau,
jusqu'à l'aponévrose abdominale, qui Tut percée elle-même
dans un point par I(îquel le péritoine se montra aussitôt fai-
sant une petite hernie. Le doij^t fut introduit par cette
ouverture dans l'abdomen, et avec le bistouri boutonné, et
sans se servir de la sonde, on fit une incision de quatre à
cinq pouces semblable à celle de la peau.
L'utérus vint alors faire saillie dans la plaie, et sa couleur
rouge ainsi que sa masse le firent facilement reconnaître. Il
fut incisé couche par couche avec précaution, pour ne pas
blesser l'enfant, dont les enveloppes étaient rompues. On
agit comme pour l'ouverture de l'abdomen; les membranes
ayant fait saillie par un petit point, le doigt fut introduit dans
l'utérus, et l'incisionaugmentée en baset en haut. L'épaule et
le bras se présentèrent d'abord; ils furent saisis, et on chercha
par des tractions convenables à ramener la tête au centre de
l'ouverture, ce qui fut exécuté sans difficulté.
L'enfant était dans un état voisin de l'asphyxie, mais des
soins convenablement administrés ne tardèrent pas à le ra-
mener à la vie.
La femme avait d'abord donné des signes d'ime violente
douleur, lors de l'incision des tégunicns; mais bientôt elle
cessa de souffrir, et l'utérus fut incisé sans qu'elle poussât de
nouveaux cris. Au bout de quelques instans cet organe était
si bien revenu sur lui-même, que la plaie qu'on y avait laite
semblait réduite à de très-petites dimensions. Le placenta s'y
présentant de lui-même, on en fit l'extraction parla même
voie, en le saisissant et le décollant directement.
On s'occupa alors d'obtenir la réunion delà plaie abdomi-
nale, et l'on commença par la partie supérieure où une anse
d'intestin faisait déjà hernie. Après l'avoir réduite sans diffi-
culté, on passa une aiguille armée d'un double fil, d'abord de
dehors en dedans, puis de dedans en dehors, en ayant soin
de faire sortir sa pointe en dehors du péritoine, afin d'éviter
de léser cette membrane; le fil fut ensuite dédoublé et fixé
sur un tuyau déplume par un nœud à rosette. On réunit ainsi
cette vaste plaie par cinq points de suture, et ses bords furent
maintenus oxactementaffrontés, excepté à la partie inférieure,
où on laissa un intervalle destiné à permettre l'écoulement
des liquides, et par lequel on introduisit une mèche jusque
dans la plaie de l'utérus. Le doigt fut ensuite porté dans le
vagin, et l'on reconnut que ce canal était parfaitement libre.
Le pansement consista seulement à placer sur l'abdomen
unevessieà moitié remplie d'eau froide qu'on devoil rcnou-
(ai8)
Teler souvent ; mais on s'aperçut bientôt que ce moyen ne
remplissait pas le but qu'on s'était proposé, et l'on ne tarda
pas à y renoncer.
La femme, reportée sur son lit, parut d'abord en un assez
bon état. Elle dormit assez bien la nuit: le lendemain matin
le pouls était développé, le ventre sensible et ballonné. On
pratiqua une saignée du bras, et l'on appliquaquinze sangsues
sur l'abdomen. Malgré ces moyens, le ventre continua à se
ballonner,et la malade s'éteignit le 28 au matin, presque sans
agonie.
A l'autopsie on trouva la plaie aussi exactement réunie
qu'on pouvait l'espérer; le péritoine n'était enflammé que
dans quelques points, et le sangépanché dans l'abdomen était
en très-faible quantité. M. Dubois reconnut alors que la plaie
faite à l'utérus n'occupait pas précisément l'endroit qu'il avait
cru lui assigner. En faisant l'incision, il croyait en effet porter
le bistouri à une distance à peu près égale de son fond et de
son col, tandis qu'il avait incisé la partie inférieure du corps
de la matrice et une partie de son col (1).
(1) Cette grave opération, dont M. Dubois nous a donné tous les dé-
tails, a suscift; à ce professe'.ir plusieurs objections auxquelles il a biea
voulu répondre dans la leçon suivante. Nous pensons que ces réflexions
ne paraîtront pas dénuées d'intérêt.
On a demandé : Puisque dans celte position fâcheuse il fallait né-
cessairenient sacrifier la mère ou l'enCint, pourquoi n'avoir pas préféré
sauver la mère dont l'existence était plus précieuse et plus assurée?
Cette question, a dit M. Paul Dubois, suppose, d'une part, qu'en
sacrifiant l'enfant on eût nécessairement sauvé la mère, et de l'autre,
qu^en faisant l'opération césarienne, on sacrifiait nécessairement la mère
pour sauver son enfant. Mais ni l'une ni l'autre de ces assertions ne
sont exactes. Il est vriii que l'opération césarienne est excessivement
Rrave, qu'elle compromet toujours l'existence de la mère; mais il s'en
faut de beaucoup qu'elle la voue à une mort certaine. Un auteur alle-
mand a fait a ce sujet des recherches curieuses : il a réuni tous les cas
d'opérations césariennes publiés jusqu'à nos jours, et il les a divisés
en deux séries : dans la première il a ran{»é toutes les opérations prati-
quées avant le commencement du xix' siècle, et dans la seconde tou-
tes celles pratiquées depuis ci-tte époque. Il a trouvé que cent qua-
rante-huit opérations césariennes devaient être rangées dans la première
série, et sur ce nombre, «oix.iniedix-huit femmes ont succombé,
soixante-dix ont survécu. Depuis 18(10, cent dix femmes ont été opé-
rées, soixante-deux ont succombé et quarante-huit ont guéri. Il faut
assurément que tous les cas malheureux n'aient pas été publiés, car la
proportion des cas h<-ureux semble beaucoup trop considérable. Mais,
en «uppotant que ce reituitat soit exagéré, et en faisant la part des opé-
ration» funestes restée» inconnues, on pourrait du moins admettre qu'on
a sauve une femme sur trois; recourir à cette opération n'est donc pas
sacrifier la mère d'une manière certaine. On doit ajouter encore que
(219)
ART. 1038.
HOPITAL DES VÉNÉRIENS.
Considératiom aur les syphilides. — De lasypIùUde exavthéma-
tique ou maculée.
On a désigné sous le nom de syphilides les éruptions cu-
tanées qui reconnaissent pour cause une infection syphiliti-
que ancienne. Ces éruptions sont ordinairement sans fièvre;
cependant il est des cas, et nous en citerons des exemples,
on le travail inflammatoire de la peau esttel,qu'ilyaréaction
générale et mouvement fébrile très-prononcé.
Il paraît que lorsque la syphilis se montra d'une manière
épidémique en Europe, cétait principalement sous celte forme
qu'elle se manifestait, car, au rapport des médecins qui l'ob-
servaient à cette époque, la peau était le siège ordinaire de
ces symptômes redoutables qui annonçaient l'infection syphi-
litique générale. Aujourd'hui ces éruptions sont beaucoup
moins nombreuses et surtout beaucoup moins graves, quoi-
qu'on les observe encore fréquemment etque certaines espèces
soient extrêmement rebelles à tous nos moyens de traite-
ment.
L'étude des syphilides n'a guère été complète que dans ces
dernières années, et les divisions que l'on a établies, fondées
non-seulement sur leur aspect extérieur, mais encore sur les
«or les nombres pr';cités on compte trois femmes qui ont subi Topéra-
tion trois fois; l'une a survécu, les deux anties ont succombe à cette
troisième opération. Dix autres ont été opérées deux fois; sept ont
survécu, et trois ont succombé.
Si nous examinons maintenant la seconde question : Le sacrifice de
l'enfant eût-il assuré celui de la mère ? on arrivera également à une so-
lution négative. Si, en effet, on avait perforé le crâne, si on avait appli-
qué le céphalotribe ( voy. art. loao), on aurait as>ur('nient éprouvé
d'extrém'S difficultés, car chez une femme dont le bassin offiail six li-
gnes de plus d'étendue, et que l'on a délivrée le mois dernier avec cet
instrument, les difficultés ont été telles après avoir extrait la fête, qu'on
a failli ne jamais pouvoir amener le tronc de l'enfant. Il < .-l vrai que
ces difficultés dépendaient en partie d'une position vicieuse du fœtus ;
mais enfin, dans le cas en q^e^tion. il est infiniment probable, vu l'é-
troitesse extrême du bassin, qu'après avoir sacrifié l'enfant, la mère
aurait été exposte à des dangers presque aussi grand.- que ceux qu'on lui
a fait courir en pratiquant l'opération césarienne.
( 320 )
parties de la peau qui sont affectées, sont simples et faciles à
retenir des qu'on a eu occasion de les observer. Nous négli-
gerons à dessein dans ce petit travail, comme nous le ferons
plus tard pour toutes les maladies de la peau en général, les
nombreuses variétés qui s'attachent à chaque espèce, afin de
ne pas causer de confusion dans l'esprit de nos lecteurs. Le
seul point que nous traiterons d'une manière complète sera
la thérapeutique qui nous occupe d'une manière presque ex-
clusive dans ce journal.
M. Cullerier admet cinq espèces de syphilides :
i" Syphilide maculée ou exanthématique;
2° Syphilide papuleuse ;
3° Syphilide pustuleuse ;
4° Syphilide squammeuse ;
5' Syphilide tuberculeuse.
M. Biet assure en avoir rencontré une sixième espèce, la
vésiculeuse, dont M. Cazenave a cité im exemple dans son
ouvrage, et qui n'a jamais été vue par M. Cullerier; nous
n'aurons donc pas à nous en occuper.
Nous allons examiner successivement ces cinq espèces;
puis, après en avoir tracé l'histoire particulière, nous consa-
crerons un chapitre à des généralités qui trouveront leur ap-
plication dans les faits que nous aurons cités.
Syphilide maculée. Une jeune femme a été reçue dans les
salles dcsVénériens avec son enfant, âgé de trois ans. D'après
sa déclaration elle est mariée, et son mari, qui avait du uial
au pénis, lui a communiqué l'affection dont elle est atteinte.
Ce sont des pustules muqueuses et une vaginite qui datent
de trois mois environ. De plus, elle a sur différentes parties
du corps des taches qui sont évidemmentliéesavec lessymp-
tômes que no-.is venons d'énoncer. Ces taches,qui sont répan-
dues à des intervalles fort éloignés sur les bras, le dos, la
poitrine, les cuisses, présentent une surface /l'un rouge pTde,
affectant une l'orme un peu arrondie et ne s'élevantpas d'une
manière sensible au-dessus du niveau de la peau. La pres-
sion avec le doigt ne les fait pas disparaître entièrement, et
bientôt elles reprennent leur forme et leur couleur première.
Elles ne sont point entourées d'un cercle couleur de cuivre,
comme on l'observe pour la plupart des syphilides un peu an-
ciennes. Leur grandeur est d'un quart de pouce à un demi-
pouce de diamètre, et elles sont disséminées çà et là à une as-
sez grande distance les unes des autres, la peau qui les sépare
restant dans une intégrité parfaite.
(221 )
Cette femme a été mise à l'usage de la solution suivante :
Pr. Eau distillée, une livre ;
Cyanure de mercure, huit grains.
A prendre quatre gros par jour en deux doses.
Au bout de quinze jours de ce traitement, secondé par le
régime et les antiphlogistiques, l'amélioration a été des plus
sensibles ; les taches pâlissent et disparaissent sans laisser de
desquaiiimalion à la surface de la peau, et il est probable que
dans quelques semaines il ne restera plus de traces de cette
éruption.
Quant aux pustules muqueuses et à la vaginite, les moyens
indiqués à nos articles 800 et 864 ont procuré une amélio-
ration semblable.
Cette syphilide (uaculée est dans celteobservation un symp-
tôme successif de vérole; elle existe en même temps que des
symptômes primitifs, mais elle s'est développée depuis leur
apparition. C'est le seul exemple qu'il y ait en ce moment
dans les salles, car la syphilide maculée est une aifection peu
commune et en même temps peu grave. M. Cullerier pense
que son siège doit être dans le tissu réticulaire de la peau.
La même affection de la peau se montre aussi quelquefois
dans un état aigu, et elle a reçu le nom de roséole syphi-
litique; mais M. Cullerier la considère comme le début de
la syphilide squammeuse; c'est du moins sa terminaison la
plus ordinaire, et nous ne pensons pas qu'oa doive en créer
une variété particulière.
ART. 1059.
HOPITAL CLINIQUE DE LA FACULTÉ.
§ 1 . — IS'ote sur l'ictère ; sa nature et son traitement.
Plusieurs ictériques sont en ce moment dans les salles. Au
n" 1 de la salle des femmes, est une jeune fille qui, à la suite
d'un violent accès de colère, a éprouvé de la douleur dans la
région du foie : la cornée opaque, puis la peau de la face et
enfin celle du corps ont pris une couleur jaune, et quand elle
est entrée à l'hôpital, l'ictère était complet.
Cette fille accuse de la douleur dans la région épigastrique
et dans l'épaule du côté droit, douleur qui ce[iendant, sui-
vant M. llostan, s'observe rarement dans l'affection qui nous
occupe; elle assure aussi qu'elle voit tous les objets jaunes,
( 222 )
ce qui ne paraît pas plus vrai, puisqu'elle désigne exactement
la couleur de ceux qu'on lui présente. L'iu'ine est jaune et
épaisse, la langue chargée ; il n'y a pas de fièvre.
Au n° 6 de Ja salle des hommes, a été reçu un élève en
médecine qui depuis quelques jours éprouvait de la douleur
à l'épigastre et offrait une légère teinte jaunâtre de la face et
desyeux. Comme on observe dans ce moment un assez grand
nombre de fièvres typhoïdes, ce jeune homme croyait en
présenter quelques symptômes, mais tous les accidens n'ont
pas tardé à disparaître.
Dans ces cas où l'ictère vient subitement, qu'il y ait ou
non douleur à la région du t'oie, M. llostan admet qu'il y a
hépatite. La douleur, suivant ce médecin, u'est point néces-
saire pour annoncer l'inflammation de cet organe, qui n'est
susceptible que d'une réaction très-bornée. Les malades
n'offrent pas de fièvre ni de chaleur à la peau, par cela même
que, le t'oie étant peu excitable, les sympathies sont ditTicile-
ment éveillées. On voit même des organes beaucoup plus sen-
sibles que le foie envahis par l'inflammation sans que les ma-
lades témoignent de douleur; rien n'est plus commun que
les pleurésies latentes, que les péricardiles peut-être; et s'il
fallait, pourdiaguostiquer une hépatite, attendre qu'on ait sous
les yeux tous les symptômes indiqués par les pathologistes,
on commettrait sans cesse les erreurs les plus préjudiciables
aux malades (i).
La conséquence de l'opinion de M. Rostan sur la nature
(i) Les praticiens ne saiir.iirnl se tf.'nir Irop en {jarde contre ces in-
(lan)iuatiuns latenti.-s, qui envahis'ïent les tissus, uiênie les plus sensi-
bles, sans que les malades accusent aucune douleur, et iju'on ne re-
coiinait ordinairenieat que lorsque les progrès sont tels que les secours
de l'art sont devinus presque inipuissans. Il paraît bien di'iiionlrc au-
jourd'hui qin; la [)ei icardi(e est une afFiTlion couiuiuue, et ((•pendant
combien pen sont reconnues pen<laiitlM vie! M. Itostan pense que les
pleuii-sies latentes sont presque aussi fréquentes que celles qui s'an -
nincent jjar des symptômes faciles :i saisir.
A'i n" aj a élii reçu un homme qui répondait assez m.il aux ques-
tions qu'on lui faisail. Il avait uu a-ir d'etonaement et de défiance, et
M. Iloslm n'ayant trouve aucune fon''lion en souffrance, soup^:oiina
d'abord q-j*; ce pouvait èlre un fripon qui, pour éviter les [jouisuiles
de la justice, se nfugiail dans b-s hôpitaux ; mais en poussant plus
loin son examen, il n:(:(uinut que, dans le cùté di'oit de la (joilrine, il y
avait de la matit6. Le malad<', interrofçé, déclara soullVir légéremcut
dan» ce point. IJans la nuit il survint (ie l'agitation, jiuis un délire fu-
ricui.
Un jeune médecin traitait un malade à la campai^ne, cl bien qu'au-
cua organe ae parût souffrir, les aceidcus généraux ne ccssaieut pas.
(223)
de l'ictère est que le traitement doit être antiphlogistique.
Par les autres moyens, on peut arrivera la guérison, mais on
n'y parvient qu'après un temps beaucoup plus long, ou même
la résolution reste imparfaite.
Mais il est un point de pratique qu'on ne doit pas perdre
de vue, c'est que la guérison est obtenue bien long-temps
avant que la teinte jaune de la peau ait disparu; et si l'on at-
tendait, pour donner des alimens, que la peau eut repris sa
couleur naturelle, on s'exposerait à tenir les malades à la
diète pendant un temps beaucoup trop long.
Mais la jaunisse chez les vieillards n'annonce pas seulement
une hépatite ; c'est un signe fréquent d'une dégénération fort
grave du foie et que l'on rencontre très-communément : tan -
tôt cet organe est considérablement développé, d'autres fois
son tissu est dégénéré et présente une multitude de petites
granulations, d'autses fois enfin il contient des kystes hydati-
ques.
Le cancer des organes voisins du foie est encore une cause
commune d'ictère.
ART. 1040.
§ 2. — Observations sur des symptômes de gastrite déterminés
par une alimentation insuffisante»
On ne saurait, suivant M. Rostan, s'enquérir avec trop de
M. Rostan fut consulté. Quoique le malade ne toussât point, et qu'il
n'accusât aucune douleur dans le thorax, il eut recours à l'auscultation,
qui démontra de la manière la plus évidente l'existence d'une pleu-
résie.
Ce proHcsseur a été consulté dans un eau tout semblable, dans ces
dernières années, p;ir un médecin Tort instruit qui, ayant négligé
d'ausculter la poitrine, méconnaissait complètement une pleurésie
fort étendue, que n'annonçaient ni la toux ni la douleur.
La péricardile est d'un diagnostic encore bien plus diOGcile que la
pleurésie; si l'on attendait, pour la diagnostiquer, qu'on eût tous les si-
gne.'» qu'on lui a assignés, on la méconnaîtrait dix-neuf ibis sur vingt.
Souvent on est obligé de procéder par voie d'exclusion ; ainsi, quand
un individu n'a pas de maladie du cœur, qu'on ne trouve aucun or-
gane souffrant, et que cependant il existe une perturbation dans la cir-
cnlation, bien qu'il n'y ail pas <le douleur, on est réduit h admettre
l'inflammation du cœur ou de ses enveloppes. Les soupçons se chan-
gent en certitude, si à ces signes se joignent de la douleur et de la ma
tité. C'est de cotte manière que l'an dernier on a reconnu à la Pitié
une péricardile, qui ne se mauifeslait d'abord que par de très-légers
symptômes : ce diagnostic fut vériQé par l'autopsie.
( 224 )
soin des antécédens fournis par les malades. Souvent on
découvre par ces recherches la véritable nature de certaines
affections que, d'après les symptômes apparens, on i^rait
exposé à méconnaître.
Au n" 20 de la salle des hommes a été reçu un jeune
garçon de dix-huit ans qui offrait de l'ini'.ppétence, de !a soif,
de la douleur à la pression dans la région de l'épigastre,
enfin tous les caracleres d'une gastrite récente. On apprit,
par les questions adressées à ce malade, qu'il avait déjà
commis de nombreux excès vénériens, soit seul, soit avec
des femmes; qu'à la suite de ces manœuvres il avait éprouvé
des douleurs horribles dans la région de l'estomac ; que de
plus il était plongé dans une misère profonde, et qu'il faisait
usage de la plus mauvaise nourriture. M. Ilostan pensa donc
que ce malade était épuisé par la misère et par les excès, et
au lieu d'employer les antiphlogisliques que semblaient
commander les symptômes de gastrite, il prescrivit le pre-
mier jour des bouillons et des potages, puis augmenta gra-
duellement l'alimeiilation. Les douleurs à l'épigaslre se
calmèrent aussitôt, et tous les symptômes d'irritation se
dissipèrent. Ce jeune homme sortit guéri au bout de quel-
ques jours.
AfiT. io4i*
g 3. — Comidcr (liions pratiques sur les signes qui différencient
l'/iydropisie asciie de l'hydropisie enkystée.
Au n" 10 a été co\ichée le i5 avril une femme âgée de
soixante ans, dont le corps a pris un développement prodi-
gieux. Le ventre est énormément distendu, la peau est
luisante, parsemée d'éraillemens. Les membres abdominaux
sont aussi d'une grosseur monstrueuse.
Ce développement du ventre est évidemment dû à la pré-
sence d'un liquide; mais ce liquide était-il épanché dans le
péritoine ou renfermé dans un kystePc'cst une ([iiestion qu'a
dû se faire M. Hostan, et qui pouvait cire importante pour
déterminer le traitement.
11 y a quinze à vingt ans, ce profe-^'^eur fut (Vap|>é de la
dilliculté de différencier l'ascitc de l'hydropisie eukystée.
Les auteurs disaient bien que dans l'ascite le gonflement du
ventre était général ; que les malades étant couchés sur le
dos, on reconnaissait le liciuide '•ur tousies points, landisque
( 225 )
dans rhydropisie enkystée on pouvait reconnaître b poche
se développant sur un point du ventre et la circonscrire par
le toucher.
Cette distinction peut certainement s'établir quand on est
appelé dès le débat de la maladie; mais quand !a sérosité
est amassée en grande quantité, ces signes ne sont plus suf-
fisans.
Les mêmes auteurs ajoutaient cependant : Quand l'ascite
est portée à un très-haut point, on reconnaît à la partie supé-
rieure du ventre, par la percussion un son clair, tandis qu'on
perçoit à la partie inférieure la sensation de fluctuation.
M.Rostan pensa qu'on pouvait perlecliouner ce diagnostic:
il est évident, en effet, que dans l'ascite le liquide se portant à
la partie inférieure et sur les côtés du ventre, les intestins
qui sont remplis de gaz doivent remonter ù la partie supé-
rieure, et c'est dans ce point qu'on doit percevoir le son
clair; mais dans l'hydropisie enkystée, à mesure que le sac
se développe, il s'élève en repoussant les intestins en bas et
sur les côtés; c'est donc vers ces points seulement que l'on
percevra le son clair, tandis que le son mat existera à la
partie supérieure. Ainsi, supposant un malade couché sur le
dos, l'ombilic étant la partie la plus élevée, s'il est atteint
d'une hydropisie ascite, les intestins remplis de gaz se pré-
senteront dans ce point, et par conséquent la percussion y
fera entendre un son clair, tandis que l'épigastre ainsi que les
côtés du ventre, étant occupés par le liquide, donneront un
son mat. Le contraire arrivera dans l'hydropisie enkystée :
le liquide ne pouvant s'écouler sur les côtés, le son restera
mat à la partie supérieure, et clair dans les autres points.
Quelquefois il y a complication d'ascite et d'hydropisie en-
kystée, ce qui peut jeter de l'obscurité dans le diagnostic;
enfin il pourrait y avoir une exception, ce serait dans le cas
où l'épiploon et les intestins qu'il embrasse seraient passés
au-devant du kyste, mais cela s'observe rarement.
Chez cette femme ou n'a pas hésité à diagnostiquer une
hydropisie enkystée.
Dans l'immense majorité des cas il suffit donc de donner
un coup léger avec le doigt sur les divers points du ventre
pour diagnostiquer l'espèce d'hydropisie.
Celle différence est extrêmement importante à établir,
car l'hydropisie ascite est, suivant M. Ilostau, toujours fâ-
cheuse, et presque toujours mortelle, tandis que l'hydropi-
sie enkystée est infiniment moins grave; et quant au traite-
ment, de grandes différences peuvent encore exister; ainsi
la ponction dans l'ascite est toujours suivie d'accidens fu-
TOM. VI. — N" DE MAI. l5
( 22ti )
nestes, tandis que dans l'hydropisie enkystée, on peut la
pratiquer un très-grand nombre de fois, et l'oa finit souvent
par obtenir la guérison.
ART. 1042.
Formule de l'onguent maluratif du docteur Cam/uoin.
Pr. Infusion acétique d ecorce de garou, \ , ,
., ,, ^ f de chaque
Mêlasse, \ '
,T -1 1» 1- ( une once.
Huile d olive, |
Bile de bœuf, deux onces.
Mélangez le tout et faites réduire jusqu'à consistance on
guentacée, puis retirez du feu et ajoutez aussitôt :
Onguent basilicuni, ) , ,
.^ ° .11 < ? de chaque une once.
Onguent de la mère, j ^
Mélangez très-exactement le tout et incorporez par chaque
once de cet onguent :
Sous-deuto-nitrate de mercure porphyrisé, un gros.
Cet onguent s'applique sur les tumeurs squirrheuses indo-
lentes d'un rouge violacé.
Lorsqu'il existe des tubercules cancéreux et enflammés sur
la peau, l'auteur les détruit par des applications, durant quel-
ques jours, d'une solution de cyanure de potassium, à la dose
de dix à douze grains pour deux onces d'eau distillée.
[Journ. de Pliarm.)
AUT. 1045.
Préparation du baume Opodeldocli, par M. Ferrari.
Pr. Savon animal, sec et transparent, cent vingt-huit gramiii.
Camphre raffiné, (juatre-vingt-seize idem;
Ammoniaque à vingt-deux degrés, trente-deux idem;
Cliarbon animal dépuré, quatre-vingt-seize idem; ,
Huile essentielle de romarin, vingt- quatre idem;
de ihyqa, huit idem;
Alcool à trente-six degrés, quinze cents idem;
(3.7)
On dissout le camphre et les huiles volailles dans cinq
cents parties d'alcool, et l'on y ajoute trente-deux grammes
de charbon animal, qu'on y laisse en contact pentlant qua-
rante-huit heures, en agitant de temps en temps; on verse
ensuite le tout dans un matras dans lequel se trouve le savon
dissous dans l'alcool qu'on a tenu exposé an bain-marie
pendant une demi - heure, avec soixante-quatre grammes
de charbon animal. Après avoir tenu de nouveau ce matras
au bain-marie pour favoriser la combinaison des deux al-
coolés, ony ajoute peu à peu l'alcali volatil et l'on ljltre|promp-
tement. La liqueur est aussitôt distribuée dans des flacons
hermétiquement fermés, et dont on recouvre le goulot avec
de la cire blanchcc
{Journ, de la Soc. des se. ph. et ch.)
ABT. io44-
Sirop dépuratif du docteur Devergie.
Gaiac râpé, ^
Saponnaire.f , , , ,.
Paiience, '> de chaque deux hvres;
Bardane, ;
Douce-amère, trois livres;
Feuilles de séné, huit onces.
Faites bouillir chaque substance dans trente livres d'eau,
rapprochez les décoctions et ajoutez :
jyj. j * > de chaque dis livres.
Réduire en consistance de sirop.
(Ibidem.)
ART. 1045.
Séanc ed' Académie : Note sur un nouveau moyen de guérir
radicalement les hernies du rentre.
M. Gerdy a adressé à l'Académie un Mémoire sur un
nouveau procédé à l'aide duquel il serait possible de guérir
i5.
(aaS)
radicalement les hernies ventrales. Voici en quoi consiste
l'opération proposée par ce chirurgien :
1° Pousser avec l'extrémité ila doigt la peau, que l'on ren-
verse et que l'on retourne comme un doigt de gant en l'en-
fonçant dans l'ouverture et le canal herniaires;
2° Fixer à la paroi antérieure du canal herniaire par trois,
quatre ou cinq points de suture, le fond du prolongement
sacciforme de la peau rentrée ;
3" Enflammer la cavité du sac invaginé au moyen d'am-
moniaque, pour établir une adhérence entre ses parois et
effacer sa cavité;
4° Enfin, pour mieux assurer le succès de l'opération,
fermer encore, si on le veut, l'ouvèrtare extérieure du pro-
longement sacciforme par quelques points de suture.
Cette opération, déjà pratiquée deux fois par M. Gerdy, a
été suivie d'un plein succès. MM. Larrey, Roux et Amussat
ont été nommés pour examiner ce Mémoire. Nous rendrons
compte du rapport qui sera fait sur ce sujet important.
ART. 1046.
]Sûte sur un moyen de guérir les gerçures du mamelon.
La lettre suivante nous est adressée par M. le docteur Eu-
1er, médecin à Cossonay (canton de Vaud) :
J'ai eu souvent occasifju de lire que les cautérisations avec
le nitrate d'argent guérissaient rapidement les gerçures du
mamelon; mais ayant voulu employer ce moyen chez quel-
ques femmes, et entre autres chez la mienne, j'ai trouvé de
la répugnance de leur part, répugnance qu'il fallait attribuer
à la crainte qu'elles avaient que cette légère opération ne
nuisit à leur enfant pendant la succion. Je fus conduit à
recourir à un procédé bien simple, et qui surpassa de beau-
coup tout ce que je pouvais espérer.
Ayant bien examiné la petite plaie, j'introduisis du coton
en laine entre ses lèvres ; douze heures après, malgré les suc-
cions réitérées de l'enfant, la cicatrice était complète. Ce
moyen m'a parfaitement réussi plusieurs fois; mais il ne
faut pas enlever le coton quand on <lonne le sein à l'enfant.
Il est ordinairement nécessaire de h; laisser séjourner vingt-
qiiiilre heiu'cs dans la plaie; on peut l'ôler alors, à moins
qu'il ne soit trop adhérent.
(aag)
ART. 1047.
Bain employé par M. Gannal pour la conservation des
cadavres.
Pr. Sel de cuisine, un kilogramme;
Alun, un kilogramme;
Nitrate de potasse, cinq cents grammes ;
Eau, vingt litres.
En hiver le liquide doit marquer sept degrés au pèse-sel
de Baume, et douze degrés en été.
Les cadavres plongés dans cette solution peuvent être
parfaitement conservés pendant deux ou trois mois.
ART. 1048.
Formules de plusieurs préparations pharmaceutiques. Sirop de
capsules de pavots blancs, par M. Béral.
Pr. Hydrolature de capsules de pavots blancs au 8",
12 livres;
Sucre Ragnenet cassé en morceaux, huit livres.
Pesez le sucre et l'infusion dans une bassine, et faites
bouillir pendant le temps nécessaire pour réduire le mé-
lange à environ douze livres; laissez refroidir, et passez au
travers d'un blanchet préalablement lavé à l'eau distillée, et
séché.
Une once de ce sirop contient les principes solublcs d'un
gros de capsules de pavots, résultat presque rigoureux
que ne présente aucune des formules publiées jusqu'à ce
jour.
Mode de préparation de l' hydrolature.
Pr. Capsules de pavots blancs sèches et incisées, trente-
deux onces ;
Eau dislillée, seize livres.
Lebain-marie d'un alaïubif. étant placé dans sa cucurbite
à moitié pleine d'eau, on y met les têtes de pavoti=, sur les-
( 23o )
quelles on verse l'eau disliliée. Les choses élant ainsi dispo-
sées, et le bain-iuarie couvert, on fait bouillir pendant une
demi-heure l'eau contenue dans la cucurbilc; on cesse le feu
sans déranger l'appareil, et on laisse infuser pendant douze
heures. A cette époque, il ne reste plus qu'à faire passer le
liquide au travers d'un blanchet lavé à l'eau distillée, en
ayant le soin d'exprimer le marc avec les mains.
La quantité du produit est ordinairement de douze livres,
ce qui correspond aux trois-quarls des capsules employées,
ou à vingt-quatre onces.
( Journ. de cl dm. méd.)
ART. 1049-
Sirop d'ammoniaque liquide^ par le même.
Pr. Sirop hydrolique simple, seize onces;
Ammoniaque liquide à vingt-deux degrés, quatre scru-
pules.
Mêlez.
Ce sirop contient six grains ou douze gouttes d'ammonia-
que liquide par once. Il pourrait être employé avec avantage
contre l'ivresse; il faudrait en prendre quatre gros mêlés à
douze onces d'eau.
{Ibid.)
ART. 1050.
Considérations pratiques sur remploi du calomcl dans le
croup.
L'observation suivante nous est adressée par M. Vanuxem,
orficicr de santé à Hondegbem (Nord).
Le G décembre iSS/j, .liilie Dopeckcr, âgée de huit ans,
d'une assez forte con>liluli(Mi, i'iit prise de t'jux et de gêne
dans la respiration; le lendemain, la toux avait un tindjre
particulier et la voix était rauque. Le 8, les parensine firent
aj)j»cler; )e trouvai la malade dans l'état suivant : pouls
failjlu et accéléré, déglutition difficile, inspiratiuu sifflaute et
toux [)rudMi.sarit un son semblable au cri aigu d'un jeune
coq, dyspnée j)crn)atu'ntc, aphonie, impossibilité de rester
(23l )
au lit. Je fis ajipliquei lout «le suite six sangsues ù lu |)artie
ânlérioiirc du cou et jepresi rivisen même temps deux grains
d'émétique. lien résuUa une perte assez abondante de sang
et quelques vomissemeiis. L'après-diner, j'adininistrai trois
grains de proto-chlorure de mercure toutes les heures. La
nuit fut orageuse.
Le lendemain je prescrivis de nouveau deux grains d'émé-
tique qui produisirent quatre vomissemens; trois grains de
calomel toutes les deux heures dans un peu de sirop diacode;
pour boisson, eau pure et petit-lait froid; sinapismes au coq.
La nuit fut plus calme; la malade put rester quelque temps
au lit.
Le 10, deux grains de calomel toutes les trois heures, une
potion calmante où il entrait de l'émétique en quantité suf-
fisante pour produire des nausées, à prendre une cuillerée
matin et soir. La nuit fut encore plus calme, et il y eut deux
heures de sommeil.
Le n, respiration moins gênée et déglutition plus facile,
mais toujours aphonie et peu d'expectoration. La malade
commence à se lever et demande des boissons chaudes :
calomel, deux grains trois fois par jour, eau d'orge et de
tilleul, et petit-lait pour boisson.
Le 12, toux presque nulle; l'aphonie existait encore, mais
l'état général était déplus en plus satisfaisant. Je lui permis
du bouillon de poulet et prescrivis encore deux grains de
calomel malin et soir. Le même médicament fut continué à
la dose d'un grain pendant les deux jours suivans, qui mar-
quèrent le développement de la convalescence.
Je pourrais citer deux autres observations semblables dans
lesquelles le même traitement a eu un égal succès.
Réflexions. Le protochlorure de mercure est fréquemment
emrloyé dans le croup, non pas pour prévenir la formation
des fausses membranes, mais bien pour en favoriser la chute.
Des praticiens l'ont même administré à la dose énorme de
deux cents grains dans les vingt-quatre heures; mais cette
pratique expose à de graves dangers, car elle peut déterminer
la salivation chez les enfans, ou du moins amener vers la
gorge un afflux de liquide qui devient promptement funeste,
soit en causant la suffocation, soit en jetant les malades dans
une prostration dont on ne peut plus les retirer. Administré à
la dose d'un demi-grain à deux grains d'heure en heure,
conmie l'a fait M. Vanuxcm, c'est un des moyens les plus
puissans que nous possédions dans la dernière période du
croup; mais, ainsi que nous avons eu occasion de le remarquer,
le développement de fausses membranes dans les voies de
( 232)
la respiration est un accident beaucoup plus rare qu'on ne
le croit conimunénient, ce qui a l'ait attribuer au calomel
une action bien plus puissante que celle (ju'il possède en
réalité.
ART. io5i.
MÉDECINE LÉGALE.
Lettre c'mquième.
Modèle de consultation médico-légale.
M.,
Ajuès vous avoir fourni des préceptes généraux pour faire les
certificats, les rapports et les cousultations médico-légales, je vais
vous faire connaître la conduite <t tenir dans les actes les plus sim-
ples de la médecine légale, c'est-à-dire dans les cas où vous serez
appelé à faire une levée de cadavre. C'est en effet la j)reniière opé-
ration dans toute affaire judiciaire; c'est aussi l'opération la moins
compliquée, et c'est presque toujours celle dans laquelle les médecins
commettent le jilus d'erreurs. Cela tient à deux causes : d'abord ils
n'ont pas à leur disposition toutes les preuves matérielles qui peu-
vent servir à tirer des instructions précises sur les faits observés; en-
suite, ils veulent aller beaucoup plus loin qu'ils ne peuvent et qu'ils
ne doivent. Ce sera donc l'objet de cette lettre et de la suivante.
Mais avant tout, il vous faut rappeler la législation qui régit la nia-
lière, puisque c'est elle qui trace naturellement le devoir du mé-
decin.
Des levées de cadavres et des précautions à prendre lorsque l'on est appelé
à constater le décès d'un individu trouvé sur la voie publique.
L'article 8i du Code civil est ainsi conçu ; • Lorsqu'il y aura des
signes ou indices de mort violente, ou d'autres circonstances qui
donneront lieu de le soupçonner, on ne pourra faire l'inbumation
qu'après qu'un officier de police, assisté d'un docteur en médecine
ou en chirurgie, aura dressé procès-veibal de l'état du cadavre et
des circonstances y relatives, ainsi que des renseigncmens qu'il
aura pu recueillir sur les jirénoins, nom, âge, profession, lieu de
naissance et domicile de la personne décédée. »
Les articles 43 et 44 ''" Code d'instruction criminelle contien-
nent 1rs dispositions suivantes :
• Article /î3. Le ])rocurenr fin mi se fera accompagner au besoin
d'une ou deux personnes, présumées, par leur art ou leur pro-
(a33)
fession, capables d'apprécier la nature et les clrcoustances du
ciime ou délit.
■ Article 44- S'il s'agit d'une mort violente ou d'une mort dont
la cause soit inconnue ou suspecte, le procureur du roi se fera
assister d'un ou deux officiers de santé, qui feront leur rapport sur
la cause de la mort et sur l'état du cadavre.
» Les personnes appelées, dans les cas du présent article et de
l'article précédent, prêteront devant le procureur du roi le serment
de faire leur rapport et de donner leur avis en leur honneur et con-
science. »
Une ordonnance du préfet de police, concernant les secours à
donner aux noyés, asphyxiés ou blessés, en date du 2 décembre
iSaa, contient l'article suivant, § g, section 2, page 5 : « L'homme
de l'art constatera avec la plus grande exactitude l'état actuel du
cadavre; dans le cas où il remarquerait que la mort peut être le
résultat de violences exercées sur l'individu, il requerra, sous sa res-
ponsabilité, un second examen par les médecins experts asser-
meiilés près la Cour royale du déparlement. »
Dans son instruction à MM. les officiers de police judiciaire,
M. le procureur du roi s'exprime ainsi, chapitre Homicide, page 56,
§ 5, à l'occasion des vérifications médico -lécales : ■ Ils doivent
avant tout (les hommes de l'art) s'expliquer sur l'état extérieur du
cadavre : en général, et sauf les cas d'urgence, ils ne doivent pas,
dans le premier moment, être autorisés à en faire l'ouverture. Cette
opération importante peut et doit toujours être retardée jusqu'au
moment où le procès- verbal m'est remis, et où je puis, soit le
prescrire, soit permettre l'inhumation, suivant les circonstances. »
Après avoir fait connaître les lois et les ordonnances qui concer-
nent la levée des cadavres, je vais vous indiquer la marche que l'on
adopte aujourd'hui pour y procédei-.
A Paris, 011 ne peut pas faire l'inhumation d'une personne décé-
dée à domicile, avant qu'un médecin, spécialement désigné par le
maire de l'arrondissement, ait constaté le décès. Il prend note des
nom et prénoms, âge, profession, domicile de l'individu décédé; de
la maladie à laquelle il a succombé ; de l'heure où la mort est sur-
venue; du médecin qui a soigné le malade; du pharmacien qui a
fourni les médicamens; de l'exposition de la cham1)re qu'occupait
le malade, etc., etc. Il en résulte des documens qui fourniront par
la suite les éléniens d'une statistique du plus haut intérêt. Le méde-
cin qui a donné des soins à l'individu décédé ne peut pas procéder
à l'ouverture du corps sans en avoir fait prévenir le médecin de la
mairie. La visite de ce dernier, et sa présence à l'autopsie, ont
j)our but de rechercher si la mort ne pourrait pas être l'effet de
l'homicide. Je ne pense pas que la même marche soit adoptée dans
les départemens, attendu qu'elle n'est guère praticable; aussi en ré-
sulte-t-il desiiiconvéniens souvent très-graves.
Lorsqu'un cadavre est trouvé sur la voie publique, le commis-
saire de police du quartier, ou le maire daus une commune, fait
apjjeler un médecin à l'effet de constater la mort et le genre de
mort. Le médecin demande l'ouverture du corps, s'il le juge con-
venable; c'est alors que le commissaire de police désigne un second
(2^4)
méflecin pour y proa^der conjoinlcment avec le premier. Cette
oppratioii se pratique dans le logement de l'individu, s'il acte re-
connu, ou au citvctière, dans le cas contraire. Telle est la marche
géïK^ralenient suivie; mais elle nept pas en accord parfait avec les
ordonnances cp:e je viens de citer. Les commissaires de police ne
dcvjaieiit faire procéder immédiatement à l'onvertiirc du corps,
que dans les cas d'urgence, et attendre les ordres du procureur du
roi pour tous les autres. Or l'urgence dont il est ici question, c'est
que l'état plus ou moins avance du cadavre soit tel, que l'on ait à
craindre Its chaugeniens que la putréfaction peut apporter dans
la disposition des parties, l'aspect des blessures, etc. ; cette marche,
qui est adoptée par tous les hommes qui connaissent bien la nature
de leurs devoirs, offre de très-grands avantages. Il e?t certain que
tout médecin n'est pas apte à faire de la médecine légale, et surtout
à la bien faire. C'est une chose toute de pratique, (|ui exige de
l'expérience et de l'habitude. L'ouverture des cadavres, et par consé-
quent la description du corps du délit, est toujours la partie la plus
importante de la tâche du médecin. Un rapport peut être mal ré-
digé, les conclusions peuvent être erronées; il deviendra néan-
moins la pièce la plus essentielle du procès, -'il contient la nar-
ration fidèle et bien détaillée de toutes les circonstances propres
à éclairer sur la cause de la mort ; car le^ médecins légistes en
tueront d'autres conséquences, en rapprocheront les faits et 'les
grouperont de manière à les présenter sous un jour plus favorable
à la rechercha de la vérité. Le rapport pèche-t-il par défaut d'ob-
servation ou d'exactitude, il ne prouve plus ni pour ni contre; le
corps du délit est perdu, à cause des opérations qn'a entraînées son
examen, et l'acte d'accusation n'a plus de base solide. Si le cadavre
est trouvé dans une maison particulière, le commissaire de police
s'y transporte et appelle bientôt un médecin pour constater le genre
de mort; en sorte que la même marche est adoptée dans tous les
cas.
Lorsqu'un cadavre constitue le corps de délit d'un grand crime,
comme d'un empoisonnement, d'un as.-iassinat, le procureur du roi,
l'un de ses substituts, ou un juge d'insti uclion, se rendent surles lieux
accompagnés des médecins mandés pour examiner le corps du dé-
lit, et, après leur avoir fait prêter semienl, attendfut le résultat de
leurs recherches.
La levée des cadavres et f autopsia, sont donc deux opérations toutes
différentes ; dans l'une, le niédeciri'n'cst autorisé qu à examiner l'état ex-
térieur du corps et à en tirer telles inductions tju' il jugera convenable ;
mais il ne peut sous aucun prétexte poi ter V instrument tranchant sur une
partie quelconque. Dans l'autre, au contraire, le corps du délit est mis
tout entier usa disposition. Il ne sera donc pas inutile d'appeler son
atferifi(]n sur les prini-i))aux cas sur lesquels il sera consulté.
t** Dans les villes où il existe une rivière, le genre de mort le plus
coinnuin, je ne parie ici que des suicides, c'est la submersion,
'l'outcs les foi> qu'un cadavre est retiré de l'eau, on le dijjo.se; sur la
rive, et l.'i, le médecin constate son di-cès. Il doit, dans sou procès-
verbal, flésigner approximativement le temps pendant lecpiel l'in-
dividu a séjourne dans l'eau. Pour arriver à ce résultat, il ne peut
{ 235 )
juger de la putréfaction que par les parties qui sont à déconvert;
car on ne défait jamais les vêlemens qu'après le transport du cada-
vre dans un endroit convenable. La face, les mains et le devant dii
sternum seront donc les parties qu'il examinera avec soin ; i! y
trouvera, dans le plus grand nombre des cas, des caractères assez
tranchés pour préciser l'époque de la mort. Je vous les tracerai
plus tard. L'élude de ces caractères est importante; tous les jours
on commet, sous ce rapport, les erreurs les plus grossières. J'ai vu
des certificats de médecins donnant, au sujet retiré de l'eau, huit l\
dix jours de séjour dans ce liquide, quand le cadavre y était resté
deux à trois mois, et vice verset. Toutes les fois qu'il trouvera des
blessures qui ne pourraient pas être expliquées par la chute dans la
rivière, il devra les noter avec soin dans son procès-verbal.
2" Les asphyxies par le charbon sont très-communes. Ici vous
devrez désigner avec soin la chambre dans laquelle se trouve le
cadavre, sa grandeur, la disposition des fenêtres, des meubles et
du reste du fovpr qui a existé; l'attitude du cadavre, la couleur de
la peau. Les individus asphyxiés par le charbon présentent en ef-
fet une coloration rosée toute particulière, qui se distingue des li-
vidités cadavériques, et par son aspect, et par sa situation, sur des
points non déclives du corps. Elle y est généralement répandue,
mais elle cesse brusquement sur certaines portions de la peau, qui
offrent alors une couleur nat)irelle. — Il faudra indiquer quels sont
les signes de la mort que vous aurez observés, et en déduire le temps
depuis lequel l'individu est mort; n'oubliez pas surtout que dans ces
sortes de cas, la chaleur se conserve pendant un temps plus long
que dans toute autre espèce de mort, et que la rigidité se développe
beaucoup plus tard ; enfin que ces phénomènes surviennent et dis-
paraissent beaucoup plus rapidement en été qu'en hiver.
3° Un genre de mort qui exige beaucoup de sagacité de la part
du médecin est la suspension. Elle peut s'effectuer de mille manières
différentes, et il est souvent difficile de déterminer si elle est l'effet
de l'homicide ou du suicide. La situation du corps qui porte à pen-
ser que la suspension est le résultat de l'homicide, quand il n'y a
que suicide, et vice 'yer5«, peut souvent en imposer. Vous devrez tou-
jours avoir présent à la pensée que l'homme peut se pendre dans les
situations les plus incommodes. Ainsi un point d'appui, placé à
deux pieds et demi ou trois pieds de terre, peut lui suffire. 11 y a
plus, la suspension peut avoir lieu dans le lit, lorsque l'individu se
laisse ensuite glisser le long des matelas. C'est ainsi que dans les hô-
pitaux, des malades se sont pendus en passant leur léte à travers la
corde qui leur sert à se placer sur le séant. J'ai vu plusieurs indivi-
du? se pendre dans les violons des corps-de-garde de Paris ( es-
pèces de cabanes de cinq ou six pieds carrés, dans lesquelles on peut
à peine se t^nir debout). Mais, à côté de ces cas, je dois mettre en
regard les faits d'homicide où les assassins ont placé le corps dans
toutes les positions les plus favoiabics à faire naître de très-gran-
des probabilités de suicide, et, il faut le dire, les indications que l'on
retire de la position du cadavre peuvent très-fréquemment induire
en erreur. Tous les jours, les recueils périodiques relatent des faits
dans lesquels les médecins les plus instruits sont restés dans le
( a36 )
doute. Le numéro des Annales d'hygiène et de médecine légale ( jan-
vier i83o ) en contient des exemples remarquables. Les cas de stran-
gulation présentent peut-être encore plus de difficultés que ceux de
suspension. Malheureusement, dans presque tous, à peine pouvons-
nous affirmer que l'individu était vivant au moment de la suspen-
sion et de la strangulation, et sommes-nous souvent réduits à ne
présenter que des conjectures eu égard à l'homicide ou au suicide.
4° Une levée de corps des plus fréquentes, est celle dont les nom-
breuses variétés sont renfermées dans la dénomination de morts su-
bites. Le médecin les attribue le plus souvent à l'apoplexie; mais
combien de causes différentes peuvent produire la mort! Le froid
intense, pendant les hivers rigoureux, fait succomber presque tous
les individus que l'ivresse a déterminés à se coucher sur le pavé;
quelques-uns, avancés eu âge, succombeat par le froid seul ; d'autres
périssent, et par le froid et par la misère; quelques-uns d'hématé-
mèse ou d'hémoptysie ; d'autres d'apoplexie pulmonaire, de rupture
auévrismale; il en est enfin qui meurent de congestions cérébrales
ou d'apoplexie foudroyante. Cependant le nombre de ces dernières
causes est beaucoup moins considérable qu'on ne le pense. Presque
tous ces Individus sont apportés à la Morgue, et cependant j'ai eu
ti es - peu d'occasions d'en observer des exemples. Sur vingt cas de
mort subite dont j'ai recueilli les observations, je n'en possède que
«leux qui sont dus à l'apoplexie. Il faut avouer que, dans tous ces cas,
le médecin est souvent fort embarrassé pour déterminer la cause de la
mort, attendu qu'aucune apparence extérieure ne peut la lui faire
soupçouner : aussi ne devrez-vous établir que des présomptions, et
même ne pas spécifier la cause de la mort, plutôt que de fournir aux
personnes qui font des statistiques des matériaux tout-à-fait inexacts.
Nous aurons occasion de rapporter quelques-uns de ces faits à la fin
de notre prochaine lettre.
5° J'arrive à ces cas plus difficiles où l'homme de l'art doit ap-
porter la plus grande attenti<jn ; je veux parler de ceux où il existe
a la surface du corps des traces de blessures, et où l'on a mission de
constater: i" l'existence des blessures ; a" leur espèce; 3° si elles ont
déterminé la tnort; 4° si elles sont le résultat de l'homicide ou du
suicide. Et d'abord, lorsque l'on ignore la cause de la mort, ouest
porté à rechercher s'il existe quelques traces de violence qui puissent
l'expliquer. Mais il arrive souvent que les lésions les [ilus grandes
sont cachées, et même les blessures, qui, par les désordres qu'elles
enlraîncnt, devraient être les plu? apparentes, peuvent devenir invi-
sibles au premier abord, à cause de leur situation dans les cavités.
J'ai vu un jeune homme qui, poursc brûler la cervelle, avait introduit
le canon d'un pistolet dans sa bouche; la balle était restée dans le
crâne; le pistolet avait été repoussé par la commotion produite
par l'explosion de la poudre, et aucune lésion extérieure ne se faisait
lemarquer. Les mains étaient parfaitement blanches, les lèvres in-
tactes, la physionomie du cadavre exprimait une mort calme et sans
houdi.mces; et ce n'<-tait (ju'en écartant avec force les arcades den-
taires, (lue l'on apercevait les tlésordres de la blessure la plus grave;
le reste du corps ne présentait pas la moindre lésion. Un médecin,
appelé à spécifier le génie de mort pour la levée d'un cadavre
semblable, trouvé sur une route, n'aurait peut-être pas ouvert la
bouche pour y rechercher les l)lcssures que j'ai signalées, et la
cause du suicide lui aurait ccli;tpi)é; voici deux exemples ana-
logues :
Mort violente. Léchirure du foie par une voiture^ déclarée apoplexie
foudroyante.
Maveux, Jean-Baptiste-Ferdinand, âgé de cinquante ans, commis-
sionuaire, tut déclaré, par le rapport d'un médecin, mort subileuient
d'une apoplexie foudioyaute, rue Sainl-Houoré. Transporté à la
Morgue, il y fut lecounu par ses camarades, qui annoucèreut
qu'une roue de Favorite l'avait effrôlé légèrement, et que c'était
un hommetics-adonué aux boissons spiritueuses. Le permis d'inhu-
mer fut délivré par le procureur du roi, sur le lappoit du com-
missaire de police, et sur la déclaration des médecins, et nous ou-
vrîmes le corps.
Aucune trace de violence ou de blessures à l'extérieur, si l'on en ex-
cepte une tache bleuâtre paraissant être une ecchymose d'un pouce
de largeur, mais sans tumeur prononcée; incisée, on trouva un
peu de sang infiltré dans les mailles de la peau et daus le tissu
cellulaire sous-cutané. Cette tache était placée au voisinage de l'é-
pine autérieure et supérieure de l'os des îles (côté gauche).
En incisant la peau qui recouvre la partie supérieure et externe
de la fesse gauche, nous fûmes frappés de trouver du sang infiltré
dans le tissu cellulaire avoisinant les muscles superficiels; sa quan-
tité était faible. Pareille observation fut faite en détachant la peau
et les muscles qui recouvrent les côtes droites, et l'infîhration san-
guine placée au voisinage de la septième, huitième et neuvième
côte, avait deux pouces et demi de longueur sur deux pouces de
largeur.
Le sternum enlevé , nous trouvâmes une infiltration d'une
quantité considérable de sang, mais coagule, existant dans tout
le tissu cellulaire sous-sternal, dans ,celui qui environne la tra-
chée-artère et tous les gros vaisseaux. Le sang enveloppait la
trachée dans une étendue de cinq à six pouces de longueur; il s'é-
tendait en haut sous le corps thyroïde, et eu bas au-delà des divi-
sions de la trachée; il était coagulé et infiltré dans toutes les
mailles du tissu cellulaire. En recherchant la cause du désordre, je
vis que la veine cave sous-clavière gauche avait été ouverte et déchi-
rée; les artères étaient saines.
Le péricarde très-blanc, le cœur flasque, contenait un peu de
sang dans les cavités droites, et uu peu moins daus les cavités
gauches.
Les poumons sains, mais partout adhéreus à la plèvre costale; les
plèvres étaient tout-n-fait fibreuses, la plèvre gauche surtout. Outre
l'apparence du tissu fibreux le plus prononcé, la plèvre costale avait
une épaisseur énorme; elle était au moins d'une ligne et demie dans
beaucoup d'endroits.
La trachée est saine ainsi que le larynx ; mais la bronche gauche
et quelques-unes do ses ramificatiuus contiennent un peu d'écume
rougeàlre mêlée d'uu peu de sang.
( 258 )
En ouvrant l'abdomen, se présentent l'estomac et les Intestins,
distendus par des gaz; on déplace les intestins, et l'on découvre
deux litres de sang dans la cavité du péritoine. Ce sang est fluide,
sans caillots, seulement un peu épais dans les parties les [)lus pro-
fondes de la cavité du ventre.
En cherchant la cause de cet épanchement au milieu duquel
baignent tous les organes contenus dans l'abdomen , on trouve
une déchirure du ligament de la partie supérieure du foie; toute
la moitié gauche de ce ligament est tapissée par un caillot.
En l'enlevant, on aperçoit le foie déchiré et divisé en deux par-
ties; cette déchirure est profonde; à peine reste-t-il quelques por-
tions de substance propre du foie pour réunir les deux lobes. Le
foie vu intérieurement, on aperçoit six ou sept petites déchirures
très-superficielles qui occupent la face inférieure du grand lobe, et
surtout la partie convexe de l'organe qui plonge dans l'hypocondre
droit.
Aucune artère principale du ventre n'a été déchirée; tous les au-
tres organes sont sains, mais ils sont blafards, décolorés, et celte
décoloration est surtout sensible à l'égard du foie et de la rate dont
le volume a beaucoup diminué.
L'estomac, très-ample, contient beaucoup d'alimens en grande
partie digérés, mais œélés à beaucoup de vin.
La vessie est pleine d'urine.
Tète. Vaisseaux peu injectés, arachnoïde très-épaisse et séreuse,
substance cérébrale molle, piquetée, un peu de sérosité dans les ven-
tricules cérébraux.
Lésions extérieures ne correspondant pas avec les désordres intérieurs.
Cousin (Victor), trente-quatre ans , faucheur, écrasé faubourg
Saint-Denis, se trouve dans larae au moment où une voiture descen-
dait avec rapidité; voulant se ranger, son pied glisse sur le talon,
il tombe sur le dos; la roue de la voilure, attelée d'un seul cheval,
lui passe sur la poitrine du côté de la clavicule droite et oblique-
ment, de manière à écorclier un peu la partie inférieure de la joue
droite. 11 meurt sur-le-champ.
Le cadavre ne porte pas de trace de putréfaction ; ou n'observe,
pour toute blessure apparente, qu'une tumeur alongée immédiate-
ment au-dessus des clavicules, qui donne à la partie inférieure du
cou un volume contre nature; une légère teinte bleuâtre de la peau
fait seulement entrevoir que c'est une ecchymose. En pressant sur
le sternum, on sent une mobilité contre nature, et on trouve pa-
reille mobilité sur les deuxième, troisième et quatrième côtes gau-
ches, qui sont fracturées.
Tête. Rien de remarquable; membranes saines, substance céré-
brale très-blanche et non injectée.
Les tumeurs du col disséquées font voir une infiltration sanguine
consiiiéiable au voisinage des sous-clavières primitives, veines et
altères; les veines ont été déchirées et ont produit cet épanche-
ment qui s'étend eu arrière jusqu'à l'extrémité postérieure des cla-
vicules, et en avant dans toute la trachée et le corps thyroïde j les
(259)
ligamens qui unissent l'extrcnùlé interne de la clavicule droite avec
le sternum ont été rompus.
Les poumons sont peu volumineux, blafards, décolorés; le cœur
est tout-à-fait vide de sang. Dans la cavité gauche de la poitrine
existent deux à trois livres de sang tout-.i-fait fluide, sans caillots;
la cavité droite n'en contient qu'une petite quantité. En renversant
le poumon gauche, on aperçoit une déchirure énorme de l'aorte
droite sur le milieu de sa longueur; cette déchirure a deux direc-
tions : une transversale, qui ne comprend pas tout-à-fait le pourtour
de l'aorte, et l'autre longitudinale, peut avoir un pouce de lon-
gueur, en sorte que cette rupture s'est effectuée aux dépens des
libres circulaires et obliques.
Le sternum est rompu à l'union de la partie supérieure et infé-
rieure, les côtes notées ci-dessus sont cassées vers le milieu.
Les organes contenus dans l'abdomen sont sains, mais une petite
quantité de sang est épanchée dans cette cavité. A. D.
VARIÉTÉS.
On lit dans le Bulletin de ta préfecture de ta Seine, lu note suivante
qui pourra intéresser plusieurs de nos confrèics ;
Dans le cours de l'hiver qui vient de s'écouler, le bruit s'est répandu
dans la capitale, qu'une mortalité extraordinaire régnait sur les élèves
en droit et en médecine; cette espèce d'épidémie était attribuée à di-
verses causes, et M. le préfet de police crut devoir inviter ie conseil de
salubrité à faire une enquête à ce sujet. Il résulte de son rapport, que
les proportions de la mortalité n'ont pas, cette .innée, été plus fortes
que dans les années précédentes; que, seulement, jamais le nombre
des éludians en droit, et surtout celui des ètucllans en médecine, n'a-
vait été aussi considérable; que la maladie à laquelle plusieurs de ces
jeunes gens ont succombé est la fièvre typhoïde, due au changement
de climat, de régime, d'habitudes; aux logemens étroits, mal aérés,
aux excès de travail et de toute autre nature ; qu'enGn, celte maladie
est commune chez les jeunes gens qui arrivent nouvellement à Paris.
Ces renscignemens se trouvent conGrmés par les recherches que
nous avons faites, dans le but de comparer les décès survenus parmi
les étudians, dans les mois de novembre et décembre i855, et janvier
1854, et dans les mois de novembre et décembre iS34 et janvier i855.
Voici les résultats que ces recherches nous ont donnés :
Décès des étudians dans Paris.
Domicile. Hospices. Total.
i833. Novembre 4 3 7
Décembre.... 739
1854. Janvier 12 2 i4
Totaux 20 7 3o
i(S34. Novembre 8 3 11
Décembre 10 2 12
1855. Janvier 11 4 '5
Totriux.... 29 9 38
Sur ce no!r:bre de 38, 19 sont décédés par suite de fièvre lyj-'hoVdc.
(a4o)
i— L'Acatîémie J»îs sciences, dans sa séance du 6 avril, a nomirte
M. Brescliet à la place vacante dans son sein, par la mort de M. Dii-
piiylien. f^cs voix ont élé ainsi reparties au premier tour de scrutin :
M. Breschct, quaraate-une ; M. (jiviale, sept ; M. Velpeau, quatre;
M. Lisfranc, trois.
— Quelques troubles ont éclaté à l'école, et se sont reproduits au
dehors les jours suivaus. M. Desgenettes ayant témoigné l'intention de
ne pas l'aire son cours cette année, M. Royer-CoUard, agrège par con-
cours près de la Faculté, fut désigné par les professeurs pour le rempla-
cer ; mais, soit que M. Desgenettes fût mécontent du choix qu'avait
fait l'école, soit plutôt qu'il craiguîl quelques troubles, qui, disait-on,
devaient avoir lieu à cette occasion, il changea de résolution et mani-
festa l'intention de faire encore ses leçons lui - uiénie pendant le
semestre d'été. A la sortie de l'école, '\I. Royc-r - Collard, qui avait
assisté à la leçon de M. Desgenettes, prés du doyen, fut accueilli
par les huées d'une centaine d'élèves qui le poursuivirent jusque sur
les quais.
Ces mauvais trailemens, dirigés contre un professeur reçu par con-
couis, avaient pour objet, disait-on, de protester contre le cumul que fai-
sait ce médecin, d'une place de professeur et d'une autre beaucoup
plus lucrative de chef de division au ministère de l'instruction publi-
que; mais les désiudres qui ont éclaté les jours suivaus ont assez prouvé
que cette raison n'était qu'un prétexte.
M. Royer-CoU.ircl, en cifiit, ayant annoncé qu'il ferait dans un des pa-
villons de l'école pratique un cours d'hygiène public cl graltiil, les mè-
nics personnes résolurent de s'y opposer, et les sifflets, les huées et les
chanis couvrirent la voix du professeur ainsi que celle du doyen qui
chercha vainement à rétablir l'ordre. Les mêmes scènes se renouvelè-
rent les jours suivans, et M. Roycr-Collard, voulant éviter aux élèves
des mesures de rigueur, a renoncé à faire le cours qu'il avait anncmcé.
Nos lecteursserunt surpris sans doute qu'un docteur en médecine, un
professeur agrégé nommé par concouis, n'ait [)u obtenir des élèves la
permission de faire un cours gratuit, faveur qu'aujourd'hui le doyen ne
refuse à aucun de ceux qui la demandinl.Nous avions assez long-temps
léclamé la liberté d'enseignement pour croire que lorsque l'autorité l'a-
vait enlin accordée, persJnne ne s'aviserait d'y mettre opposition. 11
serait diOlcile de remonter aux causes premières de ces désordres, mais
il nous sulllra de dire que la plupart des jeunes gens qui protestaient
contre cette liberté ne font point partie de l'école de médecine.
ï\c clama lion. — M. Lrsaing, chirurgien d('ntiste à Nancy, nous écrit
qu'il est l'inventeur du mastic pour l'oblitération des dents cariées,
dont l'analyse, faite par M. O. Henry, a été insérée à noire art. 9^5. ^
(240
ART. loSa.
Note sur un nouveau moyen employé avec Succès contre la gale^
Nous devons mentionner un mode de traitement de la
gale qui vient d'être adopté, par ordre du gouvernement
Belge, dans les hôpitaux militaires. En voici la formule, telle
que M. le docteur Morren l'a proposée : '
Pr, Fleurs de soufre, une partie;
Ardoises pilées, une partie;
Chaux vive, quatre parties.
Faites bouillir dans une chaudière de fonte avec quantité
suffisante d'eau, épuisez, la matirre par des ébuUitions réi-
térées jusqu'à densité de douze degrés.
On donne aux malades, pour chaque friction, une once et
demie de cette préparation. Ils en versent dans leur main et
se frottent légèrement sur tous les points où il existe des
boutons. Il est bon de prescrire en outre quelques bains
d'eau simple. Douze à vingt frictions sont ordinairement suf-
fisantes pour obtenir la guérison ; on les répète trois fois et
même quatre fois par jour. Cette substance salit fort peu le
linge et n'irrite que les peaux très-délicates.
De nombreuses expériences ont été tentées avec ce mé-
dicament. Sur quarante-sept galeux traités ainsi à l'hôpital
militaire de Bruxelles, tous ont été guéris; la durée du trai-
tement a été de six jours et demi, A l'hôpital de Gand, la
guérison a été plus prompte encore : sur cent quarante-huit
malades, la durée moyenne a été de quatre jours. En général,
ce remède n'a produit aucun accident. (V. art. 922.)
ART. io53.
Considéralions sur la digitale employée par la méthode ender-
mique dans les lésions organiques du cœur.
Le docteur Raciborski a publié, dans le Journal hebdoma-
daircy quelques observations de maladies du cœur, recueillies
à l'hôpital de la Charité, dans le service de M. Bouillaud. Ce
professeur ayant remarqué que la digitale, au bout d'un
temps plus ou moins long, irritait les organes digestifs, et
que l'on était forcé alors d'interrompre son emploi, a résolu
d'essayer son action par la méthode endermique, et a obtenu
absolument les mêmes effets n^édiçaux que lorsque cette
ToM. VI. — Wde juin. 16
( 243 )
substance est administrée par l'estomac, c'est-à-dire un ra-
lentissement marqué du pouls, et par conséquent un grand
soulagement dans ces maladies que l'on ne peut guère es-
pérer de guérir. Dans un cas, en effet, le pouls est descendu
décent à soixante-quatre pulsations; dans un autre, de cent
douze à quatre-vingts en quatre jours; dans un autre, de
quatre-vingt-douze à quatre-vingts, etc. Dans un cas même
où l'on avait été forcé de suspendre l'emploi de ce médica-
ment, qui, administré par la bouche, déterminait des vomis-
semens, on eut recours à la méthode endermique, et le pouls,
qui de cent vingt pulsations était descendu à soixante-qua-
tre, non-seulement ne reprit pas sa fréquence, mais encore
baissa jusqu'à cinquante-deux.
La digitale ainsi administrée favorise en outre l'absorption
des liquides et la sécrétion urinaire, comme lorsqu'elle est
ingérée directement dans l'estomac. Dans une des observa-
tions citées, le ventre, qui contenait une certaine quantité de
liquides, revint bientôt à son volume ordinaire ainsi que les
extrémités inférieures fort œdematiées chez un autre indi-
vidu. Les urines ont également été toujours plus abon-
dantes.
C'est donc à l'aide du vésicatoire que la digitale a été in-
troduite dans l'économie; mais ce vésicatoire était placé sur
divers points, suivant l'affection qu'on voulait combattre.
Ainsi, lorsque le cœur était malade, lorsque quelque épan-
chement séreux dépendait de la lésion de cet organe, c'était
sur la région précordiale qu'on l'appliquait. Lorsqu'au con-
traire on voulait favoriser l'absorption de liquides épanchés,
soit dans une des grandes cavités, soit dans le tissu cellu-
laire sous-cutané à la suite d'une cause étrangère à une
maladie du cœur, c'était sur les parois de cette cavité ou sur
les membres qu'on déterminait la vésication.
On s'est servi de la digitale en poudre, bien qu'on pût éga-
lement faire usage de son extrait. Chez les adultes on en
appliquait huit à dix grains après avoir enlevé l'épiderme,
et l'on augmentait progressivement jusqu'à douze à quinze
grains. L'extrait devrait être administré à des doses moins
élevées.
M. Piaciborski, après l'exposé de ces faits, se demande si
on n'aurait pas pu administrer la digitale en lavement, au lieu
de causer une assez vive douleur aux malades par l'applica-
tion d'un vésicatoire? Mais il fait observer que, donnés à des
individus dontle gros intestin est sain, ces lavemensauraient
été rendus tout de suite sans que le médicament eût été ab-
sorbé, et que, lorsque le gros intestin est malade, on ne peut
(343)
songer à l'irrilflr de nouveau. Voulant reconnaître l'effet de la
digitale sur le gros intestin, ce médecin a administré deux
gros de digitale en poudre, suspendus dans un verre d'eau,
en lavement à un chien d'une taille moyenne. Vingt-cinq mi-
nutes après l'injection, l'animal a vomi de l'écume blanche
teinte de bile. Au bout de trente-deux minutes il y eut des
déjections abondantes par l'anus; les vomissemens se repro-
duisirent ensuite et se répétèrent un grand nombre de fois
pendant plusieurs heures; le pouls, qui avait paru d'abord
très-accéléré, se ralentit ensuitenotablement; l'animal tomba
dans une sorte d'état comateux, et enfin, le lendemain matin,
il était revenu à son état naturel.
Reflexions. Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons
dit ailleurs sur les avantages que présente l'administration
des médicamens par la méthode endermique (i). Nous sa-
vons tout le parti qu'on peut tirer de cette méthode dans
certaines circonstances, et s'il est vrai que la digitale soit
aint.i promptement absorbée et modifie la circulation d'une
manière aussi active que lorsqu'elle est administrée par la
bouche, nous sommes convaincus que, dans un grand nombre
de cas, ce mode d'introduction du médicament dans l'éco-
nomie sera d'un puissant secours pour les praticiens.
Nous avons peine à comprendre, cependant, quelles rai-
sons empêcheraient de l'injecter dans le gros intestin, et ce
procédé serait certainement plus simple que celui dont
M. Bouillaud a fait l'essai. Il nous semble en effet que l'ex-
périence rapportée prouve précisément le contraire de ce
qu'on a avancé, et nous en tirerions volontiers des consé-
quences tout-à-fait opposées à celles de M. Raciborski, car
la digitale s'est montrée si peu irritante pour le gros intestin,
qu'injectée à une dose énorme, c'est-à-dire quatorze fois
plus forte qu'on ne l'administre en général à un homme, elle
a déterminé tous les symptômes de l'empoisonnement avant
que des selles soient survenues. Il est donc infiniment pro-
bable que si, au lieu de cent quarante-quatre grains, on en
eût injecté seulement huit ou dix, le médicament eût été ab-
sorbé sans causer le moindre accident, et que son action eût
été tout aussi prononcée sur le rhythme du cœur que s'il eût
été déposé sur le derme mis à nu.
Nous n'en appelons pas moins l'attention sur des faits qui
peuvent, dans plusieurs circonstances, recevoir une utile
application.
(0 Voy. art. 12, 4;, 453, 699, 887, 949.
16.
(244)
iLRT. 1054.
Considérations sur le traitement des fractures par ta suspen-
sion. — Modification apportée à L'appareil suspensoir de
M. Major.
Nous avons omis de parler d'un ouvrage qui fît peu de
sensation en France, lors de sa publication (1), mais auquel
on semble rendre aujourd'hui plus de justice, puisque plu-
sieurs chirurgiens distingués ont introduit dans leur pratique
quelques-unes des méthodes de traitement qui y sont consi-
gnées. Parmi les nombreuses modiûcations apportées et con-
signées dans cet ouvrage par l'auteur à la thérapeutique chi-
rurgicale, nous ne nous occuperons aujourd'hui que du
traitement des fractures par la suspension, nous réservant
d'examiner plus tard les autres méthodes de pansement pro-
posées par M. Mayor.
Ce chirurgien commence dans son travail par examiner
les inconvéniens attachés aux bandages ordinaires, par les-
quels on maintient les fractures réduites. Cet appareil exige,
suivant M. Mayor, un nombre plus ou moins considérable
d'aides intelligens; les pièces employées sont extrêmement
nombreuses, elles compriment le membre avec plus ou
moins de violence, et sont placées de manière que celui-ci,
enchâssé en quelque sorte dans un appareil aussi épais, ne
peut être examiné qu'au moment des pansemens; que dans
l'intervalle, des érysipèles et la gangrène même peuvent
l'envahirj que les fragmens osseux peuvent se déranger sans
que les assistans en soient avertis; enfin, s'il s'agit d'une
fracture du membre inférieur, le malade est fixé sur le dos
de manière à ne pouvoir exécuter aucun mouvement sans
courir le risque de déranger son bandage. Tous ces inconvé-
niens peuvent être évités par l'emploi de la planchette du
docteur Sauter, avec laquelle on peut, suivant M. Mayor,
traiter un membre brisé, même avec les plus fâcheuses com-
plications, par la simple position et sans aucune attelle, en
permettant à ce membre d'exécuter sans inconvénient tous
les mouvemcns parallèles à l'horizon.
(1) Nouveau système de clélIp;ation chirurgicale, ou Exposé des
moyens simples et faciles de remplacer avec avantage les bandes et
la charpie ; de traiter les fractures «ans attelles et sans obliger les ma-
lades de garder le lit, etc. ; par Malhias-Mayor, docteur-médecin à
Lausanne* i vol. ia-8o, i853.
(245)
Cet appareil consiste dans une planchette recouverte et
garnie convenablement, et sur laquelle on place et fixe le
membre malade dans la position qu'on veut lui donner; et
cette planchette ainsi chargée, est attachée au plafond ou
au ciel du lit, par des cordes qui, passant dans des trous pra-
tiqués à ses bords, la suspendent au-dessus de ce lit, de ma-
nière à la rendre mobile. Le membre est fixé sur cette plan-
chette au moyen d'un ou de deux mouchoirs plies largement
et qui tiennent lieu de tous les bandages généralement
usités.
Cette planchette doit être au moins de deux à trois pouces
plus longue que le membre dans l'état sain, et avoir six à
neuf pouces de largeur. Elle sera recouverte d'un coussin
qui ait tout au moins la longueur et la largeur de la planche,
et qui soit assez épais pour pouvoir bien garantir le membre
contre la pression. Ce coussin sera donc un petit matelas de
balles de céréales ou de crin, de laine, etc., afin que cettema-
tièrc molle s'écartant, forme une espèce de coulisse dans la-
quelle le tiers postérieur du membre sera enveloppé. Ce
coussin devra avoir de trois à cinq pouces d'épaisseur.
Le membre brisé, convenablement étendu sur ce plan, se
trouvera dans une position si naturelle qu'il n'aura presque
aucune tendance à se déplacer. Cependant, pour plus de sû-
reté, on peut joindre à cet appareil, un, deux ou trois liens
ainsi disposés : dans les cas les plus fréquens, et sans en
excepter les fractures comminulives et les plus compliquées,
il suffira de presser doucement le membre contre l'appareil
dans sa partie moyenne, avec une très-large cravate, la-
quelle embrassant l'un et l'autre, les liera ensemble et n'en
fera de cette manière qu'une seule et même pièce.
II est évident que lorsque cet appareil sera suspendu, il
n'y aura guère qu'une vive contraction musculaire qui
pourra déranger le membre et lui donner une fausse di-
rection; mais on préviendra ces inconvéniens en plaçant à
l'extrémité inférieure du membre une seconde cravate qui,
l'entourant, tendra ù l'alonger, tandis qu'une autre cravate
fixera de la même manière la partie supérieure.
Si, malgré ces deux forces, il y avait encore une certaine
déviation, comme courbure de l'os, élévation d'un de ses
fragmens, etc., on emploierait une troisième cravate in-
termédiaire, qui tomberait d'aplomb et perpendiculairement
sur le mal auquel il faudrait remédier, pressant d'avant en
arrière, de dehors en dedans, de dedans en dehors, suivant
les directions que prendra la courbure.
Voici maintenant comment on placera cette troisième cra-
(246)
vate. Faut-il exercer une pression d'avant en arriére ? la
cravate passera directement sur l'os à comprimer, puis au-
dessous de la planchette, puis sera fixée à un de ses bords.
Faut-il agir de dehors en dedans, on fera glisser un des
bouts de la cravate sous le membre, afin que le milieu de
ce lien vienne à appuyer sur le milieu de la saillie elle-même,
c'est-à-dire au côté externe du membre, puis on le ramènera
vers le bord interne de la planchette où il sera lié avec l'au-
tre bout. Faut-il incliner l'os dans le sens contraire, on agira
absolument de la même manière, mais dans une direction
opposée. Ces liens sont fixés à la planchette elle-même,
dont les bords sont garnis de clous, de chevilles et d'an-
neaux, etc.
Ainsi, attelle ou planchette suspendue au ciel du lit, re-
couverte d'un coussin sur lequel le membre fracturé est dé-
posé ; première cravate pliée largement entourant l'extrémité
inférieure du membre et le fixant à l'extrémité de la plan-
chette (extension continue): seconde cravate fixant l'ex-
trémité supérieure de la même manière (contre-extension) ;
enfin, troisième cravate destinée à remédier aux déplace-
mens qui s'opèrent ou menaceraient de s'opérer, telles sont
les diverses pièces constituant l'appareil de M. Mayor, et
il faut convenir que cet appareil est d'une admirable sim-
plicité. Pour en faire l'application directe, ce chirurgien
conseille de mettre en pièces les deux os de la jambe d'un
squelette, et de placer ce membre sur la planchette ainsi
suspendue. On verra qu'après avoir rapproché les divers
fragmens on peut imprimer ù celte attelle des mouvemens
et même la tourner en tous sens sans agir sur l'os. Si l'on
applique les cravates ainsi que nous venons de l'indiquer,
on verra que, non-seulement l'appareil, mais encore le sque-
lette lui-même, peuvent être changés de place] sang qu'il en
résuite le moindre dérangement dans les os fracturés com-
munitivement. Sur le vivant, les contractions musculaires
seules pourraient opérer ces déplacemens, mais elles cèdent
bientôt lorsqu'elles ne sont pas excitées par un appareil dont
l'elfet inévitable est de produire de la douleur.
Ce bandage, tel que nous venons de le décrire, constitue
ce que l'auteur appelle L'iiyponartliccie ; il peut être suspendu
ou non suspendu. Pour le mobiliser, Û. Mayor emploie
deux cordes, dont l'une passant par deux ou quatre trous
pratiqués près des angles de la planchette, forme une ou
deux anses transversales, ou deux anses collatérales, aux-
quelles vient aboutir verticalement l'autre corde destinée à
la suspension. Celle-ci a lieu, 8oit au plancher, soit à tel
(247)
autre point d'arrêt placé au-dessus du lit du malade (i).
Il résulte de celte suspension que l'appareil est isolé du
(i) Ce mode de traitement offre assurément de très-grands avanta*
ges, principalement dans la fracture de la jambe, puisqu'il permet au
corps tout entier d'être soulevé, soit pour donnerles soins de propreté
nécessaires, soit pour satisfaire aux divers besoins du malade, sans
que la partie fracturée en soit ébranlée ; mais on conçoit que cette
suspension au ciel du lit ou au plafond doit causer quelque gêne lors-
qu'on veut recouvrir le malade et surtout lorsqu'on doit le transporter
d'un lieu à un autre. La modification suivante apportée à cet appa-
reil par M. Lapre, docteur en médecine à Montigny-le-Roy, pourrait
aisément remédier à cet inconvénient. Voici la lettre que ce médecin
nous adresse sur ce sujet.
a Un fait tout récent vient de me mettre à même, ainsi que moa
ami, le docteur Causard d'Is, d'apprécier les avantages qu'on peut re-
tirer de la méthode de M. Mayor, dans les fractures des extrémités
inférieures, et nous a conduits à faire subir à l'appareil suspensif des
modifications importantes qui parent à tous les inconvéniens signalés.
«Le 17 octobre dernier, le nommé Cieux, maçon à Bussières-lès-
Clermont (Haute-Marne), âgé de quarante-huit à cinquante ans, d'une
excellente constitution, fut renversé par un bloc de pierre de quatre à
cinq cents livres pesant, qui tomba d'une hauteur de cinq à six pieds
sur le milieu delà jambe droite. Appelé six heures après l'accident, je
trouvai ce malheureux pâle, froid, agité de mouvemens convulsifs et
encore rouvert de ses vêtemens que je m'empressai d'enlever avec
précaution. Les deux os de la jambe étaient fracturés comminutive-
ment à leur partie moyenne. Au niveau de la fracture, en dedans et en
dehors du membre, existaient deux plaies contuses à bords frangés, de
deux pouces environ de diamètre, et dont l'interne surtout fournissait
une grande quantité de sang mélangé de lambeaux musculaires tritu-
rés. Toute la peau de la jambe présentait une tuméfaction violacée et
une fluctuation manifeste, due à l'énorme quantité de sang dont les
tissus étaient gorgés. Une sonde cannelée introduite successivement
dans les deux plaies me servit à les agrandir : ce débridement, qui
soulagea immédiatement le malade, donna issue à des flots de sang à
moitié coagulé, à des portions musculaires réduites en bouillie et à
quelques parcelles d'os détachées. La réduction opérée, je tamponnai
légèrement les plaies avec de la charpie; je plaçai le membre daus un
appareil provisoire, et je recommandai qu'on réchauffât le malade, et
qu'on lui fît boire des infusions de fleurs de tilleul et d'oranger, char-
gées d'une petite quantité d'opium.
» Le lendemain l'appareil était baigné de sang, le pouls très-faible;
le membre avait beaucoup diminué de volume, l'hémorrhagie sem-
blait arrêtée. Les plaies étant recouvertes de compres.ses fenètrées en-
duites de cérat, l'appareil de Scultet fut appliqué avec beaucoup de
soin. Cependant peu d'heures après mon départ, les douleurs tou-
jours croissantes engagèrent les parens à le desserrer. Le 19, le mem-
bre était plus tuméfié que la veille, des phlyctènes remplies d'une
sérosité roussàtre soulevaient l'épidémie, la gangrène menaçait de
frapper une grande étendue de la peau, les fragmens du tibia chevau-
chaient l'un sur l'autre, et le supérieur soulevait fortement les tégu-
mens en avant et en dedans. Tout me faisait craindre que l'amputa-
(348)
lit et que le membre qu'il soutient n'éprouve que des mou-
vemens de totalité, qui ne déplacent en aucune manière les
tion ne devînt nécessaire pour sauver les jours du malade. Ce fut alors
que nous résolûmes, le docteur Causard et moi, d'employer la plan-
chette de M. Mayor, suspendue au bras d'une potence placée au pied
du lit : le membre étant fixé par le genou et le pied aux extrémités de
la planchette, fut recouvert de larges cataplasmes émoUiens lau-
danisés, qu'on renouvela toutes les trois heures.
B Le 20, sommeil paisible, calme parfait, pouls naturel. Jusqu'au
24 tout allait à souhait : la gangrène était limitée et formait en dedans
et en dehors de la jambe deux plaques de l'étendue de la paume de
la main, et soulevées par le pus dans les points correspondans aux
deux plaies. Cependant le malade demandait instamment que son
membre fût tenu moins élevé et le genou desserré: c'est alors que nous
imaginâmes de substituer à la potence l'appareil dont je vous envoie
la description, et d'augmenter le diamètre transversal du genou à
l'aide de compresses graduées.
» Depuis ce moment le malade n'a plus accusé de douleurs et a sup-
porté jusqu'au 20 décembre, époque à laquelle la consolidation parut
assurée, un appareil qui a permis, sans faire éprouver aux fragmens le
moindre mouvement, de détacher de vastes lambeaux de peau gangre-
née, de panser régulièrement les plaies résultant des escarres, d'ex-
traire des esquilles d'os entrées dans les chairs, etc. Je ne doute nulle-
ment que le malade doive la conservation de son membre à l'appareil
employé. >
M. le docteur Lapre ajoute à cette intéressante observation la
description de son appareil qui est extrêmement simple et que nos
lecteurs se représenteront très-facilement.
// consiste clans une planche de chêne d'un pouce d'épaisseur, de huit
pouces de largeur et de deux pieds et demi de longueur. Quatre tiges de fer
sont fixées sur cette planche, s'élevant perpendiculairement et se correspon-
dant deux à deux de manière à se toucher par le sommet. Ces tiges, for-
mant ainsi deux espèces de pont, sotit espacées d'un pied et demi l'une de
l'autre, et réunies par leur sommet au moyen d'une traverse en bois, percée
de plusieurs trous. Cet éloigncment provient de ce qu'à leur insertion à la
planche de chêne, elles commencent par former un coude en dehors, avant
de l'élever perpendiculairement, et ne se rapprochent l'une de l'autre que
lorsqu'elles sont arrivées à huit pouces de hauteur.
Il résulte de cette disposition une sorte de cage, qu'on dépose dans le lit
et dans laquelle on introduit le membre appuyé sur la planchette. Cette
planchette elle-même est suspendue d la traverse en bois, et peut donc va-
ciller dans uneipacede huit pouces de hauteur, sur seize environ de largeur.
Enfin, pour plus de commodité,' la planchette en\chêne est taillée en biseau
aux dépens de son plan supérieur, jusqu'à l'insertion des deux premières
tringles.
«Avec cette modification, ajoute notre correspondant, il est facile
de voir qu'on remédie aux inconvéniens reprochés à la planchette de
M. Mayor, car en élevant seulement cette planchette de quelques
lignes a\i-dessus de la planche en ch<*!ne, le membre parcourt libre-
ment l'espace compris entre les deux tiges de fer, sans que les mate-
las ni les couv(!rtures du lit puissent gêner en ricn ses mouvemens,
comme cela arrive avec la potence.
(249)
fragmens affrontés. J)c plus, le membre n'étant plus recou-
vert que d'un simple lien, le chirurgien pourra à son gré et
sans rien déranger à son appareil observer les parties bles-
sées et leur porter les soins qu'il jugera convenables. Il suf-
fira de resserrer ou de relâcher les cravates, suivant que le
besoin s'en fera sentir.
Nous aurons souvent occasion de revenir sur ce mode de
traitement, qui paraît avoir réussi déjà dans beaucoup d'au-
tres mains que dans celles de l'habile chirurgien de Lau-
sanne. Parmi les avantages que peut offrir cette méthode,
nous nous bornerons aujourd'hui à faire remarquer avec
quelle facilité on pourrait recourir aux irrigations d'eau
froide dans le cas de fracture comminutive, le membre
étant ainsi isolé du lit et découvert dans presque toute son
étendue. (F. art. 1002.)
ART. io55.
Observations d'un polype fibreux expulsé de ta matrice à l'aide
du seigle ergoté. — Effets de cette substance dans les accou-
chemens.
M. le docteur Yan-Peene, médecin dans l'armée belge, a
publié dans le Journal de la médecine pratique de Bordeaux,
une observation assez curieuse.
Se trouvant dans un village de la province d'Anvers, ce
médecin fut consulté pour une jeune fille de dix-huit ans
dont le mariage était retardé depuis quinze mois à cause d'une
maladie de matrice que plusieurs hommes de l'art avaient
déclarée être de nature squirrheuse. La constitution de cette
malade était bonne et robuste; le flux périodique survenait
régulièrement, mais avec douleur; dans l'intervalle del'épo.
» Cet appareil a encore présenté le précieux avantage de permettre,
le vingt-huitième jour de l'accident, de transporterie malade dans son
village, situé à une lieue et demie de celui où il se trouvait, sans la
moindre douleur et sans qu'il se fût opéré le plus léger mouvement
entre les fragmens. A l'aide de cette construction très-simple, le doc-
teur Causard a^fait transporter un autre malade à une distance de douze
lieues, quinze jours après un accident de fracture de jambe, sans que
le travail de consolidation ait été le moindrement troublé. »
Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur la modification ap-
portée par M. Lapre a l'appareil de M. Mayor, modification qui nous
semble devoir rendre infiniment plus facile la suspension du membre
fracturé. {^Note du Rédacteur.)
( 25o )
que des règles il y avait quelquefois un écoulement blanc et
accompagné de quelques contractions utérines.
Le toucher fît reconnaître l'existence d'une tumeur ar-
rondie, rénitente, implantée dans l'intérieur du col de l'u-
térus qui était dilaté de la largeur d'une pièce de cinq francs.
Pendant l'examen, la matrice entra dans une sorte de con-
traction et fit effort sur la tumeur comme pour l'expulser.
L'existence d'un polype fibreux fut donc reconnue.
M. Van-Peene,s'étant adjoint deux confrères, résolut d'en
faire l'extirpation. En conséquence, ayant placé la jeune fille
sur le bord d'une table dans la position voulue pour l'opé-
ration de la taille, le doigt indicateur de la main gauche fut
introduit jusqu'à la tumeur pour servir de guide à la pince
avec laquelle la moitié du polype fut saisie. Mais dans le
même moment la matrice se contracta si violemment, qu'à
l'aide de tractions modérées la moitié de la tumeur se déta-
cha et fut retirée avec les pinces. Il n'y eut point d'hémor-
rhagie, mais la malade ne voulut plus se soumettre ù de
nouvelles tentatives.
Dans cet état de choses, vu la tendance de l'utérus à se
contracter, ce médecin proposa d'employer le seigle ergoté,
qui fut administré le lendemain deux fois par jour à très-pe-
tites doses. Le jour suivant, la quantité d'ergot fut aug-
mentée; le soir, la femme accusa des douleurs dans les lom-
bes et dans le bas-ventre. Le troisième jour les douleurs
devinrent plus fortes, et enfin, vers les quatre heures, le reste
du polype fut expulsé avec son pédicule. Après huit à dix
jours, la malade était parfaitement rétablie.
La tumeur, dans son ensemble, était de la grosseur du
poing et avait une figure pyriforme. Vers le milieu, le col de
l'utérus l'avait, pour ainsi dire, étranglée, de sorte qu'on re-
marquait là une sorte de rainure circulaire; c'était précisé-
ment en cet endroit que la première portion s'était détachée.
Réflexions. L'action du seigle ergoté sur les contractions
utérines ne saurait aujourd'hui être mise en doute, et nous
ne reviendrions pas sur ce sujet si quelques médecins ne
persistaient encore à regarder cette substance comme ineffi-
cace ou comme dangereuse. Le fait cité par M. Van-Peene
est un exemple curieux des effets de cette substance; nous
allons en ajouter quelques autres qu'on pourra rapprocher
des nombreuses observations que nous avons rapportées ail-
leurs (i). Ils uous sont communiqués par M. Caucal, doc-
teur en médecine à Louhans (Saône-et-Loire).
(i) Voy. D03 art. 5^, i45, a3j, 5ii, TiyZ, Sly, 678, 690, 939.
(251)
« Je fus appelé le 12 janvier, nous écrit ce médecin, chez
le nommé Toussaint Plissonnier, dans la commune de Sa-
vigny-sur-Seille, pour accoucher sa femme qui souffrait
depuis quarante-huit heures. Cette femme, d'un tempéra-
ment lymphatique (constitution la plus ordinaire des habi-
tans de la Bresse), était enceinte de son premier enfant. Je la
touchai tout de suite, et je reconnus que le col de la matrice
offrait une dilatation de deux pouces environ de diamètre.
L'enfant se présentait en bonne position de la tête, mais il
n'existait plus de douleurs; la matrice ne se contractait plus
depuis une heure, le pouls était presque insensible, les
forces considérablement diminuées. J'administrai aussitôt
vingt-cinq grains de seigle ergoté en poudre dans deux onces
d'eau sucrée; son effet ne se fit pas long-temps attendre; au
bout de dix minutes le pouls se relève, les douleurs se succè-
dent rapidement, et le travail de l'accouchement marche de la
manière la plus régulière ; mais deux heures s'étaient à peine
écoulées, que la femme retombe dans le même état où je la
trouvai à mon arrivée: pouls lent, insensible; contractions
utérines presque nulles, et ne revenant que d'heure en heure.
Les douleurs prolongées avaient entièrement abattu les
forces et le courage de la patiente, je pensais qu'il ne me
restait alors d'autres ressources que l'emploi du forceps;
mais avant d'en faire l'application, j'eus de nouveau recours
au seigle ergoté; un demi-gros fut administré comme la pre-
mière fois dans un peu d'eau sucrée : un quart-d'heure après,
à ma grande satisfaction, je vis renaître les douleurs qui se
succédèrent alors avec énergie et rapidité jusqu'au terme de
l'accouchement, qui arriva au bout d'une demi-heure.
Aucun accident n'est survenu, les suites des couches ont été
des plus heureuses.
» Dans le courant d'avril i835 je fus appelé auprès de la
femme Chatelet, commune de Branges, pour l'accoucher.
Cette femme, âgée de quarante-sept ans, mariée depuis un
an, est à sa première grossesse ; elle a éprouvé de fortes dou-
leurs depuisdeux jours, il y a vingtquatre heures que les eaux
se sont écoulées. Je l'examinai tout de suite, et je trouvai
on bassin étroit; les branches des arcades pubiennes rappro-
chées forment à leur réunion un angle très-aigu. Les par-
ties génitales internes et externes sont sèches et brCdantes;
le col de la matrice, dilaté de deux pouces environ de dia-
mètre, est mou et ne se contracte plus depuis une heure; la
femme, affaiblie par deux jours de souflrance, se désespère,
et répèle sans cesse qu'elle n'a plus de forces, qu'elle ne
pourra jamais accoucher. L'indication était précise, j'admi-
(252)
nistrai le seigle ergoté h la dose de vingt-cinff grains dans
deux onces d'eau sucrée. Dix ou douze minutes après, ses
cft'ets se manifestèrent avec énergie pendant deux heures en-
viron, puis ils cessèrent de nouveau pendant une heure; j'ai
recours au même moyen, la malade prend trente grains de
seigle ergoté ; peu de temps après, les douleurs et les forces
se raniment pour cesser de nouveau ; la tête avait alors fran-
chi le col utérin, distendait fortement les parois vaginales et
poussait en avant le périnée : cette dernière fois les douleurs
n'avaient pas reparu depuis une demi-heure. La femme et
son mari s'opposant à l'application du forceps, je tentai de
nouveau l'usage du seigle ergoté, qui, déterminant prompte-
ment de nouvelles contractions, amena dans moins de vingt
minutes un enfant mort extrêmement volumineux. Il n'est
survenu aucun accident chez la mère.
» Yoilà, je crois, des résultats qui ne peuvent laisser aucun
doute sur les bons effets du seigle ergoté; pour moi, je l'ai
toujours employé utilement, non-seulement pour hâter le
teruie de l'accouchement dans le cas d'inertie de matrice,
mais encore après la délivrance, lorsque la matrice, manquant
d'énergie, était trop paresseuse à revenir sur elle-même, et
faisait redouter une hémorrhagie interne.
» Voici la potion que j'ai employée dans ce cas avec avan-
tage:
n Pr. Vin sucré, quatre onces;
Seigle ergoté en poudre, trente grains ;
Par cuillerées, toutes les heures.»
Malgré les faits nombreux qui viennent témoigner en
faveur du seigle ergoté, et que nous pourrions ajouter en-
core à ceux déjà connus, il faut convenir que dans certains
cas cette substance ne paraît jouir d'aucune action sur l'u-
térus, et il est bon de savoir que dans plusieurs autres elle
peut déterminer des accidens graves, si on ne l'administre
pas dans des circonstances opportunes. Nous nous sommes
efforcé dans plusieurs articles de préciser les cas dans les-
quels on doit avoir recours au seigle ergoté, et les conseils
que nous donnions sur ce sujet se réduisaient à ceci : « Il faut,
lorsqu'on en prescrit l'administration, qu'il ne manque pour
l'expulsion de l'enfant que des contractions utérines. » Mais
il n'est pas toujours facile de recoimaître les causes de l'iner-
tie de la matrice, et de faire la part des résistances qui ont
fini quelquefois par paralyser ses fibres en quelque sorte.
Ces diûicultés ont été exposées avec un rare talent par M. le
(253)
professeur P. Dubois, dans une de ses leçons à la clinique
d'accouchement, et nous allons les reproduire dans l'article
suivant, comme complément de tout ce que nous avons dit
sur ce sujet à l'occasion du seigle ergoté.
ART. io56.
Clinique d'accouchement : considérations pratiques sur les caU'
ses qui peuvent retarder l'expulsion de la tête du fœtus des-
cendue dans la cavité du bassin.
Dans les derniers jours de mars quatre femmes ont accou-
ché à l'hôpital clinique, et chez toutes on a cru nécessaire
d'appliquer le forceps. En fixant l'attention des élèves sur
ces quatre cas, M. le professeur P. Dubois a examiné avec
quelque étendue cette importante question: Quand convient-
il d'appliquer le forceps ? et l'examen de ce point de pratique
lui a donné occasion d'exposer des idées neuves et bien dif-
férentes de celles qui sont généralement admises par les ac-
coucheurs.
Il faut avoir vu, a dit ce professeur, combien de temps la
tête d'un fœtus peut rester plongée dans le bassin, combien
l'accouchement peut être retardé sans préjudice pour l'en-
fant, pour se représenter convenablement l'opportunité de
cette opération. On doit d'abord poser en principe qu'à l'ex-
ception de quelques cas rares dans lesquels la matrice est
dans un état de contraction permanente, l'enfant ne court
aucun danger tant que les membranes ne sont pas rompues;
c'est donc à partir du moment de leur rupture seulement
qu'il faut faire dater sa position critique. Quand la matrice
se contracte, la circulation se ralentit chez le fœtus, mais
bientôt vient un moment de repos, et les choses se rétablis-
sent dans le même état; il est évident cependant que cette
gêne momentanée doit avoir un terme, et toute la difficulté
consiste à bien préciser cette époque qu'il est dangereux de
dépasser.
Pour y parvenir, l'accoucheur doit peser avec soin toutes
les circonstances, examiner, par exemple, si l'eau s'est écou-
lée en totalité ou seulement en partie, si les contractions
sont violentes, si la femme les dirige convenablement. Dans
l'un des quatre cas observés récemment, il s'agissait d'une
femme de petite stature, idiote, qui n'éprouvait que des dou-
leurs assez faibles et n'avait pas assez d'intelligence pour les
bien faire valoir. La tête étant dans la cavité du bassin et
déjà près des parties génitales, on donna trenfe-six grains de
(a54)
seigle ergoté; il y eut quelques Tomîssemens, et les douleurs
ne devinrent pas plus fortes. On crut alors nécessaire d'ap-
pliquer le forceps, et la tête fut extraite sans difTiculté.
One autre femme était dans des conditions différentes.
Depuis cinq heures la tête reposait sur les parties génitales,
et quoiqu'elle fût en bonne position, quoique la femme
éprouvât des douleurs violentes, l'accouchement ne se ter-
minait pas. M. Dubois n'a pas pensé qu'on dût hésiter, et il
a extrait l'enfant avec le forceps.
Il est évident que dans ce cas il y avait une résistance
qu'il fallait vaincre; mais quelle en était la cause? On au-
rait pu l'attribuer à un rétrécissement du bassin : mais la
femme était bien conformée ; à ce que le mouvement de ro-
tation ne s'exécutait pas : mais pour que ce mouvement s'exé-
cute, il faut bien que la tête marche : or, puisqu'elle était
arrêtée, c'était ce temps d'arrêt qui s'opposait au mouvement
de rotation, et non l'absence de cette rotation qui détermi-
nait le point d'arrêt.
Quand on examine un bassin sec, on se fait nécessairement
une idée fausse des difficultés que la tête du foetus éprouve
pour le traverser. Certainement il faut, pour que l'accou-
chement se termine naturellement, qu'il n'y ait pas de dis-
proportion entre la tête de l'enfant et le canal osseux qu'elle
doit traverser ; mais cette disproportion est fort rare; si on
la rencontre quelquefois dans cet hôpital, c'est que pour l'in-
struction des élèves on y réunit autant qu'on peut des fem-
mes contrefaites; et cependant les cas où le fœtus est
arrêté tout-à-coup dans l'intérieur du bassin sont excessi-
vement communs. Cela provient, suivant M. Dubois, de ce
que dans le travail de la partarition il y a des élémens d'action^
mais qu'il y a aussi des éUnnens de résistance, et que pour que
l'enfant soit expulsé, il faut que ces derniers soient inférieurs
aux premiers.
En effet, quand on cherche une analogie entre la parluri-
lion et d'autres fonctions, on arrive aisément à conclure que
c'est une excrétion; mais comme un corps vivant, très-vo-
lumineux, dont une partie est solide, doit passer par un ca-
nal étroit, il faut des conditions beaucoup plus nombreuses
que pour les excrétions ordinaires.
Il est indispensable d'abord que ce canal ne soit pas dé-
formé au-delà de certains points; que la gaine contenue dans
le canal osseux ne soit le siège d'aucune altération; qu'elle
soit molle, extensible ; qu'elle ne soit le siège d'aucun rétré-
cis>emenl, d'aucune bride, d'aucune tumeur.
D'un autre côté, le produit de la conception doit être par-
I
(255)
tagé en deux parties; il faut que chacune de ces parties soit
expulsée successivement; que le corps le plus volumineux se
présente par une de ses deux extrémités, la tête ou le bassin ;
qu'il s'engage dans une bonne direction ; qu'il exécute cer-
tains mouvemens qui le placent dans les conditions les plus
favorables, etc., etc.
Ces conditions se présentent presque toujours, et si elles
étaient suifisantes pour l'expulsion du foetus, presque tous
les accouchemens se termineraient d'une manière naturelle.
Cependant dans un assez grand nombre de cas l'art est obli-
gé d'intervenir. Sur les quatre accouchemens, par exemple,
qui ont été terminés par le forceps, un seul était retardé par
disproportion dans les dimensions du bassin avec le volume
de la tête. D'où venaient donc les difficultés qui se sont
présentées?
Pour arriver à cette explication, il est nécessaire de remon-
ter à l'anatomie comparée. Chez des animaux inférieurs à
l'homme, la parturition s'accomplit avec le même mécanis-
me. Chez beaucoup d'entre eux, l'utérus, au lieu d'être
une simple cavité, offre deux cornes, qui représentent le
corps de la matrice dans l'espèce humaine, et viennent
aboutir à une partie unique, équivalant au col. Ces cornes
sont pourvues de deux espèces de libres musculaires; la plu-
part sont longitudinales, et quelques-unes, situées à l'inté-
rieur, sont circulaires; quant à l'extrémité inférieure de
l'utérus, elle offre bien quelques fibres longitudinales, mais
la plupart sont circulaires. C'est sous l'influence de la con-
traction des cornes que le fœtus est expulsé.
On retrouve cette même disposition dans tous les organes
destinés à expulser un produit quelconque, le rectum, la
vessie, etc.
Cette structure que nous venons de voir dans l'utérus de
certains animaux, se retrouve très-exactement dans l'espèce
humaine; si l'on suppose en effet que les cornes se sont rap-
prochées, on aura l'utérus de la femme, dont la partie supé-
rieure sera composée surtout de fibres longitudinales, et la
partie inférieure, ou le col, de fibres circulaires. La partie
supérieure est destinée àl'expulsion, mais la partie inférieure
constitue la résistance : il y a donc antagonisme, et il faut
qu'au bout d'un temps plus ou moins long cet antagonisme
soit vaincu, pour que l'accouchement se termine.
Mais les fibres du corps de l'utérus ne sont pas les seuls
agens chargés de l'expulsion; cet organe s'est élevé pendant
la gestation à une hauteur considérable; il s'est fait en
quelque sorte une ceinture des muscles abdominaux. Ces
( a56 )
muscles s'ajouteront aux fibres utérines pour favoriser l'ex-
pulsion du produit; tandis que d'un autre côté la uature a
créé à la partie inférieure un autre ordre de résistance, ce
sont les muscles du périnée.
C'est dans la disproportion dans le rapport de ces forces
que les obstacles à la parturition gissent dans le plus grand
nombre des cas; il faut que l'action des muscles du périnée
soit vaincue. Sur vingt applications de forceps par longueur
du travail, ily en a bien quinze qui sont nécessitées, soit par
une force d'expulsion trop faible, soit par une résistance
trop grande.
Souvent le travail est retardé par la rigidité du col utérin;
ce n'est pas autre chose qu'une exagération des forces de ré-
sistance ; il en est de même de la rigidité des parties génitales.
D'un autre côté, il y a des femmes chez lesquelles l'utérus
se contracte avec très-peu d'énergie, c'est un défaut d'action
dont le résultat est absolument le même.
Parmi les quatre femmes chez lesquelles on a appliqué le
forceps, trois présentaient une résistance extrême des mus-
cles du périnée et des parties de la génération.
( La suite au numéro prochain. )
ART. 1057.
iVofé sur un moyen dé calmer les douleurs qui surviennent chez
certaines femmes à l'époque des règles.
M. Pigeaux a publié, dans le Bulletin de Thérapeutique »
une note sur un moyen qu'il assure lui avoir constamment
réussi dans la dysménorrhée. Ce médecin conseille indiffé-
remment l'un ou l'autre des lavemens snivans, qu'il recom-
mande ù la malade de garder :
Pr. Eau, un verre;
Tête de pavot concassée, n" i.
Faites bouillir jusqu'à réduction d'un tiers, passez et
ajoutez :
Huile camphrée, deux gros.
( Cette huile doit contenir deux grains de camphre par
chaque gros.)
L'autre lavement est ainsi composé :
Pr, Eau, quatre onces ;
Extrait gommeux d'opium, demi-grain^
(257)
Camphre, quatre grains;
Jaune d'œuf, n' i.
Ces lavemens ont rarement besoin d'clre renouvelés ; ils
peuvent cependant l'être avec avantage le second jour, si les
douleurs utérines n'ont pas complètement cessé, ou si elles
se représentent dans le cours de la menstruation. Sur plus
de vingt cas où M. Pigeaux a employé ce moyen, il l'a tou-
jours vu produire un notable soulagement, sinon une guc-
rison complète.
Chez quelques malades qui répugnent à prendre des lave-
mens, on peut prescrire les pilules suivantes dont les effets
sont h peu près semblables :
Pr. Opium brut, un grain;
Camphre en poudre, six grains.
Faites deux pilules, à prendre l'une le soir, l'autre le
matin ou dans la journée, suivant l'urgence des cas. {Voy.
art. 243. )
ART. io58.
Note sur un nouveau caustique pour établir des cautères.
L'action lente de la potasse caustique dans l'application
des cautères, et les accidens qu'elle occasione souvent
quand elle vient à se liquéfier trop vite et à couler, fait
adopter depuis quelque temps, par un grand nombre de
praticiens, un nouveau caustique, connu sous le nom de
Foudre de Vienne, et dont nous donnons ici la formule :
Pr. Potasse caustique à la chaux, cinq parties;
Chaux vive calcinée et pulvérisée, six parties.
On fait du tout une poudre que l'on enferme aussitôt
dans un flacon à large ouverture, bouché à l'émeri et bien
sec. Quand on veut établir un cautère, on délaie une petite
quantité de cette poudre avec quelques gouttes d'alcool ou
d'eau, de manière à en faire une pâte liquide que l'on étend
entre deux morceaux de sparadrap, dont l'un percé d'un
trou de la grandeur et de la forme que l'on veut donner au
cautère. L'action sur la peau est vive, quoique très -peu
douloureuse; la peau désorganisée représente exactement la
forme et l'étendue qu'avait le caustique avant son appli-
catioD.
{Journ. de Pharmac.)
ToM. VI. — N° DE JUIN. 17
(258)
ÂET. io5g.
Observations sur la nécessité de substituer un exutoire à la sup»
pression des anciennes tumeurs, quelle qu'en soit leur nature.
M. Jacques a lu à la Société médico-pratique trois obser-
vations dans lesquelles des accidens graves survinrent chez
des sujets qui s'étaient soumis à l'enlèvement de tumeurs de
diverse nature. Ces accidens devraient être attribués, sui-
vant ce médecin, à ce qu'on négligea de faire une dérivation
salutaire avec un cautère placé sur quelque partie du corps.
Un homme de quarante -neuf ans, ayant toujours joui
d'une très- bonne santé', portait depuis un grand nombre
d'années une loupe grosse comme une noix, située sur l'o-
moplate. Ayant fait une chute sur le dos dans un escalier,
cette loupe fut presque entièrement arrachée , et il suffit
d'une légère incision pour en achever l'extirpation; mais
comme lus tégumens qui entouraient la tumeur avaient été
largement déchirés, la cicatrisation fut fort longue à s'opé-
rer, et la plaie suppura long-temps. M. Jacques lui conseil-
lait de se faire appliquer un cautère au bras, mais le malade
s'y refusa obstinément.
Cependant au bout de deux mois il survint des yertiges,
des étourdissemens, des céphalalgies; des symptômes de
coma se manifestèrent de temps à autre. Il fut encore im-
possible d'obtenir son consentement à l'application d'un vé-
sicaloire ou d'un cautère, et l'on dut se borner aux saignées
générales et locales, aux sinapismes, et enfin à un traitement
approprié. Malgré ces moyens, les symptômes allèrent tou-
jours en croissant pendant quatre mois, après lequel temps
cet homme fut trouvé mort dans son lit. Les médecins qui
le soignaient supposèrent qu'il avait succombé à une attaque
d'apoplexie; mais il fut impossible de s'en assurer par l'ou-
verture du corps, qui leur fut refusée.
L'n houime de trente-six ans, jouissant d'une bonne santé,
avait au centre de la joue gauche une loupe du volume d'une
petite noix, dont l'existence datait des premières années de
sa vie. Il pria M. Jacques de l'en débarrasser; mais celui-ci
ne voulant consentir à cette opération qu'à la condition de
débuter par l'applicali» n d'un cautère au bras, il refusa de
s'y soumettre, et prcléra garder cette petite tumeur. Six
moi^ après cependant, un chirurgien l'en débarrassa sans au-
cune précaution. Dans le courant de Thiver suivant, il lui sur-
vint ua dépôt ù la marge de l'auus; il en résulta une ûstule,
(>59)
qui fut opérée deux fois à quatre mois de distance. Les forces
revenaient lentement, lorsqu'il se manifesta une vive douleur
au côté droit de la poilriae; des tubercules envahirent le
poumon; on mit alors un cautère, mais le malade expira
avant qu'il fût bien établi.
Un homme de cinquante-deux ans, s'étant toujours bien
porté, avait sur l'aile droite du nez une petite tumeur de la
forme et de la grosseur d'une double lentille, don t l'existence
datait depuis plus de vingt ans. Cette tumeur finit enfin par
dégénérer et se convertir en un bouton cancéreux, pour le-
quel il consulta le professeur Sabatier. Celui-ci commença
par lui faire appliquer ur\ cautère au bras, puis, quand la
suppuration fut bien établie, il détruisit la tumeur à l'aide
du traitement du frère Côme. Au bout de quatorze mois, cet
homme crut pouvoir se débarrasser de sou cautère. Il lui
survint bientôt un dépôt dans les organes urinaires, et il suc-
comba après cinq semaines de très-vives souffrances.
Réflexions. Les dangers qui accompagnent la suppression
d'un écoulement non naturel sont évidens pour la plupart
des médecins; et quoique, en général, ils ne s'annoncent
pas d'une manière subite, et que le plus souvent même cette
suppression n'ait d'autre effet que quelque incommodité pas-
sagère, à laquelle on remédie facilement, les praticiens sa-
vent qu'il faut surveiller les malades chez lesquels on obtient
la cicatrisation de vastes ulcères ou de fistules plus ou moins
anciennes. Nous en avons cité des exemples à notre art. 323,
Mais en doit-il être de même après l'enlèvement de tu-
meurs qui ne fournissent aucune sécrétion, qui sont en quel-
que sorte des corps étrange/s séjournant dans nos tissus,
comme dans les deux premières observations qu'on vient
de lire? Cette crainte nous paraît tout-à-fait chimérique,
car quel changement survient-il danS l'économie après l'en-
lèvement d'une loupe du volume d'une noix, qui depuis
vingt ans et plus est enfouie dans le tissu cellulaire sous-cu-
tanè sans subir aucun travail inflammatoire? Assurément
aucun, et la modification que subissent les systèmes circula-
toire et sécrétoire est absolument celle qui résulte de toutes
les plaies, de toutes les violences extérieures dirigées contre
nos tissus. Or, on ne saurait proposer l'établissement d'exu-
toires permanens dans toutes ces lésions, infiniment plus
graves que l'extirpation d'une loupe, ce à quoi JM. Jacques
devrait se résoudre pour être conséquent dans son raison-
nement.
Nous croyons encore que si on opposait les faits à ces
considérations, l'opinion de ce médecin devrait être rejetée,
»7-
(26o)
car pour trois faits que l'on nous cite, nous pourrions en
rapporter des milliers dans lesquels des loupes volumineuses,
des tumeurs de diflFérentes natures ont été extirpées sans
précaution et sans accident. Qu'y a-t-il d'étonnant d'ailleurs
à ce qu'un vieillard succombe à un abcès des voies urinaires,
qu'un autre meure d'apoplexie, et un troisième de phthisie
pulmonaire six mois, un an, deux ans après une légère opé-
ration? Nous le répétons, pour que des observations de ce
genre eussent quelque valeur, il faudrait que ces faits fussent
rapportés en foule, et non pas isolés dans un si petit cadre,
car rier "'--' -'■-- — -■ ■'- — =' — — "-
tirpati
plexie, ,-- -^^. .. ,
de tumeurs quelconques, et qui n'ont jamais subi d'opéra-
tions.
ABT. 1060.
Considérations pratiques sur les liémorrlioides et le traitement
qui leur convient.
On trouve dans un journal étranger (1) quelques recher-
ches sur les maladies de l'orifice inférieur de l'intestin, et
en particulier sur les hémorrhoïdes, la chute du rectum et
les excroissances de cette partie, par M. le docteur Brodie.
Les consiilérations auxquelles s'est livré ce professeur sont
tout-à-fait pratiques, et seront lues sans doute avec intérêt,
ce sujet n'étant traité que d'une manière incomplète dans la
plupart des auteurs français.
Les hémorrhoïdes ont, suivant M. Brodie, une marche
tout-à-fait analogue à celle des varices de la jambe. Les
veines de cette dernière partie sont en effet d'abord simple-
ment variqueuses ou dilatées, bientôt elles s'enflamment, la
lymphe se dépose dans le tissu cellulaire qui les entoure, et
enfin elles ne présentent plus qu'une masse indurée, dans
laquelle les vaisseaux malades sont en quelque sorte plongés.
Il en est de même des veines de l'anus : dans le commence-
ment elles sont simplement dilatées; l'inflammation répétée
produit un épanchement de lymphe dans le tissu cellulaire
voisin, et l'hémorrhoïde figure alors une masse, au centre de
(1) Tli(j LondoD. médical Gifzettf.
(26i)
laquelle on peut cependant encore reconnaître la veine
dilatée qui a été le principe de la maladie.
Le? hénaorrhoïdes sont plus fréquentes dans la classe riche
que dans la classe pauvre. La cause doit en exister dans la
différence de vie et d'habitudes qui se rencontre dans les rangs
de la société. Les gens riches, en effet, prennent en général
peu d'exercice, et sont sujets à la constipation qui est assez
rare dans une classe inférieure. On dit généralement que
les personnes qui font un fréquent usage de l'aloës comme
purgatif, y sont plus exposées que les autres; mais cette cause
1 n'est pas aussi commune qu'on le croit généralement, et il
serait mêmepossible que ce purgatif n'eût aucune action sur
le développement des hémorrhoïdes, car les individus qui se
purgent habituellement avec cette substance sont précisé-
ment ceux qui sont le plus ordinairement constipés, et
nous avons vu que c'était une des causes les plus communes
de la maladie qui nous occupe.
Les symptômes des hémorrhoïdes internes et externes
varient suivant l'époque de la maladie. La démangeaison et
leur inflammation momentanée sont des accidens bien connus.
Chacun sait que, lorsque les malades sont constipés, les hé-
morrhoïdes externes deviennent gonflées et tendues. Celles
de l'intérieur de l'intestin se gonflent aussi de manière à rem-
plir sa cavité et à fournir la sensation d'un corps étranger
qu'on y aurait introduit. Quelquefois les hémorrhoïdes ex-
ternes s'enflamment et deviennent si douloureuses, que le
malade, qui ne marche qu'avec une extrême difficulté, est
en proie à de vives douleurs par le moindre frottement. L'in-
flammation, après avoir séjourné pendant un temps plus ou
moins long, finit enfin par se dissiper, et les parties revien-
nent dans l'état où elles étaient avant cette attaque. Mais il
n'enarrivepas toujoursainsi.Quelquefoisdesabcèsse forment
dans leur intérieur, et il peut arriver qu'après l'écoulement
du pus le vaisseau s'oblitère, et que la guérison est ainsi ob-
tenue d'inie manière complète.
Quelquefois les hémorrhoïdes internes sont tellement dis-
tendues, que l'intestin ne peut les contenir; elles forment
alors un bourrelet qui est chassé hors de l'anus et qui pré-
sente une tumeur recouverte par la muqueuse intestinale.
Cette tumeur peut donner matière à quelques considérations
pratiques. Si la tumeur est volumineuse, elle sort à l'exté-
rieur lorsque le malade fait des efforts pour aller à la selle,
et rentre ensuite d'elle-même; si son volume est plus con-
sidérable, elle ne rentre plus d'elle-même, et le malade est
forcé de la réduire avec la main; enfin, si elle est plus grosse
( ae» )
encore, elle fait saillie à l'extérieur à tout tnstant, surtout
lorsque le malade marche, ce qui l'empêche de prendre au-
cun exercice. Quelquefois on voit une de ces hémorrhoïdes
poussée au dehors, faire continuellement saillie el oflVir une
petite tumeur pendante du volume de l'extrémité du petit
doigt. Cette variété est douloureuse et surtout incommode
au malade, en ce qu'elle entretient un écoulement continuel
de mucosités abondantes.
Voici les moyensmédicaux généralement employés contre
cette maladie. Au début, de doux apéritifs, et spécialement
un électuaire de séné, de soufre et de miel; un exercice mo-
déré et la diète; des lavemens d'eau froide simple, ou ren-
due a!*tringente avec l'alun ou avec la teinture de muriate de
fer, ou l'eau de chaux. La pâte de "Ward est un remède
puissant, et elle a rendu maintes fois de très-grands services.
Un morceau de la grosseur d'une noix muscade sera pris
deux ou trois fois par jour, et ce traitement, continué pendant
deux, trois ou quatre mois, finira par débarrasser complète-
ment le malade do ses hémorrhoïdes.
Comment agit cette pâte de Ward ? Chez un malade qui,
pour un rétrécissement du rectum, avait pris indiscrètement
une prodigieuse quantité de ce médicament, on en trouva le
colon presque rempli après In mort. Il est évident qu'excepté
une petite portion dont la digestion s'empare, la pâte de
Ward passe presque en entier dans le colon, où elle se mêle
avec les matières fécales, et se trouvant alors en contact
avec les hémorrhoïdes, elle agit comme une application lo-
cale et de la même manière que le vin d'opium sur les
vaisseaux de la conjonctive dans l'ophtalmie chronique.
A l'appui de cette explication, on peut citer une observa-
lion de sir Everard Home. Un de ses malades, souffrant du
développement d'hémorrhoïdes, reçut le conseil de faire usage
de la pûte de "Ward ; mais cet homme, ne croyant pas qu'un
médicament administre par l'estomac pût avoir une grande
action sur l'intestin malade, en introduisit le plus qu'il put
directement dans le rectum. Cette manœuvre causa bien
quelques accidens, mais enfin ce malade guérit ; et depuis
cette époque sir Everard a fait usage de celte pâle en ap-
plications locales avec de grands avantages.
Le poivre cubèbe, donné trois fois par jour à la dose d'un
scrupule, a également réussi dans plusieurs circonstances.
Dans d'autres cas oil l'irritation était très-vive, on a retiré
de bons effets du copahu combiné avec un alcali caustique.
Ainsi un demi-gros de baume de copahu avec quinze gouttes
de liqueur de potasse peuvent être étendus dans deux à trois
(a63)
gros de mucilage et d'eau de caDoelIe et pris en trois doses
dans la journée.
Si l'on est appelé près d'un malade, lorsque les hémor-
rhoïdes externes sont enflammées et tendues, nn doit prescrire
d'abord la position horizontale, puis quelques applications
de sangsues dans le voisinage des parties tuméfiées ; si on
plaçait les sangsues sur les hémorrhoïdes elles-mêmes on
s'exposerait à faire suppurer leurs piqûres. Quand les veines
sont fort distendues, on peut y pratiquer une ponction avec
une aiguille, ce qui soulage aussitôt le malade et ne cause
aucun accident; on peut ainsi percer les hémorrhoïdes dans
plusieurs points, en ayant soin de les couvrir ensuite avec
un linge trempé dans l'eau froide.
