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Full text of "Journal de médecine et de chirurgie pratiques : à l'usage des médecins praticiens"

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University  of  Ottawa 


Iittp://www.arcliive.org/details/journaldemdeci06pari 


JOURXAL 


BS 


MEDECINE  ET  DE  CHIPtURGIE 


PSAT10U-2.5 


A  LrSlGE  DES  li£DECX<IS  PEJkTICIOS 


TIMIE  SIXIEME- 


DiPRDIlRlE  DE  DECOrRCB13>T, 


JOURNAL 

DE 

MÉDECINE  ET  DE  CHIRURGIE 

PRATIQUES, 

A  L'USAGE  DES  MÉDECINS  PRATICIENS. 

INTRODUCTION. 


En  créant  le  Journal  de  Médecine  et  de  Chirurgie  pratiques  , 
nous  nous  sommes  proposé  d'offrir  aux  médecins  praticiens 
un  recueil  qui  leur  fût  entièrement  destiné ,  et  qui  leur  pré- 
sentât chaque  mois,  dans  un  petit  nombre  de  pages,  l'ana- 
lyse raisonnée  de  toutes  les  publications  concernant  l'art  de 
guérir.  Notre  but  était  de  mettre  ainsi  sous  les  yeux  de  tous 
le  mouvement  de  la  science  et  surtout  de  la  thérapeutique, 
et  de  ne  rien  laisser  ignorer  des  efforts  qui  sont  faits  chaque 
jour  pour  le  perfectionnement  de  notre  art. 

L'accueil  flatteur  faitàce  Journal  par  la  classe  nombreuse 
des  médecins  pourlesquels  nous  écrivons,  l'empressement 
souteim  qu'ils  ont  mis  à  encourager  notre  entreprise,  et  l'im- 
mense succès  que  nous  avons  obtenu,  ont  assez  prouvé  qu'a- 
vant sa  publication  un  ouvrage  de  ce  genre  manquait  à  la 
science,  et  qu'aucun  des  nombreux  recueils  qui  existaient 
alors  ne  s'adressait  aux  praticiens  éloignés  du  centre  de  l'in- 
struction; mais  nous  n'avons  pas  tardé  à  nous  apercevoir  que 
la  presse  seule  ne  donnait  pas  une  idée  exacte  de  l'état  de  la 
science;  que  la  plupart  des  médecins  placés  à  la  tète  de  nos 
grands  hôpitaux,  ceux  surtout  qui  s'occupent  de  quelques 
spécialités  de  l'art  de  guérir,  ne  publiaient  point  lo  résultat 
de  leur  pratique,  ou  que  si  quelques  parties  nous  eu  étaient 
dévoiléespar  les  élèves  attachés  à  leur  service ,  ce  n'était  qu'à 
dcsintervallLîS  éloignéi  et  d'une  minière  Lout-à-fait  incom- 
plète. Nous  avons  donc  senti  la  nécessité  do  suivre  nous- 
même  chaque  hôpital  successivement,  et  d'y  recueillir  un 
assez  grand  nombre  de  faits  pour  que  de  leur  exposition  mé- 


(4) 

thodique  résultât  la  conna  issance  exacte  des  doctrines  du  mé- 
decin ou  du  chirurgien  sur  les  principales  maladies  qu'on  ren- 
contre habituellement  dans  son  service.  C'est  ainsi  que,  sans 
négliger  l'analyse  de  toutes  les  publications  nouvelles,  nous 
avons  passé  en  revue  d'abord  les  salles  de  MM.  Roux  et 
Boyer,  à  la  Charité,  Dupuylren,  à  l'Hôtel-Dieu,  Lisfranc, 
à  la  Pitié.  Et  nous  ne  nous  sommes  pas  borné  à  extraire  au 
hasard  de  la  clinique  de  ces  habiles  chirurgiens  quelques  faits 
isolés, quelquesobservations  curieuses,  telsqu'onen  rencon- 
tre si  souvent  sur  ces  vastes  théâtres  :  nous  avons  cherché 
à  établir,  par  une  suite  d'exemples,  les  opinions  de  ces  pro- 
fesseurs sur  tel  ou  tel  sujet;  à  rapporter  leurs  préceptes;  en 
un  mot ,  à  exposer  leur  pratique  ,  afin  que  nos  lecteurs ,  ren- 
contrant des  cas  semblables,  puissent  mettre  à  profil  leur 
expériences,  couuiie  s'ils  avaient  assisté  eux-mêmes  à  leurs 
leçons  cliniques. 

On  conçoit  quel  intérêt  doit  se  rattacher  à  une  collection 
qui,  avant  peu  d'années,  contiendra  l'exposé  exact  des  opi- 
nions des  principaux  médecins  et  chirurgiens  de  Paris  sur 
la  plupart  des  pointsde  l'art  de  guérir  auxquels  ils  se  seront 
attachés  plus  spécialement.  Jusqu'à  ce  jour,  aucun  autre 
ouvrage  que  le  nôtre  n'a  envisagé  la  science  sous  ce  rapport. 

C'est  en  suivant  cette  méthode  que  nous  avens  exposé  la 
pratique  de  M.  Cullerier,  chirurgien  en  chef  de  l'hôpital  des 
Vénérien'^.  INos  lecteurs  connaissent  maintenant  la  manière 
toute  philosophique  dont  ce  médecin  considère  et  traite  la 
syphilis  en  général,  et  ils  ont  dû  s'étonner,  avec  juste  raison, 
que  depuis  huit  ans  des  changemens  d'une  si  haute  impor- 
tance eussent  été  apportés  à  la  thérapeutique  dans  un  grand 
hôpital,  et  par  un  praticien  si  justement  célèbre  dans  le  trai- 
tement de  celte  spécialité,  sans  que  les  recueils  périodiques 
chargés  d'enregistrer  le  mouvement  de  la  science  aient  in- 
struit le  public  de  ces  efforts  et  de  leur  résultat.  C'est  en  nous 
appuyant  sur  une  masse  de  faits  olïerls  par  l'examen  conti- 
nuel de  deux  cents  malades,  que  nous  avons  exposé  la  thé- 
rapeutique des  symptômes  syphilitiques  primitifs,  ce  sera 
encore  par  des  observations  scrupuleusement  recueillies 
daii>  les  mêmes  salles  (|ue  nous  ferons  connaître  cette  année 
la  pratique  de  ce  chirurgien  dans  les  affections  dites  consé- 
cutives. 

La  revue  de  cet  hôpital  sera  suivie  de  celle  des  salles  de 
M.  Ilostan  ;i  l'hospice  clinique  de  la  Faculté.  INous  cherche- 
rons également ,  par  l'exposé  méthodique  de  nombreuses 
observations,  à  faire  connaître  à  nos  confrères  la  pratique 


(5) 

de  ce  professeur,  dont  les  leçons  attirent  un  si  grand  con- 
cours d'élèves. 

Nous  achèverons  en  outre  de  publier  quelques-unes  des 
lerons  de  M.  Lisfianc  surdivers  points  de  chirurgie  qui  n'ont 
pu  trouver  place  dans  le  volume  précédent,  et  nous  termi- 
nerons chaque  cahier  par  quelques  articles  dans  lesquels  on 
passera  successivement  en  revue  tous  les  cas  de  médecine 
légale  qui  peuvent  se  présenter  à  l'observation  des  praticiens. 
M.  Alphonse  Devergie,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de 
médecine  de  Paris,  si  honorablement  connu  par  ses  travaux 
eu  médecine  légale,  a  bien  voulu  se  charger  de  ce  travail, 
qu'il  publiera  sous  forme  de  lettres,  afin  que  le  sujet  soit 
traité  plus  simplement,  et  que  la  lecture  en  devienne  plus 
facile. 

Tel  est  le  plan  que  nous  avons  suivi  jusqu'à  ce  joui-,  et 
celui  que  nous  adoptons  encore  pour  l'année  i855.  Le  suc- 
cès flatteur  dont  ou  a  accueilli  notre  publication  nous  a  per- 
mis d'ajouter  l'an  dernier  une  feuille  d'impression  à  chaque 
numéro,  c'est-à-dire  d'augmenter  le  Journal  d'un  tiers 
sans  rien  changer  au  prix  fixé  dès  le  principe.  Le  nombre  de 
nos  souscripteurs  s'étant  encore  accru  depuis  ces  nouvelles 
dispositions,  nous  continuerons  de  donner  à  notre  recueil 
la  même  étendue,  pour  ne  rien  négliger  de  ce  qui  peut  être 
utile  aux  praticiens. 

ART.  965. 

Considérations  sur  C emploi  d'une  pâte  destinée  à  détruire  les  tu- 
meurs cancéreuses.  —  Effets  du  sublimé  en  poudre  dans  les 
mêmes  circonstances. 

M.  le  docteur  Cancoin  a  annoncé  à  l'Académie  que,  depuis 
dix  ans,  il  employait  avec  succès,  contre  les  cancers,  une 
pâte  phagédénique  avec  laquelle  il  détruisait  les  tissus,  en  mo- 
difiant son  action  au  point  d'atteindre  exactement  à  la  pro- 
fondeur qu'il  désirait.  Cette  pâte,  pi'éférable,  suivant  ce  mé- 
decin, à  tous  les  autres  caustiques,  est  distinguée  par  troi? 
numéros,  suivant  le  degré  d'activité  qu'on  veut  obtenir,  et 
est  ainsi  composée  : 

Pâte  n"  1 . 

Pr.  Farine,  deux  parties  ; 

Chlorure  de  zinc,  une  partie. 


(6) 

Pâte  n°  2. 

Pr.  Farine,  trois  parties; 

Chlorure  de  zinc,  une  partie. 

Pâte  n'  5. 

Pr.   Farine,  quatre  parties; 

Chlorure  de  zinc,  une  partie. 

On  forme  de  ce  mélanpe  une  pâte  en  y  ajoutant  la  plus 
petite  quantité  d'eau  possible,  et  on  en  étend  sur  la  partie 
malade  une  couche  plus  ou  moins  épaisse,  suivant  la  pro- 
fondeur A  laquelle  on  veut  pénétrer.  Mais  pour  donner  à 
cette  pâte  la  consistance  d'une  cire  molle,  il  est  nécessaire 
d'ajouter  une  certaine  quantité  de  beurre  d'antimoine. 

Réfleocions.  On  sait  que  de  tous  les  caustiques  employés 
pour  détruire  les  tumeurs  cancéreuses,  la  pâte  arsenicale 
est  presque  le  seul  auquel  les  praticiens  aient  encore  re- 
cours, ujalgré  les  dangers  reconnus  de  son  application.  La 
pâte  phagédénique  annoncée  a  donc  dfi  paraître  ime  décou- 
verte précieuse  à  l'Académie,  qui  a  nommé,  pour  l'exami- 
ner, une  commission  composée  de  MM.  Amussat,  Sanson 
et  Lisfranc^  TSous  reviendrons  sur  ce  sujet  lors  du  rapport 
qui  en  sera  fait  par  ces  chirurgiens;  mais  nous  devons  ajou- 
ter, en  attendant  leurs  concluMOtis,  qu'à  la  séance  suivante, 
M.Velpeau,  qui  avait  d'abord  parlé  eu  faveur  de  M.Caucoinet 
de  sa  découverte,  s'est  vivement  élevé  contre  la  conduite  de 
ce  médecin  qui,  comprouietlant  la  dignité  de  sa  profession, 
se  fait  annoncer  dans  les  journaux  politiques,  distribue  des 
prospectus,  etc.  Il  a  fait  observer,  en  outre,  que  la  commu- 
nicalion  laite  à  l'Acadéniie  était  tout-à-fait  incomplète;  que 
la  pâle,  telle  que  la  formule  en  a  été  indiquée,  n'a  pas  d'ac- 
tion sur  la  peau,  si  on  n'a  le  soin  d'enlever  sou  épidémie; 
enfin,  que  l'hydrochloralc  de  zinc  jouit,  contrairement  à  l'o- 
pinion émise  j)ar  M.  Cancuin,  de  propriétés  semblables  à 
celb-s  du  chlorure.  Plusieurs  échantillons  de  ces  diverses 
pâles,  préparées  par  M.  Velpeau,  ont  été  uiontrés  à  l'Acadé- 
mie. Voici  la  formule  dont  ce  médecin  s'est  servi  : 

Pâle  de  chlorure  de  zinc, 

Pr.   Chlorure  de  zinc,  cent  parties; 
Farine,  cinquante  parties. 


(7) 
Pâte  d' hydrochlorate  de  zinc. 

Pr.  Hydrochlorate  de  zinc,  cent  cinquante  parties  j 
Farine,  cinquante  parties. 

Il  faut  ajouter,  dans  la  préparation  de  ces  deux  pâtes,  la 
plus  petite  quantité  d'eau  possible,  pour  les  rendre  molles  et 
(luctilos.  Leur  action  est  à  peu  près  la  même;  mais  la  der- 
nière ^era  toujours  préférée,  puisque  l'hydrochlorate  de  zinc 
est  inflninaeiit  moins  cher  que  le  chlorure. 

Quelles  que  soient  les  conclusions  de  la  commission  qui  va 
se  livrer  à  des  expériences  sur  la  pâte  de  M,  Cancoin,  nous 
devons  rappeler  que  M.  le  docteur  Ordinaire,  médecin  à 
Saiut-Laurent-les-Mâcon,  nous  a  adressé,  l'an  dernier,  quel- 
ques observations  sur  l'emploi  d'un  autre  caustique  dans  des 
cas  semblables,  observations  qui  ont  été  insérées  à  notre  ar- 
ticle 847.  Nous  voulons  parler  de  la  poudre  de  sublimé,  qui 
aurait,  suivant  ce  médecin,  la  propriété  de  ronger,  de  dé- 
truire les  tissus  sans  qu'il  survienne  par  l'absorption  aucun 
trouble  dans  l'économie.  Ce  moyen,  suivant  notre  corres- 
pondant, peut  être  employé  sans  aucune  espèce  de  danger 
par  les  uialades,  dans  les  cancers  ulcérés  de  diverses  parties 
du  corps,  et  de  l'intérieur  même  de  la  bouche,  et  nous  dou- 
tons que  la  pilte  de  M.  Cancoin  soit  d'une  application  plus 
facile.  Plusieurs  médecins,  ayant  lu  l'article  que  nous  venons 
de  citer,  ont  répété  ces  expériences,  et  s'en  sont  parfaitement 
bien  trouvés.  heBulletinyiiédical  de  Bordeaux  a  annoncé  qu'un 
chirurgien  de  cette  ville  avait  employé  le  sublimé  dans  un 
cas  de  cancer,  d'après  la  méthode  indiquée  par  M.  Ordinaire, 
et  avait  également  réussi.  A  l'hôpital  des  Vénériens,  M,  Cul- 
lerier  en  a  fait  usage  chez  trois  sujets,  et,  nous  devons  Je 
dire  à  l'avance,  dans  les  conditions  les  plus  défavorables. 
L'un  de  ces  malades  était  un  jeune  homme  entré  à  l'hôpital 
avec  deux  bubons  ulcérés,  contre  lesquels,  pendant  cinq 
mois,  on  a  employé  tous  les  moyens  imaginables.  Le  bubon 
du  côté  gauche  présentait  un  trajet  flsluleux  qui  conduisait 
au  pubis  évidemment  carié.  L'autre  offrait  un  ulcère  de  la 
largeur  de  la  paume  de  la  main,  couvert  de  bourgeons  de 
mauvaise  nature,  saignans,  de  couleur  blafarde,  et  résistant 
à  tous  les  moyens  de  cicatri:>alion.  Trois  ou  quatre  grains  de 
subliiné  en  poudre  furent  répandus  sur  un  point  seulement 
de  l'ulcère.  Le  lendemain  une  escarre  de  la  largeur  d'une 
pièce  de  quarante  sous  s'était  formée.  La  plaie  fut  recouverte 


(8) 

d'un  cataplasme  émoUient,  et  au  bout  de  quelques  jours  l'es- 
carre étant  tombée,  laissa  voir  une  surface  rouge,  vermeille, 
qui  bientôt  se  recouvrit  de  bourgeons  charnus  de  bonne  na- 
ture. Encouragé  par  cette  amélioration,  M.  Cullerier  ré- 
pandit de  la  poudre  sur  le  reste  de  l'ulcère.  Il  n'en  résulta 
d'autre  eflet  qu'une  douleur  locale  assez  vive,  et  à  la  chute 
de  l'escarre,  la  plaie  se  cicatrisa. 

Un  jeune  homme,  couché  à  quelques  lits  plus  loin,  portait 
à  la  cuisse  gauche  un  ulcère  de  la  largeur  des  deux  mains 
réunies.  Quelques  grains  de  sublimé  furent  répandus  sur  un 
coin  de  cette  vaste  plaie.  La  surface,  ainsi  cautérisée,  pré- 
senta un  meilleur  aspect  après  la  chute  de  l'escarre  ;  mais 
il  était  évident  qu'un  exutoire  de  ce  genre,  qui  datait  de  plu- 
sieurs années,  et  qui  avait  amené  le  malade  à  un  état  d'éma- 
ciation  telle  qu'il  ne  restait  plus  d'espoir  de  guérison,  ne 
pouvait  être  cicatrisé  par  l'emploi  de  ce  moyen.  Cette  cau- 
térisation ne  fut  pas  répétée. 

Dans  la  salle  voisine  est  encore  couché  un  homme  d'une 
quarantaine  d'années,  dont  le  corps  est  couvert  de  cicatrices 
et  d'ulcères  résultant  du  développement  de  tubercules  plu- 
tôt scrofuleux  que  syphilitiques.  L'un  de  ces  ulcères,  situé 
au  coude  gauche,  a  été  cautérisé  à  plusieurs  reprises  avec  le 
sublimé,  et  bien  qu'il  soit  appuyé  sur  un  noyau  d'engorge- 
ment qui  le  mette  ainsi  dans  les  circonstances  les  plus  défa- 
vorables, on  en  a  obtenu  la  cicatrisation  presque  complète. 
Ln  autre  ulcère,  situé  à  la  cuisse  du  même  côté,  traité  de  la 
même  manière,  touche  également  à  la  guérison.  Les  autres 
points  ulcérés  qui  sont  disséminés  sur  le  corps,  et  qu'on  a 
combattus  avec  les  moyens  généralement  usités,  n'ont  fait 
aucun  progrès  vers  la  cicatrisation. 

M.  Cullerier  se  borne  à  répandre  le  sublimé  en  poudre 
sur  l'ulcère,  dans  u\^c  quantité  de  six  à  dix  grains,  et  à 
recouvrir  le  tout  avec  une  compresse,  en  faisant  garder  le 
repos.  La  douleur  produite  est  assez  vive,  et  se  prolonge  or- 
dinaireme.it  pendant  toute  la  journée.  Le  lendemain  on  re- 
couvre avec  un  cataplasme  émollienl  l'escarre,  qui  ne  tarde 
pas  ù  tomber. 

Ces  diverses  expériences,  jointes  à  celles  qui  ont  été  pu- 
bliées à  notre  art.  817,  nous  permettent  donc  d'espérer  que 
le  sublimé  en  poudre  peut  remplacer  toutes  les  pâles  phagé- 
déniques,  dont  la  eompositioa  reste  toujours  plus  ou  moins 
secrète,  et  que  tous  les  praticiens  ne  peuvent  pas  d'ailleurs 
se  procurer. 


(9) 

ART.    966. 

Du.  coryza  chronique  et  de  l'ozène  non  vénérien  (  analyse  ). 

M.  le  docteur  Cazenaye  a  publié  sous  ce  titre  une  bro- 
chure dans  laquelle  il  propose  une  nouvelle  méthode  de 
traiter  le  coryza  chronique,  appuyant  sa  théorie  d'un  grand 
nombre  d'observations  dans  lesquelles  elle  lui  a  réussi.  Déjà, 
à  notre  article  409,  nous  avons  parlé  des  succès  obtenus 
par  ce  médecin  ,  et  des  divers  cas  dans  lesquels  sa  méthode 
était  applicable  :  nous  allons  revenir  sur  ce  sujet ,  qui  offre 
une  grande  importance  pour  la  pratique. 

M.  Cazenave,  étudiant  les  divers  cas  de  coryza  chronique 
qni  se  présentaient  à  son  observation ,  remarqua  d'abord 
que  tous  les  accidens  étaient  dus  à  l'épaississement  de  la 
membrane  pituitaire,  et  par  suite  à  l'obstacle  mécanique 
que  cette  membrane  apportait  à  la  sortie  du  mucus.  Il  re- 
connut en  outre  que  les  malades  rapportaient  toujours  leur 
gêne,  le  sentiment  de  pesanteur  et  leur  enchifrènement,  à  la 
racine  du  nez,  à  la  criblure  ethmoïdale,  et  à  une  portion  du 
reste  de  la  paroi  supérieure  des  fosses  nasales;  que  dans  ce 
point,  la  muqueuse  était  presque  toujours  épaissie;  que  chez 
quelques-uns  même  les  narines  étaient  complètement  obs- 
truées. Il  espéra  donc  par  la  cautérisation  pouvoir  ramener 
cette  muqueuse  à  son  état  normal,  et  à  cet  effet  il  choisit  le 
nitrate  d'argent,  dont  l'action  favorable  avait  déjà  été  re- 
connue dans  les  affections  coueuneuses  du  pharynx,  des 
fosses  nasales,  etc. 

Cette  cautérisation  ne  doit  d'abord  être  pratiquée,  suivant 
l'auteur  de  cette  brochure,  que  sur  ce  point,  qui,  dans  un 
très-grand  nombre  de  cas,  est  l'unique  siège  du  mal.  Si  plus 
tard  on  voit  que  l'odeur  infecte  ne  s'amende  pas  ou  ne  change 
pas  de  nature,  on  promène  le  nitrate  d'argent  dans  toutes 
les  directions  où  l'on  peut  faire  pénétrer  le  porte-caustique. 
L'opérateur  doit  avoir  soin  d'humecter  par  des  fumigations 
émollientes  les  fosses  nasales  quand  elles  sont  trop  sèches, 
ou  d'absterger  la  trop  grande  quantité  de  mucosités  qui  peu- 
vent les  tapisser,  et  lorsqu'il  ne  peut  parvenir  sur  tous  les 
points  malades,  il  doit  recourir  à  la  solution  plus  ou  moins 
concentrée  de  nitrate  d'argent,  en  la  portant  sur  les  parties 
avec  un  pinceau,  ou  en  l'injectant  avec  une  seringue.  Cette 


(10) 

solution  doit  être  composée  de  quatre  grains  de  nitrate  d'ar- 
gent sur  une  once  de  véhicule  ;  on  augmente  successivement 
la  dose  du  caustique  jusqu'à  un  demi-gros. 

La  niélhode  que  nous  venons  d'exposer  est  appuyée  sur 
une  trentaine  d'observations  consignées  dans  ce  Mémoire, 
et  ces  faits  sont  assez  nombreux  sans  doute  pour  mériter  de 
fixer  l'attention  des  praticiens.  TNous  allons  en  rapporter 
quelques-uns  choisis  dans  les  différens  degrés  du  coryza. 

On  rencontre  fréquemment  dans  le  monde  des  individus 
qui  sont  habituellement  enchifrenés,  dont  la  voix  est /iasonnre, 
et  qui  ne  peuvent  ni  parler  ni  lire  haut  sans  se  fatiguer  beau- 
coup. Telle  était  la  position  d'un  avocat  qui,  ne  pouvant 
travailler  auprès  du  feu  sans  s'endormir,  s'habitua  à  prendre 
du  tabac  pour  se  tenir  éveillé.  Ce  moyen  lui  réussit  assez 
bien  dans  les  premiers  temps,  mais  au  bout  de  deux  mois 
ses  narines  se  desséchèrent  et  se  bouchèrent  graduellement. 
Les  choses  en  arrivèrent  au  point  que  ce  jeune  homme  ne 
pouvait  presque  plus  se  livrer  au  travail  du  cabinet  sans 
éprouver  bientôt  de  l'embarras  et  de  la  douleur  à  la  racine 
du  nez,  suivis  d'une  céphalalgie  frontale.  Lorsqu'il  plaidait, 
sa  voix  était  en  outre  fortement  nasonnèe.  Les  moyens  ordi- 
naires ayant  été  inutilement  employés,  M.  Cazenave  fit  cesser 
l'usage  du  tabac,  et  cautérisa  la  membrane  pituitaire  tous 
les  trois  jours,  pendant  un  mois.  Au  bout  de  ce  temps,  le 
malade  était  entièrement  débarrassé  de  ces  incommodi- 
tés (i). 


(i)  Parmi  les  nombreuses  observations  rapportées  par  M.  Cazenave, 
celle-là  nous  a  paru  remarquable,  noo  tant  par  le  succès  obtenu  à  l'aide 
de  la  cautérisatiiin.  «{tie  par  la  cause  qui  a  déterminé  et  entretenu  le 
coryza  cbronique.  Il  est  beaucoup  de  personnes,  en  ellel,  qui  croient 
se  débarrasser  d'un  encliirrénement  habituel  p;ir  l'eujploi  de  la  pou- 
dre de  tabac  ;  les  secousses  d'éternuement  et  l'abondante  sécrétion 
que  cette  jioudre  déleruiine  d'abord  peuvent  bien  apporter  quelque 
soulagement  dans  le  principe  de  son  administration;  mais  la  muqueuse 
nasale,  continuell<:ment  irritée,  iinit  |)ar  s'épaissir,  oblitérer  les  con- 
duits qui  donnent  passa^^e  à  l'air,  et  produire  enGn  tous  les  accidens 
du  coryia  cbronique.  1^'observation  suivante  viendra  à  l'appui  de  ce 
que  nous  avançons;  elle  a  été  publiée  dans  le  re(;ueil  de  la  Société 
royale  de  médecine  de  Marseille,  par  M.  Serène,  doeteurcn  médecine 
a  Toulon. 

Une  fenimi-  de  soixante-deux  ans  consulta  ce  médecin  dans  le  cou- 
rant de  novembre  1827.  Klle  se  plaifçnait  d'éprouver,  depuis  le  com- 
mencement de  l'élc  pasiié,  tous  lis  accidens  du  coryza.  La  malade 
était  obligée  de  tenir  constamment  la  boucLc  ouverte,  car  l'air  ne  pou- 


(«0 

On  n'aura  sans  doute  occasion  de  cautériser  la  muqueuse 
nasale  que  dans  un  bien  petit  nombre  de  cas,  pour  cause  de 
rhinite  chronique  simple;  un  traitement  anliphlogistique  et 
révulsif  bien  entendu  devant  suffire  presque  constamment 
pour  amener  la  p;uérison;  mais  ce  moyen  sera  précieux  lors- 
que le  coryza  chronique  est  porté  au  point  de  produire  des 
accidens  graves,  qui  résistent  le  plus  souvent  à  tous  les 
moyens  de  l'art.  C'est  ainsi  que  M.  Cazenave  a  guéri  par  la 
cautérisation  un  homme  âgé  de  cinquante-quatre  ans,  qui, 
depuis  quatorze  ans,  portait  un  coryza  chronique  avec  odeur 
di:  punais.  L'exploration  avec  le  crochet  mousse  fit  seulement 
reconnaître  un  gonflement  de  la  muqueuse  qui  obstruait 
presque  entièrement  le  passage  de  l'air.  «  Dans  ce  cas,  dit 
l'auteur  du  Mémoire  que  nous  analysons,  je  commen- 
çai les  cautérisations  sur  l'une  et  l'autre  narines  à  l'origine 
de  la  membrane  de  Schneider,  que  j'usai  peu  à  pevi  :  au  fur 
et  à  mesure  que  les  escarres  tombaient,  et  que  j'avançais, 
le  diamètre  des  narines  augmentait;  le  malade  respirait  plus 
lacilement,  et  l'odeur  de  panais  s'amendait  un  peu  en  chan- 
geant de  nature.  Quand  je  fus  arrivé  à  la  racine  du  nez  ,  la 


vait  passer  dans  le  canal  aérien  par  les  narines  et  les  fosses  nasales: 
il  en  résultait  un  état  de  sécheresse  fort  incommode  dans  la  bouche,  et 
une  assez  vive  céphalalgie  frontale. Dans  le  principe  de  cette  maladie, 
elle  s'était  mise  à  prendre  du  tabac  pour  se  désobstruer  les  narines,  et 
était  parvenue  graduellement  à  en  consommer  une  très-fjrande  quan- 
tité chaque  jour;  mais  loin  de  respirer  plus  librement,  elle  vovait,  au 
contraire,  son  état  empirer.  La  muqueuse  nasale  était  effectivement 
boursoudlée,  d'un  rouge  très-vif,  et  très-sensible  à  la  moindre  pression. 
Le  rétrécissement  des  narines  était  tel,  qu'elles  eussent  à  j)eine  permis 
l'introduction  d'une  sonde  de  calibre  ordinaire,  M.  Serène  commença 
par  prescrire  la  cessation  absolue  de  l'usage  du  tabac,  et  l'applicatio'n 
de  quatre  sangsues  à  l'ouverture  de  chaque  narine.  Des  injections  fu- 
rent pratiquées  avec  la  décoction  de  racine  de  guimauve,  et  on  plaida 
un  vesicatoire  à  la  nuque.  La  guérison  définitive  eut  lieu  dans  dix 
jours. 

M.  Serène  se  demande  avec  raison  si  l'usage  du  tabac  dans  le  co- 
ryza chronique  ne  peut  pas  favoriser  le  développement  de  certains  po- 
lypes, «;n  enticlenant  une  irritation  [)ermanente  de  la  muqueuse  na- 
sale. Il  est  probable  que  l'application  d'une  poudre  irritante  sur  la 
muqueuse  déjà  enflammée  a  ,  dans  un  certain  nombre  de  cas,  donné 
naissance  à  des  polypes;  mais  ce  que  l'on  peut  afïîrmcr,  c'est  que  les 
observations  de  coryzas  chroniques  entretenus  piir  son  usage  sont  si 
In  quentes,  qu'il  suffit  d'indiquer  cette  cause  aux  praticiens  pour  qu'ils 
en  trouvent  autour  d'eux  une  Ibule  d'exemple». 

(  !Voie  du  rédact.  ) 


(.2) 

mauvaise  odeur  disparut,  comme  par  enchantement,  en  cinq 
cautérisations.  Le  malade  se  moucha  beaucoup,  respira  lar- 
gement par  le  nez,  et  lut  complètement  guéri  après  uu  mois 
et  demi  de  traitement.  » 

Un  pareil  succès  a  été  obtenu  chez  un  homme  do  quarante- 
cinq  ans,  qui  offrait  depuis  trois  années  une  odeur  do  punais 
si  repoussante,  qu'il  nepouvaitplus  avoir  de  rapports  avecqui 
que  ce  fût.  Lnpelitcrochetmousse,  promenésurlesparois  de 
la  cloison  et  sur  la  voûte  des  fosses  nasales,  demeura  accroché 
à  l'un  des  bords  d'ime  ulcération.  On  recourut  inutilement  à 
tous  les  moyens  usités  en  pareil  cas  ;  six  cautérisations  faites 
sur  l'ozène,  en  mettant  trois  jours  d'intervalle  pour  chacune 
d'elles,  suffirent  pour  faire  presque  disparaître  l'odeur  et 
faire  changer  le  mucus  d'aspect  et  de  consistance.  Quatre 
cautérisations  ultérieures,  faites  sur  toute  la  circonférence 
de  la  narine  droite,  firent  enfin  complètement  cesser  l'odeur, 
qui  n'a  jamais  reparu  depuis. 

Ce  moyen  a  encore  été  suivi  de  succès  dans  plusieurs  au- 
tres cas  de  coryza  chronique  avec  ozène,  odeur  de  punais, 
et  même  caried'une  portion  duvomer.Les  bornes  de  cet  ar- 
ticle ne  nous  permettent  pas  d'analyser  ces  faits  intéressans; 
mais  nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  le  suivant,  qui 
offrira  plus  d'une  considération  pratique  importante. 

Un  jeune  homme  contracta  en  1822,  à  Paris,  deux  chan- 
cres sur  le  gland  et  un  bubon;  il  prit  la  liqueur  de  Van- 
Swieten  et  les  sudorifiques,  et  guérit  assez  rapidement; 
mais  bientôt  ne  se  croyant  pas  débarrassé,  quoique  rien  ne 
décelât  la  présence  du  virus  syphilitique,  il  se  confia  à  des 
charlatans  qui  lui  administrèrent  successivement  toutes  les 
préparations  mercurielles  connues  ou  secrètes. 

L'année  suivante  ,  ce  jeune  homme  ayant  été  faire  vn 
voyage  dans  le  (nidi,  se  persuada  de  nouveau  que  le  vii'us 
vénérien  n'était  pas  entièrement  éliminé  de  ses  humeurs,  et 
il  trouva  des  médecins  qui  lui  donnèrent  encore  des  prépa- 
rations mercurielles,  les  préparations  d'or  du  docteur  (]hres- 
tien  et  quelques  remèdes  secrets.  Des  Iraitemcns  si  multi- 
pliés n'avaient  cependant  pas  altéré  sa  santé,  lorsqu'à  la  fin 
de  1829  >  •^**-  j*^"nc  homme  eut  des  relations  avec  une  femme 
suspecte  ;  quelques  jours  après,  il  lui  survint  des  boutons 
sur  le  corps,  et  ce  malheureux  s'imagina  aussitôt  qu'il  avait 
ime  .syphilis  conslilutionnelle  que  rien  ne  pourrait  guérir. 
Des  médecins  l'ayant  cru  sur  parole  ,  recommencèrent  l'ad- 
ministration variée  des  préparations  mercurielles. 

Sous  l'influence  de  ces  traitemens,  répétés  avec  une  opi- 


(i3) 

niâtreté  si  déplorable,  survinrent  enfin  d'affreux  accidens: 
un  coryza  chronique  lui  enleva  l'odorat  et  le  goût.  Des  ma- 
tières purulentes,  sanieuses  et  infectes  s'écoulèrent  jour  et 
nuit  des  narines  ;  des  fragmens  d'os  cariés  tombèrent,  et  l'o- 
deur de  punais  fut  portée  à  son  comble.  De  nouveaux  méde- 
cins, consultés  alors,  ordonnèrent  encore  des  médicamens 
syphilitiques,  et  enfin,  en  dernier  lieu,  le  rob  de  Laffecteur 
fut  administré  sans  plus  de  succès.     • 

Nous  dirons,  pour  abréger  cette  intéressante  observation, 
que  M.  Cazenave,  consulté  à  cette  époque,  supprima  tout 
traitement  mercuriel,  et  fit  l'application  de  sa  méthode  par 
la  cautérisation.  Il  obtint  une  amélioration  considérable,  et 
ce  jeune  homme  le  quitta  presque  guéri  de  cette  grave  af- 
fection ;  mais  il  ne  tarda  pas  à  retomber  dans  l'état  où  il 
était  avant  son  traitement.  S'étant  enfin  rendu  à  Paris,  il  fut 
guéri  par  des  moyens  inconnus  à  M.  Cazenave,  mais  sa^ns 
avoir  pris  de  nouvelles  préparations  mercurielles  (i). 

Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  rapporter  les  sages  ré- 
flexions de  l'auteur  sur  la  nature  de  cette  maladie  et  les 
nombreux  traitemens  qu'on  s'est  obstiné  à  prescrire. 


(i)  Nous  appelons  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  un  fait  aussi  curieux 
qu'instructif.  Il  démontre  qu'à  Paris,  comme  dans  le  midi  de  la  France, 
on  rencontre  encore  des  médecins  qui,  sur  le  plus  léger  indice  et  même 
sans  qu'aucun  symptôme  vienne  justifier  leur  détermination  (puisque 
dans  le  cas  cité,  rien,  absolument  rien,  suivant  M.  Cazenave,  n'annon- 
çait la  présence  d'un  virus  vénérien),  il  en  est,  disons-nous,  qui  soumet- 
tent leurs  malades  à  l'administration  répétée  des  mercuriaux  sous 
toutes  les  formes.  jNous  publierons  dans  le  courant  de  cette  année  plus 
d'un  exemple  de  ce  genre,  mais  il  en  sera  peu  sans  doute  dans  les- 
quels on  aura  fait  un  si  prodigieux  abus  du  mercure.  Quelle  constitu- 
tion aurait  pu  résister  à  une  médication  si  incendiaire?  C'est  adminis- 
trer en  aveuLîIe  un  remède  puissant,  et  que  quelques  médecins  de  nos 
jours  veulent  rejeter  de  la  pratique,  uniquement  parce  qu'on  en  abuse 
de  la  plus  étrange  manière. 

Les  désordres  produits  par  l'adrainislration  des  mercuriaux  ne  sont 
pas  encore  tellement  bien  spécifiés  qu'on  puisse  dans  tous  les  cas  les 
distinguer  de  ceux  produits  par  la  vérole  ;  mais  il  est  hors  de  doute  que 
les  exosloses,  la  carie,  certaines  ulcérations  graves  de  la  gorge  et  du 
nez,  sont  dans  un  grand  nombre  de  cas  les  elFcts  du  remède  et  non  de 
la  maladie,  et  cette  proposition,  qui  pourra  choquer  les  opinions  de 
quelques-uns  de  nos  confrères, sera  résolue,  comme  toutes  les  questions 
controversées,  par  des  faits  dont  ils  apprécieront  la  valeur.  Nous 
croyons  donc  pouvoir  attribuer  à  la  prodigieuse  quantité  de  mercure 
consommée  par  le  jeune  homme  dont  on  vient  de  lire  l'histoire  les  ac- 
cidens déplorables  qui  se  sont  manifestés. 

(iV.  du  H.) 


(»4) 

La  brochure  de  M.  Gazenave,s'adressant  directement  aux 
praticiens,  sera  lue  avec  d'autant  plus  d'intérêt  que  les  faits 
qu'elle  contient  sont  classés  avec  ordre  et  exposés  avec  clarté  : 
c'est  à  l'expérience  à  démontrer  si  la  méthode  ((ni  nous  est 
proposée  aura  autant  de  succès  dans  nos  mains  qu'elle  pa- 
raît CQ  ayoir  eu  dans  celles  de  son  inventeur. 

ART.  967. 

Considérations   sur   l'empoisonnement  de  sept  chevaux  par 
l'arséniate  de  potasse. 

Le  dernier  numéro  des  Annales  d'hygiène  contient  un  Mé- 
moire lu  à  l'Académie  royale  de  médecine,  par  M.  Bonley 
jeune,  vétérinaire  à  Paris,  sur  un  empoisonnement  de  plu- 
siem-s  chevaux  par  l'arséniate  de  potasse.  Cet  empoisonne- 
ment a  donné  lieu  à  plusieurs  considérations  pratiques  im- 
portantes. 

IJnroulier,  chargé  de  transporter  au  domicile  d'un  négo- 
ciant quatre  paquets  de  marchandise*enveloppées  de  papier 
gris,  et  pesant  vingt-cinq  kilogramiijes  cliacun,  les  déposa 
le  soir  dans  son  écurie.  Trois  furent  placés  ;'i  terre,  mais  le 
quatrième,  qui  était  percé  dans  son  fond,  lui  déposé  sur  un 
tonneau  non  fermé,  et  rempli  d'avoine.  Le  lendemain  malin 
ces  quatre  sacs  furent  enlevés  et  placés  dans  une  charrette, 
avei;  trente  pains  de  sucre  destinés  à  un  épicier. 

Cependant  on  distribua  comme  à  l'ordinaire,  ;\  sept  che- 
vaux qui  étaient  dans  l'écurie,  l'avoine  contenue  dans  le  ton- 
neau. On  re  .larqua  qu'ils  mangeaient  avec  moins  d'avidité 
que  de  coutume,  quoiqu'ils  achevassent  tous  dans  la  journée 
la  quantité  qui  leur  ètail  destinée.  L'un  de  ces  chevaux,  qui 
était  parti  pour  Versailles,  tomba  subitement  sur  la  roule, 
entre  onze  heures  et  minuit.  Son  conducteur  s'empressa  de 
lui  porter  des  secours,  mais  il  mourut  presque  immédia- 
tement. 

Les  six  autres  chevaux  rentrèrent  de  l'ouvrage  sur  les 
sept  heures.  On  leur  donna  à  manger  du  son  et  du  foin  ; 
mais,  à  minuit,  ils  furent  pris  de  diarrhée  et  ilc  violentes 
coliques.  Un  maréchal,  appelé  sur-le-cliainp,  examina  l'a- 
voine, et  remartjua  qu'elle  contenait  de  petites  pierres  blan- 
ches. Il  eu  goûta  une  avec  précaution,  et  ayant  reconnu 
qu'elle  était  fort  amère,  il  déclara,  à  tout  hasard,  que  les 
chevaux  étaient  empoisonnés. 


(i5) 

Le  grainetier  qui  avait  fourni  l'avoine  assura  que  la  mar- 
chandise qu'il  avait  livrée  ne  contenait  rien  qui  pût  être  nui- 
sible aux  animaux;  il  goûta,  même  sans  précaution,  une  de 
ces  prétendues  pierres,  qui  lui  causa  d'assez  violentes  co- 
liques. 

Enfin,  M.  Bouiey  ayant  été  appelé,  reconnut  que  la  sub- 
stance mêlée  à  l'avoine  était  de  l'arséniate  de  potasse.  Tous 
les  chevaux  étant  déjà  ou  morts  ou  près  de  succomber,  le 
tritoxide  de  fer  hydrate  fut  administré  à  trois  d'entre  eux, 
qui  restaient  encore  vivans  (i),  à  la  dose  d'un  litre  environ. 
Le  premier  mourut  six  heures  après  avoir  pris  cet  antidote, 
le  second  ne  succomba  qu'au  bout  de  trente-sept  heures,  et 
enfin  le  dernier  vécut  jusqu'au  huitième  jour. 

Réflexions.  Nous  avons  dit  à  notre  article  gSS  que  cet  in- 
succès n'infirmait  aucunement  les  résultats  obtenus  par  plu- 
sieurs médecins  dans  l'empoisonnement  par  les  préparations 
arsenicales,  i"  parce  que  l'antidote  a  été  administré  à  une 
époque  où  le  poison  derait  être  absorbé,  et  porté  dans  le 
torrent  de  la  circulation  ;  2°  parce  que  la  dose  employée  n'é- 
tait pas  assez  forte  pour  la  quantité  du  poison.  Ce  ne  fut  en 
effet  que  le  lendemain  de  l'ingestion  de  la  substance  véné- 
neuse, et  lorsque  les  animaux  qui  avaient  survécu  se  trou- 
vaient dans  l'état  le  plus  déplorable,  qu'on  administra  le 
tritoxide  de  fer,  et  il  est  permis  de  croire  que  la  prolongation 
de  la  vie  de  celui  qui  offrait  encore  quelques  chances  de  gué- 
rison  a  été  due  à  son  action,  qui  n'a  pas  pu  s'étendre  d'ail- 
leurs aux  portions  du  poison  qui  n'étaient  plus  dans  l'es- 
tomac. 

L  autopsie  qui  fut  faite  de  ces  sept  animaux  offrit  aussi 
quelques  particularités  importantes  pour  la  pratique.  On 
trouva  chez  tous  une  inflammation  plus  ou  moins  étendue 
du  tube  intestinal,  et  quelquefois  les  autres  organes  étaient 
pareillement  altérés.  Chez  tous  des  ecchymoses  nombreuses  se 
remarquaient  à  la  base  du  ventricule  gauche  du  cœur.  Cette  cir- 
constance est  fort  importante  à  noter;  car  souvent  les  ex- 


(i)  M.  Labarr.ique,  auquel  on  s'adressa  pour  se  procurer  cette  sub- 
stance, n'en  ayant  point  à  sa  disposition,  piit  du  sulfate  ilererducom- 
noerce  qui,  avant  été  exposé  pendant  long-temps  à  l'air,  avait  passé  en 
partie  de  l'état  de  protosulfate  à  l'état  de  persidfale  ;  ce  sel  fut  dissous 
dans  l'eau,  puis  précipité  par  l'alcali  volatil.  On  oljtint  ainsi  un  tri- 
toxide de  fer  hydraté,  mêlé  à  des  hydrates  de  protoxide  et  de  dcu- 
toxide. 


(  i6) 

perts  négligent  de  constater  l'état  de  la  membrane  interne 
de  cet  organe,  et  cependant  les  auteurs  de  médecine  légale, 
et  en  particulier  M.  Orfila,  ont  signalé  cette  lésion,  qui  se 
rencontre  assez  fréquemment  après  l'empoisonnement  par 
les  préparations  arsenicales. 

INous  devons  aust^i  faire  remarquer  que  les  matières  con- 
tenues dans  le  tube  intestinal  du  premier  cheval,  mort  treize 
heures  après  l'ingestion  du  poison,  n'ont  présenté  ù  l'analyse 
aucune  trace  d'arsenic;  il  est  probable  que  la  diarrhée  abon- 
dante que  l'on  a  observée  chez  tous  ces  animaux  aura  com- 
plètement vidé  les  intestins  de  toute  la  matière  vénéneuse 
qu'on  y  aurait  rencontrée  plus  tôt. 

L'annonce  d'un  contre-poison  de  l'arsenic  a  fait  sensation 
dans  le  monde  médical  ;  des  chimistes  se  sont  empressés  de 
soumettre  à  de  nouvelles  expériences  un  aussi  précieux  an- 
tidote. M.  Orflla,  entre  autres,  a  déclaré  à  l'Académie  qu'il 
était  convaincu  des  propriétés  attribuées  par  MM.  Bunsen 
et  Berthold  au  tritoxide  de  fer  hydraté.  Avant  peu,  sans 
doute,  il  ne  saurait  rester  d'indécision  à  cet  égard,  car  les 
savans  de  tous  les  pays  s'occupent  avec  activité  de  cette  im- 
portante question.  Nous  allons  rapporter,  dans  l'article  sui- 
vant, des  expériences  qui  ont  été  tentées  en  Angleterre,  et 
qui  ne  semblent  pas  promettre  d'aussi  beaux  résultats  que 
ceux  annoncés  par  M.  Orlila. 

ART.   968. 

Expériences  tentées  avec  le  tritoxide  de  fer  hydraté  pour  con- 
stater ses  effets  comme  antidote  dans  l'empoisonnement  par  l'a- 
cide arsénieux. 

On  trouve  dans  le  journal  anglais  London  médical  Gazelle, 
une  lettre  adressée  au  rédacteur  par  le  docteur  Brett,  qui 
s'est  occupé  de  quelques  recherches  sur  l'antidote  de  l'arse- 
nic, présenté  par  MM.  Bunsen  et  Bcrlhold,  (leGœllingiu;  (1). 
Ce  médecin  a  voulu  s'assurer  si  le  liiloxide  de  fer  hydraté, 
s'unissant  à  l'acide  arsénieux,  formait  un  composé  insolu- 
ble dans  l'estomac,  et  voici  les  expériences  auxquelles  il  s'est 
livré  : 


(1)  Voy.   :irl.    «j.V"). 


(17) 

1°  Deux  grains  et  demi  d'arsenic  (  acide  arsénieux  )  ont 
été  administrés  à  un  lapin  de  moyenne  grosseurà  neuf  heu- 
res vingt  minutes  du  matin.  Aucune  nourriture  ne  lui  a  été 
donnée  pendant  les  i^ix  ou  sept  premières  heures,  durant  les- 
quelles l'animal  est  resté  très-bien  portant;  après  cet  inter- 
valle on  lui  a  oilVi  t  une  petite  quanlité  de  nourriture  qu'il  a 
mangée  avec  avidité.  A  dix  heures  du  soir  l'animal  pa lais- 
sait encore  en  bon  état,  mais  le  lendemain  matin,  à  huit  heu- 
res, il  fut  trouvé  mort.  Les  veines  jugulaires  en  particulier, 
et  tout  le  système  veineux  en  général,  étaient  remplis  de 
sang  à  demi  coagulé;  presque  toute  la  surface  interne  de 
l'estomac  était  enflammée;  sa  muqueuse  était  ramollie  et  se 
détachait  fiicilement  :  les  intestins  étaient  s.iins. 

2"  Un  peu  moins  de  deux  grains  de  ce  poison  furent  ad- 
ministrés à  un  petit  lapin,  et  trois  ou  quatre  minutes  après 
on  lui  fit  avaler  huit  à  dix  grains  de  tritoxyde  de  fer  hydraté. 
Ce,  petit  animal  mourut  en  moins  de  trois  heures,  après  être 
resté  pendant  ce  temps  dans  un  état  de  torpeur,  mais  sans 
donner  de  marques  de  souffrances.  On  trouva  le  cœur  et  le 
système  veineux  gorgés  de  sang  fluide,  l'estomac  distendu 
par  de  la  nourriture,  et  une  quantité  considérable  de  muco- 
sités recouvrant  sa  membrane,  qui  n'oflVait  aucune  trace 
d'inflammation.  Les  intestins  n'étaient  nullement  altérés.  On 
doit  faire  observer  qu'une  petite  quantité  d  eau  avait  été  in- 
troduite dans  l'estomac  après  l'ingestion  de  l'acide  arsénieux 
et  du  tritoxyde  de  fer. 

5°  De  l'arséniate  de  fer  fut  préparé  en  précipitant  du  per- 
sulfate  de  fer  au  moyen  del'arsénitede  potasse.  Le  précipité, 
après  avoir  été  lavé  quelque  temps  dans  de  l'eau  bouillante, 
fut  séché  à  une  douce  chaleur.  Cinq  grains  en  furent  admi- 
nistrés à  un  fort  lapin  à  dix  heures  du  matin.  L'animal  parut 
à  peine  indisposé  jusqu'à  six  heures  après  midi,  époque  à  la- 
quelle il  devint  languissant  et  refusa  de  la  nourriture.  Il  resta 
dans  cet  état  pendant  deux  heures,  au  bout  desquelles  il  pa- 
rut violemment  agité.  La  respiration  était  évidemment  très- 
gênée.  Il  mourut  en  fort  peu  de  temps.  On  trouva  le  système 
veineux  gorgé  de  sang  coagulé  ;  la  muqueuse  du  larynx  et 
de  l'estomac  fortement  enflammée,  et  couverte  d'une  couche 
de  mucosités  fort  épaisses  et  fort  adhérentes. 

4"  Six  grains  d'arséniate  de  fer,  mêlés  avec  environ  pa- 
reille quantité  d'oxide  de  fer  libre,  furent  adnn'nistrés  à  un 
fort  lapin  ;  mais  comme  cette  substance  lui  fut  donnée  le  soir, 
ou  ne  put  savoir  combien  de  temps  il  vécut  après  son  inges- 

TOM.    VI.  2 


(i8) 

tion  :  il  fut  trouvé  mort  le  lendemain  matin.  Le  système  vei- 
neux était  également  gorgé  de  sang  coagulé,  et  la  muqueuse 
stomacale  enûammée  et  couverte  d'une  couche  de  mucosi- 
tés seinbUible  à  celle  qu'on  avait  rencontrée  dans  l'observa- 
tion précédente. 

De  ces  expériences  et  de  quelques  autres,  tentées  pour 
reconnaître  l'action   de  l'antidote  proposé  sur  l'acide  arsé- 
nieux  à  diverses  températures,  M.  Brelt  conclut  :  que  le  tri- 
toxide  de  fer  hydraté  ne   peut  être  administré  comme  anti- 
dote de  l'acide  arsénieux  avec  aucune  chance  de  succès,  et 
que,  comme  les  autre  antidotes  déjà  proposés,   il  agit  pro- 
bablement en  protégeant  les  parois  de  l'estomac  contre  l'ac- 
tion du  poison,  et  non  en  en  formant  un  composé  insoluble. 
Réflexions.  Nous  ne  pensons  pas  que  les  expériences  de 
M.  Brelt  doivent  nous  faire  perdre  l'espoir  d'avoir  enfin  ren- 
contré  un  antidote  de  l'acide  arsénieux  :  il   paraît  en  effet, 
d'après  la  remarque  faite  par  des  chimistes  français,  qu'il 
faut,   pour  nculraliser  une  quantité  donnée  d'arsenic,    une 
dose  beaucoup  plus  forte  de  tritoxide.  Cependant  nous  appel- 
lerons l'attention  des  médecins  qui  se  livreront  à  de  nouvelles 
expériences,  sur  cette  couche  épaisse  et  presque  solide  de 
mucosités  qui  tapissait  toute  la  paroi  interne  de  l'estomac, 
et  formait  en  effet  comme  une  barrière  qui  devait  s'opposer, 
jusqu'à  un  certain  point,  à  l'absorption  du  poison.  On  con- 
çoit que  si  le  tritoxide  hydraté  ne  prévenait  que  par  ce  mé- 
canisme les  fâcheux  effct'^  de  l'arsenic,  ce  serait  un  antidote 
bien  infidèle,  et  qui  ne  mériterait  assurément  pas  ce  nom. 
Mais  il  paraît  que  par  des  causes  que  nous  ne  pouvons  indi- 
quer, les  chimistes  français  obtiennent  de  leur  côté  des  suc- 
cès assez  prononcés  pour  ne  guère  laisser  de  doute  sur  la 
précieuse  propriété  de  ce  corps.  Nous  avons  déjà  parlé  des 
essais  tentés  par  M.  Lesueur;  M.   Soubeiran  a  lu  à  l'Acadé- 
mie, dans  sa  séance  du  2  décembre,  le  résultat  d'expériences 
variées  qu'il  a  faites  avec  M.  IMiquel,et  qui  lui  ont  permis  de 
conclure  que  le  tritoxide  de  fer  est  un  excellent  contrepoi- 
son de  l'acide  arsénieux,  mais  que,  pour  avoir  un  résultat 
satisfaisant,  il  faut  l'administrer  :  i°peu  de  temps  après  l'in- 
gestion du  poison;  2°  à  une  dose  au  moins  cinq  fois  plus 
grande  que  celle  de  la  matière  véncQCuse;  3°  enfin  étendu 
d'eau. 


ART.   969. 

Considérations  sur  femploi  du  séton  dans  te  traitement  du  nœvus 
sous-cutané. 

Le  docteur  Thomas  Fawdington  a  publié  dans  le  même 
journal  quelques  considérations  sur  l'emploi  du  séton  pro- 
posé par  lui  eu  i83o  pour  le  traitement  du  nœvus  sous-cu- 
tané. Ce  moyen,  adopté  depuis  lors  par  plusieurs  chirur- 
giens, a  réussi  un  assez  grand  nombre  de  fois  pour  fixer 
l'attention  des  praticiens. 

Pour  employer  le  séton,  dit  ce  chirurgien,  il  est  néces- 
saire de  s'assurer  de  deux  points  principaux  :  la  suppression 
de  l'hémorrhagie  fournie  par  les  vaisseaux  que  divise  l'ai- 
guille^  et  plus  tard  le  développement  d'un  degré  d'irritation 
suffisant  pour  exciter  l'inflammation  et  la  suppuration  qui 
doit  dissiper  la  tumeur;  on  accomplit  le  premier  en  em- 
ployant un  fd  assez  gros  pour  remplir  exactement  l'ouver- 
ture faite  par  l'aiguille,  et  le  second  en  choisissant  une 
aiguille  qui  puisse  admettre  un  séton  très-considérable, 
proportionnément  à  la  tumeur.  Si  cependant  l'irritation 
déterminée  était  trop  faible,  il  serait  facile  de  faire  pénétrer 
dans  le  canal  nouvellement  établi  quelques  irrilans,  et  même 
un  caustique. 

Ce  moyen  fut  employé  avec  succès  dans  l'observation 
suivante  : 

"William  Bancroft,  âgé  de  quarante  ans,  se  présenta  le 
19  mai  1854  avec  un  nœvus  situé  sur  la  joue  droite,  au- 
dessous  de  l'angle  externe  de  l'œil.  La  tumeur  était  du  vo- 
lume d'une  noix,  considérablement  élevée  au-dessus  du  ni- 
veau des  tégumens  et  de  couleur  bleuâtre,  et  quoiqu'elle 
eût  son  siège  principal  dans  la  peau,  elle  s'étendait  jusqu'au 
tissu  cellulaire,  de  manière  à  offrir  en  même  temps  les  ca- 
ractères du  nœvus  cutané  et  sous-cutané.  Le  malade  décla- 
rait que  dans  le  principe  celte  tumeur  s'était  montrée  sous 
la  forme  d'une  tache,  mais  que  depuis  trois  ou  quatre  ans 
elle  avait  commencé  à  faire  saillie  et  avait  crû  dans  toutes 
les  dimensions.  Il  ne  pouvait  dire  cependant  si  depuis  six 
mois  elle  avait  éprouvé  quelques  changemens.  Uu  séton  fut 
aussitôt  passé  au  travers  de  ce  nœvus,  dans  la  direction  ho- 
rizontale qui  correspondait  à  son  plus  grand  diamètre. 


(ao) 

Le  24  la  tumeur  avait  un  peu  augmenté  de  volume,  mais 
la  suppuration  n'était  pas  encore  établie. 

Le  26  la  suppuration  s'opérait  par  les  deux  plaies,  et  le 
gonflement  de  la  tumeur  était  moindre,  ce  qui  fit  craindre 
que  l'irritation  ne  fût  pas  assez  forte  pour  amener  sa  résolu- 
tion; en  conséquence  le  séton  fut  trempé  dans  une  solution 
de  potasse  caustique  et  placé  de  nouveau  dans  la  plaie  :  cette 
manœuvre  produisit  une  légère  douleur. 

Le  3o  la  suppuration  était  assez  copieuse  etla  tumeur  con- 
sidérablement diminuée.  Le  séton  fut  enlevé. 

Le  4  juitï  l6  noevus  était  en  grande  partie  dissipé.  Ildépas- 
sait  à  peine  les  tissus  voisins,  et  semblait  ferme  au  toucher 
comme  si  les  vaisseaux  qui  entraient  dans  sa  composition  eus- 
sent contenu  un  corps  solide. 

Le  10  la  tumeur  était  réduite  au  quart  de  son  volume  pri- 
mitif et  ne  dépassait  pas  le  niveau  de  la  peau.  Cependant, 
voulant  obtenir  sa  réduction  complète,  M.  Fawdington  passa 
un  petit  séton  dans  la  direction  perpendiculaire,  et  le  laissa 
en  place  une  huitaine  de  jours,  pendant  lesquels  il  excita 
une  vive  inflammation. 

Le  28  juillet,  il  n'y  avait  aucune  apparence  de  nœvus,  et 
les  tégumens  sur  lesquels  la  tumeur  était  située  se  trouvaient 
lisses  et  unis,  et  offraient  à  peine  une  cicatrice  indiquant  le 
point  où  avait  été  la  maladie.  Les  cicatrices  qui  suivent  cette 
opération  sont  en  eflét  à  peine  sensibles,  et  il  faut  les  re- 
chercher avec  soin  pour  reconnaître  leur  existence. 


ART.  970. 


Séance  d'Académie. —  Considérations  sur  le  spasme  de  l'urètre  et 
du  col  de  la  vessie. 


M.  Civiale  a  lu  à  l'Académie  des  sciences  un  mémoire 
fort  intéressant  sur  le  spasme  des  organes  urinaires.  Suivant 
ce  médecin,  la  vessie  doit  être  comparée  à  la  matrice  dans 
l'état  de  gestation;  quand  cet  organe  entre  en  contraction, 
la  résistance  des  fibres  du  col,  ou  plutôt  du  cercle  fibreux 
contractile  qui  l'entoure,  est  vaincue  par  la  contraction  des 
fibres  du  corps.  Tant  que  l'harmonie  existe  entre  l'action 
de  ces  deux  puissances,  les  contractions  des  fibres  du  corps 
n'ont  lieu  que  lorsque  la  vessie  est  pleine  d'urine,  et,  celles  du 


(21) 

col  cédant  alors  sans  difficulté,  la  fonction  s'exécnte  presque 
sans  la  participation  de  la  volonté.  Mais,  dès  que  cette  har- 
monie cesse,  il  survient  des  accidens  plus  ou  moins  graves. 
Ainsi,  une  multitude  de  causes,  telles  que  l'abus  du  coït, 
l'action  des  canlharides,  l'usage  de  la  bière,  etc.,  peuvent 
déterminer  un  étatspasmodique  du  conduit  urinaire;  en  voici 
plusieurs  exemples  dus  à  des  causes  différentes. 

Un  officier,  âgé  de  trente-six  ans,  avait  eu  plusieurs  blen- 
norrhajîies  dont  il  s'était  débarrassé  avec  beaucoup  de  bon- 
heur. Sa  santé  était  excellente,  lorsqu'à  la  suite  d'un  excès 
dans  le  coït,  il  se  trouva  tout-à-coup  dans  l'impossibilité  ab- 
solue d'uriner.  Un  seul  cathétérisme  suffit  pour  rendre  à  la 
vessie  la  régularité  de  ses  fonctions.  Quelque  temps  après,  le 
même  accident  se  reproduisit  ;  le  même  moyen  fut  suivi  d'un 
aussi  prompt  succès.  Cet  officier,  ayant  reconnu  la  né- 
cessité de  se  livrer  plus  modérément  au  coït,  n'éprouva  plus 
de  rétention  d'urine. 

D'autres  fois  la  cautérisation  pratiquée  pour  remédier  à  un 
rétrécissement  de  l'urètre  suffit  pour  déterminer  le  spasme 
de  ce  canal  et  s'opposer  à  l'émission  des  urines.  M.  Civiale 
a  cité  l'exemple  d'un  Anglais  que  l'on  traitait  par  cette 
méthode  pour  des  rétrécissemens  très -anciens,  et  qui 
se  trouvait  dans  l'impossibilité  d'uriner  toutes  les  fois 
qu'on  avait  cautérisé  un  point  du  canal,  bien  que  cette  opé- 
ration fût  pratiquée  très-rationnellement,  et  que  l'urètre  ad- 
mît facilement  d'ailleurs  l'introduction  d'une  sonde  de  petit 
calibre. 

EnGn  ce  spasme  de  Purètre  s'observe  assez  fréquemment 
lorsqu'on  pratique  la  lithotritie,  et  il  est  des  malades  chez 
lesquels  chaque  tentative  détermine  une  rétention  d'urine 
plus  ou  moins  prolongée. 

Dans  tous  ces  cas,  il  est,  suivant  M.  Civiale,  un  seul  moyen 
à  employer,  c'est  le  cathétérisme,  qui,  pratiqué  à  temps,  et 
en  mettant  la  plus  grande  lenteur  dans  l'introduction  de 
l'instrument,  rétablit  bientôt  l'équilibre  entre  les  différentes 
parties  des  organes  urinaires,  et  prévient  toute  espèce  d'ac- 
cidens. 


ART.    971. 


Emploi  des  émissions  sanguines  pour  combattre  la  cyanose  des 
nouveaux-nés.  —  Instrumens  pour  remédier  aux  rétrécisse" 
mens  de  l'urètre.  —  Ophtalmie  scropliuleuse  traitée  par  les 
lotions  avec  la  solution  de  nitrate  d'argent.  —  Virus-vaccin 
neutralisé  par  l'ammoniaque. 

Le  dernier  compte-rendu  des  travaux  de  la  Société  de  mé- 
decine pratique  contient  plusieurs  faits  intéressans,  que  nous 
allons  faire  connaître  à  nos  lecteurs. 

Cyanose.  Une  dame  avait  perdu  deux  enfans  cyanoses  quel- 
ques jours  après  leur  naissance,  et  le  médecin  ayant  fait  l'au- 
topsie de  l'un  d'eux,  avait  reconnu  la  non-oblitération  du 
trou  de  Botal.  M.  Bertholet,  appelé  pour  accoucher  la  mère 
une  troisième  fois,  craignit  le  même  accident,  et  laissa  sai- 
gner abondamment  le  cordon  ombilical.  L'enfant  téta  bien 
pendant  trois  jours,  et  fut  pris  de  cyanose  le  quatrième.  Trois 
sangsues  furent  appliquées  à  l'épigastre,  et  le  sang  ayant 
coulé  toute  la  nuit,  la  cyanose  disparut. 

Fistule  vésico-vaginale.  Une  femme  de  vingt-sept  ans  por- 
tait une  ouverture  de  plus  d'un  pouce  de  diamètre,  faisant 
communiquer  le  vagin  avec  la  vessie. Cette  fistule,  suite  d'une 
escarre  gangreneuse,  survenue  après  un  accouchement,  don- 
nait continuellement  passage  à  l'urine.  MM.  les  professeurs 
Boyer  et  Koux,  après  lui  avoir  inutilement  donné  des  soins 
à  la  Charité,  la  renvoyèrent,  en  l'engageant  à  garder  son 
infirmité.  Cependant  M.  le  docteur  Guillon  crut  pouvoir  re- 
médier k  cet  état  de  choses,  en  introduisant  dans  le  vagin  un 
obturateur  qui  consistait  en  une  petite  bouteille  piriforme 
en  caoutchouc,  trouée  de  manière  à  livrer  passage  aux  men- 
strues. Une  sonde  fut  en  outre  placée  dans  la  vessie,  et  fixée 
très-aisément  à  l'extrémité  de  l'obturateur,  qui  dépassait  la 
vulve  d'environ  un  demi-pouce.  De  ce  moment  l'urine  sortit 
par  la  sonde,  et  ne  passa  plus  par  la  fistule.  Le  cinquième 
jour  la  sonde  ayant  été  retirée,  la  malade  put  conserver  l'u- 
rine pendant  environ  une  heure.  Lorsque  M.  Guillon  com- 
muniqua cette  observation  à  la  Société,  celte  femme  restait 
cinq  a  six  heures  sans  uriner;  elle  avait  complèleinent  re- 
couvré le  sommeil,  et  vaquait  à  ses  occupations  habituelles. 

Rétrécissemens  de  l' urètre.  Le  même  médecin,  qui  paraît 


(25) 

s'occuper  des  rétrécisseniens  de  l'urètre  avec  un  très-grand 
succè?,  a  présenté  à  la  Société  un  grand  nombre  d'instru- 
mens  inventés  ou  peifeclionnés  par  lui,  pour  arriver  à  la 
guérison  des  diverses  coarctalions.  On  a  distingué  surtout 
des  bougies  élastiques  très-flexibles,  de  forme  conique,  dont 
l'extrémité  ofîVe  un  renflement  olivaire,  destinées  à  être  in- 
troduites avec  lacilité  dans  le  canal,  lorsque  les  sondes  or- 
dinaires ne  peuvent  passer;  des  bougies  à  ventre,  également 
flexi!)Ics,  qui  présentent  un  renflement  du  double  de  leur 
diamètre  dans  une  étendue  d'environ  deux  pouces  et  demi; 
des  porle-caustiques,  et  plusieurs  espèces  de  sarcotomes  des- 
tinés à  exciser  les  excroissances  qui  peuvent  exister  dans  le 
canal  de  l'urètre.  Voici  un  exemple  cité  par  ce  médecin,  et 
dans  lequel  un  de  ces  sarcotomes  réussit  parfaitement  à  dis- 
siper la  coarctation. 

Un  malade  offrait  une  cloison  qui  séparait  l'urètre  en  deux 
parties  égales  ;  cette  cloison  était  le  résultat  d'une  fausse 
route  faite  par  nue  sonde  armée,  et  qui  avait  été  convertie 
ensuite  par  le  cathétérisme  en  un  second  canal,  offrant  six 
lignes  environ  de  longueur.  L'urine  passant  ainsi  par  ces 
deux  canaux  formait  un  jet  bifurqué.  Le  malade  urinait  qua- 
tre à  cinq  fois  pendant  la  nuit,  et  sept  à  huit  fois  pendant  le 
jour.  M.  Guillon,  pour  inciser  cette  bride,  inventa  un  sar- 
colome  composé  de  deux  canules  d'acier  reçues  l'une  dans 
l'autre.  La  première,  de  neuf  pouces  de  long,  un  peu  arron- 
die à  son  extrémité  vésicale,  présentait  une  fenêtre  d'un  ponce 
de  longueur,  et  qui  occupait  la  moitié  de  la  circonférence; 
la  deuxième,  de  douze  pouces  de  longueur,  offrait  à  l'une  de 
ses  extrémités  une  fenêtre  pareille  à  celle  de  la  canule  ex- 
terne, et  devant  y  correspondre  lorsqu'elles  sont  l'une  dans 
l'autre.  Elles  se  mouvaient  comme  ces  espèces  de  niches 
mobiles  dans  lesquelles  on  renferme  de  petites  statues  d'i- 
voire. L'autre  extrémité  de  la  canule  intérieure  se  terminait 
par  une  sorte  de  baïonnette,  dont  les  côtés  étaient  tranchans 
et,  roulant  sur  les  bords  des  fenêtres  également  tranchans, 
agissaient  comme  les  lames  d'une  paire  de  ciseaux.  En  faisant 
agir  ces  deux  tubes  en  sens  inverse,  ce  chirurgien  excisa  et 
ramena  dans  l'instrument  la  cloison  membraneuse  qui  avait 
quatre  à  cinq  lignes  de  hauteur,  deux  de  largeur,  et  une 
d'épaisseur.  Le  malade  s'est  trouvé  complètement  déhar- 
rassé  de  son  rétrécissement. 

Ophtalmie  scroplmleuse.  Le  docteur  Sterlin  a  cité  un  fait  in- 
téressant de  cautérisation  des  yeux  dans  une  ophtalmie  scro- 


(24) 

fuleuse  très-intense,  faite  avec  succès,  en  barbouillant  l'œil 
avec  un  pinceau  enduit  de  la  pomnaade  ci-après  : 
Pr.     Axonge,   une  once; 

Nitrate  d'argent,  un  grain. 

Plusieurs  membres  ont  assuré  avoir  obtenu  des  succès 
semblables  par  ce  moyen  ;  et  M.  Tanchou,  entre  autres  , 
a  déclaré  avoir  employé  dans  des  cas  analogues  le  nitrate 
d'argent  à  la  dose  de  deux,  cinq  et  même  dix  grains  par  once 
d'eau.  Cependant  iM.  Léger  a  dit  avoir  déterminé  une  in- 
flammation considérable  de  l'œil  et  de  la  joue,  en  cautéri- 
sant légèrement  avec  la  pierre  infernale  un  petit  point  ulcé- 
reux de  la  paupière  intérieure,  cliez  une  jeune  dame 

Firus  vaccin.  M.  Nauche  a  fait  quelques  expériences  cu- 
rieuses pour  constater  l'action  de  l'ammoniaque  sur  le  virus- 
vaccin.  Il  est  résulté  de  ces  expériences  que,  lorsqu'on  vac- 
cine après  avoir  exposé  pendant  quelques  secondes  à  la  vapejr 
de  l'anmioniariue  la  lancette  cliargée  de  vaccin,  il  ne  se  fait 
aucun  développement  de  pustules. 

En  inoculant  sur  un  bras  du  vaccin  qui  a  été  exposé  à  cette 
vapeur,  et  sur  l'autre  bras  du  vaccin  non  altéré  ,  non-seu- 
lement le  développement  ne  se  fait  pas  sur  le  premier  bras, 
mais  il  ne  se  fait  qu'imparfaitement  sur  le  second  bras. 

Enfin,  en  vaccinant  un  enfant  avec  du  vaccin  bien  sûr,  et 
en  faisant,  quelques  minutes  après,  de  nouvellespiqûresavec 
des  lancettes  exposées  à  la  vapeur  de  l'ammoniaque,  l'action 
du  vaccin  est  alTaibiie  ou  détruite,  et  il  n'en  résulte  qu'un 
développement  incomplet  de  pustules. 

M.  Nauche  a  conclu  de  ces  expériences,  et  de  plusieurs 
autres  que  l'on  a  tentées  avec  la  même  substance,  dans  les  cas 
de  morsures  d'animaux  venimeux,  que  l'ammoniaque  pour- 
rait être  employé  avec  succès  pour  neutraliser  l'action  de 
certains  virus,  tels  que  celui  delà  rage,  des  affections  syphi- 
litiques ,  et  même  dans  le  choléra-morbus. 

ART.   972. 

HOPITAL  DES  VÉNÉRIENS. 

g  1.  — Considérations  pratiques  sur  le  traitement  du  bubon  sy- 
plidilique  à  son  drhul,  dans  sa  période  inflammatoire  et  dans 
sa  période  de  suppuration. 

Nous  avons  tracé  à  nos  art.  936  et  937  l'histoire  de  ce 


(   25    ) 

symptôme  syphilitique,  que  l'on  désigne  généralement  sous 
la  dénominalion  de  bubon,  symptôme,  avons-nous  dit,  ex- 
cessivement commun  chez  l'homme,  et  dont  la  thérapeutique 
mérite  de  fixer  toute  notre  attention. 

Le  bubon  syphilitique  est,  comme  on  le  sait,  presque  tou- 
jours la  suite  des  chancres  du  pénis  ou  de  la  vulve.  La  blen- 
norrhagie  détermine  bien  quelquefois  un  engorgement  des 
glandes  inguinales,  mais  ce  symptôme  étant  de  peu  d'impor- 
tance, nous  ne  nous  en  occuperons  point  ici,  et  nous  suppo- 
serons que  la  tumeur  se  sera  développée  sous  l'influence  d'un 
ulcère  syphilitique  plus  ou  moins  enflammé,  dont  la  cure  ne 
devra  point  être  négligée  dans  le  cours  du  traitement. 

On  rencontre  rarement  à  l'hôpital  desVénériens  des  bubons 
syphilitiques  au  moment  même  de  leur  début.  Nous  avons  dit 
plus  haut  que  les  malades  admis  dans  les  salles  offraient  presque 
constamment  des  symptômes  assez  graves  pour  rendre  tout 
travail  absolument  impossible,  et,  d'un  autre  côté,  le  repos 
au  lit,  le  régime  assez  sévère  qu'ils  sont  forcés  d'observer,  et 
le  traitement  doux  et  rationnel  auquel  ils  sont  soumis  après 
leur  admission  dans  l'établissement,  ne  permettent  guère 
l'engorgement  des  glandes  inguinales.  Cependant,  lorsque, 
par  une  cause  quelconque,  de  la  douleur  se  développe  dans 
cette  région,  que  les  ganglions  se  tuméfient  et  s'agglomèrent, 
M.  Cullerier  fait  couvrir  aussitôt  la  tumeur  de  quinze  à  trente 
sangsues,  puis  d'un  cataplasme  de  farine  de  graine  de  lin,  qui 
favorise  l'écoulement  du  sang.  Les  chancres  de  la  verge  sont 
pansés  avec  du  cérat  opiacé,  et  le  malade  mis  au  repos  ab- 
solu, et  au  quart  de  la  portion  (quatre  onces  de  pain),  ou 
même  à  l'usage  des  bouillons  et  des  soupes,  suivant  la  vio- 
lence de  l'inflammation. 

Dans  la  presque  totalité  des  cas,  le  développement  de  l'en- 
gorgement inguinal  est  arrêté,  la  tumeur  s'affaisse,  et  bien- 
tôt se  résout.  31ais  quand  le  bubon  est  formé  depuis  plusieurs 
jours,  quand  il  est  rouge,  enflammé,  que  des  élancemens  s'y 
font  sentir,  il  ne  faut  pas  espérer  une  si  prompte  résolution. 
C'est  cependant  encore  par  la  diète,  le  repos  au  lit,  et  les 
émissions  sanguines,   que  M.  Cullerier  combat  cet  engor- 
gement tant  qu'il  reste  à  l'état  aigu,  et  dans  le  plus  grand 
nombre  des  cas  la   tumeur    se    dissipe    et   se  fond,   sans 
qu'il  s'établisse  un  foyer  de  suppuration.  La  résolution  ainsi 
obtenue,  les  malades  sortent  de  l'hôpital,  sans  avoir  pris  au- 
cuns préparation  mercurielle,  et  depuis  huit  ans  que  cette 
pratique  est  suivie,  le  nombre  des  rechutes,  beaucoup  plus 
faible  que  dans  les  années  précédentes,  n'a  point  fait  regret- 


(a6) 

ter  d'avoir  négligé  de  détruire  par  un  spécifique  le  virus  in- 
troduit dans  l'économie. 

Lorsqu'on  n'obtient  pas  de  cette  manière  la  résolution  du  bu- 
bon S}  philitique,  il  arrive  alors,  ou  bien  qu'il  s'établit  un  foyer 
de  suppuration,  ou  bien  que  l'engorgenrient,  passant  à  l'état 
cbronique,  se  présente  sous  la  forme  d'une  niasse  indurée, 
peu  douloureuse,  mais  toujours  disposée  à  s'enflammer  à  la 
moindre  stiniidation.  Le  traitement  de  ce  bubon  indolent 
fera  le  sujet  d'un  article  à  part,  nous  n'allons  nous  occuper 
ici  que  de  celui  du  bubon  dans  lequel  un  foyer  de  suppura- 
tion est  déjà  formé. 

Lorsque  le  mercure  e'tait  administré  indistinctement  à 
toutes  les'  périodes  de  la  maladie,  rien  n'était  plus  commun 
que  ces  énormes  phlegmons  à  l'ouveiture  desquels  on  trou- 
vait toute  la  peau  de  la  région  inguinale  décollée,  que  ces 
vastes  clapiers  qui  nécessitaient  de  nombreuses  et  larges  ou- 
vertures, soit  avec  le  bistouri,  soit  avec  la  potasse  caustique. 
Aujourd'hui  de  pareils  désordres  sont  presque  sans  exem- 
ple dans  les  salles  de  M.  Cullerier,  et  on  en  aura  la  preuve 
quand  on  saura  que  ce  chirurgien  ne  se  sert  jamais  du  bis- 
touri pour  ouvrir  les  bubons,  une  simple  ponction  pratiquée 
avec  la  lancette  dans  la  partie  la  plus  déclive  sullisaut  presque 
constamment  pour  l'évacuation  du  pus  et  le  recollement  de 
la  peau.  Cette  disposition  favorable  est  certainement  due  à 
l'absence  de  toute  stimulation,  règle  principale  de  traitement 
dont  on  ne  doit  jamais  s'écarter  tant  que  le  bubon  est  à  l'état 
aigu.  Il  est  même  un  grand  nombre  de  circonstances  dans 
lesquelles  le  traitement  indiqué  détermine  l'absorption  du 
pus  sans  qu'il  soit  besoin  d'inciser  les  parois  du  foyer. 

Un  jeune  homme  a  été  couché  le  i5  novembre  dernier  au 
n"  53  de  la  seconde  salle,  offrant  quelques  chancres  à  la  base 
du  gland  et  un  bubon  dans  l'aine  du  côté  droit.  Ce  bubon 
était  du  volume  d'un  œuf  de  poule;  la  peau  qui  le  recouvrait 
était  rouge  et  enflammée,  cl  l'on  sentait  manifestement  dans 
son  centre  une  fluctuation  annonçant  la  présence  d'une 
assez  grande  quantité  de  pu?.  Cet  homme  offrait  en  outre 
quelques  légers  symptômes  d'une  fièvre  inflammatoire,  qui 
engagèrent  M.  Cullerier  à  lui  faire  pratiquer  une  large  sai- 
gnée du  bras.  Dés  le  18,  l'état  général  du  malade  était  Irès- 
sali^faisant,  mais  la  tumeur  n'éprouvait  aucun  changement; 
vingt-cinq  sangsues  furent  appliquées  autour  de  sa  base,  et, 
au  bout  de  quelques  jours,  ime  diète  assez  sévère  ayant  été 
observée,  on  ne  rencontrait  plus  de  fluctuation.  Le  pus  avait 
été  absorbé  en  totalité.  La  >en)aine  suivante,  la  peau  se  re- 
colla, et  la  tumeur  se  fondit  en  tolalilé.  Ce  jcuue  homme 


(37) 

sortit  de  l'hôpital  dans  les  premiers  jours  de  décembre,  n'of- 
frant aucune  trace  de  la  maladie  qui  avait  niolivé  son  entrée. 
Le  régime  prescrit  avait  élé  le  suivant  :  pendant  les  trois 
premiers  jours,  diète  absolue;  les  deux  jours  suivans,  deux 
bouillons,  deux  soupes,  puis  ensuite  le  quart  et  la  dymi- 
portion.  Tisane  commune  de  chiendent  et  de  réglisse  pour 
boisson  ordinaire. 

Cependant,  soit  que  l'inflammation  ait  pénétré  trop  pro- 
fondément, soit  que  sa  persistance  tienne  à  des  dispositions 
particulières,  il  est  des  cas  dans  lesquels  lapeau,  décollée  dans 
une  certaine  étendue,  s'amincit,  et  ne  peut  plus  contracter 
d'adhérence  avec  les  parties  sous-jacentes.  Ici  nous  devons 
faire  une  distinction  importante.  Tant  que  les  tégumens  con- 
servent leur  épaisseur,  et  surtout  leur  couleur  naturelle,  on 
peut  espérer  d'obtenir  par  des  pausemens  simples  le  recol- 
lement de  ces  parties  ;  mais  quand  la  peau  est  amincie,  et  a 
pris  une  couleur  violette,  il  est  presque  indispi  nsable  de 
iéndie  le  trajet  ûstuleux  dans  toute  son  étendue,  et  même 
d'en  réséquer  les  bords  pour  arriver  à  la  guérison. 

Au  n"  44  d^  ^^  seconde  salle  était  encore  couché,  il  y  a  peu 
de  temps,  un  homme  qui  portait  dans  l'aine  gauche  un  bu- 
bon naguère  très -volumineux  et  fluctuant,  mais  depuis 
une  semaine  réduit  à  une  fistule  de  trois  pouces  environ  de 
profondeur;  les  tégumens  conservaient  leur  couleur  natu- 
relle ;  mais  l'extrémité  du  stylet,  parvenue  au  fond  du  cul-de- 
sao,  soulevait  la  peau  tellement  amincie,  qu'elle  ne  sem- 
blait pas  avoir  dans  ce  point  plus  d'épaisseur  qu'une  feuille 
de  papier.  Une  légère  contre-ouverture  fut  faite  avec  la 
pointe  d'une  lancette,  et  l'on  pansa  les  deux  petites  plaies 
avec  la  solution  suivante  : 

Extrait  gommeux d'opium,  un  gros; 
Eau,  une  once. 

Au  bout  de  trois  jours  un  recollement  s'était  opéré  dans 
toute  l'étendue  du  trajet  fisluleux. 

On  a  été  moins  heureux  chez  un  homme  de  quarante  ans, 
couché  à  quelques  lits  plus  loid,  et  qui  offrait  également  un 
décollement  de  la  peau  dans  l'aine  du  côté  droit.  Des  injec- 
tions furent  faites  avec  une  solution  de  sublimé  (un  grain  de 
Siiblimé  pour  une  once  d'eau  distillée);  mais  la  peau  était 
amincie,  de  couleur  violette,  et  il  fallut,  après  quehfues  nou- 
veaux essais,  fendre  le  trajet  ûstuleux  dans  toute  sa  lon- 
gueur, et  enlever  avec  des  ciseaux  toutes  les  portions  de 
peau  décollées  et  flottantes  de  chaque  côté. 


(28) 

Le  plus  souvent,  daus  ces  cas  de  fistules,  M.  Cullerier  in- 
troduit sous  la  peau  dénudée  un  crayon  de  nitrate  d'argent, 
qu'il  promène  à  plusieurs  reprises  dans  tous  les  sens.  Si 
le  trajet  fistuleux  est  trop  profond  pour  que  tous  les  points 
soient  ainsi  cautérisés,  on  fait  des  injections  avec  le  sulfate 
de  cuivre  (quatre  à  six  grains  par  once  d'eau),  le  sulfate  de 
zinc  (huit  à  dix  grains  pour  la  nième  quantité  de  liquide), 
le  sublimé  (  un  grain  par  once  ),  les  acides  minéraux 
étendus  d'eau,  l'alcool,  le  nitrate  acide  de  mercure,  etc. 

ÀKT.  975. 

Sa.  —  Traitement  du  bubon  ulcéré  ;  incision  des  bords  de  C  ul- 
cère; ulcérations  succédant  aux  piqûres  de  sangsues:  emploi 
de  la  carotte,  des  sangsues,  de  l'opium,  etc. 

Quel  que  soit  le  moyen  qu'on  ait  employé  pour  ouvrir  un 
bubon  à  l'état  de  suppuration,  il  en  résulte  toujours  un  ul- 
cère dont  les  bords  sont  formés  par  la  peu  décollée,  et  le  fond 
repose  sur  une  masse  engorgée.  Ici  encore  le  repos  au  lit, 
un  régime  sévère  et  des  applications  émollienles  conviennent 
le  plus  souvent  jusqu'à  cicatrisation  parfaite;  mais  il  est  des 
cas  dans  lesquels  le  mal  résiste  avec  opiniâtreté,  et  qui  né- 
cessitent l'emploi  successif  de  beaucoup  de  moyens  dontnous 
devons  donner  le  détail. 

Il  arrive  souvent,  par  exemple,  que  la  peau  formant  les 
bords  de  l'ulcère  se  reploie  en  dedans  de  manière  à  se  tou- 
cher de  chaque  côté  par  son  épiderme. 

Il  est  impossible  que  dans  cet  état  de  choses  la  cicatrisa- 
tion s'opère,  si  l'on  n'a  pas  la  précaution  de  réséquer  en  bi- 
seau les  bords  de  la  plaie,  avec  des  ciseaux  courbes  sur  leur 
plat  ;  c'est  une  forme  d'ailleurs  qu'il  faut  toujours  avoir  soin 
de  donner  à  toutes  les  incisions  qu'on  est  obligé  de  pratiquer 
pour  remédier  aux  décollemens  de  la  peau. 

Au  n"  L[i  était  couché  un  jeune  homme  qui,  depuis  trois 
semaines,  offrait  un  ulcère  de  ce  genre,  situé  dans  l'aine  du 
côté  droit,  et  dont  la  forme  alongée  semblait  devoir  faciliter 
la  cicatrisation  ;  mais  les  bords  en  étaient  repliés  sur  eux- 
mêmes,  de  manière  que  pour  que  la  cicatrisation  eût  eu  lieu, 
il  aurait  été  nécessaire  que  la  peau,  recouverte  de  son  épi- 
derme,  adhérût  à  la  peau  du  côté  opposé;  de  chaque  côté, 
les  rebords  ont  été  enlevés  avec  les  ciseaux  et  taillés  en /'«eau; 


(29) 
au  bout  de  quelques  jours,  la  plaie  avait  diminué  d'un  tiers 
de  son  étendue  :  après  une  semaine  environ,  elle  était  com- 
plètement cicatrisée. 

Mais  pour  faire  cette  opération,  de  même  que  pour  pra- 
tiquer toute  incision  sur  des  points  qui  sont  le  siège  d'une 
aflection  syphilitique,  les  praticiens  ne  doivent  jamais  né- 
gliger de  commencer  par  combattre  l'inflammation  de  la 
peau  avant  de  l'entamer  avec  l'instrument  tranchant.  L'ou- 
bli de  cette  précaution  essentielle  peut  avoir  les  conséquen- 
ces les  plus  fâcheuses.  Souvent,  en  effet,  la  peau  de  la  ré- 
gion inguinale,  aprèsces  incisions  imprudemment  pratiquées, 
est  envahie  par  un  ulcère  phagédéniqne  qui  la  détruit  dans 
une  surface  plus  ou  moins  étendue,  comme  nous  avons  vu 
le  prépuce  rongé  par  un  ulcère  de  même  nature  après  l'opé- 
ration du  phimosis  faite  dans  des  circonstances  aussi  défa- 
vorables. 

C'est  pour  avoir  négligé  ce  précepte  qu'on  a  vu  survenir 
chez  un  jeune  homme,  encore  couché  dans  les  salles  de  l'in- 
firmerie, l'ulcère  le  plus  épouvantable  que  nous  ayons  ja- 
mais rencontré.  Ce  malade,  qui  est  dans  les  salles  de  31.  Cul- 
lerier  depuis  huit  mois  environ,  était  traité  depuis  un  temps 
plus  long-temps  encore  dans  un  autre  service.  Deux  bubons 
inguinaux  avaient  été  ouverts,  et  l'on  avait  réséqué  avec  des 
ciseaux  la  peau  décollée  et  flottante,  alors  même  qu'elle  était 
le  siège  d'une  vive  inflammation.  Les  plaies,  loin  de  se  ci- 
catriser, prirent  aussitôt  l'aspect  du  chancre,  et  envahirent, 
par  un  mouvement  qu'il  fut  impossible  d'arrêter,  tous  les  té- 
gumens  de  l'abdomen.  Cet  horrible  ulcère  occupait,  lorsque 
nous  vîmes  le  malade  pour  la  première  fois,  tout  l'espace 
compris  entre  l'ombilic  et  le  pubis  de  haut  en  bas ,  et  trans- 
versalement s'étendait  d'un  os  des  isles  à  l'autre. 

Ce  malheureureux  avait  vainement  fait  usage  des  prépa- 
rations mercurielles  sous  soutes  les  formes;  on  avait  égale- 
ment employé  tous  les  topiques  recoxnmandés  en  pareil  cas. 
Il  était  fort  amaigri;  une  suppuration  excessive  répandait 
une  odeur  infecte.  M.  CuUerier  supprima  toute  espèce  de 
médication  active,  se  bornant  à  prescrire  des  applications 
émollientes  et  chlorurées,  et  des  bains  de  siège  de  même  na- 
ture. Ces  moyens  simples  ne  tardèrent  pas  à  amener  une 
amélioration  sensible,  et  en  quelques  semaines  l'ulcère  prit 
un  assez  bon  aspect. 

Le  malade  qu'on  laissait  ainsi  reposer  reprit  bientôt  du 
courage  et  de  l'embonpoint  ;  une  vaste  cicatrice  s'étendit 


(5o) 

enfin  sur  la  plaie  dans  presque  touteson  étendue  ;  celte  pel- 
licule s'étant  rompue  dans  quelques  points,  on  pansa  avec 
la  pommade  de  proto-iodure  aflaiblie  (i),  et  sous  l'inûuence 
de  ce  traitement  simple,  la  cicatrisation  s'est  complètement 
opérée. 

M.  CuUerier  a  vu  dans  sa  longue  pratique  un  assez  grand 
nombre  de  faits  de  ce  genre,  et  nous-même  nous  avons  été 
témoin  d'accidens  semblables  qui,  pour  avoir  eu  des  suites 
moins  fâcheuses,  n'en  doivent  pas  moins  vivement  frapper 
ratterition  des  praticiens. 

Les  plaies  faites  par  l'instrument  tranchant  sur  des  tégu- 
mens  enflammés  ne  sont  pas  les  seules  causes  de  ces  ulcéra-- 
tions  interminables,  il  en  est  une  autre  que  nous  devons  si- 
gnaler ici,  bien  que  l'ulcère  qui  en  résulte  soit  en  quelque 
sorte  distinct  du  bubon  lui-même.  Nous  voulons  parier  des 
piqûres  de  sangsues  qui  se  Iransformeut  quelquefois  en  vé- 
ritables chancres  d'apparence  syphilitique.  La  nature  de  ces 
ulcères  est  évidemment  dillérente  de  ceux  qui  succèdent  à 
l'ouverture  du  bubon;  car  ce  dernier,  qui  est  un  symptôme 
consécutif  de  vérole,  n'est  pas  susceptible  de  se  transmettre 
par  contagion,  tandis  que  l'ulcère  qui  résulte  de  la  piqûre 
des  sangsues  peut  produire  par  l'inoculation  lu  contagion 
aussi  bien  que  l'ulcère  S3'^phililique  du  gland. 

Daus  le  dernier  rang  de  la  seconde  salle,  nous  avons  vu 
un  jeune  homme  porteur  d'un  bubon  autour  duquel  plu- 
sieurs sangsues  avaient  été  appliquées;  quebjues-unes  des 
piqûres  s'étant  enflammées,  du  pus  fut  lecueilli  sur  l'une 
d'elles  avec  une  lancette,  et  inoculé  sur  la  partie  interne  de 
la  cuisse.  Il  en  résulta  une  pustule  dont  lo  sumuiet  s'ulcéra 
et  fournit  un  puscjui,  inoculé  une  seconde  fwis,  produisit  en- 
core une  ulcération  semblable  (2). 

Si  malgré  les  dillërcnces  essentielles  qui  existent  entre  le 


(1)  Prolo-iotliire  de  mcrciiro,  un  scruimli;  ; 
Cérat,  deux  onces. 

(2)  M.  Cullcricr  a  vaiaetncnt  Icnlé  d'inoculer  du  pus  recueilli  sur  un 
buLuii  a  diverses  époques.  Il  n'a  pas  élé  plus  heureux  en  intrudiiisant 
du  pus  l)lennorrlia^'i(pie  sous  la  peau,  et  l'un  sait  ipie  celte  inocula  tiua 
réussit  dans  la  plupart  des  cas  dans  l'urèlre.  Les  cliancres  situés  dan  s 
cette  partie,  de  même  que  sur  le  ^land,  le  prépuee,  etc.,  sont  éuiinein  - 
ment  contagieux,  etïoat  traDSoiLs  par  l'inoculation  sur  toutes  les  par  - 
ties  du  corps. 


(31) 

bubon  ulcéré  et  les  ulcérations  qui  résultent  des  piqûres  de 
sangsues,  nous  nous  occupons  ici  de  ces  dernières,  c'est  que, 
dans  un  grand  nombre  de  cas,  tous  ces  ulcères  se  réunissent 
pour  n'en  former'qii'un  seul,  et  que  quelles  que  soient  d'ailleurs 
les  différences  de  causes  et  d'origine  de  ces  diverses  affec- 
tions, le  traitement  à  leur  opposer  est  toujours  absolument 
la  même. 

Un  jeune  homme  de  vingt-huit  ans,  exerçant  la  profession 
de  tailleur,  est  entré  à  l'hôpital  le  25  février  i835,  offrant  un 
bubon  dans  l'aine  du  côté  droit  et  quelques  chancres  sur  le 
gland.  Des  sangsues  furent  aussitôt  appliquées  sur  le  bubon; 
il  en  résulta  peu  de  diminution  dans  la  tumeur.  Le  25  mars, 
quinze  autres  sangsues  furent  mises  autour  de  sa  base;  les 
piqûres  ne  tardèrent  pas  à  s'enflammer  et  à  s'ulcérer  à  leur 
sommet.  Ces  ulcérations  s'agrandissant  s'unirent  par  leurs 
bords  et  formèrent  bientôt  une  vaste  plaie  occupant  le  côté 
droit  du  bas-ventre  ,  et  la  partie  supérieure  de  la  cuisse  dans 
la  largeur  des  deux  mains  environ. 

On  combattit  d'abord  cet  ulcère  par  des  applications 
émollientes  sans  aucune  espèce  d'amendement;  puis,  dans 
l'espace  de  plusieurs  mois,  on  eut  recours  à  des  compresses 
trempées  dans  l'eau  blanche,  puis  dans  une  solution  d'o- 
pium; on  sema  à  sa  surface  successivement  le  calomel  et  le 
proto-iodure  de  mercure  ;  on  appliqua  un  vésieatoire  sur  la 
plaie  elle-même  sans  en  retirer  plus  d'avantages.  Des  com- 
presses trempées  dans  de  la  liqueur  de  Van-Swieten  sem- 
blèrent agir  un  peu  plus  efficacement  ;  mais  cette  légère 
amélioration  fut  de  courte  durée.  Enûn  un  vésieatoire  fut 
pliicé  ;\  la  partie  moyenne  de  la  cuisse,  et  n'eut  pas  de  meil- 
leur résultat. 

Pendant  l'usage  de  ces  divers  topiques,  on  ne  négligea  pas 
les  moyens  intérieurs.  Des  frictions  mercurielles  furent  faites 
pendant  seize  jours;  une  violente  salivation  étant  survenue, 
il  fallut  les  interrompre;  on  donna  alors  des  pilules  de  pro- 
to-iodure de  mercure  (i)  sans  plus  de  succès. 


(i)  Pr.  Proto-iodure  de  mercure,  donze  grains  ; 
Extrait gommeux  d'opium,  douze  grains; 
Extrait  de  gaiac,  un  gros. 

Faites  vingt-quatre  pilules  :  le  malade  en  prend  une  le  matin  et 
une  le  soir. 


(32) 

Le  5  décembre,  l'ulcère  s'étendait  en  serpentant  jusqu'à 
la  partie  supérieure  de  la  cuisse,  ses  bords  étaient  fort  élevés 
et  rugueux,  son  fond,  de  couleur  blafarde,  fournissait  un 
ichor  fétide  et  très-abondant.  Quelquefois  plusieurs  points 
de  sa  surface  semblaient  di.»posés  à  se  cicatriser  et  se  recou- 
vraient d'une  pellicule  blanche,  mais  cette  légère  membrane 
se  rompait  bientôt,  et  la  plaie  restait  dans  le  même  état. 

M.  CuUerier  se  disposait  à  promener  un  cautère  actuel 
sur  la  surface  blafarde  de  ce  large  ulcère,  lorsqu'il  voulut, 
avant  d'en  venir  à  ce  moyen  extrême,  essayer  un  cataplasme 
de  carottes  crues,  râpées,  dont  nous  avions  eu  occasion  de 
voir  les  bons  efîets  dans  un  cas  semblable.  Le  malade  se 
plaignit  le  lendemain  d'avoir  éprouvé  quelques  do'jleurs 
dans  la  plaie;  le  jour  suivant  il  nous  montra  de  petits  vers 
qui  rampaient  à  la  surface  de  l'ulcère;  ces  vers,  qui  s'étaient 
évidemment  développés  dans  la  pulpe  de  carotte,  trop  an- 
ciennement râpée,  ne  reparurent  plus  lorsqu'on  eut  pris  la 
précaution  de  ne  broyer  cette  racine  qu'au  moment  même 
d'en  faire  usage.  Pendant  quinze  jours,  l'ulcère  olïiit  à  peu 
près  le  même  aspect;  cependant  une  légère  amélioration  en- 
gageait à  en  continuer  l'usage,  lorsque  tout-à-coup  ses  bords 
s'affaissèrent,  son  fond  se  couvrit  sur  plusieurs  points  d'une 
pellicule  qui  s'étendit  en  quelques  jours  sur  toute  sa  surface, 
et  pioduisit  ainsi  une  cicatrisation  complète  et  solide  d'un 
ulcère  qui  avait  l'ésislé  neuf  mois  à  toutes  les  ressources  de 
l'art. 

Ce  jeune  homme  est  rentré  à  l'hôpital  au  bout  de  six  mois 
pour  se  faire  traiter  de  chancres  et  d'un  nouveau  bubon  qui 
s'était  développé  sous  la  cicatrice  de  l'ancien.  Il  est  sorti 
guéri  après  un  mois  de  traitement  simple  (i).  Le  bubon 
était  assez  voluuiineux  ;  il  s'est  terminé  par  résolution,  et 
l'on  n'a  fait  aucune  application  de  sangsues 

11  serait  inutile  de  s'étendre  davantage  sur  le  traitement 
de  ces  sortes  d'ulcères,  l'exemple  que  nous  venons  de  citer 
résume  tous  les  moyens  que  M.  CuUerier  est  dans  l'usage 
de  leur  opposer. 


(i)  Nous  avons  eu  occasion  «le  voir  il  y  a  douze  ans  environ,  dans  le 
service  de  M.  Cfichard,  à  l'Ilùttl-Dicu  de  Nantes,  une  piHrison  abso- 
lument semblable,  obtenue  avec  la  pulpe  de  carotte  crue,  i.1p<e,  et  ap- 
pliquée directement  sur  l'ulcerc.  La  cicatrisation  s'opéra  plus  rapide- 
ment encore  que  dans  l'exemple  que  nous  venons  de  citei.  Nous  pou- 
vons ajouter  l'observation  d'un  ancien  cbel'  de  musique,  coucbé  pri'.a 


(55) 

Il  est  lin  autre  point  sur  lequel  nous  insistons  ici  :  souvent 

le  bubon  ulcéré  prend  une  couleur  hluAircle,  ses  bords  se 
gonflent,  et  le  malade  y  re?.«-enl  une  dduleur  exhtmfiiient 
■vive.  Cet  état  a  le  plus  grand  rapport  avec  celui  qu'on  a  dé- 
sigué  sous  le  nom  de  puuiriluie  d'hôpilal,  et  il  est  probable 
que  si  l'on  n'y  oj-po.siil  le?  moyens  convenables,  on  aurait 
les  mêmes  résultais.  M.  Culleiitr  s'empresse  alors  déplacer 
à  plusieurs  reprises  des  sangsues  dans  le  centre  même  de 
Pulcére,  puis  il  le  recouvre  d'une  liès-lorle  .«-(dulion  d'o- 
piuui.  Les  morsures  de  sangsues  sont  beaucoup  moins  dou- 
loureuses sur  le  fond  même  d'un  ulcère  qu'à  la  surface  des 
tégumens,  et  nous  n'avons  jamais  remarqué  que  celle  pra- 
tique fût  suivie  des  plus  légers  accidens. 

Le  dégorgement  obtenu  par  ces  évacuations  sanguines 
amène  toujours  une  amélioialion  sensible  dans  l'aspect  de  la 
pluie  et  même  dans  l'elat  géucial  du  malade. 

Kous  répéterons  eu  lei minant  cet  ailicie  ce  que  nous 
avoiis  eu  occasion  de  diie  plusieurs  fois  :  c'est  que  les 
médecins  ne  consultent  pas  assez  la  santé  générale  des  ma- 
lades qui  sont  atteints  d'allectious  syphilitiques.  Les  symptô- 
mes locaux  absorbent  toute  leur  attention,  lanilis  qu'ils  doi- 
vent dans  tous  les  cas  commencer  pas  guérir  les  viscères 
souflrans,  s'ils  veulent  obtenir  la  cure  de  la  vérole  en  gé- 
néral, et  surtout  la  cicatrisation  des  bubons  ulcérés. 


du  tailleur  dont  nous  venojis  de  rapporter  l'histoire,  et  qui  présentait 
depuis  deux  ans  de  larges  ulcères  tuberculeux  occupant  toute  la  joue 
gauche,  la  tempe  et  une  partie  du  cou.  Ce  malheureux  séjournait  à 
rhùjiilal  depuis  plus  d'une  année,  lorsque  la  pulpe  de  carotte  râpée  fut 
appliquée  cuiiinie  r'ans  les  exemple»  precédcn».  Au  bout  de  quelques 
jours  !.<ulenient  l'ulcère  prit  un  meilleur  a>pect,  el  <|ue]qiies  scniaioes 
suSîitat  pour  «n  ami  uei  la  ci(  atiisiilmn  presque  cunplèu-;  mais  il  resta 
quelques  points  induiés  sur  lesquels  la  nouvelle  peau  ne  pul  s'etendie. 
Cependant  le  malade,  après  un  séjour  de  plusii  urs  mois  encore,  sortit 
en  septembre  de  l'hôpital  pai  l'ailemcnt  guéri  ;  il  s'est  présenté  plusieurs 
fois  depuis  cette  époque  à  la  considtalion,  sa  guérison  se  maintient 
paifaitemeat. 


VI. 


(54) 

AUT.   974. 

LEÇONS  CLINIQUES  DE  LA  PITIÉ  (1). 

Charbon  très 'étendu;  réflexions  pratiques  sur  cette  affection  et 
sur  le  traitement  à  y  opposer. 

Le  21  novembre  dernier,  un  homme  Sgé  de  cinquante 
ans,  employé  à  laver  les  laines,  senlit  se  former  en  quelques 
heures,  sur  la  partie  antérieure  et  droite  du  front,  à  un  demi- 
pouce  au-dessus  du  sourcil,  un  bouton  à  base  dure  et  pro  - 
fonde,  qui,  d'abord  peu  étendu,  ne  tarda  pas  à  s'élargir.  Le 
centre  de  ce  bouton  prit  une  tetnle  livide,  puis  brune,  et  les 
parties  enviroimantes  finirent  par  se  tendre  et  constituèrent 
un  cercle  euûauimé  et  hiisaiit. 

Le  lendemain,  la  tuméfaction  avait  envahi  toute  la  moitié 
droite  du  front,  la  paupière  supérieure  et  inférieure,  la  joue, 
et  une  portion  du  cou  de  ce  côté. 

Le  troisième  jour,  ces  parties  offraient  une  tension  élas- 
tique qui  gagna  le  côté  gauche  de  la  face.  La  douleur,  qui 
d'abord  avait  été  nulle,  devint  sourde,  puis  gravative  ;  le 
malade  éprouva  de  temps  à  autre  un  sentiment  de  froid  dans 
les  parties  affectées,  les  paupières  de  l'œil  droit  se  tuméflè- 
rent  au  point  de  ne  plus  s'ouvrir,  et  ce  fut  dans  cet  état  que 
le  malade  se  présenta  à  la  Pitié. 

La  simple  inspection  du  mal  permit  facilement  de  consta- 
ter l'existfMice  d'un  charbon,  et  tout  de  suite  on  cul  recours  à 
la  cautérisation  avec  le  fer  rouge  qui  fut  promené  sur  les 
points  morliûéà  aussi  bien  que  sur  les  parties  environ- 
nantes. 

Le  lendemain  de  cette  cautérisation,  les  symptômes  mor- 
bides, loin  de  s'auieiidfîr,  seuil>luient  avoir  pris  un  nouvel 
accroissement,  et  l'enflure  élastique  était  encore  plus  pro- 
noncée. 

M.  Lisfranc,  bien  convaincu  que  le  succès  dans  une  afiec- 


(1)  M.  Hosfan  n'ayant  pas  encore  com  inencé  ses  leçons  <Jc  clinique, 
nous  sommis  J'orcé  de  rejeter  au  prochaia  cabicc  la  revue  des  salles  de 
ce  professeur  à  l'hospice  de  la  Faculté. 


(35) 

tion  aussi  grave  dépend  à  la  fois  de  la  promptitude  et  de  la 
hardiesse  avec  lesquelles  on  agit,  procéda  à  uae  nouvelle 
caulérisation  de  la  manière  suivante. 

Le  25  novembre  au  matin,  le  malade  étant  couché  sur  le 
dos,  la  tête  ajipiiyée  sur  des  oreillers  et  maintenu  par  des 
aides,  rescarie  lut  incisée  crucialement,  uu  fer  légèrement 
rougi  fut  placé  profondément  dans  la  plaie  et  maintenu  jus- 
qu'à un  commencement  de  refroidissement  ;  ensuite  ce  fer 
fut  porté  sur  toute  la  circonférence  du  mal  dans  l'étendue 
de  quatre  pouces,  de  manière  à  prodisire  ainsi  des  brûlures 
à  divers  degrés  et  d'autant  moins  profondes  qu'on  s'écartait 
du  centre  de  la  tumeur.  Quatre  fuis  de  suite  de  nouveaux 
cautères  furent  ainsi  portés  dans  l'intérieur  de  l'escarre 
incisée  et  sur  toute  la  face,  et  pour  entretenir  par  le  contact 
de  l'air,  l'excitation  dans  les  parties  brûlées,  la  plaie  fut 
laissée  à  découvert. 

Le  canal  intestinal  étant  en  bon  état,  on  prescrivit  pour 
boisson  la  décoction  de  quinquina,  celle  de  serpentaire  de 
Virginiri  et  de  polygala. 

Le  26  novembre,  la  nature  de  la  douleur  avait  sensible- 
ment changée;  au  sentiment  de  froid  et  d'engourdissement 
qui  existait  la  veille  avait  succédé  une  chaleur  cuisante,  et 
une  rougeur  érysipélateuse  couvrait  le  côté  gauche  de  la  face; 
les  mêmes  prescriptions  furent  encore  continuées. 

Le  27,  l'état  de  torpeur  avait  presque  entièrement  dis- 
paru ;  l'enflure  élastique,  qui,  les  jours  précédens,  occupait 
une  si  grande  surface,  était  à  peine  appréciable,  et  bien  que 
le  cercle  inflammatoire  n'eût  point  séparé  les  parties  mortes 
des  parties  saines,  on  apercevait  néanmoins  au  pourtour  du 
mal  une  rougeur  franche  sous  l'épiderme,  soulevé  par  l'ac- 
tion du  cautère. 

L'excitation  ayant  paru  suffisante,  M.  Lisfranc  fit  couvrir 
les  parties  malades  d'un  cataplasme  de  farine  de  lin,  en  re- 
commandant de  le  supprimer  dans  le  cas  où  l'enflure  élasti- 
que reparaîtrait,  aussi  bien  que  les  symptômes  généraux, 
tels  que  la  torpeur,  l'engourdissement,  etc. 

Du  6  au  12  décembre,  les  escarres  se  détachèrent  suc- 
cessivement :  une  d'elles  occupant  la  paupière  supérieure 
fit  craindre  pendant  quelques  jours  que  l'épaisseur  de  la 
paupière  eût  été  comprise  avec  elle,  et  que  l'œil  lui-même 
ne  lui  sacrifié.  Mais  bientôt  on  reconnut  l'inlégrité  de  ces 
parties.  Aujourd'hui  les  paupières,  quoique  iiifiltr-ées,  s'en- 
Ir'ouvrent  assez  pour  permettre  au  malade  de  disti  nguer  les 
objets  environuans.  La  plaie,  r  tduite  aux  deux  tiers,  offre 


(36) 

toutes  les  conditions  d'une  simple  brûlure,  qui  n'aura  d'au- 
tre résultat  lâcheux  qu'une  cicatrice  un  peu  étendue. 

Celte  intéressante  observation  a  donné  occasion  à  M.  Lis- 
franc  d'exposer  les  considérations  pratiques  suivantes  : 

De  toutes  les  maladies  qui  aflectent  l'économie,  le  char- 
bon est  sans  contredit  une  des  plus  redoutables,  en  ce  qu'elle 
peut,  si  l'on  n'arrête  sa  n)arche  dès  le  début,  amener  en  fort 
peu  de  temps  la  mort  du  malade.  Il  est  donc  important  d'a- 
gir avec  toute  la  promptitude  possible  pour  éviter  l'absorp- 
tion du  virus.  La  gravité  des  symptômes  étant  aussi  subor- 
donnée à  la  manière  dont  le  mal  a  été  communitjué,  on 
doit  s'enquérir  d'abord  des  causes  qui  l'ont  fait  naître;  ainsi 
le  danger  sera  moindre  si  le  charbon  a  été  produit  par  le 
simple  contact  de  la  peau,  c'est-à-dire  en  touchant  des  par- 
ties d'animaux  morts  de  cette  maladie,  que  s'il  est  le  résul- 
tat de  l'aspiration  de  vapeurs  méphitiques  provenant  des 
matières  des  selles,  parce  que  dans  ce  dernier  cas  le  prin- 
cipe délétère  agit  presque  instantanément  sur  toute  l'éco- 
nomie. 

On  a  pensé  que  le  virus  du  charbon  était  différent  de  celui 
de  la  pustule  maligne;  suivant  M.  Lisfranc,  ce  virus  paraît 
identique  :  ainsi,  un  homme  atteint  de  charbon  peut  commu- 
niquer la  pustule  maligne,  et  vice  versa. 

Les  résultats  presque  toujours  funeste?  du  charbon  déve- 
loppé sur  un  point  quelconque  de  l'économie,  ont  engagé 
beaucoup  d'auteurs  ;'i  conseiller  de  cautériser  dans  tous  les 
cas.  Néanmoins  il  faut  savoir  qu'il  est  quelques  circonstances 
rares  où  la  maladie  s'ariête  d'elle-même,  et  il  y  aurait  in- 
convénient grave  ù  cautériser,  si  l'on  était  appelé  lorsque 
déjà  un  cercle  inflammatoire  bien  tranché  borne  les  progrès 
du  mal. 

Quelques  praticiens  veulent  qu'on  emploie  de  préférence, 
pour  aiieux  centraliser  le  mal,  le  cautère  potentiel  qui,  sui- 
vant eux,  agit  plus  profondément;  mais  avec  le  fer  rouge,  il 
est  facile  d'atteindre  à  la  profondeur  nécessaire,  et  l'on  me- 
sure bien  mieux  l'action  de  ce  fer  qu'on  ne  le  ferait  du  caus- 
tique, qui  parfois  dépasse  les  limites  du  mal  :  c'est  donc  au 
Cautère  actuel  (|u'il  faut  avoir  recours. 

Généralement  on  se  contente,  lorsque  l'on  emploie  le  fer 
rouge,  de  cautériser  .«-eulenient  ijur  l'escarre,  après  l'avoir 
incisée  crucialement,  ou  enlevée  en  partie;  ou  bien,  si  l'on 
croit  devoir  étendre  plus  loin  la  cautérisation,  on  promène 
le  fer  sur  les  parties  qui  ciiconsciivent  l'tbcarre;  néanmoins 
ces  précautions  sont  pour  l'ordinaire  iusuflisantes,  et  l'on  s'ex- 


(37) 

pose  à  voir  la  maladie  se  reproduire  :  en  effet,  si  l'on  cautérise 
sur  le  centre  de  la  tumeur  seulement,  l'action  du  fer  rouge 
n'a  lieu  que  sur  des  parties  mortifiées,  et  le  résultat  est  nul  ; 
et  lorsqu'on  ne  fait  qu'étendre  la  cautérisation  sur  les  points 
immédiatemeaten  rapport  avec  l'escarre,  on  agitalors  sur  des 
tissus  qui,  bien  que  n'étant  pas  entièrement  privés  de  vie, 
sont  au  moins  impiégnés  du  virus  et  frappés  d'une  asthénie 
telle  que  toute  réaction  devient  impos^sible;  il  faut  donc 
cautériser  au  loin,  en  agissant  d'autant  moins  profondément 
qu'on  s'éloigne  de  l'escarre. 

Le  but  qu'on  se  propose  en  cautérisant  sur  une  large  sur- 
face n'est  pas  seulement  de  séparer  comjtlètement  les  par- 
ties imprégnées  du  virus  et  déjà  gangrenées,  mais  aussi 
d'exalter  les  propriétés  vitales  dans  celles  qui  sont  seulement 
frappées  de  stupeur,  et  le  meilleur  moyeu  est  d'employer 
des  fers  peu  rougis,  de  manière  à  exciter  les  tissus  et  y  déter- 
miner la  formation  d'un  cercle  inflammatoire,  indice  cer- 
tain de  l'arrêt  du  progrès  de  la  maladie. 

Le  charbon,  peu  commun  à  Paris,  s'observe  particulière- 
ment dans  le  midi  de  la  France,  et  il  faut  avoir  été  témoin 
de  la  rapidité  avec  laquelle  il  sévit  parfois,  pour  s'expliquer 
la  témérité  du  chirurgien  en  cautérisant  ;  et  ce  serait  bien  à 
tort  que,  dans  un  cas  de  charbon  un  peu  étendu  ,  on  hésite- 
rait à  porter  au  loin  le  fer.  dans  la  crainte  de  léser  des  par- 
ties intéressantes  ,  telles  que  l'oeil,  etc.,  ou  de  produire  des 
cicatrices  difformes;  car,  en  temporisant,  on  voue  le  malade 
à  une  mort  certaine. 

Il  est  important,  lorsque  la  cautérisation  a  été  opérée,  de 
ne  pas  employer  trop  tôt  les  émolliens,  comme  le  conseil- 
lent quelques  chirurgiens  qui  couvrent  tout  de  suite  la  partie 
cautérisée  de  cataplasmes  :  cette  méthode  s'oppose  souvent 
à  la  réaction  ou  amène  la  récidive. 

Le  cercle  inflaumiatoire  dont  parlent  tous  les  auteurs  qui 
ont  écrit  sur  le  charbon  et  dont  ils  donnent  une  définition  si 
exacte,  n'existe  pas  toujours,  bienque  les  progrès  de  la  ma- 
ladie soientarrëtés,  etchezie  malade  qui  faille  sujet  de  cette 
observation,  il  ne  s'est  point  développé  d'une  manière  ap- 
préciable. On  ne  doit  pas  perdre  de  vue  cette  donnée  prati- 
que, sans  laquelle  on  pourrait  se  croire  dans  l'obligation  de 
réitérera  l'infini  les  cautérisations.  On  jugera  facilement,  en 
pareille  circonstance,  qu'elles  auront  été  poussées  assez 
loin,  lorsque  les  parties  environnant  le  chaibon  offriront  sous 
les  escarres  produites  par  le  cautère  une  rougeur  franche,  de 
nature  érysipélateuse,  et  qui  coïncidera  avec  la  cessation  des 


(38) 

autres  symptômes  morbides,  tels  que  ce  sentiment  de  froid 
dans  la  partie  affectée,  l'enflure  élastique,  etc. 

Le  chirurgien  ne  doit  pa.s  ignorer  non  plus  que  le  cercle 
inflaunnatoire ,  après  s'être  rencontré  avec  les  caractères  les 
mieux  tranchés,  peut  dans  quelques  circonstances  disparaître 
inslantanément  sans  cause  cuniiue,  et  la  maladie  se  repro- 
duire avec  une  intensilé  nouvelle. 

L'action  délétère  du  charhon  porte  ordinairement  à  l'éco- 
nomie tout  entière  une  atteinte  assez  profonde  pour  exiger 
un  traitement  interne,  et,  de  l'avis  de  tous  les  chirurgiens, 
ce  traitement  doit  consister  dans  l'emploi  des  toniques  ;  mais 
il  est  encore  ici  une  remarque  pratique  à  faire:  c'est  que  ces 
toniques  ne  sauraient  êlre  indistinctement  employés  chez 
tous  les  individus,  parliculièrtment  chez  ceux  déjà  atteints  de 
gastrite  ou  de  gastro-entérite.  On  peut  alors,  avecavantagc, 
remplacer,  en  pareille  circonstance,  le  quinquina  et  les  autres 
boissons  excitantes  par  les  acides,  soit  végétaux,  soit  miné- 
raux, qui  tiennent  le  milieu  entre  les  toniques  et  les  émoi- 
liens. 

Mais  faut-il,  comme  le  veulent  certains  praticiens,  recou- 
rir à  l'emploi  (les  sangsues  au  pourloin-  de  la  tumeur  formée 
parle  charbon?  «Toujours,  dit  M.  Lisfranc,  j'ai  vu  leur 
application  avoir  de  funestes  résultats.  Un  jeune  chirurgien 
de  marine,  qui,  à  mon  cours  d'opération,  contracta,  il  y  a 
quelques  années,  une  pustule  maligne,  périt  en  fort  peu  de 
temps  des  suites  de  celte  maladie,  traitée  parles  sangsues. 
Je  crois  donc  devoir  les  proscrire  eu  toute  circonstance.  « 
(Voy.  art.  834) 

ART.    975. 

De  radminisiration  endcrmique  de  l'acétate  de  morphine  pour 
calmer  ou  prévenir  les  accès  de  quintes  convulsives  dans  ta  co- 
queluche. 

M.  Baïé,  docteur  eu  médecineà  Yilvorde  (Belgique),  nous 
adresse  la  lettre  suivante,  au  sujet  de  notre  articlegSo. 

«.  Le  29  octobre  i854,  je  fus  prié  de  me  rendre  en  toute 
h5le  il  un  village  éloigné  d'une demi-lienede  mon  habitation, 
pour  y  donner  mes  soins  au  fils  d'un  riche  propriétaire  at- 
teint dipui>  dix-huit  jours  d'umr  coqucliirhe  couln;  laqiM;lle 
plusieurs  de  mes  collègues  avaient  eni[)li)yé  en  vain  les  re- 
mèdes les  plus  efficaces  et  les  mieux  administrés. 


(39) 

nAmon  arrivée,  i'enfaut  était  dans  un  accès  de  quintes  tel- 
lement violent,  que  je  crus  qu'il  allait  suffoquer  ;  sa  figure 
et  son  cou  étaient  hovilTi?  et  bleuritres ,  ses  yeux  animés  et 
larnioyans;  il  .-e  cr;in:[)onnait  aux  objets  enviionnans,  et  ne 
pouvait  repreudre  lialeine,  tant  la  toux  était  douloureuse  et 
continue. 

«Les  quintes  se  renouvelaient  onze  à  douze  fois  dans  les 
vingt-quatre  heures.  Comme  je  viens  de  le  dire,  tout  te  qu'a- 
vaient l'ait  mes  honorables  collègues  ayant  échoué,  j'aduii- 
ni.-lrai,  dans  l'inlenlion  de  diminuer  l'accès  suivant,  un  grain 
d'extrait  alcoolique  de  belladone  dans  un  véhicule  mucilagi- 
neux,  que  Je  fis  prendre  par  cuillerée  à  café.  Le  5o  au  matin, 
le  malade  avait  passé  une  mauvaise  nuit,  lesquintes  n'avaient 
pas  diminué  ;  j'ordonnai  laconlinualion  de  la  potion.  Le  3i, 
amélioration  peu  niarqnée;  j'augmentai  la  potion  d'un  grain. 
Cette  fois  le  petit  malade  ne  lut  plus  atteint  que  de  sept 
accès  ;  enfin,  il  marchaitvers  la  guéridon,  tout  en  ccntinuaiit 
sa  potion,  lorsque  le  4  novembre,  au  m.ilieu  de  la  nuit,  et 
sans  causes  appréciables,  il  lut  pris  de  nouvelles  quintes  de 
toux  tellement  intenses,  que  je  crus  devoir  renoncer  à  l'ex- 
trait de  belladone,  pour  recourir  à  des  remèdes  plus  effi- 
caces. 

»  J'oublie  de  dire  que  la  coqueluche  était  endémique  dans 
ce  village ,  et  que  j'y  traitais  la  majorité  de  mes  petits  mala- 
des par  l'acétate  de  moiphine  administré  endeimiqucment  , 
mais  seulement  après  que  les  mucosités  étaitnt  en  grande 
partie  expectorées. 

»  Les  parens  du  malade,  qui  jusqu'ici  s'étaient  opposés  à 
ce  moyen,  cédèrent  à  mes  instances.  Je  fis  donc  appliquera 
l'épigastre,  au  milieu  du  sternum,  et  entre  les  deux  clavicu- 
les, un  vésicaloirc  de  la  grandeur  d'un  Iranc,  que  je  maintins 
en  place  pendant  six  hem  es,  époque  où  il  y  eut  vésical ion;  j'en- 
levai l'épiderme,  et  les  saupoudiai  tous  ti ois  avec  un  sei- 
zième de  grain  d'acétate  de  n;orphine;  une  heure  après,  le 
malade,  qui  avait  eu  deux  quintes  pendant  l'adhésion  des 
emplâtres,  fut  pris  d'un  léger  sommeil ,  qui  dura  jusqu'à 
midi  (5  novembre).  Je  le  revis  à  deux  heures,  il  était  dans 
l'état  le  plus  satisfaisant,  ne  toussait  que  très-peu;  j'ordon- 
nai un  htiilième  de  grain  d'acétate  de  morphine,  divisé  en 
trois  poudres,  une  pour  chaque  vésicatoire  ;  il  n'eut  qu'un 
accès  très-léger  jusqu'au  6,  trois  heures  de  lelevée.  On  con- 
tinua de  même  jusqu'au  i5,  époque  où  le  petit  malade  était 
radicalement  guéri. 

»  Je  pourrais  encore  ajouter,  moDsieur,  dix-sept  observa- 


(^10) 

tions  non  moins  intéressantes  que  celle-ci,  si  je  ne  craignais 
d'absorber  le  temps  de  vo;-  lecteurs,  sansêlre  plus  utile;  tontes 
sont  recueillies ^ujr  d  s  individus  atteints  de  coqueluche  dans 
un  village  oi'i,  couitne  je  l'ai  dit,  cette  névrose  a  régré  épi- 
démiqueraent.  Je  souhaite  que  mes  confrères  renouvellent 
mes  expériences  :  et  si  vous  les  croyez  dignes  de  quelque 
intérêt,  veuillez,  je  vous  prie,  les  faire  connaître  par  la  voie 
de  votre  Journal.  » 

ART.  976. 

Emplâtre  employé  par  le  docteur  Corsin  contre  la  coqueluche. 

Pr.  Emplâtre  de  cigui-,  deux  parties; 

Emplâtre  de  poix  de  Bourgogne,  une  partie; 
Emplâtre  de  dia(;hilon  gommé,  une  partie. 

Mêlez,  et,  après  avoir  étendu  cette  masse  sur  un  morceau 
suffisant  de  peau  de  chamois,  saupoudrez  avec  tartrate  de 
pola<;seel  d'antimoine,  six,  huit,  dix,  douze  grains, et  au-delà, 
selon  l'âge  du  malade. 

Cet  emplâtre,  employé  dans  la  première  huitaine  de  l'in- 
vasion de  la  coqueluche,  produit  dans  les  vingt-quatre  heures 
une  assez  forte  rubéfection,  puis  des  petites  pustules  nacrées 
comme  celles  causées  par  la  pommade  d' Autenrieth,  et  mo- 
diûe  et  diminue  de  beaucoup  le  nombre  des  quintes  fati- 
gantes de  toux  et  de  vomissemeus.  (V.  art.  ^58,  83o,  gSo.) 

(^Lancette.) 

ART.  977. 
MÉDECINE  LÉGALE. 

Lettre  première. 

Monsieur, 

Vous  me  demandez  de  vous  remettre  sous  les  yeux  les  princi- 
paux f^aiti»  qui  se  raltaclient  à  la  pratique  de  la  médecine  léj^ale. 
Vous  me  faites  observer  que  Ici  liases  de  cet  art,  déjà  négligi'es  dans 
les  études  par  un  grand  nombre  d'élèves,  restent  le  [)lus  souvent 
ignories  de»  médecins;  qu'il  arrive  bientôt  dans  la  pialique  de  l'art 
de  guérir  une  circonstance  qji  néce>8iie  leur  application,  et  qu'a- 
lors un  médecin  peut  perdre  en  un  seul  instant  une  réputation 
jastemeut    acquise   par   plusieurs   années    de  succès    mérités.    Eu 


(4t) 

province,  dites-vous,  chaque  médacîn  exerce  un  contrôle  sur  les 
actes  de  son  confrère;  et    comme  dans  les  affaires  judiciaires   ces 
actes  se  passent  au  grand  jour,  ils  deviennent  l'olijot  d'une  critique 
sévère,  et  souvent  d'une  censure  piibiicjue.  Pincé  loin  de  ces  villes 
centrales  où  les  hommes  de  l'art  se  réunissent  fréquemment  pour  se 
communiquer  le  résullat  de  leurs  observations,   vous  êtes  entière- 
ment livré   à  vous-même;  le  temps  vous  manque  pour  étudier  une 
science  dans  son  ensemble,  parce  que  votre  attention,  sans  cesse 
détournée  par  les  divers  objets  sur  lesquels  elle  est  appelée  dans  le 
cours  de  votre  pratique,  ne  vous  permet  pas  de  la  fixer  assez  long- 
temps sur  un  seul  genre  d'application  de  la  médecine.  Vous  m'in- 
vitez eufin  à  vous  considérer  comme  un  homme  tout-à-fait  étran- 
ger à  la  médecine  légale,  de  manière  à  vous  faire  passer  successi- 
vement en  revue  les  données  pratiques  de  cette  branche  de   l'an  de 
guérir.  Je  vais  donc  vous  satisfaire;   mais  pour  remplir  votre  but 
vous  trouverez  bon  que  je  vous  rappelle  en  premier  lieu  certaines 
formules  généralement  employées  pour  rapporter  en  justice;  que  je 
vous  fasse  connaître  les  divers  actes  qu'un  médecin  peut  être  appelé 
à  faire,  et  la  valeur  de  ces  actes.  Si  cette  entrée  en  matière  vous  of- 
fre peu  d'attrait,   elle  devra   au    moins   être    considérée  par    vous 
comme  très-importante.  Observez  qu'un  magistrat  juge  souvent  un 
expert  non  pas  tant  par  le  fond  de  son  rapport,  que  par  la  forme, 
par  l'ordre  d'exposition  des  matières,  par  la  clarté  et  le  choix  de  ses 
expressions;  et  s'il  est  vrai  que  la  pratique  de   la  médecine  légale 
soit  loin  de  consister  dans  ces  qualités   extérieures,  elles  ne  doivent 
.cependant  pas  être  négligées,  puisqu'elles  servent  surtout  à  faciliter 
l'intelligence  des  actes  de  l'expert  :  ce  sera  donc  l'objet  de  cette  pre- 
mière lettre. 

§  1.  —  Des  actes  que  tes  médecins  sont  appelés  à  faire  en  justice. 
—  Considérations  pratiques  sur  les  certificats.  — Circonstan- 
ces dans  lesquelles  te  médecin  doit  se  refusera  en  délivrer. 

On  admet  trois  espèces  différentes  d'actes  :  les  certificats,  les  rap- 
ports et  les  consultations  médico-légales. 

Un  certificat  n'est  que  l'attestation  d'un  fait  :  il  peut  être  donné 
par  une  personne  étrangère  à  la  médecine  comme  par  un  médecin  ; 
il  ne  suppose  aucune  mission;  il  n'entraîne  pas  avec  lui  de  presta- 
tion de  serment,  et  cependant  c'est  un  acte  qui  peut,  dans  certaines 
circonstances,  conduire  à  des  conséquences  assez  graves. 

Tout  médecin,  chirurgien  ou  autre  officier  de  santé  qui,  pour  fa- 
voriser quelqu'un,  certifiera  faussement  des  maladies  ou  infirmités 
propres  à  dispenser  d'un  service  public,  sera  puni  d'un  emprisonne- 
ment de  deux  à  cinq  ans;  et  s'il  y  a  été  mu  par  dons  ou  promes- 
ses, il  sera  puni  du  bannissement.  Les  corrupteurs  seront  dans  ce 
cas   punis  de  la  même  peine.  (Art.  i6o,  C.  p.) 

Si  le  témoin  auprès  duquel  le  juge  se  sera  transporté  n'était  pas 
dans  l'impossibilité  de  comparaître  sur  la  citation  qui  lui  aurait  été 
donnée,  le  juge  décernera  un  mandat  de  dépôt  contre  le  témoin  et 
l'officier  de  sauté  qui  aura  délivré  le  certificat  ci-dessus  mentionné. 


(4a) 

La  peine  i)ortée  en  pareil  cas  sera  prononcée  parle  juge  d'instruc- 
tion dn  même  lieu,  et  sur  la  réquisition  du  procureur  du  roi,  en  la 
forme  prescrite  par  l'art.  80.  (Art.  86,  C.  d'inst.  c.  ) 

Je  vous  citerai  quelques  ex;  mples  applicables  à  ces  deux  articles. 
Nomhje  de  personnes  veulent  se  dispenser  des  devoirs  de  jurés: 
c'est  surtout  en  province  que  ces  fonctions  deviennent  souvent  fort 
onéreuses,  puisqu'elles  entraînent  à  des  déplacemeus  de  longue  du- 
rée. Ces  personnes  s'adressent  à  leur  médecin,  et  lui  demandent 
un  certificat  qui  constate  l'impossibilité  de  remplir  la  missioti  dont 
elles  sont  chargées  par  la  loi.  Celui-ci  cède  souvent  à  des  considé- 
rations d'i  bligeance  ou  de  reconnaissance,  et  s'expose  ainsi  à  des 
peines  affliftivrs.  C<  s  peines  sciaient  même  ii.famantes,  s'il  était  re- 
connu que  l'officier  de  santé  a  délivré  le  certificat  par  suite  de  pro- 
messes ou  de  dons  qui  lui  auraient  éti'  faits. 

Tel  est  encore  le  cas  où  l'on  certifie  faussement  d'une  infirmité 
propre  à  dispenser  de  la  tutelle,  du  fervice  luilitaiie,  etc. 

Je  sais  qu'eu  province,  où  tout  le  monde  se  connaît,  où  les 
rapports  sont  journaliers,  il  est  souvent  difficile  au  médecin  de  re- 
fuser un  certificat,  et  (]u'on  le  taxe  de  désobligeance,  alois  qu'il 
sait  résister  aux  demandes  qui  lui  sont  faites.  Cependant  riea 
n'est  plus  déplorable  que  la  facilité  avec  laquelle  on  constate  des 
faits  inexacts.  Il  faut  que  le  médecin  réponde  à  de  pareilles  de- 
mandes, par  la  Ifctnre  des  articles  que  je  vitns  de  citer. 

Croyez -le  bien,  Tbomme  qui  atteste  un  fait  inexact  perd  tout 
droit  à  la  considération  publique.  Sa  signature  n'a  plus  de  valeur, 
et  s'il  oblige  une  persoxnie,  il  nuit  à  cent  autres;  car  du  moment 
qu'il  aura  faussement  ceiiifié  d'un  fait,  on  ne  lui  accordera  plus 
aucune  confiance,  alors  même  qu'il  attestera  la  vérité.  Sachez  donc 
résister,  si  vous  voulez  jouir  de  i'estime  publique. 

Vous  donnerai-je  la  formule  d'un  certiiical?  C'est  l'acte  le  plus 
simple. 

Je  soussigné  (  docteur  en  médecine,  ou  officier  de  santé,  de- 
meurant à  commune  de  )  certifie  que 
M.  (nom,  prénoms,  âge,  profession  et  demeure  du 
requérant),  est  affecté  de.,,.  ,  (  1a  maladie)  qui  le  met  dans  l'im- 
possibilité de 

Ou  bien  :  atteste  que  telle  ou  telle  circoDStance  exist«. 

En  foi  de  quoi  j'ai  délivré  le  présent  certificat- 
Fait  a  ,  commune  de  ,  la         i834. 

r 

Art.  9^8. 

§  2.  — -  Des  rapports  judiciaires,  administratifs,  d'estimation. 

—  Modèles  de  rapports  et  ordonnances.  - —  Vu  médecin  peut- 
il  refuser  de  faire  un  rapport. 

Un  rapport  est  une  narration  de  faits  d'où  l'on  lire  des  consé- 
quences dans  trois  buts  difftrens  :  i"  pour  éclairer  la  justice,  soit 
dans  les  matitres  civiles,  soit  dans  les  matièjes  criminelbs ;  2"  pour 
éclairer  le»  questions  administratives;  3°  pour  estimer  à  leur  juste 


(43) 

valeur  certains  objets  vendus  ou  fabriqnës,  ou  bien  des  soins  donnés 
dans  le  cours  d'une  maladie.  De  là  les  qualificaiîons  de  rapports  ju- 
diciaires, rapports  aflmiiiistratifs  et  rapports  d'estinuition.  Ces  dis- 
tinctions sont  très-tranchées:  ainsi,  un  crime  est  commis,  la  ques- 
tion d'aliénation  mentale  est  soulevée;  des  roédecins  sont  appelés 
pour  décider  si,  aux  termes  de  l'art.  H4  du  Code  pénal,  l'accusé  était 
en  démence  au  temiis  de  l'action?  Un  rapport  est  fait  à  ce  sujet;  il 
est  alors  qualifR'  raiiport  judiciaire,  car  si  la  question  est  résolue  par 
raf/irm.aiive,  l'accusé  jouit  du  hméfice  de  cet  article,  qui  ne  rrcon- 
naît  ni  crime  ni  délit  s'il  y  a  démence  au  temps  de  l'action.  Voilà  un 
rapport  judiciaire  en  matière  criminelle.  «  Dans  le  cas  de  fureur,  dit 
l'art.  491  du  Code  civ.,  si  l'interdiction  n'est  provoquée  ni  par 
ré|)oux  ni  par  les  parens,  elle  doit  l'être  par  le  procureur  du  roi, 
qui, dans  les  cas  d'inib(cilliié  ou  dedémence, peut  aussi  la  provoquer 
contre  nn  individu  qui  n'a  ni  époux,  ni  épouse,  ni  parens  connus.  » 

Le  procureur  du  roi  n'est  pas  apteà  constater  la  fureur, l'imbécillité 
ou  la  démence,  il  ne  peut  donc  provoquer  l'interdiction  que  d'après 
le  rapport  de  médecins  qui  affirnent  la  réalité  de  l'existence  de 
l'une  de  ces  aliénations  mentales.  Ce  rapport  est  donc  encore  judi- 
ciaire, mais  en  matière  civile. 

Les  rapports  judiciaires  ne  sont  pas  toujours  provoqués,  ils  sont 
quelquefois  faits  d'office.  Ainsi,  un  médecin  est  appelé  pour  voir  un 
malade  en  danger  de  mort  depuis  quelques  heures  ou  quelques  jours,  et 
les  jiarens  du  malade  rendent  mal  compte  de  la  cause  qui  a  amené  la 
blessure  ou  l'état  alarmant  de  la  maladie.  Le  médecin  conçoit  des 
soupçons  d'homicide  :  la  loi  vent  que,  sans  avoir  été  provoqué,  il 
adresse  immédiatement  un  rapport  au  maire  de  l'endroit,  ou  au 
commissaire  de  police,  ou  enfin  au  procureur  du  roi,  sur  le  fait 
dont  il  a  été  témoin.  Je  nomme  ces  rapports  judiciaires,  d'office, 
pour  les  distinguer  des  rapports  judiciaires  provoqués. 

Des  plaintes  sont  adressées  à  un  préfet  par  les  habitans  d'une 
commune,  sur  les  inconvéniens  qui  résultent  pour  la  salubrité  pu- 
blique de  l'existence  d'une  fabrique  d'huile  de  vitriol,  d'eau  forte,  de 
noir  animal,  d'une  féculerie,  etc.  Ici  deux  ordres  d'intérêts  sont  en 
présence:  ceux  d'une  famille,  d'une  industrie,  et  ceux  des  habitans 
qui  avoisinent  le  lieu  de  la  fabrication.  Le  préfet  ne  peut  décider 
une  pareille  question  par  lui-même.  11  nomme  des  experts  qui,  après 
un  niùr  examen,  dressent  un  rapport  dans  lequel  ils  concluent  à  la 
suppression  ou  à  la  persistance  de  l'usine.  Ce  rapport  est  alors  ad- 
ministratif. Il  ne  regarde  pas  les  tribunaux;  l'autorité  municipale 
est  seule  juge  en  cette  matière. 

£nfia  des  soins  ont  été  donnes  à  un  malade.  Le  médecin,  invité  à 
fixer  la  quotité  de  ses  honoraires,  demande  une  somme  qui  parait 
exorbitante  à  son  client  :  ou  bien  encore  des  médicamens  ont  clé 
fournis  par  un  pharmacien,  et  leur  j)rix  a  été  trop  élevé.  Le  malade 
refuse  celle  allocation,  ou  en  réfère  aux  tribunaux.  les  juges  com- 
mettent alors  des  experts  pour  connaître  des  demanrlos.  Ceux-ci  les 
estiment  à  leur  juste  valeur,  eX  font  un  rapport  cTesiiwation. 

Vous  voyez,  par  ces  exemples,  que  les  distinctions  que  je  vous  ai 
rappelées  reposent  sur  des  bases  palpables  dans  leurs  différences. 


(44) 

Toutefois  ces  distinctions  ne  sont  utiles  qu'en  ce  qu'elles  mettent 
plus  d'ordre  et  plus  de  pn'cision  dans  les  idées,  car  les  règles  d'un 
rapport  sont  communes  à  ces  trois  espèces,  et  c'est  ce  que  vous  allez 
Voir  tout-à-i'heure;  mais  avant  d'aborder  cet  objet,  je  veux  tout  de 
suite  vous  éclairer  sur  une  question  que  beaucoup  de  médecins  se 
sont  adressée. 

Un  médecin  peut-il  refuser  un  rapport? 

Les  avis  ont  été  partagés  à  ce  sujet;  et  cette  divergence  d'opinion 
tient,  je  crois,  à  ce  que  les  uns  ont  assimilé  le  médecin  à  un  té- 
moin, tandis  que  les  autres  l'ont  considéré  comme  un  expert.  Dans 
le  premier  cas,  la  loi  donne  ati  juge  le  pouvoir  d'appréhender  au 
Cor|)s  le  témoin  qui  refuse  de  comparaître  et  de  rapporter;  dans  le 
second,  au  contraire,  les  rapports  ne  sont  faits  que  sous  accep- 
tatron  ;  puisque  le  mé  li^cin  ne  peut  rapporter  avant  qu'il  ait  prêté 
serment  de  remplir  fidèlement  la  mission  qui  lui  est  confiée,  la  pres- 
tation de  serment  suppose  donc  l'acceptation,  et  celle-ci  ne  peut 
être  évidemment  que  facultative. 

Il  faut  établir  à  ce  sujet  une  distinction  :  tout  médecin  qui  a  été 
témoin  d'un  fait  ne  peut  pas  refuser  un  rapport.  Il  peut  bien  ne 
pas  tirer  de  conclusion  des  faits  qu'il  relate,  mais  il  est  Jorcé  de  les 
rapporter. 

Tout  médecin  qui  est  appelé  par  un  magistrat  pour  connaître 
des  faits  dont  il  n'a  pas  été  témoin  et  les  interpréter  dans  le  sens 
de  son  art,  peut  librement  refuser  cette  mission. 

Mais  en  général  on  a  mauvaise  grâce  à  donner  un  refus,  à  moins 
qu  il  ne  soit  fondé  sur  une  excuse  valable:  tel  serait  le  cas  où  on 
serait  invité  a  connaître  de  faits  avec  lesquels  on  est  peu  familier; 
c  est  même  un  devoir,  et  l'amour-propre  doit  alors  être  entiè- 
rement mis  de  côté.  Quand  un  magistrat  vous  chargera  d'une 
mission  aussi  délicate  que  celle  de  l'interprétation  de  faits  judiciai- 
res, ce  sera  une  preuve  de  la  considération  qu'il  vous  accordera,  et 
par  conséquent  vous  devrez  l'accepter. 

Il  ne  s'ensuit  pas  de  là  que  vous  soyez  aux  ordres  du  premier 
venu.  La  loi  a  fixé  les  limites  dans  lesquelles  elle  a  donné  la  faculté 
de  demander  uu  rapport.  Je  vais  vous  citer  les  homnes  qu'elle  a 
compris  dans  cette  catégorie;  les  juges  des  tribunaux  attachés  ou 
non  à  l'instruction;  le  procureur  du  roi  et  ses  substituts,  et  à  leur 
défaut,  les  officier»  de  police  judiciaire,  auxiliaires  du  procureur 
du  roi,  et  sous  ce  titre  se  trouvent  compris,  les  maires,  adjoints  de 
maires,  juges  de  paix,  commissaires  de  police  et  officiers  de  gendar- 
merie, depuis  le  grade  de  colonel  jusqu'à  celui  de  sous-lieutenant 
inclusivement,  (Art.  49  Code  d'inst.  crim.  et  8i  Code  civil.  )  Les 
maréchaux-de-logis  et  brigadiers  de  gendarmerie,  recevant  le  litre 
de  sous  officiers  d'après  la  loi  du  fi  prairial  an  viii,  n'ont  pas  titre 
pour  provoquer  un  rapport  d'un  médecin. 

Il  appartient  aux  préfets,  sous-préfets,  maires,  adjoints  de  mai- 
res. Conseils  d'administration,  conseils  de  salubrité,  de  demander 
des  rapports  administratifs;  mais  ceux-ci  sont  toujours  facultatifs,  et 
par  conséquent  vous  n'hésiterez  pas  à  refuser  votre  concours  à  de 


(45) 

pareils  actes,  si  vous  ne  vous  sentez  pas  l'aptitude  nécessaire  pour 
remplir  la  mission  qui  vous  sera  proposée. 

Vous  refléchirez  aux  conséquences  morales  et  physiques  d'une 
déci.'-ion  prise  sans  une  connaissance  parfaite  de  la  matière,  au  re- 
tentissement que  vos  dtcisious  pourraient  avoir,  si  elles  venaient 
à  être  contrôlées  par  d'autres  experts,  ce  qui  ne  manque  presque  ja- 
mais d'avoir  lieu,  la  partie  en  cause  ayant  trop  intérêt  à  provoquer 
un  nouvel  examen  en  attaquant  le  jugement  de  Tautorité  adminis- 
trative, et  en  portant  l'affaire  devant  les  tribunaux  civils. 

Des  conditions  dans  lesquelles  vous  serez  placé  lorsque  vous  serez 
appelé  à  faire  un  rappport. 

Vous  serez   mandé    auprès  du  magistrat  qui  vous  confiera  une 
miâsiou,  par  une  lettre  dont  voici  la  teneur: 


de  première  iiiataocc 
du  déparlemeDl  de 

N*  du  P. 
N*  du  G. 

N*  du  }. 


M. 


Paris, 


i83 


Juge  d'instruction,  invite  M. 

à  se  rendre  en  son  cabinet,  au  Palais-de- Justice, 

le 

heure  d 

pour 

C'est  sur  cette  lettre,  que  vous  devrez  conserver  par-devers  vous, 
que  sera  inscrite  la  taxe  des  opérations  que  vous  aurez  faites. 

Arrivé  chez  le  juge  d'instruction,  celui-ci  vous  donne  lecture  d'une 
ordonnance,  dont  la  teneur  variera  comme  l'objet  sur  lequel  votre 
examen  devra  porter.  Elle  a  pour  but  de  vous  exposer  les  questions 
sur  lesquelles  vous  aurez  à  vous  expliquer.  En  voici  un  exemple: 

ORDONNANCE. 


de  première  iosiaDce 

du    déparlemrnt 

de  U  Seiae. 


du  P. 
du  G. 
du  i. 


Vu  au    Parquet. 


Nous 
juge  d'instruction  près  le  tribunal   de  première 
instance  du  déparlement  de 

Vu  l'instruction  commencée  contre  les  nommés 

inculpés  de  chasse  dans  une  forêt 
nationale,  sans  port  d'armes,  et  de  violence  envers 
un  citojen  chargé  d'un  ministère  de  service  public. 

Commettons  M.  à  l'effet  par  lui 

de  visiter  le  nommé  garde- forestier  à 

la  résidence  de  et  de  constater  la  nature, 

la  gravité  et  la  durée  présumée  des  blessures  qui  ont 
été  faites  an  sieur  et  la  maladie  ou  in- 

capacité de  travail  personnel  qui  a  pu  ou  pourra  en 
résulter. 

De  tout  quoi  il  nous  sera  fait  rapport  par  écrit, 
serment  préalablement  prêté  entre  nos  mains  de  bien 
et  fidèlement  remplir  la  mission  qui  lui  est  confiée . 

Fait  au  Palais,  ce  i83 


(46) 

Le  juge  vous  demandera  alors  si  vous  acceptez  la  mission  qu'il 
veut  vous  confier;  et  daas  le  cas  d'une  réponse  affirmative,  il  vous 
fera  prêter  serment. 

Alors  il  vous  remettra  cette  ordonnance  pour  qu'elle  reçoive 
son  exécution. 

Règle  générale,  il  faut  autant  que  possible  que  la  mission  soit 
remplie  dans  les  vingt-quaire  heures.  Dcj.i  les  formes  de  la  justice 
sont  tellement  longues,  que  les  visites  des  médecins  sont  trop  tar- 
dives; vous  ne  devrez  donc  pas  ajouter  à  ces  longueurs,  vous  qui 
par  état  connaissez  l'importance  d'un  examen  fait  à  propos  en  mé- 
decine légale. 

Avant  de  quitter  le  juge  d'instruction,  vous  devez  le  prier  de 
vous  communiquer  les  renseignemens  qui  ont  déjà  été  recueillis; 
de  vous  donner  lecture  des  premiers  rapports  faits  par  des  méde- 
cins appelés  au  moment  où  le  crime  ou  le  délit  a  été  découvert:sou- 
vent  même  le  juge  d'instruction  vous  confiera  ces  piècesqui  peuvent 
non-seulement  vous  éviter  des  méprises,  mais  encore  vous  diriger 
vers  les  poiiiis  principaux  qu'il  s'agit  d'éclairer. 

La  communication  de  ces  pièces  est  donc  de  la  plushaute  impor* 
tance,  mais  il  ne  faut  pas  leur  assigner  une  grande  valeur,  parce 
que  des  rapports  faits  par  des  liommes  étrangers  ;i  l'art  de  guérir 
ne  peuvent  fournir  que  des  documens  fort  incertains;  et  quant  au  x 
dépositions  de  témoins  ou  à  des  interrogatoires  faits  par  des  auxi- 
liaires de  la  police  judiciaire,  ils  ne  renferment  pas  toujours  l'ex- 
pression sincère  de  la  vérité. 

C'est  muni  de  ces  pièces  et  de  ces  données  que  dans  ma  pro- 
chaine lettre  je  vous  suivrai  dans  votre  expertise,  en  cherchant  à 
vous  diriger  dans  vos  opérations. 

Agréez,  etc. 

Aiph.  Devkrotk, 

Profess.  ag.  la  Fac.  de  .Med. 

SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

Acadcmia  des  Sciences, 

Prix  lie  médecine.  L'Académie  avait  mis  au  concours  pour  iS54  la 
question  suiviinti;  : 

Uelerminer  quelles  soni  la  atléraliont  des  or/jfinos  dans  les  maladies  dè- 
si/fnéen  tous  le  nom  de  ficvrcs  conliniies  ;  quels  font  tes  rapports  qui  exis- 
teiil  entre  les  tyntpli'/ines  de  ces  mtiladins  et  les  ultilraliiins  observées  ;  in- 
sister S(ir  les  vues  ihcrapeutiqitcs  qui  se  déduisent  de  ces  rappurls. 

Le  prix  n'ujaiit  jias  été  décerné,  la  niéim'  cjiMîsliDii  est  remise  au 
concours.  Le  piix  (onsislera  en  une  médaille  d'cir  de  la  valeur  d  e 
10,000  l'r.  L(;s  Mémoire»  devront  ètn;  remis  francs  de  j)orl  an  secréta- 
riat de  rinslitdl,  avant  le  l*'  avril  i?î36. 

Prix  de  cUirurnie.  L'Acadénjic  avait  proposé,  cumnie  sujet  d'un  prix 
à  décerniT  l'n   iSS/J,  lu  question  suivante!  ; 

Déterminer  par  011e  série  de  faits  et  d'observations  aiillirntiqucs  quels 
sont  les  avnntagts  et  les  incoiivtniens  des  moyens  mértini'/ues  et  gymnusU- 
que»  appliqués  à  la  cure  des  difformités  du  sytk'mt  oifCHX. 


(47) 

Aacun  Mémoire  n'ayant  paru  à  la  commission  mériter  le  prix  pro- 
posé, l'Académie  remet  de  nouveau  cette  question  au  concours.  Le 
prix  consistera  également  en  une  médaille  d'or  de  la  valeurde  10,000 fr. 
Les  Mémoires  devront  être  envoyés  avant  le  i*""  avril  iS36. 

Prix  Monlliyon.  Prix  à  décerner  aux  auteurs  des  ouvrages  ou  des  dé' 
couvertes  jugés  le  plus  utiles  à  l'art  de  guérir,  ou  à  ceux  qui  auront  rendu 
un  art  ou  un  métier  moins  insalubre. 

Les  pièces   admises  au  concours  n'auront  droit  au  prix  qu'autant 
qu'elles   contiendroat  «ne  découverte  parfaitement  déterminée.   Les 
ouvrages  ou M<  moires  enTdyés  pour  le  concours  devront  être  remis  avant 
le  i"  avril  i855, 

VARIÉTÉS. 

Responsabilité  médicale.  Un  événement  des  plus  déplorables  ame- 
nait, le  4  décembre  dernier,  devant  la  sixième  chambre  rorreclion- 
nelie,  un  médecin,  sous  la  prévention  d'bomiiide,  par  imprudence, 
sur  la  personne  d'un  enfant  de  trois  ans  et  demi.  Voici  les  détails  de 
celle  malheureuse  alTaire,  tels  que  les  donne  la  Gazette  des  Tribunaux  : 

0  Le  sieur  i^'lamment,  père  de  la  malheureuse  victime,  expuse  en 
ces  termes  l'objet  de  sa  plainte  :  Mon  petit  soullVait  depuis  quelque 
temps  de  la  fièvre;  j'envoyai  chercher  le  médecin,  qui  prescrivit  un 
lavement  au  malade.  Je  portai  l'ordonnance  chez  M.  Commenfhail- 
Peigné,  pharmacien,  place  Baudoyer,  n'>  4î  qui  me  dit  de  repasser  le 
soir. pour  venir  chercher  le  médicament  qu'il  allait  préparer.  Le  soir, 
j'envoyai  ma  Qlle  chercher  la  drogue.  Je  remis  au  lendemain  matin  à 
administrer  le  lavement  à  mou  pauvre  enlant.  A  peine  l'eut-il  pris, 
qu'il  me  dit  :  Papa,  papa,  je  tombe.  —  Eh  non  !  mou  enfant ,  lui  lé- 
pondis-je;  tu  ne  peux  pas  tomber,  puisque  je  te  tiens  dans  mes  bras. 
Mais  bienlût  ce  pauvre  petit  devint  pourpre  et  violet,  et  puis  il  suait 
à  grosses  gouttes;  enfin,  les  convulsions  le  prirent,  et  après  quatre 
heures  d'une  agonie  cruelle,  il  mourut.  (Ici  le  père  est  obligé  de  s'ar- 
rêter, les  sanglots  étoulTent  sa  voix;  l'auditoire  tout  entier  partage  son 
émotion  profonde,  et  le  malheureux  médecin  essuie  ses  larmes.) 

»  Le  témoin  reprend  ainsi  :  En  voyant  les  tortures  de  inun  enfant, 
j'envoyai  aussitôt  chercher  plusieurs  médecins.  Il  en  vint  deux  qui  me 
dirent,  en  lisant  l'ordonnance,  que  mou  enfant  avait  été  empoisimné 
en  prenant  ce  lavement,  où  il  entrait  huit  grains  d'acétate  de  mor- 
phine et  quelques  gouttes  de  laudanum  de  Sydenham.  Je  ne  pouvais 
certainement  pas  accuser  la  mauvaise  intention  de  mon  médecin  qui 
était  mon  ami,  qui  soignait  ma  famille  dep  lis  dit  ans,  et  qui  même 
m'avait  sauve  déjà  une  fuis  mon  pauvre  enfant;  mais,  mon  Dieu,  son 
imprudence  m'a  causé  une  perle  irrsparab  le  1 

»  Le  pharmacien  est  introduit  comme  témoin.  Il  déclare  qu'en  li- 
sant la  prescription  du  huit  grains  d'acétate  de  morphine  pour  lavement, 
il  a  jugé  lui-même  la  dose  trop  forte,  ce  qui  l'a  engagé  à  la  réduire  a 
cinq  4le  sou  propre  mouvement;  encore  pensait-il  que  cette  dose,  ainsi 
diminuée,  devait  être  étendue  dans  plusieurs  lavemens.  Au  surplus,  en 
délivrant  cinq  grains  d'acétate  de  morphine,  il  s'est  conformé  au  for- 
mulaire de  Magendie  et  de  Foy,  qui  permettent  l'emploi  de  ce  sel  à 
pareille  dose. 

»  M.  le  président  :  Vous  ne  pouvez  alléguer,  monsieur,  que  vous 
croyiez  que  ces  cinq  graios  d'acétate  de  morphine  dussent  servir  à  plu- 
sieais  lavuuieos,  cai-  l'ordouuaace  n'en  prescrivait  qu'un  à  prendre. 


> 


(48) 

»  M.  l'avocat  du  roi  :  D'ailleurs,  vous  n'ignoriez  pas  que  ce  lavement 
était  destiné  a  un  enfant  de  trois  ans,  et  vous  auriez  dû  savoir  que  cette 
dose  de  cinq  grains,  ninsi  rcdnile  par  vous-iiit'uie,  t-tail  encore  beau- 
coup trop  forte  pour  un  malade  cet  âge.  L'opinion  de  MM.  Orfiia  et 
Bounassier,  consultes  à  ce  sujet,  est  que,  pour  un  enfynt  de  trois  ans, 
on  ne  devait  administrer  qu'un  ttuitième,  qu'un  sixième,  ou  tout  au 
plus  qu'nu  quai  t  de  grain.   (Sensation  dans  l'auditoire.) 

»  M.  le  président  avec  sévéïité  :  Votre  devoir  dans  une  pareille  cir- 
constance, monsieur,  était,  non  pas  de  réduiie  la  dose,  mais  de  vous 
abstenir  d'en  délivrer  aucune  avant  de  vous  être  entendu  av(  c  le  signa- 
taire de  l'ordonnance,  qui,  a  nos  yeux,  avait  evid<  mment  commis  une 
erreur  qui  pouvait  avoir  et  qui  malbeuieusement  a  eu  des  suites  si 
fatales. 

a  M.  Saint-Amand,  défenseur  du  prévenu,  expliqua  l'erreur  de  son 
client  :  Préoccupe,  dit-il,  d'une  conversation  quil  venait  d'avoir  sur 
Vacétale  de  moriiltine,  il  arrive  cbez  le  sieur  Flamment  dévoré  d'inquié- 
tude a  l<i  vue  de  la  soulfrauce  de  son  cnlant.  Tout  en  cherchant  à  le  con- 
soler, il  formule  sa  malheureuse  ordonnance.  Il  voulait  ordonner  liait 
grains  de  sulfate  de  quinine,  et,  cédant  à  une  malheureuse  préoccupation, 
sa  main  écrivit  liui(  grains  d'acétate  de  morphine.  Cela  est  si  vrai,  que, 
lorsque  ses  confrères  appelés  lui  dirent  ;  Eh!  malheureux,  qu'avez-vous 
fait?  Il  répondit  :  Comment  !  mais  j'ai  prescrit  huit  grains  de  sulfate 
de  quinine,  et  il  n'y  avait  que  cela  à  prescrire.  La  vue  de  son  ordon- 
nance lui  causa  une  espèce  de  vertige,  il  ne  pouvait  croire  qu'il  eût 
écrit  acétate  de  morphine,  pour  sulfate  de  quinine,  etc. 

»  Le  tribunal,  après  en  avoir  xiélibéré,  admettant  des  circonstances 
atténuantes,  condamne  le  médecin  à  l.oo  fr,  d'amende  et  aux  dépens.» 

Prix  décernés.  Dans  sa  séance  annuelle  du  S  décembre,  l'Académie 
des  Sciences  a  décerné  les  prix  de  médecine  et  de  chirurgie,  ainsi 
qu'il  suit  : 

1"  6,000  fr.  à  M.  le  docteur  Gensoul,  de  Lyon,  pour  son  Mémoire 
sur  quelques  maladies  graves  des  os  maxillaires  supérieurs  ; 

2"  3,000  fr.  à  M.  le  docteur  Bousquet,  pour  ses  recherches  expéri- 
mentales sur  la  vaccine  ; 

5»  3,000  fr.  à  M.  Mayor,  de  Lausanne,  pour  son  ouvrage  intitulé  : 
Déligafion  populaire; 

4"  2,oou  fr.  à  M.  Souberbielle,  pour  les  pcrfectionnemens  qu'il  a 
apportés  à  la  taille  sus-pubienne  ; 

5"  2,000  fr.  a  M.  le  docteur  Ségalas,  pour  son  nouvel  instrument 
appelé  brise-pierre,  à  pression  et  a  peicussion  ; 

6'  2,ooo  fr.  à  M.  ^icod,  pour  ses  recherches  sur  les  polypes  da  col 
de  la  ve»»ie  et  du  canal  de  l'uieiie; 

7»  i,5oo  fr.  à  M.  Coslallaz,  pour  ses  recherches  sur  les  coarctalions 
du  rectum  ; 

8"  i,5oofr.à  M.  Gannal,  pour  ses  essais  faits  avec  le  chlore,  dans  le 
traitement  de  la  phihisie; 

(j"    1,000  fr.  à  aM.  James,  pour  ses  recherches  sur  la  vaccine.' 

—  Dans  sa  séance  du  i6  décembre,  l'Académie  a  proclamé  M.  Ci- 
viale  membre  titulaire,  à  la  majorité  de  Hu  voix  sur  82. 

—  M.  Lallemenl,  chirurgien  en  chef  de  la  Salpètriére,  professeur 
honorait  e  de  l'Jb^cule  de  Médecine,  vient  de  mourir  à  l'Âge  de  soixaote- 
dix-huit  uns. 

—  M.  Lisfranc  a  été  nommé  président,  et  M.  Louyer-Villcrmay  vice- 
président  de  l'Académie  royale  de  Médecine  pour  l'année  i8.i5. 


(49) 

ART.    979. 

De  l'emploi  des  furhigaitons  pulmonaires  faites  avec  une  décoction 
de  plantes  narcotiques  et  de  feuilles  de  belladone  en  particulier, 
contre  l'asthme  sec,  la  coqueluche,  la  toux  nerveuse,  etc. 

M.  3IagisteI  a  publié  dans  la  Gâiette médicale  quelques  cou- 
sidératioûs  sur  l'usage  des  fumigations  ayec  des  substances 
narcotiques  dans  certaines  uialadies.  Ce  moyen,  employé 
chez  onze  personnes  atteintes  d'irritations  bronchiques,  a 
obtenu  chez  neuf  d'entre  elles  uu  plein  succès;  chez  deux 
seulement  iln'a  procuré  que  du  soulagement.  Voici,  parmi 
les  observations  recueillies  par  ce  médecin,  celles  qui  lui 
ont  paru  les  plus  intéressantes.  • 

Lu  homme  âgé  de  cinquante  ans  était  atteint  de  cette  ma- 
ladie, désignée  parles  auteurs  sous  le  nom  d'asthme  sec,  se' 
manifestant  par  des  accès  de  suffocation  qui  survenaient  tous 
les  deux  ou  trois  jours;  la  face  alors  devenait  pâle,  le  pouls 
petit  et  irrégulior;  les  yeux  semblaient  sortir  de  leurs  orbi- 
tes; l'expiration  était  sifflante,  le  corps  couvert  de  sueur;  dés 
iiiouvemens  Convulsifs  accompagnaient  cet  accès  de  suffoca- 
tion qui  durait  plusieurs  heures. 

\  L'affection  résistait  depuis  huit  ans  aux  saignées,  aux  ré- 
vulsifs de  la  peau,  aux  divers  extraits  narcotiques.  Le  9  août 
i855  M.  Magistel  ordonna  des  fumigations  pulmonaires  avec 
la  vapeur  d'une  décoction  de  feuilles  de  belladone.  Après 
quelques  fumigations,  la  respiration  devint  plus  facile;  les 
accès  furent  beaucoup  moins  violens  dans  le  mois  dé  sep- 
tembre. Dans  le  mois  d'octobre,  ils  ne  donnaient  plus  lieu 
qu'à  une  légère  oppression.  Depuis  le  mois  de  décembre  1 855, 
époque  ù  laquelle  cet  homme  cessa  de  faire  des  fumigations, 
aucun  accès  d'asthme  n'est  survenu. 

Sur  cinq  malades  semblables,  traités  par  la  même  méthode, 
quatre  ont  guéri  ;  le  cinquième,  qui  était  un  vieillard  de 
soixante-quinze  ans,  après  avoir  obtenu  de  l'amélioration, 
succomba  à  une  lésion  des  voies  digestives. 

Le  même  moyen  réussit  également  dans  un  cas  de  toux 
convulsivc  chez  un  adulte  ;  mais  c'est  surtout  chez  les  enfans 
affectés  de  coqueluche  que  M.  Magistel  assure  avoir  obtenu 
de  très-bons  effets  de  ces  fumigations.  Trois  observations 
nous  sont  citées  par  ce  médecin.  Chez  l'un  des  enfans  on  es- 
saya vainement  rijpécacuanha  et  la  belladone  en  poudre.  Les 

TOM.    VI.   —    N"    DE    FÉVRIER.  4 


(5o) 

fumigations  avec  les  vapeurs  d'une  décoction  de  ieuilles  de 
cette  planle  amenèrent  une  amélioration  sensible  dés  le  len- 
demain. Au  bout  de  douze  jours  la  toux  avait  entièrement 
cessé.  Les  deux  autres  observations  sont  à  peu  près  sembla- 
bles chez  l'un  des  malades;  la  j^uérisun  fut  obtenue  après 
quinze  jours  de  traitement;  chez  l'autre,  après  huit  jours 
seulement. 

M.  Magistel  paraît  conseiller  ces  fumigations  à  toutes  les 
périodes  de  ces  toux  nerveuses  ;  mais,  lorsqu'il  y  a  des  symp- 
tômes de  pléthore,  il  commence  par  recourir  aux  évacuatious 
sanguines.  Il  emploie  le  plus  souvent  les  feuilles  de  bella- 
done, commen^;ant  par  deux  gros  dans  une  livre  d'eau.  Au 
bout  de  quatre  ou  cinq  jours  ou  en  fait  bouillir  une  demi- 
once  dans  une  livre  de  liquide.  Trois  fumigations,  de  dix  mi- 
nutes chacune,  sont  faites  chaque  jour  dans  le  principe;  on 
porte  ensuite  le  nombre  graduellement  à  cinq  ou  six,  et  on 
en  prolonge  la  durée  jusqu'à  vingt  minutes.  L'extrait  aqueux 
de  belladone  peut  être  substitué  aux  feuilles,  à  la  dose  de 
quinze  à  vingt  grains,  dans  une  chopine  d'eau  bouillante. 
Pour  les  enfans,  on  ne  doit  employer  d'abord  qu'un  gros  de 
feuilles  sèches  de  belladone  dans  une  livre  d'eau  ;  la  dose  peut 
en  être  élevée  graduellement  jusqu'à  trois  gros. 

Quant  au  mode  d'administration,  l'appareil  le  plus  simple 
est  suffisant.  Tout  vase  en  verre,  en  fer-blanc,  ou  en  grès,  à 
une  ou  deux  tubulures,  peut  servir  à  cet  effet;  et  ceux  de 
nos  confrères  qui  n'auraient  pas  un  de  ces  appareils  à  leur 
disposition  pourraient  en  composer  un  sur-le-champ,  en 
adaptant  à  un  vase  quelconque  un  tube  un  peu  long,  qui  don- 
nerait passage  à  la  vapeur,  et  permettrait  de  la  diriger  ver8 
la  bouche  des  malades,  (Voy.  art.  49  et  80G.) 

ART.   980. 

Note  sur  le  traitement  de  l'aménorrhée  par  t'irrltaiion  des 
mamelles. 

On  trouve  dans  \(i  Journal  hebdomadaire  i\\n:\i[\i(i?>  observa- 
lious  publiée»  par  M.  Mondièn;,  médecin  à  Loudun,  et  ser- 
vant à  prituver  la  sympathie  (jui  existe  entre  les  mamelles 
et  l'utérus,  cl  à  indiquer  le  parti  (ju'on  peut  tirer  du  rapport 
do  ces  deux  organes  eu  therapeuticpie.  Voici  dans  (jnelles 
circoustunccs  ce  médecin  observa,  pour  la  première  fois,  les 
effets  d'une  irrilatioa  artificielle  des  maoïelfes  sur  l'utérus. 


(5i) 

Un  de  ses  amis  Jui  présenta  une  jeune  personne  avec  la* 
quelle  il  entretenait  des  relations,  et  qui  portait  i\la  mamelle 
droite  un  engorgement  glanduleux  de  la  grosseur  d'une  noiï. 
Les  règles,  en  outre,  n'avaient  pas  paru  depuis  dix-huit  moiSj 
et  un  médecin  avait  inutilement  essayé,  pour  rétablir  leur 
cours,  des  applications  de  sangsues,  et  tous  les  moyens  usi- 
tés en  pareil  cas. 

M.  Mondière,  ne  s'occupant  d'abord  que  de  Fa  tumeur  du 
sein,  conseilla  de  recourir  aux  sangsues,  qui  ne  furent  point 
appliquées,  et  aux  frictions  avec  l'iode,  aux  cataplasmes 
émolliens,  etc.,  qui  n'avaient  eu  absolument  aucun  effet  au 
bout  de  deux  mois.  Ce  fut  alors  que  ce  médecin  engagea  son 
ami  à  recourir  à  la  succion  souvent  répétée  du  mamelon, 
qui  détermina  bientôt  un  gonflement  assez  considérable  de 
la  mamelle,  avec  rougeur  et  sensibilité.  Cet  éréthismb  fut 
porté  au  point  que  le  moindre  contact  était  fort  doulou* 
reux,  et  qu'il  fallut  recourir  à  l'application  de  cataplasmes 
anodins.  L'engorgement  squirrheux  ne  reçut  aucune  in- 
fluence de  cette  succion  répétée;  mais  l'utérus  fut  assez 
excité  pour  que  les  règles  reparussent,  et  continuassent 
ensuite  de  fluer  périodiquement  avec  régularité. 

Dans  un  autre  cas  d'engorgement  squirrheux  de  la  ma- 
melle, l'irritation  déterminée  sur  ce  point  par  de  nombreuses 
applications  de  sangsues  eut  une  action  aussi  sensible.  11  n'y 
avait  point  aménorrhée,  mais  la  menstruation  se  montra  plus 
fréquente  et  plus  abondante. 

Après  avoir  rapporté  ces  deux  faits,  l'auteur  du  Mémoire 
cite  deux  observations  du  même  genre,  publiées  dans  Uti 
journal  étranger  par  le  docteur  Patterson.  La  première  est 
celle  d'une  jeune  fllle  de  vingt-quatre  ans,  chez  laquelle  les 
règles  n'avaient  pas  paru  depuis  deux  ans  et  demi.  Lors- 
qu'elle se  présenta  à  l'hôpital,  le  lo  août  iSÔa,  elle  avait 
mie  légère  fièvre  inflammatoire,  avec  quelques  symptômes 
d'hystérie.  On  prescrivit,  pour  combaitre  une  douleur  sur- 
venue dans  la  partie  supérieure  et  externe  de  la  poitrine,  un 
petit  sinapisme  qui,  par  l'inadvertance  de  l'infirmière,  fut 
fait  trop  grand,  de  manière  à  recouvrir  la  mamelle  pres- 
que entière.  Ce  sinapisme  détermina  une  vive  irritation  de 
cette  partie,  avec  gouflenient  considérable  et  douleur  très- 
vive;  mais  les  règles  ne  tardèrent  paé  t\  paraître,  fet  la  ma- 
melle reprit  peu  à  peu  sou  volume  ordinaire. 

Dans  la  seconde  observation  citée  par  M.  Patterson,  il  s'a- 
gissait d'une  jeune  fille  chez  laquelle  l'écoulement  menstruel, 
supprimé  pendant  une  exposition  à  un  froid  violent,  n'avait 


(52) 

pas  reparu  depuis  cinq  mois.  Un  grand  nombre  de  remèdes 
avaient  été  employés  inutilement,  et  cette  malade  éprouvait 
tous  les  accidens  de  l'aménorrhée.  La  moitié  clavicuiaire  de 
la  mamelle  fut  recouverte  avec  un  sinapisme  qu'on  laissa  en 
place  pendant  une  demi-heure.  Il  en  résulta  une  tuméfaction 
considérable  de  ce  côté  de  la  poitrine,  et  dès  le  lendemain 
les  règles  parurent. 

A  ces  observations  M.  Mondière  en  ajoute  une  autre  tirée 
de  sa  pratique: 

Une  jeune  fille,  réglée  avec  peine,  vit  tout-à-coup  le  flux 
menstruel  supprimé,  à  la  suite  d'une  frayeur.  Après  cinq 
mois  de  suppression,  elle  avait  le  teint  pâle,  la  langue  blan- 
châtre, éprouvait  de  la  céphalalgie,  des  palpitations,  etc.  Des 
coliques  assez  vives  se  faisaient  sentir  avec  chaleur  dans  le 
bas-ventre,  et  douleur  dans  les  reins  à  chaque  époque  mens- 
truelle. M.  Mondière  attendit  donc  l'époque  convenable,  et 
prescrivit  alors  l'application  d'un  sinapisme  pendant  quinze 
à  vingt  minutes  sur  le  côté  externe  de  chaque  mamelle.  L'ir- 
ritation déterminée  fut  assez  vive,  et  dès  le  lendemain  les 
règles  parurent,  mais  furent  peu  abondantes.  A  l'époque  sui- 
vante on  eut  recours  au  même  moyen.  Le  flux  menstruel 
s'opéra  plus  abondamment,  et  continua  par  la  suite  de  se 
montrer  avec  régularité,  sans  qu'il  fût  besoin  de  recourir  de 
nouveau  aux  sinapismes. 

M.  Mondière  fait  observer  avec  raison  que  ce  moyen  ne 
saurait  être  proposé  indistinctement  pour  toute  espèce  d'a- 
ménorrhées; qu'on  ne  devra,  au  contraire,  y  avoir  recours 
que  dans  les  cas  oi'i  la  rétention  ou  suppression  des  règles 
n'est  due  qu';\  un  défaut  d'activité  vitale  de  l'utérus.  Ces  cas, 
qui  sont  assez  ft-équens,  surtout  dans  les  grandes  villes, 
où  se  trouvent  tant  de  femmes  à  tempérameut  lympha- 
tique, pourront  donc  être  avantageusement  traités  par  ce 
moyen. 

Enfin,  l'auteur  du  Mémoire,  examinant  de  quelle  manière 
on  devra  déterminer  cette  irritation  des  mamelles,  après 
avoir  rejeté  les  applications  répétées  de  sangsues,  dont  l'eflét 
est  fort  inconstant,  la  succion,  qui  ne  pourrait  être  employée 
que  dans  un  très-petit  nombre  de  cas,  recommande  les 
sinapismes  de  la  manière  indiquée  comme  le  moyen  le  plus 
simple  et  en  même  temps  le  plus  cflicace. 


(53) 

ART.    981. 

Observation  de  pcritonîte  survenue  d  la  suite  d'accouchement, 
rapidement  guérie  par  les  frictions  mercurielles. 

M.  le  docteur  Duffresse-Chassaigne  a  publié,  dans  le  même 
recueil,  une  observation  sur  laquelle  nous  devons  appeler 
l'attention  de  nos  lecteurs. 

"Une  jeune  dame  accoucha  le  12  mars  i834)  pour  la  cin- 
quième fois,  d'un  enfant  âgé  de  cinq  mois,  etmort  depuis  plu- 
sioursjours-  Le  dix-septième  jourde  ses  couches  elle  s'exposa 
à  l'action  d'un  air  froid  et  humide,  et  dès  le  soir  quelques 
douleurs  légères  se  firent  sentir  dans  la  partie  inférieure  gau- 
che du  ventre.  Le  5o  les  douleurs  augmentèrent,  et  le  5i  elle 
était  étendue  horizontalement  sur  le  dos,  ne  pouvant  faire  le 
moindre  mouvement  sans  éprouver  de  vives  souffrances.  La 
région  inférieure  gauche  de  l'abdomen  était  très-sensible 
au  toucher;  la  face  était  rouge,  le  pouls  petit,  fréquent. 
(^Saignée  de  seize  onces,  vingt  sangsues  sur  ta  partie  douloureuse 
du  ventre  et  dix  au  siège,  fomentations  émollientes.) 

Les  applications  de  sangsues  déterminèrent  chez  cette 
femme,  qui  était  très-nerveuse,  les  attaques  d'hystérie  les 
plus  violentes  :  tantôt  elle  restait  sans  mouvement  et  sans 
respirer,  tantôt  la  respiration  était  haute  et  ronflante,  elle 
se  soulevait,  faisait  des  efforts  de  vomissemens,  et  s'agitait 
convulsivement.  Enfin,  ces  accidens  se  calmèrent,  ainsi 
que  le  mal  de  tète;  mais  les  douleur»  du  ventre  étaient  into- 
lérables. (^Potion  calmante,  friction  sur  le  ventre  avec  un  gros 
d'onguent  mercuriel.)  Trois  heures  après,  la  malade  avait 
dormi  d'un  paisible  sommeil,  les  extrémités  étaient  chaudes 
et  tout  le  corps  couvert  d'une  douce  moiteur;  la  douleur  était 
fort  diminuée,  le  pouls  moins  fréquent.  Le  i"  avril  la  nuit 
avait  été  calme,  cependant  la  douleur  du  ventre  était  revenue 
plus  intense.  [Continuation  de  la  friction  avec  un  gros  d'on- 
guent mercuriel,  un  bain  entier,  un  demi  -  lavement  émollient, 
fomentations  sur  le  ventre.)  Le  soir  la  douleur  était  beaucoup 
diminuée.  [Une  nouvelle  friction  avec  un  gi'os  d'onguent.) 

Le  2  avril  le  ventre  était  souple  et  non  douloureux  à  la  pres- 
sion. [Même  friction.)  Le  5  la  maladie  principale  pouvait  être 
considérée  comme  guérie;  mais  les  frictions  faites  avec  qua- 
tre gros  d'onguent  mercuriel  avaient  déterminé  une  salivation 
des  plus  intenses,  qui  ne  céda  qu'après  dix  jours  d'un  traite- 
ment approprié. 


(54) 

Réflexions.  Nous  avons  laissé  à  celte  observation  le  titre 
f[iu;  lui  a  donné  son  auteur,  l)ien  qu'il  soit  loin  do  notre  pen- 
sée de  vouloir  la  présentera  nos  lecteurs  comme  un  exemple 
de  reilicacilé  des  Irictions  mercurielles  dans  les  all'ictions 
de  ce  genre.  Il  nous  semble,  au  contraire,  évident  que  l'a- 
niélioralion  rapide  n'est  due  qu'aux  abondantes  émissions 
sanguines  fort  prudemment  pratiquées  dès  le  début  de  la 
maladie,  aux  cmbrocations  éniollientes,  aux  bains,  etc.,  dont 
on  n'a  pris  discontinué  l'usage.  Cependant  M.  UuflVesse-Clias- 
saigne,  attribuant  tout  l'honneur  de  la  guérison  aux  frictions 
mercurielles,  croit  que  les  sangsues  n'ont  l'ail  qu'aggiaver  le 
mal;  «ce  qui  le  prouve  d'ailleurs,  ajoute-t-il,  c'est  l'amélio- 
ration survenue  presque  subilement  après  la  première  l'ric- 
lion,  et  l'action  lapide  du  iiu';dicauient  sur  les  glandes  sali- 
vaires  et  la  membrane  muqueuse  de  la  bouche.  »  On  ne  doit 
pas  être  surpris  qu'une  application  de  trente  sangsues  ait 
déterminé  chez  une  iéinme  nerveuse  de  violentes  attaques 
d'hystérie  ;  mais  peut-on  en  conclure  que  l'inflammation  du 
péritoine  en  ait  été  aggravée,  quand  on  volt  les  accidcns  du 
côté  du  ventre  se  dissiper  bientôt  d'eux-mÊmep,  ainsi  que  la 
céphalalgie?  11  est  évideut  que  les  déplétions  sanguines  ne 
pouvaient  amener  d'amélioration  pendant  la  durée  même  des 
convulsions;  elles  n'ont  d'ailleurs  jamais  d'action  sensible  sur 
l'économie  qu'après  un  certain  temps,  et  cependant  c'est  aus- 
sitôt que  le  cahne  est  rétabli  qu'on  s'enjpresse  de  l'aire  des 
Irictions  mercurielles.  Ne  peut-on  pas  objecter  que  (juclques 
inslans  encore,  et  l'on  allait  juger  de  l'cflet  des  saignées? 
Cela  est  d'autant  plus  probable,  (|ue  c'est  immédiatement 
après  l'emploi  des  fiictionscjuci  survient  une  détente  générale; 
or,  qucb|ue  vertu  que  l'on  prGte  à  l'onguent  meicuriel,  il 
est  impossible  de  lui  aecorder  une  action  aussi  instantanée. 
C'est  précisément  celte  rapide  guérison,  qu'on  assure  être  si 
probante  en  laveur  du  remède,  qui  nous  l'ail  croire  qu'il  est 
resté  tout-à-lail  étranger  à  la  guérison;  et  si  le  lendemain  il 
y  a  eu  exaccrbation  momentanée  dans  les  douleurs,  n'a-t-on 
pas  donné  im  bain  qui  les  a  dissipées  de  nouveau?  Quant  à 
l'action  rapide  du  niédicanienl  sur  les  glandes  salivaires,  elle 
ne  nous  parait  pas  davantage  allester  son  elTicacité;  car  il  n'y 
a  rien  d'étonnant  à  ce  (pie  quatre  gros  d'onguent  mercuriel 
dépensés  en  fiiclions  dans  l'espace  de  deux  jours,  chez,  une 
fenune  délicate,  aient  déterminé  une  violente  salivation. 

l'",ii  ré-'Hiné,  c'est  aux  émissions  sanguines,  et  non  aux  Iric- 
tions m<:'''^nri(;lles,  qu'il  faut  attribuer  dans  ce  cas  la  guéri- 
son. Ce  n'est  pas  que  nous  veuillons  mettre  en  doute  les  succès 
qu'on  a  obtenus  par  cette  méthode,  succès  que  nous  avons 


(55) 

eonsignéà  ailleurs  (i)j  nous  prendrons  au  contraire  roccaàion 
de  rappeler  que  ces  friction*  ont  paru  produire  quelque  effet 
dans  un  petit  nombre  de  cas,  et  que  c'est  une  ressource  pour 
le  praticien,  lorsque  touâ  les  autres  moyens  ayant  été  tentés, 
le  malade  parait  menacé  d'une  mort  certaine.  Ajoutons  enfin 
qu'il  semble  résulter  de  pluîiems  laits  publies  récemment, 
que  l'onguent  mercuriel  doit  être  employé  plutôt  en  oj\ctions 
qu'en  frictions,  le  moindre  frottement  déterminant  de  la  dou- 
leur, et  pourant  par  conséquent  aggraver  Tinflamniation. 

ART.  98a. 

Observations  et  considérations  sur  le  traitement  des  tumeurs 
scrofuleuses  par  l'établissement  d'un  exutoire  à  leur  centre. 
Article  communiqué  par  M.  Ordinaire,  docteur  en  méde- 
cine à  Saint-Laurent-lès-Mûcon. 

Chez  les  sujets  prédisposés  à  l'inflammation  et  à  l'irritation 
chronique  des  glande?  lymphatiques,  il  survient  fréquem- 
ment autour  de  la  glande  parotide,  a  la  partie  supérieure, 
moyenne  ou  inférieure  des  diverses  faces  du  cou,  sous  les 
aisselles,  aux  aines,  autour  des  articulations  de  l'avant-bras 
et  de  la  jambe,  une  ou  plusieurs  tumeurs  de  grosseur  et  de 
forme  irrégiilières,  indolentes,  plus  ou  moins  dures,  fixes  ou 
flottantes,  sans  changement  de  couleur  à  la  peau.  Ces  tu- 
meurs grossissent  plus  ou  moins  vite,  restent  une  ou  plu- 
sieurs semaines  stationnaires,  et  se  désignent  ordinairement 
sons  le  nom  de  tumeurs  scrofuleuses. 

Plus  ou  moins  long-temps  après  leur  apparition,  il  peut 
arriver  que  ces  tumeurs  deviennent  douloureuses  et  s'amol- 
lissent ;  la  peau  qui  les  recouvre  s'altère,  prend  une  couleur 
pourpre,  bleue  ou  rose-pSie,  et  se  perfore  en  un  ou  plusieurs 
points.  La  matière  qui  s'écoule  se  rapproche  d'abord  du  pus 
phlegmoneux,  se  montre  bientôt  plus  délayée,  prend  une 
odeur  aigre,  et  dégénère  enfin  en  une  sérosité  visqueuse, 
entremêlée  de  flocons  blanchâtres  semblables  à  du  lait  caillé. 
L'ouverture  qui  lui  donne  issue  s'élargit  insensiblement,  ou 
les  diverses  perforations  par  lesquelles  le  pus  s'écoule  se 
réunissentet  forment  une  p^aie  à  bords  minces,  frangés,  irré- 
guliers, flottans,  qui  s'avan^cent  plus  ou  moins  sur  son  fond 
et  caractérisent  l'ulcère  cutané. 


(1)  Voy.  art.  82.  et  4^2. 


(56) 

Quelquefois  une  seule  tumeur  parûGii  plusieurs  autres  en- 
tre en  suppuration,  et,  après  avoir  sécrété  pendant  un  certain 
temps,  s'eîrace  et  disparait  en  laissant  une  cicatrice  saillante 
ou  profonde.  D'autres  fois  plusieurs  de  ces  tumeurs  s'en- 
flamment les  unes  après  les  autres  et  suppurent  en  même 
temps.  Enfin,  très-souvent  l'irritation  semble  partir  de  la 
tumeur  primitivement  affectée,  suivre  sous  la  peau  le  trajet 
des  vaisseaux  lymphatiques,  se  communique  à  d'autres  tu- 
meurs déjà  formées,  ou  occasione  le  développement  de  nou- 
velles. Cette  irritation  amène  la  suppuration,  et  il  en  résulte 
des  foyers  purulens,  communiquant  entre  eux  par  des  ca- 
naux qui  sont  de  véritables  fiUales  sous-cutanées. 

Ces  dernières  peuvent  encore  être  déterminées  parla  fil- 
tration  dans  le  tissu  cellulaire  de  la  matière  purulente  pro- 
venant d'une  ulcération  voisine,  ainsi  que  je  l'ai  souvent  ob- 
servé. La  peau  qui  recouvre  ces  fistules  est  quelquefois  sim- 
plement soulevée,  saillante,  sans  altération  ;  d'autres  fois  elle 
est  enflammée,  de  couleur  rouge  ou  bleuTitre,  et  dans  ces  deux 
cas  l'étendue  et  le  trajet  des  conduits  fistuleux  se  reconnais- 
sent facilement;  mais  très-souvent  aussi  la  peau  reste  dans 
son  état  normal,  et  ce  n'est  qu'à  l'aide  d'un  stiletfin  ou  d'une 
injection  par  un  des  orifices  fistuleux  que  l'on  parvient  à  les 
découvrir. 

lin  grand  nombre  de  moyens  ont  été  préconisés  pour  com- 
battre cesdiverses  affections  du  système  lymphatique.  Parmi 
eux  se  placent  en  premier  lieu  les  drastiques,  lessudorifiques, 
les  mercuriaux  et  les  diverses  préparations  d'iode,  d'après  la 
méthode  de  31.  Lugol.  Je  ne  contesterai  pas  à  ces  dernières 
les  propriétés  curalives  qu'on  leur  a  attribuées,  mais  je  crois 
avoir  remarqué  qu'elles  ont  une  fâcheuse  influence  sur  Pap- 
pareil  respiratoire,  et  comme  chez  les  scrofiileux  les  organes 
contenus  dans  la  poitrine  sont  très-impressionables,  et  dans 
le  plus  grand  nombre  de  cas  même  plus  ou  moins  profondé- 
ment aflectés,  j'en  ai  conclu  que  l'iode  ne  devait  se  prescrire 
à  l'inlérienr  qu'avec  la  plus  grande  circanspe<;tion.  ilmployé 
à  l'extérieur,  il  n'a  pas  les  mêmes  inconvéniens  ;  aussi,  en 
fais-je  un  fréquent  usage  en  bains,  en  injections  et  en  pom- 
mades. 

Le  traitement  général  duquel  j'ai  obtenu  le  plus  de  suc- 
cès consiste,  si  le  sujet  est  fiible,  dans  l'ii.'^age  prolongé  des 
boissons  mucilagineuses  et  du  sirop  antiscorbulique  à  la  dose 
de  deux  ou  trois  onces  j)ar  jour,  de  légers  laxatifs,  d'une 
iioiirrltiue  animale  et  d'un  vin  généreux  a  petites  doses.  Si 
le  malade  est  robuste,  j'alterne  les  boissons  mucilagineuses 
avec  les  décoctions  concentrées  de  salsepareille.  Si  l'appareil 


(57) 

digestif  est  sain,  j'insiste  sur  les  drastiques,  et  je  n'ai  recours 
à  l'iode  qu'autant  que  les  or£;anes  de  la  poitrioe  sont  dans 
leur  état  normal  :  alors  je  fais  prendre  dix  gouttes,  le  matin 
à  jeun  et  le  soir  une  heureavant  le  souper,  de  la  teinture 
suivante,  dans  un  A'erre  d'eau  froide  : 

Iode,  un  scrupule  ; 

Hydriodate  de  potasse,  trois  scrupules; 

Eau,  huit  onces. 

J'augmente  la  dose  d'une  goutte  tous  les  six  à  huit  jours, 
et  la  porte  ainsi  jusqu'à  vingt-cinq,  que  je  ne  dépasse 
jamais. 

Les  dérivatifs  sont  des  moyens  puissans  que  je  suis  loin 
de  négliger  :  j'établis  constament  un,  quelquefois  deux  cau- 
tères aux  bras  ou  aux  extrémités  inférieures,  d'après  le  siège 
de  la  maladie,  et  je  ne  les  entretiens  pas,  comme  on  le  fait 
journellement  dans  la  pratique,  avec  un  ou  deux  pois,  je 
commence  toujours  par  cinq  ou  six,  et  tous  les  deux  ou  trois 
jours  j'en  ajoute  un  nouveau,  jusqu'au  nombre  de  quinze, 
vingt  et  vingt-cinq,  suivant  l'embonpoint  du  sujet. 

Dans  le  traitement  local  j'alterne  toujours  les  frictions  io- 
durées  avec  les  frictions  mercurielles,  auxquelles  je  donne- 
rais volontiers  la  préférence.  Je  fais  recouvrir  les  parties  fric- 
tionnées de  laine  grasse  d'agneau.  Je  panse  les  ulcérations 
avec  du  cérat  opiacé  et  de  la  pommade  d'hydriodate  iodurée 
de  potasse,  alternativement.  Celte  dernière,  employée  ex- 
clusivement, détermine  souvent  une  irritation  telle,  que  l'on 
est  forcé  d'en  suspendre  l'emploi.  Si  j "ai  cautérisé,  je  me  sers 
du  tafetas  ou  diachylum  gommé,  et  de  cataplasmes  émoi- 
liens. 

Dans  les  cas  de  tumeurs  scrofuleuses,  je  n'ai  jamais  obtenu 
de  résultats  avantageux  de  l'application  des  sangsues;  mais 
un  moyeti  puissant  auquel  je  dois  de  beaux  succès,  c'est  l'é- 
tablissement d'un  exutoire  au  centre  ou  à  la  partie  déclive  de 
la  tumeur.  Cet  exutoire  n'a  d'autre  inconvénient  que  la  lé- 
gère cicatrice  qui  en  est  la  suite:  encore  cette  cicatrice,  ré- 
gulière, arrondie,  n'est-elle  jamais  aussi  difforme  que  celle  qui 
suivrait  toute  autre  ulcération. 

Je  choisis,  sur  onze  cas  où  j'ai  employé  ce  moyen  avec 
succès,  les  trois  observations  suivantes. 

Mademoiselle  '^ioltet,  de  la  Maison-Blanche  (Saône-et- 
Loire), âgée  (le  vingt  et  un  ans,  d'un  tempérament  sanguin  lym- 
phatique, d'une  bcMinc  constitution,  vint  me  consulter  dansie 
courant  d'août  i855  pour  une  tumeur  qu'elle  portait  depuis 
trois  mois  à  la  partie  latérale  gauche  du  cou,  s'étendant  de 


(56) 

Pangle  de  la  mfichoire  inférieure  à  un  pouce  au-dessus  de  la 
clavicule.  Cette  tumeur,  de  la  grosseur  d'un  œuf  d'oie,  était 
ovale,  bosselée,  paraissait  formée  par  l'engorgement  de  plu- 
sieurs glandes,  dure,  indolente,  sans  changement  de  couleur 
à  la  peau,  et  ne  gênait  la  malade  que  dans  les  mouvemensdu 
cou.  Du  côté  opposé  se  rencontrait,  au-dessous  de  l'oreille, 
derrière  l'angle  de  la  mâchoire  inférieure,  deux  au  très  glandes, 
l'une  de  la  grosseur  d'une  amande,  et  l'autre  plus  petite.  La 
malade  attribuait  l'apparition  de  ces  tumeurs  à  un  bain  froid 
qu'elle  avait  pris  pendant  le  cours  de  la  menstruation,  qui 
fut  supprimée.  J'avais  guéri  un  de  ses  frères,  Hgé  de  quatorze 
ans,  d'une  teigne  faveuse;  son  père  était  mort  jeune,  d'une 
affection  catarrhale;  sa  mère  était  d'une  faible  constitution. 

Ces  tumeurs  ne  paraissant  nullement  disposées  à  se  ramol- 
lir, encoremoinsàse  résoudre,  j'employaipourles combattre 
les  moyens  suivans  -.saignée  générale  copieuse^  quatre  verres  par 
jour  de  décoction  concentrée  de  salsepareille,  purgations  répétées 
tous  les  dix  jours,  diœ  gouttes,  soir  et  matin,  de  la  teinture  d'iode 
ci-dessus,  dans  un  verre  d'eau  froide  :  celte  dose  fut  portée,  dans 
la  suite  du  traitement,  i\  vingt-cinq  gouttes,  en  ajoutant  une 
goutte  tous  les  quatre  jours;  appticationde  sangsues  aux  cuisses 
pour  rappeler  la  menstruation;  frictions  sur  les  tumeurs,  avec  un 
gros,  soir  et  matin,  d'hydriodate  de  potasse  ;  vaste  exutoire  au 
bras  gauche  de  dix  pois,  dont  le  nombre  fut  porté  à  vingt-deux. 

Malgré  ces  moyens,  qui  furent  continués  pendant  plus  de 
quarante  jours,  nous  n'obtînmes  aucune  amélioration  dans  la 
tumeur.  La  malade  n'était  nullement  fatiguée  do  son  trai- 
tement qu'elle  suivait  à  la  lettre.  Alors  je  ne  balançai  pas  à 
recourir  à  un  moyen  dont  je  connaissais  depuis  long-temps 
l'efficacité,  mais  que  la  crainte  d'une  cicatrice  au  cou  m'avait 
fait  ajourner.  J'appliquai  sur  la  partie  la  plus  déclive  de  la 
tumeur  principale  un  morceau  de  potasse  caustique  qui  dé- 
termina une  escarre  de  la  largeur  d'ime  pièce  do  vingt  sous. 
Je  fendis  le  lendemain  l'escarre,  et  logeai  dans  son  milieu 
un  pois,  afin  d'en  activer  la  chute,  qui  s'opéra  dix  jours  après. 
J'entretins  cette  plaie  à  l'aide  de  trois  pois,  maintenus  par 
du  tafetas  agglutinatif;  je  prescrivis  des  frictions  avec  un 
demi-gros  d'onguent  mercuriel  double,  matin  et  soir,  et,  en 
un  mois,  la  tumeur  disparut.  Les  deux  petites  tiuneurs  du 
côté  opposé  n'avaient  éprouvé  qu'une  très-légère  diminution. 

Au  mois  de  décembre  de  la  même  année,  je  fus  appelé  pour 
donner  des  soins  à  la  mOme  personne,  atteinte  d'un  catarrhe 
aigu  des  plus  graves,  avec  toux  fréquente,  expectoration  de 
crachats  purulens,  fièvre,  sueurs  nocturnes,  etc.,  aceidens 
qu'elle  attribuait  à  l'étal  froid  de  la  température.  Son  cautère 


(59) 

co  menait  encore  quinze  pois,  mais  j'appris  qu'elle  dépassait 
beaucoup  la  dose  d'iode  prescrite,  dans  l'espoir  de  guérir  plus 
p  ronipienient,  et  surtout  d'empêcher  le  retour  de  lamaladie, 
et  j'en  tondus  que  l'iode  n'était  pas  étranger  à  la  gravité  de 
l'affection  pulmonaire.  .Alademoiselle  Coltet  fut  long-temps 
alitée,  mais,  enfin,  la  maladie  céda  aux  nombreux  emplâtres 
stibiés,  dont  je  ne  balançai  pas  à  recouvrir  la  poitrine.  Elle  se 
rétablitauprinlemps,et,depuiscetteépoque, elle  jouit  d'une 
bonne  santé  ;  toutes  les  tumeurs  ont  disparu. 

M.  Mai***,  fils  d'un  propriétaire  de  Saint-Sorlin  (Saône- 
et-Loire),  .Igé  de  dix-huit  ans,  vint  me  consulter,  en  mars 
■  i85i,  pour  une  tumeur  qu'il  portait  derrière  l'angle  de  lamâ- 
choire  inférieure,  à  la  partie  latérale  gauche  du  cou.  Cette 
masse  glandulaire  était  formée  de  trois  portions  :  une,  plus 
interne,  de  la  grosseur  d'un  œuf;  une,  postérieure  à  celle-ci, 
avait  le  volume  d'une  noix;  et  enfin  la  troisième,  placée 
au-dessus  des  deux  autres,  était  plus  petite  et  plus  profonde. 
M.  Mar***  était  d'une  faible  constitution,  d'un  tempérament 
lymphatique,  et  portait  des  traces  profondes  de  petite  vérole. 
Lorsque  le  malade  vint  me  consulter,  l'engorgement  datait 
de  deux  ans,  et,  loin  de  diminuer,  faisait  chaque  jour  des  pro- 
grès. On  avait  vainement  employé  des  sangsues,  des  cata- 
plasmes émoUien  s,  des  frictions  avec  la  pommade  iodurée,  etc. 
Je  «prescrivis  le  traitement  suivant  :  teinture  d'iode  àpetite  dose, 
cinq  àsix  gouttes  dans  un  verre  d'eau  matin  et  soir,  boissons  mu- 
cilagineuses,  vaste  exutoire  au  bras  gauche,  frictions  mercurietles 
et  application  d'un  morceau  de  potasse  caustique  sur  la  tumeur  la 
plus  saillante. 

Un  mois  après,  cette  tumeur  avait  disparu  ;  mais  les  deux 
autres,  loin  de  s'effacer,  étaient  devenues  plus  apparentes 
par  la  résolution  de  celle  qui  les  recouvrait  en  partie.  A  cette 
époque  je  fus  forcé  de  suspendre  liode,  à  cause  d'une  toux 
rare,  avec  expectoration  le  matin  et  sentiment  de  gêne  der- 
rière le  sternum,  symptômes  qui  disparurent  quelques  jours 
après  la  cessation  de  l'usage  de  l'iode,  que  je  remplaçai  par 
le  sirop  anti-scorbutique.  J'attaquai  par  an  nouveau  cautère  la 
seconde  tumeur,  qui  disparut  en  moins  de  vingt  jours.  J'aban- 
donnai à  elle-même  la  troisième,  dans  l'espérance  que  les 
frictions,  le  vaste  cautère  du  bras,  en  favoriseraient  la  réso- 
lution; mais,  au  printemps  suivant,  elle  prit  en  peu  «le  joups 
un  accroissement  considérable,  et  Mar***  vint  rêclajiier  un 
troisième  cautère.  Je  l'appliquai  de  nouveau,  et,  en  trente- 
cinq  jours,  la  guérison  fut  complète.  Depuis  cette  époque  ce 
jeune  homme,  qui  s'est  marié,  continue  de  jouird'une  bonne 
santé.  Les  trois  cicatrices  sont  peu  sensibles. 


(6o  ) 

Mademoiselle Nav***,  de  Saint-Didier  (Ain),  5gée  de  douze 
ans,  nnc  fut  amenée  en  1829,  portant  deux  tumeurs  scrofu- 
leuses,  l'une  du  volume  d'un  œuf  de  pigeon,  à  la  partie  in- 
férieure du  tibia,  au-devant  de  son  articuliilion,  l'autre, plus 
petite,  derrière  la  malléole  interne,  gênant  bcu.'^ihlouient  la 
marche.  Ces  tumeurs  étaient  indolentes,  molles,  et  sans 
changement  de  couleur  à  la  peau.  Cette  petite  malade  était, 
en  outre,  sujette  depuis  son  enfance  à  une  ophtalmie  qui 
avait  déterminé  l'ulcération  du  bord  libre  des  paupières  et  la 
chute  des  cils.  Elle  était  pille,  maigre,  puilait  au  cou  plu- 
sieurs glandes  engorgées,  olfrait  enfm  tous  les  signes  du  vice 
scrofuleux. 

Les  tumeurs  du  pied  dataient  de  plusieurs  années  etavaient 
résisté  à  divers  traitemens.  J'établis  an  vaste  cautère  à  la  partie 
interne  et  supérieure  de  la  jambe.  Soir  et  matin  je  fis  prendre  un 
bain  local  dans  un  litre  d'eau  iiide,  contenant  :  iode,  trois  crains, 
iodurc  de  potassium,  six  grains.  J'ordonnai  en  outre  des  frictions 
iodurées  et  mercurielles  alternativement,  le  sirop  aniiscorbutique 
et  des  laxatifs.  Le  tout  fut  continué  sans  succès  apparent  pen- 
dant plus  de  deux  mois.  Alors  je  plaçai  un  morceau  de  potasse 
caustique  sur  chaque  tumeur,  et,  en  moins  d'un  mois,  la  gué- 
rison  futcompl.ète.  J'ai  revu  la  malade  plusieurs  annéesaprés, 
elle  jouissait  d'une  sauté  parl'aile.  L'ojjhialmic  avait  disparu, 
et  les  glandes  du  cou  s'ellacaient  graduellement.  Elle  avait 
conservé  le  cautère  de  la  jambe. 

ART.  985. 

Observations  sur   le   traitement   de   l'érysipèle  par   la    cauté- 
risation. 

M.  IlaudcnSj  chirurgien-major  et  professeur  à  l'hùpi'al  mi- 
litaire d'instruction  d'Alger,  a  publié  dans  la  Lancette  du  8 
janvier  quelques  considérations  sur  l'emploi  du  cautère  ac- 
tuel, déjà  proposé  par  plusieurs  praticiens,  et  entre  autres 
par  M.  l^arrey,dans  le  traitement  de  l'érysipèle.  L'elTroi  que 
cause  en  géuéral  l'application  du  feu  fera  toujours  rejeter  ce 
moyen  dans  les  cas  ordinaires  ;  mais,  dans  certaines  circon- 
stances, la  cautérisation  peut  être,  suivant  M.  Baudens,  une 
précieuse  ressource.  Souvent  des  malades  voués  à  une  mort 
à  peu  près  certaine  ont  été  promplemeut  guéris  pa  r  cette  mé- 
tliodc,  »;i  ce  chirurgien  a  i;ité,  parmi  un  très-grand  nombre 
d'exeuiples,  les  trois  fiiit«i  Miivans. 

Un  militaire  reçut  a  Bougie  une  balle  qui  glissa  sur  la  face 


(61) 

interne  et  moyenne  du  tibia,  où  elle  détermina  une  plaie  con- 
tuse.  Tout  alla  bien  pendant  dix  jours,  au  bout  desquels  ce 
jeune  homme  ayant  été  évacué  sur  Alger,  le  fond  de  la  plaie 
devint  j;iisâtre,  le  pus  se  tarit,  et  il  survint  un  érysipèle  qui, 
malgré  une  application  de  cinquante  sangsues,  envahit  pres- 
que tout  le  membre  abdominal.  Lorsque  M.  Baudens  le  vi- 
sita, il  y  avait  fièvre,  soif,  douleurs  épigastriques,  céphalal- 
gie, etc.  Deux  cautères  à  cônes  tronqués  furent  chauffés  à  blanc 
et  promenés  très-rapidement  sur  toute  la  surface  érysipélatease^ 
en  portant  les  pointes  de  fera  huit  ou  dix  lignes  de  distance  envi- 
ron, et  en  diipassant  de  quelques  lignes  le  cercle  du  mal,  dont  les 
Uiniles  étaient  cautérisées  avec  un  peu  plus  de  force. 

La  rougeur  disparut  instantanément,  et  fit  place  à  une  cou- 
leur d'un  blanc  jaunâtre;  l'épiderme  sain  avait  été  atteint  par 
le  fer,  et  le  malade,  qui  d'abord  avait  été  fort  effrayé,  déclara 
n'avoir  que  très-peu  souffert.  La  plaie  futpansée  simplement,' 
et,  pendant  deux  jours,  imbibée  d'eau  froide  avec  addition 
d'extrait  de  saturne.  Trente  sangsues  furent  en  outre  appli- 
quées à  l'épigastrc,  et  dix  à  chaque  apophyse  mastoïde.  Une 
détente  générale  suivit  cette  opération,  et,  en  peu  de  jours, 
il  ne  restait  aucune  trace  de  l'érysipèle. 

La  seconde  observationcitéepar  M.  Baudens  est  à  peu  près 
semblable  pour  son  intensité.  Mais  la  dernière  est  fort  remar- 
quable, et  témoigne  réellement  des  bons  effets  de  la  cautéri- 
sation. 

Un  marin  fut  pris  d'une  irritation  gastro-intestinale  et  ad- 
mis à  l'hôpital  d'Alger.  Il  fut  traité  vigoureusement  par  les 
anliphlogistiques,  et  les  phénomènes  inflammatoires  étaient 
déjà  fort  amendés,  lorsqu'un  érysipèle  se  développa  dans  le 
haut  de  la  cuisse  droite,  avec  rougeur  et  chaleur.  Vingt-cinq 
sangsues,  des  frictions  mercurielles,  un  vésicatoire  volant, 
n'en  purent  arrêter  la  inarche  Ce  malade  fut,  au  bout  de 
quelques  jours,  transporté  dans  les  salles  de  M.  Baudens,  of- 
frant l'état  suivant  :  l'érysipèle  envahissait  tout  le  menibre 
pelvien  droit,  toute  la  moitié  antérieure  et  latérale  de  l'abdo- 
men et  toute  la  face  postérieure  du  tronc  jusqu'à  la  tête. 
Des  points  gangreneux  se  montraient  çà  et  là.  La  lan- 
gue était  rouge,  les  dents  fuligineuses;  il  y  avait  soif  vive  et 
délire. 

La  mort  paraissait  inévitable,  lorsque  M.  Baudens  fit  chauf- 
fer à  blanc  quatre  gros  cautères  qu'il  porta  de  la  têteauxpieds 
du  malade.  Par  cette  médication  énergique,  le  mal  fut  limité 
au  pli  de  l'aine  où  était  la  gangrène,  tandis  qu'il  disparut 
sur  tous  les  autres  points.  Une  réaction  eut  lieu  spontané- 
ment, et  fut  suivie  d'une  sueur  abondante;  on  pratiqua  une 


(62) 

saignée  générale, et,  dès  lemêûie  jour,  icpoulsse  développa, 
la  langue  s^humectaet  le  délire  disparut.  La  peau  gangrenée 
laissa  à  découvert  une  large  surface,  qui  ne  lut  cicatrisée 
qu'au  bout  de  deus  mois. 

AtiT.  984. 

Ongles  entrés  dans  tes  chairs;  traitement  par  la  cautérisatioH 
avec  le  fer  rouge. 

On  trouve  dans  les  Annales  de  la  médecine  physiologique 
quelques  considérations  sur  le  procédé  de  la  cautérisation 
adopté  parM.le  docteur  Labat  dans  le  traitement  de  l'ongi^ 
incarné. 

M.  le  docteur  Pointier  s'aperçut,  à  la  suite  de  marches 
forcées,que  l'ongle  du  gros  orteil  droit  pénétrait  dans  les  chairs 
par  son  côté  interne;  bientôt  celui  du  côté  gauche  prit  la 
même  direction  vicieuse,  et  la  marche  devint  tout-à-fait  im- 
possible. Une  lame  de  plomb  fut  vainement  introduite  entre 
l'ongle  et  les  chairs  boursoufllées  ;  il  fallut  renoncer  à  ce 
moyen  qui  n'avait  aucun  résultat  avantageux.  La  portion  de 
l'ongle  entrée  dans  les  chairs  fut  donc  arrachée;  on  crut  d'a- 
bord la  guérison  obtenue;  mais,  au  bout  de  deux  mois,  la 
maladie  récidiva. 

M.  le  docteur  Labat,  consulté  alors,  résolut  de  détruire  , 
par  la  cautérisation,  la  racine  ou  matrice  de  l'ongle  des  deux 
gros  orteils;  une  lame  de  fer  rouge,  grosse  de  deux  lignes, 
fut  portée  sur  la  matrice  des  ongles ,  de  manière  à  donner  à 
la  brûlure  une  direction  on  arc  de  cercle  coïncidant  avec  celle 
do  l'ongle.  La  cautérisation  fut  profonde  ;  des  cataplasmes 
laudanibés  furent  appliqués,  et,  au  bcil  de  quelques  jours, 
les  escarres  ee  séparèrent.  Los  ongles  prirent  alors  une  cou- 
leur jaunâtre,  se  racornirent,  et  ne  tardèrent  pas  à  tomberé 
La  cicatrisation  fut  complète  quinze  jours  après  ropéralion  , 
et  celte  fuis  il  n'y  eut  plus  de  récidive. 

Enhardi  par  ce  succès,  31.  Labat  a  employé  la  cautérisa- 
tion dans  un  grand nouibre  de  cas  de  ce  genre,  et  toujours  une 
guéribon  parfaite  a  été  obtenue. 

Réflexions.  M.  l'ointier ,  en  rapportant  ce  procédé  ,  pro- 
pose de  le  modilier  de  telle  manière  que  la  portion  de  la  ma- 
trice «jui  donne  naissance  à  la  partie  de  l'ongle  incarnée  soit 
seule  cautérisée.  L'opération  serait  alors  beaucoup  plus  sim- 
ple, et  il  Hullirait,  pour  l'exccutcr  ,  d'un  boulon  de  feu  d'un 
Irès-'pcUt  dianièlre  ;  lUttis,  de  même  que  lorsqu'on  u'arrache 


(63) 

pas  l'oQgle  enticiemeat,  on  est  exposé  à  des  accidens,  de 
même  aussi,  en  ne  cautérisant  qu'une  partie  de  sa  matrice, 
ou  u'aurait  sans  doute  pas  la  certitude  de  voir  reprendre  à 
l'ongle  une  bonne  direction.  C'est,  en  effet,  cet  arrache- 
ment incomplet  qui,  dans  un  assez  grand  nombre  de  cas, 
est  suivi  de  récidive.  Quand  la  matrice  est  complètement  en- 
levée, la  guérisou  est  à  peu  près  certaine;  car,  si  le  procédé 
de  JL  Dupuytren  est  rejeté  par  beaucoup  de  chirurgiens, 
c'est  bien  moins  ù  cause  de  l'incertitude  de  son  action  qu'à 
raison  de  l'atrocité  des  douleurs  qu'il  détermine. 

Il  est  à  regretter  que  l'auteur  de  cet  article,  qui  a  été  lui- 
même  soumis  à  l'arrachement  et  à  la  cautérisation,  ne  se 
soit  pas  expliqué  sur  la  diiïérence  qu'il  a  dû  reconnaître  dans 
l'intensité  de  la  douleur  pendant  ces  deux  opérations;  il  se 
borne  à  dire  :  «  L'avulsion  de  l'ongle  par  le  procédé  de 
M.  Dupuytren  estuneopération  tout  aussi  douloureuse,  bien  . 
qu'elle  soit  moiui  propre  à  effrayer  les  malades.  »  Il  nous 
semble,  a^i  contraire,  que  l'opération  qui  consiste  à  fendre 
l'ongle,  à  le  renverser  et  à  arracher  ses  racines,  a  quelque 
chose  de  plus  eilrayant  encore  que  l'application  momentanée 
d'un  cautère  actuel,  et  que  les  malades  doivent  s'y  soumet- 
tre avec  une  répugnance  au  moins  égale.  Quelle  que  soit  au 
reste  la  diiïérence  qui  peut  exister  entre  les  douleurs  produi- 
tes par  ces  deux  procédés,  les  praticiens  ne  se  décideront  le 
plus  souvent  à  y  recourir  qu'après  avoir  reconnu  l'insuffi- 
sance d'une  des  méthodes  exposées  à  nos  articles  109,  499' 
596  et  893. 

A&T.    985. 

Observation  curieuse  de  suicide  par  asphyxie.  —  Monomanie  sui-' 
ciUe  causée  par  la  répercussion  d'une  affection  cutanée,.  «-— 
Pendus  rappelés  à  la  xi",  après  une  longue  suspension. 

M.  Gérard,  docteur  en  médecine  à  Gray,  a  communiqué 
à  la  Société  de  médecine  de  Paris  une  curieuse  observation 
de  suicide  par  le  charbon. 

Un  jeune  homme  de  vingt-cinq  ans,  d'une  taille  Ircs-éle- 
vée,  et  d'une  bonne  constitution,  ayant  résolu  de  ^c  suicider, 
s'enferma  dans  une  petite  chambre,  et  après  avoir  placé  dans 
une  alcôve  uu  put  contenant  du  charbon,  y  mit  le  feu,  et 
sortit  aussitôt  pour  annoncer  à  quelques  voisins  qu'il  allait 
se  donner  la  morl>  Au  boui.  d'une  heure  environ  il  rentra 


(64) 

dans  sa  chambre,  et  ce  ne  fut  que  le  lendemain  matin  qu'en 
présence  du  maire,  qui  était  son  oncle,  on  ouvrit  la  porte. 
Des  vapeurs  de  charbon  d'une  odeur  insoutenable  forcèrent 
les  assistans  de  reculer;  dès  qu'ils  apcrcurc^nt  le  corps  de 
ce  malheureux  étendu  sur  son  !if,  ils  le  crurent  mort,  et 
s'empressèrent  de  refermer  la  porte.  Soixante  -  six  heures 
après  l'époque  probable  de  la  mort,  M.  Gérard,  accompagné 
du  juge  de  paix,  se  présenta  pour  faire  la  visite  du  cadavre. 

II.  était  complètement  habillé ,  étendu  sur  le  dos  au 
travers  du  lit,  la  jambe  droite  croisant  la  jambe  gauche,  et 
les  deux  bras  appuyés  sur  la  poitrine.  La  figure  était  horri- 
blement gonflée,  livide  et  noirâtre.  Le  corps  entier  paraissait 
augmenté  du  quart  de  son  volume.  Le  pantalon  était  souillé 
d'urine  et  de  matières  fécales,  et  la  bouche  et  les  fosses  na- 
sales avaient  laissé  échapper  des  matières  alimentaires. 

L'autopsie  n'a  guère  démontré  que  l'engorgement  des 
poumons,  et  l'absence  complète  du  sang  dans  les  cavités  du 
cœur. 

Il  paraît  que  ce  malheureux  a  peu  soufl'ert  avant  de  mou- 
rir, car  rien  n'annonçait  qu'il  se  fût  agité  dans  ses  derniers 
momens.  Près  de  lui  se  trouvaient  deux  volumes  d'une  En- 
cyclopédie, ouverts,  l'un  à  l'article  extase,  l'autre  à  l'article 
mort.  Le  premier  était  au  pied  du  lit,  le  second  était  près  de 
sa  main  droite,  ce  qui,  joint  à  quelques  lignes  écrites  dans 
les  premiers  momens,  porterait  à  croire  que  ce  jeune  homme 
avait  éprouvé  d'abord  une  sorte  d'ivresse.  Quelques  mots, 
en  ellét,  tracés  au  crayon,  annonçaient  que,  tant  que  le  cer- 
veau avait  pu  guider  sa  main,  auciuie  sensation  douloureuse 
n'avait  été  perçue. 

Cette  observation  ,  écoutée  par  la  Société  avec  ut» 
grand  intérêt ,  a  doiuié  lieu  à  une  discussion  assez  in- 
téressante. M.  Bourgeois  a  dit  qu»:  la  monomanie  suicide 
pouvait  se  déclarer  presque  subitement  après  la  rép«jrcus- 
siou  d'une  affection  cutanée,  et  il  a  cité  l'exemple  d'une 
jeune  dame  qui,  après  avoir  vainement  cond);ittu  par  des 
moyens  rationnels  une  dartre  squannneusc  humide,  dévelop- 
pée sur  la  figure,  s'en  débarrassa  complètement  à  l'aide  de 
répercussifs.  Mais  bientôt  le  désir  de  mettre  fin  à  ses  jours 
la  poursuivit  au  milieu  des  plaisirs  de  tous  genres  que  lui 
offraient  sa  position  et  sa  fortune  ,  et  elle  finit  par  s'as- 
phyxier à  l'aide  de  la  vapeur  du  charbon. 

Relativement  à  la  tranquillité  dont  le  jeune  liomnie  cilé 
plus  haut  parait  avoir  joui  dans  ses  derniers  monicns,  ce  mé- 
decin a  déclaré  que,  d'après  sa  propre  expérience,  il  pensait 
que  la  douleur  ne  survenait  dan?  ces  cas  que  lorsque  les  as- 


(65) 

phyxiés  avaient  perdu  connaissance  (i).  Deux  autres  mem- 
bres, au  contraire,  ont  affirmé  que  des  personnes  incomplè- 
tement asphyxiées  leur  avaient  dit  qu'elles  conservaient  le 
souvenir  de  très  -  vives  douleurs  aux  tempes  et  dans  les 
membres. 

Enfin  M.  Chailly,  voulant  faire  remarquer  l'inégalité  de 
la  durée  de  la  vie  chez  les  asphyxiés,  dans  des  conditions  en 
apparence  semblables,  a  cité  l'exemple  d'un  employé  qui 
s'est  enfermé  dans  sa  chambre  avec  sa  femme,  afin  de  se 
donner  la  mort.  Ils  allumèrent  un  brasier  près  de  leur  lit, 
et  le  lendemain,  lorsqu'on  ouvrit  la  porte,  la  femme  respirait 
encore,  tandis  que  l'homme  était  mort  depuis  plusieurs 
heures. 

Dans  une  autre  séance,  M.  Teallier  a  rapporté  l'observa- 
tion d'un  individu  qui  s'était  pendu,  et  chez  lequel  on  trouva 
une  phlegmasie  d'une  portion  du  cerveau,  inflammation  qui 
a  paru  expliquer  suffisamment  la  profonde  mélancolie  du 
suicidé.  A  cette  occasion,  plusieurs  membres  se  sont  élevés 
contre  le  préjugé  populaire  qui  empêche  que  l'on  ne  coupe 
la  corde  d'un  pendu,  afin  que  la  justice  puisse  faire  les  re- 
cherches convenables.  M.  Bourgeois  a  raconté  qu'un  indi- 
vidu était  venu  en  toute  hâte  le  chercher  pour  porter  des 
secours  à  un  homme  qui,  quoique  pendu,  remuait  encore; 
il  n'avait  pas  osé,  disait-il,  couper  la  corde,  de  peur  qu'on 
ne  l'accusât  d'être  l'auteur  du  crime. 

Un  des  membres  de  la  Société  a  même  avoué  qu'ayant  été 
appelé  pour  donner  des  soins  à  un  pendu,  il  n'avait  pas  cru 
devoir  couper  la  corde  avant  d'appeler  deux  témoins.  Il  se 
hâta  alors,  mais  inutilement,  de  donner  des  soins  à  ce  mal- 
heureux. 

Reflexions.  Nos  lecteurs  s'étonneront  sans  doute  qu'un 
médecin,  appelé  pour  donner  des  soins  à  un  pendu,  ait  cru  de- 
voir attendre  l'arrivée  de  deux  témoins  pour  couper  la  corde, 
et  tâcher  de  le  rappeler  à  la  vie;  autant  vaudrait  ne  pas 
tendre  la  main  à  un  noyé,  dans  la  crainte  d'être  accusé  de  l'a- 
voir jeté  dans  l'eau.  Cette  crainte  est  d'autant  plus  blâmable, 
qu'on  sait  que  souvent  les  pendus  peuvent  être  rappelés  à  la 
vie  après  une  longue  suspension,  et  que,  dans  un  grand  nom- 
bre de  cas  même,  des  individus  réputés  asphyxiés  ont  été 
sauvés  par  des  soins  convenablement  administrés.  Dans  un 


(i)  Voy.  art.  2^  et  37, 

TOM.   VI. —  N"  DE  FÉVRIER. 


(66) 

ouvrage  publié  récemment  (i),  M.  Julia  de  Fontenelle  a 
réuni  une  douzaine  d'observations  de  ce  genre,  dont  plusieurs 
ont  été  recueillies  par  lui-même. 

«  M.  Capuron,  dit  ce  médecin,  m'a  raconté  qu'à  Toulouse 
des  étudians  avaient  acheté  le  corps  d'un  pendu  pour  le  dis- 
séquer. On  l'apporta  dans  la  chambre  de  l'un  d'eux,  et  pen- 
dant que  celui-ci  va  chercher  ses  camarades,  Chaton  (c'était  le 
nom  du  pendu)  donna  de  tels  signes  de  vie,  que  les  étudians, 
à  leur  retour,  furent  interdits  en  le  trouvant  assis  sur  une 
chaise;  on  le  saigna  tout  de  suite,  et  au  bout  de  quelques 
jours  de  soins,  ils  se  cotisèrent  entre  eux  pour  l'habiller  et  le 
faire  partir.  Le  malheureux  fut  ainsi  sauvé,  pour  le  moment, 
de  la  potence;  car,  semblable  à  Jacques  le  Fataliste,  il  devait 
tôt  ou  tard  en  venir  là.  EnGn,  l'année  suivante  ,  il  fut  pendu 
sous  un  autre  nom,  et  pour  un  autre  vol  qu'il  avait  commis. 

»  En  août  1833,  revenant  de  la  fièvre  jaune  de  Barcelone, 
je  passai  quelques  jours  au  village  de  Lascaldas,  où  se  trou- 
vent des  eaux  thermales.  Mina  rôdait  aux  environs  avec  ses 
partisans.  Un  matin  nous  rencontrâmes  un  paysan  qu'ils 
avaient  pendu  à  un  olivier.  Sa  bouche  était  remplie  d'une 
écume  sanguinolente.  Nous  nous  hâtâmes  de  couper  la  corde; 
il  conservait  encore  un  reste  de  chaleur,  et,  d'après  les  ren- 
seignemens  recueillis,  il  paraissait  établi  que  cet  homme  avait 
été  pendu  depuis  une  demi-heure.  Soupçonnant  la  possi- 
bilité d'un  retour  à  la  vie,  je  voulais  le  saigner;  mais  j'étais 
dépourvu  de  lancettes,  quand  un  berger  me  proposa  de  se 
charger  de  cette  opération,  qui  lui  était  familière,  attendu 
qu'il  la  pratiquait  sur  des  bêtes  à  laine.  Il  sort  alors  de  son 
sac  de  peau  une  espèce  de  canif,  il  comprime  fortement  le 
bras  et  déchire  la  veine  avec  cet  instrument.  Le  malade 
ouvre  bientôt  les  yeux,  pousse  quelques  soupirs;  il  est 
transporté  chez  lui,  où  une  forte  saignée  du  pied  et  des 
secours  appropriés  à  son  état  le  rendirent  à  la  vie.  Cet 
homme  devint  épileptique,  et  mourut,  cinq  ans  après,  d'une 
attaque  d'apoplexie.  <> 

M.  Julia  (le  Fontenelle  cite  encore  plusieurs  autres  exem- 
ples de  ce  genre,  en  faisant  remarquer  qu'on  en  trouve  de 
semblables  dans  la  plupart  des  recueils  de  médecine.  Or, 
s'il  est  rrai  que  dans  certains  cas  on  a  pu  rappeler  à  la  vie 


(i)  R<.clieiclic»intdico-légalcs  sur  l'incerlitudc  de»  si;;ncs  de.  la  mort, 
les  dangers  dis  inluimalion»  pri;cipit«"fîs,  les  moyens  de  constalcr  ie.t 
décès  et  de  rappeler  à  la  vie  ceux  qui  soul  en  élat  de  morl  apparente. 
I  vol.  in-S". 


des  individus  après  une  suspension  de  vingt  mlnutesi,  d'une 
demi-heure  mOme,  u'est-il  pas  évident  que  lorsqu'il  reste 
encore  de  la  chalcut-  vitale,  on  doit  s'empresser  de  couper  la 
corde  qui  a  produit  l'asphyxie,  et  de  donner  au  pendu  tous 
les  soins  qui  peuvent  le  rappeler  à.  la  vie? 

IRT.  986. 

Considérations  sur  le  traitement  du  charbon  et  de  ta  pustule 
maligne  par  les  évacuations  sanguines  et  les  applications 
èmoiUtntes. 

M.  Schacken,  docteur  en  tnédecioe  à  Nancy,  nous  adresse 
la  lettre  suivante  : 

Tout  médecin  qui  lira  l'article  974  de  votre  journal,  et  qui 
n'aura  pas  connaissance  de  l'efficacité  du  traitement  auti- 
phlcgistique  contre  les  phlegmasies  gangreneuses,  croira  de- 
vuirproscrire  lasaignée,  Icssangsueset  les  cataplasmesémol- 
liens  du  traitement  du  charbon  et  de  la  pustule  maligne  ;  il 
aura  recours  au  quinquina,  à  la  cautérisation,  etc.;  en  un 
mol,  il  fera  beaucoup  souffrir  son  malade,  en  aggravant  sa 
maladie,  et  il  aidera  à  la  destruction  des  tissus  enflammés,  au 
lieu  d'en  prévenir  la  moriiQcation  ;  bien  plus,  il  détruira  lui- 
même,  avec  le  feu,  des  organes  que  la  gangrène  aurait  res- 
pectés sous  l'influence  d'un  traitement  rationnel. 

Je  crois  avoir  le  premier,  ou  au  moins  un  des  premiers,  ap- 
pliqué le  traitement  antiphlogistique  aux  phlegmasies  gan- 
greneuses. Depuis  1818,  je  traiteces  phlegmasies  de  la  même 
manière  que  le  phlegmon  le  plus  franchement  inflammatoire, 
ne  prenant  nullement  en  considération  leur  mode  de  termi- 
naison. 

Le  charbon  et  lapustule  naaiigne,  afifectioos réellement  idea- 
liqucs,  sont  très-communs  dans  notre  département;  à  peu 
prés  tous  mes  confrères  ont  recours  aux  saignée?,  aux  sang- 
sucs  et  auxapplications  émoUientes,  et  toujours  avec  succès; 
bien  entendu  que,  dans  les  cas  graves,  on  doit  se  hâter  d'agir, 
et  proportionner  les  évacuations  de  sang  â  l'intensité  des 
symptômes  et  à  la  force  des  malades.  Plus  le  pouls  est  débile, 
plus  les  syncopes  sont  fréquentes,  plus  il  faut  se  hâler  de 
saigner  et  d'appliquer  les  sangsues,  non  sur  le  lieu  malade, 
mais  aux  environs;  presque  toujours  elles  rendent  l'incision 
inutile. 

Quant  à  la  cautérisation,  elle  est  teliement  nuisible  que, 
si  un  médecin  y  avait  recours,  il  encourrait  le  blùjcQe  d'aveu 
près  tous  SCS  confrères. 


(68) 

J'ai  publié  en  1826,  dans  un  journal  dont  j'étais  un  des 
rédacteurs  [Journal  de  médecine  du  département  de  la  Mcurthe), 
un  article  surl'application  du  traitement  antiphlogistique  aux 
phlegmasies  gangreneuses;  je  vais  en  extraire  l'observation 
suivante,  dans  l'espoir  que  vous  voudrez  bien  lui  donner  une 
place  dans  votre  recueil,  afin  que  vosnombreuxlecteurs  puis- 
sent sans  crainte  combattre  la  pustule  maligne  parlesmoyens 
en  usage  contre  les  autres  phlegmasies,  et  comparer  les  ré- 
sultats de  cette  pratique  à  ceux  de  celle  qui  était  générale- 
ment adoptée. 

«  Première  observation.  Dom,  fossoyeur  à  la  Neuveville-Iès- 
Nancy,âgé  de  trente-huit  ans,  d'une  très-bonne  constitution, 
portait  depuis  quelques  jours,  sansqu'il  en  connût  la  cause,  un 
petit  tubercule  àla  face  antérieure  de  l'avant-bras  ;  il  y  ressen- 
tait une  démangeaison  assez  vive,  et  les  parties  environnan- 
tes étaient  gonflées  et  douloureuses,  lorsque,  le  6  septembre 
i85o,  il  creusa  une  fosse.  Le  lendemain  -j,  je  vois  ce  malade  : 
un  gonflement  inflammatoire  intense  occupe  le  bras  et  l'é- 
paule ;  la  peau  est  terne  et  rouge  à  la  face  interne  du  mem- 
bre; à  l'avant-bras,  elle  est  couverte  d'un  grand  nombre  de 
vésicules,  dont  quelques-unes  contieiment  une  sérosité  noi- 
râtre, et  paraissent  cacher  une  escarre  gangreneuse;  les  dou- 
leurs sont  violentes ,  elles  déterminent  quelques  lipothymies; 
la  peau  est  chaude  et  humide;  le  pouls  est  concentré,  très- 
accéléré  et  facile  à  déprimer;  la  soif  ardente,  la  langue  sèche 
et  rouge.  Presc.  :  Saignée  de  six  à  huit  onces,  immédiate- 
ment suivie  d'une  application  de  vingt  sangsues  à  la  face 
postérieure  de  l'avant-bras,  limonade  pour  boisson,  panse- 
mens  émoUiens.  Le  8,  l'amélioration  produite  par  le  traite- 
ment de  la  veille,  quoique  très-manifeste,  avait  été  de  peu  de 
durée;  le  gonflement  du  membre  était  aussi  fort,  les  lipothy- 
mies se  succédaient  chaque  vingt  minutes  environ.  Presc.  : 
Quarante  sangsues  sur  la  face  postérieure  du  membre;  du 
reste,  même  traitement.  Le  y,  amélioration  très-sensible, 
plus  de  lipothymies;  le  bras  est  moins  douloureux,  mais  il 
est  encore  très-gonflé;  le  pouls  est  moins  concentré,  mais  il 
est  fréquent  et  trùs-facile  à  déprimer.  Presc.  :  Trente  sang- 
sues, luême  traitement.  Le  10  et  le  11,  plus  de  douleurs  ni  de 
réaction  fébrile;  le  gonflement  du  bras  est  à  peine  sensible; 
les  vésicules  ouvertes,  on  aperçoit  à  l'avant-bras  une  escarre 
de  l'étendue  d'une  pièce  de  deux  francs;  les  alimens  sont 
rendus  au  malade,  les  cataplasnjes  émoiliens  hâtent  la  chute 
de  l'escarre,  qui  est  bientôt  suivie  de  la  cicatrisation  de  la 
plaie,  qui  n'avait  en  profondeur  que  l'épaisseur  delà  peau.  » 

Celle  observation  préscnlc  un  cas  depuslulc  maligne,  dont 


(69) 

la  gravité  a  été  la  conséquence  d'un  travail  forcé  et  du  dé- 
faut de  traitement  au  début  de  la  maladie.  C'est  là  ce  qui  se 
passe  chez  les  hommes  robustes,  et  surtoutchez  ceux  qui  sont 
échaufl'és  par  des  spiritueux.  Il  n'en  est  pas  de  même  lors- 
que les  malades  se  mettent  tout  de  suite  au  régime  ;  souvent, 
alors,  des  applications  émoUientes,  quelques  bains,  suffi- 
sent. 

L'escarre  n'a  cependant  eu  que  l'étendue  d'une  pièce  de 
deux  francs.  C'est  à  l'activité  du  traitement,  appliqué  encore 
à  temps,  que  cet  heureux  résultat  doit  être  attribué.  Dans  la 
même  commune,  la  femme  Carrard,  qui  fait  le  sujet  de  la 
deuxième  observation  ;  le  nommé  Job,  d'une  autrecommune, 
qui  fait  le  sujet  de  la  troisième,  ont  eu  des  escarres  plus  con- 
sidérables, parce  que  les  évacuations  sanguines  ont  été  ajour- 
nées, et  parce  que  Job  s'est  plusieurs  fois  enivré.  Ce  malade 
a  eu  plusieurs  pustules,  quelques-unes  ont  été  incisées  et  cau- 
térisées. Celles  qui  ont  été  cautérisées  ont  laissé  des  traces 
profondes,  dont  la  guérison  s'est  fait  attendre  bien  au-delà 
de  celle  des  autres. 

Quant  au  mode  de  propagation  de  la  pustule  maligne,  il 
est  certain  que  les  animaux  atteints  de  gastro-entérites  épi- 
démiques,  avec  ou  sans  tumeurs  charbonneuses,  la  donnent 
à  l'homme,  lors  même  qu'il  n'a  été  que  souillé  par  le  sang 
de  ces  animaux  en  les  saignant,  ou  par  la  peau  transportée 
aux  marchés.  Dans  d'autres  cas,  on  ne  peut  rapporter  son 
apparition  à  aucune  cause. 

Je  n'ai  jamais  vu  la  pustule  maligne  se  propager  d'homme 
à  homme,  malgré  les  contacts  les  plus  fréquens.  J'ignore  s'il 
en  serait  de  même  de  l'inoculation  (i). 

ART.  987. 

Observation  de  fistule  stercoralc  •guérie  sans  opération  ;  consi- 
dérations pratiques  sur  les  fistules  A  l'anus. 

M.  le  docteur  Gillet  a  publié  l'observation  suivante  dans 
le  Recueil  de  la  Société  royale  de  médecine  de  Marseille. 

Un  homme  de  quarante-cinq  ans  fut  atteint  d'une  tumeur 
inflammatoire  au  voisinage  du  côté  gauche  de  l'auus  ;  il  se 
borna,  pendant  quelques  jours,  à  appliquer  des  cataplasmes 
émolliens;  et  lorsque  M.  Gillet  fut  appelé,  la  tumeur  était 


(i)  Voy.  art.    i5o. 


(70) 

çoBsidéraJ)lc,  et  son  poiot  le  plus  élevé  présentait  une  large 
escarre  gangreneuse.  Une  forte  saignée  fut  aussitôt  prati- 
quée, et,  la  tumeur  ayant  été  incisée ,  il  s'en  écoula  une 
grande  quantité  de  pus  entraînant  des  matières  fécales  et 
des  portions  de  tissu  cellulaire  morlifié.  Le  doigt  introduit 
dans  le  rectum  rencontra  la  perforation  à  deux  pouces  envi- 
ron de  l'anus;  elle  pouvait  admettre  l'extrémité  de  l'index. 
L'intestin  était  détaché  du  tissu  cellulaire  dans  une  grande 
étendue;  M.  Gillet  proposa  de  le  fendre  dans  toute  l'étendue 
de  sa  dénudation;  mais  le  malade  se  refusa  à  subir  celte  opé- 
ratiou,  et  il  fallut  chercher  un  autre  moyen  de  recoller  les 
parois.  En  conséquence,  un  tampon  de  charpie  fut  introduit 
dans  le  rectum,  dans  toute  la  longueur  du  décollement  do 
l'intestin;  une  mèche  fut  placée  entre  les  lèvres  de  l'incision, 
et  on  recouvrit  le  tout  d'un  large  cataplasme. 

Le  malade,  maintenu  au  régime  le  plus  sévère,  ne  tarda 
pas  ù  éprouver  une  amélioration  sensible.  Chaque  fois  qu'il 
allait  ù  la  selle,  le  tampon  était  replacé  daus  le  rectum.  Soua 
l'influence  de  cette  compression,  les  parois  de  l'abcès  com-^ 
mencérent  à  se  recoller,  la  suppuration  devint  moindre,  et 
chaque  jour  une  plus  petite  quantité  de  matière  fécale  passa 
par  la  fistule.  Au  bout  d'un  mois,  le  recollement  était  opéré 
dans  les  trois  quarts  de  l'étendue  du  foyer;  on  accorda  quel- 
ques alimens,  et  enfin,  le  cinquantième  jour,  la  plaie  était 
entièrement  cicatrisée. 

R(  flexions.  Nous  rapprocherons  cette  observation  de  cel- 
les que  nous  avons  rapportées  à  notre  art.  821,  en  exposant 
les  préceptes  de  M.  Lisfranc  sur  ce  sujet.  Il  est  hors  de  doute 
qu'un  certain  nombre  de  fistules  peuvent  être  guéries  sans 
incision;  et  bien  que,  dans  ces  cas  simples,  l'opération  soit 
en  général  peu  douloureuse,  les  malades  se  décident  assez 
volontiers  à  tenter  tous  les  moyens  qu'on  leur  propose,  pour 
éviter  de  se  soumettre  à  l'action  du  bistouri  qu'ils  redoutent 
toujours.  L'importance  de  ce  sujet  nous  engage  ù  rapporter 
ici  quelques-uns  des  préceptes  émis  par  le  chirurgien  de  la 
Pitié  dans  une  de  ses  le<;ons  sur  la  fistule  stercorale,  pour 
servir  de  complément  A  l'article  indi((ué  ci-dessus. 

Il  est  des  chirurgiens,  a  dit  >I.  Lisfranc,  qui  donnent  le 
précepte  de  ne  p.is  ouvrir  les  furoncles  que  certains  malades 
oflrcnt  parfois  aux  environs  de  l'anus.  Il  résulte  de  cette  né- 

f;ligcnce  que  rinflamnialion  gagne  le  tissu  cellulaire  voisin, 
e  foyer  de  suppuration  s';igraiidit,  et  souvent  il  s'établit 
une  fistule  borgne  interne.  On  ne  doit  donc  pas  abandonner 
ces  sortes  de  pldegmons  à  eux-mêmes;  il  faut,  au  contraire, 
se  hâter  de  les  inciser  crucialement  ;  c'est  le  meilleur  moyen 


(70 

de  prévenir  les  accidensqui  peuvent  résulter  de  leur  déve- 
loppement. 

Souvent  des  individus,  bien  portans  d'ailleurs,  offrent,  à 
la  niarfje  de  l'anus,  des  abcès  dont  la  marche  n'est  ni  lente, 
ni  rapide.  Ces  abcès  s'ouvrent,  puis  se  referment  avant  que 
l'engorgement  soit  complèlement  fondu.  On  croit  les  mala- 
des guéris,  et  on  leur  permet  de  reprendre  leurs  occupations; 
mais  l'induratiin  du  tissu  cellulaire,  qui  n'est  pas  entière- 
ment dissipée,  est  ia  source  d'une  rechute  qui  survient  à  la 
suite  d'un  excès  dans  le  régime,  la  marche,  etc.  La  douleur 
et  l'engorgement  du  tissu  cellulaire  annoncent  bientôt  un 
nouvel  abcès  qui  s'ouvre,  et,  se  terminant  encore  d'une  ma- 
nière incoaiplète,  peut  donner  lieu  à  une  seconde  rechute. 
Souvent  la  récidive  de  ces  abcès  finit  par  amener  le  dévelop- 
pement d'une  fistule  :  il  faut  donc  ne  pas  laisser  fermer  coip- 
plètement  ces  plaies  avant  d'avoir  dissipé  l'engorgement  par 
des  émolliens  et  des  évacuations  sanguines,  ou,  si  l'indura- 
tion est  ù  l'état  chronique,  par  des  frictions  avec  l'onguent 
mercuriel,  l'hydriodate  de  potasse,  par  la  compression,  etc. 

Il  est  des  praticiens  qui,  pour  savoir  si  la  fistule  pénètre 
dans  l'intérieur  du  reriuni,  n'ont  pas  besoin  d'introduire  un 
stylet  dans  son  trajet;  il  leur  suffit  d'explorer  avec  le  doigt 
la  face  interne  de  l'intestin.  L'orifice  de  la  fistule  présente 
toujours  une  induration  ou  une  sorte  d'infundibulum,  qu'il 
est  impossible  de  mécoimaîlre  lorsqu'on  a  contracté  une 
certaine  habitude  de  faire  ces  recherches  :  le  professeur  Pel- 
letan  se  bornait  toujours  à  ce  mode  d'exploration. 

Il  faut  convenir  cependant  que  souvent  ces  fistules  sont 
complètement  méconnues.  M.  Lisfranc  a  été  fréquemment 
consulté  par  des  personnes  qui  n'avaient,  suivant  leur  mé- 
decin, qu'un  écoulement  par  l'anus,  et  chez  lesquelles  un 
examen  plus  attentif  faisait  reconnaître  une  fistule  borgne 
interne;  dans  ces  cas,  l'orifice  de  la  fistule  était  le  plus  ordi- 
nairement situé  à  quelques  lignes  seulement  de  l'extrémité 
du  rectum;  quand  les  malades  allaient  i  la  selle,  ils  rendaient 
environ  une  cuillerée  à  café  de  pus,  et,  la  fistule  s'étant  com- 
plètement vidée  de  cette  manière,  on  ne  pouvait  plus  en  re- 
trouver la  trace;  mais  on  peut,  en  faisant  des  tractions  sur  les 
parties  qui  environnent  l'anus,  apercevoir  l'intérieur  de  l'in- 
testin aune  très-grande  profondeur;  promenant  alors  un  sty- 
let sur  toute  sa  surface,  on  parvient  à  pénétrer  dans  rorifice 
de  la  fistule. 

M.  Lisfranc  fut  appelé,  l'an  dernier,  auprès  d'un  négociant 
chez  lequel  du  pus,  ou  plutôt,  des  mucosités  s'écoulaient 
continuellement  sur  le  périnée,  et  le  long  de  la  partie  supé- 


(72) 

rieure  des  cuisses.  Le  ùiédecia  ordinaire  pensait  cjue  cet  écou- 
lement était  lié  à  l'existence  d'hémorrhoïdes;  mais,  en  l'exami- 
nant de  la  manière  indiquée,  on  trouva  l'orifice  d'une  fistule 
qui  pénétrait  fort  profondément  dans  le  tissu  cellulaire. 

Les  fistules,  en  général,  ont  leur  orifice  le  plus  souvent 
entre  le  premier  et  le  second  sphincter  ;  mais  quelquefois 
elles  sont  situées  beaucoup  plus  haut;  dans  certains  cas 
même  le  doigt  ne  saurait  les  atteindie. 

On  sait  qu'il  est  des  circonstances  dans  lesquelles  il  faut 
bien  se  donner  de  garde  de  les  opérer;  ainsi,  lorsqu'elles  se 
sont  dévelopées  sous  l'influence  d'un  engorgemeut  chroni- 
que du  bas-ventre  ou  de  la  poitrine,  leur  guérison  pourrait 
être  funeste  aux  malades.  Il  y  a  en  effet,  entre  la  poitrine 
et  le  bassin,  une  telle  sympathie,  que  M.  Serres  a  renuaqué 
que,  chez  les  phthisiques,  les  artères  de  cette  région  étaient 
presque  toujours  doublées  de  volume  ;  aussi,  lorsque,  dans 
le  cours  d'une  affection  chronique  de  la  poitrine,  il  s'établit 
nn  exutoire  vers  le  rectum,  l'amélioration  ne  tarde  pas  à 
suivre,  comme  l'affection  de  poitrine  se  réveille  ou  fait  de  ra- 
pides progrés  lorsqu'on  obtient  imprudemment  la  cicatrisa- 
tion d'une  fistule  stercorale.  II  faut  donc,  suivant  M.  Lisfranc, 
s'informer  avec  grand  soin  de  l'état  de  santé  du  malade  avant 
rétablissement  de  sa  fistule.  S'il  déclare  qu'il  toussait  avant 
cette  époque,  et  que  la  toux  a  disparu  avec  l'établissement 
de  cet  exutoire,  il  faut  bien  se  donner  de  garde  de  le  sup- 
primer, se  fùt-il  écoulé  sept  ou  huit  ans  depuis  cette  amé- 
lioration dans  la  santé  générale. 

Pour  éviter  l'établissement  de  ces  fistules,  il  faut  se  hâter 
d'ouvrir  les  abcès  qui  se  forment  à  la  marge  de  l'anus  dès  que 
la  fluctuation  se  manifeste  ;  mais  cette  fluctuation  n'est  pas 
toujours  facile  à  reconnaître.  Pour  la  constater,  on  doit  in- 
troduire le  doigt  indicateur  dans  le  rectum,  puis,  tournant 
sa  pulpe  vers  le  foyer  de  l'abcès,  on  presse  ainsi  de  dedans 
en  dehors,  tandis  qu'avec  l'autre  main  ou  reconnaît  la  présence 
du  pus.  Un  coup  de  bistouri  vide  le  foyer  purulent,  et  fait 
éviter  souvent  ainsi  l'établissement  d'une  fistule.  Mais  ici  se 
présente  une  considération  pratique  importante. 

Souvent  le  pus  qui  s'écoule  d(;  cet  abcès  exhale  une 
odeur  de  matières  fécales,  et  il  ne  faut  pas  toujours  en  con- 
clure que  l'intestin  est  perforé.  Il  n'est  pas  étonnant,  en  ef- 
fet, que  ce  liquide,  séjournant  dans  le  voisinage  de  ces  ma- 
tières, s'imprègne  de  leur  ndeur,  qui  pénètre  les  tissus;  les 
gaz  d'ailleurs  traversent  parfois  l'intestin,  et  peuvent  voyager 
dans  différentes  parties  du  corps  ;  ce  qu'il  y  a  de  certain, 
c'est  que  des  abcès  ainsi  ouverts,  et  qui  répandaient  une  odeur 


(73) 
très -prononcée  de  matières  fécales,  se  sont  fermés  très- 
souvenl  on  vingt-quatre  ou  trente-six  heures,  ce  qui  n'au- 
rait pas  eu  lieu  si  riatcstin  avait  été  perforé. 

Passant  aux  moyens  thérapeutiques,  M.  Lisfranc  a  Jit 
quelques  mots  de  la  compression  qui  a  fait  le  sujet  de  notre 
art,  821.  Suivant  ce  professeur,  il  ne  faut  guère  songer  à 
l'employer  quand  la  fistule  date  de  plus  de  trois  mois;  dans 
tous  les  cas,  il  est  des  précautions  qu'on  ne  doit  pas  négli- 
ger quand  on  veut  recourir  à  ce  moyen  :  ainsi  il  faut  com- 
mencer par  combattre  l'inflammation  qui  résulte  de  l'ouver- 
ture de  l'abcès,  et  ne  songer  à  l'appliquer  que  lorsque  la 
plaie  est  devenue  indolente.  S'il  y  a  des  indurations,  il  faut 
les  combattre  et  les  détruire,  parce  qu'il  est  très-difficile 
d'obtenir  l'adhésion  de  tissus  anormaux.  S'il  survient  de  la 
douleur  ou  une  hémorrhagie,  il  faut  arrêter  ces  accidens.  En- 
fin, si  le  pus  ne  s'écoule  pas  facilement,  il  faut  agrandir  lé- 
gèrement l'ouverture  avec  le  bistouri  ou  avec  l'éponge  pré- 
parée. 

Pour  établir  cette  compression,  on  introduit  dans  le  rec- 
tum une  compresse  mouillée,  seulement  jusqu'au-dessus  du 
sphincter  supérieur;  on  écarte  avec  les  doigts  les  bords  de 
l'anus,  et  avec  une  pince  on  y  porte  successivement  une 
certaine  quantité  de  tampons  de  charpie,  jusqu'à  ce  que  la 
cavilé  formée  par  la  compresse  soit  entièrement  r«":niplie; 
enfiu,  on  applique  plusieurs  gâteaux  de  charpie  à  l'extérieur, 
on  exerce  quelques  tractions  sur  les  bords  de  la  compresse, 
et  on  termine  par  un  bandage  convenable. 

On  obtient  quelquefois  la  guérison  par  ce  procédé  en  quatre 
ou  cinq  jours;  d'autrefois,  il  faut  un  temps  beaucoup  plus 
long. 

ART.    988. 

HOPITAL  DES  VÉNÉRIENS. 

Du  bubon  indolent;  ion  traitement  par  les  frictions  avec 
l'Iiydriodate  de  potasse^  la  teinture  d'iode,  les  réfrigérans,  la 
compression,  etc. 

Les  moyens  que  nous  avons  exposés  dans  nos  articles 972 
et  9^3  ne  sont  pas  toujours  suffisans  pour  amener  la  résolu- 
tion complète  du  bubon  syphilitique.  Assez  souvent,  en 
effet,  la  tumeur  inguinale  perd  sa  chaleur  et  sa  sensibilité, 
et,  au  lieu  de  se  terminer  par  résolution  ou  par  suppuration, 


(74) 

passe  à  l'état  chronique,  et  ne  fait  plus  aucun  progrès  vers 
In  guérison.  Cette  fâcheuse  terminaison  peut  survenir,  soit 
qu'aucun  l'oser  purulent  ne  se  soit  formé,  soit  que  le  bubon 
ait  suppuié  en  partie.  Cette  forme  de  bubon  est  assez  com- 
mune chez  les  malades  qui  n'ont  pas  gardé  le  rjpos,  cheu 
ceux  surtout  qui  ont  été  stimulés  par  un  traitement  peu  ra- 
tionnel pendant  la  période  inflammatoire.  On  ne  peut  s'em- 
pêcher d'admettre  aus!^i  qu'il  existe  certaines  prédispositions 
particulières  qui  favorisent  le  développement  de  cette  io- 
flaniniation  chronique  dans  les  masses  ganp;lionnaires. 

Il  est  sorti  dernièrement  de  l'hôpital  un  homme  qui  y  sé- 
journait depuis  cinq  mois  pour  un  bubon  indolent  de  l'aine 
droite.  Ce  malade  avait  déjà  eu  plusieurs  véroles,  circon- 
stance fâcheuse,  comme  on  lésait,  mais  il  n'offrait  aucun  des 
attributs  du  tempérament  lymphatique.  Il  était  âgé  d'environ 
quarante  ans;  des  anliphlogistiqucs  furent  d'abord  employés, 
mais  ne  parvinrent  point  à  empêcherle  développement  d'un 
foyer  purulent  considérable,  qui  fut  ouvert  avec  la  lancette. 
Comme  il  restait  encore  une  masse  très-volumineuse,  en- 
durcie et  présentant  quelques  points  de  sensibilité,  on  appli- 
qua à  diverses  reprises  des  vésicatoires,  suivant  la  méthode 
qui  sera  exposée  dans  le  prochain  article.  On  donna  en  même 
temps  à  l'intérieur  les  sudorifiqucs  et  le  proto-iodure  de  mer- 
cure. Malgré  ce  traitement  actif,  la  portion  la  plus  élevée  de 
la  masse  indurée  suppura,  et  une  seconde  ouverture  fut  pra- 
tiquée avec  la  lancette;  nouvelle  application  du  vésicaloire, 
et  bientôt  nouvel  abcès  qu'il  fallut  encore  ouvrir;  des  fric- 
lions  mercurielles  furent  faites  à  la  cuisse,  des  menaces  de 
salivation  forcèrent  à  les  suspendre,  on  les  remplaça  par  des 
frictions  avec  la  pommade  hydriodatéi. . 

Hydriodate  de  potasse,  un  demi-gros; 
Axonge,  une  once. 

Plusieurs  vésicatoires  furent  encore  appliqués;  mais  il 
semblait  que,  tandis  que  la  résolution  s'opérait  sur  un  point, 
l'engorgement  envahissait  les  parties  opposées.  Enfin,  on 
douna  la  potion  iodée  (i),  et  l'on  établit   plus  tard  un  ban- 


(i)  Iode,  un  grnin  ; 

Ilydriodalc  de  potasse,  deux  ou  trois  grains. 

Dani  une  potioa  à  prendre  dans  la  journée,  on  élève  graduclleinem 
la  doue  d'iode  à  deux  grains,  la  dose  d'hydriodate  de  potasse  à  huit  ou 
dix  grains. 


(95) 

dage  compressif.  Le  malade  sortit  eu  conservant  encore  un 
noyau  d'induration  qui  finira,  sans  doute,  par  se  résoudre 
entièrement. 

La  même  opiniâtreté  a  été  observée  chez  un  homme  Hgé 
de  quarnnle  ans,  qui  entra  à  l'hôpital  le  12  décembre  i833, 
et  fut  couché  au  numéro  22  de  la  seconde  salle.  Cet  homme, 
dont  la  bonne  foi  ne  semblait  pas  suspecte,  déclara  n'avoir 
eu  de  rapports  qu'avec  sa  femme  qui,  bientôt  après,  entra 
dans  un  hôpital  ety  mourut.  Ce  ne  fut  qu'au  bout  de  six  se» 
maines  que  des  douleurs  se  firent  sentir  dans  l'aine  gauche, 
et  qu'il  survint  un  bubon  qui  força  ce  malade  d'entrer  aux 
Vénériens.  La  tumeur  était  très -volumineuse  et  présentait  à 
son  centre  un  point  fluctuant,  dans  lequel  on  plongea  la 
pointe  d'une  lancette.  Vingt-cinq  sangsues  furent  appliquées 
à  la  base  du  bubon;  mais,  malgré  le  dégorgement  considé- 
rable qu'on  obtint,  la  résolution  fut  incomplète,  et  l'engorge-, 
ment  passa  à  l'état  chronique.  Les  vésicatoires,  les  fiictions 
avec  l'hydriotate  de  potasse  et  l'onguent  mercuriel,  la  com- 
prcision,  furent  tour  à  tour  employés  ;  mais  la  tumeur  ré- 
sistait à  tous  ces  moyens  combinés,  s'enflanmiant  sur  quel- 
ques points  par  intervalle,  et  fournissant  un  pus  de  mauvaise 
qualité.  Enfin,  des  trochisques  de  minium  furent  introduits 
dans  les  trajets  sinueux  de  la  tumeur,  et  ranimèrent  la  vita- 
lité des  tissus.  La  potion  iodée  seconda  en  même  temps  les 
applications  extérieures,  et  le  malade  sortit  guéri  après  trois 
mois  et  demi  de  séjour  à  l'hôpital. 

Cette  observation  est  d'autant  plus  remarquable  que, 
malgré  sa  ténacité,  il  n'est  pas  probable  que  ce  bubon  fût  de 
nature  syphilitique.  Le  malade  n'a  présenté  à  notre  examen 
aucune  ulcération  du  gland,  du  prépuce  ou  de  l'urètre.  Au- 
cune préparation  mercurielle  n'a  été  administrée  pendant 
tout  le  cours  du  traitement,  si  ce  n'est  quelques  gros  d'on- 
guent employés  en  frictions  sur  la  tumeur,  et  qui  n'ont  eu 
d'autre  effet  que  de  retarder  sa  résolution. 

Quelle  que  soit  ISjrigine  de  ces  bubons  indolens,  qu'ils 
aient  ou  non  suppuré  en  partie,  il  est  nécessaire  de  recher- 
cher la  cause  de  cette  ITicheuse  disposition.  Quelquefois  on 
la  trouve  dans  le  régime  du  malade  qui  n'observe  pas  une 
diète  assez  sévère,  d'autres  fois  elle  tient  à  ce  qu'il  ne  garde 
pas  assez  le  repos  ;  enfin,  dans  d'autres  cas,  il  est  absolument 
impossible  d'expliquer  d'uncmanière  satisfaisante  cet  obsta- 
cle à  la  guérison. 

C'est  dans  ces  circonstances  embarrassantes  que  l'on  a  le 
plus  souvent  recours  à  un  traitement  mercuriel  intérieur. 
M.  Cullerier  pense  que  cette  stimulation  générale  est  d'une 


(76) 

utile  application;  mais,  comme  l'administration  du  mer- 
cure n'est  pas  exempte  de  danger,  il  préfère  toujours  les 
applications  locales,  lorsque  les  circonstances  n'en  font  pas 
une  nécessité  absolue.  Voici  donc  les  slinuilaus  locaux  em- 
ployés dans  son  service  : 

On  frictionne  la  tumeuravecl'iodepure  ou  mêlée  d'eau  (i), 
l'hydriodate  de  potasse,  la  pommade  de  proto-iodure,  de 
mercure  (a),  l'onguent  mercuriel  ordinaire.  On  applique  sur 
le  bubon  des  emplâtres  de  Vigo,  de  ciguë,  des  compresses 
trempées  dans  une  solution  de  sous-acétate  de  plomb  (5), 
souvent  renouvelées.  Les  douches  peuvent  encore  être  utiles, 
ainsi  que  les  vésicatoires,  appliqués  à  plusieurs  reprises,  et 
sans  solution  caustique;  la  compression,  mais  ce  moyen  n'est 
pas  toujours  d'une  facile  application.  Enfin,  quand  il  existe 
des  trajets  fistuleux  intarissables,  on  introduit  des  trochîs- 
ques  escarrotiques,  qui  produisent  dans  la  tumeur  une  vive 
inflammation  et  réveillent  sa  vitalité;  on  agrandit  l'oriGcede 
ces  fistules,  ou  enfin  on  fait  des  injections  avec  une  solu- 
tion irritante. 

Après  avoir  essayé  quelques-uns  de  ces  moyens,  si  la  tu- 
meur persiste  à  l'état  chronique,  et  si  rien  n'annonce  sa  ré- 
solution, M.  CuUerier  fait  faire  quelques  frictions  mercu- 
rielles  à  la  partie  interne  des  cuisses,  ou  bien  il  donne  à 
l'intérieur  le  proto-iodure  de  mercure  (4)  ou  la  potion  iodée; 
mais  il  faut,  dans  l'emploi  de  ces  stimulans  locaux  et  géné- 
raux, surveiller  attentivement  l'état  de  la  tumeur.  Souvent 
la  stimulation  étant  portée  trop  loin,  celle-ci  s'enflamme  et 
suppure  comme  dans  la  période  aiguë  ;  on  revient  alors 
aux  moyens  indiqués  dans  l'article  Qy'ô.  D'autres  fois  il 
faut  tâtonner  en  quelque  sorte,  et  avoir  successivement  re- 
cours à  de  nombreux  stimulans  pour  rencontrer  enfin  celui 
qui  doit  être  efficace. Rien  n'est  plus  commun,  par  exemple,  que 
de  voir  l'onguent  mercuriel,  produisant  un  effet  tout  opposé 
à  celui  qu'on  attendait,  remplacé  avantageusement  par  un  autre 
topique  auquel  personne  ne  s'est  avisé  d'attribuer  une  spéci- 
ficité. Il  n'y  a  d'ailleurs  sur  ce  sujet  aucune  règle  à  prescrire; 


(i)  Ti'inture  d'iode,  une  once  ; 
Eau  dibtiliec,  deux  onces. 

(a)  Proto-iodure  de  mercure,  un  scrupule  ; 
Axonge,  une  once. 

(5)  Souk -a  ce  (.'lie  de  plomb,  deux  onces; 
Eau,  une  livre. 
(4)  Voy.  arr.  975. 


(77) 
c'est  au  médecin  à  varier  ses  prescriptions  suivant  les  effets 
qu'il  observe. 

Nous  dirons  enfin,  pour  terminer  la  thérapeutique  du 
bubon  indolent,  que  souvent,  malgré  l'emploi  de  tous  les  fon- 
dans  indiqués,  il  reste  un  noyau  induré  qu'il  est  impossible  de 
résoudre  entièrement.  L'expérience  a  prouvé  que  cet  engor- 
gement finissait  par  se  dissiper  de  lui-même  sans  que  les 
malades  en  soient  plus  exposés  à  l'infection  consécutive. 

Tels  sont  les  principaux  moyens  employés  par  M.  Gulle- 
rier  pour  combattre  le  bubon  syphilitique.  On  voit  que  dans 
!a  très-grande  majorité  des  cas,  les  malades  ne  sont  point 
soumis  à  un  traitement  mercuriel;  que,  sans  proscrire  un 
médicament  puissant,  mais  d'une  application  difficile,  ce 
chirurgien  le  réserve  pour  un  petit  nombre  de  circonstances 
dans  lesquelles  la  maladie  se  montre  rebelle  à  des  traitemens 
plus  simples,  et  dont  les  effets  sont  moins  à  craindre.  Dans 
l'article  suivant,  nous  allons  nous  occuper  d'un  moyen  sur 
lequel  nous  appelons  toute  l'attention  de  nos  lecteurs,  car 
l'expérience  a  déjà  démontré  toute  l'utilité  qu'on  peut  en 
tirer  dans  la  pratique. 

