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Full text of "Journal de Physique, de Chimie et d'Histoire Naturelle"

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JOURNAL 
DE PHYSIQUE. 


J O LERN À L 


DE PHYSIQUE, 
DE CHIMIE, 


D'HISTOIRE NATURELLE 


FF DE SA RES: 
AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE; 
Par J.-C. DELAMÉTHERIE, 
ET PAR H. M. DUCROTAY DE BLAINVILLE, 


Docteur en Médecine, de Paris, Professeur Adjoint à la Faculté 
des Sciences, et Membre de la Société Philomatique. 


JUILLET AN 1813. 


TOME LXX VII. 


À PARIS, 


Chez Madame veuve COURCIER, Imprimeur - Libraire 
pour les Mathématiques, quai des Augustins, n° 57, 


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JOURNAL 


DÉPHYSIQOUE, 
DE CHIMIE 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


JUILLET AN 1813. 


MÉMOIRE 


SUR 


L'INFLUENCE QUE LA TEMPÉRATURE DE L'AIR 
EXERCE DANS LES PHÉNOMÈNES CHIMIQUES 
DE LA RESPIRATION. 


LU A L'INSTITUT, LE 11 MAI 1612. 


Par M. DELAROCHE. 


1 à y a environ deux ans que j’eus l'honneur de lire à la Classe 
ua Mémoire sur la faculté qu'ont les animaux de produire du 
froid lorsqu'ils sont exposés à une forte chaleur. Après avoir 
montré que cette faculté est due uniquement à l’évaporation de 
la matière de la transpiration, tant cutanée que pulmonaire, je 
faisois cependant remarquer que, malgré la suppression de cette 
évaporation, l'excès de la température des animaux sur celle de 
l'air environnant étoit très-foible lorsque la température de 


6 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


l'air étoit elle-même portée à trente-cinq ou quarante degrés cen- 
tigrades , indiquant ce fait comme une difhculté que présente 
la théorie chimique de la chaleur animale, On ne voit pas trop 
en effet au premier aspect, pourquoi, lorsque toute cause refri- 
gérante connue a cessé, la chaleur dégagée par la respiration n’éle- 
veroit pas autant la température desanimaux au-dessus de celle de 
l'air environnant , lorsque cette dernière est élevée, que lors- 
qu’elle est basse ; cependant pour déterminer jusqu’à quel point 
seroient fondés les doutes que ce fait, et d’autres analogues publiés 
par différentes personnes, pourroient faire élever sur la théorie 
de la chaleur animale; il est essentiel de déterminer si les phé- 
nomènes chimiques de la respiration se passent d’une mauière 
aussi active dans les hautes températures que dans les basses. 
Aussi, à la suite d’une discussion qui ‘éleva sur ce sujet dans 
cette assemblée après la lecture de mon Mémoire, quelques- 
uns des savans .célèbres qui la composent, et en particulier 
M. de Laplace, m'invitèrent-ils à faire des recherches sur ce 
sujet. M, Berthollet , avec sa bonté accoutumée, nr’oflrit de me 
procurer toutes les facilités que je pouvois desirer pour ces res 
cherches , auxquelles je me livrai en effet sur-le- champ. Ce sont 
les résultats que j’obtins alors, que je vais soumettre maintenant 
à la Classe. Si je ne l'ai pas fait plutôt, c’est parce que je 
comptois les rattacher à un travail général que J'ai entrepris 
sur la chaleur animale et sur la cause qui la produit, travail 
que diverses circonstances m'ont engagé à discontinuer, du moins 
pour le moment, 


Ce sujet de recherches n’est pas absolument neuf. Crawford 
a publié dans son ouvrage sur la chaleur animale, un petit 
nombre d'expériences tentées sur des cochons d'Inde » desquelles 
il résulteroit que l'absorption d'oxigène dans la respiration, di- 
minue avec une grande rapidité à mesure que la température 
extérieure s'élève; mais ces expériences peu nombreuses, n’ont 
pas été faites avec assez de soin pour mériter beaucoup de 
confiance, 


Spallanzani a prouvé pe un grand nombre d'expériences , que 
chez les animaux à sang froid l’activité des phénomènes chimiques 
de la respiration, croit avec la température de l'air environnant, 
Il n’a point fait, à ma connoissance , de recherches pareilles sur 
les animaux à sang chaud; mais il paroît avoir pensé qu’il en 


étoit de même pour ces animaux que pour les animaux à sang 
froid, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 7 


J'ai publié en 1806, le résultat de quelques expériences que 
avois aites sur ce sujet, de concert avec mon ami, M. le docteur 
Berger. Elles m’avoient conduit à ce résultat, que si la chaleur 
a une influence sur l’activité des phénomènes chimiques de la 
respiration , cette influence a pour effet, tantôt de la diminuer , 
tantôt de l'augmenter; mais n'étant pas assez sûr de leur exac- 
titude et ne les ayant pas assez souvent répétées, je me borzzi . 
à les faire connoître sans en tirer de £Cäciusion positive. 


Toutes les expériencesdont je vaismaintenant rapporter les résul- 
tats(r), ont été faitesen plaçant les animaux dont je voulois exa. 
miner la respiration, dans des manomètres qui m’avoient été prêtés 
par M. Berthollet,et en examinant l’altération qw’avoitéprouvée l'air 
renfermé dans ces instrumens aprèsle séjour plus ou moins prolongé 
des animaux. Il seroit inutile de donner ici une description dé- 
taillée de ces manomètres, puisqu'il en existe une très-claire faite 
par M. Berthollet lui-même, dans le premier volume des Mé- 
moires de la Société d' Arcueil. Il suffira de dire que ce sont des 
vasesen verre à grande ouverture, fermés hermétiquement par une 
plaque en cuivre à vis. Cette plaque est percée de deux ouver- 
tures, dont l’une donne passage à un baromètre et dont l’autre 
porte un robinet, par le moyen duquel où peut recueillir une 
portion du gaz contenu dans le manomètre en la remplaçant 
par un volume d'eau égal, cpération que l’on peut répéter aussi 
souvent qu'onle desire et dans toutes les périodes de l'expérience. 
Un thermomètre suspendu dans le centre du manomètre , indique 
la température du gaz qu’il renferme, et l'élévation du mercure 
dans le baromètre donne le degré de pression auquel ce gaz est 
soumis. On peut, à l’aide de ces données, déterminer avec beaucoup 


de facilité si la quantité de gaz a varié pendant la durée de 
l'expérience. 


Je me suis servi pour toutes les expériences que j'ai faites 
sur les animaux à sang chaud , du même manomëtre que M. Ber- 
thollet avoit employé dans celles du même genre, qu'il a publiées 
dans le second volume des Mémoires de la Société d' Arcueil, 
-et dont le récipient étoit un ballon de verre de la capacité de 
28 litres. La capacité de celui dont je me suis servi pour les 


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(Q) Les premieres ont été faites à Arcueil, sous les yeux et avec l’aide de 
M. Bérard. Quelques circonstances les ayant rendues un peu moins exactes que 
celles que j’ai faites par la suite, je ne rapporterai pas leurs résultats, 


6 JOURNAL DE CHIMIE, DE PHYSIQUE 


renouilles, n’étoit que de 1,36 litre. Je placois ces manomèlres 
dns unechambrefroide, et après les y avoir laissésassez long-temps 
pour qu’ils se missent à la température de l'air environnant, 
J'introduisois dans leur intérieur l'animal dont je voulois examiner 
la respiration, et je les fermois aussitôt en laissant cependant 
le robinet ouvert. Deux minutes après, je fermois aussi ce ro- 
- binet, et j'observois dans le même instant la hauteur du mercure 
dans le thermomètre et dans le baromètre. Je laissois les choses 
dans cet état pendant une heure environ, et au bout de ce temps, 
après avoir examiné de nouveau la hauteur du mercure dans 
le baromètre et le thermomètre, je recueillois une partie du gaz 
que j’analysois ensuite (r); je retirois alors l’animal dont le séjour 
w’avoit pas été assez long pour qu’il eût souffert de l’altération 
du gaz. Le lendemain, ou le jour suivant, je répétois cette ex- 
périence, en plaçant le manomètre dans une étuve plus ou moins 
chauffée, et en y laissant l'animal le même espace de temps (2), 
je pouvois facilement, à l’aide de ces expériences comparatives que 
J'ai répétées sur un grand nombre d'animaux, déterminer l'in- 
fluence que la chaleur extérieure exerçoit dans les phénomènes 
chimiques de la respiration. Je consigne les résultats que j'ai 
obtenus dans le Tableau ci-joint. 


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() Je me suis servi pour ces analyses , de l’eudiomètre de Volta, en partant 
des données fournies par MM. de Humboldt et Gay-Lussac. Je séparois l’acide 
carbonique par des lavages répétés à l’eau de chaux. 

(2) J'ai souvent interverti l’ordre de ces expériences, commençant par celleg 
que je faisois dans l’étuve, 


Numéros 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


2 À Æ n> Oxigène ab- | Acide carbo- 
E 39 E 8) nentgde Analyse du gaz © (Forbé ramenéhiqueproduit, |} 
S. Noms F 2 | 8e ? la RAS x à Hprenon ramené à la 
& $e. 22 2 Nero A CE PE 76 centim. pression de”6 
& ne MelleEs lenlarame 3 d e mercure, centimètr. de 
® es FE EMA ENT o | © » [à la tempéra-|mercure, à la 
À se. RES tempéra- CH s> Ca ture de la | température |f 
ES ' E5. | ESS lture et à lalAZOU| € EneS © glace fon- | de la glace | 
2 | animaux. NOR Re 5 |£® #  [dante et à l’é-fondante et af 
ë E8 8 Ël primitives. L ® tat de séche- [l’état deséche-|} 
& 5 resse extrême./resse extrême. |} 
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Bu LI PTE EE 14, 0,9923 lo,7991/0,1516|0,0415l0, 0,0539 0,0383 
: pe 60 28,2 | 1,0029 0280 1 0, 1544 RE 00544 0,0464 | 0,0355 \ 
TR 65,5 11,9 | 0,9904 Îo,79310,1459|0,0514l0,0641|  0,0506 0,0478 
pi > 35,4 | o0,9890 027017 0, 1418 0,0541 0,062 0,05! 6 0,0437 
SN 11,1 | 0,9988 [o,8015l0,1505l0,0488/0,0595|  0,0565 0,0463 
5 RES 58,5 26,6 1, 0000 027950 0, 15150, 0535 bo, 05B5| 0,0513 RES 
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Prier 76,5 35,4 0,901 o, 7982 0, 1403 0,053 0,048 
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Ca A sa! 63,0 32,7 120077 o,8101/0, 1622|0,0354| 0 047 0,03gt 020289 
LAURE 6 11,4 | o,9931 Îo,8016/0,1435/0,0480l0,0665|  0,0606 0,0437 
10€ | Chat DT 5,0 0.0 | o:9905 Îo,7955l0,15a1/0,0420l0,0570|  0,0493 0,0365 
EUPD 12,5 | 0,9951 [0,7882/0,1704l0,0276]0,0306]  0,0283 0,020 
11 Igcon 88, 24,8 | 0,9958 Îo,7952/0,1 te 0,0269|  0,0236 o,o15r 
3 8,7 | o,9957 Î0,8020/0,1622,0,0315l0,0478| 0,044 0,292 ï 
12€ ALT 129; 3 26,0 0,0923 07950 o, 1620|0,0353 A 0 0,040 a è 
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3 6,3 | 1,0044 [o,8180|0,1727l0,0137l0,0373|  0,0363 0,0131 
15e MSP 201,0) 27,4 09800 8282 0,0482 0,103 01618 0° 1425 0,0912 k 
ÉnisA à 7,6 | o0,9822 [o,7899/0,1692/0,0231l0,0408|  0,0390 0,0221 ; 
L2 > 2 : ? + Ü 
16° | 9 Grenouill.| 150, 26,8 0,9890 Îo,8158l0,1297|0,0401l0,0803 020703 0,0353 u 


Il n’est pas besoin d’entrer dans aucune explication sur les 
quatre premières colonnes de ce Tableau. Je ferai cependant re- 
marquer que quoique j'aie supposé que la durée du séjour de 
l’animal dans le manomètre ait été la même dans toutes les expé- 
riences comparatives , il y a eu presque toujours de très-légères 
différences à cet égard; mais je les ai fait disparoître en rame- 
nant par le calcul, tous les effets obtenus dans un des cas, à 


Tome LXXV'II. JUILLET an 1613. 


B 


10 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ce qu'ils eussent été au bout d’un temps précisément égal à celui 
qu'avoit duré l’autre partie de l'expérience. 

La cinquième colonne indique les quantités de gaz restant à 
la fin de l'expérience, ramenées au volume qu’elles auroient eu 
sila pression barométrique et la température n’avoient pas varié 
pendant toute sa durée, et étoient restées les mêmes que dans le 
premier instant. Je prends pour unité la quantité de gaz contenue 
dans le manomètre dans ce premier instant, 


Les sixième, septième et huitième colonnes indiquent les quan- 
Utés de chacun des élémens du gaz contenu dans le manomètre, 
rapportées à la même unité; dans la neuvième, sont les nombres 
qui expriment les quantités d’oxigène absorbées. 

Le principal but de ces expériences étant d’obtenir d’une ma- 
mière comparative les quantités d’oxigène absorbées, et d'acide 
carbonique produites par les animaux renfermés dans le mano- 
mètre, 1l étoit essentiel de les ramener à une unité commune 
dans les différentes expériences. C’est ce que j’ai fait en prenant 
comme telle la quantité totale de chacun de ces gaz qu’eût pu 
contenir le manomètre s’il en eût été rempli sous la pression 
de 76 centimètres de mercure et à la température de la glace 
fondante , en les supposant préalablement desséchés. Les huitième 
et neuvième colonnes renferment cesquantités ainsi réduites (r). 


Je vais maintenant exposer les principales conclusions que l’on 
peut tirer des résultats dont je viens de présenter le Tableau. 


Si on les considère d’une manière absolue et indépendamment 
de leur comparaison entre eux, on verra qu'ils s’accordent assez 
bien avec ceux que M. Berthollet avoit obtenus des expé- 
riences citées plus haut. Il y a eu le plus souvent une légtre 
diminution du volume de l’air contenu dans le manomètre. Il 
est vrai que cette diminution n’a pas été constante, et qu’en 
général elle a été, proportionnellement à la durée de l'expérience, 
beaucoup plus foible que celle observée par M. Berthollet; mais 
cela s’explique facilement par la mauière même dont J'ai fait 
mes expériences. En effet, au lieu de déterminer la hauteur du 
thermomètre placé au centre du manomètre, à l'instant même 
où j'introduisois l'animal, je laissois couler un intervalle de 


(1) On peut voir dans la note placée à la fin de ce Mémoire, un exemple des 
calculs que j’ai faits pour obtenir les nombres contenus dans ce Tableau. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, rt 


deux minutes environ, pour donner à ce thermomètre le temps 
de se mettre à la température du gaz du manomètre, qui sans 
cela eût été en général plus chaud que lui. 


Dans tous les cas, il y a eu moins d’acide carbonique produit 
que d’oxigène absorbé. J’en ai conclu, comme M. Berthollet, 
qu'il y a eu production d’azote; mais il est bien possible qu’il 
y ait quelque erreur à cet égard, et que l'analyse du gaz ne 
portant que sur les portions contenues dans le haut du mano- 
métre, n'indiquât pas la véritable proportion de l'acide car- 
bonique. 

Si lon compare entre eux les résultats des expériences faites 
sur un même animal placé dans les mêmes circonstances, mais 
à des températures diflérentes , on verra que presque dans toutes 
les expériences tentées sur des animaux à sang chaud, la quantité 
d’oxigène absorbée a été, même indépendamment des réductions 
nécessaires pour amener le gaz à une même température, un peu 
plus grande lorsque la température étoit basse, que lorsqu'elle étoit 
élevée. Cette diflérence a cependant été très-peu considérable, et 
dans trois expériences elle a été nulle , ou même en sens inverse. Il 
n’en est pas de même si on a ae aux nombres corrigés de Ja 
température et de la pression barométrique. La différence ob- 
servée entre les résultats obtenus lorsque l'animal étoit exposé 
à une température élevée, et ceux obtenus lorsqu'il étoit à une 
température basse, devient plus considérable. Elle n’est nulle que 
dans une seule expérience, et paroît en général d'autant plus 
grande, que la différence de température l’est elle-même da- 
vantage. Elle n’a cependant jamais été de plus du tiers de la 
quantité totale d’oxigène absorbée, dans les basses températures. 
En prenant, d’une part, toutes les expériences faites à chaud, 
et de l’autre, toutes celles faites à froid, ce qui donne une dif- 
férence moyenne de température de 21° centigr., on obtient 
pour la quantité moyenne d’oxigène absorbée dans le premier 
cas, 0,04415, et pour celle absorbée dans le second, 0,05265. Le 
rapport de ces quantités est à peu près celui de cinq à six, et 
leur différence paroît bien peu considérable relativement à celle 
qui devoit exister entre les quantités de chaleur produites par 
l'animal dans les deux cas, du moins, si l’on juge de cette pro- 
duction par la quantité dont la température de l'animal dépassoit 
celle de l'air environnant. 

La différence entre les quantités d’acide carbonique formées 
à des températures différentes, est encore moins considérable. 


B 2 


12 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Elle est à peu près nulle, si l'on prend les moyennes des nombres 
pour lesquels les réductions de température et de pression n'ont 

as été faites. Si l’on a égard à ceux qui ont subi ces réductions, 
elle est d’un dixième environ, car l’une des moyennes est 0,0347, 
et l’autre, 0,0382. Il convient cependant d'observer ici que les 
résultats relatifs à l’acide carbonique produit, m'inspirent moins 
de confiance que ceux relatifs à l’oxigène absorbé, soit parce 
que jé n’ai jamais pu répéter les analyses qui me donnoient la 
proportion de ce gaz, tandis que je répétois toujours deux ou 
trois fois celles qui me donnoient la proportion de l’oxigène, soit 
parce que je soupçonnois, ainsi que Je l'ai dit plus haut, que 
l'acide carbonique pouvoit bien se trouver en proportion moindre 
dans le haut de l’appareil que dans le bas, et que la température 
avoit quelque influence sur cette inégale répartition. 


On peut soupçonner que ces expériences ne donnent pas une 
idée précise de ce qui se passe dans la nature, et que le passage 
du froid au chaud, étoit trop subit pour que l’animal pût adapter 
la manière dont s’effectuoit sa respiration, à la nouvelle situation 
dans laquelle il se trouvoit. IL est possible que si son séjour dans 
un air chaud eût été plus prolongé, il eût fini par présenter une 
diminution plus marquée dans l’activité des phénomènes chimi- 
ques de la respiration. Quelques expériences que j'ai faites depuis 
celles que je viens de rapporter, tout en me portant à croire que 
ce soupçon est fondé jusqu’à un certain point, me donnent lieu 
de penser que dans aucun cas, une différence de quinze ou 
vingt degrés dans la température de l'air environnant, n'apporte 
de différences bien marquées dans Pactivité des phénomènes chez 
les animaux à sang froid. Mais ces expériences sont trop im- 
parfaites pour que je puisse les présenter ici, et pour que j'en 
tire des conclusions positives. 

Il seroit fort intéressant de faire un grand nombre de recherches 
de ce genre, recherches plus délicates qu’on pourroit le penser au 
premier aspect, Il le seroit surtout de déterminer en même temps 
si la production totale de chaleur, qui se fait chez les animaux, 
suivroit les mêmes variations que celles des quantités d’oxigène 
absorbées et d'acide carbonique produites dans leur respiration, 
ce qui demanderoit qu'on eût égard à la portion de cette chaleur 
enlevée par lévaporation de la matière de la transpiration. Ce 
seroit, je crois, le seul moyen de déterminer si l'on peut, ainsi 
que l'ont fait un si grand nombre de physiologistes, regarder 
comme une véritable objection, la constance de la température 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 15 


des animaux au milieu des variations continuelles qu'éprouvent la 
température et même la nature du milieu ambiant. Mais ces re- 
cherches seroientloin d'être faciles. J’enai fait plusieurs surcesujet, 
et quoique j'eusse trouvé un moyen assez exact de déterminer la 
quantité totale de chaleur que pouvoient produire dans un temps 
donné les animaux exposés à diflérentes températures, j’avoue que 
J'aiété rebuté parles difficultés que m'a présentées ce travail; mais 
je ne puis m'empêcher d'exprimer ici le vœu que d’autres , plus 
heureux ou plus patiens que moi, veuillent bien en entreprendre 
un semblable, 


Quant aux expériences dont j'ai rapporté il y a un moment 
les résultats, je ne crois pas qu’on en puisse lirer des conclusions 
ositives , relativement à la cause de la chaleur animale , et je ne 
es fais pas connoître dans cette intention , mais seulement comme 
établissant d’une manière qui me paroît certaine, que l'éléva- 
tion de latempérature de l’air environnant, loin d’activer les phé- 
nomènes chimiques de la respiration chez les animaux à sang 
chaud , produit chez eux un ralentissement marqué (1), quoique 
peu considérable, Si l’on fait attention que la même cause produit 
une accélération très-grande des mouvemens inspiratoires et ex= 
piratoires, on en conclura qu'il n'existe point une connexion 
nécessaire entre la fréquence de ces mouvemens et l’activité des 
phénomènes chimiques de la respiration. 

Spallanzani a prouvé, ainsi que je l'ai dit plus haut, qu'il 
se passe un eflet contraire chez les animaux à sang froid. Ses 
expériences sur ce sujet ayant été extrêmement multipliées, je 
n'ai pas cru devoir en faire moi-même un grand nombre. Je 
me suis borné en conséquence à en tenter quelques-unes sur des 
grenouilles. Leurs résultats, conformes à ceux qu'a obtenus 
Spallanzani, prouvent que la chaleur augmente de la manière 
la plus marquée chez ces animaux ; l'activité de la respiration, 


—————————— ——— ———————— ——————"——————— "0 


(1) Cette assertion semble au premier aspect, en contradiction avec un fait 
Curieux que Crawford a observé le premier , et que j’ai vérifié ensuite, savoir, 
que le sang veineux des animaux à sang chaud , exposés à une forte chaleur, 
prend la couleur rouge vermeille, et presque tous les caractères du sang ar- 
tériel: mais si on y réfléchit , on verra que ce fait prouve seulement que l’alté- 
ration éprouvée par le sang dans son passage au travers des vaisseaux capillaires 
qui établissent la communication entre les deux systèmes, est moins grande 


lorsque les animaux sont exposés à une forte chaleur, que lorsqu'ils sont dans 
une atmosphère froide, 


14 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tant sous le rapport des phénomènes chimiques que sous celui 
des phénomènes mécaniques. La quantité d’oxigène absorbée lors- 

ue les grenouilles étoient exposées à une chaleur de 270, a été 
de une expérience, double, et dans l’autre, quadruple de ce 
qu'elle étoit lorsque la température extérieure n’alloit qu'à six 
ou sept degrés. Voilà donc uue différence de plus à ajouter à 
celles qui séparent les animaux à sas chaud, ceux du moins 

3 


qui ne dorment pas pendant l'hiver, d’avec les animaux à sang 
froid. 


NOTE. 


Pour donner une idée de la marche que j'ai suivie dans les 
calculs par lesquels je suis arrivé aux nombres qui expriment 
les résultats de mes expériences, je vais indiquer ceux que j'ai 
faits pour la première partie de l'expérience première. 


Le lapin a été introduit dans le manomètre à. , 11h20! 
Le robinet du manomètre a été fermé à. , . . 11 22,5 


J'ai recueilli l'air respiré à, 4.1.1, . 4 ... 1220 


Par conséquent cet air avoit servi à la respiration de l’animal 
pendant 60", car on ne peut pas supposer qu’il eût éprouvé de 
renouvellement sensible pendant que le robinet avoit été ouvert. 


La température du thermomètre au commencement de l’ex- 
périence étoit de 13,2. La hauteur du baromètre fixé au mano- 
mètre 0",7503. 

Le volume du gaz contenu dans le manomètre à la fin de 
l'expérience, étoit le même qu’au commencement , mais la pres- 
sion à laquelle il étoit soumis et sa température étoient diffé- 
rentes. Pour le ramener à ce qu'il eût été dans le cas où cette 
pression et cette température n’auroient pas varié, j'ai fait usage 
de la formule suivante, dans laquelle À exprimant le volume 
qu’une quantité de gaz saturée d'humidité occupe sous une pres- 
sionp, età une température élevée de z degrés au-dessus du terme 
de la glace fondante, A’ exprime le volume qu’elle occuperait 
sous une pression p' et à une température # 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 15 
tension de la vap. 3) : 
nbsrca [ren à la tempér. t ] X C1 +10,00875 1 
LP Dr de la vap. * )] SRE EE 


à la tempér. # 


Cette formule suppose que l'air renfermé dans le manomètre 
étoit à l’état d'humidité extrême, ce qui ne peut s’écarter beaucoup 
de la réalité, car la précaution que je prenois pour renouveler 
cet air avant chaque expérience, en remplissant d’eau le mano- 
mètre, et en le vidant ensuite sans l’essuyer, faisoit qu’il restoit 
toujours sur les parois de cet instrument une quantité d’eau 
suffisante pour saturer l'air qu’il renfermoit. 

En faisant l'application de cette formule au cas dont il s’agit, 
et en prenant pour unité la quantité A , on trouve pour À’ 0,9923; 
par conséquent le volume du gaz contenu dans le manomètre 
au commencement de l'expérience, étant également désigné par 
l'unité, il y a eu une diminution réelle de ce gaz égale à 0,0077. 

L'analyse du gaz contenu dans le manomètre a donné pour 
100 parties, 


Acide carbonique. . . . . . . . . 0,0419 
Oxigène.- pures ehrateli he 1:0,1020 
AZ O1E: Lente le ose ve an otre late LO; 0009 


1,0000 


Le volume total du gaz à la fin de lexpérience étant , en le 
ramenant à la température et à la pression primitives, égal à 
0,9923 ; il s’ensuit que les volumes de chacun des élémens qui 
le formoient , en leur faisant subir la même correction, étoient 


Pour lacide carbonique.. . . . . . . . 0,0416 
F'oxiséne tit Shane eos O; TG 
L'azotesns me ee te ible ele 170709 


0,9923 


Il y avoit dans le manomètre au commencement de l’expé- 
rience 

OMAN NES D le ele ere 400,21 

AZOTE RE IIS Me elle de ele ele ee O:70 


1,00 


16 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Par conséquent il y a eu production de o,009r d'azote, et de 
0,0416 d'acide carbonique et absorption de 0,0584 d’oxigène. 

La formule dont je viens de faire usage m’a également servi 
pour ramener les volumes d’oxigène absorbés et d’acide carbo- 
nique produits, à ce qu’ils auroient été à l’état de sécheresse 
extrême, à la température de la glace fondante et sous la pression 
de 76 centimètres de mercure. Pour cela, j'ai pris dans cette for- 
mule pour À, le volume de l'acide carbonique produit sous la 
pression de 0,7474, et à la même température de 15°,2 soit 0,0416, 
pour p o=,7474, pour £ 13°,2, pour p' 0,76, 1’ est devenu nul 
ainsi que la tension de la vapeur aqueuse à cette température (1). 
J’ai obtenu de cette manière 0,0383 pour À’, ou pour le volume 
que le gaz produit, réduit à l’état de l’extrême sécheresse, eût 
oceupé sous les pressions de 0,76 de mercure et à la température 
de la glace fondante. J’ai fait porter la même correction sur 
l'oxigène absorbé, 


ro 


(1) La tension de la vapeur aqueuse à la température de la glace fondante, 
est tellement foible que dans les calculs de ce genre on peut la considérer comme 
nulle sans erreur sensible. 


DESCRIPTION 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE, 17 


DESCRIPTION 
GÉOLOGIQUE ET MINÉRALOGIQUE 
DE THUERINGER-W ALD, 

Par HOFF ET JACOBI; 


Traduit de l'Allemand par T. C. BRUUN NEERGAAR1). 


LA chaîne des montagnes qu’on appelle le Thueringer-Wald 
(forêt de Thueringue), est très-intéressante pour le géognoste. 
La variété des roches y est grande, elle en contient des plus 
anciennes que nous connoissions; on trouve en même temps à 
son pied presque toutes les formations modernes, de manière 
que souvent daus une course de quelques lieues on peut se 
procurer une suite intéressante de deux formations. 


Les parties les plus hautes du sol de Thueringer-Wald, ainsi 
que les sommets des montagnes les plus élevées qui le dominent, 
sont composées de granit, de porphyre et de schiste argileux, 
On ne trouve principalement le granit que du côté d'ouest, et 
dans tout le revers méridional de la chaine. Il est beaucoup plus 
rare sur le côté du nord, qui ne renferme presque que du por- 
phyre et quelques autres roches. On trouve la plus grande masse 
de granit entre Ruhl, Winterstein, Broterode, Meiningisch, 
Steinbach, Altenstein et Faldfische. Là, il forme des mon- 
tagnes entières, et occupe également les distances des montagnes 
et le fond des vallées; souvent on le voit au jour dans des 
grandes masses, entre lesquelles on distingue le Gerbenstein, 
montagne en forme de cône remarquable par son aspect sauvage 
et déchiré. On trouve le plus beau granit dans les vallées au- 
dessus de Ruhla; il présente un grand nombre de variétés, 
soit à raison du plus ou moins de finesse du grain, soit d’après 
les différentes proportions du quartz, du feld-spath et du mica, 


Tome LXXV II. JUILLET an 1813, C 


18 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Le quartz y forme souvent de petites veines et glandes qui; 
par-ci par-là , contiennent du fer, et qui ont donné lieu à diffé- 
rens essais d'exploitations qu’on a cependant abandonnées depuis. 
On y trouve quelquefois le quartz en grandes masses, et on 
l'emploie , quand il est pur, dans les manufactures de porce- 
laine et de bleu de Prusse. On a nouvellement commencé à ex- 
ploiter dans ce quartz une mine près du bourg Auhla, qui 
touche à Leisenberg. On trouva sur un vrai filon qui en partie 
est composé de quartz, de spath-fluor, de spath-pesant et de 
hornstein, la mine de euivre rouge, le cuivre pyriteux et la 
plus belle malachite. Une partie de ce filon est remarquable 
parce qu’il est composé de pétrosilex, dans lequel sont entre- 
mêlés une quantité de morceaux de granit. 

Le granit qu’on voit ordinairement, est entouré de couches 
considérables de roches graniteuses et autres : quelquefois elles 
sont composées de vrai gneis, quelquefois de granit sur-mé- 
langé, d’un granit grisâtre en grains très-fins, de granit por- 
phyrique, du grunstein primitif et d’autres roches d’amphibole ; 
et toutes ces couches sont de nouveau couvertes par du schiste 
micacé qui forme les plus grandes montagnes de ces contrées. 
On trouve une grande quantité de belles variétés de granits et 
de gneis, près de ##'aldischa, Steinbach , Liebenstein et Bro- 
terode , et une variété infinie de schistes micacés, près de Ruhla, 
Broterode , et entre K/eënschmalkahlen et Selingenthal. 


La couche de grunstein primitif se trouve tant dans les 
pierres gneisiques, que le schiste micacé même; on trouve aussi 
dans tous les deux de fortes couches de porphyre , qui se dis- 
tinguent bien de celui qu’on trouve en grandes masses plus à 
lorient. La base fondamentale du premier est composée d’une 
masse compacte de feld-spath, dur et passant souvent au pétro- 
silex. On peut observer distinctement l'apparition d’une telle 
couche près de Ruhla, et on en voit d’autres à Xïesling et 
Streifles-Koepfchen près de FFaldfisch et à Liebensteim. 


Toutes ces couches contiennent aussi des filons de quartz et 
de spath-pesant, qu’on peut observer généralement, mais parti- 
culièrement là où l’on a autrefois exploité des mines. 

Le granit avec les substances qui l’accompagnent et que nous 
venons de nommer, se montre partout au penchant du sud du 
dos principal, et le recouvre même en quelques parties, et 
quelquefois aussi il passe à une courte étendue sur le côté du 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 19 


ford, comme au Grand-Weissenberg au-delà de Wintersteim ; 
le Troeberg, qui est composé de hornblende et feld-spath, 
avance dans ces contrées , et dans le Grand- Wagenberg entre 
Brofterode et Kabarz. Du côté de l’est de K/einschmalkaden, 
le schiste micacé disparoît, et on ne le retrouve plus dans 
d’autres parties de ces montagnes. Mais le grunstein en récom- 
pense, s’augmente tellement entre Kleinschmalkalden, Flohe 
et Tambach, qu’il forme des morceaux entiers de la montagne. 
On trouve ici les différens mélanges d’amphibole, feld-spath et 
quartz ; plusieurs ressemblent dans leur structure au granit, 
d’autres sont d’un grain si fin qu’ils approchent du grunstein 
et du basalte. Les pointes élevées du Huehnberg sont composées 
du premier, et on trouve des parties remarquables de mélanges 
plus fins sur la route de Schmalkalden à Tambach ; la route 
dans laquelle on voit la superbe cascade connue sous le nom 
de Gespring,, est de la même pierre. 

Près de cet endroit se perd le granit avec toutes les roches 
primitives, sous les grandes masses d’ancien conglomerat qui 
recouvrent toute la montagne : plus loin, celle-ci est couverte des 
-grosses couches de porphyre, et premièrement on appercoit de 
nouveau du granit dans les contrées de Mehlis, Zella et Suhl 
sur le penchant méridional de la montagne. Celui-ci est remar- 
quable par ses parties de mélange grossier, et principalement 
par l'apparition des grands cristaux de feld-spath presque com- 
plets, qu'elle contient par-ci par-là. Aussi y est il accompagné 
de différentes espèces de trapp primitif: 

Ainsi on trouve le granit près de Feser, Schmiedefeld, dans le 
Bibergrund jusque dans le Weragrund. La contrée autour de 
ce dernier point, est très-remarquable par la singulière structure 
de la roche graniteuse, parce que le granit y perd tous ses 
caractères et paroit passer dans dates roches qui l'avoisinent. 
A l’autre côté de Werragrund, il se cache tout-à-fait sous 
l'argile qui occupe la place de la partie orientale de Thueriger- 
W'ald, dans lequel est passé le schiste micacé dans la partie occi- 
dentale. L’argile schisteuse se montre dans le Glarbach, Enger- 
vesser-Schleuse et Biebergrund du côté de la Franconie, et 
alors dans les vallées près de Moehrenbach , et le bailliage de 
Gehren, du côté de Thueringue. Il est d’une couleur noirâtre- 
cendrée et rouge-grisâtre, et a beaucoup de rapport avec le 
schiste micacé. Les grandes masses des schistes argileux qui sont 
cauchées plus à lorient dans la montagne, semblent paroître sous 


G 2 


20 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


d’autres rapports, et nous en parlerons plus bas. Le schiste 
micacé dont on parle ici, forme le Burzel, haute montagne, 
non loin du Breitenbach et de Pless. Il contient beaucoup de 
quartz sous des formes diflérentes, entre lesquelles on distingue 
le quartz fibreux. Il paroît en grains et dans des débris, entre 
les feuilles schisteuses et dans de fortes couches, comme dans 
le schiste micacé, On fait usage de quelques-uns de ces schistes 
pour couvrir les toits, etonentire dans le Schwarza et Licthe- 
Grund, à Eicmvyand dans la montagne de Bilscheyber, près 
de Weisbach, Cursdorf, etc. : quelques-uns très-mélangés de 
quartz, servent de schistes à polir; la plus fameuse carrière 
est située au pied de la montagne de Huefien, entre Senheide 
et Séegmundsburg ; on en trouve aussi à Schlosberg près de 
Lauenstein. 

La roche primitive la plus répandue dans le Thueringer-Wald 
est, sans contredit, le porphyre. Il caractérise proprement 
le Thueringer-Wald qu'on peut, par préférence, appeler une 
montagne-de porphyre, et cela à compter au deux trois quarts 
de toute sa longueur, depuis l’ouest il occupe les plus grandes 
étendues de la chaîne, et forme les plus grandes montagnesetles plus 
hautssommets. Le porphyre présente en même temps une grande 
quantité d'espèces diflérentes; on peut cependant en porter les 
variétés àtrois classesprincipales. Porphyre feld-spathique, porphyre 
argileux , porphyre de grunstein. Ce qu’on appelle ordinairement 
porphyre-pétrosiliceux , n’est dans le Thueringer-Wald , que des 
partiesà base séparées dans les porphyres fedl-spathiques et argileux; 
dans ce dernierles parties sont souvent, sans en pouvoir distinguer 
l'ordre, teints d’une couleur verdâtre. On a déjà parlé du por- 
phyre feld spathique ; il se trouve avec les roches gneisiques et 
avec le schiste micacé dans les vraies contrées granitiques, et 
en couche autour d’eux. A la frontière de ces contrées, près 
des villages Schmerbach et Winterstein du duché de Gotha, 
commencent les grandes masses de porphyre argileux, qui se 
trouvent généralement le plus du côté de Thueringe, et sur le 
dos de la montagne. Le porphyre forme au-delà de Schmerbach, 
l'énorme parois du rocher Ê Meissenstein, près Wintersteir, 
le Treppenstein et d'autres grands groupes de rochers dans la 
vallée de Sembach. La grande montagne d’Inselsberg, est 
entièrement composée d’un porphyre argileux gris-rougeâtre , 
dans lequel se trouve placé du feld-spath rouge-jaunâtre, et des 
cristaux de quartz parfaits d’une couleur grise foncée. Au sud- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE,  , 24 


ouest. du sommet, la paroi du rocher appelé Jnselbergstein, 
est composée de cette masse; et le côlé du sud en est couvert 
de, débris. Aucune roche ne se distingue comme celle-ci, par 
une quantité de hauts rochers escarpés dans des parois entières 
et des dents ou des fourchons séparés; presque chaque vallée 
. en.offre quelques-uns. Sous. ce rapport, la vallée de Laufa est 

est une des plus sauvages. À son ouverture est placée la grande 
montagne conique Uebelberg, sur la pente roide de laquelle 
avance une roche porphyritique nue, et dont le sommet se 
termine en forme de peigne (Kamm), de telles roches sont 
entourées d’une quantité infinie de grands et petits débris. Le 
porphyre est composé ici d’une masse argileuse rougeâtre avec 
de grands cristaux de feld-spath. Vis-ä-vis de cette montagne, 
est le Dattenberg et le Leuchtenburg remplis de roches d’un 
porphyre dont la base est formée d’une roche de grunstein ou 
trapp; et encore plus loin derrière dans la vallée, il forme Ja 
paroi du rocher de Bacrenbruch qui, avec les dents et les débris 
séparés qui sont placés vis-à-vis, forme une conlrée sauvage 
très pittoresque. La partie située derrière le fond monstrueux de la 
haute montagne Regenberg , le Hoeltewar près de K/eënschmal- 
kalden, les plus hautes montagnes près de la source de Zeëna, 
sont encore des montagnes de porphyre. C’est entre la source 
de ce ruisseau et le Æpfelstedt , où cette roche primitive devient 
tout-à-fait couverte de vieux conglomerat; mais elle se relève 
de nouveau en de plus grandes masses autour des sources 
d’Apfelstedt, et se prolonge de là de plus en plus dans la mon- 
tagne. Du côté du nord, il se montre premièrement de nouveau 
près de Hubenstein , à une lieue et demie de Tambach ; alors 
plus loin à l’est, dans la vallée admirable de Schmalwasser, 
dans laquelle on entre en passant par le village Déethart, et 
qui présente les plus belles , les plus grandes et les plus pittores- 
ques parties de rocher de toute la montagne, qui, pour la plus 
grande partie, est composée du même porphyre que nous ävons 
déjà observé auprès d'Uecbelberg'avec de grands cristaux de feld. 
spath. Tout au fond de cette vallée , à partir du dos de la mon- 
tagne, les rochers deviennent encore plus communs et plus 
grotesques, mais là, le porphyre change d'aspect. Les cristaux 
du feld-spath et du quartz deviennent tout-à-fait petits, et la 
base devient d’une couleur foncée. Le Falkenstein, qui a un 
extérieur imposant et pittoresque, est composé de ce porphyre, 
Le flanc méridional de cette chaîne de montagnes, est le A/oehs, 


°2 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


le Donnershang, le Grand-Hermansberg , le Rupberg, toutes 
hautes montagnes remarquables, composées de différentes variétés 
de porphyre. La première de ces montagnes se distingue pat 
ses parois et son sommet plein de rochers, ét le dernier par 
l'apparition du porphyre en colonnes, comme Ænschuez l'a ob- 
servé. Entre ces montagnes et Seinbach, Hallenberg, Mehlis, 
Suhl, Goldlauter, Schmiedefeld, Frauenwald, Stuezenbach, 
Timenau, Manebach, Gehlberg, Arlesberg, Stutzhaus et Die- 
thartz}, tout est porphyre: Le Schnekopf est la plus élevée de ces 
montagnes, et son sommet est composé d’un porphyre argileux, 
dont la couleur fondamentale est d’un nacre de perle grisâtre 
avec de petites pointes de feld-spath d’une combinaison terreuse, 
et d’un très-petit nombre de cristaux de quartz. Les autres plus 
grandes montagnes du côté septentrional, sont, le Saukopf, 
le Kickelhahn, le Kienberg, etc. Il n’y a pas d’exploitation de 
mines dans le vrai porphyre, mais seulement là où il est séparé 
par des roches d’une formation ancienne. Autour de la montagne 
de Schnekopf, dans les environs d'Oberhof, Schwannwald , etc., 
se trouve un porphyre vert extraordinairement beau. Le porphyre 
le plus important pour des travaux, ést le porphyre poreux dont 
la base est d’une couleur rouge clair et de nacre de perle gris, 
avec de petits cristaux de feld-spath et de quartz. Ces derniers 
sont surtout en grande quantité et forment aussi de petites druses 
dans les fentes. Cette variété se trouve principalement dans les 
environs de Schwarzwald, Oberhof, Doerrberg, Friderich- 
anfang, etc.; elle est employée à faire de superbes meules. 
On s’en sert dans tout le Thueringue , et même dans des pays 
éloignés. On trouve aux endroits cités, de grandes carrières 
exploitées dans cette roche; et comme les habitans du village 
de Crawinkel , dans le duché de Gotha , font le plus grand com- 
merce de cette pierre, alors elle est connue partout sous le nom 
de pierre meulière de Crawinkel. 


Le prie continue encore dans la montagne plus à est; 
cepes ant on trouve vers ces contrées encore plus de porphyre 
à la base trappéenne qui n’est pas aussi commune qu'à la côte 
occidentale. On en trouve depuis la contrée de Suh£, à Rinnberg 
et Dellberg, au-haut sommet d'Eisenberg, dans les vallées 
autour de Frauemvald, en haut, près de Schmiedefeld, et de 
l’autre côté d’Aroldsberg jusqu'à Masserbergen. Presque toutes 
les branches de côté qui sortent dans ces contrées, du dos prin- 
cipal de la montagne, sont couvertes de cette roche. Il est surtout 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 23 
puissant du côté de Thueringue, depuis le haut jusqu’au pied 
des montagnes entre les valiées d’Oëlze, Rischel, Moerenbach, 
le ohirose et Schobse; c’est là qu’on le trouve encore en 
plusieurs parties séparées qui, d'aucune manière, n’ont de com- 
munication avec ces endroits, sur les sommets de Aundsrueck, 
Pferdekopf et Heydelberg, dans la vallée de Sfuetzerbacher, 
à I/mthal, ete. A l’est d’uneligne du bailliage de Gehren, au-dessus 
de Mochrenbach, en passant le Richtelstab et l'Oelzegrund'jus- 
qu'à Masserbergen , et de là prolongeant plus loin avec la route 
jusqu’à Eës/eld, cesse dans la montagne la région porphyrique, 
et ici commence le schiste argileux. Une singulière variété de 
porphyre est celle qu’on appelle porphyre globuleux (kugel- 
porphyr); c’est un porphyre argileux à base rouge- grisâtre, 
avec du quartz et du feld-spath, dans lequel se trouvent de grandes 
et de petites cavités, dont les parois sont couvertes de druses, 
ou qui, dans l’intérieur, sont toutes couvertes d’une autre masse. 
Les cavités se trouvent de grandeurs différentes, depuis celles 
d’un pois jusqu’à celles d’un demi-pied de diamètre ; cependant 
on observe que, dans chaque contrée, ou partie de ce porphyre, 
les cavités sont presque de la même grandeur, ainsi on n’en trou- 
vera pas de grandes et de petites mêlées dans le même morceau. 
L'intérieur de ces cavités est toujours couvert d’une masse cal- 
cédonieuse pétrosiliceuse, où les parois en sont au moins cou 
vertes ; et sur cette couverture est ordinairement placé du quartz 
cristallisé, tantôt d’une couleur blanche, tantôt d’une couleur 
améthyste, ou rouge blanchâtre, souvent souillée par des cal- 
caires ferrugineux, ou couverts de fer oligiste cristallisé, ou 
de fer oxidé; souvent toute la cavité est remplie de terre 
ferrugineuse noire de fer; on trouve aussi souvent sur les 
cristaux de quartz, des cristaux de chaux carbonatée en forme 
de prisme triangulaire; tous les deux sont souvent dans de 
grandes boules plus grandes d’un pouce. La masse siliceuse de 
ces boules, qui pénètre aussi autour du porphyre, lui donne 
une écorce qui est plus dure que l’autre masse du porphyre, 
c’est pourquoi il se conserve quand l’autre se décompose et est 
entraîné de loin dans les ruisseaux. 11 est remarquable que 
toujours la partie extérieure de la couche de porphyre, sur 
laquelle les roches suivantes sont posées, est composée de ce 

orphyre en boule, et c’est pourquoi on le trouve toujours dans 
e voisinage de la roche amygdaloïde et les vieux conglomerats. 
On le voit entre Wänterstein et Ruhla, sur toute l'étendue 


°4 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
de Fridrichrode jusqu’à la caverne de Knäebreche ,-vers Klein- 
schnalkalden ; et plus vers l’est à la source de Zerna, contrée 
dans laquellé le vieux conglomerat et la roche amygdaloïde ac- 
compagnent toujours le porphyre et ie couvrent même sur la 
bauteur dela montagne ; à l’autre côté de cette couverture, on le 
retrouve à Todenkopfe au-delà de Georgenthal, et encore un peu 
plus en haut, alors au pied oriental de Schnekopf, à l'endroit 
appelé Goldene Bruecke. , 

L’amygdaloïde accompagne presque toujours le porphyre , et, 
comme nous l'avons déjà observé, particulièrement le porphyre 
en boule ; cependant on n’a pas fait assez de recherches sur son 
apparition. Sa basé est rappeuse ou wackeuse, en plus ou moins 
grande quantité ; les amandes sont dans l’amygdaloïde ordinaire , 
en partie composées de calcédoine et de spath-calcaire, en partie 
de trous ronds couverts de terre verte, de cristaux de chaux 
carbonatée et de quartz, où bien tout-à-fait vides. On le trouve 
très-beau sur la belle route au-delà de Tabazr, à Kessel- 
grabern près de Fridrichrode, entre Georgenthal et Alten- 
berg, ete, 


Le calcaire de transition paroît tout-à-fait manquer sur toutela 
moitié occidentale de la montagne; mais enrevanche ilse montre 
dans la partie orientale sous le schiste argileux de nouvelle for- 
mation (peut-être schiste de grauwakke) et le grauwakke. On 
observe ces couches presque toujours dans les bas-fonds, quand 
on traverse la chaîne de montagnes qui s'étend depuis Mengers- 
gereuth du côté de la Franconie, au-delàde Hammern, Steinach, 
Haselbach, Hasental, Spechtsbrunn, Bochbach, Graefenthal 
et Aeichmansdorf, jusqu’à Hoheneich du côté de Thueringue, 
1] ÿ a dans celles-ci des cärrières à Suerbizgrunde près de Toes- 
chniz, et elles sont connues sous le nom de marbre de Schwarts- 
burg. Sa couleur est, pour la plupart, foncée, grise ou noirâtre, 
souvent tout-à-fait noire, avec des taches rougeâtres ou brun- 
jaunâtre, et souvent traversée de veines de calcaire blanc. Il 
contient des pétrifications, des trochites etaussi quelques coquilles 
bivalves , mais aucun vestige de corail. É 

Le schiste argileux de transition et le grauwakke. A ceux-ci 
appartient premièrement le dépôt énorme du schiste argileux 
noir et grisnoirâtre, qui occupe de Szeënheide jusqu'à Lehesten, 
toute la côte vers Thueringue de la montagne, une grande partie 
de la côte vers la Franconie jusqu’au-delà de Hasenthal, et qui 
se prolonge aux deux côtés de ces contrées jusqu’au pied extérieur 

de 


ue 
J 


[Q 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


de la montagne, et est en même temps la vraie limite placée à ses 
plus hauts points à Szeënheide et Spechtsbrunnen. 11 en paroît 
encoredes parties séparées entre le grauwwacke , Sur le Fredersberg 
et le Geheg, dans le Tettau, etc. La vraie limite entre ce schiste 
et le grauwakke, est formée par la vallée de Langenauer dans 
le bailliage de Lauenstein, dans le pays de Bamberg. Ses cou- 
leurs principales sont le noir et le gris. Comme ce schiste est 
presque toujours mince et horizontalement schisteux , alors on 
s’en sert beaucoup pour des schistes tabulaires. On en trouve 
de grandes carrières au-delà de Sonnenberg près de la route 
à Feldberge , à Ehnesleite près de Forschengereuth, près Diet- 
hersdorf au-delà de Blankenbure, près de Ludwigstad à Don- 
nersberg, près de Schmiedebach au Bacrenstein et près de 
Zehesten. Cette dernière est la plus grande de toutes, et mérite 
d’être vue. On trouve une variété singulière à Feldberge, au- 
delà de Sonnenberg, où le schiste se casse dans de longues 
écailles et est très-tendre, c’est pourquoi on le travaille pour des 
poincons à écrire. On ne connoît nulle part d'espèce qui lui 
ressemble parfaitement. Non loin de cette carrière s’en trouve 
une autre dont le schiste est différent de toutes les deux sortes, 
et dont on se sert pour des pierres à aiguiser. Tout ce gîte schis- 
teux contient, par-ci par-là, des parties de schistes à dessiner , et 
d’autres des schistes pétrosiliceo-quartzeux; il y en a aussi à dif- 
férens endroits, qui est mêlé de pyrites et de quartz : ce dernier 
cependant est rare et en rognon. 


Le vrai grauwakke ne se trouve que sur le flanc oriental de 
Thucringer-WVald, et succède au schiste argileux que nous venons 
de décrire, avec lequel il varie souvent. Heim dans sa Descrip- 
tion géologique de Thueringer-Wald , pense qu’il est placé sous 
le schiste argileux. Nous avons observé au commencement, en 
parlant de ce schiste, qu’il est presque tout-à-fait placé du côté 
de la Franconie, et que dans les environs de Zudnigstad, Lauens- 
ein et Lehesten, il se tire sur les côtes de Thueringe. Toutes 
les vallées qui s'écoulent dans le Kranach sont composées de 
cette roche, qui s'étend ainsi jusqu’à la hauteur au - delà de 
ZLchesten et Teuschniz. La route de poste de Sonnenberg à 
Judenbach,yÿ passe tout-à-fait. Il paroît ordinairement en bancs 
qui sont séparés l’un de l’autre par des crevasses qui courent 
droit et qui sont de puissance difiérente , en devenant réguliè- 
rement toujours plus foibles, à mesure qu’il s'approche du schiste 
argileux, et forme un vrai schiste de graunakke. On y trouve 


Tome LXXV II. JUILLET an 1813. D 


26 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


aussi des parties en boules. Leur couleur est, pour la plupart, 
grise : cependant on en trouve de noirâtre, de blanchâtre, de 
rougeûtre, de jaune et de verdâtre. Leur base est la même que 
celle du schiste argileux : les autres parties de mélange sont 
composées de feld-spath quartzeux , d’une masse rougeâtre sem- 
blable à celle du porphyre, et de feuillets de mica d’une couleur 
argentine. Le quartz est le plus abondant ; il est rare que ses 
grains approchent de la grandeur d’une noisette ; ils sont arrondis 
et ont rarement des angles aigus. On voit un groupe de roches 


remarquable de grauwakke, près d'Oberloch, qui ressemble à 
un conglomerat d’ancienne formation. 


Le conglomerat forme de la roche morte (todt legende) rouge 
et grise, appelé »»a/dplatten , du grès d’ancienne formation, et des 
couches straliformes, est une des roches les plus importantes des 
Thueringer-VP'ald et de toutes la plus répandue. L’aile occiden- 
tale de T'hueringer-W'ald, s'élève sur unetelle base et les roches 
modernes stratiformes vontdroit en haut, et on trouvelà touteune 
masse de montagne qui en est composée. Ceci est la contrée autour 
d’Eisenach et IWilhelmsthal. Les hautes et roides montagnes de 
Wartburg, de Maedelstein , tout le Marienthal près d’Æisenach, 
toutes les montagnes de Mosbach, Hohe-Sonne , autour de #Füil- 
helmsthal jusque vers Etterwinden, Altenstein et Ruhla, sont 
seulement un conglomerat, et cette roche forme là d'immenses ro- 
chers escarpés. Entre ceux-ci, sont le Moench et la Nonne, près 
d’£isenach, le Verfluchte Jungferloch, \e Gehaune-Stein, le 
sanglot de rochers Zandgrafenloch, la grande paroi des roches à 
Schwarzenberg, le Wachstein au-delà de Mozbach avec sa vue 
charmante, et plusieurs jolies parties de rochers sont connues 
dans le parc près d’Æ/fenstein, et très-dignes d’être visitées. 
Il se tire du côté de Thueringe, auprès du pied de la mon- 
tagne, et monte plusieurs fois jusqu’au dos le plus élevé ; on le 
trouve ainsi à Breitenberg, Mittelberg el Troehberg, au-delà 
de Wüinterstein, plus vers lorient à Zimmerberg et Tenneberg 
près de Tabarz, avec des filons de spath-fluor, spath pesant et 
fer à Wolfssteig, près de Fridrichrode, où il ÿ a une exploi- 
{ation de mine de fer assez considérable. La couche devient ex- 
trêmement puissante près de Georgenthalet Tambach, et couvre 
tout le dos de la montagne au-delà de $perrhuegel jusqu’au flanc 
de la Franconie, vers lequel il se tire aussi au pied depuis Æ4/tens- 
tein jusqu’à ces contrées, et ne s'incline pas moins à quelques 
endroits, par exemple, à Kzéebreche près Kleinschmalkalden ; 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 27. 


presque jusqu’au dos le plus élevé. Il se montre le plus puissant, 
où il est placé en couche au-delà de la montagne entre F£ns- 
terhergen, Neuen-Hause, Tambach, Dietharz, dans Leine- 
grund, Spiettergrund jusqu'à Schmahvassergrund, vers Hohens- 
tein et Falkenstein. Son sommet le plus élevé est le Sperrhuegel, 
au-delà duquel il se tire en descendant de la côte de la Franconie 
au- delà de Xernberg dans l'Ebertsgrund près Steinbach dans 
la Hesse. Alors il se trouve de nouveau séparé au pied de la 
montagne, au nord près Freidrichsanfang, au sud près Bens- 
hausen, Albrechts et Suhl. Il devient de nouveau très-puissant 
près Doerrberg sous le Schnekopf, et monte jusqu’à vers Schnee- 
tiegel et le Goldne-Bruecke : il continue près de la montagne 
jusqu’à Surmheide près IllImenau : il s'élève ici dans l’I//me- 
grund, et pour la seconde fois, mais dans une étendue très-étroite,. 
1l incline au-delà du dos de la montagne près Sachsenstein 
Mordfleck, et au-delà de Go/dlauten en bas vers Sul. Il con-. 
tinue du côté de la Franconie dans une courte élendue dans 
le Scmyartzen Erlau et le Fescergrand, ou à l’ouest dans le 
Schleusegrund, cependant avec une forme changée comme gris- 
rouge-brunâtre, jusque vers Æisfeld, où il est subitement coupé, 
et se montre premièrement à huit lieues de là près Foeritz, 
et se tire au-delà de Neuhaus et Siockleim jusqu'à Xronach. 
Du côté de Thueringe, il se montre de même de cette forme de 
Langewiesen à l’orient. Les caractères extérieurs de cette couche 
de roche remarquable, varient à l'infini; on la trouve comme 
conglomerat de la grandeur de la tête jusqu’au grain le plus fin 
du grès, même jusqu’à la ressemblance la plus trompeuse avec 
le schiste, et tantôt schiste de grès, tantôt schiste argileux, 
ainsi que tous les passages qu’on peut imaginer entre ces deux 
extrêmes. Là où il paroïît distinctement comme conglomerat, il 
présente toujours des parties mélangées de morceaux de la roche 
ponte qui s'y trouvent plus près. Sa base est une pierre argi- 
euse de couleur rouge ou verdâtre : la pierre schisteuse est 
tout-à-fait composée de cette masse, quand il ne contient pas 
de mine de transport, il est quelquefois aussi mêlé de parties cal- 
caires, et alors il fait effervescence avec les acides. S’il paroît 
comme grès fin, alors il contient communément des feuilles de 
mica, et la masse argileuse y est placée en rognons. 


La formation de houille de Thueringer- Wald paroît distinc- 
tement appartenir aux couches précédentes. Il n’est pas aisé de 
définir où la houille commence. On la trouve en très- grand. 


Dr 


26 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


désordre, la plupart, au bout supérieur des gouffres étroits et 
toujours réunis avec le conglomerat cité, et la pierre calcaire 
stratiforme, ou pierre calcaire des Alpes, que nous allons décrire. 
Les espèces de schistes argileux et de grès qui l’accompagnent 
souvent, appartiennent sans doute au premier de ces rochers, 
On la trouve du côté de Thueringe au Æhernen Kammer, 
non loin de Ruhla, avec du grès d’un grain fin et le schiste 
argileux qui contiennent des empreintes de fougères. 1ls sont cou- 
verts à T'enneberg, non loin de Tabarz, du calcaire des Alpes. 
Ils paroissent de nouveau près Wannebach et Ilmenau, avec des 
schistes impressionnés, et de même à Mordflek près de Schmuecke, 
plus vers lorient on ne trouve plus de houille du côté de Thue- 
ringe. Il y en a du côté de la Franconie dans 4/tenthal près 
Kleinschmalkalden, avec du schiste argileux et du même à 
Birkleite, non loin de Steinbach en Hesse; alors dans le Has- 
selbach, près du moulin de Bermbacher , à Regberge , non loin de 
Benhausen, près Breitenbach à la sortie de Fessergrunde , près 
Crock, non loin d’£isfeld, et enfin près de S/ockheim aux fron- 
tières de Bamberg et Meiningen, où lon fait une exploitation 
importante de houille. 


Le calcaire des Alpes dans le Thueringer-Wald , offre de 
très-grandes différences en variétés et en puissances. A celle-ci 
appartient la pierre appelée zechstein (pierre d’écot) avec le 
schiste marno-bitumineux, le calcaire coquillier, beaucoup de 
pierres puantes et le calcaire rude. Le schiste marno-bitumineux 
qui forme partout où il se montre la couche supérieure, et qui 
se fait remarquer par les minérais de cuivre et de plomb qu'il 
contient, par ses houilles riches en empreintes de poissons et 
de fougères rares, se montre premièrement au bout occidental 
de la montagne près Kupfersuhl; là on trouva l'empreinte re- 
marquable d'un squelette, qui étoit autrefois dans la collection 
de Spener, et qui se trouve aujourd’hui dans le Cabinet royal 
minéralogique de Berlin , et qu’on a reconnu pour l'empreinte d’un 
squelette de crocodile. On trouve, après le schiste marneux plus 
loin du côté de Thueringe près Mosbach, Farnrode, Seebach , 
Fischbach, Kabarz, Tabarz, Katterfeld, dans la vallée de Mit- 
tehyasser derrière Tambach, à Sperrhuegel, près d’I/menau, 
où on l’exploite en grand, jusque vers saalfefd. On le trouve 
du côté de la Franconie, près #aldfisch, Gumpelstadt, Gluecks- 
bruun contenant beaucoup de cuivre, à Xnëiebreche au-delà de 
Kleinschmalkalden, à Hohenwarte, dans Xlinggraben- près 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 29 


Floh, à Kuhberg dans la vallée d'Ebart, à Kernberget Pirk- 
leit, près Goldlauter avec des rognons de cuivre et de la pyrite 
arsenicale. Plus vers lorient on ne trouve plus les couches du 
schiste marno - bilumineux. Cette couche est régulièrement 
couverte de zechstein , qui souvent contient des gryphites : la 
couche devient plus puissante, alors on le trouve ordinairement 
accompagné de ses autres variétés. Il est très-puissant vers le 
nord-ouest de la montagne : et aussi d’Æisenach vers Oherelln, 
Foertha, Eckartshausen, Burkarsrode, Kupfersuhl, WF'aldfisch 
et Sch»eina. Au dernier endroit il s'élève en masses énormes 
comme calcaire rude, et forme quelques montagnes ornées de 
groupes de rochers, dans l’un desquels se trouve la grande 
grotte sous Æltenstein. La pierre poreuse au-delà de G/uecks- 
bruun, est composée de ce calcaire. Il passe de là plus loin 
au-delà de Szeirbach, de Meininge, Klinge, au pied méridional 
de la montagne au-delà de Bayrode et Mommel, au-delà de 
Herge, Wallenburg et Stahberg, et devient à Seligenthal cou- 
vert degrès. Souvent il est placé dans cette direction, ainsi que le 
conglomerat , immédiatement sur des roches primitives. Il paroît 
dans des parties isolées à l’autre côté de Æ/oh, dans la vallée 
d’Eber, à Hellmers et au Komberge. Aux contrées de DolImar 
il passe dans une montagne qui est déjà hors de cette chaîne, 
et leperit Dolmarr en est composé : alors il se tire près de Férnau 
vers Benshausen et Albrecht, où le grès le couvre de nouveau. 
Il se montre encore entre Suhl et Schleusingen dans V’'Erlau, 
se tire au-delà de la vallée de Schleuse et forme deux mon. 
tagnes entre Schleusingen et Eisfeld, près de Wilhemsbrunnen 
et Gerhandrgereuth, et cesse tout-à-fait non loin de là, I paroît 
aux côtés de Thueringe avec beaucoup plus d’interruptions : 
il se tire là d’£ësenach vers Ebartsbergen, et forme près Seebach 
le très-élevé Marktberge avec de grands groupes de rochers et 
une caverne connue sous le nom de Backofenloch, mais qui 
Jusqu'à présent n’a pas été bien examinée. Les Marktberge ont 
une riche et belle végétation. On le voit après en partie près 
Kaharz, Tabarz, Zimmerberge, Schorn près Engelsbach , 
Katferfeld, Doerberg, Martinrode, Ilmenau, et il forme à la 
fin une longue étendue de Koenigssée au-delà de Quittelsdorf, 
Blankenburget Koeniz jusqu'à Camsdorf. Sa couleur est toujours 
grise, ou gris-Jaunâtre , tantôt plus claire, tantôt plus foncée, 
Sa texture est compacte, sa cassure écailleuse , et particulièrement 
dans le calcaire rude poreux ; il est souvent pénétré de bitume, 


30 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

et devient alors une pierre fétide. Il contient presque toujours 
des pétrifications, surtout le calcaire rude, qui est rempli de pe- 
tites coquilles bivalves; ils sont plus rares dans la pierre fétide. 
Ces fentes qui donnent origine aux cavernes qui se trouvent en 
divers endroits, sont caractéristiques à cette roche. 


Métaux. Il convient d’en parler en cet endroit, car il paroît que 
le vrai gisement métallique de Thueringer-Wald a lieu entre la 
pierre calcaire des Alpes et les roches primitives. Les substances mé- 
talliques ne se montrent dans aucune montagne stratiforme plus 
moderne que le zechstein , et toutes se perdent avant qu’elles ap- 
prochent de la montagne primitive ou n’y pénètrent pas profon- 
dément. Les plus grandes couches métalliques se trouvent entre 
la pierre calcaire des Alpes, la roche morte et la montagne 
primitive. 

Fer. C'est le métal qui appartient principalement à ces mon- 
tagnes ; il perce presque dans toutes les espèces de roches et 
couches, et paroît sans cela dans des masses toutes particulières, 
principalement du côté méridional. De Schweina, au - delà de 
Liebenstein , Bayrode, Herges et Seligenthal jusqu'à Æsbach, 
les couches de mine de fer accompagnent sans cesse la limite 
des montagnes primitives et stratiformes , et là sont placées des 
masses énormes dans le Mommel et Stahlberge, dans lesquelles 
il y a une ancienne exploitation très-importante. La mine de fer 
paroît principalement comme fer oxidé brun compacte, fer oxidé 
hématite brun , chaux carbonatée ferrifère et encore une autre 
espèce, et est toujours accompagnée du spath pesant. Le Szahlberg 
contient de beaux morceaux de cabinet decette sorte, entre lesquels 
on remarque le fer oxidé hématite noir en stalactite, avec des den- 
drites blancs et la chaux carbonatée ferrifère cristallisée. Là où 
la pierre calcaire s'étend vers le petit Dollmar, et est entourée 
de grès ; là, la mine de fer se perd, mais reparoît de nouveau près 
de Suhl et Albrechtswieder ; aussi trouve-t-on qu’on l’exploite 
là. Elle est placée près Æ/staedt, Neuhof, Gethliz etle Schleuse, 
entre le granit, le grunstein primitif et les montagnes strati- 
formes : plus loin il se perd. Du côté de Thueringe on trouve 
des vestiges séparés de la mine de fer et de l’ancienne exploitation 
dans le pays d’£isenach entre Farnrode et Thal, près Ruh}, 
W'interstein. L'exploitation dans le W'olfsteige près Friedri- 
chrode, est en pleine activité, le dépôt de mine de fer s’y trouve 
dans la roche morte et dans les montages primitives, et donne 
principalement du fer oxidé hématiteet fer oxidé brun compacte, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. ar 


avec du quartz et du spath pesant. On en rencontre plus loin 
des vestiges séparés, derrière Tanbach dans le Spittergrunde , 
dans le Schmalwassergrund, non loin de Falkenstein, près 
Schvarzwald, tous à la frontière de la roche morte (todt lie- 
gende), et ainsi plus loin jusqu'à Koenigssee, Blankenburg, 
Kamsdorf et Koeniz. Dans ces quatre derniers endroits, la mine 
de fer est située près du schiste argileux. 


Le cuivre est, après sa quantité, le second métal dans le rang 
de ceux qu'ofire le Thueringer-Wald. Il paroïit principalement 
comme pyrite, entremélé dans le schiste marno - bitumineux, 
qui souvent en est excessivement riche. On l’a déjà marqué, en 
parlant des couches qu’on exploite; aussi a-t-on déjà parlé du filon 
avec de belles mines de cuivre, qui s’étend près de Ruhla dans 
le granit. Les rognons de cuivre près Goldlanter, contiennent, 
pour la plupart, du cuivre gris. On trouve sur les filons de Szal- 


Jeld, toute sorte de mines de cuivre, et en partie d’une beauté 
rare. 


Le plomb est aussi mêlé dans le schiste argilo - bitumineux, 
comme plomb sulfuré, tantôt en grande, tantôt en petite quantité. 
Il fut autrefois d’un grand produit à l'exploitation d’J/menau, 
à raison de la grande quantité d’argent qu’il contenoit, 


:_ Ceci est aussi la seule manière dont l'argent se trouve dans 
le Thueringer-Wald. 


L'or se trouve, commeonlesait, danslessables de la Sch»arza, 
et d’après des observations récentes de Poïigt et de Heim, il est 
placé dans le quartz entre deux espèces de schistes argileux qui 
se touchent, et où il paroît aussi des pyrites sulfureuses et ar- 
senicales et un ocre ferrugineux. 


Le cobalt a été trouvé en quantité à différens endroits ; il se 
trouve principalement sur des filons qui s'étendent dans le Zech- 
. Stein, au travers du schiste marneux bitumineux, jusque dans 
la roche morte. [| se montre ainsi près de la manufacture du bleu 
d'azur de Gluecksbrunn , peu loin d'Æltenstein , et à Schweina 
au Heidelberg. L'exploitation fut ici autrefois très-considérable, 
mais elle est à présent épuisée. On trouve ici le plus beau cobalt 
gris, toute espèce de cobalt oxidé noir et le cobalt arseniaté, 
et fleurs de cobalt. Aussi trouve-t-on ici le bismuth et l’arsenic 
TE accompagnent ordinairement ce métal, le dernier, sous dif- 
érens rapports, est principalement beau , comme pharmacolite, 
chaux arseniatée, àla mine de Gluecksbrunnen. Ontrouve encore 


32 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


comme matière de filon, la chaux carbonatée , le spath pesant, 
et particulièrement une chaux carbonatée ferrifère perlée ou 
braunspath, de la couleur de vert pistache cristallisé en pyra- 
mides à trois faces, qui forme de grands ronds et globules; 
et du bitume dans le spath pesant, etc. : il y a en outre, une 
exploitation de cobalt sur la pente méridionale de Thueringer- 
Wald , peu loin d’Æsbach à Komberge, du côté septentrional, 
dans Xesselgraben près Friedrichrode; y en avoit une autrefois 
près Xafterfeld, dans le duché de Gotha. On n’exploite plus à ce 
dernier endroit depuis nombre d'années. Enfin il se trouve aussi à 
Saalfeld un riche dépôt de ce métal qu'on y exploite. 


Le zitan paroît par-ci par-là, entremêlé principalement dans 
quelques variétés de cyanite et de granit. 

Le manganèse se trouve près d'Zlmenau dans le porphyre, 
à Szahlberg , etc., et on s’en sert aux verreries. 


Les montagnes d’alluvion qui entourent le Thueringer-Wald, 
dansde petitspromontoires, sont composées de chaux sulfatée, de 
pierre calcaire fétide, de grès et de calcaire stratiforme , et son 
apparition est assez connue par les ouvrages du célèbre Woigt. 
Le plus grand nombre de ces promontoires, surtout le plus grand, 
sont composés de grès. 


Le basalte ne se trouve que dans de certains points, qui sont 
déjà probablement hors de la chaîne ordinaire de la montagne. 
Ceux-ci sont le Pflasterkaute près Eisenach, le Stopfelskuppe 
près Marksuhl, le Dollmar près Kuehndorf et Steinburg près 
Suhl, où le basalte est en couches sur le grès ou sur le calcaire 
stratiforme. 


D'autres sortes de pierres qui se trouvent encore comme ma- 
tière de filon, tantôt en parties séparées, tantôt comme gîte, etc., 
et qui peuvent présenter quelque intérêt ou être utiles, sont : la 
chaux carbonatce, le spath.fluor dans le grand filon à Flusberge, 
au-delà de S/einbach près Katterfeld, Suhl, etc, ; de la chaux 
sulfatée en très-grands cristaux dans le stolle de duc Ernst 
près de Æeiënhardsbrunnen ; le schiste rempli d'empreintes de 
poissons près Gluecksbrunn, Schmerbach, Kupfersuhl, Ilmenau, 
et en beaucoup d autres endroits; spath pesant, peridot dans 
le basalte; des grenats dans quelques granits près Ziebenstein , 
£Lcpidolith non loin de Ruhla; amphibole (hornblende) en 
différentes formes ; schoerl, dans le granit près Schreina ; du 
jespe comme parties séparées dans certains porphyres; calcédoin , 

carneol, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 33 


carnéol, pétrosilex et des espèces d’agate de la même manière et 
souvent comme gîte; beaucoup de variétés de /e/d-spath et quartz; 
améthyste , principalement près Broterode et dans les boules de 

orphyre. Les espèces de serpentine et de talc paroissent tout- 
à-fait manquer dans les montagnes de Thueringue. 


Ce court appercu des objets minéralogiques de Thueringer- 
Wald prouve qu’il n’est pas tout-à-fait sans intérêt pour le 
minéralogiste, quoiqu'il offre un champ beaucoup plus vaste 
et beaucoup plus instructif pour le géologue et le géognoste. 


Le Cabinet minéralogique de l’École des Mines, dont l’arrangement fait 
tant d’honneur aux connoissances de mon ami M. Tonnellier , possède une très- 
belle suite des roches et des minéraux de Thueringer-Wald, qu’on doit à l'in= 
fatigable Héron de Villefosse. Note du Traducteur.) 


Tome LXXVII. JUILLET an 1813 E 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


Moyennes.+20,47| î 


+10,63|+-19,87| 
RÉCAPITULA 


760,26| 


TION. 
Millim. 


Plus grande élévation du mercure. .... 765,52 le 13 


Moindreélévation du mercure......... 746,80 le 9 
Plus grand degré de chaleur......... +2775 le 2 
Moindre degré de chaleur...... .….. + 7,25 le 21 
Nombre de jours beaux....... 17 
de couverts......... JORES 
depluie........,...... 15 
de vent..,.:.,,.% en oe) 
delselée LE eeeec o 
de tonnerre..,..,...... 5 
de brouillard.......... 5 
de neige---.--""-Cre OM) 
de eréle i IUNnnns 


«| THERMOMÈTRE EXTÉRIEUR  MÉ s 

e ANS RD DL BAROMETRE METRIQUE. se 

2 | 1 | 5 À 
#1 Maximum. | Minimum. [aMini] Maximunw. | Minimum. A |r2 

. MIDI, # 

heures. o ‘heures: o heures. mill. |, heures ill, mill. e 

alais. +-27,40|à 4 m. +#16,00|+27,00|à 7 m.…........ 761,28|à93s........758,02|760,32| 21,5 
2[à midi +-27,75là9s. “16,50|+27,75|à96..........758,86|à4m......... 756,24175628| 21,7 
3[à midi Æ22,5o[à11s. 13,25] 22,50fà 11 5... .....765,24|à 4m... ....760,68 763,78 21,0 
4l23s. 19,10 à 10 +s.—+10,29|+#18,50| 9+m....... 765,oë|à 1025... ..-702,60 765.06 19,5 
5là midi +18,00[à 105. +-10,25|4-18,00|à 4 m.........759,36/à 105.,.. .,.,754,28 755,84 19,7 
6[à3s. +17,40 à 4m. + 9,00|416,25|à 4m......... FO LED TE See ee 750,45|751,96| 18,2 
7là3s. <+21,40/44m. ++ 9,75]H19,78|à 103 s....... 752,36 {4 me... 2: 751,00|751,56| 19,0 
ôlà midi +24,00/ 4m. + 9,40|+24,00{à 9m......... 753,04|à 9 3 S........ 752,40|759,82| 19,6 

A ola3s. <+17,50|ù 4m. +12,00|+-16,40|à 4 m.........750,26[à 85.......... 746,80|748,08| 16,1 
Aliolà midi +19,25{à 11. 411,00] Hr9,15[à 11 s.........707,52[à 4m....1...: 749,921753,36| 18,1 
dlrrlà midi +-23,25 à 4m. + 9,50[+23,25|à midi. ..2.:.7509,38[à 4m. ........757,04[750,28| 18,8 
dlrolh midi 25,50 àqgm. —10,00|+25,50 à 9 15........760,68|292m......: .756,841756,96| 19,2 
13]a3s.  +20,25|à 4m. + 9,75]419,25 à nudi,....... 765,52|à 4 m..... ....763,06|765,52| 19,6 
{lr4jà midi 24,77 à 4m. +10,65|+24,77|à 4 m.........764,52là9s........ 759,22/762,70| 20,0 
1l15à midi Æ20,25|à 9? s. Hr2,50[+20,25là 7 m......... 757,28|à53 m........755,20/756,00| 19,8 
16|à 515. 17,25 à 4m. + 12,25|4-17,00|à 9 + s........ 761,12|à 4 m.........756,18]759,44| 19,3 
17{à 3s. +18,25[à 4m. + 9,75|+16,40|à midi... ...... 761,72|à 4 m.........760,92|761,72| 16,3 
18làmidi <+15,25[a4m. + 0,75|+15,25|à 4 m........ 760,00[265.......... 758,64|759,50| 17,4 
19/à3s. bHi7,oo!à 4m. “+ 8,50[+15,75jà 10 Ès.......760,98|à 3s.......... 759,32|750,82| 17,3 
20jà midi +16,25|à 4 m. + 8,75]+16,25|à 10m........763,88|à4m......... 761,20|762,04| 17,4 
Hl2rlà midi <i7,ooà4 m. + 7,25|+17,00|à 9 m.........764,52|a6 s.......... 764,02|764,64| 174 
221à3s. +18,12/à4m. “+ 7,25|417,25|à 4 m.........764,00/153s......... 762,54|763,30, 17,4 
Bl23làa 3s. <+18,00[à4m. + 8,75|+17,12/à 9 4 m.....,.764,28[à 535....... .762,60|763,92| 17,3 
Nl24là3s. “—+20,25|à 4m. + 9,00[+19,75|à 92m........ 763,10|[à33s...... -<..762,16|762,90| 17,6 
dI25/à3s. +H22,15|à 4m. <+i0,75l+2r,15fà 7m......... 763,721a6 s...... ....702,44763,64| 19,2 
26|à 9m. +-18,25|à 4m. +12,75|+17,79|à 7 m...... ..763,04\à 11 S........760,50|762,60| 19,3 
dI271à3s. 21,604 m. +H13,15|2075|à gm......... 759,78là 65.......... 758,24|759,44| 18,8 
1|20lhois. <+2465|à 4m. +Æro,oo|+22,90fà midi........ 759,10|à35s....... ...75890|759,10| 19,7 
29|à 94 m.+23,75là4m. +11,25|+r0,10/à 7 m........757,22/à6 s.......... 755,40|797,20| 19,4 
|Jo|à midi <+-19,00[à 4m. +10,00|+19,00[à 7 m......... 758,00là 35.4. ..... Re 19,0 


757,791790,22| 1d:9 


Nora. Nous continuerons cette année à exprimer la température au degré du thermomètre cen- 
centièmes de millimètre, Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu’on 
le thermomètre de correction. À la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre 


conclus de l'ensemble des observations, d’où il sera aisé de 


éterminer la température moyenne 


conséquent, son élévation au-dessus du niveau de la mer. La température des caves est également, 


A T’OBSERVATOIRE IMPÉRIAL DE PARIS. 


JUIN 1813. 
0 
SLR POINTS VARIATIONS DE L'ATMOSPHERE. 

[=] . 
a VENTS. 
HI «2e LUNAIRES. ri 
à midi, LE MATIN. A MIDI. LE SOIR. 
1l 78 IN-E. Couvert. Pluie, grêle, tonnerre.| Nuageux. 
2| 63|E. Nuageux. Nuageux. Pluie , tonnerre. 
3l 71 |N-0. Quelques éclaircis. Idem. Beau ciel, pluie à 5h. 
4l 76| Idem. Gouvert, brouillard. |Couvert. Couvert. 
5| 76/N. P.Q.àgb26/5.| Couvert. Idem. Pluie fine. 
6| 69|N-E. Idem. Très-nuageux. Très-nuageux. 
7| 7o|E. Très-nuageux. Nuageux. ï Beau ciel. 
8| 74 |5S-E. Pet. nuag. àl’hor. [Quelques éclaircis. |PZie, tonnerre. 
ol 84|S-S-E. Pluie abondante. Pluie. Pluie abondante, 
10] 6310. Lune apogée. | Pluie. -__ [Couvert. Beau ciel. 
11] 683 /|S. rues éclaire. ,br.| Nuageux. Idem. 
121] 861ÎS-E uageux. Taem. Couvert, éclairs. 
13] 69|0. Idem. Idem. Beau ciel. 
14] 73 |S-0. P.L.àob4rm.| Très-nuageux, brou.| Z4em. Nuageux. 
15} 730. Très-nuageux. Idem. Idem. 
16| 71|N. Pluie. Quelques éclaircis. Idem. 
17| 73[N-0O. Très-nuageux. Couvert. Couvert. 
18] 73|N-E. Petite pluie. Pluie, Pluie. 
19] 74IN. Idem. Très-nuageux. Beau ciel. 
20| 78| Idem. Nuageux, Petite puie. Nuageux. 
21] 75| Idem.  |DQ.a4h255.| Idem. Couvert. Pluie. 
22] 7o| Idem. Idem. Très-nuageux. Beau ciel. 
23| 7o|N-E. Couvert. Idem. Idem. 
241 67| Idem. Petits nuages à l’hor. |Petits nuages. Nuageux à Phorizon. 
25} 68| Idem, Lune périgée.| Beau ciel. Beau ciel. Superbe. 
26] 74| Idem. Légères vapeurs, Légérement couvert.| Idem. 
27| 74) Idem. , ÎN.L.16h3%6m.| Nuageux. Pette pluic. Pluie parinterv., ton. 
28] 61/|S-0. Idem , \éger brouil.|Très-nuageux. Beau ciel. 
29| 8215. Idem. Pluie , tonnerre. Pluie, tonnerre. 
3o| 75 |S-0. Nuages , à l'horizon. | Pluie par intervalles. | P/uie par intervalles. 
Moy.75,0 è RÉCAPITULATION. 
NEC ci 26 FRET 
INSERM ee EE DD Te. 
Doc coerdec ou 2 
Jours dont le vent a soufflé du &E SE FETES + 3 
SOLS Habondobr 3 
OPEL debat 3 
INÉSCPAEER PAROI DA 3 


le 1° 12°,100 
Therm. des caves 


le 16 12°,100 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 82""50 — 3 pouce o lig. 6 dixièm. 


tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c’est-à-dire en millimètres et 
emploie généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
etdu thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le #72aximum er le minimum moyens, 
du mois et de l'année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoire de Paris et par 
exprimée en degrés centésimaux, afin de rendre ce Tableau uniforme. 


36 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


SUITE DES VUES 


SUR 


L'ACTION GALVANIQUE, 


PAR J.-C. DELAMÉTHERIE, 


J'AI prouvé dans le cahier précédent.de ce Journal, que l’ac- 
tion galvanique est, avec le concours de l’eau, la principale cause 
de Ja fermentation. 


Cette fermentation est ordinairement accompagnée d’une cha- 
leur plus ou moins considérable, qui quelquefois passe à l’in- 
flammation. Des meules de foin humide s’échauffent considéra- 
blement, et quelquefois s’'enflamment. (FoyezSenebier, Journal 
de Physique , tom. XVII, pag. 433. ) 

Du chanvre, du lin, des étoffes... imbibées d'huile, s’é- 
chauffent , et souvent s’enflamment. On en a divers exemples 
dans les magasins de marine. On en a cité plusieurs dans le Jour- 
nal de Physique ,; (tom. XX, pag. x, et jusqu'a 30.) 

L’inflammation des pyrites exposées à l’air humide, celle du 
fer et du soufre humectés d’eau, ( dans l'expérience fameuse de 
Lémery)..., paraissent toutes des effets de l’action galvanique. 


L’inflammation des pyrophores, celle des huiles sur lesquelles 
on verse de l'acide nitrique , celles..., sont peut - être encore 
dues à ces mêmes causes. 

Ces faits prouvent que l’action galvanique peut produire cha- 
leur et inflammation, de la même manière que l’étincelle tirée 
d’une puissante pile. 

Or nous avons vu que tous les grands globes paroissent gal- 
vanisés : et la chose est prouvée par les faits, relativement au 
globe terrestre, Il est dans un état habituel d'électricité, qui le 
fait appeler par les physiciens le magasin commun. Nous en 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 37 


avons assigné la cause dans la composition de ces globes, qui 
sont formés de substances hétérogènes, lesquelles se galvanisent 
mutuellement. 


Ce galvanisme du globe terrestre paroît être la cause prin- 
cipale des effets volcaniques, des tremblemens de terre... 


Ces globes peuvent donc, dans certaines circonstances , s’en- 
flammer, ou au moins devenir nébuleux. C’est ce que les faits 
démontrent. 


Les comMÈTES deviennent nébuleuses à leur périhélie, et 
même quelquefois paroissent enflammées. 


La LUNE paroît jouir d’une foible nébulosité : car dans ses 
éclipses la portion éclipsée qui n’est pas éclairée par les rayons 
du soleil , s’apperçoit néanmoins, et a un foible éclat, qu’on ap- 
pelle lumière cendrée. 

« On voit distinctement après la nouvelle lune, dit Lalande, 
» dans son Astronomie, $ 1412, que le croissant qui en fait la 
» partie la plus lumineuse, est accompagné d’une lumière foible 
répandue sur le reste du disque. Elle nous fait entrevoir toute 
» larondeurde la lune ; c’est ce qu’on appelle LUMIÈRE CENDRÉE. 


» 
© 


VÉNUS a également ses phases, et son corps paroît jouir d’une 
foible lumière, ou d’une lumière cendrée. 


Il en est de même probablement de Jupiter et de toutes les 
autres planètes, de la terre elle-même. 

Il est probable que cette lumière cendrée provient de l’état 
galvanique de tous ces corps, qui leur donne un état nébuleux. 


Les astronomes attribuent, à la vérité, la Zumière cendrée 
de la lune, à la lumière réfléchie de la terre sur cet -astre. Mais 
cette supposition ne pourroit avoir lieu pour Vénus et les autres 
planètes , ni ®our les comètes. 


Les soleils et les étoiles sont également composés de parties 
hétérogènes; car les taches de notre soleil ne sont pas lami- 
neuses comme les autres parties de sa masse. 11 y a donc éga- 
lement galvanisme dans ces astres, suivant les analogies. 


Ne peut-on 2e conjecturer , suivant ces mêmes analogies , 
que c’est ce galvanisme qui les rend lumineux, et leur donne la 
grande chaleur qu'ils manifestent ? car ce sont des effets ana- 
logues à ceux que produit l’étincelle de la pile voltaïque. Cette 
étincelle est très-brillante, et produit une chaleur capable de fondre 
des corps très-réfractaires. 


20 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Cependant les rayons solaires ne paroïissent pas jouir de cette 
chaleur par eux-mêmes, ainsi que nous l'avons dit précédem- 
ment ; car ils n’en ont point, outrès-peu sur les montagnes élevées, 
quoique leur lumière y soit très-vive et'très-pare. [ls n’acquièrent 
cette chaleur que par leur contact avec les corps terrestres, qui 
leur sont hétérogènes. Il y a donc galvanisme entre ces. corps et 
les rayons solaires, d’où naît cette chaleur; 


Et une action plus ou moins énergique sur les corps qui y 
sont exposés : ils sont plus ou moins décomposés, plus ou moins 
altérés, ainsi que nous l’avons vu pour le muriate d’argent... 


C’est probablement à la même cause qu'est dû l’état lumi- 
neux de la matière nébuleuse elle-même; car elle paroît com- 


posée de parties hétérogènes , qui par conséquent doivent se 
galvaniser. 


Mais la chaleur augmente le galvanisme, et le froid le diminue, 
et même peut le faire disparoître. 


C’est un fait que Desseignes a constaté par un grand nombre 
d'expériences ( Journal de Physique , tom. LXXIIT, pag. 23 et 
417). Ila galvanisé des grenouilles , et Les ayant placées dans des 
vases entourés de glace, leur galvanisme a diminué , et même 
disparu. 

Les comètes, qui paroïssent de matière nébuleuse, nous pa- 
roissent opaques à leur aphélie : en s’éloignant du soleil, leur 
lumière diminue, enfin elle disparaît. Mais elles redeviennent lu- 
‘mineuses à leur périhélie : leur plus grand éclat est lorsqu’elles 
sont les plus proches du soleil. 


Les planètes paroïssent également jouir de quelques nébulo- 
sités, ainsi que nous venons de le prouver. 


D’autres faits viennent à l'appui de ceux-ci pour prouver que 
»4 : : AHPRUEU rq 
l'état lumineux de la matière nébuleuse provient du galvanisme. 


Le fluide électrique se répandant dans un vaisseau privé d’air 
par la machine pneumatique , donne une lumière DIFFUSE ; qui 
a beaucoup de rapport avec la matière nébuleuse. 

Les aurores boréales ont également une lumière DIFFUSE, 
analogue à la matière nébuleuse. Or ces aurores qui sont proche 
de_notre globe, sont regardées par les physiciens, comme un 
phénomène électrique. 


D'autres aurores boréales, qui paroissent éloignées de notre 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 39 


globe de deux à trois cents lieues, suivant de Mairan, parois- 
soient être produites par une matière nébuleuse. 


La lumière zodiacale est également un effet de la matière né- 
buleuse, comme je l'ai dit, Discours préliminaire de cette 
année, pag. 67; et c’est également l'opinion de Laplace. 


Nous pouvons donc regarder l’état de la matière nébuleuse, 
comme très-analogue à celui de l'aurore boréale proche notre 
globe, à celui du fluide électrique dans des espaces privés d'air 
atmosphérique... 


La phosphorescence des corps terrestres a également beaucoup 
d’analogie avec la matière nébuleuse, comme je l'ai dit, Ds- 
cours préliminaire , tom. LXXVI, pag. 66: elle en paroît un 
effet. 


Tous les corps galvanisés sont, comme les piles puissantes, en- 
vironnés d'une atmosphère galvanique. 


Les grands globes étant dans un état continuel de galvanisme, 
doivent donc également avoir de puissantes atmosphères galva- 
niques. 


Ces atmosphères remplissent les espaces intermédiaires entre 
ces grands corps. 

Elles agissent sur tous les corps en raison des masses et de 
l'inverse des carrés des distances : car c'est la loi générale de 
tous les fluides éthérés, l’électrique , le magnétique. 


Cette action des atmosphères galvaniques paroît être la cause 
de la gravitation universelle, comme nous l'avons dit précédem- 
ment. 


Cette matière nébuleuse dont Herschel croit que le cielet lesastres 
ontété formés,®aroît avoir été connue de quelques philosophes hin- 
doux (1); car Strabon , en parlant de l'Inde, dit : il y a deux classes 
de philosophes, les Germanes et les Brachmanes. Ces derniers 
admettent, outre les quatre élémens, une cinquième substance, 
qu’ils appellent akasch , dont ils disent que le ciel et les astres 
sont. composés. 

Et prœter quatuor elementa quintam AKASCH quŒædam na- 
ÉUTAM 65e , EX QUA COELUM ASTRAQUE CONSTANT. 


(1) Comme je l’ai dit en 1805, dans mon ouvrage de la Nature des Êtres 
existans , pag. 278, avant que Herschel eût publié son travail sur la Matière 
nébuleuse. 


40 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Alexandre ayant fait passer à Aristote les ouvrages des Brach- 
manes, celui-ci adopta leur opinion sur Pakasch, à laquelle il 
donna le nom d’ertelechion , ou matière qui se meut continuel- 
lement. C’est ce que nous apprend Cicéron dans ses Tusculanes, 
livre premier , $ 10. 

ARISTOTELES quintum genus adhèibet vacans nomine: sic 
el ipsum animum eyreAeXeiœv appellat novo nomine, QUASI 
QUAMDAM CONTINUATAM MOTIONEM ET PERENNEM. 


Tous les philosophes de la Grèce admirèrent également cemême 
principe , cette cinquième substance; ils la regardèrent, ainsi que 
Aristote , comme un esprit, anëmum. 

Ils furent plus loin, et dirent que tous les esprits, les theos 
Oews , étaient formés de cette cinquième substance, parce qu'ils 
ne concevaient pas que ces Gcoc pussent être formés d’un des 
quatre autres élémens, le feu , l’air, la terre ou l’eau. Ils croyoient 
d’ailleurs que ces 0sws avoient un mouvement continuel, comme 
l'entelechion [ Voyez mon ouvrage de la Nature des Etres exis- 
tans, pag. 260 (1).] 

Maisquelle est cette matière nébuleuse , cet akasch, quelle est 
sa nature? Nous l’ignorons. La nature de toutes les substances nous 
est cachée. Nous ne connoissons que, quelques effets. 

Cette matière nébuleuse existe. On la voit, C’EST UN FAIT 
CERTAIN. 


(1) Cette matière nébuleuse étoit, bien antérieurement à Alexandre, connue 
des anciens philosophes grecs qui, sans doute, en avoient eu connoissance 
dans leurs voyages dans l'Inde; car voilà ce qu’en dit Deslandes, Histoire de la 
Philosophie , tomel, pag. 251. 

« Il paroît que dans l’antiquité la plus reculée (il cite plusieurs anciens phi+ 
Tosophes) on n’admettoit qu'une seulesubstance. . . divisée en trois parties qui, 
réunies ensemble, forment ce que Pythagore appeloit le rour. 

» La première partie de cette substance est proprement ée qui détermine 
Vessence des génies... j 

» La seconde partie compose les globes célestes, le soleil, les étoiles fixes , 
les planètes, ce qui brille d’une lumière primitive et originale. 

» La troisième, enfin, compose les corps et généralement tont l’empire sub— 
lunaire , que Platon dans le Timée nomme le séjour du changement, la mère et 
la nourrice du sensible. » 

On voit que cette seconde partie, dont sont composés lesastres , suivant ces 
philosophes , qui brille d'une lumière primitive et originale , est la matière né 
buleuse, ou l’AKAsCH. 

Pythagore et plusieurs autres philosophes avoient été s’instruire dans l'Inde. 


Mais 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 41 

"Mais les effets qu’on lui attribue, et les qualités qu’on lui 
suppose, 72€ sont pas également certains. è 
… Herschel a observé avec beaucoup d’exactitade cette matière 
nébuleuse. I] l’a suivie dans tous ses états. (F’oyez son Mémoire, 
Journal de Physique , et les planches, tom. LXV, pag. 121); le 
résultat de ces observations l’a conduit à croire que cette ma- 
tière nébuleuse’ est la matière dont est construit le ciel, c’est- 
à-dire tous les astreslumineux ou non-lumineux. 

Il vient d'appuyer son opinion par les observations qu'il a 
faites dela belle comète de rë8rr. 

Laplace soutient la même opinion ( Voyez le Cahier pré- 
cédent ). | Ho 
+ Le globe terrestre étant un de ces astres, doit donc, suivant 
cette opinion, avoir été également formé de matière nébuleuse, 
et par conséquent tous les-corps terrestres. 
: Dans CETTE OPINION , on doit donc dire que la matière pre- 
mière dont sont formés tous les corps existans, étoit primitive- 
ment à l'état nébuleux, ou a acquis cet état nébuleux avant que 
de former ces corps. 


Mais cette matière-étoit-elle d’une même nature et homogène ? 
et auroit-elle pu , en la supposant homogène , former les Re 
élémens et des corps si différens ? 

Il paroît plutôt que cette matière nébuleuse est composée de 
différens principes hétérogènes, rendus nébuleux par la même 
cause. 

Le fluide lumineux est composé de divers rayons hétérogènes , 
qui ont le même état lumineux ou nébuleux. 

Il paroît dünc qu’on peut conclure de tous ces faits, en ne 
nous écartant pas des analogies , que, 


10, La matière première dont est composé l'univers qui nous 
est connu, peut nous paroitre sous deux états différens, ainsi 
que nous l’appercevons dans les comètes à différentes époques. 

: a, Elle peut, à l’état nébuleux ou lumineux, être DIFFUSE, 
comme dans les comètes à leur périhélie, La comète de 1810, 
observée par Flaugergues, et dont il a donné la figure dans ce 
Journal, tom. LXXIIT, ressembloit à une nébuleuse décrite 
par Herschel ; figure 2, dans ce Journal, tom. LXXV. (Voyez 
mon Discours préliminaire de cette année, tom. LXXVI). 


- b. Celte matière nébuleuse peut être CONDENSÉE par une 
force condensante, ou attraction, dit Herschel. Elle acquiert 


Tome LXXV'IT. JUILLET an 1813. F 


42 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


alors, beaucoup de densité, et paroît opaque, comme dans les co- 
mètes à leur aphélie, dans les planètes... 

29, Mais cette matière à l’état nébuleux n’est pas homogène: 
elle doit être, comme le fluide lumineux, composée de parties 
hétérogènes, dont sont formés les diférens corps qui existent 
dans les astres divers, et sur notre globe en particulier. 

80. Les molécules de cette matière nébuleuse ont une force 
propre; en vertu de cette force elles se sont réunies et ont cris- 
tallisé d’une manière générale, 

4°. Par cette force elles ont formé les grands globes, et leur 
ont impriiné le double mouvement qu’ils ont, celui de rotation 
autour de leur axe, et celui de transport dans leurs ellipses. 

Des cristallisations particulières sur chacun de ces globes, y 
ont formé divers corps, par exemple, sur notre globe, des mi- 
néraux, des végétaux et des animaux. 

Je vais rappeler ici la manière dont j'ai conçu qu’avoient 

u être opérés ces grands phénomènes ( Théorie de la Terre, 
tom. III, pag. 137) PAR UNE CRISTALLISATION GÉNÉRALE 
DE LA MAIIÈRE EXISTANTE. 

» Toutes les parties prémières, aï-je dit, agitées sans cesse 

» parleurs forces propres (1) se appr'ochèrént , se combinèrent, 


(1) Chacune de ces parties (ai-je dit, ibidem, pag. 9) a une force propre 
qui en est inséparable , dont elle ne sauroit jamais être dépouillée. Tous les faits 
connusne nous permettent pas d’en douter. 

Prenons, par exemple, les acides, les alcalis.... 

On verse sur du sel ammoniac, de l’acide sulfurique , l’acide marin ( muria- 
tique) se dégage avec toute sa volatilité ordinaire. 

On verse sur le même sel amimoniac, de l’alcali fixe caustique , ou de la 
chaux ; l’alcali volatil se dégage avec toute sa vivacité. 

Cependant lorsque l’acide marin et l’alcali ammoniacal étoient combinés, 
aucune de leurs qualités respectives ne paroïssoit. Leur activité n’étoit donc que 
suspendue : leurs forces étoient in nisu ; car dans lés deux expériences précé- 
dentes , rien n’a pu leur donner üne telle activité. Ge n’est pas la chaux qui a 
réndu l’activité à l’alcali ammoniacal; ce n’est pas l’acide sulfurique qui auroit 
donné la même activite à l’acide marin. 

L’acide flubrique dans le fluor est in nisu : dégagé par l'acide sulfurique ; il 
reparoil avec toute sa volatilité. 

La même chose a lieu dans toutes les autres combinaisons des corps. 

On ne peut donc s'empêcher d’avouer que les premiers élémens des corps, les 
premières parties de matière ont une force propre qui en est inséparable....; 
elle disparoit , lorsqu'elle eët £n nisu , mais elle reparoi dès que la combinaison 
est brisée. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. . 4 


et formèrent des premiers composés, tels que le feu, le fluide 
lumineux , le fluide éthéré, le fluide électrique, le fluide magné- 
tique , les différentes espèces d’air, les différentes espèces de terre, 
l'eau... 

Ces différens composés primitifs, qu’on appelle /émens , con- 
servèrent plus ou moins d'activité : ils s’agitèrent, se beurtérent ; 
ils s’unirent un instant, s’éloiguèrent le moment suivant, se réu- 
pirent de nouveau, ..; et enfin résulla une CRISTALLISATION 
GÉNÉRALE DE TOUTE LA MATIÈRE EXISTANTE. 

Cette cristallisation s’opéra d'une manière à peu près analogue 
à celle qui a lieu dans de grands vases où on met diverses subs- 
tances, acides, alcalines, terreuses, métalliques...; chaque subs- 
tance se combine avec celle qui a de l'aflinité avec elle. 

Ces combinaisons ont formé deux espèces de corps, les solides 
et les fluides... . 

Dans cette cristallisation générale de la matière, les parties 
similaires se sont réunies ‘par la loi des affinités, dans les divers 
points de l’espace, et y ont formé différens centres : ce sont les 
grands corps célestes. 


Ils ne se sont pas réunis dans l’espace à des distances à peu 
É. égales, mais ils se sont amoncelés cà et là par groupes. 

eur nombre est si immense, que, comme dit Laplace, on a 
de la peine à concevoir des bornes à l'univers. 

Herschel a prouvé qu'il existe des étoïlesde la 1342° grandeur, 


dont la lumière ne parvient à la terre qu’en près de deux millions 
d’années. 


Et sans donté il y en a à de plus grandes distances, qu’on 
appercevroit avec des télescopes plus puissans. 


Les molécules des corps solides se réunirent ; les parties qui 
avoient le plus de masse, gagnèrent les centres de ces réunions. 
C’est ainsi que se formèrent les étoiles, les soleils , les planètes, 
les comètes.... 

Les parties les plus légères surnagèrent, et formérent les fluides 
éthérés , le lumineux, le calorique, l’électrique, le magnétique, 
le nébuleux, l'air pur ou oxigène, l'air impur ou azote, l'air 
inflammable ou hydrogène. ... 

Ces fluides formèrent des atmosphères autour de ces grands 
corps, et remplirent les espaces intermédiaires. 

F2 


44 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Ceux de ces grands corps que nous connoissons sont de deux 
espèces. 

‘Les uns sont lumineux, 

Les autres sont opaques. 

La cristallisation générale n’a pu s’opérer qu’autant que les 
élémens étoient dans un état de fluidité. ... | 

La figure qu'ont tous les corps célestes’est une autre preuve 
‘de la fluidité des élémens dont ils ont été composés; car cette 
figure est conforme à celle que donnent les forces centrales... . 


Il étoit possible que les forces des molécules qui ont formé 
les grands globes, fussent en général dans un parfait équilibre: 
pour lors la masse étoit dans un repos absolu , et n’avoit aucun 
mouvement, ni de rotation, ni de progression, comme sont, 
par exemple, nos pierres, nos mélaux.... 


Si au contraire les forces de ces molécules n’étoient pas en 
général en équilibre, ce qui a eu ordinairement lieu , les masses 
n’étoient point en repos. Elles eurent un mouvement quelconque, 
comme, par exemple, nos acides, nos liquides... 

Si la direction générale des forces ne passoit pas par le centre 
de ces grands globes, ce mouvement les fera tourner sur eux- 
mêmes, sur des lignes qu’on appelle leurs axes. 


J. Bernoulli a calculé les forces nécessaires pour faire tourner 
les planètes sur les axes. Il les a supposés immobiles, et qu’un 
-choc quelconque leur a été appliqué à une certaine distance de 
leur centre. Il a estimé cette distance en partié de leurs rayons, 


Pour Jupiter à Z de son rayon. 
Pour Mars à + de son rayon. 
Pour la Terre a ; de son rayon. 


1 


Pour la Lune à = de son rayon, suivant d’Alembert. 


. + e de Melle llretie luide darie.de delle tter élllet s bise, 5 


Mais quelle est la main qui auroit donné ces chocs? 

Je suppose donc que lors de la cristallisation et de la for- 
mation des corps célestes, il y a eu inégalité de forces dans les 
parties dont ils ont été formés. Les centres de ces forces se sont 
trouvés tels que Bernoulli les a supposés par un choc. Elles 
ont imprimé à chaque globe un mouvement de rotation sur 
son axe. 


Le mouvement dans leurs ellipses a été produit par la force 
centripète, dont la cause est dans le fluide gravifique. 


m1 se Me ilatlle t'es Le le eo Me le ‘ele 17e . + + + + + © 


Cu ET D'HISTOIRE NATURELLE. : * 45 


: Cet exposé des faits prouve que,la formation de l'univers a 
été opérée par celte force propre des premiers élémens de la 
matière, qui a produit une CRISTALLISATION GÉNÉRALE : 


Et l’ordre présent se conserve par la permanence de cette force 
première. 

Comment cette force a-t-elle pu arranger les corps existans de 
la manière dont ils le sont ? et les conserver dans le même ordre? 
Nous l'ignorons ; mais certainement les combinaisons existantes 
sont une suite de ce mouvement, de cette cristallisation. 


Cette difficulté est la même dans toutes les opinions ; car Sé- 
nèque en parlant de la cause première, dit 

SEMPERPARET, SEMEL JUSSIT. Seneca (de Providentia, 
capu£ V.) 


_Semel jussit. Elle a ordonné une fois en donnant ce mou- 
vement premier, tel qu’il le falloit pour former l’univers. 


Semper paret. Elle obéit toujours ( laissant agir ce mouvement 
premier.) | 


e'fopie te Le tls foie 15 Te er ralemte tete 


Il faut ajouter à ces faits, ceux que je viens d’exposer dans 
ces Vues sur l'Action galvanique : savoir, que 

a Il paroît que cette matière, dont est composé l’univers, étoit 
à l’état nébuleux. 

à. L'action galvanique a la plus grande influence dans tous 
ces phénomènes. 


Cette matÿre première, qui étoit nébuleuse, peut perdre de 
son éclat par la condensation, en se condensant par la force d’at- 
traction. 


Elle peut acquérir un nouvel éclat et repasser à l'état DIFFUS 
de nébulosité, par diverses causes : 


a Par lachaleur, comme dans les comètes à leur périhélie ; 


à Ou par une plus grande quantité de galvanisme, ou d’élec- 
tricité, comme dans quelques aurores boréales, ‘dans la lumière 
zodiacale...; 


c Ou par quelqu’autre cause qui ne nous est pas encore bien 
connue. 


Le Brouillard sec , par exemple, qui , en 1783, couvrit pendant 
plusieurs mois, une partie de l'Europe (Voyÿez-en la description 


46 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
par Coite dans ce Journal, tome XXIII, pag. 201, et celle 
qu'en donnèrent Toaldo et Lamanon , même Journal, t. XXIV, 
ps 1 et 8) étoit peut-être une espèce particulière de nébu- 
osité produite par une cause qui ne nous est pas encore connue. 
Elle paroît dépendre du galvanisme. Plusieurs physiciens la re- 
gardèrent comme un effet de l'électricité. Mon ami Lamanon lui 
donnoit le nom de brouillard électrique (ibidem ). 


Les connoissances actuelles doivent la faire regarder comme 
une espèce de nébulosité. 


Ces faits portent à croire que la matière première dont a 
été composé l’univers, étoit à l’état aériforme. 

C'étoit l'opinion d'Anaximène { qui disoit que tout étoit com- 
posé d'air. « Anaximène admet l'air et l'infini comme principes 
de toutes choses, » dit Diogène de Laerce dans la vie de ce 
philosophe. 

IL est probable que par AIR, Anaximène enfendoit la matière 
à l’état aériforme. Il avoit vraisemblablement puisé cette doctrine 
auprès des Brachmanes. 

J'ajoute que les belles expériences de Morichini, sur le pouvoir 
qu'ont les rayons violets de mapgnéliser des aiguilles d'acier, pa- 
roissent rendre très-probable , que /e magnétisme du globe ter- 
restre a été produit , ét est entretenu pur les raÿons de lumière 
qui y arrivent journellement. 

Mais Morichini présume que le fluide lumineux, le fluideélec- 
trique.... ne sont peut-être que les modifications d’un seul fluide. 
Dans cette hypothèse , le magnétisme pourroit doncèêtre regardé 
comme un effet de l’action du fluide galvanique. 

Peut-être le fluide lumineux contribue-t-il également à l’élec- 
tricité du globe! 

T'elles sont les notions sur les grands phénomènes de la nature, 
qui me paroissent les plus vraisemblables, dans l’état actuel 
de nos connoissances. Elles prouvent que l’ACTION GALVANIQUE 
Y À LA PLUS GRANDE INFLUENCE ; elle agit continuellement. 


Ces vues sur l’action galvanique paroïissent appuyées sur 
des faits bien constatés, mais on ne sauroit être trop circonspect 
sur de pareils sujets. Il faut donc, peut-être encore pour leur 


donner un entier assentiment, attendre de nouveaux aits, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 47 


DESCRIPTION 
DES MOYENS ET PROCÉDÉS 


EMPLOYÉS A PARIS, 


Par M. BONMATIN, 


POUR EXTRAIRE 


LE SUCRE DE BETTERAVE. 


ARRÊTÉ 


De Son Excellence M. le Comte DE SUSSF, Ministre des 
Mañu/factures et du Commerce, qui en ordonne la publication. 


LA 
Paris, 12 juin 1812. 


Le Ministre des Manufactures et du Commerce; 


Vu la Lettre qui nous a été écrite, le 28 mai dernier, par 
M. le sénateur comte de Chanteloup , président de la commission 
dessucres indigènes, laquelle est concue dansles termes suivans: 

« J’ai lu attentivement la Description du procédé du Sr Bon- 
» matin, qui m'a été adressée par Votre Excellence. 

» Ce procédé est le plus simple, le plus sûr et le plus écono- 
» mique que je connoisse. On l'a pratiqué trois fois sous mes 
» yeux, el toujours avec un égal succès. M. le baron B. Delessert, 
» qui l’a fait exécuter dans ses ateliers pendant le dernier mois 
» de ses travaux, s’en loue beaucoup. 1] est convenu avec moi, 


43. JOURNAL DE PHYSIQUE; DE CHIMIE 


» qu'il a sur celui dont il s’étoit servi jusqu'alors, le triple avan- 
» iage d'améliorer la fabrication de six sous par livre de sucre, 
» de fournir une qualité plus belle, et de permettre de fabriquer 
» un tiers de plus avec même nombre d’ouvriers. 


» Le Sr Bonmatin a eu l'idée heureuse d'employer l'acide 
» après la chaux , ce qui clarifie et épure très-bien. Il a adopté 
» ensuite, pour cuire ses sirops , la méthode des raflineurs, qui 
» avoit été proposée et exécutée avant lui. Enfin il a suivi une 
» marche qui réussit parfaitement, et qui constitue un procédé 
» facile, dont la publication ne peut qu'être utileaux fabricans. 

» Un grand avantage de sa méthode, c’est qu’elle réduit beau- 
» coup les frais d'établissement , parce qu’on n’a plus besoin 
» d’étuves. 


» Les mélasses qu’elle fournit, sont très-bonnes, et trouveront 
» un débit aisé dans le commerce. » 


Vu la déscription des procédés du Sr Bonmafin ; 


Considérant que l'expérience a fait reconnoître et apprécier 
le mérite des moyens qu’il emploie. pour fabriquer le sucre de 
betterave; qu’elle a démontré qu'ils sont d’une pratique simple, 
facile, peu dispendieuse, etique leur ‘succès n’est ni incertain, 
ni douteux; qu'il importe en conséquence d’en répandre la con- 
noissance, afin que les fabricans de sucre indigène puissent en 
adopter l'usage, et rendre plus parfaits les produits de leur fa- 
brication, en même temps qu’ils en diminueront la dépense, ce 
qui produira un bénéfice et des avantages qu’ils partageront avec 
Je consommateur, 


Nous AVONS ARRÊTÉ ce qui suit: 


ARTICLE PREMIER. 


La Description des moyens et procédés employés par le Sr Bon- 
matin, pour la fabrication du sucre de betterave, sera imprimée 
à la suite du présent Arrêté, au nombre de deux milleexemplaires, 
et enyoyéeà MM. les Préfets de tous les départemens. 


ART. II. 


MM. les Préfets sont chargés d'en faire remettre un exemplaire 
à chaque entrepreneur de fabrique de sucre de betterave, à 


chacun 


nec as 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 49 


chacun des élèves qui auroient été admis gratuitement, ou à leurs 
frais, dans les écoles spéciales d’Aubervillers, de Wachenheim, 
de Douai, de Strasbourg et de Castelnaudary, aux sociélés sa- 
vautes ou qui s'occupent d'objets relatifs à agriculture et à l’in- 
dustrie , aux chambres de commerce, aux chambres consultatives 
de manufactures, aux pharmaciens les plus distingués par les 
connoissances qu'exige leur état , et à tous ceux qui, dans leurs 
départemens respectifs, se seroient livrés à des essais de fabri- 
cation de sucre indigène. 


Ils ferontaussi réimprimer la Description par la voiedesjournaux 
de leurs départemens. 


Le Ministre des Manufactures et du Commerce, 


Signé LE ComTE DE SUSSY. 


Description des moyens et procédés employés à Paris, par le 
S$! BONMATIN, pour l’extraction du Sucre de Betterave. 


Lorsque le suc de betterave a été extrait par les moyens 
connus, il faut, pouf obtenir le sucre brut ou moscouade qu’il 
contient en plus ou moins grande quantité, lui faire subir suc- 
cessivement les quatre opérations que nous allons décrire. 


PREMIÈRE OPÉRATION, 
Clarification du Suc de Betterave. 


On met dans une chaudière de cuivre placée sur un fourneau, 
le suc de betterave que l’on veut clarifier, et on le chaufle jusqu’à 
soixante - cinq degrés du thermomètre de Réaumur. Quelques 
instans avant d’arriver à cette température, on prépare un lait 
de chaux, en versant de l’eau bouillante sur la chaux vive ou 
caustique. 


Les doses des matières à employer sont, pour un litre de suc, 
trois grammes de chaux éteinte dans dix-huit grammes d’eau. 
Le lait de chaux étant fait, et le suc de betterave étant porté 


Tome LXXV'II. JUILLET an 1013. G 


5o JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

à soixante cinq degrés, on verse le premier liquide dans le suc; 
en ayant soin de laver le vase avec une portion de ce même 
suc, et d'agiter le tout à l’aide d’une spatule de bois. On pousse 
alors le feu de manière à élever la liqueur jusqu’à quatre-vingts 
degrés du même thermomètre ; mais aussitôt qu'il est à ce degré, 
il faut éteindre le feu, afin d'éviter l’ébullition, qui seroit nui- 
sible. Alors on conserve la liqueur dans un parfait repos pendant 
une heure; ce qui détermine la séparation d’une écume abon- 
dante, solide, foncée en couleur, que l’on enlève au moyen 
d’une écumoire , et que l’on met égoutter .sur un blanchet. Après 
avoir écumé cette liqueur, on l’abandonne encore deux heures 
à un repos absolu, dans la même chaudière, après quoi elle est 
filtrée à travers un blanchet. 


DEUXIÈME OPÉRATION. 


Saturation du Suc de Betferave. 


La liqueur qui filtre à travers le blanchet est limpide, bien 
moins colorée que ne l’étoit le suc de betterave, et offre une 
saveur sucrée rendue désagréable par la saveur âcre de la chaux. 


Pour neutraliser, en grande partie, la chaux dissoute dans 
lesue, on chauffe la liqueur jusqu’à soixante-cinq ou soixante-dix 
degrés de Réaumur; après quoi on y verse six décigrammes 
d’acide sulfurique, à soixante-six degrés de l’aréomètrede Beaumé 
pour les sirops, par litre de sucre clarifié. Il est indispensable 
d’affoiblir préalablement cet acide dans vingt fois son poids d’eau. 
Le mélange étant agité, on porte la liqueur à l’ébullition, et 
on enlève, à mesure qu'elles se présentent , les écumes que l’on 
met égoutter sur le blanchet. On soutient ainsi l'évaporation jus- 
qu'à ce que la liqueur bouillante marque quinze degrés à l'aréo- 
mètre ; le sulfate de chaux qui s’est formé, nage alorsabondamment 
dans cette liqueur; il faut filtrer celle-ci à travers le blanchet, 
afin de séparer le sel insoluble. 


TROISIÈME OPÉRATION. 


Préparation du Sirop de Betterave. 


La filtration de cette liqueur étant faite, et la chaudière étant 
pettoyée, on porte de nouveau à l’ébullition. On enlève succes- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. b£ 


sivement l’'écume qui se produit; et l’on diminue le feu, lorsque 
le même liquide présente les caractères d’un sirop. Pour que 
la cuisson soit complète, la liqueur doit marquer, bouillante, 
trente-deux degrés à l’aréomètre; alors on décante dans un vase, 
et l’on a un très-bon sirop de betterave qu'il faut conserver, 
sans l’agiter, dans un endroit frais. 


QUATRIÈME OPÉRATION. 
Conservation du Sirop de Betterave en Sucrebrut par le grenage. 


Avant de grener le sirop de betterave, et d’en obtenir ainsi 
du sucre brut ou moscouade, il faut abandonner dans un repos 
absolu pendant quatre jours au moins : par ce repos, le sirop 
laisse précipiter la plus grande partie des matières salines et des 
autres substances étrangères qu'il contient. 

Pour procéder au grenage, on doit décanter avec soin ce sirop 
dans une bassine, et n'opérer que sur cinquante kilogrammes 
à-la-fois. On allume le feu sous la bassine, de manière à mettre 
promptement le sirop en ébullition : il ne tarde pas à se pro- 
duire un boursounfflement considérable, que l’on modère en y 
projetant un peu de beurre; ilse produit aussi des écumes qu’il 
faut enlever à mesure. Pendant l’évaporation, le feu doit être assez 
actif pour qu’elle soit constamment très-grande ; on ne doit pas 
cesser d’agiter la masse à l’aide d’un mouveron, sans quoi le 
sirop se brûleroit. Il arrive un moment où la matière en ébul- 
lition forme des cloches qui se crèvent, et laissent échapper des 
vapeurs aqueuses et bien visibles. Comme on approche alors de 
la cuite, il faut plonger un thermomètre dans la masse, jusqu’à 
ce que le mercure monte à quatre-vingt-dix degrés de Reaumur. 
L'opération est ordinairement finie, quand on est arrivé à ceterme. 


Un moyen plus sûr de reconnoître la cuisson du sirop, est 
celui que pratiquent les raflineurs de sucre de cannes, et qu'ils 
appellent la preuve par le filet : il consiste à prendre avec le 
pouce, sur le mouveron, un peu de la masse bouillante , que 
lon comprime foiblement entre le pouce, au moyen du doigt in- 
dicateur; si, en séparant brusquement les doigts, de manière 
que l'index soit en haut, il se produit un filet assez long, et si 
ce filet casse près du pouce et remonte vers l'index, en prenant 


G z 


52 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


la forme d'un crochet, on a la certitude que la cuisson du sirop 
est complète. 


Alors on doit verser la masse dans un rafraichissoir ; on l’aban- 
donne jusqu'à ce que la chaleur tombe de quatre-vingt-dix à trente 
ou trente-cinq degrés. Quand elle est descendue à ce terme, on 
agite un peu cette masse, qui offre déjà des marques sensibles 
de grenage, et on la coule aussitôt dans des cônes ou formes 
de terre légérement humectées, dont l'ouverture inférieure a 
été bouchée avec soin. 

Après le refroidissement et la cristallisation complète du sucre 
dans les cônes , on débouche leur ouverture inférieure pour donner 
issue à la mélasse, et l’on a ainsi du sucre brut ou moscouade, 
qu'il est aisé de blanchir par le terrage, d’après le procédé des 
raflineurs. 

Signé BONMATIN, 


Rue d’Enfer, n° 76. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 53 


MEMOIRE 


SUR 


UN NOUVEAU COMPOSÉ DÉTONANT:; 


Par Sir HumrHry DAVY. 


EXTRAIT d’une Lettre adressée à l’honorable Sir Josepx 
BANKS. Londres 1813. 


Lu devant la Société royale, le 5 novembre 1812. 


JE crois devoir vous communiquer, Monsieur, et par votre 
entremise, à la Société royale, des circonstances arrivées à ma 
connoissance, relativement à un nouveau composé détonant très- 
extraordinaire. Je desire que ces circonstances soient rendues 
publiques le plutôt possible, attendu que les expériences qu'on 
tenteroit sur cette substance, peuvent avoir des résultats extré- 
mement dangereux, et que d’ailleurs jai déjà communiqué à 
plusieurs chimistes de mes amis la manière de la préparer, pour 
que ma propre expérience puisse les mettre à l'abri de tout danger 
à cet égard. 

Vers la fin de septembre je recus de Paris une lettre que m’en- 
voyoit un savant sur quelques objets de science. Elle renfermoit 
le paragraphe suivant: 

« Vous avez sans doute appris, Monsieur, la découverte qu’on 
» a faite à Paris, il y a près d’un an, d’une combinaison de 
» gaz azote et de chlorine, qui a Papparence d’une huile plus pe- 
» sante que l’eau, et qui détone avec toute la violence des métaux 
» fulminans à la simple chaleur de la main, ce qui a privé d'un 
» œil et d’un doigt, l’auteur de cette découverte. Cette déto- 
» nation a lieu par la simple séparation des deux gaz, comme 


54 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


» celle de la combinaison d’oxigène et de chlorine; il y a éga- 
» lement beaucoup de lumière et de chaleur produites dans cette 
» détonation, où un liquide se décompose en deux gaz. » 

La lettre ne parloit pas de la manière de préparer cette subs- 
tance, et n'entroit dans aucuns détails à son égard. 

Uu résuliat aussi curieux et aussi important dut m’intéresser 
d'autant plus, que depuis long-temps je faisois des expériences 
sur l’action de l'azote et de la chlorine, sans obtenir aucune 
preuve décisive dé leur pouvoir de se combiner l’un avec l’autre. 
Je dévorai en quelque sorte les différens journaux français de 
Physique et de Chimie, spécialement les Ænnales de Chimie 
et le Journal de Physique, dont la collection complète de 
l’année précédente nous étoit parvenue, croyant y trouver quel- 
ques détails relatifs à la préparation de cette substance, mes 
recherches furent inutiles. Le Monëteur ne m’ofirit pas plus de 
renseignemens. 

D'après le paragraphe de la lettre précitée, il étoit évident que 
que cette substance ne peut se former par aucune des opérations 
dans lesquelles entre la chaleur. Je crus donc devoir essayer de 
combiner l'azote et la chlorine dans des circonstances que r’avois 
jamais tentées jusque-là, je veux dire, de les présenter l’un à 
l’autreartificiellement refroidis, l’azote étant dansunétat naissant. 
A cet effet, je fis une solution d’ammoniac, refroidie par un 
mélange de glace et de muriate de chaux , passée lentement dans 
de la chlorine refroidie par les mêmes procédés. Immédiatement 
après, une violente action eut lieu accompagnée de fumée d’une 
odeur très-désagréable; dans le même temps je vis se former sur 
la surface de la liqueur en pellicule extrêmement mince, une 
substance jaune; mais bientôt elle disparut, et se dissolut im- 
médiatement en gaz. Je me disposois à répéter l'expérience en 
substituant l’ammoniac de Prusse et d’autres composés d’am- 
moniac, dans lesquels l’action de la chlorine devoit produire une 
chaleur moindre que dans la solution pure de gaz, lorsque mon 
ami, M. J..G. Children, me rappela une circonstance dont il 
m’avoit écrit le détail à la fin de juillet, circonstance qui pro- 
mettoit de jeter quelque jour sur cette recherche; savoir, que 
M. James Buston le jeune, en exposant de la chlorine à une 
solution de nitre d'ammoniac , avoit observé la formation d’une 
huile jaune , qu’il lui fût impossible de ramasser en quantité sufli- 
sante pour être à même d’en examiner les propriétés, attendu qu'à 
peine exposée à l'atmosphère, elle s’étoit dissipée. M, Children 
a fait la même expérience avec les mêmes résullats, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 55 


Bientôt après, j'exposai une fiole renfermant six pouces cubes 
environ de chlorine, dans une solution saturée de nitre d’am- 
moniac à la température d'à peu près 50°, d’un jour ordinaire, 
Un diminution du gaz eut bientôt lieu, au bout de quelques 
minules, parut sur la surface du fluide, une pellicule qui avoit 
l'apparence d'huile, en secouant la fiole, elle se ramassa en petits 
globules qui tombèrent au fond, Je pris un de ces globules que 
je mis en contact avec de l’eau sur un feu modéré. Long-temps 
avant que l’eau eût commencé à bouillir, elle fit explosion avec 
une lumière extrèmement brillante, mais sansaucun bruit fort. 

Je proposai aussitôt après à M. Children, de faire une suite 
d'expériences sur la préparation et sur les propriétés de cette 
substance; nous commencâmes en conséquence nos opérations, 
dont je vais décrire les résultats. Aidés de M. Warburton, nous 
procédâmes dans le laboratoire de M. Children, à Turbridge. 

Nous trouvâmes que la solution d’oxalate d’ammoniac, ou une 
foible solution d’ammoniac pur donnoient le même résultat que 
la solution de nitre d’ammoniac. Cette substance se formoit plus 
rapidement dans la solution d'ammoniac; mais elle étoit blanche 
et terne; et quoique s’évaporant moins que dans la solution forte 
que j'avois employée d’abord , elle n'étoit pas à beaucoup près, 
aussi permanente que dans les solutions de nitre et d’oxalate. La 
solution d’'ammoniac de Prusse que nous fimes agir dessus par 
le moyen de la chlorine, ne donna aucune huile particulière, 
mais produisit des fumées blanches et devint d’un vert clair. Nous 
essayâmes d’obtenir cette substance en grande quantité, en faisant 
passer la chlorine dans des bouteilles de Wolff qui renfermoient 
différentes solutions ; mais une seule expérience suffit pour nous 
convaincre du danger qu'entraînoit après elle cette manière 
d'opérer. Apeine le composé eut-il commencé à se former, que 
l'action de quelques vapeurs d’ammoniac sur la chlorine, pro- 
duisit une chaleur qui occasionna une explosion violente, et 
détruisit tout l'appareil. 


Je vais décrire maintenant les propriétés de la nouvelle subs: 
tance. Sa couleur approche beaucoup de celle de l'huile d'olive, 
et est presque transparente : elle se congèle à une température 
de 30° environ; elle a alors l'apparence du beurre. Je n’ai pas 
été à même de constater sa pesanteur spécifique ; mais il est pro- 
bable qu’elle est d'environ 1.4. Son odeur est nauséabonde et 
ressemble beaucoup à celle de la combinaison de l’oxide carbo- 
nique et de la chlorine, que mon frère a décrite, Elle produit 


56 JOURNAL DE CHIMIE, DE PHYSIQUE 


sur les yeux un effet cuisant. Une petite quantité de cette subs- 
tance fut introduite sous l’eau dans je récipient d'une pompe à 
air, et le récipient épuisé; elle devint alors un fluide élastique, 
et dans son élat gazeux, fut rapidement absorbée où décom- 
posée par l’eau. Lorsqu'on versoit de l’eau chaude dans le verre 
qui la renfermoit, elle se développoit en mamère d'un globule 
de fluide élastique, de couleur orange qui diminuoit à fur et 
mesure qu’elle passoit à travers l’eau. 

J’essayai de ramasser les produits de l'explosion de la nouvelle 
substance, en appliquant la chaleur d’une lampe à esprit, à un 
globule de cette même substance renfermé dans un tube de verre 
courbe placé sur l’eau. Un léger gaz se développa d’abord; 
mais loug-temps avant que l’eau se fût élevée à la température 
de l’ébullition, on appereçut un vif éclair accompagné d’un bruit 
aigu, le tube et le verre furent brisés en petits morceaux , et 
je reçus un violent coup dans la cornée transparente de l'œil, 
qui y occasionna une inflammation assez considérable pour m’o- 
bliger de dicter cette lettre à un secrétaire. Cette expérience 
prouve qu'il faut user des plus grandes précautions lorsqu'on opère 
sur cette substance. En effet, la quantité que j'employai étoit à 
peine de la grosseur d’un grain de graine de moutarde. 


Un petit globule de cette substance, jeté dans un vaisseau de 
verre rempli d'huile d’olive, produisit une explosion des plus vio- 
lentes, et le verre, quoique fort, fut brisé en morceaux. Les 
mêmes effets eurent lieu par son action sur l'huile de térében- 
thine et sur la naphte. Jetée dans l’éther, son action étoit foible; 
le gaz se dégageoit en petites quantités, et il se formoit une subs- 
tance semblable à de la cire, qui perdit les propriétés caracté- 
ristiques du nouveau corps. Elle agissoit lentement-dans l’alcool, 
perdit sa couleur et devint une substance huileuse blanche, sans 
faire explosion. Lorsqu'une parcelle de cette substance eut été 
touchée sous l’eau par une parcelle de phosphore, on apperçut 
une lumière brillante sous l’eau, et un gaz permanent ayant les 
caractères de l'azote se dégagea. : 

Lorsque j'employai des quantités plus grosses qu’un grain de 
graine de moutarde, pour les mettre en contact avec le phos- 
phore l'explosion fut toujours assez forte pour briser le vais- 
seau qui servoit à cette expérience. Lorsque le nouveau com- 
posé étoit mis en action sous l’eau par le moyen du mercure, 
31 donnoit une substance qui avoit l'apparence de sublimé cor- 
rosif, et le gaz se dégageoit. Il n’agit ni sur une feuille d'étain, 

ai 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 57 


ni sur le zinc, ni sur le soufre, ni sur la résine. Il disparoit dans 
leurs dissolutions alcooliques comme dans Palcool pur. Il détone 
avec la plus grande force lorsqu'on le jette dans une dissolution 
de phosphore, dans l’éther ou dans l'alcool. Le phosphore intro- 
duit dans l’éther où l’on avoit mis auparavant un globule de 
cette substance, ne produisit aucun effet. Dans l’acide muriatique 
elle se dégagea rapidement du gaz et disparut sans explosion. 
Dansl’acide sulfurique délayé, elle n’exerca point d’action violente. 
Elle disparut à Vinstant dans la liqueur de Libavius, à laquelle 
elle donna une couleur jaunâtre. 


D'après cette série de faits, il paroît probable que cette nouvelle 
substance est un composé d’azote et de chlorine, le même, ou 
au moins qui a de l’analogie avec celui dont il est fait mention 
dans la Lettre datée de Paris. Il est aisé d’expliquer sa production 
dans nos expériences. On peut concevoir que l'hydrogène de 
l’ammoniac se combine avec une portion de la chlorine pour 
former l'acide muriatique, et que l’azote s’unit à une autre portion 
de chlorine pour former le nouveau composé. La chaleur et la 
Jumière produites pendant son expansion dans la matière gazeuse, 
en la supposant composée d’azote et de chlorine, est sans exemple 
dans la collection que nous avons des faits chimiques. La décom- 
position d’euchlorine qu'on lui a comparée, est simplement une 
expansion de matière déjà gazeuse. La chaleur et la lumière pro- 
duites par la raréfaction, en conséquence de la décomposition, 
dépend probablement de la mème cause que celle qui produit 
une lumière vive, lorsqu’on décharge un fusil à vent. 


La force mécanique de ce composé dans la détonation, paroit 
être supérieure à celle de toute autre connue, sans même en ex- 
cepter l'argent ammoniacal fulminant. La rapidité de son action 
paroît aussi être beaucoup plus grande. 


Je suis avec un profond respect, 
Monsieur, 


Votre très-humble serviteur, 


HA DAVY. 


Tome LXXV II. JUILLET an 1813. H 


58 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


EXTRAIT D'UN RAPPORT, 


LU EN AOÛT 1812, A LA SOCIÉTÉ PHILOMATIQUE DE PARIS, 
Par À. G. DESMAREST, 


Sur un Mémoire de M. DAUDEBARD pe FERRUSSAC , 


INTITULÉ : 


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 


SUR 
LES FOSSILES DES TERRAINS D’EAU DOUCE. 


Depuis quelque temps les naturalistes s'occupent beaucoup 
de la recherche et de l'étude des Zerrains d'eau douce, c’est-à- 
dire, des couches de la terre, qui renferment dans leur milieu 
des débris ou des vestiges de corps organisés, dont les formes 
se rapprochent le plus de celles qui appartiennent à nos animaux 
ou nos végétaux des fleuves ou des lacs. 


C’est à l’infortuné Robert de Paul de Lamanon que la dis- 
tinction des fossiles marins et des fossiles d’eau douce, ou plutôt, 
que la reconnoissance de cestderniers est due, sous le rapport 
intéressant que cette distinction peut introduire dans l'Histoire 
naturelle générale du globe, ou la Géologie; c’est aussi à lui 
qu’on doit Pidée première de la formation des gypses des environs 
de Paris, et de ceux qui avoisinent la ville d’Aix en Provence, 
dans des lacs non salés qu’il regarde avec beaucoup d'apparence 
de raison, comme des relaissées de la mer dans sa retraite, les- 
quelles, avec le temps, ont perdu leur salure par l’eflet du mé- 
lange des eaux pluviales, qui sont venues d’abord les mitiger, 
et ensuite les remplacer. £ 


Dans un Mémoire imprimé au Journal de Physique du mois 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 59 


de mars 1782 (1), quoiqu'il se livre à des hypothèses plus ou 
moins bizarres sur la formation des gypses et sur l’époque, selon 
lui, très-récente de cette formation (2), on doit dire, qu’il décrit 
aussi bien qu'il le pouvoit faire alors, les divers fossiles véri- 
tables découverts à Montmartre : il cherche à circonscrire les 
limites du lac au fond duquel il pense qu'ont été précipitées 
les couches gypseuses de nos environs. 

Environ dans le même temps, plusieurs conchyliologistes ont 
décrit et figuré des coquilles fossiles, qui ont les plus grands 
rapports avec les tests des mollusques qui vivent dans nos eaux 
douces; et nous citerons principalement Knorr (3). 


Vingt-cinq ans après la publication de son Mémoire, les savans 
travaux de MM. Cuvier et Brongniart ont confirmé l'opinion, 
jusqu'alors très-problématique de Lamanon, sur lorigine des 
gypses des environs de Paris. 


Ces naturalistes ont exploité à fond la riche source d’obser- 
vations qui étoit à leur proximité, et de l'existence de laquelle 
on ne se doutoit en aucune facon. 


Par suite de ces recherches, l’ordre des dépôts a été fixé, 
les couches ont été comptées et mesurées; leur nature a été 
connue ; on a déterminé précisément leurs superpositions rela- 
tives ; on s'est assuré que les gypses sont compris entre deux 

ædépôts marins, et que le dernier de ceux-ci est encore recouvert 
par un dépôt dhelasetsse siliceux, et d’autres fois calcaire, 
analogue par les fossiles qu’il renferme, à le formation des 
gypses (4). Les débris de corps organisés, compris dans ces 
gypses et dans ces derniers dépôts, ont été recueillis avec 


(1) Journ. de Phys. , tome XIX , pag. 174. 

(2) Puisqu’il la suppose postérieure au commencement de l’existence des 
hommes , et même à leur civilisation , admettant, comme il le fait, que des 
clefs dont il donne une figure , et un fer à cheval, ont été déposés dans ces 
gypses quand ils se formoient. 

(6) Recueil de monumens des catastrophes que leglobe de la terre a essuyées, 
ne 1, pag. 74, pl. B3, fig. 3, 5, pag. 85, pl. B VI, a, fig. 1—20, 

VISE 
à (4) C’est un fait bien établi, pour les environs de Paris , que le terrain d’eau 
douce de premiere formation est toujours calcaire ou gypseux, tandis que le 
dernier, ou de seconde formation , est siliceux le plus ordinairement. Il paroît ; 
d’après les observations de M. Daudebard de Ferrussac, que le terrain calcaire 
de l’Agenois appartient à la dernière formation. 


Ez 


Go JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

soin, rapprochés, décrits et figurés (1); les grands animaux 
enfouis ont été recréés, et tout a démontré qu'ils appartenoïent 
à des espèces qui sont maintenant perdues. Tout aussi a concouru 
à faire connoître les rapports évidens qui existent entre ces êtres 
perdus et nos animaux et nos végétaux, des lacs et des rivières. 
Les palæotherium , les anoplotherium , dont les formes sont si 
voisines de celles des tapirs, devoient vivre ,comme ces derniers, 
dans des lieux marécageux. Les sarigues, qui abondent main- 
tenant dans les savanes de l'Amérique méridionale avec ces 
mêmes {apirs, ont eu dans nos environs leur représentant, à l’é- 
poque où vivoient les azoplotherium et les palæotherium. Enfin 
les carnassiers du genre des chiens, paroïssent avoir existé partout 
dans ces temps reculés, comme il arrive encore de nos Jours; 
car il est notable que leurs ossemens fossiles sont répandus dans 
une infinité de lieux : aussi les rencontre-t-on dans les gypses 
des environs de Paris, 


Les débris de poissons qu’on a trouvés dans ces mêmes gypses, 
appartiennent pour la plupart à des espèces de l’ordre des abdo- 
minaux, ainsi que l’indiquent la position et la forme des nageoires 
dont les rayons subsistent : or, l’on sait que cet ordre des ab- 
dominaux renferme presque exclusivement les poissons des eaux 
douces. 


Les fragmens de carapace et de plastron de tortues, qu’on a 
rencontrés dans les couches gypseuses, appartenoiïent à des espèces 
perdues des genres érionyx et emydes, dont on sait que les 
espèces vivantes habitent les rives de l’Euphrate, du Tigre, du 
Nil, et d’autres grands cours d’eau de l’un ou de l’autre con- 
tinent. 


On y trouvoit aussi des ossemens de crocodiles, genre de rep- 
tiles confiné maintenant dans les eaux des grands fleuves, tels 
que le Nil, le Gange, etc., ainsi que dans les savanes de la 
Guyane, et les marécages du Paraguay. 

Enfin, les coquilles fossiles appartenoient, pour la plupart, 
aux geures pl/anorbis et lymnœus, qui peuplent nos marais et 
nos eaux tranquilles. Quelques coquilles terrestres, du genre 


() Cuvier, Ann. du Mus. , t. II, p. 275-564-442, t. IV, p. 66, V, p.277; 

. VI, p.253, t. IX , p. 10-16-89-205-272-386 , t. X, p.210, t. XII, p.271, 

t. XIU, p. 227, et Brong. , t. XV, p. 357; voyez aussi Cuv., Rech. sur les ani- 
maux fossiles , 4 vol. in-4°, 1812. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. Gr 


helix seulement, se rencontroient mêlées avec elles, mais leur 
présence infirmoit beaucoup moins, qu’ellene confirmoit l'opinion 
de la formation des couches au milieu desquelles elles se trou- 
voient, sous les eaux douces. 


Parmi les végétaux on remarquoit ce fossile singulier, la gy- 
rogonite (1), long-temps placé avec les coquilles multiloculaires, 
et que des observations récentes viennent de faire reconnoître 
pour la graine pétrifiée d’une charagne (chara); l'une de ces 
plantes de marécages, qui forment pour ainsi dire la base des 
tourbes (2). 


La quantité des animaux fossiles des premières classes, très. 
considérable, relativement au nombre connu des animaux de 
ces classes, qui vivent actuellement, montoit cependant à peine 
à une vingtaine (3), mais celle des coquilles étoit bien plus con- 
sidérable. M. Cuvier avoit décrit les premiers , et M. Brongniart 
avoit publié en 1810 (4) le résultat des recherches sur les der- 
nières, en y joignant de bonnes figures de toutes les espèces qu'il 
a pu se procurer. 


Ces premiers travaux donnèrent bientôt lieu à de nouvelles 
observations, et l’on ne tarda pas à reconnoître les terrains d’eau 
douce dans une infinité de lieux. 


MM. Brongniart, Prévost et Desmarest avoient retrouvé, en 
mai 1808, le calcaire d’eau douce dans la ci-devant province 
d'Auvergne, sur le revers méridional et occidental de la masse 
de montagnes volcaniques de première époque, qui porte le nom 
de Cantal, et plus au nord, dans la vaste plaine de la Limagne, 
depuis Nonette jusqu'au pont du Château, à Riom et à Aigue- 
perse. Long-temps avant, les environs de Moulins ( département 
de l'Allier) avoient fourni à M. Bosc (5) ses z2dusia tubulosa, 
sorte d’étuis de phryganes, formés de petites coquilles aquatiles 


(1) Lamarck, Ann. du Mus. , t. se 356, et t. IX, p. 256, pl. 17, fig. 7, 
ab c; Brard, Mém., Ann. du Mus.,t. XIV, p. 27; Denys Montfort, Conchyliol. 
Nouv. Bull. ,t. 11, n° 44, p.275, pl.2, fig. 5. 

(2) Poyez le Nouv. Bull. de la Soc. phil. de Paris, t. WI, p. 208, et le 
Journal des Mines , 1*novembre 1812, t. XX XII de la collection. 

(G) Il ne faut pas perdre de vue qu’il n’est ici question que des animaux dont 
les débris ont été reconnus dans nos environs. 

(4) Mémoire sur les T'errains qui paroissent avoir été formés sous les eaux 
douces. Ann. du Mus. , juillet 1810 , tom. XV, pag. 357. 

() Journ. des Mines , tom. XVII, pag. 307, pl. 7. 


G2 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


agglutinées, qui paroissent appartenir au genre cyclostome de 
Draparnaud. ; 


Dans leur voyage en Auvergne, MM. Brongniart, Prévost et 
Desmarest ont retrouvé abondamment les z2dusia, soit aux en- 
virons d’Aigueperse et de Gannat (1), soit à la base septentrionale 
et occidentale de la montagne de Gergovia , au sud de Clermont 
soit au midi de cette même montagne, au lieu appelé Za Tour 
Julia, soit enfin au défilé qui partage la montagne dite des côtes 
de Clermont, au nord de cette ville. 


On savoit que les environs d’Aix (Bouches-du-Rhône ) avoient 
beaucoup d’analogie avec notre sol; non loin de là, M. Beudant 
a retrouvé à Vaucluse les lymnées, qui sont le cachet principal 
de formation d’eau douce. 