Lorsque les hémorrhoïdes internes sont enflammées,
distendues et poussées au dehors, il faut d'abord s'efforcer
de les remettre en place. On prend pour cela un mouchoir
de toile fine, et en pressant doucement on tâche de chasser
le sany hors des vaisseaux enflammés, et l'on réduit la tu-
meur si cela est possible ; mais si l'on ne peut y parvenir, ou
si, a près l'avoir rentrée dans l'intestin, elle en ressort aussitôt,
on maintient la partie couverte avec des linges trempés dans
un liquide froid, le malade reste dans une position horizon-
tale, et l'on administre un léger purgatif. Dans ce cas,
comme lorsque les hémorrhoïdes sont situées à l'extérieur,
il peut être fort avantageux de pratiquer plusieurs ponctions
dans différens points des veines gonflées. Les piqûres fîu'tes
avec des aiguilles ne sauraient avoir aucune espèce d'incon-
vénient; elles débarrassent le vaisseau du sang qu'il con-
tient, dissipent la tension et le gonflement, et produisent
ainsi, sans aucune espèce de danger, un très-grand soula-
gement.
Réflexions. Le docteur Brodie ajoute à ces intéressantes
recherches de nouvelles considérations sur les opérations
que peuvent nécessiter les hémorrhoïdes, ainsi que le pro-
lapsus du rectum et diverses excroissances de cette région;
nous reviendrons sur ces divers sujets, mais nous devons
d'abord entrer dans quelques détails sans lesquels nos lec-
teurs ne pourraient peut-être pas tous tirer le parti convena-
ble des leçons du professeur anglais.
Lapâie de fJ^arddonl il est ici question est Un médicament pa-
tenté, c'est-à-dire un remède particulier approuvé par le col-
lège royal des médecins de Londres, et pour lequel l'inventeur
a obtenu un brevet du gouvernement. Ce médicament paraît
d'un usage général en Angleterre dans les cas d'hémorrhoï-
des et diverses affections du rectam; plusieurs praticiens as-
( 264 )
surent en retirer de très-bons effets. Voici quelle est sa com-
position :
Pr. Poivre noir, ) i u i-
„ . 1, . > de chaque une livre ;
ilacine d au net-, ) *
Semences de fenouil, trois livres;
c, ^^ ' , , > de chaque deux livres.
Sucre blanc, j ^
On en prend ordinairement }:^ros comme une noisette
trois ou quatre fois par jour, si l'on n'aime mieux en faire
des applications directes sur le rectum, ce qui nous paraît
beaucoup plus rationnel.
Il est évident que ce médicament ne saurait être adminis-
tré lorsque les hémorrhoïdes sont très-enflammées.
Quant à la liqueur de potasse que M. Brodie conseille de
joindre au copahu, c'est un mélange de douze onces de sous-
carbonate de potasse et de six onces de chaux vive, sur les-
quels on jette quatre litres d'eau distillée bouillante.
On en ajoute ordinairement de huit à trente gouttes dans
une potion; mais il faut éviter d'en faire usage chez les indi-
vidus qui ont les organes digestifs irritables.
AET. 1061.
Considérations pratiques sur quelques observations de convul-
sions épllepti formes reconnaissant des causes différentes.
M. Raynaud, docteur en médecine à Cabris (Var), nous
adresse la lettre suivante :
« En parcourant votre journal, j'ai lu avec plaisir les ob-
servations intéressantes que vous nous avez données surl'é-
clampsie. Dans mes quatre ans de pratique je n'ai pas encore
vu cet accident chez des femmes enceintes, mais je l'ai ren-
contré quatre fois chez des sujets placés dans d'autres cir-
constances. Comme je ne me souviens pas d'avoir lu dans
les. auteurs d'exemple d'éclampsie survenue à la suite d'un
coup porté sur la tête, cela m'a déterminé à vous faire con-
naître le suivant.
» Le 4 avril i833, étant allé sur le soir voir un malade au
hameau de Péméinade, je fus appelé pour y secourir le fils
d'Elieiine Court, qu'on disait avoir été tué par un mulet,
.l'appris que cet enfant, âgé de trois ans etdemi, étant sur le
chemin vfji^in de sa maison et courantaprès unmulet, celui-
ci lui lan(,:a un coup de pied, Tatteignit au front, et Teofant
•
(265)
fut renversé par terre. On le releva et il put marcher jusque
chez lui ; mais ià il tomba sans connaissance. C'est dans cet
état que je le trouvai; le coup siégeait entre les deux bosses
iVoiitalcs, s'étendait sur les deux tiers de la hauteur de l'os
et avait un pouce et demi de large; l'épiderme était i\ peine
enlevé sur un point, et l'os paraissait avoir du côté du cer-
veau une convexité égale à celle qu'il avait en dehors avant
l'accident. Pendant que je l'examinais, il tut pris de convul-
sions violentes et saccadées qui se firent principalement sen-
tir à la moitié supérieure du corps : ainsi les muscles de la
face, du cou, des bras et de la poitrine semblaient soumis
à un courant d'électricité. Il rendit en même temps une
grande quantité d'écume parla bouche. Cet état dura cinq à
six minutes, après quoi il resta comme privé de vie, si ce
n'était que la circulation et la respiration s'exécutaient en-
core.
» Dès qu'on se fut procuré des sangsues, j'en appliquai
huit autour de la blessure sans que l'enfant manifestât la
inoindre douleur; j'ordonnai qu'on laissât couler long-temps
le sang, que l'on mit après sur ie front et qu'on renouvelât
souvent des compresses trempées dans une solution d'acé-
tate de plomb. Le lendemain, j'appris qu'après l'écoulement
du sang il avait repris un peu connaissance. En effet, je le
trouvai dans un état satisfaisant, quoique encore assoupi et
atteint de mouvement fébrile. Ce jouret le suivant, des sang-
sues furent encore appliquées, les fomentations froides con-
tinuées. Le 12, il était bien. Pendant le cours du traitement
il fut tenu à la diète, et on lui administra quelques doses de
calomel et de sirop de nerprun.
» J'ai depuis revu plusieurs fois cet enfant, qui se porto
bien; la compression du cerveau par l'os frontal resté en-
foncé n'a pas influé sur son intelligence.
•> Cette observation tend à prouver que l'éclampsie tient
à une compression du cerveau ; dans les autres cas de cette
maladie, il paraît que les nombreux troncs veineux et arté-
riels qui entourent le cerveau, gonflés par la congestion
sanguine qui se fait vers cet organe, doivent le comprimer
dans tous les sens et donner lieu par là aux convulsions.
» Je crois qu il ne sera pas inutile de citer les observa-
tions suivantes, pour les comparer avec la précédente en ce
qui a rapport à la différence dans leurs causes et à la ressem-
blance dans leurs symptômes.
n Dans la nuit du 2a au 23 novembre i852, je fus éveillé
par le sieur Nie), qui me pria d'aller voir sa fille malade,
âgée de près de triis ans; quelques soupirs poussés par celte
(a66)
enfant avalent fait accourir la mère qui l'avait trouvée sans
connaissance. Lorsque j'arrivai, cette fille était encore dans
cet état; elle avait la lace légèrement colorée, les yeux
fixes, de la fréquence dans le pouls. Je ne pus rien apprendre
des parens relativement aux causes propres à m'éclairer
dans le diagnostic de cette maladie. Ne remarquant pas la
décomposition des traits comme dans l'épilepsie, je pensai
alors que cette enfant était sous l'influence d'une autre de
ces névroses qui font perdre connaissance, quoique, comme
le sujet de l'observation précédente, elle n'eût jamais eu
d'aflection convulsive. Je lui fis sentir de l'éther et lui en
donnai quelques gouttes dans de l'eau sucrée; ce qui la tira
un peu de l'état léthargique dans lequel elle était plongée.
Mais^ au bout de quelques minutes elle fut prise tout-à-coup
et exactement des mêmes symptômes que le sujet dont je
viens de citer l'observation. A cause de l'absence de phar-
macien dans cette commune, je ne pus lui mettre que trois
à quatre mauvaises sangsues aux tempes, d'où il ne sortit
que quelques gouttes de sang, et je lui appliquai des linges
trempés dans de l'eau très-chaude a la partie interne des
jambes, où il y eut riibéPaction etmême vésication d'un côté.
Après sept à huit minutes les accidens se calmèrent. On lui
donna à plusieurs reprises quelques cuillerées d'eau de fleurs
de tilleul et d'oranger seules ou mêlées à de l'éther. Elle re-
prit peu à peu connaissance et n'offrit plus rien de remar-
quable dans la suite.
» Le 6 septembre 1 834? J6 fus appelé pour visiter une malade
qui était dans le même état que la précédente : c'était la fille
du sieur Lavene..., âgée d'environ quatre ans. Celte enfant
était très-irritable; on me dit que plus d'une fois, à la suite
d'une chute, elle avait eu la diarrhée, qu'elle l'avait à présent
et depuis quatre à cinq jours, et qu'on l'attribuait à un coup
de pierre fort léger qu'elle avait reçu au front à cette époque :
en ciTet, la peau était à peine entamée. Il paraît que dans la nuit
qui venait de s'écouler elle avait eu la fièvre. A sa demande,
on lui donna trois à quatre fois de l'eau rongie par du vin,
qui n'y entra pas en quantité capable de déterminer le moin-
dre effet d'ivresse. Dans la matinée, sa mère la trouva sans
connaissance. Je me conduisis comme chez la malade dont j'ai
parlé ci-dessus. Elle fut prise d'une attaque moins forte et
moins longue que dans les cas précédens, et rendit aussi une
moins grande quantité d'écume par la bouche. Comme elle
avait un mouvement fébrile assez fort, je lui mis tout de suite
trois sangsues au cou, ce qui lui rendit un peu de calme, sans
pourtant qu'elle reprît connaissance. Dedli-heure après, je
(a67)
lui en appliquai encore cinq sans produire d'effet bien mar-
qué et «ans qu'elle témoignât de la douleur. Je lui mis aux
jambes des sinapis^mes, (|i,ii lui firent pousser des cris. Dans
la journée, elle but beaucoup de limonade. Le lendemain,
une application de quatre sangsues fut faite sur le front sans
qu'elle fût sensible à leurpiqûre. Lesbons effets de ces sang-
sues furent très-marqués, car immédiatement après elle
commença à articuler quelques mots, et dès ce moment la
maladie marcha par degrés vers la guérison.
" La nomméeMy..., ayant souvent éprouvé des chagrins
domestiques, arrivée à peine de la campagne, se mit à man-
ger une assez grande quantité de pois chiches sans boire.
Après le repas, elle fit quelques actes désordonnés, et, au
moment où son mari allait lui en parler, elle perdit l'usage
de ses sers et tomba sur le plancher. Son mari et des voisins
lui donnèrent quelques secours pour la tirer de cet état, mais
inutilement ; alors on m'appela. Je la trouvai sans connais-
sance, la face extrêmement pfde, 'es yeux fixes ; elle ronflait,
le pouls battait avec force. Elle n'avait jamais été affectée de
névrose. Je lui fis en vain sentir de l'éther; l'ammoniaque
liquide lui fit faire des grimaces et ouvrir les yeux. Mais, au
bout de quelques secondes, les lèvres, le cou, les bras, en-
trèrent en convulsion, se tordirent; puis, une grande quan-
tité de bave érumeuse étant sortie de la bouche, l'attaque
s'arrêta. Pensant que la plénitude de l'estomac, en forçant le
sang à se porter vers le cerveau, était la cause principale de
ces accidens , je provoquai le vomissement en poussant à
plusieurs reprises une plume ordinaire dans le gosier. A me-
sure que les alimens sortaient, la malade reprenait l'usage
de ses sens, et elle se trouva bien dès que l'estomac fut vidé.
Deux ou trois jours après, je la saignai, parce qu'elle avait
de légers mouvemens convulsifs dans le bras di'oit, lequel
avait été le plus agité pendant l'attaque. »
Reflexions. Le professeur Désormaux avait désigné sous le
nom d'éctampsie les convulsions qui surviennent chez les
femmes pendant la grossesse ou au moment de l'accouche-
ment. Quelques médecins ont appliqué cette dénomination à
toutes les convulsions épileptiformes, à quelque époque de
la vie qu'elles surviennent; il en est résulté quelque confu-
sion dans le langage, et nous croyons que. pour éviter toute
incertitude à cet égard, il serait convenable de restreindre
l'acception de ce mot au seul sens indiqué par M. Désor-
meaux.
■ Les fractures avec dépression des os du crâne sont un acci-
dent assez fréquent, et moins grave peut-être qu'on ne serait
( 268 )
tenté de le croire. Nous en avons vu, il y a trois ans, dans
les salles de M. Dupuytren, un exemple remarquable. Un
boulanger avait reçu im coup de pied de cheval dans l.i
tempe, et l'os était déprimé au moins de deux lignes. xVprès
une très-longue perte de connaissance et tdus les accidens
observés dans le premier fait cité par M. Raynaud, l'usage
des sens revint peu à peu ainsi que les mouvemens qui avaient
été suspendus dans le côté opposé. Cet homme se rétablit
entièrement sans que l'os reprît sa place. Le cerveau s'était
donc habitué à cette compression, qui, opérée brusquement,
avait d'abord produit de graves désordres.
Nous ferons observer cependant que, lorsque, après une
lésion semblable, le malade continue à éprouver de la dou-
leur de tête, de l'engourdissement dans un des côtés du corps,
et surtout des douleurs dans les membres, il faut craindre
un travail inflammatoire qui menace de désorganiser le cer-
veau. Les moindres imprudences peuvent d'ailleurs, après
un accident de ce genre, produire en peu de temps la mort
des malades, et il faut leur recommander d'éviter avec soin,
pendant un temps fort long, tout ce qui pourrait produire
un afflux sanguin vers l'encéphale, tel que le coït, les pas-
sions violentes et les excès de tous genres.
Les autres observations contenues dans cet article pour-
raient nous fournir matière à une utile discussion sur la
cause de la syncope et des convulsions épilepliformes que
l'on a observées; mais devant donner dans les numéros qui
vont suivre les intéressantes leçons du professeur llostan
sur les maladies de l'encéphah;, nous nous exposerions à des
redites inutiles, et nous renvoyons à ce travail que nous nous
occupons de rassembler.
ART. 1062.
HOPITAL DES VÉNÉRIENS.
Considérations sur la sypldlide papuleuse.
Dans l'ordre de gravité, la seconde espèce de syphilideest
celle que l'on a désignée sous le nom de syphilide papnleuse.
C'est une affection assez commuuc et qui consiste dans le
développement d'ini cerlain nombre de petits boulons plats,
arrondis, soulevant légèrcnuMit Tépidermc, ne contenant
aucune sérukité, et &e terminant soit par résolution, soit par
(269)
iinc légère desquamation. Voici quelques observations qui
feront aisément connaître les caractères de celte syphilide.
Au n" 9 de la petite salle a été couché, le 18 mars, un
jeune homme, sur le compte duquel nous avons pris les ren-
seignemens suivans : en 1828, il contracta des chancres au
gland; c'est la seule affection syphilitique qu'il ait jamais eue.
Il prit la liqueur de Van-SAvieten, pendant cinquante jours, et
ne suspendit le traitement que lorsqu'il fut parfaitement
guéri.
Quinze jours avant son entrée à l'hôpital, il lui était sur-
venu, disait-il, des boutons sur tout le corps. Le ventre, la
poitrine, le front et les extrémités supérieures présentaient
en effet de nombreuses papules, légèrement élevées au-
dessus de la surface de la peau. Le doigt promené sur ces
boutons sentait de légères inégalités, à peu près comme il
arrive lorsque la peau a «^té fortement flagellée par des orties.
Ces papules n'étaient point entourées d'un cercle cuivreux,
mais cette couleur existait bien manifestement autour d'au-
tres boutons dispersés çà et là, et spécialement sur les cuisses
et les jambes. Cette dernière éruption était de nature pus-
tuleuse. Il y avait en outre quelques pustules muqueuses
aux bourses.
Le 19 mars, le malade fut soumis aux bains de vapeurs de
cinabre (1).
Il prit un bain de cette nature tous les deux jours, alter-
nant quelquefois avec des bains d'eau simple.
Le 4 avril, quelques boutons avaient disparu en laissant
une légère desquamation ; le plus grand nombre s'était ter-
miné simplement par résolution. Ces papules étaient rem-
placées par des taches d'un rouge cuivreux. Il ne restait plus
de traces de pustules muqueuses des bourses.
Il sortit de l'hôpital le 5 mai, n'offrant plus qu'une faible
coloration de la peau.
Si l'on se fiait au rapport de ce malade, cette syphilide,
survenue six ans après une première affection, serait un
symptôme consécutif, survenu malgré l'administration d'un
traitement meicuriel complet. Mais l'existence de pustules
muqueuses aux bourses nous porterait à croire qu'il avait
depuis quelques mois contracté une affection récente, contre
laquelle il n'avait dirigé aucun traitement.
On a vu qu'il existait en même temps sur le même indi-
vidu une syphilide papuleuse et quelques traces d'une syphi-
(i) Voy. art. 767,
( 370 )
lide pustuleuse. Rien n'est plus commun que 4e rencontrer
à la fois des pustules, des papules, des tubercules ou des
squammes ; ce sont d'ailleurs des variétés de formes d'une
roême maladie, et il n'est pas étonnant qu'elles se présentent
à la fois chez un même sujet.
Dans l'observation suivante, on verra en même temps des
papules et des macules.
Au n" 7 de la même salle était couché, le 8 avril, un jeune
homme ayant un phimosis, des chancres du gland et les
ganglions lymphatiques des aines engorgés.
Le 20 avril, est survenu une syphilide papulouse, abso-
lument semblable à celle de l'observation précédente, avec
celte différence que, sur les bras, des taches, des macules
étaient répandues cà et là près des papules. Les unes et les
autres étaient entourées d'un cercle cuivré qui est devenu de
plus en plus manifeste à mesure que les papules se sont af-
faissées.
Le malade fut mis à l'usage d'une pilule de proto-iodure do
mercure par jour (i). Au bout de trois semaines il ne restait
presque plus de traces de la syphilide.
Chez ce dernier malade on a pu remarquer la teinte cui-
vrée indiquée par les auteurs, mais il s'en faut de beaucoup
qu'on la rencontre chez tous. Nous avons vu qu'elle n'exis-
tait pas chez le malade du n" 9. Celui dont nous allons rap«
porter l'observation était aussi dans ce dernier cas.
Au n" 60 de la seconde salle était un jeune homme qui,
depuis quatre ans, avait eu trois blennorrhagies, qu'il avait
fait traiter à Lyon et à Paris, mais sans prendre de prépara-
tions mercurielles. Il y a trois ans, il survint des boutons au
front, pour lesquels il fut reçu à Saint-Louis, et n'en sortit
qu'après avoir subi un traitement mercuriel complet.
A la fin de février dernier, il entra i\ l'hôpital, ayant un
chancre au gland et une éruption papuleuse. Il n'y resta
que treize jours, et rentra dans le service de M. CuUerier
le 8 avril.
Ce jeune homme était blond et avait la peau extrême-
ment fine. Les papules étaient répandues sur tout son corps
en un nombre prodigieux, et ou peut se fiiire une idée exacte
de l'aspect de sa peau, en supposant (|ii'elle avait été fus-
tigée avec des orties, avec celte différence toutefois que
tous les boutons papuleux étaient blancs à leur sommet,
comme dans leur contour et dans les parties environnantes.
(i) Voy. arl. 970.
On le mit âi'asage da la solution de cyanure (quatre gros);
mais ce jeune homme, fort indocile, sortit avant guéri-
son, au bout d'une quinzaine de jours. Les papules alors
étaient affaissées, quelques-unes se couvraient d'une légère
desquamation, mais aucune n'offrait de teinte cuivrée dans
son contour.
La syphilide papuleuse ne se présente pas toujours dans
cet état : quelquefois c'est une multitude de points rouges,
de papules coniques, dont la base repose ordinairement sur
un lissu rouge; c'est ce qu'on a appelé le lichen syphi-^
litique. Dans ce cas, la syphilide est toujours à l'état plus ou
moins aigu.
Le diagnostique de la syphilide papuleuse n'est pas ordi-
nairement difficile. Il serait possible cependant de la con-
fonilre avec cette éruption qui survient chez quelques sujets
qui ont fait usage du copahu ou qui ont mangé des moules à
certaines époques de l'année; mais outre que dans ces cas
les papules sont beaucoup plus rouges, l'examen des anté-
cédens suffit pour faire éviter cette erreur.
Elle offre aussi quelque ressemblance avec l'érythême pa-
puleux, mais dans ce dernier les papules surmontent des
plaques rouges, qui se confondent par leurs bords. C'est
d'ailleurs un état aigu, et le derme est plus ou moins tu-
méfié, ainsi que le tissu cellulaire sous-cutané. Dans certains
cas il existe en outre un prurit qu'on ne trouve pas dans la
syphilide en général.
Celte éruption est presque toujours un symptôme succes-
sif ou secondaire de syphilis; elle cède assez facilement aux
moyens que l'on dirige contre elle, et les papules, qui ne
suppurent jamais, ne laissent aucune cicatrice après leur
disparition.
ART. io63.
HOPITAL CLINIQUE DE LA FACULTÉ.
Considérations générales sur les maladies du cerveau. — Lésions
de mouvement, — Contracture^ convulsions, paralysie.
Depuis deux mois, M. Rostan fait à l'hôpital de la Faculté
des leçons de clinique d'un haut intérêt, sur les maladies
de l'encéphale. Notre but principal, en annonçant pour cette
année un compte-rendu delà clinique de ce professeur, était
d'exposer dans ce journal ses opinions sur les ditférentes
lésions des centres nerveux, sur les moyens de les diagaos-
( 37'-* )
tiquer, et sur la médication la plus convenable A leur oppo-
ser. INous donnerons donc dans une suite d'arlicles un ré-
sumé de ces intéressantes leçons, en appuyant les préceptes
énoncés d'observations recueillies dans Tliûpilal.Nous com-
mencerons aujourd'hui par des généralités indispensables
pour l'intelligence de la médecine organique dont l'appli-
cation doit être faite aux maladies cérébrales.
On peut, suivant M. Rostau, en procédant avec méthode
et en mettant à profit les découvertes de la médecine mo-
derne, diagnostiquer avec autant de précision les maladies
cérébrales que celles dont le siège est dans la poitrine ou dans
l'abdomen. C'est à prouver cette proposition, qui ne paraîtra
sans doute rien moins qu'exacte à beaucoup de praticiens,
que ce professeur s'est attaché principalement dans ses le-
çons, faisant ressortir avec talent tout le parti qu'on peulre-
tirer des diverses lésions des fonctions cérébrales. Les consi-
dérations dans lesquelles il est entré i\ cet égard serviront
d'introduction à chacune des maladies du cerveau en parti-
culier, que nous étudierons plus tard.
Si on examine d'abord les lésions du mouvement, qui
peuvent être le résultat d'une aflection des centres nerveux,
on observe sous ce rapport une très-grande variété. La con-
tracture des muscles ne se montre que dans un certain nom-
bre de cas. La carphalogie et les soubresauts des tendons,
qui sont des signes ordinaires de la méningite, se rencontrent
aussi fréquemment dans la fièvre typhoïde : bien que le scal-
pel ne puisse en démontrer la cause, ces phénomènes sont
cependant le résultat d'une altéiation du cerveau.
Les convulsions peuvent être locales quand un seul point
du cerveau est malade, mais le plus souvent elles sont gé-
nérales. La modification du cerveau qui les constitue peut
être continue ou momentanée. Ainsi, dans l'épilepsie, par
exemple, cette modification cesse avec l'accès, et c'est ce
qui fait qu'à l'autopsie on n'en trouve pas do traces, à moins
toutefois que l'individu ne soit mort pendant l'accès, cas
auquel on trouve des traces d'une congestion plus ou moin»
forte. Les médecins qui ont attribué l'épilepsie à certaines
lésions pernianenles, à un état cartilagineux des membranes
du rachis, par exemple, ont donc été induits en erreur, car
d'un côté un trouve beaucoup d'épilcpliques qui n'offrent
pas ces altérations, et de l'autre, beaucoup de gens qui les
présentent ne sont point épileptiques.
Dans le tétanos, les convulsions sont permanentes et du-
rent ordinairement jusqu'à la mort; or, bien que, dans ces
cas, on ait souvent assuré n'avoir rien trouvé, ce n'est pas une
(2-5)
raison pour qu'il n'existât aucune altération ; c'est que nos
moyens d'investigalion sont trop imparfaits pour que nous
découvrions quelque chose; mais il ne faut pas en conclure
qu'il n'existe rien. Il est probable, au contraire, que le téta-
nos a son siège dans la moelle épioière, et que cette affection
doit être rattachée à une myélite.
La catalepsie, la danse de Saint-Guy, sont aussi des affec-
tions du système nerveux; mais il serait difficile de préciser
l'altération cérébrale qui leur donne lieu.
La paralysie est la lésion du mouvement la plus remar-
quable. Autrefois on ne la considérait pas comme un symp-
tôme, mais bien comme une maladie. Cette distinction, in-
troduite dans la pathologie, a fait faire un pas immense aux
maladies cérébrales, car la paralysie est leur signe pathogno-
monique, aussi certain que la crépitation dans la phlegmasie
du poumon. Ce symptôme peut offrir des inductions précieu-
ses relatives à son étendue. La perte du mouvement peut être
générale; ainsi, on voit quelquefois des individus, dont tout
le système locomoteur est dans un relâchement complet :
dans certains épanchemens énormes, par exemple, dans la
congestion même, ce phénomène peut s'observer.
Dans la méningite on rencontre aussi la paralysie, mais
seulement lorsque cette phlegmasie a été suivie d'épanche-
ment. Enfin, le malade peut être plongé dans un état coma-
teux, profond, dans la syncope, l'asphyxie, l'ivresse, à la
suite de l'épilepsie.
L'épanchement ayant son siège dans le raésocèphale
peut déterminer la paralysie générale; il peut être assez
considérable pour comprimer les deux lobes du cerveau à la
fois, et produire le même effet.
On distingue aisément la paralysie dépendant d'une hé-
morrhagie, de celle qui reconnaît pour cause une conges-
tion, à ce que cette dernière se dissipe d'elle-même au bout
de quelques heures, ou tout au plus de quelques jours.
Quand la cause est une méningite, les antécédens nous
mettent sur la voie. La syncope^ l'asphyxie, le narcotisme,
l'ivresse, sont des états maladifs bien connus, et sur lesquels
il est inutile de s'arrêter ici.
Il est plus difficile de reconnaître la paralysie dépendant
d'une hémorrhagie, que celle qui reconnaît pourcause un ra-
mollissement du cerveau. Cependant on peut presque tou-
jours prononcer avec exactitude, en se rappelant que l'hé-
morrhagie arrive toujours brusquement; les malades boivent,
mangent, s'occupent de leurs affaires, puis tout-à-coup ils
«ont frappés de paralysie, tandis que dans le ramollissement
TOM. VI. N" DE JUIN. i8
( 274 )
la paralysie ne survient qu'après une lougue série de symp-
tômes précurseurs. Ce ramollissement peut, de même que
l'hémorrhagie, occuper un lobe entier ou même la presque
totalité du cerveau.
{La suite aux prochains numéros. )
ART. 1064.
^ote sur un bain de pied conseillé dans quelques maladies
du foie.
Le docteur Schlesiogerapublié, dans le Journal de la méd.
prat. de Hufland, la formule d'un bain de pied dont il
assure avoir retiré de très-bons effets dans certaines maladies
du foie.
Pr. Acide hydrochlorique, trois onces;
Acide nitrique, deux onces;
Eau pure, six onces.
On prend le tiers de ce mélange et on l'ajoute à quarante-
cinq ou cinquante livres d'eau, et le malade prend le soir un
bain de pied, ayant de l'eau jusqu'au gsnou. Il doit y rester
environ vingt minutes.
Ce bain paraît surtout convenir dans l'hépatite lorsque la
période aiguë est passée.
Aai. io65.
Note sur une nouvelle formule de la potion anti-éwjétique de
Rivière.
La note suivante a été publiée dans le Journal des connaiss.
médicales, par M. Labelonie, pharmacien.
Voici une formule qui peut remplacer avec avantage
toutes celles publiées jusqu'à ce jour sur la préparation de
la potion auti-vomilive de Rivière :
Pr. Sirop simple, une once ;
Eau de fleur d'orange, demi-once;
— de tilleul, deux onces et f'emie;
Laudantini liquide, douze gouttes;
Etiier sulfurique, douze gouttes;
Bicarbonate de soude, trente-six grains;
Acide citrique ou tartrique, vingt-sept grains.
Après avoir choisi un flacon et un bouchon convenables,
on pèse d'abord le sirop, les eaux distillées et le laudanum;
on ajoute le bicarbonate de soude, puis l'éther, et enfin en
dernier lieu l'acide citrique en poudre grossière, et on ficelle
immédiatement le bouchon.
La potion de Rivière ainsi préparée est très-gazeuse, et
tout ce que les médecins désirent, en prescrivant cette
potion, c'est d'introduire une certaine quantité de gaz acide
carbonique dans Pestomac. En employant les proportions
indiquées ci-dessus, tout le bicarbonate de soude est dé-
composé; on est donc sûr d'avoir mis à nu tout l'acide
carbonique, tandis qu'en employant les sucs de citron et de
limon, on n'est pas aussi sûr de ce résultat; et d'ailleurs les
sucs de citron et de limon étant peu employés et se conser-
vant difficilement sans altération, les pharmaciens sont quel-
quefois exposés à en avoir d'un peu altérés sans pouvoir les
remplacer immédiatement, dans les petites localités surtout,
tandis que les acides tartrique et citrique se conservant in-
définiment, on est toujours assuré d'en trouver dans toutes
les officines.
ART. 1066.
Formules de diverses préparations d'or employées par le docteur
Chrestien.
On sait que le docteur Chrestien, de Montpellier, fait un
fréquent usage de l'or Comme résolutif fondant, et surtout
comme anti-syphilitique. Voici quelques-unes des formules
adoptées par ce médecin, et que nous trouvons dans le /o«r-
nal de pharmacie du Midi.
Or divisé.
Pr. Or fin en feuilles, une partie ;
Mercure revivifié du cinabre, six parties.
En triturant ces deux métaux dans un mortier de verre,
on opère l'amalgamation, et par conséquent la division de
l'or; on sépare ensuite le mercure par l'action du calorique
ou par celle de l'acide nitrique; on lave, on sèche l'or di-
visé et on le pulvérise dans un mortier non métallique.
M. le docteur Chrestien emploie l'or ainsi préparé contre
la syphilis, le scrofule, etc. Il l'administre à l'intérieur en
pilules, avec un extrait approprié, depuis un quart de grain
jusqu'à deux ou trois grains par jour. On en Aiit aussi deS
frictions sur la langue et aux mêmes dose?, en comdaenpant
par les plus petites et en augmentant graduellemefit.
(276)
Muriate d'or et de soude préparé.
Pr. Muriate d'or et de soude cristallisé, un grain ;
Lycopodium, deux grains.
Mêlez exactement et divisez en quinze prises. On emploie
chaque jour une prise en frictions sur la langue. La durée
de la friction doit être de deux minutes et d'une au moins.
En continuant l'usage de ce remède, on divise la même dose
en quatorze prises, puis en treize et en douze, et même pro-
gressivement jusqu'en huit parties.
II suffit le plus souvent de faire employer les quatre pre-
mières subdivisions, pour obtenir la guérison des maladies
syphilitiques récentes.
Pilules fondantes avec l'oxide d'or.
Pr, Extrait de l'écorce de racine de garou, deux gros ;
Oxide d'or par la potasse, six grains.
Après avoir mêlé exactement, on divise la masse en
soixante pilules.
Sirop anti-syphilitique.
Pr. Sirop de salsepareille, huit onces;
Chlorure d'or et de sodium, un grain.
On fait dissoudre le chlorure dans une très-petite quan-
tité d'eau distillée, et on mêle exactement ce solutum au
sirop, que l'on fait prendre d'aliord à la dose d'une once,
pour la porter graduellement à trois onces par jour, prises
alors en deux fois, dans une tasse de décoction d'ononis
spinosa.
ART. 1067.
T^ote sur le chlorure d'or employé comme caustique.
M. Récamier fait depuis quelque temps des essais sur
un nouveau caustique, qui paraît avoir une action parlicii-
lière sur les tumeurs cancéreuses; c'est l'eau régale, tenant
en dissolution une certaine quantité de chlorure d'or pur.
Voici comment ce praticien a été conduit ;\ faire usage de
celte substance.
Un orfèvre portait un bouton cancéreux à la joue. Le
(277)
sentiment incommode qu'il éprouvait dans cette pnrtie l'en-
gageait à y porter souvent la main. Après plusieurs attou-
cheuiens de cette espèce pendant qu'il pour>;uivait une
dissolution d'or dans l'eau régale, le bouton changea bientôt
d'aspect, et au bout d'un certain temps il disparut tout-à-
fait. M. Récamier ne laissa pas échapper cette remarque; il
pensa que la disparition de ce bouton pouvait être due au
transport de l'eau régale sur sa surface, à l'aide du doigt
mouillé par ce liquide, et résolut d'employer ce caustique
dans d'autres circonstances, afin de vérifier son action. Plu-
sieurs malades ont été soumis à ces applications à l'Hùtel-
Dieu, et l'ou a obtenu des succès qui ont paru remarquables.
Voici la manière de préparer ce nouveau caustique.
On combine l'acide nitro-chlorique avec le chlorure d'or,
dans les proportions d'une once d'acide sur six grains de
chlorure d'or bien pur; par là on obtient une eau régale
avec excès d'acide chlorique, tenant en dissolution une
certaine quantité d'or. On se sert de ce caustique comme de
tous les escarrotiques liquides. L'escarre blanchâtre que
l'on produit se détache au bout de quelques jours. Ce caus-
tique offre le précieux avantage de déterminer peu de dou-
leurs. ( Bull. thér. )
ABT. 1068.
Observation de brûlure traitée et guérie par le cérat calomélisé.
M. le docteur Crozat a publié la note suivante, dans le
Recueil des travaux de la Socirlc médicale d'Indre-et-Loire.
Le 21 du mois de mars passé, une cuisinière a eu les
deux bras, qu'elle avait nus, et toute la figure brûlés par du
beurre fondu et enflammé. A la figure la brûlure s'étend du
front au col et de l'une à l'autre oreillej; aux bras elle oc-
cupe la partie postérieure des avant-bras et des mains de-
puis le coude jusqu'aux doigts.
Appelé presqu'au moment de l'accident, je trouvai les
parties brûlées couvertes de linges enduits de jaunes d'œufs
battus avec de l'huile. Malgré ce pansement, la malade se
plaint de douleurs atroces, il existe un gonflement considé-
rable à la figure et aux avant-bras; il y a de la fièvre, de
l'agitation et des spasmes inquiétans. Je prescrivis alors un
mélange d'une once de cérat avec un gros de calomel impal-
pable pour graisser des linges fins dont on recouvrira la brû-
lure dans toute son étendue, en ayant soin surtout de les
appliquer de telle manière, qu'ils ne laissent à nu, ou sans
(378)
contact Imméclfat, aucun endroit des nombreuses parties
brûlées.
Le pansement ayant été fait ainsi, une heure à peine après
les douleurs avaient cessé : la nuit suivante elles revinrent,
et le matin, àl'heure du second pansement, elles étaient assez
fortes. Mais il faut observer qu'on avait négligé de placer
sur les linges enduits de cérat, d'autres linges imbibés d'oxî-
crat, et de les y entretenir constamment humides ; la cha-
leur avait promptement desséché le cérat, et les linges alors
avaient cessé d'être aussi exactement appliqués à la peau.
Celle-ci est ce matin couverte de phlyctènes remplies de
sérosité citrine : elles sont percées, et les brûliu-es immédia-
tement pansées comme la veille ; mais cette fois on n'omettra
pas d'entretenir des linges humides sur le pansement.
A partir de ce jour, deuxième de l'accident, les douleurs
ont été insigniflantes, la fièvre, le gonflement de la figure
et des bras ont graduellement diminué, et la marche vers
la guérison a été si rapide, que le huitième jour elle était
complète. Déjà à la figure l'épiderme est tombé et renou-
velé, aux bras il s'enlève en larges squammes sous lesquelles
il est aussi reproduit.
Je crois utile de dire que pendant les premiers jours de
la brûlure, la malade a été tenue au régime sévère des in-
flammations aiguës.
ART. io6g.
Hydropisle ascite existant depuis plusieurs mois chez un jeune
sujet j guérie trois fois par la paracentèse ; récidive définiti-
vement arrêtée par ta compression de l'abdomen, et l'usage de
la décoction de /xina. Article communiqué par M. A. Tar-
dieu, de Saint-Alban, D. M. ù Saugues.
Je fus appelé, au mois de mal 1823, au bourg de Prades,
auprès de la nommée M. B-, Sgée de neuf ans : cet enfant
portait depuis près de deux ans une ascite qui était survenue
et avait marché seule; elle avait acquis un tel développe-
ment, que l'abdomen dépassait d'un pied les genoux de l'en-
fant lorsqu'il était sur le séant; une énorme hernie exom-
phale avait été occasionée par la distension des parois de
l'abdomen; la peau était terreuse et comme couverte d'é-
caillcs ; il y avait amaigrissement considérable, gône dans la
respiration, pouls petit, non fébrile; aucune infiltration des
pieds ni des mains.
La paracentèse me parut le moyen le plus convenable à
(279)
employer, l'enfant paraissant voué à une mort prochaine; elle
fut donc pratiquée. Le résultat consista dansl'issue de quatorze
litres d'un liquide légèrement séreux et verdâtre ; les procédés
ordiuaires, après cette opération, ne furent pas négligés.
Cependant, trois mois après, une collection plus considéra-
ble que la première s'était accumulée dans l'abdomen :1a
paracentèse fut une seconde fois mise en œuvre, et eut
pour résultat l'issue de seize litres de liquide ; mêmes pro-
cédés employés en vain. Quatre mois plus tard, une troi-
sième ponction fut encore faite, et j'obtins l'issue de dix-huit
litres du même liquide : alors un bandage compressif, plus
régulièrement préparé, fut posé sur l'abdomen, et l'enfant
soumis à l'usage d'une décoction de kina. Depuis celte épo-
que, près de douze ans, aucune récidive n'a eu lieu : l'enfant
s'est développé; c'est une fille bien portante à marier.
La hernie exomphale a presque disparu par l'usage d'une
pelote.
Est-ce la compression exercée pendant vingt jours sur
l'abdomen qui a rendu à la ^anlé le sujet de notre observa-
tion ? est-ce l'usage de l'écorce du Pérou ? n'est-ce pas avec
raison que l'on a vanté la propriété diurétique du kina par
sa tonicité, dans des cas où il y a eu perte d'équilibre entre les
inhalans et les exh:ilans, et qu'il y a état asthénique ? Albertin
n'attribue pas seulement à cette écorcela faculté d'exciter les
urines, mais encore de procurer des selles et d'augmenter les
sueurs, et même la transpiration insensible. Nous croyons
cependant que ces deux moyens ont concouru au même but.
ABT. 1070.
Quelques cas cP hydropisles ascites oii, la paracentèse ne pouvant
être tentée avec probabilité de succès, les scarifications superfi-
cielles ou non sanglantes, et même quelquefois sanglantes^ sur
les bourses, ont été utiles; par le même.
L'on a beaucoup vanté, dans les temps, les scarifications
non sanglantes, ou les mouchetures du derme, dans diverses
hydropisies, souvent symptomatiques , lorsqu'elles sont
compliquées d'infiltration du tissu cellulaire. M. Roucher a
donné une dissertation très-importante sur la matière, afin
de désigner les cas où ce procédé chirurgical pouvait réussir.
Les praticiens, jaloux de saisir tous les moyens de se rendre
utiles et de triompher des difficultés que présentent les cas
nombreux et variés d'une affection qui reconnaît d'autant
plus d'antidotes qu'elle offre plus de gravité, ont soumis
(28o)
ropération préconisée par M. Roucher au creuset de l'ob-
servation ; et voici, pour mon compte, les résultats obtenus:
J'ai, dans une pratique de quatorze ans, et au milieu d'une
population de trente mille âmes, soit auprès de mes malades,
soit chez ceux confiés à mes confrères, observé plusieurs cas
de scarifications suuerfieielles ou profondes, dans des leuco-
phlegniaties dépendantes de l'œdème du poumon, de l'hy-
drothorax même, dans des ascites-anasarques, ces opéra-
tions pratiquées sur les jambes, les cuisses, etc., être nulles,
ou entraînant la gangrène, et obligeant le praticien à dés-
emparer et à recourir aux agens antiseptiques : au contraire,
lorsque l'hydropisie a été portée à son apogée, dans des
cas où tous les moyens thérapeutiques, les frictions même
de digitale incorporée dans l'alcool, vantées en dernier lieu
par M. Chrétien, avaient échoué, j'ai vu les mouchetures
pratiquées sur les bourses, qui, dans ces cas, sont énormé-
ment infiltrées, deux fois profondément, une fois superfi-
ciellement, avoir des résultats plus avantageux que la para-
centèse, et être suivies de guégson lorsqu'il n'y avait pas
lésion organique consommée du côté du cœur.
Nous pensons que dans les cas précités qui se rencontrent
chez la femme, on doit opérer.
Premier cas. Le nommé , suisse de l'église de Saugues,
devient hydropique à la suite d'un anévrisme du cœur : les
sai""nées furent trop négligées dans un cas où la constitution
du sujet, son âge (quarante-cinq ans), et autres circon-
stances les indiquaient, et cela par suite de conseils systéma-
tiques et exclusifs de certains médecins; l'ascite était très-
considérable ; il y avait leucophlegmatie des bras, des jam-
bes, et infiltration des bourses. Ce fut en vain que l'on épuisa
à deux reprises différentes, et en vingt - quatre heures,
la dose de digitale indiquée par M. Chrétien, en se con-
formant en tout à son dernier procédé. Je préférai alors
Il la paracentèse, qui fut pratiquée plus lard sans suc-
cès plusieurs fois, les mouchetures du scrotum; il n'y eut
jamais aucune apparence ni menace de gangrène, et, en qua-
rante-huit heures, une quantité considérable de liquide avait
pris son cours par la voie de ces incisions du derme; le
ventre était libre comme après la ponction. Ce cas a été, quel-
ques mois après, suivi de mort, par suite des progrès avancés
de l'anévrisme. Le procédé des scarifications ne fut pas
moins couronné d'un succès momentané.
J'ai obtenu une guérison définitive dans les cas suivans :
Deuxième cas. Le nommé D.... ,du Cros, avait contracté
une hydropisje ascito-anasarque, àla suite d'une fièvre tierce
(a8i)
rebelle; il y avait gêne dans la respiration; la face était pâle
et boulBe; le pouls fréquent et léfjèreœent intermittent;
l'abdomen considérablement développé ; anasarque, infiltra-
tion des parties de la génération ; un trois-quarts fut plongé
dans le scrotum. Il résulta de cette opération quelques
gouttes de sang mêlé de sérosité; en trois jours, tous les
liquides contenus dans les cavités et presque la totalité de
l'anasarquo avaient pris cours par lu. Quinze jours après, le
malade était en bonne convalescence; depuis cette époque,
il n'a cessé de se bien porter.
Troisième cas . Le nommé L.-F., Lozérien, était sujet à une
affection de poumon qui se manifeste, depuis longues années,
par de la toux et une certaine gêne dans la respiration; il
était sur le point de succomber par suite d'une ascite compli-
quée d'anasarque. Les médecins consultés jusqu'alors avaient
inutilement employé les diurétiques sous toutes les formes :
c'était en juillet iS24' Lorsque j'approchai le malade, il y
avait dipsnée, face bouffie, œdème des mains, ascite, ana-
sarque, infiltration considérable des parties sexuelles, pouls
petit, fréquent, régulier. Je plongeai le trois-quarts sur trois
points du scrotum; il sortit au premier abord quelques
gouttes de sérosité sanguinolente, et, au bout de quarante-
huit heures, une quantité très-considérable de liquide avait
coulé, et le malade n'éprouvait plus de gêne; il fut bientôt
complètement remis, et il jouit d'une bonne santé depuis
lors; il conserve cependant sa toux habituelle et la gêne de la
respiration comme auparavant. Le sujet de cette observation
était âgé de trente-neuf ans, d'un tempérament bilioso-
nerveux.
AfiT. 1 07 1 .
Observations sur les effets des a/fusions d'eau froide après une
chute et de xiolentes contusions. Article communiqué par
M. Favre d'Esnans, docteur en médecine ;\ Baume-les-
Dames.
Le n" 1002 de ce Journal me rappelle une observation
qui vient à l'appui de ce qu'on y avance sur l'efllcacité des
affusions d'eau froide, que d'ailleurs nous employons fré-
quemment comme le moyen le plus prompt et le plus sûr
pour guérir presque instantanément les entorses. C'est par
une douche d'eau froide prolongée jusqu'à refroidissement,
et presque insensibilité de l'articulation, que nous traitons
cette affection, avec d'autant plus de succès qu'il y a moins
long-temps que l'accident est arrivé; rarement est-oo obligé
( a82 )
de revenir à une seconde application. Votci cette observa-
tion :
Sur la fin d'août i83o, je fus appelé d'une manière pres-
sante au vilLige de Pont-les-Moulins, vers les huit heures du
matin, pour aller donner mes soins à un nommé Berceot,
habitant de la Montagne. Cet homme avait soupe la veille
à l'auberge du lieu, et s'était enivré. Voulant continuer sa
route malgré l'orage terrible qu'il faisait, et obligé pour cela
de parcourir un chemin en zigzag pratiqué sur le bord d'un
précipice, il eut le malheur de tomber d'environ dix mètres,
du sommet d'un rocher à pic, sur des débris de rocs
amoncelés, où il fut trouvé le lendemain en état de mort
apparente. Une quantité de sang assez peu considérable tei-
gnait les pierres, et s'était échappée par deux plaies de peu
d'étendue à la tête. On avait rapporté Berceot à l'auberge
d'où il était parti la veille; il s'était déjà réchauffé, parlait,
agissait : quelques contusions légères en apparence, mais
d'une grande étendue, se voyaient sur les bras, les cuisses
et autres régions; mais Berceot n'y accusait aucune douleur.
Le pouls était tranquille, aucune réaction fébrile, pas de dé-
lire: Je me bornai à panser à plat les plaies de tête. Trois
jours après, le malade put supporter la voiture et regagner
ses foyers.
Pendant la nuit que Berceot a passée sur les débris de
roches après sa chute, il était tombé continuellement une
pluie abondante et froide, dont ses habits avaient été inon-
dés. C'est à cette circonstance que j'ai attribué l'absence des
symptômes qui devaient être nécessairement la suite d'une
chute aussi grave. La perte de sang peu considérable peut
cependant entrer en compte, quoiqu'elle n'eût pas été équi-
valente à une saignée ordinaire, qui n'aurait point empêché
une réaction fébrile très -naturelle.
ART. 1072.
Considérations sur l'emploi de l'eau albumineuse dans le traite-
ment de la dyssenterie.
M. Bodin de la Pichonnerie a publié, dans le Journal des
conn. médico-chirurgicales, quelques observations de dyssen-
terie guérie par l'emploi de l'eau albumineuse. Suivant ce
médecin, cette substance, administrée en boisson, convien-
drait dans presque tous les cas de dyssenterie, quelles que
fussent sa forme et sa nature. Voici comment il fut con-
duit ù^employcr ce moyen :
(a85)
Un homme avaft depufs long-temps une dyssenlerie chro-
nique ; la fièvre avait disparu, l'appétit était très-vif, mais
les selles étaient toujours sanguinolentes. Il survint, en dé-
cenibre i853, une recrudescence qui le força de garder le
lit une partie de la journée. La fièvre reparut, et le ventre
devint douloureux. M. Bodin lui conseilla de se soumettre
à une diète sévère, lui permettant seulement de prendre,
trois fois par jour, un blanc d'œuf battu dans un verre d'eau
sucrée. Au bout de quelques jours son état était beaucoup
plus rassurant. Il n'y avait plus d'épreintes, plus de ténesme,
plus de traces de sang dans les selles. Cet homme avoua
alors qu'au lieu de trois blancs d'œuf, il en avait pris huit
chaque jour. La convalescence ne tarda pas à se confirmer,
et depuis celte époque elle ne s'est pas démentie.
Dans le courant de l'été suivant, la dyssenterie ayant re-
paru dans le canton, M. Bodin a fait un très-fréquent usage
de l'eau albumineuse, administrée de la manière suivante :
On introduit dans une bouteille cinq à six blancs d'œuf avec
une once et demie de sucre en poudre; la bouteille est en-
suite remplie d'eau jusqu'au col; et en ayant soin d'y ajou-
ter quelques grains de plomb de chasse, si l'on agite pendant
quelques instans, on a un mélange parfait.
Si l'irritation est très-vive, il est possible que cette bois-
son soit rejetée par le vomissement. Dans ce cas, on peut y
ajouter deux cuillerées de sirop d'acétate de morphine
(formule de Magendie) ou quelques gouttes de laudanum
liquide de Sydenham. Six à huit blancs d'œuf dans vingt-
quatre heures, préparés dans les proportions ci-dessus, for-
ment l'unique boisson et l'unique aliment des malades. On
peut l'aromatiser avec un peu d'eau de fleur d'oranger, de
cannelle, de menthe, etc. Souvent M. Bodin ajoute trois ou
quatre lavemens dans les vingt -quatre heures, composés
chacun d'un blanc d'œuf, également battu dans l'eau. [Foyez
art. 94.)
ART. 1073.
MÉDECINE LÉGALE
Lettre sixième.
Modèles de rapports pour tes levées de corps. — Règles générales
sur la manière de procéder aux ouvertures judiciaires.
M.,
En médecine légale, il ne suffit pas de donner des préceptes, il
faut encore en faire connaître l'application. Trop de médecins pè-
(284)
chent par les vices dont sont entachés leurs rapports, pour qu'à
l'occasion de chaque sujet médico-légal je ne vous fournisse quel-
ques modèles. C'est le meilleur moyen de bien faire sentir les li-
mites dans lesquelles l'expert doit se renfermer. Voici donc trois
exemples de levées de corps, dont je vous ai entretenu dans ma
dernière lettre.
Je crois devoir ensuite, pour compléter tous les préliminaires
qui sont nécessaires à l'exposition de la médecine légale, vous
mettre sous les yeux la manière de procéder aux ouvertures judi-
ciaires. Cette opération est en général fort mal faite. On doit cepen-
dant y apporter autant de soin qu'à une opération de chirurgie, si
1 on ne veut pas perdre, dans son exploration, les faits les plus
portans. Toutes ces données sont pénibles à énoncer et à lire, mais
elles sont tellement nécessaires, que je n'ai pas cru devoir vous les
passer sous silence.
Premier rapport.
Nous soussigné, docteur , sur l'invitation de M. L ,
commissaire de police du quartier de , nous nous sommes
rendu aujourd'hui 9 i83 , à cinq heures du matin, quai
oamt-Michel, à l'effet de procéder à Vexamen du corps d'un individu
inconnu, trouvé sur la voie publique ; de déterminer la cause de la mortf
et de dire si elle est le fait de -violences on de blessures.
Le corps qui nous est représenté est dépouillé de ses vêtemens :
il paraît être celui d'un individu de trente ans environ ; les cheveux
sont noirs ; les yeux bleus ; la bouche large ; le nez aqullin ; les sour=
cils bruns; la barbe bleue; la figure généralement maigre; un signe
existe au-devant de la poitrine, plus près du téton gauche que du téton
droit; il est garni de poils et saillant à la surface de la peau. Sur la
face palmaire de l'avant-bras, on trouve un tatouage représentant
un cœur traversé par une flèche , avec cette inscription : amour
éternel ; plus, les initiales A et M. Les mains sont noires; l'épiderme
de la face palmaire de la main et des doigts est épais, comme cela
arrive chez les ouvriers qui se servent d'outils en fer; la malpro-
preté de la peau de la figure coïncide avec celle des mains. Les
muscles des membres supérieurs paraissent plus développés que ceux
des membres inférieurs , ce qui tend à faire présumer que dans
son état cet homme mettait plus souvent en action les premiers que
les seconds.
La physionomie porte l'air hébété d'un homme ivre ; on ne re-
marque pas à l'extérieur du corps de trace de violences; la chaleur
du corps est encore un peu appréciable au tronc; les membres sont
froids et dans un état de rigidité cadavérique ; ce dont nous nous
sommes assuré en fléchissant l'avant-bras sur les bras.
D'où nous concluons :
i" Qu'il nous est impossible de déterminer la cause de la mort à
laquelle cet individu a succombé, l'ouverture du corps pouvant
seule éclairer cette question ;
2° Qu'il n'existe pas à l'extérieur du corps d'indices de violences
ou de blessures auxquelles on puisse l'attribuer;
3" Que la physionomie hébétée de cet individu établit quelques
(a85)
présomptions sur nu état d'ivresse dans lequel il se serait trouvé
au moment de la mort; mais que ce n'est qu'une présomption.
Deuxième rapport.
Le i83 , nous, etc , nous sommes transporté
rue , à la requête de M .commissaire , -ponr visiter le
sieur qui vient de mourir subitement ; déterminer la cause de la
mort à laquelle il a succombé, et rechercher si elle n'aurait pas été le
fait de violences.
Le corps qui nous est représenté est placé sur le sol de la bou-
tique d'un marchand de vin chez lequel il a été apporté au mo-
ment de la mort. La figure est calme; elle n'exprime pas la souf-
france; la chaleur existe sur le tronc et dans les parties supérieures
des membres ; mais les mains, les pieds, les avant-bras et les jambes
sont froids. La roideur cadavérique n'existe nulle part, si ce n'est
au coude droit, que l'on a de la peine à fléchir. Le pouls est nul;
on ne sent pas les battemens du cœur; un miroir placé devant la
bouche n'est pas terni.
Nous ouvrons la veine médiale céphalique, elle donne une goutte
de sang. Les veines superficielles de l'avant-bras ne se sont pas rem-
plies après l'application de la bande à saigner. En vain nous pla-
çons de l'ammoniaque sous le nez, en vain nous stimulons la sur-
face du corps.
Pendant que nous administrons ces soins, la chaleur générale
s'éteint de plus en plus, et la rigidité cadavérique est devenue très-
manifeste dans les genoux et dans les muscles des cuisses, ce dont
nous nous sommes assuré en fléchissant les jambes.
D'où nous concluons :
1° Que la mort est réelle;
a» Qu'il est impossible d'en préciser la cause sans procéder à
l'ouverture du corps; une syncope, une apoplexie, la rupture d'un
anévrisme du cœur ou d'un gros vaisseau, une hématémèse et d'au-
tres causes encore, pouvant coïncider avec l'état cadavérique dans
lequel nous avons trouvé cet individu ;
3° Que la rapidité de la mort, et surtout l'absence de lésions à
rextérieur,établissent des présomptions en faveur d'une mprt subite,
spontanée.
Troisième rapport.
En vertu d'une requête à nous adressée par le commissaire de
police du quartier de , nous, A. R...., docteur, nous sommes
rendu rue , n" , au cinquième étage, dans une chambre
exposée au midi, donnant sur ladite rue, où nous avons trouvé
M. le commissaire de police, qui nous a dit avoir fait procéder im-
médiatement à l'ouverture de la porte de la chambre, d'après les
rapports qui lui avaient été faits par des voisins sur l'absence du
sieur D que l'on avait vu rentrer chez lui le i83 , qui
n'en était pas sorti depuis cette époque, et qui n'avait pas répondu
aux appels nombreux qui lui avaient été faits ; il nous annonce en
outre n'avoir dérangé aucun des effets qui se trouvent dans cette
chambre.
( a86 )
Au centre <îe la chambre nous trouvons deux fourneaux pou-
vant contenir ensemble le quart d'un boisseau de charbon. Il y
reste de la cendre et quelques charbons éteints. Les fourneaux sont
froids. Une odeur de charbon est répandue dans cette pièce. Les
fenêtres en sont hermétiquement fermées et cilfoutrées. Le tuyau
de la cheminée est bouché par une planche entrée à frottement et
tapissée par des torchons introduits entre ses bords et les parois
du tuyau. On ouvre immédiatement les fenêtres pour renouveler
l'air de la pièce. — Dans un ht est couché sur le dos le sieur D. ......
Sa face est violacée ; les paupières un peu tuméfiées ; la peau de la
région antérieure de la poitrine, celle des cuisses et de Tavant-bras
droit est colorée en rose. Des lividités cadavériques très-marquées
existent tout le long du dos. On aperçoit un peu d'écume san-
guinolente à la bouche et au nez. — La chaleur du corps est éteinte ;
la roideur cadavérique est très-prononcée, et l'on fléchit avec
beaucoup de peine l'avant-bras sur le bras : ces parties acquièrent
une souplesse très-grande aussitôt la rigidité vaincue.
Conclusions :
1° La mort est réelle;
a° Il y a tout lieu de croire qu'elle a été le résultat d'une asphyxie
par le charbon, quoique l'autopsie seule paisse en donner une
preuve certaine;
3» Il n'y a pas de trace de violences à laquelle on puisse attri-
buer la mort.
Fait à ce i83
DES OUVEKTUKES DE CORPS.
Nous diviserons en plusieurs paragraphes ce qui les concerne.
i" Des rapports qui doivent exister entre les médecins et les magis-
trats; 2° des règles qui doivent précéder l'autopsie.
A. Un médecin ne doit jamais faire judiciairement une ouverture
de corps, s'il n'a reçu mission écrite d'y procéder de la part d'un
magistrat ou d'un de ses délégués. Il faut cependant en excepter le
cas où le magistrat est présent à l'autopsie; et encore, comme il
l'ordonne dans un but, il doit nécessairement consigner dans une
ordonnance et sous la forme de questions, les points sur lesquels
il désire que le médecin s'explique. Les termes de cette ordonnance
doivent avant tout être pesés par le médecin, et la direction qu'il
imprimera à son opération aura pour but principal la solution des
questions qui lui auront été soumises.
B. Lorsqu'un crime est découvert, qu'il y a urgence à procéder,
comme dans les cas de flagrant délit, dans ceux d'assassinat, d'em-
poisonnement, etc., dans tous les grands crimes, en un mot; le pro-
cureur du roi ou l'un de ses substituts se transporte en personne sur
les lieux, accompagné d'un greffier, et le plus souvent de deux doc-
teurs en médecine, et fait procéder en sa présence à l'autopsie ca-
davérique. Cette opération ne doit jamais être commencée avant
l'arrivée des magistrats, et si quelque scellé a été apposé, il ne
peut être rompu que par le magistrat, quand même le médecin
aurait entre ses mains l'ordonnance qui le concerne. Dans les
villes où il existe un tribunal, les autopsies des grands crimes se
(a87)
font ordinairement en présence d'un substitut du procurear du
roi et d'un juge d'instruction. Celui-ci dirige alors toutes les opéra-
tions, les expose en son nom, et préside en un mot à tout ce
qui fait le sujet des recherches. Une fois qu'un juge est chargé
d'une affaire criminelle, il en dirige toute l'instruction. Dans d'autres
cas, le juge d'instruction ou le procureur du roi délègue un com-
missaire de police pour assister à l'autopsie.
C. Le médecin doit avant toute chose prêter serment, entre les
mains du magistrat, de procéder à ses recherches et de faire son
rapport en son honneur et couscience,
D. Ces opérations sont quelquefois faites en présence de la per-
sonne que l'on soupçonne être l'auteur du crime. Alors, avant de
procéder à l'ouverture, le médecin doit faire faire par le magis-
trat, à l'accusé, la reconnaissance du sujet. Il devra de plus,
au fur et à mesure qu'il observera une nouvelle lésion ou blessure,
la montrer à l'accusé. Ce n'est pas du reste à lui à tirer des consé-
quences des impressions que ces démonstrations auront pu faire
sur la physionomie du prévenu.
E. Avant de procéder à l'autopsie, le médecin se procurera
tous les instrumens, ustensiles ou produits chimiques nécessaires.
Ces instrumens sont : des bistouris droits et convexes, des ci-
seaux, des pinces à disséquer, des stilets, une sonde cannelée ,
des érignes, une scie, un compas d'épaisseur, un pied-de-roi, un
marteau, du fil, des éponges, de l'eau et du linge; un entérotome,
une rugine, de l'encre ou un autre liquide coloré.
F. Il faut aussi avant toute chose qu'il observe avec soin les lieux
dans lesquels il est conduit, les objets qui s'y trouvent, alors qu'ils
peuvent avoir quelques rapports avec l'opération qu'il va faire. 11
ne doit jamais déranger les meubles, ustensiles ou objets qui envi-
ronnent le corps, avant qu'il en ait été fait une description par le
magistrat qui l'accompagne, ou au moins avant qu'ils aient été
vus par lui. Il indiquera ce qui entoure le corps, les machines ou
instrumens placés aux environs; les traces ou marques qui se trou-
vent à la surface du sol.
G. Il faut alors décrire l'aspect général du cadavre, sa posi-
tion, les objets qui l'environnent, et donner son signalement, à^e,
stature, embonpoint, taches ou marques que l'on incise pour en
constater la nature.
H. Alors on procède à l'examen de la surface du cadavre, on ex-
plore son altitude, ie degré de rigidité des parties; les yeux, la bou-
che, le nez, les oreilles, sous le rapport des corps étrangers qu'ils
pourraient contenir; le degré de putréfaction et ses caractères; et après
avoir décrit ce qu'on y observe , on fait placer le corps sur une
table ou autre objet, où l'autopsie soit facilement exécutée. — Le
corps est-il placé sur une grande route, dans les champs, dans un
bois, on décrit son attitude, on tire tout le parti possible de l'examen
extérieur, et ensuite on le fait transporter avec précaution dans on
endroit commode à l'autopsie.
On dépouille le cadavre de ses vêtemens; on recherche s'ils sont
salis, tachés, ou présentent quelques traces de coupure, de dé-
chirure, de la boue, etc.; s'il existe des plaies, excoriations ou
( 288 )
contusions qu'il ne faut pas confondre avec les lividittiS cadavé-
riques ; si les os sont fracturés ou luxés; si en comprimant le
thorax on ne fait pas sortir du nez ou delà bouche des fluides mêlés
de gaz; si les mamelles comprimées ne donnent pas du lait; si dans
le repli inférieur des seins il n'existe pas une blessure. On examine
l'abdomen, l'anus, les parties génitales, pour savoir s'il n'y a pas
quelques indices de maladies vénériennes, soit chez l'homme, soit
chez la femme. On prend note de ce que l'on remarque.
VARIÉTÉS.
Le tribunal correctionnel de Boulogne vient de rendre un arrôt en
inatière de pharmacie, qui pourra intéresser un grand nombre de nos
lecteurs. 11 s'agissait de résoudre les propositions suivantes :
Le pharmacien qui exécute les prescriptions, rédigées selon les règles
pharmaceutiques, d'un individu se disant médecin, niais n'ayant pas
celte qualité, contrevient-il à l'art, ôa de la loi du 21 germinal an XI,
si d'ailleurs tout a concouru à lui présenter le signataire des prescrip-
tions comme médecin f ( Rés. nég.)
Les art. 54 et 35 de la même loi sont-ils applicables au pharmacien
qui délivre à un médecin ou à un individu qu'il a lieu de croire tel, et
sur sa propre prescription signée de lui ou sur sa demande personnelle,
une dose d'un médicament qui est en même temps une substance vé-
néneuse active, laquelle n'excède pas la quantité nécessaire à un usage
continué quelques jours? (Rés. nég.)
Peul-on suppléer par une amende de simple police au défaut absolu
de sanction pénale de l'art. 35 précité? (Rés. neg.)
Les médecins étrangers, ou soi-disant tels, qui n'exercent la méde-
cine que parmi leurs compatriotes, peuvent-ils être condamnés aux
peines portées par l'art. 56 de la loi du 19 ventôse an XI ? ( Rés. impl.
parla nég.)
Voici le fait qui avait donné naissance à ces diverses questions : Un
A-Qglais, domicilié en France depuis plusieurs années, habitait Bou-
logne depuis trois ans, et voyait journellement une assez grande quan-
tité de malades. Il possédait des connaissances en médecine assez éten-
dues, signait un grand nombre de formules parl'aitunienl régulières;
tout enfin, chez cet homme, devait faire admettre comme justifiée la
qualité de médecin qu'il se donnait.
Cet Anglais, qui avait habité l'Inde pendant un grand nombre d'an-
nées, avait contracté l'habitude de prendre à assez hautes doses des
narcotiques, dont il délivrait des reçus chez divers pharmaciens, et spé-
cialement chez MM. Buron et Leroy. Quelqu'un s'étant emparé de ces
formules, le dénonça à l'autorité comme ayant fait de ces narcotiques
l'usage le plus coupable. Une instruction se poursuit sur ce point, mais
le ministère public actionna d'abord MM. Buron et Leroy, pour contra-
vention aux article» 32, 54 et 35 de la loi du ai germinal an XI, sur
l'ttxercice de la pharmacie, et se voir condamner à l'amende de 3,ooo fr.
prononcée par l'art. 54.
Le tribunal, dans des considérans fort étendus, a établi la non-
culpabilité de» prévenus, et les a renvoyés de toutes les poursuite» diri-
gées contre eux par le procureur du roi.
(289)
ART. 1074-
Considérations sur l'emploi des purgatifs dans les fièvres typhoïdes.
Nous avons observé depuis un an, tant en ville que dans
les hôpitaux, une grande quantité de fièvres typhoïdes. Pen-
dant l'hiver surtout, et dans certaines salles, presque toutes
les maladies avaient une tendance singulière à revêtir le ca-
ractère adynamique, et, à l'heure où nous écrivons, cette
forme est encore commune et enlève un grand nombre de
malades. On ne saurait rien dire de nouveau sur la marche
et les symptômes de cette terrible aflection, sur sa terminaison
si souvent funeste, non plus que sur les causes présumées de
cette espèce d'épidémie; mais nous devons nous arrêter quel-
ques instans sur son traitement, et en particulier sur la mé-
thode évacuante dont un médecin a assuré, dans ces derniers
temps, avoir retiré les plus beaux succès,
M. de Laroque, médecin de l'hôpital Necker, a présenté
à l'Académie un mémoire sur l'utilité des purgatifs dans la
fièvre typhoïde. Dans ce travail, ce médecin prétend avoir
eu, par ce mode de traitement, un succès bien plus grand
que celui qu'on obtient en général par toutes les autres mé-
thodes. Beaucoup de praticiens se sont empressés, sur cet
avis, de recourir au même moyen, ce qui nous a mis à même
de voir dans un grand nombre de cas les effets de ces éva-
cuans dans la maladie qui nous occupe.
Le rapport à l'Académie sur ce mémoire aurait été fait
depuis plusieurs mois, si un membre de cette assemblée,
croyant avoir quelques faits importans à opposer aux asser-
tions de M. de Laroque, n'avait demandé qu'on en retardât
la lecture. Ce rapport et la discussion qui doit suivre seront
sans doute d'un grand intérêt pour la pratique ; mais l'époque
en paraissant reculée indéfiniment, nous devons faire con-
naître les résultats que les praticiens ont retirés de la méthode
évacuante.
M. de Laroque considère les saignées générales et locales
comme presque constamment nuisibles, et partant de cette
idée que la bile, acquérant dans la fièvre typhoïde beaucoup
d'âcreté, il faut s'empresser d'en favoriser l'expulsion pour
prévenir le développement des ulcères dans l'intestin, il ne
s'arrête nullement auxdiverses formes de la maladie etpurge
constamment avec des purgatifs doux. Seulement, lorsqu'au
début il existe des symptômes d'embarras gastrique, ce prati-
cien a d'abord recours aux vomitifs.
M. Piedagnel, chargé d'un service médical à l'Hôtel-Dieu,
ÏOM. VI. N" DE JVILLET. I9
voulut, à l'instar de M. de Laroque, essayer les effets de la
méthode évacuante. 11 réunît dans ses salles un grand nombre
d'affections typhoïdes, et administra des purgatifs en suivant
à peu près la même marche. Les malades étaient purgés tous
les deux jours ; on leur donnait pour boisson une solution de
sirop de groseille, et pour alimens trois bouillons. Lorsque
le purgatif ne produisait que peu d'effets, on en administrait
un plus fort. Quand il y avait gargouillement abdominal ou
météorisme, on donnait aussi un purgatif plus violent. lien
résultait que les malades avaient presque toujours de six à dix
selles dans les vingt-quatre heures, quelquefois beaucoup
plus. Le plus souvent trois ou quatre purgatifs suffisaient dans
le cours de la maladie, mais quelquefois on en a donné jus-
qu'à douze et quinze malgré l'existence de la diarrhée ou de
points douloureux dans le ventre.
Les substances employées par M. Piedagnel étaient l'eau
de Sedlitz gazeuse, à la dose de deux verres à une bouteille,
quelquefois deux; une à deux onces de sel d'Epsom; l'huile
de ricin, de demi-once à deux onces ; l'huile d'épurge, de six
à dix gouttes; un grain ou deux de tartre stibié; la décoction
de séné ; le calomel ; l'huile de croton. Toutes ces substances
étaient données soit en potion, soit en lavement.
En neuf mois, ce médecin a traité de la sorte cent trente-
quatre fièvres typhoïdes avec des succès divers. Dans un
mémoire lu à l'Académie royale de médecine, voulant appré-
cier les effets dos purgatifs, il a établi des distinctions suivant
les diverses formes de la maladie ; ainsi il a reconnu des
fièvres typhoïdes simples, adynamiqu.es, ataxiqaes ei foudroyan-
tes, c'est-à-dire emportant les malade* en quelques jours
sans laisser de lésions cadavériques. Voici les résultats obte-
nus dans ces différentes formes par la méthode évacuante :
Sur cent trente-quatre malodes, cent quinze ont guéri; il
en est mort dix-neufdans les proportions suivantes: typhoïdes
simples et légères, soixante-neuf, pas de morts ; typhoïdes
adynamiques, quarante-neuf, guéris trente-neuf, morts dix;
typhoïdes ataxiques, seize, guéris sept, morts neuf. Nos lec-
teurs verront par ce résultat quelles sont les formes des
fièvres typhoïdes qui réclament le tr;i:lL;:iic;jl par les évacuans.
Les journaux de médecine ont publié plusieurs observa-
lions de fièvres typhoïdes ainsi traitées. Les unes prouvent
en faveurde celte méthode, les autres au contraire témoignent
des dangers qu'elle peut oflrir dans certains cas, en montrant
la maladie s'aggravant sous l'influence des purgatifs, et se
terminant rapidement d'une manière funeste.
Si nous nous en rapportons à ce que nous avons vu nous-
( 291 )
même dans les différens hôpitaux de Paris, nous serons bien
loin de pai tager l'opinion lavorable de 31. de Laroque sur ce
traitement; dans certain» cas, en effet, il nous a bien semblé
que Taniélioration datait de l'époque de l'administration des
purgatifs, uiai> le plus souvent ces é?acuans n'ont point em-
pêché la maladie de suivre son cours, quelquefois ils ont été
manifestement nuisibles et outéridemment contribuée à rap-
procher le moment de la mort.
Nous croyons donc pouvoir conclure que si dans certains
cas de lièvres typhoïdes l'administration des purgatifs peut
être avantageuse, on ne saurait jusqu'à ce jour indiquer le
moaient où ce mode de traitement est opportun; et que dans
la plupart des cas où on y a recours, ou agit en aveugle et
sans pouvoir en aucune manière prédire l'effet favorable ou
funeste qu'on va produire. Le sujet est trop important pour
que nous laissions ignorer à nos lecteurs aucun des efforts
qui seront faits pour éclairer cette grande question de théra-
peutique.
ART. 1075.
De l'emploi des mercuriaux dans les maladies inflammatoires
des yeux.
M. Gérard a publié dans la Revue médicale quelques obser-
vations sur l'emploi du calomel porté jusqu'à la salivation
dans quelques maladies des yeux, ce médecin fait d'abord
remarquer que ce mode de traitement n'est pas sans iacon-
yénient, que le ptyalisme porté trop loin peut déterminer de
graves accidens, et le calomel administré à trop haute dose
irriter l'estomac, et i;auser même une. gastro-entérite mor-
telle. Une chose importante à observer, suivant M. Gérard,
est de supprimer l'emploi de ce médicament dès qu'on re-
connaît un peu de rougeur aux gencives. Quand on est ar-
rivé à ce point, la salivation ne tarde pas à se manifester, et
la révulsion est suffisante poi/r enrayer la marche de l'oph-
talmie. Voici quelques-uns des faits observés par ce mé-
decin :
Une femme de trente-cinq ans, nourrice, était atteinte de-
puis trois jours d'une maladie des deux yeux. Les cornées
étaient d'une rougeur brunâtre et légèrement épaissies, la
sclérotique et la conjonctive fortement injectées ; il y avait
crainte de la lumière et douleurs lancinntes dans l'intérieur
de l'orbite se prolongeant jusqu'aux tempes. Une saignée de
quinze onces fut aussitôt pratiquée; on ordonna des lotions
1 292 )
sur les yeux avec de l'eau froide, et un bain entier avec des
affusions froides sur la tête.
Le lendemain, comme il n'y avait pas d'amélioration,
M. Gérard prescrivit vingt-cinq sangsues aux malléoles et
trente-six grains de calomel en six pilules prises de quatre
en quatre heures; on continua le calomel les troisième et
quatriènie jours; le cinquième, une irritation buccale se dé-
clara avec gonûement des gencives ; le ptyalisme se mani-
festa, et le calomel fut supprimé.
Le sixième jour, la salivation se trouvant abondante, il
fut prescrit l'usage de la limonade et d'un gargarisme émol-
lient. Le dixième jour, la malade était complètement guérie
et de l'inflammation des yeux et de la salivation mercu-
rielle.
La seconde observation citée par M. Gérard est à peu près
semblable ù celle qu'on vient de lire; mais dans la troisième
il se présenta une circonstance particulière : l'inflammation
était portée à un plus haut degré, et déjà un abcès s'était
formé dans la cornée. Le premier jour, on fit une saignée et
des lotions froides sur l'œil; le lendemain, l'état de l'organe
n'étant pas amélioré, trente sangsues furent appliquées aux
malléoles; on prescrivit en outre un bain entier avec des
affusions froides sur la tête et trente-six grains de calomel,
qui déterminèrent une irritation gastro-intestinale assez vive
pour qu'on fût forcé d'en suspendre l'emploi. L'état de l'œil
n'étant pas amendé, et la malade étant menacée de perdre
cet organe, M. Gérard se décida sur-le-champ à produire la
salivation, en pratiquant quatre frictions par jour sur les
membres inférieurs avec une once d'onguent mercuriel dou-
ble. Dès le troisième jour de l'emploi de ces frictions, l'amé-
lioration de l'œil était évidente; la collection puriforme était
tout-à-fait absorbée, mais il restait un léger épaississement
en bas et en dehors de la cornée ; le ptyalisme survint alors,
et il fallut suspendre les frictions. On prescrivit l'usage de la
limonade, un gargarisme émollient et des lotions avec le
collyre de M. Pamard, qui est ainsi composé :
Pi\ Eau de plantain, huit onces ;
Mucilage de graines de coing, une once;
Sulfate de zinc, huit grains;
Alcool camphré, quinze gouttes.
La guérison ne se fit p:vs long-temps attendre; il ne resta
qu'un petit albugo qu'on finit par enlever ciilièr(!ment avec
le collyre sec de Dupuytren.
liè/lcrioîis. Malgré les accidens graves qui peuvent résul-
(293)
ter de la salivation mercurielle et les inconvéniens qui l'ac-
compagnent constamment, le calomel, à haute dose, peut
être une précieuse ressource lorsque la désorganisation de
l'œil est à craindre; mais, ainsi que Ta fait remarquer M. Gé-
rard, on conçoit quel serait le danger d'une pareille pratique
dans les cas d'une moindre gravité. Nous ajouterons qu'il
faudrait bien se donner de garde d'administrer le calomel à
haute dose chez les jeunes enfans, car la salivation qu'on
déterminerait par cette manœuvre serait presque infaillible-
ment mortelle. Il est d'observation en effet que la plupart
des enfans du premier âge chez lesquels cet accident se dé-
clare meurent asphyxiés, soit par les mucosités abondantes
qui s'écoulent dans la trachée-artère, soit plutôt par le gon-
flement de l'isthme du gosier, qui ne permet plus à l'air de
passer en suffisante quantité. Cette remarque ne doit jamais
être oubliée dans les nombreuses circonstances où les mer-
curiaux sont administrés chez les enfans,
ABT. 1076.
Quelques considérations sur le secret imposé aux médecins.
M. le docteur BouUet a publié dans les annales d'hygiène
et de médecine légale l'observation suivante, qui peut donner
matière à des considérations pratiques importantes.
Le cadavre d'un enfant nouveau-né est trouvé sur le bord
d'une rivière. Plusieurs circonstances appellent les soupçons
sur une femme qui, quelques mois auparavant, avait fait une
déclaration de grossesse, et qui depuis peu avait disparu de la
commune où Penfant avait été trouvé et où elle résidait ha-
bituellement. Au bout de quelques jours, le juge de paix
appelle un homme de l'art pour constater si elle est récem-
ment accouchée, et acquiert la conviction qu'elle est encore
enceinte; par conséquent, toute poursuite cesse d'être diri-
gée contre elle.
Le même jour, se présente au même praticien un vaga-
bond qui lui dit venir du côté opposé au théâtre du crime.
Il raconte que sa femme avait ses règles, et que depuis quel-
ques jours elle lésa vues se suspendre, après avoir bu de l'eau
froide. Des coliques très-violentes la forcèrent à lui deman-
der une place dans l'hôpital dont il est chargé. Il y avait de
quoi éveiller l'attention : aussi cette malade est-elle admise
à l'hospice, et observée avec un double intérêt. Elle raconte
les choses de la même manière que son mari. On peut remar-
quer un peu de coloration des pommettes, et un léger mou-
(394)
vement fébrile. Son tempérament est sanguin ; son Sge ne
dépasse pas vingt-hnit ans. Il n'y avait rien de très-aigu
dans les symptômes; la diète, les lavemens et les boissons
délayantes, des potions calmantes, furent les senls moyen?
ordonnés. Comme la malade avait la gale, on attendit jusqu'à
ce qu'il y eût indication plus urgente pour appliquer des
sangsues à la vulve.
Dans la crainte que des recherches ne pussent lui inspirer
de l'inquiétude, on se contenta des renseignemens que four-
nirent à son insu les personnes qui l'entouraient. Des taches
sanguinolentes avaient été remarquées dans sa chemise et
dans ses draps. A son arrivée à l'hospice, elle était garnie
d'un mouchoir qui portait les mêmes indices. Bientôt on
remarqîia des taches, que la religieuse compara d'elle-même
à celles que pourrait produire du lait. Après un séjour très-
court à l'hospice, cette femme se hâta d'en sortir, à l'insu
du médecin, dès qu'elle se sentit mieux, et depuis elle a été
perdue de vue.
Ce fait donne occasion à M. lîoullet d'examiner jusqu'à
quel point le médecin est tenu de garder les secrets à la dé-
couverte desquels il parvient dans l'exercice de sa profession ;
et d'abord pour les crimes politiques, ce médecin n'hésite pas
à recommander le silence le plus absolu. Quant à l'assassin,
au parricide même, il auraitencore, dit-il, les mêmesdroitsà
notre discrétion, car nous ne devons jamais nuire au malade
qui réclame nos soins; nous devons même paraître ajou-
ter foi aux versions qu'il invente pour nous tromper : seule-
ment, lorsque nous découvrons l'existence d'im crime, nous
devons en prévenir l'autorité, mais sans indiquer le cou-
pable.
Mais si, dans le cas cité, des charges s'étaient élevées con-
tre la femme faussement inculpée, qu'aurait dû faire le mé-
decin? Il aurait dû, suivant iM. Boullet. prévenir la coupable,
afin de lui donner le temps de s'évader: puis, après avoir
fait promettre à l'un des jurés le secret le plus inviolable,
lui faire part de sa découverte.
Enfin cette mendiante qui s't '^sentée à l'hôpital de-
vait-elle être examinée avec plus .oin qu'on ne l'a fait?
M. Boullet ne le croit pas eu'-ore : \\n examen plus scrupu-
leux aurait pu l'inquiéter si elle était coupable, et la contra-
rier si elle ne l'était pas. Mais si elle avait succombé, le mé-
decin '^ût dû faire l'autopeic, afin de vérifier les soupçons
qu'il pouvait avoir.
BéfcTiom. Tl n'est auctm de nos lecteurs qui ne doive à
bon droit s'étonner de quelques-unes des propositions qu'on
(295)
vient de lire; et il est à regretter que les rédacteurs des
Annales, dont l'opinion fait loi en quelque sorte en méde-
cine légale, aient publié cet article sans l'accompagner de
réflexions qui fissent connaître aux praticiens leur opinion
sur ce sujet. Comment en effet admettre qu'on doive fermer
les yeux sur l'état d'un malade, par cela seul qu'on le soup-
çonne coupable d'un crime; qu'on doive acaepter toutes les
explications qu'il lui plaît de nous donner, et se borner
à quelques moyens généraux, faire même une seule pres-
cription, sans s'assurer par un examen approfondi de la na-
ture de son mal ? Mais c'est compromettre la dignité de notre
art, c'est nous prêter de bonne grâce à devenir le jouet d'un
imposteur; disons mieux encore, c'est exposer la vie de celui
qui nous trompe, car lui donner des soins sans savoir quel
est son mal, c'est l'exposer à tous les accidens qui peuvent
résulter soit d'une temporisation inopportune, soit d'une
médication mal appropriée.
C'est par une discrétion aussi déplacée que des médecins,
craignant de blesser par un examen approfondi la pudeur de
jeunes filles qui présentaient un développement considérable
de ventre et s'elforçaient de faire croire à l'existence d'u'ne
hydropisie, se sont rendus complices, bien involontairement
sans doute, du crime de leurs malades, en déterminant chez
elles l'avortement par des purgatifs et par des emménago-
gues. Nous avons cité les faits de ce genre; nous pourrions
en ajouter d'autres'qui se sont passés aussi publiquement.
Il n'est pas besoin d'insister sur l'étrange procédé con-
seillé par l'auteur de cet article pour mettre sa conscience
en repos, car, au lieu de faire promettre le secret à un des
jurés, il faudrait évidemment faire la même confidence à
tous, puisque tous sont appelés à juger la prévenue : ce serait
alors le secret de la comédie.
La question du secret imposé au médecin est une des plus
délicates et des plus difficiles qu'on puisse rencontrer dans
l'étude de notre art, aucun principe ne nous dirige pour la
résoudre; et lorsque par hasard on s'en occupe dans les re-
cueils périodiques, chacun, jugeant par sentiment et d'abon-
dance de cœur en quelque sorte, substitue ses premières
impressions aux plus simples raisonnemens, et nous donne
autant d'opinions différentes que de mémoires sur ce sujet.
Il résulte de ces assertions diverses une confusion telle, que
le praticien qui se trouve en présence de ces faits embarras-
sans reste absolument sans guide et livré à toute l'incerti-
tude d'une position équivoque.
Nous n'avons pas la préteation d'établir sur ce point des
(^96)
règles fixes et invariables sur lesquelles on puisse, à l'occa-
sion et dans tous les cas, s'appuyer pour concilier à la fois ses
devoirs envers la société et envers le malade qui nous con-
sulte; mais il est nécessaire de signaler quelques différences
de position qu'on pourrait confondre, et surtout quelques
erreurs qui tendent à s'accréditer.
Etablissons d^abord deux distinctions bien importantes
entre les secrets que la loi nous oblige de garder ou de révé-
ler, et ceux que nous ne gardons ou ne révélons que par des
considérations de morale tout-à-1'ait étrangères aux peines
portées j)ar la loi.
L'art. 578 du Code pénal est ainsi conçu : « Les médecins,
chirurgiens, etc., dépositaires. par état des secrets qu'on leur
confie^ qui, hors le cas où la loi les oblige de se porter dé-
nonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis, etc. »
Mais il a été démontré à notre art. 678 que la loi n'oblige
jamais les médecins à se porter dénonciateurs : ainsi, si le
législateur nous a prescrit de garder les secrets qui nous sont
confiés, aucune disposition pénale ne nous oblige à les révé-
ler. Est-ce à dire pour cela que dans aucune circonstance
nous ne devions faire part à l'autorité des crimes venus à
notre connaissance dans l'exercice de notre profession ; que
la morale, que notre conscience ne nous prescrivent jamais
d'indiquer à la justice, le parricide, l'assassin que seuls nous
avons pu découvrir?
Pour répondre à (;ette question, nous devons commencer
par établir une proposition plus générale : tout citoyen qui,
par des circonstances fortuites, se trouve avoir acquis la
preuve d'un crime, doit-il en donner connaissance à l'auto-
rité? Il nous semble qu'à l'exception d'un bien petit nombre
de cas, cette question doit être résolue par l'aflirmative; car
il importe à la société, il importe à chacun de ses memi)res
que la loi atteigne le plus grand nombre de criminels possi-
ble, puisque le nombre des crimes augmente en raison de
'impunité. Or, le médecin doit-il être, par exception, af-
franchi d'un devoir auquel tous les autres citoyens sont sou-
mis? C'est le véritable point de vue sous lequel la question
doit être examinée, et il nous semble que dans les discussions
sur ce sujet que nous avons eu occasion de rappeler, on s'est
trop éloigné de ce principe.
Assurément il est d<!s circonstances dans lesquelles le mé-
decin doit se taire; la tranquillité, l'honneur des familles lui
sont trop souvent confiés pour que, poussé par un zélc indis-
cret pour le bien de la société, il doive informer la justice de
tous les crimes et les délits dont il est le confident nécessaire ;
(297)
mais dans d'autres circonstances aussi, nous croyons
qu'il est du devoir de l'homme de l'art de mettre la justice
sur les traces du coupable que l'exercice de sa profession lui
aura lait reconnaître. Nous ne saurions préciser les cas, parce
que, nous le répétons, la matière est trop délicate, et que
chacun peut étendre ou restreindre à volonté le devoir que
la société lui impose sur ce point. Mais il importe de poser
en principe que le médecin n'est pas toujours dispensé, par
cela seul qu'il est médecin, de concourir à la juste punition
des coupables.
L'auteur de l'observation que nous avons citée semble
considérer un hôpital comme un asile inviolable dans lequel
un criminel, quelque horribles que soient les faits dont on
l'accuse, peut se retirer en toute sûreté jusqu'à ce que la jus-
tice ait perdu les moyens de prouver son crime. Mais nous
ne voulons pour preuve du danger de cette opinion que le
fait cité par M. BouUet lui-même : nous supposons en effet
que la femme d'abord soupçonnée n'eût pas été trouvée en-
ceinte; qu'on eût cru, à tort ou à raison, rencontrer des tra-
ces d'un accouchement récent, des charges accablantes se
seraient élevées contre elle, et peut-être cette malheureuse
eût été condamnée à une peine infamante. Qu'aurait fait
alors le médecin? aurait-il été dire devant le jury : J'ai reçu
dans mon hôpital une femme mendiante qui offrait tous les
signes d'un accouchement récent; elle m'a déclaré avoir
depuis quelques jours une suppression de règles, mais sa
chemise portait des traces de lait, et ses draps ont été tachés
en rouge; cependant je n'ai pas osé l'interroger, de peur de
l'inquiète)' si elle était coupable, de la contrarier si elle ne l'était
pas ? Nous le demandons, quelle confiance ce médecin eût-il
inspirée au tribunal, et de quel poids eût été sa déposition en
faveur de l'inculpée?
Quand un crime a été commis, le soupçon plane sur toutes
les tètes jusqu'à ce que le coupable ait été découvert; et si
l'on doit des égards à celui contre lequel des soupçons s'élè-
vent, on en doit bien davantage encore à ceux qui sont si
fort intéressés à l'arrestation du criminel; il faut donc crain-
dre en pareille circonstance de se faire illusion sur de préten-
dus devoirs, et de mériter le reproche qu'on nous fera dans
le monde de cacher sous de vains scrupules notre indifférence
pour le bien de la société.
Nous terminerons cet article en faisant de nouveau obser-
ver ù nos lecteurs que nous ne faisons que poser un prin-
cipe et combattre ce qui nous paraît une erreur, savoir, que
le médecin est toujours tenu de garder le secret lorsqu'il
(298)
découvre l'existence d'un crime dans l'exercice de sa profes-
sion.
ART. 1077.
Note sur un traitement de la gale, proposé par M. Emery,
médecin de L'hôpital Saint-Louis.
Des substances nombreuses ont été proposées pour com-
battre la gale, et bien qu'avec la plupart d'entre elles, on
réussisse au bout d'un temps plus ou moins long à ramener
la peau à son état normal, on n'a pas encore trouvé de re-
mède auquel on ne puisse adresser quelques reproches, soit
sur les inconvéniens de son administration, soit sur le peu de
certitude de son emploi. M. Emery, médecin de l'hôpital
Saint-Louis, vient de proposer un traitement qui diffère de
tous ceux connus jusqu'à ce jour, en ce qu'il suffit de faire
faire les frictions sur les pieds et sur les mains seulement.
Déjà, dans plus de douze cents cas, cette pratique lui a com-
plètement réussi, et les vésicules de tout le reste du corps n'ont
pas tardé à disparaître lorsque celles de ces parties ont été dé-
truites. Voici la formule que ce médecin a publiée :
Pr. : Savon noir, huit livres;
Sel marin, quatre livres ;
Soufre, quatre livres;
Alcool, une livre;
Vinaigre, deux livres;
Chlorure de calcium, une demi-livre.
Mêlez.
Une once par jour en frictions sur les pieds et sur les
mains.
^ On peut modifier ainsi la formule, si l'on veut avoir une
plus petite quantité de médîcamens :
Pr. : Savon noir, une once;
Sel marin, demi-once;
Soufre, demi-once ;
Alcool, un gros ;
Vinaigre, deux gros;
Chlorure de calcium, demi-gros.
Pour quatre frictions, c'est-à-dire pour deux jours.
Un grand nombre des malades traités ainsi par M. Emery
ont été guéris dans l'espace de quatre à cinq jours; pour
(299)
d'autres, il a fallu un temps plus long; mais la durée moyenne
du traitement a été de huit à neuf jours. C'est à peu près la
durée des autres traitemens proposés; mais si les succès ob-
tenus viennent à se confirmer, ce dernier présentera des
avantages immenses, car il ne causera aucune maladie de
peau; il ne salira pas le linge; il n'aura aucune odeur; enfin,
il sera dégagé de tous les inconvéniens reprochés avec raison
à presque toutes les formules que nous avons fait connaître.
(Voy. art.556, 655, 922, loSa.)
ART. 1078.
Considérations pratiques sur te traitement des fièvres intermit-
tentes ; traitement par l'hydro-fetTO-cyanate de potasse^ la
quinine pure, le sulfate de cinchonine, les lavemens d'eau
froide f etc.
M. le docteur Bonnet vient de publier sur les fièvres in-
termittentes (1) un ouvrage qui doit être d'une grande uti-
lité pour les praticiens. Cette affection si commune, sotivent
si grave et si rebelle à tous nos moyens de traitement, est
étudiée dansce travail sous toutes ses formes, et les conclu-
sions de l'auteur ne sont pas appu^'ées sur de vaines théo-
ries ni sur des raisonnemens spécieux, mais sur une masse
d'observations, la plupart tirées de sa pratique particulière.
Nous n'analyserons dans cet article que la partie de l'ouvrage
qui a rapport au traitement.
Après avoir démontré la nécessité de combattre les fièvres
intermittentes avant que les accès se soient reproduits
un certain nombre de fois, i\I. Bonnet établit qu'il est indis-
pensable de préparer le sujet à l'action des fébrifuges toutes
les fois que les accès présentent une certaine intensité, sauf
cependant le cas de fièvres pernicieuses, dans lesquelles on
est bien obligé de recourir avec promptitude aux anti-pério-
diques. Les vomitifs et les purgatifs étaient fort employés au-
trefois; aujourd'hui, ils sont le plus souvent remplacés par
des évacuations sanguines, bien que, dans certains cas, ils
puissent être utiles et même nécessaires, comme le prou-
vent les observations suivantes.
Un homme âgé de trente-cinq ans était atteint depuis
(1) Traité des fièvres iniermilten{es,_^aT Aug. Bonnet, membre et
ex-président de la Société royale de médecine de Eordeaus. Un vol.
in-8", 4oo pagei.
(3oo)
quelque temps d'unefièvre intermittente tierce très-bénigne,
lorsque, le 5 mai i854, la langue devint jaune ainsi que le
pourtour des lèvres et des ailes du nez; il y avait de plus un
s»,'i)liment de pesanteurà l'épigastre, des nausées, un goût de
bile, et l'hypocondre droit semblait être un peu tendu et ré-
nitent. A l'époque d'apyrexie, deux grains d'émétique fu-
rent donnés, et déterminèrentdesévacaalions abondantes par
haut et par bas. Le malade se trouva très-soulagé, et la fièvre
perdit beaucoup de son intensité. Le sulfate de quinine la fit
disparaître entièrement.
Il en fut de même d'un enfant de huit ans, atteint d'une
fièvre quotidienne tiès-légère, qui ne tarda pas à se compli-
quer d'un état muqueux de l'estomac; la bouche devint pâ-
teuse, l'haleine et la salive d'une odeur acide; la langue se
couvrit d'un enduit blanchâtre, il y eut des nausées, etc.
M. Bonnet crut devoir débuter par dix-huit grains d'ipéca-
cuanha, qui occasionèrent des vomissemens abondans de
matières semblables à du blanc-d'œuf. L'accès suivant fut
très-faible ; on en prévint le retour à l'aide de huit grains de
sulfate de quinine.
Ces cas sont rares, suivant ce médecin, et dans tous les au-
tres, l'indication formelle est d'attaquer l'irritation morbide
qui constitue la fièvre par un régime approprié, les boissons
acidulées ou mucilagineuses, et les évacuations sanguines.
Quant à la diète, elle doit se régler de la manière suivante :
l'apyrexie est-elle très-courte, ou bien longue, mais in-
complète, on ne donne que du bouillon. Est-elle de vingt -
quatre heures et parfaite, on permet à la fois du bouillon et
un ou deux potages. Est-elle de quarante-huit heures, s'ac-
compagne-t-elle de beaucoup d'appétit, on accorde des po-
tages et des viandes de facile digestion. Pour boisson on
prescrit ordinairement les décoctions d'orge et de chiendent,
les infusions de violette, de bourrache, la limonade, les so-
lutions de sirop de vinaigre, de limon, etc., et l'on doit sur-
tout insister sur ces boissons lorsque les urines sont rouges,
le teint jaune, la peau sèche, les selles rares.
La saignée générale est spécialement indiquée dans les af-
fections fébriles périodiques, qui ont pour siège le cœur,
le cerveau , le poumon. La saignée capillaire doit au
contraire être préférée àl'ouverture de la veine danslesphleg-
masies des tissus membraneux, et surtout de la muqueuse di-
gestive. C'est surtout pendant l'accèset à l'époque de la cha-
leur qu'il faut pratiquer les évacualions sanguines (i). Quant
(i) En trailunt du siège de la Uèvrc interuiittentc, M. le docteur
(3oi)
aux vomitifs et aux purgatifs, ce n'est jamais que pendant
l'intermission qu'on en fait usage.
Les émissions sanguines diminuent ordinairement l'inten-
sité de l'accès, et rendent l'apyrexie plus complète; mais il
est rare qu'elles soient suffisantes pour enlever complètement
la maladie. C'est aux fébrifuges qu'il faut alors avoir recours,
et chacun sait que parmi tous ceux qu'on a proposés et pré-
conisés, le quinquina lient le premier rang. Les médecins ne
sont pas d'accord sur l'époque à laquelle cette substance doit
être administrée. M. Bonnet pense que toutes les fois que
l'apyrexie est longue, on doit commencer à la donner huit
ou dix heures avant l'accès. Lorsqu'elle est très-courte, on
surveille le moment où l'accès finit, et aussitôt qu'il est ter-
miné, on donne le remède. Si les accès sont très-rapprochés,
on administre la dose en une seule fois ; dans le cas contraire,
on la partage par parties égales qu'on donne d'heure en
heure, ou bien on donne d'abord moitié ou deux tiers de la
dose, etc., de telle sorte que la totalité se trouve consommée
une ou deux heures avant le retour présumé de l'accès.
On connaît les différentes manières d'administrer Técorce
du Pérou et les autres substances préconisées dans les fièvres
intermittentes (i). M. Bonnet l'unit de préférence à l'opium
dans un assez grand nombre de cas.
Nous ne saurions reproduire dans cet article tous les pré-
ceptes émis par l'auteur pour l'administration du fébrifuge,
avant et après la disparition de l'accès. Nous nous borne-
rons à dire que cet ouvrage renferme des conseils pleins de
sagesse touchant les accidens qui peuvent résulter, soit de
l'action du remède, soit de complications imprévues. La plu-
part de ces questions ont d'ailleurs été traitées assez longue-
ment dans ce journal.
L'ouvrage de M. Bonnet est terminé par un formulaire que
les praticiens consulteront assurément avec intérêt, et dans
lequel on trouve la plupart des prescriptions en usage contre
Bonnet établit, par uno suite de faits et de raisonncmcns, que la Cèviê
intermittente consiste dans une irritation morbide, et que celte irrita-
tion est fixée le plus souvent sur la muqueuse digcstive, d'autres l'ois
sur le poumon, la plèvre, le foie. etc. Il admet même dans un assez
grand nombre de cas une fièvre internaitlente qu'il appelle simple, et
qui consiste dans une irritation du coeur seulement. La partie de l'ou-
vrage consacrée à la nature et au siège de la maladie est une de celles
qui dénotent le plus l'expérience et l'esprit d'observation de l'auteur,
(i) Voy. art. 57, 70, 95, 117, ï7)-, 149, 22 o, 224, 2.3S, 244, Sj^, 591.
421, 4'>^j 5oo, 52'(, 55G, 6j5, 581, 614, 697, 715, 758,805,952.
(302)
les fièvres intermittentes. Nous allons citer quelques-unes
des moins connues.
L'hjdro-ferro-cyanate de quinine a été employé par le
docteur Cerioli, médecin italien, dans des cas où tous les au-i
très tébrituges, y compris le sulfate de quinine lui-même,
avaient échoué, et quelques médecins français ayant répété
ces expériences, en ont obtenu les meilleurs effets. Cette
substance s'administre en pilules ou en potion, à la dose de
deux, trois, quatre et même huit grains pour la journée.
Pr. Hydro-ferro-cyanate de quinine, deux, quatre,
six ou huit grains ;
Rob de sureau, quantité suffisante.
Faites six pilules qu'on administre pendant l'apyrexie, et
delà même manière que le sulfate de quinine.
Pr. Hydro-ferro-cyanatede quinine, deux, quatre,
six ou huit grains;
Sirop de sucre, une once;
Eau distillée, deux onces.
Faites dissoudre l'hydro-ferro-cyanate de quinine dans le
moins d'alcool possible; mêlez cette solution au sirop, en
ayant la précaution d'agiter, et ajc-ulez ensuite l'eau distillée.
Cette potion se donne par cuillerée et de la même manière
que les potions de sulfate de quinine.
M. Trousseau a vanté la quinine brute qui, d'après ce
médecin, aurait une valeur vénale moindre, serait sans amer-
tume, et pourrait être administrée en plus petite quantité, et
partant, irriterait moins le canal digestif.
Quand la quinine est récente, elle est molle et facile à rou-
ler en pilules ; quand elle est vieille, elle est cassante et on
la réduit en poudre. Ou "peut aisément la donner aux enfans,
puisqu'elle n'a pas d'amertume. On la leur prescrit à la dose
de deux, quatre, six et môme huit grains dans une cuillerée
de potage, de confiture, de sirop ou de tout autre aliment. On
peut aussi faire les tablettes suivantes :
Pr. Quinine brute réduite en poudre, un gros;
Sucre, quantité suffisante;
Mucilage à la fleur d'orange, quantité suffisante.
Faites soixante-douze tablettes de la grandeur d'une pièce
de vingt sous.
Le sulfate de cinchoniueaaussi été préconisé par M. Baily,
qui l'a trouvé moins irritant que lesulfatedequinine.il s'ad-
(3o5)
ministre aux mêmes doses et sous la même forme que ce
dernier.
Les officiers de santé français, pendant les guerres d'Es-
pagne, n'ayant pas une quantité suffisante de quinquina, em-
ployèrent avec le plus grand succès les feuilles et l'écorce
d'olivier, qui parait être un des meilleurs succédanés du
quinquina. On donne la poudre à la dose de un, deux, trois,
quatre et six gros. L'infusion se prépare de la manière sui-
vante :
Pr. Poudre de feuilles ou d'écorce d'olivier, une once ;
Eau ou bon vin vieux, deux livres.
Laissez infuser pendantdeux fois vingt-quatre heures.
L'extrait amer de l'écorce se donne à la dose de douze à
trente-sixgrains. Le sirop de la même substance, préparé de
la manière suivante, est beaucoup vanté par M. Pallas, sur-
tout contre les fièvres intermittentes qui se développent chez
les enfans.
Prenez une livre d'écorce sèche d'olivier, concassez et fai-
tes bouillir dans huit pintes d'eau de fontaine; passez au tra-
vers d'un blanchet, et ensuite faites évaporer pour réduire à
moitié. La liqueur étant refroidie, on la décante pour en sé-
parer la matière résineuse qui se précipite par le refroidisse-
ment. Oa aj oute à cette décoction douze livres de sucre terré,
puis on clarifie avec des blancs d'œufs, et l'on fait cuire jus-
qu'à consistance de sirop. On conservepour l'usage dans des
bouteilles exactement fermées.
La dose est d'une once, fractionnée en trois ou quatre pri-
ses, donnéespendant l'apyrexie.
La teinture d'olivier a été également recommandée par
M . Pallas.
Pr. Ecorce d'olivier, deux cents grammes ;
Eau-de-vie ordinaire, un litre.
Laissez digérer pendant cinq jours et filtrez. La dose est
d'ane demi-once qu'on étend dans deux onces d'eau, et
qu'on donne en deux fois.
!M. Casimir Broussais a cité plusieurs exemples de fièvres
intermittentes qui ont cédé, tantôt d'emblée, tantôt au bout
de quelquesjourSjd l'administration de lav.enien^ d'eau froide .
Le docteur Chrétien préconise le liniinent sui vant, em-
plcyé en frictions à la partie interne des cuisses :
(3o4)
Pr. Opium brut, deux gros et demi ;
Camphre, deux gros;
Quinquina gris, quatre gros ;
Rhubarbe, quatre gros;
Alcool, une livre.
Laissez macérer pendant plusieurs jours, et passez pour
vous en servir.
Ces courtes citations suffiront pour faire apprécier toute
l'utilité â.\iTraité des fièvres intermittentes, ouvrage écrit pour
les praticiens, et destiné sans doute à un grand succès.
ART. 1079.
Considérations sur le traitement de la salivation mercurielle par
les cautérisations avec l'acide hydrochlorique.
La Lancette du 2 juin contient un article extrait de la cli-
nique de M. Yelpeau, dans lequel ce chirurgien examine suc-
cessivement les différentes méthodes de traitement proposées
contre la salivation mercurielle. Toutes celles conseillées par
les auteurs anciens et modernes, les pastilles de soufre, les
gargarismes avec le sous-borate de soude, avec l'extrait de
Saturne, le sulfate de magnésie, les acides nitrique, hydro-
chlorique, etc., ont tour à tour échoué dans ses mains, bien
que ces divers moyens aient été employés dans des cas nom-
breux et variés. Il n'en a pas été de même de l'acide hy-
drochlorique pur, porté directement à l'aide d'un pinceau
sur les ulcérations de la bouche qui constituent la maladie,
puisque c'est, suivant ce professeur, l'inflammation de la
muqueuse buccale qui détermine la salivation, et non l'ir-
ritation des glandes salivaires qui ne s'engorgent que consé-
cutivement.
Dans un autre numéro du même journal, un élève de l'hô-
pital des Vénériens réclame en faveur de M. Ricord la prio-
rité de cette découverte, et trace ainsi le résumé de la médi-
cation employée contre le ptyalisme, résumé emprunté aux
leçons de ce chirurgien.
1" Suspendre l'emploi du mercure aussitôt que les gen-
cives commencent k s'affecter.
2° Si malgré cela le ptyalisme continuait, on toucherait les
gencives affectées avec un plumasscau imbibé d'acide hydro-
chlorique, en évitant les dents, de manière à produire une lé-
gère cautérisation. L(;s cautérisations seront répétées jusqu'à
ce que la maladie soit eiu'ayée, ou bien jusqu'à ce que, fai-
sant des progrès, elle se complique de véritable inflam-
(5o5)
ïnation ; alors on devrait avoir recours aux antiphlogistiqiies
locaux ou généraux.
3° Tant qu'il n'y a pas d'inflammation et qu'on cherche à
faire avorter le ptyalisine, on doit employer les gargarismes
astringens, soit d'acide hydrochlorique étendu, soit de sul-
fate d'alumine en y ajoutant de l'opium.
4° Quand l'inflammation est survenue, les gargarismes
émolliens opiacés sont indiqués.
5° A toutes les périodes, les révulsifs sur le canal intes-
tinal et sur les membres inférieurs doivent être employés.
6° Quand la période inflammatoire est passée, on revient
au traitement indiqué au début.
7" Lorsqu'il survient des ulcérations, s'il existe des dents
cariées, il faut les extraire. Une chose importante, c'est de
faire nettoyer les dents, surtout au début. Les dents qui ne
peuvent être extraites et qui correspondent aux ulcérations
doivent être recouvertes de pâte de guimauve, afin d'eflacer
leurs aspérités.
8° Enfin les ulcérations doivent être touchées avec l'acide
hydrochlorique pur. C'est la méthode la plus sûre et la plus
prompte.
Reflexions. Notre intention n'était pas de nous occuper de
la salivation mercurielle avant d'avoir terminé l'exposé des
maladies syphilitiques observées dans le service de M. Cul-
lerier; mais nous ne pouvons laisser passer sans quelques ré-
flexions certaines assertions sur une méthode de traitement
prétendue nouvelle, et attribuée soit à M- Velpeau, soit à
M. Ricord, quand il est notoire que depuis trente ans peut-
être ces cautérisations, soit à l'aide de l'acide hydrochlorique
ou nitrique, soit à l'aide du nitrate d'argent, sont d'un usage
général à l'hôpital des Vénériens, où MM. CuUerier onclC;,
Gilbert, etc., avaient reconnu leur utilité.
M. CuUerier surtout, actuellement chirurgien en chef de
cet établissement, les met habituellement en pratique, et les
préconise dans tous les cours qu'il fait sur les maladies syphi-
litiques. Ceux de nos lecteurs qui ont suivi ses leçons depuis
une dizaine d'années peuvent se rappeler que ce chirurgien
a toujours considéré le ptyalisme mercuriel comme dépen-
dant d'une irritation de la muqueuse buccale, el le liquide
abondant rejeté par le malade comme provenant autant des
cryptes muqueux irrités, et des ulcérations qui fournissent
une sécrétion puriforme, que des glandes salivaires qui ne
se tuméfient et ne deviennent douloureuses que consécuti-
vement à la stomatite.
Telles sont les seules remarques que nous ferons sur ce
TOM. VI. N' DK JlTltT.KT. 30
( 3o6 )
sujet, en attendant que nous puissions traiter d'uqe manièrfi
plus complète d'une affection qui n'est pas sans gravité, et
sur la nature de laquelle tous les praticiens ne sont pas en-
core fixés.
On doit s'étonner que M. Velpeau, qui possède une éru-
dilion si imnien>e, n'ait pas eu connaissance de ce qui se
passe chaque jour à l'hopilal des Vénériens, et qii'un élève
de cet établissement veuille attribuer au seul service de
M. Ricord l'application d'une méthode qui n'est arrivée
dans la pratique de ce chirurgien qu'après avoir été long-
temps commune à ceux qui l'ont précédé.
ART. 1080.
Note sur les secours à donner aux noyés.
Le conseil de salubrité du département de la Seine-Infé-
rieure vient de publier un ouvrage remarquable qui contient
l'exposé de ses tiavaux. Nous devons citer, comme intéres-
sant plus particulièrement nos lecteurs, un court résumé
des secours à donner aux noyés, que nous extrayons d'un
rapport fait sur ce sujet par MM. Avenel, Girardin, Ving-
trinier et Pouchet.
Traitement avant l'arrivée du médecin : 1° Après avoir trans-
porté le noyé dans le lieu pour l'administration des secours,
le déshabiller, l'essuyer avec soin ;
3° Le coucher la tête un peu élevée;
3° Rétablir la chaleur à l'aide de couvertures échauffées,
de frictions sèches, de corps chauds passés le long du dos,
sur la poitrine, le ventre, et puis aux pieds ;
4° Nettoyer les narines et la bouche, et irriter les premières
avec les barbes d'une plume;
5° Administrer des lavemens chauds, composés de quatre
parties d'eau, d'une d'eau-de-vie, et d'une once de sel de
cuisine.
D'aitement conseillé au médecin : 6'' Injecter dans l'estomac,
à l'aide de la sonde œsophagienne, rm peu de vin et d'eau -
de-vie chaude;
^° Aussitôt que la chaleur renaîtra, passer une sonde dans
le larynx, l'ajuster à un soulTlel et exécuter la respiration ar-
tificielle, en pous.-ant l'air doucement et sans secousses dans
le poumon, et en coinprimant allernativemeut la poitrine
pour imiter les uiouvcmens naturels de la fonction ;
8" Continuer ce moy.;n pi-ndaiit <[uatre à cinq heures, en
ayant soin d'enlrelcnir la chaleur;
(3o7)
9° Si la vie tarde à renaître, appliquer des vésicatoires à
l'eau bouillante, et des moxas sur les membres;
10° Saigner si le noyé est chaud et a la face vultueuse.
Les moyens qu'on doit surtout éviter sont : les mouve-
mens brusques, la suspension par les pieds, les vapeurs du
soufre qui brûle, les frictions avec les liqueurs spiriiueuses,
les fumigations et les lavemens de tabac, ainsi que la laryn-
gotomie. ( Voy. art. lo, 24> 27, gSa. )
A&T. 1081.
Considérations pratiques sur les opérations qui sont quelque-
fois nécessaires pour combattre les hémorrkoides. ( Voy.
art. 1060.)
Deuxprocédés sonlgénéralement en usage pour la destruc-
tion des hémonhoïdes : la ligature et l'excision. De très-ha-
biles chirurgiens, et entre autres M. Cline, ont pour habi-
tude d'exciser les hémorrhoïdes internes ; mais de dangereux
accidens, et même des hémorrhagies fatales, ont fait préférer
la ligature par la plupart des praticiens. M. Brodie partage
entièrement, sur ce sujet, Popinion de sir Everard Home,
qui est la suivante :
Les hémorrhoïdes internes qui sont recouvertes par la
peau ne doivent pas être enlevées par la ligature; on doit
dans ce cas préférer l'excision; d'une autre part, les hémor-
rhoïdes internes qui sont recouvertes par la membrane mu-
queuse doivent pour la plupart être détruites par la ligature.
En un mot, ce dernier moyen est généralement convenable
quand les hémorrhoïdes sont internes, et l'excision est pré-
férable lorsqu'elles sont externes. Voici les motifs d'un pareil
précepte : L'application d'une ligature sur les hémorrhoïdes
externes cause au malade des douleurs extrêmement vives,
et détermine ensuite de l'inflammation, du gonflement, et un
trouble de toutel'économie, tandis qu'on évite tous ces acci-
dens si l'on a recours à l'excision. Après cette dernière opé-
ration, il n'y a d'ailleurs aucune crainte d'hémorrhagie,
puisque la plaie se trouve à découvert, et qu'on peut boucher
ou lier les vaisseaux; et bien qu'une certaine inûauiination
soit la suite nécessaire de cette pratique, elle est en général
si légère qu'il n'en résulte aucune conséquence fâcheuse.
Si, d'un autre côté, on enlève de grosses hémoirhoïdes
situées dans l'intérieur de l'intestin, il peut en résulter une
hémorrhagie al)Oudaute et mêni'i dangereuse, puisque les
parties lésées sont situées hors de lu vue, et qu'on ne peut
(3o8)
qiiè clitTicilement faire l'application de moyens directs pour
arrêter le sang.
L'application d'une ligature sur des hémorrhoïdes in-
ternes ne cause ordinairement que peu de douleurs et ne
détermine que peu d'inflammalion, car les membranes mu-
queuses n'offrent pas la sensibilité de la peau, et peuvent être
liéessans accidens.
Séduit par les préceptes du docteur Cline, M. Brodie en-
leva quelques hémorrhoïdes internes par l'excision. Dans le
premier et le second cas. il n'en résulta aucun accident, mais
un autre malade perdit une quantité considérable de sang,
un quatrième faillit, mourir d'une liémorrhagie semblable,
et enfin un cinquième éprouva une perte si abondante que
ce ne fut que par une sorte de miracle qu'il ne succomba
pas. Depuis cette époque, ce chirurgien ne détruit les hé-
morrhoïdes internes que par la ligature.
Il est rarement nécessaire d'enlever les hémorrhoïdes ex-
ternes, car elles sont presque toujours compliquées d'hé-
morrhoïdes internes, et comme elles sont la continuation de
la même veine, la ligaturedes premières guérit les dernières.
Cependant il est des cas dans lesquels on ne peut se dis-
penser de les exciser; par exemple lorsqu'elles sont gon-
flées, enflammées, de manière i\ nécessiter un long espace
de temps pour arriver à la résolution, que le malade souffre
des douleurs très-violentes, il est soulagé aussitôt par deux
ou trois excisions faites avec le tranchant des ciseaux cour-
bés; ou enfin, lorsque des abcès s'étanl formés, il paraît
plus simple en incisant les tégumens d'enlever en même
temps les hémorrhoïdes.
Pour faire celle excision, il faut saisir l'hémorrhoïde avec
un double lenaculum, et quelques coups du tranchant d'un
ciseau courbe, suffisent pour en débarrasser le malade. Si
une artériole ouverte donne une assez grande quantité de
sang pour nécessiter une ligature, on la pratique sur-le-.
champ.
J'ai avancé, dit le docteur Brodie, que la ligature était l'o-
pération la plus convenable dans la plupart des cas d'hé-
morrhoïdes internes, mais il est cependant des circonstances
dans lesquelles l'exci-ion peut être employée. Lorsqu'elles
sont fort petites, on peut les exciser sans aucun danger. Le
cas suivant, par exemple, se rencontre assez fréquemment :
Un malade accuse des symptômes d'hémorrhoïdes internes;
il éprouve des douleurs vers l'anus, et il s'éf'ha[)pe de cette
partie une assez grande quantité de mucosités. Vous exa-
minez et vous trouvez ime héniorrhoïdc qui n'est pas plus
(5o9)
grosse que l'extrémité du petit dui^^t, couverte de la uiem-
braoe muqueuse de l'intesliD, poussée en avant et sortant
un peu de i'oriflce de l'anus; vous la saisissez avec une dou-
ble érigne, et vous en enlevez la base avec des ciseaux
courbes. Il ne résulte aucun inconvénient de cette pratique.
Mais lorsque les hémorrhoïdes sont volumineuse?, qu'elles
font saillie à l'extérieur, soit constamment, soit de temps à
autre, vous ne pouvez basarder d'autre moyen que la liga-
ture. Voici le procédé que l'on doit suivre pour faire cette
opération.
Le premier point nécessaire pour placer cette ligature, est
de faire bieu saillir l'hémorrhoïde ; à cet effet, on place le
malade au-dessus d'un vase plein d'eau cbaude, qui relâcbe
les sphyncters en même temps qu'elle favorise l'afflux du
sang dans les veines. Les tumeurs ayant ainsi été rendues
visililes, le malade est appuyé sur une table, ou approché du
bord de son lit; puis un aide écartant les fesses, on cherche
à lier séparément chaque hémorrhoïde. Si la tumeur est
peu volumineuse, on peut la saisir avec les pinces, l'attirer
au dehors et placer une ligature à la base. Mais lorsqu'elle
est considérable il faut procéder de la manière suivante : on
prend une grosse aiguille courbe armée d'un fil double ; on
passe l'aiguille à travers la base d'une des hémorrhoïdes, et
le fil étant coupé, on sépare ses deux portions et on les assu-
jettitpar un simple nœud, l'une d'un coté, l'autre de l'autre.
Les autres hémorrhoïdes sont liées de la même manière, et
lorsque les ligatures sont appliquée?, l'aide saisit les fils et
les fixe sur le siège.
Lorsque chaque hémorrhoïde est ainsi liée (et il est pos-
sible qu'on ait placé deux, trois, quatre, cinq fils), on pro-
cède à un autre temps de l'opération. On coupe la partie
convexe de chaque veine, de manière à pénétrer dans son
intérieur, puis, après avoir laissé écouler le sang qu'elle con-
tient, on peut serrer la ligature plus fortement. Il faut la
serrer autant que possible, car plus la constriction est forte,
moins la douleur est vive, plutôt la ligature est tombée, et
par conséquent, plus la guérison est rapide. Cette opération
terminée, ou achève le double nœud, puis après avoir coupé
les fils, on fait rentrer le tout dans l'intestin. Cette opération
est extrêmement simple et fort peu douloureuse, à moins
que les hémorrhoïdes ne soient dans un état d'inflammation.
Il faut avoir soin de placer toutes les ligatures sur la mu-
queuse elle-même, car si une [ ortion de peau se trouvait
comprise, on déterminerait une douleur très-vive et le dé-
Ycloppement d'une inflammation assez considérable. En gé-
(5io)
néral, on doit donner la veille de l'opération une petite dose
de rhubarbe, afin de Tider l'intestin, et de permettre au ma-
lade de rester deux ou trois ionrs sans aller à la selle.
Les ligatures tombent orrlinairement dans la semaine, et
jamais M. Brodie n'a vu d'accidens accompagnerleur chute.
Les soins A prendre alors sont fort simples. Lors(\t:'on pense
que la cicatrisation s'est opérée, on donne un léger purgatif
et quelques lavemens d'eau froide chaque matin.
Cette opération, dit M. Brodie, est non-seulement une des
plus utiles, mais encore une dos plus heureuses de la chi-
rurgie. Je puis dire que je l'ai pratiquée ou vu pratiquer en-
viron deux ou trois fois. J'ai vu un seul malade succomber
à l'inflammation qui s'étendit du tissu cellulaire jusqu'au
péritoine; mais ce sujet était depuis long-temps affaibli par
des hémorrhagies continuelles, et une opération de peu
d'importance pouvait déterminer chez lui de graves résultats.
Un autre malade, huit jours après l'opération, se trouvant
entièrement guéri, fut pris t-'Ut-à-coup d'une douleur dans
l'abdomen, accompagnée de fièvre, et succomba. Je n'ai pu
examiner le corps après la mort. Il n'est assurément pas
probable que l'opération pratiquée fût la cause de celte isstie
funeste, mais ce fait m'a semblé devoir être mentionné, puis-
que l'autopsie n'ayant point été faite, les causes de la mort
ont dfj rester inconnues.
Cette opération est donc si peu dangereuse, que dans la
pratique on doit considérer comme presque nuls les dangers
qu'elle fait courir.
ART. 1082.
Note sur un eliacir dentifrice désigné sous le nom de trésor
de la bouche.
Pr. Eau distillée de menthe poivrée, une livre ;
Esprit de cochléaria, une livre;
Acide tartriqiie , une once ;
Alcool vulnéraire, quatre livres.
Faites dissoudre l'acide tartrique dans l'eau de menthe,
mêlez le tout, et, après quinze jours de repos, filtrez la li-
queur.
▲BT. io85.
Observation d'une plaie transversale de la veine azigos
déterminant une hcmorrhagie mortelle.
Dans un ouvrage publia récemment par M. le docteur
(5m)
Chassaignac(i),on trouve une observation curieuse de bles-
sure de la veine azigos. Un militaire, dgé de vingt-six ans,
fut apporté à l'Hôtel-Dieu de Nantes, vers trois heures de
l'après-midi, le 18 février 1827. Il avait été atteint dans un
duel d'un coup de sabre à la partie latérale droite de la poi-
trine, un peu au-dessous et en dehors du mamelon. Ce blessé
était dans état presque exsangue La face était p;11e, les lèvres
décolorées. Au moment de la blessure, il y avait eu quelques
crachats mêlés de sang et quelques efforts de toux; mais ce
symptôme ne se reproduisit pas une seule fois jusqu'à l'instant
de la mort. La respiration était fréquente, le son tout-à-fait
mat du côté malade et très-clair du côté sain ; en un mot, les
signes se rapportaient beaucoup plus à une perte de sang
abondante qu'à une plaie du poumon.