ABT.    989. 

§  2.  —  Du  traitement  du  bubon  syphilitique  par  les  vésicatoires 
et  la  cautérisation. 

En  i832,  M.  iMalapert,  chirurgien  aide-major  au  troisième 
régiment  de  chasseurs,  publia,  dans  les  Archives  générales  de 
médecine,  un  Mémoire  sur  les  effets  du  sublimé  appliqué  en 
lotions  sur  certains  ulcères  vénériens.  Ce  chirurgien  citait 
en  outre  quelques  observations  de  bubons  inguinaux  dont 
il  avait  promptement  obtenu  la  résolution  par  la  méthode 
suivante  : 

Un  vésicatoire  de  la  grandeur  d'une  pièce  d'un  franc  était 
placé  au  sommet  de  la  tumeur;  le  lendemain,  Tépiderme 
étant  enlevé,  011  appliquait  sur  la  plaie  un  plumasseau  de 
charpie  trempée  dans  une  solution  de  sublimé  (vingt  grains 
par  once  d'eau). Ce  plumasseau  était  maintenu  en  place,  par 
du  diachylon  gommé,  pendant  deux  heures,  au  bout  des- 
quelles on  l'enlevait,  et  on  trouvait  une  escarre  de  la  profon- 
deur de  quelques  lignes.  Les  jours  suivans,  on  renouvelait 
ces  applications  escarrotiques,  les  remplaçant  toujours  par 
des  cataplasmes  émolliens,  et  l'on  voyait,  en  un  espace  de 
temps  fort  court,  la  tumeur  s'affaisser,  se  résoudre,  et  enfin 


(78) 
disparaître  complètement,  en  ne  iaissani  qu'une  cicatrice 
très-peu  apparente. 

M.  Malapert  n'avait  pas  encore  employé  ce  moyen  sur  les 
bubons  à  maturité,  mais  il  pensait  que  ses  elfcts  seraient  les 
mêmes.  Ses  malades  n'avaient  point,  du  reste,  été  assujettis 
au  repos,  et  avaient  continué  de  vaquer  à  leurs  occupations 
militaires. 

Au  commencement  de  l'année  i833,  M.  Reynaud,  méde- 
cin de  la  marine,  adressa  à  l'Académie  un  Mémoire  sur  le 
traitement  du  bubon  syphilitique  par  le  même  moyen.  Ce 
médecin  avait  employé  la  méthode  de  >I.  Malapcrt  dans  un 
assez  grand  nombre  de  cas,  et  les  rapides  guérisons  qu'il 
avait  obtenues  l'engageaient  à  conseiller  aux  praticiens  l'ad- 
option d'un  procédé  d'une  exécution  si  facile.  M.  Reynaud 
avait  appliqué  le  vésicatoire  dans  tous  les  cas  de  bubons, 
qu'ils  rus.->ent  enflammés,  indolens,  ou  avec  foyer  de  sup- 
puration, et  il  avait  obtenu  ainsi  une  grande  économie  de 
temps  et  de  moyens  plus  dispendieux. 

Nous  devons  ajouter  que  ces  deux  chirurgiens  attribuaient 
à  l'action  spécifique  du  mercure,  ainsi  applique  directement 
sur  le  symptôme  syphilitique,  la  prompte  résolution  de  la 
tumeur,  et  par  suite  la  guérison  parfaite  de  la  maladie,  opi- 
nion que  nous  ne  larderons  pas  à  démontrer  tout-ù-fait  con- 
traire à  l'observ'ation. 

M.  Cullerier  fut  d'autant  plus  frappé  des  résultats  avanta- 
geux annoncés  dans  ces  Mémoires,  que  depuis  long-temps 
il  employait  avec  beaucoup  de  succès  les  vésicaloires  appli- 
qués sur  les  bubons  indolens,  mais  uniquement  comme 
moyen  résolutif,  et  sans  les  recouvrir  d'une  solution  caus- 
tique. Il  s'empressa  donc  de  se  livrer  ù  une  série  d'expé- 
riences assez  nombreuses,  pour  qu'il  ne  resl.lt  absolument 
aucun  doute  sur  l'action  de  ce  moyen.  C'est  de  ces  tentatives, 
qui  aujourd'hui  sont  changées  en  méthode  générale,  que 
nous  allons  entretenir  nos  lecteuis. 

La  solution  de  sublimé  (vingt  grains  par  once  d'eau  dis- 
tillée) a  été  appliquée  sur  la  peau  pK-alablement  dénudée 
par  un  vésicatoire  et  recouvrant  des  l)ubons  qui  flatnienl  de 
(jiielques  jours,  et  étaient  parvetuis  à  un  très-faible  dévelop- 
pement. Ordinairement  la  marche  de  la  tumeur  a  été  en- 
rayée, et  après  être  resté  quelques  j(jurs  slalionnaire,  l'en- 
gorgement s'est  promptemeut  résolu. 

Dans  celte  expérience,  le  procédé  indiqué  par  M.  Malapcrt 
a  été  exactement  suivi;  seulement  les  malade."  ont  été  soumis 
au  repos  du  lit,  et  le  caustique  n'u  été  appliqué  qu'une  seule 
fois  jusqu'à  la  chute  de  l'escurre. 


(79) 

Lorsque  les  bubons,  parvenus  à  une  période  plus  ayancée, 
étaient  rouges,  enflammés,  douloureux,  mais  ne  contenaient 
point  encore  de  foyer  de  suppuration,  le  même  moyen  a 
paru  accélérer  leur  résolution;  cependant  ses  effets  ont  été 
moins  appréciables  que  dans  le  cas-  précédent,  bien  qu'on 
eût  eu  recours  en  même  temps  à  desapplications  de  sangsues 
autour  de  la  base  indurée. 

Lorsqu'un  foyer  de  suppuration  était  établi,  l'application 
des  vésicatoires  et  du  caustique  pouvait  être  suivie  de  deux 
effets  différons  :  la  peau  était-elle  amincie  et  la  fluctuation 
très-manifeste?  le  caustique  la  détruisait  dans  toute  son 
épaisseur,  et  donnait  issue  au  pus  absolument  comme  l'au- 
rait fait  une  application  de  pierre  à  cautère.  La  peau  conser- 
vait-elle encore  de  l'épaisseur?  à  la  chute  de  l'escarre  on 
voyait  quelquefois  le  pus  filtrer  au  travers  des  mailles  du 
derme,  et  le  matin  une  certaine  quantité  s'en  trouvait  dépo-" 
sée  sur  le  cataplasme  émollient  dont  on  recouvre  toujours 
le  bubon.  Dans  beaucoup  de  cas,  le  pus  réuni  au  centre  du 
bubon  ne  sortait  point  à  l'extérieur,  et  celui  qu'on  trouvait 
dans  le  cataplasme  provenait  de  la  surface  dénudée,  qui 
suppure  comme  un  cautère  ou  un  vésicatoire.  Enfin,  quel- 
quefois la  peau  était  percée  par  un  certain  nombre  de  trous 
qui  donnaient  issue  à  la  suppuration.  Quelle  que  soit,  au 
reste,  la  source  de  la  sécrétion  qu'on  trouve  à  l'exlérieur, 
ses  résultats  n'en  sont  pas  moins  des  plus  satisfaisans  sur  la 
marche  de  la  tumeur,  qui  ne  tarde  pas  à  s'affaisser  ;  la  fluc- 
tuation devient  peu  à  peu  moins  sensible,  et  le  pus  finit  par 
s'absorber  entièrement.  Le  bubon  est  alors  réduit  aux  con- 
ditions les  plus  simples,  et  on  en  achève  la  résolution  par 
de  nouveaux  vésicatoires,  ou  l'emploi  des  moyens  indiqués 
dans  l'article  précédent. 

Mais  si  le  moyen  proposé  par  M.  Malapert  a  été  utile  dans 
les  périodes  que  nous  venons  d'indiquer,  c'est  surtout  con- 
tre le  bubon  avec  forme  chronique  qu'il  s'est  montré  vérita- 
blement efficace.  Ici  il  est  presque  toujours  nécessaire  de 
recourir  plusieurs  ibis  aux  applications  caustiques  ;  mais  ces 
applications  seraient  à  peu  près  sans  action  si  on  les  renou- 
velait avant  la  chute  de  l'escarre  ;  et  faites  sur  la  plaie  elle- 
même  avant  sa  cicatrisation,  elles  détermineraient  une  irri- 
tation trop  forte  pour  l'effet  qu'on  veut  en  obtenir.  Il  faut 
donc  attendre,  pour  réappliquer  les  plumasseaux  imbibés  de 
solution  caustique,  que  la  cicatrisation  soit  opérée,  ou  bien 
placer  de  nouveaux  vésicatoires  Sur  d'autres  points  de  la 
masse  engorgée;  c'est  en  cela  que  la  méthode  adoptée  par 
M.  Cullerier  diffère  de  celle  que  M.  Malapert  a  préconisée. 


(8o) 

Ainsi,  en  résumé,  le  vésicatoire  employé  dans  presque 
tous  les  cas  de  bubons  syphilitiques  qui  se  sont  présentés 
dans  le  service  de  M.  Culleiier,  depuis  plus  d'une  année,  a 
paru  un  moyen  d'une  utililé  incontestable;  son  efficacité 
nous  est  démontrée  surtout  au  début  du  bubon  et  dans  le 
bubon  chronique  ou  indolent.  Lorsqu'il  s'est  formé  un  foyer 
de  suppuration,  il  a  favorisé  l'absorption  du  pus  et  la  réso- 
lution de  la  tumeur;  et  dans  le  bubon  douloureux  et  inflam- 
matoire, si  ses  heureux  effets  ont  été  moins  bien  constatés, 
il  n'est  du  moins  jamais  résulté  d'accidons  de  son  applica- 
tion :  voyons  cependant  quels  sont  les  inconvéniens  attachés 
à  cette  méthode. 

Ln  plumasseau  de  charpie  imbibée  d'une  solution  causti- 
que, appliqué  sur  le  derme  dénudé,  cause  une  douleur  assez 
vive  qui  se  prolonge  pendant  plusieurs  heures  (en  générai 
on  le  laisse  en  place  pendant  quatre  à  cinq  heures)  ;  cepen- 
dant les  malades  ne  se  refusent  jamais  à  de  nouvelles  appli- 
cations nécessitées  par  la  persistance  de  l'engorgement,  ce 
qui  démontre  que  ces  sortes  d'application  ne  sont  pas  très- 
pénibles. 

Le  second  reproche  qu'on  pourrait  faire  à  celte  cautérisa- 
tion est  la  cicatrice  qu'elle  laisse  après  elle.  M.  Cullerier  pen- 
sait d'abord  que,  la  peau  n'étant  pas  profondément  détruite 
par  le  caustique,  il  n'en  résulterait  que  des  traces  légères  et 
momentanées;  mais,  depuis  quelques  mois,  plusieurs  mala- 
des, déjà  traités  par  cette  méthode,  sont  rentrés  dans  l'hô- 
pital pour  une  infection  nouvelle  ;  ils  conservent  dans  l'aine 
de  larges  plaques  blanches  semblables  à  celles  qui  résultent 
des  vésicatoires  qui  ont  long-temps  suppuré,  et  que  le  temps 
ne  parviendra  jamais  à  effacer;  ces  manjues  indélébiles  sont 
assurément  préférables  aux  cicatrices  dillbrmes  qui  résultent 
de  l'ouverture  de  certains  bubons;  mais,  comme  un  grand 
nombred'entrccestumcMrs  n'auraient  point.suppurési  on  les 
eût  traitées  autrement,  que,  par  conséquent,  elles  n'auraient 
laissé  aucune  cicatrice,  on  peut  en  conclure  que  ces  traces 
inefl'açables  sont  un  inconvénient  attaché  au  procédé  de 
M.  Malapert. 

Les  deux  reproches  qu'on  peut  faire  à  cette  méthode  sont 
loin  d'être  sul'fisans  pour  la  faire  rejeter  de  la  pratique; 
car  ces  inconvéniens  sont  largement  compensés  par  l'avan- 
tage inappréciable  d'éviter  de  pratiquer  des  ouvertures  avec 
l'instrument  tranchant,  et  de  hâter  singulièrement  la  résolu- 
tion de  ces  tumeurs  syphilitiques;  ce  sont  ces  raisons  qui 
ont  engagé  M.  Cullerier  à  adopter  d'une  maniéie  générale 
le  procédé  des  vésicatoires  avec  cautérisation  dans  son  hôpi- 


(81) 

tal  et  dans  sa  pratique  particulière,  comme  un  moyen  auxi- 
liaire de  tous  ceux  que  nous  aTons  exposés  dans  les  articles 
précédons. 

Il  nous  reste  à  dire  quelques  mots  du  mode  d'action  de 
ces  vésicatoires  sur  ces  tumeurs  syphilitiques.  MM.  Malapert 
et  Reynaud  ont  attribué  à  l'action  du  mercure  la  prompte 
résolution  du  bubon  ;  mais  les  observations  de  M.  le  docteur 
Ordinaire,  consignées  à  notre  article  847,  et  rappelées  à  l'ar- 
ticle 9f!5,  ont  prouvé  qu'aucune  parcelle  de  sublimé  n'est  in- 
troduite dans  l'économie;  que  l'action  de  ce  caustique  est 
purement  locale,  et  absolument  nulle  au-delà  de  l'escarre. 
Les  faits  suivans  renversent  d'ailleurs  d'une  manière  com- 
plète la  théorie  qui  nous  est  proposée. 

M.  Cullerier  a  remplacé  la  solution  de  sublimé  par 
la  solution  de  sulfate  de  cuivre  (un  à  deux  gros  par  once), 
de  sulfate  de  zinc  (même  dose),  de  sulfate  de  cadmium 
(quarante  grains  par  once),  l'iode  pure,  le  sous-acétate  de 
plomb  pur,  etc.  Les  résultats  ont  été  absolument  les  mêmes, 
et  la  résolution  n'a  été  plus  tardive  que  lorsque  l'escarre  était 
moins  profonde.  Sous  ce  rapport,  la  solution  de  sulfate  de 
cuivre  a  même  été  trouvée  préférable,  et  c'est  elle  qu'au- 
jourd'hui l'on  emploie  d'une  manière  générale. 

C'est  donc  à  la  révulsion  opérée  par  une  irritation  vive 
déterminée  sur  la  peau,  et  à  la  sécrétion  abondante  qui  en  est 
la  suite,  qu'il  faut  attribuer  les  succès  obtenus  par  cette  mé- 
thode, et  non  à  l'action  spécifique  du  mercure,  puisque  tous 
les  autres  caustiques  agissent  de  la  même  manière  (i). 

Les  vésicatoires  ont  été  appliqués  par  cette  même  méthode 
au  cou,  aux  aisselles  et  sur  toutes  les  parties  du  corps  où  les 
bubons  se  manifestent  ordinairement.  Les  effets  ont  été  les 
mêmes;  seulement  on  doit  remarquer  que,  comme  ces  bu- 
bons, qui  sont  le  plus  ordinairement  le  signe  d'une  affection 
générale,  résistent  avec  plus  d'opiniâtreté  que  les  bubons 
primitifs,  et  que,  lors  même  qu'ils  sont  le  résultat  d'une 
infection  récente,  la  cure  en  est  toujours  fort  difficile,  on  a 
dû  obtenir  plus  tardivement  leur  résolution  complète. 

M.  Cullerier  ne  s'est  pas  borné  à  étendre  l'application  de 
la  méthode  de  M.  Malapert  à  tous  les  cas  de  bubons  syphi- 
litiques, il  en  a  fait  l'essai  contre  un  symptôme  consécutif 
fort  grave,  et  qui  résiste  le  plus  ordinairement  à  tous  les 


(i)  M.  Cullcrirr  a  quelquefois  appliqué  ces  vt-sicatoires  autour  do  la 
tumeur;  l'amélioration  qui  en  est  résnitée  l'engagera  sans  doute  à  ré- 
péter ces  expériences. 

TOM.  VI.  —  N"  DE  FÉVRIER.  0 


(82) 

moyens  qui  sont  en  noire  pouvoir  :  nous  voulons  parler  des 
tubercules  qui  se  développent  ordinairement  dans  le  tissu 
cellulaire  sous-cutané,  et  que  les  auteurs  ont  quelquefois 
désignés  parle  nom  de  tumeurs  gommeuses. 

On  sait  que  ces  tumeurs,  une  fois  parvenues  à  un  certain 
degré  de  développement,  ne  sont  plus  susceptibles  de  réso- 
lution, qu'elles  s'abcèdent  au  bout  d'un  temps  plus  ou 
moins  long,  et  qu'elles  se  transforment  alors  en  ulcères  qui 
ne  se  referment  qu'avec  les  plus  grandes  difficultés,  et  en 
laissant  des  cicatrices  profondes,  inégales  et  de  l'aspect  le 
plus  hideux. 

Jusqu'à  ce  jour,  quatre  malades  seulement,  affectés  de 
tumeurs  semblables,  et  présentant  sur  d'autres  parties  du 
corps  des  cicatrices  profondes  résultant  de  ces  tubercules 
ulcérés,  ont  été  soumis  à  l'application  du  vésicatoire,  qu'on  a 
employé  absolument  de  la  manière  indiquée  pour  le  bubon 
inguinal.  Chez  tous  on  a  obtenu  en  fort  peu  de  temps  la  ré- 
solution complète.  Un  d'eux  portait  quatre  tumeurs  de  ce 
genre,  et  en  a  été  successivement  débarrassé.  Il  est  encore 
à  l'hôpital,  et  l'on  s'occupe  de  détruire  les  cicatrices  en  relief 
qui  couvrent  plusieurs  parties  de  son  corps,  par  des  vésica- 
toires  sans  solution  caustique. 

Tout  porte  donc  à  croire  que  le  vésicatoire,  appliqué  sur 
ces  tumeurs  non  abcédées,  sera  le  meilleur  remède  à  leur 
opposer,  et,  sous  ce  rapport,  cette  application  thérapeuti- 
que sera  de  la  plus  haute  importance,  car,  nous  le  répétons, 
jusqu'à  présent  il  avait  été  à  peu  près  impossible  d'empêcher 
ces  tumeurs  d'abcéder. 

HOPITAL  CLINIQUE  DE  LA  FACULTÉ. 

L*hôpital  clinique  de  la  Faculté,  spécialement  destiné  à 
l'instruction  des  élèves,  est  ouvert  depuis  quelque  temps, 
mais  n'a  reçu  encore  qu'un  très-petit  nombre  de  malades. 
MM.  Paul  Dubois,  Jules  Cloquet  et  Ilostan  doivent  y  ensei- 
gner la  pratique  des  accouchemens,  delà  chirurgie  et  de  la 
médecine.  C'est  de  cette  dernière  clinique  seulement  que 
nous  rendrons  compte  cette  année,  nous  efforçant  de  faire 
connaître  les  opinions  du  professeur  sur  les  cas  principaux 
qui  se  présenteront  à  notre  observation.  Cinquante  malades 
doivent  être  reçus  dans  ses  salles;  jusqu'à  ce  jour,  douze  lits 
seulement  sont  occupés,  et  c'est  dans  cette  salle  même,  et 
en  passant,  en  quelque  sorte,  que  M.  Ilostan  a  exposé  quel- 
ques idées  sur  les  cas  les  plus  iiuporlaus.  Nous  nous  borne- 


(85) 

rôns  aujourd'hui  à  rapporter  une  observation  qui  à  fOUrûi 
matière  à  quelques  eonsidératioiis  pratiques. 

ART.  990. 

Considérations  pratiques  sur  la  suppression   des   règles   et   les 
accidens  qui  peuvent  en  résulter. 

Une  fille  de  yingt-cinq  ans,  forte  et  bien  constituée,  était 
habituellement  réglée  très-abondamment,  et  jouissait  d'une 
santé  parfaite,  lorsque,  à  l'occasion  d'un  violent  accès  de  co- 
lère, la  menstruation,  qui  durait  depuis  quelques  jours,  se 
supprima  tout-à-coup.  Cette  suppression  fut  bientôt  suivie 
d'accidens  assez  graves  :  des  maux  de  tête  déchirans,  des  pal- 
pitations, des  douleurs  dans  la  poitrine,  de  rétouiïement,  la 
forcèrent  ;i  entrer  à  l'Hùtel-Dieu,  où  on  lui  pratiqua  une 
saignée  du  bras,  qui  lui  procura  quelque  soulagement,  mais 
ne  ramena  pas  le  cours  des  règles;  elle  prit,  en  outre,  une 
infusion  d'armoise  et  fit  quelques  remèdes  insigniûans  qui 
n'eurent  pas  plus  de  succès. 

Ennuyée  de  son  séjour  à  l'hôpital,  elle  quitta  l'Hôtel- 
Dieu  et  fut  dirigée  sur  l'hôpital  clinique,  où  elle  arriva  dans 
l'état  suivant  :  la  face  était  rouge  et  gonflée,  le  pouls  plein  et 
fréquent,  la  peau  très-chaude,  signes  évidens  d'une  pléthore 
générale;  douleurs  de  tête  très-vives,  palpitations;  liypérémie 
des  organes  de  la  poitrine  et  du  cerveau  :  expression  em- 
ployée par  .M.  Ilostan  pour  désigner  cet  état  de  congestion 
d'un  organe  qui  n'est  pas  encore  enQammé,  mais  qui  ne 
tarderait  pas  à  le  devenir  si  on  ne  faisait  usage  de  moyens 
convenables. 

Il  se  présentait  ici  deux  indications  :  renàèdièr  auxaccî-^ 
dens  déterminés  par  la  suppression  de  la  menstruation,  et 
en  même  temps  rappeler  le  cours  des  règles.  On  était  en- 
core à  quinze  jours  du  distance  de  l'époque  présumée  du  flux 
menstruel:  Al.  Ilostan  crut  daac  devoir  combattre  d'abord  la 
congestion  des  organes,  qui  pouvait  avoir  des  suites  fâcheu- 
ses, t'ue  large  saignée  fut  pratiquée,  et  cette  évacuation  san- 
guine dissipa  presque  tous  les  accidens.  On  se  borne  main- 
tenant â  faire  usage  debaiasdepiedssinapisés  et  de  quelques 
lavemens  purgatifs,  en  attendant  le  mois  prochain,  époque  à 
laquelle  on  fera  quelques  tentatives  pour  rappeler  le  cours 
des  règles. 

Les  réflexions  de  M.  Rostan  ont  porte  sur  deux  points 
principaux:  les  moyens  à  employer  pour  rappeler  le  cours 


(84) 

des  règles  et  l'opportunité  de  ces  moyens.  Ce  professeur  ne 
paraît  avoir  aucune  espèce  de  confiance  dans  les  remèdes 
dits  emménagogues.  La  rue,  la  sabine,  l'armoise,  etc.,  sont, 
pour  lui,  des  médicainens  qui  n'ont  d'autre  elVet,  le  plus 
souvent,  que  de  causer  une  inflammation  de  l'estomac.  C'est 
aux  sangsues,  appliquées  en  grand  nombre  à  la  partie  supé- 
rieure des  cuisses,  et  ù  l'époque  présumée  de  la  menstrua- 
tion, qu'il  faut,  suivant  ce  médecin,  avoir  recours.  Ces  éva- 
cuations sanguines  ont  le  double  avantage  de  diriger  l'afTIvix 
du  sang  vers  la  matrice,  et  de  débarrasser  les  organes,  qui 
sont  alors  presque  toujours  hypérémiés.  On  seconde  les 
évacuations  sanguines  par  des  bains  de  pied  sinapisés  et  des 
lavemens  purgatifs. 

Mais,  lorsque  des  accidens  graves  compromettent  la  vie 
des  malades,  comme  dans  l'observation  qu'on  vient  de  lire, 
quand  il  y  a  congestion  au  cerveau  ou  dans  les  poumons, 
que  ces  organes  menacent  de  s'enflammer,  il  est  évident 
qu'on  ne  saurait,  sans  imprudence,  attendre  l'époque  pré- 
sumée des  règles  ;  il  faut  bien  dégorger  ces  organes  par  de 
larges  saignées  faites  instantanément.  En  général,  plus  les 
saignées  sont  faites  à  une  époque  rapprochée  du  début  de  la 
maladie,  et  plus  elles  sont  abondantes,  plus  on  peut  espérer 
de  rétablir  l'ordre  dans  les  fonctions,  et  de  voir  bientôt  les 
règles  reprendre  leur  cours  naturel. 

Une  autre  question  se  présente  ici.  Quand  une  femme  est 
dans  ses  règles,  comme  on  dit  vulgairement,  et  qu'elle  a  en 
même  temps  une  inflammation  d'un  organe  important,  doit- 
on  recourir  aux  émissions  sanguines  avant  que  l'époque 
menstruelle  soit  pass^ée  ?  Oui,  sans  doute,  si  la  vie  de  la  ma- 
lade est  compromise  par  cette  nouvelle  affection,  car,  de 
deux  dangers,  il  faut  choisir  le  moindre.  En  pratiquant  des 
saignées,  on  s'expose  à  troubler  la  menstruation  et  à  déter- 
miner par  là  des  acciden;;  plus  ou  moins  graves;  mais,  d'un 
autre  côté,  si  on  laisse  marcher  l'inflammation,  on  s'expose 
à  ne  plus  pouvoir  en  arrêter  les  progrès.  Sans  doute,  c'est 
une  chose  grave  qu'une  déviation  de  la  menstruation;  mais 
une  pneumonie,  une  encéphalite,  négligées  dansles  premiers 
jours,  sont  des  accidens  beaucoup  plus  graves  encore,  puis- 
que la  mort  en  est  souvent  la  conséquence. 

Il  y  a  quelques  mois,  M.  Rostan  fut  appelé  en  consulta- 
tion par  un  médecin  qui  donnait  des  soins  à  une  demoiselle 
atteinte  d'une  angine  portée  jusqu'à  la  suffocation.  Cette 
jeune  malade,  en  danger  de  mort  imminente,  était  à  l'époque 
du  flux  menstruel,  et  on  n'avait  pas  osé  pratiquer  d'évacua- 
tions sanguines,  de  peur  de  le  supprimer.  Le  professeur  ap- 


(85) 

prouva  cette  réserve,  mais,  cependant,  pensa  que  de  deux 
dangers  il  fallait  choisir  le  moindre;  eu  conséquence  il  fit 
sur-le-champ  pratiquer  une  large  saignée  qui  sauva  la  ma- 
lade (i). 

AftT.    991. 

^ote  sur  un  nouveau  procédé  pour  la  réduction  des  luxations  du 
fémur. 

M.  le  docteur  Valette,  chirurgien-major  du  42*  régiment 
de  ligne,  nous  communique  la  note  suivante  : 

«M.  le  docteur  Rognetta  a  donné, dans  le  Bulletin  général 
de  thérapeutique  (août  i834),  la  description  d'unnouveau  pro- 
cédé pour  la  réduction  des  luxations  du  témur;  ce  procédé, 
que  quelques  personnes  qualifient  de  méthode  italienne,  parce 
qu'on  le  trouve  fort  bien  exposé  dans  le  grand  ouvrage  de 
chirurgie  de  Monteggia,  mérite  d'être  connu  des  praticiens. 

>)  Quelle  que  soit  l'espèce  de  luxation  de  la  cuisse  à  la- 
quelle on  a  affaire,  le  malade  est  couché  en  supination  sur 
un  matelas  placé  par  terre;  plusieurs  aides  assujettissentle 
corps  dans  cette  position.  Le  chirurgien  saisit  le  membre 
luxé,  l'élève  comme  pour  le  fléchir  sur  le  bassin,  et  par  là 
met  dans  le  relâchement  tous  les  muscles  qui  de  cette  cavité 
se  rendent  au  fémur.  Ensuite ,  seul  ou  de  concert  avec  un 
aide  vigoureux,  il  tire  fortement  et  subitement  ce  mem- 
bre en  haut,  comme  pour  soulever  le  bassin;  en  même 
temps  il  fait  tourner  le  fémur  sur  son  axe,  en  le  portant 
dans  une  direction  opposée  à  celle  où  il  se  trouve  par  l'effet 
du  déplacement.  On  recommence  plusieurs  fois  la  même 


(1)  Nous  regrettons  bien  vivement  que  M,  Rostan  ne  se  soit  pas  ex- 
)>liqiié  d'une  in.nnière  plus  positive  sur  les  accidens  que  la  saignée,  faite 
pendant  le  cours  des  règles,  pourrait  déterminer,  cl  n'ait  pas  indiqué 
avec  piecisiiin  les  cas  où  il  consent  a  en  prescrire  l'usage.  Il  nous  a 
setublé  qu'il  conseillait  de  se  borner  à  l'expectation  pendant  cette 
épjque  ,  à  moins  que  le  danger  ne  fût  tcUemen  limminent  que  ia  vie 
de  la  maladese  trouvât  immédiatement  compromise.  Le  professeur  s'ex- 
pliquera sans  duute  plus  tard  sur  ce  sujet  imp.'rtaat,  et  nous  nous  em- 
presserons d'y  revenir,  car  l'opinion  qu'il  remise  nous  semble  devoir 
entraînera  une  inaction  funeste,  pendant  aquellc  le  mal  peut  faire  des 
progrés  tels  qu'il  ne  soit  plus  pu.-.-il)  en  arrêter  la  marche.  (Voyez 
art.  625.  ) 

(  Aott  du  rédact.  ) 


(86) 

paanœuvre,  s'il  est  nécessaire,  et  la  luxation  se  réduit  avec 
une  exirtme  faciliié. 

»  Je  n'oserais  assurer  qu'il  en  sera  ainsi  dans  tous  les  cas; 
mais  je  crois  devoir  rappeler  ici  que  l'illustre  chef  de  la  chi- 
rurgie militaire,  M.  le  baron  Larrey,  a  eu  recours  en  1819 
à  un  procédé  analogue  à  celui  que  nous  venons  de  décrire, 
et  cela  avec  le  plus  grand  succès,  quoique  le  cas  fût  extrê- 
mement grave.  Le  fémur  était  luxé  en  haut  et  en  avant;  le 
membre  était  tellement  écarté  et  renversé  sur  le  bassin 
qu'il  formait  une  équerre  avec  celui  du  côté  opposé;  le  pied 
et  le  genou  étaient  déviés  en  dehors  ;  la  fesse  et  l'éminencc 
trochanlérienne  étaient  remplacées  par  une  dépression  pro- 
fonde ;  la  tête  du  fémur  faisait  une  saillie  prononcée  au  pli 
de  l'aine,  sous  les  vaisseaux  cruraux  qui  en  étaient  forte- 
ment distendus;  le  membre  était  tuméfié,  de  couleur  mar- 
brée et  complètement  immobile.  Le  blessé  éprouvait  des 
douleurs  vives  et  déchirantes  à  l'aine  et  au  bas-ventre  ;  la 
jambe  était  engourdie  et  le  pied  froid. 

«  Nous  avions  vainement  fait  plusieurs  extensions,  et  l'on 
désespérait  du  succès  de  nos  manœuvres,  dit  M.  Larrey, 
lorsque  je  réduisis  seul  la  luxation,  en  élevant  lout-à-coup 
avec  nfon  épaule  l'extrémité  inférieure  de  la  cuisse,  tandis 
que  j'abaissais  avec  mes  deux  mains  la  têlc  du  fémur  portée 
au-devant  de  la  branche  horizontale  du  pubis.  Par  ce  dou- 
ble mouvement  simultané  et  exécuté  avec  force  et  prompti- 
tude, la  luxation  fut  réduite,  et  le  malade  soulagé  sur-le- 
champ.»  {Nouv.  Journ.  de  médecine.  1819.) 

»  J'ai  conservé  le  titre  de  nouveau  au  procédé  deMonteggia: 
toutefois  il  ne  faut  pas  oublier  qu'IIippocralc,  après  avoir 
décrit  les  dillérenles  méthodes  de  réduction  usitées  de  son 
temps,  dit  positivement  que,  pour  réduire  les  luxations  de 
la  cuisse,  il  siiflit  souvent  de  fléchir  le  membre  au  pli  de 
l'aine»  et  de  lui  faire  exécuter  un  mouvement  de  circumduc- 
lion.  Paul  d'Egine  avait  recours  à  un  semblable  procédé,  et, 
plus  récemment,  quelques  chirurgiens  anglais,  Andersen  et 
Kirkland,  réduisaient  les  luxations  de  la  cuisse  en  fléchis- 
^anl  le  membre  à  angle  droit.  l*onteau  et  Palelta  donnent 
également  le  précepte  de  fléchir  la  cuisse  à  angle  très-aigu, 
après  l'avoir  tournée  en  dehors  pour  la  reporter  en  dedans  en 
décrivant  un  dcmi-cercIe.  »  {Voy.  la  Chirurgie  de  Léveillé.) 


(87) 

ART.   993. 

Pommade  ophtalmique  du  docteur  Carron  du  Fillard,  pour  le 
traitement  de  la  conjonctivite  scrofuleuse. 

Axonge  de  foie  de  raie,  une  once; 
Cyanure  de  fer,  vingt-quatre  grains; 
Cyanure  de  mercure,  huit  grains. 

MêleV  l'axonge  aux  cyanures,  après  avoir  porphyrisé  ceux- 
ci  avec  le  plus  grand  soin  ;  aussitôt  que  le  mélange  est  achevé, 
ajoulez  : 

Huile  essentielle  de  laurier  cerise,  quatre  gouttes.    • 

Pour  préparer  l'axonge  de  foie  de  raie,  il  suffit  de  prendre 
uue  suffisante  quantité  de  foie  de  raie,  de  le  fondre  à  feu 
lent,  de  le  piler  avec  soin,  et  d'en  extraire  par  expression 
une  huile  épaisse  qui  ressemble  assez  à  l'huile  de  morue,  à 
la  différence  qu'elle  se  fige  en  refroidissant.  Pour  rendre  cet 
effet  plus  prompt  et  plus  durable,  l'on  ajoute  une  suffisante 
quantité  de  blanc  de  baleine  ou  de  beurre  de  cacao. 

Cette  pommade  est  fort  active;  il  faut  donc  l'employer 
avec  les  précautions  qu'on  ne  devrait  jamais  perdre  de  vue 
dans  l'application  des  agens  puissans  aux  maladies  des  pau- 
pières et  de  la  conjonctive  pulpébrale  et  oculaire.  Il  faut 
commencer  par  l'employer  à  des  doses  légères,  et  en  la  cou- 
pant avec  un  tiers  de  cérat.  A  mesure  qu'elle  produit  son 
effet,  et  que  la  conjonctive  s'y  accoutume,  l'on  augmente  la 
dose  du  médicament. 

(  Bull,  thérap.  ) 

Art.  993. 

l^ote  .tur  un  sirop  aniicatarrhal,  par  M.  Grimaud. 

Pr.  Acétate  de  morphine,  huit  grains; 
Emétine,  vingt-quatre  grains; 
Gomme  adraganle  pulvérisée,  un  dragme; 
Sirop  simple,  quatre  livres; 
Infusion  de  coquelicots,  trois  onces  d'eau; 
Pétales  de  coquelicots,  un  dragme. 


(88) 

Je  fais  dissoudre  la  gomme  adragante  dans  l'infusioD,  je 
dissous  également  les  autres  ingrédiens  dans  une  portion  de 
l'infusion;  je  mêle  le  tout  en  sirop,  et  le  mets  dans  des  petites 
fioles  de  trois  onces. 

On  donne  ce  sirop  à  la  dose  de  deux  gros,  le  soir  en  se 
couchant;  et  si  le  malade  tousse  beaucoup,  il  en  prend  au- 
tant dans  le  courant  de  la  nuit.       {Ann.  des  se.  de  pli.  et  cfi.) 

ART.  994. 

Tridace  alcoolique  retirée  des  tiges  fraîches  des  laitues, 
par  M.  Michel. 

Prenez  la  quantité  que  vous  voudrez  de  tiges  fraîches  de 
laitues,  cueillies  au  moment  de  leur  floraison,  mondées  de 
leurs  feuilles,  et  coupées  par  tronçons;  pilez  dans  un  mortier 
de  marbre  avec  un  pilon  en  bois  ;  soumettez  ù  la  presse  ; 
retirez  le  suc  ;  mêlez  avec  parties  égales  d'alcool  ù  trente- 
cinq  pour  cent;  laissez  le  tout  macérer  dans  un  matras  pen- 
dant huit  jours,  ayant  soin  d'agiter  cinq  à  six  fois  par  jour. 
Filtrez  et  faites  évaporer  au  baiu-marie,  dans  un  vase  de  terre 
vernie,  jusqu'à  consistance  d'extrait  sec,  en  remuant  sans 
cesse  avec  une  spatule  d'ivoire  ;  fermez  dans  des  vases  à  large 
ouverture,  bouchez  à  l'émeri. 

En  agissant  sur  une  grande  quantité,  on  peut  retirer  l'al- 
cool  en  distillant  le  liquide  au  bain-marie.  [Ibid.) 

ART.  995. 

^ote  sur  un  empoisonnement  par  le  bleu  en  liqueur. 

On  trouve  l'observation  suivante  dans  le  Journal  de  Chi- 
mie médicale. 

Une  dame  âgée  de  vingt-sept  ans,  vouhmt  terminer  ses 
jours,  fit  acheter  chez  un  épicier  pour  deux  sons  de  bleu  en 
liqueur  (solution  d'indigo  dans  l'acide  sulfurique  concentré). 
Trouvantqu'il  yavait  trop  peu  de  liquide,  et  par  unmotif  qu'il 
est  dilïïcilc  d'apprécier,  cette  dame  y  ajouta  une  pinte  d'eau 
environ,  et  but,  d'après  son  dire,  un  plein  verre  de  celte 
liqueur,  dont  la  saveur  fut  trouvée  des  plus  désagréables.  Ses 
lèvres  ayant  été  un  peu  colorées,  elle  les  lava,  pour  cacher 
ce  qu'elle  venait  de  faire.  Presque  aussitôt  se  déclarèrent  des 
douleurs  à  la  région  de  l'estomac,  et  des  nausées  qui  fure.it 
suivies  d'un  vomissement  elfectué  dans  les  latrines,  ce  qui 
mil  dans  l'impossibilité  de  constater  ce  qui  avait  été  rejeté. 


(89) 

Les  douleurs  augiucutant,  on  yiot  chercher  M.  Gabriel 
Pellelan,  qui  arriva  environ  vingt  minutes  après  la  tentative 
d'empoisonnement.  La  malade  était  fort  pâle,  et  accusait 
de  vives  douleurs;  les  membres  et  toute  la  surface  du  corps 
étaient  froids,  la  surface  interne  de  la  bouche  et  l'arrière- 
bouche  d'un  rouj^e  très-vif;  des  douleurs  violentes  dans  l'es- 
tomac et  les  intestins  se  faisaient  sentir.  Non-seulement  cette 
dame  avoua  la  cause  de  son  mal,  mais  encore  on  vit  sur  la 
cheminée  le  vase  dans  lequel  elle  avait  mis  le  poison,  et  qui 
en  contenait  encore  quelques  gouttes. 

Dans  l'intervalle  de  moins  d'une  heure,  et  en  quatre  doses, 
on  fit  prendre  six  gros  de  magnésie  calcinée  suspendue  dans 
une  pinte  d'eau  sucrée.  La  première  dose  fut  vomie,  elle 
était  légèrement  colorée  en  bleu.  x\près  la  dernière,  les  dou- 
leurs diminuèrent  avec  rapidité;  mais  la  sensibilité  de  l'ab- 
domen persistant,  quarante  sangsues  furent  appliquées  pour 
prévenir  tout  développement  inflammatoire.  Troi?  heures 
après  la  malade  était  dans  un  état  si  satisfaisant  qu'on  pou- 
vait la  regarder  comme  guérie. 

M.  Pelletau  termine  cette  observation  en  faisant  observer 
que  le  bleu  concentré  n'est  nécessaire  qu'aux  personnes 
en  petit  nombre  qui  s'occupent  de  faire  du  cirage,  et  qu'on 
ne  devrait  en  permettre  la  vente  pour  donner  au  linge  une 
teinte  bleuâtre,  que  lorsqu'il  serait  assez  étendu  d'eau  pour 
n'être  plus  caustique,  ou  lorsqu'il  serait  privé,  comme  on  le 
faisait  autrefois,  parle  blanc  de.Meudon,  de  son  excès  d'acide. 

ART.  996. 

Considérations  sur  l'emploi  des  douches  d'air  comme  moyen  de 
développer  l'ouie  dans  les  affections  de  l'oreille  moyenne. 

M.  le  docteur  Deleau  jeune  a  publié,  dans  le  Journal  des 
connaissances  médicales,  quelques  observations  sur  l'emploi 
des  injections  d'air  dms  la  trompe  d'Eustachi,  pour  remédier 
à  certaines  surdités.  11  arrive  souvent,  suivant  ce  médecin, 
qu'une  affection  inflammatoire  siégeant  pendant  long-temps 
à  l'entrée  du  conduit  guttural  du  tympan,  rétrécit  tellement 
cet  orifice  que  les  soudes  les  plus  minces  ne  peuvent  y  pé- 
nétrer. Dans  ces  <;us,  lorsque  l'inflamination  a  été  convena- 
blement combattue,  ou  peut  rétablir  l'ouie,  ou  en  introdui- 
sant avec  de  grandes  précautions  une  sonde  jusque  dans  la 
caisse  du  tamixjur,  et  en  rétablissant  ainsi  l'intégrité  du  ca- 
nal, on  bien  en  injectant,  plusieurs  jours  de  suite,  de  l'air 
atmosphériquequis'insinue  jusqu'à  la  membrane  du  tympan. 


(90) 

C'est  donc  contre  l'engorgement  des  trompes  d'Eustachi 
que  M.  Deleau  conseille  d'employer  d'abord  l'action  d'un 
corps  solide  qui  puisse  dilater  [le  canal,  comme  on  le  pra- 
tique dans  les  rétrécissethens  de  l'urètre,  puis  des  douches 
d'air  qui  écartent  ses  parois,  et  parviennent,  sans  dilacérer 
les  tissus,  jusque  dans  la  caisse  elle-même. 

Les  plilegmasies  de  la  caisse  du  tambour,  avec  ou  sans 
suppuralion,  sont  encore  avantageusement  traitées  par  ce 
moyen,  lorsque  la  douche  n'y  détermine  pas  de  sensibilité. 
Il  en  est  de  même  de  l'engouement  de  la  caisse  sans  otite 
apparente.  Dans  tous  les  cas,  ces  douches  doivent  être  répé- 
tées un  grand  nombre  de  fois,  et  aidées  d'ailleurs  des  au- 
tres moyens  connus,  tels  que  l'emploi  d'un  régime  conve- 
nable, les  saignées,  les  exutoires,  les  bains,  etc. 

M.  Deleau  rapporte,  à  l'appui  de  ces  préceptes,  trois  ob- 
servations dans  lesquelles  ce  moyen  fut  suivi  d'un  succès 
vraiment  remarquable. 

Un  enfant,  ûgé  de  quatorze  ans,  était  sourd  depuis  neuf 
années.  Il  ressentait  parfois  des  élancemens  dans  l'oreille,  et 
était  sujet  à  de  violons  maux  de  gorge  et  à  des  corysas.  Des 
vomitifs  amenaient  une  légère  amélioration  de  l'ouic,  qui 
durait  peu.  Cet  enfant  étant  venu  à  Paris,  un  chirurgien  lui 
appliqua  d'abord  des  vésicatoires,  ordonna  l'usage  d'un  sirop 
purgatif,  des  frictions  sur  les  membres,  etc.  La  surdité  per- 
sistant, on  appliqua  deuxlargescautères  à  la  partie  postérieure 
des  apophyses  mastoïdes,  on  enleva  les  amygdales,  on  rem- 
plaça les  cautères  par  de  profonds  moxas;  mais,  après  une 
année  de  traitement,  le  jeune  malade  était  dans  le  même 
état.  Il  n'entendait  le  battement  d'une  montre  qu'à  cinq  ou 
six  pouces  du  pavillon.  M.  Deleau  ayant  alors  été  consulté, 
lui  administra  trois  douches  d'air,  ce  qui  suffit  pour  amener 
une  guérison  complète.  i 

La  seconde  observation  est  celle  d'un  homme  qui  ardit  été 
atteint,  au  mois  de  janvier  182G,  d'une  surdité  due  i  un  re- 
froidissement de  tout  le  corps.  On  employa  d'abord  divers 
moyens  qui  n'eurent  que  fort  peu  d'action;  une  éruption 
pustuleuse  étant  survenue  sur  quelques  parties  du  corps,  on 
soupçonna  la  présence  du  virus  syphilitique,  et  un  traite- 
ment fut  administré  en  conséquence  ;  mais  on  ne  fut  pas  plus 
heureux.  Le  malade  prit  alors  le  remède  de  Leroy,  et  enfin 
consulta  M.  Deleau  au  mois  de  juillet.  Il  n'cntendaii  plus 
alors  les  battcmens  d'ime  montre,  soit  qu'il  l'appuyât  sur 
les  côtés  de  la  tête,  soit  qu'il  la  serrAt  entre  les  dents.  Le  pha- 
rynx était  phlogosé  dans  toute  son  étendue.  Plusieurs  ven- 
touses furent  d'abord  appliquées,  puis  on  s'occupa  de  faire 


(90 

pénétrer  une  sonde  dans  la  trompe  d'Eustachi;  mais  Jes  pre- 
mières tentntives  furent  infructueuse?  :  l'air,  poussé  avec 
force,  ne  put  pénétrer.  Cependant,  le  27  juillet,  on  parvint  à 
fai>e  parvenir  un  petit  filet  d'air  du  côté  droit,  et  le  malade 
perçut  aussitôt  les  sons  assez  distinctement.  Le  8  août  l'air 
pénétra   du  côté  gauche,  et  l'ouie  s'améliora  sensiblement. 
Le  même  moyen  fut  encore  continué  quelque  temps  pour 
assurer  une  guérison  définitive. 

La  troisième  observation  citée  par  M.  Deleau  est  à  peu 
près  semblable,  et  démontre  également  les  avantages  que  l'on 
peut  retirer  de  ces  douches  d'air  atmosphérique. 

ART.  997. 

MÉDECINE  LÉGALE. 

Lettre  deuxième. 

§  I . — Des  conditions  dans  lesquelles  vous  serez  placé  lorsque  vous 
ferez  mi  rapport. — 3Ianiire  de  recueillir  les  faits. — Modèle  de 
rapport.  —  Préceptes  à  observer  dans  les  conclusions  à  prendre. 
—  Portée  des  conclusions  du  médecin. 

MOKSIEUH, 

Dans  ma  première  lettre,  je  vous  ai  conduit  auprès  du  juge 
d'instruction,  et  je  vous  ai  tracé  la  ligne  des  devoirs  que  vous  auriez 
à  y  remplir.  Vous  avez  reçu  une  ordonnance;  vous  aliez  actuelle- 
ment la  mettre  à  exécution;  veuillez  donc  vous  reporter,  pour  sa 
teneur  ,  aux  termes  dans  lesquels  je  l'ai  transcrite  ;  car,  lorsque 
l'on  remplit  une  mission  de  ce  genre,  il  faut  se  renfermer  autant  que 
possible  dans  l'esprit  qui  l'a  dictée. 

Vous  vous  rendrez  donc  au  bois  de...  (poste  des  gardes  forestiers), 
et  là  vous  ferez  connaître  au  sieur  D...  l'objet  de  votre  mission  ; 
cependant,  dans  quelques  circonstances ,  vous  aurez  intérêt  à  le 
taire,  et  alors  vous  vous  bornerez  à  décliner  le  rang  du  magistrat 
qui  vous  a  délégué. 

Vous  paraîtrez  ignorer  les  circonstances  dans  lesquelles  les  bles- 
sures auront  été  reçues,  et  vous  adresserez  au  sieur  D....  toutes  les 
questions  que  vous  jugerez  propres  à  éclairer  la  manière  dont  elles 
auront  été  faites.  Si  ses  réponses  ne  sont  pas  en  rapport  avec  les 
documens  que  vous  possédez ,  vous  lui  en  ferez  l'observation.  Ad- 
mettons donc  qu'il  vous  relate  les  faits  suivans  : 

A.  Le  II  juin  i8^4>  à  quatre  heures  et  demie  du  matin,  j'ai  sur' 
pris  deux  personnes  qui  chassaient  dans  la  foret;  j'ai  voulu  les  arrêter  ; 
elles  se  sont  défendues,  et  m'ont  porté  plusieurs  coups,  tant  sur  la  télé 
qu'à  la  figure,  avec  la  partie  du  fusil  oii  se  trouvent  les  pistons;  il  en  est 
résulté  1°  plusieurs  contusions  légères  au  cuir  chevelu;  i"  une  contusion 
plus  forte  au-dessus  du  sourcil  gauche  ; 'à"  une  troisième  contusion  au- 
dessous  de  l'œil  franche  ,  avec  plaie  qui  a  donné  une  assez  grande  quan- 
tité de  iang.  Toutefois  je  n'ai  pas  perdu  connaissance;  je  suis  resté  vingt- 


(9^) 

quatre  heures  à  la  chambre  sans  cependanc  garder  le  Ut.  Un  médecin 
m'a  fait  appliquer  trois  sangsues  au-dessous  de  Va-il gauche  ,  la  contu- 
sion qui  existait  dans  ce  point  étant  la  plus  considérable.  Je  n'ai  pas  été 
saigné,  il  n'est  pas  survenu  d'accidens  ,  et  f  ai  pu  nie  livrer  jusqi^à  ce 
jour  à  quelques  occupations  peu  fatigantes. 

Vous  procéderez  alors  à  l'examen  de  ces  blessures  dont  vous 
prendrez  note;  cet  examen  vous  conduira,  je  suppose,  à  la  description 
suivante  : 

B.  Il  ne  reste  que  des  traces  de  la  contusion  du  front  et  de  celle  de  la 
pommette  gauche.  A  la  place  de  la  première  se  trouve  une  tache  bleuâ- 
tre de  trois  à  quatre  lignes  de  largeur  sur  un  pouce  de  longueur.  La  se- 
conde consiste  dans  une  tache  bleuâtre,  environnée  d'un  cercle  jaune  qui 
contourne  la  paupière  inférieure,  remonte  vers  la  racine  du  nez ,  parcourt 
sa  jonction  avec  le  front ,  et  se  dessine  encore  en  dedans  de  l'ceil  droit. 
On  aperçoit  très-distinctement  les  piqûres  des  trois  sangsues  ;  l'une  d'elles 
parait  un  peu  plus  grande  que  les  deux  autres  ;  elle  a  une  forme  alongée 
qu'ulle  ne  présente  pas  ordinairement  ;  le  malade  nous  en  fait  connaître 
la  cause  en  nous  apprenant  qu'une  sangsue  s'est  fixée  auprès  de  la  petite 
plaie  dont  il  nous  a  annoncé  l'existence.  [Cette  plaie  avait  donc  de  bien 
faibles  dimensions,  puisquHl  a  suffi  de  la  morsure  d'une  sangsue  pour  la, 
masquer  enpartie.) 

Du  reste,  la  santé  générale  du  malade  est  bonne;  il  ne  ressent  de  ses 
blessures  d''autre  incommodité  qu'un  état  de  pesanteur  à  la  télé  quand  il 
s'éveille  le  matin. 

Miiui  de  ces  documens,  vous  procéderez,  soit  immédiatement, 
soit  dans  le  silence  du  cabinet ,  à  la  rédaction  de  votre  rapport,  d'a- 
près les  règles  que  je  vais  vous  tracer. 

Confection  des  rapports. 

Tout  rapport  comprend  trois  parties  distinctes  ; 

1°  Lt  préambule ,  que  l'on  appelle  encore  protocole ,  formule  d'u- 
sage ,  etc. 

2°  h'exposition,  ou  narration,  description  des  faits; 

3°  Les  conclusions. 

Dans  le  préambule,  on  place  par  ordre  la  date  du  jour  et  l'an- 
née où  l'on  procède  à  l'expertise  ; 

Les  noms  ,  titres  et  demeure  de  l'expert  ; 

La  qualité  du  magistrat  qui  a  requis; 

Le  lieu  on  l'on  s'est  tran spor té  pour  procéder  à  l'expertise, et  même, 
dans  quelques  cas,  la  description  minutieuse  des  localités; 

L'objet  de  l'ordonnance  en  vertu  de  laquelle  oj»  est  délégué; 

Ce  que  l'on  a  appris  des  personnes  auprès  desquelles  on  s'est 
transporté,  ou  des  étrangers  (jui  l'assistaient,  en  tant  que  ces  dé- 
tails peuvent  offrir  quelque  intérêt  pour  la  justice. 

L'ex()ositiou  des  faits  comprend  tout  ce  que  l'on  a  observe  (quod 
viium  et  repertuin). 

Les  conclusions  doivent  être  la  conséquence  rigoureuse  des  faits. 

Ainsi  ,  pour  l'exemple  que  je  viens  de  vous  citer,  vous  formule- 
riez votre  rapport  conmie  je  vais  le  faire. 

Préambule.  Le  vingt  juin  mil  huit  cent  trente-qoatre  (eu  lettres  et 
non  pas  en  chiffres  ;  cette    observation  est  applicable  à  tous  les 


(95) 

nombres,  quel  que  soit  l'objet  qu'ils  expriment),  nous,  M.  G.  A 
D...,  docteur  en  médecine,  demeurant  à  X..,,  commune  de.,.,  dé- 
partement de... ,  en  vertu  d'une  ordonnance  de  M... ,  juge  d'instruc- 
tion près  le  tribunal  de  première  instance  du  département  de...,  en 
date  du  dix-neuf  coti m nt;  nous  sommes  transporté  au  bois  de..., 
commune  de...,  à  l'effet  de  visiter  le  nommé  D..,.,  i,arde  Jorestier,  de 
constater  la  nature,  la  gravité  et  la  durée  présumée  des  blessures  qui  lui 
ont  été  faites ,  et  la  maladie  ou  incapacité  de  travail  personnel  qui  a  pu 
ou  pourra  en  résulter.  (On  doit  toujours  rapporter  les  termes  de  l'or- 
donnance ,  et  les  souligner  afin  de  faire  voir  qu'ils  ont  été  copiés 
textuellement.) 

Après  avoir  fait  connaître  au  sieur  D...  l'objet  de  notre  mission  , 
nous  lui  avons  adressé  quelques  questions  sur  les  circonstances  qui 
ont  précédé,  accompagné  et  suivi  ses  blessures;  il  nous  a  appris 
que,  le  onze  juin  mil  buit  cent  trente-quatre,  à  quatre  beures  et 
demie  du  matin  ,  etc.  La  suite  comme  en  A... 

Exposition  des  faits.  Nous  avons  alors  examiné  le  sieur  D... ,  et 
nous  avons  observé  qu'il  ne  reste  de  traces  de  ses  blessures,  etc.  La 
suite  comme  en  B... 

Conclusions.     D'où  nous  concluons  : 

i"  Que  les  blessures  du  nommé  D...  n'ont  pas  présenté  et  ne  pré- 
sentent pas,  quant  à  présent,  de  gravité  ; 

a°  Qu'il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'il  ne  se  manifestera  pas  d'ac- 
cidens  d'ici  à  la  disparition  complète  des  traces  des  contusions  qu'il 
a  reçues  ; 

3°  Que  l'on  peut  évaluer  à  huit  à  dix  jours  l'incapacité  de  travail 
qui  aura  été  le  résultat  de  ses  blessures. 

La  rédaction  d'un  rapport  doit  être  claire,  concise,  les  pbrases 
courtes,  exprimant  en  général  un  seul  fait.  11  faut ,  autant  que  pos- 
sible ,  éviter  les  termes  techniques,  afin  de  se  faire  comprendre  de 
tout  le  monde.  Lorsque  la  dénomination  est  par  trop  vulgaire,  et 
qu'elle  pourrait  faire  taxer  le  médecin  d'ignorance  des  ternies  de 
son  art,  on  doit  se  servir  du  mot  technique,  et  placer  la  significa- 
tion qu'il  représente  entre  deux  parenthèses.  Tous  les  faits  qui  peu- 
vent conduire  à  des  circonstances  importantes,  sous  le  rapport  des 
conclusions  que  l'on  devra  prendre,  seront  annotés  par  un  numéro 
d'ordre,  de  manière  à  motiver  les  conclusions  d'après  chacun  d'eux. 
Cette  méthode  n'est  pas  une  règle  dont  on  ne  puisse  pas  s'abste- 
nir ;  mais  ,  lorsqu'elle  est  employée  avec  succès  ,  elle  dénote  un  es- 
prit juste  et  conséquent  ;  vous  en  trouverez  l'exemple  dans  le  modèle 
de  consultation  médico-légale  que  je  vous  donnerai.  Il  faut  bien  se 
garder  de  la  mettre  en  usage  quand  on  n'est  pas  bien  sûr  d'interpré- 
ter à  sa  juste  valeur  chacun  des  faits  en  particulier.  Voici  quelles 
pourraient  être  les  conséquences  d'une  méthode  inverse  :  tout 
rapport  ,  quelque  simple  qu'il  soit,  peut  devenir  par  la  suite  l'ob- 
jet de  discussions.  De  nouveaux  médecins  sont  appelés  à  donner 
leur  avis  sur  les  premiers  rapports,  et  c'est  alors  qu'ils  commen- 
tent chacun  des  faits  en  particulier;  leur  position  leur  impose  l'obli- 
gation d'annoter  ceux  dont  on  n'a  pas  tiré  des  conséquences  ri- 
goureusement exactes. 

Quant  aux  conclusions,  elles  ne  doivent  jamais  être  que  la  consé- 


(94) 

quence  rigoureuse  de  chacun  des  (aks ,  suivant  les  uns,  et  l'expres- 
sion de  la  conviction  morale  du  médecin,  ^M/i'/z/zf  les  autres.  La  ma- 
nière de  voir  des  premiers  nous  paraît  trop  exclusive.  D'après  elle  , 
il  faudrait  prendre  chacun  des  faits  isolément,  les  peser  à  leur  juste 
valeur,  et  voir  ce  qu'ils  prouvent  :  eh  bien  !  il  arrive  souvent  que  sur 
vingt  faits  isolés,  on  n'en  trouve  pas  un  qui  puisse  donner  la  preuve 
d'un  crime  ;  mais ,  si  l'on  vient  à  grouper  ces  faits  ,  on  acquiert 
des  présomptions  tellement  grandes,  d'après  leur  agglomération, 
qu'elles  équivalent  à  une  preuve,  ou  au  moins  qu'elles  sufiîseut 
pour  établir  une  conviction. 

Or ,  la  justice  appelle  les  médecins  pour  interpréter  des  faits  dont 
elle  ue  peut  pas  connaître;  elle  met,  a  l'égard  de  ces  faits,  le  mé- 
decin en  son  lieu  et  place;  elle  le  qualifie  d'expert,  c'est-à-dire 
qu'elle  lui  reconnaît  l'aptitude  pour  juger  ;  elle  lui  demande  un  ju- 
gement qu'elle  accepte  et  qu'elle  reconnaît,  par  cela  même  qu'elle 
ne  peut  pas  l'infirmer  :  c'est  donc  à  la  conviction  morale  du 
médecin  qu'elle  se  rapporte.  Ainsi  qu'au  juré,  elle  ne  lui  de- 
mande pas  la  raison  pour  laquelle  il  a  conclu  de  telle  ou  de  telle 
manière;  elle  accepte  ses  conclusions. 

C'est  cette  latitude  si  grande,  que  le  juge  laisse  au  médecin  , 
qui  doit  le  rendre  circonspect ,  et  lui  faire  sentir  toute  la  portée  d  es 
décisions  qu'il  va  prendre  :  ausu  a-t-on  dit  avec  raison  que  ,  d.ms 
les  affaires  criminelles  qui  rentrent  dans  le  domaine  de  la  méde- 
cine, l'expert  tient  en  ses  mains  le  sort  de  l'accusé.  La  conviction 
médicale  s'établira  donc  surtout  sur  l'ensemble  des  faits  médicaux  , 
et  non  pas  sur  une  foule  de  renseignemens  souvent  inexacts  que  le 
médecin  peut  recueillir  des  personnes  auprès  desquelles  il  est  obligé 
de  se  rendre. 

On  est,  eu  général,  porté  à  conclure  affirmativement.  11  faut  se 
prémunir  contre  celte  tendance  à  résoudre  ce  qui  est  insoluble  :  le 
défaut  contraire  a  aussi  ses  inconvéniens.  Nous  avons  fréquem- 
ment entendu  dire  à  des  magistrats  que,  dans  beaucoup  de  circon- 
stances, ils  auraient  préféré  n'avoir  pas  consulté  de  médecins,  parce 
que  leurs  conclusions  les  avaient  jetés  dans  une  incertitude  d'au- 
tant plus  complète  qu'ils  étaient  incapables  d'apprécier  les  motifs 
sur  lesquels  était  basé  le  doute  des  experts. 

En  général,  un  médecin  ne  doit  pas  prendre  de  conclusions  ex 
abrupto,  à  moins  qu'il  ait  une  grande  habitude  d'observer  les  mô- 
mes faits  sous  le  même  point  de  vue  :  c'est  dans  le  silence  du  cabi- 
net qu'il  tire  des  inductions  des  faits  du  jour. 

Dans  beaucoup  de  circonstances  vous  ^erez  appelé  à  procéder  en 
nrésenced'un  juge  d'instruction  qui  vous  aura  accompagné  dans  vo- 
treexpertise.  Lu  marclieà  suivre  est  alors  toujours  la  même  :  seule- 
ment le  magistral  vous  appellera  auprès  de  lui,  il  vous  fera  connaî- 
tre le  but  dans  lequel  il  vous  a  mandé.  Si  vous  acceptez  la  niissiou 
qu'il  va  vous  faire  remplir,  vous  vous  rendrez  avec  lui  sur  les 
lieux  :  là  il  vous  remettra  une  ordonnance  qui  contiendra  l'exposi- 
tion des  faits  sur  lesquels  vous  aurez  .1  vous  expliquer  ;  il  vous  fera 
ensuite  prêter  serment,  et  vous  mettra  en  rapiiortavec  le  corps  de 
délit  pour  l'explorer.  Souveut  alors  l'expert  procède  à  la  rédaction 
immédiate  de  sun  rapport,  le  magistrat  ayant  un  intérêt  puissant 


(95) 

à  recueillir  le  plus  de  renseigaemens  possible  dans  un  espace  de 
temps  très-court,  afin  d'arriver  à  la  découverte  de  l'auteur  du  crime. 
Il  faut  que  vous  sachiez  que,  dans  ces  circonstances  même,  vous 
n'êtes  pas  tenu  à  prendre  immédiatement  des  conclusions  ;  mais  on 
peut  exiger  de  vous  le  corps  de  votre  rapport,  qui  comprend  la  nar- 
ration des  faits. 

Pendant  votre  expertise ,  gardez-vous  bien  de  tirer  des  consé- 
quences des  faits  que  vous  observerez  en  présence  des  magistrats. 
Sachez  que  souvent  même  vous  serez  invité  à  vous  expliquer  au  fur 
et  R  mesure  de  vos  recherches.  Vous  ne  devez  pas  de  réponse  à  ces 
questions  indiscrètes  :  en  satisfaisant  une  curiosité  déplacée,  vous 
vous  exposeriez  à  vous  contredire,  parce  qu'il  est  impossible  de  con- 
clure d'après  un  fait  isolé;  parce  qu'une  circonstance  nouvelle  peut 
venir  détruire  une  opinion  fondée  sur  une  observation  faite  anté- 
rieurement. 

Enfin  vous  ferez  la  remise  de  votre  rapport  entre  les  mains  du 
magistrat  qui  vous  aura  requis  ;  vous  en  signerez  le  dépôt.  Vous 
joindrez  à  votre  rapport  l'ordonnance  qui  vous  a  été  confiée  et  là 
lettre  d'avis  que  vous  avez  reçue.  (Voir  lettre  première,  des  condi- 
tions dans  lesquelles  vous  serez  placé  lorsque  vous  serez  appelé  à  faire 
un  rapport.)  Alors  on  taxera  votre  expertise  de  la  manière  suivante  : 
Vu  le  rapport  du  sieur...,  en  date  du...; 

Vu  l'art.  17  du  décret  du  18  juin  181 1,  avons,  sur  sa  réquisition, 
accordé  taxe  au  sieur...,  et  l'avous  fixée  à  la  somme  de...,  pour  vi- 
sites et  rapports; 

Et  attendu  que  la  partie  prenante  n'est  pas  habituellement  em- 
ployée; 

Attendu  l'urgence  et  l'absence  de  partie  civile  en  cause; 

Vu  les  art.  laS  et  184  du  décret  précité; 

Ordonnons  que  ladite  somme  de...,  montant  des  causes  sus-énon- 
cées,  sera  payée  au  sieur...  par  le  receveur  de  l'enregistrement  au 
bureau  du  Palais  de  justice,  sur  les  fonds  de  la  justice  criminelle. 

ART.    998. 

§  2.  —  Des  rapports  administratifs  ;  de  leur  forme  ;  des  connais- 
sances que  doit  posséder  le  médecin  pour  les  accepter.  —  Des 
rapports  d' estimation. 

Les  règles  générales  que  je  vous  ai  tracées  peuvent  être  appli- 
quées à  la  confection  des  rapports  administratifs;  car  qu'il  s'agisse 
de  recherches  propres  à  constater  Texisience  d'un  corps  de  délit  ou 
d'une  question  de  salubrité  ,  il  faudra  toujours  qu'un  rapport  com- 
prenne un  préambule,  une  narration  des  faits  et  des  conclusions; 
c'est  donc  la  même  marche  à  suivre. 

Un  médecin  doit  attacher  la  même  importance  à  un  rapport  ad- 
ministratif qu'à  un  rapport  judiciaire;  car,  si  dans  ce  dernier  il  s'a- 
git d'une  peine  afflictive  ou  infamante,  dans  le  premier  c'est  l'exis- 
tence de  toute  une  famille  qui  peut  être  compromise. 

Vous  serez  presque  toujours  en  butte  aux  sollicitations  de  toute 
espèce:  d'un  côte,  les  personnes  intéressées  au  déplacement  d'un 
étabhssement  ;  de  l'autre,  les  propriétaires  de  l'usine.  C'est  à 
vous  de  vous  prémunir  contre  leur  influence  ;  vous  y  paryien  Irez 


(96) 

facilement  alors  que  vous  aurez  pénétré  dans  tous  les' détails  des 
opérations  qui  constituent  la  fabrication ,  et  que  votre  conviction 
sur  la  salubrité  ou  l'insalubrité  sera  basée  sur  vos  observations. 

Je  ne  saurais  trop  vous  recommander  de  vous  abstenir,  toutes  lés 
fois  que  vous  ne  vous  croire/,  pas  une  somme  d'instruction  suffi- 
sante pour  apprécier  les  faits.  N'imitPz  pas  en  cela  les  médecins  qui 
sollicitent  leur  admission  dans  les  conseils  de  salubrité  sans  pos- 
séder de  notions  sur  les  diverses  brancbes  d'industrie,  et  qui  ne 
voient  qu'un  titre  dans  des  fonctions  d'une  aussi  haute  importance. 

Des  rapports  d'estimation.  Je  terminerai  cetic  lettré  en  vous  ex- 
p.osant.  les  règles  générales  que  Devaux  a  établies  ^  l'égard  de  ce 
genre  de  rapports 

Outre  les  règles  générales  que  je  vous  ai  tracées  pour  les  autres 
rapports,  il  faut  i°  marquer  en  marge  du  mémoirequi  a  été  présenté 
le  jugement  porté  sur  chaque  article  pour  proTiver  que  l'on  a  fait 
droit  sur  tous  avec  l'exactitude  requise.  2"  Si  l'on  réduit  le  prix  d'un 
article  à  une  moindre  somme,  cette  somme  modific'-e  doit  être  mar- 
quée en  chiffres.  3°  Lorsqu'on  ne  trouve  rien  à  rttranclier  ,on  doit 
mettre  en  marge  le  mot  bon.  /^°  Le  travail  terminé,  on  doit  le  certi- 
fier en  bas  du  mémoire.  5°  Dans  l'appréciation  des  honoraires  récla- 
més par  la  partie  intéressée,  il  faudra  avoir  égard  à  la  nature  et  à 
la  gravité  de  la  maladie;  aux  soins  qu'elle  a  dû  nécessiter,  à  sa 
durée;  aux  pansemens  dont  elle  a  été  l'objet;  .i  la  proximité  ou  à 
l'éloignement  du  malade,  et  surtout  à  la  qualité  et  à  la  fortune  de  ce 
dernier.  6°  S'il  s'agissait  de  fourniture  de  médicamens,  on  devrait 
adopter  un  prix  moyen  auquel  les  substances  sont  débitées  chez  les 
pharmaciens.  A.  D. 

VARIÉTÉS. 

CoKCOCRs.  Trois  concours  vont  s'ouvrir  devant  la  Faculté  de  méde- 
cine de  Paris  pour  douzf  placps  d*agrégt*s  slajiiaires. 

Le  i'''",  pour  cinq  places  de  la  set,-lion  de  médecine,  s'ouvrira  le 
i5  avril  prncliaiii. 

Le  y.*",  pour  quatre  places  de  la  section  de  chirurgie,  s'ouvrira  le 
i5  juin. 

Le  5",  pour  trois  places  de  la  section  des  sciences  préliuiinnires  et 
accessoiren,  s'ouvrira  le  16  novembre. 

Reaponsabiliic  médicale.  La  s('uscri|)tion  en  faveur  di?  M.  Thouret- 
Noroy,  annoneée  dans  les  jniirnaux,  s'élève  en  ee  moment  i\  près  de 
5,000  l'r.  A  Paris,  comme  dans  les  déparlemens,  cliacun  s'est  empressé 
d'apporter  son  offrande  et  de  protester  contre  le  juj^enient  de  la  Cour 
royale  de  Itouen.  I>e  nouvelles  sommes  sont  encore  clia(|ue  jour  en- 
voyées soit  aux  Journaux  de  médecine,  soit  diredenienl'au  destina- 
taire lui-même ,  et  nous  devons  espérer  que  noire  malheureux  ronlVére 
finira  par  fitre  enlièrenn'nt  indemnisé  des  (Vais  énormesd'un  procès  lui- 
neiix.  .Nous  avons  re<;u  d«:  A(.  Delaporle,  médecin  à  \iniiiuiiers  (Urni'), 
une  lettre  dans  laquelle  cet  honorable  confrère  nous  annonce  avoir  lait 
passer  directement  à  M.  Thouret-Noroy  la  somme  de  /iHV,  (V.,  montant 
d'une  ponscriplion  ouverte  par  se»  soins.  IVous  regretlons  vi\enienl  que 
le»  bornes  et  la  nature  de  (  <■  journal  n«-  nous  permettent  pas  de  publier 
les  non)»  «les  souscripteurs,  (:l  la  lettre  «le  M.  le  docliur  l)r|apoi  !«;,  qui 
nous  semble  avoir  considéré  la  responsabilité  médicale  s(uis  son  véri- 
table pomt  de  vue. 


(97) 

AfiT.    999. 

Mémoire  sur  le  traitement  des  éryaipèles  d  l'aide  des  corps  gras. 

M.  le  docteur  Barthez,  médecin  adjoint  à  l'hùpital  mili- 
taire du  Gros-Caillou,  a  publié  dans  le  dernier  volume  du 
Recueil  de  mémoires  de  médecine,  de  chirurgie  et  de  pharmacie 
militaires  un  travail  fort  intéressant,  dans  lequel  il  examine 
quels  sont  les  effets  des  corps  gras  appliqués  sur  les  érysi- 
pèles.  Il  résulte  des  expériences  de  ce  médecin,  que  la  graisse 
seule  est  tout  aussi  efficace  que  lorsqu'on  la  mélange  avec  le 
mercure.  L'huile  et  le  cérat  n'ont  pas  montré  une  action 
aussi  certaine;  cependant  des  onctions  faites  avec  tous  ces 
corps  ont  souvent  guéri  avec  une  très-grande  rapidité,  et  ja- 
mais d'ailleurs  il  n'est  résulté  aucun  mauvais  effet  de  leur 
application.  Il  est  ici  question  de  l'érysipèle  vrai,  soit  fixe, 
soit  ambulant,  mais  non  de  Pérysipèle  phlegmoneux,  qui  a 
constamment  résisté  à  cette  médication. 

Le  Mémoire  de  M.  Barthez  contient  vingt  observations 
dans  lesquelles  ce  moyen  a  été  employé;  nous  allons  en  rap- 
porter quelques-unes  pour  faire  connaître  et  le  mode  d'appli- 
cation de  ce  topique,  et  les  cas  dans  lesquels  on  peut  en  es- 
pérer du  succès. 

Un  jeune  soldat  fut  reçu  à  l'hôpital  miUtaire  de  Lyon,  le 
25  août  i853,  pour  y  être  traité  d'une  pneumonie  intense  du 
côté  gauche.  Le  5  juin,  il  entrait  en  convalescence  lorsqu'il 
fut  pris  d'une  parotidite  aiguë  avec  un  érysipèle  de  la  face, 
qui,  dans  les  vingt-quatre  heures,  envahit  toute  la  joue  du 
côté  gauche,  ainsi  que  l'oreille  correspondante.  En  même 
temps  la  fièvre  se  ralluma.  On  mit  le  malade  à  la  diète,  et 
l'on  recouvrit  l'érysipèle  d'une  couche  légère  d'onguent  mer- 
curiel.  La  douleur  cessa  subitement,  la  nuit  fut  calme,  et  le 
lendemain  l'amélioration  était  sensible.  Même  prescription. 
Le  7,  l'érysipèle  avait  disparu,  la  desquamation  s'opéra  les 
jours  suivans,  et  le  malade  sortit  bientôt  parfaitement  guéri. 

Le  même  moyen  fut  employé  dans  un  cas  à  peu  près  sem- 
blable. Le  malade  éprouvait  les  douleurs  les  plus  vives,  et 
ilfut  soulagé  miraculeusement,  suivant  son  expression,  dès  que 
l'onguent  mercuriel  fut  étendu  sur  son  érysipèle. 

Beaucoup  d'observations  de  ce  genre  ont  été  publiées  ail- 
leurs, mais  M.  Barthez  a  voulu  prouver  que  la  graisse  seule 
avait,  contre  l'érysipèle,  une  action  aussi  certaine  que  l'on- 
guent mercuriel.  C'est  donc  tantôt  avec  cette   substance  et 

TOM.  VI.  —  N"  DE  MARS.  7 


(98) 

tantôt  avecl'ongueat  mercuriel  que  ses  autres  malades  ont 
été  traités. 

Un  jeune  soldat  se  présenta  à  l'hôpital  de  Lyon,  le  25  mai 
i835,  avec  un  érysipèle  tort  intense  de  la  face.  Une  saignée 
tut  pratiquée,  et  l'on  fit  des  onctions  mercuriellcs  sur  toute 
la  surface  enflammée.  Ces  moyens,  continués  pendant  quel- 
ques jours,  amenèrent  une  guérison  parfaite;  mais  le  'iO  juin 
un  second  érysipèle  se  déclara.  On  eut  de  nouveau  recours 
aux  onctions;  mais  cette  fois  on  remplaça  l'onguent  mercu- 
riel par  delà  graisse  fraîche,  en  ayant  soin  de  répéter  ces  ap- 
plications plusieurs  fois  le  jour  et  la  nuit. Le  malade  se  trou- 
va soulagé  dès  la  première  application  de  la  graisse.  Les 
jours  suivans  l'érysipèle  continua  ù  se  résoudre,  cl  l'on  put 
remarquer  que  les  points  sur  lesquels  on  avait  négligé  d'ap- 
pliquer de  la  graisse  restaient  rouges  et  enflammés. 

Chez  un  malade  trop  affaibli  par  une  affection  antécédente 
pour  qu'on  pût  recourir  aux  évacuations  sanguines,  on  ob- 
tint par  le  même  moyen  une  rapide  guérison.  L'érysipèle 
de  la  face  était  compliqué  de  gastro-entérite  et  de  diarrhée. 
Quoique  l'inflammation  fût  très-vive  et  très-étendue,  les  onc- 
tions avec  la  graisse  la  détruisirent  en  quelques  jours,  sans 
que  la  phlegmasie  abdominale  en  parût  le  moins  du  monde 
influencée. 

Ces  onctions,  soit  avec  la  graisse,  soit  avec  l'onguent  mer- 
curiel, ont  été  faites  lorsqu'il  existait  en  même  temps  une 
pneumonie,  une  encéphalite,  ou  une  gastro-entérite,  et,hien 
que  plusieurs  fois  les  malades  soumis  à  ce  traitement  aient 
succombé,  rien  n'a  pu  faire  croire  qu'on  dût  en  attribuer  la 
cause  à  une  prétendue  métastase.  Le  plus  mauvais  effet  que 
l'on  ait  quelquefois  retiré  de  ces  onctions,  est  de  n'avoir  pro- 
duit ni  bien  ni  mal  sur  le  cours  de  la  maladie. 

M.  Barthez  conclut  de  ces  expériences  que  l'application 
des  corps  gras  sur  les  érysipèles  aigus  n'est  nullement  nui- 
sible; qu'on  n'en  obtient  pas  à  la  vérité  unsuccès  toujours  égal, 
mais  que  la  graisse  simple  est  aussi  eflicace  que  l'ongncnl 
mercuriel,  enfin  que  l'huile  et  le  cérat  ne  paraissent  pas  jouir 
des  mêine?  propriétés. 

Les  conditions  à  remplir  pour  le  succès  de  cette  médica- 
tion sont  : 

I  "  D'employer  des  substances  fraîchement  préparées  ; 

2"  De  tenir  l'cxanlhème  continuellement  couvert  par  le 
corps  gras,  même  au-delà  des  linu'tes  du  mal  :  on  pourrait, 
si  l'on  voulait,  mais  ceci  n'est  pas  d'une  extrême  rigueur, 
absorber  légèrement  de  lemps  à  autre,  à  l'aide  d'un  linge 
fiu,  le  résidu  des  onctions,  afin  d'avoir  le  plus  possible,  en 


(99) 
conlact  avec  la  peau  malade,  uae  malière  toujours  fraîche; 
j'^  De  réitérer  cette  opératioQ  huit  ou  dix  l'ois  au  inoius 
dans  les  vingt-quatre  heures. 


ABX.     1000. 


Réflexions  et  observations  sur  la  blennorrhagie  chronique^  entre- 
tenue  le  plus  souvent  par  des  ulcérations  dans  l'intérieur  de 
l'urètre.  —  Son  traitement  par  le  suc  de  persil. 


On  trouve  dans  le  même  recueil  quelques  observations 
importantes  sur  la  cause  la  plus  ordinaire  de  la  hlennorrha- 
gie  chronique,  par  M.  Brun,  chirurgien  aide -major  au 
59*  de  ligue. 

Ce  médecin,  ayant  eu  occasion  d'examiner  après  la  mort 
un  certain  nombre  de  sujets  qui  portaient  depuis  long-temps 
des  écoulemens  urétraux,  et  qui  avaient  succombé  à  des  af- 
fections tout-à-lait  étrangères,  a  presque  constamment  trouvé 
des  ulcérations,  soit  dans  la  fosse  naviculaire,  soit  sur  d'au- 
tres points  du  canal.  Ces  ulcérations  étaient  d'une  petite 
dimension,  et  fournissaient  ce  que  les  malades  appelaient 
leur  goutte  militaire.  Douze  observations  semblables  ont  été 
recueillies  par  M.  Brun;  et  si  ce  nombre  n'est  pas  suffisant 
pour  autoriser  à  conclure  que  ce  désordre  est  la  cause  la  plus 
ordinaire  des  blennorrhagies  chroniques,  on  ne  peut  du 
moius  se  refuser  à  croire  qu'il  joue  un  certain  rôle  dans  la 
persistance  de  quelques-unes  d'entre  elles. 

Quant  au  traitement  de  ces  ulcérations,  M.  Brun  pense 
que,  si  l'on  pouvait  s'assurer  de  leur  existence,  on  devrait 
chercher  à  les  cautériser  eu  introduisant  dans  le  canal  la 
sonde  porte-caustique,  ou  en  injectant  une  forte  solution  de 
nitrate  d'argent  (un  grain  dans  trois  onces  d'eau  distilléi;). 

Rijlexions.  Le  travail  de  SI.  Brun  engagera  sans  doute  les 
praticiens  à  poursuivre  ces  recherches,  et  à  déterminer  par 
de  nombreuses  autopsies  quelle  est  la  cause  de  ces  écoule- 
ment interminables,  qui  font  à  la  fois  le  désespoir  des  ma- 
lades et  celui  des  médecins.  Déjà,  à  notre  article  ^85,  nous 
avions  avancé  que  ces  sortes  d'ulcérations  devaient  être  très- 
communes  d;ms  la  blennorrhagie  chronique,  mais  nous  ne 
pouvions  confirmer  celte  assertion  par  des  recherches  sur  le 
cadavre,  recherches  si  heureusement  faites  par  ce  chirur- 
gien; cependant  il  nous  semble  nécessaire  du  faire  quelques 


(lOO) 

remarques  sur  cette  cause  de  la  persistance  de  la  blennor- 
rhagie. 

Il  arrive  assez  souvent  que  des  individus  sont  atteints  de 
chancres  primitifs  dont  le  siège  est  l'urètre  lui-uiènie.  Ces 
ulcères  présentent  absolument  les  mêmes  caractères  que  ceux 
du  gland  et  du  prépuce;  or,  le  principal  caractère  du  chan- 
cre vénérien  primitif  est  de  se  transmettre,  par  inoculation, 
sur  les  diverses  parties  du  corps.  Les  expériences  de  M.  Cul- 
lerier  ont  démontré  que  les  chancres  de  l'urètre  possédaient 
cette  propriété;  ils  sont  d'ailleurs  fréquemment  suivis  de 
l'infection  générale  consécutive,  et  ne  se  développent  guère 
qu'à  l'entrée  du  canal,  où  la  simple  inspection  sullit  pour  les 
faire  reconnaître. 

II  n'en  est  pas  de  même  des  ulcérations  trouvées  par 
M.  Brun  chez  les  sujets  porteurs  d'urétrites  chroniques  ;  leur 
siège  était  souvent  sur  un  point  du  canal  fort  éloigné  de  son 
orifice,  et  le  pus  qui  s'écoulait  de  leur  surface,  et  qui  don- 
nait lieu  à  la  goutte  militaire,  n'était  nullement  contagieux, 
comme  l'ont  prouvé  plusieurs  de  ses  observations.  11  existe 
donc  une  très-grande  différence  entre  le  chancre  de  l'urètre 
et  l'ulcération  qui  coïncide,  dans  un  certain  nombre  de  cas, 
avec  l'urétrite  chronique  :  c'est  une  ulcération  consécutive  à 
l'inflammation  plus  ou  moins  vive  qui  a  séjourné  long- 
temps dans  le  canal,  et  tout  porte  à  croire  que  la  blennorrha- 
gie  chronique  est  souvent  entretenue  par  le  gonflement  in- 
flammatoire de  la  muqueuse  urétrale  long-temps  avant  de 
l'être  par  une  solution  de  continuité. 

Nous  ne  terminerons  pas  cet  article  sans  parler  d'une  bro- 
chure qui  vient  d'être  publiée  par  un  chirurgien  militaire  sur 
un  nouveau  traitement  de  la  blennorrhagie,  tant  aiguii  que 
chronique.  La  substance  que  l'on  propose  est  le  suc  de  per- 
sil,'qui,  suivant  M.  Laburthe,  chirurgien-major  au  Zj*  de  hus- 
sards, administré  hoviœopatlùquement,  aurait  une  vertu  toute 
particulière  poui'  dissiper  l'urétrite  aiguë,  et  surtout  l'uré- 
trite chronique.  Le  Mémoire  (jue  ce  chirurgien  a  publié  sur 
ce  Nujet  (i)  contient  une  cinquantaine  d'observations  recueil- 
lies à  l'hôpital  niililaire  de  Versailles,  où  il  était  chargé  du 
service  des  vénériens.  Le  nombre  des  blennorrhagies  aiguës 


(i)  Du  suc  (le  persil  dans  le  traitement  de  l'urétrite  aiguë  ou  chroni- 
que,suivi  de  quelques  autres  applications  desiemèdes  liomdupatliiqueB 
'a  la  guérison  des  uialadie»  syphilitique»;  par  G.  Doin  et  Cjj.  Ji.iljiirlhe. 
Druch.  in-K". 


(101) 

traitées  par  cette  méthode  a  été  de  vingt-neuf.  Le  maximum 
du  traitement  a  été  de  cinquante-deux  jours,  et  le  minimum  de 
neuf,  ce  qui  établit  une  moyenne  proportionnelle  de  vingt- 
huit  jours  à  peu  près.  Tous  les  malades  sont  sortis  guéris. 
Les  urétriles  passées  à  l'état  chronique,  c'est-à-dire  durant 
au  moins  depuis  un  mois,  sont  au  nombre  de  vingt-deux. 
La  durée  moyenne  du  traitement  a  été  de  vingt  jours. 

Voici,  d'ailleurs,  la  manière  dont  le  suc  de  persil  a  été 
administré  homœopathiquement. 

Pour  la  préparation  de  cette  substance,  il  a  suffi  d'arracher 
et  de  nettoyer  avec  soin  la  plante  au  moment  où  elle  allait 
entrer  en  fleurs;  les  feuilles  en  ont  été  pilées,  et  le  suc  exprimé 
a  été  placé  dans  un  vase,  où  on  l'a  laissé  reposer  vingt-qua- 
tre heures.  Le  lendemain  on  a  décanté,  et,  rejetant  toute  la 
partie  trouble  qui  s'était  déposée  au  fond  du  vase,  on  a  mêlé 
la  partie  claire  avec  son  poids  d'alcool  rectifié  à  quarante 
degrés.  En  cet  état,  le  suc  peut  être  conservé  long-temps 
sans  s'altérer. 

On  en  versait  deux  ou  trois  gouttes  sur  la  langue  du  ma- 
lade, qui  restait  deux  minutes  sans  parler  et  sans  ouvrir  la 
bouche,  et  auquel  on  recommandait  de  ne  boire,  de  ne 
manger,  ou  de  ne  se  rincer  la  bouche  qu'une  heure  après. 
Le  médicament  était  toujours  administré  le  matin  à  jeun. 

Le  régime  est,  suivant  l'auleur,  d'une  importance  ex- 
trême pour  le  succès;  il  se  réduit  à  ne  pas  prendre  comme 
alimens  les  substances  qui  peuvent  être  employées  comme 
médicament.  Ainsi  il  fallait  retrancher  le  poivre,  le  vinaigre, 
le  citron,  le  persil,  le  café,  le  thé,  le  chocolat,  l'oseille,  etc.; 
mais  dans  un  hôpital  militaire,  où  la  base  de  la  nourriture 
est  le  bouillon,  qui  contient  toujours  du  poivre,  des  poi- 
reaux, du  céleri,  etc.,  il  n'était  pas  facile  d'éviter  ces  incon- 
véniens.  Voici  comme  on  s'y  prit  :  quelques  jours  avant  le 
moment  où  le  suc  de  persil  devait  être  administré,  on  don- 
nait aux  malades  quart  de  pain  matin  et  soir,  portion  de  lé- 
gumes et  riz  au  lait,  et  portion  de  lait;  on  augmentait  quel- 
quefois la  portion  de  pain,  et  on  permettait  aussi  l'usage  des 
pruneaux. 

On  n'a  pas,  en  général,  donné  plus  de  deux  ou  trois  doses 
de  suc  de  persil,  à  quelques  jours  d'intervalle,  dans  le  cours 
du  traitement  (i). 


(i)  Qaelques-uns  de  nos  confrères  nous  ont  demandé  ce  que  nous 
pensions  de  l'bomœopathie,  de  cette  doctrine  qui  a  envahi  une  grande 


(102) 


ART.     1001. 


Du  traitement  de  la  fissure  à  l'anus  par  l'excision. 

On  lit  dans  le  journal  la  Lancette  deux  observations  de 
fissure  à  l'anus  recueillies  ù  l'hôpital  Saint-Louis,  et  dans 
lesquelles  M.  Jobert  a  employé  un  traitement  qui  paraît  aussi 
simple  qu'efficace. 

Une  jeune  femme  n'allait  à  la  selle  depuis  long-lenips  qu'a- 
vec de  vives  douleurs,  et  rendait  des  matières  i'écales  striée^ 
de  sang.  A  la  suite  d'une  fausse  couche  elle  entra  à  l'Hôlel- 
Dieu,  où  l'on  reconnut  un  prolapsus  de  la  matrice. Tn  pes- 
saire  fut  appliqué;  mais  la  malade  étant  sortie  peu  de  temps 


partie  de  l' Allemagne,  e\.  qui  semble  faire  de  nombreux  prosélytes  parmi 
les  médecins  français.  Nous  avions  cru  qu'il  sutlisait  d'avoir  donné 
dans  li;s  précédons  volumes  une  idi-e  de  la  doctrine  m  général  pour 
que  chacun  pût  l'apprécier  convenablement;  néanmoins  nous  ne  re- 
fuserons point  de  publier  les  faits  qui  pourraient  lui  être  favorables, 
mais  ceux-là  seulement  qui  auront  été  recueillis  dans  les  hôpitaux. 
Nous  serons  peut-être  bientôt  à  même  de  voir  par  nos  propres  yeux  les 
miracles  qu'on  nous  annonce,  puisque,  sur  la  demande  de  quelques  dis-' 
v\[>U'.t  d'ilanneman,  le  ministre  vient  de  consulter  l'Académie  pour 
savoir  s'il  serait  convenable  de  mettre  quelques  salles  d'un  bôpitai  à 
leur  disposition.  Il  ne  sera  peut-être  pas  hors  de  propos  de  rapporter 
la  petite  discussion  à  laquelle  cette  demande  a  donné  lieu  parmi  les 
académiciens. 

Le  bureau  ayant  proposé  de  nommer  une  commission  composée  de 
MM.  lIussoD,  Itenauiilin,  Guéneau  de  Mussy,  Llicrminier,  Buulay, 
Di.'Iens  et  Lisfranc,  M.  Main<;ault  a  demandé  que  cette  c'uminissiou  fût 
composée,  par  partie  égale,  de  membres  croyans  et  de  membres  non 
croyans.  Cette  proposition  a  excité  des  éclats  de  rire  universels.  M.  An- 
dral  père  s'est  oiiposé  avi^c  chaleur  à  ce  qu'on  ndmm.'kt  une  commis- 
sion. Il  n'a  pas  peuse  qu'il  fût  de  la  dignité  de  l'Académie  de  s'occu- 
per d'absurdités  semblables  :  plusieurs  membres  ont  partagé  son  opi- 
nion. Ce[)endant  on  a  reconnu  la  nécessité  de  faiie  une  réponse  quel- 
conque au  ministre.  M.  Keraudien  iiyant  proposé  de  se  mettre  en  rap- 
port avec  les  sociétés  savantes  d'AlIrmaguc,  M.  Maïc  s'est  emjircssé  de 
ili'clarer  que  L'hontd-opathie  était  touilitedans  un  tel  discre(iil  en  Aile» 
uia^'u»:,  que  derriieiement  un  médecin  de  Berlin  lui  assurait  qu'il  n'y 
av.iit  dans  cette  ville  que  trois  homa-opathes  dont  un  fripon  et  deux 
if^nortins.  M.  Brr;chel  a  ajouté  que  s'étant  trouvé  en  Allemagne  dans 
une  réunion  de  prè«  de  six  cents  médecins,  l'un  d'eux  avait  voulu  par- 
lei  lie  i'lionio:ii()athie,  mais  que  l'assemblée  n'avait  pas  même  consenti 
a  r<Miten'ire. 

On  a  ajouté  A  la  commission  les  noms  de  MM.  Andral  père  et  (ils cl 
Adelon.  (N.duR.) 


(io3) 

après,  coDtinua  à  éprouver  des  douleurs  dans  les  lombes  et 
dans  le  bassin.  Il  l'allul  enlever  le  pessaire^  et  elle  entra  à 
Saint-Louis  le  lo  décembre  i834- 

Examinée  au  spéculum,  elle  présenta  une  ulcération  à  la 
lèvre  antérieure  du  museau  de  tanche,  qui  lut  cautérisée  avec 
le  nitrate  acide  de  mercure;  mais  on  reconnut  en  outre  une 
petite  ulcération  superficielle,  située  entre  les  rayonnemens 
de  la  partie  postérieure  de  Tanus. 

Le  7  janvier,  la  malade  étant  placée  sur  le  bord  de  son  lit 
comme  pour  l'opération  de  la  fissure,  M.  Jobert  saisit  avec 
une  pince  le  trajet  de  la  fissure,  et  l'excisa  avec  des  ciseaux. 
Aucun  pansement,  bain  de  siège,  potion  calmante. 

Le  lendemain,  la  malade  n'éprouvait  ni  douleur  ni  pesan- 
teur au  fondement.  Elle  eut  une  selle  plus  facile  et  ne  se  plai- 
gnit que  d'une  légère  cuisson  lors  du  passage  des  matièi'es 
stercorales  sur  la  plaie.  On  remédia  à  la  constipation  par 
l'eau  de  Sedlitz.  Le  19,  la  petite  plaie  était  entièrement 
fermée.  En  examinant  celte  femme  au  spéculum,  on  recon- 
nut que  les  ulcères  du  col  utérin  étaient  cicatrisés.  Elle  sor- 
tit de  l'hùpital  le  26,  n'éprouvant  plus  que  de  la  douleur  dans 
les  aines  et  dans  les  lombes,  effets  nécessaires  d'une  tension 
au  prolapsus  de  la  matrice. 

La  seconde  observation  est  en  tout  semblable  à  celle  qu'on 
vient  de  lire,  puisque  la  femme  portait  également  des  ulcé- 
rations au  col  utérin,  qui  furent  traitées  par  la  cautérisation, 
et  une  fissure  qui  fut  excisée  avec  des  ciseaux.  Dès  le  lende- 
main elle  alla  à  la  selle  sans  éprouver  d'autre  douleur  que 
celle  qui  résultait  du  passage  des  matières  fécales  sur  une 
petite  plaie;  et  au  bout  de  quelques  jours,  elle  était  complè- 
tement guérie. 

Examinant  ensuite  les  divers  procédés  conseillés  contre 
la  fissure  ;\  l'anus,  le  rédacteur  de  ces  observations  passe  en 
revue  les  avantages  et  les  inconvéniens  de  la  cautérisation, 
de  la  dilatation  et  de  l'incision  proposée  par  Boyer,  et  adop- 
tée aujourd'hui  par  la  généralité  des  praticiens.  Il  démontre 
aisément  les  inconvéniens  de  ces  trois  méthodes,  et  conclut 
en  faveur  du  procédé  de  M.  Jobert,  que  ce  chirurgien  a  déjà 
eu  l'occasion  d'employer  chez  un  assez  grand  nombre  de  su- 
jets, et  toujours  avec  un  égal  succès,  ce  qui  prouverait  que 
la  constriction  du  sphyncter  n'est  que  l'effet  de  la  fissure  et 
non  sa  cause,  comme  l'avait  prétendu  le  professeur  Boyer. 


(104) 


ART.    1002. 


De  l'emploi  de  l'eau  froide  dans  plusieurs  affections  c/drurgicalesi 
Erysipèles,  phlegmons,  plaies  coniuses,  par  arrachement,  etc. 

On  trouve  dans  un  ouvrage  publié  récemment  (i)  des  re- 
cherches utiles  sur  une  médication  déjà  préconisée  depuis 
long-temps,  mais  érigée  en  méthode  générale  de  traitement 
depuis  sept  ans  seulement,  par  M.  Josse,  chirurgien  de  l'Hô- 
tel-Dieu  d'Amiens,  et  employée  avec  succès  comme  un  anli- 
phlogistique  puissant  dans  plusieurs  circonstances.  Ce  moyen 
est  l'eau  froide  qui,  appliquée  sur  les  parties  enflammées 
et  réduite  en  vapeurs  à  l'aide  d'un  léger  courant  d'air,  ab- 
sorbe une  quantité  énorme  de  calorique,  et  prévient  ainsi  les 
accidens  qui  pourraient  résulter  de  violentes  contusions,  de 
déchirures,  enfin  de  toute  lésion  externe  de  nos  parties. 

Suivant  M.  Josse,  c'est  surtout  sous  la  forme  d'affusions 
qu'il  faut  employer  l'eau  ;  et  rien  n'est  plus  facile  que  de 
construire  un  petit  appareil  à  cet  effet  :  une  petite  fontaine,  par 
exemple,  destinée  à  contenir  l'eau  qui  sert  habituellement  ù 
laver  les  mains,  peut  être  suspendue  à  un  pied  et  demi  en- 
viron au-dessus  du  membre  blessé;  une  toile  cirée,  étendue 
sous  celui-ci,  garantit  le  lit  et  facilite  l'écoulement  de  l'eau, 
qui  est  reçue  dans  un  seau  placé  près  du  lit,  et  dans  lequel 
on  fait  descendre  l'extrémité  de  la  toile  cirée. 

On  peut  remplacer  cette  fontaine  par  un  vase  en  bois,  au 
fond  duquel  on  pratique  un  petit  trou  ;  et  une  peau  quelcon- 
que ou  une  plaque  en  métal  flexible  peuvent  être  substituées 
à  la  toile  cirée. 

Pour  pratiquer  ces  allusions,  on  jette  négligemment  une 
compresse  sur  la  partie  malade;  puis  une  Sfx;onde  compresse, 
partant  du  robinet,  s'étend  jusque  sur  l'appareil,  afin  d'em- 
pêcher Peau  de  tomber  de  tout  son  poids  sur  les  organes 
malades. 

Si  la  nature  de  la  lésion  oblige  de  placer  un  bandage,  il 
doit  toujours  être  le  plus  léger  et  le  moins  serré  possible, 
afin  de  ne  pas  empêcher  l'air  de  circuler  entre  les  tégumens 


(i)  Mi;lanf»c»  (le  chirurgie  pratiqur,  d'aprcR  la  cliniqur  cliirurgical»; 
de  riIôid-Dicu  d'AmicDs  et  les  leçons  de  M.  Josse  ;  par  M.  Josse  fils. 
I  vol.  in-8". 


(105) 

et  le  linge  mouillé  par  l'affusion.  Il  faut  aussi  avoir  l'atten- 
tion de  mouiller  en  même  temps  toute  la  partie  malade,  car, 
sans  cette  précaution,  l'inflammation  pourrait  disparaître  en 
un  point  pour  se  reproduire  dans  un  autre. 

Ce  mode  d'employer  l'eau  est  de  beaucoup  préférable  à  la 
simple  application  de  compresses  mouillées,  car  le  liquide 
n'agissant  absolument  que  comme  réfrigérant,  son  action  est 
d'autant  plus  sensible  que  le  courant  est  plus  fréquemment 
renouvelé,  et  qu'une  plus  grande  masse  d'air  circule  autour 
des  parties  malades. 

Quel  que  soit  le  procédé  auquel  on  ait  recours,  on  peut 
employer  l'eau  à  divers  degrés.  Il  faut  en  général  que  la 
première  application  du  liquide  fasse  naître  sur  les  parties 
l'impression  du  froid.  Ainsi,  on  commence  ordinairement 
par  l'eau  à  la  température  de  l'atmosphère;  si  ces  applicar 
tions  produisent  une  vive  douleur  qui  persiste  pendant  quel- 
que temps,  il  faut  élever  un  peu  sa  température;  on  la  bais- 
sera, au  contraire,  si  le  malade  n'en  ressent  que  très-peu 
d'effet.  On  doit,  sans  qu'il  soit  possible  de  fixer  à  l'avance  le 
degré  nécessaire,  produire  un  refroidissement  marqué,  sans 
impression  douloureuse;  puis  bientôt  la  cessation  complète 
de  la  douleur. 

Ces  affusions  ont  le  pouvoir  de  prévenir,  quand  on  se  con- 
forme aux  préceptres  sus-énoncés,  la  fièvre,  la  douleur  et 
les  autres  accidens  qui  suivent  les  déchirures,  les  écrase- 
mens,  les  fractures  comminutives,  les  plaies  par  armes  à 
feu,  piqûres,  arrachement,  etc.  ;  et  on  pourrait  même,  sui- 
vant M.  Josse,  en  tirer  parti  dans  certaines  phlegmasies  in- 
ternes, telles  que  les  maladies  de  la  vessie,  du  ventre,  du 
cerveau. 

Les  affections  dans  lesquelles  le  chirurgien  de  l'Hôtel-Dieu 
d'Amiens  a  employé  les  affusions  avec  le  plus  de  succès,  sont 
les  érysipèles,  les  phlegmons  survenus  à  la  suite  de  violences 
extérieures,  les  brûlures,  les  fractures  comminutives,  etc. 
Voici  quelques-unes  de  ces  observations  : 

Un  homme  fut  atteint  d'un  érysipèle  à  la  face;  malgré  deux 
saignées  et  une  application  de  sangsues,  la  langue  était  sè- 
che, contractée,  la  fièvre  violente,  le  gonflement  de  la  face 
énorme.  Des  compresses  trempées  dans  l'eau  froide  furent 
posées  légèrement  sur  la  face,  de  manière  à  laisser  l'air  cir- 
culer entre  elles  et  les  tégumens.  L'humidité  se  trouvant  ainsi 
rapidement  absorbée,  il  fallut  les  renouveler  très-souvent. 
Sous  riufluence  de  cette  seule  médication,  le  délire  cessa  le 
jourmême,  ainsi  que  la  fièvre. La  tension  destégumens,  larou- 


(106) 

^eur  et  la  chaleur  diminuèrent  bientôt,  et  au  bout  de  quatre 
jours  l'érysipèle  avait  presque  entièrement  disparu.  On  con- 
tinua cependant  les  applications  d'eau  froide  pendant  deux 
jours. 

Depuis  cette  époque,  cet  homme,  ayant  été  plusieurs  fois 
atteint  de  nouveaux  érysipèles,  s'est  guéri  lui-même  par  la 
même  méthode. 

f  ne  femme,  âgée  de  quarante-cinq  ans,  entra  à  l'Hôtel- 
Dieu  avec  un  érysipèle  plilegmoneux  de  la  jambe  et  de  la 
cuisse,  cinq  jours  après  l'invasion  de  la  maladie;  la  peau 
était  tendue,  violacée,  couverte  de  phlycténes  et  de  taches 
gangreneuses;  les  douleurs  étaient  profondes,  insupporta- 
bles, la  fièvre  violente,  la  soif  vive,  etc. 

Toute  la  partie  affectée,  mise  hors  du  lit,  fut  placée  sur 
une  toile  cirée;  des  linges  trempés  dans  l'eau  froide  furent 
jetés  négligemment  sur  elle  de  manière  ;\  ce  que  l'eau  ruis- 
selât en  quelque  sorte  de  tous  points.  Les  douleurs  atroces 
que  la  malade  éprouvait  furent  arrêtées  presque  instantané- 
ment, et  le  lendemain  l'érysipèle  était  complètement  borné. 
Létat  général  de  la  malade  était  fort  bon,  mais  la  phlegma- 
sie  elle-même  présentait  à  peu  près  le  même  aspect,  quoi- 
que les  parties  fussent  infiniment  moins  douloureuses  au 
toucher. 

Le  troisième  jour,  l'érysipèle  était  dans  l'état  le  plus  satis- 
faisant; mais,  dés  qu'on  cessait  d'arroser  les  linges,  la  cha- 
leur et  la  douleur  reparaissaient  aussitôt.  La  malade  conti- 
nua de  marcher  rapidement  vers  la  guérison.  Le  douzième 
jour,  elle  sortit  de  l'hôpital  parfaitement  guérie. 

Le  affusions  ont  égaleuient  réussi  dans  un  autre  cas  beau- 
coup plus  grave  encore,  puisque  l'érysipèle,  qui  occupait 
tout  le  bras,  et  datait  déjà  de  sept  jours  lors  de  l'entrée  de 
la  malade  à  rhôpital,  ne  laissait  presque  aucun  espoir  d'em- 
pêcher la  terminaison  jîar  suppuration  et  gangrène.  Vingt 
sangsues  furent  appliquées  sur  l'épaule  en  même  temps 
qu'on  eut  recours  aux  affusions;  mais  la  malade  ayant  trouvé 
moyen  de  se  soustraire  au  courant  continuel  de  l'eau  froide, 
l'érysipèle  continua  à  faire  des  progrès;  la  fluctuation  de- 
vint sensible;  une  escarre  gangreneuse  se  développa  sur 
toute  la  face  interne  du  bras;  il  y  avait  du  délire,  des  dou- 
leurs épigastriques,  toutes  les  boissons  étaient  rejetées  par 
le  vomissement. 

Malgré  des  accidens  si  graves,  et  qui  semblaient  présager 
une  mort  prochaine,  l'emploi  des  affusious  fut  surveillé 
a?ec  plus  de  soins,  et,  de  ce  moment,  la  maladie  cessa  sa 


(  107) 

marche  envahissante.  L'escarre  se  détacha;  les  foyers  puru- 
lens  ne  fournirent  que  peu  de  pus,  et  enfin  ie  rétablissement 
s'opéra  d'une  manière  complète. 

Le  mOme  moyen  réussit  également  bien  dans  le  phlegmon 
des  doigts,  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  panaris,  et  qui  né- 
cessite si  fréquemment  de  profondes  incisions.  Mais  c'est 
surtout  dans  les  brûlures  aux  divers  degrés  que  l'eau  froide 
s'est  montrée  vraiment  efficace;  elle  détruit,  suivant  M.  Josse, 
le  caractère  envahissant  de  la  maladie,  favorise  l'élimination 
des  escarres,  ainsi  que  la  formation  de  la  cicatrice,  en  rame- 
nant les  plaies  à  un  état  d'excitation  convenable. 

Dans  les  écrasemens  des  membres,  ainsi  que  les  plaies 
par  armes  â  feu,  ces  affusions,  bien  dirigées,  peuvent  faire 
éviter,  dans  bien  des  cas,  les  débridemens  et  les  émissions 
sanguines.  Nous  n'en  voulons  citer  qu'une  seule  obser- 
vation. 

Lu  jeune  garçon  eut  la  jambe  accrochée  entre  les  rais  et 
le  moyeu  d'une  charrette,  et  brisée  à  sa  partie  inférieure. 
Une  plaie  longitudinale  occupait  tout  le  bord  interne  du 
pied,  et  laissait  à  découvert  la  face  plantaire  des  trois  der- 
niers os  métatarsiens;  deux  de  ces  os  étaient  fracturés; 
plusieurs  autres  vastes  plaies  couvraient  le  pied,  et  la  partie 
inférieure  du  péroné  était  lirisée;  la  jambe  offrait  également 
des  plaies  larges  et  contuses  sur  différens  points.  Les  dés- 
ordres étaient  tels,  que  l'ampulation  immédiate  semblait  la 
seule  ressource  à  propo;er;  cependant  H.  Josse  voulut, 
avant  de  se  décider  à  la  pratiquer,  essayer  les  effets  des  affu- 
sions. 

La  jambe  fut  posée  à  demi  fléchie  sur  le  côté  interne,  et 
placée  sur  une  paillasse  de  balle  d'avoine  couverte  de  toile 
cirée  et  de  linge;  on  lui  donna  la  rectitude  voulue.  La  sensi- 
bilité des  plaies  ne  permit  pas  d'appliquer  un  bandage  con- 
tentif.  Le  membre  fut  donc  laissé  libre,  et  l'on  se  borna  à 
recouvrir  les  plaies  de  charpie  sèche  et  de  quelques  pièces 
de  linge.  Les  affusions  furent  faites  alors  de  la  manière  indi- 
quée. Dès  le  lendemain,  la  rougeur  inflammatoire  qui  s'était 
emparée  des  plaies  avait  déjà  diminué  d'une  manière  nota- 
ble; le  malade  souffrait  beaucoup  moins;  il  avait  dormi,  et 
n'avait  point  de  flèvre.  On  !e  mit  au  quart  de  la  portion,  et 
il  ue  survint  absolument  aucun  signe  de  réaction  jusqu'au 
quinzième  jour.  A  cette  époque,  les  affusions  ayant  été  sus- 
pendues pendant  toute  une  luiit,  il  y  eut  aussitiH  fièvre,  dé- 
lire, agitation,  tuméfaction  considérable  de  la  jambe  et  du 
pied.  Les  affusions  faites  de  nouveau  avec  le  plus  grand  soin 
ne  suffirent  pas  d'abord  pour  dissiper  ces  accidens ,  mais  la 


(io8) 

mère  de  cet  enfant,  s'étant  aperçu  du  bien-être  que  produi- 
sait l'augmentation  du  courant  d'eau,  eut  la  pensée  de  l'aug- 
menter encore  en  versant  constamment  un  flot  d'eau  sur  le 
membre  malade.  En  moins  de  trois  jours  la  réaction  cessa, 
et  les  plaies  prirent  un  meilleur  aspect.  Il  ne  se  présenta  plus 
rien  de  particulier  jusqu'à  la  guérison,  qui  était  complète  le 
cinquantième  jour. 

Réflexions.  Les  bornes  de  cet  article  ne  nous  permettent 
pas  d'analyser  quelques  autres  observations  également  re- 
marquables et  rapportées  par  M.  Josse  dans  son  intéressant 
travail  sur  les  effets  de  l'eau  froide.  Il  nous  suffira  d'avoir 
appelé  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  un  moyen  qui  n'était 
peut-être  resté  dans  l'oubli  que  faute  d'avoir  été  expéri- 
menté convenablement  et  appliqué  avec  méthode  et  persé- 
vérance, comme  l'a  fait  le  chirurgien  de  l'Hôtel-Dieu  d'A- 
miens. 

Il  paraît,  au  reste,  que,  depuis  quelques  années,  d'autres 
chirurgiens  ont  cherché  à  tirer  parti  de  ces  irrigations  conti- 
nuelles, et  s'en  sont  bien  trouvés.  M.  Bérard  jeune,  entre  au- 
tres, actuellement  chirurgien  de  laSalpêtrière,apublié,  dans 
le  dernier  numéro  dtsAr-c/iîves  générales  de  médecine,  un  Mé- 
moire dans  lequel  il  annonce  avoir  employé  ce  même  moyen 
avec  beaucoup  de  succès  à  l'hôpital  Saint-Antoine,  oi'i  l'on 
reçoit  habituellement  beaucoup  d'ouvriers  atteints  de  plaies 
contuses  extrêmement  graves;  c'est  surtout  contre  ces  bles- 
sures que  M.  Bérard  a  reconnu  les  bons  effets  des  irrigations 
d'eau  froide.  Bien  qu'à  cette  époque  il  ignorât  que  M.  Josse 
en  fit  depuis  long-temps  un  usage  général,  il  se  servit  ce- 
pendant du  même  procédé.  Quelle  que  fût  la  saison,  on  em- 
ploya toujours  l'eau  de  pompe,  dont  la  température  est  à 
peu  près  semblable  à  celle  de  l'eau  de  puits. 

M.  Bérard  a  employé  ces  irrigations  dans  des  cas  de  plaies 
d'armes  à  feu  horriblement  contuses,  compliquées  de  la 
présence  d'esquilles,  de  fragmens  de  balles,  et  dans  lesquels 
il  ne  s'est  manifesté  aucune  tuméfaction  pendant  huit,  dix, 
douze  jours,  que  l'irrigation  a  été  continuée.  La  sécrétion  du 
pus  et  l'inflammalicm  adhésive  n'en  ont  cej)cndant  point  été 
empêchées. (le  moyen  préserve  delà  mortification  les  tissus 
aflectés;  mais  lorsfjue  les  membres  ont  été  écrasés  de  ma- 
nière à  ce  que  les  vaisseaux  soient  presque  entièrement  dé- 
chirés, les  affusions,  loin  d'améliorer  l'état  du  malade, 
seud)lent  au  contraire  s'opposer  au  rétablissement  de  la 
circulation. 

Le  Mémoire  inséré  dans  les  Archives  contient  une  dou- 
zaine d'observations,  la  plupart  semblables  à  celle  rappor- 


tée  par  M.  Josse,  et  dans  laquelle  la  jambe  avait  été  déchirée 
par  la  roue  d'une  voiture.  De  ces  différentes  observations, 
M.  Bérard  croit  pouvoir  conclure  que  l'irrigation  continue 
d'eau  froide  est  un  moyen  héroïque  et  infaillible  pour  pré- 
venir et  combattre  l'inflammation  dans  les  cas  de  lésions 
tramaliques  les  plus  graves,  telles  que  les  plaies  d'armes  à 
feu,  par  écrasement,  celles  qui  résultent  de  l'ablation  et  de 
la  dissection  des  kystes,  etc.  Ce  chirugien  pense  en  outre 
que  le  même  moyen,  employé  après  les  amputations,  pour- 
rait prévenir  les  accidens  et  favoriser  la  réunion  par  pre- 
mière intention. 

ART.  ioo5. 

Pommade  de  Dupuytrenpour  arrêter  la  chute  des  cheveux. 

Teinture  de  cantharide,  dix  parties; 
Axonge,  quatre-vingt-dix  parties. 

La  teinture  se  prépare  en  faisant  infuser  une  partie  de 
cantharide  en  poudre  fine  dans  huit  parties  d'alcool,  et  fil- 
trant la  liqueur. 

On  incorpore  à  froid  cette  teinture  dans  l'axonge,  en  la 
triturant  dans  un  mortier  de  marbre. 

AHT.    ioo4> 

Nouvelles  observations  sur  l'efficacité  de  la  saie  dans  les  ulcéra- 
tions diverses. 

M.  Blaud,  médecin  en  chef  de  l'hôpital  de  Beaucaire,  a 
publié,  dans  la  Revue  médicale,  plusieurs  observations  sur 
l'emploi  de  la  suie  dans  diverses  affections  de  la  peau.  Nos 
lecteurs  se  rappellent  qu'à  notre  art.  872  nous  avons  déjà 
exposé  les  premières  expériences  tentées  par  ce  médecin,  et 
les  succès  qu'il  annonçait  avoir  obtenus.  Voici  de  nouveaux 
faits  qui  viennent  témoigner  en  faveur  de  ce  topique,  dont 
l'efficacité  avait  déjà  été  signalée,  mais  dont  on  semblait 
avoir  abandonné  l'usage  (1), 


(i)M.  le  docteur  Blaud  nous  avait  adresse  une  réclamatiob  en  ré- 


(.12) 

M.  Guéretin,  premier  chirurgien  interne  de  l'Hôtel-Dieu 
d'Angers 

Ce  chirurgien  n'admet  point  la  contagion  immédiate.  Il 
convient  cependant  que  rarement  un  seul  individu  était  af- 
fecté dans  chaque  maison;  mais  un  foyer  d'infection  lui  sem- 
ble suffisant  pour  expliquer  cette  mulciplicilé  d'action. 

Chacun  connaît  les  symptômes  de  la  dyssenteric,  il  nous 
suffira  d'indiquer  seulement  les  lésions  cadavériques  que  l'on 
a  rencontrées,  et  le  traitement  qui  a  paru  le  plus  efficace. 

Quelquefois  l'estomac  était  sain,  d'autres  fois  il  présentait 
de  légères  traces  de  phlogose.  Dans  les  deux  tiers  des  cas, 
on  a  rencontré  vers  la  région  pylorique,  et  mOnie  dans  les 
intestins  grêles,  des  pointillations  noirâtres.  Quelquefois 
l'intestin  grêle  était  sain;  mais  le  plus  souvent  sa  muqueuse 
était  boursouflée,  rouge  en  plusieurs  points,  ulcérée  ou  ra- 
mollie. Presque  constamment  des  boursouflemens  grisâtres 
dans  le  cœcum,  mais  rarement  d'ulcérations.  Le  gros  intes- 
tin offrait  un  épaississement  de  ses  parois  et  était  le  plus  sou- 
vent parsemé  de  boursouflements  noirâtres  et  d'ulcérations; 
la  muqueuse  était  rouge  et  souvent  ramollie. 

Quant  au  traitement,  quelque  moyen  que  l'on  employât 
au  début  de  l'épidémie,  lorsque  les  cas  étaient  graves,  les 
symptômes  allaient  toujours  en  augmentant,  et  il  était  im- 
possible d'enrayer  la  maladie.  Les  évacuations  sanguines  qui 
paraissaient  si  bien  indiquées,  n'ont  guère  réussi  que  chez 
les  individus  jeunes,  vigoureux  et  pléthoriques;  encore  ont- 
elles  échoué  dans  beaucoup  de  cas.  Les  saignées  générales 
ont  été  rarement  employées.  Elles  n'ont  jamais  eu  d'action 
favorable.  Les  sangsues  autour  de  l'anus  et  de  l'ombilic  n'a- 
vaient guère  d'action  que  sur  le  cerveau  qu'elles  contri- 
buaient à  dégorger,  mais  elles  n'enlevaient  ni  la  cuisson  à 
l'anus  ni  les  épreintes.  Chez  les  enfans  et  les  vieillards, 
leur  elfet  était  moindre  encore  ;  cependant  dans  certaines 
communes  on  en  faisait  un  usage  général. 

11  n'en  a  pas  été  de  même  des  oj)iacés.  L'opium  donné  en 
pilule  à  la  dose  d'un  grain,  de  deux  heures  en  deux  heures, 
est  le  médicament  dont  l'ellét  a  été  le  plus  sensible. 

L'action  des  purgatifs  mérite  d'être  notée.  Des  charlatans 
ayant  donné  des  purgatifs  violens  au  début  de  la  maladie, 
ont  augmenté  les  symptômes  d'une  manière  clfrayanle.  Les 
médecins  n'en  ont  point  fait  usage  lors  de  l'invasiun  de  l'épi- 
démie ;  mais  quand  la  maladie  eut  pris  un  aspect  moins  ef- 
frayant, on  eut  fréquemment  recours  à  cette  médication. Deux 
gros  à  une  once  de  sulfate  de  magnésie  ou  de  soude   étaient 


(ii3) 

donnés  seuls  ou  unis  à  une  ou  deux  onces  de  manne.  Admi- 
nistrés à  des  malades  chez  lesquels  la  dyssenterie  était  en 
quelque  sorte  à  un  état  de  chronicité,  les  selles  devenaient 
en  général  plus  abondantes  et  plus  faciles.  Les  épreintes 
et  le  téoesme  disparaissaient  pour  se  reproduire  au  bout  de 
douze  à  trente-six  heures,  si  on  ne  renouvelait  pas  le  pur- 
gatif. 

Dans  le  cas  de  saburres  prononcées,  on  y  joignait  quelque- 
fois dix  à  \iogt-quatre  grains  d'ipécacuanha. 

Donnés  au  début  de  l'afiection,  quand  la  dyssenterie  était 
modérée,  les  effets  ont  été  à  peu  prés  les  mêmes;  cependant, 
dans  l'un  et  l'autre  cas,  ils  ont  échoué  un  grand  nombre  de 
fois. 

M.  Gueretin  fait  remarquer  que  s'il  n'a  jamais  observé 
de  mauvais  effets  de  cette  médication,  il  n'en  a  pas  été  de 
même  dans  beaucoup  de  communes  environnantes,  où  les 
médecins  ont  été  obligés  de  rejeter  tout-à-fait  ce  moyen. 

Quelque  traitement  que  l'on  adoptât,  la  diète  était  si 
nécessaire,  que  les  malades  qui  ne  s'y  soumettaient  pas  ré- 
gulièrement voyaient  s'aggraver  la  dyssenterie,  ou  ne  tar- 
daient pas  à  éprouver  des  rechutes. 

Tel  est  en  quelques  mots  le  résumé  des  observations  de 
M.  Gueretin.  Les  autres  Mémoires  publiés  sur  ce  sujet  nous 
ont  paru  exprimer  des  opinions  à  peu  près  semblables,  ou 
contenir  des  assertions  trop  hasardées  pour  qu'il  soit  utile 
de  les  reproduire  ici.  Mais  il  a  paru  dans  le  Journal  hebdoma- 
daire un  travail  sur  la  dyssenterie,  que  nous  ne  pouvons 
nous  empêcher  de  mentionner,  bien  que  cette  maladie  ait 
été  observée  sous  une  autre  latitude  et  dans  des  circon- 
stances différentes. 

M.  le  docteur  Segond,  charge  en  chef  du  service  de  santé 
à  Cayenne,  rend  compte  dans  ce  Mémoire  des  cas  de  dyssente- 
rie qu'il  a  observés  dans  ce  pays,  où  l'inflammation  du  colon 
eslendémique,  et  où  elle  régna  épidémiquement  dans  le  cours 
du  premier  semestre  de  1854-  Soixante-quatorze  mah\des, 
en  effet,  furent  admis  à  l'hôpital  de  Cayenne  dans  cet  inter- 
valle de  temps.  L'affection  se  présentant  sous  diverses  for- 
mes, on  a  employé  pour  la  combattre  des  moyens  variés. 

La  saignée  générale  a  été  ordinairement  proscrite;  mais 
il  n'en  a  pas  été  de  même  des  sangsues,  appliquées  d'abord 
en  grande  quantité,  puis  ensuite  au  nombre  de  trois  ou  qua- 
tre, et  en  quelque  sorte  d'une  manière  continue,  sur  le  tra- 
jet du  colon  et  à  l'anus.  Ce  moyen  doit  être  négligé  dans  \\n 
seul  cas,  suivant  M.  Segond,  c'est  lors  de  la  dyssenterie  ty- 
phoïde. 

TOM.   VI. —  N"  DE  MARS.  8 


(»i4) 

Ce  chirurgien  admet  d'ailleurs  trois  dyssenleries  bien  dis- 
tinctes, et  qui  réclameut  des  traîtemens  différens  :  la  dys- 
senlerie  mucoso-sanguinolente,  qui  est  la  plus  commune  en 
Europe,  et  que  l'on  doit  traiter  uniquement  avec  les  anii- 
phlogistiques,  en  bannissant  avec  soin  les  émétiqaes  et  les 
purgatifs;  la  dyssenlerie  bilieuse,  fort  commune  dans  les 
pays  chauds,  et  enfin  la  dyssenlerie  séreuse. 

Les  antiphlogistiques  seuls  ne  sont  point  sufTisans  dans  le 
cas  de  dyssenterie  bilieuse;  mais  dans  le  traitement  de  celle 
variété  il  ne  faut  pas  oublier  qu'il  y  a  en  même  temps  débor- 
dement de  bile,  pour  nous  servir  de  l'expression  vulgaire,  et 
inflammation  du  colon.  Voici,  au  reste,  un  cas  de  fe  genre 
qui  fera  connaître  la  méthode  adoptée  par  ce  médecin  : 

Un  homme  d'un  tempérament  bilieux,  nouvellement  ar- 
rivé dans  la  Guyane,  est  pris  de  dyssenterie  peu  de  temps 
après  avoir  fait  des  excès  de  table  :  selles  fréquentes  chaudes, 
puis  bralantes;  fortes  coliques;  quelques  nausées,  p<iis  vo- 
inissemens  bilieux;  teinte  iclérique  de  la  peau;  langue  jau- 
nâtre; ameitume  de  la  bouche;  fièvre  intense.  Le  malad<î 
demandait  instamment  l'ipécacuanha  ;  mais  M.  Segond  dé- 
buta par  uuc  application  de  soixante  sangsues  sur  le  trajet 
du  colon  et  dans  l'hypocondre  droit.  Quand  elles  furent  tom- 
bées, quarante  nouvelles  furent  aussitôt  appliquéesà  l'anus; 
on  donna  en  outre  de  l'eau  gommeuse,  contenant  par  piule 
un  dcmi-gi-aiii  d'extrait  gommeux  d'opium.  Le  lendemain, 
il  y  avait  un  peu  de  rémission  ;  cependant  les  selles  reparu- 
rent, ainsi  que  les  vomisscmcns.  Le  malade  demandait  l'i- 
péca plus  instamment  encore.  M.  Segond,  préférant  le  mer- 
cure doux,  administra  ce  médicament  à  la  dose  de  luiit 
grains,  avec  addition  de  deux  grains  d'extrait  gommeux  d'o- 
pium. Le  tout  fut  pris  dans  les  vingt-qualrc  heures,  ;'i  tr»)is 
heures  d'intervalle;  on  prescrivit  en  outre  la  continuation 
des  bains  de  siège,  des  frictions  opiacées,  des  fomentations 
éiuollientes  sur  l'abdomen,  des  lavemens  amylacés  et  opia- 
cés. Le  troisième  jour,  il  n'y  avait  plus  d'envies  de  vomir; 
les  selles  étaient  diminuées  des  trois  quarts,  la  teinte  ictéri- 
(|ue  était  aflaiblio.  Les  jours  suivans,  le  mieux  fut  progres- 
sif, cl,  au  bout  d(!  dix  jours,  la  guérison  èlait  complète.  Le 
malade  avait  pris  vingt-trois  grains  de  calomcl  et  six  grains 
d'extrait  jonuncux  d'opinm. 

L'ipécacuaidia  peut  encore  être  administré  avec  succès 
dans  1,1  dyssenterie  bilieu>e;  mais  ce  médicament  convient 
surlonl  lorsque  les  évacuations  sont  séreuses,  c'est-à-dire 
dans  la  troisième  espèce  de  dyssenterie.  M.  Segond  fait 
usage  de  celte  substance  de  la  manière  suivante  :  Pendant 


(115) 

trois  jours,  il  donne  l'ipéca, lepremier  à  la  dose  de  slxcuillerées, 
rinfusion  pure  de  viugt-quatre  grains  d'ipéca;  ie  deuxième, 
quatre  cuillerées  représentaut  l'infusion  du  marc;  et  le  troi- 
.sièmc  enfin,  trois  cuillerées  provenant  de  la  seconde  infu- 
sion de  ce  même  marc.  Des  selles  et  des  vomissemens  nom- 
breux sont  le  résultat  de  cette  administration;  mais  cesacci- 
dens  sont  bientôt  suivis  de  calme  et  d'une  sorte  de  réaction  : 
c'est  l'époque  à  laquelle  il  faut  appliquer  les  sangsues, 
quand  on  jtige  convenable  d'y  recourir. 

Tels  sont  les  moyens  conseillés  par  M.  Segond;  on  voit 
qu'il  ne  proscrit  les  évacuations  sanguines  pour  aucune  de 
ces  trois  espèces  de  dyssenterie.  Il  croit  seulement  qu'elles 
ne  sont  pas  suffisantes  dans  la  forme  bilieuse  et  la  forme  sé- 
reuse, et  qu'il  est  indispensable  d'y  associer  le  calomel  et 
l'ipécacuanha. 

Ce  médecin  examine  ensuite  l'action  des  astringens  dans 
la  dyssenterie.  Il  n'est  pas  nécessaire,  suivant  lui,  que  ta 
dyssenterie  soit  arrivée  à  la  période  de  chronicité  pour  qu'on 
les  emploie  avec  fruit;  quand  les  sensations  pénibles  ont 
cessé  dans  l'abdomen,  quand  le  ventre  cesse  d'être  collé  à 
l'épine,  quand  la  pression  n'est  nullement  douloureuse,  que 
tout  mouvement  fébrile  a  cessé,  on  peut  administrer  le  si- 
marouba,  lors  même  que  les  selles  sont  encore  teintes  d'un 
peu  de  sang,  ou  plutôt  uniformément  colorées;  car  si  le 
sang  était  libre  à  la  surface  des  matières,  ce  serait  une 
preuve  que  l'irritation  n'aurait  pas  cédé  sur  tous  les  points. 
Le  .«imarouba  est  le  seul  astringent  administré  par  M.  Se- 
gond. Il  préfère  la  décoction  aqueuse  à  sa  macération  dans 
le  vin.  Deux  gros  de  cette  racine  bouillis  dans  un  verre 
d'eau,  qu'on  mêle  ensuite  à  vingt-quatre  onces  de  décoction 
de  riz,  sont  la  dose  et  la  forme  accoutumées.  Les  malades 
prennent,  en  outre,  à  intervalles  plus  ou  moins  rappro- 
chés, une  potion  avec  la  morphine;  s'ils  supportent  bien 
cette  médication,  on  peut  augmenter  successivement  la 
dose  jusqu'à  une  once  par  pinte  de  décoction.  Quant  aux 
vésicatoires  et  aux  cautères,  M.  Segond  en  proscrit  l'usage 
à  l'époque  de  chronicité;  il  se  borne  à  l'emploi  des  vêle- 
mens  de  laine,  des  bains  chauds  vinaigrés  el  des  bains  de 
vapeur. 

l'els  sont  les  préceptes  donnés  par  ce  médecin,  qu'on 
pourrait  véritablement  appeler  éclectique,  puisqu'il  varie 
ses  médicamens  suivant  l'exigence  des  cas,  bien  qu'il  re- 
connaisse constamment  à  la  dyssenterie  un  caractère  inflam- 
matoire. L'épidémie,  observée  dernièrement  dans  les  dépar- 
teaiens  de  l'ouest,  a  rarement  présenté  la  forme  bilieuse  ; 


(116) 

mais  la  mucoso-sangninolente  a  été  très-l'réquente,  ainsi 
que  la  séreuse.  Quant  à  la  forme  putride,  c'est  plutôt  une 
complication  qu'une  espèce  particulière  de  dyssenterie,  sur 
laquelle  nous  aurons  occasion  de  revenir. 

ART.    1006. 

ObsenatioM  et  remarques  pratiques  sur  les  ulcères  du  col  de 
Cutcrus. 

M.  le  docteur  Magistel  a  publié,  dans  la  Gazette  médicale, 
quelques  observations  sur  les  ulcérations  du  col  de  l'utérus, 
reconnues  à  l'aide  du  spéculum  et  guéries  par  la  cautéri- 
sation. 

Le  premier  exemple  cité  par  ce  médecin  est  celui  d'une 
dame  de  trente-huit  ans  qui  portait  depuis  huit  mois  unpes- 
saire  pour  remédier  à  un  relâchement  de  l'utérus.  Lorsque 
M.  Magistel  fut  appelé,  cette  femme  se  plaignait  d'éprouver 
des  douleurs  intolérables  au  bas-ventre  et  dans  les  lombes. 
Le  pessaire  lut  enlevé,  et  le  spéculum  ayant  été  introduit, 
on  reconnut  que  le  col  était  gonflé  et  ulcéré  dans  tout  son 
contour.  Pendant  huit  jours,  on  fit  des  injections  émollien- 
tes,  en  ayant  soin  de  maintenir  dans  l'intervalle  les  parois 
du  vagin  écartées  à  l'aide  de  tampons  de  charpie.  Le  qua- 
trième jour,  les  ulcérations  furent  touchées  une  seule  fois 
avec  un  pinceau  de  charpie  imbibée  de  nitrate  acide  de 
mercure.  Cette  seule  cautérisation  fut  suffisante,  et  au  bout 
de  deux  mois  cette  dame  était  parfaitement  guérie. 

M.  Magistel,  attribuant  au  pessaire  la  lésion  du  col  uté- 
rin, voudrait  que  toutes  les  femmes,  qui  sont  obligées  de 
porter  ce  bandage,  ne  le  conservassent  pas  plus  de  vingt- 
quatre  heures  sans  laver  les  mucosités  qui  le  recouvrent. 
Elles  devraient,  suivant  ce  médecin,  l'Oter  chaque  soir  pour 
le  remettre  le  lendemain,  à  moins  que  leur  infirmité  n'exi- 
geât qu'il  restât  à  demeure. 

La  seconde  observation  est  celle  d'une  dame  anglaise  qui 
avait  eu  autrefois  des  ulcères  vénériens  aux  parties  génita- 
les, et  qui  conservait  un  écoulement  très-abondant,  avec 
dotileurs  dans  les  reins  et  l'hypogastre.  Examinée  au  spé- 
culum, elle  présenta  deux  ulcérations  sur  le  col  utérin,  sé- 
crétant un  pus  jaune  verdâlre.  Le  vagin  lui-même  offrait 
quelques  traces  d'inflammation  chronique.  Dans  la  persua- 
sion f|ue  (•«•Uc  affection  était  de  nature  syphilitique,  la  ma- 
lade fut  s<  umisc  à  un  trailement  mcrcuricl.  Les  ulcéralions 


c 

ènt  touchées  pendant  quinze  jours  avec  la  créosote,  sans 

i'il  eu  résultât  aucun  amendement;  puis  on  cautérisa  suc- 
cessivement, à  six  jours  d'intervalle,  avec  le  nitrate  de  mer- 
cure et  le  nitrate  d'argent.  La  malade  faisait,  en  outre,  des 
injections  émollientes,  et  maintenait  un  tampon  de  charpie 
dans  le  vagin.  Elle  guérit  au  bout  de  deux  mois  et  demi  de 
traitement. 

M.  Magistel  conclut  de  ces  deux  cas,  et  d'un  troisième  à 
peu  près  semblable,  que  très-souvent  les  ulcères  simples  du 
col  utérin,  après  avoir  persisté  pendant  un  certain  temps  et 
reçu  l'excitation  de  diverses  causes,  telles  que  le  coït  répété, 
la  malpropreté,  etc.,  finissent  par  dégénérer  en  cancer  lors- 
que les  médecins  ne  cherchent  pas  à  prévenir  cette  funeste 
terminaison. 

Deux  autres  observations,  citées  dans  ce  Mémoire,  nous 
montrent  une  hémorrhagie  très-abondante,  provenant  chez 
l'une  d'une  simple  ulcération  du  col,  et  chez  l'autre  d'une 
dégénérescence  cancéreuse.  Dans  la  première,  tous  les 
moyens  conseillés  pour  arrêter  le  sang  échouèrent,  y  com- 
pris le  seigle  ergoté.  On  s'empressa  de  tamponner  le  vagin 
en  comprimant ï'hypogastre  avec  un  bandage;  puis,  le  len- 
demain, ayant  levé  le  tampon,  on  cautérisa  l'ulcère  avec 
le  nitrate  de  mercure.  Dans  la  seconde  observation,  le  sei- 
gle ergeté,  donné  à  la  dose  de  dix-huit  grains  toutes  les 
deux  heures,  arrêta  l'hémorrhagie;  mais  il  fallut  exciser  une 
partie  du  col. 

Réflexions.  Bien  que  dans  notre  précédent  volume  nous 
ayons  rapporté  des  faits  à  peu  près  semblables  (i),  nous  re- 
venons à  dessein  sur  ces  observations,  parce  qu'elles  mon- 
trent l'indispensable  nécessité  du  spéculum  dans  toutes  les 
maladies  de  l'utérus.  C'est  en  effet  un  instrument  dont  aucun 
médecin  ne  peut  aujourd'hui  se  passer,  s'il  veut  éviter  les 
erreurs  les  plus  funestes  à  ses  malades  et  à  sa  propre  réputa- 
tion ;  et  il  ne  doit  pas  balancer  à  y  recourir  toutes  les  fois 
que  des  femmes,  qui  ne  sont  plus  vierges,  éprouvent  des  ac- 
cidens  du  côté  de  la  matrice. 

L'application  du  spéculum  est  facile,  et  les  femmes  s'y 
soumettent  sans  trop  de  résistance,  quand  on  leur  parle  d'une 
maladie  grave  qu'il  s'agit  de  leur  faire  éviter. 

Plus  cet  instrument  devient  d'une  application  vulgaire, 
plus  les  praticiens  s'étonnent  de  la  fréquence  des  ulcères  du 


(0  Voy.  art.  766. 


(118) 

col  utérin;  mais  il  faudra  bien  des  recherches  encore  p>si 
nous  faire  reconnaître  quand  ces  ulcérations  sont  de  natu^ 
syphilitique,  et  quand  elles  ont  un  autre  caractère:  cetl^ 
question  est  encore  bien  loin  d'être  éclairée.  Aussi  croyons- 
nous  que  M.  Magistel  a  fait  subir  à  la  malade  qui  fait  le  sujet 
de  sa  seconde  observation,  un  traitement  mercuricl  tout-à- 
fail  en  pure  perte.  Le  mercure  administré  à  l'inléiicur  ne  pa- 
raît pasavoir  une  action  très-prononcée  sur  ces  sortes  d'ulcè- 
res; le  pansement  local,  et  surtout  la  cautérisation,  voilà  les 
seuls  spécifiques  sur  lesquels  il  faut  compter,  bien  que  dans 
certains  cas  le  caractère  conlagieuxde  ces  ulcères  neparaisse 
pas  douteux.  C'est  le  traitement  adopté  par  M.  Cullerier,  à 
l'hôpital  des  Vénériens,  où  ces  ulcérations  sont  excessive- 
ment fréquentes,  et  nous  sommes  convaincu  que,  dans  un 
très-grand  nombre  de  cas,  on  prévient  ainsi  des  dégénérations 
cancéreuses  qui  résulteraient  d'excitations  nouvelles  exer-» 
cées  sur  un  col  engorgé,  ou  même  ulcéré  sur  plusieurs  points 
de  sa  surface. 


ABT.    jooy. 


Considérations  pratiques  sur  le  traitement  des  ulcdr es  et  fistules 
cutanées, par  lacaatcrisaiionavec le deuto-cidorure  de  mercure. 
Article  communiqué  par  M.  le  docteur  Ordinaire,  médecin 
à  Saint-Laurent-les-Maçon. 


Les  ulcères  scrofuleux  sont  entretenus,  dans  le  plus  grand 
nombre  des  cas,  par  le  décollement  de  leurs  bords,  amincis 
et  «lénudés,  qui  s'avancent  plus  ou  moins  sur  le  fond  de  la 
plaie,  et  s'opposent  ainsi  à  la  cicatrisation.  Deux  moyens  ont 
été  proposés  pour  détruire  cet  obstacle  :  l'ablation  par  l'in- 
slrumenl  tranchant  et  la  cautérisation.  L'emploi  de  l'instru- 
ment Iraricbanl  rencontre  toujours  nue  vive  opposition  de 
la  part  des  malades,  et  a  de  plus  l'inconvénient  de  ne  rien 
changer  à  la  nature  de  l'ulcère  et  de  n'en  pouvoir  légulariser 
parfaitement  le  fond  ni  les  bords.  La  cautérisation  e^t  donc 
Iiréférable;  mais,  pratiquée  jusqu'à  présent  uve(;  le  nitrate 
d'argent  fondu,  elle  a  paru  longue,  douloureuse,  et  a  souvent 
découragé  les  malades  qui  ont  refusé  de  s'y  soumettre  pen- 
dant le  temps  nécessaire.  Le  deuto-chlorure  de  mercure 
(sublimé  corrosif),  caustique  Ir;  plus  actif,  le  plus  facile  à 
graduer  et  à  employer,  le  plus  innocent  sous  le  rapport  des 


(>i9) 
suites  de  soo  absorption  (i),  est  donc  bien  préférable  à  tous 
les  autres.  C'est  même  le  seul  convenable,  toutes  les  fois 
qu'une  cautérisation  quelconque  est  indiquée.  Les  exemples 
suivans  en  fourniront  la  preuve. 

Alibert,  âgé  de  dix-neuf  ans,  menuisier  à  Mâcon,  portait 
depuis  plusieurs  années,  à  la  partie  moyenne  latérale  gauche 
du  cou,  une  tumeur  située  profondément,  de  la  grosseur 
d'un  œuf  de  pigeon.  A  la  suite  de  diverses  applications,  cette 
tumeur  se  ramollit  et  présenta  de  la  fluctuation.  Abandonnée 
à  elle-même,  ce  ne  fut  qu'après  l'altération  et  la  déaudation 
de  la  prau  qui  la  recouvrait  qu'il  se  forma,  en  même  temps, 
plusieurs  petites  ouvertures  par  lesquelles  s'écoula  une  ma- 
tière purulente  peu  abondante.  Ces  trous  s'élargirent  insen- 
siblement, communiquèrent  bientôt  entre  eux  par  les  brides 
qui  les  séparaient,  et  formèrent  un  ulcère  qui  paraissait  à 
l'œil  avoir  la  largeur  d'un  écu  de  trois  francs,  mais  qui  avait 
une  étendue  double,  au-dessous  des  bords  flottans  qui  s'a- 
vançaient sur  son  fond.  Le  pourtour  de  cet  ulcère  n'était 
poiiit  régulier  :  il  présentait  des  prolongemens  en  forme  de 
clapier  qui  disparaissaient  sous  les  tégumeos,  et  ne  se  recon- 
naissaient qu'à  l'aide  d'une  sonde.  Le  malade  s'était  soumis 
à  plusieurs  traitemens  :  il  avait  supporté  nombre  de  fois  la 
cautérisation  avec  la  pierre  infernale,  l'iode  et  l'iodure  de 
potassium.  Ne  coaservant  plus  l'espoir  de  guérir,  il  se  bor- 
nait à  des  soins  de  propreté,  lorsque  ses  pareus  me  l'adres- 
sèrent. 

L'ulcère  existait  depuis  aa  an.  Il  était  plutôt  saillant  que 
profond,  en  ce  que  son  centre  dépassait  les  bords  et  qu'il  pa- 
raissait soulevé  par  un  noyau  d'engorgement.  Ces  derniers 
étaient  amincis,  frangés,  décollés  dans  une  assez  grande 
étendue;  la  peau  était  d'autant  plus  altérée  qu'elle  se  rap- 
prochait davantage  des  bords  libres  de  l'ulcération.  Un  pus 
de  mauvaise  nature,  d'une  odeur  aigre,  s'éc'^ulait  à  chaque 
pansement.  Je  soumis  ce  jeune  homme  au  traitement  géné- 
ral des  sujets  délicats,  m'abstenant  de  l'iode,  dans  la  crainte 
d'aggraver  une  toux  ancienne  avec  expectoration  purulente, 
et  je  procédai  immédiate  ment  à  la  cautérisation  de  la  ma- 
nière suivante  :  après  avoir  nettoyé  les  clapiers  et  le  fond  de 
l'ulcère  avec  un  linge  fin,  je  chargeai  de  caustique  l'extré- 


(i)  .le  continue  une  série  «^'expériences  qui  tléDii>ntreror>t  que  le 
deDlo-chlornre  de  mcreHre  appliqué  sur  une  plaie  se  chaage  ea  prolu- 
cblorurc  ou  se  neutralise. 


(118) 

col  utérin;  mais  il  faudra  bien  des  recherches  encore  p^si 
nous  faire  l'cconnaîtrc  quand  ces  ulcérations  sont  de  natu^, 
syphilitique,  et  quand  elles  ont  un  autre  caractère:  cett^ 
question  est  encore  i)ien  loin  d'être  éclairée.  Aussi  croyons- 
nous  que  M.  Wagistel  a  lait  subir  à  la  malade  qui  fait  le  sujet 
de  sa  seconde  observation,  un  traitement  mercuricl  tout-à- 
fail  en  pure  perte.  Le  uicrcure  administré  à  l'intérieur  ne  pa- 
raît pasavoir  une  action  très-prononcée  sur  ces  sortes  d'ulcè- 
res; le  pansement  local,  et  surtout  la  cautérisation,  voilà  les 
seuls  spécifiques  sur  lesquels  il  faut  compter,  bien  que  dans 
certains  cas  le  caractère  contagieux  de  ces  ulcères  ne  paraisse 
pas  douteux.  C'est  le  traitement  adopté  par  M.  CuUerier,  à 
l'hôpital  des  Vénériens,  où  ces  ulcérations  sont  excessive- 
ment fréquentes,  et  nous  sommes  convaincu  que,  dans  un 
très-grand  nombre  de  cas,  on  prévient  ainsi  des  dégénérations 
cancéreuses  qui  résulteraient  d'excitations  nouvelles  exer-» 
cées  sur  un  col  engorgé,  ou  même  ulcéré  sur  plusieurs  points 
de  sa  surface. 


ABT.   1007. 


Considérations  pratiques  Sur  le  traitement  des  ulcères  et  fistules 
cutanées, par  lacaatirisationavec le deato-cidorure  de  mercure. 
Article  communiqué  par  M.  le  docteur  Ordinaire,  médecin 
à  Saint-Laurent-les-.^Iaçon. 


Les  ulcères  scrofuleux  sont  entretenus,  dans  le  plus  grand 
nombre  des  cas,  par  le  décollement  de  leurs  bords,  amincis 
et  dénudés,  qui  s'avancent  plus  ou  moins  sur  le  fond  de  la 
plaie,  et  s'opposent  ainsi  à  la  cicatrisation.  Doux  moyens  ont 
été  proposés  pour  détruire  cet  obstacle  :  l'ablalion  par  l'in- 
strument lianchanl  et  la  cautérisation.  L'emploi  de  l'instru- 
ment Iraricliant  rencontre  toujours  uue  vive  opposition  de 
la  part  des  malades,  et  a  de  plus  l'inconvénient  de  ne  rien 
cbanger  à  lu  nature  de  l'ulcère  et  de  n'en  pouvoir  régulariser 
parfaitement  !e  fond  ni  les  bords.  La  cautérisation  est  donc 
préférable;  mais,  pratiquée  jusqu'à  présent  avec  lo  nitrate 
d'argent  fondu,  elle  a  paru  longue,  douloureuse,  et  a  souvent 
découragé  les  malades  qui  ont  refusé  de  s'y  soumettre  pen- 
dant le  temps  nécessaire.  Le  dento-chlorure  de  mercure 
(sublimé  corrosif),  caustique  l«;  plus  actif,  U\  plus  facile  à 
graduer  et  à  employer,  le  plus  innocent  sous  le  rapport  des 


(>i9) 
suites  de  soq  absorption  (i),  est  donc  biea  préférable  à  tous 
les  autres.  C'est  même  le  seul  convenable,  toutes  les  fois 
qu'une  cautérisation  quelconque  est  indiquée.  Les  exemples 
suivans  en  fourniront  la  preuve. 

Alibert,  âgé  de  dix-neuf  ans,  menuisier  ù  Mâcon,  portail 
depuis  plusieurs  années,  à  la  partie  moyenne  latérale  gauche 
du  cou,  une  tumeur  située  profondément,  de  la  grosseur 
d'im  œuf  de  pigeon.  A  la  suite  de  diverses  applications,  cette 
tumeur  se  ramollit  et  présenta  de  la  fluctuation.  Abandonnée 
ù  elle-même,  ce  ne  fut  qu'après  l'altération  et  la  dénudation 
de  la  peau  qui  la  recouvrait  qu'il  se  forma,  en  même  temps, 
plusieurs  petites  ouvertures  par  lesquelles  s'écoula  une  ma- 
tière purulente  peu  abondante.  Ces  trous  s'élargirent  insen- 
siblement, communiquèrent  bientôt  entre  eux  par  les  brides 
qui  les  séparaient,  et  formèrent  un  ulcère  qui  paraissait  à 
l'œil  avoir  la  largeur  d'un  écu  de  trois  francs,  mais  qui  avait 
une  étendue  double,  au-dessous  des  bords  flottans  qui  s'a- 
vançaient sur  son  fond.  Le  pourtour  de  cet  ulcère  n'était 
point  régulier  :  il  présentait  des  prolongemens  en  forme  de 
clapier  qui  disparaissaient  sous  les  tégumeos,  et  ne  se  recon- 
naissaient qu'à  l'aide  d'une  sonde.  Le  malade  s'était  soumis 
à  plusieurs  traitemens  :  il  avait  supporté  nombre  de  fois  la 
cautérisation  avec  la  pierre  infernale,  l'iode  et  l'iodure  de 
potassium.  Ne  coaservant  plus  l'espoir  de  guérir,  il  se  bor- 
nait à  des  soins  de  propreté,  lorsque  ses  pareas  me  l'adres- 
sèrent. 

L'ulcère  existait  depuis  tm  an.  Il  était  plutôt  saillant  que 
profond,  en  ce  que  son  centre  dépaîSait  les  bords  et  qu'il  pa- 
raissait soulevé  par  un  noyau  d'engorgement.  Ces  derniers 
étaient  amincis,  frangés,  décollés  dans  une  assez  grande 
étendue;  la  peau  était  d'autant  plus  altérée  qu'elle  se  rap- 
prochait davantage  des  bords  libres  de  l'ulcération.  Un  pus 
de  mauvaise  nature,  d'une  odeur  aigre,  s'éc  niait  à  chaque 
pansement.  Je  soumis  ce  jeune  homme  au  traitement  géné- 
ral ries  sujets  délicats,  m'abstenant  de  l'iode,  daiiS  la  crainte 
d'aggraver  une  toux  ancienne  avec  expectoration  purulente, 
et  je  procédai  immédiatement  à  la  cautérisation  de  la  ma- 
nière suivante  :  après  avoir  nettoyé  les  clapiers  et  le  fond  de 
l'ulcère  avec  un  linge  fin,  je  chargeai  de  caustique  l'extré- 


(i)  .le  contintic  tme  série  d'expériences  qui  démon treroi>t  que  le 
deoto-chloittre  de  racreare  appliqué  sur  une  plaie  sa  change  ca  prolo- 
cblorure  ou  se  oeutraUse. 


(  »20) 

mité  d'une  sonde  cannelée  et  une  partie  de  sa  rainure  précé- 
demment humectée,  en  la  roulant  dans  de  la  poudre  de  su- 
blimé, et  je  l'introduisis  sous  les  bords  flottans,  dans  le  cla- 
pier qui  me  parut  le  plus  profond.  Je  tins  la  rainure  tournée  en 
dehors  un  instant,  et  lui  fis  ensuite  subir  un  mouvementlent 
de  rotation,  de  manière  à  mettre  en  contact  le  caustique  et 
les  surfaces  ulcérées.  Je  retirai  ma  sonde,  la  chargeai  de  nou- 
veau, et  cautérisai  ainsi  en  trois  fois  la  moitié  du  pourtour 
de  l'ulcère,  remettant  au  lendemain  la  cautérisation  de  l'au- 
tre partie,  afin  d'éviter  au  malade  de  trop  vives  douleurs.  Je 
recouvris  la  plaie  d'un  morceau  de  tafîetas  de  diachylon,  et 
restai  vingt-quatre  heures  avant  de  pratiquer  la  deuxième 
pansement.  Je  commençai  ce  dernier  par  des  injections  dé- 
tersives,  qui  favorisèrent  la  chute  d'escarres  occupant  la  peau 
dénudée  dans  plus  des  trois  quarts  de  son  étendue  ;  puis  j'ap- 
pliquai le  caustique  sur  les  parties  que  j'avais  respectées  d'a- 
bord. Le  surlendemain,  c'est-à-dire  au  quatrième  panse- 
ment, j'avais  obtenu  une  plaie  beaucoup  plus  large,  il  est 
vrai,  mais  dont  les  bords  ne  s'avançaient  plus  que  d'une  li- 
gne à  peine  sur  le  fond.  Je  les  cautérisai  dans  toute  leur 
étendue,  ce  qui  les  détruisit  entièrement.  Enfin  je  fis  une 
dernière  application  de  poudre  de  sublimé  sur  le  centre  pro- 
éminent de  l'ulcère,  et  j'obtins  en  dix  jours  une  plaie  régu- 
lière, couverte  de  bourgeons  de  bonne  nature.  La  cicatrisa- 
tion ne  tarda  pas  à  s'opérer,  et  en  quarante  jours  la  guérison 
fut  complète.  Le  noyau  d'engorgement  qui  servait  de  base 
à  l'ulcère  s'est  effacé,  et  sans  une  toux  légère,  avec  expecto- 
ration le  matin,  Alibert  jouirait  de  la  meilleure  santé. 

Félix   Lionuct,    âgé  de  quatorze  ans,  portait  depuis    son 
enfance  un  engorgement   continuel   de  plusieurs   des  glan- 
des du  cou.  A  l'âge  de  neuf  ans,  il  se  développa  un   engor- 
gement de  même  nature  aux  aines,  et  peu  de  temps  après 
un  autre  aux  jarrets.  A  onze  ans,  les  tumeurs  des  aines  se 
ramollirent,  et  donnèrent  lieu  ù  trois  ulcères  cutanés  du  côté 
droit  et  à  deux  du  côté  gauche.  Cette  maladie  se  compliqua 
d'une  toux  rare  avec  expectoration  abondante,  particulière- 
ment le  matin,  et  d'un  battement  de  cœur  que  tout  exercice 
actif  rendait  douloureux.  Né  de  parens  bien  constitués,  il  of- 
frait cependant  tous  les  symptômes  du  vice  scrofuleuxà  son 
plus  haut  degré.  Depuis  deux  ans  qu'existaient  ces  ulcères, 
le  jeune  malade  avait  été  soumis  à  une  grande  variété  de 
traitemens,  qui  tous  étaient  restés  infructueux.  Cédant  aux 
instances  des  parens,  je  logeai  chez  uioi  cet  enfant,  afin  de 
pouvoir  lui  donner  tous  les  soin^  nécessaires.   Au  premier 
panseuieui,  je  découvris  des  ulcérations  profondes,  inégales. 


(121) 

dont  les  bords  décollés  étaient  en  plusieurs  endroits  roulés 
sur  eux-uiCmcs,  et  formaient  de  véritables  bourrelets  qui 
s'opposaient  à  toute  cicatrisation.  Deux  des  ulcérations  du 
côté  droit  communiquaient  entre  elles  par  un  trajet  fistuleux. 
A  la  partie  interne  et  supérieure  de  la  cuisse  gauche  se  trou- 
vait l'orifice  d'une  fistule  provenant  de  la  filtration  du  pus 
dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané,  fistule  qui  correspondait 
à  l'ulcération  interne  du  pli  de  l'aine.  Ces  diverses  plaies  sé- 
crétaient un  pus  séreux,  abondant,  et  occasionaient  une  telle 
gêne  dans  la  marche,  que  le  malade  ne  pouvait  s'y  livrer 
que  ployé  en  deux  et  pendant  quelques  minutes  au  plus. 

Traitement  local.  Bains  de  siège  deux  fois  par  jour  dans  six 
litres  d'eau  tiède  iodarée,  comme  je  l'ai  indique  ci-dessus  (i); 
cautérisation  dés  le  premier  jour  avec  le  sublimé;  application  le 
lendemain  de  cataplasmes  émolliens  ;  pansemens  avec  des  plu- 
masseaux  de  charpie  enduits  tantôt  de  pommade  d'hydriodate  io- 
durée  de  potasse,  tantôt  de  cérat  opiacé;  frictions  mercurielles 
sur  les  tumeurs  des  jarrets;  répéter  la  cautérisation  jusqu'à 
l'entière  destruction  des  bords  flottans  et  roulés,  en  la  renouve- 
lant tous  les  deux  ou  trois  jours  seulement. 

Traitement  général.  Eau  de  poulet,  dans  laquelle  j'ajoutais 
tous  les  quatre  jours  une  demi-once  de  crème  de  tartre;  sirop 
antiscorbutique;  régime  animal;  vin  généreux;  exercice  modéré, 
malgré  la  fatigue  qu'il  produisait;  deux  vastes  cautères  à  la  par- 
tie interne  inférieure  des  cuisses;  flanelle  d'Angleterre  sur  toute 
l'habitude  extérieure  du  corps. 

Je  tentai  plusieurs  fois  l'usage  de  l'iode  à  l'intérieur;  je 
l'associai  à  l'opium^  et  chaque  fois  je  fus  forcé  d'y  renoncer, 
ù  cause  de  l'exaspération  qu'il  occasionait  dans  les  symp- 
tômes de  l'affection  pulmonaire. 

Au  bout  d'un  mois  de  ce  traitement,  j'avais  obtenu  une 
telle  amélioration,  que  le  jeune  Lionnet,  qui  naguère  ne 
pouvait  faire  dix  pas  sans  souffrir  beaucoup,'  se  promenait 
un  quart  d'heure  marchant  presque  droit.  Deux  mois  après, 
les  ulcérations  et  les  fistules  étaient  en  grande  partie  cicatri- 
sées ;  le  malade  allait  à  la  chasse,  et  faisait  une  lieue  sans  être 
fatigué.  Ses  parens  vinrent  le  chercher;  et  je  m'applaudis- 
sais d'une  si  belle  cure,  lorsque  j'appris  bientôt  qu'à  la  suite 
d'un  refroidissement  tous  les  symptômes  d'une  véritable 
pneumonie  s'étant  déclarés,  le  malade  avait  succombé,  mal- 
gré l'emploi  des  moyens  les  plus  rationels. 


(i)  Voy.  art.  9S2. 


(laa) 

Le  deuto-chlorure  de  mercure  n'est  pas  moins  utile  dans  le 
trailcmcnt  des  fistules  sous-cutanées  et  autres;  et  je  dois  à 
ce  précieux  caustique  des  succès  constans. 

Louis  D***,  habitant  le  Charolais,  âgé  de  vingt-neuf  ans, 
vint  me  consulter  dans  l'état  maladif  suivant  :  une  tumeur 
ulcérée,  du  volume  d'une  noix,  siégeait  au-dessous  du  men- 
ton; deux  autres  ulcérations  se  l'encontraient,  l'une  à  la 
partienioyenne  latérale  du  cou,  l'autre  à  la  partie  posté- 
rieure de  l'angle  de  la  mâchoire  inférieure.  Ces  ulcérations, 
qui  dataient  de  plusieurs  années,  étaient  slationnaires  depuis 
un  ai).  Le  malade  ne  souffrait  pas  ;  mais,  désirant  se  marier, 
il  tenait  beaucoup  à  obtenir  une  guérison  qu'il  avait  en  vain 
réclamée  de  divers  praticiens.  Au  premier  aspect  je  crus  re- 
connaître trois  ulcères  scrofuleux  sans  rapport  entre  eux,  et 
je  fus  confirmé  dans  cette  pensée  après  avoir,  à  l'aide  d'un 
stylet,  cherché  en  vain  à  pénétrer  dans  quelques  sinuosités; 
mais  ayant,  avec  une  petite  seringue,  fait  une  injection  d'eau 
tiède  sous  les  bords  décollés  de  la  petite  ulcération  située 
derrière  l'angle  de  la  mâchoire,  je  m'aperçus  que  l'eau  s'é- 
chappait par  les  deux  autres  plaies.  Je  pus  alors  introduire 
un  stylet  fin  dans  le  trajet  fistuieux  qui  établissait  celte  com- 
munication. La  peau  qui  recouvraitces fistules  était  dans  son 
état  normal,  et  cependant  ces  dernières  formaient  un  cordon 
sensible  au  toucher.  Je  ne  balançai  pas  à  recourir  au  traite- 
ment général  avec  la  teinture  d'iode,  et  je  dirigeai  le  traite- 
ment local  de  la  manière  suivante  :  Je  pris  une  sonde  cannelée, 
j'en  /lumcctai  la  rainure,  et  la  remplis  de  sublimé;  puis  je  l'in- 
troduisis par  l'ouverture  de  l'ulcération  moyenne,  et  vins  en  faire 
ressortir  l'extrémité  par  l'orifice  de  celle  qui  était  placée  à  l'an- 
gle de  la  méichoire;  je  lui  fis  subir  un  mouvement  lent  de  rota- 
tion; je  la  retirai^  la  chargeai  de  nouveau,  et  la  portai  une  se- 
conde fois  dans  le  trajet  futuleux.  A  l'aide  d'une  tête  d'épingle 
roulée  dans  le  caustique,  je  cautérisai  les  bords  fioltans  de  ces 
deux  petites  ulcérations  ;  je  recouvris  le  tout  d'un  taffetas  de  dia- 
cliylon,  et  reui'oyui  le  malade  au  lendemain,  en  lui  conseillant  de 
prendre  le  soir  un  bain  de  pied  sinapisé. 

Le  jour  suivant,  un  engorgement  considérable  existait 
dans  les  partie»  cautérisées;  je  fis  des  injections  détersives, 
et  obtins  ainsi  la  chuic  des  escarres  qui  embrassaient  les 
bords  fiottans  des  ulcérations.  Je  fis  recouvrir  toute  la  par- 
lie  supérieure  du  cou  d'un  cataplasme  de  farine  de  lin,  qur 
fut  renouvelé  plusieurs  fois  dans  les  vingt-quatre  heures. 
Celte  cautérisation  fut  renouvelée  trois  fois,  et  au  bout  de 
deux  mois  j'avais  obtenu  une  parfaite  guérison. 

Joseph   Chap***,  de  Suin,  canton  de  Saint-Bonnel-de- 


(  i»3) 

Joug,  âgé  de  trente-deux  ans,  d'une  assez  forte  constitution, 
était,  depuis  son  enfance,  sujet  à  l'engorgement  des  glandes 
du  cou,  dont  plusieurs  s'étaient  ulcérées  et  cicatrisées.  Lors- 
qu'il vint  me  consulter,  toutes  les  faces  du  cou  étaient  par- 
semées de  cicatrices  difformes,  et  sur  les  parties  latérales  se 
rencontraient  encore  plusieurs  ulcérations  servant  d'orifices 
à  des  conduits  fistuleux,  les  uns  de  quelques  lignes,  le  plus 
grand  nombre  de  plus  d'un  pouce  d'étendue  :  deux  ulcéra- 
tions du  côté  droit  communiquaient  entre  elles;  les  autre» 
étaient  de  véritables  impasses  s'enfonpant  sous  lestégumens. 
La  peau  qui  recouvrait  ces  fistules  était  altérée,  amincie,  de 
couleur  rouge  lie-de-vin;  la  matière  qui  s'en  écoulait  était 
peu  abondante,  se  concrétait  sur  les  surfaces  ulcérées,  et 
formait  des  croûtes  que  le  malade  abandonnait  à  ■  elles- 
mêmes,  se  bornant,  pour  tout  traitement,  à  des  soins  de  pro- 
preté. Quelques-unes  des  ulcérations  dataient  de  plusieurs 
années,  d'autres  de  quelques  mois  seulement. 

J'employai  la  teinture  d'iode  à  l'intérieur,  des  drastiques 
répétés  tous  les  huit  jours,  et  je  cautérisai  avec  le  deuto-chlo- 
rure  de  mercure,  ayant  la  précaution  de  laisser  le  caustique 
contenu  dans  la  rainure  de  ma  sonde  cannelée  quelques  mi- 
nutes en  rapport  avec  la  face  interne  des  tégumens  recou- 
vrant les  fistules.  Le  surlendemain,  ces  tégumens  étaient 
détr\iits,  et  je  n'avais  plus  à  combattre  que  des  ulcères 
étroits  et  sioueux.  Je  cautérisai  de  nouveau  pour  en  régula- 
riser les  bords  saillans,  et  en  un  mois  et  den^  j'obtins  une 
cicatrisation  parfaite.  Joseph  Chap***  porte  bien  encore  au 
cou  quelques  glandes  engorgées,  mais  elles  s'effacent  de  jour 
en  jour  sous  l'influence  du  traitement  par  l'iode,  qu'il  sup- 
porte parfaitement. 

Combien  d'observations  semblables  ne  pourrais-je  pas  ci- 
ter, qui  toutes  constatent  de  beaux  succès  obtenus  par  la 
cautérisation,  à  l'aide  du  sublimé  corrosif!  Je  ne  doute  pas 
que  ce  caustique  ne  soit  bientôt  préféré  à  tous  ceux  em- 
ployés jusqu'à  ce  jour,  et  même  à  toutes  les  pâtes  phagédé- 
niques  anciennes  et  nouvelles,  d'un  application  bien  plus 
difiicile,  et  d'un  effet  bien  moins  sûr. 

Dans  un  troisième  article  je  m'occuperai  des  fistules  uri- 
naires,  salivaires  et  dentaires;  de  celles  provenant  de  la  né- 
crose ou  de  la  carie  des  os,  de  la  destruction  des  kystes,  des 
obstructions  du  canal  de  l'urètre,  et  d'autros  cas  où  le  deu- 
tochlorure  de  mercure  a  été  ou  peut  être  employé  avec 
avantaffe. 


(ia4) 

ABT.    1008. 

F  annales  de  tablettes  à  base  de  bicarbonate  de  soude,  ou  pastilles 
digestivesdeDarcet,  dites  pastilles  de  Vichy. 

.  M.  Béral,  pharmacien,  a  adressé  à  la  Société  de  chimie  mé- 
dicale des  formules  de  tablettes  de  bicarbonate  de  soude,  fort 
employées  comme  digestives,  et  connues  sous  le  nom  de 
pastilles  de  D;ircet.  Voici  quelques-unes  de  ces  iormales, 
qu'on  trouve  dans  le  Journal  de  Chimie  médicale  (février). 

Tablettes  de  bicarbonate  de  soude  simples. 

Pr.     Sucre  réduit  en  poudre,  trente-quatre  onces;. 
Bicarbonate  de  soude  pulvérisé,  deux  onces  ; 
Mucilage  de  gomme  arabique  simple,  trente-sixgros. 

Mettez  le  sucre  et  le  bicarbonate  dans  un  mortier;  agitez- 
les  en  tous  sens  pour  en  obtenir  un  mélange  parfait;  ajoulcz-y 
le  mucilage  prescrit,  ou  la  quantité  nécessaire,  et  formez  du 
tout  uue  masse  pâteuse  que  vous  diviserez  en  tablettes  de 
forme  ovale  et  du  poids  de  dix-huit  grains.  Chaque  tablette 
contient  un  grain  de  bicarbonate  de  soude. 

Pour  faire  des  tablettes  à  la  rose  ou  à  la  fleur  d'orange,  on 
fait  usage  de  mucilage  de  gomme  à  la  rose  ou  à  la  fleur  d'o- 
range, dans  les  mêmes  proportions. 

Tablettes  de  bicarbonate  de  soude  à  la  vanille. 

Pr.     Sucre  en  poudre,  vingt-six  onces; 

Saccharure  de  vanille  au  huitième,  huit  onces; 
Bicarbonate  de  soude  en  poudre,  deux  onces  ; 
Mucilage  de  gomme  arabique  simple,  environ  trente- 
six  gros. 

Faites,  suivant  l'art,  des  tablettes  de  dix-huit  grains,  dont 
chacune  contient  un  grain  de  substance  alcaline. 

Tablettes  de  bicarbonate  de  soude  au  chocolat. 

Pr.     Sucre,  trente  onces; 

Chocolat,  quatre  onces; 

Mucilage  de  gomme  arabique  simple,  environ  Irente- 
{)ix  gros. 


(125) 

Broyez  et  tamisez  ensemble  ie  sucre  et  le  chocolat  pour 
les  réduire  en  poudre;  mélangez-les  exactement  avec  le  bi- 
carbonate, et  faites-en  une  pâte  que  vous  diviserez  en  tablet- 
tes de  dix-huit  grains.  Chaque  tablette  renferme  un  grain  de 
bicarbonate  de  soude  et  une  quantité  double  de  chocolat. 

Tablettes  de.  bicarbonate  de  soude  au  baume  de  Têlu. 

Pr.    Sucre  réduit  en  poudre,  vingt-six  onces; 

Saccharure  de  baume  de  Tolu  au  8%  huit  onces  ; 
Bicarbonate  de  soude  pulvérisé,  deux  onces; 
Mucilage  de  gomme  arabique  simple,  environ  trente- 
six  gros. 

Pour  des  tablettes  semblables  aux  précédentes,  dans  cha- 
cune d'elles  il  existe  un  grain  de  bicarbonate  de  soude  et  un 
16"  de  grain  de  baume  de  Tolu. 

On  doit  prendre  ces  diverses  tablettes  à  la  dose  de  deux  à 
quatre  ù  la  fois.  Les  tablettes  aromatisées  à  la  rose  ou  à  la 
fleur  d'orange,  et  celles  au  chocolat  et  à  la  vanille,  sont  les 
plus  usitées.  Celles  qui  contiennent  du  chocolat,  de  la  va- 
nille, du  baume  de  Tolu,  sont  à  la  fois  digestives  et  stoma- 
chiques. 

ART.   1009. 

Considérations  pratiques  sur  L'angine  couenneuse  ou  plastique,  et 
son  traitement  par  la  cautérisation. 

Le  premier  fascicule  du  tome  IV  des  Mcynoires  de  l'j4cadé~ 
mie  royale  de  médecine  contient  d'intéressantes  observations 
de  M.  le  docteur  Bourgeois  sur  la  maladie  connue  sous  le 
nom  d'angine  couenneuse  ou  plastique,  et  qui  a  régné  d'une 
manière  épidémique  pendant  les  années  1827  et  1828  dans 
la  maison  d'éducation  de  la  Légion-d'Honneur  à  Saint- 
Denis. 

Ce  fut  après  une  épidémie  d'oreillons  que  les  premiers  cas 
d'angine  se  manifestèrent.  Cette  affreuse  maladie  eut  en  gé- 
néral un  début  si  insidieux  que  si  l'on  n'eût  exercé  la  plus 
stricte  surveillance,  on  ne  se  serait  aperçu  la  plupart  du  temps 
de  son  invasion  que  lorsque  déjà  les  progrès  auraient  été 
considérables.  Sur  un  total  de  cinq  cents  jeunes  demoiselles 
et  de  deux  cents  autres  personnes  environ,  tant  dames  que 
filles  de  service,  cinquaute-sept  furent  atteintes  de  l'épidémie 


(ia6) 

daQS  l'espace  d'un  an  à  peu  près,  et  cinq  d'entre  elles  suc- 
combèreni. 

Deux  jeunes  élèves  furent  affectées  d'abord  en  même 
temps;  la  toux  était  fréquente,  quinteuse;  la  face  altérée,  la 
respiration  dilûcile,  la  voix  basse  et  enrouée.  Le  fond  de  la 
gorge,  examiné,  ne  laissait  même  pas  aperc  voir  de  fausses 
membranes,  mais,  chez  l'une  d'elles,  le  fr^nd  de  la  gorge 
était  rouge,  gonflé  et  recouverf  d'un  enduit  muqueux  blan- 
châtre. On  employa  les  sangsues,  les  vésicatoires,  les  vomi- 
tifs. La  première  malade  succomba,  et  l'on  retira  du  gosier, 
à  l'autopsie,  des  lambeaux  de  concrétions  pseudo-membra- 
neuses, d'une  couleur  fauve  ou  noirâtre.  La  seconde  expec- 
tora dans  une  quinte  de  toux  convulsive,  un  lambeau  sem- 
blable, et  après  plusieurs  alternatives  de  mieux  et  de  pire, 
finit  par  se  rétablir  entièrement. 

L'appariùon  de  ces  deux  angines  fit  craindre  l'invasion 
d'une  épidémie  de  diphtérite,  et  cette  crainte  ne  tarda  pas  à 
se  réaliser. 

Pendant  que  cette  dernière  malade  était  encore  convales- 
cente, on  amena  un  matin  à  l'infirmerie  six  jeunes  élèves  at- 
teintes d'oreillons.  Le  fond  de  la  gorge  ayant  été  examiné 
avec  soin,  on  trouva  chez  toutes  des  taches  d'un  blanc  gri- 
sâtre répandues  sur  les  amygdales,  le  voile  du  palais  et  l'en- 
trée du  pharynx.  Ces  jeunes  malades  n'avaient  que  peu  ou 
point  de  fièvre;  elles  n'accusaient  qu'un  très-léger  malaise, 
mais  l'expérience  avait  appris  à  se  tenir  en  garde  contre  cette 
invasion  insidieuse.  Un  pinceau,  iml)ibé  d'acide  hydrochlo- 
rique  pur,  fut  porté  sur  toutes  les  ulcération»  couenncuses 
qu'on  put  atteindre.  On  donna  de  l'eau  d'orge  acidulée  pour 
boisson,  et  un  gargarisme  avec  décoction  de  polygala  et 
miel  rosat. 

Les  symptômes  ne  tardèrent  pas  à  devenir  plus  graves. 
La  fièvre  s'alluma,  l'haleine  était  fétide,  la  toux  raii(|ue;  les 
concrétions  se  détachiiieut  bien  sous  l'inllucnce  de  la  cau- 
térisation; mais  elles  ne  lardaient  pas  à  se  reproduire.  Ce- 
pendant vers  le  neuvième  ou  dixième  jour,  les  plaques  com- 
mencèrent à  être  rejetées  moins  épaisses  et  moins  étendues; 
et  bientôt  ces  jeunes  malades  entrèrent  en  convalescence. 

L'all'^ction  débutait  nidiuaireujcnt  par  la  bouche  ou  par 
les  fosses  nasales,  et  de  là,  se  portait  à  l'arrière-gorge  et  des- 
cendait dans  les  voie»  aériennes.  Celte  marche  put  être  ob- 
servée chezquelques-une.s,  de  la  manière  la  plus  évidente. 

Une  élève,  âgée  de  dix  ans,  blonde  et  fraîche,  fut  distraite 
de  sa  récréation  pour  faire  voir  une  tache  blanchâtre,  de  la 
largeur  d'une  lentille,  à  l'orifice  de  la  narine  gauche.   Au 


(iî7) 

bout  de  quelques  jours  se  manifestèrent  les  symptômes  d'un 
coryza,  et  bientôt  on  put  s'assurer  que  toutes  les  fosses  na- 
sales étaient  le  siège  d'une  phlegmasie  plastique  qui  s'élen- 
daitsur  les  amygdales,  la luetteet  le  voile  du  palais;  il  y  avait 
'de  la  toux,  de  l'enrouement  et  de  la  fièvre.  Ledixièmp  jour, 
on  s'aperçut  que  la  vulve  et  jforifice  de  l'anus  étaient  éga- 
lement tapissés  de  ces  fausses  membranes. 

La  petite  malade  se  refusant  opiniâtrement  aux  tentatives 
de  cautérisation,  on  ne  pouvait  y  parvenir  qu'avec  les  plus 
grandes  difficultés  et  d'une  manière  tout-à-fait  incomplète. 
Cependant,  après  quinze  jours  d'une  cruelle  incertitude,  le 
mieux  se  manifesta  et  la  maladie  marcha,  quoique  lentement, 
vers  une  heureuse  solution. 

On  n'a  observé  que  chez  deux  malades  seulement  cet  en- 
vahissement des  plaques  membraneuses  à  la  vulve  et  au 
pourtour  de  l'anus.  Quelquefois  des  vésicatoires  appliqués 
dans  l'intention  de  combattre  cette  angine,  se  sont  recou- 
verts d'une  fausse  membrane  semblable  à  celle  qu'on  obser- 
vait au  fond  de  la  gorge. 

Chez  une  malade  âgée  de  onze  ans,  l'affection  pseudo- 
membraneuse, après  avoir  commencé  par  les  narines  et  s'être 
étendue  profondément  dans  la  cavité  gutturale  et  pharyn- 
gienne, s'était  montrée  à  l'anus  et  à  la  vulve;  une  sanie 
noirâtre,  exhalant  une  odeur  infecte,  distillait  continuelle- 
ment du  nez  ;  une  sorte  de  détritus  putrilagineux  remplissait 
l'arrière-gorge,  et,  tombant  dans  l'estomac,  semblait  infec- 
ter toute  l'économie  ;  la  figure,  en  effet,  était  pâle,  bouffie, 
la  prostration  des  forces  extrême,  la  peau  livide,  terreuse; 
toute  réconomie  portait  l'empreinte  de  la  putridité.  Des 
lambeaux  de  fausses  membranes  furent  rendus  dans  des 
selles  fréquentes;  de  longues  défaillances  semblaient  à  cha- 
que instant  marquer  le  terme  fatal;  cependant,  après  cinq 
semaines  de  l'état  le  plus  alarmant,  le  mieux  survint  enfin, 
puis  la  convalescence  se  déclara. 

Il  a  été  difficile  d'attribuer  une  cause  probable  à  cette 
épidémie  ;  cependant  M.  Bourgeois  accuse  Thumidilé  du 
local  et  l'encombrement  des  élèves.  Aucune  des  personnes 
attachées  à  la  maison,  et  qui  ont  habituellement  donné  des 
soins  à  ces  malades,  n'ont  contracté  d'affection  semblable. 
Mais  quelquefois  des  parens  sont  venus  puiser  auprès  d'elles 
le  germe  de  l'infection,  ce  qui  ferait  croire  plutôt  à  l'infec- 
tion de  la  localité  qu'à  la  contagion  de  la  maladie.  Cette  re- 
marque a  surtout  été  sensible  pour  quelques  jeunes  person- 
nes qui,  après  avoir  passé  leur  convalescence  au  dehors  de 
l'établissemeutj  ont  éprouve  des  récidives  à  leur  rentrée; 


(ia8) 

tandis  que  non-seulement  aucune  de  celles  qui  sont  sorties 
de  la  maison  à  cette  époque  (et  il  en  est  sorti  un  très-grand 
nombre)  n'a  été  attaquée  d'angine,  mais  encore  celles  que 
leurs  parens  emmenaient  dans  un  état  très-fâcheux  ne  tar- 
daient pas  à  voir  leur  état  s'améliorer  à  mesure  qu'elles» 
fuyaient  loin  du  foyer  de  l'iufection. 

Ces  détails  paraîtront  sans  doute  du  ne  grande  impor- 
tance aux  praticiens.  Voici  maintenant  l'opinion  de  M.  Bour- 
geois sur  la  valeur  des  moyens  thérapeutiques. 

Les  vomitifs  répétés  ont  paru  jouir  d'une  certaine  efllca- 
cité,  ainsi  que  la  potion  avec  la  décoction  de  polygala  et  de 
kermès.  Les  révulsifs  sur  la  peau  ont  été  plus  nuisibles 
qu'utiles;  il  en  a  été  de  même  des  sangsues,  qui  n'ont  foit 
qu'aggraver  la  position  des  malades.  Mais  la  cautérisation, 
faite  en  temps  convenable,  a  constamment  arrêté  la  marcjie 
de  la  maladie;  et  il  est  probable  que  sur  trois  des  quatre  cas 
où  elle  a  échoué,  les  voies  aériennes  étaient  déjà  envahies 
avant  qu'on  y  eût  recours. 

Cette  cautérisation  était  pratiquée  avec  de  l'acide  hydro- 
chlorique  à  vingt-deux  degrés,  c'est-à-dire  tel  qu'on  le  ren- 
contre communément  dans  le  commerce.  Le  seul  inconvé- 
nient qu'offre  cet  acide  est  de  répandre  beaucoup  de  vapeurs 
qui  saisissent  l'odorat  et  deviennent  suffocantes.  Mais  comme 
la  plupart  des  petites  malades  se  refusaient  à  celte  cautéri- 
sation, il  fallait  recourir  à  l'application  préalable  soit  du  spé- 
culum oris,  soit  de  divers  instrumens  que  la  nécessité  faisait 
imaginer,  pour  maintenir  la  bouche  ouverte  et  abaisser  la 
langue.  Les  plaques  ainsi  mises  à  découvert,  un  pinceau  fait 
d'un  morceau  d'épongé,  fixé  solidement  à  une  tige  de  ba- 
leine et  imbibé  de  l'acide  pur,  était  porté  sur  tous  les 
points  de  la  gorge  où  paraissaient  les  concrétions.  Ces  faus- 
ses membranes  ne  tardaient  pas  à  se  détacher,  et  étaient 
bientôt  remplacées  par  d'autres  qu'il  devenait  nécessaire  de 
cautériser  de  nouveau.  On  a  quelquefois  louché  ainsi  des 
malades  trois  ou  quatre  fois  par  jour. 

Cette  opération  n'a  pas  causé  d'autres  accidcns  immédiats 
que  la  chute  de  quelque  portion  du  voile  du  palais.  Chez 
qiielques-uncs  même  cette  destruction  fut  portée  à  un  point 
tel  que  la  fosse  gutturale  et  le  pharynx  ne  formaient  plus 
qu'une  seule  cavité,  sans  que  cependant  il  en  résultât  aucune 
espèce  de  gêne  ou  d'incommodité. 

Lorsque  les  concrétions  s'étendaient  à  une  profondeur  in- 
accessible, on  a  eu  recours  aux  insulllations  d'alun  toutes 
les  deux  ou  trois  heures,  et  autant  que  possible  pendant  l'in- 
spiration. Ce  moyen  n'a  pas  paru  d'un  grand  secours.  Il 


(J29) 

en  a  été  de  même  du  calomel  donné  à  doses  fractionnées, 
et  jusqu'à  vingt  et  trente  grains  par  jour. 

Une  malade  a  refusé  tout  secours,  et  s'est  bornée,  après 
aYoir  rendu  des  portions  de  fausses  membranes,  à  se  garga- 
riser fréquemment  avec  du  fort  vinaigre.  Elle  a  fort  bien 
guéri. 

M.  Bourgeois  termine  cet  intéressant  Mémoire  en  propo- 
sant, contre  cette  maladie,  l'emploi  du  borax,  soit  insufflé, 
soit  en  gargarisme;  substance  dont  ce  médecin  assure  avoir 
retiré  de  très-bons  effets  dans  le  muguet,  affection  qui  a 
quelque  ressem  blance  avec  l'angine  couenneuse  (i). 

fie/l!fa.-ton5,Depuisquequelquespraticiens  ontappelé  l'atten- 
tion sur  la  cautérisation  dansl'angine  plastique, de  nombreuses 
expériences  semblent  avoir  assuré  ù  cette  méthode  la  pré- 
éminence sur  tous  les  autres  traitemens.  Malheureusement 
ce  moyen  n'est  plus  proposable,  dés  que  l'affection  occupe 
les  voies  de  la  respiration;  et  cependant,  si  dans  certains 
cas  le  mal  s'étend  de  l'extérieur  à  l'intérieur,  il  en  est  d'au- 
tres aussi,  comme  le  prouvent  les  deux  premières  observa- 
tions de  M.  Bourgeois,  dans  lesquels  le  larynx  lui-même  ou 
les  divisions  des  bronches  sont  le  siège  des  premières  con- 
crétions. Quelque  soit  le  nombre  des  cas  d'angine  plastique 
qu'on  ne  puisse  combattre  par  la  cautérisation,  il  n'en  reste 
pas  moins  prouvé  que  cette  méthode  est  une  précieuse  ac- 
quisition pour  la  thérapeutique  dans  ces  affections  si  graves, 
et  qui  se  développent  souvent  d'une  manière  épidémique 
dans  certaines  contrées. 

Parmi  les  travaux  sur  ce  sujet  que  nous  a  fournis  notre 
correspondance,  nous  avons  surtout  remarqué  un  Mémoire 
adressé  par  M.  Bridel,  médecin  à  Bléré,  contenant  dix  ob- 
servations recueillies  avec  soin  et  accompagnées  d'utiles  ré- 
flexions. Nous  regrettons  que  l'étendue  de  ce  Mémoire  ne 
nous  permette  pas  de  le  publier  en  entier;  mais  nous  allons 
en  faire  une  courte  analyse. 

Depuis  le  commencement  du  mois  de  juin  de  l'année 
i835,  dit  ce  médecin,  jusqu'à  la  fin  d'octobre  suivant,  une 
épidémie  d'angine  maligne  est  venue  régner,  non  sans  quel- 
que interruption,  dans  plusieurs  communes  du  canton  de 
Bléré,  et  notamment  dans  ce  dernier  lieu.  Pendant  ce  laps 
de  temps,  j'ai  traité  cinquante-un  diphtériques  d'âges  et  de 


(i)  Borax  sursaturé  de   soude,  un   pro'?  rt  «lomi.   Ajoute?:   sirop   dn 
gomme,  une  onc<:  ;  faites  dibsuudre  dans  une  livre  de  décoction  d'orge. 

TOM.    VI.   —    R"    DE  MARS.  Q 


(i3o) 

sexe  (îifféreus  ;  tous  ont  été  cautérisés  par  la  dissolution 
aqueuse  de  nitrate  d'argent  fondu,  à  l'exception  du  premier 
qui  contracta  la  maladie,  et  qui  succomba,  après  avoir  été 
soumis  à  un  traitement  antiphlogistique.  Sur  les  cinquante 
malades  cautérisés,  J'en  ai  perdu  quatre.  Pour  tout$ 
boisson,  ils  ne  prenaient  que  de  l'eau  miellée  ou  sucrée, 
et  se  gargarisaient  avec  du  lait  chaud  ou  avec  de  l'eau  miel- 
lée, à  laquelle  j'ajoutais  un  peu  de  vinaigre  ou  d'alun. 

Parmi  les  malades  d'une  même  maison  atteints  du  mal  de 
gorge  malin,  souvent  il  s'en  trouvait  un  ou  deux  qui,  de 
même  que  dans  la  diphtérite,  avaient  les  tonsilles  et  le  voile 
du  palais  plus  ou  moins  phlogosés  ;  ils  présentaient  aussi 
des  granulations  ou  petites  taches  blanches,  caséiformes  ; 
mais  ces  points  anormaux  n'acquéraient  jamais,  ou  presque 
jamais,  la  consistance  d'une  pseudo-membrane.  Cette  dis-> 
tinction  entre  ces  deux  espèces  d'angine  est  importante  à 
établir;  car  l'une  est  très- meurtrière,  malgré  une  médication 
topique  active,  et  l'autre,  qui  est  infiniment  moins  grave, 
cède  le  plus  ordinairement  aux  évacuations  sanguines. 

Suivant  M.  Bridel,  les  saignées  ne  font  qu'aggraver  les  symp- 
tômes de  l'angine  couenneuse  :  c'est  à  la  cautérisation  qu'il 
faut  avoir  recours  à  tontes  les  périodes  delà  maladie,  et  cette 
cautérisation,  ill'opère  en  portant  au  fond  de  la  gorge  un  pin- 
ceau imbibé  d'une  dissolution  nitrique.  Les  procédés  sont 
d'ailleurs  les  mêmes  que  dans  les  exemples  ci-dessus  relatés, 
mais  le  caustique  dont  il  fait  usage  nous  semble  bien  préfé- 
rable à  l'acide  hydrochlorique.  Le  nitrate  d'argent,  soit  so- 
lide, soit  liquide,  est  d'une  application  si  facile  qu'il  sera  tou- 
jours choisi  de  préférence  dans  ces  sortes  de  cauté.  isatioas. 

Art.    1010. 

riote  sur  la  préparation  du  proto-iodure    de    mercure,  par 
M.  Bouiii^ny,  p/tarrnacien  à  Evreux. 

Pr.  :  Calomélas  à  la  vapeur,  trois  onces  cinq  gros; 
Hydriodate  de  potasse,  deux  onces  quatre  gros. 

Pulvérisez  l'hydriodatc  dépotasse  dans  un  mortier  de  verro 
et  mêlez-le  au  calomélas;  placez  ce  mélange  dans  une  cap- 
sule de  porcelaine  on  dans  une  assiette  de  faïence,  et  versea 
dessus  dix  ;'i  douze  onc<>  il'ean  distillée  bouillaiile.  Laissez 
refroidir, décantex  la  liqueur,  et  recueillez  sur  un  filtre  le  pré- 
cipité que  vous  laverez  avec  de  l'eau  distillée;  laites-lc  sé- 
cher à  l'ombre  et  conservez-le  dans  un  flacon  bouché. 

[li.   Tliér.) 


(i3i) 

ABT.    1011. 

Note  sur  le  traitement  de  l'inflammation  de  la  bouche  et  de  la 
gorge  par  la  cautérisation  avec  le  nitrate  d'argent. 

M.  le  docteur  Peronnaux,  médecin  à  Paris,  nous  adresse 
la  lettre  suivante  : 

J'ailu  avec  plaisir,  à  l'article  844  de  votre  Journal,  les  ob- 
servations du  docteur  Hunt  sur  la  cautérisation  dans  les  in- 
flammations de  la  bouche  et  de  la  gorge,  et  principalement 
dans  les  angines  ton^illaires  ;  je  crois  devoir  joindre  mon  té- 
moignage à  celui  du  médecin  anglais  pour_appeler  l'attention 
de  tous  les  praticiens  sur  un  point  de  pratique  qui  n'est  pas 
sans  importance.  •  i 

Vers  la  fin  de  l'année  1826,  lorsque  j'étais  secrétaire  de$  ' 
consultations  gratuites  pour  le  cercle  médical  de  l'Hôtel-de- 
Ville  de  Paris,  j'eus  occasion  d'annoncer  à  cette  Société  sa- 
vante combien  j'obtenais  de  succès  de  cette  méthode  sur  les 
personnes  qui  venaient  consulter  tous  les  mercredis.  Depuis 
cette  époque,  je  n'ai  jamais  cessé  de  l'employer  dans  ma  pra- 
tique, et  je  puis  assurer  qu'elle  m'a  réussi  quatre-vingt-dix-- 
neuf  fois  sur  cent.  Elle  peut  être  appliquée  dans  tous  les  cas,*' 
soit  à  l'état  aigu,  soit  h  l'état  chronique.  Elle  a  un  avantage 
immense  sur  les  sangsues,  les  émolliens  et  les  révulsifs,  et 
elle  doit  être  précieuse,  surtout  pour  les  médecins  de  la  pro- 
vince, qui,  souvent  appelés  à  des  distances  fort  éloignées, 
ne  peuvent  surveiller  leurs  malades.  Ils  n'auront  qu'à  sortir 
de  leur  portefeuille  leur  crayon  de  nitrate  d'argent,  à  cauté- 
riser et  à  prescrire  l'emploi  de  l'eau  miellée;  le  lendemain, 
ils  seront  surpris  de  les  trouver,  sinon  guéris,  au  moins  sur 
le  point  de  l'être,  car  il  est  rare  que  deux  ou  trois  cautérisa- 
tions ne  suffisent  pas.  ,'• 

Je  ne  citeraiaucune  observationàrappuidecetteméthode," 
craignant  de  rendre  cette  lettre  trop  longue  ;  mais  je  pourrais 
faire  connaître  une  foule  de  faits  qui  témoigneraient  au  be- 
soin de  son  efficacité  (1). 

(i) C'est  principalement  dans  les  indammalions  de  Ja  gorge,  connues 
sous  le  nom  d'esqulnancie,  que  M.  le  docteur  Peronnaiu  emploie  avec 
succès  la  cautérisalion.  Son  procéda  consiste  a  promener  rapidement 
sur  la  snrlace  enflammée  un  crayon  de  nitrate  d'^rgcnl,  qui  modiGu 
sans  doute  l'état  de  la  muqueuse,  et  arrête  par  une  .soi;te  de  perturba- 
tion le  mouvement  iailamuiatoire.  Cette  cautérisation  est  pratiquée  .'1 
toutes  les  époques  de  l'inflammation,  et  M.  Peronnaux  as*nrc  qu'il  n'est 
amais  résulté  de  son  emploi  le  plus  léger  accident.  (jY.  du  11.) 


(132) 
ART.    1012. 

Observât  ions  et  considérations  pratiques  sur  quelques  cas  d'accou- 
chemens  laborieux. 

Le  Journal  des  connaissances  mêdico'-chirurgicales  contient 
une  observation  d'accouchement  sur  laquelle  nous  devons 
appeler  l'attention  de  nos  lecteurs. 

Une  femme  âjjée  de  vingt-sept  à  trente  ans,  forte  et  bien 
constituée,  malgré  une  camtirure  extrême  des  reins,  déjà 
mère  d'unpremier  enfant  qui  était  venu  au  monde  sans  acci- 
dens,  éprouva  les  premières  douleurs  de  l'enfantement  le  sa- 
medi 13  octobre  au  soir.  Une  sage-femme  appelée  reconnut 
une  position  vicieuse  de  l'enfant,  et  réclama  aussitôt  l'assis- 
tance du  docteur  Moulin.  Celui-ci,  après  être  resté  deux 
jours  auprès  de  la  malade  et  avoir  vainement  essayé  l'appli- 
cation du  forceps,  fit  appeler  le  docteur  liintot,  puis  le  pro- 
fesseur Maygrier.  Ce  dernier,  étant  absent,  fut  remplacé  par 
M.  Halma-Grand,  auquel  on  doitcette  intéressante  observa- 
tion. 

La  face  se  présentait  au  détroit  supérieur  en  première  po- 
sition; le  vertex  répondait  à  la  partie  inférieure  de  la  fosse;, 
iliaquegauche;  le  cou  et  les  pieds  étaient  dirigés  vers  la  fosse 
iliaque  droite;  le  côté  latéral  droit  verslasymphise  pubienne^  . 
et  le  côté  gauche  vers  la  symphise  sacro-vertébrale.  | 

M.  Halma-Grand  s'empressa  aussitôt  de  tenter  la  version.,. 
Il  introduisit  en  conséquence  la  main  gauche  en  supination, 
mais,  après  de  vaines  tentatives,  ne  put  parvenir  à  saisir  les 
pieds.  Les  violentes  contractions  de  la  matrice  et  la  saillie 
sacro-vertébrale,  qui  était  considérable,  gênaient  beaucoup 
la  manœuvre. 

Ce  chirurgien,  voyant  ses  efforts  inutiles,  voulut  aussitôt 
appliquer  le  forceps,  mais  ne  fut  pas  plus  heureux.  Il  pro- 
posa alors  la  céphalotomie;  perfora  le  crâne  par  la  fontanelle 
frontale,  espérant  que,  son  volume  étant  diminué  par  la  sor- 
tie de  la  substance  cérébrale,  il  pourrait  plus  facilement  aller 
à  la  recherche  des  pieds;  mais  la  tôle  ti'éprouva  aucun  chan- 
gement favorable,  et  avant  de  pratiquer  l'embryotomic,  on 
réclama  l'assistance  de  IM.  Maygrier. 

Celui-ci,  étant  arrivé,  alla  à  la  recherche  des  pieds;  mais  il 
annoni;a  aussitôt  que  l'ulérus  était  perforé,  et  que  la  main 
arrivaitdans  la  cavité  abdominale.  Cependant  il  n'y  avait  eu 
ni  hémorrhagie  ni  apparition  d'aucune  anse  intestinale;  ne 
pouvant  entraîner  les  pieds,  il  chercha  à  appliquer  le  forceps, 
et  pratiqua  des  Iraclions  vigoureuses:  mais  au  moment  où 


(133) 

l'on  croyait  que  la  tête  s'abaissait,  l'instrument  laissa  échap- 
per tout-à-coup  les  parties  qu'il  tenait  eoabrassées  et  n'en- 
Iraîna  rien  au  dehors.  Une  seconde  tentative  n'eut  pas  de  plus 
heureux  résultats. 

La  femmeétait  épuisée  par  les  souffrances,  et  M.  Maygrier, 
ne  pensant  pas  qu'on  pût  extraire  l'enfant  autrement  que  par 
l'opération  césarienne,  proposa  de  recourir  à  cette  dernière 
ressource  ;  mais  son  avis  ne  fut  pas  adopté.  La  femme  fut 
plongé©  dans  un  bain,  puis  remise  dans  son  lit. 

Le  soir,  MM.  Deneux  et  Velpeau  ayant  été  appelés,  on  se 
demanda  de  nouveau  à  quelle  ressource  extrême  on  aurait 
recours.  La  femme  était  dans  un  état  d'affaissement  qui  pré- 
sageait sa  fin  prochaine.  Les  yeux  étaient  ternes,  la  face  dé- 
colorée, l'abdomen  balloné  et  tellement  sensible  à  la  pression 
qu'elle  ne  pouvait  supporter  le  poids  de  ses  couvertures.  On 
convint  que  l'opération  césarienne  était  la  seule  quifûtpropo- 
sable,  mais  l'état  déplorable  dans  lequel  elle  se  trouvait 
la  fit  rejeter  par  tous  les  consultans,  qui  se  retirèrent  avec  la 
douleur  de  laisser  ainsi  périr  leur  malade  avant  de  l'avoir  dé- 
livrée. 

Cependant  le  lendemain  elle  vivait  encore,  et,  une  nou- 
velle réunion  ayant  eu  lieu,  M.  Velpeau  proposa  de  nouveau 
l'opération  césarienne;  mais  il  était  évident  que,  quelque  parti 
que  l'on  prît,  cette  femme  n'avait  plus  que  quelques  heures 
à  vivre.  Cet  avis  aurait  donc  été  unanimement  rejeté,  si  le 
mari,  auquel  on  fit  part  de  cette  détermination,  n'eût  sup- 
plié de  tenter  encore  cette  dernière  ressource.  La  malheu- 
reuse femme  s'y  soumit  avec  courage,  et  cette  opération  fut 
pratiquée  par  M.  Velpeau.  Le  fœtus,  qui  était  très-volumi- 
neux, fut  retiré,  non  sans  quelque  peine;  mais  la  mère,  épui- 
sée par  tant  de  douleurs,  succomba  une  heure  après  la  termi- 
naison de  cet  accouchement.  L'autopsie  ne  put  en  être  faite. 

Réflexions.  On  ne  saurait  donner  trop  de  publicité  à  des 
faits  de  ce  genre,  et  l'on  doit  quelque  reconnaissance  au 
médecin  qui  s'est  chargé  de  nous  retracer  ce  pénible  ta- 
bleau ;  mais  il  est  ù  regretter  que  son  observation  demeure 
incomplète,  puisque  nous  ignorons  depuis  quel  temps  les 
eaux  étaient  écoulées  lorsque  M.  Moulin  fut  appelé,  quelles 
tentatives  furent  faites  pour  débarrasser  la  femme  pendant 
les  deux  premiers  jours  du  travail  ;  enfin,  à  quels  moyens 
on  eut  recours  pour  faciliter  l'action  de  ces  efforts.  On  con- 
çoit de  quel  prix  ces  détails  seraient  pour  le  praticien  qui 
voudrait  être  fixé  sur  cette  question  aujourd'hui  tant  débat- 
tue :  la  version  est-elle  quelquefois  impossible,  alors  même 
que  les  eaux  sont  écoulées  depuis, peu  de  temps,  et  qu'on 


(134) 

fait  usage  de  tôuâ  les  moyens  propres  à  faciliter  cette  opé- 
ration ? 

Déjà,  dans  plusieurs  articles  de  ce  journal,  nous  avons  cité 
des  faits  qui,  s'ils  n'ont  pas  prouvé  que,  dans  certains  cas,  la 
Tersion  n'est  pas  praticable  peu  d'instaos  après  la  rupture 
des  membranes,  ont  du  moins  démontré  qu'on  avait  eu  tort 
d'avancer  que  constamment  elle  était  possible,  lorsque  les 
tentatives  étaient  faites  par  un  habile  accoucheur  (i).  Ce 
principe,  si  fécond  en  malheureuses  applications,  et  qui  tend 
à  faire  jeter  le  blâme  sur  le  chirurgien,  tandis  qu'il  ne  faut 
accuser  que  l'impuissance  de  l'art,  a  d'ailleurs  été  suffisam- 
ment réfuté,  et  nous  ne  croyons  pas  qu'aujourd'hui  on  veuille 
nier  encore  que  dans  certains  cas  la  matrice  entière  se  moule 
tellement  sur  le  corps  de  l'enfant,  qu'il  devienne  absolument 
impossible  de  faire  pénétrer  la  main  jusqu'à  son  fond.  Aux 
nombreux  faits  de  cette  espèce  déjà  rapportés,  ajoutons-en 
un  autre   que  nous  avons  observé  le  mois  dernier. 

Une  jeune  femme,  déjà  mère  de  quatre  enfans,  qu'elle 
avait  mis  au  monde  avec  la  plus  grande  facilité,  éprouva  les 
premières  douleurs  d'un  cinquième  accouchement  le  24  jan- 
vier, vers  l'heure  de  midi.  Le  docteur  Dufrénois,  ne  pouvant 
se  rendre  près  d'elle,  nousfit  prierdeleremplacer,maisnous 
n'arrivâmes  chez  celte  dame  que  sur  les  cinq  heures.  Déjà 
deux  fois  nous  l'avions  délivrée  sans  aucune  peine,  lors  d'ac- 
couchemens  antérieurs,  et  nous  nous  attendions  encore  à  la 
même  terminaison,  lorsque  le  toucher  nous  flt  reconnaître 
une  présentation  de  la  face  avec  sortie  du  bras.  La  tête  était 
engagée  dans  le  petit  bas«in,  le  front  appuyé  sur  la  cavité  co- 
tyloîde  gauche;  le  bras  droit,  passé  par-dessus  le  front,  sor- 
tait de  l'utérus  et  descendait  dans  le  vagin.  La  femme,  après 
avoir  éprouvé  de  violentes  douleur»,  était  dans  le  calme  le 
plus  parfait.  Tout  semblait  donc  devoir  se  réunir  pour  favo- 
riser la  version,  ou  faciliter  la  manœuvre  nécessaire  pour  re- 
placer l'enfant  dans  une  position  convenable.  Aussi  nous  déci- 
dâmes-nous, conjointement  avec  le  docteur  Carleaux,  qui 
arriva  peu  d'instans  après,  à  tenter  cette  opération,  dans  les 
circonstances  en  apparence  les  plus  favorables. 

La  main  gauche,  enduite  d'un  corps  gras,  fut  introduite 

sans  difliculté,  et  pénétra  jusqu'à  l'ombilic  de  l'enfant  ;  mais 

fl  semblait  que  la  matrice  bilobée  ffit  molle  et  flexible  dans 

.ta  partie  antcticarc,  et  dan*  un  état  de  contraction  permanente 

"Vers  sa  partie  poi^téricnre  :  de  façon  qu'un  cercle  fdjreux, 

"bdhtpririiànt  le  éorpfi  de  l'enfant,  s'opposait  absolument  à  ce 

•^Mt     Mil  . -, 

^^''  h)  Vny.  an.  ;?.,  f}5o,  <)Sl  •' 


(135) 

que  la  main  pénétrât  plu?  loin.  Des  efforts  plus  prolongée 
eussent  ififailliblement  amené  la  déchirure  de  la  matrice, 
comme  dans  l'observation  citée  plus  haut.  On  dut  se  borner 
alors  à  chercher  à  faire  remonter  le  bras  dans  l'utérus,  et  k 
ramener  la  tête  dans  une  position  convenable;  mais  ou  n'y 
parvint  que  d'une  manière  très-imparfaite,  et  les  premières 
contractions  qui  survinrent  remirent  la  face  à  peu  près  dans 
la  même  position. 

La  femme  fut  alors  saignée  très-largement;  de  l'huile  fut 
injectée  dans  le  vagin,  et  l'on  renouvela  les  tentatives  de 
version  sans  plus  de  succès.  Enfin  nous  la  plongeâmes  dans 
un  bain  tiède,  et  nous  demandâmes  l'assistance  de  M.  Du- 
frénois,  qui  arriva  vers  minuit.  Il  fut  décidé  qu'on  termine- 
rait l'accouchement  par  l'application  du  forceps,  quelle  que 
fût  la  position  de  la  tête  et  la  gêne  qui  devait  résulter  par 
cette  manœuvre  de  la  sortie  du  bras. 

Les  parties  génitales  internes  étaient  énormément  tumé- 
fiées, ainsi  que  le  bras  de  l'enfant;  mais,  à  la  suite  du  bain, 
la  contraction  de  l'utérus  était  devenue  moins  violente  et 
moins  continue.  Il  fut  donc  possible  de  refouler  un  peu  le 
bras  de  manière  à  faire  glisser  la  branche  mâle  du  forceps 
sur  l'occiput;  la  branche  femelle  fut  appliquée  sur  la  face; 
après  quoi  des  tractions  bien  ménagées  amenèrent  un  foetus 
très-voluraineux  que  nos  soins  ne  purent  rappeler  à  la  vie. 

La  femme,  qui  avait  souffert  toutes  ces  manœuvres  avec 
docilité  et  courage,  fut  reportée  sur  son  lit,  et  s'est  parfaite- 
ment rétablie  sans  qu'il  soit  survenu  aucun  accident  grave. 

On  trouvera  quelque  analogie  entre  cette  observation  et 
celle  que  M.  Halma-Grand  a  publiée.  Toutes  deux  ont  dé- 
montré l'impossibilité  de  faire  la  version;  et  si  nous  avons 
été  plus  heureux  que  cet  honorable  confrère,  il  faut  attribuer 
celte  heureuse  issue  à  l'espèce  de  délente  qui  est  survenue  à 
une  époque  o\\  nous  étions  loin  de  l'espérer.  Ajoutons  que, 
dans  le  cas  observé  par  nous,  la  tête  était  dans  l'intérieur 
du  petit  bassin,  ce  qui  a  permis  de  la  saisir  et  d'extraire  le 
fœtus  avec  le  forceps  beaucoup  plus  facilement  que  si  elle 
eût  été  située  à  une  grande  distance. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  avon?  dû  craindre  que  cet  accou- 
chement ne  se  terminât  comme  celui  dont  nous  avons  rap- 
porté l'histoire  à  notre  art.  ^a  ;  et  nous  demandions  déjà  quel 
parti  il  faudrait  prendre  si  Tapplication  du  lorceps  devenait 
tout-à-fail  impraticable.  L'opération  césarienne  est  une  bien 
triste  ressource  ;  l'cmbryotomic  n'ofTre  guère  plus  de  chan- 
ces favorables.  L'alternative  eût  été  embahr^sionte  ;  mais 
M.  Carteaux,  qui  avait  été  témoin  d'une  heureeêe  opération 


(136) 

pratiquée  dans  un  cas  semblable,  n'aurait  pas  hésité  à  recou- 
rir au  forceps  de  M.  Baudcloque.  Nous  rcinetlons  au  pro- 
chain cahier  à  donner  la  description  de  cet  instrument,  qui 
peut  devenir  une  ressource  précieuse  dans  les  cas  déses- 
pérés. 

ART.     10l3. 

Note  sur  l'emploi  de  l'extrait  d'aconit  napcl  dam  le  traitement 
des  affections  rhumatismales. 

M.  Gintrac  a  publié  dans  le  Journal  de  médecine  pratique 
de  Bordeaux  trois  observations  de  rhumatismes  dans  lesquels 
il  a  administré  avec  succès  l'extrait  d'aconit  napel.  On  sait 
que  cette  substance  a  été  préconisée  depuis  long-temps, 
mais  qu'un  petit  nombre  de  praticiens  seulement  en  font 
usage,  dans  la  crainte  de  susciter  des  accidens  graves  par 
l'administration  d'une  plante  vénéneuse.  M.  Gintrac  ne  pense 
pas  que  l'aconit  soit  un  poison  aussi  violent  qu'on  l'avait 
annoncé.  Il  croit  au  contraire  qu'administrée  convenablement, 
cette  plante  ne  présente  ni  inconvénient  ni  danger,  et  qu'elle 
peut  être  fort  efficace  surtout  dans  les  cas  de  rhumatisme 
chronique,  ainsi  que  dans  certaines  névralgies. 

Ce  médecin  a  'employé  l'extrait  d'aconit  dans  trois  cas 
seulement.  Il  a  suivi  la  formule  indiquée  par  M.  Lombard,  qui 
conseille  le  mode  de  préparation  suivant  :  Le  suc  de  la  plante, 
exprimé  et  soumis  à  une  légère  ébullition  pour  coaguler 
l'albumine  végétale,  est  évaporé  au  bain-marie  et  repris  par 
l'alcool,  filtré,  et  puis  de  nouveau  évaporé  à  une  douce  tem- 
pérature. 

Le  premier  malade  sur  lequel  M.  Gintrac  expérimenta  cet 
extrait  était  un  jeune  homme  de  vingt-quatre  ans  qui  depuis 
trois  ans  avait  éprouvé  plusieurs  attaques  de  rhumatisme.  A 
la  suite  d'un  exercice  violent,  il  fut  pris,  l'automne  dernier, 
d'un  rhumatisme  de  presque  toutes  les  articulations  des 
membres  supérieurs  et  inférieurs.  Les  parties  affectées  of- 
fraient beaucoup  de  douleur,  de  la  chaleur  et  de  la  tuméfac- 
tion.Il  yavait  de  la  fièvrcet  de  l'insomnie. Plusieurs  saignées, 
soit  générales,  soil  locales,  furent  pratiquées  sans  soulage- 
ment notable.  Une  potion  composée  de  douze  grains  de  tartre 
stibié  dans  douze  onces  d'eau  fut  administrée  par  cuillerée 
de  deux  heures  eu  deux  heures,  et  n'amena  qu'un  léger  sou- 
lagement. L'extrait  d'aconit  napel  fut  alors  essayé.  Le  n)alade 
en  prit  un  grain  en  quatre  pilules  dans  la  journée.  L'effet 
fut  nul.  On  donna  alors  des  pilules  d'un  grain  chacune,  et 
ce  nombre  en  fut  graduellement  porté  jusqu'à  huit  par  jour. 


L'amélioration  obtenue  fut  aussi  sensible  que  durable.  Les 
douleurs  disparurent  entièrement  au  bout  de  quelques  jours, 
et  depuis  elles  ne  se  sont  point  reproduites. 

Le  même  médicament  administré  de  cette  manière  eut  un 
succès  bien  plus  décisif  encore  chez  une  demoiselle  qui,  à  la 
suite  d'un  rhumatisme,  conservait  du  gonflement  au  genou, 
à  la  jambe  et  au  pied,  gonflement  qu'on  avait  vainement 
combattu  par  tous  les  moyens  imaginables.  Les  douleurs  et 
la  tuméfaction  se  dissipèrent  au  bout  de  trois  jours,  et  la  ma- 
lade  se  rétablit  entièrement,  sans  que  son  estomac  parût  le 
moins  du  monde  excité  par  le  médicament. 

Chez  un  troisième  malade,  la  dose  fut  portée  à  dix  grains 
en  vingt-quatre  heures.  Il  n'en  résulta  aucun  effet  narcoti- 
que, mais  ce  remède  échoua  complètement  contre  le  rhu^ 
matisme. 

Réflexions.  L'extrait  d'aconit  a  été  préconisé  par  plusieurs 
praticiens  contre  le  rhumatisme,  et  entre  autres  par  M.  Du- 
puytren,  qui  semblait  y  ajouter  une  très-grande  conOance; 
mais  il  s'en  fallait  de  beaucoup  que  la  dose  en  fût  aussi  éle- 
vée, puisqu'on  ne  dépassait  pas  en  général  un  grain  dans  la 
journée  (i).  Bien  que  cette  dose  fût  infiniment  plus  faible 
que  celle  à  laquelle  M.  Gintrac  s'est  élevé,  il  n'en  résultait 
pas  moins  chez  quelques  malades  des  accidens,  qui  souvent 
forçaient  de  suspendre  l'administration  du  remède.  Ainsi, 
nous  avons  éprouvé  nous -même  des  douleurs  d'estomac, 
des  étourdissemens  et  surtout  une  constriction  singulière  de 
la  gorge,  avec  soif  et  sécheresse  de  la  bouche;  après  avoir 
pris  l'aconit  suivant  la  formule  de  M.  Dupuytren,  les  dou- 
leurs n'en  furent  aucunement  amendées.  Nous  pourrions  ci- 
ter des  accidens  plus  graves.  Peut-être  faut-il  attribuer  à  la 
différence  de  préparation  l'inégalité  d'action  de  cette  plante 
narcotique,  à  iijoins  qu'on  ne  voulût  admettre  qu'il  en  fût 
de  cette  substance  comme  de  l'émétique,  dont  les  effets  sont 
souvent  inaperçus  à  des  doses  énormes. 

La  fréquence  des  douleurs  rhumatismales,  et  l'opiniâtreté 
avec  laquelle  elles  résistent  souvent  à  tous  les  remèdes, 
nous  ont  engagé  à  revenir  fréquemment  sur  cette  aft'ection, 
énumérant  avec  soin  tous  les  moyens  qu'on  a  proposés  pour 
la  combattre  (2).  Nous  terminerons  cet  article  en  disant 
quelques  mots  de  diverses  formules  conseillées  récemment 
dans  une  brochure  sur  le  rhumatisme,  publiée  par  M.  Lat- 
tière. 


(  1)  Voy.  art.  699. 

(2)  Voy.  arl.Si,  294»  55 2,  455,  465,  477,  545,550,627,  655,699,  9 '5, 
938. 


(i38) 

Ce  médecin  recommande,  indépendamment  des  moyens 
ordinaires  et  qui  sont  à  la  connaissance  de  tous  les  prati- 
ciens, le  Uniment  suivant  contre  le  rhumatisme  aigu  in- 
tense : 

Pr.  Feuilles  et  fruit  de  morelle  noire,  deux  onces  ; 
Fleurs  et  feuilles  de  guimauve,  une  once  ; 
Huile  d'olive,  dix  onces; 
Elher  acétique,  un  gros; 
Essence  de  bergamotte,  un  gros. 

Faites  bouillir  dans  l'huile  les  feuilles,  fleurs  et  fruits, 
pendant  demi-heure;  passez  et  ajoutez  presqu'à  froid  l'élhcr 
acétique;  mettez  dans  une  bouteille,  bouchez  et  conservez 
pour  l'usage.  La  dose  pour  chaque  friction,  pour  un  seul 
inembre,  est  de  demi-once. 

Pour  le  rhumatisme  chronique,  M.  Lattière  propose  un 
Uniment  plus  actif. 

Pr.  Feuilles  et  fruits  de  morelle  noire,  deux  onces; 
Huile  d'olive,  huit  onces; 
Ether  acétique,  trois  gros; 
Alcali  volatil,  vingt-cinq  gouttes; 
Essence  de  romarin,  demi-gros. 

La  quantité  à  employer  est  également  d'une  demi-once. 
On  peut  y  ajouter,  pour  le  rendre  plus  actif,  de  la  teinture 
de  cantharide. 

Un  grand  lïombre  d'observation»  de  rhumatismes  à  diffé- 
rens  degrés  et  dans  toutes  les  parties  du  corps,  sont  citées 
dans  cet  ouvrage,  et  M.  Latlière  assure  avoir  relire  de  très- 
bons  effets  de  ces  lininiens  employés  concurremment  avec 
les  saignées,  les  bains,  les  révulsifs  et  tous  les  moyens  con- 
seillés par  les  auteurs. 

ART.    1014. 

Eliitir  dentifrice  rouge  pour  arrêter  la  carie  dei  dents. 

Pr.     Racine  de  gentiane,  deux  onces; 
Ecorce  de  quinquina,  deux  gros; 
Gayac  râpé,  une  once; 
(Cachou  tu  poudre,  un  gros; 
Benjoin,  un  gros; 
Orcaneltc,  un  gros  et  demi  ; 
Essence  de  menthe,  quarante  gouttes  ; 
Alcool  à  3C",  une  livre. 


(  »59) 

On  coupe  en  petits  morceaux  la  gentiane;  on  concasse  !e 
kina,  le  benjoin  et  i'orcanette;  on  introduit  le  tout  dans  un 
flacon,  on  laisse  macérer  pendant  quinze  jours,  en  agitant  de 
temps  en  temps,  et  on  filtre. 

Cet  élixir  jouit  de  la  propriété  de  raffermir  les  gencives; 
il  empêche  les  progrès  de  la  carie  en  déposant  des  portions 
de  résine  sur  la  dent,  et  s'oppose  à  l'effet  malfaisant  de  l'air. 
Il  modifie  beaucoup  les  mauvaises  odeurs  de  la  bouche. 

Pour  en  faire  usage,  on  en  met  un  filet  sur  environ  deux 
onces  d'eau,  et,  avec  cette  eau,  on  se  rince  la  bouche. 

(/.  de  la  Soc.  des  se.  pliys.  et  ch.) 

ART.    101  5. 

Nouveau  procédé  pour   préparer    la   pâte   de  guimauve,   par 
M.  Pottier,  pharmacien  à  la  Ferrière-sur-Rille  (Eure). 

Le  procédé  que  j'ai  adopté  pour  |)réparer  la  pâte  de  gui- 
mauve est  plus  simple  encore  et  plus  expéditif  que  celui  qui 
est  consigné  à  l'article  5x8  de  ce  Journal,  puisque  je  n'em- 
ploie pas  la  plus  petite  quantité  d'eau. 

Pr.     Gomme  arabique  et  sucre  blanc  en  poudre  fine,  de 

chaque  une  livre; 
Blancs  d'oeufs,  n°  12; 
Eau  de  fleur  d'oranger  ou  essence  de  néroli,  quantité 

suffisante. 

Lorsque  les  blancs  d'œufs  sont  battus  en  neige,  on  incor- 
pore aujmoyen  d'un  tamis,  et  en  agitant  continuellement,  les 
poudres  de  sucre  et  de  gomme  mêlées  ;  on  porte  ensuite  sur 
le  feu,  et  l'on  agite  jusqu'à  ce  qu'on  reconnaisse  que  la  cuis- 
son soit  suffisante.  Un  quart-d'heure  suflit  pour  obtenir  la 
pâte  parfaitement  belle. 

ART.    1016. 

MÉDECINE  LÉGALE. 

Lettre  troisième. 

Consultations  médico-légales  ;  —  Par  qui  elles  peuvent  être  pro- 
voquées ;  —  Ce  qui  caractérise  ces  actes;  — De  la  réserve  qu'ils 
exigent  de  la  part  du  médecin;  —  Des  régies  à  observer  dans 
leur  confection. 

MOHSIEDR, 

Pour  vous  avoir  fait  passer  en  revue  tout  ce  qui  est  relatif  aux 


(i4o) 

divers  actes  que  l'on  est  appelé  à  faire  en  justice,  il  me  reste  à 
vous  parler  du  plus  important  et  aussi  du  plus  difficile  :  ce  sont  les 
consultations  médico-légales. 

On  donne  ce  nom  à  un  examen  approfondi  de  tous  les  rapports 
médicaux  faits  en  justice  à  l'occasion  d'une  affaire  criminelle  oa 
correctionnelle,  duquel  on  tire  des  conséquences  qui  confirment  ou 
infirment  celles  qui  ont  été  déduites  des  faits  observés  par  les  pre- 
miers experts. 

Cette  dénomination  n'est  pas  consacrée  en  justice  :  la  loi  ne  parle 
nulle  par;  des  consultations  médico-légales.  Elle  s'y  trouve  comprise 
dans  l'expression  générale  de  rapports. 

Les  consultations  médico-légales  peuvent  avoir  deux  sources  dif- 
férentes. Elles  sont  demandées  ou  par  laparlie  inculpée,  ou  par  le 
ministère  public. 

Elles  se  font  presque  toujours  avant  un  jugement  prononcé;  mais 
elles  peuvent  avoir  lieu  après,  si  la  partie  qui  a  succombé  considère 
la  cbose  comme  mal  Jugée.  Dans  ce  dernier  cas,  ce  sont  toujours 
des  affaires  très-graves  qui  y  donnent  lieu,  et  quelquefois  ces  con- 
sultations deviennent  Ja  source  de  réhabilitations  de  personnes  con- 
damnées à  des  peines  infamantes. 

Plusieurs  médecins  sont  ordinairement  consultés  à  la  fois.  Comme 
dans  le  cas  d'un  simple  rapport,  ils  sont  convoqués  par  un  magis- 
trat, et  réunis  auprès  de  lui  pour  requérir  et  recevoir  leur  accep- 
tation, ainsi  que  pour  leur  faire  prêter  serment.  Alors  on  meta  leur 
disposition  :  i"  les  différens  rapports  des  médecins  qui  ont  déjà 
été  appelés  à  donner  leur  avis  ;  2°  toutes  les  pièces  de  l'instruction 
capables  de  les  éclairer  sur  l'opinion  à  émettre. 

Les  consultations  ne  sont  pas  toujours  demandées  par  les  ma- 
gistrats qui  siègent  dans  la  ville  où  résident  les  médecins.  Ainsi, 
dans  les  affaires  très-graves,  les  assassinats,  les  empolsonnemens,  il 
arrive  souvent  que  la  justice  n'est  pas  suffisamment  éclairée  par  les 
rapports  des  médecins  qui  ont  examiné  le  corps  du  délit,  ou  bien 
qu'il  y  a  dissidence  de  manière  de  voir  entre  les  experts;  alors  la 
cctnimunicatjou  des  pièces  n'est  jamais  directe  du  magistrat  éloigné 
aux  médecins  consultés.  Le  magistrat  éloigné  adresse  à  un  juge 
d'instruction  du  lieu  une  commission  rogacoire,  pai'laquelle  il  l'invito 
a  consulter  qui  de  droit,  eu  même  temps  qu'il  lui  transmet  tout  le 
dossier  de  l'instruction.  Souvent  même  aussi  on  fait  lever  de-;  plans 
qui  retracent  la  disjtosition  des  localités  dans  lesquelles  le  crime  a 
été  commis.  Le  juge  d'instruction  rend  alors  uuu  ordonnance  qu'il 
adresse  aux  médecins  dans  la  forme  accoutumée  des  rapports  :  elle 
reproduit  les  termes  de  la  commission  rogaloir»  dans  laquelle  ont 
été  exposées  toutes  les  questions  que  les  tlébals  pourront  soulever 
par  la  suite,  en  raison  de  la  nature  de  la  cause,  et  de  la  dissiden<;e 
dans  les  ojiinions  émises. 

Vous  pouvez  voir  d'après  ces  préliminaires  qu'une  consultation 
médico-  légale  est  un  acte  dont  les  limites  sont  beaucoup  plus  éten- 
dues que  celles  d'un  rapport;  ici  il  n'y  a  pas  seulement  observation 
de  faits  et  CDncInsions.  Ces  faits  doivent  y  être  l'objet  dune  discus- 
sion, de  commentaires  ;  et  ces  <;ommentaires  seront  appuyés  de 
tous  le»  raisuQiieuicus  juges  couveuablcs,  et   de  faits  même  élran- 


(140 

gers  à  la  cause.  C'est  là  ce  qui  établit  une  différence  entre  un  rap- 
port et  une  consultation  médico-légale. 

Chaque  médecin  doit  alors  examiner  dans  son  cabinet  et  en  par 
ticulier  toutes  les  pièces  qui  lui  sont  remises;  mais  avant  de  procé- 
der à  cet  examen,  il  est  une  précaution  que  je  vous  engage  à  pren- 
dre :  elle  consiste  à  cacher  les  noms  des  premiers  rapporteurs,  de 
manière  à  ce  que  vous  les  ignoriez,  jusqu'au  moment  où  votre  con- 
sultation médico-légale  sera  complètement  terminée.  Dans  quelque 
position  que  nous  nous  trouvions  placés,  nous  nous  laissons  plus  ou 
moins  influencer  par  l'autorité  d'un  nom,  ou  par  sa  nullité.  Dans  le 
premier  cas,  nous  sommes  portés  à  faire  plier  notre  manière 
de  voir  à  celle  de  l'expert;  dans  le  second,  nous  sommes  dominés 
par  une  tendance  i\  traiter  fort  légèrement  les  opinions  émises.  La 
vérité,  la  conscience  rejettent  loin  d'elles  ces  deux  extrêmes.  Un 
homme  d'un  mérite  supérieur  peut  se  tromper;  un  médecin  dont  le 
nom  est  inconnu  souvent  a  droit  aux  mêmes  égards  que  celui  dont 
le  mérite  transcendant  s'est  fait  jour  au  dehors;  mais  ces  égards 
pour  l'un  et  pour  l'autre  ne  s'entendent  que  de  la  forme,  car  la  vé- 
rité, avec  son  écorce  rude,  doit  se  faire  jour  au  milieu  des  conve- 
nances que  les  hommes  gardent  entre  eux. 

Examinant  alors  avec  le  plus  grand  soin  chacun  des  rapports,  vous 
pèserez  à  leur  plus  juste  valeur  les  faits  qu'ils  renferment;  vous  ju- 
gerez leur  valeur  absolue  et  leur  valeur  d'ensemble;  vous  les  coor- 
donnerez pour  en  tirer  des  conclusions.  Alors  vous  comparerez  vos 
conclusions  et  l'interprétation  que  vous  aurez  donnée  aux  faits,  avec 
celles  des  premiers  experts,  et  si  elles  présentent  des  dissidences, 
vous  rechercherez  quelles  ont  pu  être  les  motifs  qui  ont  guidé  vos 
confrères  dans  leur  détermination.  Si  ce  nouvel  examen  vous  con- 
duit aux  mêmes  résultats,  alors,  fort  de  votre  conscience,  vous  per- 
sisterez dans  votre  manière  de  voir,  et  vous  l'appuierez  de  tous  les 
faits  et  de  tous  les  raisonnemens  qui  pourront  la  faire  reposer  sur 
une  base  solide. 

Vous  procéderez  ensuite  à  la  rédaction  de  votre  consultation,  qui 
comprend  quatre  parties  distinctes: 

1°  Le  préambule;  .  f 

a°  L'exposition  des  faiis^ 

3"  La  discussion  des  faits; 

4°  Les  conclusions. 

Le  préambule  est  le  même  que  dans  tout  rapport,  seulement  ici  il 
faut  tenir  compte  du  nombre  de  pièces  qui  vous  ont  été  coniiées,  et 
de  leur  espèce. 

L'exposition  des  faits  consiste  dans  un  extrait  méthodique  de 
tous  les  faits  puisés  dans  les  pièces  de  l'instruction.  11  faudra 
les  classer  par  numéros  dans  l'ordre  des  événemens  qui  se  seront 
succédé,  ou  des  observations  qui  auront  été  faites.  Ainsi  ce  sera 
un  résumé  succinct  des  circonstances  dans  lesquelles  un  crime 
aura  été  commis.  S'agit-il,  par  exemple,  d'un  empoisonnement? 
on  passera  successivement  en  revue  les  faits  qui  se  rattachent  aux 
symptômes  morbides  observés;  les  altérations  pathologiques  dé- 
crites à  l'occasion  de  l'ouverture  du  corps  ;  on  extraira  des  rap- 
ports les  preuves  chimiques  que  les  expériences  ont  fournies,  etc.,  etc. 


(142) 

Parmi  les  faits  les  plus  probans,  ceux  dont  on  veut  tirer  par  la  suite 
des  inductions,  seront  tonlignés. 

La  partie  qui  comprend  la  discussion  des  faits  est  la  plus  difficile  :  elle 
exige  de  la  part  du  médecin  beaucoup  d'instruclionet  de  sagacité;  il 
faut  qu'il  s'élève  des  moindres  preuves  à  celles  de  l'ordre  le  plus 
élevé;  qu'il  commente  les  faits, soit  isolément,  soit  réunis,  ou  groupés 
deux  a  deux,  trois  à  trois,  etc.  C'est  alors  qu'il  peut  puiser  dans 
le  domaine  de  la  science  toutes  les  preuves  à  l'appui  de  la  valeur 
qu'il  leur  donne  ;  tous  les  faits  étrangers  à  la  cause,  mais  qui  offrent 
quelque  similitude  avec  elle.  Ces  faits,  pris  dans  les  auteurs  les  plus 
recommandables,  donnent  ordinairement  beaucoup  de  poids  aux 
consultations.  Il  peut  se  livrer  a  des  expiricuces  sur  les  animaux, 
à  des  recherches  chimiques  nouvelles  ;  en  un  mot,  dans  cette  discus- 
sion, il  n'y  a  pas  de  bornes  tracées,  pas  de  limites  posées  à  l'expert, 
et  plus  il  fournira  de  documens,  plus  il  éclairera  l'objet  de  la  dis- 
cussion. Aussi  est-ce  dans  cette  partie  de  la  consultation  qu'il  peut 
faire  valoir  l'autorité  des  médecins  légistes  appelés  à  résoudre  de 
semblables  questions.  Il  en  est  en  médecine  légale  comme  en  juiis- 
prudeuce:  dans  les  cas  difficiles,  on  cherche  des  analogies  dans  les 
temps  éloignés  de  nous,  et  duns  les  jugemens  rendus  antérieure- 
ment, pour  appuyer  de  nouveaux  faits  et  tirer  les  magistrats  de  la 
route  incertaine  dans  laquelle  ils  peuvent  être  engagés. 

Eulin  les  conclusions,  qui  sont  la  conséquence  de  la  discussion 
précédente,  seront  exposées  avec  clarté;  mais  dans  les  consultations 
médico-légales  elles  doivent  être  indispensablement  motivées:  aussi, 
après  chacune  d'elles,  doit-on  rappeler  les  numéros  d'ordre  qui 
ont  été  apposés  à  chaque  fait  de  la  seconde  partie  ou  de  la  troi- 
sième. 

Ces  conclusions  ne  resteront  pas  isolées  :  il  faudra  les  faire  suivre 
d'un  commentaire  qui  fasse  ressortir  en  quoi  elles  diffèrent  des  con- 
clusions des  premiers  experts. 

Cet  aperçu  sommaire  des  règles  à  observer  dans  la  confection 
des  consultations  médico-légales  doit  suffire  pour  faire  établir  les 
différences  qui  existent  entre  cet  acte  et  les  rapports  :  il  donne  aussi 
une  idée  de  son  importance;  les  consulta  '  )ns  médico-légales  exigent 
non-seulement  de  la  sagacité,  mais  encore  -de  l'instruction,  et  l'on 
peut  dire  une  instruction  spéciale,  puisée  dans  la  pratique  ue  la 
médecine  légale  et  dans  la  lecture  des  auteurs  qui  ont  écrit  sur  celte 
matière.  Ëniiu  nous  ferons  observer  qu'une  fois  entrés  dans  le 
champ  des  consultations,  les  magistrats  ou  les  parties  intéressées  ne 
se  tiennent  pas  toujours  à  un  seul  avis,  en  sorte  que  l'on  ne  saurait 
apporter  trop  de  réserve  dans  l'infirmation  des  faits, et  trop  d'impar- 
tialité dans  le  jugement  que  l'on  porte. 

Terminons  ces  détails  par  une  remarque  utile:  Lorsque  les  par- 
lies  inculpées  demandent  une  consultation  médico-légale,  ils  la  veu- 
lent capable  de  militer  en  leur  faveur  dans  la  défense.  Le  médecia 
joue  donc  ici  le  rôle  d'avocat  ;  ce  rôle  a  des  bornes,  et  souvent  l« 
médeciu  abandonne  le  caractère  honorable  dont  il  est  revêtu,  lors- 
que, contre  sa  conscience,  il  prend  les  faits,  les  isole  ou  les  rapjjro- 
che  au  licsoiu,  les  dispose,  i  ii  un  mot,  de  manière  a  leur  donner 
moins  de  valeur  s'ils  sont  à  la  charge  de  l'accusé,  et  plus  d'impor- 


(145) 

tance  s'ils  peuvent  atténuer  sa  culpabilité.  Que  le  médecin  soit  ap- 
pelé par  l'accusé,  qu'il  soit  appelé  par  l'autorité  judiciaire,  le  résul- 
tat doit  être  le  même,  la  stricte  appréciation  desjaits  à  leur  juste  va- 
leur. 11  est  cependant  une  nuance  de  partialité  autorisée  par  le  de- 
voir, elle  concerne  les  cas  douteux;  alors  la  balance  doit  toujours 
pencher  en  faveur  de  l'accusé.  A  plus  forte  raison,  si  des  conclusions 
ne  reposent  pas  sur  une  base  solide:  le  médecin  doit  dans  ce  cas  les 
combattre  avec  force,  et  faire  entrevoir  aux  magistrats  les  fausses 
conséquences  auxquelles  ils  pourraient  être  conduits.  En  un  mot, 
c'est  dans  les  consultations  médico-légales  que  le  médecin  peut 
mettre  au  jour  sou  caractère  d'homme  probe,  impartial,  inaccessi- 
ble aux  passions  comme  à  la  clameur  publique.  Qu'il  ait  donc  tou- 
jours présentes  à  l'esprit  les  qualités  qu'il  doit  posséder,  et  qu'on 
puisse  dire  de  lui  ce  qu'on  disait  de  Mahon,  vir  probus  par  excel- 
lence, âme  forte  sans  exaltation,  cœur  bon  et  sensible  sans  faiblesse, 
mœurd  pures  et  douces,  franchise  iualtérable,  sens  droit,  jugement 
exquis,  érudition  vaste. 

L'espace  me  manque  pour  vous  donner  l'exemple  d'une  consul- 
.ation  médico-légale,  elle  commencera  ma  première  lettre.      A.  D. 

VARIÉTÉS. 

M.  Dupuytren  est  mort  le  8  février  à  l'âge  de  cinquante-six  ans.  II 
était  né  à  Pierre-Buffière  le  3  octobre  1777,  fut  nommé  prosecteur  ea 
1795, lorsde  Ift  réorganisation  de  l'école, et  avant  l'âge  de  dis-huit  ans  ; 
chef  des  travaux  anatomiques  en  1801,  chirurgien-adjoint  de  l'Hotel- 
Dieu  en  i8o3,  professeur  de  médecine  opératoire  en  1812,  professeur 
de  clioique  chirurgicale  eni8i5,et  chirurgien  en  chef  de  i'IIùlel-Dieu 
en  1818. 

On  sait  que  le  célèbre  chirurgien  de  l'Hùtel-Dieu,  atteint  à  la  fin  de 
l'aunée  iS35  d'une  paralysie  de  la  face,  avait  été  faire  un  voyage  en 
Italie,  d'où  il  n'était  revenu  qu'imparfaitement  guéri.  Bien  qu'il  eût 
repris  le  cours  de  ses  leçons  et  que  même  il  eût  présidé  un  concov.rs, 
se»  traits  n'avaient  plus  leur  ancienne  expression,  et  sa  démarche  restait 
chancelante  et  mal  assu^iTe  ;  cependant  il  paraît  que  l'épanchement 
cérébral  n'a  été  pour  rien  dans  sa  fin  prématurée,  et  que  la  mort  a  été 
due  à  une  pleurésie  qui  s'est  terminée  par  épancheuieut.  A'oici  les  dés- 
ordres cadavériques  trouvés  à  l'ouverture  de  son  corps  : 

Corps  d'un  homme  fortement  et  régulièrement  constitué.  Infiltra- 
tion considérable  des  extrémités  inférieures.  Le  visage  est  amaigri  et 
conserve  l'expression  de  calme  sévère  qu'il  avait  avant  la  mort.  Un 
trois-quarts  ayant  été  plongé  dans  le  côté  droit  de  la  poitrine,  il  s'en 
est  écoulé  quatre  pintes  environ  d'une  sérosité  trouble,  assez  sembla- 
ble à  du  petit-lait  non  clarifié;  le  cùté  gauche  en  contenait  une  demi- 
pinte  environ.  La  plèvre  était  épaissie  et  recouverte  de  fausses  membra- 
nes. Le  cœur  était  hypertrophié.  La  cavité  du  ventricule  gauche  aurait 
Eu  contenir  un  gros  œuf  de  poule  ;  ses  parois  avaient  neuf  lignes  à  la 
ase  et  six  lignes  à  la  partie  moyenne.  La  cavité  du  ventricule  droit 
était  un  peu  plus  ample  que  celle  du  cùté  gauche. 

Les  organes  abdominaux  n'offraient  rien  de  remarquable,  à  l'excep- 
tion des  reins,  dont  le  tissu  était  ramolli,  et  qui  contenaient  plusieurs 
graviers. 

Les  deux  moitiés  de  la  voîite  du  crâne  offraient  un  défaut  de  symé- 
trie, la  moitié  gauche  étant  plus  ample  que  la  droite.  Le  cerveau,  le 
cervelet,  la  protubérance  annulaire  et  la  moi'ile  alongée,  pesaient  en- 
semble deux  livres  quatorze  onces  ;  le  cervelet  seul  pesait  quatre  onces 
cinq  gros. 


(i44) 

Le  cerveau  a  présenté  quelques  traces  de  l'ancien  épanchement  dans 
le  corps  strié  des  deux  côtés. 

Conforuiémcut  au  vœu  de  M.  Dupuytren,  l'ouverture  de  son  corps 
a  été  faite  par  les  internes  de  riIôtel-Dieu,  MM.  Tlul'z  et  Teissier,  sous 
le»  yeux  dt;  MM.  Broussais,  Cruveilhier,  Husson  et  Bouillaud. 

Les  obsèques  ont  eu  lieu  le  lo  février  :  une  foule  immense  entourait 
le  cercueil.  En  sortant  de  l'éjjlise,  les  élèves  qui  avaient  porté  le  corps 
sur  leurs  épaules  depuis  le  chœur  jusque  sur  le  char,  ont  dételé  les  che- 
Taux  et  traîné  eux-mêmes  le  char  jusqu'au  cinieliùre  du  Pèrc-Lachaise. 
Arrivés  à  la  dernière  demeure,  M.  Orfila,  au  nom  de  la  Faculté  de  mé- 
decine, M.  Larrey»  an  nom  de  l'Académie  des  sciences,  M.  Pariset,  au 
nom  de  l'Académie  de  médecine,  M.  Bouillaud,  M.  Royer-Collard  et 
M.  Teissier,  interne  de  i'IIôtel-Dieu,  ont  successivement  prononcé  des 
discours.  Il  était  près  de  quatre  heures  quand  le  cortège  s'est  retiré. 

La  mort  de  M.  Dupuvtren  laisse  une  place  vacante  à  l'Institut,  à  la 
Faculté  et  à  l'IIùtel-Dieu  :  on  annonce  que  M.  le  professeur  Roux  va 
quitter  la  Charité  pour  le  remplacer  À  l'Hùtel-Dieu.  On  parle  aussi  de 
permutations  qui  nécessiteraient  un  concours  pour  une  chaire  de  pa- 
thologie, au  lieu  d'une  chaire  de  clinique. 

M.  Dupuytren  avait  un  tel  amour  de  son  art  qu'il  a  donné  des  con- 
sultations jusqu'au  dernier  moment.  On  rapporte  que  la  veille  de  sa 
mort  il  s'est  fait  lire  son  journal  comme  à  l'ordinaire,  voulant,  disait-il, 
porter  là-haut  des  nouvelles  de  ce  monde. 

On  évalue  la  fortune  laissée  par  le  chirurgien  de  l'Hùtel-Dicu  à  sept 
millions.  11  lègue  à  la  Faculté  par  son  testament  la  somme  de  200,000  fr., 
destinée  à  fonder  une  chaire  d'analomie  pathologique,  qui  <lf)it  être 
occupée  par  son  ami  M.  Cruveilhier.  MM.  San>on  et  Bégin  doivent 
terminer  son  mémoire  sur  la  taille.  11  a  laissé  ses  instrumeus  de  chirur- 
gie à  M.  Marx,  et  sa  bibliothèque  à  son  neveu.  Enfin,  par  une  dernière 
volonté,  il  a  légué  son  corps  à  MM.  Broussais  et  Cruveilhier. 

—  La  Faculté  de  Sirasbourg  vient  aussi  de  faire  une  perte  cruelle 
dans  la  personne  de  M.  le  piofesseur  Fodéré,  mort  à  Sirasbourg  le  3 
février.  M.  Fodéré  était  né  en  1764  .i  S;iint-.Tean-de-Maurienne  en  Sa- 
voie. Il  prit  ses  degrés  à  l'Université  de  Turin,  et,  lorsque  la  Savoie  fut 
réunie  à  la  France,  il  fut  attaché  à  l'armée  j  y  remplit  des  IbnctioDS 
importantes.  Rendu  à  la  vie  civile,  il  fut  successivement  professeur  de 
chimie  et  de  physique  à  l'école  centrale  des  Hautes  Alpes,  médecin  de 
l'Uùtel-Dieu  de  Marseille,  de  l'hospice  des  aliénés  i  e  la  même  ville. 
Enfin,  en  1814,  il  obtint  par  concours  la  chaire  de  u.édecine  légale  à 
la  Faculté  de  Slrasbourfç. 

Ce  savant  et  laborieux  professeur  a  publié  un  grand  nombre  d'ouvra- 
ges fort  répandus  encore  aujourd'hui.  Le  plus  r<miari(iiable  de  tous  est 
son  Traité  d'Iiygicncet  de  médecine Icf^a/c,  qui  a  valu  à  son  uuleur  une  im- 
mense réputation.  Quoique  arrivé  h  un  âge  très-avancé,  M.  Fodéré  pre- 
nait connaissance  de  tous  les  ouvrages  nouveaux,  et  publiiit  encore^ 
quelquefois  le  résultat  de  sa  longue  «■xpi'-rienec.  Son  amour  pour  la 
scii'nce  lui  faisait  encourager  toutes  les  entrepii>es  qu'il  jugeait  devoir 
être  de  quelque  utilité,  et,  pour  notre  part,  nous  ne  saurions  oublier  le» 
sages  conseils  qu'il  nous  a  donnés  lors  de  la  création  de  ce  Journal,  et 
i'ol)ligeant  appui  qu'il  nous  a  [-.rêté  pour  le  succès  de  cette  entreprise. 
—  Une  ordonnance  du  roi  du  20  janvier  porte  ■  qu'il  n'y  aura  plus  à 
l'avenir,  dans  le  sein  de  l'Académie  royale  de  Médecine,  qu'une  seule 
classe  de  menibrcb  résidau;;,  jouissant  tous  des  mêmes  droits  et  préru- 
gatircB.  • 


(.45) 


ART.     1017. 

Considérations  pratiques  sur  les  bouts  de  sein  artificiels  et  les 
biberons  usités  de  nos  jours. 

L'attention  de  l'Académie  a  été  attirée  sur  les  bouts  de 
sein  artificiels,  par  une  demande  du  ministre  qui  désirait 
savoir  si  les  bouts  de  sein  et  biberons  en  tétine  de  vache  con- 
fectionnés par  madame  Breton  pouvaient  remplir  les  usages 
auxquels  cette  dame  les  destinait?  Cette  demande  avait  été 
faite  dès  l'année  i853,  et  si  la  réponse  de  l'Académie  a  été 
si  tardive,  c'est  que  les  rapporteurs  se  sont  livrés,  avant  de 
conclure,  à  de  très-longues  recherches  et  à  des  expériences 
variées.  Un  premier  rapport,  en  effet,  avait  été  lu  par  M.  De- 
neux,  et  ce  chirurgien  avait  passé  en  revue  dans  son  travail 
tous  les  moyens  usités,  depuis  les  temps  les  plusreculés,  pour 
faciliter  l'allaitement,  soit  naturel,  soit  artiflciel.  Il  avait  con- 
clu que  les  bouts  de  sein  confectionnés  par  madame  Breton 
n'étaient  pas  d'invention  nouvelle,  et  que  de  plus  ils  avaient 
de  graves  inconvéniens,  tels  que  de  déterminer  souvent  le 
muguet  chez  les  enfans,  et  de  répandre  au  bout  de  quelques 
jours  une  odeur  tellement  infecte,  que  l'enfant  refusait  de  les 
prendre.  De  plus,  ces  bouts  de  sein  étaient  d'un  prix  exor- 
bitant, puisqu'en  vertu  d'un  brevet  d'invention,  cette  dame 
vendait  pour  6  fr.  ce  que  d'autres  fabricans  proposaient  de 
vendre  pour  7  sous. 

C'est  cette  concurrence,  illégale  suivant  madame  Breton, 
qui  avait  motivé  la  demande  du  ministre;  car  cette  dame 
ayant  fait  condamner  comme  contrefacteurs  ceux  qui  avaient 
mis  en  vente  des  bouts  de  sein  à  peu  près  semblables,  à  un 
prix  de  beaucoup  inférieur,  le  gouvernement  a  roulu  s'assu- 
rer du  degré  d'utilité  do  cette  invention  (  1  ). 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  conclusions  de  M.  Deneux  ne  furent 
point  adoptées  par  l'Académie,  et  M.  Paul  Dubois  fut  chargé 
de  faire  un  nouveau  rapport.  Ce  chirurgien,  dans  la  séance 
du  22  février  dernier,  après  avoir  balancé  les  avantages  et 
les  inconvéniens  de  ces  bouts  de  sein,  a  conclu  eu  faveur 


(1)  Depuis  cette  époque,  les  fabricans,  ayant  interjeté  appel,  ont 
fjairné  leur  procès  devant  la  Cour  royale,  et  la  déchéance  du  brevet  de 
niadauic  Urcton  a  été  prononcée. 

TOM.    VI.  —   N"   D'AVRIt.  10 


(146) 

de  madame  Breton  ;  mais  il  n'a  pas  été  plus  heureux  que  son 
prédécesseur,  car  l'Académie  a  cru  devoir  ajouter  à  ces  con- 
clusions qu'ils  ne  valaient  pas  mieux  que  d'autres  destinés  au 
même  usage.  Il  est  même  résulté  de  la  discussion  qu'ils  va- 
laient beaucoup  moins,  et  nous  pensons  que  les  praticien? 
verront  avec  intérêt  un  court  résumé  des  recherches  qui  ont 
été  faites  à  ce  sujet. 

On  connaît  l'utilité  des  bouts  de  sein  artificiels;  chacun 
sait  que  c'est  surtout  un  moyen  excellent  de  guérir  les  fissu- 
res, de  former  et  d'alonger  le  mamelon  ;  mais,  pour  remplir 
cette  fonction,  plusieurs  conditions  sont  nécessaires  ;  ainsi  :  la 
partie  que  l'enfant  saisit  dans  sa  bouche  doit  être  molle, 
flexible  et  se  rapprocher  le  plus  possible  de  la  nature  du 
mamelon;  cependant  il  faut  qu'elle  offre  une  certaine  résis- 
tance, car  si  elle  s'affaissait  trop  facilement,  les  conduits  se- 
raient obstrués  et  le  lait  ne  coulerait  plus.  On  a  employé  di- 
verses substances  ù  cet  elfet,  mais  aujourd'hui  la  téliiio  de 
vache,  le  caoutchouc  et  le  liège  sont  presque  le^  seules  dont 
l'usage  soit  général. 

Les  bouts  de  sein  en  tétine  de  vache  ont  été  employés  il 
y  a  plus  d'un  siècle,  mais  ce  n'est  guère  que  depuis  (jue  ma- 
dame Breton  s'est  occupée  de  leur  confection  par  un  pro- 
cédé qu'elle  tient  secret,  que  ces  bouts  ont  été  généralement 
adoptés.  Bien  qu'ils  fussent  de  beaucoup  supérieurs  à  tout  ce 
qu'on  avait  fait  jusqu'alors,  ils  ne  laissaient  pas  que  d'avoir 
d'assez  nombreux  inconvéniens,  dont  le  principal  était,  ainf<i 
que  nous  le  disions,  d'offrir  bientôt  une  odeur  de  putridité  in- 
supportable, de  manière  rju'il  devenait  nécessaire  de  les  rem- 
placer fréquemment,  ce  que  toutes  les  femmes  ne  pouvaient 
pas  faire,  attendu  leur  prix  exorbitant. 

M.  le  comte  de  Perrochelles,  dans  un  but  uniquement  de 
philantropie,  fit  confeclioimer  des  botits  à  peu  près  sembla- 
bles, qu'il  put  distribuer  au  prix  modique  de  7  sou''.  Ces 
bouts  étaient  mieux  conformés  que  ceux  fournis  par  ma- 
dame Breton;  mai»  celte  dernière  l'ayant  fait  condamner 
comme  contrefacteur,  le  public  fut  privé  de  celte  utile  con- 
çu rreoce. 

Enfin  31.  Paquc,  pharmacien  à  Orléans,  fit  égalemeiit  des 
bonis  de  sein  avec  la  léline  de  vache,  et  les  lribii:iaux 
l'ayant  autorisé  à  en  couliniier  le  débit,  on  peut  aujour- 
d'hui se  les  procurer  à  un  lrè>.-bas  prix.  Quel  ([u»;  soil  au 
n-slc  le  morle  rh; préparation  a(lo{)Lé  parce  phariuaficn,  il  est 
probable  que  cette  S(jb.stance  animale  doit  se  décompa^er 
loujdiiis  assez  rapidement,  lépandre  une  odeur  infecte,  et 


(»47) 
avoir  d'ailleurs  riiicouvûiiicuL  cxtrêineineot  grave  de  cau- 
sei"  ie  dèveloppcinenl  du  muguet. 

Les  mamelons  eu  caoutchouc  sout  assez  répandus.  Ils 
sont  aujourd'hui  fort  bien  fabriqués,  mais  ils  ont  une  odeur 
repoussante,  ce  qui  fait  que  beaucoup  d'cufaas  refuseut  de 
les  prendre  dans  leur  bouche. 

Mais  il  est  une  autre  espèce  de  mamelons,  qui  laissent 
bien  loin  derrière  eux  tous  ceux  qu'on  avait  faits  jusqu'à  ce 
jour  :  ce  sout  les  mamelons  en  liège  que  fabrique  31.  Dar- 
bot.  iU.  Vcipeau  en  a  rendu  un  compte  très-favorable  à  l'A- 
cadéuiie,  et  dans  la  discussion  qui  vient  d'avoir  lieu,  MM  Mo- 
reau,  Ueueux,  Naoquart  et  Girardin  en  ont  fait  le  plus  grand 
éloge.  Ce  mamelon,  en  effet,  n'est  point  susceptible  de  putré- 
fuctiou  et  n  a  point  d'odeur  désagréable.  Le  liège  bien  pTé- 
pare  ollre  aux  geucives  de  i'enfaut  une  substance  molle  qu'il 
peulpi'easer  iuipuuément;  en  un  mot,  ce  mamelon  est  sans 
contredit  celui  qui  approche  le  plus  de  la  perfection,  et  il 
n'a  d'autresiiiconvèuiens  que  ceux  qui  sont  attachés  al  usage 
de  tous  les  bouts  de  sein  artiliciels. 

Parmi  ces  inconvènieus  est  celui  de  nécessiter  un  cer- 
tain elTort  de  succion,  qui  fait  que  les  enfans  sont  toujours 
beaucoup  pius  iong-lemps  à  vider  le  sein  que  lorsqu'ils  sai- 
sissent le  uiamelon  à  nu.  Ce  sont,  suivant  M.  Moreau,  ces 
eflbrts,  plus  encore  que  le  conla'jt  d'un  objet  dur  et  inégal, 
qui  déterminent  le  développement  du  muguet. 

Malgré  ces  inconvéniens,  il  est  des  circonstances  dans  les- 
quelles ces  mamelons  sont  vraiment  d'une  très-grande  utilité: 
ils  sont  presque  indispensables  lorsque  des  gerçures  sont  sur- 
venues, car,  avec  leur  secours,  l  allaileuienl  s'opère  sans 
douleur  et  sans  que  la  cicatrice  qui  commence  à  se  former 
soit  rompue. 

Les  méiucs  substances  que  nous  avons  indiquées  ont  été 
employées  pour  la  confection  des  divers  biberons  en  usage 
dans  l'a. laitem<;ntartiûciel;  maisTappareilde  M.  l>arbot,  qui 
présente  un  bouchon  en  liège  pouv.mt  s'adapter  .i  toute  es- 
pèce de  carafon,  est  encore  bien  supérieur  a  tous  ceux  qui 
ont  été  proposés  jusqu'à  ce  jour. 


A.RT.    1018. 

Obscroations  tendant  à  dcmonlvcr  les  bons  effets  t/icrapculitjacs 
de  la  ijncope. 

Ua  bomme  âgé  de  treale-huit  ans,  doué  d'une  consti- 


(148) 

tution  vigoureuse  et  d'un  tempérament  sanguin,  fut  pris 
d'une  céphalée  affreuse,  accompagnée  de  tous  les  signes  les 
plus  évidens  d'une  forte  congestion  cérébrale,  tels  que  ver- 
tiges, obscurcissement  de  la  vue,  chute  des  paupières,  tin- 
temens  d'oreilles,  aberration  dos  facultés  mentales.  Deux 
fortes  saignées  au  bras,  des  sangsues  à  l'anus,  des  sina- 
pismes,  des  réfrigérans  sur  la  tête,  n'ayant  pu  arrêter  la 
céphalée  ni  les  signes  de  congestion,  M.  Labat  se  décida 
aussitôt  à  provoquer  la  syncope,  et  il  suffit,  pour  cet  effet, 
de  faire  prendre  au  malade  un  pédiluve  chaud,  et  de  l'y  sou- 
tenir debout  durant  quelques  instans.  La  syncope  ne  tarda 
pas  à  se  manifester,  et  le  malade  ne  fut  rappelé  à  lui  qu'au 
bout  d'une  minute  environ,  afin  que  le  dégorgement  cé- 
rébral eût  le  temps  de  s'opérer,  après  quoi  la  céphalée  et  la 
congestion  furent  guéries  comme  par  enchantement.  Le 
lendemain  le  rétablissement  était  complet. 

M.  Labat  a  eu  recours  à  la  syncope  dans  un  grand  nombre 
d'autres  circonstances. 

Un  homme  éprouva  pendant  la  nuit  des  signes  d'une  forte 
congestion  cérébrale,  qui  se  termina  par  un  saignement  de 
nez  très-abondant.  En  peu  de  temps  il  s'écoula  une  quantité 
énorme  de  sang.  Quand  M.  Labat  fut  appelé,  la  faiblesse 
était  telle  qu'il  n'osa  pas  ouvrir  la  veine  du  bras,  et  encore 
moins  tamponner  les  fosses  nasales,  de  peur  de  ramener  les 
signes  d'apoplexie.  Malgré  l'inquiétude  et  l'effroi  des  pa- 
rens,  ce  médecin  se  décida  à  provoquer  la  syncope,  qui  fut 
prolongée  pendant  le  temps  nécessaire  à  la  formation  d'un 
caillot  et  à  la  cessation  de  la  congestion  cérébrale.  Le  ma- 
lade, après  avoir  repris  ses  sens,  se  trouva  à  la  fois  débar- 
rassé de  sa  congestion  et  de  son  hémorrhagie. 

Le  même  moyen  fut  encore  employé  chez  un  jeune  homme 
qui,  pendant  le  cours  d'une  gastro-céphalite-typhoïde,  fut 
pris  d'un  épislaxis  très-considérable,  et  chez  une  jeune 
femme  qui,  à  la  suite  d'un  avorlement,  avait  une  hémor- 
rhagie abondante.  Le  résultat  de  la  syncope  fut  absolument 
le  même  que  dans  l'observation  précédente. 

M.  Labat  a  eu  recours  à  la  syncope  dans  un  autre  but,  et  a 
réussi  aussi  complèlemcnl  que  le  docteur  Wardrop,  dont  les 
observations  sont  rapportées  à  notr»;  art.  778. 

Un  jeune  homme  portait  autour  du  prépuce  des  excrois-» 
sauces  vénériennes,  qu'il  ne  pouvait  se  décider  à  laisser  en- 
lever. Ayant  pris  un  prétexte  spécieux  pour  lui  pratiquer 
iMic  saignée,  ce  médecin  poussa  l'évacuation  sanguine  jus- 
qu'à la  '-yncopo,  et,  profilant  de  ce  moment  favorable, 
excisa  les  tumeurs  en  question  sans  lui  faire  éprouver  de 


(»49) 
douleur.  La  guérison  s'opéra  avec  une  grande  rapidité.  Il  ea 
fut  de  même  d'une  jeune  demoiselle,  qui  portait  un  ché- 
mosis,  accompagné  d'un  tel  boursouflement  de  la  conjonc- 
tive, que  tout  espoir  de  conserver  la  vue  paraissait  à  jamais 
perdu.  Une  laigc  saignée  du  bras  ayant  été  pratiquée  pen- 
dant que  la  malade  restait  debout,  la  syncope  survint,  les 
yeux  prdircnt  et  leur  dégorgement  s'opéra  rapidement.  On 
profita  de  ce  moment  pour  exciser  quelques  replis  de  la  con- 
jonctive, et  lorsque  cette  jeune  fille  reprit  ses  sens,  elle  se 
trouva  débarrassée  des  cruelles  douleurs  qu'elle  ressentait 
auparavant;  à  partir  de  ce  moment  son  affection  marcha 
comme  une  simple  ophtalmie.         (An/i.  de  la  méd.  phys.) 


ART.   1019. 


Note  sur  l'emploi  de  la  digitale  dans  le  traitement  de  la  phlldsic 
pulmonaire. 


M.  Bayle  a  publié  dans  la  Revue  médicale  quelques  obser- 
vations tendant  à  prouver  l'efficacité  de  la  digitale  dans  cer- 
tains cas  de  phthisie  pulmonaire;  ces  observations  sont  ex- 
traites d'un  auteur  anglais,  médecin  de  l'hôpital  de  Ply- 
moulh,  appelé  Magennis. 

Vers  la  fin  de  l'année  1799,  ce  médecin  ayant  été  chargé 
de  traiter  des  prisonniers  français,  il  s'en  trouva  huit  atteints 
de  phlhijie  pulmonaire.  Chez  six  d'entre  eux  la  maladie  était 
au  dernier  degré,  et  chez  les  deux  autres  elle  parcourait  le 
second  degré.  Tous  les  huit  furent  mis  à  l'usage  de  la  digi- 
tale, administrée  sous  forme  de  teinture;  ils  prirent  ce  re- 
mède pendant  trois  semaines,  et  au  bout  de  ce  temps  leur 
élat  était  con>idérablement  amélioré  :  la  toux  était  moins  fré- 
quente, l'expectoration  avait  diminué  de  moitié.  Les  sueurs 
nocturnes  avaient  entièrement  disparu,  excepté  chez  un  seul 
malade  ;  chez  tous,  le  pouls,  qui,  avant  le  traitement,  battait 
cent  dix  fois  par  minute,  était  descendu  à  soixante-cinq  pulsa- 
tions, et  les  douleurs  qu'ils  éprouvaient  dans  le  thoraxétaient 
tout-à-fait  calmées.  Mais  le  temps,  qui  jusque  là  avait  été 
doux,  devint  tout-à-coup  très-froid,  et  ce  changement  subit  de 
l'atmosphère  fit  reparaître  la  toux,  augmenta  l'expectoration 
et  tous  les  autres  symptômes.  Sur  ces  huit  malades  il  en  périt 
cinq,  deux  furent  entièrement  rétablis,  et  le  huitième  fut 
très- soulagé.  Les  deux  sujets  qui  guérirent  étaient  moins 


(i5o) 

malades  que  les  autreti,  quoique  leur  expectoration  fût  pu- 
rulente. 

M.  Magennis  ayant  été  peu  de  temps  après  chargé  du  ser- 
vice de  l'hôpital  royal  de  la  marine  à  Plymouth,  traita  pen- 
dant dix  mois  un  nombre  considérable  de  inaiinsphlhisiques. 
Il  choisit  parmi  eux  soixante-douze  individus  atteints  de 
phthisie  pulmonaire  commençante  ou  confirmée,  et  leur  fit 
prendre  la  digitale.  Voici  les  résultats  de  ce  traitement  ; 
vingt-quatre  malades  étaient  dans  le  premier  degré  de  la 
phthisie;  il  n'en  mourut  aucun  ;  neuf  furent  soulagés,  quinze 
guérirent.  Quarante-huit  étaient  arrivés  au  troisième  degré, 
il  en  mourut  dix,  treize  furent  soulagés,  vingt-cinq  guéri- 
rent. Voici  une  observation  qui  fera  comprendre  la  manière 
dont  ce  médecin  administrait  la  digitale. 

Le  malade  âgé  de  vingt-huit  ans,  atteint  de  phthisie  pul- 
monaire au  dernier  degré,  entra  à  l'hôpital  le  12  août  1800. 
Il  avait  depuis  plusieurs  mois  une  toux  continuelle  et  fati- 
gante, avec  douleur  aux  côtés  de  la  poitrine.  Les  crachats 
étaient  abondans,  d'une  matière  purulente,  verte,  extrê- 
mement fétide  et  quelquefois  mêlée  de  sang.  Le  malade, 
dont  la  respiration  était  laborieuse,  ne  pouvait  rester  couché 
sur  le  dos;  le  pouls  battait  cent  huit  fois  par  minute. 

