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Full text of "Journal de Physique, de Chimie et d'Histoire Naturelle"

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JOURNAL 
DE PHYSIQUE. 


JOUA N AL 
DE PHYSIQUE, 
DE CHIMIE, 
D'HISTOIRE NATURELLE 
EVBOJDNE; Sr AURITS, 


AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE: 
PAR J.-C. DELAMÉTHERIE. 


— 


JUILLET An 18r6. 


TOME LXXXIII. 


À PARIS, 


Chez Mme Ve COURCIER, Imprimeur - Libraire pour les 


Mathématiques et la Marine, quai des Augustins, n°57. 


JOURNAL 


ME BE Y SO U FE; 
DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


JUILLET AN 1816. 


PHÉNOMÈNES 
DE RÉPULSION ET D’ATTRACTION 
SANS ÉLECTRICITÉ; 
Par J. P. DÉSSAIGNES. 


À 
Mere de frotter tous les jours, pendant cinq ans et à 
toutes les époques du jour, divers corps soit sur une étoffe de 
laine, soit dans le mercure, et de les présenter à chaque fois 
à une aiguille électrométrique très-sensible, m'a fait apercevoir 
des phénomènes de répulsion et d’attraction auxquels l'électricité 
ne paroît avoir aucune part, quoiqu’ils soient dépendans de ce 
même fluide en qui réside le pouvoir électrique. Je m’empresse 
de les faire connoître, persuadé qu’ils peuvent répandre un nou- 
veau jour sur la marche du fluide qui produit l'électricité. 


Premier Fait. 


Si, dans un temps où la tension du pouvoir électrique est 
L4 L A ® I 
modérée, l’on prend un bâton de cire à cacheter, gros comme 


6. JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMtIÉ 


un bâton de soufre ordinaire, dont l’une des ‘extrémités soit 
terminée par une surface nn peu convexe et bien polie, et que 
l’on touche par cette extrémité la surface du mercure avec dif- 
férens degrés de force, elle acquiert une électricité positive par 
un simple contact; par un choc modéré elle est inexcitable et 
sans électricité; par un choc plus fort elle devient négative. Ce 

hénomène est constant et peut se reproduire à volonté. Si lon 
réitère la même expérience dans un temps où la tension du 
pouvoir électrique est considérable, la cire se trouve bien encore 
inexcitable et sans électricité par un choc modéré comme ci- 
dessus ; mais alors elle est animée d’une force répulsive qui fait 
fuir constamment l’aiguille électrométrique, malgré qu’on la 
tienne dans la main, ou qu’on la mette en communication avec 
le réservoir commun. Cet état répulsif est plus où moins fort, 
suivant le degré de tension naturelle du pouvoir électrique. On 
peut en augmenter l'intensité en chauffant la cire avant que de 
la mettre en contact avec le mercure. Aussitôt qu’on a fait naître 
cette force, elle va toujours en s’affoiblissant, et elle disparoît 
entièrement au bout d’une ou deux minutes. 


Deuxième. Fait. 


Lorsque la tension du pouvoir électrique est bien développée, 
si l'on enfonce de 135 millimètres de profondeur une tige de 
verre grosse comme un bâton de soufre et de 216 millimètres 
de longueur, dans un vase plein de mercure’, et qu'après l'en 
avoir retirée on la présente à une aiguille électrométrique, celle-ci 
est plus ou moins fortement attirée par toute la portion de la 
iige qui-a été: plongée dans le mercure; mais elle est fortement 
repoussée par celle qui n’a pas été immergée et qui se trouve 
entre les doigts et la surface du mercure au moment de l'im- 
mersion: 

En effet si l’on promène à une petite distance de cette tige 
et sur toute sa longueur, un brin de fl de soie attaché à un 
bâton de cire à cacheter, onle voit s’infléchir et se courber sur 
toute la partie électrisée; mais aussitôt qu’il arrive à la partie 
vépulsive, il se redresse et se recourbe en sens opposé Jusqu'à 
ee qu'il ait traversé la zone de répulsion. 

Si l'on projette sur cette tige un mélange de soufre et de mi- 
ninm à l’aide d’un soufllet, on voit encore toute la partie élec- 
irisée se couvrir de soufre où de minium suivant la nature de 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. LÀ 
son électricité, tandis que la partie répulsivese trouve parfaitement 
nette et sans poussière d'aucune espèce, quoique la zone du verre 
la plus voisine des doigts se rougisse toujours légèrement de 
minium. 

Lorsque la tension naturelle du pouvoir électrique est déve- 
loppée, cette force répulsive est considérable, et d’autant plus 
que la tige est plus grosse et l'immersion plus profonde. On peut 
la faire naître en tout temps en chauffant la tige, et en la plon- 
geant immédiatement après dans le mercure. 

Le mercure n’est pas la seule substance capable de produire 
cette propriété. On peut également la faire paroître avec un frottoir 
de laine. Pour cela, il faut envelopper d’un morceau d’étoffe de 
laine l'extrémité inférieure de la tige en la serrant étroitement 
dans la main, et la frotter pendant quelque temps. Si alors 
on l'approche de l'aiguille électrométrique , la partie frottée 
se trouve entièrement électrique, tandis que ce qui est immé- 
diatement au-dessus et qui n’a pas subi de frottement, est plus 
ou moins fortement répulsif. Lorsque la tension du fluide est 
nulle, ou très-foible, on ne peut produire cet effet par frotte- 
ment sur laine qu'après avoir chauflé la tige, ou après l'avoir 
frottée assez long-temps pour qu’elle s’échauffe naturellement. 


Troisième Fait. 


Si l’on met auprès du feu un vase plein de mercure, et que, 
lorsqu'il est chaud à 60 ou 80 cent., on y plonge par inter- 
valles une grosse tige de verre, elle en sort ordinairement po- 
sitive dans toute sa longueur aux deux ou trois premières 1m- 
mersions : en continuant à limmerger elle devient négative en 
haut, positive en bas, et ces deux électricités sont séparées l’une 
de l’autre par une espèce de nœud inélectrique. A proportion 
que la tige s’échauffe et que son fluide se tend, ce nœud devient 
répulsif, il fait fuir l'aiguille électrométrique : le fil de soie at. 
taché à un bâton de cire à cacheter en est vivement repoussé; 
le soufre et le minium lancés sur ce point par le moyen d’un 
soufflet, en sont également écartés. L’on voit alors le soufre 
attaché à la partie qui est électrisée positivement , le minium 
à celle qui l'est négativement, et au milieu d’elles une zone 
parfaitement lisse et sans aucun atome de poussière. Quand la 
tension du pouvoir électrique est considérable, cette zone ré- 
pulsive pénètre et s'étend dans les parties positive et négative, 
£t y forme des espèces d’arborisations très-curieuses à voir. 


8 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE. 


Quatrième Fait. 


Lorsque la tension naturelle du pouvoir électrique est forte 
en été, si l'on plonge dans du mercure chaud à 80 ou 1oce cent. 
une grosse tige de verre, et qu'après Py avoir laissée jusqu'à 
ce qu'elle ait acquis la chaleur du mercure, on l’en retire de 
temps en temps pour examiner son électricité, on la trouve né- 
gative en haut et fortement répulsive en bas. A mesure que le 
mercure se refroidit elle est ensuite positive en bas, foiblement 
répulsive au milieu , et négative en haut. Un peu plus tard elle 
sort foiblement positive partout, et quelque temps après sans 
électricité. Souvent en été la tige sort naturellement répulsive 
par le bas et négative par le haut ; mais cela n’a lieu que lorsqu'il 
survient un refroidissement subit dans l'atmosphère. 


Cette force répulsive dure presqu'aussi long-lemps que la tige 
reste électrique. Le verre ne jouit pas seul de cette propriété ; 
elle est commune à la cire à cacheter, à l’ambre et au soufre. 


Il résulte de ces faits que le frottement ou la pression fait 
naître et développe dans les corps idio-électriques, une force de 
répulsion qui n'est point due à l'électricité, quoiqu’elle appar- 
tienne au fluide qui produit l’effet électrique. Cette force est sus- 
ceptible de se manifester sur deux points différens de la tige: 
19 à son extrémité supérieure, ou, plutôt, immédiatement 
au-dessus de la partie qui a subi le frottement; 2° à son exiré- 
mité inférieure, ou à cette espèce de nœud qui sépare les deux 
électricités contraires dont elle est quelquefois pourvue. Le pre- 
mier est constant et n'exige pour paroître qu'un certain degré 
de tension dans le fluide. Le second n'a lieu que là où les deux 
pouvoirs qui se pressent sont en équilibre entre eux, et lorsqu'ils 
jouissent d’une forte tension. Le premier est le résultat d’un 
refoulement du fluide qui s’opère à la partie supérieure de la 
tige, lorsqu'on presse celui de linférieure. Lorsque la pression 
cesse , le fluide refoulé tend à revenir sur Jui-mêine; il pousse 
à son tour le fluide inférieur qui lui résiste et le repousse pen- 
dant quelque temps, en raison de l'attraction qui le retient, ce 
qui fait naître un mouvement oscillatoire qui dure jusqu'à ce 
que l'équilibre de tension soit rétabli sur toute la tige. Le second 
est l’eflet d’un fluide comprimé et qui se détend au moment 
où cesse la pression. Semblable à tout corps élastique, il vibre 
jusqu’à ce que sa force répulsive soit en équilibre avec Pattraction. 

Cinquième 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. ( 
Cinquième Fait. 


Ce cinquième fait est encore plus digne d'attention que les 
précédens. Il offre des phénomènes d'attraction et de répulsion 
sans frottement et sans excitation préalables. 

Si l'on présente fréquemment et dans divers temps, à une 
aiguille électrométrique extrêmement mobile et en communi- 
cation avec le réservoir commun, un disque de métal qu’on 
laisse reposer sur le marbre d’une commode, souvent l'aiguille en 
estattirée, souvent au contraire elle est repoussée, souvent aussi 
elle reste immobile. Ces mouvemens d'attraction et de répulsion 
ont lieu indifléremment avec tous les métaux , peu importe 
qu'ils soient isolés ou non. On les observe encore avec le verre, 
le soufre , la cire à cacheter, le bois, les pierres, et en général 
avec tous les corps que je me suis avisé d’éprouver. Ils ne se 
manifestent ordinairement qu’à la première approche des corps, 
quelquefois néanmoins aux deux ou trois suivantes; mais on 
peut les reproduire en laissant reposer pendant quelque temps 
les corps dans le même lieu où on les a pris. Il est indiflérent 
que l'aiguille tournante soit d’acier ou de cuivre , d’or ou d'argent. 

Quelquefois la force attractive se fait sentir à l'aiguille à 27 
millimètres de distance ; d’autres fois elle n’exerce son action qu’à 
un millimètre. La force répulsive à son #1aximum, n'agit ordi- 
nairement qu’à 8 ou 10 millimètres, et tout au plus à un, lors- 
qu’elle est à son #7é7éimum. Quand l'aiguille est attirée, elle s’ap- 
proche du disque métallique par un mouvement retardé; souvent, 
après s'être approchée à 2 millimètres près du contact, elle est 
repoussée ; souvent encore elle n’est ni repoussée ni attirée, 
mais elle reste stationnaire et n'arrive pas au contact, Quand 
l'aiguille est repoussée, son mouvement est accéléré, et si on la 
poursuit à proportion qu’elle fuit, elle finit par tourner assez ra- 
pidement. Lorsque la force répulsive est foible, quelquefois l’ai- 
guille s’arrête après avoir reculé de 2 à 3 millimètres, et si l’on 
approche d’elle le disque, elle en est attirée. L'état attractif ou 
répulsif est plus sensible par la carne du disque de métal que 
par sa surface. 

J'ai remarqué que les corps sont répulsifs dans un beau temps 
sec, et lorsque l'air est bien refroidissant ; qu’ils sont attractifs 
sous le même ciel, lorsque l'air est moins refroidissant. Dans les 
jours humides et peu froids ils sont sans vertu, de même que 
dans les jours secs et chauds de l'été, où les nuits ne sont pas 
æefroidissantes. Dans les temps secs et froids or les trouve ré- 


Tome LXX XIII. JUILLET an 1816. E 


10 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


pulsifs le matin , attractifs de 8 à 10 heures, sans vertu de midi 


à 5 ou 6 heures du soir. Au coucher du soleil, ou aussitôt que 
l'air se refroidit, ils reparoïssent plus ou moins atlractifs : de 
10 à 11 heures du soir ils deviennent répulsifs, puis foiblement 
attractifs et définitivement sans pouvoir. Le lendemain, si le 
même temps continue, on les voit devenir par les progrès de la 
chaleur diurne, successivement attractifs, répulsifs, attractifs, et 
enfin sans pouvoir dans le cours de la journée comme la veille. 

Lorsque l’air est sec et refroidissant, si, sur le soir, on ex- 
pose à la croisée et à l’air extérieur, des disques de métal natu- 
rellement sans pouvoir, et qu’on les présente de temps en temps 
à l’aiguille électrométrique , elle en est attirée plus ou moins 
fortement suivant le degré de refroidissement de l'air. Si l’on 
détermine un courant d’air plus froid en ouvrant la porte de 
Pappartement , et qu'on les présente de nouveau à l'aiguille tour- 
nante, elle en est alors repoussée : en faisant cesser le courant 
d'air, ils redeviennent attractifs. Cet effet a lieu avec tous les 
corps, mais il est plus prompt et plus sensible avec les métaux, 
particulièrement avec l’or, le platine, l'argent, le cuivre, le zinc 
et le fer. Il a également lieu entre une aïguille d’argent et un 
disque du même métal. 

Dans les mêmes circonstances de temps, si l’on mouille d'éther 
la surface polie d’un disque de métal vissé à une tige quelconque, 
et qu’on le présente à laiguille électrométrique, la surface 
mouillée reste sans pouvoir tant que l'éther n’est pas évaporé; 
mais le disque est sensiblement répulsif par l carne et par la 
surface postérieure qui n’est pas mouillée. Quelque temps après 
il n'est plus qu’attractif, et bientôt sans pouvoir. Aussitôt que la 
surface mouillée cesse de l'être, même partiellement, elie devient 
à son tour par l’endroit see, successivement répulsive, nulle, at= 
tractive et enfin sans vertu, lorsqu'elle a repris la température 
de l'air environnant. Dans les Jours chauds ce refroidissement 
artificiel ne produit presqu'aucun effet sur le métal; daus les 
jours froids et secs son influence est plus sensible le matin et 
le soir, que dans le cours de la journée. 

Dans les jours secs et refroidissans, si, dans la matinée ou 
sur le soir, on expose au soleil un disque de métal, et que de 
temps en temps on le présente à Paiguille tournante, on le 
trouve d’abord plus ou moins répulsif pour celle-ci : bientôt 1l 
devient attractif, quelque temps après saus pouvoir , el il persévère 
dans cet état, quelque longue que soit son exposition. Dans les 
jours chauds ou humides l'élévation de la température ne produit 
aucun effet sur ce disque métallique. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 11 


J'ai dit que lorsque les disques de métal sont nalurellement 
attractifs ou répulsifs, ils ne manifestent l’une ou l’autre propriété 
que tout au plus à leurs deux ou trois premières approches de 
l'aiguille tournante. Dans cette circonstance on peut faire re- 
naître leur pouvoir par choc, en les frappant, par exemple, par 
la carne du disque sur un marbre. Si dans un temps froid l’on 
plonge par la pointe une aiguille à coudre dans du mercure, 
et qu'on la présente de suite à l’aiguille électrométrique, elle est 
assez fortement attractive. Si on la plonge avec plus de force, 
elle se trouve répulsive. Si l’on continue alors à la plonger avec 
la même force, elle est sans pouvoir. Elle est susceptible d’en 
reprendre en la laissant pendant quelque temps en repos. Le 
même phénomène a lieu avec tous les corps terminés en pointe 
aiguë, tels que le cuivre, le platine, le verre, la plume, la cire 
à cacheter, le bois, etc. Dans les temps chauds ou humides, 
l'immersion des corps pointus dans le mercure est sans effet. 

En résumant les détails de ce dernier fait, l’on peut dire que 
deux corps mis en présence l’un de l’autre, font naître dans cer- 
taines circonstances une force, qui tantôt est attractive, tantôt 
répulsive suivant l'intensité de son développement. Un premier 
degré de froid la fait paroître, un plus grand degré de froid 
la fait disparoître ; il en est de mème de la chaleur. Les pressions 
mécaniques en favorisent le développement. Elle est plus ma- 
nifeste par les parties angulaires des corps que par celles qui sont 
arrondies. Elle n’a lieu le plus souvent qu’à la première approche 
des deux corps ; elle est donc le résultat de la rupture d’un équi- 
libre qui ne tarde pas à se rétablir. 

Si tous les corps sont pénétrés d’un fluide dont la force ex- 
pansive soit en équilibre avec celle de Pattraction qui le retient, 
1l me semble que lorsqu'on met deux corps en présence l’un de 
l'autre, le fluide du corps A doit être attiré par le corps B, et 
celui du corps B par le corps A. La force expansive des deux 
fluides doit donc augmenter. Si malgré cet accroissement chaque 
fluide est encore retenu par l'attraction propre du corps auquel 
il appartient , équilibre doit subsister, et les forces n’exerceront 
alors aucune action l’une sur l’autre. Si la force expansive du 
fluide des deux corps, ou de l’un d’eux seulement, est au con- 
traire supérieure à l'attraction, le fluide doit s'épandre et venir 
au devant du corps qui lattire. Dans ce cas, si le fluide est rare 
au moment de son expansion, il se laissera refouler, et le corps 
le plus mobile sera attiré : si le fluide est dense, il y aura ré- 
pulsion, parce qu’alors il s'oppose à son refoulement. . 

à 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


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«| THERMOMÈTRE EXTÉRIEUR | BAROMÈTRE MÉTRIQUE. >f 

la CENTIGRADE. = 7 

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5là 3s. <+191ofà 4m. +10,70 +18,40 à 7 M... 758,569 S........752,26 757,20] 18,3 
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7là midi. Æ14,90 à 4m. + 7,79] +14,90|à 6 + m....... 756,20|à 9 2s........ 752,14|755,62| 16,5 
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il ——_—_———  —_—_—————————…—………—."…"—_….…—…"— "…" _——.…—— 
Moyennes.-19,59! —+10,26|+18,50| 758,56| 755,57/797,38| 17,8 
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RÉCAPITULATION. 
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Plus grande élévation du mercure... 762°00 le x2 
Moindreélévation du mercure......... 744,40 le 9 
Plus grand degré de chaleur. ....... 425975 le 13 
Moindre degré de chaleur..,....2... + 6,25 le 10 
Nombre de jours beaux....... 17 
1 de couyerts...::.... ++ 19 
Ù de pluie. ..... 58860 11 
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3 


Nora. Nous continuerons toujours à exprimer la température au degré du thermomètre cen- 
centièmes de millimètre, Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu'on 
le thermomètre de correction. À la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre 
conclus de l'ensemble des observations, d’où il sera aisé de déterminer la température moyenne 
conséquent, son élévation au-dessus du niveau de la mer, La température des caves est également 


A L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARTIS. 


JUIN 1816. 
He POINTS N ARIATIONS DE L'ATMOSPHERE. 
a VENTS. 
SR LUNAIRES. 
a [à midi. LE MATIN. A MIDI. RE ao 


1 SIN. Couvert. Nuageux. Beau ciel. 
2| 66 IN-0. Idem. Idem. lûem. 
3l 54| Idem:  IP.Q.15h7m|Très-nuageux, Idem. Couv., par interv. 
4l 55| Idem. |Lunepérigée. Nuageux. Idem. Nuageux. 
5| 57| Idem. Idem. Idem. Couvert, 
6| 52| Idem. Idem, Trèsnuageux. Idem. 
7| 58 [O-N-O. Petite pluie. Couvert. Pluie. 
8l 80 lO. Couvert. Taern. Pluie abondante. 
gl 77 |[O-S-O. Petiepluie, Pluie, Idem. 
10 57 |N-O. P.L.b.28m.| Quelques éclaircis. [Couvert pluie à 1 + h.|Nuagcux. 
rl 641N. Pluie abondante. Pluie , grésil à 1 h. |Beau cicl. 
12] 62 |N-E. Nuageux. Nuageux. Idem. 
13l Go! Idem Beau ciel. Idem. Très-nuageux. 
14| 67| Idem. Nuageux. Idem. Idem, 
15] 87 [N-O. Pluie à 7 h. . [Couvert. Pluie abondante. 
16| 59 |N-E. Couvert, lég. brouil. |Pzuie à 2 h. Très-nuageux. 
17| 59 |N. D.Q.à7h57s.| Très-nuageux. Très-nuageux. Nuageux. 
18l 55 [N-O. Lune apogée. Nuageux. Idem. Idem. 
19] 65| Idem. Couvert. Couvert. Pluie. 
20l 62 |IN-E. Très-nuageux. Nuageux. Très-nuageuxs- 
21 51 IN. Couvert, Lldems Beau cicl. 
22] 68 |IN-E. Beau ciel, brouillard.| Zdem. Nuageux. k 
23] 51 |O. Nuageux, Idem. Couv. par intervalles, | # 
24| 71 Idem, Idem, Couvert. Idem. 
25] 46 |[N-0. NLaäah.17s.| dem. Très-nuageux. Légers nuages, 
261 52 |S-O liem , brouillard. |Couvert. Pluie. à 
27| 67 |O. Pluie continuelle. Pluie. Pluie , tonnerre. 
28| 69 |[O-N-O. Couvert. Pluie fine. Pluie par intervalles. 
29] 70 |E. lie. Quelques éclaircis. Nuageux. 
3o| 63 ÎS-E. Lunepérigée, | Lier, brouil. épais.| Couvert. Couverts 
Moy. 62 RECAPITULATION. 


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NES one Es: D G 

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Jours dont le vent a soufflé du ACTES à ER "à 
S-O 74 8 FPS 

DER RE Se Li 

NO is actu sn 510 


le 1° 120,092 ; 
Therm. des caves centigrades: 


le 16 12°,092 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 53""75 = r p. 11 lig. 8 dixièmes. 


tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c'est-à-dire en millimètres et 
emploie généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
et du thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le r7aximum et le minimum moyens, 
du mois et de l'année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoire de Paris, et par 
exprimée en degrés centésimaux , afin de rendre ce Tableau uniforme. ë 


X4 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


OBSERVATIONS 


SUR LE GAZ HYDROGÈNE CARBONÉ 
APPLIQUÉ A L'ÉCLAIRAGE ; 
PAR W. TH. BRANDE, 


PROFESSEUR DE CHIMIE À L'INSTITUTION ROYALE DE LONDRES. 


ee 


L'EMPLOI des gaz qui se dégagent pendant la distillation du 
charbon de terre ordiuaire pour éclairage des rues et des mai- 
sons, est un sujet d’une importance si grande et si croissante , 
qu'il sera utile d’en rapporter dans ce Journal les progrès et 
l'amélioration. 

IL paroît que le docteur Clayton a le premier rendu certain 
par ses expériences, que le charbon de terre laisse échapper un 
fluide aériforme, élastique et inflammable d’une manière per- 
manente ; un rapport abrégé de sa découverte est publié dans 
les Transactions Philosophiques pour l'an 1739; ce qui suit 
est un extrait de son Mémoire. 


« J’ai pris du charbon de terre et je l’ai distillé dans une 
cornue sur un feu couvert. D'abord il ne vint au-dessus que du 
flegme , ensuite une huile noire, et alors il s’éleva aussi un 
gaz que je ne pus condenser d'aucune manière, mais qui força 
mon lut, ou cassa mes verres. Une fois qu’il avoit forcé mon lut, 
je me suis approché afin d'essayer de le refaire, et j’observai 
que le gaz qui sortoit, prenoit feu à la flamme de la chandelle, 
et continuoit à brûler avec violence en s’échappant comme un 
courant ; je l’éteignis et le rallumai alternativement plusieurs fois. 
J'eus alors l’idée d’essayer si je pourrois recueillir ce gaz, et 
pour cela je pris un récipient turbiné, et mettant une lumière 
au conduit du récipient pendant que le gaz se dégageoit, j'ob- 
Servai qu'il s'enflammoit et continuoit à brûler à l'extrémité du 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 15 


conduit, quoiqu’on ne pôt distinguer ce qui nourrissoit la flamme, 
Je léteignis alors et le rallumai plusieurs fois; après quoi je 
fixai une vessie pressée et vide d’air au conduit du récipient. 
L'huile et le flegme descendirent dans le récipient, mais lé 
gaz montant encore, il enleva la vessie. J’en remplis alors plu- 
sieurs vessies, et j'aurois pu en remplir encore un nombre incon- 
cevable, car le gaz continua encore plusieurs heures à s'élever, 
et il remplissoit les vessies presqu’aussi vite qu’un homme auroit 
pu les emplir en soufflant avec la bouche : cependant la quantité 
de charbon distillé étoit très-petite. 

» Je gardai ce gaz dans les vessies un temps considérable , 
et je tâächai de plusieurs manières, mais inutilement , de le con- 
denser. Et quand je voulois divertir des étrangers ou des amis, 
J'ai souvent pris une de ces vessies en faisant un trou avec une 
épingle et en pressant doucement la vessie près de la flamme 
d'une lumière jusqu’à ce qu’elle prît feu; alors elle continuoit 
à brûler jusqu'à ce que tout le gaz fût chassé de la vessie : cela 
paroissoit très-surprenant, parce que personne ne pouvoit dis- 
ünguer aucune différence dans l’apparence de ces vessies avec 
celles qui sont remplies d'air ordinaire. 


» Mais alors je vis que ce gaz devoit être renfermé dans de 
bonnes vessies, comme celles de bœuf ou d’autres semblables: 
car si j’en remplissois des vessies de veau, le gaz perdoit sa 
qualité inflammable en 24 heures, quoique les vessies ne se dé- 
tendissent pas du tout.» 

Mais l'application de ce gaz ainsi produit, à un éclairage éco- 
nomique, a élé faite beaucoup plus récemment, et le mérite 
de l'avoir introduit est dû principalement à M. Murdoch, dont 
les observations sur ce sujet sont publiées dans les Transactions 
Philosophiques de 1808. Il fit ie premier essai dans le comté’ 
de Cornwall en 1792; et après, en 1798, il établit un appareil 
sur une échelle plus étendue, à la fonderie de Boulton et de Watts à’ 
Birmingham ; et c’est là, en 1802, qu’on fit la première expé- 
rience publique d'éclairage par le gaz ; ce fut à l'occasion des’ 
réjouissances pour la paix. 

Ces essais cependant ne furent qu'imparfaits, en les compa- 
rant à celui fait en 1805 aux moulins de coton de MM. Philips 
et Lée, à Manchester; les résultats de celui-ci ont servi de base: 
à tous les perfectionnemens subséquens à l'égard de l'éclairage 
par le gaz. Tout le moulin à coton, avec beaucoup de bâtimens: 


x6 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


adjacens furent éclairés par le gaz de charbon de terre, à l'ex= 
clusion de lampes, chandelles et autres sources de lumière ar- 
tificielle. On employa environ un millier de becs de différentes 
formes, ef la lumière produite fut estimée égaler celle de 2509 
bonnes chandelles de 6 à la livre. 


La partie la plus importante et la plus curieuse des relevés 
de M. Murdoch, est relative au coût par an des deux modes 
d'éclairage (savoir par le gaz et par les chandelles). Le coût du 
charbon de terre employé pour fournir le gaz, montant chaque 
année à 110 tonneaux, fut 1251, 40 tonneaux de charbon de 
terre pour chauffer la cornue, 2ol, et l'intérêt du capital qui est 

erdu , avec la somme qu’on doit mettre pour les accidens et 
fes réparations, bol. On doit déduire du montant de ces sommes 
le prix de 7o tonneaux de résidu à 15 44 par quintal, ce qui 
monte à 93!, et réduit toute la dépense annuelle à 6o2l; tandis 
que celle des chandelles pour donner la même lumière, mon- 
teroit à 2000. 

Tel étoit le résultat avantageux du premier essai d’éclairage 
par le gaz sur une échelle d'une certaine étendue. À l'égard 
de son eflicacité, M. Murdoch nous informe que la douceur 
et la clarté particulière de la lumière, ainsi que son intensité 
presqu’invariable, l’ont mise en grande faveur chez le peuple 
ouvrier, et que l’absence des inconvéniens provenant des étin- 
celles et de la fréquente nécessité de moucher, est une circons- 
tance de grande importance, parce que cela tend à diminuer 
le danger du feu auquel sont si fort exposés les moulins à coton. 


Quand M. Lée fut interrogé par M. Brougham en 1609, 
devant un comité de la Chambre des Communes, à l’occasion 
du bill de la compagnie de Coke pour l'éclairage par le gaz, 
son témoignage fut alors également favorable. 

11 dit que le gaz n’avoit aucune odeur désagréable; et quand 
on le questionna sur la pureté et la bonté de cette lumière: 
« je la brûle, dit-il, chaque soir dans ma maison, à la place 
de 30 paires de chandelles. » Il ajouta encore qu'il la trouvoit 
parfaitement saine et qu’on ne s’en étoit jamais plaint ni dans 
sa maison, ni dans le moulin. 

Le Président et le Conseil de la Société royale ont fait preuve 
de la haute idée qu'ils avaient du mérite et de l'importance de 
la communicatior de M. Murdoch, sur l'emploi du gaz de charbon 
de terre pour l'éclairage : ils lui ont adjugé les médailles d’or 
et d'argent du comte de Rumford. 

Pour 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 1% 


Pour prouver que ce gaz est économiquement applicable sur 
une petite échelle aussi bien que sur une grande, on pourroit 
se référer à l'établissement de M. Cook dans le Mag. Phil., 
décembre 1808; on en parle aussi avéc des détails intéressans 
dans lEdimburgh revieu, vol. XIII, pag. 477. 

J'ai cru bien faire de parler de tous ces détails sur les premiers 
essais de Ja lumière donnée par le gaz. A présent sans vouloir 
chercher plus de clarté dans ces sources éloignées, j’exposerai 
les informations recueillies dans les établissemens fondés der- 
nièrement dans la Capitale, et celles que j'ai obtenues par mes 
propres expériences. 


L'appareil pour éclairer au moyen du gaz, consiste en cornues 
pour distiller le charbon de terre, en condensateurs pour re- 
cevoir la liqueur résineuse et ammoniacale , et en d’autres ins- 
trumens pour purifier , qui contiennent de la crême de chaux, 
à travers laquelle le gaz passe et se dégage de l'acide carbonique 
et de l'hydrogène sulfuré, en gazomètres ou réservoirs avec leurs 
principaux tuyaux de conduite, et des becs avec leurs tubes 
et robinets. On peut former une estimation assez exacte de la 
construction et des frais de cet appareil, en consultant le Traité 
pratique sur la Lumière du Gaz, par M. Accum. 


Nous devons au docteur Henry de Manchester, de précieuses 
recherches sur la composition des produits aériformes de plusieurs 
espèces de charbon de terre, ( Trans. Phil., 1808.) 

11 a indiqué la composition variée du gaz à différentes pé. 
riodes de la distillation, et a montré l'influence importante des 
circonstances dans lesquelles le charbon de terre est distillé, 
sur Rproportion de gaz obtenu et sa propriété de servir à l’éclai- 
rage. Ce fait a fixé dernièrement l'attention de M. Clegg, l’in- 
génieur de la Compagnie du gaz éclairant, et cela l’a conduit 
à plusieurs améliorations ingénieuses dans la construction des 
cornues employées aux ouvrages faits à Westminster avec le gaz. 
Le charbon de terre mis en grand tas et chauflé graduellement, 
produit moins de gaz et plus d'eau et de goudron que quand 
il est étendu sur une surface considérable et porté subitement 
à une chaleur rouge. Il est aussi très-ayantageux de sécher le. 
charbon de terre avant de l’introduire dans la cornue. 


. Dans un petit appareil construit dans le laboratoire de l'Ins- 
titution royale, nous trouvons que 4 liv. de bon charbon de terre 
de Newcastle, introduites dans la cornue chauffée rouge d'avance 


Tome LXXXIII, JUILLET an 1816, C 


18 JOURNAL DE PHYSIQUE, PE CHIMIE 


dans une casserole peu profonde en fer, peuvent produire de 
20 à 26 pieds cubes de gaz, consistant en SA 


Gaz. huileuxe 8. Co RME 1." 0046) pates 
Hydrogène carboné.. . .. . . . , . . 72 
Oxide carbonique et hydrogène.. . . . 13 
Acide Car boniQuE see ie feel al 4 
Hydrogène sulfuré. . 1. * + 4 1. | 3 


100 


L’acide carbonique et l'hydrogène sulfuré sont séparés par la 
chaux dans les clarificateurs. 

La même quantité de charbon de terre introduite dans la 
cornue froide et chauflée par gradations, n’a fournique 22 pieds 
cubes de gaz, qui consiste en 


Gaz huïleuxe AIME) 10.4 MIe ANSE parues. 
Hydrogène carboné. . . . . . . . . . 0 
Oxide carbonique et hydrogène. . . . . 18 
‘Aeide carbonique {fn .8} 24 MEN RE PLAGE 
Hydrogène sulfuré. + + 4.7. 44 0 


100 


La pesanteur spécifique du premier gaz, cellede l’air étant r000, 
étoit 560; et celle du second 555; la propriété des gaz qui doivent 
servir pour l’éclairage est, généralement parlant, en raison directe 
de leur pesanteur spécifique. 

Ces expériences font conclure qu’un chaldron (mesure de 36 
boiïsseaux ) de bon charbon de terre de Wallsend Newcastle, 
produiroit de 17,000 à 20,000 pieds cubes de gaz; mais le pro- 
cédé pour distiller, tel qu’il est maintenant porté dans les grands 
établissemens pour éclairer la Capitale, donne rarement un plus 
grand produit moyen que 12,000 pieds cubes. Cependant on ne 
peut douter que par des perfectionnemens dans la construction 
et l’emploi des cornues, on pourroit obtenir le plus élevé de 
ces résultats, et en calculant le produit de gaz et les autres 
substances obtenues par l'opération , nous obtenons un résultat 
curieux et frappant. 


La valeur moyenne d’un chaldron du meilleur charbon de 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 19 


terre de Newcastle est 31. Voici la valeur des produits de sa 
distillation : ? 


£ Chaldron de coke à 315. . , . . . . . . 11168594 
12 Gallons de goudron à rod.. . . . . . . 10 
8o Gallons de liqueur ammoniacale à 64... . 9 
2000 pieds cubes de gaz à 15 par 1000 pieds 


QUDESS ls bete ef esenls 410 


1779 

On déduit naturellement de la valeur des produits, celle du 
charbon de terre commun employé dans les fournaises pour 
chauffer les cornues, qui monte à environ 5 chaldrons pour 26 
chaldrons soumis à la distillation, ainsi que les dépenses pour rem- 
placer ce qui peut être usé et cassé, les gages des ouvriers , et 
enfin l'intérêt du capital. On trouvera l'estimation de M. Murdoch, 
déjà citée, assez exacte sur ces points. 


Le goudron est souvent employé pes la production du gaz, 
soit en le mêlant avec du petit charbon de terre dans les 
cornues, soit en le faisant passer par un tube chauflé rouge. 
Chaque livre fournit de 17 à 18 pieds cubes de gaz, et contient 
de 15 à 20 ? de gaz huileux. Aussi quand il a été purifié par 
la chaux, il brûle d’une flamme très-brillante, et c’est une ad- 
dilion très-avantageuse au gaz commun. Le charbon de terre 
de Wigam et Canell produit la meilleure et la plus grande 

proportion de gaz propre à l'éclairage, mais il ne peut étre 
employé que rarement à cause de son haut prix. 

Les becs ou tubes d’où le gaz sort pour la combustion; 
peuvent être variés infiniment et avec goût. Les variétés em- 
ployées ordinairement sont le bec ordinaire et le bec d’Argand. 
Le premier consiste en un tube de cuivre ayant une fente à 
son extrémité , longue d'environ un quart de pouce et large d’un 
quarantième de pouce. Le second est composé de deux tubes 
de cuivre concentriques d'environ deux pouces de long, fermés 
au fond par un anneau de cuivre, et au sommet par un anneau 
d'acier percé de 16 ou 18 trous de diamètre d’un trentième de 
pouce. Le gaz entre dans la cavité entre les tubes, et sort par 
le rang circulaire d'ouvertures, où il s’enflamme, et ayant une 
quantité suffisante d’air dedans et dehors , il brûle très-bien quand 
on place un verre convenable sur le bec. Ges becs, quand ils 
sont maintenus très-soigneusement , consument environ 3 pieds 


C2 


26 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


cubes de gaz par heure, et dongent autant de lumière que 6 
bougies; mais il est nécessaire, à cause de la négligence et du 
manque de soin, de donner 4 pieds cubes à chaque bec par 
heure. Le bec ordinaire ne devroiït pas consumer plus de 3 pieds . 
cubes par heure. 

Aux trois magasins de gaz appartenans à la Compagnie pri- 
vilégiée du gaz éclairant, qui sont situés dans Peterstreet à 
Westminster, dans Worshipstreet et à Norton Falgate, 25 
chaldrons de charbon de terre sont journellement carbonisés, 
et rendent actuellement 300,000 pieds cubes de gaz, ce qui en- 
tretiendroit 75,000 lampes d’Argand, dont chacune donne la 
lumière de 6 bougies. Mais si on obtenoit la proportion entière 
de gaz, 20,000 pieds cubes de chaque chaldron de charbon de 
terre, alors le produit seroit boo,000 pieds cubes, et la lumière 
produite équivaudroit à celle de 750,000 bougies, au lieu de 
450,000; ce qui est le produit réel. 

Dans les applications du gaz faites à la Cité, à Dorsetstreet, 
au pont de Blackfriars, la consommation journalière de charbon 
de terre pour la distillation, monte à présent à 3 chaldrons, 
ce qui fournit du gaz pour entretenir 1500 lampes, de sorte que 
la consommation totale de charbon de terre de chaque jour à 
Londres pour l'éclairage , monte à 28 chaldrons, et le nombre 
de lumières alimentées est 76,500. 


Outre les différentes variétés du charbon de terre, parmi 
lesquelles, comme nous l’avons dit, il y en a de préférables 
aux autres, et le goudron qui en revient, on fait un gaz utile 
avec une variété d’autres substances; et dans le laboratoire de 
Institution royale nous mettons souvent dans la cornue, du 
papier de rebut , de la sciure de bois, des morceaux de bois, etc., 
et nous employons le gaz d’une infinité de buts où on employoit 
avant l'huile. 


Voici les résultats de quelques expériences sur ces sujets, 
comparés avec le produit tiré du charbon de terre. 


10, La cornue étoit remplie de 4 livres de charbon de terres. 
La quantité de gaz a monté, après avoir passé dans l’appareil pour 
purifier, à 20 pieds cubes, Le résidu dans la cornue pesoit 2 /4, 
8. 70 Z. 

La puissance chauffante de la flamme du gaz fut comparée 
à celle d’une bougie, en s’assurant du temps requis par chacune 
pour élever 2: onces d’eau dans un vase de cuivre mince de 55e 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 21 


à 2120. Les flammes furent rendues aussi semblables.en dimension 
que possible, et placées de manière que leurs pointes touchoient 
justement le foud du vase. La puissance chauffante de la bougie 
étant 1, celle du gaz de charbon de terre étoit 1.5, 


2°. Quatre livres de bois de saule commun sec a produit 16 
pieds eubes de gaz, et 14 onces de charbon sont restées dans 
la cornue. Le gaz a brûlé en formant une flamme bleue très- 
pâle, il n'étoit pas propre à l'éclairage et ne contenoit point de 
gaz huileux. 

30, Quaire livres de bois de frêne de montagne ont fourni 


35 1 pieds cubes de gaz, et 13 + onces de charbon. La flamme 
étoit trés-pâle et bleue. 


4°. Quatre livres de bois de bouleau blanc ont donné 14 pieds 
cubes de gaz et 12 onces de charbon. La flamme étoit semblable 
à celle du n° 2 et du no 3. 

5°. Quatre livres de boïs de noiselier ont produit 13 pieds 
cubes de gaz el 12 + onces de charbon. La puissance chautïante 
a élé 1.2. La flamme éloit meilleure qu'aux expériences n°5 2, 
3 et 4, mais l'intensité m’etoit suffisante pour aucun but utile 
d'éclairage. 

6°. Quatre livres de papier à écrire ont donné 18 pieds cubes 
de gaz, et le charbon qui est resté, conservant très_bien la forme 
et le tissu du papier, pesoit 11 £ onces. La puissance calorifique 
du gaz étoit 1.6. Il a brûlé d’une flamme approchant en lu: 
mière de celle du charbon de terre. 

Ces expériences, ainsi que d’autres que nous ne croyons pas 
nécessaire de remarquer, prouvent que le gaz provenant du bois 
n’est pas propre à l'éclairage, quoique ayant été dégagé pendant 
que le charbon se forme, 1l puisse étre employé convenablement 
dans le laboratoire comme une source de chaleur. 


A l'égard des avantages de l'éclairage par le gaz des rues 
places, grandes manufactures, etc., il ne peut y avoir qu’une 
opinion; mais son introduction dans les maisons entraîne des 
considérations plus importantes. On peut dire eu faveur de ce 
mode d'éclairage, que la lumière est plus uniforme, plus belle 
ef agréable à l'œil que celle obtenue de toute autre source; qu’on 
y gagne une plus grande propreté, et qu’on est dispensé des en- 
nuyeuses opérations de remplir et de garnir les lampes à huile ; 
quil n’y a pas de danger des étincelles et des mouchures comme 
aux chandelles, et qu'en fermant le tuyau principal de renou- 


22 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


vellement de gaz, on assure une certaine extinction de'toutes 
les lumières dans le bâtiment. | ) 

Voici les principales objections qu’on a élevées. Quand le gaz 
s'échappe sans être brûlé, son odeur est extrêmement désagréable, 
et cela peut arriver soit par quelque défaut dans les conduits 
ou les becs, ou de ce qu’un robinet dépendant d’un bec, soit 
laissé ouvert accidentellement. Dans ce dernier cas le remède 
est évident; dans le premier le gaz qui s'échappe peut devenir 
très-incommode; mais on peut le prévenir en employant des 
tuyaux doubles, en les portant, autant que possible , sur l'extérieur 
de la maison, et surtout en employant des ouvriers soigneux 
pour la construction de chaque partie de l’appareil. 


L'idée d’explosion s’est fréqueinment présentée dans des cham- 
bres éclairées par le gaz : mais quand on considère avec calme 
la probabilité d’un tel événement, on doit diminuer beaucoup 
de l’alarme que cela avoit:excitée. Pour la formation d'une 
atmosphère où l’on puisse craindre une explosion, il faut qu’une 
grande quantité de gaz s'échappe dans un appartement où l'air 
soit très-renfermé; dans une chambre avec une cheminée ou- 
verte et deux ou trois portes et fenêtres, il seroit presqu’impos- 
sible d'obtenir un mélange dangereux , quoique cela pût se faire 
dans une cave ou tout autre appartement petit et fermé. Dans 
une chambre qu’on habite, le gaz s’'annonceroit de lui-même 
par son odeur, très-long-temps avant qu'il ne vint aucun mé- 
lange dangereux, et la quantité de gaz requise devroit étre 
grande. Une chambre de douze pieds carrés, ou contenant 1728” 
pieds cubes d’air atmosphérique, demanderoit qu’on ajoutât 247 
pieds cubes de gaz de charbon de terre pour rendre son atmo- 
sphère susceptible d’une explosion. Si nous supposons qu'un grand 
bec d’Argand soit laissé ouvert accidentellement dans cet ap- 
partement, d’où le gaz s'échappe dans la proportion de 4 pieds 
cubes par heure, il faudroit 62 heures pour que la quantité ci- 
dessus de gaz se répandît dans la chambre d’où l'air n’auroit 
pas d’issue; on ne peut guère supposer que ces circonstances 
arrivent jamais; un peu d'attention à la ventilation qu'on doit 
absolument exiger toutes les fois qu’on emploie le gaz, écartera 
toute probabilité de danger. Mais la meilleure preuve que l'é- 
clairage par le gaz n’est pas dangereux, c'est que, malgré tous 
les milliers de lampes qui brûlent la nuit à Londres, il n’est 
arrivé que six accidens, et ils n’ont été que très-légers et de 
presque point d'importance, quoique les conduits et les lampes 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. . .23 
soient généralement mauvais et soignés avec négligence. Dans 
les choses de cette espèce, .on doit chercher des faits et non des 
ärgumens, pour produire l'évidence. : 

Deux de ces accidens ont eu lieu parce qu’on avoit eu la 
méchanceté de ‘percer des trous qui alimentent. 

Mon intention étoit de terminer par quelques observations 
sur Ja construction des becs, et par un compte rendu de plu- 
sieurs améliorations importantes faites dernièrement à l’appareil 
général de M. Clegg ; mais l'espoir de rendre mon rapport sur 
ce sujet plus correct et plus parfait que je ne le pourrois à 
présent , m'engage à attendre que le Cahier suivant du Journal 
paroisse. 


24 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
om 
LEÇONS DE GÉOLOGIE 


DONNÉES AU COLLÉGÉ DE FRANCE, 
Par J.-C. DELAMÉTHERIE. : 


Trois vol. in-8°. À Paris, chez M"° V° Courcier, Imprimeur-Libraire, quai 
des Augustins, n° 57. 


EXT RAILT: 


« LA Minéralogie et la Géologie, dit l’auteur, ont toujours 
été un des principaux objets de mes travaux. 


» Mon premier ouvrage, Principes de la Philosophie natu- 
relle, imprimé en 1778 et réimprimé en 1788, contient mes 
idées sur ces sciences. 

» Je développai dans un Mémoire imprimé dans le Journal 
de Physique en mai 1781, mon idée sur /a cristallisation de 
la matière (Journal de Physique, tome XVII, pag. 258). 


» En 1792, je donnai une nouvelle édition du Manuel du 
Minéralogiste, ou Sciagraphie de Bergman , en deux vol. in-8°, 
dans lequel j’exposai ma division méthodique du règne minéral, 
en dix classes, 


10, Les gaz, 

20, Les eaux, i 

3. Les substances combustibles simples, tels que le soufre, 
le diamant, l’anthracite. 

4°. Les substances métalliques. 

bo, Les alcalis, la potasse, la soude, qui sont des oxides du 
potassium , du sodium. à 

6°. Les terres, qui sont également des oxides métalliques. 

n°. Les acides. 

8°. Les sels neutres, alcalins, métalliques et terreux, ou les 
pierres. 

9°. Les substances volcaniques. 

10°. Les fossiles, 

J'ai 


TET D'HISTOIRE NATURELLE. ‘5 


J’ai classé parmi les fossiles les tourbes, les charbons de terre, 


les houilles. .., parce que ce sont des débris de végétaux et d’a- 
nimaux. 


En 1795, je publiai la première édition de ma Théorie de la 
Terre, en 3 vol. in-8°. 

En 1797, c’est-à-dire deux ans après, je donnai une seconde 
édition de ma Théorie de la Terre, en 5 vol. in-8°. Le prompt 
débit de la première édition m’engagea à faire cette seconde. 


En 1800, je fusnommé au Collége de France, professeur adjoint 
pour la Minéralogie et la Géologie. 


La nécessité où je me trouvai de donner les notions les plus 


récentes sur ces sciences, m'engagea à un nouveau travail sur 
ces matières. 


J’exposai le fruit de mes nouvelles recherches sur la Miné- 
ralogie et la Géologie , dans diflérens Mémoires imprimés dans 
le Journal de Physique. 

En 18r1 et 1812, je réunis tous mes travaux sur la Minéra- 
logie, tels que je la professe, d’après les découvertes les plus 
récentes, dans mes lecons , sous le nom de LEÇONS DE MixÉ- 
RALOGIE ,DONNÉES AU COLLÉGE DE FRANCE, en 2 vol. in-8°. 


J'ai développé dans différens endroits du Journal de Phy- 
sique, et particulièrement dans mes Discours préliminaires , 
ou Rapports généraux sur les progrès des Sciences, une multi- 
tude de vérités sur ces différentes parties. 

J'ai voulu égaiement réunir tous mes travaux sur la Géologie, 
tels que je la professe ; et c’est l'ouvrage que je publie sous le 
titre de LEÇONS DE GÉOLOGIE. 

« Les progrès rapides qu’a faits cette partie de nos connois- 
sances , m'engagent, comme professeur, à donner cet ouvrage, 


= 


pour présenter à ceux qui suivent mes Lecons l’état actuel de 
la science. 


» Ces réunions des nouveaux travaux dans chaque partie de 
nos connoissances ont le grand avantage de présenter ce qui est 
connu, et de faire voir ce qui est douteux ou inconnu. 


» J'ai donc lieu de croire que ce nouvel ouvrage sera utile 
aux progrès de cette science. » 


L'auteur a terminé son ouvrage par un résumé général de 
sa doctrine, sous le titre de Conclusion générale. Nous croyons 


Tome LXXXJIIT. JUILLET an 2816. D 


26 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ne pouvoir mieux faire connoîlre son travail qu’en donnant cet{é 
Conclusion générale: 


CONCLUSION GÉNÉRALE. 


Je viens d'exposer, dit l’auteur, sur la formation de notre 
globe terrestre, les notions qui , d’après l’état actuel de la science, 
me paroissent le plus conformes aux faits que nous possédons. 


Les connoissances sur la Zhéorie de la ferre présentent un 
tel intérêt, qu’elles ont toujours été chez tous les peuples un des 
principaux objets de leurs recherches; elles forment même la 
base de leurs doctrines religieuses. Une curiosité inquiète en- 
traîne vers ces objets ceux qui paroissent le moins s’oceuper de 
spéculations scientifiques. Chacun identifie presque sa destinée 
avec le sort du globe qu'il habite. On connoît les frayeurs que 
causent constamment les grandes éclipses, les apparitions de co- 
mètes considérables , des aurores boréales éclatantes...; on ap- 
préhende toujours que ces phénomènes extraordinaires ne pro- 
duisent quelques funestes catastrophes sur le lieu de notre 
habitation. 