La plaie du thorax pouvait avoir dix-huit lignes de lon-
gueur et fournissait du sang noir qui s'écoulait en bavant et
dont la quantité augmentait dans l'expiration. M. Chassai-
gnac, qui dans ce moment était élève de garde, appliqua sur
la plaie un tampon de charpie et le flxa à demeure au moyen
de bandelettes agglutinatives et d'un bandage de corps. La
soirée et la nuit se passèrent sans nouveaux accidens; mais
le lendemain il survint des signes d'une hémorrhagie inté-
rieure, et le malade expira.
La plèvre droite contenait plusieurs livres d'un sang noir
en partie coagulé. Le poumon était aplati, réfugié en quel-
que sorte le long de la colonne vertébrale. Les deux lobes
inférieurs avaient été traversés de part en part par la lame du
sabre, en sorte qu'il existait quatre plaies pulmonaires; chose
remarquable, elles présentaient déjà un commencement d'ag-
glutination.
En renversant le poumon en avant pour le détacher, on
découvrit une plaie transversale occupant la veine azigos
dans le point où elle est collée au rachis. Cette plaie était
(1) De la fracture du col du fémur, étudiée spécialement sous le point
de vue de l'anatoinie pathologique, suivie de quelques observations de
plaie, etc.In-S°. Chez Béchet.
Nous regrettons que le plan de ce journal s'oppose à ce que nous
fassions l'analyse d'un ouvrage remarquable par la profondeur des vues
de son auteur, et par les recherches nombreuses auxquelles il a dû se
livrer, mais qui ne contient que peu de détails relalil's à la pratique,
bien que l'anatoniie pathologique du col du lenuir fi.Tcturé, ainsi que
ses différens modes de consolidation, y soient élulii s avec un rare ta-
lent.
{PltttdartJmei. )
large, béante, et expliquait suffisamment l'hémorrhagie
abondante et l'énorme épanchement sanguin trouvé après la
mort. Non-seulement la pointe du sabre avait divisé la veine
azigos, mais elle avait encore sillonné assez protondément
l'appareil ligamenteux antérieur; quelques lignes de plus,
elle eût atteint l'aorte et pénétré dans la plèvre du côté
gauche.
Tous les organes étaient remarquables par leur décolora-
tion et leur état exsangue.
ART. io84-
HOPITAL DES VÉNJÉRIENS.
Considérations sur la sypkiUde pustuleuse.
La syphillde pustuleuse est caractérisée par des boutons
qui se développent sur les diverses parties du corps, se rem-
plissent d'iHie matière purulente qui se concrète, forme
une croûte jaunâtre, puis laisse après sa chute une cicatrice
plus ou moins enfoncée. Ces pustules peuvent se présenter
sous deux aspects difl'érens; les unes, psydraciées, sont pe-
tites, conoïdes, plus ou moins nombreuses et répandues çà
et là sur les tégumens ; les autres, phlysaciées, beaucoup plus
larges, offrent des espèces de plaques, sous lesquelles on voit
souvent des ulcères serpigineux très-rebelles.
Leur nombre peut varier à rinfiui : tantôt on n'en rencon-
tre que quelques-unes dispersées cà et là sur différens points
du corps, d'autres fois elles couvrent tout le tronc, les bras
et les extrémités inférieures. Les deux espèces de pustules
peuvent se trouver en même temps sur le même sujet. Elles
se réunissent parfois en groupe sur un seul point, au front par
exemple, autour des coudes, sur la poitrine, et présentent
alors une agglomération de croûtes plus ou moins larges et
offrant un aspect un peu différent des pustules primitives. La
couleur cuivrée qu'on a donnée comme signe caractéristi-
que des syphilides se rencontre le plus ordinairement dans
cette variété, mais n'existe pas toujours. Quelques exemples
suffiront pour faire connaître la marche de cette éruption.
Au n° 6 de la petite salle a été couché un jeune homme dont
le corps était couvert de pustules syphilitiques. Six mois seu-
lement avant son entrée a l'hôpital, cet homme avait eu des
chancres à la verge, pour lesquels il avait subi un traitement
mercuriel comniet par la liqueur di; Van-Svvieten. Toutes les
parties du corps, mais prini'ipalenicnt les avant-bras et les
(3i3)
extrémités inférieures, étaient couverts de pustules dissémi-
nées çà et là et arrivées à divers degrés de maturité. Les unes
consistaient en un bouton rouge, légèrement ombiliqué
dans son centre; les autres étaient blanches à leur sommet,
contenaient du pus dans leur intérieur, ou étaient recou-
vertes d'une croûte jaunâtre, et ressemblaient assez aux bou-
tons de la variole. D'autres chez lesquelles le frottement
avait détaché cette croûte, offraient ù leur sommet un petit
ulcère d'où s'écoulait une petite quantité de sanie icho-
reuse ; d'autres enfin étaient complètement cicatrisées. Tou-
tes reposaient sur une base dure qui pénétrait dans la pro-
fondeur du derme, et celles qui semblaient les plus ancien-
nes étaient entourées d'une auréole de couleur de cuivre.
Ce jeune homme était fort amaigri, non par la maladie,
qui ne durait que depuis quelques semaines, mais probable-
ment par l'excès du travail ou la mauvaise alimentation; il
avait en outre un engorgement chronique du testicule du côté
gauche. On le laissa reposer pendant quelques jours, puis
on prescrivit, le 27 mars, des fumigations de cinabre, qui
ne tardèrent pas à amener dans l'aspect des pustules une
amélioration sensible. Quinze jours environ après l'emploi
de ce moyen, beaucoup de croûtes s'étaient détachées, lais-
sant à découvert une plaque rouge qui, les jours suivans,
s'affaissa davantage, et finit enfin par se trouver au niveau
de la peau. Au bout de deux mois, cet homme sortit entiè-
rement débarrassé de son éruption.
Les fumigations cinabrées, le proto-iodure et le cyanure
de mercure à l'intérieur sont les moyens à l'aide desquels
M. Cullerier combat le plus souvent la syphilide pustuleuse,
qui en généra! est plus grave, 'plus rebelle que celle que
nous avons décrite dans notre précédent numéro ; cependant,
pour ce symptôme syphilitique comme pour tous les autres,
ce chirurgien commence ordinairement par essayer les effets
d'un traitement simple avant de prescrire les mercuriaux.
Nous pourrions rapporter de nombreux exemples de guéri-
son de syphilides ou d'autres symptômes plus graves, tels
que perforation de la voûte du palais, carie, nécrose des
os, etc., qui prouvent jusqu'à l'évidence que les symptômes
syphilitiques consécutifs peuvent disparaître de la manière
la plus complète sous l'influence du repos, du régime et de
quelques moyens appropriés; nous nous bornerons mainte-
nant à en citer un qui a rapport au sujet qui nous occupe.
Au n'^ 23 de la salle des femmes a été reçue, dans les
premiers jours de mai, une jeune fille prde, maigre, et dont
le corps entier était couvert des deux variétés de pustules
(5i4)
sypliîlîtirfues. Cette éruption paraissait être cotisénutive à
une affection syphilitique néglio;ée. Huit mois en effet avant
son entrée à l'iiôpital, il y avait en, disait-elle, à la grande
lèvre fi^aiiche quelques boulons qui avaient persisté pendant
deux mois, et dont elle ne s'était nullement occupée.
Au bout de trois mois, il survint des taches sur le corps;
elle entra à l'hôpital des Vénériens dans un autre service.
On reconnut quelques rougeurs sur le col utérin , qu'on
cautérisa. Elle sortit au bout de trois semaines sans avoir
subi de traitement.
Huit jour'5 après parut l'éruption qui a motivé sa rentrée
à l'hôpital. Les pustules étaient répandues surtoutsur les ex-
trémités supérieures et inférieures; mais elles étaient beau-
coup plus nombreuses et plus grosses sur les cuisses et sur
les jambes, où elles formaient par leur réunion de larges
plaques fournissant un liquide jaunâtre assez abondant. Il y
avait en outre à chaque m.dléole des ulcérations formées par
des tubercules syphilitiques abcédés. Deux tubercules sem-
blables, mais non ulcérés, se trouvaient aussi à la partie in-
férieure de chaque tibia.
Le traitement a consisté dans le repos au lit. le quart,
puis la demi-portion; quelques bains d'eau simple, panse-
ment des plaies avec le cérat, vé.sicatoires suivis de la cau-
térisation sur les deux tubcrbules non ulcérés. La tisane de
salsepareille seule a été donnée pendant huit jours, mais a été
supprimée T)arce qu'elle fatiguait l'estomac.
Aujourd'hui (30 juin) cette jeune fille est à peu près gué-
rie; elle a repris de l'embonpoint, et sous ce rapport est à
peine reconnaissable; les pustules syphilitiques ont disparu
presque complètement, ne laissant à leur place que quelques
taches cuivrées et les cicatrices qui en sont la suite ordi-
naire ; les ulcération? des malléoles sont complètement cica-
trisées; les tubercules des tibias se sont fondus sans suppu-
rer f 1), et dans quelques jours la malade pourra sortir entiè-
rement débarrassée de son éruption syphilitique. Le traite-
ment n'a duré que deux mois, et elle n'a pas fait usage de la
plus faible dose de mercure.
(1) Nous avons déjà appel»': l'atlnnlion des praticiens sur l'applica-
tion di.-s vésicaloircs, s;ir les tubercules non abcédés (voy. art. yfig).
De nombreuses observations ne laissent plus de doutes aujourd'bui sur
reffieatife d(f ce moyen appliqué !i temps, qui prévient ainsi la for-
mation (i'iilc) reg preitque intei M)in;ilile>, et toujoart suivis, d'ailkura,
«i'uno vicatrice difforme at iadilébiU.
(5i5)
La syphilide pustuleuse est souvent un symptôme succes-
sif de vérole, mais quelquefois elle ne se manifeste que long-
temps après la disparition des preuiiers accidens. Elle accom-
pagne souvent les papules, les tubercules, ou même d'autres
éruptions qui ne sont pas de nature syphilitique ; mais en
général elle est facile à reconnaître aux caractères que nous
lui avons indiqués.
Son pronostic est plus fâcheux que celui de la syphilide
papuleuse, et surtout que celui de la syphilide maculée;
mais elle n'est point aussi grave que la syphilide tubercu-
leuse dont nous aurons bientôt à nous occuper : c'est peut-
être l'espèce la plus commune, et on l'observe assez fré-
quemment, soit chez les i;ens qui ont négligé leurs symptômes
primitifs, soit chez d'autres qui se sont soumis aux traite-
mens mercuriels les plus complets.
Son traitement n'offre rien qui ne soit commun à toutes
les espèces de syphilides, et nous nous en occuperons d'une
manière spéciale après avoir fait l'histoire de toutes les érup-
tions de cette nature.
ART. io85.
HOPITAL CLINIQUE DE LA FACULTÉ.
Paralysie. — Différences des signes de l'Iiémorrhagie cérébrale
et du ramollissement. — Lésions de l'intelligence , de la
sensibilité. (Voy. art. ioG5.)
La paralysie occupe toujours le côté du corps opposé
à l'affection cérébrale. Bien qu'on ait cité des exemples du
contraire, M. Rostan pense que les observations avaient été
mal prises, et qu'on n'avait pas eu la précaution de noter,
avant la mort, le côté du corps paralysé. Le bras et la jambe
peuvent être paralysés ensemble ou séparément; ce qui
prouve qu'il existe dans le cerveau un point séparé qui préside
au mouvement de chacun de ces membres. La paraplégie
peut exister et reconnaître pour cause, soit une affection dq
cerveau, soit une affection de la moelle épinière. Bien qu'on
ait affirmé le contraire, des autopsies cadavériques l'ont dé-
montré de la manière la plus évidente; ainsi, ce professeur
a eu l'occasion de faire l'autopsie d'une femme qui avait
eu d'abord paralysie d'im seul membre pelvien , puis plus
tard paralysie du second, et chez laquelle on trouva un can-
cer de la substance cérébrale. Lorsqu'on voit un seul membre
pelvien paralysé, on doit être assuré que la maladie existe.
(3i6)
dans le cerveau et nou dans le rachis. Il !>eiait possible ce-
pendant que la moitié seulement de la moelle épinière fût
affectée; mais on conçoit que, dans ce cas, le côté oi)po5é
doit être envahi promi)tement et que la paralysie doit devenir
complète. Il pourrait encore arriver qu'il existât dans le cer-
veau une double affection des points qui coriespondeut au
mouvement des membres, mais ce cas est fort rare.
On ne peut pas savoir quel est le point du cerveau lésé
lorsque les sens sont paralysés isolément et que le nerf lui-
même n'est pas malade.
Bien que, dans un certain nombre de cas, les nerfs qui se
distribuent aux organes puissent être eux-mêmes la cause de
la paralysie, il arrive souvent qu'on n'attribue pas à cette
absence du mouvement sa véritable cause. La paralysie de
l'œsophage, par exemple, lient presque toujours à une lésion
du cerveau. Il y a peu de temps, M. Rostan fut appelé prés
d'un jeune homme qui, à la suite d'une impression morale
vive, avait éprouvé en même temps une hémiplégie et une
paralysie de l'œsophage. Ces deux affections ont guéri en
même temps sous l'influence des saignées générales, et te-
naient assurément à la même cause. Le même médecin s'est
trouvé en consultation près d'un banquier qui, depuis quel-
que temps, éprouvait de la difficulté d'avaler accompagnée
d'une très légère hénu'plégie. Les moyens employés contre
la paralysie de l'œsophage n'ayant eu aucun succès, M. lloslan
diagnostiqua une hémorrhagie cérébrale, et effectivement, à
la mort du malade, on trouva des traces d'un épanchement
dans le lobule moyen du cerveau et un peu de ramollisse-
ment dans les points environnans.
En général, l'intensité des accidens est en rapport avec
l'intensité des désordres. Les cas exceptionnels sont fort
rares.
Lorsque M. Rostan eut reconnu que le ramollissement du
cerveau était bien une maladie particulière, il fut frappé de
l'identité de ces signes avec ceux de l'hémorrhagie cérébrale;
mais il ne larda pas à remarquer que le ramollissement était
annoncé par des signes précurseurs, tels que la douleur de
tête, l'engourdissement des membres , et que ces accidens
avaient toujours été en croissant, ce ',ui n'a pas lieu pour
l'hémorrhagie. Ces signes précurseurs, qui s'observent dans
la presque totalité des cas, sont d'une grande importance
pour diagnostiquer ces deux maladies.
La marche des affections cérébrales est donc croissante
ou brusque. Nous voyons que celle du ramollissement est
croissante, bien qu'il puisse y avoir des alternatives de mieux
(5.7)
et de pire. Celle de l'hémorrhagie cérébrale, au contraire, et
de la congestion, est rétron;rade,à moinsquel'épanchementne
soit extrême. Ainsi, dans le ramollissement, on observe des
signes précurseurs, une invasion lente, une marche crois-
sante. Dans l'hémorrhagie et dans la congestion, pas de signes
précurseurs, une invasion brusque, une marche décroissante.
M. Rostan considère ce cerveau comme l'organe de l'in-
telligence. Il est évident encore, suivant ce professeur, que
l'intelligence occupe un des points du cerveau. Quel est ce
point ? Il n'est guère possible de le déterminer d'une manière
bien rigoureuse. Cependant M. Foville a remarqué que
toutes les fois qu'il y avait trouble de l'intelligence pendant
la vie, on avait trouvé quelque lésion à la substance corti-
cale. M. Rostan a fait la même remarque; il n'a pas vu un
seul cas de délire idiopathique dans lequel la substance corti-
cale ne fût injectée, quelquefois même ramollie; et derniè-
rement encore nous en avons vu un exemple remarquable
chez un homme qui a succombé à une pleurésie chronique et
qui avait eu un délire violent.
Il est utile de remarquer cependant qu'il peut y avoir alté-
ration locale, organique, matérielle, bien qu'à l'autopsie on
ne puisse la discerner ; lors, par exemple, qu'un homme délire
quand il est troublé par l'ivresse ou certaines autres causes,
s'il venait à être tué on ne trouverait probablement aucune
lésion, bien que certainement il en existât.
Il est des médecins qui prétendent que, lorsque dans une
maladie cérébrale il y a trouble de l'intelligence, c'est un
indice qu'on a affaire à une hémorrhagie cérébrale; que,
dans le cas contraire, c'est un ramollissement. Il est d'obser-
vation au contraire que, dans le ramollissement, les réponses
sont lentes et difficiles, tandis que, dans la plupart des cas
d'hémorrhagie cérébrale, l'intelligence reste intacte.
Le délire peut être passager ou persistant, triste, gai, etc.;
mais il faut surtout s'attacher à reconnaître s'il est sympathi-
que ou idiopathique. Cette distinction est capitale au lit
des malades. Le délire est sympathique lorsqu'il survient
dans le cours d'une maladie aiguë et récente. Si, par exem-
ple, un homme atteint d'une pneumonie a du délire toutes
les nuits, on peut dire qu'il est sympathique; mais, quand il
n'existe aucune altération dans les autres organes ou que
celle que l'on observe est trop légère pour réagir sur le cer-
veau, on doit considérer le délire comme idiopathique. Ainsi
l'on a porté ce diagnostic chez le malade ù la pleurésie dont
nous avons parlé tout-à-l'heure. Il était évident qu'il existait
un délireidiopalhique.
(3i8)
La sensibilité est souvent diminuée, augmentée, abolie
sans que ni le mouvement ni l'intelligence ne paraissent
lésés; cependant on trouve ù l'autopsie les mêmes désordres
que lorsqu'il y a lésion du mouvement. L'exaltaîion de la
sensibilité a une très-grande valeur quand elle se manifeste
dans un seul côté. M. llostau connaît un homme qui a depuis
longues années une affection cérébrale. La moitié du corps
est douée d'une très-vive sensibilité; la peau de ce côté est
très-rouge et d'une chaleur remarquable.
Il est aussi important de remarquer la douleur que les ma-
lades éprouvent dans les membres. Dtipuis l'ouverture de la
Clinique, nous avons vu deux hommes chez lesquels une
douleur dans les orteils a annoncé un travail dans le cerveau,
comme on a pu s'en assurer par l'autopsie. Il est s(»uvent fort
difficile de reconnaître si ces douleurs locales tiennent à une
lésion locale ou aune affection cérébrale; cependant, lorsque
le membre est douloureux en même temps qu'il y a céphal-
algie du côté opposé et que la partie n'est ni chaude ni tumé-
fiée , on doit soupçonner un travail morbide dans le cerveau.
C'est ainsi qu'au n" lo il y avait un homme dont le bras
était extrêmement douloureux à la pression et qui n'a pas
tardé à avoir uue hémiplégie de ce côté (i).
Dans les salles il y a présentement sept à huit affections cé-
rébrales. Chez presque tous ces malades il y a abolition du
mouvement et non du sentiment. Il n'y a d'exception que
pour une seule femme, qui depuis huit ou dix ans a une pa-
ralysie du mouvement et du sentiment.
Il y a quelques années, on a publié dans un journal
l'exemple d'un individu chez lequel une zone de la peau seu-
(i) Cette sensibilité se rencontre non-seulement à la peau, mais en-
core dans les muscles profondément situés. Au n" 7, il y avait un
homme qui éprouvait de vives douleurs dans les muscles de la jambe;
la peau ne partageait pas cette sensibilité, quianaouçait un tiavail in-
flammatoire dans le cerveau. Il faut cependant se tenir en garde contre
des douleurs de diverse nature, qu'on pourrait attribuer faussement à
une inflammation cérébrale. Au n» 2, il y a encore un malade qui est
entré avec une hémiplégie complète; aujourd'hui, il est dans un fort
bon état. Il y a quinze jours, il se plaignit d'une douleur dans le brus.
M. RoMtan crut qu'il se faisait un travail inflammatoire vers le cerveau,
et s'empressa de prescrire une saignée du bras et des sangsues autour
du cou. Le lendem.'iin, cet homme n'éprouvait aucune douleur. Il est
inliniment probable, suivant ce pioli:Kseur, qu'on n'a eu affaire qu'a
une douleur rhumatismale. Les erreurs de ce genre sont exlréuicwcut
faciles, et il itait important de les signaler.
(319)
lement était insensible. Chez d'autres, on avait remarqué
cette insensibilité sur quelques points du corps seulement. Il
est probable que, dans ce» cas, c'était le nerf plutôt que le
centre nerveux qui était malade. M. Rostan donne des soins
à une jeune dame qui est tombée de cheval il y a quelques
années. Elle conserve dans la région latérale droite et supé-
rieure de la cuisse une insensibilité complète de la peau. On
peut impunément piquer cette partie, mais les régions voi-
sines ont conservé toute leur sensibilité. Cette dame était
tombée sur le siège. Il est probable qu'il y a eu myélite , et
qu'un faisceau nerveux aura été plus fortement froissé que
le reste.
Parmi les innombrables variétés de la douleur, on doit
mentionner surtout la céphalalgie; quand elle est constante
et fixe dans un point du crâne, qu'il survient des douleurs
et des fourniillemens dans les membres du côté opposé et
que ces symptômes durent depuis peu de temps, on doit
craindre un ramollissement du cerveau; mais quand cette
douleur dure depuis plus de trois mois, ce n'est plus un ra-
mollissement qui est à craindre.
Quand la douleur est lancinante , qu'elle existe dans le
membre paralyse, que le malade prend un teint jaune paille,
si surtout il y a quelque affection cancéreuse sur un autre
point du corps, on doit craindre une lésion semblable du
cerveau.
Nous terminons ici les généralités émises par M. Rostan
dans ses leçons sur les maladies des centres nerveux. Ces dé-
tails, quelque aiides qu'ils aient pu paraître, étaient indispen-
sables pour l'étude des lésions cérébrales en particulier.
Nous rapporterons dans le prochain cahier quelques observa-
tions qui viennent à l'appui de ces généralités , et nous com-
mencerons l'histoire de la congestioH cérébrale.
A£x. 1086.
Séances d'Académie : Rapport et discussion sur la taille et la
litliotritie.
Une discussion remarquable s'est élevée ù l'Académie sur
les avantages que peuvent présenter la taille et la litholritie.
Pendant plusieurs séances, cette grave question a été agitée
et a partagé l'assemblée pour ainsi dire en deux ramps, dans
lesquels les partisans de la taille et ceux de la lilholritie ont
épuisé tous les uguinens en faveur de leur cause. On était
loin de s'attendre à de semblables attaques contre le broie-
( 5ao )
taent de la pierre, et la curiosité des nombreux spectateurs
a été vivement excitée par ces longs débats. La discussion a
commencé au sujet d'un mémoire de M. Leroy sur la litho-
tripsie chez les enfans. Dans ce travail, ce chirurgien préten-
dait que l'opération du broiement de la pierre était possible,
même chez les enfans, et il citait à ce sujet six observations
dans lesquelles cette méthode avait réussi. M, Velpeau,
chargé d'examiner ce mémoire de concert arec M. Sanson,
a pris occasion de faire saillir les inconvéniens de la lithotri-
tie, et de montrer combien on avait exagéré les avantages
qu'on en retirait. « Dans la lithotritie, dit ce chirurgien, est-
ce la douleur que l'on prétend éviter? mais l'opération de la
taille en cause infiniment moins. Il en est de même pour la
durée de l'opération, pour les chances de récidive, etc. Si
donc la lithotritie est une conquête heureuse de la chirurgie
moderne, elle n'en restera pas moins, comparée à la litho-
tomie, une méthode simplement exceptionnelle, lorsque la
raison humaine permettra delà resserrerdans ses limites na-
turelles. Non-seulement chez les enfans, mais encore chez
les adultes, elle expose à plus d'inconvéniens que la taille,
toutes les fois que le calcul offre une grande dureté, dépasse
le volume d'une grosse noix, toutes les fois que les organes
urinaires sont malades, que le sujet est très-irritable, et que
le malade n'a pas une grande répugnance pour cette der-
nière opération.»
Ces assenions ont soulevé un violent orage dans l'Acadé-
mie. La discussion ayant été ajournée à la séance suivante,
M. Amussat le premier a pris la parole, et s'est étonné que
M. Velpeau dirigeât ses attaques contre la lithotritie précisé-
ment au moment où cette opération triomphait partout des
préjugés et de la routine. Il a demandé comment on pouvait
déprécier cette conquête de la chirurgie moderne devant une
assemblée qui lui devait deux de ses membres les plus illus-
tres, MM. Dubois et Lisfranc, et il a terminé enfin par con-
clure que la lithotritie devait être la règle, et la lithotomie
l'exception.
M. Velpeau alors a cité ime statistique des deux opéra-
tions : M. Civiale, consulté en 1827 P^"^ quatre-vingt-trois
malades, en a perdu trente-huit, trois ont gardé leur pierre,
quarante-deux seulement on guéri, et sur ce nombre dix-neuf
ont éprouvé des accidens graves. En i85o, sur vingt-quatre
calculeux, treize sont guéris, onze sont morts. Dans un ta-
bleau plus récent, sur trente calculeux, dix-huit sont guéris,
huit sont morts, quatre ont gardé leur pierre. La taille offre
de? avantages bien plus salisfaisaos, puisque sur trois cent
cinquanle-six malades opérés par M. Dupuy tren, cechirurgien
n'en avait perdu que soixante et un. Les autres chirurgiens
ont obtenu des succès à peu près semblables. Ainsi le frère
Côme a perdu un malade sur cinq, M. Souberbielle un sur
six, Cheselden un sur neuf, et d'autres ont obtenu de bien
plus beaux résultats encore, puisque le professeur Smith, en
Amérique, évalue ses pertes à un sur dix-huit; Perunti, à Na-
ples, à un sur vingt-cinq, et M. Santoro un sur cinquante-
six. Voilà pour la mortalité. Quant à la douleur, M. Velpeau
assure que la lilhotritie en cause plus que la taille, et qu'elle
amène fréquemment la mort à la suite d'accidens nerveux et
inflammatoires.
M. Lisfranc a défendu avec vigueur la lithotritie. Je por-
tais depuis dix mois, a-t-il dit, un calcul volumineux ; en dix
séances il a été broyé d'une manière complète, et aujour-
d'hui je suis parfaitement guéri; il en a été de même du pro-
fesseur Dubois. Quant aux chiffres cités par M. Velpeau, ils
sont loin d'être exacts; on perd environ un malade sur qua-
tre par la taille, et les renseignemens fournis par M. Civiale
sont bien autres que ceux qu'on vient de lire, puisque pen-
dant huit années, sur un total de quatre cent vingt-neuf
malades soignés par ce chirurgien, deux cent quarante-qua-
tre ont subi la lithotritie, deux cent trente-six ont guéri,
cinq sont morts, et trois ont continué à souffrir. Parmi les
cent quatre-vingt-cinq autres, quatre-vingt-huit ont été sou-
mis à l'opération de la taille, quarante-huit sont morts,
trente-deux ont guéri, et huit ont conservé des infirmités.
Nous sortirions du plan de ce journal si nous donnions
avec plus d'étendue l'analyse de cette longue discussion,
qui s'est prolongée pendant plusieurs séances, et dans la-
quelle on a cité de part et d'autre des statistiques tout-à-fait
opposées; disons seulement que les conclusions du rappor-
teur ont été adoptées, mais on a refusé l'insertion de son
rapport dans les fascicules de l'Académie.
ART. 1087.
Observations d'unfangas de la mâchoire s upêrieureinutUement
traité par l'incision et la cautérisation avec le ferr ouge, et
détruit après plusieurs applications de la poudre de sublimé.
Article communiqué par M.. Ordinaire, docteur en méde-
cine à Saint-Laurent-Iès-Mûçons.
Madame veuve Savoie, propriétaire à Saint-Symphorien
(Saône-et-Loire), âgée de cinquaute ans, d'un tempérament,
TOM. VI. — N" DE JVILLET. 21
bilieux et d'une forte constitution, mais dont la mère était
mojfte d'un cancer au rectum, s'aperçut, au printemps
de i834, qu'elle portait dans la bouche, sur la face interne
du maxillaire supérieur droit, une excroissance charnue de
la, grosseur d'un pois, qui saignait au moindre contact, sans
causer de douleur. Ce bouton prit de jour en jour de l'ac-
croissement et devint bientôt douloureux. Il avait la grosseur
d'une fève lorsque la malade consulta un médecin qui en fit
l'excision, et cautérisa avec la pierre infernale. Quelques
jours après, le fungus avait reparu et occasionait des dou-
leurs plus vives. Elle se fit visiter par un autre praticien qui,
reconnaissant la gravité de l'affection, enleva la dent canine
correspondante, et tenla l'emploi du sublimé corrosif; mais
i^ en, usa avec crainte, et les escarres qu'il détermina n'étaient
pas tombées que la fungosité avait reparu. Il regarda le su-
blimé comme impuissant, et eut recours à l'application du
feu. Peux cautères coniques rougis à blanc furent appliqués
successivement sur la partie occupée par le fungus, préala-
blement enlevé avec des ciseaux courbes. Le troisième jour
les escarres se détachèrent, et l'excroissance reparut le cin-
quième,, marchant avec une rapidité effrayante. Le même
praticien, consulté de nouveau, cautérisa une seconde fois,
aussi profondément que possible, avec trois cautères, et le
fungus n'en çeparut pas moins peu de jours après.
Madame Savoie, épouvantée, vint se confier à mes soins
vers la fin de janvier i835. Je reconnus une de ces terribles
affections contre lesquelles le docteur Gensoul, de Lyon, a
proposé et pratiqué la résection d'une partie du maxillaire, et
sur le.s instances de la malade, j'en tentai la guérison à l'aide
du suhlimé, que je savais cependant avoir été employé sans
suiccès.
Le fun^-us,. de la grosseur d'une fève, occupait l'espace
laissé par la deut, arrachée, et s'étendait sur la face externe du
maxillaire jusqu'à l'union de la lèvre supécieure à cet os. Il
était d'un rouge vif, saignait facilement et occasionait des
douleurs lancinantes, vives. dans toute la face qui était sensi-
blement tuméfiée. Madame Savoie avait un teint jaune-paille
peu. rassurant, éprouvait des coliques fréquentes et ava't 1«
mofaj. profondément affecté.
J'arrachai les deux dents voisines que les cautérisations
pïécédcntes-avaient sensiblement altérées; j'enlevai à l'aide
de ciseaux toutes les parties saillantes du. fiuugus; lorsque
l'hémorrhagic fut arrêtée, je procédai à l'application du su-
blimé de la manière suivante : Tenant h lèvre supérieure
relevée, je remplis la cuvette d'un instrument ressemblant à
(3a3)
ua cure-oreille de poudre caustique, et la portai sur la plaie ;
je répétai plusieurs fois cette application, de manière à blan-
chir d'une couche épaisse de deuto-chiorure toutes les par-
ties altérées. Je ne lâchai pas la lèvre et j'engageai la malade
à laisser couler librement et naturellement la salive dans une
cuvette destinée à la recevoir. La douleur produite par le
sublimé ne tarda pas à être très-vive. Sans y avoir égard, je
fis, dix minutes après la première application, une seconde
cautérisation semblable, puis, peu d'instans après, une troi-
sième. Je plaçai un plumasseau de coton cardé entre la lèvre
et les gencives correspondantes, et la malade, la bouche en-
tr'ouverte, laissa fluer une quantité assez considérable de sa-
live. Une demi-heure n'était pas écoulée qu'elle fut prise
d'une agitation presque convulsive, et de quelques nausées
bientôt suivies d'efforts prononcés pour vomir. Je la fis se
gargariser avec de l'eau fraîche : la douleur se calma, et l'a-
gitation et les envies de vomir cessèrent comme par enchan-
tement. Je m'aperçus, à la chute des escarres profondes
déterminées par cette cautérisation, que le fungus tendait à
se reproduire. Je cautérisai une seconde fois de la même ma-
nière, et les mêmes phénomènes se montrèrent, puis dispa-
rurent sous l'influence d'un simple gargarisme; mais cette
fois je n'attendis pas la chute des escarres, je les enlevai aussi
exactement que possible, et dès le lendemain je pratiquai
une troisième cautérisation, puis une quatrième et une cin-
quième. Je poursuivis ainsi les fungosités dans les alvéoles
jusqu'au sinus maxillaire; je mis ces derniers à nu ainsi
qu'une portion de l'os maxillaire lui-même, qui ne tarda pas
à s'exfolier. La cicatrisation s'opérait rapidement dans les
endroits cautérisés assez profondément, et me guidait pour
attaquer lesparties dégénérées non encore détruites. Enfin, je
vis mes efforts couronnés de succès. A la troisième cautéri-
sation, les douleurs lancinantes de la joue avaient diminué de
moitié, et l'engorgement, que les deux premières applications
du caustique avaient sensiblement augmenté, diminua de
jour en jour. En un mois, et après sept cautérisations, la ci-
catrisation fut parfaite et ne laissa plus apercevoir que quel-
ques parcelles osseuses noircies qui s'exfolièrent.
Depuis trois mois la malade est parfaitement guérie, a re-
pris son teint naturel, son appétit, ses occupations habi-
tuelles, et n'éprouve aucun symptôme de sa terrible affection.
Elle conserve encore un large séton que je lui ai posé sur le
cou, et qu'elle se propose de garder trois mois encore.
Chez cette dame, chaque cautérisation profonde, et dans
laquelle j'employais sept ^ huit grains de sublimé, causait
(324)
de l'agitation et des nausées, un resserrement et une dou-
leur de l'épigastre. Ces symptômes ne pouvaient être attri-
bués à l'absorption du sublimé, puisqu'ils disparaissaient
instantanément, aussitôt que je lui permettais de se garga-
riser à grande eau ; ils n'étaient donc que le résultat de la
douleur.
Réflexions. Plusieurs fois déjà nous avons entretenu nos
lecteurs de la cautérisation avec le sublimé (i) suivant la
méthode de M. Ordinaire, et nous avons dit,|d'après ce mé-
decin, et d'après les faits dont nous avons été témoin,
qu'on n'avait point ù redouter l'absorption du caustique et
de symptômes d'empoisonnement. Depuis cette époque,
nous avons rencontré un seul fait qui semblerait contredire
cette assertion, et devoir inspirer quelques craintes sur l'em-
ploi de ce moyen.
Une jeune fille entra à l'hôpital des vénériens avec une
vaginite et de nombreuses végétations tapissant la vulve, et
pénétrant même dans la profondeur du vagin. L'interne de
la salle répandit sur ces végétations du sublimé en poudre;
mais, craignant l'absorption do ce caustique, malgré les
nombreux exemples de son innocuité dont il avait été té-
moin, il se borna à en dépenser deux grains environ. Les
douleurs furent violentes, et bientôt il survint des nausées,
des vomissemens, de l'agitation avec tremblement des extré-
mités. Les parties génitales furent aussitôt lavées à grande
eau, et la plupart des symptômes d'empoisonnement ne
tardèrent pas à se dissiper; mais il survint alors un délire
gai, bizarre, qui persista toute la nuit.
Nous ne vîmes la malade que le lendemain matin; la
face était rouge et animée, les yeux étaient fixes, et la phy-
sionomie portait encore l'empreinte d'une sorte de stupeur;
il y avait de la fièvre; les parties génitales étaient énormé-
ment tuméfiées, et nous n'aurions pas hésité à croire qu'une
quantité considérable de sublimé avait été employée, si
l'élève qui en avait fait l'application, et qui avait pratiqué
plusieurs fois ces sortes de cautérisation, n'eût affirmé n'a-
voir pas dépassé la dose de deux [grains. Il suffit de quelques
jours de repos pour ramener les choses à l'état primitif.
Doit-on attribuer à l'absorption du caustique les symptô-
mes d'empoisonnement observés chez cette jeune fille, ou
(i) Voy. ait. i^i/, 982, lu'ij.
(325)
bien pourra-t-on expliquer ces désordres par la violence des
douleurs ressenties par la malade? Nous ne croyons pas que
la douleur seule puisse causer les accidens observés, car ils
ont persisté bien long-temps après que des lotions répétées
l'eussent complètement enlevée; cependant on a dû s'éton-
ner de voir de pareils symptômes déterminés par une si fai-
ble quantité de sublimé, lorsque 31. Cullcrier en avait dé-
pensé impunément jusqu'à vingt-deux grains sur une même
plaie. Mais dans tous les cas où la cautérisation avait été
faite sans accidens, la poudre caustique était déposée sur
une surface humide, et peut]- être, enveloppée ainsi parle
liquide, s'était- elle transformée en croûte et décomposée
avant que l'absorption put s'opérer. Si nous hasardons cette
supposition, c'est que nous ne pouvons concevoir que des
accidens si graves aient été le résultat de l'application d'une
si faible proportion de caustique, dont l'absorption ne nous
avait pas paru à craindre jusqu'à ce jour.
Nous devons ajouter que cette jeune fille, douée d'un cou-
rage remarquable, ou plutôt de peu de sensibilité physique, a
supporté plus tard l'excision de toutes ses végétations sans
donner de signes d'une violente douleur.
Quelle que soit la cause des acciJens que nous avons ob-
servés dans ce seul cas, nous ne saurions manquer d'être
bientôt éclairés sur les effets du sublimé proposé par M. Or-
dinaire, un grand nombre de praticiens se livrant à des re-
cherches sur ce sujet depuis la publication des premiers faits
qui nous ont été communiqués par notre correspondant.
ART. 1088.
Observation d' hydrophobie communiquée par un chien non
enragé,
M. Velpeau a communiqué l'observation suivante à la So-
ciété médicale d'émulation : un enfant de quatorze ans fut
mordu à la joue par un chien avec lequel il jouait, et qui
passait pour être très-méchant. Il y eut perte considéra-
ble de sang. On chercha à rapprocher les bords de la plaie
par quelques points de suture, mais on ne put réussir à en
obtenir l'agglutination. La plaie suppura et était à peine ci-
catrisée, lorsque le malade sortit de l'hôpital le dix-huitième
jour après l'accident.
Huit jours après, c'est-à-dire vingt-cinq jours après la
morsure, cet enfiuit fut ramené, offrant depuis la veille tous
( 526 )
les symptômes de la rage confirmée. Il mourut le lendemaÎD,
et l'on ne trouva aucune lésion à l'autopsie.
M. Velpeau a conclu de cette observation, qu'il n'est pas
toujours nécessaire qu'un animal soit atteint de la rage pour
que sa morsure détermine l'hydrophobie. Ce chien, en effet,
n'était pas enragé, et on ne l'a tué que la veille de la mort
de l'enfant, lorsqu'on a appris que l'individu qu'il avait
mordu était atteint de la rage. Un membre a fait sentir la
nécessité de cautériser les plaies résultant des morsures des
chiens, fût-il prouvé que ces animaux n'étaient point en-
ragés. C'était le précepte de M. Dupuytren. Treize personnes
mordues par un chien ayant été apportées à THôtel-Dieu,
cinq furent cautérisées immédiatement par le fer rouge, et
guérirent très-bien. Deux furent cautérisées seulement avec
le beurre d'antimoine, et moururent enragées. Cinrf se refu-
sèrent à cette opération, et quatre d'entre elles pe'rirent de
la rage. On n'a pas su ce que devint le dernier qui ne fut pas
cautérisé.
ART. io8g.
Observations de panaris promptement dissipés par des onctions
avec l'onguent mercuriel.
M. le docteur Morisse, médecin à Monfort (Gers), nous
adresse la lettre suivante :
Peu de jours après la lecture de l'art. 934 de votre Journal,
je fus appelé près d'une jeune fille atteinte d'un panaris à
l'indicateur delà main droite. A l'imitation du docteur Serres
d'Alais, je fis faire, non des frictions, mais des onctions
seulement, avec un gros d'onguent mercuriel: deux heures
après, mieux très-sensible. A quatre heures du soir fsix
heures après la première onction), douleurs presque nulles.
Un demi-gros d'onguent fut encore employé, et au bout
de douze heures de traitement la malade fut radicalement
guérie.
Le 7 janvier dernier, mon beau-père fut appelé près de
madame D..., atteinte de deux panaris, l'un au médius de la
main gauche, l'autre au petit doigt de la main droite, offrant
déjà la couleur noire de la gangrène. Sur l'avis que je lui en
donnai, il employa le premier jour deux gros d'onguent mer-
curiel en onctions; dix heures a[irès la première onction, le
doigt de la main gauche fut gnéri. Deux gros d'onguent fu-
rent encore employés pour le petit doigt de la main droite.
(327)
et au bout de quatre jours les deux panaris avaient en-
tièrement disparu.
ART. 1090.
Formules de quelques sirops dans lesquels certains sucs végétaux
très-actifs figurent comme base médicamenteuse.
M. Beral a publié dans le Journal de chimie médicale quel-
ques formules qu'on ne lira pas sans intérêt. Les sucs de bel-
ladone, de stramoine et d'autres plantes médicinales, sont
rarement employés, probablement à cause de la difficulté
de les conserver en bon état. Préparés de la manière indi-
quée par ce pharmacien, ils pourront être conservés pour
l'usage, et seront à la disposition des médecins qui voudront
les employer.
Sirop opolique d'aconit napel.
Pr. Sucre blanc en poudre grossière, quinze onces;
Alcoolé de suc d'aconit napel, deux onces;
Eau distillée, sept onces.
Autrement :
Pr. Sirop hydraulique simple, une once;
Alcool de suc d'aconit napel, quatre-vingtsgouttes.
Introduisez le sucre dans un flacon, ajoutez-y les autrefe
substances ; agitez le mélange de temps à autre jusqu'à par-
faite solution du sucre, et passez.
Une once de ce sirop contient un scrupule ou un vingt-
quatrième de son poids de suc, et autant d'alcool. Tous les
sirops dontles formules suivent présententle même résultat.
Sirop opolique de belladone.
Pr. Sucre blanc en pondre grossière, quinze onces;
Alcool de sucre de belladone, deux onces;
Eau distillée, sept onces.
Autrement :
Pr. Sirop hydraulique simple, une once;
Alcool de suc de belladone, quatre-vingts gouttes.
On procède de la même manière pour obtenir les sirops de
ciguë, de cresson dépara, de digitale, de jtisquiarae, de rUe,
de stramoine, elc.
(328)
Pour obtenir les alcoolés opoliques, on agit de la manière
suivante :
Pr. Sucre récent et filtré de ciguë ou de toute autre
plante, quatre onces ;
Alcool à trente-cinq degrés, quatre onces.
Mêlez et filtrez vingt-quatre heures après que le mélange
aura été fait.
ART. 1091.
MÉDECINE LÉGALE.
Suite des règles à suiuredans les ouvertures judiciaires. Exemple
d'une ouverture dans un cas d'assassinat bien constaté.
M.,
Ouverture du corps en général.
Il est des règles communes à toute autopsie; nous allcuis les faire
connaître, et, supposant ensuite chaque genre d'ouveiliire pour cha-
que genre de mort; nous ferons un article séparé de ce qu'elles
pourront offrir de particulier.
Quelques médecins ont le grnnd tort de limiter leur autopsie à
l'ouverture de la cavité splanchniqvie, où l'on soupçonne l'existence
des lésions; on ne saurait trop recommander d'ouvrir toutes les
cavités. C'est un moyen de lever toutes les objections fin défenseur
du prévenu, qui ne manque jamais de tirer parti de celte omis-
sion. Et, d'ailleurs, il arrive quelquefois que l'on trouve daus une
seconde cavité, des altérations plus graves que dans la première.
Chaussier, qui a établi sur l'ouverture des corps les meilleures
règles à suivre en cette matière, conseille de commencer par le
rachis. C'est un tort, suivant nous, parce que les cadavres étant
presque constamment placés sur le dos au moment de la mort , on
retourne tous les organes sur eux-mêmes avant de les avoir exa-
minés, et l'on peut modifier les altérations que l'on aura à consta-
ter par la suite. Nous pensons qu'il faut adopter l'ordre .Suivant ;
la tête, le cou, la poitrine, l'abdomen, les membres et le rachis.
Examen de la tête.
Les cheveux sont coupés avec des ciseaux, ou bien le cuir clievelti
est rasc;on pr.ntique alors une incision cruciale sur toute l'étendue du
cuir chevelu, dont l'une des lignes s'étend d'avant en arrière, de la
racine du nez a la partie posti'rieurc et supérieure du cou ; l'autre,
coupant la première à angle droit, prend naissance à la conque
d'une oreille et se termine a celle du côté opposé. On détache les
quatre laml)eaux triangulaires qui en résultent, et on les renverse.
On peut encore, si on le préfère, pratiquer une section circulaire qui
( 329 )
contourne la racine des cheveux. On enlève le péricrâne en le dé-
collant des os avec le manche d'un scalpel. — Chaussier voulant
éviter d'intéresser avec la scie les membranes du cerveau et la
substance propre de cet organe, lorsqu'on se sert de la scie; ou
bien craignant de modifier les altérations du cerveau par les
secousses qu'on lui imprimerait en se servant du marteau pour
casser le crâne, conseille l'application de quatre couronnes de trépan
tant en avant qu'en arrière, et propose d'introduire par ces ouver-
tures une lame de couteau mousse et flexible, afin de décoller la
dure-mère et de pouvoir ensuite pratiquer si'nement un trait de scie.
Cette méthode longue, à laquelle aucun médecin ne s'astreindrait
hors des cas très-rares, me paraît avoir l'inconvénient de pouvoir
modifier des altérations plus ou moins voisines des os, et je préfère
courir la chance d'intéresser le cerveau dans un ou deux points, que
de risquer de produire les mêmes effeis, en agissant sur toute sa
surface. Il conseille aussi de faire l'ouverture du crâne en deux
temps; dans l'un, d'enlever la calotte osseuse, et dans l'autre, de
faire en arrière et en bas deux sections qui se prolongent sur les
lames des premières vertèbres du rachis, pour se réunir au trou oc-
cipital, de manière à mettre à nu la partie supérieure du prolonge-
ment rachidien; cette opération est, dit-il, plus longue à décrire qu'à
exécuter. Nous avons vu un si grand nombre de médecins se borner
à l'ouverture de l'abdomen ou à celle de la poitrine, suivant les cas,
et négliger la tête, que c'est déjà beaucoup d'obtenir l'ouverture de
cette dernière cavité. Cette raison, je le sais, serait de peu de va-
leur, si l'opération conseillée par Chaussier était indispensable ; loin
de là:bornon?-nous donc à prescrire bidispensablemeni l'ouverture de
la tête, à l'aide d'un trait de scie pratiqué circulairement, mais sans
employer le marteau qui, par les secousses qu'il imprime, modifie
plus ou moins les altérations que l'on doit observer. Cette section
ne doit étrefaite qu'après un examen attentif des os du crâne, et, lors-
que la calotte osseuse est enlevée, il faut rechercher si à la surface
interne des os n'existerait pas quelque lésion qui ne pouvait pas
être appréciée à l'extérieur. On incisela dure-mère d'avant enarrière,
à droite et à gauche du sinus longitudinal on abaisse ses lambeaux
en dehors et de chaque côté; la presque totalité de la surface supé-
rieure dt» cerveau est à nu. On note l'état de plénitude ou de va-
cuité de ses vaisseaux, la couleur de sa surface, la consistance de
son tissu. On coupe avec des ciseaux introduits en avant entre les
deux hémisphères, l'insertion de la faux de la dure-mère à l'apo-
phvse crista galU de l'ethmoïde ; on renverse ce repli en arrière.
On laisse le cerveau en place, et, à l'aide de sections successives
pratiquées horizontalement dans son épaisseur, on explore sa sub-
stance, ses ventricules, les liquides qu'ils peuvent contenir, l'état
des replis de l'arachnoïde et de la pie-mère, et l'on poursuit la
dissection jusqu'il la base du crâne, en laissant intact le cer-
velet. Ou suit les deux replis de la dure-mère qui constituent la
tente du cervelet, on explore la protubérance annulaire et le cer-
velet jusqu'au cordon rachidien; on abaisse la té(e afin de voir s'il
s'écoule du canal vertébral un liquide quelconque, pratique indis-
pensable, parce que l'ouverture devant être abandonnée dans ce
(33o)
point ponr l'examen des autres cavités, on pourrait perdre le fruit
de ses recherches par les positions que l'on ferait prendre par la
suite au cadavre. Quelques personnes, au lieu devoir le cerveau
sur place, enlèvent la totalité de la masse pour l'examiner hors du
crâne; nous préférons le premier mode. On explore de nouveau les
ouvertures de la face, et l'on procède 'ainsi qu'il suit à l'examen do
cou et de la poitrine.
Examen du cou et de la poitrine.
On pratique, i° deux sections qui partent de chaque commissure
^es lèvres et s'étendent jusqu'aux conduits auditifs; 2» une section
qui divise la lèvre inférieure à sa partie moyenne et se prolonge
jusqu'au sternum ; 3 ' une incision qui longe toute l'étendue des deux
clavicules, de manière à venir couper la précédente à angle droit
et à sa partie inférieure; 4° deux incisions qui, de chaque côté, par-
tent du point de jonction du tiers interne de chaque clavicule avec
leurs deux tiers externes, et se rendent obliquement en dthors à la
base de la poitrine, vers l'extrémité antérieure de la quatrième
fausse côte. Il résulte de ces incisions, d'abord deux lambeaux qua-
drilatères qui tapissent le cou, ensuite un lambeau triangulaire
moyen qui recouvre le sternum et la partie antérieure des côtes,
dont le sommet obtus est en haut et la base en bas. On dissèque les
deux premiers lambeaux; on met à nu l'os maxillaire inférieur et
les muscles du cou, on prolonge la dissection sur les parties laté-
rales de la poitrine, et l'on enlève dans celte partie les muscles avec
la peau, afin d'explorer leur état et de mettre les côtes à nu. On
dissèque aussi de haut en bas le lambeau de peau qui recouvre le
sternum : ces diverses opérations permettent d'explorer les ma-
melles chez les femmes, et on le renverse sur l'abdomen. On scie
l'os maxillaire inférieur à sa partie moyenne ; la cavité de la bou-
che et la langue sont examinées avec soin ; on détache de bas en
haut les muscles du cou ; la trachée-artère, le larvnx et les vaisseaux
sont mis à nu. Alors on pratique la section de la clavicule et des
côtes à l'aide d'un trait de scie, pratiqué au tiers interne de la cla-
vicule, et se prolongeant sur toutes les côtes dans la direction
des incisions qui ont été faites aux parties molles de la poitrine.
On renverse alors en bas et sur l'abdomen le sternum, les deux por-
tions de clavicule qui ont été coupées, et le tiers interne des côtes
qui adhère à cet os. La cavité de la poitrine est largement ouverte;
les poumons et le cœur sont mis à nu. On ouvre le péricarde; s'il
contient un liquide, on en mesure de l'œil la quantité, ou on l'absorbe
avec une éponge que l'on exprime dans un vase où cette apprécia-
tion peut être faite avec plus d'exactitude. La même opération est
pratiquée ii l'égard des cavités des plèvres. On note l'état «le pléni-
tude ou de vacuité des cavités du ?œur, l'aspect extérieur des pou-
mons, leur volume, la densité de leur tissu. On ouvre chaque partie
droite et gauche du cœur isolément. On presse légèrement sur le
ventre afin d'observer si le sang reflue en plus ou moins grande
quantité par la veine-cave inférieure. On soulève le cœur de bas en
haut; on cou))e le» vaisseaux qui en partent à leur origine. Ou dis-
(551)
sèque alors la trachée-artère jusqu'à l'entrée des bronches dans les
poumons; on suit même quelques ramificntions dans leur tissu; on
incise alors le larynx en avant et le long de sa partie moyenne et
antérieure ; on fend la tracliée-artère et ses divi'îions pour noter
ce qu'elle contient et l'état de sa membrane muqueuse; on fend le
tissu pulmonaire, et l'on tient compte de l'état de son tissu.
Examen de l'abdomen.
La surface abdominale doit d'abord être examinée avec soin ;
toute tumeur doit être décrite, sous le rapport de son aspect, de son
volume, de sa densité, de sa couleur, de sa mobilité et de son siège.
Les rides de l'abdomen chez les femmes, les plicatures des aines, les
gerçures de la peau, les marbrures, connues sous le nom de lèvres,
sont à noter.
On referme la poitrine pn rejetant en haut le sternum et la peau
abaissée. On pratique la section des parois abdominales dans toute
sa circouférencc antérieure, en longeant l'épine antérieure et supé-
rieure de la crête de l'os des isles et les branches du pubis. On re-
lève ce large lambeau, qui comprend toute la paroi antérieure de
l'abdomen, en sorte que de cette manière le diaphragme est con-
servé dans son intégrité, et qu'il n'existe pas de communication
entre la cavité de la poitrine et celle de l'abdomen, et l'on ne craint
pas les mélanges des fluides qui peuvent être contenus dans ces
deux cavités. On examine ensuite les divers organes renfermés dans
l'abdomen en passant successivement en revue l'estomac, les épi-
ploons, les intestins, le mésentère, le foie, la rate, les reins, la vessie,
la matrice et ses annexes chez les femmes. Il ne faut pas omettre
d'examiner les organes génitaux, non-seulement sous le rapport des
altérations qu'ils présentent, mais encore sous celui de leurs vices
de conformatfon. En cas de grossesse, on décrira avec le plus grand
soin l'utérus, les annexes du fœtus et le fœtus lui-même.
Examen des membres.
Des incisions profondes doivent être pratiquées dans l'épaisseur
des membres pour explorer ies muscles et y reconnaître des ecchy-
moses ou même des épanchemens sanguins ou purulens qu'ils ren-
ferment quelquefois.
Examen du rachis.
On retourne le cadavre sur le ventre; on met sous la poitrine
et principalement sous l'abdomen un pavé, un billot, de manière
à faire saillir la colo.ne vertébrale. On pratique des incisions
nombreuses dans toute l'étendue du dos et dans les gouttières ver-
tébrales, aGn de constater les lésions qui pourraient y exister, et
aussi pour reconnaître les lividités et vergetures cadavériques. Pra-
tiquant alors une incision qui, de l'occiput, suit le trajet de toutes
les apophyses épineuses des vertèbres jusqu'an sacrum , on dé-
( 352 )
couvre la colonne vertébrale en disséquant à droite et à gauche
et en enlevant les muscles des gouttières vertébrales; alors, soit à
l'aide d'un trait de scie pratiqué de chaque côté sur les lames
postérieures des vertèbi'es, et le plus près possible des apophyses
transverses, soit avec un rachitonie qui produit le même résultat,
ou enlève toute la partie postérieure des vprtèbres, et l'on suit la
moelle à nu. II ne reste plus qu'à inciser le prolongement de la dure-
mère qui enveloppe cet organe, pour examiner l'état de la cavité
de l'arachnoïde et de l'extérieur de la moelle ; fendre celle-ci sur
place, ou couper les racines antérieures et postérieures des nerfs,
pour l'enlever au dehors du canal rachidien.
Enfin, on procède à la rédaction du rapport, en présence des
magistrats qui peuvent l'exiger, au moins quant à ce qui concerne
la description des faits, car pour les conclusions, le médecin a le
droLt de se recueillir pour leur rédaction, et il peut les transmettre
plus tard. 11 ue faut jamais qu'il leur transftiette les impressions
qu'il reçoit de la part de tel ou tel fait observé, et des conséquences
auxquelles il peut conduire; en agissant contrairement à ce prin-
cipe, il aurait souvent occasion de se contredire par la découverte
subséquente d'un fait nouveau qui viendrait modifier entièrement
les conséquences du premier. Le magistrat présent peut et doit tout
voir, mais le médecin n'est pas tenu de satisfaire à ses questions, ni
de lui montrer les désordres qu'il observe.
L'autopsie terminée, le rapport rédigé et les conclusions prises,
tous les faits doivent être gardés, par le médecin, sous le sceau du
secret, jusqu'au moment où la partie de la procédure qui constitue
l'instruction est terminée.
Voici un cas d'ouverture judiciaire en matière d'assassinat, qui
est une application des règles que je viens de vous faire connaître.
Nous, Martin, docteur en médecine, demeurant à Bercy; Char-
les-Prosper Ollivier, docteur en médecine ; M. G.-Alph. Devergie,
professeur agrégé près la Faculté de médecine, nous sommes ren-
dus aujourd'hui, 29 août i834, barrière Picpus, à Bercy, dans la
maison du sieur Corne, à l'effet de procéder à l'examen du ca-
davre de ce dernier, qui a été victime d'un assassinat commis sur
sa personne dans la nuit du 27 au 28 courant; de désigner les
blessures qui existent sur ce cadavre; d'en déterminer la nature et la
cause, e t notamment de donner notre acis sur la question de savoir si elles
ont été faites avec les bouteilles et le litre d'étain saisis, ou avec tout autre
instrument, et en outre de constater sites blessures existant sur le cadavre
ont été la cause de la mort.
Là, en présence de M. Barbon, juge d'instruction près le tribu-
nal de première instance du département de la Seine, et de
M. , substitut de M. le procureur du roi, nous avons pro-
cédé à cet examen, et observé les faits qui suivent.
Sur diverses parties du corps, aux jambes, aux cuisses, aux poi-
gnets, des ecchymoses ou des excavations, jirincipalement sur la
crête du tibia gauche, à la rotule droite, au poignet et à la main
droite. L'ecchymose qui existe dans ce point tapisse toute la surface
dorsale de la main. Une plaie de six lignes de longueur se fait re-
marquer entre le pouce et l'index de ce côté.
(333)
A la tète, dont les cheveux ont été coupés lors de l'examen qui a
déjà eu lieu par le docteur Martin, on trouve quinze blessures dis-
tinctes, dont cinq au front, placées les unes au-dessus des autres,
et il un pouce de distance environ trois autres beaucoup plus éten-
dues et plus profondes : la première à la partie postérieure supé-
rieure de l'oreille droite; la seconde en haut, en arrière et à droite
delà tête, au voisinage de l'union dupariétal droit avec l'occipital;
latroisième en haut, en arrière et à gauche, à l'union du pariétal gau-
che avec lenième os. Les autres plaies sont disséminées sur divers
points de la tèle, tant en arrière que latéralement à droite et à
gauche.
Toutes ces plaies sont contuses. Quelques-unes, qui ont un pouce
et demi à deux pouces d'étendue, dessinent une courbe; ce sont
principalement celles qui sont situées en avant ; mais cette courbe
n'est pas régulière, car le lambeau convexe offre à son centre un
angle; en sorte que, quoiqu'il y ait un certain rapport entre la
courbure de ces plaies et la convexité du rebord qui termine le fond
d'un litre en étain, qui nous a été représenté, il est difficile d'ad-
mettre que ci°s plaies sont le résultat de l'action de ce litre.
D'autres plaies, d'un pouce a un pouce et demi de longueur,
représentent une ligne légèrement couiLe, qui est coupée à angle
droit, et sur sa convexité, par une ligne droite, de manière à don-
ner à ces plaies une forme écoilce et très-régulière, disposition que
ne peut pas produire, ni l'action du rebord d'un litre d'étain, ni
celle du fond d'une bouteille, parce qu'il y a identité parfaite dans
la forme et dans les dimensions entre les plaies qui offrent ce ca-
ractère.
Quelques-unes, de deux pouces de longueur, représentent seule-
ment une ligne droite ou légèrement courbe; celles-là auraient pu
être le résultat de l'action du rebord du litre d'étain; mais un in-
strument tranchant arrondi et obtus en expliquerait plus facile-
ment la forme.
Enfin, les trcis plaies principales présentent des directions telle-
ment variées qu'elles résultent évidemment de l'action de plusieurs
coups portés dans le même endroit. L'une d'elles, celle qui est pla-
cée en haut et à gauche de la tète, offre en outre un lambeau
moyen de deux pouces et demi de long sur un pouce de large. Ce
lambeau est divisé à son sommet en deux parties. La portion anté-
rieure, plus petite, a une forme irrégulière. Elle est contuse sur ses
bords, déprimée et presque perforée à son centre. Sur les lèvres de
cette plaie se remarquent quatreou cinq autres blessures, qui vien-
nent s'y réunir en la coupant à angle droit.
Une disposition à peu près analogue se fait observer sur les deu.x
autres plaies principales.
Ces trois dernières blessures sont accompagnées de fracture aux
os du crâne, et l'étendue de chaque solution de continuité des os
est telle qu'elles se réunissent tOLites ensemble, en sorte que le crâne
est cassé à partir du rocher de l'os temporal du côté droit, jusqu'à
la portion écailleuse du temporal du côté gauche, en dessinant une
ligne courbe dont la ccmvexité est en avant. Le long de la convexité
de celte longue fi ucture, on trouve, en procédant de gauche à
(534)
droite : i» deux esquilles de six à sept lignes d'étendue, formées aux
dépens de la table externe du pariétal gauche; a° urffe esquille car-
rée d'un pouce de diamètre, comprenant toute l'épaisseur du parié-
tal droit, esquille enfoncée dans le crâne, et correspondant au cen-
tre de la plaie principale, placée en haut, à droite et en arrière. En-
fin, trois autres esquilles de deux pouces à deux pouces et demi de
long, tlont une, plus enfoncée que les autres, est située au centre de
la plaie principale qui avoisine le pavillon de l'oreiJle droite, et
qui a intéressé sa conque.
A la surface externe des os existe une couche de sang infiltré dans
le tissu cellulaire, et les coups ont été tellement multipliés, que la
presque totalité de la surface de la tête présente du, sang ainsi
infiltré.
A l'intérieur du crâne, et dans toute l'étendue des fractures, on
trouve à la surface du cerveau du sang épanché ; sa quantité est
considérable à droite; on peut l'évaluer à trois onces eiaviron. L'ar-
tère méningée moyenne de la dure-mère a été probablement ouverte.
A gauche elle est bien moindre. Non-seulement la majeure partie
du sang est épanchée à la surface de la dure-mère décollée, mais il
en existe encore autour d'un grand nombre de circonvolutions cé-
rébrales. La substance de ces circonvolutions est inlîltrée de sang,
contuse dans cinq points différens. Les contusions principales cor-
respondent aux plaies plus grandes que nous avons décrites.
Il existe un peu de sang dans la partie postérieure du ventricule
latéral droit. Le reste de la substance cérébrale est sain.
On ne trouve pas de fracture à la base du crâne. Les organes de
la poitrine et de l'abdomen n'offrent rien de particulier à noter. Il
existe seulement des adhérences anciennes du poumon gauche à la
plèvre costale.
Divers objets nous ont été représentés comme soupçonnés d'avoir
été les instrumens à l'aide desquels on aurait opéré ces blessures:
loUne mesure de litre en étain : elle est fortement aplatie sur elle-
même, à partir de son fond jusqu'à son ouverture. Cet aplatisse-
ment est tel que les deux parois du vase sont fortenvent i approchées
l'une de l'autre. Le fond, ou la partie la plus solide , n'a pas subi de
déformation bien notable, et sa circonférence ne présente pas de
dépression qui soit en rapport avec la forme ncces sairf pour opérer
des désordres semblables à ceux que nous avons décrits plu'^ liant.
2» Une bouteille ordinaire encore entière, et don t la base offre des
taches de sang > t des cheveux encore collés au v^ se. 3" Nous avons
trouvé un merlin placé auprès du lit du sieur Corne, et dont la
grosse extrémité nous a offert une couleur qui a de l'analogie avec
celle du sang, sans offrir toutefois une similituc ic parfaite avec lui;
ce qui nous a engagés à le faire saisir pour ètrf • soumis à l'analyse.
De- faits qui précèdent, nous concluons :
I" Que les blessures observées sur la tête du sieur Corne, et prin-
cipalement celles qui étaient accompagnées de fracture des <'s, d'i-
panchement de sang a l'intérieur du cràue, et de contusion au cer-
veau, ont été la cause de sa mort;
Que leur situation, leur nature et les désorclres qui les accompa-
gnaient expliquent parfaitement toutes lescirci )nstancesqui ont pré-
( 535 )
cédé la mort, telles que l'époque à laquelle elleest arrivée (plusieurs
heures après les blessures reçues), la paralysie de la moitié du corps
et la perte d<- sensibilité, observées par î'un de nous, le docteur
Martin ;
2" Qu'ayant égard à la nature de ces blessures, à leur variation,
sous le rapport de leur forme, à leur multiplicité, et aux desordres
étendus qu'elles ont amenés, il nous est difficile de supposer qu'une
bouteille ou qu'une mesure de litre en étain aient pu les produire, et
qu'il nous semble beaucoup plus probable que les assassins avaient à
leur disposition plusieurs espèces d'instrumens tranchans et conton-
dansde formes différentes, et d'une énergie beaucoup plus grande.
Fait à Paris, ce 3o août i834.
Cet botume avait été assassiné à trois heures du matin. A cinq
heures, deux individus, passant près de sa maison, avaient entendu
des gémissemens.lls ouvrent une fenêtre, pénètrent dans la boutique,
trouvent sur le plancher des mares de sang qui s'étendent jusqu'à
la porte delà cave; ils ouvrent celle-ci, voient les mêmes traces de
sang sur les marches de l'escalier, <t trouvent enfin le corps du
sieur Corne étendu dans la cave, et baignaut dans une mare con-
sidérable de sang. M. Martin, appelé à six heures du matin, trouva
Corne encore vivant, mais il ne put eu tirer aucune parole. Il est
mort à neuf heures du matiu.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
La Société de médecine de Paris met au concours la ques-
tion suivante :
Déterminer quelles sont dans les affections typhoïdes les alté-
rations primitives et celles qui ne sont que secondaires.
Un prix de 700 francs sera décerné au meilleur Mémoire.
Les concurrens devront adresser leurs travaux franco ^ et
dans les formes ordinaires, avant le 1" juillet i836, à
U M. Forget, secrétaire générai de la Société de médecine, rue
de Savoie, n° i3.
La Société de médecine de Toulouse propose pour sujet
da prix à décerner en i836 la question suivante :
1° Y a-t-il plusieurs espèces de rétrécissemens du canal de Cu-
rètre chez Plwmme?
2° Quels sont les caractères qui les distinguent?
5° Quelle est la meilleure méthode de traitement qu'elles ré-
clament ?
Le prix est delà valeur de 3oo francs. Les mémoires devront
être remis à M. Duca?se fils, à Toiilouse, avant le 1" mars.
VARIÉTÉS.
Responsabilile médicale. Nos lecteurs se rappellent loules les circou-
( 356 )
stances du procès intenté à M. Thouret-Noroy, accusé d'avoir, en pra-
tiquant une saignée, ouvert l'artère brachiale de son malade, et déter-
miné un anévrisnie qui nécessita l'amputation. L'appel interjeté par
M- Ïliouret-Noroy du jugement de la Cour royale de Rouen, qui le
condamnait à di'S dommages et intérêts envers la partie civile, est ar-
rivé eu cassation le 18 juin. Malgré les efforts de Me Crémieux, qui a
plaidé en laveur des médecins avec un admirable talent, le pourvoi a
été rejeté par la Cour, sur les considérans qui suivent :
Attendu que pour décider que le sieur Thouret-Noroy était responsa-
ble envers le sieur Guigne de la perte rie son bras, l'arrêt attaqué s'est
fondé sur la négligence de ce médecin, sur sa faute grave, et notam-
ment sur l'abandon volontaire dans lequel il avait laissé le malade en
refusant de lui conlinuerses soins ;
Que ces faits matériels sont du nombre de ceux qui entraînent la
responsabilité civile de ia part des individus à qui ils sont impulables,
et qu'ils sont soumis, d'après la disposilion des art. i582et 1 083 à l'ap-
préciation des juges;
Que l'arrêt attaqué, en se conformant à ces principes, n'a violé ni la
loi du 19 venlûse an xi,ni les deux maximes de droit invoquées, et n'a
commis aucun excès de pouvoir;
Par ces motifs, la Cour rejette le pourvoi.
M. le procureur- général Dupia avait porté la parole et conclu égale-
ment au rejet du pourvoi. Mais ni ce jurisconsulte, ni le rapporteur,
M. Brièie de Valigny, ni l'arrêt de la Cour, n'ont touché à la grande
question de responsabilité médicale. La Cour de Rouen s'était fondée,
non sur la maladresse du médecin, mais sur sa mauvaise volonté; non
sur l'inopportunilé de l'opération, mais sur l'abandon volontaire qu'il
avait lait du malade. C'est comme homme et non comme médecin que
M. Thouret-Noroy a été jugé ; ce n'est pas pour avoir mal appUqué les
principis de son art qu'on le condamne à des dommages-intérêLs;
c'est pour avoir ai)andoané volontairement son malade et avoir né-
gligé de lui donner les soins nécessaires. Dès-lors, nous le répétons, la
question de responsabilité médicale reste à juger tout entière.
Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit à l'époque de ce
malheureux procès, sur les irrégularités de la procédure et les étranges
considérans des deux arrêts rendus ; il nous suffira de faire observer
que la Cour de cassation juge le droit et non le fait, et que lorsqu'un
tribunaliuférieur a admis un fait comme constant, elle n'a point à vé-
rifier son exactitude, mais à voir seulement si la loi a été convenable-
ment appliquée. C'est par cette raison que nous conservions peu d'es-
poir de voir reformer ce jugement, mais nous ne pensons pas que celte
décision de la Cour suprême soit de nature à compromettre les droits
qui nous soûl garantis par la loi de l'an xi.
— Une ordonnance royale vient d'autoriser l'Académie royale de mé-
decine à accepter le legs qui lui est fait par la dame Marie-Elisabeth
Civrieux, femme du sieur Michel, d'une rente annuelle sur l'Etat de
1000 francs, par testament du i3 septembre i8ù4> tle legs sera employé
à la fondation d'unprixannuel de 1000 francs, qui sera décerné paria-
dite Académie à l'auteur du meilleur ouvrage sur le traitement et la
guérison des maladies provenant de la surexcitation de la sensibilité
nerveuse.
— Des lettres reçues de Toulon en date du aa juin annoncent que
l)lu.-.ieurs cas de choléra-inorluis s'étaient déclarés dans l'arsenal de
cette ville. Déjà six ouvriers ou condamnés avaient été atteints de la
maladie ; trois étaient morts, et les trois autres ue laissaient plus d'es-
poir.
(337)
ART. 1092.
Histoire d'une monomanie homicide guirie par les vermifuges.
M. Foureaude Beauregard a lu à l'Acadénjie un Mémoire
sur la iDuiiomanie produite par la présence des vers.
Ce médeciiifut consultéen 1822, en Italie, par un religieux
qui lui déclara que depuis plusieurs années il lui était sur-
venu contre un de ses confrères une antipathie si forte qu'il
voulait le tuer, sans que cependant il eût jamais eu aucun
motif de plainte contre lui. Après avoir interrogé tous les
organes avec le plus grand soin, M. Foureau de Beauregard
attribua la monomanie homicide à la présence des vers dans
l'appareil gastro-intestinal. Tl prescrivit en conséquence des
vermifuges d'une énergie graduée, et donna par écrit au ma-
lade une direction sur leur usage. Il lui conseilla en outre
de s'éloigner du couvent où il résidait en commua avec l'ob-
jet de son antipathie.
Ce malade, ajoutant peu de confiance à ce que lui disait
son médecin, se borna à s'éloigner de son couvent pendant
quelques mois ; il n'obtint aucun soulagement, et lorsqu'il y
rentra à l'approche de l'hiver, le même désir homicide le
poursuivit tellement que plusieurs fois ses sentiraens d'hu-
manité et ses principes religieux suffirent à peine pour lui
faire rejeter le couteau dont il s'armait involontairement.
Vers la fin du carême, les occasions de ce terrible combat
se présentant plus fréquemment, il quitta le domicile com-
mun, et vint à la ville pour solliciter son changement. Mais
la monomanie le suivit dans son nouveau séjour. Enfin, un
soir, s'étant couché bien portant, il fut réveillé tout-à-coup
par un sentiment de suffocation qui lui fit croire sa vie me-
nacée. Ses confrères accoururent à son secours. Son an-
goisse était causée par un ver lombricoïde fort long, qui était
remonté de l'estomac au gosier, et qui sortit enfin en de-
hors. Il se décida alors à suivre son ancienne prescription,
et avala quelques pilules de calomel et d'assa-fœtida, unis
par le sirop d'absinthe et roulés dans de la poudre de valé-
riane. Le résultat de cette médication fut la sortie d'un pa-
quet formé par un grand nombre de vers, la plupart vivans.
La cessation absolue et complète de la monomanie homicide
en fut la suite immédiate, et, depuis lors, cette guérison ne
s'est pas démentie.
M. Foureau de Beauregard a cité encore deux autres faits
TOM. VI. — N" d'août. 32
( 538 )
à peu près semblables. Tl s'agissait de deux femmes, l'une
â"^ée. de soixanie-trois ans, et l'autre de vingt-sept, qui tou-
tes deux éprouvaient la monoiuauie suicide. L'une et l'autre
furent délivrées de leur penchant au suicide après l'expul-
sion d'un ténia armé. Elles ont fait usage de la méthode de
M. Bourdier, modifiée par la substitution de la décoction de
l'ccorce fraîche de racine de grenadier à celle de fougère
mâle, que ce professeur prenait pour excipient de l'é-
ther (i).
M. Foureau ne considère pas seulement les vers comme
cause de monomanie chez l'homme; il pense encore qu'ils
déterminent chez les animaux de très-fréquens accidens, et
que le ténia, par exemple, serait la cause de la rage chez le
chien, qui en offre si souvent dans ses intestins. Ce médecin
a appelé l'attention des vétérinaires sur ce point, et les a en-
gagés à vérifier par des expériences ce qu'il ne donnait encore
que comme une conjecture.
ART. logS.
Considérations sur le traitement des rétrécissemens de l'urètre et
des fistules urinaires, par le caihétérisme simple ou forcé.
M. le docteur Major, de Lausanne, vient d'exposer, dans
une brochure publiée récemment des considérations d'une
grande importance sur le traitement des rétrécissemens de
l'urètre. Ce chirurgien, renonçant à tous les moyens préco-
nisés jusqu'à ce jour pour détruire cescoarctatioos, se borne
à pénétrer dans la vessie à l'aide d'un cathéter volumineux
qui écarte ou déchire les replis membraneux, et rétablit ainsi
,' i) I(f^ soir, une panade avec un jaune d'œuf.
Le lendemain matin, dans un verre d'une décoction de fougère :
Ether sulfurique, un gros.
Cinq minute? après, un lavement avec la même décoction, à la-
quelle on ajoute :
Ethcr suli'urique, deux gros.
Une lieure après, le purgatif suivant :
Huile de ricin, deus onces ;
Sirop de fleurs de pêcher, une once,
dont on aidera l'actioo par quelques tasses de bouillon aux lierbes,
[Funniit, des hôp.)
(359) -
ie diamètre du canal. Cette méthode, que M. Mayor met en
pratique depuis longues années à Lausanne, a été réeein-
Mient appliquée par lui sur quelques malades dans les hô[)i-
taux de Paris, et en présence de nombreux élèves, et nous
devons diie que le succès a seuddé d'idxaul couronner ces
premières exitériences. D'autres chirurgiens ont dcja iiuiié
celte pratique, et nous avons vu M. Cullerier, eiitie autres,
pénétrer satis trop de difûcultés avec un caihéter de deux li-
gnes de diamètre dans un canal (|ui n'avait pu recevoir la
plus faillie bougie. Nous croyons donc devoir analyser avec
quelque étendue un travail qui, par les idéesneuves qu'ilcoQ-
lient, mérite de fixer Irtute noire attention.
Après avoir démontré les inronvéniens de la cautérisation
et des méthodes ordinaires de dilatation, M, Mayor met en op-
position le procédé qu'il adopte de préférence. Il emploie
pour pénétrer dans la vessie un très-gros caihéter métalli-
que, et plus ce tube est volumineux, plus il surmonte facile-
ment les obstacles qui s'opposent à son introduction, pourvu
cependant qu'il ne soit pas hors de proportion avec les di-
mensions présumées du canal. C'est ainsi qu'il est plus aisé
de donner un lavement avec une grosse canule qu'avec une
petite, et qu'on peut introduire soit dans le rectum, soit dans
le vagin, des corps énormes relativement à leur diamètre,
tels que la main, la tête d'un l'œlus à terme, etc.
Un cathéter, dont l'extrémité mousse et arrondie a deux
lignes environ de diamètre, doit donc être porté directement
sur la portion rétrécie du canal, et là, appuyant avec éner-
gie, on fuit des mouvemens de gauche à dioile et dans tous
les sens, pénétrant ainsi avec force, mais d'une 'manière
lente, au-delà de l'obstacle. Si l'on reconnaît l'impossibilité
d'introduire un cathéter de deux ligues, on en prend un plus
gros. La vessie étant vidée, il sullit de laisser l'instrument
dans le canal pendant quelques instans. Un cathéter plus vo-
lumineux est introduit le lendemain sans difficulté, soit par
le chirurgien, soit par le malade lui-même.
Ces cathéters doivent être creux, leur exlrémitébien pleine
et bien arrondie, présentant un ou deux yeux dont les bords
soietit entièrement mousses. C'est en étain que M. Mayor les
fait ordinairement fabriquer; ils sont à la fois assez résistans,
d'un beau poli, peu cassans, et comme leur prix est très-mo-
dique, ce chirurgien les donne aux malades qui sortent de
son hôpital, afiii qu'ils puissent se sonder eux-mêmes de
temps à autre, et prévenir ainsi, sans sonde on bougie à de-
meure, le retour d'une affection dont la récidive est si com-
mune après l'emploi des autres méthodes.
(54o)
La courbure de ces instrumens ne diffère en rien de celle
des calhélers ordinaires. M. Mayor les fait fabriquer et leur
donne six degrés différens. Le uiiiiimuni a deux ligues et le
maximum quatre lignes et demie de diamètre, en sorte qu'il
y a entre chaque cathéter une demi-ligne de différence. Un
septième instrument est quelquefois nécessaire ; c'est le ca-
théter conique qui, au lieu de présenter sur tous ses points
le même volume, offre deux ligues à son extrémité recour-
bée, et quatre lignes et demie ù son autre extrémité.
L'introduction de cet instrument ne diffère en rien du ca-
thélérisme ordinaire ; seulenient, comme elle est en général
très-facile, le malade apprend sur-le-champ à se sonder lui-
même, et le chirurgien quia le moins l'habitude de ces sor-
tes d'opérations y parviendra sans aucune difficulté. S'agit-
il de certaines rétentions d'urine, de paralysie de vessie et de
fistule urinaire, ou l'indication ne consisle-t-elle qu'à vider
la vessie artificiellement, on introduit le cathéter chaque fois
que le besoin d'uriner se manifeste. On évitera donc pres-
que toujours de cette manière de laisser des sondes à de-
meure dans la vessie, à l'exception de quelques cas très-rares
qui rendent cette précaution indispensable.
S'il est question de rétrécissement ou d'embarras quel-
conque à faire disparaître de l'urètre, ou écartera d'abord
graduellement l'obstacle en poussant hardiment, mais lente-
meut et judicieusement. Si le canal offre plusieurs endroits
rétrécis, on pourra les vaincre tous à la fois ou succes.-ive-
nient dans plusieurs séances, suivant l'urgence ou l'état des
malades. Le cathéter ayant été une fois introduit, on en
fait pénétrer les jours suivaus de plus volumineux, et l'on
recniibre ainsi le canal toutes les fois qu'il survient quelque
diflicnlté dans l'expulsion des urines.
Il faut convenir cependant que quelquefois l'obstacle ne
cède pas aussi aisément, et qu'il faut avoir recours alors au
cathétérisme forcé, c'est-à-dire à l'introduction, avec une
certaine violence de ces cathéters volumineux. Voici, dans ces
cas dilliciles, comment il faut agir : Arrivé surl'endroitqu'il
s'agit de faire céder, on cesse de teuii' Iccalhétercomme une
plume à écrire, et on le preud à pleine main, en alongeant
le doigt indicateur jusqu'au méat urinaire, afin de reconnaî-
tre de cette sorte si l'on gagne du terrain. Après avoir, de
l'autre main, tendu bien la verge, on a recours à un degré
plus fort de pression. Si l'on avance, le doigt posé sur le méat
urinaire l'indique aisément, sinon il faut, ou bici emjiloyer
une pression plus forte, ou bien changer d'instrument. On
entend bientôt une sorte de petit bruissement, comme si quel-
(341)
que chose se déplissait on se déchimit, et l'on a franchi l'ob-
stacle. Il est impossible de préciser le degré de violence qu'on
doit etnplujer, c'est à la sagacité du chirurgien à augmen-
ter ou à borner ses efforts.
Quelques gouttes de sangs'échappent ordinairement après
cette introduction forcée et servent à dégorger le canal. Les
boissons émollienles, les bains, lescataplavmes, les sangsues,
les saignées générales, peuvent aussi trouver leur place, sui-
vant la violence qu'on a été obligé d'employer.
La brochure de M Mayor est terminée par quelques ob-
servations de rétrécissement qui ont cédé au moyen qu'il
propose. Ln homme atteint de rétrécissement de l'urètre fut
traité en 18 i5 par Al. Dupuytren à l'aide de bougies et de pe-
tites sondes élastiques. Il survint un engorgement du testi-
cule et des fistules urinaires, qui nécessitèrent un frès-long
traitement. L'urine ne coulait qu'avec peu de facilité, lors-
qu'en i8i5 il se présenta à 31. Mayor, qui lui proposa de
faire usage de ses cathéters. A la vue de ces volumineux in-
strumens, ce malade se refusa d'abord à leur introduction;
mais un premier numéro pénétra sans difTicuIté. On le laissa
quelques minutes en place. Tous les deux ou trois jours, il
venait se faire introduire, puis introduisit lui-même le tube
métallique. A chaque séance, on poussait d'abord un ou deux
des numéros précédens, lesquels donnaient la facilité d'in-
sinuer plus doucement le numéro qui suivait. Dix applica-
tions suffirent pour en finir avec ce mal opiniâtre, et depuis
cette époque, il n'y a pas eu de récidive.
Dans une autre observation, le malade, qui depuis douze,
ans était débarrassé de semblables rétrécissemens, ayant eu
une rechute, passa et repassa quelquefois ses cathéters sans
difficulté, et se débarrassa ainsi complètement.
Il serait inutile d'analyser les autres faits que contient la
broi hure de M. Mayor. On a pu avoir, par ce court exposé,
une idée assez exacte de la méthode que ce chirurgien pro-
pose pour détruire les rétrécissemensdePurètre. L'expérience
ne saurait tarder à prononcer sur la valeur de ce moyen, et
nous nous empresserons d'info'-mer nos lecteurs du succès
que ce cathétérisme aura obtenu dans les hôpitaux de Pa-
ris (1).
(1^ \ oy. art. gz, 7^,9, 548, 5i5, 547.
(54a)
ART. iog4>
Considérations sur la méthode endermlque appliquée à quelques
lésions du système nerveux.
Le docteur Racibor«ki a publié dans le Journal hcbdomu'
rfatVcplu-ieurs observalion? extraitesdela cliniquede M.Bouil-
laud, et dans lesquelles on a pu constater les bons effets de
la strychnine et de l'acélale de morphine, administrées par
la méthode enderinique. Déjà, dan? un desprécédens cahiers,
nous avons appelé l'attention des praticiens sur une sub-
stance moins active, et introduite par la même voie avec
un succès remarquable (i). Les nouvelles expériences de
M. Bouillaud seront lues avec un égal intérêt.
On connaît les effets de la strychnine dans certaines pa-
ralysies, et sur le système nerveux en générai ; mais son ac*
tion irritante sur le tube digestif ne rend pas sans danger
l'administration de ce médicament. C'est cette considération
qui a engagé M. Bouillaud à l'introduire dans l'économie
par la voie de l'absorption.
Une femme âgée de soixante-huit ans est entrée à la Cha-
rité le 8 février i83:). Depuis le 24 janvier, elle éprouvait
des étourdissemens, et le 9. février tout le côté gauche était
devenu subitement immobile, bien qu'il n'y eût point eu de
perte de connaissance. Il y avait hémiplégie complète et un
peu de diminution de la sensibilité dans le côté paralysé. On
fit deux saignées, et on administra quelques purgatifs, mais
sans amélioration apparente. Le 20 février, on appli(|ua à la
nuque un vésicatoire, et le surlendemain, après avoir enlevé
l'épiderme, on mit sur sa surface un huitième de grain de
strychnine. Quatre heures après, la malade commença à
éprouver des vibrations dans les membres, surtout du côté
malade. Le 25, on porta la dose de strychnine à Un quart de
grain. Des fourmillemtnis semblables à ceux des autres jours
se firent sentir au bout de deux hem'es, dans le côté paralysé
seulement. Le 26, !a malade pduvait déjà imprimer à son
bris quelques mouvei.ions. Le aj, la bouche élait moins dé-
viée; le 28, la dose du médicameiil l'ut portée à 1111 quart (h;
grain ; le 5 mars, à trois quarts de grain; le i3 mars. If vési-
(1) Voy. art. io55.
(343)
catoire étant tout-à-fait sec, on suspendit l'administration de
la strychnine par la niélhode enderDiiqiie. On en reprit l'u-
sage ù l'inlérietir le 19, ea prescrivant deux pilules d'un hui-
tième de grain, l'une le matin, l'autre le soir. Il survint des
soubresauts dans la cuisse affectée. Le i" avril, on prescrivit
trois pilules, et l'on continua jusqu'au 21, époque ù laquelle
on abandonna la maladie à elle-même. Le mouvement était
revenu, quoique très-imparfaitement, dans le membre af-
fecté.
La strychnine administrée soit à l'intérieur, soit par la mé-
thode endermique, a donc produit des effets semblables.
Dans un autre cas d'hémiplégie avec paraly^^ie de la joue, ce
médicament s'est montré beaucoup plus efficace. Ln traite-
ment antiphlogistique actif avait dissipé en grande partie les
accidens. Un vésicatoire fut appliqué sur la joue gauche vers
la racine delà septième paire, et on le saupoudra chaque jour
de strychnine, d'abord à la dose d'un huitième de grain, puis
d'un quart, d'un demi, de trois quarts de grain. La guérison
s'obtint dans un intervalle de temps assez court. La même
substance, administrée à l'intérieur en pilules, n'avait d'a-
bord produit aucun effet sensible.
L'acétate de morphine fut administrée de la même manière
chez un homme atteint d'un ictère depuis quelque temps,
et qui, depuis trois jours, était tourmenté par un hoquet ex-
trêmement fatigint. Des ventouses scarifiées avaient été
mises inutilement sur l'épigastre. Le 6 juillet, on appliqua
un vésicatoire sur le même point, puis le lendemain, le ho-
quet ayant persisté, on enleva l'épiderme et on saupoudra
la plaie d'un demi-grain d'acétate de morphine. Le 8, le ma-
lade était dans le même élat (trois quarts de grain d'acétate
de morphine.) Le g, le hoquet était moins violent. (Même
méiiicalion.) Le 10, le hoquet cessa vers les huit heures du
malin. On coutiuua le même traitement pendant quelques
jours, en portant la dose il'acétate de morphine à on grain.
L'acétate et l'hydrochlorate de morphine ont été em-
ployés de la même manière, et avec beaucoup de succès pour
l'aire cesser des vomissemcns opiniâtres qui résistaient à (ous
les autres moyens. Chez quelques-uns de ces malades, il
existait une lésion orgauique de reslomac. Dans tous ces
cas, le vésicatoire a toujours été appliqué dans le lieu le plus
rapproché du siège présumé du mal, et l'on a pu combiner
de cette manière l'action révulsive et l'action uarcolique du
médicament.
Reflexions. L'introduction d'une substance active dans l'é-
conomie par la méthode endermique, est une pratique au-
( 344 )
jourd'hui si commune et si connue des médecins, qu'il serait
superflu d'insister sur les avantages qu'elle présente. Nous
ferons observer seulement qu'il est nécessaire, pour que l'ab-
sorption ail lieu et que les effets en soient au<si sensibles que
si le médicament eût été ingéré dans le tube digestif, que
son activité soit très-grande et qu'il agisse à nue dose très-
faible, telle que la strychnine, l'acétate de morphine, etc. Les
substances qui doivent f'tre administrées à des doses plus
fortes, telles que le sulfate de quinine, la digitale même, dé-
posées sur le derme déuudé, sont bien absorbées en partie,
mais leur effet, alors, est extrêmement variable, et beaucoup
moins sûr que lorsque le médicament est administré, soit
par la bouche, soit en lavemens. Nous croyons donc que,
sauf un petit nombre de cas, la méthode endermique devra
être réservée pour l'administration de ces poisons violens
dont quelques parcelles suffisent pour modifier l'économie.
Au nombre de ces médicamens héroïques, il faudra sans
aucun doute ranger la strychnine, dont les effets sur le tube
digestif sont souvent si funestes. Ainsi adm.inisirée, cette
substance aura une action beaucoup plus certaine, car, dé-
posée sur la muqueuse gastrique, elle a bien pour effet de
stimuler les centres nerveux, mais souvent aussi elle irrite
l'estomac, ce qui contrarie ses effets salutaires, ou s'oppose
à ce qu'on continue plus long-temps l'usage de ce médica-
ment. Les recueils périodiques citent cependant de temps à
autre quelques observations deguérison parla noix vomique
ou la strychnine, administrées à l'intérienr. En voici un
exemple remarquable qui nous est communiqué par M. Far-
radesc h - Chaubasse, docteur en médecine à Allanche
(Cantal).
« Le 24 avril 1817, nous écrit ce médecin, je fus au lac de
Vèze pour y voir iNlaiie Pichot, veuve Refonvelet, âgée de
trente-neuf ans, retenue dans son lit depuis plus d'un an,
par une paralysie des extrémités inférieures. La perle du
sentiment dans ces parties était si complète que je pouvais
introduire profondément des épingles dans le tissu muscu-
laire, sans qu'elle en éprouvât la plus légère sensation.
» Celte femme ne put me donner aucun renseignemeut
précis sur le début de sa maladie ; elle assurait que ses forces
avaient diminué progressivement après avoir éprouvé de vio-
lens maux de tête Elle était souvent en proie à des mouve-
mcns convulsifs des muscles de la face, puis de ceux de tout
le corps, et à ces convulsions succédait un état tétanique
général, pernuanent et doidoureux, lequel se terminait enfin
par une résolution complète et un sentiment de fourmille-
(545)
ment fort incommode, sortout dans les extrémités inférieu-
res. Il y avait de plu? excrélions involontaires des matières
fécales et des urines, et développement d'une multitude de
iianglions dans la gaîne des tendons de certains muscles,
principalement de ceux des avant-bras.
» J'employai sans succès les saignées générales et locales,
les pédiluves sinapisés, les frictions irritantes, l'urticatioo,
les vésicatoires ; à l'intérieur, l'arnica montana légèrement
stibié, l'extrait d'aconit, l'extrait de rhus radicans, etc., et
enGn je me décidai à administrer la noix vomique qui me fut
fournie par feu M. Teravade, pharmacien distingué de la
ville de Saint-Flour. Le i" octobre, je commençai à faire
jirendre à ma malade quatre grains de noix vomique en pou-
dre, que je mêlai à pareille quantité de sucre pulvérisé. Je
lui donnai ce mélange dans une cuillerée de soupe, et restai
auprès d'elle afin de surveiller les phénomènes qui devaient
résulter de cette administration. Trois heures et demie après
l'ingestion, la malade entra dans des convulsions générales
affreuses. Ces accidens durèrent environ une heure, puistout
rentra dans Tordre- Je fis appliquer aussitôt vingt-quatre
sangsues sur le trajet des jugulaires, et prescrivis du petit-lait
clarifié et nitré.
» Le 5, je donnai de nouveau la noix vomique. Deux heu-
res après, la respiration devint plus forte, la circulation plus
accélérée. Une espèce de malaise général se fit sentir, mais les
extrémités inférieures seules participèrent à l'état tétanique,
et deux heures s'étaient à peine écoulées que le calme était
survenu. Pendant huit jours, je continuai l'administration du
même remède, puis je suspendis et je repris le 17, à la dose
de quatre grains de noix vomique le matin, et deux grains
de son extrait alcoolique le soir. Je n'obtins d'autre effet que
de la constipation et la rétention d'urine, qui firent place
aux excrétions involontaires.
» Le 26, j'augmentai la dose de deux grains matin et soir.
Les contractions musculaires se développèrent avec plus de
vigueur, et iurentplusdouloureuses. A ces violentes secous-
ses, qui se prolongeaient pendant une à deux heures, succé-
dait un sommeil doux et pai.->ible.
» Le 29, pour la première fois, je m'aperçus, à mon grand
plaisir, qu'un mouvement, à la vérité bien obscur, se mani-
festait dansles parties paralysées, et que lesdivers pincemens
que j'y faisais y développaient une sensation pénible. Le 8
novembre la malade remuait facilement les membres surles-
quels le plus léger pincement développait beaucoup de sen-
sibilité. J'augmentai encore la dose de deux grains, et le 21
(346)
la malade se leva pour la première fois. A l'aide des se-
cours hygiéniques, toutes les fonctions sont revenues à leur
état naturel, et cette femme ne conserve aujourd'hui de trace
de sa maladie qu'une forte saillie de l'atlas et des apophyses
épineuses de quelques vertèbres dorsales. »
Le succès obtenu par la noix vomique dans ce cas est des
plus remarquables; mais on peut juger, à la gravité des acci-
dens que ce médicament détermine, combien il est nécessaire
de procéder avec prudence à son administration.
ART. logS.
Note SU7' le traitement de Cépilepsie par C indigo.
Lèdocteurïdeler, médecin des aliénés et des épileptiques,
à l'hôpital de la Charité de Berlin, assure avoir guéri plu-
sieurs épileptiques avec l'indigo administré de cette manière :
Pr. Indigo, une demi-once;
Poudre aromatique, un demi-gros;
Sirop simple, quantité suffisante pour faire un
électuaire.
Cette dose est prise d'abord en deux jours, puis en un
seul. On peut même porter la quantité d'indigo jusqu'à six
^\ huit gros. Ce médicament détermine ordinairement d'a-
bord des vomissemens et de la diarrhée ; mais bientôt tous
ces accidens se dissipent. Quelquefois les attaques d'épilepsie
semblent plus rapprochées, mais bientôt elles s'éloignent, et
l'on obtient en général, sinon la guérison, au moins un sou-
lagement marqué.
L'indigo a été employé par M. Ideler dans vingt-six cas
d'é[)ilep?ie. Sur ce nombre, six ont été tadicalenjent guéris
sans récidive, trois ont guéri et l'nl eu des récidives après
un temps pl;rs ou moins long, onze ont éprouvé du soula-
gement, et chez six seulement le traitement est resté tout-à-
fait infructueux.
Ré/le.Tions. Nos lecteurs rapprocheront sans doute les
observations du docteur Ideler de celles que M. Ferrara a
publiées dans le temps, et qui sont consignées à notre
art. i5i. Ce médecin, en effet, annonçait avoir guéi4 plu-
sieurs cas d'épilepsie en donnant l'ipécacuanha à doses frac-
tionnées (quatre à cinq grains) chaque matin, et au moment
où des signes précurseurs annonçaient l'imminence d'un
accès. Cette médicalioû continuée pendant long-temps, as-
(547)
surait le docteur italien, avait guéri des malades bien évi-
demment sujets à Tépilepsie. Pournolre part, nous en avons
vu un exemple remarquable, et nous ne croyons pas qu'on
doive négliger la méthode du docteur Ferrara, dans une
maladie presijue toujours au-dessus des ressources de l'art.
Il est probable que l'indigo n'a guéri des épileptiques
qu'en agissant comme l'ipécacuanha, c'est-à-dire en déter-
minant des vomifuritionsfréquentes et même de la diarrhée.
Celle révulsion Hivorable qui paraît avoir une action pro-
noncée dans certaines espèces d'épilepsie, pourra êtreteritee
avec d'autant plus de confiance, que l'ipécacuanha ou l'm-
digo administrés à des doses convenables n'exposent pas,
comme le nitrate d'argent par exemple, conseillé pour la
même maladie (i), à déterminer dans le tube digestif des
lésions beaucoup plus lâcheuses pour le malade que l'épi-
lepsie elle-même.
ART. 1096.
Considérations pratiques sur quelques excroissances qui sur-
viennent dans l'intestin rectum. (Voy. art. 1060 et 1081.) (2)
Il y a trois espèces d'excroissances qui peuvent se déve-
lopper dans l'intérieur de l'intestin rectum, et que des chi-
rurgiens inexpérimentés pourraient confondre avec des hé-
niorrhoïiles. La premiéie est d'une structure semblable à
cel'.e des polypes uléiins; la seconde est plus volumineuse,
bien qu'en apjiarence d'une nature assez bénigne, et la troi-
sième paraît résulter d'hémorrhoïdes irritées par la mal-
propreté.
1° Les tumeurs de la première espèce sont assez com-
munes; d'un petit volume eu général, elles acquièrent ce-
pendant (luelquefois la grosseur du doigt. Ce sont des espèces
de polypes qui ont absolnnient la structure de ceux de l'u-
lérus. Tantôt il n'en existe qu'une seule, tantôt deux ou
trois rampeut ensemble sur la muqueuse intestinale. Quel-
quefois les malades s'aperçoivent à peine de leur présence}
d'autres fois elles donnent lieu à des souffrances extrêmement
vives. D'où vient cett»; dift'érence? Les malades souffrent,
lorsqu'au moment de la défécation ces tumeurs sont poussées
à l'extérieur et pressées par les sphyncters. Dans ce cas elles
(i) Vfty. art. 5io.
(a) Tlie Lofidon, Médical Gazette.
(348)
s'ûîcèrent fréquemment, et la compression qu'elles éprou-
vent détermine toujours des douleurs extrêmement vives,
qui durent non-seulement pondant l'excrétion des matières
fécales, mais qui se prolongent encore quelque temps après.
Une dame vint me trouver, dit le docteur lirodie, accusant
de violentes douleurs à l'anus, causées, disait-elle, par des lié-
morrhoïdes. En examinant le rectum, je découvris une petite
excroissance polypeuse, ulcérée, fixée sur le muscle sphync-
ter. Je la saisis avec une pince et je l'enlevai d'un seul coup
de ciseaux. La malade éprouva à peine quelque douleur de
cette opération, mais à sa grande surprise, bien que depuis
plusieurs mois elle souffrît cruellement de cette tumeur, à
partir de ce moment elle se trouva entièrement guérie.
Il n'y a pas long-temps, une autre dame est venue d'un
pays éloigné me consulter pour des polypes semblables ul-
cérés, étranglés par le sphyncter, et qui lui causaient d'atroces
douleurs; je les enlevai sur-le-champ, et elle put le même
jour s'en retourner chez elle. Je ne doute point qu'elle n'ait
été complètement guérie.
9° Dans sa leçon, cet habile professeur a montré le dessin
d'une excroissance de la seconde espèce admise par lui, et
enlevée chez une vieille dame de quatre-vingts ans.
Cette dame, a-t-il dit, accusait de la douleur vers le rec-
tum et une perte de sang. Je pensai qu'elle avait des hé-
morrhoïdes internes, et ne croyant pas qu'il fût convenable
de pratiquer leur extirpation à un âge aussi avancé, je me
bornai à lui prescrire quelques médicamens; mais elle revint
bientôt près de moi, en déclarant qu'elle avait perdu une
grande quantité de sang, et qu'elle ne pouvait rendre ses
matières fécales sans la plus grande difficulté. Je portai mon
doigt dans le rectum et je trouvai une excroissance volumi-
neuse, dont je crus qu'il serait possible de débarrasser ia
malade. J'introduisis en conséquence mes doigts dans l'in-
testin, et dilatant graduellement le sphyncter, je saisis l'ex-
croissance, l'attirai au dehors et plaçai une ligature à son col.
Aucun accident ne suivit cette opération; la malade se ré-
tablit parfaitement et vécut encore pendant deux ou tiois
ans. Je crois cependant que l'excroissance s'était reproduite
quelque temps avant la mort, mais elle n'en éprouvait au-
cune incommodité.
5° La troisième espèce d'excroissance n'est pas très-rare.
Lorsque les cavités des liémnrrhoïdes internes s'oblitèrent,
elles forment des tumeurs qui se dissipent peu à peu; mais
quelquefois un travail morbide s'établit dans leur intérieur, et
elles deviennent semblable^ aux tumeurs qui se développent
(549)
sur les petites nymphes des femmes. Elles sont générale-
inent le résultat de la malpropreté, et ne se développent pas
chez les individus qui prennent soin de leur personne.
ART. 1097.
Colljriem ployeparle docteur Henderson contre tamaurose.
Le docteur Henderson a cité plusieurs cas de guérison
d'amaurose commençante, par l'emploi du collyre suivant:
Pr. Strychnine, deux grains ;
Acide acétique étendu, un gros;
Eau distillée, une once.
Lorsque l'on est appelé peu de temps après le développe-
ment de l'amaurose, quelques gouttes de ce collyre éten-
dues sur l'œil amènent quelquefois de l'amélioration au
bout de deux ou trois jours.
[Edimbuj'g. med. and stirg. journal. )
ABT. 1098.
Obserrfations et réflexions sur la gangrène spontanée ou senile.
Son traitement par les antiphtogistiques.
M. le docteur Lannelongue a publié dans le Journal de
médecine pratique de Bordeaux trois observations de gan-
grène senile, sur lesquelles nous devons arrêter l'attention
de nos lecteurs.
Cette affection, suivant l'auteur de l'article, reconnaît
pour cause l'oblitémtion des artères des membres, produite,
soit parl'arîérite, soitpar l'ossification des parois de ces vais-
seaux. Tous les faits observés par ce médecin prouvent en
faveur de celte opinion, et ceux qu'on va lire viennent en-
core ajouter à sa conviction.
Une femme âgée de quatre-vingt-dix ans se plaignit,
le 19 janvier i83i, de fourmilIi!n)ens continuels qui s'éten-
daient jusqu'au coude. Cette partie était engourdie, com-
mençait à être froide et violette aux extrémités des doigt»;
ceux-ci étaient insensibles par le toucher. La circulation fut
explorée par M. Lannelongue : l'artère branchiale battait
encore, mais irrégulièrement, les pulsations de la radiale
s'arrêtaient au poignet, au lieu où on explore le pouls; en
cet endroit l'artère était dure comme du bois; la cubitale ne
faisait non plus sentir aucune pulsation. Il était évident que
( 55o )
ces artères étaient oblitérées par ossification. La malade» en
outre, offrait tous les signes d'une dilatation du côté droit
du cœur. On se borna à prescrire deux pilules contenant
chacune un grain d'opium et deux grains de digitale. La
gangrène envahit la main, et la malade succon^ba le qua-
trième jour.
L'autopsie ne put en être faite, mais l'ossification des
arlèies était évidente, et celte cause, jointe au grand iige de
la malade, avait rendu inutile toute espèce de thérapeutique.
Le i5 février i832, M. Lannelongue fut appelé près d'un
officier de santé âgé de soixante-neuf ans. Ce malade res-
sentait une douleur lancinante, déchirante dans le pied droit,
accompagnée d'un froid glacial à l'extrémité des orteils. Le
pied était bleuâtre, les orteils froids et couleur lie de vin.
Les pulsations de l'artèie pédieuse n'étaient pas sensibles;
la pression sur le trajet de la poplitée était fort douloureuse ;
les battemens de cette artère étaient forts et durs. On ne
pouvait sentir les pulsations des artères tibiales postérieure
etpéroniére. La cause de cette gangrène était donc une obli"
lération des vaisseaux artériels du pied, oblitération elle-
même produite par l'artérite. En conséquence on prescrivit
au malade une saignée, des bains locaux émollieus, et des
cataplasmes émoUiens et laudanisés sur le pied. Au Uout de
huit jours, le pied avait repris sa couleur ordinaire, ain.>i que
les orteils, le second excepté. La douleur persistait néan-
moins encore. On insista sur l'emploi des émollieus, et au
bout d'un mois il ne restait qu'une très-petite plaie à la
base de l'ongle du second orteil. Il fallut très-peu de temps
pour la guérir.
Dans la troisième observation citée par M. Lannelongue,
il s'agissuit d'un homme malade déjà depuis plusieurs jours.
La gangrène, résultat de l'inflammation de la tibiale anté-
rieure et de robliléralion des rameaux de la pédieuse, avait
envahi tout le coude-pied. On avait employé inutilement
des purgatifs, des saignées et des applications irritantes sur
les parties malades. Dix sangsues furent aussitôt placées sur
le trajet douloureux de la tibiale, puis la jambe enveloppée
d'un cataplasme émollient. Tous les points du coude-pied
qui n'étaient encore que livides tombèrent en gangrène. De
nouvelles sangsues furent prescrites. En quatre jour^ tout le
■coude-pied fut nuir, et l'eichaiie s'étendait jusqu'à la mal-
léole externe. On insista sur le traitement anliphlogistique,
■et on fit lolionner tout le pied avec le chlorure d'oxide de
sodium. La gangrène s'arrêta très-promplement, et le pied
qui avait été tout violacé reprit sa couleur naturelle. La dou-
(55i)
leur et l'insomnie disparurent en même temps, et il ne resta
qu'une large plaie qui, pansée avec le cérat de saturue,
puis le cérat simple, arriva enfin après quelques mois à gué-
rison complète.
M. Lannelongue fait suivre ces observations de quelques
considérations pratiques sur la cause et le traitement de la
gangrène senile. Il s'élève avec force contre les applications
toniques et stimulantes, et surtout contre le quinquina qu'un
usage banal fait employer indistinctement par beaucoup de
praticiens. Il en est de même, suivant ce médecin, de l'am-
putation qu'autrefois on pratiquait pour arrêter la gangrène,
et à laquelle on ne doit jamais avoir recours que lorsque,
par des soins convenables, on a arrêté la marche de la gan-
grène, c'est-à-dire l'inflummatinn de l'urlère qui la produit.
Réflexions. Le traitement de la gangrène dite seuile ou
spontanée a été singulièrement modilié dans ces dernières
années, et c'est un des points de thérapeutique qui atteste
le plus les progrès de la médecine moderne, fea plus grande
obscurité régnait eu effet sur les causes et le développement
de cette maladie; c'était une mortification de;? tissus par
faiblesse, par défaut d'excitation, et l'on s'efforçait d'y re-
médier par des applications de quinquina, auquel .on attri-
buait une propriété antiseptique, ut qui, dans le plus grand
nombre des cas, ne faisait qu'augnienter l'irritation des
parties malades sans favoriser la délimitation des tissus
gangrenés.
Aujourd'hui on est généralement d'accord pour recon-
naître connue cause de cette gangrène une oblitération de»
artères du membre. Cette opinion n'est pas nouvelle, maie
on doit à quelques médecins de nos jours d'avoir assigné.-,
comme cause fréquente de ces oblitérations, une inflamma-
tion des parois du vaisseau, et d'avoir établi par conséquent
un mode de traitement tout-à-fait rationnel, puisqu'en en-
levant la cause par un traitement antiphlogistique actif, on
permettra aux sucs nutritifs d'arriver dans le membre ma-
lade, et l'on bornera sur-le-champ la gangrène, si déjà elle
avait envahi les tissus.
Si l'on ne peut expliquer de cette manière le développe-
ment de toutes les gangrènes seniles, il faut convenir du
moins que, dans l'immense majorité des cas, tout porte à
croire que cette maladie débute de la sorte. C'est uneaffectioD
purement inflammatoire, et avant d'avoir placé le siège de
l'inflammation dans l'artère elle-même, de bons observateurs
avaient remarqué que le traitement anàphlngistique était le
seul à mettre en usage. Cette remarque suflirait presque
(352)
pour faire adopter les opinions émises plus haut. Voici eo
effet ce qu'écrivait M. Dupuytren en 1824 •
« Une femme âgée de soixante et quelques années vint à
l'Hùtel-Dieu, il y a près d'un an, pour y être traitée de gan-
grène seniie qui affectait les orteils du pied gauche. De vives
et longues douleurs avaient précédé celte gangrène, et
avaient pendant plusieurs mois privé la malade de tout som-
meil. La maladie avait en outre pour caractères la mortifi-
cation, la dessiccation, et en quelque sorte la momification
du sommet des orteils indiqués, la tuméfaction violacée de
la partie voisine des orteils et du pied, et une odeur vive,
pénétrante et très-difficile à supporter.
» Pendant les premiers mois de son séjour à l'Hôtel-Dieu,
on eut recours succcessivement, et sans le moindre succès,
aux opiacés et au quinquina, administrés à l'intérieur et ap-
pliqués à l'extérieur. Loin de s'amender, la maladie fit des
progrès; le reste des orteils, le dos et la plante du pied, les
parties molles et les parties osseuses furent frappées assez
rapidement, d'abord de gonflement violacé très-douloureux,
ensuite de gangrène sèche, toujours accompagnée d'une
odeur très-forte. L'état du cœur, des poumons et des prin-
cipales artères fut étudié; on n'y découvrit aucun signe de
lésion. A cette époque, tourmenté par les douleurs de la
nialade, et fatigué que j'étais de l'inutilité que j'avais si sou-
vent éprouvée des remèdes caïmans, antispasmodiques, to-
niques, antiseptiques, etc., conseillés et employés par tous
les auteurs et par tous les praticiens, je résolus de tenter
d'autres moyens, et prenant conseil de l'état du pouls qui
était plein et dur, de l'état de la face qui était rouge et
animée, je fis pratiquer à la malade une saignée de deux poê-
letles. Les douleurs furent calmées, le sommeil fut rappelé,
et les progrès de la gangrène furent suspendus à tel point
que la malade ne s'était jamais trouvée aussi bien depuis le
commencement de son mal. (let aniélioration dura pendant
une quinzaine, au bout duquel temps les douleurs ïeparu-
rent. Suivant encore la méthode a Juvantibus indlcatio, je fis
pratiquer une nouvelle saignée qui eut les mêmes effets que
la première. A dater de ce moment, on y recourut chaque
fois que la maladie menaça de reparaître; et à la faveur de ce
traitement, les retours de la gangrène sénile ont été pré-
venus. Les parties gangrenées se sont séparées, la cicatrice
s'est faite, et la malade est sortie de l'Hôlel-Dieu, emportant
avec elle le conseil de recourir à la saignée, chaque fois que
quelque symptôme de son ancien mal pourrait en faire
craindre le retour.
( 353 )
» Depuis ce temps, plusieurs individus affectés de gan-
grène sénile ont été traités par la saignée, et toujours avec
le même succès. Ce traitement «'applique-t-il à toutes les
espèces de cette maladie? Je pense qu'il peut s'appliquer
toutes les fois que la maladie est accompagnée de douleurs
vives, de tuméfaction considérable, de plénitude et de dureté
dans le pouls, de coloration de la face. » (V. Dict. de méU.,
tom. 10, p. 65.)
Il est évident pour tous ceux qui ontlu ce qui a été écrit
dans ces dernières années sur la gangrène sénile, que la
malade de M. Dupuytren était atteinte d'une artérite qui
obstruait une partie des vaisseaux nourriciers du pied. Quel
est le degré de fréquence de cette arlérite dans la gangrène
sénile? C'est ce que les recherches sur ce sujet n'ont peut-
être pas encore bien précisé; mais ce qu'il y a de certain,
c'est qu'un traitement antiphlogistique, plus ou moins actif
suivant l'^ge et les farces du sujet, convient dans l'immense
majorité des cas de cette gangrène, et tout porte à croire
que lorsqu'on ne parvient pas ù empêcher de la sorte l'ex-
tension de la gangrène, c'est que les artères sont déjà ossi-
fiées dans une étendue considérable, et qu'aucun moyen
par conséquent ne saurait remédier à cette obstruction.
ART. 1 099.
Quelques considérations pratiques sur te traitement des
entorses.
La lettre suivante nous est adressée par M. Scarron fils,
médecin à Bordeaux :
J'ai sous les yeux le cahier de votre Journal (mois de
juin i835), et j'y lis à l'art. 1071 une observation sur l'efli-
cacité des afïusions d'eau froide, employée comme te moyen
le plus prompt et le plus sûr pour guérir instantanément tes en-
torses. Tout en reconnaissant les bons effets de l'eau froide
dans diverses affections morbifiques, je suis loin, pour ma
part, d'adopter une semblable médication pour les entorses;
et l'expérience m'a très-souvent prouvé que les symptômes
principaux de celte affection, savoir la douleuret l'inflamma-
tion locale causées par la distension subite et violente des
tégumens de l'articulation, ne faisaient que s'accroître en
raison de l'iuiuiersion prolongée de la partie malade dans
l'eau froide. Je me bornerai à vous citer un seul fait récent,
sur plus de deux cents cas d'entorses que j'ai été à même
Tom. VI. — ''î" d'août. 23
(354)
d'examiiK?!'. Au mois de mai dernier, je fus appelé auprès de
madame G... Cette dame, âgée de cinquante-trois ans, d'un
embonpoint plus qu'ordinaire, venait, étant montée sur ui»e
chaise pour placer un flacon de liqueur, de faire tme chute
dans laquelle la jambe et le pied droit avaient été contournés
violemment en dedans. Les premiers soins de cette dame fu-
rent, d'après les conseils de ceux qui l'entouraient au mo-
ment de l'accident, de plonger la jambe malade dans un vase
d'eau froide ; elle y resta environ un quart-d'heure, et s'a-
perçut bientôtque, sons l'influence de ce traitement, sa jambe
venait d'acquérir un volume extraordinaire. J'arrivai sur ces
entrefaites; mais, à l'inspection du membre lésé, il me fut
impossible de m'assurer, attendu le gonflement inflamma-
toire, s'il y avait luxation ou fracture de l'extrémité inférieure
du tibia. Je fls appliquer vingt-cinq sangsues au pourtour des
malléales, et des cataplasmes émolliens après leur chute; le
lendemain, les parties n'avaient pas diminué de volume; seu-
lement, de nombreuses phlyctènes couvraient le pied et le
tiers inférieur de la jambe. Je fis continuer les cataplasmes
émolliens arrosés d'acétate de plomb liquide. Après quatre
jours de ce traitement, l'inflammation perdit de son inten-
sité, et je pus me convaincre qu'il n'existait ni luxation ni
fracture, mais une entorse des plus graves. Les jours sui-
vans, les phlyctènes se crevèrent et laissèrent suinter une
humeur icboreuse; je fis panser ces petites plaies avec l'eau
phagédéniqiie, elles ne tardèrent pas à sécher entièrement.
Des cataplasmes faits avec de la lie de vin et du son, conti-
nués pendant quelques jours, ramenèrent les parties à leur
état normal. C'est alors que j'observai les préceptes de M. Du-
pijytren, qui veut qu'on maintienne l'articulation dans le re-
pos le plus absolu, au moyen d'un bandage à fracture. Ma-
dame G. a pu, après cinquante jours seulement, marcher et
vaquer à ses affaires.
Ne serait-ce pas à l'emploi de l'eau froide que les accidens
inflammatoires ont dû, dans cette circonstance, leur inten-
sité? C'est la question que je me suis toujours laite lorsque
j'ai eu affaire à des malades qui, placés dans le même cas,
avaient eu recoursau inoyiMi employé par madame C, et j'en
ai la preuve dans laconiparaison que j'ai établiedans mapra-
tique.
Voici le traitement bien simple que j'omp'oic dans le cas
d'entorse : je recouvre l'arliculalion malade avec un emplâ-
tre de poix de Bourgogne qne je maintiens par un bandage
serré convenablement. Je recommande unrepos absolu pen-
dant six ou huit jours, après lesquels je lève l'emplâtre et
(355)
fais frictionner la partie malade avec ua liniment composé.
Celte seule médicationm'aconstauiineat réiisîii toutes les fois
que le aialade ne s'élail pas soumis à d'autres Irailenieii!*. Mais
j'ai toujours remarque que l'immersion dans l'eau froide,
soit de lu jambe, soit de l'avant-bras, dans les cas d'entorse,
ne faisaient qu'accroître les accidens inflammatoires, tou-
jours à redouter, et que par suite la guérison était beaucoup
plus longue à obtenir.
Réflexions. Les remarques de M. Scarron sur les inconvé*
niens des bains de pied froids dans les entorses sont confor-
mes à l'observation, et déjà, dans plusieurs circonstances,
nous avonS signalé les incouvéniens de cette pratique. Ce-
pendant, nous devons faire observer qu'il y a beaucoup de
différence entre les effets d'un bain de pied froid et ceux des
alfusions froides continuées pendant un temps plus ou moins
long. Dans le premier cas, en effet, la jambe se trouve dans
une position déclive, ce qui favorise la stagnation et même
l'allluxdes liquides, tandis que lorsqu'on veut pratiquer une
affusion froide, on commence par placer le membre dans une
position élevée, et l'on faittomber d'une certaine hauteur sur
sa superficie un courant d'eau froide qui, frappant fortement
les parties endolories, et les couvrant d'un flot de liquide
continuellement renouvelé, rend l'articulation froide, dé-
colorée, presque insensible, et la maintient dans cet état
pendant tout le temps qu'on le désire, sans qu'on ait à crain-
dre une réaction fâcheuse que, la plupart du temps, on ne
prévient pas par l'emploi du bain de pied.
C'est du froid employé de celle manière, et avec toutes ces
précautions, que nous croyons parler lorsque nous disons
que ses effets peuvent être avantageux dans l'entorse. Appli-
qués d'une manière incomplète, les rélVigérans sont presque
constanmient plus nuisibles qu'utileSo Nous renvoyons au
reste, pour ce sujet, à notre art. 675, où nous avons exposé
le traitement de M. Dupuytren, et à noire art. 717, oii l'on
verra celui de iM. Lisfranc, qui ne diffère du précédent que par
l'activité des moyens antiphlogistiques conseillés.
ART. i 100.
Recherches pratiques sur les causes qui font échouer l'opération de
la cataracte. (Analyse.)
M. Carron du V illards a publié sous ce titre un ouvrage
dans lequel ii examine uoa-seulement les dilférens modes
d'opérer la cataracte, les circonstances dans lesquelles tel ou
( 556 )
tel procédé doit être choisi de préférence, mais encore tous
les aocidens qui peuvent survenir et contrarier le succès de
l'opération, quelle que soit la mt'uhode qu'on ait adoptée.
Parmi ces accidens, il en est qui ont plus particulièrement
fixé l'attention de l'auteur, et sur lesquels, peut-être, on n'a-
vait pas assez insisté jusqu'à ce jour. Dans ce nombre, nous
citerons les névralgies sus-orbilaires et auriculo-maxillaires
qui surviennent quelquefois après l'opération de la cataracte,
au moment même où l'opéré va très-bien, et après que les
symptômes inflammatoires sont dissipés. C'est, d'après l'au-
teur, ordinairement vers le quinzième jour que la maladie se
déclare quand on a pratiqué l'abaissement, tandis que c'est
vers le sixième ou le septième jour, quand on a mis en usage
l'extraction. Tout-à-coup l'opéré est saisi d'une douleur vio-
lente ayant son siège, tantôt vers la racine du nez, tantôt dans
les régions frontales et orbitaires, tantôt à la tempe. D'au-
tres fois, elles occupent l'angle inférieur du nez, l'oreille, etc.
Ces douleurs paraissent le plus ordinairement tous les jours,
à la même heure, et augmentent en général d'intensité. Les
malades sont dans une angoisse extrême ; ils se frappentia tête
avec les mains, poussent des cris aigus; les yeux sont rouges,
injectés, larmoyans; la lumière est insupportable, la pupille
se trouve exlraordinairement contractée. Dans d'autres cas,
l'œil n'offre aucun de ces symptômes; toute la douleur se
concentre derrière l'oreille, d'où elle s'irradie aux alvéoles, aux
dents, qui deviennent excessivement douloureuses et parais-
sent augmenter de volume. Cette affection peut exister avec
ou sans fièvre, et se reproduit souvent à des intervalles assez
éloignés. M. Carrondu Villards a vuchezune dame ce groupe
de symptômes se reproduire tous les quinze jours. Ces dou-
leurs peuvent, au reste, s'étendre jusqu'aux membranes du
cerveau, et compromettre l'existence du malade ; elles peu-
vent aussi produire dans l'œil une irritation assez vive pour
s'opposer au succès de l'opération.