Le  jour  même  de  son  entrée,  cet  homme  fut  mis  à  l'usage 
de  la  ieinture  de  digitale,  donnée  ù  la  dose  de  sept  gouttes 
chaque  quatre  heures,  et  étendue  dans  une  mixture  de  blanc 
de  baleine  et  de  teinture  d'opium.  Le  troisième  jour,  la  dose 
ayant  été  portée  jusqu'à  quarante  gouttes,  il  vomit  environ 
une  demi-pinte  de  matières  de  mauvaise  qualité.  Les  sei- 
iième,  dix-septième  et  dix-huitième  jours,  la  dose  fut  élevée 
de  dix  gouttes  par  vingt-quatre  heures.  Le  dix-neuvième 
jour  on  donnait  la  teinture  à  la  dose  de  cent  gonllcs;  il  n'en 
résulta  que  de  légères  nausées,  le  pouls  était  descendu  à 
(iu;itre-vingt-dix  pulsations.  On  continua  d'augmenter  gra- 
duellement la  dose,  et  le  vingt-cinquième  jour,  elle  était 
portée  à  cent  cinquante  gouttes.  Le  pouls  marquait  soixante- 
dix-huil  pulsations,  les  crachats  étalent  moins  abondans  cl 
moins  fétides.  Le  vingt-huitième  jour  (}n  donna  cent  quatre- 
vin"-ts  gouttes,  il  en  résulta  des  nausées  et  des  vomissemens, 
qui  forcèrent  à  baisser  la  dose  à  cent  trente  gouttes.  Le  pouls 
ne  battait  plus  que  quarante-huit  fois.  On  continua  ainsi  à 
varier  la  dose  de  la  teinture,  depuis  cent  trente  jusqu'à  deux 
cents  gouttes,  suivant  qu'elle  déleruiinait  plus  ou  nmins  de 
vertiges,  de  nausées,  etc.  Le  poul.s  fut  constamment  maintenu 
dans  uu  étal  de  lenteur  remarquable,  et  tous  les  accidcns  se 


(  .51  ) 

dissipèrent  graduollemcnt.  A  la  fin  du  mois  de  septembre, 
il  ne  paraissait  aucune  trace  dephthisie. 

Réflexions.  En  citant  les  observations  rappelées  dans  ta 
Revue  médicale  par  M.  Bayle,  nous  n'avons  pas  la  préten- 
tion d'offrir  à  nos  lecteurs  un  précieux  remède  contre  la 
phthisie  pulmonaire.  En  effet,  la  principale  objection  qu'on 
puisse  faire  aux  expériences  de  M.  Magenni:?,  est  d'être  pu- 
bliées depuis  long-temps  en  Angleterre,  sans  que  les  prati- 
ciens aient  paru  reconnaître  à  la  digitale  la  propriété  que  ce 
médecin  lui  attribue;  preuve  certaine  que  cette  plante  ne 
produit  pas  toujours  des  effets  aussi  merveilleux  que  l'an- 
nonce cet  auteur.  En  second  lieu,  il  est  au  moins  douteux 
que  la  plupart  de  ses  malades  fussent  véritablement  atteints 
dephthisie  pulmonaire,  puisqu'on  ne  pouvait  à  cette  époque 
vérifier  par  l'auscultation  l'existence  de  cette  lésion  orga- 
nique. Cependant,  fût-il  prouvé  seulement  que  les  succès  ci- 
lés  par  M.  Magennis  eussent  été  obtenus  chez  des  sujets  at- 
teints de  catarrhes  pulmonaires  chroniques,  ces  observations 
mériteraient  encore  de  fixer  l'attention  des  praticiens.  On 
peut  d'ailleurs  être  conduit  très-rationnellement  à  l'admi- 
nistration de  la  digitale  dans  les  affections  chroniques  de  la 
poitrine,  puisque  chacun  sait  aujourd'hui  qu'un  excès  de  nu- 
trition du  cœur  accompagne  très-fi-équemment  la  phthisie 
pulmonaire,  et  que  l'hypertrophie  de  cet  organe  est  une  des 
causes  les  plus  puissantes  de  l'irritation  du  poumon.  Il  est 
évident  que  le  ralentissement  de  la  circulation  doit  amener 
une  amélioration  sensible  dans  l'état  des  organes  respira- 
toires; malheureusement  la  teinture  de  digitale  ne  produit 
que  très-difficilement  cet  affaiblissement  prolongé  des  bat- 
tem«ns  du  cœur,  et  il  s'en  faut  de  beaucoup  que  dans  les  es- 
sais répétés  chaque  jour  en  France  avec  cette  plante,  on  ob- 
tienne d'aussi  beaux  résultats  que  M.  Magennis  paraît  l'avoir 
fait  en  Angleterre.  Nous  appelons  néanmoins  l'attention  de 
nos  lecteurs  sur  ses  expériences,  qui  peuvent  ne  pas  être  sans 
utilité  pour  la  thérapeutique. 


ART.    1020. 

Observations  pratiques  sur  l'emploi  du  Ccphalotriùe  inventé  par 
M.  Baudclocque  neveu  pour  le  broiement  de  la  tête  du  fœtus 
dans  les  cas  d'accoucUemens  difficiles.  Article  commutniqué 
par  M.  le  docteur  Carleaux. 

Lorsqu'un  bassin  est  mal  conformé,  et  d'une  étroitesse 


(l52) 

telle  que  la  terminaison  de  l'accouchement  par  les  voies  na- 
turelles devient  absolument  impossible,  soit  qu'on  tente  l'ap- 
plication du  forceps  au-dessus  du  détroit  supérieur,  ou  qu'on 
opère  la  version  du  fœtus,  l'opération  césarienne  ou  la  sym- 
physéotomie,  suivant  l'étendue  que  conserve  encore  le  dia- 
mètre sacro-pubien,  sont  les  seules  cbances  qui  se  présen- 
tent de  sauver  ù  la  fois  la  mère  et  l'enfant. 

Cependant,  lorsqu'il  est  bien  reconnu  que  le  fœtus  est 
mort  dans  la  cavité  de  l'utérus,  il  y  aurait  témérité  à  tenter 
l'une  ou  l'autre  de  ces  opérations,  qui,  outre  la  douleur 
qu'elles  procurent  à  la  femme,  compromettent  singulière- 
ment ses  jours.  Aussi  presque  tous  les  auteurs  conseillent-ils, 
en  pareille  circonstance,  de  perforer  le  crâne  de  l'enfant,  de 
le  vider  et  de  l'affaisser,  et,  afln  de  détruire  entièrement  la 
disproportion  du  volume  de  la  tête  avec  les  dimensions  du 
bassin,  de  briser  la  base  du  crâne  à  l'aide  de  crochets  poin- 
tus ou  de  tenailles  incisives.  Mais  il  est  facile  de  concevoir  à 
quels  dangers  on  expose  la  mère  en  introduisant  ainsi  profon- 
dément dans  ses  parties  des  instrumens  tranchans  ou  pi- 
quans  qu'on  ne  saurait  diriger  ni  de  l'œil  ni  du  doigt;  et, 
conime  l'observait  J.  -  S.  lîaudelocque,  <>  sera-t-on  assuré 
d'iviplanter  constamment  la  pointe  du  crochet  aigu  sur  la  tête  du 
fœtus,  ety  lorsqu'elle  s'en  écartera,  de  la  détourner  des  parties  de 
la  mère  qui  l' enveloppent  si  étroitement?  » 

Dans  la  vue  d'obvier  à  de  si  graves  inconvéniens,  M.  le 
docteur  A.  Baudelocque  neveu,  professeur  particulier  d'ac- 
couchement, présenta,  en  1829,  à  l'Académie  des  sciences, 
un  Mémoire  où  il  proposait  un  instrument  de  son  invention, 
à  l'aide  duquel  on  peut  en  un  instant  écraser  la  tête  de  l'en- 
fant et  lo  réduire  à  un  volume  assez  petit  pour  qu'elle  puisse 
ensuite  franchir  librement  le  bassin  le  plus  étroit. 

Déjà  M.  Baudelocque  avait  eu  l'occasion  d'employer  avec 
succès  son  instrument  lorsqu'il  adressa  son  rapport  à  l'Aca- 
démie des  sciences.  De  nouveaux  succès  ont  été  tentés  par 
lui  et  avec  les  mêmes  avantages,  et  d'heureuses  modifica- 
tions apportées  par  l'auteur  a  cet  instrument,  en  diminuant 
son  volume  et  son  poids  primitifs  sans  nuire  en  rien  à  sa  so- 
lidité, ont  rendu  son  emploi  plus  facile  pour  le  chirurgien  et 
moins  douloureux  pour  les  malades. 

L'instrument  employé  par  M.  Baudelocque  porte  le  nom  de 
crphalotribe,  de  (/e^c"/y,,  tête  et  de  TotCîJw,  qui  broie).  Comme 
le  forceps  de  Smellie,  il  se  compose  de  deux  branches  croi- 
sées et  se  recouvrant  nmliu;llenient.  Dans  chacune  de  ces 
deux  branches,  l'ime  droite  et  l'autre  gauche,  on  doit  distin- 
guer la  cuiller  et  le  manche.  Les  cuillers  sont  sans  ouvcr- 


(i53) 

liire,  et  ollVent  au  plus  seize  lignes  de  largeur,  afin  de  pou- 
voir traverser  plus  facilement  un  bassin  déformé  et  dont  le 
détroit  supérieur  n'aurait  que  deux  pouces,  et  même  vingt 
lignes  d'arrière  en  avant.  Leur  longueur,  de  dix  pouces,  à 
partir  de  l'axe  ou  pivot  de  l'instrument,  permet  de  saisir  ai- 
sément une  tête  située  au-dessus  du  détroit  abdominal,  et 
leur  courbure  répond  à  celle  formée  parle  canal  vulvo-uté- 
rin.  Leur  jonction  est  semblable  à  celle  du  forceps  de 
Smeliie  ;  seuleuient  elle  est  en  dessous  au  lieu  d'être  en  des- 
sus, et  se  trouve  à  la  branche  droite  au  lieu  d'être  à  la  bran- 
che gauche.  Les  manches  de  ces  cuillers,  longs  de  onze 
pouces  depuis  Paxe,  sont  taraudés  dans  leur  partie  inférieure 
pour  y  recevoir  une  vis  de  la  longueur  de  huit  pouces  et 
demi,  à  laquelle  est  adaptée  une  manivelle  pour  la  faire 
mouvoir.  Celle  vis  est  à  trois  filets,  ce  qui  augmente  singu- 
lièrement la  promptitude  de  sa  marche  sans  nécessiter  au- 
cun effort  musculaire  de  la  part  du  chirurgien.  L'extrémité 
inférieure  de  la  branche  droite  est  terminée  par  une  poignée 
qui  sert  à  assujétir  l'instrument  lorsqu'on  fait  agir  la  mani- 
velle à  laquelle  la  vis  est  unie. 

L'application  du  céphalotribe  doit  être  faite  avec  les  pré- 
cautions recommandées  pour  l'emploi  du  forceps,  et  sou- 
mise aux  mêmes  règles  :  c'est  toujours  par  le  diamètre  du 
détroit  resserré  offrant  le  plus  de  largeur  que  l'instrument  doit 
être  introduit.  Il  est  important  de  plonger  dans  les  parties  de 
la  femme  les  cuillers  un  peu  plus  profondément  que  lors- 
qu'on applique  le  forceps  ordinaire  au-dessus  du  détroit  ab- 
dominal, afin  qu'elles  saisissent  parfaitement  la  tête  suivant 
toute  la  longueur  de  son  grand  axe.  Sans  cette  précaution, 
la  base  du  crâne  pourrait  n'être  pas  complètement  broyée, 
et,  dans  certains  cas  de  difformité  extrême  du  bassin,  il  pour- 
rait arriver  qu'on  fût  obligé  de  desserrer  la  vis  et  de  retirer 
les  cuillers  pour  les  plonger  de  nouveau  plus  profondément. 

Lorsque  les  deux  cuillers  ont  été  convenablement  appli- 
quées, un  aide  placé  à  gauche  de  l'opérateur  saisit  de  la 
main  droite  les  deux  branches,  les  rapproche  l'une  de  l'au- 
tre et  les  soutient,  tandis  que  le  chirnrgien,  tournant  la  ma- 
nivelle, introduit  la  vis  dans  les  trous  pratiqués  pour  la 
recevoir  aux  branches  de  l'instrument.  Rapprochées  par  l'ac- 
tion de  la  vis,  les  deux  cuillers  se  trouvent  alors  exercer  sur 
la  tête  du  fœtus  une  pression  telle,  qu'en  un  instant  les  os 
du  crâne  brisés  sortent  de  la  ligne  de  leur  direction  et  che- 
vauchent les  uns  sur  les  autres,  sans  cependant  produire 
d'esquilles;  le  cuir  chevelu  ne  tarde  point  à  se  déchirer,  et 
la  matière  cérébrale  s'échappe  bientôt  par  ses  ouvertures. 


(i54) 

La  tête  ainsi  écrasée,  l'accouchement  se  termine  comme 
avec  le  forceps  ordinaire. 

Quand  la  lêfe  a  été  bien  saisie  par  le  céphalotribe,  et  la 
base  du  crAne  purl'ailement  broyée,  si  l'on  mesure  après  son 
extraction  rintervalie  existant  au  centre  des  deux  cuillers, 
on  voit  qu'il  est  ordinairement  de  vingt-deux  à  vingt-trois 
lignes,  parce  que  les  cuillers  cèdent  chacune  d'une  ligne  en- 
viron, à  cau?e  de  leur  élasticité,  pendant  la  pression  qu'elles 
ont  exercée  sur  la  tête.  Ainsi  l'instrument  a  pour  effet  de 
réduire  à  un  pouce  et  demi  l'épaisseur  de  la  tête,  qui  est  sou- 
vent de  trois  pouces  et  demi. 

Les  circonstances  dans  lesquelles  on  se  sert  du  céphalo- 
tribe sont  absolument  les  mêmes  que  celles  où  l'on  pratique 
la  perforation  du  crâne;  bien  entendu  qu'on  doit  avoir  acquis 
à  l'avance  la  certitude  de  la  mort  du  fœtus.  Voici,  au  reste, 
plusieurs  faits  cilés  par  M.  Baudclocque  lui-même. 

Observation  i".  —  Ovale  supérieur  de  la  tête,  première  position  ; 
broiement,  guérison. 

Le  5  février  1819,  A..  .,  âgée  de  vingt-un  ans,  de  petite 
stature,  de  constitution  scrofuleuse,  ayant  la  colonne  ver- 
tébrale portée  en  avant,  sentit  des  douleurs  pour  accoucher- 
A  neuf  heures  du  soir,  les  eaux  s'écoulent  en  grande  quan- 
tité, le  col  utérin  est  peu  ouvert;  la  nuit,  les  douleurs 
cessent. 

Le  7  au  matin,  douleur  aiguë  à  l'hypocondre  droit,  col 
un  peu  plut»  dilaté,  mais  épais,  présentation  de  l'ovale  supé- 
rieur de  la  tête,  écoulement  de  méconiun)  d'une  odeur  fé- 
tide. L'étendue  du  diamètre  antéro-postérieur  au  détroit 
abdominal  est  de  deux  pouces  huit  à  neuf  lignes.  La  forme 
de  ce  détroit  est  régulit  re,  l'orifice  utérin  n'a  que  dix-huit  à 
Aingt  lignes  de  diamètre  et  plusieurs  lignes  d'épaisseur. 

Le  H,  abdomen  tendu,  douloureux,  fièvre  {saii^nee,  bain). 
L'ouverture  du  col  est  de  deux  pouces,  l'un  des  pariétaux 
fait  saillie  au  détroit  abdominal,  lléuiu's  en  consultation, 
MM.  Desormeaux  et  l'aul  Dubois  sont  d'avis  que  le  fœtus 
est  mort,  tant  à  cause  tle  l'évacuation  du  méconium  et  la 
longueur  du  travail,  qu'à  cause  de  la  compression  (ju'il 
éprouve  depuis  si  long-temps,  et  ces  médecins  pensent  que 
si  raj)plicalion  du  forceps  ne  suffit  pas,  on  ne  saurait  ter- 
miner l'accouchement  qu'en  diminuant  levolume  de  la  tête  du 
fœtus. 

Le  9  au  matin,  même  état;  dans  la  journée  le  travail  rc- 


('55) 

prend,  les  contractions  utérines  deviennent  fréquentes.  Le 
soir,  bain  d'une  heure  et  demie  à  huit  heures,  peau  chaude, 
pouls  lort,  abdomen  tendu,  mais  moins  douloureux  que  la 
veille.  La  péritonite  semble  avoir  cessé  sous  l'influence  du 
traitement  antiphloijistique,  mais  la  métrile  persiste,  et  les 
douleurs  commencent  de  nouveau  à  s'éloigner;  soixante- 
quinze  heures  se  sont  écoulées  depuis  le  commencement  du 
travail,  et  soixante-treize  depuis  l'écoulement  des  eaux. 

Le  céphalolribe  est  alors  appliqué,  et  l'accouchement  ter- 
miné en  quelques  minutes.  La  malade  a  si  peu  conscience 
de^j^tte  opération,  qu'elle  témoigne  son  étonnement  de  voir 
détourner  la  vis  de  l'instrument.  Aucune  déchirure  du  pé- 
rinée ;  le  iœtus  en  partie  putréOé  :  son  poids  est  de  six  livres  ; 
délivrance  naturelle  au  bout  d'une  heure.  Les  symptômes  de 
métrite  qui  ont  reparu  cèdent  au  bout  de  quelques  jours  au 
traitement  antiphlogistique;  les  lochies,  qui  étaient  suppri- 
mées, reparaissent  le  1 1  ;  entrée  en  convalescence  le  iG,  gué- 
rison  complète  vers  la  fin  de  février. 

MM.  Evrat  neveu  et  Delestre,  docteurs  en  médecine,  ma- 
dame Boudet,  sage-femme,  assistèrent  à'  celte  opération. 

Obsei'vation  a'.  —  Ovale  supérieur  de  ta  tête  ;  première  position^ 
tentatives  de  version  et  de  l'application  du  forceps,  broiement, 
guérison. 

Le  i8  novembre  i85o  je  fus  appelé,  vers  trois  heures  de 
l'après-midi  chez  madame  M Cette  femme,  ûgée  do  qua- 
rante ans  environ,  avait  un  bassin  régulier  de  deux  pouces 
trois  quarts;  déjà  elle  était  accouchée,  huit  ans  auparavant, 
d'une  lîile  qui,  en  venant  au  monde,  était  d'un  poids  au-dessus 
de  l'ordinaire,  et  n'avait  pu  être  extraite  qu'avec  beaucoup 
de  peine  à  J'aide  du  forceps. 

11  y  avait  déjà  dix-neuf  heures  que  le  travail  était  com- 
mencé, les  eaux  s'étaient  écoulées  de  la  veille.  Depuis  trois 
heures  environ  on  faisait  de  vaines  tentatives  pour  terminer 
l'accouchement,  tant  à  l'aide  du  forceps  qu'on  avait  applique 
plusieurs  fois,  que  de  la  version  qu'on  venait  de  regarder 
comme  impraticable.  La  mort  du  fœtus  étant  évidente  par 
l'absence  de  pulsations  dans  le  cordon  ombilical  qui  était  au 
dehors  de  la  vulve,  et  l'impossibilité  de  l'accouchement  étant 
reconnue  par  les  médecins  présens,  je  broyai  avec  mon  in- 
strument la  tête  située  en  première  position,  au-dessous  du 
détroit  abdominal.  En  très-peu  de  temps  l'enfant  fut  extrait, 
il  pesait  huit  livres  et  demie  ;  le  périnée  ne  fut  point  déchiré. 


(156) 

Après  l'accouchement  il  survint  une  métriie  suraiguë,  qui 
fut  traitée  par  sept  larges  saignées  dans  les  trente-six  pre- 
mières heures  ;  la  malade  présenta  ensuite  les  symptômes  de 
la  fièvre  typhoïde.  Une  escarre  se  forma  au  sacrum,  les  lo- 
chies prirent  une  odeur  de  gangrène  très-prononcèc,  et  l'é- 
coulement des  urines  se  fit  involontairement  pendant  quel- 
que temps. 

Du  sixième  au  quinzième  jour,  deux  larges  escarres  se 
détachèrent  de  la  matrice  ou  du  vagin,  et  furent  trouvées 
dans  les  urines  ;  vers  la  deuxième  semaine,  l'état  de  la  malade 
commença  cependant  à  s'améliorer  un  peu:  à  celte  épo^e, 
quelques  injections  de  chlorure  de  sodium  firent  disparaître 
la  mauvaise  odeur  des  lochies  ;  la  muqueuse  du  vagin,  de  li- 
vide qu'elle  était,  prit  une  teinte  rosée,  et  la  fièvre  cessa.  La 
convalescence  eut  lieu  seulement  au  trentième  jour  après 
l'accouchement,  et  fut  accompagnée  d'une  grande  faiblesse, 
peu  à  peu  la  femme  reprit  de  l'embonpoint,  et  au  bout  de  six 
mois  elle  revit  pour  la  première  fois  ses  règles. 

MM.  Boue,  Lamouroux,  lley  etLagneau  ont  été  témoins 
de  cette  opération. 

Observation  3'.  —  ovale  supérieur  de  la  tête  en  première  posilion^ 
version,  extraction  du  tronc,  tête  au  détroit  abdominal,  broie- 
ment, guérison. 

Le  16  mai  i85i,  je  fus  mandé,  dans  un  des  hôpitaux  de 
Paris,  auprès  d'une  femme  âgée  de  trente  ans,  qui  y  était 
entrée  au  huitième  mois  de  sa  grossesse,  pour  se  faire  traiter 
d'une  entérite  grave.  Déjà  avant  mon  arrivée  on  avait  tenté 
à  plusieurs  reprises  l'application  du  forceps  au-dessus  du  dé- 
troit abdominal;  l'instrument  avait  lâché  prise;  on  avait  en- 
suite fait  la  version  cl  extrait  le  tronc,  mais  la  tête  n'avait  pu 
être  entraînée  ni  avec  les  doigts  portés  dans  la  bouche,  ni  à 
l'aide  du  forceps;  le  périnée  était  déchiré,  le  cordon  ombili- 
cat  avait  cessé  de  battre.  Je  procédai  alors  au  broiement  do 
la  tête.  L'application  de  la  branche  gauche  du  céphalolribc 
se  fit  assez,  lacilement;  j'eus  plus  de  peine  à  introduire  la 
branche  droite,  sans  doiUe  à  cause  de  l'irritation  de  la  ma- 
trice (déterminée  par  les  manœuvres  qui  avaient  été  faites 
précédemment).  Je  fus  obligé  de  la  plonger  à  plat  et  profon- 
dément au-dessous  du  visage,  pour  la  faire  ensuite  revenir 
entre  la  paroi  cotyloïdienne  et  le  côté  correspondant  de  la 
tête.  Enfin  je  parvins  à  réunir  les  branches,  et  l'accouche- 
ment fut  promptcmcnt  terminé.  Le  bassin  avait  deux  pou- 


(  »57) 

ces  trois  quarts  environ  d'avant  en  arrière,  le  poids  du  fœtus 
était  de  huit  livres  et  demie. 

Dans  les  premiers  jours  qui  suivirent  l'accouchement,  la 
malade  fut  prise  de  fièvre  violente,  et  il  fallut  recourir  à  un 
traitement  antiphlogistiqueénergique;  des  injections  de  chlo- 
rure de  sodium  étendu  d'eau  furent  faites  dans  l'intérieur  du 
vagin,  desescarres  se  détachèrent  du  périnée  et  lamalade  resta 
quelque  temps  avec  une  incontinence  d'urine.  Néanmoins  au 
12  juillet  elle  sortit  de  l'hôpital  parfaitement  guérie. 

Cette  opération  fut  pratiquée  en  présence  de  M.  le  doc- 
teur de  Gerdy  et  d'une  vingtaine  d'élèves. 

Observation  4'.  —  Présentation  de  l'ovale  supérieur  de  ta  tête, 
tentatives  d'application  de  forceps,  broiement,  guérison,  acci' 
dens  consécutifs  nuls. 

Le  lo  février  i834,  nous  nous  réunîmes  vers  sept  heures 
du  soir,  JMM.  Dufrenois,  Barbette  jeune  et  moi,  pour  assis- 
ter madame  T....  qui  était  en  travail  depuis  soixante  heures, 
éprouvant  les  douleurs  les  plus  vives.  Cette  femme,  de  très- 
petite  stature  et  de  constitution  rachitique,  a  le  bassin  mal 
conformé,  surtout  du  côté  gauche  :  son  diamètre  antéro-pos- 
térieur  estde  deuxpouces  trois  quarts  environ.  En  vain  deux 
d'entre  nous  avaient  tenté  avant  notre  réunion  l'application 
du  forceps  sans  pouvoir  terminer  l'accouchement.  L'absence 
de  tout  mouvement  de  la  part  du  foetus,  l'écoulement  par  les 
parties  d'un  liquide  fétide  mêlé  à  une  quantité  notable  de 
méconium,le  temps  depuis  lequel  le  travail  était  commencé, 
nous  confirmèrent  dans  l'idée  que  l'enfant  avait  cessé  de  vi- 
vre, et  nous  tombâmes  tous  trois  d'accord  que  le  seul  moyen 
de  délivrer  la  malade  était  d'agir  sur  la  tête  de  l'enfant, 
pour  en  réduire  le  volume.  Je  fus  chargé  de  cette  opération. 
J'introduisis  le  céphalolribe  sans  beaucoup  de  difficulté,  et 
en  moins  de  dix  minutes,  la  tête,  qui  se  présentait  en  pre- 
mière position  au  détroit  abdominal,  fut  broyée,  et  l'enfant 
extrait  sans  d'autres  lésions  des  parties  de  la  mère  qu'une 
légère  échancrure  au  périnée,  qui  eut  lieu  lors  du  passage 
des  épaules. 

Le  poids  du  fœtus  était  de  six  livres;  la  femme  eut  ;\ peine 
conscience  de  l'opération,  et  les  suites  de  l'accouchement  ne 
furent  compliquées  d'aucun  accident.  Madame  Petit-Jean, 
sage-femme,  et  quelques  élèves,  assistèrent  aussi  à  cette 
0])éralion. 

Une  cinquième  opération  du  broiement  de  la  lêtc  a  été 
pratiquée,  le  29  avril  i834,  ^"  pi'ésencc  de  MM.  Fourcadel 


(i58) 

et  Pagneguy,  par  M.  Auguste  Baudelocque.  Jamais,  dit  cet 
accoucheur,  opération  ne  lut  plus  laborieuse,  quoique  le 
bassin  fût  bien  conformé.  L'obstacleà  l'expulsion  de  l'enfant, 
qui  était  mort  au  moment  où  j'arrivai  près  de  la  femme, 
provenait  de  son  volume  excessif:  eneliet,  son  poids  surpas- 
sait celui  de  dix  livres.  L'extraction  de  la  tète  étant  achevée, 
j'éprouvai  les  plus  grandes  difficultés  pour  celle  du  tronc, 
qui. s'enclava  dans  le  bassin.  La  tête,  sur  laquelle  j'élais  forcé 
de  tirer,  ne  tarda  pas  à  lâcher  prise,  et  fut  arrachée  ;  je  tirai 
sur  un  bras,  qui  se  détacha  de  même  :  je  pris  alors  le  parti  de 
faire  la  version.  J'introduisis  la  main  droite  jusqu'au  fond  de 
l'ulérus,  et,  écrasant  la  poitrine  de  l'enfant,  je  parvins  ùsai>.ir 
les  pieds  et  à  les  amener  au  dehors.  L'extraction  de  la  poi- 
trine fut  très-difficile. 

Quelquesjours  après  son  accouchement,  la  femme  fut  prise 
de  métro-péritonite  qui  nécessita  un  traitement  anliphlogis- 
tique  très-énergique.  Vers  la  troisième  semaine  elle  eut  une 
colite  intense  qui  fut  traitée  de  la  même  manière;  cepen- 
dant un  moisaprés  elle  était  sans  fièvre,  et  Ton  pouvait  la  re- 
garderconmie  convalescente  ;  nous  lui  conseillâmes  la  cam- 
pagne, où  elle  ne  put  rester  que  quelques  jours:  elle  revint  à 
Paris,  ayant  de  nouveau  la  fièvre  avec  exacerbation  le  soir. 
La  diarrhéesurvint,  et,  malgré  les  soins  éclairés  de  MM.Fou- 
quier  et  Bouillaad,  qui  furent  appelés  en  consultation,  cette 
malade  continua  de  maigrir,  elle  eut  du  délire,  et  succomba 
deux  mois  et  quelques  jours  après  i;trc  accouchée. 

A  rouvcrture  du  cadavre,  nous  trouvâmes,  M.  Pagneguy 
et  uîoi,  le  péritoine,  et  les  organes  génitaux  parfaitement  sains. 
La  muqueuse  de  l'intestin  grêle  était  fort  injectée,  celle  du  co- 
londescendant  etcelledu  rectum  parsemées  de  perforations  qui  in- 
diquaient que  des  escarres  s'étaient  détachées  en  certains  eruiroits. 

Les  cinq  faits  rapportés  ci-dessus  nous  semblent  suffisans 
pour  démontrer  le  parti  qu'on  peut  tiior  du  céphalotribe  in- 
vente par  iM   liaudelocque  neveu,  et  combien  cet  instrument 
est  préférable  au  crochet  aigu.  Nous  n'héritons  point  à  ad- 
mettre que  les  accidens  qiH  ont  complique  les  suites  des  ac- 
couchemens  rapportés  ci-dessus  sont  bien  plutôt  dus  à  la 
pression  forte  exercée  par  le   fœtus    pendiuit  la  duréi    du 
travail  sur  les  parties  <le  la  mère,  à  cause  de  l'étroitesse   du 
bassin,  et  peut-être  aussi  aux  diverses  manœuvres   tentées 
avant  de  recourir  au  broiement  de  la  tête,  qu'au  céphalo- 
tribelui-mêmc,  <pii,.j  bien  prendre, n'est  qu'au  forceps,  aussi 
facile  .1  introduire  que  le  forceps  ordinaire.  Une  fois  appli- 
quent sur  la  tête,  les  branehe-i  de  cet  iu-trumcit  li  compri- 
ment de  dehors  en  dedans,  sans  nuire  en  rien  a  ix  parois  de 


la  matrice  ni  du  vagin,  et  aident  eosuite  ù  extraire  le  fœtus 
CD  entier,  sans  qu'on  soil,  obligé  il'eaiploycr  des  elibits  aussi 
violens  qu'il  en  faudrait  avec  le  l'orceps  ordinaire,  embras- 
sant une  tête  dispioportionnée  au  diamètre  du  bassin, 

Le  broiement  de  la  tête  à  l'aide  du  céplialotribe  s'ellectue 
en  quelques  minutes  sans  exiger  aucune  violence  de  ia  part 
del'opérateur;  lapcrtbrationde  la  tête,  par  les  moyens  ordi- 
naires (crochets  aigus  ou  ciseaux  du  Smelliej  ,  outre  qu'elle 
demande  beaucoup  de  force  de  la  part  de  l'accoucheur  et 
l'expose  à  produire  des  déchirures,  iiccessite  souvent  une 
durée  de  lemps  de  plusieurs  heures,  et  paifois  de  plusieurs 
jours. 

Avouons  enfin  qu'avec  le  céphalotribe  on  serait  assuré 
contre  tout  accident  consécutif,  dans  les  accouchemens  dilli-' 
ciles,  s'il  ne  fallait  pas  toujours  attendre  un  temps  fort  long 
pour  ac(iuérir  lu  certitude  complète  de  la  mort  du  foetus  ; 
mais  la  durée  du  travail  est  sufïisante  pour  amener  la  gan- 
grène des  parties  et  la  mort  des  malades. 

En  résumé,  nous  pensons  que  rinstriiment  intrenlé  p.tr 
M.  liaudelocque  neveu  est  une  heureuse  découverte  pour  la 
pratique  des  accouchemens,  et  nous  ne  doutons  [las  qu'une 
fois  bien  connu  des  chirurgiens,  il  ne  soit  empl  jyé  par  eux 
de  préférence  à  ceux  inventés  jusqu'à  présL:n4,  toutes  les 
fois  que  la  perforation  du  crâne  et  l'allaisseuienl  de  la  tête 
auront  été  reconnus  indispensables  pour  la  terminaison  d'un 
accouchement. 


ART.  loai. 

Oh'<ervation  de  colique  ncrvcufsc  iraitne  par  la  méthode  cwler- 
mique  ;  inoculation  de  ia  hlennovr/iagie  chez  deux  sujets  atteints 
de  douleurs  abdominales. 

Un  jeune  homme  sujet  à  des  douleurs  névralgiques,  dont 
le  siège  était  ordinairement  dans  la  cuisse  droite,  sur  le  tra- 
jet du  nerf  scialique,  vit  tout-à-conp  ces  douleurs  remplacées 
par  des  coliques  extrêmement  violentes,  qui  augmentèrent 
encore,  lorsqu'étant  en  sueur  il  se  fut  lai-sé  tomber  dans  un 
courant  d'eau  assez  profond.  Son  médecin  pratiqua  de  nom- 
breuses émissions  sanguines  tant  générales  que  locales,  sans 
aucun  succès;  les  fomentations  éinollientes,  les  bains,  les 
lavemens,  etc.,  n'avaient  pas  eu  plus  d'elfet,  lorsque,  vers  le 
quinzième  jour,  M.  le  docteur  Dorte,  résidant  à  la  Teste,  fut 
appelé.  Ce  médecia  crut  reconnaître  nue  névrose,  et  mit  en 


(i6o) 

usage  les  divers  antispasmodiques  employés  en  pareils  cas, 
tels  que  le  camphre,  l'opium  sous  toutes  les  formes,  l'assa- 
fœtida  en  lavement,  les  cataplasmes  avec  les  feuilles  de  rfa- 
tura  stramoniam;  mais  les  effets  en  furent  absolument  nuls. 
II  résolut  alors  d'avoir  recours  aux  narcotiques,  administrés 
par  la  méthode  cndermique,  et  étendit  deux  grains  de  sulfate 
de  morphine  sur  des  vésioatoires  placés  le  long  de  la  co- 
lonne, vertébrale  à  la  région  lombaire.  Dès  la  première  ap- 
plication, les  douleurs  remontèrent  dans  la  région  de  l'es- 
tomac; deux  nouveaux  vésicatoires  placés  plus  haut,  et 
saupoudrés  de  la  même  quantité  de  ce  sel,  enlevèrent  com- 
plètement la  douleur.  Au  bout  de  deux  jours,  il  y  eut  une 
rechute,  mais  la  guérison  fut  obtenue  de  la  même  manière. 
Ce  malade  s'est  servi  plusieurs  fois,  depuis  cette  époque,  de 
ce  narcotique  ainsi  administré,  et  il  s'en  est  toujours  très- 
bien  trouvé. 

[Bult.  méd.  de  Bordeaux.  ) 

Réflexions.  La  méthode  endermiquc,  dont  les  praticiens 
font  un  usage  général  depuis  quelquesannées  seulement,  est 
un  moyen  avantageux  d'introduire  les  médicamens  actifs  dans 
l'économie  sans  irriter  l'estomac;  mais  on  a  peut-être  trop 
compté  sur  son  action,  en  vantant  outre  mesure  ses  précieux 
effets.  Aujourd'hui  l'expérience  a  prouvé,  que  dans  un  très- 
grand  nojnbrede  cas,  les  médicamens  ainsi  administrés  n'a- 
vaient qu'une  action  très-faible  et  même  quelquefois  tout-à- 
fait  nulle,  et  qu'on  ne  devait  pas  compter  sur  ce  moyen  quand 
il  était  urgent  d'obtenir  la  guérison.  11  faut  cependant  peut- 
être  en  excepter  les  névralgies,  contre  lesquelles  les  narco- 
tiques, administrés  par  la  méthode  endermiquc,  ont  des  effets 
souvent  merveilleux;  l'observation  qu'on  vient  de  lire  en  est 
un  exemple  remarquable.  On  peut  dans  ces  cas,  pour  ne  pas 
perdre  un  temps  précieux  par  l'application  du  vésicaloire, 
dont  l'action  exige  plusieurs  hiMues,  lairc  usage  de  la  graisse 
ammoniacale  qui,  à  l'aide  d'une  ou  deux  onctions,  enlève 
l'épiderme  au  bout  de  quelques  minutes  (i). 


(i)  Axongc,  un  gros; 

Suif  de  uioulon,  six  gr/iins. 
Mtk'z  exactement  et  incorporez  proniplcmcnt  ; 
Ammoniaque  Ii(|Ni(Jc,  un  gios. 


(i6i) 

Il  est  souvent  fort  difficile  de  décider  si  certaines  coliques 
opiniPilres  sont  de  nature  nerv(Mise  on  inflammaloire,  et 
lorsqui;  tons  les  moytMis  ralionnels  ont  cclumc,  il  tant  bien 
reconrir  à  cenxque  nous  dictent  la  nécessité  et  l'inspiration 
du  moment.  Nous  en  avons  vu  dernièrement  deux  exemples 
remarquables. 

Un  homme  entra  à  l'hôpital  des  Vénériens  sans  symptômes 
syphilitiques  apparens,  mais  il  avait  eu  une  blennorrhagie  dix- 
huit  mois  auparavant,  et  lui  attribuait  une  foule  de  maux 
dont  la  plupart  étaient  imaginaires.   Il   souffrait,  disait-il, 
dans  la   tête,  dans  la  poitrine,  dans  les  hypccondres.  Il  uri- 
nait avec  beaucoup  de  difficulté,  éprouvait  des  picotemens 
dans  l'urètre,  et  tout  cela  de])uis  que  sa  blennorrhagie  avait 
été  7nal  guérie.  Cet  homme  était  triste  et  morose,  et  de- 
mandait instamment  l'emploi  de  moyens  violens  qui  le  dé- 
barrassassent de  maux  insupportables.  Cependant  l'examen 
le  plus  attentif  ne  démontrait  la  souffrance  d'aucun  organe, 
le  canal  de  l'urètre  était  libre,  le  malade  urinait  sans  diffl- 
culté,  bien  qu'il  prétendît  le  contraire;  enfin,  il  était  aisé  de 
voir  que  s'il  souifrait,  il  exagérait  sini;ulièremenl  ses  souf- 
frances. Plusieurs  moyens  avaient  déjà  été  employés  inuti- 
lement, il  avait  été  même  soumis  à  l'emploi  des  mercuriaux 
à  l'intérieur,  et  il  portait  encore  dans  l'hypocondre  du  côté 
droit  des  traces  d'un  large  vésicatoire. 

jM.  Cnllerier  résolut,   autant  pour  calmer  l'imagination 
du  malade  que  pour  faire  une  révulsion  salutaire  si  quelque 
organe  était  affecté,  de  faire  reparaître  la  blennorrhagie,  et 
à  cet  effet,  après  avoir  recueilli  sur  une  sonde  du  pus  blen- 
norrhagique  pris  dans  l'urètre  du  malade  voisin,  il  l'inocula 
en  maintenant  cette  sonde  dans  le  canal  pendant  quelques 
heures.  Trois  jour  après,  l'urètre  était  enflammé,  et  bien- 
tôt un  écoulement  abondant  se  manifesta.  Le  malade  assura 
aussitôt  être  débarrassé  de  toutes  ses  douleurs.  Devait-on 
croire  à  la  vérité  de  cette  assertion,  ou  expliquer  cette  pré- 
tendue amélioration  par  l'effet  produit  sur  son  imagination? 
c'est  ce  que  nous  ne  chercherons  pas  à  décider.  Ce  qu'il  y  a 
de  certain,  c'est  qu'après  trois  semaines  de  repos  et  d'un 
régime  léger,  la  blennorrhagie  cessa  de  couler,  et  le  malade 
sortit  de  l'hôpital,  assurant  être  bien  guéri. 

Le  même  moyen  a  été  tenté  chez  un  jeune  homme  qui  est 
encore  dans  les  salles,  et  qui  se  trouvait  à  peu  près  dans  le 
même  cas.  Ce  malade,  qui  est  évidemment  hypocondriaque, 
dérlara  également  être  fort  soulagé  lors  de  l'apparition  de  la 
nouvelle  blennorrhagie;  mais  cette  inoculation  a  eu  des  ef- 
fets beaucoup  plus  violens  que  dans  l'observation  précé- 

XOM.  VI. —  N"  d'avril.  1  I 


(l62) 

dénie;  il  y  cat,  comme  on  dit,  cliaudepisxc  cordée,  el  il  jalliit 
appliquer  des  sangsues  pour  combattre  la  douleur,  qui  était 
extrême.  Aujourd'hui  le  tond  de  !a  gorge  participe  à  l'in- 
flammation :  c'est  évidemment  l'angine  hlcnnorrhagiquc 
qu'ont  signalée  certains  auteurs.  Le  malade,  en  proie  à  ses 
nouvelles  souffrances,  a  oublié  les  anciennes;  mais  il  est  à 
craindre  qu'on  ait  seulement  ajouté  une  autre  maladie  à 
celle  qui  existait  déjà. 

On  ne  saurait  décider  si  les  coliques  qu'éprouvaient  ces 
deux  malades  étaient  dues  à  nne  névrose  ou  à  quelque  in- 
flammation chronique  de  l'intestin,  car,  dans  l'un  et  l'autre 
cas,  l'inoculation  du  pus  blcnnorrhagique  aurait  pu  avoir 
une  salutaire  influence  en  calmant  l'imagination  des  mala- 
des, ou  en  déterminant  une  abondante  sécrétion  morbide. 
Nous  croyons  toutefois  que  ce  moyen  doit  être  réservé  pour 
un  très-petit  nombre  de  cas,  et  qu'il  ne  doit  être  employé 
qu'avec  la  plus  grande  réserve,  et  en  quelque  sorte  en  dés- 
espoir de  cause. 

ART.    1022. 

Nouvelles  expériences  constatant  l'efficacité  de  l'Iiydrale  de  per- 
oxide  de  fer  comme  antidote  de  l'arsenic. 

Nous  avons  parléailleurs  (i)  de  la  découverte  de  M.  Bunsen, 
qui  paraît  avoir  trouvé  dans  l'hydrate  de  peroxide  d»;  fer  un 
antidote  de  l'arsenic.  |Les  précieuses  qualités  de  cette  sub- 
stance semblent  se  confirmer  chaque  jour,  et  les  expériences 
que  l'on  a  tentées  en  France  ont  presque  toujours  été  en  sa 
faveur.  Voici  l'extrait  d'un  Mémoire  lu  à  l'Académie  royale 
de  médecine, 'le  5  mars  dernier,  par  M.  Bouley  jeune,  et  qui 
nous  offre  des  résultats  positifs  sur  l'action  de  ce  médica- 
ment. 

C'est  sur  des  chevaux  que  M.  lioidey  a  fait  ses  expériences. 
En  opérant  sur  ces  animaux,  il  a  trouvé  le  grand  avantage 
de  n'rtre  pas  obligé  de  leur  lier  l'œsophage,  conuiie  on  le 
pratique  chez  les  chiens,  puisque  la  conformation  de  leur 
estomac  rend  le  vomissement  impossible.  Les  premières  ex- 
périences ont  été  dirigées  dans  le  but  de  reconnaître  si  le 
peroxide  de  fer  hyilraté  était  un  contre-poison  de  l'arséniate  de 
polnxsc.  On  administra  d'abord  à  un  cheval  de  moyenne 
taille  deux  onces  d'arséiiiate  de  potasse,  puis  une  livre  et  de- 


(i)  V.iy.  ml.  y5!),  qGj,  i-i  (^68. 


(.65) 

tnie  d'hydrate  de  peroxide  de  fer  étendu  dan?  environ  Ijuit 
litres  d'eau.  L'animal  resta  abattu  d'abord,  puis  bientôt 
reprit  sa  gaîté  et  son  appétit;  mais  le  lendemain  il  devint 
triste,  refusa  toute  espèce  de  nourriture,  et,  après  avoir  eu 
des  coliques  et  de  la  diarrhée,  mourut  le  troisième  jour. 
On  trouva  à  Tautopsie  les  mêmes  désordres  que  ceux  indi- 
qués à  notre  art.  967. 

La  même  expérience,  répétée  plusieurs  fois  avec  le  sul- 
fate de  fer,  donna  le  même  résultat;  il  sembla  même  que 
cette  substance  favorisait  l'action  nuisible  de  l'arséniate  de 
potasse.  Enfin  on  essaya  des  doses  plus  fortes  ou  plus  fai- 
bles de  l'antidote,  et  l'on  n'eut  pas  plus  de  succès. 

M.  liouicy  cessa  alors  ses  expériences  avec  l'arséniate  de 
potasse,  et  s'occupa  de  constate)-  les  effets  du  peroxide  de  fer 
sur  l'arsenic  (acide  arsénieux).  Il  fillut  d'abord  reconnaître 
quelle  dose  d'arsenic  était  nécessaire  pour  déterminer-  la 
mort  d'un  cheval.  Il  commença  par  donner  quatre  gros  du 
poison,  une  once,  puis  une  once  et  demie  sans  déterminer  de 
graves  accidens;  mais,  à  la  dose  de  deux  onces,  l'arsenic  dé- 
termina constamment  ia  mort. 

En  conséquence,  deux  onces  d'acide  arsénieux  furent  ad- 
ministrées à  un  cheval  de  neuf  ans,  et  immédiatement  après 
on  lui  fit  avaler  quatre  livres  d'hydrate  de  peroxide  de  fer 
ptendu  dans  environ  huit  litres  d'eau.  L'animal  n'en  fut  au- 
cunement incommodé.  Au  bout  de  huit  jours,  on  le  fit  abat- 
tre; on  trouva  les  intestins  et  le  cœur  sains;  il  y  avait  seule- 
ment dans  l'estomac  deux  légères  ulcérations. 

Chez  un  autre  cheval  qui  n'avait  pas  ressenti  davantage 
les  ellets  toxiques  de  l'arsenic,  bien  que  deux  onces  de  ce 
poison  eussent  été  ingérées,  on  ne  trouva,  après  l'avoir 
abattu,  qu'une  légère  inflammation  de  la  partie  inférieure  de 
l'intestin  grêle.  Enfin,  dans  un  troisième  cas,  on  reconnut 
que  l'estomac  et  les  intestins  étaient  dans  un  état  tout-à-fait 
normal. 

Dans  tous  ces  cas  on  avait  donné  l'hydrate  de  peroxide  de 
fer  immédiatement  après  l'ingestion  du  poison.  M.  Bouley 
voulut  reconnaître  par  de  nouvelles  expériences  jusqu'à 
quelle  époque  de  l'empoisonnement  on  pouvait  administrer 
l'antidote  avec  chances  de  succès.  Deux  onces  d'acide  arsé- 
nieux furent  donc  données  à  un  cheval  hors  d'âge,  et  deux 
heures  après  on  administra  le  conlre-poison  dans  les  propor- 
tions indiquées  ci-dessus.  Au  bout  de  huit  jours,  l'animal 
n'ayant  donné  aucun  signe  d'empoisonneuicnt,  fut  abattu,  et 
l'on  trouva  seulement  de  légères  érosions  à  l'estomac  et 
quelques  rougeurs  dans  les  intestins  et  dans  le  cœur. 


(i64) 

Sur  un  autre  cheval,  Tantidote  fut  donné  quatre  heures 
après  l'ingestion  du  poison.  Le  neuvième  jour,  le  cheval  fut 
abattu,  et  l'on  trouva  à  peu  près  les  mlimes  lisions.  Enfin 
sur  un  troisième  cheval,  l'hydrate  de  peroxide  de  fer  fui  ad- 
ministré vingt-cinq  heures  après  l'ingestion  de  l'arsenic,  et  au 
moment  où  les  premiers  symptônies  de  l'cmpoisonncniont 
se  manifestaient.  L'animal  a  succombé  au  bout  de  vingt- 
quatre  heures,  et  a  montré  à  l'autopsie  tous  les  signes  ordi- 
naires de  l'empoisonnement. 

M.  Bouley  voulut  s'assurer  en  outre  si,  comme  l'avait 
avancé  M.  Bunsen,  l'hydrate  de  peroxide  de  fer  agissait  en 
se  combinant  avec  l'acide  arsénieux  et  en  formant  ainsi  un 
arsénite  de  fer.  Il  remit  donc  à  M.  Lassaigne  les  matières 
contenues  dans  l'estomac  et  les  intestins  d'un  cheval  abattu 
soixante-douze  heures  après  l'inge<lion  du  poison  et  de  l'an- 
tidote, et  ce  chimiste  n'a  pu  reconnaître  aucune  trace  d'a- 
cide arsénieux. 

L»s  précieux  effets  de  l'hydrate  de  peroxide  de  fer  sont 
donc  bien  certainement  démontrés.  Il  resterait  à  préciser 
à  quelle  dose  cet  antidote  doit  Titre  administré.  M.  Bunsen 
avait  fixé  la  quantité  de  deux  à  quatre  gros  pour  huit  à  dix 
grains  d'arsenic.  Il  n'est  guère  possible  de  donner  des  pré- 
ceptes positifs  à  cet  égard;  mais  il  suffit  d'avancer  que  l'anti- 
dote étant  une  substance  innocente  par  elle-même,  on  doit 
l'administrer  en  quantité  bien  plus  grande  que  le  poison. 

M.  Bouley  a  terminé  son  Mémoire  par  les  conclusions 
suivantes,  qui  résultent  des  nombreuses  expériences  aux- 
quelles il  s'est  livré  : 

1°  L'empoisonnement  par  l'arséniatc  de  potasse  ne  peut 
Être  combattu  fructueusement  au  moyen  de  l'hydrate  de  per- 
oxide de  fer. 

2°  Le  sulfate  de  fer  employé  dans  le  même  but  ne  produit 
non  plus  aucun  clTet  avantageux. 

3°  L'acide  arsénieux  ne  détermine  r(.'mpoisonnement  chez 
le  cheval  qu'à  la  dose  de  deux  onces  environ,  et,  dans  cette 
circonstance,  la  mort  survient  conslamment  du  deuxième  au 
troisième  jour. 

4°  Le  peroxide  de  fer  hydraté  paraît  vive,  comme  l'a  an- 
noncé M.  Bunsen,  le  contre-poison  de  l'arsenic;  mais  ce 
moyen  ne  réussit  que  dans  le  cas  seulement  où  il  est  em- 
ployé à  une  dose  beaurouj»  plus  élevée  que  celle  du  poison. 

5"  Lorsque  cet  anlidole  e.sl  donné  en  même  temps  <|uc 
l'acide  arsénieux,  preS(|ue  toujours  il  en  annulle  complcle- 
mcni  les  effets. 

G"  L'hydrate  de  pero.xidc  de  fer  produit  encore  des  résul- 


r.65) 

tats  favorables,  administré  même  quatre  heures  après  l'in- 
gestion du  poison. 

7°  Enfin  son  action  est  nulle  et  il  n'empêche  pas  l'animal 
de  succomber  quand  on  l'emploie  long-temps  après  l'empoi- 
sonnement. 

ART,     1023. 

Considérations  sur  un  cas  de  suspicion  d'infanticide. 

Le  dernier  numéro  des  Annales  d'hygiène  et  de  médecine  té- 
gale  contient  une  observation  sur  laquelle  nous  devons  ap- 
peler l'attention  de  nos  lecteurs. 

Deux  médecins  lurent  requis  par  un  commissaire  de  po- 
lice, pour  rechercher  la  cause  de  la  mort  d'un  nouveau-né. 
C'était,  suivant  le  rapport,  une  petite  fille  née  à  terme,  bien 
constituée;  sa  longueur  était  de  dix-huit  pouces,  son  poids 
de  cinq  livres  cinq  onces.  Le  cordon  ombilical  avait  été 
coupé  à  deux  lignes  de  son  insertion  à  l'abdomen. 

La  tête  était  déformée  :  elle  présentait  un  gonflement  li- 
vide à  la  tempe  gauche,  et  l'on  suivait  sur  tout  ce  côté,  au 
travers  des  tégumens,  le  bord  des  os  fracassés.  Les  désordres 
étaient  moindres  du  côté  opposé,  quoiqu'il  fût  aisé  de  les 
constater.  On  trouva,  en  effet,  après  avoir  enlevé  les  tégu- 
mens, d'abord  un  épanchement  de  sang  considérable,  puis  le 
périoste  décollé,  le  pariétal  droit  divisé  en  quatre  fragmens. 
Le  pariétal  gauche  était  également  fracturé.  Les  os  étant 
enlevés,  le  cerveau  parut  affaissé.  Les  vaisseaux  de  la  dure- 
mère  et  de  l'arachnoïde  étaient  fortement  gorgés  de  sang 
noir.  Vers  le  quatrième  ventricule  il  y  avait  un  épanchement 
sanguin  très-considérable.  A  la  base  du  crâne,  les  fosses  oc- 
cipitales postérieures  étaient  remplies  de  sang  noir  un  peu 
fluide. 

Mais  une  autre  lésion  sur  laquelle  les  médecins  ont  dfi  fixer 
toute  leur  attention,  était  la  suivante  :  on  observait  au  cou 
une  empreinte  rouge  circulaire,  offrant  deux  sillons  paral- 
lèles qui  s'étendaient  jusqu'à  la  nuque,  et  avaient  la  largeur 
d'une  ligne  et  demie.  Entre  ces  deux  sillons  la  peau  con- 
servait sa  couleur  naturelle,  et  cet  espace  était  à  peu  près 
de  la  largeur  d'une  demi-ligne.  Quelques  ecchymoses  se 
trouvaient  sur  le  trajet  de  cette  empreinte. 

L'un  des  médecins,  M.  le  docteur  (iuichard,  pensa  que  la 
strangulation  n'avait  pas  été  opérée  à  l'aide  du  cordon  ombi- 
lical, puisque  l'empreinte  circulaire  ne  pouvait  se  rapporter 
au  volume  du  cordon,  et  <pie,  d'ailleur«,  il  n'y  avait  pas  de 


(,66) 

signe  de  morl  par  apoplexie.  Deux  autres  tnédccins  ayant 
déclaré  qu'il  n'était  pas  impossible  que  le  cordou  eût  produit 
la  strangulation,  MM.  Marc  et  Capuron  lurent  appelés  à 
donner  leur  avis  sur  cette  affaire  délicate.  Voici  les  conclu- 
sions de  ces  deux  médecins  sur  ce  point  : 

«  Il  est  difficile  de  concevoir  comment  l'tinfant  serait 
mort  par  strangulation,  et  surtout  au  moyen  du  cordon  om- 
bilical; d'abord  parce  que  l'empreinte  circulaire  ne  répond 
point  au  volume  ordinaire  du  cordon;  ensuite  parce  que 
l'empreinte  offre  des  raies  séparées  par  un  inlcrvalle  de 
même  couleur  que  la  peau,  ce  qui  est  inexplicable  dans  le 
système  de  strangulation  par  le  cordon.  Admettant  même 
que  le  cordon  ait  lait  deux  fois  le  tour  du  cou,  et  que  les  deux 
circulaires  eussent  été  juxtaposées,  on  n'expliquerait  pas  en- 
core le  peu  d'intervalle  qui  sépare  les  deux  raies. 

»  En  supposant  que  l'enfant  eût  été  étranglé  par  le  cordon 
ombilical,  nous  ne  pourrions  pas  mieux  concevoir  comment 
la  respiration  et  la  vie  extra-utérine  auraient  pu  s'établir,  à 
moins  que  l'enfant  eût  respiré  avant  la  strangulation  (i),  et 
dans  ce  cas,  les  voies  de  la  respiration  auraient  offert  quel- 
ques signes  de  ce  genre  de  mort.  » 

Ces  deux  médecins  concluaient  d'ailleurs  que  les  lésions 
du  cerveau  étaient  bien  suffisantes  pour  expliquer  la  mort. 

S'élant  transportés  près  de  la  demoiselle  inculpée  d'infan- 
ticide, ils  reconnurent  que  le  bassin  avait  une  largeur  plus 
qu'ordinaire  à  l'extérieur,  et  qu'à  l'intérieur  il  était  d'une 
forme  et  d'une  largeur  normales. 

Le  placenta  ayant  été  extrait  de  la  fosse  d'aisance,  dans 
laquelle  il  avait  été  jeté,  offrait  un  cordon  ombilical  de  trente- 
deux  pouces  de  long. 

La  mère  raconta  qu'elle  était  accouchée  seule  dans  sa 
chambre,  et  que  l'enfant  étant  tombé  par  terre,  elle  l'avait 
ramassé,  ets'étaittransportée  jusqu'à  la  porte  pour  demander 
des  ciseaux  à  sa  jeune  sœur;  qu'ensuite  elle  avait  refermé  la 
porte,  et  étant  retournée  près  de  son  lit,  elle  avait  perdu  con- 
naissance, et  l'enfant  était  tombé  de  nouveau.  Ayant  repris 
ses  sens,  elle  avait  coupé  le  cordon  ombilical,  mais  l'enfant 
n'existait  déjà  plus. 

Sur  le  rapport  des  médecins,  les  poursuites  furent  inter- 
rompues. 

hé  flexions.  Ce  cas  peut  donner  matière  à  des  considé- 


(i)    L'autopsie    avait  dcmonlir    di;  la  inaiii(;r«  la  plus  évitl(!nfe   que 
l'i/nlant  avaii   n'apirc. 


(i67) 

ralion>  pratiques  fort  importantes. C'est,  suivant  M.  Marc,  un 
(les  plus  obscurs  qu'où  puisse  rencontrer,  et  cet  habile  mé- 
decin ne  paraît  pas  éloigné  de  croire  que  le  cordon  ombilical, 
qui  était  d'une  très-grande  longueur,  ait  pu  faire  deux  fois 
le  tour  du  cou,  et  imprimer  ces  deux  lignes  circulaires  sé- 
parées par  un  espace  non  altéré.  Quant  aux  lésions  graves 
rencontrées  à  la  tête,  elles  lui  semblent  être  le  résultat  de  la 
chute,  lorsque  la  mère,  au  moment  de  tomber  en  syncope, 
et  prise  peut-être  d'un  mouvement  convulsif,  aura  jeté  avec 
violence,  de  ses  bras,  l'enfant  qu'elle  y  tenait. 

Cette  explication  était  la  plus  favorable  à  l'accusée,  et  les 
experts  n'ayant  pas,  dans  cette  affaire  délicate,  de  preuves 
évidentes  du  contraire,  devaient  conclure  ainsi  qu'ils  l'ont 
fait,  et  engager  par  leur  déclaration  le  ministère  public  à  ces- 
ser toute  poursuite;  mais  en  raisonnant  dans  le  seul  intérêt 
de  la  science,  et  donnant  aux  faits  leur  interprétation  la  plus 
naturelle,  ne  doit-on  pas  rester  convaincu  que  cette  fille, 
voulant  se  débarrasser  de  son  enfimt,  aura  cherché,  à  l'aide 
d'une  corde  passée  deux  fois  autour  du  col,  à  déterminer  la 
mort  par  strangulation,  et  que,  n'y  parvenant  pas  assez  vite, 
elle  aura  abandonné  ce  moyen  pour  briser  les  os  du  crâne, 
soit  en  frappant  sur  la  tête  avec  un  corps  contondant,  soit 
plutôt  en  frappant  la  tête  elle-même  sur  le  carreau  ? 

Cette  explication,  tout  horrible  qu'elle  est,  a  dû  se  pré- 
senter la  première  à  l'esprit  des  médecins  appelés  pour  exa- 
miner le  petit  cadavre.  Bien  que  plusieurs  d'entre  eux,  en 
eflet,  se  fussent  livrés  d'une  manière  spéciale  à  la  pratique 
des  accouchemens,  aucun  n'avait  encore  vu  le  cordon  om- 
bilical imprimer  ainsi  autour  du  cou  de  l'enfant  un  double 
sillon  circulaire,  séparé  par  un  petit  intervalle  de  peau  saine. 
Pour  notre  part  nous  n'avons  rien  vu  de  semblable,  bien 
que  nous  ayons  rencontré  un  grand  nombre  de  fois  le  cordon 
formant  un  collier  simple  ou  double,  autour  du  cou  d'un  en- 
fant presque  asphyxié  ;  et  si  l'on  admet  que  des  ecchymoses 
peuvent  être  produites  par  le  cordon  ombilical,  l'explication 
n'en  sera  pas  plus  claire;  car,  dans  ce  cas,  le  double  sillon 
tracé  eût   dfi  présenter  une  bien  plus  grande  largeur. 

Si  le  raisonnement  et  l'expérience  devaient  faire  rejeter 
le  moyen  invoqué  en  faveur  de  l'accusée,  pour  rendre  raison 
des  ecchymoses  du  cou,  il  était  bien  plus  difficile  encore 
d'admettre  que  les  désordres  de  la  tête  provinssent  de  la 
chute  indiquée. 

En  eftet,  la  femme  était  de  petite  stature:  la  distance  de  sa 
poitrine  au  sol  était  de  trois  pieds  un  pouce;  et  cependant, 
malgré  la  mobilité,  la  flexibilité  des  os  à  cet  âge,  malgré  la 


(,6R) 

difficulté  qu'on  éprouve  à  opérer  leur  fracture,  le  pariétal 
droit  était  fracture,  en  éclat  ;  cet  os  était  réduit  en  quatre  frau.- 
vicns  mobiles;  le  pariétal  s;aiichc  était  également  fracturé  dans 
deux  sens  différens,  et  le  périoste  était  détaché  de  la  surface  des 
deux  os  pariétaux. 

Nous  ne  pensons  pas  que  de  pareils  désordres  aient  jaDiais 
été  produits  par  une  chute  do  trois  pieds  de  hauteur  seulement 
d'un  enfant  nouveau -né,  et  notre  opinion  sera  encore  appuyée 
par  les  curieuses  recherches  faites  en  Allemagne,  sur  cesujet, 
et  insérées  à  notre  article  285.  lin  voilà  assez  pour  justifier  le 
soupçon  d'un  crime,  mais  ces  considérations  ne  sont  sans 
doute  pas  suffisantes  pour  motiver  la  condamnation  de  l'ac- 
cusée, car  toutes  ces  questions  sur  l'infanticide  sont  bien  loin 
d'être  décidées,  et,  nous  le  répétons,  c'est  uniquement  dans 
l'intérêt  de  la  science  et  sans  vouloir  hlâmer  les  conclusions 
des  experts,  que  nous  sommes  entré  dans  ces  détails. 

Déjà,  plus  d'une  fois,  nous  avons  eu  occasion  de  revenir 
sur  ce  sujet  épineux,  et  nous  ne  saurions  mieux  faire  pour 
éclaircir  ce  point  important  de  médecine  légale,  que  de 
prier  ceux  de  nos  confrères  qui  possèdent  quelques  faits,  soit 
de  fracture  des  os  du  crâne  du  fœtus,  soit  d'ecchymoses  dé- 
terminée'^ par  la  pression  du  cordon  ombilical,  de  vouloir 
bien  nous  en  faire  part,  afin  que  les  réunissant  et  les  com- 
parant, comme  nous  l'avons  fait  pour  quelques  autres  points 
de  médecine  pratique,  nous  puissions  en  tirer  quelques  cou- 
clusions  utiles  à  la  science. 

AKT.     1024> 

Formulaire  pour  la  préparation  et  l'emploi  de  plusieurs  nouveaux 
médicamcns,  tels  que  la  morphine,  ta  codéine,  l'acide  prussi- 
quc,  la  strychnine,  etc.,  par  F.  Magendie.  (Analyse.) 

M.  Magendie  vient  de  publier  une  huitième  édition  de  son 
Fonnulaire.  Cet  ouvrage,  dans  lequel  sont  examinées  plu- 
sieurs substances  nouvellemcut  introduites  dans  la  théra- 
peutique, telles  que  la  codéine,  l'éther  prussique,  la  nar- 
céine,  etc.,  forme  aujourd'hui  un  recueil  complet  contenant 
l'histoire,  la  préparation  et  le  mode  d'administration  de  la 
plupart  des  médicamens  qui  ont  une  action  puissante  sous 
un  petit  volume.  Le  danger  qin"  accompagne  toujours  l'em- 
ploi de  ces  médicamens  ()l)lige  le<  praticiens  à  connaître  leur 
dose  d'une  manière  précise,  et  explique  facilement  le  succès 
obtenu  par  ce  Fornnilain;,  qui  d'ailleurs  diffère  de  tous  les 
autres  sous  plus  d'un  rupptni.ISous allons  donucr  une  courte 


(»69) 

analyse  de  quelques-uns  des  articles  contenus  dans  ce  vo- 
lume. 

Noi.v  vomiqne.  On  sait  que  l'extrait  de  noix  vomique  a  été 
conseillé  dans  toutes  los  maladies  avec  affaiblissement,  soit 
locales,  soit  génî'rales,  les  paralysies  de  tout  genre,  générales 
ou  partielles.  Ainsi  on  a  cité  des  guérisons  d'amaurose,  d'af- 
faiblissemeiis  des  organes  génitaux,  de  paralysie  des  mem- 
bres supérieurs  et  inférieurs,  de  l'intestin  rectum,  du  col  de 
la  vessie,  etc.  On  sait  aussi  que  les  effets  de  la  noix  vomique 
sont  de  déterminer  dans  les  membres  paralysés  de  fortes  se- 
cousses, à  la  suite  desquelles  le  mouvement  se  rétablit. 

Il  faut  l'employer  à  une  époque  éloignée  de  l'apoplexie, 
de  peur  de  renouveler  les  accidens.  Voici  le  mode  d'adminis- 
tration de  cette  substance  : 

La  forme  préférable  pour  donner  l'extrait  alcoolique  de 
noix  vomique  est  celle  de  pilules,  si  l'on  veut  obtenir  des 
secousses  tétaniques.  Chaque  pilule  doit  être  d'u:i  grain  d'ex- 
trait. On  commence  par  une  ou  deux,  on  augmente  chaque 
jour  jusqu'à  ce  qu'on  arrive  à  l'effet  désiré  ;  alors  on  s'arrête, 
pour  éviter  les  arcideus.  Le  soir  est  l'ioslantle  plus  oppor- 
tun pour  administrer  ce  remède.  On  a  quelquefois  porté  la 
do?e  jusqu'à  trente  à  trente -six  grains  par  jour;  mais  le 
plus  souvent  quatre  à  six  grains  suffisent.  Quand  il  s'agit  de 
produire  des  effets  lents,  on  donne  un  demi-grain  à  un  grain 
par  jour.  On  peut  aussi  se  servir  de  la  solution  alcoolique 
suivante  : 

Alcool  à  trente-six  degrés,  une  once; 
Extrait  sec  de  noix  vomique,  quatre  grains. 

Celte  teinture  s'administre  par  gouttes  dans  des  potions 
ou  des  boissons.  On  peut  aussi  l'employer  en  frictions  sur  les 
parties  paralysées  ou  atrophiées.  M.  Magendie  assure  retirer 
de  grands  avantages  de  ce  mode  d'administration,  et  à  cet 
effet  il  emploie  la  formule  suivante  : 

Alcool  de  noix  vomique,  une  once; 
Ammoniaque  concentré,  deux  gros. 

Codéine.  La  codéine  est  un  alcali  qu'on  retire  de  l'opium, 
et  qui  jouit  à  peu  près  des  mêmes  propriétés  que  la  mor- 
phine. Celte  substance  a  même  réussi  à  produire  du  soula- 
gement et  du  sommeil  dans  des  cas  où  cette  dernière  avait 
complète.nieiit  échoué.  Un  seul  grain,  administré  une  ou 
deux  fois,  suffit  pour  produire  un  sommeil  profond,  qui 
n'est  point  suivi  de  somnolence  et  de  pesanteur  de  tête, 
comme  on  l'observe  pour  la  morphine.  M.  Magendie  l'ad- 


(t7ô) 

minislre,  à  la  dose  d'un,  deux  ou  trois  grains,  dans  un  julep 
ou  un  look  gommeux  ;  elle  peut  être  donnée  en  pilules  d'un 
grain.  Le  nitrate  ou  l'hydrochlorate  de  codéine  sont  prescrits 
à  des  doses  moins  élevées. 

Chlorure  de  chaux.  On  connaît  le  mode  de  préparation  et 
les  nombreux  usages  des  chlorures.  La  propriété  désinfec- 
tante dont  ils  jouissent  les  a  fait  préconiser  dans  une  foule 
de  circonstances  (i),  telles  que  la  pourriture  d'hôpital,  les  ul- 
cères, les  brûlures,  etc.  Cette  substance  convient  en  outre 
parfaitement  dans  certaines  affections  de  la  bouche,  telles 
que  le  ramollissement  des  gencives,  les  ulcères  de  la  langue; 
elle  est  surtout  utile  pour  obtenir  la  désinfection  de  l'ha- 
leine. M.  Magendie  réunit  quelques-unes  des  formules  con- 
seillées à  cet  effet.  Voici  celle  indiquée  par  M.  Chevalier  : 

Chlorure  de  chaux  sec,  trois  gros; 

Eau  distillée,  deux  onces; 

Alcool  à  trente-six  degrés,  deux  onces. 

On  divise  le  chlorure  dans  un  mortier  de  verre  avec  un 
pilon  de  même  matière.  Quand  le  chlorure  est  bien  divisé, 
on  ajoute  une  partie  de  l'eau  distillée,  on  laisse  reposer,  ou 
décante  la  liqueur  qui  s'est  éclaircie,  on  ajoute  une  nouvelle 
quantité  d'eau  au  résidu,  on  triture,  on  laisse  reposer  une 
deuxième  fois,  et  on  répète  une  troisième  fois  le  lavage,  en 
st  servant  des  dernières  portions  de  l'eau  distillée;  on  dé- 
cante, et  on  réunit  des  li(|ucurs  décantées  ;  on  les  filtre,  puis 
on  y  mêle  la  quantité  indiquée  d'alcool,  et  on  y  ajoute  quel- 
ques gouttes  d'une  huibi  essentielle. 

On  met  une  demi-cuillerée  à  café  de  ce  mélange  dans  un 
verre  d'eaii,  et  on  lave  les  gencives  en  se  servant  d'une 
brosse  à  éponge.  Cette  préparation  peut  être  employée  pour 
détruire  l'odeur  de  la  fumée  du  tabac. 

On  peut  aussi  employer  dans  le  même  but  des  pastilles 
ainsi  composées  : 

ChlorQre  de  chaux,  sept  gros  ; 
Sucre  vanillé,  trois  gros; 
Gomme  arabique,  cinq  gros- 
Faites  dès  pastilles  de  quinze  à  dix-huit  grains.  Deux  où 
trois  de  ces  pastilles  ôtCnt  à  l'haleine  l'odeur  désagi-éable. 


(i)  Voy.  :iii.  I,  5i,  j8r),  i^2,  23ç),  282,  7)2~>,  4')o,  466,  4"^,  619,  Cijy 
G55,  820,  842. 


(I70 
Le  docteur  Angelot,  médecin  à  Briançon,  a  employé  en 
lotion  la  solution  suivante  pour  combattre  une  ulcéfatioû 
des  gencives,  très-fréquente  chez  les  soldats  : 

Chlorure  de  chaux,  seize  à  trente  grains  ; 
Solution  de  gomme,  une  once  ; 
Sirop  d'écorce  d'orauge,  quatre  gros. 

Huile  de  croion.  M.  Magendie  fait  un  fréquent  usage  de 
l'huile  de  croton.  Les  effets  purgatifs  de  celte  substance  sont 
trop  connus  pour  que  nous  nous  arrêtions  à  indiquer  les  cas 
dans  lesquels  on  peut  l'admiuistrer  ;  nous  dirons  seulement 
quel  est  le  mode  d'emploi  le  plus  fréquent.  On  donne  ordi- 
nairement uue,  deux  OQ  trois  gouttes  au  plus  d'huile  de  cro- 
ton  dans  Une  demi-once  de  sirop  de  gomme;  on  s'en  sert 
asssi  en  friciions  autour  de  l'ombilic  ;  trois  ou  quatre  gouttes 
déterminent  un  effet  purgatif,  et  en  même  temps  une  légère 
éruption. 

L'administration  thérapeutique  de  l'huile  de  croion  pré- 
sentant desinconvéniens  sous  le  rapport  de  l'exacte  détermi- 
nation des  gouttes,  M.  Caventou  eu  a  préparé  un  savon  ù 
base  de  soude,  qui  a  été  employé  avec  succès  par  le  docteur 
Bally. 

Ce  savon  se  prépare  à  froid,  en  triturant  deux  parties 
d'huile  et  une  partie  de  lessive  dite  des  savonniers.  Lorsque 
la  combinaison  a  acquis  de  la  consistance,  on  la  coule  dans 
des  moules  de  carton,  et  au  bout  de  quelques  jours  on  en- 
lève le  savor^par  tranches,  que  l'on  conserve  dans  un  flacon 
ù  large  embouchure  et  bien  bouché. 

M.  le  docteur  Bally  a  donné  le  savon  d'huile  de  croion  a 
la  dose  de  deux  à  troi»  grains  divisés  dans  un  peu  d'eau  ou 
dans  du  sucre,  ou  en  pilules.  L'effet  purgatif  est  le  même 
que  celui  de  l'huile  de  croton. 

ART.    1025. 

HOPITAL  DES  VÉNÉRIENS. 

Considérations  pratiques  sur  la  syphilis  constHutiohnelte  et  les 
symptômes  par  lesquels  elle  se  manifeste  :  symptômes  successifs 
ou  secondaires  et  consécutifs.  Revue  des  affections  consécutives 
que  l'on  observe  dans  ce  moment  dans  les  salles  des  Vénériens. 

L'existence  d'un  virus  syphilitique  a  été,  comme  chacun 
sait,  mise  en  doute  dans  ces  dernières  années,  et  on  a  cher- 
ché à  expliquer  de  difféjscutes  manières,  et  sans  le  secours  de 


(  »7^) 
cet  agent,  les  symptômes  qui  se  développent  tardivement 
dans  la  plupart  de  nos  tissus.  M.  Cullerier  croit  à  l'existence 
d'un  virus  comme  cause  de  propagation  de  la  maladie,  mais 
il  rejette  les  théories  admises  par  les  auteurs  sur  cette  cause 
première  des  maux  vénériens.  Ainsi  ce  chirurgien  ne  croit 
pas  qu'il  soit  tantôt  bejiin  et  tantôt  malin,  mais  il  expli(|uc  les 
ravages  plus  ou  moins  grands  qu'il  produit  par  la  disposition 
dans  laquelle  se  trouvent  les  individus  afîectés.  Il  n'admet 
point  que  le  mercure  soit  son  spécifique,  puisqu'une  foule 
d'autres  moyens  font  cesser  les  effets  de  la  syphilis,  et,quesou- 
ventau  contraire  ce  métal  reste  tout-à-fait  sans  action  con- 
tre eux.  Enfin  il  est  porté  à  adopter  l'opinion  de  ceux  qui 
pensent  que  le  développement  d'accidens  consécutifs  est  dû 
non  au  long  séjour  du  virus  dans  l'économie  oô  il  sommeille 
pour  ainsi  dire  pendant  plusieurs  années,  mais  à  une  sorte 
d'habitude  qui  fait  que  des  tissus  une  fois  affectés  tendent  à 
le  devenir  ime  seconde  fois,  et  que  l'irritation  ainsi  reproduite 
se  propage  toujours  plus  profondément  d'un  organe  à  un 
autre. 

Quelque  théorie  qu'on  se  forme  du  virus  syphilitique,  il  est 
des  vérités  qu'on  ne  peut  nier,  parce  qu'elles  sont  l'expression 
de  faits  nombreux  que  chacun  a  pu  observer.  C'est  ainsi 
qu'on  s'est  accordé  pour  diviser  les  symptômes  syphilitiques 
en  primitifs  et  en  consécutifs,c'est-à-dire  enjsymptômes  sur- 
venus peu  detempsaprèsl'infeclion,  et  en  symptômes  surve- 
nant un  temps  plus  ou  moins  long  après  la  disparition  de 
ceux-ci. 

Mais  nul  n'a  précisé  le  temps  nécessaire  qui  a  dû  s'écou- 
ler pour  que  les  accidens  fussent  rangés  dans  Tune  ou  l'au- 
tre classe.  Dans  la  stricte  acception  du  mot,  le  chancre  serait 
le  seul  symptôme  primitif,  car  il  est  le  seul  résultat  d'une 
infection  directe,  le  bubon  n'est  déjà  plus  que  secondaire. 
La  blennorrhagie,  si  on  l'admet  comme  symptôme  de  syphi- 
lis, serait  dans  la'uiênie  classe  que  l'ulcère  syphililique,  mais 
l'orchile  ne  serait  déjà  plus  que  secondaire. 

Ce  n'est  point  l'acception  le  plus  généralement  donnée  à  ce 
mol,  et  l'on  ne  considère  comme  consécutifs  que  les  symptô- 
mes qui  dénotent  une  affection  ancienne  ;  ainsi  la  blennorrha- 
gie, l'orchite,  l'ulcère,  le  bubon,  sont  rangés  dans  la  classe 
des  symptômes  primitifs  ;  ceux  qui  surviendront  après  une 
guérison  a[)parentc,  tels  que  les  chancres  de  la  gorge,  les  exos- 
toses,  la  carie  ,  etc. ,  seront  considérés  comme  consécutifs. 
Mais  il  est  une  sorte  de  syniplônn;  mixte,  qui  établit  un  pas- 
sage de  l'accident  primitif  à  l'accident  consécutif,  c'est  celui 
que  M.  Cullerier  a  désigné  sous  le.  nom  de  successif  ou  se- 


condaire.  Aînsi  prenons  pour  exemple  lespustules  muqueu- 
ses qui  succèdent  h  une  hicnnorrhagie  ;  on  les  voit  souvent 
garnir  en  quoique  sorte  la  vulve  et  l'nnus,  se  montrer  avec 
leurs  caractères  indiqués  ù  notre  art.  864  dans  la  bouche,  'es 
oreilles,  sous  les  aisselles,  au  cou;  puis  dans  les  parties  envi- 
ronnantes se  développent  des  boutons  qui  déjà  revêtent  l'as- 
pect de  la  sjpbilide.  et  sur  le  reste  du  corps  enfin  une  vérita- 
ble éruption  pustuleuse  ou  papuleuse  et  qui  annonce  que  l'in- 
fection est  devenue  générale. 

L'observateur  peut  donc  remarquer  une  succession  de 
symptômes  :  blennorrhagie  d'abord,  éminemment  conta- 
gieuse et  survenue  peu  de  tempsaprès  un  coïl  impur;  pus- 
tules muqueusesqui  déjà  ne  sont  plus  contagieuses,  mais  qui 
guérissent  à  peu  près  aussi  rapidement  que  les  symptômes 
primitifs;  enfin  syphilide  générale  non  contagieuse,  de  dilïî- 
cile  guérison,  et  souvent  suivie  d'accidens  plus  graves  en- 
core. 

Il  en  est  de  même  de  l'ulcère  du  gland  :  survenu  peu  de 
temps  après  un  coït  impur,  il  peut  être  suivi  d'un  bubon, 
d'une  syphilide  légère,  et  enfin  d'un  ulcère  de  la  gorge. 
Dans  ces  deux  cas,  la  blennorrhagie,  le  chancre  et  le  bu- 
bon sont  les  accidens  primitifs,  les  pustules  muqueuses  et 
la  syphilide  sont  lessymptômes  secondairesou  successifs;  en- 
fin l'ulcère  de  la  gorge  et  les  autres  accidens  sont  consécu- 
tifs, et  annoncent  une  affection  beaucoup  plus  grave. 

D'autres  fois, et  c'est  le  plus  souvent  peut  être  les  symptômes 
consécutifs  se  manifestent  au  bout  d'un  temps  assez  long, 
sans  apparition  de  celte  espèce  mixte  qu'on  désigne  sous  le 
nom  de  secondaire;  mais  il  esta  remarquer  qu'alors  ils  sont 
beaucoup  plus  graves  et  qu'il  est  fort  difficile  même  d'en 
débarrasser  complèlemenl  l'économie. 

Les  symptômes  successifs  sont  assez  communs  chez  les 
malades  qui  ont  négligé  leur  affection  primitive,  et  chez 
quelques-uns  de  ceux  qui  ont  suivi  le  traitement  simple,  sans 
mercure;  mais  les  symptômes  consécutifs,  dénotant  une  sy- 
philis constitutionnelle,  s'observent  presque  constamment 
chez  les  sujets  qui  ont  fait  usage  de  prépirations  mercurielles. 
Il  est  même  certains  symptômes  qui  ne  s'observent  jamais  ou 
presque  jamais  que  lorsque  les  malades  ont  pris  du  mercure  : 
telles  sont  les  douleurs  ostéocopes,  la  carie  des  os,  et  surtout 
l'exostose.  Il  est  des  médecins  qui  ont  attribué  cette  dernière 
affeclionuniquement;'i  l'usage  (le  ce  métal;  sans  partager  en- 
tièrement cette  opinion,  M.  Culleriercroit  cependant  que  le 
mercure  n'est  pas  étranger  au  déveli)ppcment  de  ce  sym- 
ptôme, car  il  n'a  jamais  rencontré  qu'un  seul  individu  atteint 


(»74) 
d'exostose,  qui  n'eût  pa»  pris,  à  une  époque  plus  ou  moins 
éloignée,  une  préparation  mercuriellc quelconque;  encore  les 
rapports  de  ce  malade  n'étaient-ils  pas  tellement  précis, 
qu'on  ne  pût  conserver  quelque  doute  à  ce  sujet.  Mais  comme, 
d'un  autre  côté,  le  mercure  ne  produit  guère  cet  accident 
quand  il  est  administré  contre  une  maladie  autre  que  la  sy- 
philis, M.  CuUerier  serait  porté  à  croire  que  le  mercure  a  la 
propriété  d'exciter  en  quelque  sorte  le  virus  syphilitique  de 
manière  à  favoriser  le  développ&meat  do  l'ex'estose. 

Mais  ce  symptôme  consécutif  n'est  pas  le  seul  sur  la  na- 
ture duquel  il  s'élève  des  doutes  :  les  ulcère  du  nez  et  du  fond 
de  la  gorge,  comme  nous  en  avons  cité  des  exeiiiples  (i), 
les  tubercules  sous-cutanés,  l'alopécie,  le  tremblement,  en 
un  mot  la  plupart  des  accidens  consécutifs  ont  été  attribués 
S')uvent,  soit  à  la  syphilis,  soit  aux  remèdes  employés,  soit 
enfin  à  des  causes  générales,  tout-à-fait  étrangères  à  la  ma- 
ladie qui  nous  occupe.  De  plus,  il  n'est  pas  toujours  fiicile 
de  distinguer  les  symptômes  primitifs,  des  symptômes  con- 
sécutifs; de  déclarer,  par  exemple,  si  un  bubon  qui  «e  mani- 
feste sans  ulcérations  bien  marquées  du  gland  est  le  résultat 
d'une  absorption  directe  ou  d'une  infection  générale;  si  une 
ulcération  des  lèvres  annonce  un  contact  direct  du  virus, 
ou  son  introduction  dans  toute  l'économie.  On  voit  donc  que 
l'étude  des  symptômes  syphilitiques  censécutifs  est  encore 
extrêmement  obscure,  et  que  les  recherches  auxquelles  nous 
allons  nous  livrer  peuvent  offrir  un  très-grand  intérêt  pour 
la  pratique  ;  mais  avant  de  citer  des  faits  particuliers,  il  est 
nécessaire  d'entrer  dans  quelques  considératioBS  générales 
sur  l'état,  le  nombre  et  la  variété  des  affections  consécutives, 
que  l'on  rencontre  dans  les  salles  des  Vénériens. 

Noms  avons  eu  occasion  de  dire  ailleurs  que  les  affections 
consécutives  étaient  infiniment  plus  rares  et  en  même  temps 
moins  graves  qu'elles  ne  l'étaient  il  y  a  un  certain  nombre 
d'années.  Ainsi,  sur  un  total  de  deux  cents  malades  dans  l'hô- 
pital, on  en  rencontre  liabitucllernent  tout  au  plus  quinze  ou 
vingt  qui  offrent  des  symptômes  syphilitiques  eonsécnlifs  (2) 
(nous  eu  exceptons  toutefois  les  pustules  muqueuses,  qui  sont 
excessivement  communes  chez  les  femmes). 

Ce  petit  nondire  surprendra  sans  doute  ceux  de  nos  confrères 
qui  sont  encore  persuadés  qu'en  n'administrant  pas  le  mer- 


(1)  \  oy.  art.  766. 

(2)  A  la  consultation,  l(;s  alFtïCtious  conscculives  sont  ilans  une   pro- 
portion l)ifn  moindre  encore. 


(175) 

cure,  on  ne  fait  que  pallier  les  symptômes  primitifs,  puisque, 
depuis  près  de  dix  ans,  ce  métal  n'est  réservé  dans  cet  hôpi- 
tal qu'à  un  certain  nombre  de  cas  rebelles,  et  que  la  plupart 
des  malades  sortent  aitrès  avoir  été  soumis  à  un  traitement 
simple;  mais  ils  auront  encore  bien  plus  sujet  de  s'étonner 
quand  ils  sauront  que  la  presque  totalité  de  ces  malades  chei^ 
lesquels  des  récidives  se  déclarent,  s'étaient  souuîis  à  un  trai- 
tement mercuriel  régulier,  lors  de  l'apparition  des  symptô- 
mes primitifs.  Voici  au  reste  le  relevé  des  affections  consé- 
cutives qui  se  trouvaient  dans  le  service  de  M.  Cullerier,  le 
17  mars,  salles  des  hommes. 

xVu  n"  6  de  la  seconde  salle  est  un  jeune  homme  qui  a  des 
tubercules  ulcérés  sur  plusieurs  points  du  corps.  Il  y  a  trois 
ans,  il  eut  une  blennorrhagie  contre  laquelle  il  ne  fit  aucun 
traitement,  puis  il  survint  des  chancres  qui  furent  traités  pen- 
dant plusieurs  mois  par  des  préparations  mcrcurielles.  Un  ah 
après  il  eut  un  ulcère  de  la  gorge,  puis  des  tubercules. 

N°  10.  i'iccrations  de  la  gorge.  Il  y  a  trois  ans,  cet  homme 
eut  un  chancre  au  gland  qui  fut  cautérisé.  Un  bubon  s'étant 
développé,  il  pritdes  pilules  mercurielles  pendant  sept  semai- 
nes^ et  fut  entièrement  guéri. 

N°i  1.  Exostose  des  deux  tibias.  Il  y  a  six  ans,  cet  homme 
eut  une  blennorrhagie  et  des  chancres  pour  lesquels  il  prit  la 
liqueur  de  Van-Swieten  pendant  vingt- cinq  jours  seulement. 
Il  était  bien  guéri  en  apparence,  mais  au  bout  de  trois  ans  il 
survint  une  éruption  contre  laquelle  il  prit  un  grand  nombre 
de  pilules  mcrcurielles.  Enfin  survint  l'exostose  de  la  jambe. 
Presque  toules  les  préparations  mcrcurielles  lui  ont  été  ad- 
ministrées. 

N°  i4-  Rougeur  à  la  gorge  et  quelques  boutons  sur  le  corps. 
Sorti  de  l'hôpital,  il  y  a  quelques  mois,  après  avoir  subi  un 
traitement  mercuriel  incomplet  pour  quelques  chancres  du 
gland. 

N"  1 8.  Vlccration  du  voile  du  palais.  Il  y  a  onze  ans,  ce  ma- 
lade contracta  un  écoulement  et  deux  chancres;  il  se  traita 
d'abord  chez  lui,  pansa  les  chancres  avec  l'onguent  mercuriel 
et  but  de  la  tisane  de  salsepareille;  mais  un  bubon  étant  sur- 
venu, il  entra  à  l'Hôtel-DieUj'où  il  resia  trois  mois  et  demi. 
Pendant  ce  temps  il  prit  deux  pilules  de  Dupuytren  chaque 
jour,  et  sortit  presque  guéri.  Il  paraît  que  lors  de  son  entrée 
à  l'Hôtel-Dieu,  la  gorge  était  déjà  malade. 

N°  19.  Sypiùlide  pustuleuse  et  adénite  sous-maxillaire.  Ce 
malade  assure  qu'il  n'a  jamais  eu  qu'im  écoulement  il  y  a 
dix-huit  mois.  Ce  n'était,  dit-il,  qu'un  échauffement  qui 
dura  six  semaines  et  qu'il  coupa  avec  du  copahu  après  avoir 


pris  pendant  ce  temps  de  la  liqueur  de  Van-Swielen  et  des 
pilules  mercurielles, 

IN"  4  ï  •  Ulcération  de  la  face  dorsale  du  pied  et  tnhcrcules,  que 
l'on  suppose  de  îiafure  syphilitique.  Il  y  a  trois  ans,  ce  malade 
a  eu  des  chancres  qui  ont  été  brûlés  plusieurs  fois,  et  pour 
lesquels  il  a  pris  une  trentaine  de  pilules  mercurielles. 

N°  42-  Tubercules  de  la  face.  Ancien  militaire.  Il  y  a  quinze 
ans  aeu  une  blennorrhagie,  est  entré  à  l'hùpilal  et  a  pris  de  la 
liqueur  de  Van-SAvieten  et  du  sirop  pendant  quarante  à  qua- 
rante-cinq jours.  Six  à  sept  ans  apiès,  ^ans  qu'il  ait  con- 
tracté, assure-t-il,  d'autre  alTeclion,  est  survenue  une  exos- 
tose  à  la  jambe  droite.  Rentré  à  l'hôpital,  il  y  est  resté  trois 
mois,  a  fait  deux  traitcmens  par  la  liqueur  et  le  sirop,  et  est 
sorti  guéri  :  les  tubercules  de  la  fiice  datent  de  deux  ans. 

N°5i.  Exostose  du  sternum.  En  1829,"^  étant  militaire,  il 
eut  une  blennorrhagie  et  des  chancres.  Il  prit,  dit-il,  quatre 
boîtes  de  pilules  napolitaines,  soixante  doses  de  liqueurs, 
sept  frictions,  quatre-vingt-dix  pots  de  tisane  sudorifique, 
etc. 

N*  6.  Petite  saWe.  Syphillde  pustuleuse.  Il  y  a  six  mois, chan- 
cres à  la  verge,  traitement  complet  par  la  liqueur  de  \an- 
SAvieten  et  les  applications  mercurielles. 

N.  7.  SypfiUidc  tuberculeuse.  En  1828,  chancres  et  bubons. 
Deux  mois  et  huit  jours  à  CPt  hôpital.  Il  prit  vingt-cinq  do- 
ses de  liqueurde  A  an-SAvietcn  seulonient  (treize  grains  de  su- 
blimé), et  sortit  guéri.  Il  y  a  neuf  à  dix  mois,  des  tubercules 
se  sont  montrés  sur  plusieurs  points  du  corps. 

N°  4-  lîifirmerie.  Sypldlidc  squammeuse.  Au  mois  d'août 
dernier,  chancres  du  gland  qu'il  traita  par  les  applications 
d'onguent  mercuriel  et  d'une  poudre  blanche.  Les  ulcères 
avaient  complètement  disparu  au  bout  de  quinze  jours.  Deux 
mois  après,  ulcération  delà  gorge,  quarante  pa(|uelsd(;  mn- 
riate  d'or;  éruption  de  la  syphilide  ;'i  peu  près  à  la  même 
époque, 

N"  5,  Ulcirc  de  la  langue.  Cet  homme  assure  n'avoir  ja- 
mais eu  d'autre  syn)ptôine  syphilitique  qm;  de*-  végétations 
au  gland  il  y  a  dix-huit  ans.  Il  était  alors  militaire.  Il  prit, 
dit-il,  trois  bouteilles  de  liqueur  de  Van-SA\  ieten  et  fui  com- 
plètement débarrassé.  L'iib-ère  de  la  langue  s'est  manifesté 
il  y  a  quatre  mois  seulement. 

N"  5  2.  Exostoscs  de  la  téic  cl  des  tibias.  Il  y  a  trente  ans, 
blennorrhagie  et  chaïu.res  pour  lesqtuds  il  subit  un  traite- 
ment complet  pendant  quarante-deux  jours.  Trois  trailemen.s 
semblables  ont  été  faits  avec  exactitude  p.mr  ime  ;>yi)])ilide, 
des  ulcères  et  des  exostoscs. 


(  «77) 
N*  i6.  Vastes  ulcérations  de  la  face  avec  destruction  du  nez  et 
des  paupières.  Cet  homme  a  eu  un  grand  nombre  d'aflections 
syphililiques  pour  lesquelles  il  a  subi  divers  traitemens  mer- 
curiels,  mais  il  paraîtrait  que  ces  traitemens  n'ont  pas  tous  été 
complets,  et  qu'étant  militaire,  il  en  a  négligé  quelques-uns. 
IS"  17.  Nca-ose  du  tibia  et  des  os  du  nez.  Il  y  a  huit  ans, 
chancres  à  la  verge  et  bubons,  tisane  et  liqueur  de  Van-Swie- 
ten  à  plusieurs  reprises.  Quelque  temps  après,  ulcérations 
de  la  gorge,  traitement  complet  par  les  frictions. 

Les  symptômes  consécutifs  de  syphilis,  sur  un  total  de 
cent  hommes  environ,  s'élèvent  dans  ce  moment  à  seize.  Sur 
un  pareil  nombre  de  femmes  à  peu  près,  ou  n'en  compte  pas 
plus  de  cinq  ou  six;  mais  les  renseignemens  qu'on  obtient 
chez  ces  dernières  sont  trop  inexacts  pour  que  nous  cher- 
chions à  noter  ainsi  kurs  antécédens. 

Fidèle  à  notre  habitude  de  ne  juger  la  valeur  des  moyens 
thérapeutiques  que  par  des  faits  nombreux  soigneusement 
recueillis,  nous  avons  dressé  cette  petite  table,  afln  que  nos 
lecteurs,   transportés   en  quelque   sorte   dans  les  salles  de 
M.  CuUerier,  pussent  juger  sainement  de  la  nature  de  la  ma- 
ladie et  des  effets  des  remèdes.  Ils  ont  pu  voir  en  effet  que 
ces  affections  consécutives  étaient  fort  peu  nombreuses  eu 
égard   aux  maladies  primitives;  qu'elles  étaient  peu  graves 
en  général,  car  tous,  à  l'exception  de  trois  ou  quatre,  sont 
assurés  d'une  prochaine  guérison;  enfin  que  les  antécédens, 
chez  ces  divers  malades,  sont  loin  de  plaider  en  faveur  du 
traitement  mercuriel.  Tous  en  effet  ont  été  soumis  à  l'admi- 
nistration du  mercure;  mais,  il  faut  le  dire,  on  doit  remar- 
quer que  tous  n'ont  pas  suivi  un  traitement  général  d'une 
manière    complète;  cependant    les    n"'    10,    ig,    42,    5i, 
deuxième  salle,  6,  petite  salle,  et  5,  12,  18,  infirmerie,  ont 
pris  le  mercure  de  la  manière  la  plus  complète.  Nos  ques- 
tions réitérées  n'ont  pu  les  faire  convenir  d'un  symptôme 
syphilitique  négligé,  et  cependant  la  récidive  s'est  opérée  au 
bout  d'un  temps  plus  ou  moins  long,  et  chez  quelques-uns 
d'une  manière  assez  grave. 

ÎSous  devons  à  la  vérité  de  dire  que,  de  temps  ù  autre, 
nous  rencontrons  quelques  malades  chez  lesquels  la  récidive 
s'est  opérée  après  un  traitement  simple;  mais  ces  cas  sont 
assez  rares,  comme  on  le  voit,  puisque  sur  seize  malades 
qui  se  trouvent  en  ce  moment  dans  les  salies,  pas  un  seul  ne 
se  trouve  dans  ce  cas  (1). 

(i)  Il  est  évident  que  nous  ne  pouvons  langei  dans  la  classe  des  nja- 
TOM.  YI.  —  N"  d'avril.  12 


(  178  ) 

Quoi  qu'il  en  soit,  et  quelques  objections  que  l'on  fasse 
contre  le  traitement  simple,  nous  croyons  qu'on  ne  saurait 
mettre  en  doute  les  propositions  suivantes,  qui  découlent  de 
l'observation  exacte  d'une  masse  de  faits  : 

1°  Quelque  traitement  que  l'on  ait  employé  pour  combat- 
tre les  symptômes  syphilitiques  primitifs,  qu'on  ait  adminis- 
tré le  mercure,  ou  qu'on  se  soit  borné  au  régime  et  au  trai- 
tement local,  on  n'est  jamais  assuré  d'avoir  préservé  le 
malade  de  toute  récidive. 

a"  Les  récidives  sont  plus  fréquentes  quand  on  a  fait  usage 
des  préparations  mercurielles. 

5°  Elles  sont  plus  tardives,  mais  elles  sont  plus  graves. 

4'  Enfin,  quand  un  symptôme;  consécutif  s'est  déclaré, 
qu'on  administre  au  malade  des  mercuriaux,  ou  qu'on  se 
borne  à  l'usage  d'un  traitemeut  simple",  il  est  excessivement 
difficile  de  débarrasser  entièrement  l'économie  de  la  maladie 
dont  elle  est  infectée,  et  de  nouvelles  rechutes  sont  infini- 
ment probables. 

Dans  les  faits  particuliers  que  nous  allons  citer,  nous  au- 
rons souvent  occasion  de  fournir  la  preuve  de  ces  assertions. 
Pour  procéder  du  simple  au  composé,  nous  commencerons 
par  l'étude  des  afléclions  de  la  peau  et  du  tissu  cellulaire; 
nous  examinerons  ensuite  celles  dont  le  siège  est  sur  les  nm- 
queuses;  enfin  nous  pénétrerons  plus  profondément,  et  nous 
étudierons  les  maladies  du  périoste  et  des  os.  Nous  termine- 
rons par  les  symptômes  que  peuvent  offrir  les  nourrices  et 
lesenfaus  nouveau-nés,  et  par  l'examen  de  quelques  mala- 
dies qui  proviennent  de  l'abus  du  mercure,  ou  dont  les  rap- 
porta avec  la  syphilis  ne  sont  pas  assez  tranches  pour  qu'on 
puisse  les  ranger  dans  la  même  catégorie  (i). 


r. 


lades  (iijuniis  à  un  Ir.iitenitnt  simple,  les  individus  qui  ont  abandonn*^ 
leur»  synilùnies  sypliililicjues  ;i  eiix-niôines,  ou  qui  ont  employé  poui' 
les  enlever  quelque  moyen  violent,  tels  que  la  cautérisation  avec  la 
icrrc  infern;ile,  li;  tabac,  ou  d'auli(;s  poudres  iriitautes;  nous  ne  vou- 
ons parler  ({ue  de  ceux  chez  les(|uels  le  Iraileuienl  ratiouncl  indiqué 
dans  le  volume  précédent  a  été  suivi  jusqu'à  la  disparition  complète 
des  Kymplômes. 

(i)  M.  Cullericr  pense  que  le  virus  syphilitique  peut  porter  son  ac- 
tion dans  les  cavités  spluachniques,  et  sur  le  parenchyme  <les  organes 
eux-m()u)es.  Si  des  faits  de  te  genre  se  présentent  à  notre  observation, 
nous  terminerons  notre  travail  par  l'exposé  de  ces  cas  inléressans. 


(  ^79) 

ART.     1026. 

HOPITAL  CLINIQUE  DE  LA  FACULTÉ. 

§  i^'.  —  Coiisideratiom  pratiques  sur  l'astfnne  piriodujue  des 
vieillards^  ses  causes  et  son  traitement. 

Au  n"  9  de  la  salle  des  femmes,  a  été  couchée,  vers  le  mi- 
lieu du  mois  de  mars,  une  malade  âgée  de  cinquante-cinq  ans, 
sujette  depuis  plusieurs  années  à  des  accès  d'étoufFemens  qui 
se  montrant  à  des  époques  plus  ou  moins  éloignées.  C'est 
pour  cet  asthme  périodique  qui  s'était  manifesté  de  nouveau, 
qu'elle  a  été  reçue  à  l'hôpital. 

Eu  examinant  la  poitrine,  oa  a  reconnu  que^la  percussion 
donnait  uu  son  clair  dans  toute  sa  partie  antérieure,  et  que  la 
respiration  s'j  entendait  aisément.  La  partie  postérieure  don- 
nait également  un  son  clair,  mais  ou  y  entendait  un  cliquetis 
particulier  et  du  raie  muqueux  qui  annonçaient  l'emphysème 
du  poumon  dans  une  certaine  étendue,  accompagné  de  bron- 
chite légère. 

Midgré  ces  signes  stélhoscopiques,  M.  Rostan  n'a  considéré 
ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  lésions  comuie  causes  de  l'asthme 
périodique.  Il  a  supposé,  au  contraire,  qu'il  existait  une  af- 
fection du  cœur,  et  a  eu  recours,  en  conséquence,  au  repos, 
à  la  diète,  et  aux  évacuations  sanguines  qui  ont  prouiptemcnt 
amélioré  l'état  de  cette  malade. 

Ce  professeur  s'est  beaucoup  occupé  de  l'asthme  pério- 
dique et  des  causes  qui  y  donnent  lieu  chez  les  vieillards  :  il 
fut  conduit  à.  taire  ces  recherches  à  la  Salpêtrière,  où  ces  sortes 
de  maladies  étaient  excessivement  communes.  Quand,  en 
effet,  pendant  l'hiver,  le  thermomètre  descendait  à  quelques 
degrés  au-dessous  de  zéro,  les  salles  se  remplissaient  de 
vieilles  femmes  qui  étaient  en  proie,  par  accès  et  surtout 
pendant  la  nuit,  à  des  étouffemens  extrêmement  pénibles. 
Quelques  symptômes  de  bronchites  se  manifestant  eu  même 
temps,  on  disait  que  ces  femmes  étaient  atteintes  d'asthmes 
ou  de  catarrhes  pulmonaires. 

Cependant  un  grand  nombre  d'entre  elles  succombaient,  et, 
l'autopsie  en  étant  faite  avec  soin,  on  trouvait  souvent  l'aorte 
offrant  des  plaques  de  concrétions  dans  une  grande  partie  de 
son  étendue,  le  vonlricule  gauche  amplifié  et  épaissi,  les 
poumons  engorgés,  et  la  muqueuse  de  l'estomac  et  des  in- 
testins d'un  gris  ardoisé.  Souvent  aussi  le  thorax  était  eu 
même  temps  dévié  de  manière  à  ne  pas  permettre  le  jeu  du 
poumon,  ou  cet  organe  lui-mOiue  était  ulteinl  d'une  phleg- 


(i8o) 

masie  chroniqae.  Enfin,  dans  tous  les  cas,  il  y  avait  une 
cause  qui  entretenait  la  difficulté  de  la  respiration. 

Cet  asthme'périodique,  qu'on  considérait  à  cette  époque 
comme  primitif,  sembla  donc  à  M.  Rostan  le  résultat  de  ces 
diverses  lésions,  et  les  nombreuses  autopsies  cadavériques 
qu'il  a  eu  occasion  de  faire  jusqu'à  ce  moment,  l'ont  encore 
confirmé  dans  cette  opinion.  Suivant  ce  médecin,  l'asthme 
périodique  des  vieillards  n'est  donc  point  une  affection  ner- 
veuse, et  voici,  indépendamment  des  lésions  cadavériques 
constamment  rencontrées,  les  raisons  sur  lesquelles  il  s'ap- 
puie pour  soutenir  sa  proposition. 

Le  système  nerveux  n'est  pas  développé  chez  les  vieillards. 
Sur  des  milliers  de  malades,  à  peine  en  voit-on  un  seul  qui  ait 
une  affection  de  ce  genre  ;  tandis  que  l'asthme  périodique  est 
au  contraire  une  maladie  excessivement  commune,  puisque 
sur  un  total  de  quatre  à  cinq  cents  malades,  dès  qu'il  faisait 
froid,  on  en  rencontrait  trois  cents  peut-être  ainsi  affectés. 

L'ossification  de  l'aorte  est  une  lésion,  comme  on  sait, 
extrêmement  fréquente,  et  il  s'en  faut  de  beaucoup  quêtons 
les  malades  qui  en  sont  atteints  présentent  des  accès  de  suf- 
focation; assurément  cette  ossification  peut  exister  sans  pro- 
duire l'asthme,  puisque,  pendant  les  chaleurs  de  l'été,  ces 
malades  n'en  présentent  plus  les  symptômes;  mais  de  ce  que 
cette  lésion  ne  détermine  pas  chez  tous  les  mêmes  effets,  on 
ne  peut  en  conclure  que  ce  n'est  point  elle  qui,  chez  d'autres, 
les  produit;  car,  nous  le  répétons,  on  a  toujours  trouvé  les 
désordres  indiqués  à  l'autopsie,  et  quand  on  ne  les  a  pas  trou- 
vés, c'estque,  suivant  .M.  llostan,  on  a  mal  cherché.  Voici,  du 
reste,  le  mécanisme  présumé  de  cette  suffocation. 

C'est  dans  l'hiver,  et  lorsque  la  température  est  basse,  que 
ces  accès  se  manifestent.  A  cette  époque,  en  effet,  la  circu- 
lation capillaire  des  vieillards  est  suspendue;  le  sang,  qui 
était  à  la  périphérie  du  corps,  doit  se  porter  au  centre  ;  il  s'en 
trouvera  donc  une  plus  grande  quantité  dans  le  ventricule 
gauche,  et  comme  il  existe  déjà  un  obstacle  à  sa  libre  sor- 
tie ce  sang  stagne  dans  le  ventricule  de  ce  côté,  puis  dans 
l'oreillette,  puis  dans  le  poumon  qu'on  trouve  en  effet  alors 
comme  splénisé.  Le  poumon  ainsi  gorgé  de  sang  n'oflVe  donc 
plus  une  place  suffisante  à  l'air,  et  les  malades  éprouvent  une 
telle  gêne  de  cette  privation  d'air,  qu'ils  -sont  comme  en 
proie  à  des  convulsions. 

Telle  est  l'explication  que  M.  llostan  donne  à  la  produc- 
tion de  cet  asthme  périodique.  La  nature  de  cette  maladie 
ain-ii  expliquée  nous  dispense  d'entrer  dans  d'autres  détails 
surl«  IraitemcQt. 


(18.) 

ART.    1027. 

§  2.  —  Considérations  pratiques  sur  l'emploi  du  séton  dans  tes 
■  affections  chroniques  de  la  poitrine. 

Aux  n"  14  et  17  de  la  salle  des  hommes,  sont  deux  ma- 
lades, sur  la  poitrine  desquels  on  a  placé  un  séton  pour  des 
sj'mptômesassezprononcésdepneumoniechronique.  M.  Ros- 
tan  fait  un  fréquent  usage  du  séton  dans  ce  cas,  et  voici  com- 
ment il  a  été  conduit  ;;  l'employer  : 

Un  jeune  médecin  d'une  assez  bonne  constitution  vint  le 
trouver,  il  y  a  quelques  années,  se  plaignant  d'avoir  une  toux 
opiniâtre,  accompagnée  d'amaigrissement.  Il  l'examina,  et, 
ne  reconnaissant  que  l'existence  d'une  légère  bronchite,  se 
borna  à  lui  prescrire  quelques  soins  hygiéniques.  Au  bout  de 
trois  semaines,  ce  jeune  homme  se  présenta  de  nouveau  ù 
son  cabinet;  il  était  pûle  et  abattu.  L'auscultation  ne  dénota 
que  du  râle  muqueux.  On  prescrivit  l'application  d'un  vési- 
catoire. 

Quelques  mois  après,  ce  malade  revint  encore;  il  était 
pâle,  languissant,  et  pouvait  à  peine  se  soutenir.  Cette  fois, 
l'auscultation  démontra  différens  bruits  anormaux,  et  en  ou- 
tre il  y  avait  de  la  matité  sur  plusieurs  points  de  la  poitrine. 
Enfin  M.  Rostan,  ayant  été  appelé  en  consultation  chez  lui 
avec  plusieurs  médecins,  le  trouva  dans  le  marasme,  et  cha- 
cun resta  persuadé  qu'on  avait  affaire  à  une  phthisie  au 
troisième  degré.  Cependant,  pour  consoler  le  malade,  on  lui 
dit  qu'il  avait  une  pleurésie  chronique;  on  le  mit  au  régime 
lacté,  et  on  plaça  sur  la  poitrine  un  large  séton. 

Quelques  mois  s'écoulèrent;  et  lorsque  M.  Rostan  croyait 
que  ce  jeune  homme  avait  succombé,  il  apprit  au  contraire 
qu'il  allait  beaucoup  mieux.  On  lui  conseilla  d'habiter  à  la 
campagne,  et  au  bout  d'un  an  il  revint,  dans  le  meilleur 
état  possible,  pour  demander  à  son  médecin  s'il  pouvait  se 
débarrasser  du  séton.  M.  Rostan  lui  conseilla  de  le  garder 
encore;  ce  qu'il  fit  pendant  un  an.  Depuis  cette  époque,  il  a 
fait,  sans  trop  de  fatigue,  son  service  lors  du  choléra  ;  il  a 
même  eu  une  pleurésie,  dont  il  s'est' parfaitement  guéri; 
enfin  aujourd'hui  il  est  dans  un  excellent  état  de  santé. 

Vers  la  même  époque,  un  médecin  de  la  province  fit  ve- 
nir M.  Rostan  pour  lui  présenter  une  jeune  dame  au  déclin 
d'une  pleurésie  aigui).  L'affection  pour  laquelle  on  le  consul- 
tait était  peu  grave;  mais  il  paraît  qu'à  partir  de  ce  mo- 
ment des  tubercules  se  développèrent  ou  s'enflammèrent 
dans  les  poumons,  car  celte  dame  vint  à  Paris  au  bout  de 


(l82) 

quelques  mois,  après  avoir  éprouvé  de  nombreuses  hémop- 
tysies.  Le  bruit  du  gargouillement  était  des  plus  sensibles. 

M.  Rostan  la  fit  placer  à  la  maison-  de  santé  des  Néother- 
mes, où  l'on  put  entretenir  continuellement  dans  sa  cham- 
bre une  température  à  >ingt  degrés;  il  la  fit  saigner,  pres- 
crivit des  bains  de  vapeur  et  divers  autres  moyens  qui 
n'entravèrent  pas  la  marche  de  l'affection  tuberculeuse. 

Après  quelque  temps  de  séjour  à  Paris,  cette  dame  voulut 
retourner  chez  elle,  et  M.  Rostan  lui  conseilla,  comme  der- 
nière ressource,  l'application  d'un  selon  sur  les  parois  de  la 
poitrine.  Trois  mois  après,  son  mari  écrivit  qu'elle  ne  tous- 
sait plus,  et  qu'elle  prenait  de  l'embonpoint.  Elle  vint  elle- 
même.  Tannée  suivante,  à  Paris,  et  sa  santé  était  dans  l'état 
le  plus  satisfaisant. 

M.  Rostan  possède  encore  plusieurs  autres  cas  de  ce 
genre  qui,  pour  n'être  pas  aussi  concluans,  n'en  offrent  pas 
moins  beaucoup  d'intérêt,  et  l'engagent  à  continuer  l'emploi 
de  ce  moyen. 

AET.    102b. 

Séances  d'Académie. — Traitement  du  varicocèle. — Homœopathie. 

Varicocèle.  Nous  avons  parlé,  à  notre  art.  775,  du  procédé 
préconisé  par  M.  lireschet,  pour  la  cure  complète  du  vari- 
cocèle, et  qui  consiste  à  pincer  au  travers  de  la  peau  les  vei- 
nes développées  avec  un  instrument  particulier,  ressemblant 
aune  pince  à  disséquer.  Ce  chirurgien  a  présenté  à  l'Acadé- 
mie un  homme  dont  le  varicocèle  était  si  volumineux,  que, 
pour  se  servir  de  son  expression,  il  semblait  avoir  des  boyaux 
autour  du  testicule.  Les  pinces  à  compression  en  ont  amené  la 
résolution  complète.  C'est  environ  la  soixantième  guérison 
obtenue  parce  procédé.  Mais  M.  lireschet  a  pu  se  convaincre 
qu'il  ne  déterminait  pas  par  celle  compression,  comme  il  le 
pensait  d'abord,  seulement  une  inllammation  adhésivc  des 
parois  de  lu  veine,  il  a  reconnu  que  le  vaisseau  entier  était 
morlifié,  et  cette  remarque  l'a  conduit  à  modifier  son  instru- 
ment, au(juel  il  donne  aujourd'hui  la  l'orme  de  l'entérotomc 
de  Dupuylren. 

M.  Velpeau  s'est  élevé  contre  ce  procédé,  au(|uel  il  a  re- 
proché ses  dangers  et  ladiUicullé  de  son  applicali»»n.  Suivant 
ce  chirurgien,  l'occlusion  des  veines  est  loin  de  constituer 
une  opération  innocente,  et  le  danger  est  le  même  par  quel- 
fine  procédé  que  Ton  arrive.  Or,  il  serait  plus  simple  de 
mellrc  la  V(;ine  à  nu  et  do  la  lier  directement;  ou,  si  l'on  ne 
veut  pas  faire  d'incision  à  la  peau,  de  passer  une  aiguille  au- 


(183) 

dessous  d'elle,  et  de  pratiquer  une  sorte  de  suture  entor- 
UUée. 

M.  Breschet  est  convenu  que  le  danger  qui  accompagne 
l'oblitération  des  veines  par  les  autres  procédés  a  dû  faire  re- 
noncer les  chirurgiens  à  pratiquer  cette  opération  ;  mais  il  y 
a,  suivant  lui,  une  grande  différence  entre  la  ligature,  l'inci- 
sion, la  cautérisation  et  une  compression  lente,  qui  morlifle 
les  tissus,  sans  propager  au  loin  l'inflammation.  C'est  en  ef- 
fet de  celle  manière  qu'ilobtient  l'oblitération  des  veines,  et 
jusqu'à  ce  jour  il  n'a  encore  rencontré  ni  accideus,  ni  in- 
succès. 

Hoinœopatide.  Deux  séances  ont  été  consacrées  à  l'examen 
de  la  question  adressée  par  le  ministre  (i).  La  commission  a 
d'abord  proposé  de  répondre  au  gouvernement  .'Qu'il  n'est 
pas  convenable,  dans  l'intérêt  de  la  santé  publique,  d'auto- 
riser quant  à  présent  dans  Paris  l'établissement  d'un  dispen- 
saire et  d'un  hôpital  où  tous  les  malades  seraient  traités  gra- 
tuitement. La  discussion,  ouverte  immédiatement,  a  été  des 
plus  intéressantes,  et  des  faits  nombreux  ont  été  cités,  qui 
pourront  enfin  fixer  l'esprit  de  nos  lecteurs  sur  la  valeur  de 
cette  doctrine,  si  quelques-uns  d'entre  eux  doutaient  encore 
de  son  absurdité. 

M.  Esquirol  le  premier  a  rapporté  qu'à  Naples,  M.  de  Ho- 
ratiis  ayant  obtenu  la  permission  d'établir  un  hôpital  où  les 
malades  devaient  être  traités  homœopathiquement ,  après 
quarante  jours  d'essais  infructueux,  on  a  reconnu  que  les 
médicamens  ainsi  administrés  n'avaient  aucune  action,  et  il 
a  fallu  fermer  l'hôpital.  Depuis  cette  époque,  l'homoeopa- 
thie  ne  jouit  d'aucun  crédit  dans  le  royaume  de  Naples,  et 
M.  de  Horatiis  lui-même  y  a  renoncé. 

M.  Andral  a  rapporté  des  faits  bien  plus  curieux.  Ce  mé- 
decin a  partagé  ses  expériences  en  deux  séries.  Il  a  voulu 
vérifier  d'abord  si  les  médicamens  administrés  homœopathi- 
quement déterminaient  chez  l'homme  sain  les  maladies 
qu'ils  guérissent.  En  conséquence  il  a  pris,  ainsi  qu'une 
dizaine  d'élèves,  le  quinquina  ;\  des  doses  homœopathiques, 
et  ni  ks  uns  ni  les  autres  n'en  ont  absolument  rien  éprouvé. 
Puis  ils  ont  continué  l'usage  de  la  même  substance  à  des 
doses  plus  élevées.  Ceux  qui  avaient  un  bon  estomac  n'en 
ont  rien  éprouvé;  ceux  dont  l'estomac  était  plus  faible  ont 
ressenti  du  malaise,  de  la  céphalalgie,  des  douleurs  à  l'épi- 
gastre,  mais  absolument  rien  de  ce  qui  pouvait  ressembler  à 
un  accès  de  fièvre  intermittente.  L'aconit,  le  soufre,  l'arnica, 

(i)  Voy.  art.   looo.  Note. 


(»84) 
ont  été  expérimenlés  de  la  même  manière,  et  dans  aucun 
cas  n'ont  déterminé  les  maladies  contre  lesquelles  on  les  re- 
commande. 

L'autre  série  d'expériences  consistait  à  administrer  les 
médicamens  à  doses  homœopathiques  à  des  individus  ma- 
lades. Le  quinquina  a  été  donné  dans  des  cas  de  fièvre  inter- 
mittente. Quelques-unes  ont  guéri  ;  mais  on  sait  qu'un  grand 
nombre  de  fièvres  d'accès  guérissent  d'elles-mêmes  :  pres- 
que toutes  ont  résisté  opiniâtrement,  et  il  a  fallu  les  traiter 
par  la  méthode  ordinaire.  L'aconit  a  été  donné  dans  plus  de 
quarante  cas  de  fièvres  inflammatoires,  et  n'a  absolument 
rien  produit.  Il  en  a  été  de  même  de  la  bryone  dans  les  rhu- 
matismes, de  l'aconit  et  de  la  belladone  dans  la  pneumonie, 
et  d'une  foule  d'autres  substances  qu'il  serait  inutile  d'énu- 
mérer  ici. 

Malgré  le  talent  bien  connu  de  M.  Andral,  les  homœo- 
pathes  auraient  pu  objecter  son  peu  d'expérience  dans  l'ap- 
plication des  préceptes  de  Hahnemann.  M.  Bally,  médecin 
de  l'Hôtel-Dieu,  a  voulu  éviter  ce  reproche,  en  faisant  faire 
sous  ses  yeux  des  expériences  par  deux  médecins  homœo- 
pathes.  L'un  d'eux,  M.  Curie,  suivit  ses  malades  pendant 
quatre  à  cinq  mois:  il  avait  fait  venir  ses  médicamens  d'Alle- 
magne. De  tous  les  sujets  ainsi  traités,  pas  un  seul  ne  guérit. 

Ces  faits  ont  paru  faire  une  très-grande  impression  sur 
l'Académie.  A  peine  quelques  membres  ont-ils  pris  la  parole 
non  en  faveur  de  l'homœopathie,  mais  en  faveur  des  homœo- 
pathes,  qui  en  général  ont  été  traités  avec  une  extrême 
sévérité. 

La  réponse  de  la  commission  n'ayant  pas  paru  assez  pré- 
cise, l'Académie,  presque  à  l'unanimité,  en  a  voté  une  se- 
conde dans  laquelle,  après  avoir  repoussé  l'homneopathic 
comme  doctrine,  elle  la  rejette  encore  en  se  fondant  sur  les 
faits  rapportés  (i). 


(i)  Nos  lectfiurs  se  rappellent  qu'à  noire  art.  looo,  en  analysant  une. 
brochure  sur  l'emploi  du  suc  de  persil  dans  le  traitement  de  la  blcn- 
norrhaj^ie,  nous  avons  df'-claré  que  nous  nous  refuserions  à  publier  des 
laits  recueillis  par  des  médecins  liomœopatlics,  ailleurs  que  dans  des  hô- 
pitaux. Nos  motifs  seront  parfaitement  appréciés  quand  on  aura  pris 
connaissance  de  la  note  suivante,  que  M.  le  docteur  Laurent  comptait 
lire  à  l'Académie,  et  qu'il  a  conmiuniquée  à  la  Gazette  médicale  : 

•  La  publication  de  celle  brocliurc  (celle  dont  nous  avons  fait  l'ana- 
lyse) nous  étonne  d'autant  plus  que  le  traitement  homœopatliique 
fut  appliqua  à  l'insu  des  cliefs  d<;  service  de  l'établissement,  et  sans 
aucun  conirôle  de  leur  part.  M.  le  docteur  Paradis,  chirurgien  en  chef 
de  l'hôpital,  crut  devoir,  dans  l'iiilérCl  de  la  vérité,  faire  toutes  les  rc- 


(185) 

ART.     1029. 

MÉDECINE  Légale; 

Lettre  quatrième. 
Modèle  de  consultation  médico-légale. 
M., 

Il  esl  assez  rare  de  pouvoir  renfermer  une  consultation  médico- 
légale  dans  un  cadre  étroit  :  voici  cependant  un  fait  qui  peut  s'y 
prêter.  Cet  exemple  doit  appeler  votre  attention,  parce  qu'il  n'a  pas 
encore  reçu  de  publicité,  et  que  je  ne  sache  pas  que  de  pareils  faits 
aient  été  publiés  en  France.  Il  s'agit  d'une  asphyxie  par  un  genre 
de  combustion  du  bois,  d'autant  plus  dangereux  qu'il  s'effectue  dans 
un  espace  de  temps  très-long,  et  qu'il  ne  manifeste  sa  présence  que 
par  l'action  que  ses  produits  déterminent  sur  l'économie  animale, 
sans  qu'on  puisse  deviner  la  source  d'où  ils  proviennent.  J'ai  rap- 
proché de  ce  fait  un  cas  analogue,  rapporté  par  les  journaux  alle- 
mands, et  dans  lequel  un  graud  nombre  de  personnes  ont  été  suc- 
cessivement asphyxiées  au  fur  et  à  mesure  de  leur  arrivée  dans  la 
pièce  infectée,  alors  qu'elles  y  venaient  pour  porter  secours  à  des 
personnes  déjà  malades.  Le  traitement  employé  était  peu  rationnel, 
parce  qu'on  ignorait  la  cause  des  accidens,  quoiqu'ils  se  reprodui- 
sissent sous  la  même  forme  chez  tous  les  individus. 

Préambule. 

Nous,  M.    G.  A.  D ,  docteur  en  médecine,    consulté   par  M. 

G >  juge  d'instruction,  sur  la  question  de  savoir  si  un  appareil  ca- 
lorifère, chauffé  par  le  charbon  de  terre,  peut  laisser  échapper  des  gaz 


cherches  pour  la  découvrir.  Il  écrivit  à  tous  les  cbirurgiens-majors  des 
régimens  auxquels  appartenaient  les  hommes  qui  sont  désignés  dans 
les  observations,  et  voici  le  premier  document  qu'il  a  reçu.  Il  est  de 
M.  Merle,  chirurgien-major  du  4^^  de  ligne.  Voici,  dit  ce  chirurgien,  le 
résultat  de  mes  recherches  ; 

•  1"  Deux  de  ces  hommes  sont  inconnus  au  régiment. 

»  a°  Sur  les  dix-huit  autres,  cinq  sont  absens  depuis  plusieurs 
mois. 

»  5°  Parmi  les  treize  présens,  il  n'en  n'est  qu'un  seul  dont  la  cure 
puisse  être  attribuée  à  la  méthode  honiœopathique  ;  encore  il  est  à  re- 
marquer que  son  urétrite  était  récente  et  sans  phénomène  inflamma- 
toire. Tous  les  autres,  après  avoir  pris  une  ou  plusieurs  doses  de  suc  de 
persil,  sans  en  éprouver,  comme  ils  le  disent,  ni  bien  ni  mal,  ont  fait 
us;igt;  de  baum(!  de  copahu,  d'injections  astringentes,  qiicdescomplai- 
sans  leur  ont  apportés  du  dehors,  et  c'est  à  ces  derniers  moyens  théra- 
peutiques qu'ils  ont  dû  leur  guérison.  » 

Celte  note  n'a  pas  bcsoio  de  commentaires.  (  N.  du  R.  ) 


(186) 

qui  respires  produiraient  Fasphjxie,  et  si  dans  l'espèce  il  faudrait  attri- 
buer à  cette  cause,  ou  à  toute  autre,  la  mort  d'un  cocher  attaché  à  la  mai' 
son  de  M.  le  duc  de  M...,  ainsi  que  les  accidens  éprouvés  par  plusieurs 
domestiques  de  la  mêine  maison,  nous  avons  demande^  communica- 
tion de  toutes  les  pièces  de  l'instruction.  Elles  nous  ont  été  remises, 
et  consistaient  :  i°  en  un  rapport  du  commissaire  de  police  du  quar- 
tier de....;  a"  en    deux    rapports   de   MM.   M et   C....,  docteurs 

en  médecine,  appelés  à  donner  des  soins  à  la  personne  qui  est  dé- 
cédce;  3°  en  les  dépositions  des  sieurs  B....,  R....,  G....;  4"  en  un 
rapport  de  M.  N....,  architecte  expert. 

Nous  extrayons  de  ces  pièces  les  faits  qui  suivent  : 

Exposition  des  faits. 

§  I.  Le  trois  décembre,  à  sept  heures  du  matin,  Régnier,  cocher 
de  M.  le  duc  de  Mo....,  entre  dans  la  chambre  de  D....,  située  au 
deuxième  étage.  Il  y  voit  une  fumée  épaisse  et  sent  une  odeur  de 
charbon  qui  lui  porte  à  la  tête.  {Rapport  du  commissaire  de  police.) 

%   2.    D..,.,  qui  pour  la  première  fois   avait  passé  la  nuit  dans 

celte  chambre,  était  sans  connaissance;  en  vainR l'appelle,  il  ne 

donne  pas  signe  de  vie.  {Idem.) 

§  3.  R....  entre  alors  dans  la  chambre  d'un  sieur  Rob....,  il  le 
trouve  dans  le  même  état  que  D {Idem.) 

§  4-  Il  appelle  du  secours,  des  soins  sont  donnés  à  Rob....,  il  re- 
vient à  lui,  {Idem.) 

§  5.  En  vain  on  administre  les  mêmes  secours  à  D....;  en  vain 
un  médecin  est  appelé  et  met  en  usage  les  moyens  propres  à  le  rap- 
peler à  la  vie.  (  Idem.  ) 

§  6.  A  deux  heures  après  midi,  un  second  médecin,  trouvant  le 

corps  de  1) encore  chaud,   ouvre  l'artère  temporale,  mais  sans 

lésultats.  (  Idem.  ) 

§  7.  Depuis  quelques  jours  R éprouvait  des  maux  de  tête  en 

s'éveillant,  et  sentait  dans  sa  chambre  l'odeur  de  la  vapeur  de  char- 
bon. (  Idem.  ) 

§  8.  Dans  la  même  nuit,  un  autre  cocher,  nommé  G....,  s'était 
couché  à  minuit  ;  il  s'était  éveillé  <i  deux  heures  du  matin  dans  un 
état  complet  de  malaise,  qui  ne  s'était  dissipé  qu'en  prenant  l'air  à 
une  fenêtre.  {Déposition  de  G ) 

§  9.  Le  commissaire  de  police  et  les  deux  médecins  appelés  le 
trois  décembre  mil  huit  cent  trente-quatre,  constatent,  en  entrant 
dans  les  chambres  de  D et  de  R ,  non-seulement  l'odeur  très- 
forte  de  la  vapeur  du  charbon,  mais  encore  la  sortie  de  cette  -va- 
peuT  par  les  bouches  de  chaleur  du  calorijere  ;  elles  étaient  placées  dans 
lesdites  chambres.  {liapporc  du  commissaire  de  police.) 

§  10.  Au  rez-de-chaussée  existait  un  calorifère;  il  avait  été  al- 
lumé pour  la  dernière  foi.*;,  le  samedi  vingt-neuf  novembre,  c'est-à- 
dire   quatre  jours   avant  la    moit  de  D {Déposition  de  U....).  Sa 

Cunstrnciion  remontait  en  mai  mil  huit  cent  trente-trois. 

,^  I  1 .  Df-pnis  fort  long-teni|)s  les  peisoiines  qui  habitaient  le  corps 
<le  bâtiment  qu'il  était  destiné  a  ccliaiider,  en  étaient  inciinniodées  ; 
leur  plainte  donna  lieu  à  une  r<  paralion  en  février  mil  huit  cent 
trente-quatre.  Celte  réparation   n'eul  aucun   résultat,   et   ces  per- 


(i87) 

sonnes  prirent  le  parti  de  fermer  les  bouches  de  chaleur  destinées 
à  échauffer  la  chambre  qu'elles  habitaient.  11  s'en  exhalait  une  fu- 
mée d'une  odeur  particulière:  c'était,  dit  G...,  une  exhalaison  qui 
m'empoiionnait.  G....  couchait  au  premier. 

§  12.  Le  soir  même  de  l'événement  de  la  mort  de  D....,  le  calori- 
fère est  démoli. 

Le  vingt-deux  décembre  un  architecle  expert  est  commis  pour 
constater  l'état  des  lieux  ;  le  mode  de  construction  qui  avait  été 
adopté  pour  le  calorifère,  et  désigner  la  cause  des  accideus  survenus. 

Il  résulte  de  son  rapport  que  le  calorifère,  établi  au  rez-de-chaus- 
sée, daus  une  sellerie,  avait  son  tuyau  de  fumée  pose  au  droit  d'une 
cheminée,  et  ses  tuyaux  calorifères  daus  l'épaisseur  du  plancher  bas 
de  l'entresol,  entre  deux  solives.  Ils  .«orlaient  tous  ensuite  par  plu- 
sieurs embranchemens  dans  la  hauteur  de  l'entresol  et  d'une  par- 
tie du  premier  et  du  second  étage,  pour  conduire  la  chaleur  dans 
diverses  pièces. 

§  i3.  Lors  de  la  démolition  dudit  calorifère  et  de  tous  ses  acces- 
soires, on  a  trouvé  les  deux  pièces  de  bois  entre  lesquelles  passaient 
les  tuyaux  de  la  fumée  et  de  la  chaleur,  consumées  à  un  tel  point 
qu'elles  s'enflammaient  au  contact  de  l'air. 

§  14.  11  paraît  résulter  des  renseiguemens  qu'a  recueillis  l'archi- 
tecte, que  le  placement  du  tuyau  de  la  fumée  trop  près  des  solives, 
les  a  tellement  échauffées,  qu'il  y  a  mis  !e  feu  ;  que  le  feu  s'est  étendu 
successivement  dans  toute  la  longueur  des  solives  et  les  a  mises  dans 
un  état  de  carbonisation  qui  a  produit  dans  l'entrevoux,  où  étaient 
places  les  tuvaux  de  chaleur,  un  gaz  qui  se  sera  introduit  dans  les 
tuyaux  mal  joints  de  la  chaleur,  et  se  sera  répandu  ensuite  dans  les 
chambres  où  ces  tuyaux  aboutissaient  sans  aucune  soupape  de  fer- 
meture. 

§  i5.  Que  l'on  aurait  dû  placer  les  tuyaux  de  conduite  de  la 
clialeur  eu  contre-bas  du  plafond  des  pièces  du  rez-de-chaussée, 
en  les  enveloppant  d'uue  poterie  en  grès  ou  en  terre  cuite,  au  lieu  de 
les  mettre  dans  l'intérieur  du  plancher  entre  les  solives. 

Discussion  des /aies. 

Trois  personnes  sont  prises  à  la  fois  d'une  affection  qui  présente 
les  caractères  d'une  asphyxie  par  le  charbon.  (§,  i,  2,  3.) 

L'une  d'elles  succombe,  malgré  les  secours  proj)res  à  rappeler  un 
asphvxié  à  la  vie;  les  deux  autres  reprennent  connaissance.  (§  5,  6, 
4,  8.) 

Il  y  a  donc  tout  lieu  de  croire  que  D...  a  succombé  à  une  as- 
phyxie, quoique  l'ouverture  du  corps  n'ait  pas  été  faite. 

Depuis  long-temps  une  odeur  désagréable  se  faisait  sentir  daus 
les  chambres  où  se  distribuaient  les  bouches  du  calorifère.  Ga... 
en  éprouvait  les  mauvais  effets  tous  les  matins  en  s'éveillaut;  la 
cause  des  accidens  provenait  donc  très-probablement  de  cette 
source.  (§11.) 

Une  réparation  faite  en  février  mil  huit  cent  trente-quatre,  au 
tuyau  de  la  fumée  du  calorifère,  n'avait  pas  amené  d'amélioration 
dans  les  inconvtuiens  attachés  à  son  emploi;  d'ailleurs  on  n'y  avait 
pas  allumé  de  feu  depuis  quatre  jours.  (§  11,10.)  La  cause  des  acci- 


(188) 

dens  ne  provenait  donc  pas  des  tuyaux  de  conduite  de  la  fumée. 

Les  bouclies  de  chaleur  exhalaient  une  odeur  tellement  désagréa- 
ble, que  plusieurs  domestiques  avaient  pris  le  parti  de  les  fermer 
avec  un  torchon  roulé  sous  la  forme  d'un  tampon.  {Déposition  de 
G....)  Le  lendemain  de  l'accident  on  a  constaté  une  vapeur  d'une 
odeur  infecte  qui  s'échappait  de  ces  bouches  de  chaleur.  (§  9.  ) 

Des  bouches  de  chaleur  ne  pouvant  amener  d'un  calorifère  que 
de  l'air  échauffé,  et  le  calorifère  n'ayant  pas  été  allumé  depuis  qua- 
tre jours,  la  fumée  provenait  donc  d'un  autre  foyer  de  combustion. 
L'expert  architecte  en  fait  connaître  la  source  dans  la  carbonisation 
des  poutres  auxquelles  étaient  adossés  les  tuyaux  calorifères,  et  la 
présomption  qu'il  établit  à  ce  sujet  relativement  à  la  jonction  in- 
complète de  ce  conduit,  paraît  très-probable.  (§  14.)  H  sufflt  en  effet 
d'une  petite  ouverture  aux  tuyaux  de  conduite  de  la  chaleur,  pour 
permettre  l'accès  d'une  vapeur  ou  fumée  quelconque  dans  leur  in- 
térieur. Dans  le  cas  dont  il  s'agit,  ils  étaient  échauffés  par  la  cha- 
leur qui  provenait  de  la  carbonisation  des  poutres  ;  l'air  qu'ils  ren- 
fermaient, dilaté  par  le  calorique,  faisait  un  appel  continu  de  la 
fumée,  et  transmettait  dans  les  chambres  de  la  vapeur  de  charbon 
et  de  bois  qui  se  carbonise. 

La  quantité  de  vapeur  disséminée  dans  les  chambres  avait  d'a- 
bord été  trop  faible  pour  causer  des  accidens;  mais  peu  à  peu  et 
à  la  longue  la  carbonisation  des  jioutres  faisant  des  progrès,  il  est 
arrivé  un  moment  où  la  production  de  vapeur  a  été  assez  considé- 
rable pour  causer  l'asphyxie,  d'autant  que  plusieurs  bouches  de 
chaleur  avaient  été  fermées  dans  plusieurs  chambres. 

Ce  moment  est  fort  bien  exprimé  dans  le  rapport  de  l'architecte, 
oti  il  est  dit  que,  lors  de  la  démolition  du  calorifère,  certains  points 
des  poutres  prenaient  feu  à  l'air. 

Il  reste  actuellement  à  rechercher  :  i"  à  quelle  cause  est  due  la 
carbonisation  des  poutres?  2"  comment  une  poutre  qui  se  carbo- 
nise aussi  lentement  peut  devenir  la  source  'd'asphyxie  par  la  va- 
peur du  charbon. 

Il  est  très-probable  que  c'est  à  la  chaleur  du  tuyau  de  fumée  placé 
trop  près  des  poutres  qu'il  faut  attribuer  leur  carbonisation  ;  les 
exemples  à  l'appui  de  cette  présomption  ne  sont  pas  rares;  je  citerai 
le  suivant  : 

Une  famille  habitait  le  logement  du  jiremier  étage  delà  maison 
rue  de  la  Harpe,  n"  90.  Dans  une  arrière-boutique  placée  immédia- 
tement au-dessous,  se  trouTail  le  fourncan  d'un  traiteur  fort  acha- 
landé. Depuis  long-temjis  les  habitans  du  premier  étage  se  j)lai- 
gnaient  d'une  odeur  «le  fimice  dans  leur  appartement  et  principale- 
ment dans  leur  salon.  (C'était  justement  la  y)ière  qui  correspondait 
à  la  cuisine  du  traiteur).  Un  soir  un  domestique  marchant  j)iefls  nus 
sur  le  parquet,  sentit  un  endroit  du  plancher  beaucoup  |)lus  chaud 
que  le  reste,  sans  toutef(jis  que  la  couleur  ou  rap[iarence  du  parquet 
fu'-sciii  changées;  on  appelle  des  pompiers.  Le  parquet  est  ouvert, 
et  l'on  liouve  une  très-grosse  poutn-  presque  complètement  carbo- 
nisée dans  l'étendue  de  i\cu\  pieds  environ.  Ce  point  correspondait 
aux  fourneaux  du  traiteur. 

La  chaleur  seule  suffit  donc  pour  carboniser  du  bois,  fût-il  enfermé 
dans  un  plancher  et  à  l'abri  du  contact  de  l'air  par  une  couche  de 


(»89) 

plâtre.  C'est  d'ailleurs  ce  qui  a  lieu  tous  les  jours  dans  la  confection 
du  charbon  qui  se  pratique  en  plein  air.  Là,  on  entasse  le  bois  sou» 
la  forme  d'une  pyramide,  on  le  recouvre  de  mottes  de  terre  afin  de 
l'abriter  du  contact  de  1  air,  on  laisse  seulement  au  centre  de  la 
masse  un  canal  vertical  par  lequel  on  introduit  du  feu,  et  qui  est 
destiné  à  transmettre  au  dehors  les  vapeurs  provenant  du  bois 
chauffé  et  par  suite  carbonisé.  Ces  faits  offrent  donc  la  plus  grande 
analogie  avec  ceux  dont  il  s'agit. 

Quant  à  ce  qui  regarde  la  seconde  question,  celle  de  savoir  com- 
ment une  poutre  qui  se  carbonise  aussi  lentement  peut  devenir  la 
source  d'asphyxies  tout  aussi  graves  que  celles  qui  résultent  de  la 
combustion  du  charbon,  nous  ferons  remarquer  que  les  produits 
qui  proviennent  de  la  décomposition  du  bois  sont  a  peu  près  ana- 
logues, quant  au  gaz  qu'ils  contiennent,  à  ceux  qui  résultent  du  char- 
bon en  ignition;  qu'ils  renferment  de  l'acide  carbonique  et  de  l'hy- 
drogène carboné,  et  que  par  conséquent  ils  peuvent  amener  la  même 
espèce  d'asphyxie. 

Le  fait  suivant,  tiré  des  Annales  de  la  médecine  politique  de  Henke, 
année  i83o,  vient  à  l'appui  de  cette  assertion. 

Dans  une  petite  ville  de  l'Odenwald,  plusieurs  personnes,  qui  habi- 
taient ensemble  une  même  maison,  éprouvaient  depuis  quelques 
jours  de  la  céphalalgie  et  un  malaise  général.  Les  symptômes  s'ag- 
gravèrent de  jour  en  jour,  au  point  que  le  8  janvier  (1829),  la  dame 
Sk....  fut  obligée  de  garder  le  lit;  et  comme  la  maladie  paraissait 
faire  des  progrès  rapides,  on  lit  appeler  un  médecin  (on  n'indique 
pas  le  traitement  qui  fut  prescrit).  Vers  minuit  le  malaise  et  surtout 
la  céphalalgie  de  madame  Sk....  s'étaient  accrus  au  point  qu'une 
parente  de  la  malade,  madame  L... ,  qui  couchait  dans  le  même  ap- 
partement, se  leva  pour  lui  donner  des  soins  et  pour  faire  appeler 
de  nouveau  le  médecin.  Avant  que  ce  dernier  fût  arrivé,  ma- 
dame Sk....  avait  presque  entièrement  perdu  l'usage  de  ses  sens,  et 
pendant  que  madame  L....  était  occupée  à  la  ranimer,  elle  tomba 
elle-même  sans  connaissance  au  pied  du  lit  de  la  malade.  Madame 
Sk....  étant  revenue  à  elle,  aida  une  servante,  qui  venait  d'accourir, 
à  relever  madame  L....  et  à  la  mettresur  unlit.  On  appela  aussitôt 
M.  L.,..  qui  trouva,  en  arrivant,  sa  femme  ainsi  que  sa  cousine  Sk... 
étendues  sans  connaissance,  et  bientôt  après  en  proie  à  des  convul- 
sions violentes,  auxquelles  vint  se  joindre  une  raideur  presque  to- 
tale du  corps  chez  madame  Sk....  Sur  ces  entrefaites,  arriva  le 
docteurH...,  et  pendant  queM.L.. .veut  l'informer  de  ce  qui  vient  de  se 
passer,  il  tombe  lui-même  sans  connaissance  ;  la  même  chose  arrive 
à  la  servante  quelques  iustans  après.  Deux  domestiques  étant  accou- 
rus, on  s'empresse,  sur  la  demande  du  docteur  H...,  d'appeler  un 
second  médecin  et  d'avertir  plusieurs  parens  de  M.  L.... 

M.  N....,  de  qui  M.  Beriholot  tient  cette  observation,  étant  arrivé 
dans  la  maison  où  cette  scène  se  passait,  trouva  quatre  personnes 
couchées  sur  des  lits,  sans  connaissance.  M.  L...  paraissait  plongé 
dans  un  profond  sommeil,  madame  L...  dans  un  état  d'absence 
complète  et  en  proie  u  des  convulsions  et  à  des  spasmes  tétaniques. 
L'infirmier  seul  était  encore  sur  pied,  mais  il  se  plaignait  d'un  vio- 
lent mal  de  tête  et  d'un  malaise  inexprimable,  prodromes  d'une  li- 
polbyQiie  commençante. 


(  »9o) 

M.  L...  se  réveilla  peu  à  peu  vers  neuf  heures  du  matin;  un  tor- 
rent de  larmes,  qui  s'échappa  spontanément,  trahit  le  trouble  de 
sou  système  nerveux  ;  mais  enfin  il  recouvrit  l'usage  de  ses  sens  au 
point  qu'il  put  quiiter  son  lit,  quoiqu'il  fût  encore  dans  un  état  de 
prostration  considérable.  Les  dames  L..,.  et  Sk...  passèrent  le 
reste  de  la  journée  dans  leur  lit,  dans  un  état  de  somnolence  pres- 
que continuelle. 

Le  second  médecin  étant  arrivé,  on  se  borna  ,  après  une  consul- 
tation, à  prescrire  l'application  de  sinapismes,  l'inhalation  de  va- 
peurs spiritueuscs  et  aromatiques,  et  du  thé  de  camomille  pour 
l)oisiSon.  Comme  toutes  les  personnes  de  la  maison  étaient  malades, 
M.  N...  se  chargea  de  les  veiller  pendant  la  nuit  suivante,  assisté 
de  deux  infirmiers  et  de  mademoiselle  No...,  la  nièce  de  M.  L...,  qui 
venait  d'arriver. 

Pendant  que  l'on  s'occupait  à  préparer  tout  ce  qui  était  nécessaire 
pour  les  malades,  mademoiselle  No...  tomba  subitement  en  syncope; 
elle  fut  aussitôt  ranimée  au  moyen  d'aspersions  d'eau  de  Cologne, 
par  l'une  des  persoimes  qui,  elle-même,  peu  d'instans  après,  tomba 
sans  connaissance  et  fut  de  même  ranimée  par  l'eau  de  Cologne. 
IVJais  peu  de  temps  après  elle  éprouva  un  nouvel  accès  de  lipothy- 
mie, accompagné  de  contractions  spasmodiques  très-violentes.  Ces 
convulsions  se  répétèrent  fréquemment,  malgré  le  traitement  mis  en 
usage,  jusqu'à  dix  heures  et  demie  l\u.  soir,  époque  à  laquelle  celte 
femme  paraissait  s'endormir  profondément.  Les  dames  L...  et  Sk..., 
ainsi  que  la  servante,  furent  dans  un  état  d'agitation  continuelle; 
.M.  L...  [)araissait  plongé  dans  un  sommeil  profond.  L'agitation  de 
madame  de  Sk...  allant  toujours  en  augmentant,  la  seconde  ser- 
vante lui  appliqua  des  sinapismes,  suivant  les  ordonnances  du  mé- 
decin ;  au  même  instant  cette  femme,  ainsi  que  AL  N...,  furent  pris 
d'un  mal  de  tête  des  plus  violens,  qui  céda  pour  le  moment  à  l'u- 
sage du  thé  de  camomille.  M.  N...  s'était  assis  dans  un  fauteuil  dans 
un  état  de  prostration  complète,  lorsque  la  première  infirmière  qui 
avait  i  té  affectée  dès  le  commencement  de  la  nuit,  fut  fie  nouveau 
prise  de  convulsions  très-violentes.  M.  N...  se  leva  brusquement 
pour  lui  porter  secours;  il  appela  la  seconde  infirmière,  la  ■•eide 
dout  la  santé  se  fîit  maintenue  jusqu'alors  :  ce  ne  fut  qu'après  avoir 
été  appelée  à  plusieurs  reprises,  (ju'ellese  leva  en  snrsaut  pour  don- 
ner a  Al.  N...  le  flacon  d'eau  de  Cologne,  et  aussitôt  elle  perdit  con- 
naissance et  tomba  au  pied  du  lit  des  malades. 

JVL  iV...  fit  alors  tous  ses  elfurt»  pr»ur  ranimer  les  deux  infirmiè- 
res;  il  ne  réussit  qu'au  bout  de  dix  minutes  et  après  leur  avoir  versé 
de  l'eau  de  Cologne  dans  les  narines.  Elles  revinrent  à  elles  fort 
heureusement  an  moment  où  .VL  N...  cessait  de  pouvoir  résister  à  une 
céphalalgie  atroce  et  a  un  sentiment  de  cunslriction  à  la  poitrine 
accompagné  d'angoisses  inexprimables.  Il  sortit  avec  préci()itati(jn 
de  la  ch.'ind)re  des  maladi.'s  pour  éveiller  tous  les  domestiques,  et 
pour  envoyer  tout  de  suite  cli<rcher  le  médecin.  M.  N...  étant  rentré 
dans  lappartement  des  malades,  s'apeirut  que  madame  L...  avait 
eu  de»  vfjmissemens  et  qu'elle  était  en  partie  penchée  hors  de  «on 
lit.  De»  sinapisme»  lui  furent  aussitôt  appliques.  Cependant  la  cé- 
phalalgie et  l'oppression  augmentèrent  chez  M.  N.,.;  I)ientôl  il 
é|>rouva  des  nausées,  et  au  moment  où  il  s'approcha  de  la  croisée, 
il  vomit  avec  des  efforts  violens   trois    ou   quatre  fois  de  petites 


(190 

quantités  de  matières;  après  ces  vomissemens,  la  respiration  devint 
un  peu  plus  libre,  mais  la  céphalalgie  persista. 

Comme  les  spasmes  de  l'intirinière  continuèrent  avec  une  grande 
intensité,  et  que  le  médecin  que  l'on  avait  appelé  lardait  à  venir,  on  fît 
chercher  en  tonte  hâte  un  troisième  médecin,  le  docteur  B...,  qui 
prescrivit  pour  cette  malade  l'application  d'un  véslcatoire  à  Ja 
nuque;  cette  apphcation  fut  suivie  d  un  peu  de  calme.  M.  N...  (l'au- 
teur de  celte  relation),  après  avoir  éprouvé  un  grand  frisson  et  une 
anxiété  inexprimable,  perdit  lui-même  conaaissance.il  revint  à  lui 
au  moment  où  l'on  cria  que  le  feu  était  dans  la  maison. 

Cet  accident  fut  découvert  par  un  domestique,  qui,  ayant  par  ha- 
sard a|ipliqué  la  main  contre  la  muraille,  sentit  qu'elle  é^ait  extrè- 
raemeat  chaude.  On  fit  aussitôt  venir  des  ouvrier?,  et  l'on  découvrit 
qu'un  des  murs  et  le  plafond  de  la  cuisine  étaient  en  incandescence. 
On  trouva  de  plus  réduite  en  charbon  toute  la  charpente  du  coin 
du  mur  formant  l'angle  de  l'appartement  des  malades  et  de  la 
cuisine. 

Le  feu  fut  éteint  en  moins  d'une  heure.  Les  malades  ayant  été 
transportés  dans  un  autre  appartement,  leur  état  s'améliora  ra- 
pidement, et  ils  ne  tardèrent  pas  à  être  complètement  rétablis. 
C'est  ainsi  que  fut  découverte  la  véritable  cause  de  tous  ces  accidens. 

Déjà,  dans  la  matinée  du  lundi,  plusieurs  des  malades  avaient 
remarqué  une  odeur  désagréable  dans  les  appartemens  dont  il  s'a- 
git, comme  si  on  v  avait  biiilé  du  bois  de  sapin.  Depuis  plusieurs 
jours  la  porte  de  la  chambre  à  coucher  ne  pouvait  plus  être  fermée 
(nue  porte  voisine  avait  été  trouvée  carlionisée).  La  combustion  s'é- 
tait continuée  pendant  au  moins  huit  jours  ;  quatorze  personnes  en 
tout  ont  plus  uu  moins  souffert  des  effets  de  cette  combustion.  Chez 
madame  Sk...  (qui  était  couchée  la  plui  près  de  la  muraille  incan- 
descente) les  accidens  en  étaient  arrivés  au  point  que  le  pouls  avait 
cessé  de  battre  pendant  assez  long-temps,  et  que  ses  mains  et  une 
partie  de  ses  bras  étaient  déjà  devenues  froides. 

En  continuant  les  fouilles,  on  finit  par  trouver  encore  un  grand 
nombre  de  poutres  qui,  quoique  recouvertes  d'une  couche  de  terre 
glaise,  se  trouvaient  complètement  carbonisées.  On  n'aperçut 
nulle  part  la  moindre  trace  de  fentes  ou  de  fissures  dans  les 
murailles. 

Conclusion. 

Des  faits  et  docuinens  qui  précèdent  nous  concluons  :  i"  que  la 
mort  de  D...  et  les  accidens  éprouvés  par  les  autres  domestiques  doi- 
vent être  attribués  à  une  asphyxie; 

2°  Qu'il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  la  cause  de  cette  asphyxie  a 
été  la  carbonisation  des  poutres  placées  dans  le  plancht-r  de  l'en- 
tresol. 

3' Nous  ajouterons, pour  répondre  aux  diverses  questions  qui  nous 
ont  été  posées ,  que  la  fumée  provenant  de  la  combustion  du  char- 
bon lie  terre  qui  alimentait  le  calorifère,  peut  tout  aussi  bien  pro- 
duire l'asphyxie  que  celle  qui  résulte  de  la  vapeur  du  charbon  de 
bois  en  combustion, 

Fait  à  Paris,  ce  douze  février  mil  huit  cent  trente-cinq. 

Vous  voyez  qu'ainsi  que  je  vous  le  ili.'-ais  dans  ma  liernière  lettre, 
le  médecin  peut  discuter  la  valeur  de  tous  hs  faits  dans  une  con- 


(192) 
sultation  médico-légale,  et  qu'il  peut  puiser  non-seulement  dans  les 

pièces  de  l'instiuctiou,  mais  encore  partout  ailleurs  des  preuves 
à  l'appui  de  sa  manière  de  voir.  A..  D. 

SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

La  Société  de  Médecine  de  Caen  proroge  jusqu'au  i*""  juillet  le  con- 
cours ouvert  par  elle  sur  l'emploi  des  purgatifs,  et  dont  la  clûture  de- 
vait avoir  lieu  le  i"  avril. 

VARIÉTÉS. 

M.  Lobstein,  professeur  de  clinique  et  d'anatomie  pathologique  à  la 
Faculté  de  Strasbourg,  vient  de  mourir  d'une  affection  de  vessie. 

—  Un  grand  nombre  de  candidats  se  disputent  l'héritage  de  M.  Du- 
puytren  a  l'Institut.  On  a  parlé  de  MM.  Breschet,  Lisfranc,  Velpeau, 
Civiale,  Leroy,  Gerdy,  Samson,  Ségalas.  La  nomination  doit  avoir  lieu 
lundi  6  avril. 

—  La  chaire  de  clinique  chirurgicale,  laissée  vacante  par  la  mort  de 
ce  professeur,  ne  sera  mise  au  concours  que  le  2  janvier  i856. 

—  M.  le  professeur  Roux  a  pris  possession  de  la  chaire  de  clinique  de 
l'Hôtel-Dieu. 

—  M.  le  docteur  René  a  été  nommé  professeur  de  médecine  légale  à 
la  Faculté  de  Montpellier. 

—  Le  Conseil  royal  de  l'instruction  publique  vient,  sur  la  proposition 
de  M.  Orûla,  de  prendre  un  arrêté  d'une  grande  importance  pour  les 
élèves  en  médecine  et  les  oluciers  de  santé  qui  aspirent  au  titre  de 
docteur.  On  sait  que  les  inscriptions  prises  dans  les  écoles  secondaires 
comptaient,  dans  les  trois  Facultés,  pour  les  deux  tiers  des  inscriptions 
exigées,  mais  que,  bien  qu'on  les  eût  payées  uue  première  fois,  il  fal- 
lait les  payer  une  seconde,  ce  qui  entraînait  à  des  frais  énormes.  A 
l'avenir,  les  inscriptions  conserveront  la  même  valeur,  mais  ce  double 
droit  ne  sera  plus  perçu.  Cette  disposition  sera  étendue  aux  trois  Fa- 
cultes. 

—  Depuis  l'invasion  du  choléra  en  iS33,  plusieurs  points  de  la  France 
ont  vu  successivement  reparaître  ce  fléau,  qui  s'est  toujours  montré 
avec  ses  mêmes  caractères  et  sa  même  gravite.  Parmi  les  villes  qui  ont 
le  plus  souflért  de  ces  recrudescences  inattendues,  on  doit  citer  Mar- 
seille, dans  laquelle  on  a  observé  depuis  quelques  mois  quatre  ou  cinq 
cents  cas  de  choiera,  dont  la  plupart  ont  été  mortels.  11  paraît  cepen- 
dant qu'aujourd'hui  l'épidémie  est  presque  complètement  éteinte,  et 
que  les  décès  deviennent  de  plus  en  plus  rares. 

Nous  n'avons  rien  observé  de  semblable  à  Paris,  mais  à  aucune 
époque  peut-être  on  n'avait  rencontré  un  aussi  grand  nombre  de. fièvres 
typhoïdes.  Bien  que  cette  cruelle  affection  ne  se  soit  pas  montrée  cet 
hiver  d'une  manière  èpidemique,  un  nombre  considérable  de  malades 
ont  succombe  dans  les  hôpitaux;  et  malheureusement  on  compte  parmi 
eux  plusieurs  élèves  en  droit  et  en  médecine,  nouvellement  arrives  a 
paris.  Le»  traitemens  employés  par  les  médecins  ont  etc  forl'variés,  et, 
nous  le  disons  avec  peine,  beaucoup  de  moyens,  naguère  fortement 
préconisés,  sont  restes  sans  actiuo,  et  ont  été  abandonnes.  Dans  ce 
nombre,  il  faut  ranger  les  chlorures  proposés  par  M.  Chomel,  et  qui, 
cette  année,  n'ont  pas  répondu  a  son  attente.  Ce  médecin  s'est  aussi 
fort  mai  trouve  des  purgatifs  que  d'autre»  préconisent  dans  ce  mo- 
ment. IS'ijus  aurons  occasion  de  revenir  sur  ce  sujet. 

La  péritonite  puerpérale  a  revêtu  le  caractère  èpidemique  à  l'hospice 
de  U  Ùalernilé,  et  a  enlève  cet  hiver  un  gruud  nombre  Ue  femme*. 


(  «95  ) 


ART.     1000. 

Du  traitement  des  maux  de  gorge  et  de  quelques  inflammations 
des  autres  membranes  viuqueuses  par  Valun. 

M.  Velpeau  a  présenté  ù  l'Acaclémie  des  sciences  un  Mé- 
moire dans  lequel  il  préconise  l'emploi  de  Talun  contre 
différentes  inflammations  des  muqueuses.  On  connaît  les 
succès  obtenus  par  M.  Bretonneau  avec  cette  substance 
dans  le  croup  et  l'angine  maligne;  plusieurs  praticiens,  et 
entre  autres  M.  Laennec,  de  jSantes,  l'avaient  déjà  recom- 
mandé dans  l'angine  tonsillaire  simple;  d'autres  ont  eu  re- 
cours à  la  cautérisation  avec  le  nitrate  d'argent,  le  nitrate 
acide  de  mercure  (i),  bien  que  l'inflammation  fût  à  l'état 
aigu  et  que  les  antiphlogistiques  se  trouvassent  par  consé- 
quent indiqués.  Les  observations  publiées  par  M.  Velpeau 
viendront  à  l'appui  d'une  méthode  de  traitement  que  l'on 
peut  appeler  empirique,  mais  qui  n'en  conjple  pas  moins 
d'assez  nombreux  succès. 

Le  Mémoire  de  ce  chirurgien  a  été  composé  à  la  fin  de 
l'année  i855.  Depuis  cette  époque  il  a  recueilli,  assure-t-il, 
un  grand  nombre  de  faits  qui  auraient  pu  témoigner  en  fa- 
veur de  ce  moyen,  si  déjà  les  observations  contenues  dans 
ce  travail  n'étaient  suffisantes  pour  fixer  l'attention  des  pra- 
ticiens. 

Vingt-cinq  personnes  atteintes  d'angines  avec  fièvre  ont 
été  soumises  à  ce  traitement,  et  toutes  ont  été  guéries  très-ra- 
pidement. Il  est  vrai  que  la  plupart  d'entre  elles  étaient  au 
début  de  cette  affection;  maisenfîn^  chez  quelques-unes,  cinq, 
six  et  même  huit  jours  s'étaient  écoulés  depuis  l'invasion; 
il  y  avait  fièvre  violente,  rougeur  et  tuméfaction  du  visage, 
gonflement  des  amygdales,  diflîculté  de  respirer.  Dans  deux 
cas  la  suppuration  était  imminente. 

Voici  la  médication  adoptée  par  M.  Velpeau  chez  tous  ces 
malades.  L'alun  a  été  employé,  soit  en  poudre  fine,  soit  en 
gargarisme.  Pour  appliquer  la  poudre,  après  avoir  mouillé 
le  doigt  indicateur  avec  de  l'eau  ou  de  la  salive,  on  le  roulait 
dans  cette  poudre,  puis,  abaissant  la  langue  avec  le  doigt  de 
l'autre  main,  on  portait  ainsi  le  médicament  sur  tous  les 
points  enflammés  en  ayant  soin  de  le  faire  pénétrer  dans  les 
anfractuosités  et  les  excavations,  derrière  les   glandes,  le 


(i)  Voy.  art.  loii. 
TOM.  VI.  —  N°  DE  MAI. 


(»94) 

voile  du  palais,  et  même  jusqu'à  l'entrée  du  larynx.  On  aurait 
également  pu  se  servir  d'un  pinceau  de  charpie,  d'épongé, 
ou  recourir  à  l'insufflation  avec  un  tube  de  verre.  Dans 
quelques  cas  les  malades  ont  eux-mêmes  pratiqué  cette 
légère  opération. 

Le  doigt  peut  être  ainsi  introduit  à  plusieurs  reprises  et 
chargé  de  nouvelles  doses  d'alun,  afin  que  tous  les  points 
enflammés  en  soient  bien  couverts.  Cette  médication  doit 
être  renouvelée  deux  ou  trois  fois  par  jour,  et  dans  l'inter- 
valle le  malade  se  gargarise  avec  une  solution  de  deux  à 
quatre  gros  d'alun  dans  quatre  onces  d'eau  d'orge 
miellée. 

Cette  opération  est  plutôt  désagréable  que  douloureuse, 
car  il  n'en  résulte  guère  que  quelques  nausées  qui  ne 
taivient  même  pas  à  se  dissiper.  Les  effets  en  sont  on  ne 
peut  plus  rapides,  puisque  la  douleur  de  gorge  et  la  fièvre 
cessent  presque  aussitôt;  le  timbre  de  la  voix  redevient  naturel, 
et  au  bout  de  quelques  jours  le  malade  est  complètement 
débarrassé. 

Le  gargarisme  indiqué  peut  suffire  lorsque  l'angine  est 
légère.  Enfin  il  est  inutile  de  retenir  les  malades  au  lit  et  de 
leur  refuser  desalimens  quand  ils  en  désirent. 

Le  Mémoii'e  de  JLVcIpeaucontient  plusieurs  observations 
dans  lesquelles  l'application  de  cette  méthode  lut  suivie  du 
plus  heureux  succès. 

Un  homme  âgé  de  trente  ans,  n'ayant  jamais  eu  de  maux 
de  gorge,  éprouva  sans  cause  appréciable  une  douleur  au 
gosier,  avec  frisson  et  mouvement  fébrile  assez  marqué.  A 
son  entrée  ù  l'hôpital  de  la  Pitié,  le  1 1  octobre  i853,  ou  re- 
connut que  les  amygdales  étaient  énormément  tuméfiées, 
présentant  une  surface  rouge,  bosselée,  couverte  cà  et  lu 
d'un  mucus  grisâtre.  Une  forte  quantité  d'alun  en  poudre  fut 
portée  le  13,  à  l'aide  du  doigt  indicateur,  sur  les  parties 
enflammées.  Dès  le  soir  même  il  y  avait  une  amélioration 
sensible.  Le  i3,  les  amygdales  avaient  considérablement 
diminué  de  vohuae.  On  continua  ces  applications  malin  et 
soir,  et  l'on  accorda  des  potages  au  malade.  Le  iG,  la  réso- 
lution était  presque  comptète,  et  cet  homme  sortit  de  l'hô- 
pital. 

Telle  C3t  à  peu  près  la  marche  de  la  plupart  des  angines 
qui  furent  traitées  par  ces  applications  d' ilun.  Cette  sub- 
stance s'est  montrée  môan;. si  cin  ace,  que  chez  un  étudiant  ea 
médecine,  déjà  altciiil  de  noml)reiises  angines  qui  s'élaienl 
toujours  terminées  par  suppuraUo.i,  l'inflimmition  fut 
arrêtée  sur-le-champ, et  les  amygdales  rcviareat  ù  leur  état 


(»95) 
naturel  presque  aussi  facilemeat  que  si  la  gorge  eût  été  ma- 
lade pour  la  première  fois. 

Il  est  un  autre  accideut  également  très-commun  et  contre 
lequel,  suivant  l'auteur  du  3Iémoire,  l'alun  réussit  parfai- 
tement :  ce  sont  ces  ulcérations  de  la  joue  et  de  la  gencive 
qui  résultent  du  pincement  opéré  par  la  dent  de  sagesse  peu 
saillante  dans  les  mouvemens  de  mastication  ;  mais  le  succès 
de  cette  médication  dépend  surtout  de  la  manière  dont  on 
l'emploie.  Il  faut,  en  effet,  avoir  soin  de  porter  l'alun  avec 
un  pinceau  jusqu'au  fond  de  la  bouche,  et,  soulevant  l'espèce 
de  bourrelet  qui  cache  la  dent,  de  couvrir  couvenablemeût 
toutes  les  parties  affectées. 

M.  Velpeau  termine  son  Mémoire  en  faisant  remarquer 
de  quelle  utilité  peut  être  cette  méthode  de  traitement  dont 
l'application  est  si  facile,  et  qui  serait  employée  par  les  ma- 
lades eux-mêmes  lorsqu'ils  ne  peuvent  pas  consulter  les 
hommes  de  l'art  dès  le  début  de  leur  affection. 

ABT.    io3i. 

Accoachement  naturel  ;  métrorrhagie  foudroyante  arrêtée  par  le 
tamponnement  de  l'utérus  lui-même.  —  Métrorrhagie  interne 
causée  par  des  ossifications  dans  le  placenta. 

M.  le  docteur  Dupouy  a  publié  dans  le  Bulletin  médical  de 
Bordeaux  une  observation  curieuse  et  qui  mérite  de  fixer 
l'attention  des  praticiens. 

Lnefemme  de  vingt-quatre  ans,  grande  et  bien  constituée, 
accoucha,  pour  la  première  fois,  le  6  novembre  1829.  ^^^ 
travail  ne  présenta  rien  de  remarquable,  seulement  le  cor- 
don étant  passé  autour  du  cou  de  l'enfant,  celui-ci  fut  ex- 
pulsé dans  un  état  de  mort  apparente.  Des  soins  bien  enten- 
dus rétablirent  la  respiration.  La  mère  alors  se  plaignit 
de  quelques  coliques,  et  M.  Dupouy  exerça  de  légères  trac- 
tions sur  le  cordon,  qui  opérèrent  la  délivrance  sans  diHl- 
cuUé.  L'utérus  étant  revenu  sur  lui-même,  ce  chirurgien 
playa  la  main  d'une  femme  sur  le  globe  qu'on  sentait  au  ira- 
vers  des  parois  abdominales,  et  retourna  pi  es  de  l'enfant  pour 
continuer  de  lui  administrer  des  soius.  Mais  bicntùt  la  niére 
se  plaignit  desifllemens  d'oreilles.  Déjà  elle  était  yans  con- 
naissance, lorsqu'il  fut  possible  de  lui  administrer  quelques 
secours;  ses  yeux  étaient  fixes,  hagards,  et  le  sang  coulait  à 
grands  flots  sur  le  lit  et  jusque  sur  le  carrreau. 

La  main  fut  aussitôt  introduite  dans  la  matrice;  mais  on 
chercha  vainement,  en  irritant  sa  surface,  à  déterminer  ses 

i3. 


contractions;  des  seaux  d'eau  froide  furent  versés  sur  le 
ventre  sans  plus  de  succès  :  il  en  fut  de  même  des  injections 
de  vinaigre  et  de  tous  les  moyens  conseillés  en  pareil  cas. 
Cette  malheureuse  femme  était  dans  uu  état  de  mort  appa- 
rente d'où  elle  ne  sortait  que  pour  entrer  dans  des  convul- 
sions épouvantables  qui  semblaient  être  les  derniers  efforts 
de  la  vie.  Encore  quelques  secondes,  et  il  ne  restait  plus  d'es- 
poir. M.  Dupouy  prit  alors  la  résolution  de  tamponner  l'uté- 
rus lui-même,  et  pour  y  parvenir,  ayant  imbibé  une  ser- 
viette de  vinaigre  pur,  il  la  plongea  tout  entière  dans  sa 
cavité.  Les  frictions  extérieures  et  les  ablutions  d'eau  froide 
furent  continuées,  et  bientôt  après  l'hémorrhagie  s'arrêta. 
La  femme,  pâle  et  décolorée,  resta  quelque  temps  encore  sans 
connaissance,  mais  bientôt  elle  donna  quelques  signes  de 
vie.  Le  pouls  devint  sensible  et  la  respiration  se  rétablit. 
Cependant  elle  était  si  faible,  que  de  nouvelles  syncopes  se 
manifestaient  continuellement,  et  cette  situation  alarmante 
dura  une  partie  de  la  journée.  La  faiblesse  extrême  de  la 
malade,  et  la  crainte  de  voir  se  renouveler  l'hémorrhagie, 
engagèrent  à  laisser  la  serviette  dans  l'utérus  jusqu'à  sept 
heures  du  soir.  Cet  organe  se  contractait  alors  d'une  manière 
douloureuse.  La  main  gauche  étant  placée  sur  le  globe  uté- 
rin, on  introduisit  la  main  droite  dans  le  vagin,  et  ayant  saisi 
une  partie  de  la  serviette,  on  exerça  avec  lenteur  de  légères 
tractions.  On  parvint  ainsi,  avec  beaucoup  de  peine  et  de 
temps,  à  extraire  toute  la  serviette,  et  l'hémorrhagie  ne  se 
reproduisit  plus.  La  fenunc  se  rétablit  sans  accident. 

Réflexions.  Celte  observation  n'a  pas  besoin  de  commen- 
taires pour  qu'on  en  sente  toutes  les  conséquences  pratiques. 
On  ne  saurait  mettre  en  doute  les  résultats  avantageux  du 
moyen  employé  en  désespoir  de  cause  par  M.  Dupouy  ;  mais 
nous  croyons  qu'on  se  l'erait  une  fausse  idée  du  mécanisme 
par  lequel  rhémorrliaj;ie  a  été  suspendue,  si  l'on  donnait  le 
nom  de  tamponnement  à  l'introduction  de  la  serviette  dans 
l'utérus.  Ce  n'est  point,  en  effet,  en  bouchant  les  orifices  des 
vaisseaux  utérins,  en  les  roniprimant  comme  dans  le  tam- 
ponnement des  fosses  nasales,  par  exemple,  que  ce  corps 
étranger  a  arrêté  récoulement  du  sang,  c'est  en  irritant  une 
grande  surface  de  la  membrane  interne  de  l'utérus,  qu'il  a 
(léteiininé  cet  organe  à  se  contracter  sur  lui,  et  qu'il  a  pro- 
duit de  cette  manière  l'oblitération  des  vaisseaux. 

S'il  en  était  autrement,  le  caillot  qui  se  forme  dans  le  cas 
de  niétrorrhagie  interne,  devrait  amener  la  suspension  de 
l'héuionliagie,  tandis  qu'au  contraire  plus  le  sang  s'accumule 
dans  son  intérieur  plus  il  la  favorise. 


(  '97  ) 

Nous  ne  reviendrons  pas  sur  lesdivers  moyens  conseillés 
pour  arrêter  les  pertes  utérines,  puisque  nous  nous  sommes 
déjà  longuement  étendu  sur  ce  sujet  (i);  mais  nous  saisirons 
cette  occasion  de  parler  d'une  cause  d'hémorrhagie  utérine, 
qui  doit  être  fort  rare  à  la  vérité,  mais  que  lt:s  praticiens  ne  doi- 
vent pas  ignorer,  puisque  l'expérience  prouve  qu'ils  peuvent 
la  rencontrer.  Cette  cause  est  signalée  dans  une  observation 
qui  nous  est  adressée  par  un  de  nos  correspondans  d'Alle- 
magne, M.  le  docteur  Hoffmann,  médecin  à  Francfort-sur- 
Ie-5lein. 

«  Dans  la  nuit  du  i5  au  16  mars  de  cette  année,  nous  écrit 
ce  médecin,  j'accouchai  madame)***;  c'était  son  quatrième 
enfant.  Pendant  plus  d'un  mois  elle  s'était  plainte  presque 
chaque  soir  de  douleurs  extraordinaires,  se  manifestant  d'une 
manière  aiguë,  et  ayant  son  siège  dans  la  région  de  la  ma- 
trice. Elle  accusa  les  mêmes  douleurs  toute  la  journée  qui 
précéda  l'accouchement.  Appelé  le  soir,  à  huit  heures  et 
demie,  je  trouvai  l'orifice  de  la  matrice  dilaté  environ  de  la 
largeur  d'une  pièce  de  cinq  francs.  Les  douleurs  étaient  for- 
tes et  expulsives,et  se  conservèrent  dans  cet  état  jusqu'à  mi- 
nuit; les  membranes  alors  bombajentet  faisaient  saillie  dans 
le  vagin;  mais  comme  elles  étaient  fort  consistantes,  elles  ne 
se  déchiraient  pas.  Je  résolus  alors, pour  activer  les  contrac- 
tions utérines  qui  commençaient  use  ralentir,  de  les  rompre 
moi-même;  et  en  effet,  les  douleurs,  a^aot  pris  aussitôt  beau- 
coup d'intensité,  portèrent  à  une  heure  la  tête  de  l'enfant  vers 
l'orifice  du  vagin. 

»JMais  dès  ce  moment  le  travail  se  ralentit,  la  femme  eut 
quelques  défaillances  :  l'abaissement  du  pouls  et  des  forces, 
ainsi  qu'un  certain  gonflement  de  la  matrice,  me  firent  crain- 
dre une  hémorrhagie  intérieure;  j'appliquai  donc  le  forceps 
et  fis  l'extraction  d'un  enfant  du  sexe  féminin,  vivant  et  bien 
constitué.  A  peine  l'enfant  était  -  il  expulsé,  qu'une  masse 
énorme  de  sang,  partie  fluide,  partie  déjà  coagulé,  se  préci- 
pita avec  violence.  Je  me  hâtai  de  faire  des  frictions  sur  l'ab- 
domen, en  répandant  sur  cette  partie  de  la  liqueur  anodine 
minérale  d'Hoffmann,  et  je  fis  avaler  en  outre  à  l'accouchée 
de  fortes  doses  de  teinture  de  cannelle  mêlées  avec  la  même 
liqueur.  Ces  moyens  ne  produisirent  ni  contractions  utérines 
ni  cessation  de  la  métrorrhagie.  Je  n'hésitai  donc  plus  à  in- 
troduire la  main, et  je  pus  extraire  facilement  le  placenta  déjà 


(i)  Voy.  nos  art.  9,  6S,  74.  '07,  loS,  j65,  2(>y,  547,  ^^^'  ^°*'  ^D''' 
701,  7Ô4,  746,  708,  »45,  929. 


(«98) 
décollé  en  grande  partie  ;  je  continuai  ensuite  les  moyens 
fnHiqii<''S  en  y  joignant  des  applications  froides  de  rhum,  et 
enfin  l'hémorrhagie  cessa;  mais  l'accouchée  paraissait  telle- 
ment faible,  que  sa  vie  était  en  danger. 

«J'examinai  alors  le  placenta, et  découvris  que  toute  sa  su- 
perficie qui  faisait  face  à  la  matrice,  ainsi  que  sa  surface  in- 
térieure, étaient  parsemées  de  points  osseux  et  d'esquilles  ayant 
souvent  plus  d'une  ligne  de  longueur,  de  sorte  que  la  main 
en  passant  dessus  éprouvait  le  sentiment  qui  résulterait  du 
frottement  d'une  râpe. 

»  Cette  ossification  considérable,  qui  non-seulement  irri- 
tait mécaniquement  et  blessait  les  parois  de  l'utérus,  mais 
qui  donnait  au  placenta  une  dureté  surnaturelle  et  le  dispo- 
sait à  se  séparer  d'une  manière  irrégulière,  m'expliqua  les 
symptômes  extraordinaires  de  cet  accouchement.  Il  serait 
plus  difficile  de  découvrir  la  cause  de  cette  formation  osseuse 
et  de  la  faire  remonter  à  un  état  de  phthisie  pulmonaire  avec 
aménorrhée  qui  précéda  de  plusieurs  mois  la  conception,  et 
qui  fut  suspendue  (  ce  qu'on  a  déjà  observé  plusieurs  fois  ) 
totalement  pendant  la  grossesse,  ou  à  une  jaunisse  avec  des 
douleurs  hépatiques  qui  survinrent  au  sixième  mois  de  la  ges- 
tation, et  qui  furent  dissipées  par  l'application  de  quelques 
sangsues  et  l'usage  des  évacuans  et  des  amers. 

«Quelle  que  soit  la  cause  de  cette  ossification,  ilestinfiniment 
probable  que  la  face  interne  de  l'utérus  en  avait  été  lésée,  car, 
vingt  jours  après  son  accouchement,  cette  femme  offrait  en- 
core par  le  vagin  un  écoulement  purulent  très-considé- 
rable.» 

Nous  appelons  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  ces  deux  cas 
de  métrorrhagie,  véritablement  curieux,  qui  ont  failli  deve- 
nir mortels  en  peu  d'instans  ;  hémorrhagies  dont  l'une  est 
remarquable  par  le  moyen  qu'on  lui  a  opposé,  et  l'autre  par 
la  cause  qui  l'a  produite. 


A»T.    10^2. 

Hôpital  de   la   Charité,  Considérations  sur    le  traitement   des 
brûlures  par  les  bandelettes  de  diachylon. 

On  trouve  dans /a  Z<oncc<<e  du  1 8  avril,  quelques  réflexions 
faites  par  M.  Velpcau  à  la  clinique  de  la  Charité,  sur  iwi  nou- 
veau traitement  des  brûlures. Ce  chirurgien, après  avoir  expé- 
rimenté tous  les  moyens  proposés  dans  ces  dernières  années 


(»99) 

contre  cetaccidenl(i), en  est  arrivé  à  reconnaîtrela  supériorité 
incontestable  du  traitement  par  les  bandelettes  de  dia- 
chylou. 

On  doit  dire  cependant  que  ce  traitement  n'est  pas  appli- 
cable dans  tous  les  cas;  mais  pour  bien  apprécier  les  condi- 
tions dans  lesquelles  il  est  proposable,  il  faut  remonter  aux 
divisions  que  l'on  a  établies  dans  les  divers  degrés  des  brû- 
lures. Ainsi,  dans  le  premier  degré,  lorsqu'il  n'y  a  encore 
que  formation  d'un  érylhème,  ou  simplement  tuméfaction 
avec  prurit  ou  douleur,  tous  les  moyens  proposés  réussissant 
également  bien,  ce  n'est  pas  le  cas  de  proposer  les  bande- 
lettes de  diachylon;  au  second  degré,  quand  des  phlyctènes 
sont  formées,  ces  bandelettes  peuvent  être  utiles;  mais  c'est 
surtout  dans  le  troisième  et  le  quatrième  degrés,  quand  le 
réseau  muqueuxaété  détruit  en  partie,  ou  quand  la  peau  est 
complètement  convertie  en  escarres,  que  ce  mode  de  traite- 
ment est  véritablement  efficace. 

Dans  les  brfdures  du  premier  degré  on  obtient,  suivant 
M.  Velpeau,  de  très-bons  résultats  de  l'eau  froide,  de  l'eau- 
de-vie  camphrée,  des  solutions  chlorurées,  et  de  la  compres- 
sion surtout,qui  est  remplacée  très-avantageusement  par  les 
bandelettes  de  diachylon,  lesquelles  ne  se  défont  pas  et  peu- 
vent rester  en  place  plus  long-temps  que  tous  les  autres  ban- 
dages. 

Quand  la  brûlure  est  au  deuxième  degré,  l'eau  froide  et 
les  solutions  chlorurées  ont  une  action  très-efficace  si  l'on  a 
la  précaution  d'enlever  d'abord  les  phlyctènes.  Ainsi,  chez  un 
malade  admis  récemment  dans  les  salles  delà  Charité  avec  des 
brûlures  à  des  degrés  dififérens,  au  bout  de  six  jours  celles  du 
premier  et  du  deuxième  degrés  étaient  complètement  cica- 
trisées à  l'aide  des  réfrigérans  et  des  solutions  chlorurées. 
Après  dix,  celles  du  troisième  n'avaient  pas  entièrement  dis- 
paru et  celles  du  quatrième  degré  restaient  encore.  On  put 
alors  employer  les  bandelettes  sur  les  bras  et  sur  les  épaules, 
car  leur  application  n'est  pas  possible  sur  toutes  les  parties 
du  corps. 

L'expérience  a  démontré,  suivant  ce  professeur,  que  les 
réfrigérant  et  les  chlorures  étaient  presque  inutiles  dans  les 
brûlures  du  troisième  et  du  quatrième  degrés,  parce  que  ces 
moyens  ne  contribuent  en  rien  à  la  réparation  du  corps  mu- 
queux.  Ce  sont  les  bandelettes  qui  dans  ces  deux  cas  rempli- 
ront le  but  qu'on  veut  atteindre.  Mais  leur  effet  dépend  sou- 
vent de  leur  application  ;  il  est  donc  important,  lorsqu'on 


(i)  Voy.  art.  Sg,  90,  i55,  162,  278,  655,  880. 


(  200  ) 

veut  eii  faire  tisap;c,  de  ne  pas  s'écarter  des  règles  suivantes: 

1"  Il  faut  tenir  en  contact  avec  l'étendue  de  la  surface  ma- 
lade, des  lanières  de  toile  enduites  de  diachylon. 

2°  Il  est  indispensable  qu'elles  portent  d'une  manière  Irès- 
éga!e  sur  tous  les  points  de  la  plaie,  afin  de  prévenir  l'étran- 
glement. 

5"  Elle?  doivent  être  appliquées  de  manière  à  ne  pas  se  re- 
lâcher, et  à  cet  effet  il  est  nécessaire  qu'elles  fassent  au  moins 
une  fois  el  demie  le  tour  du  iiicmbre. 

4°  Quand  les  régions  sur  lesquelles  on  les  applique  sont 
inégales,  il  faut  en  remplir  les  enfoncemens  avec  de  la  char- 
pie ou  du  coton;  ainsi, par  exemple,  si  on  a  affaire  à  une  plaie 
sur  le  pied,  on  en  garnira  la  face  plantaire  de  manière  à  ce 
que  le  tout  forme  un  rouleau. 

5°  Elles  affecteront  différentes  directions  suivant  la  forme 
de  la  région  du  membre  sur  laquelle  on  les  applique  :  ainsi 
à  la  jambe  qui  forme  un  cône  elles  seront  placées  en  spirales 
en  commençant  de  bas  en  haut. 

6'  Chaque  jet  de  la  bande  recouvrira  celui  qui  est  au-des- 
sous, dans  les  deux  tiers  de  son  étendue,  afin  de  comprimer 
d'une  manière  plus  uniforme. 

Quand  les  plaies  sont  très-larges,  il  est  nécessaire  d'enle- 
ver les  bandelettes  tous  les  deux  jours;  mais  quand  elles  ont 
moins  d'étendue,  il  peut  cire  utile  de  ne  renouveler  le  panse- 
ment qu'à  des  époques  beaucoup  plus  éloignées. 

Pour  enlever  le  pansement,  quelques  précautions  sont  né- 
cessaires. Ainsi  on  coupera  les  bandelettes  en  évitant  avec 
soin  de  tracer  des  sillons  sur  la  nouvelle  peau  avec  la  pointe 
des  ciseaux.  Pour  cela'  il  faut  que  la  lame  de  ceux-ci  soit 
glissée  à  plat  avec  une  minutieuse  précaution.  Il  faut  coni- 
iHencer  à  couper  par  la  partie  inférieure  du  bandage,  afin  de 
nepaspassersur  des  bandoleltesqu'on  n'atteindraitpas;par  ce 
mov<'n  l'imbrication  des  jets  favorise  l'invasion  de  presque 
tout  le  baudage  en  un  ou  deux  coups  de  ciseaux  au  plus. 

ART.   io53. 

Note  sur  quelques  pommades  employées  contre  les  liémorr/ioidcs. 

Le  docteur  Geddings,  de  Baltimore,  emploie  l'onguent  sui- 
vant pour  calmer  l'irritation  causée  par  les  hémorrhoïdes: 

Pr.  (>arl)niial<'  de  plomb  en  poudre,  demi-once; 
ÎSulliile  de  morphine,  quinze  grains; 


(201   ) 

Onguent  de  strainonium,  uueonce; 
Huile  d'olive,  quantité  suffisante. 

La  pommade  sui^'ante,  d'une  compo'sition  plus  simple,  a 
des  effets  à  peu  près  semblables  : 

Pr.   Onguent  d'althMa      J 

Pommade  à  la  rose  s  de  chaque,  parties  égales. 
—       narcotique  J 

M.  Dupuytren,  lorsqu'il  A'oulait  rappeler  un  écoulement 
hémorrhoïdal  supprimé,  faisait  frotter  l'extrémité  de  l'intes- 
tin avec  une  petite  quantité  du  mélange  suivant  : 

Axonge,  une  once; 
Aloës  succotrin,  un  gros. 

Quand  on  veut,  au  contraire,  prévenir  le  gonflement  des 
veines  hémorrhoïdales,  on  peut  faire  usage  delà  pommade 
ainsi  formulée  : 

Pr.  Poudre  de  noix  de  galle,  deux  parties; 
Poudre  de  camphre,  une  ici.; 

Mêlez  et  incorporez  dans  : 

Cire  liquéfiée,  huit  id. 
Ajoutez: 

Teinture  d'opium,  deux  ij. 

On  fait  des  frictions  matin  et  soir  avec  un  gros  de  cette 
pommade. 

On  peut  aussi  employer  simplement  : 

Axonge,  huit  parties; 

Poudre  de  noix  de  galle,  une  id. 

ART.    1004. 

Mémoire  sur  une  épidémie  de  dyssenierie,  observée  dans  les  com.' 
munes  du  Cellier  et  de  Ligné[Loire-Inférieure), par  M.Eugcne 
Bonamy,  docteur  en  médecine  à  Nantes  (i). 

Pendant  le  séjour  que  j'ai  fait  au  Cellier  (depuis  le  22  oc- 
tobre jusqu'au   24  novembre),  j'ai  vu  dans  cette  commune 


(i)  Nous  avo.'is  ]>.i!  le,   1  nolrn  articln    lo.i.),  (!'un«;  cpiilt-iiiic  ilc  dys- 
SL'iitL'i'ie  qui,  a  la  ilii  de  i'amiéc  iSô/j.,  a  sùvi  avec  fjtcur  «lans  les  tlOpar- 


(  202) 

centneuf  maladesatteîntsdela  dyssenterie.Je  ne  compte  pas 
dans  ce  nombre  les  simples  diarrhées.  Sur  ces  cent  neuf  in- 
dividus, quarante-septétaicnt  malades  depuis  un  temps  plus 
ou  moinslong;  à  mon  arrivée  dansle  pays  soixante-deux  ont 
été  vus  par  moi  dès  le  début.  Des  quarante  -  sept  malades, 
douze  sont  morts;  deux  étaient  encore  en  traitement  quand 
j'ai  quille  la  commune  ;  trente-trois  étaient  guéris.  Des  soixan- 
le-deux  nouveaux,  huit  étaient  morts,  quatre  en  traitement, 
cinquante  guéris. 

Surce  nombre  total, soixante-septétaientpauvres,quarante- 
deux  dans  un  état  plus  ou  moins  aisé. 

J'ai  soigné  dansla commune  de  Ligné  (depuis  le  5  novem- 
brejusqu'au  24)  trente-huilmalades,savoir  :  vingt-et-undont 
la  maladie  était  plus  ou  moins  avancée  quand  je  les  ai  rus 
pour  la  première  fois;  dix- sept  que  j'ai  vus  dès  le  début.  Les 
premiers  étaient  en  général  gravement  malades,  quelques- 
uns  mourans.  Quatre  sont  morts,  quatre  étaient  en  traitement 
quand  j'ai  quitté  la  localité,  treize  étaient  guéris.  Des  dix- 
sept  nouveaux,  neuf  étaient  guéris,  huit  en  traitement. 

Voici  eu  général  quelle  a  été  la  marche  de  cette  affection 
que  j'ai  pu  observer  sous  toutes  ses  formes. 

Avant  l'apparition  des  symptômes  caractéristiques,les  ma- 
lades étaient  souvent  atteints  pendant  quelques  jours  de  cé- 
phalalgie, d'étourdissemens,  de  douleurs  dans  les  membres. 
Ils  se  plaignaient  en  outre  d'un  sentiment  de  faiblesse.  Dans 
d'autres  cas,  sans  aucun  prodrome,  sans  inappétence  anté- 
rieure, le  cours  de  ventre  s'établissait.  Quelquefois  la  pre- 
mière selle  était  sanguinolente,  mais  cela  était  rare;  le  plus 
souvent  il  y  avait  une  ou  deux  évacuations  de  matières  bi- 
lieuses; en  même  temps  survenaient  des  douleurs  dans  le 
ventre;  elles  siégeaient  surtout  autour  de  l'ombilic,  dans  les 
flancs  et  dans  les  régions  iliaques,  et  étaient  augmentées  à 
chaque  défécation.  En  même  temps  encore  on  voyait  surve- 
nir de  la  tension  dans  ces  parties.  Les  selles  devenaient  de 
plus  en  plus  fréquentes  (  quelquefois  deux  cents  dans  les 


temens  de  i'ouesl  de  la  France.  Cette  terrible  aflection  par.iît,  d'.Tprès 
notre  correspond.Tncr,  se  manifoiter  de  nouveau  sur  plusieuis  points,  et 
éprouver,  comme  le  choléra,  Heg  recrudescences  presque  aussi  fatales 
que  l'invasion  première. 

Dan»  ces  circonstances,  un  Mémoire  fait  sur  les  lieux  mêmes  où  a 
réene  la  dv^seolerie,  ne  naurail  manquer  d'ofl'rir  ljeaucou|)  d'intérêt  it 
tin  grand  "nombre  de  ne»  confrère)-.  ISoiis  regrettons  vivement  de  n'a- 
voir pu  livrer  plus  lût  ce  travail  à  la  pulilicité. 

(  Note  du  Rédacteur.  ) 


(203) 

Tingt-qîiatre  heures),  mais  elles  étafent  de  moins  en  moins 
copieuses.  Parfois  les  efforts  du  malade  n'amenaient  abso- 
lument rien.  C'est  alors  que  le  tenesme  s'accompagnait  par- 
fois delà  chute  du  rectum.  Le  tenesme  a  été  souvent  le  symp- 
tôme le  plus  insupportable  de  la  maladie. 

La  matière  des  selles  était  très-variable,  non-seulement 
chez  les  divers  individus,  mais  encore  sur  le  même  sujet  dans 
le  cours  de  sa  maladie.  Voici  le  cas  le  plus  ordinaire  :  après 
une  ou  deux  évacuations  de  matières  bilieuses,  les  selles 
devenaient  sanguinolentes;  c'était  une  sérosité  teinte  de 
sang  où  flottaient  comme  de  petites  parcelles  de  membranes. 
Puis  de  temps  en  temps,  entre  deux  évacuations  de  cette  na- 
ture, il  en  survenait  une  d'une  toute  autre  apparence;  c'é- 
tait une  substance  molle,  poisseuse,  grenue,  verte,  quelque- 
fois noire  et  ressemblant  au  méoonium  des  enfans;  parfois 
même  une  matière  moulée,  très-dure.  J'ai  vu  une  seule  éva- 
cuation produire  des  matières  vertes  et  la  sérosité  sanguino- 
lente. 

Souvent,  après  un  certain  temps  de  maladie,  le  sang  cessait 
de  fluer.  Il  n'y  avait  plus  dans  le  vase  qu'une  simple  sérosité 
avec  les  petites  parcelles  dont  nous  parlions  tout-à-l'heure. 
Dans  certains  cas,  cette  sérosité  était  comme  salie  et  en  même 
temps  fétide.  Cela  ressemblait  assez  à  l'eau  qui  a  servi  à  la 
macération  des  chairs.  Ce  dernier  cas  m'a  paru  en  général 
grave. 

Dans  les  derniers  temps  de  l'épidémie,  le  changement  des 
selles  sanguinolentes  en  selles  purement  séreuses,  mais  non 
fétides,  avait  lieu  plus  souvent  et  beaucoup  plus  tôt;  quel- 
quefois après  deux  ou  trois  jours  de  maladie. 

La  matière  des  selles  a  présenté  quelques  autres  aspects; 
je  l'ai  vue  plusieurs  fois  ressembler  à  la  substance  cérébrale 
délayée  dans  une  petite  quantité  d'eau,  ou  bien  au  pus  san- 
guinolent de  quelques  abcès.  Dans  plusieurs  cas  la  matière 
était  blanche  et  ressemblait  assez  à  du  suif.  Cela  avait  lieu 
surtout  après  une  longue  durée  de  la  maladie,  et  assez  ordi- 
nairement dans  le  commencement  de  la  convalescence. 

Le  pouls  était  en  général  dur  et  fréquent  au  commence- 
ment de  la  maladie;  il  perdait  bientôt  de  sa  dureté,  et  peu 
après  il  devenait  faible,  puis  insensible  si  la  dyssenteric  con- 
tinuait à  faire  des  progrès.  La  disparition  du  pouls  pouvait 
se  prolonger  plusieurs  jours  avant  que  le  malade  succombât. 
Un  petit  nombre  d'individus  cependant  n'ont  présenté  de  fiè- 
vre à  aucune  époque  de  leur  dyssenterie. 

A  la  fin  de  la  maladie  il  y  avait  une  grande  disposition  aux 
épanchemens  séreux;  c'était  quelquefois  une  ascite,  quelque- 


(  'io4  ) 
fois  une  auasarque  générale;  d'autres  fois  un  cpanchement 
dans  les  synoA'iales  et  surtout  dans  celles  des  genoux. 

Voici  la  marche  que  j'ai  suivie  en  général  dans  le  traite- 
ment :  Au  début,  alors  que  les  symptômes  inflammatoires 
étaient  vivement  prononcés,  j'employais  le  traitement  anti- 
phlogistique  pur:  j'ai  rarement  ouvert  la  veine;  j'appliquais 
un  bon  nombre  de  sangsues  à  la  fois,  soit  à  l'anus,  soit  aux 
diverses  parties  de  l'abdomen.  Les  petites  applicationsavaient 
pour  l'ordinaire  peu  de  résultats  ;  bien  des  fois  j'ai  pu  m'en 
convaincre,  parce  que  les  sangsues  étant  rares  et  fatiguées,  les 
parens  des  malades  n'en  faisaient  prendre  souvent  que  le 
quart  de  la  quantité  prescrite.  J'ai  vu  chez  un  bon  nombre 
de  malades  plusieurs  applications  successives  d'un  petit 
nombre  de  sangsues  ne  rien  produire,  et  si  enfin  on  parve- 
nait à  s'en  procurer  de  bonnes  et  à  en  faire  une  forte 
application,  l'amélioration  était  promptement  très-notable. 
Si  les  symptômes  inflammatoires  continuaient,  je  revenais 
bientôt  à  une  nouvelle  et  même  à  plusieurs  applica- 
tions de  sangsues.  Chez  le  malade  dont  je  vais  rapporter 
l'observation,  ainsi  que  chez  plusieurs  autres,  le  traitement 
antiphlogistique,  sans  aucun  mélange,  a  sulTi  pour  amener 
la  guérison. 

Pierre  Lejugeur,  fariiiier  aisé,  du  village  de  la  Briantière,  âgé  de 
vingt-cinq  an«,  floué  d'une  forte  organisation,  avait  déjà  élc  affecté 
de  la  maladie  épidéniique.  Le  7  novembre  il  devint  rualade  de  nou- 
veau, fut  j)ris  d'uiic  vlole.nte  céphalalgie  et  de  diarili  e;  le  8,  les 
selles  devinrent  sanguinolentes.  Le  9,  je  fus  appelé  et  le  trouvai  dans 
l'état  suivant:  face  rouge,  animée;  pouls  dur  et  fréquent;  abdomen 
tendu,  douloureux,  surtout  dans  ses  parties  inférieures.  Cent  sel- 
les sanguinolentes  de['uis  la  veille  au  soir  {vingt  sangsues  à  l'anus, 
diète,  cataplasmes  sur  le  vcn/re).  On  ne  peut  faire  prendre  que  cinq 
sangsues. 

Le  ir,  le  malade  fait  .i  clia([ue  instant  des  efforts  pour  aller  à  la 
garde-robe  (  deux  cents  fois  dans  les  vingt-quatre  heures,  me  dit-il); 
ces  tentatives  sont  le  ji'us  souvi-ntsans  résultat.  Parlois,  cependant, 
elles  amènent  une  pttite  quantité  de  sang  presque  pur.  Coliques 
trés-vives,  ventre  toujours  tendu,  fièvre.  Je  prescris  <le  nouveau 
vingt-cinq  sangsues  et  un  bain.  Quatre  ou  cinq  sangsues  seulement 
ont  pu  être  appliquées;  le  lendemain,  les  parens  du  malade,  de  leur 
propre  mouvement,  en  firent  prendre  quatre  nouvelles. 

Le  i4,  les  matières  ne  sont  pins  sanguinolentes;  elles  sont  com- 
posées de  sérosité  et  de  petites  parcelles  qui  occupent  le  fond  du 
va'^e.  Un  reste,  presque  aussi  fré(]iientes,  les  évacuations  sont  aussi 
doulouieuses.  Le  ventre  i-si  dur;  il  \n  un  peu  de  fièvre.  De  nouvel- 
les sangsues  bien  vives  avant  été  aj)portées  de  Nantes,  j'en  lis  aj^pli- 
qiu-r  vingt-cinq,  dont  iespifp'ires  sa  lignèrent  abondamment.  Le  i(),  le 
nouibre  des  hk'Ac»  u'avail  plu'i  été  que  de  quinze.  Les  jours  suivans 


(■-^05) 

ces  évacuations  continuèrent  h  diminuer  de  fréquence;  je  permis 
l'usage  lie  (|uclques  cuillerées  de  panade.  Le  20,  le  malade  entrait 
en  convalescence. 

Cette  observation  montre  le  peu  d'efficacité  des  petites 
applications  de  sanjjsucj,  alors  même  qu'elles  sont  répétées 
souvent.  Il  faut  dire  aussi  que  le  cas  dont  il  s'agit  est  un  de 
ceux  où  la  forme  inflammatoire  était  le  plus  tranchée. 

Le  bain  a  été  en  général  avantageux;  mais  la  pauvreté  et 
l'incurie  des  parens  rendaient  son  emploi  impossible  pour 
la  plupart  des  malades. 

Dans  un  certain  nombre  de  cas,  comme  dans  celui-ci,  le 
mal  a  cédé  auxantiphlogistiques  seuls;  mais  d'autres  fois  ces 
moyens  n'ont  pu  suffire:  les  évacuations  alvines  continuaient, 
le  pouls  perdait  de  sa  force.  On  ne  pouvait  guère  alors  in- 
sister sur  les  saignées.  Dans  cette  circonstance  j'ai  employé 
les  purgatifs,  et  en  particulier  les  sulfates  de  soude  et  de 
magnésie.  Bien  souvent,  après  l'usage  de  cette  médication 
employée  à  l'époque  indiquée,  les  selles  sanguinolentes 
étaient  remplacées  par  des  selles  bilieuses. 

J'ai  administré  un  très-petit  nombre  de  fois  les  sels  neutres 
au  début  :  c'était  chez  des  sujets  d'une  constitution  faible, 
offrant  d'ailleurs  peu  de  symptômes  inflammatoires.  Quand 
le  pouls  était  très-aflaibli,  je  n'osais  employer  ni  sangsues  ni 
purgatifs;  alors  je  faisais  usage  volontiers  de  révulsifs  sur  la 
peau,  et  surtout  d'un  large  vésicatoire  appliqué  sur  le  bas- 
ventre.  J'ai  trouvé  plusieurs  fois  que  sous  l'influence  de  ce 
moyen  le  pouls  se  relevait  un  peu.  Cet  effet  obtenu,  je 
donnais  un  purgatif.  Voici  l'observation  d'une  malade  que 
j'ai  traitée  de  celte  manière. 

La  fille  Alard,  pauvre,  d'une  assez  forte  constitution,  âgée  de  vingt- 
sept  ans,  habitant  le  village  de  la  BasseBranchère,  atteinte  de  la 
dyssenterie  depuis  trois  semaines,  quand  j'arrivai  dans  le  pays,  avait 
étésoignée'jusqu'à  ceinoment  par  deux  sœurs  decharité  qui,  pendant 
toute  répidémic,  ont  apporté  à  leurs  fonctions  un  zèle  et  un  dévoù- 
ment  infatigables.  Malgré  une  application  de  sangsues  faite  dans  le 
commencement,  et  divers  autres  moyens  essayés  tour  à  tour,  la  ma- 
ladie n'avait  cessé  de  faire  des  progrès.  Je  trouvai  cette  fille  pres- 
que sans  pouls,  sa  peau  était  fioide.  Quatre-vingts  selles  sanguino- 
lentes avaient  eu  lieu  depuis  vingt-quatre  heures.  Je  prescrivis  un 
large  vésicatoire  sur  le  has-ven'.re.  Les  parens,  malgré  mes  pres- 
santes recommandations,  omirent  d'aller  chercher  ce  vésicatoire 
au  bourg,  prétendant  que  la  malade  allait  mourir,  et  que  ce  serait 
une  peine  absolument  perdue.  Cependant  le  lendemain,  voyant  que 
leur  parente  vivait  encore,  ils  se  décidèrent  à  faire  le  voyage.  Le 
vésicatoire  fut  enfin  appliqué. 

A  ma  visite  suivante,  je  trouvai  le  pouls  un  peu  relevé;  du  reste 


(  206) 

les  évacuations  étaient  de  même    nature   et  aussi  nombreuses.  Je 
prescrivis  alors  le  sulfate  de  soude. 

Le  leiideaiaiii,  les  selles  n'étaient  plus  sanguinolentes;  cependant 
elles  av:iient  été  très-nombreuses  ;  la  malade  les  laissait  encore  aller 
sous  elle,  mais  peu  à  peu  leur  nombre  a  diminué,  et  enfin  la  conva- 
lescences'est  établie. 

Dans  le  cas  suivant,  j'ai  employé  un  purgatif  dès  le 
début. 

Richard,  jeune  homme  de  dix-sept  ans,  habitant  le  même  village, 
fils  d'un  laboureur  aisé,  qui  était  atteint  lui-même,  depuis  quelques 
jours,  par  la  maladie  épidémique,  est  d'une  faible  constitution.  Il 
fut  pris  de  la  dyssenterie  le  2 5  octobre. 

Je  le  vis  l'e  26  ;  il  avait  eu  soixante  selles  dans  les  vingt-quatre 
heures;  il  avait  peu  de  coliques,  point  de  fièvre.  {Sulfate  de  soude, 
six  gros  :  en  trois  doses  à  dix  minutes  d'intervalle.) 

Dès  le  lendemain  les  selles  furent  réduites  à  six  par  vingt-quatre 
heures  et  devinrent  bilieuses.  La  diarrhée  a  conliuué  encore  quel- 
que temps.  Après  avoir  cède,  elle  est  revenue  de  nouveau  par  suite 
d'imprudences,  et  n'a  définitivement  cessé  qu'après  uu  temps  assez 
long.  Mais  depuis  l'administration  du  sel  neutre  ce  malade  n'a  plus 
rendu  de  sang. 

Le  cas  n'était  assurément  pas  très-grave,  mais  on  a  pu 
remarquer  cependant  ie.s  bons  elTets  du  purgatif  administré 
dès  le  début,  llareinent  j'ai  procédé  de  cette  manière.  Le 
plus  souvent  j'ai  lait  précéder  l'usage  des  purgatifs  d'tin  irai- 
lement  auliphlogistique  assez  actif,  et  chez  un  assez  grand 
nombre  de  malades,  ces  anliphlogisliques  seuls  ont  suffi  pour 
amener  la  guérisou.  Avant  d'aller  plus  loin,  je  citerai  encore 
quelques  cas  où  les  purgatifs  salins  ont  exercé  une  inUuence 
bien  évidemment  avantageuse. 

Une  jeune  fille,  du  village  de  la  Gaboricerie,  âgée  de  dix-huit 
ans,  était  malade  depuis  dix  jours.  Ou  Un  avait  fait  [>luaieurs  appli- 
cations de  .sangsues  qui  n'avaient  piodiiit  aucune  amélioration.  Le 
ai  octobre,  jour  de  ma  piemicre  visite,  je  lui  trouvai  li-  pouls  fré- 
quent, uu  peu  dur,  la  face  rouge;  vingt-cinq  selles  sauguiijolenles, 
coliques  vives,  tenesnie,  soil.  Les  évacuation»  sangLiiuus  ayant  été 
déjà  considérables,  je  n'osai  y  reveuir.  {Diète,  tisanes  cmollicntes, 
pièce  de  laine  iinj/régnée  d'huile  sur  le   ventre.  ) 

Le  24,  j  ''ssayal  les  astiiugens,  dont  riinfilcacité  ne  m'était  pas 
encore  en  ce  moment  pai  failenienl  dctuontiee.  Je  prescrivis  le 
sirop  de  quinquina  e(  une  tisane  .ivec  l'extrait  de  ratauiiia.  Celle 
médication,  couiinuce  pendant  trois  jours,  ue  fut  suivie  d'aucun 
hou  résultat.  Le  27,  seizième  jour  de  la  maladie,  il  y  avait  encore 
viiigl-cinq  selles  sangiiiiioknles.  Le  pouls  était  un  pc-u  fréquent, 
mais  faible  :  sentiment  de  malaise  extrême;  la  malade  n'avait  [dus 
assez  de  force  pour  s'asseoir  bur  son  lit.  {Sulfate  de  soude,  uric  ouco 
en  trois  doses,) 


(ao7) 

Le  98,  selles  moins  nombreuses  et  nullement  sanguiaolentes;  cette 
fille  se  sent  beaucoup  mieux.  Le  3o  au  maliu,  je  fais  prendre  encore 
une  once  du  même  sel.T)\x  ésacuations  jusqu'à  midi,  ciuq  selles  seu- 
lement depuis  midi  jusqu'au  soir.  {Eau  de  poulet.) 

Le3i,  sept  selles  molles  et  bilieuses.  L'amélioration  s'est  soute- 
nue, et  au  bout  de  quelques  jours,  la  convalescence  s'est  établie. 

Ce  fait  et  un  petit  nombre  d'autres  m'ont  donné  la  con- 
viction qu'il  ne  fallait  rien  attendre  des  astringens  tant  que 
les  selles  étaient  sanguinolentes;  à  une  époque  plus  avancée, 
quand  les  selles  bilieuses,  molles,  qui  avaient  remplacé  les 
selles  djssentériques,  restaient  long-temps  fréquentes  au 
copieuses,  alors  seulement  les  astringens  pouvaient  être 
utiles.  Le  diascordium  est  la  substance  dont  j'ai  retiré  le 
plus  d'avantages  dans  ce  cas.  Mon  ami,  M.  le  docteur 
Blandin,  qui  exerce  la  médecine  à  Mauves,  a  fait  la  même  re- 
marque sur  l'emploi  des  astringens. 

La  fille  Rive,  habitant  le  village  du  ChampBriant,  âgée  de  vingt- 
cinq  ans,  était  atteinte  de  la  dyssenterie  depuis  huit  jours,  et  avait 
été  traitée  par  la  méthode  antiphlogistique  pure. 

Le  2  5  octobre,  vingt  selles  sanguinolentes.  {Sulfate  de  magnésie, 
une  demi-once  en  trois  doses  ) 

Le  j6,  le  sang  a  cessé  de  couler;  selles  bilieuses  encore  peu  liées 
(sept  en  \ingt-quatre  heures);  co-.itiuuation  de  la  diète.  Le  27  et 
le  28,  même  état.  Le  3o,  six  selles  jaunes,  molles.  Le  4  novembre, 
une  seule  selle  épaisse. 

Dans  ce  cas  encore  le  bon  effet  du  purgatif  me  semble 
incontestable.  Une  seule  fois  l'administration  du  sulfate  de 
magnésie  a  paru  produire  un  peu  d'exacerbation,  mais  je 
l'avais  employé  peut-être  dans  un  moaient  peu  opportun. 

Je  n'ai  donné  l'ipécacuanha  qu'à  un  très-petit  nombre 
d'individus,  à  six,  je  crois.  Chez  deux  il  m'a  paru  produire 
de  bons  effets  ;  chez  les  autres  il  n'a  ni  amendé  ni  aggravé  les 
symptômes  :  c'est  à  une  époque  avancée  de  la  maladie  que 
j'ai  administré  cette  substance;  je  n'ai  point  osé  le  faire  au 
début,  comme  quelques  médecins  l'ont  conseillé. 

Il  est  un  autre  moyen  dont  je  me  suis  servi  quelquefois 
avec  avantage,  c'est  la  solution  étendue  de  chlorure  de 
chaux  que  j'administrais  de  la  manière  suivante  :  à  douze 
onces  d'une  eau  gommée  ou  d'une  décoction  de  guimauve 
j'ajoutais  un  gros  de  solution  concentrée  de  chlorure,  et  je 
faisais  prendre  de  cette  solution  une  cuillerée  à  bouche 
toutes  les  demi-heures.  J'augmentais  ordinairement  la  dose 
le  second  ou  le  troisième  jour. 

J'ai  plusieurs  fois  employé  ce  médicament  dans  des  cas 


(208) 

désespérés,  alors  que  je  n'osais  plus,  vu  rexfrême  faiblesse 
du  pouls,  avoir  recours  ni  aux  évacuations  sanguines,  ni  aux 
pur^alils.  Dans  ces  cas  j'avais  peu  d'avantages  à  en  attendre; 
mais  je  l'ai  administré  aussi  dans  des  cas  où  la  maladie,  quoi- 
que grave  et  déjà  fort  avancée,  n'était  pas  encore  arrivée  au 
dernier  terme,  et  j'en  ai  obtenu  quelques  bons  résultats.  Je 
citerai  un  de  ces  faits. 

La  femme  Atmon,  du  village  de  l'Anneau,  âgée  de  quarante 
ans,  était  malade  depuis  trois  semaines.  Au  conmieucenieut  de  sa 
maladie,  elle  avait  eu  environ  soixante  selles  sanguinolentes  par 
vingt-quatre  heures.  D;ins  la  semaine  qui  précéda  ma  première 
visite,  elles  n'étaient  plus  sanguinolentes;  leur  nombre  variait  de 
trente  à  quarante-cinq. 

Le  9  novembre,  je  la  vis  {)our  la  première  fois.  La  matière  des 
évacuations  alvines  était  variable  à  chaque  instant  :  parfois  molle, 
jaune ,  le  plus  souvent  séreuse  avec  de  petits  grains  au  fond  du 
vase.  Trente  selles  dans  les  dernières  vingt-quatre  heures.  Coliques, 
douleurs  dans  les  reins.  Aphtes  occupant  toute  la  partie  postérieure 
de  la  bouche.  Pouls  très-faible,  face  altérée.  Senti riient  de  faiblesse 
générale.  Quoique  les  selles  ne  fussent  plus  sanguinolentes  ni  e.\- 
irémement  nombreuses,  le  cas  me  parut  fort  grave,  eu  égard  au 
mauvais  état  de  la  circulation.  La  numifestation  des  aphtes  de  l'ar- 
rière-bouche  n'était  pas  propre  a  rassurer  sur  l'issue  de  la  maladie. 
Je  jirescrivis  une  demi-once  de  sulfate  de  magnésie  ;  un  tiers  seulement 
de  la  dose  fut  avalé. 

Le  II,  quarante  selles.  Pouls  encore  petit.  {Solution  étendue  de 
chlorure  de  chaux  pour  gavi^arisme  et  pour  boisson.)  Sous  l'influence  de 
ce  moyen  continué  jusqu'au  23,  les  aphtes  ont  successivement  dis- 
paru, les  selles  sont  devenues  plus  rares.  La  malade  était  debout; 
elle  allait  encore  huit  fols  à  la  seJle  par  vingt-quatre  heures,  mais  les 
matières  étaient  épaisses.  L'appétit  était  revenu. 

J'ai  retiré  peu  de  bons  effets  de  l'opium,  que  j'ai 
du  reste  trop  peu  administré  pour  rien  allirmcr  à  son 
égard. 

La  pommade  avec  l'extrait  de  be  lladone  àla  dose  de  cinq 
grains  dans  ime  once,  appliquée  autour  de  l'anus,  m'a  été 
fort  utile  pour  procurer  du  soulagement  aux  malades  tour- 
mentés par  un  violent  tencsuie. 

Chez  tous  ces  malades,quel  qu'ail  été  le  traitemenlemployé, 
j'ai  insisté  loug-teiiips  sur  la  diète,  puis  sur  un  régime 
sévère,  et  je  suis  convaincu  que  si  tous  avaient  .suivi  stricte- 
ment le  régime  presciil,  il  n'en  serait  mojt  qu'un  bi(.'u  petit 
nombre. 

Il  paraît  bien  démonlié  (pie  la  température  froide  a  eu 
imc  action  salutaire  sur  l'épidémie  en  général.  (7cst  en  eflet 
aux  premiers  froids  de  l'hiver  que  la  maladie  a  suspendu  ses 


(209) 

ravages;  mais  l'influence  de  cet  agent  sur  les  individus  déjà 
atteints  a  été  loin  d'être  favornble.  Chez  les  pauvres  malades 
qui  n'avaient  pas  de  couvertures  suffisantes,  il  a  presque 
constamment  aggravé  les  symptômes. 

L'ouverture  des  cadavres  étant  une  chose  fort  difficile, 
presque  impossible  à  la  campagne,  je  n'en  ai  fait  aucune,  et 
n'ai  par  conséquent  rien  à  dire  sur  les  altérations  organiques; 
je  citerai  cependant  deux  résultats  d'autopsie  qui  m'ont  été 
communiqués  :  le  médecin  de  l'hôpital  Saint-Jacques,  à 
Nantes,  ayant  ouvert  deux  cadavres  de  dysscnlériques,  a 
trouvé  chez  l'un  et  chez  l'autre  des  traces  d'une  vive  in- 
flammation dans  le  rectum.  Malgré  les  différences  qui  de- 
vaient exister  entre  la  dyssenterie  observée  au  Cellier,  où  il 
y  avait  infection,  certains  villages  étant  encombrés  de  ma- 
lades, et  à  Nantes,  où  ils  se  rencontraient  rarement,  il  me 
paraît  probable  que  la  lésion  de  l'intestin  devait  être  à  peu 
près  la  même.  Comment  expliqueras  bons  effets  d'un  purga- 
tif employé  à  une  certaine  époque  dans  une  phlegmasie  in- 
testinale ?  Je  ne  prétends  point  donner  raison  du  phénomène, 
et  je  me  borne  à  rappeler  que  ce  fait  n'est  pas  sans  analogue 
en  thérapeutique. 

Quand  quelque  lacune  existe  dans  les  institutions  sociales, 
c'est  au  moment  des  grandes  calamités  qu'elle  se  fait  vive- 
ment sentir;  ainsi  dans  cette  épidémie  on  a  eu  à  désirer  des 
institutions  ayant  pour  but  de  soulager  les  paysans  pauvres 
dans  leurs  maladies.  Des  faits  graves  se  sont  passés  sur  les- 
quels on  ne  doit  pas  omettre  d'appeler  l'attention  de  ceux 
qui  gouvernent;  en  voici  un  entre  autres  : 

A  la  première  visite  que  je  fis  dans  la  commune  de  Ligné,  on  me 
conduisit  chez  une  famille  habitant  le  village  de  la  Hamonière.  On 
me  flitqne  cette  famille  était  composée,  avant  l'épidémie,  t!e  neufin- 
diviflus:  le  père,  la  mère  et  sept  enfiins;  que  quatre  de  ces  derniers 
étalent  déjà  morts,  deux  dans  le  même  jour. 

J'entrai  dans  une  chambre  Infecte,  contenant  quatre  lits  et  plu- 
sieurs grands  meubles  malpropres.  Trois  des  lits  étaient  occupés;  le 
(jiiatrième  était  vide.  La  première  personne  à  laquelle  je  parlai  était 
unefemme  de  quarante-sept  ans;  c'était  la  mère  ;  elle  était  grosse  de 
huit  mois,  et  malade  de  la  dyssenterie  depuis  quinze  jour.';.  Elle  n'était 
pas  arrivée  au  dernier  degré  de  la  maladie;  le  pouls  était  hiea  con- 
servé, mais  elle  allait  à  la  selle  à  chaque  instant.  Elle  lâchait  ses  ma- 
tières fécales  sous  elle,  et  on  ne  la  changeait  point  de  linge,  car  de- 
puis plusieurs  jours  {)ersonne  n'était  entré  dans  la  maison. 

Un  peu  plus  loin  était  un  jeune  homme  de  dix-huit  ans  à  peu 
près.  Celui-là  était  beaucoup  plus  malade  ;  son  pouls  ne  battait  plus, 
sa  peau  était  froide,  ses  yeux  hagards;  il  me  regardait  fixement. 
Cemalheiueux  était  couché  dans  l'ordure  et  ne  pouvait  même  chan- 

TOM.   VI. —  N"  DE  MAI.  l4 


(210) 
ger  de  place  dans  son  lit.   Il  était  sans  doute  dans  cettt  affreuse 
position  depuis  trois  ou  quatre  jours. 

Dans  le  troisième  lit  était  son  frère,  âgé  de  quatorze  ans.  Lui  aussi 
était  atteint  de  la  dyssentcrie,  mais  à  un  degré  moins  avancé  ;  il 
pouvait  encore  aller  dehors  satisfaire  à  ses  besoins.  Un  autre  gar- 
çon de  sept  ans  était  encore  debout,  bien  qu'atteint  aussi  de  la 
dyssenterie. 

Le  père,  homme  de  cinquante  ans,  atteint  également,  marchait 
dans  sa  chambre,  s'appuyanl  sur  les  meubles  pour  ne  pas  tomber. 
Sa  figure  exprimait  le  plus  profond  découragement.  Il  n'avait  plus, 
me  dit-il,  la  force  de  donner  à  boire  à  sa  femme  et  à  ses  enfans. 
Je  lui  demandai  s'il  avait  du  linge,  il  me  répondit  que  ses  draps 
avaient  été  employés  à  ensevelir  ses  morts. 

Ici  c'était  de  1  hygiène  qu'il  fallait  bien  plus  que  de  la  médecine 
proprement  dite.  J'écrivis  au  maire  de  Ligné  pour  qu'il  procurât 
quelques  secours.  Je  donnai  également  connaissance  de  ce  fait  à 
M.  le  docteur  Fouré,  médecin  en  chef  des  épidémies,  qui  s'empressa 
de  le  communiquer  à  M.  le  préfet;  mais  ce  ne  fut  qu'après  qua- 
raute-buit  heures  qu'il  arriva  quelques  secours  en  linge.  Une  pa- 
rente se  décida  enfin  à  nettoyer  la  maison.  Elle  y  consacra  une 
journée  entière.  Le  fils  aîné  était  mort  le  lendemain  de  ma  première 
visite. 

Quand  j'ai  quitté  le  pays,  la  mère  était  mieux  ;  le  second  fils,  dont 
la  maladie  avait  fait  encore  beaucoup  de  progrès,  avait  enfin  éprouvé 
une  amélioration  très-sensible,  lorsque  ses  imprudences  lui  donnè- 
rent une  rechute.  Il  était  encore  dans  un  état  grave  au  moment  de 
mon  départ.  La  partie  supérieure  du  canal  intestinal  était  affectée. 
Le  père  était  beaucoup  mieux;  le  jeune  fils  était  guéri. 

Dans  cette  circonstance  ce  sont  les  soins  hygiéniques  qui 
ont  enrayé  les  progrès  du  mal;  il  me  paraît  démontré  que  si 
les  circonstances  funestes  qui  enveloppaient  cette  famille 
n'eussent  pas  changé,  tous  ses  membres  eussent  éprouvé  le 
même  sort  que  les  premiers  atteints. 

ART.    1035. 

Considilrations  pratiques  sur  quelques  moyens  employés  dans  les 
p/icgmasies  cérébrales  :  emploi  de  la  glace,  des  purgatifs^  de  l'é- 
mélique  à  haute  dose,  du  vésicatoire  sur  ta  tête. 

Dans  un  ouvrage  publié  récetnmeiit  (i),  M.  Gendrin  a 


(i)  Det  mala<ties  itc  d nccphale  cl  de  la  moelle  épim'dre,  par  J«'an 
Abercrumbie,  traduit  «le  l'anglais,  <:t  augincnli;  <lc  notes  par  Gendrin, 
médecin  de  1  hûpilal  Cuchin  ;  dcuxiciuc  cditioa.  Un  volume  ia-8*,  64o 
pages. 


(211) 

passé  en  revue  quelques-uns  des  moyens  proposés  contre 
les  phlegmasies  cérébrales.  L'examen  de  ces  diverses  médi- 
cations, et  l'exposé  des  opiuions  de  ce  médecin  sur  le  degré 
de  confiance  qu'on  doit  leur  accorder,  ne  paraîtront  pas  sans 
intérêt  à  nos  lecteurs. 

L'application  du  froid,  dit  M.  Gendrin,  n'est  utile  et  ne 
peut  être  sans  danger  qu'après  que  l'on  a  calmé,  par  des 
saignées,  la  violence  des  accidens  inflammatoires,  car  il  est 
toujours  à  craindre  que  la  réaction  consécutive  ne  soit  la 
cause  d'une  exacerbation  qui  annulle  les  avantages  que  l'on 
se  proposait  de  l'effet  sédatif  du  médicament  (i).  Mais, 
lorsque  le  froid  est  appliqué  sur  toute  la  surface  du  corps, 
cette  réaction  est  bien  moins  violente,  et  ses  effets  sédatifs 
sont  bien  plus  prononcés;  il  faut  cependant  surveiller  avec 
soin  l'étal  du  malade,  afin  de  ne  pas  le  jeter  dans  un  prolapsus 
trop  profond,  dont  il  serait  difficile  de  le  retirer.  Les  affusions 
à  seize  ou  dix-huit  degrés,  pendant  cinq  à  six  minutes,  n'ex- 
posent point  à  cet  inconvénient,  et  sont  presque  toujours 
suffisantes.  L'eau  à  cette  température,  passant  rapidement 
sur  le  corps,  ù  la  surface  duquel  on  la  fait  ruisseler  en  grande 
quantité,  sans  opérer  aucune  percussion,  suffit  pour  enlever 
une  grande  masse  de  calorique.  Cependant  quelquefois  on 
peut  diminuer  la  température  de  l'eau,  mais  on  ne  doit  ja- 


(i)  L'application  momentanée  de  la  glace  sur  la  tôto  est  un  ninyen 
si  dangrreux,  qu'un  grand  nombre  de  praticiens  y  ont  entiéreiDeiit  re- 
noncé. Presque  toujours,  en  effet,  la  réaction  qui  suit  la  cessation  du 
remède  ramène  les  choses  dans  un  ('■tat  beaucoup  plus  fficlieux  que 
celui  dans  lequel  elles  se  trouvaient  d'abord.  Nous  avons  éprouvé  nous- 
inëuie  les  l'àcheux  effets  de  cette  réaction.  Atteint  d'une  cérebiite 
viuli'Ute,  nous  fûmes  soumia  à  l'application  de  la  glace  après  d'abon- 
dantes évacuations  sanguines.  Le  premier  effi:l  de  cette  médication 
fut  une  douleur  "de  tête  horrible,  puis  un  soulagement  très-marqué, 
c'est-a-dire  un  état  é  peu  près  semblable  .i  celui  dans  lequel  nous  nous 
trouvions  avant  l'application  de  la  glace.  Bientùt  nous  toniiiàmcs  dans 
une  sorte  de  btupeur  et  d'iasensibililé  qui  força  d'enlever  bien  vite  les 
rèfrigèrans.  La  lèaction  ne  se  Ct  pas  long-ttmps  attendre;  alors  l:i  cé- 
phalalgie, le  délire  et  l'agitation  redoublèrent,  et  la  nuit  fut  beaucoup 
plus  mauvaise  que  les  précédentes. 

L'application  partielle  du  froid,  pour  être  de  quelque  utilité,  soit 
U  la  tète,  soit  sur  d'autres  parties  du  corps,  devrait  être  continuée  fort 
long-temps,  comme  dans  les  observations  rajiportées  à  notre  article 
1002;  mai-i  la  glace  ne  peut  être  maintenue  sur  !'■  ci  Ane  s.ins  danger 
que  pendant  quelques  instans,  et  les  rèfrigèrans  moins  fictifs  ne  parais- 
sent pas  avoir  sur  les  pblegmasieâ  cérébrales  une  action  bieu  mar- 
quée. 

(  Notedurédact.  ) 

14. 


(aia) 

mais  descendre  au-dessous  de  dix  à  douze  degrés.  L'obser- 
vation suivante  fera  juger  «le  l'effet  de  ces  affusinns. 

Un  jeune  homme  tomlni  malade  le  17  mars  1829,  il  éprou- 
vait de  la  fièvre  et  une  céphalalgie  intolérable.  La  peau  était 
chaude,  il  y  avait  beaucoup  d'agitation.  Une  saignée  de  seize 
onces  fut  pratiquée  le  18.  Dans  la  nuit  il  survint  du  délire. 
Le  19,  les  yeux  étaient  fixes  et  la  figure  tniluminée.  Le  pouls 
était  très-fréqdent,  l'anxiété  extrême.  Une  nouvelle  saignée 
fut  faite  sans  aucun  avantage  :  le  pouls  augmenta  de  fré- 
quence, et  le  délire  devint  plus  violent.  I-e  an,  la  face  portait 
l'empreinte  de  la  stupeur,  la  parole  était  brève,  il  y  avait  du 
délire,  la  peau  était  sèche  et  brûlante.  Une  alTusion  générale 
à  seize  degrés,  pendant  cinq  minutes,  amena  une  diminution 
immédiate  de  la  fréquence  du  pouls.  Le  malade  resta  dans 
un  état  de  coUapsus,  avec  fraîcheur  de  la  peau,  pendant  une 
heure,  après  laquelle  il  y  eut  une  vive  réaction.  Une  saignée 
de  huit  onces  fut  faite  dans  la  journée,  et  l'on  appliqua  la 
glace  sur  la  tête  pendant  une  heure.  La  céphalalgie  diminua, 
cependant  il  restait  de  la  pesanteur  à  la  tête,  il  y  avait  beau- 
coup de  malaise,  des  rêvasseries  et  de  la  fièvre.  Une  affusiori 
à  douze  degrés  fut  administrée  pendant  cinq  minutes.  Le 
pouls  tomba  immédiatement  de  cent  dix  à  soixante-cinq  pul- 
sations. La  peau  devint  fraîche,  le  malade  reprit  toutes  ses 
facultés.  La  réaction  fut  douce.  Aucun  accident  ne  reparut, 
et  le  lendemain  il  n'y  avait  plus  de  phlegmasie  céiébrale. 

Suivant  M.  Gendrin,  l'administration  des  purgatifs  et  des 
émétiques  convient  surtout  dans  deux  cas  :  dans  les  encé- 
phalites des  enfans,  et  dans  celles  qui  sont  compliquées  d'un 
état  saburral. 

Un  homme  de  dix-neuf  ans  était  débarrassé  d'une  fièvre- 
tierce,  depuis  quelque  temps,  lorsqu'il  fut  pris  le  i5  sep- 
tembre i8'27,  d'une  violente  céphalalgie  avec  envies  de  vo- 
mir. Le  délire  survint  dans  la  nuit.  Le  lO,  il  était  dans  une 
sorte  de  stupeur,  le  pouls  mou  et  fréquent,  la  langue  jaune  et 
saburralc,  la  bouche  très-amèrc;  il  y  avait  des  nausées  et  une 
courbature  générale.  Une  saignée  de  dix  onces  fut  pratiquée. 
Dans  la  nuit  les  accidens  augmentèrent,  le  délire,  î'agilalion 
et  la  céphalalgie  élait;nl  extrêmes.  Le  17,  l'état  était  le  même; 
la  langue  recouverte  d'une  couche  épaisse  de  saburres.  (  Trois 
grains  d' étnélique  dans  une  cliopine  d'eau  tiède  donnée  par  tasses.  ) 

La  connaissance  se  rétablit,  et  le  délire  cessa  pendant  l'ef- 
fet du  vomitif.  Le  soir  il  y  avait  encore  de  la  cé[)halalgie, 
mais  la  fièvre  était  modérée.  Il  survint  de  la  moiteur,  et  le 
malade  doruiil  trois  heures  pendant  la  nuit.  Le  18,  la  langue 
était  encore   saburralc,   mais   l'élat  général  était  cousidé- 


(2l5) 

rablenient  amélioré.  Un  éméto-catliar tique  composé,  de  tartre 
siihié,  un  grain,  et  sulfate  de  soude,  une  demi-once,  fut  admi- 
nistré. IlJ  n'y  eut  qu'un  vomissement,  et  beaucoup  de  selles 
bilieuses.  La  céphalalgie  disparut  imuiédiatemeul.  Le  lende- 
main le  malade  élait  en  convalescence. 

L'émélique  à  haute  dose  a  quelquefois  réussi  dans  les 
mains  de  M.  Gendrin  contre  les  encépluililes  ;  mais  ce  mé- 
decin reste  persuadé  que,  de  même  que  dans  la  pneumonie  et 
le  rhumatisme  articulaire,  l'émétique  n'a  d'action  que  par 
les  crachats,  les  selles  on  les  vomissemens  procurés,  et  que 
lorsque  la  tolérance,  comme  on  dit,  est  établie,  ce  n'est  plus 
qu'une  substance  tout-à-fait  inutile.  Aussi  est-il  arrivé  à 
n'administrer  l'émétique  qu'en  lavage,  en  y  ajoutant  même 
quelques  cathartiques  pour  prolonger  son  action  pendant 
quelques  jours. 

Lorsque  l'encéphalite  se  prolonge  et  tend  à  se  terminer 
par  suppuration,  les  dérivatifs  autour  de  la  tête,  et  surtout 
les  vésicatoires  sur  le  crâne,  peuvent  être  d'une  très-grande 
utilité.  M.  Gendrin  assure  en  avoir  retiré  maintes  fois  de 
très-bons  effets,  et  il  se  borne  à  citer  l'exemple  suivant. 

Un  jeune  homme  de  dix-neuf  ans  fut  pris  tout-à-coup,  le 
i4  juillet  i852,  d'une  très-vive  céphalalgie,  avec  fièvre  vio- 
lente. Les  accidens  persistèrent  le  lendemain,  et  il  s'y  joignit 
des  nausées.  Le  faciès  était  abattu,  portant  l'empreinte  d'une 
stupeur  profonde,  les  yeux  errans  et  très-brillans,  la  parole 
brève,  la  douleur  de  têle  insupportable;  deux  saignées  du 
bras  furent  faites  dans  le  même  jour.  Le  16,  on  appliqua  vingt- 
quatre  sangsues  aux  tempes,  et  on  fit  des  affusions  fraîches  de 
deux  à  tr.  is  minutes  de  durée  sur  la  tête,  réitérées  toutes  les 
deux  heures.  Le  17,  il  y  avait  fort  peu  de  changement;  la  pe- 
santeur de  tête  avait  augmenté.  On  ordonna  du  petit-lait 
émulsioné  avec  addition  de  deux  grains  de  tartre  stibié  par 
litre.  Le  18,  il  y  avait  une  amélioration  marquée,  mais  le  19 
le  malade  tomba  dans  un  état  comateux  dont  il  était  difficile 
de  le  retirer,  [^application  d'un  vcsicaloire  sur  la  tête  préala- 
blement rasée;  administration  de  vingt-quatre  grains  de  calo- 
viélas,  divisés  en  trois  prises.  ) 

La  même  médication  fut  continuée  les  jours  suivans  ;  une 
salivation  abondante  ne  tarda  pas  à  s'établir;  les  symptômes 
d'assoupissement  se  dissipèrent  promptement,  et  la  phleg- 
masie  cérébrale,  détournée  p.w  cette  double  révulsion,  se  dis- 
sipa entièrement.  Le  25,  le  malade  entrait  en  convalescence. 


(•ii4) 

ART.     1036. 

Considérations  pratiques  sur  quelques  accidens  produits  par  la 
présence  de  deux  jumeaux  dans  la  matrice. 

La  note  suivante  nous  est  communiquée  par  M.  le 
docteur  Delaporte,  de  Vimoutiers  (Orne). 

Il  a  été  question  aux  séances  de  l'Académie  royale  de  mé- 
decine du  dernier  trimestre  de  l'année  i  854>  de  ce  cas  parti- 
culier de  délivrance  dans  lequel  on  a  affaire  à  une  {grossesse 
double  accompagnée  d'hémorrhagie  par  le  cordon  du  pre- 
mier enfant  sorti  (i);  je  m'étonne,  en  vérité,  que  cela  ait  pu 
donner  lieu  ù  une  discussion  sérieuse  parmi  les  académiciens, 
car  nombre  de  faits  témoignent  en  faveur  de  la  ligature  du 
bout  placentaire  du  cordon  appartenant  à  l'enfant  déjà  né, 
et  cette  précaution  se  trouve  indiquée  dans  les  bons  traités 
d'accouchement  comme  moyen  de  prévenir  le  danger  d'une 
communication  vasculaire  entre  deux  placentas  réunis. 

En  i8a  i  j'ai  adressé  à  la  Société  de  médecine  de  Paris 
l'observation  d'une  hémorrhagie  devenue  mortelle  par 
l'omission  d'une  double  ligature  sur  le  cordon  ombilical,  et 
plus  tard  j'ai  cru  reconnaître,  d'après  l'observation  du  doc- 
teur Chevreul,  accoucheur  distingué  à  Angers,  que  la  sortie 
du  placenta  dans  l'accouchement  simple  était,  sinon  plus 
facile,  du  moins  exempte  d'accidens,  lorsqu'on  faisait  deux 
ligatures  au  cordon. 

Une  foule  de  circonstances  apportent  encore  des  obstacles 
ù  la  parturition  dans  le  cas  de  jumeaux.  Eq  voici  un  exemple 
remarquable. 

Je  fus  appelé,  il  y  a  environ  dix  ans,  auprès  d'une  femme 
qui  était  dans  les  douleurs  de  l'enfantement,  et  après  avoir 
constaté  la  rupture  de  la  poche  des  eaux,  ainsi  qu'une  pré- 
sentation des  fesses,  je  me  mis  en  dcvoird'agir,  mais  avec  la 
lenteur  convenable  à  ce  genre  de  position.  Cependant  je  ne 
pus  terminer  l'accouchement,  et  la  cause  de  cette  difficulté 
était  due  à  l'existence  d'un  second  enfant  encore  enferme  dans 
une  poche  membraneuse  distincte,  dont  la  tête  occupait  l'exca- 
vation pelvienne. 

Jugeantalors  le  cas  fort  grave,  je  réclamai  l'assistance  d'un 
confrère  qui  ne  fut  pas  moins  surpris  que  moi  de  cet  événe- 


(i)  \uy.  art.  701. 


(215) 

uieDt.  Nous  résolûmes  cependant  d'essayer  l'application  du 
forceps  sur  la  tête  la  plus  rapprochée  de  la  vulve,  au  lieu  de 
recourir  à  la  détroncation  du  fœtus  qui  était  au  dehors.  Je 
divisai  donc  les  membranes  pour  employer  l'instrument; 
mais  pendant  que  nous  cherchions  à  suppléer  à  notre  expé- 
rience par  la  lecture  des  auteurs  (MM.  Capuron  et  Gardien), 
chez  lesquels  nous  trouvâmes  un  accord  de  principes  qui 
nous  confirma  dans  l'opinion  que  l'enfant  qui  aurait  dû 
venir  le  dernier  allait  naître  le  premier,  la  nature  déploya 
toutes  ses  forces  pour  opérer  la  terminaison  d'un  accou- 
chement que  l'on  pouvait  a  priori  croirejmpossible  sans 
l'emploi  de  moyens  extrêmes.  En  un  mot,  l'expulsion  de 
deux  enfants  morts  fut  prompte  et  inattendue,  comme  s'ils 
avaient  voulu  se  disputer  le  droit  d'aînesse. 

Les  suites  des  couches  furent  simples  et  heureuses,  quoi- 
que nous  eussions  à  craindre  chez  cette  femme,  qui  avait 
beaucoup  souffert  et  qui  n'était  plus  mère  que  de  nom,  le 
développement  d'une  péritonite  dont  l'origine,  suivant 
M.  Velpeau,  est  souvent  en  rapport  avec  la  commotion 
morale. 

A.aT.  1037. 

HOSPICE  DE  LA  MATERNITÉ. 

Accouchement  impossible  chez  une  femme  quin'ojfrait  que  deux 
pouces  au  diamètre  antéro-postérieur.  Opération  césarienne  f 
extraction  d'un  enfant  vivant  ;  mort  de  la  mère. 

Dans  sa  leçon  du  27  mars,  M.  le  professeur  P.  Dubois  a 
entretenu  ses  élèves  d'un  cas  d'opération  césarienne  qu'il 
avait  pratiquée  la  veille,  et  il  a  fait  suivre  cette  intéressante 
observation  de  considérations  pratiques  importantes. 

Une  femme  éprouva  les  premières  douleurs  de  l'enfan- 
tement le  25  mars  vers  les  trois  heures  du  soir.  Une  sage- 
femme  fut  appelée,  et  dans  la  nuit,  voyant  que  le  travail 
n'avançait  pas,  elle  rompit  les  membranes  par  un  motif  qu'il 
est  difficile  de  s'expliquer.  Le  lendemain  matin,  26,  re- 
connaissant apparemment  que  l'accouchement  naturel  était 
impossible,  elle  fit  transporter  cette  femme  à  la  Mater- 
nité. 

M.  Dubois  ne  put  s'y  rendre  que  le  soir.  Il  trouva  une 
femme  qui,  couchée  dans  son  lit,  n'offrait  d'abord  aucun 
signe  de  rachitisme  ;  la  tête,  la  poitrine  et  l'abdomen  étaient 


(-216) 

régulièreuient  confomiés,  mais  les  extrémités  abdominales 
manquaientpresque  en  entier,  lescuisses  étant  réduites  pres- 
que à  rien,  et  les  jambes  torses,  grêles  et  fort  courtes. 

Le  toucher  fit  reconnailre  un  bassin  d'une  si  petite  dimen- 
sion, qu'on  pouvait  prévoir  tout  de  suite  que  l'accouchement 
ne  pouvaitse  lerminersans  uneopéralion,ctenefl'etlecompas 
d'épaisseur  donna  pour  le  diamètre  antéro-poslérieur  une 
dimension  de  deux  poiices  quatre  lignes  à  deux  pouces  six 
lignes  (i).  L'oreille  appliquée  sur  l'abdomen  percevait  des 
pulsations  très-lortes  ;  la  mère  était  dans  un  état  trés-salis- 
t'aisant,  le  travail  durait  depuis  un  temps  qui  n'avait  pas  été 
très-long,  en  un  mot  tout  sejiiblait  se  réunir  pour  présenter 
des  chances  favorables  à  une  opération  pratiquée  dans  le  but 
de  remédiera  l'étroilesse  du  bassin. 

Plusieurs  moyens  pouvaient  se  présenter  à  l'esprit  : 
d'abord  devait-on  attendre  et  espérer  encore  un  accouche- 
ment naturel?  La  tète  était  située  à  une  si  grande  hauteur  et 
le  rétrécissement  du  bassin  était  tel  qu'il  n'}'^  avait  absolu- 
ment rien  à  espérer  de  l'cxpectaliou.  L'application  du  for- 
ceps était  assurément  impossible,  et  on  no  pouvait,  par  des 
tentatives  qui  auraient  été  infructueuses,  que  diminuer  les 
chances  de  vie  pour  l'enfant.  La  section  de  la  sjmphise 
n'était  pas  plus  proposable,  car  on  n'aurait  jamais  pu  obtenir 
un  écartement  sulïisant  pour  le  passage  de  la  tête.  Restait 
donc  l'opération  Césarienne,  à  laquelle  M.  Dubois  dut  se  dé- 
cider sur-le-champ. 

Les  instrumens  et  pièces  d'appareil  consistaient  en  deux 
bistouris  larges  et  convexes,  un  bistouri  droit  boutoiuié,  des 
ciseaux  et  une  sonde  cannelée;  de  larges  éponges,  des  éponges 
plus  petites,  des  fds  placés  dans  des  aiguilles  courbes  à 
suture,  (juelques  tuyaux  de  plume,  de  la  char])ie  et  un  ban- 
dage de  corps. 

Ou  commença  par  vider  la  vessie  et  écarter  autant  que 
possible  par  de  fortes  i'riclions  les  intestins  <)ui  pouvaient  se 
trouver  au-devant  de  l'utérus,  pui.- on  ramena  au  centr»-.  de 
l'abdomen  cet  organe  qui  était  un  peu  tourné  vers  le  côté 
gauche,  (".'est  pour  l'exécution  de  cette  dernière  njanœuvre 
qu'on  s'était  muni  de  larges  éponges,  mais  on  reconnut 
bientôt  que  les  mains  des  aides  étaient  suflisantes. 

La  femme  étant  pla<;ée  sur  un  plan  oblique,  M.  Dubois  fit 
une  incision  sur  la  ligne  médiane  partant  de  l'ombilic  et 
descendant  jusqu'à  un  [jouce  à  un  pouce  et  dciui  du  pubis. 


;i)  L'iiiitoi»ii;  il  cJi-iiiDiilir  «lu'ii  y  .m  ail  ilnix  |>oikx.s  .seul»  iik.iiI. 


(217) 

La  peau  avait  été  divisée  dans  celte  première  incision.  Il 
pénétra  ensuite  successivement,  sans  léser  aucun  vaisseau, 
jusqu'à  l'aponévrose  abdominale,  qui  Tut  percée  elle-même 
dans  un  point  par  I(îquel  le  péritoine  se  montra  aussitôt  fai- 
sant une  petite  hernie.  Le  doij^t  fut  introduit  par  cette 
ouverture  dans  l'abdomen,  et  avec  le  bistouri  boutonné,  et 
sans  se  servir  de  la  sonde,  on  fit  une  incision  de  quatre  à 
cinq  pouces  semblable  à  celle  de  la  peau. 

L'utérus  vint  alors  faire  saillie  dans  la  plaie,  et  sa  couleur 
rouge  ainsi  que  sa  masse  le  firent  facilement  reconnaître.  Il 
fut  incisé  couche  par  couche  avec  précaution,  pour  ne  pas 
blesser  l'enfant,  dont  les  enveloppes  étaient  rompues.  On 
agit  comme  pour  l'ouverture  de  l'abdomen;  les  membranes 
ayant  fait  saillie  par  un  petit  point,  le  doigt  fut  introduit  dans 
l'utérus, et  l'incisionaugmentée  en  baset  en  haut. L'épaule  et 
le  bras  se  présentèrent  d'abord;  ils  furent  saisis, et  on  chercha 
par  des  tractions  convenables  à  ramener  la  tête  au  centre  de 
l'ouverture,  ce  qui  fut  exécuté  sans  difficulté. 

L'enfant  était  dans  un  état  voisin  de  l'asphyxie,  mais  des 
soins  convenablement  administrés  ne  tardèrent  pas  à  le  ra- 
mener à  la  vie. 

La  femme  avait  d'abord  donné  des  signes  d'ime  violente 
douleur,  lors  de  l'incision  des  tégunicns;  mais  bientôt  elle 
cessa  de  souffrir,  et  l'utérus  fut  incisé  sans  qu'elle  poussât  de 
nouveaux  cris.  Au  bout  de  quelques  instans  cet  organe  était 
si  bien  revenu  sur  lui-même,  que  la  plaie  qu'on  y  avait  laite 
semblait  réduite  à  de  très-petites  dimensions.  Le  placenta  s'y 
présentant  de  lui-même,  on  en  fit  l'extraction  parla  même 
voie,  en  le  saisissant  et  le  décollant  directement. 

On  s'occupa  alors  d'obtenir  la  réunion  delà  plaie  abdomi- 
nale, et  l'on  commença  par  la  partie  supérieure  où  une  anse 
d'intestin  faisait  déjà  hernie.  Après  l'avoir  réduite  sans  diffi- 
culté, on  passa  une  aiguille  armée  d'un  double  fil,  d'abord  de 
dehors  en  dedans,  puis  de  dedans  en  dehors,  en  ayant  soin 
de  faire  sortir  sa  pointe  en  dehors  du  péritoine,  afin  d'éviter 
de  léser  cette  membrane;  le  fil  fut  ensuite  dédoublé  et  fixé 
sur  un  tuyau  déplume  par  un  nœud  à  rosette.  On  réunit  ainsi 
cette  vaste  plaie  par  cinq  points  de  suture, et  ses  bords  furent 
maintenus  oxactementaffrontés, excepté  à  la  partie  inférieure, 
où  on  laissa  un  intervalle  destiné  à  permettre  l'écoulement 
des  liquides,  et  par  lequel  on  introduisit  une  mèche  jusque 
dans  la  plaie  de  l'utérus.  Le  doigt  fut  ensuite  porté  dans  le 
vagin,  et  l'on  reconnut  que  ce  canal  était  parfaitement  libre. 
Le  pansement  consista  seulement  à  placer  sur  l'abdomen 
unevessieà  moitié  remplie  d'eau  froide  qu'on  devoil  rcnou- 


(ai8) 
Teler  souvent  ;  mais  on  s'aperçut  bientôt  que  ce  moyen  ne 
remplissait  pas  le  but  qu'on  s'était  proposé,  et  l'on  ne  tarda 
pas  à  y  renoncer. 

La  femme,  reportée  sur  son  lit,  parut  d'abord  en  un  assez 
bon  état.  Elle  dormit  assez  bien  la  nuit:  le  lendemain  matin 
le  pouls  était  développé,  le  ventre  sensible  et  ballonné.  On 
pratiqua  une  saignée  du  bras, et  l'on appliquaquinze sangsues 
sur  l'abdomen.  Malgré  ces  moyens,  le  ventre  continua  à  se 
ballonner,et  la  malade  s'éteignit  le  28  au  matin,  presque  sans 
agonie. 

A  l'autopsie  on  trouva  la  plaie  aussi  exactement  réunie 
qu'on  pouvait  l'espérer;  le  péritoine  n'était  enflammé  que 
dans  quelques  points,  et  le  sangépanché  dans  l'abdomen  était 
en  très-faible  quantité.  M.  Dubois  reconnut  alors  que  la  plaie 
faite  à  l'utérus  n'occupait  pas  précisément  l'endroit  qu'il  avait 
cru  lui  assigner.  En  faisant  l'incision, il  croyait  en  effet  porter 
le  bistouri  à  une  distance  à  peu  près  égale  de  son  fond  et  de 
son  col,  tandis  qu'il  avait  incisé  la  partie  inférieure  du  corps 
de  la  matrice  et  une  partie  de  son  col  (1). 


(1)  Cette  grave  opération,  dont  M.  Dubois  nous  a  donné  tous  les  dé- 
tails, a  suscift;  à  ce  professe'.ir  plusieurs  objections  auxquelles  il  a  biea 
voulu  répondre  dans  la  leçon  suivante.  Nous  pensons  que  ces  réflexions 
ne  paraîtront  pas  dénuées  d'intérêt. 

On  a  demandé  :  Puisque  dans  celte  position  fâcheuse  il  fallait  né- 
cessairenient  sacrifier  la  mère  ou  l'enCint,  pourquoi  n'avoir  pas  préféré 
sauver  la  mère  dont  l'existence  était  plus  précieuse  et  plus  assurée? 

Cette  question,  a  dit  M.  Paul  Dubois,  suppose,  d'une  part,  qu'en 
sacrifiant  l'enfant  on  eût  nécessairement  sauvé  la  mère,  et  de  l'autre, 
qu^en  faisant  l'opération  césarienne,  on  sacrifiait  nécessairement  la  mère 
pour  sauver  son  enfant.  Mais  ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  assertions  ne 
sont  exactes.  Il  est  vriii  que  l'opération  césarienne  est  excessivement 
Rrave,  qu'elle  compromet  toujours  l'existence  de  la  mère;  mais  il  s'en 
faut  de  beaucoup  qu'elle  la  voue  à  une  mort  certaine.  Un  auteur  alle- 
mand a  fait  a  ce  sujet  des  recherches  curieuses  :  il  a  réuni  tous  les  cas 
d'opérations  césariennes  publiés  jusqu'à  nos  jours,  et  il  les  a  divisés 
en  deux  séries  :  dans  la  première  il  a  ran{»é  toutes  les  opérations  prati- 
quées avant  le  commencement  du  xix' siècle,  et  dans  la  seconde  tou- 
tes celles  pratiquées  depuis  ci-tte  époque.  Il  a  trouvé  que  cent  qua- 
rante-huit opérations  césariennes  devaient  être  rangées  dans  la  première 
série,  et  sur  ce  nombre,  «oix.iniedix-huit  femmes  ont  succombé, 
soixante-dix  ont  survécu.  Depuis  18(10,  cent  dix  femmes  ont  été  opé- 
rées, soixante-deux  ont  succombé  et  quarante-huit  ont  guéri.  Il  faut 
assurément  que  tous  les  cas  malheureux  n'aient  pas  été  publiés,  car  la 
proportion  des  cas  h<-ureux  semble  beaucoup  trop  considérable.  Mais, 
en  «uppotant  que  ce  reituitat  soit  exagéré,  et  en  faisant  la  part  des  opé- 
ration» funestes  restée»  inconnues,  on  pourrait  du  moins  admettre  qu'on 
a  sauve  une  femme  sur  trois;  recourir  à  cette  opération  n'est  donc  pas 
sacrifier  la  mère  d'une  manière  certaine.  On  doit  ajouter  encore  que 


(219) 
ART.     1038. 

HOPITAL  DES  VÉNÉRIENS. 

Considératiom  aur  les  syphilides.  — De  lasypIùUde  exavthéma- 
tique  ou  maculée. 

On  a  désigné  sous  le  nom  de  syphilides  les  éruptions  cu- 
tanées qui  reconnaissent  pour  cause  une  infection  syphiliti- 
que ancienne.  Ces  éruptions  sont  ordinairement  sans  fièvre; 
cependant  il  est  des  cas,  et  nous  en  citerons  des  exemples, 
on  le  travail  inflammatoire  de  la  peau  esttel,qu'ilyaréaction 
générale  et  mouvement  fébrile  très-prononcé. 

Il  paraît  que  lorsque  la  syphilis  se  montra  d'une  manière 
épidémique  en  Europe,  cétait  principalement  sous  celte  forme 
qu'elle  se  manifestait,  car,  au  rapport  des  médecins  qui  l'ob- 
servaient à  cette  époque,  la  peau  était  le  siège  ordinaire  de 
ces  symptômes  redoutables  qui  annonçaient  l'infection  syphi- 
litique générale.  Aujourd'hui  ces  éruptions  sont  beaucoup 
moins  nombreuses  et  surtout  beaucoup  moins  graves,  quoi- 
qu'on les  observe  encore  fréquemment  etque  certaines  espèces 
soient  extrêmement  rebelles  à  tous  nos  moyens  de  traite- 
ment. 

L'étude  des  syphilides  n'a  guère  été  complète  que  dans  ces 
dernières  années,  et  les  divisions  que  l'on  a  établies,  fondées 
non-seulement  sur  leur  aspect  extérieur,  mais  encore  sur  les 


«or  les  nombres  pr';cités  on  compte  trois  femmes  qui  ont  subi  Topéra- 
tion  trois  fois;  l'une  a  survécu,  les  deux  anties  ont  succombe  à  cette 
troisième  opération.  Dix  autres  ont  été  opérées  deux  fois;  sept  ont 
survécu,  et  trois  ont  succombé. 

Si  nous  examinons  maintenant  la  seconde  question  :  Le  sacrifice  de 
l'enfant  eût-il  assuré  celui  de  la  mère  ?  on  arrivera  également  à  une  so- 
lution négative.  Si,  en  effet,  on  avait  perforé  le  crâne,  si  on  avait  appli- 
qué le  céphalotribe  (  voy.  art.  loao),  on  aurait  as>ur('nient  éprouvé 
d'extrém'S  difficultés,  car  chez  une  femme  dont  le  bassin  offiail  six  li- 
gnes de  plus  d'étendue,  et  que  l'on  a  délivrée  le  mois  dernier  avec  cet 
instrument,  les  difficultés  ont  été  telles  après  avoir  extrait  la  fête,  qu'on 
a  failli  ne  jamais  pouvoir  amener  le  tronc  de  l'enfant.  Il  <  .-l  vrai  que 
ces  difficultés  dépendaient  en  partie  d'une  position  vicieuse  du  fœtus  ; 
mais  enfin,  dans  le  cas  en  q^e^tion.  il  est  infiniment  probable,  vu  l'é- 
troitesse  extrême  du  bassin,  qu'après  avoir  sacrifié  l'enfant,  la  mère 
aurait  été  exposte  à  des  dangers  presque  aussi  grand.-  que  ceux  qu'on  lui 
a  fait  courir  en  pratiquant  l'opération  césarienne. 


(  320  ) 

parties  de  la  peau  qui  sont  affectées,  sont  simples  et  faciles  à 
retenir  des  qu'on  a  eu  occasion  de  les  observer.  Nous  négli- 
gerons à  dessein  dans  ce  petit  travail,  comme  nous  le  ferons 
plus  tard  pour  toutes  les  maladies  de  la  peau  en  général,  les 
nombreuses  variétés  qui  s'attachent  à  chaque  espèce,  afin  de 
ne  pas  causer  de  confusion  dans  l'esprit  de  nos  lecteurs.  Le 
seul  point  que  nous  traiterons  d'une  manière  complète  sera 
la  thérapeutique  qui  nous  occupe  d'une  manière  presque  ex- 
clusive dans  ce  journal. 

M.  Cullerier  admet  cinq  espèces  de  syphilides  : 

i"  Syphilide  maculée  ou  exanthématique; 
2°  Syphilide  papuleuse  ; 
3°  Syphilide  pustuleuse  ; 
4°  Syphilide  squammeuse  ; 
5'  Syphilide  tuberculeuse. 

M.  Biet  assure  en  avoir  rencontré  une  sixième  espèce,  la 
vésiculeuse,  dont  M.  Cazenave  a  cité  im  exemple  dans  son 
ouvrage,  et  qui  n'a  jamais  été  vue  par  M.  Cullerier;  nous 
n'aurons  donc  pas  à  nous  en  occuper. 

Nous  allons  examiner  successivement  ces  cinq  espèces; 
puis,  après  en  avoir  tracé  l'histoire  particulière,  nous  consa- 
crerons un  chapitre  à  des  généralités  qui  trouveront  leur  ap- 
plication dans  les  faits  que  nous  aurons  cités. 

Syphilide  maculée.  Une  jeune  femme  a  été  reçue  dans  les 
salles  dcsVénériens  avec  son  enfant,  âgé  de  trois  ans.  D'après 
sa  déclaration  elle  est  mariée,  et  son  mari, qui  avait  du  uial 
au  pénis,  lui  a  communiqué  l'affection  dont  elle  est  atteinte. 
Ce  sont  des  pustules  muqueuses  et  une  vaginite  qui  datent 
de  trois  mois  environ.  De  plus,  elle  a  sur  différentes  parties 
du  corps  des  taches  qui  sont  évidemmentliéesavec  lessymp- 
tômes  que  no-.is  venons  d'énoncer.  Ces  taches,qui  sont  répan- 
dues à  des  intervalles  fort  éloignés  sur  les  bras,  le  dos,  la 
poitrine,  les  cuisses,  présentent  une  surface  /l'un  rouge  pTde, 
affectant  une  l'orme  un  peu  arrondie  et  ne  s'élevantpas  d'une 
manière  sensible  au-dessus  du  niveau  de  la  peau.  La  pres- 
sion avec  le  doigt  ne  les  fait  pas  disparaître  entièrement,  et 
bientôt  elles  reprennent  leur  forme  et  leur  couleur  première. 
Elles  ne  sont  point  entourées  d'un  cercle  couleur  de  cuivre, 
comme  on  l'observe  pour  la  plupart  des  syphilides  un  peu  an- 
ciennes. Leur  grandeur  est  d'un  quart  de  pouce  à  un  demi- 
pouce  de  diamètre,  et  elles  sont  disséminées  çà  et  là  à  une  as- 
sez grande  distance  les  unes  des  autres, la  peau  qui  les  sépare 
restant  dans  une  intégrité  parfaite. 


(221   ) 

Cette  femme  a  été  mise  à  l'usage  de  la  solution  suivante  : 

Pr.  Eau  distillée,  une  livre  ; 

Cyanure  de  mercure,  huit  grains. 

A  prendre  quatre  gros  par  jour  en  deux  doses. 

Au  bout  de  quinze  jours  de  ce  traitement,  secondé  par  le 
régime  et  les  antiphlogistiques,  l'amélioration  a  été  des  plus 
sensibles  ;  les  taches  pâlissent  et  disparaissent  sans  laisser  de 
desquaiiimalion  à  la  surface  de  la  peau,  et  il  est  probable  que 
dans  quelques  semaines  il  ne  restera  plus  de  traces  de  cette 
éruption. 

Quant  aux  pustules  muqueuses  et  à  la  vaginite, les  moyens 
indiqués  à  nos  articles  800  et  864  ont  procuré  une  amélio- 
ration semblable. 

Cette  syphilide  (uaculée  est  dans  celteobservation  un  symp- 
tôme successif  de  vérole;  elle  existe  en  même  temps  que  des 
symptômes  primitifs,  mais  elle  s'est  développée  depuis  leur 
apparition.  C'est  le  seul  exemple  qu'il  y  ait  en  ce  moment 
dans  les  salles,  car  la  syphilide  maculée  est  une  aifection  peu 
commune  et  en  même  temps  peu  grave.  M.  Cullerier  pense 
que  son  siège  doit  être  dans  le  tissu  réticulaire  de  la  peau. 

La  même  affection  de  la  peau  se  montre  aussi  quelquefois 
dans  un  état  aigu,  et  elle  a  reçu  le  nom  de  roséole  syphi- 
litique; mais  M.  Cullerier  la  considère  comme  le  début  de 
la  syphilide  squammeuse;  c'est  du  moins  sa  terminaison  la 
plus  ordinaire,  et  nous  ne  pensons  pas  qu'oa  doive  en  créer 
une  variété  particulière. 

ART.   1059. 

HOPITAL  CLINIQUE  DE  LA  FACULTÉ. 

§  1 .  —  IS'ote  sur  l'ictère  ;  sa  nature  et  son  traitement. 

Plusieurs  ictériques  sont  en  ce  moment  dans  les  salles.  Au 
n"  1  de  la  salle  des  femmes,  est  une  jeune  fille  qui,  à  la  suite 
d'un  violent  accès  de  colère,  a  éprouvé  de  la  douleur  dans  la 
région  du  foie  :  la  cornée  opaque,  puis  la  peau  de  la  face  et 
enfin  celle  du  corps  ont  pris  une  couleur  jaune,  et  quand  elle 
est  entrée  à  l'hôpital,  l'ictère  était  complet. 

Cette  fille  accuse  de  la  douleur  dans  la  région  épigastrique 
et  dans  l'épaule  du  côté  droit,  douleur  qui  ce[iendant,  sui- 
vant M.  llostan,  s'observe  rarement  dans  l'affection  qui  nous 
occupe;  elle  assure  aussi  qu'elle  voit  tous  les  objets  jaunes, 


(  222  ) 

ce  qui  ne  paraît  pas  plus  vrai,  puisqu'elle  désigne  exactement 
la  couleur  de  ceux  qu'on  lui  présente.  L'iu'ine  est  jaune  et 
épaisse,  la  langue  chargée  ;  il  n'y  a  pas  de  fièvre. 

Au  n°  6  de  Ja  salle  des  hommes,  a  été  reçu  un  élève  en 
médecine  qui  depuis  quelques  jours  éprouvait  de  la  douleur 
à  l'épigastre  et  offrait  une  légère  teinte  jaunâtre  de  la  face  et 
desyeux.  Comme  on  observe  dans  ce  moment  un  assez  grand 
nombre  de  fièvres  typhoïdes,  ce  jeune  homme  croyait  en 
présenter  quelques  symptômes,  mais  tous  les  accidens  n'ont 
pas  tardé  à  disparaître. 