Néanmoins les difficultés que présente une Théorie de la 
Terre , sont si considérables que quelques personnes ont critiqué 
amèrement les travaux de ceux qui s’en occupent; mais ces cri- 
tiques sont-elles fondées? je ne le pense pas. 


La Théorie de La Terre, ou la Géologie possède un grard 
nombre de faits constatés, et peut-être plus qu'aucune autre 
science. Sans doute il lui en reste encore beaucoup à découvrir. 
Sans doute elle ne connoît pas encore la cause de tous ces faits... .5 
mais elle a cela de commun avec toutes les autres branches 
-de la Philosophie naturelle, l'Histoire naturelle, la Physique, la 
Chimie, la Physiologie... 

La Physique, par exemple, a constaté plusieurs faits sur la 
chaleur; maïs ses connoissances sur les causes de cette chaleur 
sont si bornées , qu’elle ignore même s’il existe une matière de 
feu, un calorique. 

On a constaté un grand nombre de faits sur l'électricité; 
mais les causes de ces faits sont entièrement inconnues aux 
physiciens. 

Les uns n’admettent point de fluide électrique. 

Les autres admettent un seul fluide électrique. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 27 
De troisièmes supposent deux fluides électriques, l’un positif, 
l'autre négatif. 
La même ignorance règne sur le galvanisme. Un grand nombre 
de faits est constaté; mais la cause en est ignorée. 


Plusieurs faits sur le magnétisme sont constatés, tels que la 
déclinaison , l’inclinaison. .., mais on n’en soupconne pas même 
les causes... 


La Chimie a apercu un grand nombre de faits des plus in- 
téressans. Cependant il en est encore un plus grand nombre sur 
lesquels elle n’a pas de données suffisantes. 


Toutes les analyses qu’elle possède sur les diverses substances, 
soit minérales, soit végétales, soit animales, sont si éloignées de 
la perfection à laquelle elle desire atteindre, que chaque chimiste 
donne journellement des résultats différens. 


Les causes des divers phénomènes chimiques sont également 
inconnues. Chaque chimiste les explique d’une manière parti- 
culière, et il n’y a point de théorie généralement avouée. 

L’'Anatomie et la Physiologie présentent les mêmes difficultés. 
On connoit les principales parties de la structure des animaux 
et des végétaux, mais on ignore leur organisation particulière... 
On ne connoît pas l’organisation d’une glande, d’un viscère, 
d’un nerf... 

Le physiologiste ignore la nature du principe vital, les causes 
de l’irritabilité, de l’excitabilité... . 

Le médecin connoît un assez grand nombre de maladies; mais 
les causes lui en sont entièrement cachées... 


sup Me le Emo ee ie" l'el te) lente) fe fe llelrepioule Je Martemetie ist e 


Pourroïit-on néanmoins critiquer avec justice les travaux du 
naturaliste, du physicien, du chimiste, du médecin?... 

Non, sans doute... On doit au contraire les encourager, à 
redoubler d’efforts pour surmonter les difficultés que présentent 
les sciences qu’ils cultivent. 

Pourquoi ne suivroit-on pas la même marche dans l'étude de 
la Géologie? 

Mais nous allons faire voir que la Théorie de la Terre possède 
un aussi grand nombre de faits constatés que les autres branches 
de la Philosophie naturelle. 


J’ai cru que la théorie du globe terrestre ne devoit pas être 
séparée de celle des autres globes, particulièrement de celle des 


D 2 


28 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
planètes; c'est pourquoi j'ai fait précéder un léger apercu des 
principaux résultats de la Cosmogonie, 

J’observerai d’abord que: 

a Aucun fait ne prouve que le globe terrestre ait été un soleil, 
qui auroit été encroûté, comme l'ont supposé Descartes et 
Leibnitz ; 


b Aucun fait ne prouve qu'il ait été détaché de la masse du 
soleil, comme l’a supposé Buflon; 


c Aucun fait ne prouve qu’il ait été une portion de l’atmo- 
sphère du soleil, comme Pa supposé Laplace; 


d Aucun fait ne prouve qu'il ait été une comète, comme 
le suppose Whiston; 


e Aucun fait ne prouve que le globe terrestre, ainsi que les 
autres globes, les soleils, les planètes, les comètes, puisse être 
regardé comme üne espèce d'animal, ainsi que l’ont supposé les 
anciens et principalement les Sabéens. Les analogies sur lesquelles 
ils fondoient cette opinion, paroissent aujourd hui trop foibles. 
J'ai rapporté ce qu’a dit postérieurement Zénon le stoïcien, et 
ses raisonnemens sont bien éloignés de convaincre. 

JS. Tous les faits prouvent que le globe terrestre a dû être formé, 
comme tous les autres globes, par une cristallisation générale de 
la matière existante. 


De la Matière première. 


Le géologue ne recherche point à connoître la nature de cette 
matière première. 

Cette matière étoit-elle l'AKAsCH des Brachmanes? 

Ou une matière éthérée analogue à la matière du feu? 

Etoitelle l'AIR TÉNÉBREUX de Thaut le phénicien? 

(Voyez dom Calmet, pag. xo, tome I, Commentaire sur ous 
Zes Livres saints.) 

Ou la matière aériforme d’Anaximène ? 

Etoit-elle le mor de Sanchoniathon? 

Ou un limon, une matière terreuse pénétrée d’eau ? 

Ou l’eau, suivant Thules? 

Etoit-elle la MATIÈRE NÉBULEUSE de Herschel? 

L2 D . . . LD L] D e. L2 . e . D . D LI LL LL e, L LJ e L2 L2 LI Le 

Le géologue avoue son ignorance à cet égard. 

I] recherche seulement le mode dont cette matière , quelle que 
soit sa nature, a formé le globe. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 29 
1 ne la considère même pas dans son premier état informe. 
Le ToHu BoHn des Phéniciens (1). 
Le cu4os de Hésiode et des Grecs (2). 
Le RUDIS INDIGESTAQUE MOLES d'Ovide (3), et des Latins..., 
Je vais rappeler succinctement ce qui m'a paru le plus pro- 
bable sur ces problèmes, sans doute insolubles pour nous. 


De la Fluidité du Globe. 


Cette matière première, qui a formé le globe, jouissoit d'une 
fluidité quelconque. 

Cette vérité a été reconnue par tous les géomètres, et par 
Newton en particulier ; ils conviennent que la figure du globe 
terrestre, ainsi que celle de tous les autres globes, est conforme 
à la théorie des forces centrales, c'est-à-dire à leurs forces ce- 
2rifuges vésultantes de leurs mouvemens de rotation, et à leurs 
forces atiractives ou ceutripètes, résultantes de leurs masses, 


Par conséquent les matières dont ils sont composés, jouissoienb 
7. 477 
d’une fluidité quelconque. 


Cette fluidité pouvoit être 
ÆAériforme , 
Tonée, 
“Ou aqueuse. 


De la Cristallisation du Globe. 


T1 paroît très-probable que le globe terrestre à élé formé de 
ces matières fluides qui ont cristallisé. 

La masse du globe terrestre a été formée de substances aéri- 
formes, qui étoient à l’état aériforme. 

La croûte du globe a été formée de substances qui jouissoient 
d’une fluidité agueuse. 

Les laves... ont été formées de substances qui jouissoient 
d'une fluidité ignée. 

Touies ces substances ont cristallisé, chacune à sa manière, 
et ont formé le globe par cristallisation. 


( 1)_ Commentaires sur tous les Livres saïnts, par dom Calmet, tome 1, 
pag. 3. 

() Théogonie. 

6) Métamorphoses , Kb. 1. Ovide. 


30 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
C’EST UNE VÉRITÉ IMPORTANTE EN GÉOLOGIE, QUE J'AI 
DÉMONTRÉE PHYSIQUEMENT. 


Ces substances dont le globe est formé ont obéi aux lois des 
aflinités, et composent diflérens strates. 


De la Figure du Globe terrestre. 


Le globe terrestre a une figure sphéroïdale relevée à lé- 
uateur. : 
Les deux diamètres sont à peu près dans le rapport de 309 
À 310. 
Son diamètre est environ de 2865 lieues, 


De la Densité du Globe terrestre. 


Ta densité de la surface du globe terrestre paroïît, par ap- 
proximation, être à peu près trois fois plus considérable que 
celle de l’eau. 

La densité de l’intérieur du globe paroît, par approximation, 
être environ cinq fois plus considérable que celle de l’eau. 

Par conséquent l’intérieur du globe n'est pas creux, comme 
le supposoient les Chaldéens. 

La longueur de la verge du pendule à secondes est la même 
aux mêmes latitudes; d’où l’on conclut que la densité du globe 
est à peu près la même aux mêmes latitudes, parce que, quoiqu'on 
ne puisse pas supposer que les divers strates soient de la même 
densité, il se fait une compensalion de ces diverses densités aux 
différentes profondeurs. 


De la Chaleur centrale du Globe et du Calorique. 


Les substances dont le globe terrestre est composé, étoient 
fluides ainsi que le suppose sa figure ; cette fluidité suppose une 
chaleur quelconque. 

La masse qu’elles ont formée, ou le globe terrestre, a conservé 
cette même chaleur ; cette chaleur de ces substances forme la 
chaleur centrale du globe. 

Cette chaleur étoit primitivement assez considérable suivant 
les probabilités; je l'ai supposée égale au moins à celle de l’eau 
bouillante. 

Cette chaleur primitive du globe a ensuite été modifiée par 
diflérentes causes : 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. Sr 

a. Par les combinaisons des diverses substances dont le globe 
‘st composé. 

Quelques-unes de ces combinaisons laissent dégager de grands 
degrés de chaleur , telles que les combinaisons de l’acide nitrique 
et des huiles... qui s’enflamment.... 

Quelques autres combinaisons absorbent au contraire de la 
chaleur, et produisent des froids plus où moins vifs; tels sont 
les mélanges de diflérens sels avec la glace... 

8. L'action galvanique que les différens strates du globe exercent 
les uns sur les autres, laisse aussi dégager des quantités plus 
ou moins considérables de calorique. 

On a produit avec la pile de l’Institution royale de Londres 
le plus haut degré de chaleur connu... 

Cette chaleur du globe a une grande influence dans les phé- 


nomènes géologiques. 
Du Refroidissement du Globe. 


Les faits prouvent que cette chaleur du globe diminue, et 
qu’il se refroidit continuellement ; les glaces sont perpétuelles 
sur les hautes montagnes, et aux pôles... 

Ce refroidissement peut être produit par plusieurs causes : 

a Par les combinaisons que nous avons vues produire du 
froid ; 

b Par la communication que le globe fait de sa chaleur aux 
corps dont il est environné. 

Ce refroidissement est plus considérable à la surface du globe 
que dans son intérieur. 

J’en ai conclu qu’il doit se former à cette surface des fentes 
comme dans les glaciers, 


Des Rayons solaires et du Fluide lumineux. 


Les rayons solaires peuvent être considérés par le géologue. 
sous deux rapports généraux : 

a Ou comme produisant la lumière; 

B Ou comme produisant la chaleur. 

Les rayons solaires, considérés comme produisant la lumière; 
ont une grande influence dans les phénomènes géologiques; car 
Ja lumière exerce une action puissante sur la plupart des corps, 
ainsi que nous l’ayons exposé. 


32 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Les rayons solaires considérés comme produisant la chaleur ; 
présentent des phénomènes très-remarquables. Ils sont éclatans 
sur les montagnes élevées, et ils y ont néanmoins si peude chaleur, 
qu'ils ne peuvent y fondre la neige... 


Mais cette chaleur des rayons solaires est considérable dans 
les plaines.. .; elle me paroît due à l’état galvanique dans lequel 
ils se trouvent avec les corps terrestres, comme leur étant hé- 
térogènes. 

Ces rayons solaires, comme produisant dans cet état une 


chaleur plus où moins considérable, ont une grande influence 
dans les phénomènes galvaniques. - 


De l'Électricité du Globe terrestre et du Fluide électrique. 


Le globe terrestre est regardé par tous les physiciens comme 


plus sa moins chargé d'électricité ; il en est un 72agasin con- 
tinuel. 


Cette électricité du globe est constamment en rapport avec 
celle de l'atmosphère. 

Lorsque celle de l'atmosphère est prédominante, elle se dés 
charge sur le globe par la foudre descendante. 
… Lorsque le globe a une électricité prédominante, elle se décharge 
dans l’atmosphère par la foudre ascendante. 


Cette électricité du globe est produite par l’action galvanique ; 
que ses différens strates exercent les uns sur les autres, ainsi 
que je lai prouvé. 

J’AI MIS HORS DE DOUTE CETTE VÉRITÉ IMPORTANTE POUR 
LA GÉOLOGIE, 


De l'Action galvanique par rapport aux phénomènes 
géologiques. 


Les divers strates du globe jouissent de différens galvanismes. 

Les uns ont une action galvanique positive, tels que les strates 
métalliques... 

Les autres ont une action galvanique négative, comme les 
strates sulfureux, bitumineux... 

Lorsque ces strates, chargés de différens galvanismes, se com- 
muniquent, comme les deux colonnes de la pile galvanique, il 
y a décharge, étincelle, détonation, chaleur, fusion, commo- 
tion 009, 


a Du 


F4 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 33 


Du Magnétisme du Globe et du Fluide magnétique. 


Le globe terrestre paroît être dans un état habituel de ma- 
gnétisme, comme de galvanisme; c'est ce que paroissent prouver 
les phénomènes que présente l'aiguille aimantée; elle est dans 
une action non interrompue; elle oscille continuellement ; mais 
cette action éprouve des variations étonnantes. 


La déclinaison qui étoit en 1580 à 11° à l’est, est en 1800 à 
plus de 23° à l’ouest; et elle varie chaque année, chaque jour, 
chaque heure. 


L’inclinaison éprouve également des variations, quoique pas aussi 
considérables. 

Enfin il y a des bandes sans déclinaison , c’est-à-dire des 
régions où la déclinaison est nulle. 

Mais ces régions changent continuellement. 

On suppose que l’intérieur du globe contient de grandes 
quantités de fer. 

Les causes du magnétisme du globe sont inconnues. 

Quelques faits paroissent prouver que les rayons lumineux, 
principalement les volets, peuvent produire le magnétisme. 


De l’Aimosphère, ou des Fluides gazeux qui enveloppent 
le Globe terrestre. 


L'atmosphère est un fluide immense qui enveloppe le globe 
terrestre. 

Elle est composée d'air pur ou oxigène 0.210, d'air impur 
ou azote 0.783, d'air inflammable ou hydrogène 0003, d'acide 
carbonique 0004, de miasmes. 

La hauteur de l’atmosphère terrestre n’est pas connue, 

Je pense qu’elle s'étend jusqu’auxatmosphèresdes autres globes...s 
mais elle est alors d’une rareté inconcevable, comme l’a fait voir 
Newton. 

L’atmosphère éprouve différens mouvemens. 


a. Le mouvement des marées. 

Il est produit par l’action de la lune et du soleil. 
D. Un mouvement d’occident en orient. 

Il a différentes causes. 

c. Un mouvement de l'équateur aux pôles. 

d. Un mouvement des pôles à l'équateur. 


Tome LXXXIII. JUILLET an 1816. E 


34 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHSFMIE 


Ces divers mouvemens de l'atmosphère ont une influence plus 


ou moins considérable sur les phénomènes géologiques. 


La densité de l’atmosphère terrestre étoit primitivement plus 


considérable qu’elle n’est actuellement. 


Des Principes composant le Globe terrestre. 


Les principes dont le globe terrestre est composé, paroissen$ 


de trois natures différentes : 
a Les fluides éthérés; 
& Les fluides gazeux; 
c Les substances concrètes. 

Les fluides éthérés sont : 

Le fluide calorifique, ou le feu ; 
Le fluide lumineux; 
Le fluide électrique, ou galvanique; 
Le fluide magnétique; 
Le fluide nébuleux ; 
Le fluide gravifique, ou éthéré. 


0 . e 0 e . 0 . CE] . 0 CEE. 


Les fluides gazeux sont : 
L’air pur, où gaz oxigène ; 
L'air inflammable, ou gaz hydrogène; 
L'air impur, ou gaz azote. 
Les substances concrètes sont : 
Le charbon, 
Le soufre, 
Le phosphore, 
L'iode, 
Le bore, 
Le fluore, 
Le chlore, 
Neuf terres; 
Deux alcalis, la potasse et la soude; 
Vingt-huit substances métalliques. 


0 ORPI 


Ée. füides éthérés 


et les fluides gazeux ne paroissent pas des 


substances composées; on les regarde comme des substances 


simples. 


Les substances concrètes paroissent se former journellement, 
comme dans les nitrières et dans d’autres combinaisons, ou chez 


les êtres organisés par leurs forces vitales, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 35 


J’ai supposé que ces substances concrètes sont produites par 
les combinaisons des fluides éthérés, et des fluides gazeux... 

Toutes ces substances, dont est composé le globe, étoient 
réunies et formoient une masse fluide avant que de former le 
globe; elles tournoïent sur un axe en 23* 56! 4". Cette rotation 
devoit avoir lieu, afin que le globe qui en est résulté , ait acquis 
la forme sphéroïdale qu'il a. 

Toutes ces substances se sont combinées, ont cristallisé, et ont 
formé le globe par cristallisation. 

J'AI PROUVÉ CE POINT FONDAMENTAL DE LA GÉOLOGIE. 

Le noyau du globe, sa masse, a élé formé par des substances 
qui étoient à l’état aériforme; elles ont cristallisé d’une créstal- 
lisetion aériforme. 


Mais la croûte du globe, sa partie superficielle, a été formée 
de substances qui étoient dissoutes dans l’eau; elles ont cristallisé 
d’une cristallisation aqueuse. 

Les seules substances volcaniques, telles que les laves..., ont 
été dissoutes par le feu, et ont cristallisé d’une cristallisation 
ignée. 

Ces diverses cristallisations sont : 

a Ou régulières, 
à Ou confuses, 
c Ou grenues. 

J'ai fait connoître cette troisième espèce de cristallisation des 
substances minérales, dans la craie, qui cristallise d’une manière 
grenue,... 

De la Surface du Globe terrestre. 


Cette surface du globe est composée de différens terrains : 
a Terrains primitifs; 
& Terrains secondaires; 
c Terrains d’alluvion; 
d Terrains volcaniques. 

Ces terrains présentent des plaines, des vallées, des mon- 
tagnes. 

La plus grande partie de cette surface est occupée par les 
eaux. 

Cette surface a éprouvé un refroidissement plus considérable 
que l’intérieur du globe; il a dû s’y faire des fentes comme 
dans les glaciers. 

On ignore la nature et l'étendue de ces fentes. 


E 2 


36 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
Des cavernes plus ou moins considérables sont dans l’intérieur 


du globe. 
On en ignore la nature et l'étendue. 


Des Terrains primitifs. 


Ils sont composés de roches, ou de masses de pierres agrégées 
dont les principales sont : 
Les granites, 
Les porphyres, 
Les gneis, 
Les schistes micacés, 
Les pétrosilex, 
Les lydiennes, 
Les cornéennes, 
Les schistes primitifs argileux, 
Les serpentines, 
Les calcaires primitifs, 
Les dolomies, 
Les gypses primitifs, 
Les fluors, 
Les terrains métalliques primitifs; 
L’anthracite, 
Le soufre, 
Les brèches primitives, 
Les pouddings primitifs ,. 
Les sables primitifs. 

Les granits et granitoïdes sont composés de différentes sub- 
Stances minérales cristallisées ensemble. 

Ces cristallisations sont analogues à celles des différens sels 
mélangés, tels que le nitre, le sel marin..., qui cristallisent 
chacun distinctement et séparément. 

Les gneis, les schistes micacés.... cristallisent comme les 
granits.. Ë 

Les porphyres et porphyroïdes sont composés de différentes 
substances minérales cristallisées, dont quelques-unes exigeant 
plus d’eau de cristallisation que les autres, cristallisent distine- 
tement et séparément, tandis que lesautres cristallisent en masses. 


Les lydiennes, les pétrosilex, les cornéennes, les schistes ar- 
gileux, les serpentines, .. sont composés de diflérens principes 


- 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 37 


qui crisfallisent en masse et ne laissent point de cristaux distincte. 

Les calcaires primitifs, les gypses, les fluors... sont des sels 
neutres qui cristallisent à la manière de ceux-ci, et affectent des 
formes soit régulières, soit confuses. 


Des Substances métalliques. 


Elles sont assez abondantes dans les terrains primitifs; elles 
s’y présentent sous trois formes différentes : 
a En filons ; 
b En couches, où floez ; 
c En petits amas, s/oewerdes.... i 
a. J’ai prouvé que les dépôts de ces substances métalliques 
dans les terrains primitifs, avoient été faits par créstallésation ; 
à. Que les lois des affinités avoient déterminé ces dépôts. 
L'anthracite a formé des dépôts dans les terrains primitifs ; 
ces dépôts ont été faits par cristallisation, et ont obéi aux lois 
des aflhinités. 
Le soufre se trouve également dans ces terrains : il y a cris- 
tallisé et y a obéi aux lois des affinités. 
Cette formation des dépôts de ces mines par cr2stallisation ,, 
est encore UN GRAND PAS QUE J'AI FAIT FAIRE À LA GÉOLOGIE. 
Toutes ces substances proviennent des combinaisons de ‘la 
malière premiere, de celle des fluides éthérés et gazeux. 


Des Terrains secondaires. 


Les terrains secondaires sont composés de substances cris 
tallisées, différentes de celles qui forment les terrains primitifs ;; 
on y distingue principalement, . 

Les calcaires, 

Les craies, 

Les gvpses, 

Les appatits, 

Les argiles, 

Les ardoises, ou schistes, 
Les houilles, 

Les substances métalliques, 
Le soufre, 

Le sel gemme. 

Toutes ces substances contiennent des quantités plus ou moins: 
considérables de fossiles. 


38 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Les calcaires secondaires sont des sels neutres composés de 
chaux et d'acide carbonique; ils cristallisent comme tous les 
sels neutres. 

Les craies ne diffèrent des calcaires dont nous venons de 
parler, que par leur état terreux. Néanmoins elles sont cristal- 
lisées, mais d’une cristallisation que j'ai désignée par le nom 
de cristallisation grenue. 

Les gypses, les appatits... sont également des sels neutres qui 
sont cristallisés. 

Les argiles ne sont pas cristallisées; elles ont seulement élé 
suspendues dans les eaux. Néanmoins elles ont obéi aux lois des 
affinités. 

Les schistes secondaires, les ardoises, ont été déposés comme 
les argiles. 


Des Substances métalliques des Terrains secondaires. 


Les dépôts des substances métalliques , faits dans les terrains 
secondaires, différent de ceux des terrains primitifs; elles ne 
forment pas de filons proprement dits, mais elles se présentent 
sous des formes particulières. 

a. En couches, ou floez, comme les galènes de la Carinthie. 

b. En zids, comme les mines de mercure d’Idria. 

c. En /ormes terreuses , comme les mines de fer limoneuses ; 
les mines de fer terreuses. 


Des Bitumes. 


Les bifumes, ou houilles, forment des couches immenses 
dans les terrains secondaires. 

Ces bitumes sont formés des débris de végétaux et d'animaux. 

J’ai distingué dans la formation de ces bitumes, quatre époques 
bien caractérisées : 

a Le dépôt des fossiles végétaux ou animaux, tels que les 
bois fossiles, les tourbes...; 

b La minéralisation de ces substances; 

c La fluidité des bitumes; 

d La formation des couches bitumineuses et leur cristallisation, 

Les bois fossiles , les tourbes, des substances animales fossiles. 
sont les substances qui ont formé les houilles ou bitumes. 

Mais ces substances dans leur état primitif n’auroient pu former 
ces houilles, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 39 


Elles ont donc dû être minéralisées. 

Cette minéralisation a été opérée par la réaction des acides, 
l'acide sulfurique et les acides végétaux, sur ces diverses subs- 
tances. 

Ces substances minéralisées et converties en bitumes, ont été 
liquides, ou à peu près liquides. 

Elles ont été ensuite déposées par cristallisation , et ont formé 
des couches régulières comme les substances calcaires, les subs- 
tances schisteuses.... 

La compression a influé sur la formation de ces, substances 
bitumineuses. 

Du Sel gemme. 


Le sel gemme forme des dépôts considérables dans les terrains 
secondaires. 

Ces dépôts de sel gemme paroissent avoir été formés dans des 
lacs semblables à ceux qu'on voit en Afrique, comme le lac 
de Tozzer..., les lacs de Natron en Egypte... 


Des Substances des Terrains secondaires. 


Une partie des substances qui forment les terrains secondaires ; 
a été apportée des terrains primitifs... 

Mais une autre portion est de formation nouvelle. 

Elle a été produite par des combinaisons nouvelles, comme 
dans les nitrières, ou par les forces vitales chez les êtres organisés. 


De la Dissolution des Substances minérales. 


Toutes ces diverses substances que nous venons de dire avoir 
Formé la surface du globe, ont été tenues en dissolution dans 
les eaux ; mais comment cette dissolution s’est-elle opérée ? c’est 
un des problèmes les plus intéressans de la Géologie, et dont 
on n’a pas encore la solution, 

Les terres, 

Les pierres, 

Les substances métalliques, 
Les substances bitumineuses, 


- CC . , 


ont été dissoutes dans les 
C’est un fair. 
Mais ces dissolutions présentent de grandes difficultés. 


eaux, pour ÿ pouvoir cristalliser. 


49 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Les eaux qui ont opéré ces dissolutions étoient-elles pures? 

Ou ces eauxétoient-elles mélangées avecquelque dissolvant? 

J’ai prouvé dans mes Leçons de Minéralogie, que la plupart 
de ces substances étoient des oxides. 

Or ces oxides se dissolvent avec assez de facilité dans les eaux; 
c’est tout ce que nous pouvons dire de plus vraisemblable. 

Néanmoins ces dissolutions laissent encore beaucoup à desirer , 
pour en apercevoir toutes les causes. 

Il faut faire de nouvelles recherches. 


De la Formation des Montagnes et des Vallées. 


La formation des montagnes et des vallées est une des ques- 
tions les plus intéressantes de la Géologie. 
J’ai supposé que la surface primitive du globe m'étoit pas 
plane, ou à peu près plane. 
Elle étoit couverte de groupes irréguliers de cristaux amoncelés. 
Ces groupes ont formé les montagnes et les vallées. 
Les plaines terminoient ces montagnes et ces vallées, 
LES MONTAGNES ET LES VALLÉES ONT DONC ÉTÉ FORMÉES 
PAR CRISTALLISATION. 
J’AI ÉTABLI PAR DES FAITS, CETTE VÉRITÉ QUI EST DU PLUS 
GRAND INTÉRÊT EN GÉOLOGIE. 
Car nous avons vu les eflorts inutiles que les géologues onf 
faits pour expliquer cette formation des montagnes et des vallées, 
Néanmoins quelques montagnes et quelques vallées ont pu 
être formées par d’autres causes que la cristallisation, 
a Par des soulèvemens de terrain; 
à Par des affaissemens de terrain; 
c Par l’action des courans. 
Mais ce sont des phénomènes locaux et bornés, 


Des Fossiles. 


Les fossiles, ou les débris des êtres organisés, appartiennent 
aux terrains secondaires; ce sont eux qui les distinguent des ter- 
rains primitifs...; ils sont de deux espèces : 

a Les fossiles végétaux , 
b Les fossiles animaux. 

Leur quantité est immense. 

L'histoire des fossiles est d’une grande importance pour la 
la formation des terrains secondaires, 

On 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 4 


On doit observer que les débris des êtres organisés ne se cons 
servent dans la terre, que dans des circonstances particulières 
qui les mettent à l'abri des causes de destruction, c'est-à-dire 
des impressions de l'air, des pluies...; ils se présentent sous 
différens états : 


a Les fossiles sont entiers, comme les insectes du succin...; 
les bois fossiles enfouis ; » 

b Ils sont serréfiés, ou réduits en une espèce de poussière 
terreuse; à 

c Îls sont Zifumineux, ou convertis en bitumes; 

d Ils sont nétallisés ; 

e Ils sont pérrifiés ; : 

JS Ou ils n'ont laissé que leurs empreintes. 

L'histoire des fossiles présente plusieurs questions intéressantes. 

On avoit dit que les fossiles n’avoient point d’analogues 
vivans. Ë 

Il est avoué aujourd'hui que différens fossiles ont des ana- 
logues existans; il y en a même en assez grand nombre, ainsi 
que nous l'avons vu. 


Les mêmes fossiles se trouvent à de grandes distances, même 
dans différens continens , comme en Europe et en Amérique... 

L'explication de ce phénomène se conçoit assez facilement; 
car j'ai prouvé que les mêmes espèces d'êtres organisés avoient été 
produites en différentes contrées et à différentes époques. 

L'éléphant, par exemple, a pu être produit dans l’ancien con- 
tinent et en Amérique. ..; on peut donc les trouver fossiles dans 
les deux continens.... 


Il y a quelques fossiles, tels que le magatherium ..., de 
on ne trouve point d’analogue vivant..., on en avoit conc u 
que des espèces d'êtres organisés étoient perdues et avoient cessé 
d'exister... 

Mais de nouveaux faits ont rendu cette opinion douteuse. 
Il paroît qu'on vient de trouver l’analogue du mégalonix, qu on 
croyoit également perdu...; on pourra donc également trouver 
les autres espèces qu’on croyoit perdues. . . 4 

Quelques géologues supposent même qu'aucune espece n €$ 
perdue : ce qui ne paroît pas probable. i 

Les fossiles se trouvent dans différens endroits: 

a Dans les pierres ; 
b Dans des brèches ; 


Tome LXXXIII, JUILLET an 1616, F 


42 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
€ Das les houilliéres ; 
d Davos les tourbières ; 
e Dans des cavernes. 

J'ai distingué les différentes époques où lon peut supposer 
qu'ont été déposés les fossiles, 

Des fossiles qu'on trouve dans notre hémisphère boréal, pa- 
roissent avoir leurs analogues dans les contrées équinoxiales. 

Quelques-uns même paroissent avoir existé dans l'hémisphère 
austral. 

J’ai supposé, avec Buflon, que la cause de ce phénomène 
provient de la température primitive du globe, qui étoit très- 
élevée; par conséquent celle des zones tempérées y éloit suffi- 
sante pour que les êtres organisés, qui ne peuvent plus vivre 
aujourd'hui que dans les contrées équinoxiales , pussent à cette 
époque subsister dans celles-ci. 

Au reste l’histoire des fossiles exige encore beaucoup de re- 
cherches. 

Des Terrains d’Alluvion. 


Les terrains d'alluvion, ou les attérissemens, ont été produits 
par l’action des courans. 

Les uns ont été produits dans le sein des mers, deslacs.... 

Les autres ont été. produits par les autres courans qui ont lie 
à la surface du globe, savoir, les rivières, les fleuves... 

Ces terrains d’alluvion se présentent sous diflérentes formes : 

a Ou comme des brèches; 
& Ou comme des pouddings; 
€ Ou comme des sables. 

Les brèches sont formées de substances de différentes natures, 
brisées et anguleuses; elles soñt agglutinées par des cimens divers. 
On distingue : 

a Des brèches de terrains primitifs ; 
b Brèches des terrains secondaires. 

Les pouddings sont formés de substances de différentes na- 
tures, brisées et arrondies, et agglutinées par divers cimens: 
On distingue : 

a Des pouddings des terrains primitifs; 
à Des pouddings des terrains secondaires. + 

Les sables sont les nrêmes substances réduites en très-petites. 
parties; on distingue également : 

a Sables des terrains primitifs ; 
b Sables des terrains secondaires. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 3 
> 4 


Terrains d'Eau douce. 


J’avois fait voir dans ma Théorie de la Terre, tome V, 
pag. 137, que diflérens terrains avoient été formés dans des 
lacs d'eaux douces. On les distingue par les fossiles d'eaux douces 
qu’ils contiennent. ' 

J’ai donné des développemens à cette vérité. 


Mais J'ai fait voir que des fossiles d’eaux douces contenus 
dans un terrain, ne prouvent pas toujours qu’il ait été formé dans 
des eaux douces, parce que des fossiles d’eaux douces sont jour- 
nellement charriés par des courans dans le sein des mers, et y 
sont mélangés avec les nouvelles couches qui s'y forment. 


Des fossiles marins peuvent également se trouver dans des 
lacs d'eaux douces, parce qu'ils auront été détachés des bassins 
de ces lacs, lesquels bassins contiennent des fossiles marins. 

Les fossiles marins se mélangeront avec les nouvelles couches 
d'eaux douces qui se forment dans ces lacs. 


Le géologue ne peut donc prononcer si un terrain est de 
formation d’eaux douces, ou non, que par les circonstances par- 
ticulières. 

Des fossiles marins se trouvent même dans des terrains qui 
sont au-dessus des terrains qui contiennent des fossiles d'eaux 
douces. 

Des Substances volcaniques. 


Les substances volcaniques sont les produits des éjections 
des volcans. 

Ces substances sont de différentes natures. J'ai distingué, 

Laves fontiformes, | 
Laves pélro-siliceuses, 

Laves téphriniques, 

Laves hornblendiques, 

Laves leucitiques, 

Laves augitiques. 

Ces substances volcaniques ont joui d’une fluidité ignée, et 
ont souvent coulé en grandes masses, qui quelquefois affectent 
la forme prismatique. 

Elles ont passé à l’état pierreux en se dévitrifiant. 

Cette dévitrification est opérée par deux causes : 


FE 2 


A4 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


a Un refroidissement lent; | 
b Une compression plus ou moins considérable. 

Les substances volcaniques sont des produits des roches que 
nous connoissons, et qui ont subi des degrés de chaleur plus 
ou moins considérables. 

Les pétro-silex ont formé les laves pétro-siliceuses. 

Les téphrines , les laves téphriniques. 

Les hornblendes, les laves hornblendiques. 

Les leucites, les laves leucitiques. 

Les augites, les laves augitiques. 

Les lydiennes, les cornéennes, les schistes argileux, ou thon- 
schiester... ont produit les laves fontiformes.. .… 

Des cristaux paroissent se former dans les laves en fusion. Les 
principes de ces cristaux disséminés dans ces substances coulantes, 
peuvent se réunir et aflecter une forme cristalline régulière, 
tels que les leucites, lolivine.... 


De la Chaleur des Volcans. 


La chaleur des volcans provient principalement de l’aczion 
galvanique que les différens strates exercent les uns sur les 
autres. 

Cette action produit de grands degrés de chaleur; elle fond 
ces différentes roches, les met en fusion... 

Elle enflamme les substances combustibles qui se rencontrent 
daus ces foyers, tels que 

Les bois fossiles, 

Les bitumes, 

Les pyrites, 

Les métaux. 

- L e e L L L L L e æ 

Enfin celte action galvanique produit les commotions souter- 
raines , les tremblemens de terre : leur analogie avec les com- 
motions électriques a été remarquée par tous les observateurs. 


Des Volcans d’air. 


Les volcans d'air, ou salces, sont également des effets de 
Faction galvanique ; ils produisent des phénomènes remarquables, 
chaleur, détonation, éjections considérables comme les volcans... 

Ces volcans d'air ne sont pas aussi répandus que les volcans 
ordinaires, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 45 


Des Terrains pseudo-volcaniques. 


Les terrains pseudo-volcaniques sont produits par l’inflam- 
mation de quelques substances bitumineuses, qui a chauflé les 
matières dont elles étoient recouvertes. 

Les produits de ces inflammations ont des rapports si rap- 
prochés avec les substances volcaniques, qu’on leur a donné le 
nom de pseudo volcaniques. 

On trouve dans ces terrains des schistes qui, par l’action du 
feu, ont pris les caractères des laves fontiformes.... 


Des Météorolites. 


Les météoroliles me paroissent des produits de substances 
ferresires combinées ou mélangées avec l’air inflammable, et 
élevées'avec lui au haut des airs. Cet air inflammable est en- 
flammé par uue étincelle électrique; il y a lumière, détona- 
tion..., et les substances qui étoient vaporisées, se réunissent 
et tombent sous forme de météorolites. 

Cette composition indique la manière dont le noyau du globe 
a pu étre formé, 

De la Masse des Eaux. 


Zes eaux couvrent plus de la moitié de la surface du globe. 
Leur étendue est plus considérable dans l'hémisphère austral que: 
dans le boréal. 

La profondeur moyenne des bassins des mers me paroît pouvoir 
être évaluée à environ 250 toises. 

Les eaux des mers sont sujettes à différens mouvemens qui 
ont une gande influence sur les divers phénomènes géologiques. 

a. Le mouvement des marées produit par l’action du soleil 
et de la lune. 

Il est ensuite modifié par différentes causes locales, qui le: 
font beaucoup varier sur les différentes côtes. 

b. Des courans d'orient en occident ; 

c Des courans des régions polaires à l’équateur ; 

d Des courans des régions équinoxiales vers les régions po- 
laires ; 

e Des courans particuliers dépendans de causes locales. 

Ces divers courans produisent à la surface du globe plusieurs 
phénomènes intéressans.. 


46 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


J'ai considéré les courans généraux des eaux sous deux rap- 
ports principaux : » 
Ou avant l'apparition des continens, 
Ou après l'apparition des continens. 
Les courans avant l’apparition des continens parcouroient li- 
brement la surface de la terre, sillonnant les portions des 
continens qu’elles recouvroient.... 


Les courans après l’apparilion des continens , furent modifiés 
par les obstacles que ceux-ci leur opposoient, Ainsi le courant 
de la mer Atlantique fut arrêlé par la chaîne des Cordilières, 
et ne put plus arriver dans la mer Pacifique. 

Ces courans agissoient avec impétuosité contre la portion des 
coutinens qui étoit découverte. 

Ils continuoient leur action sur les continens qu’ils recouvroient. 

Ils transportoient les diflérens corps qui étoient sur leur passage. 

L'action des courans dans l’hémisphère austral paroît ptoduire 
des phénomènes particuliers. 


De la Diminution des Eaux à la surface du Globe. 


La diminution des eaux à la surface du globe, ou l’abaisse- 
ment du niveau des eaux des mers, est un phénomène confirmé 
par un si grand nombre de faits, qu'on ne sauroit le révoquer 
en doute. 

Mais elle présente deux difficultés considérables : 

a Déterminer le lieu où les eaux se retirent; 

b Déterminer les causes de cette retraite. 

Maëlle£ supposoit qu'une parlie de ces eaux pouvoit s’évaporer 
dans les autres globes. 

D'autres supposent que ces eaux se rendent dans des cavernes 
de l’intérieur du globe. ‘ 

Cette dernière hypothèse me paroît plus probable. J’ai supposé 

a Qu'une partie des eaux qui ont disparu de dessus la surface 
dela terre, s’est retirée dans des cavernes de l’intérieur du globe. 

b. Mais les fentes, produites à la surface du globe par son re- 
froidissement, ont recu une autre partie de ces eaux. 

Néanmoins je conviens que l'explication de cette diminution 
des eaux présente encore beaucoup de diflicultés. 

Quelques géologues supposent que cette diminution des eaux 
de ‘la surface du globe s’est opérée subitement par quelque grande 
catastrophe... 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 47 


Je pense au contraire qu’elle s’opère lentement : c’est ce que 
tous les phénomènes indiquent. 


Des Differens Systèmes géologiques. 
L 

Différens systèmes ont été proposés par les savans pour ex- 
pliquer les phénomènes de la Géologie. 

J’en ai distingué trois principaux, fondés sur la nature de la 
fluidité des substances dont est composé le globe. 

a. Les uns supposent la fluidité aériforme , tels que ceux de 
Thaut, d'Anaximène.... 

6. Les seconds supposent la liquidité zgnée, tels que ceux des 
Brames, des Phéniciens..., de Zénon.... 

c. Les troisièmes supposent la liquidité agueuse , tels que ceux 
des Egyptiens, des Hindoux..., de Sanchoniaton, de Thaiès.. , 

J’ai supposé que le noyau du globe avoit été formé de subs- 
tances à l’état aériforme , comme Thaut.... 

Que la croûte avoit été formée par des substances qui jouis- 
soient d’une fluidité aqueuse..., comme Sanchoniaton.... 

Qu'il n’y avoit que les lavesqui avoient joui d’une fluidité ignée. 
. Je ne pense pas quela masse du globe ait joui d’une fluidité 
ignée, 

Ni de la fluidité aqueuse. 


" Des Catastrophes. 


Des cafastrophes sont-elles arrivées au globe terrestre ? 
Tous les peuples et tous les philosophes ont supposé qu’il étoit 
arrivé au globe, diflérentes catastrophes générales. Ils supposent 
deux espèces principales de ces catastrophes: 
a Les unes par le feu, 
b Les autres par l’eau. L 
Aucune de ces catastrophes générales ne me paroît prouvée ; 
elles n’ont jamais été que des phénomènes particuliers et dé- 
pendant des causes locales. 
Mais aucur fait ne me paroît indiquer qu'il y ait eu des caias- 
trophes générales. 
Des Cataclysmes. 


Les anciens supposoient encore que des catastrophes générales 
du globe étoient arrivées à différentes périodes fixes; ce qu'ils 
appeloient des cataclysmes, 


45 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Mais aucun fait ne prouve l'existence de ces cataclysmes. 

Ces faits que nous venons de rapporter, prouvent que le plus 
grand nombre des phénomènes géologiques s’expliquent assez bien 
d’après mes principes; on en doit conclure que la #héorie de 
la terre possède au moins autant de faits constatés que les autres 
branches de la Philosophie naturelle; elle est aussi avancée et 
peut-être plus qu'aucune d’elles. 


Les deux faits, dont l’explication paroït la plus difficile, sont, 
ainsi que nous l’avons dit : 

a La dissolution dans l’eau des substances minérales, dont la 
croûte du globe est composée; 

à La disparition de cette quantité d’eau dont la surface du 
globe a été couverte. 


Quant à la première difliculté, nous y avoris déjà répondu. 
Nous avons supposé que les diverses substances dont le globe 
est composé, sont à l’état d’oxides : or les oxides purs sont en 
général très-solubles dans les eaux ; ils n’y deviennent insolubles, 


ou à peu près insolubles, que quand ils ont contracté des com- 
binaisons. 


Quant à la seconde difficulté, nous dirons que la diminution 
des eaux à la surface du globe est un fait certain : or il ne 
paroît pas que les eaux aient pu passer en d’autres globes. 

Elles se sont donc enfouies dans l’intérieur du globe terrestre. 

B 
. . . . D [2 D L2 . LI . L] . . LC] D L . e 0 L] 2 . . LL L L 


Ces Lecons de Géologie doivent être considérées commeu ne 
suite de mes Zecons de Minéralogie publiées en 1813. Ces deux 
ouvrages contiennent presque toute ma théorie sur ces objets. 
Cependant il en est encore quelques parties éparses dans mes 
autres ouvrages. 


J’ai réuni dans ces cinq volumes ce qui, d’après les connois- 
sances actuelles, m'a paru le plus probable sur la connoissance 
des minéraux, et sur la manière dont le globe a été formé. 

La Géologie a fait de grands progrès, et chaque jour elle en 
fait de nouveaux; néanmoins elle a encore beaucoup à acquérir. 

J'ai consacré à cette étude une partie de ma longue vie... 
11 est temps de terminer ces travaux... 

En voici l’'énumération : 

19, Lecons de Minéralogie, 2 vol. in-80, 

20, Leçons de Géologie, 3 vol. in-8°. 

Ces 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


Ces cinq volumes renferment : 

Mon édition de la Sciagraphie de Bergman. 

La première édition de la Théorie de la Terre. 

La seconde édition du même ouvrage. 

Un Abrégé de Minéralogie dans le Zuffon, édition de Sonini, 
0 qui fut mutilé et défiguré, au point que je ne le connois 
plus. | 

30, Considérations sur les Êtres organisés, 3 vol. in-8o, 

Mes Vues Philosophiques s'y trouvent renfermées. 

4°. Principes de la Philosophie naturelle, 2 vol. in-8°. 

bo, De la Nature des Etres existans, 1 vol. in-8°. 

6°. De l'Homme considéré moralement, 2 vol. in &o. 

7°. Quelques Mémoires d'économie politique. 

8°. Journal de Physique......., 50 vol. in-4°, dont j'ai été 
l'éditeur. 

Quant à mon ouvrage sur l'Air pur, le fond de ma doc- 
trinesubsiste, puisqu'il est avoué que l'air pur n’est pas l'oxigène, 
ainsi que je l’ai dit; mais il devroit être remanié en entier, vu la 
multitude des nouveaux faits... , et je n’en ai pas le temps (1). 

J’aurois desiré pouvoir encore achever quelques autrestravaux... 
pour terminer mon Cours de Philosophie. 


Je voudrois particulièrement réunir tout ce que j'ai publié 
sur les Tables de Probabilité des Connoissances humaines ; 
elles me paroissent d’un assez grand intérêt pour les progrès de 
l'esprit humain, pour en faire un ouvrage particulier. 


J’aurois aussi voulu réunir mes travaux sur l’économie poli- 
tique; on y verroit la pureté de mes principes pour pouvoir pro- 
curer à l’homme des grandes sociétés trop populeuses , une sage 
liberté, également éloignée de l’oppression de la servitude, et 
des horreurs de l’anarchie..… 

On me demandoit comment j’avois pu me tenir dans ce juste 
milieu....: c’est, répondis-je , que je n'ai jamais consulté que 
mon cœur, sincèrement ami de la vérité et de la justice, sen- 
timens qui m'ont été inculqués dès l'enfance par les meilleurs 
des parens.... C’est que sans ambition, je n’ai recherché ni for- 
tune, ni ce qu'on appelle si faussement les honneurs, les gran- 
deurs, les dignités, les titres... 


49 


(1) Tous ces ouvrages se trouvent chez M®° V* Courcier, 


Tome LXXXIII. JUILLET an 1816, G 


N 


5o JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Je n'ai voulu, comme Socrate... être que moi. 

. . . . . . . L D é L . . . . . . D D L . . e. CL ° ” 

Mais le temps, la santé... me manquent pour achever ces 
travaux... 

Nous venons d’exposer un grand nombre de faits sur la Cos- 
mogonie en général, et sur la Géologie en particulier. Nous 
avons vu une multitude d'opinions des plus beaux génies, qui 
toutes présentent plus où moins de difficultés et se combattent 
mutuellement ; elles nous convainquent que nos connoissances ne 
sont sans doute pas assez avancées pour embrasser le système 
entier des êtres existans, des grands globes, et de celui de la 
terre en particulier. 

L'Histoire naturelle a décrit le plus grand nombre des mi- 
néraux ; mais il lui en demeure encore à découvrir. 

Quelque progrès qu’ait fait la Chimie, elle a encore beaucoup 
de choses qu’elle ne connoît pas. Les notions qu’elle nous fournit 
sur la nature des terres, des substances métalliques, des acides, 
des alcalis..., enfin sur tout ce qu'on appelle é/émens et subs- 
tances simples, sont extrèmement bornées. 


La manière dont ces substances forment les pierres des terrains 
primitifs, ne nous est guère plus connue. 

Leur mode de cristallisation est également caché ; 

Et cependant ce sont ces données qui peuvent nous faire entre- 
voir la formation du globe terrestre. 

La formation des terrains postérieurs à ces primitifs, présente 
également beaucoup de difficultés. 

Les observations astronomiques, sur lesquelles nous pouvons 
compler, ne datent pas de deux mille cinq cents ans : et ce 
temps est sans doute trop court pour apprécier les irrégularités, 
ou anomalies, et perturbations que peuvent éprouver dans leurs 
cours les différens corps célestes. 

Il n’y a donc que quelques probabilités à offrir à cet égard; 
et cependant ces perturbations doivent beaucoup influer sur les 
mouvemens de notre globe et sur les phénomènes géologiques. 


Ce ne sera, par exemple, que dans la suite des siècles qu’on 
pourra s'assurer si la durée de son mouvement diurne et de son 
mouvement annuel est constante; si la diminution de l’obliquité 
de l'écliptique se tient dans les limites qu’on lui assigne aujour- 


, ET D'HISTOIRE NATURELLE. 5 
d’hui; si réellement il n’a pu y avoir de printemps perpétuel, 
quoique toute la savante antiquité en ait parlé. 

Enfin les comètes fourniront des données précieuses. Il fauf 
les observer pendant une longue suite de siècles, pour savoir 
s’il n’y en auroit pas quelques-unes qui pussent exercer une ac- 
tion quelconque sur notre globe ; pour constater si les retours 
périodiques de quelques autres ne pourroïent pas exercer leurs 
actions sur le globe à des périodes réglées, et produire ainsi 
ces CATACLYSMES réguliers, dont les traditions detous les anciens 
peuples font mention; car cet accord unanime mérite toute 
l’aliention du philosophe. 


. . . . . . . . . « . . 0 » . . . = . . . 


Toutes ces recherches exigent une longue suite de siècles, qui 
ne sont point à notre disposition. 

Mais ce que nous pouvons, ce que nous devons faire pour 
avancer nos connoissances sur la Théorie de la Terre, est de 
continuer de recueillir des faits, de vérifier ceux qu’on connoiît, 
de rectifier plusieurs erreurs qui nous sont échappées, de per- 
fectionner les analyses minérales, d'examiner les modes dont 
la cristallisation s'opère dans les grandes masses... 

Toutes ces recherches sont dignes d’occuper l’homme raison- 
nable, et peuvent exercer le plus vaste génie... 


Dans l'explication de ces grands phénomènes, il ne faut ex- 
clure aucune cause particulière; mais on doit toujours chercher 
les causes générales; et les cas postérieurs ne seront regardés que 
comme des phénomènes des agens secondaires. 

En parlant du commencement des choses, je crois nécessaire 
de rapporter ce que le savant dom Calmet dit dans son Com- 
mentaire (tome I, pag. 2) de cette expression, creavit Deus. 

« CREAVIT DEUS, Dieu créa. 

» Ce terme créer signifie deux choses dans lEcriture : 

» 1°, Tirer du néant. 
» 20, Donner la forme à quelque chose. 


» Tous les Juifs et les Chrétiens le prennent ici dans le 
» premier sens, et nous n'avons aucun terme qui signifie d’une 
» manière plus précise la création proprement dite, que l'hébreu 
» bara et le latin creare. 