Le traitement de cette névralgie doit varier suivant les cir-
constances. Ainsi, la saignée du pied est un moyen puissant
quand les individus sont forts et pléthoriques. Chez les fem-
mes mal réglées, ou près de l'âge critique, il est ordinaire-
ment nécessaire de réitérer celte évacuation sanguine, la pre-
mière n'ayant souvent pour effet que d'augmenterrinlensité
des douleurs. Les sangsues derrière les apophyses mastoïdes
ou sur le trajet des veines jugulaires peuvent être appliquées
en même temps. On frictionne la tempe et le poiirtour de
l'orbite avec l'extrait de belladone. Si l'estomac est en bon
état, on donne de légères doses de calomel et de jalap, puis
(357)
on prescrit les bains de pied sinapisés et des cataplasmes
chauds en forme de bottine. Ces moyens sont nécessaires
pour calmer les douleurs; mais pour prévenir leur retour, an
a le plus souvent recours au quinquina. On a employé aussi
avec succès le carbonate de fer ainsi que de hautes doses sou-
vent répétées de la potion effervescente de Rivière, au mo-
ment où les premiers symptômes se manifestent.
Lorsqu'on a affaire à des enfans qui refusent de prendre
des remèdes amers, on peut employer la cinchonine pure,
en leur faisant avaler, peu d'instans après, quelques gouttes
d'acide sulfurique étendues dans un verre d'eau. Les vésica-
toires ont en général une action nuisible dans cette maladie.
Cependant on obtient de très-bons effets du galvanisme di-
rigé, à l'aide de la pile de Yolta, sur une surface dénudée
avec la ponmiade de Gondret. Voici maintenant quelques faits
dans lesquels ces principes ont été mis en pratique.
Une jeu ne Portugal se, al teinte de deux cataractes, fut opérée
par M. Carron le i" mars 1822. L'opération n'offrit rien de
remarquable ; elle fut peu douloureuse, et la malade aperçut
aussitôt très-distinctement la lumière. Tout se passa sans ac-
cidens jusqu'au quinzième jour, époque à laquelle l'opérée
fut tout-à-coiip atteinte de douleurs sus-orbilaires tellement
atroces qu'elle poussait des cris perçans. La face était rouge,
animée, le pouls dur, vibrant; on pratiqua une saignée au
pied de deux fortes palettes; en même temps on frictionnait
le pourtour de l'orbite et la tempe avec de l'extrait de bella-
done. La douleur fut calmée, mais elle revint deux jours après
à la même heure, et avec non moins d'intensité.
Aussitôt que l'accès fut terminé, la malade reprit sa tran-
quillité habituelle ; mais à l'époque ordinaire, un nouveau pa-
roxisme se manifesta. A peine les douleurs avaient-elles com-
mencé à se faire sentir, que M. Carron prescrivit une deini-
once de la potion effervescente de Rivière, à prendre tous les
quarts-d'heure. L'accès ne fut presque pas douloureux. Deux
jours après, il se manifesta de nouveaux prodromes d'^un troi-
sième accès, mais la même potion en prévint le développe-
ment. A dater de ce moment, la malade fut complètement dé-
barrassée de sa névralgie.
Chez un autre malade, de semblables douleurs s'étant ma-
nifestées, on eut recours sans succès aux émissions sangui-
nes, aux frictions debelladone, aux révulsifs de toute espèce.
Le carbonate de fer fut alors prescrit de la manière suivante :
On mêla deux scrupules de carbonate de fer à deux gros de
sucre, pour faire dix poudres à prendre dans la journée. On
commença l'usage de ce médicament le 20 avril. Le 21, on
(558)
reconnut une diminution notable dans l'intensité et dans la
fréquence des accès. Quelques jours après, le malade était
radicalement guéri. On continua néanmoins l'usage du car-
bonate de fer jusqu'aux premiers jours de mai. On pratiqua
alors l'opération sur l'autre œil. Pareils accidens nerveux sur-
vinrent encore, et on les combattit avec un égal succès par
le même médicament.
Dans d'autres observations, enfin, le sulfate de quinine a
merveilleusement réussi; et sous son influence ces doulou-
reux paroxismes ont complètement cessé pour ne plus repa-
raître.
Nous n'examinerons pas ici tous les autres accidens qui
peuvent survenir après l'opéralion de la cataracte, tels que
l'opbtbalmorrhagie, l'iritis aiguë et chronique, l'éréthisme
oculaire, etc., et nous passerons sous silence les avantages et
les inconvéniens des diverses méthodes d'opérer, pour nous
arrêter quelques instans sur les règles tracées par j>I. Carron,
relativement à la conduite à tenir après l'opération, quel que
soit le procédé auquel on ait donné la préférence.
Il est presque impossible de placer un appareil sur les yeux
des enfans opérés de la cataracte, car les efforts qti'ils font
pour s'en débarrasser sont plus nuisibles au succès; de l'opé-
ration que l'absence de tout appareil. 11 faut donc se borner
à pratiquer des frictions de belladone dans le pourtour de l'or-
bite, et à placer les yeux opérés dans une obscurité conve-
nable et dans une atmosphère peu chaude.
S'il se manifeste une inflammation, il faut avoir recours à
l'application de quelques sangsues aux tempes ou derrière les
oreilles, mais jamais sur les paupières : pratique vicieuse qui
peut avoir les plus fâcheux résultats. Quand l'inflammation
est très-violente. M. Cari on fait avec avantage des scarifica-
tions dans l'intérieur des narines.
C'est toujours pendant le sommeil qu'il faut examiner les
yeux des enfans. Si on ne peut y parvenir sans les éveiller, il
fautleur faireprendre unsirop légèrement narcotique ou leur
introduire dans le rectum un léger suppositoire de beurre
de cacao, mêlé à quelque substance soporifique-
Une précaution indispensable est d'accoutumer peu à peu
le malade à la lumière. En présentant trop tôt h s yeux au
grand jour, on s'expose à produire une inflau)n)ation de la
rétine, et cet empressement est la cause la plus fréquente des
insuccès. Le malade ne sera donc; conduit au grand jour
qu'après avoir passé par des degrés variés de lumière. Pen-
dant long-temps, il sera même convenable de lui faire porter
un garde-vue et des lunettes colorées.
I
(559)
La plupart des aveugles de naissance ù qui l'on rend la lu-
mière ne savent point voir, et il est nécessaire de leur ap-
prendre à se servir d'un sens nouveau pour eux. Ils s'em-
pressent ordinairement de toucher avec les mains les objets
dont ils calculent mal l'éloig^nemenl; mais cette rectificatiun
d'un sens par un autre peut retarder de beaucoup chez les
enfans le libre exercice de la vision. Il est donc quelquefois
nécessaire de leur attacher les mains derrière le dos, de les
tourmenter en quelque sorte jusqu'à ce qu'ils aient appris à
jufïer par la vue des corps qui le- environnent.
Tels sont quelques-uns des préceptes généraux émis par
M. Carron du Yillards sur les soins consécutifs à donner aux
opérés de la cataracte. Les bornes de cet article ne nousper-
mettent pas de nous arrêter plus long-temps sur un ouvrage
qui contient de sages conseils et de nombreuses observations
que les praticiens liront avec intérêt.
ART. 1101.
Séance d'Académie. — Procédé de M. Gannal pour la consercaiion
des cadavres.
M. Breschet a entretenu l'Académie, dans sa séance du 14
juillet, de quelques expériences tentées par la commission
dont il était le rapporteur, pour vérifier les propriétés du
liquide que M. Ganual a proposé pour la conservation des
cadavres (1). Après avoir fait sentir de quelle utilité serait
la découverte d'un moyen peu coûteux et facile à se pro-
curer dans toutes les localités, pour conserver intacts les
corps des animaux, ce chirurgien a rappelé que l'alcool pro-
posé à cet effet ne pouvait guère servir, attendu l'élévation
de son prix, que pour la conservation d'animaux de petites
dimensions; que les acides altéraient les tissus; que l'essence
de térébenthine, les huiles, etc., avaient a peu près les
mêmes inconvéuiens que Talcool ; puis arrivant au procédé
de M. Gannal, qui, comme on la vu, serait peu coûteux et
d'une exécution très-facile, il a rendu compte des expé-
riences suivantes :
Dans un des pavillons de l'école pratiqiie, on plaça, au
mois de mars dernier, deux cadavres dans une cuve en bois,
préalablement rempli d'un liquide contenant ainn. chlorure
de sodium, de chaque deux j)arties, et nitiale de potasse
une partie. L'eau qui contenait ces sels en solution marquait
quinze degi es à laréoniètre.
(1) A oyez art. 1047.
( 36o )
Au bout de deux mois ces cadavres furent retirés de la
cuve. Ils n'avaient pas changé d'aspect extérieur, et on
rectmnut, en les disséquant, que leurs tissus n'étaient pas
altérés.
On a fait avec ce même liquide des injections d.ins le sys-
tème artériel, et au bo-U de deux mois ces sujets ont pu
servir à l'étude des élèves. On a pu remarquer en outre,
qu'un sujet baigné dans ce liquide, puis retiré, et exposé au
milieu des autres pièi^es d'anatomie en putréfaction, pouvait
rester encore quinze jours sans se décomposer, et ces expé-
riences ont été tentées à une époque oi'i la chaleur ne per-
mettait point de conserver les autres cadavres pendant un si
long. espace de temps.
Les tissus extérieurs avaient bien changé de couleur,
mais ils avaient conservé leur forme et leur densité. Quant
aux organes intérieurs, ils étaient absolument dans le même
état que ceux d'un sujet frais.
Les recherches auxquelles s'est livrée la commission ne
sont pas encore assez nombreuses pour faire apprécier d'une
manière bien précise les avantages du procédé de PiL Gannal.
On s'est demandé, par exemple, pendant combien de temps
le liquide proposé pouvait conserver les cadavres; si, dans
un voyage de long cours, des animaux pourraient être trans-
férés intacts de pays lointains, et surtout s'il serait possible
de conserver pendant l'été un grand nombre de cadavres,
pour les livrer à la dissection pendant l'hiver. Toutes ces
questions n'ont pu être suffisamment résolues, et l'on va
poursuivre les recherches sur ce sujet important.
AKT. 1102.
ISouvelle méthode de traitement des ulcères et de l'engorgement
sqairreux ou carcinomatcux du col de l'utérus, par les in-
jections de jus de carotte crue, combinées avec le traitement
antiphlogistique. (Art. communiqué par M. Tardieu, de
Saint- Alban, docteur en médecine, résidant à Sangues.)
«Un des moyens les plus préconisés par plusieurs auteurs,
et surtout par le professeur Fages, pour obtenir la cicatrisa-
tion des ulcères chancreux, pour paralyser même la marche
des cancers, en quelque partie du corps qu'ils aient leur
siège, est la râpiire de carotte à l'état cru :
1) Ayant été chargé, il y a sept mois, du traitement d'une
jeune femme atteinte, depuis neuf à dix ans, de l'ulcère du
col de l'utérus, nous avons employé un procédé par lequel
cet agent thérapeutique peut être mis en œuvre à l'intérieur
(56i)
comme il l'a été, et comme il l'est encore extérieurement
dans pliK-ieurs cas.
n Madame*** âgée de trente-six ans, d'un tempérament bi-
lioso-nerveux, d'une constitution grêle, enf;inta pour la pre-
mière foi?, et pour la dernière jusqu'à ce jour, en 1K26; ses
couches furent pénibles : quelques mois après elle éprouva
des douleurs dans la région lombaire, les cuisses, l'hypo-
gastre; à cet état succéda une hémorrhagie qui reparut à
des intervalles plus ou moins éloignés, pendant quatre ou
cinq ans; bientôt une perte blanche survint; celte évacua-
tion n'a en aucune manière porté de dérangement a l'évacua-
tion périodique; elle n'a pas même, jusqu'à un certain point,
réveillé l'attention de madame *** pendant les premières
années; elle dégénéra bientôt cependant en perle sanieuse
fétide. Enfin, le mal s'aggrave et se manifeste par des accès
hystériques qui le font méconnaître long-temps par le mé-
decin ordinaire, qui ne s'occupe nullement de inaladi s chi-
rurgicales. Lorsque je fus appelé en septembre et en oc-
tobre 1834, madame *** était réduite à l'état suivant : face
jaune; constitution dépravée, amaigrie. Le col de l'utérus
arrivait presque au niveau des petites lèvres : il était consi-
dérablement engorgé; la face interne du museau-de-tanche
était boursoufilée, comme renversée, rugueuse, saignante;
le doigt retiré donnait une odeur repoussante; la malade ne
pouvait supporter les approches de son mari, pas même l'in-
troduction de l'index; depuis deux mois son époux conser-
vait, sans pouvoir s'en débarrasser, une gonorrhée qui ré-
sultait et qu'entretenait son union avec sa femme.
» Dans cet état de choses, j'ordonnai l'application de douze
sangsues dans l'intérieur des lèvres; des lavemens d'eau de
mauve au moyen de laseringue àmatrice; des fomentations de
la même nature sur l'hypogastre ; une diète légère, etc. Après
avoir combattu les premiers symptômes inflammatoires, je
substituai aux lavemens de mauve ceux provenant du jus de
la râpure de carotte, obtenu par l'addition d'une certaine
quantité d'eau tiède ajoutée à la râpure; j'en secondai l'effet
par le tamponnement du vagin, au moyen de la même râ-
pure modifiée, comme i! est dit, par l'eau tiède; tamponne-
ment que l'on doit pousser aussi haut qu'il est possible, afin
de mettre en contact le museau-de-tauche avec cette espèce
de pulpe. Ce dernier moyen a été mis en œuvre le soir, lors-
que la malade avait rendu ses urines, et relire le matin pour
vaquer au même besoin. On en a suspendu l'emploi dans les
momens de la menstruation ; il a été remplacé le jour par
plusieurs injections de jus de carotte (quatre fois par jour).
(56a)
L'application de huit sangsues à l'intérieur des lèvres a eu
confît/inimcnl lieu tous le? huit ionrs. La malade a observé la
dicle blanche rigoureusement. Depuis deux mois, les symp-
tômes sont enlièremeut amciidés ; il n'y a plus d'accès hysté-
riques; plus de souftVances dans la région hypogastrique;
plus de perte sanieuse; le col de l'utérus est remonté, est plus
souple, n'a plus cette sensibilité exaltée, ne donne plus
d'odeur nauséeuse; madame *** voit son mari sans éprouver
de secousse pénible; son teint est rosé; sa marche est assurée
et facile. Toutefois, nous avons encore à combattre l'en-
gorgement du col, et pour cela nous avons adopté la solution
d'hydriodate de potasse ioduré. Sans nous dissimuler la né-
cessité d'employer long-lemps ce moyen, nous espérons un
succès semblable à celui qu'a obtenu M. Clarion jeune, et à
celui que nous venons d'obtenir dans une autre observation à
peu près semblable. »
ABT. iio3.
Clinique d'accouclicmens : Considérations pratiques sur les
causes qui peuvent retarder l'expulsion de ta tête du fœtus des-
cendue dans la cavité du bassin. ( V. art. io56.)
Lorsque dans les cours d'accouchemens on fait la descrip-
tion du bassin, on a tellement en vue le bassin sec, qu'on
onblie de parler des parties molles qu'on y rencontre. Ainsi,
ou a établi qu'il existait deux axes, l'un pour le détroit supé-
rieur, l'autre pour le détroit inférieur; mais il en est un troi-
sième qu'on n'a pas signalé, et qui cependant est d'une
haute importance dans la théorie de l'accouchement. Re-
présentons-nous, par exemple, le fœtus reujplacé par un
corps inerte et s'engageant dans le détroit supéiieur en sui-
vant l'axe connu; il est évident qu'il s'arrêtera sur le sa-
crum. S'il prend ensuite la direction du second a.xe indiqué,
au lieu de sortir par la vulve, il s'arrrtera sur le périnée. II
faut donc, pour se rendre un compte exact de ce qui se passe,
imaginer un troisième axe qui, [)artanl à peu près de la par-
tie moyenne du sacrum, se dirigera vers la vulve. C'est cette
direction que le fœtus suit souvent avec tant de peine, et qui
varie considérablement, suivant la longueur du périnée.
C'est cette disposition qui fait que chez les principales l'ac-
couchement est souvent si dilTicile.
Ces trois axes bien connus, l'attention devra toujours être
dirigée sur ce point, savoir : si la force d'expulsion est trop
faible, ou si la force de résistance est trop grande. Ainsi,
(365)
dans les trois cas où l'on a appliqué le forceps deux fois,
l'obstacle provenait d'nn excès de force de résistance; une
seule fois le retard provenait d'un défaut de force d'action.
Dans ces trois observations, les moyens employés pour ter-
miner l'accouchement ont été les mêmes ; mais dans le plus
fïrand nombre des cas, cette distinction est importante à éta-
blir pour les applications thérapeutiques. Ainsi, quand il y
aura de fortes contractions utérines, et que cependant le tra-
vail n'avancera pas, il ne faudra pas avoir recours à une
augmentation de force d'action : le seigle ergoté, par exem-
ple , ne saurait être administré chez une femme dont le
système musculaire est très -développé, et qui fait valoir
convenablement ses douleurs. Une telle conduite serait pré-
judiciable non-seulement à l'enfant, dont la vie serait com-
promise, mais encore à la mère, chez laquelle on pourrait
déterminer quelque rupture funeste.
Si. au contraire, on était appelé chez une femme dont les
faibles contractions utérines ne peuvent expulser la tête,
qui, bien que descendue jusqu'à la vulve, n'éprouve qu'une
force de résistance médiocre, il est évident qu'on doit cher-
cher cà ranimer la force d'expulsion par le seigle ergoté ou
d'autres stimulans.
INIais il n'est pas toujours facile de reconnaître quand la
force d'expulsion est trop faible ou la résistance trop forte.
M. Dubois fut appelé dernièrement par deux médecins qui
assistaient une femme depuis quelques jours. A son arrivée,
la tOte du fœtus était au détroit inférieur, et ne pouvait le
franchir; on avait d'abord pensé que ce retard provenait de
ce que le mouvement de rotation ne s'exécutait pas, et on
avait inutilement tenté de l'opérer; puis le forceps avait été
appliqué, mais on n'avait pu parvenir à en articuler les
branches. Cette femme était déjà accouchée naturellement;
les douleurs étaient très-forfes, mais tout-à-fait irrégulières,
et n'étaient point cxpulsives ; la tête reposait sur le périnée,
bien qu'il ne bombât en aucune façon. Cet état durait depuis
plusieurs heures, et il était urgent de terminer l'accouche-
ment, ce que M. Dubois fit sur-le-champ à l'aide du forceps.
Cet instrument une fois appliqué, il suffît de faire quelques
légères tractions, et une forte douleur étant survenue, la
tête fut expulsée avec l'instrument
Il arrive Quelquefois que, bien que les douleurs soient
violentes, le col utérin n'éprouve aucune dilalation. Il y a
dans ce cas un moyen assez simple d'accélérer le travail,
moyen qui réussit assez souvent : il consiste à l'arrêter
en doQOânt une forte dose d'opium. C'est ordinaire-
( 364 )
ment le sirop de diacode, à la dose de deux onces, que
M. Dubois emploie de préférence. La femme ne tarde pas à
s'endormir; et lorsqu'elle se réveille, le travail recommence
avec régularité. S'il n'y avait pas eU urgence de terminer
l'accourihement dans le cas précité, c'est le moyeu qu'on
eût employé pour changer la nature des douleurs.
ART, 1104.
Observation d'accouchement en quatrième position du siège.
La lettre suivante nous est adressée par M. le docteur Re-
naut, chirurgien aide- major aux hôpitaux de l'armée d'A-
frique :
« J'ai souvent ici l'occasion d'assister des femmes en cou-
ches; et comme dans votre journal vous vous occupez beau-
coup de cette intéressanle partie de l'art de guérir, j'ai cru
devoir vous faire part d'un cas peu connu que j'ai eu l'avan-
tage d'observer il y a quelque temps, afin que, si vous le
jugez utile au perfectionnement de l'art, vous lui donniez
place dans vos colonnes.
» Baudeloque reconnaît l'existence de ce cas, mais le re-
garde comme excessivement rare et peu favorable; il en
donne ensuite la description, qui n'est pas conforme à mon
observation. M. Maygrier dit que la difficulté de déterminer
cette position l'engage à ne pas en parler; que, du reste, elle
n'existe pas réellement dans la pratique. Il aurait mieux fait
de dire qu'il ne l'avait pas observée. Voici le fait : Le 17 jan-
vier dernier, je fus appelé dans l'après-midi pour visiter la
femme Iledel (Marie), âgée de vingt-quatre ans, d'un tem-
pérament sanguin, d'une forte constitution, exerçant la pro-
fession de laveuse. Cette femme me dit être enceinte de son
troisième enfant, et avoir des douleurs depuis le malin; je
la touchai immédiatement; le col était eflacé, souple et di-
laté; les membranes bombaient pendant les contractions
utérines; je portai le doigt plus profondément après la dou-
leur, afin de reconnaître la partie du foetus présente au dé-
troit supérieur; a ma grande surprise, je déterminai positi-
vement la quatrième position du siège. Voici ce que j'ob-
servai : une tumeur volumineuse arrondie, souple, occupant
tout le détroit supérieur, divisée en deux parties égales par
un sillon profond; à l'extrémité postérieure de ce sillon, qui
avait une direction oblique de gauche à droite, je distinguai
une ouverture arrondie, où je playai l'extrémité du doigt,
dette ouverture était l'anus; puis un peu en avant, et à
(565 )
droite (de la mère), une autre ouverture longitudinale, sé-
parée de la première par un petit intervalle lisse, le périnée,
et surmontée par un renflement assez considérable, les pe-
tites lèvres. De chaque côté de l'anus, je sentis deux tumeurs
dures, résistantes, les tubérosités des ischions; enfin dans le
prolongement antérieur de ces tubérosités, la partie posté-
rieure des cuisses.
» La surface antérieure du tronc du l'œtus, ainsi que la
face, étaient dirigées en avant et à droite derrière la cavité
cotyloïde droite de la femme, le sacrum el toute la partie pos-
térieure de l'enfant, en arrière el à gauche, devant, la sym-
physe sacro-iliaque gauche ; le siège était donc diagonale-
ment placé, comme dans les deux premières positions de
Baudeloque, et non d'avant en arrière, comme l'admet le
même auteur; pour les deux dernières, il est certain, d'a-
près ce qui précède, que si l'on rencontrait la troisième posi-
tion du siège, elle serait diagonale aussi; et par conséquent
l'inverse de la première, comme la quatrième (que je viens
d'observer), est elle-même l'inverse de la deuxième.
» Après la sortie du siège, je pus vérifier l'exactitude du
pronostic que j'avais établi avant l'écoulement des eaux.
L'enfant était du sexe féminin; la vulve regardait en avant
l'aire droite de la mère; le sacrum, la partie interne et pos-
térieure de la cuisse gauche.
» L'accouchement se fit facilement par les seules forces
de la nature.
» Je crois maintenant très-facile, loin d'être presque im-
possible, comme le dit M. Maygrier, de préciser la troisième
et la quatrième position du siège, que MM. Capuron et Ha-
tin reconnaissent.
') On pourrait, ce me semble, désigner de cette manière
ces positions, en prenant le sacrum de l'enfant pour base du
point de départ; la première serait nommée sacro-antérieure
gauche, la deuxième sacro-antérieure droite, la troisième
sacro-postérieure droite, la quatrième enfin sacro-posté-
rieure gauche.
» En terminant, je ne puis me dispenser de faire les obser-
vations suivantes, qui naissent naturellement de mon sujet;
Baudeloque admet que le siège, dans les deux premières
positions, est placé diagonalement, et dans les deux der-
nières directement d'avant en arrière. Ce célèbre accou-
cheur, dans sa longue pratique, n'aurait-il observé que les
deux premières? Dans ce cas, l'analogie aurait dû, ce me
sen\ble, lui l'aire adopter la diagonale aussi pour les der-
nières; je ne sais comment m'expliqucr cette anomalie !
(366)
i> Pourquoi M. MLaygrier ne décrit-il pas, dans son excel-
lent ouvrage, les deux dernières positions? Elles existent
pourtant; et pourquoi place -t -il transversalement d'une
fosse iliaque à l'autre les deux premières ? »
ART. iio5.
HOPITAL DES VÉNÉRIENS.
Considérations sur la syphilide squammeuse.
La syphilide squammeuse se manifeste, comme son nom
l'indique, par des écailles plus ou moins nombreuses qui se
détachent par plaques lorsque l'éruption s'est développée.
Elle atiecte dilïurentes formes qu'ilestimportant de signaler.
Ainsi, tantôt toute une région de la peau, les bras par
exemple, le front, les cuisses offrent une rougeur générale
et des squammes plus ou moins nombreuses; d'autres fois ces
squammes sont répandues çù et là sur diverses parties du
corps, affectent une forme arrondie, et, examinées à la loupe,
présentent une multitude de petites écailles qui, lapprochées
les unes des autres, constituent les plaques qu'on peut aisé-
ment enlever avec l'ongle. Cette dernière variété s'observe
surtout chez les enfans peu de jours après leur naissance.
Enlin, ilestune troisième variété qu'on rencontre assez fré-
quemment et dont nous avons recueillpquelques exemples ;
c'est la syphilide squammeuse cornée, qui se développe à
la plante des pieds et à la paume des mains, et qui ressemble
assez aux ampoules qui se forment sur ces parties lors-
qu'elles ont été exposées à de fortes pressions.
Pour rendre cette description plus sensible, nous allons
citer quelques exemples pris dans ces diverses variétés de
syphilides.
AU n^/ffl^ l'infirmerie, a été couché, le 21 janvier dernier,
un homme de trente-quatre ans. Au mois d'août précédent,
il avait contracté un chancre du gland, sur lequel on avait,
disait-il, appliqué de l'onguent mercuriel et une poudre
blanche. Au bout de quinze jours cet ulcère avait été ci-
catrisé; mais deux mois après, un ulcère de la gorge et une
éruption générale l'avaient forcé d'entrer dans un hôpital
où il avait pris une quarantaine de paquets de umriale d'or.
A son cnlrée aux Vénériens, il offiait sur les avant-bras et
sur le front de tfès-larges rougeurs, sur lesquelles étaient
dcisémiuées des pustules et des squammes très-nombreuses,
(367)
qui «e détachaient par parcelles. Ce malade fut mis à l*usage
de la décoction de salsepareille avec le siropsudorifique.il fit
en 0 u tre des fuinigalion> de cinabre, auxquelles il fa 11 ut bien tôt
renoncer, les gencives ayant été prises d'inflammation. Ce-
pendant les plaques ne tardèrent pas à se détacher, et vers
la fin de février, la peau, infiniment moins rouge, présentait,
au lieu de croules, une infinité de petits points, qui n'étaient
autre chose que les cicatrices de la multitude des petites
pustules, composant dans l'origine l'éruption squammeuse.
Cet homme n'est sorti que le i8 avril, entièrement débarrassé
de son éruption.
Une jeune femme, jouissant habituellement d'une bonne
santé, prit un nourrisson qui avait le corps couvert d'une
éruption syphilitique. Peu de temps après, il lui vint des
crevasses aux seins. Elle entra à l'hôpital Cochin, où elle sé-
journa plusieurs mois, et, voyant qu'elle ne guérissait
point, elle se présenta aux Vénériens, où elle fut reçue le 5i
octobre 1854, et couchée au n" 5i de la seconde salle. Elle
portait sur le cuir chevelu, le front et la nuq;ie, des plaques
blanches de diirérentes grandeurs, élevées un peu au-dessus
du niveau de la peau, et tout autour, sur les tégumens de-
venus rouges, une multitude de petits points blancs sem-
blables à de la farine, (es points blancs, examinés avec soin,
semblaient se réunir dans certaines parties, et former ainsi,
par leur agglomération, les plaques dont nous parlions tout-
à-l'heure. Des squarames semblables existaient sur la poi-
trine, le dos et les cuisses. Une céphalalgie habituelle et des
larraoiemens accompagnaient cette éruption. On fit la
prescription suivante : Tisane de salsepareille, une pilule
d'un grain de proto-iodure de mercure; pour régime, pru-
neaux et légumes frais, bains d'eau simple.
Le traitement fut commencé vers le milieu de novembre.
Dans les premiers jours de janvier, les squammes étaient
remplacées par des taches brunâtres, qui tendaient de plus
en plus à s'effacer. Ces taches avaient presque entièrement
disparu. A la fin de février la madale pouvait être considérée
comme guérie.
Ces deux exemples nous offrent les deux variétés les plus
ordinaires de la syphilide squammeuse. Nous avons observé
la troisième espèce chez un jeune homme, couché au n" 3
de la seconde salle, et qui a voulu sortir avant d'être com-
plètement guéri. Ce malade avait eu, à différentes époques,
des chancres à la verge et une blennorrhagie. Depuis trois
semaines environ, il était survenu des pustules muqueuses
aux bourses, et ces pustules, en s'éloignant de celte région,
( 368 )
prenaient peu à peu la forme papuleuse. On remarquait,
surtout sous la plante des pieds et la paume des mains, des
squammes blanchâtres entourées d'un cercle jaune, à peu
près semblables aux ampoules qui se développeiit sur ces
parties, lorsqu'avec l'ouj^le on a crevé le vésicule qui les
constitue. Le cyanure de mercure fut encore administré à
ce malade, qui était en bonne voie de guérison lorsqu'il vou-
lut quitter l'iiôpital.
On peut aussi rapprocher de la syphilide squammeuse
cette affection particulière, qu'on a désignée sous le nom
d'onjccis, et qui consiste dans une inflammation de l'extré-
mité des doigts, à la suite de laquelle l'épiderme se détache
comme si ces parties avaient été brûlées. La matrice de
l'ongle elle-même étant malade, celui-ci se brunit et finit
par se détacher.
Pareil accident s'observe également pour les cheveux, la
barbe et les sourcils, lorsque, la syphilide squammeuse se
développant sur la tête, l'inflammation pénètre jusqu'à
l'organe productif du poil, et détermine sa chute tempo-
raire. (Après la guérison de cette éruption, en effet, les
cheveux et la barbe se reproduisent de nouveau.) C'est ce
que nous avons observé au n° 5 de la petite salle, chez un
homme dont les cils, les sourcils et les cheveux sont tombés
presque complètement. Leur reproduction s'est faite en
partie, lorsque, par l'usage des bains à vapeurs de cina-
bre, il eut entièrement été débarrassé de sa syphilide.
La syphilide squammeuse est ordinairement un symptôme
consécutif de vérole, et elle se manifeste, en général, à une
époque plus éloignée des accidens primitifs qu'on ne l'observe
pour les différentes formes d'éruptions que nous avons étu-
diées jusqu'ici.
ART. 1106.
HOPITAL CLINIQUE DE LA FACULTÉ.
Observations sur quelques a/fections cérébi'ales diagnostiquées,
avec précision pendant la vie.
Dans sa leçon du 28 avril, M. Rostan, pour démontrer la
puissance des moyens de diagnostic des affections cérébrales,
et la précision à laquelle on peut parvenir dans l'indication
des altérations pathologiques pendant la vie, a rappelé les
cinq cas suivans que nousavODS observés dans ses salles:
(569)
l' Un homme fut ramassé dans la rue et apporlé à l'iiôpllal
sans connaissance, et avec une hémiplégie conipléle. Le
premier diagnostic fut d'abord pour une hémonhagie céré-
l3rale ; mais le lendemain tous les accidens s'étant dissipés,
on vit qu'on n'avait eu affaire qu'à une simple congestion.
Ce malade eut les jours suivans de très-violens accès d'é-
pilepsie, et finit par succomber. Or, suivant ce professeur,
l'épilepsie ne saurait reconnaître pour cause unelésion perma-
nen le du cerveau : puisque l'action est passagère, momentanée,
il faut bien que la cause qui détermine ces contractions muscu-
laires disparaisse lorsque l'accès est passé. Quelle est-elle?
c'est ce qu'on ne saurait dire; assurément elle existe pendant
la vie, mais à l'autopsie on ne saurait la démontrer.
C'est ce qui est arrivé pour ce malade. Le cerveau, coupé
tranche par tranche avec la plus minutieuse attention, n'a
offert aucune espèce de lésion à laquelle on pût rattacher
les accès épileptiques pendant la vie.
2° Le malade couché au n'^ 23, et sur lequel des symp-
tômes si insidieux cachaient une pleurésie avec épanche-
iiient (i), a succombé dans un état dii délire furieux. Il fut
diagnostiqué rméningo-encéphalite superficielle, et M. Rostan
annonça qu'on trouverait à l'autopsie une injection profonde
des méninges, avec adhérence de ces membranes à la sub-
stance corticale du cerveau. Ce diagnostic fut pleinement
justifié.
5° Au a° 24 était une femme âgée, qui avait éprouvé
d'abord de l'engourdissement dans les membres, puis suc-
cessivement une paralysie complète de tout un côté. M. Rostan
diagnostiqua, attendu l'invasion lente de la paralysie et sa
persistance, un ramollissement considérable. A l'autopsie on
a trouvé l'un des hémisphères du cerveau ramolli dans la
grosseur d'un œuf de poule au moins.
4° Un homme s'est présenté à l'hôpital, accusant une cé-
phalalgie atroce, qui se reproduisait, disait-il, chaque année,
et qui ne cédait ordinairement qu'à des saignées très-co-
pieuses. Dans la nuit même il survint un délire violent, qui
persista jusqu'au moment de la mort, arrivée le troisième
jour. On trouva à l'aulopsie les membranes du cerveau d'un
rouge très-vif, et adhérentes à la substance corticale, par
uue multitude de filamens qui pénétraient dans sa profon-
deur. Ces désordres avaient été parfaitement annoucés à
rayance.
(i) Voy. aif. îdSç), note.
Ton. VI. — >" d'août . a4
( 37U )
5° Au n° 10 ciaii couché un hoiuiue dont l'observation
est (les plus iuléressiintes. Il était entré à l'hôpital, au mois de
février, pour une paralysie de la i'ace ; une pupille était di-
latée et l'autre resserrée. Cet homme déclara que deux mois
auparavant il avait été paralysé de la moitié droite du corps
tout-à-coup, et sans phénomènes précurseurs. Au bout de
quelques semaines, cette paralysie avait disparu. M. Rostan
affirma qu'il devait y avoir dans le lobe gauche du cerveau
des traces d'un épanchemenl peu considérable; puis, pour
expliquer la paralysie actuelle de la face, au lieu d'en placer
le siège dans le nerf facial, comme l'auraient fait beaucoup
de médecins, il l'attribua à un second épanchement hémor-
rhagique peu considérable et récent. Il ajouta que la gué-
risoii aurait lieu très-probablement en peu de temps, ce qui
arriva.
Cet homme allait sortir de l'hôpital, lorsqu'il fut pris de
bouffées de chaleur au visage et de douleurs dans les orteilj.
On supposa alors qu'il se f lisait un travail autour de l'ancien
épanchement, et ou s'empressa d'appliquer des sangsues à
la gorge. Le malade allait mieux, lorsqu'un matin on le
trouva tombé en bas de son lit avec paralysie d'un côté,
d'abord faible, puis de plus en plus complète. Il y avait en
cuire des douleurs dans les membres paralysés, et bien que,
pendant quelques jours, il semblât y avoir quelque amélio-
ration, on reconnut l'existence d'un ramollissement, et par
con>équ'int on pronostiqua une mort prochaine. Au bout de
quelques jours, effectivement, le malade tomba dans un état
comateux, puis mourut.
A l'autopsie on a trouvé d'abord, dans une étendue de la
largeur de la main, un ramollissement occupant tout l'hé-
misphère gauche du cerveau. Le côté droit n'offrait rien de
semblable.
Dans la couche optique et le corps strié du côté gauche,
on rencontra une sorte d'ecchymose, reste d'une hémor-
rhagie datant de trois à quatre mois.
L'hémisphère droit fut examiné avec soin, et on trouva
enfin dans la couche optique un kyste de la grosseur d'un
petit pois, présentant tous les caractères d'un épanchement
sanguin résorbé, et explifjuant l'ancienne paralysie.
Ces exemples, et plusieurs autres que nous pourrions rap-
peler, ont sendilé à M. llostan suffîsans pour établir que
les aifect-ions cérébr.iles peuvent être diagnostiquées avec
tout aiilaul de certitude (pie celles des autres organes, et ce
professeur a combaîtu avec force l'opinion des médecins
qui prétendent que ces maladies ne sauraient être reconnues,
(37» )
et qu'on n'en âaurait fixer le siège avec précision pendant la
vie. Celte proposition sera iléaiontrée dans les histoires par-
ticulières que nous exposerons.
ART. 1107.
Considérations sur la congestion cérébrale (pléthore, hypérémiCf
coup de sang), ses symptômes et sa marche.
De toutes les affections cérébrales, la congestion est la
plus simple. Il y a une vingtaine d'années cependant, on la
confondait encore avec l'héniorrhagie; mais depuis cette
époque, létude de ces maladies a été bien perfectionnée. La
congestion n'est que la trop grande aflluence du sang vers le
cerveau. On la désigne aussi sous le nom de pléthore, hypé-
rémie cérébrale, coup de sang; mais la plupart de ces déno-
minations indiquent des degrés ditï.^rens, comme nous au-
rons occasion de l'indiquer plus tard.
On doit considérer dans la congestion deux variétés bien
distinctes, l'une désignée sous le nom de pléthore ou d'hy-
péréinie, et l'autre sous celui de coup de sang. Voici les si-
gnes qui indiquent la pléthore du cerveau : la vue est trou-
blée, quelquefois les malades aperçoivent des étincelles,
d'autres fois les objets ne sont peiçus qu'impai faiteinent,
ou scintillent ou fuient autour d'eux. Dans certains cas, le
sens de la vue est surexcité, d'autres fuis il est plus obtus
Il est des hypérémies qui nont pis d'autres symptômes
que ceux-là. Il n'est pas vrai, ainsi qu'on l'a annoncé, que
les objets paraissent rouges aux malades.
Rien n'est plus fréquent que de rencontrer des malades
qui entendent des bruits anormaux, des linlemens d'oreilles,
des battemens de cloche, des sifllemens, etc. ; quelquefois
l'ouïe est obtuse, d'autres fois elle semble plus fine.
Il y a peu de chose à dire de l'odorat et du goût, à cause
de la difliLullé d'explorer ces sens.
L'intelligence ne reste pas ordinairement la même : ou
elle est excitée, ou, ce qui est plus ordinaire, elle est plus
obtuse. La moindre attention fatigue; rarement cependant
il y a perversion des ficultés cérébrales.
Des fourmillemeus, des picotemens dans des points ou
dans la totalité du corps, accompagnent ordinairement la
pléthore cérébrale. Il y a souvent de la teiulauce au som-
meil, et quelquefois de l'insoinuie ; mais, eu général, on ob-
serve rarement des phénomènes d'excitation dans celte
maladie.
£n géïKM'al, la taoe est colorée; les yeux paraissent légè-
rement saillans, ils sont brillans; les lèvres sont luméfiées,
la peau est chaude, les veines Ibnt saillie sous la peau, et par-
fois on remarque le balleinent îles artères temporales.
Il y a peu de remarques à faire relativement aux organes
de la digestion et de la circulation.
Tels sont les phénomènes indirects qui caractérisent l'hy-
pérémie ou la pléthore cérébrale proprement dite. Ces acci-
dens peuvent durer quelques jours ou se prolonger beaucoup
au-delà; mais lorsqu'ils sont arrivés au second degré, ils
constituent réellement la maladie. Supposons donc une plé-
thore arrivée à ce point; Tindividu perd tout à-coup con-
naissance, les sens sont abolis, il y a perte totale du mou-
vement et du sentiment; la lace est vultueuse, tuméfiée; les
yeux semblent soilis de leurs orbites; la respiration est ster-
toreuse, la peau rouge et chaude, surtout vers la région du
cou; le pouls est fort, très-développé; ordinairement les
fonctions digestives ne sont pas altérées; cependant il est
possible que le malade ait vomi.
Ce concours de symptômes ne se trouve pas toujours
complètement réuni ; il est des malades qui ne peuvent par-
ler, mais qui ont la conscience de tout ce qui se passe autour
d'eux; il yen a même qui sont paralysés d'un côté du corps,
qui ont de la céphalalgie, etc.
La nuance dans laquelle il existe une hémiplégie est la
plus difficile à reconnaître. Il est possible en effet que, bien
que la congestion soit générale, un des côtés du cerveau soit
plus que l'autre soumis à la compression.
Au commencement de ses études sur les maladies du cer-
veau, M. Rostan n'hésilait pas à diagnostiquer une hémor-
rhagie toutes les fois qu'il y avait hémiplégie; mais il recon-
nut bientôt par plusieurs ouvertures cadavériques que la
simple congestion peut produire cet accident. Celte paraly
sie peut s'expliquer de diverses manières. Si nous supposons,
par exemple, un individu ayant eu autrefois une hémorrln-
gie cérébrale, il est clair que le côté de l'épanchenient sera
impressionné par une cause légère, et que le mouvement
partant de ce point sera facilement perdu. Or, s'il survient
une congestion générale, il devra presque nécessairement y
avoir hémiplégie.
Les effets de l'hypérémic cérébrale peuvent disparaître en
peu de temps ou persister toute la vie; mais cette variété,
désignée sous le nom de coup de sang, a une marche essen-
tiellement rapide; elle fr;ippe instantanément et disparaît
de même : c'est ainsi que dans les salles il y a présentement
( 373 )
deux individus qui ont été apportés sans connaissance, tout
le système musculaire étant dans un état de résolution com-
plète; le lendemain il n'existait absolument aucune trace de
cet état si grave en apparence, et la guéridon était entière.
(La suite au prochain numéro.)
ART. 1 108.
Formules de quelques collutoires simples ou composés.
On sait que les collutoires sont des médicamens qui sont
destinés au traitement des gencives ou de toute autre partie
de la bouche. Les uns ont la consistance du miel et sont por-
tés directement sur les gencives à l'aide d'un pinceau ou
d'une brosse; les autres sont liquides et sont employés en
lavage, soit purs, soit préalablement mélangés avec de l'eau.
En voici quelques formules publiées par M. Béral dans le
Journal de chimie médicale.
Collutoire au sel de tartre.
Pr. Miel blanc, quinze gros;
Sous-carbonate de potasse, un gros.
Mêlez exactement.
Ce collutoire est employé comme cathérétique. On en en-
duit un pinceau qu'on promène à plusieurs reprises sur les
ulcères scrofuleux.
Collutoire à l'alun.
Pr. Miel blanc, quatorze gros ;
Sulfate d'alumine et de potasse pulv., deux gros.
Mêlez.
Ce mélange est astringent. On l'applique sur les ulcères de
la bouche.
Collutoire à l'extrait de saturne.
Pr. Miel blanc, quinze gros;
Sous-acétate de plomb liquide, un gros.
Ce médicament est répercussif et dessiccatif. On l'applique
sur certains ulcères de la bouche à l'aide d'un pinceau.
Collutoire à lamouiarde.
Pr. Miel blanc, quatorze gros;
Moutarde noire en poudre, deux gros.
(374)
Excitant que l'on fait agir sur les gencives afiFectées de
scorbut ou à l'état d'inflaminalion chronique. On en enduit
une brosse fiue que l'on promène en divers sensetàplusieurs
reprises sur la partie malade.
Collutoire à l'acide muriatique.
Pr. Hydromel, trente-deux gros;
Acide hydrcchlorique, trente- deux gouttes.
Passez dans un flacon et mêlez.
C'est un calhérétique que l'on applique sur certains ulcè-
res de la bouche et dans la slomalite couenneuse quand la
douleur est apaisée, après l'avoir rendu moins actif par
l'addition de deux à quatre parties d'eau.
Le collutoire à l'opium se fait en faisant dissoudre seize
grains d'extrait d'opium dans trente-deux gros d'hydromel;
le collutoire au cachoUy en mêlant vingt-quatre gros d'hydro-
mclle (le cac hou et huit gros d'alcoolé de cachou ; le collu-
toire à ta myrrhe, en mêlant celle même proportion d'hydro-
mellé de myrrhe et d'alcoolé de myrrhe. Il est nécessaire,
quand on fait usage de ces divers collutoires, de les mêler
d'abord avec une ou deux parties d'eau.
Collutoire odontalgique de Feuillet.
Pr. Alcoolat de menthe poivrée, deux onces;
Hydralcool, quatre onces;
Alcoolé de cresson de Para, deux onces ;
Créosote, deux scrupules.
Mêlez.
Un morceau d'amadou imbibé de cette préparation et mis
dans la bouche, calme les douleurs de dent. C'est un puis-
sant sialagogue que l'on emploie pur ou miligé. Il en est de
mêDie du suivant :
Collutoire odontalgique de Mayer.
Pr. Hydrolat de sauge, cinq onces;
Vinaigre blanc, cinq onces;
Racine de plarmique pulvérisée, cinq gros.
Faites macérer pendant une heure, et filtrez alors.
Pr. Teinture ci-dessus, huit onces ;
Hydrochlorale d'ammoniaque, huit scrupules;
Extrait d'opium, quatre scrupules.
Dissolvez l'extrait et le sel ammoniic dans la teinture.
{?>y5)
ART. 1109,
Note sur un sirop anthelminiique employé par M. Knoertzer, dit
Martin.
Pr. Absinthe maritime,
Absinthe majeure, , ,.„
T, • 1» ' I- > ûa SIX onces :
Racme d angelique, j '
Racine de fougère,
Ecorces d'oranger, dix onces;
Mousse de Corse, ) ^. ,.
£, , ' > aâ une livre;
Semen-conlra, j
Coralline de Corse, ) ^^ 1 ..
T, . j j. ' V fia huit onces.
Racine de grenadier, )
Toutes ces substances, préalablement coupées et contu-
sées, sont mises dans la cucurbite d'im alambic, avec eau de
pluie ou de fontaine, vingt-cinq livres. On y laisse macérer
vingt-quatre heures; on Iule l'appareil, et «n distille jusqu'à ce
qu'on ait obtenu flix-huit livres de produit, dans lequel, tout
de suite, on fera fondre à une chaleur de cinquante à soixante
degrés du sucre blanc concassé, trente quatre livres ; puis on
filtrera, au moyen d'un entonnoir à bain-marie, au travers da
papier préalablement lavé à l'eui bouillante.
Ce sirop, très-peu coloré, bien clair, est aussi très-agréa-
ble à prendre à la dose de demi-once à une once pour les
enfans.
Il a réellement produit d'excellens résultats, employé pour
la destruction des vers strongleset ascarides.
ART. 1110.
Nouveau procédé pour la préparation du mîelrosat.
M. Valmont, pharmacien à Caudebec, nous adresse la note
suivante sur la préparation du miel rosat:
Pr. Pétales secs de roses rouges, une livre et demie;
Eau de roses, huit livres.
Mettez le tout sur le diaphragme d'une cucurbite, et dis-
tillez jusqu'.'i ce que vous ayez obtenu douze onces de li-
quide trè.H-aromatique.
Prenez ensuite le résidu de la distillation; passez-le à tra-
(376)
vers unblanchet avec expression; fillrez 311 papier ; reprenez
celte même liqueur filtrée; mettez-la dans une bassine avec
sirop de miel bien clarifié, dix livres; faites cuire jiisqu'à ce
qu'il marque 5i degrés au pèse-sirop. Relirez du feu, et
ajoutez les douze onces de liqueur provenant de la distil-
lation.
Passez de nouveau à travers un blanchet, et vous aurez un
miel rosat bien préférable à celui du Codex, qui est défec-
tueux, puisqu il faut employer des œufs pour le clarifier, et
que les œuf? foinient un composé insoluble avec le tannin
de>i roses, troublent le mellite au lieu de le clarifier, et le
privent de tout son principe astringent. Far mon procédé,
au contraire, j'obtiens un mellite très-astringent, d'une belle
couleur rouge, et d'une transparence parfaite.
ART. I I ] 1.
MÉDECINE LÉGALE
Des attentats à la pudeur (viol).
M.,
Après vous avoir fait connaître, dans mes premières lettres, les prin-
cipales notions préliminaires à l'étude de la médecine l-^gale, je vais
successivement aborder avec vous chacune des riuestions qui com-
posent son domaine. Il importe peu que j'adopte une marche par-
ticulière dans leur exposition, car, dans cet art, il est rare qu'un
sujet en éclaire un autre. Je commencerai donc par les atientats à
la pudeur, et particulièrement par le viol, à l'occasifin duquel les
magistrats consultent très-souvent les médecins. Mais la médecine
légale n'étant autre chose qu'une application raisonnée des con-
nai-isauces médicales aux lois, je vous rappellerai à chaque ques-
tion le texte de la 1. gislation, en niénie temps que j'en établirai le
sens et l'interprétation.
Législation.
Code pén., art. 33o : « Toute personne qui aura commis un ou-
trage public à la pu<leur sera punie d'un emprisonnement de trois
mois à un an, et d'une amende de 16 francs a 200 francs.»
Code péri., art. 33i : « Tout attentat à la pudeur, consommé ou
tenté avec violence sur la personne d'un enfant de l'un ou de l'autre
sexe, âgé de moins de onze ans, sera jinni de la réclusion. »
Code i>tn., art. 33a :« Quiconque aura commis le crime de viol
sera puni des travaux forcés .i temps. — Si le crime a été commis
sur la personne d'un enfant au-dessous de l'âge de quinze ans ac-
complis, le coupable subira le maximum de la peine des travaux
(577)
forcés à temps. — Quiconque aura commis un attentat à la pudeur
consommé ou tenté avec violence contre des inrlividus de l'un ou
de l'autre sexe, sera puni de la réclusion. — Si le crime a été com-
mis sur la personne d'un enfant au-dessous de l'âge de quinze
ans accomplis, le coupable subira la peiné des travaux forcés à
temps. »
Code pén., art. 333 : «Si les coupables sont les ascendans delà
personne sur laquelle a été commis l'attentat; s'ils sont de la classe
de ceux qui ont autorité sur elles; s'ils sont ses instituteurs ou ses
serviteurs à gages, ou serviteurs à gages des personnes ci-dessus dé-
signées; s'ils sont fonctionnaires ou ministres d'un culte, ou si le
coupable, quel qu'il soit, a été aidé dans son crime par une ou plu-
sieurs personnes, la peine'sera celle des travaux forcés à temps,
dans le cas prévu par l'art. 33 r, et des travaux forcés à perpétuité,
dans les cas prévus par l'an, précédent. >-
L'art. 33o punit tout outrage public à la pudeur sans distinction
de sexe; ici c'est la publicité qui constitue le délit. L'outrage pu-
blic aura pu être commis par une personne, en ce sens qu'elle se sera
livrée publiquement à des actes réprouvés par les bonnes mœurs. II
n'est pas nécessaire du concours des deux sexes, quoique l'outrage
puisse avoii' été commis par les deux sexes réunis. Ainsi un homme
ou une femme marchent nus dans la rue; un homme ou une femme
se livrent séparément et publiquement à des attouchemens honteux;
un homme et une femme se font publiquement des attouchemens in-
décens; voilà autant d'actes dans lesquels il y a outrage public à la
pudeur. Tons ces actes sont consentis et volontaires. Cachés, ils
n'auraient aucun caractère de criminalité; publics, ils sont passibles
de peines.
Il est rare que, dans le cas de l'art. 33o, des médecins soient con-
sultés, car les actes se sont nécessairement passés en présence de té-
moins, et les témoignages établissent les preuves.
L'art. 33 1 éiablit une pénalité À l'égard des attentats à la pudeur
autres que le viol, dirigés contre la personne d'un enfant de l'un ou
de l'autre sexe, âgé de moins de finze ans.
L'art. 33a établit d'abord une distinction entre le crime de viol et
les autres attentats à la pudeur, consommés ou tentés avec violence.
Ensuite il met une différence dans la pénalité de ces deux crimes,
suivant qu'ils ont été commis sur des enfans au-dessous de l'âge de
quinze ans, ou sur des personnes plus âgées. Le viol est l'acte de la
copulation consommé ou tenté avec violence, et par conséquent con-
tre la volonté de l'une des parties. Quant aux autres attentats, ils
comprennent la pédérastie, les altoucliemens et autres manœuvres
qu'il n'est pas nécessaire de vous énumérer, alors toutefois qu'ils
sont tentés ou consommés avec violence.
Dans l'art. 333, il r.e s'agit que d'une peii;e plus grande infligée en
raison delà qualité de la personne qui a commis l'action.
D'où il résulte que la volonté, la publicité et la violence sont les
trois cachets de ces crimes. La distinction qui repose sur l'âge est
basée sur cette circonstance que l'on suppose que l'enfant, ou n'a
pas eu les moyens de se défendre, ou n'a pas la conscience de
l'action qui est commise envers lui, et ne peut pas juger le préjudice
(378 J
qu'on lui porte, en sorte qu'il ne peut opposer aucune résistance.
De ces quatre articles, deux seulement peuvent réclamer les lu-
mières des experts. Quelle est l'attribution qui leur est dévolue
dans ces circonstances? Je crois qu'où l'a beaucoup trop étendue.
En effet, fi vous voulez consulter tous les auteurs qui ont traité ce
sujet, Belloc, Malion, Fodéré, Orfila, vous verrez qu'ils se sont
toujours propose la question de viol ou d'attentat à la pudeur,
tout entière! Mais le viol est un crime, et un crime comporte tou-
jours : I " l'intention, la volonté; 2" l'exécution ou le commencement
d'exécution. Le n)édecin ne peut pas juger de l'intention ni de la vo-
lonté du criminel; quant à l'exécution, il ne la juge même que par
ses résultats. Or, le-; résultats de l'action ne constituent que laGn de
l'exécution; le médecin ne peut donc pas résoudre la question de
viol, puisqu'il n'est chargé que de l'examen des résultats matériels;
aussi est-ce à tort, suivant moi, que, dans les ouvrages de médecine
légale, on pose constamment la question de viol. Elle ne doit pas,
elle ne peut pas être résolue par le médecin seul.
Mais lorsqu'un magistrat vous commettra dans un cas de ce
genre, il s'exprimera en ces termes : Attendu qu'il résulte de l'in-
siruction commencée à l'égard du sieur ***, à l'occasion duquel s'é-
lèvent des piésomptions de viol contre la fille ***, commettons
M , docteur en médecine, à l'effet de visiter la fille ou la femme
***; de déterminer si la défloration a eu lieu? si, dans le cas oix elle
aurait eu lieu, elle serait récente ou ancienne? si la fille*** porte
aux parties génitales, sur les diverses paitles du corps on sur ses
vêtemens, des traces ou indices de violences? si ces traces de vio-
lences peuvent être regardées comme le résultat d'une tentative de
viol ou de toute autre cause? s'il existe des traces d'écoulement ou
daulres indices d'une maladie vénérienne? si ces traces sont le fait
d'une infection récente ou ancienne ?»
Telles sont en effet les diverses questions qu'un expert puisse ré-
soudre à l'occasion du crime de viol : aussi les aborderai-je avec
vous. Mais comme les faits frappent beaucoup mieux l'esprit que les
raison neniens, c'est par un fait que je débuterai pour par la suite le
commenter, l'interpréter et l'étayer de Lits nouveaux.
Nous soussignés, docteurs en médecine, nous sommes rendus
aujourd'hui 26 juillet i834, à huit heures du matin, à Montreuil-
8ur-Bois, arroudissement de Sceaux, chez madame , à
l'effet de visiter Adelaïde-Alexandrine Del..., âgée de moins de
seize ans; de constater son état actuel; de déterminer si le crime de
viol a été consommé, et si les altérations déjà remarquées sur elle
ont été le résultat de violences exercées sur sa personne; enfin s'il
y a concordance entre les faits constaté» le i" juillet et ceux exis-
tant aujourd'hui? le tout ainsi qu'il résulte d'une ordonnance de
M. Geo...., juge d'instruction, a laquelle a été joint un rapport de
M. le docteur Rapatel, qui a visité cette jeune fi le le i^' juillet,
jour où elle aurait été en butte aux violences d'un sieur Delaune.
Adélaïde Del.... était à Paris. Nous avons questionné sa mère
sur les < iiconstanees du viol et l'ctat île sauté actuel de sa fille;
elle nou"! a déclaré que le i'^' juillet, à deux heures, Adélaï'le éiait
partie faire de l'herbe dans un des jardins du bois de Vincennes
( 579 )
afcc le sieur Delaune; qu'elle était revenue à cinq heures, la figure
rouge, animée, larmoyante, les niembrt-s rompus, fatigués, un dés-
ordre exlrcme dans ses vêtcmens; qu'elle lui avait déclaré que Delaune
l'ayant d'abord conduite dans un |ireniier jardin voisin de f>er!;onne»
qui travaillaient à la terre, il l'avait ensuite amenée dans un autre
plus isolé; que là, s'etant livré à des actes contiaires a la décence,
Adélaïde l'avait menacé de le frapper de sa serpette; qu'alors il
l'avait jetée sur l'herbe, avait abusé de sa force pour r> mpêcher de
crier, et avait tenté de la v.oler; qu'enGn il l'avait retenue fort long-
temps dans cette position, et que c'était à la lutte qui s'était enga-
gée entre Delaune et elle qu'il fallait attribuer les marques de vio-
lence rapportées par le docteur Rapatel; que sa chemise portait
des traces de sang et d'autres taches d'un blanc sale; que sa fille
était restée quatre jours au lit, et qu'actuellement elle éprouvait
encore quelques douleurs provenant des coups qu'elle avait reçus.
Elle a ajouté que sa fille n'avait jamais été adonnée à la masturba-
tion, qu'elle n'avait jamais eu de fleurs blanches, et qu'elle n'était
pas encore réglée.
tt le même ji)ur, nous nou« sommes rendus rue Tirechappe, n» 1 7,
chez madame Gabrielle, fabricante de chaussons, dans le but de
visiter Adélaïde Del...., demeurant actutllemeiit chez cette per-
sonne. I.à, après lui avoir f;iit conn;iîtré l'objet de notre mission,
nous l'avons questionnée sur les circonstances des violences aux-
quelles elle a été en proie. El e nous les a reprodi.ites telles que sa
mère nous l'avait fait connaître et que nous venons de l'exposer.
Questionnée sur le temps que le sieur Delaune avait pu rester sur
elle liirsqu'il l'a eu jetée par terre, elle l'a évalué à au moius une
heure et demie. Nous l'avons alors visitée, et voici ce que nous avons
observé: 11 ne reste pas sur le corps de traces des violences dont
nous avons parlé plus haut ; seulement Ad- laï le se plaint d'cprou-
ver de la douleur en dehors de la rotule du côté gauche, lorsqu'on
comprime cette partie ou qu'elle exécute des mouveinens. Le fait
est pos^ble, mais aucun signe extérieur n'en donne la preuve.
Les parties génitales sont dans l'état naturel; pas de traces d'ex-
coriation ou de plaie; la membrane hymen existe encore, seule-
ment sou b rd lisse et légèrement plisse, et présente a gauche une
petite échancrure; les caroncules niyrtiformes (débris de la mem-
brane hvmen ron;pue) manque::t; pas d'ec uleraent, d'engorge-
ment aux aines, d'ulcérations ou d'autres traces de maladie; la
santé générale est bonne.
Les faits consignés dans le rapport de M. le docteur Rapatel, qui
a examiné la jeune Ulle le jour même de la tentative de viol, sont
lessuivai.s: lesgiandes \tyT es d'un rouge vif a la partie interne, lé-
gèrement sanguinolentes ; rouges à leur surface externe. iMéme
état des petites lèvres; la petite lèvre droite était de plus comme dé-
chirée; membrane hjmen intacte, et non sanguinolente; douleurs
violentes dans les aines et l'bypogastre; difliculte .1 marcher et à
s'asseoir; violente cuisson pour uiiaer; contusions sur diverse»
parties du corps, et particulièrement à la joue droite et à la partie
externe et inférieure de la cuisse droite.
Il résulte de notre examen, i que la fille Adélaïde Del ne
porte pas aujourd'hui de traces de viol ni de tentatives de viol;
(38o)
2" Que si des tentatives de viol ont été faites, le viol n'a pas été
accompli, car la défloration n'a pas eu lieu, et les dimensions des
parties génitales sont telles, qu'il est difficile de supposer un mem-
bre viril assez petit pour avoir pénétré dans le vagin sans intéresser
la membrane hymen ;
3° Que les faits consignés dans le rapport de M. le docteur Rapa-
tel tendent à établir de fortes présomptions sur la tentative d un
viol;
4° Que ces faits acquerraient encore plus de valeur, si, d'une
part, les circonstances qui nous ont été rapportées par la femme
Del et sa fille Adélaïde étaient prouvées, et si, de l'autre, on
acquérait par l'analyse chimique des taches de la chemise, la certi-
tude que les unes sont formées par du sang, et les autres par du
sperme.
Analyse chimique des taches de la chemise.
Nous, Jean-Pierre Barruel, chef des travaux chimiques de la F'a-
culté, etc., M. G. Devergie, professeur agrégé près la Faculté, nous
sommes réunis le 22 août i834 et jours suivans, au laboratoire
de la Faculté de médecine, à l'effet de procéder à l'examen et à l'a-
nalyse des taches observées sur la chemise que portait Adélaïde
Del ; de déterminer si ces taches sont produites par du sang
et par du sperme; si, en raison de leur position sur la chemise, ces
taches ont pn être le résultat de violences exercées sur la personne
de la fille Del.... pendant que le crime de viol se commettait, et de
rechercher s'il existe des taches de tuute autre nature.
Le tout, ainsi qu'il résulte d'une ordonnance de M. Geo.,.., juge
d'instruction, en date du i3 courant, qui nous commet à cet effet.
Là, en présence de M , qui a reconnu lintégrité des scellés
apposés sur le paquet qui renfermait la chemise, nous avons pro-
cédé à l'examen de celle-ci, ainsi qu'il suit :
En arrière de la chemise existe une surface de près d'un pied
carré, sur laquelle on observe un grand nombre de taches sangui-
nolentes, mais ne présentant pas ce caractère au même degré. On en
remarque trois principales, d'un pouce carré environ de surface;
elles paraissent être formées par du sang pur; les autres, en général
plus larges, paraissent plutôt dues à un suintement séro-sanguino-
lent, dont la circonférence est dessinée par une proj)ortion plus
grande de matière colorante que le centre, ainsi que cela a lieu
alors qu'une plaie récente cesse de laisser couler du sang pur.
Enfin on remarque encore plusieurs petites taches alongées, d'un
jaune brunâtre, qui ont de l'analogie avec celles que produit le
contact des matières fécales.
En avant de la chemise, et vers sa partie inférieure et moyenne,
on observe une tache d'un blanc légèrement jaunâtre, de trois
pouces de diamètre à peu pi es; le linge, dans ce point, est extrê-
mement usé, et cependant il offre une consistance pins grande, qui
a de l'analogie avec un tissu faiblement empesé. A un pied plus
haut, et toujours vers le milieu de la chemise, s'obseivent un
grand nombre de taches jaunâtres, parmi lesquelles s'en remar-
(38,)
quent d'autres très-circonscritcs , d'un blanc grisâtre, et oii le
tissu est beaucoup plus empesé que dans tous les autres points, quoi-
quVn général le linge pailage une consistance beaucoup plus
grande que ilans les portions de la cbemise qui n'offrent pas de
taches. Ces divers points du linge ne présentent pas d'odeur parti-
culière.
Analyse, des taches placées sur le derrière de la chemise.
On enlève deux taches principales, qui paraissent être formées
par du sang. On les coupe en petites lanières. On les introduit avec
de l'eau distillée dans un petit tube fermé, et on les y fait macérer
pendant vingt quatre heures. Au bout de ce temps, le linge était
c mplctement décoloré. A la surface du linge restait une légère cou-
che dune matière d'un blanc grisâtre, tellement mince, qu'il était
impossible de l'en détacher.
La liqueur contenait toute la matière colorante, ramassée au
fond du tube. On agite le liquide, et il prend aussitôt une teinte
roiige. — Ou filtre. — On porte la liqueur à l'ébuUition, en expo-
sant le tube à la flamme de la lampe a esprit de vin ; elle se trouble,
devient opaque, se décolore et prend une teinte grise en même
temps qu'il se forme des llocons d'un gris rougeâtre. — On les
S'pare par la décantation de la liqueur, on les traite par une dis-
solution concentrée de potasse; ils se dissolvent, et fournissent un
li(juide d'une couleur verte, vue par réflexion de la lumière, et d'une
couleur rosée, vue par réfraction. — On fait passer un courant de
chlore gazeux tlans le liquide; lorsqu'il est saturé de chlore, on v
verse quelque gouttes d'acide hydrochlorique, aussitôt il se forme
des flocons blancs, nacrés et très-opaques.
Analyse des taches placées sur le devant de la chemise.
Ces taches sont séparées avec précaution du reste du tissu; une
d'elles est chauffée avec précaution sur un bain de sable : elle prend
peu à peu une teinte jaune très-marquée; le reste est divisé en deux
portions, dont une, coupée par morceaux, est introduite dans la
partie supérieure d'une éprouvette, au fond de laquelle on a mis
de l'eau distillée. L'éprouvette est fermée imparfaitement, et l'eau
portée a l'cbullition, de manière à ce que la vapeur vienne impré-
gner le linge. Le linge retiré de l'éprouvttle répand une odeur sper-
matique très-prononcée, mêlée à une faibie odeur de lessive. On agit
de la même manière avec une portion non tac'née de la chemise,
et elle ne donne qu'une faible odeur de lessive. On place alors dans
un verre à expérience les morceaux tachés et déjà soumis à l'action
de la vapeur; on y ajoute ceux sur lesquels on n'avait pas encore
opéré, on ajoute de l'eau distillée, et on les soumet à la macération
pendant douze heures. Au bout de ce temps, le liquide, comme le
linge, donne une odeur spermatique très-prononcee. Les linges
sont poisseux et collent aux doigts. On les remue dans le liquide
avec l'extrémité d'un tube, on en exprime ensuite toute la liqueur
( 58a )
dont ils sont imbibés, et on les dessèche à une douce chaleur; ils
s'empèsent, dévie ineiu très-fermes et très-raides.
Le liquide di- la macération est trouble; ou l'introduit dans uu
petit tube ; on le porte a rébuUiiion ; il se forme aussitôt des flo-
cous d'albumine. On filtre la liqueur et on l'évaporé à la lampe à es-
prit de vin dans une ca|)sule de verre. Au fur et à mesure que l'é-
buUition a lieu, le liquide prend une consistance de plus en plus
visqueuse, en même temps qu'il répand une odeur spcrmatique |)!us
prononcée, mais il conserve sa limpidité; lorsqu'il est réduit au
huitième de son volume, à peu près, il est alors comme oléagineux;
on le traite par ialcool concentré, et aussitôt il s'y forme une quan-
tité considérable de flocons blancs.
Des faits et expériences qui précèdent, nous concluons :
i^ Que les taches existant sur le derrière de la chemise d Adé-
laïde Del .... sont formées, quelques-uues par de la matière fécale,
et la presque totalité par du sang ;
a" Que parmi ces dernières li en est trois principales qui con-
tieiiueut rlu sang pur et le reste est un mélange de sang e^ de sé-
rosité ;
3° Que les taches observées sur le devant de la chemise sont dues
en presque totalité à du sperme légèrement coloré dans quelques
points par du sang;
4° Que la siiuaiiou respective de ces taches est tout-à-fail en rap-
port avec ce qui s'opérerait si des tentatives de viol avaient lieu, et
que l'ejaculatioii ne se fût pas effectuée dans le vagin, mais bien
au-clevaiit et au-dessus des parties génitales.
J'a]jpellerai d'al>ord votre attention sur la manière dont les ques-
tions nous ont été posées. On nous a demandé si le crime de viol a
été commis? c'est à tort, si nous prenons cette question dans sou
acception la plus étendue. Le juge aurait dii diie : Si la lille '**
a été déflorée? Toujours e^t-il qu à une époque déjà assez éloignée
de celle où l'on présumait que le viol avait été commis, il fallait
cherclier s'il existait des traces qui pus-^ent constater le corps du
délit de l'action.
A cet effet, nous nous sommes d'abord entourés de renseigne-
mens; ils ont constitué le préambule de noire rapport ; puis nous
avons exploré la jeune fille, non-seulement a légard de ses paities
génitales, mais encore sous le rapport des violences dont elle aurait
pu ère l'objet; car, pour accomplir son crime, la peisouue inculpée
trouva»; de a résistance dans une personne Agée de près de seize
au», avait dû se livrer à des actes de violence propres à laisser des
traces. Mais déjà vingt-six jours s'étaient éc»)ulé-, et ces traces avaient
disparu. L'examen des partie» génitales ne nous a olfert qu'un in-
dice incertain. Toutefois Ictatdela membrane hymen pouvait éire
considéré, ou cuiiime uneciiconstance naturelle, ou comme le résul-
tat de la cicatrisation d'une decbirure partielle. Nous avons noté
avec soin l'état des paiti^s génitales. Nousavons parlé de désordres
que l'on reiiconlie quelqn!foi>, et qui minqnaieut à cette epopie;
mai-, à d. faut de prt-mes actu-llis, nous nous sommes entoures des
luinièies cunsigîiee^ liais un prunier raiiport fait par un médecin,
et uQus y avons puisé des documens pour tirer une conclusion. Eu-
(383)
fin, nous avons par notre rapport engage le juge d'instruction à faire
faire l'aiialyse des tnclies observées sur la chemise de la lille ***,
et cetie analyse est devenue un des indices les plus coiicluaiis eu
faveur de l'existence d'une teiitative de viol.
Reste maiuleuaiii à vous exposer les conséquences que l'on peut
déduire d'un pareil examen aussi complexe, et c'est ce que nous
ferons daus notre lettre suivante. A. D.
SOCIETES SAVANTES.
Prix de l'Académie : Faire connaître les analogies etlesdijfé-
rences qui existent entre le typhus et les fièvres typhoïdes.
Le prix est de 2,000 fr., et sera décerné dans la séance
publique de 1837.
Prix Portai : Faire l'histoire anatomico-pathologique du ra-
mollissement des tissus.
Le prix Cît de 1200 fr., et sera décerné dans la séance
publique de 1837.
PrixfondéparniadameiMarie-Elisabeth-AntoinetteBernard
de Civrieux. Un prix de 1000 francs sera décerné dans la séance
publique de i836, à l'auteur du meilleur ouvrage sur le traite-
ment et la guérison des maladies provenant de la surexcitation
de la sensilnlité nerveuse.
Prix de l'Académie : Que doit-on entendre par phihisie la-
ryngée? Quelles en sont les altérations organiques, les causes,
les espèces, les terminaisons? Quel en est le traitement P
Le prix est de 2,000 fr., et sera décerné dans la séance
publiquede i83G.
Prix Portai : Quelle a été l'influence de l'anatomie patholo-
gique sur la médecine, depuis Morgagni jusqu'à nos jours ?
Le prix sera de 1200 fr., et sera également décerné dans
la séance publique de i836.
Les mémoires devront être envoyés au secrélarial de l'A-
cadémie avant le 1" mars de l'année indiquée.
VARIÉTÉS.
Choléra morl/iis, ?^ous annoncions dans notre fîeriiiei calii(;r que uiie!-
qnes cas de choléia s'i talent manil'eslés â Toulon. Ce terrible fléau a
( 384 )
Bévi dans cette ville avec une rigueur inaccoulumée. La plu s grande
partie df s habitans s'est ensuite enfuie, et bien que la popuLtioR fût ainsi
réduite de beaucoup, les cas sesont multipliés d'une nianiiif effrayante.
On peut dire que tous les cas étaient mortels, puisque sur itSo mala-
des, chiffre qu'indiquait le bulletin du 22 juillet, logB avaient, suc-
combé. Depuis quelques jours seulement, à cette époque, l'épidémie
semblait éteinte dans la ville, mais elle s'étendait dans la campagne et
dans les villes voisines. On ne rencontre sur les chemins, disait le Tou-
lonnais, que médecins en voiture, chaises à porteur pour les malades, et
bières.
Plusieurs médecins ont succombé victimes de leur zèle. M. le doc-
teur Larrey a reçu ordre de se rendre à Toulon, et ce célèbre chirurgien
est parti tout de suite en poste, après avoir^demandé les in*itruclions de
l'Académie.
Le choléra de Toulon paraît avoir été semblable à celui que nous
avons observé à Paris en loôa, et dont nous nous sommes occupé si
longuement dans le troisième volume de cet ouvrage. Nous ne trouvons
jusqu'à ce moment, ni dans les journaux de médecine, ni dans notre
correspondance, rien qui mérite d'être mentionné.
Marseille et presque toute la Provence offrent aujourd'hui une re-
crudescence du fléau qui a également franchi les monts et passé en
Italie.
— Une'ordonnance du roi porte qu'il sera créé dans la Faculté de
médecine de Paris une chaire d'anatomie pathologique dont M. Du-
puytren avait fondé la donation.
— Il est question, dit-on, de rétablir la chaire de bibliographie mé-
dicale et d'histoire de la médecine, qui, occupée en dernier lieu par
M. Moreau de la Sarthe, fut supprimée en même temps que la Faculté
par l'ordonnance du 21 novembre 1S22.
— L'Académie a tenu sa séance publique annuelle dans la grande
salle de l'Institut, le mardi 7 juillet. Les lectures ont été faites dans
l'ordre suivant :
1° Nouvelles expériences sur les héinorrhagies traumatiques, par
M. Amussat;
2» Notice sur la peste de Moscou en 1771, par M. A. Gerardin;
3" Prix décernés et sujets de pris proposés pour les années i836
et 1837 ;
4° Eloge de Chaussier, par M. Pariset.
— Une ordonnance du 8 mai prescrit de munir de nouveaux bre-
vets et d'admettre dans le Jcadre des brevetés: 1 mé(!ecin inspecteur,
M. Desgeneltes; 63 médecins principaux et 20 médecins adjoints; i
chiiUrgifD inspecteur, M. Larrey; 11 chirurgiens principaux ; 229 chi-
rurgiens-majors; 45i chirurgiens aide-majors, et 271 chirurgiens sous-
aide-majors ; un pharmacien inspecteur ; huit ph;irmaciens princi-
paux ; 38 pharmaciens-majors; 65 pharmaciens aide-majors, et i58
pharmaciens sous-aide-majcis.
— Un concours s'ouvrira le 5 novembre j)rocbain devant la Faculté
de médecine; de Strasb )urg pour la chaire de médecine légale vacante
par la mort de M. Fodéré.
(385)
A&T. 1112.
Observation d'un empoisonnement par l'arsenic ; effets remar-
quables du tritoxide de fer hydraté. Article communiqué
par M. Geoffroy, officier de santé à RIer (Loir-et-Cher).
Le sieur Fouquet, perruquier, Sgé de trente-six ans, fort
adouné à la boissoa, avait déjà été atteint plusieuis fois du
delirium iremens. Cette maladie cédait ordinairement, du
troisième au quatrième jour, sous l'influence de quelques
laxatifs, de la diète, et quelquefois d'un yésicatoire à la
nuque.
Le 6 juillet dernier, il futpris denonveau d'accidens sem-
blables, et n'ayant pas attendu cette fois qu'ils fussent dis-
sipés, il mangea une soupe aux herbes au commencement
du troisième jour. Le délire, de joyeux et fantasque (|u'il
avait toujours été, devint sérieux, sombre : des visions ef-
frayantes l'assiégèrent. Poursuivi par la crainte que des
hommes qui cherchaient à le saisir ne lui fissent subir un af-
freux supplice, il voulut s'y dérober en se donnant lui-même
la mort. Il prit, à cet effet, dans son secrétaire, un pnpier
plié qui contenait de l'arsenic, déposa ce poison dans un
verre, y versa de l'eau, et, après l'avoir agité avec le doigt,
l'avala sur-le-champ. Puis, voyant qu'une partie du poi-
son restait au fond du vase, il prit avec le verre de l'eau dans
un seau, et se disposait à la boire, lorsque deux personnes
qui étaient présentes, et qui avaient fait peu d'attention à ce
qui se passait, voulurent voir ce que buvait le malade. L'une
d'elles, prenant le papier qui avait contenu la substance
qu'elle lui avait vu mettre dans le verre, reconnut qu'il por-
tait pour suscriplion : arsenic. Elle se précipita aussitôt sur
le malade pour l'empêcher de boire cette seconde dose; mais
celui-ci, malgré ses efforts, acheva de l'avaler, et comme il
restait encore une certain<î quantité d'arsenic au fond du
verre, il en prit avec le doigt et l'épancha dans sa bouche.
Je fus instruit sur-le-champ de cet événement. J'accourus
chez Fouquet, et je le trouvai délirant, uniquement occupé
à se soustraire aux hommes qui voulaient, disait-il, le cou-
per en lambeaux. Il ne manifestait aucune crainte sur les ré-
sultats de son empoisonnement. On me présenta le papier
qui avait contenu l'arsenic, ainsi que le verre, où il en res-
tait une quantité notable. J'en jetai une partie .'ur des char-
bons ardens; une odeur alliacée se répandit aussitôt, et ne
me laissa plus douter de la nature de la substance. J'ordon-
TOM.YI.— "J° DE SEPTEMBRE. 25
(386)
nai alors qu'oa lui fit avaler plusieurs verres d'eau sucrée,
en attendant que je pusse me procurer les médicamens
convenables; puis je me rendis chez le pharmacien, qui m'ap-
prit que, trois mois avant cette époque, il avait délivré à
Fouquet quatre sros d'arsenic pour détruire les rats. Nousar-
rêtâmcs ensemble de lui donner le Iritoxide de fer hydraté,
et, sans perdre un instant, nous nous transportâmes chez le
malade avec l'appareil convenable pour préparer cet anti-
dote.
Vingt minutes s'étaient écoulées depuis l'ingestion du
poison, lorsque nous commençâmes à lui faire avaler le tri-
toxide ; le malade continuait à délirer, poursuivi par des vi-
sions et des fantômes; dans l'espace d'un quart-d'heure, il
fui gorgé de quatre ou cinq pintes d'eau chaude ou froide,
chargée de tritoxide de fer. Il y eut alors un vomissement
très-abondant et une selle copieuse. Depuis ce moment (il
était six heures du malin), jusqu'à deux heures, le malade
ne cessa d'avaler cette même boisson; il vomit trois autres
fois très-abondamment, et eut autant de selles. Aucun symp-
tôme d'empoisonnement ne se manifesta; il n'y eut ni co-
lique, ni chaleur de la gorge; il accusa seulement quelques
crampes dans les doigts. Il resta d'ailleurs constamment de-
bout, parlant et gesticulant, suivant les impressions qu'il re-
cevait de son délire.
Huit heures s'élant écoulées depuis l'ingestion du poison,
et la substance vénéneuse ne produisant aucun elfel, nous
eu conclûmes qu'elle était neutralisée. On diminua donc la
quantité des boissons. Le soir, le malade, plus calme, se laissa
conduire dans sa chambre, et l'on vit bientôt la raison re-
paraître peu à peu. Il y eut encore un vomissement et une
selle, puis il se coucha et dormit paisiblement toute la nuit.
Le lendemain matin, il était entièrement rétabli et deman-
dait à manger.
Sans les preuves incontestables que nous avons eues de
l'existence del'empoisonnement, le papier qui contenaitl'ar-
senic, le verre dont Fouquet s'était servi, et dans lequel nous
avons retrouvé dix-sept grains de celte substance; le té-
moignage des personnes qui l'ont vu préparer le liquide et
l'avaler ; la déclaration positive du malade lui-même, qui
assurait avoir voulu se donner la mort pour éviter un sup-
plice qu'il regardait comme certain, nous n'aurions pu croire
ù l'iiigcslioa d'une substance aus^i véuéneu-e, qu'il a cepen-
dant piise à une dose énorme, car, revenu ù l'usage de la rai-
son, il a déclaré avoir employé à détruire les rats la moitié
seulement de l'arsenic délivré par le pharmacien. H
(587)
donc en rester eaviron deacc gros qui firent consommés par
lui, à l'exception fies dix-sept grains que nous avons retrouvés
dans le verre. Un gros et demi, au moins, en a donc été
introduit dans l'estouiac, quantité énorme, et qui devait né"
cessairement produire la mort. Le tritoxide de 1er a dépassé
nos espérances. Le malade a avalé dans vingt à vingt-cinq
pintes d'eau, tantôt chaude, tantôt froide, Voxide de six onces
cinq gros de sulfate de tritoxide de fer.
Réflexions. Nous regrettons vivement qu'on n'ait pas com-
plété par l'analyse des matières vomies une observation si
curieuse, et qui prouverait à un tel point les précieuses pro-
priétés du tritoxide de fer hydraté. Il n'est cependant guère
possible de nier l'ingestion dans l'estomac d'une dose
énorme de poison. M. Geoffroy paraît certain de la réalité de
l'empoisonnement, et M. le docteur Bergeron, qui a vu le
malade en même temps que M. Geoffroy, nous écrit qu'il
ne doute nullement que Fouquet n'ait avalé la dose indiquée
d'arsenic, et que c'est uniquement à l'emploi du tritoxide
Ue fer qu'on doit d'avoir évité des accidens qui auraient été
nécessairement mortels.
L'efficacité du tritoxide de fer dans l'empoisonnement par
l'arsenic avait été démontrée (i). Mais jusqu'à présent on
ne s'était guère appuyé que sur des expériences faites sur
les animaux, ou du moins le petit nombre de faits recueil-
lis chez l'homme ne nous donnait qu'une mesure imparfaite
de la confiance que nous devions avoir dans ce médicament.
L'observation de M. Geoffroy nous semble donc extrême-
ment importante ; elle nous offre tout le degré d'authenticité
qu'on peut désirer, et ne laisse aucun doute sur la réalité d'un
empoisonnement et sur l'efficacité de l'antidote dont l'action
a été telle qu'on peut dire qu'il n'en est pas de plus précieux
pour toute autre espèce de substances vénéneuses, i^e trir
toxide de fer hydraté devant aujourd'hui se trouver dana
toutes les pharmacies, nous rappellerons qu'il y a deux
procédés principaux mis en usage jusqu'ici pour l'obtenir.
Voici celui de M. Soubeiran :
On met dans une capsule de platine ou de porcelaine, avec
cinq ou six fois son poids d'eau, du sulfate de fer cristallisé,
le plusexempt de cuivre qu'il est possible (le vitriol dcBeau-
vais convient très-bien). On y ajoute par petites parties de
l'acide nitrique. Quand il ne se forme plus de vapeurs ru-
(i) Voy. art. ,,55, gf;, 96R, losa.
(588)
tiiantes, la liqueur est étendue d'eau; on la filtre, puis on y
ajoute un excès d'ammoniaque. Le dépôt rouge qui se ma-
nifeste e.«t recueilli, lavé avec soin et égoutté. C'est l'hydrate
de peroxide de fer qu'il faut délayer dans l'eau juaqu'en con-
sistance de bouillie pour l'administrer. Pour avoir une dose
de cet hydrate douze fois égale à celle de l'acide arsénieux,
il faut employer une quantité de sulfate de fer cristallisé,
environ trente-six fois plus grande que celle supposée de
cet acide.
Voici le procédé que conseille M. Lassaigne pour obtenir
la même substance :
On prend de la tournure de fer sur laquelle on verse quatre
fois son poids d'acide nitrique du commerce, en ayant at-
tention de ne l'ajouter que par petites portious, afin d'éviter
une réaction trop tumultueuse. Une partie de l'acide nitrique
cède de son oxigène au fer, et le transf':rme en un peroxide
qui se combine aussitôt à l'autre partie d'acide nitrique non
décomposée, pour produire du ptroitrale de fer. Il résulte
de celte réaction, qui est très-vive, un dégagement de cha-
leur et de gaz deutoxide d'azote, qui se transforme au con-
tact de l'air en vapeurs rutilantes d'acide nitreux. Dès que
celte action a cessé, on ajoute dix à douze parties d'eau pour
dissoudre le pernitrate de fer, et l'isoler de la portion de
tournure de fer non attaquée, qui se piécipite au fond du
vase. La solution étant décantée ou filtrée, on y verse peu à
peu de l'ammoniaque, jusqu'à ce que le papier de tourne-sol
rougi prenne une couleur bleue, ce qui indique qu'on a
ajouté un excès de cet alcali. Il se forme aussitôt un précipité
très-abondant, jaune brunâtre, d'hydrate de peroxide de fer,
qu'on recueille sur une toile tendue sur un carrelet, et qu'on
lave à l'eau distillée bouillante, jusqu'à ce que les eaux du
lavage n'aient plus de saveur, et ne réagissent plus sur le
papier de tourne-sol rougi.
A&T. lllS.
Clinique de thôpital Saint-Louis : Blessures graves, suites de
l'attentat du 2S juillet; amputations, irrigation d'eau froide.
— Plaie de la joue, suture enchevillce.
Le service de M. le professeur Gerdy, à l'hôpital Saint-
Louis, offre dans ce moment le plus grand intérêt pour le
praticien qui veut juger de l'efTicacilé de plusieurs procédés
chirurgicauxréccBimenlpréconisés. Il est curieux, par exem-
(389)
pie, de voir l'irrigation continue appliquée à une foule de cas, la
planchette suspendue de Sauteret plusieurs autres méthodes
qui, employées dans un service nombreux, dans des circons-
tances variées et chez des sujetsdecomplexionsdifférentes, of-
frent des résultalssur lesquels il est pf;rmis de se prononcer.
Nous avons dit à noti-e article 1002 que plusieurs chirur-
giens des hôpitaux de Paris avaient recours à l'irrigation
continue pour prévenir et combattre les accidens inflamma-
toires qui suivent tous les grands délabremens, les fractures
comminutives, les déchirures, etc. M. Gerdy ne borne pas
l'application de ce moyen aux lésions de ce genre ; il en fait
un puissant auxiliaire pour prévenir l'inflammation qui est
la suite nécessaire de toutes les grandes opérations. Dans les
amputations surtout, il obtient par cette application continue
des réfrigérans les succès les plus satisfaisans. Nous avons
remarqué dans la salle des hommes plusieurs cas excessive-
ment graves, dans lesquels ce moyen s'est évidemment op-
posé à des accidens qui devaient être inévitables et nécessiter
l'amputation. Ainsi, un homme a reçu, il y a près d'un mois,
sur la malléole externe de la jambe gauche, une croisée
lancée d'un quatrième étage. Il y a eu une large plaie trans-
versale par laquelle l'astragale sortait presque tout entier,
l'articulation du tibia et du péroné était complètement mise
à nu. On ne pouvait, par les procédés ordinaires, proposerque
l'amputation; l'irrigation continue s'est opposée au dévelop-
pement de tous les accidens, ou plutôt ces accidens ont été
tellement modérés , qu'il ne s'est établi ni suppuration ni
gonflement énorme, enfln qu'aujourd'hui l'articulation a
presque repris son volume naturel, la plaie n'a plus guère
qu'un pouce d'étendue, et tout fait présager une guérison
prochaine. L'irrigation ayant été interrompue pendant douze
heures, il est survenu vers le talon un petit abcès qu'il a
fallu ouvrir; mais il n'en reste de trace qu'une légère cica-
trice.
Plusieurs luxations du pied avec plaie sont traitées de la
même manière, et tous les malades, interrogés par nous, ont
déclaré éprouver sous l'influence de ce moyen une grande
diminution dans leurs douleurs.
Nous avons remarqué encore un jeune garçon de quatorze
ans, amputé de la jambe gauchepour uneblessure reçue le 28
juillet. Ce malheureux a reçu dans le tibia une balle qui lui
a brisé l'os dans l'étendue de quatre pouces. Malgré cet ef-
froyable désordre, la confiance de M. Gerdy dans les irri-
gations d'eau froide est telle qu'il a hésité s'il devait recourir
à l'amputation; cependant, dans la crainte de compromettre
(390)
un si précieux moyen, il s'est décidé à désarticuler la jambe.
J'ai préféré amputer dans la contiguïté, a dit ce professeur,
parce que les dangers qu'on court en amputant dans la con-
tinuité des membres sont tels qu'ils ne sauraient être plus
grands par toute atitre méthode. A l'hôpital Saint-Louis, on
ne sauve pas la moitié des malades, peut-être pas le quart ;
il y a des hôpitaux dans lesquels je n'ai jamais vu des ampu-
tations de cuisses suivies de guérison, et très-souvent les
malades qui avaient subi l'amputation du poignet ou de l'a-
vant-bras succombaient à l'opération (i).
Ce petit malade a donc été amputé dans l'article, et le
moignon étant recouvert d'une compresse, on a dirigé sur
toute son étendue un filet d'eau froide qu'on a eu soin d'en-
tretenir régulièrement. Pendant long-temps les choses se
sont si bien passées qu'on croyait être certain de la guérison,
mais depuis quelques jours on a vu s'évanouir une grande
partie de ces espérances. Il règne en effet dans Paris une vé-
ritable épidémie de cette irritation gastro-intestinale qu'on
a désignée sous le nom de cholérine. Les coliques et les
diarrhées sont excessivement communes, et ce malheureux
n'a pu éviter l'influence fâcheuse de cette constitution. Il
est pâle, fort amaigri, a de la fièvre, et est maintenant dans
un état très-alarmant.
L'irrigation continue est encore employée chez deux fem-
mes qui ont également été blessées sur le boulevart du Teai-
pie, et qui ont subi toutes deux l'amputation de la cuisse.
L'une avait reçu une balle qui avait brisé l'extrémité
inférieure du fémur et ouvert l'articulation du genou. Elle
touche maintenant à la guérison. L'autre avait eu le fémur
d'un côté également brisé et l'articulation du genou du côté
opposé peu gravement atteinte. Amputée sur-le-champ, et
traitée aussitôt par les affusions froides, elle allait d'abord
fort bien et l'on espérait une guérison entière ; mais bientôt
les vaisseaïix et les ganglions lymphatiques de la cuisse et de
l'aine se sont enflammés. Les afl"usions d'eau froide dirigées
sur ces parties ont arrêté la marche des accidens, mais il s'est
alors déclaré chez cette femme, ainsi que chez sa voisine, une
cholérine assez intense qu'on a cependant arrêtée à l'aide des
(i) C'est ici le cas de rappeler l'opinioa de M. Dupuytrea sur ce
sujet. « Sur deux amputations, disait ce professeur, on doit s'estimer
heureux quand une seule a du suce»-» : souvent on perd les deux mala-
des. Quand on en sauve deux sur trois, c'est un très-beau succès; trois
sar quatre, c'est un succès immense. ■> (Voy. art. 610.)
(390
opiacés donnés à assez forte dose. Une troisième complica-
tion beaucoup plus grave est alors survenue ; la malade a
éprouvé le soir un frisson qui a duré une demi-heure en-
viron, et a été suivi de chaleur, puis de sueur. Pareil acci-
dent s'est répété le lendemain ; on sait que ces frissons an-
noncent presque toujours la formation dans quelque cavité
d'une collection purulente, qui est presque nécessairement
suivie de la mort des malades. Un large vésicatoire a été
placé sur la cuisse, et l'on a prescrit une saignée si les acci-
dens ne s'apaisaient pas; mais la malade, qui a d'ailleurs
perdu une quantité énorme de sang sur le lieu même de la
blessure, est dans une prostration telle, qu'il reste peu d'es-
poir de guéridon (i).
La manière d'employer les irrigations d'eau froide est au
reste la même que colle que nous avons indiquée à notre ar-
ticle 1003. Un seau de fer- blanc est suspendu par l'anse au
ciel du lit ; son extrémité inférieure offre un petit robinet du-
quel ou fait pendre un ruban de fil qui descend jusqu'à trois
à quatre pouces de la blessure. Le robinet est plus ou moins
ouvert, suivant la force qu'on veut donner à l'irrigation, et
l'eau coulant ainsi le long du fil vient s'épancher sur la par-
tie malade, qui est recouverte seulement d'une compresse.
Le membre est appuyé sur une toile cirée qui, ployée en-
suite en godet, conduit par une sorte de couloir l'eau jus-
que dans un seau placé au pied du lit.
Si l'on veut répandre l'eau sur une plus grande surface,
on suspend plusieurs fils au robinet, et on leur donne diffé-
rentes directions à l'aide de quelques fils de fer.
Un quatrième blessé a été présenté par M. Gerdy pour
constater «a guérison et le peu de difformité qui est résulté
d'une plaie coutuse et irrégulière. C'est un jeune garçon de
quinze ans qui a reçu sur les boulevarts une balle, laquelle est
entrée vers la commissure de la bouche, et est sortie près de
l'oreille sans briser aucun os, mais en labourant, en dèchi-
(i) Une remarque curieuse a été faite relatireraent à la blessure de
celte femme : la plaie d'entrée était beaucoup plus large que la plaie
de sortie. On sait que le contraire s'observe en général. Mais cette ex-
ception, qui n'est point rare, a lieu, suivant M. Gerdy, toutes les fois
que la balle, frappant dans le voisinage de parties solides, vient à sor-
tir au Hiilieu de parties molles. La peau, en effet, est d'abord coupée
comme avec un emporte-pièce, et, cédant ensuite à l'impulsion de la
balle, elle s'alonge et ne se laisse diviser que dans une petite étendue.
Plusieurs autres causes peuvent contribuer à cette disposition, qui 8«
rencontre plus conimunémeDt qu'on ne le pense généralement.
( 392 )
rant les tissus de manière à mettre l'intérieur de la bouche à
nu dans une très-grande étendue. La plaie a été régularisée
avec des ciseaux, puis on a appliqué plusieurs points de su-
ture. On a choisi de préférence la suture enchevillée ; c'est,
suivant M. Gerdy, de toutes les sutures celle que les prati-
ciens doivent préférer, toutes les fois qu'il est possible d'y
recourir. La suture, dont on fait usage en général pour les
plaies de la face, produit ordinairement, dès le troisième ou
le quatrième jour, la gangrène des parties comprimées entre
le fil et les aiguilles. Dans la suture enchevillée, au contraire,
cet inconvénient n'est point à redouter, puisque les derniers
fils ont été enlevés chez ce petit malade le neuvième jour
seulement. Les parties sont paifaitement affrontées, et la
longue cicatrice qui sillonne la joue est aussi régulière qu'on
pouvait le désirer. Ce petit malade est sur le point de sortir
de l'hôpital.
A&T. Ill4«
Observation d'accidens graves survenus chez une jeune filUf et
causés par la morsure d'une araignée.
On trouve l'observation suivante dans le Bulletin médical
de Bordeaux.
Une fille âgée de dix-huit ans, d'une forte santé, était dans
un champ le 27 juillet 1821, à dix heures du matin, occu-
pée avec d'autres femmes à porter des gerbes de blé. Sur une
gerbe qu'elle allait prendre, elle aperçut une araignée grosse
comme une aveline, et dont le corps était noir et les pattes velues.
Bientôt, comme elle emportait son fardeau, elle se sentit pi-
quer fortement au-dessus du sein gauche. Elle porta promp-
tement la main sur cette partie, et saisit par-dessus sa che-
mise une araignée semblable à celle qu'elle venait de voir.
Cet insecte fu' tué et jeté dans le champ. Mais bientôt la
jeune fille ressentit dans le lieu de la piqûre une très-vive
douleur; ses jambes plièrent sous elle, et, au bout d'un
quart-d'heure, les souffrances étaient si intolérables, que
cette malheureuse se roulait par terre en poussant des cris
perçans.
M. le docteur Hameau étant arrivé près d'elle vers onze
heures, la trouva dans l'état suivant : toute la tête était ar-
rosée d'une sueur abondante ; la figure était alternativement
animée Pt prde; tantôt les joues étaient colorées, la respira-
tion étendue, le pouls plein, tantôt les pieds et les mains se
refroidissaient, les yeux se contournaient en haut, la respi-
(393)
ration était lente, gênée, le pouls très-petit, irrégulier. Ce
spasme une fois passé, la malade poussait de grands cris et
accusait de vives douleurs, surtout dans les pieds, les ge-
noux, les cuisses et les reins. Toutes ces douleurs finissaient
par se concentrerdans l'épigastre, d'où venaient l'oppression
et la faiblesse. Tous les muscles locomoteurs sautillaient ou
oscillaient continuellement, mais sans produire aucun mou-
vement des membres. La malade, qui conservait toute sa
connaissance, demandait qu'on serrât ses membres, parce
que cela la soulageait. Le lieu de la piqûre était ronge et tu-
méfié, et au centre s'élevait une petite vésicule remplie d'une
sérosité jaunâtre.
M. Hameau s'empressa de percer cette vésicule, et après
en avoir fait couler toute la sérosité, il versa sur la plaie quel-
ques gouttes d'ammoniaque, puis la recouvrit de compresses
trempées dans le même liquide. Il fit en outre avaler À la
malade un gros et demi de thériaque, et la fit plonger dans
un bain. Les accidens continuant à s'aggraver malgré cette
indication, on donna un grain d'extrait gommeux d'opium,
puis un second, puis un troisième; ce ne fut qu'alors qu'il
se déclara quelque amélioration. Les douleurs furent plus
supportables, et il survint une réaction générale; mais, vers
le soir, les accidens se manifestèrent de nouveau, et l'on
fut obligé de donner, dans l'espace de quelques heures, trois
autres grains d'opium. Malgré cette forte dose, aucun symp-
tôme de narcotisme ne se déclara; et le lendemain matin,
la malade était dans un état très-satisfaisant. Il survint les
jours suivans une salivation assez abondante et une éruption
qui se développa et disparut en vingt-quatre heures, et cette
jeune fille recouvra bientôt une santé parfaite.
Réflexions. L'auteur de cette observation, après s'être li-
vré à quelques considérations sur les morsures des araignées,
qui, dit-il, sont toujours accompagnées d'une assez vive dou-
leur, affirme qu'elles sont toutes venimeuses à un certain
degré. Il se demande ensuite quelle était l'espèce de cette
araignée qui a causé des désordres si graves, et si c'était une
tarentule dont on a signalé de tout tenjps la dangereuse mor-
sure. Tout porte à croire en effet que cet insecte, dont
M. Hameau n'a pu donner qu'une description si imparfaite,
est la tarentule qui est plus forte que nos araignées ordinaires,
et a le dos, aussi bien que toute sa partie antérieure, d'un noir
foncé. Celle araignée, bien qu'on la trouve plus particulière-
ment dans les pays chauds, et surtout en Italie, a été parfois
rencontrée dans les départemens méridionaux de la France.
Il est probable qu'elle y est assez rare, et tjue c'est la cause
(394)
du petit nombre d'accidens qui ont signalé sa présence.
On sait que la morsure de la tarentule, sur laquelle on a
débité tant de contes, après avoir passé pour excessivement
dangereuse, est aujourd'hui regardée comme aussi peu nui-
sible que celle des autres espèces d'araignées. Ce fait n'est
pas encore tellement prouvé cependant qu'on doive rejeter
sans examen tous ceux qui tendraient à établir le contraire,
et c'est sous ce rapport que l'observation de M. le docteur
Hameau nous a paru d'un grand intérêt.
Quelle que soit au reste l'opinion que l'on adopte sur l'es-
pèce d'araignée dont la morsure a failli être funeste, on ne
doit pas oublier que les voyageurs s'accordent à en signaler
plusieurs conmie extrêmement dangereuses. En Corse, en
Guinée, dans l'île de Madagascar, au cap de Bonne-Espé-
rance, dans l'île de Ceylan, à Saint-Domingue, on en a ren-
contré dont les morsures étaient horriblement douloureuses
et pouvaient même, chez certains sujets, causer la mort. Il
n'y a rien d'étonnant à ce qu'un insecte de la même famille,
mais dont l'espèce nous est inconnue, ait pu dans le midi de
la France, à l'époque des grandes chaleurs et favorisé peut-
être par certaines circonstances, telles que le temps des
amours, la colère, etc., causer des accidens aussi graves que
ceux qui résulterjt de la morsure de la vipère, quoiqu'on
doive remarquer que, tout en réagissant également sur l'é-
conomie el menaçant directement le principe vital, il ait
donné naissance à des symptômes tout-à-fait différens de
ceux que l'on observe dans ce dernier cas.
ART. Ill5.
Considérations pratiques sur le traitement de quelques mala-
dies des dents.
L'article Dent, Dentition, du Dictionnaire de médecine en
vingt-cinq volumes, nous a semblé assez remarquable pour
que nous dussions arrêter l'attention de nos lecteurs sur quel-
ques-uns des préceptes que M. Oudet, son auteur, y a con-
signés. Nous avons rarement occasion de nous occuper de
cette partie de la pathologie, et nous saisissons d'autant
plus volontiers cette occasion de le faire, que ce sujet, con-
sidéré sous ime forme toute nouvelle, est d'un haut intérêt
non-seulement pour les chirurgiens qui s'occupent d'une
manière spéciale de la dentition, mais encore pour tous les
hommes de l'art, puisque, par des considérations négligées
jmqu'à ce jour, on y rattache souvent les maladies des dents
(395)
à des affections organiques qui semblaient leur être étran-
gères.
Nous négligerons la partie physiologique de ce travail,
qui nous offrirait cependant une foule d'aperçus neufs et
ingénieux, pour ne nous occuper que de quelques points de
pathologie et d'hygiène, plus en rapport avec la nature de ce
journal.
L'éruption des dents de sagesse s'accompagne quelquefois
d'accidens assez graves pour nécessiter des opérations chi-
rurgicales, ou bien pour induire eu erreur sur la cause des
symptômes que l'on observe. Les malades éprouvent eo
général un sentiment d'engourdissement ou d'une douleur
distensive plus ou moins forte le long des mâchoires et des
arcades dentaires ; il y a en même temps de la gêne dans les
mouvemens de la mâchoire et dans ceux de la déglutition,
et parfois des angines qui se renouvellent à des intervalles
variables. Cesaccidens peuvent être plus ou moins violens.
M. Oudet cite l'exemple d'une actrice qui éprouvait dans les
articulations temporo- maxillaires des douleurs très-vives
toutes les fois qu'elle s'était livrée à l'exercice de la déclama-
tion. Cette incommodité a cessé lorsque les dernières molai-
res ont paru. D'autres ont observé des douleurs semblables
qui se montraient d'une manière périodique, et qui recon-
naissaient cependant la même cause.
Quelquefois le développement de la dentétantplus rapide
que la destruction de la gencive, celle-ci se trouve forte-
ment soulevée, devient rouge, douloureuse; l'irritation ga-
gne les parties voisines, la gorge s'enflamme; les malades
ne peuvent ouvrir la bouche ; il survient de la fièvre, du dé-
lire. Il peut enfin résulter de cette distension, des abcès, des
ulcères; l'inflammation de la gorge peut même se terminer
par la gangrène et entraîner la mort des sujets, comme l'au-
teur en possède un exemple.
On conçoit que les accidens sont rarement portés à ce
point extrême; mais ils sont souvent assez intenses pour
exiger qu'on débarrasse la dent de cette espèce de bride,
soit en divisant cette membrane par une incision cruciale,
dont on résèque les lambeaux avec des ciseaux courbes, soit
en l'enlevant avec des pincces et un bistouri, après l'avoir
cernée dans tout son pourtour par deux incisions semi-lunai-
res. M. Oudet rejette la cautérisation que l'on a proposée i\
cet effet, comme trop lente et sujette à des inconvéniens.
Fréquemment il arrive que, n'ayant pour se placer qu'un
espace trop étroit, circonscrit en avant et en arrière par des
limites très-solides, les dents de sagesse luttent en vain con-
(396)
tre des résistances qu'elles ne peuvent vaincre. Il peut résul-
ter de cette difficulté dans leur développement des accidens
excessivement graves, des douleurs très-vives et presque
continues, des fluxions inflammatoires qui se terminent par
des abcès, des fistules, la carie et la nécrose d'une partie plus
ou moins étendue du maxillaire. Ces symptômes se renou-
vellent de temps à autre jusqu'à ce que l'obstacle ait été en-
levé. Le plus communément dans ces cas, la couronne de la
dent est à découvert, ou, si la gencive n'est pas encore dé-
truite, les malades n'éprouvent aucun soulagement de son
excision. L'extraction des dents de sagesse est alors le meil-
leur moyen à proposer; mais cette extraction étant quelque-
fois très-difficile, les praticiens préfèrent souvent enlever
la deuxième grosse molaire, et donner ainsi de l'espace au
développement de la troisième.
Enfin il serait possible que l'orifice de l'alvéole fût bouché
plus ou moins complètement par une lame osseuse qui s'op~
pose à la sortie de la dent, et cause tous les accidens énumé-
rés ci-dessus. On conçoit qu'on n'aurait d'autre chose à faire
alors que d'enlever la gencive et de détruire cette lame d'os
avec une gouge bien tranchante.
Ces difFérens obstacles à la sortie des dents de sagesse sont
tels quelquefois, qu'elles restent toute la vie renfermées
dans leurs alvéoles, ou que, prenant une direction vicieuse,
elles se dévient dans différens sens. C'est du reste presque
toujours à la mâchoire inférieure que ces accidens se ren-
contrent; et il est bon que les praticiens soient avertis qu'ils
surviennent quelquefois à une époque si tardive, qu'on est
tenté de les attribuer à une toute autre cause qu'à l'éruption
de la dent de sagesse, ce qui souvent a donné lieu aux mé-
prises les plus funestes pour les malades.
Il faudrait des développemens beaucoup plus étendus que
ceux que comportent la nature'de cet article, si nous vou-
lions suivre M. Oudet dans toutes les altérations qu'il signale,
soit dans l'éruption et le développement des dents, soit dans
la substance de ces mêmes organes une fois développés.
Nous nous bornerons à citer une altération particulière que
ce chirurgien nous paraît avoir étudiée beaucoup mieux
qu'on ne l'avait fait avant lui, et sur laquelle nous appelons
toute l'attention de nos lecteurs. Nous voulons parler d'une
affection désignée vaguement sous le nom de carie, et qui,
suivant M. Oudet, en diffère essentiellement. C'est une alté-
ration cliimique du tissu des dents, une sorte d'érosion qui
s'attaque presque toujours ù un certain nombre à la fois et
sur plusieurs de leurs surfaces. Mais ce qui distingue surtout
(597)
cette maladie de la carie ordinaire, c'est la nature de la
cause qui l'a produite. L'emploi de certaines substances médi-
camenteuses ou alimentaires peuvent lui donner naissance,
certaines poudres dentifrices, les tisanes acidulées, le sucre,
les pièces artificielles maintenues dans la bouche, etc. Mais la
cause la plus commune de cette affection est une altération
des humeurs de la bouche. On l'observe en effet à la suite
des diètes sévères et prolongées nécessitées par des maladies
graves et d'un long cours ; d'autres fois cette altération de
la salive est due à un dérangement de l'appareil digestif lui-
même, à une lésion chronique quelconque; la salive est
plus abondante que de coutume, elle est visqueuse, filante;
et si on introduit dans la bouche un morceau de papier de
tournesol, on s'aperçoit qu'il rougit fortement (i).
L'aspect de la maladie varie suivant les causes qui l'ont
produite ; ainsi dépend-elle de l'application intempestive de
poudres dentifrices, on aperçoit seulement près des gencives
(i) Celte acidité de la salive vient d'être signalée récemment dans
le» Archives générales tic médecine, par M. le docteur Donné. Ce méde-
cin a remarqué que, chez les sujets bien portans, la salive était ordi-
nairement alcaline, et faisait passer au bleu le papier rouge, tandis que,
dans certaines maladies, dans les fièvres graves, et généralement toutes
les affections de l'estomac, le papier bleu de tournesol rougissait rapi-
dement, et dénotait ainsi des caractères non équivoques d'acidité. La
salive redevenait alcaline à mesure que l'estomac reprenait l'intégrité
de ses fonctions. Cetteremarque, qui pourra plus tard, peut-être, avoir
des applications pratiques fort importantes, n'avait point échappé à
M. Oudet, et ses soupçons doivent être confirmés par les recherches
auxquelles s'est livré M. Donné.
Quant à la maladie que ce chirurgien décrit sous le nom d'érosion
des dents, elle n'est malheureusement pas assez rare pour que tous les
praticiens ne puissent s'en rappeler de nombreux exemples. Pour notre
part, nous en avons présentement un fort remarquable sous les yeux.
Une jeune dame, fort gravement atteinte à la fois d'une hemopthysie,
d'une irritation du cœur et d'une gastrite, après avoir échappé aux
dangers de cette triple complication, est, aujourd'hui, menacée de
perdre toutes ses dents, qui sont ruginées à leur base comme si on
avait cherché à les détacher avec la lime. Aucune boisson acidulée n'a
été donnée pendant le cours de la maladie, qui a été fort longue et a
nécessité six semaines de diète absolue. Les gencives ont été et sont
encore chaudes et gonflées, mais malheureusement notre attention
n'étant pas encore éveillée sur cette acidité de la salive, nous n'avons
pas cherche à nous assurer avec le papier de tournesol de son état
acide ou alcalin. Les organes gastriques et pulmonaires marchant de-
puis quelque temps vers la guérison, les progrès de l'érosion des dents
semblent arrêtes, et nous conservons encore l'espoir que nous n'aurons
pas à déplorer les funestes résultats signalés dans le travail que nous
analysoo^. ( Nolç du Rédacteur, )
(398)
de petits enfoncemeas pointillés; survient-elle dans le cours
d'une maladie grave, ces désordres s'étendent plus avant;
l'érosion contourne les dents à leur base, et quelquefois elles
sont toutes détruites dans un espace de temps fort court, de
manière qu'il ne reste plus que les racines, qui demeurent
cachées sous les gencives.
Peu de temps avant son début, on remarque ordinaire-
ment sur la dent un point opaque accompagné d'un peu de
sensibilité; bientôt l'émail étant détruit par petites parcelles,
la dent reste sans défense, l'ivoire est mis à découvert, et la
couronne ne tarde pas à être entièrement détruite si les ma-
lades ne recouvrent pas la santé, ou si l'on n'éloigne pas les
causes de cette fâcheuse altération.
Le traitement consistera donc à éloigner les causes que
nous avons indiquées, à enlever les pièces artificielles, à
nettoyer les dents et les débarrasser de toutes les humeurs
qui se sont amassées autour d'elles. Si l'on reconnaît à la sa-
live un caractère acide, on y remédiera par des frictions ou
des lotions avec la magnésie calcinée. Lorsque l'altéiation
des dents n'intéresse que les couches les plus superficielles de
l'ivoire, on peut les cautériser avec le fer rouge, dans le double
but de faire cesser la sensibilité dont elles sont le siège, et
de s'opposer à l'extension du mal. Si la dent est détruite plus
profondément, on la plombera. IVIais le but auquel on doit
yiser est d'arrêter la maladie principale qui a donné nais-
sance à tous ces désordres. Lorsqu'on est assea heureux
pour voir le malade recouvrer ia santé, la destruction des
dents s'arrête aussitôt; celles qui déjà sont malades perdent
leur sen^ibilité, et leurs érosions prennent l'aspect, le carac-
tère de ce qu'on appelle la carie sèche.
Telle Cït la maladie que M. Oudet propose de désigner
sous le nom d'érosion ou de corrosion des dents. On conçoit
de quelle importance il doit être pour tous les praticiens de
la bien connaître et de soumettre à un examen attentif la
bouche des sujets allcints de maladies graves des organes
digestifs. Nnus terminerons cette analyse, déjà un peu lon-
gue peut-être, par l'exposé de quelques préceptes relatifs à
l'hygiène de la bouche.
Après avoir i appelé comment le tartre se dépose sur les
dents et quels ravages il peut y causer, voici les conseils que
donne l'auteur pour prévenir son développement :
Des soins de propreté, dit-il, suffisent ordinairement dans
l'état de .-anlé, et chez les sujets d'une bonne constitution,
pour prévenir l'accumulation du tartre et pour entretenir le
hon état des gencives et des deots. On aura l'attenlion tous
(39»)
les matins de promener légèrement sur les dents une brosse
très-douce trempée dans de l'eau aiguisée par une liqueur
spiritueuse. Ces frictions devront être dirigées de haut en
bas pour les dents supérieures, de bas en haut pour les infé-
rieures, puis en travers le long des arcades dentaires, et enOn
en dedans et à la surface libre de celles-ci. On aura soin
après chaque repas, et le soir avant de se coucher, de se laver
la bouche avec de l'eau légèrement dégourdie, et de passer
dans les interstices dentaires un cure-dent en plume, afin
d'enlever les parcelles d'alimens qui pourraient s'y être logées.
On évitera surtout l'usage des opiats et des poudres dentifrices
grossièrement pulvérisées dont la composition n'est pas con-
nue, ou qui contiennent des substances acides. Ces prépara-
tions ne communiquent aux dents de la blancheur qu'en
attaquant leur émail, et nuisent ainsi à leur conservation. Si
on veut augmenter l'action de ces frictions afin de foire dis-
paraître le tartre qui se trouverait trop adhérent pour être
facilement détaché, on chargera la brosse de poudres inertes
parfaitement porphyrisées, telles qu'un mélange de poudre
d'os de sèche et de magnésie calcinée, coloriée par de la
cochenille, et qu'on aromatisera avec quelques gouttes
d'huile essentielle de menthe. Le quinquina et autres sub-
stances de même nature, qu'on fait tous les jours entrer
dans la composition des poudres dentifrices, ne doivent pas
être employés quand les gencives sont saines, afin de ne pas
se priver plus tard d'agens thérapeutiques, que l'état mor-
bide de ces organes pourrait réclamer, etc.
Nous ne nous arrêterons pas plus loug-temps sur l'article
dont M. Oudet a enrichi la nouvelle édition du Dictionnaire
de médecine. La plupart des idées qui y sont exposées ont le
mérite de la nouveauté ou d'une application juste et pratique
qui, nous le répétons, le fera lire avec intérêt, non-seule-
ment par les chirurgiens qui s'adonnent plus spécialement
aux maladies de la bouche, mais encore par tous les prati-
ciens, qui y verront souvent une liaison évidente entre les
affections des dents et celles des autres organes.
ART. 1 116.
De l'emploi du chlore dans le traitement du choléra épîdémiqae.
M. Toulmouche, médecin à Rennes, a publié, dans les Ar-
chives générales de médecine, quelques observations sur l'em-
ploi du chlore dans le traitement du choléra. Ce médecin
paraît considérer cette maladie comme le résultat d'un em-
poisonnement miasmatique, et c'est par le chlore employé
( 4oo )
sous toutes les formes qu'il espère pouvoir l'attaquer dans son
principe. Il paraît qu'une douzaine de malades seulement ont
été traités par cette méthode, et sur ce nombre six auraient
été guéris ; ce qui serait une proportion énorme, et témoi-
gnerait fortement en faveur du chlore, s'il était possible de
juger des effets d'un médicament par un si petit nombre d'ob-
servations.
C'est dans la période algide seulement que M. Toulmou-
che a recours aux préparations indiquées, et dans le but de
produire une réaction qui est ensuite combattue par les
anliphlogistiques. L'observation suivante fera connaître la
manière dont le chlore est employé :
Une femme de quarante-cinq ans avait la diarrhée depuis
quelque temps , lorsqu'elle fut prise tout-à-coup , à cinq
heures du matin, d'envies de vomir et de vomissemens. A
dix heures, les yeux étaient excavés profondément; le refroi-
dissement était général, la langue froide ; la malade éprou-
vait des crampes, poussait des cris, avait des selles choléri-
ques, suppression d'urine, etc. ( Chlore à respirer toutes les
deux heures, en commençant par dix gouttes doublées chaque
fois. En boisson , solution d'un demi^gros de chlorure d'oxide
de sodium par chopine d'eau; bouteilles d'eau chaude aux pieds.)
Le soir, la réaction était établie. La solution de chlore fut
portée d un gros, et les aspirations chloreuses à trente et quarante
gouttes. Les vomissemens étant devenus excessifs, on mit un
cataplasme sur la région de l'estomac, et on donna un tiers
de lavement avec une demi-once de chlorure d'oxide de sodium
pour six onces d'eau.
Le lendemain, il y avait des douleurs d'estomac ; la langue
était sèche, rouge, pointue. Les vomissemens étaient sus-
pendus, mais la soif était extrême, les urines toujours sup-
primées. ( Continuation de tiers de lavemens chlorurés toutes
les deux heures. En boisson, solution de trois gros de chlorure
d'oxide de sodium à douze degrés de l'aréomètre de Beaumé,
chlore aspiré d quarante gouttes.)
Le soir, il survint du hoquet qu'on combattit par des appli-
cations de cataplasmes arrosés de chlorure sur l'estomac. Les
jours suivans, la sécrétion de l'urine reparut, et la femme
finit enfin par se rétablir.
Réflexions. Il y a peu de médication nouvelle à proposer
contre le choléra : le chlore, dont on connaît les propriétés
désinrectantes, n'avait pas été oublié, et nous avons dit à
notre article 490 qu'un pharmacien de Paris avait préconisé
les inspirations de ce gaz dans la période algide, mais que
l'Académie avait déclaré que, dans un grand nombre de cas,
(401)
ce moyen pouvait être dangereux; que, dans les autres, il
était inutile. A l'Hôtel-Dieu, à une époque où on essayait de
tous les médicamens, et où l'on perdait à peu près la totalité
des malades, le chlore a également été administré en bois-
sons; mais il est juste de dire que nous ne l'avons jamais vu
donner à la fois, à l'intérieur et à l'extérieur, en boisson, en
lavemens et en inspirations, ce qui constitue la méthode de
M. Toulmouche, si une pareille pratique peut recevoir le nom
de méthode.
Nous n'avons pas besoin d'insister sur les funestes effets
qui peuvent résulter de l'ingestion dans un estomac presque
toujours malade, d'une aussi grande quantité d'une sorte
d'eau de javelle, d'un caustique suffisant pour causer des
désordres presque aussi grands que le choléra lui-même. Si
l'on doit quelquefois se permettre l'usage de ces remèdes
violens, ce n'est que dans des cas tout-à-fait désespérés, et
alorsque,par des moyens plus rationnels, on n'a pu produire
une réaction favorable. On s'exposerait, en débutant par cette
médication dans la généralité des cas, à aggraver une ma-
ladie dans laquelle la nature n'est pas toujours sans ressource,
et qui pourrait céder sans que les organes digestifs fussent
aussi gravement compromis (i).
ART. 1117.
Quelques observations de fractures comminutives des membres
guéries sans amputation. Observation d'une amputation spon-
tanée de l'avant- bras dans l'article,
La nécessité de l'amputation n'est pas toujours indiquée
par de graves désordres auxquels la nature seule ne semble
pas, au premier abord, pouvoir remédier. Rien n'est plus
commun, en effet, que de rencontrer dans le monde des indi-
vidus qui, n'ayant pas voulu se soumettre à cette grave opé-
ration, ont cependant fini par bien guérir, en conservant
l'usage d'une partie dont l'ablation avait été jugée indis-
pensable. Aucune règle ne pouvant servir à nous guider
dans ces cas embarrassans, les chirurgiens offrent, sous ce
rapport, de très-grandes différences dans leur pratique; les
uns amputent immédiatement dès que les os sont brisés
comminutivement, et que ces fractures s'accompagnent de
vastes déchirures des parties molles; les autres n'ont recours
(i)Voy. art. 340, 046,353,368, 390, 407, 4'8, 447» 462, 463,465, et
Suppli ment, 4/1, 4905 4<j6, 55i, 63a, 926
Tome vi, — n- de septembre. 26
( 4o» )
à cette opération qu'après avoir inutilement tenté tous les
moyens de guérisou. C'est ainsi qu'il nous a semblé qu'à
l'hôpital de la (.harité, par exemple, M. Roux se décidait
plus facilement à amputer que M. Dupuytren, qui préférait
attendre, du moins sur la lin de sa carrière, dans tous les
cas douteux. Nous ne saurions décider quelle pratique était
la plus avantageuse aux malades, et lequel de ces deux ha-
biles chirurgiens obtenait le plus de succès. Cependant nous
avons été témoin de guérisons si inespérées dans des cas de
fracture avec écrasement, que, malgré les raisonnemens con-
traires, nous serions porté à nous ranger de l'avis de ceux
qui conseillent de n'amputer de suite que dans le cas où il
est de toute évidence que le membre ne saurait être conservé.
Voici quelques observations extraites de notre correspon-
dance sur ce sujet, et qui pourront offrir quelque intérêt à nos
lecteurs.