Dans  ces  cas  où  l'ictère  vient  subitement,  qu'il  y  ait  ou 
non  douleur  à  la  région  du  t'oie,  M.  llostan  admet  qu'il  y  a 
hépatite.  La  douleur,  suivant  ce  médecin,  u'est  point  néces- 
saire pour  annoncer  l'inflammation  de  cet  organe,  qui  n'est 
susceptible  que  d'une  réaction  très-bornée.  Les  malades 
n'offrent  pas  de  fièvre  ni  de  chaleur  à  la  peau,  par  cela  même 
que,  le  t'oie  étant  peu  excitable,  les  sympathies  sont  ditTicile- 
ment  éveillées.  On  voit  même  des  organes  beaucoup  plus  sen- 
sibles que  le  foie  envahis  par  l'inflammation  sans  que  les  ma- 
lades témoignent  de  douleur;  rien  n'est  plus  commun  que 
les  pleurésies  latentes,  que  les  péricardiles  peut-être;  et  s'il 
fallait, pourdiaguostiquer  une  hépatite, attendre  qu'on  ait  sous 
les  yeux  tous  les  symptômes  indiqués  par  les  pathologistes, 
on  commettrait  sans  cesse  les  erreurs  les  plus  préjudiciables 
aux  malades  (i). 

La  conséquence  de  l'opinion  de  M.  Rostan  sur  la  nature 


(i)  Les  praticiens  ne  saiir.iirnl  se  tf.'nir  Irop  en  {jarde  contre  ces  in- 
(lan)iuatiuns  latenti.-s,  qui  envahis'ïent  les  tissus,  uiênie  les  plus  sensi- 
bles, sans  que  les  malades  accusent  aucune  douleur,  et  iju'on  ne  re- 
coiinait  ordinairenieat  que  lorsque  les  progrès  sont  tels  que  les  secours 
de  l'art  sont  devinus  presque  inipuissans.  Il  paraît  bien  di'iiionlrc  au- 
jourd'hui qin;  la  [)ei  icardi(e  est  une  afFiTlion  couiuiuue,  et  ((•pendant 
combien  pen  sont  reconnues  pen<laiitlM  vie!  M.  Itostan  pense  que  les 
pleuii-sies  latentes  sont  presque  aussi  fréquentes  que  celles  qui  s'an - 
nincent  jjar  des  symptômes  faciles  :i  saisir. 

A'i  n"  aj  a  élii  reçu  un  homme  qui  répondait  assez  m.il  aux  ques- 
tions qu'on  lui  faisail.  Il  avait  uu  a-ir  d'etonaement  et  de  défiance,  et 
M.  Iloslm  n'ayant  trouve  aucune  fon''lion  en  souffrance,  soup^:oiina 
d'abord  q-j*;  ce  pouvait  èlre  un  fripon  qui,  pour  éviter  les  [jouisuiles 
de  la  justice,  se  nfugiail  dans  b-s  hôpitaux  ;  mais  en  poussant  plus 
loin  son  examen,  il  n:(:(uinut  que,  dans  le  cùté  di'oit  de  la  (joilrine,  il  y 
avait  de  la  matit6.  Le  malad<',  interrofçé,  déclara  soullVir  légéremcut 
dan»  ce  point.  IJans  la  nuit  il  survint  (ie  l'agitation,  jiuis  un  délire  fu- 


ricui. 


Un  jeune  médecin  traitait  un  malade  à  la  campai^ne,  cl  bien  qu'au- 
cua  organe  ae  parût  souffrir,  les  aceidcus  généraux  ne  ccssaieut    pas. 


(223) 

de  l'ictère  est  que  le  traitement  doit  être  antiphlogistique. 
Par  les  autres  moyens,  on  peut  arrivera  la  guérison,  mais  on 
n'y  parvient  qu'après  un  temps  beaucoup  plus  long,  ou  même 
la  résolution  reste  imparfaite. 

Mais  il  est  un  point  de  pratique  qu'on  ne  doit  pas  perdre 
de  vue,  c'est  que  la  guérison  est  obtenue  bien  long-temps 
avant  que  la  teinte  jaune  de  la  peau  ait  disparu;  et  si  l'on  at- 
tendait, pour  donner  des  alimens,  que  la  peau  eut  repris  sa 
couleur  naturelle,  on  s'exposerait  à  tenir  les  malades  à  la 
diète  pendant  un  temps  beaucoup  trop  long. 

Mais  la  jaunisse  chez  les  vieillards  n'annonce  pas  seulement 
une  hépatite  ;  c'est  un  signe  fréquent  d'une  dégénération  fort 
grave  du  foie  et  que  l'on  rencontre  très-communément  :  tan  - 
tôt  cet  organe  est  considérablement  développé,  d'autres  fois 
son  tissu  est  dégénéré  et  présente  une  multitude  de  petites 
granulations,  d'autses fois  enfin  il  contient  des  kystes  hydati- 
ques. 

Le  cancer  des  organes  voisins  du  foie  est  encore  une  cause 
commune  d'ictère. 

ART.    1040. 

§  2.  —  Observations  sur  des  symptômes  de  gastrite  déterminés 
par  une  alimentation  insuffisante» 

On  ne  saurait,  suivant  M.  Rostan,  s'enquérir  avec  trop  de 


M.  Rostan  fut  consulté.  Quoique  le  malade  ne  toussât  point,  et  qu'il 
n'accusât  aucune  douleur  dans  le  thorax,  il  eut  recours  à  l'auscultation, 
qui  démontra  de  la  manière  la  plus  évidente  l'existence  d'une  pleu- 
résie. 

Ce  proHcsseur  a  été  consulté  dans  un  eau  tout  semblable,  dans  ces 
dernières  années,  p;ir  un  médecin  Tort  instruit  qui,  ayant  négligé 
d'ausculter  la  poitrine,  méconnaissait  complètement  une  pleurésie 
fort  étendue,  que  n'annonçaient  ni  la  toux  ni  la  douleur. 

La  péricardile  est  d'un  diagnostic  encore  bien  plus  diOGcile  que  la 
pleurésie;  si  l'on  attendait,  pour  la  diagnostiquer,  qu'on  eût  tous  les  si- 
gne.'» qu'on  lui  a  assignés,  on  la  méconnaîtrait  dix-neuf  ibis  sur  vingt. 
Souvent  on  est  obligé  de  procéder  par  voie  d'exclusion  ;  ainsi,  quand 
un  individu  n'a  pas  de  maladie  du  cœur,  qu'on  ne  trouve  aucun  or- 
gane souffrant,  et  que  cependant  il  existe  une  perturbation  dans  la  cir- 
cnlation,  bien  qu'il  n'y  ail  pas  <le  douleur,  on  est  réduit  h  admettre 
l'inflammation  du  cœur  ou  de  ses  enveloppes.  Les  soupçons  se  chan- 
gent en  certitude,  si  à  ces  signes  se  joignent  de  la  douleur  et  de  la  ma 
tité.  C'est  de  cotte  manière  que  l'an  dernier  on  a  reconnu  à  la  Pitié 
une  péricardile,  qui  ne  se  mauifeslait  d'abord  que  par  de  très-légers 
symptômes  :  ce  diagnostic  fut  vériQé  par  l'autopsie. 


(  224  ) 

soin  des  antécédens  fournis  par  les  malades.  Souvent  on 
découvre  par  ces  recherches  la  véritable  nature  de  certaines 
affections  que,  d'après  les  symptômes  apparens,  on  i^rait 
exposé  à  méconnaître. 

Au  n"  20  de  la  salle  des  hommes  a  été  reçu  un  jeune 
garçon  de  dix-huit  ans  qui  offrait  de  l'ini'.ppétence,  de  !a  soif, 
de  la  douleur  à  la  pression  dans  la  région  de  l'épigastre, 
enfin  tous  les  caracleres  d'une  gastrite  récente.  On  apprit, 
par  les  questions  adressées  à  ce  malade,  qu'il  avait  déjà 
commis  de  nombreux  excès  vénériens,  soit  seul,  soit  avec 
des  femmes;  qu'à  la  suite  de  ces  manœuvres  il  avait  éprouvé 
des  douleurs  horribles  dans  la  région  de  l'estomac  ;  que  de 
plus  il  était  plongé  dans  une  misère  profonde,  et  qu'il  faisait 
usage  de  la  plus  mauvaise  nourriture.  M.  Ilostan  pensa  donc 
que  ce  malade  était  épuisé  par  la  misère  et  par  les  excès,  et 
au  lieu  d'employer  les  antiphlogisliques  que  semblaient 
commander  les  symptômes  de  gastrite,  il  prescrivit  le  pre- 
mier jour  des  bouillons  et  des  potages,  puis  augmenta  gra- 
duellement l'alimeiilation.  Les  douleurs  à  l'épigaslre  se 
calmèrent  aussitôt,  et  tous  les  symptômes  d'irritation  se 
dissipèrent.  Ce  jeune  homme  sortit  guéri  au  bout  de  quel- 
ques jours. 

AfiT.    io4i* 

g  3.  —  Comidcr (liions  pratiques  sur  les  signes  qui  différencient 
l'/iydropisie  asciie  de  l'hydropisie  enkystée. 

Au  n"  10  a  été  co\ichée  le  i5  avril  une  femme  âgée  de 
soixante  ans,  dont  le  corps  a  pris  un  développement  prodi- 
gieux. Le  ventre  est  énormément  distendu,  la  peau  est 
luisante,  parsemée  d'éraillemens.  Les  membres  abdominaux 
sont  aussi  d'une  grosseur  monstrueuse. 

Ce  développement  du  ventre  est  évidemment  dû  à  la  pré- 
sence d'un  liquide;  mais  ce  liquide  était-il  épanché  dans  le 
péritoine  ou  renfermé  dans  un  kystePc'cst  une  ([iiestion  qu'a 
dû  se  faire  M.  Hostan,  et  qui  pouvait  cire  importante  pour 
déterminer  le  traitement. 

11  y  a  quinze  à  vingt  ans,  ce  profe-^'^eur  fut  (Vap|>é  de  la 
dilliculté  de  différencier  l'ascitc  de  l'hydropisie  eukystée. 
Les  auteurs  disaient  bien  que  dans  l'ascite  le  gonflement  du 
ventre  était  général  ;  que  les  malades  étant  couchés  sur  le 
dos,  on  reconnaissait  le  liciuide  '•ur  tousies  points,  landisque 


(   225   ) 

dans  rhydropisie  enkystée  on  pouvait  reconnaître  b  poche 
se  développant  sur  un  point  du  ventre  et  la  circonscrire  par 
le  toucher. 

Cette  distinction  peut  certainement  s'établir  quand  on  est 
appelé  dès  le  débat  de  la  maladie;  mais  quand  !a  sérosité 
est  amassée  en  grande  quantité,  ces  signes  ne  sont  plus  suf- 
fisans. 

Les  mêmes  auteurs  ajoutaient  cependant  :  Quand  l'ascite 
est  portée  à  un  très-haut  point,  on  reconnaît  à  la  partie  supé- 
rieure du  ventre,  par  la  percussion  un  son  clair,  tandis  qu'on 
perçoit  à  la  partie  inférieure  la  sensation  de  fluctuation. 

M.Rostan  pensa  qu'on  pouvait  perlecliouner  ce  diagnostic: 
il  est  évident,  en  effet,  que  dans  l'ascite  le  liquide  se  portant  à 
la  partie  inférieure  et  sur  les  côtés  du  ventre,  les  intestins 
qui  sont  remplis  de  gaz  doivent  remonter  ù  la  partie  supé- 
rieure, et  c'est  dans  ce  point  qu'on  doit  percevoir  le  son 
clair;  mais  dans  l'hydropisie  enkystée,  à  mesure  que  le  sac 
se  développe,  il  s'élève  en  repoussant  les  intestins  en  bas  et 
sur  les  côtés;  c'est  donc  vers  ces  points  seulement  que  l'on 
percevra  le  son  clair,  tandis  que  le  son  mat  existera  à  la 
partie  supérieure.  Ainsi,  supposant  un  malade  couché  sur  le 
dos,  l'ombilic  étant  la  partie  la  plus  élevée,  s'il  est  atteint 
d'une  hydropisie  ascite,  les  intestins  remplis  de  gaz  se  pré- 
senteront dans  ce  point,  et  par  conséquent  la  percussion  y 
fera  entendre  un  son  clair,  tandis  que  l'épigastre  ainsi  que  les 
côtés  du  ventre,  étant  occupés  par  le  liquide,  donneront  un 
son  mat.  Le  contraire  arrivera  dans  l'hydropisie  enkystée  : 
le  liquide  ne  pouvant  s'écouler  sur  les  côtés,  le  son  restera 
mat  à  la  partie  supérieure,  et  clair  dans  les  autres  points. 
Quelquefois  il  y  a  complication  d'ascite  et  d'hydropisie  en- 
kystée, ce  qui  peut  jeter  de  l'obscurité  dans  le  diagnostic; 
enfin  il  pourrait  y  avoir  une  exception,  ce  serait  dans  le  cas 
où  l'épiploon  et  les  intestins  qu'il  embrasse  seraient  passés 
au-devant  du  kyste,  mais  cela  s'observe  rarement. 

Chez  cette  femme  ou  n'a  pas  hésité  à  diagnostiquer  une 
hydropisie  enkystée. 

Dans  l'immense  majorité  des  cas  il  suffit  donc  de  donner 
un  coup  léger  avec  le  doigt  sur  les  divers  points  du  ventre 
pour  diagnostiquer  l'espèce  d'hydropisie. 

Celle  différence  est  extrêmement  importante  à  établir, 
car  l'hydropisie  ascite  est,  suivant  M.  Ilostau,  toujours  fâ- 
cheuse, et  presque  toujours  mortelle,  tandis  que  l'hydropi- 
sie enkystée  est  infiniment  moins  grave;  et  quant  au  traite- 
ment, de  grandes  différences  peuvent  encore  exister;  ainsi 
la  ponction  dans  l'ascite  est  toujours  suivie  d'accidens  fu- 

TOM.    VI.   —  N"  DE  MAI.  l5 


(    22ti    ) 

nestes,  tandis  que  dans  l'hydropisie  enkystée,  on  peut  la 
pratiquer  un  très-grand  nombre  de  fois,  et  l'oa  finit  souvent 
par  obtenir  la  guérison. 

ART.  1042. 

Formule  de  l'onguent  maluratif  du  docteur  Cam/uoin. 


Pr.  Infusion  acétique  d  ecorce  de  garou,  \    ,     , 

., ,,  ^  f   de  chaque 

Mêlasse,  \  ' 

,T   -1     1»  1-  (    une  once. 

Huile  d  olive,  | 

Bile  de  bœuf,  deux  onces. 

Mélangez  le  tout  et  faites  réduire  jusqu'à  consistance  on 
guentacée,  puis  retirez  du  feu  et  ajoutez  aussitôt  : 

Onguent  basilicuni,      )    ,      , 

.^  °        .11        <         ?  de  chaque  une  once. 

Onguent  de  la  mère,    j  ^ 

Mélangez  très-exactement  le  tout  et  incorporez  par  chaque 
once  de  cet  onguent  : 

Sous-deuto-nitrate  de  mercure  porphyrisé,  un  gros. 

Cet  onguent  s'applique  sur  les  tumeurs  squirrheuses  indo- 
lentes d'un  rouge  violacé. 

Lorsqu'il  existe  des  tubercules  cancéreux  et  enflammés  sur 
la  peau,  l'auteur  les  détruit  par  des  applications,  durant  quel- 
ques jours,  d'une  solution  de  cyanure  de  potassium,  à  la  dose 
de  dix  à  douze  grains  pour  deux  onces  d'eau  distillée. 

[Journ.  de  Pliarm.) 

AUT.     1045. 

Préparation  du  baume  Opodeldocli,  par  M.  Ferrari. 

Pr.  Savon  animal,  sec  et  transparent,  cent  vingt-huit  gramiii. 
Camphre  raffiné,  (juatre-vingt-seize  idem; 

Ammoniaque  à  vingt-deux  degrés,  trente-deux   idem; 
Cliarbon  animal  dépuré, quatre-vingt-seize  idem;    , 

Huile  essentielle  de  romarin,  vingt- quatre  idem; 

de  ihyqa,  huit  idem; 

Alcool  à  trente-six  degrés,  quinze  cents  idem; 


(3.7) 
On  dissout  le  camphre  et  les  huiles  volailles  dans  cinq 
cents  parties  d'alcool,  et  l'on  y  ajoute  trente-deux  grammes 
de  charbon  animal,  qu'on  y  laisse  en  contact  pentlant  qua- 
rante-huit heures,  en  agitant  de  temps  en  temps;  on  verse 
ensuite  le  tout  dans  un  matras  dans  lequel  se  trouve  le  savon 
dissous  dans  l'alcool  qu'on  a  tenu  exposé  an  bain-marie 
pendant  une  demi  -  heure,  avec  soixante-quatre  grammes 
de  charbon  animal.  Après  avoir  tenu  de  nouveau  ce  matras 
au  bain-marie  pour  favoriser  la  combinaison  des  deux  al- 
coolés,  ony  ajoute  peu  à  peu  l'alcali  volatil  et  l'on  ljltre|promp- 
tement.  La  liqueur  est  aussitôt  distribuée  dans  des  flacons 
hermétiquement  fermés,  et  dont  on  recouvre  le  goulot  avec 
de  la  cire  blanchcc 

{Journ,  de  la  Soc.  des  se.  ph.  et  ch.) 

ABT.    io44- 
Sirop  dépuratif  du  docteur  Devergie. 

Gaiac  râpé,  ^ 

Saponnaire.f    ,      ,  ,        ,. 

Paiience,    '>  de  chaque  deux  hvres; 

Bardane,       ; 
Douce-amère,  trois  livres; 
Feuilles  de  séné,  huit  onces. 

Faites  bouillir  chaque  substance  dans  trente  livres  d'eau, 
rapprochez  les  décoctions  et  ajoutez  : 

jyj.  j  *    >  de  chaque  dis  livres. 

Réduire  en  consistance  de  sirop. 

(Ibidem.) 

ART.   1045. 

Séanc ed' Académie  :  Note  sur  un  nouveau  moyen  de  guérir 
radicalement  les  hernies  du  rentre. 


M.  Gerdy  a  adressé  à  l'Académie   un  Mémoire  sur   un 
nouveau  procédé  à  l'aide  duquel  il  serait  possible  de  guérir 

i5. 


(aaS) 
radicalement  les  hernies  ventrales.  Voici  en  quoi  consiste 
l'opération  proposée  par  ce  chirurgien  : 

1°  Pousser  avec  l'extrémité  ila  doigt  la  peau,  que  l'on  ren- 
verse et  que  l'on  retourne  comme  un  doigt  de  gant  en  l'en- 
fonçant dans  l'ouverture  et  le  canal  herniaires; 

2°  Fixer  à  la  paroi  antérieure  du  canal  herniaire  par  trois, 
quatre  ou  cinq  points  de  suture,  le  fond  du  prolongement 
sacciforme  de  la  peau  rentrée  ; 

3"  Enflammer  la  cavité  du  sac  invaginé  au  moyen  d'am- 
moniaque, pour  établir  une  adhérence  entre  ses  parois  et 
effacer  sa  cavité; 

4°  Enfin,  pour  mieux  assurer  le  succès  de  l'opération, 
fermer  encore,  si  on  le  veut,  l'ouvèrtare  extérieure  du  pro- 
longement sacciforme  par  quelques  points  de  suture. 

Cette  opération,  déjà  pratiquée  deux  fois  par  M.  Gerdy,  a 
été  suivie  d'un  plein  succès.  MM.  Larrey,  Roux  et  Amussat 
ont  été  nommés  pour  examiner  ce  Mémoire.  Nous  rendrons 
compte  du  rapport  qui  sera  fait  sur  ce  sujet  important. 

ART.    1046. 

]Sûte  sur  un  moyen  de  guérir  les  gerçures  du  mamelon. 

La  lettre  suivante  nous  est  adressée  par  M.  le  docteur  Eu- 
1er,  médecin  à  Cossonay  (canton  de  Vaud)  : 

J'ai  eu  souvent  occasifju  de  lire  que  les  cautérisations  avec 
le  nitrate  d'argent  guérissaient  rapidement  les  gerçures  du 
mamelon;  mais  ayant  voulu  employer  ce  moyen  chez  quel- 
ques femmes,  et  entre  autres  chez  la  mienne,  j'ai  trouvé  de 
la  répugnance  de  leur  part,  répugnance  qu'il  fallait  attribuer 
à  la  crainte  qu'elles  avaient  que  cette  légère  opération  ne 
nuisit  à  leur  enfant  pendant  la  succion.  Je  fus  conduit  à 
recourir  à  un  procédé  bien  simple,  et  qui  surpassa  de  beau- 
coup tout  ce  que  je  pouvais  espérer. 

Ayant  bien  examiné  la  petite  plaie,  j'introduisis  du  coton 
en  laine  entre  ses  lèvres  ;  douze  heures  après,  malgré  les  suc- 
cions réitérées  de  l'enfant,  la  cicatrice  était  complète.  Ce 
moyen  m'a  parfaitement  réussi  plusieurs  fois;  mais  il  ne 
faut  pas  enlever  le  coton  quand  on  <lonne  le  sein  à  l'enfant. 
Il  est  ordinairement  nécessaire  de  h;  laisser  séjourner  vingt- 
qiiiilre  heiu'cs  dans  la  plaie;  on  peut  l'ôler  alors,  à  moins 
qu'il  ne  soit  trop  adhérent. 


(aag) 

ART.    1047. 


Bain  employé  par  M.  Gannal  pour  la  conservation  des 
cadavres. 


Pr.  Sel  de  cuisine,  un  kilogramme; 
Alun,  un  kilogramme; 
Nitrate  de  potasse,  cinq  cents  grammes  ; 
Eau,  vingt  litres. 

En  hiver  le  liquide  doit  marquer  sept  degrés  au  pèse-sel 
de  Baume,  et  douze  degrés  en  été. 

Les  cadavres  plongés  dans  cette  solution  peuvent  être 
parfaitement  conservés  pendant  deux  ou  trois  mois. 

ART.   1048. 

Formules  de  plusieurs  préparations  pharmaceutiques.  Sirop  de 
capsules  de  pavots  blancs,  par  M.  Béral. 

Pr.  Hydrolature  de    capsules    de   pavots   blancs    au   8", 
12  livres; 
Sucre  Ragnenet  cassé  en  morceaux,  huit  livres. 

Pesez  le  sucre  et  l'infusion  dans  une  bassine,  et  faites 
bouillir  pendant  le  temps  nécessaire  pour  réduire  le  mé- 
lange à  environ  douze  livres;  laissez  refroidir,  et  passez  au 
travers  d'un  blanchet  préalablement  lavé  à  l'eau  distillée,  et 
séché. 

Une  once  de  ce  sirop  contient  les  principes  solublcs  d'un 
gros  de  capsules  de  pavots,  résultat  presque  rigoureux 
que  ne  présente  aucune  des  formules  publiées  jusqu'à  ce 
jour. 

Mode  de  préparation  de  l' hydrolature. 


Pr.   Capsules  de  pavots  blancs  sèches  et  incisées,  trente- 
deux  onces  ; 
Eau  dislillée,  seize  livres. 

Lebain-marie  d'un  alaïubif.  étant  placé  dans  sa  cucurbite 
à  moitié  pleine  d'eau,  on  y  met  les  têtes  de  pavoti=,  sur  les- 


(  23o  ) 
quelles  on  verse  l'eau  disliliée.  Les  choses  élant  ainsi  dispo- 
sées, et  le  bain-iuarie  couvert,  on  fait  bouillir  pendant  une 
demi-heure  l'eau  contenue  dans  la  cucurbilc;  on  cesse  le  feu 
sans  déranger  l'appareil,  et  on  laisse  infuser  pendant  douze 
heures.  A  cette  époque,  il  ne  reste  plus  qu'à  faire  passer  le 
liquide  au  travers  d'un  blanchet  lavé  à  l'eau  distillée,  en 
ayant  le  soin  d'exprimer  le  marc  avec  les  mains. 

La  quantité  du  produit  est  ordinairement  de  douze  livres, 
ce  qui  correspond  aux  trois-quarls  des  capsules  employées, 
ou  à  vingt-quatre  onces. 

(    Journ.  de  cl  dm.  méd.) 

ART.     1049- 

Sirop  d'ammoniaque  liquide^  par  le  même. 

Pr.  Sirop  hydrolique  simple,  seize  onces; 

Ammoniaque  liquide  à  vingt-deux  degrés,  quatre  scru- 
pules. 
Mêlez. 

Ce  sirop  contient  six  grains  ou  douze  gouttes  d'ammonia- 
que liquide  par  once.  Il  pourrait  être  employé  avec  avantage 
contre  l'ivresse;  il  faudrait  en  prendre  quatre  gros  mêlés  à 
douze  onces  d'eau. 

{Ibid.) 

ART.     1050. 

Considérations    pratiques    sur    remploi   du    calomcl    dans   le 
croup. 

L'observation  suivante  nous  est  adressée  par  M.  Vanuxem, 
orficicr  de  santé  à  Hondegbem  (Nord). 

Le  G  décembre  iSS/j,  .liilie  Dopeckcr,  âgée  de  huit  ans, 
d'une  assez  forte  con>liluli(Mi,  i'iit  prise  de  t'jux  et  de  gêne 
dans  la  respiration;  le  lendemain,  la  toux  avait  un  tindjre 
particulier  et  la  voix  était  rauque.  Le  8,  les  parensine  firent 
aj)j»cler;  )e  trouvai  la  malade  dans  l'état  suivant  :  pouls 
failjlu  et  accéléré,  déglutition  difficile,  inspiratiuu  sifflaute  et 
toux  [)rudMi.sarit  un  son  semblable  au  cri  aigu  d'un  jeune 
coq,  dyspnée  j)crn)atu'ntc,  aphonie,  impossibilité  de  rester 


(23l   ) 

au  lit.  Je  fis  ajipliquei  lout  «le  suite  six  sangsues  ù  lu  |)artie 
ânlérioiirc  du  cou  et  jepresi  rivisen  même  temps  deux  grains 
d'émétique.  lien  résuUa  une  perte  assez  abondante  de  sang 
et  quelques  vomissemeiis.  L'après-diner,  j'adininistrai  trois 
grains  de  proto-chlorure  de  mercure  toutes  les  heures.  La 
nuit  fut  orageuse. 

Le  lendemain  je  prescrivis  de  nouveau  deux  grains  d'émé- 
tique qui  produisirent  quatre  vomissemens;  trois  grains  de 
calomel  toutes  les  deux  heures  dans  un  peu  de  sirop  diacode; 
pour  boisson,  eau  pure  et  petit-lait  froid;  sinapismes  au  coq. 
La  nuit  fut  plus  calme;  la  malade  put  rester  quelque  temps 
au  lit. 

Le  10,  deux  grains  de  calomel  toutes  les  trois  heures,  une 
potion  calmante  où  il  entrait  de  l'émétique  en  quantité  suf- 
fisante pour  produire  des  nausées,  à  prendre  une  cuillerée 
matin  et  soir.  La  nuit  fut  encore  plus  calme,  et  il  y  eut  deux 
heures  de  sommeil. 

Le  n,  respiration  moins  gênée  et  déglutition  plus  facile, 
mais  toujours  aphonie  et  peu  d'expectoration.  La  malade 
commence  à  se  lever  et  demande  des  boissons  chaudes  : 
calomel,  deux  grains  trois  fois  par  jour,  eau  d'orge  et  de 
tilleul,  et  petit-lait  pour  boisson. 

Le  12,  toux  presque  nulle;  l'aphonie  existait  encore,  mais 
l'état  général  était  déplus  en  plus  satisfaisant.  Je  lui  permis 
du  bouillon  de  poulet  et  prescrivis  encore  deux  grains  de 
calomel  malin  et  soir.  Le  même  médicament  fut  continué  à 
la  dose  d'un  grain  pendant  les  deux  jours  suivans,  qui  mar- 
quèrent le  développement  de  la  convalescence. 

Je  pourrais  citer  deux  autres  observations  semblables  dans 
lesquelles  le  même  traitement  a  eu  un  égal  succès. 

Réflexions.  Le  protochlorure  de  mercure  est  fréquemment 
emrloyé  dans  le  croup,  non  pas  pour  prévenir  la  formation 
des  fausses  membranes,  mais  bien  pour  en  favoriser  la  chute. 
Des  praticiens  l'ont  même  administré  à  la  dose  énorme  de 
deux  cents  grains  dans  les  vingt-quatre  heures;  mais  cette 
pratique  expose  à  de  graves  dangers,  car  elle  peut  déterminer 
la  salivation  chez  les  enfans,  ou  du  moins  amener  vers  la 
gorge  un  afflux  de  liquide  qui  devient  promptement  funeste, 
soit  en  causant  la  suffocation,  soit  en  jetant  les  malades  dans 
une  prostration  dont  on  ne  peut  plus  les  retirer.  Administré  à 
la  dose  d'un  demi-grain  à  deux  grains  d'heure  en  heure, 
conmie  l'a  fait  M.  Vanuxcm,  c'est  un  des  moyens  les  plus 
puissans  que  nous  possédions  dans  la  dernière  période  du 
croup;  mais,  ainsi  que  nous  avons  eu  occasion  de  le  remarquer, 
le  développement  de  fausses  membranes  dans  les  voies  de 


(  232) 

la  respiration  est  un  accident  beaucoup  plus  rare  qu'on  ne 
le  croit  conimunénient,  ce  qui  a  l'ait  attribuer  au  calomel 
une  action  bien  plus  puissante  que  celle  (ju'il  possède  en 
réalité. 

ART.    io5i. 

MÉDECINE  LÉGALE. 

Lettre  c'mquième. 

Modèle  de  consultation  médico-légale. 

M., 

Ajuès  vous  avoir  fourni  des  préceptes  généraux  pour  faire  les 
certificats,  les  rapports  et  les  cousultations  médico-légales,  je  vais 
vous  faire  connaître  la  conduite  <t  tenir  dans  les  actes  les  plus  sim- 
ples de  la  médecine  légale,  c'est-à-dire  dans  les  cas  où  vous  serez 
appelé  à  faire  une  levée  de  cadavre.  C'est  en  effet  la  j)reniière  opé- 
ration dans  toute  affaire  judiciaire;  c'est  aussi  l'opération  la  moins 
compliquée,  et  c'est  presque  toujours  celle  dans  laquelle  les  médecins 
commettent  le  jilus  d'erreurs.  Cela  tient  à  deux  causes  :  d'abord  ils 
n'ont  pas  à  leur  disposition  toutes  les  preuves  matérielles  qui  peu- 
vent servir  à  tirer  des  instructions  précises  sur  les  faits  observés;  en- 
suite, ils  veulent  aller  beaucoup  plus  loin  qu'ils  ne  peuvent  et  qu'ils 
ne  doivent.  Ce  sera  donc  l'objet  de  cette  lettre  et  de  la  suivante. 
Mais  avant  tout,  il  vous  faut  rappeler  la  législation  qui  régit  la  nia- 
lière,  puisque  c'est  elle  qui  trace  naturellement  le  devoir  du  mé- 
decin. 


Des  levées  de  cadavres  et  des  précautions  à  prendre  lorsque  l'on  est  appelé 
à  constater  le  décès  d'un  individu  trouvé  sur  la  voie  publique. 

L'article  8i  du  Code  civil  est  ainsi  conçu  ;  •  Lorsqu'il  y  aura  des 
signes  ou  indices  de  mort  violente,  ou  d'autres  circonstances  qui 
donneront  lieu  de  le  soupçonner,  on  ne  pourra  faire  l'inbumation 
qu'après  qu'un  officier  de  police,  assisté  d'un  docteur  en  médecine 
ou  en  chirurgie,  aura  dressé  procès-veibal  de  l'état  du  cadavre  et 
des  circonstances  y  relatives,  ainsi  que  des  renseigncmens  qu'il 
aura  pu  recueillir  sur  les  jirénoins,  nom,  âge,  profession,  lieu  de 
naissance  et  domicile  de  la  personne  décédée.  » 

Les  articles  43  et  44  ''"  Code  d'instruction  criminelle  contien- 
nent  1rs   dispositions  suivantes  : 

•  Article  /î3.  Le  ])rocurenr  fin  mi  se  fera  accompagner  au  besoin 
d'une  ou   deux    personnes,  présumées,  par    leur  art  ou  leur  pro- 


(a33) 

fession,  capables  d'apprécier  la  nature  et  les  clrcoustances  du 
ciime  ou  délit. 

■  Article  44-  S'il  s'agit  d'une  mort  violente  ou  d'une  mort  dont 
la  cause  soit  inconnue  ou  suspecte,  le  procureur  du  roi  se  fera 
assister  d'un  ou  deux  officiers  de  santé,  qui  feront  leur  rapport  sur 
la  cause  de  la  mort  et  sur  l'état  du  cadavre. 

»  Les  personnes  appelées,  dans  les  cas  du  présent  article  et  de 
l'article  précédent,  prêteront  devant  le  procureur  du  roi  le  serment 
de  faire  leur  rapport  et  de  donner  leur  avis  en  leur  honneur  et  con- 
science. » 

Une  ordonnance  du  préfet  de  police,  concernant  les  secours  à 
donner  aux  noyés,  asphyxiés  ou  blessés,  en  date  du  2  décembre 
iSaa,  contient  l'article  suivant,  §  g,  section  2,  page  5  :  «  L'homme 
de  l'art  constatera  avec  la  plus  grande  exactitude  l'état  actuel  du 
cadavre;  dans  le  cas  où  il  remarquerait  que  la  mort  peut  être  le 
résultat  de  violences  exercées  sur  l'individu,  il  requerra,  sous  sa  res- 
ponsabilité, un  second  examen  par  les  médecins  experts  asser- 
meiilés  près  la  Cour  royale  du  déparlement.  » 

Dans  son  instruction  à  MM.  les  officiers  de  police  judiciaire, 
M.  le  procureur  du  roi  s'exprime  ainsi,  chapitre  Homicide,  page  56, 
§  5,  à  l'occasion  des  vérifications  médico -lécales  :  ■  Ils  doivent 
avant  tout  (les  hommes  de  l'art)  s'expliquer  sur  l'état  extérieur  du 
cadavre  :  en  général,  et  sauf  les  cas  d'urgence,  ils  ne  doivent  pas, 
dans  le  premier  moment,  être  autorisés  à  en  faire  l'ouverture.  Cette 
opération  importante  peut  et  doit  toujours  être  retardée  jusqu'au 
moment  où  le  procès- verbal  m'est  remis,  et  où  je  puis,  soit  le 
prescrire,  soit  permettre  l'inhumation,  suivant  les  circonstances.  » 

Après  avoir  fait  connaître  les  lois  et  les  ordonnances  qui  concer- 
nent la  levée  des  cadavres,  je  vais  vous  indiquer  la  marche  que  l'on 
adopte  aujourd'hui  pour  y  procédei-. 

A  Paris,  011  ne  peut  pas  faire  l'inhumation  d'une  personne  décé- 
dée à  domicile,  avant  qu'un  médecin,  spécialement  désigné  par  le 
maire  de  l'arrondissement,  ait  constaté  le  décès.  Il  prend  note  des 
nom  et  prénoms,  âge,  profession,  domicile  de  l'individu  décédé;  de 
la  maladie  à  laquelle  il  a  succombé  ;  de  l'heure  où  la  mort  est  sur- 
venue; du  médecin  qui  a  soigné  le  malade;  du  pharmacien  qui  a 
fourni  les  médicamens;  de  l'exposition  de  la  cham1)re  qu'occupait 
le  malade,  etc.,  etc.  Il  en  résulte  des  documens  qui  fourniront  par 
la  suite  les  éléniens  d'une  statistique  du  plus  haut  intérêt.  Le  méde- 
cin qui  a  donné  des  soins  à  l'individu  décédé  ne  peut  pas  procéder 
à  l'ouverture  du  corps  sans  en  avoir  fait  prévenir  le  médecin  de  la 
mairie.  La  visite  de  ce  dernier,  et  sa  présence  à  l'autopsie,  ont 
j)our  but  de  rechercher  si  la  mort  ne  pourrait  pas  être  l'effet  de 
l'homicide.  Je  ne  pense  pas  que  la  même  marche  soit  adoptée  dans 
les  départemens,  attendu  qu'elle  n'est  guère  praticable;  aussi  en  ré- 
sulte-t-il  desiiiconvéniens  souvent  très-graves. 

Lorsqu'un  cadavre  est  trouvé  sur  la  voie  publique,  le  commis- 
saire de  police  du  quartier,  ou  le  maire  daus  une  commune,  fait 
apjjeler  un  médecin  à  l'effet  de  constater  la  mort  et  le  genre  de 
mort.  Le  médecin  demande  l'ouverture  du  corps,  s'il  le  juge  con- 
venable; c'est  alors  que  le  commissaire  de  police  désigne  un  second 


(2^4) 
méflecin  pour  y  proa^der  conjoinlcment  avec  le  premier.  Cette 
oppratioii  se  pratique  dans  le  logement  de  l'individu,  s'il  acte  re- 
connu, ou  au  citvctière,  dans  le  cas  contraire.  Telle  est  la  marche 
géïK^ralenient  suivie;  mais  elle  nept  pas  en  accord  parfait  avec  les 
ordonnances  cp:e  je  viens  de  citer.  Les  commissaires  de  police  ne 
dcvjaieiit  faire  procéder  immédiatement  à  l'onvertiirc  du  corps, 
que  dans  les  cas  d'urgence,  et  attendre  les  ordres  du  procureur  du 
roi  pour  tous  les  autres.  Or  l'urgence  dont  il  est  ici  question,  c'est 
que  l'état  plus  ou  moins  avance  du  cadavre  soit  tel,  que  l'on  ait  à 
craindre  Its  chaugeniens  que  la  putréfaction  peut  apporter  dans 
la  disposition  des  parties,  l'aspect  des  blessures,  etc.  ;  cette  marche, 
qui  est  adoptée  par  tous  les  hommes  qui  connaissent  bien  la  nature 
de  leurs  devoirs,  offre  de  très-grands  avantages.  Il  e?t  certain  que 
tout  médecin  n'est  pas  apte  à  faire  de  la  médecine  légale,  et  surtout 
à  la  bien  faire.  C'est  une  chose  toute  de  pratique,  (|ui  exige  de 
l'expérience  et  de  l'habitude.  L'ouverture  des  cadavres,  et  par  consé- 
quent la  description  du  corps  du  délit,  est  toujours  la  partie  la  plus 
importante  de  la  tâche  du  médecin.  Un  rapport  peut  être  mal  ré- 
digé, les  conclusions  peuvent  être  erronées;  il  deviendra  néan- 
moins la  pièce  la  plus  essentielle  du  procès,  -'il  contient  la  nar- 
ration fidèle  et  bien  détaillée  de  toutes  les  circonstances  propres 
à  éclairer  sur  la  cause  de  la  mort  ;  car  le^  médecins  légistes  en 
tueront  d'autres  conséquences,  en  rapprocheront  les  faits  et 'les 
grouperont  de  manière  à  les  présenter  sous  un  jour  plus  favorable 
à  la  rechercha  de  la  vérité.  Le  rapport  pèche-t-il  par  défaut  d'ob- 
servation ou  d'exactitude,  il  ne  prouve  plus  ni  pour  ni  contre;  le 
corps  du  délit  est  perdu,  à  cause  des  opérations  qn'a  entraînées  son 
examen,  et  l'acte  d'accusation  n'a  plus  de  base  solide.  Si  le  cadavre 
est  trouvé  dans  une  maison  particulière,  le  commissaire  de  police 
s'y  transporte  et  appelle  bientôt  un  médecin  pour  constater  le  genre 
de  mort;  en  sorte  que  la  même  marche  est  adoptée  dans  tous  les 
cas. 

Lorsqu'un  cadavre  constitue  le  corps  de  délit  d'un  grand  crime, 
comme  d'un  empoisonnement,  d'un  as.-iassinat,  le  procureur  du  roi, 
l'un  de  ses  substituts,  ou  un  juge  d'insti  uclion,  se  rendent  surles  lieux 
accompagnés  des  médecins  mandés  pour  examiner  le  corps  du  dé- 
lit, et,  après  leur  avoir  fait  prêter  semienl,  attendfut  le  résultat  de 
leurs  recherches. 

La  levée  des  cadavres  et  f  autopsia,  sont  donc  deux  opérations  toutes 
différentes  ;  dans  l'une,  le  niédeciri'n'cst  autorisé  qu  à  examiner  l'état  ex- 
térieur du  corps  et  à  en  tirer  telles  inductions  tju' il  jugera  convenable  ; 
mais  il  ne  peut  sous  aucun  prétexte  poi  ter  V instrument  tranchant  sur  une 
partie  quelconque.  Dans  l'autre,  au  contraire,  le  corps  du  délit  est  mis 
tout  entier  usa  disposition.  Il  ne  sera  donc  pas  inutile  d'appeler  son 
atferifi(]n  sur  les  prini-i))aux  cas  sur  lesquels  il  sera  consulté. 

t**  Dans  les  villes  où  il  existe  une  rivière,  le  genre  de  mort  le  plus 
coinnuin,  je  ne  parie  ici  que  des  suicides,  c'est  la  submersion, 
'l'outcs  les  foi>  qu'un  cadavre  est  retiré  de  l'eau,  on  le  dijjo.se;  sur  la 
rive,  et  l.'i,  le  médecin  constate  son  di-cès.  Il  doit,  dans  sou  procès- 
verbal,  flésigner  approximativement  le  temps  pendant  lecpiel  l'in- 
dividu a  séjourne  dans  l'eau.  Pour  arriver  à  ce  résultat,  il  ne  peut 


{  235  ) 

juger  de  la  putréfaction  que  par  les  parties  qui  sont  à  déconvert; 
car  on  ne  défait  jamais  les  vêlemens  qu'après  le  transport  du  cada- 
vre dans  un  endroit  convenable.  La  face,  les  mains  et  le  devant  dii 
sternum  seront  donc  les  parties  qu'il  examinera  avec  soin  ;  i!  y 
trouvera,  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas,  des  caractères  assez 
tranchés  pour  préciser  l'époque  de  la  mort.  Je  vous  les  tracerai 
plus  tard.  L'élude  de  ces  caractères  est  importante;  tous  les  jours 
on  commet,  sous  ce  rapport,  les  erreurs  les  plus  grossières.  J'ai  vu 
des  certificats  de  médecins  donnant,  au  sujet  retiré  de  l'eau,  huit  l\ 
dix  jours  de  séjour  dans  ce  liquide,  quand  le  cadavre  y  était  resté 
deux  à  trois  mois,  et  vice  verset.  Toutes  les  fois  qu'il  trouvera  des 
blessures  qui  ne  pourraient  pas  être  expliquées  par  la  chute  dans  la 
rivière,  il  devra  les  noter  avec  soin  dans  son  procès-verbal. 

2"  Les  asphyxies  par  le  charbon  sont  très-communes.  Ici  vous 
devrez  désigner  avec  soin  la  chambre  dans  laquelle  se  trouve  le 
cadavre,  sa  grandeur,  la  disposition  des  fenêtres,  des  meubles  et 
du  reste  du  fovpr  qui  a  existé;  l'attitude  du  cadavre,  la  couleur  de 
la  peau.  Les  individus  asphyxiés  par  le  charbon  présentent  en  ef- 
fet une  coloration  rosée  toute  particulière,  qui  se  distingue  des  li- 
vidités cadavériques,  et  par  son  aspect,  et  par  sa  situation,  sur  des 
points  non  déclives  du  corps.  Elle  y  est  généralement  répandue, 
mais  elle  cesse  brusquement  sur  certaines  portions  de  la  peau,  qui 
offrent  alors  une  couleur  nat)irelle.  —  Il  faudra  indiquer  quels  sont 
les  signes  de  la  mort  que  vous  aurez  observés,  et  en  déduire  le  temps 
depuis  lequel  l'individu  est  mort;  n'oubliez  pas  surtout  que  dans  ces 
sortes  de  cas,  la  chaleur  se  conserve  pendant  un  temps  plus  long 
que  dans  toute  autre  espèce  de  mort,  et  que  la  rigidité  se  développe 
beaucoup  plus  tard  ;  enfin  que  ces  phénomènes  surviennent  et  dis- 
paraissent beaucoup  plus  rapidement  en  été  qu'en  hiver. 

3°  Un  genre  de  mort  qui  exige  beaucoup  de  sagacité  de  la  part 
du  médecin  est  la  suspension.  Elle  peut  s'effectuer  de  mille  manières 
différentes,  et  il  est  souvent  difficile  de  déterminer  si  elle  est  l'effet 
de  l'homicide  ou  du  suicide.  La  situation  du  corps  qui  porte  à  pen- 
ser que  la  suspension  est  le  résultat  de  l'homicide,  quand  il  n'y  a 
que  suicide,  et  vice  'yer5«,  peut  souvent  en  imposer.  Vous  devrez  tou- 
jours avoir  présent  à  la  pensée  que  l'homme  peut  se  pendre  dans  les 
situations  les  plus  incommodes.  Ainsi  un  point  d'appui,  placé  à 
deux  pieds  et  demi  ou  trois  pieds  de  terre,  peut  lui  suffire.  11  y  a 
plus,  la  suspension  peut  avoir  lieu  dans  le  lit,  lorsque  l'individu  se 
laisse  ensuite  glisser  le  long  des  matelas.  C'est  ainsi  que  dans  les  hô- 
pitaux, des  malades  se  sont  pendus  en  passant  leur  léte  à  travers  la 
corde  qui  leur  sert  à  se  placer  sur  le  séant.  J'ai  vu  plusieurs  indivi- 
du? se  pendre  dans  les  violons  des  corps-de-garde  de  Paris  (  es- 
pèces de  cabanes  de  cinq  ou  six  pieds  carrés,  dans  lesquelles  on  peut 
à  peine  se  t^nir  debout).  Mais,  à  côté  de  ces  cas,  je  dois  mettre  en 
regard  les  faits  d'homicide  où  les  assassins  ont  placé  le  corps  dans 
toutes  les  positions  les  plus  favoiabics  à  faire  naître  de  très-gran- 
des probabilités  de  suicide,  et,  il  faut  le  dire,  les  indications  que  l'on 
retire  de  la  position  du  cadavre  peuvent  très-fréquemment  induire 
en  erreur.  Tous  les  jours,  les  recueils  périodiques  relatent  des  faits 
dans  lesquels  les  médecins   les  plus  instruits  sont  restés  dans   le 


(  a36  ) 
doute.  Le  numéro  des  Annales  d'hygiène  et  de  médecine  légale  (  jan- 
vier i83o  )  en  contient  des  exemples  remarquables.  Les  cas  de  stran- 
gulation présentent  peut-être  encore  plus  de  difficultés  que  ceux  de 
suspension.  Malheureusement,  dans  presque  tous,  à  peine  pouvons- 
nous  affirmer  que  l'individu  était  vivant  au  moment  de  la  suspen- 
sion et  de  la  strangulation,  et  sommes-nous  souvent  réduits  à  ne 
présenter  que  des  conjectures  eu  égard  à  l'homicide  ou  au  suicide. 

4°  Une  levée  de  corps  des  plus  fréquentes,  est  celle  dont  les  nom- 
breuses variétés  sont  renfermées  dans  la  dénomination  de  morts  su- 
bites. Le  médecin  les  attribue  le  plus  souvent  à  l'apoplexie;  mais 
combien  de  causes  différentes  peuvent  produire  la  mort!  Le  froid 
intense,  pendant  les  hivers  rigoureux,  fait  succomber  presque  tous 
les  individus  que  l'ivresse  a  déterminés  à  se  coucher  sur  le  pavé; 
quelques-uns,  avancés  eu  âge,  succombeat  par  le  froid  seul  ;  d'autres 
périssent,  et  par  le  froid  et  par  la  misère;  quelques-uns  d'hématé- 
mèse  ou  d'hémoptysie  ;  d'autres  d'apoplexie  pulmonaire,  de  rupture 
auévrismale;  il  en  est  enfin  qui  meurent  de  congestions  cérébrales 
ou  d'apoplexie  foudroyante.  Cependant  le  nombre  de  ces  dernières 
causes  est  beaucoup  moins  considérable  qu'on  ne  le  pense.  Presque 
tous  ces  Individus  sont  apportés  à  la  Morgue,  et  cependant  j'ai  eu 
ti  es  -  peu  d'occasions  d'en  observer  des  exemples.  Sur  vingt  cas  de 
mort  subite  dont  j'ai  recueilli  les  observations,  je  n'en  possède  que 
«leux  qui  sont  dus  à  l'apoplexie.  Il  faut  avouer  que,  dans  tous  ces  cas, 
le  médecin  est  souvent  fort  embarrassé  pour  déterminer  la  cause  de  la 
mort,  attendu  qu'aucune  apparence  extérieure  ne  peut  la  lui  faire 
soupçouner  :  aussi  ne  devrez-vous  établir  que  des  présomptions,  et 
même  ne  pas  spécifier  la  cause  de  la  mort,  plutôt  que  de  fournir  aux 
personnes  qui  font  des  statistiques  des  matériaux  tout-à-fait  inexacts. 
Nous  aurons  occasion  de  rapporter  quelques-uns  de  ces  faits  à  la  fin 
de  notre  prochaine  lettre. 

5°  J'arrive  à  ces  cas  plus  difficiles  où  l'homme  de  l'art  doit  ap- 
porter la  plus  grande  attenti<jn  ;  je  veux  parler  de  ceux  où  il  existe 
a  la  surface  du  corps  des  traces  de  blessures,  et  où  l'on  a  mission  de 
constater:  i"  l'existence  des  blessures  ;  a"  leur  espèce;  3°  si  elles  ont 
déterminé  la  tnort;  4°  si  elles  sont  le  résultat  de  l'homicide  ou  du 
suicide.  Et  d'abord,  lorsque  l'on  ignore  la  cause  de  la  mort,  ouest 
porté  à  rechercher  s'il  existe  quelques  traces  de  violence  qui  puissent 
l'expliquer.  Mais  il  arrive  souvent  que  les  lésions  les  [ilus  grandes 
sont  cachées,  et  même  les  blessures,  qui,  par  les  désordres  qu'elles 
enlraîncnt,  devraient  être  les  plu?  apparentes,  peuvent  devenir  invi- 
sibles au  premier  abord,  à  cause  de  leur  situation  dans  les  cavités. 
J'ai  vu  un  jeune  homme  qui,  poursc  brûler  la  cervelle,  avait  introduit 
le  canon  d'un  pistolet  dans  sa  bouche;  la  balle  était  restée  dans  le 
crâne;  le  pistolet  avait  été  repoussé  par  la  commotion  produite 
par  l'explosion  de  la  poudre,  et  aucune  lésion  extérieure  ne  se  faisait 
lemarquer.  Les  mains  étaient  parfaitement  blanches,  les  lèvres  in- 
tactes, la  physionomie  du  cadavre  exprimait  une  mort  calme  et  sans 
houdi.mces;  et  ce  n'<-tait  (ju'en  écartant  avec  force  les  arcades  den- 
taires, (lue  l'on  apercevait  les  tlésordres  de  la  blessure  la  plus  grave; 
le  reste  du  corps  ne  présentait  pas  la  moindre  lésion.  Un  médecin, 
appelé  à    spécifier  le  génie  de  mort   pour  la  levée    d'un   cadavre 


semblable,  trouvé  sur  une  route,  n'aurait  peut-être  pas  ouvert  la 
bouche  pour  y  rechercher  les  l)lcssures  que  j'ai  signalées,  et  la 
cause  du  suicide  lui  aurait  ccli;tpi)é;  voici  deux  exemples  ana- 
logues : 

Mort  violente.  Léchirure  du  foie  par  une  voiture^  déclarée  apoplexie 
foudroyante. 

Maveux,  Jean-Baptiste-Ferdinand,  âgé  de  cinquante  ans,  commis- 
sionuaire,  tut  déclaré,  par  le  rapport  d'un  médecin,  mort  subileuient 
d'une  apoplexie  foudioyaute,  rue  Sainl-Houoré.  Transporté  à  la 
Morgue,  il  y  fut  lecounu  par  ses  camarades,  qui  annoucèreut 
qu'une  roue  de  Favorite  l'avait  effrôlé  légèrement,  et  que  c'était 
un  hommetics-adonué  aux  boissons  spiritueuses.  Le  permis  d'inhu- 
mer fut  délivré  par  le  procureur  du  roi,  sur  le  lappoit  du  com- 
missaire de  police,  et  sur  la  déclaration  des  médecins,  et  nous  ou- 
vrîmes le  corps. 

Aucune  trace  de  violence  ou  de  blessures  à  l'extérieur,  si  l'on  en  ex- 
cepte une  tache  bleuâtre  paraissant  être  une  ecchymose  d'un  pouce 
de  largeur,  mais  sans  tumeur  prononcée;  incisée,  on  trouva  un 
peu  de  sang  infiltré  dans  les  mailles  de  la  peau  et  daus  le  tissu 
cellulaire  sous-cutané.  Cette  tache  était  placée  au  voisinage  de  l'é- 
pine autérieure  et  supérieure  de  l'os  des  îles  (côté  gauche). 

En  incisant  la  peau  qui  recouvre  la  partie  supérieure  et  externe 
de  la  fesse  gauche,  nous  fûmes  frappés  de  trouver  du  sang  infiltré 
dans  le  tissu  cellulaire  avoisinant  les  muscles  superficiels;  sa  quan- 
tité était  faible.  Pareille  observation  fut  faite  en  détachant  la  peau 
et  les  muscles  qui  recouvrent  les  côtes  droites,  et  l'infîhration  san- 
guine placée  au  voisinage  de  la  septième,  huitième  et  neuvième 
côte,  avait  deux  pouces  et  demi  de  longueur  sur  deux  pouces  de 
largeur. 

Le  sternum  enlevé ,  nous  trouvâmes  une  infiltration  d'une 
quantité  considérable  de  sang,  mais  coagule,  existant  dans  tout 
le  tissu  cellulaire  sous-sternal,  dans  ,celui  qui  environne  la  tra- 
chée-artère et  tous  les  gros  vaisseaux.  Le  sang  enveloppait  la 
trachée  dans  une  étendue  de  cinq  à  six  pouces  de  longueur;  il  s'é- 
tendait en  haut  sous  le  corps  thyroïde,  et  eu  bas  au-delà  des  divi- 
sions de  la  trachée;  il  était  coagulé  et  infiltré  dans  toutes  les 
mailles  du  tissu  cellulaire.  En  recherchant  la  cause  du  désordre,  je 
vis  que  la  veine  cave  sous-clavière  gauche  avait  été  ouverte  et  déchi- 
rée; les  artères  étaient  saines. 

Le  péricarde  très-blanc,  le  cœur  flasque,  contenait  un  peu  de 
sang  dans  les  cavités  droites,  et  uu  peu  moins  daus  les  cavités 
gauches. 

Les  poumons  sains,  mais  partout  adhéreus  à  la  plèvre  costale;  les 
plèvres  étaient  tout-n-fait  fibreuses,  la  plèvre  gauche  surtout.  Outre 
l'apparence  du  tissu  fibreux  le  plus  prononcé,  la  plèvre  costale  avait 
une  épaisseur  énorme;  elle  était  au  moins  d'une  ligne  et  demie  dans 
beaucoup  d'endroits. 

La  trachée  est  saine  ainsi  que  le  larynx  ;  mais  la  bronche  gauche 
et  quelques-unes  do  ses  ramificatiuus  contiennent  un  peu  d'écume 
rougeàlre  mêlée  d'uu  peu  de  sang. 


(  258  ) 

En  ouvrant  l'abdomen,  se  présentent  l'estomac  et  les  Intestins, 
distendus  par  des  gaz;  on  déplace  les  intestins,  et  l'on  découvre 
deux  litres  de  sang  dans  la  cavité  du  péritoine.  Ce  sang  est  fluide, 
sans  caillots,  seulement  un  peu  épais  dans  les  parties  les  [)lus  pro- 
fondes de  la  cavité  du  ventre. 

En  cherchant  la  cause  de  cet  épanchement  au  milieu  duquel 
baignent  tous  les  organes  contenus  dans  l'abdomen ,  on  trouve 
une  déchirure  du  ligament  de  la  partie  supérieure  du  foie;  toute 
la  moitié  gauche  de  ce  ligament  est  tapissée  par  un  caillot. 

En  l'enlevant,  on  aperçoit  le  foie  déchiré  et  divisé  en  deux  par- 
ties; cette  déchirure  est  profonde;  à  peine  reste-t-il  quelques  por- 
tions de  substance  propre  du  foie  pour  réunir  les  deux  lobes.  Le 
foie  vu  intérieurement,  on  aperçoit  six  ou  sept  petites  déchirures 
très-superficielles  qui  occupent  la  face  inférieure  du  grand  lobe,  et 
surtout  la  partie  convexe  de  l'organe  qui  plonge  dans  l'hypocondre 
droit. 

Aucune  artère  principale  du  ventre  n'a  été  déchirée;  tous  les  au- 
tres organes  sont  sains,  mais  ils  sont  blafards,  décolorés,  et  celte 
décoloration  est  surtout  sensible  à  l'égard  du  foie  et  de  la  rate  dont 
le  volume  a  beaucoup  diminué. 

L'estomac,  très-ample,  contient  beaucoup  d'alimens  en  grande 
partie  digérés,  mais  œélés  à  beaucoup  de  vin. 

La  vessie  est  pleine  d'urine. 

Tète.  Vaisseaux  peu  injectés,  arachnoïde  très-épaisse  et  séreuse, 
substance  cérébrale  molle,  piquetée,  un  peu  de  sérosité  dans  les  ven- 
tricules cérébraux. 

Lésions  extérieures  ne  correspondant  pas  avec  les  désordres  intérieurs. 

Cousin  (Victor),  trente-quatre  ans ,  faucheur,  écrasé  faubourg 
Saint-Denis,  se  trouve  dans  larae  au  moment  où  une  voiture  descen- 
dait avec  rapidité;  voulant  se  ranger,  son  pied  glisse  sur  le  talon, 
il  tombe  sur  le  dos;  la  roue  de  la  voilure,  attelée  d'un  seul  cheval, 
lui  passe  sur  la  poitrine  du  côté  de  la  clavicule  droite  et  oblique- 
ment, de  manière  à  écorclier  un  peu  la  partie  inférieure  de  la  joue 
droite.  11  meurt  sur-le-champ. 

Le  cadavre  ne  porte  pas  de  trace  de  putréfaction  ;  ou  n'observe, 
pour  toute  blessure  apparente,  qu'une  tumeur  alongée  immédiate- 
ment au-dessus  des  clavicules,  qui  donne  à  la  partie  inférieure  du 
cou  un  volume  contre  nature;  une  légère  teinte  bleuâtre  de  la  peau 
fait  seulement  entrevoir  que  c'est  une  ecchymose.  En  pressant  sur 
le  sternum,  on  sent  une  mobilité  contre  nature,  et  on  trouve  pa- 
reille mobilité  sur  les  deuxième,  troisième  et  quatrième  côtes  gau- 
ches, qui  sont  fracturées. 

Tête.  Rien  de  remarquable;  membranes  saines,  substance  céré- 
brale très-blanche  et  non  injectée. 

Les  tumeurs  du  col  disséquées  font  voir  une  infiltration  sanguine 
consiiiéiable  au  voisinage  des  sous-clavières  primitives,  veines  et 
altères;  les  veines  ont  été  déchirées  et  ont  produit  cet  épanche- 
ment qui  s'étend  eu  arrière  jusqu'à  l'extrémité  postérieure  des  cla- 
vicules, et  en  avant  dans  toute  la  trachée  et  le  corps  thyroïde  j  les 


(259) 

ligamens  qui  unissent  l'extrcnùlé  interne  de  la  clavicule  droite  avec 
le  sternum  ont  été  rompus. 

Les  poumons  sont  peu  volumineux,  blafards,  décolorés;  le  cœur 
est  tout-à-fait  vide  de  sang.  Dans  la  cavité  gauche  de  la  poitrine 
existent  deux  à  trois  livres  de  sang  tout-.i-fait  fluide,  sans  caillots; 
la  cavité  droite  n'en  contient  qu'une  petite  quantité.  En  renversant 
le  poumon  gauche,  on  aperçoit  une  déchirure  énorme  de  l'aorte 
droite  sur  le  milieu  de  sa  longueur;  cette  déchirure  a  deux  direc- 
tions :  une  transversale,  qui  ne  comprend  pas  tout-à-fait  le  pourtour 
de  l'aorte,  et  l'autre  longitudinale,  peut  avoir  un  pouce  de  lon- 
gueur, en  sorte  que  cette  rupture  s'est  effectuée  aux  dépens  des 
libres  circulaires  et  obliques. 

Le  sternum  est  rompu  à  l'union  de  la  partie  supérieure  et  infé- 
rieure, les  côtes  notées  ci-dessus  sont  cassées  vers  le  milieu. 

Les  organes  contenus  dans  l'abdomen  sont  sains,  mais  une  petite 
quantité  de  sang  est  épanchée  dans  cette  cavité.  A.  D. 

VARIÉTÉS. 

On  lit  dans  le  Bulletin  de  ta  préfecture  de  ta  Seine,  lu  note  suivante 
qui  pourra  intéresser  plusieurs  de  nos  confrèics  ; 

Dans  le  cours  de  l'hiver  qui  vient  de  s'écouler,  le  bruit  s'est  répandu 
dans  la  capitale,  qu'une  mortalité  extraordinaire  régnait  sur  les  élèves 
en  droit  et  en  médecine;  cette  espèce  d'épidémie  était  attribuée  à  di- 
verses causes,  et  M.  le  préfet  de  police  crut  devoir  inviter  ie  conseil  de 
salubrité  à  faire  une  enquête  à  ce  sujet.  Il  résulte  de  son  rapport,  que 
les  proportions  de  la  mortalité  n'ont  pas,  cette  .innée,  été  plus  fortes 
que  dans  les  années  précédentes;  que,  seulement,  jamais  le  nombre 
des  éludians  en  droit,  et  surtout  celui  des  ètucllans  en  médecine,  n'a- 
vait été  aussi  considérable;  que  la  maladie  à  laquelle  plusieurs  de  ces 
jeunes  gens  ont  succombé  est  la  fièvre  typhoïde,  due  au  changement 
de  climat,  de  régime,  d'habitudes;  aux  logemens  étroits,  mal  aérés, 
aux  excès  de  travail  et  de  toute  autre  nature  ;  qu'enGn,  celte  maladie 
est  commune  chez  les  jeunes  gens  qui  arrivent  nouvellement  à  Paris. 

Ces  renscignemens  se  trouvent  conGrmés  par  les  recherches  que 
nous  avons  faites,  dans  le  but  de  comparer  les  décès  survenus  parmi 
les  étudians,  dans  les  mois  de  novembre  et  décembre  i855,  et  janvier 
1854,  et  dans  les  mois  de  novembre  et  décembre  iS34  et  janvier  i855. 
Voici  les  résultats  que  ces  recherches  nous  ont  donnés  : 
Décès  des  étudians  dans  Paris. 

Domicile.     Hospices.     Total. 

i833.  Novembre 4  3  7 

Décembre....  739 

1854.  Janvier 12  2  i4 

Totaux 20  7  3o 

i(S34.  Novembre 8  3  11 

Décembre 10  2  12 

1855.  Janvier 11  4  '5 

Totriux....  29  9  38 

Sur  ce  no!r:bre  de  38,  19  sont  décédés  par  suite  de  fièvre  lyj-'hoVdc. 


(a4o) 

i—  L'Acatîémie  J»îs  sciences,  dans  sa  séance  du  6  avril,  a  nomirte 
M.  Brescliet  à  la  place  vacante  dans  son  sein,  par  la  mort  de  M.  Dii- 
piiylien.  f^cs  voix  ont  élé  ainsi  reparties  au  premier  tour  de  scrutin  : 
M.  Breschct,  quaraate-une  ;  M.  (jiviale,  sept  ;  M.  Velpeau,  quatre; 
M.  Lisfranc,  trois. 

—  Quelques  troubles  ont  éclaté  à  l'école,  et  se  sont  reproduits  au 
dehors  les  jours  suivaus.  M.  Desgenettes  ayant  témoigné  l'intention  de 
ne  pas  l'aire  son  cours  cette  année,  M.  Royer-CoUard,  agrège  par  con- 
cours près  de  la  Faculté,  fut  désigné  par  les  professeurs  pour  le  rempla- 
cer ;  mais,  soit  que  M.  Desgenettes  fût  mécontent  du  choix  qu'avait 
fait  l'école,  soit  plutôt  qu'il  craiguîl  quelques  troubles,  qui,  disait-on, 
devaient  avoir  lieu  à  cette  occasion,  il  changea  de  résolution  et  mani- 
festa l'intention  de  faire  encore  ses  leçons  lui  -  uiénie  pendant  le 
semestre  d'été.  A  la  sortie  de  l'école, '\I.  Royc-r  -  Collard,  qui  avait 
assisté  à  la  leçon  de  M.  Desgenettes,  prés  du  doyen,  fut  accueilli 
par  les  huées  d'une  centaine  d'élèves  qui  le  poursuivirent  jusque  sur 
les   quais. 

Ces  mauvais  trailemens,  dirigés  contre  un  professeur  reçu  par  con- 
couis,  avaient  pour  objet,  disait-on,  de  protester  contre  le  cumul  que  fai- 
sait ce  médecin,  d'une  place  de  professeur  et  d'une  autre  beaucoup 
plus  lucrative  de  chef  de  division  au  ministère  de  l'instruction  publi- 
que; mais  les  désiudres  qui  ont  éclaté  les  jours  suivaus  ont  assez  prouvé 
que  cette  raison  n'était  qu'un  prétexte. 

M.  Royer-CoU.ircl,  en  cifiit,  ayant  annoncé  qu'il  ferait  dans  un  des  pa- 
villons de  l'école  pratique  un  cours  d'hygiène  public  cl  graltiil,  les  mè- 
nics  personnes  résolurent  de  s'y  opposer,  et  les  sifflets,  les  huées  et  les 
chanis  couvrirent  la  voix  du  professeur  ainsi  que  celle  du  doyen  qui 
chercha  vainement  à  rétablir  l'ordre.  Les  mêmes  scènes  se  renouvelè- 
rent les  jours  suivans,  et  M.  Roycr-Collard,  voulant  éviter  aux  élèves 
des  mesures  de  rigueur,  a  renoncé  à  faire  le  cours  qu'il  avait  anncmcé. 

Nos  lecteursserunt  surpris  sans  doute  qu'un  docteur  en  médecine,  un 
professeur  agrégé  nommé  par  concouis,  n'ait  [)u  obtenir  des  élèves  la 
permission  de  faire  un  cours  gratuit,  faveur  qu'aujourd'hui  le  doyen  ne 
refuse  à  aucun  de  ceux  qui  la  demandinl.Nous  avions  assez  long-temps 
léclamé  la  liberté  d'enseignement  pour  croire  que  lorsque  l'autorité  l'a- 
vait enlin  accordée,  persJnne  ne  s'aviserait  d'y  mettre  opposition.  11 
serait  diOlcile  de  remonter  aux  causes  premières  de  ces  désordres,  mais 
il  nous  sulllra  de  dire  que  la  plupart  des  jeunes  gens  qui  protestaient 
contre  cette  liberté  ne  font  point  partie  de  l'école  de  médecine. 

ï\c  clama  lion.  —  M.  Lrsaing,  chirurgien  d('ntiste  à  Nancy,  nous  écrit 
qu'il  est  l'inventeur  du  mastic  pour  l'oblitération  des  dents  cariées, 
dont  l'analyse,  faite  par  M.  O.  Henry,  a  été  insérée  à  noire  art.  9^5.  ^ 


(240 

ART.  loSa. 

Note  sur  un  nouveau  moyen  employé  avec  Succès  contre  la  gale^ 

Nous  devons  mentionner  un  mode  de  traitement  de  la 
gale  qui  vient  d'être  adopté,  par  ordre  du  gouvernement 
Belge,  dans  les  hôpitaux  militaires.  En  voici  la  formule,  telle 
que  M.  le  docteur  Morren  l'a  proposée  :  ' 

Pr,  Fleurs  de  soufre,  une  partie; 
Ardoises  pilées,  une  partie; 
Chaux  vive,  quatre  parties. 

Faites  bouillir  dans  une  chaudière  de  fonte  avec  quantité 
suffisante  d'eau,  épuisez,  la  matirre  par  des  ébuUitions  réi- 
térées jusqu'à  densité  de  douze  degrés. 

On  donne  aux  malades,  pour  chaque  friction,  une  once  et 
demie  de  cette  préparation.  Ils  en  versent  dans  leur  main  et 
se  frottent  légèrement  sur  tous  les  points  où  il  existe  des 
boutons.  Il  est  bon  de  prescrire  en  outre  quelques  bains 
d'eau  simple.  Douze  à  vingt  frictions  sont  ordinairement  suf- 
fisantes pour  obtenir  la  guérison  ;  on  les  répète  trois  fois  et 
même  quatre  fois  par  jour.  Cette  substance  salit  fort  peu  le 
linge  et  n'irrite  que  les  peaux  très-délicates. 

De  nombreuses  expériences  ont  été  tentées  avec  ce  mé- 
dicament. Sur  quarante-sept  galeux  traités  ainsi  à  l'hôpital 
militaire  de  Bruxelles,  tous  ont  été  guéris;  la  durée  du  trai- 
tement a  été  de  six  jours  et  demi,  A  l'hôpital  de  Gand,  la 
guérison  a  été  plus  prompte  encore  :  sur  cent  quarante-huit 
malades,  la  durée  moyenne  a  été  de  quatre  jours.  En  général, 
ce  remède  n'a  produit  aucun  accident. (V.  art.  922.) 

ART.    io53. 

Considéralions  sur  la  digitale  employée  par  la  méthode  ender- 
mique  dans  les  lésions  organiques  du  cœur. 

Le  docteur  Raciborski  a  publié,  dans  le  Journal  hebdoma- 
daircy  quelques  observations  de  maladies  du  cœur,  recueillies 
à  l'hôpital  de  la  Charité,  dans  le  service  de  M.  Bouillaud.  Ce 
professeur  ayant  remarqué  que  la  digitale,  au  bout  d'un 
temps  plus  ou  moins  long,  irritait  les  organes  digestifs,  et 
que  l'on  était  forcé  alors  d'interrompre  son  emploi,  a  résolu 
d'essayer  son  action  par  la  méthode  endermique,  et  a  obtenu 
absolument  les  mêmes  effets  n^édiçaux  que  lorsque  cette 
ToM.  VI.  —  Wde  juin.  16 


(  243  ) 

substance  est  administrée  par  l'estomac,  c'est-à-dire  un  ra- 
lentissement marqué  du  pouls,  et  par  conséquent  un  grand 
soulagement  dans  ces  maladies  que  l'on  ne  peut  guère  es- 
pérer de  guérir.  Dans  un  cas,  en  effet,  le  pouls  est  descendu 
décent  à  soixante-quatre  pulsations;  dans  un  autre,  de  cent 
douze  à  quatre-vingts  en  quatre  jours;  dans  un  autre,  de 
quatre-vingt-douze  à  quatre-vingts,  etc.  Dans  un  cas  même 
où  l'on  avait  été  forcé  de  suspendre  l'emploi  de  ce  médica- 
ment, qui,  administré  par  la  bouche,  déterminait  des  vomis- 
semens,  on  eut  recours  à  la  méthode  endermique,  et  le  pouls, 
qui  de  cent  vingt  pulsations  était  descendu  à  soixante-qua- 
tre, non-seulement  ne  reprit  pas  sa  fréquence,  mais  encore 
baissa  jusqu'à  cinquante-deux. 

La  digitale  ainsi  administrée  favorise  en  outre  l'absorption 
des  liquides  et  la  sécrétion  urinaire,  comme  lorsqu'elle  est 
ingérée  directement  dans  l'estomac.  Dans  une  des  observa- 
tions citées,  le  ventre,  qui  contenait  une  certaine  quantité  de 
liquides,  revint  bientôt  à  son  volume  ordinaire  ainsi  que  les 
extrémités  inférieures  fort  œdematiées  chez  un  autre  indi- 
vidu. Les  urines  ont  également  été  toujours  plus  abon- 
dantes. 

C'est  donc  à  l'aide  du  vésicatoire  que  la  digitale  a  été  in- 
troduite dans  l'économie;  mais  ce  vésicatoire  était  placé  sur 
divers  points,  suivant  l'affection  qu'on  voulait  combattre. 
Ainsi,  lorsque  le  cœur  était  malade,  lorsque  quelque  épan- 
chement  séreux  dépendait  de  la  lésion  de  cet  organe,  c'était 
sur  la  région  précordiale  qu'on  l'appliquait.  Lorsqu'au  con- 
traire on  voulait  favoriser  l'absorption  de  liquides  épanchés, 
soit  dans  une  des  grandes  cavités,  soit  dans  le  tissu  cellu- 
laire sous-cutané  à  la  suite  d'une  cause  étrangère  à  une 
maladie  du  cœur,  c'était  sur  les  parois  de  cette  cavité  ou  sur 
les  membres  qu'on  déterminait  la  vésication. 

On  s'est  servi  de  la  digitale  en  poudre,  bien  qu'on  pût  éga- 
lement faire  usage  de  son  extrait.  Chez  les  adultes  on  en 
appliquait  huit  à  dix  grains  après  avoir  enlevé  l'épiderme, 
et  l'on  augmentait  progressivement  jusqu'à  douze  à  quinze 
grains.  L'extrait  devrait  être  administré  à  des  doses  moins 
élevées. 

M.  Piaciborski,  après  l'exposé  de  ces  faits,  se  demande  si 
on  n'aurait  pas  pu  administrer  la  digitale  en  lavement,  au  lieu 
de  causer  une  assez  vive  douleur  aux  malades  par  l'applica- 
tion d'un  vésicatoire?  Mais  il  fait  observer  que,  donnés  à  des 
individus  dontle  gros  intestin  est  sain,  ces  lavemensauraient 
été  rendus  tout  de  suite  sans  que  le  médicament  eût  été  ab- 
sorbé, et  que,  lorsque  le  gros  intestin  est  malade,  on  ne  peut 


(343) 

songer  à  l'irrilflr  de  nouveau.  Voulant  reconnaître  l'effet  de  la 
digitale  sur  le  gros  intestin,  ce  médecin  a  administré  deux 
gros  de  digitale  en  poudre,  suspendus  dans  un  verre  d'eau, 
en  lavement  à  un  chien  d'une  taille  moyenne.  Vingt-cinq  mi- 
nutes après  l'injection,  l'animal  a  vomi  de  l'écume  blanche 
teinte  de  bile.  Au  bout  de  trente-deux  minutes  il  y  eut  des 
déjections  abondantes  par  l'anus;  les  vomissemens  se  repro- 
duisirent ensuite  et  se  répétèrent  un  grand  nombre  de  fois 
pendant  plusieurs  heures;  le  pouls,  qui  avait  paru  d'abord 
très-accéléré,  se  ralentit  ensuitenotablement;  l'animal  tomba 
dans  une  sorte  d'état  comateux,  et  enfin,  le  lendemain  matin, 
il  était  revenu  à  son  état  naturel. 

Reflexions.  Nous  ne  répéterons  pas  ici  ce  que  nous  avons 
dit  ailleurs  sur  les  avantages  que  présente  l'administration 
des  médicamens  par  la  méthode  endermique  (i).  Nous  sa- 
vons tout  le  parti  qu'on  peut  tirer  de  cette  méthode  dans 
certaines  circonstances,  et  s'il  est  vrai  que  la  digitale  soit 
aint.i  promptement  absorbée  et  modifie  la  circulation  d'une 
manière  aussi  active  que  lorsqu'elle  est  administrée  par  la 
bouche,  nous  sommes  convaincus  que,  dans  un  grand  nombre 
de  cas,  ce  mode  d'introduction  du  médicament  dans  l'éco- 
nomie sera  d'un  puissant  secours  pour  les  praticiens. 

Nous  avons  peine  à  comprendre,  cependant,  quelles  rai- 
sons empêcheraient  de  l'injecter  dans  le  gros  intestin,  et  ce 
procédé  serait  certainement  plus  simple  que  celui  dont 
M.  Bouillaud  a  fait  l'essai.  Il  nous  semble  en  effet  que  l'ex- 
périence rapportée  prouve  précisément  le  contraire  de  ce 
qu'on  a  avancé,  et  nous  en  tirerions  volontiers  des  consé- 
quences tout-à-fait  opposées  à  celles  de  M.  Raciborski,  car 
la  digitale  s'est  montrée  si  peu  irritante  pour  le  gros  intestin, 
qu'injectée  à  une  dose  énorme,  c'est-à-dire  quatorze  fois 
plus  forte  qu'on  ne  l'administre  en  général  à  un  homme,  elle 
a  déterminé  tous  les  symptômes  de  l'empoisonnement  avant 
que  des  selles  soient  survenues.  Il  est  donc  infiniment  pro- 
bable que  si,  au  lieu  de  cent  quarante-quatre  grains,  on  en 
eût  injecté  seulement  huit  ou  dix,  le  médicament  eût  été  ab- 
sorbé sans  causer  le  moindre  accident,  et  que  son  action  eût 
été  tout  aussi  prononcée  sur  le  rhythme  du  cœur  que  s'il  eût 
été  déposé  sur  le  derme  mis  à  nu. 

Nous  n'en  appelons  pas  moins  l'attention  sur  des  faits  qui 
peuvent,  dans  plusieurs  circonstances,  recevoir  une  utile 
application. 


(0  Voy.  art.  12,  4;,  453,  699,  887,  949. 

16. 


(244) 

iLRT.    1054. 

Considérations  sur  le  traitement  des  fractures  par  ta  suspen- 
sion. —  Modification  apportée  à  L'appareil  suspensoir  de 
M.  Major. 

Nous  avons  omis  de  parler  d'un  ouvrage  qui  fît  peu  de 
sensation  en  France,  lors  de  sa  publication  (1),  mais  auquel 
on  semble  rendre  aujourd'hui  plus  de  justice,  puisque  plu- 
sieurs chirurgiens  distingués  ont  introduit  dans  leur  pratique 
quelques-unes  des  méthodes  de  traitement  qui  y  sont  consi- 
gnées. Parmi  les  nombreuses  modiûcations  apportées  et  con- 
signées dans  cet  ouvrage  par  l'auteur  à  la  thérapeutique  chi- 
rurgicale, nous  ne  nous  occuperons  aujourd'hui  que  du 
traitement  des  fractures  par  la  suspension,  nous  réservant 
d'examiner  plus  tard  les  autres  méthodes  de  pansement  pro- 
posées par  M.  Mayor. 

Ce  chirurgien  commence  dans  son  travail  par  examiner 
les  inconvéniens  attachés  aux  bandages  ordinaires,  par  les- 
quels on  maintient  les  fractures  réduites.  Cet  appareil  exige, 
suivant  M.  Mayor,  un  nombre  plus  ou  moins  considérable 
d'aides  intelligens;  les  pièces  employées  sont  extrêmement 
nombreuses,  elles  compriment  le  membre  avec  plus  ou 
moins  de  violence,  et  sont  placées  de  manière  que  celui-ci, 
enchâssé  en  quelque  sorte  dans  un  appareil  aussi  épais,  ne 
peut  être  examiné  qu'au  moment  des  pansemens;  que  dans 
l'intervalle,  des  érysipèles  et  la  gangrène  même  peuvent 
l'envahirj  que  les  fragmens  osseux  peuvent  se  déranger  sans 
que  les  assistans  en  soient  avertis;  enfin,  s'il  s'agit  d'une 
fracture  du  membre  inférieur,  le  malade  est  fixé  sur  le  dos 
de  manière  à  ne  pouvoir  exécuter  aucun  mouvement  sans 
courir  le  risque  de  déranger  son  bandage.  Tous  ces  inconvé- 
niens peuvent  être  évités  par  l'emploi  de  la  planchette  du 
docteur  Sauter,  avec  laquelle  on  peut,  suivant  M.  Mayor, 
traiter  un  membre  brisé,  même  avec  les  plus  fâcheuses  com- 
plications, par  la  simple  position  et  sans  aucune  attelle,  en 
permettant  à  ce  membre  d'exécuter  sans  inconvénient  tous 
les  mouvemcns  parallèles  à  l'horizon. 


(1)  Nouveau  système  de  clélIp;ation  chirurgicale,  ou  Exposé  des 
moyens  simples  et  faciles  de  remplacer  avec  avantage  les  bandes  et 
la  charpie  ;  de  traiter  les  fractures  «ans  attelles  et  sans  obliger  les  ma- 
lades de  garder  le  lit,  etc.  ;  par  Malhias-Mayor,  docteur-médecin  à 
Lausanne*  i  vol.  ia-8o,  i853. 


(245) 

Cet  appareil  consiste  dans  une  planchette  recouverte  et 
garnie  convenablement,  et  sur  laquelle  on  place  et  fixe  le 
membre  malade  dans  la  position  qu'on  veut  lui  donner;  et 
cette  planchette  ainsi  chargée,  est  attachée  au  plafond  ou 
au  ciel  du  lit,  par  des  cordes  qui,  passant  dans  des  trous  pra- 
tiqués à  ses  bords,  la  suspendent  au-dessus  de  ce  lit,  de  ma- 
nière à  la  rendre  mobile.  Le  membre  est  fixé  sur  cette  plan- 
chette au  moyen  d'un  ou  de  deux  mouchoirs  plies  largement 
et  qui  tiennent  lieu  de  tous  les  bandages  généralement 
usités. 

Cette  planchette  doit  être  au  moins  de  deux  à  trois  pouces 
plus  longue  que  le  membre  dans  l'état  sain,  et  avoir  six  à 
neuf  pouces  de  largeur.  Elle  sera  recouverte  d'un  coussin 
qui  ait  tout  au  moins  la  longueur  et  la  largeur  de  la  planche, 
et  qui  soit  assez  épais  pour  pouvoir  bien  garantir  le  membre 
contre  la  pression.  Ce  coussin  sera  donc  un  petit  matelas  de 
balles  de  céréales  ou  de  crin,  de  laine,  etc.,  afin  que  cettema- 
tièrc  molle  s'écartant,  forme  une  espèce  de  coulisse  dans  la- 
quelle le  tiers  postérieur  du  membre  sera  enveloppé.  Ce 
coussin  devra  avoir  de  trois  à  cinq  pouces  d'épaisseur. 

Le  membre  brisé,  convenablement  étendu  sur  ce  plan,  se 
trouvera  dans  une  position  si  naturelle  qu'il  n'aura  presque 
aucune  tendance  à  se  déplacer.  Cependant,  pour  plus  de  sû- 
reté, on  peut  joindre  à  cet  appareil,  un,  deux  ou  trois  liens 
ainsi  disposés  :  dans  les  cas  les  plus  fréquens,  et  sans  en 
excepter  les  fractures  comminulives  et  les  plus  compliquées, 
il  suffira  de  presser  doucement  le  membre  contre  l'appareil 
dans  sa  partie  moyenne,  avec  une  très-large  cravate,  la- 
quelle embrassant  l'un  et  l'autre,  les  liera  ensemble  et  n'en 
fera  de  cette  manière  qu'une  seule  et  même  pièce. 

II  est  évident  que  lorsque  cet  appareil  sera  suspendu,  il 
n'y  aura  guère  qu'une  vive  contraction  musculaire  qui 
pourra  déranger  le  membre  et  lui  donner  une  fausse  di- 
rection; mais  on  préviendra  ces  inconvéniens  en  plaçant  à 
l'extrémité  inférieure  du  membre  une  seconde  cravate  qui, 
l'entourant,  tendra  ù  l'alonger,  tandis  qu'une  autre  cravate 
fixera  de  la  même  manière  la  partie  supérieure. 

Si,  malgré  ces  deux  forces,  il  y  avait  encore  une  certaine 
déviation,  comme  courbure  de  l'os,  élévation  d'un  de  ses 
fragmens,  etc.,  on  emploierait  une  troisième  cravate  in- 
termédiaire, qui  tomberait  d'aplomb  et  perpendiculairement 
sur  le  mal  auquel  il  faudrait  remédier,  pressant  d'avant  en 
arrière,  de  dehors  en  dedans,  de  dedans  en  dehors,  suivant 
les  directions  que  prendra  la  courbure. 

Voici  maintenant  comment  on  placera  cette  troisième  cra- 


(246) 

vate.  Faut-il  exercer  une  pression  d'avant  en  arriére  ?  la 
cravate  passera  directement  sur  l'os  à  comprimer,  puis  au- 
dessous  de  la  planchette,  puis  sera  fixée  à  un  de  ses  bords. 
Faut-il  agir  de  dehors  en  dedans,  on  fera  glisser  un  des 
bouts  de  la  cravate  sous  le  membre,  afin  que  le  milieu  de 
ce  lien  vienne  à  appuyer  sur  le  milieu  de  la  saillie  elle-même, 
c'est-à-dire  au  côté  externe  du  membre,  puis  on  le  ramènera 
vers  le  bord  interne  de  la  planchette  où  il  sera  lié  avec  l'au- 
tre bout.  Faut-il  incliner  l'os  dans  le  sens  contraire,  on  agira 
absolument  de  la  même  manière,  mais  dans  une  direction 
opposée.  Ces  liens  sont  fixés  à  la  planchette  elle-même, 
dont  les  bords  sont  garnis  de  clous,  de  chevilles  et  d'an- 
neaux, etc. 

Ainsi,  attelle  ou  planchette  suspendue  au  ciel  du  lit,  re- 
couverte d'un  coussin  sur  lequel  le  membre  fracturé  est  dé- 
posé ;  première  cravate  pliée  largement  entourant  l'extrémité 
inférieure  du  membre  et  le  fixant  à  l'extrémité  de  la  plan- 
chette (extension  continue):  seconde  cravate  fixant  l'ex- 
trémité supérieure  de  la  même  manière  (contre-extension)  ; 
enfin,  troisième  cravate  destinée  à  remédier  aux  déplace- 
mens  qui  s'opèrent  ou  menaceraient  de  s'opérer,  telles  sont 
les  diverses  pièces  constituant  l'appareil  de  M.  Mayor,  et 
il  faut  convenir  que  cet  appareil  est  d'une  admirable  sim- 
plicité. Pour  en  faire  l'application  directe,  ce  chirurgien 
conseille  de  mettre  en  pièces  les  deux  os  de  la  jambe  d'un 
squelette,  et  de  placer  ce  membre  sur  la  planchette  ainsi 
suspendue.  On  verra  qu'après  avoir  rapproché  les  divers 
fragmens  on  peut  imprimer  ù  celte  attelle  des  mouvemens 
et  même  la  tourner  en  tous  sens  sans  agir  sur  l'os.  Si  l'on 
applique  les  cravates  ainsi  que  nous  venons  de  l'indiquer, 
on  verra  que,  non-seulement  l'appareil,  mais  encore  le  sque- 
lette lui-même,  peuvent  être  changés  de  place]  sang  qu'il  en 
résuite  le  moindre  dérangement  dans  les  os  fracturés  com- 
munitivement.  Sur  le  vivant,  les  contractions  musculaires 
seules  pourraient  opérer  ces  déplacemens,  mais  elles  cèdent 
bientôt  lorsqu'elles  ne  sont  pas  excitées  par  un  appareil  dont 
l'elfet  inévitable  est  de  produire  de  la  douleur. 

Ce  bandage,  tel  que  nous  venons  de  le  décrire,  constitue 
ce  que  l'auteur  appelle  L'iiyponartliccie ;  il  peut  être  suspendu 
ou  non  suspendu.  Pour  le  mobiliser,  Û.  Mayor  emploie 
deux  cordes,  dont  l'une  passant  par  deux  ou  quatre  trous 
pratiqués  près  des  angles  de  la  planchette,  forme  une  ou 
deux  anses  transversales,  ou  deux  anses  collatérales,  aux- 
quelles vient  aboutir  verticalement  l'autre  corde  destinée  à 
la  suspension.  Celle-ci  a  lieu,  8oit  au  plancher,  soit  à  tel 


(247) 

autre  point  d'arrêt  placé  au-dessus  du  lit  du  malade  (i). 
Il  résulte  de  celte  suspension  que  l'appareil  est  isolé  du 


(i)  Ce  mode  de  traitement  offre  assurément  de  très-grands  avanta* 
ges,  principalement  dans  la  fracture  de  la  jambe,  puisqu'il  permet  au 
corps  tout  entier  d'être  soulevé,  soit  pour  donnerles  soins  de  propreté 
nécessaires,  soit  pour  satisfaire  aux  divers  besoins  du  malade,  sans 
que  la  partie  fracturée  en  soit  ébranlée  ;  mais  on  conçoit  que  cette 
suspension  au  ciel  du  lit  ou  au  plafond  doit  causer  quelque  gêne  lors- 
qu'on veut  recouvrir  le  malade  et  surtout  lorsqu'on  doit  le  transporter 
d'un  lieu  à  un  autre.  La  modification  suivante  apportée  à  cet  appa- 
reil par  M.  Lapre,  docteur  en  médecine  à  Montigny-le-Roy,  pourrait 
aisément  remédier  à  cet  inconvénient.  Voici  la  lettre  que  ce  médecin 
nous  adresse  sur  ce  sujet. 

a  Un  fait  tout  récent  vient  de  me  mettre  à  même,  ainsi  que  moa 
ami,  le  docteur  Causard  d'Is,  d'apprécier  les  avantages  qu'on  peut  re- 
tirer de  la  méthode  de  M.  Mayor,  dans  les  fractures  des  extrémités 
inférieures,  et  nous  a  conduits  à  faire  subir  à  l'appareil  suspensif  des 
modifications  importantes  qui  parent  à  tous  les  inconvéniens  signalés. 
«Le  17  octobre  dernier,  le  nommé  Cieux,  maçon  à  Bussières-lès- 
Clermont  (Haute-Marne),  âgé  de  quarante-huit  à  cinquante  ans,  d'une 
excellente  constitution,  fut  renversé  par  un  bloc  de  pierre  de  quatre  à 
cinq  cents  livres  pesant,  qui  tomba  d'une  hauteur  de  cinq  à  six  pieds 
sur  le  milieu  delà  jambe  droite.  Appelé  six  heures  après  l'accident,  je 
trouvai  ce  malheureux  pâle,  froid,  agité  de  mouvemens  convulsifs  et 
encore  rouvert  de  ses  vêtemens  que  je  m'empressai  d'enlever  avec 
précaution.  Les  deux  os  de  la  jambe  étaient  fracturés  comminutive- 
ment  à  leur  partie  moyenne.  Au  niveau  de  la  fracture,  en  dedans  et  en 
dehors  du  membre,  existaient  deux  plaies  contuses  à  bords  frangés,  de 
deux  pouces  environ  de  diamètre,  et  dont  l'interne  surtout  fournissait 
une  grande  quantité  de  sang  mélangé  de  lambeaux  musculaires  tritu- 
rés. Toute  la  peau  de  la  jambe  présentait  une  tuméfaction  violacée  et 
une  fluctuation  manifeste,  due  à  l'énorme  quantité  de  sang  dont  les 
tissus  étaient  gorgés.  Une  sonde  cannelée  introduite  successivement 
dans  les  deux  plaies  me  servit  à  les  agrandir  :  ce  débridement,  qui 
soulagea  immédiatement  le  malade,  donna  issue  à  des  flots  de  sang  à 
moitié  coagulé,  à  des  portions  musculaires  réduites  en  bouillie  et  à 
quelques  parcelles  d'os  détachées.  La  réduction  opérée,  je  tamponnai 
légèrement  les  plaies  avec  de  la  charpie;  je  plaçai  le  membre  daus  un 
appareil  provisoire,  et  je  recommandai  qu'on  réchauffât  le  malade,  et 
qu'on  lui  fît  boire  des  infusions  de  fleurs  de  tilleul  et  d'oranger,  char- 
gées d'une  petite  quantité  d'opium. 

»  Le  lendemain  l'appareil  était  baigné  de  sang,  le  pouls  très-faible; 
le  membre  avait  beaucoup  diminué  de  volume,  l'hémorrhagie  sem- 
blait arrêtée.  Les  plaies  étant  recouvertes  de  compres.ses  fenètrées  en- 
duites de  cérat,  l'appareil  de  Scultet  fut  appliqué  avec  beaucoup  de 
soin.  Cependant  peu  d'heures  après  mon  départ,  les  douleurs  tou- 
jours croissantes  engagèrent  les  parens  à  le  desserrer.  Le  19,  le  mem- 
bre était  plus  tuméfié  que  la  veille,  des  phlyctènes  remplies  d'une 
sérosité  roussàtre  soulevaient  l'épidémie,  la  gangrène  menaçait  de 
frapper  une  grande  étendue  de  la  peau,  les  fragmens  du  tibia  chevau- 
chaient l'un  sur  l'autre,  et  le  supérieur  soulevait  fortement  les  tégu- 
mens  en  avant  et  en  dedans.  Tout  me  faisait  craindre  que  l'amputa- 


(348) 

lit  et  que  le  membre  qu'il  soutient  n'éprouve  que  des  mou- 
vemens  de  totalité,  qui  ne  déplacent  en  aucune  manière  les 


tion  ne  devînt  nécessaire  pour  sauver  les  jours  du  malade.  Ce  fut  alors 
que  nous  résolûmes,  le  docteur  Causard  et  moi,  d'employer  la  plan- 
chette de  M.  Mayor,  suspendue  au  bras  d'une  potence  placée  au  pied 
du  lit  :  le  membre  étant  fixé  par  le  genou  et  le  pied  aux  extrémités  de 
la  planchette,  fut  recouvert  de  larges  cataplasmes  émoUiens  lau- 
danisés,  qu'on  renouvela  toutes  les  trois  heures. 

B  Le  20,  sommeil  paisible,  calme  parfait,  pouls  naturel.  Jusqu'au 
24  tout  allait  à  souhait  :  la  gangrène  était  limitée  et  formait  en  dedans 
et  en  dehors  de  la  jambe  deux  plaques  de  l'étendue  de  la  paume  de 
la  main,  et  soulevées  par  le  pus  dans  les  points  correspondans  aux 
deux  plaies.  Cependant  le  malade  demandait  instamment  que  son 
membre  fût  tenu  moins  élevé  et  le  genou  desserré:  c'est  alors  que  nous 
imaginâmes  de  substituer  à  la  potence  l'appareil  dont  je  vous  envoie 
la  description,  et  d'augmenter  le  diamètre  transversal  du  genou  à 
l'aide  de  compresses  graduées. 

»  Depuis  ce  moment  le  malade  n'a  plus  accusé  de  douleurs  et  a  sup- 
porté jusqu'au  20  décembre,  époque  à  laquelle  la  consolidation  parut 
assurée,  un  appareil  qui  a  permis,  sans  faire  éprouver  aux  fragmens  le 
moindre  mouvement,  de  détacher  de  vastes  lambeaux  de  peau  gangre- 
née, de  panser  régulièrement  les  plaies  résultant  des  escarres,  d'ex- 
traire des  esquilles  d'os  entrées  dans  les  chairs,  etc.  Je  ne  doute  nulle- 
ment que  le  malade  doive  la  conservation  de  son  membre  à  l'appareil 
employé.  > 

M.  le  docteur  Lapre  ajoute  à  cette  intéressante  observation  la 
description  de  son  appareil  qui  est  extrêmement  simple  et  que  nos 
lecteurs  se  représenteront  très-facilement. 

//  consiste  clans  une  planche  de  chêne  d'un  pouce  d'épaisseur,  de  huit 
pouces  de  largeur  et  de  deux  pieds  et  demi  de  longueur.  Quatre  tiges  de  fer 
sont  fixées  sur  cette  planche,  s'élevant  perpendiculairement  et  se  correspon- 
dant deux  à  deux  de  manière  à  se  toucher  par  le  sommet.  Ces  tiges,  for- 
mant ainsi  deux  espèces  de  pont,  sotit  espacées  d'un  pied  et  demi  l'une  de 
l'autre,  et  réunies  par  leur  sommet  au  moyen  d'une  traverse  en  bois,  percée 
de  plusieurs  trous.  Cet  éloigncment  provient  de  ce  qu'à  leur  insertion  à  la 
planche  de  chêne,  elles  commencent  par  former  un  coude  en  dehors,  avant 
de  l'élever  perpendiculairement,  et  ne  se  rapprochent  l'une  de  l'autre  que 
lorsqu'elles  sont  arrivées  à  huit  pouces  de  hauteur. 

Il  résulte  de  cette  disposition  une  sorte  de  cage,  qu'on  dépose  dans  le  lit 
et  dans  laquelle  on  introduit  le  membre  appuyé  sur  la  planchette.  Cette 
planchette  elle-même  est  suspendue  d  la  traverse  en  bois,  et  peut  donc  va- 
ciller  dans  uneipacede  huit  pouces  de  hauteur,  sur  seize  environ  de  largeur. 
Enfin,  pour  plus  de  commodité,' la  planchette  en\chêne  est  taillée  en  biseau 
aux  dépens  de  son  plan  supérieur,  jusqu'à  l'insertion  des  deux  premières 
tringles. 

«Avec  cette  modification,  ajoute  notre  correspondant,  il  est  facile 
de  voir  qu'on  remédie  aux  inconvéniens  reprochés  à  la  planchette  de 
M.  Mayor,  car  en  élevant  seulement  cette  planchette  de  quelques 
lignes  a\i-dessus  de  la  planche  en  ch<*!ne,  le  membre  parcourt  libre- 
ment l'espace  compris  entre  les  deux  tiges  de  fer,  sans  que  les  mate- 
las ni  les  couv(!rtures  du  lit  puissent  gêner  en  ricn  ses  mouvemens, 
comme  cela  arrive  avec  la  potence. 


(249) 

fragmens  affrontés.  J)c  plus,  le  membre  n'étant  plus  recou- 
vert que  d'un  simple  lien,  le  chirurgien  pourra  à  son  gré  et 
sans  rien  déranger  à  son  appareil  observer  les  parties  bles- 
sées et  leur  porter  les  soins  qu'il  jugera  convenables.  Il  suf- 
fira de  resserrer  ou  de  relâcher  les  cravates,  suivant  que  le 
besoin  s'en  fera  sentir. 

Nous  aurons  souvent  occasion  de  revenir  sur  ce  mode  de 
traitement,  qui  paraît  avoir  réussi  déjà  dans  beaucoup  d'au- 
tres mains  que  dans  celles  de  l'habile  chirurgien  de  Lau- 
sanne. Parmi  les  avantages  que  peut  offrir  cette  méthode, 
nous  nous  bornerons  aujourd'hui  à  faire  remarquer  avec 
quelle  facilité  on  pourrait  recourir  aux  irrigations  d'eau 
froide  dans  le  cas  de  fracture  comminutive,  le  membre 
étant  ainsi  isolé  du  lit  et  découvert  dans  presque  toute  son 
étendue.  (F.  art.  1002.) 

ART.   io55. 

Observations  d'un  polype  fibreux  expulsé  de  ta  matrice  à  l'aide 
du  seigle  ergoté.  —  Effets  de  cette  substance  dans  les  accou- 
chemens. 

M.  le  docteur  Yan-Peene,  médecin  dans  l'armée  belge,  a 
publié  dans  le  Journal  de  la  médecine  pratique  de  Bordeaux, 
une  observation  assez  curieuse. 

Se  trouvant  dans  un  village  de  la  province  d'Anvers,  ce 
médecin  fut  consulté  pour  une  jeune  fille  de  dix-huit  ans 
dont  le  mariage  était  retardé  depuis  quinze  mois  à  cause  d'une 
maladie  de  matrice  que  plusieurs  hommes  de  l'art  avaient 
déclarée  être  de  nature  squirrheuse.  La  constitution  de  cette 
malade  était  bonne  et  robuste;  le  flux  périodique  survenait 
régulièrement,  mais  avec  douleur;  dans  l'intervalle  del'épo. 


»  Cet  appareil  a  encore  présenté  le  précieux  avantage  de  permettre, 
le  vingt-huitième  jour  de  l'accident,  de  transporterie  malade  dans  son 
village,  situé  à  une  lieue  et  demie  de  celui  où  il  se  trouvait,  sans  la 
moindre  douleur  et  sans  qu'il  se  fût  opéré  le  plus  léger  mouvement 
entre  les  fragmens.  A  l'aide  de  cette  construction  très-simple,  le  doc- 
teur Causard  a^fait  transporter  un  autre  malade  à  une  distance  de  douze 
lieues,  quinze  jours  après  un  accident  de  fracture  de  jambe,  sans  que 
le  travail  de  consolidation  ait  été  le  moindrement  troublé.  » 

Nous  appelons  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  la  modification  ap- 
portée par  M.  Lapre  a  l'appareil  de  M.  Mayor,  modification  qui  nous 
semble  devoir  rendre  infiniment  plus  facile  la  suspension  du  membre 
fracturé.  {^Note  du  Rédacteur.) 


(  25o  ) 

que  des  règles  il  y  avait  quelquefois  un  écoulement  blanc  et 
accompagné  de  quelques  contractions  utérines. 

Le  toucher  fît  reconnaître  l'existence  d'une  tumeur  ar- 
rondie, rénitente,  implantée  dans  l'intérieur  du  col  de  l'u- 
térus qui  était  dilaté  de  la  largeur  d'une  pièce  de  cinq  francs. 
Pendant  l'examen,  la  matrice  entra  dans  une  sorte  de  con- 
traction et  fit  effort  sur  la  tumeur  comme  pour  l'expulser. 
L'existence  d'un  polype  fibreux  fut  donc  reconnue. 

M.  Van-Peene,s'étant  adjoint  deux  confrères,  résolut  d'en 
faire  l'extirpation.  En  conséquence,  ayant  placé  la  jeune  fille 
sur  le  bord  d'une  table  dans  la  position  voulue  pour  l'opé- 
ration de  la  taille,  le  doigt  indicateur  de  la  main  gauche  fut 
introduit  jusqu'à  la  tumeur  pour  servir  de  guide  à  la  pince 
avec  laquelle  la  moitié  du  polype  fut  saisie.  Mais  dans  le 
même  moment  la  matrice  se  contracta  si  violemment,  qu'à 
l'aide  de  tractions  modérées  la  moitié  de  la  tumeur  se  déta- 
cha et  fut  retirée  avec  les  pinces.  Il  n'y  eut  point  d'hémor- 
rhagie,  mais  la  malade  ne  voulut  plus  se  soumettre  ù  de 
nouvelles  tentatives. 

Dans  cet  état  de  choses,  vu  la  tendance  de  l'utérus  à  se 
contracter,  ce  médecin  proposa  d'employer  le  seigle  ergoté, 
qui  fut  administré  le  lendemain  deux  fois  par  jour  à  très-pe- 
tites doses.  Le  jour  suivant,  la  quantité  d'ergot  fut  aug- 
mentée; le  soir,  la  femme  accusa  des  douleurs  dans  les  lom- 
bes et  dans  le  bas-ventre.  Le  troisième  jour  les  douleurs 
devinrent  plus  fortes,  et  enfin,  vers  les  quatre  heures,  le  reste 
du  polype  fut  expulsé  avec  son  pédicule.  Après  huit  à  dix 
jours,  la  malade  était  parfaitement  rétablie. 

La  tumeur,  dans  son  ensemble,  était  de  la  grosseur  du 
poing  et  avait  une  figure  pyriforme.  Vers  le  milieu,  le  col  de 
l'utérus  l'avait,  pour  ainsi  dire,  étranglée,  de  sorte  qu'on  re- 
marquait là  une  sorte  de  rainure  circulaire;  c'était  précisé- 
ment en  cet  endroit  que  la  première  portion  s'était  détachée. 

Réflexions.  L'action  du  seigle  ergoté  sur  les  contractions 
utérines  ne  saurait  aujourd'hui  être  mise  en  doute,  et  nous 
ne  reviendrions  pas  sur  ce  sujet  si  quelques  médecins  ne 
persistaient  encore  à  regarder  cette  substance  comme  ineffi- 
cace ou  comme  dangereuse.  Le  fait  cité  par  M.  Van-Peene 
est  un  exemple  curieux  des  effets  de  cette  substance;  nous 
allons  en  ajouter  quelques  autres  qu'on  pourra  rapprocher 
des  nombreuses  observations  que  nous  avons  rapportées  ail- 
leurs (i).  Ils  uous  sont  communiqués  par  M.  Caucal,  doc- 
teur en  médecine  à  Louhans  (Saône-et-Loire). 

(i)  Voy.  D03  art.  5^,  i45,  a3j,  5ii,  TiyZ,  Sly,  678,  690,  939. 


(251) 

«  Je  fus  appelé  le  12  janvier,  nous  écrit  ce  médecin,  chez 
le  nommé  Toussaint  Plissonnier,  dans  la  commune  de  Sa- 
vigny-sur-Seille,  pour  accoucher  sa  femme  qui  souffrait 
depuis  quarante-huit  heures.  Cette  femme,  d'un  tempéra- 
ment lymphatique  (constitution  la  plus  ordinaire  des  habi- 
tans  de  la  Bresse),  était  enceinte  de  son  premier  enfant.  Je  la 
touchai  tout  de  suite,  et  je  reconnus  que  le  col  de  la  matrice 
offrait  une  dilatation  de  deux  pouces  environ  de  diamètre. 
L'enfant  se  présentait  en  bonne  position  de  la  tête,  mais  il 
n'existait  plus  de  douleurs;  la  matrice  ne  se  contractait  plus 
depuis  une  heure,  le  pouls  était  presque  insensible,  les 
forces  considérablement  diminuées.  J'administrai  aussitôt 
vingt-cinq  grains  de  seigle  ergoté  en  poudre  dans  deux  onces 
d'eau  sucrée;  son  effet  ne  se  fit  pas  long-temps  attendre;  au 
bout  de  dix  minutes  le  pouls  se  relève,  les  douleurs  se  succè- 
dent rapidement,  et  le  travail  de  l'accouchement  marche  de  la 
manière  la  plus  régulière  ;  mais  deux  heures  s'étaient  à  peine 
écoulées,  que  la  femme  retombe  dans  le  même  état  où  je  la 
trouvai  à  mon  arrivée:  pouls  lent,  insensible;  contractions 
utérines  presque  nulles,  et  ne  revenant  que  d'heure  en  heure. 
Les  douleurs  prolongées  avaient  entièrement  abattu  les 
forces  et  le  courage  de  la  patiente,  je  pensais  qu'il  ne  me 
restait  alors  d'autres  ressources  que  l'emploi  du  forceps; 
mais  avant  d'en  faire  l'application,  j'eus  de  nouveau  recours 
au  seigle  ergoté;  un  demi-gros  fut  administré  comme  la  pre- 
mière fois  dans  un  peu  d'eau  sucrée  :  un  quart-d'heure  après, 
à  ma  grande  satisfaction,  je  vis  renaître  les  douleurs  qui  se 
succédèrent  alors  avec  énergie  et  rapidité  jusqu'au  terme  de 
l'accouchement,  qui  arriva  au  bout  d'une  demi-heure. 
Aucun  accident  n'est  survenu,  les  suites  des  couches  ont  été 
des  plus  heureuses. 

»  Dans  le  courant  d'avril  i835  je  fus  appelé  auprès  de  la 
femme  Chatelet,  commune  de  Branges,  pour  l'accoucher. 
Cette  femme,  âgée  de  quarante-sept  ans,  mariée  depuis  un 
an,  est  à  sa  première  grossesse  ;  elle  a  éprouvé  de  fortes  dou- 
leurs depuisdeux  jours,  il  y  a  vingtquatre  heures  que  les  eaux 
se  sont  écoulées.  Je  l'examinai  tout  de  suite,  et  je  trouvai 
on  bassin  étroit;  les  branches  des  arcades  pubiennes  rappro- 
chées forment  à  leur  réunion  un  angle  très-aigu.  Les  par- 
ties génitales  internes  et  externes  sont  sèches  et  brCdantes; 
le  col  de  la  matrice,  dilaté  de  deux  pouces  environ  de  dia- 
mètre, est  mou  et  ne  se  contracte  plus  depuis  une  heure;  la 
femme,  affaiblie  par  deux  jours  de  souflrance,  se  désespère, 
et  répèle  sans  cesse  qu'elle  n'a  plus  de  forces,  qu'elle  ne 
pourra  jamais  accoucher.  L'indication  était  précise,  j'admi- 


(252) 

nistrai  le  seigle  ergoté  h  la  dose  de  vingt-cinff  grains  dans 
deux  onces  d'eau  sucrée.  Dix  ou  douze  minutes  après,  ses 
cft'ets  se  manifestèrent  avec  énergie  pendant  deux  heures  en- 
viron, puis  ils  cessèrent  de  nouveau  pendant  une  heure;  j'ai 
recours  au  même  moyen,  la  malade  prend  trente  grains  de 
seigle  ergoté  ;  peu  de  temps  après,  les  douleurs  et  les  forces 
se  raniment  pour  cesser  de  nouveau  ;  la  tête  avait  alors  fran- 
chi le  col  utérin,  distendait  fortement  les  parois  vaginales  et 
poussait  en  avant  le  périnée  :  cette  dernière  fois  les  douleurs 
n'avaient  pas  reparu  depuis  une  demi-heure.  La  femme  et 
son  mari  s'opposant  à  l'application  du  forceps,  je  tentai  de 
nouveau  l'usage  du  seigle  ergoté,  qui,  déterminant  prompte- 
ment  de  nouvelles  contractions,  amena  dans  moins  de  vingt 
minutes  un  enfant  mort  extrêmement  volumineux.  Il  n'est 
survenu  aucun  accident  chez  la  mère. 

»  Yoilà,  je  crois,  des  résultats  qui  ne  peuvent  laisser  aucun 
doute  sur  les  bons  effets  du  seigle  ergoté;  pour  moi,  je  l'ai 
toujours  employé  utilement,  non-seulement  pour  hâter  le 
teruie  de  l'accouchement  dans  le  cas  d'inertie  de  matrice, 
mais  encore  après  la  délivrance,  lorsque  la  matrice,  manquant 
d'énergie,  était  trop  paresseuse  à  revenir  sur  elle-même,  et 
faisait  redouter  une  hémorrhagie  interne. 

»  Voici  la  potion  que  j'ai  employée  dans  ce  cas  avec  avan- 
tage: 

n  Pr.  Vin  sucré,  quatre  onces; 

Seigle  ergoté  en  poudre,  trente  grains  ; 

Par  cuillerées,  toutes  les  heures.» 

Malgré  les  faits  nombreux  qui  viennent  témoigner  en 
faveur  du  seigle  ergoté,  et  que  nous  pourrions  ajouter  en- 
core à  ceux  déjà  connus,  il  faut  convenir  que  dans  certains 
cas  cette  substance  ne  paraît  jouir  d'aucune  action  sur  l'u- 
térus, et  il  est  bon  de  savoir  que  dans  plusieurs  autres  elle 
peut  déterminer  des  accidens  graves,  si  on  ne  l'administre 
pas  dans  des  circonstances  opportunes.  Nous  nous  sommes 
efforcé  dans  plusieurs  articles  de  préciser  les  cas  dans  les- 
quels on  doit  avoir  recours  au  seigle  ergoté,  et  les  conseils 
que  nous  donnions  sur  ce  sujet  se  réduisaient  à  ceci  :  «  Il  faut, 
lorsqu'on  en  prescrit  l'administration,  qu'il  ne  manque  pour 
l'expulsion  de  l'enfant  que  des  contractions  utérines.  »  Mais 
il  n'est  pas  toujours  facile  de  recoimaître  les  causes  de  l'iner- 
tie de  la  matrice,  et  de  faire  la  part  des  résistances  qui  ont 
fini  quelquefois  par  paralyser  ses  fibres  en  quelque  sorte. 
Ces  diûicultés  ont  été  exposées  avec  un  rare  talent  par  M.  le 


(253) 

professeur  P.  Dubois,  dans  une  de  ses  leçons  à  la  clinique 

d'accouchement,  et  nous  allons  les  reproduire  dans  l'article 
suivant,  comme  complément  de  tout  ce  que  nous  avons  dit 
sur  ce  sujet  à  l'occasion  du  seigle  ergoté. 

ART.   io56. 

Clinique  d'accouchement  :  considérations  pratiques  sur  les  caU' 
ses  qui  peuvent  retarder  l'expulsion  de  la  tête  du  fœtus  des- 
cendue dans  la  cavité  du  bassin. 

Dans  les  derniers  jours  de  mars  quatre  femmes  ont  accou- 
ché à  l'hôpital  clinique,  et  chez  toutes  on  a  cru  nécessaire 
d'appliquer  le  forceps.  En  fixant  l'attention  des  élèves  sur 
ces  quatre  cas,  M.  le  professeur  P.  Dubois  a  examiné  avec 
quelque  étendue  cette  importante  question:  Quand  convient- 
il  d'appliquer  le  forceps  ?  et  l'examen  de  ce  point  de  pratique 
lui  a  donné  occasion  d'exposer  des  idées  neuves  et  bien  dif- 
férentes de  celles  qui  sont  généralement  admises  par  les  ac- 
coucheurs. 

Il  faut  avoir  vu,  a  dit  ce  professeur,  combien  de  temps  la 
tête  d'un  fœtus  peut  rester  plongée  dans  le  bassin,  combien 
l'accouchement  peut  être  retardé  sans  préjudice  pour  l'en- 
fant, pour  se  représenter  convenablement  l'opportunité  de 
cette  opération.  On  doit  d'abord  poser  en  principe  qu'à  l'ex- 
ception de  quelques  cas  rares  dans  lesquels  la  matrice  est 
dans  un  état  de  contraction  permanente,  l'enfant  ne  court 
aucun  danger  tant  que  les  membranes  ne  sont  pas  rompues; 
c'est  donc  à  partir  du  moment  de  leur  rupture  seulement 
qu'il  faut  faire  dater  sa  position  critique.  Quand  la  matrice 
se  contracte,  la  circulation  se  ralentit  chez  le  fœtus,  mais 
bientôt  vient  un  moment  de  repos,  et  les  choses  se  rétablis- 
sent dans  le  même  état;  il  est  évident  cependant  que  cette 
gêne  momentanée  doit  avoir  un  terme,  et  toute  la  difficulté 
consiste  à  bien  préciser  cette  époque  qu'il  est  dangereux  de 
dépasser. 

Pour  y  parvenir,  l'accoucheur  doit  peser  avec  soin  toutes 
les  circonstances,  examiner,  par  exemple,  si  l'eau  s'est  écou- 
lée en  totalité  ou  seulement  en  partie,  si  les  contractions 
sont  violentes,  si  la  femme  les  dirige  convenablement.  Dans 
l'un  des  quatre  cas  observés  récemment,  il  s'agissait  d'une 
femme  de  petite  stature,  idiote,  qui  n'éprouvait  que  des  dou- 
leurs assez  faibles  et  n'avait  pas  assez  d'intelligence  pour  les 
bien  faire  valoir.  La  tête  étant  dans  la  cavité  du  bassin  et 
déjà  près  des  parties  génitales,  on  donna  trenfe-six  grains  de 


(a54) 

seigle  ergoté;  il  y  eut  quelques  Tomîssemens,  et  les  douleurs 
ne  devinrent  pas  plus  fortes.  On  crut  alors  nécessaire  d'ap- 
pliquer le  forceps,  et  la  tête  fut  extraite  sans  difTiculté. 

One  autre  femme  était  dans  des  conditions  différentes. 
Depuis  cinq  heures  la  tête  reposait  sur  les  parties  génitales, 
et  quoiqu'elle  fût  en  bonne  position,  quoique  la  femme 
éprouvât  des  douleurs  violentes,  l'accouchement  ne  se  ter- 
minait pas.  M.  Dubois  n'a  pas  pensé  qu'on  dût  hésiter,  et  il 
a  extrait  l'enfant  avec  le  forceps. 

Il  est  évident  que  dans  ce  cas  il  y  avait  une  résistance 
qu'il  fallait  vaincre;  mais  quelle  en  était  la  cause?  On  au- 
rait pu  l'attribuer  à  un  rétrécissement  du  bassin  :  mais  la 
femme  était  bien  conformée  ;  à  ce  que  le  mouvement  de  ro- 
tation ne  s'exécutait  pas  :  mais  pour  que  ce  mouvement  s'exé- 
cute, il  faut  bien  que  la  tête  marche  :  or,  puisqu'elle  était 
arrêtée,  c'était  ce  temps  d'arrêt  qui  s'opposait  au  mouvement 
de  rotation,  et  non  l'absence  de  cette  rotation  qui  détermi- 
nait le  point  d'arrêt. 

Quand  on  examine  un  bassin  sec,  on  se  fait  nécessairement 
une  idée  fausse  des  difficultés  que  la  tête  du  foetus  éprouve 
pour  le  traverser.  Certainement  il  faut,  pour  que  l'accou- 
chement se  termine  naturellement,  qu'il  n'y  ait  pas  de  dis- 
proportion entre  la  tête  de  l'enfant  et  le  canal  osseux  qu'elle 
doit  traverser  ;  mais  cette  disproportion  est  fort  rare;  si  on 
la  rencontre  quelquefois  dans  cet  hôpital,  c'est  que  pour  l'in- 
struction des  élèves  on  y  réunit  autant  qu'on  peut  des  fem- 
mes contrefaites;  et  cependant  les  cas  où  le  fœtus  est 
arrêté  tout-à-coup  dans  l'intérieur  du  bassin  sont  excessi- 
vement communs.  Cela  provient,  suivant  M.  Dubois,  de  ce 
que  dans  le  travail  de  la  partarition  il  y  a  des  élémens  d'action^ 
mais  qu'il  y  a  aussi  des  éUnnens  de  résistance,  et  que  pour  que 
l'enfant  soit  expulsé,  il  faut  que  ces  derniers  soient  inférieurs 
aux  premiers. 

En  effet,  quand  on  cherche  une  analogie  entre  la  parluri- 
lion  et  d'autres  fonctions,  on  arrive  aisément  à  conclure  que 
c'est  une  excrétion;  mais  comme  un  corps  vivant,  très-vo- 
lumineux, dont  une  partie  est  solide,  doit  passer  par  un  ca- 
nal étroit,  il  faut  des  conditions  beaucoup  plus  nombreuses 
que  pour  les  excrétions  ordinaires. 

Il  est  indispensable  d'abord  que  ce  canal  ne  soit  pas  dé- 
formé au-delà  de  certains  points;  que  la  gaine  contenue  dans 
le  canal  osseux  ne  soit  le  siège  d'aucune  altération;  qu'elle 
soit  molle,  extensible  ;  qu'elle  ne  soit  le  siège  d'aucun  rétré- 
cis>emenl,  d'aucune  bride,  d'aucune  tumeur. 

D'un  autre  côté,  le  produit  de  la  conception  doit  être  par- 


I 


(255) 

tagé  en  deux  parties;  il  faut  que  chacune  de  ces  parties  soit 
expulsée  successivement;  que  le  corps  le  plus  volumineux  se 
présente  par  une  de  ses  deux  extrémités,  la  tête  ou  le  bassin  ; 
qu'il  s'engage  dans  une  bonne  direction  ;  qu'il  exécute  cer- 
tains mouvemens  qui  le  placent  dans  les  conditions  les  plus 
favorables,  etc.,  etc. 

Ces  conditions  se  présentent  presque  toujours,  et  si  elles 
étaient  suifisantes  pour  l'expulsion  du  foetus,  presque  tous 
les  accouchemens  se  termineraient  d'une  manière  naturelle. 
Cependant  dans  un  assez  grand  nombre  de  cas  l'art  est  obli- 
gé d'intervenir.  Sur  les  quatre  accouchemens,  par  exemple, 
qui  ont  été  terminés  par  le  forceps,  un  seul  était  retardé  par 
disproportion  dans  les  dimensions  du  bassin  avec  le  volume 
de  la  tête.  D'où  venaient  donc  les  difficultés  qui  se  sont 
présentées? 

Pour  arriver  à  cette  explication,  il  est  nécessaire  de  remon- 
ter à  l'anatomie  comparée.  Chez  des  animaux  inférieurs  à 
l'homme,  la  parturition  s'accomplit  avec  le  même  mécanis- 
me. Chez  beaucoup  d'entre  eux,  l'utérus,  au  lieu  d'être 
une  simple  cavité,  offre  deux  cornes,  qui  représentent  le 
corps  de  la  matrice  dans  l'espèce  humaine,  et  viennent 
aboutir  à  une  partie  unique,  équivalant  au  col.  Ces  cornes 
sont  pourvues  de  deux  espèces  de  libres  musculaires;  la  plu- 
part sont  longitudinales,  et  quelques-unes,  situées  à  l'inté- 
rieur, sont  circulaires;  quant  à  l'extrémité  inférieure  de 
l'utérus,  elle  offre  bien  quelques  fibres  longitudinales,  mais 
la  plupart  sont  circulaires.  C'est  sous  l'influence  de  la  con- 
traction des  cornes  que  le  fœtus  est  expulsé. 

On  retrouve  cette  même  disposition  dans  tous  les  organes 
destinés  à  expulser  un  produit  quelconque,  le  rectum,  la 
vessie,  etc. 

Cette  structure  que  nous  venons  de  voir  dans  l'utérus  de 
certains  animaux,  se  retrouve  très-exactement  dans  l'espèce 
humaine;  si  l'on  suppose  en  effet  que  les  cornes  se  sont  rap- 
prochées, on  aura  l'utérus  de  la  femme,  dont  la  partie  supé- 
rieure sera  composée  surtout  de  fibres  longitudinales,  et  la 
partie  inférieure,  ou  le  col,  de  fibres  circulaires.  La  partie 
supérieure  est  destinée  àl'expulsion,  mais  la  partie  inférieure 
constitue  la  résistance  :  il  y  a  donc  antagonisme,  et  il  faut 
qu'au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins  long  cet  antagonisme 
soit  vaincu,  pour  que  l'accouchement  se  termine. 

Mais  les  fibres  du  corps  de  l'utérus  ne  sont  pas  les  seuls 
agens  chargés  de  l'expulsion;  cet  organe  s'est  élevé  pendant 
la  gestation  à  une  hauteur  considérable;  il  s'est  fait  en 
quelque  sorte  une  ceinture  des  muscles  abdominaux.  Ces 


(  a56  ) 

muscles  s'ajouteront  aux  fibres  utérines  pour  favoriser  l'ex- 
pulsion du  produit;  tandis  que  d'un  autre  côté  la  uature  a 
créé  à  la  partie  inférieure  un  autre  ordre  de  résistance,  ce 
sont  les  muscles  du  périnée. 

C'est  dans  la  disproportion  dans  le  rapport  de  ces  forces 
que  les  obstacles  à  la  parturition  gissent  dans  le  plus  grand 
nombre  des  cas;  il  faut  que  l'action  des  muscles  du  périnée 
soit  vaincue.  Sur  vingt  applications  de  forceps  par  longueur 
du  travail,  ily  en  a  bien  quinze  qui  sont  nécessitées,  soit  par 
une  force  d'expulsion  trop  faible,  soit  par  une  résistance 
trop  grande. 

Souvent  le  travail  est  retardé  par  la  rigidité  du  col  utérin; 
ce  n'est  pas  autre  chose  qu'une  exagération  des  forces  de  ré- 
sistance ;  il  en  est  de  même  de  la  rigidité  des  parties  génitales. 
D'un  autre  côté,  il  y  a  des  femmes  chez  lesquelles  l'utérus 
se  contracte  avec  très-peu  d'énergie,  c'est  un  défaut  d'action 
dont  le  résultat  est  absolument  le  même. 

Parmi  les  quatre  femmes  chez  lesquelles  on  a  appliqué  le 
forceps,  trois  présentaient  une  résistance  extrême  des  mus- 
cles du  périnée  et  des  parties  de  la  génération. 

(  La  suite  au  numéro  prochain.  ) 

ART.     1057. 

iVofé  sur  un  moyen  dé  calmer  les  douleurs  qui  surviennent  chez 
certaines  femmes  à  l'époque  des  règles. 

M.  Pigeaux  a  publié,  dans  le  Bulletin  de  Thérapeutique  » 
une  note  sur  un  moyen  qu'il  assure  lui  avoir  constamment 
réussi  dans  la  dysménorrhée.  Ce  médecin  conseille  indiffé- 
remment l'un  ou  l'autre  des  lavemens  snivans,  qu'il  recom- 
mande ù  la  malade  de  garder  : 

Pr.  Eau,  un  verre; 

Tête  de  pavot  concassée,  n"  i. 

Faites  bouillir  jusqu'à  réduction  d'un  tiers,  passez  et 
ajoutez  : 

Huile  camphrée,  deux  gros. 

(  Cette  huile  doit  contenir  deux  grains  de  camphre  par 
chaque  gros.) 

L'autre  lavement  est  ainsi  composé  : 

Pr,  Eau,  quatre  onces  ; 

Extrait  gommeux  d'opium, demi-grain^ 


(257) 

Camphre,  quatre  grains; 
Jaune  d'œuf,  n'  i. 

Ces  lavemens  ont  rarement  besoin  d'clre  renouvelés  ;  ils 
peuvent  cependant  l'être  avec  avantage  le  second  jour,  si  les 
douleurs  utérines  n'ont  pas  complètement  cessé,  ou  si  elles 
se  représentent  dans  le  cours  de  la  menstruation.  Sur  plus 
de  vingt  cas  où  M.  Pigeaux  a  employé  ce  moyen,  il  l'a  tou- 
jours vu  produire  un  notable  soulagement,  sinon  une  guc- 
rison  complète. 

Chez  quelques  malades  qui  répugnent  à  prendre  des  lave- 
mens, on  peut  prescrire  les  pilules  suivantes  dont  les  effets 
sont  h  peu  près  semblables  : 

Pr.  Opium  brut,  un  grain; 

Camphre  en  poudre,  six  grains. 

Faites  deux  pilules,  à  prendre  l'une  le  soir,  l'autre  le 
matin  ou  dans  la  journée,  suivant  l'urgence  des  cas.  {Voy. 
art.  243.  ) 

ART.    io58. 

Note  sur  un  nouveau  caustique  pour  établir  des  cautères. 

L'action  lente  de  la  potasse  caustique  dans  l'application 
des  cautères,  et  les  accidens  qu'elle  occasione  souvent 
quand  elle  vient  à  se  liquéfier  trop  vite  et  à  couler,  fait 
adopter  depuis  quelque  temps,  par  un  grand  nombre  de 
praticiens,  un  nouveau  caustique,  connu  sous  le  nom  de 
Foudre  de  Vienne,  et  dont  nous  donnons  ici  la  formule  : 

Pr.  Potasse  caustique  à  la  chaux,  cinq  parties; 

Chaux  vive  calcinée  et  pulvérisée,  six  parties. 

On  fait  du  tout  une  poudre  que  l'on  enferme  aussitôt 
dans  un  flacon  à  large  ouverture,  bouché  à  l'émeri  et  bien 
sec.  Quand  on  veut  établir  un  cautère,  on  délaie  une  petite 
quantité  de  cette  poudre  avec  quelques  gouttes  d'alcool  ou 
d'eau,  de  manière  à  en  faire  une  pâte  liquide  que  l'on  étend 
entre  deux  morceaux  de  sparadrap,  dont  l'un  percé  d'un 
trou  de  la  grandeur  et  de  la  forme  que  l'on  veut  donner  au 
cautère.  L'action  sur  la  peau  est  vive,  quoique  très -peu 
douloureuse;  la  peau  désorganisée  représente  exactement  la 
forme  et  l'étendue  qu'avait  le  caustique  avant  son  appli- 
catioD. 

{Journ.  de  Pharmac.) 

ToM.  VI. —  N°  DE  JUIN.  17 


(258) 

ÂET.  io5g. 

Observations  sur  la  nécessité  de  substituer  un  exutoire  à  la  sup» 
pression  des  anciennes  tumeurs,  quelle  qu'en  soit  leur  nature. 

M.  Jacques  a  lu  à  la  Société  médico-pratique  trois  obser- 
vations dans  lesquelles  des  accidens  graves  survinrent  chez 
des  sujets  qui  s'étaient  soumis  à  l'enlèvement  de  tumeurs  de 
diverse  nature.  Ces  accidens  devraient  être  attribués,  sui- 
vant ce  médecin,  à  ce  qu'on  négligea  de  faire  une  dérivation 
salutaire  avec  un  cautère  placé  sur  quelque  partie  du  corps. 

Un  homme  de  quarante -neuf  ans,  ayant  toujours  joui 
d'une  très- bonne  santé',  portait  depuis  un  grand  nombre 
d'années  une  loupe  grosse  comme  une  noix,  située  sur  l'o- 
moplate. Ayant  fait  une  chute  sur  le  dos  dans  un  escalier, 
cette  loupe  fut  presque  entièrement  arrachée ,  et  il  suffit 
d'une  légère  incision  pour  en  achever  l'extirpation;  mais 
comme  lus  tégumens  qui  entouraient  la  tumeur  avaient  été 
largement  déchirés,  la  cicatrisation  fut  fort  longue  à  s'opé- 
rer, et  la  plaie  suppura  long-temps.  M.  Jacques  lui  conseil- 
lait de  se  faire  appliquer  un  cautère  au  bras,  mais  le  malade 
s'y  refusa  obstinément. 

Cependant  au  bout  de  deux  mois  il  survint  des  yertiges, 
des  étourdissemens,  des  céphalalgies;  des  symptômes  de 
coma  se  manifestèrent  de  temps  à  autre.  Il  fut  encore  im- 
possible d'obtenir  son  consentement  à  l'application  d'un  vé- 
sicaloire  ou  d'un  cautère,  et  l'on  dut  se  borner  aux  saignées 
générales  et  locales,  aux  sinapismes,  et  enfin  à  un  traitement 
approprié.  Malgré  ces  moyens,  les  symptômes  allèrent  tou- 
jours en  croissant  pendant  quatre  mois,  après  lequel  temps 
cet  homme  fut  trouvé  mort  dans  son  lit.  Les  médecins  qui 
le  soignaient  supposèrent  qu'il  avait  succombé  à  une  attaque 
d'apoplexie;  mais  il  fut  impossible  de  s'en  assurer  par  l'ou- 
verture du  corps,  qui  leur  fut  refusée. 

L'n  houime  de  trente-six  ans,  jouissant  d'une  bonne  santé, 
avait  au  centre  de  la  joue  gauche  une  loupe  du  volume  d'une 
petite  noix,  dont  l'existence  datait  des  premières  années  de 
sa  vie.  Il  pria  M.  Jacques  de  l'en  débarrasser;  mais  celui-ci 
ne  voulant  consentir  à  cette  opération  qu'à  la  condition  de 
débuter  par  l'applicali»  n  d'un  cautère  au  bras,  il  refusa  de 
s'y  soumettre,  et  prcléra  garder  cette  petite  tumeur.  Six 
moi^  après  cependant,  un  chirurgien  l'en  débarrassa  sans  au- 
cune précaution.  Dans  le  courant  de  Thiver  suivant, il  lui  sur- 
vint ua  dépôt  ù  la  marge  de  l'auus;  il  en  résulta  une  ûstule, 


(>59) 

qui  fut  opérée  deux  fois  à  quatre  mois  de  distance.  Les  forces 
revenaient  lentement,  lorsqu'il  se  manifesta  une  vive  douleur 
au  côté  droit  de  la  poilriae;  des  tubercules  envahirent  le 
poumon;  on  mit  alors  un  cautère,  mais  le  malade  expira 
avant  qu'il  fût  bien  établi. 

Un  homme  de  cinquante-deux  ans,  s'étant  toujours  bien 
porté,  avait  sur  l'aile  droite  du  nez  une  petite  tumeur  de  la 
forme  et  de  la  grosseur  d'une  double  lentille,  don  t  l'existence 
datait  depuis  plus  de  vingt  ans.  Cette  tumeur  finit  enfin  par 
dégénérer  et  se  convertir  en  un  bouton  cancéreux,  pour  le- 
quel il  consulta  le  professeur  Sabatier.  Celui-ci  commença 
par  lui  faire  appliquer  ur\  cautère  au  bras,  puis,  quand  la 
suppuration  fut  bien  établie,  il  détruisit  la  tumeur  à  l'aide 
du  traitement  du  frère  Côme.  Au  bout  de  quatorze  mois,  cet 
homme  crut  pouvoir  se  débarrasser  de  sou  cautère.  Il  lui 
survint  bientôt  un  dépôt  dans  les  organes  urinaires,  et  il  suc- 
comba après  cinq  semaines  de  très-vives  souffrances. 

Réflexions.  Les  dangers  qui  accompagnent  la  suppression 
d'un  écoulement  non  naturel  sont  évidens  pour  la  plupart 
des  médecins;  et  quoique,  en  général,  ils  ne  s'annoncent 
pas  d'une  manière  subite,  et  que  le  plus  souvent  même  cette 
suppression  n'ait  d'autre  effet  que  quelque  incommodité  pas- 
sagère, à  laquelle  on  remédie  facilement,  les  praticiens  sa- 
vent qu'il  faut  surveiller  les  malades  chez  lesquels  on  obtient 
la  cicatrisation  de  vastes  ulcères  ou  de  fistules  plus  ou  moins 
anciennes.  Nous  en  avons  cité  des  exemples  à  notre  art.  323, 
Mais  en  doit-il  être  de  même  après  l'enlèvement  de  tu- 
meurs qui  ne  fournissent  aucune  sécrétion,  qui  sont  en  quel- 
que sorte  des  corps  étrange/s  séjournant  dans  nos  tissus, 
comme  dans  les  deux  premières  observations  qu'on  vient 
de  lire?  Cette  crainte  nous  paraît  tout-à-fait  chimérique, 
car  quel  changement  survient-il  danS  l'économie  après  l'en- 
lèvement d'une  loupe  du  volume  d'une  noix,  qui  depuis 
vingt  ans  et  plus  est  enfouie  dans  le  tissu  cellulaire  sous-cu- 
tanè  sans  subir  aucun  travail  inflammatoire?  Assurément 
aucun,  et  la  modification  que  subissent  les  systèmes  circula- 
toire et  sécrétoire  est  absolument  celle  qui  résulte  de  toutes 
les  plaies,  de  toutes  les  violences  extérieures  dirigées  contre 
nos  tissus.  Or,  on  ne  saurait  proposer  l'établissement  d'exu- 
toires  permanens  dans  toutes  ces  lésions,  infiniment  plus 
graves  que  l'extirpation  d'une  loupe,  ce  à  quoi  JM.  Jacques 
devrait  se  résoudre  pour  être  conséquent  dans  son  raison- 
nement. 

Nous  croyons  encore  que  si  on  opposait  les  faits  à  ces 
considérations,  l'opinion  de  ce  médecin  devrait  être  rejetée, 

»7- 


(26o) 

car  pour  trois  faits  que  l'on  nous  cite,  nous  pourrions  en 
rapporter  des  milliers  dans  lesquels  des  loupes  volumineuses, 
des  tumeurs  de  diflFérentes  natures  ont  été  extirpées  sans 
précaution  et  sans  accident.  Qu'y  a-t-il  d'étonnant  d'ailleurs 
à  ce  qu'un  vieillard  succombe  à  un  abcès  des  voies  urinaires, 
qu'un  autre  meure  d'apoplexie,  et  un  troisième  de  phthisie 
pulmonaire  six  mois,  un  an,  deux  ans  après  une  légère  opé- 
ration? Nous  le  répétons,  pour  que  des  observations  de  ce 
genre  eussent  quelque  valeur,  il  faudrait  que  ces  faits  fussent 
rapportés  en  foule,  et  non  pas  isolés  dans  un  si  petit  cadre, 
car  rier  "'--'  -'■-- —  -■ ■'-  — =' —  — "- 


tirpati 

plexie, ,--  -^^. .. , 

de  tumeurs  quelconques,  et  qui  n'ont  jamais  subi  d'opéra- 
tions. 


ABT.    1060. 

Considérations  pratiques  sur  les  liémorrlioides  et  le  traitement 
qui  leur  convient. 

On  trouve  dans  un  journal  étranger  (1)  quelques  recher- 
ches sur  les  maladies  de  l'orifice  inférieur  de  l'intestin,  et 
en  particulier  sur  les  hémorrhoïdes,  la  chute  du  rectum  et 
les  excroissances  de  cette  partie,  par  M.  le  docteur  Brodie. 
Les  consiilérations  auxquelles  s'est  livré  ce  professeur  sont 
tout-à-fait  pratiques,  et  seront  lues  sans  doute  avec  intérêt, 
ce  sujet  n'étant  traité  que  d'une  manière  incomplète  dans  la 
plupart  des  auteurs  français. 

Les  hémorrhoïdes  ont,  suivant  M.  Brodie,  une  marche 
tout-à-fait  analogue  à  celle  des  varices  de  la  jambe.  Les 
veines  de  cette  dernière  partie  sont  en  effet  d'abord  simple- 
ment variqueuses  ou  dilatées,  bientôt  elles  s'enflamment,  la 
lymphe  se  dépose  dans  le  tissu  cellulaire  qui  les  entoure,  et 
enfin  elles  ne  présentent  plus  qu'une  masse  indurée,  dans 
laquelle  les  vaisseaux  malades  sont  en  quelque  sorte  plongés. 
Il  en  est  de  même  des  veines  de  l'anus  :  dans  le  commence- 
ment elles  sont  simplement  dilatées;  l'inflammation  répétée 
produit  un  épanchement  de  lymphe  dans  le  tissu  cellulaire 
voisin,  et  l'hémorrhoïde  figure  alors  une  masse,  au  centre  de 


(1)  Tli(j  LondoD.  médical  Gifzettf. 


(26i) 

laquelle  on  peut  cependant  encore  reconnaître  la  veine 
dilatée  qui  a  été  le  principe  de  la  maladie. 

Le?  hénaorrhoïdes  sont  plus  fréquentes  dans  la  classe  riche 
que  dans  la  classe  pauvre.  La  cause  doit  en  exister  dans  la 
différence  de  vie  et  d'habitudes  qui  se  rencontre  dans  les  rangs 
de  la  société.  Les  gens  riches,  en  effet,  prennent  en  général 
peu  d'exercice,  et  sont  sujets  à  la  constipation  qui  est  assez 
rare  dans  une  classe  inférieure.  On  dit  généralement  que 
les  personnes  qui  font  un  fréquent  usage  de  l'aloës  comme 
purgatif,  y  sont  plus  exposées  que  les  autres;  mais  cette  cause 
1  n'est  pas  aussi  commune  qu'on  le  croit  généralement,  et  il 

serait  mêmepossible  que  ce  purgatif  n'eût  aucune  action  sur 
le  développement  des  hémorrhoïdes,  car  les  individus  qui  se 
purgent  habituellement  avec  cette  substance  sont  précisé- 
ment ceux  qui  sont  le  plus  ordinairement  constipés,  et 
nous  avons  vu  que  c'était  une  des  causes  les  plus  communes 
de  la  maladie  qui  nous  occupe. 

Les  symptômes  des  hémorrhoïdes  internes  et  externes 
varient  suivant  l'époque  de  la  maladie.  La  démangeaison  et 
leur  inflammation  momentanée  sont  des  accidens  bien  connus. 
Chacun  sait  que,  lorsque  les  malades  sont  constipés,  les  hé- 
morrhoïdes externes  deviennent  gonflées  et  tendues.  Celles 
de  l'intérieur  de  l'intestin  se  gonflent  aussi  de  manière  à  rem- 
plir sa  cavité  et  à  fournir  la  sensation  d'un  corps  étranger 
qu'on  y  aurait  introduit.  Quelquefois  les  hémorrhoïdes  ex- 
ternes s'enflamment  et  deviennent  si  douloureuses,  que  le 
malade,  qui  ne  marche  qu'avec  une  extrême  difficulté,  est 
en  proie  à  de  vives  douleurs  par  le  moindre  frottement.  L'in- 
flammation, après  avoir  séjourné  pendant  un  temps  plus  ou 
moins  long,  finit  enfin  par  se  dissiper,  et  les  parties  revien- 
nent dans  l'état  où  elles  étaient  avant  cette  attaque.  Mais  il 
n'enarrivepas  toujoursainsi.Quelquefoisdesabcèsse  forment 
dans  leur  intérieur,  et  il  peut  arriver  qu'après  l'écoulement 
du  pus  le  vaisseau  s'oblitère,  et  que  la  guérison  est  ainsi  ob- 
tenue d'inie  manière  complète. 

Quelquefois  les  hémorrhoïdes  internes  sont  tellement  dis- 
tendues, que  l'intestin  ne  peut  les  contenir;  elles  forment 
alors  un  bourrelet  qui  est  chassé  hors  de  l'anus  et  qui  pré- 
sente une  tumeur  recouverte  par  la  muqueuse  intestinale. 
Cette  tumeur  peut  donner  matière  à  quelques  considérations 
pratiques.  Si  la  tumeur  est  volumineuse,  elle  sort  à  l'exté- 
rieur lorsque  le  malade  fait  des  efforts  pour  aller  à  la  selle, 
et  rentre  ensuite  d'elle-même;  si  son  volume  est  plus  con- 
sidérable, elle  ne  rentre  plus  d'elle-même,  et  le  malade  est 
forcé  de  la  réduire  avec  la  main;  enfin,  si  elle  est  plus  grosse 


(  ae»  ) 

encore,  elle  fait  saillie  à  l'extérieur  à  tout  tnstant,  surtout 
lorsque  le  malade  marche,  ce  qui  l'empêche  de  prendre  au- 
cun exercice.  Quelquefois  on  voit  une  de  ces  hémorrhoïdes 
poussée  au  dehors,  faire  continuellement  saillie  el  oflVir  une 
petite  tumeur  pendante  du  volume  de  l'extrémité  du  petit 
doigt.  Cette  variété  est  douloureuse  et  surtout  incommode 
au  malade,  en  ce  qu'elle  entretient  un  écoulement  continuel 
de  mucosités  abondantes. 

Voici  les  moyensmédicaux  généralement  employés  contre 
cette  maladie.  Au  début,  de  doux  apéritifs,  et  spécialement 
un  électuaire  de  séné,  de  soufre  et  de  miel;  un  exercice  mo- 
déré et  la  diète;  des  lavemens  d'eau  froide  simple,  ou  ren- 
due a!*tringente  avec  l'alun  ou  avec  la  teinture  de  muriate  de 
fer,  ou  l'eau  de  chaux.  La  pâte  de  "Ward  est  un  remède 
puissant,  et  elle  a  rendu  maintes  fois  de  très-grands  services. 
Un  morceau  de  la  grosseur  d'une  noix  muscade  sera  pris 
deux  ou  trois  fois  par  jour,  et  ce  traitement,  continué  pendant 
deux,  trois  ou  quatre  mois,  finira  par  débarrasser  complète- 
ment le  malade  do  ses  hémorrhoïdes. 

Comment  agit  cette  pâte  de  Ward  ?  Chez  un  malade  qui, 
pour  un  rétrécissement  du  rectum,  avait  pris  indiscrètement 
une  prodigieuse  quantité  de  ce  médicament,  on  en  trouva  le 
colon  presque  rempli  après  In  mort.  Il  est  évident  qu'excepté 
une  petite  portion  dont  la  digestion  s'empare,  la  pâte  de 
Ward  passe  presque  en  entier  dans  le  colon,  où  elle  se  mêle 
avec  les  matières  fécales,  et  se  trouvant  alors  en  contact 
avec  les  hémorrhoïdes,  elle  agit  comme  une  application  lo- 
cale et  de  la  même  manière  que  le  vin  d'opium  sur  les 
vaisseaux  de  la  conjonctive  dans  l'ophtalmie  chronique. 

A  l'appui  de  cette  explication,  on  peut  citer  une  observa- 
lion  de  sir  Everard  Home.  Un  de  ses  malades,  souffrant  du 
développement  d'hémorrhoïdes,  reçut  le  conseil  de  faire  usage 
de  la  pûte  de  "Ward  ;  mais  cet  homme,  ne  croyant  pas  qu'un 
médicament  administre  par  l'estomac  pût  avoir  une  grande 
action  sur  l'intestin  malade,  en  introduisit  le  plus  qu'il  put 
directement  dans  le  rectum.  Cette  manœuvre  causa  bien 
quelques  accidens,  mais  enfin  ce  malade  guérit  ;  et  depuis 
cette  époque  sir  Everard  a  fait  usage  de  celte  pâle  en  ap- 
plications locales  avec  de  grands  avantages. 

Le  poivre  cubèbe,  donné  trois  fois  par  jour  à  la  dose  d'un 
scrupule,  a  également  réussi  dans  plusieurs  circonstances. 
Dans  d'autres  cas  oil  l'irritation  était  très-vive,  on  a  retiré 
de  bons  effets  du  copahu  combiné  avec  un  alcali  caustique. 
Ainsi  un  demi-gros  de  baume  de  copahu  avec  quinze  gouttes 
de  liqueur  de  potasse  peuvent  être  étendus  dans  deux  à  trois 


(a63) 

gros  de  mucilage  et  d'eau  de  caDoelIe  et  pris  en  trois  doses 
dans  la  journée. 

Si  l'on  est  appelé  près  d'un  malade,  lorsque  les  hémor- 
rhoïdes  externes  sont  enflammées  et  tendues, nn  doit  prescrire 
d'abord  la  position  horizontale,  puis  quelques  applications 
de  sangsues  dans  le  voisinage  des  parties  tuméfiées  ;  si  on 
plaçait  les  sangsues  sur  les  hémorrhoïdes  elles-mêmes  on 
s'exposerait  à  faire  suppurer  leurs  piqûres.  Quand  les  veines 
sont  fort  distendues,  on  peut  y  pratiquer  une  ponction  avec 
une  aiguille,  ce  qui  soulage  aussitôt  le  malade  et  ne  cause 
aucun  accident;  on  peut  ainsi  percer  les  hémorrhoïdes  dans 
plusieurs  points,  en  ayant  soin  de  les  couvrir  ensuite  avec 
un  linge  trempé  dans  l'eau  froide. 

Lorsque  les  hémorrhoïdes  internes  sont  enflammées, 
distendues  et  poussées  au  dehors,  il  faut  d'abord  s'efforcer 
de  les  remettre  en  place.  On  prend  pour  cela  un  mouchoir 
de  toile  fine,  et  en  pressant  doucement  on  tâche  de  chasser 
le  sany  hors  des  vaisseaux  enflammés,  et  l'on  réduit  la  tu- 
meur si  cela  est  possible  ;  mais  si  l'on  ne  peut  y  parvenir,  ou 
si,  a  près  l'avoir  rentrée  dans  l'intestin, elle  en  ressort  aussitôt, 
on  maintient  la  partie  couverte  avec  des  linges  trempés  dans 
un  liquide  froid,  le  malade  reste  dans  une  position  horizon- 
tale, et  l'on  administre  un  léger  purgatif.  Dans  ce  cas, 
comme  lorsque  les  hémorrhoïdes  sont  situées  à  l'extérieur, 
il  peut  être  fort  avantageux  de  pratiquer  plusieurs  ponctions 
dans  différens  points  des  veines  gonflées.  Les  piqûres  fîu'tes 
avec  des  aiguilles  ne  sauraient  avoir  aucune  espèce  d'incon- 
vénient; elles  débarrassent  le  vaisseau  du  sang  qu'il  con- 
tient, dissipent  la  tension  et  le  gonflement,  et  produisent 
ainsi,  sans  aucune  espèce  de  danger,  un  très-grand  soula- 
gement. 

Réflexions.  Le  docteur  Brodie  ajoute  à  ces  intéressantes 
recherches  de  nouvelles  considérations  sur  les  opérations 
que  peuvent  nécessiter  les  hémorrhoïdes,  ainsi  que  le  pro- 
lapsus du  rectum  et  diverses  excroissances  de  cette  région; 
nous  reviendrons  sur  ces  divers  sujets,  mais  nous  devons 
d'abord  entrer  dans  quelques  détails  sans  lesquels  nos  lec- 
teurs ne  pourraient  peut-être  pas  tous  tirer  le  parti  convena- 
ble des  leçons  du  professeur  anglais. 

Lapâie  de  fJ^arddonl  il  est  ici  question  est  Un  médicament  pa- 
tenté, c'est-à-dire  un  remède  particulier  approuvé  par  le  col- 
lège royal  des  médecins  de  Londres,  et  pour  lequel  l'inventeur 
a  obtenu  un  brevet  du  gouvernement.  Ce  médicament  paraît 
d'un  usage  général  en  Angleterre  dans  les  cas  d'hémorrhoï- 
des  et  diverses  affections  du  rectam;  plusieurs  praticiens  as- 


(  264  ) 

surent  en  retirer  de  très-bons  effets.  Voici  quelle  est  sa  com- 
position : 

Pr.    Poivre  noir,  )    i      u  i- 

„     .       1,        .        >  de  chaque  une  livre  ; 
ilacine  d  au  net-,    )  * 

Semences  de  fenouil,  trois  livres; 

c,  ^^  '  , ,  >  de  chaque  deux  livres. 

Sucre  blanc,   j  ^ 

On  en  prend  ordinairement  }:^ros  comme  une  noisette 
trois  ou  quatre  fois  par  jour,  si  l'on  n'aime  mieux  en  faire 
des  applications  directes  sur  le  rectum,  ce  qui  nous  paraît 
beaucoup  plus  rationnel. 

Il  est  évident  que  ce  médicament  ne  saurait  être  adminis- 
tré lorsque  les  hémorrhoïdes  sont  très-enflammées. 

Quant  à  la  liqueur  de  potasse  que  M.  Brodie  conseille  de 
joindre  au  copahu,  c'est  un  mélange  de  douze  onces  de  sous- 
carbonate  de  potasse  et  de  six  onces  de  chaux  vive,  sur  les- 
quels on  jette  quatre  litres  d'eau  distillée  bouillante. 

On  en  ajoute  ordinairement  de  huit  à  trente  gouttes  dans 
une  potion;  mais  il  faut  éviter  d'en  faire  usage  chez  les  indi- 
vidus qui  ont  les  organes  digestifs  irritables. 

AET.   1061. 

Considérations  pratiques  sur  quelques  observations  de  convul- 
sions épllepti formes  reconnaissant  des  causes  différentes. 

M.  Raynaud,  docteur  en  médecine  à  Cabris  (Var),  nous 
adresse  la  lettre  suivante  : 

«  En  parcourant  votre  journal,  j'ai  lu  avec  plaisir  les  ob- 
servations intéressantes  que  vous  nous  avez  données  surl'é- 
clampsie.  Dans  mes  quatre  ans  de  pratique  je  n'ai  pas  encore 
vu  cet  accident  chez  des  femmes  enceintes,  mais  je  l'ai  ren- 
contré quatre  fois  chez  des  sujets  placés  dans  d'autres  cir- 
constances. Comme  je  ne  me  souviens  pas  d'avoir  lu  dans 
les.  auteurs  d'exemple  d'éclampsie  survenue  à  la  suite  d'un 
coup  porté  sur  la  tête,  cela  m'a  déterminé  à  vous  faire  con- 
naître le  suivant. 

»  Le  4  avril  i833,  étant  allé  sur  le  soir  voir  un  malade  au 
hameau  de  Péméinade,  je  fus  appelé  pour  y  secourir  le  fils 
d'Elieiine  Court,  qu'on  disait  avoir  été  tué  par  un  mulet, 
.l'appris  que  cet  enfant,  âgé  de  trois  ans  etdemi,  étant  sur  le 
chemin  vfji^in  de  sa  maison  et  courantaprès  unmulet,  celui- 
ci  lui  lan(,:a  un  coup  de  pied,  Tatteignit  au  front,  et  Teofant 


• 


(265) 

fut  renversé  par  terre.  On  le  releva  et  il  put  marcher  jusque 
chez  lui  ;  mais  ià  il  tomba  sans  connaissance.  C'est  dans  cet 
état  que  je  le  trouvai;  le  coup  siégeait  entre  les  deux  bosses 
iVoiitalcs,  s'étendait  sur  les  deux  tiers  de  la  hauteur  de  l'os 
et  avait  un  pouce  et  demi  de  large;  l'épiderme  était  i\  peine 
enlevé  sur  un  point,  et  l'os  paraissait  avoir  du  côté  du  cer- 
veau une  convexité  égale  à  celle  qu'il  avait  en  dehors  avant 
l'accident.  Pendant  que  je  l'examinais,  il  tut  pris  de  convul- 
sions violentes  et  saccadées  qui  se  firent  principalement  sen- 
tir à  la  moitié  supérieure  du  corps  :  ainsi  les  muscles  de  la 
face,  du  cou,  des  bras  et  de  la  poitrine  semblaient  soumis 
à  un  courant  d'électricité.  Il  rendit  en  même  temps  une 
grande  quantité  d'écume  parla  bouche.  Cet  état  dura  cinq  à 
six  minutes,  après  quoi  il  resta  comme  privé  de  vie,  si  ce 
n'était  que  la  circulation  et  la  respiration  s'exécutaient  en- 
core. 

»  Dès  qu'on  se  fut  procuré  des  sangsues,  j'en  appliquai 
huit  autour  de  la  blessure  sans  que  l'enfant  manifestât  la 
inoindre  douleur;  j'ordonnai  qu'on  laissât  couler  long-temps 
le  sang,  que  l'on  mit  après  sur  ie  front  et  qu'on  renouvelât 
souvent  des  compresses  trempées  dans  une  solution  d'acé- 
tate de  plomb.  Le  lendemain,  j'appris  qu'après  l'écoulement 
du  sang  il  avait  repris  un  peu  connaissance.  En  effet,  je  le 
trouvai  dans  un  état  satisfaisant,  quoique  encore  assoupi  et 
atteint  de  mouvement  fébrile. Ce  jouret  le  suivant,  des  sang- 
sues furent  encore  appliquées,  les  fomentations  froides  con- 
tinuées. Le  12,  il  était  bien.  Pendant  le  cours  du  traitement 
il  fut  tenu  à  la  diète,  et  on  lui  administra  quelques  doses  de 
calomel  et  de  sirop  de  nerprun. 

»  J'ai  depuis  revu  plusieurs  fois  cet  enfant,  qui  se  porto 
bien;  la  compression  du  cerveau  par  l'os  frontal  resté  en- 
foncé n'a  pas  influé  sur  son  intelligence. 

•>  Cette  observation  tend  à  prouver  que  l'éclampsie  tient 
à  une  compression  du  cerveau  ;  dans  les  autres  cas  de  cette 
maladie,  il  paraît  que  les  nombreux  troncs  veineux  et  arté- 
riels qui  entourent  le  cerveau,  gonflés  par  la  congestion 
sanguine  qui  se  fait  vers  cet  organe,  doivent  le  comprimer 
dans  tous  les  sens  et  donner  lieu  par  là  aux  convulsions. 

»  Je  crois  qu  il  ne  sera  pas  inutile  de  citer  les  observa- 
tions suivantes,  pour  les  comparer  avec  la  précédente  en  ce 
qui  a  rapport  à  la  différence  dans  leurs  causes  et  à  la  ressem- 
blance dans  leurs  symptômes. 

n  Dans  la  nuit  du  2a  au  23  novembre  i852,  je  fus  éveillé 
par  le  sieur  Nie),  qui  me  pria  d'aller  voir  sa  fille  malade, 
âgée  de  près  de  triis  ans;  quelques  soupirs  poussés  par  celte 


(a66) 

enfant  avalent  fait  accourir  la  mère  qui  l'avait  trouvée  sans 
connaissance.  Lorsque  j'arrivai,  cette  fille  était  encore  dans 
cet  état;  elle  avait  la  lace  légèrement  colorée,  les  yeux 
fixes,  de  la  fréquence  dans  le  pouls.  Je  ne  pus  rien  apprendre 
des  parens  relativement  aux  causes  propres  à  m'éclairer 
dans  le  diagnostic  de  cette  maladie.  Ne  remarquant  pas  la 
décomposition  des  traits  comme  dans  l'épilepsie,  je  pensai 
alors  que  cette  enfant  était  sous  l'influence  d'une  autre  de 
ces  névroses  qui  font  perdre  connaissance,  quoique,  comme 
le  sujet  de  l'observation  précédente,  elle  n'eût  jamais  eu 
d'aflection  convulsive.  Je  lui  fis  sentir  de  l'éther  et  lui  en 
donnai  quelques  gouttes  dans  de  l'eau  sucrée;  ce  qui  la  tira 
un  peu  de  l'état  léthargique  dans  lequel  elle  était  plongée. 
Mais^  au  bout  de  quelques  minutes  elle  fut  prise  tout-à-coup 
et  exactement  des  mêmes  symptômes  que  le  sujet  dont  je 
viens  de  citer  l'observation.  A  cause  de  l'absence  de  phar- 
macien dans  cette  commune,  je  ne  pus  lui  mettre  que  trois 
à  quatre  mauvaises  sangsues  aux  tempes,  d'où  il  ne  sortit 
que  quelques  gouttes  de  sang,  et  je  lui  appliquai  des  linges 
trempés  dans  de  l'eau  très-chaude  a  la  partie  interne  des 
jambes,  où  il  y  eut  riibéPaction  etmême  vésication  d'un  côté. 
Après  sept  à  huit  minutes  les  accidens  se  calmèrent.  On  lui 
donna  à  plusieurs  reprises  quelques  cuillerées  d'eau  de  fleurs 
de  tilleul  et  d'oranger  seules  ou  mêlées  à  de  l'éther.  Elle  re- 
prit peu  à  peu  connaissance  et  n'offrit  plus  rien  de  remar- 
quable dans  la  suite. 

»  Le  6  septembre  1 834?  J6  fus  appelé  pour  visiter  une  malade 
qui  était  dans  le  même  état  que  la  précédente  :  c'était  la  fille 
du  sieur  Lavene...,  âgée  d'environ  quatre  ans.  Celte  enfant 
était  très-irritable;  on  me  dit  que  plus  d'une  fois,  à  la  suite 
d'une  chute,  elle  avait  eu  la  diarrhée,  qu'elle  l'avait  à  présent 
et  depuis  quatre  à  cinq  jours,  et  qu'on  l'attribuait  à  un  coup 
de  pierre  fort  léger  qu'elle  avait  reçu  au  front  à  cette  époque  : 
en  ciTet,  la  peau  était  à  peine  entamée.  Il  paraît  que  dans  la  nuit 
qui  venait  de  s'écouler  elle  avait  eu  la  fièvre.  A  sa  demande, 
on  lui  donna  trois  à  quatre  fois  de  l'eau  rongie  par  du  vin, 
qui  n'y  entra  pas  en  quantité  capable  de  déterminer  le  moin- 
dre effet  d'ivresse.  Dans  la  matinée,  sa  mère  la  trouva  sans 
connaissance.  Je  me  conduisis  comme  chez  la  malade  dont  j'ai 
parlé  ci-dessus.  Elle  fut  prise  d'une  attaque  moins  forte  et 
moins  longue  que  dans  les  cas  précédens,  et  rendit  aussi  une 
moins  grande  quantité  d'écume  par  la  bouche.  Comme  elle 
avait  un  mouvement  fébrile  assez  fort,  je  lui  mis  tout  de  suite 
trois  sangsues  au  cou,  ce  qui  lui  rendit  un  peu  de  calme,  sans 
pourtant  qu'elle  reprît  connaissance.  Dedli-heure  après,  je 


(a67) 

lui  en  appliquai  encore  cinq  sans  produire  d'effet  bien  mar- 
qué et  «ans  qu'elle  témoignât  de  la  douleur.  Je  lui  mis  aux 
jambes  des  sinapis^mes,  (|i,ii  lui  firent  pousser  des  cris.  Dans 
la  journée,  elle  but  beaucoup  de  limonade.  Le  lendemain, 
une  application  de  quatre  sangsues  fut  faite  sur  le  front  sans 
qu'elle  fût  sensible  à  leurpiqûre.  Lesbons  effets  de  ces  sang- 
sues furent  très-marqués,  car  immédiatement  après  elle 
commença  à  articuler  quelques  mots,  et  dès  ce  moment  la 
maladie  marcha  par  degrés  vers  la  guérison. 

"  La  nomméeMy...,  ayant  souvent  éprouvé  des  chagrins 
domestiques,  arrivée  à  peine  de  la  campagne,  se  mit  à  man- 
ger une  assez  grande  quantité  de  pois  chiches  sans  boire. 
Après  le  repas,  elle  fit  quelques  actes  désordonnés,  et,  au 
moment  où  son  mari  allait  lui  en  parler,  elle  perdit  l'usage 
de  ses  sers  et  tomba  sur  le  plancher.  Son  mari  et  des  voisins 
lui  donnèrent  quelques  secours  pour  la  tirer  de  cet  état,  mais 
inutilement  ;  alors  on  m'appela.  Je  la  trouvai  sans  connais- 
sance, la  face  extrêmement  pfde,  'es  yeux  fixes  ;  elle  ronflait, 
le  pouls  battait  avec  force.  Elle  n'avait  jamais  été  affectée  de 
névrose.  Je  lui  fis  en  vain  sentir  de  l'éther;  l'ammoniaque 
liquide  lui  fit  faire  des  grimaces  et  ouvrir  les  yeux.  Mais,  au 
bout  de  quelques  secondes,  les  lèvres,  le  cou,  les  bras,  en- 
trèrent en  convulsion,  se  tordirent;  puis,  une  grande  quan- 
tité de  bave  érumeuse  étant  sortie  de  la  bouche,  l'attaque 
s'arrêta.  Pensant  que  la  plénitude  de  l'estomac,  en  forçant  le 
sang  à  se  porter  vers  le  cerveau,  était  la  cause  principale  de 
ces  accidens ,  je  provoquai  le  vomissement  en  poussant  à 
plusieurs  reprises  une  plume  ordinaire  dans  le  gosier.  A  me- 
sure que  les  alimens  sortaient,  la  malade  reprenait  l'usage 
de  ses  sens,  et  elle  se  trouva  bien  dès  que  l'estomac  fut  vidé. 
Deux  ou  trois  jours  après,  je  la  saignai,  parce  qu'elle  avait 
de  légers  mouvemens  convulsifs  dans  le  bras  di'oit,  lequel 
avait  été  le  plus  agité  pendant  l'attaque.  » 

Reflexions.  Le  professeur  Désormaux  avait  désigné  sous  le 
nom  d'éctampsie  les  convulsions  qui  surviennent  chez  les 
femmes  pendant  la  grossesse  ou  au  moment  de  l'accouche- 
ment. Quelques  médecins  ont  appliqué  cette  dénomination  à 
toutes  les  convulsions  épileptiformes,  à  quelque  époque  de 
la  vie  qu'elles  surviennent;  il  en  est  résulté  quelque  confu- 
sion dans  le  langage,  et  nous  croyons  que.  pour  éviter  toute 
incertitude  à  cet  égard,  il  serait  convenable  de  restreindre 
l'acception  de  ce  mot  au  seul  sens  indiqué  par  M.  Désor- 
meaux. 

■  Les  fractures  avec  dépression  des  os  du  crâne  sont  un  acci- 
dent assez  fréquent,  et  moins  grave  peut-être  qu'on  ne  serait 


(  268  ) 

tenté  de  le  croire.  Nous  en  avons  vu,  il  y  a  trois  ans,  dans 
les  salles  de  M.  Dupuytren,  un  exemple  remarquable.  Un 
boulanger  avait  reçu  im  coup  de  pied  de  cheval  dans  l.i 
tempe,  et  l'os  était  déprimé  au  moins  de  deux  lignes.  xVprès 
une  très-longue  perte  de  connaissance  et  tdus  les  accidens 
observés  dans  le  premier  fait  cité  par  M.  Raynaud,  l'usage 
des  sens  revint  peu  à  peu  ainsi  que  les  mouvemens  qui  avaient 
été  suspendus  dans  le  côté  opposé.  Cet  homme  se  rétablit 
entièrement  sans  que  l'os  reprît  sa  place.  Le  cerveau  s'était 
donc  habitué  à  cette  compression,  qui,  opérée  brusquement, 
avait  d'abord  produit  de  graves  désordres. 

Nous  ferons  observer  cependant  que,  lorsque,  après  une 
lésion  semblable,  le  malade  continue  à  éprouver  de  la  dou- 
leur de  tête,  de  l'engourdissement  dans  un  des  côtés  du  corps, 
et  surtout  des  douleurs  dans  les  membres,  il  faut  craindre 
un  travail  inflammatoire  qui  menace  de  désorganiser  le  cer- 
veau. Les  moindres  imprudences  peuvent  d'ailleurs,  après 
un  accident  de  ce  genre,  produire  en  peu  de  temps  la  mort 
des  malades,  et  il  faut  leur  recommander  d'éviter  avec  soin, 
pendant  un  temps  fort  long,  tout  ce  qui  pourrait  produire 
un  afflux  sanguin  vers  l'encéphale,  tel  que  le  coït,  les  pas- 
sions violentes  et  les  excès  de  tous  genres. 

Les  autres  observations  contenues  dans  cet  article  pour- 
raient nous  fournir  matière  à  une  utile  discussion  sur  la 
cause  de  la  syncope  et  des  convulsions  épilepliformes  que 
l'on  a  observées;  mais  devant  donner  dans  les  numéros  qui 
vont  suivre  les  intéressantes  leçons  du  professeur  llostan 
sur  les  maladies  de  l'encéphah;,  nous  nous  exposerions  à  des 
redites  inutiles,  et  nous  renvoyons  à  ce  travail  que  nous  nous 
occupons  de  rassembler. 

ART.    1062. 

HOPITAL  DES  VÉNÉRIENS. 

Considérations  sur  la  sypldlide  papuleuse. 

Dans  l'ordre  de  gravité,  la  seconde  espèce  de  syphilideest 
celle  que  l'on  a  désignée  sous  le  nom  de  syphilide  papnleuse. 
C'est  une  affection  assez  commuuc  et  qui  consiste  dans  le 
développement  d'ini  cerlain  nombre  de  petits  boulons  plats, 
arrondis,  soulevant  légèrcnuMit  Tépidermc,  ne  contenant 
aucune  sérukité,  et  &e  terminant  soit  par  résolution,  soit  par 


(269) 
iinc  légère  desquamation.  Voici   quelques  observations  qui 
feront  aisément  connaître  les  caractères  de  celte  syphilide. 

Au  n"  9  de  la  petite  salle  a  été  couché,  le  18  mars,  un 
jeune  homme,  sur  le  compte  duquel  nous  avons  pris  les  ren- 
seignemens  suivans  :  en  1828,  il  contracta  des  chancres  au 
gland;  c'est  la  seule  affection  syphilitique  qu'il  ait  jamais  eue. 
Il  prit  la  liqueur  de  Van-SAvieten,  pendant  cinquante  jours, et 
ne  suspendit  le  traitement  que  lorsqu'il  fut  parfaitement 
guéri. 

Quinze  jours  avant  son  entrée  à  l'hôpital,  il  lui  était  sur- 
venu, disait-il,  des  boutons  sur  tout  le  corps.  Le  ventre,  la 
poitrine,  le  front  et  les  extrémités  supérieures  présentaient 
en  effet  de  nombreuses  papules,  légèrement  élevées  au- 
dessus  de  la  surface  de  la  peau.  Le  doigt  promené  sur  ces 
boutons  sentait  de  légères  inégalités,  à  peu  près  comme  il 
arrive  lorsque  la  peau  a  «^té  fortement  flagellée  par  des  orties. 
Ces  papules  n'étaient  point  entourées  d'un  cercle  cuivreux, 
mais  cette  couleur  existait  bien  manifestement  autour  d'au- 
tres boutons  dispersés  çà  et  là,  et  spécialement  sur  les  cuisses 
et  les  jambes.  Cette  dernière  éruption  était  de  nature  pus- 
tuleuse. Il  y  avait  en  outre  quelques  pustules  muqueuses 
aux  bourses. 

Le  19  mars,  le  malade  fut  soumis  aux  bains  de  vapeurs  de 
cinabre  (1). 

Il  prit  un  bain  de  cette  nature  tous  les  deux  jours,  alter- 
nant quelquefois  avec  des  bains  d'eau  simple. 

Le  4  avril,  quelques  boutons  avaient  disparu  en  laissant 
une  légère  desquamation  ;  le  plus  grand  nombre  s'était  ter- 
miné simplement  par  résolution.  Ces  papules  étaient  rem- 
placées par  des  taches  d'un  rouge  cuivreux.  Il  ne  restait  plus 
de  traces  de  pustules  muqueuses  des  bourses. 

Il  sortit  de  l'hôpital  le  5  mai,  n'offrant  plus  qu'une  faible 
coloration  de  la  peau. 

Si  l'on  se  fiait  au  rapport  de  ce  malade,  cette  syphilide, 
survenue  six  ans  après  une  première  affection,  serait  un 
symptôme  consécutif,  survenu  malgré  l'administration  d'un 
traitement  meicuriel  complet.  Mais  l'existence  de  pustules 
muqueuses  aux  bourses  nous  porterait  à  croire  qu'il  avait 
depuis  quelques  mois  contracté  une  affection  récente,  contre 
laquelle  il  n'avait  dirigé  aucun  traitement. 

On  a  vu  qu'il  existait  en  même  temps  sur  le  même  indi- 
vidu une  syphilide  papuleuse  et  quelques  traces  d'une syphi- 


(i)  Voy.  art.  767, 


(  370  ) 

lide  pustuleuse.  Rien  n'est  plus  commun  que  4e  rencontrer 

à  la  fois  des  pustules,  des  papules,  des  tubercules  ou  des 
squammes  ;  ce  sont  d'ailleurs  des  variétés  de  formes  d'une 
roême  maladie,  et  il  n'est  pas  étonnant  qu'elles  se  présentent 
à  la  fois  chez  un  même  sujet. 

Dans  l'observation  suivante,  on  verra  en  même  temps  des 
papules  et  des  macules. 

Au  n"  7  de  la  même  salle  était  couché,  le  8  avril,  un  jeune 
homme  ayant  un  phimosis,  des  chancres  du  gland  et  les 
ganglions  lymphatiques  des  aines  engorgés. 

Le  20  avril,  est  survenu  une  syphilide  papulouse,  abso- 
lument semblable  à  celle  de  l'observation  précédente,  avec 
celte  différence  que,  sur  les  bras,  des  taches,  des  macules 
étaient  répandues  cà  et  là  près  des  papules.  Les  unes  et  les 
autres  étaient  entourées  d'un  cercle  cuivré  qui  est  devenu  de 
plus  en  plus  manifeste  à  mesure  que  les  papules  se  sont  af- 
faissées. 

Le  malade  fut  mis  à  l'usage  d'une  pilule  de  proto-iodure  do 
mercure  par  jour  (i).  Au  bout  de  trois  semaines  il  ne  restait 
presque  plus  de  traces  de  la  syphilide. 

Chez  ce  dernier  malade  on  a  pu  remarquer  la  teinte  cui- 
vrée indiquée  par  les  auteurs,  mais  il  s'en  faut  de  beaucoup 
qu'on  la  rencontre  chez  tous.  Nous  avons  vu  qu'elle  n'exis- 
tait pas  chez  le  malade  du  n"  9.  Celui  dont  nous  allons  rap« 
porter  l'observation  était  aussi  dans  ce  dernier  cas. 

Au  n"  60  de  la  seconde  salle  était  un  jeune  homme  qui, 
depuis  quatre  ans,  avait  eu  trois  blennorrhagies,  qu'il  avait 
fait  traiter  à  Lyon  et  à  Paris,  mais  sans  prendre  de  prépara- 
tions mercurielles.  Il  y  a  trois  ans,  il  survint  des  boutons  au 
front,  pour  lesquels  il  fut  reçu  à  Saint-Louis,  et  n'en  sortit 
qu'après  avoir  subi  un  traitement  mercuriel  complet. 

A  la  fin  de  février  dernier,  il  entra  i\  l'hôpital,  ayant  un 
chancre  au  gland  et  une  éruption  papuleuse.  Il  n'y  resta 
que  treize  jours,  et  rentra  dans  le  service  de  M.  CuUerier 
le  8  avril. 

Ce  jeune  homme  était  blond  et  avait  la  peau  extrême- 
ment fine.  Les  papules  étaient  répandues  sur  tout  son  corps 
en  un  nombre  prodigieux,  et  ou  peut  se  fiiire  une  idée  exacte 
de  l'aspect  de  sa  peau,  en  supposant  (|ii'elle  avait  été  fus- 
tigée avec  des  orties,  avec  celte  différence  toutefois  que 
tous  les  boutons  papuleux  étaient  blancs  à  leur  sommet, 
comme  dans  leur  contour  et  dans  les  parties  environnantes. 


(i)  Voy.  arl.  970. 


On  le  mit  âi'asage  da  la  solution  de  cyanure  (quatre  gros); 
mais  ce  jeune  homme,  fort  indocile,  sortit  avant  guéri- 
son,  au  bout  d'une  quinzaine  de  jours.  Les  papules  alors 
étaient  affaissées,  quelques-unes  se  couvraient  d'une  légère 
desquamation,  mais  aucune  n'offrait  de  teinte  cuivrée  dans 
son  contour. 

La  syphilide  papuleuse  ne  se  présente  pas  toujours  dans 
cet  état  :  quelquefois  c'est  une  multitude  de  points  rouges, 
de  papules  coniques,  dont  la  base  repose  ordinairement  sur 
un  lissu  rouge;  c'est  ce  qu'on  a  appelé  le  lichen  syphi-^ 
litique.  Dans  ce  cas,  la  syphilide  est  toujours  à  l'état  plus  ou 
moins  aigu. 

Le  diagnostique  de  la  syphilide  papuleuse  n'est  pas  ordi- 
nairement difficile.  Il  serait  possible  cependant  de  la  con- 
fonilre  avec  cette  éruption  qui  survient  chez  quelques  sujets 
qui  ont  fait  usage  du  copahu  ou  qui  ont  mangé  des  moules  à 
certaines  époques  de  l'année;  mais  outre  que  dans  ces  cas 
les  papules  sont  beaucoup  plus  rouges,  l'examen  des  anté- 
cédens  suffit  pour  faire  éviter  cette  erreur. 

Elle  offre  aussi  quelque  ressemblance  avec  l'érythême  pa- 
puleux,  mais  dans  ce  dernier  les  papules  surmontent  des 
plaques  rouges,  qui  se  confondent  par  leurs  bords.  C'est 
d'ailleurs  un  état  aigu,  et  le  derme  est  plus  ou  moins  tu- 
méfié, ainsi  que  le  tissu  cellulaire  sous-cutané.  Dans  certains 
cas  il  existe  en  outre  un  prurit  qu'on  ne  trouve  pas  dans  la 
syphilide  en  général. 

Celte  éruption  est  presque  toujours  un  symptôme  succes- 
sif ou  secondaire  de  syphilis;  elle  cède  assez  facilement  aux 
moyens  que  l'on  dirige  contre  elle,  et  les  papules,  qui  ne 
suppurent  jamais,  ne  laissent  aucune  cicatrice  après  leur 
disparition. 

ART.    io63. 
HOPITAL  CLINIQUE  DE  LA  FACULTÉ. 

Considérations  générales  sur  les  maladies  du  cerveau.  —  Lésions 
de  mouvement,  —  Contracture^  convulsions,  paralysie. 

Depuis  deux  mois,  M.  Rostan  fait  à  l'hôpital  de  la  Faculté 
des  leçons  de  clinique  d'un  haut  intérêt,  sur  les  maladies 
de  l'encéphale.  Notre  but  principal,  en  annonçant  pour  cette 
année  un  compte-rendu  delà  clinique  de  ce  professeur, était 
d'exposer  dans  ce  journal  ses  opinions  sur  les  ditférentes 
lésions  des  centres  nerveux,  sur  les  moyens  de  les  diagaos- 


(  37'-*    ) 

tiquer,  et  sur  la  médication  la  plus  convenable  A  leur  oppo- 
ser. INous  donnerons  donc  dans  une  suite  d'arlicles  un  ré- 
sumé de  ces  intéressantes  leçons,  en  appuyant  les  préceptes 
énoncés  d'observations  recueillies  dans  Tliûpilal.Nous  com- 
mencerons aujourd'hui  par  des  généralités  indispensables 
pour  l'intelligence  de  la  médecine  organique  dont  l'appli- 
cation doit  être  faite  aux  maladies  cérébrales. 

On  peut,  suivant  M.  Rostau,  en  procédant  avec  méthode 
et  en  mettant  à  profit  les  découvertes  de  la  médecine  mo- 
derne, diagnostiquer  avec  autant  de  précision  les  maladies 
cérébrales  que  celles  dont  le  siège  est  dans  la  poitrine  ou  dans 
l'abdomen.  C'est  à  prouver  cette  proposition,  qui  ne  paraîtra 
sans  doute  rien  moins  qu'exacte  à  beaucoup  de  praticiens, 
que  ce  professeur  s'est  attaché  principalement  dans  ses  le- 
çons, faisant  ressortir  avec  talent  tout  le  parti  qu'on  peulre- 
tirer  des  diverses  lésions  des  fonctions  cérébrales.  Les  consi- 
dérations dans  lesquelles  il  est  entré  i\  cet  égard  serviront 
d'introduction  à  chacune  des  maladies  du  cerveau  en  parti- 
culier, que  nous  étudierons  plus  tard. 

Si  on  examine  d'abord  les  lésions  du  mouvement,  qui 
peuvent  être  le  résultat  d'une  aflection  des  centres  nerveux, 
on  observe  sous  ce  rapport  une  très-grande  variété.  La  con- 
tracture des  muscles  ne  se  montre  que  dans  un  certain  nom- 
bre de  cas.  La  carphalogie  et  les  soubresauts  des  tendons, 
qui  sont  des  signes  ordinaires  de  la  méningite,  se  rencontrent 
aussi  fréquemment  dans  la  fièvre  typhoïde  :  bien  que  le  scal- 
pel ne  puisse  en  démontrer  la  cause,  ces  phénomènes  sont 
cependant  le  résultat  d'une  altéiation  du  cerveau. 

Les  convulsions  peuvent  être  locales  quand  un  seul  point 
du  cerveau  est  malade,  mais  le  plus  souvent  elles  sont  gé- 
nérales. La  modification  du  cerveau  qui  les  constitue  peut 
être  continue  ou  momentanée.  Ainsi,  dans  l'épilepsie,  par 
exemple,  cette  modification  cesse  avec  l'accès,  et  c'est  ce 
qui  fait  qu'à  l'autopsie  on  n'en  trouve  pas  do  traces,  à  moins 
toutefois  que  l'individu  ne  soit  mort  pendant  l'accès,  cas 
auquel  on  trouve  des  traces  d'une  congestion  plus  ou  moin» 
forte.  Les  médecins  qui  ont  attribué  l'épilepsie  à  certaines 
lésions  pernianenles,  à  un  état  cartilagineux  des  membranes 
du  rachis,  par  exemple,  ont  donc  été  induits  en  erreur,  car 
d'un  côté  un  trouve  beaucoup  d'épilcpliques  qui  n'offrent 
pas  ces  altérations,  et  de  l'autre,  beaucoup  de  gens  qui  les 
présentent  ne  sont  point  épileptiques. 

Dans  le  tétanos,  les  convulsions  sont  permanentes  et  du- 
rent ordinairement  jusqu'à  la  mort;  or,  bien  que,  dans  ces 
cas,  on  ait  souvent  assuré  n'avoir  rien  trouvé,  ce  n'est  pas  une 


(2-5) 

raison  pour  qu'il  n'existât  aucune  altération  ;  c'est  que  nos 
moyens  d'investigalion  sont  trop  imparfaits  pour  que  nous 
découvrions  quelque  chose;  mais  il  ne  faut  pas  en  conclure 
qu'il  n'existe  rien.  Il  est  probable,  au  contraire,  que  le  téta- 
nos a  son  siège  dans  la  moelle  épioière,  et  que  cette  affection 
doit  être  rattachée  à  une  myélite. 

La  catalepsie,  la  danse  de  Saint-Guy,  sont  aussi  des  affec- 
tions du  système  nerveux;  mais  il  serait  difficile  de  préciser 
l'altération  cérébrale  qui  leur  donne  lieu. 

La  paralysie  est  la  lésion  du  mouvement  la  plus  remar- 
quable. Autrefois  on  ne  la  considérait  pas  comme  un  symp- 
tôme, mais  bien  comme  une  maladie.  Cette  distinction,  in- 
troduite dans  la  pathologie,  a  fait  faire  un  pas  immense  aux 
maladies  cérébrales,  car  la  paralysie  est  leur  signe  pathogno- 
monique,  aussi  certain  que  la  crépitation  dans  la  phlegmasie 
du  poumon.  Ce  symptôme  peut  offrir  des  inductions  précieu- 
ses relatives  à  son  étendue.  La  perte  du  mouvement  peut  être 
générale;  ainsi,  on  voit  quelquefois  des  individus,  dont  tout 
le  système  locomoteur  est  dans  un  relâchement  complet  : 
dans  certains  épanchemens  énormes,  par  exemple,  dans  la 
congestion  même,  ce  phénomène  peut  s'observer. 

Dans  la  méningite  on  rencontre  aussi  la  paralysie,  mais 
seulement  lorsque  cette  phlegmasie  a  été  suivie  d'épanche- 
ment.  Enfin,  le  malade  peut  être  plongé  dans  un  état  coma- 
teux, profond,  dans  la  syncope,  l'asphyxie,  l'ivresse,  à  la 
suite  de  l'épilepsie. 

L'épanchement  ayant  son  siège  dans  le  raésocèphale 
peut  déterminer  la  paralysie  générale;  il  peut  être  assez 
considérable  pour  comprimer  les  deux  lobes  du  cerveau  à  la 
fois,  et  produire  le  même  effet. 

On  distingue  aisément  la  paralysie  dépendant  d'une  hé- 
morrhagie,  de  celle  qui  reconnaît  pour  cause  une  conges- 
tion, à  ce  que  cette  dernière  se  dissipe  d'elle-même  au  bout 
de  quelques  heures,  ou  tout  au  plus  de  quelques  jours. 
Quand  la  cause  est  une  méningite,  les  antécédens  nous 
mettent  sur  la  voie.  La  syncope^  l'asphyxie,  le  narcotisme, 
l'ivresse,  sont  des  états  maladifs  bien  connus,  et  sur  lesquels 
il  est  inutile  de  s'arrêter  ici. 

Il  est  plus  difficile  de  reconnaître  la  paralysie  dépendant 
d'une  hémorrhagie,  que  celle  qui  reconnaît  pourcause  un  ra- 
mollissement du  cerveau.  Cependant  on  peut  presque  tou- 
jours prononcer  avec  exactitude,  en  se  rappelant  que  l'hé- 
morrhagie  arrive  toujours  brusquement;  les  malades  boivent, 
mangent,  s'occupent  de  leurs  affaires,  puis  tout-à-coup  ils 
«ont  frappés  de  paralysie,  tandis  que  dans  le  ramollissement 

TOM.  VI.  N"  DE  JUIN.  i8 


(  274  ) 
la  paralysie  ne  survient  qu'après  une  lougue  série  de  symp- 
tômes précurseurs.  Ce  ramollissement  peut,  de  même  que 
l'hémorrhagie,  occuper  un  lobe  entier  ou  même  la  presque 
totalité  du  cerveau. 

{La  suite  aux  prochains  numéros.  ) 

ART.  1064. 

^ote  sur  un  bain  de  pied  conseillé  dans    quelques   maladies 
du  foie. 

Le  docteur  Schlesiogerapublié,  dans  le  Journal  de  la  méd. 
prat.  de  Hufland,  la  formule  d'un  bain  de  pied  dont  il 
assure  avoir  retiré  de  très-bons  effets  dans  certaines  maladies 
du  foie. 

Pr.  Acide  hydrochlorique,  trois  onces; 
Acide  nitrique,  deux  onces; 
Eau  pure,  six  onces. 

On  prend  le  tiers  de  ce  mélange  et  on  l'ajoute  à  quarante- 
cinq  ou  cinquante  livres  d'eau,  et  le  malade  prend  le  soir  un 
bain  de  pied,  ayant  de  l'eau  jusqu'au  gsnou.  Il  doit  y  rester 
environ  vingt  minutes. 

Ce  bain  paraît  surtout  convenir  dans  l'hépatite  lorsque  la 
période  aiguë  est  passée. 

Aai.   io65. 

Note  sur  une  nouvelle  formule  de  la  potion  anti-éwjétique  de 
Rivière. 

La  note  suivante  a  été  publiée  dans  le  Journal  des  connaiss. 
médicales,  par  M.  Labelonie,  pharmacien. 

Voici  une  formule  qui  peut  remplacer  avec  avantage 
toutes  celles  publiées  jusqu'à  ce  jour  sur  la  préparation  de 
la  potion  auti-vomilive  de  Rivière  : 

Pr.   Sirop  simple,  une  once  ; 

Eau  de  fleur  d'orange,  demi-once; 
—  de  tilleul,  deux  onces  et  f'emie; 
Laudantini  liquide,  douze  gouttes; 
Etiier  sulfurique,  douze  gouttes; 
Bicarbonate  de  soude,  trente-six  grains; 
Acide  citrique  ou  tartrique,  vingt-sept  grains. 

Après  avoir  choisi  un  flacon  et  un  bouchon  convenables, 


on  pèse  d'abord  le  sirop,  les  eaux  distillées  et  le  laudanum; 
on  ajoute  le  bicarbonate  de  soude,  puis  l'éther,  et  enfin  en 
dernier  lieu  l'acide  citrique  en  poudre  grossière,  et  on  ficelle 
immédiatement  le  bouchon. 

La  potion  de  Rivière  ainsi  préparée  est  très-gazeuse,  et 
tout  ce  que  les  médecins  désirent,  en  prescrivant  cette 
potion,  c'est  d'introduire  une  certaine  quantité  de  gaz  acide 
carbonique  dans  Pestomac.  En  employant  les  proportions 
indiquées  ci-dessus,  tout  le  bicarbonate  de  soude  est  dé- 
composé; on  est  donc  sûr  d'avoir  mis  à  nu  tout  l'acide 
carbonique,  tandis  qu'en  employant  les  sucs  de  citron  et  de 
limon,  on  n'est  pas  aussi  sûr  de  ce  résultat;  et  d'ailleurs  les 
sucs  de  citron  et  de  limon  étant  peu  employés  et  se  conser- 
vant difficilement  sans  altération, les  pharmaciens  sont  quel- 
quefois exposés  à  en  avoir  d'un  peu  altérés  sans  pouvoir  les 
remplacer  immédiatement,  dans  les  petites  localités  surtout, 
tandis  que  les  acides  tartrique  et  citrique  se  conservant  in- 
définiment, on  est  toujours  assuré  d'en  trouver  dans  toutes 
les  officines. 

ART.    1066. 

Formules  de  diverses  préparations  d'or  employées  par  le  docteur 
Chrestien. 

On  sait  que  le  docteur  Chrestien,  de  Montpellier,  fait  un 
fréquent  usage  de  l'or  Comme  résolutif  fondant,  et  surtout 
comme  anti-syphilitique.  Voici  quelques-unes  des  formules 
adoptées  par  ce  médecin,  et  que  nous  trouvons  dans  le /o«r- 
nal  de  pharmacie  du  Midi. 

Or  divisé. 

Pr.  Or  fin  en  feuilles,  une  partie  ; 

Mercure  revivifié  du  cinabre,  six  parties. 

En  triturant  ces  deux  métaux  dans  un  mortier  de  verre, 
on  opère  l'amalgamation,  et  par  conséquent  la  division  de 
l'or;  on  sépare  ensuite  le  mercure  par  l'action  du  calorique 
ou  par  celle  de  l'acide  nitrique;  on  lave,  on  sèche  l'or  di- 
visé et  on  le  pulvérise  dans  un  mortier  non  métallique. 

M.  le  docteur  Chrestien  emploie  l'or  ainsi  préparé  contre 
la  syphilis,  le  scrofule,  etc.  Il  l'administre  à  l'intérieur  en 
pilules,  avec  un  extrait  approprié,  depuis  un  quart  de  grain 
jusqu'à  deux  ou  trois  grains  par  jour.  On  en  Aiit  aussi  deS 
frictions  sur  la  langue  et  aux  mêmes  dose?,  en  comdaenpant 
par  les  plus  petites  et  en  augmentant  graduellemefit. 


(276) 

Muriate  d'or  et  de  soude  préparé. 

Pr.  Muriate  d'or  et  de  soude  cristallisé,  un  grain  ; 
Lycopodium,  deux  grains. 

Mêlez  exactement  et  divisez  en  quinze  prises.  On  emploie 
chaque  jour  une  prise  en  frictions  sur  la  langue.  La  durée 
de  la  friction  doit  être  de  deux  minutes  et  d'une  au  moins. 
En  continuant  l'usage  de  ce  remède,  on  divise  la  même  dose 
en  quatorze  prises,  puis  en  treize  et  en  douze,  et  même  pro- 
gressivement jusqu'en  huit  parties. 

II  suffit  le  plus  souvent  de  faire  employer  les  quatre  pre- 
mières subdivisions,  pour  obtenir  la  guérison  des  maladies 
syphilitiques  récentes. 

Pilules  fondantes  avec  l'oxide  d'or. 

Pr,  Extrait  de  l'écorce  de  racine  de  garou,  deux  gros  ; 
Oxide  d'or  par  la  potasse,  six  grains. 

Après  avoir  mêlé  exactement,  on  divise  la  masse  en 
soixante  pilules. 

Sirop  anti-syphilitique. 

Pr.  Sirop  de  salsepareille,  huit  onces; 

Chlorure  d'or  et  de  sodium,  un  grain. 

On  fait  dissoudre  le  chlorure  dans  une  très-petite  quan- 
tité d'eau  distillée,  et  on  mêle  exactement  ce  solutum  au 
sirop,  que  l'on  fait  prendre  d'aliord  à  la  dose  d'une  once, 
pour  la  porter  graduellement  à  trois  onces  par  jour,  prises 
alors  en  deux  fois,  dans  une  tasse  de  décoction  d'ononis 
spinosa. 

ART.    1067. 
T^ote  sur  le  chlorure  d'or  employé  comme  caustique. 

M.  Récamier  fait  depuis  quelque  temps  des  essais  sur 
un  nouveau  caustique,  qui  paraît  avoir  une  action  parlicii- 
lière  sur  les  tumeurs  cancéreuses;  c'est  l'eau  régale,  tenant 
en  dissolution  une  certaine  quantité  de  chlorure  d'or  pur. 
Voici  comment  ce  praticien  a  été  conduit  ;\  faire  usage  de 
celte  substance. 

Un  orfèvre  portait  un  bouton  cancéreux  à  la  joue.  Le 


(277) 

sentiment  incommode  qu'il  éprouvait  dans  cette  pnrtie  l'en- 
gageait à  y  porter  souvent  la  main.  Après  plusieurs  attou- 
cheuiens  de  cette  espèce  pendant  qu'il  pour>;uivait  une 
dissolution  d'or  dans  l'eau  régale,  le  bouton  changea  bientôt 
d'aspect,  et  au  bout  d'un  certain  temps  il  disparut  tout-à- 
fait.  M.  Récamier  ne  laissa  pas  échapper  cette  remarque;  il 
pensa  que  la  disparition  de  ce  bouton  pouvait  être  due  au 
transport  de  l'eau  régale  sur  sa  surface,  à  l'aide  du  doigt 
mouillé  par  ce  liquide,  et  résolut  d'employer  ce  caustique 
dans  d'autres  circonstances,  afin  de  vérifier  son  action.  Plu- 
sieurs malades  ont  été  soumis  à  ces  applications  à  l'Hùtel- 
Dieu,  et  l'ou  a  obtenu  des  succès  qui  ont  paru  remarquables. 
Voici  la  manière  de  préparer  ce  nouveau  caustique. 

On  combine  l'acide  nitro-chlorique  avec  le  chlorure  d'or, 
dans  les  proportions  d'une  once  d'acide  sur  six  grains  de 
chlorure  d'or  bien  pur;  par  là  on  obtient  une  eau  régale 
avec  excès  d'acide  chlorique,  tenant  en  dissolution  une 
certaine  quantité  d'or.  On  se  sert  de  ce  caustique  comme  de 
tous  les  escarrotiques  liquides.  L'escarre  blanchâtre  que 
l'on  produit  se  détache  au  bout  de  quelques  jours.  Ce  caus- 
tique offre  le  précieux  avantage  de  déterminer  peu  de  dou- 
leurs. (  Bull.  thér.  ) 

ABT.  1068. 
Observation  de  brûlure  traitée  et  guérie  par  le  cérat  calomélisé. 

M.  le  docteur  Crozat  a  publié  la  note  suivante,  dans  le 
Recueil  des  travaux  de  la  Socirlc  médicale  d'Indre-et-Loire. 

Le  21  du  mois  de  mars  passé,  une  cuisinière  a  eu  les 
deux  bras,  qu'elle  avait  nus,  et  toute  la  figure  brûlés  par  du 
beurre  fondu  et  enflammé.  A  la  figure  la  brûlure  s'étend  du 
front  au  col  et  de  l'une  à  l'autre  oreillej;  aux  bras  elle  oc- 
cupe la  partie  postérieure  des  avant-bras  et  des  mains  de- 
puis le  coude  jusqu'aux  doigts. 

Appelé  presqu'au  moment  de  l'accident,  je  trouvai  les 
parties  brûlées  couvertes  de  linges  enduits  de  jaunes  d'œufs 
battus  avec  de  l'huile.  Malgré  ce  pansement,  la  malade  se 
plaint  de  douleurs  atroces,  il  existe  un  gonflement  considé- 
rable à  la  figure  et  aux  avant-bras;  il  y  a  de  la  fièvre,  de 
l'agitation  et  des  spasmes  inquiétans.  Je  prescrivis  alors  un 
mélange  d'une  once  de  cérat  avec  un  gros  de  calomel  impal- 
pable pour  graisser  des  linges  fins  dont  on  recouvrira  la  brû- 
lure dans  toute  son  étendue,  en  ayant  soin  surtout  de  les 
appliquer  de  telle  manière,  qu'ils  ne  laissent  à  nu,  ou  sans 


(378) 

contact  Imméclfat,   aucun  endroit  des  nombreuses  parties 
brûlées. 

Le  pansement  ayant  été  fait  ainsi,  une  heure  à  peine  après 
les  douleurs  avaient  cessé  :  la  nuit  suivante  elles  revinrent, 
et  le  matin,  àl'heure  du  second  pansement,  elles  étaient  assez 
fortes.  Mais  il  faut  observer  qu'on  avait  négligé  de  placer 
sur  les  linges  enduits  de  cérat,  d'autres  linges  imbibés  d'oxî- 
crat,  et  de  les  y  entretenir  constamment  humides  ;  la  cha- 
leur avait  promptement  desséché  le  cérat,  et  les  linges  alors 
avaient  cessé  d'être  aussi  exactement  appliqués  à  la  peau. 
Celle-ci  est  ce  matin  couverte  de  phlyctènes  remplies  de 
sérosité  citrine  :  elles  sont  percées,  et  les  brûliu-es  immédia- 
tement pansées  comme  la  veille  ;  mais  cette  fois  on  n'omettra 
pas  d'entretenir  des  linges  humides  sur  le  pansement. 

A  partir  de  ce  jour,  deuxième  de  l'accident,  les  douleurs 
ont  été  insigniflantes,  la  fièvre,  le  gonflement  de  la  figure 
et  des  bras  ont  graduellement  diminué,  et  la  marche  vers 
la  guérison  a  été  si  rapide,  que  le  huitième  jour  elle  était 
complète.  Déjà  à  la  figure  l'épiderme  est  tombé  et  renou- 
velé, aux  bras  il  s'enlève  en  larges  squammes  sous  lesquelles 
il  est  aussi  reproduit. 

Je  crois  utile  de  dire  que  pendant  les  premiers  jours  de 
la  brûlure,  la  malade  a  été  tenue  au  régime  sévère  des  in- 
flammations aiguës. 

ART.  io6g. 

Hydropisle  ascite  existant  depuis  plusieurs  mois  chez  un  jeune 
sujet j  guérie  trois  fois  par  la  paracentèse  ;  récidive  définiti- 
vement arrêtée  par  ta  compression  de  l'abdomen,  et  l'usage  de 
la  décoction  de /xina.  Article  communiqué  par  M.  A.  Tar- 
dieu,  de  Saint-Alban,  D.  M.  ù  Saugues. 

Je  fus  appelé,  au  mois  de  mal  1823,  au  bourg  de  Prades, 
auprès  de  la  nommée  M.  B-,  Sgée  de  neuf  ans  :  cet  enfant 
portait  depuis  près  de  deux  ans  une  ascite  qui  était  survenue 
et  avait  marché  seule;  elle  avait  acquis  un  tel  développe- 
ment, que  l'abdomen  dépassait  d'un  pied  les  genoux  de  l'en- 
fant lorsqu'il  était  sur  le  séant;  une  énorme  hernie  exom- 
phale  avait  été  occasionée  par  la  distension  des  parois  de 
l'abdomen;  la  peau  était  terreuse  et  comme  couverte  d'é- 
caillcs  ;  il  y  avait  amaigrissement  considérable,  gône  dans  la 
respiration,  pouls  petit,  non  fébrile;  aucune  infiltration  des 
pieds  ni  des  mains. 

La  paracentèse  me  parut  le  moyen  le  plus  convenable  à 


(279) 
employer,  l'enfant  paraissant  voué  à  une  mort  prochaine;  elle 
fut  donc  pratiquée.  Le  résultat  consista  dansl'issue  de  quatorze 
litres  d'un  liquide  légèrement  séreux  et  verdâtre  ;  les  procédés 
ordiuaires,  après  cette  opération,  ne  furent  pas  négligés. 
Cependant,  trois  mois  après,  une  collection  plus  considéra- 
ble que  la  première  s'était  accumulée  dans  l'abdomen  :1a 
paracentèse  fut  une  seconde  fois  mise  en  œuvre,  et  eut 
pour  résultat  l'issue  de  seize  litres  de  liquide  ;  mêmes  pro- 
cédés employés  en  vain.  Quatre  mois  plus  tard,  une  troi- 
sième ponction  fut  encore  faite,  et  j'obtins  l'issue  de  dix-huit 
litres  du  même  liquide  :  alors  un  bandage  compressif,  plus 
régulièrement  préparé,  fut  posé  sur  l'abdomen,  et  l'enfant 
soumis  à  l'usage  d'une  décoction  de  kina.  Depuis  celte  épo- 
que, près  de  douze  ans,  aucune  récidive  n'a  eu  lieu  :  l'enfant 
s'est  développé;  c'est  une  fille  bien  portante  à  marier. 
La  hernie  exomphale  a  presque  disparu  par  l'usage  d'une 
pelote. 

Est-ce  la  compression  exercée  pendant  vingt  jours  sur 
l'abdomen  qui  a  rendu  à  la  ^anlé  le  sujet  de  notre  observa- 
tion ?  est-ce  l'usage  de  l'écorce  du  Pérou  ?  n'est-ce  pas  avec 
raison  que  l'on  a  vanté  la  propriété  diurétique  du  kina  par 
sa  tonicité,  dans  des  cas  où  il  y  a  eu  perte  d'équilibre  entre  les 
inhalans  et  les  exh:ilans,  et  qu'il  y  a  état  asthénique  ?  Albertin 
n'attribue  pas  seulement  à  cette  écorcela  faculté  d'exciter  les 
urines,  mais  encore  de  procurer  des  selles  et  d'augmenter  les 
sueurs,  et  même  la  transpiration  insensible.  Nous  croyons 
cependant  que  ces  deux  moyens  ont  concouru  au  même  but. 

ABT.   1070. 

Quelques  cas  cP hydropisles  ascites  oii,  la  paracentèse  ne  pouvant 
être  tentée  avec  probabilité  de  succès,  les  scarifications  superfi- 
cielles ou  non  sanglantes,  et  même  quelquefois  sanglantes^  sur 
les  bourses,  ont  été  utiles;  par  le  même. 

L'on  a  beaucoup  vanté,  dans  les  temps,  les  scarifications 
non  sanglantes,  ou  les  mouchetures  du  derme,  dans  diverses 
hydropisies,  souvent  symptomatiques ,  lorsqu'elles  sont 
compliquées  d'infiltration  du  tissu  cellulaire.  M.  Roucher  a 
donné  une  dissertation  très-importante  sur  la  matière,  afin 
de  désigner  les  cas  où  ce  procédé  chirurgical  pouvait  réussir. 
Les  praticiens,  jaloux  de  saisir  tous  les  moyens  de  se  rendre 
utiles  et  de  triompher  des  difficultés  que  présentent  les  cas 
nombreux  et  variés  d'une  affection  qui  reconnaît  d'autant 
plus  d'antidotes  qu'elle  offre  plus  de  gravité,  ont  soumis 


(28o) 

ropération  préconisée  par  M.  Roucher  au  creuset  de  l'ob- 
servation ;  et  voici,  pour  mon  compte,  les  résultats  obtenus: 
J'ai,  dans  une  pratique  de  quatorze  ans,  et  au  milieu  d'une 
population  de  trente  mille  âmes,  soit  auprès  de  mes  malades, 
soit  chez  ceux  confiés  à  mes  confrères,  observé  plusieurs  cas 
de  scarifications  suuerfieielles  ou  profondes,  dans  des  leuco- 
phlegniaties  dépendantes  de  l'œdème  du  poumon,  de  l'hy- 
drothorax  même,  dans  des  ascites-anasarques,  ces  opéra- 
tions pratiquées  sur  les  jambes,  les  cuisses,  etc.,  être  nulles, 
ou  entraînant  la  gangrène,  et  obligeant  le  praticien  à  dés- 
emparer et  à  recourir  aux  agens  antiseptiques  :  au  contraire, 
lorsque  l'hydropisie  a  été  portée  à  son  apogée,  dans  des 
cas  où  tous  les  moyens  thérapeutiques,  les  frictions  même 
de  digitale  incorporée  dans  l'alcool,  vantées  en  dernier  lieu 
par  M.  Chrétien,  avaient  échoué,  j'ai  vu  les  mouchetures 
pratiquées  sur  les  bourses,  qui,  dans  ces  cas,  sont  énormé- 
ment infiltrées,  deux  fois  profondément,  une  fois  superfi- 
ciellement, avoir  des  résultats  plus  avantageux  que  la  para- 
centèse, et  être  suivies  de  guégson  lorsqu'il  n'y  avait  pas 
lésion  organique  consommée  du  côté  du  cœur. 

Nous  pensons  que  dans  les  cas  précités  qui  se  rencontrent 
chez  la  femme,  on  doit  opérer. 

Premier  cas.  Le  nommé ,  suisse  de  l'église  de  Saugues, 

devient  hydropique  à  la  suite  d'un  anévrisme  du  cœur  :  les 
sai""nées  furent  trop  négligées  dans  un  cas  où  la  constitution 
du  sujet,  son  âge  (quarante-cinq  ans),  et  autres  circon- 
stances les  indiquaient,  et  cela  par  suite  de  conseils  systéma- 
tiques et  exclusifs  de  certains  médecins;  l'ascite  était  très- 
considérable  ;  il  y  avait  leucophlegmatie  des  bras,  des  jam- 
bes, et  infiltration  des  bourses.  Ce  fut  en  vain  que  l'on  épuisa 
à  deux  reprises  différentes,  et  en  vingt  -  quatre  heures, 
la  dose  de  digitale  indiquée  par  M.  Chrétien,  en  se  con- 
formant en  tout  à  son  dernier  procédé.  Je  préférai  alors 
Il  la  paracentèse,  qui  fut  pratiquée  plus  lard  sans  suc- 
cès plusieurs  fois,  les  mouchetures  du  scrotum;  il  n'y  eut 
jamais  aucune  apparence  ni  menace  de  gangrène,  et,  en  qua- 
rante-huit heures,  une  quantité  considérable  de  liquide  avait 
pris  son  cours  par  la  voie  de  ces  incisions  du  derme;  le 
ventre  était  libre  comme  après  la  ponction.  Ce  cas  a  été,  quel- 
ques mois  après,  suivi  de  mort,  par  suite  des  progrès  avancés 
de  l'anévrisme.  Le  procédé  des  scarifications  ne  fut  pas 
moins  couronné  d'un  succès  momentané. 

J'ai  obtenu  une  guérison  définitive  dans  les  cas  suivans  : 

Deuxième  cas.  Le  nommé  D....  ,du  Cros,  avait  contracté 

une  hydropisje  ascito-anasarque,  àla  suite  d'une  fièvre  tierce 


(a8i) 

rebelle;  il  y  avait  gêne  dans  la  respiration;  la  face  était  pâle 
et  boulBe;  le  pouls  fréquent  et  léfjèreœent  intermittent; 
l'abdomen  considérablement  développé  ;  anasarque,  infiltra- 
tion des  parties  de  la  génération  ;  un  trois-quarts  fut  plongé 
dans  le  scrotum.  Il  résulta  de  cette  opération  quelques 
gouttes  de  sang  mêlé  de  sérosité;  en  trois  jours,  tous  les 
liquides  contenus  dans  les  cavités  et  presque  la  totalité  de 
l'anasarquo  avaient  pris  cours  par  lu.  Quinze  jours  après,  le 
malade  était  en  bonne  convalescence;  depuis  cette  époque, 
il  n'a  cessé  de  se  bien  porter. 

Troisième  cas .  Le  nommé  L.-F.,  Lozérien, était  sujet  à  une 
affection  de  poumon  qui  se  manifeste,  depuis  longues  années, 
par  de  la  toux  et  une  certaine  gêne  dans  la  respiration;  il 
était  sur  le  point  de  succomber  par  suite  d'une  ascite  compli- 
quée d'anasarque.  Les  médecins  consultés  jusqu'alors  avaient 
inutilement  employé  les  diurétiques  sous  toutes  les  formes  : 
c'était  en  juillet  iS24'  Lorsque  j'approchai  le  malade,  il  y 
avait  dipsnée,  face  bouffie,  œdème  des  mains,  ascite,  ana- 
sarque,  infiltration  considérable  des  parties  sexuelles,  pouls 
petit,  fréquent,  régulier.  Je  plongeai  le  trois-quarts  sur  trois 
points  du  scrotum;  il  sortit  au  premier  abord  quelques 
gouttes  de  sérosité  sanguinolente,  et,  au  bout  de  quarante- 
huit  heures,  une  quantité  très-considérable  de  liquide  avait 
coulé,  et  le  malade  n'éprouvait  plus  de  gêne;  il  fut  bientôt 
complètement  remis,  et  il  jouit  d'une  bonne  santé  depuis 
lors;  il  conserve  cependant  sa  toux  habituelle  et  la  gêne  de  la 
respiration  comme  auparavant.  Le  sujet  de  cette  observation 
était  âgé  de  trente-neuf  ans,  d'un  tempérament  bilioso- 
nerveux. 

AfiT.  1 07 1 . 

Observations  sur  les  effets  des  a/fusions  d'eau  froide  après  une 
chute  et  de  xiolentes  contusions.  Article  communiqué  par 
M.  Favre  d'Esnans,  docteur  en  médecine  ;\  Baume-les- 
Dames. 

Le  n"  1002  de  ce  Journal  me  rappelle  une  observation 
qui  vient  à  l'appui  de  ce  qu'on  y  avance  sur  l'efllcacité  des 
affusions  d'eau  froide,  que  d'ailleurs  nous  employons  fré- 
quemment comme  le  moyen  le  plus  prompt  et  le  plus  sûr 
pour  guérir  presque  instantanément  les  entorses.  C'est  par 
une  douche  d'eau  froide  prolongée  jusqu'à  refroidissement, 
et  presque  insensibilité  de  l'articulation,  que  nous  traitons 
cette  affection,  avec  d'autant  plus  de  succès  qu'il  y  a  moins 
long-temps  que  l'accident  est  arrivé;  rarement  est-oo  obligé 


(  a82  ) 

de  revenir  à  une  seconde  application.  Votci  cette  observa- 
tion : 

Sur  la  fin  d'août  i83o,  je  fus  appelé  d'une  manière  pres- 
sante au  vilLige  de  Pont-les-Moulins,  vers  les  huit  heures  du 
matin,  pour  aller  donner  mes  soins  à  un  nommé  Berceot, 
habitant  de  la  Montagne.  Cet  homme  avait  soupe  la  veille 
à  l'auberge  du  lieu,  et  s'était  enivré.  Voulant  continuer  sa 
route  malgré  l'orage  terrible  qu'il  faisait,  et  obligé  pour  cela 
de  parcourir  un  chemin  en  zigzag  pratiqué  sur  le  bord  d'un 
précipice,  il  eut  le  malheur  de  tomber  d'environ  dix  mètres, 
du  sommet  d'un  rocher  à  pic,  sur  des  débris  de  rocs 
amoncelés,  où  il  fut  trouvé  le  lendemain  en  état  de  mort 
apparente.  Une  quantité  de  sang  assez  peu  considérable  tei- 
gnait les  pierres,  et  s'était  échappée  par  deux  plaies  de  peu 
d'étendue  à  la  tête.  On  avait  rapporté  Berceot  à  l'auberge 
d'où  il  était  parti  la  veille;  il  s'était  déjà  réchauffé,  parlait, 
agissait  :  quelques  contusions  légères  en  apparence,  mais 
d'une  grande  étendue,  se  voyaient  sur  les  bras,  les  cuisses 
et  autres  régions;  mais  Berceot  n'y  accusait  aucune  douleur. 
Le  pouls  était  tranquille,  aucune  réaction  fébrile,  pas  de  dé- 
lire: Je  me  bornai  à  panser  à  plat  les  plaies  de  tête.  Trois 
jours  après,  le  malade  put  supporter  la  voiture  et  regagner 
ses  foyers. 

Pendant  la  nuit  que  Berceot  a  passée  sur  les  débris  de 
roches  après  sa  chute,  il  était  tombé  continuellement  une 
pluie  abondante  et  froide,  dont  ses  habits  avaient  été  inon- 
dés. C'est  à  cette  circonstance  que  j'ai  attribué  l'absence  des 
symptômes  qui  devaient  être  nécessairement  la  suite  d'une 
chute  aussi  grave.  La  perte  de  sang  peu  considérable  peut 
cependant  entrer  en  compte,  quoiqu'elle  n'eût  pas  été  équi- 
valente à  une  saignée  ordinaire,  qui  n'aurait  point  empêché 
une  réaction  fébrile  très -naturelle. 

ART.    1072. 

Considérations  sur  l'emploi  de  l'eau  albumineuse  dans  le  traite- 
ment de  la  dyssenterie. 

M.  Bodin  de  la  Pichonnerie  a  publié,  dans  le  Journal  des 
conn.  médico-chirurgicales,  quelques  observations  de  dyssen- 
terie guérie  par  l'emploi  de  l'eau  albumineuse.  Suivant  ce 
médecin,  cette  substance,  administrée  en  boisson,  convien- 
drait dans  presque  tous  les  cas  de  dyssenterie,  quelles  que 
fussent  sa  forme  et  sa  nature.  Voici  comment  il  fut  con- 
duit ù^employcr  ce  moyen  : 


(a85) 

Un  homme  avaft  depufs  long-temps  une  dyssenlerie  chro- 
nique ;  la  fièvre  avait  disparu,  l'appétit  était  très-vif,  mais 
les  selles  étaient  toujours  sanguinolentes.  Il  survint,  en  dé- 
cenibre  i853,  une  recrudescence  qui  le  força  de  garder  le 
lit  une  partie  de  la  journée.  La  fièvre  reparut,  et  le  ventre 
devint  douloureux.  M.  Bodin  lui  conseilla  de  se  soumettre 
à  une  diète  sévère,  lui  permettant  seulement  de  prendre, 
trois  fois  par  jour,  un  blanc  d'œuf  battu  dans  un  verre  d'eau 
sucrée.  Au  bout  de  quelques  jours  son  état  était  beaucoup 
plus  rassurant.  Il  n'y  avait  plus  d'épreintes,  plus  de  ténesme, 
plus  de  traces  de  sang  dans  les  selles.  Cet  homme  avoua 
alors  qu'au  lieu  de  trois  blancs  d'œuf,  il  en  avait  pris  huit 
chaque  jour.  La  convalescence  ne  tarda  pas  à  se  confirmer, 
et  depuis  celte  époque  elle  ne  s'est  pas  démentie. 

Dans  le  courant  de  l'été  suivant,  la  dyssenterie  ayant  re- 
paru dans  le  canton,  M.  Bodin  a  fait  un  très-fréquent  usage 
de  l'eau  albumineuse,  administrée  de  la  manière  suivante  : 
On  introduit  dans  une  bouteille  cinq  à  six  blancs  d'œuf  avec 
une  once  et  demie  de  sucre  en  poudre;  la  bouteille  est  en- 
suite remplie  d'eau  jusqu'au  col;  et  en  ayant  soin  d'y  ajou- 
ter quelques  grains  de  plomb  de  chasse,  si  l'on  agite  pendant 
quelques  instans,  on  a  un  mélange  parfait. 

Si  l'irritation  est  très-vive,  il  est  possible  que  cette  bois- 
son soit  rejetée  par  le  vomissement.  Dans  ce  cas,  on  peut  y 
ajouter  deux  cuillerées  de  sirop  d'acétate  de  morphine 
(formule  de  Magendie)  ou  quelques  gouttes  de  laudanum 
liquide  de  Sydenham.  Six  à  huit  blancs  d'œuf  dans  vingt- 
quatre  heures,  préparés  dans  les  proportions  ci-dessus,  for- 
ment l'unique  boisson  et  l'unique  aliment  des  malades.  On 
peut  l'aromatiser  avec  un  peu  d'eau  de  fleur  d'oranger,  de 
cannelle,  de  menthe,  etc.  Souvent  M.  Bodin  ajoute  trois  ou 
quatre  lavemens  dans  les  vingt -quatre  heures,  composés 
chacun  d'un  blanc  d'œuf, également  battu  dans  l'eau.  [Foyez 
art.  94.) 

ART.    1073. 

MÉDECINE  LÉGALE 

Lettre  sixième. 

Modèles  de  rapports  pour  tes  levées  de  corps.  — Règles  générales 
sur  la  manière  de  procéder  aux  ouvertures  judiciaires. 

M., 

En  médecine  légale,  il  ne  suffit  pas  de  donner  des  préceptes,  il 
faut  encore  en  faire  connaître  l'application.  Trop  de  médecins  pè- 


(284) 

chent  par  les  vices  dont  sont  entachés  leurs  rapports,  pour  qu'à 
l'occasion  de  chaque  sujet  médico-légal  je  ne  vous  fournisse  quel- 
ques modèles.  C'est  le  meilleur  moyen  de  bien  faire  sentir  les  li- 
mites dans  lesquelles  l'expert  doit  se  renfermer.  Voici  donc  trois 
exemples  de  levées  de  corps,  dont  je  vous  ai  entretenu  dans  ma 
dernière  lettre. 

Je  crois  devoir  ensuite,  pour  compléter  tous  les  préliminaires 
qui  sont  nécessaires  à  l'exposition  de  la  médecine  légale,  vous 
mettre  sous  les  yeux  la  manière  de  procéder  aux  ouvertures  judi- 
ciaires. Cette  opération  est  en  général  fort  mal  faite.  On  doit  cepen- 
dant y  apporter  autant  de  soin  qu'à  une  opération  de  chirurgie,  si 
1  on  ne  veut  pas  perdre,  dans  son  exploration,  les  faits  les  plus 
portans.  Toutes  ces  données  sont  pénibles  à  énoncer  et  à  lire,  mais 
elles  sont  tellement  nécessaires,  que  je  n'ai  pas  cru  devoir  vous  les 
passer  sous  silence. 

Premier  rapport. 

Nous  soussigné,  docteur ,  sur  l'invitation  de  M.  L , 

commissaire  de  police  du  quartier  de ,  nous  nous  sommes 

rendu  aujourd'hui  9 i83 ,    à  cinq  heures  du  matin,  quai 

oamt-Michel,  à  l'effet  de  procéder  à  Vexamen  du  corps  d'un  individu 
inconnu,  trouvé  sur  la  voie  publique  ;  de  déterminer  la  cause  de  la  mortf 
et  de  dire  si  elle  est  le  fait  de  -violences  on  de  blessures. 

Le  corps  qui  nous  est  représenté  est  dépouillé  de  ses  vêtemens  : 
il  paraît  être  celui  d'un  individu  de  trente  ans  environ  ;  les  cheveux 
sont  noirs  ;  les  yeux  bleus  ;  la  bouche  large  ;  le  nez  aqullin  ;  les  sour= 
cils  bruns;  la  barbe  bleue;  la  figure  généralement  maigre;  un  signe 
existe  au-devant  de  la  poitrine, plus  près  du  téton  gauche  que  du  téton 
droit;  il  est  garni  de  poils  et  saillant  à  la  surface  de  la  peau.  Sur  la 
face  palmaire  de  l'avant-bras,  on  trouve  un  tatouage  représentant 
un  cœur  traversé  par  une  flèche ,  avec  cette  inscription  :  amour 
éternel  ;  plus,  les  initiales  A  et  M.  Les  mains  sont  noires;  l'épiderme 
de  la  face  palmaire  de  la  main  et  des  doigts  est  épais,  comme  cela 
arrive  chez  les  ouvriers  qui  se  servent  d'outils  en  fer;  la  malpro- 
preté de  la  peau  de  la  figure  coïncide  avec  celle  des  mains.  Les 
muscles  des  membres  supérieurs  paraissent  plus  développés  que  ceux 
des  membres  inférieurs ,  ce  qui  tend  à  faire  présumer  que  dans 
son  état  cet  homme  mettait  plus  souvent  en  action  les  premiers  que 
les  seconds. 

La  physionomie  porte  l'air  hébété  d'un  homme  ivre  ;  on  ne  re- 
marque pas  à  l'extérieur  du  corps  de  trace  de  violences;  la  chaleur 
du  corps  est  encore  un  peu  appréciable  au  tronc;  les  membres  sont 
froids  et  dans  un  état  de  rigidité  cadavérique  ;  ce  dont  nous  nous 
sommes  assuré  en  fléchissant  l'avant-bras  sur  les  bras. 

D'où  nous  concluons  : 

i"  Qu'il  nous  est  impossible  de  déterminer  la  cause  de  la  mort  à 
laquelle  cet  individu  a  succombé,  l'ouverture  du  corps  pouvant 
seule  éclairer  cette  question  ; 

2°  Qu'il  n'existe  pas  à  l'extérieur  du  corps  d'indices  de  violences 
ou  de  blessures  auxquelles  on  puisse  l'attribuer; 

3"  Que  la  physionomie  hébétée  de  cet  individu  établit  quelques 


(a85) 

présomptions  sur  nu  état  d'ivresse  dans  lequel  il  se  serait  trouvé 
au  moment  de  la  mort;  mais  que  ce  n'est  qu'une  présomption. 

Deuxième  rapport. 

Le i83 ,  nous,   etc ,  nous  sommes   transporté 

rue ,  à  la  requête  de  M .commissaire ,  -ponr  visiter  le 

sieur qui  vient  de  mourir  subitement  ;  déterminer  la  cause  de  la 

mort  à  laquelle  il  a  succombé,  et  rechercher  si  elle  n'aurait  pas  été  le 
fait  de  violences. 

Le  corps  qui  nous  est  représenté  est  placé  sur  le  sol  de  la  bou- 
tique d'un  marchand  de  vin  chez  lequel  il  a  été  apporté  au  mo- 
ment de  la  mort.  La  figure  est  calme;  elle  n'exprime  pas  la  souf- 
france; la  chaleur  existe  sur  le  tronc  et  dans  les  parties  supérieures 
des  membres  ;  mais  les  mains,  les  pieds,  les  avant-bras  et  les  jambes 
sont  froids.  La  roideur  cadavérique  n'existe  nulle  part,  si  ce  n'est 
au  coude  droit,  que  l'on  a  de  la  peine  à  fléchir.  Le  pouls  est  nul; 
on  ne  sent  pas  les  battemens  du  cœur;  un  miroir  placé  devant  la 
bouche  n'est  pas  terni. 

Nous  ouvrons  la  veine  médiale  céphalique,  elle  donne  une  goutte 
de  sang.  Les  veines  superficielles  de  l'avant-bras  ne  se  sont  pas  rem- 
plies après  l'application  de  la  bande  à  saigner.  En  vain  nous  pla- 
çons de  l'ammoniaque  sous  le  nez,  en  vain  nous  stimulons  la  sur- 
face du  corps. 

Pendant  que  nous  administrons  ces  soins,  la  chaleur  générale 
s'éteint  de  plus  en  plus,  et  la  rigidité  cadavérique  est  devenue  très- 
manifeste  dans  les  genoux  et  dans  les  muscles  des  cuisses,  ce  dont 
nous  nous  sommes  assuré  en  fléchissant  les  jambes. 

D'où  nous  concluons  : 

1°  Que  la  mort  est  réelle; 

a»  Qu'il  est  impossible  d'en  préciser  la  cause  sans  procéder  à 
l'ouverture  du  corps;  une  syncope,  une  apoplexie,  la  rupture  d'un 
anévrisme  du  cœur  ou  d'un  gros  vaisseau,  une  hématémèse  et  d'au- 
tres causes  encore,  pouvant  coïncider  avec  l'état  cadavérique  dans 
lequel  nous  avons  trouvé  cet  individu  ; 

3°  Que  la  rapidité  de  la  mort,  et  surtout  l'absence  de  lésions  à 
rextérieur,établissent  des  présomptions  en  faveur  d'une  mprt  subite, 
spontanée. 

Troisième  rapport. 

En  vertu  d'une  requête  à  nous  adressée  par  le  commissaire  de 

police  du   quartier  de ,   nous,  A.  R....,    docteur,  nous  sommes 

rendu    rue ,  n" ,  au  cinquième  étage,   dans    une    chambre 

exposée  au  midi,  donnant  sur  ladite  rue,  où  nous  avons  trouvé 
M.  le  commissaire  de  police,  qui  nous  a  dit  avoir  fait  procéder  im- 
médiatement à  l'ouverture  de  la  porte  de  la  chambre,  d'après  les 
rapports  qui  lui  avaient  été  faits  par  des  voisins  sur  l'absence  du 

sieur  D que  l'on  avait  vu  rentrer  chez  lui  le i83 ,    qui 

n'en  était  pas  sorti  depuis  cette  époque,  et  qui  n'avait  pas  répondu 
aux  appels  nombreux  qui  lui  avaient  été  faits  ;  il  nous  annonce  en 
outre  n'avoir  dérangé  aucun  des  effets  qui  se  trouvent  dans  cette 
chambre. 


(  a86  ) 

Au  centre  <îe  la  chambre  nous  trouvons  deux  fourneaux  pou- 
vant contenir  ensemble  le   quart  d'un  boisseau  de  charbon.  Il  y 
reste  de  la  cendre  et  quelques  charbons  éteints.  Les  fourneaux  sont 
froids.  Une  odeur  de  charbon  est  répandue  dans  cette  pièce.   Les 
fenêtres  en  sont  hermétiquement  fermées  et   cilfoutrées.  Le  tuyau 
de  la  cheminée  est  bouché  par  une  planche  entrée  à  frottement  et 
tapissée  par  des  torchons  introduits  entre  ses  bords   et  les  parois 
du  tuyau.  On  ouvre  immédiatement  les  fenêtres  pour  renouveler 
l'air  de  la  pièce.  —  Dans  un  ht  est  couché  sur  le  dos  le  sieur  D. ...... 

Sa  face  est  violacée  ;  les  paupières  un  peu  tuméfiées  ;  la  peau  de  la 
région  antérieure  de  la  poitrine,  celle  des  cuisses  et  de  Tavant-bras 
droit  est  colorée  en  rose.  Des  lividités  cadavériques  très-marquées 
existent  tout  le  long  du  dos.  On  aperçoit  un  peu  d'écume  san- 
guinolente à  la  bouche  et  au  nez. — La  chaleur  du  corps  est  éteinte  ; 

la  roideur  cadavérique   est  très-prononcée,  et  l'on  fléchit  avec 

beaucoup  de  peine  l'avant-bras  sur  le  bras  :  ces  parties  acquièrent 
une  souplesse  très-grande  aussitôt  la  rigidité  vaincue. 

Conclusions  : 

1°  La  mort  est  réelle; 

a°  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'elle  a  été  le  résultat  d'une  asphyxie 
par  le  charbon,  quoique  l'autopsie  seule  paisse  en  donner  une 
preuve  certaine; 

3»  Il  n'y  a  pas  de  trace  de  violences  à  laquelle  on  puisse  attri- 
buer la  mort. 

Fait  à ce i83 


DES  OUVEKTUKES  DE  CORPS. 


Nous  diviserons  en  plusieurs  paragraphes  ce  qui  les  concerne. 
i"  Des  rapports  qui  doivent  exister  entre  les  médecins  et  les  magis- 
trats; 2°  des  règles  qui  doivent  précéder  l'autopsie. 

A.  Un  médecin  ne  doit  jamais  faire  judiciairement  une  ouverture 
de  corps,  s'il  n'a  reçu  mission  écrite  d'y  procéder  de  la  part  d'un 
magistrat  ou  d'un  de  ses  délégués.  Il  faut  cependant  en  excepter  le 
cas  où  le  magistrat  est  présent  à  l'autopsie;  et  encore,  comme  il 
l'ordonne  dans  un  but,  il  doit  nécessairement  consigner  dans  une 
ordonnance  et  sous  la  forme  de  questions,  les  points  sur  lesquels 
il  désire  que  le  médecin  s'explique.  Les  termes  de  cette  ordonnance 
doivent  avant  tout  être  pesés  par  le  médecin,  et  la  direction  qu'il 
imprimera  à  son  opération  aura  pour  but  principal  la  solution  des 
questions  qui  lui  auront  été  soumises. 

B.  Lorsqu'un  crime  est  découvert,  qu'il  y  a  urgence  à  procéder, 
comme  dans  les  cas  de  flagrant  délit,  dans  ceux  d'assassinat,  d'em- 
poisonnement, etc.,  dans  tous  les  grands  crimes,  en  un  mot;  le  pro- 
cureur du  roi  ou  l'un  de  ses  substituts  se  transporte  en  personne  sur 
les  lieux,  accompagné  d'un  greffier,  et  le  plus  souvent  de  deux  doc- 
teurs en  médecine,  et  fait  procéder  en  sa  présence  à  l'autopsie  ca- 
davérique. Cette  opération  ne  doit  jamais  être  commencée  avant 
l'arrivée  des  magistrats,  et  si  quelque  scellé  a  été  apposé,  il  ne 
peut  être  rompu  que  par  le  magistrat,  quand  même  le  médecin 
aurait  entre  ses  mains  l'ordonnance  qui  le  concerne.  Dans  les 
villes  où  il  existe  un  tribunal,  les  autopsies  des  grands  crimes  se 


(a87) 

font  ordinairement  en  présence  d'un  substitut  du  procurear  du 
roi  et  d'un  juge  d'instruction.  Celui-ci  dirige  alors  toutes  les  opéra- 
tions, les  expose  en  son  nom,  et  préside  en  un  mot  à  tout  ce 
qui  fait  le  sujet  des  recherches.  Une  fois  qu'un  juge  est  chargé 
d'une  affaire  criminelle,  il  en  dirige  toute  l'instruction.  Dans  d'autres 
cas,  le  juge  d'instruction  ou  le  procureur  du  roi  délègue  un  com- 
missaire de  police  pour  assister  à  l'autopsie. 

C.  Le  médecin  doit  avant  toute  chose  prêter  serment,  entre  les 
mains  du  magistrat,  de  procéder  à  ses  recherches  et  de  faire  son 
rapport  en  son  honneur  et  couscience, 

D.  Ces  opérations  sont  quelquefois  faites  en  présence  de  la  per- 
sonne que  l'on  soupçonne  être  l'auteur  du  crime.  Alors,  avant  de 
procéder  à  l'ouverture,  le  médecin  doit  faire  faire  par  le  magis- 
trat, à  l'accusé,  la  reconnaissance  du  sujet.  Il  devra  de  plus, 
au  fur  et  à  mesure  qu'il  observera  une  nouvelle  lésion  ou  blessure, 
la  montrer  à  l'accusé.  Ce  n'est  pas  du  reste  à  lui  à  tirer  des  consé- 
quences des  impressions  que  ces  démonstrations  auront  pu  faire 
sur  la  physionomie  du  prévenu. 

E.  Avant  de  procéder  à  l'autopsie,  le  médecin  se  procurera 
tous  les  instrumens,  ustensiles  ou  produits  chimiques  nécessaires. 
Ces  instrumens  sont  :  des  bistouris  droits  et  convexes,  des  ci- 
seaux, des  pinces  à  disséquer,  des  stilets,  une  sonde  cannelée , 
des  érignes,  une  scie,  un  compas  d'épaisseur,  un  pied-de-roi,  un 
marteau,  du  fil,  des  éponges,  de  l'eau  et  du  linge;  un  entérotome, 
une  rugine,  de  l'encre  ou  un  autre  liquide  coloré. 

F.  Il  faut  aussi  avant  toute  chose  qu'il  observe  avec  soin  les  lieux 
dans  lesquels  il  est  conduit,  les  objets  qui  s'y  trouvent,  alors  qu'ils 
peuvent  avoir  quelques  rapports  avec  l'opération  qu'il  va  faire.  11 
ne  doit  jamais  déranger  les  meubles,  ustensiles  ou  objets  qui  envi- 
ronnent le  corps,  avant  qu'il  en  ait  été  fait  une  description  par  le 
magistrat  qui  l'accompagne,  ou  au  moins  avant  qu'ils  aient  été 
vus  par  lui.  Il  indiquera  ce  qui  entoure  le  corps,  les  machines  ou 
instrumens  placés  aux  environs;  les  traces  ou  marques  qui  se  trou- 
vent à  la  surface  du  sol. 

G.  Il  faut  alors  décrire  l'aspect  général  du  cadavre,  sa  posi- 
tion, les  objets  qui  l'environnent,  et  donner  son  signalement,  à^e, 
stature,  embonpoint,  taches  ou  marques  que  l'on  incise  pour  en 
constater  la  nature. 

H.  Alors  on  procède  à  l'examen  de  la  surface  du  cadavre,  on  ex- 
plore son  altitude, ie  degré  de  rigidité  des  parties;  les  yeux,  la  bou- 
che, le  nez,  les  oreilles,  sous  le  rapport  des  corps  étrangers  qu'ils 
pourraient  contenir;  le  degré  de  putréfaction  et  ses  caractères;  et  après 
avoir  décrit  ce  qu'on  y  observe ,  on  fait  placer  le  corps  sur  une 
table  ou  autre  objet,  où  l'autopsie  soit  facilement  exécutée.  —  Le 
corps  est-il  placé  sur  une  grande  route,  dans  les  champs,  dans  un 
bois,  on  décrit  son  attitude,  on  tire  tout  le  parti  possible  de  l'examen 
extérieur,  et  ensuite  on  le  fait  transporter  avec  précaution  dans  on 
endroit  commode  à  l'autopsie. 

On  dépouille  le  cadavre  de  ses  vêtemens;  on  recherche  s'ils  sont 
salis,  tachés,  ou  présentent  quelques  traces  de  coupure,  de  dé- 
chirure, de  la  boue,  etc.;  s'il  existe  des  plaies,   excoriations  ou 


(  288  ) 

contusions  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  lividittiS  cadavé- 
riques ;  si  les  os  sont  fracturés  ou  luxés;  si  en  comprimant  le 
thorax  on  ne  fait  pas  sortir  du  nez  ou  delà  bouche  des  fluides  mêlés 
de  gaz;  si  les  mamelles  comprimées  ne  donnent  pas  du  lait;  si  dans 
le  repli  inférieur  des  seins  il  n'existe  pas  une  blessure.  On  examine 
l'abdomen,  l'anus,  les  parties  génitales,  pour  savoir  s'il  n'y  a  pas 
quelques  indices  de  maladies  vénériennes,  soit  chez  l'homme,  soit 
chez  la  femme.  On  prend  note  de  ce  que  l'on  remarque. 


VARIÉTÉS. 

Le  tribunal  correctionnel  de  Boulogne  vient  de  rendre  un  arrôt  en 
inatière  de  pharmacie,  qui  pourra  intéresser  un  grand  nombre  de  nos 
lecteurs.  11  s'agissait  de  résoudre  les  propositions  suivantes  : 

Le  pharmacien  qui  exécute  les  prescriptions,  rédigées  selon  les  règles 
pharmaceutiques,  d'un  individu  se  disant  médecin,  niais  n'ayant  pas 
celte  qualité,  contrevient-il  à  l'art,  ôa  de  la  loi  du  21  germinal  an  XI, 
si  d'ailleurs  tout  a  concouru  à  lui  présenter  le  signataire  des  prescrip- 
tions comme  médecin  f  (  Rés.  nég.) 

Les  art.  54  et  35  de  la  même  loi  sont-ils  applicables  au  pharmacien 
qui  délivre  à  un  médecin  ou  à  un  individu  qu'il  a  lieu  de  croire  tel,  et 
sur  sa  propre  prescription  signée  de  lui  ou  sur  sa  demande  personnelle, 
une  dose  d'un  médicament  qui  est  en  même  temps  une  substance  vé- 
néneuse active, laquelle  n'excède  pas  la  quantité  nécessaire  à  un  usage 
continué  quelques  jours?  (Rés.  nég.) 

Peul-on  suppléer  par  une  amende  de  simple  police  au  défaut  absolu 
de  sanction  pénale  de  l'art.  35  précité?  (Rés.  neg.) 

Les  médecins  étrangers,  ou  soi-disant  tels,  qui  n'exercent  la  méde- 
cine que  parmi  leurs  compatriotes,  peuvent-ils  être  condamnés  aux 
peines  portées  par  l'art.  56  de  la  loi  du  19  ventôse  an  XI  ?  (  Rés.  impl. 
parla  nég.) 

Voici  le  fait  qui  avait  donné  naissance  à  ces  diverses  questions  :  Un 
A-Qglais,  domicilié  en  France  depuis  plusieurs  années,  habitait  Bou- 
logne depuis  trois  ans,  et  voyait  journellement  une  assez  grande  quan- 
tité de  malades.  Il  possédait  des  connaissances  en  médecine  assez  éten- 
dues, signait  un  grand  nombre  de  formules  parl'aitunienl  régulières; 
tout  enfin,  chez  cet  homme,  devait  faire  admettre  comme  justifiée  la 
qualité  de  médecin  qu'il  se  donnait. 

Cet  Anglais,  qui  avait  habité  l'Inde  pendant  un  grand  nombre  d'an- 
nées, avait  contracté  l'habitude  de  prendre  à  assez  hautes  doses  des 
narcotiques,  dont  il  délivrait  des  reçus  chez  divers  pharmaciens,  et  spé- 
cialement chez  MM.  Buron  et  Leroy.  Quelqu'un  s'étant  emparé  de  ces 
formules,  le  dénonça  à  l'autorité  comme  ayant  fait  de  ces  narcotiques 
l'usage  le  plus  coupable.  Une  instruction  se  poursuit  sur  ce  point,  mais 
le  ministère  public  actionna  d'abord  MM.  Buron  et  Leroy,  pour  contra- 
vention aux  article»  32,  54  et  35  de  la  loi  du  ai  germinal  an  XI,  sur 
l'ttxercice  de  la  pharmacie,  et  se  voir  condamner  à  l'amende  de  3,ooo  fr. 
prononcée  par  l'art.  54. 

Le  tribunal,  dans  des  considérans  fort  étendus,  a  établi  la  non- 
culpabilité  de»  prévenus,  et  les  a  renvoyés  de  toutes  les  poursuite»  diri- 
gées contre  eux  par  le  procureur  du  roi. 


(289) 

ART.     1074- 

Considérations  sur  l'emploi  des  purgatifs  dans  les  fièvres  typhoïdes. 

Nous  avons  observé  depuis  un  an,  tant  en  ville  que  dans 
les  hôpitaux,  une  grande  quantité  de  fièvres  typhoïdes.  Pen- 
dant l'hiver  surtout,  et  dans  certaines  salles,  presque  toutes 
les  maladies  avaient  une  tendance  singulière  à  revêtir  le  ca- 
ractère adynamique,  et,  à  l'heure  où  nous  écrivons,  cette 
forme  est  encore  commune  et  enlève  un  grand  nombre  de 
malades.  On  ne  saurait  rien  dire  de  nouveau  sur  la  marche 
et  les  symptômes  de  cette  terrible  aflection,  sur  sa  terminaison 
si  souvent  funeste,  non  plus  que  sur  les  causes  présumées  de 
cette  espèce  d'épidémie;  mais  nous  devons  nous  arrêter  quel- 
ques instans  sur  son  traitement,  et  en  particulier  sur  la  mé- 
thode évacuante  dont  un  médecin  a  assuré,  dans  ces  derniers 
temps,  avoir  retiré  les  plus  beaux  succès, 

M.  de  Laroque,  médecin  de  l'hôpital  Necker,  a  présenté 
à  l'Académie  un  mémoire  sur  l'utilité  des  purgatifs  dans  la 
fièvre  typhoïde.  Dans  ce  travail,  ce  médecin  prétend  avoir 
eu,  par  ce  mode  de  traitement,  un  succès  bien  plus  grand 
que  celui  qu'on  obtient  en  général  par  toutes  les  autres  mé- 
thodes. Beaucoup  de  praticiens  se  sont  empressés,  sur  cet 
avis,  de  recourir  au  même  moyen,  ce  qui  nous  a  mis  à  même 
de  voir  dans  un  grand  nombre  de  cas  les  effets  de  ces  éva- 
cuans  dans  la  maladie  qui  nous  occupe. 

Le  rapport  à  l'Académie  sur  ce  mémoire  aurait  été  fait 
depuis  plusieurs  mois,  si  un  membre  de  cette  assemblée, 
croyant  avoir  quelques  faits  importans  à  opposer  aux  asser- 
tions de  M.  de  Laroque,  n'avait  demandé  qu'on  en  retardât 
la  lecture.  Ce  rapport  et  la  discussion  qui  doit  suivre  seront 
sans  doute  d'un  grand  intérêt  pour  la  pratique  ;  mais  l'époque 
en  paraissant  reculée  indéfiniment,  nous  devons  faire  con- 
naître les  résultats  que  les  praticiens  ont  retirés  de  la  méthode 
évacuante. 

M.  de  Laroque  considère  les  saignées  générales  et  locales 
comme  presque  constamment  nuisibles,  et  partant  de  cette 
idée  que  la  bile,  acquérant  dans  la  fièvre  typhoïde  beaucoup 
d'âcreté,  il  faut  s'empresser  d'en  favoriser  l'expulsion  pour 
prévenir  le  développement  des  ulcères  dans  l'intestin,  il  ne 
s'arrête  nullement  auxdiverses  formes  de  la  maladie  etpurge 
constamment  avec  des  purgatifs  doux.  Seulement,  lorsqu'au 
début  il  existe  des  symptômes  d'embarras  gastrique,  ce  prati- 
cien a  d'abord  recours  aux  vomitifs. 

M.  Piedagnel,  chargé  d'un  service  médical  à  l'Hôtel-Dieu, 

ÏOM.    VI. N"  DE  JVILLET.  I9 


voulut,  à  l'instar  de  M.  de  Laroque,  essayer  les  effets  de  la 
méthode  évacuante.  11  réunît  dans  ses  salles  un  grand  nombre 
d'affections  typhoïdes,  et  administra  des  purgatifs  en  suivant 
à  peu  près  la  même  marche.  Les  malades  étaient  purgés  tous 
les  deux  jours  ;  on  leur  donnait  pour  boisson  une  solution  de 
sirop  de  groseille,  et  pour  alimens  trois  bouillons.  Lorsque 
le  purgatif  ne  produisait  que  peu  d'effets,  on  en  administrait 
un  plus  fort.  Quand  il  y  avait  gargouillement  abdominal  ou 
météorisme,  on  donnait  aussi  un  purgatif  plus  violent.  lien 
résultait  que  les  malades  avaient  presque  toujours  de  six  à  dix 
selles  dans  les  vingt-quatre  heures,  quelquefois  beaucoup 
plus.  Le  plus  souvent  trois  ou  quatre  purgatifs  suffisaient  dans 
le  cours  de  la  maladie,  mais  quelquefois  on  en  a  donné  jus- 
qu'à douze  et  quinze  malgré  l'existence  de  la  diarrhée  ou  de 
points  douloureux  dans  le  ventre. 

Les  substances  employées  par  M.  Piedagnel  étaient  l'eau 
de  Sedlitz  gazeuse,  à  la  dose  de  deux  verres  à  une  bouteille, 
quelquefois  deux;  une  à  deux  onces  de  sel  d'Epsom;  l'huile 
de  ricin,  de  demi-once  à  deux  onces  ;  l'huile  d'épurge,  de  six 
à  dix  gouttes;  un  grain  ou  deux  de  tartre  stibié;  la  décoction 
de  séné  ;  le  calomel  ;  l'huile  de  croton.  Toutes  ces  substances 
étaient  données  soit  en  potion,  soit  en  lavement. 

En  neuf  mois,  ce  médecin  a  traité  de  la  sorte  cent  trente- 
quatre  fièvres  typhoïdes  avec  des  succès  divers.  Dans  un 
mémoire  lu  à  l'Académie  royale  de  médecine,  voulant  appré- 
cier les  effets  dos  purgatifs,  il  a  établi  des  distinctions  suivant 
les  diverses  formes  de  la  maladie  ;  ainsi  il  a  reconnu  des 
fièvres  typhoïdes  simples,  adynamiqu.es,  ataxiqaes  ei  foudroyan- 
tes, c'est-à-dire  emportant  les  malade*  en  quelques  jours 
sans  laisser  de  lésions  cadavériques.  Voici  les  résultats  obte- 
nus dans  ces  différentes  formes  par  la  méthode  évacuante  : 

Sur  cent  trente-quatre  malodes,  cent  quinze  ont  guéri;  il 
en  est  mort dix-neufdans les  proportions  suivantes:  typhoïdes 
simples  et  légères,  soixante-neuf,  pas  de  morts  ;  typhoïdes 
adynamiques,  quarante-neuf,  guéris  trente-neuf,  morts  dix; 
typhoïdes  ataxiques,  seize,  guéris  sept,  morts  neuf.  Nos  lec- 
teurs verront  par  ce  résultat  quelles  sont  les  formes  des 
fièvres  typhoïdes  qui  réclament  le  tr;i:lL;:iic;jl  par  les  évacuans. 
Les  journaux  de  médecine  ont  publié  plusieurs  observa- 
lions  de  fièvres  typhoïdes  ainsi  traitées.  Les  unes  prouvent 
en  faveurde  celte  méthode,  les  autres  au  contraire  témoignent 
des  dangers  qu'elle  peut  oflrir  dans  certains  cas,  en  montrant 
la  maladie  s'aggravant  sous  l'influence  des  purgatifs,  et  se 
terminant  rapidement  d'une  manière  funeste. 

Si  nous  nous  en  rapportons  à  ce  que  nous  avons  vu  nous- 


(  291  ) 

même  dans  les  différens  hôpitaux  de  Paris,  nous  serons  bien 
loin  de  pai  tager  l'opinion  lavorable  de  31.  de  Laroque  sur  ce 
traitement;  dans  certain»  cas,  en  effet,  il  nous  a  bien  semblé 
que  Taniélioration  datait  de  l'époque  de  l'administration  des 
purgatifs,  uiai>  le  plus  souvent  ces  é?acuans  n'ont  point  em- 
pêché la  maladie  de  suivre  son  cours,  quelquefois  ils  ont  été 
manifestement  nuisibles  et  outéridemment  contribuée  à  rap- 
procher le  moment  de  la  mort. 

Nous  croyons  donc  pouvoir  conclure  que  si  dans  certains 
cas  de  lièvres  typhoïdes  l'administration  des  purgatifs  peut 
être  avantageuse,  on  ne  saurait  jusqu'à  ce  jour  indiquer  le 
moaient  où  ce  mode  de  traitement  est  opportun;  et  que  dans 
la  plupart  des  cas  où  on  y  a  recours,  ou  agit  en  aveugle  et 
sans  pouvoir  en  aucune  manière  prédire  l'effet  favorable  ou 
funeste  qu'on  va  produire.  Le  sujet  est  trop  important  pour 
que  nous  laissions  ignorer  à  nos  lecteurs  aucun  des  efforts 
qui  seront  faits  pour  éclairer  cette  grande  question  de  théra- 
peutique. 

ART.    1075. 

De  l'emploi  des  mercuriaux  dans  les  maladies  inflammatoires 
des  yeux. 

M.  Gérard  a  publié  dans  la  Revue  médicale  quelques  obser- 
vations sur  l'emploi  du  calomel  porté  jusqu'à  la  salivation 
dans  quelques  maladies  des  yeux,  ce  médecin  fait  d'abord 
remarquer  que  ce  mode  de  traitement  n'est  pas  sans  iacon- 
yénient,  que  le  ptyalisme  porté  trop  loin  peut  déterminer  de 
graves  accidens,  et  le  calomel  administré  à  trop  haute  dose 
irriter  l'estomac,  et  i;auser  même  une.  gastro-entérite  mor- 
telle. Une  chose  importante  à  observer,  suivant  M.  Gérard, 
est  de  supprimer  l'emploi  de  ce  médicament  dès  qu'on  re- 
connaît un  peu  de  rougeur  aux  gencives.  Quand  on  est  ar- 
rivé à  ce  point,  la  salivation  ne  tarde  pas  à  se  manifester,  et 
la  révulsion  est  suffisante  poi/r  enrayer  la  marche  de  l'oph- 
talmie. Voici  quelques-uns  des  faits  observés  par  ce  mé- 
decin : 

Une  femme  de  trente-cinq  ans,  nourrice,  était  atteinte  de- 
puis trois  jours  d'une  maladie  des  deux  yeux.  Les  cornées 
étaient  d'une  rougeur  brunâtre  et  légèrement  épaissies,  la 
sclérotique  et  la  conjonctive  fortement  injectées  ;  il  y  avait 
crainte  de  la  lumière  et  douleurs  lancinntes  dans  l'intérieur 
de  l'orbite  se  prolongeant  jusqu'aux  tempes.  Une  saignée  de 
quinze  onces  fut  aussitôt  pratiquée;  on  ordonna  des  lotions 


1 292  ) 

sur  les  yeux  avec  de  l'eau  froide,  et  un  bain  entier  avec  des 
affusions  froides  sur  la  tête. 

Le  lendemain,  comme  il  n'y  avait  pas  d'amélioration, 
M.  Gérard  prescrivit  vingt-cinq  sangsues  aux  malléoles  et 
trente-six  grains  de  calomel  en  six  pilules  prises  de  quatre 
en  quatre  heures;  on  continua  le  calomel  les  troisième  et 
quatriènie  jours;  le  cinquième,  une  irritation  buccale  se  dé- 
clara avec  gonûement  des  gencives  ;  le  ptyalisme  se  mani- 
festa, et  le  calomel  fut  supprimé. 

Le  sixième  jour,  la  salivation  se  trouvant  abondante,  il 
fut  prescrit  l'usage  de  la  limonade  et  d'un  gargarisme  émol- 
lient.  Le  dixième  jour,  la  malade  était  complètement  guérie 
et  de  l'inflammation  des  yeux  et  de  la  salivation  mercu- 
rielle. 

La  seconde  observation  citée  par  M.  Gérard  est  à  peu  près 
semblable  ù  celle  qu'on  vient  de  lire;  mais  dans  la  troisième 
il  se  présenta  une  circonstance  particulière  :  l'inflammation 
était  portée  à  un  plus  haut  degré,  et  déjà  un  abcès  s'était 
formé  dans  la  cornée.  Le  premier  jour,  on  fit  une  saignée  et 
des  lotions  froides  sur  l'œil;  le  lendemain,  l'état  de  l'organe 
n'étant  pas  amélioré,  trente  sangsues  furent  appliquées  aux 
malléoles;  on  prescrivit  en  outre  un  bain  entier  avec  des 
affusions  froides  sur  la  tête  et  trente-six  grains  de  calomel, 
qui  déterminèrent  une  irritation  gastro-intestinale  assez  vive 
pour  qu'on  fût  forcé  d'en  suspendre  l'emploi.  L'état  de  l'œil 
n'étant  pas  amendé,  et  la  malade  étant  menacée  de  perdre 
cet  organe,  M.  Gérard  se  décida  sur-le-champ  à  produire  la 
salivation,  en  pratiquant  quatre  frictions  par  jour  sur  les 
membres  inférieurs  avec  une  once  d'onguent  mercuriel  dou- 
ble. Dès  le  troisième  jour  de  l'emploi  de  ces  frictions,  l'amé- 
lioration de  l'œil  était  évidente;  la  collection  puriforme  était 
tout-à-fait  absorbée,  mais  il  restait  un  léger  épaississement 
en  bas  et  en  dehors  de  la  cornée  ;  le  ptyalisme  survint  alors, 
et  il  fallut  suspendre  les  frictions.  On  prescrivit  l'usage  de  la 
limonade,  un  gargarisme  émollient  et  des  lotions  avec  le 
collyre  de  M.  Pamard,  qui  est  ainsi  composé  : 

Pi\  Eau  de  plantain,  huit  onces  ; 

Mucilage  de  graines  de  coing,  une  once; 
Sulfate  de  zinc,  huit  grains; 
Alcool  camphré,  quinze  gouttes. 

La  guérison  ne  se  fit  p:vs  long-temps  attendre;  il  ne  resta 
qu'un  petit  albugo  qu'on  finit  par  enlever  ciilièr(!ment  avec 
le  collyre  sec  de  Dupuytren. 

liè/lcrioîis.  Malgré  les  accidens  graves  qui  peuvent  résul- 


(293) 
ter  de  la  salivation  mercurielle  et  les  inconvéniens  qui  l'ac- 
compagnent constamment,  le  calomel,  à  haute  dose,  peut 
être  une  précieuse  ressource  lorsque  la  désorganisation  de 
l'œil  est  à  craindre;  mais,  ainsi  que  Ta  fait  remarquer  M.  Gé- 
rard, on  conçoit  quel  serait  le  danger  d'une  pareille  pratique 
dans  les  cas  d'une  moindre  gravité.  Nous  ajouterons  qu'il 
faudrait  bien  se  donner  de  garde  d'administrer  le  calomel  à 
haute  dose  chez  les  jeunes  enfans,  car  la  salivation  qu'on 
déterminerait  par  cette  manœuvre  serait  presque  infaillible- 
ment mortelle.  Il  est  d'observation  en  effet  que  la  plupart 
des  enfans  du  premier  âge  chez  lesquels  cet  accident  se  dé- 
clare meurent  asphyxiés,  soit  par  les  mucosités  abondantes 
qui  s'écoulent  dans  la  trachée-artère,  soit  plutôt  par  le  gon- 
flement de  l'isthme  du  gosier,  qui  ne  permet  plus  à  l'air  de 
passer  en  suffisante  quantité.  Cette  remarque  ne  doit  jamais 
être  oubliée  dans  les  nombreuses  circonstances  où  les  mer- 
curiaux  sont  administrés  chez  les  enfans, 

ABT.  1076. 

Quelques  considérations  sur  le  secret  imposé  aux  médecins. 

M.  le  docteur  BouUet  a  publié  dans  les  annales  d'hygiène 
et  de  médecine  légale  l'observation  suivante,  qui  peut  donner 
matière  à  des  considérations  pratiques  importantes. 

Le  cadavre  d'un  enfant  nouveau-né  est  trouvé  sur  le  bord 
d'une  rivière.  Plusieurs  circonstances  appellent  les  soupçons 
sur  une  femme  qui,  quelques  mois  auparavant,  avait  fait  une 
déclaration  de  grossesse,  et  qui  depuis  peu  avait  disparu  de  la 
commune  où  Penfant  avait  été  trouvé  et  où  elle  résidait  ha- 
bituellement. Au  bout  de  quelques  jours,  le  juge  de  paix 
appelle  un  homme  de  l'art  pour  constater  si  elle  est  récem- 
ment accouchée,  et  acquiert  la  conviction  qu'elle  est  encore 
enceinte;  par  conséquent,  toute  poursuite  cesse  d'être  diri- 
gée contre  elle. 

Le  même  jour,  se  présente  au  même  praticien  un  vaga- 
bond qui  lui  dit  venir  du  côté  opposé  au  théâtre  du  crime. 
Il  raconte  que  sa  femme  avait  ses  règles,  et  que  depuis  quel- 
ques jours  elle  lésa  vues  se  suspendre,  après  avoir  bu  de  l'eau 
froide.  Des  coliques  très-violentes  la  forcèrent  à  lui  deman- 
der une  place  dans  l'hôpital  dont  il  est  chargé.  Il  y  avait  de 
quoi  éveiller  l'attention  :  aussi  cette  malade  est-elle  admise 
à  l'hospice,  et  observée  avec  un  double  intérêt.  Elle  raconte 
les  choses  de  la  même  manière  que  son  mari.  On  peut  remar- 
quer un  peu  de  coloration  des  pommettes,  et  un  léger  mou- 


(394) 

vement  fébrile.  Son  tempérament  est  sanguin  ;  son  Sge  ne 
dépasse  pas  vingt-hnit  ans.  Il  n'y  avait  rien  de  très-aigu 
dans  les  symptômes;  la  diète,  les  lavemens  et  les  boissons 
délayantes,  des  potions  calmantes,  furent  les  senls  moyen? 
ordonnés.  Comme  la  malade  avait  la  gale,  on  attendit  jusqu'à 
ce  qu'il  y  eût  indication  plus  urgente  pour  appliquer  des 
sangsues  à  la  vulve. 

Dans  la  crainte  que  des  recherches  ne  pussent  lui  inspirer 
de  l'inquiétude,  on  se  contenta  des  renseignemens  que  four- 
nirent à  son  insu  les  personnes  qui  l'entouraient.  Des  taches 
sanguinolentes  avaient  été  remarquées  dans  sa  chemise  et 
dans  ses  draps.  A  son  arrivée  à  l'hospice,  elle  était  garnie 
d'un  mouchoir  qui  portait  les  mêmes  indices.  Bientôt  on 
remarqîia  des  taches,  que  la  religieuse  compara  d'elle-même 
à  celles  que  pourrait  produire  du  lait.  Après  un  séjour  très- 
court  à  l'hospice,  cette  femme  se  hâta  d'en  sortir,  à  l'insu 
du  médecin,  dès  qu'elle  se  sentit  mieux,  et  depuis  elle  a  été 
perdue  de  vue. 

Ce  fait  donne  occasion  à  M.  lîoullet  d'examiner  jusqu'à 
quel  point  le  médecin  est  tenu  de  garder  les  secrets  à  la  dé- 
couverte desquels  il  parvient  dans  l'exercice  de  sa  profession  ; 
et  d'abord  pour  les  crimes  politiques,  ce  médecin  n'hésite  pas 
à  recommander  le  silence  le  plus  absolu.  Quant  à  l'assassin, 
au  parricide  même,  il  auraitencore,  dit-il,  les  mêmesdroitsà 
notre  discrétion,  car  nous  ne  devons  jamais  nuire  au  malade 
qui  réclame  nos  soins;  nous  devons  même  paraître  ajou- 
ter foi  aux  versions  qu'il  invente  pour  nous  tromper  :  seule- 
ment, lorsque  nous  découvrons  l'existence  d'im  crime,  nous 
devons  en  prévenir  l'autorité,  mais  sans  indiquer  le  cou- 
pable. 

Mais  si,  dans  le  cas  cité,  des  charges  s'étaient  élevées  con- 
tre la  femme  faussement  inculpée,  qu'aurait  dû  faire  le  mé- 
decin? Il  aurait  dû,  suivant  iM.  Boullet.  prévenir  la  coupable, 
afin  de  lui  donner  le  temps  de  s'évader:  puis,  après  avoir 
fait  promettre  à  l'un  des  jurés  le  secret  le  plus  inviolable, 
lui  faire  part  de  sa  découverte. 

Enfin  cette  mendiante  qui  s't  '^sentée  à   l'hôpital  de- 

vait-elle être  examinée  avec  plus  .oin  qu'on  ne  l'a  fait? 
M.  Boullet  ne  le  croit  pas  eu'-ore  :  \\n  examen  plus  scrupu- 
leux aurait  pu  l'inquiéter  si  elle  était  coupable,  et  la  contra- 
rier si  elle  ne  l'était  pas.  Mais  si  elle  avait  succombé,  le  mé- 
decin '^ût  dû  faire  l'autopeic,  afin  de  vérifier  les  soupçons 
qu'il  pouvait  avoir. 

BéfcTiom.  Tl  n'est  auctm  de  nos  lecteurs  qui  ne  doive  à 
bon  droit  s'étonner  de  quelques-unes  des  propositions  qu'on 


(295) 

vient  de  lire;  et  il  est  à  regretter  que  les  rédacteurs  des 
Annales,  dont  l'opinion  fait  loi  en  quelque  sorte  en  méde- 
cine légale,  aient  publié  cet  article  sans  l'accompagner  de 
réflexions  qui  fissent  connaître  aux  praticiens  leur  opinion 
sur  ce  sujet.  Comment  en  effet  admettre  qu'on  doive  fermer 
les  yeux  sur  l'état  d'un  malade,  par  cela  seul  qu'on  le  soup- 
çonne coupable  d'un  crime;  qu'on  doive  acaepter  toutes  les 
explications  qu'il  lui  plaît  de  nous  donner,  et  se  borner 
à  quelques  moyens  généraux,  faire  même  une  seule  pres- 
cription, sans  s'assurer  par  un  examen  approfondi  de  la  na- 
ture de  son  mal  ?  Mais  c'est  compromettre  la  dignité  de  notre 
art,  c'est  nous  prêter  de  bonne  grâce  à  devenir  le  jouet  d'un 
imposteur;  disons  mieux  encore,  c'est  exposer  la  vie  de  celui 
qui  nous  trompe,  car  lui  donner  des  soins  sans  savoir  quel 
est  son  mal,  c'est  l'exposer  à  tous  les  accidens  qui  peuvent 
résulter  soit  d'une  temporisation  inopportune,  soit  d'une 
médication  mal  appropriée. 

C'est  par  une  discrétion  aussi  déplacée  que  des  médecins, 
craignant  de  blesser  par  un  examen  approfondi  la  pudeur  de 
jeunes  filles  qui  présentaient  un  développement  considérable 
de  ventre  et  s'elforçaient  de  faire  croire  à  l'existence  d'u'ne 
hydropisie,  se  sont  rendus  complices,  bien  involontairement 
sans  doute,  du  crime  de  leurs  malades,  en  déterminant  chez 
elles  l'avortement  par  des  purgatifs  et  par  des  emménago- 
gues.  Nous  avons  cité  les  faits  de  ce  genre;  nous  pourrions 
en  ajouter  d'autres'qui  se  sont  passés  aussi  publiquement. 

Il  n'est  pas  besoin  d'insister  sur  l'étrange  procédé  con- 
seillé par  l'auteur  de  cet  article  pour  mettre  sa  conscience 
en  repos,  car,  au  lieu  de  faire  promettre  le  secret  à  un  des 
jurés,  il  faudrait  évidemment  faire  la  même  confidence  à 
tous,  puisque  tous  sont  appelés  à  juger  la  prévenue  :  ce  serait 
alors  le  secret  de  la  comédie. 