» L’Ecriture et la tradition nous déterminent à le prendre 
GEz 


b2 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


» ici pour marquer donner l'être et l'existence aux choses 
» CTrees, 

» Quelquefois il signifie seulement produire quelque chose 
» d’une manière ordinaire , en changeant la disposition, ow 
» la configuration de ses parties intérieures ou extérieures, 
» comme dans ce chapitre premier, versets 21 et 27, où il est 
» dit que Dieu créa les poissons. 

» Verset 21. CREAVITque Deus cele grandia, et omnem 
» animam viventem atque motabilem, quam produxerant aquæ 
» in species suas , et omne volatile secundüm genus suum.... 


» Verset 27. Masculum et feminam CREAVIT eos , en parlant 
» de l'homme et de la femme. » 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 53 


RECHERCHES 


SUR LA NATURE DE LA MATIÈRE HUILEUSE 
DES CHIMISTES HOLLANDAIS; 


Par MM. ROBIQUET £T COLIN. 


Lues à l'Institut le rer avril 1816. 


Ox se rappelle qu'en 1796 les chimistes hollandais firent la 
découverte d’un hydrogène beaucoup plus carboné que celui 
qu'on obtient par la distillation des matières végétales; ils en 
étudièrent et en décrivirent les propriétés les plus marquées ; 
ils observèrent que cet hydrogène surchargé de carbone donnoit 
Jorsqu’on le méloit avec volume égal de gaz muriatique oxi- 
g'né, un liquide huileux particulier. Cette propriété leur parut 
si singulière qu’ils s'en servireut pour caractériser leur corps 
nouveau, et ils lui donnèrent le nom de: gaz oléfianf, nom 
que l’on a conservé pendant long-temps, et auquel on a subs- 
ütué depuis peu seulement celui de gaz hydrogène percarboné,. 
comme étant plus propre à en désigner la nature. Cette décou- 
verte produisit une grande sensation à cette époque, et tous les 
chimistes y prirent un vif intérêt, non pas préciséinent par la 
singularité du résultat qu'elle offroit, mais bien plutôt parce 
qu'elle confirmoit parfaitement les idées que l’on avoit alors sur 
la nature des huiles et de l'acide muriatique. On la jugea donc 
très-propre à donner un nouveau degré de force aux idées déjà 
reçues depuis l’établissement de la doctrine pneumatique, et on 
trouva tout nature? que de l'hydrogène et du carbone formassent 
de l'huile par leur combinaison avec l’oxigène de l'acide muria- 
tique oxigéné. Mais aujourd'hui que les chimistes considèrent 
Faeide mariatique oxigéné comme un corps Simple, on ne peut 
plus donner une exphcation satisfaisante de ce phénomène, si 
on admet que le corps huileux qu'on obtient par la réaction. 


b4 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


du chlore et du gaz oléfiant puisse avoir quelqu’analogie de 
composition avec les huiles ordinaires. En effet, en adoptant 
l'hypothèse actuelle , on ne peut y supposer d’oxigène, à moins 
qu'on n’en admette dans la composition du gaz oléfiant, ce qui 
seroit tout-à-fait contradictoire avec l'opinion des meilleurs chi- 
mistes et des plus célèbres physiciens, 

Ces considérations nous ont engagés à faire un nouvel examen : 
de ce liquide huileux,.et à mieux étudier les différentes circons- 
tances de sa formation. Nous espérions pouvoir donner une s0- 
lution complète de tous les phénomènes qui y ont quelques 
rapports; mais de grandes diflicullés se joignent à ce. genre 
d'expériences. Quand on agit sur un produit qui admet un cer- 
tain nombre d’élémens dans sa composition , et que ces élémens 
peuvent se réunir entre eux dans un autre ordre et dans d’autres 
proportions, il arrive souvent que les moyens d’analÿse qu’on 
peut employer ne conduisent qu'à une plus grande complication. 
En général, l'analyse exacte de plusieurs gaz réunis ou com- 
binés offre des difhicultés; mais il en est certains d’entre eux 
qui, par leur analogie de composition ou pàr la similitude des 
produits qu'ils fournissent, présentent de plus grands obstacles, 
et ce n’est qu'en employant des considérations particulières et 
souvent détournées qu’on peut conclure leur existence. Le corps 
que nous ayons eu à examiner nous a présenté tous ces incon= 
véniens, et nos résultats n’offrent pas tout le degré d’exactitude 
que nous eussions desiré leur donner. Cependant nous avons 
cru que notre travail oHroit assez d'intérêt, dans l’état où il se 
trouve, pour être publié. 

Le chlore étant supposé bien connu dans sa nature, et devant 
êlre regardé comme un corps simple, on peut faire deux hypo- 
thèses différentes relativement à sa manière d’agir sur le gaz hy- 
drogène percarboné : ou le corps huileux qu’on obtient est tout 
formé , et seulement retenu en dissolution dans le gaz oléfiant, 
et le chlore ne fait que l’en précipiter en contractant avec ce 
gaz quelque combinaison particulière ; ou bien ce même corps 
résulteroit de l’union intime du chlore avec le gaz oléfiant lui 
même ou avec ses élémens. e 

La première supposition a quelque apparence de probabilité, 
parce que l’hydrogène percarboné ne s'obtient qu'avec un mé- 
lange d'alcool et d'acide sulfurique, ou, ce qui revient au même, 
en distillant les résidus d’éther sulfurique : or on sait que, sur 
la fin de cette opération, c'est-à-dire, à l’époque où le gaz by: 


ET D'HISTOIRE NATURÉLLE. 55 
-drogène percarboné se dégage, il se produit aussi ce que l’on 
nomme de l'huile douce du vin. En conséquence notre premier 
soin a dû être de prendre toutes les précautions convenables 
pour séparer complètement l'huile douce qui auroit pu être 
retenue par le gaz oléfiant. Nous allons décrire l'appareil qui nous 
a servi à préparer ce gaz, et nous indiquerons en méme temps 
de quelle manière nous avons produit la combinaison de nos 
dêéux fluides élastiques. 

Nous avons établi un double appareil pour obtenir simulta- 
nément le gaz oléfiant et le chlore; le premier de ces deux ap- 
pareils étoit composé d’abord d’une cornue contenant des résidus 
d'éther, d’une allonge et d’un matras tubulé : celui-ci plongeoïit 
dans un mélange de glace et de sel, afin de condenser l’eau et 
le peu d’éther qui accompagnent ce gaz; de la tubulure du 
malras partoit un tube de Welter, dont l’autre extrémité plon- 
geoit dans un flacon rempli aux deux tiers par une dissolution 
de potasse caustique très-concentrée, et destinée à arrêter l'huile 
douce et le gaz sulfureux : ce n’étoit qu'après avoir dépouillé 
le gaz oléfiant de l’eau, de l'huile douce et du gaz sullureux, 
qu’on le faisoitarriver, au moyen d’un nouveau tube, dans un vaste 
ballon où se rendoit en même temps le chlore qui se dégageoit 
du second appareil ; le chlore ne subissoit d'autre purification 
que son lavage par l’eau. Enfin ce double appareil éloit terminé 
par un tube plongeant sous une eloche pleine d’eau. Les choses 
étant ainsi disposées, nous avons mis tous nos soins à diriger 
chacune des deux opérations de manière à obtenir un dégagement 
extrêmement lent , très-régulier et tout-à-fait proportionnelde part 
et d’autre. Lorsque ces deux conditions étoient bien remplies, la 
combinaison seffectuoit de telle facon que rien ne se dégageoit 
à l'extrémité de l'appareil, tandis que, dans le cas contraire, on 
recueilloit une certaine quantité du gaz surabondant, et plus or- 
dinairement un mélange des deux. On est d’abord long-temps 
sans remarqueraucun phénomène particulier, parce que le ballon, 
où se réunissent les deux gaz, contient une très-grande quantité 
d'air atmosphérique qui fait obstacle à la combinaison qui s’ef- 
fectue plus tard; mais, à mesure que la proportion de cet air 
devient moindre, on voit paroître une légère rosée qui se con- 
dense sur les parois internes du récipient, et dès-lors on ne 
tarde point à voir ruisseler de toutes parts et en stries fort dé- 
liées un liquide plus ou moins coloré qui va se réunir à la partie 
inférieure, et dont la quantité augmente tant aue dure l'opération, 


56 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Comme nous avons répété cette expérience un grand nombre 
de fois, nous avons eu occasion d'observer que le produit qu’on 
obtient varie suivant que, dans le cours de Popération, l’un ou 
l’autre des deux gaz se trouve en excès. Si c’est le chlore qui 
domine, aussitôt qu'on débouche le grand récipient, il se dé- 
gage des vapeurs abondantes et très-acides, d’une odeur mixte 
de gaz hydro-chlorique et de chlore : on y distingue aussi , en 
dernier lieu, quelque chose d’aromatique et comme camphré. 
Le liquide contenu dans le vase est coloré en jaune verdûtre, 
répand aussi des fumées suflocantes et très-acides : sa saveur est 
caustique et acerbe ; tandis qu’au contraire, si on a fait dégager 
proportionnellement plus d'hydrogène carboné que de chlore , on 
ne remarque aucune vapeur ; le liquide est incolore, d’une odeur 
suave et n’a point d’acidité sensible : sa saveur est vive comme 
celle des huiles essentielles, mais elle n’a rien de désagréable. 


A près nous être assurés d’un moyen de nous procurer de cette 
substance en aussi grande quantité que nous le voudrions, nous 
nous sommes occupés d'étudier les diverses circonstances qui 
peuvent influer sur sa production. Aussi nous nous sommes as- 
surés Fe la présence d’une certaine quantité d’air ou d’une por- 
tion plus ou moins grande d'humidité n’empèchoit pas sa for- 
mation, et qu’elle n’en avoit pas moins lieu lorsque les gaz 
étoient parfaitement purs et exempts d’eau. Nous avons vu aussi 
que les volumes respectifs des deux gaz pouvoient être variés 
sans qu’ils cessassent de produire de celte matière huileuse ; 
que cependant elle étoit plus abondante lorsqu'on employoit un 
volume double de chlore, et que, dans tous les cas, on ne pouvoit 
parvenir à observer tout le chlore qu'après un temps très-long. 
Une autre observation que nous croyons à propos de consigner 
ici pour la constater, c’est l'odeur camphrée que prennent ces 
mélanges de gaz, surtout pour ceux qui ont été faits avec un 
excès de chlore; et ce qui nous a paru encore plus remarquable, 
c’est la propriété dont ils jouissent de donner des ramifications 
cristallines d’odeur et de saveur camphrée, principalement quand 
on les expose aux rayons solaires. Mais, ne voulant point nous 
écarter de notre but principal , qui est de chercher à déterminer 
la nature de la substance des chimistes hollandais , nous ne 
ferons qu’indiquer ici ces divers phénomènes, nous proposant 
d’en traiter plus particulièrement dans un second travail. 

Dans tous les cas, il faut, pour obtenir un résultat identique, 
laver cette huile avec une petite quantité d’eau distillée qui 


enlève 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 57 


enlève {out à-la-foiset l'acide et la matière colorante, s’il en existe. 
Ce liquide, ainsi obtenu, ne doit plus rougir la teinture de 
tournesol ; s’il en étoit autrement, un deuxième lavage dans 
pareille quantité d’eau sufliroit pour enlever jusqu'aux dernières 
portions d’acide ; c'est dans cet état que les chimistes hollandais 
l'ont obtenue, parce qu’ils combinoient leurs gaz au-dessus de 
l’eau : elle a alors une couleur gris de perle. Nous nous sommes 
assurés qu’elle ne devoit son opacité qu'à une certaine quantité 
d'humidité dont nous sommes parvenus à la séparer complètement 
en la rectifiant au bain-marie sur du chlorure de calcium fondu 
et pulvérisé. 
. Ce n’est qu'après cette suite d’opérations que nous l'avons 
jugée dans son plus grand état de pureté, et qu’elle nous 
a offert les caractères dont nous allons faire mention. Ce liquide 
huileux est incolore, d'une odeur très-analogue à celle de léther 
hydro-chlorique, dont il a aussi la saveur sucrée particulière. 
Sa pesanteur spécifique, déterminée à 7° centigrades, estde 1,2201, 
celie de l’eau étant prise pour l’unité. Sa force élastique, mesurée 
à 9°,3 du même thermomètre, est de 62,65 centimètres; et son 
point d’ébullition, calculé d’après la tension indiquée, a été fixé 
à 66°,74. Si on la soumet à lébullition à feu nu, on remarque 
qu’elle se volatilise avec la plus grande facilité, mais qu'elle 
subit une légère atération : elle ne tarde point à prendre une 
couleur ambrée, se colore de plus en plus, et laisse enfin ,lors- 
qu'on pousse l’opération à bout, un léger résidu charbonneux. 
On voit donc que cette substance est moins volatile et beau- 
coup plus pesante que l’éther hydro-chlorique, avec lequel elle 
a d’ailleurs plusieurs points d’analogie. 


Si on verse une certaine quantité de cette huile éthérée dans 
une cuiller d’argent légèrement échauflée, et qu’on en approche 
un corps en ignition , aussitôt elle prend feu et la flamme qu’elle 
répand est verte ; cette flammeestaccompagnée de fumées épaisses, 
suffocantes, qui projettent dans l'air une grande quantité. de 
flocons semblables au noir de fumée. Si on opère cette combus- 
tion au-dessous d’une cloche légèrement humectée, on voit la 
malière charbonneuse se déposer sur les parois internes; et en 
examinant l’eau dont elle est imprégnée, on lui trouve une saveur 
acide très-prononcée. Le nitrate d’argent mis en contact avec 
cette humidité se décompose si complètement qu'il se prend en 
masse : ainsi l’on voit que pendant la combustion il s’est déve- 
loppé une quantité considérable d'acide hydro-chlorique, et on 


Tome LXX XIII, JUILLET an 1816. H 


28 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


se rappelle sans doute que l’éther hydro-chlorique se comporte 
absolument de la même manière quand on le soumet à de sem- 
blables épreuves. 


Ces premières données suflisoient pour éclairer sur la nature 
de notre combinaison, et faire voir quele chlore en étoit une des 
parties constituantes; mais nous desirions de plus connoître dans 
quel rapport il pouvoit y exister. Nous avons tenté différens 
moyens d'en faire l'analyse, et, pour nous guider, nous l'avons 
mis en contact avec les corps que nous supposions capables d’en. 
opérer la décomposition. Nous n'indiquerons point tous les essais 
qui n'ont donné aucun résultat satisfaisant, et nous ne citerons 
que ceux qui nous ont paru présenter quelque intérêt, 

L'action des alcalis eaustiques est trop lente, surtout à froid , 
pour qu’on puisse s’en servir comme d’un moyen analytique, 
Ée qu'on n’est jamais certain d’une décomposition complète, 
es alcalis ayant la propriété de la dissoudre; et si on emploie 
la chaleur, une partie passe sans altération. Il y a cependant 
une chose remarquable dans cette réaction des alcalis, c’est le 
développement d'acide hydro-chlorique qui se manifeste après 
quelques jours de contact, sans dégagement de gaz et sans pré- 
cipitation de carbone, Nous avons observé, dans quelques-unes 
de ces expériences, qu’il se formoit un peu d'acide carbonique ; 
mais nous n'avons jamais observé aucun dégagement de fluide 
élastique. 


L'ammoniaque liquide présente des phénomènes tout - à - fait 
analogues aux autres alcalis. Lorsqu'elle est gazeuse, elle n’a 
point d’aclion sensible à froid sur cette même substance; mais 
si on les fait rencontrer l’une et l’autre à l’état de fluide élas- 
tique et à une température élevée, il y a production d'hydros 
chlorate d’ammoniaque et dégagement d’un gaz inflammable. 

Le chlore a une action bien marquée : il est absorbé en assez 
grande proportion par celte liqueur oléagineuse; il lui donne 
une couleur citrine verdâtre, lui communique une odeur désa- 
gréable, et alors elle acquiert la propriété de répandre des fumées 
suffocantes et très-acides ; sa saveur devient caustique et comme 
métallique ; le lavage à l'eau distillée enlève l'acide et le chlore 
en excès, et la portion d'huile non décomposée paroît avec toutes 
ses propriétés : l’eau de lavage contient beaucoup d’acide bydro- 
chlorique. Cette expérience fait voir que cet acide qui accom= 
pagne quelquefois la matière huileuse pendant sa formation n’est 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 5g 


point dû à une réaction du chlore sur l'hydrogène percarboné , 
mais bien à une décomposition de la matière huileuse une fois 
formée. Aussi avons-nous déjà fait remarquer qu’elle n’étoit ni 
acide ni colorée, si on avoit soin d'entretenir un excès d'hydro- 
gène percarboné pendant toute la durée de l'opération. 


Lorsqu'on fait passer la vapeur de ce corps sur de l’oxide de 
cuivre chauffé au rouge cerise, la décomposition s’en opère avec 
une grande facilité, et ce seroit un bon moyen d’analyse, sans 
l'extrême difliculté qu'on éprouve à empêcher qu’il ne passe avec 
l'acide carbonique une certaine proportion de gaz inflammable, 
qui est lui-même très-chargé en carbone. On trouve d’ailleurs 
dans le tube de verre où se fait l’expérience, du cuivre réduit 
et du chlorure de cuivre. 


La chaleur seule déterminent la décomposition de notre subs- 
tance, c’est le moyen auquel nous nous sommes plus particu- 
lièrement arrêtés comme étant celui qui mène aux résultats les 
plus simples. Voici de quelle manière nous avons procédé : 


Un tube de porcelaine étant disposé sur un fourneau, nousavons 
adapté à l’une de ses extrémités un tube de verre communiquant 
sous des cloches pleines de mercure, et à l’autre, une très petite 
cornue contenant deux à trois grammes de substance. Nous avions 
eu soin d'introduire des fragmens de porcelaine dans le tube 
pour faciliter la décomposition de la vapeur; tout l’appareil étant 
bien luté, nous avons chauflé graduellement le tube jusqu’à 
Vamener au rouge blanc; alors nous avons fait passer un peu 
de vapeur de l'huile éthérée, et nous en avons réglé l'expansion 
de telle manière que les bulles de gaz se succédoient dans un 
intervalle de temps parfaitement égal. 


Nous faisons remarquer cette manière de procéder parce qu’elle 
est essentielle au succès de l’opération : un courant trop rapide 
entraîne une portion de la vapeur sans qu’elle ait subi de dé- 
composition, et occasionne dans le tube de verre un dépôt de 
charbon assez considérable pour qu’il puisse s’obstruer si l’on 
continue; tandis que, si l'opération est bien conduite, tout le 
charbon se dépose dans le tube de porcelaine. 


On n’a commencé à recueillir les gaz provenant de la dé- 
composition par la chaleur que quand on a jugé que tout l’air 
de l'appareil avoit disparu, et on a eu soin de plus de vider 
chaque cloche lorsqu'elle étoit au tiers pleine, afin d'être bien 
sûr qu’il n’y restât point d’air. Ce gaz répandoit des vapeurs dans 


H 2 


6o JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
Fatmosphère comme le,gaz hydro-chlorique; il rougissoit le tour- 
nesol ; 1l précipitoit le nitrate d’argent et brüloit au contact des 
corps enflammés. Ayant jugé par là qu'il étoit composé d’un gaz 
inflammable et d'acide hydro-chlorique, nous avons cherché à 
en déterminer les proportions , et nous avôns obtenu les résultats 
suivans, en absorbant le gaz hydro-chlorique par l’eau, et prenant 
la moyenne des expériences faites sur chaque cloche : 


2me cloche 100; 3me cloche 100; gme cloche 100; 
Résidu — 46,895.  Résidu— 43,225.  Résidu — 40,102. 
me cloche 100; 6Gme cloche 100; 


Résidu — 38,436. Résidu — 38,785. 


On observe que les résidus sont d'autant plus considérables qu'ils 
sont plus près du commencement de l'expérience, et qu’ils de- 
viennent sensiblement égaux à partir de la 5me cloche, c’est-à-dire, 
lorsque les bouchons ont absorbé toute la quantité d’acide hydro- 
chlorique qu'ils peuvent prendre. Le résidu est un gaz qui brûle 
avec uue flamme bleuâtre, et donne pour produit de sa com- 
bustion de l’eau et de Pacide carbonique. Mis en contact avec 
le potassium, il n’éprouve aucune altération sensible dans son 
volume, lors même qu’on fait volatiliser ce métal dans une at- 
mosphère de ce gaz. 


Si l’on prend la moyenne des analyses de la 5me et de la 6me 
cloche, qui se correspondent parfaitement , on voit que, sur 100 
parues du mélange gazeux fourni par la décomposition de la 
substance des chimistes hollandais, il y a 61,39 de gaz hydro- 
chlorique et 38,61 du gaz inflammable dont nous avons parlé. 


On a pu juger par ce que nous venons de rapporter, combien: 
il existe d’analogie entre cette huile du gaz oléfiant et l’éther 
hydro-chlorique : tant de, points de similitude entre ces deux 
corps devoient nécessairement nous conduire à quelques expé- 
riences comparatives. 

La décomposition de l’éther hydro-chlorique par la chaleur 
avoit élé indiquée comme impraticable, parce qu’il paroissoit 
extrêmement difficile de se rendre maître de l'expansion d’un 
liquide aussi volatile, et que la grande quantité de charbon qui 
se dépose dans les tubes avoit toujours déterminé l’explosion 
des appareils. Néanmoins nous l’avons tentée, el nous pouvons. 
dire qu'en ce point elle a réussi au-delà de nos espérances. Voici 
quel genre de précautions nous y avons apporté : nous avons, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. Gt 


comme dans le cas précédent, rempli notre tube de fragmens 
de porcelaine; cette précaution est indispensable, parce qu'en 
multipliant les points de contact on propage la chaleur également 
dans toute la masse du fluide élastique, et qu’il en résulte né- 
cessairement une décomposition plus complète. 


Au lieu d’employer une cornue, nous nous sommes servis d’un 
tube courbé à angle droit et terminé par une petile boule très- 
mince ; cette boule se trouvoit distante du fourneau d’environ un 
pied. Comme nous avions plulôt besoin de modérer l’expansion 
de l’éther que de l’exciter, nous avons placé sous la boule de 
verre un vase contenant un peu d'eau et de glace. A l’autre 
extrémité de l'appareil, nous avons adapté un tube de verre portant 
uue boule à quelque distance de l'issue du tube de porcelaine, 
et couibé de manière que cette boule pût plonger dans un mé- 
lange refroidissant. Lorsque le tube de porcelaine a été chauffé 
au rouge blanc, la chaleur extérieure du fourneau a suffi pour 
déterminer la vaporisation de l’éther; et lorsque les bulles de 
gaz se succédoient trop rapidement, nous avions l'attention 
d'exhausser le vase disposé au-dessous de l'étier, de manière 
à faire plonger dans l’eau environ un tiers de la houle, ce qui 
suflisoit pour régler la distillation : un plus grand refroidissement 
eût produit une prompte absorption. 

L'opération étant achevée, nous n'avons pu voir aucune portion 
d’eau dans cette partie du tube qui plongeoïit dans le mélange 
refroidissant, et les gaz étant examinés, nous avons vu qu'une 
pelite quantité d’eau y produisoit une absorption d’un tiers en- 
viron, ou exactement de 36,79 pour 100, absorption due évi- 
demment au gaz hydro-chlorique. Dans ce même gaz privé 
d'acide, nous avons introduit soit de la baryte, soit de la potasse 
en dissolution, sans que nous ayons pu y découvrir la moindre 
diminution de volume; ainsi, puisque dans cette décomposition 
nous n'avions obtenu ni eau ni acide carbonique, nous ne pouvions 
rechercher l’oxigène que dans le gaz résidu. 

Ce gaz brûle en bleu et donne, pour produit de sa combus- 
tion, de l’eau et de l'acide carbonique : ce ne peut donc être 
que de l'hydrogène carboné ou un mélange d'hydrogène carboné 
et de gaz oxide de carbone; et comme ce gaz contient tout 
l'oxigène qu'on obtient dans l’éther muriatique, nécessairement 
Poxide de carbone doit y être en assez grande proportion. Ce- 
pendant, lorsqu'on le soumet à l’action long-temps prolongée 
du potassium en vapeur, il ne se produit aucune varialion 


6 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


2 
is Cas dans le volume, et de plus il ne se forme aucun dépôt 
charbonneux. 


Nous avons essayé, par le même moyen, des mélanges de gaz 
hydrogène carboné et de gaz oxide de carbone en diverses pro- 
portions, et nous ayons obtenu constamment une absorption égale 
au volume de ce dernier : on ne sauroit donc attribuer à la 
présence de l'hydrogène carboné, dans le gaz provenant de 
l’éther muriatique, la propriété dont il jouit de résister à l’action 
du potassium. 

Pour acquérir quelque cerlitude relativement à la présence de 
l'oxide de carbone dans ce même gaz, nous avons construit un 
appareil disposé de telle facon, que les produits gazeux de l’éther 
muriatique décomposé par la chaleur traversoient, en sortant 
du tube de porcelaine, une petite quantité d’eau distillée, pour 
s'y dépouiller de leur acide hydro-chlorique. De là, ce gaz se 
desséchoit en passant sur des fragmens de chlorure de calcium 
fondu, et venoit ensuite traverser un deuxième tube de porce- 
laine contenant du proto-chlorure de mercure. On a d’abord 
fait chauffer le premier tube, et on a procédé, comme nous 
l'avons dit précédemment, pour déterminer la décomposition 
de l’éther ; le gaz résultant de cette décomposition se lavoit 
dans l’eau et traversoit toute l'étendue de l'appareil sans éprouver 
d’autre altération. Au bout d’une heure environ, on a élevé la 
température du deuxième tube, celui où se trouvoit le chlorure 
de mercure. À peine a-t-il atteint le rouge cerise, que le dé- 
gagement des gaz s’est arrêlé, bien que l’éther continuât toujours 
de traverser le tube en même quantité, et nous avons même 
été obligés, pour empêcher l'absorption dans le deuxième tube; 
de faire vaporiser l’éther beaucoup plus rapidement qu’aupara- 
vant. L'opération a été menée de la même manière pendant plus 
de demi-heure sans obtenir une seule bulle de gaz, et le déga- 
gement n'a recommencé qu’à l’époque où tout le chlorure de 
mercure a élé chassé, par l'effet de la chaleur, de la portion 
du tube contenue dans le fourneau. 


L’eau dans laquelle plongeoit le dernier tube étoit devenue 
acide, et elle précipitoit fortement par le nitrate d’argent : nous 
avons trouvé dans le deuxième tube de porcelaine du mercure 
métallique et un dépôt de charbon. 


Si nous ne nous abusons pas sur cette expérience, le gaz ré- 
sidu provenant de l’éther muriatique ne doit contenir que de 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 63 
Yhydrogène carboné, puisqu'il disparoît en entier en passant sur 
du chlorure de mercure, et qu’on obtient pour tout produit de 
l'acide hydro-chlorique et du charbon (1) : on ne devroit done 
point , d’après cela, admettre l’oxigène comme partie constituante 
de i'éther muriatique, puisqu'on n’en retrouve dans aucun des 
produits de ces expériences analytiques. 

Ces considérations nous avoient fait penser que cet éther 
étoit une combinaison d'hydrogène percarboné et d'acide hydro- 
chlorique , et nous avons émis publiquement notre manière de 
voir à cet égard dans une des séances de la Société de Pharmacie. 
Nous nous croyons d'autant plus fondés à soutenir cette opinion 
que, suivant les observations de M. Thenard, Le résidu de léther 
hydro-chlorique ne retient pas sensiblement de matière char- 
bonneuse, mais contient une très - grande quantité d’eau; or, 
d’après ce que nous avons appris de M. Gay-Lussac, les élémens 
de l’alcool sont dans une telle proportion qu'il peut étre consi- 
déré comme de l’eau, plus du gaz oléfiant. Si donc ce gaz se 
combine avec l’acide hydro-chlorique, tout le charbon est en- 
levé, et il ne doit rester que de l’eau, ce qui est conforme 
à l'expérience. Néanmoins M. Boullay, qui s’est beaucoup oc- 
cupé des éthers, n'admit point notre facon de penser, la com- 
battit vivement, et lut, dans la séance suivante, une note tendant 
à la réfuter et à maintenir celle qu'il avoit émise anciennement, 
el qui consistoit à considérer l’éther hydro-chlorique comme ure 
combinaison d'acide hydro-chlorique et d'alcool. [1 publiera sans 
doute ses observations, et nous ne nous permettrons jusqu'alors 
aucune objection qui leur soit particulière. Seulement nous le 
prierons de faire attention à la remarque que nous a fait faire 
M. Ampère, et qui nous paroit d’un très-grand poids en faveur 
de notre hypothèse : c’est que la pesanteur du gaz hydro-chlo- 
rique ajoutée à celle du gaz oléfiant représente précisément celle 
du gaz éther hydro-chlorique, et que, de plus, la pesanteur du 
chlore, jointe à celle du gaz oléfiant , donne exactement la den- 
sité de la vapeur de la substance huileuse, Ces deux combinaisons 
ne difléreroient donc , d’après cela, que par la proportion d'hy- 
drogène ; ce qui est entièrement conforme à nos expériences , 
et ce qui rend compte de la différence de volatilité et de pesanteur 
qu’on remarque entre l’éther et cette huile. 


LS 


() Nous nous sommes assurés qu’il ne se formoit pas d’eau, 


64 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


De telles conclusions s’accordent bien peu avec les résultats 
qu’on obtient par l’analyse eudiométrique, et comme jusqu'à 
présent nous ne sommes point en mesure de donner une ex- 
plication satisfaisante de ces diflérences, nous nous bornercns à 
une simple exposition des faits. 


Analyse du Gaz hydrogène carboné de l’Éther. 


155 parties de ce gaz donnent, par leur combustion, un vo 
lume d'acide carbonique de 6r,2r parties. Or on a employé, 
pour faire celte analyse eudiométrique, 183 parties de gaz oxi- 
gène pur, dont il n’estresté , après la combustion, que 33,33, etc.; 
il yen a donc eu 149,67 qui ont servi à brûler et le carbone et 
l'hydrogène du gaz soumis à l'analyse; sur ces 149,67 parties, 
il y en a eu 61,21 employées à la formation d'autant d’acide 
carbonique, et par conséquent 88,46 seulement ont transformé 
en eau le double d'hydrogène, c’està-dire, 176,92 parties de 
ce dernier. 

Maintenant, si nous concluons le poids du carbone d’après 
la quantité d'acide carbonique observée, nous le trouverons égal 
à 22,2 : d’un autre côté, celui de l’hydrogène et celui du gaz 
soumis à l'expérience, conclus l’un et l'autre d’après leurs pe- 
santeurs spécifiques respectives (1), sont pour les 176,92 parties 
du premier 12,95, et pour les 155 du second 53,14 : retranchant 
de ce dernier poids la somme de l'hydrogène et du carbone, 
on a un reste de 17,98, et par conséquent une perte égale. Or 
cette perte est ordinairement attribuée à de l’eau qui a été formée 
aux dépens d’une portion d'hydrogène et d’oxigène appartenant 
au gaz analysé. Ainsi il y auroit dans ce gaz une quantité d’eau 
de constitution faisant à très-peu près le quart de son poids. Or 
17,98 d’eau contiennent 15,89 d’oxigène, et par conséquent 2,09 
d'hydrogène; mais 15,89 d’oxigène représentent un poids d’oxide 
de carbone égal à 27,87, ou, en volume, à 28,80; donc, si les 
155 parties en volume du gaz analysé étoient un mélange d’oxide 
de carbone et d'hydrogène carboné , il y auroit en volume 28,80 
d’oxide de carbone, et par conséquent 126,20 d’un hydrogène 
carboné, contenant un volume d'hydrogène égal à 205,47, et 
fournissant par sa combustion 6r,21 d’acide carbonique repré- 
sentant pareil volume de vapeur de carbone. 


(1) Celle du gaz inflammable dont il est ici question est de 0,34284. 


Analyse 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 65 


Analyse du Gaz de l'Huile des Chimistes hollandais. 


Un volume de 157,5 du gaz inflammable obtenu en faisant 
passer l’huile du gaz oléfiant à travers un tube de porcelaine 
élevé à la température rouge, a fourni par sa combustion un 
volume d’acide carbonique de 48,83 parties. Or, sur les 173,76 
parties d’oxigène qui ont été mêlées aux 157,5 de gaz pour en 
opérer l'analyse eudiométrique, il y en a eu 69,83 que la com- 
bustion n’a point employées ; donc 103,93 parties seulement sont 
entrées en combinaison pour former de l’eau et de l'acide car- 
bonique; mais ce dernier en a pris 48,83; donc il n'y en a eu 
que 55,10 employées à former l’eau aux dépens de l'hydrogène 
de ce gaz inflammable. 

1] résulte de là que le poids du carbone, déduit comme dans 
la précédente analyse, est de 20,3r pour un volume de 157,5 
de gaz inflammable, ou, ce qui revient au même, pour 71,15 
en poids de ce même gaz; car sa pesanteur spécifique est de 
0,45176. D'autre part, 5,10 d’oxigène ayant brûlé 110,20 d'hy- 
drogène, il suit que le gaz soumis à l’analyse contient au moins 
8,07 d'hydrogène en poids. Retranchant la somme des poids de 
l'hydrogène et du carbone de celui du gaz, il reste 42,77, re- 
présentant l’eau formée aux dépens de l’oxigène propre au gaz 
et d’une quantité d'hydrogène qui lui appartient aussi. 

Ainsi le gaz inflammable obtenu en décomposant par le feu 
l'huile des chimistes hollandais contiendroit, comme celui de 
l'éther hydro-chlorique, une quantité notable d’oxigène. Or, 
comment admettre qu'un produit résultant de la combinaison 
du chlore et de l'hydrogène percarboné, dont la nature a été 
parfaitement étudiée et dont les proportions se trouvent concorder 
avec les pesanteurs spécifiques; comment, disons-nous, peut-on 
admettre dans un tel produit une proportion d’oxigène aussi forte, 
surtout si on remarque que des corps qui en sont aussi avides 
que le potassium, ne peuvent y démontrer la présence de la 
moindre portion de ce gaz; et d’ailleurs, s’il en étoit ainsi, 
il faudroit en conclure que cet oxigène est contenu ou dans le 
chlore ou dans le gaz oléfiant, puisque ce sont les seuls corps 
qui concourent à la formation de l'huile des chimistes hoflandais, 
Nous craindrions de hasarder une opinion à cet égard, et nous 
nous proposons de poursuivre nos expériences sur ce point in- 
téressant. 

Malgré tous les soins que nous avons apportés dans ces ex- 


Tome ZXXXIII. JUILLET an 1816. T 


66 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


périences eudiométriques, cependant nous n’osons y ajouter un 
grand degré de confiance, en raison de la difficulté qu’on éprouve 
à déterminer bien exactement la densité d’une petite quantité 
de gaz. Remarquons néanmoins que ces résultats se rapprochent 
de ceux obtenus par M. Thenard, qui, en traitant directement 
l'éther hydro-chlorique dans l’eudiomètre, a été amené à conclure 
que cet éther contient un poids d'oxigène double de celui de 
l'hydrogène surabondant à l'acide hydro-chlorique. 

Quoi qu’il en soit, il n’en est pas moins constant que l'huile 
du gaz oléfiant est un véritable éther hydro-chlorique, ue diflé- 
rant de celui que M. Thenard a fait connoître que par le rapport 
et non par la nature de ses élémens, par une pesanteur plus 
grande et par une moindre volatilité. Ainsi l'acide hydro-chlo- 
rique, ou ses élémens, est susceptible d'entrer comme Principe 
constituant dans deux éthers difiérens, et par conséquent il est 
encore analogue en ce point à l'acide hydriodique. 


Nous terminons ce premier Mémoire par appeler l'attention 
des médecins sur ce nouvel éther : sa moindre volatilité en rend 
emploi beaucoup plus facile, et nous ne doutons point qu’il ne 
jouisse de propriétés qui lui soient particulières, et qui le feront 

. peut-être ranger au nombre des médicamens utiles. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 67 


OBSERVATIONS 


POUR SERVIR A UNE CLASSIFICATION 
DES ANIMAUX ; 


Par M. DE BARBANÇOIS, DU DÉPARTEMENT DE L'INDRE. 


LA division des animaux proposée par M. Delamarck, en 
deux grandes sections, savoir , les vertébrés et les invertébrés, 
présente des motifs si bien établis, que je ne crois pas qu’on puisse 
en adopter une plus parfaite; mais le même assentiment peut-il 
être donné à leur sous-division en quatorze classes proposée par 
le même auteur? 

Ces quatorze classes sont : 1° les mammifères, 20 les oiseaux, 
30 les repüles, 4° les poissons, 5° les mollusques, 6° les cirrhi- 
pèdes, 7° les annelides, 80 les crustacés, 9° les arachnides (ou 
insectes sans ailes); 10° les insectes (ou insectes ailés); r1° les 
vers, 120 les radiaires, 13° les polypes, 14° les infusoires (voyez 
pag. 128, tome I de sa Philosophie Zoologique, imprimée 
en 1809). 


Je ne le pense pas, et cependant je crois que cette sous: 
division, qui d’ailleurs mérite les plus grands éloges à son au- 
teur, demande pour être adoptée quelques foibles changemens, 
C’est donc sous ce rapport et dans le desir que J'ai de contribuer 
de mes foibles moyens aux progrès de la science, que j'ai cru 
pouvoir me permettre de présenter quelques observations, que 
Je soumets aux personnes plus éclairées que moi dans cette partie. 

Première Observation.Je pensequ’il faudroit placer les hommes 
dans une classe séparée de celle des mammiféres, car il se trouve 
entre eux et les mammiferes des diflérences extrêmes. 

D'abord, sous les rapports anatomiques, ils diffèrent des singes, 
en ce qu'ils ont le trou occipital presque perpendiculaire à la ligne 
de la base du crâne, et qu'ils ont le cerveau bien plus volumi- 


12 


68 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


neux, puisqu'ilremplit leur crâne dont l'amplitude est démontrée 
par un angle facial qui porte depuis 75 degrés d'ouverture jus- 
qu'à go degrés ou angle droit, n'étant jamais au-dessous de 75 
degrés dans les races les moins parfaites; tandis que le crâne de 
l'orang ne présente pas un angle de plus de 65 degrés. Ils dif. 
fèrent encore des singes, en ce qu'ils mont pas de sac thiroïdien, 
et qu'ils possèdent exclusivement à tous les animaux, l'organe de 
la parole. Ils ont également pour différence marquante, que dans 
aucun animal et même dans l’orang, les filets nerveux ne sont 
aussi fins proportionnément à la grosseur des masses nerveuses. 


Si on les considère ensuite sous les rapports apparens, ils dif- 
férent des singes, en ce qu'ils peuvent marcher constamment sur 
les talons et se tenir sur deux pieds; qu'ils ontiles doigts des 
pieds moins longs et placés auirement, ne pouvant comme les 
singes employer les pieds aux mémes fonctions que les mains ;. 
qu'ils ont l'angle facial bien plus ouvert, la mâchoire bien moins 
proéminente, la peau douce, presque dénuée de poil, excepté sur 
la tête et aux parties de la génération, n’y ayant d’exceplion 
à cet égard que pour les mâles, dont le bas de la face seule- 
ment et quelquefois la poitrine sont chargés de poils. 


Quant aux rapports intellectuels, la différence est immense ou 
plutôt incommeusurable : car, seuls parmi les animaux , ils sont 
susceptibles de connoître les rapports moraux et d’avoir une idée 
nelle de l'existence, done de la vie et de la mort, du passé, du 
futur; enfin d'avoir des idées métaphysiques, différence dont les 
résultats sont-tels, qu'il faudroit pour les placer au rang qu'ils 
méritent d'occuper parmi les êtres, admettre un quatrième règne 
dans la nature, sous le nom de règne moral, 

Deuxième Observation. Je pense qu'il seroit nécessaire de 
séparer les reptiles en deux classes, l'une qui renfermeroit les 
reptiles écailleux, et l’autre les reptiles visqueux : car ces replies 
different plus entre eux, que les insectes sans ailes ne diflèrent 
des insectes ailés, dont cependant on a reconnu la nécessité de 
faire deux classes; et d’ailleurs la réunion de ces divers reptiles 
dans une même classe, me paroit contraire à l’exactitude des 
méthodes actuelles. 

Les diflérences extrêmes qui existent entre les reptiles visqueux 
appelés batraciens et les reptiles écailleux appelés cheloniens, 
sauriens, ophydiens, consistent en ce que les premiers éprouvent 
dans leur vie une métamorphose que les autres n’éprouvent pas; 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. G) 


que les premiers ont au commencement de leur existence, les 
formes et l’organisation d’un poisson, à tel point, qu’ils possèdent 
alors des branchies et n'ont point de poumons, ce qui n'a pas 
lieu dans les autres; d’où il résulte que sous ce seul rapport de 
l'organe de la respiration, 1l y a plus Ge différence entre les 
deux classes de reptiles que nous proposons , qu’il n’y en a entre 
les deux classes d'insectes admises. Les reptiles visqueux pré- 
sentent tous une peau très différente de celle des écailleux, et 
ils ont la facullé de vivre des mois entiers dans l’eau, faculté 
refusée aux autres reptiles; mais c'est surtout sous Je rapport 
du mode de génération que la différence entre ces deux classes 
est très grande, car les reptiles visqueux, sous les rapports de la 
petitesse et de la quantité des œufs et du mode de fécondation, 
sont bien plus rapprochés des poissons que des autres reptiles. 

D'après ces diflérences, qui tendent à prouver que les reptiles 
visqueux tiennent plus aux poissons qu'aux autres replüles, il 
me semble qu'il est indispensable d’en faire une classe séparée, 
qu'on pourroit regarder comme l'intermédiaire entre les poissons 
et les reptiles écailleux , et à laquelle il seroit peut-être plus con- 
venable de donner le nom de rep'iles poissons que célui de 
reptiles écailleux ; d’ailleurs cette classe sera mieux désignée 
eu lui donnant l’un de ces deux noms qui font opposition à 
celui de reptiles écailleux, que si on lui conservoit, comme quel- 
ques personnes pourroient le vouloir, le nom de batraciens ,. 
lequel doit être évilé, non-seulement parce qu’il rappelle un ordre 
de la classe des reptiles, idée tout-à-fait contraire à celle de 
classe séparée; mais encore parce que n'ayant été donné aux 
reptiles visqueux que pour faire opposition aux dénominations 
afiectées à chacun des trois ordres qui composent les autres rep- 
tiles, cette opposition d'ordre ne subsiste plus dans la nouvelle 
division que Je propose. 

Troisième Observation. Je pense, comme M. Cuvier, qu'il 
faudroit séparer les sèches de la classe des mollusques et en faire 
uve classe séparée, sous le nom de céphalopodes qu'il leur a: 
donné. En effet sous les rapports des systèues nerveux, du nombre 
des cœurs , et de la tête où se trouve dans les sèches un crâne, 
un bec et des ÿeux lrès-marquans, il y a une telle différence 
entre les sèches et les autres mollusques, qu’il est impossible: 
de ne pas reconnoîlre la nécessité d’en faire deux classes séparées, 

Quatrième Observation, Je pense qu'il faudroit retrancher 
la classe des cirrhipèdes et la réunir à la classe des annelides.. 


#70 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


comme a fait M. Latreille, parce que leur nombre et les diffé- 
rences qui les distinguent des annelides, ne sont pas assez im- 
portanus pour nécessiter d’en faire une classe séparée, el que c’est 
afloiblir la division par classes que d’en multiplier le nombre sans 
de très-fortes raisons. 

Cinquième Observation. Je pense qu’il seroit convenable de 
donner à la classe des insectes ailés, le nom d'ésectes à méta- 
morphose, parce qu'il y a beaucoup d'insectes de cette classe 
dont les ailes sont avortées, tandis qu’il n’y en a aucun qui ne 
subisse une métamorphose. Egalement je pense qu'il faudroit 
adopter pour la classe des vers, la désignation de vers intérieurs 
pour ne laisser aucun doute sur le mode d’existence affecté aux 
animaux de celte classe, et sur les différences marquantes qui 
les séparent des animaux des autres classes, auxquels jusqu'à ce 
jour on avoit donné le même nom. 


Ainsi ces quatre dénominations de reptilés écailleux, de Tep= 
tiles visqueux, d'insectes à métamorphose, des vers intérieurs F 
pourront rester affectées aux classes qu'elles concernent , Jusqu'à 
ce qu'il plaise à un naturaliste en réputation de les changer 
contre des noms tirés du grec. 

Si ces changemens étoient admis , on auroit alors seize classes, 
dont six pour les animaux vertébrés, savoir, les hommes, les 
mammiferes , les oiseaux , les reptiles écailleux, les reptiles vis- 
queux etles poissons ; et dix pour les animaux invertébrés, savoir, 
les céphalopodes, les mollusques, les annelides, les crustacés, 
les arachnides, les insectes à métamorphose, les vers intérieurs 
les radiaires, les polypes et les infusoires. 

Cette première distribution reconnue, je proposerois de par- 
tager chacune de ces classes en deux sous-classes, mode de di- 
vision qui me paroît très-intéressant à admettre, non-seulement 
parce que je le crois fondé en raison pour chaque classe sans 
exception, mais encore parce que présentant toujours des op- 
positions à l'esprit des étudians, il favorise de cette manière 
l'accès de la science. 


Je pense qu’on peut diviser, comme M. Virey, la classe des 
hommes en deux sections ou sous-classes, savoir, celle des 7z- 
telligens et celle des bornés, dont les différences apparentes sont 
constituées d’abord par la mesure de l’angle facial qui, dans les 
bornés, ne passe Jamais 80 à 82 degrés au plus, tandis que dans 
les intelligens il est toujours plus ouvert : ce qui annonce dans 


3 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. "I 


les premiers un cerveau d’une capacité moindre que celui pos- 
sédé par les seconds; et ensuile par la peau noire ou noirätre, 
lorsqu'elle est réunie à un poil court et laineux, ce qui a toujours 
lieu dans les sous-classes des bornés. 

On peut d’ailleurs observer que cette sous-classe qui comprend 
notamment les Hottentots et les Nègres, a bien plus de confor. 
milé apparente avec les singes, que la sous-classe des intelligens 
sous les rapports de la proéminence de la mâchoire, de la grandeur 
de la bouche, de la longueur des bras et des doigts, de l’ab- 
sence des mollets, et du trou occipital placé moins perpendi- 
culairement à la ligne de la base du crâne. 

La classe des mammifères me paroïît présenter une division 
plus naturelle et plus tranchante en Zerrestres et en marins, 
que celle en trois sections adoptée jusqu’à ce jour, savoir, les 
onguiculés, les ongulés ou sabotés, et les mammifères à nageoires, 
qui ne sont autres que les mammifères marins; car on ne peut 
admettre entre les onguiculés et les ongulés, autant de différences 
à beaucoup près, que celles qui existent entre ces deux premières 
sections et la troisième. 

La classe des oiseaux a été partagée par M. Lacépède en deux 
sous-classes, savoir, les oiseaux à jambes garnies de plumes, 
et les oiseaux à jambes dénuées de plumes, et cette division, 
sans élre cependant très-marquante, me paroît néanmoins |à 
meilleure qu'on puisse adopter, 

La classe des reptiles écailleux présente une division natu- 
relle et fortement prononcée en deux sous-classes, savoir, les 
reptiles avec pattes où se trouvent les chéloniens et les sauriens; 
et les reptiles sans pattes où se trouvent les ophydiens ou 
serpens. 

La classedesrepiiles visqueuxse partagenaturellement en deux 
sous-classes, les visqueux sans queue et les visqueux avec queue, 
lesquelles joignent à cette différence marquante à. l'extérieur , 
celle d’avoir des organes différens de respiration ; car les animaux 
de la première sous-classe ne conservent point de branchies dans 
leur état parfait , tandis que ceux de la seconde en conservent, tels 
sont les sa/amandres, les sirènes, les profées qui composent 
cette sous-classe, 

La classe des poissons a été partagée par M. Lacépède en 
deux sous-classes, les osseux et les cartilagineux, et cette di- 
vision me paroît la meilleure qu’on puisse adopter. 

La classe des sèches ou des céphalopodes se divise naturel 


#72 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


lement en deux sous-classes, les sèches portant un sac et les 
sèches portant une coquille, laquelle comprend les argonautes 
et les carinaires. 

La classe des mollusques a été partagée par M. Bosc en deux 
sous-classes, les céphalés et les acéphalés, et cette division ne 
laisse rien à desirer. 

La classe des annelides se divise naturellement en deux sous- 
classes, les zus et les couverts, laquelle comprend les animaux 
de cette classe qui ont un fourreau où une coquille, ou qui 
se placent dans des corps étrangers (tels sont entre autres les 
cirrhipèdes). 

La classe des crustacés a été partagée par M. Latreille en 
deux sous-classes, les entomostracés et les malacostracés, et 
cette division très-délicate me paroît bien établie. 


La classe des arachnides a été partagée par M. Delamarck 
en deux sous-classes, les aztennistes et les palpistes, et je crois 
celte division la meilleure qu’on puisse adopter. 


La classe des irsectes ailés ou à métamorphose a été égale= 
ment partagée par M. Delamarck en deux sous-classes, les 
broyeurs et les suceurs, et cette division est très-avantageuse 
à l'étude de cette partie si compliquée de l'Histoire naturelle. 

La classe des vers intérieurs se partage naturellement en deux 
sous-classes, selon les organes où ils se placent, ainsi nous la 
diviserons en 2ers dLES{LILS OU ETS VÉSCETAux. 


La classe des radiaires se composant, d’après M. Delamarck, 
deséchinodermes et des radiaires mollasses, se trouve par cette 
raison partagée naturellement en deux sous-classes, savoir, les 
échinodermes et les r2alacodermes. 


La classe des polypes se partage naturellement en deux sous- 
classes, les polypes libres ou polypes sans polypier, et les aglo- 
mérés ou polypes à polypier. 

Enfin la dernière classe, celle des érfusoires sera divisée, 
d’après M. Delamarck, en deux sous-classes, les appendiculés 
et les Zissés ou sans appendices. 

On peut encore partager les animaux en quatre divisions. 