On les a observées aussi au Crest, près de Valence (Drôme) 

if . 1 

et nous croyons que c'est à M. Faure Biguet que cette décou- 
verte est due. 


MM. de Tristan et Bigot de Morogues ont retrouvé cette même 
formation auprès d'Orléans (2) (Loiret), et M. Menard la Groye 
l'a rencontrée aux environs du Mans (Sarthe ), sur la route 
d’Alencon (3). 

Les brèches osseuses de Nice ( Alpes-Maritimes) , et de Cette 
(Hérault), celles de Gibraltar et des bords de l'Adriatique (4) 
renferment des coquilles terrestres à peine allérées, et dont les 
espèces sont faciles à reconnoître. 


Les environs de Florence et le »a/ de Ronce ont aussi fourni 
quelques coquillages terrestres à l’état fossile : Breislac a reconnu 
la formation d’eau douce dans plusieurs points de l’Apennin 
Les bords du Rhin, vers Mayence et du Mein, près Francfort (5), 


EE ERREUR SEE RESTES ere 


(1) Les indusia étant disposés en groupes très-semblables à certaines masses 
de madrépores, il arrive très-souvent que lé milieu de ces groupes présente une 
cavité en forme de coupe assez considérable. Les habitans d’Aigueperse les em- 
ploient en guise d’auge pour leurs volailles. Ils s’en servent aussi comme de 
pierres de construction dans certains cas. 

(2) Note sur la Géologie du Gatinais, par M. J. de Tristan et Bigot de Mo- 
rogues. Orléans , 1812. 

(3) Helix Menardi, Brong., Ann. du Mus. , tom. XV, pag. 580. 

(4) Faujas , Ann. du Mus., 1. X .p. 419. Cuvier , id. ,t. XIT, p. 186. 

(b) Faujas. Mém. sur les Coquilles fossiles de Mayence, Ann. du Mus. 
tom. VIII, pag. 379. f 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 63 


offrent des amas très-considérables de petits fossiles qu'on regarde 
comme des cyclostomes aquatiques ou des paludines : une espèce 
voisine de ces dernières a été trouvée à Saint-Paulet (Gard). 


Plusieurs fossiles d’eau douce ont été décrits comme venant 
du Bastberg (1), et d'autres, comme provenant des environs 
de Buxweiller (département du Bas-Rhin), d’autres enfin, comme 
ayant été fournis par l'ile Shepey , à l'embouchure de la Tamise (2). 


Le Journal des Mines du mois juillet 18r2 (3) fait mention 
de pareils dépôts dans les départemens du Cher, de l'Allier et 
de la Nièvre. M.Omalius d’'Halloy les a retrouvés dans le premier 
de ces départemens, sur la route de Bourges à Saint- Amand, 
entre Levet et Bruère; dans le second, non-seulement aux en- 
virons de Gannat, mais aussi près Chantelle, au port Barraud, 

rès du Veurdre , entre Bourbon-l'Archambaud et Saint-Pierre- 

Méta: et encore entre Jaligny et la Palisse; enfin, dans 
le troisième, sur les bords mêmes de la Loire, à Thiaux et à 
Béard. 

Long-temps avant les recherches de M. Omalius d'Halloy , 
M. Passinge (4) avoit donné connoissance de la formation d’eau 
douce. 


1°. Dans le département de la Haute-Loire, à Expaly, au Puy 
et à Retournad; et 2° dans celui de la Loire, à Sury-le-Comtat 
ou le Comtal, et au nord de Roanne. | 6 

Dans un voyage très-récemment entrepris par le mêmé M; Oma- 
lius, ce naturaliste a rencontré le calcaire d’eau douce dans le 
royaume de Wurtemberg, aux environs d’'Ulmaucommencement 
des vastes plaines du Danube (5) , et. en France, dans le:dépar- 
tement de Rome, à Cisterne, près l’entrée des Marais Pontins, 
ainsi qu’à Ponte Lucano, au pied des montagnes de Tivoli (6), 
et dans celui de ’Ombrone à Colle, non loin des boïrdsde l’Elsa. 


Enfin nous sommes redevables à M. d’Audebard de Ferrussac, 
ee OT CRI ZX ON NT DEC WE NT LIT TI, PISTE (TT Dee à es ae —— HE 


GES de M. Hammer à M. Cuvier, Ann. du Mus. d'Hist. nat. tom. VI, 
ag. s 
. {o) Brard ,Journ. de Phys, tome LXXIV, pag, 248 et 550, 

(5) 1d., tom-XXXIT, pag. 42-65. 

(4) Journ. des Mines , tom. VI, pag. 813. 

() Nouv. Bull. de la Soc. phil. de Paris, n° 64,t. I, 6* année ,p. 207, et 
Journ. des Mines, n° 192, t. XXXIL. 

(6) Celui-ci est le travertin des architectes. 


G4 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de la découverte des fossiles d’eau douce; en Silésie, en Espagne; 
10 entre Logrogno et Burgos, villes de la Castille vieille (1) ; et 
20 sur les confins de l’Estramadure espagnole , ainsi que dans 
les ci-devant provinces de France, du Quercy et de l’Agenois. 


Lorsque les Mémoires de MM. Brongniart et Cuvier (2) furent 

ubliés, on soccupa de la détermination des espèces de fossiles 
d’eau douce, et MM. Brard, d’abord (3), et Daudebard de Fer- 
russac, quelques années après (4), donnèrent les descriptions de 
plusieurs de ces fossiles qui avoient échappé aux recherches des 
premiers naturalistes. 


Néanmoins il étoit vraisemblable qu’il existoit plusieurs doubles 
emplois entre les différentes espèces jusqu'alors connues, et c’est 
le desir de les faire disparoître qui a engagé M. Daudebard de 
Ferrussac à composerle Mémoire dont nous rendons compte ici. 

Il résulte de ce Mémoire, qu’on a trouvé jusqu’à présent guatre- 
vingt-trois espèces de coquilles fluviatiles ou terrestres dans les 
diverses couches qu’on a étudiées, savoir : 


2r Hélices, en comprenant dans ce genre les bulimes et 
les maillots. | 
x Vertigo, genre voisin des maillots (5), mais dont l'animal 
n’a que deux tentacules au lieu de quatre. 
24 Lymnées, 
10 Planorbes, 
I Physe. 
5 Cyclostomes. 
11 Paludines. 
1 Potamide ou Cérithe des embouchures des fleuves. 
3 Mélanopsides, genre établi par M. Daudebard de Fer- 
russac (6), et comprenant quelques Mélanies de M. de 
la Marck. 


EE ———————————— — —— —— ———————————————_—————— ————“——— 


(1) J'ai observé ce fait il y a treize ans , et je lai annoncé dans mon Voyage 
en Espagne ;, imprimé dans le Magasin Encyclopédique. Note de Bosc. 

(2) Essai sur la Géogr. min. des environs de Paris. Ann. du Mus., t. XI, 
p- 298 ,et Mém. sur les Terrains d’eau douce, &b. t. XV, p. 357, pl. 22et 23. 

(5) Ann. du Mus. ,t. XIV, p. 426, et Journ. de Phys.,t, LXXIT, juin 1811, 
ett. LXXIV, avril 1812, 

Ann. du Mus. 1812. 
(5) Établi par Muller, V’erm. test., pag. 124. 
(6) Système conchrliologique. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 65 


3 Mélanies proprement dites. 

2 Coquilles voisines du Bulinus glans, et dont on fourroit 
faire un nouveau genre. 

x Les débris d'une Néritine. 


Ce nombre nous paroît bien considérable, et nous avons quel- 
ques raisons de craindre que M. Daudebard n'ait pas tout-à-fait 
atteint le but qu’ilse proposoit, de détruire les doubles emplois. 


Il seroit à desirer qu'il eût pu confronter les échantillons mêmes 
qui ont servi aux travaux de MM. Brongiart et Brard, et qu'il 
les eût eus en même temps sous les yeux; mais il paroît qu’il n’a 
employé dans ses déterminations que les Mémoires de ce dernier, 
et les planches qui les accompagnent , pour les comparer direc- 
tement avec les échantillons décrits et soigneusement figurés par 
M. Brongniart. L'on sait que les descriptions de M. Brard sont 
fort abrégées, et par cette seule raison peu précises; que d’ail- 
leurs la meilleure phrase caractéristique ne sauroit le plus souvent 
rendre d’une manière satisfaisante la différence qui peut exister 
entre les inflexigns des tours de spire de deux coquilles d’espèces 
voisines; et qu'enfin il faut absolument d'excellentes figures 
pour bien faire sentir cette différence : l’on sait aussi que les 
figures données par M. Brard, laissent beaucoup à desirer sous le 
rapport de l'exactitude, et qu'on ne pourroit en aucune facon 
les comparer sous ce même rapport avec celles du Mémoire de 
M. Brongniart. | 

Sur les 83 espèces, M. Daudebard de Ferrussac pense que 
vingt-cinq ont leurs analogues vivans sur le sol même où l’on 
trouve les fossiles ; que huit autres ont leurs analogues dans les 
pays étrangers, tels que les Indes , 1A’mérique, etc., et que céz- 
quante d’entre elles n'ont encore été trouvées qu’à l’état fossile. 

Ainsi, il admet, avec MM. Faujas de Saint-Fond et Brard, 
que les coquilles renfermées dans les brèches osseuses de Nice 
appartiennent aux espèces vivantes connues sous les noms suivans : 


Helix cornea. 
-—-— pisana (1). 
—-— algira. 


(1) Muller, Verm. test. , pag. 60, n° 25. 
Tome LXXV'II. JUILLET an 1813. I 


66 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Helix lapicida (x). 
—-— vermiculata (2). 
Pupa cinerea. 
Planorbis spirorbis (3). 
Cyclostoma elegans. 


Il croit reconnoître l’helix albella dans le fossile du cabinet 
de Caën, décrit par M. Brard. 
Il dit avoir observé aux états vivant et fossile, les 


Lymnœus. auricularius (4). 
———— intermedius (5). 
—.——— pereger (6). 
—-——— rivalis de Stouder. 


—-——— truncatulus (7), qu'il nomme amphibius à l'état 
fossile. 
—-——— Geoffrasti, nouvelle espèce, 


Les environs de Lauzerte ( Lot-et-Garonne) lui ont fourni 
les planorbis vortex (8) et planorbis nilidus (9); la physa 
hypnorum de Draparnaud, où l’helix hypnorum de Linné, pla. 
norbis turritus, Mull., erm., n° 354; un cyclostome qu'il 
regarde comme étant le runcatulum (ro); la paludina vivipara 
qu'il rapporte au coquillage très-commun, connu sous le nom 
de vévipare; une autre espèce de ce dernier genre, qu'il croit 
pouvoir être rapportée au cyclostoma impurum (11) de Dra- 
parnaud, et une espèce nouvelle qu’il a trouvée vivante et fossile, 
à laquelle il donne la dénomination de paludina sémilis. 


Nous n'avons pas été à même, de vériher l'exactitude de ces 


(1) Muller, J’erm. test. , pag. 40 , n° 240. 

() Idem, pag. 20 et 219. 

(8) Idem, pag. 161, fig. 347. 

(4) Buccinum auricula , Muller, Z’erm. , n° 322. 

(b) Espèce nouvelle. 

(6) Muller, J’erm. test. , Buccinum peregrum. pag. 130, n° 324. 

(7) Idem , Buccinum truncatulum , pag. 150., u° 325. 

(8) Idem , Verm. test., pag. 158 , n° 345. 

(9) Idem , pag..165 , n° 549. 

(10) Draparnaud,, Hist. des Moll. terr. et fluviatiles ; pag. 4o, exp. 17. 

Qi) Helix tentaculatus, Linn.— Nerita jaculator , Mull., ferm. , p.372 
Drap., Moll.terr., pag. 36, n°7. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 67 


rapprochemens pour aucune des espèces que nous venons de 
nommer. 

Deux seulement, et les deux seules que nous ayons pu com- 
arer , nous ont paru identiques avec leurs analogues : ce sont 
es lymnœus palustris antiquus de M. Brongniart avec les /ym- 
nœus palustris (1), et le pupa muscorum (2), trouvé par l’un 
de nous à l’état fossile, sur les bords de l'Allier, au lieu dit /a 

Fontaine du Tambour (département du Puy-de-Dôme). 


Quant aux espèces dont les analogues vivans sont exotiques, 
M. Daudebard de Ferrussac fait les rapprochemens suivans: 


Le planorbis rotundatus fossile, de MM. Brongniart (3) et 
Brard, avec le planorbis orientalis d'Olivier (4). 

Le cyclostome ciselé de M. Brard (5), avec une coquille com- 
mune dans les collections, mais qu’on n’y trouve jamais dé- 
terminée. 

La paludine de Buxweiller (6), avec le cyclostoma unicolor de 
M. Olivier (7). 

Les melanopsis ou melanoides de M. Daudebard de Ferrussac, 
fossiles aux environs de Soissons ( Aisne), où als ont élé trouvés 
par M. Poiret, avec les #2elania buccinoidea de l'ile de Scio 
et costata de l’Oronte, rapportées par M. Olivier (8). 

Les melania amarula et semiplicata de Grignon, sont pour 
M. de la Mark (9) et pour M. Daudebard de Ferrussac, les 
mêmes espèces que les deux coquilles vivantes des mêmes noms, 
dont l’une habite les Indes, et l’autre les eaux douces de l'Amé- 
rique méridionale. 

Une coquille fossile à Lauzerte est, selon M. de Ferrussac, 


, 


QG) Draparnaud , Hist. des Moll. terr. et fluv., pag. 52, n° 6. — Buccinum 
palustre, Mull., J’erm. , pag. 131, n° 526. M. Brongniart lui-même avoit re- 
connu celte analogie. 

(2) Helix muscorum , Mall. , J’erm. test. | pag. 104, n° 503. 

(5) Ann. du Mus. ,t. XV, p.370, pl. 22, fig. 4 et 5 

(4) Joy.en Orient, pl. 17, fig. 11, 4. b, 

(b) Ann. du Mus.,t. XN, p.414, pl. 24, fig. 19 et 13. 

(6) Brard , Journ. de Phys.,t. LXXIT, p. 452,ett. LXXIV, p. 249. 

(7) Foy. en Orient, pl. 31, fig. 9, 4. B. 

(8) Zd. ,t.I, p.297, et t. Il, p. 294, pl. 17, fig. 8, etpl. 51, fig. 3. 

(9) Ann. du Mus., tom. IV, pag. 429 et 430. 

I z 


66 JOUHNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


lanalogue exacte du bulimus glans de Bruguières (1), qui se 
trouve dans les eaux douces aux îles Antilles. 


Etenfin, une espèce voisine de cette dernière, mais plus petite, 
trouvée dans le même lieu, se rapporte en tout à une coquille 


des fleuves du nord de l'Amérique, renfermée dans la collection 
de M. Richard. 


Nous wavons pu, n'ayant pas sous les yeux les pièces de com- 
paraison, juger de l'exactitude des rapprochemens faits par 
M. Daudebard de Ferrussac, entre ces derniers fossiles d’eau 
douce , et les coquilles qu'il regarde comme étant leurs analogues 
vivans; ainsi, sur ce point comme sur le précédent, nous ne pouvons 
apprécier avec certitude le mérite de son Mémoire. 

Mais dans les considérations générales qui précèdent, et qui 
suivent l'examen des espèces fossiles et de leurs analogues, 
M. Daudebard de Ferrussac nous a offert des vues saines, et 
très propres à contribuer à l’avancement de la science. 

I! convient lui-même qu’il est très-hasardeux , quant à présent, 
de décider si telle ou telle espèce a ses analogues, parce que, 
dit-il, « Nous connoïssons à peine celles qui habitent dans nos 
contrées, et que nous sommes encore plus ignorans sur celles que 
fournissent les pays étrangers; qu'il est notoire que la même 
espèce varie suivant les localités; enfin, que les débris fossiles 
qu’on compare aux individus vivans, n'offrent ordinairement que 
des renseignemens très-vagues sur l'état ancien des coquilles aux- 
quelles ils ont appartenu; que les stries sont plus ou moins ef 
facées, que les poils ou épines ont disparu, que le test lui-même 
manque le plus souvent, et qu’alors on a que les moules intérieurs 
ou de simples empreintes. » 


Il fait sentir qu’il ne faut pas apporter une rigueur mathéma- 
tique dans la détermination des coquilles, parce que l'observation 
prouve que dans une même espèce le nombre des tours de spire 
est inconstant, et que la bouche varie suivant Pâge. 


Nous croyons devoir ajouter , qu’en remontant à de plus hautes 
considérations, et donnant la première place aux caractères les 
plus importans, on doit être éloigné de regarder comme étant 
de même valeur, les renseignemens que l’on tire de l'étude des 


en 


(1) Encycl. méth., Hist. nat, des vers , tom. 1®, seconde partie ; pag. 365 ; 


ïa° 111, 


ET D'HISTOIRE NATUÜRELLÉ, 69 


formes des coquilles, et ceux que l’on obtient de l'examen at- 
tentif des débris osseux des animaux des premières classes. Ces 
derniers étoient pour ainsi dire la base, la charpente et l’orga- 
nisation des êtres auxquels ils appartenoient : au contraire, les 
premiers ne sont que la traduction de quelques organes extérieurs, 
qu'une simple excrétion destinée, il est vrai, à protéger des ani- 
maux essentiellement mous, mais dont quelques-uns cependant 
ont la propriété de vivre sans cet appareil de défense. En eflet, 
les os des mammifères, des oiseaux et des reptiles, et les arêtes 
des poissons, ainsi que les tests des crustacés, et les enveloppes 
cornées des insectes, sont des agens immédiats d’une des fonctions 
les plus importantes qui aient été attribuées aux animaux, la 
locomotion, tandis que le test des mollusques est pour ainsi dire 


un obstacle à l'exercice de cette fonction; les plus parfaits de 
ces animaux sont nus. 


Néanmoins, en donnant la prééminence aux caractères les plus 
importans, il ne faut pas négliger les considérations secondaires ; 
les uns et les autres s'appuient réciproquement ; seulement les 
premiers sont d’un plus ferme secours que les derniers, et l'ob- 
. servation doit se servir de tous deux. 


Cette manière de penser, M. Daudebard de Ferrussac la partage 
avec nous. Aussi, dans un travail qu'il se propose de publier 
incessamment , n'adopte-t-il pas la méthode des anciens conchy- 
liologistes, qui ravoient en vue que les coquilles renfermées dans 
leurs collections, et qui s’inquiétoient bien peu des habitans de 
ces coquilles. Aussi n’adopte:t-il point la classification proposée 
par Adanson, uniquement basée sur les caractères des animaux, 
abstraction faite de leurs coquilles. 


Il ne partage pas non plus les principes du savant professeur 
M. de Lamarck , qui se servant de l’animal et du test pour établir 
ses caractères génériques, donne la prééminence aux caractères 
ürés de l’examen attentif de la dernière de ces parties. 


Il attribue à M. de Ferrussac son père, naturaliste avantageu- 
sement connu, l’idée première de placer au premier rang , les 
caractères tirés de l’observation des animaux, en se servant comme 
d’auxiliaires de ceux qui représentent le test. 

Le genre de vie et les modifications qu’il apporte, ou plutôt 
dont il est la suite dans les orgañes respiratoires, examinés par 


7O JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


M. Cuvier, lui fournissent les bases de sa classification des mol- 
lusques terrestres ou fluviatiles. 


Il les divise en: 


10. Mollusques rerrestres qui sont sans opercules, et qui res- 
pirent par des espèces de poumons. Ce sont les gastéropodes nus 
ou à peu près nus, tels que les Zmaces, les parmacelles, les 
restacelles, et le genre hélicolimaces. Les hélices qui ont été 
divisées en quatre sections, dont la dernière est subdivisée elle- 
même en quatorze groupes; les cécilioides, les vertigo , les ca- 
richèum , appartiennent à cette division, dans laquelle, selon 
M. Daudebard de Ferrussac, on placera peut-être les vo/utes et 
les 1erebelles. (Les genres hélix et vertigo seuls ont des espèces 
fossiles.) 

Les mollusques terrestres operculés, qui sont présumés respirer 
par des branchies aériennes , sont les hélicines et les cyclostomes 
de de de la Marck ; ces derniers seulement se rencontrent à l’état 
fossile. 


20. Mollusques aquatiles. Ils sont univalves ou bivalves. Les 
premiers sont les seuls qui aient encore été observés dans les 
couches de la terre : les univalves sans opercules, et dont les 
espèces congénères vivantes habitent exelusivementleseaux douces, 
sont les /ymnées, les planorbes, les physes, les ancyles de 
Geoffroy, et les glands glans, genre que M. Daudebard se 
propose d'établir lorsqu'il aura pu en examiner l'animal. 

Les univalves operculés sont partagés d’après leur mode d’ha- : 
bitation. Les' uns ont leurs analogues de genres dans les eaux 
douces, d’autres dans les eaux salées, et quelques-uns dans les 
marais saumâtres, ou les eaux mixtes des embouchures des ri- 
vières; ce sont les septaries de M. Daudebard, les paludines de 
M. de la Marck, les ampullaires, les cérithes du genre pofa- 
mides de M. Brongniart, les mélanopsides, etc. 


Les aquatiles bivalves sont les mollusques acéphalés, compris 
dans les genres cyclas, unio (renfermant les anodontes et les 
unio de M. de la Marck), et peut-être les galathea de ce dernier 
et les cham a d’Adanson. 


M. Daudebard de Ferrussac engage avec raison MM. Bron- 
gniart et Brard, à retirer du genre bulime ces petits coquillages 
qu'ils ont décrits, le premier sous les noms de bulimes vis, atome, 
pygmée et nain, et le dernier sous celui de bulime pyramidal, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 7r 


pour les replacer dans le genre des paludines, dont ils ont en 
effet tous les caractères. 

Il fait remarquer, au sujet de ces petites espèces, que ce 
sont elles qui ont formé les plus grandes masses connues de 
dépôt d’eau douce, celles des bords du Rhin, aux environs de 
Mayence. 11 fait observer aussi que les fossiles terrestres sont 
les plus rares de tous les fossiles non marins, et qu’au contraire 
les fossiles aquatiles sont trèsnombreux : observation qui s'accorde 
parfaitement avec ce que nous savons sur l’abondance relative 
des mollusques terrestres et des mollusques d'eau douce vivans. : 


M. Daudebard de Ferrussac a joint à son Mémoire la des- 
cription de l’animal non encore connu, du genre r2é/anopside, 
qu'il a établi le premier. L'espèce à laquelle cette description 
se rapporte , est la #relania buccinoidea, observée par M. Olivier 
en Orient (1) : M. de Ferrussac l’a retrouvée daus les eaux douces 
de l’Andalousie, surtout vers Séville, et dans la fontaine de 
Bornos. On voit par cette description, que l’animal des méla- 
nopsides diffère peu de celui des paludines ou vivipares. Nous 
allons donner les moyens de juger de cette ressemblance, en la 
transcrivant en entier. 


« MELANOPSIS, animal; couverture jusqu’à Ja tête, Manteau 
» s’élendant jusqu'aux bords de la coquille, et tapissant inté- 
» rieurement l’angle extérieur de l’ouverture; pied attaché au 
» col, très- court, ovale, angulaire antérieurement de chaque 
» côté, ou en forme d'écusson. Tentacules, deux, conformés 
» comme ceux des nérites, Feux idem; #7u/ffle proboscidiforme; 
» Trachée, orifice aboutissant à l'angle extérieur de l'ouverture 
» entre la callosité.de la base de la columelle etle bord gauche, 
» où la réunion du manteau au corps forme une espèce de 
» canal. 


» Le zest de ces mollusques est fasiforme , et à sommet aigu ; 
» les spires sontau nombre de huit à neuf, et la dernière com- 
» prend les deux tiers de la longueur totale; le cône spiral est 
» incomplet; l'ouverture lancéolée; la columelle torse, solide, 
» tronquée, et émarginée à sa partie supérieure ; elle présente 
»-une Callosité à sa base qui se prolonge dans l'ouverture sur 
» la convexité de l’avant-dernier tour. L'opercule est simple, 
» corné, et ne ferme point exactement la coquille. » 


(:) Iles de Scio et de Crête, côte de Syrie. 


72 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
Les espèces sont : 


1°. Melanopsis buccinoidea (melania, Oliv., Voy.au Levant, 
tom. I, pag. 297, pl. 17, fig. 8), à laqueile M. de Ferrussac 
rapporte comme analogue fossile le bulimus antidiluvianus 
de Poiret, Prodr. pag. 37, n° 5. 


L'animal est marqué de lignes transversales noires ondulées 
plus colorées sur le mufile. 
h. L’Orient ; le midi de l'Espagne. 

2°. Melanopsis costata( melania, Oliv., Foy., tom. Il, p. 294, 
pl. 8r, fig. 3), à laquelle M. de Ferrussac rapporte le buc- 
cinum præorsum de Gmel., Sys£. nat., pag. 3489, n° 83, 
et Chemnitz, tom. IX, pag. 40, tab. 126, fig. 1035, 1036. 
Animal assez semblable à celui de l'espèce précédente. 


h. Le fleuve Oronte; le Guadalquivir; l’aqueduc de Séville. 
L'auteur du Mémoire le regarde comme l’analogue d’une 


coquille fossile des environs de Soissons, qui fait partie de 
la collection de M. Defrance. 


30, Melanopsis affinis, espèce voisine des deux précédentes, et 
qui a été apportée des bords de l’'Euphrate par M. Olivier. 


4°. Melanopsis de Ronca (Brard, 4° Mémoire), fossile dans 
la vallée volcanique de Ronca. 


bo. Melanopsis acicularis, espèce nouvelle. 
60. Melanopsis castanea, espèce nouvelle. 


7°. Melanopsis atra. C’est, selon M. Daudebard de Ferrussac, le 
nerita atra de Muller, V’erm. n° 375, le cerithium atrum 
de Bruguières, Encycl. méth., tom. I, 2° partie, pag. 485, 
et le sérombus ater de Linné. 


Nous terminerons ce Rapport, en disant qne nous pensons que 
M. Daudebard, par la découverte qu’il a faite de plusieurs gise- 
mens nouveaux de la formation d’eau douce, par la connoissance 
qu’il a donnée de nouvelles espèces de fossiles particuliers à cette 
formation , et par la comparaison qu’il a cherchée à établir entre 
lesdifférens fossiles jusqu'alors observés , n’a paslaissé de contribuer 
aux progrès de la science géologique. 


Bosc, GiLLET-LAUMONT, DESMAREST, Rapporteur. 


EXTRAIT 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 7 


EXTRAIT D'UNE LETTRE 


DE M. VAN-MONS, 


SUR LA NATURE DE L’ACIDE SULFURIQUE. 


Sr vous avez déjà parcouru mon ouvrage intitulé : Lettres à 
Bucholz, vous aurez vu au second volume, quelle est mon 
opinion sur la nature de l'acide sulfurique fumant. Cet acide 
est tout simplement de l'acide sulfurique ordinaire, relâché par 
la chaleur, dans l’union entre son oxigène et son acide sulfureux, 
et ainsi maintenu par un défaut d’eau d’hydratation. C’est de 
l’acide sulfurique imprégné de vapeur sulfurique, ou par ce que 
la vapeur nitrique est à l’acide de ce nom. On ne peut l'obtenir 
tel qu’en préparant l’acide avec le sulfate de fer, lequel le re- 
tient assez longtemps contre la force impulsive de la chaleur, 
pour qu'il soit en partie sous forme de gaz dégagé. Lorsque le 
sulfate n’est pas en oxide rouge, l'acide est imprégné d’acide sul- 
fareux, mais il n’en est pas moins fumant par de la vapeur sul- 
furique ; car l'acide sulfureux déplace cette vapeur d’avec un 
acide sulfurique concentré quelconque , en vertu de sa plus 
grande affinité pour l’eau. M. Vogel de Bayreuth a tort de dire 
que le gaz acide sulfureux dont on imprègne de l'acide sulfu- 
rique, ne le rend point fumant. J’ai une fois vu la fumaison dis- 
paroître par du gaz acide sulfurique que l’on faisoit absorber 
par de l’acide de Saxe; je ne doute pas, d’après la couleur brune 
qu'a prise l'acide, qu’il ne se soit formé une combinaison saline 
entre la vapeur et cet acide, laquelle aura condensé celle-ci. La 
dissolution bleue que M. Vogel a obtenue, est un sel d’oxide 
sulfureux, lequel oxide n'ayant point d’existence incombinée, se 
partage en soufre et en acide sulfureux, dès l'instant qu’il est 
séparé d’avec l'acide. L’indigo aussi dont on laisse la solution 
sulfurique s’humecter et ensuite se sécher à l’air, dépose des 
cristaux sous forme de sable, lesquels se dissolvent dans de 
l’eau acidulée par de l’acide sulfurique, et laissent par leur dé- 


Tome ZLXXV'II. JUILLET an 1613. K 


74. JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE - 


composition, précipiter de lindigo soluble en brun dans un excès 
d’alcali. J'ai, dans le temps, publié ce fait dans les Annales 
de Crell. Le conctact de l’air humide fait cesser l’acide fumant 
de fumer, comme aussi une addition d’eau, en condensant la 
vapeur et en lui donnant le complet de son eau d’hydratation. Il 
se dégage pendant cette opération, non-seulement le calorique 
dont l’eau doit se défaire en entrant en combinaison, mais encore 
celui de l’oxigène qui sengage plus intimement avec l'acide 
sulfureux. L'acide fumant tenu dans une atmosphère ün peu 
condensée par la compression, de gaz hydrogène, condense ce 
gaz en cessant de fumer et devenant sulfureux. Le gaz hydro- 
gène en combustion, que lon dirige sur de l’acide sulfurique 
fumant échauflé dans un vase trés-large, le rend quelquefois bleu. 
Ce fait est anciennement connu. L’acide cesse dans ce cas, de 
fumer à cause de l’eau qui s’y adjoint. Les oxides aussi étei- 
gnent la famaison de l’acide fumant par l'eau qu’ils déplacent 
d'avec la portion de ce liquide à laquelle ils ‘unissent en sels 
l'eau déplacée passe à la vapeur et l'hydrate en acide ordinaire. 


Tout ceci offre une parfaite analogie entre l’acide sulfuri- 
que famant et l’acide nitrique fumant par de la vapeur nri- 
ue. L’acide nitrique que l’on obtient rouge de sa préparation, 
ne contient point de défaut d’oxigène, mais une sous- propor- 
tion d’eau, et de l'acide sousgazifié par la chaleur qui a servi 
à le préparer. L'eau, comme le contact de l'air, le fait cesser 
d’être rutilant, et les oxides font la même chose. Les métaux 
s’oxident dans les deux acides et rendent l’un sulfureux et l’autre 
nitreux. Comment l’argent etle mercure pourroient-ils être oxidés 
par l'acide sulfurique famant, si l'oxigène dans cet acide ne se trou- 
voit chargé de calorique au degré de sous-gaz ? L’acide nitrique in- 
terposé de vapeur nitrique, enflamme aussi beaucoup plus active- 
ment les huiles que le même acide concentré blanc. Vous aurez 
sans doute observé, comme moi, que l'acide fumant convertit 
beaucoup mieux l'alcool en éther, que l’acide ordinaire; ce que 
fait aussi l’acide nitrique qui est rutilant par le gaz ou la vapeur 
nitrique. 

11 faut encore examiner l’action du gaz muriatique sur la 
vapeur sulfurique cristallisée. Il est probable que ce gaz prendroit 
l'oxigène de la vapeur en échange de son eau; ce qui pro- 
duiroit du gaz muriatique oxigéné, de l'acide sulfurique sulfu- 
reux, de l'acide sulfureux libre et peut-être un dégagement entre 
cet acide et celui muriatique oxigéné. Le gaz muriatique oxi- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 75 


géné enleveroit peut-être l’eau à la vapeur cristallissée, et la 
transformeroit en véritable acide sulfurique oxigéné. Le gaz by- 
drogène n’a pas encore été traité avec l'acide cristallisé de sa 
vapeur. L’ammoniaque gazeuse , ou se décomposeroit ou for- 
meroit du sulfate sec, qui seroit très-utile pour obtenir du mu- 
riate d’'ammoniaque sec, sel précieux à cause de son infaillible 
réductibilité par le potassium en métal. Que sait-on si ce sel ne 
se décomposeroit pas au feu, en combustible muriatique et en 
azote; car de l'acide muriatique simple qui seroit désoxigéné 
en place d’être déshydrogéné, seroit ce combustible, tout comme 
de l'acide sulfurique déshydrogéné seroit de l'acide oxigéné; 
car le soufre est de l’acide sulfurique sec plus de l'hydrogène À 
comme le gaz muriatique oxigéné est de l’acide murialique sec 
plus de l’oxigène, et cet hydrogène comme cet oxigène forment 
de l’eau d’'hydratation pour l’acide sec. 

La propriété de ne pas rougir la couleur bleue végétale à la 
vapeur sulfurique, ne dénote-t-elle pas assez que cette vapeur 
est de l'acide sous - hydraté ou sous - sec? Tous les faits que 
Fourcroy a observés relativement à l'acide sulfurique fumant, 
sont à revoir, et particulièrement les phénomènes de décoloration 
et recoloration par la soustraction et la réaddition de la vapeur, 
sont mieux à déterminer. La tête d’une pipe à fumer rouge de 
feu, que l’on plonge à plusieurs reprises jusqu’au fond, dans de 
l'acide sulfurique, le fait fumer, etc. 


76 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, cle. 


TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Mémoire sur l'influence que la température de l'air 
exerce dans les phénomènes chimiques de la respira- 
tion. Lu à l'Institut, le 11 mai 1812. par M. De- 
laroche. Pag. 

Description géologique et minéralogique de Thueringer- 
Wald, par Hoff et Jacobi; traduit de l’allemand par 
T. ©. Bruun Neersaard, 

Tableau météorologique; par M. Bouvard. 

Suite des Vues sur l'action galvanique, par J.-C. De- 
lamétherte. 

Descrip'ion des moyens et procédés employés à Paris, 
par M. Bonmatin,pour extraire le su.re de betterave. 

Mémoire sur un nouveau composé détonant; par sir 
Humphry Davy. Extraït d'une lettre adressée à l'ho- 
norable sir Joseph Banks. Londres 1813. Lu devant 
la Société royale, le 5 novembre 1812. 

Extrait d'un Rapport lu en août 1812, à la Soctrété phi- 
lomatique de Paris, par A. G. Desmarest, sur un 
Mémoire de M. Daudebard de Ferrussac, intitulé : 
Considérations générales sur les fossiles des terrains 
d'eau douce. 

Extrait d'une lettre de M, l/an-Mons, sur La nature 


53 


58 


De l'Imprimerie de M"° Veuye COURCIER, Imprimeur - Libraire 


pour les Mathématiques, quai des Augustins, n° 57. 


JOURNAL 


DE PHYSIQUE, 
DE CHIMIE 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


AOÛT an 1813. 


MÉMOIRE 


Sur quelques combinaisons de Phosphore et de Soufre, 
et quelques autres sujets et Recherches chimiques; 


Par Sir Humrary DAVY. 
Extrait des Transactions Philosophiques. Londres, 1812. 


Lu devant la Société royale, le 16 juin 18r2. 


I. INTRODUCTION, 


J'AURAI l'honneur , dans ce Mémoire, de mettre sous les yeux 
de la Société, les résultats de quelques expériences sur le soufre 
et le phosphore, qui constatent l’existence de quelques nouveaux 
composés, et qui offrent des preuves décisives à l'appui de l'opinion 
adoptée depuis peu de temps par plusieurs habiles chimistes, 
opinion que J'ai soutenue dans les derniers Mémoires que j'ai 
publiés dans les Transactions Philosophiques; savoir, que les 


Tome LXXV'II, AOÛT an 1013. L 


78 JOURNAL DE PHYSIQUE, DB CHIMIE 


corps s'unissent dans des proportions définies, et qu'il exis{e un 
rapport entre les quantités dans lesquelles le même élément s'unit 
avec différens élémens. | 

Je n’entrerai point dans un détail minutieux des procédés 
que j'ai employés dans mes expériences, je me bornerai à pré- 
senter la généralité des faits. Les manipulations ordinaires de la 
Chimie sont trop connues aujourd’hui pour exiger de nouveaux dé- 
veloppemens; et s’appesantir sur des opérations familières, ce 
seroit ennuyer cette savante Société et abuser de ses momens. 


II, De quelques Combinaisons de Phosphore. 


Dans un Mémoire que j'ai lu en 1810, devant la Société 
royale, j'ai décrit l’action du phosphore et du gaz oxi-muriatique 
ou chlorine. J'ai fait observer deux composés qui paroissent 
être des corps distincts et particuers formés par l'union du 
gaz et de la substance inflammable. L’un offre l'apparence d'un 
corps solide, blanc et cristallin ; il se volatilise aisément, et 
peut former une substance fixe infusible, limpide comme l'eau, et, 
ainsi que je l'ai reconnu depuis, de la pesanteur spécifique de 1.45. 
IL produit des fumées épaisses en agissant sur l’eau de l’atmos- 
phère ; exposé à l'atmosphère, il disparoît par degrés sans laisser 
de résidu. 

On peut constater aisément la composition du sublimé blanc, 
par les expériences synthétiques, telles que je les ai décrites pré- 
cédemment dans les Transactions. En employant la chlorine 
séchée par le muriate de chaux en grand excès, en faisant les 
expériences dans des vaisseaux épuisés, et en admettant une 
solution de chlorine pour constater la quantité de gaz absorbé, 
je me suis assuré que 3 grains de phosphore s’umissoient avec 
environ 20 grains de chlorine pour former le sublimé. 

Si le phosphore est en grand excès dans l'expérience de sa 
combustion dans la chlorine, 1l se forme un peu de liqueur avec 
le sublimé ; mais pour l'obtenir en grande quantité, le phosphore 
doit passer en vapeur au travers du sublimé corrosif échauffé 
et réduit en poudre. Il faut se servir dans ce procédé, d’un tube 
de verre plié, et la liqueur condensée doit être dans un vaisseau 
froid joignant au tube. 

Je n'ai pas pu déterminer sa composition par les expériences 
synthétiques ; mais en la versant graduellement dans l’eau, laissant 
l’eau se refroidir après chaque addition de liqueur, et précipitant 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 79 


la solution par une solution de nitrate d’argent, je me suis assuré 
de la quantité de chlorine et de phosphore qu’elle renferme, 
13.6 grains traités de cette manière, donnèrent 43 grains d'argent 
corné. 


D’après cette analyse comparée avec le résultat des expériences 
synthétiques sur le sublimé, il est évident que la quantité du 
phosphore étant la même, le sublimé contient deux fois autant 

dechlorine que la liqueur. 


Lorsque le sublimé est chauffé dans la liqueur, une portion 
se dissout, alors, exposé à l'atmosphère, il laisse une pellicule 
de phosphore qui, lorsqu'on répand la liqueur sur le papier, 
l’enflamme communément. MM. Gay-Lussac et Thenard ont 
obtenu les premiers de cette substance, en distillant ensemble 
le phosphore et le calomél. On peut également la produire en 
employant le sublimé corrosif, si l'on fait usage d’une chaleur 
suffisante pour sublimer le phosphore, ou s'il n’y a point d’excès 
de sublimé corrosif. Je n'ai point fait d'expériences à l'effet 
de constater la quantité de phosphore que la liqueur pourroit 
dissoudre. ’ 

Lorsque le sublimé blanc est mis en action sur l’eau, il se 
dissout et produit beaucoup de chaleur. La solution évaporée 
. donne une liqueur épaisse qui est une solution d’acide phos- 
phorique pur, ou d’hydrate d’acide phosphorique. 

Lorsque la liqueur est traitée avec l’eau de la même manière, 
elle donne de même un fluide épais qui a la consistance du sirop; 
il se cristallise lentement en se refroidissant, et forme des paral- 
lélipidens transparens. 

etle substance a des propriétés particulières : lorsqu'on la 
chauffe assez fortement dans l'air, elle prend feu et brüle d’une 
manière brillante, jetant de temps en temps des globules de 

z qui s’enflamment à la surface du liquide. On peut appeler 
cette substance kydro-phosphore, car elle se compose d'acide 
phosphorique pur et d'eau. Elle se prouve par l’action du gaz 
ammoniacal sur elle. Chauflée en contact avec l’ammoniac, l’eau 
est chassée, et le phosphite d’ammoniac se forme. C’est ce que 
l’on voit aussi par les résultats de la décomposition dans les 
vaisseaux bouchés, résultats qui donnent un acide phosphorique, 
et un composé particulier de phosphore et d'hydrogène. 

J'ai trouvé que dix parties d'acide cristallisé donnoïent environ 
8.5 parties d'acide phosphorique solide, et que le produit élas- 
tique devoit avoir formé le reste du poids, en accordant quel- 


L 3 


80 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


que chose à une petite quantité de substance non-décomposée: 

Le gaz particulier ne s’enflamme pas spontanément , mais il fait 
explosion, mêlé avec l’air et chauffé à une température au-dessous 
et plus de 2129. 

Sa pesanteur spécifique d’après une expérience dans laquelle 
on n’en pesa qu'une petite quantité, paroît être à celle de l’air, 
comme de 87 à 100. L’eau absorba un huitième environ de son 
volume de gaz. Son odeur est désagréable , maïs pas à beaucoup 
près aussi fétide que‘celle de l'hydrogène phosphoretté ordinaire. 

Lorsqu'elle détona avec l’oxigène, je trouvai qu’un tiers de 
son volume absorboit plus de cinq sixièmes du volume d’oxigène, 
une petite quantité de phosphore se précipita. 

Lorsque le potassium fut chauffé en contact avec ce composé, 
son volume augmenta rapidement du double : arrivé à ce degré, 
il n’y eut plus d’effet. Le potassium se convertit en partie en 
une substance qui avoit tous les caractères du phosphore de po- 
tassium ; et le gaz résidu absorba par la détonation la même 
quantité d’oxigène que l'hydrogène pur. Lorsque le soufre fut 
sublimé dans de gaz par-dessus le mercure , le volume devint 
également double ; il se forma un composé de phosphore et de 
soufre, et le fluide élastique produit eut tous les caractères de 
lhydrogène sulfuré. 

Il paroît, d’après ces expériences, que le gaz particulier renferme 
4.5 d'hydrogène, sur 22.5 de phosphore. Sa composition une 
fois connue, il est aisé de déterminer la composition de l'acide 
hydro-phosphoreux , ainsi que la quantité d'hydrogène requise 
par une quantité donnée d’acide phosphoreux, pour être convertie 
en acide phosphorique; car pour chaque volume de gaz dégagé, 
un volume d’oxigène doit avoir été fixé dans l’acide phosphorique. 

En supposant , d’après le calcul, 174 grains, 30 parties 
d’oxigène doivent être fixées dans 150 parties d'acide phospho. 
rique, et 20 parties de phosphore dégagées dans la combinai- 
son avec 4 parlies d'hydrogène ; et en représentant les propor- 
tions dans lesquelles les corps se combinent par les nombres, 
si l’on considère l'hydrogène comme une unité, et l’eau comme 
composée de deux proportions d'hydrogène, 2, et une d’oxi- 
gène 15 (4), le phosphore sera représenté par 20. 


(z) En supposant que 100 pouces eubes de gaz pèsent 27 grains, 27—4.5 
Le poids de200 pouces cubes d'hydrogène sera 22 Sete 


Ce mode d'estimation est lemême que j’ai adopté dans une circonstance pré-- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 81 


Lorsque les composés de chlorine et de phosphore sont mis 
en action par une petite quantité d’eau , le gaz acide muriatique 
se dégage avec une violente ébullition, l’eau est décomposée, 
et il est évident que pour chaque volume d'hydrogène dégagé en 
combinaison avec la chlorine , un demi-volume d’oxigène doit se 
combiner avec le phosphore; et les produits de la décomposition 
mutuelle de l’eau, ainsi que les composés phosphoriques de chlo- 
rine sont simplement l'acide phosphorique du sublimé, l'acide 
phosphoreux de la liqueur, et le gaz acide muriatique; ensorte 
que la quantité de phosphore étant Ja même, il est évident que 
l'acide phosphorique doit contenir deux fois autant d’oxigène 
que lacide phosphoreux, ce qui s'accorde avec les résultats 
de la décomposition de l'acide phosphoreux. En effet, en sup- 
posant l’eau composée de deux proportions d'hydrogène et d’une 
d’oxigène, et que le nombre représentant soit 17; alors 174 
parties d’acide hydro-phosphoreux doivent contenir deux pro- 
portions. 34 parties d’eau et quatre proportions d’acide phos- 
phoreux , renferment 80 de phosphore, et 60 d’oxigène; et trois 
proportions d’acide phosphorique doivent se former, contenant 
trois proportions de phosphore, 60, et six proportions d’oxigène, go, 
total, r5o. 

Il n’est guère possible d'imaginer des démonstrations plus par- 
faites des lois de la combinaison définie , que celles que donnent 
l’action mutuelle de l’eau et les composés phosphoriques. Aucuns 
produits ne se forment, excepté les nouvelles combinaisons; ni 
l'oxigène, ni l'hydrogène, ni la chlorine, ni le phosphore ne sont 
dégagés ; c’est pourquoi le rapport dans lequel deux de ces subs- 
tances se combinent, étant connu, les rapports dans lesquels 
le reste se combine dans ces circonstances peuvent être déterminés 
par le calcul. 


J’ai converti le phosphore en acide phosphorique, en le brülant 
dans une grande quantité de gaz oxigène sur du mercure dans 
un tube de verre courbé, et j'en ai fortement chauflé le produit. 
J'ai trouvé dans plusieurs procédés de cette espèce , que pour 
chaque grain de phosphore consumé, quatre pouces et demi 
cubes de gaz oxigène furent absorbés; ce qui prouve que l'acide 


oo 


cédente , excepté que le nombre représentant l’oxigène est doublé pour éviter 
une fraction, 


82 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


phosphorique est composé de 20 de phosphore, sur 30.6 d'oxi- 
gène. On peut attendre à peu près le même résultat, des résultats 
des expériences sur le sublimé et sur l'acide hydro-phosphoreux. 


A moins que la combustion de phosphore ne soit fortement 
chauffée dans l’oxigène, laquantité d’oxigène absorbée est moindre; 
ensorte qu'il est probable que l’acide phosphoreux se forme comme 
l'acide phosphorique. 

Les auteurs chimistes décrivent communément l'acide phospho- 
reux comme un corps fluide formé par la combustion lente du phose 
phore dans l'air; mais j'ai trouvé que le liquide obtenu de cette - 
manière, étoit une solution de mélange de phosphore et d'acides 
phosphoriques, et que la vapeur qui ‘élève du phosphore dans 
l'air aux températures ordinaires, est une combinaison d’acide 
phosphoreux, et de vapeur aqueuse dans l'air, ce que je n’ai pas 
appereu dans l’air artificiellement desséché,. 


Dans cette circonstance, le phosphore se couvre d’une pellicule 
blanche qui paroît être de l’acide phosphoreux pur , et qui bientôt 
après cesse de briller. 

On peut obtenir un acide solide volatil à un degré de chaleur 
modéré, en brûlant le phosphore dans un air très-rarefié; il 

aroît être alors un acide phosphoreux dégagé d’eau ; mais toujours 
il se forme dans le même temps quelqu’acide phosphorique, 
et quelqu'oxide jaune de phosphore, 


Le gaz particulier diffère beaucoup de l'hydrogène phosphoré 
formé par l’action des terres, des alcalis et du phosphore sur 
l'eau; en effet ce dernier gaz est spontanément inflammable, 
et sa pesanteur spécifique est rarement plus de la moitié. Dé- 
composé par le potassium, il ne donna pas plus d’un 5° de son 
volume d'hydrogène. Dans différentes circonstances, il diffère 
dans ses quantités, et probablement, il est composé de divers 
mélanges d'hydrogène avec un gaz particulier, consistant en 
2 parties d'hydrogène et 20 de phosphore, ou bien il doit ren- 
fermer plusieurs proportions d'hydrogène sur une de phosphore. 

Je hasarderai de donner à ce nouveau gaz, le nom de gaz 
hydro phosphorique ; et d’après les principes de nomenclature, 
‘ai proposé dans le Mémoire que j'ai lu devant la Société de 

ackerin, de donner à la liqueur contenant 20 de phosphore 
sur 67 de chlorine, le nom de phosphorane, et au sublimé celui 
‘de phosphorana, 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 83 


INT. De quelques Combinaisons de Soufre. 


Dans un Mémoire publié dans les Transactions Philosophi- 
ques de 1810, j'ai fait voir que l'hydrogène sulfuré se forme 
de la solution du soufre dans lhydrogène ; et j'ai supposé que 
pareïllement l'acide sulfureux se forme par une solution de soufre 
dans l’oxigène. Il y a toujours une légère condensation de vo- 
Jume, dans les expériences sur la combustion du soufre dans 
loxigène ; mais on peut l’altribuer hardiment à quelqu'hydrogène 
combiné d’une manière dissolue dans le soufre, et à la production 
d’un peu d'acide sulfurique par l’action mutuelle de hydrogène, 
de l’oxigène et du soufre. 

Il est seulement nécessaire, en accordant ces données, de 
connoKre la différence de la pesanteur spécifique du gaz acide 
sulfureux et de l’oxigène, de l'hydrogène sulfuretté et de l’hy- 
drogèue, pour déterminer leur composition. 


Dans les Transactions Philosophiques de 1816, pag. 254, 
j'ai un peu négligé les poids de l'hydrogène sulfuretté et du gaz 
acide sulfureux, car je me suis assuré depuis, que les mesures 
de pouce cube employées pour constater les volumes de gaz 
pesés, n'étaient pas exactes. D’après des expériences que je re- 
garde comme cerlaines, comme la pesanteur des gaz fut simple- 
ment comparée avec celle de volumes égaux d’air commun, j'ai 
trouvé que 100 pouces cubes de gaz acide sulfurique pesoient 
68 grains à ure température et à une ae moyenne, et 106 
pouces cubes d'hydrogène sulfuretté 36.5 grains; ce dernier ré- 
sultat s’accordeà peu près avec celui donné par MM. Gay-Lussae 
et Thenard , ainsi qu'avec celui qu'avoit obtenu M. John Davy 
mon frère. 

En déduisant 34 de 68 du poids de 100 pouces cubes de gaz 
hydrogène, il paroïtra que l'acide sulfureux est composé de 
poids égaux de soufre et d’oxigène, estimation qui s'accorde à 
peu près avec celle donnée par M. Berzelius; et si 2.27, poids 
de 100 pouces cubes d'hydrogène , peut êlre soustrait de 36.5, 
le restant 34, 23, sur la quantité de soufre existante dans le 
gaz ; le nombre représentant le soufre peut étre fixé à 30 ; l’acide 
sulfureux comme composé d’une proportion de soufre 30, et 
deux d’oxigène 30; et l'hydrogène sulfuré comme composé 
d'une proportion de soufre, et de deux d'hydrogène. 


84 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

D'après les expériences de M. Gay-Lussac, il paroît que l'acide 
sulfurique décomposé par la chaleur, donne un volume d’oxigène 
sur deux d'acide sulfureux; il paroîtroit, d’après cela, être com- 
posé d’uue proportion de soufre sur trois d’oxigène. J'ai essayé 
à plusieurs reprises, à l’aide d'une chaleur ordinaire et de l’élec- 
tricité, decombiner le gaz acide sulfureux avec l’oxigène, comme 
pour former un acide sulfurique dégagé d’eau ; mais toutes mes 
tentatives à cet égard, ont été sans succès; et il est probable 
que trois proportions d’oxigène ne peuvent être combinées avec 
une proportion de soufre, que par l'intermédiaire de l’eau. 
M. Dalton a supposé qu’il existe, dans cette circonstance, un 
acide sulfurique formé par l’action du gaz acide sulfureux sur 
le gaz acide nitreux. Mais je trouve que lorsque le gaz acide 
sulfureux sec, et le gaz acide nitreux sont mélés ensemble, il 
n'y a point d'action; seulement en introduisant la vapeur de 
l'eau , ils forment ensemble un hydrate solide cristallin qui, 
précipité dans l’eau , donne du gaz nitreux, et formeune solution 
d’acide sulfurique. 


J’airenvoyé, dansles Transactions Philosophiques , à la com- 
binaison de la chlorine et du soufre. Il ne m'a pas élé possible 
de former un composé de ces substances qui ne déposent pas 
de soufre par l’action de l’eau. Lorsque le soufre est saturé de 
chlorine, comme dans la liqueur sulfurée du docteur Thomson, 
il paroit ne contenir d’après mes expériences, que 67 de chlorine, 
sur 30 de soufre, 


IV. Quelques Observations générales. 


Un fait digne de remarque, c'est que les acides phosphorique 
et sulfurique renfermeroient la même quantité d’oxigène, sur la 
même quantité de matière inflammable; et cependant, quel’oxigène 
s’y combineroit avec diflérens degrés d’aflinité. L’acide phos- 
phoreux a une grande propension à s'unir avec l’oxigène qu’il 
absorbe même de l’eau, et l'acide sulfureux ne peut le retenir 
que lorsque l’eau est présente. 

La relation de l'eau avec la composition de plusieurs subs- 
tances, a déjà attiré l'attention de quelques chimistes distingués, 
et elle mérite bien d’être approfondie. Plusieurs des substances 
par précipitation de solutions aqueuses, sont, selon moi, des 
composés d’eau. 

Ainsi le zircone, la magnésie, la silice lorsqu'elles sont pré- 

cipitées 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 85 


cipitées et séchées à 212°, renferment encore des proportions 
définies d’eau , et plusieurs des substances considérées comme 
oxides métalliques que j'ai examinées, obtenues de solutions, 
s'accordent avec elles sous ce rapport. Leurs couleurs, ainsi 
que d’autres propriétés , sont matériellement influencées par cette 
eau combinée. 


J'en donnerai une preuve. La substance qu'on a nommée 
loxide blanc de manganèse, estun nee d’eau et de protoxide 
de manganèse; et lorsqu'elle a été fortement chauflée, elle 
rejette son eau et devient un oxide couleur d'olive foncée. 


On a souvent soupçonné que la contraction de volume produit 
dans les terres pures par la chaleur, étoit due à l'expulsion de 
l'eau combinée avec elles. Le fait suivant semble confirmer ce 
soupcon, et offre un. phénomène curieux. 

La zircone précipitée de sa solution dans l'acide muriatique 
par un alcali, et séchée à une température au-dessous de 300», 
paroît comme uüne poussière blanche, si douce qu’elle ne peut 
_ pas rayer le verre : chauffée à 700° ou 800v, l’eau en est chassée 
à l'instant, et malgré la quantité de vapeur formée , élle devient 
à l'instant chaude jusqu’à la rougeur. Après ce procédé, on la 
trouve rude au toucher, elle devient grisâtre, ses parties sont 
cohérentes, et: sa rudesse est telle qu’elle raie le verre. 


Tome EXXVII. AOUT an 1818. M 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES ‘T 


‘Sunog 


s+ s A È 5 . = Far - - _— — s 
THERMOMÈTRE EXTÉRIEUR | BAROMÈTRE MÉTRIOUE EE! 
CENTIGRADE. QUE. "il 
En © TS | Em A ES —— É° | 
Maximum. | Minimum. |A Mix. Maximum. | Minimum. A |" 5 
mipi.| =}h 
oo 


Heures. o | heures. o heures. mill. | heures. mill, mél, e 

1là mudi Æ19,0ofà 4m. “H12,75|+19,00[à 9 ? s...,.,...766,16| 4 m........ Tes 758 00 18,9 
2là midi +18,75à61s. +r12,00|+16,75|à 4 m.........757,50à 6 15 47572 757.00 18,8 
3[à midi 18,904 m. ÆH11,75|-18,90|à 10: s....... 7é1,9b|à 4m........ 756,44 758,14 17,8 
alà3s. <+17,00/à 45 m.+ 9,75l+16,00|à 45s....... .707,00|à 4 m..….......762,76|764,5ol 17,6 
5là midi ÆHor,oolù 4m. + 8,00|+21,00|1 9m......... 767,68|à 9 4 s........766,32:767,20| 18,404 
6Ïà rs. —22,50[à 4m. + 9,00|+21,90|à 4 m.........765,20 à 10 55......,750,54[763,5 16,9|: 
7là3s. “+Ho5,50!à 4m. + 0,75|+25,12|à 4 m.........757,67/à52s..,,.,...753,00|755,00| 20,5] 
8la3s. <+H25,50[à4m. 13,00] +23,00|à 61m......,.754,80|à 104 5....... 750,64|754,08| 20,0 
olà midi 22,00 4m. +14,25|4+22,00|à 105........754,04|à 4 m.....,...750,90|752,70| 20,3] 
101265. “<+16,25|à 4m. +r12,00|+13,50/à9s...... ..:757.60|A41mast. 754,42|756,04| 18,5 
11là midi +20,50ofù 4m. -13,75|+-20,50|à 11 25......,758,84/à 4m... Dre 757,52| 19,5]N 


12là 35. <+21,90 
Nlr3là3s. —H23,50olà 4m. “+12,50|+22,50|à 6 + s....... +797, 78 à4235........754,92|757,00| 20,5 


14là 3s. —24,50à 1035.+1:5,75|+23,00|à 75 m....... 799,44jà 5 S......e...751,00|753,28| 20,2 
15là midi 00,25[à 104s.-+12,75|4-20,25là 1045.....,,.755,34|à 4: m....... 751,70|752,36| 19,7 
Hliéla3s. —<22,50là 42m.—rio,5ol+20,12/à9Às........ 759,12/à 43 m.....,.756,60|758,20| 20,0! 
Hlrzlàa 3s. —H22,75/à 3m. —ir,oo|+22,60|à 1125s........750 82/à 3m.........758,90|758,78| 20,5] 
Nlr8a3s. <+2200|à 42m.—r1,00|+21,90|à7 m......... 766,24\à 108........759,10]|750,06| 21,0! 

19là midi +23,50{à 42 m.+13,50|+-23,50/à44 m........ 757,14làr03s........751,38|755,60| 20,2] 
201à 9 3 m.+17,79/à 4? m.+14,00|+#+16,15[à midi........ 747.52|à 105... ... ...746,56]747,52| 19,51 
21[à midi +-21,00|à 115. +192,25|421,00/à 11 5......... 792,8a|à 4% m.......746,741749,40| 19,61 
dlz2là midi +21,75/à 43m. 11,25|221,75|à 9 3 m.......753,34/àbs.......... 752,30|753,14 19,31! 
Hl23là3s. +21,70là 43m.—r14,25|+#21,70|à 105........754,741à52s........749,36]750,30| 19,8 
Hloalà3s. 2r,40à 4% m.+13,75|+20,50o|à 10 s........755,16|à 4m.........751,00|752,80) 10,7 
d25là midi +21,25là 4+m.—r4,12|+21,25là 10 +s....... 754,18 55..........752,64|752,76| 19,8[N 
26|à midi +20,50|à 4 2 m.12,50|+20,50|à 95.........,.757,22 à 4% m.......754,82|756,20| 19,71 
27|à midi +-22,00|à 105. +14,00|+-22,00|à 10 5.........703,30|à 43m....... 756,60|761,00| 20,0] 
28[à 3s. —+2a,9olà 4 m.4r11,50|23,50[à 9 + s........766,80 


àa4$m........704,32]766,40| 20,7]m 
à 108........7063,50|766,14| 21,7] 


29/à midi +25,25|à 4 ? m.+12,00|+25,25|à 9 m.........707,12 


HI30là3s. 20 65|à 4m. 413,00! L20,00|à 41 m..... ..761,72là43m...... .759,18|760,58| 22,61 
M|5rlà midi <Æ93,37là rs. me HER EN ÉTREMONENTE 763,64\à 4m... Ro 762,18 220 
Moyennes.+21,87| —+12,01|+21,32| 758,75] i 755,641757,27 [19.9 
à RECAPITULATIO N. 
Millir. 
Plus grande élévation du mercure. .... 767,66 le 5 
-  Moindreélévation du mercure......... 746,56 le 20 | 
Plus grand degré de chaleur......... —+29,65 le 30 1 
Moindre degré de chaleur. ..... ..... + 8,0ole 5 
None de jours beaux....... 9 
de couverts......... 22 
depluie............... 22 
delventest he ctrce JL 
de gelée...-......:... o 
de tonnerre........... 3 
de brouillard. ......... 3 
de neige... .. to 
dé /erélel Ra NAS 1 


000 8 D 


Nora. Nous continuerons cette année à exprimer la température au degré du thermomètre cen: | 
centièmes de millimètre. Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu’on 
le thermomètre de correction. À la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre | 
conclus de l'ensemble des observations, d’où 1l sera aisé de déterminer la température moyenne | 
conséquent , son élévation au-dessus du niveau de la mer. La température des caves est également 


A L'OBSERVATOIRE IMPÉRIAL DE PARIS. 
JUILLET 1813. 


#38 POINTS VARIATIONS DE LATMOSPHERE. 
Le] . 


LUNAIRES. 


LE MATIN. A MIDI. LE SOIR. 


O-S-0. Très-nuageux, Couvert. Pluie. 
O0. uelques éclaircis. | Pluie par intervalles. |  Zem. 
N-O. Couvert. Petite pluie. Nuageux. 


N. Idem, quelq. g. d’ea.| Très-nuageux. Idem. 
N-O. P.Q.arih4o/m| Beau Gel, Nuageux, Pluie fine à 3h. 
S-E. Nuageux, lég.brouil.| dem. Superbe. 
Idem. Superbe. Superbe: Légères vapeurs. 
Idem. Lune apogée. | Pluie fine. Couvert. | Pluie et éclairs. 
O0. Iaem. Idem. Pluie, tonnerre à l'O. 
NO. Pluie continuelle. [Forte averse, Pluie par intervalles. 
Idem. Nuageux. Nuageux. Nuageux. 
Idem. Couvert. Couvert. Pet. nuag., éclairs. 
O! P.L.àah33/s.[Nuageuxe Idem. Couvert. 
S. Couvert. Idem. Pluie à 9 h. 
0. Pluie. Couvert. Nuageux. 
Idem. Nuageux. Très-nuageux: PetitepZuie, tonnerre. | 8 
Idein. Couvert. Jdem. Pluie, grêle. 
N-O. Nuageux. Nuageux. Petite pluie. 
S-0. Pluie fine. Pluie à 1 heures; Nuageuxet éclairs. 
S-E. D.Q.à10h65.| Pluie, Pluie abondante,  |Pluie, 
N-0. Pluie fine, Couvert, Beau ciel, 
S-S-O. Idem, Pluie par intervalles. | Pluie par intervalles. 
O-S-0. Couvert pluie. Très-nuageux. Nuageux, 
Idem.  |Lunepérigée. | Idem. Idem , petite pluie.| Jzem. 
S-0. Pluie abondante; Pluie parintervalles, | Idem, 
O-5-0. Nuageux, Très-nuageux, Pluie. 
©. N.L.à2h52s.| Couvert. Idern, Beau ciel. 
Idem. 1 Beau ciel, brouillard.INuageux. Petits nuages à l’hor. 
S-E. Quelques nuages, br.| Légers nuages; Beau ciel. 
Idem: eau ciel, Beau ciel. Pluie, tonnerre. 
N-0. Couvert, Idem. Beau ciel. 


\ 


RÉCAPITULATION. 


RLELERELEEEL) 


N I 
SES IMMO TRRNrAE 
[e] 

6 


TIRE SRE 


PÉTER 
DEC PE MORT EE 
ABUS AUS DATOR L ? 


le 1° 12°,100 | 


le 16 -12°,100 
LL 


Jours dont le vent a soufflé du 


Therm. des caves ; 


| Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 94""15 = 3 pouces 5 lig. y dixièm. 


j < 
tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c’est-à-dire en millimètres ef 
Eoie généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
et du thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le z7aximum et le zninimum moyens, 
du mois et de l'année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoirede Paris et par 
exprimée cn degrés centésimaux , afin de rendre ce Tableau uniforme, 


88 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


er 


MÉMOIRE 


SUR 


LES OSSEMENS £r COQUILLES FOSSILES 


DES ENVIRONS DE PLAISANCE. 
Extrait du Voyage pittoresque du nord de l'Italie, 


Par M. BRUUN NEERGAARD (1). 


C'est surle Monte Pulgnasco, au levant de Plaisance, dans 
la commune de Diolo, que les anciens appelèrent Déanium, 
que l’on commença à découvrir, depuis treize ans, tant d'objets 
importans pour l'Histoire naturelle. Il Monte Pulgnasco a environ 
douze cents pieds de hauteur. La rivière appelée Szramonte le 
sépare d’un monticule vers l’orient qui n’a que deux cents pieds 
de haut, et qu’on appelle Della Torazza. On dit que le fond 
de ces montagnes est composé d’une marne grisâtre, mêlée d’un 
sable quartzeux, à grain fin, dans lequel on a trouvé les restes 
des grands animaux qui m'inspirent tant d'intérêt. Ces ossemens 
étoient entremélés d’une grande quantité de coquilles marines 
fossiles, dont il existe beaucoup d’analogues, et dont plusieurs 
sont des nouvelles espèces. On en voit au moins vingt-deux à 
vingt-trois bien conservées, dont les analogues sont incontes- 
tables, et dont presque toutes habitent les Grandes-Indes. On 
pourroit peut-être en augmenter le nombre de douze à quinze 
genres ou espèces, mais les fossiles qu'on y a trouvés jusqu'à 


(:) Cinq Livraisons-ont déjà pau de ce Voyage, pour lequel on souscrit à 
Paris, chez l’Auteur, quai Voltaire , n° 17. 


va, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 8) 


présent, ne sont encore ni assez discutés, ni assez bien con- 


servés, pour qu’on puisse avec exactitude en déterminer les 
analogues. 


M. Faujas-Saint-Fond, professeur au Muséum d'Histoire na- 
turelle de Paris, est venu, il y a quelques mois, visiter ces 
contrées et la belle collection dont nous parlons. Ce savant a 
beaucoup contribué aux progrès des sciences, tant par ses voyages 
nombreux, que par le goût qu’il a inspiré pour l’étude par ses 
ouvrages, Il fut l'ami de Dolomieu, qui le regardoit comme 
son maître. On voit dans ses coquilles fossiles univalves plusieurs 
buccins, strombes, et rochers, trois espèces de scalaires, des 
trochus, des serpules, etc. Dans les bivalves on remarque des 
télines, des vénus, des marteaux, des moules, des pinnes marines 
et des spondiles de diverses espèces. Cortesi voyant avec quel 
intérêt notre naturaliste français examina ses coquilles fossiles, 
tout en admirant leur conservation , Jui fit cadeau de quelques- 
unes des espèces les plus rares, entre lesquelles on distingue un 
magnifique cône de le fami!le des amiraux, marquant pour avoir 
conservé en grande partie ses couléurs, et inconnu. Î1 y a sur 
ce genre important un ezcellent travail dans l'Encyclopédie 
Méthodique , par mon compatriote Hvas, Le bonnet de dragon, 
connu, mais très-rare. La piqûre de mouche, du genre du cône, 
est très-rare. La porcelaine saiggante, le plus rare de tous, qu'on 
a observé ici, La porcelaine sphériculée, vulgairemnent le poux, 
d’une grandeur peu commune, Tous des Indes. La licorne, le 
monodonte de Lamarck , dont l’analogue se trouve en même 
temps dans la Nouyelle-Hollande et dans les Indes. Ovule à 
deux pointes, vulgairement la navette, dont analogue est trouvée 
à l’île de Java, et la calyptrée de Lamarck, extrêmement rare 


de l’île de Bourbon, qui fut la patelle de Linnée. Faujas-Saint- 


Fond ne paroît douter d'aucun des analogues que je viens de 
citer (+). 

Nous allons examiner avec attention les ossemens fossiles qui 
ornent ce cabinet , et qui ont été découverts sur la petite étendue 
de quatre milles. Giuseppe Gôrtesi occupa en 1793 une place 


k 


() Mesnard a donné dans le Journal de Physique, tome LXV, pag. 105, 
une description de plusieurs de ces coquilles dont les analogues vivent dans dif- 


férentes mers de l'Inde , de l'Afrique , del Europe. 
(Note du Rédacteur.) 


90 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de juge à Castel Arquato, près de la montagne dont nous avons 
parlé. Un habitant de ces contrées, nommé Giuseppe Veneziani, 
et surnommé Colombo, y trouva, au printemps dela même année, 
uelques ossemens reconnus ensuite pour ceux d’un dauphin. 
e goût que Cortesi avoit toujours eu pour l'Histoire naturelle 
éveilla en lui l’idée de faire faire des fouilles dans cet endroit, 
conduites par ce Colombo, sous son inspection et celle de 
quelques amis. Les travaux de plusieurs années furent on ne 
peut pas plus fructueux pour la science. On espère qu’une si 
belle collection restera dans le pays où elle a été formée pour 
l'instruction des habitans et des voyageurs, et que S. A. R. le 
Vice-Roi, qui protège autant les sciences que les arts, finira par 
en faire l’acquisition, et accomplira ainsi le vœu de son esti- 
mable propriétaire d’en voir augmenter les curiosités de Milan. 


Les premiers objets des découvertes de Colombo furent deux 
morceaux d’une vertèbre, facilement pris pour ossemens fossiles 
appartenans à un animal marin. Ces ossemens que son proprié- 
taire reconnut d’abord, d’après les excellentes descriptions que 
nous avons des cétacés pour appartenir à une espèce du genre. 
des dauphins, ont ensuite été complétés par les autres pièces, 
dont on a trouvé un nombre suflisant pour pouvoir presque com- 
pléter l'animal entier, On a joint les morceaux par des fils de 
fer, pour en faciliter l'étude. Les ouvrages de lillustre comte 
de Lacépède , aussi connus par leur profondeur que par l'élégance 
du style, devinrent d’une grande utilité pour Cortesi dans ses 
recherches. Leur auteur, informé que ce savant s’occupoit d'objets 
relatifs à ses travaux, l’honora du don d’un exemplaire de ses 
précieux ouvrages, 


Les naturalistes donnent un beaucoup plus grand nombre de 
vertèbres à la colonne vertébrale du dauphin, qu’à celle de l’ani- 
mal trouvé dans ces contrées, qui n’en compte que trente-trois : 
peut-être n’en a-t:il pas davantage, parce que les vertèbres infé- 
rieures manquent. Aussi n’a-t-on pas trouvé la moitié de la mâ- 
choire inférieure, qui sans doute a été détruite par d’autres 
animaux marins. Le plus intéressant encore est que les vertèbres 
conservent leurs cartilages. La longueur du squelette entier n’est 
que de sept pieds six pouces; mais il n’y a aucun doute, d’après 
les proportions indiquées par le célèbre Cuvier, que sil étoit 
complet, il devoit avoir appartenu à un animal qui, vivant, 
auroit au moins eu environ treize pieds. D’après la description 
que Linnée donne des quatre espèces qu'il admet au genre du 


# 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, g1 


dauphin, il est sûr que le squelette plaisantin n’a appartenu à 
aucun de ceux dont parle l’immortel naturaliste suédois, tant 
pour la différence des dents que pour la grandeur. Cortesi trouve 
que son dauphin appartiendroit plutôt au dauphin-orca de Lacé- 
pède, sil n’y avoit pas une diflérence si marquante dans Ja 
forme du crâne. Il en tire la conséquence qu’il n’y a aucun doute 
sur le genre de son dauphin, mais qu’il faut croire, comme de 
tant d’autres espèces, qu’il réside vivant dans des mers qui n’ont 
pas encore été visitées par nos navigateurs, ou qu’il appartient 
à une espèce perdue. 

On eut en 1794 de grands os fossiles d’un cétacé qu’on croit 
appartenir au squelette d'une baleine, mais dont on n’a jamais 
bien pu détermuner l'espèce, faute d’en avoir la tête, On trouva 
ces ossemens au sud-est de Monte Zugo, vers le nord-est, près 
del Rivo del Gallo. Cortesi est retourné faire des recherches 
aux mêmes endroits, en 1803 et 1804, et a fini par trouver vingt 
vertèbres, dont la plus grande a environ neuf pouces de longueur, 
et presque la même us et quelques côtes d’une grandeur 

roportionnée, dont la plus forte a cinq pieds six pouces de long, 
D suppose, ce qui est le plus vraisemblable, que ces ossemens 
fossiles appartiennent à l'espèce de la baleine qu'on appelle ca- 
chalot. On ne peut rien décider sur la longueur de cet animal, 
n'ayant pas sa tête : cette partie seule forme plus de la moitié 
de la grandeur entière de plusieurs espèces de ce genre. Cortesi 
croit même qu’il seroit possible que les deux immenses mâchoires 
qu’on voit à Milan chez M. Giuseppe Rossi , fissent partie de son 
cachalot. 


En 1800, Colombo trouva sur il Monte Pulgnasco un fragment 
fossile d’une dent d’éléphant. Des occupations importantes du 
moment ne permettoient pas à son propriétaire de s'occuper lui- 
même des recherches nécessaires pour trouver l'animal entier : 
il en chargea deux de ses amis qui avoient beaucoup de con- 
noissances dans cette partie, le Sig. Rocca et le Capit. Pancini, 
tous deux voisins de la montagne. La fouille fut très-fructueuse ; 
on trouva un si grande quantité de fossiles d’éléphans, qu’on 
pouvoit en charger six mules. Ils étoient par malheur en partie 
gâtés, mais cependant encore assez conservés, non-seulement 
pour pouvoir déterminer l'animal, mais encore pour fixer la 
grandeur qu’il devoit avoir eue. 


On ne découvrit qu'un grand fragment d’une dent d’éléphant, 


02 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


mais aucune dent entière, L'endroit où on la trouva ne donn& 
aucune espérance de re en avoir une entière, parce qu'il 
étoit près d’une route très-fréquentée qui conduisoit à Veleja, 
et qui devoit naturellement détruire l'ensemble nécessaire des 
fragmens. Le plus grand morceau avoit deux pieds un pouce 
et six lignes de longueur, et, scié pour pouvoir mieux l’examiner, 
un diamètre dont le plus fort étoit de sept pouces trois lignes, 
Cortesi détermina, autant que les fragmens le lui permettoient , 
la grandeur du fémur, de l’épaule, et des autres ossemens ; 
mais le plus important sans doute étoit de savoir la grandeur 
de la tête, parce que de ià dépend la longueur de Panimal, 
et la différence de l'espèce. On a. bien fait d'examiner et de 
dessiner les mâchoires ; et en les comparant aux descriptions 
de Hunter, de Cuvier et de Camper, on a cru pouvoir décider 
qne l’éléphant, que Cortesi appelle ordinairement le sien, parce 
qu'il regarde tous ces ossemens fossiles trouvés comme apparle- 
nant au même individu , est de l’espèce asiatique. On l’attribue 
lutôt à cette espèce qu'aux deux autres connues, parce que 
fe lames des dents ne sont pas en grand nombre, mais seu- 
lement ondulées ; qu’il n’a pas le losange transverse sur la couronne 
des dents, comme les éléphans africains, ni des dents aiguës, 
avancées et. relevées comme cellés d’un animal approchant de 
Péléphant, et dont a trouvé les ossemens fossiles près de la 
rivière de l'Ohio, dans l'Amérique septentrionale, et auquel on 
donne improprement le nom de #7ammouth. 

Cortesi croit pouvoir juger, d’après la grandeur de la dent 
trouvée, que son éléphant doit avoir été de la plus grande di- 
mension connue; qu'il peut même encore n’avoir été que jeune, 
lorsque plusieurs de ses dents n’avoient encore pris que peu d’ac« 
croissement ; que la substance huileuse et colorante qu’on trouve 
autour du squelette et dans les cavités des ossemens, est le ré- 
sultat de la décomposition des chairs, et une preuve sûre que 
l'animal a été porté au Monte Pulgnasco, dans son état entier, 
et non en état de squelette. Les ossemens dispersés prouvené 
qu'ils ont été agités par des eaux courantes, 

On a aussi découvert près du Monte Zugo, que les anciens 
äppellent sagate, la tête d’un rhinocéros avec plusieurs ossemens 
du même animal. La tête a plus de trente pouces de longueur; 
et il paroît qu’elle appartient au rhinocéros à deux cornes de 
l'Afrique, L'observateur et le philosophe s’étonnent en même 

temps 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 93 


temps de trouver aux mêmes lieux les restes des deux plus grands 
animaux de l'Asie et de l’Afrique. 


Le savant Amoretti, de Milan, dont je viens de faire la con- 
noissance personnelle , a publié depuis vingt-cinq ans, avec son 
ami Je professeur Soave, à Pavie, un ouvrage d’un grand intérêt 
pour les sciences et les arts, Cet ouvrage a été publié depuis 
une trentaine d'années, in-4°, sous les titres de Scelta d'Opuscoli, 
et d'Opuscoli Scelti interessanti sulle Science et sulle Arte, etc. 
Ce recueil renferme, en Italie, tous les Mémoires intéressans, 
tant en entier que par extrait, qui ont paru depuis le commen- 
cement de sa publication, dans toutes les langues européennes, 
tant dans les ouvrages académiques que dans les journaux. On 
y trouve aussi plusieurs Mémoires originaux qui n’ont paru qu’en 
italien, Le discernement avec lequel cette collection est rédigée, 
la rend un vrai répertoire des sciences et des arts ; et, quoique en 
grande partie faite seule pour les Italiens , elle ne laisse pas d’inté- 
resser tout homme de lettres, de quel pays qu’il soit. Amoretti 
a à lui seul entrepris la continuation de ce recueil sous le titre 
de Nuova Scelta d’Opuscoli ; et le premier volume en a paru, 
in-4° comme les autres, en 1804. Je fais ici mention de cet ou- 
vrage; car on y trouve une lettre de Carlo Amoretti, sur les 
ossemens fossiles que je viens d’examiner, à Monseigneur della 
Torre; et deux Mémoires de Cortesi même , qui traitent avec 
profondeur des ossemens fossiles du dauphin, de la baleine et 
de l'éléphant. Ce savant auteur nous promet, dans un autre 
Mémoire, qu’on attend avec impatience, des détails sur le rhi- 
nocéros. Ces excellens Mémoires sont accompagnés d’une carte 
chorographique, et des dessins des mâchoires de l'éléphant et 
du rhinocéros. 

Cortesi croit, à ce qu’il me paroît, avec raison, que son élé- 
phant ne peut pas avoir été conduit en Italie par Annibal, parce 
que l’endroit où les ossemens ont été trouvés est plus de dix-huit 
milles, en ligne directe, éloigné de la place où la fameuse ba- 
taille de Trebbia fut livrée. Polybe, qui est l'historien auquel 
il paroît qu’on doit avoir la plus grande confiance, comme il 
visita douze ans après ce champ de bataille même, assure qu’il ne 
resta qu’un seul Léshaut à Annibal après la bataille de Trebbia ; 
il devient donc peu vraisemblable que ce fut l’éléphant de Cortesi, 
On a aussi nouvellement trouvé près de Trebbia quelques osse- 
mens d’éléphant, ainsi que d’autres animaux près de Bastia, qui 


Tome LXXVII, AOÛT an 1813 N 


94 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


n’en est pas éloigné; mais ils sont dans un si parfait élat de 
pétrification, qu'il faut absolument fixer le temps de l'existence 
des animaux auxquels ils ont appartenu, à une époque beaucoup 
plus reculée que celle d’Annibal. 


Les coquilles marines, ainsi que les restes de la baleine et 
du dauphin, détruisent totalement l’idée que l'éléphant et le 
rhinocéros pouvoient , comme de tels animaux le furent à Rome, 
avoir été conduits aux jeux publics de Veleja. Voir des ani- 
maux marins et terrestres du plus grand volume, réunis au 
même endroit avec des Piles ,; habiter dans les mers les 
plus éloignées , paroït nous annoncer une des plus grandes et 
des plus anciennes révolutions de notre globe. Les géologues 
décideront, d’après leurs diverses opinions, comment ils veulent 
conduire cette catastrophe. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 9% 


NOTICE 


SUR LE GISEMENT 
DU CALCAIRE D'EAU DOUCE 


Dans les départemens du Cher, de l'Allier et de la Nièvre. 


PAR J. J. D'OMALIUS D'HALLOY. 


Extrait du Journal des Mines, n° 187. Juillet 1812. 


CE n’est que depuis trois ans que MM. Cuvier et Brongniart 
ont (1) annoncé, pour la première fois, l'existence du calcaire 
d'eau douce comme formation particulière, et déjà Pon connoît 
beaucoup d’exemples de ce terrain, qui s’est, pour ainsi dire, 
multiplié sous les pas des observateurs. On a vu par le second 
Mémoire de M. Brongniart (2), combien il est abondant en 
France. Je me propose de faire connoître dans cette Notice 
quelques gîtes nouveaux qui, à la vérité, métendront pas le do- 
maine de cette formation à des contrées éloignées, mais qui pré- 
senteront quelques circonstances particulières, et serviront peut- 
être à réunir, sous un point de vue plus général, les différens 
dépôts de cette nature qui existent dans le centre de la France. 

L'un de ces gîtes est situé dans le département du Cher, sur 
la route de Bourges à Saint - Amand, entre Levet et Bruère. 
11 repose sur an plateau dont la hauteur absolue est peu consi- 
dérable, mais qui fait cependant partie d’un plan ascendant , 


(1) Dans un Mémoire lu à l’Institut , le 11 avril 1808, inséré dans le Journal 
des Mines , tome XXIII, pag. 421. 
(2) Annales du Mus, d'Hist. nat, , tome XV, pag. 357. 


N 2 


96 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


qui s'élève en pente douce des plaines de la Sologne aux petites 
montagnes graniliques du département de la Creuse. Tout le 
terrain environnant appartient à une formation d’ancien calcaire 
en couches horizontales, contenant des ammonites, des gry- 
phées, des térébratules, et autres fossiles d’origine marine. Ce 
calcaire est ordinairement recouvert par une couche de terre 
fortement colorée en brun-rougeâtre, qui passe quelquefois à 
un véritable minérai de fer. Mais au sud de Levet, sur une 
étendue d’environ deux myriamètres , cette couche superficielle 
est remplacée par une autre terre argileuse d’un gris-de-cendre 
qui rappelle la couleur de certaines vases des marais, et où rien 
n’annonce la présence de l’oxide de fer, si abondant dans les 
terres ordinaires du Berry. C’est là ce qui indique le changement 
de terrain , car dès qu’on creuse au-dessous de cette légère couche 
d'argile, on trouve , au lieu de la pierre jaunâtre ordinaire, un 
autre calcaire blanchâtre, friable, grumeleux, semblable aux 
couches tendres du calcaire d’eau douce de la Beauce. On a 
ouvert dans une des parties les plus élevées du plateau, une 
carrière qui présente absolument la même disposition et la 
même nature de pierres que les exploitations des environs de 
Blois. 

On y extrait-un calcaire blanc légérement grisâtre, dont [a 
nuance tire davantage sur le gris de fumée , comme les pierres 
de Blois et d'Orléans, que sur le gris - jaunâtre de Château- 
Landon (+). H est dur, compacte, mais rempli d’une infinité 
de pores, de cavités irrégulières, et de ces espèces de tubulures 
que M. Brongniart a décrites (2), et qui se dirigent uniformé- 
ment de bas en haut; la cassure est conchoïde dans certaines 
parties , inégale ou grumeleuse dans d’autres. Enfin cette pierre 
présente tous les caractères assignés au calcaire d’eau douce, 
et ce rapprochement est bientôt confirmé par les fossiles qu’on 
y trouve, et qui toutefois ne sont pas très-abondans. Ce sont 
de petits planorbes et de grands limnées qui paroissent se rap- 
procher du Zimneus ventricosus (BRONGN.), mais qui ont la 
taille des plus grands limnées eflilés (/imneus longiscastus 


LE 


(1) La pierre de Chäteau-Landon (Seine-et-Marne ) est décrite à la pag. 216. 
de l’Essai sur la Minéralogie géographique des environs de Paris, pas 
MM. Cuvier et Brongniart. Paris, 1811. 

(2) Annales du Mus. d'Hist, nat. ,. tome XV, pag, 3614. 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 97 


Broxex.). Cette pierre repose presqu’à la surface du sol; elle 
est tellement traversée par des fentes ou joints irréguliers, qu’on 
ne pourroit pas dire si elle forme une ou plusieurs couches. Elle 
a quelquefois 2 à 3 mètres de puissance, et par-dessous on trouve 
le calcaire grumeleux indiqué précédemment. 


En continuant à s'avancer vers Bruère, on remarque que le 
plateau s’abaisse et présente en même temps un calcaire qui a 
encore la couleur, la dureté, et jusqu'à un certain point , l'aspect 
de celui de la première carrière, mais qui est moins caverneux, 

lus généralement compacte, et qui est surtout caractérisé par 
FE inc des parties de silex qui le traversent en tout sens, 
et se lient intimement avec les parties calcaires; c’est en un mot 
la même substance que celle que MM. Cuvier et Brongniart 
ont décrite sous le nom de calcaire siliceux (1). Je n’y ai pas 
apperçu de débris de corps vivans; les parties siliceuses qui 
forment quelquefois des masses considérables , sont ordinairement 
d’un blanc qui tire sur le blanc de lait, quelquelois grisätres 
ou blondes , assez communément presque opaques , et de temps 
en temps fortement translucides. La position moins élevée de 
ce calcaire siliceux porte à croire qu’il est inférieur au calcaire 
caverneux à limnées. Au surplus, cette situation du terrain 
d’eau douce est assez singulière, car cette formation se trouve 
habituellement resserrée dans des vallées, comme aux bords de 
l'Allier et dela Loire, ou étendue dans des plaines basses, comme 
dans les environs de Paris. 

M. Bronguiart a observé (2) qu’il n’y avoit aucun indice de 
terrain marin dans le calcaire de la Limagne d'Auvergne. Le 
même ordre de choses se prolonge encore dans toute la portion 
de la vallée de l'Allier, comprise dans le département de ce 
nom. La plus grande partie de cette vallée, ou plutôt de cette 
vaste plaine, est recouverte par des terrains de transports; mais 

. généralement, dès qu’on s'approche des plateaux granitiques qui 
la bordent à l’est et à l’ouest, on voit s'élever de petites collines 
de calcaire d’eau douce, qui d’un côté s'appuient sur les roches 
primitives, et de l’autre se perdent sous le terrain d’alluvion. 
Il est inutile de donner ici une nouvelle description géologique 
de ces collines, car elles sont semblables à celles de la Limagne 


(1) Minéralogie géographique, etc., pag. 29. 
(2) Annales du Mus. d'Hist, nat. , tome XV, pag. 392, 


95 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

que M. Brongniart a décrites, si ce n’est qu’on n’y trouve plus 
les produits volcaniques. J'e vais seulement citer quelques endroits 
où J'ai eu occasion de voir le terrain d’eau douce, dans l’idée 
que ces indications pourroient être utiles aux personnes qui 


entreprendroient une description complète de cette intéressante 
contrée, 


En allant de Gannat, ville bâtie sur le terrain d’alluvion, à 
Chantelle, bourg situé sur le’granite, on voit plusieurs collines 
de calcaire d’eau douce qui présentent des coupes assez puis- 
santes. Cette formation se rencontre aussi au port Barraud , près 
du Veurdre, entre Bourbon-l'Archambaud et Saint-Pierre-le- 
Moutier; mais elle y est en grande partie cachée par le dépôt 
d’alluvion , et ne s’y manifeste que dans quelques carrières 
creusées au bord de l'Allier. Sur la rive opposée, le terrain d’at- 
térissement s'étend jusqu’à la Loire; mais en remontant paral- 
lélement au cours de l'Allier, on retrouve les collines de calcaire 
d’eau douce très-bien prononcées entre Jaligny et la Palisse. 
Elles y sont, de même que dans presque tous les lieux où j'ai 
vu cette formation, recouvertes par une terre argileuse, grise, 
très-propre à la culture du froment, qu’on connoît dans ce pays 
sous le nom de £erres fortes, par opposition au sol sablonneux 
du terrain granitique et du dépôt d’alluvion, qui ne produit 
que du seigle, et qu’on désigne par le nom de yarennes. 

Ces collines présentent très-abondamment un dépôt fort sin- 
gulier, formé 4 la réunion dans une concrétion calcaire, de 
tubes droits et courts, que M. Bosc a décrit le premier (1), et 
qu'il regarde comme le travail d'animaux analogues aux larves 
des friganes, qu’il a nommées indusia tubulata. Cette opinion, 
adoptée par MM. Ramond et Brongniart, paroît sans contredit 
la Es probable ; mais quand on considère que ces masses cal- 
caires ne sont pas toujours uniquement formées de la réunion 
de ces tubes; que souvent, au contraire, l'enveloppe de ces 
dérniers se lie intimement avec de simples concrétions à texture 
testacée, de forme globuleuse ou mamelonnée, qui ne présentent 
plus aucun indice d'ézdusia; que d’autres fois on trouve de 
irès-grosses masses globuleuses formées comme d’écailles concen- 
triques dont le point de départ est un de ces petits tubes long 
de 3 à 4 centimètres; on ne peut, me semble-t-il, s'empêcher 


EEE ne nee 


(1) Journal des mines, tome 17, n° 101, pag. 397. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 09 


d'admettre que, pour la formation de ces masses, il n'y ait 
eu au moins complication du travail des friganes, avec cette 
tendance qu'a la nature de produire , dans certaines circons- 
tances, des concrétions de formes globuleuses. 


On sait que l’enveloppe de ces tubes renferme toujours beau- 
coup de petites coquilles que M. Bosc a rapportées au genre 
hélice, et M. Brongniart aux ampullaires. Ces coquilles sont très- 
abondantes à Jaligny. On ne les trouve pas seulement engagées 
dans les parties dures, mais elles y existent aussi en quantité 
innombrable dans un calcaire pulvérulent où les irdusia ne 
forment que des rognons épars. Ces coquiiles isolées sont natu- 
rellement plus faciles à observer que les autres; elles m'ont paru 
se rapprocher beaucoup du bulirnus 1erebra (BRONGN.) et ap- 
partenir par conséquent au nouveau genre amphibulime de 
M. Lamark. Elles sont courtes, renflées, quoique turriculées, 
à quatre tours de spire, l'ouverture plus longue que large, à 
bord non réfléchi et interrompu, la columelle lisse, etc. 


Ces amphibulimes sont accompagnées d’hélices globuleuses 
qui ressemblent beaucoup à l’helix cocquii (BRONGN.), ou à 
l'espèce citée par M. Brongniart à la suite de l’helix tristani, 
et que M. Tristan regarde, dans son Mémoire sur la géologie 
du Gatinais, comme l’état adulte de l’helix tristani. 


Les masses à zzdusia paroissent être les derniers termes de la 
formation calcaire à Jaligny, comme dans le reste du départe- 
ment de l'Allier et dans celui du Puy-de-Dôme; elles y forment 
le sommet des collines , et présentent, notamment à Chaveroche, 
des rochers considérables et des escarpemens très-prononcés. Leur 
couleur ordinaire est le blanc-grisâtre, si commun au calcaire 
d’eau douce; mais il y a aussi des exemples du jaune d’ocre 
qui caractérise si souvent les calcaires marins, et on y voit 
quelquefois des blocs de pierre qu’on prendroit pour du calcaire 
grossier de Paris, si on ne faisoit point attention aux petits am- 
phibulimes qu’ils contiennent. 


Les environs de Nevers, et en général toute Ia contrée entre 
cette ville et Decize ( Nièvre), appartiennent à la formation de 
l’ancien calcaire horizontal à gryphées et ammonites; mais comme 
on emploie pour paver les rues de Nevers une pierre très-dure 
qui a tous les caractères du calcaire d’eau douce, ou plutôt du 
calcaire siliceux que j'avois vu tant de fois accompagner le cal- 
caire d'eau douce, je fis quelques recherches pour le trouver 


Tele) JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


en place, et je le rencontrai dans deux endroits différens sur 
les bords de la Loire : à Thiaux, hameau situé à 5 kilomètres 
au-dessus de Nevers, et à Béard, 15 kilomètres plus haut. Ces 
deux gîtes, qui bien probablement ne sont pas les seuls de la 
contrée, ont fort peu d’étendue; ils présentent une espèce de 
couche irrégulière ou de dépôt superficiel peu puissant d’un cal- 
caire particulier qui repose sur le calcaire à gryphées, dans de 
petits plateaux peu élevés au-dessus de la Loire. 


Ce calcaire est blanc, passe quelquefois au blanc-grisâtre, ou 
au gris-jaunâtre clair des pierres de Château-Landon; il est ex- 
têmement dur, présente des parties compactes, luisantes, à cassure 
conchoïde ; d’autres qui sont traversées en tout sens par de petites 
cavités, des crevasses, ou de simples lignes qui lui donnent quel- 
quefois l'apparence d’une concrétion, et d’autres fois celle d’une 
brèche qui rappelle celles qu'on voit à Champigny; il a enfin 
tous les caractères du calcaire siliceux des environs de Paris : 
aussi on voit des parties de silex qui pénètrent de même dans la 
masse calcaire, se confondent avec cette dernière, et devien- 
nent quelquefois assez abondans pour former à elles seules de 
pou masses presque semblables aux meulières des bords de 
a Marne, 


. Les rapports minéralogiques qui existent entre le calcaire si- 
liceux et celui qui contient des coquilles d’eau douce; la position 
géologique et géographique du grand plateau de calcaire siliceux 
au sud-est de Paris; les observations que j'ai faites dans les 
départemens d'Indre-et-Loire, de Loire-et-Cher, du Loiret et du 
Cher, où Jj'avois yu ces deux calcaires s'accompagner presque 
constamment, et passer insensiblement de l’unà l’autre; l'opinion 
de M. Bigot de Morogues (1) qui a assigné une origine com- 
mune à tous les calcaires des environs d'Orléans, et qui n’a 
jamais indiqué une différence de formation entre ces deux 
variétés, quoiqu'il ait étudié ce sol avec beaucoup d’attention; 
toutes ces considérations, dis-je, m’avoient déjà porté à ne voir 
dans le calcaire siliceux, tel qu’il a été déterminé par MM. Cuvier 
et Brongniart, qu’une modification de Ja formation d’eau douce. 
Les pîtes de Béard et de Thiaux étoient bien faits pour con- 
firmer cette opinion, car ces petits amas partiels, isolés sur un 
> 


() Dans un Mémoire sur la constitution minéralogique et géologique des 
envirous d'Orléans, imprimé dans cette ville en 1810, 
terrain 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 10€ 


terrain tout diflérent, éloignent naturellement l’idée d’un dépôt 
fait au milieu de la mer, mais rappellent plutôt celle de petits 
lacs isolés. Je sentois bien toutefois que ces conjectures n’auroient 
pas encore sufh pour faire considérer le calcaire de ces deux 
endroits comme d’eau douce; je m’attachai donc à y découvrir 
quelques corps organisés, et j’eus enfin le bonheur de trouver 
à Béard une masse qui contenoit des Zmnées, que je regarde 
comme étantle /ëmneus longiscastus. J’avouerai, à la vérité, 
que ce fait, qui suflit pour attester l'existence du calcaire d’eau 
douce à Béard, ne prouve pas absolument que le calcaire siliceux 
a la même origine que ce dernier, parce que la masse où j'ai 
trouvé des limnées ne présente pas de sil:x, quoiqu’elle soit 
d’ailleurs de la même nature que tout le reste du terrain. 


I] me paroît, cependant , qu'il y a tant de faits et d’ana- 
logies tirés des considérations minéralogiques, géologiques et 
géographiques, en faveur de l'identité de l’origine du calcaire 
siliceux et de celui qui contient des coquilles fluviatiles, que 
je ne crois pas qu'on. puisse la contester d’après lé seul fait 
négatif de l'absence des corps organisés dans le premier de ces 
terrains. ° 

Cette absence tient peut-être à quelques causes provenant de 
la nature du liquide dans lequel ce calcaire se déposoit, qui, 
pe la propriété qu’il avoit de dissoudre si complètement la si- 
ice, et de contenir une aussi forte proportion de cetle terre, 
n'étoit pas propre à nourrir des corps vivans; car tout nous porte 
à croire que les liquides de ce genre ne peuvent plus entretenir 
la vie des mollusques testacés; c’est ainsi, par exemple, qu’on 
n'a pas encore trouvé de débris de ces animaux dans les forma- 
tions de granite, de porphyre, et de siénite zirconienne que 
M. de Buch a reconnues, en Norwège, pour être postérieures au 
calcaire coquillier (1). + 

Je me permettrai de rapporter à cet égard une observation qui 
p'a pas un rapport très-direct avec mon sujet, mais qui mérite d'être 
consignée ici, dans l'intention d'engager les voyageurs etles obser- 
Vateurs sédentaires, à vérifier si elle est aussi générale que j'ai cru le 
remarquer. C’est que les gastéropodestestacées sont excessivement 


QG) Forez le Poyage en Norwège et en Laponie de M. de Buch, dont il y 
2 un extrait dans le Journal des Mines, tome XXX. 


Tome LXXVII. AOÛT an 1613. 0 


703 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

rares sur les terrains granitiques. Je viens de parcourir à pied 
plus de 100 myriamètres dans les terrains primitifs du centre 
de la France, et quoique je m’y sois attaché à y constater l’exis- 
tence de ces êtres, je n’y ai pas vu de coquilles terrestres, je 
n’y ai même rencontré qu’un seul gastéropode fluviatile du genre 
limnée, Cette extrême rareté des coquilles dans les terrains pu- 
rement siliceux, viendroit-elle de ce que ce sol contient quelques 
principes nuisibles à l’existence de ces animaux, ou plutôt de 
ce que ces derniers auroient besoin de terre calcaire pour cons- 
tuire leurs coquilles? Une observalion qui appuieroit cette der- 
nière idée, c’est qu'on voit encore beaucoup d’hélices et de cy- 
clostomes dans de: lieux dont le sol est déjà granitique, mais 
qui sont peu éloignés du terrain calcaire; de sorte qu'on pourroit 
supposer que ces mollusques trouvent la chaux qui leur est né- 
cessaire dans le mortier des murailles, dans les pierres calcaires 
amenées pour la bâtisse et dans la marne employée à lamende- 
ment des terres. J’ai aussi remarqué que les gastéropodes aqua- 
tiles s’'avancent encore davantage dans le terrain granitique, 
lorsqu'il est traversé par des eaux qui proviennent des pays 
calcaires, et que ces animaux sont assez communs dans les pays 
de porphyre décomposé , où l’on sait que les eaux rétiennent 
toujours de la chaux. Il faut convenir que si cette hypothèse 
avoit quelque fondement, elle prouveroit que l’opinion des géo- 
logistes qui prétendoient que les mollusques peuvent créer la ma- 
tière calcaire, étoit au contraire bien peu fondée. 


Si nous jetons actuellement un coup -d’œil sur les différens 
gites du calcaire d’eau douce dans le centre de la France, nous 
verrons que cette formation présente une série de bassins plus 
ou moins considérables et plus ou moins isolés, qui s'étendent 
des montagnes d'Auvergne jusqu'aux plaines de Champagne et 
de Picardie. 

Ce terrain, à son origine, est resserré dans les vallées de la 
Loire et de l'Allier; mais cependant il est déjà très-abondant 
dans cette dernière, où il forme presque sans interruption le 
sol de la Limagne d'Auvergne et de la plaine du département 
de l'Allier, depuis Brioude jusqu’au-delà de Moulins. Il y pré- 
sente, outre certains caractères généraux à loute la formation, 
quelques propriétés particulières qui ne se trouvent plus dans 
la partie inférieure; telles sont les masses d’ëndusia, union 
avec des matières volcaniques , l'existence de couches imprégnées 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 103 


de bitume, l'alternative du calcaire avec des couches de sables 
quartzeux , et, ce qui est plus remarquable, une puissance en 
hauteur, telle qu'il offre des couches très-élevées, et qu’on l'y 
trouve sous une différence de niveau de 36r mètres (1). 

Le calcaire d’eau douce est beaucoup moins abondant dans 
la partie de la vallée de la Loire supérieure, à l'embouchure 
de l'Allier; il n’y forme que de petits dépôts peu puissans, 
éloignés les uns des autres, où il participe plus souvent des pro- 
priétés du calcaire siliceux que du calcaire à coquilles fluviatiles 
proprement dit. Je n’ai point été à même d'examiner la plus 
grande partie de ces diflérens gîtes; mais d’après les renseigne- 
mens que j'ai pu recueillir (2), il y en a déjà sept de connus, 
savoir : trois dans le département de la Haute-Loire, à Expaly, 
au Puy, et à Retournad; deux dans le département de la Loire, 
à Sury-le.Comtat, et au nord de Roanne; enfin, deux dans 
le département de la Nièvre, à Béard et à Thiaux, dont il a 
été parlé ci-dessus. 

Le défaut d'observations pour la partie des bords de la Loire 
comprise entre Neverset Cosne, est cause que je ne puis citer 
aucun gite de calcaire d’eau douce dans cette contrée; mais 
SAnaoee ne permet presque pas de douter qu’on ne l'y trouvera 
aussi; l'exemple de Levet dont j'ai fait mention dans cette note, 
annonce même qu'à partir de la fin des montagnes granitiques , 
ce calcaire a pu quelquefois s'étendre au-dessus des plateaux 
qui bordent la vallée de la Loire. Cependant celui qu'on re- 
trouve à Cosne, et qui devient ensuite très-abondant tout le 
long du fleuve, continue, jusqu’à Gien, à être habituellement 
resserré dans la vallée par des collines d’ancien calcaire marin. 
Mais alors cette formation prend un développement prodigieux, 
et se prolonge presque sans interruption vers le Nord, depuis 
les plaines sablonneusesde la Sologne, jusqu'aux plaines crayeuses 
de la Champagne et de la Picardie; elle pousse en outre des 
lambeaux à l’ouest, au-delà de Tours et du Mans. 


(:) Joyezle Mémoire de M. Ramond, inséré dans le Journal des Mines, 
tome XXIV, pag. 241. 

(2) Notamment dans le Mémoire de M. Passinge ,sur la Minéralogie du dé- 
partement dela Loire, Journal des Mines , tome VI, pag. 813, Mémoire dont 
j'ai souvent été à même de vérifier l’exaclitude. 


O 2 


104 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Ce grand ensemble de faits, et les positions physiques et géo- 
logiques de ce calcaire, conduisent naturellement à quelques 
considérations sur la manière dont il s’est formé. Lorsque nous 
voyons que ce terrain atteint la hauteur de 674 mètres (1), et 
que cependant, bien loin de recouvrir un espace considérable, 
comme toutes les formations horizontales ordinaires, il ne se 
trouve dans ces contrées élevées, que par de petits bassins par- 
ticuliers ; nous sommes par cela seul conduits à l’idée qu’elle n’a 
pas été déposée dans une vaste mer, mais dans des lacs séparés. 
Si nous remarquons ensuite que ces bassins sont placés comme 
par échelons à la suite les uns des autres, sur un plan conti- 
nuellement descendant, nous admettrons bientôt une suite de 
lacs qui déversoient les uns dans les autres. 


I] semble donc qu'après la formation de la craie et des terrains 
plus anciens, le liquide général, c’est-à-dire la mer, a éprouvé 
sur le sol de la France un abaissement très-considérable : car 
tandis qu’il avoit recouvert auparavant les plus grandes hauteurs, 
nous ne connoissons pas de terrain marin postérieur à la craie, 
plus élevé que les collines de Laon qui ont moins de 300 mètres 
au dessus de la mer. Il se sera formé alors, depuis le sommet 
des montagnes d'Auvergne jusqu'au-delà de Paris, une série de 
lacs dont les eaux s’écouloient les uns dans les autres, et avoient 
la propriété de déposer des couches calcaires. Ces lacs étoient 
peu étendus dans les parties peu élevées des montagnes, mais 
ils couvroient une surface considérable dans les plaines des en- 
virons d'Orléans et de Paris, suite naturelle d’une plus grande 
réunion d’eau, et du peu d’élévation du sol. Ceux qui étoient 
les plus près de la mer, c’est-à-dire dans les environs de Paris, 
ont été sujets à des irruptions marines qui ont déposé des 
couches particulières au milieu de celles qui se formoient dans 
les lacs. Mais ces invasions ne se sont point étendues très-loin, 
ni élevées fort haut; car non-seulement elles n’ont pas atteint 
les contrées de la Haute-Loire, mais on n’en voit même plus 
de trace aux environs d'Orléans, ni sur les plateaux qui bordent 
les plaines de la Champagne à l’est de Meaux ; et I:3 lieux les 
plus élevés où MM. Cuvier et Brongniart ont vu des vestiges 
de ce terrain marin, postérieur aux premières formations d'eau 


(1) À Opme, département du Puy-de-Dôme. Voyez le Mémoire de 
M. Ramond , Journal des Mines , tome XXIV, pag. 241. 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE, 105 


douce, n’atteignent pas 180 mètres au-dessus du niveau actuel 
de la mer (r). Il paroît enfin que ces lacs ont été détruits, 
non par une simple érosion lente des masses qui leur servoient 
de digue, mais par une ou plusieurs catastrophes violentes, qui 
ont agi sur cette partie de la surface de la terre, et ont contribué 
à lui donner sa forme actuelle. 


L'opinion que certaine partie des couches solides qui recou- 
vrent le globe, ont été formées dans l’eau douce plutôt que dans 
la mer, a été, comme toutes les idées nouvelles, sujette à 
beaucoup d’objections ; mais il me paroît que les contradicteurs 
de cette hypothèse n’ont en général considéré que quelques 
cantons particuliers, tels que les environs de Paris, au lieu d’em- 
brasser l’ensemble des faits que présente ce terrain dans le centre 
de la France. Ce qui m'engage à jeter un coup-d’œil sur ces 
objections, dont les principales se réduisent, je crois, à trois 
chefs principaux, 1° les alternatives de terrain marin et de terrain 
d’eau douce; 20 le mélange des coquilles marines et fluviatiles ; 
30 la possibilité que les mêmes mollusques puissent vivre dans 
les deux liquides. 

La première me paroît la plus importante , et je la regardois 
comme insurmontable avant d’avoir vu les bords de la Loire et 
de l'Allier. Mais depuis que je me suis appercu que le terrain 
marin ne se trouve dans le terrain d’eau douce qu’au voisinage 
de la mer et dans des parties basses qui ne s’élèvent pas à la 
hauteur de 200 mètres, Je regarde ces alternatives comme avan- 
tageuses, ou plutôt comme prouvant la nécessité d'admettre l’hy- 
pothèse des lacs. En effet, la supposition de mouvemens de la 
mer, ou d'espèces de marées irrégulières de 200 mètres au-dessus 
de son niveau actuel, est un phénomène qui doit bien peu ré- 
pugner à l'imagination, pour une époque qui, par rapport à 
l'état actuel des choses , est si rapprochée du temps où ce liquide 
avoit recouvert des montagnes de plus de trois mille mètres, 
etau moment même où le tiers de la France étoit en proie au 
feu des volcans. Au contraire, dans l’hypothèse opposée, on est 
obligé de supposer que tous les animaux de ia mer ont péri su- 
bitement et ont été remplacés par une création toute nouvelle. 
Or, outre ce qu'il y a de répugnant dans une telle supposition, 


a 


(1) Géographie minéralogique , etc. , chapitre 3°, 


106 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


elle est absolument contraire à ce que nous présente la série 
des formations, où l’on voit bien à la vérité disparoître certaines 
espèces à certaines époques, comme les ammonites, qui finissent 
avec les parties inférieures de la craie, les belemnites, qui ne 
s'étendent pas au-delà des dernières couches de cette formation, etc. 
Mais ces changemens ne sont que successifs et n’atteignent pas 
la totalité des êtres , car on remarque que la plupart des fossiles 
qui accompagnent ces espèces caractéristiques ne changent pas 
en même temps. Nous voyons, par exemple, les térébratules 
s'étendre depuis les terrains intermédiaires jusqu'à nos jours. On 
pourroit aussi s’étonner de ce que ce changement brusque de 
la nature vivante, ne se seroit opéré que dans les parties voi- 
sines de la mer actuelle, et n’auroit pas eu lieu dans les autres 
contrées, notamment en Auvergne, où le calcaire d’eau douce 
occupe une hauteur verticale de 381 mètres, sans le moindre 
indice de terrain marin. 


Le mélange des coquilles marines avec celles d’eau douce dans 
les contrées basses et voisines de la mer, comme Paris, la Pro- 
vence, elc., n'est qu'une suite naturelle de ces invasions de la 
mer, qui, au lieu de couches bien caractérisées qu’elles dépo- 
soient dans de certaines occasions, peuvent aussi n'avoir eu 
d’autre eflet, en d’autres circonstances, que d'amener des co- 
quilles marines au milieu du terrain d’eau douce. 


L’habitation des mollusques est sans contreditune considération 
tès-curieuse sous le rapport ‘zoologique, et qui mérite qu'on 
poursuive les recherches si heureusement entreprises à cet égard 
dans ces derniers temps. Mais cette habitation ne pourra jamais 
présenter une objection importante à la question géologique qui 
nous occupe : car actuellement qu’on a caractérisé un terrain 
particulier, très-difiérent des autres formations, et qu’on a re- 
connu que ce terrain se trouvoit toujours dans une position qui 
annoncoit qu'il avoit été déposé dans des lacs qui déversoient 
de l’un dans l’autre, nous sommes couduits par cela seul, et 
abstraction faite des coquilles, à admettre que ce terrain a été 
formé dans l’eau douce, puisqu'on sait que tous les lacs qui 
versent leurs eaux sont des lacs d’eau douce, du moins dans 
l'état actuel du globe, Si nous ajoutons à ces premières induc- 
lions, que la majeure partie des débris d'animaux qu’on trouve 
dans ces terrains , ressemblent beaucoup plus à ceux qui à présent 
vivent habituellement dans l’eau douceousur la terre, qu'à ceuxqui 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 107 


vivent ordinairement danslamer, nous aurons la plusbelle réunion 
de preuves possible en faveur de l'opinion qui regarde le liquide 
où se déposoit cette formation, comme ayant plus de rapport 
avec nos eaux douces actuelles qu'avec les eaux de notre mer. 
On sentira aisément que ces preuves ne peuvent étre ébranlées 
par l’objection, qu'une partie de ces animaux auroit pu vivre 
également dans l’eau douce et dans l’eau salée; car si on nous 
apportoit le produit d’une pêche , composée d’une grande quantité 
de ciprins, de truites, et autres poissons d’eau douce, avec 
quelques saumons et même quelques pleuronectes (1), hésiterions- 
nous à prononcer que cette pêche a été faite dans l’eau douce ? 


La destruction de ces lacs par une cause violente, paroît at- 
testée par la disparition de leurs limites physiques, qu'on ne 
retrouve plus dans la plupart d’entre eux , notammert à Levet, 
ainsi qu’on l’a vu au commencement de cette note; mais les 
traces géologiques qu'ils ont laissées nous donnent quelques no- 
tions sur la forme physique de cette partie de la France à cette 
époque. On a vu que la masse principale du terrain d’eau douce 
s'étend presque sans interruption du sommet de la Limagne 
d'Auvergne jusqu'au-delà de Paris, tandis que les traces de 
cette formation qui se trouvent vers Tours et le Mans, ne sont 
que des lambeaux isolés. On sait aussi que le calcaire marin 
se relève à l’est de Blois et de Chartres, en s’adossant sur les 
terrains primitifs ou intermédiaires de la Bretagne , parmi lesquels 
on ne découvre plus aucun indice de calcaire secondaire. Ces 
faits nous portent à conclure , qu’à l’époque de la formation du 
calcaire d’eau douce , les bassins de la Loire et de la Seine 
étoient réunis ; c’est-à-dire, que les cours d’eau représentés ac- 
tuellement par la Loire, l’Allier, etc., continuoient leur direction 
vers le nord, au lieu de tourner vers l’ouest, comme ils le font 
actuellement au-dessus d'Orléans. 


Il est bien probable que la catastrophe qui a déterminé ce 


(1) On sait que les pleuronectes remontent souvent la Loire jusqu’à la 
Charité, département de la Nièvre. Ce fait m'a été confirmépar M. de Tristan, 
naturaliste distingué d'Orléans. On pourroit cependant observer à cet égard, 
que les mollusques auroient peut-être plus de difficulté que les poissons à s’ha- 
bituer au changement de nature du fluide ambiant, puisqu'il paroît que la dé- 
pendance où sont les animaux à l’égard des circonstances extérieures , diminue 
à mesure que le degré de perfection de ces êtres augmente, 


\ 


108 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


changement de direction est aussi celle qui a détruit les limites 
physiques de la plupart de ces lacs. Le peu d’élévation de larèête 
ou petite digue qui sépare actuellement les bassins de la Loire 
et de la Seine, entre Briare et Orléans, conduit encore à un 
principe de géologie dont j'ai déjà eu souvent l’occasion de faire 
l'application (1); c’est-à-dire, gue ce n’est pas la seule action 
des eaux qui a creusé les vallées où coulent les fleuves; car 
si une cause violente n’avoit pas déterminé une ouverture au 
milieu des plateaux d’entre Tours et Nantes, les eaux eussent 
continué leurs cours vers le Nord , plutôt que de rebrousser chemin 
devant une arête très-basse pour se creuser un lit dans des plateaux 
beaucoup plus élevés, 


I 
(1) Notamment en parlant de la Meuse , de la Sambre (Journal des Mines, 


tome XXIV), du Rhône (idem, tome XX VIII), et de la rivière d’Alten en 
Lapouie (idem, tome XXX). 


CONSIDÉRATIONS 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 109 


CONSIDÉRATIONS 
SUR LES, FOSSILES, 


Par J.-C. DELAMÉTHERIE. 


LE bon esprit qui dirige aujourd’hui les savans qui s’occupent 
de Pétude de la philosophie naturelle, les a engagés à approfondir 
les recherches qu’on avoit commencées sur les fossiles. Les savans 
en Egypte, connus dans des temps postérieurs sous le nom de 
prêtres, parce qu'ils vivoient en commun, et s’occupoient par= 
ticulièrement de la haute philosophie, qui tenoit aux idées re- 
ligieuses, avoient déjà fixé leur attention sur les nombreuses 
coquilles fossiles qui forment une portion considérable des pierres 
calcaires des environs de Memphis (ce sont des numismales). 
Je dois plusieurs échantillons de ces pierres à l'amitié des savans 
francais qui étoient de la dernière expédition faite en Egypte). 
Ces prêtres disoient à Hérodote que 

« Du temps de Menès toute PEgypte étoit un marais.... II 


» semble que tout cet espace qui est au-dessus de Memphis a 
» été un bras de mer. » 


Cette étude des fossiles a été postérieurement cultivée avec 
plus ou moins de succès ; mais elle a fait des progrès plus ra- 
pides dans ces derniers temps, comme le prouvent les Mémoires 

ue nous avons imprimés dans ce Journal, parce qu’on a porté 
plus d’attention dans ces recherches, et qu'on connoït mieux 
les animaux et les végétaux existans. 


QUADRUPÈDES FOSSILES. 


Cuvier a décrit 79 espèces des quadrupèdes fossiles AYANT 
EU SOIN DE CITER EXACTEMENT LES TRAVAUX DES SAVANS 
QUI L’AVOIENT PRÉCÉDÉ. 


Tome LXXV' II. AOÛT an 1843. 1°: 


1190 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Il compte parmi les espèces quadrupèdes fossiles , douze espèces 
dont les analogues sont vivans. Les uns vivent dans les contrées 
où sont les fossiles, tels que le cerf, le bœuf... .; les autres dans 
d’autres contrées, tels que l’hippopotame...…. 


Seize à dix-huit autres quadrupèdes fossiles sont analogues sinon 
à des espèces, au moins à des genres vivans. 

Eufin quarante-neuf espèces de quadrupèdes fossiles qui ne 
paroissent point avoir d’analogues parmi les espèces vivantes. 


OISEAUX FOSSILES. 


On a trouvé des oiseaux fossiles. J'ai cité dans ma Théorie 
de la Terre, tome V, un oiseau fossile que j'avois vu dans un 
morceau de plâtre de Montmartre. 


Depuis cette époque on a en trouvé plusieurs; mais on n’en 
connoît point d’entièrement analogues. 


POISSONS FOSSILES. 


On connoît un grand nombre de poissons fossiles ; mais on 
n'a pas encore fait assez de recherches pour en déterminer les 
espèces analogues aux espèces vivantes... Il est certain qu’il 
en existe plusieurs. 

MOLLUSQUES FOSSILES:. 


Les mollusques fossiles, surtout ceux qui ont des coquilles, 
sont extrêmement nombreux. Quelques pierres en paroissent pres- 
que toutes composées, comme des pierres auprès de Mayence, 
d’autres auprès de Montrouge proche Paris... 

On distingue les coquilles fossiles en trois classes , les marines, 
les fluviatiles et les terrestres. 


Coguilles marines fossiles. 


Elles sont si nombreuses , qu’on est bien éloigné de les con- 
noître toutes. 


Dans le seul dépôt de Grignon, il y en a environ six cents 
espèces, dont quarante à cinquante sont analogues à des espèces 
vivantes. 

À Gourtagnon, dans les falhumières de la Touraine....., 
on trouve également un grand nombre de coquilles marines, 
dont plusieurs sont analogues à des espèces vivantes. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. ITI 


Au Mont-Pugnasco il y a également plusieurs coquilles ma- 
rines fossiles analogues aux existantes. 

Quelquefois l'animal est lui-même pétrifié. C’est ce qu’on ob- 
serve dans la belle coquille fossile sphérulite que j'ai décrite 
dans ce Journal, tome LXI, pag. 396. L'animal est, ainsi que 
la coquille, silicifié. 


Coquilles fluviatiles fossiles. 


On trouve aussi un assez grand nombre de coquilles fluviatiles 
fossiles, telles que 
Les planorbes, 
Les |ymnées, 
Lamanon en 1780 et 1782, a parlé, dans le Journal de Phy- 
. sique , de ces coquilles trouvées aux environs de Paris. 


Coupé en a parlé également dans le même Journal en 1805, 
tome LXI et suivans. | 


Coguilles terrestres fossiles. 


Il y a quelques coquilles terrestres fossiles: 
Des hélices, 
Des cyclostomes, 


On a trouvé des cyclostomes terrestres à Montmartre, 

Daudebart de Ferrussac compte quatre-vingt-trois espèces de 
coquilles fluviatiles, ou terrestres. 

Vingt-cinq de ces espèces, dit-il, ont leurs analogues vivans 
sur le sol même où l’on trouve les fossiles. 

Huit autres espèces ont leurs analogues vivans dans les pays 
étrangers, tels que l’Inde, l'Amérique... 
. Cinquante de ces espèces n’ont point d’analogues connus, 


CRUSTACÉS FOSSILES, 


On connoît plusieurs crustacés fossiles. 

Les carrières de Maestreicht présentent un crustacé qui à 
beaucoup de ressemblance avec Bernard l’hermite. 

On connoît aussi des crabes fossiles. 


Prz 


I12 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


MADRÉPORES FOSSILES, 


- Les madrépores fossiles sont très-nombreux. Donati dit que 
les pierres qui forment le bassin de la Mer Adriatique en sont 
remplies. Les observateurs citent un grand nombre de ces faits, 
J'ai vu auprès de Sassangi, du côté de Châlons-sur Saône, des 
pierres contenant de grandes quantités de madrépores pétrifés. 


INSECTES FOSSILES. 


Il n’est point de naturalistes qui ne connoissent les insectes 
fossiles du succin. On croit qu'ils sont à peu près analogues aux 
thermes d'Afrique, espèce de fourmis; mais l'analogie n’est pas 
entière. j :5fé 

VÉGÉTAUX FOSSILES. 

I] y a une immense quantité de végélaux fossiles; les houilles 
ou charbons de terre en paroissent presque entièrement composés. 
Bernard de Jussieu a décrit plusieurs de ces plantes fossiles qui 
se trouvent dans les charbons de Saint-Chaumont proche Lyon; 
la plupart sont exotiques; ce sont des capillaires , des ceterachs, 
des polypodes, des fougères... qui approchent de celles trouvées 
aux Indes orientales et occidentales. 

On trouve presque partout des arbres fossiles qui se présentent 
en différens états. 

‘Les uns’ sônt peu: aktérés; * #n- 

Les autres sont terréfiés; 

De troisièmes sont bituminisés ; 

De quatrièmes sont métallisés ; 

De cinquièmes sont pétrifiés ; 

D'autres n’ont laissé que leurs empreintes, 

Quelques-uns de ces végétaux fossiles ont leurs analogues vivans 
sur le même sol ‘où ils se trouvent fossiles. 


D’autres ont leurs analogues vivans dans des contrées éloignées, 
tels que le palmier qu’on trouve aux environs de Paris, en Al- 
lemagne, ceux des houiilières de Saint-Chaumont...…. 


Enfin le grand nombre n’a point d’analogues connus. 

Tous ces faits recueillis sur les fossiles animaux et végétaux 
sont très-précieux, et on ne sauroit trop encourager les natura- 
listes qui s'occupent de ces recherches, surtout par rapport aux 
lumières qu’elles répandent sur la géologie, ou théorie de la 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 17 113 ! 


terre ; mais ils doivent être très-circonspects sur les conséquences 
qu'ils croient pouvoir tirer de leurs observations, 


19, Quelques naturalistes avoient avancé que parmi les fossiles 
on ne trouvoit point d’analoguesaux espèces vivantes aujourd’hui; 
d’où ils avoient conclu qu'il y avoit eu une catastrophe générale 
qui avoit détruit tous les êtres vivans à cette époque. 

J'ai réfuté cette erreur dans ma Théorie de la Terre; on a 
reconnu la vérité de mes observations, et il est avoué aujour- 

hui, ainsi que nous venons de le rapporter, qu'il ÿ à parmi 
les fossiles un assez grand nombre d’analogues aux espèces 
existantes. 


20. Parmi ces fossiles analogues aux espèces vivautes, les uns 


se trouvent dans les contrées même où sont aujourd'hui les espèces 
vivantes. 


a. Nous avons vu qu'on trouve les planorbes, les lymnées 
fossiles dans nos contrées où vivent les planorbes, les lyminées , 
dans nos ruisseaux. Daudebart de Ferrussac sur 85 coquilles fos- 
siles fluviatiles ou terrestres, en compte 25 :qui ont leurs aua- 
‘logues vivans sur le même sol. 

. Mais le plus grand nombre des fossiles n’ont leurs analogues 


vivans que dans des contrées très éloignées de celles où ils sont 
fossiles. d 


b. Des palmiers fossiles se trouvent à Paris, en Allemagne. 


c. La crasatelle fossile des environs de Beauvais est, suivant 


Lamark, analogue à la crasatelle que Peron et Lesueur ont trouvée 
vivante à la Nouvelle-Hollande. 


d. Dans le dépôt des coquilles fossiles du Mont-Pugnasco, 
auprès de Parme, on a trouvé 23 espèces de coquilles fossiles 
dont les analogues existent dans les mers des Indes, d’Afrique, 
d'Amérique, d'Europe... 

e. Les éléphans, les rhinocéros, les hippopotames, les lions, les 
hyènes..….. se trouvent fossiles dans la partie boréale de l'Europe..., 
et leurs analogues ne vivent que dans les contrées chaudes de 
l'Asie, de l’Afrique: 

J Les végétaux fossiles le plus souvent sont exotiques, comme 
nous venons de le voir à l'égard de ceux de Saint-Chaumont. 


3°. Enfin un grand nombre de fossiles n'ont point d’analogues 


vivans connus, comme le prouvent les faits que nous avons 
rapportés, 


1147 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


4°. On a dit que la nature des fossiles indiquoit toujours la 
nature du terrain où ils se trouvoient. 


a. Les coquilles fossiles marines, par exemple, indiquoient un 
terrain formé dans les eaux de la mer. 

b. Les coquilles fossiles fluviatiles indiquoient un terrain formé 
dans les eaux douces. 

J'ai prouvé. le contraire par des faits incontestables. 


On trouve des coquilles terrestres fossiles. Quels sont les ter- 
rains dont elles indiquent la formation ? 

Il faut donc reconnoître que ces coquilles terrestres ont été 
transportées par les eaux et déposées dans des terrains quelconques. 

On trouve, par exemple, à Montmartre et dans les environs 
de Paris, des cyclostomes terrestres. 

On trouve des hélices fossiles, des puppa...; dans plusieurs 
endroits : ces coquilles ont été transportées par les eaux. 

Il en faut dire de même des quadrupèdes fossiles qui sont en 
si grand nombre à Montmartre, par exemple, les anoplotherium, 
des palæotherium , des sarigues, des chiens. .., décrits par Cuvier. 

Les palmiers fossiles se trouvent également à Montmartre; ils 
y ont été également apportés par les eaux. 

Les mêmes phénomènes se présentent dans une multitude de 
localités. 

Si tous ces fossiles divers ont été apportés par les eaux à Mont- 
martre, et dans les autres terrains des environs de Paris. .., les 
mêmes causes ont pu y apporter des coquilles fluviatiles. Les 
lymnées, les planorbes..., et autres coquilles fluviatiles y ont 
pu être apportés comme les cyclostomes terrestres. 

On ne sauroit donc dire, avec Lamanon , que lescoquilles qu’on 
trouve à Montmartre et dans les environs de Paris, prouvent 
que ‘ces terrains ont élé formés dans les eaux douces, dans 
un lac. 

J'y aitrouvé au milieu d’un morceau de plâtre de Montmartre, 

ste EE à 
un sparre décrit dans ce Journal , tome LXVIII. J’y ai aussi 
trouvé un esoce. Or ces poissons sont des poissons de mer. 

Desmarest et Prevost.ont trouvé dans les dernières couches 
de plâtre les plus basses, des coquilles reconnues pour être 
marines, : 

Ces faits ont forcé de convenir que ces couches les plus 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 115 


basses du plâtre ont été formées dans les eaux des mers; mais 
on a persisté à dire que les couches supérieures ont été faites 
dans les eaux douces. 


Mon sparre étoit dans la couche supérieure appelée haute 
masse. 

On trouve ensemble des coquilles marines et des coquilles 
fluviatiles, comme à Beauchamp proche Pierre-Laie..., aux en- 
virons de Paris. C’est un fait avéré. 

IL faut bien que les unes ou les autres aient été apportées par 
les eaux, peut-être toutes deux. 


Par conséquent ces coquilles ne sauroiïent prouver si ce terrain 
a été formé dans les eaux marines, ou dans les eaux douces. 


Enfin , des coquilles terrestres se trouvent avec des coquilles 
fluviatiles et des coquilles marines, comme dans les carrières de 
Beauchamp proche Pierre-Laie. 


Ces coquilles ne sauroient donc prouver si les terrains où elles 
se trouvent ont été formés dans les eaux marines ou dans les 
eaux douces. 


On doit conclure de cesfaits , que la nature des fossiles n’indique 
point la nature du terrain où ils se trouvent : la plupart de ces se 
siles ont été chariés dans les lieux où ils se trouvent, par des 
eaux soit des mers, soit des fleuves. 


J’ai prouvé dans mon Mémoire sur les courans (Journal de 
Physique, tome LXVIT, pag. 81), que les grands dépôts de 
coquilles fossiles des falhunières , de Grignon, de Courtagnon... 
ont été apportés par des courans qui balayoient les fonds des 
mers, et charioient ensemble des fossiles de différens endroits, 
la crasatelle, par exemple, de la Nouvelle-Hollande , la frippière , 
le murex tripterus, le pyrula ficus... de diflérentes mers, et 
en même temps des coquilles d’eau douce. 


Dans le dépôt du Mont-Pugnasco auprès de Parme, on trouve 
avec une multitude de coquilles marines des mers de l'Inde, 
d'Afrique, d'Amérique, d'Europe..., des os d’éléphans, de 
rhinocéros, de dauphins.... Il faut bien reconnoître que cet 
amas a élé fait par de grands courans qui ont charié des co- 
quilles des diverses contrées du globe, avec des os d’animaux 
terrestres et marins. 

La plus grande partie de ces coquilles est brisée, PILÉE, 
suivant l'expression de Coupé, 


116 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Mais quelques-unes sont assez bien conservées, parce qu’elles 
ont été enveloppées, soit dans de la terre, soit dans ces détritus, 
ce pilé des coquilles brisées. à 

Dans ces amas immenses de coquilles qui sont presque toutes 
marines, il pourroit s’en trouver d’eau douce, ou même de 
terrestres, qui auroient élé antérieurement portées dans le sein 
des mers par les eaux courantes qui s’y versent. Lamarck a trouvé 


parmi les coquilles marines de Grignon, plusieurs coquilles d’eau 
douce. 


On pourroit trouver par la même raison, des dépouilles d’ani- 
maux et de végétaux des continens, comme on en trouve à 
Montmartre, au Mont. Pugnasco.... 


Il se peut même trouver dans des lacs d’eau douce, au milieu 
des amas des coquilles d'animaux qui vivent dans ces lacs, y 
être apportées des coquilles marines ( comme je l’ai prouvé dans 
ce Journal, tome LXXVI, pag. 57), par la dégradation des 
terrains dans lesquels sont renfermées des coquilles marines. 


Par conséquent, de ce qu’on trouve des coquilles fossiles d’eau 
douce dans un terrain, on ne peut pas conclure que ce terrain 
a été formé dans les eaux douces, qu'il est un terrain de for 
Mmalion d’eau douce. 


J'invite donc les naturalistes à ne plus appeler ces terrains 
de formation d’eau douce, d'origine d’eau douce. 


Il faut dire, si l'on veut être exact, terrains dans lesquels on 


trouve des fossiles, des coquilles d'eau douce, des coquilles 
Lerrestres, 


Je suis bien éloigné de nier qu’il y ait eu des terrains formés 
dans les eaux douces, soit aux environs de Paris, soit ailleurs; 
mais je pense qu'ils ont été formés dans des lacs d’eau douce 
après la retraite des mers, comme il doit s’en former tous-les 
jours dans les lacs de Genève et autres. (Jayez les preuves que 
Jen ai données dans ce Journal, tome LXXVI, pag. 57.) 


C’est également dans ces lacs où se sont accumulées les co- 
quilles marines et les coquilles fluviatiles. .., que l’on trouve 
mélangées ces diverses coquilles. 

J'ai fait voir (Théorie de la Terre, tome V, pag. 137) que 
dans des lacs d’eau douce, comme ceux de la Toscane, ont pu 
se former ces gypses, tels que ceux de Lunebourg, qui con- 
tiennent des spaths boraciques; puisque dans ces lagonis de la 


Toscane 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 117 


Toscane l'acide boracique, la magnésie, la chaux...., sont 
abondans.... 


En résumant tous les faits que nous venons de rapporter, 
il me paroit que les conséquences qu’on en doit tirer sont : 


a Les eaux des mers ont couvert toute la surface du globe ; 


b Elles ont diminué successivement, et les êtres organisés 
ont paru; 

€ Elles y ont formé des couches secondaires, ou ont été en- 
traînées et enfouies des dépouilles de ces êtres organisés d'ani- 
maux marins, fluviatiles et terrestres, ainsi que des végétaux; 

d Elles se sont retirées, et il y a eu des lacs formés dans les 
gorges des montagnes qui n’avoient point d'issues; leurs eaux 
marines ont été remplacées par des eaux douces..,; 

e De nouvelles couches ont été formées dans ces lacs ;. 


f Les dépouilles des animaux et végétaux qui vivoient dans les 
eaux de ces lacs, ont été enfouies dans ces nouvelles couches; 


£g Les eaux des fleuves qui se versoient dans ces lacs , y ont 
apporté des débris d'animaux et de végétaux qui vivoient dans 
ces fleuves ; 


k Elles y ont apporté également des débris d'animaux et de 
végétaux terrestres qui vivent sur les bords de ces lacs, de ces 
fleuves et de pays plus ou moins éloignés ; 


Elles ont pu y apporter des coquilles marines provenues des 
détritus des bords de ces lacs (tome LXXVT, pag. 57), lesquels 


avoient été formés dans les mers; 


2 Les eaux courantes ont charié des débris d’animaux et de 
végétaux dans les eaux des mers, et ces débris des fossiles d’anis 
maux marins, fluviatiles et terrestres s’y sont mélangés; 

Les eaux des fleuves y en charient encore journellement. | 


k Les grands courans des eaux des mers ont également 
charié sur toute la surface du globe, et des contrées diverses 
les plus éloignées , différens fossiles, soit animaux, soit végétaux, 
des mers, des fleuves, des continens, qui se sont mélangés 
comme au Mont-Pugnasco, à Grignon...; 


Z Ils les ont accumulés quelquefois en certins endroits, comme 
dans les falhunières. . ., à Grignon. .., où on trouve des coquilles 
marines des Indes, de l'Amérique, de la Nouvelle-Hollande, 
d'Afrique, d'Europe. .., avec des coquilles fluviatiles ; 


Tome LXXV/II. AOÛT an 10139. Q 


318 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE.CIIMIE 


m La nature des animaux et végétaux fossiles ne peut done 
déterminer la nature des terrains où ils se trouvent; on ne 
peut pas plus appeler Zerrains de formation d'eau douce, des 
terrains où se trouvent fossiles des coquilles d’eau douce, qu'on 
ne pourroit appeler #erraëns de formation terrestre, des terrains 
où se trouvent fossiles des coquilles ferrestres ; 

z Les allées et venues qu'on suppose des eaux des mers, et 
des eaux douces qui se seroient remplacées successivement, ne 
sont point prouvées, ainsi que je l’ai dit dans ce Journal, tome 
LXXI, pag. 386; 

o On doit cependant avouer qu'il est vraisemblable que la 
plupart de ces terrains, dits improprement de formation d'eau 
douce, paroissent avoir élé formés dans des lacs d’eau douce, 
APRÈS LA RETRAITE DES EAUX DES MERS, ainsi que je l'ai 
dit ibidem ; maïs il paroît difficile de supposer que les eaux des 
mers soient revenues plusieurs fois recouvrir les terrains formés 
dans les lacs d’eau douce. 

J’ai cru nécessaire de présenter ces Considérations dans Îles 
momens où l’on s'occupe avec tant de zèle et de succès, de 
l'étude des fossiles. On doit donc dire : 

T'errainsoùl’ontrouvefossiles desdépouilles d'animaux marins; 

Terrains où l’on trouve fossiles des dépouilles d’animaux flu- 
viatiles ; 

Terrains où l’on trouve fossiles les dépouilles d'animaux fer- 
restres, c'est-à-dire, qui vivent sur les continens ; 

Terrains où l’on trouve fossiles les débris de végétaux qui 
vivent sur les continens; 

Terrains où l'on trouve mélangés ces différens fossiles marins, 
Jluviatiles et terrestres. 

On ne sauroit dire, si on veut être exact, ferrains de forma- 
tion d'eau douce... 

L'histoire des ossiles présente plusieurs autres questions que 
J'ai traitées dans ma Théorie de la Terre.Je n’en parlerai pasici. 


+ 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 119 


MÉMOIRE 


SUR 
QUELQUES NOUVELLES ESPÈCES 
D'ANIMAUX MOLLUSQUES sr RADIAIRES, 


RECUEILLIS DANS LA MÉDITERRANÉE, PRÈS DE NICE; 


1 
Par M. LESURSR. 


Article extrait du Nouveau Bulletin des Sciences par la Société 
philomatique de Paris. (Juin 1818.) 


MM. PÉRON et LESUEUR, après une excursion de quelquesmois 
sur les côtes de la Méditerranée, et un court voyage au Hâvre, 
ont démontré jusqu’à l’évidence, par le travail qu’ils ont publié 
sur les méduses (1), que les recherches faites par les premiers 
observateurs sont fort éloignées de nous faire connoître tous 
les animaux marins qui peuplent nos rivages; et déjà M. Risso, 
de Nice, excité par ces naturalistes, a doublé pour le moins 
le nombre des espèces de poissons et de crustacés qu’on avoit 
remarquées aux environs de sa résidence. 


Dans ces mêmes parages, MM. Lesueur et Péron ont reconnu 
une très-grande quantité d'animaux dont l’existence avoit été 
jusqu'alors ignorée, et qui, par leurs principaux caractères, se 
rapportent à la classe des mollusques ou à celle des vers. Déjà 
quelques-uns ont été décrits par eux dans les Ærnales du Mu 


—_——————————————————"û# ———————— 


(2) Tous les dessins qui doivent accompagner ce travail sont terminés , et 
M. Lesueur en a déjà gravé une partie; il se propose d’en commencer tres= 
incessamment la publication. 

Q 2 


120 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


séum d'Histoire naturelle; mais il en reste beaucoup plus à 
faire connoître, et c’est le but que se propose M. Lesueur. 


Son Mémoire se compose de deux parties bien distinctes. L’une 
est destinée à donner les renseignemens nécessaires pour parvenir 
à saisir et conserver intacts les animaux mous et gélatineux 
si abondans sur nos côtes, et dont la nature fugace nous a fait 
trop négliger l'étude. Nous nous abstiendrons de rendre compte 
de cette partie du Mémoire, qui mérite d’être examinée sépa- 
rément. L'autre partie, la seule dont nous nous occuperons, a 
pour objet d'annoncer la découverte des principaux animaux 
que MM. Péron et Lesueur ont observés, et qui appartiennent 
notamment auxgenres sa/pa,stephania,physsophora, pyrosoma 
et Hyalæa; elle comprend particulièrement la description d’un 
radiaire qui doit former un genre nouveau, et dont nous trans- 
crivons les caractères d’après M. Lesueur. : 

CESTE (cestum) (defiisos, mot employé par les poëtes grecs 
pour désigner l’une des @tintures de Vénus). Corps libre, en- 
zièrement gélatineux, très-alongé et comprimé; quatre côtes 
1ransversales et supérieures, ciliées dans toute leur longueur; 
bouche supérieure, située à égale distance des extrémités. La 
seule espèce qu’on ait encore rencontrée est d’un blanc laiteux 
d’hydrophane, avec de légers reflets bleus, et ses cils soné 
irisés. M. Lesueur l’a nommée ceste de Vénus, cestum Veneris. 


De tous les vers marins connus, les beroës sont ceux qui se 
rapprochent le plus de celui-ci, par leur état de liberté au milieu 
des eaux, par l'existence d’une seule ouverture servant à-la-fois 
de bouche et d’anus, et qui est située à la partie supérieure de 
l'animal, ainsi que par la présence de longues séries de cils 
mobiles très-déliés, servant à l'exercice de la locomotion. En 
effet, si l'on retranche les deux prolongemens latéraux qui sont 
de chaque côté de la bouche du ceste, et si, sur les angles 
formés par les plans que produiroit cette section, on rapporte 
les cils des prolongemens soustraits, on aura, à peu de chose 
près, un beroë à quatre côtes ciliées, avec une bouche terminale, 
De même, si lon prend un beroë, et qu’on le suppose tiré laté- 
ralement par deux points opposés, sans lui faire perdre de sa 
hauteur, on reproduira un animal fort semblable au ceste. 


A travers la substance même du ceste, on apperçoit le sac 
stomacal placé au-dessous de l’ouverture de la bouche et qui 
se détache par sa couleur plus foncée que celle du reste du 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 112$ 


corps : ce sac présente sur deux de ses côtés, ceux qui corres- 
pondent aux deux grandes faces de l'animal, une sorte de lanière 
qui est appliquée sur ses parois. Ces lanières, situées vers le 
milieu de la hauteur totale du ceste, sont contiguës à chacune: 
une autre partie mince et alongée qui prend naissance au bord 
inférieur, et qui est légérement échancrée à l'extrémité par laquelle 
elle se joint à sa laniere. 

Ces mêmes lanières sont renflées dans leur milieu , et diminuent 
beaucoup de grosseur à leur partie supérieure , où elles se joignent 
à deux filets qui ont toute l'apparence de vaisseaux, lesquels 
partent à droite et à gauche, pour se porter, en remontant, 
Jusqu'à l’arête supérieure de l'animal. Là, ces vaisseaux se bi- 
furquent; une de leurs brauches suit cette même arêle et sup- 
porte les innombrables cils qui la garnissent ; l’autre redescend 
Jusqu'à peu près au milieu de la hauteur du corps, et prenant 
aussi une direction horizontale, se porte, parallèlement à la pre- 
mière, dans les prolongemens latéraux, sans doute jusqu’au 
point où ceux-ci se terminent; mais on ne sauroit l’aflirmer , 
attendu que le seul individu de ce genre que MM. Péron et 
Lesueur aient pu examiner, avoit ces parties incomplètes, 


La présence de vaisseaux dans le ceste, semble léloigner de 
la classe des radiaires dans laquelle sa forme simple et les séries 
de cils dont il est pourvu l'ont fait placer. D'ailleurs, son ex- 
cessif alongement n’a point de pareil dans les animaux de cette 
même classe, qui sont tous globuleux, discoïdes où rayonnans, 
si l’on en excepte cependant les holothuries et les siponcles. 