La  question  du  secret  imposé  au  médecin  est  une  des  plus 
délicates  et  des  plus  difficiles  qu'on  puisse  rencontrer  dans 
l'étude  de  notre  art,  aucun  principe  ne  nous  dirige  pour  la 
résoudre;  et  lorsque  par  hasard  on  s'en  occupe  dans  les  re- 
cueils périodiques,  chacun,  jugeant  par  sentiment  et  d'abon- 
dance de  cœur  en  quelque  sorte,  substitue  ses  premières 
impressions  aux  plus  simples  raisonnemens,  et  nous  donne 
autant  d'opinions  différentes  que  de  mémoires  sur  ce  sujet. 
Il  résulte  de  ces  assertions  diverses  une  confusion  telle,  que 
le  praticien  qui  se  trouve  en  présence  de  ces  faits  embarras- 
sans  reste  absolument  sans  guide  et  livré  à  toute  l'incerti- 
tude d'une  position  équivoque. 

Nous  n'avons  pas  la  préteation  d'établir  sur  ce  point  des 


(^96) 

règles  fixes  et  invariables  sur  lesquelles  on  puisse,  à  l'occa- 
sion et  dans  tous  les  cas,  s'appuyer  pour  concilier  à  la  fois  ses 
devoirs  envers  la  société  et  envers  le  malade  qui  nous  con- 
sulte; mais  il  est  nécessaire  de  signaler  quelques  différences 
de  position  qu'on  pourrait  confondre,  et  surtout  quelques 
erreurs  qui  tendent  à  s'accréditer. 

Etablissons  d^abord  deux  distinctions  bien  importantes 
entre  les  secrets  que  la  loi  nous  oblige  de  garder  ou  de  révé- 
ler, et  ceux  que  nous  ne  gardons  ou  ne  révélons  que  par  des 
considérations  de  morale  tout-à-1'ait  étrangères  aux  peines 
portées  j)ar  la  loi. 

L'art.  578  du  Code  pénal  est  ainsi  conçu  :  «  Les  médecins, 
chirurgiens,  etc.,  dépositaires. par  état  des  secrets  qu'on  leur 
confie^  qui,  hors  le  cas  où  la  loi  les  oblige  de  se  porter  dé- 
nonciateurs, auront  révélé  ces  secrets,  seront  punis,  etc.  » 
Mais  il  a  été  démontré  à  notre  art.  678  que  la  loi  n'oblige 
jamais  les  médecins  à  se  porter  dénonciateurs  :  ainsi,  si  le 
législateur  nous  a  prescrit  de  garder  les  secrets  qui  nous  sont 
confiés,  aucune  disposition  pénale  ne  nous  oblige  à  les  révé- 
ler. Est-ce  à  dire  pour  cela  que  dans  aucune  circonstance 
nous  ne  devions  faire  part  à  l'autorité  des  crimes  venus  à 
notre  connaissance  dans  l'exercice  de  notre  profession  ;  que 
la  morale,  que  notre  conscience  ne  nous  prescrivent  jamais 
d'indiquer  à  la  justice,  le  parricide,  l'assassin  que  seuls  nous 
avons  pu  découvrir? 

Pour  répondre  à  (;ette  question,  nous  devons  commencer 
par  établir  une  proposition  plus  générale  :  tout  citoyen  qui, 
par  des  circonstances  fortuites,  se  trouve  avoir  acquis  la 
preuve  d'un  crime,  doit-il  en  donner  connaissance  à  l'auto- 
rité? Il  nous  semble  qu'à  l'exception  d'un  bien  petit  nombre 
de  cas,  cette  question  doit  être  résolue  par  l'aflirmative;  car 
il  importe  à  la  société,  il  importe  à  chacun  de  ses  memi)res 
que  la  loi  atteigne  le  plus  grand  nombre  de  criminels  possi- 
ble, puisque  le  nombre  des  crimes  augmente  en  raison  de 
'impunité.  Or,  le  médecin  doit-il  être,  par  exception,  af- 
franchi d'un  devoir  auquel  tous  les  autres  citoyens  sont  sou- 
mis? C'est  le  véritable  point  de  vue  sous  lequel  la  question 
doit  être  examinée,  et  il  nous  semble  que  dans  les  discussions 
sur  ce  sujet  que  nous  avons  eu  occasion  de  rappeler,  on  s'est 
trop  éloigné  de  ce  principe. 

Assurément  il  est  d<!s  circonstances  dans  lesquelles  le  mé- 
decin doit  se  taire;  la  tranquillité,  l'honneur  des  familles  lui 
sont  trop  souvent  confiés  pour  que,  poussé  par  un  zélc  indis- 
cret pour  le  bien  de  la  société,  il  doive  informer  la  justice  de 
tous  les  crimes  et  les  délits  dont  il  est  le  confident  nécessaire  ; 


(297) 
mais  dans  d'autres  circonstances  aussi,  nous  croyons 
qu'il  est  du  devoir  de  l'homme  de  l'art  de  mettre  la  justice 
sur  les  traces  du  coupable  que  l'exercice  de  sa  profession  lui 
aura  lait  reconnaître.  Nous  ne  saurions  préciser  les  cas,  parce 
que,  nous  le  répétons,  la  matière  est  trop  délicate,  et  que 
chacun  peut  étendre  ou  restreindre  à  volonté  le  devoir  que 
la  société  lui  impose  sur  ce  point.  Mais  il  importe  de  poser 
en  principe  que  le  médecin  n'est  pas  toujours  dispensé,  par 
cela  seul  qu'il  est  médecin,  de  concourir  à  la  juste  punition 
des  coupables. 

L'auteur  de  l'observation  que  nous  avons  citée  semble 
considérer  un  hôpital  comme  un  asile  inviolable  dans  lequel 
un  criminel,  quelque  horribles  que  soient  les  faits  dont  on 
l'accuse,  peut  se  retirer  en  toute  sûreté  jusqu'à  ce  que  la  jus- 
tice ait  perdu  les  moyens  de  prouver  son  crime.  Mais  nous 
ne  voulons  pour  preuve  du  danger  de  cette  opinion  que  le 
fait  cité  par  M.  BouUet  lui-même  :  nous  supposons  en  effet 
que  la  femme  d'abord  soupçonnée  n'eût  pas  été  trouvée  en- 
ceinte; qu'on  eût  cru,  à  tort  ou  à  raison,  rencontrer  des  tra- 
ces d'un  accouchement  récent,  des  charges  accablantes  se 
seraient  élevées  contre  elle,  et  peut-être  cette  malheureuse 
eût  été  condamnée  à  une  peine  infamante.  Qu'aurait  fait 
alors  le  médecin?  aurait-il  été  dire  devant  le  jury  :  J'ai  reçu 
dans  mon  hôpital  une  femme  mendiante  qui  offrait  tous  les 
signes  d'un  accouchement  récent;  elle  m'a  déclaré  avoir 
depuis  quelques  jours  une  suppression  de  règles,  mais  sa 
chemise  portait  des  traces  de  lait,  et  ses  draps  ont  été  tachés 
en  rouge;  cependant  je  n'ai  pas  osé  l'interroger,  de  peur  de 
l'inquiète)'  si  elle  était  coupable,  de  la  contrarier  si  elle  ne  l'était 
pas  ?  Nous  le  demandons,  quelle  confiance  ce  médecin  eût-il 
inspirée  au  tribunal,  et  de  quel  poids  eût  été  sa  déposition  en 
faveur  de  l'inculpée? 

Quand  un  crime  a  été  commis,  le  soupçon  plane  sur  toutes 
les  tètes  jusqu'à  ce  que  le  coupable  ait  été  découvert;  et  si 
l'on  doit  des  égards  à  celui  contre  lequel  des  soupçons  s'élè- 
vent, on  en  doit  bien  davantage  encore  à  ceux  qui  sont  si 
fort  intéressés  à  l'arrestation  du  criminel;  il  faut  donc  crain- 
dre en  pareille  circonstance  de  se  faire  illusion  sur  de  préten- 
dus devoirs,  et  de  mériter  le  reproche  qu'on  nous  fera  dans 
le  monde  de  cacher  sous  de  vains  scrupules  notre  indifférence 
pour  le  bien  de  la  société. 

Nous  terminerons  cet  article  en  faisant  de  nouveau  obser- 
ver ù  nos  lecteurs  que  nous  ne  faisons  que  poser  un  prin- 
cipe et  combattre  ce  qui  nous  paraît  une  erreur,  savoir,  que 
le  médecin  est  toujours  tenu  de  garder  le  secret  lorsqu'il 


(298) 

découvre  l'existence  d'un  crime  dans  l'exercice  de  sa  profes- 
sion. 

ART.    1077. 

Note  sur  un  traitement  de  la  gale,  proposé  par  M.  Emery, 
médecin  de  L'hôpital  Saint-Louis. 

Des  substances  nombreuses  ont  été  proposées  pour  com- 
battre la  gale,  et  bien  qu'avec  la  plupart  d'entre  elles,  on 
réussisse  au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins  long  à  ramener 
la  peau  à  son  état  normal,  on  n'a  pas  encore  trouvé  de  re- 
mède auquel  on  ne  puisse  adresser  quelques  reproches,  soit 
sur  les  inconvéniens  de  son  administration,  soit  sur  le  peu  de 
certitude  de  son  emploi.  M.  Emery,  médecin  de  l'hôpital 
Saint-Louis,  vient  de  proposer  un  traitement  qui  diffère  de 
tous  ceux  connus  jusqu'à  ce  jour,  en  ce  qu'il  suffit  de  faire 
faire  les  frictions  sur  les  pieds  et  sur  les  mains  seulement. 
Déjà,  dans  plus  de  douze  cents  cas,  cette  pratique  lui  a  com- 
plètement réussi,  et  les  vésicules  de  tout  le  reste  du  corps  n'ont 
pas  tardé  à  disparaître  lorsque  celles  de  ces  parties  ont  été  dé- 
truites. Voici  la  formule  que  ce  médecin  a  publiée  : 

Pr.  :  Savon  noir,  huit  livres; 
Sel  marin,  quatre  livres  ; 
Soufre,  quatre  livres; 
Alcool,  une  livre; 
Vinaigre,  deux  livres; 
Chlorure  de  calcium,  une  demi-livre. 
Mêlez. 

Une  once  par  jour  en  frictions  sur  les  pieds  et  sur  les 
mains. 

^  On  peut  modifier  ainsi  la  formule,  si  l'on  veut  avoir  une 
plus  petite  quantité  de  médîcamens  : 

Pr.  :  Savon  noir,  une  once; 
Sel  marin,  demi-once; 
Soufre,  demi-once  ; 
Alcool,  un  gros  ; 
Vinaigre,  deux  gros; 
Chlorure  de  calcium,  demi-gros. 
Pour  quatre  frictions,  c'est-à-dire  pour  deux  jours. 

Un  grand  nombre  des  malades  traités  ainsi  par  M.  Emery 
ont  été  guéris  dans  l'espace  de  quatre  à  cinq   jours;  pour 


(299) 

d'autres,  il  a  fallu  un  temps  plus  long;  mais  la  durée  moyenne 
du  traitement  a  été  de  huit  à  neuf  jours.  C'est  à  peu  près  la 
durée  des  autres  traitemens  proposés;  mais  si  les  succès  ob- 
tenus viennent  à  se  confirmer,  ce  dernier  présentera  des 
avantages  immenses,  car  il  ne  causera  aucune  maladie  de 
peau;  il  ne  salira  pas  le  linge;  il  n'aura  aucune  odeur;  enfin, 
il  sera  dégagé  de  tous  les  inconvéniens  reprochés  avec  raison 
à  presque  toutes  les  formules  que  nous  avons  fait  connaître. 
(Voy.  art.556,  655,  922,  loSa.) 

ART.    1078. 

Considérations  pratiques  sur  te  traitement  des  fièvres  intermit- 
tentes ;  traitement  par  l'hydro-fetTO-cyanate  de  potasse^  la 
quinine  pure,  le  sulfate  de  cinchonine,  les  lavemens  d'eau 
froide f  etc. 

M.  le  docteur  Bonnet  vient  de  publier  sur  les  fièvres  in- 
termittentes (1)  un  ouvrage  qui  doit  être  d'une  grande  uti- 
lité pour  les  praticiens.  Cette  affection  si  commune, sotivent 
si  grave  et  si  rebelle  à  tous  nos  moyens  de  traitement,  est 
étudiée  dansce  travail  sous  toutes  ses  formes, et  les  conclu- 
sions de  l'auteur  ne  sont  pas  appu^'ées  sur  de  vaines  théo- 
ries ni  sur  des  raisonnemens  spécieux,  mais  sur  une  masse 
d'observations,  la  plupart  tirées  de  sa  pratique  particulière. 
Nous  n'analyserons  dans  cet  article  que  la  partie  de  l'ouvrage 
qui  a  rapport  au  traitement. 

Après  avoir  démontré  la  nécessité  de  combattre  les  fièvres 
intermittentes  avant  que  les  accès  se  soient  reproduits 
un  certain  nombre  de  fois,  i\I.  Bonnet  établit  qu'il  est  indis- 
pensable de  préparer  le  sujet  à  l'action  des  fébrifuges  toutes 
les  fois  que  les  accès  présentent  une  certaine  intensité,  sauf 
cependant  le  cas  de  fièvres  pernicieuses,  dans  lesquelles  on 
est  bien  obligé  de  recourir  avec  promptitude  aux  anti-pério- 
diques. Les  vomitifs  et  les  purgatifs  étaient  fort  employés  au- 
trefois; aujourd'hui,  ils  sont  le  plus  souvent  remplacés  par 
des  évacuations  sanguines,  bien  que,  dans  certains  cas,  ils 
puissent  être  utiles  et  même  nécessaires,  comme  le  prou- 
vent les  observations  suivantes. 

Un  homme  âgé  de  trente-cinq  ans  était  atteint  depuis 


(1)  Traité  des  fièvres  iniermilten{es,_^aT  Aug.  Bonnet,  membre  et 
ex-président  de  la  Société  royale  de  médecine  de  Eordeaus.  Un  vol. 
in-8",  4oo  pagei. 


(3oo) 

quelque  temps  d'unefièvre  intermittente  tierce  très-bénigne, 
lorsque,  le  5  mai  i854,  la  langue  devint  jaune  ainsi  que  le 
pourtour  des  lèvres  et  des  ailes  du  nez;  il  y  avait  de  plus  un 
s»,'i)liment  de  pesanteurà  l'épigastre,  des  nausées,  un  goût  de 
bile,  et  l'hypocondre  droit  semblait  être  un  peu  tendu  et  ré- 
nitent.  A  l'époque  d'apyrexie,  deux  grains  d'émétique  fu- 
rent donnés,  et  déterminèrentdesévacaalions  abondantes  par 
haut  et  par  bas.  Le  malade  se  trouva  très-soulagé,  et  la  fièvre 
perdit  beaucoup  de  son  intensité.  Le  sulfate  de  quinine  la  fit 
disparaître  entièrement. 

Il  en  fut  de  même  d'un  enfant  de  huit  ans,  atteint  d'une 
fièvre  quotidienne  tiès-légère,  qui  ne  tarda  pas  à  se  compli- 
quer d'un  état  muqueux  de  l'estomac;  la  bouche  devint  pâ- 
teuse, l'haleine  et  la  salive  d'une  odeur  acide;  la  langue  se 
couvrit  d'un  enduit  blanchâtre,  il  y  eut  des  nausées,  etc. 
M.  Bonnet  crut  devoir  débuter  par  dix-huit  grains  d'ipéca- 
cuanha,  qui  occasionèrent  des  vomissemens  abondans  de 
matières  semblables  à  du  blanc-d'œuf.  L'accès  suivant  fut 
très-faible  ;  on  en  prévint  le  retour  à  l'aide  de  huit  grains  de 
sulfate  de  quinine. 

Ces  cas  sont  rares,  suivant  ce  médecin,  et  dans  tous  les  au- 
tres, l'indication  formelle  est  d'attaquer  l'irritation  morbide 
qui  constitue  la  fièvre  par  un  régime  approprié,  les  boissons 
acidulées  ou  mucilagineuses,  et  les  évacuations  sanguines. 
Quant  à  la  diète,  elle  doit  se  régler  de  la  manière  suivante  : 
l'apyrexie  est-elle  très-courte,  ou  bien  longue,  mais  in- 
complète, on  ne  donne  que  du  bouillon.  Est-elle  de  vingt - 
quatre  heures  et  parfaite,  on  permet  à  la  fois  du  bouillon  et 
un  ou  deux  potages.  Est-elle  de  quarante-huit  heures,  s'ac- 
compagne-t-elle  de  beaucoup  d'appétit,  on  accorde  des  po- 
tages et  des  viandes  de  facile  digestion.  Pour  boisson  on 
prescrit  ordinairement  les  décoctions  d'orge  et  de  chiendent, 
les  infusions  de  violette,  de  bourrache,  la  limonade,  les  so- 
lutions de  sirop  de  vinaigre,  de  limon,  etc.,  et  l'on  doit  sur- 
tout insister  sur  ces  boissons  lorsque  les  urines  sont  rouges, 
le  teint  jaune,  la  peau  sèche,  les  selles  rares. 

La  saignée  générale  est  spécialement  indiquée  dans  les  af- 
fections fébriles  périodiques,  qui  ont  pour  siège  le  cœur, 
le  cerveau ,  le  poumon.  La  saignée  capillaire  doit  au 
contraire  être  préférée  àl'ouverture  de  la  veine  danslesphleg- 
masies  des  tissus  membraneux,  et  surtout  de  la  muqueuse  di- 
gestive.  C'est  surtout  pendant  l'accèset  à  l'époque  de  la  cha- 
leur qu'il  faut  pratiquer  les  évacualions  sanguines  (i).  Quant 

(i)  En  trailunt   du  siège  de   la    Uèvrc  interuiittentc,  M.  le  docteur 


(3oi) 

aux  vomitifs  et  aux  purgatifs,  ce  n'est  jamais  que  pendant 
l'intermission  qu'on  en  fait  usage. 

Les  émissions  sanguines  diminuent  ordinairement  l'inten- 
sité de  l'accès,  et  rendent  l'apyrexie  plus  complète;  mais  il 
est  rare  qu'elles  soient  suffisantes  pour  enlever  complètement 
la  maladie.  C'est  aux  fébrifuges  qu'il  faut  alors  avoir  recours, 
et  chacun  sait  que  parmi  tous  ceux  qu'on  a  proposés  et  pré- 
conisés, le  quinquina  lient  le  premier  rang.  Les  médecins  ne 
sont  pas  d'accord  sur  l'époque  à  laquelle  cette  substance  doit 
être  administrée.  M.  Bonnet  pense  que  toutes  les  fois  que 
l'apyrexie  est  longue,  on  doit  commencer  à  la  donner  huit 
ou  dix  heures  avant  l'accès.  Lorsqu'elle  est  très-courte,  on 
surveille  le  moment  où  l'accès  finit,  et  aussitôt  qu'il  est  ter- 
miné, on  donne  le  remède.  Si  les  accès  sont  très-rapprochés, 
on  administre  la  dose  en  une  seule  fois  ;  dans  le  cas  contraire, 
on  la  partage  par  parties  égales  qu'on  donne  d'heure  en 
heure,  ou  bien  on  donne  d'abord  moitié  ou  deux  tiers  de  la 
dose,  etc.,  de  telle  sorte  que  la  totalité  se  trouve  consommée 
une  ou  deux  heures  avant  le  retour  présumé  de  l'accès. 

On  connaît  les  différentes  manières  d'administrer  Técorce 
du  Pérou  et  les  autres  substances  préconisées  dans  les  fièvres 
intermittentes  (i).  M.  Bonnet  l'unit  de  préférence  à  l'opium 
dans  un  assez  grand  nombre  de  cas. 

Nous  ne  saurions  reproduire  dans  cet  article  tous  les  pré- 
ceptes émis  par  l'auteur  pour  l'administration  du  fébrifuge, 
avant  et  après  la  disparition  de  l'accès.  Nous  nous  borne- 
rons à  dire  que  cet  ouvrage  renferme  des  conseils  pleins  de 
sagesse  touchant  les  accidens  qui  peuvent  résulter,  soit  de 
l'action  du  remède,  soit  de  complications  imprévues.  La  plu- 
part de  ces  questions  ont  d'ailleurs  été  traitées  assez  longue- 
ment dans  ce  journal. 

L'ouvrage  de  M.  Bonnet  est  terminé  par  un  formulaire  que 
les  praticiens  consulteront  assurément  avec  intérêt,  et  dans 
lequel  on  trouve  la  plupart  des  prescriptions  en  usage  contre 


Bonnet  établit,  par  uno  suite  de  faits  et  de  raisonncmcns,  que  la  Cèviê 
intermittente  consiste  dans  une  irritation  morbide,  et  que  celte  irrita- 
tion est  fixée  le  plus  souvent  sur  la  muqueuse  digcstive,  d'autres  l'ois 
sur  le  poumon,  la  plèvre,  le  foie.  etc.  Il  admet  même  dans  un  assez 
grand  nombre  de  cas  une  fièvre  internaitlente  qu'il  appelle  simple,  et 
qui  consiste  dans  une  irritation  du  coeur  seulement.  La  partie  de  l'ou- 
vrage consacrée  à  la  nature  et  au  siège  de  la  maladie  est  une  de  celles 
qui  dénotent  le  plus  l'expérience  et  l'esprit  d'observation  de  l'auteur, 
(i)  Voy.  art.  57,  70,  95,  117,  ï7)-,  149,  22  o,  224,  2.3S,  244,  Sj^,  591. 
421,  4'>^j  5oo,  52'(,  55G,  6j5,  581,  614,  697,  715,  758,805,952. 


(302) 

les  fièvres  intermittentes.  Nous  allons  citer  quelques-unes 
des  moins  connues. 

L'hjdro-ferro-cyanate  de  quinine  a  été  employé  par  le 
docteur  Cerioli,  médecin  italien,  dans  des  cas  où  tous  les  au-i 
très  tébrituges,  y  compris  le  sulfate  de  quinine  lui-même, 
avaient  échoué,  et  quelques  médecins  français  ayant  répété 
ces  expériences,  en  ont  obtenu  les  meilleurs  effets.  Cette 
substance  s'administre  en  pilules  ou  en  potion,  à  la  dose  de 
deux,  trois,  quatre  et  même  huit  grains  pour  la  journée. 

Pr.  Hydro-ferro-cyanate  de  quinine,  deux,  quatre, 
six  ou  huit  grains  ; 
Rob  de  sureau,  quantité  suffisante. 

Faites  six  pilules  qu'on  administre  pendant  l'apyrexie,  et 
delà  même  manière  que  le  sulfate  de  quinine. 

Pr.  Hydro-ferro-cyanatede  quinine,  deux,  quatre, 
six  ou  huit  grains; 
Sirop  de  sucre,  une  once; 
Eau  distillée,  deux  onces. 
Faites  dissoudre  l'hydro-ferro-cyanate  de  quinine  dans  le 
moins  d'alcool  possible;  mêlez  cette  solution  au  sirop,  en 
ayant  la  précaution  d'agiter,  et  ajc-ulez  ensuite  l'eau  distillée. 
Cette  potion  se  donne  par  cuillerée  et  de  la  même  manière 
que  les  potions  de  sulfate  de  quinine. 

M.  Trousseau  a  vanté  la  quinine  brute  qui,  d'après  ce 
médecin,  aurait  une  valeur  vénale  moindre,  serait  sans  amer- 
tume, et  pourrait  être  administrée  en  plus  petite  quantité,  et 
partant,  irriterait  moins  le  canal  digestif. 

Quand  la  quinine  est  récente,  elle  est  molle  et  facile  à  rou- 
ler en  pilules  ;  quand  elle  est  vieille,  elle  est  cassante  et  on 
la  réduit  en  poudre.  Ou  "peut  aisément  la  donner  aux  enfans, 
puisqu'elle  n'a  pas  d'amertume. On  la  leur  prescrit  à  la  dose 
de  deux,  quatre,  six  et  môme  huit  grains  dans  une  cuillerée 
de  potage,  de  confiture,  de  sirop  ou  de  tout  autre  aliment.  On 
peut  aussi  faire  les  tablettes  suivantes  : 

Pr.  Quinine  brute  réduite  en  poudre,  un  gros; 
Sucre,  quantité  suffisante; 

Mucilage  à  la  fleur  d'orange,  quantité  suffisante. 
Faites  soixante-douze  tablettes  de  la  grandeur  d'une  pièce 
de  vingt  sous. 

Le  sulfate  de  cinchoniueaaussi  été  préconisé  par  M.  Baily, 
qui  l'a  trouvé  moins  irritant  que  lesulfatedequinine.il  s'ad- 


(3o5) 

ministre  aux  mêmes  doses  et  sous  la  même  forme  que  ce 
dernier. 

Les  officiers  de  santé  français,  pendant  les  guerres  d'Es- 
pagne, n'ayant  pas  une  quantité  suffisante  de  quinquina,  em- 
ployèrent avec  le  plus  grand  succès  les  feuilles  et  l'écorce 
d'olivier,  qui  parait  être  un  des  meilleurs  succédanés  du 
quinquina.  On  donne  la  poudre  à  la  dose  de  un,  deux,  trois, 
quatre  et  six  gros.  L'infusion  se  prépare  de  la  manière  sui- 
vante : 

Pr.  Poudre  de  feuilles  ou  d'écorce  d'olivier,  une  once  ; 
Eau  ou  bon  vin  vieux,  deux  livres. 

Laissez  infuser  pendantdeux  fois  vingt-quatre  heures. 

L'extrait  amer  de  l'écorce  se  donne  à  la  dose  de  douze  à 
trente-sixgrains.  Le  sirop  de  la  même  substance, préparé  de 
la  manière  suivante,  est  beaucoup  vanté  par  M.  Pallas,  sur- 
tout contre  les  fièvres  intermittentes  qui  se  développent  chez 
les  enfans. 

Prenez  une  livre  d'écorce  sèche  d'olivier,  concassez  et  fai- 
tes bouillir  dans  huit  pintes  d'eau  de  fontaine;  passez  au  tra- 
vers d'un  blanchet,  et  ensuite  faites  évaporer  pour  réduire  à 
moitié.  La  liqueur  étant  refroidie,  on  la  décante  pour  en  sé- 
parer la  matière  résineuse  qui  se  précipite  par  le  refroidisse- 
ment. Oa  aj  oute  à  cette  décoction  douze  livres  de  sucre  terré, 
puis  on  clarifie  avec  des  blancs  d'œufs,  et  l'on  fait  cuire  jus- 
qu'à consistance  de  sirop.  On  conservepour  l'usage  dans  des 
bouteilles  exactement  fermées. 

La  dose  est  d'une  once,  fractionnée  en  trois  ou  quatre  pri- 
ses, donnéespendant  l'apyrexie. 

La  teinture  d'olivier  a  été  également  recommandée  par 
M  .  Pallas. 

Pr.  Ecorce  d'olivier,  deux  cents  grammes  ; 
Eau-de-vie  ordinaire,  un  litre. 

Laissez  digérer  pendant  cinq  jours  et  filtrez.  La  dose  est 
d'ane  demi-once  qu'on  étend  dans  deux  onces  d'eau,  et 
qu'on  donne  en  deux  fois. 

!M.  Casimir  Broussais  a  cité  plusieurs  exemples  de  fièvres 
intermittentes  qui  ont  cédé,  tantôt  d'emblée,  tantôt  au  bout 
de  quelquesjourSjd  l'administration  de  lav.enien^  d'eau  froide  . 

Le  docteur  Chrétien  préconise  le  liniinent  sui  vant,  em- 
plcyé  en  frictions  à  la  partie  interne  des  cuisses  : 


(3o4) 

Pr.  Opium  brut,  deux  gros  et  demi  ; 
Camphre,  deux  gros; 
Quinquina  gris,  quatre  gros  ; 
Rhubarbe,  quatre  gros; 
Alcool,  une  livre. 

Laissez  macérer  pendant  plusieurs  jours,  et  passez  pour 
vous  en  servir. 

Ces  courtes  citations  suffiront  pour  faire  apprécier  toute 
l'utilité  â.\iTraité  des  fièvres  intermittentes,  ouvrage  écrit  pour 
les  praticiens,  et  destiné  sans  doute  à  un  grand  succès. 

ART.   1079. 

Considérations  sur  le  traitement  de  la  salivation  mercurielle  par 
les  cautérisations  avec  l'acide  hydrochlorique. 

La  Lancette  du  2  juin  contient  un  article  extrait  de  la  cli- 
nique de  M.  Yelpeau,  dans  lequel  ce  chirurgien  examine  suc- 
cessivement les  différentes  méthodes  de  traitement  proposées 
contre  la  salivation  mercurielle.  Toutes  celles  conseillées  par 
les  auteurs  anciens  et  modernes,  les  pastilles  de  soufre,  les 
gargarismes  avec  le  sous-borate  de  soude,  avec  l'extrait  de 
Saturne,  le  sulfate  de  magnésie,  les  acides  nitrique,  hydro- 
chlorique, etc.,  ont  tour  à  tour  échoué  dans  ses  mains,  bien 
que  ces  divers  moyens  aient  été  employés  dans  des  cas  nom- 
breux et  variés.  Il  n'en  a  pas  été  de  même  de  l'acide  hy- 
drochlorique pur,  porté  directement  à  l'aide  d'un  pinceau 
sur  les  ulcérations  de  la  bouche  qui  constituent  la  maladie, 
puisque  c'est,  suivant  ce  professeur,  l'inflammation  de  la 
muqueuse  buccale  qui  détermine  la  salivation,  et  non  l'ir- 
ritation des  glandes  salivaires  qui  ne  s'engorgent  que  consé- 
cutivement. 

Dans  un  autre  numéro  du  même  journal,  un  élève  de  l'hô- 
pital des  Vénériens  réclame  en  faveur  de  M.  Ricord  la  prio- 
rité de  cette  découverte,  et  trace  ainsi  le  résumé  de  la  médi- 
cation employée  contre  le  ptyalisme,  résumé  emprunté  aux 
leçons  de  ce  chirurgien. 

1"  Suspendre  l'emploi  du  mercure  aussitôt  que  les  gen- 
cives commencent  k  s'affecter. 

2°  Si  malgré  cela  le  ptyalisme  continuait,  on  toucherait  les 
gencives  affectées  avec  un  plumasscau  imbibé  d'acide  hydro- 
chlorique, en  évitant  les  dents,  de  manière  à  produire  une  lé- 
gère cautérisation.  L(;s  cautérisations  seront  répétées  jusqu'à 
ce  que  la  maladie  soit  eiu'ayée,  ou  bien  jusqu'à  ce  que,  fai- 
sant des  progrès,  elle  se  complique  de  véritable   inflam- 


(5o5) 

ïnation  ;  alors  on  devrait  avoir  recours  aux  antiphlogistiqiies 
locaux  ou  généraux. 

3°  Tant  qu'il  n'y  a  pas  d'inflammation  et  qu'on  cherche  à 
faire  avorter  le  ptyalisine,  on  doit  employer  les  gargarismes 
astringens,  soit  d'acide  hydrochlorique  étendu,  soit  de  sul- 
fate d'alumine  en  y  ajoutant  de  l'opium. 

4°  Quand  l'inflammation  est  survenue,  les  gargarismes 
émolliens  opiacés  sont  indiqués. 

5°  A  toutes  les  périodes,  les  révulsifs  sur  le  canal  intes- 
tinal et  sur  les  membres  inférieurs  doivent  être  employés. 

6°  Quand  la  période  inflammatoire  est  passée,  on  revient 
au  traitement  indiqué  au  début. 

7"  Lorsqu'il  survient  des  ulcérations,  s'il  existe  des  dents 
cariées,  il  faut  les  extraire.  Une  chose  importante,  c'est  de 
faire  nettoyer  les  dents,  surtout  au  début.  Les  dents  qui  ne 
peuvent  être  extraites  et  qui  correspondent  aux  ulcérations 
doivent  être  recouvertes  de  pâte  de  guimauve,  afin  d'eflacer 
leurs  aspérités. 

8°  Enfin  les  ulcérations  doivent  être  touchées  avec  l'acide 
hydrochlorique  pur.  C'est  la  méthode  la  plus  sûre  et  la  plus 
prompte. 

Reflexions.  Notre  intention  n'était  pas  de  nous  occuper  de 
la  salivation  mercurielle  avant  d'avoir  terminé  l'exposé  des 
maladies  syphilitiques  observées  dans  le  service  de  M.  Cul- 
lerier;  mais  nous  ne  pouvons  laisser  passer  sans  quelques  ré- 
flexions certaines  assertions  sur  une  méthode  de  traitement 
prétendue  nouvelle,  et  attribuée  soit  à  M-  Velpeau,  soit  à 
M.  Ricord,  quand  il  est  notoire  que  depuis  trente  ans  peut- 
être  ces  cautérisations,  soit  à  l'aide  de  l'acide  hydrochlorique 
ou  nitrique,  soit  à  l'aide  du  nitrate  d'argent,  sont  d'un  usage 
général  à  l'hôpital  des  Vénériens,  où  MM.  CuUerier  onclC;, 
Gilbert,  etc.,  avaient  reconnu  leur  utilité. 

M.  CuUerier  surtout,  actuellement  chirurgien  en  chef  de 
cet  établissement,  les  met  habituellement  en  pratique,  et  les 
préconise  dans  tous  les  cours  qu'il  fait  sur  les  maladies  syphi- 
litiques. Ceux  de  nos  lecteurs  qui  ont  suivi  ses  leçons  depuis 
une  dizaine  d'années  peuvent  se  rappeler  que  ce  chirurgien 
a  toujours  considéré  le  ptyalisme  mercuriel  comme  dépen- 
dant d'une  irritation  de  la  muqueuse  buccale,  el  le  liquide 
abondant  rejeté  par  le  malade  comme  provenant  autant  des 
cryptes  muqueux  irrités,  et  des  ulcérations  qui  fournissent 
une  sécrétion  puriforme,  que  des  glandes  salivaires  qui  ne 
se  tuméfient  et  ne  deviennent  douloureuses  que  consécuti- 
vement à  la  stomatite. 
Telles  sont  les  seules  remarques  que  nous  ferons  sur  ce 

TOM.  VI.  N'  DK  JlTltT.KT.  30 


(  3o6  ) 

sujet,  en  attendant  que  nous  puissions  traiter  d'uqe  manièrfi 

plus  complète  d'une  affection  qui  n'est  pas  sans  gravité,  et 
sur  la  nature  de  laquelle  tous  les  praticiens  ne  sont  pas  en- 


core fixés. 


On  doit  s'étonner  que  M.  Velpeau,  qui  possède  une  éru- 
dilion  si  imnien>e,  n'ait  pas  eu  connaissance  de  ce  qui  se 
passe  chaque  jour  à  l'hopilal  des  Vénériens,  et  qii'un  élève 
de  cet  établissement  veuille  attribuer  au  seul  service  de 
M.  Ricord  l'application  d'une  méthode  qui  n'est  arrivée 
dans  la  pratique  de  ce  chirurgien  qu'après  avoir  été  long- 
temps commune  à  ceux  qui  l'ont  précédé. 

ART.    1080. 

Note  sur  les  secours  à  donner  aux  noyés. 

Le  conseil  de  salubrité  du  département  de  la  Seine-Infé- 
rieure vient  de  publier  un  ouvrage  remarquable  qui  contient 
l'exposé  de  ses  tiavaux.  Nous  devons  citer,  comme  intéres- 
sant plus  particulièrement  nos  lecteurs,  un  court  résumé 
des  secours  à  donner  aux  noyés,  que  nous  extrayons  d'un 
rapport  fait  sur  ce  sujet  par  MM.  Avenel,  Girardin,  Ving- 
trinier  et  Pouchet. 

Traitement  avant  l'arrivée  du  médecin  :  1°  Après  avoir  trans- 
porté le  noyé  dans  le  lieu  pour  l'administration  des  secours, 
le  déshabiller,  l'essuyer  avec  soin  ; 

3°  Le  coucher  la  tête  un  peu  élevée; 

3°  Rétablir  la  chaleur  à  l'aide  de  couvertures  échauffées, 
de  frictions  sèches,  de  corps  chauds  passés  le  long  du  dos, 
sur  la  poitrine,  le  ventre,  et  puis  aux  pieds  ; 

4°  Nettoyer  les  narines  et  la  bouche,  et  irriter  les  premières 
avec  les  barbes  d'une  plume; 

5°  Administrer  des  lavemens  chauds,  composés  de  quatre 
parties  d'eau,  d'une  d'eau-de-vie,  et  d'une  once  de  sel  de 
cuisine. 

D'aitement  conseillé  au  médecin  :  6''  Injecter  dans  l'estomac, 
à  l'aide  de  la  sonde  œsophagienne,  rm  peu  de  vin  et  d'eau - 
de-vie  chaude; 

^°  Aussitôt  que  la  chaleur  renaîtra,  passer  une  sonde  dans 
le  larynx,  l'ajuster  à  un  soulTlel  et  exécuter  la  respiration  ar- 
tificielle, en  pous.-ant  l'air  doucement  et  sans  secousses  dans 
le  poumon,  et  en  coinprimant  allernativemeut  la  poitrine 
pour  imiter  les  uiouvcmens  naturels  de  la  fonction  ; 

8"  Continuer  ce  moy.;n  pi-ndaiit  <[uatre  à  cinq  heures,  en 
ayant  soin  d'enlrelcnir  la  chaleur; 


(3o7) 

9°  Si  la  vie  tarde  à  renaître,  appliquer  des  vésicatoires  à 
l'eau  bouillante,  et  des  moxas  sur  les  membres; 

10°  Saigner  si  le  noyé  est  chaud  et  a  la  face  vultueuse. 

Les  moyens  qu'on  doit  surtout  éviter  sont  :  les  mouve- 
mens  brusques,  la  suspension  par  les  pieds,  les  vapeurs  du 
soufre  qui  brûle,  les  frictions  avec  les  liqueurs  spiriiueuses, 
les  fumigations  et  les  lavemens  de  tabac,  ainsi  que  la  laryn- 
gotomie. (  Voy.  art.  lo,  24>  27,  gSa.  ) 

A&T.   1081. 

Considérations  pratiques  sur  les  opérations  qui  sont  quelque- 
fois nécessaires  pour  combattre  les  hémorrkoides.  (  Voy. 
art.  1060.) 

Deuxprocédés  sonlgénéralement  en  usage  pour  la  destruc- 
tion des  hémonhoïdes  :  la  ligature  et  l'excision.  De  très-ha- 
biles chirurgiens,  et  entre  autres  M.  Cline,  ont  pour  habi- 
tude d'exciser  les  hémorrhoïdes  internes  ;  mais  de  dangereux 
accidens,  et  même  des  hémorrhagies  fatales,  ont  fait  préférer 
la  ligature  par  la  plupart  des  praticiens.  M.  Brodie  partage 
entièrement,  sur  ce  sujet,  Popinion  de  sir  Everard  Home, 
qui  est  la  suivante  : 

Les  hémorrhoïdes  internes  qui  sont  recouvertes  par  la 
peau  ne  doivent  pas  être  enlevées  par  la  ligature;  on  doit 
dans  ce  cas  préférer  l'excision;  d'une  autre  part,  les  hémor- 
rhoïdes internes  qui  sont  recouvertes  par  la  membrane  mu- 
queuse doivent  pour  la  plupart  être  détruites  par  la  ligature. 
En  un  mot,  ce  dernier  moyen  est  généralement  convenable 
quand  les  hémorrhoïdes  sont  internes,  et  l'excision  est  pré- 
férable lorsqu'elles  sont  externes.  Voici  les  motifs  d'un  pareil 
précepte  :  L'application  d'une  ligature  sur  les  hémorrhoïdes 
externes  cause  au  malade  des  douleurs  extrêmement  vives, 
et  détermine  ensuite  de  l'inflammation,  du  gonflement,  et  un 
trouble  de  toutel'économie,  tandis  qu'on  évite  tous  ces  acci- 
dens si  l'on  a  recours  à  l'excision.  Après  cette  dernière  opé- 
ration, il  n'y  a  d'ailleurs  aucune  crainte  d'hémorrhagie, 
puisque  la  plaie  se  trouve  à  découvert,  et  qu'on  peut  boucher 
ou  lier  les  vaisseaux;  et  bien  qu'une  certaine  inûauiination 
soit  la  suite  nécessaire  de  cette  pratique,  elle  est  en  général 
si  légère  qu'il  n'en  résulte  aucune  conséquence  fâcheuse. 

Si,  d'un  autre  côté,  on  enlève  de  grosses  hémoirhoïdes 
situées  dans  l'intérieur  de  l'intestin,  il  peut  en  résulter  une 
hémorrhagie  al)Oudaute  et  mêni'i  dangereuse,  puisque  les 
parties  lésées  sont  situées  hors  de  lu  vue,  et  qu'on  ne  peut 


(3o8) 

qiiè  clitTicilement  faire  l'application  de  moyens  directs  pour 
arrêter  le  sang. 

L'application  d'une  ligature  sur  des  hémorrhoïdes  in- 
ternes ne  cause  ordinairement  que  peu  de  douleurs  et  ne 
détermine  que  peu  d'inflammalion,  car  les  membranes  mu- 
queuses n'offrent  pas  la  sensibilité  de  la  peau,  et  peuvent  être 
liéessans  accidens. 

Séduit  par  les  préceptes  du  docteur  Cline,  M.  Brodie  en- 
leva quelques  hémorrhoïdes  internes  par  l'excision.  Dans  le 
premier  et  le  second  cas.  il  n'en  résulta  aucun  accident,  mais 
un  autre  malade  perdit  une  quantité  considérable  de  sang, 
un  quatrième  faillit,  mourir  d'une  liémorrhagie  semblable, 
et  enfin  un  cinquième  éprouva  une  perte  si  abondante  que 
ce  ne  fut  que  par  une  sorte  de  miracle  qu'il  ne  succomba 
pas.  Depuis  cette  époque,  ce  chirurgien  ne  détruit  les  hé- 
morrhoïdes internes  que  par  la  ligature. 

Il  est  rarement  nécessaire  d'enlever  les  hémorrhoïdes  ex- 
ternes, car  elles  sont  presque  toujours  compliquées  d'hé- 
morrhoïdes  internes,  et  comme  elles  sont  la  continuation  de 
la  même  veine,  la  ligaturedes premières  guérit  les  dernières. 
Cependant  il  est  des  cas  dans  lesquels  on  ne  peut  se  dis- 
penser de  les  exciser;  par  exemple  lorsqu'elles  sont  gon- 
flées, enflammées,  de  manière  i\  nécessiter  un  long  espace 
de  temps  pour  arriver  à  la  résolution,  que  le  malade  souffre 
des  douleurs  très-violentes,  il  est  soulagé  aussitôt  par  deux 
ou  trois  excisions  faites  avec  le  tranchant  des  ciseaux  cour- 
bés; ou  enfin,  lorsque  des  abcès  s'étanl  formés,  il  paraît 
plus  simple  en  incisant  les  tégumens  d'enlever  en  même 
temps  les  hémorrhoïdes. 

Pour  faire  celle  excision,  il  faut  saisir  l'hémorrhoïde  avec 
un  double  lenaculum,  et  quelques  coups  du  tranchant  d'un 
ciseau  courbe,  suffisent  pour  en  débarrasser  le  malade.  Si 
une  artériole  ouverte  donne  une  assez  grande  quantité  de 
sang  pour  nécessiter  une  ligature,  on  la  pratique  sur-le-. 
champ. 

J'ai  avancé,  dit  le  docteur  Brodie,  que  la  ligature  était  l'o- 
pération la  plus  convenable  dans  la  plupart  des  cas  d'hé- 
morrhoïdes  internes,  mais  il  est  cependant  des  circonstances 
dans  lesquelles  l'exci-ion  peut  être  employée.  Lorsqu'elles 
sont  fort  petites,  on  peut  les  exciser  sans  aucun  danger.  Le 
cas  suivant,  par  exemple,  se  rencontre  assez  fréquemment  : 
Un  malade  accuse  des  symptômes  d'hémorrhoïdes  internes; 
il  éprouve  des  douleurs  vers  l'anus,  et  il  s'éf'ha[)pe  de  cette 
partie  une  assez  grande  quantité  de  mucosités.  Vous  exa- 
minez et  vous  trouvez  ime  héniorrhoïdc  qui  n'est  pas  plus 


(5o9) 

grosse  que  l'extrémité  du  petit  dui^^t,  couverte  de  la  uiem- 
braoe  muqueuse  de  l'intesliD,  poussée  en  avant  et  sortant 
un  peu  de  i'oriflce  de  l'anus;  vous  la  saisissez  avec  une  dou- 
ble érigne,  et  vous  en  enlevez  la  base  avec  des  ciseaux 
courbes.  Il  ne  résulte  aucun  inconvénient  de  cette  pratique. 
Mais  lorsque  les  hémorrhoïdes  sont  volumineuse?,  qu'elles 
font  saillie  à  l'extérieur,  soit  constamment,  soit  de  temps  à 
autre,  vous  ne  pouvez  basarder  d'autre  moyen  que  la  liga- 
ture. Voici  le  procédé  que  l'on  doit  suivre  pour  faire  cette 
opération. 

Le  premier  point  nécessaire  pour  placer  cette  ligature,  est 
de  faire  bieu  saillir  l'hémorrhoïde  ;  à  cet  effet,  on  place  le 
malade  au-dessus  d'un  vase  plein  d'eau  cbaude,  qui  relâcbe 
les  sphyncters  en  même  temps  qu'elle  favorise  l'afflux  du 
sang  dans  les  veines.  Les  tumeurs  ayant  ainsi  été  rendues 
visililes,  le  malade  est  appuyé  sur  une  table,  ou  approché  du 
bord  de  son  lit;  puis  un  aide  écartant  les  fesses,  on  cherche 
à  lier  séparément  chaque  hémorrhoïde.  Si  la  tumeur  est 
peu  volumineuse,  on  peut  la  saisir  avec  les  pinces,  l'attirer 
au  dehors  et  placer  une  ligature  à  la  base.  Mais  lorsqu'elle 
est  considérable  il  faut  procéder  de  la  manière  suivante  :  on 
prend  une  grosse  aiguille  courbe  armée  d'un  fil  double  ;  on 
passe  l'aiguille  à  travers  la  base  d'une  des  hémorrhoïdes,  et 
le  fil  étant  coupé,  on  sépare  ses  deux  portions  et  on  les  assu- 
jettitpar  un  simple  nœud,  l'une  d'un  coté,  l'autre  de  l'autre. 
Les  autres  hémorrhoïdes  sont  liées  de  la  même  manière,  et 
lorsque  les  ligatures  sont  appliquée?,  l'aide  saisit  les  fils  et 
les  fixe  sur  le  siège. 

Lorsque  chaque  hémorrhoïde  est  ainsi  liée  (et  il  est  pos- 
sible qu'on  ait  placé  deux,  trois,  quatre,  cinq  fils),  on  pro- 
cède à  un  autre  temps  de  l'opération.  On  coupe  la  partie 
convexe  de  chaque  veine,  de  manière  à  pénétrer  dans  son 
intérieur,  puis,  après  avoir  laissé  écouler  le  sang  qu'elle  con- 
tient, on  peut  serrer  la  ligature  plus  fortement.  Il  faut  la 
serrer  autant  que  possible,  car  plus  la  constriction  est  forte, 
moins  la  douleur  est  vive,  plutôt  la  ligature  est  tombée,  et 
par  conséquent,  plus  la  guérison  est  rapide.  Cette  opération 
terminée,  ou  achève  le  double  nœud,  puis  après  avoir  coupé 
les  fils,  on  fait  rentrer  le  tout  dans  l'intestin.  Cette  opération 
est  extrêmement  simple  et  fort  peu  douloureuse,  à  moins 
que  les  hémorrhoïdes  ne  soient  dans  un  état  d'inflammation. 
Il  faut  avoir  soin  de  placer  toutes  les  ligatures  sur  la  mu- 
queuse elle-même,  car  si  une  [  ortion  de  peau  se  trouvait 
comprise,  on  déterminerait  une  douleur  très-vive  et  le  dé- 
Ycloppement  d'une  inflammation  assez  considérable.  En  gé- 


(5io) 

néral,  on  doit  donner  la  veille  de  l'opération  une  petite  dose 
de  rhubarbe,  afin  de  Tider  l'intestin,  et  de  permettre  au  ma- 
lade de  rester  deux  ou  trois  ionrs  sans  aller  à  la  selle. 

Les  ligatures  tombent  orrlinairement  dans  la  semaine,  et 
jamais  M.  Brodie  n'a  vu  d'accidens  accompagnerleur  chute. 
Les  soins  A  prendre  alors  sont  fort  simples.  Lors(\t:'on  pense 
que  la  cicatrisation  s'est  opérée,  on  donne  un  léger  purgatif 
et  quelques  lavemens  d'eau  froide  chaque  matin. 

Cette  opération,  dit  M.  Brodie,  est  non-seulement  une  des 
plus  utiles,  mais  encore  une  dos  plus  heureuses  de  la  chi- 
rurgie. Je  puis  dire  que  je  l'ai  pratiquée  ou  vu  pratiquer  en- 
viron deux  ou  trois  fois.  J'ai  vu  un  seul  malade  succomber 
à  l'inflammation  qui  s'étendit  du  tissu  cellulaire  jusqu'au 
péritoine;  mais  ce  sujet  était  depuis  long-temps  affaibli  par 
des  hémorrhagies  continuelles,  et  une  opération  de  peu 
d'importance  pouvait  déterminer  chez  lui  de  graves  résultats. 
Un  autre  malade,  huit  jours  après  l'opération,  se  trouvant 
entièrement  guéri,  fut  pris  t-'Ut-à-coup  d'une  douleur  dans 
l'abdomen,  accompagnée  de  fièvre,  et  succomba.  Je  n'ai  pu 
examiner  le  corps  après  la  mort.  Il  n'est  assurément  pas 
probable  que  l'opération  pratiquée  fût  la  cause  de  celte  isstie 
funeste,  mais  ce  fait  m'a  semblé  devoir  être  mentionné,  puis- 
que l'autopsie  n'ayant  point  été  faite,  les  causes  de  la  mort 
ont  dfj  rester  inconnues. 

Cette  opération  est  donc  si  peu  dangereuse,  que  dans  la 
pratique  on  doit  considérer  comme  presque  nuls  les  dangers 
qu'elle  fait  courir. 

ART.  1082. 

Note  sur  un  eliacir  dentifrice  désigné  sous  le  nom  de  trésor 
de  la  bouche. 

Pr.  Eau  distillée  de  menthe  poivrée,  une  livre  ; 
Esprit  de  cochléaria,  une  livre; 
Acide  tartriqiie  ,  une  once  ; 
Alcool  vulnéraire,  quatre  livres. 
Faites  dissoudre  l'acide  tartrique  dans  l'eau  de  menthe, 
mêlez  le  tout,  et,  après  quinze  jours  de  repos,  filtrez  la  li- 
queur. 

▲BT.  io85. 

Observation  d'une  plaie   transversale  de   la    veine   azigos 
déterminant  une  hcmorrhagie  mortelle. 

Dans  un  ouvrage  publia  récemment  par  M.  le  docteur 


(5m) 

Chassaignac(i),on  trouve  une  observation  curieuse  de  bles- 
sure de  la  veine  azigos.  Un  militaire,  dgé  de  vingt-six  ans, 
fut  apporté  à  l'Hôtel-Dieu  de  Nantes,  vers  trois  heures  de 
l'après-midi,  le  18  février  1827.  Il  avait  été  atteint  dans  un 
duel  d'un  coup  de  sabre  à  la  partie  latérale  droite  de  la  poi- 
trine, un  peu  au-dessous  et  en  dehors  du  mamelon.  Ce  blessé 
était  dans  état  presque  exsangue  La  face  était  p;11e,  les  lèvres 
décolorées.  Au  moment  de  la  blessure,  il  y  avait  eu  quelques 
crachats  mêlés  de  sang  et  quelques  efforts  de  toux;  mais  ce 
symptôme  ne  se  reproduisit  pas  une  seule  fois  jusqu'à  l'instant 
de  la  mort.  La  respiration  était  fréquente,  le  son  tout-à-fait 
mat  du  côté  malade  et  très-clair  du  côté  sain  ;  en  un  mot,  les 
signes  se  rapportaient  beaucoup  plus  à  une  perte  de  sang 
abondante  qu'à  une  plaie  du  poumon. 

La  plaie  du  thorax  pouvait  avoir  dix-huit  lignes  de  lon- 
gueur et  fournissait  du  sang  noir  qui  s'écoulait  en  bavant  et 
dont  la  quantité  augmentait  dans  l'expiration.  M.  Chassai- 
gnac,  qui  dans  ce  moment  était  élève  de  garde,  appliqua  sur 
la  plaie  un  tampon  de  charpie  et  le  flxa  à  demeure  au  moyen 
de  bandelettes  agglutinatives  et  d'un  bandage  de  corps.  La 
soirée  et  la  nuit  se  passèrent  sans  nouveaux  accidens;  mais 
le  lendemain  il  survint  des  signes  d'une  hémorrhagie  inté- 
rieure, et  le  malade  expira. 

La  plèvre  droite  contenait  plusieurs  livres  d'un  sang  noir 
en  partie  coagulé.  Le  poumon  était  aplati,  réfugié  en  quel- 
que sorte  le  long  de  la  colonne  vertébrale.  Les  deux  lobes 
inférieurs  avaient  été  traversés  de  part  en  part  par  la  lame  du 
sabre,  en  sorte  qu'il  existait  quatre  plaies  pulmonaires;  chose 
remarquable,  elles  présentaient  déjà  un  commencement  d'ag- 
glutination. 

En  renversant  le  poumon  en  avant  pour  le  détacher,  on 
découvrit  une  plaie  transversale  occupant  la  veine  azigos 
dans  le  point  où  elle  est  collée  au  rachis.  Cette  plaie  était 


(1)  De  la  fracture  du  col  du  fémur,  étudiée  spécialement  sous  le  point 
de  vue  de  l'anatoinie  pathologique,  suivie  de  quelques  observations  de 
plaie,  etc.In-S°.  Chez  Béchet. 

Nous  regrettons  que  le  plan  de  ce  journal  s'oppose  à  ce  que  nous 
fassions  l'analyse  d'un  ouvrage  remarquable  par  la  profondeur  des  vues 
de  son  auteur,  et  par  les  recherches  nombreuses  auxquelles  il  a  dû  se 
livrer,  mais  qui  ne  contient  que  peu  de  détails  relalil's  à  la  pratique, 
bien  que  l'anatoniie  pathologique  du  col  du  lenuir  fi.Tcturé,  ainsi  que 
ses  différens  modes  de  consolidation,  y  soient  élulii  s  avec  un  rare  ta- 
lent. 

{PltttdartJmei.  ) 


large,  béante,  et  expliquait  suffisamment  l'hémorrhagie 
abondante  et  l'énorme  épanchement  sanguin  trouvé  après  la 
mort.  Non-seulement  la  pointe  du  sabre  avait  divisé  la  veine 
azigos,  mais  elle  avait  encore  sillonné  assez  protondément 
l'appareil  ligamenteux  antérieur;  quelques  lignes  de  plus, 
elle  eût  atteint  l'aorte  et  pénétré  dans  la  plèvre  du  côté 
gauche. 

Tous  les  organes  étaient  remarquables  par  leur  décolora- 
tion et  leur  état  exsangue. 

ART.   io84- 

HOPITAL  DES  VÉNJÉRIENS. 

Considérations  sur  la  sypkiUde  pustuleuse. 

La  syphillde  pustuleuse  est  caractérisée  par  des  boutons 
qui  se  développent  sur  les  diverses  parties  du  corps,  se  rem- 
plissent d'iHie  matière  purulente  qui  se  concrète,  forme 
une  croûte  jaunâtre,  puis  laisse  après  sa  chute  une  cicatrice 
plus  ou  moins  enfoncée.  Ces  pustules  peuvent  se  présenter 
sous  deux  aspects  difl'érens;  les  unes,  psydraciées,  sont  pe- 
tites, conoïdes,  plus  ou  moins  nombreuses  et  répandues  çà 
et  là  sur  les  tégumens  ;  les  autres,  phlysaciées,  beaucoup  plus 
larges,  offrent  des  espèces  de  plaques,  sous  lesquelles  on  voit 
souvent  des  ulcères  serpigineux  très-rebelles. 

Leur  nombre  peut  varier  à  rinfiui  :  tantôt  on  n'en  rencon- 
tre que  quelques-unes  dispersées  cà  et  là  sur  différens  points 
du  corps,  d'autres  fois  elles  couvrent  tout  le  tronc,  les  bras 
et  les  extrémités  inférieures.  Les  deux  espèces  de  pustules 
peuvent  se  trouver  en  même  temps  sur  le  même  sujet.  Elles 
se  réunissent  parfois  en  groupe  sur  un  seul  point,  au  front  par 
exemple,  autour  des  coudes,  sur  la  poitrine,  et  présentent 
alors  une  agglomération  de  croûtes  plus  ou  moins  larges  et 
offrant  un  aspect  un  peu  différent  des  pustules  primitives.  La 
couleur  cuivrée  qu'on  a  donnée  comme  signe  caractéristi- 
que des  syphilides  se  rencontre  le  plus  ordinairement  dans 
cette  variété,  mais  n'existe  pas  toujours.  Quelques  exemples 
suffiront  pour  faire  connaître  la  marche  de  cette  éruption. 

Au  n°  6  de  la  petite  salle  a  été  couché  un  jeune  homme  dont 
le  corps  était  couvert  de  pustules  syphilitiques.  Six  mois  seu- 
lement avant  son  entrée  a  l'hôpital,  cet  homme  avait  eu  des 
chancres  à  la  verge,  pour  lesquels  il  avait  subi  un  traitement 
mercuriel  comniet  par  la  liqueur  di;  Van-Svvieten.  Toutes  les 
parties  du  corps,  mais  prini'ipalenicnt  les  avant-bras  et  les 


(3i3) 

extrémités  inférieures,  étaient  couverts  de  pustules  dissémi- 
nées çà  et  là  et  arrivées  à  divers  degrés  de  maturité.  Les  unes 
consistaient  en  un  bouton  rouge,  légèrement  ombiliqué 
dans  son  centre;  les  autres  étaient  blanches  à  leur  sommet, 
contenaient  du  pus  dans  leur  intérieur,  ou  étaient  recou- 
vertes d'une  croûte  jaunâtre,  et  ressemblaient  assez  aux  bou- 
tons de  la  variole.  D'autres  chez  lesquelles  le  frottement 
avait  détaché  cette  croûte,  offraient  ù  leur  sommet  un  petit 
ulcère  d'où  s'écoulait  une  petite  quantité  de  sanie  icho- 
reuse  ;  d'autres  enfin  étaient  complètement  cicatrisées.  Tou- 
tes reposaient  sur  une  base  dure  qui  pénétrait  dans  la  pro- 
fondeur du  derme,  et  celles  qui  semblaient  les  plus  ancien- 
nes étaient  entourées  d'une  auréole  de  couleur  de  cuivre. 

Ce  jeune  homme  était  fort  amaigri,  non  par  la  maladie, 
qui  ne  durait  que  depuis  quelques  semaines,  mais  probable- 
ment par  l'excès  du  travail  ou  la  mauvaise  alimentation;  il 
avait  en  outre  un  engorgement  chronique  du  testicule  du  côté 
gauche.  On  le  laissa  reposer  pendant  quelques  jours,  puis 
on  prescrivit,  le  27  mars,  des  fumigations  de  cinabre,  qui 
ne  tardèrent  pas  à  amener  dans  l'aspect  des  pustules  une 
amélioration  sensible.  Quinze  jours  environ  après  l'emploi 
de  ce  moyen,  beaucoup  de  croûtes  s'étaient  détachées,  lais- 
sant à  découvert  une  plaque  rouge  qui,  les  jours  suivans, 
s'affaissa  davantage,  et  finit  enfin  par  se  trouver  au  niveau 
de  la  peau.  Au  bout  de  deux  mois,  cet  homme  sortit  entiè- 
rement débarrassé  de  son  éruption. 

Les  fumigations  cinabrées,  le  proto-iodure  et  le  cyanure 
de  mercure  à  l'intérieur  sont  les  moyens  à  l'aide  desquels 
M.  Cullerier  combat  le  plus  souvent  la  syphilide  pustuleuse, 
qui  en  généra!  est  plus  grave,  'plus  rebelle  que  celle  que 
nous  avons  décrite  dans  notre  précédent  numéro  ;  cependant, 
pour  ce  symptôme  syphilitique  comme  pour  tous  les  autres, 
ce  chirurgien  commence  ordinairement  par  essayer  les  effets 
d'un  traitement  simple  avant  de  prescrire  les  mercuriaux. 
Nous  pourrions  rapporter  de  nombreux  exemples  de  guéri- 
son  de  syphilides  ou  d'autres  symptômes  plus  graves,  tels 
que  perforation  de  la  voûte  du  palais,  carie,  nécrose  des 
os,  etc.,  qui  prouvent  jusqu'à  l'évidence  que  les  symptômes 
syphilitiques  consécutifs  peuvent  disparaître  de  la  manière 
la  plus  complète  sous  l'influence  du  repos,  du  régime  et  de 
quelques  moyens  appropriés;  nous  nous  bornerons  mainte- 
nant à  en  citer  un  qui  a  rapport  au  sujet  qui  nous  occupe. 

Au  n'^  23  de  la  salle  des  femmes  a  été  reçue,  dans  les 
premiers  jours  de  mai,  une  jeune  fille  prde,  maigre,  et  dont 
le  corps  entier  était  couvert  des  deux  variétés  de  pustules 


(5i4) 

sypliîlîtirfues.  Cette  éruption  paraissait  être  cotisénutive  à 
une  affection  syphilitique  néglio;ée.  Huit  mois  en  effet  avant 
son  entrée  à  l'iiôpital,  il  y  avait  en,  disait-elle,  à  la  grande 
lèvre  fi^aiiche  quelques  boulons  qui  avaient  persisté  pendant 
deux  mois,  et  dont  elle  ne  s'était  nullement  occupée. 

Au  bout  de  trois  mois,  il  survint  des  taches  sur  le  corps; 
elle  entra  à  l'hôpital  des  Vénériens  dans  un  autre  service. 
On  reconnut  quelques  rougeurs  sur  le  col  utérin ,  qu'on 
cautérisa.  Elle  sortit  au  bout  de  trois  semaines  sans  avoir 
subi  de  traitement. 

Huit  jour'5  après  parut  l'éruption  qui  a  motivé  sa  rentrée 
à  l'hôpital.  Les  pustules  étaient  répandues  surtoutsur  les  ex- 
trémités supérieures  et  inférieures;  mais  elles  étaient  beau- 
coup plus  nombreuses  et  plus  grosses  sur  les  cuisses  et  sur 
les  jambes,  où  elles  formaient  par  leur  réunion  de  larges 
plaques  fournissant  un  liquide  jaunâtre  assez  abondant.  Il  y 
avait  en  outre  à  chaque  m.dléole  des  ulcérations  formées  par 
des  tubercules  syphilitiques  abcédés.  Deux  tubercules  sem- 
blables, mais  non  ulcérés,  se  trouvaient  aussi  à  la  partie  in- 
férieure de  chaque  tibia. 

Le  traitement  a  consisté  dans  le  repos  au  lit.  le  quart, 
puis  la  demi-portion;  quelques  bains  d'eau  simple,  panse- 
ment des  plaies  avec  le  cérat,  vé.sicatoires  suivis  de  la  cau- 
térisation sur  les  deux  tubcrbules  non  ulcérés.  La  tisane  de 
salsepareille  seule  a  été  donnée  pendant  huit  jours,  mais  a  été 
supprimée  T)arce  qu'elle  fatiguait  l'estomac. 

Aujourd'hui  (30  juin)  cette  jeune  fille  est  à  peu  près  gué- 
rie; elle  a  repris  de  l'embonpoint,  et  sous  ce  rapport  est  à 
peine  reconnaissable;  les  pustules  syphilitiques  ont  disparu 
presque  complètement,  ne  laissant  à  leur  place  que  quelques 
taches  cuivrées  et  les  cicatrices  qui  en  sont  la  suite  ordi- 
naire ;  les  ulcération?  des  malléoles  sont  complètement  cica- 
trisées; les  tubercules  des  tibias  se  sont  fondus  sans  suppu- 
rer f  1),  et  dans  quelques  jours  la  malade  pourra  sortir  entiè- 
rement débarrassée  de  son  éruption  syphilitique.  Le  traite- 
ment n'a  duré  que  deux  mois,  et  elle  n'a  pas  fait  usage  de  la 
plus  faible  dose  de  mercure. 


(1)  Nous  avons  déjà  appel»':  l'atlnnlion  des  praticiens  sur  l'applica- 
tion di.-s  vésicaloircs,  s;ir  les  tubercules  non  abcédés  (voy.  art.  yfig). 
De  nombreuses  observations  ne  laissent  plus  de  doutes  aujourd'bui  sur 
reffieatife  d(f  ce  moyen  appliqué  !i  temps,  qui  prévient  ainsi  la  for- 
mation (i'iilc)  reg  preitque  intei  M)in;ilile>,  et  toujoart  suivis,  d'ailkura, 
«i'uno  vicatrice  difforme  at  iadilébiU. 


(5i5) 

La  syphilide  pustuleuse  est  souvent  un  symptôme  succes- 
sif de  vérole,  mais  quelquefois  elle  ne  se  manifeste  que  long- 
temps après  la  disparition  des  preuiiers  accidens.  Elle  accom- 
pagne souvent  les  papules,  les  tubercules,  ou  même  d'autres 
éruptions  qui  ne  sont  pas  de  nature  syphilitique  ;  mais  en 
général  elle  est  facile  à  reconnaître  aux  caractères  que  nous 
lui  avons  indiqués. 

Son  pronostic  est  plus  fâcheux  que  celui  de  la  syphilide 
papuleuse,  et  surtout  que  celui  de  la  syphilide  maculée; 
mais  elle  n'est  point  aussi  grave  que  la  syphilide  tubercu- 
leuse dont  nous  aurons  bientôt  à  nous  occuper  :  c'est  peut- 
être  l'espèce  la  plus  commune,  et  on  l'observe  assez  fré- 
quemment, soit  chez  les  i;ens  qui  ont  négligé  leurs  symptômes 
primitifs,  soit  chez  d'autres  qui  se  sont  soumis  aux  traite- 
mens  mercuriels  les  plus  complets. 

Son  traitement  n'offre  rien  qui  ne  soit  commun  à  toutes 
les  espèces  de  syphilides,  et  nous  nous  en  occuperons  d'une 
manière  spéciale  après  avoir  fait  l'histoire  de  toutes  les  érup- 
tions de  cette  nature. 

ART.    io85. 
HOPITAL  CLINIQUE  DE  LA  FACULTÉ. 

Paralysie.  —  Différences  des  signes  de  l'Iiémorrhagie  cérébrale 
et  du  ramollissement.  —  Lésions  de  l'intelligence ,  de  la 
sensibilité.  (Voy.  art.  ioG5.) 

La  paralysie  occupe  toujours  le  côté  du  corps  opposé 
à  l'affection  cérébrale.  Bien  qu'on  ait  cité  des  exemples  du 
contraire,  M.  Rostan  pense  que  les  observations  avaient  été 
mal  prises,  et  qu'on  n'avait  pas  eu  la  précaution  de  noter, 
avant  la  mort,  le  côté  du  corps  paralysé.  Le  bras  et  la  jambe 
peuvent  être  paralysés  ensemble  ou  séparément;  ce  qui 
prouve  qu'il  existe  dans  le  cerveau  un  point  séparé  qui  préside 
au  mouvement  de  chacun  de  ces  membres.  La  paraplégie 
peut  exister  et  reconnaître  pour  cause,  soit  une  affection  dq 
cerveau,  soit  une  affection  de  la  moelle  épinière.  Bien  qu'on 
ait  affirmé  le  contraire,  des  autopsies  cadavériques  l'ont  dé- 
montré de  la  manière  la  plus  évidente;  ainsi,  ce  professeur 
a  eu  l'occasion  de  faire  l'autopsie  d'une  femme  qui  avait 
eu  d'abord  paralysie  d'im  seul  membre  pelvien  ,  puis  plus 
tard  paralysie  du  second,  et  chez  laquelle  on  trouva  un  can- 
cer de  la  substance  cérébrale.  Lorsqu'on  voit  un  seul  membre 
pelvien  paralysé,  on  doit  être  assuré  que  la  maladie  existe. 


(3i6) 

dans  le  cerveau  et  nou  dans  le  rachis.  Il  !>eiait  possible  ce- 
pendant que  la  moitié  seulement  de  la  moelle  épinière  fût 
affectée;  mais  on  conçoit  que,  dans  ce  cas,  le  côté  oi)po5é 
doit  être  envahi  promi)tement  et  que  la  paralysie  doit  devenir 
complète.  Il  pourrait  encore  arriver  qu'il  existât  dans  le  cer- 
veau une  double  affection  des  points  qui  coriespondeut  au 
mouvement  des  membres,  mais  ce  cas  est  fort  rare. 

On  ne  peut  pas  savoir  quel  est  le  point  du  cerveau  lésé 
lorsque  les  sens  sont  paralysés  isolément  et  que  le  nerf  lui- 
même  n'est  pas  malade. 

Bien  que,  dans  un  certain  nombre  de  cas,  les  nerfs  qui  se 
distribuent  aux  organes  puissent  être  eux-mêmes  la  cause  de 
la  paralysie,  il  arrive  souvent  qu'on  n'attribue  pas  à  cette 
absence  du  mouvement  sa  véritable  cause.  La  paralysie  de 
l'œsophage,  par  exemple,  lient  presque  toujours  à  une  lésion 
du  cerveau.  Il  y  a  peu  de  temps,  M.  Rostan  fut  appelé  prés 
d'un  jeune  homme  qui,  à  la  suite  d'une  impression  morale 
vive,  avait  éprouvé  en  même  temps  une  hémiplégie  et  une 
paralysie  de  l'œsophage.  Ces  deux  affections  ont  guéri  en 
même  temps  sous  l'influence  des  saignées  générales,  et  te- 
naient assurément  à  la  même  cause.  Le  même  médecin  s'est 
trouvé  en  consultation  près  d'un  banquier  qui,  depuis  quel- 
que temps,  éprouvait  de  la  difficulté  d'avaler  accompagnée 
d'une  très  légère  hénu'plégie.  Les  moyens  employés  contre 
la  paralysie  de  l'œsophage  n'ayant  eu  aucun  succès,  M.  lloslan 
diagnostiqua  une  hémorrhagie  cérébrale,  et  effectivement,  à 
la  mort  du  malade,  on  trouva  des  traces  d'un  épanchement 
dans  le  lobule  moyen  du  cerveau  et  un  peu  de  ramollisse- 
ment dans  les  points  environnans. 

En  général,  l'intensité  des  accidens  est  en  rapport  avec 
l'intensité  des  désordres.  Les  cas  exceptionnels  sont  fort 
rares. 

Lorsque  M.  Rostan  eut  reconnu  que  le  ramollissement  du 
cerveau  était  bien  une  maladie  particulière,  il  fut  frappé  de 
l'identité  de  ces  signes  avec  ceux  de  l'hémorrhagie  cérébrale; 
mais  il  ne  larda  pas  à  remarquer  que  le  ramollissement  était 
annoncé  par  des  signes  précurseurs,  tels  que  la  douleur  de 
tête,  l'engourdissement  des  membres  ,  et  que  ces  accidens 
avaient  toujours  été  en  croissant,  ce  ',ui  n'a  pas  lieu  pour 
l'hémorrhagie.  Ces  signes  précurseurs,  qui  s'observent  dans 
la  presque  totalité  des  cas,  sont  d'une  grande  importance 
pour  diagnostiquer  ces  deux  maladies. 

La  marche  des  affections  cérébrales  est  donc  croissante 
ou  brusque.  Nous  voyons  que  celle  du  ramollissement  est 
croissante,  bien  qu'il  puisse  y  avoir  des  alternatives  de  mieux 


(5.7) 

et  de  pire.  Celle  de  l'hémorrhagie  cérébrale,  au  contraire,  et 
de  la  congestion, est  rétron;rade,à  moinsquel'épanchementne 
soit  extrême.  Ainsi,  dans  le  ramollissement,  on  observe  des 
signes  précurseurs,  une  invasion  lente,  une  marche  crois- 
sante. Dans  l'hémorrhagie  et  dans  la  congestion,  pas  de  signes 
précurseurs,  une  invasion  brusque,  une  marche  décroissante. 

M.  Rostan  considère  ce  cerveau  comme  l'organe  de  l'in- 
telligence. Il  est  évident  encore,  suivant  ce  professeur,  que 
l'intelligence  occupe  un  des  points  du  cerveau.  Quel  est  ce 
point  ?  Il  n'est  guère  possible  de  le  déterminer  d'une  manière 
bien  rigoureuse.  Cependant  M.  Foville  a  remarqué  que 
toutes  les  fois  qu'il  y  avait  trouble  de  l'intelligence  pendant 
la  vie,  on  avait  trouvé  quelque  lésion  à  la  substance  corti- 
cale. M.  Rostan  a  fait  la  même  remarque;  il  n'a  pas  vu  un 
seul  cas  de  délire  idiopathique  dans  lequel  la  substance  corti- 
cale ne  fût  injectée,  quelquefois  même  ramollie;  et  derniè- 
rement encore  nous  en  avons  vu  un  exemple  remarquable 
chez  un  homme  qui  a  succombé  à  une  pleurésie  chronique  et 
qui  avait  eu  un  délire  violent. 

Il  est  utile  de  remarquer  cependant  qu'il  peut  y  avoir  alté- 
ration locale,  organique,  matérielle,  bien  qu'à  l'autopsie  on 
ne  puisse  la  discerner  ;  lors,  par  exemple,  qu'un  homme  délire 
quand  il  est  troublé  par  l'ivresse  ou  certaines  autres  causes, 
s'il  venait  à  être  tué  on  ne  trouverait  probablement  aucune 
lésion,  bien  que  certainement  il  en  existât. 

Il  est  des  médecins  qui  prétendent  que,  lorsque  dans  une 
maladie  cérébrale  il  y  a  trouble  de  l'intelligence,  c'est  un 
indice  qu'on  a  affaire  à  une  hémorrhagie  cérébrale;  que, 
dans  le  cas  contraire,  c'est  un  ramollissement.  Il  est  d'obser- 
vation au  contraire  que,  dans  le  ramollissement,  les  réponses 
sont  lentes  et  difficiles,  tandis  que,  dans  la  plupart  des  cas 
d'hémorrhagie  cérébrale,  l'intelligence  reste  intacte. 

Le  délire  peut  être  passager  ou  persistant,  triste,  gai,  etc.; 
mais  il  faut  surtout  s'attacher  à  reconnaître  s'il  est  sympathi- 
que ou  idiopathique.  Cette  distinction  est  capitale  au  lit 
des  malades.  Le  délire  est  sympathique  lorsqu'il  survient 
dans  le  cours  d'une  maladie  aiguë  et  récente.  Si,  par  exem- 
ple, un  homme  atteint  d'une  pneumonie  a  du  délire  toutes 
les  nuits,  on  peut  dire  qu'il  est  sympathique;  mais,  quand  il 
n'existe  aucune  altération  dans  les  autres  organes  ou  que 
celle  que  l'on  observe  est  trop  légère  pour  réagir  sur  le  cer- 
veau, on  doit  considérer  le  délire  comme  idiopathique.  Ainsi 
l'on  a  porté  ce  diagnostic  chez  le  malade  ù  la  pleurésie  dont 
nous  avons  parlé  tout-à-l'heure.  Il  était  évident  qu'il  existait 
un  délireidiopalhique. 


(3i8) 

La  sensibilité  est  souvent  diminuée,  augmentée,  abolie 
sans  que  ni  le  mouvement  ni  l'intelligence  ne  paraissent 
lésés;  cependant  on  trouve  ù  l'autopsie  les  mêmes  désordres 
que  lorsqu'il  y  a  lésion  du  mouvement.  L'exaltaîion  de  la 
sensibilité  a  une  très-grande  valeur  quand  elle  se  manifeste 
dans  un  seul  côté.  M.  llostau  connaît  un  homme  qui  a  depuis 
longues  années  une  affection  cérébrale.  La  moitié  du  corps 
est  douée  d'une  très-vive  sensibilité;  la  peau  de  ce  côté  est 
très-rouge  et  d'une  chaleur  remarquable. 

Il  est  aussi  important  de  remarquer  la  douleur  que  les  ma- 
lades éprouvent  dans  les  membres.  Dtipuis  l'ouverture  de  la 
Clinique,  nous  avons  vu  deux  hommes  chez  lesquels  une 
douleur  dans  les  orteils  a  annoncé  un  travail  dans  le  cerveau, 
comme  on  a  pu  s'en  assurer  par  l'autopsie.  Il  est  s(»uvent  fort 
difficile  de  reconnaître  si  ces  douleurs  locales  tiennent  à  une 
lésion  locale  ou  aune  affection  cérébrale;  cependant, lorsque 
le  membre  est  douloureux  en  même  temps  qu'il  y  a  céphal- 
algie du  côté  opposé  et  que  la  partie  n'est  ni  chaude  ni  tumé- 
fiée ,  on  doit  soupçonner  un  travail  morbide  dans  le  cerveau. 
C'est  ainsi  qu'au  n"  lo  il  y  avait  un  homme  dont  le  bras 
était  extrêmement  douloureux  à  la  pression  et  qui  n'a  pas 
tardé  à  avoir  uue  hémiplégie  de  ce  côté  (i). 

Dans  les  salles  il  y  a  présentement  sept  à  huit  affections  cé- 
rébrales. Chez  presque  tous  ces  malades  il  y  a  abolition  du 
mouvement  et  non  du  sentiment.  Il  n'y  a  d'exception  que 
pour  une  seule  femme,  qui  depuis  huit  ou  dix  ans  a  une  pa- 
ralysie du  mouvement  et  du  sentiment. 

Il  y  a  quelques  années,  on  a  publié  dans  un  journal 
l'exemple  d'un  individu  chez  lequel  une  zone  de  la  peau  seu- 


(i)  Cette  sensibilité  se  rencontre  non-seulement  à  la  peau,  mais  en- 
core dans  les  muscles  profondément  situés.  Au  n"  7,  il  y  avait  un 
homme  qui  éprouvait  de  vives  douleurs  dans  les  muscles  de  la  jambe; 
la  peau  ne  partageait  pas  cette  sensibilité,  quianaouçait  un  tiavail  in- 
flammatoire dans  le  cerveau.  Il  faut  cependant  se  tenir  en  garde  contre 
des  douleurs  de  diverse  nature,  qu'on  pourrait  attribuer  faussement  à 
une  inflammation  cérébrale.  Au  n»  2,  il  y  a  encore  un  malade  qui  est 
entré  avec  une  hémiplégie  complète;  aujourd'hui,  il  est  dans  un  fort 
bon  état.  Il  y  a  quinze  jours,  il  se  plaignit  d'une  douleur  dans  le  brus. 
M.  RoMtan  crut  qu'il  se  faisait  un  travail  inflammatoire  vers  le  cerveau, 
et  s'empressa  de  prescrire  une  saignée  du  bras  et  des  sangsues  autour 
du  cou.  Le  lendem.'iin,  cet  homme  n'éprouvait  aucune  douleur.  Il  est 
inliniment  probable,  suivant  ce  pioli:Kseur,  qu'on  n'a  eu  affaire  qu'a 
une  douleur  rhumatismale.  Les  erreurs  de  ce  genre  sont  exlréuicwcut 
faciles, et  il  itait  important  de  les  signaler. 


(319) 

lement  était  insensible.  Chez  d'autres,  on  avait  remarqué 
cette  insensibilité  sur  quelques  points  du  corps  seulement.  Il 
est  probable  que,  dans  ce»  cas,  c'était  le  nerf  plutôt  que  le 
centre  nerveux  qui  était  malade.  M.  Rostan  donne  des  soins 
à  une  jeune  dame  qui  est  tombée  de  cheval  il  y  a  quelques 
années.  Elle  conserve  dans  la  région  latérale  droite  et  supé- 
rieure de  la  cuisse  une  insensibilité  complète  de  la  peau.  On 
peut  impunément  piquer  cette  partie,  mais  les  régions  voi- 
sines ont  conservé  toute  leur  sensibilité.  Cette  dame  était 
tombée  sur  le  siège.  Il  est  probable  qu'il  y  a  eu  myélite  ,  et 
qu'un  faisceau  nerveux  aura  été  plus  fortement  froissé  que 
le  reste. 

Parmi  les  innombrables  variétés  de  la  douleur,  on  doit 
mentionner  surtout  la  céphalalgie;  quand  elle  est  constante 
et  fixe  dans  un  point  du  crâne,  qu'il  survient  des  douleurs 
et  des  fourniillemens  dans  les  membres  du  côté  opposé  et 
que  ces  symptômes  durent  depuis  peu  de  temps,  on  doit 
craindre  un  ramollissement  du  cerveau;  mais  quand  cette 
douleur  dure  depuis  plus  de  trois  mois,  ce  n'est  plus  un  ra- 
mollissement qui  est  à  craindre. 

Quand  la  douleur  est  lancinante ,  qu'elle  existe  dans  le 
membre  paralyse,  que  le  malade  prend  un  teint  jaune  paille, 
si  surtout  il  y  a  quelque  affection  cancéreuse  sur  un  autre 
point  du  corps,  on  doit  craindre  une  lésion  semblable  du 
cerveau. 

Nous  terminons  ici  les  généralités  émises  par  M.  Rostan 
dans  ses  leçons  sur  les  maladies  des  centres  nerveux.  Ces  dé- 
tails, quelque  aiides  qu'ils  aient  pu  paraître,  étaient  indispen- 
sables pour  l'étude  des  lésions  cérébrales  en  particulier. 
Nous  rapporterons  dans  le  prochain  cahier  quelques  observa- 
tions qui  viennent  à  l'appui  de  ces  généralités ,  et  nous  com- 
mencerons l'histoire  de  la  congestioH  cérébrale. 

A£x.   1086. 

Séances  d'Académie  :  Rapport  et  discussion  sur  la  taille  et  la 
litliotritie. 

Une  discussion  remarquable  s'est  élevée  ù  l'Académie  sur 
les  avantages  que  peuvent  présenter  la  taille  et  la  litholritie. 
Pendant  plusieurs  séances,  cette  grave  question  a  été  agitée 
et  a  partagé  l'assemblée  pour  ainsi  dire  en  deux  ramps,  dans 
lesquels  les  partisans  de  la  taille  et  ceux  de  la  lilholritie  ont 
épuisé  tous  les  uguinens  en  faveur  de  leur  cause.  On  était 
loin  de  s'attendre  à  de  semblables  attaques  contre  le  broie- 


(  5ao  ) 

taent  de  la  pierre,  et  la  curiosité  des  nombreux  spectateurs 
a  été  vivement  excitée  par  ces  longs  débats.  La  discussion  a 
commencé  au  sujet  d'un  mémoire  de  M.  Leroy  sur  la  litho- 
tripsie  chez  les  enfans.  Dans  ce  travail,  ce  chirurgien  préten- 
dait que  l'opération  du  broiement  de  la  pierre  était  possible, 
même  chez  les  enfans,  et  il  citait  à  ce  sujet  six  observations 
dans  lesquelles  cette  méthode  avait  réussi.  M,  Velpeau, 
chargé  d'examiner  ce  mémoire  de  concert  arec  M.  Sanson, 
a  pris  occasion  de  faire  saillir  les  inconvéniens  de  la  lithotri- 
tie,  et  de  montrer  combien  on  avait  exagéré  les  avantages 
qu'on  en  retirait.  «  Dans  la  lithotritie,  dit  ce  chirurgien,  est- 
ce  la  douleur  que  l'on  prétend  éviter?  mais  l'opération  de  la 
taille  en  cause  infiniment  moins.  Il  en  est  de  même  pour  la 
durée  de  l'opération,  pour  les  chances  de  récidive,  etc.  Si 
donc  la  lithotritie  est  une  conquête  heureuse  de  la  chirurgie 
moderne,  elle  n'en  restera  pas  moins,  comparée  à  la  litho- 
tomie,  une  méthode  simplement  exceptionnelle,  lorsque  la 
raison  humaine  permettra  delà  resserrerdans  ses  limites  na- 
turelles. Non-seulement  chez  les  enfans,  mais  encore  chez 
les  adultes,  elle  expose  à  plus  d'inconvéniens  que  la  taille, 
toutes  les  fois  que  le  calcul  offre  une  grande  dureté,  dépasse 
le  volume  d'une  grosse  noix,  toutes  les  fois  que  les  organes 
urinaires  sont  malades,  que  le  sujet  est  très-irritable,  et  que 
le  malade  n'a  pas  une  grande  répugnance  pour  cette  der- 
nière opération.» 

Ces  assenions  ont  soulevé  un  violent  orage  dans  l'Acadé- 
mie. La  discussion  ayant  été  ajournée  à  la  séance  suivante, 
M.  Amussat  le  premier  a  pris  la  parole,  et  s'est  étonné  que 
M.  Velpeau  dirigeât  ses  attaques  contre  la  lithotritie  précisé- 
ment au  moment  où  cette  opération  triomphait  partout  des 
préjugés  et  de  la  routine.  Il  a  demandé  comment  on  pouvait 
déprécier  cette  conquête  de  la  chirurgie  moderne  devant  une 
assemblée  qui  lui  devait  deux  de  ses  membres  les  plus  illus- 
tres, MM.  Dubois  et  Lisfranc,  et  il  a  terminé  enfin  par  con- 
clure que  la  lithotritie  devait  être  la  règle,  et  la  lithotomie 
l'exception. 

M.  Velpeau  alors  a  cité  ime  statistique  des  deux  opéra- 
tions :  M.  Civiale,  consulté  en  1827  P^"^  quatre-vingt-trois 
malades,  en  a  perdu  trente-huit,  trois  ont  gardé  leur  pierre, 
quarante-deux  seulement  on  guéri,  et  sur  ce  nombre  dix-neuf 
ont  éprouvé  des  accidens  graves.  En  i85o,  sur  vingt-quatre 
calculeux,  treize  sont  guéris,  onze  sont  morts.  Dans  un  ta- 
bleau plus  récent,  sur  trente  calculeux,  dix-huit  sont  guéris, 
huit  sont  morts,  quatre  ont  gardé  leur  pierre.  La  taille  offre 
de?  avantages  bien  plus  salisfaisaos,  puisque  sur  trois  cent 


cinquanle-six  malades  opérés  par  M.  Dupuy tren,  cechirurgien 
n'en  avait  perdu  que  soixante  et  un.  Les  autres  chirurgiens 
ont  obtenu  des  succès  à  peu  près  semblables.  Ainsi  le  frère 
Côme  a  perdu  un  malade  sur  cinq,  M.  Souberbielle  un  sur 
six,  Cheselden  un  sur  neuf,  et  d'autres  ont  obtenu  de  bien 
plus  beaux  résultats  encore,  puisque  le  professeur  Smith,  en 
Amérique,  évalue  ses  pertes  à  un  sur  dix-huit;  Perunti,  à  Na- 
ples,  à  un  sur  vingt-cinq,  et  M.  Santoro  un  sur  cinquante- 
six.  Voilà  pour  la  mortalité.  Quant  à  la  douleur,  M.  Velpeau 
assure  que  la  lilhotritie  en  cause  plus  que  la  taille,  et  qu'elle 
amène  fréquemment  la  mort  à  la  suite  d'accidens  nerveux  et 
inflammatoires. 

M.  Lisfranc  a  défendu  avec  vigueur  la  lithotritie.  Je  por- 
tais depuis  dix  mois,  a-t-il  dit,  un  calcul  volumineux  ;  en  dix 
séances  il  a  été  broyé  d'une  manière  complète,  et  aujour- 
d'hui je  suis  parfaitement  guéri;  il  en  a  été  de  même  du  pro- 
fesseur Dubois.  Quant  aux  chiffres  cités  par  M.  Velpeau,  ils 
sont  loin  d'être  exacts;  on  perd  environ  un  malade  sur  qua- 
tre par  la  taille,  et  les  renseignemens  fournis  par  M.  Civiale 
sont  bien  autres  que  ceux  qu'on  vient  de  lire,  puisque  pen- 
dant huit  années,  sur  un  total  de  quatre  cent  vingt-neuf 
malades  soignés  par  ce  chirurgien,  deux  cent  quarante-qua- 
tre ont  subi  la  lithotritie,  deux  cent  trente-six  ont  guéri, 
cinq  sont  morts,  et  trois  ont  continué  à  souffrir.  Parmi  les 
cent  quatre-vingt-cinq  autres,  quatre-vingt-huit  ont  été  sou- 
mis à  l'opération  de  la  taille,  quarante-huit  sont  morts, 
trente-deux  ont  guéri,  et  huit  ont  conservé  des  infirmités. 

Nous  sortirions  du  plan  de  ce  journal  si  nous  donnions 
avec  plus  d'étendue  l'analyse  de  cette  longue  discussion, 
qui  s'est  prolongée  pendant  plusieurs  séances,  et  dans  la- 
quelle on  a  cité  de  part  et  d'autre  des  statistiques  tout-à-fait 
opposées;  disons  seulement  que  les  conclusions  du  rappor- 
teur ont  été  adoptées,  mais  on  a  refusé  l'insertion  de  son 
rapport  dans  les  fascicules  de  l'Académie. 

ART.     1087. 

Observations  d'unfangas  de  la  mâchoire  s upêrieureinutUement 
traité  par  l'incision  et  la  cautérisation  avec  le  ferr  ouge,  et 
détruit  après  plusieurs  applications  de  la  poudre  de  sublimé. 
Article  communiqué  par  M..  Ordinaire,  docteur  en  méde- 
cine à  Saint-Laurent-Iès-Mûçons. 

Madame  veuve  Savoie,  propriétaire  à  Saint-Symphorien 
(Saône-et-Loire),  âgée  de  cinquaute  ans,  d'un  tempérament, 

TOM.    VI.   —  N"  DE  JVILLET.  21 


bilieux  et  d'une  forte  constitution,  mais  dont  la  mère  était 
mojfte  d'un  cancer  au  rectum,  s'aperçut,  au  printemps 
de  i834,  qu'elle  portait  dans  la  bouche,  sur  la  face  interne 
du  maxillaire  supérieur  droit,  une  excroissance  charnue  de 
la,  grosseur  d'un  pois,  qui  saignait  au  moindre  contact,  sans 
causer  de  douleur.  Ce  bouton  prit  de  jour  en  jour  de  l'ac- 
croissement et  devint  bientôt  douloureux.  Il  avait  la  grosseur 
d'une  fève  lorsque  la  malade  consulta  un  médecin  qui  en  fit 
l'excision,  et  cautérisa  avec  la  pierre  infernale.  Quelques 
jours  après,  le  fungus  avait  reparu  et  occasionait  des  dou- 
leurs plus  vives.  Elle  se  fit  visiter  par  un  autre  praticien  qui, 
reconnaissant  la  gravité  de  l'affection,  enleva  la  dent  canine 
correspondante,  et  tenla  l'emploi  du  sublimé  corrosif;  mais 
i^  en,  usa  avec  crainte,  et  les  escarres  qu'il  détermina  n'étaient 
pas  tombées  que  la  fungosité  avait  reparu.  Il  regarda  le  su- 
blimé comme  impuissant,  et  eut  recours  à  l'application  du 
feu.  Peux  cautères  coniques  rougis  à  blanc  furent  appliqués 
successivement  sur  la  partie  occupée  par  le  fungus,  préala- 
blement enlevé  avec  des  ciseaux  courbes.  Le  troisième  jour 
les  escarres  se  détachèrent,  et  l'excroissance  reparut  le  cin- 
quième,, marchant  avec  une  rapidité  effrayante.  Le  même 
praticien,  consulté  de  nouveau,  cautérisa  une  seconde  fois, 
aussi  profondément  que  possible,  avec  trois  cautères,  et  le 
fungus  n'en  çeparut  pas  moins  peu  de  jours  après. 

Madame  Savoie,  épouvantée,  vint  se  confier  à  mes  soins 
vers  la  fin  de  janvier  i835.  Je  reconnus  une  de  ces  terribles 
affections  contre  lesquelles  le  docteur  Gensoul,  de  Lyon,  a 
proposé  et  pratiqué  la  résection  d'une  partie  du  maxillaire,  et 
sur  le.s  instances  de  la  malade,  j'en  tentai  la  guérison  à  l'aide 
du  suhlimé,  que  je  savais  cependant  avoir  été  employé  sans 
suiccès. 

Le  fun^-us,.  de  la  grosseur  d'une  fève,  occupait  l'espace 
laissé  par  la  deut,  arrachée,  et  s'étendait  sur  la  face  externe  du 
maxillaire  jusqu'à  l'union  de  la  lèvre  supécieure  à  cet  os.  Il 
était  d'un  rouge  vif,  saignait  facilement  et  occasionait  des 
douleurs  lancinantes,  vives. dans  toute  la  face  qui  était  sensi- 
blement tuméfiée.  Madame  Savoie  avait  un  teint  jaune-paille 
peu.  rassurant,  éprouvait  des  coliques  fréquentes  et  ava't  1« 
mofaj.  profondément  affecté. 

J'arrachai  les  deux  dents  voisines  que  les  cautérisations 
pïécédcntes-avaient  sensiblement  altérées;  j'enlevai  à  l'aide 
de  ciseaux  toutes  les  parties  saillantes  du.  fiuugus;  lorsque 
l'hémorrhagic  fut  arrêtée,  je  procédai  à  l'application  du  su- 
blimé de  la  manière  suivante  :  Tenant  h  lèvre  supérieure 
relevée,  je  remplis  la  cuvette  d'un  instrument  ressemblant  à 


(3a3) 

ua  cure-oreille  de  poudre  caustique,  et  la  portai  sur  la  plaie  ; 

je  répétai  plusieurs  fois  cette  application,  de  manière  à  blan- 
chir d'une  couche  épaisse  de  deuto-chiorure  toutes  les  par- 
ties altérées.  Je  ne  lâchai  pas  la  lèvre  et  j'engageai  la  malade 
à  laisser  couler  librement  et  naturellement  la  salive  dans  une 
cuvette  destinée  à  la  recevoir.  La  douleur  produite  par  le 
sublimé  ne  tarda  pas  à  être  très-vive.  Sans  y  avoir  égard,  je 
fis,  dix  minutes  après  la  première  application,  une  seconde 
cautérisation  semblable,  puis,  peu  d'instans  après,  une  troi- 
sième. Je  plaçai  un  plumasseau  de  coton  cardé  entre  la  lèvre 
et  les  gencives  correspondantes,  et  la  malade,  la  bouche  en- 
tr'ouverte,  laissa  fluer  une  quantité  assez  considérable  de  sa- 
live. Une  demi-heure  n'était  pas  écoulée  qu'elle  fut  prise 
d'une  agitation  presque  convulsive,  et  de  quelques  nausées 
bientôt  suivies  d'efforts  prononcés  pour  vomir.  Je  la  fis  se 
gargariser  avec  de  l'eau  fraîche  :  la  douleur  se  calma,  et  l'a- 
gitation et  les  envies  de  vomir  cessèrent  comme  par  enchan- 
tement. Je  m'aperçus,  à  la  chute  des  escarres  profondes 
déterminées  par  cette  cautérisation,  que  le  fungus  tendait  à 
se  reproduire.  Je  cautérisai  une  seconde  fois  de  la  même  ma- 
nière, et  les  mêmes  phénomènes  se  montrèrent,  puis  dispa- 
rurent sous  l'influence  d'un  simple  gargarisme;  mais  cette 
fois  je  n'attendis  pas  la  chute  des  escarres,  je  les  enlevai  aussi 
exactement  que  possible,  et  dès  le  lendemain  je  pratiquai 
une  troisième  cautérisation,  puis  une  quatrième  et  une  cin- 
quième. Je  poursuivis  ainsi  les  fungosités  dans  les  alvéoles 
jusqu'au  sinus  maxillaire;  je  mis  ces  derniers  à  nu  ainsi 
qu'une  portion  de  l'os  maxillaire  lui-même,  qui  ne  tarda  pas 
à  s'exfolier.  La  cicatrisation  s'opérait  rapidement  dans  les 
endroits  cautérisés  assez  profondément,  et  me  guidait  pour 
attaquer  lesparties  dégénérées  non  encore  détruites.  Enfin,  je 
vis  mes  efforts  couronnés  de  succès.  A  la  troisième  cautéri- 
sation, les  douleurs  lancinantes  de  la  joue  avaient  diminué  de 
moitié,  et  l'engorgement,  que  les  deux  premières  applications 
du  caustique  avaient  sensiblement  augmenté,  diminua  de 
jour  en  jour.  En  un  mois,  et  après  sept  cautérisations,  la  ci- 
catrisation fut  parfaite  et  ne  laissa  plus  apercevoir  que  quel- 
ques parcelles  osseuses  noircies  qui  s'exfolièrent. 

Depuis  trois  mois  la  malade  est  parfaitement  guérie,  a  re- 
pris son  teint  naturel,  son  appétit,  ses  occupations  habi- 
tuelles, et  n'éprouve  aucun  symptôme  de  sa  terrible  affection. 
Elle  conserve  encore  un  large  séton  que  je  lui  ai  posé  sur  le 
cou,  et  qu'elle  se  propose  de  garder  trois  mois  encore. 

Chez  cette  dame,  chaque  cautérisation  profonde,  et  dans 
laquelle  j'employais  sept  ^  huit  grains  de  sublimé,  causait 


(324) 

de  l'agitation  et  des  nausées,  un  resserrement  et  une  dou- 
leur de  l'épigastre.  Ces  symptômes  ne  pouvaient  être  attri- 
bués à  l'absorption  du  sublimé,  puisqu'ils  disparaissaient 
instantanément,  aussitôt  que  je  lui  permettais  de  se  garga- 
riser à  grande  eau  ;  ils  n'étaient  donc  que  le  résultat  de  la 
douleur. 

Réflexions.  Plusieurs  fois  déjà  nous  avons  entretenu  nos 
lecteurs  de  la  cautérisation  avec  le  sublimé  (i)  suivant  la 
méthode  de  M.  Ordinaire,  et  nous  avons  dit,|d'après  ce  mé- 
decin, et  d'après  les  faits  dont  nous  avons  été  témoin, 
qu'on  n'avait  point  ù  redouter  l'absorption  du  caustique  et 
de  symptômes  d'empoisonnement.  Depuis  cette  époque, 
nous  avons  rencontré  un  seul  fait  qui  semblerait  contredire 
cette  assertion,  et  devoir  inspirer  quelques  craintes  sur  l'em- 
ploi de  ce  moyen. 

Une  jeune  fille  entra  à  l'hôpital  des  vénériens  avec  une 
vaginite  et  de  nombreuses  végétations  tapissant  la  vulve,  et 
pénétrant  même  dans  la  profondeur  du  vagin.  L'interne  de 
la  salle  répandit  sur  ces  végétations  du  sublimé  en  poudre; 
mais,  craignant  l'absorption  do  ce  caustique,  malgré  les 
nombreux  exemples  de  son  innocuité  dont  il  avait  été  té- 
moin, il  se  borna  à  en  dépenser  deux  grains  environ.  Les 
douleurs  furent  violentes,  et  bientôt  il  survint  des  nausées, 
des  vomissemens,  de  l'agitation  avec  tremblement  des  extré- 
mités. Les  parties  génitales  furent  aussitôt  lavées  à  grande 
eau,  et  la  plupart  des  symptômes  d'empoisonnement  ne 
tardèrent  pas  à  se  dissiper;  mais  il  survint  alors  un  délire 
gai,  bizarre,  qui  persista  toute  la  nuit. 

Nous  ne  vîmes  la  malade  que  le  lendemain  matin;  la 
face  était  rouge  et  animée,  les  yeux  étaient  fixes,  et  la  phy- 
sionomie portait  encore  l'empreinte  d'une  sorte  de  stupeur; 
il  y  avait  de  la  fièvre;  les  parties  génitales  étaient  énormé- 
ment tuméfiées,  et  nous  n'aurions  pas  hésité  à  croire  qu'une 
quantité  considérable  de  sublimé  avait  été  employée,  si 
l'élève  qui  en  avait  fait  l'application,  et  qui  avait  pratiqué 
plusieurs  fois  ces  sortes  de  cautérisation,  n'eût  affirmé  n'a- 
voir pas  dépassé  la  dose  de  deux  [grains.  Il  suffit  de  quelques 
jours  de  repos  pour  ramener  les  choses  à  l'état  primitif. 

Doit-on  attribuer  à  l'absorption  du  caustique  les  symptô- 
mes d'empoisonnement  observés  chez  cette  jeune  fille,  ou 


(i)  Voy.  ait.  i^i/,  982,  lu'ij. 


(325) 

bien  pourra-t-on  expliquer  ces  désordres  par  la  violence  des 
douleurs  ressenties  par  la  malade?  Nous  ne  croyons  pas  que 
la  douleur  seule  puisse  causer  les  accidens  observés,  car  ils 
ont  persisté  bien  long-temps  après  que  des  lotions  répétées 
l'eussent  complètement  enlevée;  cependant  on  a  dû  s'éton- 
ner de  voir  de  pareils  symptômes  déterminés  par  une  si  fai- 
ble quantité  de  sublimé,  lorsque  31.  Cullcrier  en  avait  dé- 
pensé impunément  jusqu'à  vingt-deux  grains  sur  une  même 
plaie.  Mais  dans  tous  les  cas  où  la  cautérisation  avait  été 
faite  sans  accidens,  la  poudre  caustique  était  déposée  sur 
une  surface  humide,  et  peut]- être,  enveloppée  ainsi  parle 
liquide,  s'était- elle  transformée  en  croûte  et  décomposée 
avant  que  l'absorption  put  s'opérer.  Si  nous  hasardons  cette 
supposition,  c'est  que  nous  ne  pouvons  concevoir  que  des 
accidens  si  graves  aient  été  le  résultat  de  l'application  d'une 
si  faible  proportion  de  caustique,  dont  l'absorption  ne  nous 
avait  pas  paru  à  craindre  jusqu'à  ce  jour. 

Nous  devons  ajouter  que  cette  jeune  fille,  douée  d'un  cou- 
rage remarquable,  ou  plutôt  de  peu  de  sensibilité  physique,  a 
supporté  plus  tard  l'excision  de  toutes  ses  végétations  sans 
donner  de  signes  d'une  violente  douleur. 

Quelle  que  soit  la  cause  des  acciJens  que  nous  avons  ob- 
servés dans  ce  seul  cas,  nous  ne  saurions  manquer  d'être 
bientôt  éclairés  sur  les  effets  du  sublimé  proposé  par  M.  Or- 
dinaire, un  grand  nombre  de  praticiens  se  livrant  à  des  re- 
cherches sur  ce  sujet  depuis  la  publication  des  premiers  faits 
qui  nous  ont  été  communiqués  par  notre  correspondant. 

ART.   1088. 

Observation  d' hydrophobie  communiquée  par  un  chien  non 
enragé, 

M.  Velpeau  a  communiqué  l'observation  suivante  à  la  So- 
ciété médicale  d'émulation  :  un  enfant  de  quatorze  ans  fut 
mordu  à  la  joue  par  un  chien  avec  lequel  il  jouait,  et  qui 
passait  pour  être  très-méchant.  Il  y  eut  perte  considéra- 
ble de  sang.  On  chercha  à  rapprocher  les  bords  de  la  plaie 
par  quelques  points  de  suture,  mais  on  ne  put  réussir  à  en 
obtenir  l'agglutination.  La  plaie  suppura  et  était  à  peine  ci- 
catrisée, lorsque  le  malade  sortit  de  l'hôpital  le  dix-huitième 
jour  après  l'accident. 

Huit  jours  après,  c'est-à-dire  vingt-cinq  jours  après  la 
morsure,  cet  enfiuit  fut  ramené,  offrant  depuis  la  veille  tous 


(  526  ) 

les  symptômes  de  la  rage  confirmée.  Il  mourut  le  lendemaÎD, 
et  l'on  ne  trouva  aucune  lésion  à  l'autopsie. 

M.  Velpeau  a  conclu  de  cette  observation,  qu'il  n'est  pas 
toujours  nécessaire  qu'un  animal  soit  atteint  de  la  rage  pour 
que  sa  morsure  détermine  l'hydrophobie.  Ce  chien,  en  effet, 
n'était  pas  enragé,  et  on  ne  l'a  tué  que  la  veille  de  la  mort 
de  l'enfant,  lorsqu'on  a  appris  que  l'individu  qu'il  avait 
mordu  était  atteint  de  la  rage.  Un  membre  a  fait  sentir  la 
nécessité  de  cautériser  les  plaies  résultant  des  morsures  des 
chiens,  fût-il  prouvé  que  ces  animaux  n'étaient  point  en- 
ragés. C'était  le  précepte  de  M.  Dupuytren.  Treize  personnes 
mordues  par  un  chien  ayant  été  apportées  à  THôtel-Dieu, 
cinq  furent  cautérisées  immédiatement  par  le  fer  rouge,  et 
guérirent  très-bien.  Deux  furent  cautérisées  seulement  avec 
le  beurre  d'antimoine,  et  moururent  enragées.  Cinrf  se  refu- 
sèrent à  cette  opération,  et  quatre  d'entre  elles  pe'rirent  de 
la  rage.  On  n'a  pas  su  ce  que  devint  le  dernier  qui  ne  fut  pas 
cautérisé. 

ART.  io8g. 

Observations  de  panaris  promptement  dissipés  par  des  onctions 
avec  l'onguent  mercuriel. 

M.  le  docteur  Morisse,  médecin  à  Monfort  (Gers),  nous 
adresse  la  lettre  suivante  : 

Peu  de  jours  après  la  lecture  de  l'art.  934  de  votre  Journal, 
je  fus  appelé  près  d'une  jeune  fille  atteinte  d'un  panaris  à 
l'indicateur  delà  main  droite.  A  l'imitation  du  docteur  Serres 
d'Alais,  je  fis  faire,  non  des  frictions,  mais  des  onctions 
seulement,  avec  un  gros  d'onguent  mercuriel:  deux  heures 
après,  mieux  très-sensible.  A  quatre  heures  du  soir  fsix 
heures  après  la  première  onction),  douleurs  presque  nulles. 
Un  demi-gros  d'onguent  fut  encore  employé,  et  au  bout 
de  douze  heures  de  traitement  la  malade  fut  radicalement 
guérie. 

Le  7  janvier  dernier,  mon  beau-père  fut  appelé  près  de 
madame  D...,  atteinte  de  deux  panaris,  l'un  au  médius  de  la 
main  gauche,  l'autre  au  petit  doigt  de  la  main  droite,  offrant 
déjà  la  couleur  noire  de  la  gangrène.  Sur  l'avis  que  je  lui  en 
donnai,  il  employa  le  premier  jour  deux  gros  d'onguent  mer- 
curiel en  onctions;  dix  heures  a[irès  la  première  onction,  le 
doigt  de  la  main  gauche  fut  gnéri.  Deux  gros  d'onguent  fu- 
rent encore  employés  pour  le  petit  doigt  de  la  main  droite. 


(327) 

et  au  bout  de  quatre  jours  les  deux  panaris  avaient  en- 
tièrement disparu. 

ART.   1090. 

Formules  de  quelques  sirops  dans  lesquels  certains  sucs  végétaux 
très-actifs  figurent  comme  base  médicamenteuse. 

M.  Beral  a  publié  dans  le  Journal  de  chimie  médicale  quel- 
ques formules  qu'on  ne  lira  pas  sans  intérêt.  Les  sucs  de  bel- 
ladone, de  stramoine  et  d'autres  plantes  médicinales,  sont 
rarement  employés,  probablement  à  cause  de  la  difficulté 
de  les  conserver  en  bon  état.  Préparés  de  la  manière  indi- 
quée par  ce  pharmacien,  ils  pourront  être  conservés  pour 
l'usage,  et  seront  à  la  disposition  des  médecins  qui  voudront 
les  employer. 

Sirop  opolique  d'aconit  napel. 

Pr.  Sucre  blanc  en  poudre  grossière,  quinze  onces; 
Alcoolé  de  suc  d'aconit  napel,  deux  onces; 
Eau  distillée,  sept  onces. 
Autrement  : 

Pr.  Sirop  hydraulique  simple,  une  once; 

Alcool  de  suc  d'aconit  napel,  quatre-vingtsgouttes. 

Introduisez  le  sucre  dans  un  flacon,  ajoutez-y  les  autrefe 
substances  ;  agitez  le  mélange  de  temps  à  autre  jusqu'à  par- 
faite solution  du  sucre,  et  passez. 

Une  once  de  ce  sirop  contient  un  scrupule  ou  un  vingt- 
quatrième  de  son  poids  de  suc,  et  autant  d'alcool.  Tous  les 
sirops  dontles  formules  suivent présententle  même  résultat. 

Sirop  opolique  de  belladone. 

Pr.  Sucre  blanc  en  pondre  grossière,  quinze  onces; 
Alcool  de  sucre  de  belladone,  deux  onces; 
Eau  distillée,  sept  onces. 

Autrement  : 

Pr.  Sirop  hydraulique  simple,  une  once; 

Alcool  de  suc  de  belladone,  quatre-vingts  gouttes. 

On  procède  de  la  même  manière  pour  obtenir  les  sirops  de 
ciguë,  de  cresson  dépara,  de  digitale,  de  jtisquiarae,  de  rUe, 
de  stramoine,  elc. 


(328) 

Pour  obtenir  les  alcoolés  opoliques,  on  agit  de  la  manière 
suivante  : 

Pr.  Sucre  récent  et  filtré  de  ciguë   ou  de  toute  autre 
plante,  quatre  onces  ; 
Alcool  à  trente-cinq  degrés,  quatre  onces. 

Mêlez  et  filtrez  vingt-quatre  heures  après  que  le  mélange 
aura  été  fait. 

ART.    1091. 

MÉDECINE  LÉGALE. 

Suite  des  règles  à  suiuredans  les  ouvertures  judiciaires.  Exemple 
d'une  ouverture  dans  un  cas  d'assassinat  bien  constaté. 

M., 

Ouverture  du  corps  en  général. 

Il  est  des  règles  communes  à  toute  autopsie;  nous  allcuis  les  faire 
connaître,  et,  supposant  ensuite  chaque  genre  d'ouveiliire  pour  cha- 
que genre  de  mort;  nous  ferons  un  article  séparé  de  ce  qu'elles 
pourront  offrir  de  particulier. 

Quelques  médecins  ont  le  grnnd  tort  de  limiter  leur  autopsie  à 
l'ouverture  de  la  cavité  splanchniqvie,  où  l'on  soupçonne  l'existence 
des  lésions;  on  ne  saurait  trop  recommander  d'ouvrir  toutes  les 
cavités.  C'est  un  moyen  de  lever  toutes  les  objections  fin  défenseur 
du  prévenu,  qui  ne  manque  jamais  de  tirer  parti  de  celte  omis- 
sion. Et,  d'ailleurs,  il  arrive  quelquefois  que  l'on  trouve  daus  une 
seconde  cavité,  des  altérations  plus  graves  que  dans  la  première. 

Chaussier,  qui  a  établi  sur  l'ouverture  des  corps  les  meilleures 
règles  à  suivre  en  cette  matière,  conseille  de  commencer  par  le 
rachis.  C'est  un  tort,  suivant  nous,  parce  que  les  cadavres  étant 
presque  constamment  placés  sur  le  dos  au  moment  de  la  mort ,  on 
retourne  tous  les  organes  sur  eux-mêmes  avant  de  les  avoir  exa- 
minés, et  l'on  peut  modifier  les  altérations  que  l'on  aura  à  consta- 
ter par  la  suite.  Nous  pensons  qu'il  faut  adopter  l'ordre  .Suivant  ; 
la  tête,  le  cou,  la  poitrine,  l'abdomen,  les  membres  et  le  rachis. 

Examen  de  la  tête. 

Les  cheveux  sont  coupés  avec  des  ciseaux,  ou  bien  le  cuir  clievelti 
est  rasc;on  pr.ntique  alors  une  incision  cruciale  sur  toute  l'étendue  du 
cuir  chevelu,  dont  l'une  des  lignes  s'étend  d'avant  en  arrière,  de  la 
racine  du  nez  a  la  partie  posti'rieurc  et  supérieure  du  cou  ;  l'autre, 
coupant  la  première  à  angle  droit,  prend  naissance  à  la  conque 
d'une  oreille  et  se  termine  a  celle  du  côté  opposé.  On  détache  les 
quatre  laml)eaux  triangulaires  qui  en  résultent,  et  on  les  renverse. 
On  peut  encore,  si  on  le  préfère,  pratiquer  une  section  circulaire  qui 


(  329  ) 

contourne  la  racine  des  cheveux.  On  enlève  le  péricrâne  en  le  dé- 
collant des  os  avec  le  manche  d'un  scalpel.  —  Chaussier  voulant 
éviter  d'intéresser  avec  la  scie  les  membranes  du  cerveau  et  la 
substance  propre  de  cet  organe,  lorsqu'on  se  sert  de  la  scie;  ou 
bien  craignant  de  modifier  les  altérations  du  cerveau  par  les 
secousses  qu'on  lui  imprimerait  en  se  servant  du  marteau  pour 
casser  le  crâne,  conseille  l'application  de  quatre  couronnes  de  trépan 
tant  en  avant  qu'en  arrière,  et  propose  d'introduire  par  ces  ouver- 
tures une  lame  de  couteau  mousse  et  flexible,  afin  de  décoller  la 
dure-mère  et  de  pouvoir  ensuite  pratiquer si'nement  un  trait  de  scie. 
Cette  méthode  longue,  à  laquelle  aucun  médecin  ne  s'astreindrait 
hors  des  cas  très-rares,  me  paraît  avoir  l'inconvénient  de  pouvoir 
modifier  des  altérations  plus  ou  moins  voisines  des  os,  et  je  préfère 
courir  la  chance  d'intéresser  le  cerveau  dans  un  ou  deux  points,  que 
de  risquer  de  produire  les  mêmes  effeis,  en  agissant  sur  toute  sa 
surface.  Il  conseille  aussi  de  faire  l'ouverture  du  crâne  en  deux 
temps;  dans  l'un,  d'enlever  la  calotte  osseuse,  et  dans  l'autre,  de 
faire  en  arrière  et  en  bas  deux  sections  qui  se  prolongent  sur  les 
lames  des  premières  vertèbres  du  rachis,  pour  se  réunir  au  trou  oc- 
cipital, de  manière  à  mettre  à  nu  la  partie  supérieure  du  prolonge- 
ment rachidien;  cette  opération  est,  dit-il,  plus  longue  à  décrire  qu'à 
exécuter.  Nous  avons  vu  un  si  grand  nombre  de  médecins  se  borner 
à  l'ouverture  de  l'abdomen  ou  à  celle  de  la  poitrine,  suivant  les  cas, 
et  négliger  la  tête,  que  c'est  déjà  beaucoup  d'obtenir  l'ouverture  de 
cette  dernière  cavité.  Cette  raison,  je  le  sais,  serait  de  peu  de  va- 
leur, si  l'opération  conseillée  par  Chaussier  était  indispensable  ;  loin 
de  là:bornon?-nous  donc  à  prescrire  bidispensablemeni  l'ouverture  de 
la  tête,  à  l'aide  d'un  trait  de  scie  pratiqué  circulairement,  mais  sans 
employer  le  marteau  qui,  par  les  secousses  qu'il  imprime,  modifie 
plus  ou  moins  les  altérations  que  l'on  doit  observer.  Cette  section 
ne  doit  étrefaite  qu'après  un  examen  attentif  des  os  du  crâne,  et,  lors- 
que la  calotte  osseuse  est  enlevée,  il  faut  rechercher  si  à  la  surface 
interne  des  os  n'existerait  pas  quelque  lésion  qui  ne  pouvait  pas 
être  appréciée  à  l'extérieur.  On  incisela  dure-mère  d'avant  enarrière, 
à  droite  et  à  gauche  du  sinus  longitudinal  on  abaisse  ses  lambeaux 
en  dehors  et  de  chaque  côté;  la  presque  totalité  de  la  surface  supé- 
rieure dt»  cerveau  est  à  nu.  On  note  l'état  de  plénitude  ou  de  va- 
cuité de  ses  vaisseaux,  la  couleur  de  sa  surface,  la  consistance  de 
son  tissu.  On  coupe  avec  des  ciseaux  introduits  en  avant  entre  les 
deux  hémisphères,  l'insertion  de  la  faux  de  la  dure-mère  à  l'apo- 
phvse  crista  galU  de  l'ethmoïde  ;  on  renverse  ce  repli  en  arrière. 
On  laisse  le  cerveau  en  place,  et,  à  l'aide  de  sections  successives 
pratiquées  horizontalement  dans  son  épaisseur,  on  explore  sa  sub- 
stance, ses  ventricules,  les  liquides  qu'ils  peuvent  contenir,  l'état 
des  replis  de  l'arachnoïde  et  de  la  pie-mère,  et  l'on  poursuit  la 
dissection  jusqu'il  la  base  du  crâne,  en  laissant  intact  le  cer- 
velet. Ou  suit  les  deux  replis  de  la  dure-mère  qui  constituent  la 
tente  du  cervelet,  on  explore  la  protubérance  annulaire  et  le  cer- 
velet jusqu'au  cordon  rachidien;  on  abaisse  la  té(e  afin  de  voir  s'il 
s'écoule  du  canal  vertébral  un  liquide  quelconque,  pratique  indis- 
pensable, parce  que  l'ouverture  devant   être  abandonnée  dans  ce 


(33o) 

point  ponr  l'examen  des  autres  cavités,  on  pourrait  perdre  le  fruit 
de  ses  recherches  par  les  positions  que  l'on  ferait  prendre  par  la 
suite  au  cadavre.  Quelques  personnes,  au  lieu  devoir  le  cerveau 
sur  place,  enlèvent  la  totalité  de  la  masse  pour  l'examiner  hors  du 
crâne;  nous  préférons  le  premier  mode.  On  explore  de  nouveau  les 
ouvertures  de  la  face,  et  l'on  procède  'ainsi  qu'il  suit  à  l'examen  do 
cou  et  de  la  poitrine. 

Examen  du  cou  et  de  la  poitrine. 

On  pratique,  i°  deux  sections  qui  partent  de  chaque  commissure 
^es  lèvres  et  s'étendent  jusqu'aux  conduits  auditifs;  2»  une  section 
qui  divise  la  lèvre  inférieure  à  sa  partie  moyenne  et  se  prolonge 
jusqu'au  sternum  ;  3  '  une  incision  qui  longe  toute  l'étendue  des  deux 
clavicules,  de  manière  à   venir  couper  la  précédente  à  angle  droit 
et  à  sa  partie  inférieure;  4°  deux  incisions  qui,  de  chaque  côté,  par- 
tent du  point  de  jonction  du  tiers  interne  de  chaque  clavicule  avec 
leurs  deux  tiers  externes,  et  se  rendent  obliquement  en  dthors  à  la 
base  de  la  poitrine,  vers  l'extrémité   antérieure  de   la   quatrième 
fausse  côte.  Il  résulte  de  ces  incisions,  d'abord  deux  lambeaux  qua- 
drilatères qui    tapissent  le  cou,  ensuite  un   lambeau  triangulaire 
moyen  qui  recouvre  le  sternum  et  la  partie  antérieure  des  côtes, 
dont  le  sommet  obtus  est  en  haut  et  la  base  en  bas.  On  dissèque  les 
deux  premiers  lambeaux;  on  met  à  nu  l'os  maxillaire  inférieur  et 
les  muscles  du  cou,  on  prolonge  la  dissection  sur  les  parties  laté- 
rales de  la  poitrine,  et  l'on  enlève  dans  celte  partie  les  muscles  avec 
la  peau,  afin  d'explorer  leur  état  et  de  mettre  les  côtes  à  nu.  On 
dissèque  aussi  de  haut  en  bas  le  lambeau  de  peau  qui  recouvre  le 
sternum  :  ces  diverses  opérations    permettent   d'explorer  les  ma- 
melles chez  les  femmes,  et  on  le  renverse  sur  l'abdomen.  On  scie 
l'os  maxillaire  inférieur  à   sa  partie  moyenne  ;  la  cavité  de  la  bou- 
che et  la  langue  sont  examinées  avec  soin  ;  on  détache  de  bas  en 
haut  les  muscles  du  cou  ;  la  trachée-artère,  le  larvnx  et  les  vaisseaux 
sont  mis  à  nu.  Alors  on  pratique  la  section  de  la  clavicule  et  des 
côtes  à  l'aide  d'un  trait  de  scie,  pratiqué  au  tiers  interne  de  la  cla- 
vicule, et  se  prolongeant   sur  toutes  les  côtes   dans  la   direction 
des  incisions  qui  ont  été  faites  aux  parties  molles  de  la  poitrine. 
On  renverse  alors  en  bas  et  sur  l'abdomen  le  sternum,  les  deux  por- 
tions  de  clavicule  qui  ont  été  coupées,  et  le  tiers  interne  des  côtes 
qui  adhère  à  cet  os.  La  cavité  de  la  poitrine  est  largement  ouverte; 
les  poumons  et  le  cœur  sont  mis  à   nu.   On  ouvre  le  péricarde;  s'il 
contient  un  liquide,  on  en  mesure  de  l'œil  la  quantité,  ou  on  l'absorbe 
avec  une  éponge  que  l'on  exprime  dans  un  vase  où  cette  apprécia- 
tion peut  être  faite  avec  plus  d'exactitude.  La  même  opération  est 
pratiquée  ii  l'égard  des  cavités  des  plèvres.  On  note  l'état  «le  pléni- 
tude ou  de  vacuité  des  cavités  du  ?œur,  l'aspect  extérieur  des  pou- 
mons, leur  volume,  la  densité  de  leur  tissu.  On  ouvre  chaque  partie 
droite  et  gauche  du  cœur  isolément.  On  presse  légèrement  sur  le 
ventre  afin   d'observer  si   le  sang  reflue  en   plus  ou   moins  grande 
quantité  par  la  veine-cave  inférieure.  On  soulève  le  cœur  de  bas  en 
haut;  on  cou))e  le»  vaisseaux  qui  en  partent  à  leur  origine.  Ou  dis- 


(551) 

sèque  alors  la  trachée-artère  jusqu'à  l'entrée  des  bronches  dans  les 
poumons;  on  suit  même  quelques  ramificntions  dans  leur  tissu;  on 
incise  alors  le  larynx  en  avant  et  le  long  de  sa  partie  moyenne  et 
antérieure  ;  on  fend  la  tracliée-artère  et  ses  divi'îions  pour  noter 
ce  qu'elle  contient  et  l'état  de  sa  membrane  muqueuse;  on  fend  le 
tissu  pulmonaire,  et  l'on  tient  compte  de  l'état  de  son  tissu. 

Examen  de  l'abdomen. 

La  surface  abdominale  doit  d'abord  être  examinée  avec  soin  ; 
toute  tumeur  doit  être  décrite,  sous  le  rapport  de  son  aspect,  de  son 
volume,  de  sa  densité,  de  sa  couleur,  de  sa  mobilité  et  de  son  siège. 
Les  rides  de  l'abdomen  chez  les  femmes,  les  plicatures  des  aines,  les 
gerçures  de  la  peau,  les  marbrures,  connues  sous  le  nom  de  lèvres, 
sont  à  noter. 

On  referme  la  poitrine  pn  rejetant  en  haut  le  sternum  et  la  peau 
abaissée.  On  pratique  la  section  des  parois  abdominales  dans  toute 
sa  circouférencc  antérieure,  en  longeant  l'épine  antérieure  et  supé- 
rieure de  la  crête  de  l'os  des  isles  et  les  branches  du  pubis.  On  re- 
lève ce  large  lambeau,  qui  comprend  toute  la  paroi  antérieure  de 
l'abdomen,  en  sorte  que  de  cette  manière  le  diaphragme  est  con- 
servé dans  son  intégrité,  et  qu'il  n'existe  pas  de  communication 
entre  la  cavité  de  la  poitrine  et  celle  de  l'abdomen,  et  l'on  ne  craint 
pas  les  mélanges  des  fluides  qui  peuvent  être  contenus  dans  ces 
deux  cavités.  On  examine  ensuite  les  divers  organes  renfermés  dans 
l'abdomen  en  passant  successivement  en  revue  l'estomac,  les  épi- 
ploons,  les  intestins,  le  mésentère,  le  foie,  la  rate,  les  reins,  la  vessie, 
la  matrice  et  ses  annexes  chez  les  femmes.  Il  ne  faut  pas  omettre 
d'examiner  les  organes  génitaux,  non-seulement  sous  le  rapport  des 
altérations  qu'ils  présentent,  mais  encore  sous  celui  de  leurs  vices 
de  conformatfon.  En  cas  de  grossesse,  on  décrira  avec  le  plus  grand 
soin  l'utérus,  les  annexes  du  fœtus  et  le  fœtus  lui-même. 

Examen  des  membres. 

Des  incisions  profondes  doivent  être  pratiquées  dans  l'épaisseur 
des  membres  pour  explorer  ies  muscles  et  y  reconnaître  des  ecchy- 
moses ou  même  des  épanchemens  sanguins  ou  purulens  qu'ils  ren- 
ferment quelquefois. 

Examen  du  rachis. 

On  retourne  le  cadavre  sur  le  ventre;  on  met  sous  la  poitrine 
et  principalement  sous  l'abdomen  un  pavé,  un  billot,  de  manière 
à  faire  saillir  la  colo.ne  vertébrale.  On  pratique  des  incisions 
nombreuses  dans  toute  l'étendue  du  dos  et  dans  les  gouttières  ver- 
tébrales, aGn  de  constater  les  lésions  qui  pourraient  y  exister,  et 
aussi  pour  reconnaître  les  lividités  et  vergetures  cadavériques.  Pra- 
tiquant alors  une  incision  qui,  de  l'occiput,  suit  le  trajet  de  toutes 
les  apophyses  épineuses   des  vertèbres  jusqu'an   sacrum ,  on    dé- 


(  352  ) 

couvre  la  colonne  vertébrale  en  disséquant  à  droite  et  à  gauche 
et  en  enlevant  les  muscles  des  gouttières  vertébrales;  alors,  soit  à 
l'aide  d'un  trait  de  scie  pratiqué  de  chaque  côté  sur  les  lames 
postérieures  des  vertèbi'es,  et  le  plus  près  possible  des  apophyses 
transverses,  soit  avec  un  rachitonie  qui  produit  le  même  résultat, 
ou  enlève  toute  la  partie  postérieure  des  vprtèbres,  et  l'on  suit  la 
moelle  à  nu.  II  ne  reste  plus  qu'à  inciser  le  prolongement  de  la  dure- 
mère  qui  enveloppe  cet  organe,  pour  examiner  l'état  de  la  cavité 
de  l'arachnoïde  et  de  l'extérieur  de  la  moelle  ;  fendre  celle-ci  sur 
place,  ou  couper  les  racines  antérieures  et  postérieures  des  nerfs, 
pour  l'enlever  au  dehors  du  canal  rachidien. 

Enfin,  on  procède  à  la  rédaction  du  rapport,  en  présence  des 
magistrats  qui  peuvent  l'exiger,  au  moins  quant  à  ce  qui  concerne 
la  description  des  faits,  car  pour  les  conclusions,  le  médecin  a  le 
droLt  de  se  recueillir  pour  leur  rédaction,  et  il  peut  les  transmettre 
plus  tard.  11  ue  faut  jamais  qu'il  leur  transftiette  les  impressions 
qu'il  reçoit  de  la  part  de  tel  ou  tel  fait  observé,  et  des  conséquences 
auxquelles  il  peut  conduire;  en  agissant  contrairement  à  ce  prin- 
cipe, il  aurait  souvent  occasion  de  se  contredire  par  la  découverte 
subséquente  d'un  fait  nouveau  qui  viendrait  modifier  entièrement 
les  conséquences  du  premier.  Le  magistrat  présent  peut  et  doit  tout 
voir,  mais  le  médecin  n'est  pas  tenu  de  satisfaire  à  ses  questions,  ni 
de  lui  montrer  les  désordres  qu'il  observe. 

L'autopsie  terminée,  le  rapport  rédigé  et  les  conclusions  prises, 
tous  les  faits  doivent  être  gardés,  par  le  médecin,  sous  le  sceau  du 
secret,  jusqu'au  moment  où  la  partie  de  la  procédure  qui  constitue 
l'instruction  est  terminée. 

Voici  un  cas  d'ouverture  judiciaire  en  matière  d'assassinat,  qui 
est  une  application  des  règles  que  je  viens  de  vous  faire  connaître. 

Nous,  Martin,  docteur  en  médecine,  demeurant  à  Bercy;  Char- 
les-Prosper  Ollivier,  docteur  en  médecine  ;  M.  G.-Alph.  Devergie, 
professeur  agrégé  près  la  Faculté  de  médecine,  nous  sommes  ren- 
dus aujourd'hui,  29  août  i834,  barrière  Picpus,  à  Bercy,  dans  la 
maison  du  sieur  Corne,  à  l'effet  de  procéder  à  l'examen  du  ca- 
davre de  ce  dernier,  qui  a  été  victime  d'un  assassinat  commis  sur 
sa  personne  dans  la  nuit  du  27  au  28  courant;  de  désigner  les 
blessures  qui  existent  sur  ce  cadavre;  d'en  déterminer  la  nature  et  la 
cause,  e  t  notamment  de  donner  notre  acis  sur  la  question  de  savoir  si  elles 
ont  été  faites  avec  les  bouteilles  et  le  litre  d'étain  saisis,  ou  avec  tout  autre 
instrument,  et  en  outre  de  constater  sites  blessures  existant  sur  le  cadavre 
ont  été  la  cause  de  la  mort. 

Là,  en  présence  de  M.  Barbon,  juge  d'instruction  près  le  tribu- 
nal de  première  instance  du  département  de  la  Seine,  et  de 
M.  ,  substitut  de  M.  le  procureur  du  roi,  nous  avons  pro- 

cédé à  cet  examen,  et  observé  les  faits  qui  suivent. 

Sur  diverses  parties  du  corps,  aux  jambes,  aux  cuisses,  aux  poi- 
gnets, des  ecchymoses  ou  des  excavations,  jirincipalement  sur  la 
crête  du  tibia  gauche,  à  la  rotule  droite,  au  poignet  et  à  la  main 
droite. L'ecchymose  qui  existe  dans  ce  point  tapisse  toute  la  surface 
dorsale  de  la  main.  Une  plaie  de  six  lignes  de  longueur  se  fait  re- 
marquer entre  le  pouce  et  l'index  de  ce  côté. 


(333) 

A  la  tète,  dont  les  cheveux  ont  été  coupés  lors  de  l'examen  qui  a 
déjà  eu  lieu  par  le  docteur  Martin,  on  trouve  quinze  blessures  dis- 
tinctes, dont  cinq  au  front,  placées  les  unes  au-dessus  des  autres, 
et  il  un  pouce  de  distance  environ  trois  autres  beaucoup  plus  éten- 
dues et  plus  profondes  :  la  première  à  la  partie  postérieure  supé- 
rieure de  l'oreille  droite;  la  seconde  en  haut,  en  arrière  et  à  droite 
delà  tête, au  voisinage  de  l'union  dupariétal  droit  avec  l'occipital; 
latroisième  en  haut,  en  arrière  et  à  gauche,  à  l'union  du  pariétal  gau- 
che avec  lenième  os.  Les  autres  plaies  sont  disséminées  sur  divers 
points  de  la  tèle,  tant  en  arrière  que  latéralement  à  droite  et  à 
gauche. 

Toutes  ces  plaies  sont  contuses.  Quelques-unes,  qui  ont  un  pouce 
et  demi  à  deux  pouces  d'étendue,  dessinent  une  courbe;  ce  sont 
principalement  celles  qui  sont  situées  en  avant  ;  mais  cette  courbe 
n'est  pas  régulière,  car  le  lambeau  convexe  offre  à  son  centre  un 
angle;  en  sorte  que,  quoiqu'il  y  ait  un  certain  rapport  entre  la 
courbure  de  ces  plaies  et  la  convexité  du  rebord  qui  termine  le  fond 
d'un  litre  en  étain,  qui  nous  a  été  représenté,  il  est  difficile  d'ad- 
mettre que  ci°s  plaies  sont  le  résultat  de  l'action  de  ce  litre. 

D'autres  plaies,  d'un  pouce  a  un  pouce  et  demi  de  longueur, 
représentent  une  ligne  légèrement  couiLe,  qui  est  coupée  à  angle 
droit,  et  sur  sa  convexité,  par  une  ligne  droite,  de  manière  à  don- 
ner à  ces  plaies  une  forme  écoilce  et  très-régulière,  disposition  que 
ne  peut  pas  produire,  ni  l'action  du  rebord  d'un  litre  d'étain,  ni 
celle  du  fond  d'une  bouteille,  parce  qu'il  y  a  identité  parfaite  dans 
la  forme  et  dans  les  dimensions  entre  les  plaies  qui  offrent  ce  ca- 
ractère. 

Quelques-unes,  de  deux  pouces  de  longueur,  représentent  seule- 
ment une  ligne  droite  ou  légèrement  courbe;  celles-là  auraient  pu 
être  le  résultat  de  l'action  du  rebord  du  litre  d'étain;  mais  un  in- 
strument tranchant  arrondi  et  obtus  en  expliquerait  plus  facile- 
ment la  forme. 

Enfin,  les  trcis  plaies  principales  présentent  des  directions  telle- 
ment variées  qu'elles  résultent  évidemment  de  l'action  de  plusieurs 
coups  portés  dans  le  même  endroit.  L'une  d'elles,  celle  qui  est  pla- 
cée en  haut  et  à  gauche  de  la  tète,  offre  en  outre  un  lambeau 
moyen  de  deux  pouces  et  demi  de  long  sur  un  pouce  de  large.  Ce 
lambeau  est  divisé  à  son  sommet  en  deux  parties.  La  portion  anté- 
rieure, plus  petite,  a  une  forme  irrégulière.  Elle  est  contuse  sur  ses 
bords,  déprimée  et  presque  perforée  à  son  centre.  Sur  les  lèvres  de 
cette  plaie  se  remarquent  quatreou  cinq  autres  blessures,  qui  vien- 
nent s'y  réunir  en  la  coupant  à  angle  droit. 

Une  disposition  à  peu  près  analogue  se  fait  observer  sur  les  deu.x 
autres  plaies  principales. 

Ces  trois  dernières  blessures  sont  accompagnées  de  fracture  aux 
os  du  crâne,  et  l'étendue  de  chaque  solution  de  continuité  des  os 
est  telle  qu'elles  se  réunissent  tOLites  ensemble,  en  sorte  que  le  crâne 
est  cassé  à  partir  du  rocher  de  l'os  temporal  du  côté  droit,  jusqu'à 
la  portion  écailleuse  du  temporal  du  côté  gauche,  en  dessinant  une 
ligne  courbe  dont  la  ccmvexité  est  en  avant.  Le  long  de  la  convexité 
de  celte  longue   fi  ucture,  on  trouve,   en  procédant   de  gauche   à 


(534) 

droite  :  i»  deux  esquilles  de  six  à  sept  lignes  d'étendue,  formées  aux 
dépens  de  la  table  externe  du  pariétal  gauche;  a°  urffe  esquille  car- 
rée d'un  pouce  de  diamètre,  comprenant  toute  l'épaisseur  du  parié- 
tal droit,  esquille  enfoncée  dans  le  crâne,  et  correspondant  au  cen- 
tre de  la  plaie  principale,  placée  en  haut,  à  droite  et  en  arrière.  En- 
fin, trois  autres  esquilles  de  deux  pouces  à  deux  pouces  et  demi  de 
long,  tlont  une,  plus  enfoncée  que  les  autres,  est  située  au  centre  de 
la  plaie  principale  qui  avoisine  le  pavillon  de  l'oreiJle  droite,  et 
qui  a  intéressé  sa  conque. 

A  la  surface  externe  des  os  existe  une  couche  de  sang  infiltré  dans 
le  tissu  cellulaire,  et  les  coups  ont  été  tellement  multipliés, que  la 
presque  totalité  de  la  surface  de  la  tête  présente  du,  sang  ainsi 
infiltré. 

A  l'intérieur  du  crâne,  et  dans  toute  l'étendue  des  fractures,  on 
trouve  à  la  surface  du  cerveau  du  sang  épanché  ;  sa  quantité  est 
considérable  à  droite;  on  peut  l'évaluer  à  trois  onces  eiaviron. L'ar- 
tère méningée  moyenne  de  la  dure-mère  a  été  probablement  ouverte. 
A  gauche  elle  est  bien  moindre.  Non-seulement  la  majeure  partie 
du  sang  est  épanchée  à  la  surface  de  la  dure-mère  décollée,  mais  il 
en  existe  encore  autour  d'un  grand  nombre  de  circonvolutions  cé- 
rébrales. La  substance  de  ces  circonvolutions  est  inlîltrée  de  sang, 
contuse  dans  cinq  points  différens.  Les  contusions  principales  cor- 
respondent aux  plaies  plus  grandes  que  nous  avons  décrites. 

Il  existe  un  peu  de  sang  dans  la  partie  postérieure  du  ventricule 
latéral  droit.  Le  reste  de  la  substance  cérébrale  est  sain. 

On  ne  trouve  pas  de  fracture  à  la  base  du  crâne.  Les  organes  de 
la  poitrine  et  de  l'abdomen  n'offrent  rien  de  particulier  à  noter.  Il 
existe  seulement  des  adhérences  anciennes  du  poumon  gauche  à  la 
plèvre  costale. 

Divers  objets  nous  ont  été  représentés  comme  soupçonnés  d'avoir 
été  les  instrumens  à  l'aide  desquels  on  aurait  opéré  ces  blessures: 
loUne  mesure  de  litre  en  étain  :  elle  est  fortement  aplatie  sur  elle- 
même,  à  partir  de  son  fond  jusqu'à  son  ouverture.  Cet  aplatisse- 
ment est  tel  que  les  deux  parois  du  vase  sont  fortenvent  i  approchées 
l'une  de  l'autre.  Le  fond,  ou  la  partie  la  plus  solide  ,  n'a  pas  subi  de 
déformation  bien  notable,  et  sa  circonférence  ne  présente  pas  de 
dépression  qui  soit  en  rapport  avec  la  forme  ncces  sairf  pour  opérer 
des  désordres  semblables  à  ceux  que  nous  avons  décrits  plu'^  liant. 
2»  Une  bouteille  ordinaire  encore  entière,  et  don  t  la  base  offre  des 
taches  de  sang  >  t  des  cheveux  encore  collés  au  v^  se.  3"  Nous  avons 
trouvé  un  merlin  placé  auprès  du  lit  du  sieur  Corne,  et  dont  la 
grosse  extrémité  nous  a  offert  une  couleur  qui  a  de  l'analogie  avec 
celle  du  sang,  sans  offrir  toutefois  une  similituc  ic  parfaite  avec  lui; 
ce  qui  nous  a  engagés  à  le  faire  saisir  pour  ètrf  •  soumis  à  l'analyse. 
De-  faits  qui  précèdent,  nous  concluons  : 

I"  Que  les  blessures  observées  sur  la  tête  du  sieur  Corne,  et  prin- 
cipalement celles  qui  étaient  accompagnées  de  fracture  des  <'s,  d'i- 
panchement  de  sang  a  l'intérieur  du  cràue,  et  de  contusion  au  cer- 
veau, ont  été  la  cause  de  sa  mort; 

Que  leur  situation,  leur  nature  et  les  désorclres  qui  les  accompa- 
gnaient expliquent  parfaitement  toutes  lescirci  )nstancesqui  ont  pré- 


(  535  ) 

cédé  la  mort,  telles  que  l'époque  à  laquelle  elleest  arrivée  (plusieurs 
heures  après  les  blessures  reçues),  la  paralysie  de  la  moitié  du  corps 
et  la  perte  d<-  sensibilité,  observées  par  î'un  de  nous,  le  docteur 
Martin  ; 

2"  Qu'ayant  égard  à  la  nature  de  ces  blessures,  à  leur  variation, 
sous  le  rapport  de  leur  forme,  à  leur  multiplicité,  et  aux  desordres 
étendus  qu'elles  ont  amenés, il  nous  est  difficile  de  supposer  qu'une 
bouteille  ou  qu'une  mesure  de  litre  en  étain  aient  pu  les  produire,  et 
qu'il  nous  semble  beaucoup  plus  probable  que  les  assassins  avaient  à 
leur  disposition  plusieurs  espèces  d'instrumens  tranchans  et  conton- 
dansde  formes  différentes,  et  d'une  énergie  beaucoup  plus  grande. 
Fait  à  Paris,  ce  3o  août  i834. 

Cet  botume  avait  été  assassiné  à  trois  heures  du  matin.  A  cinq 
heures,  deux  individus,  passant  près  de  sa  maison,  avaient  entendu 
des  gémissemens.lls  ouvrent  une  fenêtre,  pénètrent  dans  la  boutique, 
trouvent  sur  le  plancher  des  mares  de  sang  qui  s'étendent  jusqu'à 
la  porte  delà  cave;  ils  ouvrent  celle-ci,  voient  les  mêmes  traces  de 
sang  sur  les  marches  de  l'escalier,  <t  trouvent  enfin  le  corps  du 
sieur  Corne  étendu  dans  la  cave,  et  baignaut  dans  une  mare  con- 
sidérable de  sang.  M.  Martin,  appelé  à  six  heures  du  matin,  trouva 
Corne  encore  vivant,  mais  il  ne  put  eu  tirer  aucune  parole.  Il  est 
mort  à  neuf  heures  du  matiu. 

SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

La  Société  de  médecine  de  Paris  met  au  concours  la  ques- 
tion suivante  : 

Déterminer  quelles  sont  dans  les  affections  typhoïdes  les  alté- 
rations primitives  et  celles  qui  ne  sont  que  secondaires. 

Un  prix  de  700  francs  sera  décerné  au  meilleur  Mémoire. 
Les  concurrens  devront  adresser  leurs  travaux  franco  ^  et 
dans  les  formes  ordinaires,   avant  le    1"   juillet   i836,    à 
U     M.  Forget,  secrétaire  générai  de  la  Société  de  médecine,  rue 
de  Savoie,  n°  i3. 

La  Société  de  médecine  de  Toulouse  propose  pour  sujet 
da  prix  à  décerner  en  i836  la  question  suivante  : 

1°  Y a-t-il plusieurs  espèces  de  rétrécissemens  du  canal  de  Cu- 
rètre  chez  Plwmme? 

2°  Quels  sont  les  caractères  qui  les  distinguent? 

5°  Quelle  est  la  meilleure  méthode  de  traitement  qu'elles  ré- 
clament ? 

Le  prix  est  delà  valeur  de  3oo  francs.  Les  mémoires  devront 
être  remis  à  M.  Duca?se  fils,  à  Toiilouse,  avant  le  1"  mars. 

VARIÉTÉS. 

Responsabilile  médicale.  Nos  lecteurs  se  rappellent  loules  les  circou- 


(  356  ) 

stances  du  procès  intenté  à  M.  Thouret-Noroy,  accusé  d'avoir,  en  pra- 
tiquant une  saignée,  ouvert  l'artère  brachiale  de  son  malade,  et  déter- 
miné un  anévrisnie  qui  nécessita  l'amputation.  L'appel  interjeté  par 
M-  Ïliouret-Noroy  du  jugement  de  la  Cour  royale  de  Rouen,  qui  le 
condamnait  à  di'S  dommages  et  intérêts  envers  la  partie  civile,  est  ar- 
rivé eu  cassation  le  18  juin.  Malgré  les  efforts  de  Me  Crémieux,  qui  a 
plaidé  en  laveur  des  médecins  avec  un  admirable  talent,  le  pourvoi  a 
été  rejeté  par  la  Cour,  sur  les  considérans  qui  suivent  : 

Attendu  que  pour  décider  que  le  sieur  Thouret-Noroy  était  responsa- 
ble envers  le  sieur  Guigne  de  la  perte  rie  son  bras,  l'arrêt  attaqué  s'est 
fondé  sur  la  négligence  de  ce  médecin,  sur  sa  faute  grave,  et  notam- 
ment sur  l'abandon  volontaire  dans  lequel  il  avait  laissé  le  malade  en 
refusant  de  lui  conlinuerses  soins  ; 

Que  ces  faits  matériels  sont  du  nombre  de  ceux  qui  entraînent  la 
responsabilité  civile  de  ia  part  des  individus  à  qui  ils  sont  impulables, 
et  qu'ils  sont  soumis,  d'après  la  disposilion  des  art.  i582et  1 083  à  l'ap- 
préciation des  juges; 

Que  l'arrêt  attaqué,  en  se  conformant  à  ces  principes,  n'a  violé  ni  la 
loi  du  19  venlûse  an  xi,ni  les  deux  maximes  de  droit  invoquées,  et  n'a 
commis  aucun  excès  de  pouvoir; 

Par  ces  motifs,  la  Cour  rejette  le  pourvoi. 

M.  le  procureur- général  Dupia  avait  porté  la  parole  et  conclu  égale- 
ment au  rejet  du  pourvoi.  Mais  ni  ce  jurisconsulte,  ni  le  rapporteur, 
M.  Brièie  de  Valigny,  ni  l'arrêt  de  la  Cour,  n'ont  touché  à  la  grande 
question  de  responsabilité  médicale.  La  Cour  de  Rouen  s'était  fondée, 
non  sur  la  maladresse  du  médecin,  mais  sur  sa  mauvaise  volonté;  non 
sur  l'inopportunilé  de  l'opération,  mais  sur  l'abandon  volontaire  qu'il 
avait  lait  du  malade.  C'est  comme  homme  et  non  comme  médecin  que 
M.  Thouret-Noroy  a  été  jugé  ;  ce  n'est  pas  pour  avoir  mal  appUqué  les 
principis  de  son  art  qu'on  le  condamne  à  des  dommages-intérêLs; 
c'est  pour  avoir  ai)andoané  volontairement  son  malade  et  avoir  né- 
gligé de  lui  donner  les  soins  nécessaires.  Dès-lors,  nous  le  répétons,  la 
question  de  responsabilité  médicale  reste  à  juger  tout  entière. 

Nous  ne  reviendrons  pas  sur  ce  que  nous  avons  dit  à  l'époque  de  ce 
malheureux  procès,  sur  les  irrégularités  de  la  procédure  et  les  étranges 
considérans  des  deux  arrêts  rendus  ;  il  nous  suffira  de  faire  observer 
que  la  Cour  de  cassation  juge  le  droit  et  non  le  fait,  et  que  lorsqu'un 
tribunaliuférieur  a  admis  un  fait  comme  constant,  elle  n'a  point  à  vé- 
rifier son  exactitude,  mais  à  voir  seulement  si  la  loi  a  été  convenable- 
ment appliquée.  C'est  par  cette  raison  que  nous  conservions  peu  d'es- 
poir de  voir  reformer  ce  jugement,  mais  nous  ne  pensons  pas  que  celte 
décision  de  la  Cour  suprême  soit  de  nature  à  compromettre  les  droits 
qui  nous  soûl  garantis  par  la  loi  de  l'an  xi. 

— Une  ordonnance  royale  vient  d'autoriser  l'Académie  royale  de  mé- 
decine à  accepter  le  legs  qui  lui  est  fait  par  la  dame  Marie-Elisabeth 
Civrieux,  femme  du  sieur  Michel,  d'une  rente  annuelle  sur  l'Etat  de 
1000  francs,  par  testament  du  i3  septembre  i8ù4>  tle  legs  sera  employé 
à  la  fondation  d'unprixannuel  de  1000  francs,  qui  sera  décerné  paria- 
dite  Académie  à  l'auteur  du  meilleur  ouvrage  sur  le  traitement  et  la 
guérison  des  maladies  provenant  de  la  surexcitation  de  la  sensibilité 
nerveuse. 

—  Des  lettres  reçues  de  Toulon  en  date  du  aa  juin  annoncent  que 
l)lu.-.ieurs  cas  de  choléra-inorluis  s'étaient  déclarés  dans  l'arsenal  de 
cette  ville.  Déjà  six  ouvriers  ou  condamnés  avaient  été  atteints  de  la 
maladie  ;  trois  étaient  morts,  et  les  trois  autres  ue  laissaient  plus  d'es- 
poir. 


(337) 

ART.     1092. 

Histoire  d'une  monomanie  homicide  guirie  par  les  vermifuges. 

M.  Foureaude  Beauregard  a  lu  à  l'Acadénjie  un  Mémoire 
sur  la  iDuiiomanie  produite  par  la  présence  des  vers. 

Ce  médeciiifut  consultéen  1822, en  Italie,  par  un  religieux 
qui  lui  déclara  que  depuis  plusieurs  années  il  lui  était  sur- 
venu contre  un  de  ses  confrères  une  antipathie  si  forte  qu'il 
voulait  le  tuer,  sans  que  cependant  il  eût  jamais  eu  aucun 
motif  de  plainte  contre  lui.  Après  avoir  interrogé  tous  les 
organes  avec  le  plus  grand  soin,  M.  Foureau  de  Beauregard 
attribua  la  monomanie  homicide  à  la  présence  des  vers  dans 
l'appareil  gastro-intestinal.  Tl  prescrivit  en  conséquence  des 
vermifuges  d'une  énergie  graduée,  et  donna  par  écrit  au  ma- 
lade une  direction  sur  leur  usage.  Il  lui  conseilla  en  outre 
de  s'éloigner  du  couvent  où  il  résidait  en  commua  avec  l'ob- 
jet de  son  antipathie. 

Ce  malade,  ajoutant  peu  de  confiance  à  ce  que  lui  disait 
son  médecin,  se  borna  à  s'éloigner  de  son  couvent  pendant 
quelques  mois  ;  il  n'obtint  aucun  soulagement,  et  lorsqu'il  y 
rentra  à  l'approche  de  l'hiver,  le  même  désir  homicide  le 
poursuivit  tellement  que  plusieurs  fois  ses  sentiraens  d'hu- 
manité et  ses  principes  religieux  suffirent  à  peine  pour  lui 
faire  rejeter  le  couteau  dont  il  s'armait  involontairement. 

Vers  la  fin  du  carême,  les  occasions  de  ce  terrible  combat 
se  présentant  plus  fréquemment,  il  quitta  le  domicile  com- 
mun, et  vint  à  la  ville  pour  solliciter  son  changement.  Mais 
la  monomanie  le  suivit  dans  son  nouveau  séjour.  Enfin,  un 
soir,  s'étant  couché  bien  portant,  il  fut  réveillé  tout-à-coup 
par  un  sentiment  de  suffocation  qui  lui  fit  croire  sa  vie  me- 
nacée. Ses  confrères  accoururent  à  son  secours.  Son  an- 
goisse était  causée  par  un  ver  lombricoïde  fort  long,  qui  était 
remonté  de  l'estomac  au  gosier,  et  qui  sortit  enfin  en  de- 
hors. Il  se  décida  alors  à  suivre  son  ancienne  prescription, 
et  avala  quelques  pilules  de  calomel  et  d'assa-fœtida,  unis 
par  le  sirop  d'absinthe  et  roulés  dans  de  la  poudre  de  valé- 
riane. Le  résultat  de  cette  médication  fut  la  sortie  d'un  pa- 
quet formé  par  un  grand  nombre  de  vers,  la  plupart  vivans. 
La  cessation  absolue  et  complète  de  la  monomanie  homicide 
en  fut  la  suite  immédiate,  et,  depuis  lors,  cette  guérison  ne 
s'est  pas  démentie. 

M.  Foureau  de  Beauregard  a  cité  encore  deux  autres  faits 

TOM.  VI.  —    N"  d'août.  32 


(  538  ) 

à  peu  près  semblables.  Tl  s'agissait  de  deux  femmes,  l'une 
â"^ée.  de  soixanie-trois  ans,  et  l'autre  de  vingt-sept,  qui  tou- 
tes deux  éprouvaient  la  monoiuauie  suicide.  L'une  et  l'autre 
furent  délivrées  de  leur  penchant  au  suicide  après  l'expul- 
sion d'un  ténia  armé.  Elles  ont  fait  usage  de  la  méthode  de 
M.  Bourdier,  modifiée  par  la  substitution  de  la  décoction  de 
l'ccorce  fraîche  de  racine  de  grenadier  à  celle  de  fougère 
mâle,  que  ce  professeur  prenait  pour  excipient  de  l'é- 
ther  (i). 

M.  Foureau  ne  considère  pas  seulement  les  vers  comme 
cause  de  monomanie  chez  l'homme;  il  pense  encore  qu'ils 
déterminent  chez  les  animaux  de  très-fréquens  accidens,  et 
que  le  ténia,  par  exemple,  serait  la  cause  de  la  rage  chez  le 
chien,  qui  en  offre  si  souvent  dans  ses  intestins.  Ce  médecin 
a  appelé  l'attention  des  vétérinaires  sur  ce  point,  et  les  a  en- 
gagés à  vérifier  par  des  expériences  ce  qu'il  ne  donnait  encore 
que  comme  une  conjecture. 

ART.    logS. 

Considérations  sur  le  traitement  des  rétrécissemens  de  l'urètre  et 
des  fistules  urinaires,  par  le  caihétérisme  simple  ou  forcé. 

M.  le  docteur  Major,  de  Lausanne,  vient  d'exposer,  dans 
une  brochure  publiée  récemment  des  considérations  d'une 
grande  importance  sur  le  traitement  des  rétrécissemens  de 
l'urètre.  Ce  chirurgien,  renonçant  à  tous  les  moyens  préco- 
nisés jusqu'à  ce  jour  pour  détruire  cescoarctatioos,  se  borne 
à  pénétrer  dans  la  vessie  à  l'aide  d'un  cathéter  volumineux 
qui  écarte  ou  déchire  les  replis  membraneux,  et  rétablit  ainsi 


,'  i)  I(f^  soir,  une  panade  avec  un  jaune  d'œuf. 

Le  lendemain    matin,   dans  un  verre  d'une  décoction  de  fougère  : 

Ether  sulfurique,  un  gros. 

Cinq  minute?  après,  un    lavement  avec   la   même   décoction,  à  la- 
quelle on  ajoute  : 

Ethcr  suli'urique,  deux  gros. 

Une  lieure  après,  le  purgatif  suivant  : 

Huile  de  ricin,  deus  onces  ; 

Sirop  de  fleurs  de  pêcher,  une  once, 

dont  on  aidera  l'actioo  par  quelques  tasses  de  bouillon  aux  lierbes, 

[Funniit,  des  hôp.) 


(359)    - 

ie  diamètre  du  canal.  Cette  méthode,  que  M.  Mayor  met  en 

pratique  depuis  longues  années  à  Lausanne,  a  été  réeein- 
Mient  appliquée  par  lui  sur  quelques  malades  dans  les  hô[)i- 
taux  de  Paris,  et  en  présence  de  nombreux  élèves,  et  nous 
devons  diie  que  le  succès  a  seuddé  d'idxaul  couronner  ces 
premières  exitériences.  D'autres  chirurgiens  ont  dcja  iiuiié 
celte  pratique,  et  nous  avons  vu  M.  Cullerier,  eiitie  autres, 
pénétrer  satis  trop  de  difûcultés  avec  un  caihéter  de  deux  li- 
gnes de  diamètre  dans  un  canal  (|ui  n'avait  pu  recevoir  la 
plus  faillie  bougie.  Nous  croyons  donc  devoir  analyser  avec 
quelque  étendue  un  travail  qui,  par  les  idéesneuves  qu'ilcoQ- 
lient,  mérite  de  fixer  Irtute  noire  attention. 

Après  avoir  démontré  les  inronvéniens  de  la  cautérisation 
et  des  méthodes  ordinaires  de  dilatation,  M, Mayor  met  en  op- 
position le  procédé  qu'il  adopte  de  préférence.  Il  emploie 
pour  pénétrer  dans  la  vessie  un  très-gros  caihéter  métalli- 
que, et  plus  ce  tube  est  volumineux,  plus  il  surmonte  facile- 
ment les  obstacles  qui  s'opposent  à  son  introduction,  pourvu 
cependant  qu'il  ne  soit  pas  hors  de  proportion  avec  les  di- 
mensions présumées  du  canal.  C'est  ainsi  qu'il  est  plus  aisé 
de  donner  un  lavement  avec  une  grosse  canule  qu'avec  une 
petite,  et  qu'on  peut  introduire  soit  dans  le  rectum,  soit  dans 
le  vagin,  des  corps  énormes  relativement  à  leur  diamètre, 
tels  que  la  main,  la  tête  d'un  l'œlus  à  terme,  etc. 

Un  cathéter,  dont  l'extrémité  mousse  et  arrondie  a  deux 
lignes  environ  de  diamètre,  doit  donc  être  porté  directement 
sur  la  portion  rétrécie  du  canal,  et  là,  appuyant  avec  éner- 
gie, on  fuit  des  mouvemens  de  gauche  à  dioile  et  dans  tous 
les  sens,  pénétrant  ainsi  avec  force,  mais  d'une  'manière 
lente,  au-delà  de  l'obstacle.  Si  l'on  reconnaît  l'impossibilité 
d'introduire  un  cathéter  de  deux  ligues,  on  en  prend  un  plus 
gros.  La  vessie  étant  vidée,  il  sullit  de  laisser  l'instrument 
dans  le  canal  pendant  quelques  instans.  Un  cathéter  plus  vo- 
lumineux est  introduit  le  lendemain  sans  difficulté,  soit  par 
le  chirurgien,  soit  par  le  malade  lui-même. 

Ces  cathéters  doivent  être  creux,  leur  exlrémitébien  pleine 
et  bien  arrondie,  présentant  un  ou  deux  yeux  dont  les  bords 
soietit  entièrement  mousses.  C'est  en  étain  que  M.  Mayor  les 
fait  ordinairement  fabriquer;  ils  sont  à  la  fois  assez  résistans, 
d'un  beau  poli,  peu  cassans,  et  comme  leur  prix  est  très-mo- 
dique, ce  chirurgien  les  donne  aux  malades  qui  sortent  de 
son  hôpital,  afiii  qu'ils  puissent  se  sonder  eux-mêmes  de 
temps  à  autre,  et  prévenir  ainsi,  sans  sonde  on  bougie  à  de- 
meure, le  retour  d'une  affection  dont  la  récidive  est  si  com- 
mune après  l'emploi  des  autres  méthodes. 


(54o) 

La  courbure  de  ces  instrumens  ne  diffère  en  rien  de  celle 
des  calhélers  ordinaires.  M.  Mayor  les  fait  fabriquer  et  leur 
donne  six  degrés  différens.  Le  uiiiiimuni  a  deux  ligues  et  le 
maximum  quatre  lignes  et  demie  de  diamètre,  en  sorte  qu'il 
y  a  entre  chaque  cathéter  une  demi-ligne  de  différence.  Un 
septième  instrument  est  quelquefois  nécessaire  ;  c'est  le  ca- 
théter conique  qui,  au  lieu  de  présenter  sur  tous  ses  points 
le  même  volume,  offre  deux  ligues  à  son  extrémité  recour- 
bée, et  quatre  lignes  et  demie  ù  son  autre  extrémité. 

L'introduction  de  cet  instrument  ne  diffère  en  rien  du  ca- 
thélérisme  ordinaire  ;  seulenient,  comme  elle  est  en  général 
très-facile,  le  malade  apprend  sur-le-champ  à  se  sonder  lui- 
même,  et  le  chirurgien  quia  le  moins  l'habitude  de  ces  sor- 
tes d'opérations  y  parviendra  sans  aucune  difficulté.  S'agit- 
il  de  certaines  rétentions  d'urine,  de  paralysie  de  vessie  et  de 
fistule  urinaire,  ou  l'indication  ne  consisle-t-elle  qu'à  vider 
la  vessie  artificiellement,  on  introduit  le  cathéter  chaque  fois 
que  le  besoin  d'uriner  se  manifeste.  On  évitera  donc  pres- 
que toujours  de  cette  manière  de  laisser  des  sondes  à  de- 
meure dans  la  vessie,  à  l'exception  de  quelques  cas  très-rares 
qui  rendent  cette  précaution  indispensable. 

S'il  est  question  de  rétrécissement  ou  d'embarras  quel- 
conque à  faire  disparaître  de  l'urètre,  ou  écartera  d'abord 
graduellement  l'obstacle  en  poussant  hardiment,  mais  lente- 
meut  et  judicieusement.  Si  le  canal  offre  plusieurs  endroits 
rétrécis,  on  pourra  les  vaincre  tous  à  la  fois  ou  succes.-ive- 
nient  dans  plusieurs  séances,  suivant  l'urgence  ou  l'état  des 
malades.  Le  cathéter  ayant  été  une  fois  introduit,  on  en 
fait  pénétrer  les  jours  suivaus  de  plus  volumineux,  et  l'on 
recniibre  ainsi  le  canal  toutes  les  fois  qu'il  survient  quelque 
diflicnlté  dans  l'expulsion  des  urines. 

Il  faut  convenir  cependant  que  quelquefois  l'obstacle  ne 
cède  pas  aussi  aisément,  et  qu'il  faut  avoir  recours  alors  au 
cathétérisme  forcé,  c'est-à-dire  à  l'introduction,  avec  une 
certaine  violence  de  ces  cathéters  volumineux.  Voici,  dans  ces 
cas  dilliciles,  comment  il  faut  agir  :  Arrivé  surl'endroitqu'il 
s'agit  de  faire  céder,  on  cesse  de  teuii' Iccalhétercomme  une 
plume  à  écrire,  et  on  le  preud  à  pleine  main,  en  alongeant 
le  doigt  indicateur  jusqu'au  méat  urinaire,  afin  de  reconnaî- 
tre de  cette  sorte  si  l'on  gagne  du  terrain.  Après  avoir,  de 
l'autre  main,  tendu  bien  la  verge,  on  a  recours  à  un  degré 
plus  fort  de  pression. Si  l'on  avance,  le  doigt  posé  sur  le  méat 
urinaire  l'indique  aisément,  sinon  il  faut,  ou  bici  emjiloyer 
une  pression  plus  forte,  ou  bien  changer  d'instrument.  On 
entend  bientôt  une  sorte  de  petit  bruissement, comme  si  quel- 


(341) 

que  chose  se  déplissait  on  se  déchimit,  et  l'on  a  franchi  l'ob- 
stacle. Il  est  impossible  de  préciser  le  degré  de  violence  qu'on 
doit  etnplujer,  c'est  à  la  sagacité  du  chirurgien  à  augmen- 
ter ou  à  borner  ses  efforts. 

Quelques  gouttes  de  sangs'échappent  ordinairement  après 
cette  introduction  forcée  et  servent  à  dégorger  le  canal.  Les 
boissons  émollienles,  les  bains,  lescataplavmes,  les  sangsues, 
les  saignées  générales,  peuvent  aussi  trouver  leur  place,  sui- 
vant la  violence  qu'on  a  été  obligé  d'employer. 

La  brochure  de  M  Mayor  est  terminée  par  quelques  ob- 
servations de  rétrécissement  qui  ont  cédé  au  moyen  qu'il 
propose.  Ln  homme  atteint  de  rétrécissement  de  l'urètre  fut 
traité  en  18  i5  par  Al.  Dupuytren  à  l'aide  de  bougies  et  de  pe- 
tites sondes  élastiques.  Il  survint  un  engorgement  du  testi- 
cule et  des  fistules  urinaires,  qui  nécessitèrent  un  frès-long 
traitement.  L'urine  ne  coulait  qu'avec  peu  de  facilité,  lors- 
qu'en  i8i5  il  se  présenta  à  31.  Mayor,  qui  lui  proposa  de 
faire  usage  de  ses  cathéters.  A  la  vue  de  ces  volumineux  in- 
strumens,  ce  malade  se  refusa  d'abord  à  leur  introduction; 
mais  un  premier  numéro  pénétra  sans  difTicuIté.  On  le  laissa 
quelques  minutes  en  place.  Tous  les  deux  ou  trois  jours,  il 
venait  se  faire  introduire,  puis  introduisit  lui-même  le  tube 
métallique.  A  chaque  séance,  on  poussait  d'abord  un  ou  deux 
des  numéros  précédens,  lesquels  donnaient  la  facilité  d'in- 
sinuer plus  doucement  le  numéro  qui  suivait.  Dix  applica- 
tions suffirent  pour  en  finir  avec  ce  mal  opiniâtre,  et  depuis 
cette  époque,  il  n'y  a  pas  eu  de  récidive. 

Dans  une  autre  observation,  le  malade,  qui  depuis  douze, 
ans  était  débarrassé  de  semblables  rétrécissemens,  ayant  eu 
une  rechute,  passa  et  repassa  quelquefois  ses  cathéters  sans 
difficulté,  et  se  débarrassa  ainsi  complètement. 

Il  serait  inutile  d'analyser  les  autres  faits  que  contient  la 
broi  hure  de  M.  Mayor.  On  a  pu  avoir,  par  ce  court  exposé, 
une  idée  assez  exacte  de  la  méthode  que  ce  chirurgien  pro- 
pose pour  détruire  les  rétrécissemensdePurètre.  L'expérience 
ne  saurait  tarder  à  prononcer  sur  la  valeur  de  ce  moyen,  et 
nous  nous  empresserons  d'info'-mer  nos  lecteurs  du  succès 
que  ce  cathétérisme  aura  obtenu  dans  les  hôpitaux  de  Pa- 
ris (1). 


(1^  \  oy.  art.  gz,  7^,9,  548,  5i5,  547. 


(54a) 

ART.  iog4> 

Considérations  sur  la  méthode  endermlque  appliquée  à  quelques 
lésions  du  système  nerveux. 

Le  docteur  Racibor«ki  a  publié  dans  le  Journal  hcbdomu' 
rfatVcplu-ieurs  observalion?  extraitesdela  cliniquede  M.Bouil- 
laud,  et  dans  lesquelles  on  a  pu  constater  les  bons  effets  de 
la  strychnine  et  de  l'acélale  de  morphine,  administrées  par 
la  méthode  enderinique.  Déjà,  dan?  un  desprécédens  cahiers, 
nous  avons  appelé  l'attention  des  praticiens  sur  une  sub- 
stance moins  active,  et  introduite  par  la  même  voie  avec 
un  succès  remarquable  (i).  Les  nouvelles  expériences  de 
M.  Bouillaud  seront  lues  avec  un  égal  intérêt. 

On  connaît  les  effets  de  la  strychnine  dans  certaines  pa- 
ralysies, et  sur  le  système  nerveux  en  générai  ;  mais  son  ac* 
tion  irritante  sur  le  tube  digestif  ne  rend  pas  sans  danger 
l'administration  de  ce  médicament.  C'est  cette  considération 
qui  a  engagé  M.  Bouillaud  à  l'introduire  dans  l'économie 
par  la  voie  de  l'absorption. 

Une  femme  âgée  de  soixante-huit  ans  est  entrée  à  la  Cha- 
rité le  8  février  i83:).  Depuis  le  24  janvier,  elle  éprouvait 
des  étourdissemens,  et  le  9.  février  tout  le  côté  gauche  était 
devenu  subitement  immobile,  bien  qu'il  n'y  eût  point  eu  de 
perte  de  connaissance.  Il  y  avait  hémiplégie  complète  et  un 
peu  de  diminution  de  la  sensibilité  dans  le  côté  paralysé.  On 
fit  deux  saignées,  et  on  administra  quelques  purgatifs,  mais 
sans  amélioration  apparente.  Le  20  février,  on  appli(|ua  à  la 
nuque  un  vésicatoire,  et  le  surlendemain,  après  avoir  enlevé 
l'épiderme,  on  mit  sur  sa  surface  un  huitième  de  grain  de 
strychnine.  Quatre  heures  après,  la  malade  commença  à 
éprouver  des  vibrations  dans  les  membres,  surtout  du  côté 
malade.  Le  25,  on  porta  la  dose  de  strychnine  à  Un  quart  de 
grain.  Des  fourmillemtnis  semblables  à  ceux  des  autres  jours 
se  firent  sentir  au  bout  de  deux  hem'es,  dans  le  côté  paralysé 
seulement.  Le  26,  !a  malade  pduvait  déjà  imprimer  à  son 
bris  quelques  mouvei.ions.  Le  aj,  la  bouche  élait  moins  dé- 
viée; le  28,  la  dose  du  médicameiil  l'ut  portée  à  1111  quart  (h; 
grain  ;  le  5  mars,  à  trois  quarts  de  grain;  le  i3  mars.  If  vési- 


(1)  Voy.  art.  io55. 


(343) 

catoire  étant  tout-à-fait  sec,  on  suspendit  l'administration  de 
la  strychnine  par  la  niélhode  enderDiiqiie.  On  en  reprit  l'u- 
sage ù  l'inlérietir  le  19,  ea  prescrivant  deux  pilules  d'un  hui- 
tième de  grain,  l'une  le  matin,  l'autre  le  soir.  Il  survint  des 
soubresauts  dans  la  cuisse  affectée.  Le  i"  avril,  on  prescrivit 
trois  pilules,  et  l'on  continua  jusqu'au  21,  époque  ù  laquelle 
on  abandonna  la  maladie  à  elle-même.  Le  mouvement  était 
revenu,  quoique  très-imparfaitement,  dans  le  membre  af- 
fecté. 

La  strychnine  administrée  soit  à  l'intérieur,  soit  par  la  mé- 
thode endermique,  a  donc  produit  des  effets  semblables. 
Dans  un  autre  cas  d'hémiplégie  avec  paraly^^ie  de  la  joue,  ce 
médicament  s'est  montré  beaucoup  plus  efficace.  Ln  traite- 
ment antiphlogistique  actif  avait  dissipé  en  grande  partie  les 
accidens.  Un  vésicatoire  fut  appliqué  sur  la  joue  gauche  vers 
la  racine  delà  septième  paire,  et  on  le  saupoudra  chaque  jour 
de  strychnine,  d'abord  à  la  dose  d'un  huitième  de  grain,  puis 
d'un  quart,  d'un  demi,  de  trois  quarts  de  grain.  La  guérison 
s'obtint  dans  un  intervalle  de  temps  assez  court.  La  même 
substance,  administrée  à  l'intérieur  en  pilules,  n'avait  d'a- 
bord produit  aucun  effet  sensible. 

L'acétate  de  morphine  fut  administrée  de  la  même  manière 
chez  un  homme  atteint  d'un  ictère  depuis  quelque  temps, 
et  qui,  depuis  trois  jours,  était  tourmenté  par  un  hoquet  ex- 
trêmement fatigint.  Des  ventouses  scarifiées  avaient  été 
mises  inutilement  sur  l'épigastre.  Le  6  juillet,  on  appliqua 
un  vésicatoire  sur  le  même  point,  puis  le  lendemain,  le  ho- 
quet ayant  persisté,  on  enleva  l'épiderme  et  on  saupoudra 
la  plaie  d'un  demi-grain  d'acétate  de  morphine.  Le  8,  le  ma- 
lade était  dans  le  même  élat  (trois  quarts  de  grain  d'acétate 
de  morphine.)  Le  g,  le  hoquet  était  moins  violent.  (Même 
méiiicalion.)  Le  10,  le  hoquet  cessa  vers  les  huit  heures  du 
malin.  On  coutiuua  le  même  traitement  pendant  quelques 
jours,  en  portant  la  dose  il'acétate  de  morphine  à  on  grain. 

L'acétate  et  l'hydrochlorate  de  morphine  ont  été  em- 
ployés de  la  même  manière,  et  avec  beaucoup  de  succès  pour 
l'aire  cesser  des  vomissemcns  opiniâtres  qui  résistaient  à  (ous 
les  autres  moyens.  Chez  quelques-uns  de  ces  malades,  il 
existait  une  lésion  orgauique  de  reslomac.  Dans  tous  ces 
cas,  le  vésicatoire  a  toujours  été  appliqué  dans  le  lieu  le  plus 
rapproché  du  siège  présumé  du  mal,  et  l'on  a  pu  combiner 
de  cette  manière  l'action  révulsive  et  l'action  uarcolique  du 
médicament. 

Reflexions.  L'introduction  d'une  substance  active  dans  l'é- 
conomie par  la  méthode  endermique,  est  une  pratique  au- 


(  344  ) 

jourd'hui  si  commune  et  si  connue  des  médecins,  qu'il  serait 
superflu  d'insister  sur  les  avantages  qu'elle  présente.  Nous 
ferons  observer  seulement  qu'il  est  nécessaire,  pour  que  l'ab- 
sorption ail  lieu  et  que  les  effets  en  soient  au<si  sensibles  que 
si  le  médicament  eût  été  ingéré  dans  le  tube  digestif,  que 
son  activité  soit  très-grande  et  qu'il  agisse  à  nue  dose  très- 
faible,  telle  que  la  strychnine,  l'acétate  de  morphine,  etc.  Les 
substances  qui  doivent  f'tre  administrées  à  des  doses  plus 
fortes,  telles  que  le  sulfate  de  quinine,  la  digitale  même,  dé- 
posées sur  le  derme  déuudé,  sont  bien  absorbées  en  partie, 
mais  leur  effet,  alors,  est  extrêmement  variable,  et  beaucoup 
moins  sûr  que  lorsque  le  médicament  est  administré,  soit 
par  la  bouche,  soit  en  lavemens.  Nous  croyons  donc  que, 
sauf  un  petit  nombre  de  cas,  la  méthode  endermique  devra 
être  réservée  pour  l'administration  de  ces  poisons  violens 
dont  quelques  parcelles  suffisent  pour  modifier  l'économie. 
Au  nombre  de  ces  médicamens  héroïques,  il  faudra  sans 
aucun  doute  ranger  la  strychnine,  dont  les  effets  sur  le  tube 
digestif  sont  souvent  si  funestes.  Ainsi  adm.inisirée,  cette 
substance  aura  une  action  beaucoup  plus  certaine,  car,  dé- 
posée sur  la  muqueuse  gastrique,  elle  a  bien  pour  effet  de 
stimuler  les  centres  nerveux,  mais  souvent  aussi  elle  irrite 
l'estomac,  ce  qui  contrarie  ses  effets  salutaires,  ou  s'oppose 
à  ce  qu'on  continue  plus  long-temps  l'usage  de  ce  médica- 
ment. Les  recueils  périodiques  citent  cependant  de  temps  à 
autre  quelques  observations  deguérison  parla  noix  vomique 
ou  la  strychnine,  administrées  à  l'intérienr.  En  voici  un 
exemple  remarquable  qui  nous  est  communiqué  par  M.  Far- 
radesc  h  -  Chaubasse,  docteur  en  médecine  à  Allanche 
(Cantal). 

«  Le  24  avril  1817,  nous  écrit  ce  médecin,  je  fus  au  lac  de 
Vèze  pour  y  voir  iNlaiie  Pichot,  veuve  Refonvelet,  âgée  de 
trente-neuf  ans,  retenue  dans  son  lit  depuis  plus  d'un  an, 
par  une  paralysie  des  extrémités  inférieures.  La  perle  du 
sentiment  dans  ces  parties  était  si  complète  que  je  pouvais 
introduire  profondément  des  épingles  dans  le  tissu  muscu- 
laire, sans  qu'elle  en  éprouvât  la  plus  légère  sensation. 

»  Celte  femme  ne  put  me  donner  aucun  renseignemeut 
précis  sur  le  début  de  sa  maladie  ;  elle  assurait  que  ses  forces 
avaient  diminué  progressivement  après  avoir  éprouvé  de  vio- 
lens maux  de  tête  Elle  était  souvent  en  proie  à  des  mouve- 
mcns  convulsifs  des  muscles  de  la  face,  puis  de  ceux  de  tout 
le  corps,  et  à  ces  convulsions  succédait  un  état  tétanique 
général,  pernuanent  et  doidoureux,  lequel  se  terminait  enfin 
par  une  résolution  complète  et  un  sentiment  de  fourmille- 


(545) 

ment  fort  incommode,  sortout  dans  les  extrémités  inférieu- 
res. Il  y  avait  de  plu?  excrélions  involontaires  des  matières 
fécales  et  des  urines,  et  développement  d'une  multitude  de 
iianglions  dans  la  gaîne  des  tendons  de  certains  muscles, 
principalement  de  ceux  des  avant-bras. 

»  J'employai  sans  succès  les  saignées  générales  et  locales, 
les  pédiluves  sinapisés,  les  frictions  irritantes,  l'urticatioo, 
les  vésicatoires  ;  à  l'intérieur,  l'arnica  montana  légèrement 
stibié,  l'extrait  d'aconit,  l'extrait  de  rhus  radicans,  etc.,  et 
enGn  je  me  décidai  à  administrer  la  noix  vomique  qui  me  fut 
fournie  par  feu  M.  Teravade,  pharmacien  distingué  de  la 
ville  de  Saint-Flour.  Le  i"  octobre,  je  commençai  à  faire 
jirendre  à  ma  malade  quatre  grains  de  noix  vomique  en  pou- 
dre, que  je  mêlai  à  pareille  quantité  de  sucre  pulvérisé.  Je 
lui  donnai  ce  mélange  dans  une  cuillerée  de  soupe,  et  restai 
auprès  d'elle  afin  de  surveiller  les  phénomènes  qui  devaient 
résulter  de  cette  administration.  Trois  heures  et  demie  après 
l'ingestion,  la  malade  entra  dans  des  convulsions  générales 
affreuses.  Ces  accidens  durèrent  environ  une  heure,  puistout 
rentra  dans  Tordre-  Je  fis  appliquer  aussitôt  vingt-quatre 
sangsues  sur  le  trajet  des  jugulaires,  et  prescrivis  du  petit-lait 
clarifié  et  nitré. 

»  Le  5,  je  donnai  de  nouveau  la  noix  vomique.  Deux  heu- 
res après,  la  respiration  devint  plus  forte,  la  circulation  plus 
accélérée.  Une  espèce  de  malaise  général  se  fit  sentir,  mais  les 
extrémités  inférieures  seules  participèrent  à  l'état  tétanique, 
et  deux  heures  s'étaient  à  peine  écoulées  que  le  calme  était 
survenu.  Pendant  huit  jours,  je  continuai  l'administration  du 
même  remède,  puis  je  suspendis  et  je  repris  le  17,  à  la  dose 
de  quatre  grains  de  noix  vomique  le  matin,  et  deux  grains 
de  son  extrait  alcoolique  le  soir.  Je  n'obtins  d'autre  effet  que 
de  la  constipation  et  la  rétention  d'urine,  qui  firent  place 
aux  excrétions  involontaires. 

»  Le  26,  j'augmentai  la  dose  de  deux  grains  matin  et  soir. 
Les  contractions  musculaires  se  développèrent  avec  plus  de 
vigueur,  et  iurentplusdouloureuses.  A  ces  violentes  secous- 
ses, qui  se  prolongeaient  pendant  une  à  deux  heures,  succé- 
dait un  sommeil  doux  et  pai.->ible. 

»  Le  29,  pour  la  première  fois,  je  m'aperçus,  à  mon  grand 
plaisir,  qu'un  mouvement,  à  la  vérité  bien  obscur,  se  mani- 
festait dansles  parties  paralysées,  et  que  lesdivers  pincemens 
que  j'y  faisais  y  développaient  une  sensation  pénible.  Le  8 
novembre  la  malade  remuait  facilement  les  membres  surles- 
quels  le  plus  léger  pincement  développait  beaucoup  de  sen- 
sibilité. J'augmentai  encore  la  dose  de  deux  grains,  et  le  21 


(346) 

la  malade  se  leva  pour  la  première  fois.  A  l'aide  des  se- 
cours hygiéniques,  toutes  les  fonctions  sont  revenues  à  leur 
état  naturel,  et  cette  femme  ne  conserve  aujourd'hui  de  trace 
de  sa  maladie  qu'une  forte  saillie  de  l'atlas  et  des  apophyses 
épineuses  de  quelques  vertèbres  dorsales.  » 

Le  succès  obtenu  par  la  noix  vomique  dans  ce  cas  est  des 
plus  remarquables;  mais  on  peut  juger,  à  la  gravité  des  acci- 
dens  que  ce  médicament  détermine,  combien  il  est  nécessaire 
de  procéder  avec  prudence  à  son  administration. 

ART.    logS. 
Note  SU7'  le  traitement  de  Cépilepsie  par  C indigo. 

Lèdocteurïdeler,  médecin  des  aliénés  et  des  épileptiques, 
à  l'hôpital  de  la  Charité  de  Berlin,  assure  avoir  guéri  plu- 
sieurs épileptiques  avec  l'indigo  administré  de  cette  manière  : 

Pr.  Indigo,  une  demi-once; 

Poudre  aromatique,  un  demi-gros; 
Sirop  simple,  quantité  suffisante  pour  faire  un 
électuaire. 

Cette  dose  est  prise  d'abord  en  deux  jours,  puis  en  un 
seul.  On  peut  même  porter  la  quantité  d'indigo  jusqu'à  six 
^\  huit  gros.  Ce  médicament  détermine  ordinairement  d'a- 
bord des  vomissemens  et  de  la  diarrhée  ;  mais  bientôt  tous 
ces  accidens  se  dissipent.  Quelquefois  les  attaques  d'épilepsie 
semblent  plus  rapprochées,  mais  bientôt  elles  s'éloignent,  et 
l'on  obtient  en  général,  sinon  la  guérison,  au  moins  un  sou- 
lagement marqué. 

L'indigo  a  été  employé  par  M.  Ideler  dans  vingt-six  cas 
d'é[)ilep?ie.  Sur  ce  nombre,  six  ont  été  tadicalenjent  guéris 
sans  récidive,  trois  ont  guéri  et  l'nl  eu  des  récidives  après 
un  temps  pl;rs  ou  moins  long,  onze  ont  éprouvé  du  soula- 
gement, et  chez  six  seulement  le  traitement  est  resté  tout-à- 
fait  infructueux. 

Ré/le.Tions.  Nos  lecteurs  rapprocheront  sans  doute  les 
observations  du  docteur  Ideler  de  celles  que  M.  Ferrara  a 
publiées  dans  le  temps,  et  qui  sont  consignées  à  notre 
art.  i5i.  Ce  médecin,  en  effet,  annonçait  avoir  guéi4  plu- 
sieurs cas  d'épilepsie  en  donnant  l'ipécacuanha  à  doses  frac- 
tionnées (quatre  à  cinq  grains)  chaque  matin,  et  au  moment 
où  des  signes  précurseurs  annonçaient  l'imminence  d'un 
accès.  Cette  médicalioû  continuée  pendant  long-temps,  as- 


(547) 

surait  le  docteur  italien,  avait  guéri  des  malades  bien  évi- 
demment sujets  à  Tépilepsie.  Pournolre  part,  nous  en  avons 
vu  un  exemple  remarquable,  et  nous  ne  croyons  pas  qu'on 
doive  négliger  la  méthode  du  docteur  Ferrara,  dans  une 
maladie  presijue  toujours  au-dessus  des  ressources  de  l'art. 
Il  est  probable  que  l'indigo  n'a  guéri  des  épileptiques 
qu'en  agissant  comme  l'ipécacuanha,  c'est-à-dire  en  déter- 
minant des  vomifuritionsfréquentes  et  même  de  la  diarrhée. 
Celle  révulsion  Hivorable  qui  paraît  avoir  une  action  pro- 
noncée dans  certaines  espèces  d'épilepsie,  pourra  êtreteritee 
avec  d'autant  plus  de  confiance,  que  l'ipécacuanha  ou  l'm- 
digo  administrés  à  des  doses  convenables  n'exposent  pas, 
comme  le  nitrate  d'argent  par  exemple,  conseillé  pour  la 
même  maladie  (i),  à  déterminer  dans  le  tube  digestif  des 
lésions  beaucoup  plus  lâcheuses  pour  le  malade  que  l'épi- 
lepsie  elle-même. 

ART.  1096. 

Considérations  pratiques  sur  quelques   excroissances  qui  sur- 
viennent dans  l'intestin  rectum.  (Voy.  art.  1060 et  1081.)  (2) 

Il  y  a  trois  espèces  d'excroissances  qui  peuvent  se  déve- 
lopper dans  l'intérieur  de  l'intestin  rectum,  et  que  des  chi- 
rurgiens inexpérimentés  pourraient  confondre  avec  des  hé- 
niorrhoïiles.  La  premiéie  est  d'une  structure  semblable  à 
cel'.e  des  polypes  uléiins;  la  seconde  est  plus  volumineuse, 
bien  qu'en  apjiarence  d'une  nature  assez  bénigne,  et  la  troi- 
sième paraît  résulter  d'hémorrhoïdes  irritées  par  la  mal- 
propreté. 

1°  Les  tumeurs  de  la  première  espèce  sont  assez  com- 
munes; d'un  petit  volume  eu  général,  elles  acquièrent  ce- 
pendant (luelquefois  la  grosseur  du  doigt.  Ce  sont  des  espèces 
de  polypes  qui  ont  absolnnient  la  structure  de  ceux  de  l'u- 
lérus.  Tantôt  il  n'en  existe  qu'une  seule,  tantôt  deux  ou 
trois  rampeut  ensemble  sur  la  muqueuse  intestinale.  Quel- 
quefois les  malades  s'aperçoivent  à  peine  de  leur  présence} 
d'autres  fois  elles  donnent  lieu  à  des  souffrances  extrêmement 
vives.  D'où  vient  cett»;  dift'érence?  Les  malades  souffrent, 
lorsqu'au  moment  de  la  défécation  ces  tumeurs  sont  poussées 
à  l'extérieur  et  pressées  par  les  sphyncters.  Dans  ce  cas  elles 


(i)  Vfty.  art.  5io. 

(a)  Tlie  Lofidon,  Médical  Gazette. 


(348) 

s'ûîcèrent  fréquemment,  et  la  compression  qu'elles  éprou- 
vent détermine  toujours  des  douleurs  extrêmement  vives, 
qui  durent  non-seulement  pondant  l'excrétion  des  matières 
fécales,  mais  qui  se  prolongent  encore  quelque  temps  après. 

Une  dame  vint  me  trouver,  dit  le  docteur  lirodie,  accusant 
de  violentes  douleurs  à  l'anus,  causées,  disait-elle,  par  des  lié- 
morrhoïdes.  En  examinant  le  rectum,  je  découvris  une  petite 
excroissance  polypeuse,  ulcérée,  fixée  sur  le  muscle  sphync- 
ter.  Je  la  saisis  avec  une  pince  et  je  l'enlevai  d'un  seul  coup 
de  ciseaux.  La  malade  éprouva  à  peine  quelque  douleur  de 
cette  opération,  mais  à  sa  grande  surprise,  bien  que  depuis 
plusieurs  mois  elle  souffrît  cruellement  de  cette  tumeur,  à 
partir  de  ce  moment  elle  se  trouva  entièrement  guérie. 

Il  n'y  a  pas  long-temps,  une  autre  dame  est  venue  d'un 
pays  éloigné  me  consulter  pour  des  polypes  semblables  ul- 
cérés, étranglés  par  le  sphyncter,  et  qui  lui  causaient  d'atroces 
douleurs;  je  les  enlevai  sur-le-champ,  et  elle  put  le  même 
jour  s'en  retourner  chez  elle.  Je  ne  doute  point  qu'elle  n'ait 
été  complètement  guérie. 

9°  Dans  sa  leçon,  cet  habile  professeur  a  montré  le  dessin 
d'une  excroissance  de  la  seconde  espèce  admise  par  lui,  et 
enlevée  chez  une  vieille  dame  de  quatre-vingts  ans. 

Cette  dame,  a-t-il  dit,  accusait  de  la  douleur  vers  le  rec- 
tum et  une  perte  de  sang.  Je  pensai  qu'elle  avait  des  hé- 
morrhoïdes  internes,  et  ne  croyant  pas  qu'il  fût  convenable 
de  pratiquer  leur  extirpation  à  un  âge  aussi  avancé,  je  me 
bornai  à  lui  prescrire  quelques  médicamens;  mais  elle  revint 
bientôt  près  de  moi,  en  déclarant  qu'elle  avait  perdu  une 
grande  quantité  de  sang,  et  qu'elle  ne  pouvait  rendre  ses 
matières  fécales  sans  la  plus  grande  difficulté.  Je  portai  mon 
doigt  dans  le  rectum  et  je  trouvai  une  excroissance  volumi- 
neuse, dont  je  crus  qu'il  serait  possible  de  débarrasser  ia 
malade.  J'introduisis  en  conséquence  mes  doigts  dans  l'in- 
testin, et  dilatant  graduellement  le  sphyncter,  je  saisis  l'ex- 
croissance, l'attirai  au  dehors  et  plaçai  une  ligature  à  son  col. 
Aucun  accident  ne  suivit  cette  opération;  la  malade  se  ré- 
tablit parfaitement  et  vécut  encore  pendant  deux  ou  tiois 
ans.  Je  crois  cependant  que  l'excroissance  s'était  reproduite 
quelque  temps  avant  la  mort,  mais  elle  n'en  éprouvait  au- 
cune incommodité. 

5°  La  troisième  espèce  d'excroissance  n'est  pas  très-rare. 
Lorsque  les  cavités  des  liémnrrhoïdes  internes  s'oblitèrent, 
elles  forment  des  tumeurs  qui  se  dissipent  peu  à  peu;  mais 
quelquefois  un  travail  morbide  s'établit  dans  leur  intérieur,  et 
elles  deviennent  semblable^  aux  tumeurs  qui  se  développent 


(549) 

sur  les  petites  nymphes  des  femmes.  Elles  sont  générale- 
inent  le  résultat  de  la  malpropreté,  et  ne  se  développent  pas 
chez  les  individus  qui  prennent  soin  de  leur  personne. 

ART.    1097. 

Colljriem  ployeparle  docteur  Henderson  contre  tamaurose. 

Le  docteur  Henderson  a  cité  plusieurs  cas  de  guérison 
d'amaurose  commençante,  par  l'emploi  du  collyre  suivant: 

Pr.  Strychnine,  deux  grains  ; 

Acide  acétique  étendu,  un  gros; 
Eau  distillée,  une  once. 

Lorsque  l'on  est  appelé  peu  de  temps  après  le  développe- 
ment de  l'amaurose,  quelques  gouttes  de  ce  collyre  éten- 
dues sur  l'œil  amènent  quelquefois  de  l'amélioration  au 
bout  de  deux  ou  trois  jours. 

[Edimbuj'g.  med.  and  stirg.  journal.  ) 

ABT.   1098. 

Obserrfations  et  réflexions  sur  la  gangrène  spontanée  ou  senile. 
Son  traitement  par  les  antiphtogistiques. 

M.  le  docteur  Lannelongue  a  publié  dans  le  Journal  de 
médecine  pratique  de  Bordeaux  trois  observations  de  gan- 
grène senile,  sur  lesquelles  nous  devons  arrêter  l'attention 
de  nos  lecteurs. 

Cette  affection,  suivant  l'auteur  de  l'article,  reconnaît 
pour  cause  l'oblitémtion  des  artères  des  membres,  produite, 
soit  parl'arîérite,  soitpar  l'ossification  des  parois  de  ces  vais- 
seaux. Tous  les  faits  observés  par  ce  médecin  prouvent  en 
faveur  de  celte  opinion,  et  ceux  qu'on  va  lire  viennent  en- 
core ajouter  à  sa  conviction. 

Une  femme  âgée  de  quatre-vingt-dix  ans  se  plaignit, 
le  19  janvier  i83i,  de  fourmilIi!n)ens  continuels  qui  s'éten- 
daient jusqu'au  coude.  Cette  partie  était  engourdie,  com- 
mençait à  être  froide  et  violette  aux  extrémités  des  doigt»; 
ceux-ci  étaient  insensibles  par  le  toucher.  La  circulation  fut 
explorée  par  M.  Lannelongue  :  l'artère  branchiale  battait 
encore,  mais  irrégulièrement,  les  pulsations  de  la  radiale 
s'arrêtaient  au  poignet,  au  lieu  où  on  explore  le  pouls;  en 
cet  endroit  l'artère  était  dure  comme  du  bois;  la  cubitale  ne 
faisait  non  plus  sentir  aucune  pulsation.  Il  était  évident  que 


(  55o  ) 

ces  artères  étaient  oblitérées  par  ossification.  La  malade»  en 
outre,  offrait  tous  les  signes  d'une  dilatation  du  côté  droit 
du  cœur.  On  se  borna  à  prescrire  deux  pilules  contenant 
chacune  un  grain  d'opium  et  deux  grains  de  digitale.  La 
gangrène  envahit  la  main,  et  la  malade  succon^ba  le  qua- 
trième jour. 

L'autopsie  ne  put  en  être  faite,  mais  l'ossification  des 
arlèies  était  évidente,  et  celte  cause,  jointe  au  grand  iige  de 
la  malade,  avait  rendu  inutile  toute  espèce  de  thérapeutique. 

Le  i5  février  i832,  M.  Lannelongue  fut  appelé  près  d'un 
officier  de  santé  âgé  de  soixante-neuf  ans.  Ce  malade  res- 
sentait une  douleur  lancinante,  déchirante  dans  le  pied  droit, 
accompagnée  d'un  froid  glacial  à  l'extrémité  des  orteils.  Le 
pied  était  bleuâtre,  les  orteils  froids  et  couleur  lie  de  vin. 
Les  pulsations  de  l'artèie  pédieuse  n'étaient  pas  sensibles; 
la  pression  sur  le  trajet  de  la  poplitée  était  fort  douloureuse  ; 
les  battemens  de  cette  artère  étaient  forts  et  durs.  On  ne 
pouvait  sentir  les  pulsations  des  artères  tibiales  postérieure 
etpéroniére.  La  cause  de  cette  gangrène  était  donc  une  obli" 
lération  des  vaisseaux  artériels  du  pied,  oblitération  elle- 
même  produite  par  l'artérite.  En  conséquence  on  prescrivit 
au  malade  une  saignée,  des  bains  locaux  émollieus,  et  des 
cataplasmes  émoUiens  et  laudanisés  sur  le  pied.  Au  Uout  de 
huit  jours,  le  pied  avait  repris  sa  couleur  ordinaire,  ain.>i  que 
les  orteils,  le  second  excepté.  La  douleur  persistait  néan- 
moins encore.  On  insista  sur  l'emploi  des  émollieus,  et  au 
bout  d'un  mois  il  ne  restait  qu'une  très-petite  plaie  à  la 
base  de  l'ongle  du  second  orteil.  Il  fallut  très-peu  de  temps 
pour  la  guérir. 

Dans  la  troisième  observation  citée  par  M.  Lannelongue, 
il  s'agissuit  d'un  homme  malade  déjà  depuis  plusieurs  jours. 
La  gangrène,  résultat  de  l'inflammation  de  la  tibiale  anté- 
rieure et  de  robliléralion  des  rameaux  de  la  pédieuse,  avait 
envahi  tout  le  coude-pied.  On  avait  employé  inutilement 
des  purgatifs,  des  saignées  et  des  applications  irritantes  sur 
les  parties  malades.  Dix  sangsues  furent  aussitôt  placées  sur 
le  trajet  douloureux  de  la  tibiale,  puis  la  jambe  enveloppée 
d'un  cataplasme  émollient.  Tous  les  points  du  coude-pied 
qui  n'étaient  encore  que  livides  tombèrent  en  gangrène.  De 
nouvelles  sangsues  furent  prescrites.  En  quatre  jour^  tout  le 
■coude-pied  fut  nuir,  et  l'eichaiie  s'étendait  jusqu'à  la  mal- 
léole externe.  On  insista  sur  le  traitement  anliphlogistique, 
■et  on  fit  lolionner  tout  le  pied  avec  le  chlorure  d'oxide  de 
sodium.  La  gangrène  s'arrêta  très-promplement,  et  le  pied 
qui  avait  été  tout  violacé  reprit  sa  couleur  naturelle.  La  dou- 


(55i) 

leur  et  l'insomnie  disparurent  en  même  temps,  et  il  ne  resta 
qu'une  large  plaie  qui,  pansée  avec  le  cérat  de  saturue, 
puis  le  cérat  simple,  arriva  enfin  après  quelques  mois  à  gué- 
rison  complète. 

M.  Lannelongue  fait  suivre  ces  observations  de  quelques 
considérations  pratiques  sur  la  cause  et  le  traitement  de  la 
gangrène  senile.  Il  s'élève  avec  force  contre  les  applications 
toniques  et  stimulantes,  et  surtout  contre  le  quinquina  qu'un 
usage  banal  fait  employer  indistinctement  par  beaucoup  de 
praticiens.  Il  en  est  de  même,  suivant  ce  médecin,  de  l'am- 
putation qu'autrefois  on  pratiquait  pour  arrêter  la  gangrène, 
et  à  laquelle  on  ne  doit  jamais  avoir  recours  que  lorsque, 
par  des  soins  convenables,  on  a  arrêté  la  marche  de  la  gan- 
grène, c'est-à-dire  l'inflummatinn  de  l'urlère  qui  la  produit. 

Réflexions.  Le  traitement  de  la  gangrène  dite  seuile  ou 
spontanée  a  été  singulièrement  modilié  dans  ces  dernières 
années,  et  c'est  un  des  points  de  thérapeutique  qui  atteste 
le  plus  les  progrès  de  la  médecine  moderne,  fea  plus  grande 
obscurité  régnait  eu  effet  sur  les  causes  et  le  développement 
de  cette  maladie;  c'était  une  mortification  de;?  tissus  par 
faiblesse,  par  défaut  d'excitation,  et  l'on  s'efforçait  d'y  re- 
médier par  des  applications  de  quinquina,  auquel  .on  attri- 
buait une  propriété  antiseptique,  ut  qui,  dans  le  plus  grand 
nombre  des  cas,  ne  faisait  qu'augnienter  l'irritation  des 
parties  malades  sans  favoriser  la  délimitation  des  tissus 
gangrenés. 

Aujourd'hui  on  est  généralement  d'accord  pour  recon- 
naître connue  cause  de  cette  gangrène  une  oblitération  de» 
artères  du  membre.  Cette  opinion  n'est  pas  nouvelle,  maie 
on  doit  à  quelques  médecins  de  nos  jours  d'avoir  assigné.-, 
comme  cause  fréquente  de  ces  oblitérations,  une  inflamma- 
tion des  parois  du  vaisseau,  et  d'avoir  établi  par  conséquent 
un  mode  de  traitement  tout-à-fait  rationnel,  puisqu'en  en- 
levant la  cause  par  un  traitement  antiphlogistique  actif,  on 
permettra  aux  sucs  nutritifs  d'arriver  dans  le  membre  ma- 
lade, et  l'on  bornera  sur-le-champ  la  gangrène,  si  déjà  elle 
avait  envahi  les  tissus. 

Si  l'on  ne  peut  expliquer  de  cette  manière  le  développe- 
ment de  toutes  les  gangrènes  seniles,  il  faut  convenir  du 
moins  que,  dans  l'immense  majorité  des  cas,  tout  porte  à 
croire  que  cette  maladie  débute  de  la  sorte. C'est  uneaffectioD 
purement  inflammatoire,  et  avant  d'avoir  placé  le  siège  de 
l'inflammation  dans  l'artère  elle-même,  de  bons  observateurs 
avaient  remarqué  que  le  traitement  anàphlngistique  était  le 
seul  à  mettre  en  usage.  Cette  remarque  suflirait  presque 


(352) 

pour  faire  adopter  les  opinions  émises  plus  haut.  Voici  eo 
effet  ce  qu'écrivait  M.  Dupuytren  en  1824  • 

«  Une  femme  âgée  de  soixante  et  quelques  années  vint  à 
l'Hùtel-Dieu,  il  y  a  près  d'un  an,  pour  y  être  traitée  de  gan- 
grène seniie  qui  affectait  les  orteils  du  pied  gauche.  De  vives 
et  longues  douleurs  avaient  précédé  celte  gangrène,  et 
avaient  pendant  plusieurs  mois  privé  la  malade  de  tout  som- 
meil. La  maladie  avait  en  outre  pour  caractères  la  mortifi- 
cation, la  dessiccation,  et  en  quelque  sorte  la  momification 
du  sommet  des  orteils  indiqués,  la  tuméfaction  violacée  de 
la  partie  voisine  des  orteils  et  du  pied,  et  une  odeur  vive, 
pénétrante  et  très-difficile  à  supporter. 

»  Pendant  les  premiers  mois  de  son  séjour  à  l'Hôtel-Dieu, 
on  eut  recours  succcessivement,  et  sans  le  moindre  succès, 
aux  opiacés  et  au  quinquina,  administrés  à  l'intérieur  et  ap- 
pliqués à  l'extérieur.  Loin  de  s'amender,  la  maladie  fit  des 
progrès;  le  reste  des  orteils,  le  dos  et  la  plante  du  pied,  les 
parties  molles  et  les  parties  osseuses  furent  frappées  assez 
rapidement,  d'abord  de  gonflement  violacé  très-douloureux, 
ensuite  de  gangrène  sèche,  toujours  accompagnée  d'une 
odeur  très-forte.  L'état  du  cœur,  des  poumons  et  des  prin- 
cipales artères  fut  étudié;  on  n'y  découvrit  aucun  signe  de 
lésion.  A  cette  époque,  tourmenté  par  les  douleurs  de  la 
nialade,  et  fatigué  que  j'étais  de  l'inutilité  que  j'avais  si  sou- 
vent éprouvée  des  remèdes  caïmans,  antispasmodiques,  to- 
niques, antiseptiques,  etc.,  conseillés  et  employés  par  tous 
les  auteurs  et  par  tous  les  praticiens,  je  résolus  de  tenter 
d'autres  moyens,  et  prenant  conseil  de  l'état  du  pouls  qui 
était  plein  et  dur,  de  l'état  de  la  face  qui  était  rouge  et 
animée,  je  fis  pratiquer  à  la  malade  une  saignée  de  deux  poê- 
letles.  Les  douleurs  furent  calmées,  le  sommeil  fut  rappelé, 
et  les  progrès  de  la  gangrène  furent  suspendus  à  tel  point 
que  la  malade  ne  s'était  jamais  trouvée  aussi  bien  depuis  le 
commencement  de  son  mal.  (let  aniélioration  dura  pendant 
une  quinzaine,  au  bout  duquel  temps  les  douleurs  ïeparu- 
rent.  Suivant  encore  la  méthode  a  Juvantibus  indlcatio,  je  fis 
pratiquer  une  nouvelle  saignée  qui  eut  les  mêmes  effets  que 
la  première.  A  dater  de  ce  moment,  on  y  recourut  chaque 
fois  que  la  maladie  menaça  de  reparaître;  et  à  la  faveur  de  ce 
traitement,  les  retours  de  la  gangrène  sénile  ont  été  pré- 
venus. Les  parties  gangrenées  se  sont  séparées,  la  cicatrice 
s'est  faite,  et  la  malade  est  sortie  de  l'Hôlel-Dieu,  emportant 
avec  elle  le  conseil  de  recourir  à  la  saignée,  chaque  fois  que 
quelque  symptôme  de  son  ancien  mal  pourrait  en  faire 
craindre  le  retour. 


(  353  ) 

»  Depuis  ce  temps,  plusieurs  individus  affectés  de  gan- 
grène sénile  ont  été  traités  par  la  saignée,  et  toujours  avec 
le  même  succès.  Ce  traitement  «'applique-t-il  à  toutes  les 
espèces  de  cette  maladie?  Je  pense  qu'il  peut  s'appliquer 
toutes  les  fois  que  la  maladie  est  accompagnée  de  douleurs 
vives,  de  tuméfaction  considérable,  de  plénitude  et  de  dureté 
dans  le  pouls,  de  coloration  de  la  face.  »  (V.  Dict.  de  méU., 
tom.  10,  p.  65.) 

Il  est  évident  pour  tous  ceux  qui  ontlu  ce  qui  a  été  écrit 
dans  ces  dernières  années  sur  la  gangrène  sénile,  que  la 
malade  de  M.  Dupuytren  était  atteinte  d'une  artérite  qui 
obstruait  une  partie  des  vaisseaux  nourriciers  du  pied.  Quel 
est  le  degré  de  fréquence  de  cette  arlérite  dans  la  gangrène 
sénile?  C'est  ce  que  les  recherches  sur  ce  sujet  n'ont  peut- 
être  pas  encore  bien  précisé;  mais  ce  qu'il  y  a  de  certain, 
c'est  qu'un  traitement  antiphlogistique,  plus  ou  moins  actif 
suivant  l'^ge  et  les  farces  du  sujet,  convient  dans  l'immense 
majorité  des  cas  de  cette  gangrène,  et  tout  porte  à  croire 
que  lorsqu'on  ne  parvient  pas  ù  empêcher  de  la  sorte  l'ex- 
tension de  la  gangrène,  c'est  que  les  artères  sont  déjà  ossi- 
fiées dans  une  étendue  considérable,  et  qu'aucun  moyen 
par  conséquent  ne  saurait  remédier  à  cette  obstruction. 

ART.    1 099. 

Quelques  considérations  pratiques  sur  te  traitement  des 

entorses. 

La  lettre  suivante  nous  est  adressée  par  M.  Scarron  fils, 
médecin  à  Bordeaux  : 

J'ai  sous  les  yeux  le  cahier  de  votre  Journal  (mois  de 
juin  i835),  et  j'y  lis  à  l'art.  1071  une  observation  sur  l'efli- 
cacité  des  afïusions  d'eau  froide,  employée  comme  te  moyen 
le  plus  prompt  et  le  plus  sûr  pour  guérir  instantanément  tes  en- 
torses. Tout  en  reconnaissant  les  bons  effets  de  l'eau  froide 
dans  diverses  affections  morbifiques,  je  suis  loin,  pour  ma 
part,  d'adopter  une  semblable  médication  pour  les  entorses; 
et  l'expérience  m'a  très-souvent  prouvé  que  les  symptômes 
principaux  de  celte  affection,  savoir  la  douleuret  l'inflamma- 
tion locale  causées  par  la  distension  subite  et  violente  des 
tégumens  de  l'articulation,  ne  faisaient  que  s'accroître  en 
raison  de  l'iuiuiersion  prolongée  de  la  partie  malade  dans 
l'eau  froide.  Je  me  bornerai  à  vous  citer  un  seul  fait  récent, 
sur  plus  de  deux  cents  cas  d'entorses  que  j'ai  été  à  même 
Tom.  VI.  —  ''î"  d'août.  23 


(354) 

d'examiiK?!'.  Au  mois  de  mai  dernier,  je  fus  appelé  auprès  de 
madame  G...  Cette  dame,  âgée  de  cinquante-trois  ans,  d'un 
embonpoint  plus  qu'ordinaire,  venait,  étant  montée  sur  ui»e 
chaise  pour  placer  un  flacon  de  liqueur,  de  faire  tme  chute 
dans  laquelle  la  jambe  et  le  pied  droit  avaient  été  contournés 
violemment  en  dedans.  Les  premiers  soins  de  cette  dame  fu- 
rent, d'après  les  conseils  de  ceux  qui  l'entouraient  au  mo- 
ment de  l'accident,  de  plonger  la  jambe  malade  dans  un  vase 
d'eau  froide  ;  elle  y  resta  environ  un  quart-d'heure,  et  s'a- 
perçut bientôtque,  sons  l'influence  de  ce  traitement,  sa  jambe 
venait  d'acquérir  un  volume  extraordinaire.  J'arrivai  sur  ces 
entrefaites;  mais,  à  l'inspection  du  membre  lésé,  il  me  fut 
impossible  de  m'assurer,  attendu  le  gonflement  inflamma- 
toire, s'il  y  avait  luxation  ou  fracture  de  l'extrémité  inférieure 
du  tibia.  Je  fls  appliquer  vingt-cinq  sangsues  au  pourtour  des 
malléales,  et  des  cataplasmes  émolliens  après  leur  chute;  le 
lendemain,  les  parties  n'avaient  pas  diminué  de  volume;  seu- 
lement, de  nombreuses  phlyctènes  couvraient  le  pied  et  le 
tiers  inférieur  de  la  jambe.  Je  fis  continuer  les  cataplasmes 
émolliens  arrosés  d'acétate  de  plomb  liquide.  Après  quatre 
jours  de  ce  traitement,  l'inflammation  perdit  de  son  inten- 
sité, et  je  pus  me  convaincre  qu'il  n'existait  ni  luxation  ni 
fracture,  mais  une  entorse  des  plus  graves.  Les  jours  sui- 
vans,  les  phlyctènes  se  crevèrent  et  laissèrent  suinter  une 
humeur  icboreuse;  je  fis  panser  ces  petites  plaies  avec  l'eau 
phagédéniqiie,  elles  ne  tardèrent  pas  à  sécher  entièrement. 
Des  cataplasmes  faits  avec  de  la  lie  de  vin  et  du  son,  conti- 
nués pendant  quelques  jours,  ramenèrent  les  parties  à  leur 
état  normal.  C'est  alors  que  j'observai  les  préceptes  de  M.  Du- 
pijytren,  qui  veut  qu'on  maintienne  l'articulation  dans  le  re- 
pos le  plus  absolu,  au  moyen  d'un  bandage  à  fracture.  Ma- 
dame G.  a  pu,  après  cinquante  jours  seulement,  marcher  et 
vaquer  à  ses  affaires. 

Ne  serait-ce  pas  à  l'emploi  de  l'eau  froide  que  les  accidens 
inflammatoires  ont  dû,  dans  cette  circonstance,  leur  inten- 
sité? C'est  la  question  que  je  me  suis  toujours  laite  lorsque 
j'ai  eu  affaire  à  des  malades  qui,  placés  dans  le  même  cas, 
avaient  eu  recoursau  inoyiMi  employé  par  madame  C,  et  j'en 
ai  la  preuve  dans  laconiparaison  que  j'ai  établiedans  mapra- 
tique. 

Voici  le  traitement  bien  simple  que  j'omp'oic  dans  le  cas 
d'entorse  :  je  recouvre  l'arliculalion  malade  avec  un  emplâ- 
tre de  poix  de  Bourgogne  qne  je  maintiens  par  un  bandage 
serré  convenablement.  Je  recommande  unrepos  absolu  pen- 
dant six  ou  huit  jours,  après  lesquels  je  lève  l'emplâtre  et 


(355) 

fais  frictionner  la  partie  malade  avec  ua  liniment  composé. 

Celte  seule  médicationm'aconstauiineat  réiisîii  toutes  les  fois 
que  le  aialade  ne  s'élail  pas  soumis  à  d'autres  Irailenieii!*.  Mais 
j'ai  toujours  remarque  que  l'immersion  dans  l'eau  froide, 
soit  de  lu  jambe,  soit  de  l'avant-bras,  dans  les  cas  d'entorse, 
ne  faisaient  qu'accroître  les  accidens  inflammatoires,  tou- 
jours à  redouter,  et  que  par  suite  la  guérison  était  beaucoup 
plus  longue  à  obtenir. 

Réflexions.  Les  remarques  de  M.  Scarron  sur  les  inconvé* 
niens  des  bains  de  pied  froids  dans  les  entorses  sont  confor- 
mes à  l'observation,  et  déjà,  dans  plusieurs  circonstances, 
nous  avonS  signalé  les  incouvéniens  de  cette  pratique.  Ce- 
pendant, nous  devons  faire  observer  qu'il  y  a  beaucoup  de 
différence  entre  les  effets  d'un  bain  de  pied  froid  et  ceux  des 
alfusions  froides  continuées  pendant  un  temps  plus  ou  moins 
long.  Dans  le  premier  cas,  en  effet,  la  jambe  se  trouve  dans 
une  position  déclive,  ce  qui  favorise  la  stagnation  et  même 
l'allluxdes  liquides,  tandis  que  lorsqu'on  veut  pratiquer  une 
affusion  froide,  on  commence  par  placer  le  membre  dans  une 
position  élevée,  et  l'on  faittomber  d'une  certaine  hauteur  sur 
sa  superficie  un  courant  d'eau  froide  qui,  frappant  fortement 
les  parties  endolories,  et  les  couvrant  d'un  flot  de  liquide 
continuellement  renouvelé,  rend  l'articulation  froide,  dé- 
colorée, presque  insensible,  et  la  maintient  dans  cet  état 
pendant  tout  le  temps  qu'on  le  désire,  sans  qu'on  ait  à  crain- 
dre une  réaction  fâcheuse  que,  la  plupart  du  temps,  on  ne 
prévient  pas  par  l'emploi  du  bain  de  pied. 

C'est  du  froid  employé  de  celle  manière,  et  avec  toutes  ces 
précautions,  que  nous  croyons  parler  lorsque  nous  disons 
que  ses  effets  peuvent  être  avantageux  dans  l'entorse.  Appli- 
qués d'une  manière  incomplète,  les  rélVigérans  sont  presque 
constanmient  plus  nuisibles  qu'utileSo  Nous  renvoyons  au 
reste,  pour  ce  sujet,  à  notre  art.  675,  où  nous  avons  exposé 
le  traitement  de  M.  Dupuytren,  et  à  noire  art.  717,  oii  l'on 
verra  celui  de  iM.  Lisfranc,  qui  ne  diffère  du  précédent  que  par 
l'activité  des  moyens  antiphlogistiques  conseillés. 


ART.   i  100. 


Recherches  pratiques  sur  les  causes  qui  font  échouer  l'opération  de 
la  cataracte.  (Analyse.) 

M.  Carron  du  V illards  a  publié  sous  ce  titre  un  ouvrage 
dans  lequel  ii  examine  uoa-seulement  les  dilférens  modes 
d'opérer  la  cataracte,  les  circonstances  dans  lesquelles  tel  ou 


(  556  ) 

tel  procédé  doit  être  choisi  de  préférence,  mais  encore  tous 
les  aocidens  qui  peuvent  survenir  et  contrarier  le  succès  de 
l'opération,  quelle  que  soit  la  mt'uhode  qu'on  ait  adoptée. 

Parmi  ces  accidens,  il  en  est  qui  ont  plus  particulièrement 
fixé  l'attention  de  l'auteur,  et  sur  lesquels,  peut-être,  on  n'a- 
vait pas  assez  insisté  jusqu'à  ce  jour.  Dans  ce  nombre,  nous 
citerons  les  névralgies  sus-orbilaires  et  auriculo-maxillaires 
qui  surviennent  quelquefois  après  l'opération  de  la  cataracte, 
au  moment  même  où  l'opéré  va  très-bien,  et  après  que  les 
symptômes  inflammatoires  sont  dissipés.  C'est,  d'après  l'au- 
teur, ordinairement  vers  le  quinzième  jour  que  la  maladie  se 
déclare  quand  on  a  pratiqué  l'abaissement,  tandis  que  c'est 
vers  le  sixième  ou  le  septième  jour,  quand  on  a  mis  en  usage 
l'extraction.  Tout-à-coup  l'opéré  est  saisi  d'une  douleur  vio- 
lente ayant  son  siège,  tantôt  vers  la  racine  du  nez,  tantôt  dans 
les  régions  frontales  et  orbitaires,  tantôt  à  la  tempe.  D'au- 
tres fois,  elles  occupent  l'angle  inférieur  du  nez, l'oreille,  etc. 
Ces  douleurs  paraissent  le  plus  ordinairement  tous  les  jours, 
à  la  même  heure,  et  augmentent  en  général  d'intensité.  Les 
malades  sont  dans  une  angoisse  extrême  ;  ils  se  frappentia  tête 
avec  les  mains,  poussent  des  cris  aigus;  les  yeux  sont  rouges, 
injectés,  larmoyans;  la  lumière  est  insupportable,  la  pupille 
se  trouve  exlraordinairement  contractée.  Dans  d'autres  cas, 
l'œil  n'offre  aucun  de  ces  symptômes;  toute  la  douleur  se 
concentre  derrière  l'oreille,  d'où  elle  s'irradie  aux  alvéoles,  aux 
dents,  qui  deviennent  excessivement  douloureuses  et  parais- 
sent augmenter  de  volume.  Cette  affection  peut  exister  avec 
ou  sans  fièvre,  et  se  reproduit  souvent  à  des  intervalles  assez 
éloignés.  M.  Carrondu  Villards  a  vuchezune  dame  ce  groupe 
de  symptômes  se  reproduire  tous  les  quinze  jours.  Ces  dou- 
leurs peuvent,  au  reste,  s'étendre  jusqu'aux  membranes  du 
cerveau,  et  compromettre  l'existence  du  malade  ;  elles  peu- 
vent aussi  produire  dans  l'œil  une  irritation  assez  vive  pour 
s'opposer  au  succès  de  l'opération. 

Le  traitement  de  cette  névralgie  doit  varier  suivant  les  cir- 
constances. Ainsi,  la  saignée  du  pied  est  un  moyen  puissant 
quand  les  individus  sont  forts  et  pléthoriques.  Chez  les  fem- 
mes mal  réglées,  ou  près  de  l'âge  critique,  il  est  ordinaire- 
ment nécessaire  de  réitérer  celte  évacuation  sanguine,  la  pre- 
mière n'ayant  souvent  pour  effet  que  d'augmenterrinlensité 
des  douleurs.  Les  sangsues  derrière  les  apophyses  mastoïdes 
ou  sur  le  trajet  des  veines  jugulaires  peuvent  être  appliquées 
en  même  temps.  On  frictionne  la  tempe  et  le  poiirtour  de 
l'orbite  avec  l'extrait  de  belladone.  Si  l'estomac  est  en  bon 
état,  on  donne  de  légères  doses  de  calomel  et  de  jalap,  puis 


(357) 

on  prescrit  les  bains  de  pied  sinapisés  et  des  cataplasmes 
chauds  en  forme  de  bottine.  Ces  moyens  sont  nécessaires 
pour  calmer  les  douleurs;  mais  pour  prévenir  leur  retour,  an 
a  le  plus  souvent  recours  au  quinquina.  On  a  employé  aussi 
avec  succès  le  carbonate  de  fer  ainsi  que  de  hautes  doses  sou- 
vent répétées  de  la  potion  effervescente  de  Rivière,  au  mo- 
ment où  les  premiers  symptômes  se  manifestent. 

Lorsqu'on  a  affaire  à  des  enfans  qui  refusent  de  prendre 
des  remèdes  amers,  on  peut  employer  la  cinchonine  pure, 
en  leur  faisant  avaler,  peu  d'instans  après,  quelques  gouttes 
d'acide  sulfurique  étendues  dans  un  verre  d'eau.  Les  vésica- 
toires  ont  en  général  une  action  nuisible  dans  cette  maladie. 
Cependant  on  obtient  de  très-bons  effets  du  galvanisme  di- 
rigé, à  l'aide  de  la  pile  de  Yolta,  sur  une  surface  dénudée 
avec  la  ponmiade  de  Gondret.  Voici  maintenant  quelques  faits 
dans  lesquels  ces  principes  ont  été  mis  en  pratique. 

Une  jeu  ne  Portugal  se,  al  teinte  de  deux  cataractes,  fut  opérée 
par  M.  Carron  le  i"  mars  1822.  L'opération  n'offrit  rien  de 
remarquable  ;  elle  fut  peu  douloureuse,  et  la  malade  aperçut 
aussitôt  très-distinctement  la  lumière.  Tout  se  passa  sans  ac- 
cidens  jusqu'au  quinzième  jour,  époque  à  laquelle  l'opérée 
fut  tout-à-coiip  atteinte  de  douleurs  sus-orbilaires  tellement 
atroces  qu'elle  poussait  des  cris  perçans.  La  face  était  rouge, 
animée,  le  pouls  dur,  vibrant;  on  pratiqua  une  saignée  au 
pied  de  deux  fortes  palettes;  en  même  temps  on  frictionnait 
le  pourtour  de  l'orbite  et  la  tempe  avec  de  l'extrait  de  bella- 
done. La  douleur  fut  calmée,  mais  elle  revint  deux  jours  après 
à  la  même  heure,  et  avec  non  moins  d'intensité. 

Aussitôt  que  l'accès  fut  terminé,  la  malade  reprit  sa  tran- 
quillité habituelle  ;  mais  à  l'époque  ordinaire,  un  nouveau  pa- 
roxisme  se  manifesta.  A  peine  les  douleurs  avaient-elles  com- 
mencé à  se  faire  sentir,  que  M.  Carron  prescrivit  une  deini- 
once  de  la  potion  effervescente  de  Rivière,  à  prendre  tous  les 
quarts-d'heure.  L'accès  ne  fut  presque  pas  douloureux.  Deux 
jours  après,  il  se  manifesta  de  nouveaux  prodromes  d'^un  troi- 
sième accès,  mais  la  même  potion  en  prévint  le  développe- 
ment. A  dater  de  ce  moment,  la  malade  fut  complètement  dé- 
barrassée de  sa  névralgie. 

Chez  un  autre  malade,  de  semblables  douleurs  s'étant  ma- 
nifestées, on  eut  recours  sans  succès  aux  émissions  sangui- 
nes, aux  frictions  debelladone,  aux  révulsifs  de  toute  espèce. 
Le  carbonate  de  fer  fut  alors  prescrit  de  la  manière  suivante  : 
On  mêla  deux  scrupules  de  carbonate  de  fer  à  deux  gros  de 
sucre,  pour  faire  dix  poudres  à  prendre  dans  la  journée.  On 
commença  l'usage  de  ce  médicament  le  20  avril.  Le  21,  on 


(558) 

reconnut  une  diminution  notable  dans  l'intensité  et  dans  la 
fréquence  des  accès.  Quelques  jours  après,  le  malade  était 
radicalement  guéri.  On  continua  néanmoins  l'usage  du  car- 
bonate de  fer  jusqu'aux  premiers  jours  de  mai.  On  pratiqua 
alors  l'opération  sur  l'autre  œil.  Pareils  accidens  nerveux  sur- 
vinrent encore,  et  on  les  combattit  avec  un  égal  succès  par 
le  même  médicament. 

Dans  d'autres  observations,  enfin,  le  sulfate  de  quinine  a 
merveilleusement  réussi;  et  sous  son  influence  ces  doulou- 
reux paroxismes  ont  complètement  cessé  pour  ne  plus  repa- 
raître. 

Nous  n'examinerons  pas  ici  tous  les  autres  accidens  qui 
peuvent  survenir  après  l'opéralion  de  la  cataracte,  tels  que 
l'opbtbalmorrhagie,  l'iritis  aiguë  et  chronique,  l'éréthisme 
oculaire,  etc.,  et  nous  passerons  sous  silence  les  avantages  et 
les  inconvéniens  des  diverses  méthodes  d'opérer,  pour  nous 
arrêter  quelques  instans  sur  les  règles  tracées  par  j>I.  Carron, 
relativement  à  la  conduite  à  tenir  après  l'opération,  quel  que 
soit  le  procédé  auquel  on  ait  donné  la  préférence. 

Il  est  presque  impossible  de  placer  un  appareil  sur  les  yeux 
des  enfans  opérés  de  la  cataracte,  car  les  efforts  qti'ils  font 
pour  s'en  débarrasser  sont  plus  nuisibles  au  succès;  de  l'opé- 
ration que  l'absence  de  tout  appareil.  11  faut  donc  se  borner 
à  pratiquer  des  frictions  de  belladone  dans  le  pourtour  de  l'or- 
bite, et  à  placer  les  yeux  opérés  dans  une  obscurité  conve- 
nable et  dans  une  atmosphère  peu  chaude. 

S'il  se  manifeste  une  inflammation,  il  faut  avoir  recours  à 
l'application  de  quelques  sangsues  aux  tempes  ou  derrière  les 
oreilles,  mais  jamais  sur  les  paupières  :  pratique  vicieuse  qui 
peut  avoir  les  plus  fâcheux  résultats.  Quand  l'inflammation 
est  très-violente.  M.  Cari  on  fait  avec  avantage  des  scarifica- 
tions dans  l'intérieur  des  narines. 

C'est  toujours  pendant  le  sommeil  qu'il  faut  examiner  les 
yeux  des  enfans.  Si  on  ne  peut  y  parvenir  sans  les  éveiller,  il 
fautleur  faireprendre  unsirop  légèrement  narcotique  ou  leur 
introduire  dans  le  rectum  un  léger  suppositoire  de  beurre 
de  cacao,  mêlé  à  quelque  substance  soporifique- 
Une  précaution  indispensable  est  d'accoutumer  peu  à  peu 
le  malade  à  la  lumière.  En  présentant  trop  tôt  h  s  yeux  au 
grand  jour,  on  s'expose  à  produire  une  inflau)n)ation  de  la 
rétine,  et  cet  empressement  est  la  cause  la  plus  fréquente  des 
insuccès.  Le  malade  ne  sera  donc;  conduit  au  grand  jour 
qu'après  avoir  passé  par  des  degrés  variés  de  lumière.  Pen- 
dant long-temps,  il  sera  même  convenable  de  lui  faire  porter 
un  garde-vue  et  des  lunettes  colorées. 


I 


(559) 

La  plupart  des  aveugles  de  naissance  ù  qui  l'on  rend  la  lu- 
mière ne  savent  point  voir,  et  il  est  nécessaire  de  leur  ap- 
prendre à  se  servir  d'un  sens  nouveau  pour  eux.  Ils  s'em- 
pressent ordinairement  de  toucher  avec  les  mains  les  objets 
dont  ils  calculent  mal  l'éloig^nemenl;  mais  cette  rectificatiun 
d'un  sens  par  un  autre  peut  retarder  de  beaucoup  chez  les 
enfans  le  libre  exercice  de  la  vision.  Il  est  donc  quelquefois 
nécessaire  de  leur  attacher  les  mains  derrière  le  dos,  de  les 
tourmenter  en  quelque  sorte  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  appris  à 
jufïer  par  la  vue  des  corps  qui  le-  environnent. 

Tels  sont  quelques-uns  des  préceptes  généraux  émis  par 
M.  Carron  du  Yillards  sur  les  soins  consécutifs  à  donner  aux 
opérés  de  la  cataracte.  Les  bornes  de  cet  article  ne  nousper- 
mettent  pas  de  nous  arrêter  plus  long-temps  sur  un  ouvrage 
qui  contient  de  sages  conseils  et  de  nombreuses  observations 
que  les  praticiens  liront  avec  intérêt. 

ART.     1101. 

Séance  d'Académie. — Procédé  de  M.  Gannal  pour  la  consercaiion 
des  cadavres. 

M.  Breschet  a  entretenu  l'Académie,  dans  sa  séance  du  14 
juillet,  de  quelques  expériences  tentées  par  la  commission 
dont  il  était  le  rapporteur,  pour  vérifier  les  propriétés  du 
liquide  que  M.  Ganual  a  proposé  pour  la  conservation  des 
cadavres  (1).  Après  avoir  fait  sentir  de  quelle  utilité  serait 
la  découverte  d'un  moyen  peu  coûteux  et  facile  à  se  pro- 
curer dans  toutes  les  localités,  pour  conserver  intacts  les 
corps  des  animaux,  ce  chirurgien  a  rappelé  que  l'alcool  pro- 
posé à  cet  effet  ne  pouvait  guère  servir,  attendu  l'élévation 
de  son  prix,  que  pour  la  conservation  d'animaux  de  petites 
dimensions;  que  les  acides  altéraient  les  tissus;  que  l'essence 
de  térébenthine,  les  huiles,  etc.,  avaient  a  peu  près  les 
mêmes  inconvéuiens  que  Talcool  ;  puis  arrivant  au  procédé 
de  M.  Gannal,  qui,  comme  on  la  vu,  serait  peu  coûteux  et 
d'une  exécution  très-facile,  il  a  rendu  compte  des  expé- 
riences suivantes  : 

Dans  un  des  pavillons  de  l'école  pratiqiie,  on  plaça,  au 
mois  de  mars  dernier,  deux  cadavres  dans  une  cuve  en  bois, 
préalablement  rempli  d'un  liquide  contenant  ainn.  chlorure 
de  sodium,  de  chaque  deux  j)arties,  et  nitiale  de  potasse 
une  partie.  L'eau  qui  contenait  ces  sels  en  solution  marquait 
quinze  degi  es  à  laréoniètre. 

(1)  A  oyez  art.  1047. 


(  36o  ) 

Au  bout  de  deux  mois  ces  cadavres  furent  retirés  de  la 
cuve.  Ils  n'avaient  pas  changé  d'aspect  extérieur,  et  on 
rectmnut,  en  les  disséquant,  que  leurs  tissus  n'étaient  pas 
altérés. 

On  a  fait  avec  ce  même  liquide  des  injections  d.ins  le  sys- 
tème artériel,  et  au  bo-U  de  deux  mois  ces  sujets  ont  pu 
servir  à  l'étude  des  élèves.  On  a  pu  remarquer  en  outre, 
qu'un  sujet  baigné  dans  ce  liquide,  puis  retiré,  et  exposé  au 
milieu  des  autres  pièi^es  d'anatomie  en  putréfaction,  pouvait 
rester  encore  quinze  jours  sans  se  décomposer,  et  ces  expé- 
riences ont  été  tentées  à  une  époque  oi'i  la  chaleur  ne  per- 
mettait point  de  conserver  les  autres  cadavres  pendant  un  si 
long. espace  de  temps. 

Les  tissus  extérieurs  avaient  bien  changé  de  couleur, 
mais  ils  avaient  conservé  leur  forme  et  leur  densité.  Quant 
aux  organes  intérieurs,  ils  étaient  absolument  dans  le  même 
état  que  ceux  d'un  sujet  frais. 

Les  recherches  auxquelles  s'est  livrée  la  commission  ne 
sont  pas  encore  assez  nombreuses  pour  faire  apprécier  d'une 
manière  bien  précise  les  avantages  du  procédé  de  PiL  Gannal. 
On  s'est  demandé,  par  exemple,  pendant  combien  de  temps 
le  liquide  proposé  pouvait  conserver  les  cadavres;  si,  dans 
un  voyage  de  long  cours,  des  animaux  pourraient  être  trans- 
férés intacts  de  pays  lointains,  et  surtout  s'il  serait  possible 
de  conserver  pendant  l'été  un  grand  nombre  de  cadavres, 
pour  les  livrer  à  la  dissection  pendant  l'hiver.  Toutes  ces 
questions  n'ont  pu  être  suffisamment  résolues,  et  l'on  va 
poursuivre  les  recherches  sur  ce  sujet  important. 

AKT.     1102. 

ISouvelle  méthode  de  traitement  des  ulcères  et  de  l'engorgement 
sqairreux  ou  carcinomatcux  du  col  de  l'utérus,  par  les  in- 
jections de  jus  de  carotte  crue,  combinées  avec  le  traitement 
antiphlogistique.  (Art.  communiqué  par  M.  Tardieu,  de 
Saint- Alban,  docteur  en  médecine,  résidant  à  Sangues.) 

«Un  des  moyens  les  plus  préconisés  par  plusieurs  auteurs, 
et  surtout  par  le  professeur  Fages,  pour  obtenir  la  cicatrisa- 
tion des  ulcères  chancreux,  pour  paralyser  même  la  marche 
des  cancers,  en  quelque  partie  du  corps  qu'ils  aient  leur 
siège,  est  la  râpiire  de  carotte  à  l'état  cru  : 

1)  Ayant  été  chargé,  il  y  a  sept  mois,  du  traitement  d'une 
jeune  femme  atteinte,  depuis  neuf  à  dix  ans,  de  l'ulcère  du 
col  de  l'utérus,  nous  avons  employé  un  procédé  par  lequel 
cet  agent  thérapeutique  peut  être  mis  en  œuvre  à  l'intérieur 


(56i) 

comme  il  l'a  été,  et  comme  il  l'est  encore  extérieurement 
dans  pliK-ieurs  cas. 

n  Madame***  âgée  de  trente-six  ans,  d'un  tempérament  bi- 
lioso-nerveux,  d'une  constitution  grêle,  enf;inta  pour  la  pre- 
mière foi?,  et  pour  la  dernière  jusqu'à  ce  jour,  en  1K26;  ses 
couches  furent  pénibles  :  quelques  mois  après  elle  éprouva 
des  douleurs  dans  la  région  lombaire,  les  cuisses,  l'hypo- 
gastre;  à  cet  état  succéda  une  hémorrhagie  qui  reparut  à 
des  intervalles  plus  ou  moins  éloignés,  pendant  quatre  ou 
cinq  ans;  bientôt  une  perte  blanche  survint;  celte  évacua- 
tion n'a  en  aucune  manière  porté  de  dérangement  a  l'évacua- 
tion périodique;  elle  n'a  pas  même,  jusqu'à  un  certain  point, 
réveillé  l'attention  de  madame  ***  pendant  les  premières 
années;  elle  dégénéra  bientôt  cependant  en  perle  sanieuse 
fétide.  Enfin,  le  mal  s'aggrave  et  se  manifeste  par  des  accès 
hystériques  qui  le  font  méconnaître  long-temps  par  le  mé- 
decin ordinaire,  qui  ne  s'occupe  nullement  de  inaladi  s  chi- 
rurgicales. Lorsque  je  fus  appelé  en  septembre  et  en  oc- 
tobre 1834,  madame  ***  était  réduite  à  l'état  suivant  :  face 
jaune;  constitution  dépravée,  amaigrie.  Le  col  de  l'utérus 
arrivait  presque  au  niveau  des  petites  lèvres  :  il  était  consi- 
dérablement engorgé;  la  face  interne  du  museau-de-tanche 
était  boursoufilée,  comme  renversée,  rugueuse,  saignante; 
le  doigt  retiré  donnait  une  odeur  repoussante;  la  malade  ne 
pouvait  supporter  les  approches  de  son  mari,  pas  même  l'in- 
troduction de  l'index;  depuis  deux  mois  son  époux  conser- 
vait, sans  pouvoir  s'en  débarrasser,  une  gonorrhée  qui  ré- 
sultait et  qu'entretenait  son  union  avec  sa  femme. 

»  Dans  cet  état  de  choses,  j'ordonnai  l'application  de  douze 
sangsues  dans  l'intérieur  des  lèvres;  des  lavemens  d'eau  de 
mauve  au  moyen  de  laseringue  àmatrice;  des  fomentations  de 
la  même  nature  sur  l'hypogastre  ;  une  diète  légère,  etc.  Après 
avoir  combattu  les  premiers  symptômes  inflammatoires,  je 
substituai  aux  lavemens  de  mauve  ceux  provenant  du  jus  de 
la  râpure  de  carotte,  obtenu  par  l'addition  d'une  certaine 
quantité  d'eau  tiède  ajoutée  à  la  râpure;  j'en  secondai  l'effet 
par  le  tamponnement  du  vagin,  au  moyen  de  la  même  râ- 
pure modifiée,  comme  i!  est  dit,  par  l'eau  tiède;  tamponne- 
ment que  l'on  doit  pousser  aussi  haut  qu'il  est  possible,  afin 
de  mettre  en  contact  le  museau-de-tauche  avec  cette  espèce 
de  pulpe.  Ce  dernier  moyen  a  été  mis  en  œuvre  le  soir,  lors- 
que la  malade  avait  rendu  ses  urines,  et  relire  le  matin  pour 
vaquer  au  même  besoin.  On  en  a  suspendu  l'emploi  dans  les 
momens  de  la  menstruation  ;  il  a  été  remplacé  le  jour  par 
plusieurs  injections  de  jus  de  carotte  (quatre  fois  par  jour). 


(56a) 

L'application  de  huit  sangsues  à  l'intérieur  des  lèvres  a  eu 
confît/inimcnl  lieu  tous  le?  huit  ionrs.  La  malade  a  observé  la 
dicle  blanche  rigoureusement.  Depuis  deux  mois,  les  symp- 
tômes sont  enlièremeut  amciidés  ;  il  n'y  a  plus  d'accès  hysté- 
riques; plus  de  souftVances  dans  la  région  hypogastrique; 
plus  de  perte  sanieuse;  le  col  de  l'utérus  est  remonté,  est  plus 
souple,  n'a  plus  cette  sensibilité  exaltée,  ne  donne  plus 
d'odeur  nauséeuse;  madame  ***  voit  son  mari  sans  éprouver 
de  secousse  pénible;  son  teint  est  rosé;  sa  marche  est  assurée 
et  facile.  Toutefois,  nous  avons  encore  à  combattre  l'en- 
gorgement du  col,  et  pour  cela  nous  avons  adopté  la  solution 
d'hydriodate  de  potasse  ioduré.  Sans  nous  dissimuler  la  né- 
cessité d'employer  long-lemps  ce  moyen,  nous  espérons  un 
succès  semblable  à  celui  qu'a  obtenu  M.  Clarion  jeune,  et  à 
celui  que  nous  venons  d'obtenir  dans  une  autre  observation  à 
peu  près  semblable.  » 

ABT.    iio3. 

Clinique  d'accouclicmens  :  Considérations  pratiques  sur  les 
causes  qui  peuvent  retarder  l'expulsion  de  ta  tête  du  fœtus  des- 
cendue dans  la  cavité  du  bassin.  (  V.  art.  io56.) 

Lorsque  dans  les  cours  d'accouchemens  on  fait  la  descrip- 
tion du  bassin,  on  a  tellement  en  vue  le  bassin  sec,  qu'on 
onblie  de  parler  des  parties  molles  qu'on  y  rencontre.  Ainsi, 
ou  a  établi  qu'il  existait  deux  axes,  l'un  pour  le  détroit  supé- 
rieur, l'autre  pour  le  détroit  inférieur;  mais  il  en  est  un  troi- 
sième qu'on  n'a  pas  signalé,  et  qui  cependant  est  d'une 
haute  importance  dans  la  théorie  de  l'accouchement.  Re- 
présentons-nous, par  exemple,  le  fœtus  reujplacé  par  un 
corps  inerte  et  s'engageant  dans  le  détroit  supéiieur  en  sui- 
vant l'axe  connu;  il  est  évident  qu'il  s'arrêtera  sur  le  sa- 
crum. S'il  prend  ensuite  la  direction  du  second  a.xe  indiqué, 
au  lieu  de  sortir  par  la  vulve,  il  s'arrrtera  sur  le  périnée.  II 
faut  donc,  pour  se  rendre  un  compte  exact  de  ce  qui  se  passe, 
imaginer  un  troisième  axe  qui,  [)artanl  à  peu  près  de  la  par- 
tie moyenne  du  sacrum,  se  dirigera  vers  la  vulve.  C'est  cette 
direction  que  le  fœtus  suit  souvent  avec  tant  de  peine,  et  qui 
varie  considérablement,  suivant  la  longueur  du  périnée. 
C'est  cette  disposition  qui  fait  que  chez  les  principales  l'ac- 
couchement est  souvent  si  dilTicile. 

Ces  trois  axes  bien  connus,  l'attention  devra  toujours  être 
dirigée  sur  ce  point,  savoir  :  si  la  force  d'expulsion  est  trop 
faible,  ou  si  la  force  de  résistance  est  trop  grande.  Ainsi, 


(365) 

dans  les  trois  cas  où  l'on  a  appliqué  le  forceps  deux  fois, 
l'obstacle  provenait  d'nn  excès  de  force  de  résistance;  une 
seule  fois  le  retard  provenait  d'un  défaut  de  force  d'action. 
Dans  ces  trois  observations,  les  moyens  employés  pour  ter- 
miner l'accouchement  ont  été  les  mêmes  ;  mais  dans  le  plus 
fïrand  nombre  des  cas,  cette  distinction  est  importante  à  éta- 
blir pour  les  applications  thérapeutiques.  Ainsi,  quand  il  y 
aura  de  fortes  contractions  utérines,  et  que  cependant  le  tra- 
vail n'avancera  pas,  il  ne  faudra  pas  avoir  recours  à  une 
augmentation  de  force  d'action  :  le  seigle  ergoté,  par  exem- 
ple ,  ne  saurait  être  administré  chez  une  femme  dont  le 
système  musculaire  est  très -développé,  et  qui  fait  valoir 
convenablement  ses  douleurs.  Une  telle  conduite  serait  pré- 
judiciable non-seulement  à  l'enfant,  dont  la  vie  serait  com- 
promise, mais  encore  à  la  mère,  chez  laquelle  on  pourrait 
déterminer  quelque  rupture  funeste. 

Si.  au  contraire,  on  était  appelé  chez  une  femme  dont  les 
faibles  contractions  utérines  ne  peuvent  expulser  la  tête, 
qui,  bien  que  descendue  jusqu'à  la  vulve,  n'éprouve  qu'une 
force  de  résistance  médiocre,  il  est  évident  qu'on  doit  cher- 
cher cà  ranimer  la  force  d'expulsion  par  le  seigle  ergoté  ou 
d'autres  stimulans. 

INIais  il  n'est  pas  toujours  facile  de  reconnaître  quand  la 
force  d'expulsion  est  trop  faible  ou  la  résistance  trop  forte. 
M.  Dubois  fut  appelé  dernièrement  par  deux  médecins  qui 
assistaient  une  femme  depuis  quelques  jours.  A  son  arrivée, 
la  tOte  du  fœtus  était  au  détroit  inférieur,  et  ne  pouvait  le 
franchir;  on  avait  d'abord  pensé  que  ce  retard  provenait  de 
ce  que  le  mouvement  de  rotation  ne  s'exécutait  pas,  et  on 
avait  inutilement  tenté  de  l'opérer;  puis  le  forceps  avait  été 
appliqué,  mais  on  n'avait  pu  parvenir  à  en  articuler  les 
branches.  Cette  femme  était  déjà  accouchée  naturellement; 
les  douleurs  étaient  très-forfes,  mais  tout-à-fait  irrégulières, 
et  n'étaient  point  cxpulsives  ;  la  tête  reposait  sur  le  périnée, 
bien  qu'il  ne  bombât  en  aucune  façon.  Cet  état  durait  depuis 
plusieurs  heures,  et  il  était  urgent  de  terminer  l'accouche- 
ment, ce  que  M.  Dubois  fit  sur-le-champ  à  l'aide  du  forceps. 
Cet  instrument  une  fois  appliqué,  il  suffît  de  faire  quelques 
légères  tractions,  et  une  forte  douleur  étant  survenue,  la 
tête  fut  expulsée  avec  l'instrument 

Il  arrive  Quelquefois  que,  bien  que  les  douleurs  soient 
violentes,  le  col  utérin  n'éprouve  aucune  dilalation.  Il  y  a 
dans  ce  cas  un  moyen  assez  simple  d'accélérer  le  travail, 
moyen  qui  réussit  assez  souvent  :  il  consiste  à  l'arrêter 
en    doQOânt    une    forte    dose    d'opium.    C'est    ordinaire- 


(  364  ) 

ment  le  sirop  de  diacode,  à  la  dose  de  deux  onces,  que 
M.  Dubois  emploie  de  préférence.  La  femme  ne  tarde  pas  à 
s'endormir;  et  lorsqu'elle  se  réveille,  le  travail  recommence 
avec  régularité.  S'il  n'y  avait  pas  eU  urgence  de  terminer 
l'accourihement  dans  le  cas  précité,  c'est  le  moyeu  qu'on 
eût  employé  pour  changer  la  nature  des  douleurs. 

ART,     1104. 

Observation  d'accouchement  en  quatrième  position  du  siège. 

La  lettre  suivante  nous  est  adressée  par  M.  le  docteur  Re- 
naut,  chirurgien  aide- major  aux  hôpitaux  de  l'armée  d'A- 
frique : 

«  J'ai  souvent  ici  l'occasion  d'assister  des  femmes  en  cou- 
ches; et  comme  dans  votre  journal  vous  vous  occupez  beau- 
coup de  cette  intéressanle  partie  de  l'art  de  guérir,  j'ai  cru 
devoir  vous  faire  part  d'un  cas  peu  connu  que  j'ai  eu  l'avan- 
tage d'observer  il  y  a  quelque  temps,  afin  que,  si  vous  le 
jugez  utile  au  perfectionnement  de  l'art,  vous  lui  donniez 
place  dans  vos  colonnes. 

»  Baudeloque  reconnaît  l'existence  de  ce  cas,  mais  le  re- 
garde comme  excessivement  rare  et  peu  favorable;  il  en 
donne  ensuite  la  description,  qui  n'est  pas  conforme  à  mon 
observation.  M.  Maygrier  dit  que  la  difficulté  de  déterminer 
cette  position  l'engage  à  ne  pas  en  parler;  que,  du  reste,  elle 
n'existe  pas  réellement  dans  la  pratique.  Il  aurait  mieux  fait 
de  dire  qu'il  ne  l'avait  pas  observée.  Voici  le  fait  :  Le  17  jan- 
vier dernier,  je  fus  appelé  dans  l'après-midi  pour  visiter  la 
femme  Iledel  (Marie),  âgée  de  vingt-quatre  ans,  d'un  tem- 
pérament sanguin,  d'une  forte  constitution,  exerçant  la  pro- 
fession de  laveuse.  Cette  femme  me  dit  être  enceinte  de  son 
troisième  enfant,  et  avoir  des  douleurs  depuis  le  malin;  je 
la  touchai  immédiatement;  le  col  était  eflacé,  souple  et  di- 
laté; les  membranes  bombaient  pendant  les  contractions 
utérines;  je  portai  le  doigt  plus  profondément  après  la  dou- 
leur, afin  de  reconnaître  la  partie  du  foetus  présente  au  dé- 
troit supérieur;  a  ma  grande  surprise,  je  déterminai  positi- 
vement la  quatrième  position  du  siège.  Voici  ce  que  j'ob- 
servai :  une  tumeur  volumineuse  arrondie,  souple,  occupant 
tout  le  détroit  supérieur,  divisée  en  deux  parties  égales  par 
un  sillon  profond;  à  l'extrémité  postérieure  de  ce  sillon,  qui 
avait  une  direction  oblique  de  gauche  à  droite,  je  distinguai 
une  ouverture  arrondie,  où  je  playai  l'extrémité  du  doigt, 
dette  ouverture  était  l'anus;  puis  un  peu  en  avant,  et  à 


(565  ) 

droite  (de  la  mère),  une  autre  ouverture  longitudinale,  sé- 
parée de  la  première  par  un  petit  intervalle  lisse,  le  périnée, 
et  surmontée  par  un  renflement  assez  considérable,  les  pe- 
tites lèvres.  De  chaque  côté  de  l'anus,  je  sentis  deux  tumeurs 
dures,  résistantes,  les  tubérosités  des  ischions;  enfin  dans  le 
prolongement  antérieur  de  ces  tubérosités,  la  partie  posté- 
rieure des  cuisses. 

»  La  surface  antérieure  du  tronc  du  l'œtus,  ainsi  que  la 
face,  étaient  dirigées  en  avant  et  à  droite  derrière  la  cavité 
cotyloïde  droite  de  la  femme,  le  sacrum  el  toute  la  partie  pos- 
térieure de  l'enfant,  en  arrière  el  à  gauche,  devant,  la  sym- 
physe sacro-iliaque  gauche  ;  le  siège  était  donc  diagonale- 
ment  placé,  comme  dans  les  deux  premières  positions  de 
Baudeloque,  et  non  d'avant  en  arrière,  comme  l'admet  le 
même  auteur;  pour  les  deux  dernières,  il  est  certain,  d'a- 
près ce  qui  précède,  que  si  l'on  rencontrait  la  troisième  posi- 
tion du  siège,  elle  serait  diagonale  aussi;  et  par  conséquent 
l'inverse  de  la  première,  comme  la  quatrième  (que  je  viens 
d'observer),  est  elle-même  l'inverse  de  la  deuxième. 

»  Après  la  sortie  du  siège,  je  pus  vérifier  l'exactitude  du 
pronostic  que  j'avais  établi  avant  l'écoulement  des  eaux. 
L'enfant  était  du  sexe  féminin;  la  vulve  regardait  en  avant 
l'aire  droite  de  la  mère;  le  sacrum,  la  partie  interne  et  pos- 
térieure de  la  cuisse  gauche. 

»  L'accouchement  se  fit  facilement  par  les  seules  forces 
de  la  nature. 

»  Je  crois  maintenant  très-facile,  loin  d'être  presque  im- 
possible, comme  le  dit  M.  Maygrier,  de  préciser  la  troisième 
et  la  quatrième  position  du  siège,  que  MM.  Capuron  et  Ha- 
tin  reconnaissent. 

')  On  pourrait,  ce  me  semble,  désigner  de  cette  manière 
ces  positions,  en  prenant  le  sacrum  de  l'enfant  pour  base  du 
point  de  départ;  la  première  serait  nommée  sacro-antérieure 
gauche,  la  deuxième  sacro-antérieure  droite,  la  troisième 
sacro-postérieure  droite,  la  quatrième  enfin  sacro-posté- 
rieure gauche. 

»  En  terminant,  je  ne  puis  me  dispenser  de  faire  les  obser- 
vations suivantes,  qui  naissent  naturellement  de  mon  sujet; 
Baudeloque  admet  que  le  siège,  dans  les  deux  premières 
positions,  est  placé  diagonalement,  et  dans  les  deux  der- 
nières directement  d'avant  en  arrière.  Ce  célèbre  accou- 
cheur, dans  sa  longue  pratique,  n'aurait-il  observé  que  les 
deux  premières?  Dans  ce  cas,  l'analogie  aurait  dû,  ce  me 
sen\ble,  lui  l'aire  adopter  la  diagonale  aussi  pour  les  der- 
nières; je  ne  sais  comment  m'expliqucr  cette  anomalie  ! 


(366) 

i>  Pourquoi  M.  MLaygrier  ne  décrit-il  pas,  dans  son  excel- 
lent ouvrage,  les  deux  dernières  positions?  Elles  existent 
pourtant;  et  pourquoi  place -t -il  transversalement  d'une 
fosse  iliaque  à  l'autre  les  deux  premières  ?  » 

ART.    iio5. 

HOPITAL  DES  VÉNÉRIENS. 

Considérations  sur  la  syphilide  squammeuse. 

La  syphilide  squammeuse  se  manifeste,  comme  son  nom 
l'indique,  par  des  écailles  plus  ou  moins  nombreuses  qui  se 
détachent  par  plaques  lorsque  l'éruption  s'est  développée. 
Elle  atiecte  dilïurentes  formes  qu'ilestimportant  de  signaler. 
Ainsi,  tantôt  toute  une  région  de  la  peau,  les  bras  par 
exemple,  le  front,  les  cuisses  offrent  une  rougeur  générale 
et  des  squammes  plus  ou  moins  nombreuses;  d'autres  fois  ces 
squammes  sont  répandues  çù  et  là  sur  diverses  parties  du 
corps,  affectent  une  forme  arrondie,  et,  examinées  à  la  loupe, 
présentent  une  multitude  de  petites  écailles  qui,  lapprochées 
les  unes  des  autres,  constituent  les  plaques  qu'on  peut  aisé- 
ment enlever  avec  l'ongle.  Cette  dernière  variété  s'observe 
surtout  chez  les  enfans  peu  de  jours  après  leur  naissance. 

Enlin,  ilestune  troisième  variété  qu'on  rencontre  assez  fré- 
quemment et  dont  nous  avons  recueillpquelques  exemples  ; 
c'est  la  syphilide  squammeuse  cornée,  qui  se  développe  à 
la  plante  des  pieds  et  à  la  paume  des  mains,  et  qui  ressemble 
assez  aux  ampoules  qui  se  forment  sur  ces  parties  lors- 
qu'elles ont  été  exposées  à  de  fortes  pressions. 

Pour  rendre  cette  description  plus  sensible,  nous  allons 
citer  quelques  exemples  pris  dans  ces  diverses  variétés  de 
syphilides. 

AU  n^/ffl^  l'infirmerie,  a  été  couché,  le  21  janvier  dernier, 
un  homme  de  trente-quatre  ans.  Au  mois  d'août  précédent, 
il  avait  contracté  un  chancre  du  gland,  sur  lequel  on  avait, 
disait-il,  appliqué  de  l'onguent  mercuriel  et  une  poudre 
blanche.  Au  bout  de  quinze  jours  cet  ulcère  avait  été  ci- 
catrisé; mais  deux  mois  après,  un  ulcère  de  la  gorge  et  une 
éruption  générale  l'avaient  forcé  d'entrer  dans  un  hôpital 
où  il  avait  pris  une  quarantaine  de  paquets  de  umriale  d'or. 

A  son  cnlrée  aux  Vénériens,  il  offiait  sur  les  avant-bras  et 
sur  le  front  de  tfès-larges  rougeurs,  sur  lesquelles  étaient 
dcisémiuées  des  pustules  et  des  squammes  très-nombreuses, 


(367) 

qui  «e  détachaient  par  parcelles.  Ce  malade  fut  mis  à  l*usage 

de  la  décoction  de  salsepareille  avec  le  siropsudorifique.il  fit 
en  0  u  tre  des  fuinigalion>  de  cinabre,  auxquelles  il  fa  11  ut  bien  tôt 
renoncer,  les  gencives  ayant  été  prises  d'inflammation.  Ce- 
pendant les  plaques  ne  tardèrent  pas  à  se  détacher,  et  vers 
la  fin  de  février,  la  peau,  infiniment  moins  rouge,  présentait, 
au  lieu  de  croules,  une  infinité  de  petits  points,  qui  n'étaient 
autre  chose  que  les  cicatrices  de  la  multitude  des  petites 
pustules,  composant  dans  l'origine  l'éruption  squammeuse. 
Cet  homme  n'est  sorti  que  le  i8  avril,  entièrement  débarrassé 
de  son  éruption. 

Une  jeune  femme,  jouissant  habituellement  d'une  bonne 
santé,  prit  un  nourrisson  qui  avait  le  corps  couvert  d'une 
éruption  syphilitique.  Peu  de  temps  après,  il  lui  vint  des 
crevasses  aux  seins.  Elle  entra  à  l'hôpital  Cochin,  où  elle  sé- 
journa plusieurs  mois,  et,  voyant  qu'elle  ne  guérissait 
point,  elle  se  présenta  aux  Vénériens,  où  elle  fut  reçue  le  5i 
octobre  1854,  et  couchée  au  n"  5i  de  la  seconde  salle.  Elle 
portait  sur  le  cuir  chevelu,  le  front  et  la  nuq;ie,  des  plaques 
blanches  de  diirérentes  grandeurs,  élevées  un  peu  au-dessus 
du  niveau  de  la  peau,  et  tout  autour,  sur  les  tégumens  de- 
venus rouges,  une  multitude  de  petits  points  blancs  sem- 
blables à  de  la  farine,  (es  points  blancs,  examinés  avec  soin, 
semblaient  se  réunir  dans  certaines  parties,  et  former  ainsi, 
par  leur  agglomération,  les  plaques  dont  nous  parlions  tout- 
à-l'heure.  Des  squarames  semblables  existaient  sur  la  poi- 
trine, le  dos  et  les  cuisses.  Une  céphalalgie  habituelle  et  des 
larraoiemens  accompagnaient  cette  éruption.  On  fit  la 
prescription  suivante  :  Tisane  de  salsepareille,  une  pilule 
d'un  grain  de  proto-iodure  de  mercure;  pour  régime,  pru- 
neaux et  légumes  frais,  bains  d'eau  simple. 

Le  traitement  fut  commencé  vers  le  milieu  de  novembre. 
Dans  les  premiers  jours  de  janvier,  les  squammes  étaient 
remplacées  par  des  taches  brunâtres,  qui  tendaient  de  plus 
en  plus  à  s'effacer.  Ces  taches  avaient  presque  entièrement 
disparu.  A  la  fin  de  février  la  madale  pouvait  être  considérée 
comme  guérie. 

Ces  deux  exemples  nous  offrent  les  deux  variétés  les  plus 
ordinaires  de  la  syphilide  squammeuse.  Nous  avons  observé 
la  troisième  espèce  chez  un  jeune  homme,  couché  au  n"  3 
de  la  seconde  salle,  et  qui  a  voulu  sortir  avant  d'être  com- 
plètement guéri.  Ce  malade  avait  eu,  à  différentes  époques, 
des  chancres  à  la  verge  et  une  blennorrhagie.  Depuis  trois 
semaines  environ,  il  était  survenu  des  pustules  muqueuses 
aux  bourses,  et  ces  pustules,  en  s'éloignant  de  celte  région, 


(  368  ) 

prenaient  peu  à  peu  la  forme  papuleuse.  On  remarquait, 
surtout  sous  la  plante  des  pieds  et  la  paume  des  mains,  des 
squammes  blanchâtres  entourées  d'un  cercle  jaune,  à  peu 
près  semblables  aux  ampoules  qui  se  développeiit  sur  ces 
parties,  lorsqu'avec  l'ouj^le  on  a  crevé  le  vésicule  qui  les 
constitue.  Le  cyanure  de  mercure  fut  encore  administré  à 
ce  malade,  qui  était  en  bonne  voie  de  guérison  lorsqu'il  vou- 
lut quitter  l'iiôpital. 

On  peut  aussi  rapprocher  de  la  syphilide  squammeuse 
cette  affection  particulière,  qu'on  a  désignée  sous  le  nom 
d'onjccis,  et  qui  consiste  dans  une  inflammation  de  l'extré- 
mité des  doigts,  à  la  suite  de  laquelle  l'épiderme  se  détache 
comme  si  ces  parties  avaient  été  brûlées.  La  matrice  de 
l'ongle  elle-même  étant  malade,  celui-ci  se  brunit  et  finit 
par  se  détacher. 

Pareil  accident  s'observe  également  pour  les  cheveux,  la 
barbe  et  les  sourcils,  lorsque,  la  syphilide  squammeuse  se 
développant  sur  la  tête,  l'inflammation  pénètre  jusqu'à 
l'organe  productif  du  poil,  et  détermine  sa  chute  tempo- 
raire. (Après  la  guérison  de  cette  éruption,  en  effet,  les 
cheveux  et  la  barbe  se  reproduisent  de  nouveau.)  C'est  ce 
que  nous  avons  observé  au  n°  5  de  la  petite  salle,  chez  un 
homme  dont  les  cils,  les  sourcils  et  les  cheveux  sont  tombés 
presque  complètement.  Leur  reproduction  s'est  faite  en 
partie,  lorsque,  par  l'usage  des  bains  à  vapeurs  de  cina- 
bre, il  eut  entièrement  été  débarrassé  de  sa  syphilide. 

La  syphilide  squammeuse  est  ordinairement  un  symptôme 
consécutif  de  vérole,  et  elle  se  manifeste,  en  général,  à  une 
époque  plus  éloignée  des  accidens  primitifs  qu'on  ne  l'observe 
pour  les  différentes  formes  d'éruptions  que  nous  avons  étu- 
diées jusqu'ici. 

ART.   1106. 

HOPITAL  CLINIQUE  DE  LA  FACULTÉ. 

Observations  sur  quelques  a/fections  cérébi'ales  diagnostiquées, 
avec  précision  pendant  la  vie. 