D'abord la section des vertébrés en deux, savoir, les vertébrés 
à sang chaud et les vertébrés à sang froid ;-les premiers com- 
prennent les hommes, les mammifères et les oiseaux; les seconds 
comprennent aussi trois classes, les reptiles écailleux, les reptiles 

visqueux 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 73 


visqueux et les poissons; ensuite la section des invertébrés, éga- 
lement en deux, savoir, les évertébrés à système nerveux vi- 
sibleetles invertébrés à système nerveux invisible. Les premiers 
comprennent six classes : les céphalopodes, les mollusques, les 
annelides, les crustacés, les arachnides et les insectes à méta- 
morphose. Les seconds comprennent les quatre dernières classes, 
et par conséquent les vers intérieurs, les radiaires, les polypes 
et les infusoires. 

Outre ces divisions, on peut encore reconnoître que les ani- 
maux nous présentent diflérens degrés d'organisation très-pro- 
noncés, et lesquels sont affectés successivement à des corps 
organisés d’une manière plus parfaite et plus compliquée depuis 
l'infusoire jusqu'à l’homme. 

M. Delamarck dans sa Philosophie Zoologique, ci-dessus citée, 
reconnoît six de ces degrés (voyez pag. 277, tome Ier); dans 
le 1er degré il place les infusoires et les polypes; dans le 2me, 
les radiaires et les vers; dans le 3me, les insectes et les arach- 
nides; dans le 4e, les crustacés, les annelides, les cirrhipèdes 
et les mollusques; dans le 5me, les poissons et les reptiles; dans 
le 6me, les oiseaux et les mammifères. 

Je pense que cette division n’est pas suffisante, d’abord parce 
que les mêmes raisons qui obligent de séparer les hommes de 
la classe des mammifères, tendent également à faire reconnoître 
qu'ils possèdent un degré d'organisation bien supérieur à celui 
des autres mammifères; ensuite il est impossible de comprendre 
dans le même degré d’organisation les mollusques avec les crus- 
tacés et les annelides, qui présentent des systèmes nerveux si 
différens; enfin il y a trop de différence entre l’organisation des 
polypes qui possèdent un tube digestif , organe essentiel des 
animaux, et celle des infusoires qui sont privés de cet organe, 
pour les comprendre dans le même degré. Ainsi ce seroil donc 
trois degrés de plus à ajouter aux six adoptés par M. Delamarck, 
d’où il résulteroit que les animaux présentent neuf degrés d’or- 
ganisation qui sont constitués chacun de la manière suivante. 

Le rer degré d'organisation animale est constitué par le défaut 
d'apparence de parties nerveuses et d'organes quelconques, et 
surtout par la nullité du tube digestif; les animaux de ce degré 
qui ne comprend que les érfusoires, jouissent seulement de lir- 
ritabilité, propriété qui constitue l’animalité, et de la faculté de 
locomotion et de celle de se régénérer d'eux mêmes par fissure, 
ce qui les fait considérer comme fissipares : on peut les supposer 


Tome LXXXIII, JUILLET an 1816. K 


74 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

formés par une malière gélatineuse qui renfermeroit des points 
nerveux invisibles; et comme les animaux de ce degré n’ont 
point de tube digestif, ils sont les seuls qui paroissent vivre à: 
la manière des plantes, par l’absorption des fluides et des li- 
quides au milieu desquels ils se trouvent. | 


Le 2me degré d'organisation est constitué par le défaut ap- 
parent des organes de circulation, de respiration et de génération 
et d’aucune partie nerveuse, comme dans le degré précédent , 
mais aussi par la présence d’un tube digestif; les animaux de 
ce degré, qui ne comprend que les polypes, jouissent d’une ex- 
cessive irrilabilité, comme ceux du degré précédent , et de la faculté 
de se régénérer par bourgeons, ce qui les fait considérer comme 
gemimipares. On peut les supposer formés par une matière géla- 
tineuse mieux organisée que celle qui est aflectée à l'existence 
des animaux du degré précédent, 


Le 3me degré d'organisation est constitué par les animaux 
chez lesquels on remarque, outre le tube digestif, des organes 
trés-évidens, sans pouvoir leur affecter avec assurance aucun em- 
ploi particulier, soit pour la circulation, la respiration ou la gé- 
nération; on ne leur voit également aucune apparence de sys- 
tème nerveux, et cependant il faut leur supposer un système de ce 
genre qui auroit un point central d’action et de réaction, puis- 
qu’ils présentent une organisation déjà très-compliquée, et que 
d’ailleurs la plupart ne peuvent se reproduire par fissures où par 
bourgeons comme ceux des degrés précédens; leur propagation 
se fait au moyen de corpuscules oviformes ou gemmules internes 
qu'ils répandent autour d’eux , ainsi on peut les considérer comme 
subovipares. Une partie d’entre eux possède un tube digestif 
complet, c’est-à-dire avec bouche et anus. Les animaux de ce 
degré, qui comprend les radiaires et les vers intérieurs, pré- 
sentent donc une organisation bien plus compliquée que celle 
des animaux compris dans les degrés précédens, et cependant 
ils n’admetient pas les dispositions symétriques qui servent de 
base à l’organisation des animaux des degrés suivans. 


Le 4me degré est constitué par un mode de circulation et de- 
respiration résultant de l’existence d’un vaisseau dorsal et des 
trachées ; par la présence d’une tête très-distincte, des pattes. 
articulées et des sexes séparés ; enfin par l’existence d’un système 
nerveux très-visible, consistant dans une moëlle nerveuse, longue, 
noueuse, ou cordon nerveux unique avec des renflemens appelés. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 75 


£anglions , auxquels les nerfs aboutissent et dont l’antérieur bilobé 
a les apparences et fait les fonctions de cerveau. 

Les animaux de ce degré, qui comprend les arachnides et 
les Zrsectes à métamorphose, c’est-à-dire tous les izsectes ailes 
ou non aëlés, sont donc bien mieux organisés que ceux des 
trois degrés précédens ; leur mode de génération est aussi très- 
différent, car les sexes s’accouplent et ils se reproduisent par des 
œufs fécondés : donc ils forment le premier degré de ce nombre 
immense d'animaux qui sont ovipares. 


Le 5me degré est constitué par l'existence d’un cœur avec des 
artères et des veines, et point de vaisseau dorsal, et par celle 
des branchies au lieu de trachées, lesquels organes de circu- 
lation et de respiration, très-différens de ceux affectés pour le 
même objet aux animaux du degré précédent , sont accompagnés 
d’un système nerveux et d’un mode de reproduction à peu près 
semblables à ceux des animaux du degré précédent ; de sorte que 
les différences marquantes entre ces degrés, sont l’effet de celles 
reconnues dans les systèmes de circulation et derespiration, qui 
sont bien plus perfectionnés dans ce 5me degré que dans le pré- 
cédent. Les animaux de ce degré, qui comprend les crustacés 
et les annelides, sont donc aussi ovipares. 


Le 6me degré est constitué par l'existence reconnue d’un sys- 
tème nerveux très-diflérent de celui affecté aux deux degrés pré- 
cédens : ainsi au lieu d’un seul cordon nerveux avec des renflemens 
auxquels les nerfs aboutissent, les animaux de ce degré, qui 
comprend les mollusques et les céphalopodes, possèdent deux 
ou trois cordons nerveux qui n’ont de renflemens ou ganglions 
qu’à leurs extrémités, et même dans plusieurs d’entre eux (les 
céphalopodes) le ganglion antérieur paroît enveloppé d’un crâne 
cartilagineux. Une très-grande partie des animaux de ce degré 
présente un système osseux qui, sous le nom de coquille , est 
tout extérieur, et sous ce rapport, très-diflérent de celui affecté 
aux animaux des degrés suivans; une partie même des animaux 
de ce degré (particulièrement les céphalopodes) ont un os in- 
térieur, Ce degré a aussi pour marque caractéristique et très- 
singulière, que presque tous les animaux qui le composent ont 
les sexes réunis , et se trouvent les seuls parmi ceux qui possèdent 
un système nerveux visible qui soient ainsi organisés; d’ailleurs 
ils ont à peu près les mêmes systèmes de circulation, de respi- 
ration et de reproduction par œufs , que les animaux des degrés 
précédens, et ils sont tous ovipares. 


K 2 


76 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Le me degré est constitué par l'existence reconnue d’une or- 
ganisation extrêmement différente de celle des animaux des degrés 
précédens, laquelle ne présente qu’un système nerveux; tandis 
que celle des animaux de ce degré en présente deux très-diflérens- 
et séparés même par leurs usages, dont l’un, sous le nom de 
grand sympathique, et qui seroit mieux désigné par le nom 
de ganglionique, reste affecté au mouvement des organes 1n- 
térieurs de l'animal; et l'autre, qu’on peut appeler sezsitif où 
cérébral, se trouve le résultat d’une masse nerveuse dite cerveau, 
renfermée dans une boîte osseuse appelée créne, avec un pro- 
Jongement nerveux également renfermé dans une enveloppe os- 
seuse appelée vertèbres, et lequel sert au mouvement des organes 
extérieurs ; les animaux de ce degré possèdent encore un syÿs- 
tème osseux intérieur, ou squelette auquel viennent se rattacher 
leurs muscles, et enfin ils ont tous le sang rouge. 

Dans ce degré, qui comprend les poissons et les reptiles soië 
visqueux, soit écailleuxæ. dans les classes inférieures des ver- 
tébrés, le système de respiration commence à se perFctionner: 
on y voit le passage des branchies aux poumons vésieuleux ;,. 
mais dans ce degré le système de circulation est encore imparfait, 
le cœur n’a qu’une ventricule et une partie du sang retourue du 
cœur dans la circulation sans avoir passé par les poumons, ce 
qui l'empêchant d'acquérir le degré de chaleur dont il est revêtu 
dans les animaux des degrés suivans, l’assujettit aux influences 
de la température de l'atmosphère, ce qui fait renfermer les 
animaux de ce degré dans la division des vertébrés à sang froid. 
Dans ces animaux, l’orgamsation nerveuse, quoique très -supé- 
rieure à celle des degrés précédens, est cependant encore bien 
inférieure à celle des animaux du degré suivant; car l'es hémi- 
sphères de leur cerveau, sont tuberculeux, peu plissés et ne 
remplissent pas la capacité du crâne, et cependant on voit déjà 
dans ce degré l'action réciproque des deux systèmes nerveux, 
c’est-à-dire que laction du ganglionique peut être atténuée par 
celle du système sensitif, ce qui rend ces animaux susceptibles: 
de connoître la crainte, effet très-important de ce degré d’orga- 
misation, et qu’on ne remarque pas dans les animaux des degrés 
précédens qui n’ont qu'un système nerveux, et qui tous par cette’ 
>aison sont soumis à l'empire absolu de l'instinct. D’ailleursquoique 
ces animaux aient les deux sexes séparés et une organisation 
bien plus parfaite que ceux des degrés précédens , ils sont cepen- 
dant encore presque tous ovipares. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 77 


{ 

Le 8me depré est constitué par l’existence d’un système ner- 
veux sensilif, et d’un système de cireulation plus parfait que 
dans le degré précédent; dans les animaux de ce degré, qui 
comprend les oiseaux et les r2ammifères , les hémisphères da 
cerveau remplissent la capacité du crâne, elles sont plissées et 
non tuberculeuses , d’où il résulte que ce système sensitif rend 
les animaux de ce degré bien plus intelligens que ceux du degré 
précédent , et tellement, que dans plusieurs d’entre eux, et par- 
ticuliérement dans le singe, le chien et l’éléphant , le système sen- 
sitif peut dominer accidentellement l’action du ganglionique à un 
point extraordinaire, et c’est ce qui a lieu toutes les fois que ces 
animaux éprouvant un chagrintrès-vif,ils ne veulent plus manger; 
efet qui ne se remarque jamais dans aucun des animaux du 
degré précédent. Le système de circulation dans les animaux de 
ce degré, présente aussi un résultat très-diflérent : car leur cœur 
a deux ventricules et deux oreillettes, et leur saug passe entijè- 
rement par les poumons avaut de retourner dans la circulation, 
ce qui lui donne une chaleur indépendante de celle de l’atmo- 
sphère, et l’élève constamment de 30 à 35 degrés. Le mode de 
génération est aussi plus parfait dans les animaux de ce degré, 
car non seulement une grande partie d’entre eux est vivipare, 
et les femelles allaitent leurs petits, mais encore presque tous 
les ovipares de ce degré couvent leurs œufs, et parmi eux il y 
en a beaucoup où le mâle et la femelle ont soin des petits, ce 
qui ne se voit point dans les animaux du degré précédent. 

Le gme degré qui est aflecté aux hommes exclusivement, est 
constitué par l'existence d’un organe particulier, celui de la pa- 
role, et par celle d'un système nerveux sensilif si supérieur à 
ce même système dans les degrés précédens, qu’elle rend les 
hommes susceptibles de s'élever à un degré d'intelligence auquel 
les autres animaux ne peuvent atteindre. Dans ce degré le sys- 
tème sensitif ou cérébral peut tellement et si constamment 
dominer le système des grands sympathiques ou le ganglionique, 
que cet effet pourroit être regardé comimne un des moyens em- 
ploy és par l’auteur de la nature, pour donner aux hommes cette 
acuité qu'on appelle raison, et pour leur faire connoître cet 
ordre de besoins dont ils sont seuls susceptibles, et qu’on ap- 
pelle besoins moraux : de même que c’est par la force de ce 
Système qu'ils peuvent, exclusivement à tous les animaux, s'élever 
à des idées métaphysiques. D'ailleurs sous les autres rapports 
les animaux de ce degré sont organisés comme les mammifères , 


7ù JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


articulièrement comme les singes, et se reproduisent de Ia 
même manière. 5 


D'après l'exposé de ces différentes divisions, je proposerois 
le Tableau suivant: 


Tableau de la Classe proposée. 


Sections. Divisions. Degrés. Classes. Sous-Classes. 
ea intelligens. 
ge. Toni een 
S :ps t . 
à sang chaud. Mammifères . ..... Se { SES 
gme marins. 
Oise jamb. garn. de pl. 


vertébrés 


avec pattes. 
sans pattes. 


Lies dénu. de pl. 
us, écailleux. .. À 


« û . . avec queue. 
àsangfroid..{ 7°. 4 Reptiles visqueux.. - ue eue 
POISSONS ee 
35 MORE . cartilagineux. 


avec coquille. 


M En eh ee ae sac. 
gr, 


Les animaux divisés en 


céphalés. 
Mollusques. .... SE 
. acéphalés. 
: nus. 
4 : Annelides, ..,...... { 
à systeme pme couverts. 
nery. visible. CRE EE 
SNA RE EP ce * |malacostracés. 
s antennistes. 
rachnides......... { ë 
me. il 16es pps 
Le royeurs. 
. +ébr Insectes à métamor p.{ 3 
invertébr. nse PA.) cuceurs. 
Vers intérieurs. «... rare 
me viscéraux. 
É Dares ae 
+++e..e.r"*"]malacodermes. 


à système libres 
nery, inyisib.) 27°. {Polypes............ per 
Et 


1er, {Infusoires......ssee.] lisses 
7 $ 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 79 


NOUVELLE LITTÉRAIRE. 


Mémoires pour servir à l'Histoire naturelle des Pyrénées 
et des pays adjacens; par M. Pulassou, Correspondant de 
l'ancienne Académie Royale des Sciences de Paris, et de l’Ins- 
titut national. 


Omnia incerta ratione, et in naturæ majestate absconditæ,. 
PLINE. 


Un vol. in-8°. A Pau, de l’Imprimerie de Vignancourt. 

À Paris, chez Barrois l'aîné, rue de Savoie, no 13. 1815. 

Extrait. M. Pulassou avoit publié, il y a bien des années, 
un ouvrage intitulé : Essai sur la Minéralogie des Monts 
Pyrénées. Cet ouvrage fut bien accueilli par le monde savant, 
L'auteur continua ses observations et donna un nouveau Memoire 
sur les Attérissemens formés des débris des Pyrénées, quil 
présenta en l'an vir à l’Institut national, qui le jugea digne 
d’être imprimé parmi ceux des Savans étrangers. 

Le nouveau volume que nous annoncons, contient tous les dif- 
férens travaux de l’auteur. Nous le ferons connoître plus en détail. 


89 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, etc. 


RIT DESERT STE EI AI EE 


TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Phénomènes de répulsion et d'attraction sans électricité; 


par J. P. Dessaignes. Pag ss 
Tableau météorologique ; par M. Bouvard. 12 
Observations sur le gaz hydrogène carboné appliqué à 
l'éclairage; par W. Th. Brande. 14 
Lecons de géologie données au Collége de France ; par 
J.-C, Delamétherie. Extraït. 24 
Recherches sur la nature de la matière huileuse des 
chimistes hollandais ; par MM. Robiquet et Colin. 53 
Observations pour servir à une classification des ani- 
maux; par M. de Barbançoïs. 67 
Nouvelle littéraire. 79 


De l’Imprimerie de M Veuve COURCIER, Imprimeur-Libraire, pour 
les Mathématiques et la Marine, quai des Augustins, n° 57. 


JOURNAL 


D'É DIS EO UE, 


DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


AOUT AN 1816. 


MÉMOIRE 


Sur les Propriétés optiques du Muriate de Soude, du 
Fluate de Chaux et du Diamant; 


Pan DAVID BREWSTER. 


Extrait des Transactions Philosophiques de la Société royale 
d’Edimbourg. 


LU LE 20 NOVEMBRE 161h. 


Edimbourg , de l’Imprimerie de Nell et Compagnie. 1816. 


L’ABBÉ Haüy a remarqué il y a long-temps, que la propriété 
d’une double réfraction n’est possédée par aucun des cristaux 
dont la forme de la molécule intégrante se distingue par sa sy- 
métrie, tels que le cube et l’octaèdre régulier. Cette classe 

de minéraux comprend le fuate de chaux, le muriate de soude, 
le rubis spinelle, le muriate d’ammoniac, l'alun et le diamant. 


Tome LXXXIII, AOÛT an 1816. L 


Le. 


ë8z JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Quoique M. Haüy n'ait examiné qu’un très-petit nombre de 
cristaux doués d’une double réfraction, cependant , à l’exception 
du diamant à qui, dans beaucoup de circonstances, j'ai trouvé 
cette propriété, son observation a élé confirmée par les expé- 
riences de Malus, de Biot et les miennes, Aussi considérons- 
nous {ous les cristaux de cette classe comme n’exercçant pas plus 
d'action sur la lumière polarisée qu'une masse d’eau. 


Aucune explication de cette anomalie singulière ne s’étoit of- 
ferte jusqu’au moment où M. Biot découvrit que tous les cris- 
tiux doués d’une double réfraction, se divisent en deux classes, 
dont lune est représentée par le spar calcaire et l’autre par le 
cristal de roche; M. de Laplace (1) a déjà fait voir dans sa 
belle Théorie de la Réfraction double, que tous les phénomènes 
du spar calcaire peuvent s'expliquer en supposant la déviation 
du rayon extraordinaire produite par une force répulsive, dirigée 
de l’axe et proportionnée au carré du sinus de l'angle, que le 
rayon extraordinairement réfracté forme avec l’axe du cristal. 
M. Biot aperçut de la même manière que les phénomènes de la 
double réfraction dans le cristal de roche, s’expliquoient par 
une forceattractive dirigée vers l'axe du cristal, etsuivant la même 
loi; ce qui le conduisit à supposer que le zuriate de soude et 
le fluate de chaux, etc., formoient une classe intermédiaire de 
cri-laux dans lesquels il n’existoit ni force attractive, ni force 
répulsive, et conséquemiment ni division, ni polarisation du pin- 
ceau transmis. 

Les choses en cet état, les philosophes seront sans doute surpris 
d'apprendre que le zuriate de soude, le fluate de chaux, le 
diamant, Valun, et probablement tous les autres cristaux de la 
même classe, ont aujourd'hui la propriété de la double réfrac- 
lon, mais accompagnée de circonstances d’une espèce particu- 
lière qui les fait regarder comme une nouvelle classe de cristaux 
à 1éfraction double. 


Ce fut sur deux échantillons de spar fluor que je reconnus 
pour la première fois cette propriété. Deux de ces cristaux sem- 
Hèné renfermer un certain nombre de cubes de teintes ditié- 
rentes, ayant leurs faces parallèles au cube externe. 

Lorsque la lumière polarisée fut transmise par quelques-unes 


(1) Sur la Loi de la Réfraction extraordinaire dans les cristaux diaphanes. 
Mémoires de l'Institut. 1809. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 83 


de ces faces, elle se dépolarisa distinctement, les axés neutres 
étant coïncidens avec les côtés, et les axes dépolarisans avec 
les diagonales des faces carrées; et ce qu'il y avoit de plus re- 
marquable encore, c’est que dans ces échantillons il se trouvoit 
des portions de cristal dans lesquelles la lumière polarisée ne su- 
bissoit aucun changement. Dans ces expériences, la teinte pola- 
risée par le spar étoit un b/eu du premier ordre, ayant un rouge 
pâle pour compléter sa couleur. 


Pour examiner ces teintes avec plus d’exactitude, je combinai 
le cube de spar fluor avec une lame de sulfate de chaux qui 
polarisa un bleu brillant du second ordre, ayant un jaune orangé 
pour sa couleur opposée. Le bleu se changea en un rouge écar- 
late et quelquefois en un rouge pourpre, et le jaune orange 
complémentaire en un blanc jaunûtre. Lorsque le cube fut 
tourné go, le bleu fut changé en un vert jaune pâle, et le 
complémentaire jaune orange en un pourpre jaunâire. 

Ce changement de couleur éloit conforme aux lois qui réeu- 
larisent l’action de tous les cristaux sur la lumière; mais je fus 
étonné d’observer que lorsque le cube de spar fluor restoit sta- 
tionnaire, il y en avoit une portion qui rendoit rouge la couleur 
bleue, et le jaune orange d’un blanc jaunâtre ; tandis qu'une 
autre portion rendoit verte la couleur bieue, et pourpre le 
jaune orange. Dans un autre échantillon, j'ai trouvé la même 
opposition dans les eflets produits par deux portions différentes, 
séparées par une troisième portion qui n’avoit pas d'action sur 
la lumière; une partie produisant le même effet que l’autre après 
avoir tourné go°, et celle-ci le même effet que la première après 
avoir tourné 90°. Les phénomènes précédens se présentèrent dans 
tous les échantillons qui avoient une épaisseur très-considérable. 


Mes expériences sur le muriate de soude furent faites avec 
de grandes masses de différentes grandeurs, depuis un pouce 
et demi jusqu’à trois pouces de long. Toutes développèrent les 
mêmes propriétés que le spar fluor, en dépolarisant les axes 
coïncidens avec les diagonales des faces carrées et les axes neutres 
avec leurs côtés. Dans les morceaux les plus larges, la teinte 
polarisée étoitun beau b/eu avec un jaune pâle pour sa couleur 
complémentaire : et les portions polarisées à l’opposite, produites 
par différentes parties de la masse, étoient arrangées en rales 
parallèles à l’une des diagonales de la face cubique. Les mêmes 


phénomènes se montrèrent dans de grands morceaux d’alun 
iransparens. 


L 2 


84 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Dans mes premières expériences sur le diamant, les échan- 
tillons que j’employai avoient des surfaces tout-à fait inégales ÿ 
mais je les ai répétées dernièrement avec neuf diamans égaux. 
Presque tous ces échantillons dépolarisérent la lumière en taches 
séparées d'une forme diflérente; et les portions dépolarisantes 
avoient des structures opposées, comme les échantillons de mu- 
riate de soude et de spar fluor dont j'ai déjà donné la description. 
Un de ces diamans néanmoins exposé à la lumière polarisée, 
avoit une cristallisation plus parfaite et présentoit quatre franges. 
Leurs teintes étoient d’un blanc du premier ordre. Lorsque les 
franges inférieures d’un plateau de verre cristallisé furent main- 
tenues parallèlement à celles supérieures, la différence de leurs 
effets se manifesta; et lorsque les mêmes franges furent placées 
parallélément à une autre frange, on obtint la masse entière 
de leurs effets. D'où il suit que la structure qui produit les 
franges supérieures, est la même que celle d’une classe de cristaux 
doués d’une réfraction double, et la structure qui produit l’autre 
frange précitée, la même que celle de l’autre classe. 


Les expériences précédentes nous portent à conclure que le 
muriale de soude, le spar fluor et le diamant combinent dans 


le même échantillon trois structures diflérentes , et forment une 


nouvelle classe de cristaux doués d’une double réfraction. Dans 
quelques parties, ils agissent sur la lumière comme cette classe 
de cristaux dans lesquels la déviation du rayon extraordinaire 
est supposée produite par une force attractive. Dans d’autres 
parties , ils agissent sur la lumière comme l’autre classe de cris- 
taux dans lesquels le rayon extraordinaire dévie de l'axe en vertu 
d’une force répulsive; et dans les portions intermédiaires, ils pré- 
sentent cette structure moyenne dans laquelle la lumière n’est 
pressée n1 par l'attraction ni par la répulsion, et où il n'existe 
ni polarisation ni division du pinceau transmis, Si les lois qui 
règlent la cristallisation de ces minéraux eussent été attribuées à 
une opération continue , il est probable que les cristaux auroient 
eu pour leur forme primitive un cube parfait ou un octaèdre, 
sans Jamais donner aucun des phénomènes de la double réfraction. 

Cependant la plus petite irrégularité dans l'opération de ces 
lois auroit produit une déviation de la forme primitive par- 
faite, et conséquemment le cristal aurcit dévié de la classe in- 
termédiaire dans les classes attractives et répulsives, et ainsi 
acquis les trois différentes structures que nous leur connoissong 
aujourd’hui. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 85 


Si cette manière d'envisager le sujet est exacte, il s'ensuivra 
que les formes cubiques et octaèdres sont intermédiaires entre 
celles qui appartiennent aux classes attractives et répulsives des 
cristaux doués d’une double réfraction; qu’une déviation de ces 
formes sur un côté produira la structure de la classe attractive, 
etune déviation sur l’autre côté, la structure de la classe répulsive; 
que la force de la double réfraction augmente avec cette dévia- 
üon; et qu'il existe une structure primitive constante appartenant 
à chaque minéral, au moyen de laquelle il est facile de recon- 
noitre cette classe. 


L'état imparfait de la Cristallographie ne nous permet pas 
de déterminer quelle est cette structure; mais lorsque cette science 
aura fait de nouveaux progrès, nous pourrons probablement , 
d’après les formes cristallines des minéraux, prononcer aflirma. 
tivement sur le caractère et sur l'intensité de leur force dou- 
blement réfringente. 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


a CENTIGRADE. 
= À ER 
“À Maximum. | Minimum. |4 Mini. Maximum. | Minimum. ne 
|Aeures © | heures 0 heures. mill. | heures. mill. mill. 
1là7 M. +#16,75|à 105. Hi0,25|Æ15,00là 10 s...... ...754,28là 4m... .-.751,50|752,06 
2la9s. “+20,25/à 4m. + 8,00|+18,75)à 10X m....., 756,661à Ploit. LÉROPRE 755,50|756,88 
3là midi. +18,00|à 4 m. 11,25] 418,00! à 10 À s....... 758,16|à 4 m.........754,90|756,44 
4là midi. 419,00 à 4m. + 0,50|+19,00|àg9 m......... 756,96|à 10 +s....... 759,20|797,02 
5114+S. Æ#17,9|à 10 s. +10,50|+16,75\à 10 5......... 756,84|à 4m........ 753,44|754,06 
6là3s +2225à4m. + 8,25|+21,50là 7 m........757,96[à 10 s......... 755.92|757,56 
7là23s. +22,60fà 11 4 s.413,00 +19,75|à 4 m..…......754,560là 1125.......751,94|753,72 
Bas. +21,85/à 4m. +11,75|421,00 à9 ERA DOS TAlAITIS eee cer 750,90|752,80 
| où 35. +23,00/à 4m. +13,70|+22,00|à 10; m..,... 754,02|à9s..........751,58|753,00 
Élrolh3s. “H28,75à4m. <+ir,50|+20,75là midi........ 750,80[à 64 m....... 750,40|750,80 
11[à8s. +igoolà 45m,.+12,25|+17,25|à 10 s........753,36[à4 5 m....... 748,92|751,68 
Hrolà 105 m+19,00|à4+ m.—+11,50|+16,90|19 +s........,757,14là 44 m.......799,10|709,50 
‘ 13[à midi. #19,00|[à 42 m.-Æ10,75|H19,00o|à 9m,......... 760,46|à 4 ; m....... 759,00|760,25 
r4|à 135. 21,50 à42m.—+r10,00| 120,75 à 4 NA SOU 760,06|à 9 s..,.......754,00|758,20 
dirslà3s. 19,00|à 10 #s.+13,50|+17,10|à 4 5 m....... 7H200| 411 ERE 751,60|751,70 
16/ù 3s. +H17,75/à42s. +Æri2513,45|à 10 4 m......751,821à 35.......... 751,04[751,50 
171à3sS. “+18,75/à42m.—+io,25|+15,25/à3s. ...,....751,64là103 s....... 749,70|751,50 
18|à 107 m—+16,05|4 4 ? m.+ 9,50|+16,50 ATOS RENE LS 752,12|à4+m........ 790 24|791,72 
19|à midi. --24,00|à 4 ? m.+-12,50| + 24,00 A 95S..........753,42\à 4 4m........702,40|702;74 
Hloolàa1is. +253,0c|à 44 m.+415,00|+26,50 à TMC ee 70402) A0 SEE eee 750,26|753,06 
2rlà nudi. +23,25|à 4 £ m. 414,50 +23,25|à 9 s.......... 756,94|à 4 ; m....... 749,50|7 53,82 
A|22là midi. +21,00|à 44 m.+4-12,75| 421,00 à ONE EC 757,80|à 11 + S....... 755,20|797,;72 
HI231132s. +19,80|4 44 m. +13,25|4+18,50|à 4 5 m....... 753,20|à 6 15........ 750,72|751,94 
dloqa3s. “20,70|à 42 m.+ 0,85|+19,79/à 4% m........ 752,30] 419 See. . ce... 749,76|751,40 
ll25la3s. —19,00|à 4 Em.+12,25|+16,25/à9 s.......... 755 22| Alerte 750,10|753,16 
H|26/à midi. +16,25|4 42 m.—+12,50 18,25 AID See ce. t700 7A|AAeimer eee 755,94|758,60 
Hi2zla3s. +21,25[à4 Em. + 9,40 +20,50|à 9 m......... 760,90|à9 +5s........ 757,94|760,46 
B|281à midi, H19,75|à 41 m.12,10 +19,75)à Ame PDD, TOITS ER eceee 751,760|754,04 
Hizolà midi. +14,75|à 10$s.10,60 414,75 à 44 m........ 750,28] à 10 #5... ..0: 746,40|749,02 
ll3ola 3s H16,50[24kin.+10,00 +15,00/à 85....,..... 748,42|à 4 E m.......746,00|747,97 
H|31là9 m. +13,851à8 Lim. +1o,25|+13,50/à 4% m....... 745,56|à 3.4 52... 741,00|742,70 
1 Moycennes.+19,77! +11,34|+:8,66| 754,79] 750,55[752,02| 18,3 
22 2 D RL. LD SSD DE 
RECAPITULATION. 
Millim. 
Plus grande élévation du mercure. .... 760°90 le 17 
Moindreélévation du mercure......... 741,66 le 3x 
Plus grand degré de chaleur......... +-20°00 le 20 
Moindre degré de chaleur........... + 80o le 2 
ombre de jours beaux....... 5 
de couverts........... 35 
depluie... ....…. Dora où 26 
demvents-re-mecrectie 3I 
de gelée..... J6800 60e (°) 
de tonnerre.......:..0. 2 
de brouillard.......... 3 
ETOEDIbdesmocasoos Co) 


OO BE ose deb5oc o 


Nora. Nous continuerons toujours à exprimer la température au degré du thermomètre cen“|, 
centièmes de millimètre. Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu’on} 
le thermomètre de correction. À la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre} 
conclus de l'ensemble des observations, d’où il sera aisé de déterminer la température moyenneM} 
çonséquent , son élévation au-dessus du niveau de la mer. La température des caves est égalemenf} 

| 


À L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS. 
JUILLET 1816. 


POINTS VARIATIONS DE LATMOSPHÈRE. 


LUNAIRES. 


LE MATIN. A Mini. 


Pluie. 

Nuageux. 

Quelques'éclaircis. 
Idem | pl. à 9 h. 

Nuageux. 


Couvert, pluie. 
Nuageux. 

Pluie abondante. 
Très-nuageux. 
Pluie abondante. 


Très-nuageux. 
Nuageux. 
Quelques éclaircis. 
Couvert. 

Beau ciel. 


56 |O. P.Q.à9h37'm. 


Beau ciel. Idem. Petite pluie à 9 h. 
Pluie. Couùvert. Pluie abondante, 
Nuageux, Nuageux. Idem , fine. 

62 |S-E. P.L.àoh.31s.| Pluie, Très-nuageux. Idem. 
Couvert. Id, petite pluie. |Pluie, tonnerre. 
Pluie, Cou. par intervalles. Couvert. 
Couvert. Pluie par intervalles. [Nuageux. 


Couvert, 
Idem. 
Pluie abondante. 


Nuageux. 
Quelqueséclairce. , br. 
Couvert , pluie. 


Id,,pluieà5;h. 
Couvert. 


76| Idem.  |Lune apogée. Nuageux. 


87 |S Nuageux. Idem. Idem. 
83 |S-O. D.Q.ioh5g/m.| Couvert, pluie à 8 h. |Couvert. Pluie. 
2 Idem, Couvert. Pluie. Couvert. 


Nuageux. Trèsnuageuxs Nuageux, éclairs, 
Idem , brouillard. [Nuageux. Légers nuages à l'hor. 
Nuag., pluie à 9 h, Idem. Idem. 


Couvert, 
Pluië par intervalles. 
Forteaverse, tonnerr. 
Couvert, 

Nuageux. 


Couvert, pluie à 8 h. 
Pluie. 

Nuageux. 

Pluie fine. 

Couvert. 

Nuageux. 

Pluie fine. 

Couvert, br. hum. pl. 


Quelq. gouttes d'eau. 
Pluie par intervalles. 
Iderns 
Idem, 
Petite pluie. 
Couvert. Couvert. 
Idem. Pluie fine. 
Ta. ; pl. depuis8h. Nuageux. 
72| Idem. Pluie abondante... Pluie par intervalles.|Quelqueséclaircis. 
95 | Idem. |P.Q.à2h345.| Pluie. Pluie. Pluie par intervalles. 


y. 70 RÉCAPITULATION. 


PRE CE NAME 
NÉ GTI 22e. ETOl 
Bi étieedius ol © 
2 

5 


76 |S-O. N.L.àr1th18s. 


62 Jaem. Lune périgée, 


Jours dontle vent a soufflé da PDU eg 2" 


, le 1 129,0925 ; 
Therm. des caves centigrades: 


le 16 12°,0025 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 96""72 = 3 p. 6 lig. 7 dixièmes. 


tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, cest-à-dire en millimètres et 
emploie généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
et du thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le #7aximurm et le minimum moyens, 
du mois et de l'année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoire de Paris, et pa£ 
exprimée en degrés centésimaux , afin de rendre ce Tableau uniforme, 


T8 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


DES MÉTHODES 
CLASSIQUES ET NATURELLES 


APPLIQUÉES A LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE; 
Par M. TOULOUZAN 5x SAINT-MARTIN. 


à 
= Lu 


DEUXIÈME MÉMOIRE. 


LA Géographie physique et la Géologie sont deux sciences 
tellement inséparables et si nécessaires l’une à l’autre, qu’elles 
ne pourront atteindre leur but, dont elles sont encore si éloignées, 
qu'’autant qu’elles se préteront leurs moyens et qu’elles confondront 
leurs opérations. 


Pour fixer rigoureusement les limites de chaque partie du 
monde, et pour justifier la Méthode que je me propose d’in- 
troduire dans une science qui n’en a Jamais eu, je serai donc 
obligé d'emprunter à la Géologie quelques-uns des faits généraux 
qu'elle a recueillis et vérifiés, afin de fixer nos idées, s’il est 

ossible, sur l’état ancien de la surface terrestre, d’examiner 
Les actions subséquentes qui lui ont donné ses nouvelles formes, 
et de rassembler toutes les indications, tous les documens qui 
peuvent m'éclairer sur les divisions que je veux établir. 

Premier Fait. Les géologues distinguent en général deux sortes 
de terrains : le prémitif ou primordial qui ne présente aucune 
trace de corps organisés ; le secondaire, avec toutes ses transi- 
tions, dans lequel. les débris de ces corps sont plus ou moins 
abondans. Le premier sert partout au second de base et de sup- 
port dans les profondeurs de la terre, et le perce ordinairement 
aux plus hautes sommités du globe. On varie d’opinions sur le 
genre de formation du terrain primitif, mais on demeure d’ac- 
cord que le terrain secondaire est une précipitation de matières 
tenues en dissolution, ou seulement délayées dans les eaux et 
déposées par elles en strates ou couches horizontales. 

Les 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 89 


Les conséquences naturelles de ce fait sont : 


. 4 Que la formation primordiale est différente de la forma- 
Uon secondaire ; 


B Que cette différence consiste principalement dans la pré- 
sence des fossiles et la stratification; caractères propres au terrain 
secondaire, et étrangers au terrain primordial, ou tout au moins 
accidentels dans sa formation ; 


. € Que ces caractères étant les seuls par lesquels nous puis- 
Sions affirmer avec certitude que le terrain qui les possède est 
d'une formation aqueuse, il y a une très-grande probabilité que 
la formation n’est pas aqueuse dans le terrain qui ne les pos- 
sède pas; 

D Que le terrain secondaire est postérieur au primordial, puis- 
qu'il lui est superposé, et que le terrain primordial est pour 
nous le plus ancien de tous, puisque nous n’en connoissons point 
d'autres au-dessous ; 


Æ Que le terrain primordial a par conséquent existé seul pen- 
dant une certaine époque , et qu’alors il formoit à l'extérieur 
du globe une surface très-inégale, mais sans solution de conti- 
nuité à sa base; 


F Que durant cette époque, le terrain primordial n’étoit pas 
baigné par les eaux de la mer, puisque nous ne trouvons point 
sur la croûte extérieure de ce terrain des vestiges de corps or- 
ganisés, ni rien qui indique la présence et la station des eaux; 


G Que par conséquent la mer n’existoit pas à cette époque ; 
et que sa formation , ainsi que celle des terrains qu’elle a déposés; 
datent d’une époque plus récente. 


Il faut prévenir les objections qu'on pourroit faire contre ce 
premier fait et ses conséquences. 


On pourroit nier la conséquence B, en disant qu’on a trouvé 
du graphite ou plombagine et même de Panthracite dans le terrain 
primordial, et, suivant quelques-uns, ces malières carbonées 
ayant une origine végétale, il s’ensuivroit que ce sont des fossiles. 
D'un autre côté, on a observé et vérifié que plusieurs grandes 
masses de roches primordiales sont disposées par couches ou 
Strates ; ainsi on pourroit dire que les deux caractères essentiels 
par lesquels on distingue le terrain secondaire du primordial ; 
conviennent également à tous les deux. 


Il n'est pas prouvé que le graphite et l’anthracite aient une 
Tome LXXXIII, AOÛT an 1816. M 


90 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


origine végétale. M. Delamétherie et d’autres géologues les re- 
gardent ,'ainsi que le soufre, le diamant et le phosphore, comme 
des combustibles minéraux. En admettant cette origine, il. en 
résulteroit seulement qu’à l’époque où le terrain primordial re- 
couvroit seul le globe, il y a eu une tendance vers l'existence 
organique et un commencement de végétation, et que, par des 
causes que nous ignorons, les premiers végétaux ayant été dé- 
truits, leurs débris ont formé ces amas de matières carbonées 
qu'on trouve plutôt calcinées que dissoutes, non pas proprement 
dans le terrain primordial, mais dans les limites de ce terrain 
et de celui de transition; limites qui n’ont pas encore élé assez 
bien déterminées pour qu’on puisse aflirmer que ces prétendus 
fossiles sont en decà ou en delà. 


La stratification des roches primordiales n’a été bien constatée 
que dans le protogine ou granit talqueux. Elle doit donc être 
atribuée à la présence du tale qui a effectivement une disposition 
fissile ; et lors même que cette stratification se retrouveroit dans 
d’autres roches primordiales, on ne seroit pas fondé à dire que 
tout le terrain ancien a été formé par dépôt, mais seulement 
que certaines roches par la nature de leur composition et une 
agrégation particulière de leurs élémens, ont contracté une {ex- 
ure stratiforme : tels sont, par exemple, les gneis et les schistes; 
mais c’est moins une stratification qu'ils présentent qu’une dis- 
position fissile, et les strates au lieu d’être horizontaux sont dans 
une situation verticale, ou plus ou moins inclinée, manière 
d’être qui tient tellement à la nature de la roche, qu’elle se 
retrouve même dans les schistes de nouvelle formation. 


On objectera contre la conséquence C', qu’une formation peut 
ètre aqueuse quoiqu’elle ne présente m fossiles, ni stratification ; 
et on ajoutera que la plupart des cristaux qui entrent dans les 
roches primordiales, contenant de l’eau de cristallisation, il 
paroît difficile de révoquer en doute que l’eau n’en ait été le 
dissolvant. 

C’est une grande question que celle de la formation du granit 
et des roches primordiales. Je ne crois pas que la science soit 
assez avancée pour la résoudre. Je me bornerai à dire que l'eau 
peut avoir été un des agens de la cristallisation primordiale, 
mais non le seul agent ; que rien ne prouve que la masse entière 
du terrain primordial ait été dissoute dans les eaux; que les for- 
ma{ions ignées peuvent présenter, à s’y méprendre complètement, 
les mêmes caractères que les formations aqueuses, comme on le 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. JT 


voit par l’éternelle dispute des vulcaniens et des neptuniens sur 
les matières trappéennes ou basaltiques qui restent encore indis- 
tingibles; que l’eau étant un produit de la combustion, il est 
tout simple qu’elle entre dans une formation ignée; que le ca- 
lorique étant un agent plus simple, plus universel, beaucoup 
plus puissant, a dû opérer des formations antérieures à celles 
de l’eau qui, en sa qualité d’oxide, n’a pu être elle-même qu'un 
des produits de ces formations du calorique. 

Les malières du terrain primordial diffèrent essentiellement, 
par leurs caractères géologiques, de celles du terrain secondaire, 
et cette différence se laisse même apercevoir dans les roches de 
même nature qui se trouvent à-la-fois dans les deux terrains. Cette 
dissemblance prouve donc que le premier n’a pas la même ori- 
gine que le second, et par conséquent nous pouvons affirmer 
que sa formation n’est pas aqueuse. 


. Une autre preuve qui conduit au même résultat négatif, se 
üre de l’absence des sels, des fossiles, de toutes matières enfin 
qui annoncent le travail des eaux dela mer : car les produits aci- 
diféres qu’on trouve dans le terrain primordial, s'ils sont de 
formation aqueuse, ne peuvent êlre attribués qu’à des eaux 
douces, et les fossiles carboneux qu’on prétend y avoir trouvés, 
n'ont rien qui annonce un dépôt océanique, La mer n'a donc 
pas formé le terrain primordial; et d’ailleurs jusqu'ici on n’a pas 
donné de raisons satisfaisantes de l'énorme diminution d’une mer 
qui auroit tenu en dissolution toutes les matières du globe. 
J’ose même dire qu'aucune des causes physiques qui sont à 
notre connoissance ne peut expliquer cette diminution. 

Après avoir ainsi réfuté l'opinion des neptuniens, je vais rap- 
porter quelques faits qui, en nous mettant sur la voie des for. 
mations secondaires, nous feront voir que l’eau ne doit pas en 
être le seul agent. 


En général on peut remarquer dans le terrain primordial deux 
sortes de roches : les unes, qu’on peut appeler fé/d-spathiques , 
parce que le feld-spath en fait la base, et dans lesquelles rentrent 
tous les granits et granitoïdes, les gneis, les schistes, les por- 
phyres, les trapps, les serpentines, en un mot toutes les roches 
primordiales qui ne sont point acidifères; les autres, qu'on peut 
appeler calcaires, parce que la chaux carbonatée en fait la base, 
comprennent toutes les roches primordiales acidiferes. 


Les roches feld-spathiques constituent la masse du terrain pri: 
. M 2 


g2 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


mordia}; elles sont certainement les plus anciennes puisque ce ne 
sont que des agrégats de différens oxides produits par l’effet im- 
médiat de la combustion du noyau combustible et oxidable (1). 
Elles se décomposent facilement à l'air à cause de la potasse qui 
entre dans le feld-spath et dont l’efllorescence détruit l'agrégation 
des roches. Cette décomposition conduite à sa fin, donne princi- 
palement des sables et des argiles. Or le terrain dit de sransilion, 
qui suit immédiatement le terrain primordial, n'offre que des 
sables plus où moins grossiers , agglutinés par un ciment argileux, 
d'où résultent les grès et les grauwackes communs; des débris 
schistoïdes qui de la grauwacke schisteuse passent à l’ardoise; 
des fragmens de roches plus ou moins arrondis par le frottement 
et empâtés dans ce même ciment argileux , ce qui formeles pou- 
dings, les toadstone, les mandelstein, les trapps Sobhlene Etes ct 


D'après cet état de choses bien constaté, si l'on fait attention 
que l’atmosphère a dû être primitivement plus étendue, plus douée 
d'action dissolvante, plus chargée de vapeurs par suite de la 
combustion qui venoit de s’opérer et dont l’eau avoit été un 
des produits ; que les montagnes avoient une élévation beaucoup 
plus considérable que de nos jours; enfin , que la surface du globe 
élant à sec, le fluide ambiant l’attaquoit sur tous les points, 
on verra que la plus ancienne décomposition du terrain primor- 
dial a été opérée, non par l’eau, mais par Pair, puisqu'elle s’est 
principalement exercée sur les roches feld-spathiques , et que cette 
décomposition a causé des éboulemens et des écroulemens suc- 
cessifs, qui ont considérablement diminué la masse des montagnes. 
Alors on concevra que ces immenses débris ont dû remplir les 
creux les plus profonds, s’entasser sur les flancs des montagnes 
dans la situation plus ou moins inclinée qui résulte d’un ébou- 
lement, et parfois même affecter la situation verticale lorsqu'une 
grande masse écroulée se sera redressée par les accidens de sa 
chute. Telles sont en effet les circonstances de gisement à l’égard 
des grès rouges et des grauwackes de la Thuringe, des ardoises 
d'Angers, des poudings de Valorsine, enfin de toutes les forma- 
tions de transition. Saussure ($ 594) a observé dans toutes les 
montagnes, que les bancs de grès et de poudings séparent toujours 
les masses primitives des masses secondaires, et la même obser- 
vation a été faite par l'Ecole Wernérienne à l'égard des grès et 
des grauvwackes. ( Brochant, tome II, pag. 588 et suiv.) 


(1) Forez la nole 1 à la fin de cette partie. 


. $ 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, gù 


On peut donc assurer que le terrain de transition est une for- 
mation aérifère et non aqueuse, provenant de la plus ancienne 
décomposition du terrain primordial dont la formation est ignée ; 
décomposition qui a été faite aux dépens surtout des roches feld- 
spathiques à cause de l’altérabilité de ces roches à l'air. 


Les roches calcaires sont beaucoup plus rares que les feld- 
spathiques dans le terrain primordial ; elles sont ordinairement 
à la superficie de ce terrain, tantôt à la base ou sur les flancs 
des montagnes , comme les marbres de Paros, de Carrare, des 
environs du lac de Côme et du lac Majeur ; tantôt encastrées 
dans les granits ou recouvrant les sommets, comme les marbres 
gris et fétides des Pyrénées, des Alpes, du Caucase, et la chaux 
carbonatée magnésifère ou dolomie des montagnes du Tyrol. 
Cette superposition prouve que les roches calcaires sont d’une 
date postérieure aux roches feld-spathiques; ce qui doit étre, 
pans les combinaisons acidifères n’ont pu s’effectuer qu'après 
es agrégations d’oxides. Il est bon de remarquer que les roches 
calcaires primitives ne se trouvent que dans les montagnes des 
contrées tempérées, et dans les régions centrales ; elles manquent 
absolument dans les montagnes australes et boréales ainsi que 
sur les rivages océaniques. Cette remarque est essentielle, en ce 
qu’elle peut donner une raison probable de l'énorme quantité des 
roches calcaires de nos terrains de dépôt, qui pourroient être 
formés en grande partie des calcaires primitifs enlevés aux régions 
australes, comme je le dirai plus bas. Néanmoins 1l faut avouer’ 
Fe cette énorme quantité ne peut être représentée par le peu 
e roches calcaires qui se trouve dans le terrain primordial. Mais 
d’un côté, il faut faire attention que la chaux entre comme 
élément dans toutes les roches feld-spathiques, et de l’autre, 
que l’organisation animale a la faculté de transmuter les produits 
minéraux les uns dans les autres. Cette faculté appartient prin- 
cipalement aux polypes et aux mollusques; de sorte qu'il ne 
seroit pas hors de vraisemblance que la quantité supplémentaire, 
qui ne pourroit pas être représentée par celle du terrain primor- 
dial, fût le produit de ce travail de l’animalisation. 

Quoi qu’il en soit, les premiers terrains calcaires ont dû être 
formés aux dépens de la chaux des roches primordiales, et cela 
par l’action de l’eau qui en est le dissolvant. Suivant lobser- 
vation de Dolomieu, les marbres ne sont pas du tout altérables 
à l'air ; mais nous savons qu’ils n'offrent pas la même résistance 
à l’eau, M. Menard de la Groye a remarqué dans les montagnes 


94 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


calcaires de la Sainte-Baume, que les sommets, qui sont ordi- 
nairement arrondis, présentent des crénelures disposées en rayons 
divergens, et s’élargissant à mesure qu'elles s’éloignent du centre; 
de manière qu’au bas de la montagne ces crénelures deviennent 
de véritables ravins. C’est un effet produit par les eaux pluviales, 
et J'ai souvent occasion de l’observer dans toutes les montagnes 
calcaires de la Provence. 