L’'individu qui a servi à la description que nous venons de 
rapporter, n'étoit pas entier, ainsi que nous l'avons dit, et ce- 
pendant sa longueur éloit environ d'un mètre et demi; sa hau- 
teur de huit centimètres, et son épaisseur, d’un centimètre 
seulement. 

MM. Lesueur et Péron le trouvèrent flottant Gans les eaux 
de Nice, à environ quatre décimètres de. profondeur, le 12 
mai 1809, lorsque là mer étoit calme, et la température de ses 
eaux à 14 degrés du thermomètre de Réaumur; il nageoit dans une 

osition horizontale, et la bouche en haut; son mouvement étoit 
(En et onduleux. Il est à regretter que les efforts que firent ces 
naturalistes pour se procurer d’autres individus de cette espèce, 
aient été infructueux ; mais il paroît que ces animaux, jusqu'ici 
inconnus pour nous, sont moius rares qu’on pourroit le penser : 


r 


122! JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


M. Risso en a vu en grande quantité dans le port de Villefranche, 
où les pêcheurs leur donnent le nom de sabres de mer. 


Dans lenombre desautres découvertes qui sont dues à MM. Péron 
et Lesueur, nous remarquerons principalement celles qu’ils ont 
faites, sur le même point de nos côtes, de deux espèces nou- 
velles, l’une du genre pyrosome , et l’autre du genre hyale. Nous 
en donnerons une courte description. 


PYROSOME ÉLÉGANT (pyrosoma elegans). Il a plusieurs des 
caractères du genre pyrosome établi par Péron et Lesueur dans 
les Ænnales du Muséum (24° Cahier, pag. 437, pl. 72). Son 
corps est libre, presque conique; sa bouche est située à l’extré- 
inilé la plus large et est garnie d’un cercle de tubercules; l’in- 
térieur du corps est vide. Toute cette conformation lui est 
commune avec le pyrosoma. atlanticum ; mais celui-ci, beaucoup 
plus grand, a les tubercules qui le couvrent entièrement, très- 
irréguliers. par rapport à leur grosseur et à leur disposition ; 
tandis que le pyrosome élégant, généralement granuleux , est 
garni de zônes circulaires également espacées et formées par 
des tubercules assez gros et pyriformes; ces tubercules sont 
creux, et chacun d’eux est percé d’un trou qui communique 
avec l’intérieur de l’animal. Les zônes sont au nombre de six;, 
la dernière est terminale et formée seulement de quatre tuber- 
cules plus gros que les autres. M, Lesueux a observé une seconde 
ouverture à cet animal, située au centre de ces quatre tuber- 
cules; il la considère comme étant l'anus. On sait que cette 
conformation n'existe pas dans le pyrosomeatlantique, chez lequel 
M. Péron « n'a pu découvrir aucune trace d'ouverture, même 
à la loupe ( Mém. cité). » D'ailleurs ce caractère très-important, 
qui pourroit bien faire séparer le pyrosome élégant du genre: 
pyrosome, lui est commun avec une grande espèce trouvée dans 
la Méditerranée par le même naturaliste, et qui sera l’objet d’un: 
Mémoire particulier. 


HYALE LANCÉOLÉE (hyalæa lanceolata), On sait que le genre 
hyale, formé par M. de Lamarck, sur l’enomia tridentata de 
Forskaohl, se compose aujourd’hui de plusieurs espèces bien 
caractérisées, savoir : 12 l’hyale Forskaohl (H. éridentata), de 
la Méditerranée, avec laquelle on l’a confondu; 2° l'hyale de 
Péron (/1. Peroni), qui lui ressemble pour la coquille, mais 
dont l'animal est très- différent : celle-ci, qui est de l'Océan, 
a servi aux travaux anatomiques de M. Cuvier; ge lhyale pyra- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. à 323 
midale (H. pyramidafa), trouvée par Lamartinière sur Ja côte 
nord-ouest de l'Amérique, à l'entrée de Nookta, mal figurée 
dans le Journal de Physique de septembre 1787, où l’on a 
pris vraisemblablement le dessous pour le dessus (1); 4° l’hyale 
cuspidate (I. cuspidata. Bosc. Hist. nat. des Cog., tome II, 
pag. 241, pl. 9) de l'Océan; 5° l'hyale tépiobranche de Péron, 
Annales ‘du Muséum, 8° année, cahier: 1 — 2, de la Médi- 
terranée. 

On peut joindre à ces espèces plusieurs autres dont l’existence 
est moins bien constatée, ou dont on ne possède pas de figures : 
ce sont, 6° l’hyale de Chemnitz (1. chemnitziana), Conchyl., 
tome VIIT, vignette 13, fig. F. G., qu'on a rapportée à la tri- 
dentée, mais qui nous paroît en différer beaucoup; 7° l’hyale 
caudate de Bose (H. caudata). Brown. Jam., non figurée; 
8° l'hyale retuse (Æ. retusa, Bosc). Clio retusa. Linn., non 
figurée. Plancus représente une petite coquille, dans son traité 
de Conchis minüs notis, pl. 2, fig. 6, G. H. L., qui paroît avoir 
quelque rapport avec les hyales , et qu’on pourroit appeler H. de 
Plancus (H. Planci). Ce seroit une 9* espèce. 


M. Lesueur a trouvé à Nice une espèce nouvelle bien carac- 
térisée du même genre, et qu'il a nommée, 10° hyale lancéolée 
(Ayalea lanceolata). La coquille de celle-ci est transparente, 
non bombée, quadrangulaire; ses angles latéraux se relèvent un 
peu du côté de la face dorsale; ils sont moins aigus que l’an- 
térieur par lequel sort l’animal, et surtout que le postérieur qui 
fait la terminaison de la coquille. L’ouverture de cette coquille 
s'étend de Pun à l'autre des angles latéraux. La valve dorsale 
ne présente rien de remarquable; la ventrale est marquée 
d’un côté élevée et arrondie qui s'étend de l’angle antérieur au 
postérieur. 

Le corps de l’animal est vert, on le voit à travers le test, 
qui est transparent, les nageoires sont assez étendues, bilobées, 
et leur échancrure est très-profonde; le lobe antérieur est ar- 


(1) Avec laquelle il ne faut pas confondre l’animal décrit et figuré par 
Brown, Jam. , pl. 45, fig. 1 , qui doit former , peut-être , une espèce particu- 
lière du mème/genre. Celle-ci , de la côte Est de l’ A mérique septentrionale , a 
le test comme gélatineux, et paroît pourvue de deux yeux. M. Péron en avoit 
formé son genre CLéopore. Ann. du Mus., 8° année, et Nouveau Bulletin, 
tome IT , pag. 97. 


124 : OURNAL,DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
rondi et plus petit que le postérieur; celui-ci est légérement 
sinueux sur ses bords; les deux ailes sont jointes en arrière par 


. membrane qui n’est que la continuation de ces deux derniers 
obes. 


Enfin, M. Léman a communiqué à M. Lesueur une coquille 
, = Là 1 = 2 1 
d’hyale qui n’a encore été décrite, ni figurée par aucun auteur: 
c’est la onzième espèce du genre; elle peut être appelée 


HYALE INFLÉCHIE (hyalæa inflexa). Elle a beaucoup de 
rapport avec certaines térébratules; sa face dorsale est bombée 
et lisse, et ses deux angles latéraux sont relevés; l'angle pos- 
térieur est infléchi et terminé en une pointe assez prolongée. 
La face ventrale est plus plane , et marquée d’une côte peu sail- 
lante dans son milieu. L'ouverture de la coquille est semilunaire, 
et se prolonge en fente de chaque côté. L'animal n’est pas connu, 
et l'on ignore quelle est sa patrie. 


OBSERV ATIONS 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 125 


OBSERVATIONS 
SUR LA COMÈTE DE 1811, 


L - Par W. HERSCHEL. 


« r 
EXTRAIT Par J.-C. DELAMÉTHEÉRIE. 


FLAUGERGUES a déjà donné, dans ce Journal, tome LXXIIT, 
ag. 401, une description de cette comète, accompagnée de 
bre qui prouvent qu’elle ressembloit à une” nébuleuse. J’ai 
cru néanmoins utile de rapporter ici la nouvelle description 
détaillée que vient d’en donner Herschel dans les Transactions 


Philosophiques, et qui se trouve dans la Bibliothèque Britan- 


nique. Elle fournit sur la MATIÈRE NÉBULEUSE, de nouveaux 
faits qui sont très-précieux. 


Tête de la Cormnète. 


Herschel remarqua d’abord au milieu de la masse de lumière 
plus vive, qui formoit ce qu'on a appelé la zéte de la comète, 
un point brillant extrêmement petit, et entièrement distinct de 
l’atmosphère lumineuse dont il étoit entouré. Il l’examima avec 
son télescope de vingt pieds, son gros télescope de dix pieds, 
un ordinaire de même longueur, enfin un de sept pieds. Chacun 
de ces instrumens établit uniformément la réalité de cette ap- 
parence. Il appelle ce point le corps planétaire. Ce corps se 
confond avec son atmosphère, dans les observations faites à l’œil 
nu, ou avec de foibles instrumens. 

Il examina ce corps planétaire avec des oculaires dont les 
forces amplificatives étoient à peu près dans les rapports des 
nombres 169, 240, 300, 400 et 600. 

Avec l’oculaire de 600, il trouva le point lumineux environ à 
de seconde, 


Tome LXXV'II, AOÛT an 1813. R 


126. JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Grandeur apparente et réelle du corps planétaire. 


Par une moyenne entre diverses observations, l’auteur estime 
à 0”,775 le diamètre apparent du disque apparent de la comète: 
d’où il conclut sa distance à la terre à peu près de 114 millions 
de milles, et le diamètre du corps planétaire environ 428 milles 
(à peu près 140 lieues). ; 


Excentricité et couleur du corps planétaire. 


Ce corps n’occupoit pas toujours le milieu de la chevelure; 
il étoit plus ou moins excentrique. 


Sa couleur étoit rougeâtre pâle, ressemblant à celle de cer- 
taines petites étoiles. 


Degré d’illumination du corps planétaire. 


La comète éteit située relativement au soleil, de manière que 
sa phase d’illumination étoit à celle du disque plein; comme 
16 à 20. 

L'auteur conclut que sa lumière lui étoit propre. 


Tête de la Comète. 


Il prouve que ce noyau apparent, qu’on croyoit découvrir à 
l'œil nu, vu avec de foibles lunettes das la tête de la comète, 
n'éloit qu’une illusion optique causée par une accumulation de 
lumière dans une portion de l'espace, dont le diamètre apparent 
r’étoit que d’un petit nombre de minutes; même dans le grand 
télescope de dix pieds avec un oculaire grossissant 110 fois la 
comèle observée le 10 septembre, avoit l'apparence d’une belle . 
NÉBULEUSE de cinq à six minutes de diamètre, dont une ou 
deux minutes voisines du centre avoient un lustre égal. Dans 
les forts instrumens l'apparence se changeoït en un point très- 
brillant au centre, entouré d'une lumière graduellement dé- 
croissante, 


, Couleur et excentricité de la lumière de la téte. 


La couleur de la tête de la comète paroît très-remarquable : 
sa teinte fut toujours verdâtre, ou vert-bleuâtre; et quoiqu'il 
ÿ eût en général une accumulation de lumière vers le centre, 
il sembloit que du côté du soleil il y*en avoit davantage. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 127 


Grandeur de la téte. 


D'après un grand nombre d'observations l’auteur estime que 
le diamètre réel de la tète devoit être d'environ 127 mille milles. 


Atmosphère élastique et transparente de la tête. 


L'auteur a toujours vu un intervalle comparativement très- 
foible , ou plutôt obscur, environner la tête, et laisser évanouir 
tout à-fait la lumière centrale, graduellement diminuée. On ne 

eut expliquer cette apparence qu’en supposant que la tête de 
a comète étoit enveloppée d’une atmosphère élastique trans- 
parente. . 


Le 18 septembre, il eut occasion de s’assurer de cette trans- 
parence; car il vit dans cet espace annulaire trois étoiles très- 
petites et de grandeurs différentes; on peut conclure son élasticité 
de la forme circulaire, sous laquelle cette atmosphère paroît 
toujours ; car étant environnée d’une enveloppe lumineuse con- 
centrique, on ne peut expliquer l'égalité de distance de celle-ci 
à partir du centre, qu'en supposant que l'intervalle entre l’en- 
veloppe de la.comèté et sa tête étoit rempli d’un fluide élastique 
et atmosphérique. 


Étendue de l'atmosphère cométique. 


Le 6 octobre, l’espace circulaire obscur qui environnoit le 
centre lumineux, occupoit tout justé le champ de l’oculaire : 
ce qui donne quinze minutes pour son diamètre apparent. Le 
diamètre réel (à la distance où étoit alors la comète) étoit donc 
de plus 507,000 milles. Cette quantité est un 77inimum; car on 
n’a pas d'observation qui puisse indiquer combien cette atmos- 
phère s’étendoit au-delà de cette limite. 


Enveloppe brillante de l'atmosphère cométique. 


Les 9 et ro septembre, l’auteur examina la comète avec une 
lunette achromatique qui grossissoit 65 fois. IL vit que la tête 
étoit entourée en partie d’une traînée de lumière, qui étoit main- 
tenue à distance par un anneau intérieur obscur. D’après cette forme 
concentrique, il appelle erveloppe l'anneau extérieur lamineux, 


R 2 


128 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE’ CHIMIE 


Figure, couleur et grandeur de l'enveloppe. 


Lorsqu'on regardoit cette enveloppe dans des lunettes qui 
ne grossissoient guère que 16 fois, ou dans des lunettes de nuit 
plus foibles encore, sa forme paroissoit à peu près circulaire, 
mais elle ne faisoit pas tout-à-fait la moitié du tour de la co- 
mête. Un peu avant d'arriver à ce demi-tour la lumière se divisoit 
en deux faisceaux, qui paroissoient de chaque côté de la tête. 

Dans les télescopes de sept, dix et vingt pieds, celte enve- 
loppe avoit une teinte jaune très-décidée, qui formoit un contraste 
frappant avec la couleur verdâtre de la tête, 


La distance du bord extérieur de l'enveloppe jusqu’au centre 
de la tête, dans la direction d’une ligne menée au soleil, étoit 
d’environ 4’ 30". En supposant qu’elle s’étendit latéralement jus- 
qu’à former un demi-cercle, son diamètre auroit été de 19 : ce 
qui donne plus de 643,000 milles pour le diamètre réel. 


Queue de la Comôte. 


” 

Le phénomène le plus remarquable qui distingue les comètes, 
est ce faisceau de lumière qu’on appelle leuF gzeue. La longueur 
de ce faisceau est très-variable. Des causes indépendantes de 
ses dimensions réelles, affectent ses dimensions apparentes, et 
empêchent qu’on puisse obtenir à cet égard des estimations 
exactes. 


Le 2 septembre, la lune étant sur l'horizon, la comète très- 
basse et l'atmosphère peu transparente, l’auteur n’appercut point 
de queue à la comète, 

Le 9, elle en avoit une très-apparente de 9 à 10 degrés de 
longueur. 


Le 18, elle s’étendoit de 11 à 12 degrés. 

Le 6 octobre, elle étoit de 23 degrés. 

Le 12, elle fut estimée de 17 degrés. 

Le r14, de 17 <. 

Le 15, en l’observant avec beaucoup d’attention, et dans une 
atmosphère très-transparente, l’auteur la trouva de 23 + degrés, 
1l pense qu’alors sa longueur devoit avoir plus de cent millions 
de milles, quantité qui égale à peu près la distance de la terre 
au soleil, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 129 


Largeur de la Queue. 


Le 12 octobre, l'observation donna sa largeur réelle d’environ 
quiuze millions de milles. 


Courbure de la Queue. 


Les 9 et 10 septembre, la courbure de la queue étoit  très- 
considérable. ’ 


Le 18, la courburede l’extrémité dela queue se présenta comme 
restant un peu en arrière relativement à la direction du mou- 
vement de la comète. 


Le 17 octobre, la queue paroît plus courbée. 

Le 2 décembre, la eourbure de la queue prend une direction 
opposée à celle qu’elle avoit eue jusqu'alors, c’est-à-dire, qu’elle 
devient convexe du côté postérieur relativement au mouvement 
de Ja comète. 


Apparence générale de la Queue. 


À raison de la grande longueur et de la largeur de la queue de la 
comète 1l l’obser va avec une lunette de nuit, dont le champ est con- 
sidérable, Cette queue paroissoit renfermée par deux faisceaux de 
lumière qui sembloient être les prolongemens de l'arc brillant, 
ou de l'enveloppe qui entoure la tête. 


Le 18 septembre, ces deux faisceaux dispersent une portion 
considérable de leur lumière, à mesure qu’ils s'étendent vers la 
queue. Enfin vers le bout on ne voit plus qu’une lumière uni- 
formément distribuée. 

Le 12 octobre, on distingue les deux faisceaux respectivement 
condensés dans leur cours divergent, jusqu’à l'étendue d'environ 
six degrés : plus loin la lumière est uniforme. 

Le 15,la branche précédente de la queue est longue de 70 1’, 
la suivante, seulement dé*4o 41’ : ce qui donne l’ensemble d’une 
courbure irrégulière, L’auteur rapporte avec détail ces change- 
mens nee 10 novembre, époque à laquelle la branche pré- 
édente de la bifurcation étoit longue de 5° 16/. La suivante, 
seulement de 30 31/. La précédente étoit plus pleine et plus large 
que l’autre. , 

Dans le cours de ces observations l’auteur donne une attention 
particulière à l'apparence de la rébulosité de la queue. 


130 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Le 18 septembre, dans le télescope de dix pieds, elle ressem- 
bloit absolument à la zébulosité laiteuse qu’on voit dans la 
constellation d’Orion, dans les endroits où leurs degrés de lumière 
étoient semblables. 

Le g novembre, la queue de la comète se trouvant rapprochée 
de la voie lactée, l'apparence de ces deux régions lumineuses 
parut identique dans les endroits de la voie lactée qui sont sans 
étoiles, 

* Retour de la Comète à l'apparence nébuleuse. 


D’après le décroissement gradué de la queue de la comète, 
dit l’auteur, la diminution de la lumière, et la dispersion des 
faisceaux latéraux , d’après l'apparence de plus en plus foible de 
l'atmosphère transparente , résultat de la contraction, et de la 
condition dispersive de l'enveloppe, j'avois lieu de supposer que 
tous les phénomènes cométiques encore visibles du corps plané- 
taire, tête, atmosphère, enveloppe et queue seroient bientôt 
réduits à l'apparence nébuleuse ordinaire, non par une suite 
du plus grand éloignement de la comète, circonstance qui n’auroit 
dû influer que sur le volume apparent de ses diverses parties, 
mais par les changemens réels et physiques que j'observois dans 
tout son ensemble. 


Disparition graduée du corps planétaire. 


Le 4 novembre, dans le télescope de dix pieds, oculaire de 289, 
on voit le disque planétaire; il est plus excentrique qu’à l’or- 
dinaire, 

Le 9, on la découvre imparfaitement avec le 169; il est plus 
visible avec le 240; mais la nébulosité de l'enveloppe intercepte 
tellement sa lumière, qu’on ne peut faire de bonnes observations. 

Le ro, avec le télescope de dix pieds, on a un appercu du 
disque et de son excentricité. L 

Le 13, on échoue avec tous les agpisires dans la recherche 
du corps planétaire, ei 


Disparition de la partie transparente de l'atmosphère par 
l'interposition de la lumière provenant de l'enveloppe 
CONTRACTÉE. 


Le 4 novembre, dans la lunette de nuit on ne distingue plus 
cette partie de l'atmosphère qui séparoit la tête de son enveloppe. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 13£ 


Dans le télescope de dix pieds, avec un grand oculaire double, 
l’enveloppe paroît rapprochée de la tête. Leur distance respective 
au sommet est au-dessous de 7' 10". 


Le 10, on ne peut distinguer l'enveloppe de la tête que par 
un petit intervalle obscur, dans lequel on apperçoit encore lat- 
mosphère. La distance verticale de l'enveloppe est de 4’ 46”. 


Le 9 décembre, lenveloppe qui avoit été réduite à un bord 
foiblement lumineux, paroît se renouveler contre l'attente de 
l'observateur; mais elle est très-foible; sa distance au centre de 
la tête est d’environ 4 5 minutes. , 

Le r4, la foible et étroite enveloppe du 9 a disparu. 


ÆApparences extraordinaires dans la dissolution de 
l'ENVELOPPE. 


Le 4 novembre, dans le télescope de dix pieds , l'enveloppe 
paroît double du côté du soleil, et elle se divise de chaque 
côté en trois branches. Les extérieures sont très-foibles et peu 
longues. 
| Ces apparences subissent de légères variations , et le r4 dé- 
cembre il ne reste plus qu’une branche extérieure foible au côté 


précédent. 


Le 15 octobre et les 5 et 10 novembre, la branche précédente 
est la plus longue des deux. 


Les 3 et 9 novembre elles sont égales. 
Le 13, la branche suivante a 4° 6’ de longueur , la précédente, 
seulement 30 31°. 


Le r4, elles redeviennent égales, et d'environ 3° 31/. 

Le 15, la précédente a 3° 31’ et la suivante 4° 6’. 

Le 19, elles sont égales et d’environ 4° 23. 

Le 2 décembre, elles sont à peu près égales et d’environ 3° r2'; 
elles ont perdu leur brillant, et leur couleur prend celle de la 
lumière dispersée. 

Lea et le 14, les branches sont tellement afloiblies qu’on ne 
peut plus donner aucune précision aux observations. 

, - 
Changement dans l'angle de direction de l' Enveloppe. 


Le 4 novembre, les branches partent de leur source sous une 
divergence plus grande. L'auteur l’attribue à une contraction 


132 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de l'enveloppe du côté du soleil, mais non vers la commissure 
ou la racine des branches, où elle conserve la même étendue 
qu'auparavant. 

Le 18, l'angle de la courbure de l'enveloppe à son sommet, vu 
dans le télescope de dix pieds, est fort augmenté; mais dans 
la lunette de nuit la divergence ne paroît point accrue, 


® Le 14 novembre, dans le télescope de dix pieds, la divergence 
de la Jumière, qu’on appelle toujours de l'enveloppe, quoiqu’on 
ne puisse plus la distinguer de la tête, est de 60 à 65°; mais dans 
la lunette de nuit les branches qu'on distingue à peine, sont 
plus rapprochées que précédemment. 


Progrès du raccourcissement de la queue de la Comète. 


Le 5 novembre, l’air étant très-clair, la queue de la comète 
paroît déjà fort réduite ; sa longueur ne passe pas douze degrés. 

Le 9, elle n’a plus que dix degrés, 

Le 13, dansla lunette de nuit elle paroît toute raccourcie. 

Le 16, à l'œil nu elle a environ sept degrés et demi. 

Le 19, environ 6 degrés et demi. 

Le 2 décembre, elle a à peine trois degrés; sa lumière est 
très-foible. 

Le 9, même longueur. 

Le 14, idem, mais la lumière beaucoup plus foible vers l’ex- 
trémité, - , 


Obscurité croissante entre les faisceaux qui renferment 
la queue. 


Le 4 novembre, l'obscurité voisine de la tête du côté du soleil 
étoit devenue plus marquée et moins mêlée de lumière diffuse. 

Le 5, l'obscurité de l'atmosphère est plus marquée du côté 
opposé au soleil, que du côté de cet astre. 

Le 10, obscurité considérable entre les deux branches de la 
queue. £ 

Le 14, dans la queue fort près de la tête, il y a un grand 
espace presque absolument dégagé de la matière diffuse. On y 
voit les petites étoiles de la voie lactée, comme si rien m'inter- 
ceptoil leur lumière. 

Le 19, le télescope de dix pieds. L’obscurité entre les branches 
est augmentée, 

Le 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 133 


: Le o décembre, l’espace contigu à la tête du côté opposé au 

soleil, est tout-à-fait obscur , ou , pour mieuxdire, transparent. 
Le 14, on voit beaucoup d'étoiles de la voie lactée dans l’in- 

tervalle obscur dela queue, tout auprès de la tête de la comète. 


Résumant tous les faits que la comète lui a présentés, l’auteur 
ajoute, « toutes les observations prouvent que la comète avoit 
une figure sphérique.» 

Il lui paroît aussi probable qu’elle avoit un mouvement de 
rotation. 

I] passe ensuite à des considérations sur la nature des comètes, 

« La propriété lumineuse spontanée, dit-il, qui peut appar- 
tenir à une comète, s'accroît beaucoup à mesure que la comète 
s'approche du soleil. On en voit la preuve dans l'expansion et 
la raréfaction presque inconcevables qu'éprouve la matière lu- 
mineuse dela comète, vers le temps deson passage au périhélie. 


» Tout le monde s’accorde à admettre que l’acte dela phos- 
phorescence indique une décomposition, dans laquelle la lumière 
au moins est dégagée; mais il n’est nullement improbable qu’il 
s'échappe en même temps, dans un degré de raréfaction si grand, 
plusieurs autres substances élastiques volatiles. 


» Ainsi puisque certainement la lumière, et probablement 
d’autres fluides subtils s’échappent en grande abondance pendant 
une période de temps considérable, avant et après l’époque à 
laquelle la comète s’est trouvée la plus voisine du soleil, je con- 
sidère le passage de ce corps au périhélie, en quelque sorte 
comme un acte de consolidation. 

» Si cette idée étoit admise , elle entraîneroit quelques consé- 
quences assez intéressantes. Comparons, par exemple, les phé- 
nomènes qui accompagnèrent la comète de 1807, avec ceux de 
la comète de 1811. La première à son passage au périhélie étoit 
à soixante-un millions de milles du soleil ; et sa queue, lorsqu’elle 
fut la plus longue, occupoit une étendue de neuf millions de 
milles. Il s’en est fallu de trente.six millions de milles que la 
comète actuelle à son périhélie, ne s’approchât autant du soleil, 
et cependant sa queue a été de quatre-vingt-onze millions de 
milles plus longue que l’autre, La différence de la distance des 
deux astres à la terre, lorsque ces mesures ont été prises, n’étoit 
que deux millions de milles. 


Tome LZXXV II, AOÛT an 1818. 5 


134 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Ne pourroit-on pas en conclure que la consolidation de la 
comète de 1807, lorsqu'elle arriva au périhélie, avoit déjà été’ 
opérée dans un degré beaucoup plus avancé que celle de la comète 
de 1811, par quelque approche antérieure sur notre soleil, ou 
vers quelqu'autre corps céleste, que nous avons lieu de croire 
de même nature, c’est-à-dire une des étoiles fixes. 

» Et ce qui rend probable la dépendance des comètes d’autres 
soleils que du nôtre, c’est que sur le grand nombre de ces 
astres qui ont été observés, nous n’en connoissons qu'un seul 
dont le retour soit assujétiaux calculs, et prévu avec certitude. 

» Puis donc, d'après l’observation, il est prouvé que l’influence 
du soleil sur la présente comète a été, sans aucune comparaison , 
plus grande que celle qu'exerca cet astre sur la comète de 1807, 
et puisqu'on ne peut guère attribuer la différence à quelque ac- 
croissement notable dans la force rayonnante du soleil, n’avons- 
nous pas raison de supposer que la matière de la comète actuelle 
n’avoit que rarement , et peut-être jamais encore, passé à quelque 
péribélie où elle eût éprouvé une condensation? Il s’ensuivroit 
que la précédente étoit en quelque sorte plus müre, où d'une 
date comparativement plus ancienne. 

» Si l'on rejette l’idée de l’âge , on pourroït avoir recours à: 
une autre supposition , et dire que la comète actuelle, depuis lé- 
poque de son premier passage au périhélie, auroit acquis une quan- 
tité additionnelle de matière phosphorique vague, ou émpérihéliée 
(si je puis la désigner ainsi), qu'elle auroit recueillie dans sa 
trajectoire parabolique au travers limmensité de l'espace, et en 
passant dans des couches étendues de nébulosité. 11 n'est point 
improbable qu’une petite comète qui auroit déjà quelque solidité 
dans son noyau, ne pût s'attacher à emporter avec elle quelque 
portion de cette matière phosphorescente. Je dirois même que 
d’après la ressemblance parfaite que j'ai observée entre un grand 
nombre de comètes et les nébuleuses , je regarde comme n'étant 
point invraisemblable l’idée ,que la matière que ces comèles con- 
tenoient, appartenoit originairement à une nébulosité. 


» Il pourroit donc arriver que quelque nébuleuse, dans laquelle 
celte matière est déjà parvenue à un haut degré de condensation, 
fût attirée près le corps céleste solaire le plus voisin, et qu'après 
son premier passage péribélie, sa trajectoire parabolique fût di- 
rigée vers quelqu'autre corps semblable, et qu’en passant suc- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 135 


cessivement de l’un à l’autre, elle atteignit la région de notre 
soleil , où nous la verrions enfin transformée en comète. 


» On peut donc attribuer la splendeur de notre petite comète, 
ou à ce qu’elle étoit sortie depuis peu de temps de sa condition 
de nébuleuse, ou bien à ce qu’elle s’étoit attachée en passant 
une certaine quantité de matière nébuleuse, qui s’étoit trouvée 
voisine de sa trajectoire. Oz verroit dans la première suppo- 
sition l’origine possible des corps planétaires , et la seconde 
expliqueroit comment ces corps peuvent s’accroître et arriver 
pour ainsi dire à une espèce de maturité. Car si l'on admet 
une fois la possibilité de l'adhésion de la matière nébuleuse au 
corps d’une comète, qu'est-ce qui nous empêche de croire que 
cette circonstance peut se rencontrer plus d’une fois ? et dans 
le cas du mouvement parabolique, le passage d’une comète au 
travers de régions immenses remplies de cette matière phospho- 
rique, est en quelque sorte inévitable. » 


136 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


APPLICATION DU CALORIQUE, 


QUI SE PERD DANS LES CHEMINÉES DES TISARDS 
DES CHAUDIÈRES D’USINES (1), 


A UN VENTILATEUR ET A UNE ÉTUVE, 


Propres aux Fabriques de Sirops, de Sucres et d'Indigos; aux 
Manufactures d Acide sulfurique , de Savons, de Soudes 
brutes et de Sel de soude; aux Fabriques de Couperoses , 
d'Aluns , de Potasses, de Salpétres, et à tous autres éta- 
blissemens où l’on évapore des liquides, et où l’on en 
dessèche les extraits ; 


Par M. C. PAJOT DES CHARMES, 


Ancien Inspecteur des Mines et Manufactures de France, Membre 
de P'Athénée des Arts, et de plusieurs Sociétés savantes, auteur 
du Traité du Blanchiment des Toiles, Ouvrage distingué par 
l'Institut national des Sciences et Arts, et proclamé par son Pré- 
sident, à la fête du 1e* vendémiaire an 7. 


AEstuat, ut clausis rapidus fornacibas ignis. 
4, Geo. 
L 


À Paris, chez l’auteur, rue de la Vieille-Monnaie , n° 22, 1813. 


EXTRAIT. 


L'ART de mettre à profit tout le calorique produit par la 
combustion des corps, soit végétaux, soit fossiles, n’a pas 
encore fait beaucoup de progrès dans les manufactures à feu ; 
les personnes que la curiosité attire dans ces établissemens, et 


(1) Je ferai connoître sous peu les moyens d'employer, par des applications 
à des opérations particulières , le calorique qui se perd dans les cheminées des 
fours et fourneaux d’usines. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 137 


qui sont douées d’un esprit observateur, ÿ remarquent à cet 
égard, et avec surprise, de grands défauts d'économie, C’est 
donc servir l'intérêt des entrepreneurs, et en même temps l’in- 
térêt public, que d'offrir les fruits de lexpérience acquise à 
ce sujet. J'ai été assez heureux pour me trouver en posilion de 
faire des essais utiles sur l'emploi du calorique qui s'échappe 
par les cheminées des tisards des chaudières d'usines : le ven- 
tilateur et l’étuve que j'annonce en sont les résultats. Les détails 
dans lesquels je vais entrer, feront connoître la méthode pro- 
gressive du perfectionnement de ces deux inventions. 


$. Ier. 
Chaudières d’évaporation. 


Avant de décrire le ventilateur dont il est parlé, il est à 
propos de donner connoïssance du système d’évaporation auquel 
1] a été appliqué, comme aussi des petites précautions qu’exigent , 
soit la conservation des chaudières qui lui sont propres, soit le 
gouvernement du feu. Ce système éprouvé remplit parfaitement 
son but. Trois chaudières le composent pour l’ordinaire ; les noms 
de préparante, d'évaporante et de réduisante leur sont donnés, 
d’après l’action que le calorique exerce sur chacune d'elles. La 
préparante recoit le liquide à la sortie du dépôt ou réservoir; 
elle méprouve l'effet de la chaleur qu'après que celle-ci s’est plus 
ou moins épuisée sur les deux chaudières qui la précèdent, et 
qui, rapprochées l’une de l’autre, viennent se ranger, par l’extré- 
mité opposée à leur tisard, contre cette même préparante, dans 
le sens de sa longueur. 


Les eaux recues dans la préparante, quelle qu’en puisse être 
la température , servent à alimenter la chaudière dite évaporante, 
dont , à leur tour, les eaux nourrissent la réduisante. C’est dans 
cette chaudière de réduction que sont portées, jusqu’à la con- 
centration requise, les eaux de dissolution des diverses subs- 
tances salines susceptibles de donner des cristaux, lorsqu’on desire 
de les obtenir sous cette forme, ou bien on y réduit les mêmes 
eaux pour en extraire le sel sous la forme concrète. Dans le 
premier cas, le liquide, parvenu au degré de concentration con- 
venable, est versé dans des vases de rafraîchissement dits cris- 
1allisoirs ; dans le second, les eaux sont réduites, avec une 
atlention toute particulière, à Ja conduite du feu, soit pour 


158 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, 


pouvoir enlever au fur et à mesure le sel qui tombe consécu- 
tivement au fond de la chaudière , une fois que la pellicule qui 
lui est propre s’est manifestée à la surface du liquide, et qu'il 
faut rompre pour häter- la précipitation du sel, soit pour em- 
pêcher ce même sel de s'attacher au fond du vaisseau de réduc- 
tion. Le mouvement continuel de l’écumoire satisfait à ces deux 
conditions. Cet instrument est en conséquence promené succes- 
sivement sur chaque partie du fond de la chaudière, dans le 
sens de sa longueur ou largeur, et on enlève ensuite, à chacune 
des extrémités de la partie ainsi remuée, le sel que l’écumoire 
y a insensiblement ramené. Cette double opération est essen- 
tiellement recommandée au salinier chargé de la surveillance 
de ces chaudières; car sa négligence peut être très-funeste à son 
maître. 

Si le sel qui est tombé au fond de la chaudière n’est pas enlevé 
aussitôt , il ne tarde pas à s’y fixer et coller d'une manière tres- 
intime; dans cet état, si la chaudière est en plomb, elle court 
graud risque d'être fondue à la place même où est tombé le sel; 
dès ce moment, toute la liqueur est en danger de fuir et de se 
perdre dans la cendre du tisard. Si au contraire la chaudière 
est en cuivre, elle est plus ou moins altérée ou oxidée dans la 
partie qui se lrouve en contact avec le sel ; elle devient donc, 
par ce premier accident, plus susceptible d’être percée dans un 
second travail, et dès-lors elle court la méme chance de la perte 
des eaux salées soumises à la réduction. 


Lorsque les eaux dont on extrait le sel sous forme concrète, 
sont destinées à être réduites en tout ou en partie jusqu’à épui- 
sement de celles contenues dans leur réservoir , la dernière chau- 
dière de chaque reprise de leur évaporation doit être réduite à 
siccité. On sent d'avance avec quelle attention le feu doit être 
conduit et ménagé lorsque l’eau baisse de plus en plus dans 
la réduisante; il arrive méme que sur la fin de l'opération, la 
chaleur seule de la chaudière suffit pour dessécher le peu de 
pâte visqueuse dont le sel prend la forme dans cette circonstance, 
et qui est enlevée au fur et à mesure qu’elle peut être soutenue 
sur l’écumoire. 

On a soin, pour la conservation des chaudières, d'arrêter Ja 
réduction toutes les quarante-huit heures au moins. La conduite 
de cette opération , qui exige la cessalion du transvasement des 
eaux de l’éyaporante dans la réduisante , soit qu’on fasse cris- 
talliser les sels, soit qu'ils soient extraits sous forme concrete, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 139 
se règle d’après la propriété des substances dissoutes de cristal- 


> 


liser à tel degré de concentration, et de se concréter à tel 
autre. 


Aussitôt la réduction finie, on doit avoir la plus grande atten- 
tion de laver et nettoyer chaque réduisante du système d’éva- 
poration dont on s’est servi. Rien de mieux, lorsqu'elle est vide ; 
que d'y verser de l’eau pure, dont on frolte, avec un balai un 
peu rude, toutes les parois de la chaudière, afin de hâter la 
séparation ou la dissolution du sel qui s’y est attaché; il est 
infiniment rare de n’y en pas trouver. 


Lorsqu’après cèt enlèvement de sel, on découvre sur les côtés 
ou le fond de la réduisante, des petits trous ou des parties dé- 
gradées, non percées, on y coule de la soudure, si le vaisseau 
est en plomb mince; si au contraire il est épais de trois, quatre 
ou six lignes, on remplit les trous découverts avec du plomb 
fondu : les bords de la partie dégradée sont au préalable chauffés 
convenablement avec de la braise allumée, et de suite grattés 
au vif et nettoyés trés-proprement. 

Lorsque la chaudière est en cuivre, et que son avarie permet 
de couler dans les trous reconnus quelques grains de soudure , 
on s’en occupe aussitôt le nettoiement du sel fini, en prenant 
les mêmes précautions que ci-dessus, pour échauffer à l'avance 
la partie sujette à réparation. Si la défectuosité du cuivre ne 
peut être réparée par des grains de soudure, il faut alors se 
servir de clous ou de pièces du même métal qu'on rapporte 
et cloue selon le besoin. Dans ce cas, on est obligé de déplacer 
la chaudière ; si cependant celle-ci est en plomb, et de l’épais- 
seur au moins de trois lignes, on se dispense de cet enlèvement, 
en glissant sous la partie malade, entre la chaudière et les barres 
de fer qui la supportent, une tôle sur laquelle on rapproche et 
étend , avec le marteau, les lèvres du plomb à souder, toutefois 
bien avivées et nettoyées, ainsi qu'il a été déjà dit. Cette juxta- 
position des lèvres de plomb à la tôle, et cette propreté, sont 
essentiellement recommandées, afin que le plomb neuf chaud 
qui doit remplir le vide, ne s'échappe pas dans les cendres du 
Usard, et qu'il s’unisse au vieux plomb, sans vide ni soufllure. 
Avec un peu de soin, un salinier intelligent répare lui-même 
ses chaudières , et économise ainsi l'argent et les momens de 
l'entrepreneur. 


Au lieu de verser de l’eau pure, ou de petites eaux salées, 


140 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


si l'on en a, pour enlever le sel attaché aux côtés et au fond 
des réduisantes, des ouvriers, pour êlre plus prompts dans leur 
besogne, étonnent les parois de ces chaudières avec un mar- 
teau dont la panne est arrondie , et en frappant doucement et 
à petits coups redoublés autour du sel , ils parviennent à détacher 
plus ou moins P'oprement les croûtes qui se sont formées. 


. Cette méthode peut être bonne, quand on présume que le 
métal n’est point oxidé; mais si par malheur il se trouvait tel, 
il est rare que le mal ne devienne pas plus grand par une suite 
de cette percussion. C’est au maître de l'atelier à ordonner ; 
selon les cas, le concours du marteau et de l'eau, et quelquefois 
même du ciseau. 


Afin d’être plus tranquille sur les différentes soudures faites 
tant au plomb qu'au cuivre, il est toujours prudent de les cou- 
vrir soit d’un lut de blanc d'œufs délayé dans de la chaux ou 
de la craie tamisée, soit de farine de seigle détrempée, soit enfin 
du lut rouge des chaudronniers : on laisse sécher ces luts bien 
soigneusement avant de verser dessus de nouvelle eau à évaporer, 
fournie, comme il a déjà été annoncé, par l'évaporante, qui 
elle-même est entretenue par la préparante, et ainsi successive- 
ment jusqu'à ce que les eaux de même nature soient épuisées, 
si le besoin l'exige, 


Le nettoiement ou le décroûlage de la chaudière réduisante 
ne demande, pour l'ordinaire, pas plus d’une heure et demie 
à deux heures, lorsque l’ouvrier chargé de ce travail important 
est adroit, exercé et actif. Il ne sauroit, au surplus, être trop 
attentif, dans toute espèce de cas, à nettoyer au vif le fond des 
réduisantes : dans cette vue, il ne doit pas balancer à se servir 
d’une éponge ou d’un vieux linge, avec lesquels il enlève les 
dernières goulles d’eau, et met ainsi le métal à nu. Ce n'est 
qu'en s’assurant, de la manière la plus scrupuleuse, de l’état 
de ces chaudières, qu'on évite les dangers du feu et les pertes 
des liquides, 


L'essentiel, de la part du salinier qui réduit des eaux con: 
centrées, c’est de s'assurer (et l'expérience lui a bientôt donné 
à ce sujet le tact convenable) que son écumoire, lorsqu'il la 
promène sur le fond de la réduisante, en touche toujours le 
métal immédiatement; car aussitôt que celui-ci est engraissé 
par le sel, ou qu’il n’est point en contact avec le liquide, le 
sel qui le remplace donne lieu à une concentration de la chaleur 


qui, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. T4T 


qui, s'accumulant, ne tarde pas à oxider ou à fondre le métal, 
selon qu'il est de plomb ou de cuivre. 


Si j'ai un peu insisté sur les accidens qui ne surviennent que 
trop souvent aux chaudières de réduction par le peu de surveil- 
lance des ouvriers, c’est, d’une part, qu'ils sont presque toujours 
infiniment préjudiciables aux intérêts des propriétaires ou entre- 
preneurs d’usines , et que, de l’autre, il n'a paru trés-utile dé 
donner à ceux-ci connoissance des événemens qu’il importe de 
prévenir, et auxquels, quand ils sont arrivés, 1l leur convient 
de parer soit par eux-mêmes, ou par leur contre-maître, pour 
n'être pas exposés à un chomage plus ou moins long et nuisible, 
surtout quand leurs établissemens sont éloignés, aimsi qu'ils le 
sont presque tous, des villes principales de leur arrondissement , 
et par conséquent qu'ils sont privés, au moment du besoin, du 
secours des plombiers, chaudronniers, ou autres artisans dont 
l'aide et les talens leur seroient nécessaires. 


On saura, au reste, que si, pendant une réduction , On $€ 
trouvait surpris par une petite fuite de liquide, il y a quelque 
moÿen de l’arrêter aussitôt qu’on s’en appercoit, ou en augmen- 
tant le feu, si ce n’est qu’un suintement, ou si c’est un filet 
ou jet continu, en laissant tomber sur la place soupconnée ma- 
lade, un peu de cendre, de poussière fine, même du sel sec, 
si lon n'a pas autre chose sous la main; l’une de ces malières, 
traversant l'eau contenue dans la chaudière, va boucher sur- 
le-champ la fente ou le trou d’écoulement , en s'y introduisant. 
Ce remède, qui n’est toutefois qu'un palliatif, donne au moins 
le temps soit de terminer la réduction, si déjà elle est avancée, 
soit de transvaser les eaux , s’il n’est pas possible de continuer le 
travail sans courir un plus grand danger. 

Comme, sur la fin d’une réduction, la chaudière qui réduit 
ne sauroit plus être entretenue par celle évaporante, et que la 
préparante seule doit fournir le peu d’eau qu’elle contient encore, 
1l convient, dans cé cas, que cette dernière chaudière recoive 
toute la chaleur. Ce changement s'opère à l’aide d’un registre 
qui ferme la communication de la réduisante à l’évaporante, 
et un autre registre donne accès à toute la flamme sous la pré- 
parante. Cette nouvelle direction n’a lieu que lorsqu'il ne reste 
plus qu’un pouce environ de liquide dans l’évaporante, afin d'en 
avoir moins à transvaser. La même opérätion ést exécutée , quand 
on a la même chaudière à réparer ou à renouveler. 

Quoique. le soin exigé pour le neltoiéement des réduisantes 


Tome LXXFVII. AOÛT an 1613. 4 


142 JOURNAL DE PHYSIQUE , DE. CHIMIE 
n'ait point élé recommandé pour les évaporantes et préparantes, 
vu qu'elles ne doivent jamais déposer de sels, néanmoins, à chaque 
fin d'une reprise de réduction, il est bon de les visiter, parce 
qu'à la longue il peut s’y déposer des substances étrangères, 
ou des espèces de marcs qui, par suite, pourroient compromettre 
les intérêts de l'entrepreneur de l'usine. Leur nettoiement , au 
surplus, est commandé de rigueur, chaque fois qu’il s’agit d’éva- 
porer des eaux contenant des sels d’une nature différente de ceux 
obtenus par la réduction qui a précédé. ; 
On doit observer que, pour des réductions de liquides à siccité, 
les tuyaux de chaleur pratiqués sous les chaudières composant 
le système destiné, à ce genre de travail , ne doivent être dis- 
tribués que sous leurs fonds. Si au contraire ‘il ne falloit qu'éva- 
porer etamener les eaux à une concentration pour cristallisation , 
alors on auroit soin d'établir autour des côtés, ou calendres de 
ces chaudières, des tuyaux qui y conduiraient la chaleur, après 
qu'elle auroit produit son effet sur ces mêmes fonds. On prévoit 
que celte construction particulière exige une plus grande surface 
de terrain pour l’établissement de ces tuyaux auxiliaires. 


Il n’est pas nécessaire, pour obtenir les avantages qu’offre ce 
système de chaudières d'évaporalion, que le combustible se 
trouve posé sous toute la lougueur de la chaudière réduisante; 
la moitié seulement du côté de la partie antérieure est réservée 
au foyer; on évase celui ci à droite et à gauche, de telle sorte 
que la partie du fond de la chaudière placée dessus, soit disposée, 
le mieux possible, à recevoir l’action de la flamme du bois ou 
de la houille brûlante, et dont le calorique tend bientôt à par- 
courir les tuyaux sur lesquels repose l’autre moitié de cette 
réduisante, pour se diriger ensuite vers ceux qui recoivent l’éva- 
porante, et successivement vers ceux qui portent la préparante. 

En construisant les tuyaux pratiqués tant dessous les culs de 
ces chaudières, que sur leurs côtés, on doit avoir l'attention non- 
seulement: de,ne pas leur: donner plus de six à huit pouces de 
hauteur sur huit à douze pouces de largeur pour ce qui concerne 
les tuyaux sous les fonds, et six pouces de largeur sur huit à 
neuf pouces de hauteur pour les tuyaux qui doivent embrasser 
les pourtours ; mais encore on doit se réserver la faculté de les 
ramonner aisément, on autrement de les nettoyer avec un rabot. 
A celte fin, on laisse, à chaque tête de ces tuyaux, une ou- 
verture convenable et susceplible d’être fermée. à volonté, au 
moyen d’une ferrasse, d’un bouchon de terre cuite, ou simple- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 143 


ment avec des briques, dont alors il suflit que les joints soient 
plaqués au-dehors d'argile à bâtir, afin que la maconnerie voisine, 
lors du ramonnage, ne soit pas exposée à être ébranlée, si la 
fermeture de ces évents étoit plus solide qu’elle n’est proposée. 

Les mêmes tuyaux de chaleur peuvent servir, au besoin, de 
récipiens pour les fuliginosités provenant de matières brülées 
dans les foyers des tisards, et qui sont susceptibles de s’y con- 
denser pendant leur circulation. J’ai eu occasion, plusieurs fois, 
de mettre à profit cette espèce d’appareil sublimatoire. 


Quelle que soit l'épaisseur des fonds des chaudières de ré- 
duction, tant en plomb qu’en cuivre, il est à propos de les 
poser sur une plate-forme composée de grilles ou barres de fer 
d’un pouce carré, placées les unes à côté des autres, et ne faissant, 
pour ainsi dire, aucun intervalle entre elles; car s’il existe un 
vide, ne fût-il que d’un pouce, le contact continuel de la 
flamme, Joint au poids du liquide, ne tarde pas à faire plier 
le métal ramolli plus ou moins dans cette partie non garnie 
de barres, et l'espèce de poche qui y est ainsi pratiquée, devient, 
le plus souvent, la perte des chaudières, par le sel qui y tombe 
ou qu'y ramène le mouvement de l’écumoire, et qui bientôt se 
colle au métal. On n'aura pas de peine à concevoir que cela 
doit être ainsi, puisque cette écumoire, promenée sur le fond 
des chaudières, ne peut, en passant, enlever le sel tombé dans 
cette poche. 


La dépense de ces plate-formes en grilles paroîtra peut-être, 
au premier coup d'œil, un peu forte; mais le fabricant s’y déci- 
dera volontiers, pour peu qu’il la compare à toutes celles qu’oc- 
casionnent la destruction des chaudières, la perte des eaux qu’elles 
contenoient, celle du temps, etc. 

Si, au lieu de placer sur le même niveau les trois chaudières 
de notre système d'évaporation, le terrain permet qu’elles soient 
élevées lune au-dessus de l'autre par degrés, jusqu’à la prépa- 
rante, cette position donnera une grande facilité pour le ser- 
vice des eaux, dont alors on pourra régler à volonté le trans- 
vasement, au moyen d’une chantepleure. On peut, à la vérité, 
suppléer par un syphon à éette vertu de position que donneroit 
un terrain propice; mais la chantepleure ou le robinet est bien 
à préférer. Ces instrumens exigent beaucoup moins d’attention, 
et ils économisent Le temps employé à transvaser , avec la poche 
ou la pelle à rebord ( en métal ou en bois), d'une chaudière 
à l’autre, quaud celles-ci sont sur le même niveau, et que leurs 


Ars 


44 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


eaux sont basses. On sait d’ailleurs que, si ces eaux éloïent 
acides, on emploieroit alors soit des robinets de verre ou de 
plomb, soit des syphons à soupape de même matière. 


Au lieu d’un système d’évaporation composé de trois chau- 
dières, dont une seule, constamment la même, est réduisante, 
on peut en organiser le service, en telle sorte qu’alternativement 
l'évaporante fasse les fonctions de réduisante, et celle-ci à son 
tour soit évaporante ; mais alors il faudra un tisard sous chacune 
de ces deux chaudières, et la préparante recevra tout à la fois 
le calorique transmis par ces deux foyers. 

On peut encore établir ce système sur quatre chaudières, 
dont la réduisante seule, avec lisard , est accottée de deux éva- 
porantes ; ces trois chaudières, placées de front, s'appuient sur 
la préparante qui longe le corps de la cheminée. Ce système ne 
peut guère convenir qu'à des réductions d’eaux pour obtenir des 
sels cristallisés; le service de la réduisante seroit trop difficile 
pour en extraire des sels concrets, 

J’ai eu aussi occasion de faire exécuter ce dernier système ; 
mais le local, la facilité du travail, le prix du combustible et 
l'extension du ecommerce sont ordinairement des motifs qui 
invitent à adopter l’un ou l’autre de ces modes, ou à lajourner. 


Quel que soit le combustible dont on fasse usage, on doit 
veiller à ce que le courant d’air qui se porte à la grille soit 
vif et uniforme. On parvient à le régulariser ainsi par le moyen 
d’un évent pratiqué sur l'ouverture de la descente de l’escalier 
qui conduit au cendrier, et qui se prolonge en avant de la tête 
de la réduisante. Toute cette ouverture est fermée, sauf l’évent 
dont il, s'agit, avec de mauvaises tôles plaquées de torchis; ces 


tôles sont placées sur des barres de fer disposées pour leur objet, . 


et d’une manière assez solide pour qu’au besoin du service, 
l’ouvrier puisse marcher dessus en avant de la porte du tisard, 
et tout autour de ce même évent. Une ferrasse qui fait les fonc- 
tions de registre, ouvre et ferme plus ou moins l’évent mentionné, 
d’après le gouvernement qu’exige soit le combustible, soit l’éva- 
poration du liquide ; c’est aussi par cette même ouverture qu'on 
peut retirer les braïses du bois, ou les escarbilles de la houille 
qui, toutes choses égales, chaufle beaucoup mieux que le bois. 
Si la flamme en est moins longue, la chaleur qu’elle produit 
est en revanche plus intense. 


Afin de donner plus d'activité à la flamme de la houille, non- 


érnrÈne 


LV'2. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 145 


seulement il faut avoir le soin de l’arroser de temps à autre et 
de la jeter mouillée dans le tisard , mais on doit encore verser, 
par intervalle, un sceau d’eau dans le cendrier. La vaporisation 
considérable qui se détermine sur-le-champ, produit un très- 
grand dégagement d’oxigène; la flamme en recoit une nouvelle 
énergie pendant quelques instans. Cette immersion, qui rafraîchit 
d'autant les parois et le sol du cendrier, contribue aussi à con- 
server plus frais soit l’air qui afflue à la grille par l’évent dont 
il a été parlé, soit celui qu'on peut y amener de dehors par un 
canal particulier. 


Cet avantage que procure le rafraîchissement du cendrier 
seroit plus sensible si l’on étoit à portée d'entretenir un courant 
d’eau sur son sol, ou au moins un bassin plein d’eau qu’on pourroit 
renouveler de temps en temps, et dans lequel s’éteindroient les 
escarbilles ou lès braises qui s’échappent à tout moment de 
la grille du tisard, et dont on la dégage lorsque le bien du 
service l'exige. C’est surtout pendant l'été, par rapport à la mol- 
lesse de l'air, que ces secours seroient très-utiles; car pendant 
l'hiver, et lorsque les nuits d’été sont fraîches, ce besoin ne se 
fait pas, ou beaucoup moins sentir. 

Peut-être ne trouvera-t-on pas déplacé d’avertir que lorsqu'on 
veut allumer de la houille sur une grille de tisard disposée ex- 
près, il faut préférer de mettre sur les copeaux ou les brindilles 
de bois avec lesquels on veut l’allumer, de la houille gaëillettée ; 
c’est ainsi qu’on nomme les morceaux de cette espèce de com: 
bustible, lorsqu'ils sont à peu près gros comme le poing; ils 
ne sont que des débris de la houille dite gaillerte, dont des 
pains pèsent quelquefois plus de cent à cent cinquante livres, 
Quand cette houille gaillettée est allumée, on la recouvre et 
charge tout doucement de houille brisée, appelée kouille d'usines, 
mais, par préférence, non mouillée pour le moment. En pro- 
cédant avec celte précaution, il est rare qu'un ouvrier, quoique 
non exercé, n’allume pas son feu. 

Ce même ouvrier saura encore que lorsqu'il est nécessaire 
d’éteindre la braise de la houille, ou la houille même, il ma 
autre chose à faire, sinon que de l'attirer au dehors du tisard, 
si elle est sur sa grille, et de la laisser tomber sur l’aire du cen- 
drier, en l'y éparpillant; en cet état, elle s'éteint promptement, 
sinon, en cas d'urgence, on verse de l’eau dessus. Il ne paroîtra 
pas non plus inutile de faire observer que lorsqu'on dégage les 
cendriers de leurs escarbilles, on doit être très-attentif, avant de 


146 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les mettre en dépôt, à ce qu’elles soient bien éteintes , et mieux 
encore de les arroser soigneusement , surtout lorsqu'on les range 
en {as dans une cour; car elles sont susceptibles de s’enflimmer 
par le premier courant d’air qui les frappe, pour peu qu’elles 
conservent de chaleur interne, et leurs cendres rouges, dispersées 
par un coup de vent, peuvent produire des incendies : ces sortes 
d’accidens ne sont par malheur que trop fréquens. 


Lorsqu'on fait usage de la houille dans une fabrique, l'éco- 
nomie veut qu’on épluche avec attention les grosses escarbilles, 
qu’on a soin de rejeter sur le foyer; il est très-rare qu’elles 
soient entièrement dessoufrées ou converties en coak, surtout 
si elles sont d’une certaine grosseur, et si elles proviennent de 
houille grasse sujette à se gonfler par la chaleur, ou de cracher, 
ain&i que disent les forgerons. Les escarbilles sont en outre em- 
ployées avec avantage dans les cheminées des maîtres ou des 
contre-maîtres et des ouvriers. Il n’est pas jusqu’à leurs cendres, 
proprement dites, qui ne soient excellentes, soit pour les cons- 
tructions hydrauliques, soit pour étouffer les jones ou les grosses 
herbes des prés, naturellement trop humides. 


Comme, en général, on ne sauroit porter trop d'attention à 
Yéconomie du combustible , on veillera, lors de la construction 
des tisards, à laisser, vers la place où doit être à peu près posée 
la grille, plusieurs trous, soit en montant, soit en descendant, 
pour en recevoir les barreaux. Par ce moyen, lorsqu'il s'agira 
d’essayer le tirage de ces mêmes tisards, on pourra relever ou 
abaisser, à l'éloignement reconnu le plus convenable du fond 
des chaudières, et cette grille et ses supports. 


Afin d'augmenter non-seulement la célérité de lascension du 
calorique en expansion dans le tuyau de la cheminée, mais encore 
l'activité des ventilateurs , tant pour l’évaporation à chaud, que 
pour celle à froid, dont il sera parlé tout-à-l’heure, on pourra 
employer, avec le plus grand avantage, le moyen suivant, si la 
localité le permet. 


Au tuyau montant de la cheminée de chaque système de nos 
chaudières d’évaporation, sera adossé un semblable tuyau des- 
cendant et communiquant jusque dans le cendrier, sous la grille 
même du tisard, par le canal destiné, au besoin, à faire arriver 
du dehors de l’air frais. Ce tuyau descendant n’est, comme on 
voit, que le prolongement du tuyau montant; son objet est de 
rapporter à la grille , et comme un nouvel aliment, les fumées 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 149 


ou parties volatiles encore susceptibles d’ignition, qui ont échappé 
à la combustion, et dont le calorique seroit perdu entièrement 
pour l’usine , sil s'exhaloit dans l’atmosphère sans avoir été soumit 
à une nouvelle destination. 


- Des registres placés aux deux trous aspirateurs de l’air chaud 
et de l’air froid des deux espèces d'évaporations dont il vaêtre 
question dans le paragraphe suivant, règlent la rapidité de ces 
deux courans, et le registre, disposé au-dessus de chaque chau- 
dière préparante dans la cheminée du tisard , règle de son côté 
la vîtesse de sortie des fumées des combustibles, et par con- 
séquent le tirage de ce tisard ; il détermine en outre l'abondance 
de ces mêmes fumées ramenées par le tuyau descendant de la 
cheminée jusque sous la grille qui doit les aspirer, ou jusqu’à 
la partie vide laissée en conséquence entre la porte du tisard et 
cette même grille sur laquelle le courant les dirige, pour étre 
dévorées par les corps qui s’y trouvent enflammés. On devine de 
reste combien cette combustion , ainsi régularisée par celte cir- 
culation continuelle, doit être utile sous les différens rapports 
auxquels son effet se rattache. 


Je ne dois pas oublier de faire observer qu'il est nécessaire 
d'élever sous chaque hotte une séparation entre chaque chau- 
dière évaporante et réduisante, en-telle manière que la partie 
solide, au-dessus de chacune d'elles, forme une-sorte de conduit 
à l'air y arrivant de l'atelier. Gette séparation en forme de cloison, 
qu'’exige l'application du ventilateur dont on va parler, se trouvé 
garnie d’une petite porte à coulisse dont l'ouverture facilite le 
passage des eaux avec la poche, surtout lors des fins des réduc» 
tions, et en outre si les chaudières sont placées sur le méme 
niveau. Le bas de cette ouverture qui est pratiquée sur les bords 
de la réduisante et de l’évaporante, est couvert, dans cet entre- 
deux, d’un seuil de plomb mince pour empêcher que la filtra- 
üon et la chute des eaux transvasées, et qui égouttent de la 
poche, n'aient lieu autre part que dans l’une ou l’autre de ces 
mêmes chaudières. 

Il est à propos d’avertir que dans le cas où l’on préféreroit 
de retirer le sel concret des eaux que l’on évapore, il econviendroit 


de placer , à huit ou dix pouces de l'extrémité de la réduisantes 


opposée à celle du tisard, une petite caisse de plomb supportée 
par un châssis de fer plat posé sur les deux bords de la même 
chaudière. Celte caisse, qui a huit pouces de largeur , est garnie, 
seulement sur trois côtés, de rebords en plomb de sept à huit 


145 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


pouces de hauteur ; elle est destinée à recevoir le sel enlevé par 
l'écumoire du salinier, et à faciliter, par la pente qui lui est 
donnée, l'égout des eaux que le sel renferme encore. Sa devanture 
est garnie d’une petite barre mobile dont les deux bouts, en 
forme de crochets, empêchent l’écartement des deux joues qui 
forment rebord; c’est sur cette barre que l’ouvrier frappe avec 
le manche de son écumoire pour en faire glisser le sel pâteux 
qui y reste attaché. Lorsque cette caisse est suflisamment pleine, 
on en porte le sel qui y est déposé, avec une pelle de tôle à 
rebord, dans une grande caisse en plomb ou en bois qui sert 
de dépôt provisoire, en attendant que ce sel soit porté à la sé- 
cherie de l’ézuve , ou bien only porte de suite s’il en est besoin, 
et si la sécherie elle-même , en état de le recevoir, n’est pas 
éloignée de l'atelier d'évaporation. Toutefois cette caisse de dépôt 
doit elle-même être placée en pente, afin que si le sel qui y 
est porté, y séjournoit quelque temps, il pât encore y égoutter 
le peu d’eau qu'il recéleroit, et hâter ainsi d'autant sa dessication, 
lorsqu'il seroit porté dans l’étuve pour y être soumis à l’action 
du calorique qui y est tamisé. 


SET 
V’entilateur. 


L'atelier dans lequel ce ventilateur a été construit, étoit rempli 
de chaudières dont l’ensemble composoit un grand système, 
formé lui-même de plusieurs systèmes particuliers d’évaporation, 
semblables à celui qui vient d’être décrit. Les brouillards pro- 
duits par les vapeurs qui s’en élevoient étoient tellement épais , 
surtout en hiver et dans les temps humides et bas, que l’intérieur 
en étoit obseurci, au point que le plus souvent les ouvriers 
avoient peine, non-seulement à se distinguer ou se reconnoître 
eux-mêmes, mais encore à surveiller leurs ouvrages. D’un autre 
côté, les ordures lavées et détachées de la charpente par les 
vapeurs qui S'y condensoient, salissoient dans leur chute soit 
les eaux des chaudières , soit les matières qui en étoient extraites; . 
elles abymoient aussi les vétemens des ouvriers, et ceux des 
curieux. 

Pour éloigner ces divers inconvéniens , je fis placer sur les 
chaudières une espèce de hotte en bois léger ; elle s’appuyoit 
par sa partie supérieure sur le corps de la cheminée des tisards 


de 


7 ET D'HISTOIRE NATURELLE. 149 


de chaque système de ces chaudières, et elle enveloppoit tout 
le contour de celles-ci comme d'un manteau. On s'étoit réservé 
la faculté de l'ouvrir au niveau de leurs bords, par le moyen 
de volets appropriés en conséquence. A l'extrémité supérieure 
de cette hotte, qui, de la ligne des volets distribués autour de 
ces chaudières, jusqu’à cette même partie supérieure appuyée 
contre la cheminée, prenoit une forme pyramidale, s’élevoit un 
prolongement adossé au mur de la même cheminée; il facilitoit 
la sortie des vapeurs au dehors, en les conduisant jusqu’au- 
dessus du toit. 


Par suite de cette disposition, l'atelier fut promptement purgé 

e ces nuages de vapeurs, tout-à-la-fois mal saines et mal pro- 
Pres, qui se dirigeoient d’autant plus vite dans le tuyau extra- 
ducteur, que Pair environnant y avoit un plus prompt accès; ce 
qui avoit lieu surtout quand les volets de la hotte placés au- 
dessus de la gueule des tisards, étoient ouverts sous l’angle con- 
venable, et que ceux placés sur le côté des chaudières étoient 
fermés. L'espèce de courant qui s’établissoit alors, balayoit les 
Vapeurs avec une vitesse étonnante, 


À cet avantage s'en joignit un autre, dont je sentis toute 
l'importance ; c’est celui que présentoit cette disposition pour une 
plus grande évaporation des liquides, puisque je remarquai qu’en 
vingt-quatre heures il avoit été évaporé un quarante-huitième de 
la masse de l’eau contenue dans ces mêmes chaudières, en sus 
du produit de l’évaporation ordinaire obtenue sans cette hotte. 
Je fais observer ici que ce sera toujours sous ce rapport que 
devront étre considérées Les diverses expériences dont il va être 
rendu compte, et qui ont eu lieu dans des chaudières échauffées. 

La promptitude avec laquelle les vapeurs étoient entraiînées 
au dehors, ne tarda pas à me faire naître l'idée de les diriger 
dans le tuyau même de la cheminée des tisards des chaudières. 
Je prévoyois que le calorique en expansion dans ce tuyau devoit 

roduire l’effet d’un puissant ventilateur. Voici comment cette 
idée fut réalisée, Je fis percer le corps de la cheminée dans la 
partie la plus voisine de l'extrémité inférieure du tuyau de la 
hotte, conducteur de la vapeur au-dessus du toit de l'atelier, Je 
fis ensuite boucher ce même tuyau à peu près au niveau de l’ou- 
verture pratiquée à la cheminée; je fermai tous les volets dis- 
posés sur le pourtour des chaudières, et je n’ouvris que ceux 
placés au-dessus de la gueule des tisards. L’effet produit par cet 
appareil étoit surprenant. La rapidité du courant étoit telle, 


Tome LXXV II. AOÛT an 1813. V 


a50 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CIMIE 


qu'uné chandelle ne pouvoit rester allumée un seul instant à Ia 
tête des chaudières; elle y étoit éteinte aussitôt que présentée. 


En considérant la vitesse avec laquelle l'air introduit sous 
cette hotte chassoit vers le tuyau de la cheminée les vapeurs 
élevées des chaudières, je m’appercçus bientôt que cette nouvelle 
disposition contribuoit à une augmentation d'évaporation du 
liquide, puisqu'en vingt - quatre heures, toutes Peel égales 
d’ailleurs, je trouvai qu’un trente-sixième de la masse du liquide 
étoit évaporé, soit par le courant d’air qu'attiroit sous la hotte 
le calorique en expansion dans le tuyau de ia cheminée, soit 
par l’action du ventilateur même sur les vapeurs, soit par le 
concours de ces deux moyens. 


Réfléchissant alors sur la propriété dont jouit un air sec, de 
se saturer des parties humides avec lesquelles il se trouve en 
contact, propriété dont effet augmente par le mouvement im- 
primé à ce même air, je résolus d'essayer à froid ce mode de 
vaporisation , en l’appliquant au système de nos chaudières placées 
sur des tisards, mais privées de feu pendant l'expérience. Je 
im'étudiai donc à produire un contact très-intime de l'air entré 
sous la hotte, avec la surface du liquide; pour y parvenir, voici 
l'expédient que j’employai. 

Au lieu du couvercle élevé et spacieux offert par la hotte 
décrite ci-dessus , jen fis poser un d'une forme aplatie, à très- 
peu de distance des bords de l’évaporante et de la réduisante, 
et sur toute leur longueur ; il se relevoit ensuite en fausse équerre 
vis-à-vis la cheminée ; il s’inclinoit de là vers le trou d’aspiration 
du ventilateur, et s’y dirigeoit en prenant une figure pyramidale, 
à partir de l’angle de cette fausse équerre jusqu'à cette même 
ouverture, Ce couvercle, très plat, étoit établi en telle sorte, 
qu'il ne se trouvoit depuis, et au-dessus de la tête du tisard 
jusqu’au corps montant en fausse équerre , que la pente reconnue 
indispensable pour qu’en traversant l’espace laissé entre le cou- 
vercle et la surface du liquide, l'air attiré fût obligé, dans son 
passage, de lécher, pour ainsi dire, ce même liquide, et de s’en 
imprégner fortement; de là il devoit suivre la direction pyra- 
midale de la deuxième partie de ce couverele avant de s’échapper 
par l'ouverture faite au corps de la cheminée , dans laquelle le 
calorique en expansion remplissoiticiles fonctions de ventilateur. 


Afin que la partie plate du couvercle donnât la facilité de 
réparer les chaudières ou de les renouveler au besoin, son en- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 15£ 


semble étoit construit de manière que sa longueur se composoit 
de” plusieurs châssis qui se fermoient à feuillures, à Pinstar des 
vanlaux de portes, et qui éloient en outre susceptibles d’être 
enlevés au besoin. 

L'effet que je m'étois promis de cet appareil eut lieu tel que 
l'avois préjugé, et à mon grand contentement, puisque je re- 
connus qu'en vingt-quatre heures l’évaporation du liquide con- 
tenu dans les chaudières, soumis à l’action dissolvante de l'air 
attiré, avoit été d’un quarantième de la masse. Mais ce ré- 
sultat , déjà très-avantageux, le devint encore plus par l'addition 
d’une bascule d’agitation dont le mouvement de va ef vient 
renouveloit les surfaces du liquide à évaporer. Un mécanisme 
mu par l'eau, par le vent ou par un cheval, peut, suivant la 
localité, imprimer ce mouvement. Son effet, obtenu ici par le 
secours de la main, donne en faveur de notre évaporation à 
froid, un produit encore assez important, puisqu’en vingt-quatre 
heures il s’est montré d’un trente - deuxième de la masse à 
réduire. : 

J’ai essayé d'appliquer cette bascule d’agitation à l’évaporation 
du liquide contenu dans les mêmes chaudières chauflées; mais 
le résultat de cette expérience n’a pas élé autant remarquable 
que je me l’élois imaginé; il a été tout au plus d’un trentième, 
Il paroît que le liquide , rafraîchi par son agitation, a été d'autant 
retardé dans son évaporation. 

Je réfléchis donc de nouveau sur la propriété que possède si 
éminemment l'air sec de s'emparer des parties aqueuses avec 
lesquelles il est mis en contact, mais en considérant toutefois 
ce liquide évaporable en couches les plus minces possible. A cette 
fin, je tentai en petit ce qui est pratiqué en grand dans quelques 
salines de l’est de la France, et dans celles étrangères, au moyen 
de fagots d’épines dans certaines contrées, et de cordes dans 
d’autres : les unes et les autres machines censées constamment 
couvertes d’une simple pellicule de liquide salé, dont la partie 
aqueuse est dissoute de toutes parts, et continuellement par l'air 
atmosphérique environnant. 


Voici donc comment je parvins à imiter cette belle industrie 
de l'emploi des cordes à l’évaporation des eaux, et à régulariser 
P à l'évaporation des eaux, et à rég 
le nouveau mode que j'exécutai en lui associant l’action de mon 

- ques € ë EE 
ventilateur. Je remplacai les cordes par des brins d’osier, comme 
plus capables de résister aux liqueurs soit acides, soit caustiques , 


Vs 


152 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


et comme plus propres en outre à conserver aux surfaces éva= 


porantes qui en étoient composées, leur première position ver- 
ticale, et aussi les distänces entre elles qui leur auroient été 
affectées. D’un autre côté, au lieu d'élever les eaux, comme 
dans les salines mentionnées, pour les faire tomber ensuite sur 
les cordes disposées pour l’évaporation, je me servis d’un pro- 
cédé inverse, c’est-à-dire, que je plongeoiïs mon évaporateur 
dans le liquide, et le relevois ensuite, tout imbibé qu'il en étoit, 
pour l’exposer à l’action dissolvante de lair introduit sous le 
couvercle des chaudières. 


Cette nouvelle méthode m’ayant mis dans la nécessité de 
relever les couvercles placés prés de mes chaudières, j’estimai 
convenable de les fixer à 4 pieds et demi au-dessus des bords, 
afin que, lors de l'enlèvement de mon évaporateur, il pût y 
avoir une distance d'environ 3 pieds, susceptible d’être parcourue 
par le liquide s’échappant tant des brins d’osier placés à claire- 
voie, que des maillis fins et serrés de, même matière qui les 
lioient entre eux, et que l'air attiré, en se dirigeant sur les 
couches liquides restées sur les brins et sur les gouttes qui tom- 
boient de ces maillis, eût le temps de produire son effet, soit 
sur les gouttes mêmes pendant la durée de leur chute, soit sur 
les brins et la surface maillée d’osier, pendant la durée de l’élé- 
vation de l'instrument. 


Afin de donner un aperçu des avantages dépendans de cet 
évaporateur soumis à la ventilation produite par le calorique 
en expansion dans le tuyau de notre cheminée, il suffira ‘de 
dire, 1° que le résultat de l’expérience faite à froid, au-dessus 
dun bassin de huit pieds sur quatre, et contenant huit pouces 
de liquide, comme dans les expériences précédentes, a donné, 
en vingt-quatre heures, une évaporation du dix-neuvième de 
la masse ; 20 que la même quantité de liquide évaporée par le 
même moyen, dans le même vase échauffé seulement par son 
fond, a été réduite d’un douzième pendant la même durée de 
vingt-quatre heures. On remarquera que la température de la 
liqueur, dans le second cas, ne s'est pas élevée au-delà de 60 
degrés Réaumur. 

En adoptant donc à la face opposée d’un corps de cheminée 
de chaudières évaporantes par la chaleur, un système de chau- 
dières semblables évaporantes à froid , d’après notre appareil de 
hotte et d’évaporateur, il est facile de se rendre compte à l'avance, 
au moins par approximation, des avantages attachés à cette 


— 


_— 


* ET D'HISTOIRE NATURELLE. 1b3 
réunion. Qui ne voit, au surplus, que, par suite de l’évapo- 
ration à froid, on obtiendra une première concentration du 
liquide, lequel, transvasé dans les chaudières évaporantes à 
chaud , disposées de la même manière que celles à froid , donnera 
son produit dans un espace de temps nécessairement très-court, 
comparé à celui qu’auraient exigé les méthodes ordinaires ? 

À ‘cette économie de temps, qui est la plus précieuse, puis- 
qu’elle est la source de toutes les autres, savoir, l'économie du 
combustible, celle des bras, etc., se joignent les avantages ré- 
sultans de l'application du couvercle au-dessus des chaudières, 
et qui consistent dans la propreté et la salubrité de l'atelier. Ces 
accessoires, on ne l’ignore pas, ont la plus grande influence sur 
la qualité des produits d’une usine. 

L'ouverture à pratiquer au corps de la cheminée, ne doit 
pas l'être indifféremment; celle qui a donné lieu au ventilateur 
que nous examinons ici dans tous ses détails, a été arrêtée d’après 
la connoissance du degré de chaleur du corps même de la che- 
minée à son extérieur, son épaisseur prise toutefois en consi- 
dération, Dans l'application dont il s’agit ici, ouverture de la 
cheminée a été déterminée à douze pieds du bas du tisard de 
la réduisante ; c’étoit la hauteur mitoyenne entre ce même tisard 
et l’extrémité supérieure de la cheminée au-dessus du toit. Le 
thermomètre selon Réaumur , placé en cet endroit, et en con- 


act avec le mur de la cheminée, épais de 8 pouces, indiquoit 
plus de 8o degrés. 


Le trou aspirateur du côté des chaudières évaporantes à froid 
adossées à la face opposée du corps de la même cheminée, étoit 
percé à trois pieds au-dessus de la ventouse qui se trouvoit du 
côté des chaudières échauffées. A ces diverses élévations, le 
Jeu de ces deux espèces de pompes aspirantes ne présentait aucun 
danger du feu, ni pour l'atelier, ni pour les hottes qui, par pré- 
Caution, étoient enduites d’une légère couche de plâtre, dans 
une longueur de 2 à 3 pieds en contre-bas. 


Onobservera que la force raréfiante du calorique qui s'échappe, 
détermine naturellement la vîtesse de Pair attiré sous la hotte 
et le couvercle des chaudiéres. Le produit de la vaporisation 
en suit donc les rapports; les autres données restant les mêmes. 

La longueur de la flamme du combustible doit aussi être con- 
sidérée. Pour chauffer les chaudières qui étoient ici mises en 
expérience, on faisoit usage du bois connu sous le nom de 


v4 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


charbonnage, c’est-à-dire de celui destiné à être converti en 
charbons. Ce bois étoit mêlé par moitié avec celui qu’on appelle 
marlot dans les forêts ; c'est ordinairement la bâche, ou le bois 
de quartier des chantiers de Paris, coupé en deux. On brûloit 
aussi parfois des bourrées, espèce de fagots composés de brin- 
dilles ou sommités de branches d’arbres. 


Quoique les volets placés sur les côtés des chaudières et au- 
dessus de la tête des tisards aient élé annoncés devoir être à 
charnière, on peut néanmoins leur substituer des volets à cou- 
lisses. Des jalousies $eroient peut-être encore plus avantageuses, 
en ce qu’elles donneroient la facilité de distribuer le courant 
d’air d’une manière très-convenable pour la plus prompte éva- 
poration du liquide. 


J'ai essayé, à différentes reprises, d'ouvrir les volets de la 
hotte qui touchent le corps de la cheminée, concurremment 
avec ceux placés au-dessus des tisards; j'avois pensé que l’action 
commune des deux courans d'air introduits à la fois, auroit 
produit une évaporation plus considérable; mon espoir a été 
décu, en ce que l'air, arrivant le long du mur de la cheminée, 
paroissoit nuire à la célérité de celui attiré sur la ligue du 
tisard. 

Il n’est pas inutile de noter que la température ordinaire de 
l'atelier où l’on avoit disposé le système des chaudières éva- 
porantes à chaud, étoit de 15 à 20 degrés Réaumur, et celle 
observée dans l'atelier opposé, dans lequel étoient placées les 
. chaudières évaporautes à froid, se trouvoit à peu près de 25 
degrés. Cette dernière température éloit produite par le calo- 
rique tamisé à travers le corps de la cheminée, et plus sujet à 
concentration dans le second local, vu qu’il étoit beaucoup moins 
spacieux que le premier. 

Je dois faire observer que, dans le cas où l’on se décideroit 
à retirer, sous la forme cristalline, les sels contenus dans les 
eaux soumises à l’évaporation, la caisse à égoutter les sels retirés 
sous forme concrète, doit être enlevée , afin que l’on ne soit pas 
gêné dans le service de notre évaporateur affecté à la réduisante. 
Le placement de cette caisse et de son châssis sur le travers de 
cette chaudière, sera disposé en conséquence, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 15 


8S TT. 


Bascule d'agitation. 


Cet instrument a été employé construit de deux manières: 
le premier modèle étoit composé d’un châssis en bois figuré 
en forme de marteau ; à chaque bout de sa traverse étoient fixées 
des roulettes, soit une seule avec épaulement et languette, soit 
deux réunies, dont une horizontale et une verticale, l’une et 
l’autre libres dans leurs chapes. 


Dans le premier emploi, la roulette cheminoit sur son épau- 
lement, et sa languette, qui l'empéchoit de dévier, entroit dans 
une rainure, À l'égard des deux roulettes placées dans le même 
corps de chape, celle verticale servoit à l'allée etvenue du châssis, 
et la roulette horizontale s’'opposoit à sa déviation. 


La queue du châssis étoit dirigée dans sa course sur un petit 
rouleau placé entre deux tiges qui empêchoient l’écartement du 
châssis. La queue de celui-ci portoit sur sa longueur quatre 
agitateurs , doët l’un jouoit dans la chaudière dite préparante, 
et les trois autres dans celle nommée réduisante ou celle évapo- 
rante. On a vu plus haut les fonctions propres à chacune de ces 
chaudières. Les doigts de-ces agitateurs peuvent être ronds ou 
carrés ; sous cette dernière forme, ils présentent leurs angles au 
liquide qu'ils doivent agiter. Leur longueur ici est d’environ six 
à sept pouces; ils ne doivent jamais toucher le fond des chau- 
dières ; ils sont disposés seulement pour imprimer un mouvement 
de va et vient, ou d’agitation à droite et à gauche à la surface 
du liquide:, qui se-met ainsi en contact avec l'air attiré par le 
calorique , faisant les fonctions de ventilateur, qui s'échappe 
continuellement par le tuyau de cheminée des tisards des chau- 
dières. 

On a soin que les doigts de l’agitateur , au lieu de garnir toute 
la longueur de sa traverse, fixée à la queue du châssis de la 
Bascule , n’en garnisse qu’une partie, c’est-à-dire, qu'un agita- 
teur sera garni de doigts aux deux extrémités, et le suivant 
seulement dans son milieu, ainsi que les autres agitateurs, en 
alternant. 


Un petit rouleau placé au-dessus de la queue du châssis, et 
à peu près dans le milieu de sa longueur, se trouve garni d’une 


156 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


appendice armée d’un secteur dont la dentelure joue dans une 
petite crémaillère adaptée à cette queue, ou bien il est tout 
simplement garni à son extrémité d’une espèce de fourchette 
dans laquelle entre librement un tenon fixé sur la queue de ce 
même châssis. L’axe de ce rouleau, d’un côté, joue dans la 
cloison déjà mentionnéé , laquelle sépare les deux chaudières; 
de l’autre, il déborde la réduisante , et c’est à cette extrémité 
que se trouve adapté un balancier dont le mouvement alternatif 
de bascule fait marcher le châssis dans la direction donnée à 
l'appendice, qui, à son tour, fait jouer à droite et à gauche 
ou la crémaillère, ou la fourchette dont il a été parlé, et, par 
conséquent, contribue ainsi à faire agiter le liquide, et à en 
renouveler la surface, d’après la vitesse imprimée à ce même 
balancier. 


Le second modèle de bascule d’agitation est composé seule- 
ment d’une traverse en bois fixée dans le milieu de la longueur 
de la chaudière évaporante ou réduisante, tant sur son bord 
au-dessus de la ligne du tisard, que sur celui qui la sépare de 
Ja préparante. La longueur de cette traverse est ensuite garnie, 
aux places convenables, de quatre agitateurs disposés de même 
que ceux du premier modèle, à l’exception que dans le second 
11s sont mobiles autour d’une cheville qui les assemble à la tra- 
verse, tandis que ceux du premier sont fixes, n’étant susceptibles 
d'aucun mouvement sur eux-mêmes. Un tirant lie chaque agi 
tateur l’un à l’autre, de telle sorte que celui qui er mou- 
vement le communique aussitôt à ceux qui le précèdent ou le 
suivent, ñ 


Un levier du premier genre sert à imprimer le mouvement ; 
une cheville qui le pénètre et qui est placée sur la traverse, à 
peu près vers le milieu de sa longueur, lui sert de point d’appni; 
il a son point de résistance plus ou moins près de l’extrémité de 
l'agitateur. Un doigt plus élevé, et qui est placé à l’endroit le 
plus convenable pour recevoir le bout du levier du côté du bras 
le plus court, lui en tient lieu. Au moyen de ce petit méca- 
nisme, le mouyement imprimé, soit à droite, soit à gauche, 
au grand bras de levier qui déborde la chaudière, est propagé 
de suite au petit bras de ce levier, et par celui-ci aux agitateurs, 
à l’aide des quatre tirans dont il a été parlé. 

Ces deux bascules d’agitation remplissent très bien leur objet, 
et d'autant mieux, que te moteur quel qu'il soit, agit plus vîte 
sur le grand bras de levier de l’une, et le balancier de l'autre. 


Les 


Ls 2: 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 17 


Les agitateurs étant dans le cas d’être enlevés, soit lors de 
la réduction des eaux, soit lors de la réparation des chaudières, 
on a toute facilité; le levier et le petit rouleau ne présentent 
aucun obstacle à leur dégagement, pour peu qu’on se rende 
compte de leur position et de leur jeu. Les agitateurs de la 
première bascule ne sont retenus dans leur milieu que par un 
boulon à vis ou ane clavette qui les fixe à la queue du châssis; 
les agitateurs dela seconde bascule, mobiles sur eux-mêmes dans 
Je milieu de leur longtieur , sont aussi facilement séparés du châssis 
qui les assemble, en enlevant la vis ou la clavette du boulon 
autour duquel ils se meuvent; leurs tirans peuvent être déplacés 
encore {rès-aisément, puisque l'anneau de leurs extrémités est 
simplement pénétré par un piton fixé à chaque bout de la branche 
des agitateurs. Les traverses auxquelles les uns et les autres us- 
tensiles s'adaptent, se trouvant ainsi dégagées, il ne se présente 
plus de difficulté pour les sortir de dessous la hotte, ou les re- 
lever et attacher à son couvercle. Dans le premier cas, il ne 
s'agit que d'ouvrir les volets qui se trouvent sur les côtés de 
chaque chaudière. 


Le peu de force qu'exige le mouvement à communiquer à 
ces bascules, laisse assez pressentir qu’au besoin, le même moteur 
pourroit faire mouvoir les deux instrumens de cette espèee né- 
cessaires au service de chaque système d’évaporation; la réunion 
des deux bascules seroit faite alors de manière à ce qu’elles 
recussent une impulsion commune, 


S IV. 
Évaporateur. 


Soit un châssis en bois léger de quatre pouces moins long 
et moins large que le bassin ou la chaudière dans lesquels 11 
doit être plongé. Sur son pourtour seront fixées quatre claies 
d’osier blanc, dont les brins, de trois à quatre lignes de diamètre, 
auront en longueur quelques pouces de plus que la profondeur 
des vases évaporatoires. Ces brins seront éloignés lun de l’autre 
d’environ un pouce et demi, et maintenus dans cet écartement, 
soit en haut, soit en bas, par plusieurs liens d’osier : la partie 
supérieure sera maillée d’osier fin et serré, dans une longueur 
d’un pouce et demi en contre-bas; celle inférieure sera de même 
entrelacée avec un pareil osier, au moins dans la longueur de 


Tome LXXV/II. AOÛT an 1813. X 


+58 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


six pouces en contre-haut; la partie intermédiaire restera en 
claire-voie. Ces quatre claies seront aussi liées avec de l’osier, 
sur leur quatre angles de réunion, autour du châssis ; elles ne font 
alors avec ce dernier qu’un seul tout. 


Sur les longs côtés, censés vus de champ, de ce châssis, 
seront pratiquées, à un pouce et demi l’une de l’autre, des en- 
tailles propres à recevoir chacune un des bouts de la barre 
d'assemblage d'autant de clayons aussi en osier, et dont les brins, 
de pareille grosseur que ceux déjà mentiônnés, seront écartés 
de même, et arrêtés haut et bas, ainsi qu’il a déjà été dit, en 
observant le même espace laissé en claire-voie. Afin que les 
clayons intérieurs au châssis conservent leur égale distance entre 
eux, ils y seront maintenus à leur extrémité inférieure par un 
ou deux brins d’osier, ou par un fil de fer enveloppé de toile, 
suivant la nature des”liquides à évaporer. Par cette attache, ils 
se trouvent faire corps avec les petites claies fixées à chaque 
extrémité de la longueur du châssis; ils sont en outre empêchés 
de sortir des entailles qui reçoivent leurs barres d'assemblage, 
d’un côté par l'application d’une traverse posée sur l'extrémité 
de ces mêmes barres; de l’autre, par de petits tourniquets posés 
sur chaque entaille; ce qui donne la liberté de retirer séparé- 
mentéchacun de ces mêmes clayons, soit pour les réparer, soit 
pour les renouveler. La pose des claies sur le pourtour du châssis 
doit être faite avec la même précaution, et de telle sorte que 
la partie en claire-voie ne soit ni plus haute, ni plus basse que 
celle des clayons assujétis en leur place. 


Sur chaque angle du châssis, ou à une distance de ses petits 
côtés, raisonnée toutefois par rapport à l'équilibre, est posé un 
anneau auquel est attachée une corde. Celles qui s’élèvent des 
deux anneaux fixés en regard sur les deux longs côtés, sont 
assemblées et nouées de manière à former vers le nœud, et, 
en prenant pour base l’entre-deux des canaux, le sommet d'un 
triangle plus ou moins obtus, d’après l'espace libre qui se trouve 
au-dessus des vaisseaux d’évaporation. De ce nœud sort une corde 
qui est passée sur des poulies placées convenablement, et à l'aide 
desquelles, et moyennant deux semblables cordes auxquelles est 
attaché ce châssis, on élève et abaisse ce même châssis garni 
de ses claies et clayons. Dans ce cas, une personne s’exerce sur 
chaque corde, presque toujours Fe éloignées l’une de l’autre 

our pouvoir être manœuvrées par le même individu. Maïs si 
atelier en donne la facilité, les deux cordes provenant de leur 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 150 


ñœud respectif sont, à la sortie des poulies dévidées autour d’un 
rouleau armé d’un rochet avec son déclit, plus d’une poignée 
à manivelle. Ce rouleau doit être fixé à hauteur commode, soit 
en tête du tisard, sur la ligne commune à l’évaporante et à 
la réduisante, soit sur la ligne de séparation de ces deux chau- 
dières d’avec celle préparante. D’après cette dernière disposition, 
il est visible qu’un seul ouvrier peut suflire à la manœuvre du 
châssis, 

L'appareil ainsi préparé, voici la manière de s’en servir. 

Supposons d’abord le châssis élevé à la hauteur de quatre pieds 
et demi environ au-dessus du vase contenant le liquide à évaporer; 
si le local permet une plus grande élévation du châssis sans 
craindre les éclaboussures du liquide hors de ce vase, on doit 
la préférer. Supposons encore huit pouces de liquide dans le 
même vase qui est ici censé de forme quadrilatère rectangle et 
à fond plat, on descend, soit à la main, soit par le moyen du 
rouleau , le châssis garni de son armure jusqu'à ce que celle-ci 
touche le fond du bassin ou vaisseau d’évaporation; on relève 
un moment après ce châssis , à la hauteur d’où il a été descendu, 
et on l’y laisse s’égoutter du liquide dont la surface de ses claies 
et clayons s’est plus ou moins mmbibée. L'égouttage fini, on re- 
commence limmersion, et on relève de nouveau le châssis. 
Cette même manœuvre se répète successivement, soit pour l’éva- 
poration à froid, soit pour celle à chaud. La seule différence 
à l'égard des immersions faites dans des liquides échauflés, 
c'est d’attendre non-seulement qu’il ne tombe plus de gouttes 
d'eau du châssis, mais encore qu’il ne s’y montre plus de fumée 
a] de vapeur aqueuse. 

Supposons maintenant que les immersions aient été renou- 
velées pendant un temps donné ; ce temps expiré, on s’appercevra, 
10 que l’eau qui éloit contenue dans le vase au-dessus duquel 
on a opéré, a diminué de hauteur, d’une manière très-sensible ; 
2° que l’eau restante, si elle est salée, a acquis plusieurs degrés 
de concentration. 

On ne peut dire ni la quantité de liquide qui sera évaporée, 
ni le nombre de degrés de concentration qui seront acquis. Ces 
deux produits sont dépendans, quant à lévaporation faite à froid 
au- dessus de vases non échaufiés, des dimensions de ces mêmes 
vases, du degré qu’a la liqueur au moment où le ventilateur 
commence à s'exercer sur elle, de la sécheresse et de la vîtesse 


X 2 


160 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


que peut recevoir l'air ambiant, et en outre de l'attention de 
l’ouvrier chargé des immersions; et pour l'évaporation à chaud, 
non-seulement des moyens ci-dessus énoncés, mails encore du 
gouvernement du feu, toutes choses restant égales pour ces deux 
méthodes. & 

Il est bon d'observer que si les liquides soumis à lévaporation 
ne sont pas de nature acide ou corrosive, au lieu L brins 
d’osier dont se compose ici notre évaporateur, il paroîtroit plus 
avantageux qu’il fût formé avec des cordes, soit liées les unes 
aux autres et le plus près possible, à l'instar des cordelières de 
blason, soit entrelacées de distance en distance, à la manière 
des ouvrages de vannerie, pour empêcher qu’elles ne se pelotent* 
et ne se mélent dans leur service. Ces diverses ligatures, de 
même que celles conseillées pour les évaporateurs en osier, sont 
des plus utiles pour modérer la descente des liquides, et les 
tenir plus long-temps exposés au contact de l’air extérieur attiré 
par le ventilateur. 7 

Un avantage particulier que donne l'emploi des cordes, c'est 
de conserver plus long-temps que l’osier l'eau dont elles sont ïm- 
préguées; leurs hélices favorisent cette conservation : à cel avan- 
tage les cordes en joignent un autre qui offre aussi son intérêt, 
celui d’être susceptible d’une longueur double au moins des 
brins d’osier recommandés plus haut, ou, autrement, d’une 
longueur double de la profondeur des vaisseaux évaporatoires, 
la flexibilité des cordes permettant immersion d’une plus grande 
surface dans la liqueur; d’où il suit, eu égard à nos chaudières 
et à toutes autres, une plus prompte évaporation dans le même 
temps. 

Quant aux usines dont les chaudières sont trop éloignées des 
corps de cheminées, ou dont la construction ne comporteroit 
pas, sans des dépenses extraordinaires, lapplication de notre 
ventilateur, rien n'empêchera, sans doute, qu’on fasse usage 
de notre évaporateur. L'air ambiant dans l'atelier n’exercera 
pas moins son action sur les surfaces des claies ou des cordes 
dont il sera composé. Moins borné pour son jeu que s'il éloit 
renfermé sous une hotte, l’ouvrier sera vraisemblablement 
le maître d'élever cet instrument à une hauteur beaucoup plus 
grande au-dessus des chaudières, et de procurer ainsi au liquide 
qui égouttera , plus d'espace à parcourir dans sa chute, On 
ne pourroit donc, d’après cet emploi, obtenir, dans le même 


ET D'HISTOIRE NATURELLE: 10€ 


temps, et toutes choses égales, qu’une plus forte et plus prompte 
évaporation. 


Au fur et à mesure que la réduction des eaux s’avance, les 
entrelas, soit en osier, soit en cordes, de notre évaporateur, 
retiennent des sels qui ne peuvent être dissous par les mêmes 
eaux, de plus en plus concentrées. Lorsque la réduction est 
finie, et que les chaudières ont été remplies d’un nouveau liquide 
à évaporer, il sufhit d’une première immersion plus ou moins 
prolongée de ces instrumens dans les nouvelles eaux, pour qu'ils 
soient nettoyés de toutes les substances salines dont ils peuvent 
se trouver encroûtés. 


Pour tirer tout le parti possible de notre évaporateur, soit en 
osier, soit en cordes, on peut en faire l’application, soit aux 
bassins qui servent de dépôt provisoire, soit aux réservoirs des 
eaux de dissolutions ou de lessives des diverses substances sa- 
lines, si toutefois ils sont placés de manière à pouvoir en faire 
usage. Quelle que soit l’évaporation résultante de l’emploi de 
l’un oude l’autre instrument, elle ne pourra qu’accélérer d’autant 
la concentration de ces liquides, lors de leur passage successif 
dans les diflérentes chaudières dépendantes de notre système. 


S V. 
Étuve. 


L’étuve dont je vais donner la description a été exécutée avec 
succès dans la manufacture des glaces de Saint-Gobain, et aussi 
à Soissons; elle avoit été destinée particulièrement à la dessication 
des substances salines extraites de chaudières de réduction dont 
ilaété parlé au paragraphe premier. La disposition de la chambre 
où cette étuve a été formée à Soissons, étoit telle, que les chau- 
dières se trouvoient placées précisément au-dessous ; ce qui 
mettoit à portée de profiter du calorique en excès sortant des 
tisards, et qui se perdoit dans le tuyau de leurs cheminées. 


Pour diriger ce calorique dans la chambre à étuve, j'établis, 
sur le carrelage, plusieurs conduits de chaleur adossés les uns 
aux autres, et se communiquant, par leurs extrémités ouvertes, 
d’une manière utile à leur objet. Un premier conduit faisant 
suite au tuyau de la cheminée dont l'issue au dehors étoit con- 
damnée à l'endroit le plus coveae par un registre, recevoit 
le calorique exhalé des tisards dés chaudières, et se commu 


163 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CYIMIE 


niquoit successivement aux conduits intermédiaires jusqu’au der4 
nier, qui rendoit à la même cheminée au-dessus du registre 
indiqué, le peu de-calorique que les divers espaces parcourus 
n'avoient.pas eu le temps d’absorber ni tamiser. 

Les registres d’entrée et de sortie servoient à gouverner la 
température de cette étuve, suivant les besoins. On avoit jugé 
à propos de la fixer entre 30 et 35° de Réaumur, d’après l’ex- 
périence qu’à ces degrès les substances salines, bien égouttées 
à l'avance, soit dans la chaudière d’où elles avoient été retirées, 
soit dans la caisse de dépôt provisoire, ne tardoient pas à y 
obtenir une dessication complète, et qu’en outre les ouvriers 
attachés au service de cette étuve pouvoient se livrer aux soins 
qu'elle exigeoit, sans être trop fatigués, pendant le peu de temps 
qu'ils y consacroient, à différens intervalles, soit par la chaleur 
humide du local, produite par l'évaporation de la petite quantité 
d’eau que contenoient les matières mises à sécher, soit par l'air 
raréfié qu’on respiroit, quand ces mêmes matières étoient parz 
venues à leur entière dessication, et au moment où on les re- 
tiroit de la sécherie. 


Peux ventouses pratiquées au plafond de la chambre pouvoient 
corriger celte atmosphère : sa modification ou son renouvellement 
éloil d’ailleurs facile, soit par l'ouverture totale ou partielle des 
fenêtres et de la porte, soit par l’ouverture des différens évents 

ratiqués tant aux fenêtres elles-mêmes que dans la cloison ou 
e mur qui leur étoit opposé, 

Quoiqu’ici la chambre destinée pour étuve soit placée au-dessus 
des chaudières, rien ne s’oppose à ce qu’elle soit établie der: 
rière, ou à côté d'elles, La sécherie pratiquée à Saint-Gobain 
étoit attenante au mur de leurs cheminées, et elle se trouvoit 
au même niveau, c’est-à-dire sur le sol de Patelier. La dispo- 
silion, dans l’un et dans l’autre cas, présente les mêmes facilités, 
puisque, par le fait, les conduits de Ja chaleur qu’il s’agit d'é- 
tablir ne présentent que des tuyaux de cheminée horizontaux, 
au lieu d’être verticaux, ainsi qu’ils le sont tous plus ou moins 
pour l'ordinaire. La seule chose qui doit décider l'entrepreneur, 
c’est la facilité que peut lui donner le local; car l’étuve, placée 
à côté et derrière les chaudières, offre non-seulement plus d’éco- 
nomie, puisqu'à la suite des tisards il n'y a que des conduits 
horizontaux à construire, mais encore que le calorique qui y 
arrive plus tôt, et sans se miner pendant sa route, dans des 
conduits verticaux, comme il arrive quand l’étuve est placée dans 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 163 


une chambre au-dessus des chaudières , doit nécessairement pro- 
duire un plus prompt eflet. 

Il est impossible de faire connoître le bénéfice que doit pro- 
curer une étuve construite d'après les principes que l’on vient 
de poser; il tient à différentes causes susceptibles d’être plus 
ou moins modifiées par la localité et par le commerce des en- 
trepreneurs de fabriques, intéressés à add péion de ces ateliers 
particuliers ; il me suflira d'annoncer que l’économie résultante 
de la sécherie établie, soit à Saint-Gobain, soit à Soissons, 
Res un avantage de cinq mille francs par an sur le com- 
bustible. 


On peut construire des tuyaux de chaleur pour étuve de plu- 
sieurs manières, soit avec des briques, soit avec des pierres 
tendres ou dures, nimporte, suivant l’avantage que le pays offre 
à cet égard. Cependant il convient que la partie des conduits 
qui donne entrée au calorique soit construite en briques par 

‘préférence, autant que possible, et au moins dans une longueur 
de deux à trois pieds. Cette précaution inspire plus de tran- 
quillité sur le danger du feu et aussi sous le rapport de la cal- 
cination de la partie du conduit attenant à la cheminée. 


En ce qui concerne les proportions dans lesquelles doivent 
être établis les conduits de chaleur, elles ne sauroient être de 
plus d’un pied de largeur sur dix-huit pouces de hauteur. Ceux 
‘construits à Soissons étoient réglés d’après ces dimensions, et 
ceux construits à Saint-Gobain n’avoient que huit pouces de 
largeur sur douze pouces de hauteur, le tout dans œuvre. Ces 
diverses proportions doivent être déterminées d’après le volume 
de calorique que les conduits doivent recevoir, la nature des 
objets à sécher, la grandeur de l'emplacement de l'étuve, la 
commodité du service, et aussi le genre de couverture adopté 
pour les conduits etc. 


Quant à ce dernier point, la couverture, si la distance entre 
les petits murs de séparation des conduits est déterminée au- 
‘delà de la longueur des briques ou tuiles ordinaires, alors on 
les couvre avec des faitières coupées dans leurs plis, sinon on 
compose des tuiles ou des briques tout exprès, à moins que l’on 
ne croie pouvoir les suppléer par des dalles en pierre dure 
‘d’une épaisseur convenable. Toujours est-il bien, dans ces divers 
cas, que la couverture soit doublée par un second rang qui 
coupe les joints du premier. On veille alors à ce que les deux 


164 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


rangs pris ensemble, quel que soit leur mélange de dalles, de 
tuiles ou de briques, ne fassent pas trop d’épaisseur, afin que 
la plate-forme que leur en$emble établit, quoique les matières 
dont elle se compose soient peu conductrices de la chaleur, en 
laisse néanmoins tamiser suffisamment, et qu’elle en reste elle- 
même imprégnée, pour opérer comme il faut, la dessication 
des substances qui lui sont soumises immédiatement, ou qui 


sont disposées à telles hauteurs ou places avantageuses dans 


l'étuve. 
LL 


Ces sortes de couvertures en terre cuite ou en dalles, ne 
peuvent être employées toutefois qu'autant qu'une chaleur de 
trente degrés Réaumur est suflisante, et que la substance mise 
à sécher sur la plate-forme seroit susceptible d’être altérée par 
son contact avec une. plate-forme en métal. Si au contraire le 
métal ne peut être nuisible, et si, d'autre part, on a besoin 
d’une haute température et d’une dessication prompte, c’est le 
cas de faire usage de couverture en fer, à laquelle on peut com- 
muniquer une chaleur de cinquante à soixante degrés Réaumur. 


Quant à cette dernière couverture, des feuilles de tôle épaisse, 
ou des plaques de fonte, sont très-propres au double service 
auquel elles sont destinées; les plaques néanmoins sont préfé- 
rables, tant parce qu’elles peuvent diflicilement se tourmenter, 
même par une grande chaleur, que par la forte épaisseur qu’on 
peut leur donner, qui conserve plus long-temps le calorique 
qu'elles ont absorbé, par le moindre nombre des joints qu’elles 
présentent dans leur placement, par le peu de valeur, et aussi 
par la facilité qu’elles donnent au remuage des matières étendues 
sur elles, à raison de leur surface unie, dure et susceptible de 
recevoir, presque sans danger de la casse, ou d’autre dégra- 
dation, les chocs des ontils propres à détacher ces mêmes ma- 
ières que, par suite de leur humidité, la surprise de la chaleur 
y a pu fixer ou coller. 

Les étuves de cette espèce que j'ai fait construire, étoient 
couvertes avec des plaques de fonte; leur joint étoit fermé au- 
dessous par une bande de fer plat ou de tôle, enduite d’argile 
jaune détrempée, et sur laquelle reposoient, à demi-largeur, 
deux plaques rapprochées le plus près possible l’une de l’autre. 
C’est ainsi que l’on évitoit l’inconvénient de la solution de con- 
tinuité par rapport aux matières plus ou moins étendues sur 
la plate-forme, et qui auroient pu couler entre deux, soit par 
la quantité d’eau qu’elles auroïent pu encore recéler, soit par 


l'effet 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 165 


l'effet d’une fusion aqueuse. Je n’ai pas éprouvé cet inconvénient 
des joints avec des couvertures en dalles que je faisois rap- 
procher intimement par le moyen des feuillures pratiquées à 
moitié de leur épaisseur. l 

Si l'on considère la disposition extérieure de ces sortes de 
couvertures en métal, et le calorique qu’elles laissent écouler 
abondamment, vu qu’elles en sont un bon conducteur, on ap- 
précie bientôt leur utilité, par l'application qu’on peut en faire 
à la dessication d’une infinité de substances, soit que le métal 
les touche immédiatement, soit qu’elles soient placées dans une 
partie quelconque, haute ou basse, de létuve. Le service est 
susceptible, comme on la vu, d’être réglé selon qu’il est né- 
cessaire, 


. Lorsqu'on envisage en outre le parti qu’on peut tirer de la 
disposition intérieure de ces conduits, on ne tarde pas à re- 
connoître, ainsi que je l'ai déjà laissé entrevoir plus haut, tout 
l'avantage qu’elle présente pour la circulation et le dépôt de 
certaines substances douées de la propriété de se sublimer et 
de s'attacher aux parois de ces sortes de récipiens, selon leur 
nature plus ou moins volatile, et qu'elles sont plus aptes à se 
condenser par le refroidissement insensible que produit la dé- 
gradation La chaleur opérée dans les mêmes conduits, depuis 
celui qui la recoit, jusqu'à celui qui la rend, pour ainsi dire, 
anéanlie. J’ai eu occasion de me servir de cette espèce d'appareil: 
pe plusieurs expériences de ce genre, notamment pour la fa- 

rication du uriate d'ammoniaque, du sulfate ammonia- 
cal, etc., je ferai connoître plus tard lesrésultats de mes différens 
essais avec le secours de ces mêmes conduits. 


On a vu qu'au plafond de cette étuve se trouvoient pratiquées 
deux ventouses par lesquelles s’échappoit l'air plus ou moins 1m- 
prégré des vapeurs aqueuses des matières mises à sécher; au 
ieu de perdre le calorique dont est imbu cet air humide, il 
seroit possible d’en profiter pour le service d’ateliers particuliers 
disposés au-dessus ou à côté de l’étuve; il est mainte circons- 
tance où une chaleur humide seroit nécessaire. Rien de ce qui 
présente un avantage quelconque ne doit être indifférent à un 
entrepreneur actif, intelligent, et qui calcule ; il sait, par l’ex- 
périence journalière, qu’il n'y a pas de petite économie à rejeter 
dans une fabrique; qu'il va de son intérêt, et du succès de ses 
spéculations bien entendues, d’essayer toute la série des res- 
sources que lui offrent les différentes opérations principales qui - 


Tome LXXVII. AOÛT an 1815, »4 


x66 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


l’occupent, et que les accessoires, conduites avec prudence, sont 
suflisantes quelquefois pour l’indemniser des frais que comporte 
le roulis de son établissement. 

Quoiqu’on m’ait indiqué que-trois manières de couvrir les 
conduits de chaleur des étuves, savoir, avec des briques ou tuiles , 
avec des dalles de pierre, et avec des tôles ou des plaques de 
fonte, il seroit parfois convenable, selon les matières à dessé- 
cher, de composer les couvertures moitié en plaques de fonte 
ou en feuilles de tôle, et moitié en briques, carreaux, ou en 
dalles qui seroient posées sur les premières. On obtiendroit de 
cette réunion, une température mitoyenne entre celle produite 
par l'usage des couvertures métalliques, et celle que donne la 
terre cuite seule ou la dalle de pierre dure. L’entrepreneur devra 
donc adopter celle qu'il estimera la plus propre aux matières, 
sous le rapport de leur dessication prompte ou lente, et aussi 
sous le rapport de leur qualité, etc. 


Les registres et les tuyaux des cheminées dont on soutire le 
calorique pour l’amener dans l'étuve, doivent être disposés de 
manière à donner à ce même calorique une issue libre hors de 
l'atelier, par la voie directe des cheminées des tisards des chau 
dières. Cette facilité de l’y introduire ou de le porter au dehors, 
à volonté, pour le bien du service, peut avoir, dans plusieurs 
circonstances, une grande utilité, d 

Il est à remarquer pareillement que les passages pratiqués 
aux extrémités de chaque conduit, ne doivent pas être ouverts 
dans toute la hauteur de leurs petits murs de séparation, mais 
seulement dans la partie basse tenante au carrelage, en telle 
sorte que l’espèce de diaphragme dont cette ouverture se trouve 
couronnée, puisse retenir long-temps le calorique dans la partie 
du tuyau qu'il parcourt successivement. Afin que la chaleur 
soit maintenue plus égale d’un retour à l’autre, et dans tout 
l'espace qu'offrent les conduits, ceux-ci pourroïent même avoir 
une longueur décroissante, depuis leur embouchure ‘avec le 
tuyau de la cheminée, jusqu'à l'extrémité opposée à laquelle 
ils se réunissent. Leur largeur, au contraire, pourroit être crois- 
sante depuis le carreau de l’aire de la chambre jusqu'à leur 
eouverture. 

Si, au lieu de se borner à des tuyaux de chaleur établis sur 
le carrelage de l'étuve, on croyoit convenable de les prolonger 
soit horizontalement, soit verticalement, sur les murs de son 
pourtour, avant de les rattacher au corps de la cheminée, cette 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 167 


addition ne pourroit qu’accroitre le tamisage du calorique dans 
l'atelier, et contribuer à l’épuiser entièrement ; cependant 1l semble 
qu’elle ne devroit avoir lieu, par rapport à son effet, qu’autant 
qu’elle seroit reconnue bien nécessaire pour dés opérations toutes 
particulières ; car cette disposition de tuyaux placés sur les murs 
du pourtour de la chambre, tend à rendre sa partie vide qui 
touche le plafond, toujours plus chaude que celle qui avoisine 
son aire, tandis que le contraire doit exister par la disposition 
des conduits'placés sur le carrelage. Dans les cas de cette ad- 
dition de tuyaux, il seroit bien non-seulement de préférer ceux 
horizontaux, mais encore de pratiquer, à chacun de leur retour, 
des diaphragmes propres à retenir le calorique dans chaque con- 
duit, dont en outre le rétrécissement pourroit être gradué, 
aiusi qu'on l’a déjà recommandé pour les tuyaux établis sous 
la plate-forme auxquels ceux-ci sont censés faire suite. 


6 VL 


Tndication des fabriques et usines auxquelles notre Ventilateur 
etnotre Étuve peuvent être utiles. 


L’extraction desatières sucrantes étant aujourd’hui excitée 
de toutes parts, .non-seulement par le grand intérêt qu'y attache 
VEmpereur et Roi, mais encore par les effets de sa munificence, 
tout Français animé de l'amour de sa patrie, doit redoubler 
de zèle et d'efforts pour seconder les vues paternelles de Sa 
Majesté. J'ai donc pensé que l'application d'une étuve, dans 
le genre de celle que je viens de décrire, pourroit contribuer 
aux progrès de cette nouvelle industrie. 

J'ai encore lieu de croire que cette même étuve conviendroit 
parfaitement aux érzdigoteries , dont les produits, de même que 
les sirops et sucres, demandent une dessication graduée. Ces 
sortes d'usines, auxquelles Sa Majesté vient aussi d'accorder des 
encouragemens , ne nous importent pas moins que les sucreries , 
puisque le succès de ces divers établissemens doit avoir une 
grande influence sur la prospérité publique. 

L'usage de notre évaporateur , soit qu'on l’emploie seul, soit 
que notre ventilateur lui soit associé, me sauroit pareillement 
qu'être très-avantageux à ces fabriques. 

L'un et l’autre moÿen doivent en outre présenter le même 
degré d'utilité à différentes autres manufactures anciennes ou 
nouvelles; par exemple, aux manufactures d'acide sulfurique 


Y 2 


168 JOURNAL DE PMYSIQUE, DE CHIMIE 


pour la concentration des eaux acidulées, sortant des chambres 
de plomb ; aux manufactures de soude brute, pour la réduction 
des eaux sulfatées, soit dans les ateliers où, d’après mon procédé 
que j'ai pratiqué le premier à Soissons, on brûle les terres sulfu- 
riques mélées avec le muriate de soude pour en obtenir le sulfate 
ou cristallisé, ou sous forme sèche , soit dans tous les autres 
où l'on opère suivant diverses méthodes pour en obtenir de sem- 
blables produits; aux manufactures de se/ de soude, afin de 
verser dans le commerce, sous la forme cristalline ou celle con- 
crète, le carbonate de soude que contient la dissolution des 
soudes brutes; aux diverses fabriques de sayons, pour la con- 
centration de leurs petites eaux, soit alcalines, soit de recuit; 
enfin aux fabriques de couperose, d’alun , de pofasse, de sal- 
pétre, et autres établissemens où lon prépare des produits chi- 
miques, et dans lesquels la réduction et la concentration du 
liquide, et la dessication des substances qui en sont extraites, 
sont un objet principal ou accessoire de leurs travaux. * 

C’est donc aux entrepreneurs éclairés sur leur véritable intérêt 
à calculer l'avantage que doit leur présenter l’application à leurs 
divers ateliers, du calorique qui se perd dans les cheminées des 
tisa:ds des chaudières de ieurs usines. L'expérience que j'ai ac- 
quise ne me permet guère de douter de l'adoption de ces deux 
nouveaux moyens pour {ous ceux qui, sourds aux cris des pré- 
jugés et de la routine, mettent l’économie au premier rang dans 
les objets de leur commerce. 

Notre ventilateur a été éprouvé en lan 1800, et notre étuve 
en1807, dans la manufacture des glaces de Saint-Gobain, lorsque 
j'en étois le directeur. Ce dernier appareil a été également soumis 
à l'expérience en l'an 1809, dans notre manufacture de soudes 
à Soissons. J'ai eu occasion, en août 1812, de conseiller l'usage 
de ce nouveau ventilateur à M. Grillon de Vüilleclair, directeur 
de la sucrerie impériale établie à Châteauroux, département de 
Indre. Je me plais à croire que Papplication qu'il en aura pu 
faire à ses travaux lui en aura démontré tous les avantages. 

A l'égard de mes bascules d’agitation et de mon évaporateur, 
j'ai appris que des instrumens analogues avoient déjà été em- 
ployés ou proposés dans des manufactures de sirop. J’ignore en 

uoi ils peuvent ressembler à ceux que je viens de décrire, 
ou s'ils en différent : il appartient aux entrepreneurs de les com- 
parer et d’en apprécier le mérite; cependant je les invite à ne 
prononcer qu'après avoir soumis les uns et les aux autres int 
trumens à l'influence de mon ventilateur. . 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 169 
| 
NOUVELLES LIFTÉRAIRES, 


# 

Description des Plantes rares que l’on cultive à Navarre 
et à Malmaison; par A. Bonpland. 

Seconde Livraison. Un cahier zz-/folio. A Paris, chez F, 
Schoel, Libraire, rue des Fossés-Montmartre, n° 14. 

Nous avons déjà fait connoître cet Ouvrage, qui est sans doute 
un des plus beaux qu’ait la Botanique, s’il n'est pas supérieur 
à tous les autres. 

Cette Livraison contient la description des six plantes suivantes: 

10, Lobellia fulgens. Cette belle plante est du Mexique, d’où 
l’auteur l’a apportée en 1804. 

Elle est de l’orde des lobeliacées de Jussieu. 

2°. Melaleuca chlorantia. Cette plante a été apportée de la 
Nouvelle-Hollande. Sa fleur est jaune. 

Elle est de l'ordre naturel des myrtes de Jussieu, 
3°, Pœonia dorica. Elle croît en Sibérie. 

4°. Erica grandi/lora. Elle croît au Cap de Bonne-Espérance, 

Elle est de l’ordre naturel des bruyères. 

5°. Gompholobium furcellatum. Elle croît à la Nouvelle. 
Hollande. ; 

Elle est de l’ordre naturel des légumineuses de Jussieu. 

Go. Correa viridiflora. Elle croît à la Nouvelle-Hollande. 

On a donné à cette plante le nom du célèbre botaniste Correa. 

_ Elle est de l’ordre naturel des rues. 

Toutes ces plantes sont dessinées par Redouté avec son talent 
ordinaire, et gravées par Bouquet. 

Les descriptions sont faites par l’auteur avec la plus grande 
exactitude. Ÿ 

Ce fascicule sera bientôt suivi d’autres. 

Voyage pittoresque du Nord de l'Italie, par T. C. Bruun 
Neergaärd, Gentilhomme de la Chambre du Roï de Danemarck, 
Membre de diverses Sociétés savantes. Les dessins par Nauder. 


179 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
Les gravures par Debucourt, agréé de la ci-devant Académie 
royale de peinture. Deux volumes 1-folio, avec 100 planches. 


Les voyages pittoresques ont toujours offert un grand intérêt 
à tous ceux qui ont vu les pays dont ils veulent donner une 
idée, en leur rappelant les souvenirs agréables du passé, qui ne 
laisse pas de nous paroître presque toujours beaucoup plus beau 
E - le présent. Cette sorte de voyages peut en même temps 
suflire pour donner une juste représentation à ceux qui n’ont pas 
pu trouver le temps de les parcourir. 


Un tel Ouvrage sur le Nord de l'Italie manquoit : il devient 
d'autant plus nécessaire, que beaucoup de personnes, même des 
artistes d’un rang distingué, ou m'ont point du tout vu cette partie 
si intéressante de l'Italie, ou l’ont parcourue d’une manière si 
rapide et si vague, qu’à peine leur en reste-t-il le souvenir, On 
est pressé de voir Florence, Rome et Naples; on veut voir si 
les descriptions ne font pas illusion, convaincu. déjà d’avance 
que le reste de l'Italie ne mérite pas l'attention. | 


J'ai visité deux fois ce pays, dans l'intention de remplir cette 
lacune par le Voyage Püittoresque du Nord de l'Italie, dont 
on présente aujourd’hui la souscription, J'y étois accompagné 
d’un habile dessinateur de paysages et de fabriques, M. Naudet, 
qui m'a fait une quantité de vues, entre lesquelles j'ai choisi, 
pour mon Ouvrage, celles qui sont plus en état de donner une 
juste idée du caractère propre à is pays: Cinq dessins , qui me 
manquoient, ont été faits par MM. Casas et Du Perreux. 

Le Foyage pütoresque du Nord de d'Italie formera 2 vol. 
grand in-folio, papier demi-colombier, caractère neuf saint-au- 
ee Le papier etles caractères sont les mêmes que ceux dont 

. Landon s’est servi pour les Antiquités d'Athènes. 


Chaque volume sera composé de8 cahiers, chacun de6 planches, 
et accompagné d’un texte historique et explicatif, auquel ‘on 
ajoütera différentes notices principalement relatives aux Beaux- 
Arts, à l'Agriculture et aux Manufactures. 

- Les deux premières Livraisons ont paru, et ont mérité l’ap- 
probation flaiteuse de Son Excellence le Ministre de l'intérieur. 
Les Livraisons suivantes paroîtront aussi promptement que 
possible. : } , rage 

On.ne paie rien en souscrivant: les Souscripteurs sont.invités 

à affranchir leurs lettres. 


L =. 


\ 
On peut voir d'avance, tous les vendredis, chez l'Auieur, 


s ET D'HISTOIRE NATURELLE. LL." 


les dessins de tout l'Ouvrage, ainsi qu’une partie des planches 
qui sont déjà gravées. 

On souscrit pour cet Ouvrage, à Paris, chez l’Æuteur, quai 
Voltaire, n° 17; Firmin Didot, rue Jacob, et chez les principaux 
Libraires de PEurope. 

Table analytique des Matières contenues dans les X XVIII 
premiers volumes du Journal des Mines , dédiée à M. le Con- 
seiller d’État Directeur général des Mines, par M. P. X. Les- 
chevin, Membre des Académies de Dijon, Turin et Besancon; 
des Sociétés des Sciences naturelles de Wetteravie, de Physique 
et d'Histoire naturelle de Genève, d'Histoire naturelle et dé 
Minéralogie d’Iéna , des Sciences et Arts de Grenoble, Lille et 
Trèves, et des Sociétés d'Agriculture et de Pharmacie de Paris. 


Un vol. in-8o. A Paris, chez Bossange et Masson, rue de 
Tournon, n° 6. 1813, 


Les tables des articles contenus dans les grands Journaux de. 
viennent absolument indispensables. Celle-ci est très-bien faite. 

Histoire abrégée des Plantes des Pyrénées , et llinéraire 
des Botanistes dans ces montagnes, par M. le Chevalier Picot 
de Lapeyrouse. Un vol. in-8, petit-texte, près de 800 pages; 
avec une vue des Pyrénées. A Paris, chez Zenormand, Libraire, 
rue de Seine, n° 8; et à Toulouse, chez Belleguirigue, Impri- 
meur-Libraire, rue des Filetiers. 


À : " . 
Faute à corriger dans le dernier Cahier de juillet. 
Page 40, ligne r9, il faut ajouter: 


Cicéron a dit (Tusculan, lib. 1, S XXVI): Sin aufem est 


guinta quædam natura ab Aristotele primum inducta, hœc est 
deorum, et animorum. 


17Z JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, elc. 
ER ee et 0e a LE 2 AGE NES 
TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Mémoire sur quelques combinaisons de phosphore et de 
soufre, et quelques autres sujets de recherches chi- 
miques ; par sir Humphry Davy. Extraït des Tran- 
sactions P hilosophiques. Lu devant la Société royale, 
le 18 juin 1812. Pag. 

Tableau météorologique; par M. Bouvard. 

Mémoire sur les ossemens et coquilles fossiles des environs 
de Plaisance, Extrait du Voyage pittoresque du nord 
de l'Italie; par M. Bruun Néergaard. 88 

Notice sur le gisement du calcaire d'eau douce dans 
les départemens du Cher, de l'Allier et de la Nièvre; 
par J.J. d'Omalius d'Halloy. 95 

Considérations sur les fossiles, par J.-C. Delamétherte. 109 

Mémoire sur quelques nouvelles espèces d'animaux mol- 
lusques et radiaires, recueillis dans la Méditerranée, 


CR. 
eo] 


près de Nice; par M. Lesueur. 119 
Observations sur la comète de 1811, par W. Herschel. 
Extrait par J.-C. Delamétherie. 125 


Application du calorique, qui se perd dans les che- 
minées des tisards des chaudières d'usines, à un 
ventilateur et à une étuve; par M, C. Pajot des 
Charmes. | 1356 

Nouvelles Littéraires, 169. 


De l'Imprimerie de M"° Veuve COURCIER, Imprimeur - Libraire 
pour les Mathématiques, quai des Augustins, n° 57. à 


JOURNAL 


DEP S LOUE, 
DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


SEPTEMBRE an 1813. 


PRÉCIS 
D'UNE LECON DE PHYSIOLOGIE 
VÉGÉTALE ET DE BOTANIQUE, SUR LE FRUIT à 


Par M. MIRBEL, DE L'INSTITUT, 


Développement des Ovules et des Ovaires des plantes 
Phénogames. 


LE fœtus des animatix vivipares est renfermé dans deux sacs 
membraneux : le chorion et l’amnios, L’amnios est entouré par 
le chorion , et il contient une liqueur où nage le fœtus. Malpighi, 
trop pressé de marquer les rapports des organes des animaux et 
des plantes, crut reconnoiître dans le testa , dans le tegmen et 
dans le périsperme des parties analogues au chorion, à l’amnios 
et à sa liqueur; mais Ja ressemblance n’est rjen moins qu’évi. 
dente. Négligeons donc ces analogies incertaines, et cherchons 
la lumière dans l'eXamen des faits. 


Tome EXXV'11. SEPTEMBRE an 1013, Z 


174 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Avant que la fleur s’épanouisse, quand le pistil commence 
à se développer ; l'ovaire est rempli d’un tissu cellulaire très- 
délicat, qui semble être, dans tous ses points, d’une nature par- 
faitemeit- homogène, et dont les cellules transparentes, sont 
infiltrées par une liqueur limpide. A cette époque, les ovules 
ne paroissent pas encore. Peu après, ils se dessinent dans le tissu 
cellulaire. Ordinairement ce tissu se dessèche et se détruit, et 
les ovules sisolent les uns des autres. Ce sont de petits corps 
globuleux, verdâtres, lisses et luisans. Ils tiennent tous au pla- 
centa, tantôt immédiatement, tantôt par l'intermédiaire d’un 
cordon ombilical , et ils reçoivent, au point de l'ombilic, l’ex- 
trémité des vaisseaux conducteurs etnourriciers. On trouve sou- 
vent alors beaucoup plus d’ovules dans l'ovaire que l’on ne trouvera 
de graines dans le fruit, parce qu’il arrive fréquemment que 
quelques-uns d’entre eux s’emparant de toute la nourriture, en 
privent les autres et les font avorter (3ASMINÉES, Chêne, etc.). 
La substance des ovules est formée d’un tissu cellulaire continu ; 
la partie superficielle de ce tissu est opaque , ferme et serrée ; 
la partie intérieure est foible, humide et diaphane. Avant, et 
même quelque temps après la fécondation, les jeunes graines 
m’offrent rien de nouveau, si ce n’est que leur volume aug- 
mente, Quand la fleur est passée, c’est-à-dire, quand les éta- 
mines et les stigmates sont flétris, il survient des changemens 
‘plus notables. Des linéamens vasculaires, premier indice non 
équivoque de l'existence de l'embryon, se développent dans le 
tissu de chaque ovule. Les cellules qui avoisinent les linéamens 
vasculaires se remplissent d’une substance opaque; blanchâtre ou 
verdâtre. Cette substance , aussi bien que les vaisseaux, gagne 
de proche en proche, tantôt de la circonférence au centre, 
tantôt du centre à la circonférence. Le tissu qu’elle pénètre et 
qu'elle colore est, en quelque facon, un canevas organisé sur 
lequel la Nature travaille à l’'ébauche du végétal. La croissance 
de l'embryon est comparable à celle os des animaux : les 
os sont d’abord cartilagineux ; des centreS d’ossification y parois- 
sent ; ils envoient des rayons dans tous les sens, et donnent peu 
à peu , aux différentes pièces du squelette, cette solidité et cette 
opacité qui caractérisent les os parfaits. 

Si tout le tissu de l’ovule entre dans la structure de l'embryon, 
Vembryon à lui seul constitue toute la graine, et, par con- 
séquent, il n’y a point de périsperme, point de tegmen, point 


= 


EE E 


ARS 


ep 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 175 


de testa : la paroi de l'ovaire devient l'enveloppe séminale im- 
médiate ( Avicennia). 


Cette paroi devient encore l'enveloppe immédiate, lors même 
que l'embryon n’envahit point la totalité du tissu de l’ovule, 
si la portion de ce tissu qui reste en dehors, pénétrée par des 
sucs prompts à se concréler,se change toute entière en péris- 
perme (CONIFÈRES, Belle-de-nuit ). 

Mais il arrive souvent que le tissu extérieur de l’ovule forme 
une ou plusieurs tuniques séminales bien distinctes de la paroi 
de l'ovaire, ce qui n'empêche pas qu’une portion du tissu de 
l'ovule ne se métamorphose en périsperme (Euphorbe), et alors 
la graine est aussi compliquée qu’elle puisse l'être. 

Deux exemples particuliers feront mieux concevoir encore les 


circonstances les plus remarquables du développement de la 
graine. 


Dans l’intérieur de l’ovule de l’Acanthe, on ne distingue 
d’abord que le tissu humide et délicat dont il a été parlé plus 
haut ; ensuite on voit paroître un petit corps blanchâtre au centre 
de ce tissu. Ce corps est l'embryon qui commence à se déve- 
lopper. Les cotylédons se montrent sous la forme de deux lames 
arrondies , appliquées l’une contre l'autre, et la radicule qui leur 
sert de point d'union, sous celle d’un mamelon charnu. De ce 
mamelon partent des linéamens vasculaires qui pénètrent les 
cotylédons, et s'étendent, en divergeant, jusqu'à leur bord : ce 
sont les vaisseaux mammaires. En y faisant altention, on 
reconnoît que le tissu de l'embryon est continu avec le tissu 
diaphane qui l’environne. Cependant les vaisseaux mammaires 
se développent et les cotylédons grandissent dans tous les sens, 
jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu’une légère couche de tissu cel- 
Julaire à leur superficie. Alors l'embryon est arrivé au terme 
de sa croissance , et il se détache du tissu superficiel qui devient 
une enveloppe séminale immédiate, c'est-à-dire un tegmen. 
Ainsi, dans l’Acanthe, tout le tissu cellulaire de l’ovule entre 
comme partie constituante du tegmen et de l'embryon; d’où 
il suit que l'Acanthe ne peut avoir de périsperme. | 

Les choses se passent d’une toute autre manière dans la Belle- 
de-nuit. Un ovule remplit entièrement la cavité de l'ovaire; 
Pembryon forme la partie la plus extérieure de cet ovule; les 
-cotylédons larges, minces , rejetés à la circonférence, laissent 
subsister au centre, une masse épaisse du tissu cellulaire; les 


2 2 


176 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIÉ 


cellules de ce tissu se remplissent. d’une liqueur émulsive qui se 
change insensiblement en une substance amilacée, sèche et puls 
vérulente. Ici donc, tout le tissu de l’ovule constitue la base 
organique de l’embryon et du périsperme; la graine est dénuée 
d’enveloppe propre, et la paroi de l'ovaire devient son unique 
tégument. 

. … 

On n’eñt peut-être pas avancé tant d'idées systématiques. sur 
la nature et l’importance du périsperme et des tuniques séminales, 
si l’on eût bien étudié cette suite de phénomènes. 


Il est digne de remarque que la fécondation est aussi indis- 
pensable au développement dei eine qu'à celui des ovules. 
L'ovaire d’une fleur dont le stigmate n’a point reeu la poussière 
fécondante, se flétrit sans prendre d’accroissement. Au contraire, 
si la fécondation s'est opérée, le tissu cellulaire s'accroît, les 
päriélaux produisent de nombreuses ramifications , et l'ovaire 
acquiert bientôt des dimensions et une forme souvent très-diffé- 
rentes de celles qu’il avoit d’abord. Ces faits ne sont point 
douteux; mais est-il vrai, comme le prétendent plusieurs ob- 
servateurs, qu'après une fécondation adultérine , le péricarpe 
éprouve quelquefois des modifications particulières, et ne soif 
pas tel qu'il eût été si les choses se fussent passées selon la 
règle ordinaire de la Nature ? Faut-il admettre que les Melons 
qui croissent au voisinage des Courges, doivent à l’influence 
du pars de ces dernières, leur saveur peu agréable; et que 
les Oranges chiffonnées, digitées, bigarrées, que celles qui con- 
tiennent une seconde Orange sous une première écorce, etc. ; 
offrent cette structure bizarre, parce que les pistils dont elles 
proviennent ont été fécondés par un pollen étranger? Je n'ose 
décider cette question. Si l’on considère ce qui se passe dans lesani- 
maux et qu’on veuille raisonner par analogie, on penchera sans 
doute pour la négative. Cependant il faut convenir que la Nature 
procède souvent par des voies très-différentes ‘ae l’un et l’autre 
règne, et que les plus graves erreurs en physiôlogie végétale, 
sont nées de l'abus qu’on a fait de l'analogie. Je pense done 
que pour porter un Jugement définitif, de nouvelles lumières, 
ruits de l’expérience et de l'observation, sont indispensables. 

Les fonctions de l'ovaire ne se bornent pas à garantir les jeunes 
raines de l’action immédiate des agens extérieurs qui pourroient 
eur nuire. L’ovaire est une espèce de corps glanduleux ; il pré- 

pare dans son tissu, les sucs nutritifs nécessaires au développe- 
ment des ovules. L'illustre Hales a fait voir que les fruits ont 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 177 


une transpiration marquée, quoique moins abondante que celle 
des feuilles. La Chimie moderne prouve que les fruits verts 
respirent à la manière des autres parties vertes, et que, par 
conséquent, ils décomposent le gaz acide carbonique et retiennei.t 
le carbone. Duhamel rapportequ’ayant cueilli des Noix à l’époque 
où l’amande n’est encore qu'un tissu transparent et mucilagireux , 
et les ayant abandonnées à elles-mêmes, l’amande se forma 
Ras bien que si les Noix eussent müûri sur l’arbre. Quand 
es fruits étoient tenusdans un lieu sec, l’amande étoit plus petite 
qu’êlle n'a coutume de l'être; mais elle acquéroit sa grosseur 
ordinaire dans un lieu humide, tel qu’une cave. 


. Comme toutes les parties de la plante sont en communica- 
tion, et que les fluides passent des unes dans les autres, selon le 
besoin, lorsque la terre est desséchée par les longues chaleurs, 
les fruits succulens, semblables à des réservoirs que la Nature 
auroit disposés sur le végétal pour les temps de disette, cèdent 
insensiblement aux branches, les sucs qu'ils contiennent et se 
vident pour entretenir la transpiration des feuilles. Dans l’Italie 
et la Provence, il est une époque où les Oranges suspendues 
à l’arbre, ne renferment que des membranes sèches ; mais quand 
la terre humectée fournit une sève abondante, ces fruits se rem- 
plissent d’un suc nouveau et plus doux. Le savant M. Dupetit- 
Thouars a fait cette observation curieuse qui vient à l'appui 
du principe, que si l’on expose comparativement à l’air des 

L'oE sans branches ni feuilles, et des fruits tenant encore à 
es branches chargées de feuilles, les premiers conserveront leur 
fraîcheur beaucoup plus long-temps que les autres. 


DU FRUIT, 


Ou du Péricarpe et de la graëne considérés comme parties 
constituantes du fruit. 


Le pistil fécondé, en parvenant à son dernier degré de déve- 
loppement, constitue le fruit. Il est composé de deux parties 
distinctes : la graine dont vous connoissez déjà Forganisation , 
et le péricarpe qui est l’ovaire accru et modifié par l'âge, 

Les fruits occupent nécessairement la même place que les 
fleurs dont ils proviennent , et toutelois, leur situation, eu égard 
à l’ensemble du végétal, peut être différente par suile des dé- 
veloppemens subséquens. Les fleurs femelles des Pins et des 


170 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

Sapins, sont situés à l'extrémité des rameaux; il en est de même 
des fleurs femelles de quelques Mousses ; mais à la base des 
unes et des autres, il se développe des boutons à bois qui se 
prolongent au-dessus d’elles, ensorte qu’on voit des fruits laté- 
raux succèder à des fleurs terminales. 


. Nous pouvons dire, en théorie, qu’une fleur quelconque n’a 
jamais plus d’un ovaire, et que les petites boîtes distinctes ; 
fixées sur un même réceptacle, qui se montrent dans une foule 
d'espèces, ne sont que des portions d’un péricarpe unique. L’a- 
matomie comparée des ovaires et des fruits, dans une même 
famille, et l’analogie vraiment admirable qui existe presque 
toujours entre les fruits divisés en plusieurs parts et ceux qui 
sont tout d’une seule pièce, donnent le plus grand poids à cette 
assertion. Mais dans la pratique, nous admeitons autant de pé- 
ricarpes que de boîtes distinctes, dès l'instant que l’organe fe- 
melle paroît à la lumière; à moins que, par effet des dévelop- 
emens ultérieurs, les diflérentes boîtes ne s’entregreflent et ne 
forment plus qu’une masse , comme on le voit dansla Framboise. 


Les points d'attache des styles ou des stigmates, soit que ces 
parties subsistent ou se délruisent, marquent les sommets or- 
ganiques des fruits. Quand un fruit n'a qu'un sommet organique 
il est monocéphale (1); quand il en a plusieurs il est po/ycé- 
phale (2). 

Nous devons distinguer dans les péricarpes, les diflérens ap- 

endices extérieurs, tels que les ailes, la couronne, l'aigrettæ 
La queue, etc.; et de plus, les va/ves, les cloisons, les pla- 
centas , les funicules ou cordons ombilicaux, etc. 


Les ailes sont des crêtes minces, des lames membraneuses 
qui se développent à la superficie des péricarpes. Le du 
Frêne se prolonge à son sommet, en uneaile étroitequi a la forme 
d'une langue d'oiseau; celui de l’Orme s'étend latéralement 
en deux ailes minces et arrondies, - 


La couronne gs ab aux fruits qui proviennent d’ovaires 
soudés au calice. Elle est formée par les bords desséchés de cet 
organe. La Pomme, la Poire, la Grenade sont des fruits cou- 
ronnése 


QG) Du grec monos , un seul, et kephale, tête. 
(2) Du giecpolu, beaucoup, plusieurs, et kephalè , tête. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 179 

L'aigrette a la même origine que la couronne; c’est-à-dire 

que ce n’est autre chose que le limbe du calice; maïs ce limbe 

est formé de filets grèles, alongés, nombreux, qui ressemblent 

à un faisceau de poils. Beaucoup de SYNANTHÉRÉES, telles que 
le Pissenlit, le Chardon, etc., ont des aigrettes. 


La queue est le style qui s’alonge et se couvre de duvet 
(Clématite). N 

Les valves sont les panneaux dont la réunion compose la 
plupart des péricarpes. On reconnoît qu’un péricarpe a de véri- 
tables valves, quand il offre, à sa superficie, des sutures, lignes 
symétriques, rentrantes ou saillantes, plus ou moins marquées, 
qui indiquent la soudure de plusieurs panneaux distincts. Presque 
toujours les valves de ces péricarpes se séparent nettement à 
l’époque de la maturité. Ce phénomène est connu sous le nom 
de déhiscence. 


Les cloisons sont les diaphragmes qui partagent la cavité 
intérieure du péricarpe en plusieurs loges. Elles ont différentes 
origines. Il y en a qu’on peut regarder comme étant des produc- 
tions particulières du péricarpe; mais le” plus grand nombre sont 
des appendices ou des expansions de quelqu’autre partie. [l arrive 
souvent qu’elles sont formées par les valves mêmes, dont les 
bords rentrent dans la cavité du péricarpe. Cela peut avoir lieu 
des deux manières suivantes : tantôt chaque valve se replie lon- 
gitudinalement sur elle-même, et rapproche ses deux bords qui se 
soudent lelong de l'axe du fruit, ensorte qu’elle en forme à elle seule 
une des loges ; tantôt chaque loge est composée de deux valves qui, 
partant delaxe du fruit, se recourbent en avant l’une vers l’autre ; 
et se réunissent par une suture longitudinale , antérieure. Tous 
les fruits multiloculaires polycéphales, et un grand nombre de 
fruits monocéphales, sont construits sur ces modèles. Les dif- 
férences que l’on observe dans le péricarpe, résultent uniquement 
du nombre des valves, de la solidité plus ou moins grande des 
sutures et de la consistance du tissu. 

À l’époque de la maturité, les loges des péricarpes à valves 
rentrantes, se séparent souvent les unes des autres et forment 
autant de coques (1), lesquelles s'ouvrent ou restent closes. 


Qi) Du latin coccum, mot employé par Pline pour désigner la graine d’un 
arbnisseau qui servoit à faire une teinture écarlate. Ce mot, en passant dans la 
langue des botanistes modernes , a pris une nouvelle signification. 


180 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

Le placenta (1) dont j'ai déjà parlé au sujet de l'ovaire ; 
est la partie de la paroi interne du péricarpe où sont fixées les 
graines. Vous vous rappelez que c’est dans le placenta que se 
rendent les vaisseaux de la plante qui portent la nourriture aux 
ovules, et ceux du stigmate qui servent à la fécondation. Les 
placentas existent nécessairement dans tous les fruits; mais ils 
n’y sont pastoujours apparens. Leur situation est variable suivant 
les espèces, En général, ils sont placés au centre , dans les fruits 
à valves rentrantes. L 


Le /unicule ou cordon ombilical est, comme vous le savez, 
üne portion de la substance même du placenta qui se prolonge 
en un filet plus ou moins long et délié, à l'extrémité duquel 
la graine est attachée. 


: Il existe peu de péricarpes dont la substance ait une consistance 
semblable dans toute sa masse. Souvent la partie externe est 
molle et succulente, tandis que la partie interne est sèche, dure 
et ligneuse (Pécher, Prunier, Cerisier). La première se détruit 
ou se détache en très-peu de temps; l’autre qui constitue la paroi 
interne de la cavité péricarpienne, accompagne quelquefois les 
graines jusqu'à la fin de la germination. Ces boîtes ligneuses qui 
doivent être considérées alors comme enveloppes auxiliaires 
des graines, reçoivent les noms de zoyaux et de nucules. 


- La différence entre les zoyaux et les zucules consiste en ce 
que les premiers sont toujours solitaires dans le fruit, et que 
lès autres y sont toujours multiples, 


Quand les noyaux ou les nucules adhèrent fortement à la 
pare externe et ne s’en délachent pas, même après la maturité, 
on y fait peu d'attention ; mais quand ces parties intérieures s’iso- 
lent d’elles-mêmes, et continuent à recouvrir les graines jusqu’à 
l'évolution de la plantule , elles fournissent des caractères qu’il 
inporte de rappeler dans l’histoire naturelle des espèces. 