Dans  sa  leçon  du  28  avril,  M.  Rostan,  pour  démontrer  la 
puissance  des  moyens  de  diagnostic  des  affections  cérébrales, 
et  la  précision  à  laquelle  on  peut  parvenir  dans  l'indication 
des  altérations  pathologiques  pendant  la  vie,  a  rappelé  les 
cinq  cas  suivans  que  nousavODS  observés  dans  ses  salles: 


(569) 

l' Un  homme  fut  ramassé  dans  la  rue  et  apporlé  à  l'iiôpllal 
sans  connaissance,  et  avec  une  hémiplégie  conipléle.  Le 
premier  diagnostic  fut  d'abord  pour  une  hémonhagie  céré- 
l3rale  ;  mais  le  lendemain  tous  les  accidens  s'étant  dissipés, 
on  vit  qu'on  n'avait  eu  affaire  qu'à  une  simple  congestion. 
Ce  malade  eut  les  jours  suivans  de  très-violens  accès  d'é- 
pilepsie,  et  finit  par  succomber.  Or,  suivant  ce  professeur, 
l'épilepsie  ne  saurait  reconnaître  pour  cause  unelésion  perma- 
nen  le  du  cerveau  :  puisque  l'action  est  passagère, momentanée, 
il  faut  bien  que  la  cause  qui  détermine  ces  contractions  muscu- 
laires disparaisse  lorsque  l'accès  est  passé.  Quelle  est-elle? 
c'est  ce  qu'on  ne  saurait  dire;  assurément  elle  existe  pendant 
la  vie,  mais  à  l'autopsie  on  ne  saurait  la  démontrer. 

C'est  ce  qui  est  arrivé  pour  ce  malade.  Le  cerveau,  coupé 
tranche  par  tranche  avec  la  plus  minutieuse  attention,  n'a 
offert  aucune  espèce  de  lésion  à  laquelle  on  pût  rattacher 
les  accès  épileptiques  pendant  la  vie. 

2°  Le  malade  couché  au  n'^  23,  et  sur  lequel  des  symp- 
tômes si  insidieux  cachaient  une  pleurésie  avec  épanche- 
iiient  (i),  a  succombé  dans  un  état  dii  délire  furieux.  Il  fut 
diagnostiqué  rméningo-encéphalite  superficielle,  et  M.  Rostan 
annonça  qu'on  trouverait  à  l'autopsie  une  injection  profonde 
des  méninges,  avec  adhérence  de  ces  membranes  à  la  sub- 
stance corticale  du  cerveau.  Ce  diagnostic  fut  pleinement 
justifié. 

5°  Au  a°  24  était  une  femme  âgée,  qui  avait  éprouvé 
d'abord  de  l'engourdissement  dans  les  membres,  puis  suc- 
cessivement une  paralysie  complète  de  tout  un  côté.  M.  Rostan 
diagnostiqua,  attendu  l'invasion  lente  de  la  paralysie  et  sa 
persistance,  un  ramollissement  considérable.  A  l'autopsie  on 
a  trouvé  l'un  des  hémisphères  du  cerveau  ramolli  dans  la 
grosseur  d'un  œuf  de  poule  au  moins. 

4°  Un  homme  s'est  présenté  à  l'hôpital,  accusant  une  cé- 
phalalgie atroce,  qui  se  reproduisait,  disait-il,  chaque  année, 
et  qui  ne  cédait  ordinairement  qu'à  des  saignées  très-co- 
pieuses. Dans  la  nuit  même  il  survint  un  délire  violent,  qui 
persista  jusqu'au  moment  de  la  mort,  arrivée  le  troisième 
jour.  On  trouva  à  l'aulopsie  les  membranes  du  cerveau  d'un 
rouge  très-vif,  et  adhérentes  à  la  substance  corticale,  par 
uue  multitude  de  filamens  qui  pénétraient  dans  sa  profon- 
deur. Ces  désordres  avaient  été  parfaitement  annoucés  à 
rayance. 


(i)  Voy.  aif.  îdSç),  note. 

Ton.  VI.  —  >"  d'août  .  a4 


(  37U  ) 

5°  Au  n°  10  ciaii  couché  un  hoiuiue  dont  l'observation 
est  (les  plus  iuléressiintes.  Il  était  entré  à  l'hôpital,  au  mois  de 
février,  pour  une  paralysie  de  la  i'ace  ;  une  pupille  était  di- 
latée et  l'autre  resserrée.  Cet  homme  déclara  que  deux  mois 
auparavant  il  avait  été  paralysé  de  la  moitié  droite  du  corps 
tout-à-coup,  et  sans  phénomènes  précurseurs.  Au  bout  de 
quelques  semaines,  cette  paralysie  avait  disparu.  M.  Rostan 
affirma  qu'il  devait  y  avoir  dans  le  lobe  gauche  du  cerveau 
des  traces  d'un  épanchemenl  peu  considérable;  puis,  pour 
expliquer  la  paralysie  actuelle  de  la  face,  au  lieu  d'en  placer 
le  siège  dans  le  nerf  facial,  comme  l'auraient  fait  beaucoup 
de  médecins,  il  l'attribua  à  un  second  épanchement  hémor- 
rhagique  peu  considérable  et  récent.  Il  ajouta  que  la  gué- 
risoii  aurait  lieu  très-probablement  en  peu  de  temps,  ce  qui 
arriva. 

Cet  homme  allait  sortir  de  l'hôpital,  lorsqu'il  fut  pris  de 
bouffées  de  chaleur  au  visage  et  de  douleurs  dans  les  orteilj. 
On  supposa  alors  qu'il  se  f  lisait  un  travail  autour  de  l'ancien 
épanchement,  et  ou  s'empressa  d'appliquer  des  sangsues  à 
la  gorge.  Le  malade  allait  mieux,  lorsqu'un  matin  on  le 
trouva  tombé  en  bas  de  son  lit  avec  paralysie  d'un  côté, 
d'abord  faible,  puis  de  plus  en  plus  complète.  Il  y  avait  en 
cuire  des  douleurs  dans  les  membres  paralysés,  et  bien  que, 
pendant  quelques  jours,  il  semblât  y  avoir  quelque  amélio- 
ration, on  reconnut  l'existence  d'un  ramollissement,  et  par 
con>équ'int  on  pronostiqua  une  mort  prochaine.  Au  bout  de 
quelques  jours,  effectivement,  le  malade  tomba  dans  un  état 
comateux,  puis  mourut. 

A  l'autopsie  on  a  trouvé  d'abord,  dans  une  étendue  de  la 
largeur  de  la  main,  un  ramollissement  occupant  tout  l'hé- 
misphère gauche  du  cerveau.  Le  côté  droit  n'offrait  rien  de 
semblable. 

Dans  la  couche  optique  et  le  corps  strié  du  côté  gauche, 
on  rencontra  une  sorte  d'ecchymose,  reste  d'une  hémor- 
rhagie  datant  de  trois  à  quatre  mois. 

L'hémisphère  droit  fut  examiné  avec  soin,  et  on  trouva 
enfin  dans  la  couche  optique  un  kyste  de  la  grosseur  d'un 
petit  pois,  présentant  tous  les  caractères  d'un  épanchement 
sanguin  résorbé,  et  explifjuant  l'ancienne  paralysie. 

Ces  exemples,  et  plusieurs  autres  que  nous  pourrions  rap- 
peler, ont  sendilé  à  M.  llostan  suffîsans  pour  établir  que 
les  aifect-ions  cérébr.iles  peuvent  être  diagnostiquées  avec 
tout  aiilaul  de  certitude  (pie  celles  des  autres  organes,  et  ce 
professeur  a  combaîtu  avec  force  l'opinion  des  médecins 
qui  prétendent  que  ces  maladies  ne  sauraient  être  reconnues, 


(37»  ) 

et  qu'on  n'en  âaurait  fixer  le  siège  avec  précision  pendant  la 
vie.  Celte  proposition  sera  iléaiontrée  dans  les  histoires  par- 
ticulières que  nous  exposerons. 

ART.   1107. 

Considérations  sur  la  congestion  cérébrale  (pléthore,  hypérémiCf 
coup  de  sang),  ses  symptômes  et  sa  marche. 

De  toutes  les  affections  cérébrales,  la  congestion  est  la 
plus  simple.  Il  y  a  une  vingtaine  d'années  cependant,  on  la 
confondait  encore  avec  l'héniorrhagie;  mais  depuis  cette 
époque,  létude  de  ces  maladies  a  été  bien  perfectionnée.  La 
congestion  n'est  que  la  trop  grande  aflluence  du  sang  vers  le 
cerveau.  On  la  désigne  aussi  sous  le  nom  de  pléthore,  hypé- 
rémie  cérébrale,  coup  de  sang;  mais  la  plupart  de  ces  déno- 
minations indiquent  des  degrés  ditï.^rens,  comme  nous  au- 
rons occasion  de  l'indiquer  plus  tard. 

On  doit  considérer  dans  la  congestion  deux  variétés  bien 
distinctes,  l'une  désignée  sous  le  nom  de  pléthore  ou  d'hy- 
péréinie,  et  l'autre  sous  celui  de  coup  de  sang.  Voici  les  si- 
gnes qui  indiquent  la  pléthore  du  cerveau  :  la  vue  est  trou- 
blée, quelquefois  les  malades  aperçoivent  des  étincelles, 
d'autres  fois  les  objets  ne  sont  peiçus  qu'impai  faiteinent, 
ou  scintillent  ou  fuient  autour  d'eux.  Dans  certains  cas,  le 
sens  de  la  vue  est  surexcité,  d'autres  fuis  il  est  plus  obtus 

Il  est  des  hypérémies  qui  nont  pis  d'autres  symptômes 
que  ceux-là.  Il  n'est  pas  vrai,  ainsi  qu'on  l'a  annoncé,  que 
les  objets  paraissent  rouges  aux  malades. 

Rien  n'est  plus  fréquent  que  de  rencontrer  des  malades 
qui  entendent  des  bruits  anormaux,  des  linlemens  d'oreilles, 
des  battemens  de  cloche,  des  sifllemens,  etc.  ;  quelquefois 
l'ouïe  est  obtuse,  d'autres  fois  elle  semble  plus  fine. 

Il  y  a  peu  de  chose  à  dire  de  l'odorat  et  du  goût,  à  cause 
de  la  difliLullé  d'explorer  ces  sens. 

L'intelligence  ne  reste  pas  ordinairement  la  même  :  ou 
elle  est  excitée,  ou,  ce  qui  est  plus  ordinaire,  elle  est  plus 
obtuse.  La  moindre  attention  fatigue;  rarement  cependant 
il  y  a  perversion  des  ficultés  cérébrales. 

Des  fourmillemeus,  des  picotemens  dans  des  points  ou 
dans  la  totalité  du  corps,  accompagnent  ordinairement  la 
pléthore  cérébrale.  Il  y  a  souvent  de  la  teiulauce  au  som- 
meil, et  quelquefois  de  l'insoinuie  ;  mais,  eu  général,  on  ob- 
serve rarement  des  phénomènes  d'excitation  dans  celte 
maladie. 


£n  géïKM'al,  la  taoe  est  colorée;  les  yeux  paraissent  légè- 
rement saillans,  ils  sont  brillans;  les  lèvres  sont  luméfiées, 
la  peau  est  chaude,  les  veines  Ibnt  saillie  sous  la  peau,  et  par- 
fois on  remarque  le  balleinent  îles  artères  temporales. 

Il  y  a  peu  de  remarques  à  faire  relativement  aux  organes 
de  la  digestion  et  de  la  circulation. 

Tels  sont  les  phénomènes  indirects  qui  caractérisent  l'hy- 
pérémie  ou  la  pléthore  cérébrale  proprement  dite.  Ces  acci- 
dens  peuvent  durer  quelques  jours  ou  se  prolonger  beaucoup 
au-delà;  mais  lorsqu'ils  sont  arrivés  au  second  degré,  ils 
constituent  réellement  la  maladie.  Supposons  donc  une  plé- 
thore arrivée  à  ce  point;  Tindividu  perd  tout  à-coup  con- 
naissance, les  sens  sont  abolis,  il  y  a  perte  totale  du  mou- 
vement et  du  sentiment;  la  lace  est  vultueuse,  tuméfiée;  les 
yeux  semblent  soilis  de  leurs  orbites;  la  respiration  est  ster- 
toreuse,  la  peau  rouge  et  chaude,  surtout  vers  la  région  du 
cou;  le  pouls  est  fort,  très-développé;  ordinairement  les 
fonctions  digestives  ne  sont  pas  altérées;  cependant  il  est 
possible  que  le  malade  ait  vomi. 

Ce  concours  de  symptômes  ne  se  trouve  pas  toujours 
complètement  réuni  ;  il  est  des  malades  qui  ne  peuvent  par- 
ler, mais  qui  ont  la  conscience  de  tout  ce  qui  se  passe  autour 
d'eux;  il  yen  a  même  qui  sont  paralysés  d'un  côté  du  corps, 
qui  ont  de  la  céphalalgie,  etc. 

La  nuance  dans  laquelle  il  existe  une  hémiplégie  est  la 
plus  difficile  à  reconnaître.  Il  est  possible  en  effet  que,  bien 
que  la  congestion  soit  générale,  un  des  côtés  du  cerveau  soit 
plus  que  l'autre  soumis  à  la  compression. 

Au  commencement  de  ses  études  sur  les  maladies  du  cer- 
veau, M.  Rostan  n'hésilait  pas  à  diagnostiquer  une  hémor- 
rhagie  toutes  les  fois  qu'il  y  avait  hémiplégie;  mais  il  recon- 
nut bientôt  par  plusieurs  ouvertures  cadavériques  que  la 
simple  congestion  peut  produire  cet  accident.  Celte  paraly 
sie  peut  s'expliquer  de  diverses  manières.  Si  nous  supposons, 
par  exemple,  un  individu  ayant  eu  autrefois  une  hémorrln- 
gie  cérébrale,  il  est  clair  que  le  côté  de  l'épanchenient  sera 
impressionné  par  une  cause  légère,  et  que  le  mouvement 
partant  de  ce  point  sera  facilement  perdu.  Or,  s'il  survient 
une  congestion  générale,  il  devra  presque  nécessairement  y 
avoir  hémiplégie. 

Les  effets  de  l'hypérémic  cérébrale  peuvent  disparaître  en 
peu  de  temps  ou  persister  toute  la  vie;  mais  cette  variété, 
désignée  sous  le  nom  de  coup  de  sang,  a  une  marche  essen- 
tiellement rapide;  elle  fr;ippe  instantanément  et  disparaît 
de  même  :  c'est  ainsi  que  dans  les  salles  il  y  a  présentement 


(  373  ) 

deux  individus  qui  ont  été  apportés  sans  connaissance,  tout 
le  système  musculaire  étant  dans  un  état  de  résolution  com- 
plète; le  lendemain  il  n'existait  absolument  aucune  trace  de 
cet  état  si  grave  en  apparence,  et  la  guéridon  était  entière. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 

ART.   1 108. 

Formules  de  quelques  collutoires  simples  ou  composés. 

On  sait  que  les  collutoires  sont  des  médicamens  qui  sont 
destinés  au  traitement  des  gencives  ou  de  toute  autre  partie 
de  la  bouche.  Les  uns  ont  la  consistance  du  miel  et  sont  por- 
tés directement  sur  les  gencives  à  l'aide  d'un  pinceau  ou 
d'une  brosse;  les  autres  sont  liquides  et  sont  employés  en 
lavage,  soit  purs,  soit  préalablement  mélangés  avec  de  l'eau. 
En  voici  quelques  formules  publiées  par  M.  Béral  dans  le 
Journal  de  chimie  médicale. 

Collutoire  au  sel  de  tartre. 

Pr.  Miel  blanc,  quinze  gros; 

Sous-carbonate  de  potasse,  un  gros. 
Mêlez  exactement. 

Ce  collutoire  est  employé  comme  cathérétique. On  en  en- 
duit un  pinceau  qu'on  promène  à  plusieurs  reprises  sur  les 
ulcères  scrofuleux. 

Collutoire  à  l'alun. 

Pr.  Miel  blanc,  quatorze  gros  ; 

Sulfate  d'alumine  et  de  potasse  pulv.,  deux  gros. 
Mêlez. 

Ce  mélange  est  astringent.  On  l'applique  sur  les  ulcères  de 
la  bouche. 

Collutoire  à  l'extrait  de  saturne. 

Pr.  Miel  blanc,  quinze  gros; 

Sous-acétate  de  plomb  liquide,  un  gros. 
Ce  médicament  est  répercussif  et  dessiccatif.  On  l'applique 
sur  certains  ulcères  de  la  bouche  à  l'aide  d'un  pinceau. 

Collutoire  à  lamouiarde. 

Pr.   Miel  blanc,  quatorze  gros; 

Moutarde  noire  en  poudre,  deux  gros. 


(374) 
Excitant  que  l'on  fait  agir  sur  les  gencives  afiFectées  de 
scorbut  ou  à  l'état  d'inflaminalion  chronique.  On  en  enduit 
une  brosse  fiue  que  l'on  promène  en  divers  sensetàplusieurs 
reprises  sur  la  partie  malade. 

Collutoire  à  l'acide  muriatique. 

Pr.  Hydromel,  trente-deux  gros; 

Acide  hydrcchlorique,  trente- deux  gouttes. 
Passez  dans  un  flacon  et  mêlez. 

C'est  un  calhérétique  que  l'on  applique  sur  certains  ulcè- 
res de  la  bouche  et  dans  la  slomalite  couenneuse  quand  la 
douleur  est  apaisée,  après  l'avoir  rendu  moins  actif  par 
l'addition  de  deux  à  quatre  parties  d'eau. 

Le  collutoire  à  l'opium  se  fait  en  faisant  dissoudre  seize 
grains  d'extrait  d'opium  dans  trente-deux  gros  d'hydromel; 
le  collutoire  au  cachoUy  en  mêlant  vingt-quatre  gros  d'hydro- 
mclle  (le  cac  hou  et  huit  gros  d'alcoolé  de  cachou  ;  le  collu- 
toire à  ta  myrrhe,  en  mêlant  celle  même  proportion  d'hydro- 
mellé  de  myrrhe  et  d'alcoolé  de  myrrhe.  Il  est  nécessaire, 
quand  on  fait  usage  de  ces  divers  collutoires,  de  les  mêler 
d'abord  avec  une  ou  deux  parties  d'eau. 

Collutoire  odontalgique  de  Feuillet. 

Pr.  Alcoolat  de  menthe  poivrée,  deux  onces; 
Hydralcool,  quatre  onces; 
Alcoolé  de  cresson  de  Para,  deux  onces  ; 
Créosote,  deux  scrupules. 
Mêlez. 

Un  morceau  d'amadou  imbibé  de  cette  préparation  et  mis 
dans  la  bouche,  calme  les  douleurs  de  dent.  C'est  un  puis- 
sant sialagogue  que  l'on  emploie  pur  ou  miligé.  Il  en  est  de 
mêDie  du  suivant  : 

Collutoire  odontalgique  de  Mayer. 

Pr.  Hydrolat  de  sauge,  cinq  onces; 
Vinaigre  blanc,  cinq  onces; 
Racine  de  plarmique  pulvérisée,  cinq  gros. 
Faites  macérer  pendant  une  heure,  et  filtrez  alors. 

Pr.  Teinture  ci-dessus,  huit  onces  ; 

Hydrochlorale  d'ammoniaque,  huit  scrupules; 
Extrait  d'opium,  quatre  scrupules. 
Dissolvez  l'extrait  et  le  sel  ammoniic  dans  la  teinture. 


{?>y5) 


ART.     1109, 

Note  sur  un  sirop  anthelminiique  employé  par  M.  Knoertzer,  dit 
Martin. 


Pr.   Absinthe  maritime, 

Absinthe  majeure,       ,    ,.„ 

T,     •       1»       '  I-  >  ûa  SIX  onces  : 

Racme  d  angelique,      j  ' 

Racine  de  fougère, 

Ecorces  d'oranger,  dix  onces; 

Mousse  de  Corse,         )    ^.  ,. 

£,  ,         '  >   aâ  une  livre; 

Semen-conlra,  j 

Coralline  de  Corse,      )    ^^  1    .. 

T,     .       j  j.  '      V   fia  huit  onces. 

Racine  de  grenadier,    ) 

Toutes  ces  substances,  préalablement  coupées  et  contu- 
sées,  sont  mises  dans  la  cucurbite  d'im  alambic,  avec  eau  de 
pluie  ou  de  fontaine,  vingt-cinq  livres.  On  y  laisse  macérer 
vingt-quatre  heures;  on  Iule  l'appareil,  et  «n  distille  jusqu'à  ce 
qu'on  ait  obtenu  flix-huit  livres  de  produit,  dans  lequel,  tout 
de  suite,  on  fera  fondre  à  une  chaleur  de  cinquante  à  soixante 
degrés  du  sucre  blanc  concassé,  trente  quatre  livres  ;  puis  on 
filtrera,  au  moyen  d'un  entonnoir  à  bain-marie,  au  travers  da 
papier  préalablement  lavé  à  l'eui  bouillante. 

Ce  sirop,  très-peu  coloré,  bien  clair,  est  aussi  très-agréa- 
ble à  prendre  à  la  dose  de  demi-once  à  une  once  pour  les 
enfans. 

Il  a  réellement  produit  d'excellens  résultats,  employé  pour 
la  destruction  des  vers  strongleset  ascarides. 

ART.    1110. 

Nouveau  procédé  pour  la  préparation  du  mîelrosat. 

M.  Valmont,  pharmacien  à  Caudebec,  nous  adresse  la  note 
suivante  sur  la  préparation  du  miel  rosat: 

Pr.  Pétales  secs  de  roses  rouges,  une  livre  et  demie; 
Eau  de  roses,  huit  livres. 

Mettez  le  tout  sur  le  diaphragme  d'une  cucurbite,  et  dis- 
tillez jusqu'.'i  ce  que  vous  ayez  obtenu  douze  onces  de  li- 
quide trè.H-aromatique. 

Prenez  ensuite  le  résidu  de  la  distillation;  passez-le  à  tra- 


(376) 

vers  unblanchet  avec  expression;  fillrez  311  papier  ;  reprenez 
celte  même  liqueur  filtrée;  mettez-la  dans  une  bassine  avec 
sirop  de  miel  bien  clarifié,  dix  livres;  faites  cuire  jiisqu'à  ce 
qu'il  marque  5i  degrés  au  pèse-sirop.  Relirez  du  feu,  et 
ajoutez  les  douze  onces  de  liqueur  provenant  de  la  distil- 
lation. 

Passez  de  nouveau  à  travers  un  blanchet,  et  vous  aurez  un 
miel  rosat  bien  préférable  à  celui  du  Codex,  qui  est  défec- 
tueux, puisqu  il  faut  employer  des  œufs  pour  le  clarifier,  et 
que  les  œuf?  foinient  un  composé  insoluble  avec  le  tannin 
de>i  roses,  troublent  le  mellite  au  lieu  de  le  clarifier,  et  le 
privent  de  tout  son  principe  astringent.  Far  mon  procédé, 
au  contraire,  j'obtiens  un  mellite  très-astringent,  d'une  belle 
couleur  rouge,  et  d'une  transparence  parfaite. 

ART.    I  I ]  1. 

MÉDECINE  LÉGALE 

Des  attentats  à  la  pudeur  (viol). 

M., 

Après  vous  avoir  fait  connaître,  dans  mes  premières  lettres, les  prin- 
cipales notions  préliminaires  à  l'étude  de  la  médecine  l-^gale,  je  vais 
successivement  aborder  avec  vous  chacune  des  riuestions  qui  com- 
posent son  domaine.  Il  importe  peu  que  j'adopte  une  marche  par- 
ticulière dans  leur  exposition,  car,  dans  cet  art,  il  est  rare  qu'un 
sujet  en  éclaire  un  autre.  Je  commencerai  donc  par  les  atientats  à 
la  pudeur,  et  particulièrement  par  le  viol,  à  l'occasifin  duquel  les 
magistrats  consultent  très-souvent  les  médecins.  Mais  la  médecine 
légale  n'étant  autre  chose  qu'une  application  raisonnée  des  con- 
nai-isauces  médicales  aux  lois,  je  vous  rappellerai  à  chaque  ques- 
tion le  texte  de  la  1.  gislation,  en  niénie  temps  que  j'en  établirai  le 
sens  et  l'interprétation. 

Législation. 

Code  pén.,  art.  33o  :  «  Toute  personne  qui  aura  commis  un  ou- 
trage public  à  la  pu<leur  sera  punie  d'un  emprisonnement  de  trois 
mois  à  un  an,  et  d'une  amende  de  16  francs  a  200  francs.» 

Code  péri.,  art.  33i  :  «  Tout  attentat  à  la  pudeur,  consommé  ou 
tenté  avec  violence  sur  la  personne  d'un  enfant  de  l'un  ou  de  l'autre 
sexe,  âgé  de  moins  de  onze  ans,  sera  jinni  de  la  réclusion.  » 

Code  i>tn.,  art.  33a  :«  Quiconque  aura  commis  le  crime  de  viol 
sera  puni  des  travaux  forcés  .i  temps.  —  Si  le  crime  a  été  commis 
sur  la  personne  d'un  enfant  au-dessous  de  l'âge  de  quinze  ans  ac- 
complis, le  coupable  subira  le  maximum  de  la  peine  des  travaux 


(577) 
forcés  à  temps.  — Quiconque  aura  commis  un  attentat  à  la  pudeur 
consommé  ou  tenté  avec  violence  contre  des  inrlividus  de  l'un  ou 
de  l'autre  sexe,  sera  puni  de  la  réclusion.  —  Si  le  crime  a  été  com- 
mis sur  la  personne  d'un  enfant  au-dessous  de  l'âge  de  quinze 
ans  accomplis,  le  coupable  subira  la  peiné  des  travaux  forcés  à 
temps.  » 

Code  pén.,  art.  333  :  «Si  les  coupables  sont  les  ascendans  delà 
personne  sur  laquelle  a  été  commis  l'attentat;  s'ils  sont  de  la  classe 
de  ceux  qui  ont  autorité  sur  elles;  s'ils  sont  ses  instituteurs  ou  ses 
serviteurs  à  gages,  ou  serviteurs  à  gages  des  personnes  ci-dessus  dé- 
signées; s'ils  sont  fonctionnaires  ou  ministres  d'un  culte,  ou  si  le 
coupable,  quel  qu'il  soit,  a  été  aidé  dans  son  crime  par  une  ou  plu- 
sieurs personnes,  la  peine'sera  celle  des  travaux  forcés  à  temps, 
dans  le  cas  prévu  par  l'art.  33  r,  et  des  travaux  forcés  à  perpétuité, 
dans  les  cas  prévus  par  l'an,  précédent.  >- 

L'art.  33o  punit  tout  outrage  public  à  la  pudeur  sans  distinction 
de  sexe;  ici  c'est  la  publicité  qui  constitue  le  délit.  L'outrage  pu- 
blic aura  pu  être  commis  par  une  personne,  en  ce  sens  qu'elle  se  sera 
livrée  publiquement  à  des  actes  réprouvés  par  les  bonnes  mœurs.  II 
n'est  pas  nécessaire  du  concours  des  deux  sexes,  quoique  l'outrage 
puisse  avoii'  été  commis  par  les  deux  sexes  réunis.  Ainsi  un  homme 
ou  une  femme  marchent  nus  dans  la  rue;  un  homme  ou  une  femme 
se  livrent  séparément  et  publiquement  à  des  attouchemens  honteux; 
un  homme  et  une  femme  se  font  publiquement  des  attouchemens  in- 
décens;  voilà  autant  d'actes  dans  lesquels  il  y  a  outrage  public  à  la 
pudeur.  Tons  ces  actes  sont  consentis  et  volontaires.  Cachés,  ils 
n'auraient  aucun  caractère  de  criminalité;  publics,  ils  sont  passibles 
de  peines. 

Il  est  rare  que,  dans  le  cas  de  l'art.  33o,  des  médecins  soient  con- 
sultés, car  les  actes  se  sont  nécessairement  passés  en  présence  de  té- 
moins, et  les  témoignages  établissent  les  preuves. 

L'art.  33 1  éiablit  une  pénalité  À  l'égard  des  attentats  à  la  pudeur 
autres  que  le  viol,  dirigés  contre  la  personne  d'un  enfant  de  l'un  ou 
de  l'autre  sexe,  âgé  de  moins  de  finze  ans. 

L'art.  33a  établit  d'abord  une  distinction  entre  le  crime  de  viol  et 
les  autres  attentats  à  la  pudeur,  consommés  ou  tentés  avec  violence. 
Ensuite  il  met  une  différence  dans  la  pénalité  de  ces  deux  crimes, 
suivant  qu'ils  ont  été  commis  sur  des  enfans  au-dessous  de  l'âge  de 
quinze  ans,  ou  sur  des  personnes  plus  âgées.  Le  viol  est  l'acte  de  la 
copulation  consommé  ou  tenté  avec  violence,  et  par  conséquent  con- 
tre la  volonté  de  l'une  des  parties.  Quant  aux  autres  attentats,  ils 
comprennent  la  pédérastie,  les  altoucliemens  et  autres  manœuvres 
qu'il  n'est  pas  nécessaire  de  vous  énumérer,  alors  toutefois  qu'ils 
sont  tentés  ou  consommés  avec  violence. 

Dans  l'art.  333,  il  r.e  s'agit  que  d'une  peii;e  plus  grande  infligée  en 
raison  delà  qualité  de  la  personne  qui  a  commis  l'action. 

D'où  il  résulte  que  la  volonté,  la  publicité  et  la  violence  sont  les 
trois  cachets  de  ces  crimes.  La  distinction  qui  repose  sur  l'âge  est 
basée  sur  cette  circonstance  que  l'on  suppose  que  l'enfant,  ou  n'a 
pas  eu  les  moyens  de  se  défendre,  ou  n'a  pas  la  conscience  de 
l'action  qui  est  commise  envers  lui,  et  ne  peut  pas  juger  le  préjudice 


(378  J 

qu'on  lui  porte,  en  sorte  qu'il  ne  peut  opposer  aucune  résistance. 

De  ces  quatre  articles,  deux  seulement  peuvent  réclamer  les  lu- 
mières des  experts.  Quelle  est  l'attribution  qui  leur  est  dévolue 
dans  ces  circonstances?  Je  crois  qu'où  l'a  beaucoup  trop  étendue. 
En  effet,  fi  vous  voulez  consulter  tous  les  auteurs  qui  ont  traité  ce 
sujet,  Belloc,  Malion,  Fodéré,  Orfila,  vous  verrez  qu'ils  se  sont 
toujours  propose  la  question  de  viol  ou  d'attentat  à  la  pudeur, 
tout  entière!  Mais  le  viol  est  un  crime,  et  un  crime  comporte  tou- 
jours :  I  "  l'intention,  la  volonté;  2"  l'exécution  ou  le  commencement 
d'exécution.  Le  n)édecin  ne  peut  pas  juger  de  l'intention  ni  de  la  vo- 
lonté du  criminel;  quant  à  l'exécution,  il  ne  la  juge  même  que  par 
ses  résultats.  Or,  le-;  résultats  de  l'action  ne  constituent  que  laGn  de 
l'exécution;  le  médecin  ne  peut  donc  pas  résoudre  la  question  de 
viol,  puisqu'il  n'est  chargé  que  de  l'examen  des  résultats  matériels; 
aussi  est-ce  à  tort,  suivant  moi,  que,  dans  les  ouvrages  de  médecine 
légale,  on  pose  constamment  la  question  de  viol.  Elle  ne  doit  pas, 
elle  ne  peut  pas  être  résolue  par  le  médecin  seul. 

Mais  lorsqu'un  magistrat  vous  commettra  dans  un  cas  de  ce 
genre,  il  s'exprimera  en  ces  termes  :  Attendu  qu'il  résulte  de  l'in- 
siruction  commencée  à  l'égard  du  sieur  ***,  à  l'occasion  duquel  s'é- 
lèvent des  piésomptions  de  viol    contre  la  fille   ***,  commettons 

M ,  docteur  en  médecine,  à  l'effet  de  visiter  la  fille  ou  la  femme 

***;  de  déterminer  si  la  défloration  a  eu  lieu?  si,  dans  le  cas  oix  elle 
aurait  eu  lieu,  elle  serait  récente  ou  ancienne?  si  la  fille***  porte 
aux  parties  génitales,  sur  les  diverses  paitles  du  corps  on  sur  ses 
vêtemens,  des  traces  ou  indices  de  violences?  si  ces  traces  de  vio- 
lences peuvent  être  regardées  comme  le  résultat  d'une  tentative  de 
viol  ou  de  toute  autre  cause?  s'il  existe  des  traces  d'écoulement  ou 
daulres  indices  d'une  maladie  vénérienne?  si  ces  traces  sont  le  fait 
d'une  infection  récente  ou  ancienne  ?» 

Telles  sont  en  effet  les  diverses  questions  qu'un  expert  puisse  ré- 
soudre à  l'occasion  du  crime  de  viol  :  aussi  les  aborderai-je  avec 
vous.  Mais  comme  les  faits  frappent  beaucoup  mieux  l'esprit  que  les 
raison neniens,  c'est  par  un  fait  que  je  débuterai  pour  par  la  suite  le 
commenter,  l'interpréter  et  l'étayer  de  Lits  nouveaux. 

Nous  soussignés,  docteurs  en  médecine,  nous  sommes  rendus 
aujourd'hui   26  juillet  i834,  à  huit  heures  du  matin,  à  Montreuil- 

8ur-Bois,  arroudissement  de  Sceaux,  chez   madame ,  à 

l'effet  de  visiter  Adelaïde-Alexandrine  Del...,  âgée  de  moins  de 
seize  ans;  de  constater  son  état  actuel;  de  déterminer  si  le  crime  de 
viol  a  été  consommé,  et  si  les  altérations  déjà  remarquées  sur  elle 
ont  été  le  résultat  de  violences  exercées  sur  sa  personne;  enfin  s'il 
y  a  concordance  entre  les  faits  constaté»  le  i"  juillet  et  ceux  exis- 
tant aujourd'hui?  le  tout  ainsi  qu'il  résulte  d'une  ordonnance  de 
M.  Geo....,  juge  d'instruction,  a  laquelle  a  été  joint  un  rapport  de 
M.  le  docteur  Rapatel,  qui  a  visité  cette  jeune  fi  le  le  i^'  juillet, 
jour  où  elle  aurait  été  en  butte  aux  violences  d'un  sieur  Delaune. 

Adélaïde  Del....  était  à  Paris.  Nous  avons  questionné  sa  mère 
sur  les  <  iiconstanees  du  viol  et  l'ctat  île  sauté  actuel  de  sa  fille; 
elle  nou"!  a  déclaré  que  le  i'^'  juillet,  à  deux  heures,  Adélaï'le  éiait 
partie  faire  de  l'herbe  dans  un  des  jardins  du  bois  de  Vincennes 


(  579  ) 
afcc  le  sieur  Delaune;  qu'elle  était  revenue  à  cinq  heures,  la  figure 
rouge,  animée,  larmoyante,  les  niembrt-s  rompus,  fatigués,  un  dés- 
ordre exlrcme  dans  ses  vêtcmens;  qu'elle  lui  avait  déclaré  que  Delaune 
l'ayant  d'abord  conduite  dans  un  |ireniier  jardin  voisin  de  f>er!;onne» 
qui  travaillaient  à  la  terre,  il  l'avait  ensuite  amenée  dans  un  autre 
plus  isolé;  que  là,  s'etant  livré  à  des  actes  contiaires  a  la  décence, 
Adélaïde  l'avait  menacé  de  le  frapper  de  sa  serpette;  qu'alors  il 
l'avait  jetée  sur  l'herbe,  avait  abusé  de  sa  force  pour  r>  mpêcher  de 
crier,  et  avait  tenté  de  la  v.oler;  qu'enGn  il  l'avait  retenue  fort  long- 
temps dans  cette  position,  et  que  c'était  à  la  lutte  qui  s'était  enga- 
gée entre  Delaune  et  elle  qu'il  fallait  attribuer  les  marques  de  vio- 
lence rapportées  par  le  docteur  Rapatel;  que  sa  chemise  portait 
des  traces  de  sang  et  d'autres  taches  d'un  blanc  sale;  que  sa  fille 
était  restée  quatre  jours  au  lit,  et  qu'actuellement  elle  éprouvait 
encore  quelques  douleurs  provenant  des  coups  qu'elle  avait  reçus. 
Elle  a  ajouté  que  sa  fille  n'avait  jamais  été  adonnée  à  la  masturba- 
tion, qu'elle  n'avait  jamais  eu  de  fleurs  blanches,  et  qu'elle  n'était 
pas  encore  réglée. 

tt  le  même  ji)ur,  nous  nou«  sommes  rendus  rue  Tirechappe,  n»  1 7, 
chez  madame  Gabrielle,  fabricante  de  chaussons,  dans  le  but  de 
visiter  Adélaïde  Del....,  demeurant  actutllemeiit  chez  cette  per- 
sonne. I.à,  après  lui  avoir  f;iit  conn;iîtré  l'objet  de  notre  mission, 
nous  l'avons  questionnée  sur  les  circonstances  des  violences  aux- 
quelles elle  a  été  en  proie.  El  e  nous  les  a  reprodi.ites  telles  que  sa 
mère  nous  l'avait  fait  connaître  et  que  nous  venons  de  l'exposer. 
Questionnée  sur  le  temps  que  le  sieur  Delaune  avait  pu  rester  sur 
elle  liirsqu'il  l'a  eu  jetée  par  terre,  elle  l'a  évalué  à  au  moius  une 
heure  et  demie.  Nous  l'avons  alors  visitée,  et  voici  ce  que  nous  avons 
observé:  11  ne  reste  pas  sur  le  corps  de  traces  des  violences  dont 
nous  avons  parlé  plus  haut  ;  seulement  Ad-  laï  le  se  plaint  d'cprou- 
ver  de  la  douleur  en  dehors  de  la  rotule  du  côté  gauche,  lorsqu'on 
comprime  cette  partie  ou  qu'elle  exécute  des  mouveinens.  Le  fait 
est  pos^ble,  mais  aucun  signe  extérieur  n'en  donne  la  preuve. 

Les  parties  génitales  sont  dans  l'état  naturel;  pas  de  traces  d'ex- 
coriation ou  de  plaie;  la  membrane  hymen  existe  encore,  seule- 
ment sou  b  rd  lisse  et  légèrement  plisse,  et  présente  a  gauche  une 
petite  échancrure;  les  caroncules  niyrtiformes  (débris  de  la  mem- 
brane hvmen  ron;pue)  manque::t;  pas  d'ec  uleraent,  d'engorge- 
ment aux  aines,  d'ulcérations  ou  d'autres  traces  de  maladie;  la 
santé  générale  est  bonne. 

Les  faits  consignés  dans  le  rapport  de  M.  le  docteur  Rapatel,  qui 
a  examiné  la  jeune  Ulle  le  jour  même  de  la  tentative  de  viol,  sont 
lessuivai.s:  lesgiandes  \tyT es  d'un  rouge  vif  a  la  partie  interne,  lé- 
gèrement sanguinolentes  ;  rouges  à  leur  surface  externe.  iMéme 
état  des  petites  lèvres;  la  petite  lèvre  droite  était  de  plus  comme  dé- 
chirée; membrane  hjmen  intacte,  et  non  sanguinolente;  douleurs 
violentes  dans  les  aines  et  l'bypogastre;  difliculte  .1  marcher  et  à 
s'asseoir;  violente  cuisson  pour  uiiaer;  contusions  sur  diverse» 
parties  du  corps,  et  particulièrement  à  la  joue  droite  et  à  la  partie 
externe  et  inférieure  de  la  cuisse  droite. 

Il  résulte  de  notre  examen,  i    que  la  fille  Adélaïde  Del ne 

porte  pas  aujourd'hui  de  traces  de  viol  ni  de  tentatives  de  viol; 


(38o) 

2"  Que  si  des  tentatives  de  viol  ont  été  faites,  le  viol  n'a  pas  été 
accompli,  car  la  défloration  n'a  pas  eu  lieu,  et  les  dimensions  des 
parties  génitales  sont  telles,  qu'il  est  difficile  de  supposer  un  mem- 
bre viril  assez  petit  pour  avoir  pénétré  dans  le  vagin  sans  intéresser 
la  membrane  hymen  ; 

3°  Que  les  faits  consignés  dans  le  rapport  de  M.  le  docteur  Rapa- 
tel  tendent  à  établir  de  fortes  présomptions  sur  la  tentative  d  un 
viol; 

4°  Que  ces  faits  acquerraient  encore  plus  de  valeur,  si,  d'une 
part,  les  circonstances  qui  nous  ont  été  rapportées  par  la  femme 

Del et  sa  fille  Adélaïde  étaient  prouvées,  et  si,  de  l'autre,  on 

acquérait  par  l'analyse  chimique  des  taches  de  la  chemise,  la  certi- 
tude que  les  unes  sont  formées  par  du  sang,  et  les  autres  par  du 
sperme. 

Analyse  chimique  des  taches  de  la  chemise. 

Nous,  Jean-Pierre  Barruel,  chef  des  travaux  chimiques  de  la  F'a- 
culté,  etc.,  M.  G.  Devergie,  professeur  agrégé  près  la  Faculté,  nous 
sommes  réunis  le  22  août  i834  et  jours  suivans,  au  laboratoire 
de  la  Faculté  de  médecine,  à  l'effet  de  procéder  à  l'examen  et  à  l'a- 
nalyse des  taches  observées  sur  la  chemise  que  portait  Adélaïde 

Del ;  de  déterminer  si  ces  taches  sont  produites  par  du  sang 

et  par  du  sperme;  si,  en  raison  de  leur  position  sur  la  chemise,  ces 
taches  ont  pn  être  le  résultat  de  violences  exercées  sur  la  personne 
de  la  fille  Del....  pendant  que  le  crime  de  viol  se  commettait,  et  de 
rechercher  s'il  existe  des  taches  de  tuute  autre  nature. 

Le  tout,  ainsi  qu'il  résulte  d'une  ordonnance  de  M.  Geo.,..,  juge 
d'instruction,  en  date  du  i3  courant,  qui  nous  commet  à  cet  effet. 

Là,  en  présence  de  M ,  qui  a  reconnu  lintégrité  des  scellés 

apposés  sur  le  paquet  qui  renfermait  la  chemise,  nous  avons  pro- 
cédé à  l'examen  de  celle-ci,  ainsi  qu'il  suit  : 

En  arrière  de  la  chemise  existe  une  surface  de  près  d'un  pied 
carré,  sur  laquelle  on  observe  un  grand  nombre  de  taches  sangui- 
nolentes, mais  ne  présentant  pas  ce  caractère  au  même  degré.  On  en 
remarque  trois  principales,  d'un  pouce  carré  environ  de  surface; 
elles  paraissent  être  formées  par  du  sang  pur;  les  autres,  en  général 
plus  larges,  paraissent  plutôt  dues  à  un  suintement  séro-sanguino- 
lent,  dont  la  circonférence  est  dessinée  par  une  proj)ortion  plus 
grande  de  matière  colorante  que  le  centre,  ainsi  que  cela  a  lieu 
alors  qu'une  plaie  récente  cesse  de  laisser  couler  du  sang  pur. 
Enfin  on  remarque  encore  plusieurs  petites  taches  alongées,  d'un 
jaune  brunâtre,  qui  ont  de  l'analogie  avec  celles  que  produit  le 
contact  des  matières  fécales. 

En  avant  de  la  chemise,  et  vers  sa  partie  inférieure  et  moyenne, 
on  observe  une  tache  d'un  blanc  légèrement  jaunâtre,  de  trois 
pouces  de  diamètre  à  peu  pi  es;  le  linge,  dans  ce  point,  est  extrê- 
mement usé,  et  cependant  il  offre  une  consistance  pins  grande,  qui 
a  de  l'analogie  avec  un  tissu  faiblement  empesé.  A  un  pied  plus 
haut,  et  toujours  vers  le  milieu  de  la  chemise,  s'obseivent  un 
grand  nombre  de  taches  jaunâtres,  parmi  lesquelles  s'en  remar- 


(38,) 

quent  d'autres  très-circonscritcs ,  d'un  blanc  grisâtre,  et  oii  le 
tissu  est  beaucoup  plus  empesé  que  dans  tous  les  autres  points,  quoi- 
quVn  général  le  linge  pailage  une  consistance  beaucoup  plus 
grande  que  ilans  les  portions  de  la  cbemise  qui  n'offrent  pas  de 
taches.  Ces  divers  points  du  linge  ne  présentent  pas  d'odeur  parti- 
culière. 


Analyse,  des  taches  placées  sur  le  derrière  de  la  chemise. 

On  enlève  deux  taches  principales,  qui  paraissent  être  formées 
par  du  sang.  On  les  coupe  en  petites  lanières.  On  les  introduit  avec 
de  l'eau  distillée  dans  un  petit  tube  fermé,  et  on  les  y  fait  macérer 
pendant  vingt  quatre  heures.  Au  bout  de  ce  temps,  le  linge  était 
c  mplctement  décoloré.  A  la  surface  du  linge  restait  une  légère  cou- 
che dune  matière  d'un  blanc  grisâtre,  tellement  mince,  qu'il  était 
impossible  de  l'en  détacher. 

La  liqueur  contenait  toute  la  matière  colorante,  ramassée  au 
fond  du  tube.  On  agite  le  liquide,  et  il  prend  aussitôt  une  teinte 
roiige.  —  Ou  filtre.  —  On  porte  la  liqueur  à  l'ébuUition,  en  expo- 
sant le  tube  à  la  flamme  de  la  lampe  a  esprit  de  vin  ;  elle  se  trouble, 
devient  opaque,  se  décolore  et  prend  une  teinte  grise  en  même 
temps  qu'il  se  forme  des  llocons  d'un  gris  rougeâtre.  —  On  les 
S'pare  par  la  décantation  de  la  liqueur,  on  les  traite  par  une  dis- 
solution concentrée  de  potasse;  ils  se  dissolvent,  et  fournissent  un 
li(juide  d'une  couleur  verte,  vue  par  réflexion  de  la  lumière,  et  d'une 
couleur  rosée,  vue  par  réfraction.  —  On  fait  passer  un  courant  de 
chlore  gazeux  tlans  le  liquide;  lorsqu'il  est  saturé  de  chlore,  on  v 
verse  quelque  gouttes  d'acide  hydrochlorique,  aussitôt  il  se  forme 
des  flocons  blancs,  nacrés  et  très-opaques. 

Analyse  des  taches  placées  sur  le  devant  de  la  chemise. 

Ces  taches  sont  séparées  avec  précaution  du  reste  du  tissu;  une 
d'elles  est  chauffée  avec  précaution  sur  un  bain  de  sable  :  elle  prend 
peu  à  peu  une  teinte  jaune  très-marquée;  le  reste  est  divisé  en  deux 
portions,  dont  une,  coupée  par  morceaux,  est  introduite  dans  la 
partie  supérieure  d'une  éprouvette,  au  fond  de  laquelle  on  a  mis 
de  l'eau  distillée.  L'éprouvette  est  fermée  imparfaitement,  et  l'eau 
portée  a  l'cbullition,  de  manière  à  ce  que  la  vapeur  vienne  impré- 
gner le  linge.  Le  linge  retiré  de  l'éprouvttle  répand  une  odeur  sper- 
matique  très-prononcée,  mêlée  à  une  faibie  odeur  de  lessive.  On  agit 
de  la  même  manière  avec  une  portion  non  tac'née  de  la  chemise, 
et  elle  ne  donne  qu'une  faible  odeur  de  lessive.  On  place  alors  dans 
un  verre  à  expérience  les  morceaux  tachés  et  déjà  soumis  à  l'action 
de  la  vapeur;  on  y  ajoute  ceux  sur  lesquels  on  n'avait  pas  encore 
opéré,  on  ajoute  de  l'eau  distillée,  et  on  les  soumet  à  la  macération 
pendant  douze  heures.  Au  bout  de  ce  temps,  le  liquide,  comme  le 
linge,  donne  une  odeur  spermatique  très-prononcee.  Les  linges 
sont  poisseux  et  collent  aux  doigts.  On  les  remue  dans  le  liquide 
avec  l'extrémité  d'un  tube,  on  en  exprime  ensuite  toute  la  liqueur 


(  58a  ) 

dont  ils  sont  imbibés,  et  on  les  dessèche  à  une  douce  chaleur;  ils 
s'empèsent,  dévie  ineiu  très-fermes  et  très-raides. 

Le  liquide  di-  la  macération  est  trouble;  ou  l'introduit  dans  uu 
petit  tube  ;  on  le  porte  a  rébuUiiion  ;  il  se  forme  aussitôt  des  flo- 
cous  d'albumine.  On  filtre  la  liqueur  et  on  l'évaporé  à  la  lampe  à  es- 
prit de  vin  dans  une  ca|)sule  de  verre.  Au  fur  et  à  mesure  que  l'é- 
buUition  a  lieu,  le  liquide  prend  une  consistance  de  plus  en  plus 
visqueuse,  en  même  temps  qu'il  répand  une  odeur  spcrmatique  |)!us 
prononcée,  mais  il  conserve  sa  limpidité;  lorsqu'il  est  réduit  au 
huitième  de  son  volume,  à  peu  près,  il  est  alors  comme  oléagineux; 
on  le  traite  par  ialcool  concentré,  et  aussitôt  il  s'y  forme  une  quan- 
tité considérable  de  flocons  blancs. 

Des  faits  et  expériences  qui  précèdent,  nous  concluons  : 

i^  Que  les  taches  existant  sur  le  derrière  de  la  chemise  d  Adé- 
laïde Del  ....  sont  formées,  quelques-uues  par  de  la  matière  fécale, 
et  la  presque  totalité  par  du  sang  ; 

a"  Que  parmi  ces  dernières  li  en  est  trois  principales  qui  con- 
tieiiueut  rlu  sang  pur  et  le  reste  est  un  mélange  de  sang  e^  de  sé- 
rosité ; 

3°  Que  les  taches  observées  sur  le  devant  de  la  chemise  sont  dues 
en  presque  totalité  à  du  sperme  légèrement  coloré  dans  quelques 
points  par  du  sang; 

4°  Que  la  siiuaiiou  respective  de  ces  taches  est  tout-à-fail  en  rap- 
port avec  ce  qui  s'opérerait  si  des  tentatives  de  viol  avaient  lieu,  et 
que  l'ejaculatioii  ne  se  fût  pas  effectuée  dans  le  vagin,  mais  bien 
au-clevaiit  et  au-dessus  des  parties  génitales. 

J'a]jpellerai  d'al>ord  votre  attention  sur  la  manière  dont  les  ques- 
tions nous  ont  été  posées.  On  nous  a  demandé  si  le  crime  de  viol  a 
été  commis?  c'est  à  tort,  si  nous  prenons  cette  question  dans  sou 
acception  la  plus  étendue.  Le  juge  aurait  dii  diie  :  Si  la  lille  '** 
a  été  déflorée?  Toujours  e^t-il  qu  à  une  époque  déjà  assez  éloignée 
de  celle  où  l'on  présumait  que  le  viol  avait  été  commis,  il  fallait 
cherclier  s'il  existait  des  traces  qui  pus-^ent  constater  le  corps  du 
délit  de  l'action. 

A  cet  effet,  nous  nous  sommes  d'abord  entourés  de  renseigne- 
mens;  ils  ont  constitué  le  préambule  de  noire  rapport  ;  puis  nous 
avons  exploré  la  jeune  fille,  non-seulement  a  légard  de  ses  paities 
génitales,  mais  encore  sous  le  rapport  des  violences  dont  elle  aurait 
pu  ère  l'objet;  car,  pour  accomplir  son  crime,  la  peisouue  inculpée 
trouva»;  de  a  résistance  dans  une  personne  Agée  de  près  de  seize 
au», avait  dû  se  livrer  à  des  actes  de  violence  propres  à  laisser  des 
traces.  Mais  déjà  vingt-six  jours  s'étaient  éc»)ulé-,  et  ces  traces  avaient 
disparu.  L'examen  des  partie»  génitales  ne  nous  a  olfert  qu'un  in- 
dice incertain.  Toutefois  Ictatdela  membrane  hymen  pouvait  éire 
considéré,  ou  cuiiime  uneciiconstance  naturelle,  ou  comme  le  résul- 
tat de  la  cicatrisation  d'une  decbirure  partielle.  Nous  avons  noté 
avec  soin  l'état  des  paiti^s  génitales.  Nousavons  parlé  de  désordres 
que  l'on  reiiconlie  quelqn!foi>,  et  qui  minqnaieut  à  cette  epopie; 
mai-,  à  d.  faut  de  prt-mes  actu-llis,  nous  nous  sommes  entoures  des 
luinièies  cunsigîiee^  liais  un  prunier  raiiport  fait  par  un  médecin, 
et  uQus  y  avons  puisé  des  documens  pour  tirer  une  conclusion.  Eu- 


(383) 

fin,  nous  avons  par  notre  rapport  engage  le  juge  d'instruction  à  faire 
faire  l'aiialyse  des  tnclies  observées  sur  la  chemise  de  la  lille  ***, 
et  cetie  analyse  est  devenue  un  des  indices  les  plus  coiicluaiis  eu 
faveur  de  l'existence  d'une  teiitative  de  viol. 

Reste  maiuleuaiii  à  vous  exposer  les  conséquences  que  l'on  peut 
déduire  d'un  pareil  examen  aussi  complexe,  et  c'est  ce  que  nous 
ferons  daus  notre  lettre  suivante.  A.  D. 


SOCIETES  SAVANTES. 

Prix  de  l'Académie  :  Faire  connaître  les  analogies  etlesdijfé- 
rences  qui  existent  entre  le  typhus  et  les  fièvres  typhoïdes. 

Le  prix  est  de  2,000  fr.,  et  sera  décerné  dans  la  séance 
publique  de  1837. 

Prix  Portai  :  Faire  l'histoire  anatomico-pathologique  du  ra- 
mollissement des  tissus. 

Le  prix  Cît  de  1200  fr.,  et  sera  décerné  dans  la  séance 
publique  de  1837. 

PrixfondéparniadameiMarie-Elisabeth-AntoinetteBernard 
de  Civrieux.  Un  prix  de  1000  francs  sera  décerné  dans  la  séance 
publique  de  i836,  à  l'auteur  du  meilleur  ouvrage  sur  le  traite- 
ment et  la  guérison  des  maladies  provenant  de  la  surexcitation 
de  la  sensilnlité  nerveuse. 

Prix  de  l'Académie  :  Que  doit-on  entendre  par  phihisie  la- 
ryngée? Quelles  en  sont  les  altérations  organiques,  les  causes, 
les  espèces,  les  terminaisons?  Quel  en  est  le  traitement P 

Le  prix  est  de  2,000  fr.,  et  sera  décerné  dans  la  séance 
publiquede  i83G. 

Prix  Portai  :  Quelle  a  été  l'influence  de  l'anatomie  patholo- 
gique sur  la  médecine,  depuis  Morgagni  jusqu'à  nos  jours  ? 

Le  prix  sera  de  1200  fr.,  et  sera  également  décerné  dans 
la  séance  publique  de  i836. 

Les  mémoires  devront  être  envoyés  au  secrélarial  de  l'A- 
cadémie avant  le  1"  mars  de  l'année  indiquée. 


VARIÉTÉS. 

Choléra  morl/iis,  ?^ous  annoncions  dans  notre  fîeriiiei  calii(;r  que  uiie!- 
qnes  cas  de  choléia  s'i  talent  manil'eslés  â  Toulon.  Ce  terrible  fléau  a 


(  384  ) 

Bévi  dans  cette  ville  avec  une  rigueur  inaccoulumée.  La  plu  s  grande 
partie  df  s  habitans  s'est  ensuite  enfuie,  et  bien  que  la  popuLtioR  fût  ainsi 
réduite  de  beaucoup,  les  cas  sesont  multipliés  d'une  nianiiif  effrayante. 
On  peut  dire  que  tous  les  cas  étaient  mortels,  puisque  sur  itSo  mala- 
des, chiffre  qu'indiquait  le  bulletin  du  22  juillet,  logB  avaient,  suc- 
combé. Depuis  quelques  jours  seulement,  à  cette  époque,  l'épidémie 
semblait  éteinte  dans  la  ville,  mais  elle  s'étendait  dans  la  campagne  et 
dans  les  villes  voisines.  On  ne  rencontre  sur  les  chemins,  disait  le  Tou- 
lonnais,  que  médecins  en  voiture,  chaises  à  porteur  pour  les  malades,  et 
bières. 

Plusieurs  médecins  ont  succombé  victimes  de  leur  zèle.  M.  le  doc- 
teur Larrey  a  reçu  ordre  de  se  rendre  à  Toulon,  et  ce  célèbre  chirurgien 
est  parti  tout  de  suite  en  poste,  après  avoir^demandé  les  in*itruclions  de 
l'Académie. 

Le  choléra  de  Toulon  paraît  avoir  été  semblable  à  celui  que  nous 
avons  observé  à  Paris  en  loôa,  et  dont  nous  nous  sommes  occupé  si 
longuement  dans  le  troisième  volume  de  cet  ouvrage.  Nous  ne  trouvons 
jusqu'à  ce  moment,  ni  dans  les  journaux  de  médecine,  ni  dans  notre 
correspondance,  rien  qui  mérite  d'être  mentionné. 

Marseille  et  presque  toute  la  Provence  offrent  aujourd'hui  une  re- 
crudescence du  fléau  qui  a  également  franchi  les  monts  et  passé  en 
Italie. 

—  Une'ordonnance  du  roi  porte  qu'il  sera  créé  dans  la  Faculté  de 
médecine  de  Paris  une  chaire  d'anatomie  pathologique  dont  M.  Du- 
puytren  avait  fondé  la  donation. 

—  Il  est  question,  dit-on,  de  rétablir  la  chaire  de  bibliographie  mé- 
dicale et  d'histoire  de  la  médecine,  qui,  occupée  en  dernier  lieu  par 
M.  Moreau  de  la  Sarthe,  fut  supprimée  en  même  temps  que  la  Faculté 
par  l'ordonnance  du  21  novembre  1S22. 

—  L'Académie  a  tenu  sa  séance  publique  annuelle  dans  la  grande 
salle  de  l'Institut,  le  mardi  7  juillet.  Les  lectures  ont  été  faites  dans 
l'ordre  suivant  : 

1°  Nouvelles  expériences  sur  les  héinorrhagies  traumatiques,  par 
M.  Amussat; 

2»  Notice  sur  la  peste  de  Moscou  en  1771,  par  M.  A.  Gerardin; 

3"  Prix  décernés  et  sujets  de  pris  proposés  pour  les  années  i836 
et  1837  ; 

4°  Eloge  de  Chaussier,  par  M.  Pariset. 

—  Une  ordonnance  du  8  mai  prescrit  de  munir  de  nouveaux  bre- 
vets et  d'admettre  dans  le  Jcadre  des  brevetés:  1  mé(!ecin  inspecteur, 
M.  Desgeneltes;  63  médecins  principaux  et  20  médecins  adjoints;  i 
chiiUrgifD  inspecteur,  M.  Larrey;  11  chirurgiens  principaux  ;  229  chi- 
rurgiens-majors; 45i  chirurgiens  aide-majors,  et  271  chirurgiens  sous- 
aide-majors  ;  un  pharmacien  inspecteur  ;  huit  ph;irmaciens  princi- 
paux ;  38  pharmaciens-majors;  65  pharmaciens  aide-majors,  et  i58 
pharmaciens  sous-aide-majcis. 

—  Un  concours  s'ouvrira  le  5  novembre  j)rocbain  devant  la  Faculté 
de  médecine;  de  Strasb  )urg  pour  la  chaire  de  médecine  légale  vacante 
par  la  mort  de  M.  Fodéré. 


(385) 

A&T.    1112. 

Observation  d'un  empoisonnement  par  l'arsenic  ;  effets  remar- 
quables du  tritoxide  de  fer  hydraté.  Article  communiqué 
par  M.  Geoffroy,  officier  de  santé  à  RIer  (Loir-et-Cher). 

Le  sieur  Fouquet,  perruquier,  Sgé  de  trente-six  ans,  fort 
adouné  à  la  boissoa,  avait  déjà  été  atteint  plusieuis  fois  du 
delirium  iremens.  Cette  maladie  cédait  ordinairement,  du 
troisième  au  quatrième  jour,  sous  l'influence  de  quelques 
laxatifs,  de  la  diète,  et  quelquefois  d'un  yésicatoire  à  la 
nuque. 

Le  6  juillet  dernier,  il  futpris  denonveau  d'accidens  sem- 
blables, et  n'ayant  pas  attendu  cette  fois  qu'ils  fussent  dis- 
sipés, il  mangea  une  soupe  aux  herbes  au  commencement 
du  troisième  jour.  Le  délire,  de  joyeux  et  fantasque  (|u'il 
avait  toujours  été,  devint  sérieux,  sombre  :  des  visions  ef- 
frayantes l'assiégèrent.  Poursuivi  par  la  crainte  que  des 
hommes  qui  cherchaient  à  le  saisir  ne  lui  fissent  subir  un  af- 
freux supplice,  il  voulut  s'y  dérober  en  se  donnant  lui-même 
la  mort.  Il  prit,  à  cet  effet,  dans  son  secrétaire,  un  pnpier 
plié  qui  contenait  de  l'arsenic,  déposa  ce  poison  dans  un 
verre,  y  versa  de  l'eau,  et,  après  l'avoir  agité  avec  le  doigt, 
l'avala  sur-le-champ.  Puis,  voyant  qu'une  partie  du  poi- 
son restait  au  fond  du  vase,  il  prit  avec  le  verre  de  l'eau  dans 
un  seau,  et  se  disposait  à  la  boire,  lorsque  deux  personnes 
qui  étaient  présentes,  et  qui  avaient  fait  peu  d'attention  à  ce 
qui  se  passait,  voulurent  voir  ce  que  buvait  le  malade.  L'une 
d'elles,  prenant  le  papier  qui  avait  contenu  la  substance 
qu'elle  lui  avait  vu  mettre  dans  le  verre,  reconnut  qu'il  por- 
tait pour  suscriplion  :  arsenic.  Elle  se  précipita  aussitôt  sur 
le  malade  pour  l'empêcher  de  boire  cette  seconde  dose;  mais 
celui-ci,  malgré  ses  efforts,  acheva  de  l'avaler,  et  comme  il 
restait  encore  une  certain<î  quantité  d'arsenic  au  fond  du 
verre,  il  en  prit  avec  le  doigt  et  l'épancha  dans  sa  bouche. 
Je  fus  instruit  sur-le-champ  de  cet  événement.  J'accourus 
chez  Fouquet,  et  je  le  trouvai  délirant,  uniquement  occupé 
à  se  soustraire  aux  hommes  qui  voulaient,  disait-il,  le  cou- 
per en  lambeaux.  Il  ne  manifestait  aucune  crainte  sur  les  ré- 
sultats de  son  empoisonnement.  On  me  présenta  le  papier 
qui  avait  contenu  l'arsenic,  ainsi  que  le  verre,  où  il  en  res- 
tait une  quantité  notable.  J'en  jetai  une  partie  .'ur  des  char- 
bons ardens;  une  odeur  alliacée  se  répandit  aussitôt,  et  ne 
me  laissa  plus  douter  de  la  nature  de  la  substance.  J'ordon- 

TOM.YI.—  "J°  DE  SEPTEMBRE.  25 


(386) 

nai  alors  qu'oa  lui  fit  avaler  plusieurs  verres  d'eau  sucrée, 
en  attendant  que  je  pusse  me  procurer  les  médicamens 
convenables;  puis  je  me  rendis  chez  le  pharmacien,  qui  m'ap- 
prit que,  trois  mois  avant  cette  époque,  il  avait  délivré  à 
Fouquet  quatre  sros  d'arsenic  pour  détruire  les  rats.  Nousar- 
rêtâmcs  ensemble  de  lui  donner  le  Iritoxide  de  fer  hydraté, 
et,  sans  perdre  un  instant,  nous  nous  transportâmes  chez  le 
malade  avec  l'appareil  convenable  pour  préparer  cet  anti- 
dote. 

Vingt  minutes  s'étaient  écoulées  depuis  l'ingestion  du 
poison,  lorsque  nous  commençâmes  à  lui  faire  avaler  le  tri- 
toxide  ;  le  malade  continuait  à  délirer,  poursuivi  par  des  vi- 
sions et  des  fantômes;  dans  l'espace  d'un  quart-d'heure,  il 
fui  gorgé  de  quatre  ou  cinq  pintes  d'eau  chaude  ou  froide, 
chargée  de  tritoxide  de  fer.  Il  y  eut  alors  un  vomissement 
très-abondant  et  une  selle  copieuse.  Depuis  ce  moment  (il 
était  six  heures  du  malin),  jusqu'à  deux  heures,  le  malade 
ne  cessa  d'avaler  cette  même  boisson;  il  vomit  trois  autres 
fois  très-abondamment,  et  eut  autant  de  selles.  Aucun  symp- 
tôme d'empoisonnement  ne  se  manifesta;  il  n'y  eut  ni  co- 
lique, ni  chaleur  de  la  gorge;  il  accusa  seulement  quelques 
crampes  dans  les  doigts.  Il  resta  d'ailleurs  constamment  de- 
bout, parlant  et  gesticulant,  suivant  les  impressions  qu'il  re- 
cevait de  son  délire. 

Huit  heures  s'élant  écoulées  depuis  l'ingestion  du  poison, 
et  la  substance  vénéneuse  ne  produisant  aucun  elfel,  nous 
eu  conclûmes  qu'elle  était  neutralisée.  On  diminua  donc  la 
quantité  des  boissons.  Le  soir,  le  malade,  plus  calme,  se  laissa 
conduire  dans  sa  chambre,  et  l'on  vit  bientôt  la  raison  re- 
paraître peu  à  peu.  Il  y  eut  encore  un  vomissement  et  une 
selle,  puis  il  se  coucha  et  dormit  paisiblement  toute  la  nuit. 
Le  lendemain  matin,  il  était  entièrement  rétabli  et  deman- 
dait à  manger. 

Sans  les  preuves  incontestables  que  nous  avons  eues  de 
l'existence  del'empoisonnement,  le  papier  qui  contenaitl'ar- 
senic,  le  verre  dont  Fouquet  s'était  servi,  et  dans  lequel  nous 
avons  retrouvé  dix-sept  grains  de  celte  substance;  le  té- 
moignage des  personnes  qui  l'ont  vu  préparer  le  liquide  et 
l'avaler  ;  la  déclaration  positive  du  malade  lui-même,  qui 
assurait  avoir  voulu  se  donner  la  mort  pour  éviter  un  sup- 
plice qu'il  regardait  comme  certain,  nous  n'aurions  pu  croire 
ù  l'iiigcslioa  d'une  substance  aus^i  véuéneu-e,  qu'il  a  cepen- 
dant piise  à  une  dose  énorme,  car,  revenu  ù  l'usage  de  la  rai- 
son, il  a  déclaré  avoir  employé  à  détruire  les  rats  la  moitié 
seulement  de  l'arsenic  délivré  par  le  pharmacien.  H 


(587) 

donc  en  rester  eaviron  deacc  gros  qui  firent  consommés  par 
lui,  à  l'exception  fies  dix-sept  grains  que  nous  avons  retrouvés 
dans  le  verre.  Un  gros  et  demi,  au  moins,  en  a  donc  été 
introduit  dans  l'estouiac,  quantité  énorme,  et  qui  devait  né" 
cessairement  produire  la  mort.  Le  tritoxide  de  1er  a  dépassé 
nos  espérances.  Le  malade  a  avalé  dans  vingt  à  vingt-cinq 
pintes  d'eau,  tantôt  chaude,  tantôt  froide,  Voxide  de  six  onces 
cinq  gros  de  sulfate  de  tritoxide  de  fer. 

Réflexions.  Nous  regrettons  vivement  qu'on  n'ait  pas  com- 
plété par  l'analyse  des  matières  vomies  une  observation  si 
curieuse,  et  qui  prouverait  à  un  tel  point  les  précieuses  pro- 
priétés du  tritoxide  de  fer  hydraté.  Il  n'est  cependant  guère 
possible  de  nier  l'ingestion  dans  l'estomac  d'une  dose 
énorme  de  poison.  M.  Geoffroy  paraît  certain  de  la  réalité  de 
l'empoisonnement,  et  M.  le  docteur  Bergeron,  qui  a  vu  le 
malade  en  même  temps  que  M.  Geoffroy,  nous  écrit  qu'il 
ne  doute  nullement  que  Fouquet  n'ait  avalé  la  dose  indiquée 
d'arsenic,  et  que  c'est  uniquement  à  l'emploi  du  tritoxide 
Ue  fer  qu'on  doit  d'avoir  évité  des  accidens  qui  auraient  été 
nécessairement  mortels. 

L'efficacité  du  tritoxide  de  fer  dans  l'empoisonnement  par 
l'arsenic  avait  été  démontrée  (i).  Mais  jusqu'à  présent  on 
ne  s'était  guère  appuyé  que  sur  des  expériences  faites  sur 
les  animaux,  ou  du  moins  le  petit  nombre  de  faits  recueil- 
lis chez  l'homme  ne  nous  donnait  qu'une  mesure  imparfaite 
de  la  confiance  que  nous  devions  avoir  dans  ce  médicament. 
L'observation  de  M.  Geoffroy  nous  semble  donc  extrême- 
ment importante  ;  elle  nous  offre  tout  le  degré  d'authenticité 
qu'on  peut  désirer,  et  ne  laisse  aucun  doute  sur  la  réalité  d'un 
empoisonnement  et  sur  l'efficacité  de  l'antidote  dont  l'action 
a  été  telle  qu'on  peut  dire  qu'il  n'en  est  pas  de  plus  précieux 
pour  toute  autre  espèce  de  substances  vénéneuses,  i^e  trir 
toxide  de  fer  hydraté  devant  aujourd'hui  se  trouver  dana 
toutes  les  pharmacies,  nous  rappellerons  qu'il  y  a  deux 
procédés  principaux  mis  en  usage  jusqu'ici  pour  l'obtenir. 
Voici  celui  de  M.  Soubeiran  : 

On  met  dans  une  capsule  de  platine  ou  de  porcelaine,  avec 
cinq  ou  six  fois  son  poids  d'eau,  du  sulfate  de  fer  cristallisé, 
le  plusexempt  de  cuivre  qu'il  est  possible  (le  vitriol  dcBeau- 
vais  convient  très-bien).  On  y  ajoute  par  petites  parties  de 
l'acide  nitrique.  Quand  il  ne  se  forme  plus  de  vapeurs  ru- 


(i)  Voy.  art.  ,,55,  gf;,  96R,  losa. 


(588) 

tiiantes,  la  liqueur  est  étendue  d'eau;  on  la  filtre,  puis  on  y 
ajoute  un  excès  d'ammoniaque.  Le  dépôt  rouge  qui  se  ma- 
nifeste e.«t  recueilli,  lavé  avec  soin  et  égoutté.  C'est  l'hydrate 
de  peroxide  de  fer  qu'il  faut  délayer  dans  l'eau  juaqu'en  con- 
sistance de  bouillie  pour  l'administrer.  Pour  avoir  une  dose 
de  cet  hydrate  douze  fois  égale  à  celle  de  l'acide  arsénieux, 
il  faut  employer  une  quantité  de  sulfate  de  fer  cristallisé, 
environ  trente-six  fois  plus  grande  que  celle  supposée  de 
cet  acide. 

Voici  le  procédé  que  conseille  M.  Lassaigne  pour  obtenir 
la  même  substance  : 

On  prend  de  la  tournure  de  fer  sur  laquelle  on  verse  quatre 
fois  son  poids  d'acide  nitrique  du  commerce,  en  ayant  at- 
tention de  ne  l'ajouter  que  par  petites  portious,  afin  d'éviter 
une  réaction  trop  tumultueuse.  Une  partie  de  l'acide  nitrique 
cède  de  son  oxigène  au  fer,  et  le  transf':rme  en  un  peroxide 
qui  se  combine  aussitôt  à  l'autre  partie  d'acide  nitrique  non 
décomposée,  pour  produire  du  ptroitrale  de  fer.  Il  résulte 
de  celte  réaction,  qui  est  très-vive,  un  dégagement  de  cha- 
leur et  de  gaz  deutoxide  d'azote,  qui  se  transforme  au  con- 
tact de  l'air  en  vapeurs  rutilantes  d'acide  nitreux.  Dès  que 
celte  action  a  cessé,  on  ajoute  dix  à  douze  parties  d'eau  pour 
dissoudre  le  pernitrate  de  fer,  et  l'isoler  de  la  portion  de 
tournure  de  fer  non  attaquée,  qui  se  piécipite  au  fond  du 
vase.  La  solution  étant  décantée  ou  filtrée,  on  y  verse  peu  à 
peu  de  l'ammoniaque,  jusqu'à  ce  que  le  papier  de  tourne-sol 
rougi  prenne  une  couleur  bleue,  ce  qui  indique  qu'on  a 
ajouté  un  excès  de  cet  alcali.  Il  se  forme  aussitôt  un  précipité 
très-abondant,  jaune  brunâtre,  d'hydrate  de  peroxide  de  fer, 
qu'on  recueille  sur  une  toile  tendue  sur  un  carrelet,  et  qu'on 
lave  à  l'eau  distillée  bouillante,  jusqu'à  ce  que  les  eaux  du 
lavage  n'aient  plus  de  saveur,  et  ne  réagissent  plus  sur  le 
papier  de  tourne-sol  rougi. 

A&T.    lllS. 

Clinique  de  thôpital  Saint-Louis  :  Blessures  graves,  suites  de 
l'attentat  du  2S  juillet;  amputations,  irrigation  d'eau  froide. 
—  Plaie  de  la  joue,  suture  enchevillce. 

Le  service  de  M.  le  professeur  Gerdy,  à  l'hôpital  Saint- 
Louis,  offre  dans  ce  moment  le  plus  grand  intérêt  pour  le 
praticien  qui  veut  juger  de  l'efTicacilé  de  plusieurs  procédés 
chirurgicauxréccBimenlpréconisés.  Il  est  curieux,  par  exem- 


(389) 

pie,  de  voir  l'irrigation  continue  appliquée  à  une  foule  de  cas,  la 
planchette  suspendue  de  Sauteret  plusieurs  autres  méthodes 
qui,  employées  dans  un  service  nombreux,  dans  des  circons- 
tances variées  et  chez  des  sujetsdecomplexionsdifférentes,  of- 
frent des  résultalssur  lesquels  il  est  pf;rmis  de  se  prononcer. 

Nous  avons  dit  à  noti-e  article  1002  que  plusieurs  chirur- 
giens des  hôpitaux  de  Paris  avaient  recours  à  l'irrigation 
continue  pour  prévenir  et  combattre  les  accidens  inflamma- 
toires qui  suivent  tous  les  grands  délabremens,  les  fractures 
comminutives,  les  déchirures,  etc.  M.  Gerdy  ne  borne  pas 
l'application  de  ce  moyen  aux  lésions  de  ce  genre  ;  il  en  fait 
un  puissant  auxiliaire  pour  prévenir  l'inflammation  qui  est 
la  suite  nécessaire  de  toutes  les  grandes  opérations.  Dans  les 
amputations  surtout,  il  obtient  par  cette  application  continue 
des  réfrigérans  les  succès  les  plus  satisfaisans.  Nous  avons 
remarqué  dans  la  salle  des  hommes  plusieurs  cas  excessive- 
ment graves,  dans  lesquels  ce  moyen  s'est  évidemment  op- 
posé à  des  accidens  qui  devaient  être  inévitables  et  nécessiter 
l'amputation.  Ainsi,  un  homme  a  reçu,  il  y  a  près  d'un  mois, 
sur  la  malléole  externe  de  la  jambe  gauche,  une  croisée 
lancée  d'un  quatrième  étage.  Il  y  a  eu  une  large  plaie  trans- 
versale par  laquelle  l'astragale  sortait  presque  tout  entier, 
l'articulation  du  tibia  et  du  péroné  était  complètement  mise 
à  nu.  On  ne  pouvait,  par  les  procédés  ordinaires, proposerque 
l'amputation;  l'irrigation  continue  s'est  opposée  au  dévelop- 
pement de  tous  les  accidens,  ou  plutôt  ces  accidens  ont  été 
tellement  modérés  ,  qu'il  ne  s'est  établi  ni  suppuration  ni 
gonflement  énorme,  enfln  qu'aujourd'hui  l'articulation  a 
presque  repris  son  volume  naturel,  la  plaie  n'a  plus  guère 
qu'un  pouce  d'étendue,  et  tout  fait  présager  une  guérison 
prochaine.  L'irrigation  ayant  été  interrompue  pendant  douze 
heures,  il  est  survenu  vers  le  talon  un  petit  abcès  qu'il  a 
fallu  ouvrir;  mais  il  n'en  reste  de  trace  qu'une  légère  cica- 
trice. 

Plusieurs  luxations  du  pied  avec  plaie  sont  traitées  de  la 
même  manière,  et  tous  les  malades,  interrogés  par  nous,  ont 
déclaré  éprouver  sous  l'influence  de  ce  moyen  une  grande 
diminution  dans  leurs  douleurs. 

Nous  avons  remarqué  encore  un  jeune  garçon  de  quatorze 
ans,  amputé  de  la  jambe  gauchepour  uneblessure  reçue  le  28 
juillet.  Ce  malheureux  a  reçu  dans  le  tibia  une  balle  qui  lui 
a  brisé  l'os  dans  l'étendue  de  quatre  pouces.  Malgré  cet  ef- 
froyable désordre,  la  confiance  de  M.  Gerdy  dans  les  irri- 
gations d'eau  froide  est  telle  qu'il  a  hésité  s'il  devait  recourir 
à  l'amputation;  cependant,  dans  la  crainte  de  compromettre 


(390) 

un  si  précieux  moyen,  il  s'est  décidé  à  désarticuler  la  jambe. 
J'ai  préféré  amputer  dans  la  contiguïté,  a  dit  ce  professeur, 
parce  que  les  dangers  qu'on  court  en  amputant  dans  la  con- 
tinuité des  membres  sont  tels  qu'ils  ne  sauraient  être  plus 
grands  par  toute  atitre  méthode.  A  l'hôpital  Saint-Louis,  on 
ne  sauve  pas  la  moitié  des  malades,  peut-être  pas  le  quart  ; 
il  y  a  des  hôpitaux  dans  lesquels  je  n'ai  jamais  vu  des  ampu- 
tations de  cuisses  suivies  de  guérison,  et  très-souvent  les 
malades  qui  avaient  subi  l'amputation  du  poignet  ou  de  l'a- 
vant-bras succombaient  à  l'opération  (i). 

Ce  petit  malade  a  donc  été  amputé  dans  l'article,  et  le 
moignon  étant  recouvert  d'une  compresse,  on  a  dirigé  sur 
toute  son  étendue  un  filet  d'eau  froide  qu'on  a  eu  soin  d'en- 
tretenir régulièrement.  Pendant  long-temps  les  choses  se 
sont  si  bien  passées  qu'on  croyait  être  certain  de  la  guérison, 
mais  depuis  quelques  jours  on  a  vu  s'évanouir  une  grande 
partie  de  ces  espérances.  Il  règne  en  effet  dans  Paris  une  vé- 
ritable épidémie  de  cette  irritation  gastro-intestinale  qu'on 
a  désignée  sous  le  nom  de  cholérine.  Les  coliques  et  les 
diarrhées  sont  excessivement  communes,  et  ce  malheureux 
n'a  pu  éviter  l'influence  fâcheuse  de  cette  constitution.  Il 
est  pâle,  fort  amaigri,  a  de  la  fièvre,  et  est  maintenant  dans 
un  état  très-alarmant. 

L'irrigation  continue  est  encore  employée  chez  deux  fem- 
mes qui  ont  également  été  blessées  sur  le  boulevart  du  Teai- 
pie,  et  qui  ont  subi  toutes  deux  l'amputation  de  la  cuisse. 
L'une  avait  reçu  une  balle  qui  avait  brisé  l'extrémité 
inférieure  du  fémur  et  ouvert  l'articulation  du  genou.  Elle 
touche  maintenant  à  la  guérison.  L'autre  avait  eu  le  fémur 
d'un  côté  également  brisé  et  l'articulation  du  genou  du  côté 
opposé  peu  gravement  atteinte.  Amputée  sur-le-champ,  et 
traitée  aussitôt  par  les  affusions  froides,  elle  allait  d'abord 
fort  bien  et  l'on  espérait  une  guérison  entière  ;  mais  bientôt 
les  vaisseaïix  et  les  ganglions  lymphatiques  de  la  cuisse  et  de 
l'aine  se  sont  enflammés.  Les  afl"usions  d'eau  froide  dirigées 
sur  ces  parties  ont  arrêté  la  marche  des  accidens,  mais  il  s'est 
alors  déclaré  chez  cette  femme,  ainsi  que  chez  sa  voisine,  une 
cholérine  assez  intense  qu'on  a  cependant  arrêtée  à  l'aide  des 


(i)  C'est  ici  le  cas  de  rappeler  l'opinioa  de  M.  Dupuytrea  sur  ce 
sujet.  «  Sur  deux  amputations,  disait  ce  professeur,  on  doit  s'estimer 
heureux  quand  une  seule  a  du  suce»-»  :  souvent  on  perd  les  deux  mala- 
des. Quand  on  en  sauve  deux  sur  trois,  c'est  un  très-beau  succès;  trois 
sar  quatre,  c'est  un  succès  immense.  ■>  (Voy.  art.  610.) 


(390 
opiacés  donnés  à  assez  forte  dose.  Une  troisième  complica- 
tion beaucoup  plus  grave  est  alors  survenue  ;  la  malade  a 
éprouvé  le  soir  un  frisson  qui  a  duré  une  demi-heure  en- 
viron, et  a  été  suivi  de  chaleur,  puis  de  sueur.  Pareil  acci- 
dent s'est  répété  le  lendemain  ;  on  sait  que  ces  frissons  an- 
noncent presque  toujours  la  formation  dans  quelque  cavité 
d'une  collection  purulente,  qui  est  presque  nécessairement 
suivie  de  la  mort  des  malades.  Un  large  vésicatoire  a  été 
placé  sur  la  cuisse,  et  l'on  a  prescrit  une  saignée  si  les  acci- 
dens  ne  s'apaisaient  pas;  mais  la  malade,  qui  a  d'ailleurs 
perdu  une  quantité  énorme  de  sang  sur  le  lieu  même  de  la 
blessure,  est  dans  une  prostration  telle,  qu'il  reste  peu  d'es- 
poir de  guéridon  (i). 

La  manière  d'employer  les  irrigations  d'eau  froide  est  au 
reste  la  même  que  colle  que  nous  avons  indiquée  à  notre  ar- 
ticle 1003.  Un  seau  de  fer- blanc  est  suspendu  par  l'anse  au 
ciel  du  lit  ;  son  extrémité  inférieure  offre  un  petit  robinet  du- 
quel ou  fait  pendre  un  ruban  de  fil  qui  descend  jusqu'à  trois 
à  quatre  pouces  de  la  blessure.  Le  robinet  est  plus  ou  moins 
ouvert,  suivant  la  force  qu'on  veut  donner  à  l'irrigation,  et 
l'eau  coulant  ainsi  le  long  du  fil  vient  s'épancher  sur  la  par- 
tie malade,  qui  est  recouverte  seulement  d'une  compresse. 
Le  membre  est  appuyé  sur  une  toile  cirée  qui,  ployée  en- 
suite en  godet,  conduit  par  une  sorte  de  couloir  l'eau  jus- 
que dans  un  seau  placé  au  pied  du  lit. 

Si  l'on  veut  répandre  l'eau  sur  une  plus  grande  surface, 
on  suspend  plusieurs  fils  au  robinet,  et  on  leur  donne  diffé- 
rentes directions  à  l'aide  de  quelques  fils  de  fer. 

Un  quatrième  blessé  a  été  présenté  par  M.  Gerdy  pour 
constater  «a  guérison  et  le  peu  de  difformité  qui  est  résulté 
d'une  plaie  coutuse  et  irrégulière.  C'est  un  jeune  garçon  de 
quinze  ans  qui  a  reçu  sur  les  boulevarts  une  balle,  laquelle  est 
entrée  vers  la  commissure  de  la  bouche,  et  est  sortie  près  de 
l'oreille  sans  briser  aucun  os,  mais  en  labourant,  en  dèchi- 


(i)  Une  remarque  curieuse  a  été  faite  relatireraent  à  la  blessure  de 
celte  femme  :  la  plaie  d'entrée  était  beaucoup  plus  large  que  la  plaie 
de  sortie.  On  sait  que  le  contraire  s'observe  en  général.  Mais  cette  ex- 
ception, qui  n'est  point  rare,  a  lieu,  suivant  M.  Gerdy,  toutes  les  fois 
que  la  balle,  frappant  dans  le  voisinage  de  parties  solides,  vient  à  sor- 
tir au  Hiilieu  de  parties  molles.  La  peau,  en  effet,  est  d'abord  coupée 
comme  avec  un  emporte-pièce,  et,  cédant  ensuite  à  l'impulsion  de  la 
balle,  elle  s'alonge  et  ne  se  laisse  diviser  que  dans  une  petite  étendue. 
Plusieurs  autres  causes  peuvent  contribuer  à  cette  disposition,  qui  8« 
rencontre  plus  conimunémeDt  qu'on  ne  le  pense  généralement. 


(  392  ) 

rant  les  tissus  de  manière  à  mettre  l'intérieur  de  la  bouche  à 
nu  dans  une  très-grande  étendue.  La  plaie  a  été  régularisée 
avec  des  ciseaux,  puis  on  a  appliqué  plusieurs  points  de  su- 
ture. On  a  choisi  de  préférence  la  suture  enchevillée  ;  c'est, 
suivant  M.  Gerdy,  de  toutes  les  sutures  celle  que  les  prati- 
ciens doivent  préférer,  toutes  les  fois  qu'il  est  possible  d'y 
recourir.  La  suture,  dont  on  fait  usage  en  général  pour  les 
plaies  de  la  face,  produit  ordinairement,  dès  le  troisième  ou 
le  quatrième  jour,  la  gangrène  des  parties  comprimées  entre 
le  fil  et  les  aiguilles.  Dans  la  suture  enchevillée,  au  contraire, 
cet  inconvénient  n'est  point  à  redouter,  puisque  les  derniers 
fils  ont  été  enlevés  chez  ce  petit  malade  le  neuvième  jour 
seulement.  Les  parties  sont  paifaitement  affrontées,  et  la 
longue  cicatrice  qui  sillonne  la  joue  est  aussi  régulière  qu'on 
pouvait  le  désirer.  Ce  petit  malade  est  sur  le  point  de  sortir 
de  l'hôpital. 

A&T.    Ill4« 

Observation  d'accidens  graves  survenus  chez  une  jeune  filUf  et 
causés  par  la  morsure  d'une  araignée. 

On  trouve  l'observation  suivante  dans  le  Bulletin  médical 
de  Bordeaux. 

Une  fille  âgée  de  dix-huit  ans,  d'une  forte  santé,  était  dans 
un  champ  le  27  juillet  1821,  à  dix  heures  du  matin,  occu- 
pée avec  d'autres  femmes  à  porter  des  gerbes  de  blé.  Sur  une 
gerbe  qu'elle  allait  prendre,  elle  aperçut  une  araignée  grosse 
comme  une  aveline,  et  dont  le  corps  était  noir  et  les  pattes  velues. 
Bientôt,  comme  elle  emportait  son  fardeau,  elle  se  sentit  pi- 
quer fortement  au-dessus  du  sein  gauche.  Elle  porta  promp- 
tement  la  main  sur  cette  partie,  et  saisit  par-dessus  sa  che- 
mise une  araignée  semblable  à  celle  qu'elle  venait  de  voir. 
Cet  insecte  fu'  tué  et  jeté  dans  le  champ.  Mais  bientôt  la 
jeune  fille  ressentit  dans  le  lieu  de  la  piqûre  une  très-vive 
douleur;  ses  jambes  plièrent  sous  elle,  et,  au  bout  d'un 
quart-d'heure,  les  souffrances  étaient  si  intolérables,  que 
cette  malheureuse  se  roulait  par  terre  en  poussant  des  cris 
perçans. 

M.  le  docteur  Hameau  étant  arrivé  près  d'elle  vers  onze 
heures,  la  trouva  dans  l'état  suivant  :  toute  la  tête  était  ar- 
rosée d'une  sueur  abondante  ;  la  figure  était  alternativement 
animée  Pt  prde;  tantôt  les  joues  étaient  colorées,  la  respira- 
tion étendue,  le  pouls  plein,  tantôt  les  pieds  et  les  mains  se 
refroidissaient,  les  yeux  se  contournaient  en  haut,  la  respi- 


(393) 
ration  était  lente,  gênée,  le  pouls  très-petit,  irrégulier.  Ce 
spasme  une  fois  passé,  la  malade  poussait  de  grands  cris  et 
accusait  de  vives  douleurs,  surtout  dans  les  pieds,  les  ge- 
noux, les  cuisses  et  les  reins.  Toutes  ces  douleurs  finissaient 
par  se  concentrerdans  l'épigastre,  d'où  venaient  l'oppression 
et  la  faiblesse.  Tous  les  muscles  locomoteurs  sautillaient  ou 
oscillaient  continuellement,  mais  sans  produire  aucun  mou- 
vement des  membres.  La  malade,  qui  conservait  toute  sa 
connaissance,  demandait  qu'on  serrât  ses  membres,  parce 
que  cela  la  soulageait.  Le  lieu  de  la  piqûre  était  ronge  et  tu- 
méfié, et  au  centre  s'élevait  une  petite  vésicule  remplie  d'une 
sérosité  jaunâtre. 

M.  Hameau  s'empressa  de  percer  cette  vésicule,  et  après 
en  avoir  fait  couler  toute  la  sérosité,  il  versa  sur  la  plaie  quel- 
ques gouttes  d'ammoniaque,  puis  la  recouvrit  de  compresses 
trempées  dans  le  même  liquide.  Il  fit  en  outre  avaler  À  la 
malade  un  gros  et  demi  de  thériaque,  et  la  fit  plonger  dans 
un  bain.  Les  accidens  continuant  à  s'aggraver  malgré  cette 
indication,  on  donna  un  grain  d'extrait  gommeux  d'opium, 
puis  un  second,  puis  un  troisième;  ce  ne  fut  qu'alors  qu'il 
se  déclara  quelque  amélioration.  Les  douleurs  furent  plus 
supportables,  et  il  survint  une  réaction  générale;  mais,  vers 
le  soir,  les  accidens  se  manifestèrent  de  nouveau,  et  l'on 
fut  obligé  de  donner,  dans  l'espace  de  quelques  heures,  trois 
autres  grains  d'opium.  Malgré  cette  forte  dose,  aucun  symp- 
tôme de  narcotisme  ne  se  déclara;  et  le  lendemain  matin, 
la  malade  était  dans  un  état  très-satisfaisant.  Il  survint  les 
jours  suivans  une  salivation  assez  abondante  et  une  éruption 
qui  se  développa  et  disparut  en  vingt-quatre  heures,  et  cette 
jeune  fille  recouvra  bientôt  une  santé  parfaite. 

Réflexions.  L'auteur  de  cette  observation,  après  s'être  li- 
vré à  quelques  considérations  sur  les  morsures  des  araignées, 
qui,  dit-il,  sont  toujours  accompagnées  d'une  assez  vive  dou- 
leur, affirme  qu'elles  sont  toutes  venimeuses  à  un  certain 
degré.  Il  se  demande  ensuite  quelle  était  l'espèce  de  cette 
araignée  qui  a  causé  des  désordres  si  graves,  et  si  c'était  une 
tarentule  dont  on  a  signalé  de  tout  tenjps  la  dangereuse  mor- 
sure. Tout  porte  à  croire  en  effet  que  cet  insecte,  dont 
M.  Hameau  n'a  pu  donner  qu'une  description  si  imparfaite, 
est  la  tarentule  qui  est  plus  forte  que  nos  araignées  ordinaires, 
et  a  le  dos,  aussi  bien  que  toute  sa  partie  antérieure,  d'un  noir 
foncé.  Celle  araignée,  bien  qu'on  la  trouve  plus  particulière- 
ment dans  les  pays  chauds,  et  surtout  en  Italie,  a  été  parfois 
rencontrée  dans  les  départemens  méridionaux  de  la  France. 
Il  est  probable  qu'elle  y  est  assez  rare,  et  tjue  c'est  la  cause 


(394) 

du  petit  nombre  d'accidens  qui  ont  signalé  sa  présence. 

On  sait  que  la  morsure  de  la  tarentule,  sur  laquelle  on  a 
débité  tant  de  contes,  après  avoir  passé  pour  excessivement 
dangereuse,  est  aujourd'hui  regardée  comme  aussi  peu  nui- 
sible que  celle  des  autres  espèces  d'araignées.  Ce  fait  n'est 
pas  encore  tellement  prouvé  cependant  qu'on  doive  rejeter 
sans  examen  tous  ceux  qui  tendraient  à  établir  le  contraire, 
et  c'est  sous  ce  rapport  que  l'observation  de  M.  le  docteur 
Hameau  nous  a  paru  d'un  grand  intérêt. 

Quelle  que  soit  au  reste  l'opinion  que  l'on  adopte  sur  l'es- 
pèce d'araignée  dont  la  morsure  a  failli  être  funeste,  on  ne 
doit  pas  oublier  que  les  voyageurs  s'accordent  à  en  signaler 
plusieurs  conmie  extrêmement  dangereuses.  En  Corse,  en 
Guinée,  dans  l'île  de  Madagascar,  au  cap  de  Bonne-Espé- 
rance, dans  l'île  de  Ceylan,  à  Saint-Domingue,  on  en  a  ren- 
contré dont  les  morsures  étaient  horriblement  douloureuses 
et  pouvaient  même,  chez  certains  sujets,  causer  la  mort.  Il 
n'y  a  rien  d'étonnant  à  ce  qu'un  insecte  de  la  même  famille, 
mais  dont  l'espèce  nous  est  inconnue,  ait  pu  dans  le  midi  de 
la  France,  à  l'époque  des  grandes  chaleurs  et  favorisé  peut- 
être  par  certaines  circonstances,  telles  que  le  temps  des 
amours,  la  colère,  etc.,  causer  des  accidens  aussi  graves  que 
ceux  qui  résulterjt  de  la  morsure  de  la  vipère,  quoiqu'on 
doive  remarquer  que,  tout  en  réagissant  également  sur  l'é- 
conomie el  menaçant  directement  le  principe  vital,  il  ait 
donné  naissance  à  des  symptômes  tout-à-fait  différens  de 
ceux  que  l'on  observe  dans  ce  dernier  cas. 

ART.    Ill5. 

Considérations  pratiques  sur  le  traitement  de  quelques  mala- 
dies des  dents. 

L'article  Dent,  Dentition,  du  Dictionnaire  de  médecine  en 
vingt-cinq  volumes,  nous  a  semblé  assez  remarquable  pour 
que  nous  dussions  arrêter  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  quel- 
ques-uns  des  préceptes  que  M.  Oudet,  son  auteur,  y  a  con- 
signés. Nous  avons  rarement  occasion  de  nous  occuper  de 
cette  partie  de  la  pathologie,  et  nous  saisissons  d'autant 
plus  volontiers  cette  occasion  de  le  faire,  que  ce  sujet,  con- 
sidéré sous  ime  forme  toute  nouvelle,  est  d'un  haut  intérêt 
non-seulement  pour  les  chirurgiens  qui  s'occupent  d'une 
manière  spéciale  de  la  dentition,  mais  encore  pour  tous  les 
hommes  de  l'art,  puisque,  par  des  considérations  négligées 
jmqu'à  ce  jour,  on  y  rattache  souvent  les  maladies  des  dents 


(395) 
à  des  affections  organiques  qui  semblaient  leur  être  étran- 
gères. 

Nous  négligerons  la  partie  physiologique  de  ce  travail, 
qui  nous  offrirait  cependant  une  foule  d'aperçus  neufs  et 
ingénieux,  pour  ne  nous  occuper  que  de  quelques  points  de 
pathologie  et  d'hygiène,  plus  en  rapport  avec  la  nature  de  ce 
journal. 

L'éruption  des  dents  de  sagesse  s'accompagne  quelquefois 
d'accidens  assez  graves  pour  nécessiter  des  opérations  chi- 
rurgicales, ou  bien  pour  induire  eu  erreur  sur  la  cause  des 
symptômes  que  l'on  observe.  Les  malades  éprouvent  eo 
général  un  sentiment  d'engourdissement  ou  d'une  douleur 
distensive  plus  ou  moins  forte  le  long  des  mâchoires  et  des 
arcades  dentaires  ;  il  y  a  en  même  temps  de  la  gêne  dans  les 
mouvemens  de  la  mâchoire  et  dans  ceux  de  la  déglutition, 
et  parfois  des  angines  qui  se  renouvellent  à  des  intervalles 
variables.  Cesaccidens  peuvent  être  plus  ou  moins  violens. 
M.  Oudet  cite  l'exemple  d'une  actrice  qui  éprouvait  dans  les 
articulations  temporo- maxillaires  des  douleurs  très-vives 
toutes  les  fois  qu'elle  s'était  livrée  à  l'exercice  de  la  déclama- 
tion. Cette  incommodité  a  cessé  lorsque  les  dernières  molai- 
res ont  paru.  D'autres  ont  observé  des  douleurs  semblables 
qui  se  montraient  d'une  manière  périodique,  et  qui  recon- 
naissaient cependant  la  même  cause. 

Quelquefois  le  développement  de  la  dentétantplus  rapide 
que  la  destruction  de  la  gencive,  celle-ci  se  trouve  forte- 
ment soulevée,  devient  rouge,  douloureuse;  l'irritation  ga- 
gne les  parties  voisines,  la  gorge  s'enflamme;  les  malades 
ne  peuvent  ouvrir  la  bouche  ;  il  survient  de  la  fièvre,  du  dé- 
lire. Il  peut  enfin  résulter  de  cette  distension,  des  abcès,  des 
ulcères;  l'inflammation  de  la  gorge  peut  même  se  terminer 
par  la  gangrène  et  entraîner  la  mort  des  sujets,  comme  l'au- 
teur en  possède  un  exemple. 

On  conçoit  que  les  accidens  sont  rarement  portés  à  ce 
point  extrême;  mais  ils  sont  souvent  assez  intenses  pour 
exiger  qu'on  débarrasse  la  dent  de  cette  espèce  de  bride, 
soit  en  divisant  cette  membrane  par  une  incision  cruciale, 
dont  on  résèque  les  lambeaux  avec  des  ciseaux  courbes,  soit 
en  l'enlevant  avec  des  pincces  et  un  bistouri,  après  l'avoir 
cernée  dans  tout  son  pourtour  par  deux  incisions  semi-lunai- 
res. M.  Oudet  rejette  la  cautérisation  que  l'on  a  proposée  i\ 
cet  effet,  comme  trop  lente  et  sujette  à  des  inconvéniens. 

Fréquemment  il  arrive  que,  n'ayant  pour  se  placer  qu'un 
espace  trop  étroit,  circonscrit  en  avant  et  en  arrière  par  des 
limites  très-solides,  les  dents  de  sagesse  luttent  en  vain  con- 


(396) 
tre  des  résistances  qu'elles  ne  peuvent  vaincre.  Il  peut  résul- 
ter de  cette  difficulté  dans  leur  développement  des  accidens 
excessivement  graves,  des  douleurs  très-vives  et  presque 
continues,  des  fluxions  inflammatoires  qui  se  terminent  par 
des  abcès,  des  fistules,  la  carie  et  la  nécrose  d'une  partie  plus 
ou  moins  étendue  du  maxillaire.  Ces  symptômes  se  renou- 
vellent de  temps  à  autre  jusqu'à  ce  que  l'obstacle  ait  été  en- 
levé. Le  plus  communément  dans  ces  cas,  la  couronne  de  la 
dent  est  à  découvert,  ou,  si  la  gencive  n'est  pas  encore  dé- 
truite, les  malades  n'éprouvent  aucun  soulagement  de  son 
excision.  L'extraction  des  dents  de  sagesse  est  alors  le  meil- 
leur moyen  à  proposer;  mais  cette  extraction  étant  quelque- 
fois très-difficile,  les  praticiens  préfèrent  souvent  enlever 
la  deuxième  grosse  molaire,  et  donner  ainsi  de  l'espace  au 
développement  de  la  troisième. 

Enfin  il  serait  possible  que  l'orifice  de  l'alvéole  fût  bouché 
plus  ou  moins  complètement  par  une  lame  osseuse  qui  s'op~ 
pose  à  la  sortie  de  la  dent,  et  cause  tous  les  accidens  énumé- 
rés  ci-dessus.  On  conçoit  qu'on  n'aurait  d'autre  chose  à  faire 
alors  que  d'enlever  la  gencive  et  de  détruire  cette  lame  d'os 
avec  une  gouge  bien  tranchante. 

Ces  difFérens  obstacles  à  la  sortie  des  dents  de  sagesse  sont 
tels  quelquefois,  qu'elles  restent  toute  la  vie  renfermées 
dans  leurs  alvéoles,  ou  que,  prenant  une  direction  vicieuse, 
elles  se  dévient  dans  différens  sens.  C'est  du  reste  presque 
toujours  à  la  mâchoire  inférieure  que  ces  accidens  se  ren- 
contrent; et  il  est  bon  que  les  praticiens  soient  avertis  qu'ils 
surviennent  quelquefois  à  une  époque  si  tardive,  qu'on  est 
tenté  de  les  attribuer  à  une  toute  autre  cause  qu'à  l'éruption 
de  la  dent  de  sagesse,  ce  qui  souvent  a  donné  lieu  aux  mé- 
prises les  plus  funestes  pour  les  malades. 

Il  faudrait  des  développemens  beaucoup  plus  étendus  que 
ceux  que  comportent  la  nature'de  cet  article,  si  nous  vou- 
lions suivre  M.  Oudet  dans  toutes  les  altérations  qu'il  signale, 
soit  dans  l'éruption  et  le  développement  des  dents,  soit  dans 
la  substance  de  ces  mêmes  organes  une  fois  développés. 
Nous  nous  bornerons  à  citer  une  altération  particulière  que 
ce  chirurgien  nous  paraît  avoir  étudiée  beaucoup  mieux 
qu'on  ne  l'avait  fait  avant  lui,  et  sur  laquelle  nous  appelons 
toute  l'attention  de  nos  lecteurs.  Nous  voulons  parler  d'une 
affection  désignée  vaguement  sous  le  nom  de  carie,  et  qui, 
suivant  M.  Oudet,  en  diffère  essentiellement.  C'est  une  alté- 
ration cliimique  du  tissu  des  dents,  une  sorte  d'érosion  qui 
s'attaque  presque  toujours  ù  un  certain  nombre  à  la  fois  et 
sur  plusieurs  de  leurs  surfaces.  Mais  ce  qui  distingue  surtout 


(597) 
cette  maladie  de  la  carie  ordinaire,  c'est  la  nature  de  la 
cause  qui  l'a  produite.  L'emploi  de  certaines  substances  médi- 
camenteuses ou  alimentaires  peuvent  lui  donner  naissance, 
certaines  poudres  dentifrices,  les  tisanes  acidulées,  le  sucre, 
les  pièces  artificielles  maintenues  dans  la  bouche,  etc.  Mais  la 
cause  la  plus  commune  de  cette  affection  est  une  altération 
des  humeurs  de  la  bouche.  On  l'observe  en  effet  à  la  suite 
des  diètes  sévères  et  prolongées  nécessitées  par  des  maladies 
graves  et  d'un  long  cours  ;  d'autres  fois  cette  altération  de 
la  salive  est  due  à  un  dérangement  de  l'appareil  digestif  lui- 
même,  à  une  lésion  chronique  quelconque;  la  salive  est 
plus  abondante  que  de  coutume,  elle  est  visqueuse,  filante; 
et  si  on  introduit  dans  la  bouche  un  morceau  de  papier  de 
tournesol,  on  s'aperçoit  qu'il  rougit  fortement  (i). 

L'aspect  de  la  maladie  varie  suivant  les  causes  qui  l'ont 
produite  ;  ainsi  dépend-elle  de  l'application  intempestive  de 
poudres  dentifrices,  on  aperçoit  seulement  près  des  gencives 


(i)  Celte  acidité  de  la  salive  vient  d'être  signalée  récemment  dans 
le»  Archives  générales  tic  médecine,  par  M.  le  docteur  Donné.  Ce  méde- 
cin a  remarqué  que,  chez  les  sujets  bien  portans,  la  salive  était  ordi- 
nairement alcaline,  et  faisait  passer  au  bleu  le  papier  rouge,  tandis  que, 
dans  certaines  maladies,  dans  les  fièvres  graves,  et  généralement  toutes 
les  affections  de  l'estomac,  le  papier  bleu  de  tournesol  rougissait  rapi- 
dement, et  dénotait  ainsi  des  caractères  non  équivoques  d'acidité.  La 
salive  redevenait  alcaline  à  mesure  que  l'estomac  reprenait  l'intégrité 
de  ses  fonctions.  Cetteremarque,  qui  pourra  plus  tard,  peut-être,  avoir 
des  applications  pratiques  fort  importantes,  n'avait  point  échappé  à 
M.  Oudet,  et  ses  soupçons  doivent  être  confirmés  par  les  recherches 
auxquelles  s'est  livré  M.  Donné. 

Quant  à  la  maladie  que  ce  chirurgien  décrit  sous  le  nom  d'érosion 
des  dents,  elle  n'est  malheureusement  pas  assez  rare  pour  que  tous  les 
praticiens  ne  puissent  s'en  rappeler  de  nombreux  exemples.  Pour  notre 
part,  nous  en  avons  présentement  un  fort  remarquable  sous  les  yeux. 
Une  jeune  dame,  fort  gravement  atteinte  à  la  fois  d'une  hemopthysie, 
d'une  irritation  du  cœur  et  d'une  gastrite,  après  avoir  échappé  aux 
dangers  de  cette  triple  complication,  est,  aujourd'hui,  menacée  de 
perdre  toutes  ses  dents,  qui  sont  ruginées  à  leur  base  comme  si  on 
avait  cherché  à  les  détacher  avec  la  lime.  Aucune  boisson  acidulée  n'a 
été  donnée  pendant  le  cours  de  la  maladie,  qui  a  été  fort  longue  et  a 
nécessité  six  semaines  de  diète  absolue.  Les  gencives  ont  été  et  sont 
encore  chaudes  et  gonflées,  mais  malheureusement  notre  attention 
n'étant  pas  encore  éveillée  sur  cette  acidité  de  la  salive,  nous  n'avons 
pas  cherche  à  nous  assurer  avec  le  papier  de  tournesol  de  son  état 
acide  ou  alcalin.  Les  organes  gastriques  et  pulmonaires  marchant  de- 
puis quelque  temps  vers  la  guérison,  les  progrès  de  l'érosion  des  dents 
semblent  arrêtes,  et  nous  conservons  encore  l'espoir  que  nous  n'aurons 
pas  à  déplorer  les  funestes  résultats  signalés  dans  le  travail  que  nous 
analysoo^.  (  Nolç  du  Rédacteur,  ) 


(398) 

de  petits  enfoncemeas  pointillés;  survient-elle  dans  le  cours 
d'une  maladie  grave,  ces  désordres  s'étendent  plus  avant; 
l'érosion  contourne  les  dents  à  leur  base,  et  quelquefois  elles 
sont  toutes  détruites  dans  un  espace  de  temps  fort  court,  de 
manière  qu'il  ne  reste  plus  que  les  racines,  qui  demeurent 
cachées  sous  les  gencives. 

Peu  de  temps  avant  son  début,  on  remarque  ordinaire- 
ment sur  la  dent  un  point  opaque  accompagné  d'un  peu  de 
sensibilité;  bientôt  l'émail  étant  détruit  par  petites  parcelles, 
la  dent  reste  sans  défense,  l'ivoire  est  mis  à  découvert,  et  la 
couronne  ne  tarde  pas  à  être  entièrement  détruite  si  les  ma- 
lades ne  recouvrent  pas  la  santé,  ou  si  l'on  n'éloigne  pas  les 
causes  de  cette  fâcheuse  altération. 

Le  traitement  consistera  donc  à  éloigner  les  causes  que 
nous  avons  indiquées,  à  enlever  les  pièces  artificielles,  à 
nettoyer  les  dents  et  les  débarrasser  de  toutes  les  humeurs 
qui  se  sont  amassées  autour  d'elles.  Si  l'on  reconnaît  à  la  sa- 
live un  caractère  acide,  on  y  remédiera  par  des  frictions  ou 
des  lotions  avec  la  magnésie  calcinée.  Lorsque  l'altéiation 
des  dents  n'intéresse  que  les  couches  les  plus  superficielles  de 
l'ivoire,  on  peut  les  cautériser  avec  le  fer  rouge,  dans  le  double 
but  de  faire  cesser  la  sensibilité  dont  elles  sont  le  siège,  et 
de  s'opposer  à  l'extension  du  mal.  Si  la  dent  est  détruite  plus 
profondément,  on  la  plombera.  IVIais  le  but  auquel  on  doit 
yiser  est  d'arrêter  la  maladie  principale  qui  a  donné  nais- 
sance à  tous  ces  désordres.  Lorsqu'on  est  assea  heureux 
pour  voir  le  malade  recouvrer  ia  santé,  la  destruction  des 
dents  s'arrête  aussitôt;  celles  qui  déjà  sont  malades  perdent 
leur  sen^ibilité,  et  leurs  érosions  prennent  l'aspect,  le  carac- 
tère de  ce  qu'on  appelle  la  carie  sèche. 

Telle  Cït  la  maladie  que  M.  Oudet  propose  de  désigner 
sous  le  nom  d'érosion  ou  de  corrosion  des  dents.  On  conçoit 
de  quelle  importance  il  doit  être  pour  tous  les  praticiens  de 
la  bien  connaître  et  de  soumettre  à  un  examen  attentif  la 
bouche  des  sujets  allcints  de  maladies  graves  des  organes 
digestifs.  Nnus  terminerons  cette  analyse,  déjà  un  peu  lon- 
gue peut-être,  par  l'exposé  de  quelques  préceptes  relatifs  à 
l'hygiène  de  la  bouche. 

Après  avoir  i  appelé  comment  le  tartre  se  dépose  sur  les 
dents  et  quels  ravages  il  peut  y  causer,  voici  les  conseils  que 
donne  l'auteur  pour  prévenir  son  développement  : 

Des  soins  de  propreté,  dit-il,  suffisent  ordinairement  dans 
l'état  de  .-anlé,  et  chez  les  sujets  d'une  bonne  constitution, 
pour  prévenir  l'accumulation  du  tartre  et  pour  entretenir  le 
hon  état  des  gencives  et  des  deots.  On  aura  l'attenlion  tous 


(39») 
les  matins  de  promener  légèrement  sur  les  dents  une  brosse 
très-douce  trempée  dans  de  l'eau  aiguisée  par  une  liqueur 
spiritueuse.  Ces  frictions  devront  être  dirigées  de  haut  en 
bas  pour  les  dents  supérieures,  de  bas  en  haut  pour  les  infé- 
rieures, puis  en  travers  le  long  des  arcades  dentaires,  et  enOn 
en  dedans  et  à  la  surface  libre  de  celles-ci.  On  aura  soin 
après  chaque  repas,  et  le  soir  avant  de  se  coucher,  de  se  laver 
la  bouche  avec  de  l'eau  légèrement  dégourdie,  et  de  passer 
dans  les  interstices  dentaires  un  cure-dent  en  plume,  afin 
d'enlever  les  parcelles  d'alimens  qui  pourraient  s'y  être  logées. 
On  évitera  surtout  l'usage  des  opiats  et  des  poudres  dentifrices 
grossièrement  pulvérisées  dont  la  composition  n'est  pas  con- 
nue, ou  qui  contiennent  des  substances  acides.  Ces  prépara- 
tions ne  communiquent  aux  dents  de  la  blancheur   qu'en 
attaquant  leur  émail,  et  nuisent  ainsi  à  leur  conservation.  Si 
on  veut  augmenter  l'action  de  ces  frictions  afin  de  foire  dis- 
paraître le  tartre  qui  se  trouverait  trop  adhérent  pour  être 
facilement  détaché,  on  chargera  la  brosse  de  poudres  inertes 
parfaitement  porphyrisées,  telles  qu'un  mélange  de  poudre 
d'os  de  sèche  et  de  magnésie  calcinée,  coloriée  par  de  la 
cochenille,   et   qu'on    aromatisera    avec    quelques   gouttes 
d'huile  essentielle  de  menthe.  Le  quinquina  et  autres  sub- 
stances de  même  nature,  qu'on  fait  tous  les  jours  entrer 
dans  la  composition  des  poudres  dentifrices,  ne  doivent  pas 
être  employés  quand  les  gencives  sont  saines,  afin  de  ne  pas 
se  priver  plus  tard  d'agens  thérapeutiques,  que  l'état  mor- 
bide de  ces  organes  pourrait  réclamer,  etc. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  plus  loug-temps  sur  l'article 
dont  M.  Oudet  a  enrichi  la  nouvelle  édition  du  Dictionnaire 
de  médecine.  La  plupart  des  idées  qui  y  sont  exposées  ont  le 
mérite  de  la  nouveauté  ou  d'une  application  juste  et  pratique 
qui,  nous  le  répétons,  le  fera  lire  avec  intérêt,  non-seule- 
ment par  les  chirurgiens  qui  s'adonnent  plus  spécialement 
aux  maladies  de  la  bouche,  mais  encore  par  tous  les  prati- 
ciens, qui  y  verront  souvent  une  liaison  évidente  entre  les 
affections  des  dents  et  celles  des  autres  organes. 

ART.    1  116. 

De  l'emploi  du  chlore  dans  le  traitement  du  choléra  épîdémiqae. 

M.  Toulmouche,  médecin  à  Rennes,  a  publié,  dans  les  Ar- 
chives générales  de  médecine,  quelques  observations  sur  l'em- 
ploi du  chlore  dans  le  traitement  du  choléra.  Ce  médecin 
paraît  considérer  cette  maladie  comme  le  résultat  d'un  em- 
poisonnement miasmatique,  et  c'est  par  le  chlore  employé 


(  4oo  ) 

sous  toutes  les  formes  qu'il  espère  pouvoir  l'attaquer  dans  son 
principe.  Il  paraît  qu'une  douzaine  de  malades  seulement  ont 
été  traités  par  cette  méthode,  et  sur  ce  nombre  six  auraient 
été  guéris  ;  ce  qui  serait  une  proportion  énorme,  et  témoi- 
gnerait fortement  en  faveur  du  chlore,  s'il  était  possible  de 
juger  des  effets  d'un  médicament  par  un  si  petit  nombre  d'ob- 
servations. 

C'est  dans  la  période  algide  seulement  que  M.  Toulmou- 
che  a  recours  aux  préparations  indiquées,  et  dans  le  but  de 
produire  une  réaction  qui  est  ensuite  combattue  par  les 
anliphlogistiques.  L'observation  suivante  fera  connaître  la 
manière  dont  le  chlore  est  employé  : 

Une  femme  de  quarante-cinq  ans  avait  la  diarrhée  depuis 
quelque  temps  ,  lorsqu'elle  fut  prise  tout-à-coup ,  à  cinq 
heures  du  matin,  d'envies  de  vomir  et  de  vomissemens.  A 
dix  heures,  les  yeux  étaient  excavés  profondément;  le  refroi- 
dissement était  général,  la  langue  froide  ;  la  malade  éprou- 
vait des  crampes,  poussait  des  cris,  avait  des  selles  choléri- 
ques, suppression  d'urine,  etc.  (  Chlore  à  respirer  toutes  les 
deux  heures,  en  commençant  par  dix  gouttes  doublées  chaque 
fois.  En  boisson ,  solution  d'un  demi^gros  de  chlorure  d'oxide 
de  sodium  par  chopine  d'eau;  bouteilles  d'eau  chaude  aux  pieds.) 
Le  soir,  la  réaction  était  établie.  La  solution  de  chlore  fut 
portée  d  un  gros,  et  les  aspirations  chloreuses  à  trente  et  quarante 
gouttes.  Les  vomissemens  étant  devenus  excessifs,  on  mit  un 
cataplasme  sur  la  région  de  l'estomac,  et  on  donna  un  tiers 
de  lavement  avec  une  demi-once  de  chlorure  d'oxide  de  sodium 
pour  six  onces  d'eau. 

Le  lendemain,  il  y  avait  des  douleurs  d'estomac  ;  la  langue 
était  sèche,  rouge,  pointue.  Les  vomissemens  étaient  sus- 
pendus, mais  la  soif  était  extrême,  les  urines  toujours  sup- 
primées. (  Continuation  de  tiers  de  lavemens  chlorurés  toutes 
les  deux  heures.  En  boisson,  solution  de  trois  gros  de  chlorure 
d'oxide  de  sodium  à  douze  degrés  de  l'aréomètre  de  Beaumé, 
chlore  aspiré  d  quarante  gouttes.) 

Le  soir,  il  survint  du  hoquet  qu'on  combattit  par  des  appli- 
cations de  cataplasmes  arrosés  de  chlorure  sur  l'estomac.  Les 
jours  suivans,  la  sécrétion  de  l'urine  reparut,  et  la  femme 
finit  enfin  par  se  rétablir. 

Réflexions.  Il  y  a  peu  de  médication  nouvelle  à  proposer 
contre  le  choléra  :  le  chlore,  dont  on  connaît  les  propriétés 
désinrectantes,  n'avait  pas  été  oublié,  et  nous  avons  dit  à 
notre  article  490  qu'un  pharmacien  de  Paris  avait  préconisé 
les  inspirations  de  ce  gaz  dans  la  période  algide,  mais  que 
l'Académie  avait  déclaré  que,  dans  un  grand  nombre  de  cas, 


(401) 

ce  moyen  pouvait  être  dangereux;  que,  dans  les  autres,  il 
était  inutile.  A  l'Hôtel-Dieu,  à  une  époque  où  on  essayait  de 
tous  les  médicamens,  et  où  l'on  perdait  à  peu  près  la  totalité 
des  malades,  le  chlore  a  également  été  administré  en  bois- 
sons; mais  il  est  juste  de  dire  que  nous  ne  l'avons  jamais  vu 
donner  à  la  fois,  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur,  en  boisson,  en 
lavemens  et  en  inspirations,  ce  qui  constitue  la  méthode  de 
M.  Toulmouche,  si  une  pareille  pratique  peut  recevoir  le  nom 
de  méthode. 

Nous  n'avons  pas  besoin  d'insister  sur  les  funestes  effets 
qui  peuvent  résulter  de  l'ingestion  dans  un  estomac  presque 
toujours  malade,  d'une  aussi  grande  quantité  d'une  sorte 
d'eau  de  javelle,  d'un  caustique  suffisant  pour  causer  des 
désordres  presque  aussi  grands  que  le  choléra  lui-même.  Si 
l'on  doit  quelquefois  se  permettre  l'usage  de  ces  remèdes 
violens,  ce  n'est  que  dans  des  cas  tout-à-fait  désespérés,  et 
alorsque,par  des  moyens  plus  rationnels,  on  n'a  pu  produire 
une  réaction  favorable.  On  s'exposerait,  en  débutant  par  cette 
médication  dans  la  généralité  des  cas,  à  aggraver  une  ma- 
ladie dans  laquelle  la  nature  n'est  pas  toujours  sans  ressource, 
et  qui  pourrait  céder  sans  que  les  organes  digestifs  fussent 
aussi  gravement  compromis  (i). 

ART.     1117. 

Quelques  observations  de  fractures  comminutives  des  membres 
guéries  sans  amputation.  Observation  d'une  amputation  spon- 
tanée de  l'avant- bras  dans  l'article, 

La  nécessité  de  l'amputation  n'est  pas  toujours  indiquée 
par  de  graves  désordres  auxquels  la  nature  seule  ne  semble 
pas,  au  premier  abord,  pouvoir  remédier.  Rien  n'est  plus 
commun,  en  effet,  que  de  rencontrer  dans  le  monde  des  indi- 
vidus qui,  n'ayant  pas  voulu  se  soumettre  à  cette  grave  opé- 
ration, ont  cependant  fini  par  bien  guérir,  en  conservant 
l'usage  d'une  partie  dont  l'ablation  avait  été  jugée  indis- 
pensable. Aucune  règle  ne  pouvant  servir  à  nous  guider 
dans  ces  cas  embarrassans,  les  chirurgiens  offrent,  sous  ce 
rapport,  de  très-grandes  différences  dans  leur  pratique;  les 
uns  amputent  immédiatement  dès  que  les  os  sont  brisés 
comminutivement,  et  que  ces  fractures  s'accompagnent  de 
vastes  déchirures  des  parties  molles;  les  autres  n'ont  recours 


(i)Voy.  art.  340,  046,353,368,  390,  407,  4'8,  447»  462,  463,465,  et 
Suppli  ment,  4/1,  4905  4<j6,  55i,  63a,  926 

Tome  vi,  —  n-  de  septembre.  26 


(  4o»  ) 

à  cette  opération  qu'après  avoir  inutilement  tenté  tous  les 
moyens  de  guérisou.  C'est  ainsi  qu'il  nous  a  semblé  qu'à 
l'hôpital  de  la  (.harité,  par  exemple,  M.  Roux  se  décidait 
plus  facilement  à  amputer  que  M.  Dupuytren,  qui  préférait 
attendre,  du  moins  sur  la  lin  de  sa  carrière,  dans  tous  les 
cas  douteux.  Nous  ne  saurions  décider  quelle  pratique  était 
la  plus  avantageuse  aux  malades,  et  lequel  de  ces  deux  ha- 
biles chirurgiens  obtenait  le  plus  de  succès.  Cependant  nous 
avons  été  témoin  de  guérisons  si  inespérées  dans  des  cas  de 
fracture  avec  écrasement,  que,  malgré  les  raisonnemens  con- 
traires, nous  serions  porté  à  nous  ranger  de  l'avis  de  ceux 
qui  conseillent  de  n'amputer  de  suite  que  dans  le  cas  où  il 
est  de  toute  évidence  que  le  membre  ne  saurait  être  conservé. 
Voici  quelques  observations  extraites  de  notre  correspon- 
dance sur  ce  sujet,  et  qui  pourront  offrir  quelque  intérêt  à  nos 
lecteurs. 

M.  Dufrayseix,  officier  de  santé  à  Grand-Bourg  (Creuse), 
«t  ancien  chirurgien  militaire,  nous  adresse  le  fait  suivant  : 

Le  6  février  i834.  je  fus  appelé  pour  rae  rendre  au  moulin  de 
Madat,  pour  donner  des  soins  à  Jean  Siliars,  meunier,  âgé  de  vingt- 
trois  ans.  Cet  homme,  ayant  eu  l'imprudence  de  graisser  avec  la 
main  gauche  les  fuseaux  de  la  lanterne  de  son  moulin,  pendant 
qu'il  était  en  mouvement,  eut  sa  manche  de  veste  atteinte  par  une 
des  chevilles  du  rouet  qui  accroche  ces  fuseaux.  Au  même  instant, 
la  main,  l'avant-bras  et  le  bras  furent  entraînés  avec  rapidité  entre 
ces  deux  portioasdu  moulin.  Ce  malheureux  resta  près  d'une  demi- 
heure  dans  cet  état  sons  être  secouru.  A  mon  arrivée,  je  le  trouvai 
couché  dans  son  lit  tout  habillé.  Après  avoir  fendu  les  manches  de 
sa  veste  et  de  sa  chemise,  j'observai  les  lésions  suivantes  :  Deux 
coups  de  hache  à  la  face  palmaire  de  la  main;  le  premier  divisait 
la  peau  et  l'aponévrose,  dans  la  direction  du  doigt  annulaire,  et 
l'autre,  la  peau  et  les  muscles  de  Téminence  hypothenar,  dans  la 
direction  du  petit  doigt.  Ces  deux  blessures  étaient  le  résultat  de 
l'empressement  qu'on  avait  mis  à  couper  les  fuseaux  de  la  lanterne 
pour  dégager  la  main. 

Le  membre  portait  dans  plusieurs  points  les  traces  de  nom- 
breuses contusions.  Cependant  la  peau  «tait  intacte,  excepté  au 
tiers  inférieur  et  postérieur  de  i'avaul-bras,  où  des  puriion»  du  cu- 
bitus et  du  radius  avaient  déchiré  les  tégumons.  L'avant-hras  et  le 
bras  présenlaiçul  des  fractuies  comniinulives  si  rapprochées,  que 
le  membre  se  fléchissait  dans  plusieurs  directions.  Il  était  impossi- 
ble de  lui  faire  exécuter  le  moindre  mouvement  sans  entendre  plu- 
sieurs crépitatiotis  à  la  fois.  La  peau  qui  recouvre  le  muscle  grand 
pectoral,  ofirait  trois  gerçures  assez  profondes;  la  cinquième  côte 
stcrnale était  fracturée  a  son  tiers  antérieur  par  la  pression  d'une 
des  chevilles  du  rouet. 

Le  blessé,  dont  la  respiration  était  extrêmement  gênée,  fut  étendu 
sur  un  lit,  et  le  bras  souteuu  ytar  des  coussins  de  balles  d'avoiu 


(  4o5  ) 

disposés  sur  un  bandage  à  bandelettes  séparées.  Une  saignée  de 
deux  livres  fut  aussitôt  pratiquée,  et  l'on  appliqua  des  sangsues  sur 
le  côté  lésé  de  la  poitrine.  Le  sang  s'écoulait  en  outre  en  assez 
grande  abondances  des  deux  trous  pratiqués  à  la  face  postérieure 
de  l'avant-bras.  Les  fractures  furent  ensuite  réduites  autant  que 
possible,  et  le  membre  placé  dans  une  demi-flexion,  l'avant-bras 
entre  la  supination  et  la  pronaiiou.  Les  deux  coups  de  iiacbe  ayant 
été  pansés  avec  du  cérat,  je  couvris  tout  le  membre  d'un  cata- 
plasme fait  avec  une  forte  décoction  de  mauve  et  de  farine  de  seigle, 

défaut  de  farine  de  graine  de  lin.  Le  malade  fut  en  outre  mis  à 
une  diète  sévère  et  à  l'usage  d'une  boisson  adoucissante. 

Il  ne  survint  aucun  accident;  le  pouls  resta  calme;  l'écoulement 
sanguin  persista  pendant  une  dizaine  de  juurs,  puis  fut  remplacé 
par  une  sécrétion  purulente  assez  abondante,  mais  de  bonne  nature; 
plusieurs  escarres  se  détachèrent,  et  il  fallut  ouvrir  une  tumeur 
molle,  fluctuante,  formée  par  du  sang  noir  et  développée  à  la  face 
postérieure  du  bras.  Enfin,  le  dix-neuvième  jour,  les  émolliens  fu- 
rent remplacés  par  uue  infusion  de  sureau  camphrée,  et  je  pensai 
qu'il  était  temps  d'appliquer  des  bandages  contentifi. 

Après  m'être  assuré  de  la  bonne  conformation  du  membre,  je 
pansai  ies  plaies  avec  le  cérat,  et  j'appliquai  avec  toutes  les  pré- 
cautions convenables  le  bandage  à  bandelettes  séparées  sur  toute 
l'étendue  du  membre.  Les  pansemens  continuèrent  d'être  faits  deux 
fois  par  jour  pour  absorber  le  pus  qui  sortait  par  les  deux  trous  de 
la  face  postérieure  de  l'avant-bras.  Plusieurs  petits  fragmens  d'os  fu- 
rent extraits  par  ces  ouvertures.  La  suppuration  n'a  cessé  qu'au 
quarante-cinquième  jour.  La  consolidation  de  l'avant-bras  a  eu  lieu 
au  cinquantième  jour,  et  celle  du  bras  au  trente-cinquième.  La 
fracture  de  la  côte  a  été  presque  abandonnée  a  elle-même,  le  ma- 
lade ne  pouvant  supporter  la  compression  nécessaire  pour  main- 
tenir les  deux  bouts  de  l'os  en  contact.  La  consolidation  ne  s'en  est 
pas  muins  opérée  avec  peu  de  difformité.  Cet  homme,  entièrement 
rétabli»  a  pu  reprendre  ses  travaux  dans  le  troisième  mois. 

M.  Chabanon,  docteur  en  médecine  à  Uzès  (Gard),  a  pu- 
blié, dans  le  Bulletin  dethérapealique  Au  3o  novembre  dernier, 
uneobservatiun  quioffre  avec  celle  qu'onvientdelii'e,de  très- 
grands  rapports,  et  dans  laquelle  la  guèrison  a  également 
été  obtenue  sans  amputation. 

Une  jeuue  G'.le  de  vingt-deux  ans,  ouvrière  dans  une  filature  de 
soie,  passant  au-devant  de  la  grande  roue  qui  sert  de  moteur  à  qua- 
tre-vingts tours,  eut  son  jupon  attiré  par  l'effet  de  l'air  et  entrelacé 
contre  cette  roue.  Eu  cherchant  à  se  débarrasser,  elle  avança  son 
avant-bras  entre  les  raies  de  la  roue  qui.  continuant  à  tourner,  lui 
cassa  les  deux  os  à  la  partie  moyenne,  déchira  la  peau  dans  presque 
toute  la  circonférence  du  membre,  et  réduisit  en  bouillie  la  partie 
moyenne  de  la  couche  superficielle  des  muscles  de  la  partie  anté- 
rieure de  ravanl-bras. 

Les  fragmens  supérieurs  des  os  fracturés  étaient  à  nu,  et  sor- 
taient à  travers  les  chairs  à  un  pouce  de  distance;  les  inférieurs,  ca- 


(4o4) 

chés  dans  les  chairs,  étaient  comme  perdus  dans  le  reste  du  membre 
qui  semblait  suspendu  aux  fragmens  supérieurs  par  les  tendons 
des  muscles  extenseurs  des  doigts  et  par  ie  peu  de  peau  qui  était 
restée  intacte  à  la  partie  postérieure  des  os.  Le  désordre  était  tel, 
qu'une  des  fileuses  allait  exciser  la  portion  de  l'avant-bras  ainsi  sé- 
parée, au  moyen  d'un  coup  de  ciseau,  lorsque  le  propriétaire  de  la 
filature,  attiré  sur  les  lieux,  fît  de  suite  transporter  la  malade  à 
l'hôpital  d'Uzès. 

L'amputation  semblait  indiquée;  cependant  eu  égard  au  jeune 
âge  de  la  malade  et  à  sa  bonne  constitution,  MM.  Chabanon  réso- 
lurent de  tenter  la  conservation  du  membre,  et  à  cet  effet  ils  com- 
mencèrent par  réséquer  l'extrémité  des  quatre  fragmens  qui  pou- 
vaient dilacérer  les  parties  molles;  puis,  au  moyen  de  pinces  à  dis- 
section et  de  ciseaux  courbes,  ces  chirurgiens  séparèrent  toutes  les 
parties  musculaires  et  tendineuses  qui  avaient  été  mâchées.  Les 
corps  étrangers  introduits  dans  cette  vaste  plaie  furent  en  outre 
enlevés  avec  le  plus  grand  soin.  Il  fut  procédé  ensuite  à  la  réduc- 
tion :  l'avant-bras  étant  appuyé  sur  un  coussin,  les  parties  molles  et 
les  os  furent  rapproches,  et  le  tout  fut  maintenu  au  moyen  de 
nombreuses  bandelettes  agglutiuatives,  de  compresses,  de  charpie 
mollette,  d'un  bandage  à  baudelettes  séparées  et  d'une  gouttière  de 
carton.  De  dix  en  dix  jours,  puis  de  quinze  en  quinze,  l'ap- 
pareil fut  changé  et  renouvelé.  Au  bout  de  vingt  jours  le  bras  fut 
mis  en  écharpe  et  la  malade  put  quitter  le  lit  au  trentième  jour  ;  il 
n'existait  plus  de  suppuration,  le  membre  était  parfaitement  con- 
servé, et  n'était  presque  pas  diminué  de  longueur. 

II  existe,  comme  on  voit,  entre  ces  deux  observations,  une 
grande  analogie  de  cause  et  de  désordres,  et  d'après  les  rè- 
gles qui  nous  sont  habituellement  tracées,  c'était  s'exposer 
à  des  accidens  presque  nécessaiieirient  mortels,  que  de  ne 
pas  pratiquer  l'amputation  dans  l'un  et  l'autre  cas.  Le  succès 
le  plus  heureux  est  cependant  venu  couronner  les  tenta- 
tives de  ces  chirurgiens.  Citons  encore  quelques  autres  faits 
de  même  nature. 

M.  Moulinié,  chirurgien  en  chef  de  l'hôpital  Saint-André 
de  Bordeaux,  a  publié  l'observation  suivante  dans  le  Bulletin 
médical  de  cette  ville,  du  16  mai  dernier  : 

Un  homme  âgé  de  trente-deux  ans,  travaillant  dans  des  car- 
rières, fut  écrasé  par  un  bloc  de  rocher.  Il  en  résulta  des  fractures 
de  plusieurs  côtes,  une  fracture  comminutive  des  os  de  la  jambe 
droite,  avec  plaie  et  issue  de  fragmens  osseux  et  de  nombreuses 
contusions.  Les  muscles  étaient  à  découvert,  le  tibia  faisait  saillie 
de  plusieurs  pouces,  la  jambe,  pliée  sur  elle-n>éme,  contournée,  était 
extrêmement  déformée,  tous  les  tissus  paraissaient  horriblement 
mutilés. 

Malgré  des  désordres  aussi  effiayans,  M.  Moulinié  essaya  de  con-  , 
server  le  membre  :  il  fit  une  incision  à  la  peau,  afin  de  faciliter  la 
rentrée  du  fragment  supérieur  du  tibia,  et  la  réduction  ayant  été 


(4o5) 

opérée  sur-le-champ,  le  membre  fut  placé  dans  l'appareil  à  ban- 
delettes séparées. 

11  survint  des  accidens  inflammatoires  qui  furent  combattus  con- 
venablement. Une  suppuration  abondante  s'établit;  une  portion 
considérable  du  tibia,  entièrement  dénudée  de  son  périoste,  sem- 
blait devoir  éire  frappée  de  nécrose,  mais  des  bourgeons  charnus 
se  développèrent  à  sa  surface  et  ne  tardèrent  pas  à  la  recouvrir  en 
entier.  Malgré  des  accidens  assez  graves,  le  malade  sortit  après 
cinq  mois  de  séjour  à  l'hôpital,  conservant  son  membre  et  en  fai- 
sant usage,  bien  qu'il  fût  raccourci  d'un  pouce  environ.  Il  ne  tarda 
pas  à  rentrer  dans  cet  établissement,  la  cicatrice  s'étant  ouverte,  et 
l'os  se  montrant  à  nu  au  fond  de  la  plaie.  Une  incision  à  la  peau 
facilita  l'extraction  d'une  portion  de  tibia  nécrosée  de  la  longueur 
de  trois  pouces.  La  guérison  a  ensuite  été  obtenue  sans  difficulté. 

On  voit  que  ce  malade  n'a  conservé  son  membre  qu'au 
prix  de  souffrances  bien  plus  prolongées  et  d'arcidens  bien 
plus  nombreux  que  les  sujets  dont  on  vient  de  lire  l'histoire. 
Celui  de  l'obj^ervation  suivante,  qui  nous  est  communiqué 
par  M.  Le  Gigand,  officier  de  santé  à  Lacambc  (Manche), 
n'évita  également  Topération  qu'après  avoir  vu  long-leirips 
sa  vie  menacée  par  une  série  d'accidens  les  plus  graves. 

Jean  Pelvey,  de  la  commune  d'Anville,  âgé  de  quinze  ans,  tomba 
du  sommet  d'un  orme  très-élevé;  sa  cuisse  gauche  fut  fracturée 
vers  sa  partie  moyenne  avec  issue  du  fragment  inférieur  à  travers 
les  tégumens;  le  fragment  supérieur  était  brisé  en  éclat. 

Je  débridai  la  plaie  étroite  par  laquelle  sortait  le  fragment  infé- 
rieur, procédai  à  l'extraction  de  quelques  esquilles,  dont  les  pointes 
aiguës  dilacéraient  les  parties  environnantes;  réduisis  la  fracture 
et  la  maintins  réduite  au  moyen  de  l'appareil  à  bandelettes  sépa- 
rées, de  coussins,  d'attelles,  etc. 

Au  bout  d'un  mois,  la  suppuration  devint  de  plus  en  plus  abon- 
dante et  de  mauvaise  nature;  de  nouvelles  esquilles  se  détachèrent, 
des  foyers  purulens  nécessitèrent  de  nombreuses  ouvertures.  La 
jambe  participa  à  ces  désordres  :  la  peau  du  membre  entier  était 
décollée  dans  une  grande  étendue,  les  muscles  de  la  cuisse  en  quel- 
que sorte  disséqués,  et  les  fragmens  osseux  flottaient  au  milieu  d'un 
pus  sanguinolent  et  verdâtre.  Dans  cet  état,  le  malade  laissait  peu 
d'espoir,  et  tout  indiquait  l'amputation  que  conseilla  d'ailleurs 
M.  le  docteur  Postel,  appelé  en  consultation. 

Cependant,  avant  d'en  venir  à  ce  moyen  extrême,  et  considérant 
que  j'avais  affaire  à  un  jeune  sujet,  je  pratiquai  des  ouvertures  et 
contre-ouvertures  sur  tous  les  points  déclives  oîi  le  pus  abondait  ; 
des  compresses  furent  appliquées  méthodiquement  pour  favoriser 
l'adhésion  des  parois  des  clapiers;  ces  moyens,  joints  à  un  régime 
substantiel  et  à  des  pansemens  réguliers,  amenèrent  en  peu  de  temps 
une  amélioration  notable. 

Vers  le  troisième  mois  la  fracture  se  consolida,  les  plaies  se  cica- 
trisèrent enfin,  et  le  malade  guérit;  il  ne  conserve   aujourd'hui 


(4o6 

d'autres  difformités  que  les  traces  des  nombreuses  incisions  qu'il 
m'a  fallu  lui  faire. 

Dans  ces  diverses  observations,  la  nature  s'est  montrée 
assez  puissante  pour  résister  à  des  désordres  tels,  qu'il  sem- 
blait indispensable,  soit  au  moment  de  la  blessure,  soit  à 
une  époque  plus  reculée,  de  retrancher  les  parties  ainsi  dé- 
chirées et  contuses.  Nous  pourrions  citer  un  grand  nombre 
de  faits  semblables  qui  nous  ont  été  communiqués,  et  que 
le  défaut  d'espace  ou  la  crainte  de  nous  répéter  nous  force 
à  passer  sous  silence.  Nous  n'en  voulons  tirer  aucune  con- 
clusion contre  l'amputation  pratiquée  dans  des  cas  sembla- 
bles, car  il  serait  facile  d'opposer  d'autres  faits,  dans  lesquels 
un  pareil  succès  n'a  pas  justifié  ces  tentatives.  Nous  avons 
voulu  seulement  constater  la  force  raédicatrice  de  la  nature 
chez  des  sujets  jeunes,  robustes,  et  dont  tous  les  organes 
sont  en  bon  état.  Terminons  par  un  fait  curieux  qui 
prouve  tout  ce  qu'on  peut  attendre  dans  certains  cas  de  cette 
nature  médicatrice,  lorsque  les  malades  sont  abandonnés  de 
l'art. 

Une  jeune  fille  de  treize  ans  se  fractura  dans  une  chute  l'avant- 
bras  gauche,  trois  doigts  au-dessus  du  poignet.  Un  médecin  appelé 
sur-le-champ  plaça  un  bandage  contentif,  qui  ne  fut  levé  qu'au 
bout  de  quelques  jours.  La  main  était  alors  bleuâtre,  tuméfiée,  et 
entièrement  envahie  par  la  gangrène.  L'amputation  fut  proposée, 
mais  les  parens  de  la  malade  s'y  refusèrent.  Le  onzième  jour  de 
l'accident,  M.  Delaveronière,  chirurgien  à  Vaudoy  (Seine-et-Marne), 
vit  cette  jeune  fille,  et  trouva  l'avaut-bras  sphacélé  jusqu'au  coude. 
Il  s'en  exhalait  une  odeur  infecte;  la  malade  était  pâle  et  prostrée, 
dévorée  par  une  fièvre  ardente.  Les  parens  refusèrent  néanmoins  de 
la  laisser  opérer.  Cette  malheureuse  résista  contre  tout  espoir  à  ces 
désordres,  et  au  bout  de  quinze  jours,  la  nature  ayant  déterminé  la 
séparation  des  parties  sphacélées,  les  légumens  et  les  muscles  se  re- 
tirèrent au-dessus  du  coude  de  près  de  trois  pouces.  L'humérus  ne 
tenait  plus  à  l'avant-bras  que  par  une  portion  des  ligamens  articu- 
laires, qui  fut  enlevée  avec  des  ciseaux,  et  l'amputation  se  trouva 
faite  ainsi  d'elle-même.  Bien  que  l'humérus  fût  dénudé  dans  une 
étendue  de  trois  pouces  environ,  cet  os  ne  paraissait  pas  altéré. 
L'état  de  débilité  de  la  malade  détourna  le  chirurgien  de  faire  la 
resection  de  celte  longue  portion;  il  se  borna  à  recouvrir  le  moi- 
gnon avec  des  compresses  trempées  dans  l'eau,  contenant  un  quart 
de  son  poids  d'eau-de-vie  camphrée,  puis  à  envelopper  le  tout  avec 
des  gâteaux  de  charpie  soutenus  par  un  bandage  approprié.  Le 
vin  ue  quinquina  fut  eu  même  temps  prescrit  à  l'intérieur,  ainsi 
qu'un  régime  fortifiant.  Au  bout  de  huit  jours,  une  suppuration 
abondante  s'établit,  les  légumens  se  dégorgèrent  et,  s'alongeaot, 
s'étendirent  sur  la  surface  de  l'os,  qui  lui-même  se  couvrit  de 
bourgeons  charnus.  Cinq  mois  ont  été  nécessaires  pour  la  guériaon 


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entière  de  cette  vaste  plaie,  qui  s'est  fertnée  à  la  manière  de  celles 
qui  résultent  d'une  amputation. 

On  sent  bien  que  si  nous  citons  ces  effets  extraordinaires 
de  l'expectation,  ce  n'est  point  pour  encourager  nos  con- 
frères à  rester  dans  une  inaction  qui  presque  toujours  aurait 
pour  résultat  une  terminaison  funeste,  mais  pour  démontrer 
quelle  force  de  résistance  on  peut  rencontrer  chez  de  jeunes 
sujets,  alors  même  qu'ils  se  trouvent  dénués  de  tout  se- 
cours. 

A£t.  Il  18. 

Leçons  cliniques  de   la  Charité.  —  De  t'ewpbi  des  injections 
vineuses  dans  les  cas  d'hydrocèle  compliquée. 

Lorsqu'il  existe  à  la  fois  une  hydrocèle  et  un  sarcocèle,  les 
praticiens  enlèvent  ordinairement  le  testicule  comme  si  l'hy- 
drocèlen'existaitpas.  M.Velpeau  suit  une  autre  marche:  il  fait 
dans  la  tunique  vaginale  des  injections  d'eau  vineuse,  comme 
si  le  testicule  était  sain,  et  il  a  remarqué  que,  dans  un  grand 
nombre  de  cas,  alors  que  les  antiphlogistiques,  les  fondans, 
les'révulsifs  n'avaient  rien  pu  contre  le  sarcocèle,  ces  injec- 
tions en  amenaient  la  résolution,  et  qu'on  avait  obtenu  au 
bout  de  quelques  jours  une  entière  guérison  des  deux  mala- 
dies. Deux  cas  de  ce  genre  ont  été  cités  à  la  clinique  de  ce 
professeur.  Dans  le  piemier,  il  y  eut  guérison  complète; 
dans  le  second,  on  obtint  assez  d'amélioration  pour  qu'on 
pût  se  croire  encouragé  à  tenter  cette  méthode,  qui  n'aurait 
du  reste  aucune  espèce  d'inconvénient  et  ne  s'oppose  point 
à  l'emploi  des  autres  moyens  propres  à  amener  la  résolution 
du  sarcocèle. 

Si,  en  effet,  voulant  pratiquer  ces  injections,  il  arrivait 
qu'on  plongeât  le  trois-quarts  dans  le  testicule  lui-même,  qui 
contiendrait  de  la  matière  cérébriforme,  et  qu'on  aurait  prise 
pour  du  liquide  épanché,  il  n'en  résulterait  absolument  au- 
cun accident,  puisque  le  testicule  doit  être  enlevé  ;  et  lors- 
qu'il y  aura  collection  de  liquide  en  quelque  quantité  que  ce 
soit,  son  évacuation  et  la  guérison  de  cet  épiphénomène  ne 
peuvent  être  qu'avantageuses  pour  le  traitement  de  la  mala- 
die principale.  Cesavantages  se  feront  surtout  sentir  quand  il 
y  aura  complication  d'hydrocèle  avec  la  dégénérescence  squir- 
rheu.«eet  scrofuleuse,  ainsi  que  le  gonflement  syphilitique. 

Réflexions.  Il  n'est  pas  de  chirurgien  qui  n'ait  eu  occasion 
de  remarquer  les  bons  effets  de  l'injection  vineuse  lorsque  le 
testicule,  plus  gros,  plus  dur  que  dans  l'état  naturel,  nageait 


(4o8) 

au  milieu  du  liquide  qui  constitue  l'hydrocèle.  Mais,  de  cet 
engorgement  au  véritable  sarcocèle,  il  y  a  loin  sans  doute, 
et  r(»n  ne  doit  guère  attendre  un  succès  semblable  dans  ces 
cas  bien  avérés.  Quoi  qu'il  en  soit,  des  chirurgiens,  avant 
M.  Velpeau,  avaient  déjà  signalé  les  avantages  qu'on  peut 
retirer  de  cette  pratique,  et  nous  avons  vu  plusieurs  fois,  par 
exemple,  M.  Dupuytren,  injecter  un  liquide  irritant  dans  la 
tunique  vaginale,  alors  même  que  le  testicule  était  volumi- 
neux et  sensible  à  la  pression.  Le  résultat  de  cette  pratique 
était  un  gonflement  considérable  de  l'organe,  accompagné 
d'une  douleur  très-vive  ;  le  scrotum  devenait  tendu,  doulou- 
reux; la  tumeur  prenait  un  poids  énorme;  mais,  au  bout  de 
quelques  jours,  tous  ces  accidens  se  calmaient.  L'inflamma- 
tion chronique,  dont  le  testicule  était  le  siège  avant  l'opéra- 
tion, ayant  subitement  passé  à  l'état  aigu,  était  facilement 
maintenue  dans  de  justes  bornes  par  la  diète  et  quelques  anti- 
phlogistiques,  et  la  glande  reprenait  au  bout  de  quelques 
jours  son  volume  naturel. 

En  peut-il  être  ainsi  lorsque  le  testicule  est  à  l'état  squir- 
rheux?  Quelque  peu  probable  que  paraisse  un  semblable  suc- 
cès, nous  avons  vu  assez  souvent  des  glandes  d'une  autre 
région,  réputées  squirrheuses,  reprendre  leur  état  normal 
sous  l'influence  d'une  inflammation  aiguë,  pour  que  nous 
pensions  qu'un  tel  espoir  n'a  rien  de  déraisonnable  et  pour 
engager  les  praticiens  à  répéter  les  expériences  de  M.  Vel- 
peau. 

ART.    1119. 

Considérations  pratiques  sur  l'emploi  médical  de  la  ciguë. 

On  trouve  dans  la  Bibliothèque  de  thérapeutique  (1),  pu- 
bliée par  M.  Bayle,  des  recherches  sur  la  ciguë  et  sur  tous 
les  cas  dans  lesquels  cette  plante  a  été  employée  en  méde- 
cine. Ces  cas  sont  nombreux,  et  prouvent  qu'à  différentes 
époques  on  a  voulu  lui  faire  jouer  un  rôle  important  dans  la 
thérapeutique,  bien  qu'on  la  considère  aujourd'hui  comme 
presque  sans  action  dans  la  plupart  des  maladies  contre  les- 
quelles on  l'avait  préconisée. 


(1)  Travaux  thérapeutiques  anciens  et  modernes,  sur  la  digitale 
pourprée,  le  seigle  ergoté  et  la  ciguë  :  recueillis  et  publiés  par 
A.-L.-J.  Bayle,  docteur  en  médecine,  etc.  Tome  5.  A  Paris,  chez 
J.-B.Baillière. 


(409) 
Après  avoir  fait  remarquer  que  la  ciguë  n'a  guère  d'activité 
que  dans  les  pays  chauds,  et  qu'elle  devient  fort  peu  énergique 
dans  les  pays  tempérés  ou  septentrionaux,  M.  Bayle  rappelle 
que  c'est  surtout  dans  les  phlegniasies  chroniques,  les  en- 
gorgemens  et  les  obstructions  des  viscères,  les  scrofules,  que 
cette  substance  a  paru  avoir  véritablement  une  action  pro- 
noncée. Les  faits  recueillis  par  les  auteurs  sont  au 
nombre  de  cinq  cent  trente-cinq,  sur  lesquels  il  y  a  deux  cent 
cinq  cas  de  guérison,  quarante -cinq  cas  d'amélioration  et 
deux  cent  quatre-vingt-cinq  cas  d'insuccès.  La  plupart  de  ces 
derniers  sont  relatifs  aux  maladies  cancéreuses,  contre  les- 
quelles la  ciguë  paraît  jouir  de  bien  peu  d'efficacité,  puisque 
sur  trois  cent  quarante-et-un  cas  il  y  a  eu  quaranie-six  gué- 
risons  seulement,  vingt-huit  améliorations  et  deux  cent 
soixante-sept  insuccès.  La  proportion  des  guérisons  dans 
une  maladie  presque  incurable  serait  encore  énorme,  s'il 
était  vrai  que  dans  ces  trois  cent  quarante-et-une  observa- 
lions  on  eût  eu  affaire  à  de  véritables  cancers.  Mais  malheu- 
reusement il  est  fort  probable  que  dans  la  plupart  des  cas  il 
n'existait  que  des  engorgemens  d'une  toute  autre  nature. 
Voici  quelques-uns  des  faits  cités  en  faveur  de  la  ciguë: 

Storck,  médecin  de  l'hôpital  Sainte- Marie  de  "Vienne,  a 
employé  cette  plante  d'abord  à  l'extérieur;  il  en  faisait  des 
sachets,  qu'il  trempait  un  moment  dans  de  l'eau  ou  du  lait 
bouillant,  et  qu'il  appliquait  tout  chauds  sur  la  partie  malade. 
Il  assure  être  parvenu  par  ce  moyen  à  arrêter  les  progrès 
de  la  gangrène,  à  calmer  les  douleurs  de  la  goutte  et  du  rhu- 
matisme, à  ramollir  les  nodus,  à  dissiper  les  tumeurs  scro- 
fuleuses,  les  glandes  indurées  et  même  cancéreuses. 

D'autres  médecins  ont  pansé  les  ulcères  avec  des  com- 
presses trempées  dans  une  forte  décoction  de  ciguë. 

Le  professeur  Halle  employait  celte  substance  de  la  ma- 
nière suivante  contre  les  engorgemens  squin-heux  du  sein  : 
«Je  faisais  faire,  dit-il,  un  caiaplasme  de  farine  de  graine  de 
lin,  souvent  mêlé  de  pulpe  de  carottes,  et  alors  humecté  avec 
le  suc  même  exprimé  des  carottes.  Le  cataplasme  était  cuit  et 
bien  chaud;  j'y  faisais  mêler  un  peu  de  saindoux  (demi- 
once  sur  un  cataplasme  fait  pour  recouvrir  le  sein),  dans 
l'intention  de  rendre  le  cataplasme  onctueux  et  de  l'empê- 
cher de  se  refroidir  trop  promptement,  de  se  sécher  et 
d'adhérer  à  la  peau  de  manière  à  s'en  détacher  difficile- 
ment. Au  moment  de  l'application,  je  faisais  couvrir  le  cata- 
plasme d'une  demi-once  à  une  once  de  poudre  de  ciguë, 
que  l'on  mêlait  avec  la  surface  du  cataplasme  qui  devait  être 
en  contact  avec  la  peau.  On  tenait  ce  cataplasme  appliqué 


(4ia) 

pendant  six  heures  le  jour;  on  le  renouvelait.  Je  le  faisais 
appliquer  aussi  le  soir  pour  rester  en  place  toute  la  nuit. 
Bien  souvent  je  me  suis  contenté  du  cataplasme  de  farine  de 
lin  seule,  toujours  mêlée  avec  le  saindoux,  mais  couvert  de 
la  poudre  de  ciguë.  » 

Le  professeur  Halle  assure  que,  sous  l'influence  de  ces 
applications,  les  douleurs  lancinantes  cessaient  constamment 
en  très-peu  de  jours;  et  la  tumeur  se  ramollissant  et  se  dis- 
sipant en  partie,  les  progrès  du  mal  étaient  indéâniment 
ajournés. 

Dans  une  teigne  faveuse  qui  avait  résisté  à  plusieurs  mé- 
dications, M.  de  Lespine  a  employé  avec  succès  la  ciguë  à 
l'intérieur  et  à  l'extérieur;  il  faisait  laver  la  tête  matin  et 
soir  avec  une  forte  décoction  de  ciguë  coupée  d'abord  avec 
moitié,  puis  avec  un  tiers  de  lait.  La  ciguë  cuite  et  écrasée 
était  en  outre  portée  en  forme  de  cataplasme  sur  la  tête. 

Frédéric  Hoifman  plongeait  ses  malades  dans  des  bains 
contenant  une  infusion  de  douze  grandes  poignées  de  cette 
plante. 

Ce  même  médicament  a  été  donné,  soit  à  l'intérieur,  soit 
à  l'extérieur,  soit  dans  les  deux  modes  en  même  temps, 
dans  un  très-grand  nombre  de  circonstances;  mais  il  n'y  a 
guère  que  dans  les  maladies  cancéreuses,  les  scrofules,  les 
tumeurs  de  diverses  natures,  les  ulcères,  la  syphilis  et  les 
dartres,  qu'on  l'a  employé  d'une  manière  suivie,  et  dans  des 
cas  assez  nombreux  pour  mériter  qu'on  en  fasse  mention. 

Les  doses  ont  beaucoup  varié  suivant  les  auteurs  :  Storck 
donnait  des  pilules  d'extrait  de  ciguë  de  deux  grains  chaque, 
en  commençant  par  deux,  une  le  soir  et  l'autre  le  matin.  Au 
bout  de  quatre  jours,  il  en  faisait  prendre  trois,  ensuite  qua- 
tre; il  s'élevait  quelquefois  ainsi  jusqu'à  un  gros  et  même 
un  gros  et  demi.  Collin  l'employait  à  plus  forte  dose;  il 
débutait  par  dix,  quinze,  vingt  grains,  un  scrupule  même, 
et  il  montait  souvent  jusqu'à  un  ou  deux  gros.  Tous  les  huit 
ou  quinze  jours,  il  donnait  des  laxatifs  et  même  des  dras- 
tiques. 

A  ces  diverses  recherches,  que  nous  ne  faisons  qu'indi- 
quer d'une  manière  très-succincte,  nous  ajouterons  quel- 
ques formuler  de  préparation  de  ciguë  extraites  par  M.  Bayle 
de  la  Pharmacopée  universelle  de  Jourdan. 

,  Suc  de  ciguë. 

Pr.  Feuilles  de  ciguë  mondées,  seize  parties. 
Pilez  dans  un  mortier  de  marbre,  en  ajoutant  peu  à  peu  : 
Eau  commune,  une  partie. 


(411) 
Exprime!  le  «uc,  laissez-le  reposer,  et  filtrez  à  froid  à  tra- 
vers un  papier  gris. 

Extrait  de  ciguë. 
Pr.  Feuilles  fraîches  de  ciguë,  à  volonté. 

Pilez  dans  un  mortier,  en  arrosant  avec  un  peu  d|eau  ;  ex- 
primez le  suc,  et  faites-le  évaporer  de  suite  au  bain-marie, 
en  remuant  toujours  avec  une  spatule  sur  la  fin. 

Pilules  de  ciguë. 

Pr.   Extrait  de  ciguë,  à  volonté; 

Poudre  de  ciguë,  i\  quantité  nécessaire. 

Faites  des  pilules  de  deux  grains. 

Onguent  de  ciguë. 

Pr.  Suc  de  grande  ciguë,  une  partie; 
Axonge  de  porc,  quatre  parties. 

Faites  cuire  jusqu'à  consomption  de  l'humidité. 

Emplâtre  de  ciguë. 

Pr.    Cire  jaune,  deux  parties  ; 

ri^M^jf^i-  '     \  â5  une  partie. 
Huile  dohve,)  ^ 

Faites  fondre  ensemble,  ajoutez  à  cette  masse  refroidie  : 

Herbe  de  grande  ciguë  en  poudre,  deux  parties; 

Mêlez  avec  soin. 

ART.     1120. 

HOPITAL  DES  VÉNÉRIENS. 

Considérations  pratiques  sur  la  syphilide  tuberculeuse. 

De  tontes  les  éruptions  syphilitiques, la  plus  grave  ei^t  la 
syphilide  tuberculeuse  qui  annonce  presque  toujours  une 
infection  générale  et  consécutive.  Elle  consiste,  ainsi  que  son 
nom  l'indique,  dans  le  développement  d'une  certaine  quan- 
tité de  petites  tumeurs  tuberculeuses  dans  l'épaisseur  de  la 
peau  ;  ces  tubercules  s'enflamment,  puis  se  transforment  en 
ulcères  presque  toujours  arrondis,  dont  les  bords  sont  taillés  à 
pic  et  qui,  s'unissant  quelquefois  aux  ulcères  voisins,  for- 
ment une  solution  de  continuité  plus  ou  moins  étendue,  qui 


(412) 

affecte  des  formes  particulières,  s'élargit  en  traçant  des  si- 
nuosités, et  envahit  ainsi  les  tissus  qu'elle  détruit  quelque- 
fois sur  une  très-grande  surface. 

Cette  affection  est  ordinairement  facile  à  reconnaître, mais 
les  différentes  formes  que  revêt  l'éruption,  ainsi  que  les  gra- 
ves désordres  qu'elle  peut  produire,  doivent  engager  à  l'étu- 
dier d'une  manière  particulière. 

La  syphilide  tuberculeuse  peut  envahir  toute  la  surface  du 
corps,  mais  le  plus  souvent  elle  attaque  la  face,  le  front  et  le 
cuir  chevelu.  Voici  ce  que  l'on  observe  ordinairement  à  son 
début  :  il  se  développe,  soit  sur  les  lèvres,  soit  sur  les  ailes  du 
nez,  un  ou  deux  petits  boutons  qui,  après  être  restés  quel- 
que temps  indolens,  s'enflamment,  rougissent,  deviennent 
douloureux,  puis  s'ouvrent  à  leur  sommet  pour  laisser  écouler 
une  sanie  d'une  odeur  repoussante.  Bientôt  les  bords  de  ce 
petit  ulcère  s'agrandissent;  sa  circonférence  est  taillée  à  pic, 
comme  si  la  peau  avait  été  enlevée  avec  un  emporte-pièce. 

D'autres  boutons  semblables  ne  tardent  pas  à  se  manifester 
dans  le  voisinage,  et  le  même  travail  inflammatoire  les  trans- 
forme en  autant  d'ulcères  qui  détruisent  souvent  les  tégu- 
mens  avec  une  rapidité  effrayante.  Ainsi,  il  y  a  dans  ce  mo- 
ment, dans  les  salles,  un  ancien  militaire  qui  a  vu,  il  y  a  deux 
ans,  un  bouton  semblable  se  développer  sur  la  lèvre  supé- 
rieure ;  ce  bouton  s'est  enflammé,  s'est  ulcéré,  et  s'unissant 
■à  quelques  autres,  a  détruit  entièrement  toutes  les  parties 
molles  du  nez.  Les  joues  ont  été  ensuite  envahies  ainsi  que 
les  paupières  inférieures.  La  peau  qui  recouvre  ces  parties 
est  aujourd'hui  remplacée  par  une  cicatrice  difforme  et  assez 
semblable  à  celle  qui  résulte  d'une  brûlure,  mais  une  multi- 
tude d'autres  tubercules  indolens  sont  disséminés  sous  cette 
cicatrice,  et  il  est  à  craindre  qu'ils  ne  s'enflamment  et 
s'ulcèrent  encore  de  manière  à  rendre  cette  maladie  presque 
interminable. 

D'autres  fois  c'est  le  cuir  chevelu  qui  est  principalement 
le  siège  de  ces  tubercules,  et  les  ulcères  qui  s'établissent  à 
sa  surface  amènent  alors  la  chute  des  cheveux  fi).  Ces  ul- 
cères se  suivant  le  plus  ordinairement  de  manière  à  tracer 
des  bandes  irrégulières,  on  a  désigné  sous  le  nom  de  cou- 
ronne de  Vénus  les  ulcérations  de  cette  espèce,  qui  se  déve- 


(i)  Cette  chute  des  cheveux  par  plaques,  et  sous  l'influeDce  de  tu- 
bercules ulcérés,  ne  constitue  pas,  à  proprement  parler,  l'alopécie 
dont  nous  aurons  à  nous  occuper  plus  tard,  et  qui  consiste  dans  une  af- 
fection du  bulbe  du  poil  lui-mètne. 


(4i3) 

loppent  sur  le  front  des  malades  et  qui  y  laissent  toujours 
une  cicatrice  indélébile. 

Bien  que  le  siège  le  plus  ordinaire  des  tubercules  soit  à  la 
face,  on  les  rencontre  aussi  très-f/équeniment  sur  le  reste 
du  corps.  Quelquefois  l'éruption  est  général,  d'autres  fois  elle 
n'occupe  qu'une  partie  circonscrite;  ainsi,  l'on  rencontre  à  la 
jambe,  au  bras,  dans  le  dos,  des  ulcères  semblables  à  ceux 
de  la  face.  Enfin  les  tubercules  peuvent  être  isolés,  et  ne  se 
montrer  qu'en  très-petit  nombre  et  à  des  intervalles  fort 
éloignés. 

Leur  volume  varie  depuis  la  grosseur  d'une  tête  d'épingle 
jusqu'à  celle  d'un  œuf  de  pigeon;  ils  s'accompagnent  le  plus 
sou  vent  d'autres  symptômes  syphilitiques,  tels  qu'uneéruption 
d'une  autre  forme,  des  ulcères  de  la  gorge,  des  affections  des 
os,  etc.  Quand  l'éruption  est  isolée,  les  tubercules  sont  ordi- 
nairement très-volumineux;  dans  tous  les  cas,  ils  sont  à  di- 
vers degrés  de  maturité,  les  uns  sont  indolens  et  à  peine  for- 
més, tandis  que  les  autres  s'ulcèrent  et  détruisent  les  tissus. 
Cette  syphilide  se  guérissant  d'ailleurs  fort  rarement  d'une 
manière  complète,  rien  n'est  plus  commun  que  de  rencon- 
trer des  individus  couverts  de  ces  cicatrices  difformes,  et  chez 
lesquels  de  nouveaux  tubercules  se  développent  avec  une 
opiniâtreté  désespérante. 

La  syphilide  tuberculeuse  affecte  presque  toujours  une 
marche  chronique;  si  la  peau  s'enflamme  et  suppure,  ce 
n'est  que  partiellement,  et  il  est  rare  que  cette  éruption  réa- 
gisse sur  l'économie  de  manière  à  produire  de  la  fièvre, 
comme  on  l'observe  dans  les  exanthèmes  aigus.  Cependant 
il  paraît  que  lorsque,  vers  le  quinzième  siècle,  la  syphilis 
sévit  d'une  manière  épidémique  en  Europe,  elle  se  montrait 
le  plus  souvent  sous  la  forme  de  syphilide  tuberculeuse  ai- 
guë. L'excès  de  la  douleur,  ainsi  que  l'abondance  de  la  sup- 
puration et  l'étendue  de  l'inflammation,  faisaient  prompte- 
ment  périr  les  malades;  ou  lorsque  la  mort  n'était  pas  le 
résultat  de  ces  graves  désordres,  on  ne  pouvait  éviter  de  hi- 
deuses cicatrices,  ou  la  perte  d'organes  importans. 

Ces  éruptions  avec  fièvre  ne  sont  pas  sans  exemple  au 
temps  où  nous  vivons,  et  nous  avons  vu  dans  les  salles  de 
l'infirmerie  un  malade  dont  le  corps  entier  se  couvrit  de 
tubercules  en  l'espace  de  quelques  jours.  Ces  tubercules 
se  développaient,  s'enflammaient,  suppuraient  presque  dans 
l'intervalle  du  jour  au  lendemain.  Bientôt  toute  la  surface 
du  corps  fut  sillonnée  d'ulcères  rongeurs  qui  rampaient  en 
détruisant  les  tégumcns  des  extrémités,  du  dos,  de  la  poi- 
trine, des  membres,  et  surtout  de  la  face.  La  fièvre,  l'insom- 


(4i4) 

nie,  ia  douleur  et  l'abondance  d'une  suppuration  de  mau- 
vaise nature  eurent  bientôt  jeté  dans  le  marasme  le  malade, 
qui  cependant  était  d'ime  vigoureuse  constitution;  en  quel- 
ques jours  il  maigrit  d'une  manière  effrayante,  et  l'on  dut 
concevoir  pour  sa  vie  les  plus  sérieuses  inquiétudes.  Un 
traitement  anliphlogistique  actif  vint  cependant  arrêter  ces 
désordres,  qui  avaient  pris  naissance  pendant  l'administra- 
tion des  mercuriaux  à  l'intérieur. 

A  l'exception  d'un  petit  nombre  de  cas  de  cette  espèce, 
on  voit  presque  toujours  la  syphilide  tuberculeuse  affecter 
une  marche  chronique,  et  les  désordres  qu'elle  produit  sont 
en  général  circonscrits  et  locaux. 

Le  pronostic  de  la  syphilide  tuberculeuse  étant  beaucoup 
plus  grave  que  celui  de  toutes  les  autres  éruptions  de  cette 
nature,  on  doit  s'attendre  à  la  rencontrer  plus  fréquemment 
chez  dt'S  individus  qui  ont  combattu  par  des  préparations 
mercurielles  leurs  acoidens  primitifs  et  successifs.  C'est  en 
effet  presque  toujours  chez  ces  derniers  que  nous  l'avons 
observée,  bien  qu'en  consultant  nos  notes  nous  puissions 
citer  quelques  exemples  de  ces  sortes  d'éruptions  chez  des 
gens  qui  s'étaient  soumis  à  un  traitement  simple,  ou  plutôt 
qui  n'avaient  pris  aucun  soin  de  leur  première  infection. 

Nous  renvoyons  au  prochain  article  les  considérations  sur 
le  traitement  de  ces  cinq  espèces  de  syphilides,  et  spéciale- 
ment de  cette  dernière,  dont  la  fréquence  et  la  gravité  méri- 
tent de  fixer  toute  notre  attention. 


ART.     1121. 

HOPITAL  CLINIQUE  DE  LA  FACULTÉ. 

Causes,  diagnos.tic,    all( rations  pathologiques;   traitement  de 
Chypérémie,  ou  congestion  cérébrale.  (Voy.  art.  1107.) 

La  congestion  cérébrale  n'est  que  l'exagération  de  l'étal 
normal;  c'fst  l'alHiix  et  la  stase  du  sang  dans  le  cerveau. 
Mais  par  quelle  propriété  le  tissu  de  cet  organe  relient-il  le 
sang?  C'est  ce  qu'il  <fst  impossible  d'expliquer.  Nous  som- 
més donc  forcés  de  nous  borner  ù  étudier  les  causes  prédis- 
posantes. Parmi  ces  causes,  nous  devons  ranger  d'abord  U 
cotislitulion  sanguine.  Quant  à  l'âge,  eu  général,  c'est  l:i 
jeunesse  qui  y  predisp  )se,  comme  la  vieillesse;  prédispose  au 
raLnoili>sciueu(.  Une  alimenlatiuu  substantielle  et  nutritive 
coïucidaitt  avec  des  pertes  peu  considérables,  est   égiWe- 


4i6) 

ment  cause  de  la  congestion.  Les  boissons  spiritueuses  sont  à 
la  fois  cause  médiate  et  cause  immédiate. 

Celte  maladie  est  surtout  fréquente  à  l'époque  des  gran- 
des chaleurs,  mais  on  l'observe  aussi  dans  les  grands  froids. 
Dans  le  premier  cas,  c'est  un  résultat  de  l'insolation  qui  dé» 
termine  l'afflux  du  sang  vers  l'organe  cérébral  ;  ainsi,  la  Re- 
lou  médicale  a  cité  l'exemple  de  trois  moissonneurs  qui  ont 
été  trouvés  morts  dans  un  champ.  Il  est  hors  de  doute  qu'ils 
avaient  succombé  à  une  congestion.  Dans  le  second,  on  peut 
expliquercet  accident  par  la  concentration  du  satig  dans  les 
organes  intérieurs,  et  spécialement  dans  le  cerveau. 

Le  travail  intellectuel,  les  impressions  morales  vives  de 
plaisir  ou  de  chagrin,  sont  encore  des  causes  prédispo-» 
santés. 

Les  exercices  violens  :  on  a  cité,  il  y  a  deux  ans,  l'exemple 
de  cet  éludianJt  en  médecine  qui  est  mort  pr3sque  subite- 
ment après  avoir  valsé.  L'autopsie  a  prouvé  qu'il  avait  suc- 
combé à  une  congestion. 

Il  est  facile  de  reconnaître  l'hypérémie  cérébrale,  mais  le 
diagnostic  est  plus  difficile  quand  il  y  a  perte  de  connais- 
sance et  résolution  des  membres.  On  est  alors  forcé  de  passer 
en  revue  toutes  les  maladies  du  cerveau,  et  de  procéder  par 
voie  d'exclusion.  Ainsi,  on  reconnaît  qu'il  y  a  hémorrhagie 
à  l'existence  d'une  hémiplégie.  Si  la  paialysie  est  générale, 
il  sera  impossible  de  faire  cette  distinction  à  l'instant  même; 
mais  si,  après  avoir  saigné  et  employé  les  moyens  convena- 
bles pendant  un  certain  temps,  la  paralysie  persiste,  il  n'y  a 
plus  de  doute  sur  l'existence  d'une  hémurrhagie.  Dans  ce 
dernier  cas,  il  y  a  eu  brusque  invasion,  ce  qui  le  distiugue 
du  ramollissement  dans  lequel  il  y  a  toujours  des  signes  pré- 
curseurs. 

La  méningite  ne  peut  se  confondre  avec  la  congestion 
par  le  souvenir  des  antécédens. 

On  reconnaîtra  toujouis  les  divers  genres  d'asphyxie 
quand  on  voudra  en  rechercher  les  causes,  telles  que  l'eau, 
les  gaz  des  fosses  d'aisance,  du  charbon,  etc. 

Quanta  la  syncope,  elle  n'a  point  les  mêmes  symptômes. 
On  confondrait  plus  aisément  la  congestion  avec  le  narco- 
tisme  ou  l'ivresse;  mais  ces  accidens  sont  eux-mêmes  de 
véritables  congestions,  puisqu'il  l'autopsie  on  trouve  les 
mêmes  désordres. 

Le  pronostic  est  en  général  favorable,  car  cette  maladie 
se  termine  presque  toujours  par  lu  guérison. 

On  trouve  à  l'autopsie,  quand  la  conge.stion  a  été  tres- 
forte,  la  face  tuméiiée  et  rouge,  ainsi  que  la  gorge  et  la  par- 


(4i6) 

tie  antérieure  de  la  poitrine.  On  voit  que  le  malade  a 
éprouvé  une  gêne  extrême  de  la  respiration  et  delà  circula- 
tion. Quand  on  incise  la  peau,  il  en  sort  une  grande  quanlilé 
de  sang;  les  os  du  crâne  en  sont  imbibés;  ils  sont  de  couleur 
violette,  ainsi  que  la  dure-mère.  Les  autres  membranes  du 
cerveau  sont  également  injectées,  et,  si  on  les  déchire,  il 
s'en  écoule  une  grande  quantité  de  sang.  La  substance  grise  a 
une  coloration  brunâtre,  et,  quand  on  l'incise,  on  reconnaît 
qu'elle  est  parsemée  d'une  multitude  de  petits  points  rouges. 
On  trouve  souvent  aussi  de  la  sérosité  dans  les  ventricules. 

Le  traitement  consiste  à  ôter  du  sang  et  à  empêcher  qu'il 
ne  s'en  reproduise  de  nouveau.  Les  sangsues  et  les  saignées 
sont  également  utiles.  On  a  conseillé  la  saignée  du  bras,  du 
pied,  de  la  jugulaire.  M.  Rostan  pense  que  cette  dernière 
peut  être  d'une  grande  utilité  dans  les  cas  de  mort  immi- 
nente en  débarrassant  directement  le  cerveau.  Le  malade 
doit  en  outre  être  mis  à  une  diète  sévère  et  à  l'usage  des 
délayans;  il  sera  couché  le  haut  du  corps  fort  élevé,  et  on 
maintiendra  continuellement  des  réfrigérans  sur  sa  tête;  on 
placera  en  même  temps  des  révulsifs  aux  extrémités  infé- 
rieures. 

Dans  ces  derniers  temps,  on  a  préconisé  les  purgatifs.  Ils 
peuvent  réussir  quelquefois,  mais  il  est  certain  qu'ils  sont 
inefficaces  dans  un  grand  nombre  de  cas. 

Nous  avonsdit  que  les  congestions  étaient  fort  communes 
à  l'époque  des  grandes  chaleurs.  Depuis  quelques  jours,  la 
température  ayant  été  extrêmement  élevée,  plusieurs  ma- 
lades sont  entrés  dans  nos  salles  :  au  n"  5  est  un  homme 
qui  n'a  offert  que  le  premier  degré  de  la  congestion  :  il  a  eu 
seulement  de  la  céphalalgie,  des  vertiges  et  un  peu  d'en- 
gourdissement des  membres.  Une  saignée  a  suffi  pour  dissi- 
per tous  ces  accidens. 

Au  n"  7,  a  été  reçu  un  homme  dont  la  congestion  était 
plus  caractérisée.  C'est  un  charpentier  âgé  de  vingt  six  ans 
et  très-robuste.  Après  avoir  travaillé  toute  lu  journée  au 
soleil,  il  a  été  pris  d'une  céphalalgie  des  plus  violentes  à  la 
partie  antérieure  et  postérieure  de  la  tête,  avec  fièvre,  et  de 
temps  à  autre  quelques  épistaxis.  M.  Rostan  a  pensé  que 
dans  ce  cas  il  y  avait  non-seulement  congestion,  mais  en- 
core menace  de  méningite;  en  conséquence  il  l'a  fait  saigner 
très-largement,  et  tous  les  accidens  ont  disparu. 

Au  n"  1  de  la  salle  des  femmes  est  une  jeune  fille  qui,  à 
la  suite  d'une  longue  course,  a  vu  .-es  règles  se  supprimer. 
Bientôt  des  étourdissemens  et  de  la  céphalalgie  sont  sur- 
venus, fille  ne  voyait  qu'indistinctement  les   objets  exté- 


(417) 

rieurs.  Une  saignée  du  bras  a  été  pratiquée,  et  vingt-cinq 
sangsues  ont  été  mises  à  la  vulve,  afin  de  ramener  les  règles 
ou  d'y  suppléer.  Le  lendemain  elle  n'éprouvait  plus  d'é- 
blouissemens  qu'en  se  mettant  sur  son  séant.  Elle  avait 
failli  perdre  connaissance  en  ramassant  une  aiguille. 

Au  n°  5  est  une  autre  variété  de  congestion.  Une  jeune 
fille  lymphatique,  âgée  de  vingt  à  vingt-deux  ans,  a  perdu 
complètement  connaissance  pendant  uu  quart-d'heure.  Elle 
a  éprouvé  en  outre  de  l'engourdissement  dans  tout  un 
côté  du  corps,  et  les  objets  extérieurs  ont  complètement 
disparu  à  ses  yeux. 

Enfin,  une  femme  de  cinquante  ans  a  éprouvé  la  même 
maladie  pour  une  cause  différente.  Elle  est  tombée  d'une 
échelle,  et  la  commotion  a  déterminé  tous  les  symptômes 
d'une  congestion.  Le  repos  et  des  saignées  copieuses  ont 
cependant  dissipé  tous  les  symptômes  alarmans. 

ART.    1122. 

Quelques  observations  constatant  tes  bons  effets  de  l'électricité 
dans  certaines  maladies. 

M.  Busch,  professeur  à  Marbourg,  a  publié  dans  le 
Journal  de  la  méd.  prat.  de  Hufeland  plusieurs  observations 
qui  ne  paraîtront  pas  sans  intérêt.  Ce  médecin  a  employé 
avec  succès  l'électricité  dans  une  foule  de  cas,  tels  que  la 
paralysie,  l'amaurose,  le  rhumatisme,  l'odontalgie,  etc. 
Voici  quelques-unes  de  ces  observations. 

1°  Un  officier  en  retraite,  âgé  de  soixante  ans,  atteint 
d'une  cécité  complète,  vint  réclamer  ses  conseils.  Cette 
amaurose  avait  été  produite,  suivant  ce  professeur,  par  des 
excès  de  toutes  sortes.  Depuis  trois  mois,  cet  homme  ne 
pouvait  plus  distinguer  la  lumière  de  l'obscurité;  les  pu- 
pilles étaient  extrêmement  dilatées,  et  l'iris  insensible  à  toute 
irritation.  M.  Busch  se  décida  à  employer  l'électricité.  Il  fit 
passer  chaque  jour  pendant  un  quart-d'heure,  à  travers  les 
yeux  ouverts,  un  courant  électrique,  au  moyen  de  pointes  de 
bois  (i).  Plus  tard,  après  avoir  isolé  le  malade,  il  tira,  au 


(i)  M.  le  professeur  Busch,  qui  depuis  longues  années  fait  usage  de 
l'électricité,  s'est  composé  un  appareil  dont  nous  regrettons  de  n'avoir 
pas  la  description.  En  France,  quelques  médecins  emploient  aussi  fré- 
qaemEQent  le  même  moyen  thérapeutique,  et  assurent  en  retirer  de 

TOM.  VI.  —  N"  DE  SEPTEMBRE.  27 


(4i8) 

moyen  du  directeur,  vingt-quatre,  trente,  jusqu'à  quarante 
étincelles,  soit  des  yeux  qu'il  faisait  fermer,  soit  des  parties 
environnantes.  Après  chaque  opération  le  malade  lavait  ses 
yeux  avec  de  l'eau  froide,  et  les  fomentait  le  soir  avec  de 
l'eau-de-vie  mêlée  à  de  l'eau  froide. 

Au  bout  de  trois  semaines  le  malade  distinguait  déjà  le 
jour  de  la  nuit;  quinze  jours  plus  tard,  il  pouvait  apercevoir 
un  homme  à  une  certaine  distance.  Après  avoir  continué  ce 
traitement  pendant  quinze  semaines,  il  partit  pour  son  pays, 
la  vue  parfaitement  rétablie.  Mais  ayant  repris  de  nouveau 
ses  habitudes,  l'amaurose  récidiva.  Il  se  soumit  une  seconde 
fois  au  même  traitement,  qui  réussit  également  au  bout  de 
dix  semaines.  Cet  homme  est  mort  deux  ans  après  d'une  hy- 
dropisie,  ayant  conservé  sa  vue  jusqu'au  dernier  moment. 

2°  Un  homme  âgé  de  trente  ans  avait  tellement  abusé  des 
plaisirs  de  l'amour  qu'il  devint  peu  à  peu  aveugle.  Après 
l'essai  infructueux  de  divers  remèdes,  le  professeur  Busch 
employa  l'électricité.  Au  bout  de  cinq  semaines  il  pouvait 
lire  les  plus  petits  caractères,  mais  bientôt  il  survint  une  ca- 
taracte qui  fut  enlevée  par  extraction,  sans  que  l'amaurose  ait 
reparu. 

3°  Il  en  fut  de  même  chez  un  dragon  qui  avait  été  frappé 
d'amaurose  pendant  l'exercice.  Sous  l'influence  de  l'électri- 
cité, il  crut  d'abord  voir  les  objets  en  rouge;  plus  tard,  il 
aperçut  des  flammes  rouges  et  blanches  ;  enfin  il  commença 
à  distinguer  les  objets.  Au  bout  de  trois  mois,  il  pouvait  lire 
lès  plus  petits  caractères  et  apercevoir  les  objets  les  plus 
éloignés.  Cette  guérison  est  d'autant  plus  étonnante  que 
pendant  la  durée  du  traitement  le  temps  était  si  pluvieux, 
que  le  professeur  était  obligé  d'employer  l'acide  carbonique 
pour  développer  l'électricité. 

4°  Un  général  de  cavalerie,  âgé  de  soixante-quatre  ans, 
ayant  fait  une  chute  de  voiture,  se  trouva  atteint  d'une  para- 
lysie générale.  M.  Busch,  après  l'emploi  convenable  des  sai- 
gnées et  des  révulsifs,  eut  recours  pour  la  première  fois  à 
l'usage  du  fer  à  repasser  électrique,  qu'il  promena  à  plusieurs 
reprises  sur  la  moelle  épinière  et  sur  les  membres  malades. 
Au  bout  de  trois  semaines,  le  général  remuait  facilement  les 
jambes  et  le  bras  gauche;  la  coustipation  et  la  rétention 


très-bons  eCfel»;  mais  ils  ne  dirif^ent  vprs  l'oeil  atteint  d'amaurose  que 
des  courans  électriques  très-faibles,  dans  la  crainte  de  causer  des  acci- 
dens  graves.  Oa  a  cité  plusieurs  exemples  de  guérison  dans  cette  sorte 
de  paralysie.  {Noie  du  Jiéd.) 


(4«9) 
d'urine,  suites  de  la  paralysie  du  rectum  et  de  la  vessie, 
avaient  éjjalement  disparu.  Au  bout  d'un  mois,  il  commen- 
çait ù  marcher  ;  enûn,  le  troisième  mois,  il  était  parfaitement 
rétabli. 

Plusieurs  observations  de  guérison  sont  encore  rapportées 
parie  professeur  Brusch  chez  des  individus  atteints  de  dou- 
leurs de  dents,  de  surdité,  de  goutte,  etc.  Ce  médecin  cite 
même  l'exemple  d'un  jeune  garçon  qui  fut  débarrassé  par  ce 
moyen  d'un  tœnia  fort  long;  mais  il  nous  semble  que  les 
purgatifs  qui  furent  administrés  après  l'emploi  de  l'électri- 
cité ont  dû  avoir  sur  l'expulsion  du  ver  autant  d'influence 
que  l'action  du  fluide  électrique. 

ART.     1123. 

Resection  d'un  polype  utérin.  Ligature  employée  pour  prévenir 
l'hémorrhagie. 

M.  Carpon,  ancien  officier  de  santé  militaire  de  première 
classe,  habitant  Mont-Martin-sur-Mer  (Manche;,  nous 
adresse  l'observation  suivante  : 

Une  femme  âgée  de  trente-six  ans,  déjà  mère  de  plusieurs 
enfaus,  me  fît  appeler  en  i833  pour  calmer  des  douleurs 
extrêmement  vives  qu'elle  ressentait  dans  la  région  lom- 
baire. Chaque  douleur  était  suivie  d'un  moment  de  calme, 
et  imitait  parfaitement  les  tranchées  de  l'accouchement.  Les 
règles  avaient  cessé  de  paraître  depuis  deux  mois  et  demi. 

Je  pratiquai  aussitôt  le  toucher,  et  trouvai  le  col  de  la 
matrice  offrant  une  dilatation  de  la  largeur  d'une  pièce  de 
deuxfrancs  environ.  Mais  au  lieu  de  rencontrer  les  membranes 
contenant  les  eaux  de  l'amnios,  je  sentis  une  tumeur  molle, 
inégale,  que  je  reconnus  bientôt  pour  un  corps  étranger, 
n'offrant  avec  les  parties  d'un  fœtus  aucun  point  de 
ressemblance.  Pensant  donc  avoir  affaire  à  un  polype,  et 
craignant  que  la  rupture  de  son  pédicule  n'amenât  une  hé- 
morrhagie,  je  pris  à  l'instant  deux  morceaux  de  bois,  longs 
de  six  à  sept  pouces  environ,  et  d'un  pouce  et  demi  de  cir- 
conférence. Les  extrémités  d'un  fil  retors,  au  centre  duquel 
se  trouvait  un  nœud,  furent  passées  dans  deux  petits  trous 
pratiqués  au  sonmiet  de  chaque  morceau  de  bois.  Le  fil 
ayant  été,  au  préalable,  enduit  de  suif  (à  défaut  de  cire  }, 
fut  dirigé  le  long  de  la  tumeur.  Arrivé  à  sa  partie  supé- 
rieure, tenant  un  fil  et  un  bois  dans  chaque  main,  je  portai 
ma  ligature  où  je  voulus,  et  serrai  si  exactemeot  le  pédicule- 


(420) 

polypeux,  qd'il  ne  sortit,  après  la  section  faite  à  l'aide  de 
ciseaux  courbes,  qu'environ  une  cuillerée  de  sang. 

La  tumeur  ainsi  extraite  avait  sept  pouces  et  demi  de 
circonférence  sur  cinq  de  longueur.  Je  prescrivis  à  la  ma- 
lade un  repos  absolu,  un  régime  sévère  et  l'usage  des  bois- 
sons gommeuses.  Au  bout  de  huit  jours  elle  sortit  de  son 
lit,  et  les  morceaux  de  bois  ayant  été  abandonnés  à  leur 
propre  poids,  tombèrent  avec  les  fils.  La  guérison  eut  lieu 
quelques  jours  après. 

ART.  1124. 

Observation  d'une  rétention  d'urine  causée  par  un  accès  de  co-^ 
1ère.  Article  communiqué  par  M.  Philippe, m  édecin  à 
Hambach  (Bas-Rhin). 

J.-N.  Bach,  3gé  de  cinquante-quatre  ans,  cultivateur,  me 
fît  appeler,  le  5  août  i854,  pour  le  débarrasser  d'une  réten- 
tion d'urine.  Arrivé  près  du  malade,  j'appris  que  la  veille  cet 
homme,  étant  à  l'auberge,  avait  eu  une  querelle  avec  un  de 
ses  voisins,  et  qu'au  moment  d'une  violente  colère  il  avait 
éprouvé  tout-à-coup  une  vive  douleur  dans  les  régions  lom- 
baire et  hypogastrique.  Depuis  ce  moment,  il  avait  fait,  mais 
inutilement,  de  nombreux  efforts  pour  uriner.  Je  prescrivis 
une  diète  sévère,  le  repos,  des  bains  chauds  et  des  applica- 
tions de  topiques  émolliens.  Le  lendemain  je  revis  le  malade 
de  grand  matin;  les  douleurs  étaient  insupportables,  la  ves- 
sie distendue  et  très-douloureuse.  Vingt  sangsues  furent 
appliquées  au  périnée,  et  dans  le  courant  de  l'après-midi 
j'essayai  de  le  sonder  à  plusieurs  reprises,  mais  toujours  in- 
utilement. On  continua  les  mêmes  moyens.  Entre  dix  et 
onze  heures  du  soir,  je  fis  de  nouveau  quelques  tentatives 
pour  introduire  une  sonde.  Arrivé  à  la  prostate,  j'éprouvai 
une  résistance  assez  forte.  Je  portai  alors  un  doigt  de  la 
main  gauche  dans  le  rectum,  et,  dirigeant  le  bec  de  l'instru- 
ment, je  parvins  enfin  dans  la  vessie.  L'organe  une  fois  vidé, 
la  rétention  d'urine  ne  se  reproduisit  plus,  et  l'usage  des  bains 
et  de  boissons  mucilagineuses  ramena  presque  aussitôt  cet 
homme  dans  l'état  ordinaire  de  santé. 

ART,     1125. 

Accès  épileptiformes  guéris  par  la  peur 
On  trouve  dans  un  journal  étranger  (1)  une  observation 


(1)  TliC  Edimbourg  mcdical  aiid  surgicai  journal. 


(421    ) 

assez  curieuse  dans  laquelle  on  parvint  à  prévenir  le  retour 
d'accès  épileptiformes,  par  la  crainte  qu'on  sut  inspirer  au 
malade  de  l'emploi  de  moyens  extrêmement  douloureux. 

II  s'agissait  d'une  enfant  de  huit  ans,  qui  depuis  un  an  en- 
viron était  sujette  iî  des  accès  qu'on  qualifiait  d'épilepsie. 
Ces  accès,  d'abord  fort  éloignés,  s'étaient  rapprochés  au 
point  de  se  manifester  trois  ou  quatre  fois  par  jour;  aussi 
cette  petite  fille  était-elle  réduite  à  un  état  d'émaciation  con- 
sidérable. On  avait  successivement  employé  tous  les  moyens 
usités  contre  l'épilepsie,  et  comme  ou  n'en  avait  retiré  abso- 
lument aucun  bon  effet,  on  resta  persuadé  que  ces  convul- 
sions tenaient  à  une  lésion  organique  du  cerveau.  Cepen- 
dant, pour  tenter  une  dernière  ressource,  on  annonça  à 
la  petite  malade  que  si  un  accès  se  reproduisait  encore,  on 
aurait  recours  à  l'application  d'un  fer  chaud  sur  la  plante 
des  pieds.  La  frayeur  fît  cette  fois  ce  que  tous  les  remèdes 
n'avaient  pu  opérer,  et  à  partir  de  ce  moment  aucun  accès 
ne  parut,  et  cette  petite  fille  fut  entièrement  guérie. 

ART.   1126. 
Note  sur  les  pilules  sédatives  et  le  laudanum  liquide  de  Lalouette. 

M.  le  docteur  Chrétien,  de  Montpellier,  a  adressé  au  Jour- 
nai  de  pharmacie  du  Midi  une  note  sur  une  préparation  nar- 
cotique peu  connue,  et  cependant  bien  digne  de  l'être,  puis- 
que, suivant  ce  médecin,  l'opium  ainsi  préparé  aurait  la 
précieuse  faculté  de  procurer  un  sommeil  calme  et  paisible 
sans  supprimer  en  aucune  façon  les  diverses  sécrétions. 
Voici  son  mode  de  préparation,  tel  qu'on  le  trouve  décrit 
dans  le  Traité  des  scrofules  de  Lalouette  : 

«  Prenez  une  once  de  bon  laudanum  coupé  par  petits 
morceaux,  que  vous  mettrez  dans  un  matras,  et  versez  des- 
sus une  chopine  de  vinaigre  distillé;  vous  placerez  le  matras 
au  bain  de  sable  à  un  feu  très-doux,  ayant  soin  de  le  remuer 
de  temps  en  temps;  après  vingt-quatre  heures  de  digestion, 
vous  filtrerez  la  liqueur  qui  sera  rouge,  et  l'ayant  mise  dans 
une  capsule  de  verre,  que  vous  placerez  au  bain  de  sable, 
vous  ferez  lentement  évaporer  jusqu'à  consistance  d'extrait 
solide,  que  vous  mettrez  dans  un  vase,  ayant  soin  de  le  ga- 
rantir de  l'humidité,  qu'il  prendrait  facilement,  qui,  le  fai- 
sant tomber  en  déliquescence,  le  mettrait  hors  d'état  d'être 
formé  en  pilules. 

«  La  dose  est  communément  d'un  grain  le  soir,  et  d'un 
autre  grain  le  matin,  si  les  douleurs  d'entrailles  persévèi'eut 
malgré  l'usage  des  lavemens  émolliens  et  caïmans. 


(433) 

»  Ce  remède  est  de  tous  les  caïmans  celui  qui  a  le  moins 
d'inconvéniens,  et  qui  réunit  les  plus  grands  avantages.  Il 
apai?e  les  douleurs  sans  contraindre  ni  forcer  au  sommeil  ; 
il  ne  cause  ni  stupeur  ni  engourdissement,  et  le  repos  qu'il 
procure  n'est  dû  qu'à  une  sorte  de  relâchement  dans  les 
parties  sensibles,  d'où  naît  la  douce  tranquillité  dont  jouis- 
sent les  malades  peu  de  temps  après  l'avoir  pris.  Ce  calmant 
ne  provoque  pas  toujours  au  sommeil,  mais  répand  dans 
toute  l'habitude  du  corps  un  bien-être  d'autant  plus  heu- 
reux, qu'il  a  été  souvent  précédé  de  douleurs  cruelles.  Ces 
pilules,  que  je  nomme  sédatives,  m'ont  toujours  si  bien 
réussi  dans  les  maladies  dont  il  s'agit,  que  je  ne  puis  trop 
exhorter  à  en  faire  usage,  non-seulement  en  pareil  cas,  mais 
encore  dans  toutes  les  circonstances  où  l'on  est  obligé  de 
recourir  aux  caïmans  ordinaires,  qui,  comme  on  sait,  sus- 
pendent les  sécrétions,  lesquelles,  sous  l'usage  de  ce  remède, 
ne  sont  pas  même  ralenties.  On  peut  donc,  en  toute  sûreté, 
lorsque  le  besoin  l'exige,  purger  le  matin  les  malades  qui 
ont  la  veille  pris  un  grain  de  ces  pilules.  » 

Depuis  cinquante  ans  que  M.  le  docteur  Chrétien  emploie 
ces  pilules  sédatives,  il  a  pu  s'assurer  que  les  éloges  de  La- 
lotiette  n'avaient  rien  d'exagéré,  et  que  de  toutes  les  prépa- 
rations d'opium  celle-ci  était  effectivement  la  meilleure. 

Ce  médecin  emploie  aussi  la  même  substance  sous  forme 
liquide,  soit  par  la  bouche,  soit  en  lavemens,  et  la  prépare 
de  la  manière  suivante  : 

Pr.  Extrait  d'opium  de  Lalouette,  trois  gros  et  demi  ; 
Eau  distillée,  sept  onces. 

Faites  dissoudre,  et,  la  solution  opérée,  ajoutez  : 

Alcool,  une  once. 

Filtrez. 

Quinze  gouttes  équivalent  à  un  grain  d'extrait. 

ART.  1 127. 

iVofc  sar  ta  préparation  d'un  taffetas  épispastique  au  garou, 

M.  Emile  Mouchon,  pharmacien  à  Lyon,  a  publié  dans  le 
Bulletin  de  thérapeutique  la  note  suivante  sur  la  composition 
d'un  nouveau  taffetas  épispastique  : 

Pr.   Cire  jaune  parfaitement  pure,  1 

Térébenthine  de  moyenne  consistance,  J  ^^^  gramm.  ; 


(423) 

Axonge  lavée,  96  grammes; 

Résine  éléini  privée  d'impureté. 

Mastic  en  larmes  de  choix,  \  t       r 

Benjoin  en  larmes  réduit  en  poudre   j         °  ' 

fine, 

Huile  de  daphné-méséréun,  128  grammes; 

Stil  de  grain,  8  grammes; 

Prussiate  de  fer,  4  grammes; 

Huile  essentielle  de  citron,  6  grammes. 

La  cire,  l'axonge  et  les  résines,  fondues  à  un  feu  ménagé, 
j'ajoute  la  laque  jaune  ou  stil  de  grain,  le  bleu  de  Prusse  et 
l'huile,  triturés  ensemble'dans  un  mortier  de  fer.  Le  tout  à 
moitié  refroidi,  j'aromatise  par  l'huile  essentielle  de  citron, 
et  je  coule  sur  une  bande  de  petit  satin  vert,  disposée  à  cet 
effet  sous  la  règle  d'un  sparadrapier  en  métal,  de  manière 
qu'elle  ne  soit  recouverte  que  d'une  légère  couche  emplas- 
tique. 

Ce  sparadrap  bien  refroidi  est  divisé  en  morceaux  carrés 
de  deux  pouces  trois  quarts  de  long  sur  deux  pouces  un 
quart  de  large,  pour  être  introduit  dans  des  boîtes  de  carton. 
Chacune  contient  de  quinze  à  trente  morceaux  égaux,  alter- 
nés par  autant  de  petites  feuilles  de  papier  fin. 

Cette  composition  est  indiquée  sous  le  n"  i.  On  affaiblit 
son  énergie  en  diminuant  la  quantité  de  daphné-mézéréun. 
Ainsi,  pour  le  n°  2,  on  ne  fait  entrer  que  quatre-vingt-seize 
parties  de  cette  huile,  soixante-quatre  dans  celle  du  n°  3,  en- 
fin trente-deux  dans  celle  du  n"  4»  On  remplace  cette  huile 
par  l'huile  de  jusquiame  ou  toute  autre  huile  calmante. 

Ce  taffetas,  dans  ses  divers  degrés  d'activité,  remplace 
avantageusement  la  plupart  des  pommades  épispastiques,  et 
simplifie  de  beaucoup  le  pansement  des  vésicatoires. 

ART.  1128. 

FORMtlES    DE   PITISIETJBS    MÉDICAMENS. 

Cérat  noir  de  Powel  contre  la  teigne. 

Pr.  Huile  d'olive,  douze  onces; 
Cire  blanche,  quatre  onces; 
Charbon  de  liège  en  poudre  fine,  deux  onces; 
Soufre  sublimé  et  lavé,  unce  once; 
Sulfate  d'antimoine  porphyrisc,  une  once; 

Liquéfiez  l'excipient,  incorporcz-y  les  poudres  et  agitez-le 
mélange  jusqu'à  ce  qu'il  soit  figé. 


(424) 

Liniment  antispasmodique  du  docteur  Chrétien. 

Pr.   Hydralcool,  douze  onces; 

Acétate  de  potasse,  quatre  onces  ; 

Camphre,  seize  scrupules; 

Extrait  d'opium,  soixante-quatre  grains. 

Faites  dissoudre  le  camphre  et  l'extrait  dans  l'excipient, 
ajoutez-y  l'acétate,  et  filtrez  au  papier. 

Tisane  diaphorétique  du  docteur  Gimel. 

Pr.  Eau  bouillante,  quarante  onces  ; 
Bois  de  gayac  râpé,  dix  scrupules; 
Racine  de  réglisse  sèche  et  coupée,  dix  scrupules  ; 
Fleurs  sèches  de  sureau,  cinq  scrupules; 
Fleurs  sèches  de  coquelicots,  cinq  scrupules. 

Versez  l'excipient  sur  les  autres  substances  et  laissez  in- 
fuser pendant  quatre  heures  ;  passez  en  exprimant,  et  filtrez 
au  papier.  Alors 

Pr.  Hydrolature  ci-dessus,  trente  onces; 
Sirop  de  capillaire,  deux  onces. 

Mêlez. 

L'action  de  ce  médicament,  pour  chaque  verre,  est  re- 
présentée par 

Bois  de  gayac,  )    ^^  , 

n     .       ?  *'  '   I-  J   aa  un  scrupule. 

Racme  de  réglisse,    j  ^ 

Fleurs  de  sureau.       )    ^.         ,      .  , 

,  ,.     .      >   aa  un  demi-scrupuie. 

—  de  coquelicots,   )  '■ 

Sirop  de  capillaire,  six  scrupules. 

{Journal  de  chim.  méd.) 

▲RI.  1 129. 

Note  sur  l'emploi  d'une  pommade  iodée  dans  l'engorgement  des 
amygdales. 

Un  médecin  italien  a  employé  avec  succès  des  onctions 
avec  une  pommade  iodée  portée,  à  l'aide  d'un  pinceau, 
matin  et  soir,  sur  les  amygdales,  lorsque  ces  glandes  restent 
engorgées  à  la  suite  d'une  inflammation  aiguë  incomplète- 
ment terminée.  Voici  la  Cormule  de  cette  pommade  : 

Pr.  Iode  très-pure,  un  scrupule; 
Onguent  rosat,  une  once. 
Faites  selon  l'art  une  pommade. 


(425) 

AfiT.    ll3o. 

MÉDECINE  LÉGALE. 

Quels  sont  les  moyens  de  reconnaître  si  la  défloration  a  eu  tien?  —  Etat 

des  parties  génitales  chez  les  très-jeunes  enfans  ;  —  Chez  les  jeunes 

filles,  au  voisinage  de  l'époque  delà  puberté  ; —  Chezj.es  femmes  qui 

ont  cohabité  avec  des  hommes;  —  Chez  les  femmes  qui  ont  eu  des 

en/ans. 

M. 

La  dernière  lettre  que  je  vous  ai  adressée  a  eu  deux  buts  princi- 
paux :  le  premier,  de  vous  faire  connaître  les  données  que  le  ma- 
gistrat était  en  droit  d'attendre  de  vous,  dans  le  cas  de  viol  ou  de 
tout  autre  attentat  à  la  pudeur.  J'ai  cherché  à  l'atteindre  en  vous 
exposant  la  législation  qui  régit  cette  matière.  Le  second  avait  pour 
objet  de  vous  tracer  l'ensemble  de  la  conduite  que  vous  auriez  à 
tenir  dans  l'expertise  d'un  cas  de  viol.  A  cet  effet,  je  vous  ai  rap- 
porté l'exemple  le  plus  complet  d'un  examen  de  ce  genre,  puisqu'il 
se  composait,  non-seulement  de  recherches  médicales,  mais  encore 
d'expériences  chimiques  que  ces  sortes  de  cas  peuvent  réclamer.  Il 
nous  faut  aujourd'hui  procéder  avec  plus  de  méthode  et  entrer  dans 
des  détails  spéciaux.  Il  sera  évident  pour  vous  que  des  désordres 
matériels  observés,  soit  aux  parties  génitales,  soit  sur  le  reste  du 
corps  ou  sur  les  vêtemens,  doivent  constituer  le  corps  de  délit  le 
plus  probant,  et  un  des  élémens  les  plus  positifs  du  viol  aux  yeux 
du  magistrat;  nous  allons  donc  commencer  par  les  indices  qui 
peuvent  découler  de  cet  examen.  Mais  remarquez  qu'il  s'agit  pres- 
que constamment  de  désordres  physiques,  de  changemens  survenus 
dans  la  forme  et  dans  la  disposition  des  parties  génitales,  et  que 
pour  les  apprécier  il  faut  bien  posséder,  bien  connaître  la  forme  et 
la  disposition  normale  des  organes.  Il  ne  m'appartient  pas  de  vous 
faire  ici  la  description  des  parties  génitales  de  la  femme,  mais  il  est 
nécessaire  de  vous  rappeler  les  changemens  qu'elles  peuvent  éprou- 
ver à  différens  âges;  point  de  vue  sous  lequel  peu  d'anatomistes  les 
ont  envisagées.  Je  vous  ferai  observer  que  le  crime  de  viol  peut 
être  commis  à  tout  âge  de  la  vie,  et  par  conséquent,  que  c'est  sous 
ce  point  de  vue  que  les  parties  génitales  peuvent  offrir  de  l'intérêt 
pour  le  médecin  légiste.  C'est  aussi  ce  que  je  vais  vous  rappeler.  Les 
considérations  suivantes  auront  surtout  pour  but  de  vous  fournir 
les  moyens  de  résoudre  la  première  question,  que  je  vous  indiquais 
dans  ma  lettre  précédente  :  La  défloration  a-t-elle  eu  lieu? 

Des  parties  génitales  chez  les  très-jeunes  enfans;  c'est-à-dire  de  un  à 
cinq  ans. 

Huit  parties  distinctes  constituent  les  parties  génitales  à  cet 
âge.  Le  pénil^  qui  forme  une  partie  triangulaire,  légèrement 
proéminente,  terminée  en  haut  par  un  reph  qui  limite  inférieu- 
rement  l'abdomen.  Il  est  pourvu  de  plus  ou  moiais  de  graisse,  sui- 
vant l'âge  des  eufaus  et  leur  état  d'enîboopoiut. 


(426) 

Les  grandes  lèvres:  elles  forment  deux  replis  assez  volumineux,  ar- 
rondis, qui  présentent  à  cet  âge,  une  particularité  que  les  auteurs 
ne  me  paraissent  pas  avoir  décrite  avec  assez  de  soin,  et  qui  mérite 
de  fixer  l'atteution  en  ce  sens  qu'elle  peut  induire  en  erreur. 
Voici  la  circonstance  qui  me  l'a  fait  connaître.  Chargé,  il  y 
a  trois  ans,  de  constater  les  résultats  d'une  tentative  de  viol 
sur  une  enfant  de  quatre  ans,  nous  fûmes  frappés  de  l'écartement 
des  grandes  lèvres  en  haut;  il  était  tel,  qu'il  laissait  presque  entre- 
voir le  clitoris  en  formant  un  espace  triangulaire,  dont  la  base  était 
en  haut  et  le  sommet  eu  bas.  Si  l'on  écartait  les  cuisses  de  l'enfant, 
les  grandes  lèvres  s'ouvraient  en  haut  et  restaient  encore  appliquées 
l'une  contre  l'autre  eu  bas,  à  moins  que  l'écartement  des  cuisses  ne 
fût  assez  considérable.  Cette  disposition,  contraire  à  ce  qui  a  lieu 
après  la  puberté  et  surtout  après  la  cohabitation,  nous  engagea  à 
rechercher  si  elle  était  générale  ou  spéciale.  A  cet  effet,  nous  nous 
rendîmes  le  lendemain  à  l'hôpital  des  enfans  malades  à  Paris,  et  là 
nous  en  examinâmes  un  grand  nombre  de  divers  âges.  Nous  ren- 
contrâmes la  même  disposition,  mais  nous  vîmes  qu'elle  était  de 
moins  en  moins  marquée  au  fur  et  à  mesure  que  nous  nous  adres- 
sions à  des  enfans  plus  âgés.  Nous  dûmes  en  conclure  que  ce  que 
l'on  pouvait  attribuer  à  la  masturbation  et  à  la  position  réitérée 
du  doigt  dans  ce  point,  n'était  autre  chose  qu'un  état  normal,  dont 
nous  nous  rendons  facilement  compte,  parce  qu'il  est,  en  effet,  en 
rapport  avec  les  fonctions  que  remplissent  les  parties  génitales  à  cet 
âge.  Chargées  exclusivement  de  l'émission  de  l'urine,  elles  devaient 
offrir  une  ouverture  plus  prononcée  et  plus  facile  en  avant  qu'en 
arrière;  tandis  qu'ayant  plus  tard  à  accomplir  l'acte  de  la  généra- 
tion, la  disposition  naturelle  voulait  que  les  grandes  lèvres  pussent 
s'ouvrir  parfaitement  par  l'écartement  des  cuisses,  pour  laisser  pé- 
nétrer le  membre  viril  dans  l'intérieur  du  vagin.  En  résumé,  la 
vulve  est  donc  élargie  en  haut  chez  les  très-jeunes  enfans,  c'est  le 
contraire  chez  la  femme. 

La  surface  interne  des  grandes  lèvres  est  ordinairement  d'une 
couleur  rosée,  ainsi  que  le  reste  de  la  membrane  muqueuse  qui  ta- 
pisse les  parties  génitales  externes.  Toutefois  cette  couleur  est  loin 
d'être  constante,  quoique  commune  chez  les  petites  filles.  Deux 
causes  principales  influent  sur  elles;  l'habitude  de  la  masturbation  et 
l'état  de  maladie;  elles  diminuent  l'intensité  de  cette  coloration  et 
la  rendent  même  blafarde. 

'LiSi  fourchette,  repli  membraneux  ou  espèce  de  bride  qui,  lorsqu'il 
est  étendu,  a  la  forme  d'un  croissant  et  qui  unit  inférleurement  les 
grandes  lèvres  entre  elles  en  limitant  en  arrière  une  légère  Cavité 
que  l'on  nomme  \a  fosse  naviculaire. 

Les  petites  lèvres,  qui,  partant  du  prépuce  du  clitoris,  descendent 
sur  la  partie  interne  des  grandes  lèvres  pour  se  terminer  en  avant 
de  la  membrane  hymen.  Elles  ont  ordinairement,  chez  les  très- 
jeunes  enfans,  plus  d'étendue  proi)ortioniiellement  que  par  la  suite. 

Le  clitoris,  qui  à  cet  âge  a,  relativement  aux  autres  parties,  une 
longueur  plus  considérable,  et  qui  du  reste  offre  la  même  organi- 
sation que  le  membre  viril  de  l'homme. 

Un  espace  triangulaire  qui  sépare  le  clitoris  du  méat  nrinairc  ou 
canal  de  l'urètre  chez  le  sex^e  féminin. 


(4^7) 

La  membrane  hymen,  qui  offre  des  variétés  très=grandes  sous  le 
rapport  de  sa  forme,  de  son  étendue,  de  sa  situation,  et  sur  la- 
quelle nous  devons  insister  à  cause  de  la  dissidence  qui  a  existé 
entre  les  auteurs  par  rapport  à  son  existence,  Dulaurens,  Bonh, 
Dionis,  de  Lamothe,  Buffon  ,  Fallope,  Vesale,  Colomb,  Malion,  ont 
nié  son  existence.  Zerbus,  Fabricius,  Riolan,  Higmore,  Albinus, 
Ruisch,  Morgagnl ,  Winslow,  Haller,  Desault,  Gavard,  Sabatier, 
Cuvier,  Zacchias ,  Brendel ,  Teicbmeyer,  Mayer,  Belloc,  Boyer, 
Hip.  Cloquet,  Foderé,  Orfila,  l'ont  admise  comme  constante.  Ce  der- 
nier déclare  l'avoir  recherchée  sur  plus  de  deux  cents  sujets  et  ne 
l'avoir  jamais  vue  manquer.  Gavard,  qui  a  fait  des  observations  spé- 
ciales à  ce  sujet ,  l'a  trouvée  chez  des  fœtus  ,  chez  des  enfans  nou- 
veau-nés ,  des  jeunes  filles  ,  de  vingt-trois,  vingt-cinq  ans ,  chez  une 
fille  de  cinquante  ans;  Bennach,  de  Marseille,  chez  une  de  plus  de 
soixante  ans.  J'ai  fait  les  mêmes  recherches  chez  des  enfans  nou- 
veau-nés, et  je  l'ai  toujours  trouvée;  je  l'ai  rencontrée  chez  des 
filles  d'âges  différens  dont  les  cadavres  avaient  été  apportés  à  la 
"Morgue.  Baudelocque  citait  dans  ses  cours  l'observation  d'une 
femme  qu'il  accoucha  et  dont  il  allait  rompre  la  membrane  hymen 
si  la  tête  de  l'enfant  ne  s'e  fût  pas  présentée  en  ce  moment  et 
n'en  avait  pas  opéré  la  rupture  (Fodéré).  Ruisch,  pour  déli- 
vrer une  femme,  est  non -seulement  obligé  de  couper  Thymen, 
mais  encore  une  seconde  membrane  qui  était  placée  derrière  à  un 
pouce  de  distance.  Meckel  et  Walter  ont  rapporté  de«  cas  ana- 
logues. Enfin  Tolbery  cite  un  fait  observé  par  iWeckel  l'aîné,  dont 
on  a  gardé  le  dessin,  et  dans  lequel  une  personne  conserva  son 
hvmen  circulaire  et  tendu  après  avoir  mis  au  monde  un  foetus  de 
cinq  mois  enveloppé  de  toutes  ses  membranes.  J'ai  observé  deux 
fois  ,  et  par  conséquent  les  exemples  n'en  sont  pas  rares  ,  les  petites 
lèvres  réunies  dans  la  presque  totalité  de  leurs  bords  libres  et  ne 
laissant  en  haut  qu'une  petite  ouverture  correspondant  à  celle 
du  méat  urinaire. Une  autrefois,  une  membrane  accidentelle  existait 
en  dedans  des  petites  lèvres  et  venait  fermer  le  vagin  en  laissant  en 
haut  une  ouverture  pour  l'écoulement  de  l'urine.  Dans  ces  trois 
cas,  ces  membranes  accidentelles  ayant  été  incisées,  on  a  trouvé 
l'hymen  parfaitement  intact  et  placé  plus  profondément.  Nous  ajou- 
terons que  tous  les  anatomistes  modernes  ne  mettent  plus  en  doute 
l'existence  de  l'hymen,  et  que  s'il  a  été  nié  par  quelques  hommes 
de  mérite  dans  des  temps  déjà  anciens  ou  regardé  comme  n'exis- 
tant pas  toujours,  cette  opinion,  qui  à  cette  époque  pouvait  faire 
l'objet  d'un  doute,  n'en  doit  plus  faire  aujourd'hui,  que  du  temps 
s'est  écoulé,  que  de  nouvelles  recherches  ont  eu  lieu  et  que  toutes 
se  sont  accordées  pour  admettre  son  existence  constante.  Capuron 
seul,  parmi  les  médecins  modernes,  cite  des  cas  où  il  ne  l'a  pas  ren- 
contré. Les  détails  daiis  lesquels  nous  allons  entrer  relativement 
à  sa  conformation  e*  à  son  étendue,  pourront  d'ailleurs  vous  expli- 
quer jusqu'à  un  certain  point  ces  dissidences  dans  les  observa- 
tions. 

Elle  peut  consister  dans  un  repli  semi-lunaire  qui  borde  inférieu- 
rement  l'entrée  du  vagin  et  dont  les  extrémités  vont  en  diminuant 
insensiblement  se  perdre  sur  le  pourtour  de  cette  ouverture  der- 


(428) 

rière  les  petites  lèvres.  C'est  là  la  disposition  la  plus  commune  ;  sa 
convexité  est  donc  en  arrière  et  sa  concavité  en  avant. 

Dans  un  second  cas  elle  forme  une  membrane  circulaire  per- 
forée à  son  centre  et  adliérant  dans  toute  sa  circonférence  à  l'ou- 
verture du  vagin. 

Dans  un  troisième,  c'est  une  membrane  imperforée  ou  ne  présen- 
tant qu'une  petite  ouverture  en  avant,  qui  correspond  au  méat 
urinaire. 

Enfin ,  dans  d'autres  circonstances  aussi  rares  que  celle  que  je 
viens  de  citer  en  dernier  lieu,  on  a  vu  la  membrane  hymen  formée 
par  des  fîlamens  de  membrane  muqueuse  qui  unissaient  les  caron- 
cules myrtiformes  entre  elles.  Tolbery  a  vu  cette  membrane  primi- 
tivement conformée  de  manière  à  ressembler  aux  caroncules  myrti- 
formes. 

D'où  l'on  peut  conclure  que  dans  les  gg  centièmes  des  cas,  la 
membrane  hymen  se  rencontre  avec  des  apparences  non  douteuses. 

Des  caroncules  myrtiformes.  Boyer  en  a  décrit  de  deux  espèces. Deux 
caroncules  ou  éminences  placées  derrière  la  membrane  hymen,  qui 
ne  sont  que  les  extrémités  saillantes  des  colonnes  antérieure  et  pos- 
térieure du  vagin,  et  trois,  quatre,  cinq  ou  six  tubercules  pyrami- 
daux, à  bords  frangés,  ou  les  débris  de  la  membrane  hymen 
déchirée.  Voici  quelques  observations  que  j'ai  faites  à  ce  sujet,  chez 
plusieurs  jeunes  filles  et  chez  les  enfans  nouveau-nés.  La  membrane 
hymen  a  peu  d'étendue  à  la  naissance.  Peu  à  peu  elle  prend  du 
développement,  c'est  surtout  vers  les  années  qui  avoisinent  celles  de 
la  puberté;  puis  son  bord  libre  semble  se  relâcher  et  se  franger, 
au  voisinage  et  au-delà  de  la  puberté,  en  sorte  que  lorsque  la  dé- 
chirure arrive,  il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'elle  s'opère  principale- 
ment dans  les  plicatures  ou  dépressions  du  rebord  libre,  et  laissent 
ainsi  des  portions  membraneuses  pyramidales,  ainsi  qu'elles  ont  été 
décrites.  Ces  débris  de  membrane  subissent  des  changeraens  par  la 
suite,  se  durcissent,  s'arrondissent  alors  que  des  acoouchemens  ont 
ou  lieu;  mais  il  est  très-rare  de  les  voir  disparaître  entièrement. 

Quant  au  -vagin,  il  constitue  un  canal  conique  dont  la  longueur 
est  variable  suivant  l'âge.  Il  est  presque  droit  à  cette  époque  de  la 
vie,  constituant  un  cylindre  un  peu  aplati  d'avant  en  arrière  et 
dont  le  diamètre  est  très-petit  chez  des  enfans,  puisqu'il  ne  peut 
même  pas  recevoir  le  petit  doigt.  Des  rides  nombreuses  existent  à 
cette  époque  de  la  vie ,  elles  occupent  principalement  l'entrée  du 
vagin  et  y  affectent  une  direction  transversale.  En  avant  et  en  ar- 
rière de  ce  conduit  se  trouvent  deux  lignes  longitudinales  ou  co- 
lonnes du  vagin  qui  coupent  les  rides  à  angle  plus  ou  moins  droit, 
suivant  les  divers  points  de  l'étendue  de  ce  canal.  Ce  sont  elles  qui,  le 
plus  souvent,  se  terminent  par  les  caroncules  myrtiformes  natuielles 
dont  j'ai  parlé.  Enfin  on  rencontre  encore  un  grand  nombre  de 
petits  culs-de-sac  ou  lacunes  muqueuses  disséminées  sur  la  surface 
interne  de  ce  conduit. 

Quoiqu'il  ne  paraisse  pas  exister  de  fibres  musculaires  dans  l'é- 
paisseur des  paiois  du  vagin ,  ces  parois  jouissent  cependant  d'une 
certaine  coutractilité ,  appréciable  surtout  par  la  suite  et  pendant 
l'acte  du   coït;  on  l'attribue   à   un  tissu  cellulaire  dense,  serré. 


(429) 

parsemé  d'un  grand  nombre  de  vaisseaux  et  disposé  sous  la  forme 
de  colonnes  latcrales.Toutefois  ce  tissu  a  des  propriétés  contractiles 
beaucoup  moins  énergiques  à  cette  époque  de  la  vie. 

2°  Chez  les  jeunes  filles,  au  'voisinage  de  l'époque  de  la  puberté. 

Les  grandes  lèvres  présentent  alors  une  forme  aplatie  en  dedans 
et  convexe  en  dehors.  Elles  sont  moms  écartées  en  haut  et  s'écar- 
tent beaucoup  plus  en  bas  quand  on  éloigne  les  cuisses  l'une  de 
l'autre.  Le  clitoris  est  plus  caché  par  elles,  mais  sou  organisation 
est  mieux  dessinée.  Le  bord  libre  de  la  membrane  hymen  com- 
mence à  être  plus  lâche  et  à  avoir  plus  d'ampleur.  Quelques  poils 
apparaissent  sur  le  pénil  et  sur  la  surface  externe  des  grandes 
lèvres  ;  toutefois  leur  développement  est  très-variable.  Lorsque  la 
menstruation  s'est  établie  et  à  cUaque  époque  où  elle  paraît,  l'hy- 
men, au  rapport  de  quelques  auteurs,  devient  très-làche  et  très- 
extensible  ;  ainsi ,  Severin  Pineau  dit  qu'il  peut  permettre  l'intro- 
duction du  meuibre  viril  sans  se  rompre,  et  que  passé  ce  temps,  il 
reprend  sa  force  contractive  et  ne  peut  souffrir  aucun  effort  sans 
effusion  de  sang,  en  un  mot  tous  les  signes  d'une  défloration 
complète.  Je  ne  sais  pas  jusqu'à  quel  point  on  peut  ajouter  foi  à 
cette  opinion,  et  si  elle  est  basée  sur  des  observations  assez  nom- 
breuses pour  conduire  à  admettre  un  résultat  d'une  aussi  grande 
conséquence;mais  cedontje  crois  être  certain,  c'est  qu'au  voisinage 
de  l'époque  des  règles,  pendant  leur  écoulement  et  deux  ou  trois 
jours  après  qu'elles  ont  cessé,  les  parties  géuitales  subissent  une 
dilatation  très-marquée;  cette  dilatation  est  d'ailleurs  toute  naturelle, 
car  il  V  a  une  coïncidence  très-grande  entre  l'acte  de  la  meustrua- 
tion  et  celui  de  l'accouchement.  La  menstruation  reproduit  en  petit 
les  phénomènes  de  l'accouchement.  Il  y  a  plus,  le  plus  grand 
nombre  des  accouchemens  s'opère  à  une  époque  qui,  chez  la 
femme,  correspond  à  sa  menstruation,  et  les  accoucheurs  calcu- 
lent le  temps  de  la  grossesse  par  le  nombre  des  époques  qui  ont 
manqué  ;  c'est  ce  qui  fait  que  la  plupart  des  femmes  accouchent  non 
pas  après  neuf  mois  révolus,  mais  à  la  neuvième  époque  qui  a  cessé 
de  paraître. 

3«  Chez  les  femmes  qui  ont  cohabité  avec  des  hommes. 

Les  grandes  lèvres  sont  en  général  plus  aplaties,  elles  s'ouvrent 
beaucoup  plus  par  l'eloignemeiit  des  cuisses.  La  membrane  mu- 
queuse qui  tapisse  les  parties  génitales  externes  a  pris  une  colo- 
ration moins  rosée  et  tend  à  devenir  blafarde.  La  fourchette  per- 
siste, mais  la  fosse  naviculaire  a  perdu  de  sa  profondeur,  souvent 
même  elle  a  complètement  disparu.  L'hymen  est  détruit,  et  à  sa 
place  se  trouvent  les  caroncules  myrtiformes;  l'ouverture  du  vagin 
et  le  vagin  lui  -même  ont  des  dimensions  plus  grandes,  et  les  rides 
de  sa  surface  interne  ont  diminué  de  nombre  et  de  profondeur. 

4°  Chez  les  femmes  qui  ont  eu  des  enfans. 
Enfin,  lorsqu'une  femme  a  procréé,  toutes  les  parties  génitales 


(  43o  ) 

externes  sont  beaucoup  plus  saillantes,  la  fourchette  est  déchirée, 
les  caroncules  myrtiformes  ont  moins  de  volume;  le  vagin  est  plus 

large,  ses  rides  et  ses  replis  ont  augmenté. 

Telles  sont  les  données  générales  que  je  voulais   établir  avant 
d'entrer  dans  l'étude  des  moyens  propres  à  résoudre  la  première 
question;  car,  comme  en  médecine  légale  ce  sont  toujours  des  chau- 
gemens,  des  altérations  qu'il  s'agit  de  constater,  il  faut,  pour  mar-/ 
cher  avec  plus  de  certitude ,  partir  avant  tout  de  l'état  normal. 

A.  D. 


SOCIETES  SAVANTES. 

La  Société  médico-pratique  de  Paris  avait  proposé  pour 
sujet  de  prix  pour  i835  la  question  suivante  :  Décrire  l'éri- 
tis,  établir  ses  diverses  espèces ,  faire  connaître  le  traitement. 

Plusieurs  mémoires  lui  ayant  été  adressés  après  le  i"  mars, 
époque  fixée  pour  la  clôture  f^"  ^cours,  la  Société  vient 
de  prendre  l'arrêté  si»-" 

1°  Un  nc"  _^v»urs  est  ouvert  sur  la  même  question. 

ît"  T  .mémoires  arrivés  trop  tard  pour  être  admis  au 
j>remier,  le  sont  immédiatement  pour  le  second. 

3°  Les  auteurs  qui  voudront  concourir  devront  faire  par- 
venir leurs  mémoires  avant  le  i"  novembre  i835. 

4°  Ce  concours  n'a  rien  de  commun  avec  le  premier;  seu- 
lement la  séance  est  remise  au  commencement  de  l'an- 
née i836,  époque  où  il  sera  décerné  deux  médailles  d'or, 
ayant  chacune  la  valeur  de  5oo  fr. 

Les  mémoires  devront  être  adressés,  avec  les  formes  or- 
dinaires, à  M.  le  docteur  Alphée  Cazenave,  secrétaire  géné- 
ral de  la  Société,  rue  Saint-Anastase,  n"  3,  très-irrévoca- 
blement avant  le  1"  novembre  i835. 


VARIÉTÉS. 


Congrès  médical.  La  section  de  médecine  de  la  Société  académique 
de  la  Loire -Iid'erieure  vient  de  donner  au  monde  médical  un  exemple 
qui  parait  devoir  être  suivi  par  un  s^rand  nombre  d'autres  sociétés  sa- 
vantes. Elle  a  invité  tous  les  médecins  de  la  ville  de  Nantes  à  se  réunir 
pour  agiter  les  dillerentes  questions  qui  se  rattachent  à  l'existence  ou  à 
la  non-existence  d'un  virus  sy|jUilitique,  et  au  cbuix  a  l'aire  pour  le 
traitement  de  la  sypUilis,  entre  la  melliode  mercuriellc  et  la  méthode 
antiplii'jyislique. 

Cimiiianle  médecins  environ  se  sont  reunis,  et  après  avoir  cousiilué 
leur  bureau,  ont  consacré  cinq  séances  à  la  discussion  de  ces  imi)or- 
tantes  questions.  M.  le  docteur  Dcvcrgic  aîné,  de  Paris,  s'était  rendu 


(431) 

à  ce  congrès  médical,  daas  lequel  le  plus  graod  nombre  des  médecine 

présens  ont  exposé  et  motivé  leurs  opiaious.  L'assemblée  ne  s'est  pas 
bornée  à  celte  utile  discussion  ;  elle  a  t'ait  imprimer  les  procès-verbaux 
des  seauces,  afin  de  faire  participer  le  public  médical  à  tous  les  avan- 
tages qui  peuvent  résulter  de  cette  rs'union. 

Tous  les  orateurs,  à  l'exception  de  deux  ou  trois  peut-être,  et  de 
M.  Devergie,  qui  s'est  constitué  le  défenseur  de  la  nouvelle  méthode, 
ont  soutenu  l'existence  du  virus,  à  peu  près  comme  on  l'entendait 
avant  la  réforme  survenue  dans  l'étude  des  maladies  syphilitiques, 
l'indispensable  nécessité  d'administrer  le  mercure,  qui  seul  a  la  puis- 
sance d'annihiler  le  virus,  etpar  conséquent  le  danger  de  l'introduction 
dans  la  thérapeutique,  de  moyens  autres  que  ceux  dont  l'utilité  est 
consacrée  par  l'expérience  des  siècles;  en  sorte  que  si  l'auleur  de  la 
Clinique  de  la  maladie  syphilitique  n'avait  pas  été  présent  pour  défendre 
ses  principes,  la  discussion  aurait  été  sans  iutérèt,  ou  plutôt  il  n'y  au- 
rait eu  discussion  aucune,  puisque  tous  les  membres  étaient  d'un  avis 
commun.  Nous  devons  dire,  cependant,  que  les  médecins  de  Nantes 
paraissent  différer  dans  leur  pratique  sur  la  quantité  de  mercure  à  ad- 
ministrer, et  même  sur  l'opportunité  de  celte  administration  danscer- 
tainscas,  puisque  les  uns  prescrivent  le  métal  spécifique  dans  les  blen- 
Dorrhagies,  et  les  autres  le  regardent  comme  au  moins  inutile  dans 
cette  affection.  En  général,  ils  paraissent  fort  réservés  sur  la  quantité  à 
introduire  dans  l'économie,  et  beaucoup  d'entre  eux  ont  déclaré  qu'ils 
en  avaient  considérablement  restreint  l'usage  et  diminué  les  doses,  ce 
qui  porte  à  croire  que  les  lumières  qui  ont  jailli  de  cette  intéressante 
discussion  ne  seront  pas  perdues  pour  eux,  et  que,  plus  tard,  ils  adop- 
teront les  principes  de  la  nouvelle  école. 

Parmi  les  dissidens,  nous  avons  remarqué  les  docteurs  Esmein  fils  et 
Baré.  On  a  reproché  au  premier  de  n'avancer  aucuns  faits  à  l'appui  de 
ses  opinions,  mais  le  second  est  depuis  plusieurs  années  médecin  d'un 
service  de  vénériens, ;et  ayant  pratiqué  lui-même  comme  l'enseignent 
les  auteurs,  il  a  reconnu  tous  les  iuconvéniens  de  l'administration  du 
mercure,  et  a  adopté  un  mode  de  traitement  à  peu  près  semblable  à 
celui  que  nous  exposons  dans  ce  journal  depuis  deux  années.  Déjà,  près 
de  mille  malades  ont  été  traités  par  lui  de  la  sorte,  et  rien  n'an- 
nonce qu'il  doive  un  jour  se  repentir  d'avoir  abandonne  la  méthode 
ancienne. 

La  question  de  l'origine  de  la  syphilide  et  de  l'existence  d'un  virus 
a  généralement  été  parfaitement  traitée,  el  c'est  avec  un  véritable 
plaisir  qu'on  lit  la  succession  de  preuves  que  plusieurs  orateurs  ont  ap- 
portées à  l'appui  de  leurs  opinions.  Mais,  nous  sommes  forcés  de  le 
dire,  il  n'en  a  plus  été  ainsi  des  qu'il  s'est  agi  du  traitement  à  adopter. 
On  a  semblé  oublier  que,  depuis  dix  ans,  les  praticiens  qui  s'occupent 
le  plus  liabituellemeut  de  cette  branche  de  l'art  !e  guérir  ne  donnent 
plus  le  mercure  que  dans  un  certain  nombre  de  cas  ;  que  plus  de  qua- 
rante mille  guérisons  par  le  traitement  simple  ont  été  obtenues,  et  que 
non-seulement  il  faudrait  prouver  l'excellence  delà  méthodeancienue, 
mais  encore  démontrer  l'insuiBsance  de  la  nouvelle,  ce  que  l'on  n'a 
fait  qu'en  s'appujant  sur  quelques  assertions  vagues,  ou  plutôt  sur  l'o- 
pinion de  quelques  médecins  de  Paris,  qui,  bien  qu'au  centre  des  lu- 
mières, ne  se  sont  jamais  donné  la  peine  de  s'éclairer  en  visitant  les 
hôpitaux  du  Val-de-Gràce,  du  Gros-Caillou  ou  des  "Vénériens.  Il  fallait 
d'ailleurs  réfuter  les  faits  cites  par  M.  Bare,  ce  que  personne  n'a  pu 
faire,  parce  que  des  faits  observés  en  masse  et  consciencieusement, 
comme  l'a  fait  ce  jeune  médecin,  ne  se  réfutent  pas. 

Tous  les  praticiens  qui  ont  fait  l'éloge  du  mercure,  et  repoussé  la 


inélliode  nouvelle,  se  sont  d'ailleursappuyOs  sur  leur  expérience;  cepcn- 
danl  aucun  des  orateurs  ne  nous  a  paru  juge  bien  compétent  dans 
cette  matière.  Bien  que  plusieurs  d'entre  eux,  en  eflet,  puissent  invo- 
quer une  longue  et  honorable  pratique,  nous  n'avons  vu  nulle  purt 
qu'ils  aient  essayé  inlructueusenient  la  tliérapeutique  nouvelle,  ou  que 
dans  un  nombreux  service  ils  en  aient  reconnu  les  inconvéniens,  car 
quelques  faits  isolés  sont  sans  valeur  dans  ces  sortes  de  discussions.  Ils 
ne  peuvent  donc  pas  invoquer  leur  expérience,  et  prononcer  sur  la  va- 
leur de  deux  méthodes,  quand  l'une  d'elles  leur  est  tout-à-l'ait  in- 
connue dans  ses  effets. 

An  reste,  la  pensée  de  cette  réunion  scientifique,  et  les  conscien- 
cieuses discussions  auxquelles  elle  a  donné  lieu,  font  honneur  aux  mé- 
decins de  Nantes.  Les  premiers,  ils  ont  donné  un  exemple  qui  doit 
porter  ses  lïuits,  puisque  déjà  les  sociétés  de  Touis,  de  Niort,  de  Poi- 
tiers, d'Angers,  de  Rennes,  etc.,  se  sont  occupées  du  même  objet,  et 
ont  provoqué  de  semblables  réunions.  Espérons  que  la  vérité  se  fera 
jour  enfin  au  milieu  de  ces  opinions  diverses,  et  que  ces  louables  efforts 
ne  Seront  pas  perdus  pour  la  science. 

Choléra-nwrbtis.  Le  choléra,  qui  avait  sévi  avec  tant  de  violence 
dans  quelques  départemens  du  midi,  a  aujourd'hui  presque  entière- 
ment abandonné  la  France  pour  parcourir  l'Italie,  où  il  paraît  faire 
d'assez  grands  ravages.  La  réapparition  de  te  terrible  fléau  s'estannon- 
cée  cette  fois  par  un  nombre  considérable  de  cas  excessivement  graves, 
et  tout-à-fait  au-dessus  des  ressources  de  l'art;  aussi,  la  mortalité  a-telle 
été  énorme,  si  on  la  compare  au  nombre  des  malades. 

L'efiroi  produit  par  cette  invasion  a  été  tel  que  des  populations  en- 
tières se  sont  enfuies,  et  ont  évité  de  la  sorle  d'être  décimées.  Si  ces 
émigrations  n'avaient  pas  de  déplorables  résultats,  par  l'interruption 
du  commerce  et  des  travaux,  et  l'état  de  misère  des  ouvriers  qui  en 
est  la  suite  inévitable, on  ne  saurait  qu'applaudir  au  parti  que  prennent 
les  masses  de  fuir  un  pays  infecté.  S'il  est  vrai,  par  exemple,  que  les 
deux  tiers  des  liabitans  de  Toulon  aient  abandonné  la  ville,  il  nous 
parait  évident  que,  sans  cette  émigration  subite,  la  mortalité  aurait  été 
triple.  Quant  au  transport  de  la  maladie  par  les  populations  émigran- 
tes,  l'expérience  a  démontré  qu'il  n'était  nulleiinent  à  craindre,  car 
toutes  les  villes  du  midi  et  de  l'intérieur  delà  France  ont  reçu  des  mil- 
liers de  voyageurs,  et  le  choléra  s'est  borné  à  suivre  les  bords  de  la  Mé- 
diterranée, pénétrant  en  Italie  malgré  les  cordons  sanitaires  et  toutes 
les  précautions  que  la  peur  du  fléau  a  pu  inspirer. 

Il  est  inutile  de  dire  que,  dans  cette  épouvante  générale,  les  méde- 
cins sont  restés  à  leur  poste,  et  que,  cette  fois  encore,  ils  ont  montré 
combien  ils  sentaient  toute  la  dignité  de  leur  profession.  Plusieurs  ont 
payé  de  leur  vie  leur  empressement  à  secourir  le»  malades.  On  a  cité 
parmi  ces  derniers  MM.  Fleury,  de  Toulon;  Lassis  et  Raymonenci,  de 
Marseille,  et  M.  Boyer,  jeune  médecin  qui,  sur  sa  demande,  avait  été 
envoyé  de  Paris  par  le  ministre  de  l'intérieur,  et  qui  a  succombé  le  len- 
demain de  son  arrivée  sur  le  lieu  du  fléau. 

Nous  avons  à  Paris,  depuis  quelque  temps,  un  nombre  considérable 
de  cholérines.  Il  se  manifeste  même  de  temps  à  autre  quelques  cas  de 
choléra,  mais  il  est  probable  que  nous  devons  cette  sorte  d'épidémic.i 
l'usage  immodéré  des  fruits,  car  l'an  dernier,  ainsi  qu'en  )8j5,  nous 
avions  observé  à  la  même  époque  une  disposition  semblable  à  ces  irri- 
tations gastro-intestinales. 

—  Faculté.  M. Cruveilhier,  professeur d'anatoinie à  la  Faculté,  vient 
d'être  nommé  à  la  chaire  d'anatomie  pathologique  foudée  par  M.  D  u- 
puytreo. 


(433) 

AKT.     Il5l. 

Mémoire  sur  remploi  du  moxa,  dans  le  traitement  de  l'hépatite 
chronique. 

M.  le  docteur  Archambault-Reverdy  a  publié,  dans  le  Re- 
cueil des  travaux  de  la  Société  médicale  du  département  d'Indre- 
et-Loire,  un  Mémoire  sur  Tutilité  du  moxa  dans  certaines 
indurations  du  foie.  Après  avoir  démontré  l'insuffisance  des 
purgatifs  dans  certains  cas  d'hépatite  chronique,  ainsi  que 
l'inutilité  des  antiphlogistiques,  ce  médecin  s'efforce  de 
faire  ressortir  tous  les  avantages  du  moyen  qu'il  propose. 
Les  observations  suivantes  feront  connaître  dans  quelles  cir- 
constances le  nioxa  peut  être  utile,  et  dans  quelles  autres 
il  est  nécessaire  de  favoriser  son  action  par  les  autres  moyens 
déjà  connus  et  généralement  employés. 

Un  meunier,  âgé  de  cinquante-deux  ans,  eut,  au  commen- 
cement de  1820,  une  fièvre  bilieuse,  qui  fut  promptement 
arrêtée  par  l'emploi  de  quelques  purgatifs;  à  partir  de  ce 
moment  il  commença  à  éprouver  du  malaise,  du  dégoût;  le 
ventre  devint  paresseux,  la  peau  prit  une  teinte  jaunâtre,  et 
le  malade  ressentit  une  douleur  sourde  dans  le  côté  droit.  Il 
n'en  continua  pas  moins  son  genre  de  vie  habituel;  mais  le 
i5  septembre  il  fut  pris  d'un  accès  de  fièvre  violente  et  se 
mit  au  lit.  M.  Archambault,  appelé  le  lendemain,  prescrivit 
des  boissons  acidulés,  et  l'usage  d'un  éméto-cathartique.  La 
fièvre  s'arrêta  le  quatrième  jour,  mais  l'embarras  des  Yoies 
digestives  persista,  la  peau  resta  jaune,  l'hypocondre  droit 
se  tendit  et  devint  douloureux  à  la  pression  ;  les  jambes  s'in- 
filtrèrent, les  urines  devinrent  rares  et  colorées  ;  le  malade 
ne  pouvait  plus  se  coucher  que  sur  le  côté  gauche. 

Trois  mois  s'écoulèrent  ainsi  sans  traitement.  M.  Archam- 
bault, rappelé  vers  les  derniers  jours  de  décembre,  diagnos- 
tiqua une  induration  du  foie  déjà  ancienne,  et  fil  brûler  trois 
moxas  directement  au-dessous  des  côtes  aslernales,  au  cen- 
tre de  l'engorgement  présumé,  car  la  distension  des  parois 
abdominales  ne  permettait  pas  de  reconnaître  par  le  toucher 
l'état  de  l'organe  malade.  Trois  jours  après  cette  applica- 
tion, les  urines  coulaient  déjà  plus  abondamment,  la  peau 
était  moins  jaune,  l'enflure  diminuée;  une  diarrhée  des  plus 
copieuses  avait  succédé  à  la  constipation.  Le  dixième  jour, 
les  accès  fébriles  du  soir  avaient  complètement  cessé,  le 
ventre  était  moins  tendu,  Bientôt  on  put  palper  le  foie,  mais 
non  sans  déterminer  une  douleur  assez  vive. 

ToM.  VI.  —  N"  d'octobre.  a8 


(  434  ) 

Dans  le  but  de  hâter  le  dcgorgement  des  tissus  depuis  si 
long-teinps  indurésjle  malade  fut  mis  à l'usaged'uae  décoction 
purgative,  composée  de  tamarin  deux  onces,  sulfate  de  ma- 
gnésie quatre  gros,  pour  une  pinte  de  liquide,  deux  verres 
chaque  matin.  Au  bout  de  huit  jours  de  l'emploi  de  ce  pur- 
gatif, tous  les  accidens  disparurent.  Le  malade  pouvait  se 
coucher  sur  le  côté  droit,  le  foie  était  i-entré  dans  ses  limites 
ordinaires.  Cet  homme  reprit  ses  occupations  le  trentième 
jour  du  traitement. 

Une  femme,  figée  de  quarante-un  ans,  sujette  à  des  accès 
de  fièvre  qu'on  ne  prévenait  que  par  de  fortes  doses  de  quin- 
quina, s'aperçut,  au  mois  de  juin  1 828,  que  ses  jambesenflaient 
le  soir.  Bientôt  elle  éprouva  de  la  gêne  dans  tout  l'abdomen,  et 
surtout  dans  l'hypocondre  droit;  sa  peau  jaunit,  son  appétit 
disparut,  le  ventre  devint  paresseux.  Elle  se  purgea  plu- 
sieurs fois;  mais,  loin  de  diminuer,  les  accidens  s'aggravèrent, 
et  lM.  Archambault  fut  consulté  dans  les  premiers  jours  d'oc- 
tobre. Une  application  de  sangsues  fut  faite  au  siège;  on 
prescrivit  des  boissons  légèrement  purgatives,  et  le  troisième 
jour  deux  moxas  furent  conseillés  au  côté  droit  du  ventre,  au- 
dessous  des  fausses  côtes.  Mais  la  malade  se  refusa  à  leur  ap- 
plication, et  crut  y  suppléer  en  buvant  pendant  plusieurs 
mois  une  décoction  de  feuilles  de  saponaire  et  de  pissenlit, 
avec  addition  de  deux  gros  d'acétate  de  potasse  par  pinte. 
Peu  à  peu  les  accidens  s'aggravèrent,  et  cette  femme  se  trouva 
dans  l'état  du  malade  dont  on  vient  de  lire  l'histoire. 

Appelé  de  nouveau,  M.  Archambault  fit  brûler  aussitôt 
trois  moxas  au  centre  de  l'engorgement,  et  prescrivit  l'usage 
d'une  tisane  de  tamarin.  Les  trois  premiers  jours  il  n'en  ré- 
sulta aucun  effet,  mais  le  quatrième,  une  vive  douleur  se  ma- 
nifesta dans  le  côté  droit  de  l'abdomen,  qui  devint  tendu, 
douloureux  à  la  pression.  Le  pouls  s'éleva,  la  peau  était  brû- 
lante. Des  cataplasmes  émolliens  furent  appliqués  sur  les 
plaies  des  moxas.  Mais  les  jours  suivans  tous  ces  accidens  se 
dissipèrent.  Le  ventre  devint  moins  tendu,  les  urines  repa- 
rurent, la  peau  prit  une  teinte  plus  claire,  enfin  cette  femme 
fut,  comme  le  sujet  de  l'observation  précédente,  guérie 
vers  le  trentième  jour. 

On  voit  par  ces  deux  observations,  que  les  purgatifs  qui 
n'avaient  d'abord  eu  d'autie  résultat  que  de  fatiguer  l'in- 
testin, administrés  avant  l'application  des  moxas,  ont  en- 
suite été  d'une  utilité  réelle,  lorsque  leur  action  a  été  favo- 
risée par  la  vive  réaction  qu'a  produite  l'application  du  feu. 
Dans  l'observation  suivante,  l'hépatite,  plus  rebelle  encore, 


(435) 

nécessita  deux  applications  de  moxas,  ayant  de  recevoir  une 

modification  favorable  des  évacuans. 

Dans  le  courant  de  mars  i835,  M.  Archambault  fut  ap- 
pelé près  d'un  ouvrier,  âgé  de  quarante-sept  ans,  atteint  de- 
puis six  à  sept  mois  d'une  maladie  chronique  des  organes 
du  bas-ventre.  Les  extrémités  inférieures  étaient  considé- 
rablement infiltrées,  la  face  bouffie,  le  ventre  météorisé.  Il 
y  avait  une  douleur  gravative  dans  l'hypocondre  droit,  les 
urines  étaient  rares,  la  peau  jaune,  les  vomissemens  fré- 
quens,  les  forces  abattues,  etc. 

Bien  que  le  gonflement  du  ventre  ne  permit  pas  de  recon- 
naître le  volume  du  foie,  ce  médecin  n'en  diagnostiqua  pas 
moins  une  hépatite  chronique.  Il  prescrivit  une  application 
de  sangsues  au  siège,  et  pour  le  lendemain  trois  moxas  au 
côté  droit  du  ventre,  et  sur  le  lieu  même  de  la  douleur.  Le 
cinquième  jour,  les  urines  commencèrent  à  couler  plus  abon- 
damment, les  selles  devinrent  plus  fréquentes;  cependant  les 
accidens  ne  diminuant  qu'avec  beaucoup  de  lenteur,  deux 
nouveaux  moxas  furent  placés  un  peu  au-dessus  des  autres 
brûlures.  Dès  la  nuit  suivante  le  malade  fut  pris  d'une  diar- 
rhée bilieuse  très-abondante.  Bientôt  les  symptômes  énu- 
mérés  ci-dessus  se  dissipèrent  peu  à  peu.  Le  quinzième  jour 
de  cette  dernière  application,  on  prescrivit  l'usage  d'une  dé- 
coction de  tamarin,  avec  addition  de  sulfate  de  magnésie.  A 
partir  de  ce  moment,  le  mieux  marcha  d'une  manière 
plus  sensible,  et  bientôt  cet  homme  put  reprendre  ses  tra- 
vaux. 

Mais  au  bout  de  deux  mois,  par  suite  de  plusieurs  excès, 
il  fut  repris  de  la  même  maladie,  et  se  trouva  bientôt  dans 
l'état  où  il  était  avant  l'usage  du  traitement  indiqué.  Trois 
nouveaux  moxas  furent  appliqués,  et  le  malade  entrait  en 
convalescence  vers  le  vingtième  jour. 

L'auteur  de  ce  Mémoire,  en  rapportant  plusieurs  obser- 
vations dans  lesquelles  le  traitement  par  les  moxas  a  réussi, 
et  quelques  autres  qui  se  sont  terminées  d'une  manière  fu- 
neste, malgré  l'emploi  de  ce  moyen,  fait  remarquer  que  les 
moxas  ne  conviennent  que  lorsqu'il  est  besoin  de  stimuler 
les  tissus,  dans  l'induration  ordinaire,  par  exemple,  ou 
même  dans  l'induration  squirreuse  ;  mais  lorsque  les  tissus 
ont  dégénéré,  qu'ils  ont  revêtu  la  forme  cancéreuse,  cette 
stimulation  aurait  les  effets  les  plus  funestes,  et  favoriserait 
les  progrès  de  la  maladie,  qui  doit  au  reste  bientôt  entraîner 
la  perte  du  sujet. 


(436) 

AKT.    Il53. 

Considérations  et  observations  sur  le  traitement  des  fièvres  inter- 
mittentes par  la  méthode  endermique.  —  Par  le  chlorure 
d'oxide  de  sodium. 

On  sait  qu'il  est  beaucoup  de  malades  chez  lesquels  le  sul- 
fate de  quinine  ne  peut  être  administré  ni  par  la  bouche  ni 
en  lavement,  à  cause  de  l'irritation  du  tube  digestif  que  ce 
sel  exaspère  et  qui  le  fait  rejeter,  soit  par  le  vomissement, 
soit  par  les  selles.  M.  le  docteur  Raciborski  vient  de  publier 
dans  le  Journal  hebdotnadaire  quelques  observations  qui  por- 
teraient à  croire  que  dans  ces  cas  difficiles,  ce  médicament, 
administré  par  la  méthode  endermique,  aurait  une  action 
anti-périodique  presque  aussi  grande  que  par  son  ingestion 
dans  le  tube  digestif. 

Un  jardinier  étant  descendu  dans  un  puits  pendant  qu'il 
transpirait  abondamment,  ne  tarda  pas  à  éprouver  des  fris- 
sons suivis  de  chaleur, puis  de  sueurs;  quatre  accès  semblables 
se  manifestèrent  en  affectant  le  type  tierce.  Il  se  décida 
alors  à  entrera  l'Hôtel-Dieu,  où  un  accès  se  reproduisit  en- 
core le  lendemain  de  son  entrée,  mais  moins  violent  que 
ceux  des  jours  précédens.  Deux  heures  avant  le  moment  où 
il  devait  avoir  son  second  accès,  on  appliqua  huit  grains  de 
sulfate  de  quinine  sur  l'épigastre,  le  derme  ayant  été  préala- 
blement enlevé  au  moyen  de  la  pommade  ammoniacale. 
A  partir  de  ce  moment,  le  malade  n'éprouva  ni  frissons,  ni 
chaleur,  ni  sueurs.  Il  sertit  guéri  au  bout  d'une  huitaine 
de  jours. 

Chez  un  autre  malade,  des  accès  de  fièvre  également  du 
type  tierce  s'étaient  déclarés  à  la  suite  d'une  violente  com- 
motion morale.  11  entra  à  l'Hôtel-Dieu,  où  l'on  attendit  que 
trois  ou  quatre  accès  se  fussent  manifestés  ;  voyant  alors 
qu'ils  ne  perdaient  point  de  leur  intensité,  on  appliqua  sur 
l'épigastre  un  vé.^^'c-jtoire  avec  la  pommade  ammoniacale; 
dix  minutes  après,  on  enleva  l'épiderme  et  on  étendit  deux 
grains  de  sulfate  de  quinine.  Par-dessus  on  mit  un  linge  en- 
duit de  cérat.  L'accès  revint,  mais  plus  lard  et  moins  fort  que 
le  précédent.  On  renouvela  l'application  de  deux  grains  de 
sulfate  de  quinine  ;  l'accès  ne  revint  pas,  mais  on  prescrivit 
une  potion  de  six  grains  de  ce  sel  pour  assurer  la  convales- 
cence. 

Réflexions.  Nous  nous  bornerons  à  rappeler  ces  observa- 
tions qui  prouvent  assurément  en  faveur  de  la  méthode  en- 
dermique. 


(457) 

Dans  d'autres  cas  on  porta  la  dose  du  sulfate  de  quinine, 
ainsi  appliqué  sur  le  derme  mis  à  nu,  jusqu'à  douze  et 
quinze  grains,  et  quelquefois  on  réussit  à  dissiper  les  accès, 
alors  même  que  la  rate  offrait  un  développement  anormal. 
D'autres  fois  enfin  on  échoua  complètement  et  il  fallut  re- 
courir au  fébrifuge  administré  à  l'intérieur,  ce  qui  confirme 
l'observation  que  nous  faisions  à  notre  art.  1094  sur  le  sul- 
fate de  quinine,  qui,  disions-nous,  n'avait  que  des  effets  in- 
certains, administré  par  la  méthode  endermique.  On  réser- 
vera donc  ce  mode  d'administration  pour  les  cas  indiqués 
au  commencement  de  cet  article  et  dans  lesquels  toute  au- 
tre manière  d'introduire  le  fébrifuge  dans  l'économie  serait 
impraticable  ou  dangereuse. 

Déjà  dans  un  grand  nombre  d'articles  nous  avons  appelé 
l'attention  des  praticiens,  soit  sur  les  différentes  manières 
d'administrer  le  quinquina,  soit  sur  les  nombreuses  substan- 
ces qu'on  a  proposées  pour  remplacer  au  besoin  ce  précieux 
fébrifuge  (i).Nous  saisirons  cette  occasion  d'ajouter  à  la  liste 
de  ces  anti-périodiques,  une  substance  déjà  préconisée  dans 
bien  des  maladies,  et  qui  vient  récemment  d'être  employée 
avec  succès  dans  les  fièvres  intermittentes,  par  M.  le  doc- 
teur Lalesque  fils,  médecin  fort  distingué  de  Bordeaux. 
Nous  voulons  parler  du  chlorure  de  sodium  :  voici  quelques- 
uns  des  faits  consignés  par  ce  médecin  dans  le  dernier  nu- 
méro de  la  Revue  médicale. 

Un  vacher,  après  être  resté  quelque  temps  plongé  dans  la 
boue  d'un  marais,  ne  pouvant  ni  se  sécher,  ni  changer  de 
linge,  fut  pris  dans  la  soirée  de  frissons  violens,  suivis  de 
chaleur,  puis  de  sueurs.  L'accès  dura  toute  la  nuit.  Le  len- 
demain, il  était  dans  une  apyrexie  complète:  mais  le  jour 
suivant  les  frissons  reparurent  vers  les  deux  heures  de  l'a- 
près-midi, et  l'accès  fut  semblable  au  précédent.  M.  Lales- 
que prescrivit  alors  :  tisane  de  riz  et  d'orge  miellée,  potion  de 
quatre  onces  d'eau  distillée  avec  addition  d'an  demi-gros  de 
chlorure  d'oxide  de  sodium  à  prendra  durant  l' apyrexie. 

La  même  potion  fut  continuée  les  deux  jours  suivans; 
l'accès  ne  reparut  plus. 

Un  homme  de  vingt  ans,  après  avoir  éprouvé  divers  ac- 
cidens,  fut  pris  enfin  de  véritables  accès  de  fièvre  intermit- 
tente. Le  9  octobre  on  prescrivit  an  demi-gros  de  chlorure 
d'oxide  de  sodium  dans  quatre  onces  d'eau  distillée  à  prendre  en 
deux  fois  pendant  i' apyrexie. 


(1)  Voyez  art,  1078. 


(438) 

le  jour  môme  Taccès  revint,  mais  il  retarda  de  cinq  heu- 
res et  fut  beaucoup  moins  violent  que  le  précédent  ;  on  con- 
tinua la  potion,  l'accès  fut  remplacé  par  un  état  de  malaise; 
les  jours  suivans  le  malade  était  entièrement  guéri. 

Dans  une  autre  observation  l'estomac  offrant  des  signes 
évidens  d'irritation,  on  commença  par  appliquer  des  sang- 
sues à  l'épigastre  ;  la  gastrite  fut  enlevée,  mais  les  accès  fé- 
briles ne  se  reproduisirent  pas  moins  avec  force;  le  chlorure 
d'oxide  de  sodium,  après  les  avoir  fait  varier  d'abord  d'épo- 
que et  d'intensité,  les  enleva  d'une  manière  complète  sans 
ramener  l'inflammation  de  l'estomac. 

Nous  ne  rappellerons  pas  les  autres  cas  cités  par  M.  Lales- 
que,  et  qui  ne  seraient  qu'une  répétition  de  ceux  qu'on 
vient  de  lire;  c'est  à  l'expérience  à  confirmer  les  précieuses 
propriétés  du  chlorure  de  sodium  dans  les  fièvres  intermit- 
tentes, et  à  prononcer  sur  le  rang  que  doit  occuper  cette 
substance  parmi  les  succédanées  du  quinquina. 

ART.    11 33. 

Influence  de  la  suppression  des  boissons  sur  la  quantité  des  cra- 
chais formés. 

Un  homme  de  soixante-douze  ans  éprouva,  il  y  a  deux 
ans,  une  toux  qui  augmenta  graduellement,  et  ne  fut  pas 
accompagnée  des  symptômes  des  maladies  du  cœur.  Il  n'a 
pas  cessé  de  cracher  depin's,  et  chaque  jour,  une  demi-verrée 
de  liquides.  Au  moment  de  son  entrée  à  l'Hôtel-Diou,  le 
cœur  présentait  un  volume  médiocre  et  des  bruits  normaux  ; 
les  poumons  étaient  élastiques  et  sonores,  on  y  entendait  du 
râle  sous-crépitant.  Le  malade  avait  rendu  par  l'expecto- 
ration deux  onces  de  crachats  muqueux,  visqueux,  et  mé- 
langés d'une  petite  quantité  d'air.  M.  Piorry  fit  supprimer 
complètement  les  boissons,  donna  des  alimens,  et  n»;  fit  pas 
d'autres  traitemens.  Dès  le  lendemain,  il  n'y  avait  plus 
qu'une  once  de  crachats,  le  rHle  avait  diminué  de  force,  et 
d'étendue.  Le  mieux-être  fut  si  rapide,  que  sous  l'influence 
du  même  traitement,  quatre  jours  après,  il  n'y  avait  plus 
que  sept  à  huit  crachats  épais,  opaques  et  fort  petits;  le  rfile 
avait  disparu,  les  lèvres  n'étaient  plus  livides  et  la  respi- 
ration était  tout-à-fait  libre.  Cet  homme  sortit  guéri  cinq 
jours  après  son  entrée.  Du  reste,  ce  traitement  avait  été  fa- 
vorisé par  la  chaleur  sèche  de  la  température  atmosphé- 
rique. 

Une  femme  Sgée  toussait  depuis  six  mois.  Elle  ne  présen- 


(439) 

tait  pas  de  signes  d'Induration  pulmonaire  ou  de  cavernes, 
et  crachait  huit  à  dix  onces  de  mucosités  claires  par  jour. 
Des  râles  très-sonores,  ronflans  sur  certains  points,  sibilans 
sur  d'autres,  se  faisaient  entendre  dans  tout  le  thorax.  Sou- 
mise pour  tout  traitement  à  l'abstinence  des  boissons,  elle 
offrit  bientôt  une  grande  diminution  dans  les  crachats,  qui 
furent  réduits  en  vingt-quatre  heures  à  la  quantité  de  deux 
onces.  Ils  devinrent  opaques,  de  transparens  qu'ils  étaient. 
La  dyspnée,  le  faciès  profondément  altéré,  firent  place  à  un 
état  de  bien-être  remarquable,  et  cette  femme  sortit  bientôt 
de  l'hôpital,  ne  présentant  presque  aucun  des  accidens  qu'elle 
offrait  depuis  six  mois. 

Il  en  fut  de  même  d'une  dame  de  trente-huit  ans,  visitée 
en  ville  par  le  même  médecin.  Elle  offrait  la  plupart  des  si- 
gnes fonctionnels  de  la  phthisie  pulmonaire,  bien  que  les  ca- 
ractères positifs  de  cette  maladie  ne  fussent  point  indiqués 
par  l'auscultation  et  la  percussion.  Elle  avait,  en  outre,  une 
fièvre  vive,  une  toux  continuelle,  et  rendait  par  jour  plu- 
sieurs onces  de  crachats;  la  respiration  était  gênée,  elle  ne 
pouvait  se  livrer  à  aucun  mouvement,  et  était  contrainte  de 
garder  le  lit.  Lorsqu'on  l'eut  soumise  à  l'abstinence  absolue 
des  boissons,  les  crachats  diminuèrent  d'une  manière  si 
prompte,  que  dès  le  lendemain  ils  étaient  réduits  à  une  once 
et  demie;  le  mieux-être  continua,  et  maintenant  cette  dame 
est  à  peu  près  guérie. 

M.  Piorry  possède  huit  observations  de  ce  genre,  qui  ne  lui 
permettent  pas  de  douter  que  dans  beaucoup  de  cas  on  ne 
puisse  tirer  un  parti  très-avantageux  de  l'abstinence  complète 
des  boissons.  (  Bulletin  Clin.  ) 

ART.   1  134. 

De  l'influence  de  la  chaleur  atmosphérique  tur  la  guérison  des 
plaies  et  des  Ulcères. 

M.  Jules  Guyot  a  publié,  dans  les  Archives  générales  de 
médecine,  le  résultat  de  quelque->  expériences  sur  ce  sujet. 
Bien  que  les  succès  obtenus  parce  médecin  soient  loin  d'être 
décisifs,  l'attention  n'en  doit  pas  moins  être  attirée  sur  un 
moyen  qui  peut  un  jour  devenir  une  puissante  ressource  en 
thérapeutique. 