Nous pouvons donc dater les commencemens de l'action des 
eaux, de cette époque qui a suivi immédiatement l’éboulement 
occasionné par l’action de l'atmosphère. Depuis cette époque la 
masse liquide augmentant de jour en jour, et s’appropriant l'ac- 
tion de la masse aériforme, a attaqué les roches calcaires, les a 
dissoutes pour les déposer ensuite en couches plus ou moins 
puissantes, plus ou moins compactes, comme on les voit dans 
tous les terrains postérieurs à celui de transition; terrains qu’elles 
composent presqu’en entier, et dans lesquels les autres matières 
ne doivent être considéréesque comme des couches subordonnées. 


Dans les terrains de transition, les seuls fossiles qu’on trouve 
sont de l’anthracite, des empreintes de végétaux et de poissons, 
des trilobites que M. Bronsniart, dans un Mémoire intéressant 
lu dernièrement à l'Académie des Sciences, a recounus pour 
être des crustacés, des restes de reptiles qui vivoient dans les 
rivières, et quelques autres débris qu'on ne sait où classer. Ces 
fossiles sont fort rares, tous d’espèces inconnues, et l’on a de 
fortes raisons de croire, comme Je le dirai ailleurs, que ces es- 
pèces animales vivoient dans les eaux douces. 


Dans les terrains qui suivent celui de transition, les fossiles 
deviennent plus nombreux et leurs analogues plus communs à 
mesure que les formations sont plus récentes. 


Ces différentes indications combinées avec le fait suivant ; 
peuvent nous mettre sur la voie des grands changemens opérés 
à la surface du globe. 


Deuxième Fait. Toutes les hauteurs de la terre supportent 
entre les sommets qui les couronnent des plaines plus ou moins 
étendues; cette disposition se retrouve à toutes les hauteurs. Les 
intervalles d’une montagne à l’autre ne sont que des bassins 
originairement creux, puisque le terrain qui les remplit et en 
étend la surface est plus récent que le terrain primordial. Ces 
bassins sont séparés les uns des autres par des chaussées que forment 
les rameaux dispersés des montagnes principales. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. CE) 


Les conséquences de ce fait sont précisément les mêmes que 
celles qui ont servi de base au système de Lamanon, qu’on n’a 
pas assez apprécié, parce que son auteur n’a pas assez vécu pour 
le mürir et le développer. 

Æ. Ilest évident que lorsque le terrain primordial existoit 
seul, la surface terrestre devoit présenter plus d’aspérités et d’es- 
carpemens ; les montagnes étoient beaucoup plus élevées, puisque 
leurs bases n’ont été recouvertes que des débris de leurs sommets ; 
ces bases formoient des creux et des bassins partout où elles se 
rencontroient et à différentes hauteurs. 


B. Les pics de ces hautes montagnes primordiales auront, par 
leur force attractive et électrique, soutiré de l’air les élémens 
de l’eau pour les combiner par le frottement et les combiner par 
la combustion. 


C. L'eau qui se formoit et couloit se sera amassée d’abord 
dans les creux supérieurs , tels que le grand désert de Cobi entre 
la chaîne altaïque et les montagnes du Thibet, la plaine de 
Quito dans les Cordilières, les glaciers des Alpes.....,et y aura 
entraîné les matières calcaires dont elle se chargeoït en passant. 


D. La présence de cette eau aura fait éclore les germes des 
végétaux et des animaux soit dans les bassins, soit sur leurs bords. 


Æ. Les éboulemens que provoquoit l’action de l'atmosphère 
sur les roches feld-spathiques, auront élargi la base des monta- 
gnes; quelques-uns des premiers lacs auront été entraînés avec 
les espèces qu'ils nourrissoient, et auront déposé ces fossiles 
anciens qu'on trouve dans le terrain de transition produit par 
ces éboulemens. 


F. D’autres lacs se seront formés par la succession des mêmes 
effets. sur ce terrain éboulé et à toutes les hauteurs. 


G. Les espèces organiques auront multiplié dans la même pro- 
gression que l’eau augmentoit. 

IT. Les lacs supérieurs grossis par les eaux courantes, auront 
successivement brisé leurs digues pour se rendre dans les bassins 
inférieurs, 


T. L'effet général de toutes ces débacles successives aura été que 
les eaux auront laissé dans le lit de leurs bassins , où déposé sur 
leur passage, ce que nous appelons les formations d’eau douce, 
dont les plus anciennes, comme celles des schistes marno-bitu- 
mineux de la Thuringe et du Mansfeld, sont antérieures aux 


96 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


formations marines, et dont on reconnoît l'importance depuis 
les travaux de MM. Cuvier et Brongniart sur les terrains d’eau 
douce des environs de Paris. 


Æ. Toutes ces eaux, occupant un plus grand espace à mesure 
qu’elles descendoient plus bas, se seront amassées dans les creux 


où les grandes pentes se rencontrent et auront formé des médi- 
terranées. 


Z. Ces méditerranées faisant aussi effort contre les parois de 


leurs bassins, auront surmonté les obstacles et se seront réunies 
en une seule mer ou océan. 


D. Enfin cet océan, obéissant aux forces attractives qui agissent 
sur le globe et s'agitant pour se mettre en équilibre, aura à 
plusieurs reprises inondé les plaines jusqu’à une certaine hauteur, 
et fini de combler les creux en y déposant les matières prin- 
cipalement calcaires qu’il tenoit en dissolution et qui constituent 
les terrains océaniques improprement appelés secondaires (1). 


Comme mon intention n’est pas de donner une théorie de la 
terre, je m'arrête à des documens essentiels qui reposent sur 
des faits incontestables et parfaitement liés dans leurs consé- 
quences. On trouvera peut-être que je me suis trop étendu 
sur la Géologie; mais des savans estimables , amis de la vérité, 
qui m’honorent de leurs bontés et de leurs salutaires avis, m'ont 
fait des objections auxquelles j'ai dû répondre. D'ailleurs la 
Géologie, comme Je l’ai dit, est la compagne de la Géographie 
physique. Gelle-ci se flatteroit envain d’obtenir du succès sans le 
secours de celle-là ; et toutes deux ont tellement été négligées, que 
tous les faits qu’elles ont recueillis ont besoin d’être soumis à 
l'analyse rigoureuse du raisonnement afin de les ramener à leur 
véritable acception. 

Les documens que j'ai obtenus sufliront, comme on le verra; 
pour concevoir la séparation des terres par les eaux, et pour 
établir d’une manière naturelle, non-seulement les limites des six 
parties du monde, mais encore celles de toutes les régions de 


ces mêmes parties, selon que nous étudierons le globe dans l’en- 
semble ou dans les détails. 


Je ne n’attacherai dans ce Mémoire qu'aux grandes divisions. 
Cherchons d’abord les pentes générales et absolues des terres. 


(1) Poyez la note 1 à la fin de cette partie. 
Quatre 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 97 


Quatre chaînes de montagnes que j'appelle longitudinales , 


courent dans le sens des méridiens avec plus ou moins d’incli- 
naison, 


1°. Les Cordilières divisées par l’isthme de Panama en deux 
chaînes posées bout à bout. — La chaîne du sud a sa plus grande 
hauteur dans la région tropicale du Capricorne. Vers le sud, elle 
est parallèle aux méridiens, et après s'être maintenue toujours 
à une hauteur considérable, elle finit par un escarpement brusque 
qui doit faire présumer que dans l’origine elle se prolongeoit 
fort avant pour se perdre dans l'immense plaine du pôle austral. 
Vers le nord, elle s’abaisse par une pente rapide, mais régulière, 
Jusqu'à listhme en s'inclinant vers le nord-ouest. — La chaîne 
du nord a sa plus grande hauteur dans la région tropicale du 
Cancer, Elle s’abaisse et s'incline vers le nord-ouest jusqu’au détroit 
de Béring. 

2°. La chaîne que j'appelle des Zr#i-Cordilières , parce qu’elle 
est la répétition de la précédente. Elle est aussi divisée par le 
détroit de Sincapura en deux chaînes qui ont leur plus grande 
hauteur dans les régions tropicales, savoir, celle du sud à la 
Nouvelle-Hollande, et celle du nord dans le Thibet. Tout ce que 
j'ai dit des Cordilières s'applique également aux Anti-Cordilières, 
sauf quelques circonstances qui ne font rien à notre objet. Les 
déchirures de cette chaîne, qui de la Nouvelle-Hollande se con- 
tinue jusqu’au détroit de Béring, sont postérieures à l'époque 
où nous nous plaçons. 

30. La chaine de l’ÆZléghany ou des Apalaches sur la côte 
orientale du Nouveau-Continent. Elle est d’une hauteur médiocre, 
mais d’une nature primordiale, et se fléchit plusieurs fois dans 
sa longueur. De l'extrémité septentrionale du Labrador elle arrive 
à la Floride, se joint par les Antilles aux montagnes de la 
Guiane, borde la côte du Brésil et laisse encore des traces de 
son ancien prolongement vers le sud. 

4°. La chaîne de l’Anti-Alléghany, visà-vis la précédente 
sur la côte occidentale de l'Ancien-Continent. Elle atteint sur 
quelques points une plus grandehauteurque l’Alléghany, mais elle 
offre plus d’interruptions, et en decà de l’équateur elle se courbe 
vers l’ouest pour serecourber ensuite vers l’est. Elle longe l'Afrique 
dans le milieu, probablement jusque sous la ligne; elle suit la 
côte de Sénégambie, s’aflaisse pour reparoître au mont Atlas, 
se continue avec les mêmes affaissemens par les moniagnes 


Tome LXXXIII, AOÛT an 1816. N 


08 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


d'Espagne, de la France, de l’Archipel Britannique et de la 
Scandinavie jusqu'au cap Nord où elle se termine. 

Lorsque le globe étoit à sec, il devoit y avoir des vallées 
profondes sur la ligne où les pentes se rencontrent , et celte ligne 
peut se concevoir à une distance proportionnelle à la hauteur 
des sommets. Quand les eaux ont coulé elles ont dû se rendre 
plus tôt ou plus tard dans ces vallées, et commencer ainsi la di- 
vision longitudinale des terres. 


Voyons maintenant comment a dû s’opérer la division rans- 
versale. 

Dans le Nouveau-Continent, vers le nord , un. terrain plat, 
mais exhaussé, s'étend entre le Green-Mountains à l’est et les 
Stony-Mountains à l’ouest ; montagnes qui sont les extrémités 
septentrionales de l'Alléghany et des Cordilières. Ce terrain ou 
plateau, sur lequel posent les lacs nombreux du Canada et du 
Cbhipiouyans, verse toutes les eaux au nord et au nord-est. — 
De sa crête méridionale il sort trois grands fleuves , l'Ohio, le 
Mississipi et le Missouri, qui coulent du nord au sud dans une 
des vallées longitudinales dont j'ai parlé. Le Mississipi grossi des 
eaux des deux autres fleuves et de toutes les rivières de la vallée, les 
dégorge dans le solfe du Mexique qui fut originairement un lac 
comme tous les autres creux. — Dans la partie du sud, un pla- 
eau semblable à celui du Canada, mais beaucoup plus exhaussé, 
s'étend entre les Cordilières de Quito et les montagnes de la 
Guiane. Ce plateau qui divise les affluens de l’Amazone de ceux 
de l’Orénoque , a une pente très rapide vers le nord, et dirige 
les courans d’eau vers le même creux où se jette le Mississipr, 
à l'exception de l'Orénoque qui se rend dans la vallée de l'At- 
lantique. — Ce même plateau se prolonge en se rétrécissant jusque 
dans le Paraguay où il s'élargit de nouveau entre les andes du 
T'ucuman et les montagnes du Brésil. Par cette disposition du 
terrain, les eaux de l’Amazone et des rivières du Brésil sont 
dirigées vers l'Atlantique, tandis que celles de Rio-de-la Plata 
et du Paraguay sont forcées de couler vers le sud. 

Dans l’Ancien-Continent on remarque une disposition à peu 
près semblable, Vers le nord, la grande chaîne de l’Altaï court 
de l’est à Pouest depuis la côte orientale d'Asie jusqu’aux monts 
Ourals, et verse toutes les eaux au nord et au nord-est. A l’oc- 
cident de l'Oural, le plateau de la Russie, couvert de lacs comme 
celui du Canada, penche vers le nord et le nord-ouest, — De 
la crête méridionale de ce plateau il sort des fleuves grands 


\ ET D'HISTOIRE NATURELLE. 99 


et nombreux qui coulent vers le sud et arrivent dans le creux 
occupé maintenant par la mer Caspienne et la Méditerranée, 
conjointement avec d'autres fleuves qui ont leur source dans le 
versant méridional des Alpes et des chaînes voisines. — Dans la 
partie du sud, une chaîne transversale formée par l’Atlas, les 
monts Abyssins et le Taurus, aboutit aussi par sa pente septen- 
trionale au creux de la Méditerranée. — Cette chaîne se con- 
tinue vers l’est par l’Imaïüis et lesmonts du Thibet jusqu'auxrivages 
orientaux de l'Asie. Au nord, elle soutient le vaste plateau de 
Cobi qui s'appuie à l’Altaï; mais au sud elle a une grande pente 
qui aboutit au grand creux de la mer des Indes. 

D'après ces dispositions générales, qui seront mieux déve- 
Joppées dans la suite, la surface terrestre a dû être divisée par 
le travail des eaux courantes, en six parties; et nous allons voir 
que cette division résultoit nécessairement de deux sections lon- 
gitudinales et de quatre sections transversales ordonnées par la 
direction des montagnes et les pentes du terrain. 


19. La chaîne des Cordilières et celle de l’Alléghany s’adossant 
lune à l'autre et se joignant sur divers points par des plateaux 
ou des chaînes transversales, n’ont pas offert dans leur écarte- 
ment une vallée continue; de sorte que les eaux n’ont pu s’a- 
masser dans cette vallée et en occuper toute la longueur. Mais 
cet amas s’est formé sans obstacle à la pente occidentale de la 
proue et à la pente orientale de la seconde; ce qui a isolé 
e Nouveau-Continent. 

29. Les mêmes rapports existant entre les Anti-Cordilières et 
'Anti-Alléghany, ces deux chaînes n’ont constitué qu’une seule 
masse qui est l'Ancien-Continent. 

30. La rencontre des pentes du nord et du sud dans le creux 
de la mer des Antilles, a dû y accumuler les eaux et séparer en 
deux parties le Nouveau-Continent. 

4°. Cette même rencontre des pentes dans le creux de la 
Méditerranée a opéré aussi la division transversale de F Ancien- 
Continent. 

5°. Au nord l’exhaussement continu du terrain dans toute la 
ligne circonpolaire, a nécessairement détaché de nos continens 
les terres arctiques dont , pour cette raison, Je fais une division 
à part. f : 

6°. Enfin au sud les grandes pentes de l'Asie méridionale qui 
se combinent avec celles de l’Afrique orientale, ont fait des terres 
situées au sud-est une division particulière, 


N 3 


100 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

Ces diflérentes séparations ordonnées par la disposition du 
terrain primordial ou ignifère, et par la rencontre des pentes , 
n’ont élé qu'ébauchées par les eaux courantes. Les lacs où elles 
se rendoient durent former pendant quelque temps une ceinture 
autour des terres sans communiquer les uns-avec les autres. C’est 
durant cette époque où les lacs inférieurs n’avoient point d’é- 
coulement, que leurs eaux devinrent salées par le lessivage des 
terres qui accumuloit les sels dans les bassins. La débacle suc- 
cessive de ces lacs les ayant joints de proche en proche, l'Océan 
se forma de leur réunion. Cet Océan, livré à ses propres forces 
et tendant à prendre son niveau, dut se porter desrégions équa- 
toriales, où sont les plus grandes hauteurs et par conséquent 
Jes plus grandes eaux, vers les régions polaires où le terrain se 
prolonge en pente douce. La masse des terres qui, comme je 
le ferai voir, couronne le pôle boréal, mit obstacle à lépan- 
chement des eaux dans cette région, tandis que ces mêmes eaux 
ne trouvant qu’une immense plaine dans le pôle austral, l’en- 
vahirent en entier. Mais bientôt le plus fort aplatissement de ce 
pôle , et peut-être d’autres causes liées aux phénomènes célestes, 
poussèrent à diflérentes reprises l'Océan austral vers le nord , 
Jusqu'à ce qu’enfin par ses ravages et ses envahissemens il eut 
acquis assez d’étendue pour se soutenir partout au même niveau. 
Dans ces irruptions successives, sur lesquelles j’aurai occasion: 
de revenir plus particulièrement, l'Océan austral, heurtant de 
lvont les extrémités des chaînes longitudinales, les aiguisa en 
pointes vers le sud, emporta toutes les terres basses qui s’éten- 
doient latéralement , enleva et fondit toutes les masses calcaires 
des montagnes australes, et alla déposer toutes ces matières, par 
le reflux que lui firent éprouver les terres arctiques, dans le nord 
de nos continens où il combla tous les creux et exhaussa le sol 
par de puissantes formations. 

En combinant ces différentes données, déduites d'une mul- 
itude de faits qui ne sauroient ici trouver leur place, lesquelles 
expliquent les effets qui ont donné aux parties du monde les 
caractères génériques que je leur ai assignés dans mon premier 
Mémoire, on demeure convaincu que les six parties du monde 
sont les sections d’une seule et même surfäce terrestre, opérées 
par l'accumulation des eaux courantes dans les creux où les 
pentes géuérales et absolues se rencontroient, et que les îles sont 
des fragmens de ces sections détachées à une époque postérieure 
par l'Océan, dont les irruptions successives ont découpé les terres 
et leur ont donné la dernière configuration. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. TÔF 


Or les limites des six parties du monde devront étre fixées 
aux creux où les pentes se joignent. Le vaste Océan sera donc 
restreint aux espaces seuls où il n'existe aucune terre et où doivent 
être ses plus grandes profondeurs. Réduit ainsi à ses plus an- 
ciennes limites, à celles qui devoient exister avant qu’il eût com- 
mencé ses ravages, nous nous le représenterons comme un fleuve 
qui, dans ses nombreuses sinuosités, circule à travers les terres 
dans des vallées creusées de toute antiquité à la base des mon- 
tagnes pour recevoir toutes les eaux et les verser par plusieurs 
embouchures dans l'immense bassin austral. 


Si nous examinons avec attention la direction des montagnes 
et les pentes générales du sol; si nous rattachons à chaque partie 
du monde les îles que des signes évidens nous diront leur avoir 
appartenu; enfin si nous nous aidons des faits géologiques pour 
reconnoître l’analogie ou la différence des terrains, il nous sera 
possible de tracer le lit de ce fleuve Océan, malgré l’agrandis- 
sement considérable qu’il a acquis. Ce lit, nous le retrouverons 
assez exactement en tirant des lignes droites entre tous les points 
saillans des terres, îles ou écueils qui sont les restes subsistans 
des anciens rivages. Les parties de mer situées hors de ce lit 
ou en dedans de ces lignes, seront censées appartenir au continent 
qu'elles baignent et dont elles sont en eflet les anciennes plaines 
submergées. Ainsi toutes les parties de la surface terrestre, même 
les plus petites, seront rattachées, d’après une méthode sûre et 
zaturelle, aux six grandes divisions de cette surface, 


Re 


NOTE 1. 


La distinction fondamentale de l’ancienne Géologie en terrain 
primitif et secondaire, ne peut plus coïncider avec l’état actuel 
de la science, En la laissant subsister elle répand du vague dans 
les définitions et s'oppose à l’exactitude des méthodes classiques. 

C’est une vérité que reconnoissent même ceux qui par habitude 
suivent encore ces anciens erremens. 

Les observations récentes prouvent que-les caractères tirés des 
fossiles et de la stratification, ne sont ni assez tranchés, ni assez 
constans pour servir de base à une classification. Ce sont des ca- 
ractères du second et peul-être du troisième ordre. 

Toute bonne méthode doit aller du simple au composé, parce 
que telle est la marche de la nature, 


102 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


L'analyse chimique a remonté jusqu'ici à trois classes de corps 
simples, que nous devons regarder comme les élémens de tous 
les composés. 

Ces trois classes sont les fluides impondérables, l’oxigène et les 
corps combustibles , soit métaux, soit métalloïdes. On peut dé- 
signer ces trois sortes d'élémens ou d’indécomposés sous les noms 
de comburans, de véhicule et de combustibles. 


En effet tous les phénomènes qui donnent lieu à la combinaison 
de ces élémens et à la série de leurs composés, peuvent se ré- 
duire.à un seul, celui de la combustion; car les premiers ne 
peuvent que briler, le second que faire brüler, les troisièmes 
qu'étre brälés. (Voyez Essai sur l'Hist. de la Nat., tome I, 
pag. 42 et suiv.) 

Il résulte de là que les premiers effets qui se sont passés sur 
le globe, rentrent nécessairement dans les phénomènes de la 
combustion. 

En partant du principe que la nature marche du simple au 
composé, la terre ne doit avoir offert dans les commencemens 
que les trois sortes de corps simples. 


D'après les lois de la pesanteur, les bases combustibles devoient 
former le noyau, l’oxigène la première enveloppe, et les agens ou 
fluides comburans la seconde enveloppe ou l'atmosphère ex- 
térieure. 

Le véhicule, placé entre les bases et les agens, aura néces- 
sairement provoqué la combustion; le noyau se sera oxidé plus 
ou moins profondément ; cette croûte oxidée se sera boursoufilée, 
et par son soulèvement inégal elle aura opéré la formation du 
terrain primitif. 

C’est précisément le résultat qu’on obtient en exposant un boulet 
de fer à l’action de l'atmosphère. La surface oxidée se bour- 
souffle et forme des rugosités sensibles. Nos montagnes les plus 
hautes ne sont que des rugosités relativement à la masse entière 
du globe. 


Tous les matériaux de ces montagnes ne sont que des oxides 
mélangés et agrégés conjointement avec les composés qui en 
dérivent. Ce fait, qu’on soupconnoit par analogie, a élé constaté 
par la Chimie moderne qui a acquis la certitude que les terres, 
et par conséquent leurs composés ou agrégats, ne sont que des 
oxides, 

Du reste, sans entrer dans de plus grands détails, on connoît 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 103 


quelle innombrable variété d'espèces composées a dû résulter de 
tant de bases simples diflérentes, attaquées par des agens divers, 
avec des circonstances que l’inégale coopération du véhicule a 
variées à l'infini. Cette variété a élé augmentée surtout par les 
deux causes suivantes : 1° des composés qui se formoient, les 
uns avolent action sur les autres, et devenant agens après avoir 
été bases, ils produisoient des sur-composés multiples. 2°. Parmi 
les bases oxidables, celles qui sont les moins pesantes , les moins 
métalliques, les plus sujettes à s’altérer parce qu’elles ont plus 
d'aflinité avec l’oxigène, ont dû être rassemblées à l’extérieur 
puisqu'elles pèsent moins, et par conséquent subir plus de trans- 
formations successives. Telles sont principalement les bases des 
terres et des alcalis qui à elles seules constituent presque toute 
la masse du terrain primordial. 


Ce terrain étant ainsi formé par le soulèvement obligé de la 
croûte oxidée, s’est trouvé seul exposé à l’action de l'atmosphère, 
composée alors comme elle est aujourd'hui, mais plus surchargée 
des composés gazeux auxquels avoit donné lieu l’oxidation. 


Cette action atmosphérique a dû s'exercer principalement , 
comme nous l’avons dit dans le texte, sur les roches feld-spa- 
thiques; ce qui a occasionné des éboulemens considérables d’où 
est provenu le terrain dit de éransition. 

Ce terrain , que Werner a le premier distingué, et que Saussure 
avoit très-bien observé , sépare réellement les masses primitives 
des masses secondaires; et si on écarte le caractère tiré des fos- 
siles , qui n’est que de second ordre, on trouvera à ce terrain des 


caractères propres qui empêchent de le confondre avec les deux 
autres. 


En suivant la progression des effets, on verra que l’eau a dû 
être un des produits de cette première combustion ou oxidation 
qui a donné naissance au terrain primordial, puisque l’eau n’est 
qu'un oxide d'hydrogène. 

L’hydrogène qui, suivant la doctrine de Berzelius, n’est lui- 
même qu’un oxide d’ammonium, n’a dû exister dans l’atmo- 
sphère qu'après le soulèvement du terrain primordial, puisque 
lammonium , comme toutes les autres bases combustibles, faisoit 
partie du noyau oxidable , et que l’aimosphère ne se composoit 
alors que des seuls fluides comburans. 


Alors on concevra que lors de sa première production l'eau 
a dû seulement entrer, comme tous les autres oxides, dans la 


104 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
composition du terrain primordial où, en sa qualité d'agent d'un 
ordre inférieur, elle a pu coopérer au phénomène particulier de 
la cristallisation, mais dans des proportions subordonnées aux 
différentes causes agissantes. 

Postérieurement, lorsque atmosphère travailloit à la formation 
du terrain de transition, l'eau dut se produire avec abondance 
par la combustion de l'hydrogène atmosphérique et par sa com- 
binaison avec l’oxigène. Je dis avec abondance, parce que l’am- 
monium, base de l'hydrogène, étant une des bases les plus al- 
térables et dont l’afinité est très-grande pour l'oxigène, a dû être 
complètement divisé et dissous dans le calorique qui, Payant 
ainsi transformé en gaz, l’a attiré tout entier dans l'atmosphère, 
où il devoit être surabondant avant d'entrer dans la composition 
de l’eau et des autres corps où il est combiné. 


Cette eau aura ensuite, par son abondance et l’action dont 
elle est douée, opéré les derniers changemens du globe en posant 
sur le terrain de transition Îles terrains dits secondaires, après 
surtout qu’elle aura été réunie par sa liquidité en cette grande 
masse que nous appelons l Océan. 

D'après ces considérations , il me semble que la Géologie peut se 
donner dès à présent pour une méthode naturelle et rigoureusement 
classique, déduite des faits constans et bien avérés, qui admettra 
trois classes de terrains rapportés pour leur formation , aux trois 
grands agens de la nature : le calorique , Vair et l’eau rangés 
ici dans l’ordre du simple au composé. 

10. Le terrain ignifère ou oxidé, dans lequel entrent tous 
les oxides connus et les combinaisons subséquentes de ces oxides; 
le tout différemment agrégé et affectant en général la situation 
verticale qui résulte d’un soulèvement. 

20, Le terrain aérifère ou éboulé, dans lequel entrent princi- 
palement les roches feld-spathiques du terrain ignifère; le tout 
en débris plus ou moins volumineux, toujours agglutinés par un 
ciment argileux et affectant en général la situation plus ou moins 
inclinée qui résulte d’un éboulement. 


30, Le terrain aguifère ou déposé, dans lequel entrent prin- 
cipalement les roches calcaires des deux terrains précédens; le 
tout en masses plus ou moins compactes et mélangées, séparées 
ordinairement par des lits de sable et affectant en général la si- 
tuation horizontale ou stratiforme qui résulte d’un dépôt précipité. 

Je me suis convaincu que chacun de ces terrains possède des 

| caractères 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 105 


Caractères constans, parfaitement distincts et propres à les faire net - 
tement reconnoître. Si ces idées, que j'ai émisespeut-êtreun peu à la 
hâte, sont jugées avoir cieauenadebient, je pourrai, au retour 
d’un voyage géologique que je vais entreprendre , les développer 
et les appliquer aux terrains observés. On verra que les carac- 
tères du second ordre, comme, par exemple, celui tiré des 
fossiles, suivent la progression que J'ai établie , et ne contribuent 
pas peu à éclairer des questions jusqu'ici indécises, On verra 
que les anomalies de tous ces caractères peuvent être rapportées 
à des faits connus dérivant des causes générales des trois for- 
mations. 

Les terrains d’alluvion et les terrains volcaniques doivent être 
considérés comme des appartenances des trois ordres de terrains 
dont je viens de parler. En effet on trouve des formations d’al- 
luvion et de volcans dans toutes les autres formations; elles les 
recouvrent, elles en sont recouvertes, elles s’y mêlent au point 
de ne pouvoir les en distraire. C’est aussi l’avis de M. Menard 
de la Groye, à qui on peut s’en rapporter sur une matière dont 
il a fait l’objet constant de ses travaux et de ses observations. 

Pas de doute que le terrain d’alluvion ne soit du même genre 
que ceux d’éboulement et de transport; mais nous ignorons les 

“causes de formation du terrain volcanique. Les expériences dé- 
licates de M. Cordier ont jeté du jour sur la nature des laves; 
les observations de M. Menard sont autant de points fixes auxquels 
on peut rattacher les nouvelles observations ; le rapprochement 
des faits peut préparer une théorie. Peutêtre la cause des phé- 
nomènes volcaniques aura-t-elle été soupconnée par M. Dela- 
métherie qui rapporte ces phénomènes à ceux de la pile : l’idée 
du moins est heureuse; elle deviendra féconde entre les mains 
d’un savant dont l’âge et les infirmités physiques ne font qu'ac- 
croître la vigueur morale. Mais dans l’état actuel de la science, 
j'ai dû m’abstenir d'aborder une question qui ne peut me fournit 
des documens pour l’objet que j'ai en vue dans ce Mémoire. 


PREMIÈRE PARTIE DU MONDE. 
L'Amérique (x). 


L'Amérique se rapproche de la figure triangulaire; elle re- 
présente une sorte de pyramide dégradée dont la base est dans 


(1) J’oyez la note 1 à la fin de cette partie. 


Tome LXXXIII. AOÛT an 1816, O 


Y06 JOURNAL DÈ PHYSIQUE, DE CHIMIE 


la région du nord, et le sommet dans la région du sud. L'axe 
de cette pyramide est parallèle au méridien. La chaîne des Cor- 
dilières peut étre prise pour cet axe dans la partie méridionale, 
à partir du 18e degré de latitude australe jusqu'aux terres les 
plus avancées vers le sud. Au nord de ce parallèle, la grande 
chaîne se courbe en demi-cercle dont la partie convexe est vers 
l’ouest; mais le sol se soutient toujours à une très-grande hauteur 
sur la première ligne de la chaîne méridionale, c’est-à-dire entre 
les 7oc et 75° de longitude ouest, et ce terrain exhaussé va se 
terminer vers le nord aux caps Chichibacao et de la Vela dans 
la mer des Caraïbes. 


Les chaînes des montagnes lorsqu’elles se continuent ainsi sur 
toute la longueur d’un continent, sont pour ce continent ce que 
la colonne vertébrale est pour les animaux. Elles sont le terme 
auquel se rapportent toutes les formes et les dimensions. Elles 
fournissent des documens certains pour restaurer ces formes al- 
térées par divers accidens, et pour retrouver les terres qui ont 
été détachées de la masse continentale. La chaîne des Cordilières 
ou l'axe de l'Amérique étant parallèle aux méridiens, les côtes 
orientale et occidentale devoient originairement l'être aussi, et 
par conséquent la côte du sud suivoit le parallélisme de l’é- 
quateur, 

En partant du principe qu'à une certaine époque postérieure 
à la débacle des lacs , l'Océan du sud a été poussé avee violence 
vers le nord, nous concevrons comment ses eaux arrêtées et di- 
visées par le sommet méridional de l’axe, ont donné à l’Amé- 
xique moderne la figure triangulaire en emportant les angles 
sud-est et sud-ouest de l’ancienne côte parallélique. Les effets 
répondent tellement à cette cause et à ces dispositions, qu'on 
pourroit les démontrer par le calcul avec la même justesse que 
le clivage des cristaux. 

Quant à la côte septentrionale , qui n’existoit pas originaire- 
ment, puisque l'Amérique ne faisoit qu’une seule masse avec la 
Colombie, elle a dû contracter des formes très-irrégulières par 
suite des événemens qui ont morcelé ou englouti les anciennes 
chaussées pour joindre les eaux des lacs à celles de l'Océan. Nous 
aurons occasion de voir que cette irrégularité se montre dans 
tous les lieux où la disposition du terrain ordonnoit la formation 
des lacs. 

Alin de retrouver les linéamens anciens et naturels, je me 
place au voisinage de l'équateur et je cherche à fixer les Limites 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 107 


de la partie du sud où les effets ayant été plus r'guliers, sont 
plus faciles à reconnotie, 


À lorient, les paintescontinentales actuellement plus avancées, 
sont le cap de Saint Augustin et le cap Saint-Roch sur la côte 
du Brésil. Au nord ei au nord-est de ce dernier cap, on trouve 
les vrais bancs de sable fort étendus qui se lient vers l’orient 
à des roches et îlots terminés par le rocher Saint-Paul sous le 31e 
de longitude occidentale environ, et à quarante minutes au nord 
de l’équateur. 


A l'occident, aussi sous la ligne équinoxiale, se voient les 
Galapagos, archipel considérable qui est la dernière ramification 
des promontoires de la côte. Les îles les plus occidentales de 
cet archipel, sont la Rodonde sous l'équateur et l’île Wenmans 
à 1° 20’ de latitude boréale; toutes deux sous le 94° 20° de lon- 
gitude ouest (1). 


Ces points de reconnoissance à l’orient et à l'occident de 
l'Amérique, sont des vestiges de l’ancienne côte, puisqu'ils con- 
servent encore avec la nouvelle une connexion sensible et incon- 
testable. Par leur secours, et en suivant les documens tirés du 
parallélisme, nous devons rétablir les limites naturelles. 


Uné ligne qui partira du rocher Saint-Paul en allant vers le 
sud sous le même méridien, ou à très-peu de différence près, 
passera par les îles de Martinvaz, de la Trinidad , de Saxembourg 
et plusieurs autres moins remarquables, et ira aboutir à la Thulé 
australe ou Terre de Sandwich découverte par Cook en 1774 
sous le Got parallèle. 


Une ligne semblable tirée de l'archipel des Galapagos me con- 
duira aussi au 6o®, précisément aux parages où Drake prétend avoir 
découvert des terres qui ont retenu son nom. On a des doutes 
sur cette découverte; mais tant qu'il n’y aura pas de preuves 
de fait pour attester cette prétendue erreur d'un navigateur jus- 
tement célèbre, il faudra croire à l'existence de ces terres (2). 
Dans tous les cas, l’angle sud-est étant positivement fixé à la 
Thulé australe, celui du sud-ouest le sera nécessairement sous 
le même parallèle au point d’intersection du méridien des Ga- 
lapagos; et nous aurons ainsi la figure de l’Ancienne-Amérique 

‘ indiquée par le parallélisme actuel de son axe. 


à 


(1) Voyez la note 2 à la fin de cette partie. 
(2) Voyez la note 3 à la fin de cette partie. 


0 z 


108 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Je dois faire remarquer que la Terre de Sandwik, qui est le 
point le plus essentiel, se lie étroitement à l’archipel Magella- 
nique par les groupes de Candlemas, des Clerigos, de la Terre 
dé la Roche ou Géorgie, de l’Aurora et des Malouines ou 
Falkland. Cette chaîne d'îles indique par sa position et sa di- 
rection, qu’elle est l’ancienne ramification sud-est de la Cor- 
dilière, et qu’elle enfermoit de ce côté les lacs qui s’éloient 
formés à l'embouchure de Rio de la Plata. On apercoit les 
traces d’une ramification semblable au sud-ouest par le cap de 
Horn et l'ile Diego Ramirez , qui est sous le 56° 30° de lati- 
tude australe, On n'a pas assez fréquenté cette mer pour con- 
noïître les îles qui peuvent se trouver plus loin vers le sud-ouest. 


Passons à la partie qui est au nord de l'équateur. 11 est hors 
de doute que l'Amérique tenoit anciennement à la Colombie 
par la chaîne des Antilles, comme elle y tient par listhme de 
Panama, On verra même dans l’article suivant, que l’ancienne 
côte de la Colombie s’étendoit beaucoup à l’est des Antilles. 
Les lacs qui occupoient l’espace du milieu commencèrent une 
Séparation ordonnée par la rencontre des pentes; cette séparation 
ayant été achevée par la rupture des chaussées , l'Océan fit ensuite 
ses irruptions, qui produisirent leur eflet accoutumé en donnant 
à la Colombie des formes aiguës vers le sud. Depuis cette époque 
PAmérique et la Colombie ont formé deux parties du monde 
distinctes, et le point de séparation nous est indiqué par les 
caractères généraux que nous avons dit être invariables et 
décisifs. 

Le Mexique et les Antilles s’élargissent vers le nord et se ré- 
trécissent vers le sud; ils appartiennent done à la Colombie, 
et alors nous tracerons la limite septentrionale de l'Amérique 
de la manière suivante. 

Du rocher Saint-Paul, notre premier point de reconnoissance ,. 
la ligne passera à l’île de Tabago liée au continent par celle 
de la Trinité; de Tabago au rocher dit de 1802, situé sous le 
73° de longitude ouest et le 13e de latitude nord ; rocher qui 
se lie au cap Chichibacao par le groupe de Las-Mongas; de 
ce point le plus septentrional de l’ Amérique à l’isthme; de l’isthme 
à l'île Malpelo vers le milieu du golfe de Panama ; enfin de 
Malpelo à l'archipel des Galapagos, notre second point de re- 
connoissance. 

Ce système de limites, qu'on peut appeler zaturel, rattache 
à l'Amérique les îles sous le vent qui en eflet ont une conuexion 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 109 


évidente avec cette partie du monde, et n’en ont au contraire 
aucune avec les Antilles, quoique par habitude les géographes 
fassent de ces deux archipels une seule région qu’ils nomment 
improprement les Zrdes- Occidentales. 1°. Le sol des petites 
Antilles est tantôt une argile grasse, tantôt un tuf volcanique ; 
partout il est recouvert d’une forte couche d’humus. Les mornes 
ou inégalités de ce sol ne sont que des coteaux aplatis à leur 
partie supérieure, qui ofirent les caractères et les accidens des 
pays calcaires. La roche primitive ne se montre que dans les 
lieux les plus bas et sur quelques points du rivage. Les îles sous 
le vent ne présentent au contraire que des rochers coniques 
et escarpés, ordinairement quartzeux, entièrement dépouillés, 
auxquels il a fallu toute la patiente industrie du Batave pour 
les rendre productifs. 20. Les îles sous le vent forment une 
chaîne tracée de l'est à l’ouest qui est visiblement l’ancienne 
côte de l'Amérique , tandis que la chaîne des Antilles a sa di- 
rection générale du sud au nord, et se lie évidemment à la 
Colombie. 3°. La grande passe pour entrer dans la mer des Ca- 
raïbes, est entre la Grenade et Tabago qui appartient, ainsi 
que la Trinité, aux îles sous le vent et non aux Antilles. Cette 
pue a plus de quatre-vingts lieues de large. C’est par là que 
’Océan a fait sa grande uruption dans la mer des Antilles, 
comme il est aisé de le voir par le biais de la côte d’ Amérique, 
depuis le cap Saint-Roch jusqu'à T'abago, et par la configuration 
intérieure de la mer des Antilles, 

L'isthmede Panama estunautre sujet de contestation. Quoique 
cet isthme unisse les deux moitiés du Nouveau-Continent, il 
offre néanmoins plusieurs signes de séparation : 1° il termine en 
pointe la Colombie, tandis que de cette pointe même la côte 
d'Amérique s'étend aussitôt vers lorient; 2° le terrain s’élève 
plus brusquement du côté du Mexique que de celui de Tierra- 
Firma; 3° le sol est plus bas à l’isthme qu'aux environs ; s’il 
a résisté à leflort des eaux, c’est moins par sa hauteur que par 
sa nature pierreuse; 4° à partir de listhme vers le nord, le 
terrain est basaltique ou trappéen, et vers le sud il passe au 
gneis et au schiste ; 5° enfin un isthme, de quelque nature qu'il 
soit, est toujours un signe de séparation, parce qu'il n'existe 
que par l'effet des accidens qui ont divisé la surface terrestre. 

Quant à l’île Malpelo dont je fais un point de reconnoissance , 
je me fonde sur ce que cette île est placée sur la ligne méri- 
dienne tirée entre la pointe Mariatto, au golfe de Panama, 


x10 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


et le cap San-Lorenzzo, ainsi que les autres promontoires de 
la côte de Guayaquil. Cette ligne a dû être occupée par l’an- 
cienne côte qui a été creusée par l'Océan, comme les courans 
l'indiquent encore. Du reste, cette île Malpelo a toujours été 
regardée comme une dépendance de l'Amérique, et il n’y a 
aucune raison de lui assigner une autre place. 


NOTE I. 


Je fais dessiner en ce moment une grande Carte du monde 
physique, où toutes les régions de la terre seront distinguées et 
désignées d’après la nouvelle nomenclature. Elle paroitra à la 
fin de ces Mémoires. 

NOTE 2. 


Sur les cartes de d’Anville et des géographes francais, même 
les plus modernes, on trouve l'ile Gallego à la même latitude 
que l'archipel des Galapagos, mais plus à l’ouest sous Île 105€ 
de longitude occidentale, méridien de Paris. Cette île Gallego 
est supprimée dans les cartes d’Arrowsmith. C'est sans doute une 
des îles occidentales de larchipel des Galapagos à laquelle les 
Espagnols auront assigné une fausse position en la portant trop 
à l’ouest : car l'île Wenmons, et d’autres îles des Galapagos, 
n'ont pas été nommées par les Espagnols, mais par les Anglais, 
parce que les premiers les plaçant plus à Pouest, les seconds 
ont cru que ce n'étoit pas les mêmes îles, et toujours avides 
de laisser des monumens de leurs travaux nautiques, ils ont 
supprimé les noms donnés par les Espagnols et avec eux les îles 
qu'ils désignoient, tandis qu’il auroit fallu se borner à rectifier 
les positions. 


NOTE 3. 


M. de Fleurieu, dans un Mémoire inséré dans le 3e vol. du 
Voyage du Capitaine Marchand (Paris, an VI ,4 vol. in-4°), 
discute avec une rare sagacité tout ce qui est relatif aux terres 
de Drake, et il conclut que ces terres ne sont autre chose que 
la côte méridionale et occidentale de la Tierra del Fuego 
ou Terre du Feu, nommée par Drake, et il conclut que ces 
terres ne sont autre chose que la côte méridionale et occidentale 
de la Téerro del Fuego ou Terre du Feu, nommée par Drake 
les ÿles Elizabékiiges. Je conviens qu’en eflet ces terres sont 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 111 


désignées assez clairement dans les journaux et relations que 
M. de Fleurieu a cemposées. Mais ces journaux semblent dire 
aussi : Drake a effectivement vu des terres plus méridionales 
dont, à la vérité, il est diflicile d’assigner la longitude. M. de 
Fleurieu prétend que si ces terres existoient, Cook, en 1769, 
Furneaux, en 1774, et plus récemment La Pérouse les auroient 
apercues dans leur navigation aux mers Australes. Mais j’observe 
que sous le Go parallèle il y a plusieurs espaces de mer à l’ouest 
du cap Horn qui n’ont pas été parcourus par ces navigateurs, et 
Je ne vois rien qui détruise l'existence de ces terres dans ces 
parages. Du reste, cette discussion me mèneroit trop loin et ma 
ligne de limites n’en seroit pas moins naturelle, quand même on 
adopteroit les conclusions de M. de Fleurieu. 


DEUXIÈME PARTIE DU MONDE. 
La Colombie (x). 


La Colombie présente dans son ensemble ce contraste frappant 
que j'ai dit être le signe certain auquel on peut reconnoître une 
partie du monde. Au sud, des excavations, des coupures, des 
escarpemens, en un mot tous les accidens d’une irruption de 
Océan; au nord, une côte unie, étendue dans le sens des lati- 
tudes et déposée tranquillement par les attérissemens successifs 
des fleuves. Cependant la région du nord-est offre les mêmes dé- 
sordres que celle du sud, et la formation de la baie d'Hudson 
paroît due aux mêmes causes que celle de la mer des Antilles. 

Cette disposition, qui se retrouve aux mêmes latitudes et avec 


(1) Dansune note de mon précédent Mémoire, j'ai dit qu'après M. Grabert de 
Hemso , j'avois été le premier à me servir du mot de Colombie pour désigner 
l'Amérique septentrionale, M. Thiébaut de Berneaud, bibliothécaire de la Ma 
zarine , réclame avec raison contre cette note, puisque des l’année 1809 il a 
fait usage de ce nom de Colombie dans sa Bibliothèque des Propriétaires ru- 
raux , n° de septembre, eten 1810 dans les Annales de M. Malte-Brun , t. XI, 
pag- 113 : époques même antérieures aux Lecons de Cosmographie de M. Grâ- 
bert qui n’ont paru qu’en 1813. En restituant à M. Thibaut le mérite d’avoir le’ 
premier rendu un juste hommage à l’immortel Colomb, il me sera permis de 
citer ce savant respectable comme une autorité, laquelle, jointe à celle de son 
illustre ami M. Gräbert, trop peu connu en France , mais plus digne del’être que 
beaucoup d’autres, doit déterminer à la fin tous les géographes, amis de la 
justice et de la vérité, à adopter la dénomination qui fait l'objet de cette note ,, 
etavec elle la division natu elle qu’elle désigne. 


£12 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les mêmes circonstances à l'extrémité nord-ouest de l'Ancien: 
Monde, vient de ce que les pentes des deux continens sont di- 
rigées vers un grand bassin triangulaire divisé en deux par le 
Groëniand. Ces deux bassins ont dû être occupés par des lacs, 
potes les pentes s'y rencontrent. Ces lacs, comme partout ail- 
eurs, ont commencé la séparation. L’Océan poussé ensuite du 
pôle austral, a brisé contre les rochers du Groënland, et ses flots 
divisés se sont fait jour de chaque côté de la pointe Farewel, 
qu'ils ont aiguisée en engloutissant presque tout ce qui restoit 
encore des anciennes chaussées déchirées par les lacs. Les eaux de 
lOcéan arrêtées par les terres polaires, sont revenues par les 
mêmes canaux et, faisant eflort contre les digues de la mer 
d'Hudson et de la Baltique, elles s’y sont pratiqué plusieurs 
passages pour faire de ces anciens lacs des bras de lOcéan. 


Les deux côtes orientale et occidentale de la Colombie sont 
inclinées de manière qu’elles s’écartent vers le nord et se rap- 
prochent vers le sud, où la première finit par la presqu’ile de 
la Floride, et la seconde par l’isthme de Panama; la chaîne 
des Antilles prolonge la côte orientale jusqu'à la Grenade en 
diminuant toujours de largeur. 

Cette chaîne n’est pas à beaucoup près l'ancienne côte. En 
jetant les yeux sur une mappemonde, on verra que les Antilles 
se recourbent à l’est de manière que le côté convexe passe sous 
le méridien de Terre-Neuve. En dedans de ce méridien, la côte 
actuelle des Etats-Unis rentre en demi-cercle et forme le fond 
d’un vaste golfe, qui a près de mille lieues d’ouverture sur douze 
cents de profondeur. Ce golfe, a bien certainement été occupé 
par des lacs où s’amassoient toutes les eaux de la pente orien- 
tale des Alléghany , retenues alors à l'ouverture du golfe par 
une chaussée dont nous devons retrouver des vestiges. 

Les eaux du fleuve Saint-Laurent et du Mississipi, en séparant 
de la masse continentale les îles de Terre-Neuve et de Cuba, 
ont grossi les eaux des lacs. La séparation de ces deux îles est 
antérieure à Pirruption de l'Océan. Le courant du Mississipi a 
creusé le sol si profondément, qu’il se fait sentir encore avec 
une grande violence depuis le canal de Bahama, par où il dé- 
gorge, jusqu'aux bancs de Terre-Neuve où il se perd. La vitesse 
de ce courant qui est de quatre à cinq milles par heure, sa 
largeur moyenne que M. Volney, à qui j’emprunte ces détails, 
estime de quinze lieues, la couleur, la température, la salure 
et les autres qualités de ses eaux différentes de celles de l'Océan 

qu’elles 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 118 


ri traversent, enfin la profondeur beaucoup plus consi- 
érable de son lit, ne permettent pas de douter que les eaux qui 
occupoient le creux de la mer des Antilles, ne se soient pra- 
tiqué une issue dans les lacs du golfe des Etats-Unis bien avant 
l'irruption de l'Océan. La même chose doit avoir eu lieu pour 
le fleuve Saint-Laurent qui aboutissoit d’abord dans un lac, 
lequel s’est à la fin joint aux autres. 


De ces faits nous pouvons déduire qu'il y avoit une suite 
non interrompue de lacs communiquant par des canaux, depuis 
Ja mer des Antilles jusqu’au golfe Saint-Laurent, et probable- 
ment au delà. La chaussée extérieure du côté de l’orient a sub- 
sisté et formé l’ancienne côte jusqu’à l’époque où l'Océan a tout 
brisé pour réunir toutes ces eaux à sa propre masse. 

Ces documens m’indiquent que l'ancienne côte orientale de 
la Colombie devoit être aussi avancée vers l’orient que celle 
de l'Amérique dont elle étoit la prolongation. En eflet j'en 
retrouve de nombreux vestiges sur une ligne qui commence vers 
le 7° de latitude nord et le 32e de longitude occidentale , et finit 
vers le 43 parallèle en s’inclinant vers le nord-ouest jusqu'au 
41° de longitude. Elle est tracée par des rocs et écueils assez 
nombreux qui sont spécifiés sur le tableau qui accompagne ma 
carte, On ÿ verra qu'indépendamment des écueils dont la po- 
sition est fixée d’une manière positive, il y en a beaucoup dont 
la position est douteuse. Ces rocs douteux sont fréquens dans 
le golfe des Etats-Unis. Arroussmith en indique un grand nombre 
sur sa carte. En général tout cet espace de mer, à l'exception 
du creux du bassin où se trouvent encore les Bermudes et d'autres 
roches, est peu profond, semé d’écueils et de brisans, danges 
reux pour la navigation et très-variable pour les sondes et les 
courans. Les fragmens pierreux et les parties terreuses qui ont 
dû jadis former et cimenter la chaussée ou l’ancienne côte, se 
retrouvent dans ces bancs de sable qui occupent une si vaste 
étendue aux environs de Terre-Neuve, où ils ont été amassés 
par la rencontre et le tournoiement des courans du Mississipi et 
du fleuve Saint-Laurent. 