Il arrive aussi dans quelques fruits, et notamment dass le 
Swietenia mahogoni, qu'avant la déhiscence, la, partie interne * 
s'isole de la partie externe et se sépare en plusieurs valves élas- 
tiques, qui, pressant la paroi extérieure du péricarpe comme 
aulant de ressorts, contribuent à en désunir les pièces. 


QG) Mot tiré de l’anatomig animale. Il a changé d’acception dans la langue 
botanique. Il doit être conservé parce qu'il est consacré par l'usage. 


Une 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. xb£ 


Une élasticité semblable dans les deux valves qui composent 
la paroi interne de chaque coque du Sablier, occasionne la 
rupture soudaine et violente de ce fruit, à l'époque de sa maturi'é. 
. Les péricarpes distincts qui dépendent d'un même fruit sont 
irréguliers; mais il est aisé de voir que s'ils éloient unis les 
uns aux autres par la partie correspondante à l'axe du fruit, ils 
formeroient un#seul péricarpe régulier, Ces péricarpes distincts 
prennent les noms d'exostyles (1), de chorions (2), de chorio- 
nides (3) et de follicules (4), selon leur organisation. 

… Un exostyle n'a ni valves ni sutures apparentes, et, comme 
il provient d’un ovaire qui ne portoit point de style, il n’en montre 
nécessairement aucun vestige, 

Les chorions, les chorionides et les follicules portent tou- 
jours, au contraire, les vestiges du style ou du stigmate qui sur- 
montoit les ovaires auxquels ils doivent leur origine, et ils ont 
une suture postérieure, longitudinale, qui correspond à laxe 
du fruit. ; 

Les chorionides et les chorions ont en outre, presque toujours, 
une suture antérieure. Les premiers s'ouvrent rarement, el ils 
contiennent une seule graîñe. Les seconds s'ouvrent d'ordinaire à 
l'époque de la maturité, et ils contiennent plusieurs graines, 
attachéès quelquefois à un placenta qui tapisse toute la paroi 
interne, et plus souvent, à un placenta qui longe la suture pos- 
térieure. et se divise en deux branches fixées au bord des valves 
quand celles-ci viennent à se désunir. 


Les follicules diffèrent des chorions en ce qu’ils n’ont point 
de suture antérieure, et que leur placenta se détache en un seul 
filet, de la suture postérieure, 


Je pourrois maintenant vous parler en détail de la surface des 
péricarpes , du nombre de leurs loges, de leurs valves et de leurs 
ee de la position de ces dernières, etc.; mais ces déve- 
oppemens, et beaucoup d’autres, trouveront plus naturellement 
se place dans la Terminologie. Je passe à la classification des 

ruits. 


(:) Du grec exo, dehors et stylos, style. 

(2) Du grec chorion, loge, maison , etc. 

(5) Chorionide , diminutif de chorion. . 

(4) Du latin folliculus ou folliculum , balle, bourse , petit sac de cuir, etc. 


Tome LXXV'II. SEPTEMBRE an 1613. Aa 


182 JOURNAL DE PHYSIQUE ; DE: CHIMIE 
Classification artificielle «des Fruits. 


La méthode la plus savante et la plus naturelle pour classer 
les fruits; seroit de les distribuer et de les nommer, en con- 
sidérant d'abord la structure vasculaire des péricarpes et des 
graities, et en n’employant que comme caractères secondaires, 
la succulence ou la sécheresse du tissu et la déhiscence ou 
l'indéhiscence des péricarpes, c’est-à-dire, la propriété qu’ils ont 
de s'ouvrir ou de rester clos. L'élève reconnoîtroit alors, avec 
une singulière satisfaction, que les fruits, dans une même fa- 
mille , sont le plus souvent dessinés sur un même modèle qui 
éprouve des modifications extérieures , mais qui conserve presque 
sans altéralion, ses caractères essentiels de structure interne. 
Malheureusement l’état actuel de la science ne permet guère 
encore de proposer une telle réforme, et peut-être, quand .on 
‘connOîtra mieux les fruits, trouvera-t-on qu'une classification 
fondée sur des caractères si importans ,- mais si délicats, très- 
bonne sans doute pour éclairerwl” natomie et la Physiologie, 
ne sauroit être employée avec : ès dans la Botanique des- 
criptive. Se. 

Je dois donc renoncer, au moins pour le moment, à vous 
exposer les principes fondamentaux de cette classification# Toute- 
fois, comme celle qui a été suivie jusqu'ici, est devenue insuf- 
fisante, je vais m’appliquer à vous en présenter une qui se 
ressente en quelque chose des progrès de la science. 

Je divise, par la considération des fruits, tousles végétaux phé- 
nogames en deux grandes classes. D’un côté, jerange ceux qui ont 
des fruits libres ou bien des fruits adhérens au calice, lesquels 
ne sont masqués par aucun ‘organe étranger, et ne contractent 
aucune union qui les rende méconnoïssables : ce sont les végé- 
taux phénocarpiens (Pêcher, Pommier , etc.). De l’autre côté, je 
range tous les végétaux à fruits recouverts par quelque organe 
étranger qui les déguise pour ainsi dire, et ne permet pas de 
les reconnoître au premier coup-d’œil : ce sont les cryp{ocar- 
piens (Figuier, Pin, etc.). 

Je commencerai par l’examen des fruits des phénocarpiens, et 
je les diviserai en Ordres eten Genres , pour rendre cet exposé 
plus méthodique. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 103 


PREMIÈRE CLASSE. 
FRUITS DES PHÉNOCARPIENS, 
Ier Ordre. FRUITS CARCÉRULAIRES. 


Les fruits carcérulaires n'ont qu'un péricarpe , lequel est sans 
suture apparente et ne s'ouvre pas. Îls sont ordinairement secs. 
Il y en a qui font corps avec le calice et d’autres qui en sont 
détachés ; la plupart n'ont qu'une loge et ne contiennent qu’une 
graine ; quelques-uns ont plusieurs loges et plusieurs graines. 

1e Genre. LA CYPSÈLE (x). Ce fruit monocéphale, qui appar- 
tient à la nombreuse famille dessYNANTHÉRÉES el qui les caracté- 
rise très-bien, est régulier, sicen’est à sa basequi,presque toujours, 
est tronquée obliquement (2). H adhère au calice et il est cou- 
ronué par son limbe prolongé souvent en aigrettes ou en arêtes. 
Un pédicule à peine visible, lunit à un clinanthe environné d’un 
involucre. Le péricarpe eSt ligneux, membraneux ou succulent; 
il n’a qu’une loge et qu’une graine. La graine ne tient au péricarpe 
.que par le point de l’ombilic (3) qui correspond à la base du fruit. 
L'embryon est charnu, bilobé, dépourvu de périsperme ; ül 
remplit toute Ja cavité d’un tegmen membraneux; la radicule 
aboutit à l’ombilic, 

2me Genre. LE GRAIN (4). Ce nom convient parfaitement au 
fruit des Céréales, et on peut l’appliquer au fruit de toutes 
des GRAMINÉES. Les grains sont irréguliers, monocéphales ou 
dicéphales; ils n’ont qu’une loge et qu'une graine. Le péricarpe 


(1) Du grec kupselè , alvéole , boîte. 6 
(2) M. Decandolle désigne la cicatrice de la base de la cypsele détachée du 
clinauthe , sous le nom d’ombilic , mais il me semble que ce nom est im- 
ropre. 
= haut tire de l’obliquité de la base des cypseles, un caractère qui lui 
sert à former quelques genres ; mais ce caractère appartient à la plupart des 
cypsèles ; et d’ailleurs, comme il dépend de la forme du clinanthe et de la dis- 
position des fleurs, il s'ensuit que dans certaines espèces, les cypsèles du centre 
ont leur attache tout-à-fait basilaire, tandis que celles de la circonférence ont 
leur attache un peu oblique ; cela est visible dans l’Ærctium lappa: 
(G) Je parle ici du véritable ombilic et non de la cicatrice basilaire de la 
cypsèle. 
4) Du mot latin granum. 


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184 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


est membraneux et, pour l'ordinaire, il est collé sur le tegmen 

ui, lui-même , adhère forternent à un grand périsperme farineux. 

a graine est attachée à la base du péricarpe. L’embryon est 
logé dans une cavité antérieure, située vers la base de la graine. 
Il est unilobé; son cotylédon est grand, charnu, tourné vers 
le se son blastème est appliqué contre le tegmen. La 
gemmule est revêtue d’une piléole ; les mamelons radiculaires, 
sont renfermés dans des coléorhizes. 


3me Genre. LE SACELLE (x). C’est un petit fruit qui est mo- 
nocéphale et n’adhère point au calice; son péricarpe est mem- 
braneux ; il n’a qu'une loge et ne contient qu’une graine nue 
ou revêtue d’un tegmen qui n’est qu'une simple pellicule. Je 
n'insiste pas sur les autres caractères de ce fruit, parce qu'ils 
sont très- variables. Les ATRIPLICÉES , les CYPÉRACÉES ont 
quelquefois des sacelles. 


ame Genre. L’UTRICULE (2). L'utricule ne diffère du sacelle 
que par sa graine qui est revêtue d’une enveloppe crustacée. 
Le cordon ombilical est très-visible ; embryon est bilobé, alongé 
et roulé en limacon, ou simplement courbé autour d’une masse 
farineuse qui constitue la partie principale du périsperme. I] 
est difficile de dire si l’enveloppe crustacée de la graine est une 
tunique séminale ou un na jo le premier cas, l’utricule ap- 
partiendroit évidemment à la section des fruits carcérulaires; 
dans le second cas, il devroit. être renvoyé à la section des 
fruits drupacés, dont il sera bientôt question. Au reste, cette 
difficulté, de peu d'importance en elle-même, est peut-être 
insoluble, puisque nous ne connoïissons aucun caractère pour 
distinguer nettement, dans bien des cas, les testas des noyaux 
et nucules, Ce qui est hors de doute, c’est que les utricules 
se rapprochent par des nuances insensibles, de certains fruits qui 
doivent prendre place parmi les drupacés. Le fruit du Réviniæ 
est dans ce dernier cas, et il ne difière pas essentiellement du 
fruit du Chenopodium qui est une utricule. Or , faites attention 
que le Rivinia et le Chenopodium sont deux genres qui rentrent 
naturellement l’un et l’autre, dans la famille des ATRIPLICÉES. 


ee Du latin sacellus, petit sac, sachet. 

2) Utricularius petite outre. Pline emploie ce mot pour désigner les glumes 
et glumelles qui recouvrent le grain en épi. Gærtner a transformé utricularius 
en utriculus, : 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 185 


bme Genre. LE THÉCIDION (1). Ce fruit qui est monocéphale, 
n’adhère point au calice; son péricarpe est dur et souvent crus- 
tacé ; il n’a qu’une loge et ne contient qu'une graine. Cette 
graine est reyvêtue d’un tegmen qui ne tient à a paroi du péri- 
carpe que par l’ombilic. Tous les autres caractères sont variables, 

Comme les thécidions , les utricules et les sacelles ont sou- 
vent la plus grande analogie dans les parties essentielles de leur 
structure, il arrive que la même famille offre ces diflérens 
fruits sans que les aflinités en soient troublées. ( F’oyez les ATRI- 
PLICÉES, les POLYGONÉES, les AMARANTHACÉES, etc.) Cette 
vérité est mise dans tout son jour par les belles analyses de 
Gærtner. 


Gme Genre. LE PTÉRIDE (2). Le péricarpe de ce fruit est 
aplati, coriace, et se prolonge au sommet ou sur les côtés, 
en une aile membraneuse (Frêne, Orme, Casuarina, etc.). Il 
n’y a rien de fixe dans les autres caractères, et l’on peut dire 
que ce genre de fruit, établi par Gærtner sous le nom de sa- 
mare. (3), est tout-à-fait artificiel. 


7me Genre. LA CARCÉRULE (4). Sous ce nom générique, je 
désigne tous les fruits qui appartiennent à l’ordre des carcéru- 
laires et ne peuvent prendre place dans les genres précédens. 


Ilme Ordre. FRUITS CAPSULAIRES. 


Les fruits de cet ordre sont, en général, secs; ils tirent leur 
origine d’un seul ovaire libre ou soudé au calice; ils ont des 
valves et, par conséquent, des sutures; ils s’ouvrent d’ordi- 
naire par la désunion plus ou mois profonde de leurs valves, 
et jamais ils ne se divisent complètement en plusieurs tranches 
ou coques closes. . 


1e Genre. LE LÉGUME(5) ou la GOUSSE. Un péricarpe alongé, 
monocéphale, irrégulier, libre ; à deux valves jointes par deux 
sutures , l’'uneantérieure, l’autre postérieure et contenant quelques 


(1) Du grec thecidion diminutif inusité de theca , boîte. 

(2) Du grec pteron, aile. 

(3) Le nom de samare ne peut être employé pour désigner un genre de 
fruit , attendu qu'il y a un genre de plante nommé Samara. ’ 

(4) Du latin carcer, prison. Carcerulus , petite prison. 

(5) Du latin legumen ; pois, lentille, etc. Ce mot est admis depuis long 
temps en Botanique. 


186 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


graines dans une seule loge; un placenta situé le long de Îa 
suture postérieure , et se divisant, au moment de la déhiscence, 
en deux branches fixées chacune à l’une des valves, ensorte 
que celles-ci se partagent les graines; un testa percé d’un mi- 
cropyle ; un embryon bilobé; une radicule aboutissant à lom- 
bilic; tels sont les caractères ordinaires du fruit des LÉGUMI- 
NEUSES; mais il est des espèces où ces caractères s’eflacent en 
partie. Par exemple, le légume des Æschynomene est coupé 
de distance en distance par des articulations , et les articles .se 
désunissent Sans s'ouvrir ; le légume de la Casse reste fermé, 
et sa cavité est partagée par des cloisons transversales ; le légume 
du Detarium est également indéhiscent ; il n’a qu’une loge, qu'une 
graine et sa superficie est charnue, ensorte qu’il ressemble à nos 
ruits à noyau, ete. Quoi qu’il en soit, les légumes ne difièrent 
point par leurs caractères essentiels, des chorions ou des cho- 
rionides, et cette remarque est importante, comme vous le verrez 
bientôt, s 


2me Genre. LA SsILIQUE (1) et la sizicuLe. Ce fruit est ré- 
gulier et monocéphale; son péricarpe a deux loges, deux valves 
et une cloison parallèle à ses valves. La cloison est bordée par 
deux placentas fixes qui l'entourent exactement comme feroit un 
châssis. Les valves sont soudées le long des placentas. Les graines 
sont rangées en deux séries opposées dans chaque loge; elles 
sont revêtues d’une tunique et n’ont point de périsperme, Leur 
radicule aboutit à l'aile 

La silique caractérise la famille des cRUCIFÈRES. Ce genre 
de fruit capsulaire, subit de grandes modifications, Il y a des 
siliques qui ne s'ouvrent pas et dont la cloison s’oblitère; d’autres 
qui n’ont qu'une ou deux graines, etc. Quand ce fruit est très- 
alongé, c'est une siligue proprement dite; mais quand il est 
court, et surtout quand il a une largeur notable, eu égard à 
sa longueur, c’est une sélicule. 

3me Genre. LA PYXIDE (2). Ce fruit est monocéphale et ré- 
gulier ; son péricarpe n’adhère point au périanthe, ou n'y adhère 
que par sa moitié inférieure: Il a deux valves , l’une est inférieure 
et reste fixée au réceptacle ; l’autre est’ supérieure et elle se 
détache. Cette dernière ressemble au couvercle d’une urne ou 


(1) Du latin silique , cosse, gousse , enveloppe des graines. De tout temps 
les botanistes ont ‘employé ce mot. Silicule en est le dimunutif. 
(2) Du grec puxidion , petite boîte. Nom introduit par Ebrhart, 


. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 167 


d'une boîte à savonnette (Mouron rouge, Plantain, Pourpier, . 


Lecythis, etc.). 

La valve fixe prend le nom d'emphore, la valve mobile celui 
d’opercule. : 

Ce. fruit ne caractérise aucune famille en particulier, et il varie 


soit par la nature de ses graines, soit par la position et Ja forme 


de son placenta, soit par le nombre de ses loges. 

Le petit fruit des Amaranthes s'ouvre à la façon d’une pyxide, 
mais l’ensemble de ses caractères le ramène parmi les utricules, 
et l’on ne doit pas l'en séparer. Je nomme ce fruit une ztricule 
Pyxidiaire pour indiquer qu’il réunit les caractères de l’utricule 
et de la pyxide. 


4me Genre. LA CAPSULE (1). Tous les fruits capsulaires qui 
ne prennent point place parmi les légumes, les siliques et les 
pins sont des capsules. Ces fruits sont monocéphales ou po- 

céphales; ils ont ou n’ont point d’adhérence avec le calice; 
ils contiennent une ou plusieurs graines; ils ont une ou plusieurs 
loges; ils s'ouvrent ou restent clos. Mais de toutes les diffé- 
rences qu'on y observe, celles qui tiennent davantage au fond 
de l’organisation, et qui répandent une plus vive lumière sur 
la structure des fruits, résultent, sans doute, de la nature des 
valves, tantôt réunies par leurs bords à l’extérieur, tantôt repliées 
dans l’intérieur du péricarpe et y formant des cloisons qui par- 
tagent sa cavité en plusieurs loges. Dans ce dernier cas, chaque 
cloison peut être considérée comme étant composée de deux 
lames réunies, produites par les parties rentrantes des valves 
contiguës. Souvent il arrive que l’union est telle entre les deux 
lames , qu’elles sont indivisibles ; souvent aussi elles se dédoublent 
au temps de la maturité et la capsule s’ouvre par son centre, 
(Rhododendrum, Quinquina et autres RUBIACÉES capsulaires. ) 


” Alors les loges divergentes ne diflèrent des coques, que parce 


qu'elles restent unies par leur base. 


IIIme Ordre. FRUITS SYNOCHORIONAIRES. 


Les fruits qui constituent ce troisième ordre, proviennent d'un 
seul ovaire libre ou soudé au calice. Ils sont secs, réguliers 


G) Du latin capsula, petite cassette, petite boîte. Ce mot est usité depuis 
long-temps en botanique ; mais j'en restreins beaucoup l'application. y 


1 


Le 


188 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


et presque toujours monocéphales. Leur péricarpe est composé 
de plusieurs coques rangées symétriquement autour d’un axe 
central, réel ou imaginaire. Ces coques , formées par les valves 
rentrantes, sont soudées latéralement jusqu’à la maturité; à 
cette époque elles se désunissent, se séparent, et, selon leur 
structure particulière, elles s'ouvrent ou restent closes. 

Vous voyez, par cette description, que les fruits synochorio- 
naires sont à peine distincts des capSüles à valves rentrantes dont 
les cloisons se dédoublent, | 

ser Genre. LE CRÉMOCARPE (1). Ce fruit quitire son origine 
d’un ovaire surmonté de deux styles, fait corps avec le calice 
et est souvent couronné par son limbe. Il a deux loges et deux 
graines. Il se divise en deux coques parfaitement closes, lesquelles 
restent suspendues quelque temps par leur sommet, à un axe 
central, grèle, presque toujours bifurqué à sa partie supérieure. 
Chaque coque contient une graine pendante, revêlue d’un tegmen 
membraneux et adhérent, et munie d’un périsperme d’une con- 
sistance semblable à celle de la corne. L'embryon est bilobé, 
trés-petit, et sa radicule aboutit à l’ombilic. 

Le crémocarpe est, peut-être, de tous les fruits, celui dont les 
caractères sont les moins altérables, Il ne se montre que dans 
la famille des OMBELLIFÈRES. 

2me Genre. LE REGMATE (2). Ce fruit est monocéphale; il 
n’adhère point au calice et ilest relevé de côtes arrondies sou- 
vent irès-saillantes. La partie extérieure de son péricarpe forme 
une écorce plus ou moins molle qui se détache au temps de la 
maturité; la partie intérieure est une boîte ligneuse composée 
de plusieurs coques à deux valves chacune. La séparation des 
valves s'opère avec élasticité et commence toujours par la su- 
ture centrale. Chaque coque contient une ou deux graines de 
structure variable; l'embryon est bilobé, 

Le regmate caractérise la plupart des EUPHORBIACÉES, et 
il se rencontre aussi dans plusieurs espèces appartenant à d’autres 
familles. , 

3me Genre. LE sYyNoCHORION (3). Ce genre réunit tous les 


(1) Du grec kremaô, suspendre, Kkremastheis , suspendu , etcarpos, fruit, 

(2) Du grec regma, rupture. M. Richard a nommé ce genre de fruit élate- 
rion, mais il existe déjà un genre de plante sous le nom d’Élateriwn, 

(5) Du grec sun ; ensemble, joint au mot chorion, 


fruits 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 139 


fruits synochorionaires qui ne peuvent prendre place parmi les 
crémocarpes et les regmates (Mauve, Rose tremière, Caille-lait). 


IVme Ordre. FRUITS CHORIONAIRES. 


Les fruits qui constituent cet ordre, offrent toujours plusieurs 
Péricarpes irréguliers qui n’adhèrent point au calice et contiennent 
une ou plusieurs graines. Ces péricarpes sont pourvus d’une 
Suture postérieure. Ils ne semblent être et ne sont quelquefois 
évidemment que des portions irrégulières et séparées d’un ovaire 
régulier. 

Les capsules polycéphales (Nigella damascena, etc.)nous mon- 
tent un commencement de séparation des loges ; les fruits synocho- 
rionaires (Mauve, Rosetremière, Ricin , etc.) nousmontrent cette 
Séparation complète dans le péricarpe partagé en plusieurs coques 
après sa maturité; les fruits chorionaires (Pivoine , Aconit, 
Spirée, Asclépias, etc.) nous montrent cette séparation dès la 
Jeunesse même de l'organe femelle. Il y a donc une grande 
analogie entre les capsules à valves rentrantes, les synocho- 
rionaires et les chorionaires; aussi la même famille renferme- 
t-elle souvéht des espèces voisines où ces différens fruits existent. 
Voyez dans les RENONCULACÉES, la Nigelle, la Pivoine et la 
Renoncule ; dans les MALVACÉES, la Rose tremière et l'Hi- 
biscus. Parcourez les ROSACÉES, les ALISMACÉES, etc., et vous 
appercevrez des nuances analogues. 


17 Genre. LE DOUBLE FOLLICULE (r). Ce fruit qui n’a été 
observé que dans la famille des APOCINÉES, est formé de deux 
follicules qui proviennent d’un seul pistil monocéphale. Chaque 
follicule a ordinairement un placenta soudé le long de sa suture, 
lequel se détache dans la maturité et devient libre. 


Les graines sont revêtues d’un tegmen et elles ont un périsperme., 
L’embryon est droit , bilobé, et il s'étend d’une extrémité du 
périsperme à l’autre; la radicule aboutit à l’ombilic. 

I] arrive quelquefois que le placenta, au lieu de s’isoler, comme 
on l’observe dans l’Asclépias, PApocin et beaucoup d’autres 
genres, se divise en deux branches fixes, à la marge de la 
valve, et ce caractère rapproche le follicule du chorion, 


(1) Fructus bifollicularis , Juss. 
Tome LXXFVII. SEPTEMBRE an 1813. Bb 


190 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


L’analogie qui existe entre le double follicule et les capsules 
à deux valves longitudinales à bords rentrans , a été remarquée 
par M. de Jussieu qui même en a tiré celte conséquence, que 
dans la série des familles dicotylédones ri onopetsle le GENTIA- 
NÉES doivent prendre place auprès des APOCINÉES. 


2me Genre. LE POLYCHORION (x). Plusieurs chorions disposés 
autour de l’axe imaginaire du fruit, forment un polychorion. 
La Spirée, la Pivoine, l’Aconit, l’Ancolie, ont des fruits de 
cette nature. Le nombre des chorions varie, non pas seulement 
par suite d’avortemens, mais encore par suite de la structure 
originaire des espèces. Vous concevez donc qu’un fruit peut 
être réduit à un seul chorion. Il y en a jusqu'à douze dans 
quelques Spirées; il n’y en a que cinq dans l'Ancolie; il » 
en a que trois et quelquefois qu’un seul dans le Pied-d’Alouette. 

La gousse de la plupart des LÉGUMINEUSES n'est, à bien 
considérer la chose, qu’un r#70onochorion, c’est-à-dire, qu'un 
chorion solitaire. 

La graine des polychorions est très-variable. 

3me Genre. LE POLYCHORIONIDE (2). Les chorionides restent 
clos et ne renferment ordinairement qu'une grain&; les cho- 
rions, au contraire, sont déhiscens et contiennent plusieurs 
graines; c’est la seule différence qu’on observe entre ces deux 
genres. Un polychorionide est une réunion de plusieurs cho- 
rionides. De même qu'il existe des fruits monochorions, il existe 
des fruits monochorionides; j'aurai bientôt occasion d'en citer 
des exemples. 


gme Genre, L'ÉTAIRION (3). Vous avez vu dans les syno- 
chorions , des péricarpes qui se séparent en se développant. Ici, 
c’est l'inverse. Des péricarpes d’abord séparés s’entregreflent quand 
ilsviennentà müûriretils ne forment plusqu’un seul corps. Chacun 
de ces péricarpes en particulier, a tous les caractères des chorions 
ou des chorionides, si ce n’est qu’il est nécessairement pulpeux. 
La Framboise et la Corossol sont des étairions. 


* (1) Du grec polu, plusieurs , joint au mot chorion. dE - 
(2) Du grec polu, plusieurs , joint au mot chorionide , diminutif de chorion. 
(8) Du grec etaïroi, associés. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 19t 


Vme Ordre. LES DRUPACÉS. 


Un seul Genre. LE DRuPE (x). Le péricarpe des drupes est 
composé d’un noyau interne et d’un tissu extérieur moins so- 
lide, sec ou succulent. C’est le seul caractère par lequel on dis- 
tingue cette sorte de #ruit. Le drupe peut étre régulier ou 
irrégulier, monocéphale ou polycéphale, adhérent au calice ous 
ibre; il peut avoir une ou plusieurs loges et contenir un nombre 
e DE très-variable , etc., par conséquent, il a souvent une 
analogie de structure avec des fruits très-différens entre eux. 
Quand un drupe a un noyau à plusieurs loges rayonnantes autour 

un axe central par lequel passent les conducteurs, il est ré- 
gulier, mais d'ordinaire ce fruit n’a qu’une loge et les conducteurs 
s'élèvent d’un seul côté jusqu’au sommet du noyau d’où pendent 
les graines. Il ésulte de ce défaut de symétrie dans la structure 
interne, que le drupe a presque toujours à sa superficie, un 
sillon, où au moins une ligne longitudinale qui aboutit à la 
base du style, et que son sommet géométrique n’est pas préci- 
sément le même que son sommet organique. 


Construit de cette manière, le drupe ne diffère du Chorio- 
nide que parce qu’il est solitaire et charnu. C’est sur ce modèle 
qu'est formé le fruit du Detarium et de plusieurs autres LÉGU- 
MINEUSES qui confinent aux ROSACÉES; et comme, dans cette 
dernière famille , la Pêche , l'Amande, la Prune, l’Abricot, 
la Cerise offrent précisément une organisation analogue, on 
voit que le légume et le drupe se confondent vers leurs limites, 
et que si, dans certains cas, l’on se décide à employer l’un 
de ces deux noms de préférence à l’autre, c’est parce qu’on y 
est déterminé par des affinités de familles, étrangères à celles 
qui résultent de la structure des fruits. 


Nous désignerons, pour faciliter les descriptions, sous le nom 


de drupéole, tout drupe dont le volume ne surpassera pas la 
grosseur d’un pois. 


——_———@—Z 


(1) Du latin drupa , que Pline emploie pour désigner une Olive qui n’est pas 
encore mure. Linné a introduit ce mot dans la langue technique. 


PT 5 


192 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Vime Ordre. FRUITS BACCIENS. 


Ils sont succulens; ils ont toujours plusieurs graines, et quel- 
quefois ces graines sont renfermées dans des nucules. Rien de 
constant dans les autres caractères. 

Il est peu de fruits de cet ordre qui, parle nombre et l’ar- 
. rangement de leurs loges, la nature de leurs cloisons et la di- 

rection de leurs conducteurs, ne se rattachent aux fruits cap- 
sulaires, synochorionaires ou chorionaires. L'état sec ou succulent 
du tissu fait souvent toute la différence. 


1er Genre. LA POMME (1). C’est un fruit régulier, couronné 
par le limbe du calice auquel il adhère. Le péricarpe est charnu 
et il a plusieurs loges dans lesquelles sont renfermées une ou 
plusieurs graines. La paroi de ces loges est tantôt élastique et 
mince; voyez, pour exemple, la Poire et la Pomme; et tantôt 
elle est épaisse et ligneuse. Voyez la Nèfle. Dans ce dernier 
cas, chaque loge forme un nucule. Les conducteurs suivent la 
direction de l’axe du fruit. Les graines sont tuniquées, et elles 
n’ont ordinairement point de périsperme ; l'embryon est bilobé ; 
sa radicule correspond latéralement à l’ombilic; ses cotylédons 
sont grands et charnus. La Pomme est le fruit du Pommier, 
du Poirier, du Néflier et de quelques autres ROSACÉES. 

Aucune famille ne présente plus de variétés dans l’aspect de 
ses fruits que les ROSACÉES ; mais il est certain que le fond de 
l'organisation reste à peu de choses près le même. Admettons, par 
hypothèse, que dans la Pomme, ou mieux encore, dans le 
Coin, le tissu cellulaire et succulent qui est interposé entre 
la lame calicinale et les loges, viennent à s’évanouir, et qu'il 
én soit de même du tissu qui unit les loges les unes aux autres; 
nous aurons alors un fruit polychorionaire tout-à-fait semblable 
au fruit du Spiræa. Le Spiræa appartient aux ROSACÉES. 

Une Nèfle divisée en cinq segmens perpendiculaires à sa base 
et qui isoleroient ses nucules, représenteroit fort bien, quant 
aux traits essentiels, cinq Cerises ou cinq Prunes, disposées sy- 
métriquement sur un réceptacle, de façon que le sillon longitu- 
dinal de chacune d'elles, regardât un axe central imaginaire. 


() Du latin pomum , employé chez les anciens et chez les modernes pour 
désigner la Pomme et quelques autres fruits charnus , polyspermes. 


Ca 
+ 


2 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 193 
: La Nèfle, la Cerise, la Prune sont des ROSACÉES. 


Enfin, et pour rassembler sous le même point de vue les 
principales nuances qui modifient les divers fruits de cette fa- 
mille , groupons de petites Cerises sur un même réceptacle, ét 
supposons que ces drupes s’entregreffent, nous aurons en grand 
l’image exacte d’un étairion analogue à la Framboise, autre genre 
de la famille des ROSACÉES. 

Ces idées ne doivent pas être considérées comme un simple 
jeu d’esprit, puisqu'il est visible que la Nature elle-même les 
réalise dans la série des espèces. 

2me Genre. LE NUCULAINE (1). C’est le nom que l’on donne 
à un fruit régulier et charnu qui n’adhère point au calice et 
qui renferme plusieurs nucules rayonnantes. Les caractères des 
graines sont inconstans ; cependant l'embryon est toujours bilobé. 
Ce qui rend quelquefois équivoque la détermination de ce fruit, 
c’est la difficulté de distinguer le testa du nucule, aussi je serois 
d'avis de rapporter au genre dont il est question, tous les fruits 


. bacciens dont les graines, revêtues d’une enveloppe dure et 
_crustacée , sont disposées sur un seul rang et comme des rayons, 


autour de l’axe du péricarpe. Alors le fruit du Phytolacca et 


celui du Raisin seroient des nuculaines aussi bien que le fruit 


du Bassia. 

3me Genre. LE PÉPON (2). Les vraies CUCURBITACÉES pro- 
duisent des pépons. Ce sont des fruits réguliers, monocéphales, 
qui font corps avec le calice et ont plusieurs graines. Leur pé- 
ricarpe est pulpeux dans l’intérieur , et revêtu à l'extérieur, d’une 
écorce sèche, solide, élastique. Sa cavité est divisée en plu- 


sieurs loges par des cloisons rayonnantes dont les bords se ter- 


minent par un double placenta qui porte les graines d’un et 
d'autre côtés; ensorte que dans chaque loge il y a deux rangs 
de graines appartenant à deux placentas diflérens. Quelquefois 
les loges sont subdivisées chacune par une cloison pulpeuse, mi- 
toyenne, laquelle n'a point de placenta. 

Les graines ont un testa qui a la consistance du cuir. Leur 
périsperme, quand elles en ont un, est très - mince. Leur em- 
bryon a deux cotylédons épais et larges, et une radicule assez 


Er 


(1) M. Richard a établi lepremier ce genre de fruit. 
{2) Du latin pepo , melon, Gærtner s’est servi de ce mot comme je le fais ici, 


94 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


petite qui abontit à l’ombilic. Le tissu cellulaire du centre du 
pépon se détruit souvent dans la maturité, et alors les péri- 
carpes n'offrent plus qu’une seule loge avec des placentas saillans 
de la circonférence au centre ( Melon, Potiron ). 


que Genre. LA BAIE (1). Tous les fruits bacciens qui ne 
peuvent rentrer dans les genres pomme, nuculaine, ou pépon, 
sont des baies. Ce genre est un assemblage de fruits de nature 
bien diverse, On y retrouve l'appareil vasculaire de tous les fruits 
secs , revêtu d'une pulpe succulente; aïnsi, la baie de l_Actea est 
organisée comme le chorion du Pied-d’Alouette; celle de P4- 
tropa belladona, comme la capsule du Tabac; celle du Café, 
comme le synochorion du Caille-lait, etc. 


Vilme Ordre, FRUITS EXOSTYLAIRES. 


Un seul Genre. LE POLEXOSTYLE (2). C’est un fruit régulier, 
parlagé jusqu’à sa base, en plusieurs péricarpes acéphales, c’est- 
a-dire, qui n'ont point de sommet organique, ou, en d’autres 
termes, qui ne Ne point de styles, Ces péricarpes sont des 
exostyles. Ils sont secs où succulens et presque toujours unilo- 
culaires. Leur structure exclut toute adhérence avec le calice. 
Le style, au lieu de reposer sur les péricarpes, s'implante au 
centre du réceptacle. Les graines sont variables; l'embryon est 
bilobé. 

On peut concevoir un fruit formé par des exostyles , comme 
ayant un péricarpe régulier, à plusieurs loges, dont l’axe central 
se seroit aflaissé au point de se confondre avec le réceptacle 
et de laisser chaque loge en liberté. Dans certaines séries natu- 
relles de plantes, l’aflaissement de l’axe central s’opère par gra- 
dations d’une espèce à une autre, et la même fanulle comprend 
des fruits capsulaires, des fruits synochorionaires et des fruits 
exostylaires (BORRAGINÉES). 


Les LABIÉES, les OCHNACÉES, la Bourrache, la Buglose, 
la Vipérine, etc. ont des polexostyles, 


on 


(G) Du latin bacca, mot ancien, consacré dans la Botanique. 
(2) Du grec polu, plusieurs, joint à exostyle. 


PTT fe … de INSEE RS 


M. 
ET D'HISTOIRE NATURELLE, 195 


DEUXIÈME CLASSE. 
FRUITS DES CRYPTOCARPIENS. 


À parler vrai, on ne peut dire que les fruits des CRYPTO- 
CARPIENS soient essentiellement différens des fruits des PHÉ- 
NOCARPIENS. Aussi doit-on les classer dans les genres précédens 
quand on fait abstraction des enveloppes étrangères qui les re- 
couvrent; mais ces enveloppes leur sont si étroitement unies, 
qu'on les considère comme en faisant partie, et c’est pour me 


conformer à cette manière de voir, que j'admets les cinq genres 
suivans. 


1e Genre. LE GLAND (x). Une cupule renferme plus ou moins 
complètement une ou plusieurs carcérules membraneuses, ou 
ligneuses, ou coriaces, couronnées par le périanthe (Chène, Hètre, 
Coudrier, If, Ephedra, CYCADÉES). 

2me Genre. LE sYcôxE (2). Unclinanthe très-dilaté, de forme 
et de consistance variables, porte des fruits carcérulaires ou 
des drupéoles (Figuier, Æmbora,, Dorstenia). 


3me Genre. LE SOROSE (3). Il est composé de plusieurs fruits 
rangés en épi ou en chaton, et recouvert de leurs enveloppes 
floréales, succulentes et entregreffées, de sorte que l'ensemble 
de chaque épi ou chaton représente une baie mamelonnée 
(Mûrier, Arbre à pain, Ananas). 

gme Genre. LE GALBULE (4). Un chaton court, dont les 
bractées, élargies à leur sommet, se joignent, deviennent pul- 
peuses ou ligneuses et recouvrent de petits glands dressés; des 
carcérules membraneuses, à une loge et une graine, renfermées 
chacune complètement dans une cupule en forme de pistil ; 
des graines sans tuniques, pendantes et pourvues d’un grand 
périsperme charnu ; un embryon droit, alongé en axe, deux 
cotylédons ou plus; une radicule aboutissant à l’ombilic : voilà 
les caractères très-remarquables et très-compliqués du galbule. 


() Du latin g/ans , fruit du Chêne, du Hêtre. Plusieurs botanistes modernes 
ont fait usage de ce mot pour désigner tous les fraits à cupules , et c’est dans cet 
esprit que je l’emploie. 

(2) Du grec sycon, Figue. 

(3) Du grec soros, amas, groupe. 

(4) Du latin galbulus, fruit du Cypres. 


196 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


On peut les observer dans le Genevrier, le Cyprès, le Thuya, 
le Schubertia (x). 


5me Genre. LE CÔNE ou le STROBILE (2). Le cône a beaucoup 
d’aflinité avec le galbule; il provient également d’un chaton; 
mais ce chaton est plus alongé et ses bractées fructifères , qui 
ont chacune, à leur base, une bractéole membraneuse, deviennent 
ligneuses et se recouvrent les unes les autres, comme les écailles 
d'un poisson. Le Pin, le Sapin, le Mélèze, le Cèdre portent 
des cônes, 


Il est peu de fruits qui échappent à la classification que je 
viens d’exposer. Ainsi que je l'ai dit d’abord, elle est tout ar- 
tificielle. Je sépare, en m'’attachant à des considérations secon- 
daires, des modes d'organisation qui ont beaucoup d’analogie ; 
mais comme je ne néglige pas de faire sentir ces analogies, 
l'élève judicieux ne verra, dans les divisions que je propose, 
qu'un moyen plus expéditif et plus commode d’exposer les traits 
caractéristiques des fruits. Je les ai divisés en ordres et en 
genres; j'aurois pu subdiviser les genres en espèces ; alors, j’aurois 
montré que souvent un seul fruit réunit en lui les caractères 
de plusieurs autres, et pour faire sentir ces rapports, il m’auroit 
sufi d'employer adjectivement mes noms d'ordres et de genres. 
Mais ces détails appartiennent à la Terminologie plutôt qu'à 
la Physiologie, et je m'abstiens d’en parler ici. 


(1) Le Schubertia est le Cupressus disticha de Linné. 
(2) Dulatin conus, pomme de Pin. Tournefort a fait usage de ce mot. Avant 
Jui Rivin avoit employé le mot sérobilus qui signifie la même chose, 


OBSERVATIONS 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 197 


OBSERVATIONS GÉOLOGIQUES 


SUR 


LA PRESQU'ILE DE SAINT-HOSPICE, 
AUX ENVIRONS DE NICE, DÉPARTEMENT DES ALPES MARITIMES ; 
Par A. RISSO, 
Membre-Associé de plusieurs Académies et Sociétés savantes. 


Je n'ai de ces collines basses de l’Apennin que la connoissance superficielle 
qu'a pu m'en donner un voyage fait pour d’autres objets; mais je suis 
persuadé qu’elles recèlent le vrai secret des dernières opérations de la mer. 


CUVIER, Rech. sur les Ossem. foss. Disc. prélimin., pag. 114. 


OBJET. 


Du haut du col de Montalban, à lorient de la ville de Nice, 
on voit se détacher de Ja dernière chaîne des montagnes Subal- 
pines, qui servent de bordure septentrionale à la Méditerranée, 
une portion de terre, qui, se prolongeant dans la mer, se divise 
à son sommet en deux pointes, dont une, prenant la direction 
de l’est-sud est, sert à former le golfe de Saint-Hospice, et l’autre, 
en se courbant vers le sud-sud-ouest , fait partie de la baie de 
Ville-Franche. 


Cette presqu'île, très-intéressante pour la Géologie, recèle une 
immense quantité d'animaux marins fossiles que je me propose 
de faire connoître dans ce Mémoire; mais je vais donner aupa- 
ravant un appercu général de tout le canton, tel qu’il se pré- 
sente à l'observateur placé sur le monticule sityé au milieu de 
la péninsule. 

Aspect de la presqu'ile. 


Ce sommet est élevé au-dessus du niveau actuel de la mer 
d'environ 60 mètres ; il est connu dans le pays sous le nom de 


Tome. LXXV II. SEPTEMBRE an 1813. Ce 


t98 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de cap Ferrat, et domine la partie la plus intéressante de la 
presqu'ile, » 

Au nord, le terrain, qui tient à la grande terre, s’abaisse 
insensiblement à 5o mètres plus bas que le cap Ferrat; il est 
planté de vignes, d’oliviers et d’autres arbres fruitiers , et il 
s'étend assez considérablement de l’est à l’ouest, mais en s’af- 
faissant peu à peu du côté de la baie de Ville-Franche. Au pied 
de cette riche pente se fait dans un petit espace horizontal assez 
bien cultivé, élevé d’environ 40 mètres, le point de partage 
des eaux pluviales vers Pune et l’autre baies. 

A une médiocre distance du cap Ferrat, toujours en remon- 
tant vers le nord, le sol se relève, et prend la forme d’un mon- 
ticule isolé peu exhaussé, mais cependant plus haut que le ca 
Ferrat dont il coupe la vue; il est bien garni d’oliviers et de 
-caroubiers. Plus loin, ettoujours en avancant vers le septentrion, 
succède un vallon plus creux, qui, étendu de Pouest à l’est 
entre les deux baies de Ville-Franche et de Saint-Hospice, est 
borné au nord par la dernière et la plus basse chaîne ja môn- 
tagnes Subalpines, A l’est-nord-est de la baie de Saint-Hospice, 
ce vallon se termine par une agréable plaine dite du Beaulieu, 
élevée de six à huit mètres au-dessus du niveau de la mer, et 
couverte de jardins d’orangers , de cédratiers et de limoniers. 


A l’est, si l’on suit le contour du golfe de Saint-Hospice, 
on atteint toujours, sur le même plan et à la même élévation 
de six à huit mètres, l’anse dite de Saënt-Jean , où se fait la 
pêche des thons et autres espèces de scombres ; la pente de la 
côte qui borde cette anse est ménagée de manière à former une 
espèce d’amphithéâtre de l’ouest-nord-ouest par le sud au sud- 
sud-est. 

C’est à peu près du pied de ce coteau, et vers le milieu du 
bord oriental de la grande presqu’ile, que part dans l’est-sud- 
est, mais à un niveau plus bas, une pointe nommée Sainrt- Hos- 
pice, qui forme le côté sud de la baie du même nom. Outre 
Panse de Saint-Jean, il y en a une moins grande plus avant 
dans l’est, et on en distingue deux autres sur le bord méri- 
ridional; par la manière dont ces quatre criques se correspon- 
dent, toute la pointe vue de la crête de la hauteur prend la figure: 
de zigzags. 


Au sud du cap Ferrat s'élève du sein des eaux un plateau 
-passablement étendu, formé d’un calcaire compacte, rempli de 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. .. 199 


fissures, dans lequel croissent l'ophris jaune (ophrès lutea)), le 
romarin oflicinal (romarinus officinalis), et quelques myrtes 
rabougris. Plus au midi encore, le terrain se relève et forme 
un tertre isolé de la même nature, qui se prolonge vers ia 
baie de Ville-Franche, au point où est élabli le fanal. 

Du cap Ferrat on découvre aussi Antibes, Ville-Franche, Esa, 
la Turbie, Monaco, Menton, Ventimille, et jusqu’à la Bordi- 
ghiera, Un cap avancé dérobe le restant de la. côte; mais, 
lorsque le temps le permet, l'œil est dédommagé par la vue 
très-distincte de la Corse. 


Description de la côte de la baie de Ville-Franche. 


En quittant ce sommet d’un aspect si agréable, les environs 
vont nous intéresser sous un nouveau point. de vue. Vers lé 
commencement de la péninsule, du côté de la baie de Ville- 
Franche, dans l'endroit appelé Deux-Rubs, et sous un sol 

ropre à la culture, s’annoncent vers l’escarpement du bord de 
la mer, d'épaisses couches, tantôt perpendiculaires , tantôt hori- 
zontales, d’un calcaire marneux bletâtre, passant au gris-ver- 
dâtre par action de l'air, tendre, qui se laisse entamer facilement 
avec le couteau, happe foiblement à la langue, dont la cassure 
est terreuse , presque écailleuse , les pièces séparées à bords aigus, 
et l’odeur argileuse. Ce calcaire se durcit à l'air, mais en même 
temps se fendille et tombe en éclats. 


Eu approchant de la pointe sur laquelle se trouve le débris 
d'une ancienne batterie, cette substance devient plus dure et 
contient moins de parties argileuses: ses couches s’inclinent in- 
sensiblement, et plongent dans la mer : quelques-unes sont 
pleines de gryphites jaunâtres de toute grandeur et de forme 
variée; d’autres sont parsemées de pyrites ferrugineuses, et tra- 
versées en tous sens par des filets de chaux carbonatée lamel- 
laire d’un beau blanc , accompagnés de superbes cristaux en 
rhomboïdes, | 

Ce qui a droit de frapper vraiment l’observateur, c’est que 
les gryphites qui composent cet immense amas, semblent, par 
la manière dont elles sont régulièrement placées, être encore 
attachées au banc: sur lequel elles vivoient. Si on les enlève, 
on est étonné de trouver plusieurs de ces coquilles remplies d’une 
matière plussdure, plus compacte, faisant un feu très-vif au 
briquet, et peu d’effervescence avec les acides, très-diflérente 


Cc'z 


20q JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


du rocher de calcaire marneux auquel elles adhèrent; d’autres; 
au contraire, ne présentent à l’intérieur que la substance dans 
laquelle elles sont contenues. 

Au-delà de cette pointe, la mer s’avance pour former une 
anse qui porte le nom de grosueil. Dans le pourtour de cette 
anse, au milieu des. couches tourmentées de calcaire marneux 
qui le formoient, on trouve des espèces de filons irréguliers 
remplis d’une marne grisâtre, au milieu de laquelle sont des 
térébratules, et de gros tuyaux de vers marins qu’on ne connoît 
pas vivans en Europe. 

Une excavation faite dans cette pariie de la presqu’ile m’a 
fourni le sujet des observations suivantes. M. Copel, habitant 
de Ville-Franche, voulant se procurer de l’eau douce , fit 
creuser, pendant l'été de 1812, à une distance de 16 mètres 
de la mer actuelle, et à 20 au-dessus de son niveau, un grand 
puits dans lequel j'ai reconnu: 

1° Un lit supérieur de terre végétale d’un mètre d'épaisseur, 
dans laquelle on ne trouve que des detritus des coquillages ter- 
restres qui vivent dans cet endroit; 

29 Une couche d’argile rougeâtre mêlée de cailloux et de galets 
de deux mètres environ de puissance ; 


3° Un amas de sable marin blanchâtre, de cinq mètres d’é- 
paisseur , contenant une grande quantité de corps marins, dont 
Jai retrouvé tous les analogues dans notre mer : voici l'énumé- 
ration des espèces que j'ai recueillies dans cet amas, avec Pin- 
dication de celles qui n’ont pas encore été décrites. 


MOLLUSQUES. 


Cône méditerranéen. 


C. franciscain. 
Porcelaine pou. 
E grain de blé. 


Volvaire grain de mil. 
Mitre buccinoïde. 

M. méditerranée: 
-Columbelle marchande. 
Nasse néritoïde. 

N. cordonnée. 


Corus medilerraneus , Lam. 
C.  jfranciscanus, id. 
Cyprea pediculus, id. 

C. triticea, id. 

Volvaria milacea, id. 

Mitra buccinoidea , spec. nov. 
DM.  mediterranea , id. 
Columbella mercatoria, Rois. 
Nassa neritoidea, Lam. 

N. turulosa , spec. nov. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 201 


Pourpre hémastome. 
Buccin plissé. 


B. corniculé. 
E. à côtes. 
B. . oblong. 


Tonne casque. 

T, perdrix. 
Cassidaire tyrrhéniène. 
C. échinophore. 
Casque cannelé. 

Strombe pied de pélican. 
S. claviforme. 
Ranelle pyramidée, 
Murex écailleux. 


M. à côtes de melon. 
M. trompe cerclée, 
M. craticulé. 

M. grimace. 


M. brandaire. 
Fasciolaire porte-ceinture. 
Cérithe goumier. 


C. brun. 

C. pervers. 
Troque sorcière. 
dis muriqué. 


ap ondulé. 
Turbo méditerranéen. 


1: à trois couleurs. 
L: zoné. 

ä LE varié. 

TL: sillonné. 

Rissoa treillisée. 

EF. aiguë. 

R. blanche. 

R. à côtes. 

R.  oblongue. 3 
R. plissée. 

FR. ventrue. 


FR. violette. 
Monodonte grosse lèvre. 
M, bouton. 


Purpura hemastoma, Lam. 
Buccinum plicatile , Freminv. 


B. corniculatum, Lam. 
B. costulfum ,S. 0. 
B. oblongum, sn. 


Dolium galea, Lam. 

D. perdix, id. 
Cassidaria thyrrhena , id. 
(&é echinophora, id. 
Cassis sulcosa, id. 
Strombus pes pelicani, id. 
S. claviformis., id. 
Ranella pyramidata, id. 
Murex squamiger , id. 


M. melonulus, id. 
DT. succinctus, 1d. 
DT. craticulatus ,id. 
D. anus ,1d. 


I. Zrand. zris , Lin. 
Fasciolaria cingulifera, Lam. 
Cerithiumn vulgatum, Bos. 


C. mnorus, 1d. 
C. perversum , id. 
Trochus magus, Rois. 
T.. muricatus , Bos. 
Ja Dr duTetiapo) s. n. 


Turbo mediterraneus, Frem. 
à tricolor, s. n. 

1 zonalus,sS, n. 

TH: variegalus, S.n. 

! & sulcatus , Ss.n. 


.Rissoa cancellata, Frem. sp. in. 


R. acufa , id. 

Re? hialina, id. 
R. costata ,1d. 
A. oblonga , id. 
R. plicata, id. 
R ventricosa , id. 


R. violacea, 4 
Jonodonta labeo >» Rois. 
M. pharaonis , id, 


202: JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Phasinelle rouge. 
Nérite verte, 
Natice grêlot. 
Bulime tronqué. 
Haliotide ormier, 
Fissurelle treillis. 
Patelle vulgaire. 

: bleue. 
P. . œil de bouc. 
Fe portugaise. 
Oscabrion fasciculaire, 
Lucine circinaire. 
T'elline variée. 
Donace crépue. 
Bucarde sourdon. 
B. rustique. 
B. oblong. 
Mactré pellucide. 
Arche de Noë, 


A. barbue. 

A. lactée. 

A. transparente. 
Moule commune. 
M. barbue. 


Pétoncle velu. 
Lime écailleuse. 
Peigne varié. 

Fe gigantesque. 


ES de Saint-Jacques. 
P. uni. 

Spondyle gædérope. 

S. : royal. 


Huitre plissée. 


Anomie pelure d'oignon. 


Vénus : verruquèse. 
Came sessile. 


Phasianella rubra, s.n. 
Nerita viridis, Bos. 
Natica glaucina , Rois. 
Bulimus truncatus, s.n. 
Haliotis tuberculata, Lin. 
Fissurella graeca, Lam. 


+ Patella vulgata, Lin. 


P. caerula, Bos. 
P. cypria, Lin. 
P. lusitanica, Bos. 


Chiton fascicularis, Lim 
Lucina circinaria , Bos. 
Tellina variegata, Pol. 
Donax irus, Lin. 
Cardiurm edule, Lin. 
rusticum , Bos. 
C. oblongum , id. 
Mactra pellucida, id. 
Arca Noe, Lin. 
A.  barbata, id. 
A.  lactea, Bos. 
A.  pellucida,id. 
Mytilus aedulis, Rois. 
A. barbatus , id. 
Petonculus pilosus, id. 
Lima squamosa., id. 
Pecten varius , id. 
PP: mains ,id. 
FE Jacobaeus , id. 


NP: &glaber, id. 


Spondylus gaederopus, id. 
S. regius , Bos. 
Ostrea plicatula, Frem. 
Anomia ephippium , Lin. 
Venus verrucosa, id. 
Cama sessilis, Bos. 


CYRRHIPÈDES. 


Anatife lisse. 


Anatifa laevis, Lin. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. : 203 


ANNÉLIDES. 
Dentale antule. Dentialium entalis, L. 
. Serpule vermiculaire, Serpula vermicularis, M. 
CRUSTACÉS, 
Crabe front épineux. Cancer spinifrons , Lat. 
Maie squinado. Maïa squinado, Fab. 
Pagure Bernard. Pagurus Bernardus id. 
RADIAIRES. 
Oursin comestible. Echinus esculentus, Lin. 
POLYPES. 
Corail rouge. Coralium rubrum , Lam. 
Oculine hérissée. Ocullina hirtella id. 
Astrée à cellule. Astrea favosa , id. 
Fascicule en touffe. Fascicula caespitosa, id. 
Caryophilie gobelet. Caryophilia cyathus, 14. 
Favosite perforée. Favosita perforata , id. 


On n’hésitera point à considérer ces êtres comme fossiles, si 
l'on fait attention que la plupart d’entre eux sont recouverts 
d'un sable marin, agglutinés par un ciment argileux. La couche 
inférieure qui les renferme , paroît être l’ancien fond de mer 
sur lequel vivoient plusieurs de ces animaux, puisqu'on trouve 
aujourd’hui les mêmes espèces dans les mêmes circonstances avec 
le même sable, sur plusieurs points de notre côte; ce qui nous 
porte à croire que la mer a séjourné pendant un temps assez 
considérable à ce niveau, et que ce dépôt de fossiles n’est pas 
accidentel; car il falloit au moins plusieurs années aux grandes 
espèces pour prendre tout.leur accroissement , et se multiplier 
en si grande abondance. La couche supérieure, au contraire, 
présente beaucoup'de débris de fossiles, dont les analogues ne 
vivent aujourd’hui que dans les moyennes et grandes profon- 
deurs; ce qui attesteroit dans ce dernier cas un vrai transport 


dans ce local par leflet des vagues desla mer, ou à la suite 
de quelque catastrophe, 


204 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


4°. La formation du calcaire marneux à gryphites, d’un bleu 
plus foncé que celui qui est:situé sur les bords actuels de la 
mer, vers le commencement de la péninsule, se trouve immé- 
diatement au-dessous du dépôt des coquilles analogues à celles 
de nos côtes. La première couche de ce calcaire marneux est . 
irès.tendre et fort facile à enlever; les autres placées en dessous 
ont plus de neuf mètres d'épaisseur, elles forment un massif 
très-dur et très-compacte que la poudre seule peut faire sauter; 
on trouve dans leur milieu quelques pyrites ferrugineuses cris= 
tallisées, dont plusieurs , en se décomposant, ont coloré en Jaune 
d’ocre différens blocs de cette masse. 

5o. Enfin, à dix-sept mètres environ de profondeur, jaillit 
une eau limpide, potable, contenant à peu près les mêmes 
élémens de celles que j'ai analysées dans les environs de Nice. 


Le niveau des eaux salées se trouve encore à trois mètres au- 
dessous, 1 


En suivant le contour du bord de la mer l’on arrive peu après 
dans une anse beaucoup plus spacieuse que celle de Grosueil, 
et qu'on nomme Zou grand passable. Le petit sentier qu’on 
suit pour y arriver est bordé de lentisques (pistacia lentiscus), 
d’aphyllantes ( aphyllantes monspeliensis), et de chênes verts. 
Sur l'escarpement de la mer se manifeste le même système 
calcaire marneux à gryphites, contenant de gros tuyaux d’an- 
nelides inconnus dans la mer actuelle. C’est dans ces ‘bancs dont 
l'inclinaison est du sud-est à l'est, qu’on voit les dernières traces 
des naulilites et autres animaux perdus qu’on rencontre dans 
ce terrain. 


Les vagues agissant continuellement sur cerocher , détachent 
ces pétrifications , les arrondissent , les mêlent avec les coquilles 
marines actuelles et les dépouilles des mollusques terrestres 
eñtrainées par les eaux pluviales. Le tout se dépose avec le 
sable, les galets et l'argile du rivage dans les creux que pré- 
sentent les couches anciennes, et forme de nouveaux dépôts qui 
seront peut-être pour les races futures des sujets énigmatiques 
de méditation. 


Au-dessus de cette anse on en trouve une plus petite nommée 
aussi passable, vers laquelle les bateaux abordent ordinaire 
ment. Ici se termine le système calcaire marneux à gryphites, 
que nous suivons depuis le fond de la baie, et c’est là qu'il 

s'adosse 


- ET D'HISTOIRE NATURELLE. 205 


s’adosse sur un calcaire compacte blanc à grain fin, qui forme 
la plus grande partie du reste de la presqu'ile, 

Ce calcaire , qui est la plus ancienne formation de cette butte, 
se relève en monticule pour former le cap Ferrat, sur lequel 
on a établi un cymophore. Ses couches, vers la baie de Ville- 
Franche, sont dirigées de l’est à l’ouest, et s’'approchent de la 
position horizontale, ce qui a valu à cet endroit le nom de 
Petra plana, Pierre plane. 


En continuant à s’avancer vers le sud-ouest à travers les cistes 
(cistus monspeliensis, et les euphorbes (euphorbia dendroides), 
l’on voit que le sommet de ce calcaire compacte forme des 
espèces d’aiguilles ou de crêtes, qui présentent un peu l'aspect 
des grandes masses primitives; toutes ces pointes s’abaissent in- 
sensiblement , et se cachent dans la mer vers le phare placé à 
la pointe occidentale de Ja péninsule. 


LS 
Description de la côte méridionale. 


De cette pointe, si l’on se dirige vers l’est, on voit setéve- 
lopper un grand plateau incliné sous un angle de 40 degrés 
environ , composé d’une pierre coquillière ou lumachelle gros 
sière, qui est adossée sur le calcaire compacte. Les conches in- 
férieures de ce dépôt ont un peu plus d’un mètre de puissance, 
se dirigent presque du nord au sud ; elles sont d’un blanc de 
chair, et fourmillent de débris de corps marins, tels que peignes, 
huîtres , lepas, pointes d’oursins , et divers polypiers dans le 
pie grand état de trituration ;néanmoins ces débris ont conservé 
eurs couleurs, et plusieurs d’entre eux m'ont paru être les ana- 
logues de quelques coquilles de nos côtes : je regarde cette lu- 
machelle comme formée sous les mêmes circonstances, mais à 
une époque antérieure à celle de la couche de sable remplie de 
mollusques vivans, qui a été observée dans le puits de l’anse 
de Grosueil, dont il a été fait mention ci-dessus. Les portions 
de ces couches qui sont baignées par les flots, passent au brun- 
rougeâtre, et renferment encore plus de fossiles; quelques-unes 
se trouvent traversées par des espèces de filons de brèches rou- 
geâtres semblables à celles du château de Nice, qui contiennent 
des ossemens fossiles. Les bancs supérieurs sont plus épais, 
blanchâtres; leurs fragmens sont brillans et sonores, ne pré- 
sentent aucune trace d'êtres organisés, et sont traversés en cer- 


Tome LXXV II. SEPTEMBRE an 1615. D d 


206 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tains endroits par du spath calcaire en lames d’un beau blané. 
On trouve quelquefois des fragmens de ces lumachelles couverts 
de longues cannelures, qui les rendent semblables au calcaire 
madréporique, en place du cap Martin, décrit par M. Faujas 
de Saint-Fond. 

Après avoir traversé ce plateau, l’on arrive à la plus petite 
langue de terre, qui du pied du cap Ferrat s’avance en amphi- 
théâtre dans l’est-sud-est pour aller former la pointe de Saint- 
Hospice ; la différence considérable de son niveau beaucoup plus 
abaissé, l'aspect du sol et la disposition des couches annoncent 
au premier coup d'œil que cette appendice de la presqu'île est 
un terrain d’une formation différente de celui qu’on vient de 
parcourir. 

La petite anse que l’on remarque au commencement de cette 
langue de terre, est connue dans le pays sous le nom de bouyou. 
Le terrain qui l'entoure est un calcaire marneux, d’une couleur 
moins foncée que celui dont j'ai eu occasion de parler ci-dessus, 
et qui renferme différentes espèces d’ammonites. La bordure 
sud-est de cette anse est ornée d’anthyllis (arthyllis barba Jovis), 
de stahéline (stahelina dubia) et de pins d'Alep. Presqu'au 
niveau de l’eau s'étend un grand banc rempli de gryphites et 
de quelques ammonites à demi rongées par les vagues, et qui 


servent de retraite aux balanes vivant actuellement sur ces 
bords. 


Au-delà de cette anse le sol se relève insensiblement , et 
forme un petit promontoire qui se rattache à un autre un peu 
plus élevé, où il existe une chapelle dédiée à Saint -Hospice, 
solitaire, qui habitoit cet écueil vers le sixième siècle. 

Toute cette pointe est formée d’un calcaire marneux, peu 
différent de celui de Deux-Rubs , mais d’une couleur grisâtre 
ou jaunâtre, plus abondant en particules argileuses, et pénétré 
de gros tuyaux d'animaux marins, qui paroissent avoir vécu 
dans cet endroit , ainsi que leur réunion et leur position portent 
à le faire croire. On y voit aussi quelques pyrites, du spath 
calcaire blanc, et beaucoup de débris des çoquilles que les flots 
ont disposés en bancs horizontaux. 


Les dispositions que conservent les couches du calcaire mar- 
neux de ces deux promontoires , vers la partie meridionale, est 
l'horizontale : quelques-unes seulement s’'inclinent à peu près: 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 207 


vers l’ouest, du côté de l’enfoncement de l'endroit dit les Fora 
chettes, sur la dernière pointe qui se trouve élevée au-dessus 
du niveau de la mer, de 43 mètres : poche les ruines de l’ancien 
- fort de Saint-Hospice, que le maréchal de Berwich fit sauter au’ 
commencement de 1700, existe un petit ravin, qui, se dirigeant 
du sud au nord , traverse les couches du texrain ; il est facile 
de voir que ces couches, sans perdre de leur parallélisme, s’in- 
clinent et se brisent pour suivre la: pente de ce même ravin jusqu’à 
son embouchure dans la baie de Saint-Hospice. 


Description de la côte du golfe de Saint-Hospice. 


* 

En côtoyant cette partie de la presqu'île, que la mer du golfe 
de Saint-Hospice dessine en zigzag, l’on voit que tout le système 
qui compose ce contour est du même calcaire marneux de la 
baie de Ville-Franche : ses couches sont abruptes, escarpées et 
presque perpendiculaires à l'horizon. Elles sont coupées par une 
infinité de fissures qui les subdivisent en tranches, la plupart 
sont pleines d’une argile marneuse chloritée, renfermant des téré- 
bratules, des nautilites, des arches, des ammonites, etc. Vers 
le milieu de ce golfe se trouvent de grosses huîtres passées à 
l'état siliceux, rongées et détruites par les vagues de la mer, 
elles sont mélées avec d’autres fossiles également brisés, en parties 
si ténues, qu’on ne peut reconnoître à quelles espèces d'animaux 
ils ont pu appartenir. 


En approchant vers l'endroit où la péninsule se joint à la 
chaîne qui tient à la grande terre, tout le terrain n’est qu’un 
amas immense de nummuülites disposés en forme de bancs, et 
à peines liés par du calcaire marneux grossier , où se trouvent 
également des débris d’orbulites, de planulites, et des peignes 
qui commencent à s'approcher par leur forme, de ceux qui 
vivent aujourd’hui dans notre mer, 


Conclusions. 


Lorsque je cherchois à me rendre raison des phénomènes que 
présente celte presqu'ile , je me disois souvent, que prétendre 
expliquer la succession des couches qui recouvrent la surface 
du globe par une cause unique, ce seroit comme si l’on vouloit, 


Dd 2 


208- JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


dans l'histoire des nations, attribuer à un seul personnage tont 
ce qui seroit arrivé sous le même nom. Je crois donc pouvoir 
distinguer trois époques principales dans la formation de la pres- 
qu'ile de Saint-Hospice, 

La première est celle de la déposition du calcaire compacte 
à grain fin, qui sert de base à tous les autres systèmes , et 
dans lequel on ne rencontre presque jamais des corps organisés. 
Ce calcaire, quoique le plus ancien, est celui qui a le moins 
souffert de dérangement dans sa stratification, et qui est le moins 
altéré par l’action de Pair. 

Dans [a seconde époque l'Océan change de nature, ou du 
moins dépose des roches différentes, et nourrit une immense 
quantité de corps organisés dont on ne connoît plus les ana- 
logues vivans, mais qui présentent une succession dans leur 
apparition. On trouve d’abord le calcaire marneux à gryphites; 
ensuite la marne chloritée qui enveloppe ce grand amas de bé- 
lemnites, d’ammonites, etc., et puis le calcaire grossier ren- 
fermant des nummulites, des peignes, des orbulites, etc. Le 
calcaire à gryphites qui sur nos montagnes s'élève à plus de 
2000 mètres , a éprouvé de violentes catastrophes, attestées par 
le désordre et le bouleversement de sa stratification. Celui qui 
renferme les bélemnites et les nummulites, présente au contraire 
une stratification régulière et peu inclinée, qui annonce qu'il a 
été déposé par une eau calme et tranquille(xr). ÿ 


Enfin nous voyons dans la troisième époque les traces d’une 
mer qui nourrissoit des êtres semblables à ceux qui vivent ac- 
tuellement dans la Méditerranée, et qui semblent avoir formé 
deux ordres de dépôts particuliers, d'abord la lumachelle de la 
pointe méridionale de la presqu'ile, et ensuite l’amas de sable 
calcaire de Grosueil. 


Ces dépôts, qui par la nature de leurs coquilles, semblent 
se rapprocher si fort de nous, ne pourroient-ils pas appartenir 
aux temps historiques? En effet, les auteurs grecs nous parlent 
d'une époque où la Méditerranée n’étoit qu’une immense vallée 


(æ) On voit sur le nouveau chemin de Rome , sur le col de Montalban ;, 
et au château de Nice, des couches régulières de cette même marne chloritée 
à bélemnites. . 


SE PS 


mans + 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 209 


renfermant un lac vaste et profond, uniquement nourri par les 
fleuves qui s’y versoient naturellement. Strabon affirme qu'ori- 
ginairement l’Euxin ne débouchoit pas du côté de Byzance, mais 
que dans la suite ses eaux réunies à celles de la mer Caspienne, 
firent une violente irruption par la Propontide et l’Hellespont, 
et se dégorgèrent dans le vallon méditerranéen. Diodore de 
Sicile a recueilli des notions précieuses sur la rupture des cyanées, 
et c’est dans ces temps reculés qu'il place le déluge de la Sa- 
mothrace. L’immense quantité d’eau de l'Euxin qui dégorgea 
par le Bosphore de Thrace et de l'Hellespont dans la Méditer- 
ranée, retenue du côté de Océan par listhme de Calpé, dut 
augmenter considérablement le niveau de cette mer, et peut 
l'avoir élevé à une cinquantaine de mètres au-dessus du point où 
nous le voyons de nos jours. 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


THERMOMÈTRE EXTÉRIEUR 


a. a CR 1 b, = 
o ER EX Dal BAROMETRE MÉTRIQUE. 5 
= A RS ë = 
| Maximum. | Minimum. |A Mror. Maximum. Minimum. : | À EE 
F | mpr.| # 
heures. © here o _| heures. mill. | heures. * mil, ill eo 
ras. “<+24,950/a4%m.+11,25|+-24,95|à 9 Lim... .... 64,colà rs... 7. 041763. 1 
olà midi —+-25,50 à 4 d m.—+16,25|+25,50|à : ESfret. SAME Pete AO Serres es ire 24 
3[à midi +-28,00|à 4? m.—+17,50|+-28,00|ù 61m. ....... 729,96|4 65. ....1.. «798,10 759,44 23,0 
ala3s. +4,65 à45m.#14,79|4+24,90|à 9 m.......,.760,20[à 105... ..... 758,12 759,96 23,0 
sla3s. “+245ofà1rs. +12,$0|4-24j00|à 4 5 m.......! 755 62:43. .... 2....751,88|753,64| 22,6 
6[à3s. +#19,75/à4 5m. +ur,7s/ did, sal ro s2...... 759,82|à 42 m....:.! 755,24|757,30| 19,0 
7là3s +21,15/445m.t+11,50 +20,65|à 105..:......762,34[à 4 km... 760,04|760,88| 20,6 
sla3s. +23,25à4> m. #-10,65|+22,75|à om... ..…...… 762,20] 404: ece 760,80|761,84| 21,4 
Di ola3s “igs5laros. +ro,50|+18,25|à 105.,.. ....769,18|à 3 5... .760,00|760,50| 20,6]! 
Mliolà3s. +21,90 à4: mi11,25/4-20,87|à 10 Ls....... 764,70|à 45m....... 763,24|764,24| 20,714 
Alrilà3s. —+23,79/à 43 m.Æ11,50f+21,70à 72m... 764,92|à5ks........762,80|764,32| 20,9 
Mirolà3s. <+26,50!à 44m.413,50| 425,88 à 4 ?m....... 761,80|à 54s...... ...759,761760,84, 22,0| 
[|13là midi 26,00! 4+ m.+415,00!4-26,00|à 10 s........763,70|à 4 5m.......760,60|762,44| 23,8 
Qir4ià midi 21,90 à4+m.+11,75 +21,90|à g9m.........765,50/45 2 s........ 763,10|764,74| 22,3| 
dlrsia3s. <-21,75/à 42 m.+14,00|+19,00|à 43 m....... 760,60|à 6 s..........758,60|759,56| 20,9] 
Aliélamidi +21,25/à 4% m.+13,50|t21,25là10s..... ...-750,60[à midi....... .757,641757,64| 21,4M 
Blizlo3s. <21,50|à 4 £m. 410,75|+-20,75|à 9 m......... DÉC 20 OS Fete 759,10|760,04| 21,6 
Hiisla 3s. —+-24,00|à 44 m.+411,00 +23,12]à 92 m....... 760,80|à 5s..........75075|760,50| 21,8 
Hi 19)à 3s. H-22,60|à 5 m. 13,00! +21,75{à 10 s........ 764,68|à 5 m......... 762,28|764,08| 22,2 
Hlooà 3s. “+21,75/à 5m. +-12,00|4-20,57|à 8 m......... 764,50|à65...... 2. 763,40|764,20| 21,0 
Flzila3s. +20,00|à 1125.4 9,40|+19,50|à 9 ; m....... 765,80|493s......... 763,71|765,08] 20,7] 
Alzsla3s. +15,25/à5m,. +10,25|4+14,25|à 5 m...... ...760,72la101s........ 754,08 759,64! 19,9 
d|23/à midi +15,75/à 5m. + 9,00|+19,75/à9s........:.763,90|à5m......... 754,28/759,88| 18,7 
2qla3s, H1975/à5m. + 8,75|+18,75À9s........ 767,02|à 5 m........ 765,62|767,16, 19,2 
D |25là midi 16,40olà 5m. + 8,25/+18,40|à 7 m......... 767,78|à 4 4 5...n...705,561767,08| 19,2] 
M|26|à 3 s. +H19,75là5m. “+ 9,25|+-19,00|à 10 m........ 765,72\à 5 1s........763,24|764,28| 19,0M 
l2zlags. +19,12là 5 m. +-10,25|+17.90|à9£m........763,90|à 5 s..........762,90|763,50| 16, 
D 28là midi 18,50 5m. —11,75|+#10,90|à 10 m........7602,92[à 53 5s........ 761,78|762,72| 19,1M 
HI2o3s. —+20,00/à 5} m.+12,50|+1960jà9%s........ 763,62] à 5 : m....... 762,20|763,28| 19,0M 
sola3s. 20,751 5 À m.Æ11,00|+20,00!|à 0 + m...... .765,00|à525..... ....764.08|764,64| 10,21! 
Alsra3s. Ho1,75!à 5m, +H10,25l-21,00 à 7? m..,....765,00/à1045........760,90|764,12 19,0 
| Moyennes. +22,01| +12,15|+21,08| 762,94: 760,52|762,00 | 20, 
RECAPITULATION. 
Millim. 
Plus grande élévation du mercure. .,.. 767,78 le 25 
Moindreélévation du mercure......... 751,68 le 5 
Plus grand degré de chaleur......... 26,00 le 3 
Moindre degré de chaleur........... —+ 8,25 le 25 
Noté de jours beaux....... 17 
de couverts....... LH38mUl 
de pluie........ one 8 
le IVERR ER RERE celle 3: 
delceléereter crc -ret o 
dc fonnerre..:....1:#. o 
de brouillard ---#"#"77 3 
dOMCISPr bec niceler o 


nererelen ere o 


Nora. Nous continuerons cette année à exprimer la température au degré du thermomètre cen- 
centièmes de millimètre, Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu’on/| 
le thermomètre de correction. A la plus grande et à la plus ptite élévation du baromètre 
conclus de l'ensgmble des observations, d’où 1l sera aisé de déterminer la température moyenne 
conséquent, son élévation au-dessus du niveau de la mer. La température des caves est également 


A L'OBSERVATOIRE IMPÉRIAL DE PARIS. 
AOUT 1813. 


VARIATIONS DE L'ATMOSPHERE. 


SHre. : POINTS |:- 
VENTS. 
Le LUNAIRES. 
DA nudi * LE MATIN. 
72 [NO. Beau ciel, brouillard.|Très-nuageux. 
72 |  1dèm. Couvert. Tdem. 
7610. * Nuageux, lég. brouil.| Jdem. 
70 [O-S-O.  |P.Q.14hro/m.| Lrès-nuageux. Idem, 
72 |S-0. Lune apogée. Jûem. Couvert. ; 
M 79 |O:2r Nuageux. Petite pluie par inter. 
81| JTdem. Très-nuageux. Pluie fine. 
76| Idem. Nuageux, Nuageux. 
79 |N-O. Pluie. Couvert, 
81 [N. Nuageux. Idem. 
80 | Idem. : Vapeurs, léger brouil.| Légers nuages. 
73| Idem. |P.L.13h6/m.|Superbe, Lien. 
75 |N-O. idem. Nuageux. 
67 |O. Nuageux. Idem, 
77 | Idem Quelq. gout. d'eau. ‘|Couvert. 
77 \N-O. = |Couvert. Très-nuageux. 
71 10. Beau cel. Nuageux. 
78| Idem [Nuageux , brouillard.|Très-nuageux. 
76| Idem D.Q.à2h52/m. Nuageux. Nuageux. 
71 N. Lune périgée. Très-nuageux, Ciel voilé. 
67 |N<O. Couvert, Nuageux. 
77 |O-S-O. Très-nuageux. Pluie. 
73 |N-0. Petits nuages à l’hor. |Très-nuageux. 
79| dem. Beau ciel. Nuageux. 
67 IN. Liem. Très-nuageux. 
73 |N-E. N.L.ärhr7m.| Nuageux. Idem. 
76\N. . Couvert. s Idem. 
80 |[N-O. Idem , pluie à 9 h :. Couvert. 
85 [N-E. Petite pluie. Très-nuageux. 
79 |_ Idem. Nuageux. Nuageux. 
75 |E. Superbe. Superbe. 
Moy. 75 RÉCAPITULATION. 
IN nie 
INSES ES 8 2e ee 
E............... 
Jours dont le vent a soufflé du Er DAS CHEN PA \ 
SORT HE 
Or a SEC 
INCORRECTE 


du mois et de l'année, 
exprunée en degrés ce 


Thérm. des caves ) 


£ 


le 1° 129,100 
le 16 12°,rc0 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 14""10= 0 pouces 6 lig. 3 dixièm. 


ST rar vme tEnE NE TERRE CT TRE TE FRET LENTUSLIE TEE EENES 


tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle mé 
emploie généralement dans le 
et du thermomètre, observés 


trique, c’est-à- 
s déterminations des hauteurs par, le baromètre, on a mis à côté 


a 


Beau ciel. 

Term. 

Idem. 

Idem, 

Pluie. 
Nuageux. 
Beau ciel. 
Pluie. 
Beau ciel. 

Idem. ñ 

Idem. 

Idem, 
Légères vapeurs. 
Nuageux. 

Ciel vaporeux, 
Nuageux. 
Beau ciel. 
Nuageux. 

Idem. 

Bu ciel. 

Idem. 
Couvert. 

Pluie à 5 heures. 
Nuageux, 
Beau ciel. 

Idern. 
Couvert. 
Pluie par intervalles. 
Nuageux. 
Beau ciel. 

Idem, éclairs. 


dire,en millimètres et 


dans le mois, on a substitué le mazximurr et le minimum moÿens , 


ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoirede Paris ct pas 
ntésimaux , afin de rendre ce Tableau uniforme, 


212 JOURNAMDE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ais | 
MÉMOIRE 


SUR LA FORCE MAGNÉTISANTE 


DU BORD LE PLUS RECULÉ DU RAYON VIOLET DU SPECTRE SOLAIRE ; 


PAR PIERRE CONFIGLIACHI, 


‘ 


Professeur +” expérimentale dans l'Université de Pavie. 


EXTRAIT par E. MAZION. 


M. MoricHintr, physicien et chimiste à Rome, a prétendu 
que comme les rayons solaires contiennent deux fluides, savoir « 
la lumière et le calorique, dont il est impossible de calculer 
la pesanteur , ils pourroïent en renfermer également deux autres 
de la même nature, savoir l’électrique et le magnétique. Les 
appareils électromoteurs de Ritter, construits avec une série 
d’aimants, lui ont paru ne laisser à cetégard-aucun doute; mais 
mes expériences n’ont démontré que ces apperçus n’étoient point 
concluane. 

Morichini , selon moi, n’a pas mis assez de soin dans Ja pré- 
paration des aiguilles d’acier qui devoient servir à sesexpériences, 
[I les a d’abord plongées dans le rayon violet à un foible degré 
quelconque de magnétisme : mais il n’a pris aucun moyen pour 
s'assurer si elles étoient dans un équilibre parfait sur leurs pivots, 
circonstance essentielle, non-seulement parce que plus les oscil- 
lations de ces aiguilles sont libres, moins une nouvelle force 
les combine avec celle de la direction magnétique, pour en dé- 
terminer la position lorsqu'elle sont en repos; mais encore parce 
qu’alors elles ressentent moins l'influence du magnétisme naturel 
ou terrestre. M, Morichini se contente de dire que les aiguilles 

s'élevoient 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 213 


- s'élevoient sur un pivot au moyen d'un fil de verre, qu’elles 
étoient très-mobiles, se maintenant dans toutes les directions, 

sans parler ni du temps qui s’est écoulé dans cette position, 

ni observer leur indifférence pour une direction quelconque. 


J'ajoute que les expériences citées ont été faites trop en petit 
pour ne laisser aucun doute sur leur résultat; plusieurs d'elles 
sont sujettes à diverses anomalies , tandis que l’une auroit pu 
servir de confrontation avec l’autre, et toutes ensemble offrir 


celte certitude physique nécessaire pour constater la vérité d’un 
nouveau fait. 


Enfin il est impossible de.distinguer dans quelles expériences 
influent les effets du magnétisme ou du calorique : distinction 
que le physicien auroit dû regarder comme essentielle pour 
constater le mérite de sa découverte. Je diviserai, dit Confi- 
gliachi, mes expériences en deux séries. 


PREMIÈRE SÉRIE. 


Expériences et observations sur l'influence du Magnétisme 
naturel sur les Aiguilles de fer et d'acier non-aimantées. 


J'ai divisé ces expériences en deux ordres. Les premières ont été 
faites dans un lieu obscur entièrement privé de lumière; les se- 
condes dans un lieu entièrement éclairé de la lumière du jour. 


PREMIER ORDRE. 


Première expérience. Je plaçai dans une chambre dont les 
murs étoient teints en noir, et que j'avois rendue autant obscure 
qu’il étoit possible , des aiguilles de différentes longueurs avec 
leurs pivots, les unes de fer et les autres d’acier, toutes sans 
aucune propriété sensible de magnétisme. Dans l'endroit destiné 
à ces expériences régnoit la plus parfaite tranquillité; et pour 
que les mouvemens de ces aiguilles ne fussent point altérés par 
l'agitation de l'air que j'occasionnois en m’en approchant pour 
FRROTRIE leur direction, je couvris chaque it d’une cloche 

e verre, 


Deuxième. Les aiguilles étoient placées au moins à six pieds 
de France, de distance l’une de l’autre, sur des tablettes longues 
et nues ; j'éloignäi de cette chambre tout corps contenant du fer 
-æet de l'acier. J’observerai qu’en répétant plusieurs fois ces expé- 


Tome LXXVII. SEPTEMBRE an 1813. Ee 


214 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


riences, je plaçai dans le même endroit, d’abord une aiguille x 
ensuite deux, puis trois, et enfin six, pour connoître si les ré- 
sultats des expériences varioient quand les aiguilles de fer ou 
d’acier se trouvoient plus exposées , et par là éloigner ou vérifier 
le soupcon d’une opération sensible des unes sur les autres, Je 
suis demeuré convaincu de l’inutilité de cette précaution lorsque 
les aiguilles étoient placées à la distance précitée. Je n’appercus 
aucune différence quand une, deux ou plusieurs aiguilles étoient 
aimantées dans le même temps. 


Troisième. Plusieurs fois le jour je venoïs dans cette chambre 
pour saisir la direction des aiguilles soumises à l'expérience. Pour 
en juger avec certitude, avant de les y placer, je marquai avec 
diverses bandes de papier collées cà et là, proche de l'endroit 
où reposoient les Re sur les tablettes, la direction du mé- 
ridien magnétique ; j'employai pour cette opération, un barreau 
aimanté de 9 pouces dédbre. n déclinatoire magnétique placé 
ailleurs, devoit n'avertir des changemens sensibles qui survien- 
droient, dans la direction naturelle magnétique, pendant tout le 
temps queles aiguilles étoientsoumises à mes expériences. D’autres 
bandes de papier, ou des moyens semblables, m'indiquant les 
changemens que pouvoient subir les tablettes elles-mêmes, me 
permettoient d'observer les véritables directions des aiguilles 
non-aimantées, exposées de cette manière à l’action du magné- 
tisme naturel. 


Quatrième. Presque toutes les aiguilles de fer et d'acier sou- 
mises à l'expérience dans les circonstances qui viennent d’être 
décrites, ont acquis une direction un peu différente de la ma- 
gnétique, et quelques-unes se trouvoient en repos précisément 
du côté du méridien magnétique. Plusieurs observations que j'ai 
faites dans ces circonstances, m'ont appris que sur dix aiguilles, 
sept au moins acquéroient naturellement cette propriété ma- 
gnétique. : k 
* Cinquième. Une circonstance qui mérite toute nofre ätteution, 
c'est que le temps nécessaire pour que les aiguilles soient douées 
de la direction magnétique, n’est pas le même pour toutes. 
Quelques-unes, du moment où elles sont en repos , c’est-à-dire, 
au bout de cinq à dix minutes, se dirigent vers les pôles ma- 
gnétiques, mais c’est le plus petit nombre. La plapart ont besoin 
d'un plus long intervalle, et quelques-unes de dix à vingt jours. 
Le temps ordinairement demandé pour pouvoir 6bserver ce phéno- 
mène ; n’es{ pas plus de 12 heures, lorsque le lieu où sont placées 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 215 


les aiguilles est tranquille, solidement construit, ou sur un terrain 
sa point sujet à des oscillations fortes et fréquentes. Plus le 

ocal est petit, plus il est favorable au phénomène, en aidant 
pour ainsi dire la force magnétique à vaincre les résistances 
-qu'éprouvent les aiguilles, quoique très mobiles, à tourner sur 
leurs pivots; c’est ce dont on peut s'assurer quand on provoque 
ces légers mouvemens en secouant avec un doigt la tablette 
sur laquelle reposent les aiguilles. 


Sixième. Mes expériences furent continuées pendant quatre 
mois, et dans ce long espace de temps, j'ai pu me convaincre 
que les aiguilles qui, pendant environ un mois, n’avoient donné 
aucun signe de magnétisation naturelle, par le moyen de leur 
direction , en admettant des circonstances semblables, n’étoient 
pas susceptibles de l’acquérir au bout d’un plus long temps, 
par exemple après deux ou plusieurs mois ,et que par conséquent 
on pouvoit les regarder comme rebelles au magnétisme terrestre. 
J’ai dit, en admettant des circonstances semblables, car j'ai ob- 
servé que chacune de ces aiguilles rebelles, frappée à plusieurs 
reprises, tournant ensuite lâchement sur son pivot, acquéroit 
la direction magnétique, quoiqu’elle se fût montrée d’abord aussi 
indifférente pour elle que pour toute autre, | 


Septième. Les aiguilles d’un fèr doux et poli sont ordinaire- 
ment les premières à donner signe de magnétisation naturelle. 
Celles d’un fer noirâtre et dur se montrent plus tardives et 
beaucoup plus encore celles d’aeier, surtout si ‘elles: sont forte- 
ment trempées. La même chose arrive lorsque le fer ou l'acier 
se magnétisent artificiellement. Les autres circonstances égales, 
les aiguilles longues sont plus promptement susceptibles de ma- 
gaétisation que les courtes. 


Huitième. L'action du magnétisme naturel est soumise à des 
accroissemens continuels, mais lents et foibles, si les aiguilles 
sont d'acier ou d’un fer dur, ce qui n’arrivepas lorsqu'elles sont 
d’un fer doux. 


Neuvième. La direction que prennent naturellement ces ai- 
guilles, décline d’ordinaire du méridien terrestre vers l’occident À 
plus que celle des aiguilles artificiellement et fortement aimantées: 
c'est ce que l’on observe surtout dans les premières heures où 
les aiguilles sont placées sur leur pivot. Les petites variations 
qui surviennent dans la direction des aiguilles aimantées, ne 
permettent pas d'établir une comparaison exacte entre elles, et 


Ee 2 


216 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les variations de la déclinaison magnétique auxquelles sont sujettes 
les aiguilles artificiellement aimantées. 

Dixième. L’inclinaison, autre propriété qui se manifeste aussi 
dans les aiguilles naturellement magnétisées , étoit toujours 
très-petite comparativement à celle qu'indiquoit Pinclinatoire de 
la pièce où je faisois mes expériences et mes observations. 

Onzième. Artificiellement éloignés de leur direction, toutes 
ces lames ou barreaux de fer, ou d'acier, restent naturellement 
magnétisés, les uns plus, les autres moins. Il ne falloit jamais 
autant de temps pour les rétablir dans la direction magnétique 
qu'ils avoient déjà acquise, que celui qu'ils avoient demandé 
lorsque je les plaçai la première fois sur leurs pivots; mais il 
étoit plus proportionné au degré de magnétisation qu’ils avoiéné 
recu. Conséquemment ils conservoient sensiblement le magnétisme 
vaturel dont ils avoient été investis. Pour constater un fait aussi 
intéressant , j’enlevai dix de ces aiguilles de dessus leurs pivots, 
je les posai sur üne tablette dans une direction semblable à celle 
qu’elles avoient étant sur leurs pivots; je les laissai pendant huit 
jours avant de les remettre en action; je demeurai alors con- 
vaincu qu’elles n’avoient pas perdu d’une manière sensible leur 
puissance magnétique. 

Douzième. Ce dont on peut se convaincre en répétant les ex- 
périences , c’est que les aiguilles de fer doux, détournées de la 
direction magnétique qu’elles avoient acquise, ou enlevées de 
leurs pivots, changent fréquemment lorsqu'on imprime des oscil- 
lations sur leurs pôles, tandis que ce phénomène est rare si 
l’on opère sur des aiguilles de fer dur, et beaucoup plus encore 
quand on en emploie d’acier. Ce qui semble prouver que dans 
le fer doux la disposition à se magnétiser facilement et natu- 
rellement est de durée, et qu’il n’en est pas de même de la fa- 
culté magnétique par lui déjà acquise. 

Treizième: Le ehangement des pôles se produit aussi facile- 
ment sur les aiguilles magnétisées naturellement , ou illes oblige 
à rester pendant quelque temps tournées dans la direction op- 
pose à celle que leur avoit donnée le magnétisme terrestre , ou 

ien on les éprouve par le moyen d’un aimant dont l’intensité 
est extrêmement forle en comparaison du foible degré de Jeur 
magnétisme, Pour obtenir cet effet, il n’est pas nécessaire que 
l'aimant de la partie du pôle ennemi touche l'aiguille naturel- 
lement et foiblement aimantée, ainsi que j'ai eu très-souvent 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 217 


occasion de l'observer. Sa proximité de l'aiguille: suffit pour 
produire un semblable effet; car lorsque l’aimant est plus fort 
et plus rapproché de l'aiguille, les phénomènes de répulsion 
cessent , l’aimant attirant autant le pôle ami de Päiguille que 
le pôle ennemi. 


Quatorzième. J'ai répété toutes les expériences précitées en 
tenant les aiguilles dans un parfait équilibre sur leurs pivots, 
avec l'attention néanmoins de les rendre un peu plus pesantes 
d’un côté que de l’autre, pour reconnoître si l’inclinaison rendroit 
plus efficace l’action du magnétisme du globe. Si ces expériences 
n’ont point été couronnées de succès, elles servirent du moins 
à me faire connoître un nouveau fait analogue à ce que d’autres 
physiciens ont observé dans des circonstances semblables. Une 
foible inclinaison suflit pour ne pas rendre les aiguilles inertes. 
Quoique je n’aie trouvé aucune différence sensible soit relative- 
ment au temps nécessaire pour les magnétiser naturellement, 
soit pour la force magnétique qu'elles avoient acquise en com- 
paraison de celle d’autres en parfait équilibre sur leurs pivots, 
néanmoins en général elles m'ont présenté le phénomène que le 
pôle nord se déterminoit dela partie plus inclinée vers l'horizon. 

Quinzième. Ces expériences prouvent clairement que l’in- 
fluence du magnétisme terrestre s’étend petit à petit presque 
sur toutes les aiguilles soit de fer, soit d’acier, non-aimantées, 
sans le concours de la lumière; mais la lumière peut peut-être 
influer puissamment sur ces effets? c’est un nouveau problème 
que les faits auroient dû résoudre. , 


SECOND ORDRE, 


Seizième. Les expériences et les observations rapportées dans 
le premier ordre ont été répétées avec de nouvelles aiguilles de 
fer et d'acier, qui ne présentoient aucuns signes sensibles de 
magnétisme dans une chambre où toutes les circonstances ci- 
dessus étoient égales, excepté le concours de la lumière. La 
chambre dont les murs avoient été blanchis recevoit le plus 
beau jour. J’y disposai les aiguilles de manière qu’elles n’étoient 
pas directement frappées des rayons de la lumière; car je songeois. 
dès-lors à faire dans un autre temps les expériences relatives à 
“cette circonstance. 


[ . 
Dix - septième. Les résultats de mes nouvelles expériences 
furent en tout conformes à ceux que j'avois obtenus dans l’obs- 


218 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


curité, et legs phénomènes observés soumis aux mêmes anomalies 
de les premiers. La lumière, par conséquent, ne favorise pas 
une manière sensible l’action constante du magnétisme terrestre. 


Dix-huitième. Je tentai alors avec autant de confiance que 
de joie, d’autres expériences. Je n’employai plus des aiguilles de 
fer et d’acier très-petites et très-mobiles sur leurs pivôts; mais 
lg plaçai au milieu de quelques chambres des barreaux de six 
pieds de long, et plusieurs instrumens de fer qui ne paroissoient 
point aimantés, tenus dans un parfait équilibre. Ces expériences 
m'ont encore plus convaincu que celles faites sur les aiguilles, 
que les barreaux ainsi que les instrumens de fer se dirigeoient 
vers le méridien magnétique. 

Dix-neuvième. Je soumis à l'expérience, avec une aiguille 
foiblement aimantée, trois barreaux de fer dur battu à plusieurs 
reprises; deux de ces barféaux avoient environ cinq pieds de 
long sur un demi-pouce d'épaisseur, et l’autre trois pieds de 
long sur un tiers & pouce de largeur et d’épaisseur, à l’effet 
de découvrir s'ils possédoient déjà les propriétés magnétiques. 
Hs m'offrirent leurs extrémités également aimantées vers le pôle 
nord, et le milieu de leur longueur vers le pôle sud. Craignant 
d'abord de ne pas pouvoir découvrir la véritable cause de ce 
phénomène qui auroit pu provenir de la foiblesse magnétique 
de l’aiguille dont je m’étois servi, comparativement à la force 
dont ces barreaux étoient naturellement doués, je présentai à. 
d’autres aiguilles beaucoup plus fortes que la premiére, tantôt 
d’un côté et tantôt du côté 6pposé, mais toujours à distance 
égale, les extrémités de ces barreaux, ainsi que la partie voisine 
du point qui les divisoit en deux portions égales ; et, à ma grande 
surprise , je demeurai convaincu que les pôles amis étoient 
ceux qui avoient montré leur vertu magnétique aux deux extré- 
mités, de même que les pôles ennemis des mêmes étoient ceux 
existans au milieu de la Loétenr des barreaux. 

_ Vingtième. En examinant attentivement ce phénomène sin- 
guber, je reconnus que les barreaux longs dont les points cor- 
séquens étoient placés à rebours, n’étoient proprement que deux 
äimans réunis de la partie du pôle sud par le moyen d’une portion 
de fer dont la force coercitive étoit un obstacle insurmontable à la 
répulsion des deux pôles ennemis contigus. Après avoir soutenu les 
barreaux verticalement avec un fil, Je rapprochai les Se de 
manière à être’ voisins et latéraux de l’extrémité de leur lon- 
gueur, tantôt au pôle sud, tantôt au pôle nord , d’une aiguille 


ET D'HISTOIRE NATURELLÉ: 219 


bien aimantée, et j'observai que pour un intervalle de trois pouces 
à peu près, il n’y avoit eu aucun signe de répulsion particu- 
lère, ou de tendance de l'aiguille vers les barreaux, ce qui 
auroi avoir lieu si les deux pôles du même nom eussent été 
loignés, et comme on l’observe dans les aimans qui 
üsieurs pôles ou points conséquens , se succédant les uns 
auxsautres. En partageant les barreaux en deux parties égales, 
après en avoir fit deux aimans, et répété sur leur extrémité 
l'expérience ci- dessus, non-seulement je n’apperçus aucun chan- 
gement dans la gente de leurs pôles, mais je me confirmai 
encore plus dans l’opinion que le centre d’action du pôle nord 
étoit beaucoup plus voisin de l’extrémité de la verge de fer, 
que le centre d’action du pôle sud de l'extrémité opposée. 


Vingt-unième. Je ne doisgpoint oublier de dire que le cé- 
lèbre Volta a observé un bhénoMine pareil sur une aiguille d'acier 
beaucoup moins longue que les bafreaux que j'ai employés dans 
mes expériences. s 


Vingt-deuxième. Ce phénomène intéressant me fournit l’oc- 
casion d'inviter les physiciens à faire attention, non-seulement 
que les centres d'action magnétique sont placés à une petite dis- 
tance de l'extrémité des aiguilles, ou des barreaux, mais encore 
que cette distance peut varier. 


Vingt-troisième. Je ne dois passer non plus sous silence 
une autre observation que j'ai ’est que d'ordinaire les pôles 
sud dans les aiguilles et Les barrt i s’aimantent d'eux-mêmes, 


et surtout lorsqu'ils sont d’un fer doux, toutes autres circons- 
tances égales, présentent plus sensiblement etavec plus de force, 
les phénomènes d’attraction et de répulsion que les pôles nord. 


Vingt-quatrième. Comme j'avois fait la plupart de mes ex- 
périences sur des aiguilles placées sous verre, pour m’assurer si 
cette circonstance n’auroit pas un peu diminué l'influence du 
magnétisme terrestre, j'observai quelques aiguilles sous verre, 
et d’autres exposées à l'air de la chambre. Six expériences m'as- 
surèrent qu’il ny avoit aucune différence dans les effets produits 
dans l’un et l’autre cas. 


V'ingt-cinguième. N'ayant obtenu aucun résultat avantageux 
de cette première série d'expériences, J'ai voulu en faire quel- 
ques-unes sur l'influence de la position des que relativement 
à l’horizon, à l'effet de les rendre plus facilement et plus sen- 
Siblement magnétiques. J’ai suspendu en conséquence dans une 


220 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


direction verticale, douze aiguilles, dont six de fer doux et six 
d'acier. Je les laissai pendant dix jours sur leurs pivots. Le ré- 
sultat de ces expériences fut que les premières se placèrent plus 
vite et plus exactement que les secondes, dans la directiôn du 
méridien magnétique. 


Vingt-sixième. En répétant ces expériences, je laissaill 
guilles dans une position verticale, l’espace de dix jours, {80 
plus, tantôt moins long-temps, ce qui me mit à même d'observer 
que plus elles avoient été de temps dans cette position avant de 
les placer sur leurs pivots, plus facilement elles montroient leur 
polarité et de force magnétique. 


Là Æ ingt-septième. Pour m’assurer encore davantage de ces faits, 
Ja1 suspendu dans une position verticale quelques aiguilles de 
fer et d’acier, de manière que ôle nord des unes se trouvoit 
dans la partie plus élevée, tandis que dans d’autres le pôle sud 
éloit en dessus, Les pôles de quatre aiguilles de fer doux, re 
tenues avec le pôle te placé en dessus, se retournèrent, 
deux seulement restèrent dans leur première position; au contraire, 
sur six aiguilles d’acier soumises à cette expérience, une seule me 
fit voir le même changement. Aussi toutes les aiguilles tournées 
en dessus avec la partie aimantée nord s’affoiblirent, tandis que 
dans la plupart de celles qui avoient le pôle austral à leur partie 
supérieure, la force magnéti dont elles étoient douées prit 
un accroissement sensible, j 
V'ingthuitième. Je poufois rapporter ici plusieurs faits re- 
latifs à l'influence du magnétisme terrestre sur les aiguilles et 
sur les barreaux de fer et d'acier, surtout lorsqu'ils sont placés 
dans des directions diverses; mais pour ne pas fatiguer mes lec- 
teurs, je me conterai de citer un passage extrait du savant 
Mémoire de Musschembroek, sur l'aimant. Après avoir traité 
dans son cinquième chapitre, des effets magnétiques que l’on ob- 
serve naturellement dans le fer, lorsqu'il reste quelque temps 
en repos dans un endroit quelconque, et du magnétisme naturel, 
il ajoute : « Ces expériences nous apprennent que la force de 
» l’aimant renfermé dans le sein de la terre est universelle, qu’elle 
» s'étend partout, qu’elle agit sur le fer et qu’elle le dirige de 

» la même manière que l’aimant attire et gouverne le fer. » 
Vingt-neuvième. Telle est la conséquence de mes expériences 
relativement à l'influence du magnétisme naturel sur les aiguilles 
de fer et d’acie rqu’elles ne me présentèrent aucun signe sen- 
| sible 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 221 


sible d’aimant, lorsqu'elles eurent été posées sur leurs pivots 
pour subir des oscillations, que peu à peu elles acquirent une 
polarité manifeste avec laquelle elles furent douées d’autres pro- 
priélés magnétiques, sans le concours de la lumière composée 
ou décomposée dans les petits rayons diversement colorés. Quant 
au degré différent de magnétisation naturelle insensible, selon 
moi, que les aiguilles ont pu avoir, on peut l'attribuer à la 
différence du temps nécessaire pour que toutes les aiguilles se 
dirigent vers le méridien magnétique, lorsque toutes les circons- 
tances sont égales, à la disposition différente des particules exis- 
tantes dans les différens barreaux de fer ou d’acier , à leur tissu 
différent, et à la direction plus ou moins inclinée vers l'horizon 
qu'on leur aura donnée , ou dans laquelle le hasard les aura 
placés. AA 


Trentième. L'influence de cette dernière circonstance est telle, 
que soüvent les phénomènes magnétiques se renversent tout à 
coup. Je donnerai pour preuve de ©é que j'avance, des expé- 
riences par moi plusieurs fois répétées avec uñ gros barreau pa- 
rallélipipède de fer doux, d’un pouce carré sur six pieds de 
long. IL étoit naturellement magnétisé et ses pôles bien distincts, 
quand je l’approchai d’un autre aimant dan$ ‘üne position hori 
zontale ou presqu’horizontale; aussi changètént-ils subitement 
sans lui donner la plus légère secousse (condition que l’on croit 
nécessaire pour rappeler ce phénomène) : toutes les fois que Je 
l'ai tenu dans la direction perpendiculaire à l'horizon , ou sen- 
siblement inclinée vers lui, il retournoit au-dessus de son pôle 
nord. 

Trente-unième. Loin de vouloir présenter ici quelques hypo- 
thèses pour expliquer les phénomènes dépendans de cette action 
magnétique du globe, universelle et souvent générale, sur le fer 
et sur l'acier, je finirai cette première partie de mon Mémoire, 
en disant, avec Musschembroeck , aux physiciens qui s'appliquent 
à l’étude des phénomènes magnétiques, de ne’ jamais oublier, 
« que la nature paroît avoir caché dans l'aimant des mystères 
» innombrables , que plus nous en découvrons, plus nous sommes 
» éloignés de leur cause, et plus nous tombons dans le doute; 
» enfin, que plus nousapprofondissons ces phénomènes, plus nous 
» sommes obligés d’avouer notre ignorance, » 


Tome LXXVII. SEPTEMBRE an 1813 OF 


222 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


SECONDE SÉRIE. 


Expériences et observations sur l'influence de la lumière 
sur les Aiguilles de fer et d'acier non-aimantées. * 


Je ‘vais vapporter dans cette one série, les expériences 
que j'ai faites pour n'assurer si la lumière a une influence, 
comme l’a dit Morichini, sur lesmiguilles de fer et d’acier non- 
aimantées. Je les divise en deux ordres. 


PREMIER ORDRE. 


Trente-deuxième. Les expériences rapportées sous le n° 16, 
ont suflisamment démontré que l’action du magnétisme du globe 
m’avoit pas acquis la moindre force par le concours de la lu- 
mière du jour qui éclairoit naturellement l'endroit où se trott- 
voient les aiguilles dont nous parlons; mais pour ne laisser 
subsister aucun doute à cet égard, j'imaginai de plonger un 
nombre égal d’aiguilles de fer et d’acier dans la lumière directe 
du soleil indécomposée. 


Trente-troisième. Je choisis en conséquence six aiguilles de 


fer et six d'acier dont les pivots, dans un équilibre parfait, 


éloient placés, d'après la manière accoutumée, dans la chambre 
noire de l'Université, destinée aux expériences d'optique. Au 
moyen d’un grand trou pratiqué dans l'un des murs de cette 
chambre , j'introduisis un cylindre de lumière dans lequel je 
ponscal les douze aiguilles, et les y laissai dix heures : dans 
d'espace de trois jours, la plupart de ces aiguilles se placèrent 
dans les directions qu’elles divisoient sur des angles divers, direc- 
tions qui n’étoient pas moindres de 10° de celle du méridien ma- 
gnétique; tandis que deux seulement , l’une de fer et l’autre 
d’acier, restèrent en repos, déclinant, l’une de 6° et l’autre de 2° 
à l'occident de l'axe magnétique. Ni ces deux aiguilles, mi les 
dix autres, ne donnèrent aucun signe de polarité aequise par 
le moyen des phénomènes d'attraction ou de-répulsion. 
Trente-quatrième. J'ai répété pendant un bien plus long espace 
de temps, avec les mêmes aiguilles, cette expérience extrême- 
ment facile. Deux aiguilles de fer seulement légérement éloignées 
de la direction dans laquelle elles étoient placées, et qui décli- 
noient un peu de celle du méridien magnétique, montrèrent 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 223 


quelque tendance à reprendre la même position, tandis que toutes 
les autres, pour peu qu’elles eussent été agitées, changeoïent 
totalement de direction sans la reprendre. J’ai observé la même 
chose, lorsque toutes ces aiguilles enlevées .de leurs pivots, se 
reposoient sur elles-mêmes ; la direction qu’elles prenoient alors 
étoit diflérente de celle qu’elles avoient eue d’abord, excepté 
lorsque, ce qui arrivoit quelquefois, la nouvelle direction coïn- 
cidoit avec la précédente, sans être pour cela celle de la ligne 
méridiano-magnétique. 

Trente cinquième. Le moyen d’éloigner les aiguilles employées 
dans ces expériences, de la position dans laquelle elles se trou- 
ent quand elles sont en repos, sans faire usage d’aucun aimant, 
est le meilleur pour s'assurer si la direction parallèle ou presque 
parallèle à l’axe magnétique, que prennent quelques-unes d’entre 
elles, est constante ou accidentelle ; deux aiguilles, l’une de fer 
et l’autre d’acier, qui s’étoient rapprochées du méridien magné- 
tique dans le commencement de ces expériences, ne montrèrent 
aucun penchant à reprendre cette direction lorsqu'on les en avoit 
détournées, tandis que deux autres aiguilles de fer furent cons- 
tantes dans leur inclinaison vers la direction primitive. 


Trente -sixième. Le degré de magnétisme obtenu par ces deux 
dernières aiguilles étoit si foible que, bién loin de l’attribuer à l’ac- 
tion de la lumière, on doit plutôt lui donner pour cause l'influence 
continuelle du magnétisme terrestre. Le petit nombre d’aiguilles 
qui montrèrent une très-foible tendance à reprendre la première 
direction presqu'homologue avec celle des pôles magnétiques, 
les anomalies continuelles auxquelles ces phénomènes sont sujets, 
tout, enfin, permit d'admettre une pareille conséquence. 


Trente-septième. Je dois faire observer que j'entrepris ces ex- 
périences aux heures du jour où l’action de la lumière du soleil 
est la plus vive et a le plus d'intensité, 

Trente-huitième. Je voulus m'assurer si en faisant usage d’un 
seul contact, toutes ces aiguilles s’aimanteroient aisément; en 
effet quelques-unes de fer s'aimantèrent sensiblement avec le 
simple altouchement momentané d'un des pôles dont l'aimant 
n'éloit pas très-vigoureux, 

Trente-neuvième. Je répétai ces expériences avec l'attention 
de ne plonger dans la lumière vive que l’extrémité de Paiguille 
qui m'étoit pas sensiblement aimantée.. Les résultats en furent 
les mêmes, Enfin, aux aiguilles qui n'étoient pas magnétiques, 

Ff2 


224 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


j'en substituai d’autres qui m’avoient donné de faibles indices 
de polarité, Je mis donc l'aiguille toute entière dans le cylindre 
Jumineux , je fis tomber seulement la lumière sur une de ses 
extrémités; mais, dans l’un ni dans l’autre cas, les rayons de 
lumière n’ajoutèrent rien à la force magnétique que les aiguilles 
possédoient déjà. à 
Quarantième. Mais si la lumière vive et directe du soleil 
n'étoit pas un moyen efficace de magnétiser les lames de fer 
ou d'acier , ou pour raviver le peu de magnétisme dont quelques- 
unes d'elles étoient douées, peut-être que concentrée elle l'auroit 
fait. Je m'empressai donc de répéter ces expériences en con- 
centrant les rayons solaires avec une lentille convexo-convexe, 
dont le foyer tomboit sur les aiguilles non-aimantées. J’en em- 
ployai huit dans cette expérience, savoir, quatre de fer et 
quatre d’acier; et pour que le magnétisme naturel concourût 
le moins possible à leur magnétisation, bien loin de les placer 
sur leurs pivots et de les tenir retournées dans la direction du 
méridien magnétique, je les placai sur une tablette d’ardoise, 
dans une direction semblable à celle de l'axe magnétique. 


Quarante-unième. Ces huit aiguilies furent soumises plusieurs 
fois, pendant l’espace d’une heure environ, à l'action de la lu- 
mire concentrée. Deux d’entre elles qui étoient de fer , acquirent 
un peu de magnétisme, Posées sur leurs pivots, elles montrèrent 
une tendance décidée vers la direction magnétique que, malgré 
cela, elles n’acquirent jamais parfaitement. 


Quarante-deuxième. Aux aiguilles qui ne s’étoient pas d’abord 
sensiblement aimantées, j’en substituai d’autres qui l’étoient foi- 
blement. Celles-là attirèrent une plus grande quantité de limaille 
de fer qu’elles ne l’avoient fait au commencement de l’ex- 
périence. 

Quarante-troisième. En réfléchissant attentivement aux phé- 
nomènes rapportés dans les deux paragraphes précédens, et aux 
circonstances qui les accompagnoient, Je soupconnai que la foible 
magnélisation, ou l'augmentation du pouvoir magnétique pro- 
venoit de l'élévation de la température produite par la lumière 
concentrée dans ces aiguilles. La température, en effet, étoit si 
forte, qu’au hout de quelques secondes il n’étoit pas possible: 
de toucher ces aiguilles sans ressentir une impression douloureuse. 


Quarante-quatrième. Les belles expériences de Gilbert, de: 
Boÿle et d’autres célèbres physiciens sur les lames ou verges 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 225 


de fer, m'avoient appris que rougies au feu , ou fortement 
chauffées , elles devenoient plus facilement magnétiques. En con- 
séquence, au moment de répéter les expériences ci-dessus avec 
d’autres aiguilles, j’imaginai de porter leur température à un 
degré de chaleur encore plus intense, par le moyen de la lu- 
mière beaucoup plus concentrée, me flattant ainsi d'obtenir des 
effets plus décisifs. Je me servis en conséquence d’une lentille 
d’un seul morceau de flintglass de 14 pouces de diamètre, propre 
à fondre en une minute diflérens métaux, et à vitrifier toute espèce 
de terre. Je diminuai encore sa distance du foyer avec une autre 
lentille d’un foyer plus petit pour la rendre plus active. 


Quarante-cinquième. Le résultat de cette expérience trompa 
mon attente; des quatre aiguilles de fer et des quatre d’acier 
que j'y avois soumises , deux seules de fer donnèrent des indices 
foibles et non équivoques de polarité, tandis que les autres con- 
tinuèrent à se montrer indiflérentes à la direction magnétique, 
et par conséquent beaucoup plus privées des autres facultés de 
l’aimant: 

Quarante-sixième. À celte première tentative j'en fis suc- 
céder une autre , dans laquelle je me contentai de changer seu- 
lement les aiguilles non-magnétiques , en d’autres petites verges 
dumême poids et de la même longueur, mais déjà un peu ai- 
mantées. Cetle seconde expérience ne fut pas plus satisfaisante 
que la première. Une petite lame de fer et une autre d’acier 
conserverent un peu de leur magnétisme, tandis que deux autres 
le perdirent sensiblement. 


Quarante-septième. La différence et les contradictions exis- 
tantes dans ces résultats , m'obligèrent de varier mes expériences. 


Je ne tins plus, comme je l’avois fait jusque-là, les petites 
James qui n’étoient point encore magnétiques, dans la direction 
semblable à celle de l'axe magnétique ; mais je les plaçai dans 
Ja direction du méridien magnétique, en les posant en même 
temps aux degrés de l’horizon qu'indiquoit linclinatoire. Je vis 
avec la plus grande joie, cinq aiguilles sur huit non-magnétiques 
sortir de cette*expérience polarisées. 

Quarante-huilième. J'ai répété plusieurs fois cette expérience 
avec d’autres lames non-aimantées, et toujours elle m'a donné 
des résultats Qui m'ont assuré que d’ordinaire l'extrémité des 
aiguilles soumises à l’action de la lumière si fortement concentrée, 
est propre à les diriger vers le méridien magnétique, et que les 


326 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


aiguilles de fer, en comparaison de celles d’acier, acquéroient 
celte faculté dans la proportion de 3 à r. 


Quarante -neuvième. En chauffant à plusieurs reprises, au 
moyen de la lentille, les lames de fer ou d’acier déjà polarisées, 
leur vertu magnétique ne s’accrut pas d’une maniere sensible, 
comme elles n’en perdirent pas, tant qu’elles furent soumises aux 
expériences dans cette direction. Les pôles se changèrent quel- 
quelois dans ces lames, changement beaucoup plus constant et 
plus fréquent dans celles de fer que dans celles d’acier. 


Cinquantième. Par conséquent la Jumièreaulieu d’étreunmoyen 
direct pour produire quelques phénomènes magnétiques, en est 
encore moins la cause orarrelle est fortement concentrée : car 
alors on peut la regarder comme une source abondante de ca- 
lorique, et par cela même, capable d'élever au plus haut degré 
la température de l’acier, principalement celle du fer; elle est, 
comme la combustion , un moyen à l’aide duquel les effets du 


magnétisme terrestre se rendent plus promptement sengibles. 
SECOND ORDRE. 


Cinquante-unième. Mais si la lumière indécomposée très-con- 
centrée est privée par elle-même de la force magnétisant leffer 
et l'acier, peut-être néanmoins quelques-uns de ses rayons diver- 
sement réfrangibles et colorés, dans lesquels le prisme la divise, 
et surtout le rayon violet, d’après les expériences récentes de 
M. Morichini, l’auront-ils? Non-seulement la réfraction diverse à 
laquelle les rayons sont soumis, mais encore le degré différent 
de chaleur que produisent des circonstances semblables, et les 
diverses facultés chimiques qu’on leur attribue, donnent lieu de 
soupconner qu'ils sont en état de produire bien d’autres phéno- 
mènes magnétiques, que ne peut pas produire la lumière vive 
qui les accompagne. 


Cinquante-deuxième.On avoit avancé que extrémité du bord 
du rayon violet étoit magnétique : ce fut en conséquence vers 
lui que je dirigeai d'abord mes expériences. Javois conservé 
à cet eflet deux aiguilles de fer et deux d’acier, elles avoient 
5 pouces de long ; montées sur leurs pivots, elles ne montrèrent 
pas plus de penchant pour l’une que pour l’autre direction; je 
placai avec deux fils de laiton chaque aiguille séparément sur une 
tablette de bois, de manière qu’elles s’y trouvoient horizonta- 
lement, et dans la direction conforme à celle de l'axe magné- 


. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 227 
tique, En dirigeant un rayon de lumière par le moyen du prisme, 
il étoit aisé de faire tomber le bord extrème de la bande violette 
sur aiguille sonmise à l’expérience : en élevant les fils qui la 
ienoient suspendue , et en faisant glisser la tablette horizonta- 
lement, on pouvoit la conserver constamment plongée dans le 
même rayon coloré, sans laire usage de l’héliostat, 

Cinquante -troisième. Chacune de ces quatre aiguilles resta 
plongée à six reprises, pendant trois heures, dans le rayon violet: 
placée après chaque immersion sur son pivot, aucune ne m'in- 
diqua qu’elle avoit acquis une direction magnétique ou polaire, 
et encore moins des signes d'attraction et de répulsion. Point de 
doute cependant qu’elles ne fussent susceptibles de magnétisation, 
car en employant les méthodes connues, j'en aimantai fortement 
deux , l’une de fer et l’autre d'acier, | 


Cinquante-quatrième. Quant aux deux qui r’étoient pas encore 
magnétiques, avec la lentille convexo-convexe, Je coucentrai le 
rayon violet en faisant glisser sur ces aiguilles le foyer de la 
lentille, pendant trois quarts d'heure, à trois reprises difiérentes ; 
mais ce fut inutilement, 

Cinguante-cinquième. M. Morichini prétend que le temps le 
plus long qu'il ait employé à magnétiser ses aiguilles avec le 
rayon violet, a été de 2 heures environ en difiérentes fois. 
Pour moi, je les y ai laissées l’espace de 28 heures, sans apper- 
cevoir aucun des phénomènes observés par ce physicien. 

Cinquante-sixième. Je me procurai ensuite dix autres lames, 
les unes de fer et les autres d’acier, que je placai sur leurs 
pivots ou sur l’eau, pour voir si elles se dirigeroient plus promp- 
tement vers le méridien magnétique; je n’obtins pas de résultat 
plus satisfaisant. Deux seulement, lune de fer et l'autre d’acier, 
montrérent quelque foible tendance à prendre plus promptement 
la direction de l’aimant. Plusieurs de ces lames laissées pendant 
plusieurs jours sur l’eau ou sur leurs pivots, se retournèrent, et 
surtout celles de fer, dans une direction presque homologue à 
celle de l’axe magnétique; mais il faut attribuer ce fait à l'action 
continue et eflicace dus magnétisme terrestre qui agit sans le 
concours de la lumière et de ses rayons diversement réfrangibles. 


Cinquante septième. Enfin je soumis aux expériences huit ai- 
guilles dont quatre de fer et quatre d'acier, foiblement aimantées; 
elles n'acquirent pas une force magnétique bien sensible : j’ob- 
serverai que dans une de ces aiguilles de fer, j'appercus le phéno- 


228 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nomène accoutumé de changement, changement dont j'ai été 
témoin plusieurs fois, lorsque les aiguilles n’avyoient pas été plon- 
gées dans la lumière composée ou décomposée. 


Cinguante-huitième. J’ai suivi, comme on peut le voir dans ces 
expériences , une méthode différente de celle du physicien romain. 
Comme l'influence du magnétisme terrestre est aussi prompte et 
aussi efficace lorsque le fer et l’aciersont constans dans la direction 
magnétique , il me sembloit, d'après ce principe, qu’on ne pouvoit 
rien conclure de certain des expériences relatives à la faculté ma- 
gnétisante du rayon le plus réfrangible. Je placai en conséquence 
deux aiguilles non-aimantées de fer et deux d'acier, dans un 
équilibre parfait et retenues, à la manière de Morichini, sur leurs 
pivots dans le méridien magnétique; je les plongeai ensuite dans 
le rayon violet, à trois diverses reprises dans l'espace de deux 
heures. La magnétisation des premières avec le rayon violet 
ayant cessé, je me convainquis que ni celles-là, ni les autres 
n’avoient acquise de force magnétique. Deux aiguilles de fer et 
üne d’acier, de celles qui avoient été plongées dans le rayon 
violet, ainsi que de celles qui n’avoient pas subi cette épreuve, 
se trouvèrent polarisées foiblement; je répétai deux autres fois 
cette intéressante expérience avec plusieurs autres aiguilles, et 
la conséquence que j'en tirai fut la même, c’est-à-dire, que le 
magnétisme naturel opère plus promptement et sur un plus grand 
nombre de lames de fer et d’acier, lorsqu'on les tient pendant 
quelque temps dans le méridien magnétique, sans devenir plus 
efficace par l’action du rayon violet. 

Cinguante-neuvième. Après avoir essayé de tant de manières 
l'action du rayon violet, ou simplement direct ou concentré, 
sur les aiguilles de fer et d’acier , j’appréhendai que les autres 
rayons différemment colorés n’eussent pas davantage la propriété 
attribuée au premier. Le résultat général de mes expériences 
à cet égard, fut le même que pour le rayon violet. 

Soixantième. Je répétai plusieurs fois l'expérience rapportée 
dans le paragraphe 58, en tenant artificiellement renversées dans 
la direction magnétique, plusieurs aiguilles de fer ou d'acier, 
non-sensiblement aimantées, qui étoient plongées dans sept bandes 
colorées du spectre solaire, tandis que j'en tenois d’autres as- 
sujéties à la même direction, sans être néanmoins frappées de 
la lumière. J'ai vu deux fois les aiguilles investies des rayons 
rouges et oranges, au moment où elles furent abandonnées à 
elles-mêmes, donner des signes de magnétisme beaucoup plus 

sensibles 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 229 


Sensibles et plus prompts, que celles qui se trouvoient ou daus 


? > ” là A 
Pre ou soumises à d’autres rayons, sans même,en excepler 
e violet, : 


_Soixante-unième. En plongeant à plusieurs reprises les mêmes 
äiguilles dans d’autres zones du spectre solaire, comme je l'avois 
fait dans celle du rayon plus réfrangible, il ne m'a jamais été 
possible d’observer le degré des phénomènes magnétiques , ni 
l'augmentation de la force magnétique acquise par ces aiguilles. 
Néanmoins les physiciens de Rome ont assuré les avoir trouvés 
du moyen d’immersions fréquentes dans le rayon violet. 


Soëxante-deuxième. De toutes ces expériences il résulte donc 
évidemment, qu'on ne peut attribuer aucune influence directe 
Ou indirecte aux rayons diversement réfrangibles du spectre 
solaire, sans même en excepter le violet, pour magnétiser les 
âiguilles de fer ou d’acier. 


Soixante-troisième. Mais relativement aux zones obscures, 
peut être dira-t-on que d’un côté du spectre elles avoisinent le 
rayon rouge, et du côté opposé le rayon violet ? Non-seulement 
tous les rayons du spectre solaire ont la faculté de réchaufler 
les corps, comme l’a prouvé Sénnébier; mais encore le plus 
haut degré de chaleur s’cbtient par des causes semblables, d’après 
Herschel, du rayontrouge à la distance d’un demi-pouce environ. À u 
contraire; selon Scheele, non-seulement le rayon violet réduit 
plus promptement que les autres rayons l’oxide d'argent; mais 
encore d’après les expériences de Wollaston, de Ritter et de 
Bockmann , c’est dans l'obscurité qui avoisine immédiatement 
le rayon le plus réfrangible, que s'opère le plus rapidement la 
désoxigénation du muriate d’argent. Par conséquent, les zones 
obscures limitrophes des rayons rouges et violets ont des rayons 
invisibles calorifiques moins réfrangibles, provenant des colorés, 
et du côté opposé, des rayons chimiques désoxigénés, plus ré- 
frangibles qui partent du même rayon violet. Pourquoi ces ban- 
delettes insensibles douées de diverses propriétés physiques et 
chimiques, ne pourroient-elles pas produire des phénomènes dans 
la magnétisation des aiguilles de fer et d’acier ? 


Soixante-quatrième. Quoique les expériences faites surla force 
mwaguélisante du rayon violet et du rayon rouge ne nveussent 
guère mieux réussi sur les rayons chimiques et calorifiques, 
péanmoins pour mettre la dernière main à mes recherches, j'ai 
dû en tenter quelques autres en plaçant aussi des aiguilles daus 


Tome LXXVII. SEPTEMBRE an 1813. Gg 


330 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les deux zones obscures latérales des extrémités du spectreso- 
laire. Je placai donc dans chacune d'elles , à diverses reprises, 
quatre aiguilles de fer et quatre d’acier, en les tenant suspendues sur 
la tablette de bois précitée. Je répétai sur chacune d'elles trois 
immersions qui ne durèrent pas moins d’une demi-heure, et 
je m’appliquai le plus attentivement possible à examiner si elles 
resteroient constamment dans la limite vers laquelle se porte, 
d’après les physiciens dont j'ai parlé, la plus grande action ca- 
lorifique ou chimique, L’immersion finie, je les plaçai sur leurs 
pivots; mais ni celles enlevées de la zone calorifique, ni celles 
retirées de la zone désoxigénante, ne donnèrent aucun signe 
qu'elles fussent devenues foiblement magnétiques. 


Soixante-cinquième. Je répétai deux autres fois la. même ex- 
périence sur six autres aiguilles, dont quatre de fer et deux 
d’acier, en les laissant, savoir une d'acier et deux defer, pen- 
dant plus d’une heure dans l’obscurité du côté du rayon rouge, 
et autant de temps dans celle du côté du rayon violet, et, dans 
celle ci comme dans les précédentes, rien ne me confirma la dé- 
couverte de Morichini. 


Soixante-sixième. Enfin je soumis aux mêmes expériences 
quelques aiguilles déjà un peu aimantées; mais elles ne me pré- 
sentèrent d'accroissement dans la force magnétique qu’au bout 
d’un long espace de temps. Je dois dire néanmoins, que la force 
magnétique observée depuis dans l’une des aiguilles d’acier, 
prise parmi celles placées dans la zone obscure limitrophe du 
rayon violet, fut un peu plus grande que dans les autres. Mais 
qui ne voit clairement que l’inconstance et la variété de ces 
effets est la preuve la plus évidente que les rayons chimiques 
et calorifiques, ainsi que les colorés, sont privés de la force qui 
magnétise le fer et l'acier. 

Soixante-septième. En réfléchissant aux résultats que j’avois 
obtenus de ces différentes expériences, j'imaginai que si quelaues 
faits, tels que ceux j'ai cités, ne pouvoient pas militer en faveur 
de la force magnétisante de la lumière, peut-être rentreroient- 
ils dans la classe nombreuse des anomalies qui modifient parfois, 
l'action du magnétisme terrestre, et que, comme la tourmaline, ils 
proviendroient de la différente température acquise par le fer et 
l'acier plongés pendant quelque temps dansla lumière. Parexemple, 
une température douce augmentant par degrés, et portée à un 
certain point, rend la tourmaline électrique, tandis que si elle 
s'élève trop rapidement, ou elle détruit les phénomènes élec- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 23: 
triques qui ont déjà paru, ou bien elle change l'électricité po- 
sitive en négative, et réciproquement. Les phénomènes que pré- 
sentent le fer et l’acier qui s’aimantent, ne pourroient-ils pas 
avoir la même origine que ceux de la tourmaline, lorsqu'ils sont 
soumis à une température différente ? Les expériences faites sur 
des verges de fer chauflées à un feu ardent ,ne présenteroient-elles 
pas les mêmes phénomènes ? 


Soixante-huitième. Ces réflexions me donnèrent l’idée d'élever 
artificiellement et peu à peu, la température de quelques aiguilles 
de fer et d'acier non-magnétiques , dans les bornes que m’avoient 
indiquées les expériences précédentes. En conséquence, avec de 
la cendre et de l’eau chauflées par degrés, j'entrepris cette ex- 
périence en couvrant les aiguilles avec l’une et en les plongeant 
totalement dans l’autre. Ces tentatives furent répétées plusieurs 
fois, et je dois avouer que les résultats ne se montrèrent pas 
différens de ceux que j’avois eu occasion d'observer en exaltant, 
à l’aide de la lumière non-concentrée , la température des lames 
de fer et d'acier. Mais lorsque les aiguilles eurent été plongées 
dans l’eau mélangée avec de la cendre, dans la cendre elle- 
même , et encore dans l'huile, les unes et les autres chauflées 
à plus de 80° du thermomètre de Réaumur, plusieurs d’elles 
acquirent sensiblement la polarité qu’elles n’avoient pas, et quel- 
ques-unes qui étoient d’abord un peu magnétiques changèrent 
leurs pôles. 

Soëxante-neuvième. Les tables d'observations météorologiques 
qui se trouvent tous les mois dans le Journal de Physique et 
de Chimie du professeur Brugnatelli, n’ont jamais pu me mettre 
à même de tirer aucune conséquence certaine des circonstances 
météorologiques qui pourroient favoriser ou contrarier la ma- 
guétisation naturelle du fer ou de l'acier. 

Soixante-dixième. Six fois le temps fut orageux, et il tonna 
très-fort dans le courant des mois d'avril, de mai et de juin, 
pendant lesquels je fis mes expériences. Je trouvai néanmoins 
dans la chambre où j'opérois , que quelques aiguilles de fer étoient 
devenues avec le temps d’ellessmêmes magnétiques; suspendues 
et très-mobiles sur leurs pivots, elles ne présentèrent aucun chan- 
gement et n’éprouvèrent aucune commotion. Il en fut de même 
de six lames d'acier de 5 pouces'de long, fortement aimantées 
depuis long-temps, que j’exposai, dans les mêmes circonstances, 


à l'air dans un endroit élevé, dans des boussoles de métal cous 
vertes de cristal. 


Gg 2 


232 JOURNALDE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Soixante-onzième. Puisque ces observations m’ont donné oc+ 
casion deparler de l'électricité, je finirai ce Mémoire.en donnant 
les résultats des expériences que j'ai faites pour vérifier si les 
rayons violets ou chimiques produisent des phénomènes élee- 
driques particuliers qui ne rentrent pas dans la classe de ceux 
que nous connoissons déjà. 

Soixantedouzième. J'employai pour ces expériences, un con- 
densateur à plateaux bien polis de métal, dont les entre-deux 
étoient couverts d'une couche très légère de vernis de gomme: 
laque. Je fis tomber à plusieurs reprises sur le plateau supérieur 
bien assuré, le foyer du rayon violet recuerlli de la lentille 
convexo-convexe , tandis que à plateau inférieur étoït en contact 
avec les! conducteurs métalliques. Au bout d'une heure, ou 
un peu moins, je n'ai point apperçu de moindie signe d'é- 
lectricité. 

Soixante-treizième. Jerépétai cesexpériences en faisant tomber 
la lumière sur la zone obscure contiguë au rayon violet d’une 
pelite lame de laïton qui, attachée au plateau supérieur, en dé- 
bordoit la partie inférieure; maïs ces expériences ne m'ont pas 
procuré la plus foible électricité. 

Soixante quatorzième. Je serois porté à croire que les signes 
d'électricité positive provenant, suivant le physicien de Rome, 
du rayon violet, doivent être attribués à l'électricité propre du 
condensateur qui, dans cette circonstance, fait les fonctions 
d'électrophore. 

Conclusion. 


Si la promptitude et l’assiduité que J'ai mises, non-seulement 
à entreprendre, mais encore à poursuivre el à conduire jusqu’au 
bout mes expériences et mes observations , autant sur l'influence 
du magnétisme terrestre, que sur celle de la lumière composée 
et déeomposée sur les aiguilles de fer et d’acier, peuvent leur 
mériter quelque confiance ; et si je me suis appliqué à prendre 
toutes les précautions nécessaires pour ne pas tomber dans l'erreur 
en cherchant la vérité, on ne m'accusera pas, sans doute, de 
présomption en déduisant de mes tentatives Les corollaires suivans: 

I. Les aiguilles de fer et d’acier, que nous regardons commu- 
nément comme non-aimantées, sont rarement telles; et quand 
cela arrive, elles peuvent d'elles-mêmes devenir: magnétiques 
avec le temps; c’est-à-dire, non-seulement sans employer aucun 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, r 233 


aimant , mais encore saus mettre directement en œuvre aucun 
des moyens reconnus comme efficaces pour favoriser l'influence 
du magnétisme terrestre , tels que la percussion, un changement 
de température on rapide, ou très-grand, l’arrangement, la dé- 
charge de lappareil électrique et d’autres circonstances sem- 
blables. Tout, ce que je viens de dire confirmetce que les plus 
célèbres physiciens ont observé depuis long-temps, observations 
qu'ils nous ont fidèlement transmises. Il n'est presque pas de 
morceau de fer ou d’acier qui ne soit soumis à l’action magné- 
tique du globe. Le premier indice de magnétisme naturel que 
donnent Je fer et l'acier, est celui de la direction ou de la po- 
Jarité, quoiqu’au bout d'un certain temps ils aient acquis une 
force magnétique telle, qu'ils peuvent encore développer d’autres 
phénomènes de l’aimant. Le magnétisme naturel est par lui même 
ordinairement foible , et ses accroissemens sont lents ; aussi faut-il 
du temps pour appercevoir les premiers phénomènes qu’il pro- 
duit, et ses progrès divers sur les diflérens morceaux de, fer 
ou d'acier; enfin, pour examiner toutes les circonstances qui 
Taccompagnent. Le fer devient plus promptement susceptible 
æ l’acier, du magnétisme naturel; maïs celui-ci s’aimante d’or- 

inaire plus foiblement que l’autre, il reste plus long - temps 
dans l’état magnétique qu'il a acquis. Enfin, la direction dans 
Jaquelle reposent ou se trouvent suspendus le fer ou l’acier, lors- 
qu'elle est paralléleà celle d’une bonne aiguille aimantée, agrandit, 
prolonge, rend plus prompte et plus forte l’action du magné- 
tsme terrestre. 


II. Les expériences que j'ai faites, non-seulement n’ont dé- 
montré en aucune manière, quela lumière soit douée de Ja faculté 
magnétisante le fer ou l’acier, ou que ses faisceaux diversement 
colorés, et les rayons calorifiques et chimiques qui avoisinent 
le, spectre solaire en soient pourvus; encore moins que l’extré- 
inilé du bord durayÿon violet, ou plutôt les mêmes rayons chimi- 
ques qui à peine la dépassent, la possèdent. Les expériences pré- 
citées, non-seulement ne permettent pas de dire que les rayons 
chimiques contiennent , ou sont eux-mêmes le fluide magnétique ; 
et que ce fluide arrive du soleil à la terre comme la lumière 
et Le calorique ; mais elles ne permettent pas encore de regarder 
Ja lumière composée ou décomposée comme un moyen direct 
d’exciter ou de fortifier la continuation du magnétisme du globe. 
Seulement , lorsque la lumière est fortement concentrée , elle 
aide indirectement le magnétisme naturel comme les autres in- 


234 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
termédiaires, à l’aide desquels s'élève à plusieurs degrés et ra 
pidement, la température du fer et de lacier, l’élévation de 
la température étant accompagnée de la dilatation des corps, 
et conséquemment d’un changement sensible dans la position de 
leurs parties. 

IIT. Quand la force magnétique qui enveloppe le fer et l'acier 
est trop foible, et que les phénomènes de l’aimant sont pres- 
qu'insensibles , plus les anomalies se multiplient, et plus les 
mystères du magnétisme s’enveloppent de ténèbres. C’est pour 
cela que le fer doux soumis à l’acier ne marche pas plus faci- 
lement; c’est pour cela aussi que le magnétisme que le fer 
et l'acier acquièrent d’eux-mêmes, est ordinairement foible, et 
c'est particulièrement dans cette circonstance que la nature se 
montre plus que jamais bizarre, en transformant sous nos yeux, 
sans que nous puissions en donner la raison, les phénomènes 
magnétiques qu’elle avoit également produits sans nous en avertir. 


Si donc l’art de celui qui fait des expériences sur les recherches 
de la nature, est toujours difficile par lui-même, combien ne 
devra-t-il pas l'être encore plus pour celui qui s'occupe du ma- 
gnétisme, où presque tout est mystère, et où à chaque pas, eu 
égard à notre manière de voir, nous ne rencontrons qu'irré- 
gularités et contradictions? Si les opinions et les hypothèses que 
le célèbre Bacon nommoit de pompeuses bagatelles, nuisent 
d'ordinaire à l'avancement des connoissances naturelles, et sont 
pernicieuses pour leurs auteurs eux-mêmes, ne les abandonne- 
rons-nous pas entièrement, lorsque nous cherchons la cause des 
phénomènes magnétiques et des prodigieuses vicissitudes auxquels 
1ls sont sujets? Je dis avec Musschembroeck :que ma philosophie 
est celle qui, rejetant toutes les hypothèses, ne donne en 
Physique pour constant et ratifié, que ce qui est absolument 
démontré; aussi, convaincu de mon insuffisance à cet égard , me 
suis-je borné à exposer simplement les expériences que j’ai tentées, 
et les faits que J'ai observés, sans me permettre de rien dire 
sur l’origine de la cause de ces phénomènes, que nous avons 
nommée avec tous les physiciens, la force ou l'influence du 
magnélisitme terrestre; et encore moins sur la manière dont 
elle agit continuellement et avec tant de variétés, ou enfin sur 
les rayons qui peuvent la modifier. Voici comment s’explique 
à la fin de sa Dissertation sur l’aimant, le physicien dé Leyde 
tant de fois cité : maïs comment cette grande vertu magnétique . 
s’est-clle formée? c’est ce qu'il est impossible de dire d'après 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 235 


n0S observalions ci-dessus. Laissons donc à nos neveux le soër 
de tenter d’autres expériences qui, sans doute beaucoup plus 
satisfaisantes que les nôtres, les mettront à même de résoudre 
un problème inexplicable jusqu'ici. Puissé-je inspirer à plu- 
sieurs de ceux qui s'appliquent à l'étude de la Physique, le desir 
de suivre de près et d'examiner avec un œil constamment at- 
tentif , ces phénomènes. La nature, tantôt astucieuse, ne nous 
découvre quelques-unes de ses belles formes que pour nous sé. 
duire ; et tantôt capricieuse, elle se soustrait à nos regards pour 
nous capliver encore davantage. Qui sait si quelque philosophe 
ne parviendra pas à la surprendre, et à l’obliger de lui révéler 
ses secrets au moment où, se croyant en sûreté, elle s’apprétoit 
à le tromper, comme elle s’étoit jouée des autres? T'el est le but 
que je me suis proposé en publiant mes expériences ; heureux 
si, pour prix de ma patience et du temps que j'y ai consacré, 
on m'accorde de lavoir atteint ! 


J’ai recu de M. Morichini un second Mémoire contenant plusieurs nouvelles 
expériences qui confirment son opinion. Il sera imprimé dans le Cahier du 
mois d’octobre. 

M. de Fortia m'a écrit de Rome, qu’il avoit vu toutes les expériences de 
M. Morichini, qui avoient toujours été conformes à celles qu’il avoit an— 


noncées. 
(Note de J.-C. Delamétherie.) 


236 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


MEMOIRE 
SUR LA LIGURITE; 
Pan M. VIVIANT, 


Inspecteur et Professeur de Botanique et d'Histoire naturelle à 
l’Académie [mpériale de Gênes, Membre de l’Académie [m- 
périale des Sciences, Lettres et Arts, et de la Société d'E- 
mulation de la même Ville ; de l’Académie italienne; de celles 
de Florence, de Sienne, de Turin, de la Société des Natu- 

--ralistes- de Berlin, etc. 


..J’APPELLERAI ligurite le minéral dont je vais donner la des- 
cription, nom tiré de la région (la Ligurie) où j'en ai fait la 
découverte. Je connois les défauts que l’on reproche aux déno- 
minations tirées dés localités : toutefois on peut dire en leur 
faveur, qu’elles continuent à être exactes, au moins jusqu’à ce 
que les espèces qu’elles désignent appartiennent exclusivement 
aux mêmes pays, et que ces espèces portent encore dans l’histoire 
de la science le souvenir de leur découverte lorsqu’on en a re- 
connu l'existence dans d’autres localités. 


La ligurite est une pierre d’une couleur vert-pomme, que j'ai 
trouvée cristallisée dans une roche talqueuse, sur le bord de la 
Slura, torrent qui coule au nord de l'Apennin au-dessus de 
Voltri, et qui partage ici le département de Gênes de celui de 
Montenotte. Il est très-rare de trouver la ligurite parfaitement 
cristallisée et en cristaux déterminables, cependant elle affecte 
presque constamment les formes régulières. Les cristaux isolés, 
quoique les petits, surtout, soient fort rapprochés ; ils ne tiennent 
pas fortement à leur gangue, puisqu'il est facile de les en dé- 
tacher, dès qu’on les à à moitié découverts : ils laissent alors 
teur empreinte dans la gangue, comme s'ils y avoient été moulés. 
Les plus gros de ces cristaux , en les supposant parfaits, ce qui 


ne 


ET D'HISTOIRE NATURELLE: 237 
me m'est jamais arrivé de trouver, ne vont pas au-delà de 7 mil- 
limètres en largeur, et de + à peu près de cette dimension en 
hauteur , ce qui leur donne la forme lenticulaire. Il est assez 
fréquent d'en voir, moyennant une loupe, de parfaits parmi les 
plus petits, qui ‘annontent à l’œil nu comme des lames minces 
et brillantes : c’est encore parmi ces dérniers que l’on remarque 
plus de transparénce et d'homogénéité danis leur composition. 

J'ai mis le plus grand soin à déterminer la forme de ces 
cristaux, qui tantôt-par leur imperfection, tantôt par leur pe- 
ttesse, semblent se refuser aux mesures cristallographes. Mes 
premières observations tombèrent sur un fragment de cristal qui 
présentoit un angle solide formé par trois plans qui laissaient 
entrevoir la forme rhomboïdale ; c’étoit la seule partie de ce 
cristal qui étoit à découvert. Ce premier apperçcu tourna ma 
pensée vers le dodécaëdre à plans rhomboïdaux ; mais cette forme 

#iut bientôt démentie par la valeur des angles plans qui com- 
posoient l'angle solide, ou, ce qui revient au même, par l'in- 
clinaison de leurs faces : d’ailleurs, ayant découvert quelques-unes 
des faces adjacentes , leur rencontre avec les plans susdits me 
donnoit un angle trèsaigu, ce qui me fit croire que je n’avois 
ici qu'un cristal imparfait, et que, peut-être, les faces adjacentes 
que je venois de découvrir, m’étoient qu’une section dans le sens 
des plans d’un noyau qui m’éloit également inconnu. 