Après  avoir  rappelé  l'opinion  d'Ambroise  Paré  et  de 
M.  Larrey,  sur  l'influence  salutaire  des  climats  chauds  sur 
Ja  cicatrisation  des  plaies,  M.  Guyot  rend  coiiipte  d'une  série 
d'expériences  qu'il  a  tentées  sur  des  lapins,  en  les  renfer- 


(  440  ) 

mant  dans  des  appareils  propres  à  produire  et  à  entretenir 
constamment  une  température  atmosphérique  depuis  So" 
jusqu'à  70°. Les  uns,  après  avoir  subi  diiréreiites  opérations, 
étaifint  plongés  tout  entiers  dans  une  température  élevée; 
les  autres  avaient  le  corps  plongé  dans  l'air  chaud,  tandis 
que  la  tête  restait  libre  à  l'extérieur;  enfin,  d'autres  n'avaient 
que  leurs  plaies  exposées  à  l'action  du  calorique.  Il  fut  aisé 
de  remarquer  que  les  plaies  soumises  ainsi  à  l'action  d'une 
chaleur  atmosphérique,  entretenue  avec  soin  nuit  et  jour, 
se  fermaient  beaucoup  plus  rapidement  que  celles  prati- 
quées sur  d'autres  lapins  et  qu'on  laissait  ù  l'air  extérieur; 
quelques-unes  étaient  fermées  au  bout  de  quelques  heures, 
d'autres  se  couvraient  d'une  exsudation  plastique  au-dessous 
de  laquelle  la  cicatrice  se  trouvait  établie  le  lendemain  ou  le 
jour  suivant. 

Ces  succès  autorisèrent  donc  des  essais  sur  l'homme,  et  les 
quatre  expériences  suivantes  furent  tentées  à  l'Hôtel-Dieu 
dans  le  service  de  M.  Breschet.  On  construisit  une  boîte  car- 
rée qu'on  fit  traverser  par  un  tuyau  qui  venait  s'adapter  au 
verre  d'une  lampe  placée  au  pied  du  lit;  un  membre  malade 
pouvait  être  introduit  dans  cette  boite,  dont  la  partie  supé- 
rieure s'enlevait  à  volonté,  et  les  deux  extrémités  étaient  en 
toile  et  percées  à  leur  centre,  afin  de  permettre  l'introduc- 
tion du  membre;  un  thermomètre  introduit  dans  la  boîte 
annonçait  la  température  de  son  intérieur. 

Le  26  novembre  j855,  cet  appareil  fut  appliqué  à  la 
jambe  gauche  d'un  jeune  homme  qui  portait  depuis  quatre 
années,  à  la  partie  supérieure  et  interne  de  cette  jambe,  plu- 
sieurs plaies  résultant  d'une  fracture  comminutive.  Ayant 
inutilement  employé  tous  les  moyens  de  cicatrisation, 
cet  homme  était  venu  à  Paris,  dans  l'intention  de  se  faire 
couper  la  jambe. 

Après  deux  heures  d'application  d'une  chaleur  de  45°,  les 
bords  des  plaies  étaient  desséchés.  Après  cinq  heures,  les 
plaies  étaient  recouvertes  d'une  croûte  mince  sous  laquelle 
existait  beaucoup  de  sérosité  exhalée.  Le  lendemain  elles 
étaient  revêtues  d'une  croûte  sèche,  sans  liquide  au-dessous. 
Le  malade  disait  ressentir  un  malaise  général,  un  sentiment 
de  brûlure  sous  le  sternum,  avec  perte  d'appétit  et  nausées  ; 
à  huit  heures  du  soir  il  éteignit  la  lampe.  Le  lendemain,  la 
suppuration,  qui  n'existait  pas  la  veille,  était  devenue  très- 
abondante;  en  huit  à  dix  jours  elle  diminua  et  la  plaie  re- 
prit l'aspect  qu'elle  avait  avant  l'expérience  :  cet  homme  a 
subi  l'amputation  plus  tard  et  est  mort. 

Un  vieillard  de  soixante-sept  ans  portait  depuis  vingt- 


(  44»  ) 

cinq  ans  un  ulcère  à  la  malléole  interne  de  la  jambe  gauche  ; 
cet  ulcère,  qui  se  fermait  de  temps  en  temps,  mais  qui  depuis 
huit  mois  avait  résisté  à  tous  les  moyens,  était  fort  étendu, 
couvert  d'un  pus  sanieux  et  grisâtre.  Les  bords  tuméfiés 
étaient  engorgés  et  entourés  d'une  auréole  inflammatoire 
de  trois  pouces  d'étendue  en  haut  et  d'un  pouce  en  bas;  la 
plaie  était  fort  douloureuse,  et  le  malade  ne  trouvait  de  sou- 
lagement qu'en  tenant  le  pied  élevé. 

Le  27  novembre,  l'extrémité  inférieure  de  la  jambe  fut 
placée  dans  l'appareil,  dont  la  température  intérieure  fut 
élevée  à  45°;  il  était  huit  heures  du  matin  :  à  deux  heures  le 
malade  ne  ressentait  aucune  douleur.  L'auréole  inflamma- 
toire avait  entièrement  disparu.  La  plaie  fournissait  une  ex- 
sudation séreuse  abondante.  Le  28,  elle  était  entièrement 
recouverte  d'une  croûte  sous  laquelle  existait  un  pus  épais, 
blanc,  sans  odeur.  Les  choses  restèrent  au  même  point  jus- 
qu'au 6  décembre.  La  température  avait  été  maintenue  au 
même  degré  ;  mais  pendant  plusieurs  heures  de  la  nuit  on 
avait  laissé  éteindre  la  lampe,  ce  dont  le  malade  se  plaignait 
vivement,  prétendant  éprouver  alors  des  douleurs  très-vives 
dans  la  plaie. 

Le  6  décembre,  la  croûte  fut  enlevée;  une  cicatrisation  de 
huit  lignes  en  largeur  et  de  douze  en  longueur  s'était  opérée 
en  dessous,  en  sorte  que  l'ulcère  était  considérablement  ré- 
duit. Le  7,  une  croûte  s'était  formée  sur  la  partie  non  cica- 
trisée, elle  fut  enlevée  le  1 1,  et  la  plus  grande  partie  de  l'ul- 
cère qu'elle  recouvrait  fut  encore  trouvée  cicatrisée.  Le 
même  jour,  lalampe  ayant  été  retirée  pendant  plusieurs  heu- 
res, le  malade  s'en  plaignit  vivement,  et  en  effet  on  trouva  le 
lendemain  l'ulcère  sensiblement  agrandi;  enfin  le  feu  ayant 
été  plus  soigneusement  entretenu,  les  croûtes  qui  se  for- 
maient furent  enlevées  tous  les  deux  jours,  on  trouvait  à 
chaque  pansement  une  portion  de  l'ulcère  fermée.  Le  3  jan- 
vier, la  cicatrisation  était  complète.  Le  11,  le  malade  mar- 
cha sanséprouver  aucun  inconvénient. Cet  homme,  examiné 
de  nouveau  au  bout  de  quarante  jours,  présentait  une 
cicatrice  solide,  dont  rien  n'annonçait  la  rupture  pro- 
chaine. 

Les  deux  autres  observations  furent  moins  concluantes 
que  cette  dernière,  cependant  elles  démontrèrent  de  la  ma- 
nière la  plus  évidente  l'action  de  la  chaleur  sur  la  cicatrisa- 
tion des  ulcères.  Ce  résultat  ayant  été  lu  à  l'Académie  des 
sciences,  une  commission  fut  nommée  pour  examiner  le 
travail  de  M.  Guyot,  et  M.  Roux,  rapporteur  de  cette  com- 
mission, ayant  voulu  répéter  ces  expériences,  soumit  quel- 


(  44a  ) 

ques-uns  de  ses  malades  à  l'hôpital  de  la  Charité  à  l'action 
de  la  chaleur  continue. 

Un  jeune  homme  portait  depuis  six  ans  à  la  malléole  un 
ulcère  qui  s'était  cicatrisé  et  ouvert  im  grand  nombre  de 
fois  depuis  son  déreloppement;  terme  moyen,  le  traitement 
avait  chaque  fois  duré  cinq  semaines»  Le  membre  fut  mis 
dans  la  boîte  le  17  avril  ;  la  cicatrisation  marcha  si  rapide- 
ment, que  le  aS  il  put  se  lever,  et  le  27  il  sortit  de  l'hôpital  : 
six  mois  après,  l'ulcère  avait  acquis  une  solidité  telle  que 
tout  portait  à  croire  qu'il  ne  se  rouvrirait  plus. 

D'autres  expériences  ne  laissèrent  aucun  doute  sur  la  pro- 
priété cicatrisante  de  la  chaleur.  Ce  moyen  a  en  outre  été 
employé  dans  quelques  autres  circonstances,  telles  que  des 
tumeurs  blanches  des  articulations  et  même  des  douleurs 
nerveuses.  M.  Guyot  espère  que  de  nouvelles  recherches 
démontreront  quel  parti  avantageux  on  peut  tirer  du  séjour 
de  nos  tissus  dans  une  atmosphère  élevée,  et  que  ce  moyen 
pourra  s'étendre  à  beaucoup  de  maladies  pour  lesquelles  il 
n'a  point  encore  été  proposé. 

Réflexions.  Les  praticiens  s'occupent  beaucoup  dans  ce 
moment  des  effets  du  froid  sur  les  plaies,  les  écrasemens, 
les  déchirures  plus  ou  moins  profondes  de  nos  tissus.  Nous 
avons  dit  dans  quelques  articles  de  ce  journal  (1),  que  sous 
l'influence  de  ce  moyen  les  solutions  de  continuité  se  fer- 
maient sans  travail  inflammatoire  apparent,  que  les  acci- 
dens  qui  semblaient  les  plus  inévitables  étaient  souvent  ou 
prévenus,  ou  tellement  afiaiblis,  que  la  cicatrisation  s'opé- 
rait sans  que  l'économie  participât  en  aucune  manière  aux 
désordres  locaux.  Il  paraîtrait,  d'après  ces  expériences  et 
quelques  autres  auxquelles  s'est  livré  un  praticien  anglais, 
qu'on  pourrait  arriver  au  même  résultat  par  l'application 
continue  delà  chaleur.  M.  le  docteur  Macartney,  de  Dublin, 
affirme  avoir  prévenu  un  très-grand  nombre  de  fois,  depuis 
trente  ans,  les  accidens  habituels  aux  vastes  déchirures,  aux 
fractures  comminutives,  aux  grandes  plaies,  en  couvrant 
les  parties  lésées  avec  de  la  charpie  qu'il  maintient  toujours 
imbibée  d'un  liquide  très-chaud,  ou  en  fixant  les  membres 
blessés  dans  un  appareil  à  peu  près  semblable  à  celui  décrit 
plus  haut,  et  qu'il  remplit  de  vapeurs  aqueuses  dont  il  élève 
la  température  à  volonté  au  moyen  d'une  lampe.  De  cette 
manière,  assure-t-il,  les  plaies  se  ferment  sans  inflamma- 


(j)  Voy.  art.  iiiô. 


(443) 

tion,  car  l'inflammation,  loin  de  favoriser  la  cicatrisation, 
s'opposerait  au  contraire  à  cette  heureuse  terminaison. 

Ce  travail,  lu  devant  l'Académie  royale  de  médecine,  de- 
vant être  inséré  dans  ses  fascicules,  nous  en  rendrons  compte 
plus  tard  et  avec  assez  d'étendue  pour  que  nos  lecteurs  puis- 
sent en  faire  l'application  dans  leur  pratique. 

ART.     Il35. 

Note  sur  l'emploi  de  l'aconit  pour  rétablir  le  cours  des  règles.  — 
Préceptes  de  M.  Lisfranc,  dans  l'aménorrhée. 

M.  le  docteur  West,  de  Soulz,  a  publié  dans  le  même 
journal  quelques  observations  d'aménorrhées  guéries  par 
l'emploi  de  l'aconit.  Ce  médecin,  ayant  suivi  plusieurs  cli- 
niques médicales  de  l'Allemagne,  remarqua  que  l'aconit 
était  fort  employé  dans  la  phthisie  et  les  affections  rhuma- 
tismales. Les  bons  effets  de  cette  substance  dans  ces  deux 
maladies  sont  loin  de  lui  sembler  prouvés;  mais  ayant  re- 
marqué que  deux  femmes  atteintes  d'aménorrhée  avaient  vu 
reparaître  le  flux  menstruel  sous  son  influence,  il  pensa 
qu'on  pourrait  en  faire  usage  conjointement  avec  d'autres 
moyens,  lorsque,  par  une  cause  quelconque,  le  cours  des  rè- 
gles se  trouve  interrompu.  Trois  observations  sont  citées  à 
l'appui  de  cette  opinion. 

Une  femme  de  trente-cinq  ans  avait  toujours  eu  une  mens- 
truation régulière,  lorsqu'elle  vit  tout-à-coup  ses  règles  se 
supprimer  à  la  suite  d'un  bain,  dans  lequel  elle  s'était  en- 
dormie. Quelque  temps  après,  une  douleur  rhumatismale  se 
fixa  sur  le  bras  droit,  et  s'étendit  sur  les  régions  pactorales  et 
dorsales  du  même  côté.  La  malade  essaya  vainement  les  sai- 
gnées, les  bains  et  les  emménagogues,  elle  resta  vingt-deux 
mois  sans  voir  reparaître  ses  règles.  Ayant  alors  consulté 
M.  West,  celui-ci  prescrivit  une  saignée  et  trente  grains 
d'extrait  aqueux  d'aconit  en  trente  pilules,  en  commençant 
par  un  grain,  et  augmentant  graduellement  la  dose,  de  ma- 
nière à  arriver  à  huit  grains  le  jour  ordinaire  de  la  mens- 
truation. Le  cinquième  jour,  la  malade  commenta  à  éprouver 
quelques  douleurs  dans  les  reins  comme  à  l'approche  des 
règles  ;  ces  douleurs  s'accrurent  jusqu'au  huitième  jour, 
époque  à  laquelle  les  menstrues  parurent  et  coulèrent  comme 
d'habitude.  Depuis  cette  époque,  cette  femme  a  coutinué  à 
être  bien  réglée,  mais  les  douleurs  rhumatismales  n'ont 
point  cédé. 

Une  autre  femme  de  trente-sept  ans,  mère  de  cinq  enfans, 


(444) 

n'avait  pas  vu  ses  règles  depuis  quatre  années.  Ayant  pris 
trente  grains  d'aconit  en  douze  jours,  elle  vit  reparaître  un 
flux  blanc,  qui  avait  remplacé  les  règles  depuis  leur  sup- 
pression, et  qui,  s'étant  supprimé  lui-même  depuis  six  mois, 
avait  été  remplacé  par  des  douleurs  fort  incommodes  dans 
le  vagin  et  dans  le  fondement.  Tous  ces  accidens  se  dissi- 
pèrent, mais  les  règles  ne  reparurent  plus. 

Enfin,  chez  une  jeune  fille,  dont  les  règles  étaient  suppri- 
mées depuis  un  an,  et  qui  était  depuis  cette  époque  chloro- 
tique  et  hystérique,  trente  grains  d'aconit  furent  également 
administrés.  Après  l'usage  de  vingt  grains,  les  règles  repa- 
rurent, et  tous  les  symptômes  d'hystérie  et  de  chlorose  fu- 
rent dissipés  sur-le-champ. 

Réflexions.  Nous  ne  pouvions  passer  sous  silence  un 
moyen  qui,  tout  empirique  qu'il  est,  peut  offrir  cependant 
une  grande  utilité  en  thérapeutique;  mais  nous  ferons  ob- 
server, en  même  temps,  qu'avant  d'employer  un  remède 
contre  l'aménorrhée,  il  faut  rechercher  avec  tout  le  soin  pos- 
sible la  cause  de  la  suppression  du  cours  naturel  des  règles. 
Dans  une  intéressante  leçon,  faite  dernièrement  sur  ce  sujet 
à  la  Pitié  par  M.  Lisfranc,  ce  professeur  s'est  élevé  avec 
force  contre  l'habitude  où  sont  beaucoup  de  praticiens  de 
prescrire  d'abord,  et  sans  examen  sur  les  causes  de  l'amé- 
norrhée, des  substances  qui  jouissent  d'une  certaine  répu- 
tation dans  cette  maladie,  telles  que  la  rue,  la  sabine,  les 
eaux  ferrugineuses,  etc.  Il  faut,  suivant  ce  praticien,  exami- 
ner l'état  de  l'utérus;  dans  un  grand  nombre  de  cas,  on  trou- 
vera cet  organe  engorgé,  et  c'est  là  la  cause  la  plus  ordinaire 
de  l'aménorrhée.  On  sent  combien  il  serait  irrationnel  de  pres- 
crire alors  l'emploi  des  médicamens  dits  emménagogues,  ou 
même  des  pédiluves  et  des  sangsues  en  petite  quantité.  Dans 
un  grand  nombre  de  cas,  on  ne  saurait  obtenir  de  pratiquer 
le  toucher,  et  malheureusement  on  est  réduit  à  agir  au  ha- 
sard; mais  toutes  les  fois  que  l'aménorrhée  est  opiniâtre, 
lorsque  surtout  elle  entraîne  avec  elle  la  stérilité  dont  elle  est 
la  cause  chez  un  si  grand  nombre  de  jeunes  femmes,  il  faut 
s'assurer,  soit  par  le  vagin,  soit  plutôt  par  le  rectum  chez  les 
jeunes  filles,  si  la  matrice  n'est  pas  engorgée. 

Cet  engorgement  une  fois  reconnu,  cinq  ou  six  jours  avant 
l'époque  présumée  des  règles,  on  pratique  une  ou  deux  sai- 
gnées du  bras,  pour  modérer  l'afflux  sanguin  qui  est  tou- 
jours plus  considérable  vers  la  matrice  à  cette  période,  puis 
dans  le  cours  du  mois  on  prescrit  un  exercice  modéré,  des 
bains  et  même  une  autre  saignée  du  bras.  Quand  l'engorge- 
ment utérin  est  disâipéj  le  coors  des  règles  se  rétablit  de  lui- 


(445) 

même.  Si  le  sang  coule  en  petite  quantité,  il  faut  employer 
les  mêmes  moyens  jusqu'à  ce  que  la  guérison  soit  complète. 
Si  on  voulait  favoriser  cet  écoulement  par  des  bains  de  pieds 
et  le  traitement  ordinaire  de  l'aménorrhée  simple,  il  est  évi- 
dent qu'on  ne  ferait  que  rendre  plus  mauvais  l'état  des  choses 
en  augmentant  l'afllux  des  liquides  vers  l'utérus. 

Les  causes  de  l'aménorréhe  sont  nombreuses,  il  nous  suf- 
fira d'avoir  signalé,  à  l'occasion  d'un  nouvel  emménanogue, 
l'engorgement  utérin  dont  on  s'est  trop  peu  occupé  jusqu'à 
ce  jour,  et  qui  n'attire  ordinairement  l'attention  des  prati- 
ciens que  lorsqu'il  est  arrivé  à  un  degré  tel  que  les  res- 
sources thérapeutiques  sont  presque  sans  action  sur  sa  ré- 
solution. 

ART.    11 56. 

De  l'onanisme  et  des  autres  abus  vénériens  considérés  dans  leur 
rapport  avec  la  santé.  (Analyse.) 

Chacun  sait  quelle  influence  les  abus  vénériens  et  surtout 
l'onanisme  peuvent  avoir  sur  la  santé.  M.  le  docteur  Des- 
landcs  vient  de  publier  sur  ce  sujet  un  ouvrage  riche  de 
faits  et  d'expérience,  et  que  les  praticiens  consulteront  avec 
intérêt.  L'excès  dans  l'exercice  des  parties  génitales  peut  en 
effet,  non-seulement  causer  des  maladies  lorsque  les  sujets 
s'y  livrent  avec  violence  ou  qu'ils  en  contractent  une  longue 
habitude,  mais  nu  acte  isolé,  soit  du  coït,  soit  de  la  mastur- 
bation, produit  souvent  des  accideos  dont  la  cause  resterait 
ignorée,  si  l'on  n'était  prévenu  que  les  convalescences  sont 
fréquemment  entravées  par  l'empressement  des  malades  à 
retomber  dans  leurs  anciennes  habitudes.  Les  effets  du  coït 
ou  de  la  masturbatiou  sont  donc  de  la  plus  haute  importance 
à  étudier  pour  le  médecin.  «  Il  arrive  souvent,  dit  l'auteur,  et 
j'en  ai  vu  plus  d'un  exemple,  que  des  maladies  résistent  à 
tous  les  moyens,  sans  qu'on  puisse  se  rendre  compte  d'une 
telle  ténacité.  Des  soupçons  viennent  enfin,  et  on  fiuit  par 
apprendre  que  le  sujet,  déjà  masturbateur  avant  la  maladie, 
n'a  pas  cessé  ou  n'a  cessé  que  momentanément  de  porter  les 
mains  sur  lui.  D'autres  fois  les  symptômes  de  la  maladie  que 
l'on  traitait  disparaissent  peu  à  peu  ;  on  s'attend  à  voir  les 
forces  reparaître  et  la  convalescence  commencer;  il  n'en  est 
rien,  la  faiblesse,  loin  de  diminuer,  s'accroît;  l'amaigrisse- 
ment augmente,  la  fièvre  continue;  enfin  le  malade  tombe 
dans  une  étisie  sur  laquelle  on  se  perd  en  conjectures,  si  la 
funeste  habitudequi  en  est  la  cause  ne  vient  à  être  découverte. 


(  446  ) 

Chex  d'autres  sujets,  c'est  une  affection  qu'on  pouvait  croire 
terminée  ou  sur  le  point  de  l'être^  et  qui  tout-à-coup  se  ré- 
veille, parce  que  le  malade  s'est  trop  hâté  de  se  livrer  à  la 
masturbation  ou  an  coït.  » 

Le  docteur  Deslandes  considère  dans  son  ouvrage  les  or- 
ganes génitaux  sous  le  rapport  de  leur  action  physiologique, 
puis  il  signale  les  dangers  qui  peuvent  résulter  de  l'abus  dans 
leur  exercice.  Ces  dangers  sont  nombreux,  et  peut-être  ont- 
ils  été  un  peu  exagérés  par  ce  médecin  comme  par  la 
plupart  des  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  cette  cause  de 
maladies.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  énumérer  tous 
les  accidens  qu'il  croit  pouvoir  attribuer  à  des  habitudes  fu- 
nestes, mais  nous  appellerons  l'attention  de  nos  lecteurs  sur 
la  partie  thérapeutique  qui  a  été  considérée  par  M.  Deslandes 
en  médecin  physiologiste  et  en  philosophe. 

Pour  s'opposer  à  la  masturbation,  qui  est  l'abus  ordinaire 
qu'on  est  appelé  à  combattre,  il  faut,  suivant  l'auteur, 
1°  faire  que  le  désir  qui  porte  à  se  masturber  ne  vienne  pas, 
ou  ne  revienne  plus,  ou  ait  le  moins  d'empire  possible; 
2°  faire  que  la  volonté  résiste  au  désir  de  se  masturber; 
5°  ôter  à  ceux  qui  désirent  et  veulent  se  masturber  le  pou- 
voir de  le  faire. 

Ce  sont  ces  trois  points  que  le  médecin  ne  doit  jamais 
perdre  de  vue  quand  il  veut  remédier  à  de  mauvaises  habi- 
tudes; mais  leur  examen  entraîne  dans  une  foule  de  considé- 
rations qui  feront  varier  à  l'inflai  les  moyens  thérapeutiques. 
Et  d'abord  M.  Deslandes  examine  le  cervelet  dont  l'état  de 
développement  ou  même  d'irritation  peut  puissamment 
influer  sur  l'activité  du  sens  génital.  On  sait  que  Gall  place 
dans  cette  partie  du  cerveau  l'instinct  de  la  propagation. 
Nous  ne  citerons  pas  toutes  les  preuves  en  faveur  de  cette 
opinion  qui  mettent  maintenant  hors  de  doute  l'assertion  du 
célèbre  phrénologiste,  mais  il  nous  suffira  de  dire  que 
l'expérience  a  démontré, dans  certains  cas, les  bons  effets  qu'on 
peut  retirer  des  applications  de  sangsues  et  de  glace  sur  la 
nuque.  Les  applications  de  thridace,  de  belladone,  d'opium 
sur  la  même  partie  auraient  sans  doute  une  action  aussi  avan- 
tageuse. M.  Deslandes  conseille  en  outre  de  faire  couper  les 
cheveux  fort  courts,  surtout  à  la  partie  postérieure  de  la  tête, 
chez  les  masturbateurs,  et  de  substituer  ù  l'oreiller  de  plume 
celui  de  crin. 

Ce  n'est  pas  seulement  le  développement  exagéré  du  cer- 
velet qui  peut  causerie  priapisme,  la  nymphomanie,  etc.;  on 
a  cité  de  nombreux  exemples  qui  prouvent  qu'une  irritation 
soit  de   cette  partie  du  cerveau,  soit  de  U  moelle  épinière 


(  447  ) 

exerce  également  une  puissance  marquée  sur  les  organes 
générateurs.  Dans  certains  cas,  en  effet,  on  a  retiré  de  très- 
bons  effets  des  douches  d'eau  excessivement  froide  le  long  de 
la  colonne  vertébrale,  ainsi  que  des  applications  de  glace  pi- 
lée.  On  a  même  fait  cesser  le  spasme  des  parties  génitales  par 
des  frictions  sur  le  sacrum  avec  des  vessies  remplies  de 
glace.  Des  sangsues  à  l'anus  ou  mieux  encore  aux  lombes,  et 
surtout  des  ventouses  scarifiées  sur  cette  dernière  région, 
pourraient  être  utiles  dans  ces  cas,  chez  des  individus  encore 
vigoureux  qui  auraient  contracté  l'habitude  de  la  mas- 
turbation. 

Enfin,  toutes  les  parties  génitales  elles-mêmes,  indépen- 
damment de  cet  état  anormal  du  cervelet  et  de  la  moelle  épi- 
nière,  peuvent  nous  offrirlacaused'un  appétit  vénérien  exces- 
sif. L'état  du  tissu  érectile,  par  exemple,  a  une  influence  très- 
prononcée  sur  la  disposition  au  rapprochement  des  sexes. 
On  sait  qu'une  classe  de  singe  (celle  des  cynocéphales),  qui 
est  d'une  lubricité  vraiment  incroyable,  offre  une  masse 
énorme  de  tissu  érectile,  non-seulement  aux  parties  sexuelles, 
mais  encore  à  toutes  les  parties  environnantes.  C'est  ainsi 
que  la  verge  a  en  général  plus  de  volume  chez  les  hommes 
qui  ont  un  penchant  prononcé  pour  les  plaisirs  de  l'amour. 
Cette  considération  sur  l'état  du  tissu  érectile  conduit  à  des 
applications  pratiques  importantes  :  ainsi,  un  sujetvigoureux 
et  pléthorique  peut  être  débarrassé  d'érections  et  de  pollu- 
tions nocturnes  par  une  large  saignéee,  ou  des  sangsues  dans 
le  voisinage  des  parties  sexuelles.  Les  lotions  et  les  applica- 
tions froides  sur  ces  mêmes  parties  doivent  être  conseillées. 
On  doit  interdire  en  même  temps,  aux  enfans  des  deux  sexes, 
de  se  laver  avec  de  l'eau  chaude  ,  de  s'asseoir  sur  des  poêles 
échauffés;  ne  leur  permettre  que  l'usage  des  sièges  qui  of- 
frent une  certaine  résistance,  tels  que  ceux  de  paille,  de  bois, 
de  crin,  etc.  Les  demi-lavemens  froids  et  les  injections 
semblables  pour  les  jeunes  filles  peuvent  également  avoir 
beaucoup  d'utilité. 

Enfin,  dans  certaines  circonstances,  on  a  été  réduit  à  retran- 
cher plusieurs  des  parties  saillantes  de  la  vulve.  M.  Deslandes 
cite  à  cette  occasion  l'observation  suivante  extraite  d'ua 
journal  allemand. 

Une  jeune  fille  de  quatorze  ans,  idiote  depuis  son  enfance, 
était  réduite  à  un  état  véritablement  au-dessous  de  la  brute  ; 
elle  avalait  ses  matières  fécales,  et  passait  des  demi-journées 
entières  huchéedans  un  coin,  sortant  la  langue  de  sa  bouche, 
et  bavant  continuellement.  Un  médecin  de  Berlin  entreprit 
de  la  traiter;  il  remarqua  d'abord  chez  elle  un  penchant  irré- 


(  448  ) 

sistible  à  l'onanisme  ;  elle  se  livrait  jour  et  nuit,  sans  relâcîie, 
à  cette  pratique  en  se  frottant  le  siège  sur  des  chaises  ou  les 
cuisses  l'une  contre  l'autre.  Ce  médecin  crut  que  la  mastur- 
bation était  l'obstacle  au  développement  des  facultés  intellec- 
tuelles,  et  il  se  hâta  de  faire  appliquer  un  cuir  garni  de  pointes 
sur  le  siège  de  la  malade,  afin  de  l'empêcher  de  s'asseoir,  et 
on  la  contint  la  nuit  à  l'aide  d'une  camisole.  On  pratiqua  en 
outre  une  cautérisation  profonde  au  crâne,  on  fil  des  affu- 
sions  froides,  etc.  Tous  ces  moyens  furent  inutiles  ;  enfin, 
lorsque  la  malade  eut  quinze  ans,  on  se  décida  à  lui  extirper 
le  clitoris.  La  plaie  se  cicatrisa  bientôt,  et  les  effets  de  cette 
opération  surpassèrent  toute  attente.  Le  penchant  à  la  mas- 
turbation fut  enlevé  comme  par  enchantement,  et  ne  se 
montra  plus  que  de  temps  en  temps,  par  suite  de  la  longue 
habitude  qui  en  avait  été  contractée.  L'intelligence,  retenue 
en  quelque  sorte  captive  jusque  là,  prit  son  essor,  et  l'éduca- 
tion de  la  malade  put  être  commencée.  Au  bout  de  trois  ans, 
cette  jeune  fille  sut  parler,  lire,  compter,  etc.;  enfin  il  était  fa- 
cile de  prévoir  un  développement  complet  de  toutes  les  facul- 
tés intellectuelles. 

Un  autre  fait  aussi  curieux,  communiqué  à  l'auteur  par 
M.  Biet,  constate  également  le  succès  de  cette  opération. 

Une  petite  fille  de  dix  ans  s'était  livrée  à  l'onanisme  de- 
puis sa  plus  tendre  enfance.  Elle  devait  cette  habitude  à  sa 
bonne,  qui,  ayant  remarqué  qu'en  lui  chatouillant  le  clitoris, 
elle  apaisait  ses  cris,  ne  se  fit  pas  faute  d'employer  ce  dan- 
gereux expédient.  Cette  petite  fille  apprit  de  la  sorte  a  porter 
les  mains  sur  elle,  et  l'habitude,  une  fois  prise,  acquit  cha- 
que jour  plus  d'empire,  ce  qui  finit  par  causer  une  détériora- 
tion physique  et  morale  profonde.  Quand  la  cause  de  ce  dé- 
périssement fut  connue,  les  parens  employèrent  tous  les 
moyens  imaginables  pour  la  détruire,  mais  inutilement.  On 
eut  recours  alors  aux  moyens  mécaniques;  mais  la  malade 
parvenait  à  surmonter  tous  les  obstacles.  Il  y  avait  déjà  huit 
ans  qu'elle  se  livrait  à  l'onanisme,  et  l'on  pouvait  craindre 
qu'elle  ne  tombât  dans  l'idiotie  et  l'épuisement,  lorsque  les 
parens  se  décidèrent  à  laisser  faire  l'excision  du  clitoris. 
L'opération  fut  pratiquée  par  M.  le  docteur  Jobert  avec  un 
succès  complet.  La  malade  recouvra  le  sommeil  et  le  calme, 
qu'elle  avait  perdus  depuis  long-temps.  Tout  porte  à  croire 
que  cette  guérison  sera  durable. 

L'irritation  de  la  membrane  muqueuse  qui  tapisse  les 
voies  génito-urinaires  peut  encore  causer  l'excitation  véné- 
rienne, et  conséquemnienl  l'onanisme.  Pour  la  prévenir  ou 
pour  la  combattre,  le  médecin  devra  donc  prescrire  de  tenir 


(449) 
les  parries  ^esuelles,  par  des  ablutions  fréquentes,  dans  un 
état  permanent  de  propreté;  interdire  les  excès  de  table  et 
l'usage  des  alimens  ainsi  que  des  boissons  qui  rendent  l'u- 
rine plus  irritante  et  la  membrane  génito-urinaire  plus  irri- 
table; apaiser  les  irritations  qui  chez  les  enfans  se  fixeraient 
dans  l'intérieur  du  rectum  ou  sur  les  parties  génitales  elles- 
uiêmes;  rechercher  s'il  n'existe  point  des  ascarides  vermicu- 
laires  qui  entretiennent  des  démangeaisons  sur  ces  parties, 
et  les  détruire  avec  une  injection  d'une  forte  décoction  d'é- 
corce  de  racine  de  grenadier,  ou  des  lotions  semblables  sur 
la  vulve,  lorsque  les  vers  ont  gagné  cette  partie;  enfin  cher- 
cher par  tous  les  moyens  possibles  à  faire  disparaître  toute 
irritation  qui  tendrait  à  se  fixer  sur  les  organes  génitaux. 
C'est  ainsi  qu'on  a  combattu  avec  succès  une  nymphomanie, 
en  appliquant  sur  les  petites  lèvres  et  le  clitoris  enflammés 
une  solution  de  quatre  grains  de  nitrate  d'argent  dans  une 
once  d'eau  distillée.  Dans  une  autre  circonstance,  chez  une 
dame  qui  était  tourmentée  par  la  sensation  continuelle  d'un 
besoin  pressant  du  coït,  après  avoir  vainement  essayé  les 
lotions  et  les  injections  avec  l'eau  distillée  de  laurier-cerise, 
et  l'introduction  dans  le  vagin  d'un  bourdonnet  de  charpie 
imbibé  d'une  solution  d'extrait  de  belladone  (un  grain  par 
once),  M.  Deslandes  substitua  avec  un  succès  complet  de 
petits  morceaux  de  glace  qu'on  laissait  fondre  dans  le  con- 
duit vulvo-utérin 

Enfin,  dans  les  cas  désespérés ,  lorsque  les  malades 
étaient  voués  à  une  mort  certaine,  on  a  vu  l'amputation  des 
testicules  prévenir  pour  toujours  les  excès  auxquels  les  ma- 
lades se  livraient.  Sans  avoir  recours  à  ce  moyen  extrême, 
que  presque  tous  les  auteurs  ont  rejeté,  M.  Deslandes  pense 
qu'on  pourrait  avec  avantage,  dans  ces  cas,  faire  des  lotions 
froides  ou  des  applications  de  glace  sur  le  scrotum,  et  poser 
des  sangsues  dans  son  voisinage. 

Beaucoup  d'autres  causes  encore  peuvent  produire  l'exci- 
tation vénérienne  :  les  saisons,  les  climats,  ont  sur  les  orga- 
nes génitaux  une  action  qui  a  été  signalée  de  tout  temps; 
mais  il  est  une  pratique  dont  les  dangers  ont  été  démontrés 
jusqu'à  l'évidence, et  qui  cependant  est  encore  en  vigueur  dans 
beaucoup  de  familles  et  d'institutions,  nous  voulons  parler 
de  la  fustigation  qu'on  inflige  aux  enfans,  et  qui  est  si  fré- 
quemment l'origine  de  l'habitude  de  la  masturbation.  Les 
auteurs  ont  cité  une  foule  d'exemples  dans  lesquels  ce  châ- 
timent, administré  surtout  par  un  autre  sexe,  a  en  ce  funeste 
résultat.  Ainsi  M.  Serrurier  a  rapporté  l'observation  d'un  de 
868  condisciples  de  collège,  qui  trouvait  un  plaisir  indicible 
Tome  yi.  —  W  d'octobre.  29 


(  45o  ) 

à  se  laisser  fustiger.  Il  cherchait  toutes  les  occasions  de  man- 
quer envers  le  professeur,  qui  jamais  n'absolvait  un  coupa- 
ble, elle  faisait  toujours  passer  par  les  verges.  Ce  malheureux 
prit  ainsi  l'habitude  de  la  masturbation.  Réduit  à  l'état  de  con- 
somption la  plus  horrible,  par  suite  de  la  déperdition  habi- 
tuelle de  la  semence,  il  fut  offert  à  ses  condisciples  en  spec- 
tacle au  moment  de  sa  mort,  comme  un  exemple  du  danger 
auquel  on  s'expose  par  cette  coupable  passion. 

M.  Deslandes  s'élève  avec  force  contre  ce  genre  de  châti- 
ment, et  invite  les  médecins  à  faire  comprendre  aux  familles 
que  les  mœurs  ont  tout  à  craindre  d'une  peine  qui  a  le  dou- 
ble inconvénient  d'offenser  la  pudeur  et  d'éveiller  IfS  sens. 

En  même  temps  qu'on  éloigne  les  causes  extérieures  qui 
pourraient  exciter  les  désirs,  il  faut  aussi  prescrire  un  régime 
qui  contrib':e  à  former  le  moins  de  semence  possible  :  les 
■viandes  blanches,  les  légumes  frais,  une  tisane  rafraîchis- 
sante, le  laitage,  enfin  la  diète,  qu'on  a  nommée  antiphlo- 
gistique. 

Existe-t-il  des  médicamens  anti-aphrndisiaqiies  ?  On  en  a 
vanté  un  grand  nombre,  le  camphre,  la  ciguë,  l'opium,  etc. 
On  a  cité  l'exemple  d'une  demoiselle  qui  fut  débarrassée  de 
violens  accès  dune  hystérie  libidineuse  par  une  potion  dans 
laquelle  entrait  de  la  teinture  de  belladone.  Il  est  probable 
que  cette  plante  aurait  une  action  aussi  efficace  dans  le  sa- 
tyriasis  et  la  nymphomanie.  La  thridace,  l'eau  distillée  de 
laurier-cerise,  peuvent  être  rangées  dans  la  même  classe. 
L'acide  borique  ainsi  que  l'acide  hydrocyanique  ont  été  préco- 
nisés, mais  on  a  surtout  vanté  l'action  de  Vagnus  castus  et  du 
nénuphar.  L'auteur  ajoute  peu  de  foi  à  la  spécificité  de  ces 
deux  médicamens,  et  il  admet  seulement  que  le  dernier  peut 
avoir  quelque  action  dans  certains  cas  employé  comme 
caïmans. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  plus  long-temps  sur  l'ouvrage 
de  M.  Deslandes.  Cette  courte  analyse,  d'un  des  chapitres 
consacrés  à  la  thérapeutique  de  l'excès  dans  l'exercice  des 
organes  génitaux,  prouvera  que  l'auteur  a  étudié  son  sujet 
dans  le  but,  non  d'effiayer  les  jeunes  gens  sur  les  suites  de  la 
masturbation,  mais  bien  d'éclairer  les  médecins  qui  seront 
appelés  à  remédier  à  ses  abus  ou  à  les  prévenir. 

ART.    1137. 

Emploi  à  haute  close  et  en  lavement  de  l'huile  essentielle  de  téré- 
benthine contre  la  sciaiique. 

M.  le  docteur  Ducros  jeune,  de  Marseille,  a  employé  avec 


(45i) 

avantage  les  lavemens  d'huile  essenlieile  de  térébenthine  dans 

un  grand  nombre  de  cas  de  névralgies  sciatiqii es.  Administrée 
de  la  sorte,  cette  huile  paraît  agir  beaucoup  plu«  efficace- 
ment que  lorsqu'on  la  donne  par  la  bouche,  sans  doute  parce 
qu'on  peut  en  élever  la  dose  sans  craindre  d'irriter  la  mu- 
queuse digestive,  et,  en  second  lieu,  à  cause  du  voisinage 
du  plexus  sacré  et  du  nerf  sciatique  du  point  où  le  médi- 
cament se  trouve  déposé. 

Un  jeune  homme  éprouvait  depuis  trois  mois  des  douleurs 
atroces  dans  tout  le  membre  pelvien  gauche,  les  souffrances 
s'irradiaient  jusqu'aux  lombes,  il  était  déjà  dans  un  marasme 
complet.  Soumis  à  l'usage  de  lavemens  d'huile  essentielle 
de  térébenthine,  il  fut  entièrement  guéri  au  bout  de  quinze 
jours. 

Une  femme  souffrait  depuis  plusieurs  jours  d'une  douleur 
qui  partait  de  l'échancrure  sciatique  et  qui  s'étendait  jus- 
qu'aux orteils.  On  lui  prescrivit  un  quart  de  lavement  com- 
posé d'eau  de  mauve  et  d'une  once  d'huile  easentielle  de  té- 
rébenthine délayé  dans  un  jaune  d'œuf  :  ses  souffrances 
cessèrent  coiupletement  et  ne  ruviurent  plus. 

Chez  un  pêcheur  depuis  long-temps  en  traitement  pour 
une  sciatique,  il  fallut  augmenter  de  beaucoup  cette  dose  du 
médicament.  Les  douleurs  ne  disparurent  que  lorsqu'on  fut 
parvenu  successivement  à  en  donner  deux  onces  et  demie 
dans  chaque  lavement.  (  La  Lancette.) 

ART.    1  l58. 

Guérison  de  ditei'ses  tumeurs  cancroides  et  cystiformes  par  l'em- 
ploi de  fiode  en  sachet. 

Le  même  médecin  préconise  les  applications  d'iode  pour 
obtenir  la  résolution  de  tumeurs  de  diverses  natures.  Il  place 
dans  le  duplicata  d'un  taffetas  rcmbouré  de  colon  demi-once 
d'hydriodatede  potasse,  trois  gros  d'iode,  deux  gros  d'épongé 
calcinée  et  une  once  d'hydrochlorate  d'ammoniaque  ;  puis  il 
applique  ce  sachet  sur  la  tumeur,  et  renouvelle  tous  les  dix 
jours  les  substances  médicamenteuses  qui  y  sont  conleaues. 

Un  enfant  portait  à  la  région  poplitée  une  tumeur  cysti- 
forme  très-volumineuse;  il  ne  pouvait  marcher  depuis  si; 
mois,  la  jambe  et  la  cuisse  étaient  atrophiées.  Plusieurs  mé 
decins  furent  consultés  et  décidèrent  l'amputation,  mais  l'en 
fant  s'y  refusa  obstinément.   M.  Ducros  le  soumit  alors  à 
l'emploi  du  sachet.  La  tumeur  s'atrophia,  et  deux  mois  î»uf- 
firentpourla  guérison. 


IX 


.x 


(  452  ) 

Une  demoiselle  âgée  de  vingt  ans  portait  un  goitre  con- 
sidérable qui  l'empêchait  de  paraître  en  public.  Elle  fut 
soumise  à  l'emploi  du  sachet  ;  de  plus,  l'iode  fut  administré 
à  l'intérieur,  ainsi  que  la  bière  et  l'eau  de  mer.  Après  six 
mois  de  traitement,  le  goitre  avait  entièrement  disparu. 

Le  sachet  procura  une  guérison  semblable  chez  une  fille 
de  vingt-deux  ans,  qui  portait  depuis  l'âge  de  sept  ans,  à  la 
région  latérale  du  cou,  une  tumeur  scrofuleuse  du  volume 
d'une  grosse  boule,  et  chez  plusieurs  autres  personnes  qui 
avaient  des  tumeurs  de  plus  mauvaise  nature.  [Ibid.) 

ABT.    11 5g. 

Considérations  sur  quelques  cas  de  flueurs  blanches  chez  les 
petites  filles  avant  l'époque  de  la  puberté. 

On  trouve  dans  une  brochure  publiée  par  M.  Touchard, 
chirurgien  à  Mont-Louis  (Indre-et-Loire),  quelques  obser- 
vations de  flueurs  blanches  sur  lesquelles  nous  allons  arrêter 
l'attention  de  nos  lecteurs. 

Une  petite  fille  de  trois  ans  et  demi,  blonde  et  très-grasse, 
se  trouve  tout-à-coup  atteinte  d'un  écoulement  blanc;  cette 
enfant,  qui  semblait  d'une  excellente  constitution,  était  issue 
de  parens  sains  et  avait  été  nourrie  par  sa  mère  jusqu'à  dix- 
huit  mois.  M.  Touchard  hésitait  sur  la  cause  de  cet  écoule- 
ment inattendu  dans  un  âge  si  tendre,  lorsqu'il  apprit  que 
depuis  quelque  temps  cette  petite  fille  avait  eu  des  convul- 
sions occasionées  par  la  dentition  qui  ne  s'opérait  qu'avec 
peine  ;  il  reconnut  alors  une  liaison  entre  l'écoulement  et 
l'état  des  gencives;  au  bout  de  huit  jours,  en  effet,  les  dents 
ayant  fait  saillie  à  l'extérieur,  les  convulsions  ne  reparurent 
plus  et  les  flueurs  blanches  cessèrent  entièrement. 

Une  autre  petite  fille  de  quatre  ans  était  atteinte,  depuis 
plus  d'une  année,  d'un  écoulement  verdâtre  abondant. La  pe- 
tite malade  était  d'une  maigreur  effrayante;  elle  ne  pouvait 
rester  debout  plus  de  quatre  à  cinq  minutes;  ses  yeux 
étaient  mornes,  ses  joues  creuses,  son  haleine  fétide.  Les 
parties  génitales  laissaient  échapper  en  grande  quantité  un 
liquide  infect,  épais  et  vcrdâtre.  La  mère  avait  depuis  dix- 
huit  ans  un  écoulement  semblable,  si  abondant  que  les  par- 
lies  génitales  en  étaient  excoriées. 

M.  Touchard  ordonna  qu'on  fît  prendre  à  l'enfant,  tous 
les  matins  à  jeun,  un  gros  de  sirop  d'absinthe,  en  auî^men- 
tant  progpfssivement  la  dose  jusqu'à  six  gros  le  matin  et 
autant  le  soir;  il  prescrivit  en  outre  deux  injections  par  jour 


(455) 

avec  une  infusion  vineuse  de  roses  rouges,  déplus  une  bonne 

nourriture,  une  abstinence  complète  de  viandes  salées,  et 
pour  boisson  habituelle  de  vin  vieux  rouge  coupé  avec  un 
tiers  d'eau  ferrée. 

Six  semaines  après  ce  traitement  commencé,  les  flueurs 
blanches  devinrent  bien  moins  abondantes,  plus  transparen- 
tes et  moins  infectes.  Le  sirop  d'absinthe  fut  supprimé  et 
remplacé  par  l'eau  ferrée,  dans  laquelle  on  fit  infuser  par 
pinte  une  forte  pincée  de  fleurs  d'orties  blanches,  à  la  dose 
d'abord  d'un  quart  de  verre  le  matin,  et  d'un  quart  de  verre 
le  soir,  puis  d'un  demi-verre  matin  et  soir. 

Quatre  mois  plus  tard  il  ne  restait  plus  qu'un  écoulement 
d'un  blanc  transparent,  sans  consistance  et  inodore,  qui  dis- 
parut complètement  au  bout  d'un  autre  mois,  au  moyen  de 
la  térébenthine  prescrite  de  la  manière  suivante.  Tous  les 
matins  pendant  les  quatre  premiers  jours  une  pilule  de  deux 
grains  de  térébenthine;  tous  les  matins,  pendant  les  quatre 
jours  suivans,  deux  pilules  d'un  grain  chaque  de  térében- 
thine, plus  quatre  autres  pilules  d'un  grain  chaque  le  soir; 
les  huit  jours  suivans,  quatre  pilules  d'un  grain  chaque  le 
matin  et  autant  le  soir;  enfin  cette  substance  fut  portée  jus- 
qu'à huit  grains  le  matin  et  autant  le  soir. 

Réflexions.  Nous  avons  cité  ces  deux  observations  conte- 
nues dans  la  brochure  de  M.  Touchard,  afin  de  rappeler  un 
point  de  pratique  fort  important  et  dont  l'oubli  pourrait 
avoir  les  conséquences  les  plus  funestes,  c'est  la  fréquence 
de  ces  écoulemens  chez  les  jeunes  filles,  depuis  la  première 
enfance  jusqu'à  l'époque  de  la  menstruation.  Rien  n'est  plus 
ordinaire  en  effet  que  de  rencontrer,  surtout  dans  les  grandes 
villes,  où  le  défaut  d'exercice,  l'air  vicié  que  l'on  y  respire 
et  souvent  les  manœuvres  coupables  auxquelles  se  livrent 
les  enfans,  prédisposent  à  cette  maladie,  des  écoulemens  ver- 
dâtres,  d'une  odeur  infecte,  qui  pourraient  facilement  être 
pris  pour  des  blennorrhagies  syphilitiques.  Nous  avons  vu 
des  petites  filles  de  huit  à  dix  ans,  dont  l'écoulement  était  si 
abondant  qu'elles  étaient  forcées  d'envelopper  les  parties 
génitales  de  serviettes,  comme  le  font  les  femmes  à  l'époque 
des  règles.  La  supposition  d'un  viol,  ou  tout  au  moins  d'une 
infection  syphilitique,  est  donc  extrêmement  commune  dans 
ces  cas,  et  nous  commettrions  de  graves  erreurs  si  nous  ne 
savions  que  ces  écoulemens  tiennentpresque  toujours  à  toute 
autre  cause. 

C'est  ce  qui  est  arrivé  dans  une  affaire  célèbre,  celle  de 
ContrafattOjdanslaquelleiM.  Paul  Dubois,  ayant  été  consulté, 
déclara  que  l'accusation  ne  pouvait  tirer  aucun  parti  de  l'é- 


1454) 

coulement  qu'on  observait  chez  la  jeune  fiHe  violée,  parce 
que  cette  maladie  était  si  commune  à  cet  âge,  qu'elle  ne  pou- 
vait indiquer  re'xistence  d'un  viol. 

A  l'hôpital  de:-  Vénériens,  où  l'on  reçoit  un  assez  grand 
nombre  de  filles  non  pubères,  qui  ont  eu  des  rapports,  soit 
volontaires,  soit  forcés,  avec  des  hommes,  nous  observons 
aussi  très-fréquemment  des  écoulemens  blanchâtres  ou  ver- 
dâtres,  accompagnant  des  traces  de  violences  aux  parties 
génitales;  mais  la  promptitude  avec  laquelle  ces  écoulemens 
disparaissent  en  général  excluent  toute  idée  d'une  infection 
syphilitique,  et  nous  portent  à  croire  qu'ils  sontdu^, soit  au 
frottement  exercé  par  le  membre  viril,  soitplutôt  aux  habi- 
tudes de  masturbation  (ju'on  rencontre  chez,  la  plupart  des 
petites  filles  de  cette  classe.  La  surveillance  qu'on  exerce  sur 
ellespendant  leur  séjourà  l'hôpital  et  la  crainte  des  châtimens 
les  forcent  à  suspendre  ces  attouchemens  dangereux,  et  elles 
sortent  au  bout  de  quelques  semainei  débarrassées  du  flux 
utéro-vaginalqui  ne  tarde  sans  doute  pas  à  reparaître  lorsqu'el- 
les sont  rendues  à  leurs  habitudes  de  misère  et  de  débauches. 

Nous  avons  vu  aussi  quelquefois  des  écoulemens  rouges 
chez  les  petites  filles  du  premier  Tige;  cet  accident,  qui  alar- 
me beaucoup  lesparens,  ne  nous  a  pas  paru  avoir  d'incon- 
véniens  graves,  car  au  bout  de  quelques  jours  il  a  constam- 
ment disparu  de  lui-même. 

ART.  ii4o. 

Sarcocèle  par  hypertrophie  guéri  par  la  ligature  des  vaisseaux. 

Un  homme  de  cinquante-quatre  ans  était  entré  une  pre- 
mière fois  à  l'hôpital  Saint- André  de  Bordeaux,  le  i4  février 
dernier,  offrant  une  double  inflammation  chronique  de  l'épi- 
didyme.  Du  côté  gauche,  l'organe  affecté  avait  acquis  un  vo- 
lume énorme,  une  dureté  cartilagineuse,  une  pesanteur 
extrême;  il  était  extraordinahemiMit  bosselé,  et  alongeait 
le  cordon  par  son  poids.  Lin  j)hlcgmon  s'étant  formé  au 
scrntum,  une  incision  en  fit  soitir  une  matière  floconneusçi 
mêlée  avec  du  pus.  Les  antiphlogistiques,  les  onctions  mer- 
curielles,  les  dérivatifs  n'avaient  f|ue  peu  de  succès,  lorsque  le 
malade  fut  forcé  par  ses  afl'aires  de  quitter  l'hôpital.  Il  y  ren- 
tra au  bout  de  peu  de  temps,  le  sarcocèle  ayant  encore  aug- 
menté de  volume. 

Le  malade  désirait  qu'on  le  débarrassât  de  ses  deux  testi- 
cules; mais  celui  fin  côté  gauche  étant  beaucoup  plus  volu- 
mineux que  l'autre,  iVl.  JMouliiiié  pensa  qu'il  devait  agir  sur 


(455) 

lui  d'abord,  et  voulant,  autant  que  possible,  éviter  l'extir- 
pation qui  s'accompagne  toujours  de  vives  douleurs  et  de 
dangers,  il  résolut  de  pratiquer  la  simple  ligature  du  vais- 
seau, pour  déterminer  la  diuiinulion  de  volume  ou  l'atro- 
phie d'un  organe  qui  lui  semblait  atteint  seulement  d'hyper- 
trophie. En  conséijuence  une  longue  incision,  partant  du 
voisinage  de  l'anneau  inguinal,  fut  faite  dans  la  direction  du 
cordon.  Les  parties  consliluantes  de  ce  cordon  furent  dissé- 
quées ;  le  canal  déférent,  plus  saillant  que  les  autres  canaux, 
étant  reconnu,  fut  déjeté  en  dehors;  trois  vaisseaux  princi- 
paux furent  alors  découverts.  Aucun  battement  ne  distin- 
guait les  artères  des  veines.  Une  piqûre  ayant  été  pratiquée 
aux  trois  vaisseaux  soulevés,  aucun  d'eux  ne  laissa  écouler 
du  sang  par  jet.  Ils  furent  donc  liés  tous  trois  séparément, 
dan.»  la  persuasion  que  l'un  d'eux  était  l'artère  principale  du 
cordon,  les  deux  autres  les  veines  satellites. 

lin  léger  travail  ioflai'.imatoire  s'établit  sur  le  point  de 
l'opération;  bientôt  il  survint  une  suppuration  deboune  na- 
ture, et  la  plaie  se  cicatrisa.  Ou  vit  avec  satisfaction  l'o.'-gane 
hypertrophié  perdre  tous  les  jours  de  son  volume,  de  son 
poids,  de  sa  dureté,  et  revenir  peu  à  peu  à  des  dimensions 
normales.  Le  malade  sortit  de  l'hôpital  environ  deux  mois 
après  avoir  été  opéré.  (Bulletin  méd.  de  Bordeaux.  ) 

ABT.    ii4i. 

Clinique  d'accouchemens:  Considérations  pratiques  sur  les  tu- 
meurs variqueuses  qui  surviennent  à  la  vulve  et  au  vagin  dans 
le  cours  de  la  grossesse,  pendant  et  après  l'accouchement. 

Dans  une  de  ses  leçons,  M.  Paul  Dubois  a  appelé  l'atten- 
tion de  ses  élèves  sur  cet  accident  assez  commun,  qu'on  a 
désigné  sous  le  nom  de  tumeur  variqueuse,  et  dont  le  déve- 
loppement a  causé  plus  d'une  méprise  fâcheuse.  Une  femme 
couchée  au  n°  17  en  a  fourni  le  sujet;  bien  qu'arrivée  à 
peine  au  sixième  mois  de  la  grossisse,  elle  portait  dans  le 
vagin  une  tumeur  assez  volumineuse  qui  pouvait  plus  tard 
causer  quelque  embarras  lors  de  la  délivrance.  Il  y  a  quel- 
ques années,  ce  professeur  fut  appelé  près  d'une  nouvelle  ac- 
couchée qui  avait  été  délivrée  par  une  sage-femme.  Ce  n'est 
que  quelques  jours  après  l'accouchement,  qu'il  s'était  formé 
dans  la  grande  lèvre  du  côté  gauche  une  tumeur  de  la  gios- 
seur  d'un  œuf  de  poule.  Après  avoir  long-temps  hésité  sur 
la  nature  de  cette  tumeur,  il  se  décida  à  la  fendre  dans  toute 
sa  longueur.  Il  en  sortit  du  sang  grumeleux  d'abord,  puis 


(456) 

liquide.  On  se  borna  à  pratiquer  quelques  lotions,  et  la 
femme  fut  rétablie,  en  quinze  à  dix-huit  jours. 

Quelque  temps  après,  le  même  chirurgien  fut  appelé  à 
l'hospice  de  la  Maternité,  pour  une  femme  chez  laquelle,  au 
moment  de  la  sortie  du  délivre,  il  était  survenu  tout-à-coup 
dans  le  vagin  une  énorme  tumeur,  que  les  élèves  prenaient 
pour  un  renversement  de  l'utérus.  Cette  tumeur  avait  le  vo- 
lume de  la  tête  d'un  fœlus,  et  pouvait  effectivement  donner 
lieu  à  cette  erreur  de  diagnostic.  Cependant  le  toucher,  pra- 
tiqué avec  plus  de  précaution,  démontra  que  le  doigt  pouvait 
la  cerner  à  sa  partie  supérieure,  tandis  que  par  le  reste  de  sa 
circonférence  elle  se  développait  dans  l'intérieur  même  de  la 
grande  lèvre.  L'utérus  d'ailleurs  était  à  sa  place,  et  on  le  sen- 
tait en  déprimant  les  parois  de  l'abdomen,  bien  que  la  femme 
fût  très-grasse.  A  cette  époque  M.  Dubois  n'avait  pas  une 
connaissance  bien  parfaite  de  cet  accident.  Considérant  que 
la  délivrance  était  faite,  que  la  femme  ne  souffrait  pas,  et 
que  les  lochies  coulaient  d'ailleurs  facilement,  il  crut  devoir 
temporiser,  et  se  borna  à  prescrire  des  lotions  résolutives. 
Les  jours  suivans,  la  surface  interne  de  la  tumeur  se  mortifia, 
et  les  tissus  détachés  laissèrent  à  découvert  un  énorme  cail- 
lot de  sang  qui  fut  extrait,  et  laissa  béante  une  vaste  caverne. 
Au  bout  d'un  mois  cependant  la  guérison  était  presque  com- 
plète. 

Celte  temporisation  n'était  pas  le  parti  le  plus  convenable; 
peu  de  temps  après,  en  effet,  ce  chirurgien  ayant  été  appelé 
près  de  Belleviile,  pour  un  cas  semblable,  n'hésita  pas  à  in- 
ciser largement  la  tumeur;  un  caillot  sanguin  se  détacha 
d'abord,  puis  il  coula  du  sang  pur  qui  s'arrêta  bientôt  de  lui- 
même,  et  la  guérison  eut  lieu  promptement. 

Enfin,  il  y  a  quelques  mois  une  femme  se  présenta  à  la  Ma- 
ternité. L'enfant  perdant  son  méconium,  on  crut  devoir  ap- 
pliquer le  forceps.  L'accouchement  terminé,  on  s'assura  que 
toutes  les  parties  étaient  à  l'état  normal,  mais  bientôt  on  vit 
une  des  grandes  lèvres  se  gonfler  prodigieusement,  et  l'on 
reconnut  enfin  une  tumeur  semblable  à  celles  dont  nous  ve- 
nons de  parler.  Elle  fut  incisée,  et  la  femme  se  rétablit 
promptement. 

On  se  rend  facilement  raison  de  la  formation  de  ces  tu- 
meurs pendant  la  grossesse  et  au  moment  de  l'accouchement. 
Le  développement  considérable  des  vaisseaux  de  l'appareil 
utérin,  et  la  gêne  que  la  circulation  éprouve  alors  par  la  com- 
pression de  la  matrice,  en  sont  une  explication  sulTisante. 
Mais  on  a  peine  à  comprendre  comment  cet  accident  peut 
survenir  quelque  temps  après  l'accouchement.  L'expérience 


(  457) 

démontre  cependant  que  c'est  à  cette  époque  qu'il  est  le  plus 
fréquent. 

Si  l'on  veut  réfléchir  à  ce  qui  se  passe  pendant  l'expulsion 
du  fœtus,  on  verra  que  le  développement  tardif  de  ces  tu- 
meurs n'est  point  inexplicable.  Il  y  a  deux  choses  en  effet  à 
considérer,  la  rupture  des  vaisseaux  et  l'extravasation  du 
sang.  La  rupture  peut  être  produite  par  le  refoulement  du 
sang  ou  par  la  compression  de  la  tête  sur  les  os  du  bassin. 
Quand  la  rupture  s'opère  au  moment  où  la  tête  franchit  le 
détroit,  le  trombus  peut  ne  se  former  que  lorsque  la  tête, 
puis  le  corps  entier  du  fœtus,  ont  été  expulsés;  il  peut  même 
arriver  que  les  parois  des  vaisseaux  violemment  oontus  ne  se 
déchirent  qu'un  temps  plus  ou  moins  long  après  la  termi- 
naison de  l'accouchement. 

Cet  accident  peut  avoir  lieu  non-seulement  chez  les 
femmes  dont  les  vaisseaux  du  système  utérin  ont  été  déve- 
loppés par  l'état  de  grossesse,  mais  encoie  chez  celles  dont 
la  matrice  se  trouve  dans  un  état  de  vacuité  et  qui  font  une 
chute  sur  le  siège,  ou  sont  soumises  à  d'autres  violences. 

Que  doit-on  faire  chez  les  femmes  qui  présentent  des  tu- 
meurs de  cette  nature  ?  Quand  elles  surviennent  pendant  le 
cours  de  la  grossesse,  il  n'est  pas  probable  qu'elles  puissent 
déterminer  d'accidens  avant  l'époque  de  l'accouchement  ; 
cependant  il  serait  convenable  que  les  femmes  ne  restassent 
pas  trop  long-temps  debout.  S'il  y  avait  des  indices  de 
pléthore,  on  ferait  une  saignée  du  bras;  de  plus,  on  doit 
tenir  le  ventre  libre,  dans  la  crainte  que  les  efforts  pour  aller 
à  la  selle  n'augmentent  le  gonflement. 

Lors  du  travail,  ces  tumeurs  variqueuses  demandent  la 
plus  grande  surveillance.  Les  femmes  doivent  rester  cou- 
chées dèsqu'ellescommencent  àsouiîrir,ettâcherde  modérer 
leurs  efforts  d'expulsion  lorsqu'ils  se  font  avec  trop  de  vio- 
lence. Si,  lorsque  la  lête  est  dans  l'excavation  du  bassiu,  la 
tumeur  se  gonflait  beaucoup,  il  faudrait  avec  la  main  la  com- 
primer légèrement.  S'il  arrivait  que  cette  tumeur  vînt  à  se 
rompre  et  qu'il  se  formât  un  trombus  considérable,  il  fau- 
drait l'inciser  largement,  enlever  le  sang  qu'il  contient,  et 
tamponner,  si  on  ne  por.vait  appliquer  le  forceps  à  l'instant. 
On  se  hraerait  de  terminer  l'accouchement  dès  qu'il  serait 
possible  de  le  faire. 

Enfin,  si  le  trombus  se  développe  après  l'expulsion  du 
fœtus,  c'est  encore  à  l'incision  qu'il  faut  avoir  recours;  ra- 
rement alors  il  est  nécessaire  de  tamponner;  des  lotions  et  des 
applications  de  compresses  trempées  dans  une  liqueur  réso- 
lutive sont  suflisantes  dans  la  presque  totalité  des  cas. 


(458) 

ART.    1  142. 

HOPITAL  DES  VÉNÉRIENS. 

Considérations  pratiques  sur  les  syplidides  en  général,  et  en 
particulier  sur  leur  traitement. 

Les  syphilides  sont  de  tous  les  symptômes  conséculils 
peut-être  les  plus  fréquens,  aussi  mérileiit-elles  qu'on  ap- 
porte dans  leur  étude  un  soin  tout  particulier,  ce  qui  nous 
engage  àrevenirsur  quelques-uns  des  points  que  nous  avons 
exposés  dans  les  articles  précédons. 

Nous  avons  tracé  le  tableau  de  chacune  des  cinq  espèces 
admises  par  M.  Cullerier;  mais,  malgré  le  soin  que  nous 
avons  pris  d'en  exposer  les  symptômes  et  quelques-unes 
des  difterences  qu'elles  offrent  avec  les  autres  éruptions  cu- 
tanées, on  ne  peut  se  dissimuler  qu'on  doive  rencontrer 
quelquefois  des  cas  douteux  sur  la  nature  desquels  il  soit 
impossible  de  prononcer.  Les  caractères  généraux  en  effet 
qu'on  a  donnés  aux  syphilides  n'existent  pas  toujours,  la 
couleur  cuivrée  par  exemple  est  bien  loin  de  s'offrir  dans 
tous  les  cas;  en  général,  elle  ne  se  dessine  clairement  que 
lorsque  la  maladie  a  quelque  durée,  encore  avons-nous  vu 
un  grand  nombre  d'éruptions  syphilitiques  rester  jusqu'à 
leur  disparition  entièrement  dépourvues  de  ce  caractère. 
D'un  autre  côté,  des  éruptions  d'une  tout  autre  nature  ap- 
paraissant sur  des  peaux  brunes  peuvent  s'entourer  d'un 
cercle  rouge  brun,  qu'on  considérera  comme  indice  certain 
d'un  caractère  syphilitique,  si  l'on  veut  attacher  à  ce  symp- 
tôme une  trop  grande  importance.  Nous  avons  vu,  par  exem- 
ple, chezdeuxsujets  des  tracesde  petite  vérole  déjà  ancienne, 
offrir  à  s'y  méprendre  l'aspect  de  la  syphilide  pustuleuse  en 
voie  de  guérison  avec  teinte  cuivrée,  au  point  qu'on  aurait 
pu,  par  un  examen  inattentif,  se  tromper  sur  le  véritable  ca- 
ractère de  la  maliidie. 

Les  praii<ien.s  ne  doivent  donc  pas  oublierque  cette  teinte, 
dont  on  veut  faire  le  signe  pathognomonique  des  syphili- 
des, n'est  pas  un  indice  nécessaire  de  ces  éruptions. 

Les  signes  tirés  des  applications  de  divers  topiques  nous 
laissent  dans  la  même  incertitude,  car  bien  qu'en  général 
les  mercuriaux  aient  une  action  prononcée  sur  les  syphili- 
des, dans  plusieurs  cas  ils  sont  ou  nuisibles  ou  inefficaces, 
dans  iraulres  au  contraire  ils  guérissent  parfaitement  des 
éruptions  tout  -à-fait  exemptes  du  virus  véuérieu.  Oasait  d'aii- 


(459) 

leur»  que  de  tout  temps  le  mercure  a  été  employé  avec  suc- 
cès dans  les  maladies  de  la  peau,  quelle  que  fût  leur  nature. 

Veut-on  up  exemple  remarquable  de  cette  incertitude  sur 
le  caractère  de  l'éruption  ?  Il  y  a  dans  ce  moment  dans  les 
salles  de  l'infirmerie  un  jeune  homme  dont  le  corps  entier 
est  couvert  de  plaques  squammeuses  qui,  se  touchant  par 
leurs  bords,  ou  laissant  entre  elles  un  certain  intervalle  dans 
lequel  la  peau  est  saine,  lui  donnent  l'aspect  tigré,  non-seu- 
lement sur  quelques  points,  mais  encore  sur  le  front,  la  face, 
le  dos,  le  ventre,  enfin  sur  l'étendue  entière  des  tégumens. 
Ces  plaques  varient  par  la  largeur  depuis  celle  d'urwe  pièce 
de  10  sous  jusqu'à  celle  d'une  pièce  de  5  francs.  Elles  coq- 
sistent  en  une  surface  rouge,  couverte  d'une  multitude  de 
petites  pustules  qui  sécrètent  un  liquide,  lequel,  par  la  des- 
siccation, forme  des  squaumies  qui  s'enlèvent  avec  l'ongle. 
Aucune  de  ces  plaques  n'est  entourée  d'un  cercle  cuivreux. 

Cet  homme  n'a  jamais  eu  qu'une  blennorrhagie,  qui,  as- 
sure-t-il,  u'a  duré  que  quelques  jours  ;  l'éruption  n'a  pas 
tardé  à  se  manifester,  telle  à  peu  près  que  nous  la  voyons. 
Il  est  entré  dans  un  hôpital  de  Paris,  où  on  n'a  pas  consicLéré 
sa  maladie  comme  de  nature  syphilitique.  La  teinture  arsenicale 
de  Fowler  lui  a  été  administrée  avec  succès;  il  a  été  guéri  en 
quelques  mois;  mais  cette  éruption  a  reparu  dès  qu'il  a  eu 
repris  ses  travaux.  Entré  à  l'hôpital  des  Vénériens,  on  a  es- 
sayé sans  succès  diverses  pommades  sulfureuses;  mais  lors- 
qu'on a  pansé  quelques  plaques  avec  la  pommade  de  pro- 
to-iodure  de  mercure,  on  s'est  aperçu  d'une  amélioration 
immédiate  dans  l'aspect  de  l'éruption;  on  continue  donc 
l'emploi  de  cette  pommade,  et  à  l'intérieur  on  prescrit  la 
teinture  de  Fowler  ;  ce  malade  marche  évidemment  vers  la 
guérison. 

Il  serait  bien  difficile  de  se  prononcer  sur  le  caractère  de 
cette  éruption,  et  il  faut  bien  se  résigner  à  faire  l'application 
du  remède  sans  en  tirer  de  conclusion,  quant  à  la  nature  du 
mal ,  puisqu'une  première  fois  l'éruption  a  cédé  à  l'adminis- 
tration de  l'arsenic,  et  que  maintenant  elle  disparait  sous 
l'influence  des  applications  mercurielles. 

Les  syphilides  sont  des  symptômes  consécutifs  de  vérole, 
qui  en  général  résistent  avec  assez  d'opiniâtreté  pour  qu'on 
soit  obligé  d'administrer  aux  malades  une  certaine  dose  de 
mercure.  Cependant  il  s'en  faut  beaucoup  que  M.  (.ullerier 
prescrive  ce  médicament  dans  tous  les  cas  :  la  syphilide  ma- 
culée cède  ordinairement  à  des  bains  ^impies,  à  des  saignées, 
au  repos  et  au  régime  de  l'hôpital;  quelquefois  on  donne  à 
l'intérieur  quelques  préparatioDS  mercurielles,  ou  l'on  près- 


(46o) 

crit  quelques  bains  de  vapeurs  de  cinabre.  Nous  avons  cité 
un  exemple  remarquable  de  syphilide  pustuleuse  chez  une 
jeune  fille  guérie  sans  le  secours  des  mercuriaux;  nous  pour- 
rions ajouter  un  grand  nombre  d'exemples  semblables  et 
en  puiser  même  parmi  les  cas  les  plus  graves,  comme  on 
pourra  en  juger  par  le  fait  suivant. 

Au  n"  10  de  ia  petite  salle  a  été  couché,  le  28  mai  i854) 
un  homme  de  quarante-cinq  ans  environ,  dont  voici  les  an- 
técédens  :  Il  y  a  quinze  ans,  blennorrhagie  et  chancres  pour 
lesquels  il  a  pris  soixante-quatorze  doses  de  liqueur  de  Van- 
Swiete».  Cinq  ou  six  ans  après,  éruption  de  tubercules  dissé- 
minés sur  la  face.  Entré  à  l'hôpital  des  Vénériens,  quatre 
mois  et  demi  de  séjour,  tisane  sudorifique  pendant  deux 
mois,  douches  de  vapeurs,  vingt-six  frictions  mercurielles, 
tisane  de  Feltz.  Sorti  guéri. 

Malgré  ces  deux  traitemens,  le  mal  a  récidivé.  A  son  entrée 
à  l'hôpital,  les  deux  lèvres  et  le  nez  étaient  couverts  de  tu- 
bercules, rouges  et  gonflés  ;  plusieurs  de  ces  tubercules 
étaient  ulcérés,  la  bouche  était  déformée,  et  un  vaste  ulcère 
s'étendait  sur  la  muqueuse  buccale  et  détruisait  le  voile  du 
palais.  Cet  homme  fut  mis  aussitôt  à  l'usage  de  l'iode  (1), 
mais  un  rhume  violent  survenu  quelques  jours  après  força 
d'en  suspendre  l'emploi.  Le  mal  fut  en  quelque  sorte  aban- 
donné ei  lui-même,  puisqu'on  se  borna  à  diriger  vers  les  par- 
ties malades  des  vapeurs  d'eau  émolliente,  mais  on  prescri- 
vait en  même  temps  une  diète  assez  sévère  et  le  repos  au  lit. 
Au  bout  de  deux  mois,  l'ulcère  de  la  bouche  était  cicatrisé, 
les  tubercules  du  nez  et  des  lèvres  entièrement  fondus,  et  ces 
parties  ne  présentaient  plus  que  de  la  rougeur.  Cet  homme 
était  presque  guéri,  et  n'avait  cependant  pris  aucune  sub- 
stance active;  il  séjourna  encore  un  mois  à  l'hôpital.  Nous 
l'avons  vu  plusieurs  fois  depuis  cette  époque,  et  jusqu'à  ce 
jour  sa  guérison  ne  s'est  pas  démentie. 

Cet  homme  est-il  à  l'abri  de  rechutes  nouvelles  ?  Nous  ne 
pourrions  l'affirmer,  car  les  symptômesconsécutifs  de  syphilis, 
et  spécialement  la  syphilide  tuberculeuse,  se  reproduisent  si 
fréquemment  qu'on  n'est  jamais  certain  d'en  être  entièrement 
débarrassé  ;  mais  on  voit  par  cet  exemple  même  que  les  trai- 
temens  mercuriels  les  mieux  suivis  ne  préviennent  pas  plus 


(1)  Pr.  Iode,  un  grain  ; 

Hydriodatc  de  potasse,  driix  on  trois  grain», 
dans  une  potion  à  prendre  dans  la  journée. 


(4G.) 

ces  déplorables  rechutes  que  ceux  dans  lesquels  on  s'est 
abstenu  de  ce  métal. 

Cependant  on  est  forcé  de  recourir  au  mercure  dans  un 
grand  nombre  de  cas  de  syphilide,  et  spécialement  dans  la 
syphilide  tuberculeuse.  Les  formes  les  plus  ordinaires  dans 
lesquelles  M.  Cullerier  le  prescrit  sont  le  proto-iodure,  le 
cyanure,  et  le  cinabre  en  vapeur  :  voici  quelques  exemples 
qui  feront  juger  de  l'efficacité  de  ces  préparations. 

Le  21  mai  iSo^  a  été  couché  au  numéro  4  de  la  seconde 
salle  un  homme  qui  a  eu,  depuis  trois  ans,  trois  affections 
vénériennes  :  un  écoulement  qui  a  duré  trois  mois  et  qui  a 
été  coupé  par  le  copahu  après  l'usage  d'une  tisane,  des 
chancres  et  des  bubons  contre  lesquels,  assure-t-il,  il  a  fait 
deux  fois  un  traitement  mercuriel  complet. 

Cinq  mois  avant  son  entrée  aux  Vénériens,  il  est  sur- 
venu des  tubercules  disséminés  sur  le  front,  les  bras,  les 
cuisses;  plusieurs  de  ces  tubercules  se  sont  ulcérés  et  il  s'est 
développé  un  bubon  sous  l'aisselle. 

Le  25  mai  on  a  prescrit  un  looch  gommeux  avec  le  cya- 
nure de  mercure,  des  applications  de  pommade  de  proto- 
iodure  de  mercure  sur  les  tubercules  ulcérés  (i). 

Les  gencives  s'étant  trouvées  irritées,  on  a  suspendu  le 
1 1  juin,  et  on  a  repris  le  25. 

Vers  le  milieu  de  juillet  les  tubercules  étaient  transformés 
en  taches  rouges,  qui  pâlissaient  chaque  jour  et  étaient  tout- 
à-fait  dépourvues  d'inflammation. 

Nous  avons  cité  dans  les  précédens  articles  diverses  gué- 
risons  de  syphilides  par  le  proto-iodure  de  mercure  et  le 
cinabre  en  vapeurs;  il  est  deuxautres  substances  que  M.  Cul- 
lerier emploie  fréquemment  contre  les  symptômes  consécu- 
tifs en  général,  et  dont  l'action  est  au  moins  aussi  puissante 
que  celle  du  mercure,  c'est  l'iode  seul  et  la  tisane  de  Feltz. 


(i)  Le  cyanure  s'administre  de  la  manière  suivante  : 
Pr.  Eau  distillée,  une  livre  ; 

Cyanure  de  mercure,  huit  grains. 

Demi-once  à  une  once  de  ce  liquide  dans  un  looch  gommeax  à  pren« 
dre  en  deux  doses. 

La  pommade  de  proto-iodure  se  prépare  ainsi  : 

Pr.  Proto-iodure  de  mercure,  seize  à  vingt-quatre  ^raiaf. 
Axonge,  une  once. 
Triturez  convenablement. 

Cette  pommade  a  une  action  puissante  sur  les  ulcérations  syphiliti- 
ques consécutives,  et,  en  général,  sur  toutes  les  éruptions  de  même 
nature. 


(462) 

Voîci  des  exemples  remarquables  de  guérisons  avec  ces  sub- 
stances. 

Le  29  mars  i834  a  été  reçu  au  n°  52  de  la  seconde  salle 
un  homme  dont  les  ailes  et  le  lobule  du  nez  étaient  détruits 
en  partie  par  des  tubercules  ulcérés.  Cet  homme  a  contracté 
il  y  a  quatre  ans  des  chancres  à  la  verge  et  deux  bubons, pour 
lesquels  il  a  t'ait  des  frictions  mercurielles  et  a  pris  la  liqueur 
de  Yan-Swieten.  Six  semaines  après  sa  guérison  est  survenu 
un  ulcère  dans  le  fond  de  la  gorge;  frictions  mercurielles 
pendant  deux  mois.  A  partir  de  ce  moment  il  a  ressenti  des 
douleurs  dans  les  os  des  jambes  ;  enfln,  il  y  a  un  an,  il  a  eu 
une  syphilido  générale. 

Quatre  mois  avant  son  entrée  aux  Vénériens,  un  tubercule 
surviat  sur  une  aile  du  nez,  s'ulcéra  et  envahit  le  lobule,  puis 
l'autre  aile  du  nez.  Il  prit  inutilement  en  ville  le  sirop  de 
Cuisinier  pendant  trois  mois. 

Il  fut  soumis  par  M.  Cullerier  à  l'usage  de  l'iode.  On  lui  a 
fait  prendre  successivement  chaque  jour  un  grain  d'iode  et 
huit  grains  d'hydriodate  de  potasse.  L'amélioralion  fut  des 
plus  rapides,  car  au  bout  d'un  mois  l'ulcératiou  était  ci- 
catrisée, et  la  difformité  beaucoup  moindre  qu'on  ne  devait 
s'y  attendre.  Cet  homme  sortit  guéri  après  deux  mois  de 
séjour. 

M.  Cullerier  emploie  la  tisane  de  Feltz  très-fréquemment 
dans  la  syphilide  tuberculeuse,  et  dans  une  foule  de  cas  nous 
en  avons  observé  les  meilleurs  effets.  En  voici  un  exemple 
remarquable. 

Au  n"  42  de  la  seconde  salle  a  été  reçu,  le  4  février  der- 
nier, un  paysan  de  la  Basse-Normandie,  chez  lequel  des  tu- 
bercules de  la  face  s'oftVaient  sous  la  forme  de  cette  dartre 
désignée  sous  le  nom  d'eslhiomène.  Cet  homme,  qui  a  été 
long-temps  soldat,  affirme  n'avoir  jamais  eu  d'autre  affec- 
tion syphilitique  qu'une  blennorrhagie  il  y  a  quinze  ans  en- 
viron. Il  entra  aux  hôpitaux  militaires,  prit  de  la  liqueur  et 
du  sirop  pendant  quarante  à  quarante-cinq  jours. 

Six  à  sept  ans  après,  il  survint  une  exostose  à  la  jambe 
droite.  Il  rentra  à  l'hôpital,  y  resta  trois  mois,  et  fit  deux 
traitemens  par  la  liqueur  et  par  le  sirop. 

Il  y  a  deux  ans,  il  s'est  développé  un  tubercule  sur  la  lèvre 
supérieure;  ce  tubercule  s'est  ulcéré,  et,  se  joignant  à  plu- 
sieurs autres,  a  rapideniciil  détruit  les  léginnens  de  la  lèvre 
ainsi  <iue  les  ailes  du  nez.  A  son  entrée  aux  Vénériens,  la 
face  offrait  une  vaste  plaie  recouverte  d'une  croûte  é[iaisse 
et  accompagnée  de  fort  peu  d'inllammation.  Ou  prescrivit 
la  tisane  autimoqiale  de  Feltz,  le  régime  saos  -^el,  et  des 


(463) 

pansemens  avec  la  pommade  de  proto-ioduro  de  mercure. 

Le  ()  féviier,  les  croûtes  de  la  face  étaient  tombées,  et  la 
plaie  s'annoiiçai!:  déjà  sous  un  bien  meilleur  aspect.  L'a- 
mélioration a  ujarché  avec  une  rapidité  remarquable,  et  cet 
homme  est  sorti  le  28  avril,  la  face  complètement  nettoyée, 
et  ne  conservant  plus  qu'un  bouton  qui  n'était  pas  de  nature 
syphilitique. 

La  ti'^ane  de  Feltz  est  un  médicament  très-puissant,  et 
dont  on  retire  les  meilleurs  effets,  surtout  lorsque  des  symp- 
tômes consécutifs  de  syphilis  ont  résisté  à  plusieurs  traite- 
me'js  mercuriels.  Nous  pourrions  ajouter  à  cet  exemple  un 
très-grand  nombre  d'autres  que  nous  avons  recueillis  aux 
Vénériens,  et  qui  démontrent  de  la  manière  la  plus  évidente 
les  précieuses  propriétés  de  cette  préparation. 

La  syphilide  tuberculeuse  est  presque  la  seule  qui  néces- 
site des  pansemens  locaux,  et  nous  rappellerons  plus  tard,  en 
traitant  des  ulcères  cutanés,  tous  les  topiques  de  diflërentes 
natures  que  l'on  emploie  pour  leur  cicatrisation. 

Cette  éruption  réagissant  d'ailleurs  quelquefois  sur  toute 
l'économie,  les  saignées  générales  et  locales,  les  bains  émol- 
liens  et  amilacés,  une  diète  sévère  sont  nécessaires  dans  la 
période  aiguë,  et  ce  n'est  que  lorsque  les  symptômes  inflam- 
matoin.s  sont  arrêtés,  et  que  l'éruption  ne  se  montre  plus 
qu'à  l'état  chronique,  qu'on  doit  recourir  à  l'un  des  traite- 
mens  généraux  que  l'on  vient  d'exposer. 

ART.    1143. 

HOPITAL  CLINIQUE  DE  LA  FACULTÉ. 

Considérations  pratiques  sur  la  méningite  ;  symptômes,  marche  et 
pronostic, 

La  méningite  est  une  maladie  souvent  obscure  et  qui  n'a 
pas  de  symptômes  pathognomoniques  ;  caries  membranes 
du  cerveau  ont  bien  des  fonctions,  mai-;  ces  fonctions  n'étant 
pas  sensibles  à  l'extérieur,  on  ue  peut  s'assurer  pendant  la 
vie  de  leur  régularité.  C'est  donc  par  les  souffrances  du  cer- 
veau lui-même,  influencé  par  l'état  pathologique  de  ses  en- 
veloppes, qu'on  pourra  reconnaître  l'alfection  qui  nous  oc- 
cupe. 

Il  est  possible,  suivant  M.  Rostan,  qu'au  début  de  la 
méningite,  les  membranes  seules  soient  atteintes  d'inflam- 
mation; mais  cet  isolement  est  de  peu  de  durée,  et  bientôt 
la  substance  corticale  du  cerveau  participe   à  la  maladie. 


(464) 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  premier  phénomèoe,  le  plus  fréquent, 

puisqu'il  se  rencontre  au  moins  sur  les  deux  tiers  ou  même  les 
trois  quarts  des  sujets,  est  la  céphalalgie;  ains-i  il  s'estprésenté 
dernièrement  à  la  clinique  un  homme  qui,  depuis  trois  se- 
maines, n'avait  pas  d'autres  symptômes  de  sa  méningite 
qu'une  violente  céphalalgie.  Cette  douleur  de  tête  est  quel- 
quefois générale,  comme  il  y  en  a  un  exemple  en  ce  mo- 
ment dans  les  salles;  d'autres  fois  elle  est  partielle,  occupe 
les  tempes,  le  front;  elle  peut  être  fixe  et  constante,  ou  se 
montrer  d'une  manière  intermittente, Dans  certains  cas,elle  cor- 
respond bien  au  point  enflammé,  mais  cela  n'est  pas  constant. 
Le  caractère  de  cette  céphalalgie  est  d'être  très-violente. 
Les  malades  se  plaignent  vivement  et  poussent  des  cris 
même;  le  plus  léger  mouvement  de  tête,  les  moindres  cau- 
ses la  font  augmenter.  Il  est  vrai  qu'on  observe  aussi  de  la 
douleur  de  tête  dans  le  typhus;  mais  dans  celte  dernière  af- 
fection elle  est  beaucoup  moins  vive  ;  ce  n'est  qu'un  symp- 
tôme concomittant,  tandis  que  dans  la  méningite  c'est  le 
premier  signe  qu'accusent  les  malades. 

Quant  à  la  marche  de  cette  douleur,  elle  varie  suivant  les 
individus  ;  ainsi  un  malade,  arrivé  ici  il  y  a  huit  jours,  et  qui 
a  succombé,  éprouvait  depuis  quinze  jours  une  céphalalgie 
atroce,  et  n'avait  pas  d'autres  symptômes  ;  ce  n'est  que  le  len- 
demain de  son  entrée  que  le  délire  est  survenu.  Un  autre 
malade  entré  d'hier  ressent  depuis  quatre  jours  une  très- 
grande  douleur  de  tête  ;  il  n'a  ni  fièvre,  ni  délire.  Quand  on 
rencontre  cette  céphalalgie  opiniâtre,  il  faut  craindre  le  dé- 
veloppement d'une  méningite. 

Le  globe  oculaire  peut  être  fixe  ou  agité  de  mouvemens 
convulsifs.  la  pupille  peut  être  dilatée  ou  rétrécie,  soit  d'un 
côlé,  soit  de  l'autre,  soit  des  deux  à  la  fois.  M.  Rostan  a 
donné  des  soins  à  un  malade  qui  n'apercevait  que  la  moitié  du 
corps  des  individus  qui  s'approchaient  de  son  lit.  Le  sens  de 
la  vue  peut  offrir  une  foule  d'hallucinations.  L'altération 
qu'on  rencontre  le  plus  fréquemment  est  une  sensibilité  ex- 
trême à  la  lumière;  quelquefois  les  malades  sont  complète- 
ment aveugles,  ce  qui  arrive  surtout  dans  la  dernière  période. 
L'ouïe  peut  être  également  augmentée,  diminuée  ou  per- 
vertie. 

Quant  aux  mouvemens,  ils  peuvent  être  lésés  d'une  ma- 
nière remarquable.  Quelquefois  les  malades  sont  excessive- 
ment agités,  et  ne  peuvent  rester  en  repos.  Dans  certains 
cas,  cette  agitation  est  locale  :  ainsi  on  voit  des  mouvemens 
continus  des  bras,  de  la  tête,  de  la  Dîâchoire.  Les  soubresauts 
des  tendons  s'observent  aussi  fréquemment,  ainsi  que  le 


(  465  ) 

tremblement  des  membres  en  général  ou  de  quelques  parties 
isolées,  telles  que  les  paupières,  la  lanj^ue,  les  lèvres,  etc.  La 
contraction  des  membies  annonce  surtout  Tiiiflanmiation  de 
la  pulpe  cérébrale;  mais  elle  se  rencontre  aussi  quelquefois 
dans  la  méningite.  On  rencontre  aussi  la  paralysie  dans  les 
divers  degrés  que  nous  avons  indiqués;  mais,  dans  ces  diffé- 
rens  cas,  on  peut  être  certain  que  la  substance  cérébrale  par- 
ticipe à  l'inflammation. 

Les  cas  dans  lesquels  l'intelligence  n'est  pas  troublée  sont 
excessivement  rares.  Le  délire  est  si  fréquent,  qu'il  se  rencon- 
tre au  moins  soixante-dix  fois  sur  soixante-douze,  et  l'on 
s'en  rend  facilement  raison,  si  l'on  soogf  que  la  substance 
corticale,  siège  de  l'intelligence,  est  celle  qui  est  enflammée. 
Le  délire  peut  être  bruyant,  furieux,  et  même  c'est  en  géné- 
ral son  caractère;  il  peut  être  général  ou  ne  se  montrer  que 
sur  un  seul  point;  quelquefois  les  réjionses  sont  justes,  mais 
elles  sont  brusques,  brèves,  ou  au  contraire  très-lentes.  Or- 
dinairement, le  délire  ne  se  rencontre  pas  dès  le  début,  ce 
n'est  guère  que  vers  le  milieu  de  la  maladie  qu'il  se  manifeste. 

Tels  sont  les  phénomènes  qui  sont  fournis  par  l'organe 
malade;  il  en  est  d'autrts  qui  ne  sont  qu'indirects,  et,  par 
conséquent,  doivent  se  montrer  moins  constamment. 

L'état  de  la  langue  n'est  pas  ordinairement  changé;  mais 
dans  la  première  période  il  y  a  souvent  des  vomissemens  ac- 
compagnés ou  non  de  douleurs  épigastriques.  Il  faut  bien  se 
donner  de  garde,  dans  ce  cas,  de  confondre  le  début  d'une 
méningite  avec  la  gastrite. 

M.  Guersent  pense  que  cette  dernière  maladie  complique 
souvent  la  méningite.  Cela  peut  être  pour  les  enfans,  mais  on 
l'observe  rarement  chez  les  adultes. 

Le  pouls  est  ordinairement  assez  fréquent  dès  le  début; 
mais  il  l'est  infiniment  moins  que  dans  la  fièvre  typhoïde, 
qui  est  l'affection  qu'on  pourrait  confondre  le  plus  facilement 
avec  l'inflammation  des  méninges.  On  a  remarqué  souvent 
que  dans  la  seconde  période  il  se  ralentissait  et  devenait  irré- 
gulier, et  qu'enfin  dans  la  troisième  il  prenait  une  très- 
grande  fréquence. 

La  respiration  est  le  plus  ordinairement  naturelle;  cepen- 
dant quelquefois  elle  est  anxieuse  et  sanglotante.  Dans  cer- 
tains cas,  la  chaleur  animale  est  très-élevée;  dans  d'autres, 
les  sujets  sont  froids  et  décolorés. 

La  période  d'invasion,  ou  plutôt  d' excitation,  s'annonce 
ordinairement  par  des  frissons,  puis  de  la  céphalalgie.  Les 
yeux  sont  brilians,  sensibles  à  la  lumière;  le  bruit  est  fati- 
gant et  même  douloureux  ;  il  y  a  de  la  loquacité,  une  certaine 
agitation  et  un  désir  continuel  de  changer  de  place;  de  plus, 
ToM.  VI.  —  N"  d'octobre.  3o 


(466) 

de  la  fièvre,  de  la  chaleur  et  de  la  soif.  Voilà  les  symptômes 

qui  caractérisent  ordinairement  la  période  d'excitation,  qui 
peut  durer  depuis  quelques  heures  jusqu'à  deux  à  trois  jours. 

Le  médecin  peut  alors  remarquer  une  expression  parlicu- 
iière  dans  le  regard  ou  des  mouvemens  convulsifs  des  lèvres 
ou  des  paupières,  des  paroles  incohérentes,  de  la  lenteur 
dans  les  réponses,  ou  uncertain  accent  qui  peut  faire  pronosti- 
quer le  délire, bienque  le  maladedise  deschoses  raisonnables. 

VJais  la  méningite  ne  tarde  pas  à  devenir  phis  évidente, 
car  bientôt  le  malade  entre  dans  la  période  de  perversion.  Le 
délire  est  véritable  ;  il  y  a  de  l'agitation  et  tous  les  symptô- 
mes de  l'excitation.  Rarement  cette  période  dure  plus  d'un 
jour  ou  deux.  Le  malade  arrive  promptement  à  la  période 
de  coma  ou  d'oppression.  Il  ferme  les  yeux,  est  assoupi  ;  quel- 
quefoi.slavuee^tafFaiblie;  ily  asurdité,  somnolence,  lenteur 
dans  les  réponses;  lepouis,  qui  était  petit  et  irrégulier  dans 
la  seconde  période,  devient  très-fréquent  dans  la  troisième; 
la  chaleur  diminue,  le  corps  se  couvre  d'une  sueur  froide. 

La  durée  de  la  méningite  est  très- variable.  Elle  peut  être 
de  deux  à  trois  jours,  et  l'on  en  a  vu  se  prolonger  jusqu'à 
trois  semaines. 

Cette  maladie  est  excessivement  grave,  et  la  mort  en  est 
la  suite  ordinaire,  à  moins  que  les  secours  de  la  médecine 
n'aient  été  apportés  dès  le  début.'  Quand  le  médecin  n'est 
appelé  qu'à  la  deuxième  période,  l'issue  est  ordinairement 
funeste.  Quant  à  la  troisième,  on  compte  à  peine  quelques 
exemples  de  guérison;  cependant  la  méningite  est  uâoins 
grave  chez  les  adultes  que  chez  les  eafaas. 

AfiT.   Il  44* 

Accouchement  d' nn  enfant  à  terme  ayant  deux  têtes,  quatre  bras, 
deux  poitrines,  un  seul  abdomen  et  trois  e.vtrcnitès  inférieures. 

Nous  appelons  toute  Pattention  de  nos  lecteurs  sur  la  let- 
tre suivante,  que  nous  recevons  à  l'instant  de  M.  Cazes,  chi- 
rurgien des  mines  de  Montrelais.  Le  foetus  dont  lu  description 
s'y  trouve  relatée  est  presque  semblable  au   monstre  que 
nous  avons  observé  ily  a  quelques  années  à  Paris,  et  au(|uel 
on  avait  donné  le  nom  de  ilita-Christina;  mais  l'observation 
que  l'on  va  lire  est  beaucoup  plus  curieuse  pour  les  prati- 
ciens, en  ce  que  M.  Cazes  nous  donne  le  procédé  0[>ératoire 
suivi  pour  extraire  cet  enfant  extraordinaire,  ce  qui  n'avait 
pu  être  obtenu  pour  lîita-Christina  ;  en  sorte  que  ce  der- 
nier n'avait  servi  qu'à  la  science  physiolot;^ique,  tandis  que 
celui  dont  l'histoire  hdus  est  communiquée  résout  une  im- 
portante question  d'accouchement. 


(  46;  ) 

«  J'ai  l'honneur  de  vous  communiquer  un  fait  qui  peut-être 

n'est  pjs  iiuliync  de  figiirci-  dans  nos  annale!?  chirurgicales  : 

»  Le  1 3  septembre  dernier,  sur  les  onze  heines  du  matin,  je 
lu?  appelé  an  bonr;  delà  Chapelle-Saint-Sauv(;ur,  arrondis- 
sement d'Ancenis,  département  de  la  Loire  Inférieure,  au- 
près de  iMarie  Avrillaie,  femme  de  René  Renard,  ouvrier 
mineur,  laquelle,  depuis  le  commencement  de  la  journée, 
ressentait  les  douleurs  de  renl'anteinent. 

aSépaié  de  l'endroit  qu'habile  celte  feuime  par  une  distance 
d'une  lieue  et  demie,  je  n'arrivai  chez  elle  qu'à  midi. 

»  Jela  trouvai  sur  une  mauvaise  paillasse  étendue  au  milieu 
de  la  chambre;  une  tête  d'enfant  était  déjà  sortie,  et  quel- 
ques v/)isines,  qui  avaient  essayé  de  remplir  auprès  d'elle 
les  fonctions  de  sage-femme,  m'assurèient  que  depuis  quatre 
heures  au  moins  les  choses  étaient  dans  cet  éiat, 

»  Après  avoir  placé  la  malade  dans  une  position  plus  com- 
mode, je  me  mis  en  devoir  de  procéder  à  sa  délivrance.  Je 
dégageai  d'abord  deux  bras  sans  trop  de  dilliculté;  et  cette 
circonstance,  jointe  à  la  manière  dont  se  présentait  l'enfant, 
me  fit  croire  que  j'avais  à  terminer  un  aci.ouchement  tout 
naturel.  Dans  cette  persuasion,  je  voulus  extraire  le  reste 
du  fœtus;  mais  un  obstacle,  que  je  ne  pus  déterminer,  ré- 
sista à  tous  mes  efforts.  Pour  le  reconnaître,  j'introduisis 
l'index  et  le  médius  de  la  main  droite  dans  la  partie  posté- 
rieure du  vagin,  et  je  parvins  à  dégager  un  troisième  bras, 
qui  me  parut  être  droit  et  appartenir  au  corps  qui  soutenait 
les  deux  premiers. 

»  Ayant  tenté  de  nouveau,  sans  succès,  l'extraction  des  par- 
ties restantes,  je  pénétrai  dans  le  bassin,  et  j'atteignis,  non 
sans  peine,  la  région  lombaire  de  l'enfant,  sur  laquelle  je 
rencontrai  une  masse  charnue  et  osseuse.  En  cherchant  à  la 
saisir,  je  m'assurai  que  c'était  une  extrémité  inférieure;  et 
quand  je  fus  arrivé  au  jarret,  je  l'arrachai  et  l'attirai  au  de- 
hors. 

»  Ce  ne  fut  qu'après  bien  des  tentatives,  accompagnées  de 
fréquentes  fomentations  onctueuses,  que  je  réussis  à  extraire 
une  deuxième,  puis  une  troisième  extrémité  inférieure  ; 
mais  la  set^-onde  tête  et  le  quatrième  bras  de  cette  extraordi- 
naire créature  suivirent  presque  sans  efforts  les  parties  déjà 
dégagées. 

»  Le  résultat  de  cette  opération,  qui  s'est  prolongée  pen- 
dant une  heure  et  demie,  est  un  enfant  mort,  venu  au  terme 
de  neuf  mois,  pesant  neuf  livres  et  demie,  et  ayant  dix- 
huit  pouces  de  longueur  sur  une  largeur  de  huit. 

«Ilporte  sur  un  même  corps,  qui  se  sépare  au-dessusde  la 
région  épigastrique,  deux  tètes  de  grosseur  ordinaire,  aiix- 


(468) 

quelles  il  ne  manque  rien,  et  dont  tous  les  traits  sont  de  la 
plus  parfaite  régularité. 

«Quatre  bras  sont  naturellement  attachés  à  ses  quatre  épau- 
les, qui  n'ont  rien  de  difforme. 

»  Ses  deux  poitrines  sont  bien  distinctes,  et  ressemblent  à 
celles  des  autres  enfans  venus  à  terme  comme  lui. 

»  11  n'a  qu'un  seul  ventre,  qu'un  seul  cordon  ombilical, 
qu'un  seul  anus. 

»  Il  estcependant  pourvu  de  deux  parties  sexuelles  du  genre 
féminin  bien  marquées,  et  très-rapprochées  l'une  de  l'autre. 
»  Deux  extrémités  inférieures,  parfaitement  conformées, 
étaient  destinées  à  soutenir  ce  groupe,  qui  porte  à  sa  ré- 
gion lombaire  une  troisième  extrémité  inférieure,  attachée 
de  manière  à  former  une  troisième  fesse.  Ce  membre  est  ter- 
mine' par  un  double  pied  qui  est  garni  de  neuf  doigts. 

»  Vu  de  face,  ce  phénomène  offre  l'aspect  de  deux  enfans 
couchés  l'un  sur  l'autre  ;  mais,  quand  on  le  considère  posté- 
rieurement avec  un  peu  d'attention,  il  est  facile  de  recon- 
naître que  la  partie  gauche  de  ce  double  enfant  croise  et  en- 
trelace sa  partie  droite,  et  que  l'extrémité  inférieure  attachée 
à  la  région  lombaire  est  formée  par  la  réunion  des  deux  ex- 
trémités inférieures,  qui  appartiennent  à  la  première  de  ces 
parties. 

n  Malgré  les  difficultés  que  présentait  un  accouchement  de 
cette  nature,  j'ai  été  assez  heureux  pour  le  terminer  sans 
accident. 

»  Le  lendemain  soir,  vingt  sangsues  ont  été  appliquées,  par 
mes  conseils,  au  périnée  et  à  la  vulve  de  la  femme  Renard, 
qui  est  aujourd'hui  à  son  douzième  jour,  sans  avoir  éprouvé 
le  moindre  symptôme  alarmant. 

»  L'enfant  n'a  reçu  ni  mutilation  ni  déchirure;  et  si  j'avais 
été  près  de  la  malade  lorsque  la  première  tête  s'est  présentée 
au  passage,  j'aurais  peut-être  eu  la  satisiaction  de  le  remettre 
vivant  à  sa  mère,  qui  a  bien  voulu  m'en  abandonner  les  pré- 
cieux restes.  » 

ART.   1145. 
MÉDECINE  LÉGALE. 

Questions  relatives  au  viol.  —  La  tUporolion  a-t-elle  eu  lien?  —  Quelles 
sait  les  causes  qui  peuvent  opcrer  la  déporalion  ?  —  Moyeixs  de  ilislini^ucr 
si  la  dcf}o>atlo7i  est  récente  ou  ancienne  P —  Quelles  sont  les  traces  de  vio- 
lences que  l'on  peut  Irouicr  sui-  les  parties  génitales,  sur  les  diverses  par- 
ties du  corps  ou  sur  les  ii'tcmcns,  dans  les  cas  tic  viol  ?  —  Ces  traces  de 
violence  sont-elles  le  résultat  possible  d'un  viol,  ou  doivent-elles  être  at- 
tribuées ù  toute  autre  cause  P 

M. 

Mes  deux  lettres   précédentes  ont  eu  pour  but  de  vous  donne 


(4(^9) 

d'abord  une  idée  d'une  expertise  eu  matière  de  viol,  et  ensuite  de 
vous  rappeler  certaines  dispositions  anatomiques  que  la  pratique 
de  la  médecine  fait  peu  à  peu  perdre  de  vue.  Je  vais  actuellement 
vous  présenter  le  tableau  des  diverses  questions  qui  pourraient 
vous  être  adressées  par  les  magistrats,  et  vous  fournir  les  moyens 
de  les  résoudre,  en  tant,  toutefois,  que  les  données  médicales  peu- 
vent le  permettre.  Voici  ces  questions  :  i"  La  décoration  a-t-ellc 
eu  lieu?  Vous  sentez  toute  l'importance  de  cette  demande.  Une 
réponse  affirmative  peut  devenir  une  des  preuves  les  plus  cer- 
taines du  viol,  et  la  négative  n'exclut  pas  la  possibilité  d'une  tenta- 
tive de  ce  crime.  1°  Dans  le  cas  oii  la  défloration  aurait  eu  lieu,  est-elle 
récente  ou  ancienne?  La  défloration,  comme  indice  de  viol,  est  de 
nulle  valeur  si  elle  est  ancienne,  et  par  conséquent  le  magistrat 
doit  engager  le  médecin  à  s'expliquer  sur  ce  fait.  3°  A  quel  genre 
de  cause  la  défloration  doit-elle  être  rapportée?  Question  délicate, 
mais  qui  sera  toujours  posée  par  un  magistrat  éclairé,  ou  qui  doit 
être  soulevée  par  un  médecin  qui  n'ignore  pas  qu'il  existe  des  cau- 
ses nombreuses  en  dehors  de  l'acte  de  la  copulation  qui  puissent 
amener  ce  résultat.  ^°  Existe-t-il  sur  les  parties  génitales,  sur  les  diverses 
parties  du  corps,  ou  sur  les  l'étemens,  des  traces  de  violence  que  l'on 
puisse  rattacher  au  crime  de  viol  ou  à  la  tentative  de  ce  crime  ?  Les  preu- 
ves matérielles  du  viol  ne  se  déduisent  pas  seulement  du  désordre 
des  parties  génitales.  L'auteur  de  ce  crime  est  souvent  obligé  de 
lutter  contre  la  résistance  de  sa  victime,  et  il  reste  fréquemment  des 
traces  matérielles  de  cette  lutte  préliminaire.  5°  Existe-t-ildes  traces 
d'une  infection  vénérienne  ?  Il  arrive  parfois  que  la  personne  accusée 
de  viol  porte  une  blennorrhagie,  des  chancres  ou  d'autres  symptô- 
mes syphilitiques.  On  a  un  grand  intérêt  à  savoir  si  la  personne 
violée  n'offre  pas  la  même  affection;  circonstance  qui  vient  à  l'ap- 
pui de  l'accusation  dans  le  cas  de  l'affirmative. 

Telles  sont  les  questions  principales  que  je  vais  vous  faire  passer 
successivement  en  revue  dans  cette  lettre  et  dans  les  suivantes. 

i'^.  La  défloration  a-t-elle  eu  lieu  ?  Ce  que  l'on  entend  par  le  mot 
virginité  doit  être  pris  par  le  médecin  dans  une  acception  toute 
matérielle.  Le  caractère  physique  essentiel  de  la  virginité,  c'est 
l'existence  de  la  membrane  hymen.  Un  médecin  est  autorisé  à  dire 
qu'une  fille  «'a  pas  été  déflorée,  lorsque  la  membrane  hymen  existe 
encore.  Suivant  moi,  l'acte  du  viol  n'est  consomme  qu'autant  que 
la  femme  a  été  déflorée;  et  entre  la  tentative  du  viol  et  son  accom- 
plissement, il  y  a  des  nuances  infinies  qui  se  rapportent  toutes  à  la 
tentative.  Peu  nous  importe  que  la  tentative  soit  punie  comme  le 
crime  même,  c'est  le  fait  matériel  que  nous  devons  établir.  Mais, 
dira-t-on,  la  défloration  est  chose  llUisoire,  puisqu'il  est  prouvé  : 
I"  que  les  parties  génitales  de  certaines  femmes  ont  pu  permettre 
l'introduction  d'un  membre  viril  sans  que  la  défloration  ait  eu  lieu  ; 
a"  que  la  membrane  hymen  peut  manquer,  ou  ne  consister  que 
dans  des  filamens  membraneux  qui  réunissent  les  caroncules  myr- 
tiformes;  3*  que  des  femmes  sont  devenues  mèiesen  conservant 
leur  membrane  hymen. 

Et  d'abord,  sur  quel  fait  s'appuie-t-on  pour  démontrer  la  pre- 
mière proposition?  Sur  cette  o[)inion  de  Séverin-Plneau,  qui  admet 
le  relâchement  de  celte  membrane  pendant  l'époque  dts  règles,  re 


(  470  ) 

lâchement  porté  assez  loin  pour  permettre  l'introduction  du  membre 
viril,  et  à  ce  sujet  il  cite  les  deux  exemples  suivaas  :  «  Deux  hom- 
mes/W/c/e?^a:  ayant  épouse  deux  iilles  de  pudicité  notable  dans  la  cir- 
constance où  l'hymen  permet  à  une  fille  le  plaisir  sans  dcflorallou, 
furent  sur  le  point  de  quittei  leurs  femmes;  mais  les  choses  ayant 
changé  de  face,  ils  eurent  grand  travail  à  rentrer  dans  une  carrière 
qu'ils  avaient  parcourue  d'abord  avec  tant  de  facilité,  et  ils  reconnu- 
rent l'injustice  de  leurs  soupçons.  »  Sont-ce  là  des  observations  qui 
puissent  faire  foi  dans  les  sciences? 

Relativement  à  la  seconde  objection,  il  est  alors  impossible  de 
déclarer,  d'après  l'inspection  seule  de  l'hymen,  si  la  défloration  a  ou 
n  a  pas  eu  lieu.  Mais  remarquons  que  ces  cas  sont  excessivement 
rares,  car  tous  les  anatomistes  de  nos  jours,  si  nous  en  exceptons 
M.  Capurou,  qui  ne  l'a  pas  trouvé  chez  un  enfant  nouveau-ué, 
n'ont  jamais  vu  manquer  l'hymen.  Heister  et  Graaf  pensent  que 
1  hymen  disparaît  peu  à  peu,  et  au  fur  et  à  mesure  que  les  filles 
grandissent.  Ce  fait  a  encore  été  remarqué  jjar  eux  seuls. 

Quanta  la  troisième  objection  :  Mais  de  ce  que  la  membrane  hy- 
men existe,  cela  ne  prouve  pas  que  des  tentatives  de  viol  n'aient  pas 
eu  lieu,  mais  seulement  que  l'acte  de  la  copulation  n'a  pas  été  com- 
plètement accompli.  Dira-t-on  que  c'est  une  singulière  virginité  que 
celle  d'une  fille  qui,  à  l'instar  de  celle  citée  [lar  Gavard,  gagne  à 
treize  ans  la  maladie  vénérienne  dans  un  lieu  public,  tout  en  conser- 
vant la  trace  de  sa  virginité!  Et  pourquoi  ne  serait-elle  pas  aussi 
vierge  qu'une  enfant  de  quatre  ans,  que  j'ai  visitée  en  août  i834,  et 
à  laquelle  un  jeune  homme  de  vingt-deux  ans  avait  donné  une 
blennorrhagie  très-intense, en  frottant  sa  verge  contre  ses  parties  gé- 
nitales; la  membrane  hymen  avait  été  conservée  intacte.  M'objec- 
tera-t-on  encore  des  cas  cités  par  Ruisch  et  Baudelocque,  que  je  vous 
rapportais  dans  ma  dernière  lettre?  Et  pourquoi  ces  femmes  ne  se- 
raient-elles pas  vierges,  en  ce  sens  que  le  caractère  de  la  virginité  n'a 
pas  été  détruit,  et  que  l'introduction  du  membre  viril  n'a  pas  eu  lieu 
dans  le  vagin?  Et  aussi  ceux  rapportés  par  Mauriceau,  Macker,  Wal- 
ter,  Capur(in  et  autres?  Telles  sont,  suivant  nous,  les  règles  qui  doi- 
vent guider  le  médecin  légiste.  Il  ne  faut  pas  voir  en  médecine  lé- 
gale la  virginité  morale,  mais  bien  la  virginité  matérielle.  Laissons 
aux  magistrats  et  aux  jurés  le  soin  de  constater  l'atteinte  morale  à 
la  pudeur,  et  contentons-nous  de  les  éclairer  sur  les  <lésordres  ma- 
tériels qui  peuvent  avoir  été  l'effet  des  tentativi  s  commises. 

En  résumé,  tout  ce  qui  se  rattache  à  la  défloration  peut  se  ré- 
duire à  ceci  :  i"  si  la  merui)rane  hymen  existe,  la  défloration  n'a  pas 
en  lieu;  5'  si  elle  n'existe  pas,  la  défloration  a,  dans  les  iieirfcent 
qualre-vingt-dix-n-uf  cerrtièmes  des  cas,  été  opérée;  3"  rexistence 
de  la  membrane  hymen  ne  [irouve  pas  que  des  tentatives  de  viol 
n'aient  pas  été  exercées. 

a"  Quelles  sont  les  causes  qui  peuvent  opérer  la  défloration  ? 

Ces  causes  sont  de  deirx  ordres  r^^  les  agens  mécairiques  ;  B  les 
maladies. 

Tout  corps  étranger   introduit  dans  le  vagin,  et  dont  le  volume 
excède  assez  notablement  le  diamètre  possible  de  l'ouverture  de  ce 
canal,  pourra  opérer  la  rupture  de  la  membrane  hymen  et  sa  trans 
formation  en  caroncules  myrtiforines,  si  ce  corps  est  introduit  brus 


(470 

quement  et  avecyôrce.  Tout  corps  étranger,  fùt-il  d'un  diamètre  en 
rapport  avec  celui  du  vagin,  ;  ourra  distendre  la  membrane  hymen, 
l'alonger,  diminuer  sa  hauteur,  augmenter  son  étendue,  et  tendre  à 
la  faire  disparaître  de  manière  à  ce  qu'elle  ne  consiste  plus  qu'en 
une  sorte  de  ruban  placé  à  l'entrée  du  vagiu,  et  alors  les  caroncules 
myrtiformes  n'existeront  pas,  ou  seront  trè>-peii  prononcées.  C'est 
la  le  fait  ordinaire  de  lan^asturbation,  de  l'intruduction  graduée  et 
répétée  d'étuis  ou  de  cylindres  de  plus  en  plus  gros  dans  le  va- 
gin, dans  le  but  de  se  procurer  de  cette  manièie  des  jouissances  que 
les  mœurs  réprouvent  :  l'onanisme  en  offre  tous  les  jours  des  exem- 
ples. Un  saut,  l'élargissement  ^ubit  des  cuisses,  l'introduction  dun 
pessaire  ou  d'un  moyen  explorateur,  cumme  un  spéculum  uteri,  des 
verres,  des  pots  de  pommade,  des  éiuis,  des  courses  a  cheval,  alors 
qu'on  mente  en  cavalier,  sont  autant  de  causes  physiques  qui  peu- 
vent détruire  la  marque  la  plus  certaine  de  la  virginité. 

Plusieurs  affections  morbides  peuvent  opérer  le  même  résultat, 
alors  qu'elles  entraînent  à  letT  suitf-  des  ulcérations;  telle  serait 
une  affection  vénérienne,  une  maladie  scrophuleuse,  une  sécrétion 
d  humeur  acre  qui  irrite  les  parties  génitales,  les  enflamme  et  les 
altère. 

Enfin,  quelques  auteurs  admettent,  Fodéré  et  Belloc,  par 
exemple,  que  les  efforts  de  la  menstruation  peuvent  opérer  la  rup- 
ture de  la  membrane  hymen;  que  cette  membrane  peut  être  déchi- 
rée par  un  caillot  de  sang  plus  gros  que  l'ouverture  qu'elle  présente. 
Ces  faits  ne  sont  applicables  qu'^  une  membrane  imperforee. 

La  conséquence  des  faits  énoncés  dans  ce  paragraphe  est  que, 
SI  la  membrane  hymen  est  détruite,  il  faut  rechercher  à  quelle  cause 
elle  doit  d'avoir  disparu. 

Moyens  de  distinguer  si  ta  défloration  est  récente  ou  ancienne. 

Quand  la  défloration  est  récente,  et  qu'elle  dépend  d'une  cause 
physique,  elle  offre  tous  les  caractères  d'une  solution  de  continuité 
des  parties  molles  (plaie);  elle  est  déchirée  en  plusieuvs  lambeaux; 
les  bords  de  la  déchirure  sont  inégaux,  saignans,  frangés,  plus  rou- 
ges que  le  reste  de  la  membrane;  ils  peuvent  fournir  une  légère  sup- 
puration, mais,  le  plus  souvent,  ils  n'en  donnent  pas;  ils  sont  dou- 
loureux au  toucher;  en  un  mot,  c'est  l'aspect  dune  plaie  recense 
sur  une  membrane  de  peu  d'étendue,  plaie  qui  intéresse  toute  l'é- 
pai-seur  de  cette  membrane.  Aussi  y  a-t-il  effusion  de  sang,  et  cette 
effusion  de  sang  a-t-elle  toujours  été  regardée  comme  un  caractère 
assez  probant,  surtout  lorsqu'il  donne  lieu  aux  deux  genres  de  taches 
que  nous  décrirons  plus  loin.  Nul  doute  qu'il  ne  doive  se  montrer 
dans  la  défloration  d'une  vierge,  et  par  conséquent  lorsque  l'hymen 
est  encore  intact.  Mai»,  dans  des  circonstances  fort  rares,  il  est  vrai, 
il  peut  aussi  avoir  lieu  lorsqu'une  femme  a  été  déflorée.  C'est  le  cas 
où  les  parties  génitales  très-etroites  reçoivent  un  membre  viril  très- 
fort;  néanmoins  les  cas  contraires  sont  beaucoup  plus  c-mmuns. 

Quand  la  défloration  e.st  ancienne,  on  ne  peut  pas  lui  assigner 
une  époque,  et,  en  matière  de  viol,  une  défloration  est  ancienne  au 
bout  de  huit  à  dix  jours. 

La  défloration  qui  dépend  d'une  affection  morbide  ne  peut  être 
bien  constatée  qu'alors  même  que  cette  affection,  qui  amène  les  ul- 
cérations, existe  encore,  et  c'est  en  constatant  les  caractères  de  ces 


(  472  ) 

ulcérations  placées  sur'jla  membrane  elle-même,  que  l'on  peut  par- 
venir à  appi'écier  la  source  de  sa  destruction. Une  fois  les  ulcérations 
guéries,  il  ne  reste  plus  que  des  cicairices  qui  n'apportent  jamais 
une  conviction  complète  dans  l'esprit  de  l'expert,  quoique  quel- 
quefois elles  puissent  laisser  des  traces  de  leur  existence. 

Vous  n'attacherez  aucune  valeur  au  changement  qui  survient, 
dit-on,  dans  la  voix,  et  qui  est  évidemment  un  des  phénomènes  de 
la  puberté,  phénomène  qui  ne  peut  pas  se  montrer  du  jour  au  len- 
demain; non  plus  qu'à  celui  du  cou,  auxquels  les  matrones  romaines 
accordaient  tant  de  coufîance  chez  les  jeunes  mariées 

Enfin,  quelques  auteurs  ont  prétendu  qu'il  existait  des  hommes 
dont  l'odorat  était  tellement  lin  qu'ils  savaient  distinguer  l'appro- 
che d'une  fille  vierge,  de  celle  d'une  CUe  déflorée.  Democrite  était, 
dit-on,  un  de  ces  hommes  qui,  à  l'apparence,  portaient  un  juge- 
ment certain.  Le  cas  de  cet  aveugle  qui  s'aperçut  que  sa  fille  venait 
de  céder  à  son  amant,  est  très-facile  a  concevoir,  à  cause  de  l'o- 
deur spermatique  qu'elle  répandait  probablement.  Quant  à  ce 
moine  de  Prdgue  dont  l'odorat  était  encore  plus  fin  que  celui  de 
l'aveugle,  puisqu'il  reconnaissait  le  même  fait,  ancien  ou  récent, 
nous  prenons  ces  rapports  comme  probablement  ils  nous  ont  été 
transmis.  Mais  ces  phénomènes  persistent  pendant  un  laps  de  temps 
fort  court,  et  déjà,  après  trois  ou  quatre  jours,  ils  ont  en  grande 
partie  disparu.  Les  lèvres  de  la  plaie  se  sont  cicatrisées  plus  ou 
moins  parfaitement,  et  l'on  ne  trouve  que  les  débris  de  la  membrane. 
Alors,  il  n'est  plus  possible  de  dire  si  la  défloration  a  été  récente 
ou  ancienne. 

Nous  ne  poserons  pas,  à  l'instar  de  M.  Orfila  et  de  plu- 
sieurs autres  auteurs,  la  question  de  savoir  s'il  y  a  des  moyens  de 
distinguer  la  défloration  qui  dépend  de  l'introduction  d'un  mem- 
bre viril ,  d'avec  celle  qui  dépend  de  l'introduction  d'un 
corps  étranger  d'une  autre  nature;  non  plus  que  cette  autre 
question  :  La  défloration  a-t-elle  été  consentie  ou  forcée?  Les  dé- 
tails dans  lesquels  nous  venons  d'entrer  feront  assez  sentir  qu'il  est 
impossible  de  résoudre  la  première  question,  et  quant  à  la  seconde, 
elle  est  du  ressort  des  magistrats  et  non  du  médecin.  Un  seul  fait 
médical  peut  l'éclairer  :  ce  sont  les  traces  de  violences  que  nous  dé- 
crirons plus  bas;  mais  ces  violences  pouvant  avoir  été  commises 
dans  des  buts  bien  différens,  il  appartient  seulement  au  magistrat 
d'apprécier  les  intentions  de  leurs  auteurs. 

Quelles  sont  les  traces  de  violence  que  l'on  peut  trouver  sur  les  parties 
génitales,  sur  les  diverses  parties  du  corps,  ou  sur  les  'véteinens,dans  les 
cas  de  viol  ou  de  tentatives  de  viol P 

I"  Aux  parties  génitales.  Lorsque  des  tentatives  de  viol  ont  été 
faites  sur  une  femme  qui  a  eu  des  enfans,  ou  qui  a  eu  des  rapports 
avec  des  hommes,  on  ne  constate  presque  jamais  de  traces  de  vio- 
lence, parce  que,  comme  les  parties  génitales  sont  naturellement 
assez  larges  pour  permettre  l'introduction  du  membre  viril,  de  deux 
choses  l'une  :  ou  la  femme  a  conservé  toute  sa  connaissance,  et 
alors  elle  s'oppose  à  l'accomplissement  de  l'acte  vénérien;  ou,  au 
contraire,  elle  est,  par  des  circonstances  diverses,  dan» l'impossibi- 
lité d'o[)poser  de  la  résistance,  et  alors  l'acte  vénérien  s'exécu((î 
sans  violence.  Toutefois,  je  ne  présenterai  pas  ces  données  d'une  ma- 


(473) 

nièretobt-à-fait  absolue,  mais  comme  l'expression  des  cas  les  plus 

généraux. 

Il  n'en  est  pas  de  même  chez  une  vierge  ou  chez  une  enfant  :  chez 
une  vierge,  parce  que  les  parties  génitales  sont  naturellement  et  or- 
dinairement étroites,  que  la  membrane  hymen  existe,  et  que  l'auteur 
(lu  crime  ne  j)eut  saisir  qu'un  moment  dont  il  profite  pour  satis- 
faire sa  brutalité;  chez  une  enfant,  parce  qu'alors  la  disproportion 
est  tellement  grande  qu'il  est  impossible  que  l'introduction  du 
membre  viril  n'amène  pas  des  désordres  plus  ou  moins  notables. 

Ces  désordres  consistent  dans  des  contusions,  froissement  du  pé- 
nil,  des  grandes  lèvres,  des  excoriations,  déchirures  delà  membrane 
muqueuse  des  parties  génitales  externes,  avec  ecchymoses  'sous- 
muqueuses,  injections  vasculaires  au  voisinage  des  excoriations,  dé- 
chirure de  la  membrane  hymen,  quelquefois  déchirure  de  la  four- 
chette, et  enfin  excoriation  de  la  membrane  muqueuse  qui  tapisse 
le  vagin. 

Mais,  dira-t-on,tous  ces  désordres  ne  pourraient-ils  pas  être  aussi 
bien  produits  par  un  corps  étranger  que  par  un  membre  viril?  Nul 
doute  à  cet  égard,  et  il  y  a  plus,  un  corps  étranger  plus  dur  produi- 
rait tous  ces  effets  avec  beaucoup  plus  de  facilité.  On  sait  que  plus 
d'une  jeune  fille  a  été  obligée  d'appeler  un  chirurgien  à  son  secours 
pour  extraire  des  corps  étrangers  qu'elle  s'était  introduits  dans 
le  vagin.  Nous  tirerons  plus  tard  des  conséquences  de  ces  faits. 

Sur  les  diverses  parties  du  corps,  et  principalement  aux  aines,  aux 
cuisses,  aux  poignets,  aux  seins,  on  peut  trouver  des  traces  de  pres- 
sions brusques  et  fortes,  se  dessinant  par  des  taches  noires  évidem- 
ment dues  à  la  peau  ecchymosée. 

Eafin,  les  linges,  et  principalement  la  chemise,  peuvent  présenter 
deux  ordres  détaches  sur  lesquelles  nous  allons  appeler  l'attention, 
parce  qu'elles  peuvent  établir  les  preuves  les  plus  fortes  du  viol. 

Ces  taches  sont  de  deux  espèces,  et  occupent  sur  la  chemise  deux 
positions  différentes.  Les  unes  sont  situées  sur  le  devant  de  la  che- 
mise, les  autres  sur  le  derrière;  au  moins  c'est  la  disposition  la  plus 
commune.  Les  taches  placées  sur  le  devant  de  la  chemise  offrent 
tous  les  caractères  du  sperme;  elles  sont  d'un  blanc  grisâtre,  cir- 
conscrites, arrondies,  et  terminées  par  une  ligne  d'une  coloration 
plus  foncée;  le  tissu  est  empesé.  Si  la  tentative  de  viol  est  récente, 
ces  taches  peuvent,  alors  même  qu'elles  sont  sèches,  répandre  l'o- 
deur spermatique.  Soumises  à  l'auaiyse,  elles  fournisseut  tous  les 
caractères  du  sperme. 

Les  taches  placées  sur  le  derrière  de  la  chemise  paraissent  être 
pour  la  plupart  formées  par  du  sang,  mais  elles  se  présentent  ordi- 
nairement sous  deux  aspects  differens.  Les  unes  sont  d'un  rouge 
brunâtre,  plus  petites,  riches  en  matière  colorante,  et  d'une  colo- 
ration égale  dans  toute  leur  surface.  Les  autres  sont  d'un  rouge 
beaucoup  plus  clair,  ou  mieux  d'un  jaune  rougeâtre;  elles  ont  plus 
d'étendue,  sont  plus  claires  à  leur  centre,  et  limitées  à  leur  circonfé- 
rence par  un  cercle  de  matière  colorante  rouge,  d'une  couleur, 
par  conséquent,  plus  foncée  que  le  reste  de  la  tache.  Les  premières 
sont  formées  [)ar  le  sang  pur  qui  a  été  répandu  au  moment  du  coït, 
les  secondes  par  une  sérosité  sanguinolente,  un  suintement  séro- 
sangiiinolcnt  de  moins  en  moins  coloré,  et  tout-à-fait  analogue  à  ce- 
lui que  l'on  observe  dans  les  plaies  par  instrument  tranchant,  alors 


(474) 

qu'elles  cessent  de  donner  du  sang.  Cette  situation  respective  des  ta- 
ches n'est  pas  tellement  constante  qu'il  ne  puisse  exister  quelques  ta- 
ches de  sang  ou  de  sérositésanguinolente  sur  le  devant  de  la  chemise, 
et  quelques  lâches  de  sperme  en  arrière;  mais  nous  la  regardons  ce- 
pendant comme  la  plus  commune. 

Ces  traces  do  violence  sont-elles  le  résultat  possible  d'un  viol,  ou  peuvent- 
elles  être  attribuées  à  toute  autre  cause  ? 

La  réponse  est  affirmative  dans  les  deux  cas;  car,  puisque  nous 
avons  dit  que  les  corps  étrangers  autres  que  le  memhre  viril  pou- 
vaient produire  plus  facilement  les  mêmes  désordres,  il  ne  peut  pas 
y  avoir  doute  à  ce  sujet.  Ces  causes  différentes  peuvent  opérer  les 
mêmes  effets.  Cependant,  examinons  dans  quelles  circonstances  on 
pourrait  simuler  ce  crime?  Alors  qu'une  mère  aurait  intérêt  à  tirer 
parti  du  déshonneur  de  sa  fîlle  ou  de  son  jeune  enfant.  Mais,  dans 
ce  cas,  quelle  serait  la  femme  assez  avide  pour  mutiler  son  enfant  à 
ce  point?  Dira-ton  qu'une  fille  adonnée  à   la  masturbation  pour- 
rait présenter  des  traces  de  violence  analogues,  si  elle  s'était  servie 
d'un  corps  dur  pour  se  livrer  à  cet  acte,  corps  étranger  qu'elle  au- 
rait introduit  avec  trop  de  violence  dans  un  moment  d'égarement? 
Je  suis    loin  de  nier  la  possibilité  de  ce  fait;  les    fastes   de    l'art 
contiennent  trop  de  cas  d'opérations  faites  dans  le  but  d'extraire 
du  vagin   des  corps  étrangers  dont  l'introduction  n'avait  pas  eu 
une   autre    origine.    Mais  alors  une  habitude    portée    à   ce    point 
n'at-elle  pas    du    retentissement  clans  les  familles,    et    l'attention 
du  médecin    ne  pourra-t-elle   pas   être  éveillée  sur   de  semblables 
manœuvres?  Et  ensuite,    combien    peu    de   filles  consentiraient    à 
se  produire  un  déchirement  aussi  douloureux,  et  à  perdre  par  ce 
fait  seul  le  cachet  de  leur  virginité,  pour  être  à  même  de  porter  une 
accusation  de  ce  genre!   Quelques  auteurs  ont  rapporté  des  cas  de 
viol  simulé.  Fodéré,  entre  autres,  cite  le  suivant  :  «  Plusieurs  indi- 
vidus sont  accusés  par  une  femme  d'avoir  violé,  dans  une  auberge, 
sa  petite  fille,  âgée  de  neuf  ans  et  demi.  On  trouve  les  parties  sexuel- 
les parfaitement  intactes;  le  petit   doigt  ne  pouvait  entrer  dans  le 
vagin  ;  toutefois,  il  y  avait  au  |)ubis  et  à  la  partie  supérieure  de  la 
vulve  un  cercle  rouge  de  la  largeur  d'un  écu  de  six  francs,  qui  pa- 
raissait avoir  été  fait  récemment,  et  dont  l'intensité  et  l'étendue  di- 
minuaient insensiblement.  Il  était  hors  de  doute  que  l'aïeule  avait 
meurtri  cet  enfant  dans  l'espoir  d'avoir  des  dommages  et  iniéréts. 
Elle  fut   emprisonnée  et  chassée  de  la  ville.  »  {Med.  lég.,  tome  IV, ) 
«  Pour  les  filles  artificieuse'*,  a  dit  Voltaire,  qui  se  plaindraient  d'a- 
voir été  violées,  il  faudrait  leur  conter  comment  une  reine  éluda 
autrefois  l'accusation  d'une  plaignante.  Elle  prit  un  fourreau,  et  le 
tenant  sans  cesse  en  mouvement,   elle  lit  voir  a  la  dame  qui  tenait 
une  épée  qu'il  lui  était  impossible  de  la  replacei'daus  son  enveloppe.» 
En  résumé,  s'il  est  facile  de  constater  des  altérations,  des  violen- 
ces, il  n'est  presque  jamais  possible   d'en    assigner  la  cause,  alors 
que  pour  élément  de  conviction  on  n'a  pas  d'autres  docuniens  que 
les    résultats     matériels    de    l'action;  .mais    ces    résultais    maté- 
riels acquièrent  alors  une  grande  valeur  aux  yeux  des  magistrats  et 
des  jurés,  quandoii  y  joint  tous  les  autres  docuniens  de  l'instruction. 
D'où  il  résulte  que  le  médecin  devra  faire  sentir  que  ces  effets  peu- 
vent être  le  résultat  de  plusieurs  causes  différentes.  A.  D. 


(475) 
VARIÉTÉS. 

Ecole  prcparaf aire  de  médecine.  C'est  avec  plaisir  que  nous  annonçons 
à  nos  lecteurs  rétablissement  d'une  éeole  dont  plusieurs  d'entre  eux 
ont  sans  doute  reconnu  la  nécessité.  Quelques  hommes,  honorable- 
ment connus  à  Paris,  se  proposent  de  l'acililer  les  études  médicales 
des  jeunes  élèves,  en  réunissant  dans  un  établissement  où  ilt*  seraient 
reçus,  tout  ce  qui  peut  contribuera  les  initier  à  l;i  science  du  médecin. 
Ils  ont  l'ait  choix  à  cet  effet  du  Lycée  national,  rue  de  Monceau,  n.  9, 
dirigé  par  M.  de  Séprés,  et  dans  lequel  les  jeunes  élèves  admis  rece- 
vront les  premiers  principes  d'anatomie,  de  chirurgie,  de  méde- 
cine, etc. 

Fjf-s  avantasfps  de  cette  nouvelle  institiilioi)  sont  faciles  à  sentir.  Les 
élèves,  en  effet,  y  seront  renfermés,  et  pourront  par  conséquent  sei.li- 
vrer  avec  plus  d'ardeur  au  travail  sans  être  distraits  par  le  bruit  et  les 
plaisirs  de  la  ville.  Ils  auront  des  maîtres  qui  surveilleront  continuelle- 
ment tous  leurs  travaux,  qui  les  interrogeront  sans  cesse  et  leur  appren- 
dront  l'art  si  difficile  d'adopter  dans  toutes  leurs  études  un  plan  et  une 
méthode  qu'on  ne  rencontre  souvent  qu'après  plusieurs  années  c'c  re- 
cherches infructueuses. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  tous  les  détails  contenus  dans  un  pro- 
spectus qui  nous  est  soumis,  et  qui  dévoile  au  public  le  plan  des  funda- 
teurs.  Nous  reviendrons  sur  ce  projet  important,  nous  bornant  aujour- 
d'hui a  faire  des  vœux  sincères  pour  sa  réussite,  car  son  heureuse  exé- 
cution serait  utile  surtout  à  ceux  de  nos  confrères  qui,  voulant  faire 
embrasser  à  leurs  enfans  la  carrière  qu'ils  ont  parcourue,  ne  savent  à 
qui  les  adresser  à  Paris  pour  les  diriger  dans  leurs  études  médicales, 

—  Hévision  du  codex.  Le  ministre  de  l'instruction  publique  vient  de 
nommer,  pour  la  révision  du  codex,  une  commission  composée  des 
membres  suivans  :  MAI.  OrGla,  président;  Andral  fils,  Duméril,  Ri- 
chard, professeurs  de  l'Ecole  de  Médecine;  Bussy,  Caventou,  Robi- 
quet,  Pelletier,  Soubeiran,  [/rofesseurs  de  l'Ecole  de  pharmacie,  et 
M.  H.  Royer-Collard,  chef  de  la  troisième  division  au  ministère  de 
l'instruction  publique. 

RÉCLAMATIONS. 

MM.  les  docteurs  Mareschal,  Palois,  Sallion,  Leborgne,  Thibcaud  et 
Guénier,  composant  le  bureau  du  congrès  médical  réuni  à  Nantes,  et 
dont  nous  avonsrendu  compte  dans  notre  dernier  numéro,  nous  adres- 
sent la  réclamation  suivante  : 

Dans  l'article  Variétés,  g*"  cahier,  septembre  iR35,  de  votre  journal,  nous 
avons  lu  un  compte-rendu  des  procès-veibaux  imprimés  d'.i  congrès  me'dlcal  tenu 
à  Nantes  le  i*''' juillet  et  jours  suivans.  qui  donne  de  l'opinion  qui  est  généra- 
lement ressortie  des  discussions  une  idée  trés-fausse,  et  que  nous  devons  rectifier, 
dans  l'intérêt  de  la  justice  et  de  la  vérité. 

Vous  dites  d'abord  que  «  les  médecins  de  Nantes  paraissent  fort  réservés  sur 
»  la  quantité  de  mercure  à  introduire  dans  l'économie,  et  que  beaucoup  d'entre 
I  eux  ont  déclaré  qu'ils  en  avaient  considérablement  restreint  1  usage  et  diuiinué 
1  les  doses,  ce  qui  porte  à  croire  que  plus  tard  ils  adopteront  les  principes  de  la 
»  nouvelle  école.   » 

Or,  un  seul  médecin,  du  reste  très-formellement  partisan  du  mercure  dans  tous 
Ips  cas  de  syphilis,  et  qui  a  combattu,  dans  la  discussion,  plusieurs  assertions  des 
médecins  de  la  r.ouvelle  école,  a  exprimé  que  son  expérience  l'avait,  chaque  an- 
née, conduit  à  réduire  de  beaucoup  les  doses  de  mercure  qu'il  administrait  autre- 
fois (|;aj;p  47)  :  et,  dans  le  cours  des  débats,  un  seul  encore  a  fait  allusion  à  celte 
pratique  (page  gi).  il  ne  s'agit  donc  pas,  comme  vous  le  dites,  de  la  déclaration 
tfe  beaucoup  de  médecins  de  Nantes, 


D'ailleurs,  vous  l'avez  dit  vous-même  -.  «  A  l'exceplion  de  M.  Devergie  aîné  cl 
»  de  deux  ou  trois  membres  de  l'assemblée,  il  y  a  eu  wianimilé  d'opinion  contre 
»  les  principes  de  la  nouvelle  e'cole,  tous  ayant  soutenu,  avec  rexisti^u'e  d'un 
«  virus,  l'indispensable  ne'cessilé  d'administrer  le  mercure,  qui  a  ica/la  puissance 
»  de  l'annihiler;  el,  par  conséquent,  le  danger,  dans  la  ihérapeulique  ,des  moyena 
«  autres  que  ceux  dont  l'utilité  est  consacrée  par  V expérience  des  siècles.  >  Ce 
qui  est,  assurément,  bien  loin  d'une  tendance  à  l'adoption  des  principes  de  \a. 
nouvelle  école. 

Mais  il  y  a  plus  :  si,  dans  la  discussion,  d'importantes  concessions  ont  été 
faites,  elles  sont  toutes  venues  du  côté  de  l'honorable  défenseur  de  ce  que,  prématu- 
rément sans  doute,  vous  appelez  la  réforme. 

Veuillez,  en  effet,  vous  donner  la  peine  de  jeter  un  coup-d'oeil  sur  la  page  ii 
des  Recherches  historiques  et  rnèdicales,  sur  l'origine,  la  nature  et  le  traitement 
de  la  sjrphilis,  présentées,  en  octobre  iS34,  à  l'Académie  de  médecine  ,  par 
M.  Devergie  aîné;  vous  y  lirez  cette  déclaration  :  i  N'est-on  pjs  en  droit  de 
»  conclure,  avec  évidence  ,  que  la   syphilis  recoRnaît  pour  causes  principales   Ze 

•  libertinag',  la  débauche,  la  malpropreté  et  l'abus  des  plaisirs  de  l'amour  ?  t 
Voilà  qui  est  précis.  Mais,  page  3o  de  nos  procès-verbaux,  M.  Duvergie  se  défend 
d  attribuer  exclusivement  à  ces  causes  les  accidens  qui  constituent  la  syphilis; 
et,  cette,  fois,  il  admet,  concurremment,  un  agent  de  contagion  j  et,  plus  loin, 
page  Sg,  il  avoue  que  la  production  de  cette  maladie  par  les  excès  du  coit  n'a  pas 
lieu  dans  tous  les  cas. 

Si  de  l'origine  de  la  syphilis  nous  passons  à  sa  nature,  nous  voyons  que  l'école 
nouvelle,  qui  d'abord  ne  voulait  y  voir  que  V irritation,  admet  actuellement  une 
contagion  :  ce  qui  est  bien  prés  du  virus,  contre  lequel  on  s'est  tant  récrié. 

Quant  au  traitement,  qu'on  lise  l'article  que  M.  Devergie  lui  a  consacré  dans 
ses  Recherches,  et  l'on  verra  partout  le  mercure  proscrii  et  presque  abandonné, 
tellement  qu'on  y  rapporte  40,000  cas  de  guérisons  de  symptômes  primitifs  el  se- 
condaires opérées  sans  lui. 

Dans  nos  procès-verbaux  il  n'en  est  plus  ainsi.  Dès  l'ouverture  de  la  discussion 
Cp^S^  9)'  M.  Devergie  saisit  l'occasion  solennelle  qui  se  présente,  pour  protester 
contre  une  assertion  mise  en  avant,  à  l'occasion  de  la  publication  de  sa  Clinique  des 
maladies  syphilitiques,  par  M.  Gaffe,  qui  avait  prétendu  qu'il  avait  renoncé  à 
1  emploi  des  mercuriaux  dans  le  traitement  de  ces  maladies. 

Dans  les  40,000  cas  de  {;uérisons  obtenues  sans  mercure,  on  mentionnait  égale- 
ment dans  les  Recherches  les  accidens  secondaires  :  maintenant,  page  ap  des  procès- 
verbaux,  M.  Deverffie  dit  que  l'emploi  de  ce  médicament  est  rationnel  dans  ces 
accidens  .■  et  si,  en  même  temps,  il  affirme  qu'il  ne  faut  jamais  s'en  servir  pour 
les  accidens  locaux  et  primitifs,  il  n'en  est  pas  moins  entraîné,  page  1  3o,  à  dé- 
clarcr  qu'il  ne  le  rejette  pas,  employé  à  dtises  modérées  et  manié  par  des  mains 
habiles,  et  qu'il  peut  être  opposé  aux  accidens  pnmi((/s  et  secondaires,  tant  que 
l'état  de  la  constitution  le  permettra. 

C  est  sans  doute  pour  excuser  cette  concession  qu'il  ajoute  que,  •  d  après  tout 

•  ce  qu'il  a  entendu  dans  la  discussion,  il  faut  bien  qu'il  admette  qu'à  Nantes  le 
»  mercure  est  mieux  supporté  qu'à  Paris,  ou  administré  avec  plus  de  prudence,   i 

L  hérédité  de  la  syphilis,  la  longue  incubation  du  virus  et  son  éruption  sou- 
daine, avaient  été  niées  par  l'école  physiologique,  et  M.  Devergie  s'était  égayé 
lui-même,  page  2  4  de  ses  recherches,  aux  dépens  d'Amatus  Lusitanus,  qui  avait 
rapporté  un  fait  curieux,  mais  non  pas  rare,  d'hérédité  intermittente,  après  un 
long  assoupissement  du  virus...  Mais  voilà  que,  pa;;e  4  1  de  nos  procès-verbaux, 
M.  Devergie  déclare  qu'il  pense  que  •   les  médecins  qui  ont  nié  l'hérédité  de  la 

•  syphilis  se  sont  trop  avancés  ;  »  el  «  il  se  plaît  à  déclarer  (page  45)  que,  d'après 
>  les  conversations  qu'il  a  eues  à  ce  sujet  avec  plusieurs  médecins  de  Nantes,  il  a 
»  reconnu  plu»  clairement  l'existence  d'affections  syphilitiques  larvées,  pouvant 
»  »e  produire  à  des  époques  fort  éloignées  de  celle  de  l'infection,  et  par  voie  hé- 
»  réditaire.  i  II  cite  lui-même  (page  5;))  un  cas  de  syphilis  héréditaire,  fort 
remarquable,  communiquée  à  dix  enfans,  qui  périrent  tous  dès  leur  naissance, 
par  un  père  qui  avait  eu  autrefois  des  symptômes  s\  pliiliilques ,  et  qui  ne  procréa 
un  onzième  enfant  parfaitement  sain,  qu'après  avoir  subi  un  iraifment  mcrcuriel 
qui  dura  dix-huil  mois. 

Ne  pouvant   se  refuser  à  l'évidence  produite  par  la  discussion,  cl  uc  voulant 


(477) 

p6urtani  pas  trop  compromettre  sa  doctrine,  M.  Devergie  cherche  (page  5 9)  à 
<  expliquer  comment  les  accidcns  de  la  syphilis  sont  plus  graves  à  Nantes  qu'à 
>  Paris,  où  les  phénomènes  secondaires,  de  même  que  les  cas  d'hérédité,  se  trou- 
a  vent,  d'après  ce  qu'il  apprend  ici,  bien  moins  nombreux  et  moins  caractérisés, 
I  en  accusant  le  voisinage  de  la  mer,  l'action  des  venis,  et  les  fréquentes  et  brus- 
i  ques  vicissitudes  de  l'atmosphère.   • 

Nous  laissons  à  d'autres  le  soin  d'apprécier  ces  raisons  :  nous  demanderons 
seulement  si  la  différence  qui  existe  entre  Tobservalion  de  M.  Devergie  et  la 
nôtre,  au  lieu  de  pn. venir  de  la  diversité  des  climats,  ne  dépendrait  pas  plutôt 
de  la  différence  de  notre  position  médicale,  qui  fait  que  nous,  médecins  privés  et 
civils,  sommes  à  même  de  voir  les  conséquences  éloignées  de  la  pratique  des  méde- 
cins milit:.ires,  qui  ne  peuvent  constater  que  l'état  récent  de  leurs  malades. 

En  voilà  assez,  ce  nous  semble,  pour  démontrer  que  les  tetidances  manifestées 
■dans  notre  congrès  sont  entièrement  contraires  à  ce  que  vous  en  avez  dit. 

Poursuivons.  Dans  l'intérél  de  la  doctrine  que  vous  paraissez  avoir  adoptée, 
vous  invoquez  le  témoignage  des  40,000  vénériens  déjà  cités,  guéris  en  divers  pays 
■par  la  méthode  nouvelle;  et  vous  foniliez  ce  témoignage  de  celui  de  mille  malades 
traités  à  Nantes  par  les  mêmes  moyens  ;  puis,  vous  ajoutez  que  rien  n'annonce 
qu'on  doive  un  jour  se  repentir  d'avoir  abandonné  la  méthode  ancienne;  et  vous 
dites,  à  l'occasion  du  dernier  nombre,  que  personne  dans  l'assemblée  n'a  pu  rien 
lui  objecter. 

Cependant  vous  trouverez  (page  62  )  quelques  réflexions  sur  ce  sujet,  et  vous 
concevrez  aisément  qu'il  eût  été  inconvenant  de  s'y  arrêter  plus  spécialement, 
puisque  toute  la  discussion  étant  elle-même  uae  réfutation  assez  foimelle  de  la 
doctrine  que  suppose  cette  pratique,  la  pratique  elle-même  se  trouvait  suffisamment 
réfutée.  Au  surplus,  M.  Ûevergie  s'était  déjà  chargé  du  soin  de  diminuer  de 
beaucoup  l'importance  qu'on  semblerait  devoir  attacher  à  ces  nombres;  car,  en 
avouant,  pages  20  et  GG  des  procès-verbaux,  gu'iV  n'y  a  aucun  signe  propre  a 
faire  reconnaître  celles  des  affections  des  organes  sexuels  qui  dépendent  d'un  prin- 
cipe contagieux,  il  laissait  assez  à  penser  que  bon  nombre  des  faits  allégués  ne  de- 
vaient point  être  rangés  parmi  les  accidens  syphilitiques. 

Voilà  d'abord  une  objection  puissante  contre  la  valeur  du  chiffre  ;  et,  quant  à 
la  valeur  de  la  méthode,  il  nous  semble  que  des  fait»  assez  nombreux  et  assez  im- 
posans  ont  été  invoqués  contre  elle  dans  le  cours  de  la  discussion  :  nous  allons 
itoul-à-1 'heure  avoir  occasion  d'y  revenir. 

Vous  prétendez  «  que  les  médecins  de  Nantes  ne  peuvent  invoquer  leur  expérience 

■    »  et  prononcer  Sur  la  valeur  de  deux  méthodes,  quand  Tune  rf'e//ei  leur  est  tout-à-fait 

9  inconnue  ;  que  non-seulement  il  faudrait  prouver  l'excellence  de  la  méthode  an- 

»  cienne,  mais  encore  démontrer  l'insuffisance  de   la  nouvelle;  ce  qu'on  n'a  fait 

»  qu'en  s'appujrant  sur  des  assertions  vagues,  ou  plutôt  sur  Vopinion  de  quelques 

•  médecins  de  Paris  qui,  bien  qu'au  centre  des  lumières,  ne  se  sont  jamais  donné 

•  la  peiue  de  s'éclairer  en  visitant  les  hôpitaux  du  Val-de-Gràce,  du  Gros-Caillou 
■  et  des  Vénériens  ;  enfin,  qu'aucun  des  orateurs  ne  paraissait  juge  bien  compétent 
»  en  celte  matière.  ■ 

11  est  vrai  que  les  médecins  de  Nantes  n'avaient  point  à  invoquer  ici  leur  expc 
rience  de  la  nouvelle  méihode  ;  mais,  pour  cela,  il  n'était  pas  à  dire  que  celte  mé- 
thode leur  fût  tout-à-fait  inconnue, c&T  il  estlout-à-fait  contraire  au  simple  bon  sens 
de  dire  qu  en  médecine  rationnelle  on  ne  connaît  que  ce  qu'on  a  pratiqué.  Eh!  bon 
Dieu  !  où  en  serait  la  pauvre  humanité  si,  avant  d'être  en  droit  de  frapper  de  répro- 
bation toutes  les  doctrines  erronées  que  les  croyances  systématiques  peuvent  inventer, 
il  fallait  que  chaque  médecin  en  fît  l'application  !  Et,  dans  le  cas  actuel,  qu'a-l-on 
besoin  d'une  expérience  personnelle  ?  Les  nouveaux  doctrinaires  n'ont-ils  pas  assez 
écrit  et  assez  fait  pour  que  chacun  soit  eu  mesure  de  les  juger?  Qu'avaient  donc  à 
faire  les  médecins  qui,  n'ayant  aucun  intérêt  de  doctrine  à  protéger,  cherchent 
naïvement  la  vérité,  si  ce  n'est  de  soumettre  les  principes  et  les  conséquences  de 
la  nouvelle  école  à  la  double  épreuve  du  raisonnement  et  du  temps?  C  estcequ'ils 
ont  fait.  Le  raisonnement  leur  avait  d'abord  fait  pressentir  le  peu  de  solidité  de  ces 
principes  ;  et  l'histoire  de  l'art  leur  avait  ensuite  montré  des  novateurs  ou  des  es. 
prils  inquiets  tentera  différentes  époques  des  essais  semblables,  toujours  préconj. 
ses  à  leur  début,  et  bientôt  abandonnés  comme  insuffisans  ou  dangereux.  Bientôt 
de  nombreux  mécomptes  avaient  été  signalés  5  puis,  après  des  retours  à  rancienna 


(478) 

méthode,  dan»  plusieurs  hôpitaux  de  Prusse  et  d'Angleterre  :  eafiu,  chaque  jour, 
des  cas  isoles  se  préseutaient  à  leur  observation  par'iculiére,  des  indivi.ius  traité» 
par  la  nouvelle  luétLode,  lesquels,  au  bout  d'uu  temps  plus  uu  moins  long,  avaient 
offert  les  symptômes  d'une  al'lectiun  générale,  traités  cette  fois  et  guéris  par  le 
mercure  ;  faits  nombreux  observés  par  tous  les  praticiens,  et  rapportés  par  toutes 
les  sociétés  de  médecine  de  Fiance,  et  dont  la  réunion  formerait  une  masse  dont  la 
chilfre,  augmenté  nécessairement  chaque  jour,  l'emporterait  de  beaucoup  sur  celui 
qu'avancent  avec  tant  d'ostentation  les  partisans  de  la  méthode  nouvelle.  Que  fa:lait- 
il  de  plus  pour  servira  établir  leuropinionî  El  n'eussent-ils  pas  agi  en  insensés  en 
cherchant  encore  à  sanctionner  leur  conviction  parleserreursdeleur  propre  pratique? 

Ainsi,  c  est  bien  à  tort  que  vous  récusez  notre  expérience  \  et  c  est  surtout  bien 
à  faux  que  vous  déclinez  notre  compétence  ;  car,  loin  d'être  iucompétens  en 
cette  matière,  nous  sommes  au  contraire,  nous  médecins  praticiens  des  villes,  les 
seuls  juges  réellement  co;apétens,  parce  que  nous  sommes  icul,  i  même  de  vérifier 
les  résultats  de  la  pratique  trop  expeditive  des  hôpitaux,  et  des  hôpitaux  militaires 
surtout. 

II  n'était  non  plus  ni  dans  la  justice  ni  dans  les  convenances  de  dire  que  nous 
n'avions  appuyé  notre  opposition  que  sur  quelques  assertions  values,  uu  plutôt 
sur  l'opinion  de  quelques  médecins  de  Paris.  Quarante  à  cinquante  médecins  trai- 
tant des  maladies  syphilitiques  dans  une  grande  ville  maritime,  et  dont  plusieurs 
ont  dirigé  pendant  de  longues  années  des  hôpitaux  de  vénériens  civils  et  mili- 
taires, peuvent  avoir  une  opinion  sur  le  traitement  de  ces  maladies,  et  la  proclamer 
avec  confiance;  car  celte  opinion  consciencieuse  et  éclairée  par  les  faits  s'est  ap- 
puyée sur  leur  propre  expérience,  et  non  sur  quelques  assertions  values,  pas  plus 
que  sur  l'opinion  des  médecins  de  Paris,  qui,qu':ls  qu'ils  soient,  ne  sont  consultés  par 
eux  qu'au  même  titre  que  tous  leurs  autres  confrères,  et  ne  seront  jamais  Ix  leurs 
yeux  une  autorité  nécessaire. 

Aussi,  croyez  bien,  monsieur,  qu'en  cherchantà  former  notre  opinion  sur  l'ob- 
jet actuellement  en  litige,  nous  avons  tout  pesé  et  tout  considéré,  et  que  surtout 
nous  ne  méritons  pas  le  reproche  d'avoir  :  oublié  que,  depuis  dix  ans,  les  prali- 
I  ciens  qui  s'occupent  le  plus  habituellement  de  cette  branche  de  l'art  de  guérir 
>  ne  donnent  plus  le  mercure  que  dans  un  certain  nombre  de  cas.  i  Tout  prouve 
que  nous  le  savions  très-bien,  et  c'estjustemenl  parce  que  l'autorité  de  ces  praticiens 
nous  paraissait  fort  contestable,  non-seulement  parce  que  nous  nous  étions  aperçus 
que  le  mercure  éiait,  de  leur  part,  l'objet  d'une  proscription  systématique,  mais 
encore  parce  que  notre  pratique  particulière  nous  avait  montré  le  peu  de  conliance 
qu  il  lalldit  avoir  dans  les  promesses  de  leur  nouvelle  thérapeutique,  que  nous 
avions  provoqué  une  enquête  propre  à  faire  connaître  sur  ce  point  important  l'o- 
pinion de  tous  les  médecins  de  France. 

Notre  appel  a  été  entendu,  et  nous  avons  eu  la  satisfaction  de  voir  notre  opi- 
nion partagée  par  tout  ce  qui,  jusqu'à  ce  jour,  a  répondu  à  cet  appel,  c'est-à-dire 
par  plus  de  quatre  c<"nts  médecins,  soit  isolés,  soit  faisant  le  service  d'hiipitaux  ci- 
vils ou  militaires,  soit  enfin  réunis  dans  les  sociétés  de  médecine  de  Tours,  de  Ren- 
nes, d'Angers,  du  Mans,  de  Niort,  de  Poitiers,  de  Toulouse,  de  iMetz  et  de  Dijon. 

Nous  espérons,  comme  vous,  que  la  vérité  sortira  de  ces  intéressantes  discuS'ionsj 
mais,  pour  cela,  il  faut  que  les  jouroalisics  qui  ont  la  mission  spéciale  rl'cii  faire  le 
re'sumé,  le  fassent  avec  une  rigide  impartialité.  Trop  pressé,  sans  doute,  par  vos 
nombreuses  occupations,  vous  n'aurez  pu  lire  <ju"à  la  hâte  nos  procès-verbaux, 
ce  qui  nous  sert  à  expliquer  l'inexactitude  de  votre  compte-rendu.  Nous  vous 
croyons  trop  ami  de  la  justice  pour  douter  que  vous  ne  vous  empressiez  de  le  rccli- 
tier,  en  insérant  notre  explication  dans  votre  premier cabier;  et,  de  notre  côté,  nous 
euons  trop  à  l'œuvre  que  nous  avons  commencée,  pour  laisser  passer  l'erreur 
sans  la  redresser  par  tous  les  moyens  qui  sont  en  notre  pouvoir.  Votre  journal 
est  très-répandu,  surtout  parmi  les  piaiiciens  éloignés  des  grands  centres  d'instruc- 
tion. 11  importe  donc  beaucoup  que,  dans  la  diseussi  m  actuelle,  les  opinions  des 
médecins  qui  |)euvenl  faire  autorité  leur  soient  parfaitement  connues.  Or,  notre 
congrès  a  eu  du  retentissement  dans  le  monde  médical,  et  ou  eu  aurait  une  idée  tuut- 
à-fait  contraire  à  la  \érilé,  si  ou  se  bornaii  à  la  simple  lecture  de  voire  article. 

[icjlc.vlviis.  Q.icTijiK.tj  ui'ila  di;  ri:|jijuse  .siiiliioiit  pour  l'iiiie  ;i|)jjri:cici' 
la  valeur  de  cclli;  longue  lécriminatioa.  El  d'abord,  dan.s  notre  rapide 
analyse  du  coiuptc-reodu,  nous  avons  tigualé  Us  lioareuseiinoldica- 


(479) 

lions  apportées  en  général,  par  les  médecins  de  Nantes,  dans  le  traite- 
ment de  la  syphilis  depuis  quelques  années.  Beaucoup  d'entre  eux  ont 
liéclaié  dans  le  congrès  fali»-.  un  fréquent  usaj:c  îles  antiphlogistiques 
avant  le  traitement  niercuriel  ou  pendant  sa  durée-;  l'im  des  signataires 
de  la  réclamation  a  dit  :  «  Chaque  année  je  remarque  que  l'expérience 
me  conduit  à  réduire  de  beaucoup  les  doses  de  meicure  que  j'adminis- 
trais autrefois.»  On  a  vu  que  M.  Baré,  médecin  d'un  hôpital  de  véné- 
riens, les  avait  abandonnés  tout-à-fait  dans  un  grand  nombre  de  cas; 
un  autre  (M.  Guépin)  a  prononcé  ces  paroles  :  o  A  JNantes,  la  gcncralilé 
lies  mélccins  suit,  à  peu  de  choses  près,  la  méthode  que  M.  Dever- 
gie  appelle  rationnelle,  toutefois,  avec  cette  difl'crence,  que  pour 
l'acquit  de  leur  conscience,  et  dans  la  crainte  des  affections  secon- 
daires, ils  administrent  ensuite  le  mercure,  mais,  comme  l'a  fort 
bien  dit  le  docteur  Guenier,  en  diminuant  de  plus  en  plus  les  doses.  •> 
Enfin  M.  Devergie  les  a  félicités  de  la  prudence  qu'ils  mettaient 
dans  l'emploi  du  mercure,  etc.  Indépendamment  de  ces  assertions,  qui 
suffirent  assurément  pour  nous  justifier  du  premier  reproche  qu'on 
nous  adresse,  nous  en  appelons  à  tous  les  médecins  qui  h  ibitaient  la 
ville  de  Nantes  il  j'  a  quinze  ans.  La  syphilis  élailelle  considérée  et 
traitée  comme  elle  l'est  aujourd'hui?  Aon,  sans  doute  ;  il  y  a  donc  eu 
progrès  et  progrès  immense;  malgré  l'assertion  des  signataires  de  la 
lettre,  la  plupart  d'entre  eux  se  sont  associés  au  mouvement  de  la 
science,  et  lorsqu'un  grand  nombre  ont  osé  toucher  aux  croyi'.nces  an- 
tiques, nous  pouvons  bien  espérer,  nous,  que  puisqu'ils  sont  en  progrès, 
j^uisque  surtout  ils  témoignent  un  si  vif  désir  de  s'éclairer  par  ct's  utiles 
discussions,  ils  apporteront  encore  dans  leur  pratique  de  nouvelles  ré- 
formes, et  que  bientôt  ils  n' adminislreront  pas  toujours,  et  dans  tous  les 
cas,  les  tnercuriaux  comme  complément  indispensable  du  traitement  de 
toute  maladie  syphilitique. 

Nous  n'avons  pas  cru  en  émettant  cet  espoir,  qui,  nous  le  répétons, 
nous  a  été  suggère  par  la  lecture  des  procès-verbaux,  faire  la  moindre 
injure  au  caractère  des  médecins  de  Nantes,  et  nous  sommes  encore  à 
cous  demander  comment  cette  assertion  a  pu  si  vivement  piquer  leur 
susceptibilité. 

Nous  renvoyons  à  M.  Devergie  toute»  les  accusations  de  tergiversa- 
tions, de  concessions,  etc.,  que  lui  adressent  les  signataires  de  la  lettre. 
Nous  ne  sommes  point  chargé  de  le  défendre,  et  ce  sera  à  cet  honora- 
ble confrère  à  se  disculper,  s'il  le  juge  convenable,  dans  une  nouvelle 
édition  de  sa  clinique  de  ta  maladie  syphilitique  ;  mais  nous  devons  ré- 
pondre, à  la  hâte  et  le  plus  brièvement  possible,  aux  inculpations  qui 
sont  dirigées  contre  nous. 

Deux  points  surtout  out  paru  choquer  les  signataires  de  la  lettre  qui 
nous  est  adressée  :  nous  avons  dit  d'une  part  que  pour  réfuter  les  faits 
cités  par  les  partisans  de  la  réforme,  on  ne  s'était  appuyé  que  sui  les 
assertions  vagues  de  quelques  médecins  de  Paris,  et  nous  avons  en  outre 
décliné  la  compétence  delà  plupart  des  médecins  formant  le  congrès, 
pour  le  jugement  définitif  de  cette  importante  queslion. 

Pour  appuyer  la  première  assertion,  nous  ne  [louvoiis  q'i'engager  ceux 
de  uos  confrères  qui  possèdent  le  compte -rendu  à  le  lire  avtc  atten- 
tion ;  ils  verront  que  nous  n'avons  rien  avancé  qui  ne  fût  l'expression 
de  la  vérité  ;  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  la  doctrine  du  virus  et  l'histoire 
de  la  maladie  ont  été  parfaitement  traitées,  mais  on  n'a  réfute  len  faits 
opposés  par  les  partisans  de  la  nouvelle  doctrine,  qu'en  s'appayaut  sur 
des  assertions  vagues,  et  conirouvées  d'ailleurs  de  quelques  médecins 
devant  l'Académie,  et  quant  aux  faits  cités  par  M.  Baré,  de  Nantes,  on 
ne  les  a  pas  réfutés  (i  j. 

(i)  Noui  aiouoDsque  uous  uc  âourious  compieaitf  ceuephrasedelartclamatioDà  ce  sujel  : 


(48o) 

Enfin,  pour  répondre  au  dernier  reproche  qui  nous  est  adressé,  celui 
d'avoir  osé  mettre  en  doute  la  compétence  de  la  plupart  de.->  juges,  il 
sera  facile  de  prouver  qu'une  pareille  remarque  ne  peut  avoir  rien  de 
désobligeant  pour  ceux  auxquels  elle  s'adresse.  Aucun,  en  effet,  n'a  dé- 
claré, dans  le  cours  des  déb;its,  avoir  pratiqué  on  vu  mettre  en  pratique, 
sur  un  grand  nombre  de  sujets,  la  méthode  de  traitement  sur  laquelle  ils 
vont  avoir  à  se  prononcer.  Ils  ne  la  repoussent  que  parce  qu'elle  est 
contraire  aux  principes  qu'ils  ont  toujours  professés  dans  leur  longue  et 
honorable  carrière.  Mais  la  théorie  du  virus  est-elle  donc  appuyée  sur 
des  bases  si  solides,  qu'une  masse  de  faits  recueillis  par  des  hommes 
aussi  honorables  que  MM.  Culli  rier,  Delpech,  Desruelles,  etc.,  ne  puis- 
sent la  renverser  de  fond  en  comble?  Ne  faudra-t-il  pas  avant  tout,  pour 
la  défendre,  commencer  par  prouver  la  fausseté  ou  l'insufTisance  de  ces 
faits,  et  pour  y  parvenir  ne  i'aut-il  pas  avoir  été  témoin  d'expériences 
semblables?  Sui'Qra-t-il  de  dire  :  Pendant  quarante  ans,  j'ai  agi  autre- 
ment, vos  faits  ne  s'accordent  pas  avec  mes  principes,  donc  ils  sont  in- 
gnifiansî  Nous  avions  certainement  raison  d'avancer  que  quelque  longue, 
que  quelque  honorable  que  fût  la  pratique  de  la  plupart  des  membres 
du  congrès,  elle  n'était  pas  suffisante  pour  les  autoriser  à  se  prononcer 
sur  là  valeur  de  la  méthode  nouvelle,  ou  plutôt  sur  le  nombre  et  la  na- 
ture desguérisons  qu'on  obtient  en  s'y  conformant;  car^our  nous,  dans 
ce  qui  concerne  la  syphilis,  aujourd'hui  la  théorie  est  bien  peu  de  chose, 
mais  les  faits  sont  tout  ;  il  suffit  de  les  amasser,  de  les  vérifier  et  d'en 
tirer  les  conséquences. 

En  publiant  textuellement  une  lettre  aussi  longue  et  qui  contenait 
des  griefs  si  peu  plausibles,  nous  avons  cru  faire  preuve  de  tout  notre 
désir  d'éclairer  une  question  qui,  de  long-temps  encore,  ne  sera  pas  ré- 
solue pour  tout  le  monde.  Si  nos  lecteurs  ont  trouvé  que  la  rcclamatioD 
était  infiniment  trop  étendue,  eu  égard  à  l'oBFense  supposée,  que  dans 
presque  tout  le  cours  de  cette  lettre  les  récriminations  se  sont  adressées 
aux  partisans  d'une  doctrine  qu'on  nous  suppose  bien  gratuitement  par- 
tager sur  tous  ses  points,  et  non  au  rédacteur  de  l'analyse  du  compte- 
rendu,  si  enfin  ils  nous  reprochent  de  nous  être  écarté  de  nos  habitudes 
en  négligeant  la  pratique  pour  nous  livrer  uu  instant  à  une  polémique 
qu'on  ne  rencontre  pas  ordinairement  dans  ce  journal,  nous  leur  ré- 
pondrons que  la  lettre  que  nous  avons  publiée  nous  a  été  adressée,  non 
par  l'auteur  isolé  d'un  ouvrage,  mécontent  de  ce  que  nous  ne  parta- 
gions pas  ses  opinions,  mais  par  un  corps  médical  tout  entier,  repré- 
senté par  son  bureau,  qui,  dans  sa  piéocupation,  a  cru  que  nous  avions 
rendu  compte  de  ses  travaux  sans  en  avoir  compris  toute  la  portée. 
Nous  lui  devions,  nous  nous  devions  à  nous-même  une  réponse  qui  n'é- 
tait pas  difficile,  puisqu'elle  n'était  que  la  simple  expression  de  la  vé- 
rité,et  nous  l'avons  faite, un  peu  longuement  peut-être;  mais,  s'il  importe 
à  nos  lecteurs  de  ne  rencontrer  dans  ce  recueil  que  des  faits  inléressans 
pour  la  pratique,  il  est  utile  aussi  qu'ils  soient  convaincus  que  ces  faits 
sont  toujours  rapportés  par  nous  avec  exactitude  et  bonne  foi. 

—  Nous  sommes  prié  d'insérer  la  note  suivante. 

L'article  1076,  relatif  au  secret  imposé  aux  médecins,  publié  dans  notre 
livraison  de  juin,  et  extrait  des  Annales  d'hyg'ène  et  de  médecine  Icgale  , 
est  dû  à  M.  le  docteur  Boullet  (Maximilien),ctnon  à  son  confière,  M.  le 
docteur  Boullet  (Amédée),  pratiquant  la  médecine  à  Sully-sur-Loire 
(Loiret). 


Il  tût  été  inconvnant  de  s'y  arrêter  plut  ipéciilement.  Si  plie  poavall  avoir  quelque  cliore  d'in- 
jurieux pour  M.  liaré,  tous  ceux  qui  le  connaissent  en  releTeraient  eux-mêmes  I  inconvenance, 
car  cet  honorable  confrère  jouit  d'une  trop  bauie  estime  dans  la  ville  qu'il  babilc,  pour  qu'on 
puisse  avoir  le  moindre  doute  sur  la  yirac'ni  des  faits  qu'il  rapporte, cl  (fie  chacuD,  d'ailleurs, 
peut  vérifier,  puiiqu'ilg  tODl  recueillit  iIidsud  hôpital. 


(48t) 

AHT.     1146. 

De  l'emploi  de  la  feuille  de  belladone  en  fumée  d  l'aide  de  la  pipe 
dans  la  scarlatine. 

La  fumée  des  feuilles  de  tabac,  de  stramoioe,  de  bella- 
done, dirigée  vers  les  bronches  à  l'aide  de  la  pipe  ordinaire, 
a  été  conseillée  dans  quelques  maladies,  et,  bien  que  son 
action  soit  assez  bornée,  ce  moyen  thérapeutique  n'est  ce- 
pendant pas  tout- à -fait  sans  valeur.  M.  le  docteur  Barther 
vient  d'ajouter,  dans  le  Recueil  de  mémoires  de  médecine,  de 
chi  urgie  et  de  pharmacie  militaires,  quelques  observations  à 
celles  que  l'on  possédait  déjà  sur  l'efficacité  de  cette  der- 
nière substance  introduite  par  cette  voie  dans  l'économie. 
Ces  fumigations  ont  été  employées  à  l'hôpital  du  Gros-Cail- 
lou, dans  une  épidémie  de  scarlatine  qui  a  régné  sur  la  gar- 
nison pendant  l'année  i834,  et  de  tous  les  moyens  auxquels 
on  a  eu  recours,  c'est,  suivant  ce  médecin,  celui  dont  l'effet 
a  été  le  plus  constant.  Sous  son  influence,  la  toux  devenait 
moins  fréquente,  l'expectoration  plus  facile,  la  respiration 
plus  libre.  Il  est  vrai  qu'avant  de  recourir  à  cette  médication, 
on  avait  toujours  la  précaution  de  désemplir  le  système  cir- 
culatoire par  des  évacuations  sanguines  abondantes.  Depuis 
que  ce  moyen  a  été  mis  en  usage,  la  mortalité  a  été  moins 
grande,  et  une  amélioration  générale  a  pu  être  remarquée 
sur  tous  les  malades. 

Après  avoir  cité  plusieurs  exemples  de  scarlatine  dans  les- 
quels les  malades  ont  succombé  à  une  complication  de  bron- 
chite qui  les  a  fait  périr  asphyxiés,  M.  Barlhez  rapporte  de 
nombreuses  observations  dont  l'issue  a  été  heureuse,  sans 
doute  parce  que  la  fumée  de  belladone,  déterminant  une  ex- 
pectoration très-abondante,  et  modifiant  en  même  temps  les 
nerfs  de  l'appareil  respiratoire,  a  prévenu  cette  suffocation. 
Voici  quelques-uns  de  ces  faits  : 

Un  soldat,  âgé  de  vingt-quatre  ans,  était  depuis  huit  jours 
à  l'hôpital  pour  une  gastro-bronchite  très-intense,  lorsqu'il 
fut  pris,  dans  la  soirée  du  i5  avril,  d'un  accès  de  fièvre  avec 
nausées,  douleurs  dans  les  membres,  céphalalgie,  etc.  L'érup- 
tion scarlatineuse  parut  dans  la  nuit,  et  au  même  moment 
tous  les  accidens  furent  dissipés.  Le  lendemain,  le  pouls  était 
plein,  fréquent,  l'épigastre  douloureux,  la  toux  fréquente, 
avec  expectoration  de  matières  claires,  filantes  et  écumeuses. 
La  rougeur  était  uniformément  répandue  sur  tout  le  corps. 
Une  saignée  de  douze  onces  fut  pratiquée,  et  l'on  mit  quinze 

TOM.  VI.  —  N°  DE  NOVEMBRE.  3l 


(482) 

sangsues  à  l'épigastre.  Le  i8,  la  toux  était  continuelle,  1  ex- 
pectoration abondante,  la  respiration  de  plus  en  plus  gênée, 
le  pouls  petit,  fréquent,  l'abattement  profond.  La  position 
du  sujet  ne  permettant  plus  d'avoir  recours  aux  évacuations 
San  j,uines,  on  mit  un  gramme  de  feuilles  de  belladone  dans  une 
pipe  ordinaire,  qu'on  donna  au  malade  après  l'avoir  allumée, 
afin  qu'il  pût  en  avaler  la  fumée.  Cet  homme  paraissait  res- 
pirer plus  aisément  dans  la  soirée  ;  il  demanda  la  permission 
de  fumer  une  seconde  pipe,  ce  qui  lui  fut  accordé,  mais  avec 
la  recommandation  de  n'en  prendre  que  quelques  gorgées  à 
la  fois  et  à  un  quart-d'lieure  ou  à  une  demi-heure  de  distance, 
l'expérience  du  matin  ayant  déterminé  la  dilatation  de  la 
pupille,  des  vertiges  .'t  des  éblouissemens. 

La  fumée  de  belladone,  aspirée  avec  cette  précaution,  ne 
détermina  plus  d'accidens,  et  dès  le  lendemain  la  sécrétion 
des  glandes  salivaires  et  des  bronches  ayant  été  considéra- 
blement augmentée,  le  malade  se  trouva  dans  une  position 
plus  >atisfaisante,  et  ses  mouvemens  respiratoires  devinrent 
plus  libres.  Bien  que  la  nuit  suivante  fût  encore  frès-agitée, 
que  la  langue  devînt  rouge,  sèche,  fendillée,  noirâtre  à  son 
centre,  il  déclarait  éprouver  du  bien-être  en  fumant,  et  respi- 
rer plus  facilement.  On  continua  l'usasse  de  deuœ pipes  de  bella- 
done par  jour,  et  la  convalescence  ne  tarda  pas  à  se  déclarer. 
Chez  un  autre  soldat,  l'issue  de  la  maladie  fut  funeste, 
malgré  l'emploi  de  la  belladone  en  fumée;  mais  on  put  con- 
stater que,  dans  un  moment  où  le  malade  semblait  voué  à 
une  mort  certaine,  ce  moyen  avait  produit  une  amélioratiim 
telle,  qu'on  aurait  pu  espérer  son  rétablissement,  s'il  n'avait 
pas  commis  un  écart  de  régime,  qui  le  fit  succomber  rapide- 
ment. 

La  belladone  ainsi  administrée  a  paru  surtout  agir  favora- 
blement chez  les  sujets  nerveux  ou  lymphatiques;  elle  a 
quelquefois  produit  un  soulagement  presque  instantané, 
suivi  d'une  guérison  beaucoup  plus  rapide  que  celle  qu'on 
était  en  droit  d'espérer  par  l'emploi  de  tous  les  autres 
moyens.  Elle  a  réussi  même  chez  des  individus  dont  la  scar- 
latine était  compliquée  d'affections  chroniques  des  bronches 
ou  même  des  poumons. 

«  Il  résulte  des  faits  consignés  dans  ce  travail,  dit  le  doc- 
teur Barlhez  en  terminant,  que  l'usage  de  la  fujTiée  des 
feuilles  de  belladone  doit  Cire  conseillé,  comme  un  excellent 
moyen  de  traitement,  dans  la  fièvre  scarlatine  compliquée 
de  bronchite  ou  de  toute  autre  affection  pulmonaire  en  géné- 
ral, et  même  dans  des  cas  de  rougeole,  comme  j'ai  eu  occa- 
sion de  m'en  convaincre  plus  d'une  fois  durant  cette  épidé- 


(  485  ) 

mie.  Ce  médicament  agit,  selou  toutes  les  probabilités,  i"  en 
excitant  les  follicules  de  la  muqueuse  bronchique  et  les 
glandes  salivaires  de  manière  à  favoriser  la  sécrétion  plus 
abondante  et  le  dégorgement  de  ces  parties;  2°  en  rendant 
la  circulation  de  l'air  plus  libre  dans  les  dernières  ramifica- 
tions bronchiques;  3°  en  facilitant  l'action  de  l'hématose,  et 
en  empêchant  par  là  l'inflammatioa  consécutive,  que  Ten- 
gouement  pulmonaire  n'aurait  pas  tardé  a  produire  dans  le 
parenchyme  du  poumon;  4°  enfin  en  produisant  sur  le  sys- 
tème nerveux  en  général,  et  sur  les  nerfs  des  poumons  en 
particulier,  un  surcroît  d'excitation  nécessaire  à  l'expulsion 
des  matières  sécrétées  ;  excitation  utile,  surtout  dans  un  mo- 
ment où  toutes  les  forces  physiques  paraissent  abandonner 
les  malades.  Sans  le  concours  de  pareilles  circonstances,  les 
mucosités  séjourneraient  dans  les  parties,  et  deviendraient, 
en  mettant  obstacle  à  l'entrée  de  l'air  dans  les  poumons,  une 
cause  matérielle  de  mort  pour  les  sujets.  » 

ART.     Il47. 

Mémoire  sur  l'emploi  du  nitrate  de  potasse  à  haute  dose  dans  les 
hémoptysies. 

On  trouve  dans  le  même  recueil  un  Mémoire  de  M.  Gau- 
dineau,  médecin  adjoint  à  l'hôpital  militaire  de  Lyon,  sur 
l'emploi  du  nitrate  de  potasse  à  haute  dose  pour  arrêter  cer- 
taines hémorrhagies.  Malgré  l'assertion  de  la  plupart  des 
auteurs,  qui  considèrent  cette  substance  comme  fort  irritante 
et  susceptible  de  déclarer  des  gastrites  ou  d'autre  inflamma- 
tions, ce  médecin  l'a  employée  sur  plus  de  quatre-vingts 
malades,  à  la  dose  de  demi-once  à  une  once,  sans  jamais  en 
observer  de  mauvais  effets.  Il  est  vrai  qu'il  avait  la  précau- 
tion de  ne  jamais  l'administrer  que  chez  des  sujets  dont  les 
organes  digestifs  étaient  en  fort  bon  état. 

Le  nitrate  de  potasse  a  réussi  dans  des  hémoptysies  exces- 
sivement graves,  alors  que  tous  les  autres  moyens,  y  com- 
pris l'alun  et  le  cachou,  avaient  échoué;  et  chez  un  phlhisi- 
que  dont  le  crachement  de  sang  n'était  qu'im  épi()hénomène, 
la  dose  de  vingt  grammes  par  jour  a  arrêté  complètement 
l'hemorrhagie  en  moins  d'une  semaine. 

Voici  la  formule  adoptée  par  M.  Gaudineau  pour  l'admi- 
nistration du  nitrate  : 

Pr.  Eau  gommeuse,  six  onces  ; 

Nitrate  de  potasse,  huit  à  quinze  grammes  ; 
Sirop  de  sucre,  demi-once. 


(  484  ) 

Une  et  quelquefois  deux  de  ces  potions  sont  données  dans 
les  vingt-quatre  heures. 

Trois  observations  sont  citées  parmi  une  soixantaine  que 
possède  l'auteur. 

Dans  la  première,  il  est  question  d'un  soldat  chez  lequel 
il  était  survenu  depuis  huit  jours  une  htmoptysie  à  la  suite 
d'un  refroidissement.  Cet  homme,  d'un  tempérament  san- 
guin, avait  la  face  rouge,  la  peau  chaude;  h;  pouls  était  vif, 
plein,  dur  ;  il  expectorait  plusieurs  onces  de  sang  par  heure. 
Une  saignée  de  dix  onces  fut  pratiquée  et  répétte  six  heures 
après.  On  prescrivit  une  tisane  miellée,  un  looch,  des  cata- 
plasmes aux  pieds.  Le  lendemain,  les  choses  étant  à  peu 
près  dans  le  même  état,  on  renouvela  la  saignée,  et  on  mit 
quinze  sangsues  ù  la  partie  supérieure  de  la  poitrine. 

Une  seconde  application  de  sangsues  ne  réussit  pas  ù  ar- 
rêter l'hémoptysie,  qui  persista,  quoique  sensiblement  di- 
minuée. Le  sixième  jour,  un  large  vésicatoire  fut  appliqué 
sur  la  poitrine.  Ce  ne  fut  que  le  dixième  jour  que,  le  malade 
perdant  toujours  beaucoup  de  sang  dans  les  crachats,  on 
prescrivit  une  potion  gommeuse  avec  douze  grammes  de  nitrate 
de  potasse.  Le  onzième  jour,  les  crachats  étaient  rouilles;  le 
douzième,  on  n'y  pouvait  découvrir  de  traces  de  sang.  On 
continua  le  nitrate  de  potasse,  en  en  diminuant  les  doses.  La 
convalescence  se  déclara  les  jours  suivans. 

La  seconde  observation  est  à  peu  près  semblable  à  celle 
qu'on  vient  de  lire;  mais,  dans  la  troisième,  le  crachement 
de  sang  était  comph'qué  d'une  double  plcuro-pneumonie  : 
aussi  les  évacuations  sanguines  générales  et  locales  furent- 
elles  pratiquées  très -abondamment;  et  ce  ne  fut  que  le 
sixième  jour,  lorsque  la  pneumonie  fut  en  voie  de  résolution, 
et  que  la  détente  générale  fut  obtenue,  que,  l'Jiémoptysie 
persistant  à  peu  près  au  même  degré,  on  se  décida  à  pres- 
crire douze  grammes  de  nitrate  de  potasse  dans  une  potion  gom- 
vieuse.  Dès  le  lendemain,  les  crachats  élaientà  peine  rouilles. 
La  potion  ne  fut  continuée  que  deux  jours,  le  malade  entrant 
aussitôt  en  convalescence. 

M.  Gaudineau  assure  n'avoir  jamais  observé  d'accidens 
par  l'emploi  de  ce  moyen,  si  ce  n'est  quelque  irritation  de  la 
membrane  génito-urinaire.  Il  engage  les  praticiens  à  répé- 
ter ces  expériences,  en  promettant  un  pareil  succès. 


(4S5) 

ART.     ll4B. 

Application  sur  la  peau  d'emplâtres  deVigo  cummercurio , pour 
faire  avorter  les  pustules  varioUques. 

M.  Gariel,  interne  à  l'hôpital  de  la  Pitié,  a  publié,  dans 
les  Arcliivef  générales  de  médecine,  le  résultat  de  quelques  ten- 
tatives qu'il  a  faites,  dans  le  but  de  favoriser  l'avortement  des 
pustules  varioUques.  Huit  observations  sont  consignées  dans 
ce  Mémoire.  Dans  six  la  variole  était  discrète,  dans  deux  seu- 
lement elle  était  confluente. 

Chez  un  jeune  homme,  au  deuxième  jour  de  l'éruption,  on 
appliqua  àlaparlieiuternede  l'avant-bras  gauche  un  emplâtre 
de  Vigo  cum  mercurio,  de  la  largeur  de  la  paume  de  la  main. 
Un  emplâtre  de  diachylon,  de  la  même  grandeur,  était  ap- 
pliqué en  même  temps  à  l'avant-bras  du  côté  opposé.  Le 
huitième  jour  de  cette  opération,  on  put  remarquer  que  les 
pustules  étaient  moins  nombreuses  à  l'avant-bras  gauche  qu'à 
l'avant-bras  droit;  que  celles  qui  existaient  étaient  avortées 
sans  suppuration,  eteufiu,  que  la  desquammalion  s'y  opérait 
bien  plutôt  que  sur  les  autres  parties  du  corps.  L'emplâtre 
de  diachylon  n'avait  eu  absolument  aucun  effet.  Le  malade 
étant  rétabli,  conserva  des  traces  de  variole  sur  tout  le  corps, 
long-temps  après  que  les  pustules  recouvertes  par  l'emplâtre 
de  Vigo  avaient  complètement  disparu. 

Chez  un  autre  malade,  au  troisième  jour  de  l'éruption,  on 
couvrit  toute  la  figure  et  le  front  d'un  emplâtre  de  Vigo, 
rendu  presque  liquide  par  l'addition  d'huile  d'olive  et  l'ex- 
position à  une  douce  chaleur.  Le  quatrième  jour  de  l'appli- 
cation, l'emplâtre  fut  enlevé.  Les  pustules  étaient  moins  dé- 
veloppées que  celles  du  reste  du  corps  ;  il  y  avait  cependant 
un  peu  de  suppuration  à  leur  centre,  mais,  les  jours  suivans, 
le  liquide  se  résorba  graduellement,  et  la  desquammation 
s'opéra  très-rapidement. 

On  a  essayé  ce  même  moyen  au  dixième  jour  de  la  mala- 
die, et  l'emplâtre  a  eu  pour  effet  de  hâter  la  desquammation, 
qui  s'est  opérée  plus  vite  sur  les  points  aiasicouverts  que  dans 
les  autres  parties  du  corps. 

Enfin,  dans  la  plupart  des  autres  observations  citées,  on  a 
remarqué  que  les  pustules,  au  lieu  de  suppurer  comme  sur 
tous  les  autres  points  du  corps,  se  transformaient  en  tuber- 
cules qui  ne  tardaient  p>as  à  se  résoudre  et  à  se  dissiper. 

Réflexions.  Avant  de  chercher  une  méthode  qui  fasse  avor- 
ter les  pustules  varioUques,  on  a  dû  se  demander  s'il  n'y  avait 
pas  quelque  danger  a  intervertir  ainsi  l'ordre  naturel  de  cette 


(  486  ) 

éruption;  et,  bien  qu'on  ait  résolu  la  question  par  la  néga- 
tive, ce  point  important  est  loin  d'être  décidé  pour  tous  les 
ptaliciens.  On  sait,  en  effet,  quelle  liaison  intime  existe  entre 
l'état  de  la  peau  et  celui  des  viscères  chez  les  varioleux,  cnm- 
bien  le  froid  extérieur  e?t  à  craindre,  et  combien  l'on  a  d'in- 
térêt à  ce  que  l'éruption  parcoure  tous  ses  périodes  avec  ordre 
et  régularité.  Le  moindre  écart  dans  le  régime,  la  moindre 
imprudence  conunise  par  les  malades  s'opposent  à  ce  que  les 
pustules  prennent  leur  accroissement  ordinaire,  à  ce  que  sur- 
tout elles  paraissent  en  nombre  suffisant,  et  l'on  sait  quels 
graves  accidens  accompagnent  ces  éruptions  incomplètes. 

En  serait-il  de  même  si  l'on  prévenait  par  des  applications 
extérieures  le  parfait  développement  des  pustules  sur  une 
grande  surface?  Les  expériences  tentées  par  M.  Serres  sem- 
bleraient prouver  le  contraire,  et  cependasit  nous  croyons  qu'il 
est  besoin  de  recueillir  de  nouveaux  faits  pour  qu'on  puisse 
avec  sûreté  tenter  une  pareille  méthode. 

Quant  'i  l'avortement  partiel  des  pustules  varioliques  sur 
un  point  peu  étendu,  on  conçoit  que  si  les  propriétés  de  l'em- 
plâtre de  Vigo  viennent  à  se  confirmer,  on  puisse  en  tirer  un 
très-bon  partipourprévenir  les  cicatrices  du  visage.  W.Gariel 
promet  de  poursuivre  ses  expériences.  Nous  en  rendrons 
compte  dès  que  ce  médecin  en  aura  fait  connaître  le  résultat. 

ART.   ii49- 

Considémtions  pratiques  sur  divers  médicamens  administrés  dans 
les  maladies  scrofuleuses  :  iode,  charbon  animal,  sulfure  noir 
de  mercure,  sous-carbonate  de  potasse,  hydroclilorate  de  ba- 
ryte, etc. 

M.  Baudelocque,  médecin  de  l'Hôpital  des  Enfans,  a  pu- 
blié, sur  la  maladie  scrofuleuse,  un  ouvrage  intéressant,  sorte 
de  compte-rendu  d'un  service  spécial,  dont  il  est  chargé  de- 
pui  plusieurs  années  (i).  Dans  ce  travail  sont  examinées  suc- 
cessivement toutes  les  méthodes  de  traitement  qui  ont  été 
préconisée 5  contre  les  scrofules.  Après  avoir  exposé  le  mode 
dsadministration  des  divers  médicamens,  l'auteur  nous  en 
donne  les  résultats,  en  sorte  que  ces  expériences  ayant  été 
répétées  sur  un  grand  nombre  de  sujets,  on  peut  se  faire  une 
idée  assez  exacte  de  la  valeur  de  ces  moyens. 


(i)  Etudes  sur  les  causeSy  la  nnlurc  et  le  Irailemcnt  de  In  maladie  ncro- 
fulciise.  Un  vol.  in-8»  de  576  pages. 


(487) 

De  tous  les  médicamens  préconisés  contre  les  scrofules,  il 
n'en  est  pas  dont  on  ait  plus  exalté  les  précieuses  propriétés 
que  l'iode  et  ses  préparations.  M.  Baudelocqiie  place  aussi 
celte  substance  an  premierrang,  et  l'examine  avant  toutes  les 
antres.  Voici  la  manière  dont  il  l'administre  aux  enfans  reçus 
dans  son  service. 

L'eau  minérale  iodurée  était  la  même  pour  tous  les  ma- 
lades, quel  que  fût  leur  tige,  le  genre  de  leurs  affections,  etc. 
Chaque  once  de  liquide  contenait  un  huitième  de  grain  d'iode 
et  un  quart  de  grain  d'iodure  de  potassium  ;  mais  on  variait 
suivant  les  circonstances  la  quantité  de  cette  eau  ;  ainsi,  on  en 
prescrivait  trois,  quatre,  cinq,  huit,  dix  ou  douze  onces,  sui- 
vant qu'on  voulait  augmenter  ou  diminuer  la  proportion 
d'iode  à  introduire  dans  l'économie.  On  donnait  celte  quan- 
tité en  deux  fois,  matin  et  soir,  et  on  l'édulcorait  avec  le  sirop 
de  gomme  au  moment  de  l'administrer.  Cette  eau,  ainsi  pré- 
parée, peut  se  conserver  long-temps,  mais  elle  doit  être  en- 
fermée dans  des  vases  exactement  bouchés. 

M.  Baudelocque  donnait  ainsi  celte  eau  minérale  pendant 
quatre  à  cinq  semaines,  si  aucun  accident  n'en  indiquait  la 
suspension;  puis  il  laissait  reposer  les  malades  pendant  une 
quinzaine  de  jours,  leur  prescrivant  pendant  ce  temps  une 
pinte  de  bouillon  aux  herbes  et  quelques  purgatifs  légers.  Il 
reprenait  ensuite  l'usage  des  médicamens,  et  le  suspendait 
après  un  intervalle  semblable. 

L'iode,  administré  sous  cette  forme,  n'a  jamais  produit 
d'accidens  graves,  et  quelques  jour;?  de  repos  ont  toujours 
suffi  pour  dissiper  quelques  signes  d'irritation  des  voies  gas- 
triques qui  se  sont  manifestés  de  temps  à  autre. 

On  secondait  les  effets  de  l'iode  à  l'intérieur  par  son  em- 
ploi à  l'extérieur.  Ainsi,  toutes  les  parties  engorgées  étaient 
frictionnées  avec  une  pcymmade  contenant  un  grosd'iodure  de 
potassium  par  once  d'axonge,  et  douze  grains  d'iode  pur,  ou 
bien  un  gros  d'iodure  de  plomb,  ou  en6n  un  demi-gros  d'io- 
dure de  mercure  par  once  d'axonge.  On  alternait  successi- 
vement chacune  de  ces  pommades,  afin  que  les  tissus  ne  s'ha- 
bituassent pas  à  leur  action. 

Les  injections  dans  les  trajets  fistuleux  ont  été  faites  avec 
une  dissolution  de  douze  grains  d'iode  et  vingt-quatre  grains 
d'iodure  de  potassium  par  litre  d'eau.  Ce  liquide  a  d'ailleurs 
produit  peu  de  bons  effets.  Il  en  a  été  de  même  de  la  solu- 
tion iodurée  caustique,  qui  a  été  remplacée  avantageusement 
par  le  nitrate  d'argent. 

Quant  aux  bains,  on  en  a  fait  un  fréquent  usage  contre  les 
différenâ  symptômes  de  scrofules.  Dans  une  baignoire  de 


(488) 

trois  cents  litres,  on  versait,  avant  d'y  plonger  le  malade,  une 
solution  de  :  eau  de  pluie,  deux  livres;  iode,  deux  gros  et 
demi;  iodure  de  potassium,  trois  gros.  On  plongeait  à  la  fois 
plusieurs  enfansdans  la  même  baignoire. 

Enfin,  on  a  essayé  d'administrer  l'iode  respiré  en  vapeurs, 
mais  on  n'en  a  retiré  aucun  lion  effet. 

Soixante-sept  enfans  de  quatre  à  cinq  ans  ont  été  soumis  à 
l'usage  de  ce  remède.  Sur  ce  nombre,  quinze  ont  été  entiè- 
rement guéris,  quatorze  ont  éprouvé  dans  leurs  symptômes 
une  grande  amélioration,  annonçant  une  guérison  prochaine, 
lorsque  M.  Baudelocque  a  quitté  le  service.  Chez  treize,  il 
était  survenu  une  amélioration  moins  prononcée,  mais  qui 
permettait  cependant  d'entrevoir  la  guérison  pour  un  temps 
plus  éloigné.  Cinq  avaient  à  peine  éprouvé  quelque  change- 
ment; enfin,  vingt  n'en  avaient  retiré  absolument  aucun  bon 
effet. 

Après  avoir  donné  ces  règles  générales  sur  l'emploi  de 
l'iode  et  sur  ses  effets  thérapeuti  jues,  M.  Baudelocque  cite 
un  grand  nombre  d'observations  particulières  dans  lesquelles 
la  valeur  de  ce  médicament,  employé  contre  les  différens 
symptômes  de  la  maladie  scrofuleuse,  peut  être  convenable- 
ment appréciée.  Nous  nous  bornerons  à  reproduire  quelques 
particularités  qui  peuvent  être  utiles  au  praticien. 

Pour  l'ouverture  des  abcès  scrot'uleux,  M.  Baudelocque  em- 
ploie avec  avantage  la  poudre  caustique  de  Vienne,  dont 
nous  avons  donné  la  composition  à  notre  art.  io58.  Au  moyen 
de  ce  caustique, on  détruit  les  tissus  presque  à  l'instant  même, 
dans  l'étendue  que  l'on  désire,  et  la  douleur  produite  est  ex- 
trêmement légère.  Les  avantages  de  cette  poudre  sont  les 
mêmes  pour  l'application  des  cautères  que  pour  l'ouverture 
des  abcès. 

Dans  les  maladies  de  la  peau,  et  spécialement  dans  cette 
dartre  désignée  sous  le  nom  d'esthiomène,  ou  a  employé 
avec  beaucoup  de  succès  une  pommade  caustique  dont  un 
auteur  fort  ancien  indique  la  composition  en  ces  termes  : 

«  Prends  chaux  vive  nouvelle,  quatre  onces,  orpiment  en 
»  poudre,  une  once, et  lessive  forte,  c'est-à-dire  delà  seconde 
»  lessive  magistrale,  deux  verres.  Mets-les  en  un  pot  et  les 
a  fais  bouillir  jusqu'à  ce  qu'ils  deviennent  espais.  Ou  bien, 
»  plonge  dedans  une  plume  de  canne,  et  si  elle  se  pèle,  elles 
»  seront  assez  cuites.  En  les  meslant  souvent  et  ea  cuisant, 
»  prendront  corps;  puis  garde-les  en  pots  plombés,  et  quand 
»  tu  en  voudras  user,  étends-la  subtilement  et  la  mets  par  me- 
»  sure  sur  le  lieu  d'où  tu  veux  oster  le  poil  ;  mais  oingts  pre- 
»  mièrement  le  lieu  d'huile  d'amandes  douces,  puis  mets  des- 


(489) 

»  sus  ladite  mixtion,  et  tu  ne  sentiras  icelle  chaleur  ou  bien 
»  peu.  ') 

Cette  pommade,  que  l'auteur  destine  «  ôter  le  poil  et  la 
barbe  d'où  tu  voudras,  n'a  nullement  tenu  cette  promesse  dans 
les  mains  de  iM.  Baudelocque,  qui  en  a  l'ait  usage  sur  deux 
teigneux;  mais  elle  s'est  montrée  un  caustique  très-puissant 
lorsqu'il  était  besoin  de  changer  la  nature  de  certains  ulcères 
qui  avaient  résisté  au  traitement  général. 

De  tous  les  médicamens  vantés  pour  le  traitement  des 
écrouelles,  l'iode  est  incontestablement,  suivant  M.  Baude- 
locque, celui  dont  on  peut  espérer  le  plus  d'avantages.  Au- 
cune substance  n'a  guéri  plus  rapidement  et  un  plus  grand 
nombre  de  malades.  Cependant  l'iode  est  bien  loin  d'être  un 
spéciGque  de  la  maladie  scrofuleuse,  et  il  s'en  faut  de  beau- 
coup qu'on  ait  obtenu  à  l'Hôpital  des  Enfans  d'aussi  beaux 
succès  que  ceux  qu'on  avait  annoncés  dans  un  autre  établis- 
sement (i). 

Un  grand  nombre  de  remèdes  ont  été  essayés  à  l'Hôpital 
des  Enfans,  et  il  importe  aux  praticiens  d'en  pouvoir  appré- 
cier la  valeur,  car  la  maladie  scrofuleuse  est  si  longue  et  si 
rebelle  à  nos  moyens  de  traitement,  qu'on  sent  souvent  tout 
le  besoin  d'une  matière  médicale  étendue,  pour  l'attaquer 
successivement  par  tous  les  médicamens  qui  possèdent 
quelque  action  contre  elle.  Nous  ne  parlerons  que  de  ceux 
qui  ont  paru  jouir  de  propriétés  thérapeutiques  évidentes. 

L'arseniate  de  soude  a  été  préconisé  par  quelques  méde- 
cins, dans  plusieurs  maladies  de  la  peau  ;  M.  Baudelocque 
en  fait  un  fréquent  usage  dans  les  scrofules.  «  J'administre 
fréquemment  l'arseniate  de  soude,  dit  ce  médecin,  et  j'en 
élève  rapidement  la  dose  d'un  douzième  de  grain  à  un  demi- 
grain  et  même  à  deux  tiers  de  grain.  Je  le  donne  en  solution 
aqueuse  étendu  dans  quatre  onces  de  julep  gommeux.  Ces 
quatre  onces  de  liquide  sont  prises  dans  la  journée,  en  trois 
ou  quatre  fois.  Au  bout  de  trois  semaines  de  l'emploi  de  ce 
remède,  j'en  interromps  l'usage  :  je  prescris  pendant  plu- 
sieurs jours  des  boissons  délayantes  en  grande  abondance, 
puis  je  fais  prendre  un,  et  quelquefois  deux  purgatifs.  Après 
huit  à  dix  jours  d'interruption,  je  reviens  à  l'administration 
de  l'arseniate  de  soude,  toujours  en  commençant  par  une 
petite  dose.  » 

La  liqueur  de  Kœchlia  ou  hydrochlorate  de  cuivre  ammo- 
niacal a  paru  produire  quelques  guérisons,  mais  son  usage 


(i)  Voy.  art.  02,  66  et  074. 


(490) 

est  fort  dangereux,  et  d'ailleurs  elle  n'a  réussi  que  dans  un 
très-petit  nombre  de  cas.  Le  charbon  animal,  vanté  par  des 
médecins  allemands  (i),  a  été  employé  à  très-hautes  doses 
sur  plusieurs  malades,  et,  pendant  plusieurs  mois;  il  a  sem- 
blé à  M.  Baudelocque  absolument  inerte. 

Le  sulfure  noir  de  mercure,  donné  en  pilules,  contenant 
deux  grains  de  sulfure  de  mercure,  autant  de  poudre  de  ci- 
guë et  un  grain  de  magnésie,  a  été  administré  à  sept  en- 
fans  scrofuleux.  On  donnait  d'abord  une  pilule  le  matin,  et 
une  autre  le  soir,  en  augmentant  graduellement  le  nombre 
jusqu'à  dix  chaque  jour.  Trois  enl'ans  seulement  ont  guéri 
sous  son  influence.  M.  Ban  Jelocque,  malgré  les  louanges  don- 
nées à  ce  médicament  parHufeland,  lui  accorde  très-peu  de 
valeur  thérapeutique,  et  croit  qu'il  doit  être  réservé  seule- 
ment pour  quelques  cas  dans  lesquels  les  scrofules  ont  très- 
peude  gravité. 

Il  en  est  de  même  du  sous-carbonate  de  potasse,  dont  la 
dissolution  employée  en  lotions,  en  bains  locaux  ou  géné- 
raux, peut  être  de  quelque  utilité  dans  les  ulcères,  les  flstules 
et  les  caries  de  nature  scrofuleuse,  mais  dont  l'action  est  à 
peu  près  nulle,  administrée  à  l'intérieur. 

De  tous  les  succédanés  de  l'iode,  si  nous  pouvons  em- 
ployer une  pareille  expression,  celui  dans  lequel  M.  Baude- 
locque paraît  avoir  le  plus  de  confiance,  est  l'hydrochlorate 
de  baryte  ou  chlorure  de  barium.  Ce  médecin  assure,  qu'ad- 
ministré convenablement,  l'hydrochlorate  de  baryte  n'a 
jamais  causé  d'accidens.  Depuis  i83i,  ce  sel  est  très-fréquem- 
ment employé  à  l'Hôpital  des  Enfans  (2)  de  la  manière  sui- 
vante :  On  fait  dissoudre  un  grain  de  muriate  de  baryte  dans 
une  once  d'eau  distillée;  une  cuillerée  à  bouche  représente 
donc  un  demi-grain  de  ce  sel.  Les  enfans  prennent  ainsi  cette 
solution  sans  aucun  mélange.  Rarement  l'hydrochlorate  de 
baryte  a-t-il  été  porté  au-delà  de  trois  grains  par  jour,  et  en 
deux  fois,  ce  qui  faisait  une  once  et  demie  de  liquide  matin 
et  soir. 

Les  engorgemens  glanduleux  ont  été  fiictionnés  avec  une 


(i)  Voy.  art.  52. 

(2)  Le  muriate  de  baryte  est  emplfiyé  par  M.  Lisfrnnc,à  l'Iiôpital  de 
la  Pitié,  à  «le»  doses  vraiment  «■•normes,  puisque  des  malades  sont  arri- 
vés à  en  prendre  jusqu'à  cinqu.inle  crains  dans  les  vingt-quatre  heure». 
Sous  l'influence,  de  ce  médicament,  le  pouls  a  t)a;ssé  quelqnefoi  jus- 
qu'à trente  et  uiâme  vingt-cinq  pulsations  par  minute.  A  peine  quel- 
ques hommes  ont-ils  éprouvé  de  légères  nausées,  qui  ont  piomptement 
disparu.  (  A'ote  du  rédact,  ) 


(49») 
pommade  contenant  un  gros  d'hydrochlorate  de  baryte  par 
once  d'axong;e. 

Viiigt-dfux  malades  ont  été  mises  à  l'usage  de  l'hydrochlo- 
rale  de  baryte.  Parmi  ces  vingt-deux  malades,  >seize  avaient 
déjà  été  traitées  infructueusement  par  l'iode  ou  d'autres  mé- 
dicamens;  on  trouvait  réunis  sur  ces  vingt-deux  malades 
tous  les  symptômes  de  la  maladie  scrofuleuse  :  sur  ce  nom- 
bre, trois  ont  été  renvoyées  guéries,  trois  ont  éprouvé  une 
grande  amélioration  ;  l'état  des  six  autres  a  été  amélioré  à  un 
moindre  degré  ;  enfin,  chez  dix  l'effet  du  médicament  a  été 
très-peu  prononcé. 

On  voit  par  ce  résultat  que  l'heureuse  action  de  l'hydro- 
chlorate  de  baryte  est  incontestable.  Ce  remède  serait  sur- 
tout précieux  chez  les  jeunes  enfans,  pour  la  facilité  de  son 
administration  ;  on  parvient  très-aisément  à  leur  faire  prendre 
malin  et  soir  une  ou  deux  cuillerées  à  bouche  d'une  solution 
dont  on  peut  corriger  l'amertume  par  l'addition  d'une  petite 
quantité  de  sirop. 

M.  Baudelocque  n'emploie  pas  les  purgatifs  comme  base 
d'un  traitement  anti-scrofuleux,  mais  il  les  considère  comme 
moyens  accessoires  très-propres  à  favoriser  l'action  des  re- 
mèdes. Ce  médecin  emploie  aussi  fréquemment  un  éméto- 
Cathartique  (  un  grain  d'émétique  dans  une  livre  de  chien- 
dent, à  prendre  par  verrée  de  demi-heure  en  demi-heure  ). 

Les  évacuations  sanguines  ne  doivent  être  prescrites  que 
dans  un  très-petit  nombre  de  cas;  quant  aux  exutoires,  ils 
ne  conviennent  que  chez  certains  sujets,  ceux  par  exemple 
qui  offrent  une  pléthore  lymphatique,  des  formes  arrondies, 
le  teint  frais,  rosé,  etc. 

Tels  sont  les  moyens  principaux  que  ce  médecin  a  expéri- 
mentés dans  les  maladies  scrofuleuses.  Les  précautions  hy- 
giéniques indiquées  par  tous  les  auteurs  ont  dû  seconder 
puissamment  l'action  de  ces  médicamens  dont  nous  nous 
bornons  à  indiquer  les  doses  et  la  valeur  thérapeutique, 
telles  qu'on  les  trouve  consignées  dans  l'ouvrage  de  M.  Bau- 
delocque. 

ART.    ii5o. 

De  l'emploi  de  la  teinture  de  cantharide  dans  le  catarrhe  vésical. 

M.  Casimir  Brous?ais  a  employé  avec  un  succès  remar- 
quable la  teinture  decantharides  sur  deux  gardes  municipaux 
atteints  de  catarrhes  de  la  vessie.  L'un  était  entré  au  Val-de- 
Grâce  pour  une  gastro-entérite  avec  fièvre  intermittente.  À 


(490 
peine  guéri  de  cette  complication,  il  se  développa  un  vaste 
abcès  à  l'anus,  et  le  malade  déclara  que  se*  urines  étaient 
troubles.  En  les  transvasant,  en  effet,  on  reconnut  qu'elles 
contenaient  une  quantité  notable  de  matières  sédimenteuses 
et  purulentes.  Les  boissons  diurétiques  et  les  moyens  em- 
ployés en  pareil  cas  n'ayant  eu  aucun  effet,  on  prescrivit  une 
potion  gommeuse  avec  addition  d'une  goutte  de  teinture  de 
cantharides.  Dès  le  lendemain,  il  y  avait  une  amélioration  re- 
marquable. On  porta  la  dose  jusqu'à  deux  gouttes,  et  le  ma- 
lade guérit  en  quelques  jours. 

Le  même  moyen  réussit  aussi  promptement  chez  un  autre 
garde  municipal  qui  portait  un  catarrhe  vésical  beaucoup 
plus  ancien  et  beaucoup  plus  grave. 

ART.     Ïl5l. 

Accidens  vénériens  occasionés  chez  un  enfant  par  des  sangsues  qui 
avaient  servi  aune  personne  infectée  de  maladie  syphilitique. 

M. le  docteur  Bermondapublié  l'observation  suivante  dans 
le  Bulletin  médical  de  Bordeaux. 

tin  enfant,  îgé  de  huit  ans,  fut  atteint  de  la  variole  dans  les 
premiers  jours  du  mois  d'août  dernier.  L'éruption  parcourut 
régulièrement  ses  périodes,  mais  à  l'époque  de  la  desquam- 
mation,  à  la  suite  d'un  changement  brusque  survenu  dans  la 
température,  le  petit  malade  fut  pris  d'un  violent  mal  de 
gorge  et  d'un  gonflement  considérable  des  glandes  sous- 
maxillaires  qui  nécessitèrent  une  application  de  sangsues. 
Malheureusement,  on  se  servit  de  celles  qu'un  jeune  homme 
avait  toutrécemment  employées  pour  lui-même.  Trois  sang- 
sues prirent  bien  à  quelque  distance  l'une  de  l'autre,  et  lais- 
sèrent écouler  une  assez  grande  quantité  de  sang.  Quelques 
jours  après,  on  vit  les  piqûres  se  transformer  en  petits  ulcè- 
res, qui  s'élargirent  et  se  confondirent  pour  n'en  former  qu'un 
seul,  dont  l'aspect  ne  laissait  aucun  doute  sur  sa  nature.  Les 
bords  étaient  frangés,  coupés  comme  avec  un  emporte-pièce; 
sa  surface  était  enfoncée,  livide,  etc.  La  douleur  était  telle- 
ment intense,  la  nuit  surtout,  que  le  petit  malade  ne  pou- 
vait plus  sommeiller. 

Le  20  septembre  seulement,  M.  Bermond  fut  consulté 
pour  la  première  fois.  On  se  bornait  à  panser  l'ulcère  avec  le 
cérat,  mais  il  conseivait  ses  mêmes  caractères,  et  la  santé 
du  malade  était  détériorée  à  ce  point  que  les  parens  et  les  voi- 
sins le  considéraient  comme  dévoué  à  une  mort  certaine.  La 
pommade  mercurielle  opiacée,  la  tisane  de  salsepareille  et  le 


(493) 
jirop  de  Portai,  amenèrent  de  l'amélioration  dès  le  troisième 
jour.  Les  douleurs  disparurent,  le  sommeil  revint,  et  l'ulcère 
prit  un  aspect  favorable.  C'est  alors  que  M.  Bermond  apprit 
(jue  les  sangsues  dont  on  s'était  servi  avaient  été  appliquées 
au  pli  de  l'aine,  quelques  jours  auparavant,  sur  un  jeune 
homme  qui  était  porteur,  depuis  long-temps,  d'une  maladie 
vénérienne.  Le  même  traitement  a  été  continué,  et  le  petit 
malade  se  trouve  actuellement  presque  guéri. 

Réflexions.  M.  Bermond  est  persuadé  que,  chez  ce  petit 
malade,  l'infection  vénérienne  a  eu  lieu  par  l'entremise  des 
sangsues  infectées,  et  par  conséquent  qu'une  sangsue  appli- 
quée sur  un  malade  vénérien,  et  posée  peu  de  temps  après 
sur  une  personne  saine,  peut  produire  tous  les  accidens  de 
l'infection.  Le  transport  de  la  syphilis  par  cette  voie  n'a  rien 
qui  choque  la  raison,  et  nous  sommes  loin  de  vouloir  rejeter 
les  conclusions  de  ce  médecin. 

En  effet,  le  virus  syphilitique  peut  être  transporté  de  plus 
d'une  manière  parla  sangsue;  on  conçoit  que  son  corps 
puisse  en  être  imprégné  à  l'extérieur,  qu'elle  ait  avalé  une 
certaine  quantité  de  pus,  et  enfin  qu'elle  ait  contracté  elle- 
même  une  affection  qu'elle  inocule  ensuite  par  contact  dans 
la  plaie.  C'est  cette  dernière  opinion  que  paraît  partager 
M.  Bermond  dans  l'observation  citée  ;  mais  il  nous  semble 
plus  probable  que  l'inoculation  s'est  opérée  par  l'une  des 
deux  premières  voies,  et  nous  concevrions  plus  facilement 
que  le  pus  avalé  par  la  sangsue  ait  été  déposé  dans  la  plaie 
par  régurgitation. 

.Mais  cette  observation  nous  semble  incomplète,  car  nous 
ignorons  quelssymptùmes  syphilitiques  avait  lejeune  homme 
qui  le  premier  a  fait  usage  des  sangsues.  Avait-il  un  bubon 
accompagné  de  chancres  ou  d'une  blennorhagie?  Les  sang- 
sues ont-elles  été  appliquées  sur  un  ulcère  syphilitique  ou 
sur  la  peau  saine  ?  C'est  ce  qu'il  serait  bien  important  de  sa- 
voir, car  on  pourrait  faire  dans  ce  cas,  contre  l'inoculationpar 
les  sangsues,  une  foule  d'objections  qui  enlèvent  à  ce  fait 
une  grande  part  de  son  intérêt.  Ainsi  ce  jeune  homme  était, 
dit-on,  depuis  long-temps  porteur  d' une  malaxiie  vénérienne.  Mais 
qui  ne  sait  que  les  symptômes  anciens  de  syphilis  ne  s'ino- 
culent qu'avec  la  plus  grande  difficulté  ?  Il  est  plus  que  pro- 
bable que  ce  malade  avait  un  bubon  chronique  et  ulcéré.  Or 
M.  Cullerier  oncle,  M.  Cullerier,  actuellement  chirurgien  de 
l'hôpital  des  Vénériens;  M.  Devergie, médecin  du  Val-de  -Grâ- 
ce, ont  cherché  de  toutes  les  manières  à  inoculerle  pus  prove- 
nant de  ces  bubons;  ils  n'ont  que  très- rarement  pu  réussir  à 
développer  des  symptômes  de  syphilis.  On  conçoit  difficilement 


t494) 

que  des  sangsues  aient  produit  au  bout  de  quelques  jours  ce 
qu'on  a  si  souvent  tenté  inutilement  avec  la  lancette. 

On  objecte  que  Je»  ulcères  du  cou  avaient  l'aspect  des  ul- 
cères syphilitiques,  et  que  de  plus  ils  ont  guéri  sous  J'in- 
fluence des  applications  mercurielles.  C'est  assurément  une 
probabilité  en  faveur  de  l'inoculation,  mais  ces  caractères 
sont  insufûsans  pour  l'aire  prononcer  à  eux  seuls  sur  leur  na- 
ture Les  ulcères  delà  peau,  quelle  que  soit  leur  cause,  ont 
entre  eux  une  analogie  telle  que  souvent  les  plus  habiles  hé- 
sitent à  se  prononcer  sur  leur  véritable  caractère.  Et  quant 
au  succès  obtenu  par  les  applications  mercurielles,  nous 
avons  vu  tant  de  fois  ce  prétendu  spécifique  échouer  contre 
des  symptômes  de  syphilis,  et  cicatriser  au  contraire  avec  ra- 
pidité de»  ulcères  d'une  tout  autre  nature,  que,  tout  en  con- 
venant de  son  efficacité,  en  général,  contre  les  symptômes 
vénériens,  nous  ne  saurions  le  regarder  comme  une  sorte  de 
pierre  de  touche  pour  reconnaitre  l'origiue  des  maladies  de 
la  peau. 

On  voit  donc  que  cette  observation,  quelque  intéressante 
qu'elle  puisse  paraître,  n'est  pas  tellement  concluante  qu'elle 
fasse  juger  à  elle  seule  une  question  qui  est  encore  loin  d'ê- 
tre décidée  Mais  rapprochée  de  quelques  faits  de  ce  genre, 
elle  acquerrait  un  degré  de  certitude  qui  lui  manque  faute 
de  détails  suffisaus. 

ART.   1  l52. 

Angine   de   poitrine   intermittente  ;  gaérison  par  le  sulfate  de 
quinine,  les  drastiques  et  l'abstinence  des  boissons. 

Ud  homme  de  soixante  ans,  d'une  constitution  robuste, 
ressentit  tout-à-coup,  et  sans  cause  connue,  de  fortes  pal- 
pitations qui  durèrent  trois  quarts-d'heure.  Cet  accident  se 
reproduisit  plusieurs  fois  à  des  époques  variées.  On  employa 
inutilement  des  évacuations  sanguines  et  la  digitale  en  pou- 
dre. A  la  fin  d'avril  i855,  il  était  dans  l'état  suivant  : 

Dans  rinlervallc  des  accès,  on  reconnaissait  manifestement 
une  hypertrophie  du  côté  gauche  du  cœur;  le  côté  droit  était 
dans  son  état  normal;  le  pouls  était  régulier,  les  poumons 
sonores, etc.;  naais  tout-a-coup  le  malade  éprouvait  un  sen- 
timent de  gêne  extrême  et  d'elouffemcnt  dans  la  région  épi- 
gastrique,  s'elevant  le  long  de  l'œsophage  et  s'étendant  jus- 
que vers  le  cœur.  Il  survenait  en  outre  des  palpitations 
insupportables.  Uéprouviiitalors  une  sullocation  inmiinente, 
et  se  couchait  sur  le  ventre  eu  se  penchanjl,  sur  le  côté  droit. 
C'çât  dans  cette  position   seulement  qu'i^  obCcnait  quelque 


(495) 
soulagement.  Examin»';  par  la  percussion,  le  côté  droit  sem- 
blait être  devenu  énorme;  il  remplissait  une  grande  partie 
du  médiastin  qu'il  refoulait  à  droite.  Le  pouls' était  à  cent 
vingt  pilsatious  et  à  peine  perceptible;  la  face  était  livide, 
les  lèvres  bleuâtres,  etc. 

Pendant  le  premier  quart-d'heure,  le  malade  commençait 
à  rendre  une  quantité  considérable  d'une  urine  très-claire. 
Pendant  une  heure  entière  que  durait  cet  accès,  la  quantité 
d'urine  pouvait  être  évaluée  au  moins  à  trois  pintes.  Des  gaz 
étaient  en  outre  rendus  abondamment  par  la  bouche;  enfin, 
les  accidens  se  calmaient  peu  à  peu,  et  tout  rentrait  dans 
l'ordre. 

Depuis  dix  ans,  ce  malade  éprouvait  des  accès  à  peu  près 
semblables,  lorsqu'il  consulta  MM.  Maijolin  et  Piorry,  qui 
conseillèrent  :  l'abstinence  des  boissons,  le  sulfate  de  qui- 
nine, à  la  dose  de  quinze  grains  par  jour,  quelques  pilules 
drastiques,  plusieurs  évacuations  sanguines  générales  et  lo- 
cales, et  enfin  un  régime  doux. 

Sous  l'influence  dece  traitement,  les  palpitations  ont  pres- 
que entièrement  disparu;  les  accès  ont  été  rares  et  très-légers; 
la  santé  est  bonne,  et  tout  annonce  une  guérist)n  prochaine. 

{Ballet,  clin.) 

ART.    Il55. 

Observations  de  douleurs  névralgiques  dissipées  par  la  morphine, 
appliquée  sur  le  derme  dénude.  (Article  communiqué  par 
IM.E.  Bodin,  docteur  en  médecine  à  Saint-Donat  (Drôme). 

Madame  Gielly,  institutrice  à  Saint-Donat,  sujette  à  des 
gastralgies  fréquentes  et  périodiques,  fut  atteinte  il  y  a  envi- 
ron un  mois  d'une  chelérine  assez  intense  qui  se  manifesta 
par  des  vomis;emens  et  des  selles  bilieuses  fort  abondantes. 
L'estomac  surtout  était  le  siège  de  souffrances  intolérables  ; 
l'impression  seule  des  doigts  sur  la  région  épigastrique  suffi- 
sailpourlui  arracherdescris  de  douleur. Il  lui  semblait  qu'un 
reptile  contenu  dans  l'estomac,  et  se  livrant  à  des  évolutions 
continuelles,  dilacérait  la  substance  même  de  cet  organe. La 
diète,  les  boissons  mucilagineuses,  les  catapla-mes  émoi- 
liens,  les  sangsues  sur  la  partie  malade,  n'avaient  amené  au- 
cim  résultat  satisfaisant.  Cette  dame,  en  proie  aux  •souffran- 
ces les  plus  aiguës,  était  réduite  au  désespoir,  et  presque 
découragé  moi-même  par  l'insuccès  de  ces  moyens,  j'espé- 
rais à  peine  sa  gueri«on,  lorsque  je  me  décidai  à  appliquer 
sur  le  centre  épigastrique  ua  petit  vésicatoire  que  je  saupou- 


(496) 

drai  avec  une  pincée  de  morphine.  Une  amélioration  très- 
sensible  fut  le  résultat  de  cette  tentative.  Je  renouvelai  cette 
application  plusieurs  jours  de  suite;  les  douleurs  névralgi- 
ques s'amendèrent,  les  vomissemens  furent  arrêtés,  les  déjec- 
tions alvines  devinrent  moins  fréquentes.  Bientôt  l'eslomac, 
qui  ne  pouvait  supporter  la  plus  légère  boisson,  garda  du 
bouillon,  des  soupes,et  enfin  des  alimens  solides.  Aujourd'hui 
cette  dame  est  entièrement  rétablie. 

Le  nommé  Ageran,  maçon  à  Saint-Donat,  atteint  depuis 
plus  de  six  mois  d'une  sciatique  très-aiguë,  sans  réclr.mer  les 
secours  de  la  médecine,  se  décida  enfin  à  me  consulter  ces 
jours  passés.  Cet  homme  était  triste,  amaigri; son  visage  por- 
tait l'empreinte  d'une  souffrance  extrême.  Il  pouvait  à  peine 
se  tenir  debout,  et  se  traînait  plutôt  qu'il  ne  marchait  pour 
vaquer  à  ses  besoins.  Il  s'était  appliqué  de  lui-même  deux  vé- 
sicatoires,  l'un  au  sommet  de  la  cuisse,  l'autre  au  mollet  du 
même  côté.  Les  douleurs  qui  se  faisaient  sentir  dans  toute  la 
longueur  du  membre  pelvien,  n'en  furent  nullement  amen- 
dées. Je  m'empressai  d'appliquer  la  morphine  sur  les  surfa- 
ces dénudées  de  ces  vésicatoires.  Le  lendemain,  le  malade 
déclara  souffrir  beaucoup  moins  que  la  veille.  Je  réitérai  les 
applications  de  morphine  en  augmentant  peu  à  peu  les  do- 
ses. Je  fis  suivre  ces  applications  d'une  saignée  du  bras,  de 
quelques  bains  généraux  et  d'une  légère  diète.  Au  bout  de 
deux  jours  cet  homme,  qui  depuis  plus  de  deux  mois  ne  pou- 
fait  faire  aucun  usage  du  membre  pelvien,  était  levé,  mar- 
chait librement,  et  n'accusait  d'autre  malaise  qu'un  léger  en- 
gourdissement dans  la  jambe,  provenant  sans  doute  de  l'état 
d'inaction  prolongée  dans  lequel  les  muscles  ont/été  plongés 
pendant  tout  le  cours  de  sa  maladie.  (Voy.  art.  1094) 

ART.    1154. 

Observation  de  phlébite  survenue  à  la  suite  d'une  saignée  du 
braSy  et  guérie  par  le  tartre  stibié.  Considérations  sur  une 
cause  fréquente  de  cet  accident. 

On  trouve  dans  ta  Lancette  du  6  octobre  l'observation  sui- 
vante : 

Un  boulanger,  fréquemment  atteint  de  bronchites  aiguës, 
fut  pris  lout-à-coup  de  sjinptômesde  pleurésie  dansles pre- 
miers jours  du  mois  de  mai  dernier.  Un  médecin  fui  appelé 
et  pratiqua  immédiatement  une  saignée  du  bras  gauche,  et 
deux  jours  après  une  seconde  saignée  au  bras  droit.  L'affection 
de  poitrine,  combattue   en  oulre  par  des  applications   de 


(497) 
sangsues  et  un  régime  convenable,  ne  tarda  pas  à  céder,  mais 
le  troisième  jour,  après  la  saignée  du  bras  droit,  la  veine  mé- 
diane basilique,  qui  avait  été  ouverte,  parut  s'enflammer.  Le 
médecin  s'empressa  de  faire  appliquer  ù  plusieurs  reprises 
des  sangsues  au  pli  du  bras,  en  même  temps  qu'il  recouvrait 
la  partie  endolorie  de  cataplasmes  émolliens  et  narcotiques. 
Les  accidens  allant  en  augmentant,  le  malade  se  décida  à  en- 
trer à  l'Hôtel-Dieu. 

Il  éprouvait  alors  une  douleur  très-vive  sur  la  longueur 
du  membre,  avec  gonflement  et  tension  sur  le  trajet  de  la 
veine  basilique.  Le  tissu  cellulaire  était  gonflé  jusqu'à  l'ais- 
selle; la  plaie  faite  par  la  saignée  était  béante;  les  bords  en 
étaient  durs  ;  il  s'en  écoulait  une  sanie  purulente.  La  chaleur 
de  tout  le  bras  était  mordicante  et  élevée.  Le  faciès  était  al- 
téré, et  il  y  avait  absence  de  sommeil. 

M.  Sansou  prescrivit  une  application  de  vingt-cinq  sang- 
sues sur  le  bras,  suivie  d'un  bain  local,  des  fomentations 
émollientes  et  des  boissons  laxatives.  Ces  moyens,  continués 
pendant  deux  jours,  n'amenèrent  aucune  amélioration.  La 
fièvre  continuait,  et  le  malade  éprouvait  des  frissons  de  plus 
en  plus  fiéquens  et  prolongés.  Le  quatrième  jour  de  son  en- 
trée à  l'Hôtel-Dieu,  ce  malade  prit  huit  grains  de  tartrp  sti- 
bié  dans  quatre  onces  d'infusion  de  fleurs  de  tilleul  édulco- 
rée,le  tout  entrois  doses  dans  la  journée.  Il  survint  seulement 
quelques  nausées.  Le  lendemain,  il  y  avait  une  légère  amé- 
lioration. On  prescrivit  de  nouveau  la  potion,  qui  fut  égale- 
ment très-bien  supportée.  Tous  les  accidens  graves  disparu- 
rent alors,  les  frissons,  la  fièvre  continue,  les  sueurs  et  l'ady- 
namie.  Les  petits  foyers  purulens  disséminés  dans  le  bras  se 
dissipèrent  sans  qu'il  fût  besoin  de  recourir  à  aucune  incision, 
et  le  malade  se  rétablit  parfaitement. 

Bé flexions.  Ldi'phlèhhe  qui  succède  quelquefois  à  la  saignée 
du  bras  est  un  accident  fort  grave,  et  qui,  dans  les  derniers 
temps,  a  attiré  toute  l'attention  des  praticiens.  Malheureuse- 
ment, si  les  recherches  auxquelles  on  s'est  livré  ont  fait  con- 
naître le  traitement  rationnel  de  cette  maladie,  il  faut  conve- 
nir qu'on  est  encore  fort  peu  avancé  sur  son  étiologie,  et 
qu'on  ignore  presque  entièrement  les  moyens  de  la  prévenir. 
Parmi  les  causes  qui  ont  été  signalées,  il  en  est  une  que  nous 
trouvons  indiquée  dans  le  Bulletin  médical  de  Bordeaux  du 
18  septembre  dernier,  par  M.  ledocteur  Chaumet,  chirurgien 
en  chef  adjoint  de  l'hôpital  Saint-André.  Il  serait  fort  dan- 
gereux, suivant  ce  médecin,  de  couper  la  veine  transversa- 
lement, comme  on  le  pratique  en  général,  parce  qu'on  inté- 
resse de  cette  manière  les  filets  nerveux  et  les  vaisseaux 
Ton.  VI. —  "i"  DE  îîovEMBRE.  Sa 


(49») 
lymphatiques  qui  accompagnent  la  plupart  des  veines.  Une 
plaie  faile  duiis  la  longueur  du  vaisseau  ferait  éviter  tous  ces 
accidens,  et  pourrait  d'ailleurs  être  réunie  immédiatement 
avec  beaucoup  plus  de  promptitude  et  de  sûreté  que  l'inci- 
sion iransveisale. 

M.  Chaumet  conseille  donc  d'inciser  la  veine  dans  sa  lon- 
gueur, et  non  dans  sa  largeur,  toutes  les  fois  que  cela  est 
possible,  el  il  est  convaincu  que,  de  cette  manière,  on  évitera 
un  très- grand  nombre  de  phlébites  cou'^écutives  à  l'opéra- 
tion. Voici  quelques  faits  à  l'appui  de  cette  opinion  : 

Pendant  l'hiver  de  i832,ilyeut  lans  le  grand  hôpital  de 
Bordeaux  une  telle  fatalité  attachée  à  la  plupart  des  saignées 
qui  furent  pratiquées,  que  la  phlébite  se  déclara  chez  un  grand 
grand  nombre  de  malades,  et  que  plusieurs  succombèrent. 
Cependant  les  lancettes  dont  les  élèves  se  servaient  étaient 
dans  le  tneilleur  état  de  propreté.  Mais  M.  Chaumet  attribua 
ces  accidens  funestes  à  ce  que  la  veine  était  coupée  transver- 
salement, et  que  la  plaie  n'était  ensuite  réunie  que  d'une  ma- 
nière imparfaite.  On  prescrivit  donc  de  faire  les  ouvertures 
en  long,  et  de  réunir  iiimié('iatement,  à  l'aide  de  petites 
bandelettes  de  toile-dieu,  destinéeà  maintenir  en  contact  les 
lèvies  de  la  petite  plaie.  Cette  pratique  ayant  été  répandue 
dans  la  salle,  cette  épidémie  de  phlébite  disparut  aussitôt. 

ART.    11 55. 

Histoire   coynpLete  des  ruptures  et  des  déchirures  de  l'utérus, 
duvaginet  dupérinée,  parE.  Duparque.  (  Analyse.  ) 

Depuis  quelques  années  l'altentiondes  praticiens  a  été  ap- 
pelée sur  les  déchirures  qui  peuvent  survenir  dans  les  or- 
ganes génitaux  de  ta  femme,  soit  pendant  la  grossesse,  soit  à 
l'époque  lie  l'accouchement.  La  Société  médicale  d'émula lion 
de  Paris  ayant  mis  ce  sujet  au  concours,  l'ouvrage  que  nous 
aunoDçons  fut  couronné,  et  son  auteur,  M.  Duparque,  l'a 
livré  au  public  avec  cette  recommandation. 

examinant  d'abord  les  ruptures  de  l'utérus,  ce  médecin 
commence  par  citer  quelqiies  faits  qui  prouvent  que  cet  acci- 
dent peut  avoir  lieu  même  hors  l'état  de  grossesse.  On  con- 
çoit que  ces  sortes  de  ruptures  doivent  être  excessivement 
vares  ù  cette  époque^  mais  il  n'en  est  pas  de  même  des  rup- 


(i)  Lu  vol.  io-8",  A  Paris,  clieis  Germcr-JBaillièrc,  rue  de  l'Ecole-de- 
MOdecine,  ti    l'i. 


(499) 

tures  qui  surviennent  lorsqu'un  fœtus  est  développé  dans  la 
matrice.  Les  causes  de  déchirures  sont  alors  nombreuses; 
elles  peuvent  firovenir,  soit  d'une  violence  extérieure,  soit 
d'une  cause  inhérente  à  la  matrice  elle-même,  soit  enfin  de 
plusieurs  de  ces  causes  réunies.  Parmi  les  observations  de  ce 
genre  citées  par  M.  Duparque,  il  n'en  est  pas  de  plus  cu- 
rieuse que  la  suivante  : 

Une  iemme,  âgée  de  trente-trois  ans,  se  livrait  fréquem- 
ment à  des  accès  de  colère  portés  jusqu'à  la  frénésie.  Dans  le 
cours  d'une  seconde  grossesse,  elle  fit  une  chute  qui  provo- 
qua l'avortement  ;  depuis  cette  époque,  une  métrorrhagie 
presque  continuelle  avait  altéré  sa  constitution  et  l'avait  jetée 
dans  un  grand  état  de  faiblesse;  cependant  elle  accoucha 
deux  fois  encore  sans  accidens  aucuns.  Elle  était  enceinte 
pour  la  cinquième  fois  et  parvenue  au  quatrième  mois  de 
sa  grossesse,  lorsqu'elle  s'abandonna  à  un  accès  de  colère 
extrêmement  violent.  Revenue  à  elle,  et  encore  toute  trem- 
blante, ellfc  se  plaignit  d'avoir  éprouvé  dans  le  ventre  une 
vive  douleur  accompagnée  d'nn  claquement.  Il  était  neuf 
heures  du  soir;  la  nuit  fut  assez  calme,  mais  le  jour  suivant 
elle  s'aperçut  que  sa  chemise  était  tachée  d'un  peu  de  sang. 
Bien  qu'elle  éprouvât  une  certaine  pesanteur  dans  le  ventre, 
elle  continua  jusqu'au  soir  de  vaquer  à  ses  travaux.  Alors  des 
douleurs  violentes  se  manifestèrent  dans  l'abdomen  :  des  vo- 
missemens  continuels  la  fatiguèrent  toute  la  nuit,  et  le  jour 
suivant,  à  sept  heures  du  matin,  elle  expira  subitement.  On 
trouva,  à  l'autopsie,  l'abdomen  rempli  de  sang  noir  en  grande 
partie  coagulé;  à  la  surface  de  cet  épanciiement,  et  immé- 
diatement sons  les  parois  abdominales,  surnageait  un  fœtus 
qui  paraissait  âgé  de  quatre  mois.  En  suivant  le  cordon  om- 
bilical, on  le  vit  s'enfoncer  dans  l'utérus,  à  travers  une  dé- 
chirure existant  à  la  partie  supérieure  de  cet  organe.  Cette 
ouverture  avait  deux  pouces  dans  son  plus  grand  diamètre; 
les  bords  en  étaient  presque  aussi  droits  et  réguliers  que  si  la 
division  en  avait  été  faite  par  l'instrument  tranchant;  mais 
en  cet  endroit  les  parois  de  l'utérus  étaient  moins  consis- 
tantes et  de  moitié  moins  épaisses  que  partout  ailleurs.  Plu- 
sieurs vaisseaux  variqueux  rampaient  en  outre  à  sa  surface. 

M.  Duparque  n'admet  pas. que  les  mouvemens  brusques 
de  l'enfant  puissent  rompre  le  tissu  de  la  matrice,  comme 
l'ont  avancé  quelques  accoucheurs,  mais  plusieurs  états  pa-» 
thologiques  de  cet  organe  peuvent  en  affaiblir  les  parois  et 
prédisposera  cet  accident.  Il  en  est  de  même  à  l'époque  de 
l'accouchement;  les  contractions  utérines  ne  sauraient  le 
produire  quand  lesparois  de  la  matrice  sont  dans  leur  état  na- 


(5oo) 

turel.  Nous  ne  rappellerons  pas  les  preuves  que  l'auteur  rap- 
porte à  l'appui  de  ces  opinions,  voulant  nous  borner  à  citer 
quelques  observations  d'où  découleront  quelques  réflexions 
pratiques  d'un  intérêt  plus  général. 

Le  corps  de  la  matrice  n'est  pas  seul  susceptible  de  se  dé- 
chirer, son  col  en  offre  aussi  de  fréquens  exemples  ;  voici  une 
observation  recueillie  par  l'auteur,  qui  démontre  toute  la 
gravité  de  cet  accident,  et  fera  apprécier  les  remarques  de 
M.  P.  Dubois,  sur  les  force»  de  résistance  qu'offrent  les  par- 
ties génitales  de  la  mère  (i). 

Une  femme  d'une  petite  stature,  âgée  de  seize  ans,  arriva  au 
terme  de  sa  première  grossesse,  en  juin  1822.  Les  parties  ex- 
ternes de  la  génération  étaient  serrées  et  rigides,  le  col  uté- 
rin épais  et  dur.  Après  plusieurs  jours  de  douleurs,  le  col 
refusant  de  se  dilater,  malgré  les  saignées,  les  bains,  la  bel- 
ladone, etc.,  les  contractions  utérines  s'affaiblirent,  et  la 
femme  étant  épuisée,  il  fallut  bien  recourir  au  forceps.  Bien 
que  la  tête  de  l'enfant  fût  convenablement  placée,  les  bran- 
ches de  l'instrument  furent  introduites  avec  difficulté  ;  on 
fit  inutilement  plusieurs  tractions  ménagées,  et  enfin,  dans 
un  dernier  effort,  la  tête  fut  brusquement  entraînée  dans 
l'excavation  du  bassin.  La  femme  poussa  un  cri  violent;  mais 
l'accouchement  étant  terminé,  elle  reprit  courage  et  se  plai- 
gnit peu  des  suites.  Il  y  eut  d'abord  une  perte  assez  abon- 
dante quis'arrêta  d'elle-même  après  la  délivrance; puis,  deux 
ou  trois  jours  après  l'accouchement,  survinrent  des  signes  de 
métro-péritonite,  qu'on  enraya  par  une  application  de  trente 
sangsues. 

Cependantlamalade  se  plaignaitd'une  douleur  continuelle 
sourde  dans  le  bas-ventre,  vers  le  côté  droit  et  profond  du 
bassin,  là  où  elle  avait  senti  une  douleur  déchirante  au  mo- 
ment de  la  précipitation  de  la  tête  dans  le  bassin.  Le  toucher 
pratiqué  démontra  que  le  col  était  revenu  sur  lui-même,  mais 
il  présentait  à  droite  un  profond  sillon,  qui  s'étendait  à  toute 
la  partie  saillante  dans  le  vagin,  et  qui  s'arrêtait  au  niveau  du 
fond  du  cul-de-sac  vaginal.  Bientôt  la  douleur  sourde  aug- 
menta, s'étendit  aux  nerfs  sacréset  de  là  au  sciatique;  la  cuisse 
se  fléciiil  sur  le  bassin,  il  survint  une  fièvre  lente,  des  vomis- 
semens  fréquens.  La  malade  tomba  dans  un  amaigrissement 
extrême,  et,  quarante-cinq  jours  après  son  accouchement, 
elle  semblait  arrivée  au  terme  de  son  existence. 

En  pratiquant  le  toucher  avec  attention,  M.  Duparque  crut 


(1)  Voyrz  art.  1 10^. 


(Soi) 

reconnaître  une  fluctuation  profonde  à  droite  du  col  utérîn, 
à  travers  le  cul-de-sac  v;iginal.  En  pre?sanl  avec  la  main  sur 
les  parois  abdominales,  il  crut  même  sentir  de  l'empâtement 
et  de  la  fluctuation  vers  l'angle  rentrant  de  liliaque  et  du 
pubis.  Persuadé  que,  dans  cette  région,  il  existait  un  vaste 
dépôt,  ce  médecin  plongea  un  bistouri  étroit  à  huit  ligues 
environ  en  dehors  de  l'artère  crurale,  et  en  dirigeant  la  pointe 
de  l'instrument  obliquement  vers  la  fosse  iliaque  et  le  détroit 
supérieur,  il  s'échappa  alors  un  flot  énorme  de  pus.  Dèscemo- 
ment,  l'estomac,  qui  ne  pouvait  rien  supporter,  commença  à 
conserver  quelques  liquides.  Les  douleurs  cessèrent  complè- 
tement, et  lu  femme  se  rétablit  peu  à  peu.  Après  douze  ans  de 
repos,  elle  est  accouchée  sans  accident  d'un  second  enfant. 

Dans  d'autres  circonstances,  c'est  le  vagin  et  non  la  ma- 
trice elle-même  qui  se  déchire,  et  les  conséquences  n'en  sont 
pas  moins  funestes  pour  la  femme. 

L'ne  dame,  au  terme  de  sa  troisième  grossesse,  était  assis- 
tée par  une  sage-femme.  Le  travail  n'avançant  pas,  M.  Du- 
parque  fui  appelé,  reconnut  que  l'enfant  était  hydrocéphale, 
et  déclara  que  l'accouchement  était  impossible  sans  le  se- 
cours des  instrumeos;  mais  la  sage-femme  soutint  que  l'en- 
fant étant  bien  placé,  son  expulsion  devait  se  faire  naturelle- 
ment. Le  lendemain,  la  malheureuse  femme  était  dans  un 
état  d'anxiété  inexprimable;  elle  avait  des  vomissemens,  des 
défaillances,  tout  annonçait  une  fin  prochaine.  En  pratiquant 
le  toucher,  M.  Duparque  rencontra  dans  le  vagin  un  corps 
qu'il  prit  d'abord  pour  le  cordon  ombilical,  mais  qu'il  recon- 
nut bientôt  pour  une  anse  intestinale,  et  en  effet  une  rup- 
ture transversale  existait  au  voisinage  de  l'insertion  du  vagin, 
sur  le  col  utérin.  Le  forceps  put  néanmoins  être  appliqué 
sans  que  la  crevasse  en  fût  augmentée;  mais  la  femme  ex- 
pira presqu'aussitôt  sa  délivrance.  La  main  introduite  dans 
le  vagin  pénétra  aisément  dans  l'abdomen,  où  elle  ne  ren- 
contra aucun  épanchement. 

Il  est  une  autre  sorte  de  rupture  contre  laquelle  on  ne  sau- 
rait trop  se  tenir  en  garde,  c'est  celle  qui  résulte  de  tractions 
imprudentes  faites  dans  le  but  d'extraire  le  placenta  apiès 
l'expulsion  de  l'enfant.  Il  peut  arriver  que  les  bords  du  col 
utérin  ne  revenant  pas  immédiatement  sur  eux-mêmes,  après 
l'accouchement,  pendent  et  flottent  dans  le  vagin.  Quelque- 
fois la  lèvre  antérieure  pend  jusqu'à  la  vulve,  et  l'on  conçoit 
quels  accidens  graves  on  déterminerait  si,  par  une  fatale 
erreur,  on  venait  à  prendre  cette  lèvre  pour  le  bord  du  pla- 
centa. 

«  Je  fus  appelé,  il  y  a  quelque  temps,  dit  l'auteur,  par 


(  502  ) 

une  eage-fenifne,  pour  l'aider  dans  la  dclirrance  d'une 
femme  qui  était  accniuhée  depuis  une  heure,  et  qui  était 
en  proie  à  une  perte  inquiétante.  Le  placenta,  me  dit  cette 
«age-femme,  se  présentait  à  la  vulve,  mais  il  paraissait  adhé- 
rent, et  avait  résisté  d'abord  à  la  traction  exercée  sur  le  cor- 
don qui  s'était  rompu,  et  même  à  des  tractions  exercées 
«ur  le  bord  saillant  de  ce  corps.  J'examine  l'accouchée,  et 
l'aperçois  que  ce  que  l'on  avait  pris  pour  le  placenta  était 
la  lèvre  antérieure  du  col  utérin,  mollasse,  comme  flottante 
au  milieu  du  canal  vaginal.  Je  plongeai  la  main  dans  celui-ci, 
€t  je  sentis  l'ouverture  de  la  matrice  derrière  cette  lai'ge  lè- 
vre, et  plus  haut  le  placenta  retenu  par  la  contraction  incom- 
plète cependant  de  l'orifice  interne.  J'allai  saisir  ce  corps  et 
î'aitienai  facilement.  Les  accidens  hérnorrhagiques  cessèrent, 
et  la  femme  fut  promptement  rétablie.  » 

Les  dangers  de  ces  diverses  ruptures  ne  sont  pas  tels  que 
la  femme  doive  succomber  immédiatement,  alors  même 
qu'une  partie  ou  la  totalité  du  produit  de  la  conceptiou  ont 
été  précipités  dans  Pabdoraen.  Ln  des  exemples  les  plus  cu- 
rieux qu'on  puisse  citer  à  ce  sujet  sera  le  suivant  : 

La  femme  d'un  ouvrier  eut  lui  accouchement  très-labo- 
rieux, qui  ne  fut  terminé  que  le  troisième  jour,  au  moyen 
du  forceps.  Quand  on  voulut  chercher  le  cordon  pour  aider 
l'extraction  du  placenta,  on  ne  trouva  plus  ni  l'un  ni  l'autre. 
La  sage- femme  présente,  non  plus  que  le  chirurgien  qui 
avait  terminé  l'accouchement,  ne  surent  qu'en  penser.  La 
malade  était  dans  un  état  qui  paraissait  désespéré;  cepen- 
dant elle  survécut,  mais  au  bout  de  six  semaines,  son  enfant 
qu'elle  allaitait  étant  mort,  elle  se  plaignit  de  douleurs  sour- 
des et  d'embarras  dans  le  ventre,  qui  se  tuméfia  graduelle- 
ment. Ces  accidens  augmentèrent  peu  à  peu.  Tout-à-coup  il 
se  fit  par  la  vulve  une  irruption  de  matières  brunâtres,  d'une 
fétidité  insoutenable,  paraissant  formées  d'un  mélange  de 
sang  corrompu,  de  sérosité  sanieuse  et  de  pus.  Le  lit  en  était 
inondé.  M.  Duparque,  appelé  près  de  celte  femme,  trouva 
entre  ses  cuisses  plusieurs  masses  de  grosseur  variée. La  plus 
volumineuse  pouvait  avoir  la  grosseur  d'un  œuf  de  poule,  et 
présentait  l'aspect  du  tissu  placentaire  encore  garni  de  ses 
membranes.  Le  toucher  fit  reconnaître  le  museau-de-tanche 
légèrement  tuméfié,  déjeté  à  gauche,  et  le  doigt,  au  lieu  d'ê- 
tre arrêté  par  le  cul-de-sac  vaginal,  pénétra  dans  une  large 
ouverture  béante,  par  laquelle  s'échappaient  encore  des  ma- 
tières semblables  à  celles  qui  étaient  sorties.  La  malade  étant 
arrivée  au  dernier  degré  du  maïasme  et  de  l'épuisement, 
succomba  dans  la  nuit. 


(  5o3) 

Plusieurs  observations  ont  prouvé  que  le  passage  du  produit 
de  la  génération  dans  l'abdomen,  par  suile  de  rnptnrH,  pou- 
vait même  T-tre  suivi  d'une  guérison  complète,  soit  que  le 
foetus  eût  été  retiré,  soit  qu'il  fût  resté  dans  un  point  inacces- 
sible ;  mais  l'espace  nous  manque  pour  citer  ces  faits,  aussi 
curieux  qu'intéressans  pour  le  praticien.  Nous  terminerons 
cette  analyse  en  rapportant  une  observation  qui  démontre 
jusqu'à  quel  point  le  canal  vulvo-utciin  et  les  parties  exter- 
nes de  la  génération  sont  extensibles,  lors  même  que  des  ci- 
catrices vicieuses  se  sont  établies  sur  leur  longueur. 

Une  femme  de  vitigt-trois  ans  eut  un  premier  accouche- 
ment très-long  et  tn's-laboiieux.  Ce  ne  fut  qu'après  d'e  très- 
longues  et  très-nombreuses  tentatives  qu'on  parvint  à  ap- 
pliquer le  forceps  et  à  amener  un  enfant  mort  à  travers  le 
vagin  et  la  vulve  qui  ^'était  considérablement  tuméfiée.  Le  pé- 
rinée fut  assez  profondément  déchiré.  Le  vagin  futfrappé  d'in« 
flammalion,  et  bientôt  des  flots  de  pus  s'en  échappèrent,  en- 
traînant des  lambeaux  sphacélés  de  membrane  muqueuse. 
Cette  dame  se  rétablit  cependant  d'une  manière  complète. 

Quinze  mois  après,  M.  Duparque  fut  prié  d'accoucher 
une  seconde  fois  cette  malheureuse.  Elle  était  alors  grosse 
de  cinq  mois.  L'entrée  du  vagin  paraissait  complètement 
oblitérée  au  niveau  des  nymphes.  Cependant  on  apercevait 
vers  le  centre  une  espèce  d'infundibidum  beaucoup  trop 
étroit  pour  recevoir  le  petit  doigt.  Une  sonde  de  femme  put 
seule  y  être  introduite,  et  il  fut  aisé  de  reconnaître  que  ce 
canal  n'avait  pas  dans  sa  longueur,  de  deux  pouces  et  demi, 
un  diamètre  beaucoup  plus  grand  qu'à  son  entrée.  Au-delà 
de  ce  point,  le  vagin  reprenait  ses^dinjensions  ordinaires.  Le 
mari,  qui  n'avait  jamais  pu,  malgré  ses  tentatives  réitéiées, 
faire  pénétrer  le  pénis  au-delà  de  la  vulve,  ne  concevait  pas 
que  sa  femme  eût  pu  devenir  enceinte. 

Voici  la  conduite  que  M.  Duparque  crut  devoir  tenir, 
pour  prévenir  autant  que  possible  les  dangers  d'un  pareil 
accouchement.  Une  saignée  fut  pratiquée  toutes  les  quatre 
à  six  semaines  jusqu'au  terme  de  la  grossesse;  il  prescrivit 
en  outre  des  bains  de  siège  de  deux  heures  tous  les  jours,  un 
à  deux  grands  bains  par  semaine;  l'introduction  dans  \e  ca- 
nal rétréci  de  cylindres  d'épongé  préparée  par  compression, 
et  des  injections  souvent  répétées  de  décoction  mucilagi- 
neuse. 

Au  septième  mois,  la  dilatation  n'était  encore  suffisante 
que  pour  admettre  le  doigt  indicateur.  Il  fut  possible  de  re- 
connaître un  rétrécissement  du  vagin  dans  l'étendue  d'un 
pouce  et  demi,  dont  les  parois  étaient  inégales,  anfraetueu- 


(5o4) 

ses,  circonscrites  par  des  brides,  des  replis,  etc.  On  insista 
davantage  sur  les  moyens  précités,  et  cette  dame  passait 
pour  ainsi  dire  tontes  ses  journées  dans  l'eau. 

Enfin  le  terme  de  la  grossesse  arriva.  Peu  de  temps  aprè? 
l'apparition  des  douleurs,  des  mucosités  glaireuses  s'échap- 
pèrent à  travers  l'orifice  rétréci  ;  une  éponge  imbibée  d'eau 
chaude  fut  maintenue,  appliquée  contre  la  vulve  entr'ou- 
verte.  Le  col  utérin  se  dilata  graduellement,  et  bientôt  on 
sentit  la  tête  en  première  jjosition  s'approcher  du  rétrécis- 
sement. Enfin  ce  canal,  pénétré,  ramolli  par  les  mucosités, 
avait  en  partie  cédé,  lorsque  les  contractions  utérines  s'arrê- 
tèrent tout-à-coup.  Une  saignée  fut  pratiquée.  Les  douleurs 
reparurent  bientôt;  on  injectait  dans  leur  intervalle  une  dé- 
coction très-épaisse  de  graine  de  lin.  Peu  à  peu  le  canal 
rétréci  se  trouva  déprimé  au  point  de  ne  plus  former  qu'un 
anneau  d'une  ligne  à  une  ligne  et  demie  d'épaisseur.  Le  som- 
met de  la  tête  s'y  engagea,  et  finit  par  le  franchir  sans  y 
avoir  produit  d'autre  lésion  que  de  simples  et  peu  profondes 
érosions. 

Le  travail  dura  treize  heures,  et  on  se  borna  à  soutenir  la 
circonférence  du  rétrécissement,  afin  d'empêcher  les  ruptu- 
res, qui  semblaient  inévitables.  L'enfant  vécut,  et  la  mère  se 
rétablit  promptement. 

M.  Duparque  s'occupe  en  outre  dans  ce  travail  des  rup- 
tures de  la  vulve  et  du  périnée,  passant  ainsi  en  revue  toutes 
les  déchirures  qui  peuvent  survenir  dans  les  organes  génitaux 
de  la  femme. 

ART.    11 56. 

HOPITAL  CLINIQUE  DE  LA  FACULTÉ. 

Considérations  sur  le  diagnostic  différentiel  et  le  traitement  de  la 
méningite.  (Voy.  art.  ii43.) 

Le  diagnostic  est  le  point  le  plus  important  de  toute  ma- 
ladie; mais  dans  la  méningite,  il  offre  de  véritables  difficultés. 
Nous  avons  vu  l'histoire  de  la  congestion;  on  peut,  par  la 
comparaison  de  ces  deux  maladies,  reconnaître  qu'il  n'est  pas 
possible  de  les  confondre.  Il  est  vrai  qu'on  a  prétendu  que 
quelquelois  il  survenait  du  délire  dans  la  congestion,  mais 
c'est  une  erreur;  la  congestion  n'est  plus  simple  dans  ce  cas, 
il  y  a  commencement  de  méningite.  Il  y  a  d'ailleurs,  dans  la 
maladie  qui  nous  occupe,  céphalalgie  violente,  délire,  agi- 


(5o5) 

tation,  et  surtout  mouvement  fébrile,  qui  ne  permettent  pas 
de  la  confondre  avec  la  congestion. 

Comment  alors  distinguer  la  méningite  de  l'encéphalite  ? 
Ces  deux  affections  ne  doivent  pas  être  séparées  quand  la 
phlegmasie  cérébrale  est  superficielle,  car  il  semble  impos- 
sible que  l'arachnoïde,  et  surtout  la  pie-mère,  soient  enflam- 
mées sans  que  la  substance  cérébrale  participe  à  cettephlcg- 
masie,  11  en  est  de  même  de  la  pleurésie,  qui  s'accompagne 
toujours  d'un  certain  degré  d'inflammation  du  parenchyme 
pulmonaire. 

Mais  quand  l'encéphalite  est  profonde,  on  la  reconnaît  ai- 
sément à  certains  phénomènes  locaux,  tels  que  la  paralysie, 
l'engourdissement,  la  douleur  des  membres. 

La  méningite  serait  confondue  plus  facilement  avecla  fièvre 
typhoïde.  Souvent,  en  eflet,  il  y  a  dans  ces  deux  maladies  cé- 
phalalgie au  début,  mais  ce  symptôme  est  beaucoup  moins 
violent  dans  le  typhus,  La  douleur  est  en  quelque  sorte  ob- 
tuse, au  point  qu'il  faut  souvent  demander  aux  malades  s'ils 
souffrent  à  la  tête,  tandis  que  dans  la  méningite,  ils  s'en  plai- 
gnent d'eux-mêmes,  et  continuellement. 

Dans  ces  deux  maladies,  la  vue  ainsi  que  l'ouïe  peuvent  être 
exallées,  affaiblies,  dépravées.  Il  n'y  a  aucune  différence  dans 
l'exercice  des  sens;  mais  dans  la  méningite,  la  première  pé- 
riode s'annonce  par  de  l'agitation;  dans  la  fièvre  typhoïde, 
au  contraire,  les  malades  commencent  à  tomber  dans  la  pro- 
stration. Néanmoins,  dans  l'une  et  dans  l'autre,  il  peut  y 
avoir  de  la  carphologie,  des  désordres  dans  les  mouvemens. 
Il  existe  encore  la  plus  grande  analogie  dans  la  lésion  de 
l'intelligence;  il  y  a  délire  dans  l'une  comme  dans  l'autre 
maladie  ;  cependant  cet  accident  est  moins  fréquent  dans  le 
typhus,  et  il  n'arrive  d'ailleurs  qu'à  une  période  avancée, 
tandis  que  c'est  un  des  premiers  symptômes  de  la  méningite. 
D'ailleurs,  dans  cette  dernière,  le  malade  pousse  des  cris  et 
est  dans  une  agitation  continuelle,  tandis  que  le  délire  est 
tranquille  dans  le  typhus. 

Quelques  différences  existent  encore  dans  la  circulation  ;  le 
pouls  est  fréquent  dans  les  deux  maladies,  mais  dans  la  mé- 
ningite il  dépasse  rarement  cent  pulsations  par  minute, 
tandis  que  daus  le  typhus  le  symptôme  le  plus  frappant  est 
la  disproportion  de  vitesse  du  pouls  avec  le  peu  de  gravité 
des  accidens.  De  plus,  le  sang  est  riche  et  couenneux  dans 
l'un,  dilfluent  et  se  coagule  avec  peine  dans  l'autre. 

Les  fonctions  digestives  offrent  aussi  quelques  différences. 
Dans  la  méningite,  en  effet,  la  langue  n'est  presque  jamais 
recouverte  d'un  enduit  notable;  elle  est  rouge  et  humide,  et 


(5o6) 

i^naais  brune,  fendillée  comme  dans  le  typhus,  à  moins  qu'il 
n'y  ail  conipliralion  de  gaslro-entérile,  cas  dans  lequel  les 
diUicultés  (le  diagnoslic  sont  presque  insiiraiontable.-.  Il  y  a 
de  plijs  orilinairenieiit  du  dévoieaient  el  des  douleurs  abdo- 
minales dau^  le  typhus. 

Il  est  dise  de  voir  qu'il  existe  entre  ces  deux  maladies  la 
plus  grande  analogie,  puisque  les  phénomènes  cérébraux 
sont  pre.-que  les  mêmes,  et  (ju'on  n'établit  quelque  différence 
que  dans  les  phénoinènes  accessoires. 

Lés  complications  de  la  méningite  sont  nombreuses.  Elle 
se  rencontre  souvent  avec  les  maladies  de  la  peau,  et  surtout 
avec  rér}sipéle  de  la  face.  C'est  à  cette  complication  qu'a 
succombé  le  professeur  Béclard.  Ellesurvienl  aussi  trés-sou- 
Tentdans  la  scarlatine  el  dans  la  rougeole. 

Le  principal  moyen  de  traitement  consiste  dans  les  anti- 
phlogistiqiies.  Quand,  surtout,  on  a  affaire  à  un  enfant,  on 
ne  saurait  agir  avec  trop  de  promptitude  el  d'énergie,  quand 
il  est  seulement  menacé  d'une  méningite  par  une  violente  cé- 
phalalgie. Il  faut, à  tout  prix,  juguler  la  maladie,  dûl-on  met- 
tre le  sujet  à  bas,  en  saignant  à  outrance,  autant  toutefois  que 
la  constitution  le  permet.  Rien  n'est  plus  dangereux  que  de 
laisser  arriver  la  sei  onde  ou  la  troisième  période,  La  timidité 
dans  ce  cas  est  une  faute  grave. 

Il  faut  saigner  de  toutes  manières  en  même  temps.  II  est 
rare  qu'on  saigne  un  enfant  dans  le  premier  âge,  mais  on 
peut  lui  mettre  des  sangsues  plusieurs  fois  par  jour. 

Chez  l'adulte,  on  peut  saigner  de  toutes  les  manières. 
Ainsi,  sur  un  malade  atteint  de  méningite  M.  Rostan  a  fait 
pratiquer  dernièrement  la  saignée  du  bras,  de  la  jugulaire, 
et  enfin  de  la  temporale.  Quelques  médecins  ont  con«ieillé  lu 
saignée  du  pied,  mais  celle  du  bras  est  tout  aussi  efTicace. 

On  place  ensuite  des  sangsues  autour  du  cou,  quelquefois 
aux  tempes.  On  a  prétendu  qu'on  augmentait  de  cette  ma- 
nièreTengorgemenlducerveau,  mais  c'est  une  erreur.  Quand 
les  sangsues  sont  mises  en  nombre  suffisant,  elles  n'unt  pas 
d'autre  effet  que  de  dégorger  cet  organe. 

La  glace  appliquée  sur  la  lOte  estnn  moyen  puissant.  Sitôt 
son  application,  on  voit  la  face  pâlir;  il  est  évident  que  le 
cerveau  est  dégorgé;  mais  il  faut  bien  choisir  le  moment  pour 
en  faire  usage,  Quand  le  malade  éprouve  une  céphalalgie 
intense,  que  le  visage  est  coloré,  c'est  le  moment  d'y  avoir 
recours;  mais  s'il  est  pâle  et  tombé  dans  l'affaissement,  il 
faut  s'empresser  de  l'enlever.  Quelquefois  aussi  la  glace 
cause  des  douleurs  intolérables  ;  on  ne  saurait  donc  surveiller 
avec  trop  de  sein  son  emploi. 


(507) 

Les  affu?ions  froides  demandent  encore  plus  de  précau- 
tions. Il  n'y  a  pas  de  moyen  qui  prodiii>e  ime  prostration 
plus  proniple  ;  cependant  il  est  des  cas  dans  lesquels  itn  peut 
en  retirer  de  bons  «'ffels.  On  met  le  maladf  dans  un  bain,  et 
on  fait  queUjues  allusions  sur  la  tête  pendant  quelques  minu- 
tes ou  seulement  quelques  secondes.  Ce  moyen  convient  dans 
la  seconde  et  surtout  dans  la  troisième  période  ;  mais  il  exige 
les  plus  grandes  précautions. 

Les  purgatifs  peuvent  être  utiles.  On  emploie  les  sels  neu- 
ii  très  de  préférence.  !M.   Rostan  ne  pense  pas  qu'ils  puissent 

I  produire  de  gastro-entérite;  mais  s'ils  en  produisaient,  ce  ne 

èeraii  qu'une  dérivation  salutaire. 