M. Dufrayseix, officier de santé à Grand-Bourg (Creuse),
«t ancien chirurgien militaire, nous adresse le fait suivant :
Le 6 février i834. je fus appelé pour rae rendre au moulin de
Madat, pour donner des soins à Jean Siliars, meunier, âgé de vingt-
trois ans. Cet homme, ayant eu l'imprudence de graisser avec la
main gauche les fuseaux de la lanterne de son moulin, pendant
qu'il était en mouvement, eut sa manche de veste atteinte par une
des chevilles du rouet qui accroche ces fuseaux. Au même instant,
la main, l'avant-bras et le bras furent entraînés avec rapidité entre
ces deux portioasdu moulin. Ce malheureux resta près d'une demi-
heure dans cet état sons être secouru. A mon arrivée, je le trouvai
couché dans son lit tout habillé. Après avoir fendu les manches de
sa veste et de sa chemise, j'observai les lésions suivantes : Deux
coups de hache à la face palmaire de la main; le premier divisait
la peau et l'aponévrose, dans la direction du doigt annulaire, et
l'autre, la peau et les muscles de Téminence hypothenar, dans la
direction du petit doigt. Ces deux blessures étaient le résultat de
l'empressement qu'on avait mis à couper les fuseaux de la lanterne
pour dégager la main.
Le membre portait dans plusieurs points les traces de nom-
breuses contusions. Cependant la peau «tait intacte, excepté au
tiers inférieur et postérieur de i'avaul-bras, où des puriion» du cu-
bitus et du radius avaient déchiré les tégumons. L'avant-hras et le
bras présenlaiçul des fractuies comniinulives si rapprochées, que
le membre se fléchissait dans plusieurs directions. Il était impossi-
ble de lui faire exécuter le moindre mouvement sans entendre plu-
sieurs crépitatiotis à la fois. La peau qui recouvre le muscle grand
pectoral, ofirait trois gerçures assez profondes; la cinquième côte
stcrnale était fracturée a son tiers antérieur par la pression d'une
des chevilles du rouet.
Le blessé, dont la respiration était extrêmement gênée, fut étendu
sur un lit, et le bras souteuu ytar des coussins de balles d'avoiu
( 4o5 )
disposés sur un bandage à bandelettes séparées. Une saignée de
deux livres fut aussitôt pratiquée, et l'on appliqua des sangsues sur
le côté lésé de la poitrine. Le sang s'écoulait en outre en assez
grande abondances des deux trous pratiqués à la face postérieure
de l'avant-bras. Les fractures furent ensuite réduites autant que
possible, et le membre placé dans une demi-flexion, l'avant-bras
entre la supination et la pronaiiou. Les deux coups de iiacbe ayant
été pansés avec du cérat, je couvris tout le membre d'un cata-
plasme fait avec une forte décoction de mauve et de farine de seigle,
défaut de farine de graine de lin. Le malade fut en outre mis à
une diète sévère et à l'usage d'une boisson adoucissante.
Il ne survint aucun accident; le pouls resta calme; l'écoulement
sanguin persista pendant une dizaine de juurs, puis fut remplacé
par une sécrétion purulente assez abondante, mais de bonne nature;
plusieurs escarres se détachèrent, et il fallut ouvrir une tumeur
molle, fluctuante, formée par du sang noir et développée à la face
postérieure du bras. Enfin, le dix-neuvième jour, les émolliens fu-
rent remplacés par uue infusion de sureau camphrée, et je pensai
qu'il était temps d'appliquer des bandages contentifi.
Après m'être assuré de la bonne conformation du membre, je
pansai ies plaies avec le cérat, et j'appliquai avec toutes les pré-
cautions convenables le bandage à bandelettes séparées sur toute
l'étendue du membre. Les pansemens continuèrent d'être faits deux
fois par jour pour absorber le pus qui sortait par les deux trous de
la face postérieure de l'avant-bras. Plusieurs petits fragmens d'os fu-
rent extraits par ces ouvertures. La suppuration n'a cessé qu'au
quarante-cinquième jour. La consolidation de l'avant-bras a eu lieu
au cinquantième jour, et celle du bras au trente-cinquième. La
fracture de la côte a été presque abandonnée a elle-même, le ma-
lade ne pouvant supporter la compression nécessaire pour main-
tenir les deux bouts de l'os en contact. La consolidation ne s'en est
pas muins opérée avec peu de difformité. Cet homme, entièrement
rétabli» a pu reprendre ses travaux dans le troisième mois.
M. Chabanon, docteur en médecine à Uzès (Gard), a pu-
blié, dans le Bulletin dethérapealique Au 3o novembre dernier,
uneobservatiun quioffre avec celle qu'onvientdelii'e,de très-
grands rapports, et dans laquelle la guèrison a également
été obtenue sans amputation.
Une jeuue G'.le de vingt-deux ans, ouvrière dans une filature de
soie, passant au-devant de la grande roue qui sert de moteur à qua-
tre-vingts tours, eut son jupon attiré par l'effet de l'air et entrelacé
contre cette roue. Eu cherchant à se débarrasser, elle avança son
avant-bras entre les raies de la roue qui. continuant à tourner, lui
cassa les deux os à la partie moyenne, déchira la peau dans presque
toute la circonférence du membre, et réduisit en bouillie la partie
moyenne de la couche superficielle des muscles de la partie anté-
rieure de ravanl-bras.
Les fragmens supérieurs des os fracturés étaient à nu, et sor-
taient à travers les chairs à un pouce de distance; les inférieurs, ca-
(4o4)
chés dans les chairs, étaient comme perdus dans le reste du membre
qui semblait suspendu aux fragmens supérieurs par les tendons
des muscles extenseurs des doigts et par ie peu de peau qui était
restée intacte à la partie postérieure des os. Le désordre était tel,
qu'une des fileuses allait exciser la portion de l'avant-bras ainsi sé-
parée, au moyen d'un coup de ciseau, lorsque le propriétaire de la
filature, attiré sur les lieux, fît de suite transporter la malade à
l'hôpital d'Uzès.
L'amputation semblait indiquée; cependant eu égard au jeune
âge de la malade et à sa bonne constitution, MM. Chabanon réso-
lurent de tenter la conservation du membre, et à cet effet ils com-
mencèrent par réséquer l'extrémité des quatre fragmens qui pou-
vaient dilacérer les parties molles; puis, au moyen de pinces à dis-
section et de ciseaux courbes, ces chirurgiens séparèrent toutes les
parties musculaires et tendineuses qui avaient été mâchées. Les
corps étrangers introduits dans cette vaste plaie furent en outre
enlevés avec le plus grand soin. Il fut procédé ensuite à la réduc-
tion : l'avant-bras étant appuyé sur un coussin, les parties molles et
les os furent rapproches, et le tout fut maintenu au moyen de
nombreuses bandelettes agglutiuatives, de compresses, de charpie
mollette, d'un bandage à baudelettes séparées et d'une gouttière de
carton. De dix en dix jours, puis de quinze en quinze, l'ap-
pareil fut changé et renouvelé. Au bout de vingt jours le bras fut
mis en écharpe et la malade put quitter le lit au trentième jour ; il
n'existait plus de suppuration, le membre était parfaitement con-
servé, et n'était presque pas diminué de longueur.
II existe, comme on voit, entre ces deux observations, une
grande analogie de cause et de désordres, et d'après les rè-
gles qui nous sont habituellement tracées, c'était s'exposer
à des accidens presque nécessaiieirient mortels, que de ne
pas pratiquer l'amputation dans l'un et l'autre cas. Le succès
le plus heureux est cependant venu couronner les tenta-
tives de ces chirurgiens. Citons encore quelques autres faits
de même nature.
M. Moulinié, chirurgien en chef de l'hôpital Saint-André
de Bordeaux, a publié l'observation suivante dans le Bulletin
médical de cette ville, du 16 mai dernier :
Un homme âgé de trente-deux ans, travaillant dans des car-
rières, fut écrasé par un bloc de rocher. Il en résulta des fractures
de plusieurs côtes, une fracture comminutive des os de la jambe
droite, avec plaie et issue de fragmens osseux et de nombreuses
contusions. Les muscles étaient à découvert, le tibia faisait saillie
de plusieurs pouces, la jambe, pliée sur elle-n>éme, contournée, était
extrêmement déformée, tous les tissus paraissaient horriblement
mutilés.
Malgré des désordres aussi effiayans, M. Moulinié essaya de con- ,
server le membre : il fit une incision à la peau, afin de faciliter la
rentrée du fragment supérieur du tibia, et la réduction ayant été
(4o5)
opérée sur-le-champ, le membre fut placé dans l'appareil à ban-
delettes séparées.
11 survint des accidens inflammatoires qui furent combattus con-
venablement. Une suppuration abondante s'établit; une portion
considérable du tibia, entièrement dénudée de son périoste, sem-
blait devoir éire frappée de nécrose, mais des bourgeons charnus
se développèrent à sa surface et ne tardèrent pas à la recouvrir en
entier. Malgré des accidens assez graves, le malade sortit après
cinq mois de séjour à l'hôpital, conservant son membre et en fai-
sant usage, bien qu'il fût raccourci d'un pouce environ. Il ne tarda
pas à rentrer dans cet établissement, la cicatrice s'étant ouverte, et
l'os se montrant à nu au fond de la plaie. Une incision à la peau
facilita l'extraction d'une portion de tibia nécrosée de la longueur
de trois pouces. La guérison a ensuite été obtenue sans difficulté.
On voit que ce malade n'a conservé son membre qu'au
prix de souffrances bien plus prolongées et d'arcidens bien
plus nombreux que les sujets dont on vient de lire l'histoire.
Celui de l'obj^ervation suivante, qui nous est communiqué
par M. Le Gigand, officier de santé à Lacambc (Manche),
n'évita également Topération qu'après avoir vu long-leirips
sa vie menacée par une série d'accidens les plus graves.
Jean Pelvey, de la commune d'Anville, âgé de quinze ans, tomba
du sommet d'un orme très-élevé; sa cuisse gauche fut fracturée
vers sa partie moyenne avec issue du fragment inférieur à travers
les tégumens; le fragment supérieur était brisé en éclat.
Je débridai la plaie étroite par laquelle sortait le fragment infé-
rieur, procédai à l'extraction de quelques esquilles, dont les pointes
aiguës dilacéraient les parties environnantes; réduisis la fracture
et la maintins réduite au moyen de l'appareil à bandelettes sépa-
rées, de coussins, d'attelles, etc.
Au bout d'un mois, la suppuration devint de plus en plus abon-
dante et de mauvaise nature; de nouvelles esquilles se détachèrent,
des foyers purulens nécessitèrent de nombreuses ouvertures. La
jambe participa à ces désordres : la peau du membre entier était
décollée dans une grande étendue, les muscles de la cuisse en quel-
que sorte disséqués, et les fragmens osseux flottaient au milieu d'un
pus sanguinolent et verdâtre. Dans cet état, le malade laissait peu
d'espoir, et tout indiquait l'amputation que conseilla d'ailleurs
M. le docteur Postel, appelé en consultation.
Cependant, avant d'en venir à ce moyen extrême, et considérant
que j'avais affaire à un jeune sujet, je pratiquai des ouvertures et
contre-ouvertures sur tous les points déclives oîi le pus abondait ;
des compresses furent appliquées méthodiquement pour favoriser
l'adhésion des parois des clapiers; ces moyens, joints à un régime
substantiel et à des pansemens réguliers, amenèrent en peu de temps
une amélioration notable.
Vers le troisième mois la fracture se consolida, les plaies se cica-
trisèrent enfin, et le malade guérit; il ne conserve aujourd'hui
(4o6
d'autres difformités que les traces des nombreuses incisions qu'il
m'a fallu lui faire.
Dans ces diverses observations, la nature s'est montrée
assez puissante pour résister à des désordres tels, qu'il sem-
blait indispensable, soit au moment de la blessure, soit à
une époque plus reculée, de retrancher les parties ainsi dé-
chirées et contuses. Nous pourrions citer un grand nombre
de faits semblables qui nous ont été communiqués, et que
le défaut d'espace ou la crainte de nous répéter nous force
à passer sous silence. Nous n'en voulons tirer aucune con-
clusion contre l'amputation pratiquée dans des cas sembla-
bles, car il serait facile d'opposer d'autres faits, dans lesquels
un pareil succès n'a pas justifié ces tentatives. Nous avons
voulu seulement constater la force raédicatrice de la nature
chez des sujets jeunes, robustes, et dont tous les organes
sont en bon état. Terminons par un fait curieux qui
prouve tout ce qu'on peut attendre dans certains cas de cette
nature médicatrice, lorsque les malades sont abandonnés de
l'art.
Une jeune fille de treize ans se fractura dans une chute l'avant-
bras gauche, trois doigts au-dessus du poignet. Un médecin appelé
sur-le-champ plaça un bandage contentif, qui ne fut levé qu'au
bout de quelques jours. La main était alors bleuâtre, tuméfiée, et
entièrement envahie par la gangrène. L'amputation fut proposée,
mais les parens de la malade s'y refusèrent. Le onzième jour de
l'accident, M. Delaveronière, chirurgien à Vaudoy (Seine-et-Marne),
vit cette jeune fille, et trouva l'avaut-bras sphacélé jusqu'au coude.
Il s'en exhalait une odeur infecte; la malade était pâle et prostrée,
dévorée par une fièvre ardente. Les parens refusèrent néanmoins de
la laisser opérer. Cette malheureuse résista contre tout espoir à ces
désordres, et au bout de quinze jours, la nature ayant déterminé la
séparation des parties sphacélées, les légumens et les muscles se re-
tirèrent au-dessus du coude de près de trois pouces. L'humérus ne
tenait plus à l'avant-bras que par une portion des ligamens articu-
laires, qui fut enlevée avec des ciseaux, et l'amputation se trouva
faite ainsi d'elle-même. Bien que l'humérus fût dénudé dans une
étendue de trois pouces environ, cet os ne paraissait pas altéré.
L'état de débilité de la malade détourna le chirurgien de faire la
resection de celte longue portion; il se borna à recouvrir le moi-
gnon avec des compresses trempées dans l'eau, contenant un quart
de son poids d'eau-de-vie camphrée, puis à envelopper le tout avec
des gâteaux de charpie soutenus par un bandage approprié. Le
vin ue quinquina fut eu même temps prescrit à l'intérieur, ainsi
qu'un régime fortifiant. Au bout de huit jours, une suppuration
abondante s'établit, les légumens se dégorgèrent et, s'alongeaot,
s'étendirent sur la surface de l'os, qui lui-même se couvrit de
bourgeons charnus. Cinq mois ont été nécessaires pour la guériaon
(407)
entière de cette vaste plaie, qui s'est fertnée à la manière de celles
qui résultent d'une amputation.
On sent bien que si nous citons ces effets extraordinaires
de l'expectation, ce n'est point pour encourager nos con-
frères à rester dans une inaction qui presque toujours aurait
pour résultat une terminaison funeste, mais pour démontrer
quelle force de résistance on peut rencontrer chez de jeunes
sujets, alors même qu'ils se trouvent dénués de tout se-
cours.
A£t. Il 18.
Leçons cliniques de la Charité. — De t'ewpbi des injections
vineuses dans les cas d'hydrocèle compliquée.
Lorsqu'il existe à la fois une hydrocèle et un sarcocèle, les
praticiens enlèvent ordinairement le testicule comme si l'hy-
drocèlen'existaitpas. M.Velpeau suit une autre marche: il fait
dans la tunique vaginale des injections d'eau vineuse, comme
si le testicule était sain, et il a remarqué que, dans un grand
nombre de cas, alors que les antiphlogistiques, les fondans,
les'révulsifs n'avaient rien pu contre le sarcocèle, ces injec-
tions en amenaient la résolution, et qu'on avait obtenu au
bout de quelques jours une entière guérison des deux mala-
dies. Deux cas de ce genre ont été cités à la clinique de ce
professeur. Dans le piemier, il y eut guérison complète;
dans le second, on obtint assez d'amélioration pour qu'on
pût se croire encouragé à tenter cette méthode, qui n'aurait
du reste aucune espèce d'inconvénient et ne s'oppose point
à l'emploi des autres moyens propres à amener la résolution
du sarcocèle.
Si, en effet, voulant pratiquer ces injections, il arrivait
qu'on plongeât le trois-quarts dans le testicule lui-même, qui
contiendrait de la matière cérébriforme, et qu'on aurait prise
pour du liquide épanché, il n'en résulterait absolument au-
cun accident, puisque le testicule doit être enlevé ; et lors-
qu'il y aura collection de liquide en quelque quantité que ce
soit, son évacuation et la guérison de cet épiphénomène ne
peuvent être qu'avantageuses pour le traitement de la mala-
die principale. Cesavantages se feront surtout sentir quand il
y aura complication d'hydrocèle avec la dégénérescence squir-
rheu.«eet scrofuleuse, ainsi que le gonflement syphilitique.
Réflexions. Il n'est pas de chirurgien qui n'ait eu occasion
de remarquer les bons effets de l'injection vineuse lorsque le
testicule, plus gros, plus dur que dans l'état naturel, nageait
(4o8)
au milieu du liquide qui constitue l'hydrocèle. Mais, de cet
engorgement au véritable sarcocèle, il y a loin sans doute,
et r(»n ne doit guère attendre un succès semblable dans ces
cas bien avérés. Quoi qu'il en soit, des chirurgiens, avant
M. Velpeau, avaient déjà signalé les avantages qu'on peut
retirer de cette pratique, et nous avons vu plusieurs fois, par
exemple, M. Dupuytren, injecter un liquide irritant dans la
tunique vaginale, alors même que le testicule était volumi-
neux et sensible à la pression. Le résultat de cette pratique
était un gonflement considérable de l'organe, accompagné
d'une douleur très-vive ; le scrotum devenait tendu, doulou-
reux; la tumeur prenait un poids énorme; mais, au bout de
quelques jours, tous ces accidens se calmaient. L'inflamma-
tion chronique, dont le testicule était le siège avant l'opéra-
tion, ayant subitement passé à l'état aigu, était facilement
maintenue dans de justes bornes par la diète et quelques anti-
phlogistiques, et la glande reprenait au bout de quelques
jours son volume naturel.
En peut-il être ainsi lorsque le testicule est à l'état squir-
rheux? Quelque peu probable que paraisse un semblable suc-
cès, nous avons vu assez souvent des glandes d'une autre
région, réputées squirrheuses, reprendre leur état normal
sous l'influence d'une inflammation aiguë, pour que nous
pensions qu'un tel espoir n'a rien de déraisonnable et pour
engager les praticiens à répéter les expériences de M. Vel-
peau.
ART. 1119.
Considérations pratiques sur l'emploi médical de la ciguë.
On trouve dans la Bibliothèque de thérapeutique (1), pu-
bliée par M. Bayle, des recherches sur la ciguë et sur tous
les cas dans lesquels cette plante a été employée en méde-
cine. Ces cas sont nombreux, et prouvent qu'à différentes
époques on a voulu lui faire jouer un rôle important dans la
thérapeutique, bien qu'on la considère aujourd'hui comme
presque sans action dans la plupart des maladies contre les-
quelles on l'avait préconisée.
(1) Travaux thérapeutiques anciens et modernes, sur la digitale
pourprée, le seigle ergoté et la ciguë : recueillis et publiés par
A.-L.-J. Bayle, docteur en médecine, etc. Tome 5. A Paris, chez
J.-B.Baillière.
(409)
Après avoir fait remarquer que la ciguë n'a guère d'activité
que dans les pays chauds, et qu'elle devient fort peu énergique
dans les pays tempérés ou septentrionaux, M. Bayle rappelle
que c'est surtout dans les phlegniasies chroniques, les en-
gorgemens et les obstructions des viscères, les scrofules, que
cette substance a paru avoir véritablement une action pro-
noncée. Les faits recueillis par les auteurs sont au
nombre de cinq cent trente-cinq, sur lesquels il y a deux cent
cinq cas de guérison, quarante -cinq cas d'amélioration et
deux cent quatre-vingt-cinq cas d'insuccès. La plupart de ces
derniers sont relatifs aux maladies cancéreuses, contre les-
quelles la ciguë paraît jouir de bien peu d'efficacité, puisque
sur trois cent quarante-et-un cas il y a eu quaranie-six gué-
risons seulement, vingt-huit améliorations et deux cent
soixante-sept insuccès. La proportion des guérisons dans
une maladie presque incurable serait encore énorme, s'il
était vrai que dans ces trois cent quarante-et-une observa-
lions on eût eu affaire à de véritables cancers. Mais malheu-
reusement il est fort probable que dans la plupart des cas il
n'existait que des engorgemens d'une toute autre nature.
Voici quelques-uns des faits cités en faveur de la ciguë:
Storck, médecin de l'hôpital Sainte- Marie de "Vienne, a
employé cette plante d'abord à l'extérieur; il en faisait des
sachets, qu'il trempait un moment dans de l'eau ou du lait
bouillant, et qu'il appliquait tout chauds sur la partie malade.
Il assure être parvenu par ce moyen à arrêter les progrès
de la gangrène, à calmer les douleurs de la goutte et du rhu-
matisme, à ramollir les nodus, à dissiper les tumeurs scro-
fuleuses, les glandes indurées et même cancéreuses.
D'autres médecins ont pansé les ulcères avec des com-
presses trempées dans une forte décoction de ciguë.
Le professeur Halle employait celte substance de la ma-
nière suivante contre les engorgemens squin-heux du sein :
«Je faisais faire, dit-il, un caiaplasme de farine de graine de
lin, souvent mêlé de pulpe de carottes, et alors humecté avec
le suc même exprimé des carottes. Le cataplasme était cuit et
bien chaud; j'y faisais mêler un peu de saindoux (demi-
once sur un cataplasme fait pour recouvrir le sein), dans
l'intention de rendre le cataplasme onctueux et de l'empê-
cher de se refroidir trop promptement, de se sécher et
d'adhérer à la peau de manière à s'en détacher difficile-
ment. Au moment de l'application, je faisais couvrir le cata-
plasme d'une demi-once à une once de poudre de ciguë,
que l'on mêlait avec la surface du cataplasme qui devait être
en contact avec la peau. On tenait ce cataplasme appliqué
(4ia)
pendant six heures le jour; on le renouvelait. Je le faisais
appliquer aussi le soir pour rester en place toute la nuit.
Bien souvent je me suis contenté du cataplasme de farine de
lin seule, toujours mêlée avec le saindoux, mais couvert de
la poudre de ciguë. »
Le professeur Halle assure que, sous l'influence de ces
applications, les douleurs lancinantes cessaient constamment
en très-peu de jours; et la tumeur se ramollissant et se dis-
sipant en partie, les progrès du mal étaient indéâniment
ajournés.
Dans une teigne faveuse qui avait résisté à plusieurs mé-
dications, M. de Lespine a employé avec succès la ciguë à
l'intérieur et à l'extérieur; il faisait laver la tête matin et
soir avec une forte décoction de ciguë coupée d'abord avec
moitié, puis avec un tiers de lait. La ciguë cuite et écrasée
était en outre portée en forme de cataplasme sur la tête.
Frédéric Hoifman plongeait ses malades dans des bains
contenant une infusion de douze grandes poignées de cette
plante.
Ce même médicament a été donné, soit à l'intérieur, soit
à l'extérieur, soit dans les deux modes en même temps,
dans un très-grand nombre de circonstances; mais il n'y a
guère que dans les maladies cancéreuses, les scrofules, les
tumeurs de diverses natures, les ulcères, la syphilis et les
dartres, qu'on l'a employé d'une manière suivie, et dans des
cas assez nombreux pour mériter qu'on en fasse mention.
Les doses ont beaucoup varié suivant les auteurs : Storck
donnait des pilules d'extrait de ciguë de deux grains chaque,
en commençant par deux, une le soir et l'autre le matin. Au
bout de quatre jours, il en faisait prendre trois, ensuite qua-
tre; il s'élevait quelquefois ainsi jusqu'à un gros et même
un gros et demi. Collin l'employait à plus forte dose; il
débutait par dix, quinze, vingt grains, un scrupule même,
et il montait souvent jusqu'à un ou deux gros. Tous les huit
ou quinze jours, il donnait des laxatifs et même des dras-
tiques.
A ces diverses recherches, que nous ne faisons qu'indi-
quer d'une manière très-succincte, nous ajouterons quel-
ques formuler de préparation de ciguë extraites par M. Bayle
de la Pharmacopée universelle de Jourdan.
, Suc de ciguë.
Pr. Feuilles de ciguë mondées, seize parties.
Pilez dans un mortier de marbre, en ajoutant peu à peu :
Eau commune, une partie.
(411)
Exprime! le «uc, laissez-le reposer, et filtrez à froid à tra-
vers un papier gris.
Extrait de ciguë.
Pr. Feuilles fraîches de ciguë, à volonté.
Pilez dans un mortier, en arrosant avec un peu d|eau ; ex-
primez le suc, et faites-le évaporer de suite au bain-marie,
en remuant toujours avec une spatule sur la fin.
Pilules de ciguë.
Pr. Extrait de ciguë, à volonté;
Poudre de ciguë, i\ quantité nécessaire.
Faites des pilules de deux grains.
Onguent de ciguë.
Pr. Suc de grande ciguë, une partie;
Axonge de porc, quatre parties.
Faites cuire jusqu'à consomption de l'humidité.
Emplâtre de ciguë.
Pr. Cire jaune, deux parties ;
ri^M^jf^i- ' \ â5 une partie.
Huile dohve,) ^
Faites fondre ensemble, ajoutez à cette masse refroidie :
Herbe de grande ciguë en poudre, deux parties;
Mêlez avec soin.
ART. 1120.
HOPITAL DES VÉNÉRIENS.
Considérations pratiques sur la syphilide tuberculeuse.
De tontes les éruptions syphilitiques, la plus grave ei^t la
syphilide tuberculeuse qui annonce presque toujours une
infection générale et consécutive. Elle consiste, ainsi que son
nom l'indique, dans le développement d'une certaine quan-
tité de petites tumeurs tuberculeuses dans l'épaisseur de la
peau ; ces tubercules s'enflamment, puis se transforment en
ulcères presque toujours arrondis, dont les bords sont taillés à
pic et qui, s'unissant quelquefois aux ulcères voisins, for-
ment une solution de continuité plus ou moins étendue, qui
(412)
affecte des formes particulières, s'élargit en traçant des si-
nuosités, et envahit ainsi les tissus qu'elle détruit quelque-
fois sur une très-grande surface.
Cette affection est ordinairement facile à reconnaître, mais
les différentes formes que revêt l'éruption, ainsi que les gra-
ves désordres qu'elle peut produire, doivent engager à l'étu-
dier d'une manière particulière.
La syphilide tuberculeuse peut envahir toute la surface du
corps, mais le plus souvent elle attaque la face, le front et le
cuir chevelu. Voici ce que l'on observe ordinairement à son
début : il se développe, soit sur les lèvres, soit sur les ailes du
nez, un ou deux petits boutons qui, après être restés quel-
que temps indolens, s'enflamment, rougissent, deviennent
douloureux, puis s'ouvrent à leur sommet pour laisser écouler
une sanie d'une odeur repoussante. Bientôt les bords de ce
petit ulcère s'agrandissent; sa circonférence est taillée à pic,
comme si la peau avait été enlevée avec un emporte-pièce.
D'autres boutons semblables ne tardent pas à se manifester
dans le voisinage, et le même travail inflammatoire les trans-
forme en autant d'ulcères qui détruisent souvent les tégu-
mens avec une rapidité effrayante. Ainsi, il y a dans ce mo-
ment, dans les salles, un ancien militaire qui a vu, il y a deux
ans, un bouton semblable se développer sur la lèvre supé-
rieure ; ce bouton s'est enflammé, s'est ulcéré, et s'unissant
■à quelques autres, a détruit entièrement toutes les parties
molles du nez. Les joues ont été ensuite envahies ainsi que
les paupières inférieures. La peau qui recouvre ces parties
est aujourd'hui remplacée par une cicatrice difforme et assez
semblable à celle qui résulte d'une brûlure, mais une multi-
tude d'autres tubercules indolens sont disséminés sous cette
cicatrice, et il est à craindre qu'ils ne s'enflamment et
s'ulcèrent encore de manière à rendre cette maladie presque
interminable.
D'autres fois c'est le cuir chevelu qui est principalement
le siège de ces tubercules, et les ulcères qui s'établissent à
sa surface amènent alors la chute des cheveux fi). Ces ul-
cères se suivant le plus ordinairement de manière à tracer
des bandes irrégulières, on a désigné sous le nom de cou-
ronne de Vénus les ulcérations de cette espèce, qui se déve-
(i) Cette chute des cheveux par plaques, et sous l'influeDce de tu-
bercules ulcérés, ne constitue pas, à proprement parler, l'alopécie
dont nous aurons à nous occuper plus tard, et qui consiste dans une af-
fection du bulbe du poil lui-mètne.
(4i3)
loppent sur le front des malades et qui y laissent toujours
une cicatrice indélébile.
Bien que le siège le plus ordinaire des tubercules soit à la
face, on les rencontre aussi très-f/équeniment sur le reste
du corps. Quelquefois l'éruption est général, d'autres fois elle
n'occupe qu'une partie circonscrite; ainsi, l'on rencontre à la
jambe, au bras, dans le dos, des ulcères semblables à ceux
de la face. Enfin les tubercules peuvent être isolés, et ne se
montrer qu'en très-petit nombre et à des intervalles fort
éloignés.
Leur volume varie depuis la grosseur d'une tête d'épingle
jusqu'à celle d'un œuf de pigeon; ils s'accompagnent le plus
sou vent d'autres symptômes syphilitiques, tels qu'uneéruption
d'une autre forme, des ulcères de la gorge, des affections des
os, etc. Quand l'éruption est isolée, les tubercules sont ordi-
nairement très-volumineux; dans tous les cas, ils sont à di-
vers degrés de maturité, les uns sont indolens et à peine for-
més, tandis que les autres s'ulcèrent et détruisent les tissus.
Cette syphilide se guérissant d'ailleurs fort rarement d'une
manière complète, rien n'est plus commun que de rencon-
trer des individus couverts de ces cicatrices difformes, et chez
lesquels de nouveaux tubercules se développent avec une
opiniâtreté désespérante.
La syphilide tuberculeuse affecte presque toujours une
marche chronique; si la peau s'enflamme et suppure, ce
n'est que partiellement, et il est rare que cette éruption réa-
gisse sur l'économie de manière à produire de la fièvre,
comme on l'observe dans les exanthèmes aigus. Cependant
il paraît que lorsque, vers le quinzième siècle, la syphilis
sévit d'une manière épidémique en Europe, elle se montrait
le plus souvent sous la forme de syphilide tuberculeuse ai-
guë. L'excès de la douleur, ainsi que l'abondance de la sup-
puration et l'étendue de l'inflammation, faisaient prompte-
ment périr les malades; ou lorsque la mort n'était pas le
résultat de ces graves désordres, on ne pouvait éviter de hi-
deuses cicatrices, ou la perte d'organes importans.
Ces éruptions avec fièvre ne sont pas sans exemple au
temps où nous vivons, et nous avons vu dans les salles de
l'infirmerie un malade dont le corps entier se couvrit de
tubercules en l'espace de quelques jours. Ces tubercules
se développaient, s'enflammaient, suppuraient presque dans
l'intervalle du jour au lendemain. Bientôt toute la surface
du corps fut sillonnée d'ulcères rongeurs qui rampaient en
détruisant les tégumcns des extrémités, du dos, de la poi-
trine, des membres, et surtout de la face. La fièvre, l'insom-
(4i4)
nie, ia douleur et l'abondance d'une suppuration de mau-
vaise nature eurent bientôt jeté dans le marasme le malade,
qui cependant était d'ime vigoureuse constitution; en quel-
ques jours il maigrit d'une manière effrayante, et l'on dut
concevoir pour sa vie les plus sérieuses inquiétudes. Un
traitement anliphlogistique actif vint cependant arrêter ces
désordres, qui avaient pris naissance pendant l'administra-
tion des mercuriaux à l'intérieur.
A l'exception d'un petit nombre de cas de cette espèce,
on voit presque toujours la syphilide tuberculeuse affecter
une marche chronique, et les désordres qu'elle produit sont
en général circonscrits et locaux.
Le pronostic de la syphilide tuberculeuse étant beaucoup
plus grave que celui de toutes les autres éruptions de cette
nature, on doit s'attendre à la rencontrer plus fréquemment
chez dt'S individus qui ont combattu par des préparations
mercurielles leurs acoidens primitifs et successifs. C'est en
effet presque toujours chez ces derniers que nous l'avons
observée, bien qu'en consultant nos notes nous puissions
citer quelques exemples de ces sortes d'éruptions chez des
gens qui s'étaient soumis à un traitement simple, ou plutôt
qui n'avaient pris aucun soin de leur première infection.
Nous renvoyons au prochain article les considérations sur
le traitement de ces cinq espèces de syphilides, et spéciale-
ment de cette dernière, dont la fréquence et la gravité méri-
tent de fixer toute notre attention.
ART. 1121.
HOPITAL CLINIQUE DE LA FACULTÉ.
Causes, diagnos.tic, all( rations pathologiques; traitement de
Chypérémie, ou congestion cérébrale. (Voy. art. 1107.)
La congestion cérébrale n'est que l'exagération de l'étal
normal; c'fst l'alHiix et la stase du sang dans le cerveau.
Mais par quelle propriété le tissu de cet organe relient-il le
sang? C'est ce qu'il <fst impossible d'expliquer. Nous som-
més donc forcés de nous borner ù étudier les causes prédis-
posantes. Parmi ces causes, nous devons ranger d'abord U
cotislitulion sanguine. Quant à l'âge, eu général, c'est l:i
jeunesse qui y predisp )se, comme la vieillesse; prédispose au
raLnoili>sciueu(. Une alimenlatiuu substantielle et nutritive
coïucidaitt avec des pertes peu considérables, est égiWe-
4i6)
ment cause de la congestion. Les boissons spiritueuses sont à
la fois cause médiate et cause immédiate.
Celte maladie est surtout fréquente à l'époque des gran-
des chaleurs, mais on l'observe aussi dans les grands froids.
Dans le premier cas, c'est un résultat de l'insolation qui dé»
termine l'afflux du sang vers l'organe cérébral ; ainsi, la Re-
lou médicale a cité l'exemple de trois moissonneurs qui ont
été trouvés morts dans un champ. Il est hors de doute qu'ils
avaient succombé à une congestion. Dans le second, on peut
expliquercet accident par la concentration du satig dans les
organes intérieurs, et spécialement dans le cerveau.
Le travail intellectuel, les impressions morales vives de
plaisir ou de chagrin, sont encore des causes prédispo-»
santés.
Les exercices violens : on a cité, il y a deux ans, l'exemple
de cet éludianJt en médecine qui est mort pr3sque subite-
ment après avoir valsé. L'autopsie a prouvé qu'il avait suc-
combé à une congestion.
Il est facile de reconnaître l'hypérémie cérébrale, mais le
diagnostic est plus difficile quand il y a perte de connais-
sance et résolution des membres. On est alors forcé de passer
en revue toutes les maladies du cerveau, et de procéder par
voie d'exclusion. Ainsi, on reconnaît qu'il y a hémorrhagie
à l'existence d'une hémiplégie. Si la paialysie est générale,
il sera impossible de faire cette distinction à l'instant même;
mais si, après avoir saigné et employé les moyens convena-
bles pendant un certain temps, la paralysie persiste, il n'y a
plus de doute sur l'existence d'une hémurrhagie. Dans ce
dernier cas, il y a eu brusque invasion, ce qui le distiugue
du ramollissement dans lequel il y a toujours des signes pré-
curseurs.
La méningite ne peut se confondre avec la congestion
par le souvenir des antécédens.
On reconnaîtra toujouis les divers genres d'asphyxie
quand on voudra en rechercher les causes, telles que l'eau,
les gaz des fosses d'aisance, du charbon, etc.
Quanta la syncope, elle n'a point les mêmes symptômes.
On confondrait plus aisément la congestion avec le narco-
tisme ou l'ivresse; mais ces accidens sont eux-mêmes de
véritables congestions, puisqu'il l'autopsie on trouve les
mêmes désordres.
Le pronostic est en général favorable, car cette maladie
se termine presque toujours par lu guérison.
On trouve à l'autopsie, quand la conge.stion a été tres-
forte, la face tuméiiée et rouge, ainsi que la gorge et la par-
(4i6)
tie antérieure de la poitrine. On voit que le malade a
éprouvé une gêne extrême de la respiration et delà circula-
tion. Quand on incise la peau, il en sort une grande quanlilé
de sang; les os du crâne en sont imbibés; ils sont de couleur
violette, ainsi que la dure-mère. Les autres membranes du
cerveau sont également injectées, et, si on les déchire, il
s'en écoule une grande quantité de sang. La substance grise a
une coloration brunâtre, et, quand on l'incise, on reconnaît
qu'elle est parsemée d'une multitude de petits points rouges.
On trouve souvent aussi de la sérosité dans les ventricules.
Le traitement consiste à ôter du sang et à empêcher qu'il
ne s'en reproduise de nouveau. Les sangsues et les saignées
sont également utiles. On a conseillé la saignée du bras, du
pied, de la jugulaire. M. Rostan pense que cette dernière
peut être d'une grande utilité dans les cas de mort immi-
nente en débarrassant directement le cerveau. Le malade
doit en outre être mis à une diète sévère et à l'usage des
délayans; il sera couché le haut du corps fort élevé, et on
maintiendra continuellement des réfrigérans sur sa tête; on
placera en même temps des révulsifs aux extrémités infé-
rieures.
Dans ces derniers temps, on a préconisé les purgatifs. Ils
peuvent réussir quelquefois, mais il est certain qu'ils sont
inefficaces dans un grand nombre de cas.
Nous avonsdit que les congestions étaient fort communes
à l'époque des grandes chaleurs. Depuis quelques jours, la
température ayant été extrêmement élevée, plusieurs ma-
lades sont entrés dans nos salles : au n" 5 est un homme
qui n'a offert que le premier degré de la congestion : il a eu
seulement de la céphalalgie, des vertiges et un peu d'en-
gourdissement des membres. Une saignée a suffi pour dissi-
per tous ces accidens.
Au n" 7, a été reçu un homme dont la congestion était
plus caractérisée. C'est un charpentier âgé de vingt six ans
et très-robuste. Après avoir travaillé toute lu journée au
soleil, il a été pris d'une céphalalgie des plus violentes à la
partie antérieure et postérieure de la tête, avec fièvre, et de
temps à autre quelques épistaxis. M. Rostan a pensé que
dans ce cas il y avait non-seulement congestion, mais en-
core menace de méningite; en conséquence il l'a fait saigner
très-largement, et tous les accidens ont disparu.
Au n" 1 de la salle des femmes est une jeune fille qui, à
la suite d'une longue course, a vu .-es règles se supprimer.
Bientôt des étourdissemens et de la céphalalgie sont sur-
venus, fille ne voyait qu'indistinctement les objets exté-
(417)
rieurs. Une saignée du bras a été pratiquée, et vingt-cinq
sangsues ont été mises à la vulve, afin de ramener les règles
ou d'y suppléer. Le lendemain elle n'éprouvait plus d'é-
blouissemens qu'en se mettant sur son séant. Elle avait
failli perdre connaissance en ramassant une aiguille.
Au n° 5 est une autre variété de congestion. Une jeune
fille lymphatique, âgée de vingt à vingt-deux ans, a perdu
complètement connaissance pendant uu quart-d'heure. Elle
a éprouvé en outre de l'engourdissement dans tout un
côté du corps, et les objets extérieurs ont complètement
disparu à ses yeux.
Enfin, une femme de cinquante ans a éprouvé la même
maladie pour une cause différente. Elle est tombée d'une
échelle, et la commotion a déterminé tous les symptômes
d'une congestion. Le repos et des saignées copieuses ont
cependant dissipé tous les symptômes alarmans.
ART. 1122.
Quelques observations constatant tes bons effets de l'électricité
dans certaines maladies.
M. Busch, professeur à Marbourg, a publié dans le
Journal de la méd. prat. de Hufeland plusieurs observations
qui ne paraîtront pas sans intérêt. Ce médecin a employé
avec succès l'électricité dans une foule de cas, tels que la
paralysie, l'amaurose, le rhumatisme, l'odontalgie, etc.
Voici quelques-unes de ces observations.
1° Un officier en retraite, âgé de soixante ans, atteint
d'une cécité complète, vint réclamer ses conseils. Cette
amaurose avait été produite, suivant ce professeur, par des
excès de toutes sortes. Depuis trois mois, cet homme ne
pouvait plus distinguer la lumière de l'obscurité; les pu-
pilles étaient extrêmement dilatées, et l'iris insensible à toute
irritation. M. Busch se décida à employer l'électricité. Il fit
passer chaque jour pendant un quart-d'heure, à travers les
yeux ouverts, un courant électrique, au moyen de pointes de
bois (i). Plus tard, après avoir isolé le malade, il tira, au
(i) M. le professeur Busch, qui depuis longues années fait usage de
l'électricité, s'est composé un appareil dont nous regrettons de n'avoir
pas la description. En France, quelques médecins emploient aussi fré-
qaemEQent le même moyen thérapeutique, et assurent en retirer de
TOM. VI. — N" DE SEPTEMBRE. 27
(4i8)
moyen du directeur, vingt-quatre, trente, jusqu'à quarante
étincelles, soit des yeux qu'il faisait fermer, soit des parties
environnantes. Après chaque opération le malade lavait ses
yeux avec de l'eau froide, et les fomentait le soir avec de
l'eau-de-vie mêlée à de l'eau froide.
Au bout de trois semaines le malade distinguait déjà le
jour de la nuit; quinze jours plus tard, il pouvait apercevoir
un homme à une certaine distance. Après avoir continué ce
traitement pendant quinze semaines, il partit pour son pays,
la vue parfaitement rétablie. Mais ayant repris de nouveau
ses habitudes, l'amaurose récidiva. Il se soumit une seconde
fois au même traitement, qui réussit également au bout de
dix semaines. Cet homme est mort deux ans après d'une hy-
dropisie, ayant conservé sa vue jusqu'au dernier moment.
2° Un homme âgé de trente ans avait tellement abusé des
plaisirs de l'amour qu'il devint peu à peu aveugle. Après
l'essai infructueux de divers remèdes, le professeur Busch
employa l'électricité. Au bout de cinq semaines il pouvait
lire les plus petits caractères, mais bientôt il survint une ca-
taracte qui fut enlevée par extraction, sans que l'amaurose ait
reparu.
3° Il en fut de même chez un dragon qui avait été frappé
d'amaurose pendant l'exercice. Sous l'influence de l'électri-
cité, il crut d'abord voir les objets en rouge; plus tard, il
aperçut des flammes rouges et blanches ; enfin il commença
à distinguer les objets. Au bout de trois mois, il pouvait lire
lès plus petits caractères et apercevoir les objets les plus
éloignés. Cette guérison est d'autant plus étonnante que
pendant la durée du traitement le temps était si pluvieux,
que le professeur était obligé d'employer l'acide carbonique
pour développer l'électricité.
4° Un général de cavalerie, âgé de soixante-quatre ans,
ayant fait une chute de voiture, se trouva atteint d'une para-
lysie générale. M. Busch, après l'emploi convenable des sai-
gnées et des révulsifs, eut recours pour la première fois à
l'usage du fer à repasser électrique, qu'il promena à plusieurs
reprises sur la moelle épinière et sur les membres malades.
Au bout de trois semaines, le général remuait facilement les
jambes et le bras gauche; la coustipation et la rétention
très-bons eCfel»; mais ils ne dirif^ent vprs l'oeil atteint d'amaurose que
des courans électriques très-faibles, dans la crainte de causer des acci-
dens graves. Oa a cité plusieurs exemples de guérison dans cette sorte
de paralysie. {Noie du Jiéd.)
(4«9)
d'urine, suites de la paralysie du rectum et de la vessie,
avaient éjjalement disparu. Au bout d'un mois, il commen-
çait ù marcher ; enûn, le troisième mois, il était parfaitement
rétabli.
Plusieurs observations de guérison sont encore rapportées
parie professeur Brusch chez des individus atteints de dou-
leurs de dents, de surdité, de goutte, etc. Ce médecin cite
même l'exemple d'un jeune garçon qui fut débarrassé par ce
moyen d'un tœnia fort long; mais il nous semble que les
purgatifs qui furent administrés après l'emploi de l'électri-
cité ont dû avoir sur l'expulsion du ver autant d'influence
que l'action du fluide électrique.
ART. 1123.
Resection d'un polype utérin. Ligature employée pour prévenir
l'hémorrhagie.
M. Carpon, ancien officier de santé militaire de première
classe, habitant Mont-Martin-sur-Mer (Manche;, nous
adresse l'observation suivante :
Une femme âgée de trente-six ans, déjà mère de plusieurs
enfaus, me fît appeler en i833 pour calmer des douleurs
extrêmement vives qu'elle ressentait dans la région lom-
baire. Chaque douleur était suivie d'un moment de calme,
et imitait parfaitement les tranchées de l'accouchement. Les
règles avaient cessé de paraître depuis deux mois et demi.
Je pratiquai aussitôt le toucher, et trouvai le col de la
matrice offrant une dilatation de la largeur d'une pièce de
deuxfrancs environ. Mais au lieu de rencontrer les membranes
contenant les eaux de l'amnios, je sentis une tumeur molle,
inégale, que je reconnus bientôt pour un corps étranger,
n'offrant avec les parties d'un fœtus aucun point de
ressemblance. Pensant donc avoir affaire à un polype, et
craignant que la rupture de son pédicule n'amenât une hé-
morrhagie, je pris à l'instant deux morceaux de bois, longs
de six à sept pouces environ, et d'un pouce et demi de cir-
conférence. Les extrémités d'un fil retors, au centre duquel
se trouvait un nœud, furent passées dans deux petits trous
pratiqués au sonmiet de chaque morceau de bois. Le fil
ayant été, au préalable, enduit de suif (à défaut de cire },
fut dirigé le long de la tumeur. Arrivé à sa partie supé-
rieure, tenant un fil et un bois dans chaque main, je portai
ma ligature où je voulus, et serrai si exactemeot le pédicule-
(420)
polypeux, qd'il ne sortit, après la section faite à l'aide de
ciseaux courbes, qu'environ une cuillerée de sang.
La tumeur ainsi extraite avait sept pouces et demi de
circonférence sur cinq de longueur. Je prescrivis à la ma-
lade un repos absolu, un régime sévère et l'usage des bois-
sons gommeuses. Au bout de huit jours elle sortit de son
lit, et les morceaux de bois ayant été abandonnés à leur
propre poids, tombèrent avec les fils. La guérison eut lieu
quelques jours après.
ART. 1124.
Observation d'une rétention d'urine causée par un accès de co-^
1ère. Article communiqué par M. Philippe, m édecin à
Hambach (Bas-Rhin).
J.-N. Bach, 3gé de cinquante-quatre ans, cultivateur, me
fît appeler, le 5 août i854, pour le débarrasser d'une réten-
tion d'urine. Arrivé près du malade, j'appris que la veille cet
homme, étant à l'auberge, avait eu une querelle avec un de
ses voisins, et qu'au moment d'une violente colère il avait
éprouvé tout-à-coup une vive douleur dans les régions lom-
baire et hypogastrique. Depuis ce moment, il avait fait, mais
inutilement, de nombreux efforts pour uriner. Je prescrivis
une diète sévère, le repos, des bains chauds et des applica-
tions de topiques émolliens. Le lendemain je revis le malade
de grand matin; les douleurs étaient insupportables, la ves-
sie distendue et très-douloureuse. Vingt sangsues furent
appliquées au périnée, et dans le courant de l'après-midi
j'essayai de le sonder à plusieurs reprises, mais toujours in-
utilement. On continua les mêmes moyens. Entre dix et
onze heures du soir, je fis de nouveau quelques tentatives
pour introduire une sonde. Arrivé à la prostate, j'éprouvai
une résistance assez forte. Je portai alors un doigt de la
main gauche dans le rectum, et, dirigeant le bec de l'instru-
ment, je parvins enfin dans la vessie. L'organe une fois vidé,
la rétention d'urine ne se reproduisit plus, et l'usage des bains
et de boissons mucilagineuses ramena presque aussitôt cet
homme dans l'état ordinaire de santé.
ART, 1125.
Accès épileptiformes guéris par la peur
On trouve dans un journal étranger (1) une observation
(1) TliC Edimbourg mcdical aiid surgicai journal.
(421 )
assez curieuse dans laquelle on parvint à prévenir le retour
d'accès épileptiformes, par la crainte qu'on sut inspirer au
malade de l'emploi de moyens extrêmement douloureux.
II s'agissait d'une enfant de huit ans, qui depuis un an en-
viron était sujette iî des accès qu'on qualifiait d'épilepsie.
Ces accès, d'abord fort éloignés, s'étaient rapprochés au
point de se manifester trois ou quatre fois par jour; aussi
cette petite fille était-elle réduite à un état d'émaciation con-
sidérable. On avait successivement employé tous les moyens
usités contre l'épilepsie, et comme ou n'en avait retiré abso-
lument aucun bon effet, on resta persuadé que ces convul-
sions tenaient à une lésion organique du cerveau. Cepen-
dant, pour tenter une dernière ressource, on annonça à
la petite malade que si un accès se reproduisait encore, on
aurait recours à l'application d'un fer chaud sur la plante
des pieds. La frayeur fît cette fois ce que tous les remèdes
n'avaient pu opérer, et à partir de ce moment aucun accès
ne parut, et cette petite fille fut entièrement guérie.
ART. 1126.
Note sur les pilules sédatives et le laudanum liquide de Lalouette.
M. le docteur Chrétien, de Montpellier, a adressé au Jour-
nai de pharmacie du Midi une note sur une préparation nar-
cotique peu connue, et cependant bien digne de l'être, puis-
que, suivant ce médecin, l'opium ainsi préparé aurait la
précieuse faculté de procurer un sommeil calme et paisible
sans supprimer en aucune façon les diverses sécrétions.
Voici son mode de préparation, tel qu'on le trouve décrit
dans le Traité des scrofules de Lalouette :
« Prenez une once de bon laudanum coupé par petits
morceaux, que vous mettrez dans un matras, et versez des-
sus une chopine de vinaigre distillé; vous placerez le matras
au bain de sable à un feu très-doux, ayant soin de le remuer
de temps en temps; après vingt-quatre heures de digestion,
vous filtrerez la liqueur qui sera rouge, et l'ayant mise dans
une capsule de verre, que vous placerez au bain de sable,
vous ferez lentement évaporer jusqu'à consistance d'extrait
solide, que vous mettrez dans un vase, ayant soin de le ga-
rantir de l'humidité, qu'il prendrait facilement, qui, le fai-
sant tomber en déliquescence, le mettrait hors d'état d'être
formé en pilules.
« La dose est communément d'un grain le soir, et d'un
autre grain le matin, si les douleurs d'entrailles persévèi'eut
malgré l'usage des lavemens émolliens et caïmans.
(433)
» Ce remède est de tous les caïmans celui qui a le moins
d'inconvéniens, et qui réunit les plus grands avantages. Il
apai?e les douleurs sans contraindre ni forcer au sommeil ;
il ne cause ni stupeur ni engourdissement, et le repos qu'il
procure n'est dû qu'à une sorte de relâchement dans les
parties sensibles, d'où naît la douce tranquillité dont jouis-
sent les malades peu de temps après l'avoir pris. Ce calmant
ne provoque pas toujours au sommeil, mais répand dans
toute l'habitude du corps un bien-être d'autant plus heu-
reux, qu'il a été souvent précédé de douleurs cruelles. Ces
pilules, que je nomme sédatives, m'ont toujours si bien
réussi dans les maladies dont il s'agit, que je ne puis trop
exhorter à en faire usage, non-seulement en pareil cas, mais
encore dans toutes les circonstances où l'on est obligé de
recourir aux caïmans ordinaires, qui, comme on sait, sus-
pendent les sécrétions, lesquelles, sous l'usage de ce remède,
ne sont pas même ralenties. On peut donc, en toute sûreté,
lorsque le besoin l'exige, purger le matin les malades qui
ont la veille pris un grain de ces pilules. »
Depuis cinquante ans que M. le docteur Chrétien emploie
ces pilules sédatives, il a pu s'assurer que les éloges de La-
lotiette n'avaient rien d'exagéré, et que de toutes les prépa-
rations d'opium celle-ci était effectivement la meilleure.
Ce médecin emploie aussi la même substance sous forme
liquide, soit par la bouche, soit en lavemens, et la prépare
de la manière suivante :
Pr. Extrait d'opium de Lalouette, trois gros et demi ;
Eau distillée, sept onces.
Faites dissoudre, et, la solution opérée, ajoutez :
Alcool, une once.
Filtrez.
Quinze gouttes équivalent à un grain d'extrait.
ART. 1 127.
iVofc sar ta préparation d'un taffetas épispastique au garou,
M. Emile Mouchon, pharmacien à Lyon, a publié dans le
Bulletin de thérapeutique la note suivante sur la composition
d'un nouveau taffetas épispastique :
Pr. Cire jaune parfaitement pure, 1
Térébenthine de moyenne consistance, J ^^^ gramm. ;
(423)
Axonge lavée, 96 grammes;
Résine éléini privée d'impureté.
Mastic en larmes de choix, \ t r
Benjoin en larmes réduit en poudre j ° '
fine,
Huile de daphné-méséréun, 128 grammes;
Stil de grain, 8 grammes;
Prussiate de fer, 4 grammes;
Huile essentielle de citron, 6 grammes.
La cire, l'axonge et les résines, fondues à un feu ménagé,
j'ajoute la laque jaune ou stil de grain, le bleu de Prusse et
l'huile, triturés ensemble'dans un mortier de fer. Le tout à
moitié refroidi, j'aromatise par l'huile essentielle de citron,
et je coule sur une bande de petit satin vert, disposée à cet
effet sous la règle d'un sparadrapier en métal, de manière
qu'elle ne soit recouverte que d'une légère couche emplas-
tique.
Ce sparadrap bien refroidi est divisé en morceaux carrés
de deux pouces trois quarts de long sur deux pouces un
quart de large, pour être introduit dans des boîtes de carton.
Chacune contient de quinze à trente morceaux égaux, alter-
nés par autant de petites feuilles de papier fin.
Cette composition est indiquée sous le n" i. On affaiblit
son énergie en diminuant la quantité de daphné-mézéréun.
Ainsi, pour le n° 2, on ne fait entrer que quatre-vingt-seize
parties de cette huile, soixante-quatre dans celle du n° 3, en-
fin trente-deux dans celle du n" 4» On remplace cette huile
par l'huile de jusquiame ou toute autre huile calmante.
Ce taffetas, dans ses divers degrés d'activité, remplace
avantageusement la plupart des pommades épispastiques, et
simplifie de beaucoup le pansement des vésicatoires.
ART. 1128.
FORMtlES DE PITISIETJBS MÉDICAMENS.
Cérat noir de Powel contre la teigne.
Pr. Huile d'olive, douze onces;
Cire blanche, quatre onces;
Charbon de liège en poudre fine, deux onces;
Soufre sublimé et lavé, unce once;
Sulfate d'antimoine porphyrisc, une once;
Liquéfiez l'excipient, incorporcz-y les poudres et agitez-le
mélange jusqu'à ce qu'il soit figé.
(424)
Liniment antispasmodique du docteur Chrétien.
Pr. Hydralcool, douze onces;
Acétate de potasse, quatre onces ;
Camphre, seize scrupules;
Extrait d'opium, soixante-quatre grains.
Faites dissoudre le camphre et l'extrait dans l'excipient,
ajoutez-y l'acétate, et filtrez au papier.
Tisane diaphorétique du docteur Gimel.
Pr. Eau bouillante, quarante onces ;
Bois de gayac râpé, dix scrupules;
Racine de réglisse sèche et coupée, dix scrupules ;
Fleurs sèches de sureau, cinq scrupules;
Fleurs sèches de coquelicots, cinq scrupules.
Versez l'excipient sur les autres substances et laissez in-
fuser pendant quatre heures ; passez en exprimant, et filtrez
au papier. Alors
Pr. Hydrolature ci-dessus, trente onces;
Sirop de capillaire, deux onces.
Mêlez.
L'action de ce médicament, pour chaque verre, est re-
présentée par
Bois de gayac, ) ^^ ,
n . ? *' ' I- J aa un scrupule.
Racme de réglisse, j ^
Fleurs de sureau. ) ^. , . ,
, ,. . > aa un demi-scrupuie.
— de coquelicots, ) '■
Sirop de capillaire, six scrupules.
{Journal de chim. méd.)
▲RI. 1 129.
Note sur l'emploi d'une pommade iodée dans l'engorgement des
amygdales.
Un médecin italien a employé avec succès des onctions
avec une pommade iodée portée, à l'aide d'un pinceau,
matin et soir, sur les amygdales, lorsque ces glandes restent
engorgées à la suite d'une inflammation aiguë incomplète-
ment terminée. Voici la Cormule de cette pommade :
Pr. Iode très-pure, un scrupule;
Onguent rosat, une once.
Faites selon l'art une pommade.
(425)
AfiT. ll3o.
MÉDECINE LÉGALE.
Quels sont les moyens de reconnaître si la défloration a eu tien? — Etat
des parties génitales chez les très-jeunes enfans ; — Chez les jeunes
filles, au voisinage de l'époque delà puberté ; — Chezj.es femmes qui
ont cohabité avec des hommes; — Chez les femmes qui ont eu des
en/ans.
M.
La dernière lettre que je vous ai adressée a eu deux buts princi-
paux : le premier, de vous faire connaître les données que le ma-
gistrat était en droit d'attendre de vous, dans le cas de viol ou de
tout autre attentat à la pudeur. J'ai cherché à l'atteindre en vous
exposant la législation qui régit cette matière. Le second avait pour
objet de vous tracer l'ensemble de la conduite que vous auriez à
tenir dans l'expertise d'un cas de viol. A cet effet, je vous ai rap-
porté l'exemple le plus complet d'un examen de ce genre, puisqu'il
se composait, non-seulement de recherches médicales, mais encore
d'expériences chimiques que ces sortes de cas peuvent réclamer. Il
nous faut aujourd'hui procéder avec plus de méthode et entrer dans
des détails spéciaux. Il sera évident pour vous que des désordres
matériels observés, soit aux parties génitales, soit sur le reste du
corps ou sur les vêtemens, doivent constituer le corps de délit le
plus probant, et un des élémens les plus positifs du viol aux yeux
du magistrat; nous allons donc commencer par les indices qui
peuvent découler de cet examen. Mais remarquez qu'il s'agit pres-
que constamment de désordres physiques, de changemens survenus
dans la forme et dans la disposition des parties génitales, et que
pour les apprécier il faut bien posséder, bien connaître la forme et
la disposition normale des organes. Il ne m'appartient pas de vous
faire ici la description des parties génitales de la femme, mais il est
nécessaire de vous rappeler les changemens qu'elles peuvent éprou-
ver à différens âges; point de vue sous lequel peu d'anatomistes les
ont envisagées. Je vous ferai observer que le crime de viol peut
être commis à tout âge de la vie, et par conséquent, que c'est sous
ce point de vue que les parties génitales peuvent offrir de l'intérêt
pour le médecin légiste. C'est aussi ce que je vais vous rappeler. Les
considérations suivantes auront surtout pour but de vous fournir
les moyens de résoudre la première question, que je vous indiquais
dans ma lettre précédente : La défloration a-t-elle eu lieu?
Des parties génitales chez les très-jeunes enfans; c'est-à-dire de un à
cinq ans.
Huit parties distinctes constituent les parties génitales à cet
âge. Le pénil^ qui forme une partie triangulaire, légèrement
proéminente, terminée en haut par un reph qui limite inférieu-
rement l'abdomen. Il est pourvu de plus ou moiais de graisse, sui-
vant l'âge des eufaus et leur état d'enîboopoiut.
(426)
Les grandes lèvres: elles forment deux replis assez volumineux, ar-
rondis, qui présentent à cet âge, une particularité que les auteurs
ne me paraissent pas avoir décrite avec assez de soin, et qui mérite
de fixer l'atteution en ce sens qu'elle peut induire en erreur.
Voici la circonstance qui me l'a fait connaître. Chargé, il y
a trois ans, de constater les résultats d'une tentative de viol
sur une enfant de quatre ans, nous fûmes frappés de l'écartement
des grandes lèvres en haut; il était tel, qu'il laissait presque entre-
voir le clitoris en formant un espace triangulaire, dont la base était
en haut et le sommet eu bas. Si l'on écartait les cuisses de l'enfant,
les grandes lèvres s'ouvraient en haut et restaient encore appliquées
l'une contre l'autre eu bas, à moins que l'écartement des cuisses ne
fût assez considérable. Cette disposition, contraire à ce qui a lieu
après la puberté et surtout après la cohabitation, nous engagea à
rechercher si elle était générale ou spéciale. A cet effet, nous nous
rendîmes le lendemain à l'hôpital des enfans malades à Paris, et là
nous en examinâmes un grand nombre de divers âges. Nous ren-
contrâmes la même disposition, mais nous vîmes qu'elle était de
moins en moins marquée au fur et à mesure que nous nous adres-
sions à des enfans plus âgés. Nous dûmes en conclure que ce que
l'on pouvait attribuer à la masturbation et à la position réitérée
du doigt dans ce point, n'était autre chose qu'un état normal, dont
nous nous rendons facilement compte, parce qu'il est, en effet, en
rapport avec les fonctions que remplissent les parties génitales à cet
âge. Chargées exclusivement de l'émission de l'urine, elles devaient
offrir une ouverture plus prononcée et plus facile en avant qu'en
arrière; tandis qu'ayant plus tard à accomplir l'acte de la généra-
tion, la disposition naturelle voulait que les grandes lèvres pussent
s'ouvrir parfaitement par l'écartement des cuisses, pour laisser pé-
nétrer le membre viril dans l'intérieur du vagin. En résumé, la
vulve est donc élargie en haut chez les très-jeunes enfans, c'est le
contraire chez la femme.
La surface interne des grandes lèvres est ordinairement d'une
couleur rosée, ainsi que le reste de la membrane muqueuse qui ta-
pisse les parties génitales externes. Toutefois cette couleur est loin
d'être constante, quoique commune chez les petites filles. Deux
causes principales influent sur elles; l'habitude de la masturbation et
l'état de maladie; elles diminuent l'intensité de cette coloration et
la rendent même blafarde.
'LiSi fourchette, repli membraneux ou espèce de bride qui, lorsqu'il
est étendu, a la forme d'un croissant et qui unit inférleurement les
grandes lèvres entre elles en limitant en arrière une légère Cavité
que l'on nomme \a fosse naviculaire.
Les petites lèvres, qui, partant du prépuce du clitoris, descendent
sur la partie interne des grandes lèvres pour se terminer en avant
de la membrane hymen. Elles ont ordinairement, chez les très-
jeunes enfans, plus d'étendue proi)ortioniiellement que par la suite.
Le clitoris, qui à cet âge a, relativement aux autres parties, une
longueur plus considérable, et qui du reste offre la même organi-
sation que le membre viril de l'homme.
Un espace triangulaire qui sépare le clitoris du méat nrinairc ou
canal de l'urètre chez le sex^e féminin.
(4^7)
La membrane hymen, qui offre des variétés très=grandes sous le
rapport de sa forme, de son étendue, de sa situation, et sur la-
quelle nous devons insister à cause de la dissidence qui a existé
entre les auteurs par rapport à son existence, Dulaurens, Bonh,
Dionis, de Lamothe, Buffon , Fallope, Vesale, Colomb, Malion, ont
nié son existence. Zerbus, Fabricius, Riolan, Higmore, Albinus,
Ruisch, Morgagnl , Winslow, Haller, Desault, Gavard, Sabatier,
Cuvier, Zacchias , Brendel , Teicbmeyer, Mayer, Belloc, Boyer,
Hip. Cloquet, Foderé, Orfila, l'ont admise comme constante. Ce der-
nier déclare l'avoir recherchée sur plus de deux cents sujets et ne
l'avoir jamais vue manquer. Gavard, qui a fait des observations spé-
ciales à ce sujet , l'a trouvée chez des fœtus , chez des enfans nou-
veau-nés , des jeunes filles , de vingt-trois, vingt-cinq ans , chez une
fille de cinquante ans; Bennach, de Marseille, chez une de plus de
soixante ans. J'ai fait les mêmes recherches chez des enfans nou-
veau-nés, et je l'ai toujours trouvée; je l'ai rencontrée chez des
filles d'âges différens dont les cadavres avaient été apportés à la
"Morgue. Baudelocque citait dans ses cours l'observation d'une
femme qu'il accoucha et dont il allait rompre la membrane hymen
si la tête de l'enfant ne s'e fût pas présentée en ce moment et
n'en avait pas opéré la rupture (Fodéré). Ruisch, pour déli-
vrer une femme, est non -seulement obligé de couper Thymen,
mais encore une seconde membrane qui était placée derrière à un
pouce de distance. Meckel et Walter ont rapporté de« cas ana-
logues. Enfin Tolbery cite un fait observé par iWeckel l'aîné, dont
on a gardé le dessin, et dans lequel une personne conserva son
hvmen circulaire et tendu après avoir mis au monde un foetus de
cinq mois enveloppé de toutes ses membranes. J'ai observé deux
fois , et par conséquent les exemples n'en sont pas rares , les petites
lèvres réunies dans la presque totalité de leurs bords libres et ne
laissant en haut qu'une petite ouverture correspondant à celle
du méat urinaire. Une autrefois, une membrane accidentelle existait
en dedans des petites lèvres et venait fermer le vagin en laissant en
haut une ouverture pour l'écoulement de l'urine. Dans ces trois
cas, ces membranes accidentelles ayant été incisées, on a trouvé
l'hymen parfaitement intact et placé plus profondément. Nous ajou-
terons que tous les anatomistes modernes ne mettent plus en doute
l'existence de l'hymen, et que s'il a été nié par quelques hommes
de mérite dans des temps déjà anciens ou regardé comme n'exis-
tant pas toujours, cette opinion, qui à cette époque pouvait faire
l'objet d'un doute, n'en doit plus faire aujourd'hui, que du temps
s'est écoulé, que de nouvelles recherches ont eu lieu et que toutes
se sont accordées pour admettre son existence constante. Capuron
seul, parmi les médecins modernes, cite des cas où il ne l'a pas ren-
contré. Les détails daiis lesquels nous allons entrer relativement
à sa conformation e* à son étendue, pourront d'ailleurs vous expli-
quer jusqu'à un certain point ces dissidences dans les observa-
tions.
Elle peut consister dans un repli semi-lunaire qui borde inférieu-
rement l'entrée du vagin et dont les extrémités vont en diminuant
insensiblement se perdre sur le pourtour de cette ouverture der-
(428)
rière les petites lèvres. C'est là la disposition la plus commune ; sa
convexité est donc en arrière et sa concavité en avant.
Dans un second cas elle forme une membrane circulaire per-
forée à son centre et adliérant dans toute sa circonférence à l'ou-
verture du vagin.
Dans un troisième, c'est une membrane imperforée ou ne présen-
tant qu'une petite ouverture en avant, qui correspond au méat
urinaire.
Enfin , dans d'autres circonstances aussi rares que celle que je
viens de citer en dernier lieu, on a vu la membrane hymen formée
par des fîlamens de membrane muqueuse qui unissaient les caron-
cules myrtiformes entre elles. Tolbery a vu cette membrane primi-
tivement conformée de manière à ressembler aux caroncules myrti-
formes.
D'où l'on peut conclure que dans les gg centièmes des cas, la
membrane hymen se rencontre avec des apparences non douteuses.
Des caroncules myrtiformes. Boyer en a décrit de deux espèces. Deux
caroncules ou éminences placées derrière la membrane hymen, qui
ne sont que les extrémités saillantes des colonnes antérieure et pos-
térieure du vagin, et trois, quatre, cinq ou six tubercules pyrami-
daux, à bords frangés, ou les débris de la membrane hymen
déchirée. Voici quelques observations que j'ai faites à ce sujet, chez
plusieurs jeunes filles et chez les enfans nouveau-nés. La membrane
hymen a peu d'étendue à la naissance. Peu à peu elle prend du
développement, c'est surtout vers les années qui avoisinent celles de
la puberté; puis son bord libre semble se relâcher et se franger,
au voisinage et au-delà de la puberté, en sorte que lorsque la dé-
chirure arrive, il y a tout lieu de croire qu'elle s'opère principale-
ment dans les plicatures ou dépressions du rebord libre, et laissent
ainsi des portions membraneuses pyramidales, ainsi qu'elles ont été
décrites. Ces débris de membrane subissent des changeraens par la
suite, se durcissent, s'arrondissent alors que des acoouchemens ont
ou lieu; mais il est très-rare de les voir disparaître entièrement.
Quant au -vagin, il constitue un canal conique dont la longueur
est variable suivant l'âge. Il est presque droit à cette époque de la
vie, constituant un cylindre un peu aplati d'avant en arrière et
dont le diamètre est très-petit chez des enfans, puisqu'il ne peut
même pas recevoir le petit doigt. Des rides nombreuses existent à
cette époque de la vie , elles occupent principalement l'entrée du
vagin et y affectent une direction transversale. En avant et en ar-
rière de ce conduit se trouvent deux lignes longitudinales ou co-
lonnes du vagin qui coupent les rides à angle plus ou moins droit,
suivant les divers points de l'étendue de ce canal. Ce sont elles qui, le
plus souvent, se terminent par les caroncules myrtiformes natuielles
dont j'ai parlé. Enfin on rencontre encore un grand nombre de
petits culs-de-sac ou lacunes muqueuses disséminées sur la surface
interne de ce conduit.
Quoiqu'il ne paraisse pas exister de fibres musculaires dans l'é-
paisseur des paiois du vagin , ces parois jouissent cependant d'une
certaine coutractilité , appréciable surtout par la suite et pendant
l'acte du coït; on l'attribue à un tissu cellulaire dense, serré.
(429)
parsemé d'un grand nombre de vaisseaux et disposé sous la forme
de colonnes latcrales.Toutefois ce tissu a des propriétés contractiles
beaucoup moins énergiques à cette époque de la vie.
2° Chez les jeunes filles, au 'voisinage de l'époque de la puberté.
Les grandes lèvres présentent alors une forme aplatie en dedans
et convexe en dehors. Elles sont moms écartées en haut et s'écar-
tent beaucoup plus en bas quand on éloigne les cuisses l'une de
l'autre. Le clitoris est plus caché par elles, mais sou organisation
est mieux dessinée. Le bord libre de la membrane hymen com-
mence à être plus lâche et à avoir plus d'ampleur. Quelques poils
apparaissent sur le pénil et sur la surface externe des grandes
lèvres ; toutefois leur développement est très-variable. Lorsque la
menstruation s'est établie et à cUaque époque où elle paraît, l'hy-
men, au rapport de quelques auteurs, devient très-làche et très-
extensible ; ainsi , Severin Pineau dit qu'il peut permettre l'intro-
duction du meuibre viril sans se rompre, et que passé ce temps, il
reprend sa force contractive et ne peut souffrir aucun effort sans
effusion de sang, en un mot tous les signes d'une défloration
complète. Je ne sais pas jusqu'à quel point on peut ajouter foi à
cette opinion, et si elle est basée sur des observations assez nom-
breuses pour conduire à admettre un résultat d'une aussi grande
conséquence;mais cedontje crois être certain, c'est qu'au voisinage
de l'époque des règles, pendant leur écoulement et deux ou trois
jours après qu'elles ont cessé, les parties géuitales subissent une
dilatation très-marquée; cette dilatation est d'ailleurs toute naturelle,
car il V a une coïncidence très-grande entre l'acte de la meustrua-
tion et celui de l'accouchement. La menstruation reproduit en petit
les phénomènes de l'accouchement. Il y a plus, le plus grand
nombre des accouchemens s'opère à une époque qui, chez la
femme, correspond à sa menstruation, et les accoucheurs calcu-
lent le temps de la grossesse par le nombre des époques qui ont
manqué ; c'est ce qui fait que la plupart des femmes accouchent non
pas après neuf mois révolus, mais à la neuvième époque qui a cessé
de paraître.
3« Chez les femmes qui ont cohabité avec des hommes.
Les grandes lèvres sont en général plus aplaties, elles s'ouvrent
beaucoup plus par l'eloignemeiit des cuisses. La membrane mu-
queuse qui tapisse les parties génitales externes a pris une colo-
ration moins rosée et tend à devenir blafarde. La fourchette per-
siste, mais la fosse naviculaire a perdu de sa profondeur, souvent
même elle a complètement disparu. L'hymen est détruit, et à sa
place se trouvent les caroncules myrtiformes; l'ouverture du vagin
et le vagin lui -même ont des dimensions plus grandes, et les rides
de sa surface interne ont diminué de nombre et de profondeur.
4° Chez les femmes qui ont eu des enfans.
Enfin, lorsqu'une femme a procréé, toutes les parties génitales
( 43o )
externes sont beaucoup plus saillantes, la fourchette est déchirée,
les caroncules myrtiformes ont moins de volume; le vagin est plus
large, ses rides et ses replis ont augmenté.
Telles sont les données générales que je voulais établir avant
d'entrer dans l'étude des moyens propres à résoudre la première
question; car, comme en médecine légale ce sont toujours des chau-
gemens, des altérations qu'il s'agit de constater, il faut, pour mar-/
cher avec plus de certitude , partir avant tout de l'état normal.
A. D.
SOCIETES SAVANTES.
La Société médico-pratique de Paris avait proposé pour
sujet de prix pour i835 la question suivante : Décrire l'éri-
tis, établir ses diverses espèces , faire connaître le traitement.
Plusieurs mémoires lui ayant été adressés après le i" mars,
époque fixée pour la clôture f^" ^cours, la Société vient
de prendre l'arrêté si»-"
1° Un nc" _^v»urs est ouvert sur la même question.
ît" T .mémoires arrivés trop tard pour être admis au
j>remier, le sont immédiatement pour le second.
3° Les auteurs qui voudront concourir devront faire par-
venir leurs mémoires avant le i" novembre i835.
4° Ce concours n'a rien de commun avec le premier; seu-
lement la séance est remise au commencement de l'an-
née i836, époque où il sera décerné deux médailles d'or,
ayant chacune la valeur de 5oo fr.
Les mémoires devront être adressés, avec les formes or-
dinaires, à M. le docteur Alphée Cazenave, secrétaire géné-
ral de la Société, rue Saint-Anastase, n" 3, très-irrévoca-
blement avant le 1" novembre i835.
VARIÉTÉS.
Congrès médical. La section de médecine de la Société académique
de la Loire -Iid'erieure vient de donner au monde médical un exemple
qui parait devoir être suivi par un s^rand nombre d'autres sociétés sa-
vantes. Elle a invité tous les médecins de la ville de Nantes à se réunir
pour agiter les dillerentes questions qui se rattachent à l'existence ou à
la non-existence d'un virus sy|jUilitique, et au cbuix a l'aire pour le
traitement de la sypUilis, entre la melliode mercuriellc et la méthode
antiplii'jyislique.
Cimiiianle médecins environ se sont reunis, et après avoir cousiilué
leur bureau, ont consacré cinq séances à la discussion de ces imi)or-
tantes questions. M. le docteur Dcvcrgic aîné, de Paris, s'était rendu
(431)
à ce congrès médical, daas lequel le plus graod nombre des médecine
présens ont exposé et motivé leurs opiaious. L'assemblée ne s'est pas
bornée à celte utile discussion ; elle a t'ait imprimer les procès-verbaux
des seauces, afin de faire participer le public médical à tous les avan-
tages qui peuvent résulter de cette rs'union.
Tous les orateurs, à l'exception de deux ou trois peut-être, et de
M. Devergie, qui s'est constitué le défenseur de la nouvelle méthode,
ont soutenu l'existence du virus, à peu près comme on l'entendait
avant la réforme survenue dans l'étude des maladies syphilitiques,
l'indispensable nécessité d'administrer le mercure, qui seul a la puis-
sance d'annihiler le virus, etpar conséquent le danger de l'introduction
dans la thérapeutique, de moyens autres que ceux dont l'utilité est
consacrée par l'expérience des siècles; en sorte que si l'auleur de la
Clinique de la maladie syphilitique n'avait pas été présent pour défendre
ses principes, la discussion aurait été sans iutérèt, ou plutôt il n'y au-
rait eu discussion aucune, puisque tous les membres étaient d'un avis
commun. Nous devons dire, cependant, que les médecins de Nantes
paraissent différer dans leur pratique sur la quantité de mercure à ad-
ministrer, et même sur l'opportunité de celte administration danscer-
tainscas, puisque les uns prescrivent le métal spécifique dans les blen-
Dorrhagies, et les autres le regardent comme au moins inutile dans
cette affection. En général, ils paraissent fort réservés sur la quantité à
introduire dans l'économie, et beaucoup d'entre eux ont déclaré qu'ils
en avaient considérablement restreint l'usage et diminué les doses, ce
qui porte à croire que les lumières qui ont jailli de cette intéressante
discussion ne seront pas perdues pour eux, et que, plus tard, ils adop-
teront les principes de la nouvelle école.
Parmi les dissidens, nous avons remarqué les docteurs Esmein fils et
Baré. On a reproché au premier de n'avancer aucuns faits à l'appui de
ses opinions, mais le second est depuis plusieurs années médecin d'un
service de vénériens, ;et ayant pratiqué lui-même comme l'enseignent
les auteurs, il a reconnu tous les iuconvéniens de l'administration du
mercure, et a adopté un mode de traitement à peu près semblable à
celui que nous exposons dans ce journal depuis deux années. Déjà, près
de mille malades ont été traités par lui de la sorte, et rien n'an-
nonce qu'il doive un jour se repentir d'avoir abandonne la méthode
ancienne.
La question de l'origine de la syphilide et de l'existence d'un virus
a généralement été parfaitement traitée, el c'est avec un véritable
plaisir qu'on lit la succession de preuves que plusieurs orateurs ont ap-
portées à l'appui de leurs opinions. Mais, nous sommes forcés de le
dire, il n'en a plus été ainsi des qu'il s'est agi du traitement à adopter.
On a semblé oublier que, depuis dix ans, les praticiens qui s'occupent
le plus liabituellemeut de cette branche de l'art !e guérir ne donnent
plus le mercure que dans un certain nombre de cas ; que plus de qua-
rante mille guérisons par le traitement simple ont été obtenues, et que
non-seulement il faudrait prouver l'excellence delà méthodeancienue,
mais encore démontrer l'insuiBsance de la nouvelle, ce que l'on n'a
fait qu'en s'appujant sur quelques assertions vagues, ou plutôt sur l'o-
pinion de quelques médecins de Paris, qui, bien qu'au centre des lu-
mières, ne se sont jamais donné la peine de s'éclairer en visitant les
hôpitaux du Val-de-Gràce, du Gros-Caillou ou des "Vénériens. Il fallait
d'ailleurs réfuter les faits cites par M. Bare, ce que personne n'a pu
faire, parce que des faits observés en masse et consciencieusement,
comme l'a fait ce jeune médecin, ne se réfutent pas.
Tous les praticiens qui ont fait l'éloge du mercure, et repoussé la
inélliode nouvelle, se sont d'ailleursappuyOs sur leur expérience; cepcn-
danl aucun des orateurs ne nous a paru juge bien compétent dans
cette matière. Bien que plusieurs d'entre eux, en eflet, puissent invo-
quer une longue et honorable pratique, nous n'avons vu nulle purt
qu'ils aient essayé inlructueusenient la tliérapeutique nouvelle, ou que
dans un nombreux service ils en aient reconnu les inconvéniens, car
quelques faits isolés sont sans valeur dans ces sortes de discussions. Ils
ne peuvent donc pas invoquer leur expérience, et prononcer sur la va-
leur de deux méthodes, quand l'une d'elles leur est tout-à-l'ait in-
connue dans ses effets.
An reste, la pensée de cette réunion scientifique, et les conscien-
cieuses discussions auxquelles elle a donné lieu, font honneur aux mé-
decins de Nantes. Les premiers, ils ont donné un exemple qui doit
porter ses lïuits, puisque déjà les sociétés de Touis, de Niort, de Poi-
tiers, d'Angers, de Rennes, etc., se sont occupées du même objet, et
ont provoqué de semblables réunions. Espérons que la vérité se fera
jour enfin au milieu de ces opinions diverses, et que ces louables efforts
ne Seront pas perdus pour la science.
Choléra-nwrbtis. Le choléra, qui avait sévi avec tant de violence
dans quelques départemens du midi, a aujourd'hui presque entière-
ment abandonné la France pour parcourir l'Italie, où il paraît faire
d'assez grands ravages. La réapparition de te terrible fléau s'estannon-
cée cette fois par un nombre considérable de cas excessivement graves,
et tout-à-fait au-dessus des ressources de l'art; aussi, la mortalité a-telle
été énorme, si on la compare au nombre des malades.
L'efiroi produit par cette invasion a été tel que des populations en-
tières se sont enfuies, et ont évité de la sorle d'être décimées. Si ces
émigrations n'avaient pas de déplorables résultats, par l'interruption
du commerce et des travaux, et l'état de misère des ouvriers qui en
est la suite inévitable, on ne saurait qu'applaudir au parti que prennent
les masses de fuir un pays infecté. S'il est vrai, par exemple, que les
deux tiers des liabitans de Toulon aient abandonné la ville, il nous
parait évident que, sans cette émigration subite, la mortalité aurait été
triple. Quant au transport de la maladie par les populations émigran-
tes, l'expérience a démontré qu'il n'était nulleiinent à craindre, car
toutes les villes du midi et de l'intérieur delà France ont reçu des mil-
liers de voyageurs, et le choléra s'est borné à suivre les bords de la Mé-
diterranée, pénétrant en Italie malgré les cordons sanitaires et toutes
les précautions que la peur du fléau a pu inspirer.
Il est inutile de dire que, dans cette épouvante générale, les méde-
cins sont restés à leur poste, et que, cette fois encore, ils ont montré
combien ils sentaient toute la dignité de leur profession. Plusieurs ont
payé de leur vie leur empressement à secourir le» malades. On a cité
parmi ces derniers MM. Fleury, de Toulon; Lassis et Raymonenci, de
Marseille, et M. Boyer, jeune médecin qui, sur sa demande, avait été
envoyé de Paris par le ministre de l'intérieur, et qui a succombé le len-
demain de son arrivée sur le lieu du fléau.
Nous avons à Paris, depuis quelque temps, un nombre considérable
de cholérines. Il se manifeste même de temps à autre quelques cas de
choléra, mais il est probable que nous devons cette sorte d'épidémic.i
l'usage immodéré des fruits, car l'an dernier, ainsi qu'en )8j5, nous
avions observé à la même époque une disposition semblable à ces irri-
tations gastro-intestinales.
— Faculté. M. Cruveilhier, professeur d'anatoinie à la Faculté, vient
d'être nommé à la chaire d'anatomie pathologique foudée par M. D u-
puytreo.
(433)
AKT. Il5l.
Mémoire sur remploi du moxa, dans le traitement de l'hépatite
chronique.
M. le docteur Archambault-Reverdy a publié, dans le Re-
cueil des travaux de la Société médicale du département d'Indre-
et-Loire, un Mémoire sur Tutilité du moxa dans certaines
indurations du foie. Après avoir démontré l'insuffisance des
purgatifs dans certains cas d'hépatite chronique, ainsi que
l'inutilité des antiphlogistiques, ce médecin s'efforce de
faire ressortir tous les avantages du moyen qu'il propose.
Les observations suivantes feront connaître dans quelles cir-
constances le nioxa peut être utile, et dans quelles autres
il est nécessaire de favoriser son action par les autres moyens
déjà connus et généralement employés.
Un meunier, âgé de cinquante-deux ans, eut, au commen-
cement de 1820, une fièvre bilieuse, qui fut promptement
arrêtée par l'emploi de quelques purgatifs; à partir de ce
moment il commença à éprouver du malaise, du dégoût; le
ventre devint paresseux, la peau prit une teinte jaunâtre, et
le malade ressentit une douleur sourde dans le côté droit. Il
n'en continua pas moins son genre de vie habituel; mais le
i5 septembre il fut pris d'un accès de fièvre violente et se
mit au lit. M. Archambault, appelé le lendemain, prescrivit
des boissons acidulés, et l'usage d'un éméto-cathartique. La
fièvre s'arrêta le quatrième jour, mais l'embarras des Yoies
digestives persista, la peau resta jaune, l'hypocondre droit
se tendit et devint douloureux à la pression ; les jambes s'in-
filtrèrent, les urines devinrent rares et colorées ; le malade
ne pouvait plus se coucher que sur le côté gauche.
Trois mois s'écoulèrent ainsi sans traitement. M. Archam-
bault, rappelé vers les derniers jours de décembre, diagnos-
tiqua une induration du foie déjà ancienne, et fil brûler trois
moxas directement au-dessous des côtes aslernales, au cen-
tre de l'engorgement présumé, car la distension des parois
abdominales ne permettait pas de reconnaître par le toucher
l'état de l'organe malade. Trois jours après cette applica-
tion, les urines coulaient déjà plus abondamment, la peau
était moins jaune, l'enflure diminuée; une diarrhée des plus
copieuses avait succédé à la constipation. Le dixième jour,
les accès fébriles du soir avaient complètement cessé, le
ventre était moins tendu, Bientôt on put palper le foie, mais
non sans déterminer une douleur assez vive.
ToM. VI. — N" d'octobre. a8
( 434 )
Dans le but de hâter le dcgorgement des tissus depuis si
long-teinps indurésjle malade fut mis à l'usaged'uae décoction
purgative, composée de tamarin deux onces, sulfate de ma-
gnésie quatre gros, pour une pinte de liquide, deux verres
chaque matin. Au bout de huit jours de l'emploi de ce pur-
gatif, tous les accidens disparurent. Le malade pouvait se
coucher sur le côté droit, le foie était i-entré dans ses limites
ordinaires. Cet homme reprit ses occupations le trentième
jour du traitement.
Une femme, figée de quarante-un ans, sujette à des accès
de fièvre qu'on ne prévenait que par de fortes doses de quin-
quina, s'aperçut, au mois de juin 1 828, que ses jambesenflaient
le soir. Bientôt elle éprouva de la gêne dans tout l'abdomen, et
surtout dans l'hypocondre droit; sa peau jaunit, son appétit
disparut, le ventre devint paresseux. Elle se purgea plu-
sieurs fois; mais, loin de diminuer, les accidens s'aggravèrent,
et lM. Archambault fut consulté dans les premiers jours d'oc-
tobre. Une application de sangsues fut faite au siège; on
prescrivit des boissons légèrement purgatives, et le troisième
jour deux moxas furent conseillés au côté droit du ventre, au-
dessous des fausses côtes. Mais la malade se refusa à leur ap-
plication, et crut y suppléer en buvant pendant plusieurs
mois une décoction de feuilles de saponaire et de pissenlit,
avec addition de deux gros d'acétate de potasse par pinte.
Peu à peu les accidens s'aggravèrent, et cette femme se trouva
dans l'état du malade dont on vient de lire l'histoire.
Appelé de nouveau, M. Archambault fit brûler aussitôt
trois moxas au centre de l'engorgement, et prescrivit l'usage
d'une tisane de tamarin. Les trois premiers jours il n'en ré-
sulta aucun effet, mais le quatrième, une vive douleur se ma-
nifesta dans le côté droit de l'abdomen, qui devint tendu,
douloureux à la pression. Le pouls s'éleva, la peau était brû-
lante. Des cataplasmes émolliens furent appliqués sur les
plaies des moxas. Mais les jours suivans tous ces accidens se
dissipèrent. Le ventre devint moins tendu, les urines repa-
rurent, la peau prit une teinte plus claire, enfin cette femme
fut, comme le sujet de l'observation précédente, guérie
vers le trentième jour.
On voit par ces deux observations, que les purgatifs qui
n'avaient d'abord eu d'autie résultat que de fatiguer l'in-
testin, administrés avant l'application des moxas, ont en-
suite été d'une utilité réelle, lorsque leur action a été favo-
risée par la vive réaction qu'a produite l'application du feu.
Dans l'observation suivante, l'hépatite, plus rebelle encore,
(435)
nécessita deux applications de moxas, ayant de recevoir une
modification favorable des évacuans.
Dans le courant de mars i835, M. Archambault fut ap-
pelé près d'un ouvrier, âgé de quarante-sept ans, atteint de-
puis six à sept mois d'une maladie chronique des organes
du bas-ventre. Les extrémités inférieures étaient considé-
rablement infiltrées, la face bouffie, le ventre météorisé. Il
y avait une douleur gravative dans l'hypocondre droit, les
urines étaient rares, la peau jaune, les vomissemens fré-
quens, les forces abattues, etc.
Bien que le gonflement du ventre ne permit pas de recon-
naître le volume du foie, ce médecin n'en diagnostiqua pas
moins une hépatite chronique. Il prescrivit une application
de sangsues au siège, et pour le lendemain trois moxas au
côté droit du ventre, et sur le lieu même de la douleur. Le
cinquième jour, les urines commencèrent à couler plus abon-
damment, les selles devinrent plus fréquentes; cependant les
accidens ne diminuant qu'avec beaucoup de lenteur, deux
nouveaux moxas furent placés un peu au-dessus des autres
brûlures. Dès la nuit suivante le malade fut pris d'une diar-
rhée bilieuse très-abondante. Bientôt les symptômes énu-
mérés ci-dessus se dissipèrent peu à peu. Le quinzième jour
de cette dernière application, on prescrivit l'usage d'une dé-
coction de tamarin, avec addition de sulfate de magnésie. A
partir de ce moment, le mieux marcha d'une manière
plus sensible, et bientôt cet homme put reprendre ses tra-
vaux.
Mais au bout de deux mois, par suite de plusieurs excès,
il fut repris de la même maladie, et se trouva bientôt dans
l'état où il était avant l'usage du traitement indiqué. Trois
nouveaux moxas furent appliqués, et le malade entrait en
convalescence vers le vingtième jour.
L'auteur de ce Mémoire, en rapportant plusieurs obser-
vations dans lesquelles le traitement par les moxas a réussi,
et quelques autres qui se sont terminées d'une manière fu-
neste, malgré l'emploi de ce moyen, fait remarquer que les
moxas ne conviennent que lorsqu'il est besoin de stimuler
les tissus, dans l'induration ordinaire, par exemple, ou
même dans l'induration squirreuse ; mais lorsque les tissus
ont dégénéré, qu'ils ont revêtu la forme cancéreuse, cette
stimulation aurait les effets les plus funestes, et favoriserait
les progrès de la maladie, qui doit au reste bientôt entraîner
la perte du sujet.
(436)
AKT. Il53.
Considérations et observations sur le traitement des fièvres inter-
mittentes par la méthode endermique. — Par le chlorure
d'oxide de sodium.
On sait qu'il est beaucoup de malades chez lesquels le sul-
fate de quinine ne peut être administré ni par la bouche ni
en lavement, à cause de l'irritation du tube digestif que ce
sel exaspère et qui le fait rejeter, soit par le vomissement,
soit par les selles. M. le docteur Raciborski vient de publier
dans le Journal hebdotnadaire quelques observations qui por-
teraient à croire que dans ces cas difficiles, ce médicament,
administré par la méthode endermique, aurait une action
anti-périodique presque aussi grande que par son ingestion
dans le tube digestif.
Un jardinier étant descendu dans un puits pendant qu'il
transpirait abondamment, ne tarda pas à éprouver des fris-
sons suivis de chaleur, puis de sueurs; quatre accès semblables
se manifestèrent en affectant le type tierce. Il se décida
alors à entrera l'Hôtel-Dieu, où un accès se reproduisit en-
core le lendemain de son entrée, mais moins violent que
ceux des jours précédens. Deux heures avant le moment où
il devait avoir son second accès, on appliqua huit grains de
sulfate de quinine sur l'épigastre, le derme ayant été préala-
blement enlevé au moyen de la pommade ammoniacale.
A partir de ce moment, le malade n'éprouva ni frissons, ni
chaleur, ni sueurs. Il sertit guéri au bout d'une huitaine
de jours.
Chez un autre malade, des accès de fièvre également du
type tierce s'étaient déclarés à la suite d'une violente com-
motion morale. 11 entra à l'Hôtel-Dieu, où l'on attendit que
trois ou quatre accès se fussent manifestés ; voyant alors
qu'ils ne perdaient point de leur intensité, on appliqua sur
l'épigastre un vé.^^'c-jtoire avec la pommade ammoniacale;
dix minutes après, on enleva l'épiderme et on étendit deux
grains de sulfate de quinine. Par-dessus on mit un linge en-
duit de cérat. L'accès revint, mais plus lard et moins fort que
le précédent. On renouvela l'application de deux grains de
sulfate de quinine ; l'accès ne revint pas, mais on prescrivit
une potion de six grains de ce sel pour assurer la convales-
cence.
Réflexions. Nous nous bornerons à rappeler ces observa-
tions qui prouvent assurément en faveur de la méthode en-
dermique.
(457)
Dans d'autres cas on porta la dose du sulfate de quinine,
ainsi appliqué sur le derme mis à nu, jusqu'à douze et
quinze grains, et quelquefois on réussit à dissiper les accès,
alors même que la rate offrait un développement anormal.
D'autres fois enfin on échoua complètement et il fallut re-
courir au fébrifuge administré à l'intérieur, ce qui confirme
l'observation que nous faisions à notre art. 1094 sur le sul-
fate de quinine, qui, disions-nous, n'avait que des effets in-
certains, administré par la méthode endermique. On réser-
vera donc ce mode d'administration pour les cas indiqués
au commencement de cet article et dans lesquels toute au-
tre manière d'introduire le fébrifuge dans l'économie serait
impraticable ou dangereuse.
Déjà dans un grand nombre d'articles nous avons appelé
l'attention des praticiens, soit sur les différentes manières
d'administrer le quinquina, soit sur les nombreuses substan-
ces qu'on a proposées pour remplacer au besoin ce précieux
fébrifuge (i).Nous saisirons cette occasion d'ajouter à la liste
de ces anti-périodiques, une substance déjà préconisée dans
bien des maladies, et qui vient récemment d'être employée
avec succès dans les fièvres intermittentes, par M. le doc-
teur Lalesque fils, médecin fort distingué de Bordeaux.
Nous voulons parler du chlorure de sodium : voici quelques-
uns des faits consignés par ce médecin dans le dernier nu-
méro de la Revue médicale.
Un vacher, après être resté quelque temps plongé dans la
boue d'un marais, ne pouvant ni se sécher, ni changer de
linge, fut pris dans la soirée de frissons violens, suivis de
chaleur, puis de sueurs. L'accès dura toute la nuit. Le len-
demain, il était dans une apyrexie complète: mais le jour
suivant les frissons reparurent vers les deux heures de l'a-
près-midi, et l'accès fut semblable au précédent. M. Lales-
que prescrivit alors : tisane de riz et d'orge miellée, potion de
quatre onces d'eau distillée avec addition d'an demi-gros de
chlorure d'oxide de sodium à prendra durant l' apyrexie.
La même potion fut continuée les deux jours suivans;
l'accès ne reparut plus.
Un homme de vingt ans, après avoir éprouvé divers ac-
cidens, fut pris enfin de véritables accès de fièvre intermit-
tente. Le 9 octobre on prescrivit an demi-gros de chlorure
d'oxide de sodium dans quatre onces d'eau distillée à prendre en
deux fois pendant i' apyrexie.
(1) Voyez art, 1078.
(438)
le jour môme Taccès revint, mais il retarda de cinq heu-
res et fut beaucoup moins violent que le précédent ; on con-
tinua la potion, l'accès fut remplacé par un état de malaise;
les jours suivans le malade était entièrement guéri.
Dans une autre observation l'estomac offrant des signes
évidens d'irritation, on commença par appliquer des sang-
sues à l'épigastre ; la gastrite fut enlevée, mais les accès fé-
briles ne se reproduisirent pas moins avec force; le chlorure
d'oxide de sodium, après les avoir fait varier d'abord d'épo-
que et d'intensité, les enleva d'une manière complète sans
ramener l'inflammation de l'estomac.
Nous ne rappellerons pas les autres cas cités par M. Lales-
que, et qui ne seraient qu'une répétition de ceux qu'on
vient de lire; c'est à l'expérience à confirmer les précieuses
propriétés du chlorure de sodium dans les fièvres intermit-
tentes, et à prononcer sur le rang que doit occuper cette
substance parmi les succédanées du quinquina.
ART. 11 33.
Influence de la suppression des boissons sur la quantité des cra-
chais formés.
Un homme de soixante-douze ans éprouva, il y a deux
ans, une toux qui augmenta graduellement, et ne fut pas
accompagnée des symptômes des maladies du cœur. Il n'a
pas cessé de cracher depin's, et chaque jour, une demi-verrée
de liquides. Au moment de son entrée à l'Hôtel-Diou, le
cœur présentait un volume médiocre et des bruits normaux ;
les poumons étaient élastiques et sonores, on y entendait du
râle sous-crépitant. Le malade avait rendu par l'expecto-
ration deux onces de crachats muqueux, visqueux, et mé-
langés d'une petite quantité d'air. M. Piorry fit supprimer
complètement les boissons, donna des alimens, et n»; fit pas
d'autres traitemens. Dès le lendemain, il n'y avait plus
qu'une once de crachats, le rHle avait diminué de force, et
d'étendue. Le mieux-être fut si rapide, que sous l'influence
du même traitement, quatre jours après, il n'y avait plus
que sept à huit crachats épais, opaques et fort petits; le rfile
avait disparu, les lèvres n'étaient plus livides et la respi-
ration était tout-à-fait libre. Cet homme sortit guéri cinq
jours après son entrée. Du reste, ce traitement avait été fa-
vorisé par la chaleur sèche de la température atmosphé-
rique.
Une femme Sgée toussait depuis six mois. Elle ne présen-
(439)
tait pas de signes d'Induration pulmonaire ou de cavernes,
et crachait huit à dix onces de mucosités claires par jour.
Des râles très-sonores, ronflans sur certains points, sibilans
sur d'autres, se faisaient entendre dans tout le thorax. Sou-
mise pour tout traitement à l'abstinence des boissons, elle
offrit bientôt une grande diminution dans les crachats, qui
furent réduits en vingt-quatre heures à la quantité de deux
onces. Ils devinrent opaques, de transparens qu'ils étaient.
La dyspnée, le faciès profondément altéré, firent place à un
état de bien-être remarquable, et cette femme sortit bientôt
de l'hôpital, ne présentant presque aucun des accidens qu'elle
offrait depuis six mois.
Il en fut de même d'une dame de trente-huit ans, visitée
en ville par le même médecin. Elle offrait la plupart des si-
gnes fonctionnels de la phthisie pulmonaire, bien que les ca-
ractères positifs de cette maladie ne fussent point indiqués
par l'auscultation et la percussion. Elle avait, en outre, une
fièvre vive, une toux continuelle, et rendait par jour plu-
sieurs onces de crachats; la respiration était gênée, elle ne
pouvait se livrer à aucun mouvement, et était contrainte de
garder le lit. Lorsqu'on l'eut soumise à l'abstinence absolue
des boissons, les crachats diminuèrent d'une manière si
prompte, que dès le lendemain ils étaient réduits à une once
et demie; le mieux-être continua, et maintenant cette dame
est à peu près guérie.
M. Piorry possède huit observations de ce genre, qui ne lui
permettent pas de douter que dans beaucoup de cas on ne
puisse tirer un parti très-avantageux de l'abstinence complète
des boissons. ( Bulletin Clin. )
ART. 1 134.
De l'influence de la chaleur atmosphérique tur la guérison des
plaies et des Ulcères.
M. Jules Guyot a publié, dans les Archives générales de
médecine, le résultat de quelque-> expériences sur ce sujet.
Bien que les succès obtenus parce médecin soient loin d'être
décisifs, l'attention n'en doit pas moins être attirée sur un
moyen qui peut un jour devenir une puissante ressource en
thérapeutique.
Après avoir rappelé l'opinion d'Ambroise Paré et de
M. Larrey, sur l'influence salutaire des climats chauds sur
Ja cicatrisation des plaies, M. Guyot rend coiiipte d'une série
d'expériences qu'il a tentées sur des lapins, en les renfer-
( 440 )
mant dans des appareils propres à produire et à entretenir
constamment une température atmosphérique depuis So"
jusqu'à 70°. Les uns, après avoir subi diiréreiites opérations,
étaifint plongés tout entiers dans une température élevée;
les autres avaient le corps plongé dans l'air chaud, tandis
que la tête restait libre à l'extérieur; enfin, d'autres n'avaient
que leurs plaies exposées à l'action du calorique. Il fut aisé
de remarquer que les plaies soumises ainsi à l'action d'une
chaleur atmosphérique, entretenue avec soin nuit et jour,
se fermaient beaucoup plus rapidement que celles prati-
quées sur d'autres lapins et qu'on laissait ù l'air extérieur;
quelques-unes étaient fermées au bout de quelques heures,
d'autres se couvraient d'une exsudation plastique au-dessous
de laquelle la cicatrice se trouvait établie le lendemain ou le
jour suivant.
Ces succès autorisèrent donc des essais sur l'homme, et les
quatre expériences suivantes furent tentées à l'Hôtel-Dieu
dans le service de M. Breschet. On construisit une boîte car-
rée qu'on fit traverser par un tuyau qui venait s'adapter au
verre d'une lampe placée au pied du lit; un membre malade
pouvait être introduit dans cette boite, dont la partie supé-
rieure s'enlevait à volonté, et les deux extrémités étaient en
toile et percées à leur centre, afin de permettre l'introduc-
tion du membre; un thermomètre introduit dans la boîte
annonçait la température de son intérieur.
Le 26 novembre j855, cet appareil fut appliqué à la
jambe gauche d'un jeune homme qui portait depuis quatre
années, à la partie supérieure et interne de cette jambe, plu-
sieurs plaies résultant d'une fracture comminutive. Ayant
inutilement employé tous les moyens de cicatrisation,
cet homme était venu à Paris, dans l'intention de se faire
couper la jambe.
Après deux heures d'application d'une chaleur de 45°, les
bords des plaies étaient desséchés. Après cinq heures, les
plaies étaient recouvertes d'une croûte mince sous laquelle
existait beaucoup de sérosité exhalée. Le lendemain elles
étaient revêtues d'une croûte sèche, sans liquide au-dessous.
Le malade disait ressentir un malaise général, un sentiment
de brûlure sous le sternum, avec perte d'appétit et nausées ;
à huit heures du soir il éteignit la lampe. Le lendemain, la
suppuration, qui n'existait pas la veille, était devenue très-
abondante; en huit à dix jours elle diminua et la plaie re-
prit l'aspect qu'elle avait avant l'expérience : cet homme a
subi l'amputation plus tard et est mort.
Un vieillard de soixante-sept ans portait depuis vingt-
( 44» )
cinq ans un ulcère à la malléole interne de la jambe gauche ;
cet ulcère, qui se fermait de temps en temps, mais qui depuis
huit mois avait résisté à tous les moyens, était fort étendu,
couvert d'un pus sanieux et grisâtre. Les bords tuméfiés
étaient engorgés et entourés d'une auréole inflammatoire
de trois pouces d'étendue en haut et d'un pouce en bas; la
plaie était fort douloureuse, et le malade ne trouvait de sou-
lagement qu'en tenant le pied élevé.
Le 27 novembre, l'extrémité inférieure de la jambe fut
placée dans l'appareil, dont la température intérieure fut
élevée à 45°; il était huit heures du matin : à deux heures le
malade ne ressentait aucune douleur. L'auréole inflamma-
toire avait entièrement disparu. La plaie fournissait une ex-
sudation séreuse abondante. Le 28, elle était entièrement
recouverte d'une croûte sous laquelle existait un pus épais,
blanc, sans odeur. Les choses restèrent au même point jus-
qu'au 6 décembre. La température avait été maintenue au
même degré ; mais pendant plusieurs heures de la nuit on
avait laissé éteindre la lampe, ce dont le malade se plaignait
vivement, prétendant éprouver alors des douleurs très-vives
dans la plaie.
Le 6 décembre, la croûte fut enlevée; une cicatrisation de
huit lignes en largeur et de douze en longueur s'était opérée
en dessous, en sorte que l'ulcère était considérablement ré-
duit. Le 7, une croûte s'était formée sur la partie non cica-
trisée, elle fut enlevée le 1 1, et la plus grande partie de l'ul-
cère qu'elle recouvrait fut encore trouvée cicatrisée. Le
même jour, lalampe ayant été retirée pendant plusieurs heu-
res, le malade s'en plaignit vivement, et en effet on trouva le
lendemain l'ulcère sensiblement agrandi; enfin le feu ayant
été plus soigneusement entretenu, les croûtes qui se for-
maient furent enlevées tous les deux jours, on trouvait à
chaque pansement une portion de l'ulcère fermée. Le 3 jan-
vier, la cicatrisation était complète. Le 11, le malade mar-
cha sanséprouver aucun inconvénient. Cet homme, examiné
de nouveau au bout de quarante jours, présentait une
cicatrice solide, dont rien n'annonçait la rupture pro-
chaine.
Les deux autres observations furent moins concluantes
que cette dernière, cependant elles démontrèrent de la ma-
nière la plus évidente l'action de la chaleur sur la cicatrisa-
tion des ulcères. Ce résultat ayant été lu à l'Académie des
sciences, une commission fut nommée pour examiner le
travail de M. Guyot, et M. Roux, rapporteur de cette com-
mission, ayant voulu répéter ces expériences, soumit quel-
( 44a )
ques-uns de ses malades à l'hôpital de la Charité à l'action
de la chaleur continue.
Un jeune homme portait depuis six ans à la malléole un
ulcère qui s'était cicatrisé et ouvert im grand nombre de
fois depuis son déreloppement; terme moyen, le traitement
avait chaque fois duré cinq semaines» Le membre fut mis
dans la boîte le 17 avril ; la cicatrisation marcha si rapide-
ment, que le aS il put se lever, et le 27 il sortit de l'hôpital :
six mois après, l'ulcère avait acquis une solidité telle que
tout portait à croire qu'il ne se rouvrirait plus.
D'autres expériences ne laissèrent aucun doute sur la pro-
priété cicatrisante de la chaleur. Ce moyen a en outre été
employé dans quelques autres circonstances, telles que des
tumeurs blanches des articulations et même des douleurs
nerveuses. M. Guyot espère que de nouvelles recherches
démontreront quel parti avantageux on peut tirer du séjour
de nos tissus dans une atmosphère élevée, et que ce moyen
pourra s'étendre à beaucoup de maladies pour lesquelles il
n'a point encore été proposé.
Réflexions. Les praticiens s'occupent beaucoup dans ce
moment des effets du froid sur les plaies, les écrasemens,
les déchirures plus ou moins profondes de nos tissus. Nous
avons dit dans quelques articles de ce journal (1), que sous
l'influence de ce moyen les solutions de continuité se fer-
maient sans travail inflammatoire apparent, que les acci-
dens qui semblaient les plus inévitables étaient souvent ou
prévenus, ou tellement afiaiblis, que la cicatrisation s'opé-
rait sans que l'économie participât en aucune manière aux
désordres locaux. Il paraîtrait, d'après ces expériences et
quelques autres auxquelles s'est livré un praticien anglais,
qu'on pourrait arriver au même résultat par l'application
continue delà chaleur. M. le docteur Macartney, de Dublin,
affirme avoir prévenu un très-grand nombre de fois, depuis
trente ans, les accidens habituels aux vastes déchirures, aux
fractures comminutives, aux grandes plaies, en couvrant
les parties lésées avec de la charpie qu'il maintient toujours
imbibée d'un liquide très-chaud, ou en fixant les membres
blessés dans un appareil à peu près semblable à celui décrit
plus haut, et qu'il remplit de vapeurs aqueuses dont il élève
la température à volonté au moyen d'une lampe. De cette
manière, assure-t-il, les plaies se ferment sans inflamma-
(j) Voy. art. iiiô.
(443)
tion, car l'inflammation, loin de favoriser la cicatrisation,
s'opposerait au contraire à cette heureuse terminaison.
Ce travail, lu devant l'Académie royale de médecine, de-
vant être inséré dans ses fascicules, nous en rendrons compte
plus tard et avec assez d'étendue pour que nos lecteurs puis-
sent en faire l'application dans leur pratique.
ART. Il35.
Note sur l'emploi de l'aconit pour rétablir le cours des règles. —
Préceptes de M. Lisfranc, dans l'aménorrhée.
M. le docteur West, de Soulz, a publié dans le même
journal quelques observations d'aménorrhées guéries par
l'emploi de l'aconit. Ce médecin, ayant suivi plusieurs cli-
niques médicales de l'Allemagne, remarqua que l'aconit
était fort employé dans la phthisie et les affections rhuma-
tismales. Les bons effets de cette substance dans ces deux
maladies sont loin de lui sembler prouvés; mais ayant re-
marqué que deux femmes atteintes d'aménorrhée avaient vu
reparaître le flux menstruel sous son influence, il pensa
qu'on pourrait en faire usage conjointement avec d'autres
moyens, lorsque, par une cause quelconque, le cours des rè-
gles se trouve interrompu. Trois observations sont citées à
l'appui de cette opinion.
Une femme de trente-cinq ans avait toujours eu une mens-
truation régulière, lorsqu'elle vit tout-à-coup ses règles se
supprimer à la suite d'un bain, dans lequel elle s'était en-
dormie. Quelque temps après, une douleur rhumatismale se
fixa sur le bras droit, et s'étendit sur les régions pactorales et
dorsales du même côté. La malade essaya vainement les sai-
gnées, les bains et les emménagogues, elle resta vingt-deux
mois sans voir reparaître ses règles. Ayant alors consulté
M. West, celui-ci prescrivit une saignée et trente grains
d'extrait aqueux d'aconit en trente pilules, en commençant
par un grain, et augmentant graduellement la dose, de ma-
nière à arriver à huit grains le jour ordinaire de la mens-
truation. Le cinquième jour, la malade commenta à éprouver
quelques douleurs dans les reins comme à l'approche des
règles ; ces douleurs s'accrurent jusqu'au huitième jour,
époque à laquelle les menstrues parurent et coulèrent comme
d'habitude. Depuis cette époque, cette femme a coutinué à
être bien réglée, mais les douleurs rhumatismales n'ont
point cédé.
Une autre femme de trente-sept ans, mère de cinq enfans,
(444)
n'avait pas vu ses règles depuis quatre années. Ayant pris
trente grains d'aconit en douze jours, elle vit reparaître un
flux blanc, qui avait remplacé les règles depuis leur sup-
pression, et qui, s'étant supprimé lui-même depuis six mois,
avait été remplacé par des douleurs fort incommodes dans
le vagin et dans le fondement. Tous ces accidens se dissi-
pèrent, mais les règles ne reparurent plus.
Enfin, chez une jeune fille, dont les règles étaient suppri-
mées depuis un an, et qui était depuis cette époque chloro-
tique et hystérique, trente grains d'aconit furent également
administrés. Après l'usage de vingt grains, les règles repa-
rurent, et tous les symptômes d'hystérie et de chlorose fu-
rent dissipés sur-le-champ.
Réflexions. Nous ne pouvions passer sous silence un
moyen qui, tout empirique qu'il est, peut offrir cependant
une grande utilité en thérapeutique; mais nous ferons ob-
server, en même temps, qu'avant d'employer un remède
contre l'aménorrhée, il faut rechercher avec tout le soin pos-
sible la cause de la suppression du cours naturel des règles.
Dans une intéressante leçon, faite dernièrement sur ce sujet
à la Pitié par M. Lisfranc, ce professeur s'est élevé avec
force contre l'habitude où sont beaucoup de praticiens de
prescrire d'abord, et sans examen sur les causes de l'amé-
norrhée, des substances qui jouissent d'une certaine répu-
tation dans cette maladie, telles que la rue, la sabine, les
eaux ferrugineuses, etc. Il faut, suivant ce praticien, exami-
ner l'état de l'utérus; dans un grand nombre de cas, on trou-
vera cet organe engorgé, et c'est là la cause la plus ordinaire
de l'aménorrhée. On sent combien il serait irrationnel de pres-
crire alors l'emploi des médicamens dits emménagogues, ou
même des pédiluves et des sangsues en petite quantité. Dans
un grand nombre de cas, on ne saurait obtenir de pratiquer
le toucher, et malheureusement on est réduit à agir au ha-
sard; mais toutes les fois que l'aménorrhée est opiniâtre,
lorsque surtout elle entraîne avec elle la stérilité dont elle est
la cause chez un si grand nombre de jeunes femmes, il faut
s'assurer, soit par le vagin, soit plutôt par le rectum chez les
jeunes filles, si la matrice n'est pas engorgée.
Cet engorgement une fois reconnu, cinq ou six jours avant
l'époque présumée des règles, on pratique une ou deux sai-
gnées du bras, pour modérer l'afflux sanguin qui est tou-
jours plus considérable vers la matrice à cette période, puis
dans le cours du mois on prescrit un exercice modéré, des
bains et même une autre saignée du bras. Quand l'engorge-
ment utérin est disâipéj le coors des règles se rétablit de lui-
(445)
même. Si le sang coule en petite quantité, il faut employer
les mêmes moyens jusqu'à ce que la guérison soit complète.
Si on voulait favoriser cet écoulement par des bains de pieds
et le traitement ordinaire de l'aménorrhée simple, il est évi-
dent qu'on ne ferait que rendre plus mauvais l'état des choses
en augmentant l'afllux des liquides vers l'utérus.
Les causes de l'aménorréhe sont nombreuses, il nous suf-
fira d'avoir signalé, à l'occasion d'un nouvel emménanogue,
l'engorgement utérin dont on s'est trop peu occupé jusqu'à
ce jour, et qui n'attire ordinairement l'attention des prati-
ciens que lorsqu'il est arrivé à un degré tel que les res-
sources thérapeutiques sont presque sans action sur sa ré-
solution.
ART. 11 56.
De l'onanisme et des autres abus vénériens considérés dans leur
rapport avec la santé. (Analyse.)
Chacun sait quelle influence les abus vénériens et surtout
l'onanisme peuvent avoir sur la santé. M. le docteur Des-
landcs vient de publier sur ce sujet un ouvrage riche de
faits et d'expérience, et que les praticiens consulteront avec
intérêt. L'excès dans l'exercice des parties génitales peut en
effet, non-seulement causer des maladies lorsque les sujets
s'y livrent avec violence ou qu'ils en contractent une longue
habitude, mais nu acte isolé, soit du coït, soit de la mastur-
bation, produit souvent des accideos dont la cause resterait
ignorée, si l'on n'était prévenu que les convalescences sont
fréquemment entravées par l'empressement des malades à
retomber dans leurs anciennes habitudes. Les effets du coït
ou de la masturbatiou sont donc de la plus haute importance
à étudier pour le médecin. « Il arrive souvent, dit l'auteur, et
j'en ai vu plus d'un exemple, que des maladies résistent à
tous les moyens, sans qu'on puisse se rendre compte d'une
telle ténacité. Des soupçons viennent enfin, et on fiuit par
apprendre que le sujet, déjà masturbateur avant la maladie,
n'a pas cessé ou n'a cessé que momentanément de porter les
mains sur lui. D'autres fois les symptômes de la maladie que
l'on traitait disparaissent peu à peu ; on s'attend à voir les
forces reparaître et la convalescence commencer; il n'en est
rien, la faiblesse, loin de diminuer, s'accroît; l'amaigrisse-
ment augmente, la fièvre continue; enfin le malade tombe
dans une étisie sur laquelle on se perd en conjectures, si la
funeste habitudequi en est la cause ne vient à être découverte.
( 446 )
Chex d'autres sujets, c'est une affection qu'on pouvait croire
terminée ou sur le point de l'être^ et qui tout-à-coup se ré-
veille, parce que le malade s'est trop hâté de se livrer à la
masturbation ou an coït. »
Le docteur Deslandes considère dans son ouvrage les or-
ganes génitaux sous le rapport de leur action physiologique,
puis il signale les dangers qui peuvent résulter de l'abus dans
leur exercice. Ces dangers sont nombreux, et peut-être ont-
ils été un peu exagérés par ce médecin comme par la
plupart des auteurs qui se sont occupés de cette cause de
maladies. Nous ne nous arrêterons pas à énumérer tous
les accidens qu'il croit pouvoir attribuer à des habitudes fu-
nestes, mais nous appellerons l'attention de nos lecteurs sur
la partie thérapeutique qui a été considérée par M. Deslandes
en médecin physiologiste et en philosophe.
Pour s'opposer à la masturbation, qui est l'abus ordinaire
qu'on est appelé à combattre, il faut, suivant l'auteur,
1° faire que le désir qui porte à se masturber ne vienne pas,
ou ne revienne plus, ou ait le moins d'empire possible;
2° faire que la volonté résiste au désir de se masturber;
5° ôter à ceux qui désirent et veulent se masturber le pou-
voir de le faire.
Ce sont ces trois points que le médecin ne doit jamais
perdre de vue quand il veut remédier à de mauvaises habi-
tudes; mais leur examen entraîne dans une foule de considé-
rations qui feront varier à l'inflai les moyens thérapeutiques.
Et d'abord M. Deslandes examine le cervelet dont l'état de
développement ou même d'irritation peut puissamment
influer sur l'activité du sens génital. On sait que Gall place
dans cette partie du cerveau l'instinct de la propagation.
Nous ne citerons pas toutes les preuves en faveur de cette
opinion qui mettent maintenant hors de doute l'assertion du
célèbre phrénologiste, mais il nous suffira de dire que
l'expérience a démontré, dans certains cas, les bons effets qu'on
peut retirer des applications de sangsues et de glace sur la
nuque. Les applications de thridace, de belladone, d'opium
sur la même partie auraient sans doute une action aussi avan-
tageuse. M. Deslandes conseille en outre de faire couper les
cheveux fort courts, surtout à la partie postérieure de la tête,
chez les masturbateurs, et de substituer ù l'oreiller de plume
celui de crin.
Ce n'est pas seulement le développement exagéré du cer-
velet qui peut causerie priapisme, la nymphomanie, etc.; on
a cité de nombreux exemples qui prouvent qu'une irritation
soit de cette partie du cerveau, soit de U moelle épinière
( 447 )
exerce également une puissance marquée sur les organes
générateurs. Dans certains cas, en effet, on a retiré de très-
bons effets des douches d'eau excessivement froide le long de
la colonne vertébrale, ainsi que des applications de glace pi-
lée. On a même fait cesser le spasme des parties génitales par
des frictions sur le sacrum avec des vessies remplies de
glace. Des sangsues à l'anus ou mieux encore aux lombes, et
surtout des ventouses scarifiées sur cette dernière région,
pourraient être utiles dans ces cas, chez des individus encore
vigoureux qui auraient contracté l'habitude de la mas-
turbation.
Enfin, toutes les parties génitales elles-mêmes, indépen-
damment de cet état anormal du cervelet et de la moelle épi-
nière, peuvent nous offrirlacaused'un appétit vénérien exces-
sif. L'état du tissu érectile, par exemple, a une influence très-
prononcée sur la disposition au rapprochement des sexes.
On sait qu'une classe de singe (celle des cynocéphales), qui
est d'une lubricité vraiment incroyable, offre une masse
énorme de tissu érectile, non-seulement aux parties sexuelles,
mais encore à toutes les parties environnantes. C'est ainsi
que la verge a en général plus de volume chez les hommes
qui ont un penchant prononcé pour les plaisirs de l'amour.
Cette considération sur l'état du tissu érectile conduit à des
applications pratiques importantes : ainsi, un sujetvigoureux
et pléthorique peut être débarrassé d'érections et de pollu-
tions nocturnes par une large saignéee, ou des sangsues dans
le voisinage des parties sexuelles. Les lotions et les applica-
tions froides sur ces mêmes parties doivent être conseillées.
On doit interdire en même temps, aux enfans des deux sexes,
de se laver avec de l'eau chaude , de s'asseoir sur des poêles
échauffés; ne leur permettre que l'usage des sièges qui of-
frent une certaine résistance, tels que ceux de paille, de bois,
de crin, etc. Les demi-lavemens froids et les injections
semblables pour les jeunes filles peuvent également avoir
beaucoup d'utilité.
Enfin, dans certaines circonstances, on a été réduit à retran-
cher plusieurs des parties saillantes de la vulve. M. Deslandes
cite à cette occasion l'observation suivante extraite d'ua
journal allemand.