Pour dissiper ces doutes, il fallut retourner sur le lieu à la 
recherche de cette pierre sous des formes mieux prononcées, Mon 
voyage ne fut pas infructueux. Les cristaux que j'en rapportai, 
me fournirent assez de données pour déterminer cette forme, 
malgré les difficultés que j'eus encore à surmonter par la petitesse 
des cristaux et par leur imperfection. 

Je reconnus alors que ces cristaux, bien loin de rentrer parmi 
les modifications de la forme sphéroïdale , en avoient une très- 
aplatie et lenticulaire ; que les trois plans rhomboïdlaux que j'avois 
découverts dansma première observation, représentoient la moitié 
d'un cristal symétrique à l’autre moitié encaissée dans la gangue; 
c'est-à-dire, que cette forme est un prisme rhomboïdal très- 
aplati, dont voici les dimensions: 


Angle obtus de la base. .°. . , , 1049 

D On see à » dede eu Le et 70 

—— obtus des pans. . . . : . . . 123 

ee HIDE eee Ve devait ot ot Ms où à à (ON7 
Tome LXXV II. SEPTEMBRE an 1813, Hh 


238 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE, CHIMIE 


Incidence ( fig. 1) de P sur M ou de la base 
SUL OS PANSE ee vel abeis. «tel 1400) 19 20 
SE RE 0 1 ANSE RAS 58 20 
———— de M sur le plan adjacent. , . . .« 40 x 40 
L'angle formé par l’arête H de la diagonale 
Oblane OA nn SR UE [OZ LA ZT 


(1 


Rapport entre la diagonale oblique OA et la diagonale ho- 
rizontale KE en prenant l’arête pour l'unité :# 1,23132 : 1,57602, 
ou comme ÿ/19 : ÿ/31 

Rapport entre la grande diagonale des pans et la petite... 
:: 0,95432 : 1,75764. 

Rapport du grand axe au petit :: 2,1668 : o,58ro7. 

Hauteur du prisme 0,4663. 


Dans ces résultats il n’y a que les angles plans donnés par” 
le goniomètre : j'ai obtenu les autres valeurs par des calculs 
trigonométriques. J’ai préféré cette espèce de détermination 
comme susceptible de plus de précision en s'agissant de petits 
cristaux, par la raison que lou peut obtenir avec assez de pré- 
cision la mesure des angles plans, moyennant des morceaux de 
papier convenablement découpés et reportés, à plusieurs reprises, 
sur le plus grand nombre possible de ces angles, pendant que 
linclinaison des faces que le goniomètre saisit très-bien dans les 
cristaux à grandes dimensions, devient absolument douteuse 
dans les petits; car il n’y a nul moyen de s'assurer si l'instru- 
ment est porté perpendiculaire à la ligne de rencontre. 

J’ai sacrifié plusieurs cristaux pourreconnoître s’il falloit adopter 
pour le noyau primitif de cette cristallisation , une forme diffé- 
rente de celle que je viens de déterminer, et quelle en étoit la 
molécule intégrante. Mais les coupes toujours scabres et inégales 
que j'en ai obtenues, ne permettent pas d'apporter aucun char- 
gement à la forme que je viens de décrire, soit en qualité de 
noyau , soit comme molécule intégrante. Dans un seul cristal 
j'ai cru voir des traces d’une face dans le sens de la grande dia- 
gonale des bases, ce qui donneroit un prisme oblique triangulaire 
pour molécule intégrante; mais cette forme, dont d’ailleurs le 
règne minéral ne présente d'autre exemple que dans le mercure 
sulfuré, est , d’un autre côté, contredite par la forme desfragmens 
qui semblent affecter [a forme tétraédique, sans cependant se 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 239 


montrer ni avec celte constance, ni avec cette netteté de faces 
nécessaire pour être adoptée dans la constitution de l’espèce. 


En attendant donc des observations ultérieures, ou une main 
lus habile pour déterminer, dans cette espèce , la forme de 
a molécule intégrante, on peut supposer qu’elle ne diffère pas 
de celle du noyau , dont j'ai donné les dimensions ; supposition 

qui d’ailleurs, comme l’on sait, ne change rien dans le calcul 
des formes secondaires. 4 


… 
Formes secondaires. 


Un seul des cristaux que je possède de cette pierre , présente 
une forme secondaire qui provient d'un décroissement sur les 
deux angles obtus des bases du prisme. Mais la petitesse de ce 
cristal qui n’a pas plus de 5 millimètres de largeur, ne m'a pes 
permis de reconnoître la loi, d'après laquelle le décroïissement 
a lieu. La supposition de 7 — 3 me semble la plus approximative. 
Il est facile de concevoir que les décroissemens qui ont lieu sur 
ces angles, produiront deux faces triangulaires isoscèles qui in- 
tercepleront les bases du prisme et viendront se réunir par leur 
base selon une ligne qui doit coïncider { fig. 3) avec l'extrémité 
du plan DFHB prolongé. On concevrade même, que ces deux 
facès secondaires auront une étendue différente, et présenteront” 
une inclinaison différente pour chacune de leurs faces adjacentes. 
Soit( fig. 1) AA! la projection de ce cristal, et( fig. 2) MM! 
sa forme secondaire; l'angle formé par l’arête H et la face se- 
Condaire 7 est dans ce cas de 160° 53 31". 


Par la même arête et la face secondaire inférieure 
COMÉÉDOMLANEE : 0 0 ee ee ce Ut le. ce ffO000 00 > 
Incidence des pans MM et de la face secondaire 7. 153 16 o; 
desdits pans et de la face secondaire in- 
férieure correspondante 7’... . . . . . . . . . 56 952 


—— 


k s GMOA !, 
Le symbole de ce cristal sera en conséquence Er. J’ap- 


pellerai cette variété Zigurite alternante par cette espèce d’al- 
ternation dans les dimensions des faces secondaires observées 
du même côté du cristal. 

J'ai calculé ces incidences et ces faces pour les différentes lois 
de décroissement depuis 2 = 1 jusqu'à 2 —4, dans l'espoir que 


& Hb 2 


240 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHMIMIÉ 


ce travail ne sera pas perdu, soit dans le cas que dés nouvelles 
recherches augmentent le nombre de formes cristallines de cette 
substance, soit que des cristaux mieux prononcés nous mettent 
en état de choisir, parmi les lois de décroissement dont j'ai 
donné d’avance le résultat , celle qui se trouveroit plus d'accord 
avec les nouvelles observations. 


Caractères physiques. 


BLe poids spécifique de la ligurite est de 3,496. 

Elle n'est pas électrique ni par la chaleur, ni par le frot- 
tement. ; > 

Elle jouit de la double réfraction. 

Elle est souvent transparente , quelquefois à peine translucide. 
On voit fréquemment dans lintérieur des cristaux des gerçures 
qui en«troublent la transparence. 

Elle est rayée par l'acier, mais elle raye le verre. 

La cassure est raboteuse , avec éclat vitré gras. Les fragmens 
affectent la forme tétraédique; sa poussière est d’un blanc gris, 
un peu âpre sous le doigt; jetée sur les charbons ardens, elle 
n'est pas phosphorique. à 


Caractères chimiques. 


La ligurite nest pas attaquée par les acides à froid. Au cha- 
Jumeau souvent elle éclate. On peut la regarder comme infusible 
dans l’acception ordinaire de ce terme, puisque ce n'est que 
par l’action soutenue de cet instrument, que je crois avoir vu 
un commencement de fusion sur un fragment extrêmement mince. 
Mélée avec le borax, elle se fritte en une scorie d’un beau jaune 
de paille. Exposée pendant une heure dans un creuset de platine 
à un feu très-vif, elle n'a pas changé de couleur, quoiqu’au 
commencement elle en eût pris une rougeâtre qui s’est dissipée 
dans la suite; la forme des fragmens, après cette expérience, 
étoit intacte, et on n’y reconnoissoit aucun principe de fusion. 
Le poids n’avoit non plus sensiblement diminué. 


Différences. 


D’après l'énumération de ces caractères, il est facile d'indi- 
quer les substances avec lesquelles la-ligurite pourroit être con- 
Tondue, D'abord la forme d’un rhomboïde trés-aplati n'a été 

on 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 241 


jusqu'à présent reconnue que dans l’axénite et dans la glaubé- 
rile : celle-ci présente des traits de ressemblance de plus dans 
la couleur verte, et la valeur identique des angles de la base; 
mais ce sont les seuls caractères que ces deux substances ont 
en commun : tous les autres présentent le maximum de di- 
vergences. 

L’axinite, dont une variété est verte, qui se montre sous la 
forme d’un rhomboïde aplati, et dont le poids spécifique et la 
cassure augmentent le nombre des ressemblances, pourroit ap- 
porter quelque équivoque dans la distinction de la ligurite; mais 
celle-ci est infusible, pendant que l’autre fond avec facilité et 
bouillonnement : la ligurite à peine raye-t-elle le verre, pendant 
que laxinite étincelle sous le choc du briquet. D'ailleurs il n’y 
a qu'une apparence de ressemblance dans les formes, qui réel. 
lement sont très - distinguées, surtout si l’on remonte à leur 
génération. 


Enfin d’autres caractères de ressemblance rapprochent la li- 
gurite à une pierre précieuse, connue sous le nom de péridot- 
chrysolite, et qui, d'après un passage de Pline, liv. 37, chap. 8, 
paroît la topaze des anciens. 

Ces deux pierres se ressemblent, 


1° Par la couleur, quoique dans le péridot la couleur verte 
soit tant soit un peu plus foncée, ce qui nuit beaucoup à la 
transparence de cette pierre , surtout dans les péridots de Schel- 
kowitz en Bohême; 


29° Par le poids spécifique qui est de 3,408 dans le péridot 
de Bohéme, et de 3,496 dans la ligurite; 

3° Par leur infusibilité. 

La différence de ces deux pierres est'établie ; 

1° Par leur forme. Le péridot a pour noyau primitif un prisme 
droit à bases rectangles, et ses formes secondaires dérivent de 
ce noyau. 


Les formes secondaires de la ligurite, quoiqu’elles présentent 
de mème l'apparence d’un prisme comprimé fini des deux côtés 
ar deux facettes culminantes, l'inégalité de ces faces et leur 
différente incidence avec les faces du noyau, laissent entrevoir 
la différence des lois d’après lesquelles elles se sont formées. 


20, Par leur cassure. Dans le péridot la cassure est vitrée et 
unie ;.les fragmens sont à grandes écailles, plates, très-minces 


242 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


et éclatantes. La poussière, si elle nest pas portée au maximum 
d'atténuation , présente la forme de lamelles extrêmement fines. 
Dans la ligurite , la cassure , quoique d’un éclat vitré, est toujours 
scabre et raboteuse. Les fragmens ne sont pas écailleux, mais 
irrégulièrement tétraédiques. La différence tirée de ce dernier 
caractère me semble d’une importance majeure ; car si la forme 
des fragmens ne doit pas être prise pour synonyme de celle de 
la molécule intégrante, elle ne partage pas moins l’importance 
des formes cristallines; car elle ne peut être que la suite de l’ar- 
rangement qu'ont pris les molécules constituantes dans la for- 
mation d'ane espèce; et si c’est l’observation qui doit arrêter 
cette forme, qu'est-ce que la molécule intégrante, si ce n’est 
pas la forme des fragmens, régularisée par la géométrie des 
cristaux ? 

En comparant les caractères de la ligurite avec ceux des 
espèces minérales connues jusqu’à présent, on est assez fondé 
à regarder la ligurite comme une nouvelle espèce. Et quoique 
ces caractères ne nous instruisent pas sur la nature des élémens 
qui la composent, il suflit au minéralogiste de savoir que ces 
élémens, dans la ligurite, se sont arrangés de manière que les 
formes et les propriétés physiques qui résultent de cet arrange 
ment, ne conviennent à aucune des espèces connues. D’après 
ce principe, l'analyse chimique, quels qu'en soient les résultats, 
ne peut rien innover sur la constitution de l'espèce; mais elle 
devient intéressante en ce qu’elle peut nous instruire combien 
d'espèces différentes la nature peut composer avec les mêmes 
élémens, 


Cette considération m’a déterminé à faire l’analyse de cette 
substance, dans l'espoir que les imperfections que la nature du 
travail et le peu de éristaux de ligurite que j'avois à ma dispo- 
sition, auroient pu répandre dans les résultats, pourroiïeat. en- 
gager les analystes distingués à revenir sur cette partie de mon 
Mémoire , et à rectifier les fautes, si j'en ai commises, C’est dans 
ce but que je rendrai compte du détail des opérations que j'ai 
suivies, 

Analyse chimique de la ligurite. 


Pour ménager, autant que possible , le peu de cristaux trans- 
parens de ligurite dont je pouvois disposer, j'ai fait précéder 
cette partie de mon travail par les essats suivans : 

1°. Cette pierre réduite en poussière impalpable, et tenue 


ET D'HISTOIRÉ NATURELLE. 243 


en digestion pendant quelques jours, dans les acides les plus 
forts, ne s'est dissoute qu’en fort petite quantité. 

20. Ces acides, versés sur pierre pulvérisée, n’y ont produit 
la moindre eflervescence. L’acide muriatique n’a donné aucune 
exhalaison, mais il s’est teint en jaune, et il paroît avoir blanchi 
davantage la partie indissoute: 


30, Le prussiate de potasse pfécipite en bleu cette dissolution. 


4°. L’oxalate d’ammoniaque y produit un précipité abondant, 
blanc , insoluble, 

bo. L’ammoniaque y produit un précipité jaunâtre , et la potasse 
caustique à chaud dissout une petite partie de ce précipité. 

60. Pour y reconnoître la présence du chrome, rendue pro- 
bable soit par Ja couleur de la pierre, soit par son gisement 
au milieu des masses serpentineuses et de diallage vert, jai fondu 
la ligurite pulvérisée avec quatre fois son poids de nitrate de 
potasse , et j'ai tenu au rouge ce mélange Jusqu'à la décompo- 
sition de l'acide; je l'ai délayé avec beaucoup d’eau, et J'ai 
saturé avec un acide la solution alcaline ainsi obtenue. L’ayant 
énsuite essayée avec diflérentes solutions métalliques, je n'ai rien 
observé qui püût me faire soupconner la présence du chrome. 


Ces essais annoncent dans cette pierre la présence de la chaux , 
de l’alumine, de l’oxide de fer, et donnent lieu à croire que 
la partie insoluble soit, en grande partie, composée de silice, 
qui peut également être en combinaison soit avec lalumine, 
soit avec d’autres terres, ce qu'il faut reconnoître par des pro- 
cédés plus efficaces. On est de même autorisé à en exclure la 
présence du chrome, 


D’après ces appercus, j'ai procédé , selon les méthodes ordi- 
aires, à l'analyse de la ligurite. J 

10. J'ai mélé 100 grains de igurite fiiément pulvérisée avec 
820 grains de potasse caustique, et j'ai fait chauffer ce mélange 
dans un creuset d'argent jusqu’au rouge. La matière n’a pas 
tardé à entrer en fusion; elle a pris une fonte liquide et d’une 
transparence uniforme. J’ai retiré, une demi-heure après, le creuset 
du feu : le mélange, en se refroidissant , a pris une couleur ver- 
dâtre, non-seulement à sa surface, mais aussi dans l'intérieur : 
ilavoit acquis une dureté considérable, etetoit fortement adhérent 
aux parois du creuset. 


2°, L'eau chaude, jetée à plusieurs reprises dans le creuset, 


244 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


spi peu à peu la matière, qui perdoit aussi sa couleur verte 
et blanchissoit en proportion qu’elle se dissolvoit ou restoit en 
suspension dans le liquide. 


30. L’acide muriatique versé dans ce liquide a produit sur- 
le: champ, avec effervescence, des gros flocons gélatineux , qu'une 
nouvelle addition d'acide dissolvoit encore. En même temps 
l'acide a attaqué la partie de laamatière restée indissoute et en 
suspension dans l’eau; la solution est ainsi devenue transparente, 
et a pris une couleur jaune. 


4°. J’ai fait évaporer cette liqueur dans une capsule de por- 
celaine. Bientôt elle s’est prise en gelée. Je lai remuée alors 
continuellement jusqu’à ce qu’elle ait pris la consistance d’une 
pâte uniforme. J'ai délayé dans beaucoup d’eau cette pâte, la 
silice s’en est séparée sous la forme d’un dépôt-gélatineux fort 
abondant. J'ai filtré, et j'appellerai A la liqueur ainsi ob- 
tenue. J'ai lavé à plusieurs reprises le dépôt resté sur le filtre, 
jusqu’à ce que les eaux ne blanchissoient plus le nitrate d'argent. 
J'ai réuni à la liqueur A toutes les eaux de lavage. 

5°. Le dépôt gélatineux obtenu par l'expérience précédente ; 
desséché et tenu au rouge dans un creuset, pesoit 45 grains. 
Cette substance avoit tous les caractères de la silice pure. 


60. Comme la solution A étoit encore acide, on pouvoit croire 
qu’elle avoit pas entièrement abandonné la silice. J'ai encore 
ajouté une nouvelle quantité d’eau et je l'ai fait doucement 
chauffer. La liqueur s’est bientôt troublée, et a formé un dépôt 
gélatineux qui, après avoir été séché et calciné, pesoit 14 gr. 
C’étoit encore de la silice, mais souillée d’oxide de fer : Paction 
du feu, en oxidant davantage le fer, lui avoit communiqué une 
couleur rougeâtre, 

7°. J'ai broyé ce dépôt, et je l'ai fait bouillir dans l'acide 
muriatique alongé. Da silice a blanchi, et la solution a pris 
une couleur jaune-foncée. L’ayant précipité par le prussiate de 
potasse , j'ai obtenu 7 gr. de bleu de Prusse, ce qui donneroit 
1,19-gr. de fer métallique. Mais, comme ce métal étoit dans 
la pierre à l’état d’oxide, et avec toute la probabilité au 772- 
nimum oxidation, vu la couleur verte qu’il lui communiquoit , 
ainsi il faut en porter la quantité à 1,55 gr., ce qui réduira 
à 12,45 gr. le poids de la silice. 

MotalMentsilice eee Enr 57,45 ge 


8°. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 245 


80. Après avoir ainsi débarrassé la solution À de la silice 
restante, et y avoir ajouté les eaux de lavage, je l’ai décom- 
posée par le carbonate de potasse, et j'ai fait aussitôt bouillir 
la liqueur, afin de la débarrasser de l'acide carbonique qui 
auroit pu tenir en solution quelques substances. Le précipité 
abondant ainsi obtenu, avoit une couleur d’ochre. Je l'ai fait 
bouillir encore humide dans la potasse caustique pour en séparer 
l’alumine. Quoique la fonte liquide obtenue moyennant cet alcali 
sembloit exclure cette terre, au moins dans une proportion con- 
sidérable , la liqueur alcaline sur-saturée d’acide muriatique , 
et précipitée par le carbonate d’ammoniaque, a donné un dépôt 
qui, après avoir été calciné, pesoit 7,36 gr. J'ai dissous ce dépôt 
dans l'acide sulfurique; j'ai ajouté à la solution quelques gouttes 
de sulfate de potasse, et je l’ai abandonné à une évaporation 
spontanée. Deux jours après, la liqueur a donné des cristaux 
d’alun, ce qui ne laisse aucun doute sur la nature des 7,36 gr. 
obtenus par cette expérience. 

9°. J’ai versé de l'acide sulfurique alongé sur le résidu laissé 
indissous par la potasse caustique. Il y a-eu une effervescence 
très-vive, produite par l’acide carbonique , qui s’étoit combiné 
à la potasse dans la suite de l'expérience précédente. L’acide 
sulfurique a augmenté considérablement le volume de cerésidu, 
et au lieu de le dissoudre, il le solidifioit, attendu que, par ce 
mélange, se formoit du sulfate de chaux. J’ai continué à verser 
de l'acide jusqu’à ce qu'il y e eût un léger excès, et j'ai fait 
évaporer à siccité. J’ai délayé dans l’eau la matière ainsi des- 
séchée, et j’ai filtré. Le sulfate de chaux resté sur le filtre après 
avoir été fortement rougi dans le creuset de platine, mis sur la 
balance encore chaud, pesoit 58,5 gr., ce qui, en adoptant les 
proportions établies par Bucholz et ‘l'hompson , donne 25,30 gr. 
de chaux. 

100, La solution sulfurique obtenue par l’expérience précé- : 
dente, pouvoit encore contenir de la magnésie et des oxides de 
fer et de manganèse. J’avois d'autant plus raison d'y soupconner 
Ja présence de la magnésie, que la ligurite se trouve dans le 
sein de montagnes serpentineuses, et que c'étoit dans une roche 
talqueuse que j'avois trouvé celle qui étoit le sujet de cette 
analyse. Quant à Poxide de fer, quoiqu'une portion ait été en- 
traînée par le second dépôt de silice, toutefois il y avoit toute 
raison pour croire qu'une quamtité plus considérable seroit restée 
en solution dans l’acide muriatique. La présence du manganèse 


Tome EXXV'II, SEPTEMBRE an 1813. 3 É51 


246 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


n’avoit en sa faveur qu’une légère nuance rose communiquée au 
verre de borax dans les expériences préliminaires. 


11°. D’après tous ces indices, j'ai alongé avec une grande 
quantité d’eau la solution précédente, et après y avoir ajouté 
un léger excès d'acide, j’y ai versé du carbonate de potasse 
saturé d’acide carbonique. Le précipité jaunâtre ainsi obtenu, 
dissous dans l’acide muriatique, et précipité par le prussiate de 
potasse, a donné 17 gr. de bleu de Prusse, ce qui donne 2,45 gr. 
de fer oxidé au 77inimum. 


120. J'ai versé de l'hydro-sulfure de potasse bien saturé d’hy- 
drogène sulfuré dans la solution délivrée, par l'expérience précé- 
dente, de l’oxide de fer, il'n’y a été qu’une trace de manganèse 
précipité que j'évalue à + gr. 

130. Une solution de potasse caustique versée dans la solution 
restante, a formé un léger dépôt qui, après avoir été desséché 
et roug1, pesoit 2,56 gr. : c’étoit de la magnésie. 

Ainsi la composition élémentaire de la ligurite, d’après cette 
analyse, est fixée en : 


Silice (exp. 4 tb): … « .. Br. 49, 
—#— (exp. 6).. «ee +. ee 22, 4h 
Alumine (exp..8).m + : + +... 7.00 
Chanx (exp. a), 0 230 
Mägnésie (exp. 13). "#25 492,50 
Oxide/deder (exp. 7 et ar)... 00%, 

—— de manganèse (exp. 12). . »  o, bo 
Pertes ra ne A NT ele CD LOS 


HPotale ler EM roo 
Remarques générales. 


La ligurite vient prendre place parmi les pierres que l’oxide 
de fer teint en vert, comme la thallite, l’euclase, etc. 

La triple combinaison de silice, alumine et chaux, carac- 
térise particulièrement les zéolites, famille de pierres qui pré- 
sentent le maximum de divergence dans leurs caractères comparés 
avec ceux de la ligurite. Mais on sera moins frappé de cette 
différence, si l’on fait attention que l’alumine et la chaux sont 
dans les zéolithes en proportions inverses de celles que l’on vient 
de reconnoître dans la Jigurite. La différence dans les formes de 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. C71, 2 


ces substances vient à la suite de celle des proportions, et le 
caractère de l’infusibilité de la ligurite, qui contraste avec la 
grande fusibilitédes zéolithes, rentre dans les proportionsétablies, 
d’après les expériences de Kirwan et de Herman, pour obtenir 
la ion d’un mélange d’alumine et de chaux. 


En passant en revue d’autres pierres dont on a des analyses 
bien faites, on en trouve qui présentent, dans leur composition 
élémentaire, une concordance d’autant plus frappante avec la 
ligurite, que les petites différences, dans la proportion des parties 
élémentaires, sont bien loin de sortir des limites des variations 
entre lesquelles oscille la composition de plusieurs espèces (1). 
Mais cette identité de principes n’est pas toujours en rapport 
avec les espèces qui en résultent. Il ÿ a dans l’arrangement des 
parties élémentaires quelque chose que la Chimie détruit par ses 
opérations , et c’est précisément de ces arrangemens , qui soné 
au règne minéral ce que l’organisation est au règne végétal, 
que découlent la plupart des propriétés physiques qui constituent 
les espèces minérales. 

Usages. 


La ligurite ne mérite pas la dernière place parmi les pierres 
précieuses européennes : sa couleur vert-pomme et sa transpa- 
rence lui donneront même la prééminence sur les péridots du 
Levant, si toutelois on réussit à en trouver des cristaux assez 
volumineux pour être travaillés. 


Localités ei gisemens. 


J'ai rencontré la première fois la ligurite dans un voyage fait 
sur la fin de 18r1 (2), pour des recherches d'Histoire naturelle, 
entre Rossilione et Campo Freddo,sur les bords de la Stura, 
à 233 mètres (3) au-dessus du niveau de la mer, dans un grand 


(1) La gahnite, comparée, par son analyse, avec la ligurite, vient tout 
nouvellement augmenter le nombre des espèces qui concordent par leur com— 
position élémentaire , et ne sont pas en rapport dans leur constitution minéra- 
logique. 

(2) M. Hippolyte Durazzo possede , depuis lors , dans sa précieuse collec 
tion, un échantillon de ce minéral que je lui donnai sous le nom de péridot 
chrysolithe du torrent de la Stura: C’étoit une dénomination qui marquoit un 
rapprochement entre ces deux espèc:s , et qui attendoit de nouvelles recherches. 

(5) L’élévation de l’Apennin de la Ligurie, depuis les sources du Tanaro 


Te 


‘248 JOURNAL DE PHYSIQUE, DÉ CHIMIE 


bloc d’une roche qui fait partie de celles qui constituent le 
noyau de ces montagnes. J'ai observé que ce bloc présentoit, 
dans sa composition , un passage dont cette partie de l'Apennin, 
qui s'élève entre la Bocchetta et le Dente, m'a fourni plusieurs 
exemples. Ce bloc étoit à l'extérieur encroûté d’une roche tal- 
queuse, tendre , à feuillets noir-verdâtres, et si minces que la 
cassure en devient brillante. Dans quelque endroit ces lamelles 
se réunissent et se lient entre elles de manière que la roche 
prend l’aspect fibreux. La poussière en est blanchâtre, onc- 
tueuse ; traitée par l'acide sulfurique, donne du sulfate de ma- 

nésie. Les proportions de cette terre, dans ce minéral, comme 
je m'en suis assuré par l’analyse, se tiennent entre les bornes 
des varialions assignées à la composition des roches talqueuses. 
On voit bien qu'on est ici sur le passage des Re ARAAES 
aux serpentineuses , asbestiformes et feld-spathiques, qui devien- 
hent dominantes dans cette partie de l’Apennin Ligurien (1). 
C’est dans ce passage que je trouvai la ligurite * elle disparoit 
dans l’intérieur du bloc, où la constitution de la roche, qui 
devient dure, à cassure compacte, quelquefois vitrée, et qui 

résente des nuances de couleur entre le vert sombre et le rouge 
per C’est une roche de grenat souillée d’un mélange talqueux, 


jusqu’à celles de la Magra, est entièrement inconnue aux naturalistes. Je 
compte déjà dans mon porte-feuille 7c nivellemens que j'ai pris dans cette 
étendue, avec des observations correspondantes faites avec des bons barometres, 
et calculées d’après la formule de M. de Laplace , etles corrections y apportées 
per Ramond. Ces résultats, qui passeront dans ma Géographie-Physique de la 

igurie, donnent l’explication de plusieurs phénomènes intéressans concernant 
Ja constitution de ce pays. 

(1) Je connois le Mémoire allemand tres-intéressant de M. Léopold de: 
Buch , Uber die Gabbro , et j'ai été infiniment flatté d’y voir citées mes Ob- 
servations en Ligurie à côté de éelles d’un des plus illustres géologues d’Eu- 
rope , et en appui de son opinion. Mais je dois avouer que ma manière de voir 
le passage de la serpentine à d’autres roches a un peu ici plié à son systeme. Ce 
n’est certainement pas le jade de Saussure, l’un des composans du granit ser 
pentineux décrit (pag. get 10) de mon ’oyage en Ligurie ,et cesont bien moins 
encore des grenats les noyaux rouges que j'avois incontestablement reconnus 
pour de la chaux carbonatée , colorié par le fer. D’après mes observations, la 
serpentine doit constituer un système de formation à part qui a ses espèces sub- 
ordonnées et qui peutbien être influencée par la proximité des roches feld-spathi- 
ques , dont la jade est une variété , sans que ce mélange, purement accidentel , 
indique aucun rapport de constitution entre ces roches. Que l’on remarque que 
M. De Buch a fondé son opinion sur le gabbro , sur des observations faites 
presque entièrement dans le sein de montagnes primitives. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 249 


dont elle tire la couleur, et qui prouve par cela la formation 
contemporaine de ces roches. C’est dans des circonstances pa- 
reilles que j'ai trouvé ici l’allocroïte, espèce rare et d’une date 
récente en Minéralogie, mais qui certainement fonde sa nou- 
veaulé et la considération dont elle jouit encore, sur le défaut 
de renseignemens propres à nous éclaircir sur les circonstances 
prie à son gisement. J’ai sous les yeux, et ce sont encore 
es torrens.de Piota et de lOrba en Ligurie, qui m’en ont fourni 
les matériaux, de quoi prouver que l’allocroïte n’est qu’un grenat 
en masse, dont la formation aété influencée, soit pour sa structure 
soit pour sa composition, par les roches , dans É sein desquelles 
elle est formée. 11 y a, en Minéralogie, comme en Botanique, 
de ces espèces de collections que la nature désavoue ; l’on 
s’empresse à les regarder comme nouvelles, parce qu’on les voit 
isolées, et on ne les a pas étudiées dans leurs rapports avec les 
grandes masses auxquelles ellés appartiennent. 


2bo JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


OBSERV ATIONS 
SUR LA PLANÈTE MARS; 


‘ 


Par M. FLAUGERGUES. 


J'AI fait une observation curieuse sur la planète Mars, j'ai 
vu avant son opposition, une tache ovale blanche, éclatante, située 
exactement au pôle austral de cette planète; j'ai vu cette tache 
continuellement diminuer par la circonférence , et enfin dispa- 
roître un mois après l’apparition. Je ne doute pas que ne ce soit 
une calotte de neige où de glace qui entouroit le pôle austral 
et que l’action du soleil a fondue. Le printemps avoit commencé 
pour la partie australe de mars, le 12 avril dernier. 


y | 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 254 


NOUVELLE LITTÉRAIRE. 


Bulletin de la Société d'Encouragement pour l'Industrie 
nationale, publié avec l'approbation de S, Exc. le Ministre des 
Manufactureset du Commerce, 10° et 11€ années. Deux volumes 
in-4° avec planches. Paris, chez Mme Huzard, née Pallat-la- 
Chapelle , Imprimeur - Libraire, rue de l’Éperon Saint-André- 
des-Arts, no 7. 

L'accueil distingué que le public ne cesse de faire depuis 
quelques années à cet important Recueil, seroit un garant assuré 
de son utilité et de l'intérêt qu'il offre à toutes les classes de 
lecteurs, si des considérations plus majeures ne venoient se joindre 
à celles-ci pour en augmenter le prix aux yeux des amis de 
l'Industrie. L 

La Société d'Encouragement, qui a si puissamment contribué 
par ses travaux, à l'amélioration de nos Manufactures, qui fait 
naître et propage les découvertes vraiment utiles, excite l’ému- 
lation de nos artistes, guide leurs pas dans la carrière difficile 
des Arts, et a introduit des perfectionnemens importans dans 
différentes branches de fabrication, a éprouvé la puissante pro- 
tection du Gouvernement. Par une circulaire, que S. Exc. le 
Ministre des Manufactures et du Commerce a adressée aux Préfets 
de l'Empire , il les a invités à augmenter le nombre des Sous- 
cripteurs de la Société. Cet appel a été entendu de tous ceux qui 
s'intéressent aux progrès de l'Industrie française, et ils se sont 
empressés à se faire recevoir Membres de la Société, afin de 
contribuer, par leurs lumières, au but honorable de soninstitution. 

Le Bulletin dans lequel sont consignés les travaux de cette 
Société , et des détails sur les découvertes les plus nouvelles faites 
en France et dans l'Etranger, offre une lecture aussi instructive 
qu'agréable. Les deux volumes que nous avons sous les yeux, 
renferment des articles du plus haut intérêt, et dont il seroit 
long de donner ici lénumération; ils ne cèdent en rien, sous 
ce rapport, aux précédens 10 volumes, 

C’est donc avec confiance que nous recommandons au publie 
un Ouvrage qui se distingue autant par l'importance des objets 
qui y sont traités, que par la bonne exécution typographique et 
la perfection des gravures qui l’accompagnent, 


! LE 
252 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, elc. 


TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Précis d'une leçon de Physiologie végétale et bota- 
nique, et sur le fruit; par M. Mirbel, Pag. 173 - 
Observations géologiques sur la presqu'fle de Saïnt- 
Hospice, aux environs de Nice, département des 
Alpes maritimes; par A. Risso. 197 
Tableau Météorologique ; par M. Bouvard. 210 
Mémoire sur la force magnétisante du bord le plus reculé 
du rayon violet du spectre solaire; par Pierre Con- 


gliachi. Extrait par E. Mazion. 212 
Mémoire sur la Ligurite ; par M. V'ivianr. 236 
Observations sur la planète Mars ; par M. Flaugergues. 250 
Nouvelle Litiéraire. 2br 


De l'Imprimerie de M"° Veuve COURCIER, Imprimeur - Libraire 
pour les Mathématiques, quai des Augustins, n° 57. 


À 
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JOURNAL 


10 LA Lu à 1 Qi A 9 A D 
DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


— 


OCTOBRE AN 18153. 


DISCOURS 


SUR 
LA NAISSANCE ET LES PROGRÈS DE LA BOTANIQUE; 


Par M. MIRBEL , DE L'INSTITUT (1). 


“ 


L'HISTOIRE des progrès d’une science fait partie de cette science 
elle-même. Les eflorts des philosophes pour parvenir à la con- 
uoissance des choses, nous intéressent et nous éclairent; nous 
n'avons une juste idée des faits qui sont l’objet de nos recherches et 
des moyens que nous devons mettre en œuvre pour atteindreà de 
nouveaux résultats, que lorsque nous savons par quellesexpériences, 
par quelles observations, par quelle suite de raisonnemens, lesprit 


QG) Ce Discours fait partie de mes Élémens de Botanique , il vient immé= 
diatementapres les Considérations sur les principes fondamentaux de la Science, 
qui ont paru dans le Journal de Botanique de juin dernier. 


Tome LXXVII, OCTOBRE an 1813. Kk 


254 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


humain est arrivé à ces importantes découvertes qui sont les 
bases de la science. 


Ce n’est pas le seul avantage que nous puisions dans l’étude 
de l’histoire littéraire. La connaissance des fautes de nos de- 
vanciers tient notre esprit en garde contre ses propres foiblesses 
et lui découvre à-la-fois, les routes qu’il peut suivre et celles 
qu'il-doit éviter. Ainsi la vérité et l'erreur mises en lumière, 
concourent également à nous instruire. 

Le temps me manque pour vous donner l’histoire complète 
de la Botanique. Je me bornerai à vous faire remarquer les 
progrès qui ont résulté des efforts de tous les observateurs, et 
l'esprit des doctrines vraies ou fausses, qui ont été introduites 
par les chefs d'écoles. 


En Botanique, de même que dans les autres sciences, les 
besoins physiques ont été nos premiers instituteurs. L’homme a 
voulu trouver dans les végétaux, d’abord sa nourriture, ensuite 
des remèdes, enfin des jouissances. Pour ne pas commettre d’er- 
reurs nuisibles, il s’est appliqué à retenir les caractères les plus 
apparens des plantes usuelles. La naïssance de la Botanique 
remonte donc aux premiers jours du monde. Maïs l'homme ne 
s’est point arrêté à des notions empiriques. Il ne lui a pas sufti 
de distinguer les espèces utiles dans la médecine, les arts -et 
l'économie domestique; il a concu le dessein de les étudier toutes, 
et de connoître, autant qu’il est en lui, la variété de leurs formes, 
le mécanisme de leur organisation et les lois de leur existence. 
Ce dessein est plus sensé qu’il ne paroït au vulgaire des gens du 
monde. Les sciences ne sont pas, comme il le croit communé- 
ment, de simples recueils de recettes pour les besoins et les 
jouissances corporelles; ce sont des séries de vérités qui plaisent 
aux esprits élevés, indépendamment de toute application par- 
üculière. 

La Bible, les poëmes d'Homère et les ouvrages de la sculpture 
antique, sont les seuls monumens qui nous offrent quelques 
vestiges des connaissances botaniques des plus anciens peuples 
dont les noms soient venus jusqu'à nous. 


La Botanique, de même que les autres parties de l'Histoire 
naturelle, s'enrichit et se perfectionne par les voyages. Le peuple 
Juif avoit long-temps erré sur la terre avant de se fixer en Judée. 
Maître de cette contrée, il étendit au loin ses relations com- 
merciales. Les vaisseaux de Salomon fréquentoient les rivages 


mt. inett.s.me 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 255 


de la mer Rouge, du golfe Persique et les îles de la mer des 
Indes. Cependant il ne paroît pas que la Botanique ait fait 
de grands progrès chez cette nation grossière et superstitieuse. 


Les prêtres d’Isis et les Mages cultivoient toutes les sciences 
avec ardeur; ils les déroboiïent soigneusement aux regards de 
la multitude, persuadés qu'ils étoient, que des esprits éclairés 
ne se plient pas sans peine aux lois du despotisme. Nous ignorons 
jusqu'à quel point ils poussèrent leurs recherches; mais ce qui 
n'est pas douteux, c’est que la Grèce reeut de l'Asie et de 
l'Egypte, les premières netions des connoissances humaines. 


Les sages de la Grèce, trop pressés de connaître la Nature, 
en embrassèrent l’ensemble dans leurs systèmes généraux, ét 
crurent qu'il étoit possible de deviner les faits par les seules 
forces de la réflexion et du génie. La plupart disoient que les 
plantes sont organisées comme les animaux; qu’elles ont une 
ame sensible et raisonnable; qu’elles ont des desirs et des vo- 
lontés; qu’elles éprouvent de la douleur et du plaisir. 


Pythagore de Samos, quiavoitvoyagéen Égypte ets’étoit instruit 
par ses communications avec les prêtres d’Isis, est, selon Pline, 
le plus ancien des auteurs grecs qui ait donné un Traité sur les 
propriétés des plantes. 

Un disciple de ce philosophe, Empédocle d’Agrigente, vaste 
génie auquel on doit le système des quatre élémens, si long- 
temps en honneur dans les écoles, semble avoir eu des idées 
assez nettes sur quelques points de la Physiologie végétale, Pour 
lui les graines sont les œufs des plantes; les racines sont leurs 
tètes et leurs bouches; elles portent les deux sexes réunis sur un 
même individu. Comme Empédocle suivoit la doctrine de la 
Métempsycose, il admettoit qu’après un certain temps, les plantes 
deviennent des animaux, et qu’alors les sexes se séparent. Il 
prétendoit que les feuilles sont des organes analogues aux écailles 

es poissons et aux poils des quadrupèdes. 


Anaxagoras de Clazomène apprécia mieux les fonctions des 
feuilles ; il avanca qu’elles absorbent et qu’elles exhalent de l'air. 


Les livres d'Hippocrate, ouvrage de sept hommes qui portoient 
ce' nom célèbre et qui se succédèrent comme souverains Pontifes 
dans le temple de Coos , ne laissent entrevoir que de foibles lueurs 
des connoissances botaniques de ces temps reculés. Il n’est ques- 
tion que des plantes en usage dans la médecine; elles sont citées 
sans description, On les compare vaguement à des plantes com- 


Kite 


s 


256 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


munes auxquelles il nous est impossible d'appliquer les noms mo 
dernes; ensorte que les détails sur Les propriétés médicinales de ces 
végétaux, sont absolument perdus pour nous. Cette perte est 
d'autant plus sensible, que les livres d'Hippocrate sont en plus 
haute vénération, et elle fait bien comprendre la nécessité des 
descriptions et de la synonimie à ceux-là même qui n’esument 
les sciences que par ce qu’elles ont de moins élevé. 


L'esprit et l'imagination ne suflisent point pour les grandes 
découvertes en physique; il faut encore un génie particulier 
d'observation que le seul Aristote, parmi les Grecs, semble 
avoir possédé à un degré éminent. Ce philosophe, le père de 
l'Histoire naturelle, vit bien que la route qu’avoient suivie 
ses prédécesseurs, ne pouvoit conduire à la connoissance des 
choses. Il renonça aux vaines hypothèses pour s'attacher à l’ex- 
périence et à l'observation, Dans ses recherches il fat puissam- 
ment favorisé par Alexandre, dont il avoit été le précepteur. 
Alexandre en qui la fougue des passions n’étouffa jamais l'amour 
de Ja vraie gloire, voulut que ses conquêtes servissent aux progrès 
de l'esprit humain, et qu'il subsistât d’utiles témoignages de 
sa puissance quand son empire ne seroit plus. Des milliers 
d'hommes et des sommes immenses furent mis à la disposition 
d’Aristote. Ainsi le plus illustre des conquérans, fut en même 
temps le plus zélé protecteur de l'Histoire naturelle, 


On sait avec quel succès Aristote écrivit l’histoire des ani- 
maux. Ce beau travail est parvenu jusqu’à nous ; mais les deux 
livres qu’il composa sur les plantes, sont perdus. Dans le moyen 
âge, un imposteur osa faire paroître, sous le nom de ce phi- 
losophe, un ouvrage intitulé : de Plantis, recueil informe 
d'erreurs et d’absurdités, que personne aujourd'hui n’est tenté 
d'attribuer à Aristote. 

L'idée qu’il existe dans la Nature, une progression telle, qu’en 
partant de la matière brute, on peut arriver jusqu'à l'homme 
par des nuances insensibles, ensorte que, sous le point de vue 
de la perfection, les êtres composent une chaîne immense dont . 
tous les anneaux se tiennent et se suivent; cette idée séduisante 
que l'expérience rejette, mais que l’imagination se plaît à réaliser, 
et qui, tout erronée qu'elle‘est, se présente avec un tel ca- 
ractère de grandeur et de simplicité, que jusqu’en ces derniers 
temps, elle a trouvé de zélés défenseurs parmi les plus excellens 
philosophes ; cette belle idée, dis-je ,est une conception d’Aristote. 
Et remarquez bien que si l'enchaînement des êtres ne se peut 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 257 


toncilier avec l’ensemble des faits connus, on ne sauroit nier 
pourtant que la Nature n’enferme dans ses limites, une multi- 
tude de chainons qui se présentent quelquefois, aux regards du 
naturaliste, comme les portions d’une grande chaîne dont les 
anneaux auroient été rompus et désunis çà et là. Ainsi la doc- 
trine d’Aristote n’est fausse que parce qu’elle est trop généralisée. 


Il considère les plantes comme des êtres intermédiaires entre 
li matière brute et les animaux. Elles ne se distinguent point, 
dit-il, de ces derniers par l'hermaphrodisme, car dans les ani- 
maux d’un ordre inférieur il se trouve des espèces hermaphrodites ; 
elles ne s’en distinguent pas non plus par la privation d’un centre 
de vie, puisque certains animaux en sont également privés ; 
mais elles n’ont point d’excrémiens solides et les animaux en ont, 
Les fonctions des racines consistent à puiser la nourriture dans 
la terre, La fin de la végétation est la production du fruit. Voilà, 
en peu de mots, ce que l’histoire des animaux nous apprend 
des opinions d’Aristote sur les plantes. 

Il eut pour disciple chéri, Tyrtamus d'Érésie, qu’il surnomma 
Théophraste en témoignage de son éloquence toute divine. T'héo- 
phraste, homme d'état, orateur, philosophe, le plus ferme sou- 
tien de l'école Péripatéticienne, composa, à l’âge de 70 ans, 
deux grands ouvrages sur les plantes, et c’est de l’époque.où ils 
parurent que doit dater pournous, la naissance de la Botanique. 


Dans son histoire, dont nous possédons neuf livres, il traite 
séparément des plantes aquatiques, parasites, potagères, des arbres 
forestiers et des plantes céréales; il indique les usages“auxquels 
chaque végétal est propre, le pays et le lieu où il croît, sa 
nature ligneuse ou herbacée, etc. D’ailleurs, il ne connoît ni 
les genres, ni les espèces; sa nomenclature est vague, ses des- 
criptions sont insuffisantes; il n’a aucune idée des caractères, 
et parle trop souvent d’après les opinions populaires. 

Ses vues générales et sa physiologie, qui font le sujet de ses 
six livres des causes, sont supérieures à sa Botanique. 1 montre 
beaucoup de sagacité dans l'examen des divers ofganes extérieurs, 
les définit avec soin; distingue les cotylédons des feuilles; décrit 
les formes de ces dernières; donne des idées assez justes de 
leurs fonctions et de celles des racines ; expose-l’anatomie aussi 
bien qu’il étoit possible de le faire sans le secours de l'optique, 
et reconnoît même quelques-unes des différences organiques qui 
- séparent les palmiers des arbres à couches ligneuses. En général , 


258 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


il incline trop à comparer la structure végétale à celle des’ani- 
maux ; il trouve dans les plantes, des muscles , des os, des veines, 
des artères; mais il ne suit en cela que lopinion de son siècle, 
et, certes, il est plus excusable que ceux qui, de nos jours, 
ont voulu renouveler cette erreur. On pourroit lui reprocher 


d’avoir obscurci les véritables notions sur les sexes des plantes. 


Les dénominations de mâle et de femelle indiquent, chez Théo- 
phrastes des qualités tout-à-fait étrangères à la structure et aux 
fonctions des organes sexuels. Les fleurs mâles du potiron: ne 


sont, à ses yeux, que des fleurs stériles que le cultivateur doit 
soigneusement retrancher, 5 


Au rapport de Pline, Cratévas, Métrodore et Denis, auteurs 
grecs qui furent postérieurs à Théophraste, imaginèrent de 
joindre des figures aux descriptions des plantes; mais Pline fait 
peu de cas de cette invention; et, en effet, elle ne pouvoit être 
d’une grande utilité dans un temps où les traits caractéristiques 
des espèces étant inconnus, échappoient , pour la plupart, au pin- 
ceau de Partiste. | 

Les livres d’Aristote et de Théophraste furent légués par ce 
dernier, à Neleus, fils de Coriseus, qui les transporta dans*la 
Troade. Neleus en vendit une partie au roi Ptolémée Phila- 
delphe, et: le reste, tombé par héritage entre les mains de gens 
ignorans, fut caché dans des lieux hamides et se dégrada jus- 
qu'au temps où Apellicon de Teïos , en fit l'acquisition pour en- 
richir sa superbe bibliothèque d'Athènes, Cet Apellicon, grand 
amateur de livres, mais peu versé dans les sciences, en faisant 
recopier les écrits d’Aristote et de Thécphraste, et en essayant 
d'en remplir les lacunes, y introduisit beaucoup d'erreurs. Peu 
aprés, Sylla prit Athènes et s’'empara de la bibliothèque d’Apel- 
licon. Il permit qu’on transcrivit les ouvrages qu’elle contenoit. 
Ce soin fut abandonné à des hommes sans lumières. Des copies 
d’Aristote et de Théophraste, plus défectueuses que les premières, 
se répandirent dans Alexandrie et dans Rome. 


Les beaux jours de la Grèce étoient passés; des sophistes gou- 
vernoient les écoles ; l’art d’observer la Nature, découvert par 
le chefdes Péripatéticiens, s'étoit, pour ainsi dire, éteint avec lui. 

A cette époque, les rois de Pergame et d'Egypte fondoient 
des bibliothèques et des jardins de botanique. Les hommes versés 
dans les sciences se rendoient de toutes parts à Alexandrie ; ils 
y étoient recus avec une munificence vraiment royale. Les Ptos 


ET D'HISTOIRE: NATURELLE. 259 


Îémées avoient acquis à grands frais, les ouvrages des poëles, 
des philosophes et des savans de la Grèce. Ces princes ne dédaï. 
gnoient pas de cultiver les sciences : plusieurs composèrent des 
livres. L'Egypte, à l'ombre de leur autorité .bienfaisante, s’en- 
richissoit par le commerce et les voyages. Tout sembloit con- 
courir à y favoriser les progrès de l'Histoire naturelle; mais 
une fausse manière de considérer cette science, rendit inutiles 
les efforts des savans. Ils cherchèrent dans les livres ce qui 


est dans la Nature, et se perdirent en de vaines discussions de 
mots. 


Long-temps Rome , toute guerrière, avoit repoussé loin d’elle 
les arts et les lettres; elle en recut enfin le germe des peuples 
qu’elle avoit vaincus. Il ne faut pas chercher des connoissances 
botaniques dans les livres de Caton, de Varon et de Columelle: 
Agriculture fut l’unique objet de leurs recherches , mais par cette 
raison même on y trouve quelquefois des notions exactes sur la 
Physiologie végétale. 

Un contemporain de Tibère, Pedanius Dioscoride d’Anazarbe 
en Cilicie, et Pline de Vérone, qui florissoit sous Néron, | 
traitèrent plus particulièrement de l’histoire des plantes, et quoi- 
que lun et l’autre soient bien au-dessous de Théophraste comme 
botanistes, l'autorité prodigieuse qu’ils acquirent dans le moyen 
âge , et la direction qu’ils imprimèrent aux esprits, les placent à 
juste titre, parmi les chefs d’école. 

Dioscoride, médecin célèbre, avoit parcouru la Grèce, l'Asie 
mineure, l'Italie, et ilavoit observé les plantes de ces diverses 
contrées. Cependant, rien n’annonce dans son ouvrage écrit en 
langue grecque, qu’il ait travaillé d’après ses propres recherches. 
Son style n’a ni la pureté ni l'élégance de celui de Théophraste; 
ses descriptions, quelquefois plus détaillées, ne sont pas moins 
défectueuses. Il lui arrive souvent aussi de n’indiquer que les 
noms et les propriétés, ensorte qu’on ne peut presque jamais 
savoir de quelle plante il parle. 11 ne connoît ni les espèces, ni 
les genres, ni l’art des méthodes. La division des 600 plantes 
dont il traite, en aromatiques, alimentaires, médicinales, vi- 
neuses, est un simple ordre de matières et ne mérile pas plus 
que celle de Théophraste, le titre de méthode que quelques 
auteurs leur ont donné. La principale cause de la grande répu- 
tation de Dioscoride dans le moyen âge, c’est qu’il fut soigneux 
d'indiquer les propriétés des plantes et les différens noms sous 
lesquels chaque ‘espèce étoit connue de son temps. 


260 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Pline, de même que Dioscoride, négligea la Nature, ne fit 
aucune découverte et puisa toute sa science dans les livres de 
ses devanciers; mais cet homme d’un génie actif, laborieux, 
infatigable, consacrant à des recherches savantes et à des ouvrages 
de littérature, les momens de loisir que lui laissoient ses charges 
publiques , n’ignoroit rien de ce qu’on pouvoit savoir de son 
temps. Son Histoire naturelle, le seul de ses écrits échappé en 
partie aux ravages des siècles et des Barbares, n’est que la moindre 
portion de ses immenses travaux. S’il ne saisit pas toujours le 
vrai sens des auteurs qu'il traduit, s’il recoit pêle-mêle les vé- 
rités et les erreurs et les transmet sans critique, s’il donne faveur 
à des traditions mensongères dont l’absurdité nous révolte, ik 
est blâmable sans doute; mais adinirons la grandeur de son plan 
qui n’embrasse pas de moindres limites que celles de la Nature 
entière, admirons l'incroyable variété de ses connoissances, l'é- 
légance et la noblesse de son style, les traits hardis de sa mâle 
éloquence , l'art merveilleux par lequel il ramène à son sujet, 
les plus hautes considérations de la philosophie pratique. Personne 
avant lui n’avoit peint la Nature avec autant de majesté ; il seroit 
seul encore si M. de Buffon n’eût écrit. 


Tout le monde sait la fin tragique de Pline. Ce grand homme 
commandant la flotte de Micène en l'année 79 de notre ère, 
voulut contempler de près une éruption du Vésuve, et périé 
suffoqué par les exhalaisons sulfureuses. 

Gallien dans le second siècle, Oribase dans le troisième, Paul 
d'Egine et Aetius dans le cinquième, étudièrent les vertus des 
végétaux, mais négligèrent totalement la partie descriptive. 

En résumé, les Grecs et les Romains ne distinguèrent qu’en- 
viron 1200 plantes qui, pour la plupart, étoient employées dans 
la médecine , dans les arts et dans l’économie domestique; et 
ils ne les distinguèrent qu’empiriquement, puisque les descrip- 
tions qu’ils en ont laissées, roulent presque toutes sur des carac- 
ières si vagues qu’ils sont insuffisans pour les faire reconnoître. 


Cependant l'amour des sciences s'éteignoit. Les maîtres dû 
monde, corrompus par leurs victoires et par leurs tyrans, ‘aban- 
donnoiïent à la mollesse. La philosophie vaine et frivole de la 
Grèce vaincue, dominoit dans les écoles de Rome victorieuse 
et faisoit disparoître les traces de la saine philosophie. A ces 
causes d’ignorance se joignit le fanatisme religieux. Les secta- 
teurs de J'évangile et ceux du paganisme incendioient à RL 

es 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. s 26t. 


les bibliothèques, et détruisoient les monumens de la littérature 
sacrée et profane. Dans ces conjonctures, les Barbares se pré- 
cipilèrent sur l'Empire et déchirèrent ce grand corps dont les 
ressorts étoient usés. l'Italie ravagée par les Huns et les Vandales, 
devint successivement la proie des Hérules, des Ostrogoths et 
des Lombards: Ces peuples, nourris dans la guerre, abhorroient 
les sciences et les arts; ils croyoient qu’elles énervent les cou- 
rages et‘ils ne souffroient pas que leurs enfans les cultivassent. 
Le latin cessa bientôt d’être la langue vulgaire ; la population 
diminuä sensiblement; des pays jadis cultivés, se couvrrent 
de marais et de bois, et les bêtes sauvages s’y multiplièrent. 
Dans ces temps déplorables la Botanique eut le sort des autres 
sciences. Des moines, étrangers aux premières notions des Lettres, 
et qui pourtänt passoient pour les lumières de leurs siècles, 
parloient, dans un langage barbare, des plantes de Théophraste, 
de Dioscoride et de Pline dont ils ne comprenoient pas les écrits, 
et méloient à des erreufs de faits , les plus honteuses superstitions. 


Tel s'offrit l'occident aux regards de Charlemagne. Ce mo- 
narque qui eut le génie de la civilisation dans un siècle de 
barbarie, s’efforça vainement de rallumer le flambeau des con- 
noïissances humaines; après lui les ténèbres s’épaissirent: Les 
études cessèrent alors d'avoir un objet déterminé; les limites 
de toutes les sciences se confondirent dans l'ignorance générale. 


Tandis que le luxe et la corruption des Romains livroient 
l'Empire d’occident aux mains des Barbares, l’Empire d’orient 
attaqué, ébranlé, afloibli, se soutenoit encore et conservoit le 
précieux dépôt de la littérature des anciens; mais la plupart 
des lettrés, préoccupés des subtilités de la théologie scolastique, 
ue faisoient aucun efort pour agrandir le domaine des véritables 
sciences. L’intolérancereligieuse priva même l'Empire d’une mul- 
titude d'hommes éclairés. Les Nestoriens condamnés au concile 
d'Ephèse et bannis par Théodose le jeune, portèrent chez les 
Arabes, le goût des lettres grecques et latines , et fondèrent sur 
les rives de l’'Euphrate, des écoles où ils enseignèrent la rhéto- 
rique , la dialectique et la médecine. L 


Les Arabes, amateurs du merveilleux, passionnés pour la 
poésie, ennemis de toute contrainte, alliant à une imagination 
ardente, un fond de férocité naturelle que n’extirpa jamais la 
civilisation la plus raffinée, ne sembloient guères faits pour les 
études assidues et profondes qu’exige la culture des sciences, 


Tome LXXV II. OCTOBRE an 1813 AAA 


263 JOURNAD DE PHYSIQUE, DE CHLMIÉ 


Sous les lois de Mahomet; ce peuple devenu conquérant par fai 
natisme, fut d'abord le fléau de la civilisation. Alexandrie sub- 
juguée, l'éprouva. Alexandrie, tour à tour l'asile et le tombeau 
des Lettres, avoit vu périr, sous le premier des Césars, la fa- 
meuse bibliothèque des Ptolémées; sous Aurélien, celle qu’Au- 
guste avoit fondée ; sous Théodose, celle des Attales qu’Antoine 
avoit donnée à Cléopâtre; et pour la quatrième fois, en posses- 
sion d’une immense collection de livres, qu’elle devoit à son 
amour pour la philosophie, elle ne put la soustraire à la fureur 
de ses nouveaux maitres : Omar fit réduire en céndre cette vo- 
lumineuse bibliothèque où, sans doute, se retrouvoient encore 
quelques vestiges des connoissances de l'antiquité, 


Mais ce peuple s’adoucit sous les califes de Ja race des Om- 
miades. Parmi ces princes se trouvèrent de grands hommes, 
amis des Lettres: un Almansor, un Haroun-al-Raschid, ua 
Almamon. Par:leurs soins Bagdad devint la ville la plus policée 
de la terre. Ils n'épargnèrent ni peines ni dépenses pour former 
des, bibliothèques ; ils firent traduire les meilleurs livres des 
anciéns, en langne Arabe d'après les versions syriaques des 
Nestoriens. Des sayans furent charoés de donner la topographie 
des pays conquis, et d'en décrire les productions naturelles ; 
de grands voyages étendirent et multipliérent les relations com- 
merciales; les Mathématiques, la Médecine et PHistoire natu- 
relle furent cullivées avec ardeur. \ ‘ 

Quand les Arabes eurent conquis l'Espagne, ils y firent pros- 
pérer les Lettres et les Arts, et leurs écoles devinrent célébres 
par toute la terre. Des le onzième Siècle, des Chrétiens français, 
italiens, allemands, anglais, alloïent ÿ puiser les principes des 
sciences ignorées chez eux. Ts étoient accueillis par les sectateurs 
de Mahomet, avec une urbañité dont A n’existoit plus de tracés 
daus les autres contrées de l'Europe. De retour dans leur patrie, 
ils donnoient des traductions des livres arabes, et s'empressoient 
deu répandre la doctrine. ra: 

Les : Arabes conservèrent leur supériorité, sinon dans Ja lit- 
térature, du moins dans les sciences jusque vers la fin, du XVe 
siècle. Mais quand cette, nation, dépouillée successivement de 
ses conquêles d'Europe, eut perdu Grenade, le dernier boule- 
vard de sa puissance, et eut été contrainte de rentrer en 
Alrique , elle se replongea, comme par force de nature, dañs 
l'ignorance sauvage dont l’avoit fait sortir momentanément le 
génie de quelques hommes. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. - ! 263 
Quoique les Arabes aient considéré les plantes plus en mé- 
decins et en agriculteurs qu’en botanistes , et qu'ils n’en aïent 
donné que des descriptions incomplètes et fautives, leurs travaux 
ne furent pas tout-à-fait inutiles à la Botanique, Ils parlent de 
beaucoup de plantes de la Perse, des Indes, de la Chine, qui 
étoient ignorées des anciens. Avicenne, Serapion, Mésué, Aver- 
rhoës, Beithar, et quelques autres, ont rendu leurs noms cé- 
lèbres dans la science, Cependant la plupart tombèrent dans l'erreur 
commune. Admiräteurs ayeugles d’Aristote, de Théophraste, 
‘de Dioscoride , de Pline, que pourtant ils ne lisoient que dans 
des traductions vicieuses, ils s’appliquèrent à les citer et à les 
commenter, ne les comprirent pas toujours, et négligéient cons- 
tamment l'examen des faits. En cela ils suivirent l'exemple des 
Nestoriens leurs maîtres, 


Siles croisades qui commencèrent à la fin da XIe siècle et ne 
finirent que vers le milieu du XIIIe, sont des preuves irrécusables 
de la barbarie et du fanatisme auxquels l'Europe étoit asservie, 
on ne sauroit douter néanmoins que ces expéditions lointaines, 
suggérées par le besoin du changement et par un desir inquiet 
de voir et de connoïtre, n'aient hâté le réveil de l'esprit humain. 

Le XIIe et le XIIIe siècle virent renaîtreen Ltalie, le goût des 
Lettres et des Beaux-Arts qui bientôt devoient faire la gloire de 
cette contrée. Le commerce y florissoit; on commencoit à en- 
treprendre des voyages de long cours, et, dans les relations qu’on 
en publioit, on ne négligeoit point de parler des productions 
végétales qui pouvoient exciter la curiosité des peuples d'Europe, 
Ces relations, commeil est facile de le concevoir, étoient mêlées 
de beaucoup d'erreurs et de mensonges. 


Environ ce temps, on imagina de composer des herbiers, 
invention heureuse, dont, sans doute, les auteurs ne sentirent 
pas toute l'importance, et qui fut réellement l’une des princi- 
pales causes des rapides progrès de la Botanique, dans les siècles 
qui suivirent. 

Cette science, depuis la décadence des Lettres jusqu’à la fin 
dù XIVE siècle, époque où la littérature italienne brilloit du 
plus pur éclat, ne fit naître, chez les Chrétiens d'Orient et 
d'Occident, aucun ouvrage digne de notre attention, Que nous 
.importent, en effet, les écrits d'un Hildegarde, d’un Platearius, 
d'un Myrepsic, d’un Vincent de Beauvais et de tant d’autres 
qui manquoient à-la-fois de science , de discernement et de goût! 

L1 z - 


264 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Les plus habiles, tout-à fait étrangers à l'étude des plantes; 
ciloient des passages défigurés des Grecs, des Romains, des 
Arabes, discutoient sans but et sans fin sur les opinions con- 
traires, transposoient les noms , et souvent , au grand préjudice 
de Part médical, attribuoient à une espèce les propriétés d'une 
autre, 

- Peut-être, à la rigueur, ne connut-on pas mieux les plantes 
dans le XVe siècle, mais on entendit mieux les langues an- 
ciennes et la critique s’épura. Alors l'Italie étoit gouvernée par 
de sages princes qui n’estimoient rien de plus glorieux que de 
commander à des peuples éclairés. Ils attirèrent dans leurs Etats 
des Grecs d’une érudition profonde, les retinrent par leurs lar- 
gesses et les chargèrent d'enseigner la langue d'Homère et d’Aris- 
tote, Un événement qu'il étoit facile de prévoir, eontribua encore 
à ranimer le goût dé la littérature ancienne. Depuis long-temps 
les Turcs menacoient Constantinople; cette capitale de l'empire 
d'Orient devint enfin leur proie, et les Grecs lettrés se réfu= 
gièrent en Italie où déjà l'on entrevoyoit l'aurore du beau siècle 
de Léon X. : 

Le XVe siècle fat donc l'époque de l’érudition. On s’'eflorca 
de rétablir le texte des anciens; on en donna de bonnes traduc- 
tions qui furent éclaircies par de savans commentaires ; mais ces 
grands travaux qui eurent une si heureuse influence sur la lit- 
térature, ne furent pas toujours aussi favorables aux progrès 
de l'Histoire naturelle. George Valla, Théodore Gaza, Marcellus 
Vergilius, Hermolaus Barbarus et quelques autres qui tradui- 
sirent ou commentèrent Aristote, Théophraste, Dioscoride et 
Pline, s’exercèrent plus à connoître les livres que la Nature, En 
ce point ces savans hommes suivirent l’exemple de Pline et de 
Dioscoride et ils eurent eux-mêmes beaucoup d’imitateurs. Ce. 
pendant, s’il est vrai que l’érndition soit utile au naturaliste et 
qu'il ne lui soit pas permis d'ignorer ce qu'ont écrit ses prédé- 
cesseurs , il n’est pas moins vrai que sans l’examen et la com- 
paraison des êtres, il ne peut exister de science solide en His- 
toire naturelle. 

Je ne dois pas omettre que vers la fin du siècle, un certaix 
Cuba, médecin de Francfort, joignit des gravures en bois à 
509 mauvaises descriptions de plantes, parmi lesquelles on 
compte quelques espèces indigènes. Cette alliance du dessin et 
de la botanique étoit une nouveauté chez Jes modernes; ainsi, 
quoique les gravures de Cuba ne soient pas moins défectueuses 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 265 


que son texte, on ne sauroit lui contester le mérite de l’in- 
vention. 


Tandis que l'Italie s’enrichissoit une seconde fois des trésors 
littéraires de la Grèce, l'Espagne et le Portugal s’éclairoient par 
les voyages. Bethancourt prend possession des Canaries pour la 
Castille ; les Portugais reconnoissent les côtes occidentales de 
l'Afrique et les îles du cap Vert; Bartholomé Diaz touche au 
cap de Bonne-Espérance; Vasco de Gama le suit et pénètre 
dans les Indes; Christophe Colomb découvre le Nouveau-Monde. 


Ainsi le XVIe commenca sous d’heureux auspices : l'amour 
des chefs-d'œuvre de l'antiquité renaissoit avec la culture des 
langues anciennes; les princes cherchoient une gloire solide 
daus la protection qu’ils accordoient aux hommes de génie; 


des voyageurs intrépides reculoient au loin les limites du monde 
connu. 


Ce fut alors que l'Italie, d’où venoit toujours Ia lumière, 
fonda -des jardins de botanique. Les autres nations l’imitèrent, 
Vous concevez quel avantage ce fut pour l'observateur, de 
trouver réuni dans les étroites limites d’un jardin, des végétaux 
de tous les pays; de pouvoir, à chaque instant les comparer 
les uus aux autres; de les suivre dans leur croissance et de voix 


se développer leurs diflérens organes , selon l'influence de la 
saison et des localités. 


Il faut avouer que depuis Théophraste, la Botanique, loir 
de se perfectionner, avoit fait des pas rétrogrades. On connoissoit 
nominalivement un plus grand nombre de plantes, mais on 
avoit des idées moins nettes sur leur organisation, et l’art d’ob- 
server étoit perdu. C’étoit la suite des méthodes vicieuses, bien 
plas nuisibles, dit Malpighi, au développement des facultés in- 
tellectuelles, et par conséquent, aux progrès des lumières, que 
ne le furent jamais les ravages des Barbares. 

Enfin on ouvrit les yeux; on vit le mal; on chercha le remède, 
Les ouviages d'Othon Brunfels, de Jérôme Tragus, d'Antoine 
Musa: Brasavolus, de Léonard Fusch et de quelques autres, 

eu consultés aujourd'hui, nrontrent le retoure des esprits vers 
Fétude de la Nature. La plupart de ces auteurs s’élèvent avec 
force contre les fausses opinions de leur temps. « Notre aveugle. 
» respect pour les anciens, disent-ils, est un obstacle insurmon- 
». table aux progrès de la Botanique. Nous ne voulons trouver: 
» partout , que les plantes de Théophraste, de Dioscoride et de: 


266 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


» Pline; cependant ces botanistes n’ont pas connu la centième 
» partie des plantes qui couvrent le globe; Théophraste n'est 
» jamais ‘sorti de Ja Grèce; Dioscoride, plus curieux d'exposer 
» les propriétés médicinales des végétaux que d’en décrire les 
» formes, n’a laissé, en général, que des notes incomplètes pour 
» le botaniste, et Pline a copié sans critique et sans discerne- 
» ment, les auteurs qui l'ont précédé. Nous ne pouvons appli- 
» quer aux plantes de l'Allemagne ou de la France, les noms 
» sous lesquels les anciens désignent celles de l'Italie, de la 
» Grèce et de l'Asie. La main du Créateur a varié, presque à 
» l'infini, les productions du règne végétal. Il n’y a, pour ainsi 
» dire, pas de place qui n'offre quelques plantes inconnues ail- 
» leurs. Avant d'étudiér les espèces des pays étrangers dont 
» nous ne voyons ordinairement que des échantillons défigurés 
» chez les herboristes, examinons celles qui sont propres à notre 
» sol. Le vrai moyen pour les connoître, c’est de parcourir les 
» plaines, les vallées, les montagnes. Les bibliothèques seules 
» sont insuffisantes pour former des botanistes. À quoi nous 
» mènent nos subtils raisonnemens sur fa nature et les qualités 
» des espèces? nous ne sommes pas même en état de les distin- 
» guer les unes des autres, Et quelle honte pour nous de citer 
» sans cesse les Arabes, eux qui n’ont su ni observer la Nature, 
» ni comprendre les livres des anciens dont ils ont corrompu 
» le texte, et qui ont rempli leurs propres écrits des erreurs les 
» plus grossières! »# ti 

Ces réflexions amencrent une heureuse révolution dans les 
études. De jour en jour les erreurs de critique devinrent moins 
fréquentes. Les plantes européennes furent examinées, décrites 
et gravées. Le fils d’un tonnelier de Mayence, Othon Brunfels, 
parut des premiers dans cette carrière. Voilà ce qui le recom- 
mande à la mémoire, car d’ailleurs, ses gravures en bois ne 
représentent que des plantes très vulgaires, souvent mal nom- 
méés ; et ses descriptions, réunies sans ordre, ne correspondent 
pas toujours à ses figures, 

Son ami, Jérôme Tragus d'Heydesbach, s’attacha aussi à dé- 
crire et à faire dessinér les plantes indigènes. 11 étoit très-érudit, 
mais n'ayant aucune connoissance des plantes exotiques, il les 
confondit quelquefois avec celles de l'Allemagne , ettomba ainsi 
dans des méprises que lui-même il conseilloit d'éviter. Les mo- 
dernes, jusqu'alors n’avoient admis que l’ordre alphabétique ; 
Tragus sentit combien cette distribution étoit vicieuse, il essayd 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, ‘267 


de rapprocher les espèces en vertu de certaines ressemblances 
générales, et il trouva beaucoup d’imitateurs parmi ses contémi- 
porains. 

Vous noterez donc comme un fait incontestable, que la re- 
cherche des rapports naturels, date de la renaissance de la Bo- 
tanique, et est antérieure à l’invention des méthodes artificielles. 


Les plarites des environs de Cologne furent examinées par 
Euricius Cordus, né dans la Hesse; celles de la Saxe, des foréts 
d'Hireynie, de la Misnie, de la Bohème, de l'Autriche, du nord 
de l'Italie, par Valerius son fils; celles du midi de l'Allemagne 
par Léonard Fuseh de Wembdingen qui publia des figures très- 
exactes; celles de la Ligurie, de la France, de lIilyrie, par 
Antoine Musa Brasavolus, noble vénitien. Aloysius Anguillara, 
romain d’une vaste érudition, visita l'Italie, PEsclavonie, la 
Corse, la Sardaigne, la Crête, Chypre et plusieurs-contrées de 
la Grèce; Batholomé Maranta de Vénuse, les montagnes de 
la Pouille, de la Calabre, et surtout Saint Jean de la Capitanate; 
François Calceolarius et Jean Pona, apothicaires à Véronne, 
le Mont Baldus ; Ferrand Imperati, apothicaire à Naples, l’ftalie 
et particulièrement les côtes maritimes. Ce fut lui qui soupconrna 
le preinier que les coraux et les madrépores appartiennent au 
règne animal, 

La Suisse fut le théâtre des recherches de Benedict Aretius, de 
Jean Fabricius et de Jean Fischart. Jacques Pierre Esteye,Jean 
Fragosi, Bernard Cienfuegos étudièrent les plantes de l'Espagne. 
Cologne, Strasbonrg, Bâle , Padoue et l'Angleterre furent visitées 

ar Guillaume Turner de Northumberland ;-la Hollande et la. 
Kétéique par le Frison Rambert Dodoens qui s’attacha à rap- 
procher les plantes par l’ensemble des caractères ; le Lyonnais 
et le Dauphiné, par le Normand Jacques Dalechamp, qui mourut 
avant d'avoir terminé une histoire générale des plantes qu'il 
avoit entreprise ; l'Autriche méridionale et lItalie, par Pierre 
André Mathiole, médecin senois, que ses savans commentaires 
sur Dioscoride rendirent pour lors si célèbre ; mais qui ne craignit 
pas de mêler à des figures très-exactes, des figures imaginaires, 
et qui ne put jamais supporter la critique en homme sociable 
et tolérant. 


Plusieurs de ces botanistes ne se bornèrent pas à parler des 
plantes indigènes, ils traitérent de toutes celles qui vinrent à 
eur connoissance, T'els furent Dalechamp, Dodoens, Turner. 


266 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Parmi les botanistes célèbres du XVI£ siècle, je ne dois pas 
oublier non plus Joachim Camerarius de Nuremberg et son 
neveu Joachim Jungerman de Leipsic; Fabius Columna, na- 
politain, de l'illustre famille des Colonnes; Adam Zaluzian de 
Bohême, Jacques Théodore Tabernemontauus d'Alsace, et Mat- 
thias Lobel de la Belgique. Ce dernier, écrivain incorrect et 
dur, qui de plus, n’est pas à l'abri de tout reproche d'infidélité, 
se distingue néanmoins, à quelques égards, par sa science et par 
sa doctrine. Il parcourut la Belgique, la Hollande, l'Allemagne, 
les contrées septentrionales de l'Italie, la France méridionale 
et l'Angleterre, Ses voyages, joints à l'étude des livres, et les 
relations scientifiques qui s’établirent entre lui et le savant pro- 
vençal Pierre Péna, lui firent connoître un grand nombre de 
plantes tant indigènes qu’exotiques. Il entreprit, à l'exemple de 
Tragus et de Dodoens, de les ranger par la considération de 
l’ensemble des caractères, et il surpassa de beaucoup ses mo- 
dèles, Chez lui, les plantes monocotylédones sont, en général , 
séparées des plantes dicotylédones, et les espèces de plusieurs 
familles en groupe sont réunies avec beaucoup de sagacité. C’est, 

‘assurément, tout ce qu'il étoit possible de faire à cette époque, 
puisqu'aujourd’hui même, où l'intelligence des caractères est 
portée siloin,les botanistes exercés à saisir les rapports naturels, 
ont encore tant de peine à former les familles par enchaînement, 
Zaluzian travailla à perfectionner les groupes naturels de Fucbs; 
mais ce qui lui donne un éclat particulier, c’est qu’il est le plus 
ancien des botanistes modernes qui aient parlé en termes pos 
sitifs, des sexes des plantes. | 


Pendant quela plupart des botanistes se livroïent exclusivement 

à l'étude des espèces indigènes, d’autres botanistes, non moins re=g 
commandables, voyageoient dans les contrées éloignées. Pierre 
Belon, un Français courageux, infatigable, parcourt la Grèce, 
l'Egypte, laSyrie, la Bithynie. Le prussien Melchior Guilandinus 
suit les traces de Belon. Jean Cortus va en Syrie, Léonard Rau- 
wolf, médecin d'Augsbourg, visite l'Egypte, la Palestine et 
lusieurs provinces occidentales de PAsie. Prosper Alpin, né 
à Marostica dans les états de Venise, séjourne trois années en 
Egypte, et donne sur la végétation de cette lerre classique, des 
notions plus positives que ne l’avoient fait Belon, Guilandinus 
et Rauwolf. Auger Cluyf, fils de Théodore Auger Cluyf, fon- 
dateur du jardin de Leyde, passe en Afrique et pénètre dans 
l'intérieur des terres. Gracias ab Orto, médecin portugais, habite 
trente 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 269 


trente années.les Indes orientales. Christophe Acosta, autre mé- 
decin portugais, né en Afrique, voyage aussi dans les Indes. 
Un autre Acosta, jésuite espagnol, va au Pérou; Francois Her- 
nandez, médecin de Philippe IT, au Mexique; le hollandais 
Pison et l'allemand Marcgratf au Brésil. 


Malgré tant de travaux utiles à la Botanique, elle seroit peut- 
être encore restée dans l'enfance, s’il ne se fût rencontré en 
ces mêmes temps, des hommes d’un génie supérieur , qui tracèrent 
des routes plus sûres que celles que l’on avoit suivies jusqu’alors. 
Je veux im de Conrad Gesner , de Charles de PEcluse, d'André 
Cæsalpin, de Jean et Gaspard Bauhin. J'ai cru devoir négliger, 
l’ordre chronologique pour réunir ici, sous un seul point de vues 
-ces cinq hommes illustres. Ils sont, sans contredit , les premier ; 
naturalistes de leur siècle; on ne peut les comparer qu’entre eux 
leurs découvertes forment un faisceau de lumière qui éclaira les 
siècles suivans. 


Gesner, né à Zuric en 1516, de parens pauvres et obscurs, 
fut un homme étonnant par l’étendue de ses connoiïssances et 
la force de son esprit. Obligé de faire des livres pour vivre, 
il en composa*un très-grand nombre sur diverses matières, et 
tous paroîtront admirables, si lon se reporte au temps où ils 
furent publiés. Il entreprit, le premier, de former une collection 
générale d'histoire naturelle. Les Alpes, la Provence, le Dau- 

hiné, le Milanais lui offrirent de nombreux sujets d'observations. 
l y trouva surtout beaucoup de plantes inconnues. Les gravures 
qu'il a jointes à ses descriptions botaniques, sont supérieures à 
toutes celles qu’on avoit publiées jusqu’alors. Elles offrent souvent 
la représentation détaillée des organes de la reproduction. De 
tels titres suffiroient pour assurer à Gesner un se distingué 
parmi les savans du XVIe siècle ; mais ce qui doit le faire consi- 
dérer comme l’un des fondateurs de la Botanique moderne, c’est 
qu’il enseigna ce qu’on n’avoit pas encore nettement aperçu, 
qu'il existe dans le règne végétal, des groupes ou genres com- 
posés chacun de plusieurs espèces, réunies par les caractères 
semblables de la fleur et du fruit. Bientôt après que ce principe 
fut promulgué, les botanistes comprirent que les diverses races 
de plantes ont entre elles des rapports naturels, fondés sur la 
ressemblance ou la différence des caractères ; que les caractères 
les plus évidens ne sont pas toujours les plus importans; qu’il 
faut les étudier et les comparer tous pour assigner, autant que 
possible, leur subordination et leur valeur respective. Certes, 


Tome LXXV'ITI, OCTOBRE an 1813. Mu 


270 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


voilà des vérités fondamentales ; et l'on ne sauroit nier que la 
distinction des espèces, l'établissement des genres et des familles, 
l'invention des méthodes artificielles, en un mot, le système 
entier de la science du botaniste, n’en soit une conséquence 
immédiate. Gesner est donc le promoteur de la plus mémorable 
et de la plus utile révolution que la Botanique ait jamais 
éprouvée. 

En 1526, naquit à Arras, Charles de l’Ecluse ou Clusius. 
Ses parens le destinoient à la jurisprudence ; mais son goût 
décidé pour la Botanique lui fit abandonner l'étude du droit. 
Il avoit une mémoire prodigieuse ; les langues anciennes et mo- 
dernes lui étoient également familières. 11 parcourut l'Espagne, 
le Portugal, la France, l'Angleterre, l'Allemagne et la Hongrie, 
et il en étudia les productions végétales avec tant d'ardeur, qu’il 
surpassa bientôt tous les botanistes de son temps par sa profonde 
connoissance des espèces indigènes. Il selivra avec un égal succès 
à l'examen des espèces exotiques. Après avoir dirigé pendant 
plusieurs années le Jardin impérial de Vienne, il se rendit à 
Leyde, y professa publiquement la Botanique, et, quoiqu'il fût 
alors accablé d’années et d’infirmités, sa passion pour l'étude 
des végétaux ne s’afloiblit pas; il ne cessa de travailler qu’en 
cessant de vivre. 


L'art de bien décrire les plantes étoit ignoré avant Charles 
de l'Ecluse. Les descriptions, tantôt étoient diffuses, obscures, 
entrecoupées de détails inutiles, ensorte que les caractères dis- 
tinctifs se perdoient au milieu d’une abondance de mots stériles ; 
et tantôt, elles étoient si courtes, si incomplètes, si vagues, 
ques convenoient également à une multitude d'espèces très- 
différentes les unes des autres, Charles de l’Ecluse y fit régner 
l'exactitude, la précision, la netteté, l'élégance, la méthode, IL 
ne dit rien de superflu, il n’omit rien de ce qu’il convenoit de 
dire, si ce n’est certains détails de la fleur et du fruit, qui r’ont 
été bien observés que dans le XVIIIe siècle, et c'est unique- 
ment sous ce dernier point de vue, que les descriptions des mo- 
dernes sont plus complètes que les siennes. 

Gesner avoit démontré l’existence des genres, et même il avoit 
indiqué comment on doit procéder à leur découverte; mais ce 
n'étoit pas assez ; le nombre des espèces connues alloit croissant 
de jour en jour, et l'invention de méthodes artificielles à l’aide 
desquelles on pût facilement retrouver dans les auteurs, les des. 
criptions des plantes dont on voudroit étudier les caractères, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 271 


ou les propriétés, devenoit désormais indispensable. Cæsalpin, 
né en 1519 à Arezzo en Toscane, imagina de former des groupes 
d'espèces et de les subdiviser par des caractères constans , sans 
d'ailleurs avoir pour but de conserver les aflinités naturelles. 
La durée et la grandeur des plantes, la présence ou l'absence 
des fleurs, le nombre des cotylédons, la situation des graines 
dressées ou pendantes, ladhérence au péricarpe de certaines 
graines solitaires, Le nombre des loges des fruits et le nombre 
des graines qu’ils renferment , l'adhérence ou la non-adhérence 
du périanthe à l'ovaire, la nature de la racine bulbeuse ou 
chaynue, furent les caractères que ce grand naturaliste employa 
et combina dè diverses manières pour former ses divisions et 
ses subdivisions. Voilà, sans doute, le plus ancien modèle d’une 
méthode botanique; car il ne convient nullement, ainsi que je 
l'ai déjà fait observer , de décorer du titre de méthodes les 
ordres de matières qu’on avoit adoptés jusqu’à cette époque. 
À la vérité, ce modèle est défectueux. Il n’a ni la simplicité, 
ni l'unité qui pourroient le rendre d'une application facile ; 
mais il seroit injuste d'exiger de l'inventeur, une perfection que 
J'on trouve à peine chez les modernes. La méthode de Cæsalpin 
contient le germe d’une multitude d’observations et de décou- 
vertes qui ont illustré ses successeurs; toutefois, elle n’eut pas 
autant d'influence sur les esprits qu’elle méritoit d’en avoir, 
parce que l’auteur ne forma point de genres et négligea tout-à- 
fait la synonimie des espèces. 


‘#Comment en effet se reconnoître au milieu de tant d'espèces 
“ét rapporter à chacune d'elles ce qui lui appartient, si les bo- 
tanistes ne prennent soin de citer exactement les auteurs origi- 
vaux qui ont écrit avant eux, et de rappeler les diflérens noms 
sous lesquels une seule et même espèce a été désignée. Sans sy- 
nonimie toute l'Histoire naturelle est obscure et incertaine. Au 
temps dont je parle, cette partie de la seience étoit bien négligée. 
Elle fut mise en honneur par les deux illustres frères Jean et 
Gaspard Baubhin,et c’est là, surtout, ce qui a rendu leurs noms 
recommandables. Ils étoient fils de Jean Bauhin, originaire 
d'Amiens, retiré à Bâle où il exercoit la médecine avec distinc- 
tion. Jean, l'aîné des deux frères, naquit en 1541 ; il fut dis- 
ciple de Fusch et ami de Gesner. Il voyagea en Suisse , en 
Italie, dans la Suabe, le Jura, la Gaule narbonaiïse, etc., et 
composa une Histoire générale des plantes, qui comprend 5266 
espèces. Cet ouvrage brille par une érudition immense, une 


Mm 2 


272 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


saine critique, une synonimie exacte et même par beaucoup dé 
rapprochemens naturels, 


Gaspard, né en 1560, aussi actif, aussi savant , aussi judicieux 
que son frère, et doué d'un génie encore plus vaste, concut le 
pie d’un ouvrage qui devoit renfermer l'histoire détaillée et 
a synonimé complète de toutes les plantes. Malheureusement 
la mort vint le surprendre avant qu'il eût mis fin à ce grand 
travail. Nous n’en possédons que la table et le premier volume; 
mais ces fruits de 40 années de recherches et d’observations 
suflisent pour la gloire de Gaspard. Le premier volame contient 
l'histoire des GRAMINÉES, des CYPERACÉES et des LILIACÉES. 
La table, célèbre sous le nom de Pinax, forme à elle seule 
un ouvrage immense; elle renferme la citation de 6000 espèces 
et la synonimie de tous les auteurs depuis Tragus. On “er 
marque aussi la première esquisse des genres. Matthiole, Dale- 
champ, Lobel, Charles de lEcluse , Jean Bauhin, avoient souvent 
rapproché les espèces qui leur paroissoient avoir quelques res- 
semblances , mais ils mavoient pas exprimé ces ressemblances en 
tête de chaque groupe. Gaspard Bauhin entreprit de donner des 
notes génériques. Il faut convenir qu’elles ne ressemblent guère 
à celles de T'ournefort, et moins encore à celles de Linné. Elles 
ne contiennent, pour l'ordinaire, que des étymologies de noms 
et quelques mots vagues sur les propriétés, les usages, la couleur, 
le port et l’habitation des plantes. D'ailleurs, les espèces qui 
composent chaque genre n’ont point de dénomination commune, 
Ainsi les idées de Gesner n’avoient pas encore beaucoupfructifié. 
Gaspard Bauhin voyagea en Suisse, en Italie, en Allemagne, dans 
le midi de la France, et il enrichit ses ouvrages de plusieursespèces 
inconnues avant lui. 

Ici se termine ce que j'avois à dire sur la botanique du XVIe 
siècle. Avant d'aller plus loin, arrêtez -vous un moment ; re- 
portez Vos regards en arrière; rappelez-vous ce qu’étoit la science 
au temps de Cuba; voyez ce qu’elle devint dans l’espace de cent 
années, et vous reconnoîtrez la puissante et prompte influence 
des bonnes méthodes sur les progrès de l'esprit humain. 

Tous les travaux botaniques du XVIe siècle ont un caractère 
de nouveauté; car alors il fallut tout créer; c’est pourquoi je 
n'ai pas autant négligé les détails que je le ferai dans la suite 
de ce Discours. 

(La suite au Cahier prochain.) 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 273 


EXTRAIT D'UN MÉMOIRE 


— 


SUR 


LE RAPPORT DE LA DILATATION DE L’AIR 


AVEC LA CHALEUR; 
J * 


Par H. FLAUGERGUES. 


L’ACADÉMIE des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, 
avoit proposé pour sujet d’un prix , de « déterminer par des expé- 
» riences exactes et de cinq en cinq degrés, la variation que 
» subit un volume d’air atmosphérique donné, en passant d’une 
» température donnée à une autre sous une pression donnée, etc. » 
Cette célèbre Société, dans son assemblée publique du g août, 
a daigné couronner un Mémoire que j'ai eu l’honneur de lui 
adresser, et a bien voulu ajouter à cette faveur, celle de m’ad: 
mettre au nombre de ses associés non-résidans ; je sens que je 
ne dois ces distinctions qui seroient si flatteuses' si elles étoient 
bien méritées, qu’à son extrême indulgence : comme mon Mé- 
moire est d’une étendue qui ne permet guère de le livrer à 
l'impression, j'ai cru que ce seroit entrer dans les vues de l’Aca- 
démie de Rouen, et faire plaisir aux physiciens, que de publier 
les principaux résultats de mes expériences; c’est ce que je vais 
faire le plus succinctement qu’il me sera possible. 

Plusieurs physiciens ont tâché de déterminer la quantité dont 
se dilate un volume d’air donné en passant d’une température 
donnée à une autre; mais leurs expériences, quoique très-simples, 
présentent dans leurs résultats des différences assez sensibles. On 
peut en juger par la table suivante où J'ai renfermé les rapports 
entre le volume de l'air à la température de la glace fondante, 
et le volume du méme air, à la température de l’eau bouillante, 
calculés d'après les expériences que jai pu recueillir. 


É e 


274 JOURNAL DE PHYSIQUE , DE CHIMIE 


Rapport des volum. 
NOMS OUVRAGES 


DES AUTEURS. à à l'eau | -* où setrouvent les expériences. 
la glace. |bouillant. 


MM. Amontons. 
Hauxbée. 
Crucquius. 


Mém. de l’Acad. ann, 1703, p. 200. 
Physico mechanical experim. , p. 
Transact. philosoph., n° 381, p. 4. |} 
Cours de Phys. expér., t. Il, p.175. 
Transact. philosoph. , n° 407, p. 
Leçons de Phys. exp., t. III, p. 251. 
Astron, de Lalande, t. II, p. 545. 
Mécan. céleste, t.IV, préf., p.XxXI.] 
Pirom. de M. Lambert, Berlin, 1779. 
Physique mécan. de Fischer, p. 88. 
Annales de Chimie, n° 148, p. 137. 


Muschembroeck. 
Desaguliers, 

Gi) {Notes 
Bonne. 
Tob. Mayer. 
Lambert. 
Dalton. 
Gay-Lussac. 


neo rene se sususs 


Les différences qui se trouvent dans ces rapports qui devroiïent 
être égaux, viennent sans doute de l'humidité de l’air employé 
dans ces expériences, et de celle des vaisseaux dans lesquels cet 
air est renfermé; on sait que l’eau réduite en vapeur occupe 
un espace de 1728 fois plus grand que celui qu’elle occupoit 
étant fluide, et dans ce nouvel état, sa dilatation est encore 
plus considérable que celle de l’air (2). J'ai senti cet écueil en 
employant pour mes expériences, de l'air parfaitement desséché 
au moyen du procédé décrit dans mon Mémoire sur l’évapo- 
ration (3); je remplissois de cet air ainsi desséché, un matras 
de verre de la contenance de 71 pouces cubes et demi, parfai- 
tement sec intérieurement ; ce matras bouché simplement avec 
une plaque de verre posée sur son orifice, étoit placé dans un 
bain d’eau d’une température connue, et il y restoit un temps 
suffisant pour que l'air qu’il contenoit parvint à cette tempéra- . 
ture; l'air dilaté par la LA s’échappoit en soulevant la plaque 


(1) Je soupçonne que ces deux physiciens n’ont fait en cela que copier 
Muchembroeck. : 
(2) M. de la Hire ayant rempli uneñfiole d’air, un jour que le ventétoit ouest 
assez humide , et qu’il, tomboit une petite pluie, cet air fut dilaté par la chaleur 
de l’eau bouillante, de manière à occuper 4 fois et demie plus d'espace que 
dans son état naturel, (Â/ém. acad., an. 1508,p. 9285.) 
(5) Journal de Physique , tome LXX , pag. 157. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 27ä 
de verre; lorsqu'il n’en sortoit plus et que l’air intérieur étoit par- 
faitement en équilibre avec Pair extérieur, j'enlevois le matras 
en le tenant exactement bouché avec la plaque de verre, et je 
le plongeois, l'orifice tourné en- bas , dans une cuve pleine d’eau 
à la température de la glace fondante, entretenue à cette tem 
pérature au moyen d’une quantité de glace à peu près égale à 
celle de l’eau, et qui y étoit plongée; je bouchois le matras sous 
l'eau, ce qui permettoit à une certaine quantité d’eau de la 
cuve, de s'élever dans ce matras pour remplir la place aban- 
donnée par l'air condensé par le froid; lorsqu'il n’entroit plus 
d'eau, je bouchois de nouveau le matras en faisant glisser la 
plaque de verre sous son orifice, toujours plongé dans l’eau; 
J'avois soin , dans cette opération, de tenir le matras élevé, de 
manière que la surface de l’eau qui y restoit toujours suspendue, 
fût exactement de niveau avec la surface de l’eau de la cuve; 
j'enlevois ensuite le matras, et après l’avoir parfaitement essuyé, 
je le pesois avec le plus grand soin, et en défalquant de celte 
pesée le poids du matras vide, j'avois le poids de la quantité 
d’eau à la température de la glace fondante, qui s'étoit intro- 
duite dans le matras par l'effet de la condensation de l’air. Le 
poids de la quantité d’eau à la même température, que conte- 
tenoit le matras exactement plein, ayant été déterminé par des 
expériences antérieures , je n’avois plus à faire que la proportion 
suivante, La différence entre le poids de l’eau à la température 
de la glace fondante que contenoit le matras exactement plein, 
et le poids de l’eau à la même température, qui s’y étoit in- 
troduite par l’effet de la condensatiôn de l'air, est au poids de 
l'eau que contenoit le matras exactement plein, comme 106000 
(volume supposé de l’air à la température de la glace fondante > 
est à X, volume du même air à la température qu’avoit acquise 
l'air du matras dans cette expérience, ce qui est le rapport 
demandé. 


Ces expériences, quoique très-simples, exigent cependant des 
attentions minutieuses et pénibles, soit dans leur manipulation, 
soit dans leur réduction : les principales sont de faire plusieurs 
expériences préparatoires, et seulement avec de l’eau échauffée 
au degré donné, avant celles dont on doit noter les résultats, 
afin que tont l’appareil ayant acquis le degré de chaleur qu’on 
desire, les opérations soient plus promptes et avec moins de 
perte de chaleur; et celles d'avoir constaté par des expériences 
précises, le degré de dilatabilité du verre dont le matras est 


276 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


fabriqué, afin de pouvoir calculer exactement le changement de 
capacité de ce matras aux différentes températures des eaux 
dans lesquelles il est successivement plongé; la capacité du matras 
que J'ai employé, augmentoit de 0,1786 de pouce cube, lorsque 
ce vaisseau passoit de la température de la glace fondante à celle 
de l’eau bouillante. | 

© Dans mes premières expériences je déterminois la chaleur ac- 
quise par l'air du matras, au moyen d’un petit thermomètre 
de mercure, construit par feu M. Paul de Genève, dont le volume 
étoit exactément de or,3834, et qui étoit suspendu et fixé au 
milieu du matras; mais comme les degrés égaux de l’échelle du 
thermomètre ne correspondent pas rigoureusement à des quantités 
parfaitement égales de chaleur, j'ai abandonné cette méthode 
pour employer celle des mélangés de deux quantités d’eau con- 
nues, dont chacune a une température également éonnue : cette 
méthode fut proposée pour la premiére fois, en 1694, par 
Charles Renaldini, professeur de Physique à Padoue, comme 
pouvant servir pour graduer un thermomètre (1); elle a été 
employée, depuis dans diflérentes vues, par MM. Taylor, Kraft, 
Richmand (2), Sage (3), Nollet (4) ét Delue (6). ) 


Soit m une quantité d’eau à la température Z, M une autre 
quantité d’eau à la température T, et C le degré moyen de 
température de ces eaux : Pau elles auront été mêlées ensemble, 
ES : cette formule est de M. Richman (6), 
qui l’a démontrée dans les Mémoires de lAcadernie de Péters- 
bouxg, et on peut le faire de plusieurs autres manières. Il est 
aisé, au moyen de cette formule, de déterminer le degré de 
chaleur réelle qui résulte du mélange de deux quantités d’eau 
connues, et dont les températures sont connues, ou les quantités 
d’eau à des températures données qu'il faut mêler ensemble pour 
produire un degré donné de chaleur. 


Dans mes expériences, la température de l’eau chaude étoit 
de 78° du thermomètre de M. Deluc, et la température de l’eau 


on aura C— 


(1) Caroli Renaldi , naturalis Philosophia Pataviæ , 1694. 

(2) Novi Commentarii Acad. Petrop. , tome I, pag. 152 à 173. 

(5) Recherches sur lès modifications de l'atmosphère ; l'an 2, p. 58 et 150. 
(4) Leçons de Physique ezxpér. , tome IV, pag. 512 et suiv. 

(6) Rech. sur les modific. de l'atmosph,, tome Il, pag. 160 et sui. 

(6) Novi commentari: Acad, Petrop., tom I, pag: 54. 


froide 


ET D'HISTOIRE NATURELLE: °F 
froide étoit la même que celle de la glace fondante, ou Zéro » 
EME BC 
m+<M FESNT 
Comme ces expériences sont les plus éxactes, et celles sur les 
résultats desquelles on peut élever le-moins de doute, ce seront 
aussi les seules dont je rapporterai les résultats dans la Table 
suivante divisée en cinq colonnes dont voici l'explication (r). 

La première colonne contient de cinq en cinq les degrés de 
chaleur réelle et uniforme, en supposant que la différence de 
chaleur entre la température de l’eau bouillante et celle de la 
glace fondante , est divisée en 8o parties égales. 

La seconde. colonne, le nombre des expériences faites à chaque 
degré de chaleur de la première colonne. 


ce qui simplifioit la formule qui se réduisoit à 


La troisième colonne, les rapports moyens des volumes de 
l'air à la température de la glace fondante, et à chaque degré de 
chaleur de la première colonne, trouvés par la réduction des 
résultats des expériences faites à ces degrés de chaleur. 


La quatrième colonne renferme les mèmes rapports calculés 
de cinq en cinq degrés de chaleur réelle et uniforme, dans la 
supposition que la dilatation de l’air est proportionnelle à la 
chaleur, et que le volume de l'air à la température de la glace 
fondante étant supposé — 100000, le volume de Pair à la tem- 
pérature de l’eau bouillante, est = 137168 , ainsi qu'il résulte des 
dix premières expériences. 

Enfin la cinquième colonne renferme les différences entre les 
rapports calculés et les rapports observés. 


(1) Toutes ces expériences ont été faites dans des temps où le baromètre étoit 
tres-proche de sa hauteur moyenne, qui est à mon observatoire, de 27/11/05 à 
midi vrai , corrigé de l’effet de la capillarité , et le mercure supposé à la tempés= 
rature de Ja glace fondante. 


Tome LXXV'II. OCTOBRE an 1813. Nn 


278 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


1,023%15 
1,04634 
1,0b966 
1,09301 
1,1160g 
1,18903 
1,16280 
1,18602 
1,20880 
1,23147 
1,25536 
1,27997 
1,3029 
1,32542 
1,54878 
1,371168 


1,02323 
1,04646 
1 ,06969 
1,09292 
nn 6eE 
1,13938 
1,16261 
1,18584 
1,20907 
1,25230 
1,25255 
1,27876 
1,9019g 
1,82522 
1,54845 
1,371168 


PIERRE 


9 
6 
6 
5 
6 
5 
6 
5 
5 
6 
4 
5 
O 


D et D D ei Di ei Di be ét Di bed be di be bd 
RCE TELELEEREN TENTE LEE EE TELE. 


ose orne re te se see se sons re ossess 


mn 


En examinant la cinquième colonne de cette Table, on re- 
marquera facilement, 1° que les différences entre les rapports 
calculés et les rapports observés, sont en général très-peu con- 
sidérables, puisque la plus forte de ces différences, qui est celle 
qui a lieu au boe degré de chaleur, n’est que de 0,00083, ou 
d'environ + partie de l’antécédent; 2° que ces différences sont 
tantôt positives et tantôt négatives, sans suivre aucun ordre fixe, 
soit dans leur nature, soit dans leurs valeurs, et qu’au contraire 
leur marche est tout-à-fait irrégulière et sans suite ; 30 que ces 
différences positives et négatives sont en nombre presque égal, 
ÿ enayant huit positives et sept négatives ; 4° enfin, que la somme 
0 00191 est presque égale à la somme — 0,00196 desdiflérences 
négatives, de sorte qu’en les addilionnant ensemble, la somme: 
totale se réduit à — 0,00005, ou à 7 , quantité insensible: d'où 
il s'ensuit que ces diflérences se compensent mutuellement : après 
ces considérations on peut conclure que ces légères différences, 
sont simplement l'effet des petites erreurs qui se glissent toujours 
dans les expériences les mieux faites, par les défauts de nos sens 
et de nos instrumens ; qu’elles n’existeroient pas si les expériences 
avoient été absolument exactes; que par conséquent nolre sup- 
position étoit bien fondée, et que nous devons conclure en 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 279 


général , que /a dilatation de l'air est proportionnelle à la 
chaleur. 


Cette loi, qui n’est qu'une conséquence de la belle découverte 
de M. Amontons, sur l'augmentation du ressort de l'air, pro- 
portionnelle à la chaleur (1), paroit étre générale pour tous les 
fluides élastiques, à en juger du moins par quelques essais que 
j'aitentés sur la dilatation de quelques gaz permanens ; mais il n'en 
est pas tout-à-fait de même pour les fluides non-élastiques, et 
leurs dilatations ne sont pas exactement proportionnelles à la 
chaleur. M. Deluc paroît être le premier qui se soit appercu 
que Ja dilatation des liqueurs qu’on emploie dans les thermo- 
mètres, suivoit une marche croissante, et que pour exprimer des 
différences égales de chaleur, il falloit que les degrés du ther- 
momètre fussent inégaux et toujours plus grands, à mesure qu’on 
s'éloigne du terme inférieur de l'échelle. En supposant la division 
ordinaire en 80 parties égales ou degrés, de l'intervalle entre 
les points correspondans à la température de la glace fondante 
et à celle de l’eau bouillante, la chaleur moyenne devroit être 
marquée par le 40€ degré, et cependant, d’après les expériences de 
M. Deluc(2),le mercure ne s'élève dans ce cas qu’à 38° 6. De cette 
observation , el en comparant la marche du thermomètre de 
mercure avec celle d’un thermomètre rempli d'huile essentielle 
de camomille, cet habile physicien a cru reconnoîlre (3) que la 
condensation du mercure pour le premier degré au-dessous de 8o°, 
éloit de 1°,069164, et que les condensations suivantes, corres- 
pondantes aux diminutions successives de la chaleur de degré en 
degré, deviennent successivement moindres de 0,001751 pour 
chaque degré, c’est à-dire, que les secondes différences des degrés 
éloient constantes; mais celte hypothèse ‘n’est point prouvée, 
et conduiroil d'ailleurs à des conséquences inadmissibles (*) ; 
de plus, les physiciens ont facilement reconnu que les différences 
eutre la chaleur réelle et les indications correspondantes du ther. 
momèlre que donne la Table construite par M. Deluc (4), étoient 
trop fortes; aussi je ne connois aucun Recueil d'observations 
thermométriques corrigées d’après cette Table, 


(1 Mém. de l’Acad. des Sciences , ann. 1699. 

(2). Rech. sur les modifi. de l’atm:, éd. in-8°, tomell, p.160 etsuiv. 
(3) Idem ,tome IV, pag. 242. | 

(4) Tdem , tome IV, pag. 250. 

() forez l'addition à la fin du Mémoire. 


Nan 2 


269 JOURNAL DE PHYSIQUÉ, DE CHIMIE 


Il est facile de découvrir ce qui a ‘causé l'erreur de M. Deluc» 
Si on examine <es expériences (1}, on y verra que ce grand 
physicien a déterminé la température de l’eau qu’il employoit 
dans ces mélanges (température qu'il avoit fixée à 750), en sus- 
pendant un thermomètre de mercure dans le milieu d’un grand 
vase où cette eau étoit contenue; cette eau éloit toujours plus 
chaude qu’au degré qu'il avoit choisi, et il attendoit que le 
mercure du thermomètre fût descendu à ce degré, pour le méler 
avec l’eau froide; mais il est visible que le refroidissement se 
faisant graduellement et peu à peu de la circonlérence au 
centre, l’eau contiguë aux parois du vaisseau et à l'air exté- 
rieur, éloit nécessairement plus froide que dans le milieu de la 
masse où étoit placé le thermomètre; ensorte que si M. Delue 
eût agité le vaisseau (comme il étoit bien à propos dele faire) 
et que les parties de l’eau diversement situées ,.et plus ou moins 
refroidies, se fussent méêlées ensemble, la température moyenne 
qu'auroit indiqué le thermomètre, eût été nécessairement moindre 
que 75°. D'où il s'ensuit que M. Delue en substituant dans la 
formule de M. Richman 75°, qu'il supposoit être la température 
de son eau chaude,.a dû trouver pour le mélange des eaux 
chaude et froide, une température moyenne trop considérable, 
et par conséquent une trop grande diflérence entre cette tem- 
péature moyenne, qu'il regardoit comme la température réelle 
du mélange ,'et le degré de chaleur que marquoit le thermomètre 
qui y étoit plongé. La mème cause d’erreur, jointe à la perte 
de chaleur enlevée par les vases, et par l'air dans l'opération 
de transvasement, a influé pareillement sur les expériences de 
M. Richman (2), faites d’ailleurs avec beaucoup moins de soin 
que celles de M. Deluc. 

M. Gay-Lussac a trouvé, au contraire , que la marche du 
thermomètre de mercure étoit parfaitement semblable à celle 
du thermomètre d’air (3), c’est-à-dire, exactement proportion- 
nelle à la chaleur, ce qui n’est pas rigoureusement exaci: à la 
vérité, les dilatations de mercure s’éloignant de très-peu de cette 
proportion, cette légère différence a pu facilement être regardée 
par cet habile physicien comme une suite de quelque défaut dans 
ses instrumens où dans ses expériences. 


EEE 


QG) Rech. sur les modif. de l’atm. , tome IL, pag. 160 et suiv. 
(>) Novi Commentarii Acad. Petropolit., tom. [°, folio 172. 
(3) Mécan. céleste, par M, Laplace, tome LV, pag. 270. 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 281 


+ Pour déterminer les degrés de chaleur réelle auxquels je me 
proposois de comparer les indications du thermomètre, j'ai eu 
recours à la méthode des mélanges de deux portions d’eau à 
des températures qu'on pouvoit connoître absolument sans le 
secours du thermomètre, c’est-à-dire, que j'ai mélé ensemble 
des quantités déterminées d’eau à la température de la glace fon- 
dante et d'eau bouillante , le thermomètre étant à la hauteur de 
28 pouces environ, le thermomètre employé dans ces expériences 
marquoit exactement o° dans la première, et 80° dans la seconde 
de ces eaux. S 


M. Deluc a cru que « l’eau bouillante ne pousoit être me- 
surée ni pesée » (1), ce Qui a fait qu'il ne mesuroit l'eau qu'il 
employoit dans ces expériences, que lorsqu'elle avoit cesté de 
bouillir , et il laissoit encore cette eau se refroidir jusqu’au 75°. 
C’est encore sur la foi de cette assertion que je n’ai employé 
dans mes expériences sur la dilatation de l'air, que de l'eau 
échauflée seulement à 780; mais depuis J'ai imaginé un moyen 
très-simple pour déterminer, par le poids, une quantité donnée 
d’eau bouillante. J’ai fait construire un vase cylindrique de fer 
blanc d’une capacité convenable. Ce vase est suspendu avec trois 
petites chaînes de laiton, à un des crochets du fléau d'une balance 
dont on a ôté un des bassins, l’autre bassin reste suspendu avecirois 
cordons de soie au crochet opposé, et la chape de cette ba- 
lance est attachée à un portant de bois ; dans cet état le vais- 
seau cylindrique repose sur une couronne plate de fer, portée 
sur trois pieds, sous laquelle on peut introduire un réchaud plein 
de charbons ardens. Lorsqu'on veut se servir de cet appareil, 
on commence par verser dans le vase cylindrique une quantité 
d’eau un peu plus grande que la quantité d’eau bouillante qu’on 
desire employer dans lexpérience : celte eau doit être fort 
chaude et prête à bouillir; on glisse sous la couronne plate du 
trépied , sur laquelle repose le vase cylindrique , un réchaud plein 
de charbons allumés , qu’on attise avec le vent d’un soufllet , 
et on place dans le bassin opposé de la balance, un poids tant 
soit peu plus fort que le poids nécessaire pour faire équilibre 
au poids du vaisseau cylindrique et au poids de la quantité 
d’eau bouillante qui doit rester dans ce vaisseau pour l’expé- 
rience projetée. Tout étant ainsi disposé, l’eau contenue dans 


———— 


(1) Rech. sur les modific. de l’atm. , tome IT, pag. 


232 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


le vaisseau de fer blanc, échauflée par les charbons ardens du 
réchaud , ne tardera pas de bouillir; en bouillant cette eau s’é- 
vaporera, et dès qu'elle sera diminuée par cette évaporation, 
au point d’être réduite à la quantité qu'on desire, le poids opposé 
devenant prépondérant, le bassin de la balance descendra sur 
un support de bois. placé au-dessous, et le vaisseau cylindrique 
s'élevera, Aussitôt que ce vaisseau commencera à s'élever, on 
retirera le réchaud et le trépied ; on versera promptement dans 
le vase la quantité d’eau à la température de la glace fondante 
nécessaire pour l'expérience (qu’on aura pesée et préparée d’a- 
vance); on placera le thermomètre dans le mélange, et on re- 
cevra le vaisseau devenu prépondérant par ces additions, dans 
un étui de carton double enfermé de deux feuilles qui laissent 
eatre elles un intervalle d’un pouce qui est rempli de charbon 
en poudre; on couvrira le dessus du vase et l’étui, d’un cou- 
vercle percé d’un trou pour laisser passer le thermomètre, et 
pour plus grande sûreté, on enveloppera l'appareil de quelques 
étoffes de laine ; il faut avoir eu soin de chautfer d'avance l’étui 
de carton et le thermomètre, pour qu’ils soient à peu près au 
degré de chaleur que doit conserver le mélange : au bout de 
quelques instans le thermomètre, que l’on doit choisir extrême- 
ment sensible, marquera la chaleur du mélange relativement à 
la dilatabilité du mercure; on répétera plusieurs fois chaque ex- 
périence, et on prendra la moyenne proportionnelle arithmétique 
entre les résultats. 

On pourroit craindre que l’eau en ébullition, continuellement 
soulevée par les bulles d'air et de calorique qui traversent sa 
masse pour venir crever à sa surface, dût moins peser sur le 
fond du verre qui la contient ,et par cette raison, qu’on pourroit 
trouver quelque mécompte dans la pesée qu’on fait de l'eau bouil- 
lante; mais cette crainte n'est pas dutout fondée, car la réaction 
ayant toujours lieu dans une direction opposée à celle de Paction, 
et lui étant toujours égale (1), les bulles de calorique et d’air 
en s’élevant, repoussent le fond du vase avec une force égale 
à celle avec laquelle ces bulles soulèvent l’eau, ensorle que ces 
efforts opposés se compensent mutuellement. 11 n’en résulle au- 
cune différence dans le poids de l’eau tranquille ou bouillante, 
ce dont on peut s'assurer par l'expérience. 


— ——— 


(1) Isaaci Newtoni Principia mathem. Philos. naturalis axiomata lextertia, 
tome I, pag. 23. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 263 


J’ai fait un grand nombre d'expériences en suivant la méthode 
que je viens d'exposer. IL seroittrès-long, et de plus inutile 
d'en donner ici les détails, et je me bornerai à rapporter seu- 
lement les résultats des principales expériences. qui ont eu pour 
objet de mesurer les dilatations du mercure dans le thermomètre 
à 200, 400 et 600 de chaleur réelle; la Table suivante renferme 
ces résultats généraux, qui sont chacun la moyenne propor- 
tionuelle arithmétique entre les résultats particuliers de vingt-cinq 
à trente expériences, 


à Degrés de | Degrés marq. 
QUANTITÉS D'EAU MÉLANGÉES. chaleur | par le therm. 


réelle. de mercure. 


20° 19°86 
40 39,81 


Les degrés marqués par le thermomètre de mercure dans ces 
différens mélanges d’eau froide ‘et d’eau bouillante, diffèrent 
très-peu, comme on voit, des degrés moyens de chaleur réelle que 
donne la formule, et cette différence pourroit même, sans grand 
inconvénient , être négligée dans les-usages ordinaires du ther- 
momèêlre; mais comme il est cürieux de connoître la cause de 
ces différences, nous chercherons une hypothèse qui puisse en 
rendre raison. Or, de toutes les hypothèses qu’on peut imaginer 
sur l’effet du calorique relativement à la dilatation des corps, 
il n’en est aucune qui paroisse mieux fondée, que celle de sup- 
poser que les dilatations du mercure dans le thermomètre, pro- 
duites par des augmentations successives et égales de chaleur, 
Sont toujours proportionnelles aux volumes du mercure, puisque 
nous observons que les dilatations des corps de même nature, 
soumis à un même degré de chaleur, sont proportionnelles aux 
dimensions de ces corps. D’après cette hypothèse, qui est si na- 
turelle , si on nomme x la chaleur réelle, y le volume de mer- 
cure dans le baromètre qui correspond, et qu’on suppose que la 
chaleur augmente par degrés égaux dx, on aura par notre hy- 


204 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
pothèse 


y: dy :: dy: dd, 
par conséquent Ù 


yddy = dj? ou dj°— yddy — 0. 


Cette équation devient intégrable en la divisant par 77, et par 
une première intégration, elle devient ady =ydx, équation à 
la logarithmique. Cette équalion étant de nouveau intégrée, 
on aura 

x 


OU NT 


(e étant le nombre dont le logarithme — 1). Pour déterminer 
les constantes c el &, nous remarquerons que, d’après les expé- 
riences de Fahrenheit (r), le volume du mercure dans le ther- . 
momètre à la température de la glace fondante, est au volume 
du mercure à la chaleur de l’eau bouillante, comme 10000 est 
à 10161, suivant celles du chevalier Deloigna, de l’Académie 
de Turin (2), comme 10000 à 10159 55337, suivant celles du 
père Jean-Baptiste de Saint-Martin, de ja méme Académie (3), 
comme 10000 à 10159 -7, et suivant les miennes, comme 
10000 à 201600, avec uue traction si petite, qu'il est inutile de 
s’y arrêter. Nous adopterons ce dernier rapport , comme à peu 
près moyen entre les précédens (4): si on le divise par deux 
on aura’ 5000 à 5080, pour le rapport du volume du mercure 
dans le thermomètre à la température de la glace fondante , au 
volume du même fluide à la température de l’eau bouillante, 
chaque degré de la division en 8o parties, équivaut donc à 5553 
du volume du mereure à la température de la glace fondante, 
et par conséquent cette division est fondée sur la nature, et 


A —_—_—_—————————————— — ————————— —— — ——— ———————— 


(1) Muschembroeck, Cours de Phys. exp., tome II, pag. 867. 

C2) Dissert. sur la grad. du barom. simple, Vérone, 1765, pag. 

() Esprit des Journaux , décembre 1790 , pag. 370 et suiv. ; 

(4) Cerapport n’est point celui des dilatations absolues du mercure, mais seu- 
lement de sa dilatation relative avec le yerre , ou de la différencedes dilatations 
du mercure et du verre; ce qui suffit pour le thermomètre réglé aux deux points 
extrêmes de la glace etde l’eau bouillante, pour le baromètre dans lequel le mer 
eure est libre ; on doit employer le rapport 10000 à 10185 des dilatations 
absolues qu’on trouve, d’après les expériences de MM. Laplace et Lavoisier 
(Mécan. céleste , tome IV, pag. 291); dans la recherche du premier rapport, 
je n’ai pas fait entrer les résultats des expériences de Halley et de Joseph 
Delisle , parce qu’elles ne m'ont pas paru assez exactes. 


n'est 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 285 


west pas arbitraire comme celle en 100 parties, ou toute autre 
qu’on a voulu lui substituer. 

Prenant donc 5000 pour le volume du mercure dans le ther- 
momètre à la température de la glace fondante ,ce sera la valeur 
de y lorsque æ —o, par conséquent c — 5000. 


Pour trouver a, on remarquera que par la nature de la loga- 
rithbme, on a la proportion suivante, la différence 0,01587385 
de logarithmes népériens de 5080, et de 5000 volumes du mercure 
à la température de la glace fondante, et à celle de l’eau bouil- 
lante, est à la différence 80 des abaisses 80 et o correspondante, 
comme r soutangente des logarithmes népériens, et à a sou- 
tangente de la logarithmique ou logistique thermométrique, par 
conséquent a— —"?.. Substituant ces valeurs dans l’équa- 
tion (À) , et réduisant, elle deviendra 

A 

. y = 5000. (2,7182818)" Fa ne 
repassant aux logarithmes, et réduisant les logarithmes népériens 
en Jlogarithmes ordinaires, ou de briggs, on trouvera les deux 
formules suivantes , qui sont très-commodes, et dans lesquelles + 
exprime les degrés égaux de chaleur réelle et uniforme, et y 
les dé correspondans marqués par le thermomètre de M. Deluc 
+ 2000. 


Première formule 
log y — 3,6989600 Æ x (0,00008617135). 

Le signe + est pour les degrés au-dessus de la température 
de la glace fondante, et le signe — pour les degrés au-dessous 
de cette température. 

Dans le premier cas, on retranchera du nombre trouvé pour 
ÿ le nombre 500, et le reste sera le nombre de degrés au-dessus 
du zéro du thermomètre de M. Deluc, correspondant au degré 
donné x de la chaleur réelle, 

Dans le second cas, on retranchera de 5000 le nombre trouvé 
pour y, et le reste sera le nombre de degrés du thermomètre de 
M. Deluc au-dessus du zéro correspondant au degré donné de 
chaleur réelle, 


Seconde formule 
Ex —=(+ log y + 3,6989700 (11604,8275). 
Tome LZXXVII. OCTOBRE an 1813. Oo 


286 JOURNAL DE PHYSIQUE, -DE CHIMIE 

Le signe supérieur est pour les degrés au-dessus du zéro, où 
de la température de la glace (1) fondante et le signe inférieur 
est pour les degrés au-dessous de cette température (**). 

Si dans:la première formule on substitue successivement pour x 
les nombres 20°, 400 et 60°, on trouvera pour les valeurs cor- 
respondantes de y (après. en, avoir retranché 5000 ) 190,88 , 
390,84 et 590,88 qui différent très -peu des nombres 19,86, 
390,81 et 599,87 que nous avons trouvés par l'expérience, cor 
respondre aux degrés 20°, 400 et 60° de chaleur réelle, ce qui 
confirme l'hypothèse et la théorie précédente. 

On peut done conclure de ce qué nous avons dit de: cette loi 


générale dela dilatation d'unfluide homogène, comme le mercure, 
par l’effet de la chaleur. 


Lorsque la chaleur augmente par degrés égaux , ou en pro- 
gression arithmétique, les dilatations correspondantes du mer- 
cure forment une progression géométrique. u 

Dans le cas particulier du thermomètre de M. Deluc, la 
raison de cette progression de degré en degré, est celle de... 
1 à r,000190437. 

Cette loi que nous avons trouvée, il y a quelques années, 
pour être celle que suit l'évaporation spontanée relativement à 
la chaleur (2), et qui a lieu dans plusieurs autres eflets phy- 
siques, est une conséquence de cette loi générale, que Le change- 
ment qui arrive dans l'état d’un corps ,.est toujours relatif et 
proportionnel à l'état antécédent de ce corps ; et celte loi gé- 
nérale n’est autre chose que le principe de la raison suffisante 
de LEIBNITZ , exprimé d’une imauière géométrique. 

Dans le thermomètre d’esprit-de-vin de Réaumur, le volume 
de-la liqueur est 1000 à la température de la glace, fondante, 
1032,5 à la température de la chaleur animale, suivant les ex- 
périences de MM. de Réaumur et Brisson (3). Cette dernière 
température répond, suivant les expériences de M. Deluc, à 
29°,9 de son thermomètre (4), ou à 30°,0049, de chaleur réelle; 


(1) Le logarithme du coefficient est — 4,0646386907. 
@*) Poyez l'addition à la fin du Mémoire. 

(2) Journal de Physique , tome LXV, pag. 453. 

G) Rech. sur les modific. de l'atm. , tome IL, pag. 268. 
(4) Idem; art, 4535 d. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE: 1287 

‘d’après ces données on trouvera pour cette espèce de fhermo- 

. mètre, les deux formules suivantes’ analogues à celles que nous 
avons donrées pour le thermomètre de M. Deluc, 

Première formulé, 


: 


log y = 3% +. (0,00046224). 
Seconde formule, 
Æ x —=(Ælogy 3) (2163,38). 
(Le logarithme du: coeflicient est — 3,8351326). 


Ces formules sont très-exactes pour les degrés au-dessus du 
zéro, du moins jusqu'à 40°, suivant la vérification que j'en ai 
faite ; mais pour les degrés au-dessous du zéro, le degré donné par 
Ja prémière formule, est toujours plus considérable que celui 
qui est indiqué par le thermomètre, ce qui n’est pas la faute de 
la formule, mais un .défautidurthermomèetre de Réaumur, dont 
la liqueur, suivant lobservation du célèbre M. Deluc (1), ne 
se contracte pas proporionnellement à l'augmentation du froid. 
Je soupconne.que cet eflet est produit par l’eau qui fait partie 
de la liqueur,,et qui a,.comme.on sait, la propriété de,se dilater 
en approchant du terme de la congélation, et encore plus en 
se glaçant. 

L’air possède au plus haut degré les qualités qui constituent 
«un fluide propre à faire un excellent thermomètre ; son ressort, 
ret la dilatabilité quien estla suite, est exactement proportionnel 
à la chaleur ::ce)ressort est parfait et inaltérable; la fluidité de 
l'air est permanente, et il, peut servir, par conséquent, pour 
mesurer tous les degrés de froid et de chaud; il doit suivre, 
avec plus de précision que tout autre fluide, les modifications 
que la chaleur cause dans l’atmosphère , surtout celles qui sont 
produites par l’action directe des rayons, du soleil, si différens 
de cette même action sur le thermomètre d'alcool et,de mer- 
cure : ‘aussi plusieurs phÿsiciens.(2).ont essayé de construire sur 
‘différens principes, des thermomètres d’air; mais la difficulté 
de leur construction, et quelques attentions gènantes dans l'ob- 


(1) Rech. surles modific. del'atm:;tome-Il.--pag-280: : 
(2) Drebbel, Sanctorius , Amontons, Poleni, Nuguet, Crucquius , Lam 


bert, etc, 
Oo 2 


: 288 JOURNAL DE PHYSIQUÉ,, DE CHIMIE 


servation, en ont fait abandonner l'usage. Celui que je vais 
proposer est très-facile à éonstruire; il est indépendant des va- 
riations de.la pression de l'atmosphère, et l'extrémité de la 
colonne de mercure se trouvant dans le vide, ne peut s’oxider 
el noircir la partie du tuyau dans laquelle elle se meut, et où 
l’on observe les variations dé la chaleur comme dans les autres 
thermomètres d'air. | 


D'un nouveau Thermomètre d'air. 


Ce nouveau thermomètre, pl. r, est composé, :1° d’un tuyau : 
cylindrique de verre AB, semblable à un tuyau de baromètre 
ordinaire, mais dont le diamètre intérieur n’est que d’environ 
une ligne. Ce tuyau est bouché hermétiquement en A, et ouvert 
au bout B; sa longueur doit être de 39 à 40 pouces; 2° d’une 
fiole cylindrique de verre C, à fond plat, de la hauteur de trois 
à quatre pouces et de deux pouces environ de diamètre, dont 
l'orifice est tel, que le bout B du tuyau puisse y entrer, et 
39 d’une planche de sapin D, sur laquelle tout l'appareil est 
fixé; cette planche est évidée tout autour de la fiole qui ne re- 
pose que sur une pelite pointe de métal E, afin que la température 
ue monture ne puisse influer sur la température de l’air de 
a fiole. 


Pour construire cet instrument, on commence par verser du 
mercure bien purifié dans la fiole jusqu’à la hauteur de sept à 
huit lignes; on place la fiole dans un baïn de sable qu’on échaufle 
lentement jusqu’à ce que le mercure entre en ébullition; on 
entretient cette ébullition pendant un certain temps, et lorsqu'on 
juge que l'humidité que pouvoit contenir le mercure, ou qui 
pouvoit être attachée aux parois de la fiole, est totalement dis- 
sipée, on éteint le feu, on laisse refroidir le tout, et quand la 
fiole peut être maniée, on la retire et on la place tout de suite 
sous une cloche de verre pleine d’air desséché au moyen de la 
chaux vive, ou avec de la potasse, suivant le procédé de M. de 
Saussure (1); on scelle ensuite le bord de la cloche sur la plaque 
de métal qui la supporte, au moyen d’un cordon de cire molle 
qu'on étend tout autour pour interdire tout accès à l’air extérieur. 

On remplit de mercure bien purifié le tuyau, et l’on fait 


(1) Essai sur l’hygromèétrie, pag. 24 et 25. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. , 269 


bouillir: le mercure dans ce tuyau, de la. même manière. que 
pour charger le tube d’un baromètre ordinaire. HART 

Pour réunir ensuite ces deux pièces; on choisit un jour où 
Vair soit très-sec, on sortira la Eole de, dessous la cloche, on 
achevera de remplir exactement, de mercure le tuyau, et on 
fera entrer le bout de ce tuyau dans l’orifice de la fiole, en le 
tenant fort incliné, afin que le mercure ne $sécoule pas : on 
tiendra également la fiole fort inclinée, pour que le mercure:qu’elle 
contient, vienne, jusqu'à l’orifice, se joindre a mercure du tuyau 
-(il faut avoir grand soin, dans cetté opération, qu'il nese glisse 
absolument aucune bulle d’air dans le tuyau); on enfonce peu 
à peu ce tuyau: en relevant le tout jusqu'à ee que lé, bout B 
-soit distant, seulement d’une ligne ou d’une ligne et demie, du 
fond de là -fole. Lorsque le tuyau sera bien vertical, ;on le 
Hixera au col de la fiole avec du mastie, dont on formera un 
cordon tout autour de la jonction du! tuyau avec'le col de,la 
fiole , ensorte que toute communication entre lair, extérieur et 
l'air contenu dans la fiole, soit absolument interdite, * 


On placera ensuite l'instrument dans une longue caisse, et dans 
une siluation exactement verticale, et on remplira cette caïsse 
de neige ou! de glace pilée, qu'on entretiendra dans un état de 
dégel en léchauflant de quelques degrés au-dessus de:la congé- 
lation, l'air environnant. Lorsque tout l'instrument aura pris 
exactement la température de la glace fondante, on marquera 
le point où la colonne de mercure s’est fixée, avec un fil qu’on 
nouera aufoùr dutuyauet qu’on arrêtera avec un-peu de; vernis 
ou d’eau! gommée; on retirera alors l’instrument de la caisse, 
et oùrle: fixera sur la planche à.la manière ordinaire, avec ides 
fils de'fer; on divisera ensuite en 1000 parties égales (qui seront 
chacune d'environ + de ligne), l'intervalle sur la planche entre 
* le point correspondant au fil et le point correspondant au niveau 

du mercure dans la fiole, l'instrument étant exäctement vertical: 
on prolongera la division de 400 parties au-dessus du fil, et l’ins- 
trumént sera terminé. On peut, si on veut, le vérifier en plon- 
geant la fiole, séulement, dans l’eau bouillante ; si on a bien 
opéré, la colonne de mercure doit s'élever jusqu’à 369 parties 
au-dessus du point où elle étoit fixée dans la glace fondante (1). 


(x) À cause de la dilatation de la fiole , car ce seroit 3: 


Jatatic à 72 parties si on ayoit 
égard seulement à la dilatation absolue de l'air. gi | 


95 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE FA 
‘Ce thermomètre a besoin ‘de trois corrections , les deux pré- 
mières sont relatives au changement de capacité de la fole par 
leffet de la chaleur, et au changement de niveau: du mercure 
dans la fiole, à mesure que ce fluide monte ou descend dans le 
tuyau; ces deux corrections qui, dans l'usage ordinaire du ther- 
momètre, sont ’presqu'insensibles, sont très-aisées à calculer; la 
prémiëre, par le rapport connu des capacités d’un vaisseau de 
verre à la glace et à l’eau bouillanté, qui est celui delà 1,002498; 
la seconde, par le rapport qui est'taussi conmu des diamètres 
intérieurs du tuyau, et de la fiole,. etodes carrés de ces dia- 
mètres. La troisième correction est celle de‘la-variation de lon- 
-gueur de fa éolonñe de mercure, à raison duchangement de 
ternpéralure ; on corrige cette variation comme dans le baromètre, 
‘eL'après lindication ‘d’un: petit tlermomètre de mercure F, 
enfoncé là moitié dans l'épaisseur de la planche, pour marquer 
avec plus d’exactitude la température du mercure du tuyau. 
Puisque le ressort de l'air provient uniquement du calorique 
interposé, l'air privé de tout calorique n’auroit plus de ressort, 
‘ét la colonne delmercure:suspendue! dans le tuyau ‘du'thermo- 
‘mètre ‘que nôus venons de décrire ;>descendroit, dans ce cas, au 
niveau du mercure dela fiole; ceniveau est donc le zéro absolu 
- della chaleur comme du ressort, :et:la hauteur de la colonhe 
de mercure au-dessus de ce niveau, exprimant la force du ressort 
de l'air; cetté même hauteur est, par conséquent proportion- 
nelle à laichialeur absolue, «et devient la mesure deicette chaleur 
absolue, avantape ‘précieux ‘que le thermomètre d'air:a sur tous 
les'autres-thérmomètres qui Me ‘mesurent OL à LE oi 
-daitenient) que des différenéées de vhaleur. La chaleur absolue 
:deleaupbouillante est done à la chaleur absolue de la glace fon- 
dante comme 137168 à r00000, .et sion ‘fait cette proportion 


::87108 : 100000 :::.80 : 2150,24r, 


etiqu'on infroduise ce dernier terme,pris négativement pour x 
dans la première formule, on trouvera 4791 pour y, ou pour 
le volume qu'auroit le mercure (s’il pouvoit conserver.sa fluidité 
jusque-là) au point du zéro absolu de la chaleur, c’est-à-dire, 
que dans le thermomètre de M, Deluc, dont chaque degré ré- 
pond-à = du volume du mercure à-la température de la glace 
fondante, le zéro absolu, ou la négation entière de toute chaleur, 
répond à 209 degrés de son échelle au-dessous de la température 


4 ET D'HISTOIRE NATURELLE... 297 


dela glacefondante , C'est — 4700 + del’échelle de Fahrenheit ,:et 
5410:7 de l'échelle de M. Delisle. ne 


 ADDITION. 

(*) Ox peut prouver facilement que l'hypothèse de M. Delue 
conduit à des conséquences qui empéchent absolument de lad: 
mettre: nommons x le degré de chaleur réelle, y le degré cor- 
respondant du thermomètre demercure, puisque dans l'hypothèse 
de M. Deluc les secondes différences des degrés sont constantes, 
on a dddy —=o, cette équation intégrée trois fois, donne pour 
équation finie 6 

M Sax br +, 


a, b, c étant des constantes qu’on déterminera par lé8 conditions 
que æ—0, ÿ est aussi —o, ce qui donne c— 0. Que x —80°, 
y est aussi — 80”, et enfin que x —40°: y (suivant les expériences 
de M. Deluc) — 38°,6, ce qui change l'équation précédente en 
celle-ci, —— - 
| Y = 0,000875,2x + 9,3.X, 
d’où l’on tire 
her era 
0,00175 ; 


mais si on examine l'équation générale, on reconnoîtra aisément 
que æ étant positive au-dessous de zéro, y est aussi positive ; 
que x étant négative au-dessous de zéro, et augmentant jusqu’à 


la valeur — > J sera négative et augmentera jusqu’à devenir 
. LLMAEE 4 : FPRS 3 
égale à —— qui est son maximum négatif; que si on suppose 
De s 2b : : 
que æ soit égal à——,7 deviendra — 0; et enfin si on sup- 


pose que æ devienne en descendant plus grande que — . ,Ÿ 


deviendra de nouveau positive , et augmentera jusqu’à l'infini 
en restant toujours positive; ensorte que dans cette hypothèse 
le mercure, par un grand froid, éprouveroit la même dilatation 
que par une grande chaleur, et en refroidissant un thermomètre, 


1 


292 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

on. pourroit le faire revenir à marquer les mêmes degrés ‘au 
dessus du zéro, qu'il marquoit dans le plus grand chaud, ce 
qui est absurde. L'hypothèse de M. Deluc n’est donc point ad- 
missible, ? 


(**) J'avoue que cet échafaudage de calculs pourroit être 
supprimé; il est très-aisé de démontrer que lorsque les diflé- 
rences sont proportionnelles aux grandeurs dont elles sont les 
différences, ces grandeurs sont en proportion continue. Decette pro- 
position qui est laconverse du lemme premier du 2e livre des prin- 
cipes (1), découle la loi que nous avons donnée sur le rapport 
de la dilatation du mercure avec la chaleur ; et de la règle qu'on 
donne dans les élémens pour insérer entre deux quantités con- 
nues, un nombre donné, de moyens proportionnels géométriques, 
on déduit facilement nos deux formules : c’est ainsi que la sin- 
thèse toujours plus claire et plus satisfaisante que l’analyse, est 
souvent beaucoup plus courte et plus facile; je l'ai expérimenté 
un grand nombre de fois, et c’est le sentiment du célèbre géo- 
mètre et rome Halley. « Methodus hœc (sinthesis scilicef) 
cum algebra speciosé facilitate contendit, et demonstrationum 
elegantié longè superare videtur. (2) » 


-(1) Isaaci Newtoni Principia mathem., Phil. nat., tomeIl®, pag.17. 
(2) Edmundus Halley ad finem præfationis in libro Apollonii de Sectione 
yationis, ; ; : 


EXTRAIT 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 293 


EXTRAIT D’UNE LETTRE 


DE M. DE FORTIA D’URBAN, 


À J.-C. DELAMÉTHERIE. 


Rome, 13 août 1813. 


J’Ar recu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire 
au sujet des expériences de M. Morichini, Je m’empresse de 
vous envoyer son dernier Mémoire relatif à la force magnétique 
des rayons violets. J’ai assisté moi-même à toutes ses expériences, 
et j'en garantis l’exactitude la plus scrupuleuse.. . 


SECOND MÉMOIRE 
SUR LA FORCE MAGNÉTISANTE 


DU BORD EXTRÈME DU RAYON VIOLET, 
Lu à l’Académie des Lyncées, le 22 avril 1813, 
Par Dominique MORICHINI, 


- Professeur de Chimie à l Archygimnase de la Sapience, Médecin 
de la Chambre de l'Empereur et Roi, à Rome. 


À Rome, de l’Imprimerie de Romanis, 1823, 


QUoIQUE les expériences que j’ai eu l'honneur de mettre sous 
les yeux de cette respectable Assemblée , au mois de septembre 
‘de l’année dernière, aient été, selon moi, assez multipliées et 


Tome LXXV'II. OCTOBRE an 1813. Pp 


294 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


assez variées pour démontrer dans l'extrémité du bord du rayon 
violet, la propriété de magnétiser l'acier ; néanmoins, ainsi que J'en 
conviens dans mon Mémoire, elles ne n'ont pas encore paru 
suffisantes pour déterminer si les mêmes rayons possédoient une 
polarité, et dans quel rapport elle se communiquoit aux aiguilles 
quand son existence avoit été provoquée. D'ailleurs la véritable 
limite de la propriété magnétisante trouvée danse rayon violet, 
m'étoit pas assignée, et l'opinion que j'avois embrassée, que les 
rayons désoxigénans, bien plus que le rayon violet, étoient les 
rayons magnétisans, me sembloit mériter une discussion plus 
approfondie et de nouvelles expériences. L'objet de cette re- 
cherche m’a déterminé à tenter quelqu’essai pour découvrir jus- 
qu'à quel point se trouvoit cette propriété dans, les rayons lu- 
naires, et dans quels corps terrestres en combustion elle existoit. 
Il m'a donc paru nécessaire, avant tout, d'apprécier l'influence 
des températures atmosphériques, et de toutes les circonstances 
qui accompagnent ce genre d'expériences, pour ne laisser aucun 
doute sur l’efhicacité du pouvoir magnétisant du rayon violet ou 
chimique, et pour exclure la possibilité de l'attribuer à quel- 
qu'autre cause. 

Mes collaborateurs dans ces expériences, ainsi que dans les 
premières, ont été MM. Barlocci et Carpi, sans le zèle infati- 
gable desquels il m’eût été impossible, vu mes occupations, de 
faire tout ce qui étoit nécessaire pour rendre mes recherches 
moins incomplètes. M. Settele m'a également prodigué dans cette 
circonstance les soins les plus empressés; je saisirai donc celte 
occasion de leur témoigner à tous ma sincère reconnoissance. 


Comme mes expériences avoient été faites l’été dernier à une 
température toujours à 18 et 22 degrés de Réaumur, je voulus, 
d’après le conseilde M, Gay-Lussac, physicien célèbre et chimiste 
français, profiter de l'hiver rigoureux que nous avions eu, pour 
les répéter les 28 et 29 décembre, à la température de zéro de 
Réaumur. Le temps élant sec et serein, et la température de 
l'atmosphère à zéro de Réaumur, au commencement de l’expé- 
rience, J'y soumis deux aiguilles qui se magnétisèrent promp- 
tement et avec force, en MASON à rayon violet sur leur extré- 
mité vers la pointe seulement ; la première se magnélisa au bout 
de 30 minutes, et la seconde au bout de 45. J'imaginai que 
dans cette occasion il n'étoit pas nécessaire de porter l'aiguille 
avec l’autre extrémité dans l’autre côté du spectre, pour pro- 
jeler le rayon dans un sens opposé, au-dessus de la quene. comme 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 295 


je l’avois fait auparavant, d’après la méthode communément 
suivie pour aimanter avec l’aimant. J'ai opéré de la même 
manière sur d’autres aiguilles, dans les mois de février et de 
mars de cette année, et j'ai toujours obtenu des effets prompts 
et de la plus grande intensité. Néanmoins à l’époque de ces 
expériences, la température fut toujours au-dessous de 12 degrés 
de Réaumiur,comme on peut le voir dans le tableau des expériences. 
De zéro à 22 degrés de Réaumur qui, dans notre climat, sont 
à peu près les limites des variations de la température qui peu- 
vent avoir lien dans un appartement dans les deux saisons 
opposées , la force magnétisanté du rayon violet s’est maintenue 
au même degré, et la différence de température atmosphérique 
n'a manifesté aucune influence sur ses effets. 


= Dans une note additionnelle à mon premier Mémoire, J'ai 
dit qu’en opérant avec le rayon violet sur les aiguilles qu'on 
vouloit magnétiser ,#je les fixai sur leur pivot, dans une direction 
telle qu'elles ne 2 rapprocher de celle du méridien ma- 
gnétique, pour que de cette manière l'opération devint et plus 
prompte et plus facile. En magnétisant avec le rayon violet, 
Je voulus suivre à peu près la méthode dont je m'étois servi 
lorsque j'opérois avec l’aimant; et jai vu depuis, qu’en ajoutant 
à la déclinaison linclinaison, les effets devenoient et plus 
p'ompts et plus prononcés. Ces circonstances, cependant, ne 
sont pas tout-à-fait essentielles pour la réussite des expériences, 
et une autre direction différente de celle du méridien magné- 
tique donne des résultats suflisamment décisifs, résultats qui 
prouvent l'influence de la cause première du phénomène , je 
veux dire de la force magnétisante du rayon violet, Les aiguilles 
magnétisées au mois de février , le furent toutes sans le concours 
des deux circonstances indiquées. À cette considération il faut 
en ajouter une autre, c'est que les aiguilles non-magnétisées, 
quoique retenues à la même époque pendant quatre jours dans 
la déclinaison et linclinaison magnétiques d’une tablette, n'ac- 
quirent qu’une tendance foible et incertaine vers le méridien, 
et à peine un seul des autres caractères qui, réunis, constituent 
la magnétisation intense et décidée, telle que celle de aimant, 
et après elle celle du rayon violet, 

Puisque nous parlons des circonstances qui pourroient rendre 
problématique l'influence magnétisante du rayon violet, il en 
est une qui mérite la plus grande attention; c’est l'état des 
aiguilles avant de les soumettre aux expériences. En effet, il 


Pp2 


296 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


peut arriver que quelques-unes en passant par les mains de 
Jouvrier, se trouvent plus ou moins magnétisées. Cette cause 
d'erreur a constamment été éloignée de mes expériences , d'après 
la précaution que j'ai prise d'examiner l’état des aiguilles avant 
de les y soumettre. Je les ai toujours mises d’avance sur leurs 
pivots que recevoit une tablette sur laquelle le méridien ma- 
gnétique étoit tracé. Lorsque leurs oscillations avoient cessé, et 
qu'elles étoient constantes dans une direction, diflérente dans 
toutes, et jamais exactement celle du méridien magnétique, 
tantôt je m'approchai de leur pointe, et tantôt de leurs queues, 
pour voir si elles avoient des attractions et des répulsions ma- 
guétiques, J’approchai ensuite de leur extrémité la limaille de 
fer, à l'effet de m'assurer si elles avoient quelqu’action sur cette 
substance; et lorsque je ne trouvai dans les aiguilles aucune de 
ces propriétés, je les soumis alors à l'expérience. Le compte 
que J'ai rendu de mes premières Mn os sufEsamment 
que je n'ai négligé aucune des précautions! nécessaires, même 
les plus minutieuses, et j'ai porté l'attention jusqu'à éloigner 
toute influence de l’aimant, ou des aiguilles précédemment ai- 
mantées. Non content de cela, je ne voulus pas me servir de 
nouveau de la limaille de fer, sur laquelle une aiguille magné- 
tisée dans mes expériences avoit agi, en supposant avec Wan- 
Swinden, que la limaille qui est attirée en grande quantité 
par l'extrémité d’une aiguille magnétisée, devient elle-même un 
très-fort aimant. 