La ligne va s'appuyer vers le nord-ouest, au banc Jacquet 
le plus oriental de ceux de la Terre-Neuve. De ce banc elle 
s'incline dans la même direction que la côte jusqu'à la côte 
extérieure de l'ile de Cumberland , qui sépare en deux détroits 
l'entrée de la baie d'Hudson. De ces îles, en suivant la même 
direction, la ligne aboutit au point où l’on suppose que finit la 


Tome LXXXIII, AOÛT an 1810 


1t4 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Colombie , et que je désigne provisoirement sous le nom de: 
cap Baffin. La position que je lui assigne est celle qui est mar- 
quée sur les cartes d’Arroussmith. Je discuterai dans l’article 
suivant, ce qui est relatif au passage du nord-ouest qui sépare 
la Colombie de l’Ericie. La ligne que je viens de tracer ne 
peut offrir matière à contestation, puisqu'elle passe sur tous les 
points saillans de la côte, et qu’elle enferme toutes les terres et 
iles de la Colombie. 

Du cap Baflin , la ligne s'incline vers le7xe parallèlejusqu’au cap: 
Glacé. 11 se pourroit cependant qu’il y eût entre ces deux pro-- 
montoires des langues de terre plus avancées qu'eux vers le 
nord, et cela est même probable par analogie avec la côte 
septentrionale de l'Ancien Continent. En dedans de cette ligne 
sont comprises les parties de mer vues par Hearne et Macenzie. 
Elles s’enfoncent jusqu'au 68e parallèle, et il paroît qu’elles sont 
obstruées d'îles et de sables comme la mer de Sibérie. 


Du cap Glacé, la ligne court au sud-ouest jusqu'aux deux 
îles qui sont au milieu du détroit de Béring. Ces îles portent 
sur la carte d’Arroussmith, les noms d’Lzellin et d’ Okevachi.. 
Sar une excellente carte russe publiée par ordre du Gouvernement 
en 1609, que M. Barbié du Bocage, mon illustre maître, a eu. 
la bonté de me communiquer, ces îles sont au nombre de quatre 
et portent le nom d’i/es Jfodeffv. Eles sont à égale distance 
des deux côtes; mais la mer est plus profonde et plus libre de- 
glaces du côté de l'Asie : ce qui me détermine à les rattacher 
de préférence à la Colombie, Elles sont un reste de l’ancienne 
chaussée qui joignoit les deux Mondes. 

Des îles JHodeffv, en s'inclinant beaucoup vers l’ouest, la ligne 
va Joindre l'île d’Attou, la plus occidentale de la chaîne des 
Aleutiennes, qui est un prolongement de la presqu’ile d’Alaska. 
Cette tigne suit l’inclinaison de la côte d'Asie à laquelle celle 
de la Colombie devoit nécessairement correspondre. Elle partage 
obliquement le bassin de Béring , laissant à la Colombie toutes 
les îles de ce même bassin où elles sont assez nombreuses. La 
distance de l’île d’Attou au groupe desiles Béring est à peu près 
double de celle de ce-groupe à la côte d’Asie. Indépendamment de 
ce motif qui pourroit suflire, la Géologie fournit aussi des faits qui 
commandent la séparation desiles Aleutiennes et des îles Béring, 
Dansles premières, les roches sont, eomme à la presqu'ile d’Alaska,. 
de jaspe jaune à larges bandes vertes et rouges, et le sol est sa- 
b'onneux et stérile, Dans les secondes, on remarque la même: 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 115 


construction que sur la côte d'Asie; c’est-à-dire des roches gra- 
nitiques qui deviennent friables à l'extérieur par le contact de 
l'air, et dont la décomposition couvre le sol d’un mélange de 
différentes terres très-favorables à la végétation. 


Cette opposition n'exclut pas un genre de liaison particulier, 
celui des terrains volcaniques. C’est un signe auquel on ne doit 
point s'attacher, parce qu'il se reproduit sur tous les points li- 
mitrophes, quelques différences qu’il y ait entre eux. Les volcans 
se sont manifestés dans les montagnes coniques et tous les creux 
où les eaux se sont amassées. La présence de ces eaux est Ja 
cause déterminante des phénomènes volcaniques; lorsqu'elles se 
sont retirées, ces phénomènes ont cessé, comme on le voit dans 
tous les volcans aujourd’hui éteints. Il ne faut donc pas chercher 
en eux des indications, ni des analogies ; puisque sur tous les 
rivages des six parties du monde il y a et il doit y avoir des 
volcans, par cette seule raison qu’il y a des amas d’eau, et que 
cette seule condition suffit, avec certaines dispositions du ter- 
rain, pour produire des volcans sur tous les rivages qu’on r’auroit 
aucun motif de séparer si on s’en tenoit à cette seule analogie. 
Observons seulement que les volcans sont un moyen accessoire 
qui a dû faciliter la division des terres opérée par les eaux. Sans 
les commotions que provoquent les feux souterrains, celte di- 
vision auroit été plus incomplète et moins irrégulière. C’est 
pourquoi nous aurons occasion de remarquer que la Malasie 
qui, occupant un des plus grands réservoirs d’eau, a dû étre 
aussi un des foyers les plus actifs, a été horriblement déchirée 
par cette réunion de circonstances. 


. Il est hors de doute que les îles Aleutiennes, avant l'irrup- 
tion de l’Océan austral, tenoient au continent de la Colombie. 
Par conséquent la côte ancienne de ce continent devoit s'étendre 
partout à la même distance de la côte actuelle dont l’inclinaison 
est une disposition primitive déterminée par la direction des 
Cordilières colombiennes, depuis l’isthme de Panama au sud- 
est jusqu’au mont Saint-Elie au nord-ouest. Si nous suivons 
cette inclinaison, qui doit en effet servir de règle, nous verrons 
que deux lignes tirées l’une de l'ile d'Altou à lîle Paxaros, 
l’autre de l’île Paxaros à celle de Cocas, correspondent exac- 
tement à la direction du grand axe de la Colombie et de sa 
principale chaîne de montagnes. L'ile Paxaros, qui est le point 
du milieu, est située un peu au nord du tropique du Cancer 
sous le 134° de longitude occidentale. Elle forme le sommet du 


P z 


*16 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


triangle , dont la base très-allongée est coaee entre l’ile d’Attou 
et celle de Cocas. Ce sommet du triangle répond précisément 


au cap Mendocin, point le plus saillant de la côte convexe de 
la Nouvelle-Californie, 


De l'île Cocas, qui est située au 5e de latitude boréale et au 
90° de longitude occidentale, la ligne de démarcation passe par 
l'isthme de Panama, va joindre Âlla-Vela, petite île au sud 
de Saint-Dominique, revient à la Grenade, et enfin aboutit aux 
écueils de l'angle sud-est de la Colombie d’où je suis parti. IL 
»’y a aucune objection à faire contre cette Umite qui sépare, 
d'une manière nette et exacte, les annexes de la Colombie de 
celles de l'Amérique. 


(Za suite au Cahier prochain. ) 


ËT D'HISTOIRE NATURELLE. 17 


SE SAC ED EL PR Se, 


DE L'ÉTAT ACTUEL DE LA CHIMIE; 


Par J.-C. DELAMÉTHERIE. 


Les théories chimiques prennent une direction qui est telle, 
qu'on ne craint pas de dire que nos plus célèbres professeurs 
dans cette science, même les plus jeunes, ne sont pas à la 
hauteur de cette nouvelle doctrine. Je vais essayer de la faire 
connoître à mes lecteurs ; mais je crois nécessaire de leur rappeler 
quelques faits. 


Beccher, Sthal... trouvèrent un grand nombre de beaux faits 
chimiques épars...; ils essayèrent de les réunir et d’en faire 
un corps de doctrine. Stahl, particulièrement, fit un système 
qui fixa l’attention de tous les chimistes. 11 supposa un principe 
inflammable, auquel il donna le nom de phlogiston, phlogis- 
tique, inflammable...; ce principe, suivant lui, avoit la plus 
grande influence dans la plupart des phénomènes. 

Mais, comme tous les auteurs d’une nouvelle doctrine, il 
donna trop d’étendue à son opinion, et il ne fit pas altention 
que son principe inflammable ne pouvoit se développer sans le 
concours de l’air. Cependant Jean Rey avoit déjà prouvé que 
Vair étoit nécessaire à la combustion, que les métaux, par 
exemple le plomb, ne pouvcient perdre leur phlogistique , ou 
être brülés, ou étre calcinés que par le concours de l'air. Ainsi 
cent livres de plomb donnoient par la calcination cent dix livres 
de zninium : ces dix livres , suivant Rey, étoient dues à l'air 
qui s’étoit combiné... 

on confirma ces faits, qui le furent également par Hales.. , 

Enfin la grande découverte des gaz ne permit plus de douter 
de l’insuflisance de la doetrine de Stabl.. 


Néanmoins elle fut soutenue jusqu'à ce qu’un chimiste fran- 
çais, le célèbre Bayen, en démontra l’insuftisance par une ex- 
perimentum crucis, pour nous servir de l’expression de Bacon. 
Il mit dans une petite cornue de verre du précipité rouge de 
mercure pur, ou chaux de mercure (oxide), et l’exposa au feu, 


118 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Il vit avec surprise cette chaux pure se revivifier, sans addition 
du principe inflammable, en mercure coulant, avec un déga- 
gement considérable de fluide aériforme... 11 en conclut que 
ce précipité rouge n'étoit pas seulement Île mercure privé de son 
principe inflammable, de son phlogistique, mais que dans ce 
nouvel état il étoit combiné avec un fluide aériforme. (Journal 
de Physique, an 1774.) 

Priestley, qui répéta cette expérience, reconnut que ce fluide 
aériforme n'éloit pas de l’air commun, mais un air particulier 
qui favorisoit la combustion, et auquel il donna le nom d'air 
déphlogistiqué. 

Les expériences se multiplièrent.... 

à Les conclusions de Bayen furent reconnues exactes. ..; mais 
il étoit seul, et on s’empara de son travail sans parler de lui. 

On dit que cet air déphlogistiqué étoit le principe de la com. 
bustion et celui des acides. En conséquence il fut nommé oxy- 
gine, puis oxigène par Lavoisier ( qui n’a jamais dit que cette 
expérience appartenoit à Bayen, et son influence fut telle, que 
personne n’osa prononcer le nom de Bayen). Le principe 1n- 
flammable de Stahl fut banni de la science... 

Je fus chargé alors de la rédaction du Journal de Physique. 
Un ami de la vérité et de la justice, tel que moi, fut choqué 
de l’injustice commise envers Sthal et mon ami Bayen, comme 
je l’étois de celle commise envers un autre de mes amis, Romé- 
de-Lisle. (On me dit que c’étoit Daubenton qui défendoit de 
prononcer son nom, et de lui rendre ce qui lui appartenoit.) 
Je revendiquai donc, 

a Pour l'expérience fondamentale de Bayen, qui prouvoit le 
concours nécessaire de l’air dans tous les faits où Sthal ne sup- 
posoit que son phlogistique ; 

b Je fis voir qu'on commettoit la même injustice envers 
Stabhl, et que le prétendu oxigène n’étoit point le principe des 
acides, ni de la combustion; 

c Je revendiquai également pour Romé-de-Lisle. 


* 

J'ai combattu avec courage et constance..., et enfin Za vé- 
rité a triomphe. 

On a rendu justice à mes amis Bayen et Romé-de-Lisle..., 

mais on s’est cruellement vengé contre leur défenseur...; on a 


-agi avec lui comme on avoit agi avec eux, on s’est également 


elle e loue lLstle real} 7e ler 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 116) 


emparé de ses travaux... Se trouvera-t-il un autre ami de la 
vérité et de la justice, pour lui faire rendre ce qui lui est dû ? 


Qu'importe : LA VÉRITÉ TRIOMPHE! 


Il est aujourd’hui reconnu généralement que le prétendu oxi- 
gène n’est pas l’oxigène, c’est-à-dire n’est pas le principe des 
acides, ni celui de la combustion : et toutes les conséquences 
qu'on avoit tirées de cette hypothèse sont abandonnées... 


Le mot principe inflammable de Stahl a été remplacé par 
celui de calorique. 

Mais on veut aujourd'hui substituer à ces suppositions une 
nouvelle théorie. 


On convient avec moi (sans parler de mes travaux) qu'il y 
a des’acides sans oxigène. 


On reconnoît que l'hydrogène, ou air inflammable, est le 
principe de plusieurs acides : ainsi le soufre combiné avec l'air 
inflammable, ou le gaz hydrogène sulfuré, a toutes les propriétés 
des acides, 

Il en faut dire autant de l'acide prussique..…. 

Le tellure, liode, le chlore... combinés avec Fhydrogène ; 
présentent des phénomènes analogues. 


Gay-Lussac pour distinguer les acides qui contiennent de 
loxigène, de ceux qui contiennent de l'hydrogène, a proposé 
de donner un ncveau nom à ces dermers , il les appelle 
Rydracides. : 

Les acides qui contiennent de l’oxigène sont : 

L’acide boracique, 

L’acide fluorique, 

L'acide nitrique. 

Les acides qui contiennent de l'hydrogène sont : 

L’acide hydroïodique, 

L’acide hydro-cyanique (ou prussique); 

L’acide hydro-sulfurique (Gay-Lussac, mai, pag. 15), c’est 
l’acide sulfureux. 

Mais rapportons les paroles de Gay-Lussac lui-même sur les 
bydracides. 


x20 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE A 


Des Hydracides. 


« J'ai fait voir, dit Gay-Lussac (Annales de Chimie et de 
Physique, février 1816, pag. 157), que le chlore, l'iode et le 
soufre avoient entre eux beaucoup de rapports, et qu’avec l'azote, 
le phosphore et le carbone, ils formoient une série continue, 
dans laquelle l’aflinité de chaque corps pour l’oxigène, étoit en 
raison inverse de son aflinité pour l'hydrogène. En établissant 
ces rapprochemens, j'ai eu pour objet de montrer que le chlore 
et l’oxigène ne formoient point une classe séparée, jouissant ex- 
clusivement de la propriété de former des acides, qu’ils la par- 
tageoient au contraire avec beaucoup d’autres corps, et que les 
substances salines, formées par la combinaison du chlore, ou de 
l’iode avec l’oxigène et les bases, étoient entièrement analogues 
aux nitrates et aux sulfates. J'ai aussi fait voir que le caractère 
acide dépend autant de l’arrangement que de l'énergie des mo- 
lécules élémentaires : et quoique dans la combinaison des subs- 
tances simples on observe les mêmes phénomènes de saturation , 
que dans les combinaisons des acides avec les bases, j'ai proposé 
de réserver le nom d'acides pour les substances composées, 
jouissant d’ailleurs des propriétés acides. Considérant enfin que 
l'hydrogène forme des acides très-remarquables avec le chlore, 
liode et le soufre , j'ai encore proposé le nom HYDRACIDES pour 
désigner ces combinaisons, au nombre desquelles a été ajouté 
l'acide hydro-cyanique. » 

Il donne l’histoire de plusieurs substances qui jouissent ‘des 
propriélés acides, sans contenir d’oxigène. 


De l’Acide prussique. 


Gay-Lussac a fait un grand travail sur cette substance, qui 
avoit été déjà l'objet des travaux de plusieurs chimistes. 11 lui 


paroît qu'elle est composée de trois substances, l'azote, l’hydro- 
gène et le carbone. 


Suivant Gay-Lussac, Annales de Chimie, août 1815, p. 157, 
cet acide prussique est composé de 


volume de vapeur de carbone. 
volume d'hydrogène. 
volume d'azote, 


OCUCRS) 


Condense 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. E2L 
Condensé en un seul, ou en poids, de 


CALDONE M - + + - ete te le A 
POI ve se 01e CNET ON TT ON T7R 
Hydrogène. . 2e Meet Et cll 9:00 


Porret, chimiste anglais, qui s'est aussi beaucoup occupé 
de cet acide, donne pour principes de l'acide prussique, 


Cabo ER ONE 00" 24.0 
NPA SNS ETES EN 


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Curaudeau avoit dit, Annales de Chimie, XLVI, pag. 148, 


qu’il existe un radical prussique auquel il donna le nom de 
prussire : ce radical, en se combinant avec loxigène , formoit 
le véritable acide prussique, et ses combinaisons étoient les 
prussiates. Il n’acquiert la propriété neutralisante, ou acide, 
qu'aux dépens de l’oxigène que lui fournit un oxide métallique, 
dont le concours est nécessaire pour former, avec les bases sa- 
lifiables, une combinaison énergique et durable (dit Gay-Lussac, 
Annales de Chimie et de Physique, an 1815, pag. 141). 


Gay-Lussac (ibidem, pag. 162) admet également un radical 
de l'acide prussique, qu’il nomme cyanogène (1), mais son opi- 
nion diffère de celle de Curaudeau , en ce qu’il croit que ce 
cyanogène se combine avec l'hydrogène pour former l'acide 
prussique. 


L’acide prussique ordinaire recevra , suivant lui, le nom d'a- 
cide kydro-cyanique. 

Les prussiates recevront le nom d’Aydro-cyanates. 

Les combinaisons du cyanogène avec les corps simples , quand 
il y jouera le même rôle que le chlore dans les chlorures, 
seront désignées par le nom de cyanures. 

L’acide prussique est composé, suivant lui, 


volume de vapeur de carbone. 
volume d'azote. 

- volume d'hydrogène, 

Et point d'oxigène. 


I 

2 
= 
= 


Le potassium combiné avec cet acide, en dégage la moitié 


(1) Kowsr, cyanos bleu, yenve , j'engendre. 


Tome LXXXIII. AOÛT an 1616. Q 


122 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de son volume d'hydrogène : il est clair que ce qui se combine 
avec ce métal, et qu’on devroit désigner par le nom de radical 
prussique, est un composé de carbone et d’azote dans la pro- 
portion de 


x volume de vapeur de carbone. 
+ volume de gaz azote. 


Ce radical, combiné avec le potassium , constitue un véritable 
prussique de ce métal. 

On doit donc considérer l'acide prussique ordinaire comme 
uu Aydracide. 

On l’appellera hydro-cyanique, 

Et les prussiates seront des hydro-cyanates. 

Le radical de cet acide est le cyarogène. 

Les combinaisons des corps simples avec le cyanogène seront 
des cyanures. 

Mais Porret (Annales de Chimieet de Physique, février 1816, 
pag. 120) admet deux espèces de prussiates, les simples et les 
triples, 

Les prussiates simples sont les sels qui résultent de l'union 
directe de l'acide prussique avec les alcalis et les autres bases. 
Ils sont toujours alcalins, et sont incapables de former le bleu 
de Prusse, quand ils sont ajoutés aux dissolutions de fer. 


Les prussiates triples de potasse sont neutres; ils sont insolubles 
dans l'alcool, et forment le bleu de Prusse avec les sels de fer 
peroxidé,. 

De l’Acide Chyazique. 


L'acide chyazique est un acide particulier, ainsi dénommé pat 
Porret (Annal. de Chèm. et de Phys., Cahier de février 1816, 
pag. 124), il est formé par les élémens de l'acide prussique 
avec d’autres substances, 


Non-seulement, dit-il, l’oxidé de fer, mais encore d’autres 
substances forment avec les élémens des acides particuliers ayant 
des propriétés totalement différentes les unes des autres. 

Le soufre est une de ces substances, et Porret présume que 
quelques oxides métalliques sont aussi dans ce cas. 

Porret a donné à cet acide le nom de chyazique. I] fornre ce 
nom des lettres initiales des mots carbone, hydrogène et azote 
(élémens de l’acide prussique) auxquelles il ajoute la terimi- 
nalson que. , 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 123 


De l’Acide Chyazique sulfuré. 


: Porret, pour obtenir cet acide chyazique sulfuré, faït bouillir 
Kgérement une dissolution de prussiate de mercure avec du 
sulfure hydrogéné de potasse. La décomposition est instantanée, 
et il en résulte un sel neutre dont on peut séparer par plusieurs 
moyens un acide particulier, composé, d’après l’auteur, d’acide 
prussique et de soufre. 


Cet acide contient du soufre, non comme un corps étranger, 
mais comme un élément. 


Lorsque le soufre y est acidifié par une cause quelconque, 
jes autres principes se réunissent sous la forme d’acide prussique: 
ainsi ces principes avant cette décomposition, formoient un acide 
chyazique sulfuré. \ 

Cet acide peut se combiner avec différentes bases, la soude, 
l’'ammoniaque, la chaux, la magnésie, la barÿte..., les oxides 
d'argent, de mercure... et forme des chyasates sulfurés. 


De l Acide Chlorique. 


H. Davy pense que l’acide connu sous le nom de muriatique, 
est composé d’un radical quelconque, qu’il appelle chlore. 


Ce chlore peut se combiner avec l’oxigène, et il forme l’acide 
chlorique. 


Ce chlore peut se combiner avec l'hydrogène, et il forme 
Vacide Aydro-chlorique. 


Les combinaisons de cet acide font les hydro-chlorates. 


De l'Acide Iodique. 


L'iode peut se combiner avec l’oxigène, il forme alors un 
acide qu’on appelle zodique. 

L'iode peut également se combiner avec l'hydrogène, et il 
forme l’acide kydro-iodique. 

Les combinaisons de cet acide sont les hydriodates. 


De l’Acide Fluorique. 
L’acide fluorique est composé d’une base combinée avec 
loxigène. 
On avoit donné à cette base le nom de //uore. 


Q à 


124 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Des Phtores. 


Ampère (Ænnal. de Chim. et de Phys., mai 1816, pag. 24) 
propose de lui donner le nom de PHTORE, analogue à celui de 
chlore, de phosphore, d'iode. Phtore, dit-il, dérive de l’ad- 
jectif grec phtoros @Bopeoc, délétère, qui a la force de ruiner, de 
détruire , de corrompre. Ge nom lui paroît très-propre à exprimer 
l'extrême énergie de cette substance, la propriété qu'elle possède 
exclusivement de détruire tous les vases où l’on veut la renfermer, 
et l’action si remarquable qu’exerce la combinaison qu’elle forme 
avec l'hydrogène sur les corps organisés. 


Cette combinaison avec l'hydrogène sera l'acide kydro-phto- 
rique; celle que le même corps produit en s’unissant au dore 
et au siliciun, prendront le nom d’acide ph!oro-borique et 
d’acide phtoro-silicique : et les sels correspondans ceux d’Lydro- 
phtorates , phtoro-borates et phtoro-siliciates. 

Les hydro-phtorates se convertiront en PHTORURES lorsqu'ils: 
seront privés d’eau. 

Enfin si l’on vient à découvrir un acide formé de phtore et 
d'oxigène, ce qui est bien probable, ce sera l'acide phtorique, 
et les sels où il entrera seront des phiorates. 


Le phtore dans l’ordre naturel doit être placé entre le clore 
et l’iode. 


De l'Acide Boracique ou Borique. 


L’acide boracique est composé d’une base combinée avec 
Voxigène. 

H. Davy a donné cette base le nom de Zoron. 

Les chimistes francais lui ont donné celui de bore. 

Ce bore peut se combiner avec différentes substances. 

Le bore peut peut-être se combiner avec l'hydrogène et former 
un acide hydro-borique. 


De l’Eau comme Principe des Corps. 


L'eau peut entrer en combinaison avec plusieurs substances, 
et il se forme alors de nouveaux composés. 


Les hydro-phiorates, par exemple, dit Ampère ( Annal. de 
Chim., etc., mai 1816, pag. 24),contiennent de l’eau et se con- 
vertiront en phtorures, lorsqu'ils seront privés d’eau. 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 125 


Des différentes Combinaisons de l’Azote et de l’Oxigène. 


Mais les principes qui composent ces acides peuvent se trouver 
en diflérentes quantités : ce sont donc de nouveaux composés, 
Voici des exemples des composés de l’azote et de l'oxigène , 
suivant Gay-Lussac(Ænnal, de Chim., etc., avril 1816, p. 404): 


Azote.  Oxigène. 


Oxdedazofe.s M LS CUT 00 bo 
Éazniireuxe tetes eee TOO 100 
Acide pernitreux.. « « « + . 100 150 
AeItiernitreuxe Pen ete ee de. 100 200 
Acide nitrique. . . + . + + «+ 100 250 


Les autres combinaisons présentent des variétés analogues. 
Nous ne saurions ici les rapporter toutes. 


D'une nouvelle Nomenclature chimique. 


Ampère , d’après tous ces faits, a proposé une nouvelle no- 
menclature chimique(Ænnal. de Chim.,etc., Gahier de mai 1816, 
pag. 24). 

Le Phitore. 


Nous venons de rapporter ce qu’il dit du phfore et de ses 
combinaisons ( Cahier de mai 1816, pag. 24). 

Le soufre, dit-il (Cahier de mai 1816, pag. 304), forme, 
comme l'iode et le chlore, un gaz permanent acide avec l'hy- 
drogène : les hydro-sulfates présentent la plus grande analogie: 
avec les hydriodates et les hydro-chlorates. 

Ils se réduisent en sulfures, comme ceux-ci en iodures et en 
chlorures , lorsqu'ils sont insolubles, ou qu'après en avoir éva- 
poré les dissolutions, on en dessèche les résidus à une tempé- 
rature convenable, propriétés qui rapprochent encore plus l’iode: 
et le chlore du soufre que l’oxigène. 


De l’ Acide Oxalique, ou Hydro-Carbonique. 


L’acide oxalique (dit Ampère, Cahier de mars 1816 , pag. 298) 
est, suivant Dulong, composé de gaz carbonique et d'hydrogène 
combinés dans le rapport de deux à un en volume : en consé- 
quence Dulong le nomme hydro carbonique, conformément à la 


226 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nouvelle nomenciature; cet acide Sunit aux oxides dans une pro 
portion telle, que le volume d'hydrogène qu’il contient est double 
de celui de loxigène de loxide : ensorte que, quand celui-ci 
n'est pas très-diflicile à décomposer, il forme de l’eau, et que le 
gaz carbonique reste seul combiné avec le métal, comme il 
arrive au cyanogène, au soufre, au chlore et à l’iode, dans la 
formation des cyanures, des sulfures, des chlorureset des iodures. 


Du Gaz Hydrogène per-carboné. 


La substance huileuse découverte par des chimistes hollandais , 
et qu'ils nommèrent gaz oléfiant, est appelée aujourd’hui gaz 
hydrogène per-carboné, parce qu'on le regarde comme de lhy- 
drogène surchargé de carbone (Ænnal. de Chim., etc. avril 1816, 
pag. 337). 

La Silice, ou Acide Silicique. 


Ampère considère ensuite la silice (Cahier d'avril, pag. 377). 
La silice, dit-il, est tellement analogue au bore qu'il est im- 
possible de l'en séparer. Ce qu’on nomme silice, et qui devroit 
porter le nom d’acide silicique, appartient si évidemment à la 
classe des acides, que dans plusieurs pierres, ou plutôt dans 
plusieurs séliciates, la proportion de l’oxigène uni au silicium, 
est la même que celle de l’oxigène combiné avec le soufre dans 
les sulfates correspondans : que le feld-spath comparé à l’alun, 
comme l’a fait voir M. Berzelius, présente non-seulement la 
même proportion d’oxigène dans l'acide relativement à celui des 
bases, mais encore le même rapport entre ces bases; la potasse 
<t l’alumine. 


Ze Verre, ou Siliciate insoluble. 


Le VERRE n’est qu’un séliciate insoluble à l’état neutre, et 


à celui de sel avec excès d'acide, parce que cet acide est Lw- 
même insoluble, 


Liqueur des Caïlloux, ou Siliciate soluble. 


Tandis qu'un siliciate avec excès de base, et dont la base a 
une grande aflinité avec l’eau, celui, par exemple, qu’on connoît 
sous le nom de ligueur des cailloux, est au contraire très-soluble 
et déliquescent : que les séliciates sont en tout semblables aux 
dorales , lorsque ceux-ci sont formés comme eux par la voie 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 127 


sèche : qu’enfin le silicium et le bore se désoxident de la même 
manière, par l’action simultanée du fer et du carbone, en formant 
avec le fer des composés pareils, et se combinant de même en 
produisant des gaz permanens acides avec le corps analogue à 
Foxigène, au soufre, à l’iode et au chlore qui est uni à l'hy- 
drogène dans l’acide connn sous le nom d’acide fluorique. 

Ampère dit ensuite (avril 1816, pag. 38) : on peut diviser 
les corps simples en deux classes. 

Dans l’une on rangera les corps susceptibles de former avec 
d’autres substances de la même classe, des gaz permarnens qui 
puissent subsister sans se décomposer, lorsqu'ils sont mélés 
à l’air atmosphérique. 

Dans la seconde classe seront tous ceux qui ne présentent pas 
cette propriété. 

Les Gazolites. 


Il me semble, ajoute-t-il, qu'il conviendroit, pour distinguer 
ces deux sortes de corps, de donner aux premiers le nom de: 
GAZOLYTES (du mot grec Aurus, soluble), en conservant aux: 
seconds la dénomination ordinaire de m16/aux. 


« On peut faire sur d’autres qualités de corps simples, des ob-- 
servalions semblables à celles que nous venons de faire sur les 
différens états de solidité, de liquidité ou de fluide élastique. 
La couleur, par exemple, qu’ils présentent lorsqu'ils sont purs, 
n’est d'aucune importance relativement à l’ordre naturel que nous 
cherchons à établir entre eux; mais l'observation fait voir que 
lorsqu'il s’agit des métaux, on peut tirer un caractère important 
de la manière dont les dissolutions de ces corps dans des acides 
incolores agissent sur la lumière. ...; la fusibilité de ces métaux 
paroît devoir influer sur la couleur de leurs dissolutions. 

» J'ai donc cru devoir former deux séries des métaux à raison 
de leur fusibilité. 

» Lune, des métaux fusibles au-dessous de 25° du pyromètre 
de Wedgewood, dont les dissolutions dans des acides Incolores 
sont sans couleur. 

» L'autre, des métaux infusibles à cette température, qui for-- 
ment avec ces acides des dissolutions colorées. » 


Les Leucolites. 


« Les métaux de la première série pourroiïent être nommés 
leucolytes, de Aeuxos, leucos blanc, clair, transparent. 


x20 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Chroïcolytes. 


» Les métaux de la seconde série seront nommés chroïoco- 
dytes, xpoëxos, croeicos, coloré. » 

L’auteur détermine ensuite les genres d’après ces principes 
(Cahier de juin, pag. 117). « La détermination des genres, 
dit-il, dans une classification naturelle, doit être faite uniquement 
d’après l’ensemble des propriétés des corps qu'il s'agit de classer: 
et quelque remarquable que paroisse un caractère, on ne doit 
jamais lui attribuer qu’une valeur relative au nombre et à lPim- 
portance des propriétés communes à tous les corps où on l’ob- 
serve; mais après que ce travail est achevé et que les limites 
des genres sont définitivement fixées, il est utile en géuéral pour 
fixer les idées, et indispensable dans l'étude de la science, pour 
que celui qui veut l’apprendre n’erre pas sans guide, d'assigner 
à chaque genre, un caractère distinctif, formé d’un petit nombre 
de propriétés communes à tous les corps qu’il renferme, et qui 
ne se trouvent réunies dans aucun autre corps. Il convient aussi 
de choisir des noms pour désigner ces genres , et éviter les cir- 
<onlocutions continuelles où il faudroitrecourir, si l’on se privoit 
de ce secours toutes les fois qu’on voudroit en parler. 

Dans le choix des caractères distinctifs, j'ai préféré ceux qui 
étoient le plus susceptibles d'être aiséinent constatés par l’expé- 
rience , et énoncés d’une manière claire et précise, pensant qu’il 
y avoit peu d’inconvénient que ces caractères ne fussent peut-être 
pas toujours les plus essentiels, une fois qu’on étoit convenu de 
les considérer non comme le seul motif de réunir entre eux les 
corps de chaque genre, mais seulement comme le moyen de 
donner une idée juste des limites de ces genres, et qu’on se 
réservoit d’ailleurs la liberté de les modifier, si l’on yenoit à 
découvrir de nouveaux corps. 


A l'égard des noms génériques, il m'a semblé qu’on ne pouvoit 
les tirer que des noms des espèces les plus remarquables, en 
choisissant de préférence dans chaque genre, celle qui en pré- 
sentoit les propriétés au plus haut degré, ou qui étoit le plus 
généralement connue, ou enfin, pour que ces noms fussent plus 
faciles à former et à distinguer de ceux des espèces, celle qui 
a un nom dans la langue grecque, en le substituant alors au 
nom dont on se sert en français pour la désigner. :.- . 4 

Le bore et le silicium n'étant découverts que depuis peu, ne 


peuvent 


ET D'HISTOIRE NATURELLE! 120 


peuvent avoir de nom tiré de la langue grecque. Le premier 
étant le plus facile à obtenir, et celui dont le nom se prête le 
mieux à un changement de terminaison propre à distinguer les 
noms génériques des spécifiques, il paroît convenable de les 
nommer borides. 


Dans le genre suivant se trouve le carbone dont le nom grec 
est av8po£, anthrox, le carbone et l’hydrogène seront donc des 
anthracites. 


Le soufre portoit dans la même langue le nom de théon, 
Okiov; il formera donc, avec l'azote et l’oxigène, le genre des 
zhionides. 

Tous les corps du genre suivant n’ont été connus que des 
modernes : le chlore, découvert le premier, le plus générale- 
ment répandu et le plus facile à obtenir, doit naturellement 
donner son nom aux chlorides. 


à à de t \ - À 
Le mot arsenic est tiré du grec æpçerixor, arsenicon, qui, dans 
Vorigine, étoit le nom de l’orpiment ; ainsi le genre des arsenides 
comprendra le tellure, le phosphore et l’arsenic. 


Du mot xasoirepos, cassiteros, qui est le nom de l’étain, se 
forme celui de cassiterides, pour désigner l’antimoine, l’étain 
et le zinc. 


Du nom de l'argent, &pyvpos, argyros, on peut former de 
même celui d'argyrides , pour le bismuth, le mercure, l'argent 
et le plomb. 

De rippa, TéQpas , tephras, cendre, et aXç, æhoç, alos, sel, 
j'ai cru pouvoir faire le mot réppaAç, tephrals, sel de cendre, 
pour désigner la soude et la potasse, et J'en ai déduit le nom 
de séphralides, pour leurs radicaux métallides. 


La chaux étant de tous les oxides des métaux du genre sui- 
vant, le plus anciennement connu et le plus généralement ré 
pandu dans la nature, on doit en tirer le nom de ce genre; 
mais le mot grec appliqué à cet alcali, ayant déjà servi à former 
celui de gypse, consacré par un ancien usage, il a fallu recourir 
au nom latin. D'après cela, je comprendrai sous le nom de cal- 
cides le barium, le strontium, le calcium et le magnésium. 


J'ai formé le nom de zirconides pour l’yttrium, le glucynium 
l'aluminium et le zirconium. L 

Le nom de manganèse étant peu propre à changer de termi- 
naison, et le genre auquel appartient ce métal ne contenant que. 


Tome LXX XIII. AOÛT an 18160. R 


130 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
deux corps, j'ai dû donner le nom de cérides au cérium et a 
manganèse. | 

Dans le genre suivant se trouve le fer, qui portoit, en grec, 
le nom de éid'opoe, sideros; celui de sidérides désignera par 
conséquent l’urane, le cobalt, le fer, le nickel et le cuivre. 

Celui de chrysides, dérivé de xpusos, chryses, or, s’appliquera 
de même au palladium, au platine, à l'or, à l’iidium, au 
rhodium. 

Enlin le genre zétanides comprendra l’osmium et le titane. 

Celui de chromides comprendra la tungstène , le chrome, le 
molybdène et le colombium. 

« Je n'ai pas besoin d'observer que la terminaison en ide de 
tous ces noms n’est qu’une abréviation de oïde, et que borides, 
par exemple, signifie corps semblables au bore. C’est ainsi que 
les auteurs de la nouvelle nomenclature généralement adoptée, 
ont dit oxide, au lieu de oxoïde, pour désigner les corps ana- 
logues à un acide, ofus, oxis, par leur composition. » 

11 me resteroit maintenant à examiner successivement les pro- 
priétés communes à tous les corps dont se compose chaque genre, 
pour choisir parmi ces propriétés, celles qui sont les plus propres 
à en étre considérées comme le caractère distinctif; mais les 
détails de cet examen seront facilement suppléés par le lecteur , 
et je me bornerai en conséquence à exposer, dans le tableau 
suivant, les caractères que j'ai adoptés comme les plus simples, 
en y joignant une courte indication de quelques:autres propriétés 
remarquables, communes à tous les corps compris dans chaque 


genre. 
I. GAZOLYTES. 


Le caractère.distinctif de ces corps est de former, par leur 
combinaison mutuelle, des gaz permanens, qui peuvent sub- 
sister en contact avec l'air. 


3. Boripes. Corps qui forment avec le phiore des gaz per- 
manens acides. 


Ces corps produisent, en s'unissant à l’oxigène, des composés 
solides qui rougissent foiblement ou n’altèrent point les couleurs 
bleues végétales, suivant qu'ils sont peu solubles ou presqu’en- 
tièrement insolubles (1) dans l’eau : ces composés sont de véri- 


(1) L'eau dissout une pelite quantité d'acide silicique, d’après les expe= 
riences de M. Barruel, 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 13€ 


tables acides, susceptibles de neutraliser les bases salifiables les 
plus alcalines ; les combinaisons qu'ils forment avec elles par la 
voie sèche, sont dessels vitreux, parmi lesquels on doit compter 
le verre lui-même et les composés si abondamment répandus dans 
la nature, qu’on nomme péerres siliceuses. 


2. ANTHRACIDES, Corps qui se combinent avec un des élémens 
de l’air, lorsqu’on les y expose à une température suffisante, 
€t qui forment avec l’autre des gaz permanens. 


Les anthracides constituent toute la partie combustible des 
«composés organiques. 


3. THIONIDES. Corps susceptibles de s'unir aux deux corps 
simples du genre précédent, et de former avec eux des com- 
posés gazeux ét très-volatils. 


Les thionides sont jusqu'à présent les seuls corps qui forment 
avec d’autres substances des composés binaires alcalins. 


4. CHLORIDES. Corps inaltérables à l’air, à quelque tempé- 
rature qu’on les y expose, formant avec l'hydrogène dés 
composés acides gazeux ou très-volatils. 


Les chlorides ne paroissent pas susceptibles de se combiner 
avec le carbone; ils s'unissent aux métaux avec une grande 
énergie, et forment des composés binaires neutres, même avec 
ceux dont les combinaisons avec l’oxigène sont le plus fortement 
alcalines. 


5. ARSÉNIDES. Corps qui s’oxident à l’aër quand on les y ex- 
pose à une température suffisante, qui forment avec l'oxi- 

. &gène des composés solides et des gaz permanens avec l'hy- 
drogène. 


Le premier et le troisième de ces corps forment aussi avec 
l'hydrogène des composés solides , et se rapprochent beaucoup 
des métaux par leurs propriétés physiques. Le second s’en rap- 
proche aussi en ce qu'il est le seul gazolyte ductile; mais il s’en 
mie sa transparence et la propriété d'isoler le fluide élec- 
trique, Îls sont tous trois volatils. 


II. LEUCOLYTES. 


Ces corps ne forment des gaz permanens avec aucun autre. 
Ils sont fusibles au-dessous de 25° du pyromètre de WF edge: 
R 2 


192 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


wood , et ne donnent en se dissolvant dans les acides sans 
couleur, que des dissolutions incolores. 


6. CAssiTÉRIDES. Corps dont les combinaisons avec l’oxigène 
sont décomposées par le carbone, et ne peuvent l'étre par 
l’iode. 


Ils forment avec le chlore des combinaisons volatiles au-dessous 
de la température rouge, qu’on doit regarder comme de véri- 
tables acides; on doit considérer comme tels les peroxides de 
deux d’entre eux, et l’oxide du troisième est un de ceux qui ont 
plus de tendance à s'unir aux alcalis. 


7. ARGYRIDES. Corps dont les combinaisons avec l’oxigène 
sont décomposées par l’iode et par l'hydrogène. 


Trois de ces corps forment avec l’oxigène des composés qui 
verdissent les couleurs bleues végétales employées pour recon- 
noître lalcalinité, propriété qu’on n’observe que dans des corps 
appartenant à ce genre et aux deux suivans. 


8. TÉPHRALIDES. Corps dont les combinaisons avec l’oxigène 
sont décomposées par l’iode et non par l’hydrogène. 


Ces combinaisons sont très-solubles dans l’eau et l'alcool, ver- 
dissent les couleurs dont nous venons de parler, se décomposent 
par le fer à une haute température , saturent complètement les 
acides, et forment avec les huiles des savons solubles. Les téphra- 
lides sont plus légers que l’eau, qu’ils décomposent subitement 
à la température ordinaire, et forment avec l’eau et l'hydrogène 
des composés solides. 


9. CALCIDESs. Corps dont les combinaisons avec l'oxigène ne 
sont décomposées ni par le charbon, ni par l'iode, mais qui 
le sont par le chlore, 


Ces combinaisons sont bien moins solubles dans l’eau que 
les oxides des métaux du genre précédent ; l’une d’elles ne l’est 
même pas sensiblement. Elles verdissent fortement les couleurs 
bleues, à l’exception de cette dernière qui ne les altère preique 
pas. Elles saturent complètement les acides, forment avec les 
huiles des savons insolubles, et sont, d’après les expériences de 
sir: H, Davy, réductibles par le potassiura. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 133 


10. ZIRCONIDES. Corps dont les combinaisons avec l'oxigène 
ne sont décomposées ni par le chlore, né par l’iode, ni par 
Ze carbone. 


Ces combinaisons ne forment point de sels neutres avec les 
acides puissans, si ce n’est peut-être quelques sous-sels, insolu- 
bles (1), et ne verdissent point les couleurs bleues végétales. 


III. CHROÏCOLYTES. 


Ces corps ne formentdes gaz permanens avec aucun autre , ils 
ne sont fusibles qu’au-dessous de 25° du pyromètre de Wed. 
gewood. Lorsque leurs oxides sont solubles dans les acides, 
ils forment avec eux, du moins à certains degrés d’oxidation, 
des dissolutions colorées; lorsqu'ils ne le sont pas, leur in- 
Jlexibililé les distingue suffisamment des leucolytes. 


11. CÉRIDES. Corps dont les protoxides forment avec les acides 
incolores des dissolutions sans couleur, et les oxides supé- 
rieurs des dissolutions colorées dont les protoxides donnent 
du chlore avec l’acide hydro-chlorique liquide. 


Ces corps à l’état de pureté, sont cassans et infusibles à la 
température où le fer se liquéfie. 


12, SYDÉRIDES. Corps dont les combinaisons avec l'oxigène 
se dissolvent dans les acides à l'état de pureté, et ne forment 
avec eux que des dissolutions colorées, pourvu qu’elles soient 
assez concentrées, dont les peroxides ne présentent point 
des propriétés des acides. 


Aucun de ces corps n’est complètement infusible; mais la 
plupart, et surtout l’urane, qui se rapproche le plus du genre 
précédent, sont très-difliciles à fondre, A l'exception de ce dernier, 
ils forment tous des sels doubles avec l’ammoniaque; le nickel 
en fait aussi avec la soude et la potasse, et le fer avec le dernier 
alcali. 


13. CHRYSIDES. Seuls métaux inaltérables à l’air, à quelque 
tempéralure qu'on les y expose. 


Les chrysides forment tous des sels doubles avec la potasse 
et la soude; la plupart en font aussi avec l’'ammoniaque. 


() Par exemple, le sous-sulfate d’alumine trouvé en Angleterre. 


134 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


14. TiTANIDES. Corps infusibles, dont les combinaisons avec 
l’oxigène ne se dissolvent point à l’état de pureté dans les 
acides , et ne forment point les alcalis purs des composés 
qu'on puisse regarder comine de véritables sels. 


Les deux corps dont ce genre se compose, s’oxident de même 
lorsqu'on les fond avec la pofasse. Le produit de cette opération 
est entièrement soluble dans l’acide hydro -chlorique ; ce qui 
semble indiquer la formation d’une de ces combinaisons qu’on 
nomme »71uriates doubles; mais il faudroit de nouyelles expé- 
riences pour que l’on pût. prononcer ayec certitude sur la nature 
des dissolutions qu’on obtient. 


15. CHROMIDES. Corps infusibles à la température où le J'er 
se liquéfie, acidifiables par l'oxigène. 


A un moindre degré d’oxigénation ces métaux, à l’exceplion 
du colombium , forment des oxides bleus ou verts; ce dernier, 
qui appartient au chrome, paroît être le seul qui se dissolve bien 
dans les acides. » 


e + + » + . , . . 


Je n’entrerai point dans de plus grands détails sur ces nou- 
velles manières d’envisager la science... 
J'ai cependant cru en devoir donner une idée à nos lecteurs, 


sans me permettre aucune réflexion, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE,- : 135 


MÉMOIRE 
SUR LES SUBSTANCES MINÉPRALES 
DITES EN MASSE, 


Qui entrent dans la composition des Roches Volcaniques 
de tous les âges; 


PAR°P."Lou:s CORDIFER, 


Zu à l’Académie Royale des Sciences, dans les Séances 
; 7 
des 16 et 30 octobre et 6 novembre 1815: | 


fan CHAPITRE PREMIER, 
Objet du Mémoire. 


L'ÉTAT de nos connoissances sur les roches volcaniques 
laisse beaucoup à desirer, quoiqu'il y ait près d’un demi siècle 
qu’on s'occupe de leur étude. On sait que l’origine d’une grande 
partie de ces roches est encore contestée ou niée par un certain 
nombre de minéralogistes habiles; il est à remarquer que ce 
sont précisément celles dont on a jusqu’à présent étudié: avec 
plus de soin le gisement et les caractères extérieurs; au con- 
,traire, les roches volcaniques d’origine. incontestable ont été 
en général décrites avec bien moins de précision, non-seulement 
sous le point de vue des caractères extérieurs, mais encore sous 
le rapport du gisement et sous celui des singulières altérations 
qu’elles éprouvent à la longue. Nous n’avons guère que desjre- 
connoissances plus ou moins bien faites, et des résumés généraux 
d'observation plus où moins heureux, relativement à Ja consti- 
tution des terrains formés par les volcans biûlans ou éteints; 
tandis qu'il existe des monographies à peu près complètes d'un 


+36 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


assez grand nombre de localités classiques, occupées par des 
roches volcaniques contestées. 


Plusieurs circoustances particulières ont contribué à donner à 
la science cette direction, tout-à-fait inverse de celle qu’il eût 
fallu prendre du moment qu'une controverse à pu s'établir. 
Parmi les plus remarquables, il faut citer l'exactitude du langage 
géologique adopté depuis long-temps dans les contrées du nord de 
YEurope où ilexiste de nombreux lambeaux de terrains volcaniques 
qui ne conservent péesqu’aucunes tracesaccessoires de leur origine; 
la multiplicité des observations dont ces lambeaux ont été l’objet; 
la facilité de leur étude, à raison de ce que l'antique morcel- 
lement du sol dont ils font partie, en a mis la structure à dé- 
couvert; l'éloignement où sont les volcans brülans ou éteints 
des bonnes écoles de minéralogie et de géologie; l'impossibilité 
d'étudier l'iniérieur des courans de lave modernes et des couches 
accompagnantes, lorsque les travaux des hommes, les eaux cou- 
rantes ou les tremblemens de terre n’en ont pas entamé ou 
sillonné quelques portions; l'influence des hypothèses inventées 
pour rapporter la formation des terrains primitifs et des terrains 
subséquens, à une origine dite aqueuse ; l'attrait des explications 
anticipées, dont il est si diflicile de se défendre dans les sujets 
géologiques ; enfin l'empire des préjugés vulgaires, conçus à 
l’égard des phénomènes volcaniques, antérieurement à toute 
bonne observation ; préjugés facilement admis par tous les savans 
dans le premier âge de la science, partagés successivement par 
la plupart des minéralogistes du nord, accrédités en particulier 
par Wallerius et Bergmann , dominant encore actuellement une 
infinité de gens instruits, et qui consistent à croire que les feux 
souterrains ressemblent, aux dimensions près, aux feux de nos 
fourneaux ou à ceux des exploitations de houille incendiées, 
et que leurs produits ne sauroient être et ne sont rien autre 
chose que des mélanges indéfinis de fer, de soufre, de bitumes 
et de roches diverses, réduits en verres, en frittes, en scories ou 
en cendres. 


Il faut convenir que l’aspect des scories qui hérissent la surface 
de toute assise de lave récente, n’est guère propre à donner 
l'idée de la contexture si parfaitement pierreuse, si parfaitement 
porphyrique, que la matière incandescente prend presque tou- 
jours à l'intérieur des courans, en se coagulant, Ce beau et 
inexplicable phénomène , mis originairement en évidence par 
Dolomieu, consacré si heureusement par M. Haüy à l’aide de 


la 


æ 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 137 


la dénomination de Zave lithoide, et complètement démontré 
de nos jours par le témoignage unanime des observateurs, ne 
sauroit être facilement admis par les minéralogistes qui n'ont 
Jamais eu sous les yeux que des collections anciennes et mal 
faites, de roches volcaniques incontestables , ou qui ne veulent 
croire qu'aux produits volcaniques tout-à-fait modernes qu’ils 
se procurent, dans l'espoir d’en faire des termes authentiques 
de comparaison. Il est suffisamment reconnu maintenant, que 
les collections qu'on recueille et qu'on expédie au loin, après 
toute éruption récente , ne se composent et ne peuvent se com- 
poser que de scories superficielles ramassées autour des cratères 
ou sur les courans; définir les laves modernes d’après de sem- 
blables collections, c’est juger d’une liqueur par son écume, ou 
d’un métal par son oxide. J'insiste sur cet obstacle, parce qu'il 
a contribué plus que tout autre à mettre en défaut de très-bons 


esprits, et que son influence ne sera probablement vaincue qu’à 
la longue. 