Une jeune fille de quatorze ans, idiote depuis son enfance,
était réduite à un état véritablement au-dessous de la brute ;
elle avalait ses matières fécales, et passait des demi-journées
entières huchéedans un coin, sortant la langue de sa bouche,
et bavant continuellement. Un médecin de Berlin entreprit
de la traiter; il remarqua d'abord chez elle un penchant irré-
( 448 )
sistible à l'onanisme ; elle se livrait jour et nuit, sans relâcîie,
à cette pratique en se frottant le siège sur des chaises ou les
cuisses l'une contre l'autre. Ce médecin crut que la mastur-
bation était l'obstacle au développement des facultés intellec-
tuelles, et il se hâta de faire appliquer un cuir garni de pointes
sur le siège de la malade, afin de l'empêcher de s'asseoir, et
on la contint la nuit à l'aide d'une camisole. On pratiqua en
outre une cautérisation profonde au crâne, on fil des affu-
sions froides, etc. Tous ces moyens furent inutiles ; enfin,
lorsque la malade eut quinze ans, on se décida à lui extirper
le clitoris. La plaie se cicatrisa bientôt, et les effets de cette
opération surpassèrent toute attente. Le penchant à la mas-
turbation fut enlevé comme par enchantement, et ne se
montra plus que de temps en temps, par suite de la longue
habitude qui en avait été contractée. L'intelligence, retenue
en quelque sorte captive jusque là, prit son essor, et l'éduca-
tion de la malade put être commencée. Au bout de trois ans,
cette jeune fille sut parler, lire, compter, etc.; enfin il était fa-
cile de prévoir un développement complet de toutes les facul-
tés intellectuelles.
Un autre fait aussi curieux, communiqué à l'auteur par
M. Biet, constate également le succès de cette opération.
Une petite fille de dix ans s'était livrée à l'onanisme de-
puis sa plus tendre enfance. Elle devait cette habitude à sa
bonne, qui, ayant remarqué qu'en lui chatouillant le clitoris,
elle apaisait ses cris, ne se fit pas faute d'employer ce dan-
gereux expédient. Cette petite fille apprit de la sorte a porter
les mains sur elle, et l'habitude, une fois prise, acquit cha-
que jour plus d'empire, ce qui finit par causer une détériora-
tion physique et morale profonde. Quand la cause de ce dé-
périssement fut connue, les parens employèrent tous les
moyens imaginables pour la détruire, mais inutilement. On
eut recours alors aux moyens mécaniques; mais la malade
parvenait à surmonter tous les obstacles. Il y avait déjà huit
ans qu'elle se livrait à l'onanisme, et l'on pouvait craindre
qu'elle ne tombât dans l'idiotie et l'épuisement, lorsque les
parens se décidèrent à laisser faire l'excision du clitoris.
L'opération fut pratiquée par M. le docteur Jobert avec un
succès complet. La malade recouvra le sommeil et le calme,
qu'elle avait perdus depuis long-temps. Tout porte à croire
que cette guérison sera durable.
L'irritation de la membrane muqueuse qui tapisse les
voies génito-urinaires peut encore causer l'excitation véné-
rienne, et conséquemnienl l'onanisme. Pour la prévenir ou
pour la combattre, le médecin devra donc prescrire de tenir
(449)
les parries ^esuelles, par des ablutions fréquentes, dans un
état permanent de propreté; interdire les excès de table et
l'usage des alimens ainsi que des boissons qui rendent l'u-
rine plus irritante et la membrane génito-urinaire plus irri-
table; apaiser les irritations qui chez les enfans se fixeraient
dans l'intérieur du rectum ou sur les parties génitales elles-
uiêmes; rechercher s'il n'existe point des ascarides vermicu-
laires qui entretiennent des démangeaisons sur ces parties,
et les détruire avec une injection d'une forte décoction d'é-
corce de racine de grenadier, ou des lotions semblables sur
la vulve, lorsque les vers ont gagné cette partie; enfin cher-
cher par tous les moyens possibles à faire disparaître toute
irritation qui tendrait à se fixer sur les organes génitaux.
C'est ainsi qu'on a combattu avec succès une nymphomanie,
en appliquant sur les petites lèvres et le clitoris enflammés
une solution de quatre grains de nitrate d'argent dans une
once d'eau distillée. Dans une autre circonstance, chez une
dame qui était tourmentée par la sensation continuelle d'un
besoin pressant du coït, après avoir vainement essayé les
lotions et les injections avec l'eau distillée de laurier-cerise,
et l'introduction dans le vagin d'un bourdonnet de charpie
imbibé d'une solution d'extrait de belladone (un grain par
once), M. Deslandes substitua avec un succès complet de
petits morceaux de glace qu'on laissait fondre dans le con-
duit vulvo-utérin
Enfin, dans les cas désespérés , lorsque les malades
étaient voués à une mort certaine, on a vu l'amputation des
testicules prévenir pour toujours les excès auxquels les ma-
lades se livraient. Sans avoir recours à ce moyen extrême,
que presque tous les auteurs ont rejeté, M. Deslandes pense
qu'on pourrait avec avantage, dans ces cas, faire des lotions
froides ou des applications de glace sur le scrotum, et poser
des sangsues dans son voisinage.
Beaucoup d'autres causes encore peuvent produire l'exci-
tation vénérienne : les saisons, les climats, ont sur les orga-
nes génitaux une action qui a été signalée de tout temps;
mais il est une pratique dont les dangers ont été démontrés
jusqu'à l'évidence, et qui cependant est encore en vigueur dans
beaucoup de familles et d'institutions, nous voulons parler
de la fustigation qu'on inflige aux enfans, et qui est si fré-
quemment l'origine de l'habitude de la masturbation. Les
auteurs ont cité une foule d'exemples dans lesquels ce châ-
timent, administré surtout par un autre sexe, a en ce funeste
résultat. Ainsi M. Serrurier a rapporté l'observation d'un de
868 condisciples de collège, qui trouvait un plaisir indicible
Tome yi. — W d'octobre. 29
( 45o )
à se laisser fustiger. Il cherchait toutes les occasions de man-
quer envers le professeur, qui jamais n'absolvait un coupa-
ble, elle faisait toujours passer par les verges. Ce malheureux
prit ainsi l'habitude de la masturbation. Réduit à l'état de con-
somption la plus horrible, par suite de la déperdition habi-
tuelle de la semence, il fut offert à ses condisciples en spec-
tacle au moment de sa mort, comme un exemple du danger
auquel on s'expose par cette coupable passion.
M. Deslandes s'élève avec force contre ce genre de châti-
ment, et invite les médecins à faire comprendre aux familles
que les mœurs ont tout à craindre d'une peine qui a le dou-
ble inconvénient d'offenser la pudeur et d'éveiller IfS sens.
En même temps qu'on éloigne les causes extérieures qui
pourraient exciter les désirs, il faut aussi prescrire un régime
qui contrib':e à former le moins de semence possible : les
■viandes blanches, les légumes frais, une tisane rafraîchis-
sante, le laitage, enfin la diète, qu'on a nommée antiphlo-
gistique.
Existe-t-il des médicamens anti-aphrndisiaqiies ? On en a
vanté un grand nombre, le camphre, la ciguë, l'opium, etc.
On a cité l'exemple d'une demoiselle qui fut débarrassée de
violens accès dune hystérie libidineuse par une potion dans
laquelle entrait de la teinture de belladone. Il est probable
que cette plante aurait une action aussi efficace dans le sa-
tyriasis et la nymphomanie. La thridace, l'eau distillée de
laurier-cerise, peuvent être rangées dans la même classe.
L'acide borique ainsi que l'acide hydrocyanique ont été préco-
nisés, mais on a surtout vanté l'action de Vagnus castus et du
nénuphar. L'auteur ajoute peu de foi à la spécificité de ces
deux médicamens, et il admet seulement que le dernier peut
avoir quelque action dans certains cas employé comme
caïmans.
Nous ne nous arrêterons pas plus long-temps sur l'ouvrage
de M. Deslandes. Cette courte analyse, d'un des chapitres
consacrés à la thérapeutique de l'excès dans l'exercice des
organes génitaux, prouvera que l'auteur a étudié son sujet
dans le but, non d'effiayer les jeunes gens sur les suites de la
masturbation, mais bien d'éclairer les médecins qui seront
appelés à remédier à ses abus ou à les prévenir.
ART. 1137.
Emploi à haute close et en lavement de l'huile essentielle de téré-
benthine contre la sciaiique.
M. le docteur Ducros jeune, de Marseille, a employé avec
(45i)
avantage les lavemens d'huile essenlieile de térébenthine dans
un grand nombre de cas de névralgies sciatiqii es. Administrée
de la sorte, cette huile paraît agir beaucoup plu« efficace-
ment que lorsqu'on la donne par la bouche, sans doute parce
qu'on peut en élever la dose sans craindre d'irriter la mu-
queuse digestive, et, en second lieu, à cause du voisinage
du plexus sacré et du nerf sciatique du point où le médi-
cament se trouve déposé.
Un jeune homme éprouvait depuis trois mois des douleurs
atroces dans tout le membre pelvien gauche, les souffrances
s'irradiaient jusqu'aux lombes, il était déjà dans un marasme
complet. Soumis à l'usage de lavemens d'huile essentielle
de térébenthine, il fut entièrement guéri au bout de quinze
jours.
Une femme souffrait depuis plusieurs jours d'une douleur
qui partait de l'échancrure sciatique et qui s'étendait jus-
qu'aux orteils. On lui prescrivit un quart de lavement com-
posé d'eau de mauve et d'une once d'huile easentielle de té-
rébenthine délayé dans un jaune d'œuf : ses souffrances
cessèrent coiupletement et ne ruviurent plus.
Chez un pêcheur depuis long-temps en traitement pour
une sciatique, il fallut augmenter de beaucoup cette dose du
médicament. Les douleurs ne disparurent que lorsqu'on fut
parvenu successivement à en donner deux onces et demie
dans chaque lavement. ( La Lancette.)
ART. 1 l58.
Guérison de ditei'ses tumeurs cancroides et cystiformes par l'em-
ploi de fiode en sachet.
Le même médecin préconise les applications d'iode pour
obtenir la résolution de tumeurs de diverses natures. Il place
dans le duplicata d'un taffetas rcmbouré de colon demi-once
d'hydriodatede potasse, trois gros d'iode, deux gros d'épongé
calcinée et une once d'hydrochlorate d'ammoniaque ; puis il
applique ce sachet sur la tumeur, et renouvelle tous les dix
jours les substances médicamenteuses qui y sont conleaues.
Un enfant portait à la région poplitée une tumeur cysti-
forme très-volumineuse; il ne pouvait marcher depuis si;
mois, la jambe et la cuisse étaient atrophiées. Plusieurs mé
decins furent consultés et décidèrent l'amputation, mais l'en
fant s'y refusa obstinément. M. Ducros le soumit alors à
l'emploi du sachet. La tumeur s'atrophia, et deux mois î»uf-
firentpourla guérison.
IX
.x
( 452 )
Une demoiselle âgée de vingt ans portait un goitre con-
sidérable qui l'empêchait de paraître en public. Elle fut
soumise à l'emploi du sachet ; de plus, l'iode fut administré
à l'intérieur, ainsi que la bière et l'eau de mer. Après six
mois de traitement, le goitre avait entièrement disparu.
Le sachet procura une guérison semblable chez une fille
de vingt-deux ans, qui portait depuis l'âge de sept ans, à la
région latérale du cou, une tumeur scrofuleuse du volume
d'une grosse boule, et chez plusieurs autres personnes qui
avaient des tumeurs de plus mauvaise nature. [Ibid.)
ABT. 11 5g.
Considérations sur quelques cas de flueurs blanches chez les
petites filles avant l'époque de la puberté.
On trouve dans une brochure publiée par M. Touchard,
chirurgien à Mont-Louis (Indre-et-Loire), quelques obser-
vations de flueurs blanches sur lesquelles nous allons arrêter
l'attention de nos lecteurs.
Une petite fille de trois ans et demi, blonde et très-grasse,
se trouve tout-à-coup atteinte d'un écoulement blanc; cette
enfant, qui semblait d'une excellente constitution, était issue
de parens sains et avait été nourrie par sa mère jusqu'à dix-
huit mois. M. Touchard hésitait sur la cause de cet écoule-
ment inattendu dans un âge si tendre, lorsqu'il apprit que
depuis quelque temps cette petite fille avait eu des convul-
sions occasionées par la dentition qui ne s'opérait qu'avec
peine ; il reconnut alors une liaison entre l'écoulement et
l'état des gencives; au bout de huit jours, en effet, les dents
ayant fait saillie à l'extérieur, les convulsions ne reparurent
plus et les flueurs blanches cessèrent entièrement.
Une autre petite fille de quatre ans était atteinte, depuis
plus d'une année, d'un écoulement verdâtre abondant. La pe-
tite malade était d'une maigreur effrayante; elle ne pouvait
rester debout plus de quatre à cinq minutes; ses yeux
étaient mornes, ses joues creuses, son haleine fétide. Les
parties génitales laissaient échapper en grande quantité un
liquide infect, épais et vcrdâtre. La mère avait depuis dix-
huit ans un écoulement semblable, si abondant que les par-
lies génitales en étaient excoriées.
M. Touchard ordonna qu'on fît prendre à l'enfant, tous
les matins à jeun, un gros de sirop d'absinthe, en auî^men-
tant progpfssivement la dose jusqu'à six gros le matin et
autant le soir; il prescrivit en outre deux injections par jour
(455)
avec une infusion vineuse de roses rouges, déplus une bonne
nourriture, une abstinence complète de viandes salées, et
pour boisson habituelle de vin vieux rouge coupé avec un
tiers d'eau ferrée.
Six semaines après ce traitement commencé, les flueurs
blanches devinrent bien moins abondantes, plus transparen-
tes et moins infectes. Le sirop d'absinthe fut supprimé et
remplacé par l'eau ferrée, dans laquelle on fit infuser par
pinte une forte pincée de fleurs d'orties blanches, à la dose
d'abord d'un quart de verre le matin, et d'un quart de verre
le soir, puis d'un demi-verre matin et soir.
Quatre mois plus tard il ne restait plus qu'un écoulement
d'un blanc transparent, sans consistance et inodore, qui dis-
parut complètement au bout d'un autre mois, au moyen de
la térébenthine prescrite de la manière suivante. Tous les
matins pendant les quatre premiers jours une pilule de deux
grains de térébenthine; tous les matins, pendant les quatre
jours suivans, deux pilules d'un grain chaque de térében-
thine, plus quatre autres pilules d'un grain chaque le soir;
les huit jours suivans, quatre pilules d'un grain chaque le
matin et autant le soir; enfin cette substance fut portée jus-
qu'à huit grains le matin et autant le soir.
Réflexions. Nous avons cité ces deux observations conte-
nues dans la brochure de M. Touchard, afin de rappeler un
point de pratique fort important et dont l'oubli pourrait
avoir les conséquences les plus funestes, c'est la fréquence
de ces écoulemens chez les jeunes filles, depuis la première
enfance jusqu'à l'époque de la menstruation. Rien n'est plus
ordinaire en effet que de rencontrer, surtout dans les grandes
villes, où le défaut d'exercice, l'air vicié que l'on y respire
et souvent les manœuvres coupables auxquelles se livrent
les enfans, prédisposent à cette maladie, des écoulemens ver-
dâtres, d'une odeur infecte, qui pourraient facilement être
pris pour des blennorrhagies syphilitiques. Nous avons vu
des petites filles de huit à dix ans, dont l'écoulement était si
abondant qu'elles étaient forcées d'envelopper les parties
génitales de serviettes, comme le font les femmes à l'époque
des règles. La supposition d'un viol, ou tout au moins d'une
infection syphilitique, est donc extrêmement commune dans
ces cas, et nous commettrions de graves erreurs si nous ne
savions que ces écoulemens tiennentpresque toujours à toute
autre cause.
C'est ce qui est arrivé dans une affaire célèbre, celle de
ContrafattOjdanslaquelleiM. Paul Dubois, ayant été consulté,
déclara que l'accusation ne pouvait tirer aucun parti de l'é-
1454)
coulement qu'on observait chez la jeune fiHe violée, parce
que cette maladie était si commune à cet âge, qu'elle ne pou-
vait indiquer re'xistence d'un viol.
A l'hôpital de:- Vénériens, où l'on reçoit un assez grand
nombre de filles non pubères, qui ont eu des rapports, soit
volontaires, soit forcés, avec des hommes, nous observons
aussi très-fréquemment des écoulemens blanchâtres ou ver-
dâtres, accompagnant des traces de violences aux parties
génitales; mais la promptitude avec laquelle ces écoulemens
disparaissent en général excluent toute idée d'une infection
syphilitique, et nous portent à croire qu'ils sontdu^, soit au
frottement exercé par le membre viril, soitplutôt aux habi-
tudes de masturbation (ju'on rencontre chez, la plupart des
petites filles de cette classe. La surveillance qu'on exerce sur
ellespendant leur séjourà l'hôpital et la crainte des châtimens
les forcent à suspendre ces attouchemens dangereux, et elles
sortent au bout de quelques semainei débarrassées du flux
utéro-vaginalqui ne tarde sans doute pas à reparaître lorsqu'el-
les sont rendues à leurs habitudes de misère et de débauches.
Nous avons vu aussi quelquefois des écoulemens rouges
chez les petites filles du premier Tige; cet accident, qui alar-
me beaucoup lesparens, ne nous a pas paru avoir d'incon-
véniens graves, car au bout de quelques jours il a constam-
ment disparu de lui-même.
ART. ii4o.
Sarcocèle par hypertrophie guéri par la ligature des vaisseaux.
Un homme de cinquante-quatre ans était entré une pre-
mière fois à l'hôpital Saint- André de Bordeaux, le i4 février
dernier, offrant une double inflammation chronique de l'épi-
didyme. Du côté gauche, l'organe affecté avait acquis un vo-
lume énorme, une dureté cartilagineuse, une pesanteur
extrême; il était extraordinahemiMit bosselé, et alongeait
le cordon par son poids. Lin j)hlcgmon s'étant formé au
scrntum, une incision en fit soitir une matière floconneusçi
mêlée avec du pus. Les antiphlogistiques, les onctions mer-
curielles, les dérivatifs n'avaient f|ue peu de succès, lorsque le
malade fut forcé par ses afl'aires de quitter l'hôpital. Il y ren-
tra au bout de peu de temps, le sarcocèle ayant encore aug-
menté de volume.
Le malade désirait qu'on le débarrassât de ses deux testi-
cules; mais celui fin côté gauche étant beaucoup plus volu-
mineux que l'autre, iVl. JMouliiiié pensa qu'il devait agir sur
(455)
lui d'abord, et voulant, autant que possible, éviter l'extir-
pation qui s'accompagne toujours de vives douleurs et de
dangers, il résolut de pratiquer la simple ligature du vais-
seau, pour déterminer la diuiinulion de volume ou l'atro-
phie d'un organe qui lui semblait atteint seulement d'hyper-
trophie. En conséijuence une longue incision, partant du
voisinage de l'anneau inguinal, fut faite dans la direction du
cordon. Les parties consliluantes de ce cordon furent dissé-
quées ; le canal déférent, plus saillant que les autres canaux,
étant reconnu, fut déjeté en dehors; trois vaisseaux princi-
paux furent alors découverts. Aucun battement ne distin-
guait les artères des veines. Une piqûre ayant été pratiquée
aux trois vaisseaux soulevés, aucun d'eux ne laissa écouler
du sang par jet. Ils furent donc liés tous trois séparément,
dan.» la persuasion que l'un d'eux était l'artère principale du
cordon, les deux autres les veines satellites.
lin léger travail ioflai'.imatoire s'établit sur le point de
l'opération; bientôt il survint une suppuration deboune na-
ture, et la plaie se cicatrisa. Ou vit avec satisfaction l'o.'-gane
hypertrophié perdre tous les jours de son volume, de son
poids, de sa dureté, et revenir peu à peu à des dimensions
normales. Le malade sortit de l'hôpital environ deux mois
après avoir été opéré. (Bulletin méd. de Bordeaux. )
ABT. ii4i.
Clinique d'accouchemens: Considérations pratiques sur les tu-
meurs variqueuses qui surviennent à la vulve et au vagin dans
le cours de la grossesse, pendant et après l'accouchement.
Dans une de ses leçons, M. Paul Dubois a appelé l'atten-
tion de ses élèves sur cet accident assez commun, qu'on a
désigné sous le nom de tumeur variqueuse, et dont le déve-
loppement a causé plus d'une méprise fâcheuse. Une femme
couchée au n° 17 en a fourni le sujet; bien qu'arrivée à
peine au sixième mois de la grossisse, elle portait dans le
vagin une tumeur assez volumineuse qui pouvait plus tard
causer quelque embarras lors de la délivrance. Il y a quel-
ques années, ce professeur fut appelé près d'une nouvelle ac-
couchée qui avait été délivrée par une sage-femme. Ce n'est
que quelques jours après l'accouchement, qu'il s'était formé
dans la grande lèvre du côté gauche une tumeur de la gios-
seur d'un œuf de poule. Après avoir long-temps hésité sur
la nature de cette tumeur, il se décida à la fendre dans toute
sa longueur. Il en sortit du sang grumeleux d'abord, puis
(456)
liquide. On se borna à pratiquer quelques lotions, et la
femme fut rétablie, en quinze à dix-huit jours.
Quelque temps après, le même chirurgien fut appelé à
l'hospice de la Maternité, pour une femme chez laquelle, au
moment de la sortie du délivre, il était survenu tout-à-coup
dans le vagin une énorme tumeur, que les élèves prenaient
pour un renversement de l'utérus. Cette tumeur avait le vo-
lume de la tête d'un fœlus, et pouvait effectivement donner
lieu à cette erreur de diagnostic. Cependant le toucher, pra-
tiqué avec plus de précaution, démontra que le doigt pouvait
la cerner à sa partie supérieure, tandis que par le reste de sa
circonférence elle se développait dans l'intérieur même de la
grande lèvre. L'utérus d'ailleurs était à sa place, et on le sen-
tait en déprimant les parois de l'abdomen, bien que la femme
fût très-grasse. A cette époque M. Dubois n'avait pas une
connaissance bien parfaite de cet accident. Considérant que
la délivrance était faite, que la femme ne souffrait pas, et
que les lochies coulaient d'ailleurs facilement, il crut devoir
temporiser, et se borna à prescrire des lotions résolutives.
Les jours suivans, la surface interne de la tumeur se mortifia,
et les tissus détachés laissèrent à découvert un énorme cail-
lot de sang qui fut extrait, et laissa béante une vaste caverne.
Au bout d'un mois cependant la guérison était presque com-
plète.
Celte temporisation n'était pas le parti le plus convenable;
peu de temps après, en effet, ce chirurgien ayant été appelé
près de Belleviile, pour un cas semblable, n'hésita pas à in-
ciser largement la tumeur; un caillot sanguin se détacha
d'abord, puis il coula du sang pur qui s'arrêta bientôt de lui-
même, et la guérison eut lieu promptement.
Enfin, il y a quelques mois une femme se présenta à la Ma-
ternité. L'enfant perdant son méconium, on crut devoir ap-
pliquer le forceps. L'accouchement terminé, on s'assura que
toutes les parties étaient à l'état normal, mais bientôt on vit
une des grandes lèvres se gonfler prodigieusement, et l'on
reconnut enfin une tumeur semblable à celles dont nous ve-
nons de parler. Elle fut incisée, et la femme se rétablit
promptement.
On se rend facilement raison de la formation de ces tu-
meurs pendant la grossesse et au moment de l'accouchement.
Le développement considérable des vaisseaux de l'appareil
utérin, et la gêne que la circulation éprouve alors par la com-
pression de la matrice, en sont une explication sulTisante.
Mais on a peine à comprendre comment cet accident peut
survenir quelque temps après l'accouchement. L'expérience
( 457)
démontre cependant que c'est à cette époque qu'il est le plus
fréquent.
Si l'on veut réfléchir à ce qui se passe pendant l'expulsion
du fœtus, on verra que le développement tardif de ces tu-
meurs n'est point inexplicable. Il y a deux choses en effet à
considérer, la rupture des vaisseaux et l'extravasation du
sang. La rupture peut être produite par le refoulement du
sang ou par la compression de la tête sur les os du bassin.
Quand la rupture s'opère au moment où la tête franchit le
détroit, le trombus peut ne se former que lorsque la tête,
puis le corps entier du fœtus, ont été expulsés; il peut même
arriver que les parois des vaisseaux violemment oontus ne se
déchirent qu'un temps plus ou moins long après la termi-
naison de l'accouchement.
Cet accident peut avoir lieu non-seulement chez les
femmes dont les vaisseaux du système utérin ont été déve-
loppés par l'état de grossesse, mais encoie chez celles dont
la matrice se trouve dans un état de vacuité et qui font une
chute sur le siège, ou sont soumises à d'autres violences.
Que doit-on faire chez les femmes qui présentent des tu-
meurs de cette nature ? Quand elles surviennent pendant le
cours de la grossesse, il n'est pas probable qu'elles puissent
déterminer d'accidens avant l'époque de l'accouchement ;
cependant il serait convenable que les femmes ne restassent
pas trop long-temps debout. S'il y avait des indices de
pléthore, on ferait une saignée du bras; de plus, on doit
tenir le ventre libre, dans la crainte que les efforts pour aller
à la selle n'augmentent le gonflement.
Lors du travail, ces tumeurs variqueuses demandent la
plus grande surveillance. Les femmes doivent rester cou-
chées dèsqu'ellescommencent àsouiîrir,ettâcherde modérer
leurs efforts d'expulsion lorsqu'ils se font avec trop de vio-
lence. Si, lorsque la lête est dans l'excavation du bassiu, la
tumeur se gonflait beaucoup, il faudrait avec la main la com-
primer légèrement. S'il arrivait que cette tumeur vînt à se
rompre et qu'il se formât un trombus considérable, il fau-
drait l'inciser largement, enlever le sang qu'il contient, et
tamponner, si on ne por.vait appliquer le forceps à l'instant.
On se hraerait de terminer l'accouchement dès qu'il serait
possible de le faire.
Enfin, si le trombus se développe après l'expulsion du
fœtus, c'est encore à l'incision qu'il faut avoir recours; ra-
rement alors il est nécessaire de tamponner; des lotions et des
applications de compresses trempées dans une liqueur réso-
lutive sont suflisantes dans la presque totalité des cas.
(458)
ART. 1 142.
HOPITAL DES VÉNÉRIENS.
Considérations pratiques sur les syplidides en général, et en
particulier sur leur traitement.
Les syphilides sont de tous les symptômes conséculils
peut-être les plus fréquens, aussi mérileiit-elles qu'on ap-
porte dans leur étude un soin tout particulier, ce qui nous
engage àrevenirsur quelques-uns des points que nous avons
exposés dans les articles précédons.
Nous avons tracé le tableau de chacune des cinq espèces
admises par M. Cullerier; mais, malgré le soin que nous
avons pris d'en exposer les symptômes et quelques-unes
des difterences qu'elles offrent avec les autres éruptions cu-
tanées, on ne peut se dissimuler qu'on doive rencontrer
quelquefois des cas douteux sur la nature desquels il soit
impossible de prononcer. Les caractères généraux en effet
qu'on a donnés aux syphilides n'existent pas toujours, la
couleur cuivrée par exemple est bien loin de s'offrir dans
tous les cas; en général, elle ne se dessine clairement que
lorsque la maladie a quelque durée, encore avons-nous vu
un grand nombre d'éruptions syphilitiques rester jusqu'à
leur disparition entièrement dépourvues de ce caractère.
D'un autre côté, des éruptions d'une tout autre nature ap-
paraissant sur des peaux brunes peuvent s'entourer d'un
cercle rouge brun, qu'on considérera comme indice certain
d'un caractère syphilitique, si l'on veut attacher à ce symp-
tôme une trop grande importance. Nous avons vu, par exem-
ple, chezdeuxsujets des tracesde petite vérole déjà ancienne,
offrir à s'y méprendre l'aspect de la syphilide pustuleuse en
voie de guérison avec teinte cuivrée, au point qu'on aurait
pu, par un examen inattentif, se tromper sur le véritable ca-
ractère de la maliidie.
Les praii<ien.s ne doivent donc pas oublierque cette teinte,
dont on veut faire le signe pathognomonique des syphili-
des, n'est pas un indice nécessaire de ces éruptions.
Les signes tirés des applications de divers topiques nous
laissent dans la même incertitude, car bien qu'en général
les mercuriaux aient une action prononcée sur les syphili-
des, dans plusieurs cas ils sont ou nuisibles ou inefficaces,
dans iraulres au contraire ils guérissent parfaitement des
éruptions tout -à-fait exemptes du virus véuérieu. Oasait d'aii-
(459)
leur» que de tout temps le mercure a été employé avec suc-
cès dans les maladies de la peau, quelle que fût leur nature.
Veut-on up exemple remarquable de cette incertitude sur
le caractère de l'éruption ? Il y a dans ce moment dans les
salles de l'infirmerie un jeune homme dont le corps entier
est couvert de plaques squammeuses qui, se touchant par
leurs bords, ou laissant entre elles un certain intervalle dans
lequel la peau est saine, lui donnent l'aspect tigré, non-seu-
lement sur quelques points, mais encore sur le front, la face,
le dos, le ventre, enfin sur l'étendue entière des tégumens.
Ces plaques varient par la largeur depuis celle d'urwe pièce
de 10 sous jusqu'à celle d'une pièce de 5 francs. Elles coq-
sistent en une surface rouge, couverte d'une multitude de
petites pustules qui sécrètent un liquide, lequel, par la des-
siccation, forme des squaumies qui s'enlèvent avec l'ongle.
Aucune de ces plaques n'est entourée d'un cercle cuivreux.
Cet homme n'a jamais eu qu'une blennorrhagie, qui, as-
sure-t-il, u'a duré que quelques jours ; l'éruption n'a pas
tardé à se manifester, telle à peu près que nous la voyons.
Il est entré dans un hôpital de Paris, où on n'a pas consicLéré
sa maladie comme de nature syphilitique. La teinture arsenicale
de Fowler lui a été administrée avec succès; il a été guéri en
quelques mois; mais cette éruption a reparu dès qu'il a eu
repris ses travaux. Entré à l'hôpital des Vénériens, on a es-
sayé sans succès diverses pommades sulfureuses; mais lors-
qu'on a pansé quelques plaques avec la pommade de pro-
to-iodure de mercure, on s'est aperçu d'une amélioration
immédiate dans l'aspect de l'éruption; on continue donc
l'emploi de cette pommade, et à l'intérieur on prescrit la
teinture de Fowler ; ce malade marche évidemment vers la
guérison.
Il serait bien difficile de se prononcer sur le caractère de
cette éruption, et il faut bien se résigner à faire l'application
du remède sans en tirer de conclusion, quant à la nature du
mal , puisqu'une première fois l'éruption a cédé à l'adminis-
tration de l'arsenic, et que maintenant elle disparait sous
l'influence des applications mercurielles.
Les syphilides sont des symptômes consécutifs de vérole,
qui en général résistent avec assez d'opiniâtreté pour qu'on
soit obligé d'administrer aux malades une certaine dose de
mercure. Cependant il s'en faut beaucoup que M. (.ullerier
prescrive ce médicament dans tous les cas : la syphilide ma-
culée cède ordinairement à des bains ^impies, à des saignées,
au repos et au régime de l'hôpital; quelquefois on donne à
l'intérieur quelques préparatioDS mercurielles, ou l'on près-
(46o)
crit quelques bains de vapeurs de cinabre. Nous avons cité
un exemple remarquable de syphilide pustuleuse chez une
jeune fille guérie sans le secours des mercuriaux; nous pour-
rions ajouter un grand nombre d'exemples semblables et
en puiser même parmi les cas les plus graves, comme on
pourra en juger par le fait suivant.
Au n" 10 de ia petite salle a été couché, le 28 mai i854)
un homme de quarante-cinq ans environ, dont voici les an-
técédens : Il y a quinze ans, blennorrhagie et chancres pour
lesquels il a pris soixante-quatorze doses de liqueur de Van-
Swiete». Cinq ou six ans après, éruption de tubercules dissé-
minés sur la face. Entré à l'hôpital des Vénériens, quatre
mois et demi de séjour, tisane sudorifique pendant deux
mois, douches de vapeurs, vingt-six frictions mercurielles,
tisane de Feltz. Sorti guéri.
Malgré ces deux traitemens, le mal a récidivé. A son entrée
à l'hôpital, les deux lèvres et le nez étaient couverts de tu-
bercules, rouges et gonflés ; plusieurs de ces tubercules
étaient ulcérés, la bouche était déformée, et un vaste ulcère
s'étendait sur la muqueuse buccale et détruisait le voile du
palais. Cet homme fut mis aussitôt à l'usage de l'iode (1),
mais un rhume violent survenu quelques jours après força
d'en suspendre l'emploi. Le mal fut en quelque sorte aban-
donné ei lui-même, puisqu'on se borna à diriger vers les par-
ties malades des vapeurs d'eau émolliente, mais on prescri-
vait en même temps une diète assez sévère et le repos au lit.
Au bout de deux mois, l'ulcère de la bouche était cicatrisé,
les tubercules du nez et des lèvres entièrement fondus, et ces
parties ne présentaient plus que de la rougeur. Cet homme
était presque guéri, et n'avait cependant pris aucune sub-
stance active; il séjourna encore un mois à l'hôpital. Nous
l'avons vu plusieurs fois depuis cette époque, et jusqu'à ce
jour sa guérison ne s'est pas démentie.
Cet homme est-il à l'abri de rechutes nouvelles ? Nous ne
pourrions l'affirmer, car les symptômesconsécutifs de syphilis,
et spécialement la syphilide tuberculeuse, se reproduisent si
fréquemment qu'on n'est jamais certain d'en être entièrement
débarrassé ; mais on voit par cet exemple même que les trai-
temens mercuriels les mieux suivis ne préviennent pas plus
(1) Pr. Iode, un grain ;
Hydriodatc de potasse, driix on trois grain»,
dans une potion à prendre dans la journée.
(4G.)
ces déplorables rechutes que ceux dans lesquels on s'est
abstenu de ce métal.
Cependant on est forcé de recourir au mercure dans un
grand nombre de cas de syphilide, et spécialement dans la
syphilide tuberculeuse. Les formes les plus ordinaires dans
lesquelles M. Cullerier le prescrit sont le proto-iodure, le
cyanure, et le cinabre en vapeur : voici quelques exemples
qui feront juger de l'efficacité de ces préparations.
Le 21 mai iSo^ a été couché au numéro 4 de la seconde
salle un homme qui a eu, depuis trois ans, trois affections
vénériennes : un écoulement qui a duré trois mois et qui a
été coupé par le copahu après l'usage d'une tisane, des
chancres et des bubons contre lesquels, assure-t-il, il a fait
deux fois un traitement mercuriel complet.
Cinq mois avant son entrée aux Vénériens, il est sur-
venu des tubercules disséminés sur le front, les bras, les
cuisses; plusieurs de ces tubercules se sont ulcérés et il s'est
développé un bubon sous l'aisselle.
Le 25 mai on a prescrit un looch gommeux avec le cya-
nure de mercure, des applications de pommade de proto-
iodure de mercure sur les tubercules ulcérés (i).
Les gencives s'étant trouvées irritées, on a suspendu le
1 1 juin, et on a repris le 25.
Vers le milieu de juillet les tubercules étaient transformés
en taches rouges, qui pâlissaient chaque jour et étaient tout-
à-fait dépourvues d'inflammation.
Nous avons cité dans les précédens articles diverses gué-
risons de syphilides par le proto-iodure de mercure et le
cinabre en vapeurs; il est deuxautres substances que M. Cul-
lerier emploie fréquemment contre les symptômes consécu-
tifs en général, et dont l'action est au moins aussi puissante
que celle du mercure, c'est l'iode seul et la tisane de Feltz.
(i) Le cyanure s'administre de la manière suivante :
Pr. Eau distillée, une livre ;
Cyanure de mercure, huit grains.
Demi-once à une once de ce liquide dans un looch gommeax à pren«
dre en deux doses.
La pommade de proto-iodure se prépare ainsi :
Pr. Proto-iodure de mercure, seize à vingt-quatre ^raiaf.
Axonge, une once.
Triturez convenablement.
Cette pommade a une action puissante sur les ulcérations syphiliti-
ques consécutives, et, en général, sur toutes les éruptions de même
nature.
(462)
Voîci des exemples remarquables de guérisons avec ces sub-
stances.
Le 29 mars i834 a été reçu au n° 52 de la seconde salle
un homme dont les ailes et le lobule du nez étaient détruits
en partie par des tubercules ulcérés. Cet homme a contracté
il y a quatre ans des chancres à la verge et deux bubons, pour
lesquels il a t'ait des frictions mercurielles et a pris la liqueur
de Yan-Swieten. Six semaines après sa guérison est survenu
un ulcère dans le fond de la gorge; frictions mercurielles
pendant deux mois. A partir de ce moment il a ressenti des
douleurs dans les os des jambes ; enfln, il y a un an, il a eu
une syphilido générale.
Quatre mois avant son entrée aux Vénériens, un tubercule
surviat sur une aile du nez, s'ulcéra et envahit le lobule, puis
l'autre aile du nez. Il prit inutilement en ville le sirop de
Cuisinier pendant trois mois.
Il fut soumis par M. Cullerier à l'usage de l'iode. On lui a
fait prendre successivement chaque jour un grain d'iode et
huit grains d'hydriodate de potasse. L'amélioralion fut des
plus rapides, car au bout d'un mois l'ulcératiou était ci-
catrisée, et la difformité beaucoup moindre qu'on ne devait
s'y attendre. Cet homme sortit guéri après deux mois de
séjour.
M. Cullerier emploie la tisane de Feltz très-fréquemment
dans la syphilide tuberculeuse, et dans une foule de cas nous
en avons observé les meilleurs effets. En voici un exemple
remarquable.
Au n" 42 de la seconde salle a été reçu, le 4 février der-
nier, un paysan de la Basse-Normandie, chez lequel des tu-
bercules de la face s'oftVaient sous la forme de cette dartre
désignée sous le nom d'eslhiomène. Cet homme, qui a été
long-temps soldat, affirme n'avoir jamais eu d'autre affec-
tion syphilitique qu'une blennorrhagie il y a quinze ans en-
viron. Il entra aux hôpitaux militaires, prit de la liqueur et
du sirop pendant quarante à quarante-cinq jours.
Six à sept ans après, il survint une exostose à la jambe
droite. Il rentra à l'hôpital, y resta trois mois, et fit deux
traitemens par la liqueur et par le sirop.
Il y a deux ans, il s'est développé un tubercule sur la lèvre
supérieure; ce tubercule s'est ulcéré, et, se joignant à plu-
sieurs autres, a rapideniciil détruit les léginnens de la lèvre
ainsi <iue les ailes du nez. A son entrée aux Vénériens, la
face offrait une vaste plaie recouverte d'une croûte é[iaisse
et accompagnée de fort peu d'inllammation. Ou prescrivit
la tisane autimoqiale de Feltz, le régime saos -^el, et des
(463)
pansemens avec la pommade de proto-ioduro de mercure.
Le () féviier, les croûtes de la face étaient tombées, et la
plaie s'annoiiçai!: déjà sous un bien meilleur aspect. L'a-
mélioration a ujarché avec une rapidité remarquable, et cet
homme est sorti le 28 avril, la face complètement nettoyée,
et ne conservant plus qu'un bouton qui n'était pas de nature
syphilitique.
La ti'^ane de Feltz est un médicament très-puissant, et
dont on retire les meilleurs effets, surtout lorsque des symp-
tômes consécutifs de syphilis ont résisté à plusieurs traite-
me'js mercuriels. Nous pourrions ajouter à cet exemple un
très-grand nombre d'autres que nous avons recueillis aux
Vénériens, et qui démontrent de la manière la plus évidente
les précieuses propriétés de cette préparation.
La syphilide tuberculeuse est presque la seule qui néces-
site des pansemens locaux, et nous rappellerons plus tard, en
traitant des ulcères cutanés, tous les topiques de diflërentes
natures que l'on emploie pour leur cicatrisation.
Cette éruption réagissant d'ailleurs quelquefois sur toute
l'économie, les saignées générales et locales, les bains émol-
liens et amilacés, une diète sévère sont nécessaires dans la
période aiguë, et ce n'est que lorsque les symptômes inflam-
matoin.s sont arrêtés, et que l'éruption ne se montre plus
qu'à l'état chronique, qu'on doit recourir à l'un des traite-
mens généraux que l'on vient d'exposer.
ART. 1143.
HOPITAL CLINIQUE DE LA FACULTÉ.
Considérations pratiques sur la méningite ; symptômes, marche et
pronostic,
La méningite est une maladie souvent obscure et qui n'a
pas de symptômes pathognomoniques ; caries membranes
du cerveau ont bien des fonctions, mai-; ces fonctions n'étant
pas sensibles à l'extérieur, on ue peut s'assurer pendant la
vie de leur régularité. C'est donc par les souffrances du cer-
veau lui-même, influencé par l'état pathologique de ses en-
veloppes, qu'on pourra reconnaître l'alfection qui nous oc-
cupe.
Il est possible, suivant M. Rostan, qu'au début de la
méningite, les membranes seules soient atteintes d'inflam-
mation; mais cet isolement est de peu de durée, et bientôt
la substance corticale du cerveau participe à la maladie.
(464)
Quoi qu'il en soit, le premier phénomèoe, le plus fréquent,
puisqu'il se rencontre au moins sur les deux tiers ou même les
trois quarts des sujets, est la céphalalgie; ains-i il s'estprésenté
dernièrement à la clinique un homme qui, depuis trois se-
maines, n'avait pas d'autres symptômes de sa méningite
qu'une violente céphalalgie. Cette douleur de tête est quel-
quefois générale, comme il y en a un exemple en ce mo-
ment dans les salles; d'autres fois elle est partielle, occupe
les tempes, le front; elle peut être fixe et constante, ou se
montrer d'une manière intermittente, Dans certains cas,elle cor-
respond bien au point enflammé, mais cela n'est pas constant.
Le caractère de cette céphalalgie est d'être très-violente.
Les malades se plaignent vivement et poussent des cris
même; le plus léger mouvement de tête, les moindres cau-
ses la font augmenter. Il est vrai qu'on observe aussi de la
douleur de tête dans le typhus; mais dans celte dernière af-
fection elle est beaucoup moins vive ; ce n'est qu'un symp-
tôme concomittant, tandis que dans la méningite c'est le
premier signe qu'accusent les malades.
Quant à la marche de cette douleur, elle varie suivant les
individus ; ainsi un malade, arrivé ici il y a huit jours, et qui
a succombé, éprouvait depuis quinze jours une céphalalgie
atroce, et n'avait pas d'autres symptômes ; ce n'est que le len-
demain de son entrée que le délire est survenu. Un autre
malade entré d'hier ressent depuis quatre jours une très-
grande douleur de tête ; il n'a ni fièvre, ni délire. Quand on
rencontre cette céphalalgie opiniâtre, il faut craindre le dé-
veloppement d'une méningite.
Le globe oculaire peut être fixe ou agité de mouvemens
convulsifs. la pupille peut être dilatée ou rétrécie, soit d'un
côlé, soit de l'autre, soit des deux à la fois. M. Rostan a
donné des soins à un malade qui n'apercevait que la moitié du
corps des individus qui s'approchaient de son lit. Le sens de
la vue peut offrir une foule d'hallucinations. L'altération
qu'on rencontre le plus fréquemment est une sensibilité ex-
trême à la lumière; quelquefois les malades sont complète-
ment aveugles, ce qui arrive surtout dans la dernière période.
L'ouïe peut être également augmentée, diminuée ou per-
vertie.
Quant aux mouvemens, ils peuvent être lésés d'une ma-
nière remarquable. Quelquefois les malades sont excessive-
ment agités, et ne peuvent rester en repos. Dans certains
cas, cette agitation est locale : ainsi on voit des mouvemens
continus des bras, de la tête, de la Dîâchoire. Les soubresauts
des tendons s'observent aussi fréquemment, ainsi que le
( 465 )
tremblement des membres en général ou de quelques parties
isolées, telles que les paupières, la lanj^ue, les lèvres, etc. La
contraction des membies annonce surtout Tiiiflanmiation de
la pulpe cérébrale; mais elle se rencontre aussi quelquefois
dans la méningite. On rencontre aussi la paralysie dans les
divers degrés que nous avons indiqués; mais, dans ces diffé-
rens cas, on peut être certain que la substance cérébrale par-
ticipe à l'inflammation.
Les cas dans lesquels l'intelligence n'est pas troublée sont
excessivement rares. Le délire est si fréquent, qu'il se rencon-
tre au moins soixante-dix fois sur soixante-douze, et l'on
s'en rend facilement raison, si l'on soogf que la substance
corticale, siège de l'intelligence, est celle qui est enflammée.
Le délire peut être bruyant, furieux, et même c'est en géné-
ral son caractère; il peut être général ou ne se montrer que
sur un seul point; quelquefois les réjionses sont justes, mais
elles sont brusques, brèves, ou au contraire très-lentes. Or-
dinairement, le délire ne se rencontre pas dès le début, ce
n'est guère que vers le milieu de la maladie qu'il se manifeste.
Tels sont les phénomènes qui sont fournis par l'organe
malade; il en est d'autrts qui ne sont qu'indirects, et, par
conséquent, doivent se montrer moins constamment.
L'état de la langue n'est pas ordinairement changé; mais
dans la première période il y a souvent des vomissemens ac-
compagnés ou non de douleurs épigastriques. Il faut bien se
donner de garde, dans ce cas, de confondre le début d'une
méningite avec la gastrite.
M. Guersent pense que cette dernière maladie complique
souvent la méningite. Cela peut être pour les enfans, mais on
l'observe rarement chez les adultes.
Le pouls est ordinairement assez fréquent dès le début;
mais il l'est infiniment moins que dans la fièvre typhoïde,
qui est l'affection qu'on pourrait confondre le plus facilement
avec l'inflammation des méninges. On a remarqué souvent
que dans la seconde période il se ralentissait et devenait irré-
gulier, et qu'enfin dans la troisième il prenait une très-
grande fréquence.
La respiration est le plus ordinairement naturelle; cepen-
dant quelquefois elle est anxieuse et sanglotante. Dans cer-
tains cas, la chaleur animale est très-élevée; dans d'autres,
les sujets sont froids et décolorés.
La période d'invasion, ou plutôt d' excitation, s'annonce
ordinairement par des frissons, puis de la céphalalgie. Les
yeux sont brilians, sensibles à la lumière; le bruit est fati-
gant et même douloureux ; il y a de la loquacité, une certaine
agitation et un désir continuel de changer de place; de plus,
ToM. VI. — N" d'octobre. 3o
(466)
de la fièvre, de la chaleur et de la soif. Voilà les symptômes
qui caractérisent ordinairement la période d'excitation, qui
peut durer depuis quelques heures jusqu'à deux à trois jours.
Le médecin peut alors remarquer une expression parlicu-
iière dans le regard ou des mouvemens convulsifs des lèvres
ou des paupières, des paroles incohérentes, de la lenteur
dans les réponses, ou uncertain accent qui peut faire pronosti-
quer le délire, bienque le maladedise deschoses raisonnables.
VJais la méningite ne tarde pas à devenir phis évidente,
car bientôt le malade entre dans la période de perversion. Le
délire est véritable ; il y a de l'agitation et tous les symptô-
mes de l'excitation. Rarement cette période dure plus d'un
jour ou deux. Le malade arrive promptement à la période
de coma ou d'oppression. Il ferme les yeux, est assoupi ; quel-
quefoi.slavuee^tafFaiblie; ily asurdité, somnolence, lenteur
dans les réponses; lepouis, qui était petit et irrégulier dans
la seconde période, devient très-fréquent dans la troisième;
la chaleur diminue, le corps se couvre d'une sueur froide.
La durée de la méningite est très- variable. Elle peut être
de deux à trois jours, et l'on en a vu se prolonger jusqu'à
trois semaines.
Cette maladie est excessivement grave, et la mort en est
la suite ordinaire, à moins que les secours de la médecine
n'aient été apportés dès le début.' Quand le médecin n'est
appelé qu'à la deuxième période, l'issue est ordinairement
funeste. Quant à la troisième, on compte à peine quelques
exemples de guérison; cependant la méningite est uâoins
grave chez les adultes que chez les eafaas.
AfiT. Il 44*
Accouchement d' nn enfant à terme ayant deux têtes, quatre bras,
deux poitrines, un seul abdomen et trois e.vtrcnitès inférieures.
Nous appelons toute Pattention de nos lecteurs sur la let-
tre suivante, que nous recevons à l'instant de M. Cazes, chi-
rurgien des mines de Montrelais. Le foetus dont lu description
s'y trouve relatée est presque semblable au monstre que
nous avons observé ily a quelques années à Paris, et au(|uel
on avait donné le nom de ilita-Christina; mais l'observation
que l'on va lire est beaucoup plus curieuse pour les prati-
ciens, en ce que M. Cazes nous donne le procédé 0[>ératoire
suivi pour extraire cet enfant extraordinaire, ce qui n'avait
pu être obtenu pour lîita-Christina ; en sorte que ce der-
nier n'avait servi qu'à la science physiolot;^ique, tandis que
celui dont l'histoire hdus est communiquée résout une im-
portante question d'accouchement.
( 46; )
« J'ai l'honneur de vous communiquer un fait qui peut-être
n'est pjs iiuliync de figiirci- dans nos annale!? chirurgicales :
» Le 1 3 septembre dernier, sur les onze heines du matin, je
lu? appelé an bonr; delà Chapelle-Saint-Sauv(;ur, arrondis-
sement d'Ancenis, département de la Loire Inférieure, au-
près de iMarie Avrillaie, femme de René Renard, ouvrier
mineur, laquelle, depuis le commencement de la journée,
ressentait les douleurs de renl'anteinent.
aSépaié de l'endroit qu'habile celte feuime par une distance
d'une lieue et demie, je n'arrivai chez elle qu'à midi.
» Jela trouvai sur une mauvaise paillasse étendue au milieu
de la chambre; une tête d'enfant était déjà sortie, et quel-
ques v/)isines, qui avaient essayé de remplir auprès d'elle
les fonctions de sage-femme, m'assurèient que depuis quatre
heures au moins les choses étaient dans cet éiat,
» Après avoir placé la malade dans une position plus com-
mode, je me mis en devoir de procéder à sa délivrance. Je
dégageai d'abord deux bras sans trop de dilliculté; et cette
circonstance, jointe à la manière dont se présentait l'enfant,
me fit croire que j'avais à terminer un aci.ouchement tout
naturel. Dans cette persuasion, je voulus extraire le reste
du fœtus; mais un obstacle, que je ne pus déterminer, ré-
sista à tous mes efforts. Pour le reconnaître, j'introduisis
l'index et le médius de la main droite dans la partie posté-
rieure du vagin, et je parvins à dégager un troisième bras,
qui me parut être droit et appartenir au corps qui soutenait
les deux premiers.
» Ayant tenté de nouveau, sans succès, l'extraction des par-
ties restantes, je pénétrai dans le bassin, et j'atteignis, non
sans peine, la région lombaire de l'enfant, sur laquelle je
rencontrai une masse charnue et osseuse. En cherchant à la
saisir, je m'assurai que c'était une extrémité inférieure; et
quand je fus arrivé au jarret, je l'arrachai et l'attirai au de-
hors.
» Ce ne fut qu'après bien des tentatives, accompagnées de
fréquentes fomentations onctueuses, que je réussis à extraire
une deuxième, puis une troisième extrémité inférieure ;
mais la set^-onde tête et le quatrième bras de cette extraordi-
naire créature suivirent presque sans efforts les parties déjà
dégagées.
» Le résultat de cette opération, qui s'est prolongée pen-
dant une heure et demie, est un enfant mort, venu au terme
de neuf mois, pesant neuf livres et demie, et ayant dix-
huit pouces de longueur sur une largeur de huit.
«Ilporte sur un même corps, qui se sépare au-dessusde la
région épigastrique, deux tètes de grosseur ordinaire, aiix-
(468)
quelles il ne manque rien, et dont tous les traits sont de la
plus parfaite régularité.
«Quatre bras sont naturellement attachés à ses quatre épau-
les, qui n'ont rien de difforme.
» Ses deux poitrines sont bien distinctes, et ressemblent à
celles des autres enfans venus à terme comme lui.
» 11 n'a qu'un seul ventre, qu'un seul cordon ombilical,
qu'un seul anus.
» Il estcependant pourvu de deux parties sexuelles du genre
féminin bien marquées, et très-rapprochées l'une de l'autre.
» Deux extrémités inférieures, parfaitement conformées,
étaient destinées à soutenir ce groupe, qui porte à sa ré-
gion lombaire une troisième extrémité inférieure, attachée
de manière à former une troisième fesse. Ce membre est ter-
mine' par un double pied qui est garni de neuf doigts.
» Vu de face, ce phénomène offre l'aspect de deux enfans
couchés l'un sur l'autre ; mais, quand on le considère posté-
rieurement avec un peu d'attention, il est facile de recon-
naître que la partie gauche de ce double enfant croise et en-
trelace sa partie droite, et que l'extrémité inférieure attachée
à la région lombaire est formée par la réunion des deux ex-
trémités inférieures, qui appartiennent à la première de ces
parties.
n Malgré les difficultés que présentait un accouchement de
cette nature, j'ai été assez heureux pour le terminer sans
accident.
» Le lendemain soir, vingt sangsues ont été appliquées, par
mes conseils, au périnée et à la vulve de la femme Renard,
qui est aujourd'hui à son douzième jour, sans avoir éprouvé
le moindre symptôme alarmant.
» L'enfant n'a reçu ni mutilation ni déchirure; et si j'avais
été près de la malade lorsque la première tête s'est présentée
au passage, j'aurais peut-être eu la satisiaction de le remettre
vivant à sa mère, qui a bien voulu m'en abandonner les pré-
cieux restes. »
ART. 1145.
MÉDECINE LÉGALE.
Questions relatives au viol. — La tUporolion a-t-elle eu lien? — Quelles
sait les causes qui peuvent opcrer la déporalion ? — Moyeixs de ilislini^ucr
si la dcf}o>atlo7i est récente ou ancienne P — Quelles sont les traces de vio-
lences que l'on peut Irouicr sui- les parties génitales, sur les diverses par-
ties du corps ou sur les ii'tcmcns, dans les cas tic viol ? — Ces traces de
violence sont-elles le résultat possible d'un viol, ou doivent-elles être at-
tribuées ù toute autre cause P
M.
Mes deux lettres précédentes ont eu pour but de vous donne
(4(^9)
d'abord une idée d'une expertise eu matière de viol, et ensuite de
vous rappeler certaines dispositions anatomiques que la pratique
de la médecine fait peu à peu perdre de vue. Je vais actuellement
vous présenter le tableau des diverses questions qui pourraient
vous être adressées par les magistrats, et vous fournir les moyens
de les résoudre, en tant, toutefois, que les données médicales peu-
vent le permettre. Voici ces questions : i" La décoration a-t-ellc
eu lieu? Vous sentez toute l'importance de cette demande. Une
réponse affirmative peut devenir une des preuves les plus cer-
taines du viol, et la négative n'exclut pas la possibilité d'une tenta-
tive de ce crime. 1° Dans le cas oii la défloration aurait eu lieu, est-elle
récente ou ancienne? La défloration, comme indice de viol, est de
nulle valeur si elle est ancienne, et par conséquent le magistrat
doit engager le médecin à s'expliquer sur ce fait. 3° A quel genre
de cause la défloration doit-elle être rapportée? Question délicate,
mais qui sera toujours posée par un magistrat éclairé, ou qui doit
être soulevée par un médecin qui n'ignore pas qu'il existe des cau-
ses nombreuses en dehors de l'acte de la copulation qui puissent
amener ce résultat. ^° Existe-t-il sur les parties génitales, sur les diverses
parties du corps, ou sur les l'étemens, des traces de violence que l'on
puisse rattacher au crime de viol ou à la tentative de ce crime ? Les preu-
ves matérielles du viol ne se déduisent pas seulement du désordre
des parties génitales. L'auteur de ce crime est souvent obligé de
lutter contre la résistance de sa victime, et il reste fréquemment des
traces matérielles de cette lutte préliminaire. 5° Existe-t-ildes traces
d'une infection vénérienne ? Il arrive parfois que la personne accusée
de viol porte une blennorrhagie, des chancres ou d'autres symptô-
mes syphilitiques. On a un grand intérêt à savoir si la personne
violée n'offre pas la même affection; circonstance qui vient à l'ap-
pui de l'accusation dans le cas de l'affirmative.
Telles sont les questions principales que je vais vous faire passer
successivement en revue dans cette lettre et dans les suivantes.
i'^. La défloration a-t-elle eu lieu ? Ce que l'on entend par le mot
virginité doit être pris par le médecin dans une acception toute
matérielle. Le caractère physique essentiel de la virginité, c'est
l'existence de la membrane hymen. Un médecin est autorisé à dire
qu'une fille «'a pas été déflorée, lorsque la membrane hymen existe
encore. Suivant moi, l'acte du viol n'est consomme qu'autant que
la femme a été déflorée; et entre la tentative du viol et son accom-
plissement, il y a des nuances infinies qui se rapportent toutes à la
tentative. Peu nous importe que la tentative soit punie comme le
crime même, c'est le fait matériel que nous devons établir. Mais,
dira-t-on, la défloration est chose llUisoire, puisqu'il est prouvé :
I" que les parties génitales de certaines femmes ont pu permettre
l'introduction d'un membre viril sans que la défloration ait eu lieu ;
a" que la membrane hymen peut manquer, ou ne consister que
dans des filamens membraneux qui réunissent les caroncules myr-
tiformes; 3* que des femmes sont devenues mèiesen conservant
leur membrane hymen.
Et d'abord, sur quel fait s'appuie-t-on pour démontrer la pre-
mière proposition? Sur cette o[)inion de Séverin-Plneau, qui admet
le relâchement de celte membrane pendant l'époque dts règles, re
( 470 )
lâchement porté assez loin pour permettre l'introduction du membre
viril, et à ce sujet il cite les deux exemples suivaas : « Deux hom-
mes/W/c/e?^a: ayant épouse deux iilles de pudicité notable dans la cir-
constance où l'hymen permet à une fille le plaisir sans dcflorallou,
furent sur le point de quittei leurs femmes; mais les choses ayant
changé de face, ils eurent grand travail à rentrer dans une carrière
qu'ils avaient parcourue d'abord avec tant de facilité, et ils reconnu-
rent l'injustice de leurs soupçons. » Sont-ce là des observations qui
puissent faire foi dans les sciences?
Relativement à la seconde objection, il est alors impossible de
déclarer, d'après l'inspection seule de l'hymen, si la défloration a ou
n a pas eu lieu. Mais remarquons que ces cas sont excessivement
rares, car tous les anatomistes de nos jours, si nous en exceptons
M. Capurou, qui ne l'a pas trouvé chez un enfant nouveau-ué,
n'ont jamais vu manquer l'hymen. Heister et Graaf pensent que
1 hymen disparaît peu à peu, et au fur et à mesure que les filles
grandissent. Ce fait a encore été remarqué jjar eux seuls.
Quanta la troisième objection : Mais de ce que la membrane hy-
men existe, cela ne prouve pas que des tentatives de viol n'aient pas
eu lieu, mais seulement que l'acte de la copulation n'a pas été com-
plètement accompli. Dira-t-on que c'est une singulière virginité que
celle d'une fille qui, à l'instar de celle citée [lar Gavard, gagne à
treize ans la maladie vénérienne dans un lieu public, tout en conser-
vant la trace de sa virginité! Et pourquoi ne serait-elle pas aussi
vierge qu'une enfant de quatre ans, que j'ai visitée en août i834, et
à laquelle un jeune homme de vingt-deux ans avait donné une
blennorrhagie très-intense, en frottant sa verge contre ses parties gé-
nitales; la membrane hymen avait été conservée intacte. M'objec-
tera-t-on encore des cas cités par Ruisch et Baudelocque, que je vous
rapportais dans ma dernière lettre? Et pourquoi ces femmes ne se-
raient-elles pas vierges, en ce sens que le caractère de la virginité n'a
pas été détruit, et que l'introduction du membre viril n'a pas eu lieu
dans le vagin? Et aussi ceux rapportés par Mauriceau, Macker, Wal-
ter, Capur(in et autres? Telles sont, suivant nous, les règles qui doi-
vent guider le médecin légiste. Il ne faut pas voir en médecine lé-
gale la virginité morale, mais bien la virginité matérielle. Laissons
aux magistrats et aux jurés le soin de constater l'atteinte morale à
la pudeur, et contentons-nous de les éclairer sur les <lésordres ma-
tériels qui peuvent avoir été l'effet des tentativi s commises.
En résumé, tout ce qui se rattache à la défloration peut se ré-
duire à ceci : i" si la merui)rane hymen existe, la défloration n'a pas
en lieu; 5' si elle n'existe pas, la défloration a, dans les iieirfcent
qualre-vingt-dix-n-uf cerrtièmes des cas, été opérée; 3" rexistence
de la membrane hymen ne [irouve pas que des tentatives de viol
n'aient pas été exercées.
a" Quelles sont les causes qui peuvent opérer la défloration ?
Ces causes sont de deirx ordres r^^ les agens mécairiques ; B les
maladies.
Tout corps étranger introduit dans le vagin, et dont le volume
excède assez notablement le diamètre possible de l'ouverture de ce
canal, pourra opérer la rupture de la membrane hymen et sa trans
formation en caroncules myrtiforines, si ce corps est introduit brus
(470
quement et avecyôrce. Tout corps étranger, fùt-il d'un diamètre en
rapport avec celui du vagin, ; ourra distendre la membrane hymen,
l'alonger, diminuer sa hauteur, augmenter son étendue, et tendre à
la faire disparaître de manière à ce qu'elle ne consiste plus qu'en
une sorte de ruban placé à l'entrée du vagiu, et alors les caroncules
myrtiformes n'existeront pas, ou seront trè>-peii prononcées. C'est
la le fait ordinaire de lan^asturbation, de l'intruduction graduée et
répétée d'étuis ou de cylindres de plus en plus gros dans le va-
gin, dans le but de se procurer de cette manièie des jouissances que
les mœurs réprouvent : l'onanisme en offre tous les jours des exem-
ples. Un saut, l'élargissement ^ubit des cuisses, l'introduction dun
pessaire ou d'un moyen explorateur, cumme un spéculum uteri, des
verres, des pots de pommade, des éiuis, des courses a cheval, alors
qu'on mente en cavalier, sont autant de causes physiques qui peu-
vent détruire la marque la plus certaine de la virginité.
Plusieurs affections morbides peuvent opérer le même résultat,
alors qu'elles entraînent à letT suitf- des ulcérations; telle serait
une affection vénérienne, une maladie scrophuleuse, une sécrétion
d humeur acre qui irrite les parties génitales, les enflamme et les
altère.
Enfin, quelques auteurs admettent, Fodéré et Belloc, par
exemple, que les efforts de la menstruation peuvent opérer la rup-
ture de la membrane hymen; que cette membrane peut être déchi-
rée par un caillot de sang plus gros que l'ouverture qu'elle présente.
Ces faits ne sont applicables qu'^ une membrane imperforee.
La conséquence des faits énoncés dans ce paragraphe est que,
SI la membrane hymen est détruite, il faut rechercher à quelle cause
elle doit d'avoir disparu.
Moyens de distinguer si ta défloration est récente ou ancienne.
Quand la défloration est récente, et qu'elle dépend d'une cause
physique, elle offre tous les caractères d'une solution de continuité
des parties molles (plaie); elle est déchirée en plusieuvs lambeaux;
les bords de la déchirure sont inégaux, saignans, frangés, plus rou-
ges que le reste de la membrane; ils peuvent fournir une légère sup-
puration, mais, le plus souvent, ils n'en donnent pas; ils sont dou-
loureux au toucher; en un mot, c'est l'aspect dune plaie recense
sur une membrane de peu d'étendue, plaie qui intéresse toute l'é-
pai-seur de cette membrane. Aussi y a-t-il effusion de sang, et cette
effusion de sang a-t-elle toujours été regardée comme un caractère
assez probant, surtout lorsqu'il donne lieu aux deux genres de taches
que nous décrirons plus loin. Nul doute qu'il ne doive se montrer
dans la défloration d'une vierge, et par conséquent lorsque l'hymen
est encore intact. Mai», dans des circonstances fort rares, il est vrai,
il peut aussi avoir lieu lorsqu'une femme a été déflorée. C'est le cas
où les parties génitales très-etroites reçoivent un membre viril très-
fort; néanmoins les cas contraires sont beaucoup plus c-mmuns.
Quand la défloration e.st ancienne, on ne peut pas lui assigner
une époque, et, en matière de viol, une défloration est ancienne au
bout de huit à dix jours.
La défloration qui dépend d'une affection morbide ne peut être
bien constatée qu'alors même que cette affection, qui amène les ul-
cérations, existe encore, et c'est en constatant les caractères de ces
( 472 )
ulcérations placées sur'jla membrane elle-même, que l'on peut par-
venir à appi'écier la source de sa destruction. Une fois les ulcérations
guéries, il ne reste plus que des cicairices qui n'apportent jamais
une conviction complète dans l'esprit de l'expert, quoique quel-
quefois elles puissent laisser des traces de leur existence.
Vous n'attacherez aucune valeur au changement qui survient,
dit-on, dans la voix, et qui est évidemment un des phénomènes de
la puberté, phénomène qui ne peut pas se montrer du jour au len-
demain; non plus qu'à celui du cou, auxquels les matrones romaines
accordaient tant de coufîance chez les jeunes mariées
Enfin, quelques auteurs ont prétendu qu'il existait des hommes
dont l'odorat était tellement lin qu'ils savaient distinguer l'appro-
che d'une fille vierge, de celle d'une CUe déflorée. Democrite était,
dit-on, un de ces hommes qui, à l'apparence, portaient un juge-
ment certain. Le cas de cet aveugle qui s'aperçut que sa fille venait
de céder à son amant, est très-facile a concevoir, à cause de l'o-
deur spermatique qu'elle répandait probablement. Quant à ce
moine de Prdgue dont l'odorat était encore plus fin que celui de
l'aveugle, puisqu'il reconnaissait le même fait, ancien ou récent,
nous prenons ces rapports comme probablement ils nous ont été
transmis. Mais ces phénomènes persistent pendant un laps de temps
fort court, et déjà, après trois ou quatre jours, ils ont en grande
partie disparu. Les lèvres de la plaie se sont cicatrisées plus ou
moins parfaitement, et l'on ne trouve que les débris de la membrane.
Alors, il n'est plus possible de dire si la défloration a été récente
ou ancienne.
Nous ne poserons pas, à l'instar de M. Orfila et de plu-
sieurs autres auteurs, la question de savoir s'il y a des moyens de
distinguer la défloration qui dépend de l'introduction d'un mem-
bre viril , d'avec celle qui dépend de l'introduction d'un
corps étranger d'une autre nature; non plus que cette autre
question : La défloration a-t-elle été consentie ou forcée? Les dé-
tails dans lesquels nous venons d'entrer feront assez sentir qu'il est
impossible de résoudre la première question, et quant à la seconde,
elle est du ressort des magistrats et non du médecin. Un seul fait
médical peut l'éclairer : ce sont les traces de violences que nous dé-
crirons plus bas; mais ces violences pouvant avoir été commises
dans des buts bien différens, il appartient seulement au magistrat
d'apprécier les intentions de leurs auteurs.
Quelles sont les traces de violence que l'on peut trouver sur les parties
génitales, sur les diverses parties du corps, ou sur les 'véteinens,dans les
cas de viol ou de tentatives de viol P
I" Aux parties génitales. Lorsque des tentatives de viol ont été
faites sur une femme qui a eu des enfans, ou qui a eu des rapports
avec des hommes, on ne constate presque jamais de traces de vio-
lence, parce que, comme les parties génitales sont naturellement
assez larges pour permettre l'introduction du membre viril, de deux
choses l'une : ou la femme a conservé toute sa connaissance, et
alors elle s'oppose à l'accomplissement de l'acte vénérien; ou, au
contraire, elle est, par des circonstances diverses, dan» l'impossibi-
lité d'o[)poser de la résistance, et alors l'acte vénérien s'exécu((î
sans violence. Toutefois, je ne présenterai pas ces données d'une ma-
(473)
nièretobt-à-fait absolue, mais comme l'expression des cas les plus
généraux.
Il n'en est pas de même chez une vierge ou chez une enfant : chez
une vierge, parce que les parties génitales sont naturellement et or-
dinairement étroites, que la membrane hymen existe, et que l'auteur
(lu crime ne j)eut saisir qu'un moment dont il profite pour satis-
faire sa brutalité; chez une enfant, parce qu'alors la disproportion
est tellement grande qu'il est impossible que l'introduction du
membre viril n'amène pas des désordres plus ou moins notables.
Ces désordres consistent dans des contusions, froissement du pé-
nil, des grandes lèvres, des excoriations, déchirures delà membrane
muqueuse des parties génitales externes, avec ecchymoses 'sous-
muqueuses, injections vasculaires au voisinage des excoriations, dé-
chirure de la membrane hymen, quelquefois déchirure de la four-
chette, et enfin excoriation de la membrane muqueuse qui tapisse
le vagin.
Mais, dira-t-on,tous ces désordres ne pourraient-ils pas être aussi
bien produits par un corps étranger que par un membre viril? Nul
doute à cet égard, et il y a plus, un corps étranger plus dur produi-
rait tous ces effets avec beaucoup plus de facilité. On sait que plus
d'une jeune fille a été obligée d'appeler un chirurgien à son secours
pour extraire des corps étrangers qu'elle s'était introduits dans
le vagin. Nous tirerons plus tard des conséquences de ces faits.
Sur les diverses parties du corps, et principalement aux aines, aux
cuisses, aux poignets, aux seins, on peut trouver des traces de pres-
sions brusques et fortes, se dessinant par des taches noires évidem-
ment dues à la peau ecchymosée.
Eafin, les linges, et principalement la chemise, peuvent présenter
deux ordres détaches sur lesquelles nous allons appeler l'attention,
parce qu'elles peuvent établir les preuves les plus fortes du viol.
Ces taches sont de deux espèces, et occupent sur la chemise deux
positions différentes. Les unes sont situées sur le devant de la che-
mise, les autres sur le derrière; au moins c'est la disposition la plus
commune. Les taches placées sur le devant de la chemise offrent
tous les caractères du sperme; elles sont d'un blanc grisâtre, cir-
conscrites, arrondies, et terminées par une ligne d'une coloration
plus foncée; le tissu est empesé. Si la tentative de viol est récente,
ces taches peuvent, alors même qu'elles sont sèches, répandre l'o-
deur spermatique. Soumises à l'auaiyse, elles fournisseut tous les
caractères du sperme.
Les taches placées sur le derrière de la chemise paraissent être
pour la plupart formées par du sang, mais elles se présentent ordi-
nairement sous deux aspects differens. Les unes sont d'un rouge
brunâtre, plus petites, riches en matière colorante, et d'une colo-
ration égale dans toute leur surface. Les autres sont d'un rouge
beaucoup plus clair, ou mieux d'un jaune rougeâtre; elles ont plus
d'étendue, sont plus claires à leur centre, et limitées à leur circonfé-
rence par un cercle de matière colorante rouge, d'une couleur,
par conséquent, plus foncée que le reste de la tache. Les premières
sont formées [)ar le sang pur qui a été répandu au moment du coït,
les secondes par une sérosité sanguinolente, un suintement séro-
sangiiinolcnt de moins en moins coloré, et tout-à-fait analogue à ce-
lui que l'on observe dans les plaies par instrument tranchant, alors
(474)
qu'elles cessent de donner du sang. Cette situation respective des ta-
ches n'est pas tellement constante qu'il ne puisse exister quelques ta-
ches de sang ou de sérositésanguinolente sur le devant de la chemise,
et quelques lâches de sperme en arrière; mais nous la regardons ce-
pendant comme la plus commune.
Ces traces do violence sont-elles le résultat possible d'un viol, ou peuvent-
elles être attribuées à toute autre cause ?
La réponse est affirmative dans les deux cas; car, puisque nous
avons dit que les corps étrangers autres que le memhre viril pou-
vaient produire plus facilement les mêmes désordres, il ne peut pas
y avoir doute à ce sujet. Ces causes différentes peuvent opérer les
mêmes effets. Cependant, examinons dans quelles circonstances on
pourrait simuler ce crime? Alors qu'une mère aurait intérêt à tirer
parti du déshonneur de sa fîlle ou de son jeune enfant. Mais, dans
ce cas, quelle serait la femme assez avide pour mutiler son enfant à
ce point? Dira-ton qu'une fille adonnée à la masturbation pour-
rait présenter des traces de violence analogues, si elle s'était servie
d'un corps dur pour se livrer à cet acte, corps étranger qu'elle au-
rait introduit avec trop de violence dans un moment d'égarement?
Je suis loin de nier la possibilité de ce fait; les fastes de l'art
contiennent trop de cas d'opérations faites dans le but d'extraire
du vagin des corps étrangers dont l'introduction n'avait pas eu
une autre origine. Mais alors une habitude portée à ce point
n'at-elle pas du retentissement clans les familles, et l'attention
du médecin ne pourra-t-elle pas être éveillée sur de semblables
manœuvres? Et ensuite, combien peu de filles consentiraient à
se produire un déchirement aussi douloureux, et à perdre par ce
fait seul le cachet de leur virginité, pour être à même de porter une
accusation de ce genre! Quelques auteurs ont rapporté des cas de
viol simulé. Fodéré, entre autres, cite le suivant : « Plusieurs indi-
vidus sont accusés par une femme d'avoir violé, dans une auberge,
sa petite fille, âgée de neuf ans et demi. On trouve les parties sexuel-
les parfaitement intactes; le petit doigt ne pouvait entrer dans le
vagin ; toutefois, il y avait au |)ubis et à la partie supérieure de la
vulve un cercle rouge de la largeur d'un écu de six francs, qui pa-
raissait avoir été fait récemment, et dont l'intensité et l'étendue di-
minuaient insensiblement. Il était hors de doute que l'aïeule avait
meurtri cet enfant dans l'espoir d'avoir des dommages et iniéréts.
Elle fut emprisonnée et chassée de la ville. » {Med. lég., tome IV, )
« Pour les filles artificieuse'*, a dit Voltaire, qui se plaindraient d'a-
voir été violées, il faudrait leur conter comment une reine éluda
autrefois l'accusation d'une plaignante. Elle prit un fourreau, et le
tenant sans cesse en mouvement, elle lit voir a la dame qui tenait
une épée qu'il lui était impossible de la replacei'daus son enveloppe.»
En résumé, s'il est facile de constater des altérations, des violen-
ces, il n'est presque jamais possible d'en assigner la cause, alors
que pour élément de conviction on n'a pas d'autres docuniens que
les résultats matériels de l'action; .mais ces résultais maté-
riels acquièrent alors une grande valeur aux yeux des magistrats et
des jurés, quandoii y joint tous les autres docuniens de l'instruction.
D'où il résulte que le médecin devra faire sentir que ces effets peu-
vent être le résultat de plusieurs causes différentes. A. D.
(475)
VARIÉTÉS.
Ecole prcparaf aire de médecine. C'est avec plaisir que nous annonçons
à nos lecteurs rétablissement d'une éeole dont plusieurs d'entre eux
ont sans doute reconnu la nécessité. Quelques hommes, honorable-
ment connus à Paris, se proposent de l'acililer les études médicales
des jeunes élèves, en réunissant dans un établissement où ilt* seraient
reçus, tout ce qui peut contribuera les initier à l;i science du médecin.
Ils ont l'ait choix à cet effet du Lycée national, rue de Monceau, n. 9,
dirigé par M. de Séprés, et dans lequel les jeunes élèves admis rece-
vront les premiers principes d'anatomie, de chirurgie, de méde-
cine, etc.
Fjf-s avantasfps de cette nouvelle institiilioi) sont faciles à sentir. Les
élèves, en effet, y seront renfermés, et pourront par conséquent sei.li-
vrer avec plus d'ardeur au travail sans être distraits par le bruit et les
plaisirs de la ville. Ils auront des maîtres qui surveilleront continuelle-
ment tous leurs travaux, qui les interrogeront sans cesse et leur appren-
dront l'art si difficile d'adopter dans toutes leurs études un plan et une
méthode qu'on ne rencontre souvent qu'après plusieurs années c'c re-
cherches infructueuses.
Nous n'entrerons pas dans tous les détails contenus dans un pro-
spectus qui nous est soumis, et qui dévoile au public le plan des funda-
teurs. Nous reviendrons sur ce projet important, nous bornant aujour-
d'hui a faire des vœux sincères pour sa réussite, car son heureuse exé-
cution serait utile surtout à ceux de nos confrères qui, voulant faire
embrasser à leurs enfans la carrière qu'ils ont parcourue, ne savent à
qui les adresser à Paris pour les diriger dans leurs études médicales,
— Hévision du codex. Le ministre de l'instruction publique vient de
nommer, pour la révision du codex, une commission composée des
membres suivans : MAI. OrGla, président; Andral fils, Duméril, Ri-
chard, professeurs de l'Ecole de Médecine; Bussy, Caventou, Robi-
quet, Pelletier, Soubeiran, [/rofesseurs de l'Ecole de pharmacie, et
M. H. Royer-Collard, chef de la troisième division au ministère de
l'instruction publique.
RÉCLAMATIONS.
MM. les docteurs Mareschal, Palois, Sallion, Leborgne, Thibcaud et
Guénier, composant le bureau du congrès médical réuni à Nantes, et
dont nous avonsrendu compte dans notre dernier numéro, nous adres-
sent la réclamation suivante :
Dans l'article Variétés, g*" cahier, septembre iR35, de votre journal, nous
avons lu un compte-rendu des procès-veibaux imprimés d'.i congrès me'dlcal tenu
à Nantes le i*''' juillet et jours suivans. qui donne de l'opinion qui est généra-
lement ressortie des discussions une idée trés-fausse, et que nous devons rectifier,
dans l'intérêt de la justice et de la vérité.
Vous dites d'abord que « les médecins de Nantes paraissent fort réservés sur
» la quantité de mercure à introduire dans l'économie, et que beaucoup d'entre
I eux ont déclaré qu'ils en avaient considérablement restreint 1 usage et diuiinué
1 les doses, ce qui porte à croire que plus tard ils adopteront les principes de la
» nouvelle école. »
Or, un seul médecin, du reste très-formellement partisan du mercure dans tous
Ips cas de syphilis, et qui a combattu, dans la discussion, plusieurs assertions des
médecins de la r.ouvelle école, a exprimé que son expérience l'avait, chaque an-
née, conduit à réduire de beaucoup les doses de mercure qu'il administrait autre-
fois (|;aj;p 47) : et, dans le cours des débats, un seul encore a fait allusion à celte
pratique (page gi). il ne s'agit donc pas, comme vous le dites, de la déclaration
tfe beaucoup de médecins de Nantes,
D'ailleurs, vous l'avez dit vous-même -. « A l'exceplion de M. Devergie aîné cl
» de deux ou trois membres de l'assemblée, il y a eu wianimilé d'opinion contre
» les principes de la nouvelle e'cole, tous ayant soutenu, avec rexisti^u'e d'un
« virus, l'indispensable ne'cessilé d'administrer le mercure, qui a ica/la puissance
» de l'annihiler; el, par conséquent, le danger, dans la ihérapeulique ,des moyena
« autres que ceux dont l'utilité est consacrée par V expérience des siècles. > Ce
qui est, assurément, bien loin d'une tendance à l'adoption des principes de \a.
nouvelle école.
Mais il y a plus : si, dans la discussion, d'importantes concessions ont été
faites, elles sont toutes venues du côté de l'honorable défenseur de ce que, prématu-
rément sans doute, vous appelez la réforme.
Veuillez, en effet, vous donner la peine de jeter un coup-d'oeil sur la page ii
des Recherches historiques et rnèdicales, sur l'origine, la nature et le traitement
de la sjrphilis, présentées, en octobre iS34, à l'Académie de médecine , par
M. Devergie aîné; vous y lirez cette déclaration : i N'est-on pjs en droit de
» conclure, avec évidence , que la syphilis recoRnaît pour causes principales Ze
• libertinag', la débauche, la malpropreté et l'abus des plaisirs de l'amour ? t
Voilà qui est précis. Mais, page 3o de nos procès-verbaux, M. Duvergie se défend
d attribuer exclusivement à ces causes les accidens qui constituent la syphilis;
et, cette, fois, il admet, concurremment, un agent de contagion j et, plus loin,
page Sg, il avoue que la production de cette maladie par les excès du coit n'a pas
lieu dans tous les cas.
Si de l'origine de la syphilis nous passons à sa nature, nous voyons que l'école
nouvelle, qui d'abord ne voulait y voir que V irritation, admet actuellement une
contagion : ce qui est bien prés du virus, contre lequel on s'est tant récrié.
Quant au traitement, qu'on lise l'article que M. Devergie lui a consacré dans
ses Recherches, et l'on verra partout le mercure proscrii et presque abandonné,
tellement qu'on y rapporte 40,000 cas de guérisons de symptômes primitifs el se-
condaires opérées sans lui.
Dans nos procès-verbaux il n'en est plus ainsi. Dès l'ouverture de la discussion
Cp^S^ 9)' M. Devergie saisit l'occasion solennelle qui se présente, pour protester
contre une assertion mise en avant, à l'occasion de la publication de sa Clinique des
maladies syphilitiques, par M. Gaffe, qui avait prétendu qu'il avait renoncé à
1 emploi des mercuriaux dans le traitement de ces maladies.
Dans les 40,000 cas de {;uérisons obtenues sans mercure, on mentionnait égale-
ment dans les Recherches les accidens secondaires : maintenant, page ap des procès-
verbaux, M. Deverffie dit que l'emploi de ce médicament est rationnel dans ces
accidens .■ et si, en même temps, il affirme qu'il ne faut jamais s'en servir pour
les accidens locaux et primitifs, il n'en est pas moins entraîné, page 1 3o, à dé-
clarcr qu'il ne le rejette pas, employé à dtises modérées et manié par des mains
habiles, et qu'il peut être opposé aux accidens pnmi((/s et secondaires, tant que
l'état de la constitution le permettra.
C est sans doute pour excuser cette concession qu'il ajoute que, • d après tout
• ce qu'il a entendu dans la discussion, il faut bien qu'il admette qu'à Nantes le
» mercure est mieux supporté qu'à Paris, ou administré avec plus de prudence, i
L hérédité de la syphilis, la longue incubation du virus et son éruption sou-
daine, avaient été niées par l'école physiologique, et M. Devergie s'était égayé
lui-même, page 2 4 de ses recherches, aux dépens d'Amatus Lusitanus, qui avait
rapporté un fait curieux, mais non pas rare, d'hérédité intermittente, après un
long assoupissement du virus... Mais voilà que, pa;;e 4 1 de nos procès-verbaux,
M. Devergie déclare qu'il pense que • les médecins qui ont nié l'hérédité de la
• syphilis se sont trop avancés ; » el « il se plaît à déclarer (page 45) que, d'après
> les conversations qu'il a eues à ce sujet avec plusieurs médecins de Nantes, il a
» reconnu plu» clairement l'existence d'affections syphilitiques larvées, pouvant
» »e produire à des époques fort éloignées de celle de l'infection, et par voie hé-
» réditaire. i II cite lui-même (page 5;)) un cas de syphilis héréditaire, fort
remarquable, communiquée à dix enfans, qui périrent tous dès leur naissance,
par un père qui avait eu autrefois des symptômes s\ pliiliilques , et qui ne procréa
un onzième enfant parfaitement sain, qu'après avoir subi un iraifment mcrcuriel
qui dura dix-huil mois.
Ne pouvant se refuser à l'évidence produite par la discussion, cl uc voulant
(477)
p6urtani pas trop compromettre sa doctrine, M. Devergie cherche (page 5 9) à
< expliquer comment les accidcns de la syphilis sont plus graves à Nantes qu'à
> Paris, où les phénomènes secondaires, de même que les cas d'hérédité, se trou-
a vent, d'après ce qu'il apprend ici, bien moins nombreux et moins caractérisés,
I en accusant le voisinage de la mer, l'action des venis, et les fréquentes et brus-
i ques vicissitudes de l'atmosphère. •
Nous laissons à d'autres le soin d'apprécier ces raisons : nous demanderons
seulement si la différence qui existe entre Tobservalion de M. Devergie et la
nôtre, au lieu de pn. venir de la diversité des climats, ne dépendrait pas plutôt
de la différence de notre position médicale, qui fait que nous, médecins privés et
civils, sommes à même de voir les conséquences éloignées de la pratique des méde-
cins milit:.ires, qui ne peuvent constater que l'état récent de leurs malades.
En voilà assez, ce nous semble, pour démontrer que les tetidances manifestées
■dans notre congrès sont entièrement contraires à ce que vous en avez dit.
Poursuivons. Dans l'intérél de la doctrine que vous paraissez avoir adoptée,
vous invoquez le témoignage des 40,000 vénériens déjà cités, guéris en divers pays
■par la méthode nouvelle; et vous foniliez ce témoignage de celui de mille malades
traités à Nantes par les mêmes moyens ; puis, vous ajoutez que rien n'annonce
qu'on doive un jour se repentir d'avoir abandonné la méthode ancienne; et vous
dites, à l'occasion du dernier nombre, que personne dans l'assemblée n'a pu rien
lui objecter.
Cependant vous trouverez (page 62 ) quelques réflexions sur ce sujet, et vous
concevrez aisément qu'il eût été inconvenant de s'y arrêter plus spécialement,
puisque toute la discussion étant elle-même uae réfutation assez foimelle de la
doctrine que suppose cette pratique, la pratique elle-même se trouvait suffisamment
réfutée. Au surplus, M. Ûevergie s'était déjà chargé du soin de diminuer de
beaucoup l'importance qu'on semblerait devoir attacher à ces nombres; car, en
avouant, pages 20 et GG des procès-verbaux, gu'iV n'y a aucun signe propre a
faire reconnaître celles des affections des organes sexuels qui dépendent d'un prin-
cipe contagieux, il laissait assez à penser que bon nombre des faits allégués ne de-
vaient point être rangés parmi les accidens syphilitiques.
Voilà d'abord une objection puissante contre la valeur du chiffre ; et, quant à
la valeur de la méthode, il nous semble que des fait» assez nombreux et assez im-
posans ont été invoqués contre elle dans le cours de la discussion : nous allons
itoul-à-1 'heure avoir occasion d'y revenir.
Vous prétendez « que les médecins de Nantes ne peuvent invoquer leur expérience
■ » et prononcer Sur la valeur de deux méthodes, quand Tune rf'e//ei leur est tout-à-fait
9 inconnue ; que non-seulement il faudrait prouver l'excellence de la méthode an-
» cienne, mais encore démontrer l'insuffisance de la nouvelle; ce qu'on n'a fait
» qu'en s'appujrant sur des assertions vagues, ou plutôt sur Vopinion de quelques
• médecins de Paris qui, bien qu'au centre des lumières, ne se sont jamais donné
• la peiue de s'éclairer en visitant les hôpitaux du Val-de-Gràce, du Gros-Caillou
■ et des Vénériens ; enfin, qu'aucun des orateurs ne paraissait juge bien compétent
» en celte matière. ■
11 est vrai que les médecins de Nantes n'avaient point à invoquer ici leur expc
rience de la nouvelle méihode ; mais, pour cela, il n'était pas à dire que celte mé-
thode leur fût tout-à-fait inconnue, c&T il estlout-à-fait contraire au simple bon sens
de dire qu en médecine rationnelle on ne connaît que ce qu'on a pratiqué. Eh! bon
Dieu ! où en serait la pauvre humanité si, avant d'être en droit de frapper de répro-
bation toutes les doctrines erronées que les croyances systématiques peuvent inventer,
il fallait que chaque médecin en fît l'application ! Et, dans le cas actuel, qu'a-l-on
besoin d'une expérience personnelle ? Les nouveaux doctrinaires n'ont-ils pas assez
écrit et assez fait pour que chacun soit eu mesure de les juger? Qu'avaient donc à
faire les médecins qui, n'ayant aucun intérêt de doctrine à protéger, cherchent
naïvement la vérité, si ce n'est de soumettre les principes et les conséquences de
la nouvelle école à la double épreuve du raisonnement et du temps? C estcequ'ils
ont fait. Le raisonnement leur avait d'abord fait pressentir le peu de solidité de ces
principes ; et l'histoire de l'art leur avait ensuite montré des novateurs ou des es.
prils inquiets tentera différentes époques des essais semblables, toujours préconj.
ses à leur début, et bientôt abandonnés comme insuffisans ou dangereux. Bientôt
de nombreux mécomptes avaient été signalés 5 puis, après des retours à rancienna
(478)
méthode, dan» plusieurs hôpitaux de Prusse et d'Angleterre : eafiu, chaque jour,
des cas isoles se préseutaient à leur observation par'iculiére, des indivi.ius traité»
par la nouvelle luétLode, lesquels, au bout d'uu temps plus uu moins long, avaient
offert les symptômes d'une al'lectiun générale, traités cette fois et guéris par le
mercure ; faits nombreux observés par tous les praticiens, et rapportés par toutes
les sociétés de médecine de Fiance, et dont la réunion formerait une masse dont la
chilfre, augmenté nécessairement chaque jour, l'emporterait de beaucoup sur celui
qu'avancent avec tant d'ostentation les partisans de la méthode nouvelle. Que fa:lait-
il de plus pour servira établir leuropinionî El n'eussent-ils pas agi en insensés en
cherchant encore à sanctionner leur conviction parleserreursdeleur propre pratique?
Ainsi, c est bien à tort que vous récusez notre expérience \ et c est surtout bien
à faux que vous déclinez notre compétence ; car, loin d'être iucompétens en
cette matière, nous sommes au contraire, nous médecins praticiens des villes, les
seuls juges réellement co;apétens, parce que nous sommes icul, i même de vérifier
les résultats de la pratique trop expeditive des hôpitaux, et des hôpitaux militaires
surtout.
II n'était non plus ni dans la justice ni dans les convenances de dire que nous
n'avions appuyé notre opposition que sur quelques assertions values, uu plutôt
sur l'opinion de quelques médecins de Paris. Quarante à cinquante médecins trai-
tant des maladies syphilitiques dans une grande ville maritime, et dont plusieurs
ont dirigé pendant de longues années des hôpitaux de vénériens civils et mili-
taires, peuvent avoir une opinion sur le traitement de ces maladies, et la proclamer
avec confiance; car celte opinion consciencieuse et éclairée par les faits s'est ap-
puyée sur leur propre expérience, et non sur quelques assertions values, pas plus
que sur l'opinion des médecins de Paris, qui,qu':ls qu'ils soient, ne sont consultés par
eux qu'au même titre que tous leurs autres confrères, et ne seront jamais Ix leurs
yeux une autorité nécessaire.
Aussi, croyez bien, monsieur, qu'en cherchantà former notre opinion sur l'ob-
jet actuellement en litige, nous avons tout pesé et tout considéré, et que surtout
nous ne méritons pas le reproche d'avoir : oublié que, depuis dix ans, les prali-
I ciens qui s'occupent le plus habituellement de cette branche de l'art de guérir
> ne donnent plus le mercure que dans un certain nombre de cas. i Tout prouve
que nous le savions très-bien, et c'estjustemenl parce que l'autorité de ces praticiens
nous paraissait fort contestable, non-seulement parce que nous nous étions aperçus
que le mercure éiait, de leur part, l'objet d'une proscription systématique, mais
encore parce que notre pratique particulière nous avait montré le peu de conliance
qu il lalldit avoir dans les promesses de leur nouvelle thérapeutique, que nous
avions provoqué une enquête propre à faire connaître sur ce point important l'o-
pinion de tous les médecins de France.
Notre appel a été entendu, et nous avons eu la satisfaction de voir notre opi-
nion partagée par tout ce qui, jusqu'à ce jour, a répondu à cet appel, c'est-à-dire
par plus de quatre c<"nts médecins, soit isolés, soit faisant le service d'hiipitaux ci-
vils ou militaires, soit enfin réunis dans les sociétés de médecine de Tours, de Ren-
nes, d'Angers, du Mans, de Niort, de Poitiers, de Toulouse, de iMetz et de Dijon.
Nous espérons, comme vous, que la vérité sortira de ces intéressantes discuS'ionsj
mais, pour cela, il faut que les jouroalisics qui ont la mission spéciale rl'cii faire le
re'sumé, le fassent avec une rigide impartialité. Trop pressé, sans doute, par vos
nombreuses occupations, vous n'aurez pu lire <ju"à la hâte nos procès-verbaux,
ce qui nous sert à expliquer l'inexactitude de votre compte-rendu. Nous vous
croyons trop ami de la justice pour douter que vous ne vous empressiez de le rccli-
tier, en insérant notre explication dans votre premier cabier; et, de notre côté, nous
euons trop à l'œuvre que nous avons commencée, pour laisser passer l'erreur
sans la redresser par tous les moyens qui sont en notre pouvoir. Votre journal
est très-répandu, surtout parmi les piaiiciens éloignés des grands centres d'instruc-
tion. 11 importe donc beaucoup que, dans la diseussi m actuelle, les opinions des
médecins qui |)euvenl faire autorité leur soient parfaitement connues. Or, notre
congrès a eu du retentissement dans le monde médical, et ou eu aurait une idée tuut-
à-fait contraire à la \érilé, si ou se bornaii à la simple lecture de voire article.
[icjlc.vlviis. Q.icTijiK.tj ui'ila di; ri:|jijuse .siiiliioiit pour l'iiiie ;i|)jjri:cici'
la valeur de cclli; longue lécriminatioa. El d'abord, dan.s notre rapide
analyse du coiuptc-reodu, nous avons tigualé Us lioareuseiinoldica-
(479)
lions apportées en général, par les médecins de Nantes, dans le traite-
ment de la syphilis depuis quelques années. Beaucoup d'entre eux ont
liéclaié dans le congrès fali»-. un fréquent usaj:c îles antiphlogistiques
avant le traitement niercuriel ou pendant sa durée-; l'im des signataires
de la réclamation a dit : « Chaque année je remarque que l'expérience
me conduit à réduire de beaucoup les doses de meicure que j'adminis-
trais autrefois.» On a vu que M. Baré, médecin d'un hôpital de véné-
riens, les avait abandonnés tout-à-fait dans un grand nombre de cas;
un autre (M. Guépin) a prononcé ces paroles : o A JNantes, la gcncralilé
lies mélccins suit, à peu de choses près, la méthode que M. Dever-
gie appelle rationnelle, toutefois, avec cette difl'crence, que pour
l'acquit de leur conscience, et dans la crainte des affections secon-
daires, ils administrent ensuite le mercure, mais, comme l'a fort
bien dit le docteur Guenier, en diminuant de plus en plus les doses. •>
Enfin M. Devergie les a félicités de la prudence qu'ils mettaient
dans l'emploi du mercure, etc. Indépendamment de ces assertions, qui
suffirent assurément pour nous justifier du premier reproche qu'on
nous adresse, nous en appelons à tous les médecins qui h ibitaient la
ville de Nantes il j' a quinze ans. La syphilis élailelle considérée et
traitée comme elle l'est aujourd'hui? Aon, sans doute ; il y a donc eu
progrès et progrès immense; malgré l'assertion des signataires de la
lettre, la plupart d'entre eux se sont associés au mouvement de la
science, et lorsqu'un grand nombre ont osé toucher aux croyi'.nces an-
tiques, nous pouvons bien espérer, nous, que puisqu'ils sont en progrès,
j^uisque surtout ils témoignent un si vif désir de s'éclairer par ct's utiles
discussions, ils apporteront encore dans leur pratique de nouvelles ré-
formes, et que bientôt ils n' adminislreront pas toujours, et dans tous les
cas, les tnercuriaux comme complément indispensable du traitement de
toute maladie syphilitique.
Nous n'avons pas cru en émettant cet espoir, qui, nous le répétons,
nous a été suggère par la lecture des procès-verbaux, faire la moindre
injure au caractère des médecins de Nantes, et nous sommes encore à
cous demander comment cette assertion a pu si vivement piquer leur
susceptibilité.
Nous renvoyons à M. Devergie toute» les accusations de tergiversa-
tions, de concessions, etc., que lui adressent les signataires de la lettre.
Nous ne sommes point chargé de le défendre, et ce sera à cet honora-
ble confrère à se disculper, s'il le juge convenable, dans une nouvelle
édition de sa clinique de ta maladie syphilitique ; mais nous devons ré-
pondre, à la hâte et le plus brièvement possible, aux inculpations qui
sont dirigées contre nous.
Deux points surtout out paru choquer les signataires de la lettre qui
nous est adressée : nous avons dit d'une part que pour réfuter les faits
cités par les partisans de la réforme, on ne s'était appuyé que sui les
assertions vagues de quelques médecins de Paris, et nous avons en outre
décliné la compétence delà plupart des médecins formant le congrès,
pour le jugement définitif de cette importante queslion.
Pour appuyer la première assertion, nous ne [louvoiis q'i'engager ceux
de uos confrères qui possèdent le compte -rendu à le lire avtc atten-
tion ; ils verront que nous n'avons rien avancé qui ne fût l'expression
de la vérité ; ainsi que nous l'avons dit, la doctrine du virus et l'histoire
de la maladie ont été parfaitement traitées, mais on n'a réfute len faits
opposés par les partisans de la nouvelle doctrine, qu'en s'appayaut sur
des assertions vagues, et conirouvées d'ailleurs de quelques médecins
devant l'Académie, et quant aux faits cités par M. Baré, de Nantes, on
ne les a pas réfutés (i j.
(i) Noui aiouoDsque uous uc âourious compieaitf ceuephrasedelartclamatioDà ce sujel :
(48o)
Enfin, pour répondre au dernier reproche qui nous est adressé, celui
d'avoir osé mettre en doute la compétence de la plupart de.-> juges, il
sera facile de prouver qu'une pareille remarque ne peut avoir rien de
désobligeant pour ceux auxquels elle s'adresse. Aucun, en effet, n'a dé-
claré, dans le cours des déb;its, avoir pratiqué on vu mettre en pratique,
sur un grand nombre de sujets, la méthode de traitement sur laquelle ils
vont avoir à se prononcer. Ils ne la repoussent que parce qu'elle est
contraire aux principes qu'ils ont toujours professés dans leur longue et
honorable carrière. Mais la théorie du virus est-elle donc appuyée sur
des bases si solides, qu'une masse de faits recueillis par des hommes
aussi honorables que MM. Culli rier, Delpech, Desruelles, etc., ne puis-
sent la renverser de fond en comble? Ne faudra-t-il pas avant tout, pour
la défendre, commencer par prouver la fausseté ou l'insufTisance de ces
faits, et pour y parvenir ne i'aut-il pas avoir été témoin d'expériences
semblables? Sui'Qra-t-il de dire : Pendant quarante ans, j'ai agi autre-
ment, vos faits ne s'accordent pas avec mes principes, donc ils sont in-
gnifiansî Nous avions certainement raison d'avancer que quelque longue,
que quelque honorable que fût la pratique de la plupart des membres
du congrès, elle n'était pas suffisante pour les autoriser à se prononcer
sur là valeur de la méthode nouvelle, ou plutôt sur le nombre et la na-
ture desguérisons qu'on obtient en s'y conformant; car^our nous, dans
ce qui concerne la syphilis, aujourd'hui la théorie est bien peu de chose,
mais les faits sont tout ; il suffit de les amasser, de les vérifier et d'en
tirer les conséquences.
En publiant textuellement une lettre aussi longue et qui contenait
des griefs si peu plausibles, nous avons cru faire preuve de tout notre
désir d'éclairer une question qui, de long-temps encore, ne sera pas ré-
solue pour tout le monde. Si nos lecteurs ont trouvé que la rcclamatioD
était infiniment trop étendue, eu égard à l'oBFense supposée, que dans
presque tout le cours de cette lettre les récriminations se sont adressées
aux partisans d'une doctrine qu'on nous suppose bien gratuitement par-
tager sur tous ses points, et non au rédacteur de l'analyse du compte-
rendu, si enfin ils nous reprochent de nous être écarté de nos habitudes
en négligeant la pratique pour nous livrer uu instant à une polémique
qu'on ne rencontre pas ordinairement dans ce journal, nous leur ré-
pondrons que la lettre que nous avons publiée nous a été adressée, non
par l'auteur isolé d'un ouvrage, mécontent de ce que nous ne parta-
gions pas ses opinions, mais par un corps médical tout entier, repré-
senté par son bureau, qui, dans sa piéocupation, a cru que nous avions
rendu compte de ses travaux sans en avoir compris toute la portée.
Nous lui devions, nous nous devions à nous-même une réponse qui n'é-
tait pas difficile, puisqu'elle n'était que la simple expression de la vé-
rité,et nous l'avons faite, un peu longuement peut-être; mais, s'il importe
à nos lecteurs de ne rencontrer dans ce recueil que des faits inléressans
pour la pratique, il est utile aussi qu'ils soient convaincus que ces faits
sont toujours rapportés par nous avec exactitude et bonne foi.
— Nous sommes prié d'insérer la note suivante.
L'article 1076, relatif au secret imposé aux médecins, publié dans notre
livraison de juin, et extrait des Annales d'hyg'ène et de médecine Icgale ,
est dû à M. le docteur Boullet (Maximilien),ctnon à son confière, M. le
docteur Boullet (Amédée), pratiquant la médecine à Sully-sur-Loire
(Loiret).
Il tût été inconvnant de s'y arrêter plut ipéciilement. Si plie poavall avoir quelque cliore d'in-
jurieux pour M. liaré, tous ceux qui le connaissent en releTeraient eux-mêmes I inconvenance,
car cet honorable confrère jouit d'une trop bauie estime dans la ville qu'il babilc, pour qu'on
puisse avoir le moindre doute sur la yirac'ni des faits qu'il rapporte, cl (fie chacuD, d'ailleurs,
peut vérifier, puiiqu'ilg tODl recueillit iIidsud hôpital.
(48t)
AHT. 1146.
De l'emploi de la feuille de belladone en fumée d l'aide de la pipe
dans la scarlatine.
La fumée des feuilles de tabac, de stramoioe, de bella-
done, dirigée vers les bronches à l'aide de la pipe ordinaire,
a été conseillée dans quelques maladies, et, bien que son
action soit assez bornée, ce moyen thérapeutique n'est ce-
pendant pas tout- à -fait sans valeur. M. le docteur Barther
vient d'ajouter, dans le Recueil de mémoires de médecine, de
chi urgie et de pharmacie militaires, quelques observations à
celles que l'on possédait déjà sur l'efficacité de cette der-
nière substance introduite par cette voie dans l'économie.
Ces fumigations ont été employées à l'hôpital du Gros-Cail-
lou, dans une épidémie de scarlatine qui a régné sur la gar-
nison pendant l'année i834, et de tous les moyens auxquels
on a eu recours, c'est, suivant ce médecin, celui dont l'effet
a été le plus constant. Sous son influence, la toux devenait
moins fréquente, l'expectoration plus facile, la respiration
plus libre. Il est vrai qu'avant de recourir à cette médication,
on avait toujours la précaution de désemplir le système cir-
culatoire par des évacuations sanguines abondantes. Depuis
que ce moyen a été mis en usage, la mortalité a été moins
grande, et une amélioration générale a pu être remarquée
sur tous les malades.
Après avoir cité plusieurs exemples de scarlatine dans les-
quels les malades ont succombé à une complication de bron-
chite qui les a fait périr asphyxiés, M. Barlhez rapporte de
nombreuses observations dont l'issue a été heureuse, sans
doute parce que la fumée de belladone, déterminant une ex-
pectoration très-abondante, et modifiant en même temps les
nerfs de l'appareil respiratoire, a prévenu cette suffocation.
Voici quelques-uns de ces faits :
Un soldat, âgé de vingt-quatre ans, était depuis huit jours
à l'hôpital pour une gastro-bronchite très-intense, lorsqu'il
fut pris, dans la soirée du i5 avril, d'un accès de fièvre avec
nausées, douleurs dans les membres, céphalalgie, etc. L'érup-
tion scarlatineuse parut dans la nuit, et au même moment
tous les accidens furent dissipés. Le lendemain, le pouls était
plein, fréquent, l'épigastre douloureux, la toux fréquente,
avec expectoration de matières claires, filantes et écumeuses.
La rougeur était uniformément répandue sur tout le corps.
Une saignée de douze onces fut pratiquée, et l'on mit quinze
TOM. VI. — N° DE NOVEMBRE. 3l
(482)
sangsues à l'épigastre. Le i8, la toux était continuelle, 1 ex-
pectoration abondante, la respiration de plus en plus gênée,
le pouls petit, fréquent, l'abattement profond. La position
du sujet ne permettant plus d'avoir recours aux évacuations
San j,uines, on mit un gramme de feuilles de belladone dans une
pipe ordinaire, qu'on donna au malade après l'avoir allumée,
afin qu'il pût en avaler la fumée. Cet homme paraissait res-
pirer plus aisément dans la soirée ; il demanda la permission
de fumer une seconde pipe, ce qui lui fut accordé, mais avec
la recommandation de n'en prendre que quelques gorgées à
la fois et à un quart-d'lieure ou à une demi-heure de distance,
l'expérience du matin ayant déterminé la dilatation de la
pupille, des vertiges .'t des éblouissemens.
La fumée de belladone, aspirée avec cette précaution, ne
détermina plus d'accidens, et dès le lendemain la sécrétion
des glandes salivaires et des bronches ayant été considéra-
blement augmentée, le malade se trouva dans une position
plus >atisfaisante, et ses mouvemens respiratoires devinrent
plus libres. Bien que la nuit suivante fût encore frès-agitée,
que la langue devînt rouge, sèche, fendillée, noirâtre à son
centre, il déclarait éprouver du bien-être en fumant, et respi-
rer plus facilement. On continua l'usasse de deuœ pipes de bella-
done par jour, et la convalescence ne tarda pas à se déclarer.
Chez un autre soldat, l'issue de la maladie fut funeste,
malgré l'emploi de la belladone en fumée; mais on put con-
stater que, dans un moment où le malade semblait voué à
une mort certaine, ce moyen avait produit une amélioratiim
telle, qu'on aurait pu espérer son rétablissement, s'il n'avait
pas commis un écart de régime, qui le fit succomber rapide-
ment.
La belladone ainsi administrée a paru surtout agir favora-
blement chez les sujets nerveux ou lymphatiques; elle a
quelquefois produit un soulagement presque instantané,
suivi d'une guérison beaucoup plus rapide que celle qu'on
était en droit d'espérer par l'emploi de tous les autres
moyens. Elle a réussi même chez des individus dont la scar-
latine était compliquée d'affections chroniques des bronches
ou même des poumons.
« Il résulte des faits consignés dans ce travail, dit le doc-
teur Barlhez en terminant, que l'usage de la fujTiée des
feuilles de belladone doit Cire conseillé, comme un excellent
moyen de traitement, dans la fièvre scarlatine compliquée
de bronchite ou de toute autre affection pulmonaire en géné-
ral, et même dans des cas de rougeole, comme j'ai eu occa-
sion de m'en convaincre plus d'une fois durant cette épidé-
( 485 )
mie. Ce médicament agit, selou toutes les probabilités, i" en
excitant les follicules de la muqueuse bronchique et les
glandes salivaires de manière à favoriser la sécrétion plus
abondante et le dégorgement de ces parties; 2° en rendant
la circulation de l'air plus libre dans les dernières ramifica-
tions bronchiques; 3° en facilitant l'action de l'hématose, et
en empêchant par là l'inflammatioa consécutive, que Ten-
gouement pulmonaire n'aurait pas tardé a produire dans le
parenchyme du poumon; 4° enfin en produisant sur le sys-
tème nerveux en général, et sur les nerfs des poumons en
particulier, un surcroît d'excitation nécessaire à l'expulsion
des matières sécrétées ; excitation utile, surtout dans un mo-
ment où toutes les forces physiques paraissent abandonner
les malades. Sans le concours de pareilles circonstances, les
mucosités séjourneraient dans les parties, et deviendraient,
en mettant obstacle à l'entrée de l'air dans les poumons, une
cause matérielle de mort pour les sujets. »
ART. Il47.
Mémoire sur l'emploi du nitrate de potasse à haute dose dans les
hémoptysies.
On trouve dans le même recueil un Mémoire de M. Gau-
dineau, médecin adjoint à l'hôpital militaire de Lyon, sur
l'emploi du nitrate de potasse à haute dose pour arrêter cer-
taines hémorrhagies. Malgré l'assertion de la plupart des
auteurs, qui considèrent cette substance comme fort irritante
et susceptible de déclarer des gastrites ou d'autre inflamma-
tions, ce médecin l'a employée sur plus de quatre-vingts
malades, à la dose de demi-once à une once, sans jamais en
observer de mauvais effets. Il est vrai qu'il avait la précau-
tion de ne jamais l'administrer que chez des sujets dont les
organes digestifs étaient en fort bon état.
Le nitrate de potasse a réussi dans des hémoptysies exces-
sivement graves, alors que tous les autres moyens, y com-
pris l'alun et le cachou, avaient échoué; et chez un phlhisi-
que dont le crachement de sang n'était qu'im épi()hénomène,
la dose de vingt grammes par jour a arrêté complètement
l'hemorrhagie en moins d'une semaine.
Voici la formule adoptée par M. Gaudineau pour l'admi-
nistration du nitrate :
Pr. Eau gommeuse, six onces ;
Nitrate de potasse, huit à quinze grammes ;
Sirop de sucre, demi-once.
( 484 )
Une et quelquefois deux de ces potions sont données dans
les vingt-quatre heures.
Trois observations sont citées parmi une soixantaine que
possède l'auteur.
Dans la première, il est question d'un soldat chez lequel
il était survenu depuis huit jours une htmoptysie à la suite
d'un refroidissement. Cet homme, d'un tempérament san-
guin, avait la face rouge, la peau chaude; h; pouls était vif,
plein, dur ; il expectorait plusieurs onces de sang par heure.
Une saignée de dix onces fut pratiquée et répétte six heures
après. On prescrivit une tisane miellée, un looch, des cata-
plasmes aux pieds. Le lendemain, les choses étant à peu
près dans le même état, on renouvela la saignée, et on mit
quinze sangsues ù la partie supérieure de la poitrine.
Une seconde application de sangsues ne réussit pas ù ar-
rêter l'hémoptysie, qui persista, quoique sensiblement di-
minuée. Le sixième jour, un large vésicatoire fut appliqué
sur la poitrine. Ce ne fut que le dixième jour que, le malade
perdant toujours beaucoup de sang dans les crachats, on
prescrivit une potion gommeuse avec douze grammes de nitrate
de potasse. Le onzième jour, les crachats étaient rouilles; le
douzième, on n'y pouvait découvrir de traces de sang. On
continua le nitrate de potasse, en en diminuant les doses. La
convalescence se déclara les jours suivans.
La seconde observation est à peu près semblable à celle
qu'on vient de lire; mais, dans la troisième, le crachement
de sang était comph'qué d'une double plcuro-pneumonie :
aussi les évacuations sanguines générales et locales furent-
elles pratiquées très -abondamment; et ce ne fut que le
sixième jour, lorsque la pneumonie fut en voie de résolution,
et que la détente générale fut obtenue, que, l'Jiémoptysie
persistant à peu près au même degré, on se décida à pres-
crire douze grammes de nitrate de potasse dans une potion gom-
vieuse. Dès le lendemain, les crachats élaientà peine rouilles.
La potion ne fut continuée que deux jours, le malade entrant
aussitôt en convalescence.
M. Gaudineau assure n'avoir jamais observé d'accidens
par l'emploi de ce moyen, si ce n'est quelque irritation de la
membrane génito-urinaire. Il engage les praticiens à répé-
ter ces expériences, en promettant un pareil succès.
(4S5)
ART. ll4B.
Application sur la peau d'emplâtres deVigo cummercurio , pour
faire avorter les pustules varioUques.
M. Gariel, interne à l'hôpital de la Pitié, a publié, dans
les Arcliivef générales de médecine, le résultat de quelques ten-
tatives qu'il a faites, dans le but de favoriser l'avortement des
pustules varioUques. Huit observations sont consignées dans
ce Mémoire. Dans six la variole était discrète, dans deux seu-
lement elle était confluente.
Chez un jeune homme, au deuxième jour de l'éruption, on
appliqua àlaparlieiuternede l'avant-bras gauche un emplâtre
de Vigo cum mercurio, de la largeur de la paume de la main.
Un emplâtre de diachylon, de la même grandeur, était ap-
pliqué en même temps à l'avant-bras du côté opposé. Le
huitième jour de cette opération, on put remarquer que les
pustules étaient moins nombreuses à l'avant-bras gauche qu'à
l'avant-bras droit; que celles qui existaient étaient avortées
sans suppuration, eteufiu, que la desquammalion s'y opérait
bien plutôt que sur les autres parties du corps. L'emplâtre
de diachylon n'avait eu absolument aucun effet. Le malade
étant rétabli, conserva des traces de variole sur tout le corps,
long-temps après que les pustules recouvertes par l'emplâtre
de Vigo avaient complètement disparu.
Chez un autre malade, au troisième jour de l'éruption, on
couvrit toute la figure et le front d'un emplâtre de Vigo,
rendu presque liquide par l'addition d'huile d'olive et l'ex-
position à une douce chaleur. Le quatrième jour de l'appli-
cation, l'emplâtre fut enlevé. Les pustules étaient moins dé-
veloppées que celles du reste du corps ; il y avait cependant
un peu de suppuration à leur centre, mais, les jours suivans,
le liquide se résorba graduellement, et la desquammation
s'opéra très-rapidement.
On a essayé ce même moyen au dixième jour de la mala-
die, et l'emplâtre a eu pour effet de hâter la desquammation,
qui s'est opérée plus vite sur les points aiasicouverts que dans
les autres parties du corps.
Enfin, dans la plupart des autres observations citées, on a
remarqué que les pustules, au lieu de suppurer comme sur
tous les autres points du corps, se transformaient en tuber-
cules qui ne tardaient p>as à se résoudre et à se dissiper.
Réflexions. Avant de chercher une méthode qui fasse avor-
ter les pustules varioUques, on a dû se demander s'il n'y avait
pas quelque danger a intervertir ainsi l'ordre naturel de cette
( 486 )
éruption; et, bien qu'on ait résolu la question par la néga-
tive, ce point important est loin d'être décidé pour tous les
ptaliciens. On sait, en effet, quelle liaison intime existe entre
l'état de la peau et celui des viscères chez les varioleux, cnm-
bien le froid extérieur e?t à craindre, et combien l'on a d'in-
térêt à ce que l'éruption parcoure tous ses périodes avec ordre
et régularité. Le moindre écart dans le régime, la moindre
imprudence conunise par les malades s'opposent à ce que les
pustules prennent leur accroissement ordinaire, à ce que sur-
tout elles paraissent en nombre suffisant, et l'on sait quels
graves accidens accompagnent ces éruptions incomplètes.
En serait-il de même si l'on prévenait par des applications
extérieures le parfait développement des pustules sur une
grande surface? Les expériences tentées par M. Serres sem-
bleraient prouver le contraire, et cependasit nous croyons qu'il
est besoin de recueillir de nouveaux faits pour qu'on puisse
avec sûreté tenter une pareille méthode.
Quant 'i l'avortement partiel des pustules varioliques sur
un point peu étendu, on conçoit que si les propriétés de l'em-
plâtre de Vigo viennent à se confirmer, on puisse en tirer un
très-bon partipourprévenir les cicatrices du visage. W.Gariel
promet de poursuivre ses expériences. Nous en rendrons
compte dès que ce médecin en aura fait connaître le résultat.
ART. ii49-
Considémtions pratiques sur divers médicamens administrés dans
les maladies scrofuleuses : iode, charbon animal, sulfure noir
de mercure, sous-carbonate de potasse, hydroclilorate de ba-
ryte, etc.
M. Baudelocque, médecin de l'Hôpital des Enfans, a pu-
blié, sur la maladie scrofuleuse, un ouvrage intéressant, sorte
de compte-rendu d'un service spécial, dont il est chargé de-
pui plusieurs années (i). Dans ce travail sont examinées suc-
cessivement toutes les méthodes de traitement qui ont été
préconisée 5 contre les scrofules. Après avoir exposé le mode
dsadministration des divers médicamens, l'auteur nous en
donne les résultats, en sorte que ces expériences ayant été
répétées sur un grand nombre de sujets, on peut se faire une
idée assez exacte de la valeur de ces moyens.
(i) Etudes sur les causeSy la nnlurc et le Irailemcnt de In maladie ncro-
fulciise. Un vol. in-8» de 576 pages.
(487)
De tous les médicamens préconisés contre les scrofules, il
n'en est pas dont on ait plus exalté les précieuses propriétés
que l'iode et ses préparations. M. Baudelocqiie place aussi
celte substance an premierrang, et l'examine avant toutes les
antres. Voici la manière dont il l'administre aux enfans reçus
dans son service.
L'eau minérale iodurée était la même pour tous les ma-
lades, quel que fût leur tige, le genre de leurs affections, etc.
Chaque once de liquide contenait un huitième de grain d'iode
et un quart de grain d'iodure de potassium ; mais on variait
suivant les circonstances la quantité de cette eau ; ainsi, on en
prescrivait trois, quatre, cinq, huit, dix ou douze onces, sui-
vant qu'on voulait augmenter ou diminuer la proportion
d'iode à introduire dans l'économie. On donnait celte quan-
tité en deux fois, matin et soir, et on l'édulcorait avec le sirop
de gomme au moment de l'administrer. Cette eau, ainsi pré-
parée, peut se conserver long-temps, mais elle doit être en-
fermée dans des vases exactement bouchés.
M. Baudelocque donnait ainsi celte eau minérale pendant
quatre à cinq semaines, si aucun accident n'en indiquait la
suspension; puis il laissait reposer les malades pendant une
quinzaine de jours, leur prescrivant pendant ce temps une
pinte de bouillon aux herbes et quelques purgatifs légers. Il
reprenait ensuite l'usage des médicamens, et le suspendait
après un intervalle semblable.
L'iode, administré sous cette forme, n'a jamais produit
d'accidens graves, et quelques jour;? de repos ont toujours
suffi pour dissiper quelques signes d'irritation des voies gas-
triques qui se sont manifestés de temps à autre.
On secondait les effets de l'iode à l'intérieur par son em-
ploi à l'extérieur. Ainsi, toutes les parties engorgées étaient
frictionnées avec une pcymmade contenant un grosd'iodure de
potassium par once d'axonge, et douze grains d'iode pur, ou
bien un gros d'iodure de plomb, ou en6n un demi-gros d'io-
dure de mercure par once d'axonge. On alternait successi-
vement chacune de ces pommades, afin que les tissus ne s'ha-
bituassent pas à leur action.
Les injections dans les trajets fistuleux ont été faites avec
une dissolution de douze grains d'iode et vingt-quatre grains
d'iodure de potassium par litre d'eau. Ce liquide a d'ailleurs
produit peu de bons effets. Il en a été de même de la solu-
tion iodurée caustique, qui a été remplacée avantageusement
par le nitrate d'argent.
Quant aux bains, on en a fait un fréquent usage contre les
différenâ symptômes de scrofules. Dans une baignoire de
(488)
trois cents litres, on versait, avant d'y plonger le malade, une
solution de : eau de pluie, deux livres; iode, deux gros et
demi; iodure de potassium, trois gros. On plongeait à la fois
plusieurs enfansdans la même baignoire.
Enfin, on a essayé d'administrer l'iode respiré en vapeurs,
mais on n'en a retiré aucun lion effet.
Soixante-sept enfans de quatre à cinq ans ont été soumis à
l'usage de ce remède. Sur ce nombre, quinze ont été entiè-
rement guéris, quatorze ont éprouvé dans leurs symptômes
une grande amélioration, annonçant une guérison prochaine,
lorsque M. Baudelocque a quitté le service. Chez treize, il
était survenu une amélioration moins prononcée, mais qui
permettait cependant d'entrevoir la guérison pour un temps
plus éloigné. Cinq avaient à peine éprouvé quelque change-
ment; enfin, vingt n'en avaient retiré absolument aucun bon
effet.