Si après avoir employé toutes ces précautions, j'ai vu par 
la simple projection du foyer des rayons violets, les aiguilles 
se magnétiser complètement et fortement en 15, 25,30 minutes, 
et enfin, d’après l’état de l'atmosphère, en une ou deux heures 
au plus; il me semble alors pouvoir légitimement conclure de 
mes expériences, que le rayon violet, surtout à l'extrémité de 
son bord, jouit d'un pouvoir magnétique qui ne le cède point 
à celui de l’aimant ordinaire, si ce n’est qu’il faut au premier 
beaucoup plus de temps pour faire son. effet. Je déclare que par 
aiguille complètement magnétisée, j'entends une aiguille qui 
jouit décidément et constamment de la déclinaison magnétique 
du lieu, de la propriété de repousser les pôles homologues, et 
d'attirer les contraires d'une autre aiguille magnétisée; enfin, 
d'attirer en abondance la limaille de xd sinon dans ses deux, 
du moins dans l’un de ses pôles. Toutes ces propriétés se trou- 
vent à un frès-haut degré dans les aiguilles que je présente, et 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 297 


qui furent magnétisées à l'extrémité du bord du rayon violet, 
L'inclinaison qui chez elle est toujours sensible et marquée, est 
la seule propriété qu’il ne m’a pas été possible de vériBer exac- 
tement dans toutes, par la raison que toutes n’ont pas été tra- 
vaillées avec l'exactitude nécessaire, pour rester dans un équilibre 
parfait sur leur point de suspension. 


C’est par la scrupuleuse attention que j'ai mise à éloigner 
toutes les causes d’erreur dans l'exécution de ces expériences, 
qu'aucun des physiciens d'Italie n’a pu obtenir les résultats que 
J'ai constamment obtenus avec les conditions favorables de l’at- 
mosphère. Les instructions que le célèbre Volta a eu la com- 
plaisance de me communiquer par l'intermédiaire de l’illustre 
président de. l’Institut italien, LRERrE FO et de M. Tambroni, 
m'ont fait connoître que je n’avois omis aucunes des précautions 
nécessaires pour garantir de l'influence du magnétisme terrestre 
les aiguilles soumises à l’action du rayon violet. Pour expliquer 
Ja différence des résultats, il est donc nécessaire de supposer 
quelque différence dans l'appareil, ou dans la manière de s’en 
servir. Cette réflexion m’a déterminé à donner ici une description 
exacte de l'appareil dont je me suis servi, description dont j'ai 
cru pouvoir me dispenser dans le compte que j'ai rengg de mes 
premières expériences. 

La lumière pénètre dans une chambre obscure par un globe 
de bois, le long du diamètre duquel est un trou d’un pouce 
neuf lignes de large. Cette ouverture se rapetisse quand on opère 
sur des aiguilles qui ne sont pas très-grandes , en appliquant au 
trou intérieur, c'est-à-dire, à celui qui regarde la chambre, 
un disque de carton noir ou de fer blanc, au centre duquel 
est un trou de 8 lignes de diamètre. Le prisme est de construc- 
tion anglaise, et son angle réfringent exactement de 60°. La 
lentille a une forme condensatrice de 784. La distance ordinaire 
du prisme du carré de carton pendant les expériences, est d’en- 
viron trois pieds de Paris. 

L'appareil pour soutenir laiguille, consiste en un bâton ver- 
tical de bois, que parcourt une lame de cuivre à laquelle est 
attaché un bras horizontal, également de cuivre, de la longueur 
d'environ un demi-pied, à l'extrémité duquel est un pivot ver- 
tical de cuivre ou de fer, destiné à soutenir l'aiguille. Une petite 
boule de cire placée à l'extrémité de ce pivot, sert à fixer l'ai- 
guille dans la direction qu’on veut avoir durant l'expérience. La 
plupart des aiguilles dont je me suis servi, pèsent chacune en- 


298 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


viron six grains, et ont une longueur de deux pouces à deux 
pouces et demi. Le prisme, l’appareil pour soutenir l'aiguille, 
ainsi que le carton qui recoit le spectre, sont placés sur une 
tablette mobile, à l'effet de pouvoir suivre avec tout l'appareil 
en situation, le cours apparent du soleil. La distance de l'appareil 
qui soutient l'aiguille, au carré de carton qui recoit le spectre, 
n’est jamais moins de quatre, ou plus de six pouces. Le plus 
difficile à décrire, c’est la manière de projeter le foyer du rayon 
violet; elle doit être sûre, médiocrement rapide. Le rayon in; 
vestit non-seulement la superficie de l'aiguille, mais encore le 
bord , sans jamais rétrograder. " 
Je ne puis cependant pas convenir qu’en soumeltant à une 
expérience d’autres aiguilles qui, jouissant de quelques propriétés 
magnétiques foibles ou commencantes, après un court traitement, 
ne sont pas douées de toutes ces propriétés au plus haut degré, 
on ne puisse en déduire aucun argument en faveur de la 
faculté magnétisante du rayon violet. Si une aiguille qui d’elle: 
même a une tendance vers le méridien magnétique, je veux 
dire, sans attraction ni répulsion, et sans aucune influence ma 
gnétique, ce qui arrive souvent à celles que lon conserve pen- 
dant lt s avant de les soumettre à l’expérience; si, 
dis-je, cêtte aiguille traitée avec l’aimant, acquiert toutes les pro: 
priétés indiquées et daris un degré éminent, on ne dira pas 
qu'elle étoit aimantée par cela seul qu’elle avoit une tendance ” 
vers le méridien magnétique, et l’on ne niera pas qu’elle ne doive 
à l’aimant tout ce qui lui manquoit pour être magnétisée de 
manière à pouvoir armer une boussole. Si la même chose 
arrive au bout de 30 à 40 minutes, sur une aiguille traitée par 
le même procédé au foyer du rayon violet, sera-ce une raison 
pour refuser à celui-ci ce qu’on accorde à l’aimant? Quel autre 
moyen, ce dernier excepté, connoît-on qui produise des effets 
aussi grands et en aussi peu de temps? Ces mêmes effets 1na- 
gnétiques trèslents qui se manifestent dans les ferremens long- 
temps exposés à l'atmosphère, et par conséquent à la lumière, 
est-il bien prouvé qu'ils les doivent totalement au magnétisme 
terrestre , plutôt qu'à celui de la lumière elle-même ? 


Je ne m’appesantirai pas davantage sur cet objet, parce que 
mes expériences ont toujours été faites sur des aiguilles qui n6 
possédoient aucune propriété magnétique sensible, sinon quel- 
quefois une tendance indécise vers le méridien magnétique , qui 
est le zéro de l'échelle des propriétés de celte puissance. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 209 


Je vais rendre compte maintenant des tentatives que j'ai faites 
pôur découvrir sil existoit, ou non, une polarité dans les rayons 
violets, et. pour atteindre plus surement ce but, j'ai cru devoir, 
avant tout, déterminer avec l'expérience les limites de la force 
magnétisante de la lumière du haut en bas du spectre coloré. 


Pour appuyer mes premières expériences, J'avois avancé dans 
un autre Mémoire, qu'à l'exception du rayon violet, les autres 
rayons du spectre coloré ne possédoient pas sensiblement le pou- 
voir magnétisant. Mes tentatives qui, à cet égard, n’avoient eu 
d'autre objet que de comparer les autres rayons avec le violet, 
pouvoient et méritoient d’être répétées pendant un temps beau- 
coup plus long que celui que j'y avois employé jusque-là. Je 
commencai, en conséquence, par le rayÿon vert qui se trouve 
au milieu du spectre, et je passai ensuite au rayon rouge qui 
en occupe l’extrémité. 

Lorsqu'au mois de février je répétai mes expériences pour sa- 
tisfaire la curiosité de plusieurs savans étrangers, je fis pendant 
plusieurs heures, les deux expériences indiquées, sans avoir ob- 
servé dans les aiguillesaucun signe de magnétisation; mais comme, 
j'en ai pérdu Ja note, je ne l'ai point fait entrer dans le tableau 
abrégé que je présente de toutes les autres. J’ai donc été obligé 
de les répéter de nouveau, et il en résulte que l'aiguille traitée 
avec le rayon vert depuis le milieu jusqu’à la pointe, pendant 
4 heures bo minutes, a présenté les propriétés magnétiques sui- 
vantes : direction lente vers le méridien magnétique, inclinaison 
nulle , répulsion décidée dans la pointe , très-foible dans la queue, 
attraction semblable dans les pôles contraires, le foyer magné- 
tique très-pelit à la pointe. Cette réunion de propriétés prouve 
une magnélisation foible et incomplète, dans un espace de 
temps sextuple au moins de celui nécessaire pour obtenir des 
efets décisifs du rayon violet, On-observera que le rayon vert 
étoit isolé des autres par le moyen d’un écran qui le laissoit 
passer seul, et qui opéroit toujours dans les parties supérieures 
du spectre vert qui avoisine le bleu. 

. Le raÿon rouge, sur lequel j’employai le même mode de pro- 
jection pendant six heures et demie, ne donna pas le plus léger 
signe de magnétisation. Je préférai alors de faire courir le foyer 
durayon sur aiguille placée dans son centre. L’aignille s’échauffa, 
se noircit, et la cire d’Espagne qui unissoit le petit chapeau 
de verre au-dessus de laiguille, se fondit. Retirée ensuite et 
refroidie, elle manifesta les propriétés suivantes : incliuaisom 


300 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nulle ou rare, répulsion perceptible à la pointe, aucune à la 
queue, et point d'attraction dans les pôles contraires. 


Cette expérience ayant été troublée par l'intervention d’une 
cause étrangère, capable de produire des phénomènes magné- 
tiques, tels que l'électricité excitée dans une résine échaufiée ; 
Je crus que les signes équivoques d’une magnétisation très-foible 
et incomplète, qui se manifestoient dans l'aiguille pendant la 
circonstance indiquée, après 6 heures : de tentatives infructueuses, 
ne devoient pas être attribués au rayon rouge , mais bien plutôt 
à l'électricité excitée par la résine. Pour ne point laisser sub- 
sister de doute à cet égard, je me décidai à répéter l'expérience 
sur une aiguille privée du petit chapeau de cire d'Espagne. 
Cette aiguille, après avoir été soumise à l'expérience pendant 
sept heures et demie, n’acquit aucunes propriétés magnétiques, 
du moins dans un degré à pouvoir les reconnoître d’après les 
preuves ordinaires, 


Voulant donc assigner une limite expérimentale à la force 
magnétisante sensible de la lumière, j'ai cru qu’on pouvoit la 
fixer dans le rayon violet. Or dans ce rayon, vers le rayon bleu, 
viennent se perdre les rayons calorifiques, et il paroît que de 
celte manière la couleur verte dont la nature végétante s'est 
plu à se revêtir, a quelque rapport avec les quantités de calo- 
rique et de fluide magnélique qui peuvent convenir aux fonc- 
tions des végétaux. 


Quant à la limite du pouvoir magnétisant de la lumière au- 
dessus du rayon violet, dans la région des rayons chimiques 
ou désoxigénans, je n’avois à cette époque encore fait aucune 
recherche pour projeter ces derniers sur les aiguilles, indépen- 
damment du rayon violet, parce qu'il me sembloit difficile de 
diriger surement ces rayons invisibles sur les aiguilles; mais les 
expériences dont je rendrai compte tout-à-l'heure, et qui ont été 
faites jusqu'à deux pouces au-dessus du bord du rayon violet, 
démontrent qu’à cette distance la vertu magnétisante existe encore, 
et il est probable qu’elle se propage autant en haut qu’en bas. 


Maïs je crois inutile d'étendre la recherche sur les rayons ca- 
lorifiques qui sont au-dessous du rayon rouge, d’après les ré- 
sultats obtenus au-dessus de celui-ci; et d’ailleurs, parce que le 
calorique au moins accumulé, est plutôt un moyen démagné- 
tisant, comme le reconnoissent les fabricans d’aiguilles magné- 
ques, et comme il est facile de s’en convaincre en projetant 


le 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 301 


le foyer des rayons solaires indécomposés sur deux aiguilles , 
dont l’une est magnétisée et l'autre ne l’est pas. La première 
perdra de l'intensité de ses propriétés magnétiques, si le foyer 
est projelé de manière à exciter une chaleur sensible. La seconde 
acquerra les propriétés magnétiques d’une manière d'autant 
plus sensible, qu’on fera glisser le foyer avec plus de rapidité, 
pour empécher que l'aiguille ne s'échauffe fortement. Une aiguille 
que j'ai traitée de cette manière, comme on peut le voir dans 
le tableau des expériences , et à laquelle je consacrai deux heures 
pour la magnétiser à un degré médiocre, rétrogradoit toutes les 
fois qu’elle s’échaufloit sensiblement. 

J'ai dit plus haut que dans la magnétisation des aiguilles, je 
n'avois point fait d'expérience sur les rayons chimiques au-dessus 
et hors du rayon violet, parce qu'il me paroissoit difficile de 
projeter un foyer de rayons invisibles sur les aiguilles, sans le 
secours d’un rayon de lumière en état de guider le physicien. 
En étudiant mieux la difficulté, j'ai cru pouvoir la surmonter, 
ou du moins l’éluder de la manière suivante. Plus une chambre 
dans laquelle se font les expériences dont je parle est obscure, 
plus une lentille de la force de celle dont je me sers recueille 
toujours dans son champ autant de rayons qu’il en faut pour 
que le foyer où ils viennent se réunir soit pendant quelque 
temps visible. Connoissant déjà par l'expérience faite avec les 
rayons solaires et indécomposés, les effets magnétisans de leur 
foyer projeté sur une aiguille , je ne pouvois pas craindre que 
la lumière foible et en petite quantité de la chambre, que je 
serois obligé de réunir aux rayons chimiques, pourroit avoir une 
influence sensible sur leurs effets magnétisans. En tenant l’ai- 
guille à la distance de deux pouces du bord supérieur du rayon 
violet, suivant le procédé que j'avois adopté au commencement 
de l’expérience , et pendant cinquante minutes, aucune partie 
de ce rayon ne pénétra dans le champ de la lentille conden- 
satrice: en l’inclinant ensuite jusqu’à ce qu'une très-mince portion 
de lumière violette colorât le foyer très-languissant qui se pro- 
Jetoit sur l'aiguille, j'ai obtenu dans l’espace d’une heure et qua- 
rante minutes, une magnétisation complète, mais plus foible que 
celle que donne communément le bord du rayon violet. On 
peut voir dans le Tableau, les caractères magnétiques de cette 
aiguille, et les progrès de leur développement. Comme le ciel, 
de temps en temps nébuleux, étoit peu favorable à l'expérience 
qui n’avoit pas donné des résultats proportionnés à sa durée, 


Tome LXXV II. OCTOBRE an 1813. Qq 


302 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


je voulus la répéter le 18 avril de cette année, en placant 
l'aiguille dans une direction opposée à celle de la première ex- 
périence, pour la faire encore servir à la détermination de la 
polarité des rayons magnétiques , dans le cas où ils l’eussent 
possédée, 

L’issue de cette expérience, dont les détails et les circonstances 
se trouvent inscrits dans le même Tableau, est conforme à celle 
de la première, et prouve suffisamment que le pouvoir magné- 
tisant s'étend , dans Ja région des rayons chimiques, au-dessus du 
rayon violet. 


Du résultat des deux expériences ci-dessus on peut conclure 
que les rayons chimiques isolés des violets, possèdent la faculté 
magnétisante, et que s'il étoit possible d’expérimenter sur le 
spectre violet, ainsi que sur les autres rayons qui le suivent , 
jusqu’au rayon vert, dépouillés des rayons chimiques, il seroit 
facile de résoudre ce problème, savoir : si le rayon chimique, 
seulement, ou bien si le rayon violet et ceux qui le suivent 
jouissent en proportion diverse de la faculté maguétisante. 


Peut-être obtiendroit-on cette séparation, en interposant entre 
les rayons réfléchis du prisme, et le carré qui en recoit le 
spectre, une substance diaphane, ou une solution quelconque 
qui retienne les rayons chimiques et laisse passer les rayons lu- 
mineux; mais jamais on ne pourra être assuré d’une séparation 
complète des uns d’avec les autres, et l’action elle-même des 
rayons chimiques sur la substance interposée, en aflectera la 
diaphanéité de manière à ne laisser espérer aucun résultat heureux 
d’une semblable tentative. 


A défaut de moyen direct, j'ai eu recours à un moyen in- 
direct. Bouguer a trouvé avec quelques-unes de ses expériences, 
que l’on peut voir dans Poptique de Smith, que la lumière de 
la lune dans son plein, est 300,000 fois plus foible que la 
lumière du soleil, Smith a déterminé par de théories gécmé- 
métriques qui se trouvent dans l'ouvrage précité, que la lumière 
de la lune n’est que 90,000 fois plus foible que celle du soleil, 
et il croit que la diflérence entre sa théorie et le résultat des 
expériences de Bouguer, vient de l'absorption de lumière qui a 
lieu dans la lune elle-même, absorption qui ne se calcule pas 
dans les démonstrations géométriques. Il a été reconnu depuis, 
que dans les rayons lunaires même, condensés avec les plus 
fortes lentilles, il ne se trouvoit aucune trace des rayons ca- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 303 


lorifiques, au moins en quantité suffisante pour les rendre sen- 
sibles avec les thermomètres et les thermoscopes les plus délicats. 
Si les rayons chimiques sont eux-mêmes absorbés du corps lu- 
naire, comme les calorifiques, ils sont réfléchis proportionnelle- 
ment à la lumière : soit que l’on adopte l'opinion de Bouguer, 
soit que l’on embrasse celle de Smith relativement à la diffé- 
rence d'intensité entre la lumière du soleil et celle de la lune, 
on ne peut obtenir aucun effet magnétisant des rayons violets 
du spectre lunaire, à moins que l'expérience n'ait été prolongée 
pendant un espace de temps au moins 90,000 fois plus long 
que celui employé à obtenir cet effet dans les rayons violets du 
spectre solaire. Cependant douze heures de projection des rayons 
violets lunaires, dans différentes soirées de la pleine lune de 
Mars, n’ont certainement pas porté l'aiguille qui y fut soumise, 
à une magélisation décidée, et beaucoup moins complète; mais 
elles ont partagé la direction vers le méridien magnétique, et 
un commencement de répulsion entre sa queue et la queue d’une 
autre aiguille foiblement magnétisée, dont la pointe étoit attirée 
par Ja sienne. Ce que je viens de dire prouve que ces effets, 
quoique foibles, doivent être attribués plutôt aux rayons chi- 
miques que renvoie la lune, dans une proportion beaucoup plus 
grande que les violets, qu’à ces derniers, parce qu'il n’y a 
aucune proportion dans la différence des nombres 1 et 90,900, 
qui expriment la densité des rayons solaires, et celle de 1 et 24 
qui expriment les temps de l'apparition des premiers signes 
magnétiques dans les rayons violets solaires et lunaires. Au reste, 
quelque cas que l’on veuille faire de. ce résultat , les expériences 
précédentes ne permeltent pas de recourir aux rayons cétues 
comme possédant seuls la rés magnétisante (1). 


A la suite d'expériences tentées dans le courant de l'été et 
pendant l'hiver, sur un grand nombre d'’aiguilles, et après quel- 
ques anomalies observées, dont j'ai rendu compte dans mon 
premier Mémoire, je me suis flatté de l'espoir de pouvoir aussi 
déterminer la polarité des rayons magnétisans , pour peu qu'ils 
en fussent doués. Pour procéder avec ordre dans cette recherche, 
je commençai par supposer que la polarité pouvoit se trouver 


. (1) I faut cons'dérer que l'expérience sur les rayons lunaires , ayant été con- 
tinuée pendant plusieurs soirées , le disque lunaire ne réfléchissoit pas dans 
toutes aussi complètement les rayons , que dans la pleine lune. 


Qq 2 


304 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE, CHIMIE 


ou au-dessus ou au-dessous du bord des rayons violets, où dans 
ses côtés, ou enfin autour de l’axe vertical de leur spectre. 


En conséquence de ces hypothèses imaginées seulement pour 
suivre la carrière des expériences, je disposai les aiguilles dans 
les sept manières diflérentes que présente le Tableau ci-après. 

Figure 1'e, planche 2. Les aiguilles sont placées horizontale- 
ment, d'un côté à l’autre du spectre violet, et projetant lefoyer 
des rayons violets dans l’une À, du sud au nord, dans l’autre B, 
du nord au sud, la polarité des aiguilles s’est décidée dans le 
sens de la projection. | 


Figure 2. La même aiguille plongée d’abord dans le spectre 
avec la pointe vers l’axe vertical, regarde le nord A ; et la queue 
dans le sens opposé B. La projection du foyer partant toujours 
des côtés du spectre, vers l’axe au-dessus des parties immergées 
de l'aiguille, la polarité se décide suivant la direction de Pex- 
trémité.et de la projection, c’est-à-dire, la pointe au nord, la 
queue au sud. 

Figure 3. Une aiguille disposée d’abord avec la pointe au 
nord, comme dans À, et de là au bord sud du spectre, comme 
dans B, je couvre avec un écran l’autre extrémité de l'aiguille, 
et projetant successivement le foyer dans le sens de la pointe, 
l'aiguille a acquis la direction au nord avec la pointe, au sud 
avec la queue. Cette aiguille est une des plus complètement 
magnétisées et dans le plus court espace de temps : d’ailleurs 
Je renversement de la direction de la pointe n'arrête pas tout- 
à fait l'accroissement progressif des propriétés magnétiques, Cette 

osilion et les deux suivantes, ayant été imaginées pour les 
Évpo de la polarité dans les deux côtés du spectre, il étoit 
nécessaire de couvrir dans l'expérience son extrémité, pour em- 
pêcher que la lentille condensatrice ne réunît, ou du moins ne 
rapprochât pas dans son foyer les deux pôles au-dessous, et pour 
qu'elle n’en projetât qu'un seul à-la-fois. Il est inutile de dire 

ue dans ces expériences l’écran doit être placé entre le prisme 
et la lentille qui projette. 

Dans la figure 4 est désignée une aiguille un peu inclinée, 
d’abord avec la pointe vers le bord sud du spectre A, en 
couvrant son extrémité nord avec un écran, et en opérant ensuite 
en sens inverse sur le spectre et sur l'aiguille B qui se ma- 
gnétise, la pointe tournée au nord, et la queue au sud. 


La figure à offre une position d'aiguille entièrement opposée 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. . 305 
à la précédente, tant pour sa direction que pour la projection 
du spectre, faite en deux sens opposés sur les extrémités op- 
posées. L’aiguille néanmoins se magnétise également, et avec les 
pôles de la précédente. 


Dans la figure 6 est désignée une aiguille avec la queue 
toujours en haut, mais avec un point de suspension, tantôt vers 
le bord supérieur du rayon violet A, tantôt sous la même B, 
pour projeter ‘le foyer d'abord de haut en bas sur la pointe, 
et ensuite de bas en haut sur la queue. La magnétisation fut 
nie et foible, quoique complète, et la pointe se dirigea vers 
e nord. 


La figure 7 fait voir la position de Paiguille, d’abord avec la 
pointe vers le bord supérieur du rayon violet À, l’autre extré- 
mité de laiguille couverte d’un écran, ensuite avec un point 
de suspension à ce bord, et la queue au bas de B. La projection 
se fit d'abord de bas en haut vers la pointe, ensuite de haut 
en bas vers la queue. La magnétisation fut foible et incomplète , et 
la pointe se dirigea au nord. Les résultats de ces expériences 
ne s'accordent avec aucune des trois hypothèses que j'ai établies 
pour la polarité des rayons magnétisans. Les effets de la première 
et de la seconde position sembleroient l’annoncer dans les côtés 
du spectre violet, ce qui est contraire à ceux obtenus dans les 
troisième, quatrième et cinquième. Les résultats de la sixième 

-et de la septième position ne se combinent pas avec la polarité 
supposée dans le haut et dans le bas. Enfin les phénomènes ob- 
servés dans les deuxième, troisième et quatrième positions, ex- 
cluent tout-à-fait la polarité vers l’axe vertical du spectre. Je 
me garderai bien d'émettre une opinion suæune question aussi 
délicate, à moins que des expériences nouvelles et multipliées 
n'administrent une masse de faits plus imposans , pour en déduire 
une conclusion qui éloigne jusqu'à l’ombre du doute. Peut-être 
-encore la polarité n’appartiendroit-elle pas aux rayons magnéti- 
-Sans, mais seroit une propriété qu'acquièrent le fer et l'acier saturés 
de fluide magnétique. Dans ce cas, l'hypothèse de deux fluides, 
l’austral et le boréal, seroit applicable uniquement à celui con- 
tenu dans les corps, et spécialement dans le fer magnétisé. On 
-pourroit corcevoir, que cela arrive, comme dans la saturation 
de la potasse liquide avec l'acide oxi- muriatique. L'’acide se 
divise en muriatique simple et en muriatique hyper-oxigéné , 
et il se forme dans le liquide deux sels distincts, le muriate 
simple et le muriate hyper-oxigéné de potasse. Celte comparaison 


306 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


est hardie; mais je ne l’établis que pour faire comprendre la 
possibilité de la chose. 


Pour mieux concevoir l’incompatibilité d’une polarité quel- 
conque dans les rayons magnétisans, avec les expériences dont 
J'ai rendu compte, il suflit de comparer entre elles les méthodes 
les plus communes de magnétiser, et celles que j'ai suivies en 
projetant le foyer du rayon violet; l’une de faire glisser l'aiguille 
toute entière du foyer du rayon violet dans la direction nord 
ou sud, et l’autre, de projeter le foyer sur l'extrémité de l’ai- 
guille, seulement dans un sens ou vers le nord, ou vers le sud; 
ces deux procédés ne sont pas exactement semblables à ceux 
pratiqués quand on emploie laimant, où les deux pôles sont 
soumis au foyer du rayon violet. Lorsqu'on opère de la ma- 
nière énoncée dans la figure 2, du Tableau I, alors si la po- 
larité est supposée dans les côtés du spectre violet, la méthode 
de Micheli se rapprocheroit davantage des autres. Toutes les 
autres manières que j'ai suivies dans la projection du foyer des 
rayons, surtout celles énoncées dans les figures 3, 4 et 5, non- 
seulement ne correspondent pas avec aucune méthode connue, 
mais elles seroient contradictoires avec les principes reçus dans 
Ja communication du magnétisme terrestre. Si donc, d’après les 
expériences que j'ai faites, on vouloit établir une opinion sur 
la polarité desrayons magnétisans, il faudroit en conclure qu’elle 
n’existe pas dans les rayons eux-mêmes. Je conviens néanmoins 
que je ne regarde pas encore mes tentatives comme suflisantes 
pour l’en exclure ; mais elles invitent à de nouvelles recherches 
pour pouvoir en déterminer l'existence. J’ajouterai que dans 
les expériences multipliées que j'ai faites jusqu'ici sur la force 
magnétisante du rayon violet, j'ai constamment observé que 
deux circonstances contribuoient surtout à déterminer dans les 
aiguilles la polarité nord, L’une de ces circonstances, c’est la 
‘terminaison de l'aiguille en pointe, et, toutes choses égaies, la 
magnétisation des aiguilles est plus facile et encore plus com- 
plète, quand le rayon se projette sur la pee que lorsqu'il se 
projette sur la queue. L'autre, c’est que l’extrémité de l'aiguille 
qui a été le plus long-temps tourmentée par la projection du 
rayon, est la plus disposée à se retourner vers le nord, ce qui 
peut expliquer plusieurs anomalies que j'ai observées, et dont 
J'ai rendu compte dans mon premier Mémoire, surtout la der- 
nière , lorsqu’en faisant avancer l'aiguille d’un côté à l’autre du 
spectre, celui-ci se projette, tantôt sur la pointe et tantôt sur la 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 307 


queue, pendant un espace de temps beaucoup plus long dans 
l’un que dans l’autre sens. 


Enfin j'ai cru nécessaire de faire des expériences sur les corps 
terrestres en combustion, pour découvrir sil s’y trouve des rayons 
magnétisans, comme dans la lumière directe du soleil , et celle 
réfléchie de la lune. C’est pour cela qu’en commençant mes 
expériences sur cet objet, j’ai imaginé que la lumière des corps 
terrestres en combustion, quelque vive qu’elle soit , ne donne 
jamais un spectre qui puisse se comparer tant pour la distinction 
que pour la vivacité desizones colorées , à celui des TaÿOns SO- 
laires, ni même à celui des rayons lunaires, quand la lune est 
à son périgée et dans son plein. Peut-être cette circonstance est- 
elle due à l'usage que j'ai fait d’une simple lampe d’Argand à 
mèche circulaire, sans verre réflecteur, et sans quelque moyen 
de condensation. Les bougies et les chandelles ne réussirent 
pas mieux que dans les expériences de la lampe alimentée avec. 
l'huile d'olive. Ce qui me fit bientôt connoître le peu d’espoir 

ue j'avois de réussir dans mes tentatives, ce fut l'exiguité 

e la zone violette qu'on auroit pu d’ailleurs plutôt nommer 
bleue que violette. La zone verte et la jaune étoient les plus 
grandes et les plus distinctes; les autres étoient plutôt des as- 
semblages de couleurs que des zones, parmi lesquelles la moins 
visible étoit la violette. Aussi , d’après les expériences directes pré- 
cédemment exposées dans ce Mémoire, je suis déterminé à 
croire que le rayon chimique plutôt que le violet, magnétise 
les aiguilles, parce que l’aflinité qui passe entre ces deux rayons, 
et la coïncidence de leurs régions me font présumer avec raison, 
qu'ils ne sont jamais séparés, et que l'intensité du rayon violet 
peut annoncer proportionnellement celle des rayons chimiques. 
Quoi qu’il en soit , il est certain que huit heures de projection 
du rayon violet en question, ne donnèrent à l'aiguille qui y fut 
soumise, pas même la tendance au méridien magnétique. Cette 
expérience doit être répétée avec des appareils plus eflicaces, 
dans la condensation de la lumière ; elle mérite en outre d’être 
variée sur un grand nombre de combustibles, et spécialement 
sur ceux qui donnent une flamme bleuâtre. Seule et isolée come 
je la présente, elle ne peut conduire à aucune conclusion; 
mais le temps ne m'a pas permis jusqu'ici de m'en occuper , 
ni de continuer les recherches sur l’existence des rayons élec- 
triques dans les rayons solaires , et sur l'identité ou la diflérence 
des premiers avec les magnétiques. Je sais néanmoins que l’on 


308 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


écrit pour attaquer ou pour soutenir cette identité; mais je crois 
que les rapports réciproques de ces deux agens, mieux connus 
d’après la mémorable découverte de l'appareil électromoteut 
de Volta, pourront désormais conduire à quelque conséquence 
plus certaine. 

Je termine, en concluant que les nouvelles expériences que 
j'ai eu l'honneur d'exposer dans ce Mémoire, confirment de 
plus en plus l'existence d’un pouvoir magnétisant dans la lumière, 
principalement dans le bord extrême du rayon violet, et la pro- 
babilité que ce pouvoir appartient plutôt aux rayons chimiques 
ou désoxidans, qu’au rayon violet lui-même. 

Si, comme je n’en doute pas, d’autres expériences viennent 
à confirmer cette nouvelle propriété de la lumière, il ne faudra 
pas pour cela, comme quelques personnes semblent le craindre, 
renoncer au magnétisme terrestre. Les corps terrestres absorbe- 
ront des rayons solaires le fluide RE comme ils ab- 


sorbent la lumière et le calorique ; ils le développeront, ainsi que 


ces deux fluides, dans les vicissitudes perpétuelles de leurs com- 
positions et de leurs décompositions. Le fer sera ensuite , relati- 
vement au fluide magnétique, ce que sont les pyrophores pour 
le calorique,.et les phosphores naturels pour la lumière. 


EXPLICATION DES TABLEAUX. 
Dans les Tableaux ci-joints, j'ai adopté, pour une plus grande 
commodité, les abréviations suivantes: 
Dans la colonne intitulée, zemps de la projection, 


M veut dire 71atin. ’ 
) soir, 


a — 


Dans la colonne : propriété magnétique acquise, 


C veut dire queue de l'aiguille. 


P ———— pointe de l'aiguille, 
F———— foyer magnétique, + 
N ——— nord. 

US ———— sud. é 


Déclin P à N déclinaison de la pointe au nord. 
F déb. —— foyer foible. 

F méd. foyer médiocre. 

F'aum.—— /oyer augmenté, 


CADRE 


aa — Journal de Physique, pag. 309 à 31a- 


_ Tableau [* 


—— 
JOURS T 
des expériences. |d Creriron 


28 Décembre 1812. 


Envoyé à M. Gay-Lussac. 


— —_—_—_———m 


29 Décembre...... 


——— 


26 Février 1813... 


Idem. 


OPA ÉVAER ere. sé 
Donné à M. Cav. T'ambrony. 


1 MAIS Sa este 
Idem. 


2OMars eee 


près les 15 premières minutes tous les caractères 
magnétiques, ensuite plus intenses, 


TM ANEI Sen este ——— 5 ——© — —— — — —— 
ER ITA PR |__irès les 45° premières tous les caractères magné- 
7 Avril... T2 tiques, ensuite plus intenses, 
____|___us les caractères magnétiques après les 45° aug- 
AVANT Re Er RER AL ame | Mes 
Rs Le ciel était devenu nébuleux. 
Sal dose ne 
———|-—— ciel nébuleux et humide par intervalles et par sauts. 
SAAYTIL. dec : a ————— = 
EE Idem 
OPA 2-0 D 
| Idem. 
LD ANT Eee EE _ 
| Idem 
tie ANTII - eRRE. 1 Mr «il 
3 ET | Idem 
10 PANTIN JL TE FT 
DOTRANEN SN AU 1 ————— 
DAPAYETl A mere 1 
1 PAYIS A. = 
—| —— Ciel nuageux. 
(SR nl BE SOS NLE DEEE ARTE HE 
| Idem. 
RONA VTT. 20 4° D —— CHENE ANA DIT 
emma, 


Tome LXXFII. OCT me 


des expériences. | de Réaumur. |Peromètre. [ER 
or 1812. 3°20 08 4195 26°50 
og Décembre... 3,05 28. 4,05 24,20 
26 Février 1813... 9,30 28. 3,00 FACE 
27 Février. ....... 7,25 28. 340 h 32,85 
1 Mars Hasbodonde 7,2b 28. 2,20 4,65 
9 Marco -e ve 6,85 28. 3,80 43,60 
21 Mars-etre-t--e TN 28. 1,35 36,00 
23/Mars-- "+ 10,15 28. 2,15 31,25 
2 pee et 9,1 28. 0,05 27,90 
5 Avril... RUE 28. 2,05 27,55 
7 Avril... Fe 11,20 res 38,00 
mr Pratt te Idem Idem. Idem. 
2 Avril....... Re 9,15 28. o,0b 27,90 
A'Ayrileeerre cc. Ë 28. 0,50 | 28,90 
PAYER EE ETS 27.10,50 47,00 
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TANT Re rte 28. 1,10 43,80 
Ole Mbbas 28. 2,00 37,33 
12 Mere Idem Idem. 
OMAN EE Eee ee 28. 3,95 sAUE 
| 14 FER 28:13,35 28,10 
| 15 ANTIl se -eree 28. 8,40 82,25 
| 16 AIT ere Ce 28. 2,90 28,85 
18 MO 28. 1,10 29,10 


Tome LXXPII. OCTOBRE an 1818. 


CADRE SYNOPTIQUE DES EXPÉRIENCES. 


Rene ne 
. jection. |de l'expérience. 
DEC Violets solaires. |Fig.2, lett. A Mioet 10 45" Fi 
B Idem. Idem. 3 er giä1o 30! 
C Idem. Idem. FRERE 1 33’ 
D re EU AE DUT ra 33 ir 
E Idem. Hit ne Mioà10.23 23° 
F Idem. rase Ù M 10 à 10.34! 34 mi 
G Idem. RE Idem. Mioà1o1 UT 
H Idem. Idem. Ha ITR +à10 AU 
I Ten LUE Fig. 3 Mgiàioi 45" 
L Fee Fig. 5, lett. A Mioà::1 6o° RER 
D ne  fsentine 
m | im | ng4 Mises] sd 
N | 1m Sn Pl 
N Idem ie Idem Bout 120/ 
N PE NE NS (FÉTE À Mgià:1o 30° 
N Idem dé Idem BIT à1o1 bo 
N Idem We Idem Mgà1o? 75! 
N REMRRT IVTEE D Jà 104 # 
O NE Fig. 1, lett. A ET 249% 60° 
P Idem. Fig. 7, lett. À ET Ya 10; 9° 
P re Male ee mr ES 
Q | Rayons chimiques. |Fig. 2, lett. A Mio jäits 30° 
Q Idem. Idem. Mo: à 10.40 EIeNTE 
R Idem. Idem. ë gel 


Maà10o 


Propriété magnétique acquise. 


Toutes intenses, 


Idem. 


Idem. 


Idem. 
Idem. 
Très-intenses. 


Toutes intenses. 


F faible, les autres toutes intenses. 


Toutes intenses. 


Idem. 


Aucunes. 


F moyenne déclinaison, répulsion du 
P au P. 


Idem. 


Idem. 
F augmenté. Attraction de CàC, P à 
P, répulsion de P à P. 


Toutes intenses. 


RD ER 


Idem. 


F moyenne, attraction de P à P et de 
C à C, répulsion de P à P. 


Idem. 


7 [Déclin. de Pa N. Repuls. de Ca C. 


Attract. de P à Cet de Pà P. F faib. 


Toutes les autres intenses. 


Idem. 


magnétiques , ensuite plus intenses, 


Journal de Physique, pag. 309 à 314: 


_ Tableau 1: 


OBSERVATIONS. 


Envoyé à M. Gay-Lussac. 


Idem. 


Donné à M. Cay. Tambrony. 


Idem. 
een 


—_—_—__——_—_——_— 


Dans les trois jours précédens le ciel fut tout variable. 


Après les 15 premières minutes tous les caraëtères 


Après les 45° premières tous les caractères magné- 
tiques, ensuite plus intenses. 

Tous les caractères magnétiques après les 45° aug- 
mentés. 


Le ciel était devenu nébuleux. 


Le ciel nébuleux et humide par intervalles et par sauts, 
Re 


Idem. 


Idem. 


Idem. 


Idem. 


eme qmbmethée th 


Ciel nuageux. 


Journal de Physique ; pag. 313 à 316. 


Tableau IT. 


JO 


des exfcquise- OBSERVATIONS. 


1 Avril 


2 Avrilrépulsions |Si la cire d'Espagne de la chape s’échaulfe, et on 
a les signes indiqués. 


29 Mars. 


30 Mars 1Fà 


31 ENTRE Magnétisation incomplète et foible. 


14 Avril.répulsion 
re. 


12 Avril. 


13 Avril.méridien 


15 Avril, de P à P. 


|  —— —_—_———…—…— 
16 Avril. Le rayon violet de la luné, er-12h., a donné les propriétés ma- 
gnétiques plus décidées que le rayon rouge solaire en 5+h. 


15 Avril. 


16 Avril. 


19 Avril. Le tems humide, avec un nuage dans l'atmosphère. 
RON ENG Pre, POUR CR 
91 Avril. .méridien j 


16 Mai... 


| 10 Maiï... 


Tome 


Journal de Physique ; pag. 313 à 316: 


CADRE SYNOPTIQUE DES EXPÉRIENCES.  TableouTl 
eau . 
JOURS ‘ Th être | ù nr Lier ; À 3 = 
des expériences. EL de Baromètre. FE Fr Aiguille. ÉTAPE. de Sen dela _ RAR de Pr. Propriété magnétique acquise. OBSERVATIONS. 
pro) pro) aol 
27 Mars.......... °60 28 3115 31°60 Solaires rouges. |Fig.2, lett. A| Moïàit o’ Aucune. 
7 9 B 82; 9 = 9 
28 Mars. ......... 11,65 28. 3,10 44,50 Idem. Idem. Idem. 90° Idem. 7 
——_—_—_—_—_———_—_— Mer 
29 Mars.......... 9,15 28. 2,15 31,60 Idem. Idem. Miotàii 3o' Idem. 
NES DSP | EE FE CSN PR | ED 2 2 eh Mie se 
DANS eee 10,10 28. 1,70 36,75 Idem. Idem. M8 à 11 180’ Idem. 
me Fig. 1, lett. À, x z Un peu F à P; quelques répulsions [Si Ja cire d'Espagne de la chape s'échaulfe tes 
D AVI eee 9,15 28. 00,5 27,90 Idem. aber Ot S2à3 69 de P à P. P ue ns Pare et on 
NUE DEMO 9,15 28. 2,15 31,60 Verdk solaires. |Fig. 2, lett. A| Mi2à 55 45" Aucune. 
© ————— “| -—__—— | ———— | ——— ru | repense a 
GoNMars ere Lree 11,05 28-01,0D 44,15 Idem. Idem. FR n 155" Ù Idem. 
(Ca NE ; U F à P; repoussé de Pa P; RE, MES NC 
31 Mars...”....... 9,30 28. 1,45 38,80 Idem. Idem. Mgzsàa go digé a nn Haine Magnétisation incomplète et foible. 
VAN ilaodbadeon 11,00 28. 3,55 28,10 Solaires indécompos. Idem. Miuià1is 120” ë de ii ds 
Aa TANT ec 11,00 28. 2,20 42,49 Violets lunaires, Idem. S7r1à9+ 10h Aucune. 
pr Vrbaocaonter 11,00 28. 3,40 28,70 Tr Idem. S7àg+ 1507 Tendance He NRC 
QE : x ! Direction au méridien magnétique ; E- 
V4. \ubootbr anse 11,50 28. 3,70 29,00 Idem. Idem. S7à10 180 ne GC 
PAYS eee 12,50 28. 3,20 39,60 Idem. Idem. SgiàaiM 195 Idem , et de plus attraction de P à P. 
Fe le rs idem. | Suiaim | 9 Tam. Le yen ils de nés ma donnés opté ar 
ë F > E = Fig. k Ur 10 
1b0A NE Re “3 12,50 28. 3,40 32,95 Rouges HAL Re 31à4+ 60 3 Aucune. , 
16MAYTII.- 11,60 28. 2,90 28,85 Idem. Idem. Srà2 60’ Idem. 
19 Avril.......... 13,70 27.11,80 27,85 Idem. Idem. Idem. 6o' Idem. Le tems humide, avec un nuage dans l'atmosphère. 
PNA UE ne MTS ee Ha 7 Tendance indécise au méridien 
Pis bo cuoobont 10,50 28. 2,30 29,50 Mioä1iS go en ne méridie 
16 Mate Lecue 16,25 28. 2,00 | 28,20 Idem. Idem. Mioiàa. 30! Idem. 
TOMMA Lecce 15,15 28. o,10 34,05 Idem. Idem. Mgtä1oi go’ Idem. 
NE 2 | RER At Violetsdelaflammel . . ,Mo<äio,eten |  .,7 En PNR RE CROEOTT 
Fo Man ete ee 15,13 28. o,80 19,80 Y AE dé Fig.2, lett. A ME de43à6 a 240 Aucune, 
an MA Etre 15,60 28. 1,85 21,85 Idenv. Idem. Mgiàut 120 Idem. 
Ta Marre ree 15,0 | 28. 2,10 24,30 Idem. Idem. MB8à1o 120’ Idem, 
; A Æ ; Rr 2 


“Tome LXXPII. OCTOBRE an 1813. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 317 


DISCOURS 


SUR 
LES MURS SATURNIENS, OU CYCLOPÉENS; 
Par M. DE FORTIA D'URBAN, 


Chevalier de la Légion-d'Honneur, de l’Académie d'Archéologie 
et de plusieurs autres en France, en Italie et en Abemagne. 


Un vol. in-8°, avec des planches. A Rome, imprimé par de Romanis. 


EXTRAIT par J.-C. DELAMÉTHEÉRIE. 


Les Grecs ont appelé murs GelppécRe. etles Romains, murs 
Saturniens , les murs formés de blocs énormes de pierres de 
figure polygone irrégulière, liés ensemble par la diversité de 
leurs formes, sans chaux et sans ciment : on en voit en Grèce 
et en Italie. 

M. Edouard Dodweld et M. Georges Goguet ont donné des 
Mémoires curieux sur cette construction. 

M. Petit-Radel s’en est aussi occupé.” 

Lauteur ‘a fait beaucoup de recherches sur ces premières 
constructions. 

Il en distingue. de plusieurs espèces. : 

L'homme, dit-il, réuni en société, craint les animaux féroces, 


Tome LXXV II. OCTOBRE an 1813. Ss 


318 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


et quelquefois ses semblables. II s’est fait des enceintes de pierres 
brutes. Ces pierres laissoient entre elles des vides: on sentit que 
pour éviter cet inconvénient , il falloit que ces pierres se tou- 


chassent exactement par leurs différens côtés; pour lors ontailla, 
on dressa leurs joints. 


Il faut donc distinguer parmi ces murs, ceux dont les pierres 
ont conservé leur forme naturelle, et ceux. dont les pierres., 
quoique restées polygonales, ont été polies dans leurs diverses 
surfaces. 

Cette première construction est celle que les premiers hommes 
ont dû employer pour leur défense. On voit encore des restes 
de ces murs primitiis à Preneste et à Cora; mais ce n’est pas 
celle que les anciens ont attribuée aux Cyclopes. Ces Cyclopes 
éloient de véritables artistes qui connoissoient l’usage du lomb, 
et même celui du fer. Ils employoient dans leurs murs les plus 
grosses pierres, mais ils leur donnoient un poli. 


Les premiers ouvrages des Cyclopes sont les triples murs de 
différenteScitadelles désignées dans des catalogues. On en compte 
vingt-une en Grèce, el cent huit en Italie, Les murs de Zz- 
cosura, la première ville bâtie dans la Grèce, en fournissent un 
exemple, ainsi que ceux de Tirénthe, aussi admirables, selon 
Pausanias, que les pyramides d'Egypte. 


Dans la citadelle d’Alatri, il y a une pierre de vingt mètres 
cubes, ou 600 pieds cubes... 


A Férentino il y a encore un grand nombre de ces construc- 
tions, failes avec des pierres énormes polygonales... 


C’est à ces constructions que l’auteur donne le nom de 7zurs 
cyclopéens, où saturniens. 


Au reste, en conservant, dit l’auteur, à ces murs le nom de 
salurniens, je ne prétends nullement que Saturneles ait inventés ; 
ils sont bien plus anciens que lui, et tiennent à la civilisation 
de la Phénicie, qui est de la plus haute antiquité, et doit peut- 
être elle-même son origine à celle des Chaldéens. Ce fut vrai- 
semblablement par des ouvriers phéniciens que furent répandues 
sur notre globe ces constructions colossales, qui-s’y trouvent 
disséminées partout. 


Saturne n’a doncfait queporter de Phénicie en Hespérie (Italie), 
l'art de l'architecture tel qu’il le connoissoit. 


n. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 319 


Quelquefois on a donné à ces constructions le nom de gigan- 
Lesques : ce qui avoit fait soupconner que /a chaussée des 
Géans, en Irlande, étoit peut-être un de ces ouvrages : mais 
de pareilles chaussées se retrouvent dans la plupart des contrées 
volcaniques : et il est reconnu aujourd’hui de £ous les natu- 
ralistes, que ces chaussées sont formées de colonnes prismati- 
ques de pierres volcaniques, produites par là nature. 


Ss z 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


THERMOMÈTRE EXTÉRIEUR 
CENTIGRADE. 


BAROMÈTRE MÉTRIQUE. 


sunog 


Maximum. | Minimum. |A Mro Maximum. Minimum. À 
MIDI. 


heures. : o heures É ‘e ÿ heures. mill. | heures. mill mill. ° 
1fà midi +-00,12là 5 3 m,+10,25|+20,19|à 55 m....... 758, 341AbS. 2. 4.01 .756,32|757;32| 19,d|| 
o[à 3s. “#20,00/à 5 3 m.+13,75|+#10,25|à 95..:.......750,22|à 5 ? m.......756,00[758,20| 19,2 
3lar?s. +24,75{à 53 m.+ 9,50|4-22,75|à 7 m......... 758,76|à 3 5...... ...757,82|758,08| 20,8]| 
4là midi +-23,00|À 5 x m.+12,00[+23,00|19 4 m....... 758,64|à 9 1s5..... -..750,82|758,12| 20,9|! 
5[à3s.  +20,56/à 935. +12,75|+19,25/à midi. . .…... 754,40|à9%s...... ...751,50|754;40| 19,614 
6[à midi +1740lù 945. + 9,62|+17,40|à 9 E s........ 750,34\à 5 +m........ 744,50|748,84| 19,7] 
là midi +16,75|àa 55 m.+ 6,25 16,759 2s........752,10 à5£m........751,20|751,88| 16,9] 
Slamidi 15,25|à 55 m.+ 7,75) #15,25|à 9 s.. ...... .755,46[à 5:m....... 752,84|753,76| 18,41M 
olà3s. <+13,00à 53 m.+ 7,25|+r1,90/à 10 s......... 760,6olà 53 s.........756,341757,04 
1olà 35. 18,50 55m. 6,25|+17,25à9s........967,64là 5? m...,...763,50[764,90 
11fà3s. H18,25/à 5 Em. + 8,75|+17,25|à 10 m........ 767,94là4s......... 766,08|767,50 
1o[à midi +19,75{à 55 m.+ 7,7514+19,75)à 5 m....... 764,20/à 92s........760,00|762,78 
13[à midi +17,75là 2m. +ÆHr0,25|417,75|à 9 s...... ....764,28|à 2 m......... 758,8c|762,40 
rglà midi Æ#16,5c[à53m.+ 7,50] +16,50[à 9 4 s........764,86[à 3 s..... °....703,00|703,26 
Mirslà3s. <+18,00là 53 m.+ 5,75|417,40là 10 m....:... 766,58[à 5 2m.......765,54[766,50 
Qiiclais. <H2o,12là 55m.+ 6,70|+19,50|à 9: m....... 767,24|à 43 m....... 766,50|767,12 11 
lilas. —+2o37/à 5 + m.-ro,75|+17,85/à midi........ 767,781 53 m........766,96|767,78| 18,2]h 
Ml18là3s. —+19,50fà 5£m.—+1r,50| +16,75[à 7 5 m....... 765,72|à 4: m...... .703,24|764,58! 18,3] 
dlrolà midi +-19,12/à 53 m.—+ 9,50|+-19,12/à 9+m....... 761,20/à 61 s....,....750,36|760,64 18,7 
Hiaoyà 3s. “Higooi 54m.+ 6,25] +16,50[à 94 m....... 759,32|a 10 Z s....... 757,46[758,42| 18,71 
21là3s +17,90/16m. + 8,25|+16,25|à 75m.2..... 7h AO | LS Sense 756,28|756,92| 1737, 
Hi22lh 3 s. “+17,50/à 6 m. 10,65 +:6,40|à 10m........ 757,9c|à 6 m......... 756,72|757,50| 173414, 
Hl23làa 3s. “H16,75là 5m. +H12,75|H16,25|à 9 s......... 757,28|à 3s.,.......756,26|756,68| 17:2h) 
Aloalà midi +16,50à 6m. + 9,75|+16,50[282s........ 762,50|26m......... 758,721760,46) 16,5] 
25là 3s. +18,0o0là 6m. “+Æro,5o|+16,00|à 10 m........763,00|à 95s........ 750,60|762,14| 1738[M 
A|261à3s. “H18,50/à 6 m. +io,oo|+17,00|à95s.......... 760,34|à 6 m........ 759,52:760,00| 17,4 
Ni27là3s. <+z20,50à 5m. “+ 8,50lÆ18,90[à 6 m......... 750,721452S...... ...708,16|759,44| 1% 
Dl28/à midi +18,65/à 6m. +11,25|H18,65[195..........750,48à 6m... ,...758,40|750,14| 178) 
il2olà mudi 15,509 s. +H10,75|+15,50|à 6 m....... ..762,68|à 6m... ..... 761,10|762,36| 17814 
#l3olà3s. Hr6,00[à6 m. + Ro AUS tete 762,08 à Cilaos bons 758,80|761,02| 19,8! 


Moyennes.+16,39| + 9,937|+417 


RECAPITULATION. 
Millim, 
Plus grande élévation du mercure. .... 767,94 le 11 
Moindreélévation du mercure......... 744,50 le 6 
Plus grand degré de chaleur......... +2475le 3 
Moindre degré de chaleur...... ..... + 5,75 le 25 
Nombre de jours beaux....... 20 
de couverts......... CZ 


se... 


= depelée-.-#e--ere o 
de tonnerre.........." 2 
de brouillard.......... 13 
deneige...44..2t ) 
de gréle Eee ee NO 


Nora. Nous continuerons cette année àexprimer la température au degré du thermomètre cen: 
centièmes de millimètre. Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu’on! 
le thermomètre de correction. À la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre 
conclus de l'ensemble des observations, d’où 1l sera aisé de déterminer la température moyenne 
conséquent, son élévation au-dessus du niveau de la mer. La température des caves est également, 


. A L'OBSERVATOIRE IMPÉRIAL DE PARIS. 


Hyc. 
VENTS. 


"sSunog 


83 |S. 
84 [S.O. 


I 
2 
3| 82| dem. 
4] 8015. 
5] G6| Idem. 
6] 74 |S-0. fort. 
*7| 70| Idem. 
8| 73| Idem. 
g| &801S-0. 
10| 64[N. 
11] 69| Idem. 
12] 8o1S, 
13| 81|© 
14| 64| Idem 
15| 7410.-N-0. 
16] 80 |N-0 
17| 891IN. 
10| 64| Idem. 
19] 73 NE. 
20] 70| Idem, 
21] 77| Idem. 
22! 76IN-N-E. 
23] 61/|N. fort. 
24] 685 ]|N. 
“o] 61 /|N.-E;: fort. 
26| 80|E. 
E. NE. 
O0. 
N-E. 
Idem. 


Jours dont le vent a soufflé du 


SEPTEMBRE 1813. 


POINTS 


LUNAIRES. 


LE MATIN. 


Nuageux, brouillard.| Pluie par intervalles. 
- [P.Qàroh g's:| Pluie fine. 


Lune apogée. Nuageux. 
Idem. 
Pluie. 
Idem. 
Beau ciel. 
Pluie. 
Nuageux. 


P.L.àxahas’s.| Beau ciel , rosée b]. 


A MIDI. 


Très-nuageux! 
Nuageux. 
Couvert. 
ldem. 
Nuageux. 
Très-nuageux. 
Idem. 
Couvert. 
Très-nuageux. 


Couvert, brouillard. [Nuageux, 
Nuageset brouillard.| Beau ciel. 


Nuageux. 
Lune périgée. |Couvert. 


Nuageux, 
Très-nuageux. 


Nuageux, brouillard. |Ciel trouble et nuag. 


: Tiem. 


D.Q.8b17m.| Couvert, brouillard. 


Idern, 


Nuageux, brouillard. 


Idem ; br. à l’hor. 
Couvert. 
QHSITRES éclaircis. 
uageux. 


Vapeurs, brouillard. |Légères vapeurs. 
Nuageux, browullard.|(ouvert, 
Couv., léger brouil. [Nuageux. 


Couvert. 
N.L.àah20’s.| Couvert, léger brou. 
Très-nuageux. 


Nuageux. 
Beau ciel. 


Très-nuageux, 
Idem. 

Trouble et nuageux. 

Petits nuages. 

Superbe, 


Pluie abondante, br. |Couvert. 


Lune apogée. [(ouvert. 
Nuageux. 


Nuageux. 
Idem. 


RÉCAPILTULATION. 


Therm. des caves 


le 1° .12°,100 | 


le 16 12°,100 


LE SOIR. 


Pluie, écl, , tonnerre. 
Nuageux. 
Très-nuageux. 
Nuageux. 
Pluie. 
Pluie, tonnerre à 3h. 
Pluie par intervalles. 

Idem, 
Nuageux, pluieà3b. 
Beau ciel. 

Idem. 

‘Idem. 

Idem. 
Pluie par intervalles. 
Légers nuages. 
Beau ciel. 
Quelques nuages. 
Légérement couvert. 
Beau ciel. 

Idem. 
Couvert. 
Ciel trouble et nuag. 
Nuageux. 
Couvert. 

Idem. 
Beau ciel. 
Petits nuages , éclairs. 
Très-nuageux, 
Nuageux. 
Couvert. 


HE OR O CU 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 38""10 — 1 pouces 4 lig. 9 dixièm. 


RL LS NP PS GE D RE nn À 
igrade, et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c'est-à-dire en millimètres et 
pu généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
met du thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le maximum et le r7inimum moyens, 
du mois et de l’année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoirede Paris et par 
|exprimée en degrés centésimaux , afin de rendre ce Tableau uniforme. 


" 


» 


322 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


SUITE 
DES CONSIDÉRATIONS SUR LES FOSSILES; 


Par J. C. DELAMÉTHERIE. 


Pour avoir des notions précises sur les fossiles, il faut con- 
sidérer l’ensemble-des phénomènes qu’ils présentent ; car ce n’est 
que par cette méthode, qui m'a toujours conduit dans mes 
recherches, qu'on peut faire des progrès dans la philosophie 
naturelle. 

Je n'ai pas parlé des fossiles dans ma Théorie de La Terre, 
avec assez d’étendue; jy ai suppléé dans différens Mémoires 
insérés dans ce Journal, et dans mes Discours préliminaires ; 
mais les connoissances ont fait de grands progrès depuis cette 
époque. Je crois donc utile de réunir ici toutes mes idées sur 
cet objet, avec de nouveaux appercus pour compléter mes Vues 
géologiques ; cat on convient que dans mon Ouvrage sur la 
Théorie de la Terre, j'ai exposé toutes les questions géologiques, 
conformément aux observations connues, ainsi qu'aux principes 
de Physique et de Chimie. 

Je suppose toujours que le globe terrestre a été entièrement 
couvert par les eaux des mers. 

Nous avons dit, Cahier d’août, que les fossiles peuvent avoir 
appartenu à différens êtres organisés. 

Marins, vivant dans les eaux des mers. 

Fluviatiles, vivant dans les eaux douces. 

Terrestres, vivant sur les continens. 

Ils peuvent se présenter en différens états, ou entiers, ou zer= 
réfiés, ou pétrifiés, ou bituminisés , ou métallisés , ou em- 
preints. 

Ils se trouvent dans différentes espèces de terrains secondaires ; 
a terrains calcaires, gypseux, argileux, schisteux, bitumineux, 


CA 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 323 


métalliféres , grezeux ; d dans des brèches ; c dans des terrains d’al- 
luvion; d dans des tourbières; e dans des cavernes. 


Les fossiles sont des débris, ou dépouilles des différens êtres 
organisés qui sont péris; mais ces débris ne se conservent intacts, 
que lorsqu'ils sont enfouis, et enveloppés de manière à être pré- 
servés de la décomposition qu’ils éprouvent promptement, quand 
ils sont exposés aux influences de l'air; car on sait que les os 
de nos grands quadrupèdes qui périssent dans nos forêts, tels 
que les ours, les sangliers, les loups, les cerfs, les daims, les 
bœufs sauvages..., sont promptement détruits , et que, peu de 
temps après leur mort, il n’en reste plus aucuns vestiges. 


Il en faut dire autant des os des grands animaux des contrées 


équinoxiales, les éléphans, les rhinocéros, les hippopotames, les 
lions, les tigres, les bufles.... 


Les ossemens de l'espèce humaine se détruisent également très- 
vite, lorsqu'ils sont exposés à l’air, ou qu’ils ne sont ensevelis 
qu’à de petites profondeurs, comme on l’observe tous les jours, 
surtout dans les champs de bataille, où des milliers d'hommes 
sesont entr'égorgés. me 

On doit encore obseryer que, 


a. Les fossiles des grands animaux, les quadrupèdes vivipares 
ou ovipares , les cétacés, les oiseaux..., ne se trouvent qu’en 
une extrémement petite quantité, eu égard au nombre im- 


mense qui en a existé. 


b. Ces ossemens sont toujours isolés et épars : ce sont quel- 
ques-uns des os durs , tels que des dents, des crânes, des fémurs, 
quelques vertèbres, quelques carapaces de tortues, quelques os 


des ailes ou des pieds des oiseaux... .; mais on n’appercoit presque 


jainais aucunes traces des autres os-du squelette, 
. Les amas de coquilles paroissent quelquefois assez. considé- 


 rables : néanmoins cette quantité est petite, relativement au 


211£ . La 
nombre qui en a existé. 


., On doit donc conclure que ce sont quelques circonstances 


rares qui ont conservé ces fossiles, 
Les lieux où se trouvent ordinairement les fossiles, sont les 
moins élevés des terrains secondaires ; ce sont , les pierres, les 


terres, les sables des plaines, des vallées et des monticules 
bas. 


Il y a cependant quelques exceptions à cette observation 


324 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
générale, On a trouvé quelques fossiles dans des lieux très-élevés ; 
ils sont dus à quelques circonstances particulières, 

Mais on doit faire une observation importante sur les contrées 
où se trouvent les fossiles : c'est qu’en général les fossiles de 
nos contrées septentrionales, végétaux et animaux, ont plus ou 
moins de ressemblance avec les végétaux et animaux qui vivent 
actuellement dans les contrées équinoxiales, et même dans les 
contrées australes. Il est peu d’exceptions à cetteobservation. 

Cependant quelques East se trouvent dans ces contrées où 
vivent aujourd'hui leurs analogues, comme les bœufs, les cerfs. 
des tourbières , des terrains d’alluvion. . ., plusieurs coquillages..; 
mais cela est. plus rare dans les fossiles des pierres. 

La plus grande partie des fossiles paroît avoir été déposée 
dans les couches qui se formoient dans le sein des mers : on les 
appelle FOSSILES MARINS. à 

autres fossiles, en petite quantité, ont été déposés dans des 
terrains qui se formoient , ou dans des lacs d’eaux douces, après 
la retraite des mers, ou dans le fond des fleuves profonds; je 
les appelle FOSSILES FLUVIATILES, ou D'EAUX DOUCES. 

Quelques fossiles n’ont été déposés, ni dans les eaux des mers, 
ni dans les eaux douces; mais 1ls se sont conservés sur les con- 
tinens par d'autres causes; tels sont les fossiles qu’on rencontre 
dans les cavernes, ceux qui peuvent avoir été enfouis par Ja 
chute précipitée de quelques montagnes. ..; ces fossiles, n'ayant 
pas été maniés par leseaux , je les appelle FOSSILES TERRESTRES. 


Nous-allons faire en détail\l’histoire de ces divers fossilés ; mais 
elle sera très-abrégée à cause du défaut d'espace. 


. DES FOSSILES QUI ONT DES RAPPORTS CERTAINS, DOUTEUX, 
OU ÉLOIGNÉS AVEC DES ANIMAUX OU VÉGÉTAUX EXISTANS. 


.. Parmi les nombreux fossiles que l’on observe, il y en a un 
Certain nombre qui ont des rapports certains avec les végétaux 
et les animaux existans. Qt 
Quadrupèdes: On compte plusieurs espèces de fossiles de qua- 
drupèdes qui sont analogues aux quadrupèdes existans; ce sont 
le céïf, le bœuf... Cuvier en porte le nombre à douze. 
‘Oiseaux. On ne connoît encore aucuns fossiles analogues aux 
seaux connus. | : 
Poissons. Il y a des fossiles de poissons analogues. Fortis en 
cite plusieurs. t 1 F4 OS | 
Mollusques. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE.  ! 325 


Mollusques. Il y a un certain nombre de coquilles fossiles 
analogues à celles des mollusques existans. Cependant ce nombre 
est peu considérable relativement à celles qui n’ont point d’a- 
nalogues. 

Les anciens avoient déjà observé ces coquilles fossiles. Les 
prêtres d'Égypte en parlèrent à Hérodote, ’ 

Et Ovide fait dire à Pythagore ( Métam., liv. XV): 

Et procul à pelago conchæ jacuére marine. 

Végétaux. Le nombre des végétaux fossiles analogues aux 
végétaux existans, est assez considérable. 

D’autres fossiles n’ont que des rapports douteux avec les es- 
pèces d'animaux et de végétaux existans. 

Quadrupèdes. Les éléphans, les tapirs, les rhinocéros. . 

Orseaux. Des hirondelles... . 

Poissons. Le spare, l’ésoce. .., que j'ai trouvés à Montmartre, 
n'ont que des rapports douteux avec les espèces connues, 

Mollusques. Un grand nombre de el mr 

Végétaux. Les palmiers fossiles, les fougères... 

Enfin le plus grand nombre des fossiles a des rapports plus ou 
moins éloignés avec des animaux et des végétaux existans. 

Quadrupèdes. Les mégalonix, les megatherium, les anoplo- 
therium , les masthodontes. 

Oiseaux. Le plus grand nombre. 

Poissons. Le plus grand nombre. , 

Mollusques. Le plus grand nombre des coquilles fossiles. 

Végétaux. Plusieurs végétaux, tels que ceux qu’on trouve à 
Chatillon, proche Paris... 

a. H faut convenir néanmoins, comme je lai dit ,en parlant 
de la perfectibilité et de la dégénérescence des êtres orga- 
nisés, que les êtres organisés à la suite des générations, éprou- 
vent des changemens qui les rendent souvent presque méconnois- 
sables; et qui pourroient faire croire qu’ils sont de nouvelles 
espèces, quoiqu’ils n’en soient pas. | 

b. Il est encore possible qu'il existe sur le globe des espèces 
qui nous soient inconnues. 


c. Néanmoins on ne peut disconvenir que plusieurs espèces 
paroissent avoir cessé d'exister, surtout les grandes, telles que 
les masthodontes, les megalonix , les mégatherium, les paleothe- 
rium, les anoplotherium..., 

Elles auront été détruites par des circonstances particulières, 

Tome LXXV II. OCTOBRE an 1813. Tt 


326 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


comme pourroit l'être la giraffe, ou par la trop grande multipli- 
cation de l'espèce humaine, comme elle a détruit en Egypte 
l'espèce d’hyppopotame. . .; en Mauritanie, l'espèce d’éléphant..., 
ou par quelqu'’autre cause.... 

d. Nous avons vu, Cahier d'août, que parmi les fossiles ana- 
logues , quelques-uns se trouvoient dans les lieux qu'ils habitoient 
vivans, tels que nos bœufs, nos cerfs des tourbières, plusieurs 
des coquillages. .. ; maïs le plus grand nombre vit dans les contrées 
éloignées. 


DES FOSSILES CONTENUS DANS LES PIERRES DES TERRAINS 
SECONDAIRES. 


Le plus grand nombre des pierres des terrains secondaires , 
contient des quäntités plus ou moins considérables de fossiles, 
et particulièrement des coquilles. Quelques pierres paroissent en- 
tièrement composées de coquilles. .; cependant ces quantités de 
fossiles sont peu considérables, relativement au nombre qui 
en a existé. 


Quelques-uns de ces fossiles sont changés en pierres calcaires; 

Quelques autres en pierres siliceuses. , 

J'ai des bois silicifiés, ainsi que la larve de l’insecte qui les 
rongeolt. Ÿ 

La sphérulite, que j'ai décrite dans ce Journal (tome LXT, 
pag. 3096), est non-seulement silicifiée, mais l'animal que ren- 
fermoit cette coquille, Fest lui-même. 

Des fossiles se trouvent dans les gypses, comme à Aix, à 
Montmartre.... Lamanon en a trouvé dans ces deux endroits, 
il a fait graver une belle mâchoire trouvée à Montmartre (Journab 
de Physique, tome XIX, pag. 257) , Cuvier l'a dénommée pa- 
leotherium mediunr, dans son beau travail sur les ossemens fossiles 
de Montmartre. 


Les schistes argileux d'Œningen sont remplis de poissons. : . 

Des schistes bitumineux, qui recouvrent les houilles, Îles 
houilles elles-mêmes... contiennent des fossiles, des poissons, 
des coquilles. .., 


Les schistes métalliféres, comme ceux d’Ilmenau, contiennent 
également des fossiles. 


Tous ces fossiles ont été déposés dans ces terrains à l'é- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 327 


poque de leur formation, qui a été opérée en général dans les 
mers; ils paroissent les plus anciens des fossiles. 


Les pierres des terrains secondaires les plus anciens, qui sont 
à des élévations plus ou moins considérables, contiennent peu 
de fossiles, quelquefois point, parce qu'à l’époque de leur for- 
mation il y avoit encore peu d'êtres organisés. 

Les pierres formées à des époques postérieures, qui sont dans 
les plaines ou terrains peu élevés, contiennent de grandes quan- 
tilés de fossiles , parce qu'alors les êtres organisés éfoient très- 
multipliés. 

Pour concevoir comment tous ces fossiles, coquilles , madré- 
pores, poissons, quadrupèdes , végétaux, peuvent avoir été dé- 
posés dans toutes ces substances minérales qui les renferment, 
et se trouvent au milieu des pierres les plus dures....,il faut 
supposer une agitation quelconque dans les liquides, où tous ces 
grands phénomènes s’opéroient, pour les mélanger ensemble. 


Cette agitation en a brisé une partie. Néanmoins elle n’étoit 


pas assez considérable pour n’en pas laisser subsister plusieurs 
entiers et intacts. 


Des brèches contienrent également des fossiles, telles que 
celles de Gibraltar, de Nice, de Cette... 


Ces brèches ayant été formées des débris des pierres existantes, 
les fossiles des brèches sont donc, en général, postérieurs à 
ceux qui se trouvent dans les pierres. 


DES FOSSILES QUI SE TROUVENT DANS DES TERRAINS 
D'ALLUVION. ‘ 


Un grand nombre de fossiles se trouve ensevelis au milieu 
des terrains d’alluvion, dans les vallées et sur les bords des 
fleuves. Plusieurs n’y sont point altérés, ou au moins très-peu. 

Quelques-uns sont plus ou moins décomposés, 

Enfin le plus grand nombre est mutilé, brisé, ... 

On trouve dans les terrains d’alluyion, des débris 

De masthodontes, 
D'éléphans, 

De rhinocéros, 
D’hyppopotames, 
De tapirs, 

De megatheriums, 


LÉr2 


828 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Des chevaux, 
Des cétacés, 


On y trouve aussi fossiles, des haches travaillées par la main 
des hommes , comme à Doué dans le ci-devant Anjou, dans la 
. Belgique. 
Ovide a aussi parlé d’une ancre fossile. 
Er vetus inventa est in montibus anchora summis. 
Pausanias (lib. 1), dit qu'elle a été trouvée en creusant les 
fondations de la ville d’Ancyre (1) en Phrygie. 


Ces haches fossiles , ces ancres fossiles... , prouvent que quel- 
ques-uns de ces terrains d’alluvion ont été formés à des époques 
très-postérieures. 

Ces fossiles ont été déposés à l’époque de la formation de 
ces terrains : et ces terrains ayant élé formés par alluvion, 
c’est à-dire par des eaux courantes, on doit en conclure que ces 
fossiles ont également été entraînés par des eaux courantes avee 
ces terrains, et y ont été enfouis en même temps. La plus grande 

artie a été brisée, roulée, allérée...; mais quelques-uns, enve- 
oppés de terre, se sont parfaitement conservés. 

Ceci est prouvé par les grands amas de coquilles, comme 
dans les falhunières, à Grignon, au Mont-Pulgnasco...,; on 
trouve au milieu de ces détritus quelques coquilles, même très- 
fragiles, bien conservées, des ossemens.... 

Mais ces alluvions ont eu lieu à différentes époques qu'on 
ne sauroit fixer. 

Ces fossiles sont donc postérieurs , en général, à ceux quë 
se trouvent dans les pierres de formation marine. 

Plusieurs de ces terrains d’alluvion ont été formés dans les 
mers. .…., les fossiles quis’y trouvent, sont appelés fossiles maris. 

D’autres terrains d’alluvion ont été formés dans les lacs d’eau 
douce, dans les fleuves..., les fossiles qui y sont, sont des fos- 
siles d’eau douce. 

Enfin on rencontre quelquefois des fossiles d’eau douce mé- 


(1) Le nom d’Ancyre avoit été donné à cette ville de celui d’Ancire, ancre. 


“yvrxpas 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 329 
langés avec des fossiles marins, comme à Pierre-Laie, à Gri- 
gnon,-à Nice... Si les fossiles marins sont en beaucoup plus 
grand nombre que ceux d’eau douce, on peut supposer que le 
terrain a été formé dans les eaux de la mer, et que les fossiles 
d’eau douce y ont été apportés par les fleuves... 

Si au contraire les fossiles d’eau douce dominent, on peut 
supposer que ce terrain a été formé dans les eaux douces, et 
que les fossiles marins s’y trouvent accidentellement. 


DES FOSSILES QUI SE TROUVENT DANS DES HOUILLIÈRES 
ET DES TOURBIÈRES. 


Les tourbières et les couches qui leur sont contiguës, ren- 
ferment un assez grand nombre d’os fossiles ; ils ont le plus 
souvent appartenu aux genres des ruminans; ce sont, 

1° Des bœufs qui paroissent fort analogues à notre bœuf do- 
mestique; d’autres enbparoissent différens. 

2°. Notre cerf ordinaire. J’en ai une tête entière avec les bois 
ordinaires, m’a été envoyée par M. de Nelis. Il a été trouvé dans les 
tourbières de Flandre. D’autres cerfs paroissent diflérens. 

3°. Le chevreuil ordinaire. 

4°. On trouve dans les tourbières des fossiles d’autres animaux, 

Des castors, 

Des sangliers, 

Des coquilles, 

open lost 14 1 Q Cu jf: foi MR VUIEL @11e al eo. 98 cel In su) eue 

On doit supposer que des animaux des continens, en passant 
sur ces tourbières, s’y sont enfoncés et s’y sont perdus; car 
leurs ossemens sont entiers. On voit encore, chaque jour , des 
vaches qui vont paître sur dés tourbières ; s’y enfoncer et S'y 
perdre. 

D’autres événemens ont pu également concourir au dépôt de 
ces fossiles. 

Les tourbières ont été ordinairement formées dans les eaux 
douces; elles contiendront donc également des fossiles d'animaux 
d'eau douce, telles que des coquilles d’eau douce....; mais 
quelques tourbières ont pu être formées dans les mers, comme 
l'a dit Deluc, Journal de Physique, tome XLTF, pag. 419. IE 
pourra donc y avoir des fossiles marins dans des tourbières, 


330 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Les fossiles des tourbières sont donc très-postérieurs, eh 
général, à ceux qui se trouvent dans les pierres. 


Ce que nous venons de dire des tourbières doit s'appliquer aux 
houillières. d S 


DES FOSSILES QUI SE TROUVENT DANS LES CAVERNES. 


On observe dans différentes contrées, un grand nombre de 
cavernes plus ou moins spacieuses; quelques-unes sont remplies 
d’une quantité considérable de fossiles; ce sont le plus souvent 
les os des grandes espèces de quadrupèdes. 

Leibnitz (r) a trouvé dans la caverne de Bauman, proche le 
Hartz, un grand nombre d’ossemens fossiles, quelques-uns lui 
ont paru avoir appartenu à des lions... Il observe que les os- 
semens n'étoient point altérés. - $ 

Depuis Leibnitz on a multiplié ces recherches, et on a trouvé 
dans les cavernes de l'Allemagne, de la Hongrie. .., différentes 
espèces de fossiles, ai 

Des lions, ou juguars, 
De l’hyène, 

Des ours, 

Des loups, 

Des chiens, 

Des renards, ou chacals, 
Des putois, 


e Det oo ntle re ttelre ter es Le 7sErelLe ee. + ° . + + 


On a trouvé dans des cavernes en Virginie, dans l'Amérique 
septentrionale, plusieurs ossemens fossiles, et particulièrement 
ceux d’un grand animal appelé par Jeflerson, 

Le megalonix. 
pie jette nises ii die Lions 0e fase fohnes epud nd iengnile Se jo di eo 

Parmi ces nombreux ossemens on n’en a trouvé aucun gui 
pardt avoir appartenu à des animaux marins. c 

Ces fossiles ne sont point altérés; ils ressemblent à des os 
conservés dans des lieux à labri des pluies... 

Les fossiles des cavernes sont donc très-postérieurs à la 
Jormation de ces cavernes , et par conséquent aux fossiles 


qui se trouvent dans les pierres. 3 
Un des phénomènes qui a le plus surpris dans les os fossiles 


(1) Protogea. 


ts 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 331 


de ces cavernes, est d’y rencontrer ceux d'animaux si diférens, 
et qui paroissent ne pouvoir vivre que dans des climats opposés, 
tels que le lion, l'hyène..., d'un côté, et de l'autre, des loups, 
des ours. . .; mais j'ai fait voir (r) que la chose étoit très-possible. 


« Une des choses, ai-je dit, qui doit paroître au premier 
» coup-d'œil la plus étonnante dans la réunion des os fossiles 
» dont ces cavernes sont remplies, est d’y trouver des ossemens 
» d'animaux qui semblent n'avoir pu vivre dans le même cli- 
» mat; mais 1! a été possible que tous ces animaux aient pu 
» subsister dans la même contrée. 

» 1°, Les animaux du genre /elis, soit Lion, soit tigre, indi- 
» quent que ces contrées devoient jouir alors d’une température 
» très-douce. 


» 2°, L’hyène vit ordinairement à la même température. 


» 30, L'animal du genre loup ou chien, a pu vivre à la 
» même température; car Adanson dit (Voyage au Sénégal, 
» pag. 126), qu'on trouve souvent le loup avec le lion , le long 
» du Niger, et que cent fois il a entendu leurs rugissemens 
» partir des mêmes lieux. 


» 4°. L'animal du genre renard , dont on trouve les os fos- 
» siles dans ces cavernes, paroît, suivant Cuvier, étreun chacal, 
» Si commun dans les pays chauds. 


» 59, L'animal du genre de la zrartre, dont on trouve les 
» os fossiles dans ces cavernes, soit que ce soit un putois, ou 
» un zorille du Cap, a également pu subsister à cette tempé- 
» ralure. 


» 6°. Les ours se trouvent également en Afrique. » 


Blumenbach, il est vrai, prétend avoir reconnu parmi ces 
os fossiles d'ours, la tête de Pursus actoïdeus : et Cuvier est de 
son avis. Cette espèce d'ours ne vit aujourd’hui que dans les 
pays du nord; mais ces savans n’admettent celte opinion que 
comme un soupçon, et non comme un fait démontré. 


-Mais en supposant que quelques animaux de ces cavernes, tels 
que l’ursus actoïdeus..., soient analogues à ceux qui ne vivent 
aujourd’hui que dans les pays froids, on concoit facilement que 
ces animaux ont pu se trouver dans ces cavernes avec les ani- 


ame me 


(1) Journal de Physique, tome LXV, pag. 289, Note. 


332 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


maux des pays chauds; car il suflit de supposer que ces ani- 
maux se tenoient ordinairement sur les sommets des montagnes, 
tandis que ceux des pays chauds habitoient les plaines. 


Voici, en général, la manière dont je crois que tous ces ani- 
maux ont pu se réunir et vivre dans ces cavernes, comme les 
troglodytes. Ils ne pouvoient pas y séjourner habituellement; 
il falloit bien qu’ils en sortissent pour aller chercher leur nour 
riture. Les ours et tous les animaux analogues couroient les 
campagnes pour prendre leur nourriture , et se retiroient ensuite 
dans ces cavernes, comme ils font encore aujourd'hui dans leurs 
retraites qu’ils se pratiquent sous terre. Ils y passoient une partie 
de la saison froide, et y étoient plus ou moins engourdis. 


Les espèces carnivores, telles que les lions, les tigres, les 
hyènes, les loups, les renards, les martres.,., pouvoient peut- 
être chercher dans ces cavernes une retraite contre le froid. On 
peut supposer qu'à mesure que la température de ces contrées 
s’abaissoit, ces animaux étoient obligés, pendant l'hiver, de se 
retirer dans des contrées plus méridionales. Ils émigroient , 
comme le font encore aujourd’hui plusieurs espèces. L'été suc- 
cédant aux rigueurs de l'hiver, ces animaux revenoient dans ces 
contrées, qui leur fournissoient une nourriture abondante. S'il 
survenoit des jours froids, ils s’enfoncoient dans les cavernes , 
dont la température étoit plus douce. Plusieurs y périssoient tran- 
quillement , et leurs dépouilles osseuses demeuroient intactes. 


On trouve dans ces cavernes une terre noire qui a été analysée 
par Laugier, et paroît être le résidu de leurs excrémens. 


En supposant donc une espèce d'ÉMIGRATION, ou de voyages 
de ces animaux qui, pendant l'hiver, se retiroient dans des 
pays méridionaux, et revenoient l'été, on peut concevoir tout 
ce que ces cavernes présentent de plus surprenant. 

: L'époque de la formation, ou dépôt de ces fossiles, ne peyt 
être déterminée. 

Ces fossiles des cavernes n’ont, par conséquent, point été ma 
niés par les eaux. Je les appelle en conséquence des FOSSILES 
TERRESTRES. D’autres fossiles terrestres peuvent encore avoir 


été produits par la chute de quelques montagnes, sous lesquelles 
ils auront été enfouis, 


DES 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 333 


DES FOSSILES FORMÉS DANS LA CHUTE DES MONTAGNES. 


Diverses montagnes ont eu des chutes si précipitées, que les 
animaux qui les habitoient ont été ensevelis sous leurs ruines 
avec les végétaux. Je me contenterai de rapporter un de ces 
terribles événemens arrivés de nos jours, et rapporté Journal 
de Physique, tome LXIIT, pag. 235. « La montagne de Spi- 
» zenbuel, proche Schwitz , s'écroula le 2 septembre 1806, si 
» subitement, que plus de 1400 personnes et 600 pièces de 
» bétail... furent englouties sous ses débris. » 


Des animaux sauvages ont dû l'être également, ainsi qu’une 
grande quantité de végétaux. 


De pareilles chutes de montagnes sont souvent occasionnées 
par des tremblemens de terre... 


Des terrains sont engloutis dans le sein des mers, ... 

D’autres terrains sont soulevés du sein des mers.... 

Les époques de la formation de ces fossiles ne sauroïent 
par conséquent étre déterminées. 


DES FOSSILES QUI SE TROUVENT DANS LES TERRAINS 
FORMÉS DANS LES EAUX DOUCES. 


Différens terrains sont formés dans les lacs d’eaux douces ; 
commégje lai fait voir Théorie de la Terre, tome V, pag. 137- 
Ils contiennent des fossiles, comme les autres terrains; car Les 
lacs d'eaux douces, et les fleuves nourrissent, 


Des hippopotames, 
Des castors, 
Des loutres, 
Des tortues, 
Des crocodiles, 
Des caymans, 
Des salamandres, 
Des crapauds, 
Des poissons, 
Une immense quantité de coquillages, 
Des végétaux particuliers, 
Les débris de tous ces êtres auront donc pu être enfouis dans 
le sein des couches qui se forment au fond de ces lacs, ou des 


Tome LXXV'II. OCTOBRE an 1813. Vyv 


334. JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


grands fleuves, comme dans celles qui se forment dans le seim 
des mers, 


Néanmoins on n’a frouvé dans ces lacs qu'un assez petit nombre 


de ces fossiles. Ceux qui s’y rencontrent le plus fréquemment , sont 
des coquilles fluviatiles. 


On a observé dans les tourbières, des fossiles de castors, dans 
d’autres endroits des fossiles de crocodiles... 


Les époques de la formation de ces fossiles datent de celles de 
da formation de ces terrains d’eau douce, très-postérieures à celle 
de la formation marine des terrains secondaires. 


DES ESPÈCES DE VÉGÉTAUX ET D'ANIMAUX, DONT ON TROUVE 


DES DÉBRIS FOSSILES, ONT PU EXISTER A DIFFÉRENTES 
ÉPOQUES. 


IL est assez vraisemblable que des espèces de végétaux et d'a- 


nimaux ont pu commencer d'exister à différentes époques , 
ainsi que je l'ai prouvé, Théorie de La Terre, tome V, pag. 184 
et 266, et dans mon Ouvrage sur la Nature des Etres exis- 
ans, pag. 159 et 163; car quelques-uns de ces animaux, tels 
que: le condor, l’ours blanc..., ne peuvent subsister aujourd'hui 
que dans des climats froids qui, suivant les probabilités, n’exis- 
loient pas à cette époque... 


LES MÊMES ESPÈCES D'ÊTRES ORGANISÉS ONT PU ÊTRE PRO= 
DUITES PRIMITIVEMENT A DIVERSES CONTRÉES, ET ON 
NE PEUT SUPPOSER QU’IL N’'Y AIT EU PRIMITIVEMENT QU'UN 
SEUL INDIVIDU DES ESPÈCES MONOÏQUES, OU DEUX DANS 
«LES ESPÈCES DIOÏIQUES. , 


On a ordinairement supposé que les végétaux et les animaux 
n’ont eu qu'une souche primitive; et ainsi il n’y auroit eu pri- 
mitivement qu’un seul individu des plantes monoïques, comme 
le pommier, le poirier..., ou deux dans les plantes dioïques, 
tels que le palmier, le chanvre... 


Il n’y auroit eu de même qu’un seul individu d'animal mo- 
noïque , comme le puceron, l'huître..., et deux individus dans 
les animaux dioïques, tels que les mammaux, les oiseaux, les 
poissons. 


Mais cette supposition est très-difficile à admettre, comme 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 335 
je l'ai prouvé. Les mêmes causes qui les auroient produits dans 
uu endroit, dans une contrée, les auront produits dans une autre, 
lorsque les circonstances auront été les mêmes. 

Et comment, s'il n'y avoit eu que deux végétaux, ou deux 
animaux dioïques, seroient-ils parvenus à se rencontrer pour 
p'opager leurs espèces? 

Il est donc plus vraisemblable, 

a. Que primitivement il a été produit un certain nombre 
d'individus de la même espèce, soit monoïques, soit dioïques ; 

b. Que cette production a eu lieu en divers endroits. 

Par conséquent ces animaux et végétaux ont pu laisser leurs 
dépouilles fossiles dans les diverses contrées où ils ont existé, 
sans être obligé de toujours supposer que ces fossiles aient été 


transportés d’un continent à un autre, d’une contrée à une 
autre, 


(Le suite au Cahier prochain.) 


Vv 2 


336 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


EXTRAIT D'UNE LETTRE 


DE M. DESSAIGNES, 
A J.-C. DELAMÉTHERIE, 


SUR LA PHOSPHORESCENCE DES GAZ COMPRIMÉS, 
Vendôme , 2 octobre 1815. 


Depuis plusieurs années M. Mollet, physicien de Lyon, 
avoit fait connoître le fait curieux d’une lumière qui paroit à 
la bouche du canon d’un fusil à vent, lorsqu'on le-décharge 
dans l'obscurité. En 1810, dans un Mémoire sur la phospho- 
rescence par collision, que j'ai lu à l’Institut, après avoir fait 
connoître plusieurs faits dans lesquels l'apparition lumineuse ne 
se produit que par l'écart des parties, j'avois conclu qu’il y a 
pour la lumière cachée dans les corps, deux modes d’excitalion, 
Jun qui est le résultat d’une pression, et l'autre qui se produit 
dans l'expansion. 

Depuis, les chimistes français nous ont fait connoître deux 
mixtes, dans lesquels l'excitation lumineuse a également lieu par 
un mouvement expansif au moment de leur décomposition. 


Jaloux de constater d’une manière plus directe ce nouveau 
mode d’excitation, j'ai tenté l'expérience suivante qui m'a réussi 
complètement. 

J’ai pris un vase de verre cylindrique, connu en Physique 
sous le nom de casse-vessie. J’ai fermé son orifice supérieur avec 
une vessie mouillée, que j'ai bien tendue et ficelée tout autour 
du vase. J'ai laissé sécher naturellement à l'air cette vessie, 
jusqu’à ce qu'elle ne recelât plus dans sa substance, aucune 
humidité; après quoi j'ai posé le casse- vessie sur le plateau 
d’une machine pneumatique, et j'ai fait le vide dans l'obscurité. 
Au moment où l'air par sa pression a fait éclater la vessie poux 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 827 
se précipiter dans le vide , un éclair très-vif a illuminé tout 
l'intérieur du récipient. 

Cette expérience fait spectacle lorsqu’elle a lieu pendant la nuit : 
la lumière qui se dégage est blanche et intense comme celle de 
Ja combustion du gaz oxigène avec le gaz hydrogène dans l’eu- 
diomètre de Volta ; mais elle est circonscrite dans son épaisseur 
et se prolorge jusqu’au fond du vase. Je ne peux mieux la 
comparer qu'à ces traits de feu qui sillonnent les nuées dans 
un temps d’orage. 

Lorsque la vessie se casse d’elle-même avant que d’avoir fait 
entièrement le vide, la lumière qui se dégage alors est foible, 
rougeâtre, et ne paroît qu'au fond du vase. En général elle 
est d'autant plus forte et abondante, que le vide est plus parfait 
au moment où l’on casse la vessie. Lorsque la rupture de la 
vessie se fait simultanément par deux points diflérens, l’on voit 
deux traits lumineux : dans le cas contraire, on n’en voit qu’un. 


Les éclairs qui précèdent le bruit du tonnerre dans les orages 
ne serojent-ils pas produits de la même manière? 


338 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


HISTOIRE PHILOSOPHIQUE 
DES PROGRÈS DE LA PHYSIQUE; 


PAR A. LIBES. 


L'histoire du monde sans l’histoire des sciences, 
est comme la statue de Polyphème sans œil. 


Le chancelier Bacon. 


Tome quatriéme. Un vol. in-8°, chez Madame Veuve Courcier, Imprimeur= 
Libraire pour les Mathématiques, quai des Augustins , n° 57. 


EXTRAIT par J.-C. DELAMÉTHERIE. 


LEs trois premiers volumes de cet Ouvrage, que nous avons 
fait connoître, contiennent l'Histoire des progrès de la Physique 
depuis son origine jusqu’à la naissance de la Chimie pneuma- 
tique. 

Ce quatrième présente la tableau de cette science, depuis 
cette époque jusqu’à nos jours. L’auteur en a tracé à grands 
traits les principaux résultats. 

Black appercoit les phénomènes du calorique spécifique des 
corps, ou de la chaleur latente des corps. 

Il découvre les propriétés de l’air fixe, ou acide carbonique, 
combiné dans ces corps. 

Priestley découvre la plupart des gaz, et en décrit les prin- 
cipales qualités. 

Cavendish émet l'opinion que l’eau est un composé d’air vital 
et de gaz inflammable. 

Il découvre les principes de l'acide nitrique, | 

Scheele fait de nouveaux travaux sur le feu, la chaleur, le 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 397 
lumière ; il découvre la chaleur rayonnante, fait voir que plu- 
sieurs mélaux peuvent être convertis en acides. 


Crawford donne de l'extension aux travaux de Black sur la 
chaleur. 


Lavoisier, Bayen... font voir que les corps en brülant, les 
métaux en se calcinant, absorbent une grande quantité d'air 
vital. Jean Rey, Mayou, Hales.... avoient déjà vu qu'il y 
avoit absorption d’air dans ces opérations. 


Galvani appercoit l'électricité produite par le contact qu’on 
a appelé de son nom gulvanisme. 


Volta invente la pile voltaïque. 


Wollaston, Davy, Van-Marum, Erman, Ritter.... font avec 
cette pile les découvertes les plus intéressantes. 


L'auteur parle ensuite des travaux de Herschel , de Lagrange, 
de Laplace, de Lalande, de Brisson, de Berthollet, de Morveau, 
de Dalton , de Deluc, de Rumford , de Bossut, de Malus, de 
Flaugergues, de Chladni, de Orsted; enfin il n'oublie aucun des 
principaux travaux des divers physiciens, en rendant à chacun 
ce qui lui appartient : ce qui ne plaira pas aux ***. 

« En écrivant cet Ouvrage, dit l’auteur, pag. 18r, je me 
» suis imposé le devoir de regarder comme mes amis, les phy- 
» siciens des différentes nations.... Si j'ai commis quelque 
» omission ou quelqu’erreur, je les déclare involontaires , je suis 
» prêt à les réparer. » 

Il ne doit pas être regardé comme simple historien de Ja 
Physique; il l’a enrichie en donnant une nouvelle explication 
des aurores boréales, en faisant voir l'électricité que développe 
le contact des substances résineuses avec ious les corps de 
la nature , en donnant une 1héorie de l’attraction moléculaire. 


La Science doit encore à l’auteur un Dictionnaire de Phy- 
sique en 3 volumes; 


Et un Trailé de Physique en 3 volumes, le plus complet 
que nous ayons. 


L'auteur rapporte toujours les grands faits de la Physique 
avec exactitude, et les découvertes majeures, dont les autres 
sont des conséquences. 


Ce sont les Ouvrages dans lesquels on trouve l'histoire des 


340 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


faits et des découvertes en Physique qui en avancent les progrès; 
et il faut les faire étudier aux élèves ; ils y apprennent avec 
les faits, les principes fondamentaux de cetle belle science : au 
lieu que les ouvrages où on ne trouve que quelques théories presque 
dénuées de faits, ze sont bons né. pour les élèves, ni pour 
Les maîtres, comme me le disoient Malus et plusieurs profes- 
seurs de Physique. Il faut beaucoup de faits dans les sciences, 
et des exposés succincts des théories , lesquelles doivent découler 
de ces faits; ceux qui desireront aller de loin , étudieront les 
Ouvrages de Newton, d'Euler, de Lagrange, des Black, des 
Cavendish, des Priestley, des Scheele, des Crawford , de Fran- 
klin, de Volta, de Saussure, de Malus..., 

Cet exposé abrégé fait voir combien cet Ouvrage est inté- 


ressanf. 


HISTOIRE 


ET, D'HISTOIRE NATURELLE, | 34t 


HISTOIRE ABRÉGÉE 


DES PLANTES DES PYRÉNÉES, ET ITINÉRAIRE DES BOTANISTES 
DANS CES MONTAGNES; 


Par M. PICOT LA PEYROUSE, 


Chevalier de la Légion-d'Honneur , ancien Ayocat-Général des 
Eaux et Forêts au Parlement, et ancien Maire de Toulouse, 
ancien Inspecteur des Mines de France, Membre du Collége 
électoral du département de la Haute-Garonne , Doyen et Pro- 
fesseur à la Faculté des Sciences de l'Université impériale; 
Associé Correspondant de l’Institut impérial de France, de la 
Société d'Agriculture de la Seine , de l’Académie des Sciences 
de Turin, Membre de l’Académie royale des Sciences de 
Stockholm, des Amis de la Nature de Berlin, des Sociétésscien- 
tifiques Littéraires et Agronomiques de Toulouse, Caen, Gre- 
noble, Montpellier, Montauban, Auch, etc,, Secrétaire per- 
pétuel de l'Académie des Sciences de Toulouse, l’un des 
quarante mainteneurs des Jeux floraux. 


Un vol. in-8° de 780 pages. À Toulouse, de l’Imprimerie de Bellgirrigue, 
-éditeur, rue des Filatiers, 6° section , n° 33. An 1815. 


EXTRAIT par J..C. DELAMÉTHERIE. 


Cet ouvrage, fruit de cinquante années de recherches dans 
ces montagnes (le premier travail de l’auteur de 1763), présente 
Ja série complète de toutes les espèces de plantes trouvées ou 
indiquées, jusqu’à ce jour, dans les Pyrénées. Leur nombre est 
de 2033. 

Les mousses, les lichens, les champignons sont réservés pour 
un autre volume. 


Les genres et les espèces sont disposés d’après le système sexuel 

- de Linneus. Ce système est suivi aujourd'hui par le plus grand 

nombre des botanistes, surtout les étrangers. L'auteur a égale- 
Tome LXXV'II. OCTOBRE an 1813. X x 


342 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ment adopté les caractères essentiels des genres de ce grand 
maître, auxquels il a joint ce qu'y ont ajouté Schreber, Wille- 
denow, Smith, etc. 

Il en a établi quelques nouveaux, tels que le myconia, le 
bellevalia , le fraga, le lepicaune. 

Il a cru devoir réunir d’autres genres. 

Il a divisé les plantes des Pyrénées en 595 genres. 


Mais a connoissance des espèces est le véritable et dernier 
but de la Botanique , parce qu’elles sont l’ouvrage de la na- 
ture : au lieu que les méthodes, les genres, les classes... sont 
l'ouvrage de l’homme. Aussi chaque botaniste a-t-il sa méthode, 
sa nomenclature..., et regarde-t-il les autres comme plus ou 
moins défectueuses. Ce reproche est surtout mérité dans les 
grandes associations d'hommes instruits, qui croient toujours 


posséder seuls la plénitude de la science...; maës les faits de- 
meurent. 


L'auteur s’est donc attaché, et avec raison, à la description 
des espèces. Ses descriptions sont faites suivant la méthode lin- 
néenne. Il a décrit SR espèces nouvelles , qui avoient 
échappé aux recherches des savans botanistes qui avoient par- 
couru ces montagnes. ... 


Cette Histoire des plantes des Pyrénées doit donc être regardée 
comme un ouvrage intéressant qui enrichit la Botanique. L'esprit 
de parti, qui domine dans une science si calme, dont elle. 
devroit être entièrement à l’abri, fera sans doute quelques re- 
proches à l’auteur; mais es faits demeurent. On se rappelle ee 
que disoit un savant célèbre : on regarde comme démontré dans 
un lieu, ce qu’on regarde comme faux dans un autre. Une 
école regarde comme vrai ce qu’une autre regarde comme faux. 


Les sciences ont aujourd’hui leur règle tutélaire : Les faits, 
les faits , mais les FAITS BIEN VUS. 

L'auteur a publié plusieurs autres ouvrages sur l’Histoire na- 
turelle des Pyrénées. 

10, La Description de plusieurs nouvelles espèces d’orthocé- 
ratites et d’ostracites. 

20, Un Traité des mines et forges à fer du comté de Foix. 

30. Une Flore des Pyrénées. 

4°. Une Monographie des saxifrages. 

50, Des Tables méthodiques des mammifères et des oiseaux 
observés dans le département de la Haute-Garonne. 


LES 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 343 


60, Il a de plus donné un grand nombre de Mémoires par- 
ticuliers dans les Mémoires de l'Académie de Toulouse, dans 
le Journal des Mines, dans le Journal de Physique... 

On voit que l’auteur a travaillé très-utilement pour les progrès 
des sciences. 


NOUVELLES LITTÉRAIRES. 


Recherches sur l'identité des Forces chimiques et électriques; 
par M. H. C. Œrsted, Professeur à l’Université royale de 
Copenhague , et Membre de la Société royale des Sciences de 
la même ville, etc.; traduit de l’allemand par M. Marcel de 
Serres, ex-Inspecteur des Arts et Manufactures, et Professeur 
de la Faculté des Sciences, à l'Université impériale; de la So- 
ciété philomatique de Paris, etc. Un volume in-8° accompagné 
d’une planche. 

À Paris, chez J. G.Dentu, Imprimeur-Libraire, rue du Pont- 
de-Lodi, n° 3, près le Pont-Neuf; et Palais-Royal, galeries de 
bois, nos 265 et 266. 

Nous avons rendu compte, Cahier de mars, de ce savant 
ouvrage, édition allemande. 


Projet d’une nouvelle Histoire Romaine , par M. de Fortia 
d’Urban, Chevalier de la Légion-d'Honneur, de l'Académie 
d’Archéologie, et de plusieurs autres en France, en Italie, en 
Allemagne ; 

Accompagné de six planches en taille-douce. 

A Rome, de l’Imprimerie de Romanis. 

L'Histoire de Rome, si célèbre et dans les temps anciens et 
dans les temps modernes, jadis commandant aux nations, doit 
inspirer un intérêt général. L'auteur a prouvé qu’il saura être 
le digne historien de si hauts faits. 

Précis analytique des iravaux de la Société Académique 
des Sciences, Lettres, Arts et Agriculture de Nancy, pendant 
le cours de 1811 à 18r2. 

Un vol in 8, A Nancy, de l’Imprimerie de F. Guivard, et 
se trouve chez la veuve Vigneulle, Libraire, rue J.-J, Rous- 
seau, n° 176. 


344 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, ec. 


Cette Société travaille très - utilement pour les progrès des 
Sciences, comme nous l'avons déjà dit plusieurs fois. Nous ferons 
connoître plus particulièrement quelques - uns de ses travaux, 
contenus dans ce Précis. 


TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Discours sur la naissance et les progrès de la Botanique; 

par M. Mirbel. Pag. 253 
Extrait d'un Mémoire sur le rapport de la dilatation 

de l'air avec la chaleur; par H. Flaugeroues. 273 
Extrait d'une lettre de M. de For!ia d'Urban, à J.-C. 

Delamétherte. È 293 
Second Mémoire sur La force magnétisante du bord 

extréme durayon violet. Lu à l'Académie des Lyncées, 

le 22 awril 1815; par Dominique Morichini. Ibid. 
Discours sur les murs saturniens ou cyclopéens; par 

M. de Fortia d'Urban. Extrait par J.-C. Delamé- 


.… cherie. 317 

Tableau Météorologique ; par M. Bouvard. 320 

Suite des Considérations sur les fossiles ; par J.-C. De- 
laméthertre. 322 


Extrait d'une lettre de M. Dessaïgnes, à J.-C. De- 
lamétherte , sur la phosphorescence des gaz comprimés. 356 
{Histoire philosophique des progrès de la Physique ; par 
Æ Libes. Extrait par J.-C. Delamétherte. 338 
Histoire abrégée des plantes des Pyrénées , et itinéraire 
des Lotanistes dans ces montagnes; par M. Picot 
la Peyrouse. Extrait par J.-C. Delamétherie. 341 
Nouvelles Littéraires. RL, 343 


®7 Imprimeur - Libraire 


Ch “ 


De l'Imprimerie de M°' Veuve CO DRE 
pour les Mathématiques, quai des Augustins, n° 57. 


Journal de Physique. Tom. 77. 8 bre 1813. 


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JOURNAL 


DEP HAS LO EE, 
DE CHIMIE | 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


NOVEMBRE AN 1813. 


SUITE 
DES CONSIDÉRATIONS SUR LES FOSSILÉS ; 
PAR J.-C. DELAMÉTHERIE, 


DES CAUSES QUI ONT DÉPOSÉ LES DIVERS FOSSILES. 


Les causes qui ont produit les dépôts de ces divers fossiles, 
ont”toujours été des objets de discussion parmi les géologues ; 
mais ils manquoient d'observations exactes, Aujourd’hui que nous 
possédons un plus grand nombre de faits bien constatés, nous 
pouvons donner des vues mieux fondées sur ces grands phéno- 
mènes. De nouveaux faitsrectifieront peut-être ces appercus, 

Je réduis, d’après les faits connus, ces causes principalement 
aux suivantes : 

19 À des émigrations et à des voyages des animaux. 

20, À des changemens de température dans certaines contrées 
de la surface du globe. 

3°. À des transports des fossiles; 


Tome ZXXV II. NOVEMBRE an 1813. Yy 


336 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE  — 
a Par les courans des mers ; 
b Par les courâns des dacs; j 
c Par les courans dés fleuves ; | 


d Par des inondations locales à la surface du globe. 
4°, À des chutes de montagnes. 
4 a 


t DES ÉMIGRÂTIONS ET-DES VOYAGES DÉS ANIMAUX. 


Plusieurs animaux émigrent à de certaines époques fixes et 
régulières. 

Les émigrations_des harengs, des maquereaux, des thons, des 
balbines sodtconnues, elles pécheurs saverit bien quelés époques 
en sont très-régulières; ils s'y rendent à des Le fixes pour 
la pêche de ces amimeux,quine manquent jamais d'y arriver. 

Des oiseaux émigrént également à des ‘époques, tels que les . 
hirondelles, les ailes, les bécasses. 


Nous pouvons conclure de ges faits sur les émigrations des 
animaux, que plusieurs de-letrs-os fosSles sont dus à Fe animaux 
qui ont péri dans l’émigration. 

‘a. Les 6s fossilés des baleines, des éachalots, dés dauphiris. 
qu’on trouve dans nos contrées, peuvent être parvenus de quel- 
ques-uns de ces animaux émigrés, et qui auront échoué sur 
les côtes, comme on en observe assez souvent. Ils seront péris, 
et leurs ossemens auroft été, par des circonstances particulières, 
conservés comme fossiles. ge a: 

* Les grands quadrupèdes n'ont pas d’émigrations proprement 

dites ; mais souvent ils s’éloignent beaucoup de l’endroit où ils 
demeurent habituellement; ils voyagent. Les ours blancs et les 
autres animaux des pays froids voyagent souvent dans les hivers 

-rigoureux, pour chercher des vivres ailleurs, et se préserver du 
froid. 

Les animaux des pays chauds peuvent aussi, dans les chaleurs 
‘é£cessives, se retirer dans desilieux plus tempérés, pour y cher- 
cher leur nourriture et éviter la chaleur, et surtout trouver 
de l’eau. f 


: Quelques-uns de.ces animaux auront pu périr dans ces voyages : 


leurs ossemens auront pu être enfouis, et se conserver comme 
fossiles. Ait 


ET D’HISTOIRÉ NATURELLE. 347 
"Ces faits prouvent que plusieurs fossiles peuvent provenir d’ani- 
maux émigrés, Où voyageurs. 


BU CHANGEMENT DE TEMPÉRATURE A LA SURFACE DU GLOBE. 


Le changement de température de certaines contrées aura 
encore pu être l’origine de quelques fossiles. 

Remontons à Ja première cause de cette température. 

Il est reconnu aujourd'hui de tous les géomètres et de tous 
les astronomes, que le globe a dû, dans le principe, être liquide, 
puisque sa figure est sphéroïdale conformément aux lois des 
forces centrales, 


Cette liquidité suppose une chaleur quelconque. 

Elle a dû être considérable dans les commencemens. 

Cette chaleur du globe diminue €haque jour, comme celle 
de tous les corps, en qui il n’y a pas un principe qui l’entretienne. 

Le globe éprouve donc un refroidissement continuel. (Théorie 
de la Terre, tome IIL.) sn . 

Tous les faits constatent ce refroidissement. 

Car toutes les montagnes élevées sont couvertes de glaces qui 
ne fondent plus. 


Les contrées polaires sont également couvertes de neïges à 
une latitude inconnue. Celles du pôle austral paroïissent s'étendre 
fort loin, 


Ces glaces n’existoient pas lorsque le globe étoïit couvert d’eau; 
elles sont donc des effets da refroidissement du globe. 


Des faits transmis par l’histoire, confirment également ce re- 
froidissement. + 


- La plupart des glaciers dont sont couvertes les montagnes, 
prennent des extensions journalières. 1e 


On a découvert dans les glaciers d'Underwal, dans les Alpes 
suisses, des villages entiers, des églises, des ponts...., qui se 
trouvent au milieu des glaces. . .; ces glaciers s’étoient donc beau- 
coup étendus. (Théorie de la Terre, tome ) 

La Scythie, ou Tartarie, étoit jadis un pays assez tempéré, 
suivant les rapports de tous les historiens. Justin le suppose ex- 
pressément, en disant qu’elle a été le séjour des premières so- 
ciétés civilisées, et non l'Egypte. 

FIslande étoit couverte de belles forêts, suivant Anderson, 


Yy2 


548 JOURNAL DE, PHYSIQUE, DE CHIMIE 
il, »°y a pas deux mille ans; et aujourd’hui le froid y est si vif, 
qu'il n’y croît plus que quelques arbustes rabougris. 

d'iotoe Te te Meilietlle d'e e. lente + +7 2 0e) de où Vpn ne ONE ÉD 

‘On doit conclure de tous ces faits, que la température cen- 
trale du globe dans ces premiers temps, devoit tenir plus 
élèvée: sa température extérieure qu’elle ne l’est aujourd'hui. 

Supposons, par exemple, que dans les premiers momens que 
les continens sont sortis du sein des eaux, la température 
centrale fût trois fois plus considérable à une profondeur de 
84 pieds, conme est celle des caves ‘de l'Observatoire de Paris, 
qu’elle ne l’est aujourd’hui; c’est-à-dire, qu’à cette profondeur 
le thermomètre se tint à + 30, au lieu qu’il -est aujourd'hui 
à + ro, la température extérieure, du globe s’en ressentiroit 
nécessairement. On peut donc supposer ele dans les zones 
témpérées, jusqu’au soixantième degré de, latitude, et même 
plus, il ne geloit point, ou peu dans les plaines, quand même 
31 auroit pu geler quelquefois sur les hautes montagnes. 

20. Une seconde cause devoît encore tenir très-élevée la tem- 
pérature de ces contrées. Il ‘y avoit une moindre étendue de 
contineñs découverte , et-de niveau des mers étoit moins, abaïssé ; 
car on sait que dans les contrées boréales le froid est beaucoup 
moins. vif:sur les bords de la mer, et à sa surface, que sut 
les continens et sur les montagnes. 

Les mêmes phénomènes s’observent à notre latitude dans les 
zones tempérées, é Air TOt 

30. Cette température, qui exisfoit alors dans ces régions po- 
laires, rendoit encore plus modérée celle de nos contrées; car 
il est reconnu que nos froids excessifs sont produits principa- 
ement par les vents qui viennent du nord; ils acquièrent ces 
grands degrés de froid en passant sur les régions polaires, et sur 
celles qui sont couvertes de neiges ainsi que de glaces: 

4°. Une quatrième cause devoit encore diminuer le froid de 
nos zones tempérées. La densité de l’air atmosphérique étoit plus 
considérable dans'les premiers temps de l’émersion des continens. 
hors de l’eau. (Théorie de la Terre, tome TIT.). Oral est re: 
connu, que la densité de l'air atmosphérique augmente la chaleur 
des rayons solaires qui le traversent, 

5°. On ne peut donc douter d’après ces faits, qu’à cette époque 
les animaux et les végétaux qui vivent aujourd'hui dans les 
contrées ‘équinoxiales, pouvoient subsister dans les zones tem- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 349 


pérées et même polaires; ils y auront donc laissé leurs déponilles 
qui, par des circonstances favorables , seront conservées fossiles. 


Go, Mais à mesure que la température intérieure du globe 
aura diminué , et que le niveau des eaux des mers se sera abaissé, 
la température de sa surface se sera aussi abaissée par les diffé- 
rentes causes que nous venons d’exposer. Les animaux et les 
végétaux qui ne peuvent subsister dans les climats froids, se 
seront peu à peu retirés vers les contrées équinoxiales. 


Ceux d'Europe auront pu passer en Asie, 


… Îs auront également pu passer en Afrique, soit par l’isthme 
de Suez, soit par la pointe d’Espagne à la montagnede Calpé, 
puisque , suivant la tradition, le détroit de Gibraltar n’étoit pas 
encore ouvert. " 


7°. Quelques animaux revenoient peut-être en élé dans des 
contrées qu'ils connoissoïént, et où ils trouvoient abondamment 
ce qui leur étoit nécessaire; ils fuyoient peut-être aussi une 
, Chaleur qui étoit trop grande pour eux pendant l'été, ou un froid 
trop vif pendant l’hiver. 


8°. Quelques-uns de ces animaux, soit ceux qui émigroient, 
soit ceux qui-n’émigroient pas, cherchoient à se mettre à l'abri 
du froid pendant l'hiver, et se gitoient comme le pratiquoient 
les troglodytes, dans ces cavernes immenses qui se présentent 
dans plusieurs endroits de la surface du globe, et ils y périssoient 
tranquillement. Nos ours en font encore de même, ainsi que 
nos: renards, nos blaireaux.... 


C'est ainsi qu’on trouve toutes les cavernes de l'Allemagne, 
de la Hongrie, de l'Amérique. .., dont nous avons parlé, rem- 
plies d’ossemens z0n alférés, de lions, de tigres, d’hyènes, de 
loups, de renards ou chacals, de putois.... Ces animaux n’ont 
pu se retirer que momentanément dans ces cavernes; il falloit 
bien qu’ils en sortissent journellement pour aller chercher leur 
nourriture. f 

Quelques savans, pour expliquer ces faits, ont supposé qu’il 

a eu à la surface du globe un printemps perpétuel ; mais cette 
AC est contraire aux théories astronomiques adoptées au 
jourd’hui, parce que les astronomes supposent que l’inclinaison 
de l’axe du globe ne peut diminuer que d'une très-petite quantité, 
c’est à-dire, que la diminution de l’obliquité de l’écliptique se 
tient dans des limites très bornées. 


350 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

D'autres ont supposé une diminution de fa chaleur du soleil 
produite par ses nombreuses taches, ce qui auroïit influé sur là 
iempérature du globe ; mais cette hypothèse n’est appuyée sur 
aucun fait; aussi est-elle rejetée presque généralement. 


DES TRANSPORTS DES FOSSILES PAR DES COURANS DES MERS. 


Mais la plus grande partie des fossiles, surtout ceux des pierres, 


des brèches, des terrains d’alluvion, des houillières..., paroît 
avoir été transportée; car on ne trouve ordinairement fossiles 
que quelques os séparés des grands animaux , et que la presque- 
totalité des coquilles fossiles est plus ou moins brisée. 


La même chose a lieu pour les végétaux fossiles. 


Il existe des grands courans dans le sein des mers, comme je 
lai prouvé dans mon Mémoire sur Jes Courans (‘Journal de 


. Physique, tome LXVIT, pag. 81). 


Ces courans exercent une action puissante sur les corps qu’ils 
rencontrent; ils les transportent à des distances plus on moins 
considérables; ils auront donc aussi transporté (es débris des 
êtres organisés, ainsi que les haches travaillées par la main de 
l'homme, 


Car plusieurs des êtres organisés , dont on trouve des dépouilles 
fossiles, n’ont pas existé dans les lieux où sont leurs fossiles. 


Cette vérité est prouvée par les amas considérables de fossiles 
de divers animaux et des diverses contrées, qui sont réunis et 
amoncelés en certains endroits. Au Mont-Pulgnasco, auprès 
de Plaisance, on trouve mélangés, 


1° Des ossemens d’éléphant, 

20 Des ossemens de rhinocéros, 
3° Des ossemens de dauphin, 
4° Des ossemens de baleine, 


bo Des quantités considérables de coquilles marines, dont les 
analogues vivent dans les diflérentes mers du globe, en Asie, 
en Afrique, en Amérique, en Europe. (Foy. Mesnard, Journal 
de Physique, tome LXV, pag. 105.) 

A Doué, dans le ci-devant Anjou, il y a des débris fossiles 
de lamantins. Renou m'a envoyé des côtes de lamantin de ces 
dépôts; elles sont rondes , non-roulées quoique brisées ; leur contour 
à L’extérieur est blanchâtre, et leur intérieur est d’un rouge brun, 


° 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 95 


Ï1 y a encore dans le même dépôt des os de phoques, des os 
de morses. ... 


Tous ces os sont mélangés avec des débris d’autres fossiles 
marins , des retepores, des millepores..., et diverses coquilles, 
des peignes, des cardium, des haches..., 

b. De Jussieu a trouvé dans les houilles de Saint-Chaumont, 
proche Lyon, fossiles, différentes plantes du genre des fougères, 
qui-ont de Ja ressemblance avec celles qui viventen Amérique. 


e. LL L] . . . D . L . 

Ces fossiles divers sont souvent 7zutilés, brisés, réduits en 
poussière et comme pélés, suivant l’expression de Coupé, comme 
à Grignon, dans les falhunières.. 

Mais quelques-uns sont conservés entiers, ainsi que nous 
venons de le dire des dents d’éléphans, des os de rhino- 
céros, de baleines, de dauphins, de côtes de lamantins....; 
c’est qu'ils étoient enveloppés de terre, ou déritus , ce qui les 
a pré d’être roulés. 

armi celte quantité immense de coquilles fossiles brisées, 
phaeu sont très-bien conservées, les cyprea, les strombes, 
es murex, les frippières , les pyrules, les fuseaux.... 


Quelques-unes sont inême assez pesantes , telles que les cras- 
satelles. .., ma grosse et pesante cérite trouvée à Grignon, ce- 
rithium gisanteum, que j'ai décrite, Journal de Physique , 
tome LXV, pag. 412 : elle étoit enveloppée d'un defritus très- 
fin d'autres coquilles brisées; elle en est même remplie, et quel- 
ques-unes éloient infactes et bien conservées. 


Enfin quelques-unes de ces coquilles paroïissent analogues aux 
genres ou espèces vivant dans différentes mers, la crassatelle 
à la Nouvelle-Hollande, la frippière dans les mers de l’Amé- 
rique méridionale , le cyprea pediculus , ou le pou dans l'Océan, 
ka pyrule, bulla ficus, dans l’Océan indien, le murex tripterus 
dans les mers de Batavia, le nautilus pompilius dans les mers 
des Indes... 

. Un fait généralement. observé, confirme que la plupart des 
fossiles ont été transportés, et souvent à des distances éloignées. 
C’est que parmi les fossiles des grands animaux, les éléphans, 
les rhinocéros, les hippopotames, les mastodontes, les tapirs, 
les baleines, les dauphins ; les lamantins...., les tortues, les 
oiseaux..., on ne trouve jamais les squelettes entiers, wais 
seulement quelques os séparés... On ne peut donc s'empêcher 


a x 


352 JOURNAL DE PHŸSIQUE, DE CHIMIE 


de reconnoître qne ces os isolés ont été séparés et transportés ; 
et ce n’a pu être que par des courans. UE ) 


DES TRANSPORTS DES. FOSSILES PAR DES COURANS DES LACS, 


Des courans analogues à ceux des mers ont lieu dans les 
grands lacs. Ceux du lac de Genève sont bien décrits par des 
savans exacts. 

On ne sauroit donc douter que ces courans des lacs n’aient 
re des effets analogues à ceux qu'ont produits les courans 
des mers. 


DES TRANSPORTS DES FOSSILES PAR DES COURANS 
DES FLEUVES, DES RIVIÈRES. 


On trouve dans les vallées où coulent de grands fleuves, des 
fossiles en un nombre plus ou moins considérable. 

J'ai dit (Théorie de la Terre, tome V, pag. 197) que Patrin 
avoit vu retirer des bords de l’'Ob, à 150 toises au-dessus du 
niveau des eaux, un fémur d’éléphant parfaitement conservé. 

Dans la vallée de l’Arno, en Italie, on a tronvé des os d’élé- 
phant, des bois fossiles... 

On a trouvé plusieurs amas de bois fossiles aux envirofñs de 
Paris, dans la vallée de la Seine... | ; 

Les mêmes phénomènes s’observent dans toutes les vallées où 
coulent les fleuves. 

Ces fossiles chariés par des flenves, sont plus ou moins altérés 


ou roulés. aus 
Mais quelques-uns sont conservés plus ou moins intacts. 


DES FOSSILES TRANSPORTÉS PAR DES CATASTROPHES PAR< 
‘ TICULIÈRES , OU GÉNÉRALES , ARRIVÉES A LA SURFACE 
DU GLOBE. 


Il n’est pas douteux qu’il y ait eu à la surface du globe-quel- 
ques catastrophes particulières, qui ont opéré des changemens 
lus ou moins considérables , comme je l'ai prouvé Théorie 
de la Terre, tome V. 

1°. Il y a eu un grand nombre d’inondations particulières, 
qu'on a appelées déluges ; tels ont été le déluge d'Ogygès, celui 

de Deucalion, celui de Prométhée.... 
8 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 353 


Ces déluges ont emporté avec eux des animaux, des végé- 
iaux..., et en ont enfoui les débris dans les nouvelles couches 
qui se formoient : ce sont des fossiles. 

Ces déluges particuliers ont été produits par différentes causes, 
comme j'ai dit dans le même endroit. 


Des Catastrophes générales. 


Mais des géologues ont avancé qu’il y avoit eu à la surface 
du globe une, ou des catastrophes générales; soit par In0n- 
dation, soit par affaissement, qui avoit fait périr la plus grande 
partie des végétaux et des animaux qui vivoient-alors, savoir, 
ceux des continens; ce sont, ajoulent-ils, éeux que nous {rou- 
vons aujourd'hui enfouis dans les terrains secondaires, qui COn$- 
tiluent nos fossiles. D’où ils ont conclu que la plupart des 
animaux et des végétaux vivans aujourd’hui, sont de formation 
nouvelle... | 


49°. J’ai fait voir (Théorie de la Terre, tome V) qu'aucun 
fait ne prouve cette catastrophe générale. 


2°. Je demanderai si toutes les espèces d'animaux et de vé- 
gétaux existantes alors, ont péri ou non. 


Si on dit qu’elles sont péries, il faudra donc avancer que 
toutes celles qui existent aujourd’hui, ont été produites posté= 
rieurement par une génération spontanée ; hypothèse qu’on ne 
pourroit admettre que d’après les faits les plus concluans. 

Mais nous avons vu que parmi les fossiles, plusieurs sont 
vraiment analogues aux espèces existantes. Il faudroit donc encore 
dire que cette nouvelle génération auroit produit : 


a Quelques espèces nouvelles absolument semblables aux an- 
ciennes ; 


b D’autres si rapprochées des anciennes, qu'elles sont sem- 
blables aux genres ; 


c De troisièmes enfin, absolument différentes des espèces 
connues, 


TOR Pelle Fo flni late lg tto D le . incl Medstté by) 8 LE? » sl ee 

Si on suppose, au contraire, que toutes les espèces, alors 
existantes, n’ont pas péri, les catastrophes n’auroient plus été 
générales, et il n’y auroit plus de motifs pour supposer ces 
catastrophes. 


Tome LXXV II. NOVEMBRE an 1613. VAE: 


354 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


3°. Il est certain, comme je l’ai prouvé dans mon, ouvrage 
de la Perfectibilité et de la Dégénérescence des Êtres or- 
ganisés, que les espèces d'animaux et de végétaux éprouvent 
par différentes causes, des changemens qui les rendent presque 
méconnoissables après plusieurs générations. C'est ce qui est 
surtout remarquable dans les espèces influencées par la main. 
de l'homme, le chien, le taureau, le cheval, le mouton..., 
le ver à soie...., le froment, le riz, le chou, la vigne , le 
pommier, le poirier...; enfin dans les espèces hybrides... On 
ue connoît plus les souches primitives du froment, du seigle ; 
du riz..., du ver à soie, du chien... 

4°. T1 n’est pas douteux que plusieurs espèces d’êtres organisés 
ont pu être détruités par des causes locales. J'ai prouvé, dans 
l'ouvrage cité, que plusieurs espèces sont bornées souvent à des 
can(ons peu étendus. 


La girafe, par exemple, ne se trouve que dans un petit canton 
de l’Afrique. Des troupes nombreuses d'animaux féroces, de 
hons, de panthères..., d'hommes..., dans ces cantons, pour- 
roient donc détruire l'espèce de la girafe. 


Les kanguros, les phascolomes, les échidnés, les ornithorin- 
gues... ne vivent qu’à la Nouvelle-Hollande, 


La vigogne, le condor... ne subsistent que dans les hautes 
montagnes du Pérou. 


+ La dionée muscipule ne se trouve que dans un canton de 
l'Amérique septentrionale peu étendu. 


Le cèdre étoit borné au Liban... 


Des accidens particuliers peuvent donc faire disparoître plu- 
sieurs de ces espèces, Ainsi il est très-probable que s’il s'établit 
de grandes sociétés humaines dans la Nouvelle Hollande, toutes 
ces foibles espèces de kanguros, de phascolomes..., disparoî- 
tront, à moins que l'homme ne les rende domestiques pour les 
dévorer. 

Les grandes espèces peuvent même disparoître. ù 

, L'hippopotame paroît avoir été assez abondant autrefois en 
Egypte, ainsi que le crocodile. ..; aujourd'hui on n’y en trouve 
plus, ou presque plus. 

L'éléphant paroît avoir été nombreux en Mauritanie du temps 
des Carthaginois ; il a été forcé depuis cette époque, par les 
nombreuses sociétés d'hommes, de se réfugier dans les parties 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 359 
méridionales de l’A frique, et ily seroit détruit, si ces parties del’A« 
frique se peuploient de sociétés humaines comme la Mauritanie, 

Il en faut dire autant des éléphans qui subsistent en Afie, 
des rhinocéros..., 
De grandes espèces, comme celles du mégalonix , du mega- 


therium, du mastodonte.... ont donc pu être détruites par les 
sociétés humaines, ou toute autre cause. 


5°. Nous ne connoissons point encore tous les animaux ét vé- 
gétaux existans à la surfäce de notre globe... 


Dazara en a décrit qui existent au Chili et au Paraguay, 
que nous ne connoissions pas. 


Il n’est pas douteux qu’il en existe dans d’autres contrées du 
globe qui nous sont également inconnus. 


Go. Nous ne connoissons point tous les fossiles existans. Ainsi 


on ne peut pas dire que telle espèce n’a point de fossiles, parce 
qu'on n’en a point encore trouvé. 


a. Car on n’a point encore creusé toute la croûte du globe, 
pour connoître tous les fossiles qui y sont enfouis. 


&. Nous avons prouvé que les fossiles ne sont conservés que 
par des circonstances favorables , puisqu’on n’a encore de fossiles 
conuus que de douze espèces de quadrupèdes connus, tandis 
qu'ilexiste peut-étre deux mille espèces de quadrupèdes. 

c. On ne sauroït donc en concluré que les nombreuses espèces 
d'animaux, les loris, les makis, les sapajous, les ourangs, les 
chimparzes, les hommes... n’ont pas laissé quelque part quelques 


fossiles. .., qu’on pourra peut-être trouver dans de nouvelles 
fouilles. 


QUELQUES FOSSILES N'ONT PAS ÉTÉ TRANSPORTÉS, 


Mais quelques êtres organisés ont péri dans les endroits où 
on trouve leurs fossiles. 

Une forêt entière fossile de palmiers a été observée par 
Audenrieth sur les bords du Necker, auprès de Claustadt ; elle 


est composée de palmiers couchés; quelques-uns ont jusqu’à 
deux pieds de diamètre, et ils sont entiers. 


Cette forêt n'a pu être transportée par les courans dans l'état 
où elle se trouve ; les arbres en auroient été dispersés, brisés. . .; 
ce sont néanoins des palmiers qui , actuellement , ne pourroient 


Zz 2 


356 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


végéter dans ces contrées trop froides pour ces végétaux. Il faut 
donc qu'à l'époque cù elle subsistoit, la température de ces contrées 
fût plus élevée. 

La Fruglaye vient d'observer sur les côtes de la Bretagne, 
près de Morlaix, une forêt entière de sept lieues d’élendue ; 
elle est composée de chênes, de bouleanx , d’ifs. .….. 


Correa a observé des phénomènes analogues sur les côtes 
d'Angleterre... 


Buflon rapporte plusieurs faits semblables. 
Ces forêts ont dû exister dans les lieux où on les voit. 


Des invasions violentes des eaux des mers seront survenues, 
comme celles que nous avons vu arriver de nos jours en Hol- 
lande : ces courans rapides auront renversé et couché ces forêts, 
quelquefois cassé les’arbres, et les auront ensuite recouverts 
d’attérissemens de diverses natures qui les auront conservés. 

Ces invasions auront eu lieu à diflérentes époques : car la forêt 
de palmiers de Claustad a été renversée à une époque différente 
de celle où l'a été la forêt fossile de Bretagne : la première 
a été renversée à une époque où ces contrées jouissoient d’une 
température suffisante pour les palmiers...; la seconde à une 
époque postérieure , où les chênes, les bouleaux.... pouvoient 
subsister. 


DE LA DÉNOMINATION DES TERRAEINS OU SE TROUVENXT 
LES FOSSILES. 


On doit donner aux terrains qui contiennent les fossiles, 
différens noms d’après la nature de ces fossiles. 

a. Terrains où l’on trouve fossiles, des dépouilles d’êtres orga- 
nisés qui vivent dans les mers. 

b. Terrains où l’on trouve fossiles des dépouilles d’êtres orga- 
nisés qui vèvent dans les eaux douces. 

c. Terrains où l’on trouve fossiles , des dépouilles d’êtres orga- 
nisés qui vivent sur les continens. 

d. Terrains où l’on trouve des fossiles Zerrestres qui n’ont 
pas été maniés par les eaux. 

Mais peut-on déterminer la nature d’un terrain, c’est-ä- 
dire du heu où il a été formé, par la nature des fossiles qu’il 
contient ? S 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 357 
: ‘J'ai déjà répondu à cette question. 

Des terrains formés dans les mers peuvent contenir des fossiles 
d’eau douce, qui y auront été chariés par les courans d’eau 
douce. 

_ Risso ena vu des exemples, (Journ. de Physig,, t. LXXVII, 
pag. 204, lig..26.) 

« Les vagues, dit-il, agissant continuellement sur ce rocher 
(auprès de Nice), détachent ces pétrificalions ( marines), les 
arrondissent, les mêlent avec les coquilles marines ‘actuelles 
et les dépouilles des mollusques TERRESTRES entrafnées par 
les eaux pluviales : le tout se dépose avec le sable..,., et 
forme de nouveaux dépôts qué seront peut-étre pour les races 
Jutures, DES SUIETS ÉNIGMATIQUES DE MÉDITATION. » 


Des terrains formés dans les eaûx douces peuvent contenir 
des fossiles d’êtres organisés qui vivent dans les mers, ainsi que 
je l'ai prouvé à l'égard du lac de Genève (dans ce Journal, 
tome LXXVI, pag. 57). ' 

est donc à la sagacité de l'observateur de déterminer par les 
circonstances, le lieu et l'époque où ont été formés tels ou tels 
terrains. 


DES ÉPOQUES OU ONT ÉTÉ DÉPOSÉS LES FOSSILES. 


On doit supposer que les êtres organisés des continens ont 
commencé d'exister dès la première apparition de ceux-ci: 
leurs débris ont été entraînés dans le sein des eaux, et enfouis 
dans les nouvelles couches qui se formoient. C’est la première 
époque de la formation ou dépôt des fossiles des continens. 


Mais ces terrains ont été eux - mêmes formés à diflérentes 
époques. Par conséquent ces fossiles auront été également dé- 
posés à différentes époques. Ainsi les premiers terrains secon- 
daires formés, ceux des lieux élevés, des montagnes, ne cou- 
tiennent point, ou peu, de fossiles, en général, parce qu'à ces 
- époques 1l n’y avoit encore existé qu’un petit nombre d'êtres 
organisés; c’est ce qu’on observe dans les hautes Alpes..., 

Aux époques suivantes , dans les monticules peu élevés, dans 
les plaines, on trouve des quantités plus considérables de fossiles 
dans les couches secondaires, parce qu’alors il avoit existé un 
grand noïnbre d'êtres organisés, dont les dépotilles avoient été 
ensevelies dans ces terrains, : 


358 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


; Les faits contraires à ces observations générales tiennent à des 
circonstances particühères. 


Les brèches n’ont été formées ‘que des débris de pierres. .., 
les fossiles qu’ils contiennent n’ont donc été déposés qu'après la 
Jormation de ceux des pierres... . 

Les tourbes ont été formées long-temps après les pierres, 
puisqu'elles sont composées, en général , de plantes qui croissent 
dans les marais...; les dépôts des fossiles que contiennent les 
tourbières, datent donc d’époques plus récentes que ceux des 
pierres. 

Il en faut dire autant des fossiles contenus dans les Aouil- 
lières : ces houilles sont formées de végétaux et de quelques 


animaux Défumäinisés...; quelques-uns sont conservés plus ow 
"moins inlacts. Ù 


Les Zerrains d'alluvion ont été formés à des époques plus 
récentes que les pierres; quelques-uns l’ont été dans le sein 
des mers ; quelques-autres après la retraite des mers par le cours 
des fleuves, celui des eaux courantes... .; les épogues des fossiles 
qu'ils ont déposés ont varié , et. ne sauroient être fixées. 


Les cavernes n’ont paru qu'après la retraile des eaux qui 
couvroient les continens....; les époques des fossiles qu’elles 
contiennent sont donc postérieures à ces événemens; mais on 
ne sauroit déterminer les dates où ces animaux troglodytes s’y 
sont retirés et y ont péri. 

On voit que les époques où ont été déposés Les fossiles, se 
tiennent dans une assez grande latitude, et il seroit difficile 
de les déterminer avec une certaine exactitude. C’est à la sagacité 
de lobservateur de les calculer par approximation. 


RÉSUMÉ, 


Nous devons conclure de tous ces faits, que différentes causes 
ont concouru à la formation et au dépôt des fossiles. Vu Piim- 
portance de ces phénomènes, je vaisen faire un exposé succinct, 
ainsi que de leurs causes présumées. 


1. Les théories astronomiques prouvent que le globe terrestre 
a joui primilivement d'une fluidité qui lui a donné la figure 
sphéroïdale. - 

2. Il avoit donc une lempérature assez considérable, qu’on 
ne sauroit déterminer. . 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 359 


3. Ces théories ne permettent pas de supposer qu'il y aitu 
un printemps perpétuel ; 

Ni qu'aucune comète ait exercé une action sensible sur notre 
globe. L’opinion de Whiston à cet égard, est regardée aujour- 
d'hui, dit Delambre, comme un roman scientifique. 


4. Tousles faits prouvent que ce globe a été couvert primitive- 
ment par les eaux. 


5. Les terrains primitifs composent la masse du globe, et 
doivent principalement occuper le géologue; ils ont élé dissous 
dans les eaux et déposés par cristallisation (voyez mes Mémoires 
sur les Cristallisations minérales, Journalde Physique ,t. XVIT, 
pag. 256, et tome LXXT, pag. 172, et ma Théorie de la Terre ): 
les causes deces phénomènes ne sont pas encore bien déterminées. 


6. Ces dépôts ont été faits suivant les lois des affinités : là 
les granits, ici les porphyres, les gneis, les schistes. ...; dans 
d’autres endroits, les mines métalliques, les antracites.... 

7. Ces dépôts ont formé là des plaines, ici des montagnes, 
ailleurs des vallées. 3 


8. Les eaux ont diminué successivement par des causes qui 
ne sont pas encore bien déterminées. Les continens sont sortis 
du sein de ces eaux. 

9. Les êtres organisés ont paru; ils ont été formés par cris- 
tallisation, et par une génération spontanée. 

10. De nouveaux terrains, les secondaires, se sont formés 
et déposés également en plaines, en montagnes, en: vallées. 
Les débris des êtres organisés ont été enfouis dans ces terrains; 
ce sont les fossiles, qui ne sont qu'en extrémement pelité 
guantilé. 

11. Mais ils ne se sont conservés que lorsqu'ils étoient à l'abri 


des impressions de l'air, Ces premiers fossiles sont les FOSsILES 
MARINS. 


12. Des lacs se sont formés postérieurement dans les gorges 
des montagnes; plusieurs existent encore; d’autres se sont écoulés. 
(Théorie de la Terre.) 

, x 0 

13. Ils se sont remplis postérieurement d'eaux douces, dans 
lesquelles vivoient des êtres organisés particuliers. 

14, De nouveaux terrains se sont formés dans ces eaux douces, 


360 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

lacs ou fleuves. Les débris des êtres orgamisés qui vivoient dans 
ces lacs y ont été enfouis ; ce sont les FOSSILES D'EAUX DOUCES, 
formés après la retraite des eaux des mers. 


15. Quelques fossiles n’ont pas été maniés par les eaux; tels 
sont ceux. qui proviennent d'animaux péris dans les émigrations, 
dans les voyages..., ou ensevelis sous la chute des montagnes….; 
ce sont les FOSSILES TERRESTRES. 


16. Tous les faits prouvent que la masse du globe a joui 
primitivement d’une température assez élevée, non-seulement 
sous la zone torride, mais encore sous les zones tempérées et 

olaires. Cette chaleur diminue progressivement, el le globe se 
refroidit. (Théorie de La Terre.) 


17. Par conséquent, les végélaux et animaux qui ne peuvent 
subsister aujourd'hui que dans les contrées équinoxiales, ont 
pu subsister autrefois, comme l’a dit Buffon, dans des contrées 
plus ou moins rapprochées des pôles. 


18. Il ÿ a parmi les fossiles , des débris d’espèces analogues aux 
espèces d’êtres vivans actuellement, mais en petit nombre. 


19. Ces êtres vivans. analogues aux fossiles, habitent actuel- 
C5 : , re 3 
lement presque tous les contrées qui jouissent d’une température 
chaude, 

Il y a peu d'exception. 

20. Le refroidissement progressif du globe a forcé la plupart 
de ces espèces à abandonner les contrées boréales, trop froides 
aujourd'hui pour elles, et à se rapprocher des contrées équi- 
noxiales. 

21. Plusieurs de ces animaux émigrent et passent successi- 
vement des pays chauds dans les pays froids, ou des froids dans 
les chauds: d’autres se contentent de voyager. ..; quelques-uns 
de leurs débris auront pu devenir fossiles. 


22. Un nombre plus considérable de fossiles n’est pas ana- 
logue aux espèces d'êtres organisés vivans, mais seulement aux 
genres. 

23. Il faut observer que ces différences peuvent provenir des 
causes que nous avons assignées, en parlant de la per/ectéibilité 
et dela dégénérescence des êtres organisés ; d’ailleurs nous ne 
connoissons pas tous les êtres organisés, ni tous les fossiles. 


24. Mais le plus grand nombre des fossiles n’a nulle analogie, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. ; 361 


ou au moins des analogies très-éloignées avec les espèces et les 
genres vivans. 


25. Il faut en conclure qu'il a péri une grande partie des 
espèces existantes primitivement, surtout celles des grands ani- 
maux, les mastodontes, les mégalonix.... 


26. Parmi les fossiles quadrupèdes terrestres, tels que les 
éléphans..., ou aquatiques, tels que les baleines, les dauphins, 
les tortues. .., les oiseaux..., on ne trouve presque jamais que 
quelques os épars. ... 


27. On ne trouve pas de fossiles des genres si nombreux, 
des sapajous, des singes, des ourangs, des loris, des makis, 
de l'espèce humaine..., ni d'un très- grand nombre d’autres 

I 
espèces. | 

28. On ne sauroit en conclu avec Deluc, que l'existence 
de l’espèce humaine, ni celle des‘éspèces dont on ne trouve point 
de fossiles, soit postérieure à celle des espèces dont on trouve 
des fossiles. 

Ceci a dépendu de circonstances particulières. 


‘ 29. Il est vraisemblable que des espèces de végétaux et d’a- 
pimaux ont été produites à DIFFÉRENTES ÉPOQUES, ainsi que 
Je l'ai dit. 

30. EH est aussi vraisemblable que les mêmes espèces d'animaux 
et de végétaux ont été produites en différens endroits, en DIF- 
«FÉRENTES CONTRÉES,M 


81. Les végétaux et les animaux, dont des fossiles subsistent, 
existoient quelquefois vivans à peu près dans les lieux, ou proche 
des lieux où sont leurs fossiles : c’est ce que prouveñt la forêt 
Hossile de palmiers observée par Audenrieth, des coquilles flu- 
viatiles et terrestres. .…. 


+ 32. Mais souvent ils existoient dans des lieux plus ou moins 
éloignés, et le plus souvent dans des régions équinoxiales, 

33. La plus grande partie des fossiles paroït avoir été trans- 
portée; car parmi les ossemens fossiles, on n’en trouve que 
quelques-uns isolés, et on les trouve dans des lieux où leurs ana- 
logues ne pouvoient vivre primitivement. Au Mont-Pulgnasco, 
par exemple, on trouve des os fossiles d’éléphans, de rhinocéros, 
de dauphins, de baleines, et une multitude de coquilles dont 
les Écrits vivent dans les mers des Indes, de l'Asie, d’A- 
frique, d'Amérique et d'Europe. 

Tome LXXV'II. NOVEMBRE an 1615. Aza 


362 JOURNAL DE, PHYSIQUE, DÉ CHIMIE 


On trouve également à Grignon, à Courtagnon, dans les 
falhunières de la Touraine..., des coquilles dont les analogues 
vivent dans les différentes mers.. 


34. On trouve encore dans les mêmes lieux , et mélangés, des 
fossiles dont les analogues vivent sur les continens, dans des 
laes, dans des fleuves et dans les mers, comme à Pierre-Laie 
proche Paris, à Grignon... | 

#85. Ges divers fossiles ont donc été transportés par des eaux 
courantes, comme l'ont été les fossiles des éléphans, des rhi- 


L4 « . 
nocéros, des paloetherium..., ceux des palmiers... et tous les 
fossiles d’alluvion.... 