On  a  conseillé  aussi  les  vomitifs;  il  faut  les  rejeter,  non- 
seulement  du  traitement  de  la  méningite,  mais  encore  du 
traitement  de  toutes  les  maladies  cérébrales,  parce  qu'ils 
augmentent  la  congestion. 

Les  révulsifs  ont  des  avantages  et  des  inconvéniens.  Ils 
produisent  une  irritation  locale  qui  est  perçue  par  le  cerveau 
et  par  conséquent  ils  augmentent  l'irritation.  Ils  ne  convien- 
nent donc  pas  dans  la  période  d'excitation;  mais  dans  la  se- 
conde et  la  troisième  période,  les  synapismes  aux  pieds,  les 
vésicans,  les  rubéfiaiis,  peuvent  avoir  des  avantages. 

Dans  cette  dernière  phase,  on  ne  doit  pas  se  borner  aux 
vésîcatoires  aux  jambes  Quand  le  malade  est  plongé  dans  un 
état  comateux,  quand  il  existe  des  signes  d'une  sutfusion  sé- 
reuse, il  faut  alors  raser  la  tête  et  la  couvrir  d'un  large  vé- 
sicatoire.  IM.Ilostan  a  retiré  de  très-bons  effets  de  ce  m«»yen. 
On  peut  en  outre,  dans  ces  cas  désespérés,  faire  des  frictions 
mercurielles  autour  du  cou,  et  panser  le  vésicatoire  avec  le 
même  onguent. 

ART.  1 107. 

HOPITAL  SAINT-LOUIS. 

Leçons  cliniques  de  M.  AUbert  :  Dermatoses  teigneuses  ; 
achores,  porrige,  favus,  plique. 

Après  avoir  exposé  dans  une  suite  d'articles  les  maladies  de 
la  peau  qui  tiennent  à  une  causesyphilitique,  et  fait  connaître 
le  traitement  que  M.  Cullerier  dirige  contre  elles,  nous  al- 
lons commencer  dès  aujourd'hui  l'étude  des  malaiiics  de  la 
peau  en  général,  observées  dans  les  salles  de  l'hôpital  Saint- 
Louis.  Nous  débuterons  par  la  classe  la  plus  simple  et  la  plus 
commune  peut-être,  celle  des  Dermatoses  teigneuses,  dont 


(5o8) 

nous  allons  tracer  rapidement  l'histoire  dans  ce  chapitre  (i). 

Les  Dermatoses  teip^neuses  allaquent  principalement  le 
premier  âge  de  la  vie.  Elles  constituent  une  maladie  en  gé- 
néral fort  opiniâtre,  et  qui  étant  très-souvent  confiée  aux 
charlatans,  n'en  devient  que  plus  rebelle  à  tous  nos  moyens 
de  traitement. 

C'est  ordinairement  sur  le  cnir  chevelu  que  cette  classe 
d'éruptions  se  développe,  et  les  enfans,  dont  la  tête,  comme 
on  sait,  est  un  centre  de  fluxions  habituel,  doivent  en  être 
très-fréquemment  atteints. 

Le  mot  teigne  vient  sans  doute  de  ce  que  le  cuir  chevelu 
corrodé,  ulcéré  par  cette  maladie,  offre  alors  quelque  analo- 
gie avec  le  drap  rongé  par  les  animaux  de  ce  nom.  Quoi 
qu'ilen  soit,  comme  en  général  la  teigne  se  fixe  sur  le  cuir 
chevelu,  et  que  le  tissu  cellulaire  qui  unit  les  tégumens  du 
crâne  aux  parties  sous-jacentes  est  d'une  grande  densité,  ce 
mal  est  plus  tenace  sur  ce  point  que  sur  les  autres  parties 
du  corps,  et  son  opiniâtreté  en  est  le  caractère  principal. 

Les  Dermatoses  teigneuses  sont  divisées  en  plusieurs  genres 
faciles  à  distinguer. 

1°  AcHOKE  [Porrigo  larvalis  de  Willam,  gourme).  On  dési- 
gne sous  ce  nom  une  exsudation  muqueuse,  jaunâtre,  qui  se 
dessèche  à  la  surface  du  cuir  chevelu,  et  offre  l'aspect  du 
miel  concret,  répandant  une  odeur  aigre  particulière.  Cette 
concrétion  s'étend  souvent  aux  oreilles,  à  la  face,  et  même 
à  toute  la  surface  du  corps. 


(i)  Voulant  donner  une  clinique  des  maladies  de  la  peau,  ainsi  que 
nous  en  avions  pris  l'engagement,  nous  avons  l'ait  choix  de  c»;lle  de 
M.  Alibert,  auquel  on  doit  de  si  beaux  travaux  sur  les  Dermatoses. 
Mais  nous  ne  nous  bornerons  pas  à  rapporter  les  leçons  de  ce  savant 
professeur,  et  à  faire  connaître  dan»  tous  ses  détails  la  thérapeutique 
que  sa  longue  expérience  lui  a  fait  adopter.  Nous  nous  proposons  de 
passer  en  revue  plus  tard  quelques  autres  services,  afin  de  signaler  les 
différences  que  les  médecins  qui  se  sont  le  pins  spécialement  occupés 
des  maladies  de  lapcau,  apportent  dans  leur  traitement.  C'est,  en  effet, 
la  thérapeutique  presque  seule  qui  doit  nous  occuper  dans  ce  travail, 
et  nous  nous  bornerons  à  exposer  seulement  les  principaux  genres  de 
chaque  groupe ,  négligeant  le  plus  souvent  leurs  variétés,  qui  n'offri- 
raient presque  aucun  intérêt  pour  la  pratique,  puisque,  dans  presque 
tous  les  cas,  les  moyens  à  employer  sont  les  mêmes. Ce  n'est  point  d'ail- 
leurs dans  un  journal,  ni  même  dans  un  livre,  qu'on  peut  apprendre  à 
distinguer  et  à  classer  les  variétés  infinies  des  affections  cutanées.  Il 
suffit  qu'où  y  puisse  reconnaître  les  genres  principaux  de  ces  maladies, 
et  la  pratique  des  meilleurs  maîtres. 

(Note  du  rédacteur.) 


(âo9) 

Ce  genre  a  deux  espèces,  Vachore  muqueux  et  Vachore  lac- 
tumineux.  Cette  dernière  espèce  est  à  peine  une  maladie  : 
c'est  ce  qu'on  appelle  la  croûte  de  lait.  On  sait  qu'elle  con- 
siste dans  une  réunion  de  petites  écailles  ou  plaques  qui  s'ag- 
glomèrent sur  le  cuir  chevelu  des  enfans  à  la  mamelle,  et 
forment  quelquefois  une  large  croûte  qui  couvre  toute  la 
tête.  On  peut  délerminer  la  chute  de  celle  excrétion  par  des 
applications  de  corps  gras,  mais  elle  ne  tarde  pas  à  se  repro- 
duire. Cette  éruption  ne  causant  aucune  espèce  d'accidens, 
nous  n'aurons  pas  à  nous  entretenir  de  son  traitement. 

Uachore  muqueux  est  plus  important  à  étudier.  Il  consiste 
dans  un  écoulement  extrêmement  abondant  qui  se  concrète 
dans  les  cheveux,  les  fait  adhérer  entre  eux  ainsi  qu'aux  lin- 
ges dont  on  couvre  la  tête  des  enfans.  Cet  écoulement,  tout 
incommode  qu'il  est,  demande  cependant  à  être  respecté,  à 
moins  qu'il  ne  devienne  excessif  ou  qu'il  ne  se  prolonge  in- 
définiment. Lorsque,  par  l'effet  de  médicamens  imprudem- 
ment appliqués  ou  par  toute  autre  cause,  il  vient  à  se  suppri- 
primer  subitement,  l'enfant  devient  triste,  abattu,  et  son 
visage  exprime  la  !>ouffrance.  Lorsqu'au  contraire  on  par- 
vient â  rétablir  son  cours,  on  voit  le  petit  malade  reprendre 
de  la  gaîté  et  tous  les  attributs  d'une  santé  parfaite. 

2°  PoBRiGO  [pityriasis,  teigne  rugueuse).  Le  genre  achore 
avec  ses  deux  espèces  ne  se  rencontre  guère  que  pendant  les 
deux  premières  années  de  la  vie.  A  mesure  que  l'enfant  gran- 
dit, il  devient  sujet  à  une  autre  variété  de  la  teigne,  qu'on  a 
désignée  sous  le  nom  de  porrigo.  Elle  se  manifeste  par  de 
petites  écailles  qui  se  forment  à  la  racine  des  cheveux,  et  s'en 
détachent  aisément,  par  des  croûtes  brunes  et  fort  dures,  ou 
enfin  par  des  gerçures  qui  amènent  des  alopécies  partielles. 
Ce  genre  s'accompagne  d'un  prurit  assez  violent.  Il  y  en  a 
trois  espèces  principales  : 

Le  porrigo  granulata^  dans  lequel  il  s'exhale  du  cuir  che- 
velu un  liquide  brunâtre  qui,  se  concrétant  dans  les  cheveux, 
forme  des  croûtes  semblables  à  certaines  graines;  le  porrigo 
furfuracea,  consistant  dans  une  sorte  de  farine  grossièrement 
moulue  qui  s'échappe  de  la  tête  lorsqu'on  agite  les  cheveux  ; 
enfin  le  porrigo  tonsorla,  dans  lequel  les  cheveux  se  détachent 
par  plaques  arrondies,  semblables  à  la  tonsure  des  prêtres. 
Cette  dernière  espèce  se  montre  quelquefois  d'une  manière 
épidémique,  et  M.  Alibert  a  vu  dans  un  collège  de  Paris  plus 
de  dix  enfans  qui  en  étaient  atteints  à  la  fois. 

5°  Favcs  (teigne  faveuse).  Ce  genre  est  le  plus  important; 
il  consiste  dans  le  développement  de  croûtes  jaunes  sur  le 
cuir  chevelu,  offrant  dans  leur  milieu  un  godet,  qui  les  fait 


(5»o) 

ressembler  aux  alvéoles  d'une  ruche  à  miel.  Le  cuir  chevelu 
n'est  pas  toujours  le  seul  siège  de  cette  exsudation;  les  autres 
parties  du  corps  en  sont  quelquefois  couvertes,  et  il  y  a  dans 
ce  moment  à  l'hôpital  Saint-Louis  un  enfant  dont  le  corps 
entier  est  couvert  de  plaques  semblables. 

C'est  une  maladie  des  cryptes  sébacées,  qui,  admettant 
dans  leur  intérieur  une  grande  quantité  de  matière  concré- 
tée,  se  dilatent  forcément,  et  ollVent  l'aspect  particulier  au 
favus.  Quelquefois  cette  maladie  réagit  sur  toute  l'économie 
et  retarde  la  puberté;  c'est  ainsi  que  M.  Alibert  a  vu  une 
fille  arriver  à  trente  ans  sans  offrir  plus  de  développement 
qu'à  rage  de  dix  ans.  On  a  eu  aussi  à  l'hôpital  un  jeune 
homme  qui  était  dans  le  même  cas. 

4°  Plique.  Enfin  ce  professeur  admet  un  quatrième  genre 
désigné  sous  le  nom  de  pUque,  et  qui  consiste  dans  une  in- 
flammation de  la  racine  des  cheveux.  Bien  que  celle  maladie 
soit  particulière  à  certains  pays  du  Nord  et  à  la  Pologne  en 
particulier,  on  en  rencontre  quelques  exemples  en  France; 
ainsi  l'an  dernier  il  y  avait  à  l'hôpital  une  femme  d'Orléans 
qui  assurait  souffrir  horriblement  quand  on  lui  coupait  les 
cheveux  trop  courts.  Ses  clieveux  étaient  d'ailhmrs  hérissés 
et  entortillés  comme  dans  la  plique  polonaise. 

Tels  sont  les  divers  'genres  qui  constituent  les  Dermatoses 
teigneuses.  Le  traitement  de  cette  maladie  fera  l'objet  du 
chapitre  suivant. 

ART.   1  i58. 

Sa.  —  Coiisidèr allons  pratiques  sur  le  traitement  de  la  teigne  : 
Traitement  des  achores  et  du  porngo. 

Le  traitement  de  la  leigne  doit  varier  suivant  les  genres. 
Ain.-^i  il  serait  iu<liscret  de  chercher  à  guérir  les  achores;  il 
faut,  au  contraire,  fivoriser  l'écoulement  par  des  applica- 
tions de  feuilles  de  choux  ou  de  poiree  emluiles  île  beurre 
frais,  par  des  vésicatoires  tier  ière  les  oreilles,  lorstiue  la  sé- 
crétion s'étant  siippriuiée,  les  enfaiis  soûl  tristes  et  abattus. 
Il  faut  eu  ()Utre  les  lenir  dans  une  très-grande  propreté,  les 
Kivttr  souvent  avec  une  décoction  de  son  ou  de  guimauve. 
Par  ces  moy.-ns  doux,  on  inudère  à  la  longue  la  trop  grande 
abondance  du  mucus,  et  au  bout  d'un  certain  temps  ou  peut 
employer  avec  ménageuient  quv^lques  lotions  sulfureuses  ; 
ou  d'>nne  en  lU^me  te.n;)s  une  infusion  de  peusée  sauvage, 
de  chijorée  ou  de  chien  lent,  (jueiquefois  Je  l'eiiu  Je  rhu- 
barbe, et  lorsque,  l'écoaitiuieuL  élant  supprimé,  les  viscères 


(5ii) 

el  surtout  les  ganglions  abdominaux  viennent  à  s'enflam- 
mer, on  doit  s'empresser  de  promener  sur  la  peau  plusieurs 
vésicaloires. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  l'achore  muqueux  est  le  résul- 
tat d'une  excrétion  qu'il  serait  extrêmement  dangereux  de 
supprimer,  et  que  les  accident  les  plus  i;raves  pourraient 
survenir  si,  au  li*iu  de  recouvrir  la  tête  avec  des  «cataplasmes 
émolliens,  de  faire  des  lotions  avec  des  décoctions  d'epi- 
nards  ou  d'autres  plantes  ad^uioissautes,  ou  appliquait  im- 
prudemment sur  le  cuir  chevelu  des  répercussifs,  qui  sont 
conseillés  par  bon  nombre  de  charlatans. 

Quant  à  Vachore  laiteux,  il  faut  encore  moin?  lui  appli- 
quer des  reinèdes  ;  ou  doit  se  borner  à  brosser  la  tête  et  à 
changer  fréquemment  le  linge  qui  la  couvre. 

Un  enfant  de  quinze  mois  environ  a  été  apporté  à  la  con- 
sultation. Le  cuir  chevelu,  les  oreilles,  le  front  et  une  partie 
du  corps  étaient  couverts  d'un  achore  muqueux;  mais  la 
surface  des  croûtes  était  sèche;  le  mucus  ne  coulait  que 
sur  quelques  points  ;  l'enfant  était  triste  et  mangeait  peu. 
M.   Alibert  dicta  la  formule  suivante: 

Appliquer  derrière  les  oreilles  de  la  poirée  graissée  avec 
du  beurre  ou  du  beurre  de  cacao; 

Si  le  mucus  ne  coule  pas  plus  abondamment,  recouvrir 
toute  la  tête  d'une  large  tVuille  de  poirée,  et  faire  des  lotions 
fréquentes  sur  cette  partie  avec  de  l'eau  de  son; 

Baigner  l'enfant  dans  une  eau  semblable; 

Le  mettre  à  l'usage  du  sirop  antiscorbutique  et  d'une  ia- 
fusion  de  fleurs  de  pensée. 

A  la  consultation  suivante  l'enfant  fut  présenté  de  nou- 
veau. L'achore  coulait  abondamment;  le  petit  malade  avait 
repris  sa  gaité  et  son  appétit.  Ou  contiima  les  bains  tous  les 
deux  jours,  on  ût  de  fréquentes  lotions  sur  la  tête  avec  l'eau 
de  son  et  ou  l'entretint  dans  une  grande  propreté.  L'écou- 
lement cessa  peu  à  peu  de  lui-mèiue,  et  au  bout  de  tnus  se- 
maines, il  n'y  avait  que  quelques  croûtes  disséminées  sur 
diverses  parties  du  corps.  Cet  enfant  ayant  les  chairs  un  peu 
molles,  on  prescrivit  des  bains  de  sou  dans  lesquels  on  de- 
vait jeter  un  peu  d'eau- de-vie  ou  d'eau  de  Cologne. 

Si  la  thérapeutique  des  achores est  simple  et  facile,  il  n'en 
est  pas  de  même  du  genre  porrigo  ou  teigne  proprement  dite. 
Une  foule  de  moyens  ont  été  proposés.  Autrefois  on  avait 
recours  au  traitement  bari)are  de  la  calotte  :  après  avoir 
coupé  les  cheveux  fort  courts,  ou  appliquait  sur  ta  téle  une 
toile  enduite  de  poix  et  de  goudron,  puis,  au  bout  de  quel- 
ques jours,  ou  arrachait  violemment  cette  calotte  qui  en- 


(512) 

traînait  avec  elle  les  cheveux  du  patient;  après  avoir  répété 
plusieurs  fois  cette  opération,  on  se  trouvait  avoir  épilé  le 
malade  presque  complètement,  et  il  guérissait  dans  le  plus 
grand  nombre  des  cas.  Cette  méthode  est  encore  en  vigueur 
dans  certaines  contrées  et  même  dans  quelques  départemens 
de  la  France. 

Desault  a  guéri  plusieurs  malades  en  faisant  des  lotions 
avec  le  vinaigre  contenant,  en  dissolution,  de  la  gomme 
ammoniaque. 

Long-  temps,  à  Florence,  on  a  traité  la  teigne  avec  la  pou- 
dre de  crapauds. 

Lorsque  les  enfans  sont  nés  de  parens  infectés  du  virus 
syphilitique,  une  solution  de  deuto-chlorure  de  mercure  ou 
une  pommade  de  précipité  réussissent  fort  bien.  Dans  ces 
derniers  temps  on  a  employé  avec  succès  la  chaux,  la  po- 
tasse et  la  soude. 

Mais  quelque  méthode  que  l'on  adopte,  il  est  indispensa- 
ble de  panser  les  malades  très-fréquemment,  au  moins  tous 
les  deux  ou  trois  jours,  car  quand  on  se  borne  à  les  visiter 
une  fois  la  semaine,  on  prolonge  de  beaucoup  le  traitement. 
Voici,  du  reste,  la  méthode  de  M.  Alibert  : 

On  prend  :  soude  d'alicante  du  commerce,  un  gros,  que 
l'on  incorpore  dans  une  once  d'axonge.  Quand  le  cuir  che- 
velu offre  beaucoup  de  densité,  on  peut  mettre  deux  gros  de 
soude.  Après  avoir  coupé  les  cheveux  aussi  courts  que  pos- 
sible, et  après  avoir  lavé  la  tête  pendant  un  certain  temps 
avec  l'eau  de  bicarbonate  de  soude  ou  de  feuilles  de  noyer, 
ou  fait  des  frictions  avec  cette  pommade,  puis  on  recouvre 
la  tête  avec  un  papier  brouillard, 

11  faut  en  même  temps  donner  les  amers  à  l'intérieur,  une 
décoction  de  tige  de  houblon  ou  de  chicorée  sauvage,  ou 
le  suc  de  ces  plantes  dans  du  petit-lait  ou  du  bouillon,  ou 
enfin  dans  l'hiver  le  sirop  antiscorbutique. 

Quand  on  soupçonne  l'existence  d'un  virus  syphilitique 
hérédilaire,  on  associe  par  parties  égales  le  sirop  de  Belley 
ou  de  Portai  avec  le  sirop  antiscorbutique,  à  la  dose  d'une 
cuillerée.  On  peut  donner  aussi  les  mercuriaux  sous  leurs 
différentes  formes. 

Quelquefois  la  soude  a  une  action  trop  lente,  il  faut  la 
remplacer  par  la  potasse. 

On  faisait  beaucoup  usage  autrefois  des  cendres  de  bella- 
done et  de  stramoine,  dont  on  en)ployait  une  sorte  de  les- 
sive pour  laver  la  tête  des  enfans,  ou  qu'on  incorporait  à  de 
la  graisse  pour  en  faire  une  pommade.  On  se  servait  égale- 
ment de  la  cendre  de  bois  de  genêt.  M-  AUbert  pense  que 


(5i3) 

toutes  ces  cendres  peuvent  procurer  la  guérison  de  la  teigne. 
Les  diverses  espèces  de  porrigo  ne  cèdent  pas  avec  la 
même  facilité;  ainsi  le  porrigo  tonsoria  est  ordinairement 
très-rebelle.  Souvent  même  les  enfans  ne  guérissent  que 
lorsque,  fatigués  de  faire  des  remèdes,  ils  abandonnent  leur 
mal  à  la  nature  :  c'est  ce  qui  est  arrivé  pour  les  dix  jeunes 
élèves  dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  On  active  ordinaire- 
ment la  guérison  en  lavant  les  parties  dépourvues  de  cheveux 
avec  de  l'eau,  dans  laquelle  on  met  un  peu  d'acide  sulfuri- 
que  ou  de  sulfure  de  potasse  (i). 

(i)  On  ntî  peut  parler  du  traitement  de  la  teigne  sans  mentionner  ce- 
lui des  frères  Mahon.  Ce  sont  eux,  en  effet,  qui  sont  chargés  de  la  gué- 
rison (les  teigneux  dans  les  hôpitaux  et  dispensaires  de  Paris.  Ils  com- 
mencent pai  couper  les  cheveux  à  deux  pouces  du  cuir  chevelu  ;  puis, 
après  avoir  fait  tomber  les  croûtes  avec  des  cataplasmes  émolliens,  ils 
lavent  la  tète  avec  de  l'eau  de  savon  pendant  plusieurs  jours,  jusqu'à  ce 
que  le  cuir  chevelu  soit  bien  nettoyé.  Alors,  à  l'aide  d'une  pommade 
dont  ils  tiennent  la  composition  secrète,  ils  iont  tomber  les  cheveux 
lentement  et  sans  douleur,  puis  ils  sèment  sur  la  tête  la  poudre  qui  fait 
la  base  de  cette  pommade,  en  ayant  soin  de  peigner  fréquemment  les 
eni'aus,  et  de  tenir  le  cuir  chevelu  très-propre. 

Nous  regrettons  vivement  de  ne  pouvoir  faire  connaître  le  secret  de 
cette  pommade  ëpilatoire,dont  l'efiBcacité  est  aujourd'hui  parfaitement 
démontrée  par  plus  de  cinquante  mille  guérisons  de  teignes,  dans  des 
établissemens  publics.  Les  praticiens  ont  cherché  à  suppléera  cette  pou- 
dre en  en  composant  plusieurs  qui  ont  à  peu  près  les  mêmes  bases.  Voici 
celle  de  M.  Rayer  : 

Pr.  Chaux  du  commerce,  une  once  ; 

Sous-carbonate  de  potasse,  deux  g^os  ; 
Charbon  pulvérisé,  un  gros. 

On  iacorpore  ce  mélange  à  de  l'axonge,  dont  on  augmente  ou  l'on  di 
ininue  la  quantité,  suivant  que  le  cuir  chevelu  est  plus  ou  moins^en- 
flammé. 

M.  Biett  prescrit  souvent  des  lotions  avec  le  liquide  suivant,  pour 
remplacer  cette  poudre  épilatoire. 

Pr.  Sulfure  de  soude,  trois  gros; 
Savon  d'Espagne,  demi-once; 
Alcool, deux  gros; 
Eau  de  chaux,  une  livre. 
Mêlez. 

Nous  voyons  dans  un  recueil  de   chirurgie  militaire  que  M.  Giscard 
chirurgien-major  à  Alger,  emploie  avec  succès  la  pommade  suivante  ; 
Pr.  Axonge,  deux  livres  ; 
Soufre,  deux  onces  ; 
Poudre  de  charbon,  huit  onces. 
Mêlez  exactement. 

Après  avoir  fait  raser  la  tête  du  malade,  ce  chirurgien  y  applique  une 

Tome  vi.  — »'  »e  novembre,  53 


Nods  feroQS  daûâ  un  procbaiQ  article  l'application  de  ces 
préceptes  sur  quelques  malades  observés  à  l'hôpital  Saint- 
Louis,  et  nous  termineroas  l'hi&toife  et  le  itMiioaiiat 
teigne. 

ART.  11 59. 

Observatiens  sur  le  danger  d'enlever  certaines  tumeurs  pédiculées 
sans  une  ligature  préalable. 

M.  le  docteur  Fardeau,  de  Saumur,  a  publié  dans  le  Jour- 
nal hebdomadaire  deux  observations  dans  lesquelles  l'incision 
d'une  petite  tumeur  faillit  amener  la  mort  des  malades  par 
l'hémorrhagie  abondante  qu'elle  détermina. 

Une  petite  fille,  âgée  de  trois  an»,  portait  à  la  partie 
moyenne  da  siernum  une  tumeur  du  volume  et  de  la  cou- 
leur d'une  cerise  et  de  nature  érectile.  Elle  était  supportée 
par  un  pédicule  étroit,  qui  paraissait  s'engager  sous  le  ster- 
num. M.  Fardeau  négligea  d'appliquer  une  ligature  préa- 
lable sur  ce  pédicule,  et  se  borna  à  l'emporter  d'un  coup 
de  ciseaux.  A  peine  l'ablation  fut-elle  opérée,  qu'il  y  eut  un 
petit  écoulement  de  sang,  qu'on  arrêta  d'abord  par  l'appli- 
cat'on  de  quelques  bourdonnets  de  charpie,  de  compresses 
graduées  et  d'un  bandage  de  corps.  La  mère  emmena  son 
enfant  qui  ne  tarda  pas  à  s'endormir.  Mais  au  bout  d'une 
heure  elle  s'aperçut  qu'elle  pâlissait  et  devenait  froide  ;  le 
bandage  était  rempli  de  sang.  M.  Fardeau,  étant  accouru 
aussitôt,  crut  pouvoir  arrêter  l'hémorrhagie  en  exerçant  de 
nouveau  la  compression;  mais  le  sang  continua  à  couler.  Il 
s'empressa  alors  de  faire  rougir  un  st^^let  qu'il  porta  dans  la 
plaie;  mais  sans  plus  de  succès.  Il  eut  alors  l'idée  de  tailler 
une  petite  cheville  avec  du  bois  tendre  et  vert,  lui  donnant 
la  forme  d'un  clou  aigu,  à  la  tête  duquel  il  fixa  un  fil  ciré 
pour  l'enlever  en  temps  opportun,  puis  il  l'introduisit  dans 


coucbe  de  cette  pommade,  puis,  au  bout  de  deux  ou  trois  jours,  il  fuit 
laver  la  tête  avec  une  solution  de  savon  noir.  Ces  applications,  répétées 
cinq  à  six  l'ois,  auraient  sulH  po'jr  auiencr  l'entière  guérison  des  teignes 
les  plus  compliquées. 

Nous  aurions  pu  citer  boaticoup  d'autres  recettes,  qui  ont  pour  base 
à  peu  prés  les  uiêuies  sub^lilnce-.  Espérons  que  celle  des  frères  Mahon, 
qui  paraît  la  plus  cfScace,  scia  bicutùt  rendue  publique.  Nous  nous 
empresserons  de  la  faire  connaître  à  nos  lecteurs. 

(Note  du  rédacteur.) 


(51-.) 

Je  jielil  pciiuis  où  ûtoieiil  les  vaisseaux,  «l  Ut  saug  .s'arrêta 
enfin.  Il  était  temps,  car  l'cnlaut  était  froide  et  n'avait 
presque  plus  de  pouls.  Le  petit  bois  se  détacha  de  lui-iuÊiui: 
au  bout  de  quelques  jours,  et  la  petite  malade  se  rétablit 
fort  bien. 

Le  sujet  de  la  seconde  observation  éprouva  des  accideos 
bien  autrement  graves,  et  fut  au  moment  de  succomber 
par  suite  d'une  incision  semblable  faite  sans  ligature  préa- 
lable. 

Un  jeune  homme  portait  à  l'anus  une  tumeur  grosse 
comme  une  cerise,  suspendue  ù  un  pédicule  d'un  pouce  de 
longueur.  Ce  pédicule  était  implanté  sur  la  muqueuse  rec- 
tale; son  exiguïté  et  l'absence  de  pulsations  engagèrent 
M.  Fardeau  à  en  opérer  la  section  d'un  seul  coup  de  ci- 
seaux. Il  ne  s'écoula  d'abord  pas  de  sang,  et  l'opéré  s'en  alla; 
mais  bientôt  le  cœur  lui  manqua,  et  il  entra  dans  une  maison 
voisine,  où  il  s'aperçut  que  son  pantalon  et  ses  bottes  étaient 
pleinsdesang.  Son  cliirurgien  étant  accourii,le  trouva  pâle  et 
sans  pouls;  il  bourra  de  son  mieux  le  rectum  de  bourdonnets 
de  charpie  saupoudrés  de  colophane,  après  avoir  donné  quel- 
ques lavemens  d'eau  froide  acidulée.  Non-seulement  la  com- 
pression n'arrêta  pas  le  sang,  mais  elle  causa  bientôt  des 
douleurs  intolérables,  et  il  fallut  y  renoncer.  Une  compresse 
carrée,  bien  fine,  enduite  extérieurement  de  cérat,  fut  in- 
troduite dans  le  rectum,  en  eu  laissant  une  portion  à  l'exté- 
rieur. L'espèce  de  sac  qu'elle  formait  fut  rempli  de  charpie, 
et  l'on  chercha  ain-i  à  former  un  tampon  qui  pût  arrêter 
l'héinorrhagie,   mais  on  échoua  complètement. 

Ces  moyens  de  compression  ne  tardèrent  pas  à  produire 
une  vive  inflammation  qui  s'étendit  à  tout  le  gros  intestin. 
Le  péritoine  se  prit,  ie  ventre  devint  douloureux,  tendu,  la 
fièvre  s'alluma.  Il  était  impossible  de  pratiquer  d'émissions 
sanguines  chez  un  sujet  si  fort  débilité  par  cette  hémorrha- 
gie.  Ou  se  borna  aux  émoUiens  et  aux  boissons  adoucissantes. 
Pour  combattre  un  suintement  de  sang  qui  s'opérait  conti- 
nuellement par  le  rectum,  un  seul  bourdonnet  de  charpie 
était  introduit  dans  l'intestin  et  maintenu  au  moyen  d'une 
canule  en  buis.  Après  huit  jours  de  soins  et  d'inquiétudes, 
le  sang  s'arrêta  enfin  complètement,  les  symptômes  de 
phlegmasie  abdominale  se  dissipèrent,  et  le  malade  se  réta- 
blit entièrement. 

M.  Fardeau  fait  observer  que  s'il  n'eût  point  négligé  de 
mettre  un  fil  sur  le  pédicule  de  cette  tumeur,  ces  accidens 
ne  seraient  point  arrivés.  Nous  ne  pouvons  nous  empêcher 
d'ajouter  que  de  pareils  faits,   livrés  avec  une  telle  fran- 


(5i6) 

(Aise  à  la  publicité,  sont  plus  utiles  aux  praticiens  que  les 
résultats  heureux,  souvent  attribués  à  telle  ou  telle  mé- 
thode, et  qui  n'ont  de  succès  que  dans  les  mains  de  leurs  in- 
venteurs. 

ART.   1 160. 
Savon  résolutif  contre  les  engelures^  par  M.  Verdé-Delisle. 

Pr.  Camphre,  un  gros. 
Faites  dissoudre  dans 

Teinture  de  benjoin,  trois  gros. 
Ajoutez  en  triturant, 

Hydriodate  de  potasse,  deux  gros  ; 
Acétate  de  plomb  liquide,  quatre  gros. 

Versez  sur  ce  mélange. 

Huile  d'amandes  douces,  quatre  onces; 
Lessive  des  savonniers,  deux  onces; 
Essence  de  lavande,  vingt  grains. 

Laissez  ce  savon  pendant  quelque»  heures  dans  un  mortier 
de  marbre,  en  ayant  soin  de  le  remuer  de  temps  en  temps. 
Lorsqu'il  a  acquis  une  certaine  consistance,  coulez-le  dans 
un  moule  de  papier,  pour  être  ensuite  divisé  par  tablettes 
du  poids  de  deux  onces.  J'emploie  ce  savon  avec  beaucoup 
de  succès, lorsque  la  maladie  n'est  encore  arrivée  qu'à  sa  pre- 
mière période 

La  manière  d'en  faire  usage  est  très-simple;  elle  est  la 
même  que  pour  le  savon  ordinaire.  Après  s'être  lavé  les 
mains  avec  et  les  avoir  essuyées,  le  savon  étant  encore  hu- 
mide, on  en  frottera  les  engelures,  afin  de  laisser  dessus  une 
espèce  de  vernis  ;  il  faudra  recommencer  cette  opération 
matin  et  soir. 

Lorsque  la  maladie  est  arrivée  à  sa  deuxième  période, 
c'est-à-dire  lorsqu'à  l'engorgement  et  aux  phlyctènes  a  suc- 
cédé l'ulcération,  je  me  sers  également  avec  avantage  du 
Uniment  suivant  : 

Liniment. 

Huile  d'amandes  douces,  denx  onces; 
Eau  de  chaux,  deux  onces; 
Laudanum  de  Rousseau,  un  gros; 
Teinture  d'iode,  un  demi-gros. 
Mêlez. 


Je  fais  panser  soir  et  matin  les  ulcérations  avec  des  liages 
fenêtres  imbibés  de  ce  Uniment. 

(^Joum.  des  se.  phys.  et  chim.) 

ART.     1161. 

Note  sur  une  décoction  blanche  officinale  concentrée^  ou  conserve 
anti-dyssenterique ,  par  M.  Frigerio. 

Pr.  Corne  de  cerf  râpée,  une  livre; 
Id.  calcinée,  deux  onces  ; 
Mie  de  pain  de  gruau,  huit  onces; 
Gomme  arabique,  quatre  onces; 
Sucre  blanc,  une  livre  huit  onces; 
Eau,  huit  livres. 

Lavez  la  corne  de  cerf  râpée  avec  de  l'eau  tiède  à  deux 
ou  trois  reprises;  mettez  bouillir  avec  la  mie  de  pain 
déchirée  en  petits  fragmens  avec  les  huit  livres  d'eau  pres- 
crites jusqu'à  réduction  de  la  moitié  du  liquide  à  peu  près. 
Passez  ensuite  le  mélange,  en  exprimant  fortement  le  résidu 
à  travers  une  toile  serrée. 

D'un  autre  côté,  faites  fondre  la  gomme,  choisie  et  lavée, 
dans  huit  onces  d'eau  tiède,  et  passez. 

En  troisième  lieu,  triturez  long-temps  le  sucre  et  la  corne 
de  cerf  calcinée  et  porphyrisée  dans  un  mortier  de  marbre, 
afin  d'obtenir  une  poudre  extrêmement  divisée. 

Enfin  remettez  sur  le  feu,  dans  une  bassine  étamée,  le 
liquide  exprimé  et  la  solution  de  gomme,  et  ajoutez  en  re- 
muant la  poudre  sucrée.  Evaporez  le  tout  ù  petit  feu,  en  fai- 
sant bouillir  légèrement  et  en  remuant  avec  une  spatule  de 
bois  jusqu'à  ce  que  le  mélange  épaissi  ne  pèse  plus  que  quinze 
mille  grammes  ou  trois  livres,  ce  qui  est  aisé  à  constater  en 
tarant  la  bassine. 

Arrivée  dans  cet  état,  cette  conserve,  d'une  consistance 
très-épaisse  et  liante,  doit  être  versée  dans  des  pots  ou  des 
bocaux  de  verre  à  large  ouverture,  de  la  contenance  de  huit 
à  dix  onces,  que  l'on  couvre  avec  du  papier,  et  on  les  tient 
dans  un  lieu  sec,  frais  et  obscur.  Cette  préparation  se  con- 
serve indéfiniment.  On  en  met  une  once  et  demie  dans  une 
livre  d'eau  chaude,  et  on  a  un  liquide  blanc,  laiteux,  agréa- 
ble au  goût,  et  tenant  bien  plus  long-temps  et  plus  parfaite- 
ment en  suspension  toute  la  corne,  de  cerf  calcinée.  Il  ne 
reste  plus  qu'à  l'aromatiser,  suivant  le  goût  des  malades. 

[Journ.  des  c.  méd.) 


(5i8) 

ART.    1162. 

Formules  de  quelques  gargarismes,  par  M.  Béral. 
Gargarisme  à  l'opium. 

Pr.  Eau  distillée,  quatorze  onces; 
Hydromel,  deux  onces; 
Extrait  d'opium,  huit  grains. 

Mêlez  l'eau  et  le  sirop  de  miel,  et  dissolvez  l'extrait  dans 
ce  mélange. 

Ce  médicament  est  un  narcotique  des  plus  certains,  que 
l'on  emploie  comme  calmant  dans  les  inflammations  de  l'ar- 
rière-bouche. 

Gargarisme  au  gingembre. 

Pr.  Eau  commune,  quatorze  onces; 

Sirop  de  pipéroïde  de  gingembre,  deux  onces. 
Mêlez. 

Ce  gargarisme  a  une  saveur  chaude  et  aromatique.  C'est 
un  stimulant  auquel  on  a  recours  dans  le  relâchement  de  la 
luette. 

Gargarisme  à  l'alun. 

Pr.  Eau  distillée,  sept  onces  ; 
Hydromel,  une  once  ; 
Sulfate  d'alumine  et  de  potasse,  quatre  scrupules. 

Mêlez  l'eau  et  le  sirop  mélléolique,  et  faites-y  dissoudre 
le  eel  alumineuz. 

Ce  mélange,  dont  la  «saveurest  stiptique,  jouit  de  proprié-> 
tés  fortement  astringente's.Ons'ensertdans  les  inflammations 
chroniques  et  les  ulcères  scrofuleux  atoniques  du  voile  du 
palais  et  des  parties  qui  l'avoisinent. 

Gargarisme  au  borax. 

Pr.  Eau  distillée,  sept  onces  ; 
Hydromel,  une  once  ; 
Sou»-borate  de  soude,  quatre  scrupules. 

PesCÈ  l'eau  et  l'hydromel  dans  un  flacon;  ajoutez«y  le 
borax,  et  dissolvet-le  en  agitant  le  mélange. 

Le  gargarisme  borate  est  un  excitant  léger  que  l'on  dirige 
sur  les  ulcères  atoniques, et  qui  convient  dans  l'angine  couen- 
neuse  produite  par  tioe  médication  mercurielle. 

(  .Tourn.  de  chim.  méd.  ) 


(5i9) 

ART.    Il 63. 

Pilules  employées  par  M.   Biett  dans  Cépilepsie. 

M.  Biett  prescrit  souvent  clans  l'épilepsie  les  pilules  «uU- 
vantes  : 

Pr.  Sulfale  de  cuivre  ammoniacal,  un  scrupule; 
Extrait  de  belladone,  un  demi-gros; 
Extrait  de  valériane,  deux  scrupules. 

Mêlez  et  divisez  en  quarante  huit  pilules,  dont  on  prendra 
suocessiveuient  deux,  quatre,  six,  huit  par  jour  et  même  da- 
vantage, suiraot  les  eâets  produits. 

ART.  1164. 

Séances  d'Académie  :  Sirop  et  pommade  du  docteur  Berthomé 
contre  les  dartres. 

M.  Manry  a  fait  à  l'Académie,  dans  sa  séance  du  27  octo- 
bre, un  rapport  sur  une  recette  communiquée  par  M.  le 
docteur  Berthomé,  et  appliquée  au  li^iitement  de  tout«  es- 
pèce de  dartres,  sans  dislinctiofl  de  genre  ni  d'espèce.  Le 
mémoire  de  M.  Berthomé  était  accompagné  de  plusieurs  ob- 
se''vations  rapportées  fort  succincteiuent  à  l'appui  de  sa  mé- 
thode qui,  tout  empirique  qu'elle  soit,  paraît  néanmoins 
avoir  procuré  des  cures  assez  nombreuses.  Après  avoir  em- 
ployé les  antiphlogisliques  pendant  quelque  temps,  l'auteur 
fait  usage  d'un  sirop  et  d'une  pommade  dont  jaoas  allons  don- 
ner les  formules. 

Sii'»p  an1i-dartr«ux^ 

Pr.  Gayac,  deux  livres; 
Sassafras,  deux  livres; 
Salsepareille,  quatre  livres; 
Squine,  trois  livres; 
Nénuphar,  une  livre; 
Rhubarbe  exotique,  une  livre  et  demie; 
Santoline,  six  livres. 

Pulvérisez,  faites  bouillir  les  plantes  «t  racines  pendant 
long-  temps  à  ufi  feu  doux,  dans  quatre-vingt-cinq  livre« 
d'eau,  jusqu'à  réduction  de  quiu^  à  vingt  livres  de  liquide, 
en  pressurant  le  tout  fortement.  Ajoutez  : 

Bicarbonate  de  soude,  deux  livres; 
Sucre  ou  mélasse,  quatre-vingts  livrtii. 

Remettezlc  tout  sur  le  feu  avec  soixante'blancsd'Ϟfspotu' 


(    520   ) 

clarifier;  faites  bouillir  jusqu'à  coosistance  de  trente-sept 
degrés  de  sirop;  laissez  refroidir;  mettez  en  bouteille  etfaites- 
eo  prendre  au  malade  trois  cuillerées  par  jour,  une  dans 
chaque  tasse  de  tisane. 

Pommade  anti-dartre  use. 

Pr.  Laudanum  de  Rousseau,  deux  à  trois  gros  ;  [ 
Sulfate  de  quinine,  demi-gros  ; 
Acide  acétique,  une  à  deux  onces. 

Cet  acide  doit  être  préparé  avec  digitale  pourprée  et  nénu- 
phar en  poudre,  de  chaque  une  livre  et  demie;  acide  acéti- 
que, douze  litres.  Laissez  infuser  vingt-quatre  heures  sur  un 
feu  doux,  puis  trente  à  quarante  jours  dans  un  pot  de  terre; 
après  ce  temps,  pressurez  et  passez.  Ajoutez  : 

Extrait  de  Saturne,  deux  onces  ; 

Huile  d'olive,  première  qualité, deux  onces; 

Essence  de  romarin  ou  de  girofle,  deux  gros.' 

Battez  le  tout  ensemble.Dans  le  traitement  des  dartres  sup- 
purantes, il  faut  ajouter  à  la  composition  : 

Sulfate  de  quinine,  deux  ou  trois  gros; 
Limaille  de  fer  porphyrisée,  une  once. 

Une  si  étrange  composition  a  excité  plusieurs  fois  les  rires 
et  les  réclamations  de  l'assemblée.  Cependant  quelques 
membres  ont  fait  observer  que  peu  importait  le  nombre  et  la 
bizarrerie  des  drogues,  s'il  était  bien  certain  qu'on  avait 
guéri  des  dartreuxpar  l'emploi  de  cette  médication.  MM.  Pa- 
ri»et  et  Rochoux  ont  déclaré  avoir  vu  plusieurs  exemples  de 
guérison.  Au  reste,  M.  Berthomé  étant  correspondant  de  l'A- 
cadémie, l'assemblée  n'a  pas  eu  à  se  prononcer  sur  le  mérite 
du  remède  proposé. 

ÀHT.    1  i65. 
MÉDECINE  LÉGALE. 

SUITE  D£  I.'hISTOIHE  DU    VIOL. 

Quels  sont  les  indices  d'une  affection  vénérienne  ?  —  Ne  peut-on  pas  les 
rapporter  à  plusieurs  causes  différentes  ?  —  Résumé  de  tout  ce  qui  coti' 
cerne  le  viol. 

M. 

J'aborde  aujourd'hui  arec  vous  les  dernières  questions  qui  pour- 
raient vous  être  adressées  par  les  magistrats  à  l'occasion  d'un  viol. 


(521    ) 

Je  chercherai  ensuite  à  vous  faire  connaître  par  les  rapports  que  je 
TOUS  citerai,  l'application  que  vous  pouvez  faire  à  la  pratique,  des 
documens  que  je  vous  ai  fournis  jusqu'alors. 

Quels  sont  les  indices  d'une  affection  vénérienne  ?  —  Ne  peut-on  pas  les 
rapporter  à  plusieurs  causes  différentes  ? 

Quand  il  s'agit  de  constater  un  fait  en  matière  de  viol,  l'exper- 
tise a  toujours  lieu  à  une  époque  voisine  de  celle  où  le  viol  a  été 
commis.  Eu  fait  d'affection  vénérienne,  nous  ne  pouvons  donc  sup- 
poser que  des  symptômes  primitifs,  résultant  d'une  infection  ré- 
cente, et  ayant  particulièrement  leur  siège  aux  parties  génitales. 
Néanmoins,  comme  ou  peut  communiquer  une  vérole  d'emblée,  je 
tiendrai  compte  de  ses  effets. 

Symptômes  qui  ont  leur  siégé  sur  les  parties  génitales. —  Le  phéno- 
mène le  plus  commun,  et  aussi  celui  qui  peut  offrir  le  plus  d'incer- 
titude, c'est  l'existence  d'un  écoulement.  Voici  ce  que  l'on  observe 
chez  les  très-jeunes  enfans  :  l'écoulement  débute  vers  le  troisième, 
le  quatrième  ou  le  cinquième  jour  après  la  tentative  de  viol,  par  des 
démangeaisons,  de  la  cuisson,  de  la  douleur  en  urinant;  l'enfant 
porte  constamment  la  main  a  ses  parties  génitales;  survient  alors 
l'écoulement.  La  matière  qui  le  constitue  peut  être  verte,  jaune  ou 
blanche,  ou  présenter  des  nuances  intermédiaires  qui  dérivent  de 
ces  trois  couleurs;  elle  est  ordinairement  verte  au  début,  d'un  jaune 
verdâtre  ensuite,  et  sa  couleur  devient  de  moins  en  moins  foncée, 
au  fur  et  à  mesure  que  l'écouiemeiit  diminue.  Elle  est  presque  tou- 
jours rassemblée  autour  et  au-dessus  du  clitoris,  dans  l'écartement  et  à 
la  partie  supérieure  des  grandes  lèvres. 

La  membrane  muqueuse  présente  une  coloration  d'un  rouge  plus 
ou  moins  vif,  surtout  au  voisinage  du  méat  urinaire,  qui  est  plus 
enflammé  que  le  reste  des  parties  génitales  externes.  La  chemise  est 
tachée  par  la  matière  de  cet  écoulement,  en  avant  et  en  arrière  chez 
les  très-jeunes  enfans:  mais  au  fur  et  à  mesure  que  les  observations 
portent  sur  des  filles  et  des  femmes,  c'est  en  arrière  de  la  chemise, 
presque  exclusivement,  que  les  taches  se  rencontrent.  Vous  vous  ren- 
drez compte  de  cette  circonstance  en  vous  reportant  aux  détails  ana- 
tomiques  que  je  vous  ai  donnés  ao  commencement  de  mon  avant- 
dernière  lettre;  ce  résultat  d'observation  vient  même  les  confirmer. 

L'écoulement  existe-t-il  seul,  il  se  présente  la  question  de  savoir 
s'il  est  dû  à  une  affection  vénérienne  ou  à  une  autre  cause?  Cette 
question  peut  jeter  le  médecin  dans  une  grande  incertitude.  Chez 
une  très-jeune  fille,  une  affection  catarrhale  de  la  membrane  mu- 
queuse du  vagin  peut  seule  le  produire.  Voici  quelques  données  qui 
vous  éclaireront  sur  ce  sujet. i°  Dans  ce  dernier  cas,  la  totalité  de  la 
membrane  qui  tapisse  les  parties  génitales  participe  à  l'inflammation, 
tandis  que  dans  les  écoulemens  syphilitiques,  c'est  principalement  au 
voisinage  de  l'urètre  que  la  phlegmasie  existe,  a"  L'écoulement  est  or- 
dinairement moins  fonce  en  vert  et  moins  abondant.  Toutefois,  je 
me  hàtc  de  vous  apprendre  qu'il  est  bien  des  circonstances  oii 
la  masturbation  seule  développe  ce  symptôme  avec  autant  d'in- 
tensité et  de  coloration  que  lorsqu'il  reconnaît  pour  cause  une  in- 
fection. 3°  L'affection  catarrhale  des  jeunes  filles  est  souvent  liée  a 


(  Saa  ) 

un  état  morbide  général  que  ne  présentent  pas  les  écoulemens  véné- 
riens.  4°  Pour  qu'une  personne  ait  un  écoulement  dont  lu  nature, 
la  durée  et  les  symptômes  soient  syphilitiques,  il  faut  nécessaire- 
ment qu'il  ait  été  communiqué, et  par  conséquent,  la  personne  qui  a 
porté  attemte  à  sa  pudeur  doit  aussi  présenter  des  phénomènes 
morbides  avec  sécrétion  purulente.  5"  Enfin,  il  faut  que  ie  début  de 
1  écoulement  coïncide  avec  le  troisième  ou  le  quatrième  j  ur  qui  a 
SUIVI  la  tentative  présumée  de  viol.  Si  ces  principes  sont  générale- 
ment vrais,  ils  souffrent  cependant  un  grand  nombre  d'exceptions, 
surtout  lorsqu'il  s'agit  d'une  femme  qui  a  déjà  eu  des  rapports  avec 
des  hommes.  Ou  se  demandera  d'abord  si  un  homme  peut  commu- 
niquer un  écoulement  dans  toutes  les  périodes  de  sa  durée?  Or,  oh 
sait  qu  il  est  un  grand  nombre  d'individus  qui  conservent  des  res- 
tes de  blennorrhagie,  souvent  même  assez  considérables  pour  ta- 
cher leur  linge,  et  qui  voient  cependant  beaucoup  de  femmes  sans  les 
infecter.  Où  sont  alors  les  limites  possibles  d'un  pareil  défaut  d'in- 
fection ?  Uu  homme  qui  n'a  pas  d'écoulement,  qui  cohabite  avec  une 
lemme  saine,  ne  peut-il  pas,  par  les  attouchemens  de  toute  sorte 
auxquels  il  se  livre,  développer  une  affection  locale  simulant  la 
blennorrhagie  véni  rienne,  comme  dans  les  cas  où  uo  homme  sain 
voyant  une  femme  exempte  de  tout  symptôme  vénérien,  est  affecté 
d  un  écoulement  par  suite  des  exciialions  auxquelles  il  s'est  livré 
pendant  le  coiit?  Tnutefois  celte  objection  n'a  pas  auiant  de  porlée 
qu  on  pourrait  bien  le  croire  au  premier  abord;  eu  fait  de  viol,  l'acte 
du  coït  est  toujours  plus  ou  moins  incomplet,  et  par  conséquent,  la 
cause  d'écoulement  que  je  viens  de  noter  ne  s'y  rencontre  que  très-r 
rarement.  Enfin,  la  masturbation  ne  peut-rlle  pas  produire  à  elle 
seule  ua  pareil  résultat? 

On  voit  donc  «n  résumé  que,  pour  porter  un  jugement  dans  une 
eirconsiauce  de  ce  genre,  on  doit  pouvoir  réunir  un  assez  grand  nom- 
bre de  documens.  Il  faut  r  que  l'homme  accusé  ait  un  écoule- 
ment ou  une  (les  formes  de  l'affection  syphilitique  qui  entraine  avec 
elle  la  suppuration  ;  2"  que  la  date  de  l'invasion  de  l'écoulement  de 
la  jeune  fillecoiucide  avec  le  troisième,  le  quatrième  ou  le  cinquième 
jour  qui  a  «uivi  la  tentative  de  viol;  3"  qu'il  soit  bien  prouvé  qu'a>- 
vaut  cette  époque  la  jeune  fille  n'avait  pas  d'affection  de  même  na- 
ture; 4"  enfin  qu'elle  n'a  pas  cohabité  avec  aucun  autre  individu  in- 
fecté. Les  médecins  ne  sauraient  prendre  trop  de  précautions  à  cet 
égard.  lU  ne  doivent  accueillir  qu'avec  la  plus  grande  réserve  les 
plaintes  des  parens,  qui,  a  ce  sujet,  sont  toujours  disposés  à  regarder 
les  écoulemen'i  que  peuvent  avoir  leurs  enfans  comme  une  preuve 
certaine  de  viol.  M.  C<<puron  rapporte  à  ce  sujet  l'exemple  fuivant  ; 
Eu  180Î,  ce  médecin  est  appelé  pour  visiter  une  fille  de  quatre  aos 
qui  rendait  par  la  vulve  une  Riucosité  blanchâtre  des  plus  acres. Les 
grandes  lèvres  et  le  mont  d«  Venus  étaient  rouget;,  gonflés  et  dou- 
loureux. 11  y  avait  même  des  ulcérations  assez  profondes,  dont  Iji 
suppuration  ressemblait  -i  l'écoulement  vulvaire.  L'enfant  était  en 
même  temps  enrhnmée,  et  tourmeutée  d'une  fièvre  qui  redoublait 
le  seir  e*  dnns  la  «oit  Le  père  et  la  mère  étaient  d'autant  plus  alar- 
més, qu'Us  regardaient  la  maladie  des  organes  génitaux  comme  U 
suite  d'nne  infection  vénérienne  et  criaieat  au  viol.  Ce  n'était  autre 


(  523  ) 

chose  qu'une  affection  catarrhale  qui  régnait  épidemiquement  à  Pa- 
ri», et  qui  céda,  dan«  un  court  espace  de  temps,  à  un  régime  adou- 
citsaiit.  Eu  1809,  il  eut  encore  occasion  d'observer  une  lencorrhëe 
des  plus  aiguës  sur  une  fille  de  six  ans,  maladie  qui  aurait  été  cer- 
tainement bien  plus  alarmante,  et  aurait  fait  naître  plus  de  souii- 
çons  que  la  précédente,  si  les  piirens  n'avaient  été  inaccessibles  à  la 
prévention.  (Capuron,  Méd.  lég.,  pag.  41  ft  42-)  J^'  '"''té  un  grand 
nombre  d'enfans  dans  le  but  de  rechercher  quelles  sont  les  induc- 
tions que  l'on  peut  tirer  de  la  présence  des  é(  oulemens  chez  les  en- 
faus,  et  je  puis  assurer  qu'ils  peuvent  coïncider  avec  les  apparences 
extéiieures  les  plus  grandes  de  la  santé.  C  s  écoulemens  disparais- 
sent presque  tous  au  moyen  de  quelques  bains  de  Barege. 

Un  second  phénomène  consiste  dans  des  ulcérations.  Elles  peuvent 
exister  seules  ou  accompagner  un  écoulement.  Dans  les  deux  cas, 
elles  peuvent  aussi  dépendre  de  causes  différentes,  et  ces  causes  sont 
analogues  a  celles  que  nous  avons  énoncées  à  l'occasion  des  écoule- 
mens. Il  est  souvent  difficile  de  distinguer  des  ulcérations  syphiliti- 
ques d'avec  des  ulcérations  provenant  du  contact  d'une  humeur 
acre  avec-  les  parties  sexuelles,  comme  dans  l'exemple  rapporté  plus 
haut  par  M.  Capuron.  U  faut  donc  observer  avec  soin  si  les  ulcéra- 
tions ont  des  bords  tailles  à  pic  et  calleux;  si  elles  sont  grisitres  à 
leur  centre,  ronges  à  leur  circonférence,  bien  arrondies,  comme  lors- 
qu'elles sont  de  nature  vénérienne;  ou  si  au  contraire  elles  sont  su- 
perficielles, a  forme  inégalement  ronde,  généralement  rosées  ou  lé- 
gèrement blanchâtres  à  leur  centre,  comme  dans  les  affections 
aphteo'es;  que  si  l'on  découvrait  des  excroissances  à  lentrée 
du  vagin,  il  faudrait  bien  se  primunir  contre  l'erreur  que  l'on 
pourrait  commettre  en  prenant  pour  telles  les  caroncules  ravr- 
tiformes.  Il  est  prouvé  que  des  excroissances  peuvent  surve- 
nir sans  qu'elles  reconnaissent  pour  cause  l'infection  vénérienne. 
Il  en  est  de  même  des  autres  excroissances,  telles  que  ragades, 
verrues,  etc.  Quant  aux  pustules,  il  faut  bien  se  garder  de  prendre 
pour  cette  affection  des  boutons  à  leur  début.  Mais  un  phénomène 
qui  accompagne  souvent  l'affection  syphilitique  communiqnée,  est 
l'existence  d  engorgement  aux  aines,  constituant  on  ne  constituant 
pas  des  bubons.  Ici,  il  peut  encore  v  avoir  méprise,  en  ce  sens  que 
l'on  prendra  pour  un  bubon  ou  un  engorgement  Tenérien  ce  qui 
ne  dépendrait,  par  exemple,  que  d'une  écf)rchure  au  gros  orteil  ; 
rien  de  plus  commun  que  de  rencontrer  les  glandes  ipguinales  i«fé- 
rienres  engorgées  dans  ces  sortes  de  cas,  tandis  qoe  ce  sont  les 
glandes  inguinales  internes  qui  constituent  l'autre  affection. 

Telles  sont  les  données  générales  qui  devront  guider  le  médecin 
dans  son  expertise. 

Résumé  de  tout  ce  qui  concerne  le  viol. 

Le  viol  peut  avoir  lieu  sur  une  personne  de  l'un  ou  de  l'autre 
sexe; 

Il  peut  être  effectué  à  tout  âge;  cependant  c'est  surtout  depuis 
trois  aus  jusqu'à  dix-hait  que  ce  crime  se  commet  presque  tou^ 
jours. 

Il  s'adresse  plus  particulièrejocut  aux  fiiies  vitrées  qu'à  ceilt:;  qoi 
ont  eu  des  rapports  avec  les  hommes. 


(  524) 

Le  médecin  n'est  jamais  tenu  de  déclarer  que  le  viol  a  été  ou  n'a 
pas  été  commis,  mais  bien  de  déterminer  si  la  personne  que  l'oa 
suppose  violée,  et  celle  qni  est  sous  l'inculpation  d'un  viol,  présen- 
tent des  traces  de  violences  ou  d'autres  indices  qui  puissent  établir 
des  présomptions  sur  ce  crime.  Et  quoi  qu'il  arrive,  il  ne  peut  ja- 
mais établir  la  preuve  certaine  du  viol  avec  les  seuls  documens  qu'il 
puise  dans  l'examen  qu'il  est  appelé  à  faire,  car  il  lui  manque  ceux 
qui  se  rattachent  à  l'action  eu  elle-uiéuie,  et  qu'il  ne  connaît  qu'à 
titre  de  renseignement,  et  non  pas  a  titre  de  preuves,  en  sorte  que, 
dans  les  circonstances  les  plus  favorables  a  l.i  solution  de  la  ques- 
tion par  l'affirmative,  11  est  toujours  obligé  de  partir  de  ce  point:  Si 
d'ailleurs  les  renseignemens  qui  nous  ont  été  fournis  sont  exacts,  il 
y  a  tout  lieu  de  croire  alors  que  les  altérations  observées  sont  le 
fait  d'un  viol. 

Les  altérations  matérielles  dépendantes  du  viol  doivent  être  con- 
statées dans  les  trois  jours  qui  suivent  la  tentative  présumée;  au  cas 
contraire,  on  risque  beaucoup  de  ne  plus  trouver  que  vague  et  in- 
certitude. 

Parmi  ces  altérations,  celle  qui  fournit  l'indice  le  plus  probant 
sur  l'existence  du  crime  est  la  défloration  récente.  Elle  acquiert  en- 
core de  la  valeur  alors  qu'elle  est  accompagnée  d'excoriations  aux 
petites  et  aux  grandes  lèvres  ;  de  rougeur,  de  gonflement  de  ces  par- 
ties, de  contusions  superficielles  aux  parties  génitales  ou  dans  les 
environs,  de  contusions  aux  poignets  ou  aux  seins,  et  surtout  de 
l'existence  de  taches  de  sperme  en  avant  de  la  chemise,  et  des  deux 
espèces  de  taches  de  sang  en  arrière,  l'une  formée  par  du  sang  pur, 
l'autre  par  de  la  sérosité  sanguinolente. 

Il  est  presque  impossible  de  rencontrer  l'ensemble  de  ces  fait» 
sur  une  personne  qui  a  simulé  le  viol  :  i°  parce  qu'il  faut  d'abord 
la  coïncidence  d'un  homme  et  d'une  femme  pour  les  produire; 
a"  parce  qu'une  mère  y  regardera  toujours  à  produire  a  sa  fille  des 
violences  du  genre  de  celles  que  nous  supposons  ;  3°  parce  que  celle- 
ci  se  soumettra  très-difficilement  à  endurer  les  douleurs  que  la  for- 
mation deces  violences  pourrait  entraîner. 

L'ensemble  des  altérations  que  nous  avons  groupées  ne  devra  ja- 
mais se  rencontrer  que  sur  une  personne  de  quinze  à  dix-huit  ans 
ou  plus,  parce  que  leur  confection  suppose  d'abord  une  intelligence 
de  l'acte  auquel  le  violateur  veut  se  livrer,  et  ensuite  une  force  assez 
grande  pour  opposer  une  résistance  puissante  à  ses  tentatives. 

Ces  altérations  peuvent  se  rencontrer  sans  qu'il  y  ait  eu  viol; 
c'est  le  cas  où  des  amans  maladroits  s'élancent  pour  la  première 
fois  dans  la  carrière  des  jouissances  ;  ou  bien  encore  celui  où  il  y  a 
dans  r<irigine  tentative  de  viol  contre  une  personne,  et  que  celle-ci, 
qui  n'a  pas  une  haine  marquée  pour  la  per^oiine  qui  l'exerce,  cède 
enfin  tout  volontairement  a  ses  caresses. 

Chez  les  très-jeunes  enfans,  l'acte  du  viol  n'aura  presque  jamais 
été  consommé  par  le  membre  virii,  il  y  a  trop  de  dispi  oportion  en- 
tre les  dimensions  des  parties  génitales.  Il  y  a  plus,  dans  la  presque 
totalité  des  cas,  le  viol  n'aura  pas  été  consommé  en  ce  sens  que 
l'hymen  sera  restée  intacte.  C'est  pour  cela  que,  si  les  présomptions 
de  viol  sont  si  communes, les  jugemens  qui  ont  constaté  le  viol  ac- 


(  5a5  ) 

compli  sont  non-seulement  très-rares,  mais  encore  les  poursuites 
pour  le  crime  de  viol,  dans  ce  cas,  sont  très-fréquemment  termi- 
nées par  un  arrêt  de  non-lien  delà  chambre  desmises  en  accusation, 
à  cause  d'un  défaut  de  preuves  matérielles,  ou  par  un  arrêt  de  la 
chambre  du  conseil,  par  le  fait  seul  de  l'examen  qui  a  été  fait  par 
les  médecins  experts. 

Lorsque  les  femmes  ont  déjà  cohabité  avec  des  hommes,  et  à  plus 
forte  raison  quand  elles  ont  eu  des  enfaus,  on  trouve  très-rarement 
des  traces  matérielles  de  viol,  car,  pour  qu'elles  existent,  il  faut  que 
le  violateur  ait  été  aidé  de  complices,  ou  qu'il  existe  une  grande  su- 
périorité de  force  entre  l'accusé  et  sa  victime.  Dans  tous  les  cas,  ces 
désordres  porteront  plutôt  sur  les  grandes  lèvres  et  les  environs  des 
parties  génitales  que  sur  l'intérieur  des  parties  génitales  externes. 

Ce  n'est  pas  exagérer  que  de  dire  que  le  médecin  trouvera  seu- 
lement un  exemple  sur  mille,  de  viol  chez  une  femme  qui  a  eu  des 
eofans,  à  part  ceux  où  la  réunion  de  plusieurs  personnes  a  été  né- 
cessaire pour  opérer  le  crime. 

Lorsque  la  défloration  d'une  femme  a  eu  lieu  antécédemment,  le 
crime  de  viol  laisse  toujours  des  traces  incertaines  de  son  exis- 
tence. 

Dans  l'examen  que  fait  le  médecin,  de  la  plaignante,  il  ne  doit  ja- 
mais manquer  de  s'enquérir  des  circonstances  de  moralité  qui  peu- 
vent s'y  rattacher,  et  surtout  du  fait  de  savoir  si  la  personne  est 
adonnée  ou  non  ;i  la  masturbation.  Les  formes  que  la  personne  em- 
ploie pour  consentir  à  la  visite  qui  doit  être  faite  doivent  fixer  son 
attention.  lien  est  de  même  du  degré  d'intelligence  de  la  personne; 
«ne  jeune  fille  peut  être  imbécile  à  vingt  ans,  et  très-intelligente  à 
douze.  11  ne  peut  jamais  exiger  d'autorité  cette  visite  quand  on  s'y 
refuse,  quoiqu'il  ait  mandat  pour  le  faire;  mais  alors  ii  doit  prévenir 
immédiatement  le  magistrat  qui  l'en  a  chargé,  afin  que  celui-ci  fasse 
usage  de  moyens  qu'il  répugne  à  notre  art  d'employer,  si  ce  ma- 
jgi.<;trat  juge  ces  moyens  nécessaires. 

Eu  thèse  générale, le  médecin  doit  être  mis  à  même  de  comparer 
les  désordres  qu'il  a  constatés  avec  l'instrument  vulnérant,  soit  le 
pénis  de  Ihomme,  soit  les  corps  divers  employés  a  les  produire.  Il 
doit  en  faire  la  demande  au  magistrat  qui  le  commet.  C'est  en  agis- 
sant ainsi  que  plusieurs  cas  de  viol  ont  été  démontrés  impossibles, 
soit  qu'il  existât  une  grande  disproportion  d'âge  entre  l'inculpé  et 
la  plaignante,  soit  qu'il  y  eût  une  grande  dispioportion  de  volume 
entre  le  pénis  et  la  vulve,  ou  bien  que  l'homme  fût  dans  l'impossi- 
bilité  d'entrer  en  érection  par  l'âge,  ou  un  état  maladif  antérieur  qui 
anrait   épuisé  ses  forces,  ou  parce  que  le  membre    viril  manque. 

Pierre  A'ocetci,  accusé  d'avoir  violé  une  fille  vierge,  est  jeté  dans  les 
cachots;  les  sages-femmes  nommées  d'office  pour  visiter  la  plai- 
gnante avaient  déclaré  avoir  trouvé  ses  parties  très-rouges,  avec 
certains  signes  de  viol.  Zacchias  prouva,  au  contraire,  par  1  exiguité 
et  l'état  flasque  du  membre  viril  du  prévenu,  et  par  l'ampleur  des 
parties  génitales  de  la  plaignante,  lesquelles  étaient  abreuvées  d'un 
flux  blanc  continuel,  qu'il  n'y  avait  aucun  rapport  entre  les  parties 
de  l'un  et  celles  de  l'autre,  et  qu'à  supposer  qu'il  y  ait  eu  défloration 
récente,  ce  qui  n'était  pas^  il  y  aurait  eu  en  même  temps  impossibi- 
lité absolue  (]ue  Nocetti  en  eût  été  l'auteur. 


(  536  ) 

Eriniiiio  e&t  accusé  d'avoir  violé  yirginic.  De  Uui.-.  sages-feinnies 
coiiiiuises  pour  la  visiier,  deux  avaient  rafjporté  ;ivoir  nouv.'  une 
dilataliuuavec  d'auii  es  signes  de  viol  ;  la  troisième  avaii  au  contraire 
déclare  o'avoir  tro  tve  aucun  dilatation  contre  nature  ;  que  les  nym- 
phes étaient  dans  leur  état  ordinaire,  et  que  les  panies  étaient 
très-sèches  et  n'annonça  eut  pas  de  d^-floratiou.  La  question  est  sou- 
mise a  Zacchias  et  à  un  autre  auatomiste.  Un  des  motifs  de  leur  so- 
lution par  la  négative  fut  que,  comparaison  faite  des  organes  respec- 
tifs, l'état  chetif  de  celui  de  l'accuse  ne  coïncidait  nullement  avec 
la  (Jilatatiou  annoncée  des  organes  de  Virginie.  (Zacchias,  Qucest. 
med.  leg.,  concilia  34  et  4i) 

Le  viol  peut  être  opère  pendant  une  syncope,  ou  par  le  fait  de  l'u- 
sage des  narcotismes,  >ans  qu  il  en  résulte  aucun  désordre  matériel 
notable  et  sans  que  la  femme  puisse  en  avoir  eu  la  moindre  conscience. 
Ou  ne  peut  mettre  ce  fait  eu  doute,  quand  on  sait  que  les  douleurs 
de  l'accouchenieut  oui  été  insuffisantes  pour  tirer  du  narcotiMue  des 
femmes  qui  étaient  sou    son  influence. 

Il  n'en  serait  pas  de  même  du  so  nmeil  naturel.  Nul  doute  que  si  la 
fille  est  vierge,  elle  ne  soit  eveiUee  par  les  douleurs  du  viol;  mais  alors 
celui-ci  n'a-t-il  pas  pu  être  opère  avant  le  réveil,  puisque  celui-ci 
n'en  est  que  la  conséquence.  La  défloration,  dans  ce  ras,-erail  donc 
la  seule  preuve  du  crime.  Il  y  a  plus  :  il  est  fort  difficile,  pour  ne 
pas  dire  impossible,  de  croire  qu'une  femme  ne  soit  pas  éveillée  par 
l'acte  du  coït. 

Les  moyens  qu'une  fille  pubère  ou  une  femme  peuvent  opposer 
au  viol,  sout  très-puissaus.  Il  suffit  qu  elle  s'agite  et  qu'elle  se  dé- 
batte pour  opposer  une  résistance  sulfisaote  aux  teutaiives.  Reste  au 
magistrat  et  aux  jures  à  juger  q.ielle  a  pu  êire  la  puissance  de  ces 
débats  en  rais^m  du  temps  peudant  lequel  la  lutte  a  été  eugagée. 
Toujours  est-il  constant  qu  il  suffit  du  moindre  lu.mvement  latéral 
du  bassin  pour  s'opposer  a  l'introduction  du  membre  viril,  et  qu'une 
femme  expérimentée  qui  connaît  toute  l'influence  d'un  pareil  mou- 
vement, perdra  dix  fois  moins  de  force  que  l'homme  qui  s  épuise 
en  des  inouvemens  inutiles  et  préliminaires  a  l'accomplissement  de 
l'actequ  il  convoitise,  et  qui  a  perdu  ses  forces  au  moment  oiî  la  femme 
conserve  eiîcore  assez  d'énergie  pour  opérer  ce  mouvemeut.  Ii  ii  eu 
serait  p  .s  de  même  d'une  jeune  personne  sans  expérience, qui  épui- 
serait au  contraire  ses  forces  de  prime-abord,  pour  ne  pas  permet- 
tre même  des  attouchemens. 

Il  est  peu  de  preuves  plus  puissantes  de  l'acte  de  la  copulation 
que  la  coïncidence  des  méinessympiAmes  syphilitiques  chez  1  accusé 
et  la  plaignante  Mais  ces  caractères  ne  prouvent  que  cet  acte.  En- 
core, s'il  s'agissait  d'une  tille  publique,  ou  même  d'une  femme  à 
mœurs  assez  louches,  aurait-ou  a  se  demander  si  l'inculpé  est  l'au- 
teur de  la  maladie.  Ce  so!îi  des  questions  qu  iln'appartiem  pas  au  mé- 
decin de  résoudre. 

De  ce  qu'une  femme  devient  enceinte  après  la  tentative  de  viol, 
ce  n'est  pas  une  raison  de  croire  quelle  ait  consenti  a  cette  tenta- 
tive, i)uisqi\'il  ne  dépend  jias  de  sa  volonté  de  concevoir,  et  que  la 
conception  peut  s'opérer  pendant  I  ivresse  la  plus  complète,  le  nar  - 
cotisme,  la  syncope,  un  accès  d'hyslerie  avec  perte  de  connais 
sance,  etc.  " 


(  6î7  ) 
La  mort  ptiul  èliv  la  conséquence  du  viol.  Elle  est  du»  alors  à  une 
syncope  qui  provient  de  la  houle  et  de  l'horreur  a  laquelle  peut 
être  en  [iroie  une  femme,  alors  q  l'elle  est  violée.  C'est  ce  que  l'on  a 
observé  fréquemment  pendant  les  guerres,  où  plusieurs  soldats  sans 
honneur  ont  abusé  coup  sur  coup  d'une  femme,  jusqu'au  moment  où 
celle-ci  a  succombé  sous  l'influence  de  leurs  horribles  manœuvres. 

A.  D. 


VARIÉTÉS. 


Organisation  médicale.  La  loi  sur  ri)r£|;anisatioii  méJicali'  sera  présen- 
tée aux  Chambres  dans  la  prochiine  se.-sion.  Ou  luaile  de  grandies  es- 
pérances SI, r  cette  loi  qui,  dit-on,  donnera  aux  médecins  une  position 
honorable  et  assurée  dans  le  monde  ;  mais  nous  avons  de  forte.s  raisons 
de  Croire  que  ces  changemens,  apportés  dans  la  législation  qui  nous  ré- 
git, seiont  de  Ib;  t  p«;u  d'Importance  et  n'influeront  en  rien  «ur  notre 
avenir,  quelques  moditlc.iliuns  devant  seulement  être  proposées  dans 
l'ordre  des  réceptions,  soit  des  docteurs  en  médeciite,  «oit  des  officiers 
de  santé. 

Hcniœopadiie.  Le  gouvernement  vient  d'autorlsecle  docteur  Samuel 
Halinemann,  créateur  de  la  médecine  homœopathique,  à  exercer  la  mé- 
decine en  France. 

Faciillé.  La  séance  publique  annuelle  pour  la  distribution  des  prix  a 
eu  lieu  à  rf]cole-de-Medecine  de  Paris  le  2  novembre.  Les  cours  d'hiver 
ont  commence  immédiatement.  Le  registre  d'inscription  sera  ouvert 
jusqu'au  i5  novembre  inclusivement,  de  neuf  heures  à  midi. 


RECLAMATION. 


M.  le  docteur  Devergie  aîné  nous  adresse  la  lettre  Suivante  (1)  : 
J'ai  lu  avec  une  surprise  extrême,  dans  voire  dernier  numéro,  la  longae 
lettre  sous  forme  de  réclamatioa  que  vous  adressent  les  uiédi-cius  composaot  le  bu- 
reau du  congres,  médical  de  Nantes,  sur  le  peu  d'exac  ilude  du  compte  que  vous 
avez  rendu  des  procés-verbaux  de  dos  séances  sur  la  syphilis.  Ces  messieur»  ne 
sont  sans  doute  que  l'écho  des  honorables  coofrères  qai  ont  pris  part  aux  dit- 
eu  sious,  et  cette  lettre  a  Jù,  avaot  de  vous  être  adressée,  reeevo.r  l'upprobatioA 
d«s  membres  qui  cotnposaieat  l'assemblée.  Je  suis  d'autant  plus  éloané   de  9«n 


(1)  AprésaToir  publié  lexlupllemPDl  la  réclamation  qu'on  a  lue  dam  le  dernier  numéro,  noul 
nepouTions  refuser  à  M.  le  docteur  DeTergie  aîué  l'inserUon  d'une  réponse  à  des  attaques  ausii 
TÎïes  i  mais  ci-lie  discussion  ne  deranl  être  pour  nos  lecteurs  que  d'un  intérêt  fort  m<dioere, 
quelles  nue  3i-tent  à  l'jvenir  les  récriininalion«  qui  pourruui  nuus  t-lre  adressées  sur  ce  poiai, 
nous  sommes  forces  d«  déclarer  que  uoua  n'eu  adraeitruns  aucuue  dans  ce  journal,  qui  doit  ilre 
MclusiTeutnt  cousacré  à  la  pratique. 

(Nait  du  Tidacieur.} 


(  528  ) 

contenu,  qu'elle  constrasle  vivement  avec  mes  souvenirs  et  l'accueil  flatteur  et 
honorable  que  j'ai  reçu  des  mëdeciris  de  Nantes  ;  que  les  re'criminations  qui  sont 
dirige'es  coiure  moi  directement  sembleraient  établir  que,  dans  nos  re'unions, 
j'aurais  été  loin  de  remporter  quelques  avantages,  et  que,  de  concessions  en  con- 
cessions ,  je  serais  arrivé  à  abandonner  les  principes  sur  lesquels  repose  la  thé- 
rapeutique nouvelle  des  maladies  sy|ihiiitiques.  Il  n'en  a  pas  cependant  été  ainsi; 
car  non-seulement  une  grande  partie  de  nos  confrères  assemblés  m'a  témoigné 
combien  mes  objections  nombreuses  avaient  jeté  d'intérêt  dans  les  discussions 
qui,  sans  ma  présence,  eussent  été  nulles,  mais  encore  je  possède  par  écrit  l'as- 
surance d'un  des  membres  du  bureau  qui  attesie  que  j'avais  donné  une  grande 
impulsion  qui  ne  serait  pas  sans  résultat. 

Les  réflexions  dont  vous  avez  lait  suivre  ce  singulier  écrit  devraient  suffire  pour 
touie  réponse  ;  car  vous  avez  réfuté  avec  justesse,  clarté  et  précision  les  faux 
documens  qu'il  contient.  En  effet  ,  je  suis  encore  à  chercher  en  quoi  ont  pu 
coDsisier  les  importantes  concessions  qu'on  prétend  que  j'ai  faites.  Répondre  aux 
nombreuses  accusations  accumulées  contre  moi,  dépasserait  les  bornes  que  la 
nature  de  votre  journal  m'impose;  je  me  contente  seulement,  pour  le  moment, 
de  les  déclarer  peu  conformes  à  la  vérité,  et  me  réserve  de  le  prouver  dans  un 
prochain  article. 

Je  ne  puis  que  me  joindre  à  vous,  pour  décliner  la  compétence,  quant  à  pré- 
sent, des  signataires  de  la  lettre,  pour  juger  la  question  importante  de  la  théorie 
et  du  traitement  moderne  de  la  syphilis.  Quoi  que  nos  honorables  confrèies  en 
puissent  dire,  pour  instruire  un  procès,  il  fant  en  avoir  étudié  les  pièces,  et  j'ai 
eu  lieu  de  me  convaincre  que,  de  l'école  moderne  qu'ils  accusent  si  facilement  et  si 
légèrement,  ils  ne  connaissaient  que  deux  auteurs,  MM.  Richond  et  Jourdau, 
écrivant  en  i82lj;que  les  travaux  sur  la  syphilis,  deMM.  Broussais,  Fricke,  Ratier, 
Desruelles,  Bruninghausen,  Cullerier,  Rufz  et  autres,  leur  étaient  presque  tous 
inconnus  ;  que  nos  résultats  nombreux,  qu'ils  attaquent  avec  vigueur,  leur  éiaieut 
étrangers,  el  qu'il  est  probable  qu'ils  les  ignoreraient  encore  sans  notre  congrès  mé- 
dical. Je  récuse  également  leurs  prétentions  exagérées,  sur  lesquelles  ils  insistent 
tant,  établis  sur  leur  qualité  de  médecins  praticiens  des  villes,  les  seuls  juget 
réellement  compétens,  parce  qu'ils  sont  seuls  a  même  de  vérifier  les  résultats  de  la 
pratique  trop  expéditive  des  hôpitaux ,  et  surtout  des  hôpitaux  militaires. 

Je  ne  m'arrête  pas  sur  l'inconvenance  et  le  défaut  de  politesse  de  cette  phrase, 
peu  honorable  pour  ceux  qui  l'ont  tracée.  Nos  confrères,  sans  doute  préoccupés  du 
rôle  important  qu'ils  prétendent  jouer  en  ce  moment,  ont  oublié  que  les  chefs  de 
grands  éiablissemens  publics  avaient  droit  à  plus  de  considération  ;  qu'iUsont  tout 
aussi  consciencieux  que  les  membres  du  bureau  de  Nantes,  dans  le  traitement  de 
leurs  malades  aux  hôpitaux.  Ces  messieurs  ont  oublié  que  les  réformateurs,  soit  ci- 
vils, soit  militaires,  sont  tous  établis  dans  de  grandes  villes,  où  ils  sout  aussi  méde- 
cim praticiens,  vli'il  fallait  mettre  en  parallèle  la  clienlelle  syphilitique  des  uns  et 
des  autres,  je  craindrais  que  celle  des  Cullerier,  des  Fricke,  des  Delpech,  des 
Desruelles,  la  mienne  même,  ne  l'emportât  de  beaucoup  sur  celle  des  médecins 
nantais. 

S'il  y  avait  quelques  récriminations  à  faire  sur  les  procès-verbaux,  je  serais  en 
droit  de  me  plaindre  de  la  brièveté  avec  laquelle  sont  résumées  mes  opinions  dans 
la  plupart  des  séances.  C'est  ainsi  que,  dans  chaque  réunion,  j'ai  constamment 
parlé  une  heure  et  plus  pour  examiner  à  fond  des  questions  importantes  ;  que  le 
résumé  eu  est  fait  dans  quatre  à  cinq  pages,  tandis  que  des  discours  qui  n'oni  exigé 
que  vingt  à  vingt-cinq  minutes  de  lecture  occupent  dix  à  douze  pages,  cl  y  sont  co- 
piés dans  toute  leur  longueur.  Je  ne  veux  nullement  attaquer  ici  la  bonne  foi  du 
rédacteur  des  procès-verbaux,  auquel  j'accorde  beaucoup  d'estime,  mais  faire  re- 
marquer que  cette  brièveté  de  rédaciioii,  pour  ce  qui  me  concerne,  en  impose  aux 
lecteurs  des  procès-verbaux,  et  atténue  à  leurs  yeux  la  force  des  argumens  et  U 
valeur  des  preuves  donnée»  en  faveur  de  l'école  moderne. 


(5^9) 

ART.    1166. 

Observations  sur  l'emploi  du  chlorure  de  chaux  pour  calmer  les 
douleurs  qui  résultent  des  plaies  avec  déchirures. 

M.  le  docteur  Chopin,  médecin  à  Neubourg  (Eure),  a  pu- 
blié dans  la  Gatette  médicale  quelques  observations  sur  une 
propriété  non  encore  indiquée  que  posséderait  le  chlorure 
de  chaux,  déjà  recommandé  dans  un  si  grand  nombre  de  cir- 
constances. Suivant  ce  médecin,  le  chlorure  liquide  calme- 
rait presque  instantanément  les  vives  douleurs  qui  résultent 
d'une  plaie  récente,  et  les  effets  de  ce  topique  seraient  beau- 
coup plus  certains  et  beaucoup  plus  prompts  que  ceux  des 
narcotiques  recommandés  en  pareil  cas.  Voici  comment  le 
hasard  aurait  conduit  à  cette  découverte. 

Un  vieillard  de  soixante-dix  ans  avait  eu  la  main  gauche 
horriblement  écrasée.  Après  avoir  nettoyé  la  plaie  et  retiré 
les  esquilles  d'os,  M.  Chopin  la  couvrit  d'un  linge  fenêtre, 
enduit  de  cérat,  par-dessus  lequel  il  posa  de  légers  plumas- 
seaux  de  charpie  fine.  Le  tout  fut  enveloppé  d'un  cataplasme 
presque  froid,  arrosé  de  laudanum.  On  prescrivit  en  outre 
une  potion  calmante  pour  la  nuit.  Mais  malgré  ces  soins,  le 
blessé  éprouva  des  douleurs  excessives,  et  ne  cessa  pas  de 
crier,  demandant  avec  instance  qu'on  lui  coupât  la  main.  Le 
lendemain  matin,  il  était  dans  une  agitation  extrême,  avait 
les  yeux  hagards,  et  se  plaignait  vivement.  M.  Chopin,  frappé 
de  la  mauvaise  odeur  qui  s'échappait  de  l'appareil,  enleva  le 
cataplasme  et  arrosa  la  charpie  d'eau  chlorurée,  La  mauvaise 
odeur  et  la  douleur  disparurent  subitement.  Mais  au  bout  de 
quelque  temps,  la  charpie  qui  recouvrait  la  plaie  ayant  été 
remplacée,  les  douleurs  reparurent  aussi  vives  que  dans  la 
nuit.  Le  malade,  ayant  alors  baigné  son  appareil  d'eau  chlo- 
rurée, éprouva  de  nouveau  du  soulagement. 

Ce  résultat  fut  d'abord  attribué  à  l'action  de  l'eau  froide; 
mais,  dans  la  soirée,  le  chlorure  de  chaux  ayant  manqué,  on 
le  remplaça  par  de  l'eau  fraîche.  Cette  immersion  ne  dimi- 
nua en  aucune  manière  les  douleurs,  qui  cessèrent  au  con- 
traire presque  subitement,  quand  on  se  fut  procuré  du  chlo- 
rure. La  cicatrisation  s'est  faite  dans  un  espace  de  temps 
assez  court,  et  le  malade  a  conservé  sa  main. 

Cette  observation  n'avait  pas  encore  démontré  à  M.  Cho- 
pin, dans  le  chlorure  de  chaux,  d'autre  propriété  que  celle 
de  détruire  la  mauvaise  odeur,  et  de  hâter  la  cicatrisation; 
mais  une  seconde,  recueillie  l'année  suivante,  vint  mettre 
hors  de  doute  la  propriété  calmante  de  ce  topique. 

JOM.VI.— J^"  DE  DÉCEMBRE.  34 


(  53o  ) 

Un  jeune  homme  de  dix-sept  ans  eut  le  pouce,  l'index  et 
deux  phalanges  du  médius  emportés  par  la  balle  d'un  pisto- 
let, qui  laboura  en  outre  la  peau  de  la  main.  Lorsque  le  blessé 
fut  visité,  il  éprouvait  une  douleur  extrêmement  vive  dans 
la  main,  dans  le  bras  et  jusque  dans  l'aisselle.  M.  Chopin,  se 
rappelant  alors  l'observation  précédente,  fit  plonger  la  main 
dans  une  cuvette  pleine  d'eau  tiède,  dans  laquelle  on  jeta 
quelques  cuillerées  d'une  solution  saturée  de  chlorure  de 
chaux.  Une  minute  était  à  peine  écoulée  que  déjà  ce  jeune 
homme  souffrait  moins,  et  au  bout  de  cinq  minutes  on  pou- 
vait retourner  la  main  dans  tous  les  sens  et  la  panser,  il  n'y 
avait  plus  de  douleur.  Le  malade,  ayant  tenu  son  appareil 
constamment  imbibé  d'eau  chlorurée,  guérit  sans  accideus. 

Il  en  fut  de  même  d'un  cultivateur  qui,  dans  une  chute  de 
voiture,  eut  la  main  prise  sous  la  roue.  Le  dos  de  la  main  et 
les  quatre  doigts  étaient  écrasés  et  dépouillés  presq-ae  entiè- 
rement. Une  heure  après  l'accident,  la  douleur  était  devenue 
toul-à-fait  insupportable,  et  il  se  manifestait  déjà  quelques 
signes  de  tétanos.  Une  large  saignée  fut  pratiquée,  mais  n'a- 
mena aucun  amendement.  Cependant,  lorsque  la  main  eut 
été  plongée  dans  l'eau  chlorurée,  les  douleurs  cessèrent  in- 
stantanément, et  tous  lesaccidens  se  dissipèrent. 

Le  mémoire  de  M.  Chopin  contient  encore  trois  observa- 
tions semblables  qui  démontrent  les  effets  caïmans  du  chlo- 
rure de  chaux.  Dans  l'une,  il  s'agissait  d'un  jeune  homme 
qui  avait  eu  l'humérus  fracassé  par  un  coup  de  fusil  tiré  à 
bout  portant;  dans  la  seconde,  d'un  vieillard  dont  une  por- 
tion de  la  main  avait  été  arrachée  par  la  morsure  d'un  che- 
val; et  enfin,  dans  la  troisième,  d'un  enfant  de  quatre  ansqui 
eut  le  pied  écrasé  et  les  deux  os  de  la  jambe  réduits  en  bouil- 
lie par  le  passage  d'une  roue  de  voiture.  Dans  tous  ces  cas,  le 
chlorure  de  chaux  calma  instantanément  les  douleurs,  et  de 
si  graves  désordres  ne  s'opposèrent  point  à  ce  que  la  guéri- 
son  fût  obtenue  sans  amputation. 

Réflexions.  La  propriété  calmante  des  chlorures  de  chaux 
avait  déjà  été  démontrée,  mais  on  n'en  avait  point  tiré  parti, 
que  nous  sachions  du  moins,  dans  les  plaies  récentes,  ainsi 
que  l'a  fait  M.  le  docteur  Chopin.  Voici  ce  que  dit  M.  Ma- 
gendie  sur  la  vertu  narcotique  de  cette  substance  : 

«  Chez  les  nombreux  malades  atteints  de  cancer  ulcéré  du 
sein  et  de  l'utérus,  qui  se  trouvent  à  l'hospice  de  la  Salpê- 
trière,  nous  avons  prescrit  de  faire  tous  les  jours,  à  l'heure 
des  pansemens,  des  lotions  avec  une  dissolution  de  chlorure 
de  soude.  A  l'aide  de  ce  moyen,  on  est  parvenu,  non-seule- 
ment à  détruire  la  fétidité  du  pus  et  des  écoulemens,  mai» 


(53i) 

mime  à  calmer  les  souffrances  de  ces  malheureuses  femme» 
qui  ont  trouvé  que  ces  lotions  leur  rendaient  le  sommeil  plus 
tranquille,  o 

iNous  avons  fait  pour  notre  part  quelques  remarques 
qui  confirmeraient  celle  de  M.  Magendie.  On  sait  que  les  ul- 
cères, de  quelque  nature  qu'ils  soient,  sont  souvent  le  siège 
d'une  irritation  violente,  qui  s'annonce  surtout  par  une  dou- 
leur extrêmement  vive  et  des  changemeus  dans  la  nature  de 
leur  sécrétion.  Comme  il  résulte  presque  toujours  de  cette 
modification,  dans  le  pus  sécrété,  une  odeur  plus  ou  moins 
fétide,  que  l'on  cherche  ordinairement  ù  dissiper  par  des 
lotions  chlorurées,  nous  avons  fréquemment  remarqué  qu'au 
bout  de  quelques  jours  les  émanations  infectes,  aussi  bien 
que  lu  douleur,  étaient  complètement  enlevées.  Est-ce  au 
chlorure  de  chaux  qu'il  faut  attribuer  un  pareil  résultat,  ou 
doit-on  expliquer  cette  amélioration  par  l'emploi  des  anti- 
phlogistiques  auxquels  on  a  recours  ordinairement  dans 
celte  complication?  Les  observations  du  docteur  Chopin  ten- 
draient à  en  faire  attribuer  tout  l'honneur  au  chlorure  de 
chaux.  Quoi  qu'il  en  soit,  voici  quelques  faits  dans  lesquels 
la  douleur  a  été  enlevée  aussi  bien  que  les  émanations  fé- 
tides, sous  l'influence  de  ces  simples  lotions. 

Un  homme  est  entré  il  y  a  quelques  semaines  à  l'hôpitaf 
des  Vénériens,  offrant  dans  l'aine  du  côté  droit  trois  larges 
ulcérations,  dont  le  fond  dépassait  de  deux  lignes  environ  le 
niveau  des  tégumens.  Ces  plaies  étaient  rouges  et  extrême- 
ment douloureuses;  elles  sécrétaieut  une  sanie  infecte,  peu 
abondante,  et  qui  rougissait  la  peau  de  l'aine  et  de  la  cuisse. 
Cet  homme,  qui  depuis  plusieurs  mois  gardait  le  repos  au 
lit,  avait  déjà  subi  deux  traitemens  mercuriels,  l'un  par  la  li- 
queur et  l'autre  par  les  frictions.  Ses  gencives  étaient  gon- 
flées, son  estomac  irrité,  et  il  était  évident  qu'on  devait  à 
cette  surexcitation  inopportune  l'état  fâcheux  dans  le- 
quel se  trouvait  le  bubon  ulcéré.  Il  fut  aussitôt  mis  à  la 
diète  ;  on  prescrivit  quelques  bains  de  siège,  et  pour  dissiper 
l'odeur  infecte  que  répandaient  ces  ulcères,  on  les  arrosa 
plusieurs  fois  le  jour  avecl'eau  chlorurée.  La  douleur  se  dis- 
sipa promptement,  et  au  bout  de  quelques  jours,  la  surface 
des  plaies  oÛVait  déjà  un  bien  meilleur  caractère.  Cet  homme 
est  aujourd'hui  en  voie  de  guérison. 

On  a  pu  observer  une  cessation  aussi  rapide  dans  les  dou- 
leurs, chez  un  autre  malade  dont  nous  avons  déjà  cité  l'his- 
-toire,  et  qui  portait  un  ulcère  bien  plus  étendu,  puisqu'il 
avait  envahi  tout  l'hypogastre  et  la  partie  supérieure  des 
cuisses.  Des  lotions  chlorurées  furent  seules  prescrites,  et  tes 


(55a) 

violentes  douleurs  qu'il  éprouvait  se  dissipèrent  aiiboutde 
quelques  jours. 

Mais  dans  ces  deux  observations,  il  fimt  tenir  compte  de 
la  suspension  des  mercuriaux  à  l'intérieur,  du  régime,  du 
repos,  etc.,  qui  ont  pu  contribuer, aussi  bien  que  le  chlorure 
de  chaux,  i\  une  si  grande  amélioration.  Les  douleurs  n'ont 
d'ailleurs  pas  été  dissipées  instantanément  comme  dans  les 
observations  citées  par  M.  Chopin.  Ce  n'est  guère  qu'un  ou 
deux  jours  après  l'emploi  du  topique,  que  les  malades  ont 
déclaré  ne  plus  souffrir. 

De  toutes  les  substances  que  possède  la  matière  médicale, 
les  chlorures  ont  peut-être  été  préconisés  dans  les  affections 
les  plus  diverses.  Nous  ne  voulons  pas  mettre  en  doute  les 
grands  avantages  que  la  thérapeutique  en  a  retirés,  mais  il 
sera  curieux  de  jeter  un  coup-d'œil  sur  les  propriétés  pres- 
que innombrables  qu'on  leur  a  attribuées.  Voici  un  résumé  des 
maladies  dans  lesquelles  ces  chlorures  ont  été  employés  avec 
succès,  et  que  nous  trouvons  dans  le  Dictionnaire  universel  de 
matière  médicale,  de  MM.  Merat  et  Delens. 

Le  chlorure  de  potasse  a  été  employé  par  Percy  contre  la 
pourriture  d'hôpital.  Le  chlorure  de  soude  l'a  été  dans  le 
même  cas  par  M.  Gorse.  Les  chlorures  de  chaux  et  de  soude 
l'ont  été  par  d'autres  chirurgiens  contre  les  ulcères  gangre- 
neux :  dans  un  cas  de  rétention  et  puti'éfaction  du  placenta 
dans  l'utérus  (solution  de  chlorure  de  chaux,  un  seizième  en 
injections  dans  l'utérus  même)  ;  dans  un  cas  d'ulcération  de 
la  bouche  avec  carie  des  os  du  palais;  contre  le  ramollisse- 
ment des  gencives  avec  ulcérations  fétides  et  différentes  ma- 
ladies de  la  bouche.  Etendu  de  deux  à  huit  parties  d'eau 
dans  des  cas  d'ulcères  fétides  et  sanieux  des  pieds,  dont 
quelques-uns  étaient  réputés  syphilitiques  ;  dans  l'ozène; 
dans  des  cas  de  flstules  avec  déuudation  de  la  peau  ;  dans  les 
engelures  ulcérées  ou  non  ulcérées,  et  même  comme  pré- 
servatif de  cette  dernière  affection;  dans  la  brûlure,  à  difié- 
rens  degrés  ;  comme  préservatif  des  affections  miasmatiques 
(solution  de  chlorure  de  chaux  aiguisée  d'acide  sulfurique  et 
employée  en  lotions)  ;  comme  prophylactique  des  virus  sy- 
philitique et  rabique,  ainsi  que  du  venin  de  la  vipère;  dans 
la  blennorrhagie  chronique  de  la  femme  (chlorure  de  soude 
au  sixième  et  au  tier.^i)  ;  contre  la  syphilis  secondaire  et  la 
pseudosyphilis;  contre  la  syphilis  rebelle;  contre  la  peste 
ou  comme  préservatif  de  cette  maladie;  contre  les  dartres 
rongeantes  ;  contre  la  teigne;  contrôla  gale  (lotions,  trois 
onces  par  litre  d'eau);  contre  le  prurigo;  contre  l'ophlhalmie 
purulente  (de  vingt  grains  à  trois  à  quatre  gros  de  chlorure 


(533) 

de  chaux  par  once  d'eau  distillée,  insrillée  entre  les  paupières 
trois  à  dix  fois  par  jour);  contre  l'ophlbalniie  chronique  avec 
obscurcissement  et  épaississement  de  la  cornée  (dix  gouttes 
de  chlorure  de  chaux  liquide  par  once  d'eau);  contre  la  phthi- 
sie,  les  scrofules,  la  coqueluche;  pour  calmer  les  douleurs 
qui  accompagnent  les  affections  chroniques  du  sein  et  de  l'u- 
térus; contre  la  dyspepsie,  la  fétidité  de  l'haleine,  la  carie 
des  dents,  l'angine  couenneuse,  la  salivation  mercurielle, 
l'asphyxie  par  les  vapeurs  des  fosses  d'aisance,  etc. 

Quanta  l'usage  intérieur  des  chlorures,  il  n'a  guère  été 
préconisé  que  dans  certains  cas  de  dysscnterie,  à  la  dose  de 
dix  grains,  en  lavement  et  en  potion,  et  pour  remédier  à  des 
accidens  produits  par  l'ingestion  d'une  eau  corrompue.  Ce 
sont  là,  ajoutent  les  auteurs  du  dictionnaire  de  thérapeutique, 
les  seuls  exemples  que  nous  connaissions  de  l'usage  intérieur 
des  chlorures. 

Ceci  était  écrit  en  i83o;  depuis  cette  époque  on  a  admi- 
nistré les  chlorures  à  l'intérieur  dans  plusieurs  affections,, 
contre  l'empoisonnement  par  l'acide  hydrocyanique  (voy. 
art.  aSg);  contre  la  météorisation  des  animaux  domestiques 
(art.  45o);  contre  le  choléra  (art.  1116)  et  contre  les  fiè- 
vres intermittentes  (art.  iiSa),  médication  dont  MM.  La- 
lesque.  Roche  et  Munaretse  disputent  la  priorité. 

Malgré  la  longueur  de  cette  liste,  il  s'en  faut  de  beau- 
coup que  nous  ayons  indiqué  toutes  les  maladies  dans  les- 
quelles le?  chlorures  ont  été  préconisés.  Mais  cette  longue 
énumération  de  propriétés  si  diverses  prouve  à  elle  seule 
que  les  vertus  de  cette  substance  ont  été  exagérées.  En  ad- 
mettant cependant  que  plusieurs  des  observations  rapportées 
aie  Ht  été  publiées  trop  légèrement,  on  est  forcé  de  convenir 
que,  dans  un  grand  nombre  de  cas,  les  chlorures  ont  été  vé- 
ritablement utiles,  et  qu'on  peut,  en  thérapeutique,  en  tirer 
un  parti  très- avantageux  (1). 

ART.   1 167. 

Observations  sur  le  traitement  des  brûlures  par  l'eau  phagédé- 
nique  (  solution  aqueuse  de  sublime  corrosif). 

Le  docteur  Hintze,  de  Baltimore,  a  publié  l'article  suivant 
dans  un  journal  américain  (2)  : 


(1)  Voy.  art.  1,01,  178,  189,  232,  242,  25(),  2^2,  3a3,  45o,  466,  4/2, 
559,  619,  65-,  H.î.ï,  Sao,  S42,  t024,  1067,  1116,1 102. 

(2)  Norlh  american  archives  ofmed.  and.  sttrg.  se. 


(534) 

tes  brûlures  sont  des  accidens  qui  se  rencontrent  cha- 
que jour  et  qui  donnent  lieu  souvent  aux  plus  fâcheux  résul- 
tats. Ayant  remarqué,  dans  le  cours  de  ma  pratique,  que  les 
applications  froides,  les  onguens  excitans  et  les  substances 
grasses  sont  propres  à  retarder  plutôt  qu'à  accélérer  la  gué- 
rison,j'ai  été  conduit  à  adopter  un  mode  de  traitement  tout- 
à-fait  différent.  J'ai  reconnu  les  avantages  de  ce  procédé  par 
mes  observations  dans  le  traitement  des  ulcères  chroniques 
qui  succèdent  aux  brûlures;  en  effet,  après  avoir  inutile- 
ment employé,  dans  quelques  ulcères  de  ce  genre,  les  appli- 
cations généralement  usitées,  j'ai  obtenu  une  prompte  gué- 
rison  en  ayant  recours  à  l'eau  phagédénique,  à  la  poudre  de 
rhubarbe  et  à  la  charpie  sèche.  Ce  traitement  a  eu  d'aussi 
bons  effets  dans  ce  cas  que  lorsque  les  ulcères  tenaient  à  une 
autre  cause,  j'ai  étendu  ensuite  ce  traitement  à  tous  les  cas 
de  brûlure  récente.  Voici  quelques  observations  dans  les- 
quelles ces  applications  ont  été  suivies  de  succès. 

i''  Miss  Marie  F.  avait  le  pied  brûlé  depuis  quatre  se- 
maines et  avait  inutilement  employé  le  liniment  à  eau  de 
chaux  et  d'autres  applications.  Elle  portait,  sur  la  partie  ma- 
lade, des  ulcères  superficiels  et  très-enflanmiés.  Je  l'engageai 
à  laver  la  partie  avec  l'eau  phagédénique,  à  la  saupoudrer 
avec  la  poudre  de  rhubarbe  et  à  la  maintenir  ensuite  cou- 
verte avec  de  la  charpie  sèche. 

Le  jour  suivant,  les  pièces  d'appareil  étaient  adhérentes 
aux  plaies,  je  ne  voulus  pas  les  enlever;  mais  je  prescri- 
vis de  les  imbiber  une  fois  le  jour  avec  l'eau  phagédénique. 

Le  quatrième  jour,  la  charpie  se  détacha,  et  les  ulcères  fu- 
rent trouvés  cicatrisés. 

2°  et  3"  Madame  Elisabeth  A...  mit  par  accident  le  feu  à 
ses  vêtemens.  Son  mari,  attiré  par  ses  cris,  s'empressant 
d'éteindre  le  feu,  fut  cruellement  brûlé  aux  deux  mains  et 
aux  bras.  À  mon  arrivée,  des  applications  grasses  avaient 
déjà  été  faites  sur  les  brûlures  de  la  femme,  mais  celles  du 
mari  n'étant  point  encore  pansées,  je  lui  proposai  l'emploi 
de  l'eau  phagédénique,  de  la  rhubarbe  et  de  la  charpie  sè- 
che, ce  qui  fut  accepté  sur-le-champ  :  c'était  la  première 
fois  que  je  tentais  ce  moyen  dans  les  brûlures  récentes.  La 
douleur  cessa  aussitôt,  et,  en  moins  de  dix  jours,  cet  homme 
fut  capable  de  reprendre  ses  travaux. 

La  condition  particulière  de  madame  A.  et  l'étendue  des 
désordres  m'empêchèrent  d'insister  sur  la  suspension  d'un 
traitement  que  ses  amis  apjirouvaicnt  généralement.  Celle 
dame  était  dans  le  huitième  mois  de  sa  grossesse.  La  peau, 
et  sur  plusieurs  points  le  tissu  cellulaire  des  deux  extrémités 


(535  ) 

inférieures,  du  siège,  du  pubis,  des  aines,  de  l'abdomen  et 
du  thorax  étaient  presque  entièrement  détruits.  Je  me  con- 
tentai de  combattre  l'inflammation  par  des  moyens  internes, 
abandonnant  le  traitement  local  à  une  dame  de  ses  amies.  Mais 
lorsqu'elle  eut  vu  que  son  mari  avait  repris  ses  occupations 
au  bout  de  quelques  jours  et  que  chez  elle  les  applications 
de  corps  gras  n'avaient  aucun  bon  effet,  la  malade  et  ceux 
qui  l'entouraient  réclamèrent  l'emploi  du  même  moyen  qui 
avait  si  bien  réussi  chez  M.  A..  Je  prescrivis  alors  de  cou- 
vrir les  brûlures  avec  des  cataplasmes  tièdes  d'amidon 
bouilli,  dans  le  but  de  hâter  le  détachement  des  nombreuses 
escarres,  et  comme  la  douleur  et  l'irritation  avaient  beau- 
coup affaibli  la  malade,  je  conseillai  l'emploi  de  quelques 
toniques  et  une  diète  restaurante.  Ces  moyens  disposèrent  fa- 
vorablement à  l'usage  des  remèdes  locaux.  L'eau  phagédé- 
nique,  la  poudre  de  rhubarbe  et  la  charpie  sèche,  furent 
alors  employées,  et  en  quatre  jours  environ  les  excoriations 
superficielles  disparurent.  Le  treizième  jour,  les  ulcères  les 
plus  profonds  étaient  cicatrisés.  Avant  son  accouchement, 
elle  avait  pu  reprendre  ses  soins  domestiques,  et  quand  elle 
fut  à  son  terme,  elle  accoucha  d'un  vigoureux  enfant. 

4°  Un  enfant  âgé  de  trois  ans,  qui  avait  eu  la  poitrine,  l'ab- 
domen et  les  cuisses  brûlés  par  la  chute  d'un  large  vase 
plein  de  café  bouillant,  fut  entièrement  rétabli  en  douze 
jours  par  l'emploi  des  mêmes  moyens. 

5°  Il  en  fut  de  même  d'un  autre  enfant  auquel  pareil  acci- 
dent était  arrivé.  Le  bras  droit  avait  seul  souffert,  mais  l'é- 
piderme  entier  avait  été  enlevé  avec  l'habit.  Il  fut  cepen- 
dant guéri  en  cinq  jours. 

Dans  deux  cas  beaucoup  plus  graves,  la  même  lotion  eut 
un  succès  bien  remarquable,  car  elle  procura  la  guérison  en 
quatorze  jours  chez  deux  femmes  cruellement  blessées  par 
l'explosion  de  la  poudre  à  canon.  Voici  la  manière  dont  l'au- 
teur procède  pour  appliquer  convenablement  l'eau  phagé- 
dénique. 

Lorsque,  dit-il,  je  suis  appelé  pour  un  cas  de  brûlure  ré- 
cente, je  commence  par  enlever  les  phlyctènes  avec  des  ci- 
seaux; j'applique  alors  l'eau  phagédéuique,  avec  la  barbe 
d'une  plume  ou  avec  un  pinceau,  sur  toute  la  surface  de  la 
partie  malade,  puis  je  la  couvre  de  poudre  de  rhubarbe;  je 
recouvre  ensuite  le  tout  de  charpie  mollette.  C'est  le  seul 
traitement  local  nécessaire,  mais  il  ne  dispense  pas  d'admi- 
nistrer des  remèdes  inlérieurs,  si  l'état  général  du  malade 
l'exige.  Se  forme-t-il  de  nouvelles  vésicules,  on  doit  les  en- 
lever sur-le-champ,  de  peur  qu'elles  ne  retardent  la  guéri- 


(556) 

son.  Lorsque  la  charpie  adhère  à  la  plaie,  il  faut  bien  se  gar- 
der de  l'enlever.  On  se  borne  seulement  à  détacher  avec  les 
pinces  ou  les  ciseaux  les  portions  qui  restent  flottantes,  et 
l'on  renouvelle  les  lotions  avec  la  liqueur,  les  applications 
de  poudre  de  rhubarbe  et  de  charpie  sèche  sur  les  points  mis 
à  découvert.  Quant  à  la  charpie  restante,  on  se  borne  à  l'ar- 
roser avec  cette  eau.  On  peut  renouveler  ces  panseuiens 
deux  ou  trois  fois  par  jour.  La  brûlure  offre-t-elle  de  la  ten- 
sion et  une  certaine  rénitence  qui  indiquent  que  Tescarre 
a  de  la  tendance  à  se  détacher,  il  faut  favoriser  cette  sépara- 
tion par  des  cataplasmes  émolliens  d'amidon  bouilli  ou  de 
pain  et  de  lait.  Dès  que  les  escarres  sont  détachées,  il  faut 
recourir  de  nouveau  aux  lotionsindiquées.  Toutes  les  lotions 
avec  l'eau  de  savon,  etc.,  doivent  être  rejetées,  aussi  bien 
que  toutes  les  substances  grasses  qui  s'opposent  à  la  cicatri- 
sation. Si  la  suppuration  est  trop  abondante,on  doit  l'essuyer 
avec  précaution,  soit  arec  de  la  charpie  sèche,  soit  avec  du 
vieux  linge. 

La  lotion  que  j'emploie  dans  les  cas  de  brûlure  récente  est 
composée  d'un  grain  de  sublimé  corrosif  sur  une  once  d'eau 
de  chaux.  Dans  les  ulcères  chroniques,  j'élève  la  dose  du 
caustique  de  un  à  quatre  grains. 

ART.   1168. 

Séances  d'Académie  :  Emploi  de  l'indigo  dans  l'épiiepsie.—-  Trai~ 
tement  de  la  fiètre  typhoïde.  —  Nouvelle  méthode  de  réduire 
les  hernies  étranglées. 

Epilepsie.  M.  Noble,  médecin  en  chef  de  l'hospice  royal 
de  Versailles,  a  informé  l'Académie  des  succès  qu'il  a  obtenus 
récemment  de  l'emploi  de  l'indigo  chez  des  sujets  épilepti- 
ques  {voy.  art.  logS).  Ce  médecin  en  a  déjA  fait  usage  chez 
trois  sujets  avec  un  succès  remarquable,  et  tout  fait  espérer 
que  les  praticiens  pourront  tirer  de  ce  médicament,  nouvel- 
lement proposé,  un  parti  très-avantageux.  Le  premier  exem- 
ple cité  pnr  M.  Noble,  est  celui  d'un  jeune  homme  de  dix- 
huit  ans,  épileptique  depuis  douze  années,  à  la  suite  d'une 
frayeur.  Il  éprouvait,  depuis  celte  époque,  tous  les  huit  à  dix 
jours  un  accès  d'épjlcpsie.  Il  fut  soumis  à  l'emploi  de  l'in- 
digo à  la  dose  d'un  gros  par  jour,  élevée  successivement 
jusqu'à  celle  de  quatre  gros.  Les  accès  disparurent  bientôt, 
et  depuis  le  25  août  jusqu'au  aS  octobre  ils  ne  s'étaient  pas 
reproduits. 


(557) 

La  seconde  observation  est  celle  d'une  jeune  femme,  éga- 
lement épilepiique  par  suite  d'une  frayeur.  Ses  accès  étaient 
excessivement  tréquens,  puisque  pendant  son  séjour  à  l'hô- 
pital ils  se  reprodusirent  constamment  dix  à  douze  fois  dans 
les  vingt-quatre  heures.  L'indigo  fut  donné  de  la  même  ma- 
nière que  dans  l'observation  précédente,  le  27  septembre. 
Les  accès  devinrent  bientôt  moins  forts  et  moins  nombreux. 
Ils  cessèrent  complètement  le  5  octobre  et  n'avaient  pas  re- 
paru depuis  cette  époque. 

Le  sujet  de  la  troisième  observation  était  une  femme 
de  cinquante  ans,  épileptique  depuis  vingt  années.  Les  accès 
ont  été  suspendus  quatre  jours  après  l'administration  du  mé- 
dicament. 

Chez  aucun  de  ces  malades  l'indigo  n'a  déterminé  d'acci- 
dens,  si  ce  n'est  quelques  contractions  musculaires,  sembla- 
bles à  celles  qui  sont  produites  par  la  strychnine,  et  une 
légère  diarrhée  qui  cédèrent  dès  qu'on  suspendit  le  médi- 
cament. 

Fièvre  typhoïde.  A  l'occasion  d'un  Mémoire  sur  la  fièvre 
typhoïde  envoyé  par  M.  Chardon,  médecin  du  département 
de  la  Loire,  une  discussion  intéressante  s'est  engagée  sur  le 
traitement  de  cette  maladie.  M.  Chardon,  après  avoir  essayé 
diverses  méthodes,  finissait  par  conclure  que  c'est  encore 
par  l'expectation  qu'on  sauve  le  plus  de  malades.  M.  Castel 
a  partagé  cette  opinion.  M.  Girardin  a  rappelé  que  la  plu- 
part des  traitemens  qu'on  avait  tant  préconisés  dans  la  fièvre 
typhoïde  avaient  été  abandonnés.  Ainsi  les  chlorures  ont 
complètement  échoué;  il  en  est  de  même  des  purgatifs; 
M.  Piédagnel  lui-même,  qui  les  avait  tant  préconisés,  les  a 
abandonnés  pour  les  remplacer  par  les  fumigations  alcooli- 
ques et  la  poudre  de  Dewer.  M.  Girardin  en  a  conclu  que  tel 
remède  convenait  dans  certaines  constitutions  médicales  et 
ne  convenait  plus  dans  d'autres  (1). 

M.  Bouillaud  s'est  élevé  avec  force  contre  tous  ces  trai- 
temens, et   a  déclaré  employer  les  antiphlogistiques  avec 


(1)  Nous  ne  saurions  trop  engager  les  praticiens  à  se  défier  de  ces  re- 
mèdes énergiques  qui  ont  aujourd'hui  une  efficacité  extraordinaire 
dans  telle  ou  telle  maladie,  et  qui  demain  seront  presque  constam- 
ment nuisibles,  attendu  les  changewens  surreniis  dans  la  ronsliiiition. 
Loin  de  nous  l'intention  de  nier  le  génie  particulier  qu'affectent  cer- 
taines épidémies;  mais  dans  le  cours  ha!)ituel  des  choses,  ces  change- 


_ .„ ,  .._ ^.  ...,        —  .,,  >^„ g,^ 

mens  sont  rares,  et  lorsqu'un  remède  est  ainsi  ahandonné  par  l'auteur 
osé,  il  e<t  intiniment  probable  i^u'il  avilit  ipis  dans 


même  qui  l'a  proposé, 


(538) 

une  vigueur  qni  pourrait  être  blâmée  par  beaucoup  de  mé- 
decins, mais  qui  n'en  est  pas  moins  suivie  de  très-beaux  suc- 
cès. Ainsi,  lorsque  le  malade  est  dans  la  prostration,  lorsque 
les  dents  et  la  langue  sont  couvertes  d'un  enduit  fuligineux,  ce 
médecin  pratique  jusqu'à  trois  saignées  par  jour.  Sur  un 
total  de  cent  quatre-vingt-un  cas  de  fièvres  typhoïdes  bien 
prononcées,  vingt-huit  malades  seulement  ont  succombé, 
ce  qui  fait  à  peu  près  un  mort  sur  six  et  demi  ;  tandis  que 
M.  Chomel  a  déclaré  perdre  un  malade  sur  trois.  Ce  traite- 
ment antiphlogistique  actif  n'empêche  point  M.  Bouillaud 
d'employer,  suivant  les  cas,lestoniques  et  mêmeles|chlorures 
et  les  purgatifs;  mais  le  fond  de  sa  méthode,  son  caractère, 
est  d'être  antiphlogistique. 

Hernie  étranglée.  M.  Sabatier  a  lu  à  l'Académie  une  note 
sur  un  moyen  proposé  parle  docteur  Kœhler,  de  Varsovie, 
pour  faciliter  la  réducion  des  hernies  étranglées.  Ce  moyen 
consiste  à  renfermer  la  tumeur  herniaire  dans  une  ventouse 
et  à  faire  le  vide.  Les  intestins  étant  ainsi  attirés  au  dehors, 
il  doit  très-souvent  arriver  que  l'étranglement  cesse  et  que 
les  gaz  ainsi  que  les  matières  fécales  pouvant  rentrer  dans 
l'abdomen,  la  tumeur  elle-même  est  réduite  peu  à  peu  par 
le  taxis  pratiqué  aussitôt  après  cette  petite  opération  ;  de 
même  que  lorsqu'après  avoir  mis  l'intestin  à  nu  par  des  in- 
cisions convenables,  il  suffit  quelquefois  de  l'attirer  un  peu 
au  dehors  pour  qu'on  puisse  ensuite  le  faire  rentrer  sans  dé- 
brider l'anneau.  Le  docteur  Rœhler  possédait  plus  de  vingt 
observations,  dans  lesquelles  une  ou  plusieurs  applications 
de  la  pompe,  immédiatement  suivies  de  tentatives  de  réduc- 
tion, avaient  eu  pour  résultat  la  rentrée  facile  des  parties 
formant  la  tumeur  (i). 


sa  communication  un  empressement  qui  ne  lui  a  pas  permis  de  bien 

observer  les  faits. 

C'est  à  une  précipitation  de  ce  genre  qu'il  faut  attribuer  les  raé- 
compres  qne  les  praticiens  éprouvent  aujourd'hui  en  employant  les 
chlorures  et  les  purgatifs  dans  la  Gèvre  typhoïde.  Nos  lecteurs  se  rap- 
pellent qu'à  notre  art.  1074,  en  parlant  de  ce  dernier  moyen,  nous 
déclarions  que  nous  le  voyions  mettre  en  usage|dans  plusieurs  hôpitaux, 
mais  qu'il  ne  nous  semblait  pas  jouir  de  l'efficacité  dont  on  le  gratifiait, 
et  que  bientôt  sans  d(jute  il  serait  aliandonné,  du  moins  comme  mé- 
thode générale.  L'événement  a  justifié  nos  prévisions.  Il  en  sera  pro- 
bablement de  même  de  totite  médication  qu'on  voudra  employer 
d'une  manière  exclusive  dans  cette  cruelle  maladie. 

{Note  du  rédacteur.) 

(i)L'idée  de  cette  opération  avait  été  fournie  au  docteur  Kœhler  par 


(539) 

ART.     1  169. 

Considérations  sur  tes  effets  thérapeutiques  de  la  compression  et 
de  la  raréfaction  de  l'air,  tant  sur  le  corps  que  sur  les  mem- 
bres isolés. 

On  trouve  dans  les  Archives  gén.  de  méd.  (octobre)  un  ar- 
ticle (le  M.  le  docteur  Junod  sur  les  effets  de  la  raréfactionjde 
l'air  à  la  surface  de  notre  corps.  Ce  médecin  a  inventé  des 
appareils  à  l'aide  desquels  il  parvient  à  maintenir  les  mem- 
bres dans  un  espace  vide,  et  par  conséquent  ù  attirer  dans 
ces  parties  une  masse  considérable  de  sang,  c'est-à-dire  à 
obtenir  sur-le-champ  les  effets  d'une  très-abondante  saignée, 
sans  que  le  malade  s'en  trouve  affaibli,  lorsque  les  appareils 
sont  enlevés. 

On  conçoit  le  parti  avantageux  que  la  thérapeutique  pour- 
rait, dans  certains  cas,  retirer  de  ce  procédé  qui  soustrairait 
instantanément  une  masse  énorme  de  sang,  dont  la  présence 
serait  nuisible  aux  organes  intérieurs.  M.  Junod  cite  quatre 
observations  seulement  dans  lesquelles  il  a  appliqué  sur 
l'homme  cette  raréfaction  de  l'air,  et  les  effets  obtenus  ont 
été  assez  remarquables  pour  qu'on  ne  néglige  pas  de  conti- 
nuer ces  curieuses  expériences. 

Un  jeune  homme  avait  fait  une  chute  dans  laquelle  la  ré- 
gion bypogastrique  avait  supporté  seule  tout  le  poids  du 
corps.  Il  y  ressentit  une  vive  douleuret  perdit  connaissance. 
On  opposa  aux  accidens  qui  furent  la  suite  de  cette  violente 
contusion,  un  traitement  anliphlogistique  actif,  et  déjà  il 
paraissait  marcher  vers  la  guérison,  lorsque  tout-à-coup  il 
fut  pris  d'une  gêne  extrême  de  la  respiration.    Une  large 


le  procédé  d'un  médecin  allemand,  qui  consistait  à  appliquer  la  ven- 
touse au-drssus  de  l'anneau,  et  à  opérer  ensuite  des  tractions  sur  cette 
ventouse,  afin  de  donner  à  l'anneau  plus  de  largeur.  Le  taxis  était  pra- 
tiqué en  même  temns,  et  avec  quelques  chances  de  succès,  puisque 
l'anneau  se  trouvait  dilaté  jusqu'à  un  certain  point.  11  existe  sans  doute 
une  grande  différence  dans  ces  deux  procédés,  et  celui  dont  on  a  fait 
part  à  l'Acadéniie  est  assurément  bien  préférable  à  celui  du  docteur 
allemand.  C'est  ici  le  cas  de  rappeler  un  autre  emploi  de  la  ventouse, 
en  usage  dans  certaines  centrées  de  la  Russie,  et  qui  consiste  à  appli- 
quer sur  le  ventre^  des  patient  un  vase  renversé  et  préalablement 
cbauffe.  Les  paroii  abdiiminales  s'y  précijiilant  avec  les  intestins,  on 
opère  ainsi  une  traction  de  dedans  en  dehors,  et  l'on  conçoit  qu'on  ait 
pu  obtenir  de  celte  manière  la  réduction  dans  certains  cas.  (Voy.  art. 
7j6.)  {Note  du  réducleur.) 


(  540  ) 

saignée  fut  immédiatement  pratiquée  etprocura  du  soulage- 
ment ;  mais  cette  dyspnée  se  renouvela  si  fréquemment,  que 
le  malade  étant  tombé  dans  un  état  voisin  de  l'anémie,  il 
n'était  plus  possible  de  recourir  ei  des  émissions  sanguines. 

Depuiscinquante  jours,  cet  homme  éprouvait,  vers  les  cinq 
heures  du  soir,  des  accès  d'étouffemenl  tels  qu'il  s'ensuivait 
une  perte  complète  de  connaissance  et  une  contraction  mus- 
culaire permanente  comme  dans  le  tétanos,  lorsque  M.  Junod 
le  vit  pour  la  première  fois.  Ces  accès,  suivis  d'une  sorte  de 
léthargie,  duraient  une  heure  environ,  après  quoi  le  malade 
revenait  lentement  à  la  vie.  Tous  les  moyens  imaginables 
avaient  été  employés  sans  aucune  espèce  de  succès. 

Le  20  décembre,  un  peu  avant  cinq  heures,  ce  médecin 
fit  placer  les  extrémités  supérieures  et  inférieures  de  cet 
homme  dans  les  cylindres  de  son  appareil,  et  fit  le  vide,  lors- 
que déjà  les  premiers  symptômes  de  cet  accès  se  manifes- 
taient. L'appareil  fut  maintenu  en  place  pendant  une  heure 
environ,  et  le  développement  de  l'accès  fut  ainsi  prévenu. 
Le  lendemain  un  pareil  traitement  eut  un  égal  succès.  Ce- 
pendant les  jours  suivans  de  faibles  accès  se  manifestèrent 
encore,  et  à  des  heures  inaccoutumées;  mais  la  continuation 
de  ce  moyen  ne  tarda  pas  à  amener  une  guérisoa  com- 
plète. 

Dans  un  autre  cas  de  suffocation,  la  circulation  se  trouvant 
presque  suspendue,  on  avait  ouvert  la  veine  du  bras,  mais 
sans  pouvoir  en  obtenir  une  goutte  de  sang.  Ce  bras  fut  à 
peine  placé  dans  un  cylindre,  que  le  sang  jaillit  avec  force  et 
que  l'on  obtint  une  abondante  saignée. 

L'appareil  de  M.  Junod  a  été  avantageusement  appliqué 
sur  les  extrémités  inférieures  d'un  homme  qui,  depuis  plu- 
sieurs mois,  était  dans  un  état  de  paraplégie  complète.  La 
sensibilité  commença  à  reparaître  dès  que  le  vide  eut  été 
opéré  une  seule  fois  seulement.  Au  bout  de  vingt  jours  de 
traitement,  les  membres  paralysés  avaient  repris  leur  sensi- 
bilité et  leur  mouvement,  et  le  malade  pouvait  marcher; 
mais  la  paralysie  du  rectum,  qui  existait  en  même  temps, 
n'avait  point  été  dissipée. 

La  dernière  observation  citée  par  M.  Junod  est  celle  d'une 
femme  frappée  de  terreur  en  apprenant  qu'une  de  ses  voisines 
avait  été  atteinte  du  choléra.  Les  premiers  symptômes  de 
cette  maladie  s'étant  manifestés  immédiatement  chez  elle, 
les  extrémités  furent  renfermées  dans  les  cylindres;  on  fit  le 
vide,  et,  à  l'instant  même,  les  tranchées  ainsi  que  les  autres 
accidens  disparurent. 

Il  est  probable  que  si  cette  raréfaction  de  l'air  venait  à 


(  541  ) 

être  introduite  dans  la  thérapeutique,  c'est  dans  le  choléra 
principalement  qu'on  en  reconnaîtrait  les  bons  effets.  Nous 
nous  empresserons  de  publier  les  résultats  des  nouvelles  ex- 
pégences  qui  seront  tentées  sur  ce  sujet,  dés  que  l'auteur  les 
aura  fait  connaître. 


ART.   1170. 

Note   sur   le   traitement  du  varicocèle  par   l'oblitération   des 

veines. 

M.  Velpeau  met  en  usage  le  procédé  suivant,  pour  obli- 
térer les  veines  variqueuses.  Saisissant  la  veine  au-dessus  de 
la  tumeur  dans  un  pli  de  la  peau,  il  passe  au-dessous  d'elle 
une  épingle,  et  l'étrangle  ensuite  dans  un  fil  entortillé  autour 
de  ses  deux  extrémités.  Lorsque  la  veine  qu'il  s'agit  d'obli- 
térer a  un  certain  volume,  si  par  exemple,  il  s'agissait  de  lier 
la  saphène  interne  pour  un  bourrelet  variqueux  existant  à  la 
jambe,  on  ferait  un  pli  ù  la  peau,  de  manière  que  la  veine 
fût  comprise  dans  ce  pli,  et  on  le  traverserait  à  sa  base  par 
deux  épingles,  en  les  plaçant  à  deux  pouces  de  distance.  La 
veine  se  trouverait  ainsi  appuyée  sur  les  deux  épingles,  puis 
on  entortillerait  circulairement  leurs  extrémités  avec  un  fil 
ciré. De  cette  manière,  au  boutdesix  ou  huit  jours,  lorsqu'on 
retirerait  les  épingles,  la  veine  se  trouverait  complètement 
oblitérée.  Ce  procédé  a  déjà  été  appliqué  sept  fois  sur  les 
membres  et  toujours  avec  succès.  M.  Velpeau  vient  de  guérir 
de  cette  manière  des  varices  du  cordon  chez  trois  sujets. 

Le  premier  était  un  jeune  homme  affecté,  depuis  sa  nais- 
sance, d'une  dilatation  variqueuse  des  veines  du  cordon  tes- 
ticulaire.  A  la  suite  d'une  longue  marche  à  pied,  il  avait 
éprouvé  des  douleurs  telles,  qu'il  fut  forcé  de  se  présenter  à 
l'hôpital  de  la  Charité.  Au-dessus  du  testicule  gauche,  on 
apercevait  pendant  la  station  verticale  une  tumeur  noueuse, 
molle,  bleuâtre,  dont  le  siège  était  dans  le  cordon,  et  les 
veines  du  scrotum  étaient  elles-mêmes  dilatées  et  flexueuses, 
en  sorte  qu'il  y  avait  en  même  temps  cirsocèle  et  vari- 
cocèle. 

Ce  malade  fut  opéré  le  20  juillet.  Le  premier  jour  de  l'o- 
pération il  y  eut  des  coliques,  et  des  douleurs  se  firent  res- 
sentir dans  les  reins.  Le  26,  les  épingles  furent  retirées  ;  la 
partie  du  scrotum  comprise  dans  la  ligature  fut  coupée,  et 
il  en  résulta  une  plaie  suppurante  et  une  inflammation  assez 
vive,  qui  se  propagea  à  tout  le  scrotum.  Cependant  des  ca- 


(  542   ) 

taplasmes  émoUiens  suffirent  pour  calmer  ces  accidens,  et 
le  malade  a  parfaitement  guéri. 

Chez  un  second  individu  plus  âgé,  les  mêmes  phéno- 
mènes se  manifestèrent  à  la  suite  de  cette  ligature.  La  gué- 
rison  n'en  fut  pas  moins  obtenue  en  quelques  jours,  liiais 
bientôt  il  se  manifesta  dans  l'abdomen  une  tumeur  qui  gros- 
sit rapidement,  et  ne  tarda  pas  à  amener  la  mort  du  malade. 
Cette  tumeur,  du  volume  de  la  tête  d'un  enfant,  était  de  na- 
ture cancéreuse  et  probablement  la  cause  première  du  dé- 
veloppement du  varicocèle. 

Enfin,  chez  le  troisième  malade,  les  accidens  déterminés 
par  cette  ligature  furent  un  peu  plus  graves,  puisqu'une 
petite  partie  du  scrotum  tomba  en  gangrène  ;  néanmoins  la 
guérison  fut  obtenue  avant  un  mois.  {Bull,  clin.) 

Réflexions.  Plusieurs  praticiens  s'occupent  en  ce  moment 
de  l'oblitération  des  veines  comme  moyen  de  guérir  les  va- 
rices, et  il  paraît,  d'après  les  succès  obtenus  par  la  compres- 
sion ou  la  ligature  que  ces  deux  procédés  feront  abandonner 
complètement  l'extirpation  de  la  veine  ou  sa  cautérisation. 
A  notre  art.  775,  nous  avons  parlé  du  nouveau  procédé 
préconisé  par  M.  Breschet,  et  consistant  dans  l'application 
de  pinces  qui  compriment  à  la  fois  la  peau  et  la  veine  elle- 
même.  Depuis  cette  époque,  ce  chirurgien  a  pratiqué  un 
très-grand  nombre  de  fois  cette  opération,  soit  à  l'Hôtel- 
Dieu,  soit  en  ville,  et  les  cures  qu'il  a  obtenues  ne  lui  per- 
mettent pas  de  mettre  en  doute  l'efficacité  de  ce  moyen. 

Si  les  observations  recueillies  par  M.  Breschet  étaient 
assez  nombreuses  et  assez  exactes  pour  qu'on  pût  défini- 
tivement juger  son  procédé,  il  faudrait  convenir  que  la 
compression  lente  exercée  au  moyen  de  ces  pinces  est  de 
beaucoup  préférable  à  tous  les  autres  procédés  d'oblitéra- 
tion ;  car  d'après  l'aveu  même  de  M.  Velpeau,  la  ligature  du 
vaisseau,  de  quelque  manière  qu'on  la  pratique,  n'est  jamais 
exempted'iucoQvéniens,et  même  d'incouvéniens  assez  graves 
pour  faire  courir  au  malade  un  certain  danger.  {Foy.  article 
1028.) 

ART.    1071. 

Nouvelles  observations  constatant  l'efficacité  de  l'hydrate  deper-» 
oxide  de  fer,  dans  le  cas  d'' empoisonnement  par  l'arsenic. 

M.  Benoist,  pharmacien  à  Sancoins  (Cher),  a  publié  l'ob- 
servation suivante  dans  le  Journal  de  chimie  médicale. 

Un  ouvrier,  sa  femme  etsoQ  enfant,  après  avoir  diné  avec 


(  543  ) 

des  haricots,  éprouvèrent  bientôt  des  coliques  violeutes,  des 
maux  de  cœur,  des  vertiges  etenfia  des  vomissemens.  L'uue 
de  ces  trois  personnes,  qui  en  avait  mangé  plus  abondam- 
ment que  les  autres  et  qui  d'ailleurs  était  d'une  faible  com- 
plexion,  souffrait  des  douleurs  extrêmement  violentes,  lors- 
que M.  Benoist  fut  appelé.  Ce  pharmacien  se  fit  présenter 
la  casserole  contenant  encore  des  haricots  :  il  reconnut  qu'elle 
était  parfaitement  étamée,  mais  on  distinguait  parmi  ces  lé- 
gumes de  petites  quantités  d'une  substance  jaunâtre  qui,  dé- 
posée sur  des  charbons  ardens,  fournit  des  vapeurs  dont 
l'odeur  alliacée  ne  laissa  aucun  doute  sur  l'existence  de  l'ar- 
senic. 

Un  seul  de  ces  trois  malades  paraissant  dans  un  état  alar- 
mant, M.  Benoist  s'empressa  de  lui  administrer  le  tritoxide 
de  fer  hydraté.  Trois  onces  et  demie  de  ce  tritoxide,  prove- 
nant de  la  précipitation  par  l'ammoniaque  du  sulfate  de  fer 
suroxidé  par  l'action  de  l'acide  nitrique,  furent  mises  dans 
deux  litres  de  lait  coupé  avec  de  l'eau,  et  on  en  fit  avaler  un 
verre  au  malade  toutes  les  cinq  minutes.  Après  l'ingestion 
des  deux  premiers  verres,  les  vomissemens  cessèrent  d'être 
douloureux,  et  le  malade  se  trouva  infiniment  mieux.  Les  ac- 
cidens  se  dissipèrent  peu  à  peu,  et,  malgré  quelques  coli- 
ques légères,  cet  homme  fut  bientôt  rétabli. 

On  apprit  ensuite  qu'un  ouvrier,  voulant  se  venger  de 
certains  tours  que  lui  avait  joués  son  camarade,  et  ne  croyant 
pas  que  les  conséquences  dussent  en  être  funestes,  avait  jeté, 
dans  ce  qui  devait  faire  son  dîner,  une  certaine  quantité 
d'uue  pâte  composée  d'acide  arsénieux,  de  curcuma  pulvé- 
risé et  d'un  corps  gras.  Ce  corps  gras  n'avait  pas  empêché 
l'action  de  l'hydrate  de  fer  sur  l'acide  arsénieux 

Réflexions.  Cette  observation  peut  être  rapprochée  de  celle 
que  nous  avons  consignée  à  notre  art.  ma,  et  qui  avait  été 
recueillie  dans  le  môme  département;  mais  dans  l'une  et 
dans  l'autre,  on  a  négligé  d'analyser  les  matières  vomies,  ce 
qui  a  laissé  quelque  chose  à  désirer  dans  l'histoire  de  ces 
faits  curieux. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  propriétés  du  peroxide  de  fer  sont 
démontrées  par  un  trop  grand  nombre  de  faits  chez  l'homme 
et  chez  les  animaux,  pour  qu'on  ne  considère  pas  aujour- 
d'hui cette  substance  comme  un  précieux  antidote  de  l'ar- 
senic. De  nouvelles  observations  sont  chaquejour  publiées  sur 
ce  sujet,  et  il  est  même  des  médecins  qui  ne  bornent  pas  son 
action  à  la  décomposition  chimique  de  l'arsenic,  mais  qui 
pensent  qu'il  peut  remédier  aux  désordres  produits  dans  le 
tube  digestif  par  la  substance  vénéneuse.  C'est  ce  qui  paraît 


(  544  ) 

résulter  de  deux  observations  publiées  dans  un  journal  alle- 
mand, et  dans  lesquelles  l'antidote  ne  fut  administré  que  plus 
de  vingt-quatre  heures  après  l'ingestion  du  poison.  Non- 
seulement  les  vomissemens  et  les  douleurs  abdominales  fu- 
rent enlevés  sur-le-champ,  mais  les  signes  d'inflammation 
qui  s'étaient  déjà  manifestes  furent  promptement  apaisés, 
et  les  malades  qui  avaient  avalé  une  très-grande  quantité 
d'arsenic  se  rétablirent  entièrement. 

Il  est  inutile  de  faire  observer  que  ces  assertions  ne  sont 
rien  moins  que  prouvées  par  les  deux  observations  sur  les- 
quelles on  s'appuie,  et  qu'il  est  inGniment  plus  probable  que 
si  l'ingestion  tardive  du  peroxide  a  fait  disparaître  tous  les 
symptômes,  c'est  qu'il  restait  encore  dans  le  tube  digestif 
quelques  parcelles  du  poison  qui  n'avaient  pas  encore  été 
absorbées. 

AET.   1172. 

HOPITAL  SAINT-LOUIS. 

Leçons  cliniques  de  M.  AUbert  :  Formules  dans  le  traitement  du 
porrigo.  —  Traitement  du  favus. 

Un  enfant  de  deux  ans  s'étant  présenté  à  la  consultation 
avec  un  porrigo  furfuracea  (Voy.  art.  1 158),  M.  Alibert  a  fait 
la  prescription  suivante  : 

Couper  les  cheveux  du  petit  malade  et  laver  fréquemment 
la  tête  avec  une  solution  d'amidon  ; 

Maintenir  dans  l'intervalle  un  cataplasme  émollient  sur 
les  parties  affectées; 

Lorsque  l'irritation  du  cuir  chevelu  sera  calmée,  friction- 
ner avec  la  pommade  des  frères  Mahon,  ou  avec  la  pommade 
suivante  : 

Pr.  :  Soude  d'Alicante  du  commerce,  un  gros  ; 
Axonge,  une  once  ; 

Recouvrir  ensuite  le  cuir  chevelu  avec  un  papier  brouil- 
lard ; 

Donner  à  l'intérieur  une  décoction  de  tige  de  houblon  ; 

Faire  ensuite  pendant  loug-temps  de  fréquentes  lotions 
avec  Teau  de  Barrége. 

Ce  que  nous  avons  dit  du  traitement  du  porrigo  nous  dis- 
pense de  nous  étendre  longuement  sur  celui  du  favus.  Ces 
deux  variétés  en  effet  réclament  les  mêmes  soins,  avec  cette 
différence  cependant  qu'il  faut  s'attendre  à  trouver  plus  de 
résistauce  encore  dans  le  lavus,  qui  est  une  maladie  plus 


(545) 

grave,  et  dont  les  progrès  amènent  quelquefois  même  la 
carie  des  os  du  cr5ne. 

Bien  qu'en  général  le  favus  se  borne  au  cuir  chevelu,  il 
n'est  cependant  pas  sans  exemple  de  le  rencontrer  sur  toute 
l'étendue  du  corps.  Le  plus  souvent  il  nécessite  un  long 
traitement  et  des  moyens  variés;  dans  quelques  cas  cepen- 
dant il  cède  avec  la  plus  grande  facilité.  C'est  ainsi  que 
M.  Alibert  a  vu  un  individu  natif  d'Amiens,  chez  lequel  cette 
éruption  couvrait,  non-seulement  tout  le  cuir  chevelu,  mais 
encore  une  grande  partie  de  la  peau.  Cet  enfant  entra  à 
l'hôpital,  changea  de  régime,  prit  quelques  bains  et  guérit 
avec  une  rapidité  extraordinaire  (i). 

M.  Alibert,  considérant  ce  genre  de  teigne  comme  plus 
grave  que  le  précédent  et  comme  ayant  avec  l'état  général 
(le  l'économie  des  liaisons  encore  plus  grandes,  conseille  de 
ne  pas  débuter  par  des  applications  locales  dont  le  but  est 
de  faire  tomber  les  cheveux  et  d'obtenir  la  fonte  des  tuber- 
cules. Il  faut,  suivant  ce  professeur,  commencer  par  mettre 
le  petit  malade  dans  des  conditions  plus  favorables  à  la  gué- 
rison,  le  tiier  du  séjour  humide  et  mal  aéré  dans  lequel  il 
réside  habituellement,  lui  donner  une  meilleure  nourriture 
et  surtout  le  tenir  dans  une  grande  propreté. 

Il  est  aussi  d'importantes  distinctions  à  faire  quant  à  l'an- 
cienneté et  à  la  gravité  du  favus.  En  général,  lorsqu'il  est 


(i)  Voici  l'histoire  de  ce  petit  malade,  que  M.  Alibert  cite  toujours 
dans  ses  leçons,  et  qu'il  a  consigaée  dans  son  ouvrage  sur  les  derma- 
toses. 

a  Ua  jeune  berger,  doué  d'un  tempérament  lympathique,  fut 
abandonné  dès  son  enfance  par  ses  pareas.  Il  n'avait  jamais ^  eu  d'au- 
tre maladie  que  la  petite-vérole,  lorsqu'à  dix  ans  il  quitta  son  pays, 
sans  guide,  sans  destination.  Après  quelques  jours  de  marche,  il  se 
trouva  à  Amiens,  où  il  se  mit  à  mendier  pour  subsister.  Pendant  trois 
années,  il  parcourut  les  campagnes  de  la  Picardie.  11  couchait  dans  les 
granges,  dans  les  greniers,  dans  les  étables,  partout  où  on  voulait  bien 
luiaccorder  l'hospitalité.  Un  jour  qu'il  se  servait  de  son  peigne  pour  se 
nettoyer  la  tête,  il  sentit  trois  tubercules  croùteux  à  la  partie  moyenne 
et  supérieure  du  crâne.  Il  prit  le  parti  de  les  arracher,  mais  ces  tuber- 
cules reparurent  quelques  jours  après.  Bientôt  ils  se  multiplièrent  d'une 
manière  eliVayante;  tout  son  corps  était  semé  de  croûtes  jaunes  exca- 
vées  à  leur  centre  et  relevées  par  leur  bord.  Quelques-unes  de  ces 
croûtes  étaient  déchirées  par  les  mouvemens  réitérés  du  pauvre  ma- 
lade, etn'otfrait  pins  que  des  tubercules  informes. Le  malade  exhalait 
une  odeur  de  so.uis  insupportable  ;  il  était  extéuué  de  maigreur  et 
avait  un  appétit  dévorant.  Qui  croirait  qu'un  être  si  chétif  a  été  guéri 
sans  le  secours  d'aucun  remède  ?  Tout  a  disparu  par  un  bon  régime  et 
par  le  simple  usage  des  bains  gélatineux,  * 

Ton.  VI.    N"    DE  DÉCEMBRE.  35 


(  546  ) 

récent,  ces  moyens  généraux  sont  presque  suffîsans  pour  le 
faire  disparaître.  On  les  seconde  par  l'usage  intérieur  de 
l'eau  d'Eughien,  du  suc  de  trèfle  d'eau  et  de  cresson  de  fon- 
taine. Puis  on  nourrit  l'enfant  avec  des  substances  gélati- 
neuses, des  bouillons  de  poulet,  de  grenouille,  et  l'on  pres- 
crit des  bains  d'amidon  ou  de  gélatine,  en  y  ajoutant  même 
quelques  onces  de  sulfure  de  potasse. 

Mais  lorsque  ces  moyens  sont  insuffisans,  il  faut  bien  re- 
courir aux  applications  directes  que  nous  avons  indiquées 
en  parlant  du  porrigo,  en  prenant  d'abord  la  précaution  de 
faire  tomber  les  croûtes  à  l'aide  de  cataplasmes  émolliens, 
quelle  que  soit  la  composition  de  la  poudre  ou  de  la  pommade 
à  laquelle  on  croit  devoir  s'arrêter. 

Lefavus  est  plus  rebelle  encore  à  tous  les  moyens  de 
traitement  que  ne  l'est  le  porrigo,  et  il  exige  non-seulement 
plus  de  constance  dans  l'application  des  remèdes,  mais  en- 
core des  soins  plus  long-temps  prolongés  pour  prévenir  les 
rechutes  qui  sont  assez  fréquentes. 

Voici  quelques  formules  dictées  par  M.  Alibert  dans  des 
cas  de  favus. 

Un  enfant  de  trois  ans  ayant  sur  la  tête  quatre  plaques 
jaunes  de  la  largeur  chacune  d'une  pièce  de  quinze  sous  : 

Couper  les  cheveux  de  l'enfant  le  plus  près  possible  du 
cuir  chevelu  ; 

Faire  tomber  les  croûtes  par  l'application  de  cataplasmes 
émolliens,; 

Laver  fréquemment  la  tête  avec  de  l'eau  contenant  du  bi- 
carbonate de  soude  ; 

Etendre  ensuite  sur  les  plaies  la  pommade  de  soude  d'Ali- 
cante  ; 

Faire  boire  à  l'enfant  de  l'eau  de  chicorée  et  de  houblon. 

Chez  un  autre  enfant  un  peu  plus  âgé,  qui  avait  une  tête 
fort  grosse  et  beaucoup  d'embonpoint,  M.  Alibert  prescrivit 
les  mêmes  topiques,  et  de  plus 

Frottez  des  clous  avec  un  citron,  faites-les  bouillir  et  don- 
nez cette  eau  coupée  avec  du  vin  ; 

Etablissez  un  vésicatoirc  au  bras. 

ART.    1175. 

Nouvelle  instruction  sur  les  secours  à  d»nner  aux  noyés  et  as- 
phyxies (1). 
1°  Dès  l'arrivée  d'un  noyé,  ou  avant,  si  on  le  peut,  on  en- 
verra de  suite  chercher  un  médecin  ou  chirurgien. 

(i)  Nous  trouvons  dans  l'ouvrage  iiUiluli;  ;  ISouvclks  nchcnhi^ssur  (es 


(547J 

2°  Immédiatement  après  l'arrivée  du  noyé,  on  lui  ôtera 
ses  vêtemens,  s'il  n'a  pas  été  déjà  déshabillé,  et  pour  aller 
plus  vite,  on  les  coupera  avec  des  ciseaux.  On  essuiera 
son  corps,  on  lui  mettra  ^ine  chemise  ou  un  peignoir 
ainsi  qu'un  bonnet  de  laine,  et  on  le  posera  doucement  sur 
une  paillasse  ou  sur  un  matelas,  entre  deux  couvertures  de 
laine,  placé  sur  une  table.  La  tête  et  la  poitrine  devront 
être  plus  élevées  que  les  jambes. 

5"  On  couchera  une  ou  deux  fois  le  corps  sur  le  côté  droit, 
on  fera  légèrement  pencher  la  tête  en  la  soutenant  par  le 
front,  pour  faire  rendre  l'eau.  Cette  opération  ne  devra  du- 
rer qu'une  demi-minute  chaque  fois.  Il  est  inutile  de  la  ré- 
péter s'il  ne  sort  pas  d'eau  ou  de  mucosités  (des  glaires,  de 
l'écume). 

4°  On  placera  autour  de  la  poitrine  et  du  bas-ventre  le  ban» 
dage  compressif,  disposé  comme  un  corset  dit  à  la  paresseuse, 
et  l'on  cherchera  à  imiter  la  respiration  en  tirant  les  bandes 
en  sens  inverse,  et  en  les  lâchant  après  chaque  compression. 

On  imitera  de  cette  manière  les  mouvemens  que  font  la 
poitrine  et  le  ventre  lorsqu'on  respire.  Aussi  ne  faut-il  pas 
que  ces  mouvemens  soient  produits  trop  brusquement  et 
avec  trop  de  précipitation.  On  laissera  un  repos  d'environ 
un  quart  de  minute  entre  chaque  opération.  On  réitérera 
celte  tentative  de  temps  à  autre  (de  dix  minutes  en  dix  mi- 
nutes, plus  ou  moins). 

5"  Tout  en  faisant  agir  pour  la  première  fois  le  bandage, 
on  s'occupera  d'aspirer  l'eau,  l'écume  et  les  mucosités  qui 
pourraient  obstruer  les  voies  de  la  respiration. 

A  cet  effet,  on  prend  la  seringue  à  air  (  seringue  en  alliage, 
munie  d'un  ajutage  en  cuivre).  On  pousse  le  piston  jusqu'à 
l'ajutage,  on  enduit  cet  ajutage  de  suif,  ou,  mieux  encore, 
d'un  mélange  de  mine  de  plomb  et  de  graisse;  on  le  place 
dans  la  douille  égaleuient  en  cuivre  du  tuyau  flexible,  on  l'y 


secours  à  donner  aux  noyés  et  asphyxiés,  par  M.  Marc,  une  inslructioQ 
approuvée  par  le  Conseil  de  salubrité,  et  (i(>nt  le  but  est  de  diriger  les 
secours  qu'où  donne  aux  noyés  dans  les  éliiblissemens  destinés  à  les  re- 
cevoir. Bien  que  cette  iustructi^u  n'ait  pas  été  écrite  pour  des  méde- 
cins, comme  elle  contient  un  résumé  e\trèuienient  lumineux  de  pres- 
que tous  les  moyens  auxquels  on  peut  avoir  recours  dans  ces  circon- 
stances, nous  avons  cru  devoir  la  transcrire,  persua.Jé  que  nos  confrè- 
res la  liraient  avec  intérêt.  Ou  y  verra  d'ailleurs  l'opinion  de  M.  Marc 
sur  quelques  points  en  litige,  tels  que  l'insuillation  de  l'air  dans  les 
poumons,  lus  injections  dç  l'uuiée  irritante  dans  lu  rectum,  etc. 

{Noie  dit  Réd.) 


(548) 

fixé  pâf  un  mouveftient  de  baïonnette,  on  introduit  ehsuite  la 
canule  du  tuyau  flexible  dans  une  des  narines  que  l'on  fait  te- 
nir complèleuient  fermée  par  un  aide,  ainsi  que  l'autre  na- 
rine et  la  bouche  en  rapprochant  les  lèvres;  enfin  on  tire 
doucement  vers  soi  le  piston  de  la  pompe  ou  seringue. 

Si  par  ce  moyen  ou  avait  aspiré  beaucoup  de  mucosités, 
et  s'il  en  sortait  encore  par  la  bouche  ou  les  narines,  on  pour- 
rait répéter  cette  opération. 

Quand  il  s'agit  d'un  enfant  au-dessous  de  trois  ans,  on 
n^aspire  chaque  fois  que  jusqu'au  quart  de  la  capacité  de 
la  seringue.  S'agit-il  d'un  enfant  plus  âgé  (jusqu'à  douze 
ou  quinze  ans),  on  aspire  jusqu'à  la  moitié  ;  et  s'il  s'agit  d'un 
aduûe,  jusqu'à  la  capacité  entière  de  la  seringue. 

6"  Aussitôt  que  la  respiration  tend  à  se  rétablir,  c'est-à- 
dire  dès  qu'on  s'aperçoit  que  le  noyé  happe  pour  ainsi  dire 
l'air,  il  faut  cesser  toute  aspiration  ou  tout  autre  moyen  spé- 
cialement dirigé  vers  le  rétablissement  de  cette  fonction. 

•p"  Si  les  mâchoires  sont  serrées  l'une  contre  l'autre,  sur- 
tout si  le  noyé  a  toutes  ses  dents  et  qu'elles  laissent  peu  d'in- 
terstices entre  elles,  il  convient  alors  d'écarter  très-légè- 
arementles  mâchoires,  en  employant  d'abord  le  petit  levier  en 
ibuis,  et  ensuite,  si  cela  ne  suffit  pas,  le  levier  en  fer  à  doubles 
ibranches  qu'on  présentera  entre  les  petites  molaires  (pre- 
anières  mûchelières),  en  pressant  ensuite  graduellement  sur 
îles  branches  de  l'instrument.  On  maintiendra  l'écartement 
obtenu,  en  plaçant  entre  ces  dents  un  morceau  de  liège  ou 
de  bois  tendre.  Cette  opération  devra  être  exécutée  avec 
ménagement  et  sans  violence. 

8°  Dès  le  commencement  des  opérations  qui  viennent 
d'être  décrites,  c'est-à-dire  dès  l'arrivée  du  noyé,  un  des 
aides  s'occupera  de  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  réchauffer 
le  corps;  ainsi  : 

II  fera  chaufferies  fers  à  repasser;  s'il  y  a  une  bassinoire, 
il  y  mettra  des  cendres  chaudes. 

9° Pendant  qu'on  s'occupera  de  rétablir  la  respiration,  dès 
•que  les  fers  auront  acquis  le  degré  de  chaleur  qu'on  leur 
donne  ordinairement  pour  repasser  le  linge,  ou  lorsqu'on 
■crachant  dessus,  la  salive  frissonnera,  on  les  promènera  par- 
dessus le  peignoir  de  laine  sur  la  poitrine,  le  long  de  l'épine 
du  dos  et  sur  le  bas-ventre,  en  s'arrClant  plus  long-temps 
ïur  le  creux  de  l'estomac  et  aux  plis  des  aisselles.  On  fric- 
tionnera les  cuisses  et  les  extrémités  inférieures  avec  des 
frottoirs  en  laine,  la  plante  des  pieds  et  l'intérieur  des  mains 
avec  des  brosses,  sans  cependant  trop  appuyer,  surtout  au 
commeacemeDt  de  l'opération. 


(  549) 

10"  Quels  que  soient  les  moyens  qu'on  emploie  pour  ré- 
chauffer le  corps  d'un  noyé,  il  faut  se  régler  selon  la  tempé- 
rature de  l'air  extérieur.  Tant  qu'il  ne  gèle  pas,  on  peut  être 
moins  circonspect.  Cependant  il  ne  faut  jamais  chercher, 
particulièrement  dès  le  début  des  secours,  à  exposer  le  corps 
du  noyé  à  une  chaleur  plus  forte  que  celle  du  sang.  Les  fers 
à  repasser  et  la  bassinoire  ont,  il  est  vrai,  un  degré  de  cha- 
leur plus  élevé;  mais  comme  ils  agissent  à  travers  une  cou- 
verture ou  une  chemise  de  laine,  et  qu'ils  ne  restent  pas  long- 
temps appliqués  sur  la  même  place,  leur  action  se  trouve  par 
cette  raison  sufflsamment  affaiblie. 

Si  au  contraire  il  gèle,  et  que  le  noyé,  après  avoir  été  re- 
tiré de  l'eau,  soit  resté  assez  long-temps  exposé  à  l'air  froid 
pour  que  des  glaçons  se  soient  formés  sur  son  corps,  il  faut 
alors,  aussitôt  qu'il  arrive  et  même  avant,  ouvrir  les  portes 
ainsi  que  les  fenêtres,  afin  d'abaisser  la  température  au  degré 
de  glace  fondante  (ce  qu'on  constate  par  le  thermomètre), 
lui  appliquer  sur  le  corps  des  compresses  ou  linges  trempés 
dans  de  l'eau  au  degré  de  glace  fondante,  dont  on  élève  peu  ù 
peu  la  température.  Cette  élévation  doit  toutefois  s'opérerplus 
promptement  pour  les  noyés  que  pour  les  asphyxiés  par 
l'action  du  froid  seulement,  et  sans  qu'il  y  ait  eu  submersion. 
On  peut  chez  les  submergés  élever  la  température  de  deux 
degrés  toutes  les  deux  minutes,  et,  lorsqu'on  est  arrivé  à 
vingt  degrés,  avoir  recours  aux  frictions,  ainsi  qu'à  la  cha- 
leur sèche. 

En  hiver,  il  faudra  en  même  temps  élever  la  température 
du  lieu  où  l'on  donne  des  secours,  en  refermant  les  portes  et 
les  fenêtres.  Il  ne  faut  cependant  pas  que  la  chaleur  du  l&cal 
arrive  plus  haut  que  quinze  degrés  du  thermomètre  de  Réau- 
mur,  ou  que  dix-huit  degrés  du  thermomètre  centigrade. 

Le  meilleur  moyen  d'appliquer  la  chaleur  graduée  dans  la 
circonstance  dont  il  s'agit,  c'est  de  placer  le  noyé  dans  une 
baignoire,  si  l'on  peut  s'en  procurer  une,  et  d'en  échauffer 
peu  à  peu  l'eau  au  degré  convenable. 

11°  Tout  en  employant  les  moyens  nécessaires  pour  ré- 
chauffer le  noyé  et  pour  rétablir  la  respiration,  on  le  friction- 
nera avec  des  frottoirs  de  laine  sur  les  cuisses,  les  bras,  et  de 
temps  à  autre  de  chaque  côté  de  l'épine  du  dos  ;  on  brossera 
doucement,  mais  long-temps,  la  plante  des  pieds  ainsi  que  le 
creux  des  mains.  On  pourra  aussi  frotter  avec  les  frottoirs  en 
laine  le  creux  de  l'estomac,  les  flancs,  le  ventre  et  les  reins, 
dans  les  intervalles  où  l'on  n'y  promènera  pas  la  bassinoire 
ou  les  fers  à  repasser. 

12°  Si  le  malade  donne  quelques  signes  de  vie,  il  faut  ton- 


(55o) 

tiouer  les  frictions  ainsi  que  l'emploi  de  la  chaleur,  mais  bien 
se  garder  d'entreprendre  quelque  chose  qui  puisse  gêner, 
même  légèrement,  la  respiration.  Si  le  noyé  fait  quelques  efr 
forts  pour  respirer,  il  faut  discontinuer  pendant  quelque 
temps  toute  manœuvre  qui  pourrait  comprimer  la  poitrine 
ou  le  has-ventre. 

i5°  Si  pendant  les  efforts  plus  ou  moins  pénibles  que  fait 
le  noyé  pour  respirer  l'air  ou  pour  le  faire  sortir,  on  s'aper- 
çoit qu'il  a  des  envies  de  vomir,  il  faut  introduire  au  fond  de 
la  bouche  la  barbe  d'une  plume  et  la  chatouiller,  à  peu  près 
comme  on  le  pratique  lors([ue,  pour  se  faire  vomir,  on  in- 
troduit un  doigt,  le  plus  avant  pos«ible,  au  fond  du  palais. 

i4°  Dans  aucun  cas  il  ne  faut  introduire  le  moindre  liquide 
dans  la  bouche  d'un  noyé,  ;\  moins  qu'il  n'ait  repris  ses  sens 
et  qu'il  puisse  facilement  avaler. 

i5°  Si  alors  le  médecin  n'est  pas  encore  arrivé,  on  peut 
faire  prendre  au  malade  une  cuillerée  d'eau-de-vie  cam- 
phrée ou  d'eau  de  mélisse  spirilueuse  étendue  de  moitié 
d'eau,  et  le  coucher  dans  un  lit  bassiné,  ou  du  inoins  sur  un 
brancard  garni  d'un  matelas  et  d'une  couverture,  en  ayant 
soin  de  tenir  la  tête  élevée. 

16°  Si  le  ventre  est  tendu,  on  donne  un  lavement  d'eau 
tiède  dans  laquelle  on  a  fait  fondre  une  forte  cuillerée  à 
bouche  de  sel.  Mais  il  ne  faut  jamais  employer  ce  moyen 
avant  que  la  respiration  et  la  chaleur  soient  bien  rétablies. 

17"  Dans  le  cas  où,  après  une  demi-heure  de  secours  as- 
sidûment administrés,  le  noyé  ne  donnerait  aucun  signe  de 
vie,  et  si  le  médecin  n'était  pas  encore  arrivé,  on  pourrait 
reccfiirir  à  l'insufflation  d'une  fumée  aromatique  dans  le  fon- 
dement. 

Voici  la  manière  de  la  pratiquer  : 

L'appareil  qui  sert  ;\  cet  usage  se  nonmie  appareil  ou  ma- 
chine  ftimigaioire.  Pour  le  mettre  en  jeu,  on  humecte  le  mé- 
lange de  piaules  aromatiqu»iS,  comme  on  humecterait  le  ta- 
bac à  fumer.  On  en  charge  le  fourneau  formant  le  corps  de 
la  machine  fulnigatoire,  et  on  l'allume  avec  un  morceau  d'a- 
madou ou  av;'c  un  charbon,  ensuite  de  quoi  on  adapte  le 
sôWfflet  à  la  machine.  Quand  on  voit  la  fumée  sortir  abon- 
damment du  bec  du  chapiteau,  on  y  adapte  le  tuyau  fumi- 
galoire  au  bout  duquel  on  ajoute  la  canule  qu'on  introduit 
dans  le  fondement  du  noyé. 

On  fait  mouvoir  le  soufflet,  afin  de  pousser  la  fumée  dans 
les  intestins  du  noyé.  Si  la  canule  se  bouche  en  rencontrant 
des  matières  dans  le  fondement,  ce  qu'on  reconnaît  à  la  sor- 
tie de  la  fumée  au  travers  des  jointures  de  la  machine,  ou  à 


(55i) 

la  résistance  du  sonfilet,  on  la  nettoie  à  l'aide  de  VaiguUleà 
dégorger,  et  l'on  recommence,  en  ayant  soin  de  ne  pas  intro- 
duire la  canule  aussi  avant. 

Chaque  injection  de  fumée  ne  devra  durer  au  plus  que 
deux  minutes,  et  dans  aucun  cas  elle  ne  devra  être  portée  au 
point  qu'on  s'aperçoive  que  le  ventre  se  ballonne  (qu'il  aug- 
mente d'une  manière  sensible  de  volume,  qu'il  se  gonfle  et 
se  tende  ). 

Après  chaque  opération,  qu'on  pourra  répéter  plusieurs 
fois  de  quart-d'heure  en  quart-d'heure,  on  exercera  à  plu- 
sieurs reprises  une  légère  pression  sur  le  bas-ventre,  de  haut 
en  bas,  et  avant  de  procéder  à  une  nouvelle  fumigation,  on 
introduira  dans  le  fondement  une  canule  fixée  à  une  serinijue 
ordinaire  vide,  dont  on  tirera  le  piston  vers  soi,  de  manière 
à  faire  sortir  l'air  que  les  intestins  pourraient  contenir  de 
trop. 

18°  Lorsque  le  noyé  recouvre  la  vie,  il  faut,  si  on  ne  peut 
pas  faire  autrement,  le  porter  sur  le  brancard  à  l'hôpital  le 
plus  voisin.  Mais  si  on  peut  disposer  d'un  lit,  il  faut,  après 
l'avoir  bassiné,  y  laisser  reposer  le  malade  pendant  une 
heure  ou  deux.  S'il  s'y  endort  d'un  bon  sommeil,  il  faut  le 
laisser  dormir.  Si  au  contraire  sa  face,  de  pâle  qu'elle  était, 
se  colore  fortement  pendant  l'envie  de  dormir,  et  qu'en  ré- 
veillant le  malade,  il  retombe  aussitôt  dans  un  état  de  som- 
nolence, il  faut  préparer  des  sinapismes  (pâte  de  farine  de 
moutarde  et  d'eau  chaude)  et  lui  en  appliquer  entre  les 
épaules,  ainsi  qu'à  l'intérieur  des  cuis«es  et  aux  mollets.  On 
lui  posera  en  même  temps  six  à  huit  sangsues  derrière  chaque 
oreille.  Il  est  entendu  qu'on  n'aura  recours  à  ces  moyens 
qu'autant  qu'il  n'y  aurait  pas  de  médecin  présent;  cardans 
le  cas  contraire,  ce  serait  à  lui  à  décider  s'il  faut  tirer  du  sang, 
en  quelle  quantité,  sur  quel  point,  et  par  quel  moyen. 

ART.  1 174» 

Observations  sur  quelques  cas  de  strangulation  par  le  cordon 
ombilical. 

M.  Taufflier  a  publié  dans  les  Annales  d'hygiène  et  de  mé- 
decine légale  quelques  observations  fort  curieuses  sur  un  des 
points  les  plus  obscurs  que  présente  la  question  d'infanti- 
cide. 

On  sait  que  lorsqu'on  soumet  à  notre  examen  un  nouveau- 
né,  ayant  ou  non  respiré,  et  portant  autour  du  cou  des  tra- 
ces de  strangulation  manifeste,   on  se  demande,  avant  de 


(  552  ) 

prononcer  sur  l'existence  d'un  crime,  si  les  désordres  que 
l'on  observe,  si  le  sillon  plus  ou  moins  dur,  plus  ou  moins 
enfoncé  qui  circonscrit  le  cou,  n'aurait  point  été  tracé  par  le 
cordon,  au  moment  de  l'accouchement.  Ces  observations 
seront  rapprochées  avec  intérêt  de  celle  qui  se  trouve  à  no- 
ire article  i023,  et  à  roccasion  de  laquelle  nous  avons  agité 
la  même  question. 

Le  docteur  Schwartz,  ayant  été  appelé  auprès  d'une 
femme  en  travail,  crut  devoir  appliquer  le  forceps  pour  ter- 
miner l'accouchement.  Aussitôt  que  la  tête  fut  dégagée,  il 
remarqua  que  le  cordon  ombilical  cernait  le  cou  de  l'enfant 
par  deux  tours.  Ce  cordon  était  tellement  serré  autour  du 
cou,  qu'il  fut  impossible  de  faire  glisser  le  doigt  entre  les  cir- 
convolutions et  la  peau.  On  se  hâta  donc  de  terminer  l'ac- 
couchement en  attirant  les  épaules  au  moyen  des  doigts  ap- 
pliqués en  forme  de  crochets  au  creux  des  aisselles.  L'enfant 
était  mort,  et  on  observa,  dans  la  région  du  cou  qui  avaitété 
serrée  par  le  cordon  ombilical,  une  empreinte  de  couleur  livide 
et  en  forme  de  sillon.  Le  lendemain  ce  sillon  était  devenu 
blanc,  à  l'exception  dos  bords  qui  avaient  conservé  une  cou- 
leur bleuâtre,  ia/wj-ù'on  de  lapeau  qui  correspondait  àl' empreinte 
était  tellement  parc/iemince,  que  le  sillon  n'était  pas  seulement 
sensible  au  toucher,  mais  encore  à  la  vue, 

.  Chez  un  autre  enfant,  mort  un  quart-d'heure  après  sa  nais- 
sance, et  chez  lequel  le  cordon  ombilical  avait  formé  une 
anse  autour  du  cou,  M.  Wilciberg  observa  dans  cette  ré- 
gion une  bande  étroite,  ronge,  circulaire,  sans  dépression  et 
sans  extravasation  du  sang.  Cette  bande  rouge  formait  un 
cercle  presque  complet.  Les  potimons  étaient  crépitans,  plus 
légers  que  l'eau;  en  un  mot,  cet  enfant  offraitles  signes  qui 
indiquent  la  mort  par  asphyxie  après  l'établissement  de  la 
respiration. 

Une  autre  observation,  publiée  par  le  même  auteur,  serait 
également  très-concluante  si  elle  n'avait  pas  été  recueillie 
sur  un  enfant  mis  au  monde  clandestinement  : 

Le  cadavre  d'un  enfant  nouveau-né  fut  trouvé  dans  le 
coffre  d'une  jeune  fille.  Celle-ci  avoua  qu'elle  était  accouchée 
pendant  la  nuit,  que  l'accouchement  avait  été  fort  pénible, 
que  la  tête  avait  eu  beaucoup  de  peine  à  franchir  le  détroit, 
et  qu'après  avoir  été  poussée  à  l'extérieur,  elle  était  restée 
très-lnng-temps  dans  cette  position;  qu'elle  l'avait  plusieurs 
fois  saisie  avec  la  main  pour  l'exlraire,  qu'elle  s'était  aperçu 
alors  que  le  cordon  ombilical  entourait  le  cou  de  l'en- 
fant, etc. 

A  l'autopsie,  M.  Wildberg  trouva  l'enfant  uoi  au  placenta 


(553) 

par  le  cordon  ;  la  figure  et  le  front  portaient  des  traces  des 
ongles  de  sa  mère;  il  n'y  avait  pas  d'autre  lésion  sur  tout 
le  corps,  ^lai^autour  du  cou,  onobservait  un  sillon  peu  profond, 
plus  rouge  que  le  reste  de  lapeau.  Les  poumons  ne  contenaient 
point  d'air,  et  les  sinus  de  la  dure-mère  et  les  vaisseaux  du 
cerveau  étaient  gorgés  d'une  énorme  quantité  de  sang. 

Enfin  M.  Carus  a  observé  un  cas  à  peu  près  semblable  aux 
deux  premiers  que  l'on  vient  de  lire. 

Ces  diverses  observations  semblent  mettre  hors  de  doute 
que  le  cordon ombilicalpuisse  déterminer  l'asphyxie  del'en- 
fant,  et  laisser  autour  du  cou  la  même  empreinte  qu'on  ob- 
serverait si  l'on  avait  appliqué  un  lien  sur  cette  région.  Ce 
point  était,  comme  on  le  voit,  de  la  plus  haute  importance 
à  établir  en  médecine  légale  ;  mais  ces  effets  devant  être  ex- 
cessivement rares,  les  experts  n'en  seront  pas  moins  dans  un 
cruel  embarras  pour  prononcer  sur  l'existence  d'un  crime, 
s'ils  considèrent  surtout  que  cette  strangulation  par  le  cor- 
don peut  avoir  eu  lieu  même  chez  des  enfans  qui  ont  respiré, 
comme  le  prouve  la  seconde  observation  citée. 

ABT.    1175. 

Noie  sur  l'emploi  de  l'huile  de  foie  de  morue,  dans  quelques 
obscurcissemens  de  la  cornée. 

M.  Carron  du  Villards  a  publié  dans  le  Bulletin  thérapeu- 
tique une  note  sur  l'emploi  des  huiles  en  général,  et  de  celle 
de  foie  de  morue  en  p.'.rticulier,  pour  faire  disparaître  quel- 
ques taches  de  la  cornée.  Ce  médecin  ne  pense  pas  que  cette 
huile  ait  une  vertu  spécifique,  mais  il  lui  reconnaît  une  vertu 
réelle  qui  !^e  manifeste  par  des  résultats  curatifs  et  par  des 
effets  physiques.  Ainsi,  lorsqu'on  place  sur  une  taie  ou  sur 
un  léger  albugo  un  peu  d'huile  de  morue  avec  rextrémité 
d'un  pinceau  de  poil  de  martre,  il  se  manifeste  aussitôt  une 
cuisson  assez  vive,  qui  produit  une  abondante  sécrétion  de 
larmes,  et  dure  de  huit  à  dix  minutes.  Cette  action  est  beau- 
coup plus  prononcée  que  celle  de  l'huile  de  noix. 

Il  est  inutile  de  dire  que  cette  application  ne  doit  se  faire 
que  lorsque,  par  des  moyens  convenables,  l'inflammation  a 
été  tout- à-fait  abattue;  encore  est-il  des  précautions  à 
prendre  pour  qu'on  ne  dépasse  pas  le  but  qu'on  se  propose, 
qui  est  la  résolution  des  liquides  épanchés  dans  les  lames 
de  la  cornée. 

On  emploie  l'huile  blonde  ou  l'huile  brune  de  morue;  la 
première  est  beaucoup  moins  active  que  la  seconde  :  encore 


(554) 

est-il  nécessaire  chez  certains  sujets  de  la  mitiger  avec  l'huile 
d'amandes  douces.  Il  faut  commencer  par  toucher  une  ou 
deux  fois  par  jour,  puis  on  augmente  le  nombre  des  appli- 
cations à  mesure  que  i'œil  s'y  habitue. 

M.  Garron  du  Vilfards  cite  plusieurs  faits  dans  lesquels 
cette  médication  lui  a  parfaitement  réussi.  Chez  un  jeune 
homme  atteint  depuis  deux  ans  d'une  ophthalmiescrofuleuse 
très-intense,  ce  médecin  était  parvenu  à  obtenir  une  gué- 
rison  complète,  sauf  une  légère  opacité  du  centre  de  la 
cornée  du  côté  droit.  Après  avoir  employé  inutilement  la 
plupart  des  résolutifs  connus,  il  eut  recours  à  l'huile  brune 
de  morue,  de  la  jnanière  indiquée  ci-dessus,  et  en  quelques 
semaines,  la  tache  disparut  complètement. 

Chez  une  jeune  fille,  qui  depuis  sa  plus  tendre  jeunesse 
avait  des  conjonctivites  strumeuses  et  qui  conservait  des 
nuages  de  la  cornée  et  des  dispositions  aux  récidives,  l'huile 
de  morue  eut  le  même  succès,  mais  il  fallut  en  faire  usage 
pendant  long-temps. 

Deux  autres  exemples  semblables  sont  cités  dans  cet  ar- 
ticle. Dans  le  second,  ii  fallut  continuer  l'usage  d'huile  de 
morue  pendant  un  mois  et  demi. 

ABT.    1176. 

Observations  de  produciions  cornées,  développement  sur  tes  mem- 
branes muqueuses. 

M.  Bridel,  médecin  h  Bléré  (Indre-et-Loire),  nous  com- 
munique les  observations  suivantes  : 

En  juillet  i833,  lors  d'une  épidémie  d'angines  malignes 
qui  régnait  à  Bléré,  je  fus  appelé  près  de  la  fille  Maupouet, 
atteinte  d'une  maladie  de  la  gorge.  Cette  fille,  âgée  de  vingt- 
un  ans,  et  d'une  bonne  constitution,  avait  les  deux  amygda- 
les rouges,  gonflées  et  couvertes  de  granulations  blanches 
disséminées  irrégulièrement  sur  leur  surface.  Sur  la  ton- 
sille  gauche,  vers  sa  partie  inférieure  et  presque  antérieure, 
existait  une  productiou  cornée  assez  dure,  mais  mobile,  de 
la  longueur  d'environ  Sept  lignes.  Sa  base  était  adhérente 
aux  premières  couches  des  tissus  de  la  glande,  et  de  la  gros- 
seur d'une  plume  ordinaire,  tandis  que  son  sommetse  ter- 
minait en  pointe.  La  malade  déclara  que  cette  production 
morbide  dataii  environ  de  cinq  aîinées;  elle  ne  lui  causait  ni 
douleur  ni  gène  sensible.  Je  m'occupai  d'abord  de  traiter 
l'angine  à  l'aide  d'émissions  sanguines  locales,  etc.,  et  je 
procédai  ensuite  à  la  9©(.iion  de  cette  production  coruée  avec 


(555) 

des  ciseaux  à  pointes  mousses.  Immédiatement  après  cette 
section,  j'eus  recours  à  des  gargarismes  fortement  alumines 
et  des  attouehemens  avec  le  nitrate  d'argent.  Ces  seuls 
moyens,  contre  mon  attente,  ont  été  assez  puissans  pour 
amener  une  guérison  radicale. 

L'nc  jeune  fdle  de  Lacroix-Bléré,  âgée  de  seize  ans,  blonde 
et  d'une  Ijonne  organisation,  me  présenta  l'année  suivante 
une  excroissance  morbide  qu'elle  portait  au  bras  et  en  de- 
dans de  la  narine  droite.  Celte  excroissance  était  cornée, 
mais  peu  consistante.  Elle  était  longue  à  peu  près  de  quatre 
lignes  et  demie,  et  sa  grosseur,  à  son  point  de  jonction  sur  la 
muqueuse,  était  celle  d'une  plume  de  corbeau.  Je  me  bernai 
à  pratiquer  une  ligature  le  idus  bas  qu'il  me  fut  possible,  et 
an  bout  de  douze  jours  toute  l'épaisseur  de  la  végétation  était 
tranchée.  Bien  que  cette  production  semblât  disposée  à 
prendre  de  l'accroissement,  elle  ne  se  reproduisit  plus  lors- 
qu'elle eut  été  enlevée.  {F'oy.  art.  2i4>) 


Suicide  que  quelques  circonstances  faillirent  à  faire  prendre  pour 
un  parricide. 

Le  5  juillet  dernier,  nous  fûme^  requis,  par  deux  commis- 
saires de  police,  de  nous  transporter  au  domicile  du  sieur 
M...,  que  nous  trouvâmes  dans  l'état  suivant  :  il  était  assis 
sur  un  fauteuil  placé  à  côté  d'unlit;  le  coude  gauche  appuyait 
sur  ce  dernier  vers  le  chevet;  la  main  droite,  armée  d'un  pis- 
tolet déchargé,  reposait  sur  le  milieu  de  la  cuisse  du  même 
côté  ;  la  presque  totalité  du  canon  dépassait  le  bord  interne 
de  la  cuisse,  de  manière  que  l'arme  ne  pouvait  éprouver  le 
moindre  mouvement,  sans  tomber  sur  le  planrher  ;  le  projec- 
tile, que  nous  ne  trouvâmes  pas,  après  avoir  piesque  entiè- 
rement enlevé  le  visage,  aviiit  brisé  et  traversé  le  pariétal  gau- 
che ;  une  grande  quantité  de  sang  avait  pénétré  les  vêtemens 
du  malheureux  soumis  à  notre  examen,  et,  coulant  ensuite  à 
travers  la  paille  du  fauteuil,  avait  formé  sur  le  ])lancher  un 
très-vaste  caillot.  La  température  du  cadavre  indiquait  qu'il 
n'y  avait  pas  deux  heures  que  M...  avait  cessé  de  vivre  ;  le 
même  espace  de  temps  s'était  à  peu  près  écoulé  depuis  que 
l'explosion  du  pistolet  avait  été  entendue  de  quelqties  voi- 
sins. 

MM.  les  commissaires  de  police,  arrivés  avant  nous  sur 
les  lieux,  avaient  appris  que  M  ..,  plus  que  sexagénaire,  n'a- 
vait pas  antérieurement  manifesté  l'intention  de  se  détruire, 


(  556  ) 

et  qu'on  ne  lui  connaissait  d'autre  motif  de  chagrin  que  la  11 

perte  d'un  procès  récemment  éprouvée  par  sa  sœur,  qu'il  i 

affectionnait  beaucoup.  Il  n'avait  d'ailleurs  qu'un  fils,  grand 
amateur  de  chasse,  et  avec  lequel  il  menait  vie  joyeuse.  Ra- 
rement il  se  passait  un  jour  qu'ils  ne  fissent  ensemble  d'a- 
bondantes libations  au  dieu  du  vin;  ils  ne  les  avaient  pas  ou- 
bliées le  5  juillet,  qui  était  un  dimanche.  Après  le  déjeûner, 
M...  fils  était  allé  se  jeter  sur  son  lit,  placé  à  côté  de  celui  de 
son  père  ;  et  c'était  pendant  qu'il  dormait  profondément  que 
ce  dernier  s'était  brûlé  la  cervelle.  Il  ne  s'était  réveillé  qu'au 
bruit  de  l'explosion  du  pistolet. 

MM.  les  commissaires  de  police  et  des  personnes  du  voisi- 
nage eurent  la  pensée  qu'un  crime  horrible,  un  parricide, 
pouvait  bien  avoir  été  commis.  Le  père  elle  fils, disaient-ils, 
étaient  seuls  dans  la  chambre  lorsque  la  détonation  du  pis- 
tolet s'était  fait  entendre.  Au  lieu  d'être  plongé  dans  la  mi- 
sère, le  père  avait  un  revenu  suffisant  pour  lui,  et  dont  le 
fils  pouvait  être  pressé  de  jouir;|ils  pensaient  enfin  que  le  pis- 
tolet avait  été  placé,  comme  nous  l'avions  vu,  dans  la  main 
du  sieur  M...,  après  le  crime  consommé,  et  dans  le  dessein 
d'égarer  la  justice.  Cette  circonstance  leur  paraissait  avoir 
d'autant  plus  de  valeur,  que  si  l'on  portait  avec  précaution 
la  main  et  le  pistolet  dans  la  position  qu'avait  dû  leur  donner 
M...  pour  se  brûler  la  cervelle,  et  qu'on  les  abandonnât  en- 
suite à  leur  propre  poids,  le  pistolet  s'échappait  de  la  main 
et  roulait  sur  le  plancher. 

Nous  devons  l'avouer,  cette  épreuve,  deux  fois  répétée, 
nous  faisait  incliner  vers  l'opinion  de  ces  messieurs,  lorsqu'a- 
près  quelques  minutes  de  réflexion,  nous  comprîmes  et  leur 
fîmes  comprendre  qu'elle  ne  pouvait  être  invoquée  à  l'ap- 
pui de  leur  manière  de  voir.  En  effet,  la  contraction  des 
doigts  de  la  main  qui  avait  saisi  l'arme  homicide  n'avait  pas 
dû  cesser  à  l'instant  même  où  le  projectile  avait  détruit  la 
vie  du  cerveau.  Or,  d'après  celte  donnée  physiologique,  on 
concevait  très-bien  comment  le  pistolet  n'était  pas  tombé 
aussitôt  après  l'explosion,  comment  aussi  il  devait  toujours 
s'échapper  de  la  main  dans  l'épreuve  qui  avait  été  faite. 
Ainsi  tombait  l'argument  spécieux  tiré  de  l'épreuve.  Quant 
aux  autres  circonstances  qu'on  avait  fait  valoir,  nous  pûmes 
facilement  prouver  que  la  monomanie  suicide  n'est  pas  le 
partage  exclusif  des  hommes  tombés  dans  l'infortime;  qu'a- 
près un  repa^  et  un  excès  de  boissons  alcooliques,  il  est  très- 
ordinaire,  surtout  pendant  les  chaleurs  de  l'été,  qu'unhomme 
se  livre  à  un  profond  sommeil.  Nous  fîmes  en  outre  remar- 
quer que  les  vrtcmens  du    sieur  M.,,   étaient  intacts  ;  que 


{  557) 

rien  sur  lui  ui  autour  n'indiquuit  qu'il  eût  résisté  à  des  vio- 
lences extérieures. 

Telles  furent  donc  les  conclusions  do  notre  rapport,  que 
tout  soupçon  de  meurtre  écarté,  les  olflciers  judiciaires  ne 
virent  plus  avec  nous  qu'un  suicide,  et  laissèrent  M...  fils 
s'abandonner  paisiblement  à  sa  passion  dominante.  Il  en  eût 
été  autrement  si  nous  avions  agi  avec  précipitation;  car  nous 
aurions  pu  nous  laisser  entraîner  aux  raisonnemens  de  ces 
messieurs,  toujours  animés,  sans  doute,  debonnes  intentions, 
mais  qui,  étrangers  aux  connaissances  médicales,  doivent  se 
tromper  quelquefois,  tout  versés  qu'ilssont  dans  l'art  de  pé- 
nétrer les  ruses  du  crime.  [Bull.  méd.  de  Bord.) 

ART.  1178. 

Observations  sur  les  effets  de  l'eau  distillée  de  laurier-cerise  à  l'ex  - 
teneur  daiis  les  névralgies  faciales. 

Le  docteur  Bennet,  de  Charleston,  a  publié  l'article  sui- 
vant, dans  le  Dforth  american  Archives,  etc.  : 

En  1834,  je  vis  dans  un  journal  qu'un  médecin  italien,  le 
docteur  liroglia,  élevait  très-haut  les  vertus  bienfaisantes  du 
laurier-cerise  dans  les  névralgies  (i).  J'avais  déjà  employé 
ce  médicament  avec  succès  dans  diverses  formes  d'affections 
nerveuses,  mais  je  faisais  usage  de  préférence  de  la  teinture. 
La  préparation  recommandée  par  le  docteur  Broglia  est 
très-simple,  et  peut  être  administrée  eu  toute  sûreté.  Je  pos- 
sède maintenant  des  faits  assez  nombreux,  qui  attestent  que 
ses  effets  sont  véritablement  puissans,  et  que  les  praticiens 
peuvent  eu  tirer  un  parti  très-avantageux  dans  cette  classe 
d'affections  si  douloureuses. 

1"  Le  1"  novembre  i854  au  matin,  je  fus  appelé  près 
d'une  dame  d  un  lempéraïuent  nerveux  qui  éprouvait  une 
très-vive  douleur  dans  la  face  et  dans  les  dents,  et  qui  en  at- 
tribuait la  causeà  une  molaire  cariée.  Mais  d'après  les  symp- 
tômes, je  demeurai  convaincu  que  ce  n'était  point  une  odon- 
lalgie,  mais  bien  une  névralgie  faciale  qui  tourmentait  cette 
malade.  La  douleur  n'était  pas  continue,  mais  périodique. 
Elle  s'étendait  depuis  la  sortie  du  nerf  facial  et  eu  suivant 
son  trajet  jusqu'à  l'aile  du  nez,  l'angle  de  la  bouche,  la  pau- 
pière inféiieuie,  la  tempe  et  le  front.  Quelquefois  la  douleur 
survenait  d'abord  vers  la  paupière  inférieure,  puis,  avec  la 


(1)  Voyez  art,  yGz. 


(  558  ) 

rapidité  de  l'éclair,  elle  s'étendait  dans  les  côtés  du  nez  ,  le 
long  des  dents,  puis  à  la  tempe.  Je  conclus  de  ces  remarqueti 
que  la  maladie  était  dans  la  portion  dure  et  la  seconde 
branche  de  la  cinquième  paire  de  nerfs.  Cette  dame  souffrait, 
ainsi  depuis  trois  années,  à  chaque  changement  survenant 
dans  l'atmosphère;  l'accès  que  j'observais  durait  depuis  plu- 
sieurs semaines,  et  depuis  son  invasion  elle  n'avait  jamais  été 
entièrement  débarrassée  de  cette  névralgie.  La  douleur  était 
ordinairement  très-violente  depuis  environ  quatre  heures 
après  midi  jusque  vers  le  milieu  du  jour  suivant.  Il  n'est 
pas  nécessaire  de  dire  que  depuis  plusieurs  années,  cette  dame 
était  tourmentée  d'une  dyspepsie  qui  avait  porté  une  grave 
atteinte  à  si  santé  générale.  Mais  pensant  qu'il  fallait  pour  le 
moment  négliger  cette  maladie,  je  m'occupai  sur-le-champ 
de  la  débarrasser  de  ses  douleurs;  eu  conséquence,  je  fis  la 
prescription  suivante  : 

Pr.     Eau  dislillée  de  laurier-cerise,  quatre  onces; 
Ether  sulfurique,  une  once; 
Extrait  de  belladone,  un  gros. 

Pour  lotions. 

La  partie  douloureuse  fut  couverte  avec  des  compresses 
de  coton  cardé  trempées  dans  celte  mixture,  et  on  renouve- 
lait le  pansement  toutes  les  fois  que  l'appareil  se  desséchait. 
Ces  lotions  furent  faites  avec  beaucoup  de  soin,  et  à  ma  vi- 
site, à  sept  heures  du  soir,  les  compresses  avaient  été  renou- 
velées six  fois.  La  malade  éprouvait  une  grande  diminution 
dans  ses  douleurs,  mais  elle  se  plaignait  d'une  extrême  sen- 
sibilité des  parties  de  ce  côté  de  la  face.  J'ordonnai  de  con- 
tinuer les  lotions. 

Le  lendemain  la  douleur  était  encore  moindre,  et  la  sen- 
sibilité de  la  face  avait  disparu.  La  malade  avait  goûté  six 
heures  d'un  bon  sommeil,  et  avait  eu  recours  à  trois  applica- 
tions de  compresses  ;  à  sept  heures,  elle  était  entièrement 
débarrassée  et  désirait  vivement  enlever  son  appareil.  Il  fut 
ôté  dans  la  soirée,  et  depuis  cette  époque  elle  n'a  éprouvé 
aucune  espèce  d'accident. 

2°  Un  monsieur  me  fit  appeler  pour  une  vive  douleur 
qu'il  éprouvait  dans  la  face  et  dans  la  mâchoire,  et  pour  la- 
quelle il  s'était  fait  arracher,mais  inutilement,  plusieurs  dents; 
ses  souffrances  étaient  cruelles,  et  comme  la  portion  dure  du 
nerf  facial  était  évidemment  la  partie  malade,  je  voulus  m'as- 
surer  si,  dans  l'observation  précédente, le  soulagement  avait 
été  dû  au  lauriei-cerise  o\i  au  narcotique  que  contenait  la 
mixture.  En  conséquence,  je  prescrivis  des  lolionsavec  quatre 


(559) 

onces  d'eau  distillée  de  laurier-cerise,  et  une  once  d'éther 
sulfurique.  Uu  morceau  de  ouate  de  coton,  assez  large  pour 
couvrir  la  face,  et  imbibé  de  cette  mixture,  fut  appliqué 
sur  la  partie  douloureuse  et  remplacé  toutes  les  fois  qu'il  se 
desséchait.  Le  traitement  fut  commencé  le  i"décembre  i834. 
Le  lendemain  matin,  cet  homme  vint  me  voir  la  figure  dé- 
barrassée de  son  appareil,  affirmant  qu'il  n'avait  jamais  moins 
souffert  de  sa  vie;  et  depuis  ce  jour  jusqu'à  ce  moment,  il  a 
continué  à  jouir  d'une  santé  parfaite.  Dans  cette  observa- 
tion, le  laurier- cerise  seul  a  eu  une  action  tout  aussi  pronon- 
cée que  lorsque  je  l'avais  uni  à  la  belladone. 

3°  Une  dame  qui  éprouvait  des  douleurs  semblables  avait 
eu  vainement  recours  aux  saignées,  aux  purgatifs  ,  aux 
cataplasmes,  aux  sangsues,  etc.  Six  heures  après  l'emploi  du 
moyen  dont  nous  venons  de  parler,  elle  commença  à  éprou- 
ver du  soulagement.  L'amélioration  continua,  et  le  troisième 
jour  elle  avait  cessé  de  souffrir. 

Je  pourrais  citer  d'autres  observations  semblables,  mais 
celles-là  suffiront,  je  pense,  pour  prouver  l'efficacité  de  ce 
remède  et  engager  les  praticiens  à  en  faille  usage. 

ART.  1 179. 

ISote  sur  un  sirop  vermifuge.,  communiquée  par  M.  Vandamme, 
pharmacien  à  Hazebrouck. 

Pr.  Mousse  de  Corse,  i 

Fleurs  de  camomille  romaine,   >  de  ch.  deux  onces; 

Fleurs  de  semencine,  | 

Feuilles  et  racines  de  spigèle,  \ 

Racines  de  rhubarbe,  /  de  cb.  une  once; 

Racines  de  turbith,  J 

Semences  de  petit  cardamomum,  trois  gros. 
On  coupe  les  racines  et  les  feuilles;  on  concasse  les  graines, 
et  on  fait  infuser  toutes  ces  substances  ensemble  pendant 
vingt-qualre  heures  dans 

Eau  bouillante,  deux  livres  douze  onces. 

On  passe  avec  expression,  et  on  fait  fondre  dans  la  cola- 
ture  qui  sera  de  trente-qitatre  onces. 

Sucre  blanc  quatre  livres. 

On  clarifle  au  blanc  d'œuf  et  on  filtre. 
La  dose  de  ce  sirop  est  de  deux  gros  à  uue  oace  et  demie 
pour  les  enfaos. 


(  56o  ) 

ART.    1  180. 

Teinture  de  gentiane  composée  par  le  même. 
Pr.  Racine  de  gentiane,  quatre  onces; 

—  d'angélique,        i 

—  de  galanga,  \  de  chaque  une  once; 

—  de  gingembre,    } 

—  d'iris  de  Florence,  quatre  gros; 
Sucre  candi,  deux  onces. 
Alcool  à  vingt-deux  degrés,             quatre  livres. 

On  commence  par  réduire  en  morceaux  menus  les  racines 
à  l'aide  d'un  couteau;  on  les  introduit  dans  un  matras  avec 
le  sucre  et  l'alcool,  et  on  fait  macérer  le  tout  pendant  huit 
jours,  en  ayant  soin  d'agiter  souvent  la  macération;  on  filtre 
et  on  conserve  pour  l'usage. 

La  dose  de  cette  teinture  stomachique  est  d'une  demi-once 
à  une  once  pour  les  adultes.  Cette  liqueur  a  produit  les  meil- 
leurs effets  chez  plusieurs  individus  atteints  de  pesanteur 
d'estomac. 

ART.   1181. 

31ÉDECINE  LÉGALE. 

Application  à  la  pratique  des  faits  théoriques  du  'viol. 

M., 

""  Dans  les  lettres  précédentes,  je  vous  ai  successivement  exposé 
les  données  que  l'état  actuel  de  la  médecine  légale  pouvait  fournir 
à  l'expert  pour  résoudre  les  questions  que  les  magistrats  lui  adres- 
sent dans  les  cas  où  il  est  appelé  à  constater  le  corps  de  délit  du 
viol.  Cette  lettre  et  la  suivante  vont  être  consacrées  à  l'exposition 
de  faits  que  je  commenterai  de  manière  à  appliquer  la  partie  théo- 
rique de  la  science  à  la  pratique. 

Soupçons  d'une  tentative  de  viol  élevés  à  l'égard  d'un  enfant  de  six  ans. 

Nous,  C.-P.  O...,  M.-G.-A.  D...,  nous  sommes  rendus  aujourd'hui^ 
3  août  1834»  chez  le  sieur  F...,  rue  Goquillièie,  11°  i3,  à  l'effet  de 
visiter  sa  petite  file  Joséphine,  âgée  de  six.  ans,  et  de  déterminer  si  elle 
porte  des  traces  de  violences  aux  parties  génitales,  ou  d'autres  vestiges 
résultant  de  l'approche  ou  de  l'introduction  d'un  corps  quelconque  ;  de 
préciser,  le  cas  échéant,  quelles  pourraient  être  la  nature  et  la  grosseur 
de  ce  corps;  s'' il  y  a  eu  ou  non  défloration,  ou  seulement  tentative  de  viol, 
ainsi  qu'il  résulted'une  ordonnance  de  M.  Leg...,juge  d'instruction, 
en  date  du  a  août  i834 

Les  parens  de  l'enfant  nous  ont  déclaré  que  leur  petite  fille  a  l'ha- 
bitude de  jouer  auprès  de  leur  boutique  avec  d'antres  enfans  du 
quartier;  que  le  soir  du  17  juillet,  vers  sept  heures,  un  nommé  C. ., 
l  a  emmenée  dans  une  allée  de  la  rue  Jean- Jacques  -  Rousseau,  a 
fermé  la  porte  sur  lui  et  a  voulu  la  violer;  que  les  cris  de  l'enfant 


(56.) 

ont  aussitôt  amené  du  monde,  et  que  l'enfant  est  immédiatement 
revenu  chez  eux;  qu'ils  l'ont  fait  visiter  le  lendemain  par  M.  S..., 
médecin;  que  la  chemise  de  leur  petite  fille  offrait  des  taches  de 
sperme;  qu'ils  n'avaient  pas  cru  devoir  la  conserver,  et  qu'ils  l'a- 
vaient donnée  à  blanchir.  La  petite  fille  elle-même  nous  a  dit  que 
C...  lui  avait  relevé  ses  jupons;  qu'il  avait  déboutonné  son  panta- 
lon; qu'il  l'avait  enlevée  de  terre  pour  la  mettre  à  sa  hauteur  et 
approchée  de  lui,  malgré  la  résistance  qu'elle  avait  pu  y  mettre;  que 
C.  ne  lui  avait  pas  fait  de  mal. 

Les  parens,  questionnés  sur  le  fait  de  savoir  si  l'enfant  avait  été 
malade  les  jours  suivans,  ont  fait  des  réponses  négatives;  elle  n'a 
pas  paru  souffrante;  elle  n'a  pas  eu  de  douleur  en  urinant;  il  n'est 
))as  survenu  d'écoulement,  et  on  n'a  pas  remarqué  d'excoriation  de 
plaies,  ou  de  contusions  aux  parties  génitales. 

Aujourd'hui  la  santé  de  l'enfant  est  bonne,  les  parties  génitales 
sont  tout-à-fait  dans  l'état  normal,  la  membrane  hymen  est  entière; 
il  n'existe  aucun  des  caractères  qui  peuvent  dénoter  le  riol  ou  la 
tentative  de  viol. 

D'oîi  nous  concluons  : 

i"  Que  la  défloration  n'a  pas  eu  Heu; 

2°  Qu'il  n'existe  pas  aujourd'hui  d'indices  qui  puissent  établir  les 
présomptions  de  viol  ou  de  tentative  de  viol;  mais  que  le  temps 
écoulé  depuis  le  17  juillet  (seize  jours)  ont  pu  faire  disparaître  quel- 
ques traces  de  tentative  de  viol,  telles  que  la  rougeur  des  parties 
génitales,  leur  gonflement,  de  légères  excoriations,  faits  qui,  an  sur- 
plus, n'ont  pas  été  observés  par  la  mère. 
Cas  d'expertise  en  matière  de  viol,  absence  de  tout  désordre  matériel. 

Nous  C.  P.  Ollivier,  docteur  en  médecine,  M.-G.-A.  Devergie, 
professeur  agrégé  près  la  Faculté  de  Médecine,  nous  nous  sommes 

rendus  aujourd'hui,  aa  juin    i834,  rue  de  Cléry,  n° chez  la 

dame  L ,  à  l'effet  de  visiter  la  demoiselle  Thérèse  Etienne,  âgée 

de  onze  ans,  et  de  déterminer  si  elle  porte  sur  les  diverses  parties  du 
corps  des  traces  quelconques  de  défloration  ou  de  violences  ?  à  quelle 
cause  cette  défloration  et  ces  violences  peuvent  être  attribuées?  dans 
quelles  circonstances  elles  ont  pu  être  produites,  et  à  t'aide  de  quels 
moyens  elles  ont  été  causées  ?  le  tout  ainsi  qu'il  résulte  d'une  ordon- 
nance de  M.  L ,  juge  d'instruction,  en  date  du  20  juin  i834- 

La  femme  L nous  apprend  que  la  petite  Thérèse  a  disparu  de 

chez  elle,  le  19  juin,  à  neuf  heures  du  matin;  qu'elle  a  fait  des  re- 
cherches vaines  pour  la  trouver;  qu'elle  lui  a  été  ramenée  le  lende- 
main à  midi.  Thérèse  a  déclaré  qu'elle  avait  pa»sé  la  nuit  chez  un 
monsieur  avec  qui  elle  avait  couché  ;  qu'à  deux  reprises  différentes 
il  s'était  livré  à  des  attouchemens  long-temps  prolongés,  attouche- 
mens  qu'il  avait  opérés  avec  ses  doigts  seulement;  qu'il  n'avait, 
du  reste,  fait  aucune  tentative  d'un  autre  genre. 

Thérèse  ne  présente  pas  actuellement  de  traces  de  violences,  sur 
quelque  point  du  corps  que  ce  soit.  Les  parties  génitales  sont  tout- 
a-fait  dans  l'état  normal,  si  l'on  en  excepte  une  rougeur  et  une 
injection  de  vaisseaux  qui  se  remarquent  à  l'entrée  du  vagin  ;  mais 
les  grandes  et  les  petites  lèvres,  la  fourchette  et  la  membrane  hymen 
sont  intactes. 

TOM.   VI     —  N"  DE  DÉCEMBRE.  56 


(  56a  ) 

La  chemise  porte,  en  avant  et  en  arrière,  plusieurs  taches  jau- 
nâtres qui  proviennent  d'un  écoulement  des  parties  génitales. 

La  femme  L...  déclare  que  ces  taches  sont  assez  fréquentes  chez 
cette  jeune  fîile;  que  d'ailleurs  depuis  long-temps  elle  est  adonnée 
à  la  masturbation  ;  que  dans  son  très-jeune  âge,  on  a  été  force  de 
l'attacher  dans  son  lit  avec  une  camisole  de  force,  pour  lui  faire 
perdre  cette  mauvaise  habitude. 

D'où  nous  concluons  : 

1°  Que  la  jeune  Thérèse  ne  présente  pas  de  traces  de  viol; 

2°  Qu'elle  n'offre  aucun  des  caractères  qui  constituent  la  déflo- 
ration; 

3°  Que  la  rougeur  de  l'entrée  des  parties  génitales  et  les  taches 
observées  sur  la  chemise,  peuvent  être  facilement  expliquées  par 
les  attouchemens  habituels  auxquels  cette  jeune  fille  paraît  se  livrer. 

Ces  deux  exemples  constituent  les  cas  pour  lesquels  les  médecins 
sont  le  plus  souvent  consultés.  Sur  le  rapport  d'un  enfant  ou  d'a- 
près des  indices  plus  vagues  de  tierces  personnes,  l'attention  des 
parens  est  éveillée  ;  bientôt  on  leur  conseille  de  porter  plainte  à  la 
justice,  et  aussitôt  une  enquête  est  faite  dans  le  but  de  l'éclairer. 
Dans  le  premier  cas,  vous  voyez  un  enfant  qui  n'a  présenté,  soit 
avant,  soit  lors  de  notre  expertise,  aucun  indice  de  violences  exer- 
cées sur  elle.  Il  en  est  de  même  dans  le  second.  Certes  il  est  possible 
que  dans  ces  deux  cas  un  attentat  à  la  pudeur  ait  été  commis,  mais 
ce  n'a  certainement  pas  été  un  viol.  Quel  était  notre  rôle  dans  ce» 
circonstances?  constater  l'absence  absolue  d'altérations  matérielles, 
çtrien  de  plus.  Restait  au  magistrat  à  s'entourer  de  la  connaissance 
des  circonstances  morales  de  l'action  pour  établir,  soit  tme  tenta- 
tive de  viol,  soit  un  attentat  à  la  pudeur;  mais  nous  n'avions  aucune 
conclusion  à  prendre  à  cet  égard,  et  nous  nous  sommes  ab>tenus. 
Telle  devra  être  aussi  la  ligne  qu'il  vous  faudra  suivre  dans  des  cas 
semblables.  Un  résultat  négatif  est  quelquefois  aussi  important  pour 
la  justice  qu'un  résultat  po.sitif;  car  en  matière  de  viol,  plus  qu'en 
aucune  autre,  dis  mercenaires  exploiteat  leurs  enfans  et  tirent  parti 
des  moindres  circonstances  qui  peuvent  satisfaire  leur  cupidité. 

Soupçon  de  tentative  de  viol  chez  une  petite  fdle  de  trois  ans  et  demi. 
Aucune  trace  matérielle  de  viol. 

Nous  soussigné,  docteur  en  médecine, nous  nous  sommes  rendu, 

le  6  janvier  i832,  dans   le    cabinet  de  M.  C ,  au  Palais-de-Jns- 

tice,  en  vertu  de  la  commission  qu'il  nous  a  adressée,  en  date  d'hier, 
à  l'effet  de  procéder  ;i  la  visite  de  la  fille  flen...,  âgée  de  trois  ans  et 
demi,el  de  déterminer  si  elle  a  été  l'objet  d'une  tentative  de  viol  ou 
de  tout  autre  attentat  à  la  pudeur  ? 

Cette  enfant  est  fort  bien  constituée  et  bien  portante;  elle  ne  pré- 
sente h  la  surface  du  corps  que  des  traces  de  boutons  ou  de  légères 
cicatrices  provenant  de  boutons  écorchés,  et  c'est  principalement 
à  la  joue  gauche  et  à  la  fes  e  droite  qu'on  le»  observe. 

Les  parties  génitales  n'offrent  pas  de  déchirures,  de  traces  de  vio- 
lences ou  de  contusions  qui  puissent  établir  des  soupçons  deviol  : 
la  membrane  hymen  est  intacte,  seulement  la  surface  interne  des 


(  5«5  ) 

grandes  lèrres,  le  clitoris,  la  membrane  qui  tapisse  le  Tagîn  sont 
d'un  rose  un  peu  plus  vif  que  de  coutume.  En  examinant  avec  soin 
les  grandes  lèvres,  on  voit  qu'elles  sont  un  peu  plus  flasques  que 
cela  n'a  lieu  chez  des  enfans  aussi  bien  constitués.  L'ouverture  de  la 
valve  est  plus  large  en  arrière  qu'en  avant.  Cette  dilatation  est  as- 
sez rare  à  cet  âge  :  cette  ouverture  reste  béante  par  le  moindre  écar- 
tement  des  grandes  lèvres,  comme  si  un  corps  étranger  avait  été 
fréquemment  placé  entre  elles.  Enfin  l'enfant  lient  les  cuisses  très- 
écartées  l'une  de  l'autre;  aussitôt  qu'on  la  couche  sur  le  dos,  elle 
conserve  cette  position,  comme  si  elle  était  tout-à-fait  habituelle. 

Il  n'existe  pas  d'écoulement. 

Des  faits  qui  précèdent,  nous  concluons  que  l'enfant  soumise  à 
notre  examen  n'est  pas  déflorée; 

Que  la  disposition  des  parties  génitales  externes,  quoique  ne  ren- 
trant pas  dans  celle  que  l'on  observe  le  plus  communément  cher  leà 
enfans  de  cet  âge,  peut  être  naturelle,  mais  qu'elle  est  plus  fréquem- 
ment le  résultat  d'attouchemens  habituels. 

Ce  troisième  fait,  qui  est  du  genre  des  deux  précédens  sous  le 
rapport  de  l'absence  de  toute  altération  ou  désordre  matériel  de 
viol,  offrait  cependant  quelques  dif/lcultés  pour  l'expertise.  Observez 
les  très-jeunes  enfans  au  moment  où  vous  leur  ferez  écarter  les 
cuisses,  et  vous  verrez  que  la  vulve  s'ouvre  par  le  haut,  et  est  tou- 
jours plus  étroite  en  ai  rière;  lorsqu'une  fois  une  femme  a  cohabité 
avec  des  hommes,  la  vulve,  par  l'écartement  des  cuisses,  s'ouvre 
surtout  en  arrière.  Cette  jeune  fille  était  dans  ce  cas;  et  comme  cette 
disposition,  quoique  dépendante  en  partie  de  l'organisation,  résulte 
aussi  de  l'habitude  de  l'introduction  d'un  corps  étranger  dans  le 
vagin,  notre  attention  a  dû  être  éveillée.  Mais  d'abord,  la  mem- 
brane hymen  était  intacte,  et  par  conséquent  on  ne  pouvait  pas 
supposer  l'introduction  d'un  membre  viril  dans  les  parties  géni- 
tales: restait  donc  à  admettre  qu'un  corps,  d'un  volume  à  peu  près 
égal  au  diamètre  du  vagin,  avait  été  fiéquemment  place  dans  les 
parties  génitales,  et  c'est  la  supposition  que  nous  dûmes  faire.  Les 
parens,  qui  paraissaient  avoir  intérêt  à  faire  trouver  des  lésions 
propres  à  appuyer  leur  plainte,  eurent  grand  soin  de  nous  dire  que 
leur  enfant  n'était  pas  adonné  à  la  masturbation.  Nous  ne  prîmes 
leur  déclaration  que  comme  un  simple  renseij^nemeiit,  et  dans  nos 
conclusions  nous  eûmes  grand  soin  de  signaler  cet  état  des  parties 
génitales  comme  n'étant  pas  commun  à  cet  âge,  mais  comme  pou- 
vant très-bien  être  expliqué  par  1  habilufle  de  la  masturbation. 

Mais  voici  un  cas  qui  prouve  que  sciiv^nt  les  médecins,  au  lieu 
de  se  renfermer  dans  la  limite;  de  leur  expertise,  et  de  se  borner  à 
décrire  ce  qu'ils  observent,  et  a  conclure  d'après  ce  qu'ils  ont  vu, 
se  laissent  souvent  influencer  par  les  rapports  de  parens. 

Soupçons  de  viol  sur  trois  enfans.  Deux  rapports  antérieurs. 

Le  iç)  février  i835,  nous,  M. -G. -A.  Devergie,  en  vertu  d'une  or- 
donnance de  M.  Baib...,  juge  d'instruction,  nous  sommes  rendu,  à 
La  Chapelle-Saint-Denis,  rue  du  Bon-Puits,  n°  aS,  à  le/fet  de  visiter, 
l"  Julienne' A  ngé^que  Letellier,  âgée  de  neuf  ans  et  demi  ;  2°  Eulalie 


(  564  ) 

Letellier,  âgée  de  quatre  atis ;  3°  Louise  Letellier,  âgée  d'un  an,  pour 
constater  l'état  des  parties  génitales  de  ces  jeunes  en/ans,  et  donner  notre 
avis  sur  les  questions  de  savoir  s^il  existe  des  traces  de  déjloration,  ou 
d'attentat  à  la  pudeur  consommé  ou  tenté. 

A  cette  ordonnance  étaient  joints  deux  rapports,  l'un  de  M.  P..., 
chirurgien,  et  l'autre  de  M.  C...,  médecin,  tous  deux  ayant  visité  ces 
enfans  le  lendemain  du  jour  où  des  soupçons  se  sont  élevés. 

La  mère  de  ces  enfans  nous  a  déclaré  que,  le  lundi  9  février,  ren- 
trant chez  elle  avec  son  mari,  sa  fille  Angélique  était  venue  lui  ou- 
vrir la  porte  de  sa  chambre  après  les  avoir  fait  attendre  pendant 
long-temps;  ils  avaient  trouvé  le  nommé  H...  étendu  sur  le  lit  de 
son  fils  aîné  :  sa  culotte  était  déboutonnée  et  ses  parties  génitales  à 
nu.  La  petite  fille  déclare  que,  dans  ce  moment,  il  la  touchait  avec 
son  doigt  et  son  membre  viril,  et  que  c'était  pour  la  sixième  fois; 
que,  chaque  fois,  il  la  mouillait  d'une  liqueur  blanche  ;  que,  du  reste, 
il  ne  lui  a  jamais  fait  de  mal;  qu'elle  a  toujours  résisté  à  ses  instan- 
ces, mais  que,  le  plus  souvent,  il  lui  fermait  la  bouche  pour  qu'elle 
ne  criât  pas.  Elle  ajoute  que  jamais  il  n'a  touché  ses  deux  autres 
sœurs.  La  mère,  qui  l'a  fréquemment  questionnée  sur  ce  point,  nous 
annonce  qu'Angélique  n'a  pas  varié  dans  son  dire. 

Chacune  des  petites  filles  est  visitée  par  nous  avec  le  plus  grand 
soin;  toutes  trois  présentent  la  membrane  hymen  parfaitement  in- 
tacte,ci  n'offrent  pas  de  traces  de  défloration. 

Le  clitoris  et  les  petites  lèvres  de  la  fille  aînée  sont  plus  développés 
que  de  coutume;  mais  outre  que  cette  circonstance  peut  être  ac- 
cidentelle, elle  peut  dépendre  aussi  de  la  masturbation  à  laquelle 
cette  enfant  pourrait  peut-être  bien  être  adonnée. 

D'où  nous  concluons  : 

Que  les  petites  filles  Angélique,  Eulalie  et  Louise  ne  présentent 
pas  aujourd'hui  de  traces  d'altérations,  de  viol  ou  de  tout  autre 
attentat  à  la  pudeur. 

Nos  conclusions  diffèrent,  et  du  certificat  de  M.  P...,  chirurgien, 
et  aussi  du  rapport  de  M.  C...,  médecin.  Le  premier  constate  comme 
nous,  il  est  vrai,  que  la  membrane  hymen  existe  encore,  mais  qu'il 
y  a  eu  tentative  de  viol. 

La  tentative  de  viol  ne  pouvant,  médicalement  parlant,  reposer 
<]ue  sur  des  désordres  matériels  des  parties  génitales  ou  des  parties 
^environnantes,  nous  pensons  qu'il  y  aurait  lieu  de  faire  expliquer 
JVL  P...  à  ce  sujet,  puisque  son  certificat  n'en  fait  pas  mention. 

Quant  au  rapport  de  M.  C..,  il  nous  paraît  renfermer,  d'abord, 
«des  faits  qui  peuvent  coïncider  avec  une  tentative  de  viol  ou  d'at- 
fentat  a  la  pudeur,  comme  aussi  dépendre  de  la  masturbation;  en- 
suite, des  faits  mal  observés  et  inexacts. 

Le»  premiers  sont  : 

I"  La  vulve  et  les  petites  lèvres  sensiblement  rouges,  sans  cepen- 
dant présenter  de  gonflement  ou  de  déchirures; 

a"  Un  petit  bouton  blanc  de  la  grosseur  de  la  moitié  d'un  grain 
de  millet  il  la  face  interne  des  petites  lèvres; 

j"  I/orifice  du  vagin  dilaté  ; 

4"  De  la  cuisson  dans  les  parties  génitales,'phénomène  accusé  par 
l'enfant. 


(565)  • 

Les  seconds  consistent,  i»  dans  plusieurs  points  rouges  surrori- 
fice  du  vagin,  que  l'on  peut  prendre  pour  les  caroncules  myrti- 
formes;  2°  dans  l'absence  de  Vhyinen. 

Or,  la  membrane  hymen  existe  dans  toute  son  intégrité;  et  quant 
aux  points  rouges  que  M.  C...  a  pris  "pour  les  caroncules  myrti- 
rormes,  ils  ne  peuvent  les  constituer,  puisque  les  caroncules  mvrti- 
formes  sont  des  excroissances  charnues,  et  non  pas  seulement  des 
points  rouges. 

Quant  aux  conclusions,  elles  ne  sont  pas  la  conséquence  des  faits 
exprimés  dans  le  rapport,  puisque,  d'après  de  pareils  désordres, 
M.  C...  déclare  qu'il  n'y  a  pas  de  traces  de  viol,  parce  qu'ils  peu- 
vent être  tout  aussi  bien  le  fait  delà  masturbation. 

La  déclaration  de  la  mère  était  très-positive  ;  elle  avait  vu  H 

dans  sa  chambre,  étendu  sur  le  lit  de  son  fîls  aîné  ;  sa  culotte  était 
déboutonnée,  et  ses  parties  génitales  à  nu.  Le  premier  médecin 
en  a  eu  connaissance,  et  sa  conclusion  paraît  avoir  plutôt  été  la 
conséquence  de  cette  déclaration  que  de  ses  observations.  M.  P... 
déclare  qu'il  y  a  eu  tentative  de  viol,  et  il  ne  constate  aucune  alté- 
ration matérielle;  quant  à  M.  C....,il  trouve  des  désordres  matériels, 
au  nombre  desquels  se  trouve  la  déchirure  de  la  membrane  hymen, 
et  conclut  à  l'absence  de  traces  de  viol.  Si  cet  expert  avait  été 
guidé  par  les  observations  que  je  vous  ai  faites  relativement  à 
l'impossibilité  où  se  trouvent  les  médecins  de  résoudre  la  question 
du  viol  par  les  seuls  documens  qui  ressortent  de  l'examen  du  corps 
de  délit,  si  surtout  il  avait  mieux  connu  l'état  anatomique  des  par- 
ties génitales  chez  les  jeunes  filles,  il  n'aurait  pas  commis  ces  er- 
reurs; quoi  qu'il  en  soit,  il  aurait  pu  dire  :  Il  y  a  des  traces  de  déflo- 
ration (puisqu'il  admettait  l'absence  de  la  membrane  hymen),  et 
il  eiit  été  conséquent  avec  le  second  membre  de  phrase  de 
sa  conclusion,  qui  aurait  été  celle-ci  :  La  défloration  est  ici 
opérée,  car  la  membrane  hymen  n'existe  plus,  et  elle  se  trouve 
remplacée  par  les  caroncules  myrtiformes  ;  il  nous  est  impossible 
de  dire  si  la  défloration  a  été  opérée  pendant  l'acte  d'un  viol,  puis- 
que toute  espèce  d'agent  mécanique  est  capable  d'opérer  la  rup- 
ture de  la  membrane  hymen,  ainsi  que  les  autres  désordres 
physiques  que  nous  avons  observés.  Ces  conclusions  eussent  été 
fausses  par  le  fait,  mais  elles  auraient  été  conséquentes  avec  les 
observations  inexactes  qui  étalent  énoncées  dans  le  rapport. 

Ce  rapport  doit  vous  faire  sentir  tout  le  soin  qu'il  faut  apporter 
dans  ces  sortes  d'expertises;  on  est  fréquemment  soumis  à  un  con- 
trôle. Lors  donc  que  vous  constaterez  une  altération  physique,  ce 
que  vous  ne  parviendrez  à  faire  qu'en  vous  reportant  toujours  <i  l'é- 
tat normal,  vous  aurez  à  vous  demander  combien  de  causes  diffé- 
rentes peuvent  la  produire?  Si  aucune  cause  autre  quejle  viol, 
ne  pouvait  jamais  amener  une  altération  donnée,  cette  al- 
tération, quand  elle  existerait,  deviendrait  le  cachet  de  ce  crime; 
mais  comme  il  n'en  est  pas  ainsi,  il  vous  faudra  donc,  dans  vos 
conclusions,  constater  l'altération  et  faire  entrevoir  qu'elle  peut 
être  le  résultat  de  causes  différentes.  Ce  sera  alors  au  magistrat  à 
s  assurer  si  la  personne  que  l'on  suppose  avoir  été  violée  a  pu  être 
soumise  aux  causes  autres  que  le  viol,  qui  peuvent  amener  l'alté- 


(  566  ) 

ration  constatée;  et  si,  des  renseignemens  qu'il  aura  recueillis,  il  en 
résulte  la  preuve  que  le  viol  seul  a  pu  agir,  le  crime  sera  démontré. 
C'est  à  ces  diffîcultt  s  inhérentes  à  l'espèce  qu'il  faut  attribuer  le  peu 
de  crimes  de  tentatives  de  viol  qui  sont  soumis  aux  jiigemens  des 
tribunaux,  en  comparaison  du  grand  nombre  de  ces  tentatives  qui 
s'exécutent  tous  les  jours.  Remarquez  que  les  attentats  à  la  pudeur 
se  commettent,  dans  quatre-vingt-quinze  cas  sur  cent,  sur  de  jeunes 
enfans  de  trois  à  six  ans;  que  l'introduction  du  membre  viril  d'un 
adulte  est  impossible  à  cet  âge,  et  que  l'acle  du  viol  n'est  jamais 
consommé. 

Je  terminerai  cette  lettre  en  vous  faisant  remarquer  combien  les 
questions  relatives  au  viol  ont  été  bien  posées  dans  les  trois  pre- 
miers rapports.  On  n'y  a  pas  soulevé  la  question  de  viol  ;  on  s'est 
borné  à  demander  des  renseignemens  que  la  médecine  était  à  même 
de  fournir.  Il  n'en  a  pas  été  de  même  dans  le  quatrième  rapport 
et  dans  plusieurs  autres  que  je  vous  ferai  connaître  dans  ma  lettre 
prochaine. 

A.  D. 

VARIÉTÉS. 

Musée  Dupiiytren,  Ceux  de  nos  confrères  qui  auront  occasion  de  ve- 
nir a  Paris  verront  avec  surprise,  à  la  place  de  l'église  de»  Cordelicrs, 
dans  cette  partie  de  l'Ecole  pratique  qui  fait  face  à  la  rue  Hautefeuiile, 
le  musée  Dupuytren,  qui  s'est  élcvt;  en  quelques  mois  et  comme  par 
enchantement.  C'est  une  vaste  salle  garnie  de  hautes  armoires  en 
chÊne,  dans  lesquelles  on  a  déjà  rénui  une  foule  de  pièces  pathologi- 
ques des  plus  curieuses.  Bien  qu'on  ait  transporté  dans  celte  enceinte 
la  plupart  des  pièces  qui  se  trouvaient  daus  les  cabinets  de  la  Faculté 
une  petite  partie  des  rayons,  seulement,  est  couverte  jusqu'à  ce  jour, 
et  il  n'y  a  guère  que  la  pathologie  du  système  osseux  qui  commence 
à  offrir  des  masses  imposantes.  Ce  musée  va  sans  doute  bientôt  s'enri- 
chir des  précieuses  collections  qui  se  perdent  isolées  dans  plusieurs  hô- 
pitaux, et  dont  la  véritable  place  est  aujourd'hui  marquée  dans  un  si 
curieux  établissement. 

Faculté.  Rn  attendant  des  concours  plus  importans,  la  Faculté  s'oc- 
cupe en  ce  moment  de  nommer  des  professeurs  agrégés.  Lescandidats 
pour  les  sciences  accessoires  qui  concourent  daus  ce  nsoment  sont 
MM.  Arnal,  Baudremont,  Chassaignac,  Delignerolles,  Iluguier,  Mo- 
tard et  Nonat. 

Les  jugessont  MM.  Alibert,  Berard,  Adelon,  Cruveilhier,  Orfiîa,  Ri- 
clierand,  Briquet,  Cotlereau  et  Jobert. 

Itéclamalion.  Nous  avons  reçu  des  médecins  composant  le  bureau 
du  congrès  médical  de  Nantes  une  seconde  lettre  au  sujet  de  leur  dis- 
cussion sur  la  nature  de  la  sy|)hilis.  Une  |)areille  polémique'  étant  tout- 
à-fail  étrangère  aux  sujets  que  nous  traitons  habituellement  dans  ce 
journal,  nous  avons  été  forcé  d'en  refuser  l'insertion  ;  mais  il  est  un  pas- 
sage de  cette  lettre  que  nous  ne  devons  pas  taire,  c'est  celui  dans  le- 
quel, rendant  justice  a  M.  le  doct<  ur  Baré,  ces  médecins  déclarent 
n'avoir  eu  en  aucune  manière  dessein  de  suspecter  la  bonne  foi  de  cet 
honorable  confrère.  Ils  admettent  l'exactitude  des  faits  qu'il  a  cités, 
mais  ils  n'ont  pas  cru  devoir  s'y  arrêter  d'une  manière  spéciale  dans  la 
di-cussien,  attendu  qu'on  ne  pouvait  leur  objecter  que  ce  qui  déjà 
avait  été  dit  pour  atténuer  la  valeur  des  quarante  mille  guérisons  obte- 
nues parle  traitement  simple,  et  invoquées  par  M.  Devergie. 


TABLE 


DES  MATIERES 


DU    SIXIEME    VOLUME. 


ABUS  VÉNÉRIENS.  Voy.  Ona. 
nisme. 

ACADÉMIE.  Fusion  des  membres 
titulaires  et  des  membres  ad- 
joints. Page  i44 

ACCOUCHEMENTlaborieux.Dif- 
ficultés  d'opérer  la  version.     182 

—  Emploi  du  céphalotribe.        i5i 

—  Accideas  produits  par  la  pré- 
sence de  deux  jumeaux  dans  la 
matrice.  214 

—  impossible ,  opération  césa- 
rienne. 2l5 

—  hâté  par  le  seigle  ergoté.       aSi 

—  Causes  fréquentes  de  retard.  'i53 

et  362 

—  En  quatrième  position  du  siège. 

364 

—  d'un  enfant  ayant  deux  têtes, 
quatre  bras,  etc.  4^6 

—  d'enfans  asphyxiés  par  le  cor- 
don ombilical.  55 1 

—  V'ov .  Mélrorrha^ie,  Tumeurs  va- 
ricueuses.  Ruptures. 

ACETATE  DE  MORPHINE  ad- 
ministré par  la  méthode  ender- 
mique  dans  la  coqueluche.        38 

. —  dans  un  cas  de  hoquet.         3^3 

—  dans  quelques  névralgies.  49^ 
ACHORES.  5o8et5io 
ACONIT  N  APEL,  Son  extrait  dans 

les  afflictions  rhumatismales.  i36 

—  Pour  rétablir  le  cours  des  règles. 

443 
AFFUSIONS.  Vov.  Irrigations. 
AIR.  Yoy.  Vide.  ' 
ALBUGO.  Voy.  Cornée. 
ALBUMINE.  \  oy.  Eau. 
ALLAITEMENT.  Voy.  Bib*ron. 


ALUN  employa  dans  l'angine,  igî 

—  Gargarisme.  5i8 
AMAUROSE.  Collyre  de  Hender- 

&on.  34g 

—  Iraiié  par  l'électricité.  417 
AMÉNORRHÉE  traitée  par  l'irri- 
tation des  mamelles.  5o 

Préceptes  de  M.  Roslau.         83 

—  traitée  par  l'aconit.  443 
Préceptes  de  M.  Lisfranc.     444 

AMPUTATION  dans  l'articula- 
tion du  genou.  389 

—  évitée  dans  plusieurs  cas  de 
fracture.  401 

—  spontanée.  406 
AMYGDALES.     Leur     engorge- 
ment, pommade.                      ial 

ANÉVRISME.  Aoy.  Cœur. 
ANGINE.  Son  traitement  par  Pa- 

lun.  iq3 

ANGINE   COUENNEUSE.    Son 

traitement  par  la  cautérisation. 

125 

—  traitée  par  le  calomel.  23o 
ANGINE  DE  POITRINE  inter- 
mittente. 494 

ANTIDOTE.  Voy.  Empoisonne- 
ment. 

ANUS.  Voy.  Fissures,  Fistules. 

APHRODISIAQUE.  Voy.  Ona- 
nisme. 

ARAIGNÉE.  Dangers  de  sa  mor- 
sure. 392 

ARSENIATE  DE  SOUDE  contre 
les  scrofules.  489 

ARSENIC  .Voy.  Empoisonnement, 
Triioxide. 

ASCITE.  Voy.  Hjdropisie. 

ASPHYXIE.  Saicid*.  (53 


(568) 


-  remarquable  sur   plusieurs    sn- 
jels  par  l'incencUe  d'une  maison. 

i85 

-  d'enfans  nouveau-nés  par  le  cor- 
don ombilical.  55 

-  Voy.  Noyés,  Pendus. 


ASTHME  sec  Iraitc  par  les  fumi- 
q.ilions  pulmonaires.  49 

—  |)ërioiliquo  des  vieillards.       I7t) 

ATTENTAT.  Voy.  Médecine  lé- 
i^nle. 

AZIGOS.  Voy.  Plaie. 


B 


BAIN  employé  par  M.  Gannal 
pour  la  conscrvatioa  des  cada- 
vres. 229, 

—  de  pied,  dans  certaines  mala- 
dies du  foie.  274 

BARYTE.  Voy.  Hydrochlorate. 

BANDELETTES  de  diacbylon 
employées  dans  la  brûlure.     198 

BAUME  opodeldoch,  sa  prépara- 
tion. 22G 

BELLADONE.  Son  emploi  en  l'u- 
mée  dans  la  scarlatine.  4^' 

BIBERONS.  Diverses  espèces.  \!\h 

BLENNORRHAGIE  chronique 
causée  par  des  ulcérations  du 
canal.  99 

—  traitée    par    le    suc    de  persil. 

100  cl  184  (Noie) 


—  inoculée  dans  un  cas  de  colique 
nerveuse.  161 

BOISSONS. Leur  suppression  dans 
le  catarrhe  chronique.  438 

—  —  —  dans  l'angine  de  poitrine. 

49i 

BORAX.  Son  emploi  dans  l'angine 

couenneusc.  .129 

—  Gargarisme.  5i8 
BOUCHE.  Voy.  Stomatite. 
BOUTS  DE  SEIN  arlificiels.     i45 
BRULURES    Leur  traitement  par 

lesbandeloUcs  de  diacliylon.  198 

— parlecérat  caloméllsé.  277 

par  les  lotions  de  sublimé. 

353 
BUBON.  Voy.  5y/jAt7t5. 


CADAVRES.  Moyen  de  les  con- 
server. 229  et  35c; 

CALOMEL.  Son  emploi  tians  l'an- 
gine couenneuse.  'iio 

—  —  —  dans  les  brûlures.  277 
CANCER.  Pâte  Cancoin.  6 

—  Emploi  du  sublimé.  7 

de  la  citjuc.  409 

CANTHARIDE.  Teinture  dans  le 

catarrhe  vésical.  49' 

CARIE  des  dents.  39G 

—  Voy.  EUxir. 

CAROTTE  pilée  employée  sur  les 

bubons  ulcérés.  3] 
contre  les  ulcères  du  col  de 

l'utérus.  3Go 

CATARACTE.    Causes    qui    Joui 

échouer  l'opération.  35ô 

CATARRHE  chronique  trailé  par 

la  suppression  des  boissons.    4^8 

—  A'oy .  Sirop . 

CATARRHE  UTÉRIN.  Voy. 
Flueurs  blanches. 


CATARRHE  VÉSICAL.  Emploi 
«jf;  I.i  teinture  de  cantharides.  491 

CATHETÉRISME  avec  la  sonde 
de  M.  Mayor.  338 

CAUSTIQUE  nouveau  pour  établir 
les  cautères.  a57 

avec  le  chlorure  d'or.         27(3 

avec  la  chaux  vive  et  l'oriù- 

ment.  488 

CAUTÈRE.  Voy.  Caustique. 

CAUTÉRISATION  employée  dans 
le  coryza  chronique.  9 

d.ins  le  charbon.  34 

dans  i'érysipèle.  60 

dans  1  ongle  entré  dans    les 

chairs.  62 

danslablennorrhagic  chroni- 
que. ^  99 

dans  les  ulcères  et  hstules  de 

nature  scrofuleuse.  118 

dans  l'angine  couenneuse.  n5 

dans  Tinflammation  de  la  bou- 
che. i3i 


(569) 


cope. 
CÉPIIALOTRIBE. 


— dans  la  salivation  inercunelle.3o4 
CÉPHALALGIE  guérie  par  la  syn- 
148 
i5i 

CÉRAT  cou  ire  la  teiqiie.  4^3 

CERTIFICAT.  Voy.'  Médecine  lé- 
gale. 
CERVEAU.  Maladies.     a7iet3i5 

—  \oy.  Phleg/nasies  cérébrales, 
Méningites,  Coup  de  sang. 

CHALEUR.  Son  influence  sur  la 
guerison  des  plaies  et  des  ulcères. 

CHARBON.  Traitement  de  M.  Lis- 
franc.  34 

—  Traitement  par  les  antiphlogis- 
liques.  67 

CHARBON  ANIMAL  inutile  dans 
les  sciol'ules.  490 

CHEA'EUX.  Voy.  Pommade. 

CHLORE  dans  le  choléra.  3q9 

CHLORURE  DE  CHAUX.  FoV 
mule  pour  son  administration  à 
riiilérieur.  170 

CHLORURE     D'OR.     Causliqu 
nouveau.  276 

—  contre  le  choléra.  Sgg 
CHLORURE  DE  SODIUM  dans 

les  fièvres  intermittentes.        4^7 
calmant  les  douleurs  qui  résul- 
tent des  plaies.  Sag 

Ses  divers  usages.  53o 

CHOLÉRA  MORBUS.  Son  inva- 
sion à  Toulon.  336 

—  dans  le  midi  de  la  France.  38.f  ei 

—  traité  par  le  chlore.  399 

—  par  le  vide.  Sjg 
CIG-UE.  Son  emploi  dans  plusieurs 

maladies.  /|o8 

— Formules.  -jio 

CIRSOCÈLE.Voy.  Varicocèle. 
CODEINE.    Mode    d'administra- 
tion. 169 
CODEX.  Commission  pour  le  révi- 
ser.                                            475 
COEUR.  Maladies;  emploi  de  la  di 
giiale  par  la  méthode  endermiquo 
a  '1 1 
CESARIENNE    (opération).  Voy 
uéccouchement. 


—  Son  traitement. 
CONGRÈS  MEDICAL. 


COL  UTERIN.  Voy.  Ulcères. 

COLÈRE  causantunerétenlion  d'u- 
rine. 4^0 

COLIQUE  nerveuse  traitée  par  la 
méthode  endermique.  iSg 

—  guérie  par  inoculation  de  la  blcn- 
norrha£;ie.  i6i 

COLLUTOIRE.  Formules  diverses. 
373 

COLLYRE   de  Henderson   contre 

l'amaurose.  349 

COMPRESSION.  Son  emploi  dans 

l'hydropisie.  378 

CONGESTION      CÉRÉBRALE. 

371 

4i4 

45o, 475 

et  527 

CONSTIPATION.  Moyen  d'y  re- 
médier. 385 
CONSULTATION.   Voy.   Méde- 
cine légale. 
CONTUSIONS.  Voy.  Froid. 
CONVULSIONS    épileptiformes. 
264 
COQUELUCHE.     Administration 
de  l'acétate  de  morphine  par  la 
méthode  endermiqne.  38 

—  Emplâtre  du  docteur  Corsin.  4o 

—  traitée  par  les  fumigations  pul- 
monaires. 49 

CORDON  OMBILICAL  pouvant 
déterminer  l'asphyxie  de  l'en- 
fant., 55 1 

CORNÉE. Épaississement. Huile  de 
morue.  553 

CORYZA  chronique.  9 

CORNES  développées  snr  les  mu- 
queuses. 554 

COUP  DE  SANG.  Voy.  Conges- 
tion . 

CRACHATS.  Leur  diminution  sous 
l'influence  de  la  suppression  des 
boissons.  4^8 

CROTON.  Voy.  Huile. 

CROUP.  Voy.  Angine. 

CYANOSE  des  nouveau  -  nés,  com- 
battue par  les  émissions  san- 
guines. 22 

CYANURE  DE  MERCURE.  Po- 
tion. 221 


D 

DARTRE  répercutée,  causant  une  —  Squammeuse  ,    traitée    par    la 


monomanic. 


64| 


(5?o) 


—  Sirop  du  docteur  Berthomé.  Sig 
— ,Voy.  Peau. 

DECES  des  étudians  dans  Paris.  289 

DECOCTION  BLANCHE.  Sa 
composition.  Sij 

DÉFLORATION.  Voy.  Médecine 
légale. 

DENTS.  Recherclies  sur  quelques- 
unes  de  leurs  maladies.  894 

—  Voy.  Elixir. 
DERMATOSE.  Voy.  Teigne. 
DEUTOCHLORURE  DE  MER- 
CURE. Voy.  Sublimé. 

DIETE  produisant  des  symptômes 
de  gastrite.  223 


DIGITALE  employée  dans  la 
phthisie  pulmonaire.  149 

par  la  méthode  endermique 

dans  les  lésions  organiques  du 
cœur.  34 1 

DOUCHES  d'air  dans  les  affections 
de  l'oreille.  89 

DOULEURS  calmées  par  le  chlo- 
rure de  chaux.  Sag 

DYSPNÉE.  Voy.  Vide. 

DUPUYTREN.  Sa  mort,  soa  au- 
topsie, ses  obsèques.  i43 

D YSSENTERIE  épidémique .  1 1 1 
et  aoi 

— Emploi  de  reaualbumixieuse.  aSa 


E 


EAU  albumineuse  dans  la  dyssen 
terie.  282 

EAU  FROIDE.  Voy.  Froid. 

ÉCOLE  PRÉPARATOIRE  de  mé- 
decine. 4?^ 

ECROUELLES.  Voy.  Scrofules. 

ÉLECTRICITÉ.  Son  emploi  dans 
plusieurs  maladies.  .(17 

ELIXIR  drnlifrice.  i38 

—  Autre,  dit  Trésor  de  la  bouche. 

—  ^  oy.  Collutoires.  3 10 
EMETJQUE.  Son  emploi  dans  les 

phlegmasies  cérébrales.  210 

dans  la  phlébite.  49^ 

EMPLATRE    du    docteur  Corsin 

contre  la  coqueluche.  4*^ 

EMPOISONNEMENT  par  l'arsé- 

niate  de  potasse.  i4 

—  par  le  bleu  en  liqueur.  88 

—  par  l'arsenic  sur  des  chevaux. 
Hydrate  de  peroxide  de  fer.    1O2 

—  par  l'arsenic  sur  un  homme. 
Effet  remarquable  du  peroxide  de 
fer.  385 

ENDKRMIQUE.  Voy.  Mél/iode. 
ENGELURES.    Savon    résolutif. 
5i6 


ENTORSES.  Leur  traitement.  353 

EPILEPSIE.   Son   traitement  par 

l'indigo.  346  et  536 

par  l'ipécacuanha.  ibid. 

^—  Ses  causes.  369 

guérie  par  la  peur.  4^^^ 

Pilules  employées  par  M.  Biett. 

519 

EPISTAXIS.   Voy.   Hémorrhagie. 

ERGOT.  Son  administration  pour 

l'expulsion  d'un  polype  utérin. 

249 

—  Voy.  accouchement. 
ERYSIPELE.  Son  traitement  par 

la  cautérisation.  60 

par  les  corps  gras.  97. 

par  les  applications  froides. 

104 
ESQUINANCIE.  Voy.  .angine. 
ETUDIANS.    Voy,  Décès,  Ecoles 

préparatoires. 
EXCROISSANCES   de   l'intestin 

rectum.  34? 

EXUTOIRES  appliqués  au  centre 

des  tumeurs  scrofuleuses.  55 

—  devant   remplacer    des  tumeurs 
enlevées.  aSS 


F  A  VUS.  5o9  et  544 

FEMUR. Voy. />u.Ta«(0«,  Fracture. 
FIEVRE  CEREBRALE.  V.  Phl.g 

masies  cérébrales. 
FIEVRES    INTERMITTENTES 

traitées  de  diverses  manières.  29g 


—  par  la  méthode  endermique.  436 

—  par  le  chlorure  de  sodium.  4^7 
FIEVRE  TYPHOÏDE  traitée  par 

les  purgatifs.  289  et  537 

FISSURÉ  à  l'anus.  Traitement  par 

l'excision.  i»a 


—  Voy.  Gerçures. 
FISTULE  vésico-vaginale.         "î: 

—  slercorale  guérie  sans  opération 

—  a  l'anus.  Préceptes  de  M. Llsfranc. 

70 

—  scrofuleuse  traitée  par  la  caulé- 
risaliou.  s  18 

—  uriiiaire.  Traitement  par  les  son- 
des de  M.  Mayor.  338 

FLAGELLATION,  Ses  dangers 
cliez  les  enfans.  449 

FLUEUBS  BLANCHES  chez  les 
petites  filles.  4^3 

FLUIDE  ELECTRIQUE.  V.  £lec 
tricité. 

FOETUS.  Voy.  Accouchement. 

FOIE.  Maladies,  bains  de  pied.  274 


(  571    ) 

FRACTURE  des  os  du  crâne,  in- 
fanticide. 167 

—  produisant  des  convulsions  cpi- 
lepliforines.  264 

—  Nouveau  traiiement  par  la  sus- 
pension. 244 

—  comminutive  guérie  sans  ampu- 
tation. \oi 

FRICTIONS  mercurielles  dans  la 
péritonite  puerpérale.  53 

FROID.  Son  emploi  dans  plusieurs 
maladies  chirurf;;icale6.  104 

—  Ses  bons  effets  dans  une  chute. 
281 

—  dans  les  entorses.  353 

—  dans  les  blessures  graves.      388 
FUNGUS  de  la  mâchoire  détruit 

par  des  applications  de  sublimé. 


3ai 


GALE.  Nouveau  mode  de  traite- 
ment. 241 

—  Aulre  traiiement.  298 
GANGRENE  senUe.  Son  traitera. 

par  les  anliphlogistiques.      349 

GARGARISME  de  décoction   de 

suie  ]  10 

—  Plu.sieurs  formules.  5i8 
GAROU.  V.  Taffetas. 


GASTRITE.  Symptômes  détermi- 
nés par  l'abstinence.  223 
GEN  i  lANE.  Teinture.  56o 
GERÇURE  du  mamelon.  Nouveau 
moyen  de  la  guérir.                  «28 
GINGEMBRE  en  i,'arsari.sme.  5 18 
GLACE.  Son  emploidansles  phleg- 
niasies  cérébrales.         2!Oel5o6 
GUIMAUVE.  Voy.  Pdte. 


H 


HEMIPLEGIE.  Voy.  Paralysie 
HEMOPTYSIE  traitée  par  le  i 

Irate  dépotasse  à  haute  dose.  483 
HEMOr.RHAGIE  guérie  par  une 

syncope.  i48 

^r—   produite    par    l'excision    d'une 

tunaur  pédiculée.  5i/j 

—  Voy.  Epistaxis ,  Hémoptysie  , 
Melrorrliagie . 

HEMORRHOIDES.  Considéra- 
tions sur  leur  traitement.        2G0 

—  sur  les  opérations  qu'elles  néces- 
sitent. 307 

HEPATITE  chronique  traitée  par 
les  mosas.  433 

HERNIES.  Nouveau  moyen  de  les 
guérir.  227 

—  Nouveau  moyen  de  les  réduire 
par  l'applicat.  de  ventouses.  583 


HOMOEOPATHIE  dans  la  blen- 
norrhagie.  100 

—  Discussion  à  l'Académie.       i83 

HOQUET  combattu  par  l'acétate 
de  morphine.  343 

HUÎLE  DE  CROTON.  Son  admi- 
nistration. 171 

HUILE  DE  FOIE  DE  MORUE. 
Son  emploi  pour  dissiper  les  ta- 
ches de  la  cornée.  553 

HYDROCÈLE  compliquée,  injec- 
tions vineuses.  4*^7 

HYDROCHLORATE  DE  BA- 
RYTE dans  les  scrofules.      49° 

HYDROFERRO  -  CYANATE  "de 
(|uinine.  Formules.  3o2 

HYDROPHOBIE  communiquée 
par  un  chien  non  enragé.        SaS 

IIYDROPISIE  ascite  distinguée  de 


l'hydropisie  enkislee, 

—  guérie  par  la  compression. 

—  par  les  scarifications. 


(572  ) 


224. HYGIENE  des  dénis.  SgS 

aySIHYPEREMIE.Voy.  Congestion. 


ICTÈRE.  Opinion  de  M.  Eosian. 

221 
INDIGO  dansrépilepsie.346ct53G 
INFANTICIDE.  Quesùons  dou- 
teuses. i65 
—  Asphyxie  produite  par  le  cordon. 

55 1 
INFLAMMATIONS        LATEN- 

INJECTIONS   VINEUSES    dans 
l'hydrocèle  compliquée.         4  "7 


INOCULATION   de  la  blennor- 
rliagie.  161 

—  de  la  syphilis  par  des  sangsues. 

IODE.  Potion  à  l'hôpital  des  Vé- 
nériens. 74 

—  Teinture.  56 

—  Sachet  sur  dos  tumeurs.         4^' 
— Son  emploi  dans  les  scrofules.  4  87 

IPECACUANHA  dans  l'épilep- 
sie.  346 

IRRIGATIONS.  Voy.  Froid. 


JUMEAUX.Voy.  ^ccouchemenl. 


KYSTE.  Voy.  HyJropisie. 


K 


LAITUE.  Voy.  Thridace. 
LAUDANUM  de  Laloueite.     421 
LAVEMENT  d'eau  froide  contre 

les  fièvres  intermittentes.        3o3 
LEVÉE    DE  CADAVRES.  Voy. 

Médecine  légale. 


LINIMENT  antispasmodique  de 
Cil  rélien.  4^4 

LITHOTRITIE  comparée  à  la 
taille.  319 

LUXATION  du  fémur.  Procédé 
de  réduction.  85 


M 


MAMELON.  Voy.  Gerçure. 

MASTURBATION.  Voy.  Ona- 
nisme. 

MÉDECINE  LÉGALE.  Actes  que 
les  médecins  sont  appelés  à  faire 
en  justice;  certificats;  circon- 
stances dans  lesquelles  le  méde- 
cin doit  se  refuser  à  en  délivrer. 

.   .^' 

—  Rapports    judiciaires,   admini.s- 

tratifs,  d'estimation.  4'-"- 

—  Manière  de  faire  un  rapport,  mo- 
dèle, conclusions,  y 

—  Consullalions  médico  -  légales  ; 


par  qui  elles  peuvent  être  provo- 
quées, des  règles  à  ohserver.   139 

-  Modôle  deconsullalion  médico- 
légale.  i85 

-  Levée  de  caflavres.  232 

-  Modèles  de  rapports  pour  les  le- 
vées de  corps';  règles  générales 
p  yur  [)rocédtraux  ouvertures  ju- 
diciaires. 283 

-  Exemples  d'ouvertures  de  corps. 

328 

-  Attentats  à  la  putlcur.  376 

-  Moyen  de  reconnaître  si  la  dé- 
floration u  eu  lieu  ;  étal  des  par- 


(  573  ) 


tics  génitales  diins  les  diftércns 
âges  de  la  vie.  /j-*^ 

—  Viol  et  questions  qui  s'y  ralla- 
client.  !\(>S 

—  Indices  d'une  affection  véné- 
rienne. Suite  des  questions  sur  le 
viol.  520 

—  Observations  de  viol.  56o 

—  Voy.  Empoisonnement ,  ^s- 
phyxir,  etc. 

MENINGITE.  Leçons  de  M.  Ros- 
tau.  4^)3el5o4 

—  Voy.  Phleginasies  cércbrules. 
MEINOP.RHAGIE  Voy.    Metror- 

rhngie. 
MERCURE  dans  les  maladies  des 
yeux.  291 

—  ^  oy.  Proto-ioJure,  Syphilis. 
METHODE        ENDERMIQUE. 

Voy.  Acétate  de  morphine.  Di- 
gitale, Sulfate  de  quinine, 
Strichnine. 


METRORRHAGIE  arrêtée  par  le 
tauiponntmenl  de  l'utérus.  ig5 

—  causée  par  des  ossifications  du 
placenta.  197 

MIEL  ROSAT.  Nouveau  procédé 
de  préparation.  3^5 

MONOMANIE  suicide  causée  par 
la  répercussion  d'une  dartre.   64 

—  homicide  guérie  par  les  vermi- 
fuges. 337 

MONSTRE,  Voy.  Accouchement. 

MORELLE  employée  dans  le  rhu- 
matisme. i38 

MORPHINE.  Voy.  Acétate. 

MORSURE.  Voy.  Araignée. 

MORT  VIOLENTE.  Voy.  Let'ée 
de  cadavres. 

MORUE.  \  oy.  Huile. 

MOXA.  Sou  emploi  dans  l'hépa- 
tile  chronique.  ^33 


N 


NARCOTIQUES  employés  par  la 
méthode  eudermiquc  dans  la  co- 
lique nerveuse.  iSg 

NEVRALGIE  dépendant  de  l'o- 
pération de  la  cataracte.         356 

—  Guérie  par  la  méthode  ender- 
mique.  49^ 

—  par  l'eau  distillée  de  laurier- 
cerise.  S^"] 

NITRATE  DEPOTASSE  à  haute 


dose  dans  les  hémoptysies.    4^3 
NOEVUS  sous-cutaué  traite  par  le 

seton.  19 

NOIX  VOMIQUE.Prépamtion  et 

administration.  169 

—  Voy.  Strychnine, 
NOUV  EAU-NÉ.  Voy.Crarao^e. 
NOYÉS.Secours à  donner.  006,  546 
NYMPHOMANIE      traitée      par 

l'excision  du  clitoris.  447 


o 


OBLITERATION  des  veines,  trai- 
tement du  vai'icocèle.  1 82  et  54i  ■ 

OLIVIER.  Contre  les  fièvres  inter- 
mittentes. 3o3 

ONANISME.  Ses  dangers,  son  trai- 
tement. 44^ 

ONGLE  entré  dans  les  chairs.  Sou 

traitement  par   la  cautérisation. 

62 

ONGUENT  MATURATIFdu  doc 
tcuf  CaïK.oiii.  2-26 

ONGUENT  MERCURIEL  em- 
ployé avec  succès  dans  le  j>aua- 
ris.  32G 

ONYSIS.  Voy.  Syphilide  sqnam- 
nieuse. 

OPÉRATIONS  favorisées    nar  la 


syncope.  i48 

OPHTHALMIEscrofuleuse  traitée 

par  les   lotions   avec  le  nitrate 

d'argent.  23 

—  Emploi  des  mercuriaux.         291 

—  \  oy.  Scrofules,  Pommades. 
OPIUM  en  gargarisme.  5i8 
OR.  Son  emploi,  diverses  formules. 

375 
OREILLES.  Voy.  Douches. 
ORGANISATION  médicale,  537 
OSSIFICATION  du  placenta  cau- 
sant hémorrhagie.  197 
OUVERTURES  CADAVÉRI- 
QUES. Voy.  Médecine  légale. 
OZÈNE,                                '        9 


(M) 


PANARIS  dissipés  par  des   onc- 
tions avec  roDguent  mercuriel. 

32ti 

PARALYSIE.  Ses  causes.  273 

—  traitée  par  la  strychnine  inlro- 
duitepar  laméthodeendermique. 

342 

par  r électricité.  4'^ 

PASTILLES  digestives  de  Darcei. 

I2i 

PATE  CANCOIN  contre  les  tu- 
meurs cancéreuses.  5 
PATE  DE  GUIMAUVE.          189 
PATE  DE  WARD.                   263 
PEAU  (  maladies  de  ).  Yoy.  Der- 
matoses. 
PÉDILUVES.  Voy.  Bain  de  pied. 
PENDUS  rappelés  à  la  vie.          65 
PÉRITONITE  guérie  par  les  fric- 
tions mercurielles.                      53 
PEROXIDE  DE  FER.  Voy.  Tri- 

toxyde. 
PERSIL.  Son  emploi  dans  la  lilen- 
norrliagie.  100  et  i8'|  (Note.) 

PEUR  guérissant  tles  accès  épilep- 
tiformcs.  1^20 

PHARMACIE.  Jug-'ment.         2S8 
PHLEBITE  guérie  par  rémétif^uc. 

^'-^^ 

—  Ganses  particulières  ^97 

PHLEGMASIES  CÉRÉBRALES. 

210  et  368 

PHLEGMONS    traités    par    l'eau 

froide.  104 

PHTHISIE  jiulmoaaire  traitée  par 

la  digitale.  i\{j 

par  le  selon.  181 

PLAIES  conloses  traiie'es  par  Fean 

froidfl.  )  04 

de  la  veine  azygos  mortel  le. 

3,0 

—  Influence  de  la  chaleur  sur  leur 
guérison.  4^9 

—  Voy.  Chlorure  de  chaux. 


PLANCHETTE.  Voy.   Fractures. 

PLÉTHORE,  ^'oy.  Cont^cstion  cd- 
rchrale. 

PLEURÉSIES  LATENTES.    222 

POLYPE  UTÉRIN.  Son  expul- 
sion à  Taide  du  seigle  ergoté.  249 

—  Résection  et  ligature.  4 '9 
POMMADE    de'  proto-iodure    de 

mercure.  3û  et  "Ct 

—  d'hydriodate  de   potasse.  74  ^^ 

460 

—  oplilhalmique  du  docteur  Caron 
du  Viliard.  87 

—  de  Dupuytren,  pour  arrêter  la 
chute  des  cheveux.  109 

—  de  suie.  1 1 1 

—  ammoniacale.  160 

—  contre  les  hémorrlioïdes.        200 

—  iodée  contre  lengorgemenl  des 
amygdales.  4^4 

— ■  épilaloire.  5i3 

—  contre  les  dartres.  520 

—  Voy.  Onguent. 
POIiRHîO.  5onel54', 
POTION  ANTI-ÉMÉTIQUE    de 

Rivière.  27! 

PRIX.  Voy.  Sociétés  savantes. 
PROTO-IODURE  DE  MERCURE. 

Sa  préparation.  i3o 

—  ^  oy.  Pommade. 
PUNAIS.  Voy.  Ozine. 
PLRGA'J'IFS   emploj'és    dans    la 

dys.senteric.  1 1 1  et  200 

—  dans  les  plilegmasies  cérébrales. 

210 

—  dans  les  fièv.  typhoïdes.  2S()-537 

—  dans  les    fièvres  inlermillenles. 

209 

—  dans  l'hépatite  chronique.     4^3 

—  dans  les  scrofules.  49' 

—  dans  l'angine  de  poitrine.      494 

—  dans  la  niéuingiti-.  5o6 
PUSTULE     MALIGNE.      Voy. 

Charbon, 


QUININE  employée  contre  les  fièvres  intermitteatcs.  3o2 

n 

R.AG'-:  Voy.  Hydrophobie.  1  RECTUM.     Voy.    Excroissances, 

W A PPOKT.  Voy.  Médecin»'  légale.  \     Fistules. 


(575  ) 


RÈGLES    doDloureuses ,      iraite 
ment.  256 

—  Yoy.  Aménorrhée. 

RESPONSABILITE  MÉDICALE 
4?,  96  et  335 

RETENTION  D'URINE'    causée 
par  nn  accès  de  colère.  l^io 

RETRECISSEM'.  de  l'urètre,    aa 


Sondes  de  M.  Major.      338 

RHUMATISME  traité  par  l'extrait 
d'aconit  napei.  i36 

par  la  morclle.  iSS 

—  Voy.  IVéfralgies. 

niViEKE.  Yoy.  Potion. 

RUPTURE  de  la  matrice  et  du  va- 
gin. 498 


SAIGNÉE  employée  dans  les  fié 

vres  iulermittPiites.  3oo 

SALIVATION  MEPlCURIELLE 

funeste  chez  les  enfans.  agS 

SANGSUES  déterminant  la  conta 

j^ion  de  la  syphilis,  49^ 

SARCOCELE  guéri  parli  ligalun 

des  vaisseaux.  4^4 

—  Voy.  llydrocéle. 

SAVON  résolutif  contre  les  eng'- 
lures.  5i6 

SCARIFICATIONS       employées 
dans  riivdropisic.  279 

SCARLATINE  traitée  par  la   bel- 
ladone en  fumée.  4'*^' 

SCTATIQUE  trai'éeparla  téréhcu 
tliine  en  lavement.  4^0 

SCROFULES.  Divers  moyens  de 

traitement  à  l'hôpital  des  enfans 

486 

— ^'oy.  Fistules,  Ophthalmie,  Tu- 
meurs, Ulcères. 

SECRET imposéaux  médecins.  293 

SEIGLE  ERGOTÉ.  Voy.  Ergot. 

SETON  employé  contre  le  nœvus 
sous-cutané.  19 

—  contre  les  affections  chronique.s 
do  la  poitrine.  181 

SIMAROUBA  administré  dans  la 

dyssenterie.  i  i5 

SIROP  anii-catairlial.  K; 

—  dépuratif  du  docteur  Devergie 

—  de  capsules  de  pavot  blaac.  a'Jij 

—  d'aonmouiacfijc  liquide.  iSo 

—  d'aconit  napel.  827 

—  de  belladone.  IbiJ. 

—  de  ciguë,  cresson,  digitale,  etc. 

Ibid. 

—  anlelmintiquc.  3^5  et  5(X) 

—  du   docteur    Berthomc  ,   contr( 
les  dartres.  5 19 

SOCIÉTÉS  SAVANTES.  Pris  de 
l'Académie  des  sciences.  46et4'^ 

—  de  la  Société  de  médecine  de 


Paris.  335 
de  Toulouse.               Ibid. 

—  de  l'Académie.  383 

—  de  la  Société  médico- pratique 
de  Paris.  4^0 

SOUS-CARBONATE  de  potasse 
dans  les  ulcères  et  caries  de  na- 
ture scrofuleuse.  49*' 

SPASME  de  l'urètre.  20 

SPECULUM.  Son  applicatioti  aux 
maladies  du  col  de  l'utérus.    117 

STOMATITE.  Sou  traitement  par 
la  cjiutéri.sation.  i3i 

STRYCHNINE  employée  par  la 
méthode  endermique  dans  quel- 
ques lésiousdu  système  nerveux. 

3'|2 

SUBLIMÉ  CORROSIF.  Son  em- 
ploi dans  les  ulcères  et  les  tu- 
meurs de  nature  cancéreuse.       7 

—  employé  comme  caustique  dans 
certains  cas  d'ulcères  et  de  fistu- 
les de  n;U.ure  scrofuleuse.         1 18 

—  contre  unfungusdela  mâchoire. 

321 

—  Accidens  produits  par  son  em- 
j)loi.  324 

—  Yoy.  Brûlures. 

SUCCION  du  mamelon  pour  rap- 
peler le  cours  des  règles.  5o 

SUICIDE  simulant  homicide.  555 
— V.  yisphyxie.  Monomanie. 

SUIE.  .Son  efficacité  dans  diverses 
ulcérations.  109 

SULFURE  NOIR  de  mercure  dans 
les  scrofules.  49° 

SUPPRESSION.  \'oy.  Aménor- 
rliée. 

SUSPENSION.  Nouvelle  méthode 
de  traitement  des  fractures  des 
membres. 

SUTURE   enchevillée     dans 
plaie  sur  la  joue. 

.SYNCOPE.  Ses  bons  effets. 

SYPHILIDE.  Vcy.  Syphilis. 


244 
une 
391 

47 


(  5^6) 


SYPHILIS.  Traitement  tlu  buiion 

inflammatoire.  24 

du  bubon  indolent.  73 

par  les  vésicatoires.  7  7 

—  Symptômes  consécutifs,  consi- 
dérations générales.  17' 

—  Syphilide  maculée.  -^19 


—  Sypbilidepapuleuse.  268 

—  Sypliiiitle  pustuleu.sc.  3i2 

—  Syphilide  squammeuse.  366 

—  Syphilide  tuberculeuse.  4'! 

—  Traitement  des  sypliilides.  4^^ 

—  Yoy.  Inoculation,  Viol. 


TABLETTES.  Yoy.  Pastilles. 
TjENIA  chassé  par    Félectricité. 

4 '9 

—  Remède  de  Bourdier.  338 
TAFFETAS  EPISPASTIQUE  [^11 
TAILLE  comparée  à  la  lithotrilie. 

3,9 
TAMPONNEMENT    de    l'utérus 

dans  un  cas  de  métrorrha^ie.  iga 
TARTRE  STIBIÉ.Voy.jE'/HtfifVyùe 
TEIGNE  traitée  avec   succès  par 

la  ciguë.  4'o 
par  le  cérat  noir.  /j^B 

—  Voy.  Achore,  Porrigo,  Favus, 
Plif/ue. 

TEREBENTHINE.  Son  emplo 
dans  la  sciatique.  45io 

THRIDACE  alcoolique  retirée  des 
tiç;es  i'raîclies  de  laitue.  88 

TISANE  DIAPHORETIQUË  de 
Gimel.  4^4 

TOUX  NERVEUSE  traitée  par  les 


fumifjations  pulmonaires.  49 

TRÉSOR ])E  LABOUCHE.  Voy. 

TRITOXIUE  DE  FER  HYDRA- 
TE. Son  emploi  comme  antidote 
de  l'arsenic.  i4  et  16 

—  Expériences    aur  des   chevaux. 

162 

—  Ses  heureux  effets  dans  un  cas 
d'empoisonnement.      335  61542 

—  Procédés  pour  l'obtenir.        387 
TUMEURS   devant  être   rempla- 

cées  par  des  exutoires.  258 

—  dissoutes  par  l'iode  en  sachet. 

45 1 

TUMEURS       SCROFULEUSES 

traitées  par    un   exutoire  à  leur 

centre.  55 

TUMEURS    VARIQUEUSES  de 

la  vulve  et  du  vafjin.  4^^ 

TYPHUS.  Voy.  Fièi-re  typhoïde. 


u 


ULCERATIONS    traitées  par    la 

suie.  109 

ULCÈRES  du  col  de  l'utérus.  116 

Jus  de  carotte.  36o 

—  scrofules,  traités  par  la  cautéri- 
sation. 1  iS 


—  traités  par  la  ciguë.  4'9 

—  Influence  de    la  chaleur  atmo- 
sphérique sur  leur  guérison.  4^9 

URETRE.  Voy.  Spasme,  Relrccis- 
sement. 


VACCIN  n<îutralisé  par  l'ammo- 
niaque. 24 

VARICOCÈLE.Son  traitement  par 
la  pince  de  M.Bréchet.  182  et  5  j  i 

—  —  par  l'oblitération  à  l'aide 
d'une  épingle. 

VARIOLE.  Emploi  de  l'emplâtre 
de  Vigo  pour  faire  avorter  les 
pustules.  542 

VENTOUSES.  Voy.  Hernies.  485 

VERMIFUGES.  Guérissant  une 
monomunic  liomicidc.  33^ 

—  Méthode  de  Bourdier.  33S 

—  Voy.  Sirop. 


VERSION.  Voy.  Accouchement. 
VESICATOIRES  employés  contre 
le  bubon.  77 

—  contre    les   phlegmasies    céré- 
brales. 210 

—  sur  les  tubercules  syphilitiques 
non  abcédés.  3i4 

—  Voy.  Taffetas. 

VIDE.  Ses  effets  sur  l'économie. 
VIOL.  Voy.   Médecine  Légale. 
VIRUS.     Voy.    Vaccin,   Syphilis, 

Jiage  ,  Charbon. 
VOMITIFS.  Voy.  Emdtique. 


Il:<  DE  UK    TAIIf.