Après avoir donné ces règles générales sur l'emploi de
l'iode et sur ses effets thérapeuti jues, M. Baudelocque cite
un grand nombre d'observations particulières dans lesquelles
la valeur de ce médicament, employé contre les différens
symptômes de la maladie scrofuleuse, peut être convenable-
ment appréciée. Nous nous bornerons à reproduire quelques
particularités qui peuvent être utiles au praticien.
Pour l'ouverture des abcès scrot'uleux, M. Baudelocque em-
ploie avec avantage la poudre caustique de Vienne, dont
nous avons donné la composition à notre art. io58. Au moyen
de ce caustique, on détruit les tissus presque à l'instant même,
dans l'étendue que l'on désire, et la douleur produite est ex-
trêmement légère. Les avantages de cette poudre sont les
mêmes pour l'application des cautères que pour l'ouverture
des abcès.
Dans les maladies de la peau, et spécialement dans cette
dartre désignée sous le nom d'esthiomène, ou a employé
avec beaucoup de succès une pommade caustique dont un
auteur fort ancien indique la composition en ces termes :
« Prends chaux vive nouvelle, quatre onces, orpiment en
» poudre, une once, et lessive forte, c'est-à-dire delà seconde
» lessive magistrale, deux verres. Mets-les en un pot et les
a fais bouillir jusqu'à ce qu'ils deviennent espais. Ou bien,
» plonge dedans une plume de canne, et si elle se pèle, elles
» seront assez cuites. En les meslant souvent et ea cuisant,
» prendront corps; puis garde-les en pots plombés, et quand
» tu en voudras user, étends-la subtilement et la mets par me-
» sure sur le lieu d'où tu veux oster le poil ; mais oingts pre-
» mièrement le lieu d'huile d'amandes douces, puis mets des-
(489)
» sus ladite mixtion, et tu ne sentiras icelle chaleur ou bien
» peu. ')
Cette pommade, que l'auteur destine « ôter le poil et la
barbe d'où tu voudras, n'a nullement tenu cette promesse dans
les mains de iM. Baudelocque, qui en a l'ait usage sur deux
teigneux; mais elle s'est montrée un caustique très-puissant
lorsqu'il était besoin de changer la nature de certains ulcères
qui avaient résisté au traitement général.
De tous les médicamens vantés pour le traitement des
écrouelles, l'iode est incontestablement, suivant M. Baude-
locque, celui dont on peut espérer le plus d'avantages. Au-
cune substance n'a guéri plus rapidement et un plus grand
nombre de malades. Cependant l'iode est bien loin d'être un
spéciGque de la maladie scrofuleuse, et il s'en faut de beau-
coup qu'on ait obtenu à l'Hôpital des Enfans d'aussi beaux
succès que ceux qu'on avait annoncés dans un autre établis-
sement (i).
Un grand nombre de remèdes ont été essayés à l'Hôpital
des Enfans, et il importe aux praticiens d'en pouvoir appré-
cier la valeur, car la maladie scrofuleuse est si longue et si
rebelle à nos moyens de traitement, qu'on sent souvent tout
le besoin d'une matière médicale étendue, pour l'attaquer
successivement par tous les médicamens qui possèdent
quelque action contre elle. Nous ne parlerons que de ceux
qui ont paru jouir de propriétés thérapeutiques évidentes.
L'arseniate de soude a été préconisé par quelques méde-
cins, dans plusieurs maladies de la peau ; M. Baudelocque
en fait un fréquent usage dans les scrofules. « J'administre
fréquemment l'arseniate de soude, dit ce médecin, et j'en
élève rapidement la dose d'un douzième de grain à un demi-
grain et même à deux tiers de grain. Je le donne en solution
aqueuse étendu dans quatre onces de julep gommeux. Ces
quatre onces de liquide sont prises dans la journée, en trois
ou quatre fois. Au bout de trois semaines de l'emploi de ce
remède, j'en interromps l'usage : je prescris pendant plu-
sieurs jours des boissons délayantes en grande abondance,
puis je fais prendre un, et quelquefois deux purgatifs. Après
huit à dix jours d'interruption, je reviens à l'administration
de l'arseniate de soude, toujours en commençant par une
petite dose. »
La liqueur de Kœchlia ou hydrochlorate de cuivre ammo-
niacal a paru produire quelques guérisons, mais son usage
(i) Voy. art. 02, 66 et 074.
(490)
est fort dangereux, et d'ailleurs elle n'a réussi que dans un
très-petit nombre de cas. Le charbon animal, vanté par des
médecins allemands (i), a été employé à très-hautes doses
sur plusieurs malades, et, pendant plusieurs mois; il a sem-
blé à M. Baudelocque absolument inerte.
Le sulfure noir de mercure, donné en pilules, contenant
deux grains de sulfure de mercure, autant de poudre de ci-
guë et un grain de magnésie, a été administré à sept en-
fans scrofuleux. On donnait d'abord une pilule le matin, et
une autre le soir, en augmentant graduellement le nombre
jusqu'à dix chaque jour. Trois enl'ans seulement ont guéri
sous son influence. M. Ban Jelocque, malgré les louanges don-
nées à ce médicament parHufeland, lui accorde très-peu de
valeur thérapeutique, et croit qu'il doit être réservé seule-
ment pour quelques cas dans lesquels les scrofules ont très-
peude gravité.
Il en est de même du sous-carbonate de potasse, dont la
dissolution employée en lotions, en bains locaux ou géné-
raux, peut être de quelque utilité dans les ulcères, les flstules
et les caries de nature scrofuleuse, mais dont l'action est à
peu près nulle, administrée à l'intérieur.
De tous les succédanés de l'iode, si nous pouvons em-
ployer une pareille expression, celui dans lequel M. Baude-
locque paraît avoir le plus de confiance, est l'hydrochlorate
de baryte ou chlorure de barium. Ce médecin assure, qu'ad-
ministré convenablement, l'hydrochlorate de baryte n'a
jamais causé d'accidens. Depuis i83i, ce sel est très-fréquem-
ment employé à l'Hôpital des Enfans (2) de la manière sui-
vante : On fait dissoudre un grain de muriate de baryte dans
une once d'eau distillée; une cuillerée à bouche représente
donc un demi-grain de ce sel. Les enfans prennent ainsi cette
solution sans aucun mélange. Rarement l'hydrochlorate de
baryte a-t-il été porté au-delà de trois grains par jour, et en
deux fois, ce qui faisait une once et demie de liquide matin
et soir.
Les engorgemens glanduleux ont été fiictionnés avec une
(i) Voy. art. 52.
(2) Le muriate de baryte est emplfiyé par M. Lisfrnnc,à l'Iiôpital de
la Pitié, à «le» doses vraiment «■•normes, puisque des malades sont arri-
vés à en prendre jusqu'à cinqu.inle crains dans les vingt-quatre heure».
Sous l'influence, de ce médicament, le pouls a t)a;ssé quelqnefoi jus-
qu'à trente et uiâme vingt-cinq pulsations par minute. A peine quel-
ques hommes ont-ils éprouvé de légères nausées, qui ont piomptement
disparu. ( A'ote du rédact, )
(49»)
pommade contenant un gros d'hydrochlorate de baryte par
once d'axong;e.
Viiigt-dfux malades ont été mises à l'usage de l'hydrochlo-
rale de baryte. Parmi ces vingt-deux malades, >seize avaient
déjà été traitées infructueusement par l'iode ou d'autres mé-
dicamens; on trouvait réunis sur ces vingt-deux malades
tous les symptômes de la maladie scrofuleuse : sur ce nom-
bre, trois ont été renvoyées guéries, trois ont éprouvé une
grande amélioration ; l'état des six autres a été amélioré à un
moindre degré ; enfin, chez dix l'effet du médicament a été
très-peu prononcé.
On voit par ce résultat que l'heureuse action de l'hydro-
chlorate de baryte est incontestable. Ce remède serait sur-
tout précieux chez les jeunes enfans, pour la facilité de son
administration ; on parvient très-aisément à leur faire prendre
malin et soir une ou deux cuillerées à bouche d'une solution
dont on peut corriger l'amertume par l'addition d'une petite
quantité de sirop.
M. Baudelocque n'emploie pas les purgatifs comme base
d'un traitement anti-scrofuleux, mais il les considère comme
moyens accessoires très-propres à favoriser l'action des re-
mèdes. Ce médecin emploie aussi fréquemment un éméto-
Cathartique ( un grain d'émétique dans une livre de chien-
dent, à prendre par verrée de demi-heure en demi-heure ).
Les évacuations sanguines ne doivent être prescrites que
dans un très-petit nombre de cas; quant aux exutoires, ils
ne conviennent que chez certains sujets, ceux par exemple
qui offrent une pléthore lymphatique, des formes arrondies,
le teint frais, rosé, etc.
Tels sont les moyens principaux que ce médecin a expéri-
mentés dans les maladies scrofuleuses. Les précautions hy-
giéniques indiquées par tous les auteurs ont dû seconder
puissamment l'action de ces médicamens dont nous nous
bornons à indiquer les doses et la valeur thérapeutique,
telles qu'on les trouve consignées dans l'ouvrage de M. Bau-
delocque.
ART. ii5o.
De l'emploi de la teinture de cantharide dans le catarrhe vésical.
M. Casimir Brous?ais a employé avec un succès remar-
quable la teinture decantharides sur deux gardes municipaux
atteints de catarrhes de la vessie. L'un était entré au Val-de-
Grâce pour une gastro-entérite avec fièvre intermittente. À
(490
peine guéri de cette complication, il se développa un vaste
abcès à l'anus, et le malade déclara que se* urines étaient
troubles. En les transvasant, en effet, on reconnut qu'elles
contenaient une quantité notable de matières sédimenteuses
et purulentes. Les boissons diurétiques et les moyens em-
ployés en pareil cas n'ayant eu aucun effet, on prescrivit une
potion gommeuse avec addition d'une goutte de teinture de
cantharides. Dès le lendemain, il y avait une amélioration re-
marquable. On porta la dose jusqu'à deux gouttes, et le ma-
lade guérit en quelques jours.
Le même moyen réussit aussi promptement chez un autre
garde municipal qui portait un catarrhe vésical beaucoup
plus ancien et beaucoup plus grave.
ART. Ïl5l.
Accidens vénériens occasionés chez un enfant par des sangsues qui
avaient servi aune personne infectée de maladie syphilitique.
M. le docteur Bermondapublié l'observation suivante dans
le Bulletin médical de Bordeaux.
tin enfant, îgé de huit ans, fut atteint de la variole dans les
premiers jours du mois d'août dernier. L'éruption parcourut
régulièrement ses périodes, mais à l'époque de la desquam-
mation, à la suite d'un changement brusque survenu dans la
température, le petit malade fut pris d'un violent mal de
gorge et d'un gonflement considérable des glandes sous-
maxillaires qui nécessitèrent une application de sangsues.
Malheureusement, on se servit de celles qu'un jeune homme
avait toutrécemment employées pour lui-même. Trois sang-
sues prirent bien à quelque distance l'une de l'autre, et lais-
sèrent écouler une assez grande quantité de sang. Quelques
jours après, on vit les piqûres se transformer en petits ulcè-
res, qui s'élargirent et se confondirent pour n'en former qu'un
seul, dont l'aspect ne laissait aucun doute sur sa nature. Les
bords étaient frangés, coupés comme avec un emporte-pièce;
sa surface était enfoncée, livide, etc. La douleur était telle-
ment intense, la nuit surtout, que le petit malade ne pou-
vait plus sommeiller.
Le 20 septembre seulement, M. Bermond fut consulté
pour la première fois. On se bornait à panser l'ulcère avec le
cérat, mais il conseivait ses mêmes caractères, et la santé
du malade était détériorée à ce point que les parens et les voi-
sins le considéraient comme dévoué à une mort certaine. La
pommade mercurielle opiacée, la tisane de salsepareille et le
(493)
jirop de Portai, amenèrent de l'amélioration dès le troisième
jour. Les douleurs disparurent, le sommeil revint, et l'ulcère
prit un aspect favorable. C'est alors que M. Bermond apprit
(jue les sangsues dont on s'était servi avaient été appliquées
au pli de l'aine, quelques jours auparavant, sur un jeune
homme qui était porteur, depuis long-temps, d'une maladie
vénérienne. Le même traitement a été continué, et le petit
malade se trouve actuellement presque guéri.
Réflexions. M. Bermond est persuadé que, chez ce petit
malade, l'infection vénérienne a eu lieu par l'entremise des
sangsues infectées, et par conséquent qu'une sangsue appli-
quée sur un malade vénérien, et posée peu de temps après
sur une personne saine, peut produire tous les accidens de
l'infection. Le transport de la syphilis par cette voie n'a rien
qui choque la raison, et nous sommes loin de vouloir rejeter
les conclusions de ce médecin.
En effet, le virus syphilitique peut être transporté de plus
d'une manière parla sangsue; on conçoit que son corps
puisse en être imprégné à l'extérieur, qu'elle ait avalé une
certaine quantité de pus, et enfin qu'elle ait contracté elle-
même une affection qu'elle inocule ensuite par contact dans
la plaie. C'est cette dernière opinion que paraît partager
M. Bermond dans l'observation citée ; mais il nous semble
plus probable que l'inoculation s'est opérée par l'une des
deux premières voies, et nous concevrions plus facilement
que le pus avalé par la sangsue ait été déposé dans la plaie
par régurgitation.
.Mais cette observation nous semble incomplète, car nous
ignorons quelssymptùmes syphilitiques avait lejeune homme
qui le premier a fait usage des sangsues. Avait-il un bubon
accompagné de chancres ou d'une blennorhagie? Les sang-
sues ont-elles été appliquées sur un ulcère syphilitique ou
sur la peau saine ? C'est ce qu'il serait bien important de sa-
voir, car on pourrait faire dans ce cas, contre l'inoculationpar
les sangsues, une foule d'objections qui enlèvent à ce fait
une grande part de son intérêt. Ainsi ce jeune homme était,
dit-on, depuis long-temps porteur d' une malaxiie vénérienne. Mais
qui ne sait que les symptômes anciens de syphilis ne s'ino-
culent qu'avec la plus grande difficulté ? Il est plus que pro-
bable que ce malade avait un bubon chronique et ulcéré. Or
M. Cullerier oncle, M. Cullerier, actuellement chirurgien de
l'hôpital des Vénériens; M. Devergie, médecin du Val-de -Grâ-
ce, ont cherché de toutes les manières à inoculerle pus prove-
nant de ces bubons; ils n'ont que très- rarement pu réussir à
développer des symptômes de syphilis. On conçoit difficilement
t494)
que des sangsues aient produit au bout de quelques jours ce
qu'on a si souvent tenté inutilement avec la lancette.
On objecte que Je» ulcères du cou avaient l'aspect des ul-
cères syphilitiques, et que de plus ils ont guéri sous J'in-
fluence des applications mercurielles. C'est assurément une
probabilité en faveur de l'inoculation, mais ces caractères
sont insufûsans pour l'aire prononcer à eux seuls sur leur na-
ture Les ulcères delà peau, quelle que soit leur cause, ont
entre eux une analogie telle que souvent les plus habiles hé-
sitent à se prononcer sur leur véritable caractère. Et quant
au succès obtenu par les applications mercurielles, nous
avons vu tant de fois ce prétendu spécifique échouer contre
des symptômes de syphilis, et cicatriser au contraire avec ra-
pidité de» ulcères d'une tout autre nature, que, tout en con-
venant de son efficacité, en général, contre les symptômes
vénériens, nous ne saurions le regarder comme une sorte de
pierre de touche pour reconnaitre l'origiue des maladies de
la peau.
On voit donc que cette observation, quelque intéressante
qu'elle puisse paraître, n'est pas tellement concluante qu'elle
fasse juger à elle seule une question qui est encore loin d'ê-
tre décidée Mais rapprochée de quelques faits de ce genre,
elle acquerrait un degré de certitude qui lui manque faute
de détails suffisaus.
ART. 1 l52.
Angine de poitrine intermittente ; gaérison par le sulfate de
quinine, les drastiques et l'abstinence des boissons.
Ud homme de soixante ans, d'une constitution robuste,
ressentit tout-à-coup, et sans cause connue, de fortes pal-
pitations qui durèrent trois quarts-d'heure. Cet accident se
reproduisit plusieurs fois à des époques variées. On employa
inutilement des évacuations sanguines et la digitale en pou-
dre. A la fin d'avril i855, il était dans l'état suivant :
Dans rinlervallc des accès, on reconnaissait manifestement
une hypertrophie du côté gauche du cœur; le côté droit était
dans son état normal; le pouls était régulier, les poumons
sonores, etc.; naais tout-a-coup le malade éprouvait un sen-
timent de gêne extrême et d'elouffemcnt dans la région épi-
gastrique, s'elevant le long de l'œsophage et s'étendant jus-
que vers le cœur. Il survenait en outre des palpitations
insupportables. Uéprouviiitalors une sullocation inmiinente,
et se couchait sur le ventre eu se penchanjl, sur le côté droit.
C'çât dans cette position seulement qu'i^ obCcnait quelque
(495)
soulagement. Examin»'; par la percussion, le côté droit sem-
blait être devenu énorme; il remplissait une grande partie
du médiastin qu'il refoulait à droite. Le pouls' était à cent
vingt pilsatious et à peine perceptible; la face était livide,
les lèvres bleuâtres, etc.
Pendant le premier quart-d'heure, le malade commençait
à rendre une quantité considérable d'une urine très-claire.
Pendant une heure entière que durait cet accès, la quantité
d'urine pouvait être évaluée au moins à trois pintes. Des gaz
étaient en outre rendus abondamment par la bouche; enfin,
les accidens se calmaient peu à peu, et tout rentrait dans
l'ordre.
Depuis dix ans, ce malade éprouvait des accès à peu près
semblables, lorsqu'il consulta MM. Maijolin et Piorry, qui
conseillèrent : l'abstinence des boissons, le sulfate de qui-
nine, à la dose de quinze grains par jour, quelques pilules
drastiques, plusieurs évacuations sanguines générales et lo-
cales, et enfin un régime doux.
Sous l'influence dece traitement, les palpitations ont pres-
que entièrement disparu; les accès ont été rares et très-légers;
la santé est bonne, et tout annonce une guérist)n prochaine.
{Ballet, clin.)
ART. Il55.
Observations de douleurs névralgiques dissipées par la morphine,
appliquée sur le derme dénude. (Article communiqué par
IM.E. Bodin, docteur en médecine à Saint-Donat (Drôme).
Madame Gielly, institutrice à Saint-Donat, sujette à des
gastralgies fréquentes et périodiques, fut atteinte il y a envi-
ron un mois d'une chelérine assez intense qui se manifesta
par des vomis;emens et des selles bilieuses fort abondantes.
L'estomac surtout était le siège de souffrances intolérables ;
l'impression seule des doigts sur la région épigastrique suffi-
sailpourlui arracherdescris de douleur. Il lui semblait qu'un
reptile contenu dans l'estomac, et se livrant à des évolutions
continuelles, dilacérait la substance même de cet organe. La
diète, les boissons mucilagineuses, les catapla-mes émoi-
liens, les sangsues sur la partie malade, n'avaient amené au-
cim résultat satisfaisant. Cette dame, en proie aux •souffran-
ces les plus aiguës, était réduite au désespoir, et presque
découragé moi-même par l'insuccès de ces moyens, j'espé-
rais à peine sa gueri«on, lorsque je me décidai à appliquer
sur le centre épigastrique ua petit vésicatoire que je saupou-
(496)
drai avec une pincée de morphine. Une amélioration très-
sensible fut le résultat de cette tentative. Je renouvelai cette
application plusieurs jours de suite; les douleurs névralgi-
ques s'amendèrent, les vomissemens furent arrêtés, les déjec-
tions alvines devinrent moins fréquentes. Bientôt l'eslomac,
qui ne pouvait supporter la plus légère boisson, garda du
bouillon, des soupes,et enfin des alimens solides. Aujourd'hui
cette dame est entièrement rétablie.
Le nommé Ageran, maçon à Saint-Donat, atteint depuis
plus de six mois d'une sciatique très-aiguë, sans réclr.mer les
secours de la médecine, se décida enfin à me consulter ces
jours passés. Cet homme était triste, amaigri; son visage por-
tait l'empreinte d'une souffrance extrême. Il pouvait à peine
se tenir debout, et se traînait plutôt qu'il ne marchait pour
vaquer à ses besoins. Il s'était appliqué de lui-même deux vé-
sicatoires, l'un au sommet de la cuisse, l'autre au mollet du
même côté. Les douleurs qui se faisaient sentir dans toute la
longueur du membre pelvien, n'en furent nullement amen-
dées. Je m'empressai d'appliquer la morphine sur les surfa-
ces dénudées de ces vésicatoires. Le lendemain, le malade
déclara souffrir beaucoup moins que la veille. Je réitérai les
applications de morphine en augmentant peu à peu les do-
ses. Je fis suivre ces applications d'une saignée du bras, de
quelques bains généraux et d'une légère diète. Au bout de
deux jours cet homme, qui depuis plus de deux mois ne pou-
fait faire aucun usage du membre pelvien, était levé, mar-
chait librement, et n'accusait d'autre malaise qu'un léger en-
gourdissement dans la jambe, provenant sans doute de l'état
d'inaction prolongée dans lequel les muscles ont/été plongés
pendant tout le cours de sa maladie. (Voy. art. 1094)
ART. 1154.
Observation de phlébite survenue à la suite d'une saignée du
braSy et guérie par le tartre stibié. Considérations sur une
cause fréquente de cet accident.
On trouve dans ta Lancette du 6 octobre l'observation sui-
vante :
Un boulanger, fréquemment atteint de bronchites aiguës,
fut pris lout-à-coup de sjinptômesde pleurésie dansles pre-
miers jours du mois de mai dernier. Un médecin fui appelé
et pratiqua immédiatement une saignée du bras gauche, et
deux jours après une seconde saignée au bras droit. L'affection
de poitrine, combattue en oulre par des applications de
(497)
sangsues et un régime convenable, ne tarda pas à céder, mais
le troisième jour, après la saignée du bras droit, la veine mé-
diane basilique, qui avait été ouverte, parut s'enflammer. Le
médecin s'empressa de faire appliquer ù plusieurs reprises
des sangsues au pli du bras, en même temps qu'il recouvrait
la partie endolorie de cataplasmes émolliens et narcotiques.
Les accidens allant en augmentant, le malade se décida à en-
trer à l'Hôtel-Dieu.
Il éprouvait alors une douleur très-vive sur la longueur
du membre, avec gonflement et tension sur le trajet de la
veine basilique. Le tissu cellulaire était gonflé jusqu'à l'ais-
selle; la plaie faite par la saignée était béante; les bords en
étaient durs ; il s'en écoulait une sanie purulente. La chaleur
de tout le bras était mordicante et élevée. Le faciès était al-
téré, et il y avait absence de sommeil.
M. Sansou prescrivit une application de vingt-cinq sang-
sues sur le bras, suivie d'un bain local, des fomentations
émollientes et des boissons laxatives. Ces moyens, continués
pendant deux jours, n'amenèrent aucune amélioration. La
fièvre continuait, et le malade éprouvait des frissons de plus
en plus fiéquens et prolongés. Le quatrième jour de son en-
trée à l'Hôtel-Dieu, ce malade prit huit grains de tartrp sti-
bié dans quatre onces d'infusion de fleurs de tilleul édulco-
rée,le tout entrois doses dans la journée. Il survint seulement
quelques nausées. Le lendemain, il y avait une légère amé-
lioration. On prescrivit de nouveau la potion, qui fut égale-
ment très-bien supportée. Tous les accidens graves disparu-
rent alors, les frissons, la fièvre continue, les sueurs et l'ady-
namie. Les petits foyers purulens disséminés dans le bras se
dissipèrent sans qu'il fût besoin de recourir à aucune incision,
et le malade se rétablit parfaitement.
Bé flexions. Ldi'phlèhhe qui succède quelquefois à la saignée
du bras est un accident fort grave, et qui, dans les derniers
temps, a attiré toute l'attention des praticiens. Malheureuse-
ment, si les recherches auxquelles on s'est livré ont fait con-
naître le traitement rationnel de cette maladie, il faut conve-
nir qu'on est encore fort peu avancé sur son étiologie, et
qu'on ignore presque entièrement les moyens de la prévenir.
Parmi les causes qui ont été signalées, il en est une que nous
trouvons indiquée dans le Bulletin médical de Bordeaux du
18 septembre dernier, par M. ledocteur Chaumet, chirurgien
en chef adjoint de l'hôpital Saint-André. Il serait fort dan-
gereux, suivant ce médecin, de couper la veine transversa-
lement, comme on le pratique en général, parce qu'on inté-
resse de cette manière les filets nerveux et les vaisseaux
Ton. VI. — "i" DE îîovEMBRE. Sa
(49»)
lymphatiques qui accompagnent la plupart des veines. Une
plaie faile duiis la longueur du vaisseau ferait éviter tous ces
accidens, et pourrait d'ailleurs être réunie immédiatement
avec beaucoup plus de promptitude et de sûreté que l'inci-
sion iransveisale.
M. Chaumet conseille donc d'inciser la veine dans sa lon-
gueur, et non dans sa largeur, toutes les fois que cela est
possible, el il est convaincu que, de cette manière, on évitera
un très- grand nombre de phlébites cou'^écutives à l'opéra-
tion. Voici quelques faits à l'appui de cette opinion :
Pendant l'hiver de i832,ilyeut lans le grand hôpital de
Bordeaux une telle fatalité attachée à la plupart des saignées
qui furent pratiquées, que la phlébite se déclara chez un grand
grand nombre de malades, et que plusieurs succombèrent.
Cependant les lancettes dont les élèves se servaient étaient
dans le tneilleur état de propreté. Mais M. Chaumet attribua
ces accidens funestes à ce que la veine était coupée transver-
salement, et que la plaie n'était ensuite réunie que d'une ma-
nière imparfaite. On prescrivit donc de faire les ouvertures
en long, et de réunir iiimié('iatement, à l'aide de petites
bandelettes de toile-dieu, destinéeà maintenir en contact les
lèvies de la petite plaie. Cette pratique ayant été répandue
dans la salle, cette épidémie de phlébite disparut aussitôt.
ART. 11 55.
Histoire coynpLete des ruptures et des déchirures de l'utérus,
duvaginet dupérinée, parE. Duparque. ( Analyse. )
Depuis quelques années l'altentiondes praticiens a été ap-
pelée sur les déchirures qui peuvent survenir dans les or-
ganes génitaux de ta femme, soit pendant la grossesse, soit à
l'époque lie l'accouchement. La Société médicale d'émula lion
de Paris ayant mis ce sujet au concours, l'ouvrage que nous
aunoDçons fut couronné, et son auteur, M. Duparque, l'a
livré au public avec cette recommandation.
examinant d'abord les ruptures de l'utérus, ce médecin
commence par citer quelqiies faits qui prouvent que cet acci-
dent peut avoir lieu même hors l'état de grossesse. On con-
çoit que ces sortes de ruptures doivent être excessivement
vares ù cette époque^ mais il n'en est pas de même des rup-
(i) Lu vol. io-8", A Paris, clieis Germcr-JBaillièrc, rue de l'Ecole-de-
MOdecine, ti l'i.
(499)
tures qui surviennent lorsqu'un fœtus est développé dans la
matrice. Les causes de déchirures sont alors nombreuses;
elles peuvent firovenir, soit d'une violence extérieure, soit
d'une cause inhérente à la matrice elle-même, soit enfin de
plusieurs de ces causes réunies. Parmi les observations de ce
genre citées par M. Duparque, il n'en est pas de plus cu-
rieuse que la suivante :
Une iemme, âgée de trente-trois ans, se livrait fréquem-
ment à des accès de colère portés jusqu'à la frénésie. Dans le
cours d'une seconde grossesse, elle fit une chute qui provo-
qua l'avortement ; depuis cette époque, une métrorrhagie
presque continuelle avait altéré sa constitution et l'avait jetée
dans un grand état de faiblesse; cependant elle accoucha
deux fois encore sans accidens aucuns. Elle était enceinte
pour la cinquième fois et parvenue au quatrième mois de
sa grossesse, lorsqu'elle s'abandonna à un accès de colère
extrêmement violent. Revenue à elle, et encore toute trem-
blante, ellfc se plaignit d'avoir éprouvé dans le ventre une
vive douleur accompagnée d'nn claquement. Il était neuf
heures du soir; la nuit fut assez calme, mais le jour suivant
elle s'aperçut que sa chemise était tachée d'un peu de sang.
Bien qu'elle éprouvât une certaine pesanteur dans le ventre,
elle continua jusqu'au soir de vaquer à ses travaux. Alors des
douleurs violentes se manifestèrent dans l'abdomen : des vo-
missemens continuels la fatiguèrent toute la nuit, et le jour
suivant, à sept heures du matin, elle expira subitement. On
trouva, à l'autopsie, l'abdomen rempli de sang noir en grande
partie coagulé; à la surface de cet épanciiement, et immé-
diatement sons les parois abdominales, surnageait un fœtus
qui paraissait âgé de quatre mois. En suivant le cordon om-
bilical, on le vit s'enfoncer dans l'utérus, à travers une dé-
chirure existant à la partie supérieure de cet organe. Cette
ouverture avait deux pouces dans son plus grand diamètre;
les bords en étaient presque aussi droits et réguliers que si la
division en avait été faite par l'instrument tranchant; mais
en cet endroit les parois de l'utérus étaient moins consis-
tantes et de moitié moins épaisses que partout ailleurs. Plu-
sieurs vaisseaux variqueux rampaient en outre à sa surface.
M. Duparque n'admet pas. que les mouvemens brusques
de l'enfant puissent rompre le tissu de la matrice, comme
l'ont avancé quelques accoucheurs, mais plusieurs états pa-»
thologiques de cet organe peuvent en affaiblir les parois et
prédisposera cet accident. Il en est de même à l'époque de
l'accouchement; les contractions utérines ne sauraient le
produire quand lesparois de la matrice sont dans leur état na-
(5oo)
turel. Nous ne rappellerons pas les preuves que l'auteur rap-
porte à l'appui de ces opinions, voulant nous borner à citer
quelques observations d'où découleront quelques réflexions
pratiques d'un intérêt plus général.
Le corps de la matrice n'est pas seul susceptible de se dé-
chirer, son col en offre aussi de fréquens exemples ; voici une
observation recueillie par l'auteur, qui démontre toute la
gravité de cet accident, et fera apprécier les remarques de
M. P. Dubois, sur les force» de résistance qu'offrent les par-
ties génitales de la mère (i).
Une femme d'une petite stature, âgée de seize ans, arriva au
terme de sa première grossesse, en juin 1822. Les parties ex-
ternes de la génération étaient serrées et rigides, le col uté-
rin épais et dur. Après plusieurs jours de douleurs, le col
refusant de se dilater, malgré les saignées, les bains, la bel-
ladone, etc., les contractions utérines s'affaiblirent, et la
femme étant épuisée, il fallut bien recourir au forceps. Bien
que la tête de l'enfant fût convenablement placée, les bran-
ches de l'instrument furent introduites avec difficulté ; on
fit inutilement plusieurs tractions ménagées, et enfin, dans
un dernier effort, la tête fut brusquement entraînée dans
l'excavation du bassin. La femme poussa un cri violent; mais
l'accouchement étant terminé, elle reprit courage et se plai-
gnit peu des suites. Il y eut d'abord une perte assez abon-
dante quis'arrêta d'elle-même après la délivrance; puis, deux
ou trois jours après l'accouchement, survinrent des signes de
métro-péritonite, qu'on enraya par une application de trente
sangsues.
Cependantlamalade se plaignaitd'une douleur continuelle
sourde dans le bas-ventre, vers le côté droit et profond du
bassin, là où elle avait senti une douleur déchirante au mo-
ment de la précipitation de la tête dans le bassin. Le toucher
pratiqué démontra que le col était revenu sur lui-même, mais
il présentait à droite un profond sillon, qui s'étendait à toute
la partie saillante dans le vagin, et qui s'arrêtait au niveau du
fond du cul-de-sac vaginal. Bientôt la douleur sourde aug-
menta, s'étendit aux nerfs sacréset de là au sciatique; la cuisse
se fléciiil sur le bassin, il survint une fièvre lente, des vomis-
semens fréquens. La malade tomba dans un amaigrissement
extrême, et, quarante-cinq jours après son accouchement,
elle semblait arrivée au terme de son existence.
En pratiquant le toucher avec attention, M. Duparque crut
(1) Voyrz art. 1 10^.
(Soi)
reconnaître une fluctuation profonde à droite du col utérîn,
à travers le cul-de-sac v;iginal. En pre?sanl avec la main sur
les parois abdominales, il crut même sentir de l'empâtement
et de la fluctuation vers l'angle rentrant de liliaque et du
pubis. Persuadé que, dans cette région, il existait un vaste
dépôt, ce médecin plongea un bistouri étroit à huit ligues
environ en dehors de l'artère crurale, et en dirigeant la pointe
de l'instrument obliquement vers la fosse iliaque et le détroit
supérieur, il s'échappa alors un flot énorme de pus. Dèscemo-
ment, l'estomac, qui ne pouvait rien supporter, commença à
conserver quelques liquides. Les douleurs cessèrent complè-
tement, et lu femme se rétablit peu à peu. Après douze ans de
repos, elle est accouchée sans accident d'un second enfant.
Dans d'autres circonstances, c'est le vagin et non la ma-
trice elle-même qui se déchire, et les conséquences n'en sont
pas moins funestes pour la femme.
L'ne dame, au terme de sa troisième grossesse, était assis-
tée par une sage-femme. Le travail n'avançant pas, M. Du-
parque fui appelé, reconnut que l'enfant était hydrocéphale,
et déclara que l'accouchement était impossible sans le se-
cours des instrumeos; mais la sage-femme soutint que l'en-
fant étant bien placé, son expulsion devait se faire naturelle-
ment. Le lendemain, la malheureuse femme était dans un
état d'anxiété inexprimable; elle avait des vomissemens, des
défaillances, tout annonçait une fin prochaine. En pratiquant
le toucher, M. Duparque rencontra dans le vagin un corps
qu'il prit d'abord pour le cordon ombilical, mais qu'il recon-
nut bientôt pour une anse intestinale, et en effet une rup-
ture transversale existait au voisinage de l'insertion du vagin,
sur le col utérin. Le forceps put néanmoins être appliqué
sans que la crevasse en fût augmentée; mais la femme ex-
pira presqu'aussitôt sa délivrance. La main introduite dans
le vagin pénétra aisément dans l'abdomen, où elle ne ren-
contra aucun épanchement.
Il est une autre sorte de rupture contre laquelle on ne sau-
rait trop se tenir en garde, c'est celle qui résulte de tractions
imprudentes faites dans le but d'extraire le placenta apiès
l'expulsion de l'enfant. Il peut arriver que les bords du col
utérin ne revenant pas immédiatement sur eux-mêmes, après
l'accouchement, pendent et flottent dans le vagin. Quelque-
fois la lèvre antérieure pend jusqu'à la vulve, et l'on conçoit
quels accidens graves on déterminerait si, par une fatale
erreur, on venait à prendre cette lèvre pour le bord du pla-
centa.
« Je fus appelé, il y a quelque temps, dit l'auteur, par
( 502 )
une eage-fenifne, pour l'aider dans la dclirrance d'une
femme qui était accniuhée depuis une heure, et qui était
en proie à une perte inquiétante. Le placenta, me dit cette
«age-femme, se présentait à la vulve, mais il paraissait adhé-
rent, et avait résisté d'abord à la traction exercée sur le cor-
don qui s'était rompu, et même à des tractions exercées
«ur le bord saillant de ce corps. J'examine l'accouchée, et
l'aperçois que ce que l'on avait pris pour le placenta était
la lèvre antérieure du col utérin, mollasse, comme flottante
au milieu du canal vaginal. Je plongeai la main dans celui-ci,
€t je sentis l'ouverture de la matrice derrière cette lai'ge lè-
vre, et plus haut le placenta retenu par la contraction incom-
plète cependant de l'orifice interne. J'allai saisir ce corps et
î'aitienai facilement. Les accidens hérnorrhagiques cessèrent,
et la femme fut promptement rétablie. »
Les dangers de ces diverses ruptures ne sont pas tels que
la femme doive succomber immédiatement, alors même
qu'une partie ou la totalité du produit de la conceptiou ont
été précipités dans Pabdoraen. Ln des exemples les plus cu-
rieux qu'on puisse citer à ce sujet sera le suivant :
La femme d'un ouvrier eut lui accouchement très-labo-
rieux, qui ne fut terminé que le troisième jour, au moyen
du forceps. Quand on voulut chercher le cordon pour aider
l'extraction du placenta, on ne trouva plus ni l'un ni l'autre.
La sage- femme présente, non plus que le chirurgien qui
avait terminé l'accouchement, ne surent qu'en penser. La
malade était dans un état qui paraissait désespéré; cepen-
dant elle survécut, mais au bout de six semaines, son enfant
qu'elle allaitait étant mort, elle se plaignit de douleurs sour-
des et d'embarras dans le ventre, qui se tuméfia graduelle-
ment. Ces accidens augmentèrent peu à peu. Tout-à-coup il
se fit par la vulve une irruption de matières brunâtres, d'une
fétidité insoutenable, paraissant formées d'un mélange de
sang corrompu, de sérosité sanieuse et de pus. Le lit en était
inondé. M. Duparque, appelé près de celte femme, trouva
entre ses cuisses plusieurs masses de grosseur variée. La plus
volumineuse pouvait avoir la grosseur d'un œuf de poule, et
présentait l'aspect du tissu placentaire encore garni de ses
membranes. Le toucher fit reconnaître le museau-de-tanche
légèrement tuméfié, déjeté à gauche, et le doigt, au lieu d'ê-
tre arrêté par le cul-de-sac vaginal, pénétra dans une large
ouverture béante, par laquelle s'échappaient encore des ma-
tières semblables à celles qui étaient sorties. La malade étant
arrivée au dernier degré du maïasme et de l'épuisement,
succomba dans la nuit.
( 5o3)
Plusieurs observations ont prouvé que le passage du produit
de la génération dans l'abdomen, par suile de rnptnrH, pou-
vait même T-tre suivi d'une guérison complète, soit que le
foetus eût été retiré, soit qu'il fût resté dans un point inacces-
sible ; mais l'espace nous manque pour citer ces faits, aussi
curieux qu'intéressans pour le praticien. Nous terminerons
cette analyse en rapportant une observation qui démontre
jusqu'à quel point le canal vulvo-utciin et les parties exter-
nes de la génération sont extensibles, lors même que des ci-
catrices vicieuses se sont établies sur leur longueur.
Une femme de vitigt-trois ans eut un premier accouche-
ment très-long et tn's-laboiieux. Ce ne fut qu'après d'e très-
longues et très-nombreuses tentatives qu'on parvint à ap-
pliquer le forceps et à amener un enfant mort à travers le
vagin et la vulve qui ^'était considérablement tuméfiée. Le pé-
rinée fut assez profondément déchiré. Le vagin futfrappé d'in«
flammalion, et bientôt des flots de pus s'en échappèrent, en-
traînant des lambeaux sphacélés de membrane muqueuse.
Cette dame se rétablit cependant d'une manière complète.
Quinze mois après, M. Duparque fut prié d'accoucher
une seconde fois cette malheureuse. Elle était alors grosse
de cinq mois. L'entrée du vagin paraissait complètement
oblitérée au niveau des nymphes. Cependant on apercevait
vers le centre une espèce d'infundibidum beaucoup trop
étroit pour recevoir le petit doigt. Une sonde de femme put
seule y être introduite, et il fut aisé de reconnaître que ce
canal n'avait pas dans sa longueur, de deux pouces et demi,
un diamètre beaucoup plus grand qu'à son entrée. Au-delà
de ce point, le vagin reprenait ses^dinjensions ordinaires. Le
mari, qui n'avait jamais pu, malgré ses tentatives réitéiées,
faire pénétrer le pénis au-delà de la vulve, ne concevait pas
que sa femme eût pu devenir enceinte.
Voici la conduite que M. Duparque crut devoir tenir,
pour prévenir autant que possible les dangers d'un pareil
accouchement. Une saignée fut pratiquée toutes les quatre
à six semaines jusqu'au terme de la grossesse; il prescrivit
en outre des bains de siège de deux heures tous les jours, un
à deux grands bains par semaine; l'introduction dans \e ca-
nal rétréci de cylindres d'épongé préparée par compression,
et des injections souvent répétées de décoction mucilagi-
neuse.
Au septième mois, la dilatation n'était encore suffisante
que pour admettre le doigt indicateur. Il fut possible de re-
connaître un rétrécissement du vagin dans l'étendue d'un
pouce et demi, dont les parois étaient inégales, anfraetueu-
(5o4)
ses, circonscrites par des brides, des replis, etc. On insista
davantage sur les moyens précités, et cette dame passait
pour ainsi dire tontes ses journées dans l'eau.
Enfin le terme de la grossesse arriva. Peu de temps aprè?
l'apparition des douleurs, des mucosités glaireuses s'échap-
pèrent à travers l'orifice rétréci ; une éponge imbibée d'eau
chaude fut maintenue, appliquée contre la vulve entr'ou-
verte. Le col utérin se dilata graduellement, et bientôt on
sentit la tête en première jjosition s'approcher du rétrécis-
sement. Enfin ce canal, pénétré, ramolli par les mucosités,
avait en partie cédé, lorsque les contractions utérines s'arrê-
tèrent tout-à-coup. Une saignée fut pratiquée. Les douleurs
reparurent bientôt; on injectait dans leur intervalle une dé-
coction très-épaisse de graine de lin. Peu à peu le canal
rétréci se trouva déprimé au point de ne plus former qu'un
anneau d'une ligne à une ligne et demie d'épaisseur. Le som-
met de la tête s'y engagea, et finit par le franchir sans y
avoir produit d'autre lésion que de simples et peu profondes
érosions.
Le travail dura treize heures, et on se borna à soutenir la
circonférence du rétrécissement, afin d'empêcher les ruptu-
res, qui semblaient inévitables. L'enfant vécut, et la mère se
rétablit promptement.
M. Duparque s'occupe en outre dans ce travail des rup-
tures de la vulve et du périnée, passant ainsi en revue toutes
les déchirures qui peuvent survenir dans les organes génitaux
de la femme.
ART. 11 56.
HOPITAL CLINIQUE DE LA FACULTÉ.
Considérations sur le diagnostic différentiel et le traitement de la
méningite. (Voy. art. ii43.)
Le diagnostic est le point le plus important de toute ma-
ladie; mais dans la méningite, il offre de véritables difficultés.
Nous avons vu l'histoire de la congestion; on peut, par la
comparaison de ces deux maladies, reconnaître qu'il n'est pas
possible de les confondre. Il est vrai qu'on a prétendu que
quelquelois il survenait du délire dans la congestion, mais
c'est une erreur; la congestion n'est plus simple dans ce cas,
il y a commencement de méningite. Il y a d'ailleurs, dans la
maladie qui nous occupe, céphalalgie violente, délire, agi-
(5o5)
tation, et surtout mouvement fébrile, qui ne permettent pas
de la confondre avec la congestion.
Comment alors distinguer la méningite de l'encéphalite ?
Ces deux affections ne doivent pas être séparées quand la
phlegmasie cérébrale est superficielle, car il semble impos-
sible que l'arachnoïde, et surtout la pie-mère, soient enflam-
mées sans que la substance cérébrale participe à cettephlcg-
masie, 11 en est de même de la pleurésie, qui s'accompagne
toujours d'un certain degré d'inflammation du parenchyme
pulmonaire.
Mais quand l'encéphalite est profonde, on la reconnaît ai-
sément à certains phénomènes locaux, tels que la paralysie,
l'engourdissement, la douleur des membres.
La méningite serait confondue plus facilement avecla fièvre
typhoïde. Souvent, en eflet, il y a dans ces deux maladies cé-
phalalgie au début, mais ce symptôme est beaucoup moins
violent dans le typhus, La douleur est en quelque sorte ob-
tuse, au point qu'il faut souvent demander aux malades s'ils
souffrent à la tête, tandis que dans la méningite, ils s'en plai-
gnent d'eux-mêmes, et continuellement.
Dans ces deux maladies, la vue ainsi que l'ouïe peuvent être
exallées, affaiblies, dépravées. Il n'y a aucune différence dans
l'exercice des sens; mais dans la méningite, la première pé-
riode s'annonce par de l'agitation; dans la fièvre typhoïde,
au contraire, les malades commencent à tomber dans la pro-
stration. Néanmoins, dans l'une et dans l'autre, il peut y
avoir de la carphologie, des désordres dans les mouvemens.
Il existe encore la plus grande analogie dans la lésion de
l'intelligence; il y a délire dans l'une comme dans l'autre
maladie ; cependant cet accident est moins fréquent dans le
typhus, et il n'arrive d'ailleurs qu'à une période avancée,
tandis que c'est un des premiers symptômes de la méningite.
D'ailleurs, dans cette dernière, le malade pousse des cris et
est dans une agitation continuelle, tandis que le délire est
tranquille dans le typhus.
Quelques différences existent encore dans la circulation ; le
pouls est fréquent dans les deux maladies, mais dans la mé-
ningite il dépasse rarement cent pulsations par minute,
tandis que daus le typhus le symptôme le plus frappant est
la disproportion de vitesse du pouls avec le peu de gravité
des accidens. De plus, le sang est riche et couenneux dans
l'un, dilfluent et se coagule avec peine dans l'autre.
Les fonctions digestives offrent aussi quelques différences.
Dans la méningite, en effet, la langue n'est presque jamais
recouverte d'un enduit notable; elle est rouge et humide, et
(5o6)
i^naais brune, fendillée comme dans le typhus, à moins qu'il
n'y ail conipliralion de gaslro-entérile, cas dans lequel les
diUicultés (le diagnoslic sont presque insiiraiontable.-. Il y a
de plijs orilinairenieiit du dévoieaient el des douleurs abdo-
minales dau^ le typhus.
Il est dise de voir qu'il existe entre ces deux maladies la
plus grande analogie, puisque les phénomènes cérébraux
sont pre.-que les mêmes, et (ju'on n'établit quelque différence
que dans les phénoinènes accessoires.
Lés complications de la méningite sont nombreuses. Elle
se rencontre souvent avec les maladies de la peau, et surtout
avec rér}sipéle de la face. C'est à cette complication qu'a
succombé le professeur Béclard. Ellesurvienl aussi trés-sou-
Tentdans la scarlatine el dans la rougeole.
Le principal moyen de traitement consiste dans les anti-
phlogistiqiies. Quand, surtout, on a affaire à un enfant, on
ne saurait agir avec trop de promptitude el d'énergie, quand
il est seulement menacé d'une méningite par une violente cé-
phalalgie. Il faut, à tout prix, juguler la maladie, dûl-on met-
tre le sujet à bas, en saignant à outrance, autant toutefois que
la constitution le permet. Rien n'est plus dangereux que de
laisser arriver la sei onde ou la troisième période, La timidité
dans ce cas est une faute grave.
Il faut saigner de toutes manières en même temps. II est
rare qu'on saigne un enfant dans le premier âge, mais on
peut lui mettre des sangsues plusieurs fois par jour.
Chez l'adulte, on peut saigner de toutes les manières.
Ainsi, sur un malade atteint de méningite M. Rostan a fait
pratiquer dernièrement la saignée du bras, de la jugulaire,
et enfin de la temporale. Quelques médecins ont con«ieillé lu
saignée du pied, mais celle du bras est tout aussi efTicace.
On place ensuite des sangsues autour du cou, quelquefois
aux tempes. On a prétendu qu'on augmentait de cette ma-
nièreTengorgemenlducerveau, mais c'est une erreur. Quand
les sangsues sont mises en nombre suffisant, elles n'unt pas
d'autre effet que de dégorger cet organe.
La glace appliquée sur la lOte estnn moyen puissant. Sitôt
son application, on voit la face pâlir; il est évident que le
cerveau est dégorgé; mais il faut bien choisir le moment pour
en faire usage, Quand le malade éprouve une céphalalgie
intense, que le visage est coloré, c'est le moment d'y avoir
recours; mais s'il est pâle et tombé dans l'affaissement, il
faut s'empresser de l'enlever. Quelquefois aussi la glace
cause des douleurs intolérables ; on ne saurait donc surveiller
avec trop de sein son emploi.
(507)
Les affu?ions froides demandent encore plus de précau-
tions. Il n'y a pas de moyen qui prodiii>e ime prostration
plus proniple ; cependant il est des cas dans lesquels itn peut
en retirer de bons «'ffels. On met le maladf dans un bain, et
on fait queUjues allusions sur la tête pendant quelques minu-
tes ou seulement quelques secondes. Ce moyen convient dans
la seconde et surtout dans la troisième période ; mais il exige
les plus grandes précautions.
Les purgatifs peuvent être utiles. On emploie les sels neu-
ii très de préférence. !M. Rostan ne pense pas qu'ils puissent
I produire de gastro-entérite; mais s'ils en produisaient, ce ne
èeraii qu'une dérivation salutaire.
On a conseillé aussi les vomitifs; il faut les rejeter, non-
seulement du traitement de la méningite, mais encore du
traitement de toutes les maladies cérébrales, parce qu'ils
augmentent la congestion.
Les révulsifs ont des avantages et des inconvéniens. Ils
produisent une irritation locale qui est perçue par le cerveau
et par conséquent ils augmentent l'irritation. Ils ne convien-
nent donc pas dans la période d'excitation; mais dans la se-
conde et la troisième période, les synapismes aux pieds, les
vésicans, les rubéfiaiis, peuvent avoir des avantages.
Dans cette dernière phase, on ne doit pas se borner aux
vésîcatoires aux jambes Quand le malade est plongé dans un
état comateux, quand il existe des signes d'une sutfusion sé-
reuse, il faut alors raser la tête et la couvrir d'un large vé-
sicatoire. IM.Ilostan a retiré de très-bons effets de ce m«»yen.
On peut en outre, dans ces cas désespérés, faire des frictions
mercurielles autour du cou, et panser le vésicatoire avec le
même onguent.
ART. 1 107.
HOPITAL SAINT-LOUIS.
Leçons cliniques de M. AUbert : Dermatoses teigneuses ;
achores, porrige, favus, plique.
Après avoir exposé dans une suite d'articles les maladies de
la peau qui tiennent à une causesyphilitique, et fait connaître
le traitement que M. Cullerier dirige contre elles, nous al-
lons commencer dès aujourd'hui l'étude des malaiiics de la
peau en général, observées dans les salles de l'hôpital Saint-
Louis. Nous débuterons par la classe la plus simple et la plus
commune peut-être, celle des Dermatoses teigneuses, dont
(5o8)
nous allons tracer rapidement l'histoire dans ce chapitre (i).
Les Dermatoses teip^neuses allaquent principalement le
premier âge de la vie. Elles constituent une maladie en gé-
néral fort opiniâtre, et qui étant très-souvent confiée aux
charlatans, n'en devient que plus rebelle à tous nos moyens
de traitement.
C'est ordinairement sur le cnir chevelu que cette classe
d'éruptions se développe, et les enfans, dont la tête, comme
on sait, est un centre de fluxions habituel, doivent en être
très-fréquemment atteints.
Le mot teigne vient sans doute de ce que le cuir chevelu
corrodé, ulcéré par cette maladie, offre alors quelque analo-
gie avec le drap rongé par les animaux de ce nom. Quoi
qu'ilen soit, comme en général la teigne se fixe sur le cuir
chevelu, et que le tissu cellulaire qui unit les tégumens du
crâne aux parties sous-jacentes est d'une grande densité, ce
mal est plus tenace sur ce point que sur les autres parties
du corps, et son opiniâtreté en est le caractère principal.
Les Dermatoses teigneuses sont divisées en plusieurs genres
faciles à distinguer.
1° AcHOKE [Porrigo larvalis de Willam, gourme). On dési-
gne sous ce nom une exsudation muqueuse, jaunâtre, qui se
dessèche à la surface du cuir chevelu, et offre l'aspect du
miel concret, répandant une odeur aigre particulière. Cette
concrétion s'étend souvent aux oreilles, à la face, et même
à toute la surface du corps.
(i) Voulant donner une clinique des maladies de la peau, ainsi que
nous en avions pris l'engagement, nous avons l'ait choix de c»;lle de
M. Alibert, auquel on doit de si beaux travaux sur les Dermatoses.
Mais nous ne nous bornerons pas à rapporter les leçons de ce savant
professeur, et à faire connaître dan» tous ses détails la thérapeutique
que sa longue expérience lui a fait adopter. Nous nous proposons de
passer en revue plus tard quelques autres services, afin de signaler les
différences que les médecins qui se sont le pins spécialement occupés
des maladies de lapcau, apportent dans leur traitement. C'est, en effet,
la thérapeutique presque seule qui doit nous occuper dans ce travail,
et nous nous bornerons à exposer seulement les principaux genres de
chaque groupe , négligeant le plus souvent leurs variétés, qui n'offri-
raient presque aucun intérêt pour la pratique, puisque, dans presque
tous les cas, les moyens à employer sont les mêmes. Ce n'est point d'ail-
leurs dans un journal, ni même dans un livre, qu'on peut apprendre à
distinguer et à classer les variétés infinies des affections cutanées. Il
suffit qu'où y puisse reconnaître les genres principaux de ces maladies,
et la pratique des meilleurs maîtres.
(Note du rédacteur.)
(âo9)
Ce genre a deux espèces, Vachore muqueux et Vachore lac-
tumineux. Cette dernière espèce est à peine une maladie :
c'est ce qu'on appelle la croûte de lait. On sait qu'elle con-
siste dans une réunion de petites écailles ou plaques qui s'ag-
glomèrent sur le cuir chevelu des enfans à la mamelle, et
forment quelquefois une large croûte qui couvre toute la
tête. On peut délerminer la chute de celle excrétion par des
applications de corps gras, mais elle ne tarde pas à se repro-
duire. Cette éruption ne causant aucune espèce d'accidens,
nous n'aurons pas à nous entretenir de son traitement.
Uachore muqueux est plus important à étudier. Il consiste
dans un écoulement extrêmement abondant qui se concrète
dans les cheveux, les fait adhérer entre eux ainsi qu'aux lin-
ges dont on couvre la tête des enfans. Cet écoulement, tout
incommode qu'il est, demande cependant à être respecté, à
moins qu'il ne devienne excessif ou qu'il ne se prolonge in-
définiment. Lorsque, par l'effet de médicamens imprudem-
ment appliqués ou par toute autre cause, il vient à se suppri-
primer subitement, l'enfant devient triste, abattu, et son
visage exprime la !>ouffrance. Lorsqu'au contraire on par-
vient â rétablir son cours, on voit le petit malade reprendre
de la gaîté et tous les attributs d'une santé parfaite.
2° PoBRiGO [pityriasis, teigne rugueuse). Le genre achore
avec ses deux espèces ne se rencontre guère que pendant les
deux premières années de la vie. A mesure que l'enfant gran-
dit, il devient sujet à une autre variété de la teigne, qu'on a
désignée sous le nom de porrigo. Elle se manifeste par de
petites écailles qui se forment à la racine des cheveux, et s'en
détachent aisément, par des croûtes brunes et fort dures, ou
enfin par des gerçures qui amènent des alopécies partielles.
Ce genre s'accompagne d'un prurit assez violent. Il y en a
trois espèces principales :
Le porrigo granulata^ dans lequel il s'exhale du cuir che-
velu un liquide brunâtre qui, se concrétant dans les cheveux,
forme des croûtes semblables à certaines graines; le porrigo
furfuracea, consistant dans une sorte de farine grossièrement
moulue qui s'échappe de la tête lorsqu'on agite les cheveux ;
enfin le porrigo tonsorla, dans lequel les cheveux se détachent
par plaques arrondies, semblables à la tonsure des prêtres.
Cette dernière espèce se montre quelquefois d'une manière
épidémique, et M. Alibert a vu dans un collège de Paris plus
de dix enfans qui en étaient atteints à la fois.
5° Favcs (teigne faveuse). Ce genre est le plus important;
il consiste dans le développement de croûtes jaunes sur le
cuir chevelu, offrant dans leur milieu un godet, qui les fait
(5»o)
ressembler aux alvéoles d'une ruche à miel. Le cuir chevelu
n'est pas toujours le seul siège de cette exsudation; les autres
parties du corps en sont quelquefois couvertes, et il y a dans
ce moment à l'hôpital Saint-Louis un enfant dont le corps
entier est couvert de plaques semblables.
C'est une maladie des cryptes sébacées, qui, admettant
dans leur intérieur une grande quantité de matière concré-
tée, se dilatent forcément, et ollVent l'aspect particulier au
favus. Quelquefois cette maladie réagit sur toute l'économie
et retarde la puberté; c'est ainsi que M. Alibert a vu une
fille arriver à trente ans sans offrir plus de développement
qu'à rage de dix ans. On a eu aussi à l'hôpital un jeune
homme qui était dans le même cas.
4° Plique. Enfin ce professeur admet un quatrième genre
désigné sous le nom de pUque, et qui consiste dans une in-
flammation de la racine des cheveux. Bien que celle maladie
soit particulière à certains pays du Nord et à la Pologne en
particulier, on en rencontre quelques exemples en France;
ainsi l'an dernier il y avait à l'hôpital une femme d'Orléans
qui assurait souffrir horriblement quand on lui coupait les
cheveux trop courts. Ses clieveux étaient d'ailhmrs hérissés
et entortillés comme dans la plique polonaise.
Tels sont les divers 'genres qui constituent les Dermatoses
teigneuses. Le traitement de cette maladie fera l'objet du
chapitre suivant.
ART. 1 i58.
Sa. — Coiisidèr allons pratiques sur le traitement de la teigne :
Traitement des achores et du porngo.
Le traitement de la leigne doit varier suivant les genres.
Ain.-^i il serait iu<liscret de chercher à guérir les achores; il
faut, au contraire, fivoriser l'écoulement par des applica-
tions de feuilles de choux ou de poiree emluiles île beurre
frais, par des vésicatoires tier ière les oreilles, lorstiue la sé-
crétion s'étant siippriuiée, les enfaiis soûl tristes et abattus.
Il faut eu ()Utre les lenir dans une très-grande propreté, les
Kivttr souvent avec une décoction de son ou de guimauve.
Par ces moy.-ns doux, on inudère à la longue la trop grande
abondance du mucus, et au bout d'un certain temps ou peut
employer avec ménageuient quv^lques lotions sulfureuses ;
ou d'>nne en lU^me te.n;)s une infusion de peusée sauvage,
de chijorée ou de chien lent, (jueiquefois Je l'eiiu Je rhu-
barbe, et lorsque, l'écoaitiuieuL élant supprimé, les viscères
(5ii)
el surtout les ganglions abdominaux viennent à s'enflam-
mer, on doit s'empresser de promener sur la peau plusieurs
vésicaloires.
Il ne faut pas oublier que l'achore muqueux est le résul-
tat d'une excrétion qu'il serait extrêmement dangereux de
supprimer, et que les accident les plus i;raves pourraient
survenir si, au li*iu de recouvrir la tête avec des «cataplasmes
émolliens, de faire des lotions avec des décoctions d'epi-
nards ou d'autres plantes ad^uioissautes, ou appliquait im-
prudemment sur le cuir chevelu des répercussifs, qui sont
conseillés par bon nombre de charlatans.
Quant à Vachore laiteux, il faut encore moin? lui appli-
quer des reinèdes ; ou doit se borner à brosser la tête et à
changer fréquemment le linge qui la couvre.
Un enfant de quinze mois environ a été apporté à la con-
sultation. Le cuir chevelu, les oreilles, le front et une partie
du corps étaient couverts d'un achore muqueux; mais la
surface des croûtes était sèche; le mucus ne coulait que
sur quelques points ; l'enfant était triste et mangeait peu.
M. Alibert dicta la formule suivante:
Appliquer derrière les oreilles de la poirée graissée avec
du beurre ou du beurre de cacao;
Si le mucus ne coule pas plus abondamment, recouvrir
toute la tête d'une large tVuille de poirée, et faire des lotions
fréquentes sur cette partie avec de l'eau de son;
Baigner l'enfant dans une eau semblable;
Le mettre à l'usage du sirop antiscorbutique et d'une ia-
fusion de fleurs de pensée.
A la consultation suivante l'enfant fut présenté de nou-
veau. L'achore coulait abondamment; le petit malade avait
repris sa gaité et son appétit. Ou contiima les bains tous les
deux jours, on ût de fréquentes lotions sur la tête avec l'eau
de son et ou l'entretint dans une grande propreté. L'écou-
lement cessa peu à peu de lui-mèiue, et au bout de tnus se-
maines, il n'y avait que quelques croûtes disséminées sur
diverses parties du corps. Cet enfant ayant les chairs un peu
molles, on prescrivit des bains de sou dans lesquels on de-
vait jeter un peu d'eau- de-vie ou d'eau de Cologne.
Si la thérapeutique des achores est simple et facile, il n'en
est pas de même du genre porrigo ou teigne proprement dite.
Une foule de moyens ont été proposés. Autrefois on avait
recours au traitement bari)are de la calotte : après avoir
coupé les cheveux fort courts, ou appliquait sur ta téle une
toile enduite de poix et de goudron, puis, au bout de quel-
ques jours, ou arrachait violemment cette calotte qui en-
(512)
traînait avec elle les cheveux du patient; après avoir répété
plusieurs fois cette opération, on se trouvait avoir épilé le
malade presque complètement, et il guérissait dans le plus
grand nombre des cas. Cette méthode est encore en vigueur
dans certaines contrées et même dans quelques départemens
de la France.
Desault a guéri plusieurs malades en faisant des lotions
avec le vinaigre contenant, en dissolution, de la gomme
ammoniaque.
Long- temps, à Florence, on a traité la teigne avec la pou-
dre de crapauds.
Lorsque les enfans sont nés de parens infectés du virus
syphilitique, une solution de deuto-chlorure de mercure ou
une pommade de précipité réussissent fort bien. Dans ces
derniers temps on a employé avec succès la chaux, la po-
tasse et la soude.
Mais quelque méthode que l'on adopte, il est indispensa-
ble de panser les malades très-fréquemment, au moins tous
les deux ou trois jours, car quand on se borne à les visiter
une fois la semaine, on prolonge de beaucoup le traitement.
Voici, du reste, la méthode de M. Alibert :
On prend : soude d'alicante du commerce, un gros, que
l'on incorpore dans une once d'axonge. Quand le cuir che-
velu offre beaucoup de densité, on peut mettre deux gros de
soude. Après avoir coupé les cheveux aussi courts que pos-
sible, et après avoir lavé la tête pendant un certain temps
avec l'eau de bicarbonate de soude ou de feuilles de noyer,
ou fait des frictions avec cette pommade, puis on recouvre
la tête avec un papier brouillard,
11 faut en même temps donner les amers à l'intérieur, une
décoction de tige de houblon ou de chicorée sauvage, ou
le suc de ces plantes dans du petit-lait ou du bouillon, ou
enfin dans l'hiver le sirop antiscorbutique.
Quand on soupçonne l'existence d'un virus syphilitique
hérédilaire, on associe par parties égales le sirop de Belley
ou de Portai avec le sirop antiscorbutique, à la dose d'une
cuillerée. On peut donner aussi les mercuriaux sous leurs
différentes formes.
Quelquefois la soude a une action trop lente, il faut la
remplacer par la potasse.
On faisait beaucoup usage autrefois des cendres de bella-
done et de stramoine, dont on en)ployait une sorte de les-
sive pour laver la tête des enfans, ou qu'on incorporait à de
la graisse pour en faire une pommade. On se servait égale-
ment de la cendre de bois de genêt. M- AUbert pense que
(5i3)
toutes ces cendres peuvent procurer la guérison de la teigne.
Les diverses espèces de porrigo ne cèdent pas avec la
même facilité; ainsi le porrigo tonsoria est ordinairement
très-rebelle. Souvent même les enfans ne guérissent que
lorsque, fatigués de faire des remèdes, ils abandonnent leur
mal à la nature : c'est ce qui est arrivé pour les dix jeunes
élèves dont nous avons parlé plus haut. On active ordinaire-
ment la guérison en lavant les parties dépourvues de cheveux
avec de l'eau, dans laquelle on met un peu d'acide sulfuri-
que ou de sulfure de potasse (i).
(i) On ntî peut parler du traitement de la teigne sans mentionner ce-
lui des frères Mahon. Ce sont eux, en effet, qui sont chargés de la gué-
rison (les teigneux dans les hôpitaux et dispensaires de Paris. Ils com-
mencent pai couper les cheveux à deux pouces du cuir chevelu ; puis,
après avoir fait tomber les croûtes avec des cataplasmes émolliens, ils
lavent la tète avec de l'eau de savon pendant plusieurs jours, jusqu'à ce
que le cuir chevelu soit bien nettoyé. Alors, à l'aide d'une pommade
dont ils tiennent la composition secrète, ils iont tomber les cheveux
lentement et sans douleur, puis ils sèment sur la tête la poudre qui fait
la base de cette pommade, en ayant soin de peigner fréquemment les
eni'aus, et de tenir le cuir chevelu très-propre.
Nous regrettons vivement de ne pouvoir faire connaître le secret de
cette pommade ëpilatoire,dont l'efiBcacité est aujourd'hui parfaitement
démontrée par plus de cinquante mille guérisons de teignes, dans des
établissemens publics. Les praticiens ont cherché à suppléera cette pou-
dre en en composant plusieurs qui ont à peu près les mêmes bases. Voici
celle de M. Rayer :
Pr. Chaux du commerce, une once ;
Sous-carbonate de potasse, deux g^os ;
Charbon pulvérisé, un gros.
On iacorpore ce mélange à de l'axonge, dont on augmente ou l'on di
ininue la quantité, suivant que le cuir chevelu est plus ou moins^en-
flammé.
M. Biett prescrit souvent des lotions avec le liquide suivant, pour
remplacer cette poudre épilatoire.
Pr. Sulfure de soude, trois gros;
Savon d'Espagne, demi-once;
Alcool, deux gros;
Eau de chaux, une livre.
Mêlez.
Nous voyons dans un recueil de chirurgie militaire que M. Giscard
chirurgien-major à Alger, emploie avec succès la pommade suivante ;
Pr. Axonge, deux livres ;
Soufre, deux onces ;
Poudre de charbon, huit onces.
Mêlez exactement.
Après avoir fait raser la tête du malade, ce chirurgien y applique une
Tome vi. — »' »e novembre, 53
Nods feroQS daûâ un procbaiQ article l'application de ces
préceptes sur quelques malades observés à l'hôpital Saint-
Louis, et nous termineroas l'hi&toife et le itMiioaiiat
teigne.
ART. 11 59.
Observatiens sur le danger d'enlever certaines tumeurs pédiculées
sans une ligature préalable.
M. le docteur Fardeau, de Saumur, a publié dans le Jour-
nal hebdomadaire deux observations dans lesquelles l'incision
d'une petite tumeur faillit amener la mort des malades par
l'hémorrhagie abondante qu'elle détermina.
Une petite fille, âgée de trois an», portait à la partie
moyenne da siernum une tumeur du volume et de la cou-
leur d'une cerise et de nature érectile. Elle était supportée
par un pédicule étroit, qui paraissait s'engager sous le ster-
num. M. Fardeau négligea d'appliquer une ligature préa-
lable sur ce pédicule, et se borna à l'emporter d'un coup
de ciseaux. A peine l'ablation fut-elle opérée, qu'il y eut un
petit écoulement de sang, qu'on arrêta d'abord par l'appli-
cat'on de quelques bourdonnets de charpie, de compresses
graduées et d'un bandage de corps. La mère emmena son
enfant qui ne tarda pas à s'endormir. Mais au bout d'une
heure elle s'aperçut qu'elle pâlissait et devenait froide ; le
bandage était rempli de sang. M. Fardeau, étant accouru
aussitôt, crut pouvoir arrêter l'hémorrhagie en exerçant de
nouveau la compression; mais le sang continua à couler. Il
s'empressa alors de faire rougir un st^^let qu'il porta dans la
plaie; mais sans plus de succès. Il eut alors l'idée de tailler
une petite cheville avec du bois tendre et vert, lui donnant
la forme d'un clou aigu, à la tête duquel il fixa un fil ciré
pour l'enlever en temps opportun, puis il l'introduisit dans
coucbe de cette pommade, puis, au bout de deux ou trois jours, il fuit
laver la tête avec une solution de savon noir. Ces applications, répétées
cinq à six l'ois, auraient sulH po'jr auiencr l'entière guérison des teignes
les plus compliquées.
Nous aurions pu citer boaticoup d'autres recettes, qui ont pour base
à peu prés les uiêuies sub^lilnce-. Espérons que celle des frères Mahon,
qui paraît la plus cfScace, scia bicutùt rendue publique. Nous nous
empresserons de la faire connaître à nos lecteurs.
(Note du rédacteur.)
(51-.)
Je jielil pciiuis où ûtoieiil les vaisseaux, «l Ut saug .s'arrêta
enfin. Il était temps, car l'cnlaut était froide et n'avait
presque plus de pouls. Le petit bois se détacha de lui-iuÊiui:
au bout de quelques jours, et la petite malade se rétablit
fort bien.
Le sujet de la seconde observation éprouva des accideos
bien autrement graves, et fut au moment de succomber
par suite d'une incision semblable faite sans ligature préa-
lable.
Un jeune homme portait à l'anus une tumeur grosse
comme une cerise, suspendue ù un pédicule d'un pouce de
longueur. Ce pédicule était implanté sur la muqueuse rec-
tale; son exiguïté et l'absence de pulsations engagèrent
M. Fardeau à en opérer la section d'un seul coup de ci-
seaux. Il ne s'écoula d'abord pas de sang, et l'opéré s'en alla;
mais bientôt le cœur lui manqua, et il entra dans une maison
voisine, où il s'aperçut que son pantalon et ses bottes étaient
pleinsdesang. Son cliirurgien étant accourii,le trouva pâle et
sans pouls; il bourra de son mieux le rectum de bourdonnets
de charpie saupoudrés de colophane, après avoir donné quel-
ques lavemens d'eau froide acidulée. Non-seulement la com-
pression n'arrêta pas le sang, mais elle causa bientôt des
douleurs intolérables, et il fallut y renoncer. Une compresse
carrée, bien fine, enduite extérieurement de cérat, fut in-
troduite dans le rectum, en eu laissant une portion à l'exté-
rieur. L'espèce de sac qu'elle formait fut rempli de charpie,
et l'on chercha ain-i à former un tampon qui pût arrêter
l'héinorrhagie, mais on échoua complètement.
Ces moyens de compression ne tardèrent pas à produire
une vive inflammation qui s'étendit à tout le gros intestin.
Le péritoine se prit, ie ventre devint douloureux, tendu, la
fièvre s'alluma. Il était impossible de pratiquer d'émissions
sanguines chez un sujet si fort débilité par cette hémorrha-
gie. Ou se borna aux émoUiens et aux boissons adoucissantes.
Pour combattre un suintement de sang qui s'opérait conti-
nuellement par le rectum, un seul bourdonnet de charpie
était introduit dans l'intestin et maintenu au moyen d'une
canule en buis. Après huit jours de soins et d'inquiétudes,
le sang s'arrêta enfin complètement, les symptômes de
phlegmasie abdominale se dissipèrent, et le malade se réta-
blit entièrement.
M. Fardeau fait observer que s'il n'eût point négligé de
mettre un fil sur le pédicule de cette tumeur, ces accidens
ne seraient point arrivés. Nous ne pouvons nous empêcher
d'ajouter que de pareils faits, livrés avec une telle fran-
(5i6)
(Aise à la publicité, sont plus utiles aux praticiens que les
résultats heureux, souvent attribués à telle ou telle mé-
thode, et qui n'ont de succès que dans les mains de leurs in-
venteurs.
ART. 1 160.
Savon résolutif contre les engelures^ par M. Verdé-Delisle.
Pr. Camphre, un gros.
Faites dissoudre dans
Teinture de benjoin, trois gros.
Ajoutez en triturant,
Hydriodate de potasse, deux gros ;
Acétate de plomb liquide, quatre gros.
Versez sur ce mélange.
Huile d'amandes douces, quatre onces;
Lessive des savonniers, deux onces;
Essence de lavande, vingt grains.
Laissez ce savon pendant quelque» heures dans un mortier
de marbre, en ayant soin de le remuer de temps en temps.
Lorsqu'il a acquis une certaine consistance, coulez-le dans
un moule de papier, pour être ensuite divisé par tablettes
du poids de deux onces. J'emploie ce savon avec beaucoup
de succès, lorsque la maladie n'est encore arrivée qu'à sa pre-
mière période
La manière d'en faire usage est très-simple; elle est la
même que pour le savon ordinaire. Après s'être lavé les
mains avec et les avoir essuyées, le savon étant encore hu-
mide, on en frottera les engelures, afin de laisser dessus une
espèce de vernis ; il faudra recommencer cette opération
matin et soir.
Lorsque la maladie est arrivée à sa deuxième période,
c'est-à-dire lorsqu'à l'engorgement et aux phlyctènes a suc-
cédé l'ulcération, je me sers également avec avantage du
Uniment suivant :
Liniment.
Huile d'amandes douces, denx onces;
Eau de chaux, deux onces;
Laudanum de Rousseau, un gros;
Teinture d'iode, un demi-gros.
Mêlez.
Je fais panser soir et matin les ulcérations avec des liages
fenêtres imbibés de ce Uniment.
(^Joum. des se. phys. et chim.)
ART. 1161.
Note sur une décoction blanche officinale concentrée^ ou conserve
anti-dyssenterique , par M. Frigerio.
Pr. Corne de cerf râpée, une livre;
Id. calcinée, deux onces ;
Mie de pain de gruau, huit onces;
Gomme arabique, quatre onces;
Sucre blanc, une livre huit onces;
Eau, huit livres.
Lavez la corne de cerf râpée avec de l'eau tiède à deux
ou trois reprises; mettez bouillir avec la mie de pain
déchirée en petits fragmens avec les huit livres d'eau pres-
crites jusqu'à réduction de la moitié du liquide à peu près.
Passez ensuite le mélange, en exprimant fortement le résidu
à travers une toile serrée.
D'un autre côté, faites fondre la gomme, choisie et lavée,
dans huit onces d'eau tiède, et passez.
En troisième lieu, triturez long-temps le sucre et la corne
de cerf calcinée et porphyrisée dans un mortier de marbre,
afin d'obtenir une poudre extrêmement divisée.
Enfin remettez sur le feu, dans une bassine étamée, le
liquide exprimé et la solution de gomme, et ajoutez en re-
muant la poudre sucrée. Evaporez le tout ù petit feu, en fai-
sant bouillir légèrement et en remuant avec une spatule de
bois jusqu'à ce que le mélange épaissi ne pèse plus que quinze
mille grammes ou trois livres, ce qui est aisé à constater en
tarant la bassine.
Arrivée dans cet état, cette conserve, d'une consistance
très-épaisse et liante, doit être versée dans des pots ou des
bocaux de verre à large ouverture, de la contenance de huit
à dix onces, que l'on couvre avec du papier, et on les tient
dans un lieu sec, frais et obscur. Cette préparation se con-
serve indéfiniment. On en met une once et demie dans une
livre d'eau chaude, et on a un liquide blanc, laiteux, agréa-
ble au goût, et tenant bien plus long-temps et plus parfaite-
ment en suspension toute la corne, de cerf calcinée. Il ne
reste plus qu'à l'aromatiser, suivant le goût des malades.
[Journ. des c. méd.)
(5i8)
ART. 1162.
Formules de quelques gargarismes, par M. Béral.
Gargarisme à l'opium.
Pr. Eau distillée, quatorze onces;
Hydromel, deux onces;
Extrait d'opium, huit grains.
Mêlez l'eau et le sirop de miel, et dissolvez l'extrait dans
ce mélange.
Ce médicament est un narcotique des plus certains, que
l'on emploie comme calmant dans les inflammations de l'ar-
rière-bouche.
Gargarisme au gingembre.
Pr. Eau commune, quatorze onces;
Sirop de pipéroïde de gingembre, deux onces.
Mêlez.
Ce gargarisme a une saveur chaude et aromatique. C'est
un stimulant auquel on a recours dans le relâchement de la
luette.
Gargarisme à l'alun.
Pr. Eau distillée, sept onces ;
Hydromel, une once ;
Sulfate d'alumine et de potasse, quatre scrupules.
Mêlez l'eau et le sirop mélléolique, et faites-y dissoudre
le eel alumineuz.
Ce mélange, dont la «saveurest stiptique, jouit de proprié->
tés fortement astringente's.Ons'ensertdans les inflammations
chroniques et les ulcères scrofuleux atoniques du voile du
palais et des parties qui l'avoisinent.
Gargarisme au borax.
Pr. Eau distillée, sept onces ;
Hydromel, une once ;
Sou»-borate de soude, quatre scrupules.
PesCÈ l'eau et l'hydromel dans un flacon; ajoutez«y le
borax, et dissolvet-le en agitant le mélange.
Le gargarisme borate est un excitant léger que l'on dirige
sur les ulcères atoniques, et qui convient dans l'angine couen-
neuse produite par tioe médication mercurielle.
( .Tourn. de chim. méd. )
(5i9)
ART. Il 63.
Pilules employées par M. Biett dans Cépilepsie.
M. Biett prescrit souvent clans l'épilepsie les pilules «uU-
vantes :
Pr. Sulfale de cuivre ammoniacal, un scrupule;
Extrait de belladone, un demi-gros;
Extrait de valériane, deux scrupules.
Mêlez et divisez en quarante huit pilules, dont on prendra
suocessiveuient deux, quatre, six, huit par jour et même da-
vantage, suiraot les eâets produits.
ART. 1164.
Séances d'Académie : Sirop et pommade du docteur Berthomé
contre les dartres.
M. Manry a fait à l'Académie, dans sa séance du 27 octo-
bre, un rapport sur une recette communiquée par M. le
docteur Berthomé, et appliquée au li^iitement de tout« es-
pèce de dartres, sans dislinctiofl de genre ni d'espèce. Le
mémoire de M. Berthomé était accompagné de plusieurs ob-
se''vations rapportées fort succincteiuent à l'appui de sa mé-
thode qui, tout empirique qu'elle soit, paraît néanmoins
avoir procuré des cures assez nombreuses. Après avoir em-
ployé les antiphlogisliques pendant quelque temps, l'auteur
fait usage d'un sirop et d'une pommade dont jaoas allons don-
ner les formules.
Sii'»p an1i-dartr«ux^
Pr. Gayac, deux livres;
Sassafras, deux livres;
Salsepareille, quatre livres;
Squine, trois livres;
Nénuphar, une livre;
Rhubarbe exotique, une livre et demie;
Santoline, six livres.
Pulvérisez, faites bouillir les plantes «t racines pendant
long- temps à ufi feu doux, dans quatre-vingt-cinq livre«
d'eau, jusqu'à réduction de quiu^ à vingt livres de liquide,
en pressurant le tout fortement. Ajoutez :
Bicarbonate de soude, deux livres;
Sucre ou mélasse, quatre-vingts livrtii.
Remettezlc tout sur le feu avec soixante'blancsd'Ϟfspotu'
( 520 )
clarifier; faites bouillir jusqu'à coosistance de trente-sept
degrés de sirop; laissez refroidir; mettez en bouteille etfaites-
eo prendre au malade trois cuillerées par jour, une dans
chaque tasse de tisane.
Pommade anti-dartre use.
Pr. Laudanum de Rousseau, deux à trois gros ; [
Sulfate de quinine, demi-gros ;
Acide acétique, une à deux onces.
Cet acide doit être préparé avec digitale pourprée et nénu-
phar en poudre, de chaque une livre et demie; acide acéti-
que, douze litres. Laissez infuser vingt-quatre heures sur un
feu doux, puis trente à quarante jours dans un pot de terre;
après ce temps, pressurez et passez. Ajoutez :
Extrait de Saturne, deux onces ;
Huile d'olive, première qualité, deux onces;
Essence de romarin ou de girofle, deux gros.'
Battez le tout ensemble.Dans le traitement des dartres sup-
purantes, il faut ajouter à la composition :
Sulfate de quinine, deux ou trois gros;
Limaille de fer porphyrisée, une once.
Une si étrange composition a excité plusieurs fois les rires
et les réclamations de l'assemblée. Cependant quelques
membres ont fait observer que peu importait le nombre et la
bizarrerie des drogues, s'il était bien certain qu'on avait
guéri des dartreuxpar l'emploi de cette médication. MM. Pa-
ri»et et Rochoux ont déclaré avoir vu plusieurs exemples de
guérison. Au reste, M. Berthomé étant correspondant de l'A-
cadémie, l'assemblée n'a pas eu à se prononcer sur le mérite
du remède proposé.
ÀHT. 1 i65.
MÉDECINE LÉGALE.
SUITE D£ I.'hISTOIHE DU VIOL.
Quels sont les indices d'une affection vénérienne ? — Ne peut-on pas les
rapporter à plusieurs causes différentes ? — Résumé de tout ce qui coti'
cerne le viol.
M.
J'aborde aujourd'hui arec vous les dernières questions qui pour-
raient vous être adressées par les magistrats à l'occasion d'un viol.
(521 )
Je chercherai ensuite à vous faire connaître par les rapports que je
TOUS citerai, l'application que vous pouvez faire à la pratique, des
documens que je vous ai fournis jusqu'alors.
Quels sont les indices d'une affection vénérienne ? — Ne peut-on pas les
rapporter à plusieurs causes différentes ?
Quand il s'agit de constater un fait en matière de viol, l'exper-
tise a toujours lieu à une époque voisine de celle où le viol a été
commis. Eu fait d'affection vénérienne, nous ne pouvons donc sup-
poser que des symptômes primitifs, résultant d'une infection ré-
cente, et ayant particulièrement leur siège aux parties génitales.
Néanmoins, comme ou peut communiquer une vérole d'emblée, je
tiendrai compte de ses effets.
Symptômes qui ont leur siégé sur les parties génitales. — Le phéno-
mène le plus commun, et aussi celui qui peut offrir le plus d'incer-
titude, c'est l'existence d'un écoulement. Voici ce que l'on observe
chez les très-jeunes enfans : l'écoulement débute vers le troisième,
le quatrième ou le cinquième jour après la tentative de viol, par des
démangeaisons, de la cuisson, de la douleur en urinant; l'enfant
porte constamment la main a ses parties génitales; survient alors
l'écoulement. La matière qui le constitue peut être verte, jaune ou
blanche, ou présenter des nuances intermédiaires qui dérivent de
ces trois couleurs; elle est ordinairement verte au début, d'un jaune
verdâtre ensuite, et sa couleur devient de moins en moins foncée,
au fur et à mesure que l'écouiemeiit diminue. Elle est presque tou-
jours rassemblée autour et au-dessus du clitoris, dans l'écartement et à
la partie supérieure des grandes lèvres.
La membrane muqueuse présente une coloration d'un rouge plus
ou moins vif, surtout au voisinage du méat urinaire, qui est plus
enflammé que le reste des parties génitales externes. La chemise est
tachée par la matière de cet écoulement, en avant et en arrière chez
les très-jeunes enfans: mais au fur et à mesure que les observations
portent sur des filles et des femmes, c'est en arrière de la chemise,
presque exclusivement, que les taches se rencontrent. Vous vous ren-
drez compte de cette circonstance en vous reportant aux détails ana-
tomiques que je vous ai donnés ao commencement de mon avant-
dernière lettre; ce résultat d'observation vient même les confirmer.
L'écoulement existe-t-il seul, il se présente la question de savoir
s'il est dû à une affection vénérienne ou à une autre cause? Cette
question peut jeter le médecin dans une grande incertitude. Chez
une très-jeune fille, une affection catarrhale de la membrane mu-
queuse du vagin peut seule le produire. Voici quelques données qui
vous éclaireront sur ce sujet. i° Dans ce dernier cas, la totalité de la
membrane qui tapisse les parties génitales participe à l'inflammation,
tandis que dans les écoulemens syphilitiques, c'est principalement au
voisinage de l'urètre que la phlegmasie existe, a" L'écoulement est or-
dinairement moins fonce en vert et moins abondant. Toutefois, je
me hàtc de vous apprendre qu'il est bien des circonstances oii
la masturbation seule développe ce symptôme avec autant d'in-
tensité et de coloration que lorsqu'il reconnaît pour cause une in-
fection. 3° L'affection catarrhale des jeunes filles est souvent liée a
( Saa )
un état morbide général que ne présentent pas les écoulemens véné-
riens. 4° Pour qu'une personne ait un écoulement dont lu nature,
la durée et les symptômes soient syphilitiques, il faut nécessaire-
ment qu'il ait été communiqué, et par conséquent, la personne qui a
porté attemte à sa pudeur doit aussi présenter des phénomènes
morbides avec sécrétion purulente. 5" Enfin, il faut que ie début de
1 écoulement coïncide avec le troisième ou le quatrième j ur qui a
SUIVI la tentative présumée de viol. Si ces principes sont générale-
ment vrais, ils souffrent cependant un grand nombre d'exceptions,
surtout lorsqu'il s'agit d'une femme qui a déjà eu des rapports avec
des hommes. Ou se demandera d'abord si un homme peut commu-
niquer un écoulement dans toutes les périodes de sa durée? Or, oh
sait qu il est un grand nombre d'individus qui conservent des res-
tes de blennorrhagie, souvent même assez considérables pour ta-
cher leur linge, et qui voient cependant beaucoup de femmes sans les
infecter. Où sont alors les limites possibles d'un pareil défaut d'in-
fection ? Uu homme qui n'a pas d'écoulement, qui cohabite avec une
lemme saine, ne peut-il pas, par les attouchemens de toute sorte
auxquels il se livre, développer une affection locale simulant la
blennorrhagie véni rienne, comme dans les cas où uo homme sain
voyant une femme exempte de tout symptôme vénérien, est affecté
d un écoulement par suite des exciialions auxquelles il s'est livré
pendant le coiit? Tnutefois celte objection n'a pas auiant de porlée
qu on pourrait bien le croire au premier abord; eu fait de viol, l'acte
du coït est toujours plus ou moins incomplet, et par conséquent, la
cause d'écoulement que je viens de noter ne s'y rencontre que très-r
rarement. Enfin, la masturbation ne peut-rlle pas produire à elle
seule ua pareil résultat?
On voit donc «n résumé que, pour porter un jugement dans une
eirconsiauce de ce genre, on doit pouvoir réunir un assez grand nom-
bre de documens. Il faut r que l'homme accusé ait un écoule-
ment ou une (les formes de l'affection syphilitique qui entraine avec
elle la suppuration ; 2" que la date de l'invasion de l'écoulement de
la jeune fillecoiucide avec le troisième, le quatrième ou le cinquième
jour qui a «uivi la tentative de viol; 3" qu'il soit bien prouvé qu'a>-
vaut cette époque la jeune fille n'avait pas d'affection de même na-
ture; 4" enfin qu'elle n'a pas cohabité avec aucun autre individu in-
fecté. Les médecins ne sauraient prendre trop de précautions à cet
égard. lU ne doivent accueillir qu'avec la plus grande réserve les
plaintes des parens, qui, a ce sujet, sont toujours disposés à regarder
les écoulemen'i que peuvent avoir leurs enfans comme une preuve
certaine de viol. M. C<<puron rapporte à ce sujet l'exemple fuivant ;
Eu 180Î, ce médecin est appelé pour visiter une fille de quatre aos
qui rendait par la vulve une Riucosité blanchâtre des plus acres. Les
grandes lèvres et le mont d« Venus étaient rouget;, gonflés et dou-
loureux. 11 y avait même des ulcérations assez profondes, dont Iji
suppuration ressemblait -i l'écoulement vulvaire. L'enfant était en
même temps enrhnmée, et tourmeutée d'une fièvre qui redoublait
le seir e* dnns la «oit Le père et la mère étaient d'autant plus alar-
més, qu'Us regardaient la maladie des organes génitaux comme U
suite d'nne infection vénérienne et criaieat au viol. Ce n'était autre
( 523 )
chose qu'une affection catarrhale qui régnait épidemiquement à Pa-
ri», et qui céda, dan« un court espace de temps, à un régime adou-
citsaiit. Eu 1809, il eut encore occasion d'observer une lencorrhëe
des plus aiguës sur une fille de six ans, maladie qui aurait été cer-
tainement bien plus alarmante, et aurait fait naître plus de souii-
çons que la précédente, si les piirens n'avaient été inaccessibles à la
prévention. (Capuron, Méd. lég., pag. 41 ft 42-) J^' '"''té un grand
nombre d'enfans dans le but de rechercher quelles sont les induc-
tions que l'on peut tirer de la présence des é( oulemens chez les en-
faus, et je puis assurer qu'ils peuvent coïncider avec les apparences
extéiieures les plus grandes de la santé. C s écoulemens disparais-
sent presque tous au moyen de quelques bains de Barege.
Un second phénomène consiste dans des ulcérations. Elles peuvent
exister seules ou accompagner un écoulement. Dans les deux cas,
elles peuvent aussi dépendre de causes différentes, et ces causes sont
analogues a celles que nous avons énoncées à l'occasion des écoule-
mens. Il est souvent difficile de distinguer des ulcérations syphiliti-
ques d'avec des ulcérations provenant du contact d'une humeur
acre avec- les parties sexuelles, comme dans l'exemple rapporté plus
haut par M. Capuron. U faut donc observer avec soin si les ulcéra-
tions ont des bords tailles à pic et calleux; si elles sont grisitres à
leur centre, ronges à leur circonférence, bien arrondies, comme lors-
qu'elles sont de nature vénérienne; ou si au contraire elles sont su-
perficielles, a forme inégalement ronde, généralement rosées ou lé-
gèrement blanchâtres à leur centre, comme dans les affections
aphteo'es; que si l'on découvrait des excroissances à lentrée
du vagin, il faudrait bien se primunir contre l'erreur que l'on
pourrait commettre en prenant pour telles les caroncules ravr-
tiformes. Il est prouvé que des excroissances peuvent surve-
nir sans qu'elles reconnaissent pour cause l'infection vénérienne.
Il en est de même des autres excroissances, telles que ragades,
verrues, etc. Quant aux pustules, il faut bien se garder de prendre
pour cette affection des boutons à leur début. Mais un phénomène
qui accompagne souvent l'affection syphilitique communiqnée, est
l'existence d engorgement aux aines, constituant on ne constituant
pas des bubons. Ici, il peut encore v avoir méprise, en ce sens que
l'on prendra pour un bubon ou un engorgement Tenérien ce qui
ne dépendrait, par exemple, que d'une écf)rchure au gros orteil ;
rien de plus commun que de rencontrer les glandes ipguinales i«fé-
rienres engorgées dans ces sortes de cas, tandis qoe ce sont les
glandes inguinales internes qui constituent l'autre affection.
Telles sont les données générales qui devront guider le médecin
dans son expertise.
Résumé de tout ce qui concerne le viol.
Le viol peut avoir lieu sur une personne de l'un ou de l'autre
sexe;
Il peut être effectué à tout âge; cependant c'est surtout depuis
trois aus jusqu'à dix-hait que ce crime se commet presque tou^
jours.
Il s'adresse plus particulièrejocut aux fiiies vitrées qu'à ceilt:; qoi
ont eu des rapports avec les hommes.
( 524)
Le médecin n'est jamais tenu de déclarer que le viol a été ou n'a
pas été commis, mais bien de déterminer si la personne que l'oa
suppose violée, et celle qni est sous l'inculpation d'un viol, présen-
tent des traces de violences ou d'autres indices qui puissent établir
des présomptions sur ce crime. Et quoi qu'il arrive, il ne peut ja-
mais établir la preuve certaine du viol avec les seuls documens qu'il
puise dans l'examen qu'il est appelé à faire, car il lui manque ceux
qui se rattachent à l'action eu elle-uiéuie, et qu'il ne connaît qu'à
titre de renseignement, et non pas a titre de preuves, en sorte que,
dans les circonstances les plus favorables a l.i solution de la ques-
tion par l'affirmative, 11 est toujours obligé de partir de ce point: Si
d'ailleurs les renseignemens qui nous ont été fournis sont exacts, il
y a tout lieu de croire alors que les altérations observées sont le
fait d'un viol.
Les altérations matérielles dépendantes du viol doivent être con-
statées dans les trois jours qui suivent la tentative présumée; au cas
contraire, on risque beaucoup de ne plus trouver que vague et in-
certitude.
Parmi ces altérations, celle qui fournit l'indice le plus probant
sur l'existence du crime est la défloration récente. Elle acquiert en-
core de la valeur alors qu'elle est accompagnée d'excoriations aux
petites et aux grandes lèvres ; de rougeur, de gonflement de ces par-
ties, de contusions superficielles aux parties génitales ou dans les
environs, de contusions aux poignets ou aux seins, et surtout de
l'existence de taches de sperme en avant de la chemise, et des deux
espèces de taches de sang en arrière, l'une formée par du sang pur,
l'autre par de la sérosité sanguinolente.
Il est presque impossible de rencontrer l'ensemble de ces fait»
sur une personne qui a simulé le viol : i° parce qu'il faut d'abord
la coïncidence d'un homme et d'une femme pour les produire;
a" parce qu'une mère y regardera toujours à produire a sa fille des
violences du genre de celles que nous supposons ; 3° parce que celle-
ci se soumettra très-difficilement à endurer les douleurs que la for-
mation deces violences pourrait entraîner.
L'ensemble des altérations que nous avons groupées ne devra ja-
mais se rencontrer que sur une personne de quinze à dix-huit ans
ou plus, parce que leur confection suppose d'abord une intelligence
de l'acte auquel le violateur veut se livrer, et ensuite une force assez
grande pour opposer une résistance puissante à ses tentatives.
Ces altérations peuvent se rencontrer sans qu'il y ait eu viol;
c'est le cas où des amans maladroits s'élancent pour la première
fois dans la carrière des jouissances ; ou bien encore celui où il y a
dans r<irigine tentative de viol contre une personne, et que celle-ci,
qui n'a pas une haine marquée pour la per^oiine qui l'exerce, cède
enfin tout volontairement a ses caresses.
Chez les très-jeunes enfans, l'acte du viol n'aura presque jamais
été consommé par le membre virii, il y a trop de dispi oportion en-
tre les dimensions des parties génitales. Il y a plus, dans la presque
totalité des cas, le viol n'aura pas été consommé en ce sens que
l'hymen sera restée intacte. C'est pour cela que, si les présomptions
de viol sont si communes, les jugemens qui ont constaté le viol ac-
( 5a5 )
compli sont non-seulement très-rares, mais encore les poursuites
pour le crime de viol, dans ce cas, sont très-fréquemment termi-
nées par un arrêt de non-lien delà chambre desmises en accusation,
à cause d'un défaut de preuves matérielles, ou par un arrêt de la
chambre du conseil, par le fait seul de l'examen qui a été fait par
les médecins experts.
Lorsque les femmes ont déjà cohabité avec des hommes, et à plus
forte raison quand elles ont eu des enfaus, on trouve très-rarement
des traces matérielles de viol, car, pour qu'elles existent, il faut que
le violateur ait été aidé de complices, ou qu'il existe une grande su-
périorité de force entre l'accusé et sa victime. Dans tous les cas, ces
désordres porteront plutôt sur les grandes lèvres et les environs des
parties génitales que sur l'intérieur des parties génitales externes.
Ce n'est pas exagérer que de dire que le médecin trouvera seu-
lement un exemple sur mille, de viol chez une femme qui a eu des
eofans, à part ceux où la réunion de plusieurs personnes a été né-
cessaire pour opérer le crime.
Lorsque la défloration d'une femme a eu lieu antécédemment, le
crime de viol laisse toujours des traces incertaines de son exis-
tence.
Dans l'examen que fait le médecin, de la plaignante, il ne doit ja-
mais manquer de s'enquérir des circonstances de moralité qui peu-
vent s'y rattacher, et surtout du fait de savoir si la personne est
adonnée ou non ;i la masturbation. Les formes que la personne em-
ploie pour consentir à la visite qui doit être faite doivent fixer son
attention. lien est de même du degré d'intelligence de la personne;
«ne jeune fille peut être imbécile à vingt ans, et très-intelligente à
douze. 11 ne peut jamais exiger d'autorité cette visite quand on s'y
refuse, quoiqu'il ait mandat pour le faire; mais alors ii doit prévenir
immédiatement le magistrat qui l'en a chargé, afin que celui-ci fasse
usage de moyens qu'il répugne à notre art d'employer, si ce ma-
jgi.<;trat juge ces moyens nécessaires.
Eu thèse générale, le médecin doit être mis à même de comparer
les désordres qu'il a constatés avec l'instrument vulnérant, soit le
pénis de Ihomme, soit les corps divers employés a les produire. Il
doit en faire la demande au magistrat qui le commet. C'est en agis-
sant ainsi que plusieurs cas de viol ont été démontrés impossibles,
soit qu'il existât une grande disproportion d'âge entre l'inculpé et
la plaignante, soit qu'il y eût une grande dispioportion de volume
entre le pénis et la vulve, ou bien que l'homme fût dans l'impossi-
bilité d'entrer en érection par l'âge, ou un état maladif antérieur qui
anrait épuisé ses forces, ou parce que le membre viril manque.
Pierre A'ocetci, accusé d'avoir violé une fille vierge, est jeté dans les
cachots; les sages-femmes nommées d'office pour visiter la plai-
gnante avaient déclaré avoir trouvé ses parties très-rouges, avec
certains signes de viol. Zacchias prouva, au contraire, par 1 exiguité
et l'état flasque du membre viril du prévenu, et par l'ampleur des
parties génitales de la plaignante, lesquelles étaient abreuvées d'un
flux blanc continuel, qu'il n'y avait aucun rapport entre les parties
de l'un et celles de l'autre, et qu'à supposer qu'il y ait eu défloration
récente, ce qui n'était pas^ il y aurait eu en même temps impossibi-
lité absolue (]ue Nocetti en eût été l'auteur.
( 536 )
Eriniiiio e&t accusé d'avoir violé yirginic. De Uui.-. sages-feinnies
coiiiiuises pour la visiier, deux avaient rafjporté ;ivoir nouv.' une
dilataliuuavec d'auii es signes de viol ; la troisième avaii au contraire
déclare o'avoir tro tve aucun dilatation contre nature ; que les nym-
phes étaient dans leur état ordinaire, et que les panies étaient
très-sèches et n'annonça eut pas de d^-floratiou. La question est sou-
mise a Zacchias et à un autre auatomiste. Un des motifs de leur so-
lution par la négative fut que, comparaison faite des organes respec-
tifs, l'état chetif de celui de l'accuse ne coïncidait nullement avec
la (Jilatatiou annoncée des organes de Virginie. (Zacchias, Qucest.
med. leg., concilia 34 et 4i)
Le viol peut être opère pendant une syncope, ou par le fait de l'u-
sage des narcotismes, >ans qu il en résulte aucun désordre matériel
notable et sans que la femme puisse en avoir eu la moindre conscience.
Ou ne peut mettre ce fait eu doute, quand on sait que les douleurs
de l'accouchenieut oui été insuffisantes pour tirer du narcotiMue des
femmes qui étaient sou son influence.
Il n'en serait pas de même du so nmeil naturel. Nul doute que si la
fille est vierge, elle ne soit eveiUee par les douleurs du viol; mais alors
celui-ci n'a-t-il pas pu être opère avant le réveil, puisque celui-ci
n'en est que la conséquence. La défloration, dans ce ras,-erail donc
la seule preuve du crime. Il y a plus : il est fort difficile, pour ne
pas dire impossible, de croire qu'une femme ne soit pas éveillée par
l'acte du coït.
Les moyens qu'une fille pubère ou une femme peuvent opposer
au viol, sout très-puissaus. Il suffit qu elle s'agite et qu'elle se dé-
batte pour opposer une résistance sulfisaote aux teutaiives. Reste au
magistrat et aux jures à juger q.ielle a pu êire la puissance de ces
débats en rais^m du temps peudant lequel la lutte a été eugagée.
Toujours est-il constant qu il suffit du moindre lu.mvement latéral
du bassin pour s'opposer a l'introduction du membre viril, et qu'une
femme expérimentée qui connaît toute l'influence d'un pareil mou-
vement, perdra dix fois moins de force que l'homme qui s épuise
en des inouvemens inutiles et préliminaires a l'accomplissement de
l'actequ il convoitise, et qui a perdu ses forces au moment oiî la femme
conserve eiîcore assez d'énergie pour opérer ce mouvemeut. Ii ii eu
serait p .s de même d'une jeune personne sans expérience, qui épui-
serait au contraire ses forces de prime-abord, pour ne pas permet-
tre même des attouchemens.
Il est peu de preuves plus puissantes de l'acte de la copulation
que la coïncidence des méinessympiAmes syphilitiques chez 1 accusé
et la plaignante Mais ces caractères ne prouvent que cet acte. En-
core, s'il s'agissait d'une tille publique, ou même d'une femme à
mœurs assez louches, aurait-ou a se demander si l'inculpé est l'au-
teur de la maladie. Ce so!îi des questions qu iln'appartiem pas au mé-
decin de résoudre.
De ce qu'une femme devient enceinte après la tentative de viol,
ce n'est pas une raison de croire quelle ait consenti a cette tenta-
tive, i)uisqi\'il ne dépend jias de sa volonté de concevoir, et que la
conception peut s'opérer pendant I ivresse la plus complète, le nar -
cotisme, la syncope, un accès d'hyslerie avec perte de connais
sance, etc. "
( 6î7 )
La mort ptiul èliv la conséquence du viol. Elle est du» alors à une
syncope qui provient de la houle et de l'horreur a laquelle peut
être en [iroie une femme, alors q l'elle est violée. C'est ce que l'on a
observé fréquemment pendant les guerres, où plusieurs soldats sans
honneur ont abusé coup sur coup d'une femme, jusqu'au moment où
celle-ci a succombé sous l'influence de leurs horribles manœuvres.
A. D.
VARIÉTÉS.
Organisation médicale. La loi sur ri)r£|;anisatioii méJicali' sera présen-
tée aux Chambres dans la prochiine se.-sion. Ou luaile de grandies es-
pérances SI, r cette loi qui, dit-on, donnera aux médecins une position
honorable et assurée dans le monde ; mais nous avons de forte.s raisons
de Croire que ces changemens, apportés dans la législation qui nous ré-
git, seiont de Ib; t p«;u d'Importance et n'influeront en rien «ur notre
avenir, quelques moditlc.iliuns devant seulement être proposées dans
l'ordre des réceptions, soit des docteurs en médeciite, «oit des officiers
de santé.
Hcniœopadiie. Le gouvernement vient d'autorlsecle docteur Samuel
Halinemann, créateur de la médecine homœopathique, à exercer la mé-
decine en France.
Faciillé. La séance publique annuelle pour la distribution des prix a
eu lieu à rf]cole-de-Medecine de Paris le 2 novembre. Les cours d'hiver
ont commence immédiatement. Le registre d'inscription sera ouvert
jusqu'au i5 novembre inclusivement, de neuf heures à midi.
RECLAMATION.
M. le docteur Devergie aîné nous adresse la lettre Suivante (1) :
J'ai lu avec une surprise extrême, dans voire dernier numéro, la longae
lettre sous forme de réclamatioa que vous adressent les uiédi-cius composaot le bu-
reau du congres, médical de Nantes, sur le peu d'exac ilude du compte que vous
avez rendu des procés-verbaux de dos séances sur la syphilis. Ces messieur» ne
sont sans doute que l'écho des honorables coofrères qai ont pris part aux dit-
eu sious, et cette lettre a Jù, avaot de vous être adressée, reeevo.r l'upprobatioA
d«s membres qui cotnposaieat l'assemblée. Je suis d'autant plus éloané de 9«n
(1) AprésaToir publié lexlupllemPDl la réclamation qu'on a lue dam le dernier numéro, noul
nepouTions refuser à M. le docteur DeTergie aîué l'inserUon d'une réponse à des attaques ausii
TÎïes i mais ci-lie discussion ne deranl être pour nos lecteurs que d'un intérêt fort m<dioere,
quelles nue 3i-tent à l'jvenir les récriininalion« qui pourruui nuus t-lre adressées sur ce poiai,
nous sommes forces d« déclarer que uoua n'eu adraeitruns aucuue dans ce journal, qui doit ilre
MclusiTeutnt cousacré à la pratique.
(Nait du Tidacieur.}
( 528 )
contenu, qu'elle constrasle vivement avec mes souvenirs et l'accueil flatteur et
honorable que j'ai reçu des mëdeciris de Nantes ; que les re'criminations qui sont
dirige'es coiure moi directement sembleraient établir que, dans nos re'unions,
j'aurais été loin de remporter quelques avantages, et que, de concessions en con-
cessions , je serais arrivé à abandonner les principes sur lesquels repose la thé-
rapeutique nouvelle des maladies sy|ihiiitiques. Il n'en a pas cependant été ainsi;
car non-seulement une grande partie de nos confrères assemblés m'a témoigné
combien mes objections nombreuses avaient jeté d'intérêt dans les discussions
qui, sans ma présence, eussent été nulles, mais encore je possède par écrit l'as-
surance d'un des membres du bureau qui attesie que j'avais donné une grande
impulsion qui ne serait pas sans résultat.
Les réflexions dont vous avez lait suivre ce singulier écrit devraient suffire pour
touie réponse ; car vous avez réfuté avec justesse, clarté et précision les faux
documens qu'il contient. En effet , je suis encore à chercher en quoi ont pu
coDsisier les importantes concessions qu'on prétend que j'ai faites. Répondre aux
nombreuses accusations accumulées contre moi, dépasserait les bornes que la
nature de votre journal m'impose; je me contente seulement, pour le moment,
de les déclarer peu conformes à la vérité, et me réserve de le prouver dans un
prochain article.
Je ne puis que me joindre à vous, pour décliner la compétence, quant à pré-
sent, des signataires de la lettre, pour juger la question importante de la théorie
et du traitement moderne de la syphilis. Quoi que nos honorables confrèies en
puissent dire, pour instruire un procès, il fant en avoir étudié les pièces, et j'ai
eu lieu de me convaincre que, de l'école moderne qu'ils accusent si facilement et si
légèrement, ils ne connaissaient que deux auteurs, MM. Richond et Jourdau,
écrivant en i82lj;que les travaux sur la syphilis, deMM. Broussais, Fricke, Ratier,
Desruelles, Bruninghausen, Cullerier, Rufz et autres, leur étaient presque tous
inconnus ; que nos résultats nombreux, qu'ils attaquent avec vigueur, leur éiaieut
étrangers, el qu'il est probable qu'ils les ignoreraient encore sans notre congrès mé-
dical. Je récuse également leurs prétentions exagérées, sur lesquelles ils insistent
tant, établis sur leur qualité de médecins praticiens des villes, les seuls juget
réellement compétens, parce qu'ils sont seuls a même de vérifier les résultats de la
pratique trop expéditive des hôpitaux , et surtout des hôpitaux militaires.
Je ne m'arrête pas sur l'inconvenance et le défaut de politesse de cette phrase,
peu honorable pour ceux qui l'ont tracée. Nos confrères, sans doute préoccupés du
rôle important qu'ils prétendent jouer en ce moment, ont oublié que les chefs de
grands éiablissemens publics avaient droit à plus de considération ; qu'iUsont tout
aussi consciencieux que les membres du bureau de Nantes, dans le traitement de
leurs malades aux hôpitaux. Ces messieurs ont oublié que les réformateurs, soit ci-
vils, soit militaires, sont tous établis dans de grandes villes, où ils sout aussi méde-
cim praticiens, vli'il fallait mettre en parallèle la clienlelle syphilitique des uns et
des autres, je craindrais que celle des Cullerier, des Fricke, des Delpech, des
Desruelles, la mienne même, ne l'emportât de beaucoup sur celle des médecins
nantais.
S'il y avait quelques récriminations à faire sur les procès-verbaux, je serais en
droit de me plaindre de la brièveté avec laquelle sont résumées mes opinions dans
la plupart des séances. C'est ainsi que, dans chaque réunion, j'ai constamment
parlé une heure et plus pour examiner à fond des questions importantes ; que le
résumé eu est fait dans quatre à cinq pages, tandis que des discours qui n'oni exigé
que vingt à vingt-cinq minutes de lecture occupent dix à douze pages, cl y sont co-
piés dans toute leur longueur. Je ne veux nullement attaquer ici la bonne foi du
rédacteur des procès-verbaux, auquel j'accorde beaucoup d'estime, mais faire re-
marquer que cette brièveté de rédaciioii, pour ce qui me concerne, en impose aux
lecteurs des procès-verbaux, et atténue à leurs yeux la force des argumens et U
valeur des preuves donnée» en faveur de l'école moderne.
(5^9)
ART. 1166.
Observations sur l'emploi du chlorure de chaux pour calmer les
douleurs qui résultent des plaies avec déchirures.
M. le docteur Chopin, médecin à Neubourg (Eure), a pu-
blié dans la Gatette médicale quelques observations sur une
propriété non encore indiquée que posséderait le chlorure
de chaux, déjà recommandé dans un si grand nombre de cir-
constances. Suivant ce médecin, le chlorure liquide calme-
rait presque instantanément les vives douleurs qui résultent
d'une plaie récente, et les effets de ce topique seraient beau-
coup plus certains et beaucoup plus prompts que ceux des
narcotiques recommandés en pareil cas. Voici comment le
hasard aurait conduit à cette découverte.
Un vieillard de soixante-dix ans avait eu la main gauche
horriblement écrasée. Après avoir nettoyé la plaie et retiré
les esquilles d'os, M. Chopin la couvrit d'un linge fenêtre,
enduit de cérat, par-dessus lequel il posa de légers plumas-
seaux de charpie fine. Le tout fut enveloppé d'un cataplasme
presque froid, arrosé de laudanum. On prescrivit en outre
une potion calmante pour la nuit. Mais malgré ces soins, le
blessé éprouva des douleurs excessives, et ne cessa pas de
crier, demandant avec instance qu'on lui coupât la main. Le
lendemain matin, il était dans une agitation extrême, avait
les yeux hagards, et se plaignait vivement. M. Chopin, frappé
de la mauvaise odeur qui s'échappait de l'appareil, enleva le
cataplasme et arrosa la charpie d'eau chlorurée, La mauvaise
odeur et la douleur disparurent subitement. Mais au bout de
quelque temps, la charpie qui recouvrait la plaie ayant été
remplacée, les douleurs reparurent aussi vives que dans la
nuit. Le malade, ayant alors baigné son appareil d'eau chlo-
rurée, éprouva de nouveau du soulagement.
Ce résultat fut d'abord attribué à l'action de l'eau froide;
mais, dans la soirée, le chlorure de chaux ayant manqué, on
le remplaça par de l'eau fraîche. Cette immersion ne dimi-
nua en aucune manière les douleurs, qui cessèrent au con-
traire presque subitement, quand on se fut procuré du chlo-
rure. La cicatrisation s'est faite dans un espace de temps
assez court, et le malade a conservé sa main.
Cette observation n'avait pas encore démontré à M. Cho-
pin, dans le chlorure de chaux, d'autre propriété que celle
de détruire la mauvaise odeur, et de hâter la cicatrisation;
mais une seconde, recueillie l'année suivante, vint mettre
hors de doute la propriété calmante de ce topique.
JOM.VI.— J^" DE DÉCEMBRE. 34
( 53o )
Un jeune homme de dix-sept ans eut le pouce, l'index et
deux phalanges du médius emportés par la balle d'un pisto-
let, qui laboura en outre la peau de la main. Lorsque le blessé
fut visité, il éprouvait une douleur extrêmement vive dans
la main, dans le bras et jusque dans l'aisselle. M. Chopin, se
rappelant alors l'observation précédente, fit plonger la main
dans une cuvette pleine d'eau tiède, dans laquelle on jeta
quelques cuillerées d'une solution saturée de chlorure de
chaux. Une minute était à peine écoulée que déjà ce jeune
homme souffrait moins, et au bout de cinq minutes on pou-
vait retourner la main dans tous les sens et la panser, il n'y
avait plus de douleur. Le malade, ayant tenu son appareil
constamment imbibé d'eau chlorurée, guérit sans accideus.
Il en fut de même d'un cultivateur qui, dans une chute de
voiture, eut la main prise sous la roue. Le dos de la main et
les quatre doigts étaient écrasés et dépouillés presq-ae entiè-
rement. Une heure après l'accident, la douleur était devenue
toul-à-fait insupportable, et il se manifestait déjà quelques
signes de tétanos. Une large saignée fut pratiquée, mais n'a-
mena aucun amendement. Cependant, lorsque la main eut
été plongée dans l'eau chlorurée, les douleurs cessèrent in-
stantanément, et tous lesaccidens se dissipèrent.
Le mémoire de M. Chopin contient encore trois observa-
tions semblables qui démontrent les effets caïmans du chlo-
rure de chaux. Dans l'une, il s'agissait d'un jeune homme
qui avait eu l'humérus fracassé par un coup de fusil tiré à
bout portant; dans la seconde, d'un vieillard dont une por-
tion de la main avait été arrachée par la morsure d'un che-
val; et enfin, dans la troisième, d'un enfant de quatre ansqui
eut le pied écrasé et les deux os de la jambe réduits en bouil-
lie par le passage d'une roue de voiture. Dans tous ces cas, le
chlorure de chaux calma instantanément les douleurs, et de
si graves désordres ne s'opposèrent point à ce que la guéri-
son fût obtenue sans amputation.
Réflexions. La propriété calmante des chlorures de chaux
avait déjà été démontrée, mais on n'en avait point tiré parti,
que nous sachions du moins, dans les plaies récentes, ainsi
que l'a fait M. le docteur Chopin. Voici ce que dit M. Ma-
gendie sur la vertu narcotique de cette substance :
« Chez les nombreux malades atteints de cancer ulcéré du
sein et de l'utérus, qui se trouvent à l'hospice de la Salpê-
trière, nous avons prescrit de faire tous les jours, à l'heure
des pansemens, des lotions avec une dissolution de chlorure
de soude. A l'aide de ce moyen, on est parvenu, non-seule-
ment à détruire la fétidité du pus et des écoulemens, mai»
(53i)
mime à calmer les souffrances de ces malheureuses femme»
qui ont trouvé que ces lotions leur rendaient le sommeil plus
tranquille, o
iNous avons fait pour notre part quelques remarques
qui confirmeraient celle de M. Magendie. On sait que les ul-
cères, de quelque nature qu'ils soient, sont souvent le siège
d'une irritation violente, qui s'annonce surtout par une dou-
leur extrêmement vive et des changemeus dans la nature de
leur sécrétion. Comme il résulte presque toujours de cette
modification, dans le pus sécrété, une odeur plus ou moins
fétide, que l'on cherche ordinairement ù dissiper par des
lotions chlorurées, nous avons fréquemment remarqué qu'au
bout de quelques jours les émanations infectes, aussi bien
que lu douleur, étaient complètement enlevées. Est-ce au
chlorure de chaux qu'il faut attribuer un pareil résultat, ou
doit-on expliquer cette amélioration par l'emploi des anti-
phlogistiques auxquels on a recours ordinairement dans
celte complication? Les observations du docteur Chopin ten-
draient à en faire attribuer tout l'honneur au chlorure de
chaux. Quoi qu'il en soit, voici quelques faits dans lesquels
la douleur a été enlevée aussi bien que les émanations fé-
tides, sous l'influence de ces simples lotions.
Un homme est entré il y a quelques semaines à l'hôpitaf
des Vénériens, offrant dans l'aine du côté droit trois larges
ulcérations, dont le fond dépassait de deux lignes environ le
niveau des tégumens. Ces plaies étaient rouges et extrême-
ment douloureuses; elles sécrétaieut une sanie infecte, peu
abondante, et qui rougissait la peau de l'aine et de la cuisse.
Cet homme, qui depuis plusieurs mois gardait le repos au
lit, avait déjà subi deux traitemens mercuriels, l'un par la li-
queur et l'autre par les frictions. Ses gencives étaient gon-
flées, son estomac irrité, et il était évident qu'on devait à
cette surexcitation inopportune l'état fâcheux dans le-
quel se trouvait le bubon ulcéré. Il fut aussitôt mis à la
diète ; on prescrivit quelques bains de siège, et pour dissiper
l'odeur infecte que répandaient ces ulcères, on les arrosa
plusieurs fois le jour avecl'eau chlorurée. La douleur se dis-
sipa promptement, et au bout de quelques jours, la surface
des plaies oÛVait déjà un bien meilleur caractère. Cet homme
est aujourd'hui en voie de guérison.
On a pu observer une cessation aussi rapide dans les dou-
leurs, chez un autre malade dont nous avons déjà cité l'his-
-toire, et qui portait un ulcère bien plus étendu, puisqu'il
avait envahi tout l'hypogastre et la partie supérieure des
cuisses. Des lotions chlorurées furent seules prescrites, et tes
(55a)
violentes douleurs qu'il éprouvait se dissipèrent aiiboutde
quelques jours.
Mais dans ces deux observations, il fimt tenir compte de
la suspension des mercuriaux à l'intérieur, du régime, du
repos, etc., qui ont pu contribuer, aussi bien que le chlorure
de chaux, i\ une si grande amélioration. Les douleurs n'ont
d'ailleurs pas été dissipées instantanément comme dans les
observations citées par M. Chopin. Ce n'est guère qu'un ou
deux jours après l'emploi du topique, que les malades ont
déclaré ne plus souffrir.
De toutes les substances que possède la matière médicale,
les chlorures ont peut-être été préconisés dans les affections
les plus diverses. Nous ne voulons pas mettre en doute les
grands avantages que la thérapeutique en a retirés, mais il
sera curieux de jeter un coup-d'œil sur les propriétés pres-
que innombrables qu'on leur a attribuées. Voici un résumé des
maladies dans lesquelles ces chlorures ont été employés avec
succès, et que nous trouvons dans le Dictionnaire universel de
matière médicale, de MM. Merat et Delens.
Le chlorure de potasse a été employé par Percy contre la
pourriture d'hôpital. Le chlorure de soude l'a été dans le
même cas par M. Gorse. Les chlorures de chaux et de soude
l'ont été par d'autres chirurgiens contre les ulcères gangre-
neux : dans un cas de rétention et puti'éfaction du placenta
dans l'utérus (solution de chlorure de chaux, un seizième en
injections dans l'utérus même) ; dans un cas d'ulcération de
la bouche avec carie des os du palais; contre le ramollisse-
ment des gencives avec ulcérations fétides et différentes ma-
ladies de la bouche. Etendu de deux à huit parties d'eau
dans des cas d'ulcères fétides et sanieux des pieds, dont
quelques-uns étaient réputés syphilitiques ; dans l'ozène;
dans des cas de flstules avec déuudation de la peau ; dans les
engelures ulcérées ou non ulcérées, et même comme pré-
servatif de cette dernière affection; dans la brûlure, à difié-
rens degrés ; comme préservatif des affections miasmatiques
(solution de chlorure de chaux aiguisée d'acide sulfurique et
employée en lotions) ; comme prophylactique des virus sy-
philitique et rabique, ainsi que du venin de la vipère; dans
la blennorrhagie chronique de la femme (chlorure de soude
au sixième et au tier.^i) ; contre la syphilis secondaire et la
pseudosyphilis; contre la syphilis rebelle; contre la peste
ou comme préservatif de cette maladie; contre les dartres
rongeantes ; contre la teigne; contrôla gale (lotions, trois
onces par litre d'eau); contre le prurigo; contre l'ophlhalmie
purulente (de vingt grains à trois à quatre gros de chlorure
(533)
de chaux par once d'eau distillée, insrillée entre les paupières
trois à dix fois par jour); contre l'ophlbalniie chronique avec
obscurcissement et épaississement de la cornée (dix gouttes
de chlorure de chaux liquide par once d'eau); contre la phthi-
sie, les scrofules, la coqueluche; pour calmer les douleurs
qui accompagnent les affections chroniques du sein et de l'u-
térus; contre la dyspepsie, la fétidité de l'haleine, la carie
des dents, l'angine couenneuse, la salivation mercurielle,
l'asphyxie par les vapeurs des fosses d'aisance, etc.
Quanta l'usage intérieur des chlorures, il n'a guère été
préconisé que dans certains cas de dysscnterie, à la dose de
dix grains, en lavement et en potion, et pour remédier à des
accidens produits par l'ingestion d'une eau corrompue. Ce
sont là, ajoutent les auteurs du dictionnaire de thérapeutique,
les seuls exemples que nous connaissions de l'usage intérieur
des chlorures.