36. Les eaux courantes des rivières et des fleuves , qui se jet- 
tent aujourd’hui dans les mers ou les lacs, y charient encore 
continuellement des débris d'êtres organisés qui vivent dans leur 
sein, ou sur les continens. (ZÆoy. Russo.) 


37. Mais les courans qui ont lieu dans les lacs ou dans les 
mers, sont bien plus considérables ; ils transportent ces fossiles 
à des distances beaucoup plus éloignées, comme je lai démontré 
dans. mon Mémoire sur les Courans. (Journal de Physique 


tome LXVII, pag. 81.) “ 


38. On observe encore dans les mers et les lacs, des mouve- 
mens locaux qui produisent des effets considérables, tels que, 
a Des invasions locales produites accidentellement par des 


vents violens qui soulèvent les a 4 sont les inondations 
qui ont sisouvent lieu sur les côtes de Hoïlande, d’Angleterre..…. 


b Des violens tremblemens de terre produisent quelquefois 
de pareilles inondations, en soulevant les eaux des mers ou des 
lacs, comme celle qui eut, lieu en 1783 sur les côtes de Sicile, 
lors de la dévastation de la Calabre... 


c Des débâclés des lacs, telles que celles qui ont produit les 
déluges d’Ogygès , de Deucalion, de Prométhée.... 


d Des débordemens des fleuves, tels que ceux du Nil, du 
Menan.…. 


39. Toutes ces invasions locales des eaux des mers inondent 
avec des eaux marines, des terrains qui peuvent avoir été formés 
dans des eaux douces, comme les tourbières de la Hollande ; 
elles peuvent donc y apporter des fossiles marins, qu'elles mé- 
langeront avec les fossiles d'eau douce. . 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 363 


Elles pourront même y séjourner, et former de nouveaux 
dépôts marins sur ces terrains d’eau douce. 


40. Ces eaux, dans ces invasions violentes, renverseront des 
forêts entières dont seroient couverts ces terrains, telles que 
celles de palmiers-dont parle Audenrieth, celle que Lafruglaye 
a observée sur les côtes de Bretagne, celles qui ont élé observées 
sur les côtes d’Angleterre.... | 


- 41. Maïs aucun. fait ne prouve que les eaux des mers aient 
pu causer une inondation générale à la surface du globe. (Fhéorie 
de la Terre, tome V, pag. 305.) 


42. Ces mouvemens des eaux emportent les eorps qui sont 
sur leurs passages, les fossiles comme les minéraux, les haches.. 


43. La plus grande partie de ces fossiles est brisée, comme 
nous. le voyons dans les grands amas de coquilles, qui sont ré- 
duites en fragmens, et pilées l'expression de Coupé. 

44. Maïs quelques-uns sont conserVés plus ou moinsintacts, 
comme ma grosse cérite de Grignon, cerithium giganteum, que j'ai 
décrite dans ce Journal (tome LXV, pag. 4r2), ils sont enve- 
loppés dans la terre ou le detritus des coquilles, 


45. Ce transport de ces fossiles est démontré par le fait; c’est 
qu’on ne trouve jamais le squelette entier d’un animal, mais 
seulement quelques os isolés et séparés, 


46. Un second fait démontre ces transports des fossiles. On 
trouve dans les mêmes lieux , mélangés les fossiles des animaux 
marins, des animaux fluviatiles et des animaux terrestres, 


47. La. plus grande partie des fossiles a été déposée dans les 
eaux des mers, comme le prouvent les poissons marins, les 
baleines, les lamantins, les coquilles qui sont presque toutes 
marines..,. 

48. Mais quelques-uns de ces fossiles ont été déposés dans 
les eaux douces des lacs; car ces lacs nourrissent divers animaux 
dont les débris s’enfouissent dans les terrains qui s’y forment, 
des fossiles de castors, de crocodiles..., des tourbes... 

49. Les eaux des fleuves et des rivières qui se versent dans 
les mers et les lacs, y charient les dépouilles des êtres organisés 
qui vivent dans leurs eaux et sur les conlinens. 

C’est ainsi qu'ont été formés les houilles et les grands dépôts 
de bois fossiles, qui ont encore lieu journellement sur les côtes 
des mers du Nord, ( Théorie de la Terre, tome V.) 

d Aaaz 


304 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


50. Des terrains de ces bassins de ces lacs ont été formés dans 
le sein des mers ; par conséquent ils peuvent contenir des fossiles 
marins, des coquilles, des poissons des mers. 

5r. Les mouvemens des eaux de ces lacs dégradent leurs bas- 
Sins, les rongent et en font tomber des portions dans leur 
sein , commèé je lai prouvé à l'égard des monts de la Meil- 
leraie, des monts Salèves..…. qui bordent le lac de Genève. 
(Poyez ce que j'en ai dit dans ce Journal, tome LXXVI, 
pag. 57.) 

92. Ces portions tombées dans ces lacs, peuvent contenir des 
fossilés marins que les flots et les mouvemens des eaux disper- 
seront dans toute l’étendue du lac: » 


53. On pourra donc trouver dans des terrains formés dans 
les eaux douces, des FOSSILES MARINS; COImINmE ON peut 
trouver dans des pee À 2 dans les eaux des mers, des 
FOSSILES FLUVIATILES, OM TERRESTRES, qui y auront été 
chariés par les fleuves, les rivières. 

54 On doit donc distinguer les différens terrains, .et dire: 

Terrains où l’on trouve fossiles les débris d'êtres organisés qui 
vivent dans les mers; 1 

Terrains où l’on trouve fossiles les débris d’êtres organisés qui 
vivent dans les eaux douces; î 

Terrains où l’on trouve fossiles des débris d’êtres organisés 
qui vivent sur les continens, chariés par les eaux ; 

Terrains où l’on trouve des fossiles terrestres , que les eaux 
n'ont pas maniés. | - 

55. On ne pourra donc pas appeler Zerrains de formation 
marire, des terrains, seulement parce qu’on y trouve des fossiles 
d'êtres organisés qui ont vécu dans les mers ; REA AT 

Comme on ne pourra pas appeler £erraëns de formation d'eau 
douce, des terrains, seulement parce qu’on y trouve fossiles des 
débris d'êtres organisés qui ont vécu dans les eaux douces. 

56. Ce sera donc à la sagacité de l’observateur à savoir dis- 
tinguer et apprécier les circonstances, pour juger si tel fossile 
a été déposé dans le sein des mers, ou dans les eaux douces, 
ou sur les continens : si tel terrain a été formé dans les eaux 
des mers, ou dans les eaux douces.... Nous allons en citer 
quelques exemples. 


57. Au Mont-Pulgnasco, à Grignon, à Pierre-Laie..., il y 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 365 


a des débris d'êtres organisés qui ont vécu sur les continens , 
dans les eaux douces et dans les eaux des mers... Si on demande 
où ont été formés ces terrains...., je dirai qu'il est probable 
qu'ils l'ont été dans les eaux des mers, parce que la majorité 
des fossiles est marine et qu’il y en a peu d’eau douce... 

58. Les tourbières, au contraire, paroissent en général avoir 
été formées dans les eaux douces; elles sont formées des plantes 
d'eaux douces : on y trouve des coquilles d’eaux douces, des 
poissons d’eaux douces, des ossemens de castors.... 


Mais quelquefois elles s'étendent dans la mer : on pourroit 
donc aussi y trouver des débris d'êtres organisés marins. 

Enfin plusieurs animaux des continens s’y enfoncent et y de. 
meurent enfouis, sans avoir été z7aniés par les eaux, tels que 
les bœufs, les chevaux, les cerfs.... 


59. On peut donc supposer, en général, que les terrains qui 
contiennent de grandes quantités de fossiles d’eaux douces, ont 
été formés dans les eaux douces. 


Les terrains qui paroissent avoir été des bassins de lacs d’eau 
douce desséchés, peuvent également être regardés comme formés 
dans les eaux douces. 


Les terrains dont les fossiles sont marins, ou au moins dont 
les fossiles marins sont le plus abondans, paroïissent avoir été 
formés dans les mers. 


60. Les terrains de Montmartre paroissent avoir été formés 
dans les eaux des mers, comme je le disois à Lamanon, et non 
dans les eaux douces, ainsi qu'il le prétendoit, On en convient 
aujourd’hui pour les couches inférieures de plâtre, parce qu’elles 
contiennent des coquilles reconnues pour étre marines. 

Mais j'ai trouvé dans les couches supérieures des poissons 
marins, SaVOIr : 


Un spare dans la couche dite des Hauts-Piliers. 

Un ésoce dans d’autres couches supérieures. 

On doit done également convenir que ces couches supérieures 
ont été formées dans les eaux des mers, ainsi que les inférieures, 
et non dans les eaux douces. Risso est de mon opinion. 

6r. Des invasions locales des eaux des mers, telles que celles 
que nous avons vu avoir eu lieu en Hollande, sur les côtes 
d'Angleterre. ..., ont pu couvrir postérieurement des terrains 


366 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


formés dans les eaux douces, par exemple les tourbières de Hol- 
lande..., et y déposer des fossiles marins. 


Elles auront même pu y former des couches marines, si elles 
y ont séjourné assez de temps. 


Il est donc possible de trouver sur des terrains formés dans 
les eaux douces, d’autres terrains qui seroient de formation 
marine. 


62. Mais tous les faits prouvent que ces invasions des mers 
ont été très-bornées, et qu’il n’y a point eu d'invasions géné- 
rales qui aient couvert toute la surface de la terre, ou au moins 
la plus grande partie. 

63. On a supposé des mouvemens alternatifs des eaux des 
mers, et des eaux douces, se remplaçant successivement. On a 
dit, par exemple, que dans les environs de Paris, 


a Une première mer est venue déposer des craies; 

b Une seconde mer revient et dépose les pierres calcaires ; 

c Alors le sol se couvre d’eau douce , et dépose les plâtres; 

d Une troisième mer revient et dépose les tellines , les huîtres; 

e Une quatrième mer revient, et fait les mêmes dépôts que 
la seconde mer: ” 

f Il faut ajouter que les eaux douces sont revenues une 
seconde fois déposer des coquilles d’eau douce, des planorbes, 
des lymnées... que l’on trouve à la surface de ces terrains en 
plusieurs endroits. 

Ces suppositions paroïssent inadmissibles, ainsi que je lai 
fait voir dans ce Journal, tome LXXI, pag. 386; car il faudroit 
admettre des mouvemens continuels des eaux des mers, puisque 
les couches des environs de Paris ne sont pas toujours au même 
niveau. Les,coûches de plâtre d’Antony, par exemple, sont 
beaucoup plus basses que celles de Montmartre. Les couches 
qui contiennent des huîtres à Montmartre, ne sont pas au même 
niveau que celles qui en contiennent à Longjumeau et ailleurs... 
Ajoutons que ces mouvemens des eaux des mers qu’on suppose, 
auroient dû s'étendre sur toute la surface des mers, dont les 
eaux doivent garder le même niveau depuis Paris jusqu'à la 
Nouvelle-Hollande.... 

Je ne donnerai pas ici plus d’étendue à ces Considérations, 
je renvoie à ce que j'en ai dit ailleurs, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 367 


MÉMOIRE 


SUR 


LA CHALEUR DE LA SURFACE DES CORPS; 
Par M. RUHLAND , DE Municx. 


Daxs la série d’expériences que MM. Leslie et Rumford ont 
publiées sur la chaleur rayonnante, ces célèbres physiciens ont 
seulement eu pour but de démontrer la plus ou moins grande 
facilité avec laquelle les corps rayonnent le calorique. À cet 
effet, il suflisoit d'employer les corps sous la forme de couches 
minces dont on enduisoit les boîtes de métal qui contenoient 
l'eau chaude, ou de leur donner la forme d'écrans, qui inter- 
ceptoient alors différemment le calorique qui leur affluoit. 


En adoptant cette méthode, ces physiciens ont trouvé que 
toutes les différences que présente l’échauflement, ou le refroi- 
dissement des corps, dépendent de leurs surfaces, que le 
temps pendant lequel une couche quelconque refroïdit un corps, 
et qu'elle échauffe par conséquent les corps environnans, placés 
derrièreelle, est en raison inverse de sa vertu réfléchissante. 


De cette manière on détermina la température de la masse 
des corps avec exactitude ; mais il estoit encore à examiner 
la température de leur surface durant tout le procès du raÿon- 
nement de la chaleur; car il étoit à présumer que la chaleur de 
la masse d’un corps exposé à l'influence d’un autre corps plus 
chaud, seroit toujours inférieure à celle de sa surface, parce 
que la quantité de la première est la moyenne de la chaleur 
qui entre et de celle qui sort, et que selon une loi, trouvée par 
les mêmes auteurs, la quantité du calorique qui sort, est, à 
surfaces égales , toujours égale à celle qui entre ; tandis que la 
chaleur rayonnante, qui se trouve à la surface des corps, est 
composée de celle qui y entre et de celle qui en sort en même 


268 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


temps , el par conséquent elle doit être d'autant plus grande que le 
corps a plus de force rayonnante. 


Pour obtenir des résultats exacts à ce sujet, on ne pouvoit 
plus se servir des corps sous la forme de couches minces, telles 
qu’on- les employa jusqu’à présent, où l’on ne vouloit connoître 
que la plus ou moins grande facilité avec laquelle le calorique 
les traverse; on ne pouvoit non plus faire usage des thermomètres 
qu’on plonge dans les corps chauflés, parce que cet instrument 
indique seulement la température d’un corps en général, sans 
indiquer en même temps la quantité de calorique qui y entre 
et en sort, qui, selon la différence de la force rayonnante, peut 
varier à l'infini dans divers corps, sans que le thermomètre l’ac- 
cuse ; toutefois que la quantité de calorique qui entre, soit égale 
à celle qui sort, Je me suis donc servi du moyen suivant, qui me 
donna une exactitude parfaite : 


Je fis construire des boîtes rondes, égales, de carton mince, 
de 3 à 4 pouces de diamètre et de 3 à 6 lignes de hauteur; je 
les remplis de différentes substances que j'eus soin de réduire 
auparavant en poudre impalpable; et après leur avoir donné 
une surface égale, j'y répandis du camphre pulvérisé, de sorte 
qu'il forma sur la surface de ces poudres des couches minces, 
tout-à-fait égales entre elles. J’exposai ensuite ces poudres sous 
un angle de 30 à 40 degrés, à la chaleur rayonnante d’une des 
parois très unies d’un poële de fer blanc, et en comparant entre 
elles toujours deux de ces boîtes, je conclus du temps qu’il 
falloit au camphre pour s’évaporer, de la différence de la chaleur 
de leurs surfaces. Ayant en même temps le soin de former, 
toujours sur la même surface, plusieurs de ces couches de cam- 
phre: pour avoir des termes de comparaison, et que les deux 
- boîtes fussent toujours placées au milieu du fer blanc, pour leur 
donner une chaleur égale, ce dont je me convainquis encore 
par un thermomètre, J'ai obtenu des résultats si exacts et si uni- 
formes, que desrépétitions multipliées ne firent pas voir la moindre 
différence. 

Je passe aux expériences dont la première série a pour but 
d'examiner, si la réflexion des surfaces est la seule loi dont 
dépende leur température, ou sil y a, et quelles sont les autres 
circonstances qui la déterminent. , 


Quand on expose de la manière indiquée un carreau de fer 
blanc et un autre égal de carton sous le même angjle, à la chaleur 


rayonnante A 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 1] 369 
rayÿonnante, après les avoir également couverts de camphre en 
différens points, on trouve que le camphre est déjà évaporé sur 
le dernier, tandis qu'on a peine à s’appercevoir d’une Légère 
diminution sur le-premier. On explique facilement ce résultat 
par la différence de la réflexion , qui empêche le fer-blanc de 
s'échauffer autant que le carton; mais si l’on prend, au lieu du 
fer-blanc, un carreau semblable de cire d’Espagne ou de soufre, 
l’évaporation est presque aussi foible sur les derniers corps que 
sur le fer-blanc lénôme quoique la diflérence de la réflexion 
de leurs surfaces soit assez considérable; un pareil morceau de 
liége s'approche au contraire du carton, l’évaporation du cam- 
phre étant sur lui presque aussi rapide que sur le carton, On 
obtient les mêmes résultats, quand on emploie les corps sous 
forme de poudre de la manière susdite, on trouve alors les mêmes 
différences entre le noir de fumée et le charbon, le noir de 
fumée et le soufre , la magnésie et le sulfate de soude, le pollen des 
pires et le sucre, les cendreset l’amidon , le charbonetlecinabre, 

e sulfure noir de mercure et le péroxide de ce métal, où le premier 
de ces pe nommés est toujours celui qui favorise le plus l'éva- 
poration. Tous ces résultats sont si marqués, qu’une répétition 
prouvera facilement leur justesse, 


En comparant ces corps, on aura déjà peine à expliquer ces 
différences suffisamment d’après les lois de la réflexion, puisque 
les corps dont les surfaces se ressemblent le plus, sont souvent 
ceux qui donnent les plus grandes différences de température. 


Les expériences suivantes prouvent cependant encore mieux, 
que ce n’est pas ici la réflexion des surfaces qui agit ; car, quand 
on enduit les deux surfaces d’un carton et d'une pièce de métal 
de la même grandeur, d’une couche de noir de fumée, et qu’on 
les expose, comme dans les expériences précédentes, ayec du 
camphre, à la chaleur rayonnante, on trouve que le camphre 
est évaporé sur le carton, tandis que l’autre sur le métal montre 
à peine un commencement d’évaporation. Or, dans ce cas les 
surfaces sont égales, et si l’on vouloit expliquer cette différence, 
en disant que le métal jouit toujours encore d’une vertu réflé- 
chissante sous la couche assez épaisse de noir de fumée, il fau- 
droit plutôt croire que, sur le métal, l'évaporation dût être plus 
rapide, puisque dans ce cas la chaleur rayonnante qui agit sur 
la surface, est encore augmentée par la partie que le métal 
réfléchit par-devant, tandis que le carton en est traversé. Une 
rondelle de cire d'Espagne, ou de soufre, enduite de noir de 


Tome LXXV II. NOVEMBRE an 1813. Bbb 


370 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


fumée, est encore dans le même cas que le métal. Au lieu d’en- 

- duire ces corps de noir de fumée , et de les exposer, sous cette 
forme, à la chaleur rayonnante, on peut aussi les mettre dans 
les boîtes de carton susdites, et les enduire de tous les côtés 
de noir de fumée. Les différences sont alors les mêmes, etles 
boîtes remplies seulement de noir de fumée, font évaporer le 
camphre dans un temps beaucoup moindre que d’autres boîtes 
semblables qui, remplies de noir de fumée, contiennent un 
carreau de métal, ou de cire d’Espagne, à r ou 2 lignes au- 
dessous de la surface. Une rondelle de carton montre, dans ‘ce 
cas là, les mêmes différences, comparée à une rondelle de métal; si 
toutes les deux sont également couvertes de noir de fumée , ou 
d’une autre poudre légère quelconque, c’est toujours le carton 
qui rend l’évaporation plus rapide. 

On peut même, par la seule épaisseur, changer toutes les dif- 
férences que donne autrement l'influence de la réflexion. J’ai 
observé plus haut, que deux carreaux, l’un de fer-blanc, l’autre 
de carton, tous les deux également couverts de suie, n’en donnent 
pas moins de très- grandes différences d’évaporation, si leurs 
épaisseurs sont égales, et que dans cette expérience l’évaporation 
sur le fer-blanc est toujours retardée; mais en augmentant l’é- 
paisseur du carton, tandis que celle du fer-blanc reste la même, 
on parvient à rendre d’abord les temps de l’évaporation égaux, 
et en augmentant toujours l’épaisseur du carton, à rendre enfin 
l’évaporation sur le fer-blanc plus prompte que n’est celle sur 
le carton, Il faut ajouter à ces faits une autre série d’expé- 
riences , dans lesquelles on exposa plusieurs corps réduits en 
poudre à la chaleur rayonnante, aprèsles avoir également couverts 
d’une couche égale de noir de fumée. Tous firent .évaporer le 
camphre dont ils étoient couverts, avec les mêmes diflérences, 
“comme s'ils avoient présenté leur surface naturelle à la chaleur 
rayonnante, L'influence de l’épaisseur dans ces poudres éloit 
on ne peut plus décidée, quand on remplissoit une des boîtes 
de carton , d’amidon , d'oxide rouge de mercure, de soufre, etc., 
et qu'on mettoit dans l’autre du noir de fumée que l’on couvroit 
seulement d'une couche de ces corps nommés de 1 ou 2 lignes 
d'épaisseur; on remarqua alors que, quoique ‘la surface et la 
-vature de ces deux poudres fussent absolument les mêmes, le 
temps de l'évaporation étoit toujours rigoureusement en raison 
inverse de l'épaisseur de la couche, qui rayonnoit moins le 
calorique que le noir de famée au dessous d’elle. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 371 


Toutes ces expériences fournissent donc des preuves évidentes, 
que la force de réflexion n’est pas le seul agent qui influe sur 
la température des surfaces ; car, ni les différens corps ne pour- 
roient alors montrer des différences notables, quand on leur 
donne la mème surface par un corps quelconque dont on les 
couvre; ni des changemens que l'on fait subir à l'épaisseur , ne 
pourroient changer et même renverser les résultats que donne 
autrement la surface. Pour déterminer tous les agens qui peuvent 
avoir de l'influence sur la force rayonnante des corps, il faut 
donc ajouter à la réflexion des surfaces la masse; car avec la 
masse augmente aussi la résistance que les corps opposent au 
calorique rayonnant ; ceci les empêche de se refroidir avec la 
même vitesse, et de prendre par conséquent, dans le mêmetemps, 
autant de nouveau calorique que les autres corps qui, facile- 
ment traversés par le calorique, se refroidissent aussi plus vite, 
et pour rester à la température que les corps environnans, re- 
goivent en même temps plus de calorique rayonnant de tous 
Tes autres corps ; ce qui prouve, en même temps, que la chaleur 
ne rayonne pas comme la lumière se répandant également sur 
tous les corps , mais qu’elle se dirige toujours vers les corps qui 
sont plus froids. 


Toutes les expériences sur le calorique rayonnant ont été faites 
jusqu’à présent entre un corps plus chaud et un autre plus 
froid, dont le premier rayonne son excès de calorique , que le 
second recoit; mais si la théorie de M. Prévost est fondée, il 
faut que ces différences existent en tout temps , quoique plus 
foibles, parce que, seJon lui, il y a des échanges de calorique, 
même entre des corps dont la température est égale. Je crois 
que les faits suivans méritent d'autant plus d’attention, qu'ils 
sont, à ma connoissance, les premiers qui confirment cette 
théorie d’une manière directe. 


Quand on soumet à l'expérience vers le soir, aussitôt que la 
température du jour commence à baisser, des boîles égales, 
l'une remplie de noir de fumée, l’autre de charbon, après les 
avoir légérement couvertes de camphre, comme à l'ordinaire, 
on trouve le même soir, ou le lendemain , selon que la quantité 
du camphre employé est plus ou moins grande, que la moitié 
au moins du campbhre est encore sur le charbon, tandis que 
celui sur le noir de fumée est tout-à.fait évaporé. On trouve 
en été que, si la chambre est fermée, les différences de tempé- 
rature sont peu considérables pendant le temps que dure l’ex- 


Bbb 2 


372 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


périence, le thermomètre descend à peine de 1 — 2— 3°, et 
souvent les différences sont encore plus légères. Quand on com- 
pare de la même manière et dans les mêmes boîtes, du noir 
de fumée et de l’oxide noir de mercure, du noir de fumée et 
de l’amidon, de oxide noir de fer et de l’oxide rouge de mer- 
cure, de la magnésie et du sulfate de soude, des cendres bien 
pures et de la cire d'Espagne , etc. , les différences de l'évapora- 
tiou, et par conséquent de la température de la surface de ces 
deux corps, mises en comparaison, sont encore plus considé- 
rables, le premier de ces deux corps étant toujours celui qui 
accélère l’évaporation, 


On obtient les mêmes résultats en comparant dans le même 
temps, du carton à du fer-blanc, ou ces deux corps également 
enduits d’une couche de noir de fumée, ou une boîte remplie 
de noir de fumée pur et une autre égale, qui renferme une 
rondelle de cire d’Espagne, ou de métal à 1 ligne au-dessous 
de la surface, En un mot, toutes les différences que présentent 
les corps exposés à la chaleur rayonnante, se relrouvent encore 
dans ce cas d’une température uniforme légérement décroissante. 
Ces résultats ne changeoïent pas, lorsque les différences de la 
température étoient si foibles qu’on pouvoit la regarder comme 
sensiblement égale pendant tout le temps que duroient les ex- 
périences, où dans quelques jours pluvieux du printemps, la 
température subit à peine quelque variation sensible, et où le 
thermomètre marqua à la fin de l'expérience le même degré qu’au 
commencement ; il fallut seulement, avoir soin que le camphre 
fût mis très-légérement sur les substances examinées, ce que je 
fais ordinairement avec la pointe d’un canif. 


* Voulant employer des moyens encore plus sûrs, pour éviter 
la chaleur rayonnante dans le sens ordinaire, dans lequel on 
ne la suppose qu'entre des corps: de température inégale, J'en- 
tourai les boîtes, mises en expérience, d’un cylindre de feuilles 
d’étain d’un brillant parfait, je le couvris d’un carreau du même 
métal, et je plaçai l'appareil sur une lame de fer-blanc bien 
poli, portée par des pieds de verre; au lieu d’un seul cylindre 
qui entouroit les deux boîtes à-la-fois, je couvris même chaque 
boîte d’un pareil cylindre séparément, et j’enfermai chacun dans 
un second cylindre semblable, qui laissoit une distance d’un 
pouce entre lui et le premier, de sorte que la grande force 
de réflexion dont jouit le métal, auroit plus que suffisamment 
détruit la légère influence que les foibles variations de la tem- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 373 


pérature de l'atmosphère, pendant la durée de l'expérience, 
auroient pu avoir; mais, nonobstant toutes ces précautions , les 
résultats furent constamment les mêmes. 


Je voulois savoir si ces différences que présentent les tem- 
pératures des surfaces, étoient accompagnées de légères diffé- 
rences de la chaleur du corps entier, de sorte que l'équilibre 
de chaleur n’eût pas été à prendre dans un sens aussi rigoureux 
qu’on lui donne ordinairement, et je m’attendois d'autant plas 
à des résultats diflérens, que M. Morozzo assure que le ther- 
momèlre à mercure marque toujours 2 à 3° au-dessus de la” 
température de Pair environnant, s’il est entouré de charbon. 
A cet effet, je me suis servi du thermomètre difiérentiel de 
M. Rumford, de la manière suivante : après avoir marqué l’index 
de l'instrument, j'entourai ses deux boules de boîtes de carton, 
dont la hauteur et la largeur étoient égales, et je les remplis 
des différentes matières que j'avois toujours employées à ces 
expériences, de manière que, si la différence de la température 
des surfaces des corps résultoit d’une véritable différence de la 
température de la masse, l'index de cet instrument sensible 
auroit dû l'indiquer; mais je n’ai jamais réussi à trouver aucune 
différence des corps les plus diflérens, uen tout le temps 
que nous désignons par équilibre de chaleur; et je suis porté à 
croire que les diflérences que M. Morozzo a trouvées, résultent 
plutôt de la lumière du jour absorbée par le charbon. 


IL faut donc admettre que, quoique les masses des corps soient 
toutes de la même température pendant l'équilibre de la chaleur, 
la température de la surface diffère néanmoins selon la nature 
de chaque corps set que cela dépend de la plus ou moinSfgrañde 
facilité avec laquelle les corps perdent la quantité de calorique 
qu'ils ont reçue. Plus la facilité avec laquelle les corps perdent 
la quantité de calorique qu’ils ont recue, plus la facilité avec 
laquelle un corps rayonne son calorique est grande , plus les 
corps environnans sont obligés de lui abandonner de leur propre 
calorique , pour rétablir l'équilibre de chaleur; d’où il suit que 
les corps recoivent toujours d'autant plus de calorique, qu’ils 
en perdent en même temps davantage, et que, leurs masses 
restant toujours à la mêmetempérature, leurs surfaces deviennent 
plus chaudes à mesure que les corps rayonnent mieux , puisque 
es surfaces sont à-/a-fois en contact avec le calorique qui sort 
du corps, et avec celui qui entre, tandis que dans la substance 
même d'un corps ce procès ne s'effectue qu’a//ernativement. 


974 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

Ce n’est que d’après des expériences très-souvent répétées, que 
je me crois autorisé à donner une série de quelques corps, selon 
eur propriété de favoriser l’évaporation des corps qu’on mettoit 
sur leurs surfaces. Leur température est décroissante selon la 
manière dont ils se suivent : y . 

Noir' de fumée, 

| Cendres, * 
»* Magnésie, 


Papier, 
Pole des plantes, 
Chaux, 
Surtartrate de potasse, 
Carbonate de plomb, 
Gummi ammonium, 
Oxide noir de fer, 
Charbon, 
Résine, 
Cire d’Espagne, 
Mirrhe, 
Limaille de fer, 
Sulfure noir de mercure, 
Soufre, 
Sulfure d’antimoine, 
Sucre, 

: Prussiate de fer, 
Acétate de cuivre, 
Sulfure rouge de mercure, 
Amidon, 

Oxide rouge de mercure. 

Au premier apperçu on voit une grande harmonie entre cette 
série et celle donnée par M. Leslie : et cela devoit être, parce 
que le rayonnement effectué, par les corps solides, est, sans 
contredit, plutôt du calorique intercepté et rayonné après par les 
corps, que du calorique les traversant immédiatement; de sorte 
que cette loi revient à cette autre, que les corps qui recoivent 
facilement le calorique, le rayonnent aussi le mieux. 

Mais, quelles sont à présent les qualités qui constituent les 
différences de la force rayonnante des corps? On sait déjà par 
les expériences de M. Leslie et d’autres physiciens, que la force 
conductrice n’y entre pour rien, et la table des corps que je 
viens d'exposer, en fournira de nouvelles preuves. Il ne paroît 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 379 


pas non plus que la combustibilité y entre pour quelque chose, 
püisque nous voyons. L. le noir de fumée, les cendres et le 
pollen précèdent les sels et les oxides, tandis que le soufre, le 
sucre et les résines viennent à la suite d’autres corps moins oxi- 
dables; l'influence de la couleur sera toujours équivoque, puisque 
avec la couleur les substances changent en même, temps; mais 
la porosité etla légéreté des corps paroissent en partie déterminer 
la force rayonnante des corps ; car nous savons, non-seulement 
que les corps gazeux eux-mêmes comme éminemment poreux , 
rayonnent aussi mieux que les corps solides ; mais nous voyons 
en même temps que les corps dont la pesanteur spécifique est 
moindre, tels que le noir de fumée, les cendres, la magnésie, etc., 
se rangent à un bout de la série, tandis que les oxides de métaux 
étant plus pesans s'approchent aussi de l’autre bout. Cependant 
il est évident que la pesanteur spécifique n’est pas la seule loi 
qui détermine la force rayonnante des corps; car les fluides, plus 
légers que la plupart des corps solides que j'ai misgen expérience, 
sont de beaucoup inférieurs à eux, et dans mes expériences, 
l'amidon est précédé par la limaille de fer, le sulfate de fer et 
le prussiate de fer : le sucre et le charbon le sont par loxide 
noir de fer, le soufre par le carbonate de plomb, etc. : ce qui 
est tout contraire à la simple influence de la pesanteur spécifique. 
Dans ces derniers cas, 1l paroïît que c’est l’élasticité qui aug- 
mente la force rayonnante; on explique de cette manière pour- 
quoi les corps liquides dont la force élastique est très-foible, 
sont aussi ceux qui ont la moindre force rayonnante, et nous 

trouvons, en même temps, que dans tous les cas où le corps 
plus lourd précède un autre plus léger, ce dernier est moins 
élastique et plus cassant; ce que nous voyons pour le sucre, 
Yamidon, l’oxide rouge de mercure étant comparés aux autres 
substances; de sorte que je suis porté à croire, si nous négligeons 
ici l'influence de la réflexion de la surface, que c’est la légéreté 


multipliée avec l’élasticité d’un corps, ce qui constitue sa force 
‘Tayonnante. 


Il est facile de concevoir l'influence de la légéreté; la masse 
d’un corps opposant toujours des obstacles au calorique qui tend 
à la traverser, il s'ensuit que les corps se refroidissent avec 
d'autant plus de rapidité qu’ils ont moins de masse, Quant à 
lélasticité, cette propriété paroît coïncider avec une certaine 
facilité d'absorber le calorique et de l’abandonner ensuite, ce qui 
té-ulte des expériences de Gough, d'après lesquelles l'élasticité 


376 JOURNAL DE PHYSIQUE; DE CHIMIE 


est entièrement due au calorique et se perd aussi avec le froid. 

Cette différence de la température des surfaces semble expli- 
quer plusieurs autres phénomènes, au nombre desquels je mets 
l’observation de M. Van-Marum; que le phosphore saupoudré 
de résine, brûle dans le vide, quand on l'enveloppe de coton, 
ce qu'il ne fait pas quand il est seul ou seulement saupoudré 
de résine sans coton. Le coton, rayonnant très-bien et élevant 
par conséquent la température de sa surface au-dessus de la 
température ambiante, plonge dans ce cas le phosphore dans 
une température plus élevée, qu’il ne pourroit se donner lui- 
même, 

On sait également que la glace et la neige ne se conservent 
pas long-temps sur des couches de charbon, se fondent sur elles 
plutôt que dans les aufres endroits, On vouloit expliquer ce 

hénomène, en l’attribuant à la lumière du soleil qui, absorbée 
par les charbons, élevoit leur température; maïs d’autres obser- 
Vations récentes, d’après lesquelles les charbons jouissent de la 
même propriété dans des endroits qui n'étoient point exposés 
au soleil, obligeoient bientôt d'abandonner cette théorie, sans 
pouvoir lui substituer une autre explication. Supposant que les 
charbons exercent cette influence, parce qu’ils rayonnent faci- 
lement le calorique, onexplique ce phénomène comme les pré- 
cédens, 


Aussi ne sont-ce pas seulement les corps noirs qui présentent 
cette élévation de température autour d’eux, car on remarque 
le même phénomène autour des troncs d’arbres et des plantes en 
général, dont les tiges font bientôt fondre la neige qui les 
entoure, de sorte qu'il se forme un creux, dans l’axe duquel se 
trouve la tige de la plante. On a supposé que la chaleur propre 
des plantes en étoit la cause ; mais le même phénomène se pré- 
senteavec la même force autour des pieux, des planches de bois, etc. 
M. Nau a également trouvé, en discutant les expériences de 
Hunter, qui tendoient à prouver la chaleur pop des végétaux, 
que des morceaux de linge, de liége, de bois de sapin, etc., 
faisoient fondre la glace, ou l'huile gelée, sur lesquelles on les 
posoit , aussi bien que des feuilles et d’autres parties des re 
si le thermomètre se trouvoit constamment au-dessous de zéro, 
Si l'on avoit soin de porter ces corps toujours à la température 
du milieu ambiant, avant de s’en servir pour l'expérience, on 
trouva que cette propriété des corps de faire dégeler l’eau, 
continua jusqu’à — 5° R. On explique ces phénomènes, inexpli- 

cables 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 377 


cables dans tout autre théorie, facilement par l'élévation de 
température qui a lieu aux surfaces de tousles corpsqui rayonnent 
bien le calorique, comine dans ces cas le bois, les feuilles , etc. 

Je crois donc avoir prouvé par ces expériences; qu'il existe 
un échange continuel de calorique entre les corps mêmes dont 
les températures sont égales, comme M. Prévost l’a indiqué le 
premier. 


La masse de calorique qui s’échange entre deux corps d'une 
température égale, est différente pour les divers corps, selon 
qu'ils abandonnent plus ou moins facilement leur calorique, ce 
qui paroît dépendre de leur légéreté et de leur élasticité. 


Il s'ensuit que les masses des corps restent fen équilibre de 
chaleur, puisque, quelles différences qu’il y ait entre la facilité 
avec laquelle ils abandonnent leur calorique , ils en reçoivent 
toujours autant qu’ils en perdent, tandis que leurs surfaces sont 
d'une température d’autant plus élevée, que les corps rayonnent 
davantage leur calorique , parce que leur température est toujours 
le multiple de la chaleur qui sort d’un corps et de celle qui 
y entre en même temps. 


Tome LXXVII. NOVEMBRE an 1813. Ccc 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


& # 
2 CENTIGRADE. d 2? 
CE CR. RS RE RC 
“| Maximum. | Minimum. |A Mint Maximum. | Minimum. . A [T2 
MIDI | 
heures. o | heures. heures. mill. | heures. mil (l CR 
1là3s. +Hi7,25là6m. + +575 OMMELE -Lebe 755,28 à LOS ER eR ee 753,16 NEA 147 
2{à midi +-17,00/à 6m. +11,50[+17,00|à midi. ....... 7od,02|4\6ineneseee 752,60|773,62| 16,5 
ECS +19,50/0 3 s. 1250 bal o 3 s....756,74 AG MERE 752,50|754304 16,9 
4|à3s. +20,50[46 # m.+412,00[+19,50|à 10 m. .:758,04[à 9 À s.. ..756,28|757,64| 17,9 
5lamidi -+23,5o[à gs. +15,50[+23,50[à 9 2s........ 758,64\à 6 £m..…..... 755,661756,72| 16,9 
6là3s. +22,00|à 6 £ m.+14,00|+21,50|à 10ZS 4000 790,22]à 104 Su... .+ 754,70 758,14 16,2 
7là midi +22,12|à 64 Lim. 14,00|422,12|à 103 s....... 754,06|à 9 m....... 751,24|752,06| 16,9 
8[à midi +-17,25)à 6m. +13,50|+#17,25 à 10m RE RE 760,26 à9 3528.38 755,561760,00| 18,6 
|| gla3s. <+17;9olà 6 in. +n8,50|+17,50|à 10 5. ..751,74)à 6% m..,.... 750,06|[750,90| 16,2 
10|à 35. “+#-17,25 A6 m.=12,00|+16,00|à sn Mes ae 7HO/QO[A ILES... 748,50|750,90| 17,6 
11|à midi +4-16,00 à gi 3 Se 11,25 +16! OO AO Se eee 752,78|à6 + m. ..744,961746,64| 17:3 
12/à midi -16,50fà 6 2 m.—+11;25 416,5 Solà fnadi. HT 759,44|à 6 3m... ee 796,60|759 44l 17,5 
|r3]à midi 20, 37|à 9: s. Hrr,56+20,37|à 61 m....... CÉPÉLPAENGE CODAENEE 751,66|753,04|, 17,7 
14jà midi 11, 15là 1045. + 5,00|+r1,15|à 104 s. SCT 757,50|à 10% im....:. 751, 6275182 ‘15,6 
15là3s. “#H12,o0[à 62m. 1,50 +11,75)à 6 à MU 755,84[à 10 s.. D cam 64 m5, 54 15,5 
16/à midi +13,50[162m. + 7,50 +-13,50|à ide cer 0 746,44|à 9 25....:... 730,30|746,44| 15,3 
171435. +14,25|à 8 ; s. +11,25|13,50 ee luc: ls 736,961à 6 3m Éd D 733,90/735,12| 15,6 
{16 à midi +12,62/à92s. + 6,00[ + 12/62 Rois... .y8040là 64 LABEL +2746,04|749;78| 19,1 
M'rolà midi —11,63)à 935. + 529| 11,684 03 $ seu. 76444/à 64 m D2 ob 751,92/7od;70| 14,2 
Hi201à3s. —r4 75h63 m.+ 3,75]412,25|à 6 I m....... 752,60 19% DOS OS 749.00|750,76| 13,5 
Mizrlà midi +13, 50o|à 9 + 3 S. + 9,00[+19,50|19%s......... 754,02|à 6 + m....... 749»22|752,72| 1551 
Mi22là 35. 16,50 à 6 & m.+10,00 +:8, Col AO Se. ee. 754,34 àa6i ÿ Meet 752,62 754,00, 15,6 
di23là midi +10,25 à 62m. +10,62 +10, 25|a 3is: et is es 0s à 63 asdbostr 754,90|756,24| 15,7 
Hi2qlà 3 s. 16,75]: ù9 s. +11,50|+17,90[à63 m.. -.754.84{à 35. se se.e701,12[753,80| 16,5 
Bl2ola midi “10,75 age. Æ 5,25l-10,75/à9#s......... 755, 56|à 6 2m....... 751,20/752,40| 14,1 
N26/à 35. + Gsyolà 7 me + 150!+ 6,12/à 64 m.......7: 5e to à 335 HORS 756,40 758,00 11,0 
H|27/à midi + 6,50jà 6m. Æ 2,75 6,50[à5s.......... TES OA IA Ne Me bia 753,04|754,82| 10,7 
Bl20|à3s. + 700! à 7m — o,50|+ 6,12fà 103 m LA #2 7 HAS T3 Se. ÉAMRET 16,754;12| 10,7 
Hi2oà3s. + 6,752 à 7m. + 3,50 6,63à95s........ 750,48|à 7 m........ -754,50| 799,32 10,0 
loola gs. E 6 88 à 7m. — 2,40|+ 6,25]à 7 m........ 00304 | A0 See eieiste 750, 56! 5,754,32| 10,6 
H|31lä midi 12,00! à 7m. + 375 =12,00|47 M... DAS ONCE 730,88! 741,30 11,2 
4! Moveunes.+714,96| + 8,35|+-14,54| 754.08! 790,64|752,76| 15,4 
RÉCAPITULATION. 
Millim, 
Plus grande élévation du mercure. .... 760,28 le 8 
Moindreélévation du mercure......... 733,90 le,37 
Plus grand degré de chaleur......... 423,50 le 3 
Moindre degré de chaleur. .... Da Sos — 2,40 le 30 
fombre de jours beaux....... 10 
de NE PTE LE) 21 
de pluie. nos: 0 21 
de AT ONE HA Hséo cree 91 
defeelé esse eee 3 
SET de Tonnerre. sc. MECS 
‘de broûillard. 12 ‘14 
dEMICILE EEE EELEEL o 


deferelérirerisicttieete 


Nora. Nous continuerons cette année à exprimer la te mpér ature au degré du thermomètre cen: 
centièmes de millimètre, Gomme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu'on 
le thermomètre de correction. A la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre 
conclus de l'ensemble des observations, d’où fil sera aisé de détente la température moyenne 
conséquent, sou élévation au-dessus du niveau de la mer. La température des caves est également 


A L'OBSERVATOIRE IMPÉRIAL DE PARIS. 


OCTOB 


7 


RE 1813. 


VARIATIONS DE LATMOSPHÈRE. 


= ET 


e |Hyc. POINTS 

a VENTS. = 
È Lo LUNAIRES. 

si LE MATIN. A. MIDI. 

1] Gt |E. \ Couvert. Couvert. Pluie, écl., tonnerre. 
2| 9415-0. P.Q.à4hs. |[Couvert, brouillard. | Zaem. Couvert. 

3| 9o| dem. Idem. Idem. Beau ciel. 

4l 96 |S-S-O: Idem. Nuageux, Couv., quclq.go.d'ea.|à 
5190 O1 - [Nuageux. "| Jldem: Quelques nuages. 

6| S9/|5-E. Idem , léger br. Légérement couv. [Couvert par interv. 

71 9618-00. fort. Pluie, tonnerre, écl. |[Couv. , par interv. Petite pluie, 

8| 74| Liem::; \ ; lPiuie, ! ) D\Très nuageux. | Puiejpaguntervalles. 
g9| 84|S-0.°- + 4 - Pie fine. r 1 joie. LES ; * “| Pluie line. 

10| 6510. P.L.àïoh4o/m.| Pluie. idem, Idem, éclairs. 

11] 76|S-0O. fort. |Lune pcrigée.. | Nuageux. Nuogeux: pee Beau ciel, 

12] 80 |S-0. Idérr. CoüVert, * ! Couvert par interv. 
13| 69 [S O. fort Petite pluie. Très-nuageux. Pluie. 
14| 73| Idem. Nuageux. Lien, pluie à 10 b.INuigeux. 

15] 7115. Beau cicl, brouillard. Beau cel. Pluie fine. 

16| &o |S-0. fort. Très-nuageux, Très-nuageux. lier. 

17| 621 Idem. P'uie par intervalles. | der. Quelques éclaircis. 
186] 76|S-0. D.Q.13h 435. Nuageux, Idem. Pluie. 

19] 65| dem. Couveit, brouillard. |Quelq. gout. d'eau.  |Beau ciel. 4 
20| 89|5-E. Ciel tioui., br.ÿros. |Légers nuages. Pluie, 1onn., éclairs.|Ë 
21| 66 |S-0. Pluie abondante, Nuageux. Beau ciel, 

22|, 91 [S-O. Nuages , à l'horizon. |Ciel trou. et lég. nua. [Nua-ex. 

23| 9o| .1dem Nuageux, brouillard.| Nuageux, Plue dans la nuit. 
24| 69 |[N-E. N.L.à6h5m.| Jdem. Idem, Petite paie. 

20] 70! Idem. Couvert, brou.humw.| dem. Beau cel: 

26] 7o| Idem for. Nuagcux, gelée blan.|Couvert. Pluie. 

27| 80 |S-O.:- Luñe apogée. | Pluie. Quelques éclaircis.  |Couvert, brouillard. 
26| 61 |[N-E. Beau ciel, brouillard: Nuageux. Pluie fine. 

29| 80IN-NE Couvert, browllard. Couvert, Bcauciel;, brouillard. 
Sol 81 [N-0. Nuages à lhor., bro. |Troubleetlég.brouil.|Couvert. 

31] 94 {S-0. fort. Couvert. Pluie, brouillard. * Pluie, 


R É CA PL TU,.L:A;T I-O:N. 
NSP MEL 


Jours dont le vent a soufflé du 


SORA 
N:0:: 


le 1° 12°,099 


CCE 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 5""35 — 2 pouces 2 lig. à dixièm. 


Therm. des caves 
le 16 12°,099 


HÉSZRITENE EE ET ET TE RE UE EE IN RE PTE 7 VS 


tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c'est-à-dire en millimètres et 
cp généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
et du thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le mazimurn er le minimum moyens, 
du mois et de l'année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoirede Paris et par 
exprimée en degrés centésimaux, afin de rendre ce Tableau uniforme, 


860 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


SECOND MÉMOIRE 


SUR 
LA DISTRIBUTION DE L'ÉLECTRICITÉ 


À LA SURFACE DES CORPS CONDUCTEURS. 


Lu à l’Institut, le 6 septembre 1813; 


Par M. POISSON (1). 


EX TR AIT. 


LEs expériences de Coulomb ont démontré que dans les corps 
parfaitement conducteurs, le fluide électrique se porté en entier’ 
à la surface, où il forme une couche très mince qui ne s'étend 
pas sensiblement dans leur intérieur. L’épaisseur de cette couche, 
sur un corps de forme donnée, ou sur plusieurs corps soumis 
à leur influence mutuelle, varie d’un point à un autre suivant 
une loi que l’analyse mathématique peut seule déterminer, Son 
application à ce genre de questions est fondée sur un principe 
général que j'ai établi dans mon premier Mémoire, et qui a 
également lieu, soit que chacun des corps que l’on considère 
soit recouvert, dans toute son étendue, par un même fluide, 
soit qu’au contraire, par suite de leur influence mutuelle, un 


() Poyez l'extrait du prémier Mémoire sur le même sujet, dans le Cahier 
de ce Journal, du mois de septembre 1813. : 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 887 


ou plusieurs d’entre eux soient recouverts en partie par le fluide 
vitreux, et en partie par le fluide résineux. Voici l'énoncé le 
plus général de ce principe: 

« Si plusieurs corps conducteurs électrisés sont mis en pré- 
sence les uns des autres ,et qu'ils parviennent à un état élec- 
trique permanent, il faudra, dans cet état, que la résultante 
des actions des couches électriques qui les recouvrent, sur un 
point pris quelque part que ce soit dans l’intérieur de lun de 
» ces corps, soit égale à zéro. » 

Si, en effet, cette force m’étoit pas nulle, elle agiroit sur le 
fluide naturel que contiennent ces différens corps ; une nouvelle 
quantité de ce fluide seroit décomposée, et leur état électrique 
«se trouveroit changé. D'ailleurs, quand cette force est nulie, on 
fait voir aisément que la couche électrique qui recouvre chaque 
corps, est en équilibre à sa surface; de sorte que notre principe 
DR ed seule condition à laquelle il soit nécessaire d’avoir 
gard. 


x vs 


On en déduit, dans chaque cas particulier, autant d'équations 
que l’on considère de corps conducteurs, et que le problème 
présente d’inconnues. Les équations, pour le cas de deux spheres, 
sont à différences variables et à dx variables indépendantes ; 
si l’on en considéroit trois ou un plus grand nombre , dont les 
centres ne fussent pas rangés en ligne droite, on seroit conduit 
à des équations du même genre, contenant trois variables id- 
dépendantes ; et l’on peut remarquer que cette espèce d'équations 


se présente ici, pour la première fois, dans les applications de 
l'analyse. 


J’ai formé, dans mon premier Mémoire, les équations relatives 

au cas de deux sphères placées à une distance quelconque l’une 
.de l’autre; et après avoir montré comment on peut les réduire 
à des équations ordinaires à différences variables-et à une seule 
variable indépendante, je me suis borné à les résoudre complè- 
‘tement dans deux hypothèses particulières : lorsque les deux 
sphères se touchent, et quand, au contraire, la distance qui 
‘ sépare leurs surfaces est très-grande par rapport à l’un des deux 
rayons. Maintenant je reprends la question où je l'avois laissée, 
et je donne les intégrales générales des deux équations du pro- 
- blème, d’abord sous forme de séries, et ensuite sous forme finie 
. au moyen des intégrales définies. Par la nature de ces équations, 
leurs intégrales contiennent une fonction arbitraire périodique ; 


362 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ce qui sembleroit indiquer que le problème est indéterminé, 
ou que la distribution du fluide électrique, dont la loi dépend 
de ces intégrales, peut avoir lieu d’une infimité de manières dif- 
férentes; mais on démontre rigoureusement que cette fonction 
_est étrangère à la question, et qu'il faut supprimer le terme qui 
la contient : en en faisant donc abstraction ; ont obtient des 
séries qui ne renferment plus que des quantités déterminées’, 
dans chaque cas, par les données de la question; et qui repré- 
sentent l'épaisseur de la couche électrique, ou, ce qui est la 
même chose , l'intensité de l'électricité, en tel point qu'on veut 
sur l’une ou l’autre surface. Excepté le cas où les deux sphères 
“sont très-rapprochées l’une de l’autre, ces séries sont très-con- 
vergentes ; et comme , d’après l'expression de leur terme général, 
elles tendent rapidement vers des progressions géométriques , 
il est facile d’en obtenir des valeurs aussi approchées qu'on le 
juge convenable. Pour en montrer l'usage, j'ai pris un exemple 
particulier : j'ai choisi le cas de deux sphères électrisées d’une 
manière quelconque, dont les rayons sont entre eux comme # 
et 3, et dont les surfaces sont séparées par un intervalle égal 
au plus petit des deux rayons. On trouvera, dans mon Mémoire, 
des tableaux qui contienneat les épaisseurs de la couche électrique, 
calculées, à moins d’un dir-millième près, en 9 points diffé- 
rens, sur chacune de ces deux sphères, savoir : aux points ex- 


trêmes qui tombent sur la ligne des deux centres, et en d’autres 


points répartis uniformément entre ces extrêmes. L’inspection 
- des tableaux suffira pour montrer si l'électricité croît ou décroît 
sur l’une des deux sphères, depuis le point le plus rapproché 
de l’autre, jusqu’au point le plus éloigné; on verra également 
si l'électricité est partout de même nature, ou si elle change 
de signe sur une même surface; et dans ce dernier cas, on 
saura vers quel point tombe la ligne de séparation des deux 
fluides. ; 
Ces’ diverses circonstances dépendront. des quantités totales 
de fluide électrique, de l’une ou de l’autre espèce, dont les 
deux sphères sont chargées ; on pourra donner à ces quantités, 


telles grandeurs et tels signes que l’on voudra; et si, par exemple, | 


on en fait une égale à zéro, on aura le cas où l’une des deux 
sphères est électrisée par la seule influence de l’autre, et l’on 
connoïîtra en méme temps l'effet de la réaction de la sphère 
influencée sur la sphère primitivement électrisée. Lorsque c’est 


-. ET D'HISTOIRE NATURELLE. 383 


la plus petite des deux sphères prises pour exemple, qui est 
électrisée par influence, la grande présente une circonstance 
digne d’être remarquée : l'électricité diminue sur sa surface, 


* depuis le point le po voisin de la petite sphère, jusqu’à en- 


viron 75° (centigrade) de ce point; puis son intensité augmente 
jusqu'au point diamétralement opposé ; de manière que l'épaisseur 
de la couche électrique, sans changer de signe sur cette surface, 
atteint son zninimumn vers le 75e degré. Au resle, en égalant 
entre elles les épaisseurs qui répondent à deux points différens sur 
une même sphère, et déterminant par cette équation le rapport 
des quantités d'électricité dont les deux sphères sont chargées, 
on pourra produire à volonté, un semblable #r7érimum, lequel 
tombera quelque part entre les deux épaisseurs rendues égales. 
Je donne, dans mon Mémoire, un second exemple de ce réni- 
un que je produis en rendant égales les épaisseurs extrêmes sur la 
petite sphère. Ce cas particulier est encore remarquable, en ce 
que l’épaisseur de la couche électrique est presque constante, 
etne varie pas d’un 2irgt-cinquième au-dessus ou au-dessous de 
la moyenne, dans toute l'étendue de la petite sphère; de sorte 
qu'elle se maintient en présence de la grande sphère électrisée, 
à peu près comme si elle n’en cpranror aucune influence; cir- 
constance due, non pas à la foiblesse de l'électricité sur la 
grande sphère, mais à une sorte d'équilibre entre son action 
sur la petite, et la réaction de celle-ci sur elle - même. On 
verra aussi que, dans ce cas, l'électricité répandue sur la grande 
surface, passe du positif au négatif, et éprouve des variations 
d'intensité très-considérables. 

. 11 seroit desirable que l’on pût comparer ces résultats du 
calcul à des expériences précises, ainsi que je lai fait dans mon 
Dre Mémoire, à l'égard des expériences de Coulomb, sur 
e contact des sphères électrisées; mais je n’ai trouvé, ni ailleurs, 
ni dans les Mémoires de cet illustre physicien, la suite d’obser- 
vations nécessaire à cette comparaison. Ces Mémoires ne con- 
tiennent qu’un seul fait qui se rapporte à l'influence mutuelle 
de deux sphères séparées; c’est le phénomène dont j'ai déjà 
parlé dans mon premier Mémoire, et qui consiste en ce que 
Si l’on a deux sphères inégales, qui soient d’abord en contactetélec- 
trisées en commun , par exemple, positivement ; que l’on vienne 
ensuite à les séparer, et que l’on observe la nature du fluide 
électrique qui afflue sur l'une et sur l’autre, au point par leque 


: 


oo % 


384 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


elles se touchoient : on trouve que ce point, dont l'électricité 
étoit nulle pendant le contact, donne , à l'instant de la sépara- 
tion, des signes d'électricité, contraires sur les deux sphéres, 
savoir , d'électricité positive sur la plus grande, et d'électricité 
négative sur la plus petite. Celle-ci subsiste jusqu’à ce que les 
deux surfaces soient à une certaine distance l’une de l’autre ; à 
cetté distance, l'électricité du point de la petite sphère , le plus 
voisin de la grande, redevient nulle, comme à l'instant du 
contact; et au-delà elle passe au positif. La distance dont nous 
parlons dépend du rapport des deux rayons; Coulomb Pa dé- 
terminée, par l'expérience, pour des sphères de diflérentes di- 
mensions; je l'ai aussi calculée, dans mon premier Mémoire, 
mais pour le cas seulement où l’un des deux rayons est très- 
petit par rapport à l’autre; et l’on a vu qu’alors le résultat du 
calcul est conforme à celui de l’observation. 11 paroît difhicile 
dé détérminer cette distance, à priori, lorsque les rayons des 
deux sphères que l’on sépare, ont entre eux un rapport donné; 
mais quand on l'aura trouvé par l'expérience, il sera toujours 
facile de vérifier, au moyen de nos formules, si à cette distance 
l'électricité de la petite sphère , au point le plus voisin de la grande, 
est effectivement égale à zéro. On trouvera, dans la suite 
de ce Mémoire, un exemple de cette vérification, faite sur 
une expérience de Coulomb, et remarquable par l'accord qu’elle 
montre entre l’observation et la théorie. 


Les séries qui représentent les épaisseurs de la couche élec- 
trique, cessent de converger, lorsque les deux sphères sont 
très-rapprochées l’une de l’autre ; pour les appliquer à ce cas, 
il a donc fallu leur donner une autre forme; et en effet, par le 
moyen de leur expression en intégrales définies, je suis parvenu 
à les transformer en d’autres séries, d'autant plus convergentes 
que la distance des deux sphères est plus petite. De cette ma- 
nière, j'ai pu déterminer cé qui arrive dans le rapprochement 
de ces deux corps, soit avant qu’ils se soient touchés, soit quand 
on les a d’abord mis en contact, et qu’on vient ensuite à les 
séparer. | 

Dans le premier cas, l'épaisseur de la couche électrique aux 
points les plus voisins sur les deux surfaces, devient plus grande 
et croît indéfiniment à mesure que leur distance diminue ; il 
en.est de même de la pression que Je fluide exerce contre l’air 
intercepté entre les deux corps, puisque cette pression, ainsi 

qu'on 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 385 
qu’on la vu dans mon premier Mémoire , est toujours propor- 
tionnelle au carré de l'épaisseur : elle doit donc finir par vaincre 
la résistance de l'air, et le fluide en s’échappant sous forme 
d'étincelle ou autrement, doit passer, avant le contact, d’une 
surface sur l’autre. Ce fluide, ainsi accumulé avant l’étincelle, 
est de nature différente et à peu près d’égale intensité sur les 
deux sphères ; si elles sont ‘électrisées, l’une v2#reusement et 
l’autre résineusement, ilest vitreux sur la première et résineux 
sur la seconde; mais quand'elles sont toutes deux électrisées de 
la même manière, et, par exemple; positivement, la sphère qui 
contient moins de RE qu’elle n’en doit'avoir dans le contact, 
devient négative au point où se prépare l’étincelle, et, au con- 
traire, celle qui en contient plus qu’elle n’en doit conserver, 
reste positive dans tonte son étendue. . 


Les phénomènes ne sont plus les mêmes dans le second cas, 
c’est-à-dire, lorsque les deux sphères se sont touchées et qu’on 
les a ensuite un tant soit peu écartées l’une de l’autre. Le rapport 
qui existe entre les quantités totales d'électricité dont elles sont 
chargées, fait -disparoïtre, dans l'expression de l'épaisseur , le 
terme qui devenoit infiniment grand pour une dislance infini- 
ment petite : l'électricité des points les plüs voisins sur les deux 
surfaces, est alors très-foible pour de très-petites distances; elle 
décroît avec ces distances, suivant une loi que j'ai déterminée; 
son intensité est à peu près la même sur les deux sphères; 
mais quand elles sont inégales, cette électricité est positive sur 
l’une et négative sur l’autre, et c’est toujours sur la plus petite 
qu’elle prend un signe contraire à celui de l'électricité totale; 
résultat entièrement conforme à l'expérience de Coulomb que 
lai citée plus haut, et qui fournit une confirmation importante 
le la théorie des deux fluides. Quand les deux sphères sont 
fgales, l'électricité, pendant le contact et après la séparation, 
se distribue de la même manière sur l’une et sur l’autre; il est 
naturel de penser que, dans ce cas, le fluide est de même nature 
sur toute l'étendue de chaqué surface, quelque petite que soit 
la distance qui sépare les deux sphères : c'est, en effet, ce 
qu'on déduit de nos formules, en y supposant les deux rayons 
égaux. 

J’ai aussi considéré ce qui arrive, dans le rapprochement des 
deux sphères, aux points les plus éloignés sur leurs surfaces, 
On trouvera, dans mon Mémoire, des formules qui expriment, 
pour des distances très-petites, les quantités d'électricité relatives 


Tome LXXV II. NOVEMBRE an 1615. Ddd 


366 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


à ces points; elles montrent que l'épaisseur de la couche élec- 
trique qui leur correspond, tend vers une limite constante, à 
mesure que les deux sphères se rapprochent, et que cette limite 
est l’épaisseur qui auroit lieu aux mêmes points, à l'instant du 
contact. Ces mêmes formules font voir en même temps que 
la quantité qu’elles représentent, converge, en général, très-len- 
tement vers sa limite; de sorte que, pour des distances extré- 
mement petites , l'électricité des points les plus éloignés sur les 
deux surfaces, diflère encore beaucoup de ce qu’elle sera dans 
le contact, ou après l’étincelle; d'où nous pouvons conclure que 
l'étincelle, quand elle a lieu à une distance sensible, change 
la distribution du fluide électrique, dans toute l’étendue des 


deux surfaces, et jusqu'aux points diamétralement opposés à 
ceux où elle se produit. 


(ET D'HISTOIRE NATURELLE. 387 


MÉMOIRE 


SUR 


QUELQUES EXPÉRIENCES ET OBSERVATIONS 


Sur les Substances produites dans différens procédés chimiques, 
sur le Spath fluor; 


Par Sir Humpury DAVY. 


Zu devant la Société royale de Londres, le 8 juillet 1815. 


EXTRAIT des Transactions Philosophiques. 


Dans un Mémoire que je lus, en 1808, devant la Société 
de Baker, je rendois compte d’une expérience sur la combustion 
du potassium dans le gaz acide fluorique silicé; expérience dans 
laquelle le gaz fut absorbé , et où il se forma une substance 
d’une couleur fauve , qui entra en effervescence avec l’eau , 
laissant après son action sur ce fluide, un résidu qui brüloit 
chauffé dans l’oxigène, en reproduisant le gaz acide fluorique 
silicé. Je conclus de ce phénomène, que le gaz acide se décom- 
posoit dans ce procédé, que l’oxigène en étoit probablement 
séparé par le potassium, et que la substance combustible étoit 
un composé de bases fluoriques et silicées. 

L'expérience de la combustion du potassium dans le gaz 
acide silicé fluorique, a été aussi faite par MM. Gay-Lussac et 
Thenard, avant que j'eusse publié aucun Mémoire de mes re- 
cherches sur ce phénomène. 11 présentoit certainement une des 
applications les plus communes du potassium, et plusieurs autres 
chimistes furent convaincus, ainsi que moi, qu’on auroit pu 


faire cette expérience immédiatement après la découverte de 
ce métal. 


Ddd 2 


388 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


MM. Gay-Lussac et Thenard conclurent , comme moi, que 
le gaz acide étoit probablement décomposé durant l’action du 

otassium sur l'acide fluorique silicé; mais leurs vues générales 
difiéroient des miennes, én ce qu'ils supposoient qu'aucune partie 
de la matière inflammable ne dérivoit du siliceux, et en ce 
qu’ils raisonnoient aussi avec beaucoup plus de circonspection 
sur ces phénomènes. 


A l’époque où je tirai mes conclusions, je ne connoissois pas 
la véritable nature de l’acide muriatique. Après avoir essayé 
envain de décomposer le gaz oxi-muriatique , et trouvé que les 
composés de cette substance avec le phosphore, le soufre et 
les métaux, se combinoient avec l’ammoniac sans aucune décom. 
position, et donnoieut des composés dans lesquels il étoit im- 

ossible de découvrir de l’oxigène , je fus forcé de reconnoître 
ARTE existante entre les composés oxi-muriatiques et fluo- 
riques, et commençai dès-lors à douter de la justesse de mes 


* 


opinions relativement à la nature de l'acide fluorique. 


Je fis une expérience sur les quantités comparatives du fluate 
de chaux formé en volumes égaux de gaz acide fluorique silicé, 
sur l’une desquelles j'avois fait agir le potassium, et que j'avois 
exposé ensuite à la solution d’amnioniac, tandis que l’autre fut 
absorbée par la solution d’ammoniac ; et je trouvai la proportion 
du fluate calcaire, d’un tiers à peu près plus considérable que 
dans le dernier cas. Ce résultat parut d’abord favoriser ma 
première opinion, savoir : que l'acide renfermoit une base par- 
ticulière inflammable séparée par le potassium, et existante dans 
la substance combustible indissoluble dans l’eau; mais cette 
opinion ne peut pas être regardée comme décidant la question, 
En effet, il mé sembloit possible que cette substance fût le 
silicium, ou la base siliceuse unie à une proportion du principe 
fluorique, beaucoup plus petite que celle existante dans l'acide 
fluorique silicé. : 

Dans le temps où je faisois ces recherches, je recus de Paris, 
de M. Ampère, deux lettres contenant des argumens ingénieux 
et neufs, en faveur de l’analogie existante entre les composés 
muriatiques et fluoriques. M. Ampère me fit part de ses idées 
de la manière la plus obligeante. Elles étoient une conséquence 
des miennes sur le chlorine, et appuyées de raisonnemens tirés 
des expériences de MM. Gay-Lussac et Thenard. 


Avant d'entrer dans le détail des recherches qui font espérer 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 389 


de jeter un certain jour sur la nature des composés fluoriques, 
je dois décrire les substances provenant du spath fluor, subs- 
tances qui ont été le principal objet de mes expériences, et 
rendre comple des opinions hypothétiques que l’on, peut s’en, 
former. Ho nent: 

La première de ces substances est le gaz acide fluorique’silicé, 
découvert par Scheele, et que Priestley a_ examiné dans son 
état pur. Elle se formé en chauffant un’ mélange de spath: 
fluor, de verre pulvérisé et d'acide sulfurique. C’est un fluide 
élastique très-pesant, sa pesanteur spécifique étant à peu près 
quarante-huit fois aussi forte que celle de l’hydrogène. D’après 
M. John Davy, mon frère, elle donne uné quantité de silice: . 
égale à 25% de son propre poids, par son action sur l’eau ; et 
une quantité égale à 614 de son poids, par son action sur la 
solution d’ammoniac. Elle condense deux fois son volume d’am- 
moniac, et donne un sel solide volatil lorsqu'il est dégagé d’eau 
sans décomposition. 


TLacide fluorique liquide est la seconde de ces substances. 
découverte par Scheele, mais obtenue d’abord dans sa forme 
pure, par MM. Gay-Lussac et Therard. On l’obtient en chauffant. 
lâcide sulfurique concentré et le spath fluor pur dans des re- : 
tortes d’argent ou de plomb, et en en recevant le produit dans 
des récipiens formés des mêmes métaux artificiellement refroidis. 
Cette substance est très-active, et il faut l’examiner avec la 
plus grande précaution. Sa pesanteur spécifique, d’après mes 
expériences, est de 1,060a (r). Mêlée avec l’eau, elle pro- 
duit un degré élevé de chaleur; et tel est son degré d'attraction 
pos l’eau, qu’elle devient plus dense combinée avec ce fluide. 

n ajoutant de l’eau en petite quantité à l'acide fluorique li- 
que pur, j'ai trouvé sa pesanteur spécifique augmenter gra- 

uellement jusqu'à 1,25. C'est, je crois, la seule substance connue 
qui ait cette propriété. 

La troisième substance est le gaz acide fluo-borique, découvert 
par MM. Gay-Lussac et Thenard. On l’obtient en chauflant for- 
tement dans un tube de fer, un mélange d’acide boracique des- 


(2) A moins qu’elle ne soit distillée à travers des tubes et dans des vaisseaux 
d'argent pur, sa pesanteur spécifique est plus forte ; elle dissout aisément 
V’étain , lentement le plomb. Long-temps conservée dans des vaisseaux d’argent 
pur , elle conserve une petite portion de ce métal. 


390 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


séché et de spath fluor, ou en chauffant doucement dans une 
retorte de verre, un semblable mélange avec l'acide sulfurique. 
Sa pesanteur spécifique est plus de trente-deux fois aussi forte 
que celle de l'hydrogène ; elle donne un sel solide volatil hors 
dé la décomposition, en condensant son volume d’ammoniac, 


Le sel d'ammoniac dissous dans l’eau et distillé, donne de l’acide 
de borax. 


Les phénomènes les plus importans du changement chimique 
dans lequel ces ‘substances opèrent, et que l’on peut supposer 
devoir jeter du jour sur leur nature, c’est leur action sur le 
potassium et sur d’autres métaux. On a déjà rapporté l’action du 
potassium sur le gaz acide silicé. MM. Gay-Lussac et Thenard en 
chauffant le sodium et le potassium dans du gaz acide fluo- 
borique , ont obteuu du fluate de potasse ou de soude, et la 
base de l'acide de borax; et en exposaut le potassium à l’acide 
flaorique liquide, leurs résultats ont été de l'hydrogène et du 
fluate acide de potasse. 

Pour suivre les analogies, on peut imaginer trois hypothèses 
sur la nature des combinaisons fluoriques. Dans la première , qui 
est généralement adoptée, le gaz acide fluorique silicé est sup- 
posé de la silice et un acide particulier, composé lui-même de 
matière inflammable et d’oxigène ; le gaz acide fluo-borique, un 
composé d’acide boracique et du même acide; et RE ds 
rique liquide est composé avec un acide. 

Dans la seconde hypothèse à laquelle j'ai fait allusion au com- 
mencement de ce Mémoire, et que M. Ampère a adoptée, 
l’acide fluorique silicé est regardé comme composé d’un principe 
particulier indécomposé, analogue au chlorine et à l’oxigène uni 
à la base de la silice ou du si/icum; l’acide fluo-borique le même 
principe uni au boron ; et l'acide fluorique liquide pur, comme 
ce principe uni à l'hydrogène. L 

Dans la troisième hypothèse, probablement imaginée et 
formée, par les disciples de lécole Phlogistique de Chimie, 
l'acide fluorique liquide est considéré comme un corps indé- 
composé ; et les métaux, ainsi que les corps inflammables , 
comme des composés, des bases inconnues avec l'hydrogène. 
Dans cette supposition, le gaz acide fluorique silicé doit être 
regardé comme un acide fluorique avec la base du silicum, 
et le gaz acide fluo-borique , comme un composé d'acide 
fluorique, et la base de boron, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 591 


En examinant attentivement les différens faits avancés par 
Scheele, Gay-Lussac et Thenard, John Davy et moi, on trouvera 
qu'il faut admettre l’une ou lautre de ces hypothèses; néanmoins, 
comme dans tous les cas émis en avant, la plus simple action 
chimique des autres corps sur les substances fluoriques, ne produit 
qu'une nouvelle forme de matière, on ne peut pas, quant à 
présent, expliquer les phénomènes sans se Jeter dans le dédale des 
suppositions. 

Il n’est pas aisé, d'après de simples expériences, d’assurer 
laquelle de ces hypothèses est la vraie. En admettant le raison- 
nement strictement analogique, on voit qu’il est beaucoup plus 
conforme à la série générale des faits chimiques. 

Les acides qui, d’après des expériences directes de décom- 
position par la chaleur, sont reconnus pour être composés d’oxi- 
gène, de base et d’eau, tels que les acides nitriques et sulfu- 
riques , les plus forts, lorsque l’ammoniac agit dessus, donnent 
de l'humidité, ce qui se prouve aisément en leur faisant ab- 
Sorber le gaz d’ammoniac dans des retortes de verre, et en 
chauffant doucement le mélange lorsque l'eau paroît immé- 
diatement. Frappé de cette idée, j'imaginai que si l'acide fluo- 
rique liquide étoit un composé d’eau , de bases inflammables et 
d’oxigène, que l’eau devoit être produite lorsque cet acide se 
combine avec l’ammoniac. Il n'étoit pas possible de faire cette 
expérience dans des vaisseaux de verre, attendu que l'acide agit 
avec une grande violence sur le verre. et qu’il produit un gaz 
acide fluorique silicé. En conséquence j'eus recours à un appareil 
de platine, Je remplis d'acide fluorique liquide pur un petit vase 
de platine, que j’introdusis dans un tube de platine parfaitement 
adapté à un gazomètre mercuriel rempli d’ammoniac. L’extré- 
mité du tube de platine étoit bouchée par un fouloir de cuivre 
et une communication ‘pratiquée entre l’ammoniac et l'acide 
fluorique. L'ammoniae fat graduellement absorbé en produisant 
de la chaleur; et des fumées blanchâtres s’élevèrent parfois du 
récipient du gaz, ensorte que de temps à autre il fut nécessaire 
d’intercepter la commun;cation; je donnai du gaz d’ammoniac 
on Ltd ce qu'il n’y eût plus d'absorption. Le tube refroidi et 

e louloir retiré, }examinai le résultat. L'intérieur renfermoit 
une masse cristalline blanthe, mais sans aucune apparence de 
fluide (r). Je mis gn tube de cuivre poli, refroidi à l’aide de 


———_—_—_—_—_—_—__…——_—_—_————— 


(1) Il est nécessaire d'employer pour cette expérience, de l’acide fluorique 


2 JOURNAL DE, PHYSIQUE, DE CHIMIE 


RL. 
_la glace, sur le tube de platine , et le chauffai doucement, jusqu'à 
ce que le sel eût commencé à se sublimer ; mais Je ne trouvai 
aucune humidité condensée dans le tube froid de cuivre. 
Cette expérience n'est pas favorable à l'opinion d’après la- 
quelle l'acide fluorique liquide contient de l’eau ; et le résultat 
‘Suivant ne milite pas davantage en faveur de celle qui lui donne 
une, bäse inflammable jointe à l’oxigène. J'introduisis dans un 
vase de platine, du fluate d’'ammoniac solide et parfaitement 
sec, ayec .une quantité égale de potassium; et je chauflai le 
vase dans un petit tube de verre joint à l'appareil mercuriel. 
Une violente/action eut lieu; le gaz se dégagea avec beaucoup de 
force , et il resta pendant quelque. temps obscur. J’appliquai la 
chaleur jusqu'à ce que le tube fût rouge; l'ayant laissé refroidir, 
j'examinai les résultats. Beaucoup de matière blanche qui n’étoit 
autre que du fluate.de potasse, avoit été emportée par la vio- 
lence de la, chaleur du vase de platine renfermé dans le tube de 
verre, : un peu de potassium. s’étoit sublimé. dans le tube, Le 
vase contenoit une portion considérable de potassium, et une 
matière saline qui avoit tous les caractères du fluate de potasse, 
Le gaz dégagé étoit composé d'ammoniac et d'hydrogène, dans 
la proportion: de deux.à un; mais cette expérience. ne,peut,pas 
être regardée. comme, décisive, parce que je ne pris pas toules 
les précautions nécessaires pour, sécher, le mercure. 109 
En conséquence, si l’oxigène eût existé combiné avecune base 
inflammable :dans 1e fliate-d'ammoniac, il a dû être séparé , 
où du moins avoir formé: une nouvelle combinaison pendant 
l'action du potassium, sur le fluate d'ammoniac; ce qui arrive 
avec les sels d'ammoniaäc-qui contiennent des acides dans lesquels 
l’oxigèue est un élément. Ainsi le nitrate d’ammoniac sur lequel 
on à fait agir le potassium, donne, comme je l'ai vu, del’azote 
et de l'ammoniac; et le soufre est en partie dégagé, el en‘partie 
nouvellement. combiné ‘pendant l’action du polassium en excès, 
sur -le sulfate, d’arnimomiae. | 
? L'action du potasium'sür le’ fluate d'ammoniac est précisé: 
ment semblable à son''action sur le muriatéid’amimoniac, .dans. 


Æ l al 


IDSTISIIIT LT Ts loliien lt Ji 21014 n et) | 


liquide pur, c’est-à-dire celui qui a la moindre pesanteur spécifique. La pre+ 
mere fois que je la is, j'obtins de l’humidiré{/ Je netla dus qu'en formant 
l'acide hydro-fluorique , par -le-moyen d'acide sufurique -qui-n'ayant-pas* 
boulli auparavant ; devoit contenir plus, d'une proportion d'eau. 4 3.3 [1 (1) 

Î (4 117 x 4 - : à 
laquelle 


sadstii CHE 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 393 
Jaquelle , ainsi que je l’ai trouvé d’après des expériences multi- 
pliées, l’ammoniac et l'hydrogène sont dégagés l’un et l’autre 
dans la proportion de deux à un, et dans laquelle se forme le 
muriate de potasse ( potassane). 


Tous les hydrates, tels que celui-ci, toutes les substances qui 
renferment des proportions définies d'eau, unies aux acides, 
aux alcalis, ou aux oxides qui sont fluides, ou susceptibles de 
devenir fluides par la chaleur, lorsqu'on les soumet à l’action 
chimique de l'électricité voltaïque, subissent une décomposition, 
et leurs principes inflammables, soit purs ou combinés avec 
une plus petite proportion d’oxigène , sont dégagés à la surface 
négative dans le circuit, et leur oxigène à la surface positive. 
Ainsi l’acide sulfurique donne du soufre et de l'hydrogène à 
la surface négative, l'acide hydro-phosphoreux , de l’hydrogène 
phosphoretté et du phosphore; enfin lacide nitrique, du gaz 
nitreux; ei tous ces corps abandonnent l’oxigène à la surface 
positive. % . 

J’entrepris d’éleêtriser acide fluorique liquide pur. Cette ex- 
périence mm'ofiroit d'autant plus d'intérêt, qu’elle paroît présenter 
la méthode la plus probable de constater la véritable nature de 
cette substance; mais des dificultés considérables se rencon- 
troient dans l’exécution de ce procédé. L’acide fluorique liquide 
détruitgimmédiatement le verre et toutes lesg substances ani- 
males et végétales; il agit sur tous les corps qui contiennent 
des oxides métalliques ; et à l'exception des métaux, du charbon 
de bois, du phosphore, du soufre, et de certaines combinaisons 
de chlorine, je ne connois pas de substances qu'il ne dissolve, 
ou qu'il ne décompose promptement. 

J’essayai de faire des tubes de soufre, de muriate de plomb 
et de cuivre renfermant des fils de métal à l’aide desquels cette 
substance pût être électrisée; mais mes tentatives à cet égard 
furent sans succès. Je parvins néanmoins à percer un morceau 
dargent corné, de manière à pouvoir fixer en dedans un fil 
de platine. Au moyen d’une lampe à esprit que je renversai 
dans un vase de platine rempli d'acide fluorique liquide, je 
vins à bout de soumettre le fluide à l’action de l'électricité, 
de manière à pouvoir ramasser dans des expériences successives, 
le fluide élastique qui auroit été produit. En opérant de cette 
manière avec un très-foible appareil voltaïque, et en le tenant 
froid au moyen d’un mélange glacé, je me suis assuré que le 
fil de platine au pôle positif, éioit promptement corrodé, et 


Tome LXXV/ II. NOVEMBRE an 1613. Eee 


à \ 
394 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


qu'il se couvroit d’une poussière couleur de chocolat. La matière 
gazeuse étoit séparée au pôle négatif. Jamais je n'ai pu l'obtenir 
ea quantité suffisante pour l'analyser avec exactitude; mais elle 
s’enflammoit comme l’hydrogène. Aucune autre matière inflam- 
mable ne fut produite lorsque Pacide étoit pur. | 


Dans la circonstance où l'acide avoit été condensé dans un 
tube de plomb dont la soudure renfermoit de l'étain, 1l se 
sépara à la surface négative une grande quantité de poussière 
d’une couleur obseure , et qui paroissoit être un mélange d’étain 
et de subfluate. Chauffée dans l’air, la poussière brûla, et, traitée 
par la potasse et l'acide sulfurique, elle donna des fumées 
fluoriques, 

J’essayai d'électriser l'acide fluorique liquide en appliquant la 
plombagine à la surface positive , mais cette substance fut promp- 
tement détruite; un subfluate de fer se déposa sur la surface 
négative, et la liqueur devint trouble et noire. Lorsqu'un mor- 
ceau de’ charbon attaché par son extrémité à un fl de platine, 
eut été rendu positif, ses effets furent sembläbles à ceux produits 
par un fil de platine seul ; en eflet, l'acide pénétra promptement 
à travers les pores du charbon, et le platine devint en consé- 
quence un point de contact avec le fluide. 


J’appliquai les grandes batteries de Volta, de l’Institut royal, 
à l'acide fluorique liquide, de manière à en tirer des égincelles. 
Dans celte circonstance, le gaz paroissoit être produit par les 
surfaces positives et négatives ; mais il est seulement probable 
que l'acide indécomposé devenu gazeux, s’étoit développé à la 
surface positive; car pendant l'opération le fluide devint très- 
chaud, et diminua promptement. L’atmosphère environnante 
étoit tellement remplie des fumées de l’acide fluorique, qu'il 
fut extrémement difhcile d'examiner les résultats de ces expé- 
riences. L'action dangereuse de ces fumées a été décrite par 
MM. Gay-Lussac et Thenard, et j’ai beaucoup souflert de leurs 
effets dans le cours de cette recherche. En m'y exposant dans 

‘leur état non-conducteur, j'éprouvai du mal sous les ongles des 
doigts, et une sensation encore plus douloureuse, lorsqu'au bout 
de quelques heures elles venoient frapper mes yeux. 

Les phénomènes de l’électricité de Volta sur l'acide fluorique» 
ne prouvent point qu'il contienne une substance combustible 
particulière et de l’oxigène; et la manière la plus simple de les 
expliquer, c’est de supposer l'acide fluorique, ainsi que l'acide 


De. > 


7) rasmrs 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 395 
uriatique composé d'hydrogène et d’une substance jusqu'ici 
inconnue, dans une forme possédant, comme l’oxigène et le 
chlorine, l'énergie électrique négative, et de là déterminée à sa 
surface positive , et fortement altérée par les substances mé- 
talliques. ° 


Cette opinion est beaucoup plus conforme à l’ordre général 
des faits chimiques et électriques , que la troisième hypothèse dont 
je viens de parler. . 

En regardant les métaux comme des composés d'hydrogène, 
il est néanmoins possible de concevoir que l'hydrogène peut être 
produit par le métal positivement électrisé , au moment où l'acide 
se combine avec sa base positivement électrisée; et que cet hy- 
drogène peut-être transféré à la surface négative; mais cette 
supposition en admet une infinité d’autres, et les résultats de 
l'électrisation de l'acide sulfurique sont analogues à la plupart 
des résultats de l'électrisation de l’eau et de l'acide muriatique, 
qui l’un et l’autre sont démontrés, d’après l'analyse et la syn- 
thèse, être des composés d'hydrogène ; et dans la décomposition 
électrique de ces corps, leur élément caractéristique est géné- 
ralement combiné avec la surface métallique positive. 

Dans un Mémoire lu à la Société de Baker en 1810, j'ai rendu 
compte de l'action du potassium sur la silice pure. Dans ce 
procédé, le potassium acquiert de l’oxigène et une substance 
coMbustible composée de la base de silice, ou bien la base de 
la silice y paroït combinée avec le potassium. En supposant le 

az acide fluorique silicé composé de cette base et du principe 
fete il est aisé d’expliquer l’action du potassium sur lui, 
ainsi que les phénomènes compliqués occasionnés par l’action 
de l’eau, des acides et de l’oxigène sur les résultats de cette 
action. Le potassium doit être concu comme attirant une partie 
du principe fluorique de la base siliceuse, où comme formant 
n composé triple, capable de reproduire le gaz acide fluorique 
Silicé, en conséquence de la combinaison d’une partie du po- 
tassium et de la base siliceuse avec dues a cette opinion, 
la cause de la perte apparente du principé fluorique dans les 
expériences sur l’action de l’ammoniac, sur le produit de la 
combustion du potassium dans le gaz acide fluorique silicé, se 
présente naturellement. 4 


En admettant ensuite, d’après l’analogie avec le chlorine, que 
les différens composés fluoriques sont composés de corps inflam- 
Fee 2 


3,6 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


mables unis à un principe particulier, il s'ensuit que toutes les 
tentatives qui ont pour but de décomposer les acides fluoriques 
par les substances combustibles, ne peuvent donner d’autres ré- 
sultats, que celui d’occasionner de nouvelles combinaisons du 
principe fluorique; et la seule méthode qui semble propre à 
obtenir ce principe pur, après qu’il a échappé Re la décom- 
position électrique, c’est l’action de l’oxigène ou du chlorine sur 
quelques-uns de ses cor:posés. Le chlorine dans certaines cir- 
constances, est détaché de lhydrogène par l’oxigène; et dans 
un grand nombre de cas l’oxigène est détaché des métaux par 
le chlorine, Il est done probable , selon moi, que’ dans quelques 
procédés, le principe fluorique peut être séparé des bases, soit 
par le chlorine , soit par l’oxigène. 

Dans le choix des composés pour des expériences de cette 
espèce, je fus guidé par les attractions relatives des acides fluo- 
rique et muriatique, du chlorine et de l’oxigène. L’argent corné 
et le calomel, ainsi que le muriate de potasse ne sont pas dé- 
composés par lacide fluorique ; mais le fluate ses ou de 
mercure et de potasse, se décomposent aisément par l'acide mu- 
riatique. J'imaginai, en conséquence , que le principe fluorique 
seroit également chassé des fluates secs d’argent, de mercure 
et de potasse, par le chlorine. 


Je fis quelques fluates purs d'argent et de mercure, en dis- 
solvant les oxides de ces métaux dans l'acide fluorique, et,je 
les chauflai dans de petits vases de platine. Beaucoup d'acide 
fluorique fut chassé dans ce procédé, que je continuai dans le 
cas où J’opérois sur le fluate de mercure, jusqu’à ce que lesel 


eût commencé à se sublimer, et dans l’expérience du fluate 


d'argent, jusqu’à ce qu’il devint rouge. 

Les sels desséchés furent introduits en petites quantités dans 
des retortes de verre qui furent épuisées et remplies ensuite de 
chlorine pur. La partie de la retorte en contact avec le sel, 
fut chauflée graduellement jusqu’à la rongeur. Bientôt après, une 
violente action eut lieu, le fluate de mercure se changea rapi- 
dement en sublimé$corrosif, et le fluate d'argent devint beau- 
coup plus lentement argent corné. En examinant les résultats, 
Je trouvai que dans l’un et l’autre cas il y avoit eu une absorp- 
ton considérable de chlorine, et une production de gaz acide 
fluorique silicé et de gaz oxigène. 


Je répétai les mêmes expériences avec les mêmes résultats, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 397 


sur des fluates secs de potasse et de soude. Par l'action d’une 
chaleur rouge, ils se convertirent lentement en muriates avec 
absorption de chlorine, production d’oxigène et de gaz acide 
fluorique silicé, la retorte étant corrodée jusqu’au col, 

L’explication naturelle de ces phénomènes, c’est qu'ilyaunprin- 
cipeparticulier, que la matière acidifiante de Pacide fluorique com- 
binée avec les métaux, en est chassée par l'attraction du chlorine, 
et que ce principe venant en contact avec le verre, le décom- 
pose par son atiraction pour le silicium et le sodium, et les 
sépare de l’oxigène avec lesquels ils éfoient combinés. 

J'ai fait diflérens essais pour obtenir le principe fluorique 
dans un état pur. J’ai fait chauffer des fluates de potasse et 
de soude dans des vases de platine, dans un tube de platine 
joint à un vaisseau rempli de chlorine. Dans ce cas, les fluates se 
convertirent en muriates, avec une augmentation considérable 
de poids dans le vase. Le platine agit avec force dessus et 
le couvrit d’une poussière d’un brun-rougef're; et dans l’expé- 
rience où j’employai le fluate de potasse, il se forma un com- 
posé de fluate de platine et de muriate de potasse. 


Il y eut une absorption considérable de chlore, mais il ne 


fut pas possible de découvrir une nouvelle matière gazeuse dans 
le gaz qui étoit dans le tube. 


J’essayai d'obtenir le principe fluorique pur, en décomposant 
les fluates dans un tube d'argent, maïs je ne réussis pas mieux. 
Le chlorine et le principe fluorique agirent l’un et l’autre sur 
l'argent, et parvinrent à le dissoudre promptement. J’employai 
des tubes de verre enveloppés d’un réseau de cuprane et d’ar- 
gentane, sur lequel je présumois que le principe fluorique n’auroit 
pas d'action pour décomposer le fluate d’argent par le chlorine; 
mais au degré de chaleur requis pour décomposer les sels fluo- 
riques, les muriates furent toujours en fusion, le verre agit 
dessus avec violence , et le gaz acide fluorique se forma. 


Dans une expérience oùle fluate de potasse avoit été chauffé 
dans un vase et dans un tube de platine, dans lequel on avoit 
fait couler du muriate de potasse, pour garantir, autant que 
possible, l'intérieur de fraction du principe fluorique , le gaz, 
lorsqu'il se fut dégagé dans l’intérieur, eut une odeur particu- 
lière différente de celle du chlorine qui formoit certainement la 
plus grande proportion de la matière élastique , odeur extrè- 
mement désagréable; et son action sur l’air produisoit des fumées 


398 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


blanches. Une portion de ce gaz jetée dans un récipient de verre, 
sur le mercure mis en action sur le verre, et du gaz acide 
fluorique silicé furent produits. Cependant en examinant le vase 
de platine, il se trouva corrodé, et une poussière d’un brun- 
rougeâtre s’éloit formée. 

. Dans le cours de ces expériences, je fis différens essais pour 
détacher l'hydrogène de l'acide fluorique liquide par l’action de 
l’oxigène et ‘du chlorine, Il ne se décomposa ni en passant à 
travers d’un tube de platine chauflé, jusqu'à la rougeur, avec le 
chlorine , mi distillé des sels contenant une abondance d’oxigène, 
ni de ceux renfermant une grande quantité de chlorine. 

Je distillai les fluates de mercure et de plomb avec le phos- 
phore et le soufre, dans l'espoir d’obtenir des composés du prin- 
cipe fluorique avec le phosphore et ie soufre. Dans toutes les 
expériences de cette espèce, une décomposition eut lieu, ainsi 
qu'une aclion violente sur les tubes de verre ; et il se forma des 
sulfures et des phosphures. Lorsque j'employai des tubes enduits 
de soufre, la décomposition fut moins parfaite; mais de petites 
quantités d’un fluide limpide se condensèrent dans une partie 
du tube refroidi par la glace, dans les expériences où j’employai 
soit le soufre##0it le phosphore. Ce fluide a l'apparence de l'acide 
hydro-fluorique, et s'évapore promptement en fumées blanches. 
Ces substances sont-elles celle qui a obtenu son hydrogène des 
corps inflammables , ou des composés de soufre et de phosphore 
avec le principe fluorique? C’est ce que je ne puis pas assurer; 
mais. la première opinion me paroît la plus probable. 

Lorsque je chautiai fortement dans l'air, du fluate de plomb 
et du charbon de boïs réduit en poussière 1rès-fine, le plomb 
se revivifia et des fumées blanches furent produites. Il est pro- 
bable , selon moi, que dans ce cas un composé de fluôrine et 
de charbon se soit formé; mais en répétant l'expérience dans 
un vaisseau de platine étroit, aucun changement n’eut lieu. Ce 
phénornène dépendoit donc évidemment de la présence de l'hy= 
drogène dans la vapeur de l'atmosphère, ou dans la flamme de 
la lampe à esprit, à l’aide de laquelle cette expérience fut faite: 
J'ai trouvé dans les mêmes circonstances, le muriate d’argent 
décomposé et l'argent produit. 

De la série générale des résultats que je viens d'établir, il 
paroît raisonnable de conclure, que dans les composés fluoriques 
il existe une substance.particulière possédant de fortes attractions 
pour les corps métalliques et pour l'hydrogène, laquelle, com 


ee 


+ 


7 “ee 


ET D'HISTOIRE NATURELLE 1 399 


binée avec certains corps inflammables, forme des acides par- 
Uculiers, et qu’en conséquence de ses fortes affinités, et de ses 
agences lentement décomposantes, il est très-diflicile d'examiner 
dans son état pur, et que, pour ne point employer de circonlo- 
cutions, je désignerai, d’après M. Ampère, sous le nom de 
Jluorine. 

D’après les expériences que j'ai faites sur la composition des 
combinaisons fluoriques, expériences que j'ai eu l'honneur de 
mettre à l'instant sous les yeux de la Société, il paroît que le 
nombre représentant la: proportion définie dans laquelle se com- 

ÿue la fluorine, est de moitié moindre que celle dans laquelle 
lé Chlorine se combine; et que les hydrates,.en devenant fluates, 
perdent de leur poids; de manière que dans l’opinion générale- 
ment reçue de l’existence dun acide particulier dans les fluates, 
et de leurs composés d’oxides, avec un‘acide contenant de 
l'oxigène, cet acide, d’après la loi des proportions définies, en 
proportion de’sa. quantité de matière inflanmnable, doit renfermer 
plus d’oxigène que d’eau, ce qui est absolument improbable 
et contraire à toutes les analogies. 

Le docteur Wollaston a trouvé que les combinaisons fluori- 
ques réfléchissent foiblement la lumière, celle surtout de l'acide 
fluorique; ensorte que les pouvoirs réfléchissans de la fluorine 
seroient probablement plus foibles que ceux de toute autre 
substance; et la fluorine paroît être douée de pouvoirs plus for- 
tement acidifians et saturans que l’oxigène ou le chlorine, 

En suivant la théorie ci-dessus, il est aisé de voir que toutes 

les opinions que l’on rencontre dans les auteurs chimiques, re- 
Jlativement aux combinaisons fluoriques, doivent être changées ; 
le spath fluor et d’autres substances analogues, par exemple, 
doivent être regardés comme des composés binaires de métaux 
et de fluorine. “ 
. Ces, nouvelles idées donnent aussi lieu à plusieurs objets de 
recherche. La topaze contient le ‘principe fluorique ; maïs il faut 
de nouvelles expériences pour démontrer si cette pierre précieuse 
est un véritable fluate silicé d’alumine, ou bien un composé 
de bases inflammables d’alun et de silice avec le fluorine. 

J’ai constaté que la chrysolite n’abandonnoit pas le gaz fluo- 
rique silicé, lorsque l’acide sulfurique agissoit sur elle, mais qu’il 
se dégage simplement de l'acide fluorique pur;je n’ai pas poussé 
mes recherches assez loin, pour déterminer si elle contient du 
fluorine uni simplement à la matière inflammable, ou du fluorine 
et de Poxigène. | 


400 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


RECENT TE OR SE SN PE T0 OI IEEE CEE IEEE ET 7 PRIE TEE RENE EE NA 


ELEMENTS OF CHÉMICAL PHILOSOPHY, etc. 
C'EST-A-DIRE, 


ÉLÉMENS DE PHILOSOPHIE CHIMIQUE; 


Par Humrary DAVY, 


Secrétaire de la Société royale de Londres, etc. 


Premiere Partie. Un vol, in-8°. À Londres, chez Johnson. An 1812, 


EXTRAIT par J.-C. DELAMÉTHERIE. 


L'OBJET de la Philosophie chimique, dit l’auteur, est de 
connoître les phénomènes que présentent les corps, d’en dévoiler 
les causes, et de découvrir les lois auxquelles ils sont assujétis. 


Les fondemens de la Philosophie chimique sont, l'observation, : 
l'expérience et l’analogie, L'observation doit être accompagnée 
des détails les plus minutieux et les plus exacts : l’analogie se 
tire des faits semblables, et l'expérience doit être dirigée pour 
découvrir de nouveaux faits d’après ceux qui sont connus. 

L'auteur donne un précis des progrès de cette Philosophie chi- 
mique. Peu connue des anciens, elle fut cultivée avec quelques 
succès par les Arabes; mais elle a fait les plus grands progr& 
dans ces derniers temps, par les travaux des Black, Cavendisch, 
Bayen, Priestley et Scheele. 

Il a divisé son ouvrage en deux parties, dont la première 
partie est contenue dans le volume que nous annonçons. 


PREMIÈRE 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 4oT 


PREMIÈRE PARTIE. 


DES LOIS DES CHANGEMENS CHIMIQUES, OU DES CORPS INDÉ- 
COMPOSÉS ET DE LEURS COMBINAISONS PRIMAIRES. 


L'auteur partage cette première partie en sept grandes divisions. 

1e division. Il y traite des propriétés générales de la matière 
et des lois des changemens chimiques. 

11e division. Il y traite des phénomènes que présente le fluide 
lumineux , lequel il appelle matière rayonnante ou éthéree. 

itte division. Cette division comprend les substances ermpy- 
réales, ou ignées, indécomposées, qui entretiennent la combustion, 
et leurs combinaisons les unes avec les autres, telles que l’oxi- 

* . 
gène, le chlorine. 

IVe division. Cette division comprend les substances indé- 
‘composées inflammables, ou acidifères non-métalliques, et léurs 
combinaisons binaires avec l’oxigène , ou le chlorine, ou les 
unes avec les autres , telles que l'hydrogène, l'azote , le soufre... 

ve division. Cette division comprend les substances inflam- 
mables métalliques, ou les métaux, et leurs combinaisons avec 
les autres corps indécomposés, ou les uns avec les autres. 

vis division. Cette division comprend quelques substances 
dont la nature n’est pas connue, telles que l’acide fluorique, 
l'amalgame d’ammoniaque. 

VIIe division. Cette division comprend les analogies qu'il y a 
entre les substances indécomposées, et leurs rapports entre elles. 


PREMIÈRE DIVISION. 


DU POUVOIR ET DES PROPRIÉTÉS DE LA MATIÈRE, ET DES LOIS 
GÉNÉRALES DES CHANGEMENS CHIMIQUES. 


L’auteur considère la matière sous sept différens rapports. 


De la Forme. 


10. À l'état de solides. Les solides composent la plus grande 
partie de la masse du globe; ils varient par leur densité, leur 
dureté, leurs couleurs. ... 


Tome LXXV' IT. NOVEMBRE an 1813. Ff£f 


402 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


20, A l’état de fluides. Leurs molécules paroïissent sphériques; 
elles sont très-mobiles, ont différentes densités. ... 


30. A l’état gazeux ou de fluides élastiques, comme l’air at- 
mosphérique, et les diflérens gaz. 


4°. À l’état de fluide éthéré, telles sont la chaleur rayonnante, 
la lumière... 
De la Gravilation. 


Un corps élevé dans l'atmosphère tombe rapidement à la surface 
de la terre; c’est æœ qu’on appelle gravitation. 


Cette gravitation est en raison inverse des carrés des distances. 


De la Cohésion. 


Deux particules de mercure misesen contact, s'unissent promp- 
tement, et ne forment bientôt qu’un seul globule; c’est la force 
de. cohésion. 


Plusieurs philosophes supposent que la force d’attraction , en 
général, est produite par une matière jusqu'ici inconnue, qui 
pousse les corps les uns vers les autres. 

Cette force paroît la même que celle qui agit sur les grands 
globes célestes... 


De la Chaleur ou Répulsion calorifique. 


La substance, qui produit sur nos sens la sensation de la 
chaleur, cause sur les autres corps une expansion plus ou moins 
considérable. L'esprit de vin renfermé dans un tube gradué, 
indique les différens degrés de chaleur. 

Le verre se dilate moins par la chaleur que les métaux. 
100,000 parties de verre, du degré dela glace à celui de l’eau 
bouillante, éprouvent une expansion — 100,083. 

100,000 de platine dans les mêmes circonstances éprouvent 
une expansion — 100,087. 

L'or, lantimoine, le fer, l'acier, le bismuth, le cuivre, le 
cuivre Jaune, l'argent, l’élain, le zinc fondu, le zinc forgé, 
éprouvent des expansions dans l’ordre suivant : 

100,094: 100,108. 100,111. 100,112. 100,120. 100,139. 100,270. 
100,169. 100,298. 100,287. 100,290, 100,308, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 403 

100,000 parties de mercure chauffées au degré de l’eau bouil- 
lante, éprouvent une expansion — 101,835. 

100 parties d’air du degré de la glace à celui de l’eau bouil- 


lante, éprouvent, suivant MM. Dalton et Gay-Lussac, une ex- 
pansion — 137.b. 


L'arrraciion chimique, et les Lois des combinaisons ou 
décompositions. 


L'huile d'olives et l'eau agitées ensemble ne s'unissent point, 
mais se séparent par une force de répulsion, en raison de leur 


densité; elles ne se combinent point et n’ont aucune aflinité, 
ou ont une répulsion. 


La même huile, au contraire, agitée avec uné solution aqueuse 
de potasse, s’y combine. La solution de potasse et l'huile ont 
donc de l'attraction l’une pour l’autre et de l’aflinité. 


C’est en vertu de ces affinités et de ces répulsions , que s’opèrent 
toutes les combinaisons et les décompositions. 


L’' Attraction , ou Répulsion électriques , et leur relation avec 
les chângemens chimiques. 


L'auteur traite d’abord de l'électricité vitrée et de l’électricité 
résineuse, Il paroît adopter l'opinion de Franklin, sur l’unité du 
fluide électrique. 

Mais il s'attache particulièrement à l'électricité par contact, 
l'électricité galvanique, l'électricité par la pile voltaïque; on 
sait que c’est par ce moyen qu'il est parvenu à décomposer la 


potasse, la soude , et différentes terres. Il en a retiré de loxigène 
et des substances métalliques. 


Ces belles expériences ont étonné tous les chimistes. Plusieurs, 
dans les premiers momens, ontrévoqué en doute leur exactitude; 
mais elle a été généralement reconnue, et on regarde aujour- 


d’hui la potasse, la soude et les terres, comme des oxides mé- 
talliques.... 


Il décrit avec soin la manière de construireles piles voltaïques. 


Hiffez 


404 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


De l'Analyse et de la Synthèse, et des circonstances aux- 
quelles on doit avoir égard dans ces opérations, ou de 
L’arrangement et décomposition des corps. 


Par l’analyse on décompose les corps en leurs principes cons- 
tituans; : 


Et par la synthèse on les recompose en unissant de nouveau 
ces principes séparés. 

Ainsi la potasse soumise par l'analyse à l'action de la pile 
voltaïque, est décomposée en potassium et en oxigène; 


Et en recombinant par la synthèse le potassium et loxigène, 
on obtient la potasse dans son premier état. 


On distingue, dit l’auteur, les corps en composés et indé- 
composés. Les corps composés varient par les principes dont ils 
sont formés, deux, trois... sont combinés. 


Les corps indécomposés sont appelés sémplés, où élémens. 
IL est possible qu'ils soient également composés; mais on les 
regarde comme simples, jusqu’à ce qu’on soit parvenu à les dé- 
composer par des expériences claires et faites exactement, et à 
en retirer plusieurs principes. : 


: DEUXIÈME DIVISION. 
DE LA MATIÈRE RAYONNANTE OU ÉTHÉRÉE. 
L'auteur entend sous le nom de 7ratière rayonnante ou 
éthérée, la matière de la lumière, et il parle de ses principales. 


propriétés. j 


Des effets de la Matière rayÿonnante pour produire les 
phénomènes de La vision. 


L'auteur rapporte les divers phénomènes que présente la 


matière lumineuse, 


a Les observations de Rôemer, confirmées par celles de 
Bradley, prouvent que son mouvement est successif, et qu’elle 
n'arrive du soleil à la terre qu'environ en huit minutes. 

b La lumière en traversant les corps diaphanes, présente dif 
férens phénomènes; elle éprouve une double réfraction au travers 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 405 
de certains corps. Il parle des belles expériences de Malus, sur 
sa polarisation, 

c La lumière en passant à travers un prisme, est séparée en 
divers rayons colorés. Newton a expliqué la coloration des corps, 
en faisant voir que les corps réfléchissent quelques-uns de ces 
rayons, et en absorbent d’autres. 


Des opérations de la Matière rayonnante pour produire 
la chaleur. 


Herschel a découvert, en 1800, que les divers rayons du 
spectre solaire tombant surun thermomètre, y produisoient diffé- 
rens degrés dechaleur. L'auteur rapporte en détail ces expériences. 


Des effets de La Matière rayonnante pour produire les 
changemens chimiques. 


Les rayons de lumière en tombant sur les corps, y produisent 


divers changemens, l'argent corné, ou muriaté de blanc, devient 
gris. . . 


De la nature, du mouvement ef des qualités de la Matière 
rayonnante. 


Deux hypothèses ont été inventées pour expliquer les prin- 
cipaux phénomènes de la matière rayonnante. Dans la première, 
on les suppose les effets de l’ondulation d’un fluide répandu 
dans l’espace. Cette opinion a été adoptée par Hooke, Huyghens 
et Euler. 

Dans la seconde hypothèse, on suppose que la lumière est 
une émission de particules du corps lumineux. Cette opinion a 
été admise par Newion et toute son école. 


TROISIÈME DIVISION. 


DES SUBSTANCES EMPYRÉAIES (IGNÉES) INDÉCOMPOSÉES, 
OU DES SUBSTANCES INDÉCOMPOSÉES QUI ENTRETIENNENT 
LA COMBUSTION, ET DE LEURS COMBINAISONS LES UNES 
AVEC LES AUTRES. 


L'auteur renferme sous ce nom deux substances seulement , 


le gaz oxigène et le chlorine, ou gaz oxi-muriatique (il faut ajouter 
le fluorine). = 


406 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Du Gaz oxigène. 


Le gaz oxigène fut découvert au mois d’août 1774, par le 
docteur Priestley. I] le retira en distillant de la manganèse avec 
l'acide vitriolique. ; 

On peut aussi le retirer de plusieurs autres oxides métalliques, 
particulièrement de ceux de mercure. 

Le nitie en fournit également à la distillation. 

Le gaz oxigène se distingue des autres gaz par plusieurs pro- 
priétés importantes. 

1°. Il est le seul qui entretient la combustion des corps. 


29. Une portion de ce gaz se combine avec les corps com- 
bustibles, dans la formation des acides, des oxides. ….. 


3°. Il est nécessaire à la respiration des animaux, et une 
partie est convertie en acide carbonique. 


4°. Il est une partie constituante de l’air atmosphérique. 


L'oxigène doit être 
posée. 


regardé 


d) ter retier e 


comme une substance 


. + 


indécom- 


Du Chlorine, ou Gaz oxi-muriatique. 


Cette substance élastique fut découverte par Scheele, en 1774; 
il Pobtint en distillant de la manganèse, du sel commun, ou 
muriate de soude et de l’hüile de vitriol. 

L'auteur lui a donné le nom de chlorine à cause de sa cou- 
leur jaune. à é 
Le chlorine, ou gaz oxi-muriatique, ne contient point d’oxi- 
gène. 

Mais cette substance, combinée avec l'hydrogène, forme 
l'acide muriatique; elle fait donc ici la fonction d’oxigène, c'est- 
à-dire que, combinée avec, une substance inflammable, elle 
forme un acide. 

La nature du chlorine n’est pas connue; il faut la classer 
avec les substances z2décomposées. 


De la Fluorine. 


Il faut ajouter la fluorine aux deux principes précédens. 
La fluorine est, suivant l’âuteur, une substance analogue au 
. L4 a * Y = 
chlorine. (Foyez le Mémoiré de l’auteur dans ce Cahier.) 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 407 
La fluorine combinée avec l'hydrogène, forme l’acide fluo- 
rique. 
La nature de la fluorine n’est pas connue, Il faut la classer 
avec les substances Z2décomposées. 


QUATRIÈME DIVISION. 


DES SUBSTANCES INDÉCOMPOSÉES INFLAMMABLES OU ACI- 
DIFÈRES NON-MÉTALLIQUES, ET DE LEURS COMBINAISONS 
BINAIRES AVEC L'OXIGÈNE, OU LE CHLORINE, OU LES UNES 
AVEC LES AUTRES. 


Les corps inflammables doivent être divisés en deux grandes 
classes, les métaux et les substances non-métalliques. 


Ces derniers sont au nombre de six, l'hydrogène, Pazote, le 
soufre , le phosphore, le charbon et le boracium ou borôn 
(base de l’acide boracique). 


Du Gaz hydrogène. 


Ce gaz fut examiné sous sa forme pure en 1766 , par M, Ca- 
vendisch. 

L'auteur en décrit toutes les propriétés connues, 

Ce gaz combiné avec l’oxigène forme l’eau. 

Ce gaz combiné avec le chlorine forme, dit l’auteur, le gaz 
acide muriatique. : 


Il faut ajouter que , combiné avec la fluorine, il forme l'acide 
fluorique. ; 


Berzelius le suppose un oxide métallique. 
Mais l’auteur le regarde comme un corps indécomposé. 


Du Gaz azote, ou Gaz nilrogène. 


Ce gaz fut découvert en 1772, par le docteur Rutherford; 
il l’obtint en enlevant l’oxigène à l'air atmosphérique. 
L'auteur en décrit les propriétés connues. 


Ce gaz est classé par l’auteur, avec les substances inflam- 
mables, parce qu’en se combinant, comme celles-ci, avec l’oxi- 
ène , il forme un acide, le nitrique. 
L'azote et l’hydrogène forment l’ammoniaque , ou alcali volatil. 
Berzeliussuppose quel’azote est une espèce d’oxide métallique. 


408 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
Il est regardé par l’auteur comme un corps irdécomposé. 


Du Soufre. 


Le soufre se trouve pur dans plusieurs endroits , maïs on peut 
aussi l'obtenir en distillant des pyrites. 

Il se combine avec l’oxigène , et forme l'acide sulfurique. 

Combiné avec l'hydrogène, il forme le gaz hydrogène sulfuré, 
qui a les qualités des acides. 

L'auteur, qui ne prononce que d’après des expériences précises, 
classe le soufre parmi les corps édécomposés; mais il ajoute 
qu’il regarde comme probable qu'il contient de l'hydrogène, 
30 parties de soufre contiennent 6 d’hydrogène. 

} 


Du Phosphore. 


Le phosphore fut découvert par Brandt, en 1669. 

Combiné avec l’oxigène, il forme l'acide phosphorique. 

Combiné avec l’hydrogène, il forme l’hydrure de phosphore, 
ou hydro-phosphuré. 

L'auteur classe le phosphore parmi les corps indécomposés. 

Mais il ajoute qu'il est probable qu’il contient de l'hydrogène: 
20 parties de phosphore sont composées de 16 d’une base inconnue 
et de 4 d'hydrogène. 


Du Charbon et du Diamant. 


Par charbon on entend une substance noire inflammable; on 
lobtient pur en versant de l'huile ou de lesprit-de-vin dans un 
tube chauffé au rouge. 

Le charbon se combine avec l’oxigène, et produit de l'acide 
carbonique. 

Le charbôn se combine avec lhydrogène, et forme un hydrure 
de charbon. ; 

Lé diamant paroît de la même nature que le charbon. M. La- 
voisier a obtenu de l'acide carbonique en brûlant le charbon. 
MM. Tennant, Allen et Pepys ont obtenu du diamant la même 
quantité d’acidé carbonique , que d’un poids égal de charbon. 

La plombagine ou plomb noir contient aussi du charbon, avec 


uue portion de fer. 
L’anthracite 


10 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 40% 


L’anthracite contient également du charbon. 

L’auteur classe le charbon parmi les corps indécomposés ; mais 
il ajoute qu’il est probable qu’il contient de l'hydrogène , et que 
ses principes sont 7.4 d’une base inconnue et de 4 d’hydrogène. 


Du Boron, ou base de l’ Acide boracique. 


L'auteur a donné le nom de 4oron à la base de l'acide bo- 
racique. Ce fut en octobre 1807 qu'il se procura le boron; il 
décomposa en mars 1808, l'acide boracique avec le potassium 
par l'électricité. 

MM. Gayÿ-Lussac et Thenard, en juin 1808 , exposérent à une 
grande chaleur, l'acide boracique et le potassium, dit-il, mais 
ils ne décrivirent les propriétés du boron que vers le milieu 
de novembre. 


Le boron est opaque, de couleur olive, infusible et pas vo- 
RCE 


Exposé à une grande chaleur, avec le contact de l’air il 
brûle et forme de l'acide boracique. 


, 


Il reste beaucoup de choses à découvrir sur la nature et les 
propriétés du boron et ses combinaisons. Il est probable qu'il se 
combine avec le chlorine; mais il ne paroît exercer aucune 
action sur les substances inflammables, excepté le soufre. 

La nature du boron rest pas connue. L'auteur le regarde 
comme un corps Zzdécompose. 


CINQUIÈME DIVISION. 


DES MÉTAUX, DE LEURS COMBINAISONS PRIMAIRES AVEC LES 
AUTRES CORPS INDÉCOMPOSÉS , ET LES UNS AVEC LES 
AUTRES. | 


Les mélaux sont en grand nombre, et occupent une place 
importante parmi les autres corps de la nature; leurs principales 
qualités sont assez connues. L’auteur en compte 38 : 

r Le potassium, 
2 Le sodium, 

3 Le barium, 
4Le strontium, 
5Le calcium, 
GLe magnesium, 


Tome LXXV'II. NOVEMBRE an 16183. G: 


(ep) 
ge 


410 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


7 L’aluminum, 

8 Le glucinum, 

9 Le zirconum, 

10 Le silicum, 

11 L'ittrium, 

12 Le manganesium, 

13 Le zinc, ou zircum, 

14 L’étain, ou sanrium, 

15 Le fer, ou ferrum, 

16 Le plomb, ou plumbum, 

17 L’antimoine, ou antimonium, 
18 Le bismuth, ou #ismuthum, 
19 Le tellure, ou ze/lurium, 
20 Le cobalt, ou cobaltum, 

21 Le cuivre, ou cuprum, 

22 Le nickel, ou #éccolum, 

23 L’urare, ou wranium, 

24 L’osmium, 

25 Le tungstène, ou £ungstenum, 
26 Le titane, ou Zfanium, 

27 Le colombium, 

26 Le cerium, 

29 Le palladium, 

30 L'iridium, 

3r Le rhodium, 

32 Le mercure, ou r2ercuréum, 
33 L’argent, ou argentum, 

34 L'or, ou aurum , 

35 Le platine, ou platinum, 
36 L’arsenic, ou arsenicum, 

37 Le molybden, ou m10lybdenum, 
38 Le chrome, ou chromium. 


Nous avons rapporté ailleurs les belles expériences de l’auteur 
et des autres chimistes, pour convertiren métal la potasse, la 
soude et les différentes espèces de terre. 

Il décrit les différentes propriétés de chacune des substances 
métalliques. Nous ne pouvons le suivre dans tous ces détails. 


‘ 


L'auteur classe tous les métaux avec les substances z7décom- 
posées. 

Mais il regarde comme probable qu'ils contiennent de l'hy- 
drogène. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 41 
Ils sont formés d’une base inconnue et d’une portion d’hy- 
drogène. 
Quant à l’ammonium, il le classe aujourd'hui parmi les 
substances Z2décomposées. 


Mais il regarde comme probable qu'il est formé d'azote et 
d'hydrogène : ce dernier y est en plus grande quantité. 


SIXIÈME DIVISION. 


DE QUELQUES SUBSTANCES DONT LA NATURE N’EST PAS 
CONNUE, OU N’EST PAS CERTAINEMENT CONNUE. 


L'auteur place dans.cette division deux substances seulement, 
l'acide fluorique et l’amalgame d’ammoniaque. 


De l’Acide fluorique. 


L’acide fluorique se retire du spath fluor réduit en poussière 
et distillé avec l'huile volatile. 


L'auteur a fait sur cet acide de nouvelles recherches qui sont 
imprimées dans ce Cahier. 

Il croit que le principe fluorique est une substance particu- 
lière, dont la nature est encore inconnue, il est analogue au 
chlorine , et il lui a donné le nom de fluorine. 


Il classe la fluorine parmi les corps indécomposés. Cette subs- 
tance combinée avee l'hydrogène forme l'acide fluorique. 


La composition de cet acide est donc analogue à celle de 
l'acide muriatique; c’est une base inconnue combinée avec l'hy- 
drogène. Il faut le regarder comme une substance z2décomposce. 


De l'amalgame d’Ammoniaque. 


Un globule de mercure placé dans un petit creux fait dans 
un morceau de muriate ou de carbonate d’ammoniaque, et soumis 
à une électricité négative par un appareil voltaïque de cent 
plaques avec des fils de platine ,, perd peu à peu sa fluidité et 

à : x 3 
acquiert une consistance semblable à celle du beurre. Cet amal- 
game a fous les caractères des métaux. Mis dans l'eau, il ÿ a 

3 s , : : Se D 
effervescence, il se dégage de l'hydrogène, il y a odeur d’am- 
moniaque. 
Ggg 2 


412 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


L'auteur croit que cet amalgame contient du mercure, de 
l'hydrogène et de l’azote. 

Cette expérience curieuse a été faite premièrement par M. Zee- 
beck de Jena, et par MM. Hissinger et Berzelius de Stockholm, 
dans l'année 1808. Ces chimistes ont tâché de retirer de Faleali 
ammoniacal, une substance métallique, comme. l’auteur en 
avoit retiré des alcalis, de la potasse et de la soude. 


On a émis différentes opinions sur cette expérience. M. Ber- 
zelius suppose que l’ammoniaque consiste dans un métal parti- 
culier qu'il:nomme ammonëum. Le mercure dans cette expé- 
rience, dit-il, s’est amalgamé : or ïl ne,s’amalgame qu'avec 
des substances métalliques. 

L’ammoniaque est donc, ajoute-t-il, un oxide d'ammonium, 
c'est-à dire, de l’ammonium plus de l’oxigène. 

L'auteur, toujours sage dans ses opinions, n’a encore osé 
prononcer sur cet arzmoniurm. Il se propose de faire à cet égard 
de nouvelles, expériences. 


-SEPTIÈME DIVISION. 


DES ANALOGIES ENTRE LES SUBSTANCES INDÉCOMPOSÉES, 
CONSIDÉRATIONS SUR LEUR NATURE, SUR LE MODE DE LES 
SÉPARER, ET SUR LES RAPPORTS DE LEURS COMPOSÉS. 


L'auteur n’admet comme prouvé, que ce qui est démontré 
par des expériences décisives, et classe parmi les choses pro- 
bables , les autres apperçus, tels que les suivans : 

Les substances indécomposées ont beaucoup d’analogies les 
unes avec les autres. Les corps métalliques ont particulièrement 
de grands rapports entre eux. 

L'argent et le palladium, l’antimoine et le tellure ont un grand 
nombre de qualités communes ; mais le potassium et le platine, si 
on en excepte l'éclat, la couleur et le pouvoir d’être conducteur 
de l'électricité, diffèrent beaucoup. 

Le potassium, le sodium, le barium ont des rapports. 

Le barium se rapproche du manganèse, du zinc, du fer, de 
Pétain et de l’antimoine. 

Le:platine a de analogie avec l'or, l'argent et le palladium. 

Le palladium en a avec l’étain, le zine, le fer et le manganèse. 

L’arsenic et le chrome diffèrent beaucoup des autres métaux 


sais 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 415 
par leurs propriétés de devenir acides en se combinant avec 
l’oxigène. 

Les corps inflammables non- métalliques ont aussi d’autres 
analogies. | 

Le soufre et le phosphore en ont plusieurs. 

Le charbon et le boron ont quelques relations entre eux, et 
se rapprochent des métaux. 


, . 
L'azote se rapproche des corps combustibles, et forme comme 
eux un acide, le nitrique, en se combinant avec l'oxigène; ila 
L . . o . 
de l’analogie avec le charbon, et ne peut s'unir avec le chlorine. 


Le chlorine et l’oxigène différent beaucoup des corps inflam- 
mables. Le soufre et le chlorine ont de commun de former des 
acides en se combinant avec l’oxigène. 


. Lé - 
. On ne connoît point encore la nature de tous ces corps; mais 
il paroît probable, dit l’auteur, que tous les corps inflammables 
contiennent de l'hydrogène. 


D'après les faits connus sur la nature de l’amaigame d’ammo- 
“piaque, on peut supposer qu'il est composé d'hydrogène, d'azote 
et de mercure. Si on a égard à la composition des métaux, et 
si on suppose que tousies corps inflammables difièrent par leurs 
combinaisons de l'hydrogène avec quelqu’autre principe inconnu, 
on pourra trouver tous les phénomènes qu’ils présentent, en har- 
monie avec les proportions que donne la théorie. 


L'ammonium , ou le métal d’ammoniaque, peut être supposé 
contenir 8 d'hydrogène et 26 d’azote. 


L’azote uni avec l’oxigène peut être supposé contenir une cer- 
taine quantité d'hydrogène : et en examinant sa constitution, 
on peut supposer qu’il contient 10 d'hydrogène et 16 d’une base 
inconnue que Berzelius a supposée métallique. 


L’ammonium, dans cette hypothèse de la composition de l'azote, 
seroit composé de 16 d’une base inconnue supposée métallique, 
et de 16 d'hydrogène. 


Le potassium peut être supposé contenir 69 d’une base in- 
connue métallique, et de 6 d'hydrogène. 

Le sodium peut étre supposé contenir 82 d’une base inconnue 
métallique, et de 6 d’hydrogène. 


L'étain, 110 parties, peut être supposé contenir 106 d'une base 
inconnue, et de 4 d’hydrogène. 


414 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


L'argent, 205 parties, peut être supposé contenir 203 d’une 
base inconnue, et de 2 d'hydrogène. 


. Le soufre, 30 parties, peut être supposé contenir 24 d’une 
base inconnue, et de 6 d'hydrogène. 

Le phosphore; 20 parties, peut être supposé contenir 4 d’hy- 
drogène et 16 de base inconnue. 


Le charbon peut être supposé contenir 4 d'hydrogène et de 
7.4 de base inconnue. : 


« 

Il n’est pas nécessaire de supposer que ces estimiations soient 
parfaitement exactes; car dans un livre élémentaire on n’entre 
pas dans d’aussi grands détails. 

Il est probable que les métaux et les autres corps inflammables 
diffèrent entre eux par les différentes proportions de l'hydrogène 
et de la base inconnue. 

L'auteur n’envisage toutes ces données que comme de simples 
probabilités. 

La nature des corps, dit-il, paroît dépendre de diflérens ar- 
rangemens des parties de matière : ce qui a fait croire à de 
grands physiciens, Hooke, Newton, Boscowich, que les corps 
pouvoient se changer les uns dans les autres, comme l’avoient 
prétendu les alchimistes, et ceux qui cherchoient la pierre phi- 
losophale ; mais cette opinion n’est point fondée. : 

Nous extrairons encore ailleurs plusieurs articles de cet ou- 
vrage intéressant. , 

On y reconnoît partout l'exactitude des expériences du vrai 
scrutateur de la nature : sa profonde sagacité à en tenter de 
nouvelles qui lui ont fait découvrir le potassium, le sodium...; 
le chlorine , la fluorine..., et sa sagesse qui ne regarde comme 
vrai que ce.qui est constaté par des faits positifs, et met dans 
la classe des probabilités ce qui n’est appuyé que sur les analogies. 

Dans les entretiens que j'ai eu le plaisir d’avoir avec lui, il 
m'a dit que dans une nouvelle édition il donneroit de l'extension 
à quelques-unes de ses vues, et qu'il en restreindroit quelques 
autres. Je m'empresserai de faire connoître les unes et les autres 
à nos lecteurs. 


Nous devons encore à l’auteur un autre ouvrage important, 


intitulé: 
ELEMENTS OF AGRICULTURAL CHEMISTRY, etc.,c’est-à dire , 


\ 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 415 


Élémens de Chimie agricole en un cours de leçons pour le 
département d'Agriculture, par sir Humphry Davy. Un vol. 
1n-4°. À Londres. - 

Nous en rendrons compte incessamment., L'auteur y fait l'ap- 
plication la plus heureuse de la Chimie à l'Agriculture. 


mm 


NOUVELLES LITTÉRAIRES. 


. Mémoëre sur les Couleurs de l’Iris produites par la réfrac- 
tion de la lumière, présenté à la première Classe de l’Institut, 
le 1er juin 1812; (MM. Biot et Arago nommés Commissaires- 
Rapporteurs.) 

Et Examen des bäses-des doctrines de M:.Henry Brougham, 
de Newton, de Gauthier, et de M. Marat, sur la Lumière et les 
Couleurs ;.pat Ch: Bourgeois, Peintre. Un vol. in-8°.. À. Paris, 
chez Tester et Comp.,rue Hautefeuille, no 13; Mme Ve Courcier, 
quai des Aügustins,n° 57; Treutélet urttz, rue de Lille, n° 17. 

. L'auteur a employé pour discuter ces doctrines sur les couleurs, 
la seule voie qui puisse écläirer celle de lexpérience: Il faut 
les lire dans son ouvrage. 

Démonstration des Causes des Phénomènes électriques, ou 
Théorie de lElectricité prouvée par l'expérience ; par Z. 
Léonelli. Un vol. in-8°. 1813. A Strasbourg, chez F. G. Le- 
vrault, Imprimeur-Libraire; à Paris, chez Foucault, quai des 
Augustins, n° 17. 

L'auteur pense avec Franklin, Volta..., qu’on peut expliquer 
tous les phénomènes électriques par l'hypothèse d’un seul fluide. 
11 croit que le feu électrique a la plus grande analogie avec le 
feu commun. 

Instruction pour traiter, sans attelles, les Fractures des 
extrémités, principalement celles qui sont compliquées, et 
celles du col du fémur, d'après la méthode inventée par M. Sauter; 
avec la description de nouveaux instrumens pour la ligature 
des polypes. Traduction libre de l'allemand , faite par le Docteur 
Mayor, Chirurgien de l'Hospice cantonal , Membre du grand 
Conseil et du Conseil de Santé du Canton de Vaud. Un vol. 
in 8°, À Paris, chez J. J. Paschoud, Libraire, rue Mazarine, 
n° 22; et à Genève, chez le même, Imprimeur-Libraire. 1813. 

Cet ouvrage mérite toute l'attention des Gens de l'Art. 


416 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, elc. 


TABLE 
DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Suite des Considérations sur les fossiles ; par J.-C. De- 


lamétherte. Pag. 345 
Mémoire sur la chaleur de la surface des corps; par 

M. Ruhland, de Munich. 367 
Tableau Météorologique ; par M. Bouvard. 378 


Second Mémoire sur la distribution de l'électricité à 
Za surface des corps conducteurs. Lu à l'Institut, le 
6 septembre 1815; par M. Poisson. Extraït. 580 
Mémoire sur quelques expériences et observations sur 
les substances produites dans différens procédés chi- 
miques; par sir Humphry Davy. Lu devant la Société 
royale de Londres, le 8 juillet 1813. Extrait des Tran- 
sactions Philosophiques. 387 
Elements of chemical Philosophy, etc., c'est-à-dire, 
Elémens de Philosophie chimique ; par Humphry 
Davy. Extrait par J.-C. Delamétherie. 400 
Nouvelles Litiéraires, 417 


De l’Imprimerie de M"° Veuve COURCIER, Imprimeur - Libraire 
pour les Mathématiques, quai des Augustins, n° 57, 


OCEAN ASE: 
D: PAYS LOU E, 
DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


DÉCEMBRE an 1813. 


SUITE DU DISCOURS 


SUR 


LA NAISSANCE ET LES PROGRÈS DE LA BOTANIQUE; 


Par M. MIRBEL, DE L'INSTITUT. 


Le XVIIe siècle ne fut pas aussi favorable aux sciences, 
dans son commencement, que l’avoit été le XVIe. L'Europe 
étoit déchirée par des guerres continuelles ; les Princes appliqués 
aux intérêts de leur politique , ne songeoient guère à encourager 
‘les arts de la paix; mais dans la dernière moitié de ce siècle, 
le goût de l’Histoire naturelle se réveilla; un grand nombre 
d'hommes d’un esprit supérieur, se livrèrent à la Botanique, et 
plusieurs entreprirent des voyages longs et périlleux, dans l'unique 
dessein d'examiner les plantes étrangères, 

Paul Hermann de Hale en Saxe, va ‘au cap de Bonne-Espé- 
rance et à Ceylan. Il étonne les botanistes par la quantité pro- 


Tome LXXVII. DÉCEMBRE an 1813. Hhh 


418 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


digieuse de plantes remarquables qu’il leur fait connoïtre, ef 
publie à son retour, une méthode très-savante ,ymais beaucoup 
trop compliquée: | ; 

Le hollandais Rhecd, gouverneur du Malabar, fait décrire 
et dessiner beaucoup d'espèces curieuses. Rumphe, autre hol- 
landais, consul à Amboine ;: travaille avec Zèele et succès sur 
les‘plantes des îles Moluques. Quelques espèces de Madagascar 
figurent dans une histoire de cette île, composée par le com- 
mandant français, Flacourt; André Cleyer, de Cassel, par- 
court la Chine et le Japon. Peu après Engelbert Kæœmpler, 
westphalien très-lettré et d’un courage à toute épreuve, visite 
la Perse, l'Arabie heureuse, les états du Grand-Mogol , Ceylan, 
le Bengale, Sumatra, Java, Siam, le Japonet le cap de Bonne- 
Espérance, Wheler voyage en Grèce et dans l'Asie mineure. 
Guillaume Scherard, consul anglais, fait connoître les plantes 
des environs de Smyrne. ! 


En ce même temps, le Nouveau-Monde excitoit aussi la cu- 
riosité des botanistes. Le chevalier Hans-Sloane, qui fut depuis 
président de la Société royale de Londres, recueilloit les plantes 
de la Jamaïque; son compatriote, Jean Banister, celles de la 
Virginie; un autre anglais, Guillaume Vernon, et David Kriège, 
un saxon, celles du Maryland; deux francais , Surian et le père 
Plumier, religieux minime, celles de Saint-Domingue. Ce 
dernier, habile mathématicien, grand botaniste, va trois fois 
au Nouveau-Monde, dessine et décrit plus d'espèces qu'aucun 
autre voyageur, et meurt près de Cadix, en 1706 , au moment de 
traverser les mers pour la quatrième fois. 

Un demi-siècle auparavant étoit mort ignoré, Joachim Jung, 
de Lubec, professeur à Helmstadt. Ce fut un homme d'un 
esprit net el profond, ainsi que le prouve son Zsagoge phytos- 
copia , qui ne fut imprimé qu’en 1679, Ce naturaliste examina 
avec une rare perspicacité, les diverses modifications des organes, 
et surtout des étamines et des pistils, et jugea en sage méta- 
physicien, qu’il seroit impossible de perfectionner la Botanique 
tant qu’on négligeroit de bien déterminer les espèces , et d'établir 
les genres, les ordres et les classes sur des bases invariables. 
Il traita savamment des caractères et de la terminologie , essaya 
de réduire en axiomes les principes de la Botanique, et laissa 
de précieux matériaux que Linné a su mettre en œuvre. Pour 
obtenir une place éminente parmi les maîtres de la science, il 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. ! 419 


n’a manqué à Joachim Jung, que de paroïtre sur un plus grand 
théâtre et de pouvoir propager sa doctrine. 

Environ trente ou quarante ans après, l’écossais Robert Mo- 
rison , l'anglais Jean Rai et le francais Pierre Magnol, s’appli- 
quèrent à trouver et à développer, chacun selon l'étendue de 
ses lumières et Je caractère de son génie, les rapports naturels 
qui unissent les espèces, 


Morison donna une Histoire des plantes, dans laquelle il traite 
de 3505 espèces qu’il distribue par tableau , d’après les ressem- 
blances qu’il observe entre elles. Les caractères dont il fait usage 
sont, la substance, la durée, le port des végétaux, leurs pro- 
priétés lactescentes, la nature des fruits, le nombre des pétales, 
l'aigrette des calices ; mais il ne combine point ces caractères, 
il les isole et les emploie séparément , d’où il suit que les plantes 
qu'il rapproche, n’ont quelquefois d'autre ressemblance que 
celle qui est exprimée dans le titre du tableau. Néanmoins, 
on doit dire à la louange de Morison, qu'il est le premier qui 
ait annoncé positivement le dessein de prendre les affinités bo- 
taniques pour règle de classification. Cet auteur, dans ses re- 
cherches particulières sur les OMBELLIFÈRES, nous offre aussi 
le plus ancien modèle d'une monographie, c’est-à-dire, d’un 
travail complet sur un seul groupe de plantes. Avec le temps 
les monographies se multiplièrent et furent très-utiles. Le nombre 
des plantes des jardins'et des herbiers est devenu si considérable, 
qu'il a bien fallu renoncer à les étudier toutes quand on a voulu 
se livrer à des recherches approfondies. 


Rai étoit pénétré de cette importante vérité, que tous les ca- 
ractères doivent concourir à la formation des groupes; mais ce 
savant homme connoissoit mieux les livres que les plantes, aussi 
son ouvrage pèche souvent par l'exécution. Il essaya d'établir 
une. méthode naturelle. Les 18,655 espèces ou variétés dont il 
parle, sont rapprochées en considération de leur durée, de leur 
consistance, de l'absence ou de la présence de la fleur, de l’ab- 
sence ou de la présence de la corolle, du nombre des pétales, 
de l’adhérence ou de la non-adhérence du périanthe à l'ovaire, 
de l’inflorescence, de la disposition des feuilles, de la nature 
du péricarpe, du nombre des graines, de celui des cotylédons 
et de quelques autres caractères encore. 


Morison n'avoit cherché que des affinités ; Raï avoit voulu 
découvrir la méthode naturelle; Magnol tenta de former des 


Hhh 2 


420 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


familles sans se mettre en peine des rapports qui. pourroient 
exister entre elles. Suivant lui, un caractère isolé ne suflit pas 
pour rapprocher les espèces; toutes les parties doivent entrer en 
considération dans la formation des groupes; les caractères pré- 
dominans varient dans les différentes familles ; ils varient quel- 
quefois aussi par nuances insensibles, dans une même famille, 
de sorte que les espèces qui la composent s’enchaînent plutôt 
qu'elles ne se groupent, et que l’on sent les affinités sans pouvoir 
les exprimer. Ces idées sont très-Judicieuses; mais dès le pre- 
mier pas Magnol se montre incapable d’en faire l’application, 
A l’exemple de ses prédécesseurs, il range d’un côté les herbes, 
et de l’autre, les arbres et les arbrisseaux , et rompt ainsi, d’un 
trait de plume, une multitude de rapports naturels. Il considère 
ensuite la nature de la racine, de la tige, du fruit et de la 

raine, l'absence ou la présence des feuilles et de la corolle, 
a forme de celle-ci, monopétale ou polypétale, papilionacée, cru- 
ciforme, campanulée, labiée, la disposition des fleurs isolées 
ou bien réunies dans un involucre. Ces caractères diversement 
combinés, lui donnent le moyen de former des associations 
qu'il qualifie très-improprement, pour la plupart, du nom de 
J'arnilles. 

Sans contredit Raï et Magnol donnèrent la preuve d’un profond 
jugement, en reconnoissant que du concours de tous les carac- 
tères résultent les associations naturelles; mais comment seroient- 
ils parvenus à mettre cette doctrine en pratique, puisqu'ils igno: 
roient, de même que leurs contemporains, les faits les plus 
imporlans de l’organisation végétale ? 

Pendant que ces botanistes cherchoïent à rapprocher les plantes 
en vertu des affinités, Auguste Quirinus Rivin, professeur à 
Leipsic, imaginoit une méthode artificielle, dans laquelle les 
herbes et les arbres étoient associés et groupés ensemble. Si 
l'on fait attention que personne jusque-là n’avoit senli la nécessité 
de cette réunion que réprouvoient également l'habitude et le 
préjugé, on saura quelque gré à Rivin de l'avoir opérée. L'ab- 
sence ou la présence des fleurs, leur disposition, le nombre des 
pièces de la corolle, sa forme régulière ou irrégulière, lui four- 
nirent les motifs deses classes, dans lesquelles il ne s’atiacha nul- 
lement à conserver les rapports naturels. Cette méthode , moins 
remarquable par l’artifice de «sa composition que par son ex- 
trème simplicité, fut tout-à-fait éclipsée par celle que publia 
quatre ans après, Joseph Pitton de Tournefort , l’un des hommes 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 42r 


les plus éclairés de "son siècle, et le plus grand naturaliste que 
la France ait produit jusqu'à Bernard de Jussieu. 

Tournéfort naquit à Aix en Provence, le 5 juin 1656, Son 
penchant pour la Botanique se déclara de bone heure. Très. 
jeune encore, il parcourut la Provence, le Larguedoc, le Dau- 

hiné, les Alpes, les Pyrénées, la Catalogne. Appelé à Paris à 
l'âge de 27 ans, par M. Fagon, premier médecin de Louis- 
le-Grand, 1l fut nommé professeur au Jardin royal des Plantes. 
Ce fut pour lui un nouveau motif d'accroître ses connoissances 
botaniques. Il voyagea en Espagne, en Portugal, en Hollande, 
en Angleterre. Le roi l'ayant envoyé en 1700 dans le Levant, 
il visita la Grèce, les îles de l’Archipel, les bords de la mer 
Noire et poussa jusqu'aux frontières de la Perse. Il revint à 
Paris en 1702. Un accident le priva de la vie à l’âge de 53 ans, 
lorsqu'il travailloit à perfectionner ses ouvrages, Ce naturaliste 
célèbre éloit homme d'esprit et de goût; il avoit beaucoup de 
sagacité, un solide jugement et des connoïssances variées : cela 
paroît dans tous ses écrits. Ses descriplions de plantes sont par- 
faites. Il sépare nettement, en général, les variétés des espèces, 
ét fait voir qu’il est des caracfères inconstans par leur nature, 
qu'on ne sauroit employer pour distinguer les races. 

Tous les botanistes, depuis Gesner, groupoient les plantes qui 
leur paroissoient avoir beaucoup de rapports dans les organes 
de la fructification, et ils en formoient des genres; maïs ils 
n’avoient pas encore imaginé l’art d’abstraire les caractères gé- 
nériques ; aussi régnoit-il une grande incertitude touchant les 
limites de ces groupes. Morison , Raï et Rivin avoient travaillé 
sans succès à les rendre plus rigoureuses, Après eux, Tournefort 
le tenta et réussit. Convaincu de l'excellence de la doctrine 
de Gesner, il déclare que les caractères. de la fleur et du fruit 
lemportent sur tous les autres; mais il reconnoît en même 
temps, que lorsque les espèces , réunies par lés caractères de la 
“ructification, différent sensiblement par ceux de la végétation, 
on peut encore employer ces derniers avec avantage pour établir 
les genres. Ce précepte, très-utile quand on l’applique avec dis- 
cernement , très-nuisible quand on en fait abus, attaqué par 
Linné, défendu par Adanson, adopté par Antoine Laurent de 
Jussieu, semble avoir prévalu dans les écoles modernes. 

Les descriptions génériques de Tournefort ne sont pas à 
Vabri de Ja critique. On remarque qu’elles sont écrites dans un 
langage trop vague, qu’elles ne présentent quelquefois que la 


422 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


moindre partie des caractères distinctifs, æt que souvent elles 
seroient insuffisantes sans les admirables figures d’Aubriet. Toute- 
fois il seroit injuste de dire, avec Linné, que le peintre a 
mieux connu la nature que le botaniste. En ces temps où la 
Terminologie n'étoit point créée, il étoit impossible d’exposer 
briévement les traits génériques ; or, la précision est indispensable 
dans l'exposé des caractères. T'ournefort, qui ne l’ignoroit pas, 
abrégea son texte par des omissions volontaires, et jugea que 
les figures suppléeroient aux paroles. S'il n’eût aperçu dans les 
espèces que ce qu’il a exprimé dans son discours, comment 
seroit-il parvenu à établir cette longue suite de genres où ses 
successeurs n’ont trouvé presque rien à reprendre? Quoi qu'il 
en soit, ce vague dans les expressions, ces omissions dans les 
caractères , sont des défauts très-réels. Sans doute, en Histoire 
naturelle , il est nécessaire , il est indispensable même, de parler 
aux yeux, mais il faut plus encore parler à l'esprit, car il importe 
que fa connoissance des choses soit plus rationnelle qu'empirique. 

L'invention d’une méthode artificielle fondée sur la durée et 
la consistance des végétaux, l'absence ou la présence des fleurs, 
l'inflorescence, le nombre, la composition, la forme des pé- 
rianthes et la nature du fruit, ne fit pas moins d'honneur à 
Tournefort que l'établissement des genres. A la vérilé on re- 
trouve dans ses prédécesseurs, les élémens de sa méthode. Raï, 
Christophe Knaut, Magnol, Rivin avoient déjà examiné scru- 
puleusement toutes les modifications de la corolle; mais Tour- 
nefort sut employer ces caractères avec plus d'art; il les combina 
de manière à laisser subsister un grand nombre de groupes 
naturels , et l’on doit avouer que personne , avant et depuis lui, 
n’a concilié avec autant d’habileté et de bonheur, les avantages 
des affinités organiques et ceux de la méthode artificielle, 11 
donna le premier modèle régulier d’un tableau synoptique où 
les genres composent des ordres, où les ordres composent des 
classes ; et il déclara que les lois de ces associations devoient 
être les mêmes que celles des ‘associations d’espèces, dans la” 
la formation des genres; d’où il suit que les caractères de la 
fleur et du fruit sont préférables à tous les autres pour l'éta-: 
blissement des classes et des ordres. L'assentiment général des 
botanistes a confirmé cette décision. 