Beaucoup d’observateurs se sont occupés dans ces derniers 
temps de remplir les lacunes de la science, soit en lui fournissant 
des matériaux neufs, soit en perfectionnant ceux déjà recueillis 
et mis en œuvre. On connoît particulièrement les immenses ob- 
servations de M. de Humboldt, celtes de MM. Fleuriau de 
Bellevue, Breislack, Delaizert, Daubuisson et de Buch, les 
descriptions plus récentes de M. Menard de la Groye, et le beau 
et utile travail des nivellemens barométriques de M. Ramond. 
La majeure partie de ces travaux concourent à étendre prodi- 
gieusement le domaine volcanique ; ils diffèrent en même temps 
sur quelques points essentiels. Au total, les résultats n’en onf 
encore été dépouillés, comparés et fondus avec les observations 
plusanciennes, dansaucun "Traité susceptible de devenir classique ; 
ensorte que dans l'état actuel de nos connoiïssances, on peut 
dire que parmi les solutions variées du problème qui a rapport 
aux matières volcaniques de tous les âges, aucune n’a généra- 
lement recu la sanction de tout ce qui fait autorité dans la 
science; ce qui signifie en d’autres termes, qu'on n'a point 
encore pris en considération tous les élémens du problème, ou 
bien, qu'on ne les a point exactement définis. 


La difhiculté de parvenir à une solution marquée au degré 
d’évidence que le sujet peut comporter, et propre à satisfaire 
tous les bons esprits, a été jusqu'ici singulièrement augmentée 
et compliquée par l'incertitude où l’on est encore sur la nature 


Tome LXXXIII, AOÛT an 1816, D) 


188 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


des substances minérales non cristallisées, qui, sous forme de 
différentes pâtes, jouent le principal rôle dans la composition 
des roches volcaniques de tous les âges. 

Ces substances non cristallisées, considérées sous le simple point 
de vue minéralogique, indépendamment de leur origine , de leur 
gisement et des fonctions essentielles qu'elles remplissent dans 
les roches dont elles font partie, sont bien loin d’avoir été ri- 
goureusement définies et spécifiées. Les diflérens modes de struc- 
ture vitreuse, scorifiée, compacte, terreuse, friable ou pulvé- 
rulente, sous lesquels elles se présentent , ne laissant aucune prise 
aux caractères certains dont la Minéralogie dispose pour dé- 
terminer espèce des minéraux cristallisés ou cristallisables, leux 
étude a été restreinte à l’examen des caractères extérieurs ow 
empiriques, et les résultats ont été nécessairement interprétés 
d’une manière arbitraire. De là, les doubles emplois fréquens, 
les oppositions frappantes et les omissions graves qu’on trouve 
en comparant la plupart des méthodes, dans lesquelles on a en- 
tendu classer, dénommer et décrire ces substances. 


L'analyse chimique fréquemment consultée à leur égard, a 
fourni des indications utiles, mais dont la valeur ne pouvoit 
être absolue , comme lorsqu'on opère sur des minéraux cristallisés. 
ou bien sur des minéraux agrégés en masse, dont la composition 
chimique est simple. On n'a dû tirer presqu’aucune conclusion 
directe de la composition des substances dont il s’agit, car elles. 
renferment des principes constituans nombreux, dont les pro- 
portions sont variables, 


Frappé des imperfections radicales que je viens de signaler 
dans la Minéralogie des volcans, j'ai entrepris de chercher les 
moyens de suppléer à l’insuflisance des notions fournies par 
l'analyse, au peu de précision des caractères extérieurs et au 
vague des aperçus indiqués par les caractères empiriques. Mes 
premières tentatives datent de plusieurs années; j'avoue que je 
mai pas été d’abord maître du sujet ; la nature et la multiplicité 
de .mes recherches ont ensuite exigé beaucoup de temps; c’est 
à la longue seulement que j'ai vu se réaliser l’espérance que 
j'avois conçue d’arriver, non-seulement à une classification vrai- 
ment rationnelle, et à une nomenclature plus sûrement motivée, 
mais encore à des définitions rigoureuses de la nature des dif- 
férentes substances dont il s’agit, et à des applications géologi- 
ques importantes. 

Le plan de mon travail embrasse la totalité des substances 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 139 


soit vitreuses, soit scorifiées , soit lithoïdes compactes, {erreuses» 
friables ou pulvérulentes qui servent de pâte ou de base (kaupé 
masse) aux roches volcaniques de tous les âges : devant en parler 
souvent d’une manière collective, je les désignerai indifférem- 
ment sous les dénominations génériques de bases indéterminées, 
pâtes indéterminées; à moins que je r’avertisse du contraire, 
je les considérerai constamment dans ce qu’elles sont en elles- 
mêmes , abstraction faite des cristaux ou grains cristallins 
amorphes qu’elles renferment ordinairement , indépendamment 
de leur fréquente porosité, et sans avoir égard aux fragmens 
divers que quelques-unes enveloppent presque toujours. 

Pour qu’on puisse se faire une idée des secours que j'ai trouvés 
dans l’état de la science, je vais rappeler en peu de mots com- 
ment on a envisagé les différentes bases volcaniques indéter- 
minées dans les ouvrages les plus modernes. 

Elles n’ont point obtenu de place dans la série des espèces 
minéralogiques adoptées par M. Haüy, excepté une seule qu’on 
trouve réunie au feld-spath, sous la définition de feld-spath com- 
pact sonore. Les autres, distinguées d’après le système de 
Dolomieu, ont été regardées comme des mélanges indiscernables 
et variés, qu’il n’étoit pas possible de spécifier , et rejetées dans 
une distribution purement géologique; elles s'y présentent sous 
les dénominations génériques de lave basaltique uniforme, lave 
vitreuse uniforme, scorie uniforme, thermantide tripoléenne , 
thermantide pulvérulente et tuf volcanique uniforme, en tout 
sept substances différentes; il est à remarquer que cette division 
est censée comprendre les pâtes indéterminées de presque toutes 
les roches des formations trappéennes de M. Werner et de son 
école. M. Haüy indique d'ailleurs que les laves basaltiques ont 
beaucoup de rapport avec les cornéennes des terrains primitifs. 
On sait que Dolomieu pensoit que les cornéennes et les trapps, 
nommés autrement par hi pierres argilo-ferrugineuses, étoient 
composés d’élémens divers parmi lesquels l’'amphibole en masse 
dominoit, en imprimant aux mélanges quelques-uns de ses ca- 
ractères les plus saillans, et que ces cornéennes et ces trapps, 
remaniés par les agens souterrains, servoient d’aliment aux érup- 
tions basaltiques ; en vertu de considérations analogues, il pensoit 
aussi que les laves pétro-siliceuses, les laves vitreuses et les 
pierres ponces provenoient de la fusion des roches primordiales 
abondantes de feld-spath ; il n’a, du reste, assigné que des ca- 
ractères extérieurs ou empiriques pour base de sa méthode, et 
M. Haüy n’a pas été plus loin, é 

2 


140 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


M. Werner, parti originairement de la supposition que les 
phénomènes volcaniques sont dus à la combustion de certaines 
couches de houille, et que le foyer en est placé à très-peu de 
profondeur, supposition qu'il professe encore, a réduit les ter- 
rains formés par les volcans, aux produits des éruptions histo- 
riques, Les roches des éruptions fournies par les volcans brûlans 
antérieurement aux temps historiques, celles des volcans éteints 
incontestables , celles des terrains plus anciens dont les immenses 
lambeaux conservent presque partout des traces de volcanicité , 
ont élé rangées en très-grande partie par le célèbre professeur 
de Freyberg, dans les terrains secondaires, sous le titre de 
formation trappéenne stratiforme; il a classé les autres, soit parmi 
les roches dites zxtermédiaires , soit parmi les roches primitives. 

Les bases indéterminées de ces trois formations qui appar- 
tiennent, ou qu’on peut avec fondement soupconner d’appartenir 
aux terrains volcaniques, sont au nombre de dix, savoir : ro ob- 
sidienne, le perlstein, le pechstein (en partie) et la ponce, que 
M. Werner a distingués comme espèces minéralogiques et qu'il 
a placés entre les quartz et les zéolites; 20 le basalte, le klings- 
tein, la wacke (en partie), le thonstein (en partie), qu'il classe 
aussi comme espèces entre les argiles et l’amphibole; 3° enfin 
la base du graustein, celle du tuf basaltique et celle des amyg- 
daloïles qu'il a rejetées dans la distribution géologique comme 
masses présumées de mélange. Les bases indéterminées des roches 
volcaniques que M. Werner regarde comme avérées, sont au 
nombre de trois seulement, savoir : d’une part, la lave homogène 
élevée au rang d’espèce minéralogique, et de l’autre, la pâte 
des scories et celle des tufs volcaniques, considérées seulement 
comme des mélanges qui appartiennent à la distribution géolo- 
gique; au total , quatorze substances diflérentes. 


Il entre essentiellement dans mon sujet, de faire remarquer 
ici que le système des formations trappéennes de M. Werner, 
repose en partie sur uue hypothèse que je crois avoir bien af- 
foiblie par trois faits positifs, publiés depuislong-temps. M. Werner 
partageant lopinion commune des minéralogistes, à l'égard des- 
trapps et des cornéennes avérés, qu’on trouve dans les terrains 
intermédiaires primitifs, savoir, que ces pierres ont pour élémens 
indiscernables de l'amphibole en masse, mélangé de feld-spath 
et, selon beaucoup, d'argile ferrugineuse, M. Werner, dis-je, 
a posé en principe qu'il en étoit de même des roches volcaniques 
dont il méconnoit l’origine. Il s’est appuyé, ainsi que les miné- 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE, T4r 


ralogistes de son école (1), sur certaines analogies entre les ca- 
ractères extérieurs ou empiriques, et notamment, 1° sur l’abon- 
dance des cristaux ou grains d’amphibole empâtés dans les ba- 
saltes et les wackes; 2° sur la transition du grünstein (ou diorite) 
au basalte, transition reconnue à la montagne du Meisner, par 
un grand nombre d’observateurs; 30 enfin sur la présence d’une 
grande quantité de fer magnétique dans toutes les roches de ses 
formations trappéennes. 


La première de ces analogies est fondée sur une méprise qu’il 
m'a sufli d’annoncer dans le temps, pour la faire reconnoître 
par la plupart des minéralogistes. On s’est facilement convaincu 
que les cristaux ou grains disséminés dans les basaltes et les 
wackes de tous les âges, et regardés jusqu'alors comme de l’am- 
phibole, éloient au contraire du pyroxène, et que l’'amphibole 
ne se rencontroit presque jamais que dans les laves feld-spathiques 
de tous les âges, où son rêle est très-restreint. 

La seconde analogie n’est pas plus exacte que la premiére, 
depuis que J'ai trouvé que la roche granitiforme du Meisner 
n'étoit point un grünstein (ou diorile), mais un granitelle d'une: 
composition toute particulière, et formé de feld-spath, de py- 
roxène et de fer titané. M. Haüy en fait maintenant une roche 
volcanique distincte, sous le nom de rzirose. 


Enfin j'ai démontré que toutes les roches volcaniques soit in 

* contestables, soit contestées, renferment une quantité pius ou 

moins considérable de fer titané disséminé (2), et Je rapporterai 

dans le cours de ce Mémoire, quelques expériences qui confirment 

ce qu'on a reconnu depuis long-temps à l'égard des roches trap- 

péeunes proprement dites et avérées, savoir, qu'elles ne con- 
Liennent que du fer sulfuré et du fer oxidulé. 

Karsten a beaucoup modifié les classifications de M. Werner, 
iladmet les mêmes espèces minéralogiques, à l'exception de l'espèce 
lave qu'il reporte dans la distribution purement géologique. II 
admet lexistence d’un beaucoup plus grand nombre de roches 


{r) M. Daubuisson en développant tres-habilement cette opinion dans son 
Memoire sur les basaltes de la Saxe , a essayé de la fortiñer par des considéra= 
tions ingénieuses, fondées sur les résultats de l'analyse chimique. 

(2) ’oyez nres descriptions et analyses des sables ferrugineux volcaniques ;- 
Journal des Mines, n°124, etmes expériences sur la manière d’être du fer titane 
dans les roches volcaniques , Journal des Mines , n° 133, 


s42 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


volcaniques, mais il considère les bases comme des mélanges de 
fusion, provenant des roches trappéennes remaniées par les agens 
souterrains. Il distingue ces bases en pâte basaltique, pâte de 
hornstein, scorie, verre volcanique, domite, cendre volcanique 


et pâte des tufs volcaniques; au total, quinze substances dif- 
férentes. 


Les distinctions admises par M. Faujas de Saint-Fond , rentrent 
dans celles établies par Dolomieu et M. Haüy. Il considère les 
bases volcaniques indéterminées, comme mélangées d’élémens 
empruntés aux différentes roches primitives qui ont servi d’ali- 
ment à la fusion; il ne les a classées que sous le point de vue 
géologique. 

M. Delamétherie n’a extrait des substances indéterminées que 
trois espèces minéralogiques qui sont, le pétro-silex, la wacke 
et la théphrine. Il a formé du reste vingt genres purement géo- 
logiques, qu’il définit comme des produits dus à la fusion , non- 
seulement de différentes roches primitives, mais encore à celle 
des schistes argilo-pyriteux. Il estime que l'observation fera dé- 
couvrir un plus grand nombre de ces bases, ù 


M. Brongniart a formé des substances qui nous occupent, 
sept espèces minéralogiques, savoir : la ponce, l’obsidienne, le 
rétinite (en partie), le pétrosilex (en partie), masses qu’il regarde 
comme homogènes; le basalte, qu’il croit à base d’amphibole 
mélé de feld-spath; l'argilolite (en partie) et la wacke (en partie), 
qu'il considère comme des mélanges indéterminés. Îl classe le 
reste en quatre espèces géologiques non-définies, qui sont, la do- 
mite, la lave basaltique uniforme, la lave théphrinique uniforme; 
Ja lave scoriacéeuniforme, ce qui donne onzesubstances diflérentes. 


La plupart des observateurs, et en particulier M. Ramond, 
semblent avoir craint d'augmenter la confusion de la science, 
et se sont contentés d'employer dans la pratique, les distinctions 
établies par M. Haüy où par M. Werner, sans en discuter les 


principes; M. de Humboldt y a seulement ajouté le tuf boueux 
moderne , dit moya. 


On voit par le tableau que je viens de tracer, que parmi les 
différentes bases volcaniques indéterminées, une seule paroît 
devoir appartenir à la variété compacte d’une véritable espèce 
minéralogique, connue depuis long-temps sous forme cristallisée , 
c’est-à-dire le feld-spath; que plusieurs autres, quoique préjugées 
homogènes, ne peuvent être rapportées comme variétés com; 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 143 


pactes, à aucune des espèces cristallisées déjà connues; enfin, 
que la plupart passent pour être des mélanges à parties ndis- 
cernables, qu’on n’a point définies, ou dont presque tous les 
auteurs ont préjugé la nature d'une manière plus ou moins 
arbitraire. 

D’après cet exposé, il pourra paroître étonnant qu’on n’ait 
pas tenté plutôt quelques recherches du genre de celles dont je 
vais rendre compte; mais il faut savoir que la science n’est guère 
plus avancée à l’égard de la plupart des substances compactes 
ou terreuses non volcaniques, qui jouent un si grand rôle dans 
les terrains primitifs, secondaires ou de troisième formation ; 
on peut dire qu’elles réclament l'intervention de lexpérience 

resqu’aussi impérieusement que celles qui sont du ressort de 
a minéralogie des volcans. 


Tels sont, au reste, mes points de départ; les ayant bien re- 
connus, je rends la route que j'ai suivie, plus facile à parcourir ; 
on concevra aisément comment J'ai été conduit à subordonner 
tout mon travail à la solution d’une seule question dont voici 
les termes : Les pâtes volcaniques indéterminées sont - elles 
mécaniquement composées, et en cas de composilion mécas 
nique appréciable, quels sont les élémens minéralogiques 
composans ? Ne pouvant espérer de résoudre celte question bien 
simple en apparence, mais tout-à-fait générale et fondamentale, 
en employant les moyens ordinaires d'étude et d'expérience que 
fournit la Minéralogie, j'ai dû en imaginer d’autres; je vais ex 
poser ces nouveaux moyens, je délaillerai ensuite les applica- 
tions et les résultats, 


CHAPITRE SECOND. 


Nature des Recherches faites sur les Pâtes ou Bases in- 
déterminées qui entrent dans la composition des Roches 


volcaniques. — Expériences préliminaires. — Choix des 
Echantillons. 


Mes premières tentatives pour obliger les différentes subs- 
lances dont il s’agit, à manifester leur texture intime, ont eu 
peu de succès; je n’en ai tiré d’autre fruit que des indices en- 
Courageans et la découverte du fer titané. Après avoir inuti- 
lement inisen œuvre différens modes de calcination et différens 
agens chimiques, j'ai soumis ces substances au microscope, et 


144 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


j'en ai essayé les particules au feu du chalumeau par la méthode 
de Saussure ; dès-lors des résultats satisfaisans se sont présentés 
d'eux-mêmes. ) 

Il n’est pas facile d'observer au microscope la contexture des 
minéraux agrégés en masse. Nous aurions sans doute quelques 
bonnes observations de ce genre, si les diflicultés n’avoient arrêté 
au début les minéralogistes qui ont pu faire des tentatives. Le 
chevalier Givenni et plusieurs autres savans à Naples, ont, à des 
époques diverses, soumis les cendres du Vésuve au microscope, 
inais sans aucun fruit pour la science. Saussure l’a employé non 
seulement à déterminer très-ingénieusement des angles de cris- 
taux, mais! encore à apprécier des résultats de fusion sur le filet 
de saparre. Je ne sache pas qu’il ait été fait d’autres applications 
de l'instrument à la Minéralogie. Quoi qu'il en soit, voici les 
conditions qui m'ont le mieux réussi et à l’aide desquelles j’ai 
opéré. | 

J'ai, autant que possible, sacrifié le grossissement des objets 
à leur netteté ; il s’est heureusement rencontré que j'ai pu remplie 
presque. toujours le but de mes recherches, en faisant usage 
d'appareils grandissant, seulement 13 fois ou 20 fois les diamètres. 
Il en est résulté que j'ai pu employer des lentilles peu fortes, et 
jouir ainsi d’un très-grand champ et de toute l'intensité de la 
lumière directe. J’ai reconnu que cette lumière directe devoit 
être la plus forte possible, et qu’il falloit au contraire que l’é- 
clairage obtenu artificiellement , à l’aide des miroirs inférieurs, 
fût communément très-foible. En conséquence j'ai peu employé 
le miroir convexe; je me suis ordinairement servi du miroir 
plan en lui donnant les inclinaisons propres à modérer l'intensité 
de la réflexion; souvent je l'ai remplacé par un disque de 
papier blanc, ou par un disque de cuivre jaune dont la surface 
étoit simplement doucie.. 


Les substances que j’avois à essayer étoient , les unes solides ; 
les autres tendres, friables ou pulvérulentes; pour observer les 
premiers, il m'a sufh d’en détacher de très-minces éclats et de 
les exposer sur le disque de verre servant de porte -objet, soit 
entiers, soit légèrement concassés, soit réduits par la simple 
pression en poudre plus ou moins fine. A l'égard des secondes, 
Je n'ai souvent pu obtenir de résultats exacts, qu’en les délayant 
dans l’eau et en classant les particules suivant les grosseurs, à laide 
de lotions, de décantations et de dessications, Ce procédé qui 
m'a élé suggéré par les opérations du lavage en grand, pratiqué 

dans 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 145 


dans les mines à l'égard des minérais pauvres, et qui est fort long, 
peut aussi être utilement appliqué aux matières volcaniquessolides, 
après qu'on les a pulvérisées convenablement. De quelque ma- 
mière, au reste, que l’on prépare les objets, il est indispensable 
de les étudier sous leurs diflérens aspects; on remplit ce but en 
faisant fréquemment tourner sur son centre le disque de verre 
servant de porte-objet. Je n’entrerai pas dansde plusgrands détails, 
parce que je crois que les indications que je viens de donner 
sufliront aux minéralogistes qui connoissent l’usage du micros- 
cope ; quant à ceux qui ne se sont jamais servi de cet instrument 
délicat, je ne puis que les renvoyer à son étude. 

J'ai tiré les plus grands secours, et je ne saurois trop faire 
Péloge de la méthode de Saussure, pour déterminer les conditions 
de la fusion des minéraux à l’aide du chalumeau. Cette méthode, 
inventée il y a trente ans (1), est restée sans usage et presque 
dans l’oubli, sans doute parce qu’on s’en est exagéré la difficulté; 
elle m'a paru d’un emploi beaucoup plus facile qu’on pourroit 
le croire au premier aperçu : on est bien dédommagé d’ailleurs 
des soins qu’elle exige, par l’exactitude des résultats ; sa méthode 
consiste principalement à fixer à l'extrémité d’un très-mince filet 
de disthène (ou saparre), et à l’aide d’eau légèrement gommée, 
de très-petits fragmens du minéral à essayer, à les chauffer 
brusquement pour les souder au support, et à les fondre sans 
addition d’aucune substance étrangère. On se sert du chalumeau 
ordinaire et de la flamme d'une forte bougie. Le vent est donné 
par un soufflet à jeu continu, ou bien tout uniment par le 
souffle de l’observateur, Les phénomènes de la fusion sont exa- 
minés au microscope. Le diamètre des plus gros globules qu’on 
puisse obtenir en fondant, soit un seul fragment, soit plusieurs 
fragmens de même métal réunis, sert, à l’aide de considérations 
assez délicates, à déterminer approximativement le rapport de 
fusibilité exprimé en degrés du pyromètre de Wedgwood. La 
règle est d'employer la simple raison inverse des diamètres, préa- 
Jlablement augmentés d'un tiers. 


(1) On trouve sa description dans un beau Mémoire de Saussure inséré an 
Journal de Physique, tome XLV, année 1794. Ce Mémoire , fruit d’un très- 
long travail, ne contient cependant que l’essai de 134 variétés de substances 
minérales ; Saussure le termine ainsi : « Ceux qui auront la curiosité de répéter 
» ces épreuves, verront qu’elles exigent tant de patience et qu’elles fatiguent 
» si fort les yeux , que si l’on doit s'étonner de quelque chose, c’est plutôt de 
» ce que j'ai fait, que de ce qui reste à faire. » 


Tome LXXXIII. AOÛT an 1816 gb 


146 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


3ette méthode, qui dispose de la chaleur la plus violente qué 
l'art puisse produire, ne s'applique pas seulement à l’examen 
des minéraux chauflés isolément , elle m'a servi à constater leur 
action réciproque quand on les traite simultanément. Voici comme 
il faut alors procéder : on prépare d’abord chaque substance 
séparément; à cet effet on pulvérise ; on place la poudre à l’ex- 
trémité d’une plaque de verre; puis on frappe l’autre extrémité 
de la plaque de verre en l’inclinant. Les parties les plus gros- 
sières tombent, mais le reste de la poudre s’étend et se classe 
d’après les volumes. On choisit approximativement , à l’aide du 
micromètre, le degré de ténuité jugé convenable , et on recueille 
avec un pinceau la poudre ainsi lotie. Pour faire les essais, ïl 
faut employer des poudres dont les particules ont des volumes 
à peu près égaux. On détermine préliminairement la fusibilité 
absolue de chaque espèce de poudre; ensuite on fait le mélange 
proposé; on prend successivement de petites quantités de ce mé- 
lange sur le filet de disthène et on détermine les effets des diflé- 
rens coups de feu. 

Ces données posées, je ferai remarquer qu’il ne se présentoit 
que deux suppositions à former relativement à la composition: 
mécanique des pâtes volcaniques indéterminées. 


Elles pouvoient se trouver douées d’un tissu égal et continu, 
formé par l'agrégation la plus intime, de particules indiscer- 
nables au plus fort appareil microscopique, et conserver par con- 
séquent en pelit, l’aspect uniforme des masses vues à l’œil nu. 


Ou bien elles pouvoient offrir un tissu formé de particules 
distinctes soit de la même nature, soit de nature diflérente. 

Or les deux cas se sont effectivement présentés. 

Dans le premier, mes expériences ont aisément fourni une 
réponse directe et absolue. 


Dans le second, il paroîtra sans doute que la. difficulté de dé- 
terminer la nature des particules composantes, a dû être très- 
grande. Voici comment je crois être parvenu à vaincre la 
difficulté. 

J’ai considéré qu’il n’étoit guère probable que ces particules dis- 
eernables appartinssent à des minéraux inconnus; que toutes les 
analogies portoient à présumer qu’elles devoient appartenir aux 
espèces minérales cristallisées qu’on trouve abondamment dans 
les roches volcaniques, plutôt qu’aux espèces minérales qu’on 
n'y rencontre jamais; que par conséquent toute recherche devoit 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 147 


cornmencer en employant les minéraux volcaniques cristallisés, 
comme premiers termes de comparaison. D’après ces considé- 
rations , j'ai fait sur ces minéraux les expériences préliminaires 
suivantes. 

On sait que les minéraux cristallisés des roches volcaniques 
se présentent en grains fort distincts, tantôt amorphes, tantôt 
terminés par des contours réguliers ; ce sont communément le 
pyroxène, le feld-spath, le péridot et le fer titané, rarement l’am- 
phibole, le mica et l'amphigène, plus rarement encore le fer 
oxidé oligiste. 

On trouve en outre accidentellement un certain nombre d’autres 
minéraux, mais si excessivement rares, ou si évidemment étran- 
gers à la composition des roches volcaniques , que tous les mi- 
néralogistes en font abstraction quand il s’agit de points de vue 
généraux ; ce que je ferai aussi dans ce moment. 


Les huit espèces que je viens d’indiquer ont été réduites en 
poudre, à l'aide de la simple pression, et de manière à ce que la 
ténuité des parties éioit à peu près comprise entre un vingtième 
et un centième de millimètre. Sous cette forme, on les a soumises 
au microscope et à quelques épreuves pour apprécier leur dureté; 
ellesse sont présentées, comme ondoits’y attendre, douées de tous 
les caractèresextérieurs des masses dont elles provenoient, excepté 
de celui de la pesanteur, qui tenant au volume, devient inap- 
préciable. Je puis même ajouter qu’au premier aperçu, on est 
étonné de la netteté de ces caractères. Voici les principaux pour 
chaque substance. 


Le pyroxène : fragmens indéterminés, sans aucune apparence 
de lames, de couleur claire, vert bouteille ou jaunâtre, demi- 
transparens , à cassure inégale, d’un aspect vitreux et peu éclatant, 
assez durs, aigres, croquant sous le pilon; poussière aride au 
toucher. 

Le feld-spath : fragmens aplatis, offrant des indices de lames 
et de coupes rectangulaires, blancs et demi-transparens ou même 
limpides, à cassure unie, d’un aspect vitreux, éclatant, assez 
durs , trèsaigres et croquant sous le pilon; poussière aride au 
toucher. 

Le péridot : fragmens écailleux, sans indices de lames, de 
couleur jaunâtre. extrêmement foible, qui devient ou plus sen- 
sible, ou très-foncée, ou noire par un léger coup de feu, demi- 
transparens ou transparens, à cassure conchoïde, d’un aspect 


T 2 


148 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


vitreux, très-éclatans , très-durs et très-aigres, et croquant for- 
tement sous le pilon; la poussière est très-aride au toucher. 


Le fer titané : fragmens indéterminés , à bords tranchans, de 
couleur noire, parfaitement opaque, à cassure conchoïde, très- 
éclatans, d’un éclat demi-métallique, durs et croquant sous le 
pilon, plus ou moins foiblement attirables; la poussière est aride, 


elle tache en noir lorsqu'elle est très-fine. 


L’amphibole : fragmens esquilleux, prismatiques ou lamelleux, 
de couleur brun noirâtre ou vert noirâtre, translucides et quel- 
quefois demi-transparens , assez unis, très-peu éclatans , excepté 
dans le sens des lames, peu durs, faciles à pulvériser, croquant 
RAPIRERS sous le pilon ; poussière médiocrement aride au 
toucher, 


Le mica : lames très-minces, brunes, translucides, d’un aspect 
nacré dans le sens de la réflexion, et mat dans les autres sens, 
élastiques, tendres, tenaces et difficiles à pulvériser; leur pous- 
sière est douce au toucher. 

L’amphigène : fragmens écailleux, blancs, demi-transparens 
où transparens , ou limpides, à cassure conchoïde, d’un aspect 
vitreux, très-éclatans, durs, aigres et croquant fortement sous 
le pilon; leur poussière est très-aride, 

Le fer oligiste : fragmens indéterminés, à bords tranchans, de 
couleur noir et opaque, excepté dans les très-minces fragmens 
qui sont translucides et d’un rouge brun, à cassure conchoïde, 
très-éclatante, d’un éclat demi-métallique, durs et croquant sous 
le pilon, fortement attirables; la poussière est aride et tache en 
rouge sombre lorsqu'elle est très-fine. 

Après avoir ainsi reconnu la constance des caractères exté- 
rieurs de ces différentes substances réduites en poudre par la 
simple pression, j'ai cherché les conditions de leur fusibilité, par 
la méthode de Saussure, soit en les employant en fragmens 
isolés, soit en les mêlant pour qu'ils se servissent de fondans 
réciproques. À cet eflet j’ai exécuté un grand nombre d'essais 
sur le filet de disthène ou saparre. Voier l'extrait de la Table 
qui contient les résultats de ces essais. 

Les limites de fusibilité exprimées en degrés du pyromètre de 
Wedgevrood sont : 


ET D'HrTOIRE NATURELLE, 149 


Pour l’amphibole (fonant en émail noir , brun ou 

métaomatre)enP/s se ee ent es s 57 
Pour le feld-spath (fadant en verre blanc ou blanc 

jaunâtre). Me por NM es 7I à 04 
Pour le pyroxène pondant en verre d’un vert bou- 

teille ou vert jasâtre) . . RON RME NES ARE IOr à 141 
Pour le fer titan(fondant en émail noir et terne).. 143 à 16r 
à 
à 


4 


715 


Pour le fer oligise (fondant en émail noir etterne).. 189 à 204 
Pour Je mica (Fndant en verre brun noirâtre). . . 183 à 236 
Pour l'amphiene (fondant en verre blanc rétro- 

grade). ie gieue te elipils re elare she + 12681à.376 
Pour le pérdot (fondant en verre rétrograde d’un 

jaune vidâtre, vert noirâtre ou noir).. . . . 472 à 756 


Expcées en mélange sur le filet de disthène , les mêmes subs- 
tances se comportent de la manière suivante: 


I amphibole fond à côté du feld-spath, sans se méler sen- 
sibiement, 

Le pyroxène devient très-fluide par le contact du feld-spath ; 
les verres se pénètrent à la longue, 


Le feld spath ne diminue pas l'infusibilité du rica, du fer 
titené, du fer oligiste et du péridot; ces substarices,.persistent 
sous forme de points noirs; elles se comportent de même. dans 
un verre mêlé de feld-spath et d’amphibole, de feld-spath et de 
pyroxène. 

L’amphigène n’est point attaqué par le feld-spath; il l'est foi- 
blement par lamphibule. 11 se dissout à la longue dans le 
pyroxène. 

Dans la pratique, j'ai ajouté à la précision des termes géné- 
raux de comparaison que je viens d'établir, par plusieurs pré- 
cautions que les minéralogistes imagineront facilement ; par 
exemple, J'ai écarté, autant que possible, l'influence des petites 
variations que les localités exercent ordineirement sur une même 
espèce, en prenant pour typés comparatifs dans l'examen de 
chaque base indéterminée , les cristaux ou grains disséminés soit 
dans cette même base, soit dans les produits de la même érup= 
ton, soit dans les roches analogues du même système volcanique. 


en 


(:) L'argent de coupelle fond à 28 degrés et la fonte de fer à 150. 


150 JOURNAL DE PHYSIQU) pE CHIMIE 


A ., 5 x] 

Tel est le fond des moyens que j'aem loyés; ils se déve= 
lopperont d'eux-mêmes et acquerront [us de consistance par 
Jexposé des applications. Différentes réSyurces auxiliaires très- 
puissantes, m'ont servi à fortifier les rés{ats directs; je men- 
tionnerai chacune en son lieu. 

Je diviserai les nombreuses substances qe je vais examiner, 
en six sections provisoires, savoir : 


ire, Les pâtes lithoïdes des courans de lavi, de toutes cou- 
leurs, massives ou poreuses. 

2me, Les scories de toutes couleurs. 

me, Les verres de toutes couleurs, opaques OL franslucides, 

gme. Les thermantides pulvérulentes de toutes Culeurs. 

5me, Les tufs de toutes couleurs. 4 

Gme, Les wrackes de toutes couleurs, massives ou breuses. 


Ayant en outre examiné accessoirement les trapps, hs cor 
» » . . . . » >: 
péennes et les pétrosilex, j'en traiterai immédiatement aps les 
pâtes lithoïdes, 


Je n'ai employé que des échantillons dont la localité n'étoit 
bien connue, les uns provenant des premières collections de 
Paris, les autres ayant été recueillis par Dolomieu ou en grande 
parUe par moi-même. J’indiquerai avec soin la localité des échan- 
tillons examinés, leur synonimie et la sorte de terrain volcanique 
à laquelle ils ont apoartenu. Pour qu’on ne me soupçonne pas 
de méprise sous ce dernier point de vue, je distinguerai quatre 
grandes classes de terrains volcaniques, savoir : 


19 Les terrains incontestablement formés par les volcans 
brûlans ; 

2° Les terrains formés incontestablement par des volcanséteints 
dont les cratères subsistent encore dans leur intégrité; 


3° Les terrains volcaniques contestés par un petit nombre de 
minéralogistes, conservant des traces nombreuses de leur ori« 
gine, quoiqu'ils se présentent morcelés en lambeaux plus ou 
moins vastes, et que les cratèrés qui en ont rejeté les matériaux 
aient été complètement effacés par les érosions diluviennes, ou 
peut-être par des causes analogues moins anciennes et moins 
générales ; 

4° Les terrains volcaniques contestés par un assez grand nombre 
de .minéralogistes ; ces derniers difièrent des précédens, soit 
parce qu'ils n'offrent presque plus de traces évidentes de leur 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 1bt 


trigine, soit parce qu'ils sont recouverts par les plus anciens 
dépôts marins ou mêlés avec, soit parce qu’en outre ils sont or- 
dinairement situés loin de tout volcan éteint ou brûlant. 

Après avoir établi ces distinctions essentielles, je passe aux 
applications des moyens d'expériences dont j'ai fait l'exposé, 


CHAPITRE TROISIÈME. 


Æxamen des Pâtes Lithoïdes qui entrent dans la composition 
des Courans de Lave de tous les âges. 


La dénomination générale de pâte lithoïde que j’emploie ici, 
embrasse les variétés de toute espèce, désignées jusqu’à présent 
sous les noms de lave basaltique uniforme, basalte, base du 
pouein base des laves leucitiques, base des laves pétrosiliceuses, 

orstein volcanique, klingstein, phonolite, feld-spath compacte 
sonore, domite et base des laves feld-spathiques porphyriques. 

Parmi les nombreux échantillons de cette classe que J'ai eus 
à ma disposition, j'ai choisi pour en faire l’objet spécial de mes 
expériences, ceux qui présentoient des caractères plus tranchés, 
qui provenoient de localités plusremarquables, et dont le gisement 
m'étoit mieux connu. Leur désignation, leur examen particulier 
et les résultats fournis par chacun d’eux, se trouvent consignés 
dans la Table de mes expériences. J’ai en outre contrôlé les 
résultats obtenus, en examinant d’une manière moins rigoureuse, 
mais suflisante, une foule d’autres variétés dont l’énumération 
seroit superflue; je ne m’avance pas trop en assurant que j'ai 
ainsi passé en revue plus de deux cents variétés de laves lithoïdes 
de tous les âges, recueillies en diflérens lieux de la France, de 
V’Allemagne, de la Suisse, de l’Italie, de l'Espagne , de Syrie, 
de Ténérifle, d'Amérique et des Indes. J’ai été conduit à un 
petit nombre de notions simples dont l’analogie s’est soutenue 
dans tous les échantillons du même genre; je vais en exposer: 
le résumé général. 

Toutes les pâtes lithoïdes quelconques, sans distinction d’é- 
poque, se sont trouvées composées de parties hétérogènes par- 
faitement discernables, très-distinctes les unes des autres et se’ 
présentant sous forme de grains à structure cristallisés, diver- 
sement colorés et entrelacés comme dans le granite ordinaire. 

Les couleurs font contraster fortement et nettement tous les 
grains entre eux : ces couleurs sont peu variées, 


552 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


On ne voit effectivement que des grains d’un blanc parfait 
ou légèrement jaunâtres, demi-transparens ou doués d’une trans- 
parence qui va souvent jusqu’à la limpidité parfaite; des grains 
d'un vert bouteille, ou d'un vert jaunâtre, ou d'un vert nol- 
râtre, demitransparens ou quelquefois transparens , et des grains 
d’un noir parfait et opaques. 

J'ai trouvé aussi des grains d’un brun clair et foiblement 
translucides, et en outre des particules excessivement fines d’un 
brun rougeâtre, mais dans des cas si rares que j'en fais abstrac- 
tion pour le moment. 

Les grains blancs forment toujours au moins la moitié des 
masses et quelquefois les 99 centièmes; les grains verts s'y mon- 
trent pour un centième jusqu’à près de moitié, et les grains 
noirs pour un centième jusqu’à plus d’un quinzième. 

Le diamètre des grains varie d’un dixième à un cinquantième 
de millimètre; les limites de grosseur dans chaque échan- 
tillon en particulier, sont plus bornées; par exemple, d’un 
dixième à un vingüème, d’un vingtième à un trentième; cas les 
plus ordinaires. 

La juxtaposition de ces grains paroît parfaite, excepté en un 
petit nombre de points où ils laissent entre eux des vides irré- 
guliers, très-difficilement appréciables, et qui supposés réunis, 
ue m'ont point paru occuper plus d’un soixantième du volume 
dans les masses qui en zenferment davantage. 


La présence de ces vides est un peu plus fréquente dans les 
laves modernes, douées d’une certaine rigidité, que dans les laves 
de semblable origine, qui sont sraitables au même degré que 
les laves les plus anciennes; ces dernières ne m'ont point oflert 
de différences avec les secondes. 


Les masses lithoïdes dont la cassure est unie et comme si- 
licée, sont composées de grains très-fins; c’est le contraire dans 
les masses à cassure inégale et mate, et dans les masses dont la 
cassure est sensiblement granuleuse; mais cette règle n’est point 
absolue; on reconnoît en effet que le degré d’adhérence des 
grains et l’intensité de leur transparence concourent avec leur 
volume pour produire ces différens aspects. 


On reconnoît aussi que l’intensité de la couleur des masses 
ne dépend pas seulement de l’abondance des grains de chaque 
couleur, mais du degré de transparence de ceux qui sont peu 


ou 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 153 


ou point colorés. La teinte des grains fortement colorés perce 
à travers les grains diaphanes. 

Si on veut se rappeler mes expériences préliminaires sur les 
minéraux volcaniques cristallisés, on jugera sans doute qu’il m'a 
été facile d'établir des comparaisons décisives, pour m’assurer 
de la nature des différentes sortes de grains. Leur ténuité après 
la pulvérisation, n'a pu être un obstacle, puisqu'elle s'est trouvée 
trèsmédiocre. J'ai pu commodément les observer isolés, soit 
sur le porte-objet, soit sur le filet de disthène. 


J'ai déterminé directement les caractères dépendans de la 
couleur, de la transparence , de la cassure et de la forme des 
fragmens. 

La dureté des masses, l’aridité de leur poussière , l'aigreur 
des grains confondus sous le pilon, et leur impression sur le 
tas d'acier, ont fourni des caractères composés et indirects lorsque 
les masses étoient mélangées; mais ces caractères ont été directs 
lorsque les masses se sont trouvées formées presqu’en entier de 
grains de couleur blanche. 


Dans ce dernier cas, la pesanteur spécifique des masses a été 
aussi un caractère absolu pour distinguer la nature des grains; 
caractère qui s’est changé en indication encore très-forte lorsque 
Jes grains se sont trouvés mêélés en proportion moins inégale. 

Au chalumeau, les grains ont été l’objet de deux sortes d'é- 
preuves fournissant aussi des caractères absolus, savoir, le degré 
de fusibilité, le mode de fusion et l’action réciproque des par- 
ticules d'espèces différentes. 


Soumis à l'application des moyens que je viens d'assigner , 
les grains microscopiques de chaque sorte, examinés très-scru- 
puleusement, n’ont pas cessé de manifester les mêmes caractères 
dans les pâtes lithoïdes de tous les âges, et se sont trouvés ap- 
parteuir aux mêmes éspèces minérales. 


Les grains blancs, excepté dans un petit nombre de cas que 
je préciserai tout à l’heure, ont présenté, sans ambiguité, tous 
les caractères du feld-spath cristallisé. On les trouve dans les 
proportions suivantes, que je rapporterai maintenant sans distincs 
tion d'époque, cette distinction devenant inutile. 

Les pâtes lithoïdes qui, essayées au chalumeau par la méthode 
ordinaire , fondent en émail noir dont les éclats sont vert bou- 


teille foncé (par exemple les basaltes noirs ou d’un noir grisâtre), 
en contiennent 0.45 à o.55. 


Tome LAXXXIII, AOÛT au 1816. V 


154 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Les pâtes lithoïdes qui fondent en verre blanc piqué de vert 
et qui s’en colorent foiblement à la longue (exemple, les klings- 
teins et les laves pétro-siliceuses, gris cendré, vert grisâtre, brun 
grisâtre), en contiennent de 0.70 à 0.90. 

Enfin les pâtes lithoïdes qui fondent en verre blanc (exemple, 
les klingsteins, les domites, les laves pétro-siliceuses ou de feld- 
spath compacte , de couleur blanche ou blanc verdâtre, ou gris 
de fumée), en contiennent au moins 0.90. 

Les grains blancs que je n'ai pu rapporter au feld-spath, se 
sont rencontrés , les uns dans les bases volcaniques renfermant 
beaucoup de cristaux de péridot , les autres dans celles qui ren- 
ferment beaucoup de cristaux d’amphigène. 


J'ai reconnu la nature des premiers, principalement à la pro- 
priété de se colorer en noir par le feu, et à l’excessive difficulté 
de leur fusion; ils appartiennent au péridot; je n’ai jamais pu 
en découvrir plus de 0.20, dans les pâtes lithoïdes où elles 
figurent en grande quantité; elles y remplacent en partie le 
feld-spath. 

Les seconds ont été principalement distingués à leur infusi- 
bilité presque absolue, et à leur couleur persistant au feu; ils 
appartiennent à l’amphigène, ils remplacent en très-grande partie 
le feld spath, et forment quelquefois jusqu'aux 40 centièmes des 
masses, “) 

Les grains jaunâtres, verdâtres ou d’un vert noirâtre, fondent 
un peu moins facilement que le feld spath ; ils ont constamment 
offert tous les caractères du pyroxène cristallisé ; ils entrent dans 
les bases indéterminées qui fondent en noir pour 0.35 à 0.45. 
Dans celles qui fondent en vert bouteille foncé , pour 0.15 à 0.35, 
pour 0.05 à 0.15; dans celles qui fondent en vert clair et pour- 
moins de o.o1 dans celles qui donnent des verres blancs. 


Dans ces deux dernières sortes de pâtes, mais surtout dans 
celles qui fondent en verre blanc, leur proportion diminue ra-- 
pidement, parce qu'ils s’y trouvent en partie associés avec des 
grains de même couleur ou tout à fait bruns, que j'ai reconnu 
pour de lamphibole, et beaucoup plus rarement par quelques: 
particules d’un brun clair, qu’il est facile de reconnoître pour 
du mica. 

Ces dernitres. particules sont en efet en lames très-minces , 
demi-transparentes, d’un éclat nacré, fondant plus difficilement 
que le pyroxène, et donnant un verre brun nojrâtre persistant 
sans se mêler. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 155 
Il n’est pas aussi aisé de distinguer l’amphibole d'avec le py- 
roxène; voici le tableau des principales différences : les grains 
amphiboliques sont allongés et tendans à la forme prismatique ; 
ceux du pyroxène sont arrondis et irréguliers; les uns oflrent 
des indices de lames et les autres une cassure vitreuse rarement 
unie; les premières ont un éclat assez foible, excepté suivant le 
sens des lames ; les seconds sont éclatans ; ceux-ci sont de couleur 
brune ou vert noirâtre ; ceux-là sont de couleur vert jaunâtre, 
vert bouteille et rarement vert noirâtre. Enfin sur le filet du 
disthène les particules d’amphibole fondent avant celles de feld- 
spath et donnent un émail bran ou un verre d’une couleur vert 
noirâtre plus ou moins foncée; les particules pyroxéniques, au 
contraire, sont moins fusibles que celles du feld-spath et donnent 
un verre de couleur vert bouteille, ou vert jaunâtre plus ou 
moins clair; par le contact du feld-spath, ces dernières devienneut 
beaucoup plus fusibles. 


. La nature des grains noirs opaques m'a embarrassé dans l’o- 
rigine; leur détermination a donné lieu à un travail particulier 
dont j'ai déjà parlé, et que j'ai publié il y a quelques années ; 
J ai démontré qu'ils appartenoient à un nouveau minéral, le fer 
titané. Leur reconnoissance est plus facile encore que celle des 
grains feld-spathiques. La vivacité de leur éclat métallique, leur 
cassure conchoïde parfaite, leur couleur persistante et leur pro- 
priété magnétique qui permet de les isoler à volonté, en font 
sûrement reconnoître l'espèce jusque dans les particules les plus 
déliées. On en découvre depuis 0.05 à 0.15 dans les pâtes li- 
thoïdes qui fondent en noir, de 0.03 à 0.05 dans celles qui 
fondent en vert foncé, de 0.02 à 0.03 dans celles qui fondent 
en vert trés-clair et moins de 0.02 dans celles qui fondent en 
blanc. 

Les grains noirs appartiennent quelquefois en partie au fer 
oligiste. La couleur de la poussière les dénonce facilement ; j'ai 
constaté anciennement par les épreuves chimiques faites poux 
rechercher le fer titané, que le cas étoit extrêmement rare. 


Le barreau aimanté n’enlève pas au reste la totalité des grains 
noirs opaques, que la pulvérisation a complètement dégagés. 
Il en reste souvent une foible portion qui peut aller jusqu'à 
plus de o.or. Les caractères extérieurs de ces derniers ne dif- 
fèrent pas sensiblement de ceux du fer titané. Tsolés, ils fondent 
encore plus difficilement en émail noir; mêlés au feld-spath et 
au pyroxène, ils ne se dissolyent pas; ces propriétés excluant 


V 3 


150 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


le fer chromaté et le grenat noir dit mélanite, je présume qu'on 
peut les rapporter au ménakanite, qui est une combinaison de: 
titane et de fer en égale proportion. (Je rappellerai ici que le: 
fer titané ne contient que 045 de titane.) 

D'après ces détails, on voit que les associations des différentes 
espèces de minéraux microscopiques sont très-peu nombreuses 
et seulement ternaires ou quaternaires. Elles se divisent natu- 
rellement en deux classes. Dans les unes le feld-spath très-prédo- 
minant par sa quantité, imprime aux masses les principaux ca- 
ractères qui lui sont propres; dans toutes les autres, c'est le 
pyroxène qui prédomine, soit par sa quantité, soit par l’intensité , 
de sa couleur et les caractères remarquables de fusion qu'il 
communique constamment aux masses. 


Les associations de la première classe peuvent se réduire à 
quatre, savoir : 
Feld-spath, prédominant avec pyroxène et fer titané. 
Feld-spath, prédominant avec fer titané et amphibole. 
Feld-spath, prédominant ayec amphigène et fer titané. 
Feld-spath, prédominant avec fer titané, mica et amphibole. 


Les associations de la seconde classe peuvent aussi être ré- 
duites à quatre, savoir : 

Pyroxène, feld-spath et fer titané. 

Pyroxène, feld-spath, fer titané et péridot. 

Pyroxène, feld-spath, fer titané et amphigène. 

Pyroxène, feld-spath, fer titané et fer oligiste. 

Ces dernières notions complètent la reconnoissance des dif, 
férentes substances minérales qui, sous forme de grains cris- 
tallins microscopiques , composent les pâtes lithoïdes des courans 
de Jave de tous les âges. 

J’ajouterai maintenant, que j'ai originairement épuisé plusieurs 
hypothèses très-opposées à la véritable composition mécanique, 
En effet il eût été possible de découvrir une substance géné- 
ralrice commune et absolument nouvelle ; on auroit pu rencontrer 
un nombre plus considérable de substances soit nouvelles, soit 
déjà connues; enfin les mélanges pouvoient être plus variés, 
et chaque localité volcanique pouvoit avoir les siens ; mais l'ob- 
servation a facilement fait justice de ces différentes hypothèses. 