Ceci était écrit en i83o; depuis cette époque on a admi-
nistré les chlorures à l'intérieur dans plusieurs affections,,
contre l'empoisonnement par l'acide hydrocyanique (voy.
art. aSg); contre la météorisation des animaux domestiques
(art. 45o); contre le choléra (art. 1116) et contre les fiè-
vres intermittentes (art. iiSa), médication dont MM. La-
lesque. Roche et Munaretse disputent la priorité.
Malgré la longueur de cette liste, il s'en faut de beau-
coup que nous ayons indiqué toutes les maladies dans les-
quelles le? chlorures ont été préconisés. Mais cette longue
énumération de propriétés si diverses prouve à elle seule
que les vertus de cette substance ont été exagérées. En ad-
mettant cependant que plusieurs des observations rapportées
aie Ht été publiées trop légèrement, on est forcé de convenir
que, dans un grand nombre de cas, les chlorures ont été vé-
ritablement utiles, et qu'on peut, en thérapeutique, en tirer
un parti très- avantageux (1).
ART. 1 167.
Observations sur le traitement des brûlures par l'eau phagédé-
nique ( solution aqueuse de sublime corrosif).
Le docteur Hintze, de Baltimore, a publié l'article suivant
dans un journal américain (2) :
(1) Voy. art. 1,01, 178, 189, 232, 242, 25(), 2^2, 3a3, 45o, 466, 4/2,
559, 619, 65-, H.î.ï, Sao, S42, t024, 1067, 1116,1 102.
(2) Norlh american archives ofmed. and. sttrg. se.
(534)
tes brûlures sont des accidens qui se rencontrent cha-
que jour et qui donnent lieu souvent aux plus fâcheux résul-
tats. Ayant remarqué, dans le cours de ma pratique, que les
applications froides, les onguens excitans et les substances
grasses sont propres à retarder plutôt qu'à accélérer la gué-
rison,j'ai été conduit à adopter un mode de traitement tout-
à-fait différent. J'ai reconnu les avantages de ce procédé par
mes observations dans le traitement des ulcères chroniques
qui succèdent aux brûlures; en effet, après avoir inutile-
ment employé, dans quelques ulcères de ce genre, les appli-
cations généralement usitées, j'ai obtenu une prompte gué-
rison en ayant recours à l'eau phagédénique, à la poudre de
rhubarbe et à la charpie sèche. Ce traitement a eu d'aussi
bons effets dans ce cas que lorsque les ulcères tenaient à une
autre cause, j'ai étendu ensuite ce traitement à tous les cas
de brûlure récente. Voici quelques observations dans les-
quelles ces applications ont été suivies de succès.
i'' Miss Marie F. avait le pied brûlé depuis quatre se-
maines et avait inutilement employé le liniment à eau de
chaux et d'autres applications. Elle portait, sur la partie ma-
lade, des ulcères superficiels et très-enflanmiés. Je l'engageai
à laver la partie avec l'eau phagédénique, à la saupoudrer
avec la poudre de rhubarbe et à la maintenir ensuite cou-
verte avec de la charpie sèche.
Le jour suivant, les pièces d'appareil étaient adhérentes
aux plaies, je ne voulus pas les enlever; mais je prescri-
vis de les imbiber une fois le jour avec l'eau phagédénique.
Le quatrième jour, la charpie se détacha, et les ulcères fu-
rent trouvés cicatrisés.
2° et 3" Madame Elisabeth A... mit par accident le feu à
ses vêtemens. Son mari, attiré par ses cris, s'empressant
d'éteindre le feu, fut cruellement brûlé aux deux mains et
aux bras. À mon arrivée, des applications grasses avaient
déjà été faites sur les brûlures de la femme, mais celles du
mari n'étant point encore pansées, je lui proposai l'emploi
de l'eau phagédénique, de la rhubarbe et de la charpie sè-
che, ce qui fut accepté sur-le-champ : c'était la première
fois que je tentais ce moyen dans les brûlures récentes. La
douleur cessa aussitôt, et, en moins de dix jours, cet homme
fut capable de reprendre ses travaux.
La condition particulière de madame A. et l'étendue des
désordres m'empêchèrent d'insister sur la suspension d'un
traitement que ses amis apjirouvaicnt généralement. Celle
dame était dans le huitième mois de sa grossesse. La peau,
et sur plusieurs points le tissu cellulaire des deux extrémités
(535 )
inférieures, du siège, du pubis, des aines, de l'abdomen et
du thorax étaient presque entièrement détruits. Je me con-
tentai de combattre l'inflammation par des moyens internes,
abandonnant le traitement local à une dame de ses amies. Mais
lorsqu'elle eut vu que son mari avait repris ses occupations
au bout de quelques jours et que chez elle les applications
de corps gras n'avaient aucun bon effet, la malade et ceux
qui l'entouraient réclamèrent l'emploi du même moyen qui
avait si bien réussi chez M. A.. Je prescrivis alors de cou-
vrir les brûlures avec des cataplasmes tièdes d'amidon
bouilli, dans le but de hâter le détachement des nombreuses
escarres, et comme la douleur et l'irritation avaient beau-
coup affaibli la malade, je conseillai l'emploi de quelques
toniques et une diète restaurante. Ces moyens disposèrent fa-
vorablement à l'usage des remèdes locaux. L'eau phagédé-
nique, la poudre de rhubarbe et la charpie sèche, furent
alors employées, et en quatre jours environ les excoriations
superficielles disparurent. Le treizième jour, les ulcères les
plus profonds étaient cicatrisés. Avant son accouchement,
elle avait pu reprendre ses soins domestiques, et quand elle
fut à son terme, elle accoucha d'un vigoureux enfant.
4° Un enfant âgé de trois ans, qui avait eu la poitrine, l'ab-
domen et les cuisses brûlés par la chute d'un large vase
plein de café bouillant, fut entièrement rétabli en douze
jours par l'emploi des mêmes moyens.
5° Il en fut de même d'un autre enfant auquel pareil acci-
dent était arrivé. Le bras droit avait seul souffert, mais l'é-
piderme entier avait été enlevé avec l'habit. Il fut cepen-
dant guéri en cinq jours.
Dans deux cas beaucoup plus graves, la même lotion eut
un succès bien remarquable, car elle procura la guérison en
quatorze jours chez deux femmes cruellement blessées par
l'explosion de la poudre à canon. Voici la manière dont l'au-
teur procède pour appliquer convenablement l'eau phagé-
dénique.
Lorsque, dit-il, je suis appelé pour un cas de brûlure ré-
cente, je commence par enlever les phlyctènes avec des ci-
seaux; j'applique alors l'eau phagédéuique, avec la barbe
d'une plume ou avec un pinceau, sur toute la surface de la
partie malade, puis je la couvre de poudre de rhubarbe; je
recouvre ensuite le tout de charpie mollette. C'est le seul
traitement local nécessaire, mais il ne dispense pas d'admi-
nistrer des remèdes inlérieurs, si l'état général du malade
l'exige. Se forme-t-il de nouvelles vésicules, on doit les en-
lever sur-le-champ, de peur qu'elles ne retardent la guéri-
(556)
son. Lorsque la charpie adhère à la plaie, il faut bien se gar-
der de l'enlever. On se borne seulement à détacher avec les
pinces ou les ciseaux les portions qui restent flottantes, et
l'on renouvelle les lotions avec la liqueur, les applications
de poudre de rhubarbe et de charpie sèche sur les points mis
à découvert. Quant à la charpie restante, on se borne à l'ar-
roser avec cette eau. On peut renouveler ces panseuiens
deux ou trois fois par jour. La brûlure offre-t-elle de la ten-
sion et une certaine rénitence qui indiquent que Tescarre
a de la tendance à se détacher, il faut favoriser cette sépara-
tion par des cataplasmes émolliens d'amidon bouilli ou de
pain et de lait. Dès que les escarres sont détachées, il faut
recourir de nouveau aux lotionsindiquées. Toutes les lotions
avec l'eau de savon, etc., doivent être rejetées, aussi bien
que toutes les substances grasses qui s'opposent à la cicatri-
sation. Si la suppuration est trop abondante,on doit l'essuyer
avec précaution, soit arec de la charpie sèche, soit avec du
vieux linge.
La lotion que j'emploie dans les cas de brûlure récente est
composée d'un grain de sublimé corrosif sur une once d'eau
de chaux. Dans les ulcères chroniques, j'élève la dose du
caustique de un à quatre grains.
ART. 1168.
Séances d'Académie : Emploi de l'indigo dans l'épiiepsie.—- Trai~
tement de la fiètre typhoïde. — Nouvelle méthode de réduire
les hernies étranglées.
Epilepsie. M. Noble, médecin en chef de l'hospice royal
de Versailles, a informé l'Académie des succès qu'il a obtenus
récemment de l'emploi de l'indigo chez des sujets épilepti-
ques {voy. art. logS). Ce médecin en a déjA fait usage chez
trois sujets avec un succès remarquable, et tout fait espérer
que les praticiens pourront tirer de ce médicament, nouvel-
lement proposé, un parti très-avantageux. Le premier exem-
ple cité pnr M. Noble, est celui d'un jeune homme de dix-
huit ans, épileptique depuis douze années, à la suite d'une
frayeur. Il éprouvait, depuis celte époque, tous les huit à dix
jours un accès d'épjlcpsie. Il fut soumis à l'emploi de l'in-
digo à la dose d'un gros par jour, élevée successivement
jusqu'à celle de quatre gros. Les accès disparurent bientôt,
et depuis le 25 août jusqu'au aS octobre ils ne s'étaient pas
reproduits.
(557)
La seconde observation est celle d'une jeune femme, éga-
lement épilepiique par suite d'une frayeur. Ses accès étaient
excessivement tréquens, puisque pendant son séjour à l'hô-
pital ils se reprodusirent constamment dix à douze fois dans
les vingt-quatre heures. L'indigo fut donné de la même ma-
nière que dans l'observation précédente, le 27 septembre.
Les accès devinrent bientôt moins forts et moins nombreux.
Ils cessèrent complètement le 5 octobre et n'avaient pas re-
paru depuis cette époque.
Le sujet de la troisième observation était une femme
de cinquante ans, épileptique depuis vingt années. Les accès
ont été suspendus quatre jours après l'administration du mé-
dicament.
Chez aucun de ces malades l'indigo n'a déterminé d'acci-
dens, si ce n'est quelques contractions musculaires, sembla-
bles à celles qui sont produites par la strychnine, et une
légère diarrhée qui cédèrent dès qu'on suspendit le médi-
cament.
Fièvre typhoïde. A l'occasion d'un Mémoire sur la fièvre
typhoïde envoyé par M. Chardon, médecin du département
de la Loire, une discussion intéressante s'est engagée sur le
traitement de cette maladie. M. Chardon, après avoir essayé
diverses méthodes, finissait par conclure que c'est encore
par l'expectation qu'on sauve le plus de malades. M. Castel
a partagé cette opinion. M. Girardin a rappelé que la plu-
part des traitemens qu'on avait tant préconisés dans la fièvre
typhoïde avaient été abandonnés. Ainsi les chlorures ont
complètement échoué; il en est de même des purgatifs;
M. Piédagnel lui-même, qui les avait tant préconisés, les a
abandonnés pour les remplacer par les fumigations alcooli-
ques et la poudre de Dewer. M. Girardin en a conclu que tel
remède convenait dans certaines constitutions médicales et
ne convenait plus dans d'autres (1).
M. Bouillaud s'est élevé avec force contre tous ces trai-
temens, et a déclaré employer les antiphlogistiques avec
(1) Nous ne saurions trop engager les praticiens à se défier de ces re-
mèdes énergiques qui ont aujourd'hui une efficacité extraordinaire
dans telle ou telle maladie, et qui demain seront presque constam-
ment nuisibles, attendu les changewens surreniis dans la ronsliiiition.
Loin de nous l'intention de nier le génie particulier qu'affectent cer-
taines épidémies; mais dans le cours ha!)ituel des choses, ces change-
_ .„ , .._ ^. ..., — .,, >^„ g,^
mens sont rares, et lorsqu'un remède est ainsi ahandonné par l'auteur
osé, il e<t intiniment probable i^u'il avilit ipis dans
même qui l'a proposé,
(538)
une vigueur qni pourrait être blâmée par beaucoup de mé-
decins, mais qui n'en est pas moins suivie de très-beaux suc-
cès. Ainsi, lorsque le malade est dans la prostration, lorsque
les dents et la langue sont couvertes d'un enduit fuligineux, ce
médecin pratique jusqu'à trois saignées par jour. Sur un
total de cent quatre-vingt-un cas de fièvres typhoïdes bien
prononcées, vingt-huit malades seulement ont succombé,
ce qui fait à peu près un mort sur six et demi ; tandis que
M. Chomel a déclaré perdre un malade sur trois. Ce traite-
ment antiphlogistique actif n'empêche point M. Bouillaud
d'employer, suivant les cas,lestoniques et mêmeles|chlorures
et les purgatifs; mais le fond de sa méthode, son caractère,
est d'être antiphlogistique.
Hernie étranglée. M. Sabatier a lu à l'Académie une note
sur un moyen proposé parle docteur Kœhler, de Varsovie,
pour faciliter la réducion des hernies étranglées. Ce moyen
consiste à renfermer la tumeur herniaire dans une ventouse
et à faire le vide. Les intestins étant ainsi attirés au dehors,
il doit très-souvent arriver que l'étranglement cesse et que
les gaz ainsi que les matières fécales pouvant rentrer dans
l'abdomen, la tumeur elle-même est réduite peu à peu par
le taxis pratiqué aussitôt après cette petite opération ; de
même que lorsqu'après avoir mis l'intestin à nu par des in-
cisions convenables, il suffit quelquefois de l'attirer un peu
au dehors pour qu'on puisse ensuite le faire rentrer sans dé-
brider l'anneau. Le docteur Rœhler possédait plus de vingt
observations, dans lesquelles une ou plusieurs applications
de la pompe, immédiatement suivies de tentatives de réduc-
tion, avaient eu pour résultat la rentrée facile des parties
formant la tumeur (i).
sa communication un empressement qui ne lui a pas permis de bien
observer les faits.
C'est à une précipitation de ce genre qu'il faut attribuer les raé-
compres qne les praticiens éprouvent aujourd'hui en employant les
chlorures et les purgatifs dans la Gèvre typhoïde. Nos lecteurs se rap-
pellent qu'à notre art. 1074, en parlant de ce dernier moyen, nous
déclarions que nous le voyions mettre en usage|dans plusieurs hôpitaux,
mais qu'il ne nous semblait pas jouir de l'efficacité dont on le gratifiait,
et que bientôt sans d(jute il serait aliandonné, du moins comme mé-
thode générale. L'événement a justifié nos prévisions. Il en sera pro-
bablement de même de totite médication qu'on voudra employer
d'une manière exclusive dans cette cruelle maladie.
{Note du rédacteur.)
(i)L'idée de cette opération avait été fournie au docteur Kœhler par
(539)
ART. 1 169.
Considérations sur tes effets thérapeutiques de la compression et
de la raréfaction de l'air, tant sur le corps que sur les mem-
bres isolés.
On trouve dans les Archives gén. de méd. (octobre) un ar-
ticle (le M. le docteur Junod sur les effets de la raréfactionjde
l'air à la surface de notre corps. Ce médecin a inventé des
appareils à l'aide desquels il parvient à maintenir les mem-
bres dans un espace vide, et par conséquent ù attirer dans
ces parties une masse considérable de sang, c'est-à-dire à
obtenir sur-le-champ les effets d'une très-abondante saignée,
sans que le malade s'en trouve affaibli, lorsque les appareils
sont enlevés.
On conçoit le parti avantageux que la thérapeutique pour-
rait, dans certains cas, retirer de ce procédé qui soustrairait
instantanément une masse énorme de sang, dont la présence
serait nuisible aux organes intérieurs. M. Junod cite quatre
observations seulement dans lesquelles il a appliqué sur
l'homme cette raréfaction de l'air, et les effets obtenus ont
été assez remarquables pour qu'on ne néglige pas de conti-
nuer ces curieuses expériences.
Un jeune homme avait fait une chute dans laquelle la ré-
gion bypogastrique avait supporté seule tout le poids du
corps. Il y ressentit une vive douleuret perdit connaissance.
On opposa aux accidens qui furent la suite de cette violente
contusion, un traitement anliphlogistique actif, et déjà il
paraissait marcher vers la guérison, lorsque tout-à-coup il
fut pris d'une gêne extrême de la respiration. Une large
le procédé d'un médecin allemand, qui consistait à appliquer la ven-
touse au-drssus de l'anneau, et à opérer ensuite des tractions sur cette
ventouse, afin de donner à l'anneau plus de largeur. Le taxis était pra-
tiqué en même temns, et avec quelques chances de succès, puisque
l'anneau se trouvait dilaté jusqu'à un certain point. 11 existe sans doute
une grande différence dans ces deux procédés, et celui dont on a fait
part à l'Acadéniie est assurément bien préférable à celui du docteur
allemand. C'est ici le cas de rappeler un autre emploi de la ventouse,
en usage dans certaines centrées de la Russie, et qui consiste à appli-
quer sur le ventre^ des patient un vase renversé et préalablement
cbauffe. Les paroii abdiiminales s'y précijiilant avec les intestins, on
opère ainsi une traction de dedans en dehors, et l'on conçoit qu'on ait
pu obtenir de celte manière la réduction dans certains cas. (Voy. art.
7j6.) {Note du réducleur.)
( 540 )
saignée fut immédiatement pratiquée etprocura du soulage-
ment ; mais cette dyspnée se renouvela si fréquemment, que
le malade étant tombé dans un état voisin de l'anémie, il
n'était plus possible de recourir ei des émissions sanguines.
Depuiscinquante jours, cet homme éprouvait, vers les cinq
heures du soir, des accès d'étouffemenl tels qu'il s'ensuivait
une perte complète de connaissance et une contraction mus-
culaire permanente comme dans le tétanos, lorsque M. Junod
le vit pour la première fois. Ces accès, suivis d'une sorte de
léthargie, duraient une heure environ, après quoi le malade
revenait lentement à la vie. Tous les moyens imaginables
avaient été employés sans aucune espèce de succès.
Le 20 décembre, un peu avant cinq heures, ce médecin
fit placer les extrémités supérieures et inférieures de cet
homme dans les cylindres de son appareil, et fit le vide, lors-
que déjà les premiers symptômes de cet accès se manifes-
taient. L'appareil fut maintenu en place pendant une heure
environ, et le développement de l'accès fut ainsi prévenu.
Le lendemain un pareil traitement eut un égal succès. Ce-
pendant les jours suivans de faibles accès se manifestèrent
encore, et à des heures inaccoutumées; mais la continuation
de ce moyen ne tarda pas à amener une guérisoa com-
plète.
Dans un autre cas de suffocation, la circulation se trouvant
presque suspendue, on avait ouvert la veine du bras, mais
sans pouvoir en obtenir une goutte de sang. Ce bras fut à
peine placé dans un cylindre, que le sang jaillit avec force et
que l'on obtint une abondante saignée.
L'appareil de M. Junod a été avantageusement appliqué
sur les extrémités inférieures d'un homme qui, depuis plu-
sieurs mois, était dans un état de paraplégie complète. La
sensibilité commença à reparaître dès que le vide eut été
opéré une seule fois seulement. Au bout de vingt jours de
traitement, les membres paralysés avaient repris leur sensi-
bilité et leur mouvement, et le malade pouvait marcher;
mais la paralysie du rectum, qui existait en même temps,
n'avait point été dissipée.
La dernière observation citée par M. Junod est celle d'une
femme frappée de terreur en apprenant qu'une de ses voisines
avait été atteinte du choléra. Les premiers symptômes de
cette maladie s'étant manifestés immédiatement chez elle,
les extrémités furent renfermées dans les cylindres; on fit le
vide, et, à l'instant même, les tranchées ainsi que les autres
accidens disparurent.
Il est probable que si cette raréfaction de l'air venait à
( 541 )
être introduite dans la thérapeutique, c'est dans le choléra
principalement qu'on en reconnaîtrait les bons effets. Nous
nous empresserons de publier les résultats des nouvelles ex-
pégences qui seront tentées sur ce sujet, dés que l'auteur les
aura fait connaître.
ART. 1170.
Note sur le traitement du varicocèle par l'oblitération des
veines.
M. Velpeau met en usage le procédé suivant, pour obli-
térer les veines variqueuses. Saisissant la veine au-dessus de
la tumeur dans un pli de la peau, il passe au-dessous d'elle
une épingle, et l'étrangle ensuite dans un fil entortillé autour
de ses deux extrémités. Lorsque la veine qu'il s'agit d'obli-
térer a un certain volume, si par exemple, il s'agissait de lier
la saphène interne pour un bourrelet variqueux existant à la
jambe, on ferait un pli ù la peau, de manière que la veine
fût comprise dans ce pli, et on le traverserait à sa base par
deux épingles, en les plaçant à deux pouces de distance. La
veine se trouverait ainsi appuyée sur les deux épingles, puis
on entortillerait circulairement leurs extrémités avec un fil
ciré. De cette manière, au boutdesix ou huit jours, lorsqu'on
retirerait les épingles, la veine se trouverait complètement
oblitérée. Ce procédé a déjà été appliqué sept fois sur les
membres et toujours avec succès. M. Velpeau vient de guérir
de cette manière des varices du cordon chez trois sujets.
Le premier était un jeune homme affecté, depuis sa nais-
sance, d'une dilatation variqueuse des veines du cordon tes-
ticulaire. A la suite d'une longue marche à pied, il avait
éprouvé des douleurs telles, qu'il fut forcé de se présenter à
l'hôpital de la Charité. Au-dessus du testicule gauche, on
apercevait pendant la station verticale une tumeur noueuse,
molle, bleuâtre, dont le siège était dans le cordon, et les
veines du scrotum étaient elles-mêmes dilatées et flexueuses,
en sorte qu'il y avait en même temps cirsocèle et vari-
cocèle.
Ce malade fut opéré le 20 juillet. Le premier jour de l'o-
pération il y eut des coliques, et des douleurs se firent res-
sentir dans les reins. Le 26, les épingles furent retirées ; la
partie du scrotum comprise dans la ligature fut coupée, et
il en résulta une plaie suppurante et une inflammation assez
vive, qui se propagea à tout le scrotum. Cependant des ca-
( 542 )
taplasmes émoUiens suffirent pour calmer ces accidens, et
le malade a parfaitement guéri.
Chez un second individu plus âgé, les mêmes phéno-
mènes se manifestèrent à la suite de cette ligature. La gué-
rison n'en fut pas moins obtenue en quelques jours, liiais
bientôt il se manifesta dans l'abdomen une tumeur qui gros-
sit rapidement, et ne tarda pas à amener la mort du malade.
Cette tumeur, du volume de la tête d'un enfant, était de na-
ture cancéreuse et probablement la cause première du dé-
veloppement du varicocèle.
Enfin, chez le troisième malade, les accidens déterminés
par cette ligature furent un peu plus graves, puisqu'une
petite partie du scrotum tomba en gangrène ; néanmoins la
guérison fut obtenue avant un mois. {Bull, clin.)
Réflexions. Plusieurs praticiens s'occupent en ce moment
de l'oblitération des veines comme moyen de guérir les va-
rices, et il paraît, d'après les succès obtenus par la compres-
sion ou la ligature que ces deux procédés feront abandonner
complètement l'extirpation de la veine ou sa cautérisation.
A notre art. 775, nous avons parlé du nouveau procédé
préconisé par M. Breschet, et consistant dans l'application
de pinces qui compriment à la fois la peau et la veine elle-
même. Depuis cette époque, ce chirurgien a pratiqué un
très-grand nombre de fois cette opération, soit à l'Hôtel-
Dieu, soit en ville, et les cures qu'il a obtenues ne lui per-
mettent pas de mettre en doute l'efficacité de ce moyen.
Si les observations recueillies par M. Breschet étaient
assez nombreuses et assez exactes pour qu'on pût défini-
tivement juger son procédé, il faudrait convenir que la
compression lente exercée au moyen de ces pinces est de
beaucoup préférable à tous les autres procédés d'oblitéra-
tion ; car d'après l'aveu même de M. Velpeau, la ligature du
vaisseau, de quelque manière qu'on la pratique, n'est jamais
exempted'iucoQvéniens,et même d'incouvéniens assez graves
pour faire courir au malade un certain danger. {Foy. article
1028.)
ART. 1071.
Nouvelles observations constatant l'efficacité de l'hydrate deper-»
oxide de fer, dans le cas d'' empoisonnement par l'arsenic.
M. Benoist, pharmacien à Sancoins (Cher), a publié l'ob-
servation suivante dans le Journal de chimie médicale.
Un ouvrier, sa femme etsoQ enfant, après avoir diné avec
( 543 )
des haricots, éprouvèrent bientôt des coliques violeutes, des
maux de cœur, des vertiges etenfia des vomissemens. L'uue
de ces trois personnes, qui en avait mangé plus abondam-
ment que les autres et qui d'ailleurs était d'une faible com-
plexion, souffrait des douleurs extrêmement violentes, lors-
que M. Benoist fut appelé. Ce pharmacien se fit présenter
la casserole contenant encore des haricots : il reconnut qu'elle
était parfaitement étamée, mais on distinguait parmi ces lé-
gumes de petites quantités d'une substance jaunâtre qui, dé-
posée sur des charbons ardens, fournit des vapeurs dont
l'odeur alliacée ne laissa aucun doute sur l'existence de l'ar-
senic.
Un seul de ces trois malades paraissant dans un état alar-
mant, M. Benoist s'empressa de lui administrer le tritoxide
de fer hydraté. Trois onces et demie de ce tritoxide, prove-
nant de la précipitation par l'ammoniaque du sulfate de fer
suroxidé par l'action de l'acide nitrique, furent mises dans
deux litres de lait coupé avec de l'eau, et on en fit avaler un
verre au malade toutes les cinq minutes. Après l'ingestion
des deux premiers verres, les vomissemens cessèrent d'être
douloureux, et le malade se trouva infiniment mieux. Les ac-
cidens se dissipèrent peu à peu, et, malgré quelques coli-
ques légères, cet homme fut bientôt rétabli.
On apprit ensuite qu'un ouvrier, voulant se venger de
certains tours que lui avait joués son camarade, et ne croyant
pas que les conséquences dussent en être funestes, avait jeté,
dans ce qui devait faire son dîner, une certaine quantité
d'uue pâte composée d'acide arsénieux, de curcuma pulvé-
risé et d'un corps gras. Ce corps gras n'avait pas empêché
l'action de l'hydrate de fer sur l'acide arsénieux
Réflexions. Cette observation peut être rapprochée de celle
que nous avons consignée à notre art. ma, et qui avait été
recueillie dans le môme département; mais dans l'une et
dans l'autre, on a négligé d'analyser les matières vomies, ce
qui a laissé quelque chose à désirer dans l'histoire de ces
faits curieux.
Quoi qu'il en soit, les propriétés du peroxide de fer sont
démontrées par un trop grand nombre de faits chez l'homme
et chez les animaux, pour qu'on ne considère pas aujour-
d'hui cette substance comme un précieux antidote de l'ar-
senic. De nouvelles observations sont chaquejour publiées sur
ce sujet, et il est même des médecins qui ne bornent pas son
action à la décomposition chimique de l'arsenic, mais qui
pensent qu'il peut remédier aux désordres produits dans le
tube digestif par la substance vénéneuse. C'est ce qui paraît
( 544 )
résulter de deux observations publiées dans un journal alle-
mand, et dans lesquelles l'antidote ne fut administré que plus
de vingt-quatre heures après l'ingestion du poison. Non-
seulement les vomissemens et les douleurs abdominales fu-
rent enlevés sur-le-champ, mais les signes d'inflammation
qui s'étaient déjà manifestes furent promptement apaisés,
et les malades qui avaient avalé une très-grande quantité
d'arsenic se rétablirent entièrement.
Il est inutile de faire observer que ces assertions ne sont
rien moins que prouvées par les deux observations sur les-
quelles on s'appuie, et qu'il est inGniment plus probable que
si l'ingestion tardive du peroxide a fait disparaître tous les
symptômes, c'est qu'il restait encore dans le tube digestif
quelques parcelles du poison qui n'avaient pas encore été
absorbées.
AET. 1172.
HOPITAL SAINT-LOUIS.
Leçons cliniques de M. AUbert : Formules dans le traitement du
porrigo. — Traitement du favus.
Un enfant de deux ans s'étant présenté à la consultation
avec un porrigo furfuracea (Voy. art. 1 158), M. Alibert a fait
la prescription suivante :
Couper les cheveux du petit malade et laver fréquemment
la tête avec une solution d'amidon ;
Maintenir dans l'intervalle un cataplasme émollient sur
les parties affectées;
Lorsque l'irritation du cuir chevelu sera calmée, friction-
ner avec la pommade des frères Mahon, ou avec la pommade
suivante :
Pr. : Soude d'Alicante du commerce, un gros ;
Axonge, une once ;
Recouvrir ensuite le cuir chevelu avec un papier brouil-
lard ;
Donner à l'intérieur une décoction de tige de houblon ;
Faire ensuite pendant loug-temps de fréquentes lotions
avec Teau de Barrége.
Ce que nous avons dit du traitement du porrigo nous dis-
pense de nous étendre longuement sur celui du favus. Ces
deux variétés en effet réclament les mêmes soins, avec cette
différence cependant qu'il faut s'attendre à trouver plus de
résistauce encore dans le lavus, qui est une maladie plus
(545)
grave, et dont les progrès amènent quelquefois même la
carie des os du cr5ne.
Bien qu'en général le favus se borne au cuir chevelu, il
n'est cependant pas sans exemple de le rencontrer sur toute
l'étendue du corps. Le plus souvent il nécessite un long
traitement et des moyens variés; dans quelques cas cepen-
dant il cède avec la plus grande facilité. C'est ainsi que
M. Alibert a vu un individu natif d'Amiens, chez lequel cette
éruption couvrait, non-seulement tout le cuir chevelu, mais
encore une grande partie de la peau. Cet enfant entra à
l'hôpital, changea de régime, prit quelques bains et guérit
avec une rapidité extraordinaire (i).
M. Alibert, considérant ce genre de teigne comme plus
grave que le précédent et comme ayant avec l'état général
(le l'économie des liaisons encore plus grandes, conseille de
ne pas débuter par des applications locales dont le but est
de faire tomber les cheveux et d'obtenir la fonte des tuber-
cules. Il faut, suivant ce professeur, commencer par mettre
le petit malade dans des conditions plus favorables à la gué-
rison, le tiier du séjour humide et mal aéré dans lequel il
réside habituellement, lui donner une meilleure nourriture
et surtout le tenir dans une grande propreté.
Il est aussi d'importantes distinctions à faire quant à l'an-
cienneté et à la gravité du favus. En général, lorsqu'il est
(i) Voici l'histoire de ce petit malade, que M. Alibert cite toujours
dans ses leçons, et qu'il a consigaée dans son ouvrage sur les derma-
toses.
a Ua jeune berger, doué d'un tempérament lympathique, fut
abandonné dès son enfance par ses pareas. Il n'avait jamais ^ eu d'au-
tre maladie que la petite-vérole, lorsqu'à dix ans il quitta son pays,
sans guide, sans destination. Après quelques jours de marche, il se
trouva à Amiens, où il se mit à mendier pour subsister. Pendant trois
années, il parcourut les campagnes de la Picardie. 11 couchait dans les
granges, dans les greniers, dans les étables, partout où on voulait bien
luiaccorder l'hospitalité. Un jour qu'il se servait de son peigne pour se
nettoyer la tête, il sentit trois tubercules croùteux à la partie moyenne
et supérieure du crâne. Il prit le parti de les arracher, mais ces tuber-
cules reparurent quelques jours après. Bientôt ils se multiplièrent d'une
manière eliVayante; tout son corps était semé de croûtes jaunes exca-
vées à leur centre et relevées par leur bord. Quelques-unes de ces
croûtes étaient déchirées par les mouvemens réitérés du pauvre ma-
lade, etn'otfrait pins que des tubercules informes. Le malade exhalait
une odeur de so.uis insupportable ; il était extéuué de maigreur et
avait un appétit dévorant. Qui croirait qu'un être si chétif a été guéri
sans le secours d'aucun remède ? Tout a disparu par un bon régime et
par le simple usage des bains gélatineux, *
Ton. VI. N" DE DÉCEMBRE. 35
( 546 )
récent, ces moyens généraux sont presque suffîsans pour le
faire disparaître. On les seconde par l'usage intérieur de
l'eau d'Eughien, du suc de trèfle d'eau et de cresson de fon-
taine. Puis on nourrit l'enfant avec des substances gélati-
neuses, des bouillons de poulet, de grenouille, et l'on pres-
crit des bains d'amidon ou de gélatine, en y ajoutant même
quelques onces de sulfure de potasse.
Mais lorsque ces moyens sont insuffisans, il faut bien re-
courir aux applications directes que nous avons indiquées
en parlant du porrigo, en prenant d'abord la précaution de
faire tomber les croûtes à l'aide de cataplasmes émolliens,
quelle que soit la composition de la poudre ou de la pommade
à laquelle on croit devoir s'arrêter.
Lefavus est plus rebelle encore à tous les moyens de
traitement que ne l'est le porrigo, et il exige non-seulement
plus de constance dans l'application des remèdes, mais en-
core des soins plus long-temps prolongés pour prévenir les
rechutes qui sont assez fréquentes.
Voici quelques formules dictées par M. Alibert dans des
cas de favus.
Un enfant de trois ans ayant sur la tête quatre plaques
jaunes de la largeur chacune d'une pièce de quinze sous :
Couper les cheveux de l'enfant le plus près possible du
cuir chevelu ;
Faire tomber les croûtes par l'application de cataplasmes
émolliens,;
Laver fréquemment la tête avec de l'eau contenant du bi-
carbonate de soude ;
Etendre ensuite sur les plaies la pommade de soude d'Ali-
cante ;
Faire boire à l'enfant de l'eau de chicorée et de houblon.
Chez un autre enfant un peu plus âgé, qui avait une tête
fort grosse et beaucoup d'embonpoint, M. Alibert prescrivit
les mêmes topiques, et de plus
Frottez des clous avec un citron, faites-les bouillir et don-
nez cette eau coupée avec du vin ;
Etablissez un vésicatoirc au bras.
ART. 1175.
Nouvelle instruction sur les secours à d»nner aux noyés et as-
phyxies (1).
1° Dès l'arrivée d'un noyé, ou avant, si on le peut, on en-
verra de suite chercher un médecin ou chirurgien.
(i) Nous trouvons dans l'ouvrage iiUiluli; ; ISouvclks nchcnhi^ssur (es
(547J
2° Immédiatement après l'arrivée du noyé, on lui ôtera
ses vêtemens, s'il n'a pas été déjà déshabillé, et pour aller
plus vite, on les coupera avec des ciseaux. On essuiera
son corps, on lui mettra ^ine chemise ou un peignoir
ainsi qu'un bonnet de laine, et on le posera doucement sur
une paillasse ou sur un matelas, entre deux couvertures de
laine, placé sur une table. La tête et la poitrine devront
être plus élevées que les jambes.
5" On couchera une ou deux fois le corps sur le côté droit,
on fera légèrement pencher la tête en la soutenant par le
front, pour faire rendre l'eau. Cette opération ne devra du-
rer qu'une demi-minute chaque fois. Il est inutile de la ré-
péter s'il ne sort pas d'eau ou de mucosités (des glaires, de
l'écume).
4° On placera autour de la poitrine et du bas-ventre le ban»
dage compressif, disposé comme un corset dit à la paresseuse,
et l'on cherchera à imiter la respiration en tirant les bandes
en sens inverse, et en les lâchant après chaque compression.
On imitera de cette manière les mouvemens que font la
poitrine et le ventre lorsqu'on respire. Aussi ne faut-il pas
que ces mouvemens soient produits trop brusquement et
avec trop de précipitation. On laissera un repos d'environ
un quart de minute entre chaque opération. On réitérera
celte tentative de temps à autre (de dix minutes en dix mi-
nutes, plus ou moins).
5" Tout en faisant agir pour la première fois le bandage,
on s'occupera d'aspirer l'eau, l'écume et les mucosités qui
pourraient obstruer les voies de la respiration.
A cet effet, on prend la seringue à air ( seringue en alliage,
munie d'un ajutage en cuivre). On pousse le piston jusqu'à
l'ajutage, on enduit cet ajutage de suif, ou, mieux encore,
d'un mélange de mine de plomb et de graisse; on le place
dans la douille égaleuient en cuivre du tuyau flexible, on l'y
secours à donner aux noyés et asphyxiés, par M. Marc, une inslructioQ
approuvée par le Conseil de salubrité, et (i(>nt le but est de diriger les
secours qu'où donne aux noyés dans les éliiblissemens destinés à les re-
cevoir. Bien que cette iustructi^u n'ait pas été écrite pour des méde-
cins, comme elle contient un résumé e\trèuienient lumineux de pres-
que tous les moyens auxquels on peut avoir recours dans ces circon-
stances, nous avons cru devoir la transcrire, persua.Jé que nos confrè-
res la liraient avec intérêt. Ou y verra d'ailleurs l'opinion de M. Marc
sur quelques points en litige, tels que l'insuillation de l'air dans les
poumons, lus injections dç l'uuiée irritante dans lu rectum, etc.
{Noie dit Réd.)
(548)
fixé pâf un mouveftient de baïonnette, on introduit ehsuite la
canule du tuyau flexible dans une des narines que l'on fait te-
nir complèleuient fermée par un aide, ainsi que l'autre na-
rine et la bouche en rapprochant les lèvres; enfin on tire
doucement vers soi le piston de la pompe ou seringue.
Si par ce moyen ou avait aspiré beaucoup de mucosités,
et s'il en sortait encore par la bouche ou les narines, on pour-
rait répéter cette opération.
Quand il s'agit d'un enfant au-dessous de trois ans, on
n^aspire chaque fois que jusqu'au quart de la capacité de
la seringue. S'agit-il d'un enfant plus âgé (jusqu'à douze
ou quinze ans), on aspire jusqu'à la moitié ; et s'il s'agit d'un
aduûe, jusqu'à la capacité entière de la seringue.
6" Aussitôt que la respiration tend à se rétablir, c'est-à-
dire dès qu'on s'aperçoit que le noyé happe pour ainsi dire
l'air, il faut cesser toute aspiration ou tout autre moyen spé-
cialement dirigé vers le rétablissement de cette fonction.
•p" Si les mâchoires sont serrées l'une contre l'autre, sur-
tout si le noyé a toutes ses dents et qu'elles laissent peu d'in-
terstices entre elles, il convient alors d'écarter très-légè-
arementles mâchoires, en employant d'abord le petit levier en
ibuis, et ensuite, si cela ne suffit pas, le levier en fer à doubles
ibranches qu'on présentera entre les petites molaires (pre-
anières mûchelières), en pressant ensuite graduellement sur
îles branches de l'instrument. On maintiendra l'écartement
obtenu, en plaçant entre ces dents un morceau de liège ou
de bois tendre. Cette opération devra être exécutée avec
ménagement et sans violence.
8° Dès le commencement des opérations qui viennent
d'être décrites, c'est-à-dire dès l'arrivée du noyé, un des
aides s'occupera de tout ce qui est nécessaire pour réchauffer
le corps; ainsi :
II fera chaufferies fers à repasser; s'il y a une bassinoire,
il y mettra des cendres chaudes.
9° Pendant qu'on s'occupera de rétablir la respiration, dès
•que les fers auront acquis le degré de chaleur qu'on leur
donne ordinairement pour repasser le linge, ou lorsqu'on
■crachant dessus, la salive frissonnera, on les promènera par-
dessus le peignoir de laine sur la poitrine, le long de l'épine
du dos et sur le bas-ventre, en s'arrClant plus long-temps
ïur le creux de l'estomac et aux plis des aisselles. On fric-
tionnera les cuisses et les extrémités inférieures avec des
frottoirs en laine, la plante des pieds et l'intérieur des mains
avec des brosses, sans cependant trop appuyer, surtout au
commeacemeDt de l'opération.
( 549)
10" Quels que soient les moyens qu'on emploie pour ré-
chauffer le corps d'un noyé, il faut se régler selon la tempé-
rature de l'air extérieur. Tant qu'il ne gèle pas, on peut être
moins circonspect. Cependant il ne faut jamais chercher,
particulièrement dès le début des secours, à exposer le corps
du noyé à une chaleur plus forte que celle du sang. Les fers
à repasser et la bassinoire ont, il est vrai, un degré de cha-
leur plus élevé; mais comme ils agissent à travers une cou-
verture ou une chemise de laine, et qu'ils ne restent pas long-
temps appliqués sur la même place, leur action se trouve par
cette raison sufflsamment affaiblie.
Si au contraire il gèle, et que le noyé, après avoir été re-
tiré de l'eau, soit resté assez long-temps exposé à l'air froid
pour que des glaçons se soient formés sur son corps, il faut
alors, aussitôt qu'il arrive et même avant, ouvrir les portes
ainsi que les fenêtres, afin d'abaisser la température au degré
de glace fondante (ce qu'on constate par le thermomètre),
lui appliquer sur le corps des compresses ou linges trempés
dans de l'eau au degré de glace fondante, dont on élève peu ù
peu la température. Cette élévation doit toutefois s'opérerplus
promptement pour les noyés que pour les asphyxiés par
l'action du froid seulement, et sans qu'il y ait eu submersion.
On peut chez les submergés élever la température de deux
degrés toutes les deux minutes, et, lorsqu'on est arrivé à
vingt degrés, avoir recours aux frictions, ainsi qu'à la cha-
leur sèche.
En hiver, il faudra en même temps élever la température
du lieu où l'on donne des secours, en refermant les portes et
les fenêtres. Il ne faut cependant pas que la chaleur du l&cal
arrive plus haut que quinze degrés du thermomètre de Réau-
mur, ou que dix-huit degrés du thermomètre centigrade.
Le meilleur moyen d'appliquer la chaleur graduée dans la
circonstance dont il s'agit, c'est de placer le noyé dans une
baignoire, si l'on peut s'en procurer une, et d'en échauffer
peu à peu l'eau au degré convenable.
11° Tout en employant les moyens nécessaires pour ré-
chauffer le noyé et pour rétablir la respiration, on le friction-
nera avec des frottoirs de laine sur les cuisses, les bras, et de
temps à autre de chaque côté de l'épine du dos ; on brossera
doucement, mais long-temps, la plante des pieds ainsi que le
creux des mains. On pourra aussi frotter avec les frottoirs en
laine le creux de l'estomac, les flancs, le ventre et les reins,
dans les intervalles où l'on n'y promènera pas la bassinoire
ou les fers à repasser.
12° Si le malade donne quelques signes de vie, il faut ton-
(55o)
tiouer les frictions ainsi que l'emploi de la chaleur, mais bien
se garder d'entreprendre quelque chose qui puisse gêner,
même légèrement, la respiration. Si le noyé fait quelques efr
forts pour respirer, il faut discontinuer pendant quelque
temps toute manœuvre qui pourrait comprimer la poitrine
ou le has-ventre.
i5° Si pendant les efforts plus ou moins pénibles que fait
le noyé pour respirer l'air ou pour le faire sortir, on s'aper-
çoit qu'il a des envies de vomir, il faut introduire au fond de
la bouche la barbe d'une plume et la chatouiller, à peu près
comme on le pratique lors([ue, pour se faire vomir, on in-
troduit un doigt, le plus avant pos«ible, au fond du palais.
i4° Dans aucun cas il ne faut introduire le moindre liquide
dans la bouche d'un noyé, ;\ moins qu'il n'ait repris ses sens
et qu'il puisse facilement avaler.
i5° Si alors le médecin n'est pas encore arrivé, on peut
faire prendre au malade une cuillerée d'eau-de-vie cam-
phrée ou d'eau de mélisse spirilueuse étendue de moitié
d'eau, et le coucher dans un lit bassiné, ou du inoins sur un
brancard garni d'un matelas et d'une couverture, en ayant
soin de tenir la tête élevée.
16° Si le ventre est tendu, on donne un lavement d'eau
tiède dans laquelle on a fait fondre une forte cuillerée à
bouche de sel. Mais il ne faut jamais employer ce moyen
avant que la respiration et la chaleur soient bien rétablies.
17" Dans le cas où, après une demi-heure de secours as-
sidûment administrés, le noyé ne donnerait aucun signe de
vie, et si le médecin n'était pas encore arrivé, on pourrait
reccfiirir à l'insufflation d'une fumée aromatique dans le fon-
dement.
Voici la manière de la pratiquer :
L'appareil qui sert ;\ cet usage se nonmie appareil ou ma-
chine ftimigaioire. Pour le mettre en jeu, on humecte le mé-
lange de piaules aromatiqu»iS, comme on humecterait le ta-
bac à fumer. On en charge le fourneau formant le corps de
la machine fulnigatoire, et on l'allume avec un morceau d'a-
madou ou av;'c un charbon, ensuite de quoi on adapte le
sôWfflet à la machine. Quand on voit la fumée sortir abon-
damment du bec du chapiteau, on y adapte le tuyau fumi-
galoire au bout duquel on ajoute la canule qu'on introduit
dans le fondement du noyé.
On fait mouvoir le soufflet, afin de pousser la fumée dans
les intestins du noyé. Si la canule se bouche en rencontrant
des matières dans le fondement, ce qu'on reconnaît à la sor-
tie de la fumée au travers des jointures de la machine, ou à
(55i)
la résistance du sonfilet, on la nettoie à l'aide de VaiguUleà
dégorger, et l'on recommence, en ayant soin de ne pas intro-
duire la canule aussi avant.
Chaque injection de fumée ne devra durer au plus que
deux minutes, et dans aucun cas elle ne devra être portée au
point qu'on s'aperçoive que le ventre se ballonne (qu'il aug-
mente d'une manière sensible de volume, qu'il se gonfle et
se tende ).
Après chaque opération, qu'on pourra répéter plusieurs
fois de quart-d'heure en quart-d'heure, on exercera à plu-
sieurs reprises une légère pression sur le bas-ventre, de haut
en bas, et avant de procéder à une nouvelle fumigation, on
introduira dans le fondement une canule fixée à une serinijue
ordinaire vide, dont on tirera le piston vers soi, de manière
à faire sortir l'air que les intestins pourraient contenir de
trop.
18° Lorsque le noyé recouvre la vie, il faut, si on ne peut
pas faire autrement, le porter sur le brancard à l'hôpital le
plus voisin. Mais si on peut disposer d'un lit, il faut, après
l'avoir bassiné, y laisser reposer le malade pendant une
heure ou deux. S'il s'y endort d'un bon sommeil, il faut le
laisser dormir. Si au contraire sa face, de pâle qu'elle était,
se colore fortement pendant l'envie de dormir, et qu'en ré-
veillant le malade, il retombe aussitôt dans un état de som-
nolence, il faut préparer des sinapismes (pâte de farine de
moutarde et d'eau chaude) et lui en appliquer entre les
épaules, ainsi qu'à l'intérieur des cuis«es et aux mollets. On
lui posera en même temps six à huit sangsues derrière chaque
oreille. Il est entendu qu'on n'aura recours à ces moyens
qu'autant qu'il n'y aurait pas de médecin présent; cardans
le cas contraire, ce serait à lui à décider s'il faut tirer du sang,
en quelle quantité, sur quel point, et par quel moyen.
ART. 1 174»
Observations sur quelques cas de strangulation par le cordon
ombilical.
M. Taufflier a publié dans les Annales d'hygiène et de mé-
decine légale quelques observations fort curieuses sur un des
points les plus obscurs que présente la question d'infanti-
cide.
On sait que lorsqu'on soumet à notre examen un nouveau-
né, ayant ou non respiré, et portant autour du cou des tra-
ces de strangulation manifeste, on se demande, avant de
( 552 )
prononcer sur l'existence d'un crime, si les désordres que
l'on observe, si le sillon plus ou moins dur, plus ou moins
enfoncé qui circonscrit le cou, n'aurait point été tracé par le
cordon, au moment de l'accouchement. Ces observations
seront rapprochées avec intérêt de celle qui se trouve à no-
ire article i023, et à roccasion de laquelle nous avons agité
la même question.
Le docteur Schwartz, ayant été appelé auprès d'une
femme en travail, crut devoir appliquer le forceps pour ter-
miner l'accouchement. Aussitôt que la tête fut dégagée, il
remarqua que le cordon ombilical cernait le cou de l'enfant
par deux tours. Ce cordon était tellement serré autour du
cou, qu'il fut impossible de faire glisser le doigt entre les cir-
convolutions et la peau. On se hâta donc de terminer l'ac-
couchement en attirant les épaules au moyen des doigts ap-
pliqués en forme de crochets au creux des aisselles. L'enfant
était mort, et on observa, dans la région du cou qui avaitété
serrée par le cordon ombilical, une empreinte de couleur livide
et en forme de sillon. Le lendemain ce sillon était devenu
blanc, à l'exception dos bords qui avaient conservé une cou-
leur bleuâtre, ia/wj-ù'on de lapeau qui correspondait àl' empreinte
était tellement parc/iemince, que le sillon n'était pas seulement
sensible au toucher, mais encore à la vue,
. Chez un autre enfant, mort un quart-d'heure après sa nais-
sance, et chez lequel le cordon ombilical avait formé une
anse autour du cou, M. Wilciberg observa dans cette ré-
gion une bande étroite, ronge, circulaire, sans dépression et
sans extravasation du sang. Cette bande rouge formait un
cercle presque complet. Les potimons étaient crépitans, plus
légers que l'eau; en un mot, cet enfant offraitles signes qui
indiquent la mort par asphyxie après l'établissement de la
respiration.
Une autre observation, publiée par le même auteur, serait
également très-concluante si elle n'avait pas été recueillie
sur un enfant mis au monde clandestinement :
Le cadavre d'un enfant nouveau-né fut trouvé dans le
coffre d'une jeune fille. Celle-ci avoua qu'elle était accouchée
pendant la nuit, que l'accouchement avait été fort pénible,
que la tête avait eu beaucoup de peine à franchir le détroit,
et qu'après avoir été poussée à l'extérieur, elle était restée
très-lnng-temps dans cette position; qu'elle l'avait plusieurs
fois saisie avec la main pour l'exlraire, qu'elle s'était aperçu
alors que le cordon ombilical entourait le cou de l'en-
fant, etc.
A l'autopsie, M. Wildberg trouva l'enfant uoi au placenta
(553)
par le cordon ; la figure et le front portaient des traces des
ongles de sa mère; il n'y avait pas d'autre lésion sur tout
le corps, ^lai^autour du cou, onobservait un sillon peu profond,
plus rouge que le reste de lapeau. Les poumons ne contenaient
point d'air, et les sinus de la dure-mère et les vaisseaux du
cerveau étaient gorgés d'une énorme quantité de sang.
Enfin M. Carus a observé un cas à peu près semblable aux
deux premiers que l'on vient de lire.
Ces diverses observations semblent mettre hors de doute
que le cordon ombilicalpuisse déterminer l'asphyxie del'en-
fant, et laisser autour du cou la même empreinte qu'on ob-
serverait si l'on avait appliqué un lien sur cette région. Ce
point était, comme on le voit, de la plus haute importance
à établir en médecine légale ; mais ces effets devant être ex-
cessivement rares, les experts n'en seront pas moins dans un
cruel embarras pour prononcer sur l'existence d'un crime,
s'ils considèrent surtout que cette strangulation par le cor-
don peut avoir eu lieu même chez des enfans qui ont respiré,
comme le prouve la seconde observation citée.
ABT. 1175.
Noie sur l'emploi de l'huile de foie de morue, dans quelques
obscurcissemens de la cornée.
M. Carron du Villards a publié dans le Bulletin thérapeu-
tique une note sur l'emploi des huiles en général, et de celle
de foie de morue en p.'.rticulier, pour faire disparaître quel-
ques taches de la cornée. Ce médecin ne pense pas que cette
huile ait une vertu spécifique, mais il lui reconnaît une vertu
réelle qui !^e manifeste par des résultats curatifs et par des
effets physiques. Ainsi, lorsqu'on place sur une taie ou sur
un léger albugo un peu d'huile de morue avec rextrémité
d'un pinceau de poil de martre, il se manifeste aussitôt une
cuisson assez vive, qui produit une abondante sécrétion de
larmes, et dure de huit à dix minutes. Cette action est beau-
coup plus prononcée que celle de l'huile de noix.
Il est inutile de dire que cette application ne doit se faire
que lorsque, par des moyens convenables, l'inflammation a
été tout- à-fait abattue; encore est-il des précautions à
prendre pour qu'on ne dépasse pas le but qu'on se propose,
qui est la résolution des liquides épanchés dans les lames
de la cornée.
On emploie l'huile blonde ou l'huile brune de morue; la
première est beaucoup moins active que la seconde : encore
(554)
est-il nécessaire chez certains sujets de la mitiger avec l'huile
d'amandes douces. Il faut commencer par toucher une ou
deux fois par jour, puis on augmente le nombre des appli-
cations à mesure que i'œil s'y habitue.
M. Garron du Vilfards cite plusieurs faits dans lesquels
cette médication lui a parfaitement réussi. Chez un jeune
homme atteint depuis deux ans d'une ophthalmiescrofuleuse
très-intense, ce médecin était parvenu à obtenir une gué-
rison complète, sauf une légère opacité du centre de la
cornée du côté droit. Après avoir employé inutilement la
plupart des résolutifs connus, il eut recours à l'huile brune
de morue, de la jnanière indiquée ci-dessus, et en quelques
semaines, la tache disparut complètement.
Chez une jeune fille, qui depuis sa plus tendre jeunesse
avait des conjonctivites strumeuses et qui conservait des
nuages de la cornée et des dispositions aux récidives, l'huile
de morue eut le même succès, mais il fallut en faire usage
pendant long-temps.
Deux autres exemples semblables sont cités dans cet ar-
ticle. Dans le second, ii fallut continuer l'usage d'huile de
morue pendant un mois et demi.
ABT. 1176.
Observations de produciions cornées, développement sur tes mem-
branes muqueuses.
M. Bridel, médecin h Bléré (Indre-et-Loire), nous com-
munique les observations suivantes :
En juillet i833, lors d'une épidémie d'angines malignes
qui régnait à Bléré, je fus appelé près de la fille Maupouet,
atteinte d'une maladie de la gorge. Cette fille, âgée de vingt-
un ans, et d'une bonne constitution, avait les deux amygda-
les rouges, gonflées et couvertes de granulations blanches
disséminées irrégulièrement sur leur surface. Sur la ton-
sille gauche, vers sa partie inférieure et presque antérieure,
existait une productiou cornée assez dure, mais mobile, de
la longueur d'environ Sept lignes. Sa base était adhérente
aux premières couches des tissus de la glande, et de la gros-
seur d'une plume ordinaire, tandis que son sommetse ter-
minait en pointe. La malade déclara que cette production
morbide dataii environ de cinq aîinées; elle ne lui causait ni
douleur ni gène sensible. Je m'occupai d'abord de traiter
l'angine à l'aide d'émissions sanguines locales, etc., et je
procédai ensuite à la 9©(.iion de cette production coruée avec
(555)
des ciseaux à pointes mousses. Immédiatement après cette
section, j'eus recours à des gargarismes fortement alumines
et des attouehemens avec le nitrate d'argent. Ces seuls
moyens, contre mon attente, ont été assez puissans pour
amener une guérison radicale.
L'nc jeune fdle de Lacroix-Bléré, âgée de seize ans, blonde
et d'une Ijonne organisation, me présenta l'année suivante
une excroissance morbide qu'elle portait au bras et en de-
dans de la narine droite. Celte excroissance était cornée,
mais peu consistante. Elle était longue à peu près de quatre
lignes et demie, et sa grosseur, à son point de jonction sur la
muqueuse, était celle d'une plume de corbeau. Je me bernai
à pratiquer une ligature le idus bas qu'il me fut possible, et
an bout de douze jours toute l'épaisseur de la végétation était
tranchée. Bien que cette production semblât disposée à
prendre de l'accroissement, elle ne se reproduisit plus lors-
qu'elle eut été enlevée. {F'oy. art. 2i4>)
Suicide que quelques circonstances faillirent à faire prendre pour
un parricide.
Le 5 juillet dernier, nous fûme^ requis, par deux commis-
saires de police, de nous transporter au domicile du sieur
M..., que nous trouvâmes dans l'état suivant : il était assis
sur un fauteuil placé à côté d'unlit; le coude gauche appuyait
sur ce dernier vers le chevet; la main droite, armée d'un pis-
tolet déchargé, reposait sur le milieu de la cuisse du même
côté ; la presque totalité du canon dépassait le bord interne
de la cuisse, de manière que l'arme ne pouvait éprouver le
moindre mouvement, sans tomber sur le planrher ; le projec-
tile, que nous ne trouvâmes pas, après avoir piesque entiè-
rement enlevé le visage, aviiit brisé et traversé le pariétal gau-
che ; une grande quantité de sang avait pénétré les vêtemens
du malheureux soumis à notre examen, et, coulant ensuite à
travers la paille du fauteuil, avait formé sur le ])lancher un
très-vaste caillot. La température du cadavre indiquait qu'il
n'y avait pas deux heures que M... avait cessé de vivre ; le
même espace de temps s'était à peu près écoulé depuis que
l'explosion du pistolet avait été entendue de quelqties voi-
sins.
MM. les commissaires de police, arrivés avant nous sur
les lieux, avaient appris que M .., plus que sexagénaire, n'a-
vait pas antérieurement manifesté l'intention de se détruire,
( 556 )
et qu'on ne lui connaissait d'autre motif de chagrin que la 11
perte d'un procès récemment éprouvée par sa sœur, qu'il i
affectionnait beaucoup. Il n'avait d'ailleurs qu'un fils, grand
amateur de chasse, et avec lequel il menait vie joyeuse. Ra-
rement il se passait un jour qu'ils ne fissent ensemble d'a-
bondantes libations au dieu du vin; ils ne les avaient pas ou-
bliées le 5 juillet, qui était un dimanche. Après le déjeûner,
M... fils était allé se jeter sur son lit, placé à côté de celui de
son père ; et c'était pendant qu'il dormait profondément que
ce dernier s'était brûlé la cervelle. Il ne s'était réveillé qu'au
bruit de l'explosion du pistolet.
MM. les commissaires de police et des personnes du voisi-
nage eurent la pensée qu'un crime horrible, un parricide,
pouvait bien avoir été commis. Le père elle fils, disaient-ils,
étaient seuls dans la chambre lorsque la détonation du pis-
tolet s'était fait entendre. Au lieu d'être plongé dans la mi-
sère, le père avait un revenu suffisant pour lui, et dont le
fils pouvait être pressé de jouir;|ils pensaient enfin que le pis-
tolet avait été placé, comme nous l'avions vu, dans la main
du sieur M..., après le crime consommé, et dans le dessein
d'égarer la justice. Cette circonstance leur paraissait avoir
d'autant plus de valeur, que si l'on portait avec précaution
la main et le pistolet dans la position qu'avait dû leur donner
M... pour se brûler la cervelle, et qu'on les abandonnât en-
suite à leur propre poids, le pistolet s'échappait de la main
et roulait sur le plancher.
Nous devons l'avouer, cette épreuve, deux fois répétée,
nous faisait incliner vers l'opinion de ces messieurs, lorsqu'a-
près quelques minutes de réflexion, nous comprîmes et leur
fîmes comprendre qu'elle ne pouvait être invoquée à l'ap-
pui de leur manière de voir. En effet, la contraction des
doigts de la main qui avait saisi l'arme homicide n'avait pas
dû cesser à l'instant même où le projectile avait détruit la
vie du cerveau. Or, d'après celte donnée physiologique, on
concevait très-bien comment le pistolet n'était pas tombé
aussitôt après l'explosion, comment aussi il devait toujours
s'échapper de la main dans l'épreuve qui avait été faite.
Ainsi tombait l'argument spécieux tiré de l'épreuve. Quant
aux autres circonstances qu'on avait fait valoir, nous pûmes
facilement prouver que la monomanie suicide n'est pas le
partage exclusif des hommes tombés dans l'infortime; qu'a-
près un repa^ et un excès de boissons alcooliques, il est très-
ordinaire, surtout pendant les chaleurs de l'été, qu'unhomme
se livre à un profond sommeil. Nous fîmes en outre remar-
quer que les vrtcmens du sieur M.,, étaient intacts ; que
{ 557)
rien sur lui ui autour n'indiquuit qu'il eût résisté à des vio-
lences extérieures.
Telles furent donc les conclusions do notre rapport, que
tout soupçon de meurtre écarté, les olflciers judiciaires ne
virent plus avec nous qu'un suicide, et laissèrent M... fils
s'abandonner paisiblement à sa passion dominante. Il en eût
été autrement si nous avions agi avec précipitation; car nous
aurions pu nous laisser entraîner aux raisonnemens de ces
messieurs, toujours animés, sans doute, debonnes intentions,
mais qui, étrangers aux connaissances médicales, doivent se
tromper quelquefois, tout versés qu'ilssont dans l'art de pé-
nétrer les ruses du crime. [Bull. méd. de Bord.)
ART. 1178.
Observations sur les effets de l'eau distillée de laurier-cerise à l'ex -
teneur daiis les névralgies faciales.
Le docteur Bennet, de Charleston, a publié l'article sui-
vant, dans le Dforth american Archives, etc. :
En 1834, je vis dans un journal qu'un médecin italien, le
docteur liroglia, élevait très-haut les vertus bienfaisantes du
laurier-cerise dans les névralgies (i). J'avais déjà employé
ce médicament avec succès dans diverses formes d'affections
nerveuses, mais je faisais usage de préférence de la teinture.
La préparation recommandée par le docteur Broglia est
très-simple, et peut être administrée eu toute sûreté. Je pos-
sède maintenant des faits assez nombreux, qui attestent que
ses effets sont véritablement puissans, et que les praticiens
peuvent eu tirer un parti très-avantageux dans cette classe
d'affections si douloureuses.
1" Le 1" novembre i854 au matin, je fus appelé près
d'une dame d un lempéraïuent nerveux qui éprouvait une
très-vive douleur dans la face et dans les dents, et qui en at-
tribuait la causeà une molaire cariée. Mais d'après les symp-
tômes, je demeurai convaincu que ce n'était point une odon-
lalgie, mais bien une névralgie faciale qui tourmentait cette
malade. La douleur n'était pas continue, mais périodique.
Elle s'étendait depuis la sortie du nerf facial et eu suivant
son trajet jusqu'à l'aile du nez, l'angle de la bouche, la pau-
pière inféiieuie, la tempe et le front. Quelquefois la douleur
survenait d'abord vers la paupière inférieure, puis, avec la
(1) Voyez art, yGz.
( 558 )
rapidité de l'éclair, elle s'étendait dans les côtés du nez , le
long des dents, puis à la tempe. Je conclus de ces remarqueti
que la maladie était dans la portion dure et la seconde
branche de la cinquième paire de nerfs. Cette dame souffrait,
ainsi depuis trois années, à chaque changement survenant
dans l'atmosphère; l'accès que j'observais durait depuis plu-
sieurs semaines, et depuis son invasion elle n'avait jamais été
entièrement débarrassée de cette névralgie. La douleur était
ordinairement très-violente depuis environ quatre heures
après midi jusque vers le milieu du jour suivant. Il n'est
pas nécessaire de dire que depuis plusieurs années, cette dame
était tourmentée d'une dyspepsie qui avait porté une grave
atteinte à si santé générale. Mais pensant qu'il fallait pour le
moment négliger cette maladie, je m'occupai sur-le-champ
de la débarrasser de ses douleurs; eu conséquence, je fis la
prescription suivante :
Pr. Eau dislillée de laurier-cerise, quatre onces;
Ether sulfurique, une once;
Extrait de belladone, un gros.
Pour lotions.
La partie douloureuse fut couverte avec des compresses
de coton cardé trempées dans celte mixture, et on renouve-
lait le pansement toutes les fois que l'appareil se desséchait.
Ces lotions furent faites avec beaucoup de soin, et à ma vi-
site, à sept heures du soir, les compresses avaient été renou-
velées six fois. La malade éprouvait une grande diminution
dans ses douleurs, mais elle se plaignait d'une extrême sen-
sibilité des parties de ce côté de la face. J'ordonnai de con-
tinuer les lotions.
Le lendemain la douleur était encore moindre, et la sen-
sibilité de la face avait disparu. La malade avait goûté six
heures d'un bon sommeil, et avait eu recours à trois applica-
tions de compresses ; à sept heures, elle était entièrement
débarrassée et désirait vivement enlever son appareil. Il fut
ôté dans la soirée, et depuis cette époque elle n'a éprouvé
aucune espèce d'accident.
2° Un monsieur me fit appeler pour une vive douleur
qu'il éprouvait dans la face et dans la mâchoire, et pour la-
quelle il s'était fait arracher,mais inutilement, plusieurs dents;
ses souffrances étaient cruelles, et comme la portion dure du
nerf facial était évidemment la partie malade, je voulus m'as-
surer si, dans l'observation précédente, le soulagement avait
été dû au lauriei-cerise o\i au narcotique que contenait la
mixture. En conséquence, je prescrivis des lolionsavec quatre
(559)
onces d'eau distillée de laurier-cerise, et une once d'éther
sulfurique. Uu morceau de ouate de coton, assez large pour
couvrir la face, et imbibé de cette mixture, fut appliqué
sur la partie douloureuse et remplacé toutes les fois qu'il se
desséchait. Le traitement fut commencé le i"décembre i834.
Le lendemain matin, cet homme vint me voir la figure dé-
barrassée de son appareil, affirmant qu'il n'avait jamais moins
souffert de sa vie; et depuis ce jour jusqu'à ce moment, il a
continué à jouir d'une santé parfaite. Dans cette observa-
tion, le laurier- cerise seul a eu une action tout aussi pronon-
cée que lorsque je l'avais uni à la belladone.
3° Une dame qui éprouvait des douleurs semblables avait
eu vainement recours aux saignées, aux purgatifs , aux
cataplasmes, aux sangsues, etc. Six heures après l'emploi du
moyen dont nous venons de parler, elle commença à éprou-
ver du soulagement. L'amélioration continua, et le troisième
jour elle avait cessé de souffrir.
Je pourrais citer d'autres observations semblables, mais
celles-là suffiront, je pense, pour prouver l'efficacité de ce
remède et engager les praticiens à en faille usage.
ART. 1 179.
ISote sur un sirop vermifuge., communiquée par M. Vandamme,
pharmacien à Hazebrouck.
Pr. Mousse de Corse, i
Fleurs de camomille romaine, > de ch. deux onces;
Fleurs de semencine, |
Feuilles et racines de spigèle, \
Racines de rhubarbe, / de cb. une once;
Racines de turbith, J
Semences de petit cardamomum, trois gros.
On coupe les racines et les feuilles; on concasse les graines,
et on fait infuser toutes ces substances ensemble pendant
vingt-qualre heures dans
Eau bouillante, deux livres douze onces.
On passe avec expression, et on fait fondre dans la cola-
ture qui sera de trente-qitatre onces.
Sucre blanc quatre livres.
On clarifle au blanc d'œuf et on filtre.
La dose de ce sirop est de deux gros à uue oace et demie
pour les enfaos.
( 56o )
ART. 1 180.
Teinture de gentiane composée par le même.
Pr. Racine de gentiane, quatre onces;
— d'angélique, i
— de galanga, \ de chaque une once;
— de gingembre, }
— d'iris de Florence, quatre gros;
Sucre candi, deux onces.
Alcool à vingt-deux degrés, quatre livres.
On commence par réduire en morceaux menus les racines
à l'aide d'un couteau; on les introduit dans un matras avec
le sucre et l'alcool, et on fait macérer le tout pendant huit
jours, en ayant soin d'agiter souvent la macération; on filtre
et on conserve pour l'usage.
La dose de cette teinture stomachique est d'une demi-once
à une once pour les adultes. Cette liqueur a produit les meil-
leurs effets chez plusieurs individus atteints de pesanteur
d'estomac.
ART. 1181.
31ÉDECINE LÉGALE.
Application à la pratique des faits théoriques du 'viol.
M.,
"" Dans les lettres précédentes, je vous ai successivement exposé
les données que l'état actuel de la médecine légale pouvait fournir
à l'expert pour résoudre les questions que les magistrats lui adres-
sent dans les cas où il est appelé à constater le corps de délit du
viol. Cette lettre et la suivante vont être consacrées à l'exposition
de faits que je commenterai de manière à appliquer la partie théo-
rique de la science à la pratique.
Soupçons d'une tentative de viol élevés à l'égard d'un enfant de six ans.
Nous, C.-P. O..., M.-G.-A. D..., nous sommes rendus aujourd'hui^
3 août 1834» chez le sieur F..., rue Goquillièie, 11° i3, à l'effet de
visiter sa petite file Joséphine, âgée de six. ans, et de déterminer si elle
porte des traces de violences aux parties génitales, ou d'autres vestiges
résultant de l'approche ou de l'introduction d'un corps quelconque ; de
préciser, le cas échéant, quelles pourraient être la nature et la grosseur
de ce corps; s'' il y a eu ou non défloration, ou seulement tentative de viol,
ainsi qu'il résulted'une ordonnance de M. Leg...,juge d'instruction,
en date du a août i834
Les parens de l'enfant nous ont déclaré que leur petite fille a l'ha-
bitude de jouer auprès de leur boutique avec d'antres enfans du
quartier; que le soir du 17 juillet, vers sept heures, un nommé C. .,
l a emmenée dans une allée de la rue Jean- Jacques - Rousseau, a
fermé la porte sur lui et a voulu la violer; que les cris de l'enfant
(56.)
ont aussitôt amené du monde, et que l'enfant est immédiatement
revenu chez eux; qu'ils l'ont fait visiter le lendemain par M. S...,
médecin; que la chemise de leur petite fille offrait des taches de
sperme; qu'ils n'avaient pas cru devoir la conserver, et qu'ils l'a-
vaient donnée à blanchir. La petite fille elle-même nous a dit que
C... lui avait relevé ses jupons; qu'il avait déboutonné son panta-
lon; qu'il l'avait enlevée de terre pour la mettre à sa hauteur et
approchée de lui, malgré la résistance qu'elle avait pu y mettre; que
C. ne lui avait pas fait de mal.
Les parens, questionnés sur le fait de savoir si l'enfant avait été
malade les jours suivans, ont fait des réponses négatives; elle n'a
pas paru souffrante; elle n'a pas eu de douleur en urinant; il n'est
))as survenu d'écoulement, et on n'a pas remarqué d'excoriation de
plaies, ou de contusions aux parties génitales.
Aujourd'hui la santé de l'enfant est bonne, les parties génitales
sont tout-à-fait dans l'état normal, la membrane hymen est entière;
il n'existe aucun des caractères qui peuvent dénoter le riol ou la
tentative de viol.
D'oîi nous concluons :
i" Que la défloration n'a pas eu Heu;
2° Qu'il n'existe pas aujourd'hui d'indices qui puissent établir les
présomptions de viol ou de tentative de viol; mais que le temps
écoulé depuis le 17 juillet (seize jours) ont pu faire disparaître quel-
ques traces de tentative de viol, telles que la rougeur des parties
génitales, leur gonflement, de légères excoriations, faits qui, an sur-
plus, n'ont pas été observés par la mère.
Cas d'expertise en matière de viol, absence de tout désordre matériel.
Nous C. P. Ollivier, docteur en médecine, M.-G.-A. Devergie,
professeur agrégé près la Faculté de Médecine, nous nous sommes
rendus aujourd'hui, aa juin i834, rue de Cléry, n° chez la
dame L , à l'effet de visiter la demoiselle Thérèse Etienne, âgée
de onze ans, et de déterminer si elle porte sur les diverses parties du
corps des traces quelconques de défloration ou de violences ? à quelle
cause cette défloration et ces violences peuvent être attribuées? dans
quelles circonstances elles ont pu être produites, et à t'aide de quels
moyens elles ont été causées ? le tout ainsi qu'il résulte d'une ordon-
nance de M. L , juge d'instruction, en date du 20 juin i834-
La femme L nous apprend que la petite Thérèse a disparu de
chez elle, le 19 juin, à neuf heures du matin; qu'elle a fait des re-
cherches vaines pour la trouver; qu'elle lui a été ramenée le lende-
main à midi. Thérèse a déclaré qu'elle avait pa»sé la nuit chez un
monsieur avec qui elle avait couché ; qu'à deux reprises différentes
il s'était livré à des attouchemens long-temps prolongés, attouche-
mens qu'il avait opérés avec ses doigts seulement; qu'il n'avait,
du reste, fait aucune tentative d'un autre genre.
Thérèse ne présente pas actuellement de traces de violences, sur
quelque point du corps que ce soit. Les parties génitales sont tout-
a-fait dans l'état normal, si l'on en excepte une rougeur et une
injection de vaisseaux qui se remarquent à l'entrée du vagin ; mais
les grandes et les petites lèvres, la fourchette et la membrane hymen
sont intactes.
TOM. VI — N" DE DÉCEMBRE. 56
( 56a )
La chemise porte, en avant et en arrière, plusieurs taches jau-
nâtres qui proviennent d'un écoulement des parties génitales.
La femme L... déclare que ces taches sont assez fréquentes chez
cette jeune fîile; que d'ailleurs depuis long-temps elle est adonnée
à la masturbation ; que dans son très-jeune âge, on a été force de
l'attacher dans son lit avec une camisole de force, pour lui faire
perdre cette mauvaise habitude.
D'où nous concluons :
1° Que la jeune Thérèse ne présente pas de traces de viol;
2° Qu'elle n'offre aucun des caractères qui constituent la déflo-
ration;
3° Que la rougeur de l'entrée des parties génitales et les taches
observées sur la chemise, peuvent être facilement expliquées par
les attouchemens habituels auxquels cette jeune fille paraît se livrer.
Ces deux exemples constituent les cas pour lesquels les médecins
sont le plus souvent consultés. Sur le rapport d'un enfant ou d'a-
près des indices plus vagues de tierces personnes, l'attention des
parens est éveillée ; bientôt on leur conseille de porter plainte à la
justice, et aussitôt une enquête est faite dans le but de l'éclairer.
Dans le premier cas, vous voyez un enfant qui n'a présenté, soit
avant, soit lors de notre expertise, aucun indice de violences exer-
cées sur elle. Il en est de même dans le second. Certes il est possible
que dans ces deux cas un attentat à la pudeur ait été commis, mais
ce n'a certainement pas été un viol. Quel était notre rôle dans ce»
circonstances? constater l'absence absolue d'altérations matérielles,
çtrien de plus. Restait au magistrat à s'entourer de la connaissance
des circonstances morales de l'action pour établir, soit tme tenta-
tive de viol, soit un attentat à la pudeur; mais nous n'avions aucune
conclusion à prendre à cet égard, et nous nous sommes ab>tenus.
Telle devra être aussi la ligne qu'il vous faudra suivre dans des cas
semblables. Un résultat négatif est quelquefois aussi important pour
la justice qu'un résultat po.sitif; car en matière de viol, plus qu'en
aucune autre, dis mercenaires exploiteat leurs enfans et tirent parti
des moindres circonstances qui peuvent satisfaire leur cupidité.
Soupçon de tentative de viol chez une petite fdle de trois ans et demi.
Aucune trace matérielle de viol.
Nous soussigné, docteur en médecine, nous nous sommes rendu,
le 6 janvier i832, dans le cabinet de M. C , au Palais-de-Jns-
tice, en vertu de la commission qu'il nous a adressée, en date d'hier,
à l'effet de procéder ;i la visite de la fille flen..., âgée de trois ans et
demi,el de déterminer si elle a été l'objet d'une tentative de viol ou
de tout autre attentat à la pudeur ?
Cette enfant est fort bien constituée et bien portante; elle ne pré-
sente h la surface du corps que des traces de boutons ou de légères
cicatrices provenant de boutons écorchés, et c'est principalement
à la joue gauche et à la fes e droite qu'on le» observe.
Les parties génitales n'offrent pas de déchirures, de traces de vio-
lences ou de contusions qui puissent établir des soupçons deviol :
la membrane hymen est intacte, seulement la surface interne des
( 5«5 )
grandes lèrres, le clitoris, la membrane qui tapisse le Tagîn sont
d'un rose un peu plus vif que de coutume. En examinant avec soin
les grandes lèvres, on voit qu'elles sont un peu plus flasques que
cela n'a lieu chez des enfans aussi bien constitués. L'ouverture de la
valve est plus large en arrière qu'en avant. Cette dilatation est as-
sez rare à cet âge : cette ouverture reste béante par le moindre écar-
tement des grandes lèvres, comme si un corps étranger avait été
fréquemment placé entre elles. Enfin l'enfant lient les cuisses très-
écartées l'une de l'autre; aussitôt qu'on la couche sur le dos, elle
conserve cette position, comme si elle était tout-à-fait habituelle.
Il n'existe pas d'écoulement.
Des faits qui précèdent, nous concluons que l'enfant soumise à
notre examen n'est pas déflorée;
Que la disposition des parties génitales externes, quoique ne ren-
trant pas dans celle que l'on observe le plus communément cher leà
enfans de cet âge, peut être naturelle, mais qu'elle est plus fréquem-
ment le résultat d'attouchemens habituels.
Ce troisième fait, qui est du genre des deux précédens sous le
rapport de l'absence de toute altération ou désordre matériel de
viol, offrait cependant quelques dif/lcultés pour l'expertise. Observez
les très-jeunes enfans au moment où vous leur ferez écarter les
cuisses, et vous verrez que la vulve s'ouvre par le haut, et est tou-
jours plus étroite en ai rière; lorsqu'une fois une femme a cohabité
avec des hommes, la vulve, par l'écartement des cuisses, s'ouvre
surtout en arrière. Cette jeune fille était dans ce cas; et comme cette
disposition, quoique dépendante en partie de l'organisation, résulte
aussi de l'habitude de l'introduction d'un corps étranger dans le
vagin, notre attention a dû être éveillée. Mais d'abord, la mem-
brane hymen était intacte, et par conséquent on ne pouvait pas
supposer l'introduction d'un membre viril dans les parties géni-
tales: restait donc à admettre qu'un corps, d'un volume à peu près
égal au diamètre du vagin, avait été fiéquemment place dans les
parties génitales, et c'est la supposition que nous dûmes faire. Les
parens, qui paraissaient avoir intérêt à faire trouver des lésions
propres à appuyer leur plainte, eurent grand soin de nous dire que
leur enfant n'était pas adonné à la masturbation. Nous ne prîmes
leur déclaration que comme un simple renseij^nemeiit, et dans nos
conclusions nous eûmes grand soin de signaler cet état des parties
génitales comme n'étant pas commun à cet âge, mais comme pou-
vant très-bien être expliqué par 1 habilufle de la masturbation.
Mais voici un cas qui prouve que sciiv^nt les médecins, au lieu
de se renfermer dans la limite; de leur expertise, et de se borner à
décrire ce qu'ils observent, et a conclure d'après ce qu'ils ont vu,
se laissent souvent influencer par les rapports de parens.
Soupçons de viol sur trois enfans. Deux rapports antérieurs.
Le iç) février i835, nous, M. -G. -A. Devergie, en vertu d'une or-
donnance de M. Baib..., juge d'instruction, nous sommes rendu, à
La Chapelle-Saint-Denis, rue du Bon-Puits, n° aS, à le/fet de visiter,
l" Julienne' A ngé^que Letellier, âgée de neuf ans et demi ; 2° Eulalie
( 564 )
Letellier, âgée de quatre atis ; 3° Louise Letellier, âgée d'un an, pour
constater l'état des parties génitales de ces jeunes en/ans, et donner notre
avis sur les questions de savoir s^il existe des traces de déjloration, ou
d'attentat à la pudeur consommé ou tenté.
A cette ordonnance étaient joints deux rapports, l'un de M. P...,
chirurgien, et l'autre de M. C..., médecin, tous deux ayant visité ces
enfans le lendemain du jour où des soupçons se sont élevés.
La mère de ces enfans nous a déclaré que, le lundi 9 février, ren-
trant chez elle avec son mari, sa fille Angélique était venue lui ou-
vrir la porte de sa chambre après les avoir fait attendre pendant
long-temps; ils avaient trouvé le nommé H... étendu sur le lit de
son fils aîné : sa culotte était déboutonnée et ses parties génitales à
nu. La petite fille déclare que, dans ce moment, il la touchait avec
son doigt et son membre viril, et que c'était pour la sixième fois;
que, chaque fois, il la mouillait d'une liqueur blanche ; que, du reste,
il ne lui a jamais fait de mal; qu'elle a toujours résisté à ses instan-
ces, mais que, le plus souvent, il lui fermait la bouche pour qu'elle
ne criât pas. Elle ajoute que jamais il n'a touché ses deux autres
sœurs. La mère, qui l'a fréquemment questionnée sur ce point, nous
annonce qu'Angélique n'a pas varié dans son dire.
Chacune des petites filles est visitée par nous avec le plus grand
soin; toutes trois présentent la membrane hymen parfaitement in-
tacte,ci n'offrent pas de traces de défloration.
Le clitoris et les petites lèvres de la fille aînée sont plus développés
que de coutume; mais outre que cette circonstance peut être ac-
cidentelle, elle peut dépendre aussi de la masturbation à laquelle
cette enfant pourrait peut-être bien être adonnée.
D'où nous concluons :
Que les petites filles Angélique, Eulalie et Louise ne présentent
pas aujourd'hui de traces d'altérations, de viol ou de tout autre
attentat à la pudeur.
Nos conclusions diffèrent, et du certificat de M. P..., chirurgien,
et aussi du rapport de M. C..., médecin. Le premier constate comme
nous, il est vrai, que la membrane hymen existe encore, mais qu'il
y a eu tentative de viol.
La tentative de viol ne pouvant, médicalement parlant, reposer
<]ue sur des désordres matériels des parties génitales ou des parties
^environnantes, nous pensons qu'il y aurait lieu de faire expliquer
JVL P... à ce sujet, puisque son certificat n'en fait pas mention.
Quant au rapport de M. C.., il nous paraît renfermer, d'abord,
«des faits qui peuvent coïncider avec une tentative de viol ou d'at-
fentat a la pudeur, comme aussi dépendre de la masturbation; en-
suite, des faits mal observés et inexacts.
Le» premiers sont :
I" La vulve et les petites lèvres sensiblement rouges, sans cepen-
dant présenter de gonflement ou de déchirures;
a" Un petit bouton blanc de la grosseur de la moitié d'un grain
de millet il la face interne des petites lèvres;
j" I/orifice du vagin dilaté ;
4" De la cuisson dans les parties génitales,'phénomène accusé par
l'enfant.
(565) •
Les seconds consistent, i» dans plusieurs points rouges surrori-
fice du vagin, que l'on peut prendre pour les caroncules myrti-
formes; 2° dans l'absence de Vhyinen.
Or, la membrane hymen existe dans toute son intégrité; et quant
aux points rouges que M. C... a pris "pour les caroncules myrti-
rormes, ils ne peuvent les constituer, puisque les caroncules mvrti-
formes sont des excroissances charnues, et non pas seulement des
points rouges.
Quant aux conclusions, elles ne sont pas la conséquence des faits
exprimés dans le rapport, puisque, d'après de pareils désordres,
M. C... déclare qu'il n'y a pas de traces de viol, parce qu'ils peu-
vent être tout aussi bien le fait delà masturbation.
La déclaration de la mère était très-positive ; elle avait vu H
dans sa chambre, étendu sur le lit de son fîls aîné ; sa culotte était
déboutonnée, et ses parties génitales à nu. Le premier médecin
en a eu connaissance, et sa conclusion paraît avoir plutôt été la
conséquence de cette déclaration que de ses observations. M. P...
déclare qu'il y a eu tentative de viol, et il ne constate aucune alté-
ration matérielle; quant à M. C....,il trouve des désordres matériels,
au nombre desquels se trouve la déchirure de la membrane hymen,
et conclut à l'absence de traces de viol. Si cet expert avait été
guidé par les observations que je vous ai faites relativement à
l'impossibilité où se trouvent les médecins de résoudre la question
du viol par les seuls documens qui ressortent de l'examen du corps
de délit, si surtout il avait mieux connu l'état anatomique des par-
ties génitales chez les jeunes filles, il n'aurait pas commis ces er-
reurs; quoi qu'il en soit, il aurait pu dire : Il y a des traces de déflo-
ration (puisqu'il admettait l'absence de la membrane hymen), et
il eiit été conséquent avec le second membre de phrase de
sa conclusion, qui aurait été celle-ci : La défloration est ici
opérée, car la membrane hymen n'existe plus, et elle se trouve
remplacée par les caroncules myrtiformes ; il nous est impossible
de dire si la défloration a été opérée pendant l'acte d'un viol, puis-
que toute espèce d'agent mécanique est capable d'opérer la rup-
ture de la membrane hymen, ainsi que les autres désordres
physiques que nous avons observés. Ces conclusions eussent été
fausses par le fait, mais elles auraient été conséquentes avec les
observations inexactes qui étalent énoncées dans le rapport.
Ce rapport doit vous faire sentir tout le soin qu'il faut apporter
dans ces sortes d'expertises; on est fréquemment soumis à un con-
trôle. Lors donc que vous constaterez une altération physique, ce
que vous ne parviendrez à faire qu'en vous reportant toujours <i l'é-
tat normal, vous aurez à vous demander combien de causes diffé-
rentes peuvent la produire? Si aucune cause autre quejle viol,
ne pouvait jamais amener une altération donnée, cette al-
tération, quand elle existerait, deviendrait le cachet de ce crime;
mais comme il n'en est pas ainsi, il vous faudra donc, dans vos
conclusions, constater l'altération et faire entrevoir qu'elle peut
être le résultat de causes différentes. Ce sera alors au magistrat à
s assurer si la personne que l'on suppose avoir été violée a pu être
soumise aux causes autres que le viol, qui peuvent amener l'alté-
( 566 )
ration constatée; et si, des renseignemens qu'il aura recueillis, il en
résulte la preuve que le viol seul a pu agir, le crime sera démontré.
C'est à ces diffîcultt s inhérentes à l'espèce qu'il faut attribuer le peu
de crimes de tentatives de viol qui sont soumis aux jiigemens des
tribunaux, en comparaison du grand nombre de ces tentatives qui
s'exécutent tous les jours. Remarquez que les attentats à la pudeur
se commettent, dans quatre-vingt-quinze cas sur cent, sur de jeunes
enfans de trois à six ans; que l'introduction du membre viril d'un
adulte est impossible à cet âge, et que l'acle du viol n'est jamais
consommé.
Je terminerai cette lettre en vous faisant remarquer combien les
questions relatives au viol ont été bien posées dans les trois pre-
miers rapports. On n'y a pas soulevé la question de viol ; on s'est
borné à demander des renseignemens que la médecine était à même
de fournir. Il n'en a pas été de même dans le quatrième rapport
et dans plusieurs autres que je vous ferai connaître dans ma lettre
prochaine.
A. D.
VARIÉTÉS.
Musée Dupiiytren, Ceux de nos confrères qui auront occasion de ve-
nir a Paris verront avec surprise, à la place de l'église de» Cordelicrs,
dans cette partie de l'Ecole pratique qui fait face à la rue Hautefeuiile,
le musée Dupuytren, qui s'est élcvt; en quelques mois et comme par
enchantement. C'est une vaste salle garnie de hautes armoires en
chÊne, dans lesquelles on a déjà rénui une foule de pièces pathologi-
ques des plus curieuses. Bien qu'on ait transporté dans celte enceinte
la plupart des pièces qui se trouvaient daus les cabinets de la Faculté
une petite partie des rayons, seulement, est couverte jusqu'à ce jour,
et il n'y a guère que la pathologie du système osseux qui commence
à offrir des masses imposantes. Ce musée va sans doute bientôt s'enri-
chir des précieuses collections qui se perdent isolées dans plusieurs hô-
pitaux, et dont la véritable place est aujourd'hui marquée dans un si
curieux établissement.
Faculté. Rn attendant des concours plus importans, la Faculté s'oc-
cupe en ce moment de nommer des professeurs agrégés. Lescandidats
pour les sciences accessoires qui concourent daus ce nsoment sont
MM. Arnal, Baudremont, Chassaignac, Delignerolles, Iluguier, Mo-
tard et Nonat.
Les jugessont MM. Alibert, Berard, Adelon, Cruveilhier, Orfiîa, Ri-
clierand, Briquet, Cotlereau et Jobert.
Itéclamalion. Nous avons reçu des médecins composant le bureau
du congrès médical de Nantes une seconde lettre au sujet de leur dis-
cussion sur la nature de la sy|)hilis. Une |)areille polémique' étant tout-
à-fail étrangère aux sujets que nous traitons habituellement dans ce
journal, nous avons été forcé d'en refuser l'insertion ; mais il est un pas-
sage de cette lettre que nous ne devons pas taire, c'est celui dans le-
quel, rendant justice a M. le doct< ur Baré, ces médecins déclarent
n'avoir eu en aucune manière dessein de suspecter la bonne foi de cet
honorable confrère. Ils admettent l'exactitude des faits qu'il a cités,
mais ils n'ont pas cru devoir s'y arrêter d'une manière spéciale dans la
di-cussien, attendu qu'on ne pouvait leur objecter que ce qui déjà
avait été dit pour atténuer la valeur des quarante mille guérisons obte-
nues parle traitement simple, et invoquées par M. Devergie.
TABLE
DES MATIERES
DU SIXIEME VOLUME.
ABUS VÉNÉRIENS. Voy. Ona.
nisme.
ACADÉMIE. Fusion des membres
titulaires et des membres ad-
joints. Page i44
ACCOUCHEMENTlaborieux.Dif-
ficultés d'opérer la version. 182
— Emploi du céphalotribe. i5i
— Accideas produits par la pré-
sence de deux jumeaux dans la
matrice. 214
— impossible , opération césa-
rienne. 2l5
— hâté par le seigle ergoté. aSi
— Causes fréquentes de retard. 'i53
et 362
— En quatrième position du siège.
364
— d'un enfant ayant deux têtes,
quatre bras, etc. 4^6
— d'enfans asphyxiés par le cor-
don ombilical. 55 1
— V'ov . Mélrorrha^ie, Tumeurs va-
ricueuses. Ruptures.
ACETATE DE MORPHINE ad-
ministré par la méthode ender-
mique dans la coqueluche. 38
. — dans un cas de hoquet. 3^3
— dans quelques névralgies. 49^
ACHORES. 5o8et5io
ACONIT N APEL, Son extrait dans
les afflictions rhumatismales. i36
— Pour rétablir le cours des règles.
443
AFFUSIONS. Vov. Irrigations.
AIR. Yoy. Vide. '
ALBUGO. Voy. Cornée.
ALBUMINE. \ oy. Eau.
ALLAITEMENT. Voy. Bib*ron.
ALUN employa dans l'angine, igî
— Gargarisme. 5i8
AMAUROSE. Collyre de Hender-
&on. 34g
— Iraiié par l'électricité. 417
AMÉNORRHÉE traitée par l'irri-
tation des mamelles. 5o
Préceptes de M. Roslau. 83
— traitée par l'aconit. 443
Préceptes de M. Lisfranc. 444
AMPUTATION dans l'articula-
tion du genou. 389
— évitée dans plusieurs cas de
fracture. 401
— spontanée. 406
AMYGDALES. Leur engorge-
ment, pommade. ial
ANÉVRISME. Aoy. Cœur.
ANGINE. Son traitement par Pa-
lun. iq3
ANGINE COUENNEUSE. Son
traitement par la cautérisation.
125
— traitée par le calomel. 23o
ANGINE DE POITRINE inter-
mittente. 494
ANTIDOTE. Voy. Empoisonne-
ment.
ANUS. Voy. Fissures, Fistules.
APHRODISIAQUE. Voy. Ona-
nisme.
ARAIGNÉE. Dangers de sa mor-
sure. 392
ARSENIATE DE SOUDE contre
les scrofules. 489
ARSENIC .Voy. Empoisonnement,
Triioxide.
ASCITE. Voy. Hjdropisie.
ASPHYXIE. Saicid*. (53
(568)
- remarquable sur plusieurs sn-
jels par l'incencUe d'une maison.
i85
- d'enfans nouveau-nés par le cor-
don ombilical. 55
- Voy. Noyés, Pendus.
ASTHME sec Iraitc par les fumi-
q.ilions pulmonaires. 49
— |)ërioiliquo des vieillards. I7t)
ATTENTAT. Voy. Médecine lé-
i^nle.
AZIGOS. Voy. Plaie.
B
BAIN employé par M. Gannal
pour la conscrvatioa des cada-
vres. 229,
— de pied, dans certaines mala-
dies du foie. 274
BARYTE. Voy. Hydrochlorate.
BANDELETTES de diacbylon
employées dans la brûlure. 198
BAUME opodeldoch, sa prépara-
tion. 22G
BELLADONE. Son emploi en l'u-
mée dans la scarlatine. 4^'
BIBERONS. Diverses espèces. \!\h
BLENNORRHAGIE chronique
causée par des ulcérations du
canal. 99
— traitée par le suc de persil.
100 cl 184 (Noie)
— inoculée dans un cas de colique
nerveuse. 161
BOISSONS. Leur suppression dans
le catarrhe chronique. 438
— — — dans l'angine de poitrine.
49i
BORAX. Son emploi dans l'angine
couenneusc. .129
— Gargarisme. 5i8
BOUCHE. Voy. Stomatite.
BOUTS DE SEIN arlificiels. i45
BRULURES Leur traitement par
lesbandeloUcs de diacliylon. 198
— parlecérat caloméllsé. 277
par les lotions de sublimé.
353
BUBON. Voy. 5y/jAt7t5.
CADAVRES. Moyen de les con-
server. 229 et 35c;
CALOMEL. Son emploi tians l'an-
gine couenneuse. 'iio
— — — dans les brûlures. 277
CANCER. Pâte Cancoin. 6
— Emploi du sublimé. 7
de la citjuc. 409
CANTHARIDE. Teinture dans le
catarrhe vésical. 49'
CARIE des dents. 39G
— Voy. EUxir.
CAROTTE pilée employée sur les
bubons ulcérés. 3]
contre les ulcères du col de
l'utérus. 3Go
CATARACTE. Causes qui Joui
échouer l'opération. 35ô
CATARRHE chronique trailé par
la suppression des boissons. 4^8
— A'oy . Sirop .
CATARRHE UTÉRIN. Voy.
Flueurs blanches.
CATARRHE VÉSICAL. Emploi
«jf; I.i teinture de cantharides. 491
CATHETÉRISME avec la sonde
de M. Mayor. 338
CAUSTIQUE nouveau pour établir
les cautères. a57
avec le chlorure d'or. 27(3
avec la chaux vive et l'oriù-
ment. 488
CAUTÈRE. Voy. Caustique.
CAUTÉRISATION employée dans
le coryza chronique. 9
d.ins le charbon. 34
dans i'érysipèle. 60
dans 1 ongle entré dans les
chairs. 62
danslablennorrhagic chroni-
que. ^ 99
dans les ulcères et hstules de
nature scrofuleuse. 118
dans l'angine couenneuse. n5
dans Tinflammation de la bou-
che. i3i
(569)
cope.
CÉPIIALOTRIBE.
— dans la salivation inercunelle.3o4
CÉPHALALGIE guérie par la syn-
148
i5i
CÉRAT cou ire la teiqiie. 4^3
CERTIFICAT. Voy.' Médecine lé-
gale.
CERVEAU. Maladies. a7iet3i5
— \oy. Phleg/nasies cérébrales,
Méningites, Coup de sang.
CHALEUR. Son influence sur la
guerison des plaies et des ulcères.
CHARBON. Traitement de M. Lis-
franc. 34
— Traitement par les antiphlogis-
liques. 67
CHARBON ANIMAL inutile dans
les sciol'ules. 490
CHEA'EUX. Voy. Pommade.
CHLORE dans le choléra. 3q9
CHLORURE DE CHAUX. FoV
mule pour son administration à
riiilérieur. 170
CHLORURE D'OR. Causliqu
nouveau. 276
— contre le choléra. Sgg
CHLORURE DE SODIUM dans
les fièvres intermittentes. 4^7
calmant les douleurs qui résul-
tent des plaies. Sag
Ses divers usages. 53o
CHOLÉRA MORBUS. Son inva-
sion à Toulon. 336
— dans le midi de la France. 38.f ei
— traité par le chlore. 399
— par le vide. Sjg
CIG-UE. Son emploi dans plusieurs
maladies. /|o8
— Formules. -jio
CIRSOCÈLE.Voy. Varicocèle.
CODEINE. Mode d'administra-
tion. 169
CODEX. Commission pour le révi-
ser. 475
COEUR. Maladies; emploi de la di
giiale par la méthode endermiquo
a '1 1
CESARIENNE (opération). Voy
uéccouchement.
— Son traitement.
CONGRÈS MEDICAL.
COL UTERIN. Voy. Ulcères.
COLÈRE causantunerétenlion d'u-
rine. 4^0
COLIQUE nerveuse traitée par la
méthode endermique. iSg
— guérie par inoculation de la blcn-
norrha£;ie. i6i
COLLUTOIRE. Formules diverses.
373
COLLYRE de Henderson contre
l'amaurose. 349
COMPRESSION. Son emploi dans
l'hydropisie. 378
CONGESTION CÉRÉBRALE.
371
4i4
45o, 475
et 527
CONSTIPATION. Moyen d'y re-
médier. 385
CONSULTATION. Voy. Méde-
cine légale.
CONTUSIONS. Voy. Froid.
CONVULSIONS épileptiformes.
264
COQUELUCHE. Administration
de l'acétate de morphine par la
méthode endermiqne. 38
— Emplâtre du docteur Corsin. 4o
— traitée par les fumigations pul-
monaires. 49
CORDON OMBILICAL pouvant
déterminer l'asphyxie de l'en-
fant., 55 1
CORNÉE. Épaississement. Huile de
morue. 553
CORYZA chronique. 9
CORNES développées snr les mu-
queuses. 554
COUP DE SANG. Voy. Conges-
tion .
CRACHATS. Leur diminution sous
l'influence de la suppression des
boissons. 4^8
CROTON. Voy. Huile.
CROUP. Voy. Angine.
CYANOSE des nouveau - nés, com-
battue par les émissions san-
guines. 22
CYANURE DE MERCURE. Po-
tion. 221
D
DARTRE répercutée, causant une — Squammeuse , traitée par la
monomanic.
64|
(5?o)
— Sirop du docteur Berthomé. Sig
— ,Voy. Peau.
DECES des étudians dans Paris. 289
DECOCTION BLANCHE. Sa
composition. Sij
DÉFLORATION. Voy. Médecine
légale.
DENTS. Recherclies sur quelques-
unes de leurs maladies. 894
— Voy. Elixir.
DERMATOSE. Voy. Teigne.
DEUTOCHLORURE DE MER-
CURE. Voy. Sublimé.
DIETE produisant des symptômes
de gastrite. 223
DIGITALE employée dans la
phthisie pulmonaire. 149
par la méthode endermique
dans les lésions organiques du
cœur. 34 1
DOUCHES d'air dans les affections
de l'oreille. 89
DOULEURS calmées par le chlo-
rure de chaux. Sag
DYSPNÉE. Voy. Vide.
DUPUYTREN. Sa mort, soa au-
topsie, ses obsèques. i43
D YSSENTERIE épidémique . 1 1 1
et aoi
— Emploi de reaualbumixieuse. aSa
E
EAU albumineuse dans la dyssen
terie. 282
EAU FROIDE. Voy. Froid.
ÉCOLE PRÉPARATOIRE de mé-
decine. 4?^
ECROUELLES. Voy. Scrofules.
ÉLECTRICITÉ. Son emploi dans
plusieurs maladies. .(17
ELIXIR drnlifrice. i38
— Autre, dit Trésor de la bouche.
— ^ oy. Collutoires. 3 10
EMETJQUE. Son emploi dans les
phlegmasies cérébrales. 210
dans la phlébite. 49^
EMPLATRE du docteur Corsin
contre la coqueluche. 4*^
EMPOISONNEMENT par l'arsé-
niate de potasse. i4
— par le bleu en liqueur. 88
— par l'arsenic sur des chevaux.
Hydrate de peroxide de fer. 1O2
— par l'arsenic sur un homme.
Effet remarquable du peroxide de
fer. 385
ENDKRMIQUE. Voy. Mél/iode.
ENGELURES. Savon résolutif.
5i6
ENTORSES. Leur traitement. 353
EPILEPSIE. Son traitement par
l'indigo. 346 et 536
par l'ipécacuanha. ibid.
^— Ses causes. 369
guérie par la peur. 4^^^
Pilules employées par M. Biett.
519
EPISTAXIS. Voy. Hémorrhagie.
ERGOT. Son administration pour
l'expulsion d'un polype utérin.
249
— Voy. accouchement.
ERYSIPELE. Son traitement par
la cautérisation. 60
par les corps gras. 97.
par les applications froides.
104
ESQUINANCIE. Voy. .angine.
ETUDIANS. Voy, Décès, Ecoles
préparatoires.
EXCROISSANCES de l'intestin
rectum. 34?
EXUTOIRES appliqués au centre
des tumeurs scrofuleuses. 55
— devant remplacer des tumeurs
enlevées. aSS
F A VUS. 5o9 et 544
FEMUR. Voy. />u.Ta«(0«, Fracture.
FIEVRE CEREBRALE. V. Phl.g
masies cérébrales.
FIEVRES INTERMITTENTES
traitées de diverses manières. 29g
— par la méthode endermique. 436
— par le chlorure de sodium. 4^7
FIEVRE TYPHOÏDE traitée par
les purgatifs. 289 et 537
FISSURÉ à l'anus. Traitement par
l'excision. i»a
— Voy. Gerçures.
FISTULE vésico-vaginale. "î:
— slercorale guérie sans opération
— a l'anus. Préceptes de M. Llsfranc.
70
— scrofuleuse traitée par la caulé-
risaliou. s 18
— uriiiaire. Traitement par les son-
des de M. Mayor. 338
FLAGELLATION, Ses dangers
cliez les enfans. 449
FLUEUBS BLANCHES chez les
petites filles. 4^3
FLUIDE ELECTRIQUE. V. £lec
tricité.
FOETUS. Voy. Accouchement.
FOIE. Maladies, bains de pied. 274
( 571 )
FRACTURE des os du crâne, in-
fanticide. 167
— produisant des convulsions cpi-
lepliforines. 264
— Nouveau traiiement par la sus-
pension. 244
— comminutive guérie sans ampu-
tation. \oi
FRICTIONS mercurielles dans la
péritonite puerpérale. 53
FROID. Son emploi dans plusieurs
maladies chirurf;;icale6. 104
— Ses bons effets dans une chute.
281
— dans les entorses. 353
— dans les blessures graves. 388
FUNGUS de la mâchoire détruit
par des applications de sublimé.
3ai
GALE. Nouveau mode de traite-
ment. 241
— Aulre traiiement. 298
GANGRENE senUe. Son traitera.
par les anliphlogistiques. 349
GARGARISME de décoction de
suie ] 10
— Plu.sieurs formules. 5i8
GAROU. V. Taffetas.
GASTRITE. Symptômes détermi-
nés par l'abstinence. 223
GEN i lANE. Teinture. 56o
GERÇURE du mamelon. Nouveau
moyen de la guérir. «28
GINGEMBRE en i,'arsari.sme. 5 18
GLACE. Son emploidansles phleg-
niasies cérébrales. 2!Oel5o6
GUIMAUVE. Voy. Pdte.
H
HEMIPLEGIE. Voy. Paralysie
HEMOPTYSIE traitée par le i
Irate dépotasse à haute dose. 483
HEMOr.RHAGIE guérie par une
syncope. i48
^r— produite par l'excision d'une
tunaur pédiculée. 5i/j
— Voy. Epistaxis , Hémoptysie ,
Melrorrliagie .
HEMORRHOIDES. Considéra-
tions sur leur traitement. 2G0
— sur les opérations qu'elles néces-
sitent. 307
HEPATITE chronique traitée par
les mosas. 433
HERNIES. Nouveau moyen de les
guérir. 227
— Nouveau moyen de les réduire
par l'applicat. de ventouses. 583
HOMOEOPATHIE dans la blen-
norrhagie. 100
— Discussion à l'Académie. i83
HOQUET combattu par l'acétate
de morphine. 343
HUÎLE DE CROTON. Son admi-
nistration. 171
HUILE DE FOIE DE MORUE.
Son emploi pour dissiper les ta-
ches de la cornée. 553
HYDROCÈLE compliquée, injec-
tions vineuses. 4*^7
HYDROCHLORATE DE BA-
RYTE dans les scrofules. 49°
HYDROFERRO - CYANATE "de
(|uinine. Formules. 3o2
HYDROPHOBIE communiquée
par un chien non enragé. SaS
IIYDROPISIE ascite distinguée de
l'hydropisie enkislee,
— guérie par la compression.
— par les scarifications.
(572 )
224. HYGIENE des dénis. SgS
aySIHYPEREMIE.Voy. Congestion.
ICTÈRE. Opinion de M. Eosian.
221
INDIGO dansrépilepsie.346ct53G
INFANTICIDE. Quesùons dou-
teuses. i65
— Asphyxie produite par le cordon.
55 1
INFLAMMATIONS LATEN-
INJECTIONS VINEUSES dans
l'hydrocèle compliquée. 4 "7
INOCULATION de la blennor-
rliagie. 161
— de la syphilis par des sangsues.
IODE. Potion à l'hôpital des Vé-
nériens. 74
— Teinture. 56
— Sachet sur dos tumeurs. 4^'
— Son emploi dans les scrofules. 4 87
IPECACUANHA dans l'épilep-
sie. 346
IRRIGATIONS. Voy. Froid.
JUMEAUX.Voy. ^ccouchemenl.
KYSTE. Voy. HyJropisie.
K
LAITUE. Voy. Thridace.
LAUDANUM de Laloueite. 421
LAVEMENT d'eau froide contre
les fièvres intermittentes. 3o3
LEVÉE DE CADAVRES. Voy.
Médecine légale.
LINIMENT antispasmodique de
Cil rélien. 4^4
LITHOTRITIE comparée à la
taille. 319
LUXATION du fémur. Procédé
de réduction. 85
M
MAMELON. Voy. Gerçure.
MASTURBATION. Voy. Ona-
nisme.
MÉDECINE LÉGALE. Actes que
les médecins sont appelés à faire
en justice; certificats; circon-
stances dans lesquelles le méde-
cin doit se refuser à en délivrer.
. .^'
— Rapports judiciaires, admini.s-
tratifs, d'estimation. 4'-"-
— Manière de faire un rapport, mo-
dèle, conclusions, y
— Consullalions médico - légales ;
par qui elles peuvent être provo-
quées, des règles à ohserver. 139
- Modôle deconsullalion médico-
légale. i85
- Levée de caflavres. 232
- Modèles de rapports pour les le-
vées de corps'; règles générales
p yur [)rocédtraux ouvertures ju-
diciaires. 283
- Exemples d'ouvertures de corps.
328
- Attentats à la putlcur. 376
- Moyen de reconnaître si la dé-
floration u eu lieu ; étal des par-
( 573 )
tics génitales diins les diftércns
âges de la vie. /j-*^
— Viol et questions qui s'y ralla-
client. !\(>S
— Indices d'une affection véné-
rienne. Suite des questions sur le
viol. 520
— Observations de viol. 56o
— Voy. Empoisonnement , ^s-
phyxir, etc.
MENINGITE. Leçons de M. Ros-
tau. 4^)3el5o4
— Voy. Phleginasies cércbrules.
MEINOP.RHAGIE Voy. Metror-
rhngie.
MERCURE dans les maladies des
yeux. 291
— ^ oy. Proto-ioJure, Syphilis.
METHODE ENDERMIQUE.
Voy. Acétate de morphine. Di-
gitale, Sulfate de quinine,
Strichnine.
METRORRHAGIE arrêtée par le
tauiponntmenl de l'utérus. ig5
— causée par des ossifications du
placenta. 197
MIEL ROSAT. Nouveau procédé
de préparation. 3^5
MONOMANIE suicide causée par
la répercussion d'une dartre. 64
— homicide guérie par les vermi-
fuges. 337
MONSTRE, Voy. Accouchement.
MORELLE employée dans le rhu-
matisme. i38
MORPHINE. Voy. Acétate.
MORSURE. Voy. Araignée.
MORT VIOLENTE. Voy. Let'ée
de cadavres.
MORUE. \ oy. Huile.
MOXA. Sou emploi dans l'hépa-
tile chronique. ^33
N
NARCOTIQUES employés par la
méthode eudermiquc dans la co-
lique nerveuse. iSg
NEVRALGIE dépendant de l'o-
pération de la cataracte. 356
— Guérie par la méthode ender-
mique. 49^
— par l'eau distillée de laurier-
cerise. S^"]
NITRATE DEPOTASSE à haute
dose dans les hémoptysies. 4^3
NOEVUS sous-cutaué traite par le
seton. 19
NOIX VOMIQUE.Prépamtion et
administration. 169
— Voy. Strychnine,
NOUV EAU-NÉ. Voy.Crarao^e.
NOYÉS.Secours à donner. 006, 546
NYMPHOMANIE traitée par
l'excision du clitoris. 447
o
OBLITERATION des veines, trai-
tement du vai'icocèle. 1 82 et 54i ■
OLIVIER. Contre les fièvres inter-
mittentes. 3o3
ONANISME. Ses dangers, son trai-
tement. 44^
ONGLE entré dans les chairs. Sou
traitement par la cautérisation.
62
ONGUENT MATURATIFdu doc
tcuf CaïK.oiii. 2-26
ONGUENT MERCURIEL em-
ployé avec succès dans le j>aua-
ris. 32G
ONYSIS. Voy. Syphilide sqnam-
nieuse.
OPÉRATIONS favorisées nar la
syncope. i48
OPHTHALMIEscrofuleuse traitée
par les lotions avec le nitrate
d'argent. 23
— Emploi des mercuriaux. 291
— \ oy. Scrofules, Pommades.
OPIUM en gargarisme. 5i8
OR. Son emploi, diverses formules.
375
OREILLES. Voy. Douches.
ORGANISATION médicale, 537
OSSIFICATION du placenta cau-
sant hémorrhagie. 197
OUVERTURES CADAVÉRI-
QUES. Voy. Médecine légale.
OZÈNE, ' 9
(M)
PANARIS dissipés par des onc-
tions avec roDguent mercuriel.
32ti
PARALYSIE. Ses causes. 273
— traitée par la strychnine inlro-
duitepar laméthodeendermique.
342
par r électricité. 4'^
PASTILLES digestives de Darcei.
I2i
PATE CANCOIN contre les tu-
meurs cancéreuses. 5
PATE DE GUIMAUVE. 189
PATE DE WARD. 263
PEAU ( maladies de ). Yoy. Der-
matoses.
PÉDILUVES. Voy. Bain de pied.
PENDUS rappelés à la vie. 65
PÉRITONITE guérie par les fric-
tions mercurielles. 53
PEROXIDE DE FER. Voy. Tri-
toxyde.
PERSIL. Son emploi dans la lilen-
norrliagie. 100 et i8'| (Note.)
PEUR guérissant tles accès épilep-
tiformcs. 1^20
PHARMACIE. Jug-'ment. 2S8
PHLEBITE guérie par rémétif^uc.
^'-^^
— Ganses particulières ^97
PHLEGMASIES CÉRÉBRALES.
210 et 368
PHLEGMONS traités par l'eau
froide. 104
PHTHISIE jiulmoaaire traitée par
la digitale. i\{j
par le selon. 181
PLAIES conloses traiie'es par Fean
froidfl. ) 04
de la veine azygos mortel le.
3,0
— Influence de la chaleur sur leur
guérison. 4^9
— Voy. Chlorure de chaux.
PLANCHETTE. Voy. Fractures.
PLÉTHORE, ^'oy. Cont^cstion cd-
rchrale.
PLEURÉSIES LATENTES. 222
POLYPE UTÉRIN. Son expul-
sion à Taide du seigle ergoté. 249
— Résection et ligature. 4 '9
POMMADE de' proto-iodure de
mercure. 3û et "Ct
— d'hydriodate de potasse. 74 ^^
460
— oplilhalmique du docteur Caron
du Viliard. 87
— de Dupuytren, pour arrêter la
chute des cheveux. 109
— de suie. 1 1 1
— ammoniacale. 160
— contre les hémorrlioïdes. 200
— iodée contre lengorgemenl des
amygdales. 4^4
— ■ épilaloire. 5i3
— contre les dartres. 520
— Voy. Onguent.
POIiRHîO. 5onel54',
POTION ANTI-ÉMÉTIQUE de
Rivière. 27!
PRIX. Voy. Sociétés savantes.
PROTO-IODURE DE MERCURE.
Sa préparation. i3o
— ^ oy. Pommade.
PUNAIS. Voy. Ozine.
PLRGA'J'IFS emploj'és dans la
dys.senteric. 1 1 1 et 200
— dans les plilegmasies cérébrales.
210
— dans les fièv. typhoïdes. 2S()-537
— dans les fièvres inlermillenles.
209
— dans l'hépatite chronique. 4^3
— dans les scrofules. 49'
— dans l'angine de poitrine. 494
— dans la niéuingiti-. 5o6
PUSTULE MALIGNE. Voy.
Charbon,
QUININE employée contre les fièvres intermitteatcs. 3o2
n
R.AG'-: Voy. Hydrophobie. 1 RECTUM. Voy. Excroissances,
W A PPOKT. Voy. Médecin»' légale. \ Fistules.
(575 )
RÈGLES doDloureuses , iraite
ment. 256
— Yoy. Aménorrhée.
RESPONSABILITE MÉDICALE
4?, 96 et 335
RETENTION D'URINE' causée
par nn accès de colère. l^io
RETRECISSEM'. de l'urètre, aa
Sondes de M. Major. 338
RHUMATISME traité par l'extrait
d'aconit napei. i36
par la morclle. iSS
— Voy. IVéfralgies.
niViEKE. Yoy. Potion.
RUPTURE de la matrice et du va-
gin. 498
SAIGNÉE employée dans les fié
vres iulermittPiites. 3oo
SALIVATION MEPlCURIELLE
funeste chez les enfans. agS
SANGSUES déterminant la conta
j^ion de la syphilis, 49^
SARCOCELE guéri parli ligalun
des vaisseaux. 4^4
— Voy. llydrocéle.
SAVON résolutif contre les eng'-
lures. 5i6
SCARIFICATIONS employées
dans riivdropisic. 279
SCARLATINE traitée par la bel-
ladone en fumée. 4'*^'
SCTATIQUE trai'éeparla téréhcu
tliine en lavement. 4^0
SCROFULES. Divers moyens de
traitement à l'hôpital des enfans
486
— ^'oy. Fistules, Ophthalmie, Tu-
meurs, Ulcères.
SECRET imposéaux médecins. 293
SEIGLE ERGOTÉ. Voy. Ergot.
SETON employé contre le nœvus
sous-cutané. 19
— contre les affections chronique.s
do la poitrine. 181
SIMAROUBA administré dans la
dyssenterie. i i5
SIROP anii-catairlial. K;
— dépuratif du docteur Devergie
— de capsules de pavot blaac. a'Jij
— d'aonmouiacfijc liquide. iSo
— d'aconit napel. 827
— de belladone. IbiJ.
— de ciguë, cresson, digitale, etc.
Ibid.
— anlelmintiquc. 3^5 et 5(X)
— du docteur Berthomc , contr(
les dartres. 5 19
SOCIÉTÉS SAVANTES. Pris de
l'Académie des sciences. 46et4'^
— de la Société de médecine de
Paris. 335
de Toulouse. Ibid.
— de l'Académie. 383
— de la Société médico- pratique
de Paris. 4^0
SOUS-CARBONATE de potasse
dans les ulcères et caries de na-
ture scrofuleuse. 49*'
SPASME de l'urètre. 20
SPECULUM. Son applicatioti aux
maladies du col de l'utérus. 117
STOMATITE. Sou traitement par
la cjiutéri.sation. i3i
STRYCHNINE employée par la
méthode endermique dans quel-
ques lésiousdu système nerveux.
3'|2
SUBLIMÉ CORROSIF. Son em-
ploi dans les ulcères et les tu-
meurs de nature cancéreuse. 7
— employé comme caustique dans
certains cas d'ulcères et de fistu-
les de n;U.ure scrofuleuse. 1 18
— contre unfungusdela mâchoire.
321
— Accidens produits par son em-
j)loi. 324
— Yoy. Brûlures.
SUCCION du mamelon pour rap-
peler le cours des règles. 5o
SUICIDE simulant homicide. 555
— V. yisphyxie. Monomanie.
SUIE. .Son efficacité dans diverses
ulcérations. 109
SULFURE NOIR de mercure dans
les scrofules. 49°
SUPPRESSION. \'oy. Aménor-
rliée.
SUSPENSION. Nouvelle méthode
de traitement des fractures des
membres.
SUTURE enchevillée dans
plaie sur la joue.
.SYNCOPE. Ses bons effets.
SYPHILIDE. Vcy. Syphilis.
244
une
391
47
( 5^6)
SYPHILIS. Traitement tlu buiion
inflammatoire. 24
du bubon indolent. 73
par les vésicatoires. 7 7
— Symptômes consécutifs, consi-
dérations générales. 17'
— Syphilide maculée. -^19
— Sypbilidepapuleuse. 268
— Sypliiiitle pustuleu.sc. 3i2
— Syphilide squammeuse. 366
— Syphilide tuberculeuse. 4'!
— Traitement des sypliilides. 4^^
— Yoy. Inoculation, Viol.
TABLETTES. Yoy. Pastilles.
TjENIA chassé par Félectricité.
4 '9
— Remède de Bourdier. 338
TAFFETAS EPISPASTIQUE [^11
TAILLE comparée à la lithotrilie.
3,9
TAMPONNEMENT de l'utérus
dans un cas de métrorrha^ie. iga
TARTRE STIBIÉ.Voy.jE'/HtfifVyùe
TEIGNE traitée avec succès par
la ciguë. 4'o
par le cérat noir. /j^B
— Voy. Achore, Porrigo, Favus,
Plif/ue.
TEREBENTHINE. Son emplo
dans la sciatique. 45io
THRIDACE alcoolique retirée des
tiç;es i'raîclies de laitue. 88
TISANE DIAPHORETIQUË de
Gimel. 4^4
TOUX NERVEUSE traitée par les
fumifjations pulmonaires. 49
TRÉSOR ])E LABOUCHE. Voy.
TRITOXIUE DE FER HYDRA-
TE. Son emploi comme antidote
de l'arsenic. i4 et 16
— Expériences aur des chevaux.
162
— Ses heureux effets dans un cas
d'empoisonnement. 335 61542
— Procédés pour l'obtenir. 387
TUMEURS devant être rempla-
cées par des exutoires. 258
— dissoutes par l'iode en sachet.
45 1
TUMEURS SCROFULEUSES
traitées par un exutoire à leur
centre. 55
TUMEURS VARIQUEUSES de
la vulve et du vafjin. 4^^
TYPHUS. Voy. Fièi-re typhoïde.
u
ULCERATIONS traitées par la
suie. 109
ULCÈRES du col de l'utérus. 116
Jus de carotte. 36o
— scrofules, traités par la cautéri-
sation. 1 iS
— traités par la ciguë. 4'9
— Influence de la chaleur atmo-
sphérique sur leur guérison. 4^9
URETRE. Voy. Spasme, Relrccis-
sement.
VACCIN n<îutralisé par l'ammo-
niaque. 24
VARICOCÈLE.Son traitement par
la pince de M.Bréchet. 182 et 5 j i
— — par l'oblitération à l'aide
d'une épingle.
VARIOLE. Emploi de l'emplâtre
de Vigo pour faire avorter les
pustules. 542
VENTOUSES. Voy. Hernies. 485
VERMIFUGES. Guérissant une
monomunic liomicidc. 33^
— Méthode de Bourdier. 33S
— Voy. Sirop.
VERSION. Voy. Accouchement.
VESICATOIRES employés contre
le bubon. 77
— contre les phlegmasies céré-
brales. 210
— sur les tubercules syphilitiques
non abcédés. 3i4
— Voy. Taffetas.
VIDE. Ses effets sur l'économie.
VIOL. Voy. Médecine Légale.
VIRUS. Voy. Vaccin, Syphilis,
Jiage , Charbon.
VOMITIFS. Voy. Emdtique.
Il:< DE UK TAIIf.