Lorsque la méthode de Tournefort parut, elle eut un succès 
prodigieux, Dix mille cent quarante-six espèces rapportées à six 
cent quatre-vingt-dix-huit genres; les genres, les ordres et les 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 423 


classes établis sur des caractères comparatifs; une gradation, 
une sorte de hiérarchie dans les caractères ; des rapprochemens 
souvent très-naturels, amenés à l’aide d'un ingénieux artifice ; 
toute celte belle ordonnance, si neuve, si lumineuse et si sa- 
vante, entraîna les suffrages. Le plus grand botaniste de l'An- 
gleterre , Raï, dont la simplicité et la modestie égaloient le mérite, 
fut des premiers à rendre hommage au botaniste français, en 
adoptant ses genres. 


Cependant la gloire de Tournefort ne put le soustraire aux 
coups de l’envie. Un de ses élèves, Sébastien Vaillant, homme 
habile, mais jaloux et passionné ; critiqua sa méthode avec autant 
d'injustice que d’amertume. Il ’attachaà prouver qu’elle ne se plie 
pas toujours aux analogies, et cela est incontestable; mais qui ne 
voit que le but de Tournefort , ainsi que. celui de la plupart des 
méthodistes, fut moins de conserver les aflinités naturelles, que 
de présenter les espèces dans un ordre favorable à l'étude? 


Cette méthode ne pouvoit être d’une application universelle ; 
les nouvelles découvertes l'ont rendue tout-à-fait insuffisante. Un 
tort de son ingénieux auteur, fut de conserver, contre sa propre 
conviction , l’ancienne division des végétaux en herbacés et 
ligneux. Si, à l’imitation de Rivin, Tournelort se fût élevé 
au-dessus du préjugé, sa classification eût été sans doute plus 
commode et plus naturelle. Elle présente encore un autre défaut 
qui la rend quelquefois d’une application diflicile. Les limites 
-des classes et des ordres s’eflacent et les groupes voisins se con- 
fondent. Où placer, par exemple, la ligne de démarcation entre 
lesfleurs ca paniformes et infondibuliformes, entre les fleurs 
infondibuliformes , hipocratériformes et rotacées? Mais ce dé- 
aut étoit inévitable, parce qu’il résulte des modifications in- 
sensibles des formes de la corolle. Quoi qu'il en :soit, la répu- 
-tation de Tournefort, comme méthodiste, est encore la seule 
qui puisse balancer celles de Linné. 

Vers ce temps, Leuwenhoek, Grew, Malpighi, Camerarius 
font revivre l Anatomie et la Physiologie végétales, tombées dans 
l'oubli depuis Théophraste, et remplacent par de solides dé- 
couvertes, les aperçus douteux et les opinions mal assises de 
cet ancien philosophe. Alors le microscope, invention récente, 
éclairoit des mystères de la Nature, qu’on n’eût jamais pénétrés 
sans le secours de cet instrument. Leuvwenhoek , Grew, Mal- 
pigbi l’emploient pour étudier la structure interne des végétaux. 
Ils décrivent avec précision l'écorce, le bois, la moëlle, les 


424 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


insertions ; reconnoissent l'existence des celluleset des trachées, 
et entrevoient les vaisseaux propres, les lacunes et même les 
vaisseaux poreux. Payons un juste tribut d'admiration à ces 
créateurs de l’Anatomie végétale, mais qu’un respect exagéré 
ne nous ferme pas les yeux sur les imperfections de leur travail. 
Ils ne s'accordent ni sur les faits ni sur les conséquences qu’il 
en faut déduire; chacun varie dans sa propre doctrine; tous 
mélent beaucoup d'erreurs à de grandes vérités, et leurs obser- 
vations incerlaines restent éparses et sans liaison. 


Grew. et Malpighi décrivirent soigneusement les étamines, 
Grew considérant la structure compliquée de ces organes , leurs 
androphores, leurs anthères , leur pollen, jugea, par suite de la 
tendance de son siècle à expliquer l'existence des choses par 
les causes finales , que les étamines devoient remplir des fonctions 
très-importantes; mais il me semble, en lisant la traduction 
française que le Vasseur a publiée de l'anatomie des plantes, 
que l'habile observateur anglais ne passa pas outre. De son côté, 
Malpighi montra l’analogie des ovaires des animaux avec ceux 
des végétaux, et poussa mème la comparaison au-delà de ses 
limites naturelles ; car tout préocéupé qu'il étoit de ses grandes 
découvertes sur la formation et le développement du fœtus dans 
les animaux, il lui parut que Ja graine ofiroit des phénomènes 
tout semblables, et il introduisit dans la Botanique, la langue 
de l'Anatomie animale; de là, les expressions de cordon om- 
bilical , de placenta, de chorion, d’amnios, etc. Néanmoins, 
rien ne prouve que Malpighi ait admis la fécondation dans les 
plantes, 


11 est certain que les anciens n’ignoroient pas ce phénomène. 
Empédocle, Aristote, Théophraste, Pline et quelques poëtes en 
font mention; maisils n’en eurent que des notions incomplètes, 
et elles se perdirent pour long-temps dans le naufrage des con- 
noissances humaines. 

Un poëme latin composé dans le XVe siècle, par Jovianus 
Pontanus , précepteur d’Alphonse, roi de Naples, est le premier 
ouvrage moderne où il est question du sexe des plantes. Pontanus 
chante les amours de deux dattiers végétant à 15 lieues l’un de 
l’autre. Le mâle étoit à Brinde, la femelle étoit dans les bois 
d'Otrante. La distance ne fut pas un obstacle à la fécondation, 
dès que les deux palmiers, élevant leurs têtes au-dessus des arbres 
qui ls environnoient, purent se voir, pour parler avec le 
poëte, 


Zaluzian, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. ! 425 


_Zalazian, botaniste de la fin du XVe siècle, dont il a été 
fait mention précédemment, dit que la plupart des espèces sont: 
androgynes, mais qu’il en est quelques-unes dont les sexes sont 
séparés sur deux individus, et il rappelle à ce sujet, un passage 
de Piine, relatif à la fécondation du dattier. Jean Bauhin, dans 
le milieu du XVIIe siècle, cite les expressions de Zaluzian. Enfin 
49 ans après, un professeur de Tubinge, Rudolph Jacob Ca- 
merarius , distingue nettement les organes de la génération, et 
prouve, par des expériences rigoureuses sur le Mûrier, Le Maïs 
et la Mercuriale, que les graines restent infécondes quand on 
s'oppose, par un moyen quelconque, à l’action des étamines sur 
les pistils. Ce savant, qui d’ailleurs n’est connu que par un 
petit nombre de Mémoires insérés dans les Actes de l’Académie 
des curieux de la Nature, est donc, chez les modernes, le 
véritable auteur de la découverte du sexe des plantes; car lhon- 
neur d’une découverte n'appartient pas tant à celui qui l’a soup- 
çonnée , ou même qui l’a entrevue, qu’à celui qui l’a démontrée 
et mise dans tout son jour. C’est une vérité que l'ingratitude 
et l'envie affectent trop souvent de méconnoître. 


Pendant que Camerarius enseignoit les fonctions des étamines; 
Tournefort, abusé par des expériences insuffisantes, soutenoit 
que ces organes ne sont que des canaux excréloires , et Réaumur, 
au commencement du XVIIIe siècle , penchoit encore pour cette 
doctrine, Ce fut alors que Geoffroy, apothicaire à Paris, soumit 
les organes sexuels à de nouvelles observations. 11 examrna| les 
formes variées du pollen, observé déjà par Grew et par Mal- 
pighi; il indiqua le canal excrétoire et le micropyle; mais il 
s'imagina que le pollen n’étoit autre chose que de petits germes! 
lesquels s’introduisant par ces conduits, jusque dans les ovules, 
s’y développoient sous la forme d’embryons; hypothèse que les 
recherches des anatomistes ont rendue insoutenable, Peu après 
l'élève et le critique de Tournefort , Sébastien Vaillant, auteur 
d’un: excellent ouvrage sur les plantes des environs de Paris, 
exposa le phénomène de la fécondation dans ses lecons publi- 
ques, décrivit l'explosion des anthères, et fit voir que les fleu- 
rons et les demi- fleurons des SYNANTHÉRÉES, encore qu'ils 
soient formés sur le type d’une fleur hermaphrodite, sont quel- 
quefois mâles ou femelles, ou même neutres par l'avortement 
des pistils oudes étamines, ou: des. étamines et des pistils tout 
ensemble. 


La marche de la sève étoitinconnue des anciens. Théophrastè 
Tome LXXV II. DÉCEMBRE an 1813, lii 


426 JOURNAL. DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


savoit que les racines et les feuilles font les fonctions de bouches 
apirantes, mais une fois: la sève introduite dans l'arbre, ik 
ignoroit quelle route elle suit. Perrault qui se fit remarquer par 
la diversité de ses connoïssances et par l'originalité de ses vues, 
prétendit , en 1667, que les plantes ont des vaisseaux seiublables 
aux artères et aux veines, et que la sève passant des uns dans 
les autres, circule comme le sang. Maxiotte et Lahire adopièrent 
cetle opinion, Lahire crut, avec Tournefort , que les vaisseaux 
sont garnis de valvules qui s'opposent au retour des fluides, IE 
chercha dans la capillarité du tissu , la force motrice des mouve- 
mens sémeux. 


L'opinion de la circulation fut attaquée Yivement dès sa nais- 
sance, par le docteur Tonge, anglais. Peu ensuite, les français 
Duclos, Dodart et Magnol la combattirent aussi. Magnol, pour 
découvrir ‘la route de la sève, imagine de faire aspirer une 
liqueur colorée à une tubéreuse: Des observations peu con- 
cluantes le portent à publier qu’une partie dela sève monte par 
Ja moëlle et est employée à développer les fruits. 

Dodart admet deux sèves, l’une qui descend des feuilles vers 
les racines, l’autre qui monte des racines vers les-feuilles : sèves 
aussi distinctes par leur nature et leur destination , que par leur 
origine et leur marche, Avant cela, Rai et Willougby avoient 
montré qu'au moyen d’une incision faite au tronc d’un arbre, 
la sève peut s'échapper par les plaies supérieure et inférieure, 
et le docteur Tonge avoit cherché à établir par ka voie de l'ex- 
périence et du raisonnement, qu'il n’y a pas, à proprement 
dire, de sève descendante ; que la ‘sève montante s'élève à travers 
les couches ligneuses , et rétrograde quelquefois dans les eon- 
duits qui ont servi à son ascension par une rechute comparable, 
sous quelques rapports, à celle de l’eau d'un alambic. C’est 
l'expression dont il se sert. 

Les choses en étoient là.en 1727, quand Halle publia sa Sta- 
tique des Végétaux. Cet iustre Anglais , l’un des fondateurs de 
Ja Chimie pneumatique et de la Physique expérimentale, caleula 
par des moyens très-ingénieux, la rapidité de la marche de la 
sève, la force aspirante des racines et des feuilles, les rapports 
nécessaires entre l’absorption et la transpiralion; prouva lin- 
fluence des causes extérieures sur ces phénomènes; reconnut le 
mouvement de la sève du centre:à la circonférence, et détruisit 


de fond en comble, le système de la circulation dans les vé- 


gétaux, 


à 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 427 


: Quelque temps auparavant, Grew avoit indiqué l’analopié 
des cotylédons et des feuilles; Dodart avoit constaté la ten- 
dance naturelle de la radicule vers le centre de l4 terre, et de 
la plamule vers le ciel, et Lahire avoit inutilement tenté d’ex- 
pliquer cette tendance par la chute des fluides et l'ascension 
des vapeurs. 

Malgré les soins pénibles des dernières années de son règne 
et les chagrins poignans d’une ambition décue, Louis XIV, 
toujours sensible à la gloire, ne cessoit d'encourager les Arts, 
les Lettres et les Sciences. La Botanique ne fut point oubliée. 
A Ja fin du XVIIe siècle, Surian et Plumier avoient été en- 
voyés aux Antilles; en 1700, Tournefort partit pour le Levant; 
en 1703, Augustin Lippi pour l'Ethiopie; en 1708, le père 
Feuillée pour le Pérou. 

L'’anglais Marc Catesby, peu d'années après, visite la Vir- 
‘ginie, é Géorgie, la Floride, les îles de Bahama, et publie à 
son retour en Europe, un ouvrage d’une magnificence jusqu'alors 
inconnue dans l'Histoire naturelle. Vers cette époque, Messer- 
chmid, né à Dantzick, entreprenoit un voyage long et pénible. 
Il _employa huit ans, à parcourir les bords de l’Oby et de lIrtz, 
la Daourie et -les monts Uraliens. 


En ces temps, la Russie , encore barbare, étoit gouvernée parle 
Czar Pierre Ier. Ce despote considérant les avantages infinis dela 
civilisation, se résolut à l’introduire dans ses Etats; il fit venir 
de toutes parts des artistes et des savans, fonda des bibliothè- 
ques, des académies, des écoles , des établissemens pour l’'His- 
toire naturelle. Par ses ordres, le botaniste saxon., J. Christian 
Buxbaume, partit à la suite du comte Romanzow, ambassadeur 
de Russie auprès de la Porte Ottomane, et visita les rives du 
Pont-Euxin, l’Asie mineure et l'Arménie. 

Anne Iwanowna poursuivit en femme supérieure, le dessein 
de Pierre-le-Grand. Des historiens, des géographes, des natu- 
ralistes furent envoyés dans toutes les parties de l'Empire. Hein- 
zelmann parcourut la. Tartarie; Gerber, les bords du Tanaïs 
et du Volga; Gmelin, les diverses contrées de la Sibérie, Etienne 
Krachenniunikow , le Kamtchatka; Steller se réunit à Béering 
qui naviguoit dans le détroit du Nord et pénétra jusqu'en 
Amérique. 


té ” 
Tandis que les Russes dirigés, ou plutôt entraînés par leurs 
Czars, s’élevoient avec une rapidité inouie, au rang des peuples 


liiz 


426 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


civilisés, ces derniers ne perdoient rien de Jeur jardeur. pour 
les sciences. L'amour de la Botanique; décide presqu’en même 
temps trois Français à passer dans le Nouveau-Monde. Le mé- 
decin de Prat et Granger. s'embarquent pour l'Amérique sep- 
tentrionale ; celui-ci, en 1733, celui-là, en 1734 ; et Joseph de 
Jussieu, frère du célèbre Bernard, accompagne en 1735, les 
académiciens que Louis XV envoyoit au Pérou pour mesurer 
un degré du méridien. 


Depuis Tournefort le nombre des plantes connues s’étoit pro- 
digieusement accru; de grands voyages avoient été entrepris 
dans le seul dessein d'avancer la Botanique. Les découvertes 
nouvelles mettoient sans cesse en défaut, la méthode ingénieuse, 
mais insuffisante du naturaliste français. La méthode de Rivin 
Jlaissoit encore bien plus à desirer. Le hollandais Boerhaave, 
grand médecin, botaniste moins célèbre , avoit publié en 1710, 
une méthode artificielle où se retrouvoient combinées, les idées 
de Rai, d'Hermann et de Tournefort. Cette classification em- 
barrassée n’eut point de vogue, malgré le nom de son auteur, 
Deux allémands, Chrétien Knaüt, en 1716, et Henri-Bernard 
Ruppius, en 1718, avoient reproduit sous une nouvelle forme, 
la méthode de Rivin et ne l’avoient rendue ni plus eommode, 
ni plus générale. L’italien Pontedera, en 1720, avoit essayé de 

erfectionner celle de Tournefort, et n’avoit fait réellement que 
a compliquer. | 

Les caractères génériques indiqués par Tournefort, man- 
quoient de précision, Les botanistes qui avoient écrit après lui, 
n'avoient pas été plus sévères dans l'établissement des nouveaux 
genres. On n’étoit point d'accord sur ce qu’on devoit nommer 
espèces et variétés. Les noms des espèces se composoient des 
noms génériques et de quelques épithètes placées à la suite, 
ce qui répondoit à nos phrases spécifiques; mais ces noms, 
pris dans les anciens auteurs, ou calqués sur les modèles qu'ils 
avoient laissés, indiquant le lieu natal des plantes, la couleur 
de leurs périanthes, leurs odeurs et quelques autres caractères 
aussi variables, étoient trop longs pour appeler les espèces et 
trop vagues pour les faire reconnoître. La mémoire la plus ferme 
ne pouvoit retenir tant de mots souvent rudes et barbares. Les 
‘communications entre les botanistes devenoïent de jour en 
jour plus difhciles. Le synonimie étoit presque totalement né- 
gligée. Joïgnez que la langue de la: Botanique: n’existoit pas 
encore, ensorte que chacun décrivoit les plantes à sa mode, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 429 


désignant les organes et leurs diverses formes, par les expressions 
qui leur paroissoient les plus convenables. 

Quoi qu'il en soit, ces temps-là ne manquoient pas de grands 
botanistes , et sans rappeler ceux que j'ai déjà cités, et beaucoup 
d’autres qui jouissent d’une juste célébrité, je me contenterai 
dedire que l’allemand Jacques Dillen , le suisse Jean Scheuchzer 
et le florentin Pierre Antoine Micheli parurent immédiatement 
après Tournefort. 1 

Tous trois eurent cette sagacité, cette patience et cet esprit 
de méthode qui conduisent toujours à de beaux résultats dans 
es sciences d'observation. Les divers ouvrages que Dillen a 
publiés , sontexcellens; mais son Histoire des MOUSSES mérite 
une mention particulière, On n'a jamais donné de dessins et de 
de descriptions plus exacts. L’esprit s'étonne qu’un travail si 
difficile ait été porté d’abord à ce haut degré de perfection. 
L’Agrostographie ,ou l'Histoire des GRAMINÉES de Scheuchzer, 
ne le céderoit point en mérite à l'Histoire des MOUSSES, si l’auteur 
eût donné les figures entières des plantes dont il traite, et s'il 
eût fait ressortir davantage, dans ses descriptions, les caractères 
distinctifs des espèces. Les recherches de Micheli sur les CHAM- 


.PIGNONS, sont comparables à celles de Dillen sur les MouSssEs,. 
Cet éloge dispense de tout autre. 


A mesure que les observateurs enrichissoient la science, le 
besoin d’une réforme générale se faisoit sentir davantage. L’en- 
treprise étoit grande et hasardeuse; elle ne pouvoit être con- 
duite que par une seule tête. Ce n’étoit pas assez que le ré- 
Formateur, homme d'esprit et de talent, fût capable de se livrer 
avec persévérance à des recherches pénibles, il falloit encore 
qu'il pût saisir l’ensemble de la science, aussi bien que ses 
moindres détails; qu’il eût à-la-fois , la conception la plus 
vaste, l'intelligence la plus nette, la mémoire Ja plus heu- 
reuse; qu'il sût ramener une métaphysique profonde à des ex- 
pressions simples et claires; qu’il entrainât la multitude par ses 
brillans aperçus; qu’il persuadât les esprits supérieurs par sa 
solide raison; et cela même n’eût pas suffi, si ce* naturaliste, 
peu confiant dans ses forces, eût fléchi sous l'autorité de ses 
prédécesseurs, et craint les préventions de ses contemporains : 
absolu dans ses principes, il devoit les dicter en maître et braver 
les préjugés et l'envie qui s’efforceroient d’arrêter les progrès de sa 
doctrine. Charles Linné, un suédois pauvre et sans appui, né 
en 1707, au village de Rashalt en Smoland, parut tout-à-coup 


430 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


avec ce rare assemblage de qualités éminentes, et surmonta 
bientôt, par l’ascendant de son génie, les obstacles que lui 
opposèrent la fortune et les hommes. 


Le réformateur embrassa dans son plan toutes les parties de 
l'Histoire naturelle. Il n’est pas de mon sujet de vous dire ce 
qu'il fit en Zoologie et en Minéralogie : je ne marrêterai un 
moment que sur ses travaux en Botanique. Il créa la langue de 
la science, il la rendit aussi rigoureuse qu’elle pouvoit l'être. 
Chaque organe fut défini avec précision et reçut un nom propre ; 
chaque modification importante fut désignée par une épithète 
particulière. Dès-lors les comparaisons devinrent faciles et l’on 
put rechercher les moindres détails sans courir le risque de s’é- 
garer et de tout confondre. Avec cet instrument Linné entreprit 
de reconstruire la science entière. Il put rendre dans son langage 
‘énergique et pittoresque , les caractères génériques que Tournefort 
n'avoit exprimés que par ses dessins. Ces caractères furent ex- 
posés dans un nouvel ordre et sous un nouveau jour. Chaque 
espèce prit, outre le nom du genre auquel elle appartenoit, un 
nom spécifique simple et significatif, rappelant, pour lordi- 
naire, quelques particularités distinctives de cette espèce. Les 
phrases qui avoient servi jusqu'alors de noms spécifiques, chan- 
gèrent de forme et dedestination. Elles offrirentsous un seul point 
de vue, les caractères les plus saillans de chaque espèce, et 
servirent de moyen de comparaison entre les diverses espèces 
d’un même genre. Les descriptions recurent aussi des amélio- 
rations sensibles; elles furent rédigées dans un seul et même 
esprit, et présentèrent une suite de portraits, d'autant plus re- 
connoissables, qu’il fut plus aisé d’en*faire contraster les parties 
correspondantes. Linné réunit dans un livre excellent, les prin- 
cipes fondamentaux de sa doctrine, qui devint en peu d'années, 
celle de tous les botauistes. 


Mais ce qui multiplia prodigieusement le nombre de ses sec- 
tateurs, fut la méthode artificielle suivant laquelle il distribua 
les genres, et qu’il désigna sous le nom de Système sexuel, 
Personne n’avoit encore fondé de méthode sur les organes de 
la génération. Camerarius et Burkard en avoient eu l'idée, 
Camerarius s’étoit borné à indiquer trois coupes principales 
résultant de l'union et de la séparation des sexes, Burkard 
avoit jugé que l’on pouvoit employer avec succès le nombre 
et la proportion des étamines, et il avoit indiqué plusieurs des 
classes que Linné a établies depuis. On trouve aussi dans le 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 431 


travail de Vaillant sur les SYNANTHÉRÉES , le principe fonda- 
mental des ordres qui divisent cette grande classe dans le système 
sexuel; mais cela ne détruit point la gloire de Linné qui sut 
développer et généraliser en homme supérieur, des idées trop 
incomplètes ou trop vagues pour qu’on en eût conservé le souvenir. 
D'ailleurs, il se rencontre dans sa méthode, plusieurs choses 
qu lui appartiennent en propre. Il remarqua le premier les dif- 
érentes Insertions des étamines, et fit un bel usage de ces ca- 
raclères pour diviser en deux classes, les plantes hermaphro- 
dites dont les étamines libres passent le nombre douze. L'union 
des étamines par les filets avoit déjà été observée, mais l'emploi 
qu’en fit Linné est neuf et original. Enfin, ce qui établit incon- 
testablement ses droits comme inventeur, est l’art admirable 
avec lequel il a combiné les diverses parties de sa méthode, et 
l'application immédiate qu’il en a faite à tous les végétaux connus. 


Le raisonnement, aussi bien que l'expérience, prouve qu’en 
Histoire naturelle il ne peut exister de méihode parfaite; le 
système sexuel a donc ses imperfections. Linné part de ce principe, 
que toutes les plañtes ont des organes males et femelles; or, 
1l paroït qu'il y a des plantes agames : voilà, par conséquent, 
des espèces qui n’ont pas de place dans le système, ou qui n'y 
rentrent qu’en vertu d’une hypothèse pour le moins très dou- 
teuse. Une grande partie des genres est classée par le nombre 
des étamines, ce qui fait supposer que toutes les espèces com- 
prises dans un même genre, ont un nombre égal d’étamines, 
et cependant nous voyons qu'il y a des exceptions. L’union des 
étamines par les filets est plus ou moins complète :- cela donne 
matière à des doutes et rend quelquefois la classification pro- 
blématique. La séparation des sexes résulte souvent de l'avor- 
tement de l’un des deux organes sexuels; des circonstances 
accidentelles peuvent déterminer cet avortement ; il n’est pas 
rare qu’il se manifeste dans certaines espèces associées, par 
d’excellens caractères génériques, à d’autres espèces constamment 
hermaphrodites, d’où il suit que l’union ou la séparation des 


sexes ne conduit pas toujours surement à la classe que l’on 
cherche. 


Les subdivisions des classes, c’est-à-dire les ordres, présentent 
de même quelques imperfections. 

Mais pour bien apprécier le système sexuel, il faut le con- 
sidérer dans son ensemble. 1] plaît, il intéresse, ilsinstruit tout- 
à-la-fois. Les caractères qu’il met en évidence piquent vivement 


432 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

la curiosité, parce qu'ils appartiennent à des organes d’où dé- 
pendent les phénomènes les plus mystérieux et les plus impor- 
tans de la vie. L'esprit saisit sans fatigue et comme d’un regard, 
toutes les parties de cette vaste composition; on se croit bo- 
taniste sitôt qu’on en concoit bien la savante ordonnance, et, 
de fait, on commence à l'être. S’il se rencontre des exceptions 
qui peuvent induire en erreur, elles ne sont pas nombréuses, 
ét pour tout dire enfin, nulle méthode artificielle n’est aussi 
sûre, aussi facile , aussi générale, aussi attrayante. 

Linné n’ignoroit pas que.les méthodes artificielles, ne rap- 
prochant les plantes qu’en vertu de la ressemblance d’un petit 
nombre de caractères, n’en pouvoient donner qu’une idée in- 
complète; mais il croyoit qu’elles étoient indispensables pour 
guider le botaniste. C’étoit, suivant lui, le fil d'Ariane qui em- 
pêche qu’on ne es dans les détours du labyrinthe. Du reste, 
il mettoit fort au-dessus de tout arrangement systématique, les 
rapprochemens qui résultent de la concordance d’un grand 
nombre de caractères. Il disoitique la méthode naturelle étoit 
le but vers lequel on devoit tendre incessamment, Il travailla 
toute sa vie à grouper les plantes suivant les lois des affinités, 
et dans ses entretiens particuliers, il développoit à ses élèves 
chéris, cette belle partie de sa doctrine. J 


Ce naturaliste ne se montra pas moins habile quand il fallut 
descendre aux détails de la science. Il avoit voyagé en Laponie: 
la Flore qu’il publia de cette contrée byperboréenne est un parfait 
modele en son genre. - 

Il contribua aux progrès de la Physiologie, soit par de nou- 
velles recherches, soit en développant ce que ses prédécesseurs 
n’avoient fait qu’entrevoir. Quelques observations éparses offroient 
de vagues notions sur le sommeil des plantes, Garcias, dans son 
voyage aux Grandes-Indes, avoit noté que le tamarin tient ses 
folioles inclinées pendant la nuit. Le père Labat, durant son 
séjour aux Antilles, avoit fait la même remarque sur une mul- 
titude de plantes à feuilles composées , et il attribuoït cette dis- 

osition à la fraîcheur des nuits des tropiques. Linné examina 
et décrivit avec soin les circonstances particulières du phéno- 
mène ; mais quoique son travail soit parfait à beaucoup d’égards, 
on peut y apercevoir quelques taches. Linné, selon sa coutume 
(je ne dois pas vous laisser ignorer ce qu'il ÿ eut de foible en 
lui), exagéfa un peu la vérité, négligea les exceptions. et crut 
pouvoir démontrer l’absolue nécessité des faits par la doctrine 


séduisante, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 433 


séduisante, mais trompeuse, des causes finales. Telle fut la pente 
de son génie. Ses dissertations sur le sommeil des fleurs, sur la 
dissémination des graiges, sur les noces des plantes, sur les 
espèces hybrides, etc., D uénitseit matière à de semblables cri- 
tiques. Il n’est pas jusqu’à son Gerera, chef-d’œuvre de sagacité 
et de précision, où l’on ne trouve souvent la preuve de sa trop 
grande propension à généralisér les faits particuliers. Combien 
de caractères qu’il propose comme le lien commun de plusieurs 
espèces , n'existent effectivement que dans une seule! Linné n’est 
donc pas à l'abri de tout reproche; mais je dirai pour son excuse, 
que ses défauts mêmes tenoient à certaines qualités supérieures sans 
lesquelles il n’eût jamais eu la gloire d’être le réformateur de 
la science. -Animé d’une imagination vive et brillante, il put 
répandre tout-à-coup des vérités qui, sous la plume d’un écrivain 
froid, n’eussent fait que d’insensibles progrès. IL sut donner à 
ses pensées un tour si original et si piquant, qu’une simple lec- 
ture les grave pour toujours dans la mémoire. Plusieurs décou- 
vertes capitales, faites par les botanistes qui l’ont précédé, ne 
sont devenues vulgaires que lorsqu'il les a reproduites dans ses 
écrits; et, par exemple, l'existence des sexes dans les fleurs, ne 
fut universellement admise comme un fait incontestable, qu'après 


qu’il eut exposé et développé lui-même, le phénomène de la 
fécondation des plantes. 


Le monde ne savoit ce qu’il devoit admirer davantage de la 
multiplicité, de la nouveauté ou de la profondeur des vues de 
l’Aristote du Nord. Son école devint la lumière de l'Europe ; 
de toute part on s’y portoit en foule; il y gouvernoit despoti- 
quement les esprits.comme jadis les philosophes de la Grèce; 
ses disciples ne concevoient pas de plus grand honneur, que 
de travailler à propager sa doctrine; aucun, même après lui, 
n'osa songer à se frayer des routes nouvelles, et ses détracteurs 
‘caril en eut ) furent bientôt réduits au silence. Parmi les hommes 
- Qui l’ont censuré avec le moins de ménagement , on compte 
#deux illustres français, Adanson et Buffon. Buffon entroit dans 

la carrière; il n’avoit pas encore cette maturité de jugement 
que acquit avec les années; il ne pénétra pas d’abord l’esprit 
es méthodes de Linné; il voulut raisonner sur la Botanique 
qu'il n’entendoit point, et ses raisonnemens portent à faux, tant 
il est vrai qu’en toute chose, et surtout en Histoire naturelle, 
le génie ne peut suppléer à la connoissance des faits. On ne 
sauroit dire qu'Adanson manquât du côté de l'instruction; mais 


Tome LXXVII. DÉCEMBRE an 1813. Kkk 


434 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


le desir de se singulariser, et peut-être un sentiment de ses 
forces qui lui rendoit insupportable la gloire immense de Linné, 
ne le laissérent pas libre de porter un jugement impartial sur 
les heureuses innovations de ce profond botaniste. 

Jamais l’ardeur pour les sciences naturelles n’avoit été portée 
aussi loin. Les Suédois donnoient l'exemple. Cette nation voyoit 
avec orgueil qu’elle possédoit le Prince des naturalistes. Les 
Académies, les Sociétés savantes, les particuliers firent de grands 
sacrifices, et, vers ‘le milieu du XVIIIe siècle, ‘sx botanistes 
suédois partirent presque en même temps, pour diflérens points 
de la terre. Kalm se rend en Pensilvanie et parcourt pendant 
trois ans, l'Amérique septentrionale ; Hasselquist visite l'Egypte, 
la Palestine, l'Asie mineure; Lœfling passe dans l’Amérique 
méridionale ét Ternstrom en Asie; Toréa habite trois années 
le Malabar; Osbeck va à Java, en Chine et à l’île de l'Ascen- 
sion. Hassélquist, Lœfling et Ternstrom nerevirent point l'Eu- 
rope. Le premier mourut à Smyrne, le second sur les bords de 
l'Orénoque, le dernier dans l’île de Pul-Condor. 

En ces temps, Adanson parcouroit le Sénégal, les Canaries 
et les Acores; le père d'Incarville faisoit passer à Bernard de 


Jussieu des plantes et des graines de la Chine; Aublet qui, 


peu ensuite, visita si utilement pour la Botanique, la Guyare 
et Saint-Domingue, abordoit à l'Ile-de-France, et M. Jacqum, 
l'un des botanistes modernes qui ont le plus enrichi la science 
par la découverte de nouvelles espèces , rassembloit aux Antilles, 
un nombre prodigieux de plantes pour le magnifique jardin de 
Schæœnbroun. 

Alors la méthode linnéenne prévaloit; la plupart des-botanistes 
Padoptoient dans leurs ouvrages. Cependant quelques-uns es- 
sayoient de combiner les divers caractères, de manière à former 
des groupes naturels. Adrien Van Royen se distingua par ses 
recherches. Le Catalogue des plantes du jardin de Leyde qu'il 
publia en 1740, offre des aperçus neufs. Il est le premier qui 
ait divisé toutes les plantes phénogames, soit herbacées, soit 
ligneuses, en deux groupes caractérisés par le nombre des co- 
tylédons, et qui ait fait usage, pour la classification, du nombre 
des étamines comparé à celui des pétales. 

Le suisse Albrecht de Haller, contemporain de Royen, em- 
ploya aussi ce dernier caractère; mais 1l ne distingua pas les 
monocotylédons des dicotylédons, quoiqu'il recherchât curieu- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 435 


sement les affinités. Haller développa une singulière force de 
tête dans tout ce qu'il entreprit. Il brilla comme poëte , poli- 
tique, anatomiste, physiologiste, médecin, botaniste. Son His- 
toire des plantes de la Suisse est un chef-d'œuvre d’érudition et 
d'observation. 

Je ne finirois pas si je voulois citer tous les botanistes qui se dis. 
tinguèrent à cette époque mémorable. Je me contenterai donc 
de rappeler ceux qui ont ouvert des routes nouvelles. 


Le seul naturaliste qui auroit pu balancer la réputation de 
Linné, étoit le respectable Bernard de Jussieu, si étonnant par 
l’étendue de ses connoissances, la pénétration de son esprit et 
la solidité de son jugement. Mais Bernard de Jussieu se livroit 
aux recherches les plus pénibles sans aucun desir de gloire. 
L'amour de la vérité suflisoit pour exciter et entretenir son zèle. 
Il ne céloit ses découvertes à personne. Peu lui importoit qu'un 
autre en recueillît l'honneur, si elles se répandoient et servoient 
aux progrès des scieñces. Beaucoup de nos contemporains ont 
connu ce sage; ils disent que l’on ne vit jamais réunies en un 
autre homme, tant de candeur et tant de lumière. 


Bernard ne publia qu'un petit nombre de Mémoires; il fit 
connoître les élamines de la pilulaire et du lemma; il examina 
après Grew et Malpighi, la forme des grains du pollen; il. 
vit ces corpuscules éclater sur l’eau et lancer la liqueur sémi- 
nale. Il démontra ce qu'Imperati avoit soupçonné, et ce que 
Peyssonnel avoit affirmé sans preuves suflisantes , que les ma- 
drépores doivent être transférés du règne végétal dans le règne 
animal. Comme le jugement étoit ce qui dominoit en lui, il 
s’appliqua spécialement à la recherche des rapports naturels, 
et fit plus à lui seul, pour avancer cette partie de la Botanique, 
que tous ses prédécesseurs ensemble. Le jardin de Trianon fut 
planté par ses soins. Il y groupa les plantes par familles et y dis- 
tribua les familles d’après une méthode fondée sur l'absence, la pré- 
sence et le nombre des cotylédons, et sur l'insertion des étamines, 
Les élémens de cette méthode n'étoient point neufs; Royen, 
ainsi qu'on vient de le voir, s’étoit servi des cotylédons dans 
le même esprit, et Jean Théophile Gleditsch de Leipsic, dix 
ans avant Bernard de Jussieu, avoit imaginé de prendre l'in- 
serlion des étamines pour principal caractère de classification, 
mais Bernard de Jussieu, après avoir fait concourir tous les ca- 
ractères à la formation des familles, disposoit ces groupes dans 
un ordre méthodique, et cela étoit une nouveauté. Il croyoit qu’il 


Kkk 2 


436 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


existoit une affinité naturelle entre les différentes familles, de 
même qu'entre les diflérens genres. Il admettoit une certaine 
subordination dans les caractères, et un enchaînement de rapports 
tels, qu’il lui sembloit possible de classer les plantes selon les 
lois d'une méthode aussi claire, aussi simple que nos méthodes 
artificielles, et qui auroit en outre cet avantage sur ces der- 
nières , que loin de rompre les affinités, elle n’en seroit que l’ex- 
pression la plus nette et la plus précise. La découverte de cette 
méthode étoit le but de ses recherches. Soit que ce but fût 
réel ou qu'il (ât imaginaire, les efforts qu’il faisoit pour l’atteindre 
le conduisoient par une voie directe, à la connoïissance des rap- 
ports naturels, qui font de la Botanique, une science vraiment 
digne des méditations du philosophe. Ainsi Bernard de Jussieu 
s’avançoit à pas sûrs. Sans doute, sa méthode, considérée en 
elle-même, n'est pas moins artificielle que toutes celles que l’on 
avoit proposées jusqu'alors; de plus, elle est d’une application 
très-difficile et elle donne lieu à une foule d’exceptions ; mais 
il est visible que c’est un hors-d’œuvre que l’on peut supprimer 
sans toucher aux familles, et cela seul sufliroit pour prouver le 
profond bon sens de l’auteur. 


Bernard de Jussieu n’a rien publié sur les familles. Nous 
ignorerions quelle part il a prise dans ce travail, si M. Antoine- 
Laurent de Jussieu ne nous eût rendus juges des travaux de son 
oncle. M. Antoine-Laurent u’a point renoncé à la méthode de 
Bernard, mais il l’a combinée avec celle de Rivin, et par ce 
moyen, il en a singulièrement facilité l'étude. IL s'occupe sans 
relâche de perfectionner les familles naturelles, et il pougsuit 
cetle entreprise avec tant de succès, que les contemporains de- 
vancant le jugement de la postérité, reconnoissent en lui le 
légitime successeur du chef de l'Ecole française. 

Ce fut en 1759 que Bernard de Jussieu disposa le jardin de 
Trianon : ce fut en 1763 qu'Adanson publia ses familles des 
plantes. Si l’on rapproche ces dates, si l’on considère qu’Adanson 
avoit de continuelles communications avec Bernard, que ce 
dernier ne faisoit point mystère de sa doctrine, qu’il étoit le 
promoteur, et si j'ose dire, l’ame de presque tous les grands 
travaux que les naturalistes francais entreprirent alors, on jugera 
de quelle utilité ses conseils furent pour Adanson. 


Quoi qu'il en soit, Adanson n’étoit pas un homme d’une trempe 
commune; il avoit une profonde connoissance des livres et des 


Laos 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 437 


choëes ; il possédoit au plus haut degré, cette aptitude à bien 
voir et ce génie de comparaison qui font les grands naturalistes; 
mais un amour-propre immodéré, des préventions injustes, et 
Vambition non moins puérile que bizarre, de paroître extraor- 
dinaire en quoi que ce fût, obscurcirent un peu ses précieuses 
qualités. 

Adanson reconnut que chaque famille a, suivant son expres- 
sion, un génie et des mœurs qui lui sont propres ; c’est-à-dire, 
en d’autres termes, et comme l’avoit très-bien jugé Magnol, 
que les mêmes caractères n’ont pas une. égale importance dans 
les divers groupes naturels, ensorte que la subordination générale 
des caractères ne doit être adoptée qu'avec restriction. El fit 
consister la méthode naturelle daus la formation des familles 
et dans leur disposition en ue série ou gradalion fondée sur 
tous. les rapports possibles de ressemblance, et il insista for- 
tement sur les avantages de cette classification qui, à l’entendre, 
ue renfermoit rien de systématique. Mais la gradation qu'il 
admet est-elle donc autre chose qu’un système?.... Si l’on 
examine le règne végétal, on voit que souvent les mêmes plantes, 
selon le jour sous lequel on les considère ,*se rapprochent ou 
s’éloignent par une multitude de points; qu’il n'existe pas de 
chaîne principale, mais de nombreux chaînons qui se ramifient, 
se croisent , reviennent sur eux-mêmes, forment un lacis inex- 
tricable, et qu’enfin, quelle que soit la direction que l’on suive, 
on ne trouve jamais cette série continue dont nous parle Adansorr, 

Magnol et Linné s’étoient bornés à désigner sous des titres 
différens, les familles qu'ils avoient formées; Adanson fit plus, 
il exposa avec beaucoup de netteté et de discernement, en tête 
de chacune d'elles , les caractères qui la distinguent des autres. 
Il imagina aussi de placer les caractères des genres en colonne, 
de facon qu'on pût en faire promptement la comparaison, 

… La Physiologie s’enrichissoit tous les jours par les observations 
de Guettard et de Duhamel, deux français, amis de Bernard 
de Jussieu. Guettard décrivit avec une exactitude scrupuleuse, 
les diverses formes des excroissances cellulaires de l’épiderme 
auxquelles on a donné le nom de poils et de glandes. Duhamel 
entreprit un travail beaucoup plus vaste. Il composa un Traité 
de Physiologie, ouvrage qui contient une foule de belles ob- 
servations. Il prouva par des expériences très-ingénieuses, que 
l'aubier se transforme en bois. Il ne se décida pas sur l’origine 
et les fonctions du liber , mais les expériences qu'il fit pour 


438 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

éclaircir ce point de doctrine, ont contribué à y porter la Iu= 
mière, Grew avoit déjà reconnu l'existence du cambium; Du- 
bamel distingua parfaitement ce chyle où plutôt ce sang vé- 
gttal, de la sève et des sucs propces. Hales avoit établi par 
induction , que la sève des arbres dicotylédons, a un mouvement 


du centre à la circonférence; Duhamel rendit palpable, pour. 


ainsi dire, cette vérité importante. L’irritabilité et le sommeil 


des feuilles attirèrent aussi son attention, cependant il m’épuisa. 


pas la matière, et l’on sait avec quel succès M. Decandolle l’a 
reprise tout récemment. 


Il est fâcheux que la base de la Physiologie, l'Anatomie, 
soit si défectueuse dans l’ouvrage de Duhamel, et qu’on n'y 


apercoive presque jamais les rapports nécessaires qui existent 


entre l’organisation et les fonctions. 
Je ne pense pas que le père Serrabat, un jésuite de Bordeaux, 


qui précéda Duhamel de vingt ans environ, et l'allemand Hedwig 
qui parut trente ans plus tard, aient mieux servi l’Anatomie 


végétale en reproduisant, sous de nouvelles couleurs, les systèmes’ 


de Malpighi, de Perrault, de Lahire, touchant la circulation 
et la respiration dans les végétaux. Mais l'allemand Reichel, 
qui écrivit en même temps que Duhamel, me semble avoir fait 
une découverte intéressante en prouvant que les injections co- 
lorées, s'élèvent par les trachées. Peu ensuite, Charles Bonnet, 
de Genève, confirma les résultats des expériences de Reichel, 
et de plus, il démontra ce que Théophraste avoit annoncé et 
ce dont personne ne doutoit depuis long-temps, que les feuilles 
ont la propriété d’aspirer l’humidité de même que les racines, 

Les expéditions lointaines fournissoient sans cesse de nouveaux 
matériaux aux naturalistes. En 1761, le danois Nieburh accom- 
pagné de Forskal, élève de Linné, parcourut l'Orient, l'Egypte 
et l'Arabie, Six ans après, notre célèbre navigateur, Bougain- 
ville, part pour faire le tour du Monde, et Commerson s’em- 
barque avec lui. Ce botaniste visite les côtes du Brésil, Buenos- 
Ayres, les terres Magellaniques, la Nouvelle - Angleterre, les 
îles d'Otaïti, de Bourno, de Java, de Roderic, Maurice, Bourbon, 
Madagascar. | 

Cinq_ voyages qui n’eurent pas tous une égale importance pour 
la Botanique, mais qui tous, cependant, contribuèrent à 1ses 
progrès, furent commencés en l’année 1768. J'entends les voyages 
de Pallas, de Sonnerat, de Kænig, de Bruce et de Cook, dont 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 439 
je vais vous rappeler en peu de mots, les principales circons- 
lances. 7 

Catherine IT marchoit d'un pas ferme sur les traces des Czars 
ses prédécesseurs ; avide de puissance et de gloire, elle travail- 
loit à civiliser son empire en même temps qu'elle en reculoit 
les limites. Elle chargea le prussien Pallas, savant si remarquable 
par l'étendue et la diversité de ses connoïssances, de visiter et 
de décrire les vastes contrées qui s'étendent depuis Tobolsk 
jusqu'à la mer Caspienne. Six années furent consacrées à cette 
grande entreprise. 

Alors un français, M. Sonnerat, naturaliste infatigable , com- 
mencçoit ses utiles recherches. Il emploie cinq années à parcourir 
l'Ile-de-France, l’'Ile-de-Bourbon, Madagascar, les Philippines, les 
Moluques, la Nouvelle-Guinée; reparoït en France un instant, 
s’embarque de nouveau pour les Indes; visite Ceylan, les côtes de 
Malabar, de Coromandel et la Chine; revient encore en France, 
y rédige ses voyages et repart une troisième fois pour les Indes. 

Le courlandais Kœnig, élève de Linné, voyagea aussi dans 


les Indes. Il visita Ceylan les côtes de Malabar, de Coromandel 
et Siam. 


Les côles de la mer Rouge, la Haute - Egypte, la Nubie, 
l’Abissinie, furent le théâtre des recherches de Bruce. 


Mais le voyage le plus considérable de cette époque est, sans 
” aucune comparaison, celui du capitaine Cook. Ce fameux na- 
vigateur fut accompagné par deux botanistes, M. Solander, 
élève de Linné , et le chevalier Joseph Banks, homme digne de 
tous nos respects par le noble usage qu'il a su faire de son 
immense fortune. Cook revint en Angleterre en 1771 et repartit 
en 1772. Les deux Forster, père et fils, et Sparmann se joigni- 
rent à lui pour cette expédition qui se termina en 1778. Tout le 
monde sait les résultats des deux voyages de Cook. Des pays neufs 
furent visités depuis le Kamtchatka jusqu’au détroit de Magellan, 
et l'Europe, jusqu'alors incertaine, ne douta plus qu’il existât 
vers le pôle Antartique,, une autre partie du monde peuplée 
d'animaux et de végétaux tout différens de ceux de l’ancien 
et du nouveau continent, Ce ne fut cependant qu'après que le 
capitaine pa eût fondé une colonie à la Nouvelle-Hollande, 
que les naturalistes européens furent à portée d’en étudier les 
productions. 


Parmi les botanistes voyageurs qui portérent le flambeau de 


440 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


l'observation dans ces contrées lointaines, on doit surtout dis- 
tinguer notre savant et courageux compatriote, M. de la Billar- 
dière , qui s'étoit fait connoître si avantageusement dès 1789, par 
ses intéressantes recherches sur les plantes de la Syrie. Cet habile 
naturaliste accompagna M. d'Entrecasteaux dans son voyage à la 
recherche de la Peyrouse, Il vit Ténériffe, le cap de Bonne- 
Espérance, la Nouvelle-Hollande, Amboine, la Nouvelle-Zélande 
et les îles de la mer du Sud. 


Douze ans après, l'anglais Robert Brown, observateur plein 
de sagacité, parut dans ces mêmes contrées, et la Botanique 
retire aujourd’hui de grands avantages de ses recherches. 


Quelques années avant le voyage de M. de la Billardière, 
un danois, Martin WValh, deux français, MM. Desfontaines 
et Poiret parcouroïent les côtes de la Barbarie; deux espagnols, 
MM. Ruiz et Pavon et le français Dombey s’étoient embarqués 

-pour le Pérou; un autre francais, l'intrépide André Michaud, 
visitoit la Perse; un autre français, M. Palissot de Beauvois pé- 
nétroit dans les royaumes d'Oware et du Bénin situés sur la 
côte occidentale de l'Afrique; un suédois, M. Swartz, examinoïit 
la Jamaïque et les iles voisines. 


À peine revenu de la Perse, Michaud part pour New-Yorck; 
il parcourt pendant dix ans, l'Amérique septentrionale, depuis le 
tropique jusqu’à la baie d'Hudson, revient en France, s’embarque 
bientôt après pour la Nouvelle-Hollande, mais arrivé à l’Ile-de- 
France, il se décide à passer à Madagascar où il termine sa 
vie Jaborieuse. Son fils, aussi zélé que lui, poursuit ses utiles 
recherches dans l'Amérique septentrionale. 


M. du Petit-Thouars, un français, aborde à l'ile de Tristan 
d’Acugna, au cap de Bonne-Espérance, à l'Ile-de-France, à 
Madagascar, à l’Ile-de-Bourbon. M. Ledru , autre français, va 
à T'énériffe, à la Trinité, aux Antilles danoises, à Saint-Thomas, à 
Portorico, à Sainte-Croix. M. Delisle, au nombre des naturalistes 
de la grande expédition d'Egypte, visite cette terre célèbre que 
n’avoient point épuisée les Belon, les Proper Alpin, les Forskal. 
M. de Humboldt, un prussien, accompagné de M. Bonplarnd, 
un français, parcourt pendant cinq ans les provinces de Véné- 
suéla , la Nouvelle-Grenade, le Pérou, la Nouvelle-Espagne , et 
se montre en toute rencontre, l’un des voyageurs les plus in- 
trépides et les plus éclairés qui furent jamais. 5 

IL seroit possible d'étendre beaucoup cette liste des voyageurs 

de 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 44r 


de Ja fin du dernier siècle et du commencement de celui-ci; 
mais les limites que j’ai dû me prescrire, ne me laissent pas 
libre d'entrer dans de longs détails sur l’époque où nous vivons, 
et Je vais terminer ce Discours en indiquant en peu de mots, 
quelques-unes des découvertes récentes el l'esprit qui anime les 
botanistes modernes. 

Anciennement, l’irlandais Robert Boyle, génie créateur, avoit 
trouvé par l’expérience, que les végétaux ne vivent pas aux 
dépens des substances terreuses qui Le servent d'appui; mais 
la Chimie du temps ne répandoit aucune lumière sur l’origine 
des principes constituans de ces corps organisés. Aujourd'hui 
nous savons par les travaux successifs des Lavoisier, des Priest, 
ley, des Ingenhous, des Sennebier , des Théodore de Saussure, 
que les plantes se nourrissent de carbone, d'hydrogène, d’oxi- 
gène et d’azote ; que ces élémens, les seuls qui paroissent in- 
dispensables à leur composition, leur sont fournis par le gaz 
acide carbonique, l’eau et l'air atmosphérique qu’elles ont la 
propriété de décomposer. Ù 

L'action des gaz sur les végétaux vivans, a été appréciée 
avec une rigueur étonnante, par M. Théodore de Saussure, et 
il a porté cette partie de la Did à un degré d’évidence 
dont elle ne paroissoit guère susceptible. ” 

Je vous ai dit quelle vogue Linné sut donner à la décou- 
verte des sexes des plantes. La foule, entraînée par l’autorité de 
ce philosophe, chercha et crut trouver des étamines et des pistils 
Jusque dans les dernières classes du règne végétal. Déjà même 
avant Linné, Micheli avoit avancé que les champignons ont 
des sexes. Cette opinion a été renouvelée de nos jours. Les 
botanistes modernes ont décrit avec une scrupuleuse exactitude, 
dans les ALGUES, les cONFERVES, les FOUGÈRES, les LycoPo- 
DIACÉES, des parties qu'il leur a plu de nomimer des organes 
sexuels, et ces parties n’ont presque jamais été les mêmes pour 
les différens observateurs. Aucun d'eux n’a pu tirer son opinion 
du rang des simples hypothèses. 11 faut bien croire qu'Hedwig 
a été plus heureux dans son travail sur les MOUSSES, puisque 
la plupart des botanistes ont adopté sa théorie. 

La doctrine de Bernard de Jussieu ne fut goûtée d'abord que 
par un petit nombre d’esprits solides et réfléchis, qui ne se dissimu- 
loient pas que l'étude exclusive de la méthode linnéenne, par 
cela même qu’elle étoit plus attrayante, abusoit les botanistes 
et les détournoit du véritable but de la science. Cette opinion 


Tome LXXVII. DÉCEMBRE an 1813. Lil 


442 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

à laquelle j'oserois dire que Linné lui-même eût accédé s’il 
eût vécu vingt ans plus tard, mais que la plupart de ses sec- 
tateurs ne voulurent jamais recevoir , se répandit insensiblement 
dans l'Ecole francaise; on réunit en familles les plantes des jardins 
de botanique et les échantillons des herbiers; des professeurs 
habiles exposèrent en public les caractères des groupes naturels; 
la vraie philosophie de la science commença à s’introduire dans 
tous les livres. 

- C’étoit alors que l’éloquent et malheureux Rousseau cherchoit 
an remède contre les infirmités de sa raison ; il crut l'avoir trouvé 
dans l'étude des plantes. Le Philosophia bojanica de Linné devint 
sa lecture favorite , et il suivit les herborisations de Bernard de 
Jussieu. Pénétré de respect pour ces deux grands naturalistes, 
il fut des premiers à reconnoître que bien qu'ils eussent pris 
des routes différentes, leur but étoit le même. Tout le monde 
a lu ces Lettres admirables, où le philosophe de Genève expose 
avec cette grâce de style qui n'appartient qu’à lui, les caractères 
distinctifs des principales familles de nos climats. On sent à 
chaque mot, qu'il a pénétré le véritable esprit des méthodes 
artificielies. . 

Les imperfections inhérentes à ce genre de classification furent 
tout-à fait dévoilées, quand M. Antoine-Laurent de Jussieu vint 
à publier son Genera plantarum. Ce précieux ouvrage fit voir 
combien l'étude des rapports naturels est préférable à celle des 
systèmes, quelque ingénieux qu'ils puissent étre. 

Vous aurez peine à croire que Cæsalpin eut des connoïissances 
plus approfondies sur l'organisation des graines, que tous ses 
prédécesseurs jusqu’à Linné inclusivement ; toutefois, c'est ce 
que nous apprend l'Histoire littéraire de la Botanique. La com- 
paraison des graines des différentes espèces fournit, ainsi que 
Bernard de Jussieu l’avoit reconnu, d’excellens caractères pour 
la formation des familles. M. Antoine-Laurent de Jussieu le 
prouvoit par nombre d'exemples , au moment même où Gærtner, 
un allemand modeste , ignoré, après quarante années passées dans 
le silence, faisoit paroître son Traité sur les fruits et les graines, 
ouvrage le plus riche en observations neuves qu'aucun botaniste 
ait encore publiées. Cet observateur infatigable a Jaissé dans 
son fils, un digne continuateur de ses travaux. 


Toutes les recherches concouroient à démontrer la solidité 
des principes de Bernard de Jussieu, M. Desfontaines, de retour 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 433 


en France après un voyage de deux ans sur les côtes de la 
Barbarie, publia cetté découverte fondamentale , que les MoNo- 
COTYLÉDONS ne diflèrent pas moins des DICOTYLÉDONS, par 
Ja structure de leur tige que par la forme de leur embryon, 
et confirma ainsi la division des végétaux phénogames en deux 
grandes classes naturelles. x 


Dès ce temps, cet habile botaniste professoit au Jardin des 
Plantes de Paris, la Physiologie végétale, qui étoit négligée 
dans les autres Ecoles de l’Europe, et qui, par cette raison, ne 
faisoit que de foibles progrès, quoique tous les bons esprits en 
sentissent l'importance. 


Enfin M. de Lamark donnoit dans l'Encyclopédie l'Histoire 
générale des plantes, décrivoit une multitude d’espèces inconnues 
à Linné, publioit une Flore francaise, et se montroit également 
ingénieux, soit qu'il inventât des procédés pour arriver à 


la connoissance des noms spécifiques, soit qu'il s’appliquât à 
découvrir les rapports naturels qui unissent les genres. 


Ce fut par les soins de ces botanistes et de leurs élèves, que 
la doctrine de Bernard de Jussieu s'établit en France. Elle eut 
bientôt aussi de nombreux sectateurs en Espagne et en Angle- 
terre. La Suède, le Danemarck, l'Allemagne ne l’accueillirent 
pas avec la même faveur. On ne devoit guère espérer que les 
disciples de Linné renonceroient tout-à-coup à son système; 
mais on pouvoit croire que ces naturalistes, imbus des sages 
principes consignés dans le Philosophia botanica , sauroijent 
employer, à lexemple de leur maître, la méthode artificielle 
sans négliger l’étude des rapports naturels; et pourtant, si l'on 
excepte le Tableau des affinités par Batsch, ouvrage dont la 
conception est très-heureuse, mais qui pèche trop souvent par 
l'exécution, il n’a rien été publié dans ces contrées qui n’an- 
nonce des vues purement systématiques. On s’en étonnera pour 
peu que l’on considère la foule des savans botanistes qui ont 
illustré la Suède, le Danemark et l'Allemagne dans ces derniers 
temps : un Wahl, un Wildenow, un Swartz, un Schrader et 
tant d’autres! 

Aujourd’hui, malgré les révolutions politiques qui tourmentent 
l'Europe, telle est [a noble et puissante impulsion de lesprit 
humain, que toutes les sciences sont cultivées avec une ardeur 
incroyable. Le botaniste ne se borne plus, comme autrefois, 
à l'examen superficiel des végétaux; il s’est créé une science nou- 

Lil 2 


444 JOURNAL DE PHYSIQUE, -DE CHIMIE 
_velle, L'expérience lui a prouvé, contre les premières impressions 
et contre É préjugés qui en sont la suite, que les caractères 
les meilleurs pour éloigner ou rapprocher les espèces, ne se 
trouvent point toujours dans les organes les plus apparens; il 
examine, il compare, il décrit donc les moindres détails de 
l'organisation. C’est par ce travail, minutieux en apparence, 
u'il élève insensiblement la Botanique au rang des autres branches 
d l'Histoire naturelle. Cette’ assertion peut vous paroître basardée ; 
mais la connoissance des faits et la réflexion vous en feront 
sentir la justesse. Une erreur commune aux gens du monde et 
dont vous devez vous garantir, c’est, de croire qu’on est en état 
de juger le but et les moyens d’une sciénce sans en avoir faif 
une étude particulière. 

L'examen des détails, les recherches approfondies, les expé- 
riences délicates sont surtout nécessaires pour avancer la Phy- 
siologie végétale. L'anatomie qui en est la base, ne s’éclaire que 
par l'observation micrôscopique. Chaque jour voit paroître quel- 
ques travaux neufs sur l’organisation des plantes; la Chimie végé- 
tale contribue aussi aux perfectionnement de la Physiologie; enfin, 
le cultivateur commence à y chercher les principes fondamentaux 
de l'Agriculture. 

En suivant les progrès de l'esprit humain dans l'étude de 
la Botanique, on voit qu’il s’est avancé, comme dans les autres 
sciences , à la faveur des routes nouvelles frayées par quelques 
hommes célèbres, dont les noms suffisent pour rappeler les diffé- 
rentes phases heureuses ou malheureuses , de cette belle partie 
de l'Histoire naturelle. Ainsi nous remarqnaps: 


Théophraste, ou {a naissance de la Botanique : es fonctions 
des organes et leurs caractères sont presque ignorés; les espèces 
sont confondues ; nulle idée des genres et des méthodes; tout se 
borne à des notions empiriques ; 

Dioscoride et Pline, ou l’éude des livres substituée à celle 
de la Nature : Immédiatement après Théophraste, toutes les 
Ecoles s'égarent dans cette fausse route qui n’est abandonnée 
qu’à la renaissance des Let(res; 

Brunfels, Fusch, Tragus, etc...., ou l'observation et la com- 
paraison directes des faits : On revient à la Nature et la science 
s'élève sur des bases plus solides que dans les premiers temps; 

Gesner, ou Les fondemens de toute bonne classification : La 


fleur et le fruit sont reconnus pour les parties qui offrent les 
caractères les plus importans; 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 445 


 Clusius, ou l’art de bien décrire les plantes : Les descrip- 
lions précises et méthodiques s'étendent à toutes les parties et 
deviennent comparatives ; 


Cæsalpin, ou l'introduction de la première méthode : Jus- 
qu'à lui on-avoit ignoré l'art de rapprocher ou d’éloignerles espèces 
par la considération de. certaines ressemblances ou différences 
organiques, et de conduire l'élève par voie d’induction, à la 
connoissance des faits ; 

Les Bauhin, ou /es modèles d'une bonne synonimie : On ap- 
prend äwapporter à chaque espèce tout ce que les auteurs en ont 
dit, quels que soient les noms qu'il leur ait plu de lui donner; 


Camerarius, ou {a connoissance des sexes : L’analogie des 
étamines et des pistils avec les organes mâles et femelles des 
animaux, est démontrée par l’expérience ; . 

Tournefort, ou l'établissement d'une méthode régulière : Les 
espèces forment des genres, les genres des ordres, les ordres des 
classes, et l’on arrive par une analyse sûre et facile, à la décou- 
verte dunom et des caractères de la plante qu’on veut connoître ; 


Leuwenhoek , Malpighi, Grew, Hales, ou /a naissance de 
l'Anatomieet de la Physiologie végétales : Les organes internes 
sont décrits et la Physiologié dévoile les mystères de la végétation; 


Linné, ou l'invention d’une langue philosophique : Tout est 
nommé; défini et classé selon lestrègles d’une métaphysique 
supérieure ; dis TEE 

Bernard de Jussieu, ou l’établissement. des familles natu- 
relles : Les plantes sont rapprochées ou éloignées par la con- 
sidération de l’ensemble des caractères, et la découverte de la 


méthode naturelle est proposée comme le but principal de la 
science. 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


j Re : 1 Ÿ à 5 
à THERMOMÊÈTRE EXTERIEUR BAROMÈTRE MÉTRIQUE. > E 
5 CENTIGRADE. 8 2 
2 | A me ——| 5 À 
“| Maximum. | Minimun. [a Mur Maxrmum. | Minimum. A [TZ 
MIDI. 
heures. k o heures. 59 heures. mill. | heures. ill mill. o 
1là midi +4-10,62/à9 s. + 3,75|+r0,62/à05........2.740,56[À 7 me... ..... 742,28 745,10| 11,6 
2là 3s. ++10,00 à 7m. —:0,62|+ 875/à midi... .....756,28 [92 S.........750,50|756,28| 11,3 
3R3s. + 9,75 94s. + 6,504 9,50|à 9 4 s........ 762,42|à 7 m.....r ...748,60|754,30| 10,7 
4là3s. + 9:25 7m. + 3,50o[+ 912là9s...... 7/00 20[A 07.0 ae eee 767,52|768,60| 11,3 
£a 3s +'7o0ù7m, + 0,75|+ 4,75[à 84 m....... 769,38|à 105,....:,.. 764,66:768,32| 10,0 
6[à 3s. + 6,90/6m. — 0,50! 4,124 8 m..,,....760,58à02s...:...757,72|759:42| 9,6 
| 7là3s. “10,257 m, + 2,004 9,co/à65....,,.... 758,00 /à 7m. ....:754/80|755,12| 0,1 
[à 345. +14,50là 7 m. ÆH10,00|+15,50|à 9 1s........753,50[à 3 £s.......:750,82|752,48] 11,2 
, glaio;m+14,00à09%s. Æro,25|+r12,00[à 9 £s....,...757,44l4 6; m.,..... 753,64|755,50| 12,3 
£ of 38. “#14,12]à 73 m.bro;oo|+-19,10|à 7 £m........ 758,24|à 35...:1....705,24|757,20| 113,7 
Miina3s. “+io25à93%s. + 7,50o|[+ 9,65|à91s...:,.,.,.761,10/à 74 m....,..756,80|758,68| 11,5 
BliolèSs. <+11,75/à4 m. + 7,50 +11,50là 7 m....... 760,24|à 10 5.. ......753,28|758,30, 11,3 
Pmliglass. + 8,40! 985. + 3,25] + 7,75là ro m...... 749,74là 7 km.......749,20|740,64| 10,7 
j|rgjàa midi + 6,507 £ m.+ o,50[+:6,50|à5 35....,...751,29à7+m....... 749,76[751,00| 10,0 
1ofà midi + 8,70à7im.+ 3,75|4 8,75|à94s........749,90|à 75 m...... .742,80|743,32| 0,9 
Hlioà midi + 7,51/à 105... 3,754 7,51[à 35.,....,..749,60fà 75m... .746,80|749sc0| 9,6 
17 àa75m.+ 9,00/à 102s.+ 2,75] 5,25[a10+s.......740,00 à 7 me....... 739,30|742:96| 0,9 
dl16 à midi + 6,007} m:+ 2,00[+ 6,00|à105.....,...753,12/à 7im....... 750,441751;268| 6,1 
: 196: s. 10,50!à 7 im. 3,50|+ 8,00!à93s...... ...755,50|à 3 Sean 7538 754:82| 8,9 
H|20/à midi <12,75)a9s. —,9,50|+12,72[à9 s........,. 760,66|à 7 + m....... 7958,72|759;76| 9,8 
2rfàa midi +11,79/à7 Em. 8.50 +7r1,75|à 10 m...... 760,42/à 11 s.........759,12]760,04| 10,2 
dz2là midi + 9,25|à10 55.4 8,004 9,25/à10+s:,.:... 759:76|à 72 mets enr 759‘12|759,30l 9,6 
H|23/à midi + 7,4ofû1os. +6,25 7,40[à 104 m.:....759,84|à 35...... ...790,641759,52| 9,4 
blaqghà 3s. + 77olairs. + 4,25|+ 5ooà 10+m...... 760,36|à72m....... 59,40|760,20| 8, 
25/à3s. + 6,75là 9£s. + 4,25 6,5olà102m.......760,50|à à s..... .... 789 80 760,30] 8,4 
A |26|à midi + 3,75 75m. 1,75] 3,75|à09 3 m.,...2 759,80|265...::.,.. 799,34|759;72| 6,7 
M|27là3s. + 3oofà 75m,— 0,87 2,29|à 10+M..6...-700,40/2 91% S.++.5...700,58[750,70| 7,1 
loola ds. + 179à75+m,— 1,754 1,50[à 7 4 m....... 754,48|à 38... ... ...753,22/754;04| 6,2 
Ë 29|à midi ++ 1,/75à93s. — 1,75] + 1,75/À97S........750,40 175 m..: ... .755,52]756,50| 5,4 
ie 25. + 0,50 7im.— 5,25|— 0,25|à 7+m....... 757,92|à 9 1 5........ 748,64|754,86| 3,5 
M | Moyennes. + 6,96] + 3,78|+ 7,62| 757,911 __ 755,07[790,94| 
RECAPITULATIO N. 


Millim, 
Plus grande élévation du mercure. .... 769,38 le 5 
Moindreélévation du mercure......... 745,00 le 17 


Plus grand degré de chaleur,........ +12,75 le 20 
Moindre degré de chaleur. .... Dot 0 — 5,25 le 39 

Nombre de jours beaux....... 18 

de couverts......,.. 120 

de pluie. ..... HOridabr LE 

ENS DES POSE 30 

depelée et rerre 0 

de tonnerre.......: Me 1Q 

de brouillard.,......... 21 

dEMCICE ER RER CREER I 


MONT EAST HONTE I 


Nora. Nous continuerons cette année à exprimer la température au degré du thermomètre cen- 
centièmes de millimètre. Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu'on 
le thermomètre de correction. À la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre 
conclus de l’ensemble des observations, d’où il sera aisé de déternier la température moyenne 

conséquent, sou élévation au-dessus du niveau de la mer. La température des caves est également 


“ 


me 


‘sunog 


1| 64 
2] 64 
3| 63 
4] 85 
5| &1 
6| 76 
71 91 
(o) 92 
e de 
11| 66 
12] 90 
13] 85 
14| 69 
19 4 
16 ë 
17| 60 
18] 61 
19] 96 
20] 9ù 
21| 92 
22| 69 
23 ë 
24] 80 
25] 76 
26| 68 
27| 62 
26] 59 
a 60 
30| 60 
Moy. 02 


A L'OBSERVATOIRE IMPÉRIAL DE PARIS. 
NOVEMBRE 1813. 


POINTS 


. LUNAIRES. 


LE MATIN. 


A, MI 


D I. 


0. P.Q.àrtb7/m.| Nuageux. Nuageux. Beau ciel, 

N-0. Idem , brouillard. |Petits nuages. Pluie. 

INè Pluie abondante. Lrèsnuageux. Pluie par intervalles, 

N-O. Nuageux, brouillard.| Quelques nuages. Très-nuageux. 

N. Brouillard épais. Beau ciel, broullard.|Nuageux. 

N-E. Petits nuages, brouil.| Idem, + Iacm. 

0, Pluie, léger brouill. |Nuageux. Pluie. 

S-O. fort. |P.L.Ar1oh32/m| Pluie abondante. Pluie. Idem. 
Idem.  |Lunepérigée, | Pluie fine. Pluie par intervalles. [Nuageux 

S. Idem, léger br. Idem , Jéger br. Couvert. 

S-0. Pluie. Pluie fine. Beau ciel. 
Idem Couvert. Couvert. Très-nuageux. 
; Petite pluie, brouill. Idem. Beau ciel. 
Idem. Nuageux, br., gel. bl.|Couvert, brouillard. [Nuageux. 

S-0. D.Q.rah10m.| Pluie, léger brouill. |Très-nuageux , grêle.|Petite pluie. 

O. Couvert. Très-nuageux. Idem. 

O. fort. Pluie par intervalles. | Pluie par intervalles. [Pluie et neige. 

O-S-0. Nuageux, glace. Idem. Couvert. 

S-O. Couvert, brouillard. | Idem. Pluie. 

O. Idem ; temps hum.|Couvert, léger br,  |Couvert. 

S-E. Couvert, brouillard. Taem. Idem. 

Idem. Idem. Idem. Idem. 

E. N.L.àoh7m.| Jdem. Idem. Idem. 

N-E. Lune apogée.|  Zdem. Idem. Nuageux. 
Idem Idem. Nuageux. Couvert. 
Idem. Lier. Couvert. Idem. 

Idem. Beau ciel, brouillard! Beau ciel. Beau ciel. 
Idem. , Idem. Idem Nuageux par inlerv. 
Idem, Idem. Très-nuageux. Superbe. 

ES-E. Idem, Légères vapeurs. Couvert. 

RÉ CAPITULATI ON. 
INA ee tecmeoeru2 
INDI DESERT DerdeÉle CET 
ÉPÉT ES CEE HeNR 2 
Jours dont le vent a soufflé du Re PETER = 
SO cure 5 
(Cia 2 EM) 
NES Botte GORE: 


* 


Therm. des caves 


le 1° 122,098 | 


le 16 12°,098 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 40"*70= 1 pouces6 lig. 


tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c'est-à-dire en millimètres et 


emploie généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
et du thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le r2aximurn et le minimum moyens, 
du mois et de l’année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoire de Paris et par 


exprimée en degrés centésimaux, afin de rendre ce Tableau uniforme, 


448 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


QUELQUES OBSERVATIONS ULTÉRIEURES 


SUR 
UNE NOUVELLE SUBSTANCE DÉTONANTE, 


EXTRAITES D’UNE LETTRE A L'HONORABLE SIR JOSEPH BANKS, 


Par Sir Humpary DAVY, 


EXTRAIT des Transactions Philosophiques. 
Lues devant la Société royale, le 1er juillet, 
Mox cHER MoNSsiEUR, 


Dans une Lettre que vous avez bien voulu communiquer à 
la Société royale, je vous ai rendu compte de nouveaux faits 
relatifs à un nouveau composé détonant. J’ai l'honneur aujour 
d'hui de vous faire part de quelques autres qui ont rapport au 
même sujet. 


Je reçus au mois d'avril un double de la Lettre dans laquelle 
cette découverte étoit annoncée. Elle contenoit un appendix 
où l’on trouvoit décrite la méthode à suivre pour la préparer, 
M. Ampère, mon correspondant, dit, dans cette Lettre, 
que l’auteur l'a obtenue en faisant passer un mélange d’azote 
et de chlorine à travers des solutions aqueuses de sulfate, 
ou de muriate d’'ammoniac. D’après cela, il est clair que la 
substance découverte en France, est la même que celle qui a 
occasionné mon accident. L’azote ne peut pas être nécessaire, 
puisqu'on obtient le résultat par l'exposition du chlorine pur à 
tous les sels ammoniacs communs, 

Depuis que j’ai recouvré l’usage de mes yeux, j'ai fait quelques 
expériences sur ce composé. Il est probable que plusieurs d’elles 
ont été tentées auparavant en France ; mais comme aucun des 


Journaux étrangers que nous avors recus jusqu'ici ne parlent des 


recherches de M. Dulong sur cette sübstance et que d’ailleurs 
il existe quelque doute et quelque diflérence d’opinion sur sa 
nature 


ES 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 449 
nature relativement à sa composition, j'ai cru que des détails 
sur sa nature et ses propriétés ne seroient pas tout-à-fait dénués 
d'intérêt. ‘ 

Je me flatte d’avoir déterminé sa pesanteur spécifique avec 
précision, en comparant son poids à 61° de Fabrenheit , avec 
celui d’un volume égal d’eau. 8,6 grains de ce composé, dégagés 
avec soin de la solution saline dans pi ue ils avoient élé pro- 


duits, remplirent un espace égal à celui occupé par 5,2 grains 


d’eau; par conséquent sa pesanteur spécifique est 1,653. 


Lorsque le composé est artificiellement refroidi, soit dans 
l'eau , soit dans une solution de nitrate d’ammoniac, le fluide 
environnant se congèle à une température un peu au-dessous 
de 40° de Fahrenheit; ce qui paroît provenir de ce qu'il se 
change en une solution de chlorine : en eflet, comme je l'ai 
avancé dans un Mémoire publié dans les Transactions Philo- 
sophiques, la solution saturée de chlorine dans l’eau se gèle 
aisément. La congélation du fluide en contact avec le nouveau 
composé, me conduisit, lorsque j'opérai dessus en très-petites 
quantités, à supposer qu'il pourroit devenir aisément solide en 
le refroidissant; mais en faisant des expériences sur lui sans le 
contact de l’eau, j'ai trouvé qu’exposé à un mélange de glace et 
de muriate de chaux, il ne se gèle pas. 

Ce composé disparoît graduellement dans l’eau en produisant 
de l’azote, l’eau devient acide, elle a le goût et l’odeur d’une 
foible solution d’acide nitro-muriatique. | 

Ce composé, lorsqu'il est introduit dans une solution con- 
centrée d'acide muriatique, se résout promptement de lui-même 
en gaz, en donnant beaucoup plus que son propre poids de 


‘Fluide élastique qui est du chlorine pur; et la solution évaporée 


donne du muriate d’ammonmiac. 

Dans l'acide nitrique concentré, il donna de l'azote. 

Dans l’acide sulfurique délayé, il offrit un mélange d’azote 
et d’oxigène. 

Il détona dans de fortes solutions d’ammoniac, et produisit 
de l’azote dans de foibles solutions. : 

Dans le sulfurane, le phosphoraneet]le carbure desoufre, il s'y 
unit, ou bien il tomba en solution, sans aucune violence d'action; 
et s’est dissous dans une solution modérément forte d’acide fluo- 


æique et lui donnoit le pouvoir d’agir sur l'argent. 


Tome LXXVP1II. DÉCEMBRE an 1813. Mmm 


450 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Exposé au mercure pur hors du contact de l’eau, les résultats 
étoient une poussière blanche et de l'azote. 

La première expérience que je fis après mon accident, pour 
déterminer la composition de la substance détonante, fut de 
l'élever en vapeur dans des vaisseaux vides de l'air atmosphé- 
rique totalement ou en partie, et alors de la décomposer à 
l'aide de la chaleur; mais dans les expériences de cette espèce, 
quoique toute la substance se fût réduite par expansion en ma- 
tière élastique, néanmoins le vaisseau se brisa souvent par la 
force de l'explosion, et plusieurs fois de fortes détonations eurent 
lieu durant le temps qu'on faisoit le vide, probablement à cause 


du contact de la vapeur de la substance avec l'huile employée 
dans la pompe. 


Dans la seule expérience où je pus examiner les produits de l’ex- 
-plosion de la substance dans un vaisseau fermé, ïl ne se forma 
ni eau, ni acide muriatique, il y eut production de chlorine 
et d'azote; mais il me fut impossible d'asseoir une opinion 
exacle, relativement aux proportions de la matière gazeuse qui 
se développa, une quantité inconnue d’air commun ayant dû 
rester daus le vaisseau, mélangée avec la vapeur. 

L'action du mercure sur le composé, parut offrir un mode 
plus exact et moins dangereux, d'obtenir son analyse; mais en 
introduisant deux grains de cette substance sous un tube de 
verre rempli de mercure et renversé, une violente détonation 
qui eut lieu, me blessa légérement à la tête et aux mains, 
accident qui auroit eu pour moi des suites plus fâcheuses, sans 
une espèce de masque de verre Pa garantit mon visage et mes 
yeux, précaution indispensable dans toutes les expériences que 
l’on fait sur ce composé. 

En l’employant en plus petites quantités, et en faisant usage 
de mercure nouvellement distillé, jai obtenu des résuhtats sans 
aucune action violente; et quoiqu'il soit probable que quelque 
circonstance accidentelle puisse avoir occasionné l'explosion des 
deux grains, néanmoins dans les expériences subséquentes, j'ai 
cru qu’il étoit de la prudence de n’employer que des quantités 
telles, qu’en cas de détonation elles ne pussent occasionner aucun 
accident fâcheux. 

Dans l'expérience la plus exacte que j'aie faite, Z d’un grain 
du composé, par son action sur le mercure, donnèrent une 
quantité du gaz azote qui remplit un espace égal aux 49 grains 
d'eau. Je ramassai la poussière blanche qui s’étoit formée 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 451 


dans cette opération et dans d’autres de la même espèce ; et 
jeles exposai à la chaleur. Elle se sublima sans éprouver la moindre 
altération et sans donner aucune matière élastique ou fluide; 
ce qui paroît prouver que le composé ne contient ni de lhy- 
drogène, ni de l’oxigène. La substance sublimée eut les propriétés 
d’un mélange de sublimé corrosif et de calomel. 


En calculant les résultats de cette expérience, on doit con- 
clure que le composé renferme 57 d’azote sur 6.43 de chlorine 
en poids, ou 19 à 81 en volume ; mais celte quantité d'azote 
est probablement moindre que la véritable proportion, car il a 
dû y avoir quelque perte dans l’évaporation, pendant le temps 
où le composé a été transféré, et il est possible qu’une petite 
quantité de cette substance se soit attachée au mercure qui 
n'étoit pas immédiatement dans le tube. 


La décomposition dans ce procédé est très-simple, et lon 
doit supposer qu’elle dépend de l'attraction du mercure pour 
le chlorine , en conséquence de laquelle l'azote est dégagé. Au 
reste, si le résultat ne démontre pas strictement les proportions 
du chlorine et de l'azote dans le composé, il semble du moins 
indiquer que ces substances sont ses seules parties constituantes. 


Comme le muriate d’ammoniac et de chlorine sont les seuls 
produits résultans de son action sur, la solution d’acide muria- 
tique, il semble raisonnable d'en conclure, que cette action 
dépend de la décomposition d’une partie de l'acide muriatique, 
per l'attraction de l’azote du nouveau composé pour l'hydro- 
gène, à l'effet de former l’ammoniac qui, au moment de sa 
production, se combine avec une autre portion de l'acide, le 
chlorine des deux composés étant dégagé, 


Par conséquent la quantité de chlorine formée d’une certaine 
quantité du composé, une fois connue, il est aisé de déterminer 
la composition du composé. En eflet, l’ammoniac étant formé 
de trois volumes d'hydrogène et d’un volume d'azote, et l'acide 
muriatique, d’un volume d'hydrogène et d’un volume de chlorine, 
il est évident que pour trois volumes de chlorine développés 
par la décomposition de l'acide muriatique, un volume d'azote 
doit être détaché du composé; et le poids du chlorine dans le 
composé, doit être moindre que le poids de la quantité entière 
du chlorine, produite par une portion qui est l’azote dans le 
composé comme 295 à 2295, si l'on considère les pesanteurs 
relatives des deux gaz, comme 2,627 et 1. 


Mm m 2 


CE JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Deux grains du composé à la température de 62° de Fah- 
renheith, et sous une pression de l'atmosphère égale à celle de 
30,1 pouces du mercure, exposés à une forte solution d'acide 
murialique, dans un appareil convenable, donnèrent 3,91 pouces 
cubes de chlorine. 


Dans une autre expérience, un grain du composé donna 
1,025 pouces cubes de chlorine. 


Dans une troisième expérience, un grain produisit seulement 
1,92 pouces cubes. 


Dans les deux dernières expériences le composé agissoit 
beaucoup plus lentement et le gaz produit exposé à une surface 
plus grande de solution d’acide muriatique; et l'apparence d’une 
proportion relative plus petite de chlorine, doit étre attribuée 
à l'absorption par l'acide liquide d’une plus grande proportion 
de ce gaz. En exposant au chlorine la solution concentrée d’acide 
muiialique, j'ai trouvé qu’elle absorboit bientôt à peu près son 
volume de ce gaz. 

J'ai essayé de faire disparoître la cause de l’erreur dans l’expé- 
rieace, en employant l'acide muriatique liquide qui contenoit ou 
qui avoit absorbé du chlorine en solution. Maïs dans ce cas, la 
promptitude de l’action du composé sur l'acide diminua beaucoup, 
et comme il ne fut pas facile d'obtenir le point de saturation ab- 
solue de l'acide avec le chlorine , une petite quantité du gaz fut 
absorbée dans l’état naissant , durant sa lente production; et dans 
la plupart des expériences que j'ai faites de cette manière , j'ai 
obtenu moins de chlorine d’un poids donné du composé, qu'en 
opérant sur la solution pure d’acide muriatique. 


L’acide muriatique liquide soit concentré , soit délayé, dans 
son état pur m’affecte pas la couleur de la solution sulfurique 
del’indigo, mais elle est immédiatement détruite par des solutions 
qui renferment du chlorine dissous dans ces mêmes solutions. 
La quantité de solution d'indigo privée de couleur par une 
quantité donnée de solution de chlorine, est directement comme 
la proportion de chlorine qu’elle renferme ; et je trouve que la 
même quantité de chlorine dissoute dans une grande ou une 
p°tite quantité de solution d’acide muriatique , détruit la couleur 
de la même quantité de liqueur bleue. 

Il fut aisé dans cette circonstance, de trouver une méthode 
de déterminer la quantité précise de chlorine produite dans la 
solution d'acide muriatique, d’une quantité donnée du com- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 453 


posé, savoir : en comparant le pouvoir d’une quantité donnée 
d'acide muriatique contenant une quantité connue de chlorine 
pour détruire la couleur des solutions d'indigo, avec celui de 
l'acide muriatique dans lequel le composé a produit du chlorine. 


Je fis deux expériences : dans la première, un graia du com- 
posé fut exposé sur Üne large surface, sous un tube renversé, 
dans six pouces cubes environ de solution d'acide muriatique, 
et le chlorine absorbé par lagitation aussitôt qu'il eut été formé, 
L’acide ainsi traité, détruisit la couleur de sept pouces cubes 
d’une solution sulfurique délayée d’indigo. J’ai trouvé, après plu- 
sieurs essais comparalifs, que le même effet étoit également 
produit dans une autre portion égale de la même solution, 
par 2,2 pouces cubes de chlorine dissous dans la même quantité 
d'acide muriatique. 

Dans la seconde expérience 1,3 pouces cubes se développèrent 

dans la forme gazeuse, le thermomètre étant à 58° et le baro- 
mètre à 30,33, et par l’épfeuve de la solution d’indigo, j'ai 
trouvé que 7%. d’un pouce cube restoient dissous dans l'acide. 
. Maintenant, en prenant le terme moyen de ces deux expé- 
riences, il paroïit que 1,61 grains de chlorine sont produits dans 
la solution d'acide muriatique, par l’action d'un grain du com- 
posé, et en calculant d’après les données qui viennent d’être 
exposées, le composé doit renfermer en poids 91 de chlorine et 
9 d'azote, ce qui en volume, sera à peu près de 19 à 30; esti- 
mation qui diffère bien peu de celle obtenue par laction du 
mercure sur Le composé. 


On peut conclure avec raison, que le principe de la combi- 
naison du corps gazeux en volume défini , imaginé par M. Gay- 
Lussac, s'applique strictement à ce composé, et qu’il consiste 
réellement en quatre volumes de chlorine sur un d'azote, et 
que les volumes coïncident exactement aussi avec les lois des 
proportions définies; enfin que le composé détonant peut être 
regardé comme un composé d’une proportion d’azote 26, et de 
quatre proportions de chlorine 268. - 

J’ai tenté une expérience comparative sur les proportions 
dans le composé, en estimant la quantité d’azote par lui pro- 
duite dans la décomposition de l’ammonjiac; mais j'ai trouvé 
qu'avec ce procédé il éloit impossible d'obtenir une analyse. 
En effet, l'eau parut se décomposer en même temps que l’aru- 


454 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


moniac, et l'acide nitrique se forma; en conséquence la quantité 
d’azote développée fut beaucoup moindre qu’elle n’auroit été, en 
supposant l'ammoniac décomposé, par la simple attraction du 
chlorine pour l'hydrogène. : 

Les résultats de l'analyse du nouveau composé sont intéressans 
pour plusieurs raisons, 


Ils font voir, ce qui paroissoit probable d’après d’autres faits, . 
qu'il »’y a point de loi stricte d’analogie qui règle la combi- 
naison de la même substance avec différentes substances. Comme 
trois portions d'hydrogène se combinent avec une d'azote, et 
une d'hydrogène avec une de chlorine, j'ai présumé qu'il étoit 
probable que le nouveau composé contint trois proportions de 
chlorine sur une d’azote, ce qui n’est pas le cas. 


Ce composé est le premier exemple connu d’une proportion 
d'une substance s’unissant à quatre proportions d’une autre subs- 
lance, sans aucun composé intermédiaire d’un et 1,ret2,etr, 
et 3; et ce fait doit nous rendre très-circonspects, lorsque nous 
adoptons des idées hypothétiques sur la composition des corps, 
d’après les rapports des quantités dans lesquelles ils se combinent. 
Ceux qui prétendent qu’il doit exister une proportion d’oxigène 
dans l’azote, parce qu’il doit y avoir six proportions dans l’acide 
nitrique au lieu de cinq qui en proviennent par l'analyse, sou- 
tiendront avec autant de raison, que le chlorine doit renfer- 
mer une quantité d'azote multiple de celle existante dans le 
composé, 

Il peut être utile de faire voir qu’il est aisé de baser plusieurs 
hypothèses sur les mêmes principes, hypothèses qui doivent éga- 
lement être incertaines. Des idées de cette nature peuvent être 
bonnes à guider dans ses recherches, le chimiste qui pratique; 
mais le philosophe évite avec soin de les présenter avecassurance, 
et de les confondre avec les résultats appuyés sur des faits. 


Le composé de chlorine et d’azote s'accorde avec les composés 
de la même substance, dans lesquels entrent le soufre, le phos- 

hore et les métaux, en ce qu’il n’est point un conducteur 
d'électricité. Ces composés sont également décomposables par la 
chaleur, quoiqu'ils exigent l’électricité de Volta. 

Le soufre se combine seulement dans une proportion avec 
le chlorine. De là l’action du sulfurane, ou de la liqueur mu- 
riatique du docteur Thomson sur l'eau, ressemble à celle dy 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 455 


nouveau composé, en ce qu’il n’est point un simple phénomène 
d’une décomposition double. 


Il seranécessaire ensuite de donner un nom à ce nouveau corps ; 
azotane est celui sous lequel jele désignerois, d’après mes idées sur 
son analogie, relativement aux autres substances qui renferment 
du chlorine; mais imparfaite et fluctuante comme l’est encore 
la nomenclature chimique, je ne n’empresserai pas d’adopter 
aucun terme nouveau, surtout pour l’appliquer à une substance 
que je n’ai point découverte. 


. Je suis, # 
L Monsieur, 
avec la considération la plus distinguée, 


votre, etc., 


Humpxry DAVY, 


456 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


LETTRE 
SUR LA NOUVELLE SUBSTANCE 


DÉCOUVERTE rar M. COURTOIS DANS LE SEL DE VAREC, 
À M. LE CHEVALIER CUVIER, 


PAR Sir Humpary DAVY. 


Paris, le 11 décembre 1815. 
MONSIEUR, 


Je vous ai dit, il y a 8 jours, que je n’avois pu découvrir 
l'acide muriatique dans aucun des produits de la nouvelle subs- 
tance découverte par M. Courtois dans le seZ de varec, et que 
je regardois l'acide qu'y a fait naître le phosphore dans les ex- 
périences de MM. Désormes et Clément, comme un composé 
de cette nouvelle substance et d'hydrogène, et la substance elle- 
même, comme un corps nouveau jusqu'à présent indécomposé 
et appartenant à la classe des substances qui ont été nommées 
acidifiantes ou entretenant la combustion. Vous m'avez fait 
l'honneur de me demander communication de mes idées par 
écrit. Plusieurs chimistes s’occupant aujourd'hui de cet objet, 
ilest probable qu’une partie de mes conclusions auront été éga- 
lement trouvées par eux, et principalement par M. Gay-Lussac, 
dont la sagacité et l’habileté doivent nous faire espérer une 
histoire complète de cette substance; mais puisque vous pensez 
qu'une comparaison de différentes vues et d'expériences, faites 
d’après différens plans, pourroit répandre plus de lumières dans 
un champ de recherches si nouveau et s1 intéressant, je vous 
communiquerai mes résultats généraux. 


Je vous ai parlé de la combustion du potassium dans cette 
substance, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 457 


substance, quand elle est sous forme gazeuse, laquelle se fait 
avec une belle flamme bleue. Je me suis assuré que le produit 
de cette combustion n’est qu'un composé binaire de deux ma- 
tières , et qu'aucun gaz ne se manifeste dans l’opération. Lorsque 
le potassium est soumis à l’action du gaz acide produit par la 
substance distillée avec le phosphore, il n’y brûle point comme 
dans le gaz acide muriatique, mais il le décompose et donne 
le même résultat que lorsque la substance elle-même agit sur 
le potassium, et il reste une partie en volume d’hydrogène pour 
deux parties de gaz acide employé. 

D’autres métaux chauffés dans le gaz, offrent des phénomènes 
semblables, et même le mercure agit sur lui à froid, ensorte 
qu'on ne peut le garder long-temps sur cette substance. Dans 
tous ces cas Le produit est un composé du métal et de la subs- 
tance, et il se Le de l'hydrogène. j 

_Le gaz acide paroît s'unir en volume égal avec le gaz ammo- 
niacal, et montre une grande attraction pour l’eau. 


Je ne puis douter que l'humidité adhérente à la substance ne 
soit la principale cause de la production du gaz acide lors de 
son action sur le phosphore; à proportion qu'elle est délivrée 
de l'humidité, elle donne moins de gaz; mais je n’ai pu en em- 
pêcher entièrement la formation. Je suis disposé à a DER cette 
impossibilité à un peu d'hydrogène qu’il y a dans le phosphore, 
et que la pile voltaïque y démontre, ainsi que je m'en suis assuré 
dans d’autres expériences. 

J’ai examiné avec grand soin les combinaisons de la subs- 
tance, dans la vue de déterminer si l’on ne pourroit en retirer 
ni gaz chlorine, ni gaz muriatique; mais je n’en ai obtenu 
aucun. Les précipités que les solutions de la substance ou de 
son gaz acide produisent dans le nitrate d’argent, ne sont que 
des combinaisons de cette substance et d'argent; dont on peut 
la retirer sans altération, et je les ai unis directement , en laissant 
passer du gaz violet sur de l'argent chauffé au rouge ; il se com- 
bine ainsi avec l'argent et forme un corps entièrement semblable 
aux susdits précipités. 

De même que je n'ai pu découvrir de chlorine ou gaz oxi- 
muriatique dans la substance, je n’ai pu y découvrir non plus 

- aucun oxigène. J'ai exposé plusieurs de ses combinaisons mé- 
talliques et sa combinaison phosphorique à l'ammoniac pur: 


Tome LXXV1I. DÉCEMBRE an 1813. Nan 


428 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


elle s’est combinée rapidement avec ces composés par la clias 
leur; mais la sublimation n’a produit ni oxides, ni eorps oxidés, 
Sa combinaison avec l'étain a les propriétés d’un acide, et 
s’unit sans décomposition avec les alcalis. 


Sa combinaison avec le fer qui, lorsqu'elle est dissoute dans 
l'eau, donne un précipité d’oxide de fer par l'ammoniac, n’en 
donne point quand elle est sèche et traitée par du gaz ammo: 
niac sec. 


MM. Désormes et Clément ont établi que l’oxigène n’a point 
d'action sur elle; j'ai trouvé qu’elle n’en éprouve point, même 
quand on la projette sur lhyperoxi muriatique de potasse chauflé 
au rouge. 


Elle se combine rapidement avec le chlorine ou gaz oxi-mu- 
riatique, et forme avec lui un solide cristallisé jaune, très-fu- 
sible et très-volatil, et qui, lorsqu’on le dissout dans l’eau, donne 
un acide qui rougit d’abord les bleus végétaux et les détruit 
ensuite, comme le chlorine oxigéné, ou euchlorine. À cet 
égard, aussi bien que par la nature des composés qu’elle forme 
avec les métaux, cette substance ressemble à l’exigène. Elle 
lui ressemble également, en ce que Le chlorine la chasse de ses 
combinaisons. 


Quand on chauffe les combinaisons de la nouvelle substance 
avec l'argent, le potassium, le plomb et le mercure, dans le 
chlorine on voit paroître le gaz violet; mais il se combine bientôt 


avec le chlorine en excès, et l’on obtient un chloride du 
métal. 


Sous quelques autres rapports, elle ressemble au chlorine ; 
par exemple, elle forme de même un acide avec l'hydrogène, 
et n’agit point sur le carbone; elle ressemble aussi au chlorine 
en ce que l’oxigène la chasse du phosphore. 


Quand on fait passer sa combinaison avec le phosphore en 
vapeur, par un tube chauflé au rouge avec de l’oxigène, il 
se produit de l’acide phosphorique, et le gaz violet reparoît. 


Un autre rapport avec le chlorine, c’est qu’en agissant sue 
Jes alcalis fixes, elle forme dans la même solution des combi- 
naisons binaires et des combinaisons triples. L’oxigène de l’alcali 
se combine tout entier avec une portion de la substance pour 
donner un composé fernaire, qui est peu soluble, et qui se 


_—— 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 459 


précipite en cristaux, et il se forme en même temps un com- 
posé binaire du métal de l’alcali et de la substance, qui reste 
dissout. 

J’ai examiné les composés ternaires que j'ai obtenus de tous 
les alcalis fixes soumis aux mêmes expériences, nommément ceux 
de potasse, de soude et de baryte, et j'en ai retiré, en les chauf- 
fant, une grande quantité d’oxigène; le résidu est lé composé 
de là nouvelle substance et du métal. 


Ces sels détonent avec le charbon et d'autres corps combus- 
tibles; ils n’abandonnent pas leur oxigène aussi rapidement que 
les suroxi -mufiates, et on pourra probablement les employer 
comme le nitre. 


MM. Désormes et Clément ont décrit la poudre détonante 
que la nouvelle substance mp par Pammoniac. Je la regarde 
comme un composé de la nouvelle substance et d’azote; car 
quand la substance agit sur l’'ammoniac , il se produit un 
sel contenant de l’ammoniac et du nouvel acide, lequel con- 
âiste en hydrogène combiné avec la substance, et que l’on 
obtient, par l’évaporation; l’azote ne se manifeste point; ce qui 
doit faire penser qu’il est resté dans la poudre noire, Lorsqu'on 
fait détoner cette poudre dans un tube de verre en partie privé 
d'air, on obtient la nouvelle substance et un gaz qui n’entretient 
point la flamme, — Ce composé fulminant résultant de lunion 
de l'azote à la nouvelle substance, nous montre une nouvelle 
analogie avec le chlorine. 

J’ai fait quelques expériences pour démontrer la proportion 
définie dans laquelle la nouvelle substance se combine. Avec 
le potassium et le sodium, cette proportion paroît beaucoup 
plus que double de celle du chlorine , et considérant l’oxigène 15 
et le chlorine 67, elle est entre 160 et 170. 

Cette proportion et son état solide expliquent suffisamment 
pourquoi elle donne si peu de chaleur et si rarement de la lu- 
mière lorsqu'elle se combine. 

En considérant sa couleur, son éclat, et son poids, on pourroit 
la regarder comme un métal: mais son énergie chimique la 
classe avec l’oxigène, le chlorine, la fluorine; elle n’est point 
conductrice de l'électricité, et son énergie est négative par 
rapport aux métaux, mais positive par rapport au chlorine; car 
j'ai trouvé, en électrisant la solution aqueuse de l’acide composé 

Nuuz 


—— 


à60. JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de chlorine et de cette substance, qu’elle se porte vers la surface 
négative, tandis que dans ses combinaisons alcalines elle se porte 
vers la surface positive. 


J’ai essayé de la décomposer en l’exposant à l’état gazeux 
dans un petit tube, à l’action de la pile de Volta par un fila- 
ment de charbon qui devient chauffé jusqu’au rouge durant 
l'opération. Il se forme dans le commencement un peu d’acide, 
mais cette formation cesse bientôt, et quand le charbon a été 
chauffé au rouge, la substance n’a éprouvé aucune altération. 


Je suis, 
Monsieur, 
avec une haute considération, 
Votre très-humble et très-obéissant serviteur, 


Humrxry DAVY. 
o 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 46r 


EEE a 


LETTRE DE M. FLAUGERGUES 


A J.-C. DELAMÉTHERIE, 


SUR 


UNE OBSERVATION DE LA COMÈTE DE 1817, 


FAITE DANS LA CAPITALE DES COSAQUES. 


À Viviers, le 6 novembre 1813. 
MONSIEUR, 


J’ai cru que le fait suivant, qui n’a pas d’exemple, pourroit 


vous paroître assez intéressant, et que vous jugeriez que l’an- 
nonce pourroit faire assez de plaisir aux astronomes pour être 
rendu public. Il s’agit d’une troisième réapparition de la belle 
comète de 1817, qui a échappé à tous les astronomes de l'Europe, 
qui ne croyoient pas à sa possibilité. Voici le fait. 


» 
» 
> 
» 
>» 
» 
p)] 
» 


« La comète découverte à Viviers le 25 mars 18171, qui 
disparut à la fin de mai pour reparoître avec tant d’éclat à 
la fin d'août, et qui fut ne jusqu’au milieu du mois de 
janvier 1812, a reparu encore une troisième fois après une 
seconde conjonction avec le soleil. Cette comète a été vue 
et observée dix-neuf fois depuis le 19 juillet jusqu'au 5 
août r812,à Novi-Tcherkasks, capitale des Cosaques du Don, 
ar M. Wisniewsky, astronome de l’Académie impériale de 
EE Pate honte. alors en voyage et en mission pour le Cau- 
case. C’est M. Fuss, secrétaire de la même Académie et gendre 
de l’immortel Euler, qui l’a appris aux astronomes. Une comète 
observée pendant 17 mois, et à trois réapparitions successives, 
est un fait inoui dans les fastes de l’Astronomie. On travaille 
à calculer l’orbite e//iptique de cette comète, pour prédire son 
retour. Aucune n'a présenté pour cela autant d'avantages: 
mais le résultat de ces calculs sera toujours bien incertain, 
puisque la masse de cette comète étant absolument connue, 
on ne peut calculer les perturbations qu’elle éprouve de la 


part des planètes qui cependant peuvent changer prodigieu- 
sement cette orbite, etc. » 


462 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


LETTRE DE M. pe NELIS, 
A J.-C, DELAMÉTHERIE, 


SUR L'ACTION ÉLECTRIQUE. 


Malines, le 30 octobre 1813. 
MoNSsIEUR, 


Tous les métaux que j’ai soumis depuis-huit ans à l’action 
électrique, m'ont d’abord présenté une ténacité différente des 
tables, comme je l’ai remarqué dans ma première Lettre, 
tome LXT, pag. 46, de votre Journal; maïs comme je soup+ 
connois , dès-lors, que le fluide en passant par les pores de ces 
substances, N exercoit une action oxidante, Je n'ai pu le prouver 
que depuis l’année dernière; car, jusqu'aux expériences sur les 
carrés de fer et d'argent, l’on pouvoit me dire que la destruction 
du fond des cylindres provenoit de l'expansion. En eflet, les 
parois latérales n’étoient jamais assez fortes pour résister à 
l'action qui se développe au moment que le fluide gazitie là 
larelle entourée d’eau ou d’huile d'olive. Mais lorsque 28 lignes 
du meilleur fer, après avoir été soumises à 200 explosions, ont 
un fond de 5 lignes détruit, et que cette destruction étoit, dans 
sa plus grande largeur, de 3 lignes de diamètre, peut-on douter 
de la seconde action, quand elle a été opérée sans la moindre 
expansion latérale ? À 

Le carré d’argent, au contraire, a recu une dilatation éton- 
nante et a résisté à l’oxidation; ce qui confirme les expériences 
de M. Van Marum, car le fond s’étoit élevé de près de 3 lignes, 
et lexcavation étoit d’environ 18 lignes dans sa plus grande 
dimension latérale, et pourtant le fond présentoit encore une 
épaisseur de près de 3 lignes. 

Comme la comparaison de tous les métaux soumis à cette 
action seroit trop fastidieuse , j'ai imaginé un appareil propre à 
en soumettre plusieurs à-la-fois, dont je joins ici le dessin , 
Jigure première, pl. are, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 456 


Elle présente deux tables : sur l’une est placée la grande bat- 
terie, représentée ici par trois bouteilles À, dont lune a une 
tige qui réunit toutes les armures intérieures, 


La seconde a trois plaques de plomb B, qui sont séparées 
d'environ deux pouces. Deux tiges de cuivre C, soudées sur la 
plaque et terminées à bouton, sont courbées pour pouvoir étre 
mises en contact avec les aiguilles d’acier D, où sont attachées 
les lamelles de plomb. (Voyez pl. 2, juin 1806, et planche 
de la figure qui représente l'action du fluide qui sort d’un-carreau 
saupoudré, et l'aiguille et la lamelle AB, mars 1810.) Les deux 
cylindres E, posés sur les seconde et troisième plaques, forment 
le cercle métallique par la bande de plomb F qui unit la der- 
nière plaque B au plomb, sur lequel repose la grande batterie, 
lorsqu'on pose un bout de lexcitateur à manche de verre et 
que l’on porte l’autre contre la tige de la batterie A. 


Pour éviter l’élancement des aiguilles et de la vapeur de l'huile, 
on pose sur les plaques une caisse de bois, en prenant la 
précaution de ne pas couvrir entièrement la première plaque, 
pour pouvoir y poser l’excitateur. 


Si l’on veut soumettre à-la-fois plus de deux métaux, on mul- 
tiplie les plaques à volonté, et si l’on fait l'expérience avec un 
seul carré, ou cylindre, l’on enlève la première plaque, et le 
cylindre ou carré se pose sur la seconde. 

Je ne crois pas avoir remarqué dans les Lettres précédentes, 
que toutes les personnes qui ont des batteries de 8 à 10 pieds 
d'armure, et même deux à trois bouteilles, peuvent vérifier, 
soit avecle plomb ou l’étain , la force expansive qui se développe 
dans cette expérience; car M. Dagonau, dont je parle dans ma 
Lettre (février 1806, pag. 154), a déchiré un petit cylindre de 
plomb laminé et bien soudé, avec environ 3 pieds d’armure. 
Pour obtenir, avec cette petite quantité de fluide, la gazification 
métallique, il a pris une fine bande de papier argenté de faux 
argent, l’a collée contre le dos d’une plume, fixée ensuite avec 
un fil de lin contre l'aiguille du côté de la dorure, et par le 
seul intermède de l’eau, il est parvenu, par un certain nombre 
d'actions de cette petite batterie, à déchirer le métal, comme 
100 pieds déchirent plusieurs lignes de fer. Que ne doit-on pas 
attendre d’une force telle que celle de la batterie du Musée 


d'Haarlem, si M. Van-Marum vouloit y soumettre des masses 
métalliques ? 


à64 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Si ces expériences lendent à prouver deux actions distinctes 
qu’exerce le fluide électrique par la détonation de la bouteille de 
Leyde, il me semble (en combinant l'expérience qui fait objet 
de ma Lettre insérée dans le Journal de mai r808, avec celle 
du mois de septembre de la même année, par laquelle j'ai obtenu 
le transfert de M. Day, au moyen de deux gros fils métal- 
liques insérés dans un tube rempli aux - d’eau) que le seul 
courant, qui agit dans la charge de la bouteille de Leyde, est 
encore plus évidemment démontré par ces deux faits; d'autant 
plus, que linterception des traces que laisse le fluideen traversant 
les pores d’un carreau non garni, pressé seulement par deux ai- 
guilles, concourt à cette preuve. Comme l'appareil est assez com- 
pliqué, j'en joins ici le dessin, et j'ose me flatter, Monsieur, 
que vous voudrez bien le publier avec cette Lettre, de mème 
qu'un précis de toutes mes Lettres que vous avez eu la com- 
plaisance d'insérer dans votre excellent Journal, depuis douze 
ans. J'y joindrai celles que je me propose de tenter pendant la 
bonne saison que les premières gelées vont nous donner pour 
les expériences électriques , qui ne réussissent bien que pendant 
l'hiver; je tâcherai d’en former un ensemble propre à jeter du 
jour sur cette matière fugace, qui ressemblant au Protée de la 
Fable, nous échappe sans cesse lorsqu'on croit l'avoir saisie. 


Fig. 2. À est une petite bouteille qui par mon appareil à 
grande roue, est un disque qui n’a pas 32 pouces, détone à 
chaque seconde, au moyen de la tringle recourbée à bouton 
bien arrondi. Cette tringle placée vis-à-vis du bouton à tige de 
la bouteille, est vissée dans la plaque de cuivre qui sert de 
support bien isolé par la colonne de verre D. Les tuyaux C, 
d'environ 10 à 12 lignes de diamètre et longs de 3 pieds, con- 
tiennent chacun deux gros fils d’argent tournés en spirale, qui 
se présentent leurs pointes à une ou deux lignes de distance. 
Fermés hermétiquement avec des bouchons de liége entourés de 
cire d'Espagne, ils sont remplis d’eau aux +. Les fils sortent 
de quelques lignes des bouchons avec des pointes bien etfilées. Je 

rends ces fils d’égale longueur ; mais le dessin les représente 
différemment, pour que l’arrangement et la distance ne soient 

as cachés par le support à colonne de verre. Ces colonnes sont 
d’une hauteur inégale, pour que le premier tuyau puisse présenter la 
pointe métallique presqu’à contact du bouton de la plus longue 
tringle recourbée, qui doit recevoir le fluide du disque par 
l'autre pointe, qui se place devant le premier conducteur, tandis 


que 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 465 


que le second tuyau doit d’un côté être en communication avec 
la plaque de cuivre sur laquelle repose la petite bouteille, et 
de l'autre par la chaîne E, qui s’aitache avec un peu de cire 
à la pointe opposée pour éconduire le fluide des parois négatives 
au sol. Faites agir le disque pendant quatre à cinq heures : les 
produits métalliques que le fluide abandonne à la sortie du 
pape fil pour passer dans l'autre, se seront portés à travers 
’eau sur la surface du second fil, tant dans le tuyau qui charge 
la bouteille , que dans celui qui éconduit le fluide vers le sol: 

détachez alors la chaîne de celui-ci, tournez le tuyau et placez 
la pointe du fil enduit conte la plaque, après avoir attaché la 
chaîne à la pointe qui recevoit, pendant la première expérience, 

le fluide de la plaque. On tourne de même les fils du tube, 

qui transmettent la charge du disque au bouton de la petite bou- 
teille, et l'on verra que le transfert se fera également dans les deux 

tubes. Par conséquent il y a un seul courant, que M. Francklin, 
s'il vivoit, expliqueroit par le dépouillement, sans pénétration 
du fluide à travers les pores de la bouteille , explication qui me 
paroît répugner à toutes les lois de la Physique; tandis qu'on 
la trouve dans l'attraction moléculaire, modifiée par la loi gé- 
nérale des masses, que M. Berthollet a si heureusement appliquée 
à la Chimie. 

J'ose espérer qu’en combinant trois ou quatre faits, que je 
crois avoir eu le bonheur de trouver depuis vingt ans que je 
m'occupe des recherches électriques, avec ceux découverts par 
les autres physiciens , ilsen naîtra une théorie électrique fondée 


sur la loi générale de la nature qui préside à l'attraction céleste 
et terrestre. 


Tome LXXVII. DÉCEMBRE an 1813. Ovo 


406 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


NOTE 
SUR UNE NOUVELLE SUBSTANCE 


OBTENUE DES CENDRES DE VAREC. 
LL 


$ EXTRAIT du Moniteur. 


CourTois, salpêtrier à Paris, en lessivant des cendres 
de’ varec, observa dans les eaux un résidu cristallisé irréguliè- 
rement. MM. Désormes et Clément ont fait différentes expé- 
riences pour en connoître la nature. 

Sa propriété la plus remarquable est de donner une vapeur 
violette superbe, par l’action d’une douce chaleur; à la tempé- 
rature ordinaire elle a l'aspect d’un métal; vers le 7o° degré 


elle se fond, et presqu’aussitôt elle s’élève en vapeur violette. 


La chaleur rouge, l’oxigène et le charbon n’ont aucune action 
sur elle. L’hydrogène en change la nature; il se produit de 
l'acide muriatique aussi bien que par I8 phosphore. Elle attaque 
directement les métaux et se combine avec eux sans efferves- 
cence; elle s’unit également aux oxides et forme des combinai- 
sons presque toutes solubles dans l’eau. Avec l’'ammoniaque elle 
produit une poudre fulminante intactile. 

On continue les recherches commencées sur cette matière 
nouvelle, et on sera probablement bientôt fixé sur sa nature. 

M. Gay-Lussac s’est aussi occupé, d’après l’invitation de 
M. Clément son ami, de la nouvelle substance découverte par 
M. Courtois. Nous nous bornerons à présenter ici les pringipaux 
résultats qu’il a déjà obtenus: 

La nouvelle substance à laquelle on pourroit donner le nom 
d’iode, possède à un haut degré les propriétés électriques de 
l’'oxigène et de l'acide muriatique oxigéné. Quand elle a été 
purifiée au moyen de la potasse et de la distillation, elle est 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 467 


fafusible à la température de Peau bouillante, et jouit à peu 
prés de la même volatilité que ce liquide ; traitée par tous les 
moyens chimiques elle n'offre aucune trace d'acide muriatique. 


… L’iode se combine avec presque tous les métaux; mais comme 
il est solide, il ne paroît pas dégager dans ses combinaisons 
autant de chaleur que l’acide muriatique oxigéné, avec lequel 
il à dans ses propriétés générales beaucoup de ressemblance. 
Pour donner même d'avance une idée de ses rapports avec les 
autres corps, nous le comparerons à cet acide en lui appliquant 
aussi les deux hypothèses qu'on a faites sur sa nature, et 
nous ajouterons qu’en se combinant avec l'hydrogène, il forme 
un acide particulier très-puissant qu’on peut obtenir à l’état 
gazeux, qui est extrêmement soluble dans l’eau, et qui est à 
l'iode ce que l'acide muriatique est à l’acide muriatique oxigéné 
ou chlore. L'action du phosphore sur l’iode fournissant le moyen 
d'obtenir le nouvel acide dans ses deux états gazeux et liquide: 
c'est par elle que nous commencerons. 

À Si l’on fait agir ensemble le phosphore et l'iode, l’un et 
l’autre parfaitement desséchés, on obtient une matière d’une 
couleur rouge-brune, et il ne se dégage aucun gaz ; si lon hu- 
mecte cette matière, elle donne aussitôt des fumées abondantes 
très-acides, et il se forme en même temps de l'acide phospho- 
reux. On obtient facilement le nouvel acide à l’état gazeux, 
en employant l’iode un peu humide; il y a alors assez d’éau 
pour concourir à sa formation , mais point assez pour le con- 
denser. Enfin si l’on combine le phosphore et l’iode sous l’eau, 
il ne se dégage qu'un peu de gaz hydrogène sous-phosphuré, 
et l’eau devient très-acide : si la nouvelle substance est en excès, 
le liquide est fortement coloré en rouge-brun; il est, au con- 
traire, incolore, si c’est le phosphore qui domine. Il reste or- 
dinairement une masse colorée en rouge qui refuse de se dissoudre 
dans l’eau , et dans laquelle on trouve du phosphore et de liode ; 
néanmoins leur proportion peut être telle que l’on n’obtienne point 
de résidu , et que le liquide soit limpide comme l’eau. 

Si l’on soumet à la distillation la liqueur acide, l’eau com- 
mence par se dégager, et le nouvel acide ne passe dans le récipient 
que lorsque le liquide dans la cornue est très- concentré ; il reste 
enfin dans celle-ci de l'acide phosphoreux pur, qui donne bientôt 
en abondance du gaz hydrogène phosphuré. Ainsi lorsque le 
phosphore et l’iode sont secs, 1l se forme une combinaison ana- 
logue à celle de l'acide muriatique oxigéné avec le phosphore; 

Ooo 2 


468 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


et lorsqu'ils sont humides, il se produit le même phénomène 
qu'avec la liqueur de phosphore que l’on jette dans l’eau ; pen- 
dant donc que l’oxigène de celle-ci forme avec le phosphore de 
l'acide phosphoreux, son hydrogène se combine avec l'iode pour 
former le nouvel acide. 


Voici maintenant les caractères de cet acide : à l'état gazeux 
il est incolore, à peu près odorant comme le gaz muriatique, 
fumant au contact de l’air, rapidement absorbable par l'eau, 
donnant avec le gaz muriatique oxigéné une belle vapeur pourpre 
et s’altérant promptement sur le mercure : il forme avec ce métal 
une substance jaune-verdâtre, semblable à celle que lon obtient 
directement avec le mercure et la vapeur de l’iode, et il produit 
du gaz hydrogène égal en volume à la moitié du gaz acide. 
Quelques minutes d’agitation suflisent pour le décomposer entièr 
rement. Le fer, le zinc produisent un effet analogue, 


Cet acide à l’état liquide, obtenu en dissolvant le gaz dans 
l'eau, forme, comme on l'a dit plus hant , un liquide très-dense, 
peu volatil; il décompose rapidement les carbonates, dissout le 
fer et le zinc avec dégagement de gaz hydrogène; mais il n'at- 
taque point le mercure même à chaud , ce qui prouve qu'il a 
une forte affinité pour l’eau. Il forme avec la baryte un sel so- 
luble , et il donne, avec le sublimé corrosif, un précipité rouge 
soluble dans un excès d'acide. Lorsqu'on y verse quelques gouttes 
d'acide muriatique oxigéné, la nouvelle substance est à l'instant 
régénérée : chauffé avec l’oxide noir de manganèse, le minimum 
et l’oxide puce de plomb, il se dégage de l'iode et les oxides 
sont réduits à l’état où ils sont en général solubles dans les 
acides. L’oxide rouge de mercure ne produit point d’iode , et 
l'on peut conclure que tous les oxides qui font passer l'acide 
muriatique à l’état d'acide muriatique oxigéné, feront aussi passer 
en partie le nouvel acide à l’état d’iode. Enfin, cet acide dissous 
dans l'eau et soumis à l'action de la pile, paroît au pôle positif 
à l’état d’iode. Une fois engagé dans une combinaison il n’est 
pas facile de l'en séparer. L’acide sulfurique, par exemple, mis 
en contact avec la combinaison dusmnouvel acide et de la potasse, 
donne de l’acide sulfureux et la nouvelle substance se dégage; 
l'acide nitrique donne de l'acide nitreux. Si l’on emploie les 
acides phosphorique et borique, secs ou dissous dans l'eau, ils 
n'opérent aucune décomposition. 

Il est aisé maintenant de concevoir ce qui arrive lorsqu'on. 
met l'iode en contact avec les autres corps, . 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 469 


Avec l'hydrogène, à une température basse ou élevée, on 
obtient le nouvel acide; mais il n’est pas ordinairement pur, 
parce qu’il a la propriété de dissoudre une grande quantité d’iode, 
qu'il défend contre l’action de l'hydrogène. 

L'hydrogène sulfuré décolore promptement l’iode et le fait 
passer à l’état d’acide en déposant beaucoup de soufre; il pro- 
duit encore le même effet lorsque la nouvelle substance est en 
combinaison avec les alcalis, formant des dissolutions brunes 
ou incolores. 11 est à remarquer que lorsqu'on précipite par le 
gaz hydrogène sulfuré une dissolution d’iode dans l’éther ou dans 
alcool, il ne se dépose pas sensiblement de soufre. 


L’acide sulfureux convertit promptement l'iode en acide, en 
passant lui-même à l’état d’acide sulfurique. L’acidé phosphoreux 
et les sulfites-sulfurés donnent aussi naissance au nouvel acide, 
On peut conclure de là que dans les soudes de varec où il y 
a beaucoup de uilfites sulfurés, la nouvelle substance est à 
l'état d'acide; elle ne se manifeste même dans les eaux mères 
de ces soudes que lorsque les sulfites sulfurés sont détruits, 


L’iode n’est point altéré par le charbon et l'acide sulfureux, 
parce que ces substances ne peuvent lui fournir d'hydrogène 
pour passer à l’état d'acide; il ne décompose pas l’eau à une 
température basse ou élevée; il décolore l’indigo et est chassé 
de ses combinaisons par les acides minéraux et même par l'acide 
acétique; il se combine avec la plupart des métaux sans dé- 
gagement d'aucun gaz. Lorsqu'on fait quelques - unes de ces 
combinaisons sous l’eau, par exemple celle avec le zinc, ïl 
ne se dégage rien : la liqueur, d’abord fortement colorée, devient 
bientôt aussi limpide que de l’eau : les alcalis en précipitent 
une matière qui a tous les caractères de l’oxide de zinc, mais 
qui retient cependant un peu du nouvel acide : l’eau a encore 
été décomposée, et il s’est produit de l’oxide de zinc et le 
nouvel acide. Cette combinaison, comme toutes celles qui con- 
tiennent le nouvel acide, donnent de l'acide sulfureux quand 
on la traite par l'acide sulfurique. Dix-huit grammes d’iode dis- 
solvent à peu près trois grammes et demi de zinc; d’où on peut 
conclure que le rapport en poids de l’oxigène à l’iode est celui 
de r à 20 ou de 15 à 300. Avec l'acide muriatique oxigéné, 
il forme un composé jaune orangé, cristallin, volatil, déliquescent 
et paraissant exister avec deux proportions différentes. 


L'iode forme, comme on sait, une poudre fulminante avec 


466 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


et lorsqu'ils sont humides, il se produit le même phénomène 
qu'avec la liqueur de phosphore que l’on jette dans l’eau ; pen- 
dant donc que l'oxigène de celle-ci forme avec le phosphore de 
l'acide phosphoreux, son hydrogène se combine avec l’iode pour 
former le nouvel acide. 


Voici maintenant les caractères de cet acide : à l’état gazeux 
il est incolore, à peu près odorant comme le gaz muriatique, 
fumant au contact de l’air, rapidement absorbable par l'eau, 
donnant avec le gaz muriatique oxigéné une belle vapeur pourpre 
et s’altérant promptement sur le mercure : il forme avec ce métal 
une substance jaune-verdâtre, semblable à celle que l’on obtient 
directement avec le mercure et la vapeur de l’iode, et il produit 
du gaz hydrogène égal en volume à la moitié du gaz acide, 
Quelques minutes d’agitation suflisent pour le décomposer entièr 
rement. Le fer, le zinc produisent un effet analogue, ) 


Cet acide à l’état liquide, obtenu en dissolvant le gaz dans 
l’eau, forme, comme on l'a dit plus haut , un liquide très-dense; 
peu volatil; il décompose rapidement les carbonates, dissout le 
fer et le zinc avec dégagement de gaz hydrogène; mais il n’at- 
taque point le mercure même à chaud , ce qui prouve qu'il a 
une forte aflinité pour l’eau. 11 forme avec la baryte un sel so- 
luble, et il donne, avec le sublimé corrosif, un précipité rouge 
soluble dans un excès d’acide. Lorsqu'on y verse quelques gouttes 
d'acide muriatique oxigéné, la nouvelle substance est à l'instant 
régénérée : chauffé avec l’oxide noir de manganèse, le minimum 
et l’oxide puce de plomb, il se dégage de l’iode et les oxides 
sont réduits à l’état où ils sont en général solubles dans les 
acides. L’oxide rouge de mercure ne produit point d’iode , et 
l'on peut conclure que tous les oxides qui font passer l'acide 
muriatique à l’état d'acide muriatique oxigéné, feront aussi passer 
en partie le nouvel acide à l’état diode. Enfin, cet acide dissous 
dans l'eau et soumis à l'action de la pile, paroît au pôle positif 
à l’état d’iode. Une fois engagé dans une combinaison il n’est 
pas facile de l'en séparer. L’acide sulfurique, par exemple, mis 
en contact avec la combinaison dusnouvel acide et de la potasse, 
donne de l’acide sulfureux et la nouvelle substance se dégage; 
l'acide nitrique donne de l'acide nitreux. Si l’on emploie les 
acides phosphorique et borique, secs ou dissous dans l’eau, ils 
n'opèrent aucune décomposition. 

Il est aisé maintenant de concevoir ce qui arrive lorsqu'on, 
met l’iode en contact avec les autres corps. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 469 


Avec l'hydrogène, à une température basse ou élevée, on 
obtient le nouvel acide; mais il n’est pas ordinairement pur, 
parce qu’il a la propriété de dissoudre une grande quantité d’iode, 
qu’il défend contre l’action de l'hydrogène. 

L'hydrogène sulfuré décolore promptement l’iode et le fait 
passer à l'état d'acide en déposant beaucoup de soufre; il pro- 
duit encore le même effet lorsque la nouvelle substance est en 
combinaison avec les alcalis, formant des dissolutions brunes 
ou incolores. 11 est à remarquer que lorsqu'on précipite par le 
gaz hydrogène sulfuré une dissolution d’iode dans l’éther ou dans 
Falcool, il ne se dépose pas sensiblement de soufre. 


L’acide sulfureux convertit promptement l'iode en acide, en 
passant lui-même à l’état d’acide sulfurique. L’acidé phosphoreux 
et les sulfites-sulfurés donnent aussi naissance au nouvel acide, 
On peut conclure de là que dans les soudes de varec où il y 
a beaucoup de Sulfites sulfurés, la nouvelle substance est à 
’état d'acide; elle ne se manifeste même dans les eaux mères 
de ces soudes que lorsque les sulfites sulfurés sont détruits, 


L’iode n’est point altéré par le charbon et l’acide sulfureux, 
parce que ces substances ne peuvent lui fournir d'hydrogène 
pour passer à l’état d'acide; il ne décompose pas l’eau à une 
température basse ou élevée; il décolore l’indigo et est chassé 
de ses combinaisons par les acides minéraux et même par l'acide 
acétique; il se combine avec la plupart des métaux sans dé- 
gagement d'aucun gaz. Lorsqu'on fait quelques - unes de ces 
combinaisons sous l'eau, par exemple celle avec le zinc, ïl 
ne se dégage rien : la liqueur, d’abord fortement colorée, devient 
bientôt aussi limpide que de leau : les alcalis en précipitent 
une matière qui a tous les caractères de l’oxide de zinc, mais 
qui retient cependant un peu du nouvel acide : l’eau a encore 
été décomposée, et il s’est produit de l’oxide de zinc et le 
nouvel acide. Cette combinaison, comme toutes celles qui con- 
tiennent le nouvel acide, donnent de l'acide sulfureux quand 
on la traite par l'acide sulfurique. Dix-huit grammes d’iode dis- 
solvent à peu près trois grammes et demi de zinc; d’où on peut 
conclure que le rapport en poids de l’oxigène à l’iode est celui 
de 1 à 20 ou de 15 à 300. Avec l'acide muriatique oxigéné, 
il forme un composé jaune orangé, cristallin, volatil, déliquescent 
et paraissant exister avec deux proportions différentes. 


L’iode forme, gomme on sait, une poudre fulminante avec 


#70 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
lammoniaque ; mais la théorie en est très-simple, en considérant 
que l’iode a une grande tendance à se combiner avec l’hydrogène. 

D’après cet exposé, .on ne peut s'empêcher de comparer liode 
au chlore, et le nouvel acide à l'acide muriatique. Il est aussi 
bien remarquable que l'hydrogène soit constamment nécessaire 
pour faire passer l’iode à l’état d’acide. Il semble que cette subs- 
tance joue dans la nature, pour une certaine classe de corps, 
le mê me rôle que l’oxigène pour une autre. Tous les phénomènes 
dont on vient de parler peuvent s'expliquer en supposant que 
l'iode est un élément, et qu'il forme un acide en se combinant 
avec l'hydrogène ; ou bien que ce dernier acide est un composé 
d’eau et d’une base inconnue, et que l’iode est cette même base 
unie à l’oxigène. La première hypothèse nous paroît, d’après 
les faits précédens, plus probable que l’autre, et elle sert en 
même temps à donner plus de vraisemblance à celle dans laquelle 
on considère l’acide muriatique oxigéné commé un corps simple. 
En l’adoptant, le nom qui conviendroit au nouvel acide seroit 
celui d'acide hydriodique, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 471 


ADDITION 


À MES CONSIDÉRATIONS SUR LES FOSSILES; 
PAR J.-C. DELAMÉTHERIE. 


L’IMPORTANCE des Considérations sur les Fossiles, m’en- 
gage à rapporter ici des faits intéressans que je n’ai qu’indiqués, 
et qui sont contenus dans un Mémoire de Poiret sur les tourbes 
pyriteuses du département de l’Aisne, du côté de Soissons. 
(Journal de Physique, tome LI, pag. 292.) J’ai supposé ces 
faits connus lorsque j’ai dit (Cahier de novembre, pag. 363, 
ligne première) : . 

« Elles (les eaux marines dans des invasions des mers , comme 
celles qui ont souvent lieu sur les côtes de Hollande) pourront 
y séjourner, et former de nouveaux dépôts marins sur les terrains 
d’eau douce.» Mais je crois nécessaire de les rapporter ici. 


Poiret décrit d’abord les lieux et le sol sur lequel repose 
cette tourbe. 


Du Sol et d’un banc de Coquilles fluviatiles dans les couches 
inférieures. 


Le sol, dit-il, est en général marécageux et limoneux. J’ai 
observé que les couches zrférieures de la tourbe qu’on exploite 
proche Soissons, étoient séparées des couches supérieures par 
un lit d'environ un décimètre de marne limoneuse... remplie 
d’un grand nombre de coquilles fluviatiles, la plupart en frag- 
mens , parmi lesquelles j'ai trouvé quelques espèces bien entières, 
et dont les analogues sont vivantes dans nos étangs et nos ri- 
vières, telles que, 

Helix cornea. Linn. Le grand planorbe à spirales rondes. 
Geotf. 

Helix palustris. Linn. Bulime des marais. Brug. 

Helix vivipara. Linn. La vivipare à bandes. Geoff. 


472 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Couches marneuses. 


. Immédiatement au dessus de ces coquilles on rencontre d'autres 
lits plus ou moins considérables de marnes..., quelquefois des 
Lits entiers de charbons fossiles, très-légers, feuilletés.. .. 


Bancs supérieurs d'Huirres et de Coguilles marines. 


Les couches supérieures qui recouvrent celles de la tourbe... 
sont remplies d'un grand nombre de coquilles marines, isolées, 
réunies par groupes, ou même disposées par bancs réguliers, 
d'huîtres, de visses, de cérites, de buccins, de vénus, de 
nérites, etc, , la plupart fracturées et en fragmens. Ces mêmes 
coquilles serencontrent aussi, mais en bien moins grande quantité 
dans les couches supérieures de la tourbe, jamais dans les in- 
férieures, ni au-dessous; elles y sont souvent pyritisées et réunies 
dans un tuf marneux, 


Substances particulières qu'on rencontre dans ces couches 
de tourbe et de marne. 


a Des bois fossiles, des troncs d’arbres entiers sans écorce , 

b Des bois pétrifiés, 

c Du succin, 

d Des os d'animaux en fragmens. 

Un peu plus loin, du côté de Beaurieux, l’auteur dit (zidem, 
pag. 208) qu'il a trouvé dans les couches de tourbes, des coquilles 
pyriteuses, fracturées, qui lui ont paru bivalves, et appartenir 
aux fellines, aux moules et aux m1yes, qui habitent nos ri- 
vières et nos élangs....... QE: 

Tous ces faits, qu’il faut lire dans le Mémoire même, prou- 
vent: 

1° Que les couches inférieures de ces terrains ont été des 
marais, comme ceux de Hollande, remplis de tourbe. 

2°, Cette tourbe a été souvent pyritisée.... er 

30, Il s’y trouve une grande quantité de coquilles /Zuviatiles 
analogues à celles de nos rivières, de nos étangs. 

4°. Une invasion de la mer y est venue, comme il arrive en 
Hollande, et y à déposé une multitude de coquilles arènes, 
dans de nouvelles couches marines. 

bo, Ces éaux ont séjourné plus ou moins de temps et se sont 
ensuite retirées, comme il arrive en Hollande. … 

ADDITION 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 473 


ADDITION 
À L'EXTRAIT DES ÉBÉMENS 


DE PHILOSOPHIE CHIMIQUE, 
SUR L’ÉLECTRICITÉ, LE CALORIQUE, Erc.; 
Par Sir Humpary DAV Y. 


ON dit, pag. 403, que l'auteur paroît adopter l’opinion de 
Francklin sur Punité du fluide électrique. 1/ faut dire : l'auteur 
n'adopte aucune hypothèse sur la cause de l'électricité. Il penche 
à croire qu'elle peut dépendre des mêmes pouvoirs attractifs qui 
produisent les combinaisons chimiques. 

Il pense également qu'il n’y a point de fluide calorifique, et 
qu’on peut expliquer tous les phénomènes de la chaleur, en sup- 
posant que les molécules des corps se trouvent dans un état con- 
tinuel de vibrations. 

Il admet le système de l'émission pour la lumière. 


Quant à l’ammonium de Berzelius, Y'auteur ne connoît point 
un tel corps, mais il rapporte deux hypothèses pour expliquer 
l'amalgame produit de l’'ammoniac par le potassium et le mercure. 


Quant à l'hydrogène dans les corps combustibles, il en a 
parlé dans un chapitre distinct sur les hypothèses qu'on peut 
former, et auxquelles il n’attache aucune importance. Il veut 
dire seulement, que de la même manière que des chimistes 
célèbres déterminent la quantité d'oxigène dans le chlorine 
et l'azote , on peut déterminer la quantité d'hydrogène dans 
des corps combustibles; mais il ne croiroit pas qu'il existe ni 
oxigène dans le chlorine et l'azote, ni hydrogène dans les 
métaux, jusqu’à ce qu’on ait fait une expérience, par laquelle 
on retire ces principes, de substances qui n’en contiennent pas 
elles-mêmes. 


Tome LXXVII. DÉCEMBRE an 1813. Ppp 


474 


JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


? 


Corrections à faire dans le Mémoire de M. Davy, Cahier 


de novembre. 


Pag.387, lig. 11, devant la Société de Backer, lisez, devant 


390, 


39r, 


392, 


393, 
394; 


399; 


ts 


la Société royale. 


4, volatil hors, /isez, volatil sans. 


20, 


32, 


3, 


supposé, lisez, est supposé composé. 

après hypothèse, ajoutez, qui auroit été pro- 
bablement imaginée par les chimistes phlogis- 
ticiens, s'ils avoient connu les faits. 
retranchez jusqu’à la ligne 12, et substiluez, 
on trouvera qu'il est facile de donner des ex- 
plications des faits par toutes ces hypothèses; 
mais de nouvelles expériences peuvent seule- 
ment déterminer quelle est la vraie. Je viens, 
dit l’auteur, de faire quelques expériences qui 
donnent beaucoup plus de probabilité à la se- 
conde. 

base inflammable, Zisez, inflammables. 

ne milite pas davantage, lisez, n’est pas. 

de deux à un, ajoutez, en volume. 

tels que celui-ci, ajoutez, c’est-à-dire. 
expériences, ajoutez , au bout de quelques 
heures. 

crysolite, lisez, cryolite. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 472 


NOUVELLE LITTÉRAIRE. 


Élémens de Philosophie chimique, par M. le Chevalier Hum- 
phry Davy, Docteur en Droit, Secrétaire de la Société royale 
de Londres, Professeur de Chimie, Membre de plusieurs Aca- 
démies ; traduit de l'anglais par J. B:Wan-Mons, Correspondant 
des Instituts de Ffänce et de Hollande, avec des Additions in- 
tercalées au texte par le traducteur. Tome 1er, in-8° de 42 feuilles 
et demie, et 12 gravures. 

A Paris, chez Gabriel Dufour, Libraire, rue des Mathurins- 
Saint-Jacques, n° 7. 

Ce_volume ne contient que les quatre premitres divisions de 
l'Ouvrage de M. Davy. Les trois autres divisions formeront le 
second volume. 

Le traducteur a intercalé des Notes plus volumineuses que 


le texte lui-même. Il y développe ses principes en Chimie. Nous 
les ferons connoître plus particulièrement. 


Ppp2 


476 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
PR SP RSR EE eee TE I RS TEE 
TABLE 
DIS MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


lance détonante, extraites d'une lettre à l'honorable 

sir Joseph Banks, par sir Humphry Davy. Des Trans- 

actions philosophiques. Lues desant la Société royale, 

le ver Juillet. 448 
Lettre sur la nouvelle substance découverte par M. Cour- 

rois dans le sel de varec, à M. le chevalier Cuvier, 

par M. le chevalier Humphry Davy. ) 456 
Lettre de M. Flaugeroues à J.-C. Delamétherte, sur 

une observation de la Comète de 1811, faite dans la 

capitale des Cosaques. ) 461 
Lettre de M. de Nelis, à J.-C. Delamétherie , sur 

l'action électrique. 
Note sur une nouvelle substance obtenue des cendres 


462 


de varec. Extrait du Moniteur. ; 466 
Addition à mes Considérations sur Les fossiles; par 
J.-C. Delamétherte. 47: 


‘Addition à l'extrait des Élémens de philosophie chi- 
mique , sur l'électricité, le calorique, etc.; par Hum- 
phry Davy. 473 

Nouvelle Littéraire. 475 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


477 


TABLE GÉNÉRALE 


DES, MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. 


HISTOIRE NATURELLE. 


Description géologiqueet minéralogique de Thueringer- 
Wald, par Hoff et Jacobi ; traduit de l'allemand par 
T. ©. Bruun Neergaard. a 

Extrait d'un Rapport lu en août 1812, à la Société phi- 
lomatique de Paris; par A. G. Desmarest, sur un 
Mémoire de M. Daudebard de Ferrussac, intitulé : 
Considérations générales sur les fossiles des terrains 
d'eau douce. 

Mémotre surles ossemens et coquilles fossiles des environs 
de Plaisance. Extrait du Voyage pittoresque du nord 
de l'Italie ; par M. Bruun Neercaard. 

Notice sur le gisement du calcaire d'eau douce dans 
les départemens du Cher, de l Allier et de la Nièvre; 
par J..J. d'Omalius de Halloy. 

Considérations sur les fossiles ; pxr J.-C. Delamétherte. 

S'urte. 

Suite. 

Mémoïre sur quelques nonvelles espèces d'animaux mol- 
lusques et radiaïres, recueillis dans la Méditerranée , 
près de Nice; par M. Lesueur. 

Observations géologiques sur la presqu'fle de Saïnt- 
Hospice, aux environs de Nice, département des 
Alpes maritimes; par A. Risso. 

Mémoire sur la Ligurite ; par M. Viviant. 

D scours sur la naïssance et les progrès de la Botanique; 
par M. Mirbel, 

Suite. 

ÆAdditions à mes Considérations sur les Fossiles; par 
J.-C, Delamétherie. J 


27 


88 
05 


109 
322 


478 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
PHYSIQUE. 
Suite des Vues sur l'action galvanique ; par J.-C. De= 
lamétherte. Pas, 536 

Tableau météorologique; par M. Bouvard. 
Juin. 34 
Juillet. 86 
Août. 210 
Septembre. 320 
Octobre. 378 
Novembre. 446 


Observations sur la comète de 1811 ; par WW. Herschel. 
Extrait par J.-C. Delamétherte. À 
“Æpplication du calorique, qui se perd dans Les che- 
minées des tisards des chaudières d'usines, à un 
ventilateur et à une étuve; par M..C. Pajot. des 
Charmes. 136 
Précis d'une lecon de Physiologie végétale et bota- 
nique, et sur le fruit; par 1 Mirbel. 173 
Mémoire sur La force magnétisante du bord le plus reculé 
du rayon violet du spectre solaire; par Pierre Con- 
Jigliachi. Extrait par E. Mazion. . 212 
Observation sur la planète Mars ; par, M. Flaugergues.. 250 
Extrait d'un Mémoire sur le rapport de la dilatation 


-de l’air avec la chaleur; par H. Flaugergues. ‘273 
Extrait d'une lettre de M. de Fortia d’'Urban, à J.-C. 
Delamétherie. 293 


Second Mémoire sur la force magnétisante du bord 

extréme durayon violet. Lu à l'Académie des Lyncées, 

le 22 avril 1813; par Dominique Morichini. Ibid. 
Discours sur les murs saturniens ou cyclopéens; par 

M. de Fortia d'Urban. Extrait par J.-C, Delamé- 

therie. 317 
Extrait d'une lettre de M. Dessaignes, à J.-C. De- 

lamétherte , sur la phosphorescence des gazcomprimés. 326 
Histoire philosophique des progrès de la Physique ; par 

A Libes. Extrait par J.-C. Delaméthertie. 538 
Histoire abrégée des plantes des Pyrénées , et itinéraire 

des botanistes dans ces montagnes; par M. Picot 

la Peyrouse. Extrait par J.-C. Delaméthertie. 341 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 459 


Mémoire sur la chaleur de la surface des corps; par 
M. Ruhland, de Munich. Pag. 367 
Second Mémoire sur la distribution de l'électricité à 
La surface des corps conducteurs. Lu à l'Institut, le 
6 septembre 5; par M. Poisson. Extrait. 380 
Lettre de M. Flaugergues à J.-C. Delamétherie, sur 
une observation de la comète de 1811, faite dans la 
capitale des Cosaques. 461 
Lettre de M. de Nelis sur l'action galvanique. 462 


CHIMIE. 


LL 


Mémoire sur l'influence que la température de l'air 
exerce dans les phénomènes chimiques de la respira- 
tion. Lu à l'Institut, le 11 mai 1812. par M. De- 
Zaroche. 5 

Mémoire sur un nouveau composé détonant; par sir 
Humphry Davy. Extrait d'une lettre adressée à l'ho- 
norable sir Joseph Banks. Londres 1815. Lu devant 
la Société royale, le 5 novembre 1812. 53 

ÆExtrait d'une lettre de M. lan-Mons, sur la nature ‘ 
de l'acide sulfurique: 

Description des moyens et procédés employés à Paris, 
par M. Bonmatin,pour extraire le sucre de betterave. 47 

Mémoire sur quelques combinaisons de phosphore et de 
soufre, et quelques autres sujets de recherches chi- 
miques; par sir Humphry Davy. Extrait des Trans- 
actions Philosophiques, Lu devant la Société royale, 
le 18 juin 1812. DT 

Mémoire sur quelques expériences el observations sur / 
les substances produites dans différens procédés chi- 
miques; par sir Humphry Davy. Lu devant la Socrété 
royale de Londres, le 8 juillet 1815. Extrait des Trans- 
actions Philosophiques. 387 

Elements of chemical Philosophy, etc., c'est-à-dire, 
Elémens de Philosophie chimique ; par Humphry 
Davy. Extrait par J.-C. Delamétherie. 400 

Quelques observations ultérieures sur une nouvelle subs- 
tance détonante, extraites d’une lettre à l'honorable 
sir Joseph Banks, par sir Humphry Davy. Des Trans- 
actions philosophiques. Lues devant la Société royale, 
de 1°" juillet. 443 


48a JOURNAL DE PHYSIQUE, DE: CHIMIE , elc. 
Lettre sur la nouvelle substance découverte par M. Cour- 
rois dans le sel de varec, à M. le chevalier Cuviers 
par M. le chevalier Humphry Davy. Pag. 456 
Note sur une nouvelle substance obtenue des cendres 
de varec. Extrait du Moniteur. 466 
Addition à l'extrait des Elémens de philosophie chi- 
mique, sur l'électricité, le calorique, ete.; par Hum- 


phry Davy. 474 
169, 201, 543, 416, 479 


Nouvelles littéraires. 


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pour les Mathématiques, quai des Augustins, n° 57. 


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