Mes principaux eflorts ont été dirigés vers la recherche de 
l'amphibole, minéral dont l'existence gratuitement supposée, a 


s 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 157 
servi jusqu'ici de lien ou de principe à presque toutes les classi- 
fications ou explications des produits volcaniques. On a vu que 
le feld-spath étoit vraiment la substance prédominante dans toutes 
les pâtes lithoïdes, après lui le pyroxène et ensuite le fer titané. 
L’amphibole microscopique ne se montre que dans les pâtes 
presqu’entièrement feld-spathiques; sa présence y est toujours dé: 
noncée par des cristaux amphiboliques disséminés , très-apparens; 
si ce minéral eût existé en abondance dans les pâtes basaltiques, 
il seroit bien étonnant qu’on ne Py rencontrât jamais (1) en cris- 
taux apparens, tandis qu’on y voit figurer constamment des 
cristaux distincts de pyroxène plus ou moins bien accompagnés 
de cristaux également remarquables, de péridot , de feld-spath, 
de fer tilané ou d’amphigène. Ces considérations seroient d’un 


(1) Pendant le cours de mes voyages , j'ai eu lieu d'examiner un bien grand 
nombre de couches basaltiques de tous les âges ; deux seulement m'ont pré- 
senté de l’amphibole en cristaux disséminés , apparens à la vue simple ; je vais 
en donner l'indication. L’une de ces couches située au sommet du Puy-Corent 
(en Auvergne), est composée de croûtes basaltiques boursoufflées ou scorifiées, 
servant de chapeau à une nappe de lave compacte, en partie colonnaire. Ces 
croûtes renferment un assez grand nombre de fragmens d’amphibole cristallisé, 
informes , d’un volume communément médiocre et quelquefois gros comme 
le poing, offrant des surfaces inégales, irrégulières, tantôt lisses et comme 
polies , tantôt ternes et scorifiées ; ils sont accompagnés de cristaux de pyroxène 
et de fer titané, rares, petits, d’un volume assez égal et en tout semblables à 
ceux de mème nature qu’on distingue dans la lave compacte inférieure ; il est à 
remarquer que de son côte cette lave ne renferme pas d'indice d’amphibole. Le 
sommet du Cantal (mème contrée) est terminé par un lambeau de couche ba- 
saltique recouvert presqu’entierement par un gazon épais. Les angles saillans de 
la roche montrent quelques prismes imparfaits d’amphibole , dispersés avec 
quelques grains de pyroxène au milieu d’une pâte tantôt dense , tantôt légere- 
ment boursoufflée. J’ai en outre reconnu la présence de l'amphibole dans plu- 
sieurs fragmens de roche basaltique , abondans d’ailleurs en cristaux parfaits de 
pyroxène et de péridot, et gisant au milieu des tufs basaltiques de Thiezac 
(mème contrée). Enfin je suis parvenu à trouver dans les nombreuses collec 
tions de Paris, une demi-douzaine d'échantillons basaltiques de localités mal 
connues , qui offroient avec beaucoup de pyroxène et quelque peu de péridot , 
des cristaux disséminés d’amphibole. Je ferai remarquer que dansles roches que 
je viens de citer , ce minéral paroit adventif, à enjuger seulementparsa rareté, 
son défaut de forme, l'inégalité de son volume, la scorification de ses sur- 
faces et le boursoufilement de la matière basaltique immédiatement environ- 
nante. On pourra découvrir de nouvelles raretés géologiques analogues à celles 
que je viens d'indiquer ; maisil estévident qu’on n’en pourra rien conclure pour 
la masse immense des terrains basaltiques incontestablement exempts d'amphi- 
bole. Aussi les conséquences absolues, déduites de mes expériences et de mes 
nombreuses recherches, subsistent dans leur entier. 


158 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


grand poids, dans le cas où on viendroit à supposer que je me 
suis laissé induire en erreur, dans tout le cours de mes expé- 
riences, à l'égard du pyroxène et de l’amphibole. 

Le passage gradué qu’on a observé entre le basalte noir et la 
lave granitoïde du Meisner et de Saint-Sandoux (en Auvergne), 
dite mimose, se trouve en harmonie avec mes expériences et 
leur prête un point d'appui irrécusable. Maintenant on peut avec 
certitude dire indifféremment que le mimose est un basalte à 
grains visibles, ou que le basalte est un mimose à grains mi- 
croscopiques. 

Mes résultats d'analyse mécanique ne sont pas moins d'accord 
avec ceux de l'analyse chimique; ils en expliquent les variantes. 
Les principes constituans, extraits de différentes pâtes lithoïdes 
bien caractérisées, telles que les basaltes de Hasenberg en 
Bohème, de 1669 à l'Ethna, et le klingstein de Sanadoire en 
Auvergne, sont en rapport avec ceux des minéraux microsco- 
piques composans ; ce rapport se concevant de reste, je ne 
marrêterai pas à en exposer les termes; je ferai remarquer seu- 
lement que le titane contenu dans les pâtes lithoïdes, a échappé 
aux chimistes à raison de sa petite quantité, et qu’il en est 
probablement de même de la magnésie, dont l'existence en 
proportion très-foible, est indiquée à priori dans beaucoup de 
basaltes, par la présence du péridot microscopique. Du reste ; 
à l’avenir, il sera curieux de vérifier si à l’aide d’une simple 
reconnoissance mécanique, et considérant l’espèce des minéraux 
microscopiques composans , leur mélange et la relation des vo- 
lumes aux poids, on peut à l'avance obtenir, avec une approxi- 
mation suffisante, l'expression numérique de la composition 
chimique d’une pâte lithoïde quelconque. 

Ces considérations auxiliaires fortifient les résultats directs 
de mes expériences, et leur impriment, je crois, le degré d’évi- 
dence qu’il est possible d’atteindre dans un semblable sujet. IL 
faut donc admettre les faits généraux suivans. 


Les pâtes lithoïdes des courans de lave modernes, celles des 
courans incontestables antérieurs aux temps historiques, celles 
des lambeaux de courans dont l’origine est plus ou moins con- 
testée » sont identiques de contexture intime et de composition 
mécanique. 

Toutes sont des granites microscopiques dans lesquels l’unifor< 
milé du tissu entrelacé n’est interrompue que par de très-petites 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 159 


vacuoles, un peu moins rares dans certaines laves incon(estables 
que dans toutes les autres. 


Les minéraux élémentaires de ces granits microscopiques ap- 
partiennent au petit nombre d’espèces qu’on trouve souvent dis- 
séminées en cristaux apparens dans les pâtes lithoïdes. 


Les associations de ces minéraux élémentaires peuvent être 
géologiquement réduites à huit, qui sont simplement ternaires 
ou quaternaires, et dans lesquelles deux des substances élémen- 
taires, le feld-spath et le pyroxène, sont constamment prédomi- 
nantes , non-seulement par leur abondance, mais encore par 
Vinfluence des propriétés dont elles sont douées. 


Enfin ces associations considérées sans le secours du microscope 
et sans celui de la loupe, redeviennent des masses d'apparence 
homogène, dont les propriétés composées sont dominées tantôt 
par les caractères du feld-spath, et tantôt par ceux du pyroxène; 
les autres minéraux élémentaires, rares ou masqués, n’exercent 
presqu’aucune influence caractéristique, et les masses ne peuvent 
plus être minéralogiquement distinguées qu’en deux sortes. 

Les conséquences immédiates qu’on peut naturellement déduire 
de ces faits généraux sont tellement fondamentales, que je crois 
devoir indiquer quelques-unes des plus marquantes, avant de 
passer à l’exposition de mes expériences sur les autres bases in- 
déterminées des roches volcaniques. 


D'abord il est évident qu'on n’a pas été fondé à élever au rang 
de véritables espèces minéralogiques, plusieurs des pâtes lithoïdes 
dont je viens de déterminer la nature; d’un autre côté, beaucoup 
de minéralogistes ont été trop loin, en les rejetant toutes sans 
descriptions spéciales et préalables dans les classifications pure- 
ment géologiques. Il paroît naturel de suivre à leur égard le 
parti qu’on est unanimement convenu de prendre pour les mi- 
péraux quartzeux ou calcaires mélangés. Elles peuvent donc et 
elles doivent être rapportées aux variélés compactes des deux 
minéraux élémentaires dominans, en leur accordant des noms 
particuliers et surtout des descriptions très-détaillées, à raison 
de l'importance du rôle qu’elles jouent dans les roches volcaniques. 
Ainsi les pâtes lithoïdes qui fondent en verre blane permanent , 
ou en verre blanc piqué de vert ou de noir et se colorant foi- 
blement à la longue, appartiendront au feld-spath compact, et 
celles qui donnent un émail noir ou un verre de couleur verte: 
foncée, appartiendront au pyroxène compact. Je réuuirai les: 


160 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


premières sous le nom de /eucostine, suggéré par la grande 
quantité de grains blancs qu'elles renferment et qu’on y peut 
aisément distinguer à l’aide d’une bonne loupe et d’une vive lu- 
mière. Je conserverai au second le nom de basalte qui est en 
quelque sorte consacré. 


Désormais la notion minéralogique conventionnelle du basalte 
deviendra celle-ci : pyroxène compact, mélangé de beaucoup de 
parties microscopiques de feldspath et de fer titané, auxquelles 
s'associent quelquefois des particules de péridot, d’amphigène et 
de fer oligiste. 

La notion minéralogique conventionnelle de la leucostine sera: 
feld-spath compact, mêlé d’une petite quantité de fer titané 
microscopique , auquel s'associent de petites quantités de py- 
roxène, d’amphibole , de mica, ou d'amphigène. 

La synonymie du basalte comprendra principalement les laves 
argilo-ferrugineuses homogènes de Dolomieu , les laves basaltiques 
uniformes de M. Haüy, de basalte trappéen, le graustein et la 
lave proprement dite de M. Werner. 


La synonymie de la leucostine embrassera, les laves pétro- 
siciliceuses homogènes de Dolomieu , les laves pétro-siciliceuses 
mniformes et le feld-spath compact sonore de M. Haüy, la do- 
mite et la lave à base de hornstein de Karsten, le klingstein et 
la base de plusieurs thonporphyres de M. Werner. 


Les modifications de la contexture qui tantôt est compacte, 
tantôt écailleuse et tantôt granulaire, fourniront des sub-divisions 
faciles à motiver. Les variations de composition mécanique pour- 
ront être prises subsidiairement en considération, ainsi que les 
accidens dus au boursoufflement ; mais je reviendrai sur ce sujet ; 
pour le moment je me contente de l'essentiel, c’est-à-dire de 
poser les principes. 

Cette distribution naturelle, tout en détruisant les préjugés 
conçus à l'égard de la composition des pâtes lithoïdes , a l'avantage 
de ne pas s'éloigner sensiblement des coupures empiriques déjà 
établies. Elle concilie même les opinions sous un certain point 
de vue. En effet les minéralogistes qui ont soutenu que toutes les 
pâtes lithoïdes étoient des mélanges, avoient raison , et ceux qui 
ont prétendu qu’on pouvoit les placer dans la méthode minéra- 
logique, n’avoient pas tort. Eu 

Si les recherches précédentes peuvent servir à concilier des 
opinions sous le point de vue minéralogique, elles ne concilient 

point 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 161 
point les hypothèses géologiques imaginées pour expliquer l’ori- 
gine, la fluidité, la coagulation lithoïde des courans de lave. 
Bien loin de là, mes résultats ne satisfont à aucune de ces hy- 
pothèses, ou, pour m'énoncer avec plus de logique, et comme 
Je crois être autorisé à le faire, aucune de ces hypothèses ne 
satisfait à mes résultats, Je n’entrerai à ce sujet dans aucun 
développement ; mais je reproduirai les conséquences de mes 
observations sous une autre forme, et j'en déduirai l’expression 
rigoureuse des conditions qui caractérisent le phénomène de la 
coagulation des courans de lave ; je dirai qu’ilest démontré quela 
matière intérieure des courans (ceux d’obsidienne exceplés), se 
cristallise en entier par le refroidissement, et se change en une 
infinité de très-petits cristaux ou grains entrelacés solidement, 
laissant entre eux des vacuoles rares et déliées et appartenant 
à des espèces minérales bien déterminées. 

Cette notion, considérée comme loi générale , explique faci- 
lement beaucoup de cas particuliers non encore résolus ; Je me 
contenterai d’en produire un exemple remarquable. 


, On a discuté depuis long-temps, et on discute encore, sur 
l’origine des cristaux apparens, disséminés dans les pâtes li- 
thoïdes. Les uns prétendent que la formation de ces cristaux a eu 
lieu au milieu de la matière incandescente, les autres pensent 
qu'ils ont été apportés des entrailles de la terre, après avoir 
résisté au ramollissement ou à la fusion des roches qui leur 
servoient originairement de matrice (1). D'après mes expériences, 
ilme semble que la difliculté n existe plus. Un cristal de deux à lrois 


oo 


@G) Nous sommes riches en explications des phénomènes volcaniques. Il a 
été plus facile d'imaginer des hypothèses sur leur nature, que d’étudier , d’a- 
natomiser et de bien décrire leurs produits. Jusqu’à présent on n’a su voir dans 
ces produits que des roches diverses, fondues ou remaniées par des causes lo- 
cales ; à coup sûr c’est trop resserrer le champ des suppositions. Juand à défaut 
de faits, la science accueille les spéculations hypothetiques , il faut au moins 
tächer d’épuiser la série de ce qui est possible. C’est d’après cette considération 
que Dolomieu s’éloit décidé à mettre en avant dans un de ses derniersouvrages, 
une idée absolument neuve et qui paroît plus féconde que toutes celles qui ont 
précédé. Cetteidée , que je ne juge pasici, conduiroit à faire supposer que la vols 
canicité est un phénomène général ; que la matière des laves remplit une grande 
parie de l’intérieur du globe, si ce n’est la totalité ; qu’elle y a existé de tous les 
temps , douée de laliquidité pâteuse et de la plus haute incandescence ; et qu elle 
y éprouve des modifications extrémement lentes dont les tremblemens de terre 
et les éruptions sont le produit. 


Tome LXXXIII. AOÛT an 1016. X 


162 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


millimètres de longueur, ne se forme pas en vertu d’une autre 
force d'agrégation, qu'un cristal d’un vingtième ou d’un cin- 
quantième de millimètre; les dimensions dépendent de la con- 
ünuilé d'action ; beaucoup de causes peuvent la troubler. Si le 
refroidissement des courans peut résoudre toute leur masse li- 
quide en cristaux microscopiques , il y a tout lieu de croire 
que les gros cristaux qui s’y trouvent disséminés, sont les pre- 
miers produits de l'agrégation régulière. 

On pourra s'étonner qu'après avoir démontré que le pyroxène 
est un des produits formés par la résolution complète de la ma- 
tière des laves en cristaux, je ne propose pas de changer le 
nom de ce minéral ; ce nom signifie eflectivement é/ranger au 
domaine du feu; il a été suggéré à M. Haüy par Dolomieu qui 
a partagé long-temps la seconde des opinions dont j'ai parlé plus 
haut, J’estime que l’étymologie pourra être interprétée à l'avenir 
sous un tout autre point de vue; la dénomination de pyroxène 
rappellera aux observateurs que les phénomènes volcaniques dif= 
férent essentiellement de ceux du feu que nous savons produire, et 
que c’est à tort que l’on a cru jusqu’à présent le contraire ; elle les 
averlira qu’il faut abandonner désormais tout préjugé de cette 
espèce , si l’on veut avancer dans l'étude des volcans , et parvenir 
surtout à déterminer quelles sont les causes inconnues qui, jointes 
à l’incandescence , donnent la fluidité aux courans de lave, per- 
meltent aux combinaisons chimiques de s’y former, et favorisent 
l'agrégation régulière et complète de ces combinaisons, pendant 
la durée du refroidissement. 

Après avoir trouvé le mode uniforme qui régit la composition des 
pâtes minérales, qui font la base des courans lithoïdes de tous les 
âges et de tous les pays ; après en avoir déduit l'expression de 
la loi qui préside à la coagulation des laves incandescentes, je 
eomplelterai Fexamen des laves lithoïdes anciennes et modernes, 
en démontrant l’inexactitude des rapprochemens dont elles ont été 
jusqu’à présent l’objet. 

Une partie des minéralogistes supposent que les laves mo- 
dernes ne ressemblent point aux laves anciennes, que ces der- 
nières, au contraire, ont une composition analogue à celle des 
trapps, des cornéennes et des pétrosilex, et que par conséquent 
leur origine est semblable. Les autres assurent que les laves 
anciennes et modernes ne sont rien autre chose que des pétro- 
silex , des cornéennes et des trapps remaniés par les agens sou- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 163 


terrains, et auxquels la coagulation a restitué leur contexture 
originaire. On voit qu'il y a trois termes dans ces analogies: 
J'ai prouvé que le premier et le second sont fort différens de 
ce qu’on les a supposés; je vais prouver qu’on n’a guère mieux 
connu le troisième terme. 


(La suite au Cahier prochain.) 


Re] 


EXTRAIT dune Lettre de M. Braconnot, Professeur 
d'Histoire naturelle à Nancy, à J.-C. Delaméthertie. 


JE vous adresse des observations que j'ai faites sur la belle 
couleur jaune que fournit le datysca canabina, la canabine, et 
vous prie de les publier sur-le-champ, afin qu’on ait le temps d’en 
recueillir les graines... .. 


. Note du Rédacteur, Ce Cahier étoit imprimé lorsque j'ai reçu ces observas 
Lous...;elles se trouveront dans le Cahier prochain, 


164 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, elc. 


LS SC US SG | 


TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER, 


Mémoire sur les propriétés optiques du muriate de soude, 
du fluate dechaux et du diamant; par David Brewster. 
Extrait des Transactions Philosophiques. Pag. 

Tableau météorologique ; par M. Bouvard. 

Des Méthodes classiques et naturelles appliquées à la 
géographie physique; par M. Toulouzan de Saint- 
Martin. Deutième Mérmotre. \ 

De l'état actuel de la Chimie ; par J.-C. Delamétherie. 

Mémoire sur, les substances minérales dites en masse, 
qui entrent dans. la composition des roches volca- 
niques de tous les âges; par P. Louis Cordier. 


EEE 


a ——————————— 
De l’Imprimerie de M®° Veuve COURCIER, Imprimeur-Libraire, pour 


Jes Mathématiques et la Marine, quai des Augustins, n° 57. 


JOURNAL 


DE PHYSIQUE, 
DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


SEPTEMBRE an 1816. 


SUITE DES MÉTHODES 
CLASSIQUES ET NATURELLES 
APPLIQUÉES A LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE; 


Par M. TOULOUZAN DE SAINT-MARTIN. 


DEUXIÈME MÉMOIRE. 


TROISIÈME PARTIE DU MONDE. 
L'Éricie. 

IL est à peu près démontré aujourd'hui que la Colombie est 
séparée du Groenland et des autres terres situées plus au nord, 
Je dois rapporter, en les abrégeant , les faits qui appuient cette 
opinion. 

1°. Plusieurs navigateurs anglais et danois ont pénétré dans 
le fond de la baie de Baflin, et ils y ont trouvé parmi les glaces, 

Tome LXX XIII. SEPTEMBRE an 1816. Y 


166 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


des ouvertures qui semblent annoncer des canaux ou passages, 
Dans tous les cas, il est prouvé que Baflin n’a pas fait le tour 
de la baie, comme il le disoit, ou que, s'il Pa fait, il a pris 
pour des terres ce qui n’étoit qu’une ceinture de glaces. 

20, Les groenlandais disent qu'à l'occident de leur pays il 
existe un lac non gelé dont ils ne connoiïssent pas les limites. 

30, Le capitaine anglais Cluny prétendoit avoir passé, vers 
la fin du siècle dernier, de Repulse-Bay, golfe situé au nord- 
ouest de la baie d'Hudson, dans la mer de Tartarie ou de la 
côte orientale d'Asie. Il a donné même la direction et les me- 
sures du détroit qu’il termine à l’ouest par deux caps auxquels 
il a imposé les noms de Spurrel et de Fowler. Ce fait rap- 
porté avec toutes ses circonstances dans l’£ncyclopédie métho- 
dique, art. passage du nord, peut se concilier avec nos con- 
noissances actuelles, en admettant que Repulse-Bay communique 
avec les mers d'Hearne et de Mackenzie, et que l’un des caps 
dont le capitaine anglais a voulu parler, n’est autre que le cap 
Glace. 

4°. On a trouvé sur la côte du Kamtchatka des baleines 
portant des harpons anglais, hollandais et biscayens, nations 
qui ne faisoient alors la péche que dans l'Océan atlantique sep- 
tentrional. 

59. On sait, à n’en pouvoir douter, que les peuples du Groen- 
land et des côtes du Labrador sont de la même race que les 
Eskimaux retrouvés depuis sur la côte de la Colombie à l’ouest 
de la baie d'Hudson qu’ils fréquentoient autrefois, soit par Re- 

ulse-Bay, soit par les canaux qui dounent entrée à la baie de 
Baftin. Cette fréquentation n'a même cessé qu’à une époque 
très-moderne , et les mêmes Eskimaux trafiquent aujourd’hui. 
avec les comptoirs russes de la côte nord-ouest. 

On peut conserver des doutes sur quelques-uns de ces faits 
qui ont pas été vérifiés avec assez d’exactitude ; mais le dernier 
est incontestable, et ses conséquences se concilient avec les dé- 
couvertes récentes d’Hearne et de Mackenzie. L’objection de 
ceux qui prétendent que les espaces de mer vus par ces deux 
voyageurs pourroient n'être que des lacs, est dénuée de fonde: 
ment. Mackenzie a vu sur le rivage, des squelettes de Baleines 
et des huttes d’Eskimaux; peuple qui, dit-il, est en possession 
de-toute la côte septentrionale. 

En lisant attentivement la relation de Mackenzie , j'ai été 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 167 


surpris que ce voyageur, ordinairement exact et souvent minu- 
tieux daus ses observations, ait passé si légèrement sur sa plus 
importante découverte, celle de la mer qui a été le terme de 
sa course. À peine s'est-il donné le temps de la voir, et il avoit 
tous les moyens nécessaires pour y naviguer pendant plusieurs 
Jours. Sa réserve, à cet égard, me fait soupconner qu'il nous a 
caché une partie de la vérité, par intérêt pour son pays et pou 
la compagnie du nord-ouest dont il étoit l'agent. Il’ a craint, 
peut-être avec raison, que si à cette extrémité du monde, il 
indiquoit une mer libre d'obstacles, les Russes n’y parvinssent 
en doublant le cap Glacé pour explorer les fourrures de la côte. 
On sait que ces sortes de restrictions sont des lois pour les peuples 
marchands. Sans M. de La Pérouse qui, dans l'expédition où 
il se rendit maître des comptoirs anglais de la baie d'Hudson, 
exigea du gouverneur Hearne, devenu son prisonnier, que le 
manuscrit de son voyage seroit publié, nous ignorerions encore 
ce que les Anglais savent depuis long temps, que le passage du 
nord-ouest , objet de tant de recherches infructueuses, existe 
véritablement et sépare la Colombie des terres polaires. 


Après avoir démontré que ces terres sont détachées du Nou- 
veau-Continent, rassemblons les preuves de l'existence de ces 
mêmes terres au nord de l'Ancien-Monde. 


Je ne puis mieux faire que de rapporter succinctement ce 
que Saver, traducteur du voyage de Billing , raconte de cette 
découverte sur la foi de Protodiakonoff, un des compagnons 


de Lakoff. 


Ces deux hommes intrépides partirent en mars 1770, de l’em- 
bouchure de l’Yana, rivière considérable située à l’est de la 
Lèva, etayant son embouchure dans le même ae Ils faisoient 
roule sur un zart, ou traîneau tiré par des chiens. Arrivés au 
Swatoï-Noss, promontoire le plus septentrional de la côte, ils 
aperçurent un grand troupeau de rennes qui venoit du nord, 
et ils suivirent les traces que ces animaux avoient laissées sur 
la glace de la mer Polaire. Ils arrivèrent bientôt à une ile située 
à 7o werstes (18 lieues) du Swatoï-Noss, puis à une seconde 
plus septentrionale de cinq lieues. En s’avancant plus loin, la 
glace se trouva tellement montueuse, que les Voyageurs ne pou 
vant continuer leur route, retournèrent sur le continent, 

Le gouvernement ayant accordé à Lakoff le privilége exclusif 
de recueillir l’ivoire fossile de ces îles, cet aventurier y fit un 

Ye 


168 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


second voyage, en 1775, dans un canot , accompagné de cinq 
ouvriers. Au-delà des îles il navigua dans une mer très-salée, 
dont le courant portoit à l’ouest, et il aborda à une côte fort 
étendue, très-montueuse, couverte de bois apporté par les flots, 
stérile, mais offrant une immense quantité de dents de mam- 
mouts et d’autres fossiles, avec beaucoup de traces d'animaux. 


Cette découverte parut si importante au gouvernement d’Ya- 
koustn, que l’arpenteur-général Tchwoïnoff fut chargé de l’exa- 
miner et d’enlever le plan. Le 6 mai 1775, il arriva à la pre- 
mière île à laquelle il donna 38 lieues environ de longueur et 
5 de largeur dans la partie la plus étroite; le milieu est occupé 
par un grand lac à bords escarpés, mais peu profond; on ne 
voit que quelques monticules de roches; tout le reste du sol est 
un mélange de sables et de débris fossiles, la plupart d’animaux 
gigantesques. 

La seconde île offre la même composition, mais elle n’a que 
15 lieues de long et 5 dans sa plus grande largeur. Elle est 
couverte d’un lit de mousse très-épais qui repose immédiatement 
sur la glace. + 

Le canal qui sépare cette île de la Grande-Terre, peut avoir 
25 lieues de large suivant Tchwoïnoff, Cet envoyé ayant abordé 
la côte, la suivit vers l’est jusqu’à une rivière considérable qu’il 
nomma Tzarévaya-Réka. I] gravit une haute montagne du 
sommet de laquelle, par un temps très-celair, il vit le pays s’é- 
tendre jusqu'où la vue pouvoit porter vers l’est, l’ouest et le 
nord. Il suivit de nouveau le rivage l’espace de 25 lieues, et 
trouva sur son chemin trois grandes rivières couiant au sud, 
remplies de poissons et chariant beaucoup de bois (r). 

T'el fut le récit de Protodiakonoff, Depuis il ne nous est rien 
parvenu de plus récent sur cette Grande-Teïre; j'ai seulement 
appris de quelques officiers russes, qui avoient été en Sibérie et 
que j'ai connus à Paris, que celte terre étoit très-fréquentée 
par ceux qui cherchent les dents de mammouts, et que l'opinion 
générale est que son étendue est très-considérable, et que dans 
l'intérieur elle doit être boisée et peuplée d'animaux. En effet, 
ces bois que charient les rivières, ne peuvent provenir que des 


(1) Voyage de Billing, rédigé par Saver, traduit par Castera, 2 vol. in-8°, 
avec atlas, tome [, pag. 191 et suiv. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 169 
forêts de l’intérieur, et il paroît que le froid n’y est pas excessif, 
puisque ces mêmes rivières sont très-poissonneuses, 

D'un autre côté, comme le courant porte avec beaucoup de 
violence à l’ouest , il est probable que la côte de cette terre 
s'étend fort loin à l’est; car, dans cette supposition, on concevra 
que la mer, arrêtée par les terres du nord , est forcée de courir 
dans le canal. Peut-être même seroit-on fondé à dire que ce 
courant est celui qui remonte le détroit de Davis et passe dans 
la mer de Lakoff par les entrées de la baie de Baflin. D’autres 
faits appuient celte opinion. Toutes les années on voit passer 
et repasser, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau-Continent, 
des troupeaux d'ours et de rennes. Les Tchouktchis , peuples 
de l’extrémité nord-est de l'Asie, émigrent avec leurs rennes 
dans une terre septentrionale vers la fin de l'hiver, pour n’en 
revenir qu’à la fin de l'été. Les Eskimaux qui fréquentent les 
compioirs russes de la côte nord-ouest, appellent la mer sur 
laquelle ils naviguent 2el-Houllaï-Tou, le lac de l'Homme- 
Blanc; cette dénomination de lac doit faire supposer que la 
mer dans ces régions polaires, est enfermée par des terres au 
nord et au sud. Ainsi il y a une très-grande probabilité que la 
Terre de Lakoff s'étend à l’est jusqu'au Groenland, ou au moins 
dans le voisinage. 


Les rapports des Samoiïëdes donnent aussi lieu de penser qu’il 
existe des terres au nord de leur pays; et le passage des rennes 
et des ours y est aussi très-fréquent. La Nova- Zemla ou Nouvelle- 
Zemble, que par différens motifs exposés plus bas, je range dans 
l'Ericie, s'étend au nord jusqu’au 77° de latitude. A l’ouest 
d’une ligne tirée entre le Gélania-Noss, qui termine le Nova- 
Zemla et le Spitzherg, on a découvert plusieurs groupes d'’iles 
qui semblent lier à-la-fois la Nova-Zemla , le Spitzberg, l’Is- 
lande et le Groenland. Cet espace de mer est le seul qui ait 
été fréquenté pour la pêche des baleines et des phoques. Il est 
naturel de croire que si la navigation s'étendoit au nord-est de 
la Nova-Zemla, on y découvriroit les terres qui doivent se joindre 
à laterre de Lakoff. 


De toutes ces données, on est en droit de conclure qu'il existe 
un continent boréal séparé des nôtres par un canal obstrué d'îles 
qui en ont été détachées, et qui par conséquent lui appartiennent ; 
que cette séparation des îles doit s'être faite à l’époque où l'Océan 
austral a pénétré dans ce canal, d’où il a été repoussé vers le 
sud; que ce continent est assez élendu pour former une partie 


170 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


du monde; d'autant mieux qu'il a des caractères particuliers 
et dignes d’être observés avec attention; enfin, que les limites 
de ce continent doivent étre traeées au point où ses pentes se 
rencontrent avec celles de la Colombie et de l'Europasie sep- 
tentrionales. 


Je pars du cap Farewel qui termine le Groenland au sud par 
le 60e de latitude et le 45e de longitude occidentale environ. 
De ce cap en allant vers l'est, la ligne passe par MVestmanna- 
Eyar, groupe d'îles au sud-ouest de l'Islande. Dans la plupart 
des géographies, l'Islande est décrite comme annexe de PÉurope. 
Les distances s'opposent à cette réunion , et la connexion de l’[s- 
lande avec le Groenland n’est pas douteuse. 


De l'Islande la ligne va joindre les îles de Jan-Mayen, les 
îles Bear ou Cherry, et l'ile Hoop au sud-est du Spitzberg, 
vaste archipel qui du 75° parallèle s'étend Jusqu'au 61° et touche 
probablement au continent boréal. 

De l'ile Hoop nous descendons à l’île Kalgonef, et de celle-ci 
à l’île Dolgoi, toutes deux situées au nord de la côte septen- 
trionale du gouvernement d’Arkangelsk. Celle de Kalgonef est 
séparée de cette côte par un canal de trente lieues environ où 
la mer est libre et profonde. La côte d'Europasie, qui s'étend 
vis-à-vis cette île, entre le golfe de Tcheskaia et le canal qui 
conduit à la mer Blanche, a sa direction de l’est à l’ouest, 
tandis que l'ile Kalgonef a son axe parallèle aux méridiens. 
L'ile Dolgoi est plus voisine de la côle, mais elle se lie par 
l'ile Matreief et différens écueils à l’île Waigaich qui est une 
dépendance de la Nova-Zemla. Les vaisseaux qui font route pour 
le détroit de Waigatch, passent toujours au sud de l’île Kal- 
gonef et de l'île Dolgoi. Ces motifs m'ont paru suflisans pour 
ranger dans l'Ericie, ces îles sur lesquelles nous n’avons que 
trèspeu de notions, mais qui paroissent avoir appartenu plutôt 
aux terres de la Nova-Zemla qu’à celles de l'Europasie, 

De l’île Dolgoi, la ligne va joindre la pointe de l'ile Waigatch 
dans le détroit de ce nom, au sud de la Nova-Zemla. Ces 
terres ne sont séparées de l’Ancien-Continent, que par un bras 
de mer très-étroit; mais il en est de même partout où les parties 
du Monde se rapprochent ; à Gibraltar, à Malaca, au détroit 
de Béring, etc. La Nova-Zemla n’est pas un prolongement de 
la chaîne Ouralienne, puisque cette chaîne baisse sensiblement 
vers le nord et finit à une grande distance du rivage. La rivière 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 171 


Kara qui a sa source dans les dernières ramifications de l'Oural, 
coule vers le nord surune étendue de plus de quatre-vingts lieues. 
Toute la côte d'Europasie se prolonge en pente douce vers le 
nord , tandis que les terres de la Nova-Zemla sont escarpées et 
aiguës vers le sud. Je reconnois encore dans ces parages que 
les eaux se sont accumulées dans un creux qui présente les 
mêmes dispositions que la merdes Antilles , la Méditerranée, ete. ; 
c’est-à-dire une séparation ordonnée par la rencontre des pentes, 
cause à laquelle il faut attribuer la formation de la mer Blanche, 
dont l’ancien lac a été envahi par l'Océan qui a dû , même dans 
les premiers jours de son invasion, faire communiquer cette mer 
avec la Baltique. En effet, la Scandinavie fait le pendant du 
Groenland, comme la mer Baltique fait celui de la baie d'Hudson. 
Ainsi, bien Icin de rattacher la Nova-Zemla à l'Europasie, il y 
auroit peut-être des raisons pour joindre la Scandinavie à l'Ericie. 
Mais je doi: écarter des innovations qui paroîtroient trop hardies 
et qui seroient difficilement approuvées. 

De l’île Woigatch, la ligne remonte au nord du cap Seve- 
rovostochnoi où ii doit se trouver, comme nous l’avons dit plus 
haut, quelque terre vers le 8ot de latitude, et de ce point 
elle redescend à la terre de Lako# au 75e. Les îles qui sont 
entre cette terre et la côte d’Asie doivent rester à celte dernière : 
leur direction l'indique ; elles sont liées au Swatoï-Noss par des 
sables et des glaces quine fondent jamais; au contraire, suivant 
le rapport de Tchwoïnoff que J'ai cité plus haut, le canal qui 
est entre ces îles et la Terre de Lokoff, a vingt-cinq lieues de 
large et le courant y est très-fort. La carte d’Arrousmith indique 
un grand banc de sable dans ce canal; mais la carte russe que 
j'ai sous les yeux, n’en fait pas mention. En outre, les îles Lakoff 
sont basses et sablonneuses comme la côte d'Asie, tandis que 
selon Tchwoïnoff, la terre de Lakoff est montueuse et vraiment 
continentale (1). Les pentes de cette terre sont inclinées droit 
au sud, et se rencontrent par conséquent avec celles de la Si- 
bérie ; de sorte que le canal est le réservoir de toutes les eaux. 


Je ne chercherai pas à connoître comment et dans quelle ré- 
gion cette terrede Lakoff se joint au Groenland. Nous manquons 
de faits à cet égard. Il paroît que le Groenland est bordé au 


ns 


(1) Sur la carte russe les îles Lakoff sont nommées , la plus grande, Perwo: 
et la plus petite, /toroy. 


172 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


nord-ouest de plusieurs archipels qui , dans leur ensemble, tracent 
le contour de la baie de Baffin, en laissant plusieurs passages 
pour aller de cette baie à la mer de Lakoff. Si, comme on le 
croit , le Sound de James Lancaster est un de ces passages, 
nous devons le considérer comme la limite naturelle de la Co- 
iombie et de l'Ericie. Cependant il seroit possible que Repulse- 
Bay, golfe de la baie d’Hudson dont les côtes sont peu connues, 
communiquât par un ou plusieurs canaux avec la mer vue par 
Hearne et Mackenzie. Ce qui me le feroit croire, c'est que ce 
dernier voyageur a trouvé dans cette mer les mêmes poissons 
que dans la baie d'Hudson. Ce fait se concilie très-bien avec 
le Journal du capitaine Cluny , dont j'ai parlé au commencement 
de cet article. Néanmoins Je crois devoir me conformer à l’o- 
pinion d'Arrowsmith, en regardant le sound de Jamee Lancaster 
comme le canal de séparation, et alors je terminerai l’Ericie 
de ce côté par le cap situé au nord-est de ce canal, et je l'ap- 
pellerai le cap Dancaster. ; 

De ce cap, opposé à celui de Baffin, la ligne viendra rejoindre 
le cap Farevel qui a été mon point de départ. 


QUATRIÈME PARTIE DU MONDE. 


L’Europasie. 


La division de l'Europe et de l'Asie a été introduite dans on 
temps où les connoiïssances géographiques étoient à peu près 
bornées aux pays qui entourent la Méditerranée. Cette mer dut 
être regardée alors, comme une limite naturelle entre ce qu’on 
appeloit les £rois parties du Monde. L'autorité des anciens , trop 
respectée dans les sciences et pas assez dans les arts, le pouvoir 
de l'habitude qui convertit les usages en lois, enfin la jalouse 
tyrannie de l’enseignement qui écarte avec soin toute innovation, 
ont consacré une distinction que rejettent la Géographie-Physique 
et les sciences naturelles. Au contraire, l’histoire et la politique 
la commandent ; et il est bon de faire ici une observation. C’est 
que la suprématie dont l'Europe jouit depuis la prise de Troyÿe, 
ue tient point, comme on le croit communément, à des causes 
physiques, mais bien à des causes morales. L'erreur dans laquelle 
on est à cet égard, a sa source, comme tant d’autres, dans 
l’'alliage monstrueux et forcé de la Géographie-Physique, fille 
de la nature, et de la Géographie politique, fille de l’homme (x). 


(1) Voyez la note 1 à la fin de cette partie. 


Les 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 175 


Les sciences naturelles ne reconnoissent point d’autres lois 
que les faits, Chaque fait nouveau donne de nouvelles lumières 
À mesure que le recueil augmente, l’ordre des matières change 
en raison des rapports qu'on n’avoit pas encore aperçus, et qui 
exigent impérieusement des corrections et des réformes. 

La plupart des géographes conviennent que la route qu’ils 
suivent est mal tracée; 1ls avouent que la ligne de limites entre 
l'Europe et l'Asie est de pure convention : car séparer deux 
contrées qui se touchent sur tous les points dans une étendue 
de près de mille lieues, les limiter, tantôt par des montagnes et 
des collines, tantôt par des rivières et des ruisseaux, quelquefois 
par des lacs, des déserts, des plaines, en un mot, par tout ce 
qu’on rencontre sur son chemin, c’est aller contre le sens commun 
et violer toutes les lois de la raison. Cependant on maintient 
une séparation aussi ridicule par une espèce de respect scho- 
lastique auquel on n'ose pas déroger. En France, j'ai été le pre- 
mier, je crois, à ne faire de l'Europe et de l'Asie qu’une seule 
païtie du monde (*). Quelques géographes allemands m'avoient 
devancé. Ces exemples n'ont pas été suivis. Peut-être sera1-Je 
assez heureux, malgré bien des erreurs et des négligences que 
je n’ai pu éviter dans ces Mémoires, pour qu'on adopte au 
moins les bases d'une méthode que j'ai. puisée sans prévention 
dans la nature, unique souree de toute vérité. 

L’Europasie a une figure très irrégulière qui a de très-grands 
rapports avec celle de la Colombie. Les caractères spécifiques 
sont bien marqués. Au nord, les terres s’élargissent et s’abaissent 
en pente douce; au sud, elles se rapprochent et se terminent par 
des péninsules en général escarpées. Cependant nous aurons oc- 
casion de remarquer quelques analogies qu'il sera pourtant facile 
de ramener à la cause générale, qu’en apparence elles repoussent. 


Je commence par la limite orientale. Du cap oriental qui 
marque le détroit de Béring, la ligne va au cap Tchoukotskoi 
qui termine au nord le golfe d’Anadyr; de ce cap à l’île d'Ao- 
Sima, au sud de celle de Fatsisio où, suivant M. de Krusenstein 
qui me sert de guide, les grands du Japon sont envoyés en 
exil (1) ; d'Ao-Sima à Formose, et de Formose aux îles Rintang 


(®) Poyez le 1 vol. de l’Essai sur l'Hist. de la Nat. publié chez Arthus- 
Bertrand en 1815. i 


(1) Voyez la note 2 la fin de cette partie. 


Tome LXXXIII. SEPTEMBRE an 1816. Z 


174 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


qui sont au sud de Ja presqu'île de Malaca , et qu’on peut con- 
sidérer comme des ramifications du cap Romania, lequel termine 
celte presqu'’ile. 

Cette limite orientale est naturelle jusqu’à Formose. La chaîne 
d'îles qui court du Kamtchatka à Formose, est évidemment 
la chaussée encore presque entière des anciens lacs qui, par leur 
jonction à l'Océan, ont formé les mers d’Okotsk, de Tartarie, 
du Japon et de la Corée. Mais au sud de Formose cette chaussée 
se continue par les Bashées, les Philippines, Bornéo et les îles 
de la Sonde; de sorte qu'il est impossible de douter de l’ancienne 
jonction des deux parties de la chaussée. Cependant la chaussée 
méridionale devant, par des motifs que je développerai ailleurs, 
être comprise dans la Malasie, je marque le canal de séparation 
entre Formose et les îles Bashées où en ellet est la grande 
passe pour entrer dans la mer de Chine. 


Du cap Romania et des îles Rintang, je prends la ligne jus- 
qu’à la Grande-Sambelong la plus méridionale des îles Nicobar ;: 
de la Grande-Sambelong à Pena-Moluque la plus avancée des 
Maldives vers le sud; de Pena-Moluque au cap Fartask sur la 
côte d'Hadramant en Arabie; de ce cap aux îles Roboaunes dans: 
le détroit même de Rod-el-Maudes; de ces îles à l’isthme de 
Suez , à l'ile de Chypre; à la Sardaigne par Candie et la Sicile;: 
à Calpi au détroit de Gibraltar, enfin aux Acores où finit la 
limite méridionale. 

Je dois justifier cette limite dans quelques points sujets à con- 
testalion. 

Le détroit de Sincapura qui sépare la presqu’ile de Malacca 
de l'ile Sumatra, est regardé maintenant comme la limite natu- 
relle de l'Asie vers le sud. Quoique je me trouve ici d'accord 
avec tous les géographes, je dois faire remarquer que Sumatra 
et les autres îles plus au sud, appartiennent à la chaîne des mon- 
tagnes de l'Asie occidentale, qui par leur moyen se continue 
jusqu’à la Nouvelle-Hollande. La rupture de cette chaîne est due 
à un concours de causes qui ont opéré une dislocation plutôt 
qu'une séparation. Cependant cette séparation a été eflectnée ; 
elle est même de nature à être exactement déterminée malgré 
ses ancmalies, et il ne s’agiroit pour eela que de multiplier les 
angles, ce dont j'ai eru devoir me dispenser pour éviter des dé- 
tails fastidieux. Nous manquons d’ailleurs de cartes détaillées. 
On suppléera avec le temps à ce qu'il peut y avoir d'imparfait 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 175 
dans la ligne de limite, depuis Formose jusqu’à la Grande-Sam- 
belong. Ces deux points de reconnoissance étant invariables, iln”y 
aura à faire que de légères corrections dans l’espace intermédiaire, 
c'est-à-dire dans la mer de Chine et le détroit de Malacca, où la 
quantité d'îles est innombrable et par conséquent le canal de 
séparation très-sinueux. 


Les îles Nicobar restent à l’Europasie, et en eflet il ne m’a 
pas paru qu’elles eussent quelque connexion avec Sumatra. 1°. IE 
n'y à pas moins de quatre-vingts lieues marines entre la Grande- 
Sambelong avec Sumatra ; 20 la mer est libre et profonde dans 
ce canal ; 30 Je sol de Sumatra est montagneux ; les îles Nicobar 
sont des terres basses et marécageuses; 4° ces îles font partie 
de la chaîne des Audaman, qui est elle-même un prolongement 
du cap Naigrais sur la côte du Pégie ; 5° ecufin on doit les con- 
sidérer comme des attérissemens du grand fleuve d’Ava, dont 
les sables repoussés par la côte de Sumatra placée vis-à-vis, se 
sont amassés et s’amassent encore aux îles Nicobar. 

Tous les golfes de la côte méridionale de l'Asie ont été 
bien certainement des lacs. Il en a été de même de toute læ 
mer des Indes, puisque les pentes de trois parties du monde 
aboutissent dans ce bassin, où celles d'Asie surtout versent d’é- 
normes courans d’eau. Ces lacs étoient divisés par des chaussées 
qui couroient de tous les sens. La multitude d'îles, de brisans, 
de bancs de sables, sont des vestiges encore existans de ces chaus- 
sées. Parmi tant de points de reconnoissance il est difficile de 
choisir précisément ceux qui doivent être rangés dans chacune 
des trois parties du monde penchées vers le même bassin. Je 
me suis décidé par des analogies, et j'ai fixé le point le plus 
méridional de l'Europasie à Pena-Moluque, la plus australe des 
Maldives, parce que d’un côté, cet archipel est évidemment en 
rapport avec le cap Comorin; et de l’autre, les îles ou écueils 
plus à l’ouest et au sud m'ont paru se lier à l'Afrique, comme 
je le dirai en son lieu. 

La mer Rouge est une vallée de toute ancienneté et de pre- 
mière formation, comme on le voit par la nature granilique, 
ou soit primordiale, des montagnes d'Arabie et d'Abyssinie. 
Ces montagnes sont tellement escarpées, leurs pentes si rapides 
et si rapprochées, qu'il ne coule du côté de la vallée que des 
torrens et des ruisseaux. Il n’y a nul doute, d’après celte dis- 
position, qu'il ne s’est point formé de lacs dans les creux; mais 
1 y a lieu de penser que du côté de la Méditerranée la vallée 

Z 2 


176 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

a élé ouverte dans les ‘premiers temps, et qu’elle versoit dans 
le lac existant alors à l'embouchure du Nil, le peu d’eau qui 
s’amassoit dans la saison pluvieuse. 


D'un autre côté, l’espace de la mer qui forme aujourd’hui le 
détroit de Bab-el-Mandeb, paroît avoir été oceupé par une digue 
ou chaussée, La largeur totale de ce détroit est au plus de vingt 
lieues, et ce canal, déjà assez étroit, est encore obstrué par 
plusieurs îles ; les Frères du côté de l'Afrique, l'ile Mebun au 
milieu , et les îles Roboaunes ou des Pilotes du côté de l'Arabie; 
de sorte que la plus grande passe n’a pas cinq lieues de large. 
La nature de ces îles, leur direction et les diflérens caractères 
géologiques indiquent qu’elles ont lié l'Arabie à l'Afrique; tandis 
que l’écartement et l’abaissement des deux chaînes d'Arabie et 
d'Abyssinie à la partie séptentriunaie, annoncent que l’isthme de 
Suez, qui d’ailleurs n’est qu'un amas de sables et de coquilles , 
n'a été formé qu’accidentellement ei à une époque assez récente. 
.. D’après ces indications on peut conjecturer que les lacs du 
golfe Persique et du golfe du Bengale, s'étant écoulés vers le 
sud par des débacles successives, furent contenus par la digue 
de Bab-el-Mandeb, et se versèrent dans les lacs de la mer des 
Tndes qui s’épanchérent eux-mêmes dans l'Océan Austral. Cet 
Océan aÿant énsuite élé reporté vers le nord par l'action centri- 
fuge, acheva d'engloutir les terres basses, creusa plus profon- 
dément les golfes du Bengale et de la Perse, brisa la chaussée 
de Bab-el-Mandeb et s’engouffra dans lamer Rouge. Là ; ses eaux 
comprinées, acquérant plus de vitesse et de force, ont dû jaillir 
en quelque sorte dans la Méditerranée , composéealors deplusieurs 
lacs qui, par cette irruption, se sont convertis en une seule mer. 
Cette mer a subsisté pendant quelque temps dans cet état, c’est- 
à-dire à un uiveau plus élevé et égal au moins à celui dela mer 
Rouge avec laquelle elle communiquoit. La différence actuelle 
du niveau a élé estimée d'environ trente pieds, par les savans 
Français de l’expédition d'Egypte. Elle devoit être alors plus 
considérahle. 

Cet état de l’ancienne Méditerranée paroît constaté par des 
faits historiques. Les prêtres d'Egypte disoient à Hérodote qu'il 
y avoit eu un temps eù la vallée du Nil étoit couverte par les 
eaux jusqu'au Nome Thébaïque, et qu'elle formoit un vaste 
golfe d'environ cinq degrés du nord au sud. Divers autres faits 
de ce genre confirment ce rapport, et il paroît que la fable de 
l'Atlantide, si elle a quelque fondement, se rattache à cette époque. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 477 


Dans un temps plus rapproché de nous, la Méditerranée, ac- 
crue par la débacle du Pont-Euxin qui, d’après une idée heureuse 
de M. Barbié du Bocage, peut expliquer le déluge d'Ogygès, 
et faisant de continuels efforts contre les parois de son bassin, 
s’est fait jour par les colonnes d'Hercule , dans l'Océan Atlantique. 
Alors son niveau a baissé, d'autant que l’évaporation lui enlevoit 

plus qu’elle ne recevoit par les fleuves. Cet abaissement a forcé 
l'Atlantique de couler à son tour dans la Méditerranée. Le courant 
trés-fort, né de cette cause bien reconnue, balayant tous les débris 
des terres, les dirigea vers la mer Rouge, où1l trouva le courant 
de la mer des Indes. C’est la rencontre de ces deux courans , et 
le dépôt mutuel des parties terreuses dont les eaux étoient char- 
gées, qui ont formé le détroit au nord et ont donné naissance 
à l'isthme de Suez. En eflet cet isthme s’agrandit encore par 
les mêmes causes, auxquelles il faut joindre les attérissemens 
du Nil et le mouvement progressif des sables du désert. Ces 
changemens qu’avoue la Géographie-Physique, sont en outre con- 
#irmés par le témoignage de plusieurs auteurs anciens, et surtout 
par celui de Sirabon qui dit, d’après Eratosthènes, que la com- 
munication du golfe Arabique avec la Méditerranée n'a cessé que 
lorsque celle-ci a ouvert le détroit de Gadès, et que ce n’a été 
qu’alors que l’isthme de Suez a paru (1). 

L'isthme de Suez n’est donc qu’un lien factice entre l’Euro- 
pasie' et l'Afrique, et il est réellement la limite de ces deux 
parties du monde. 

Laligne de démarcation que j'établisentre l'Europe et l'Afrique 
a besoin aussi d'être justifiée. 

Du cap Rosat, qui marque à l'orient l'entrée de la Grande- 
Syrte ou golfe de Sidre, il part un banc de sable qui élève le 
Fond de la mer sur une ligne qui passe aux îles de Malte, de 
Gozzo, de Pentellarie, au cap Bon et aux autres promontoires 
de la côte d'Afrique, allant aboutir aux îles Galita, vis-à-vis la 
Sardaigne. Ce banc ou cette ligne dont tous les points sont liés, 
doit être considéré comme l’ancien rivage de l'Afrique, et le 
golfe de Sidre comme un envahissement de la mer postérieure 
à l’ivruption de la mer des Indes dans la Méditerranée, 

Un autre banc règne du côté de l'Europe depuis la côte de 
Syrie jusqu'à celle d'Espagne. De ce banc qui formoit l’ancien 


ef 


Q) Voyez la note 3 à la fin de cette partie. 


’ 


178 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
rivage, ilreste les îles de Chypre, de Candie, de Sicile, de Sardaigne 
et les Baléares qui toutes ensemble tracent une ligne parallèle à la 
précédente. Tous les espaces de mer compris en dedans de cette 
ligne, ne furent d’abord que des lacs dont on retrouve encore 
les anciens bassins en comparant les sondes; comme on en juge 
par les belles cartes en relief de M. Lartigue, ingénieur-géo- 
graphe de la Marine; cartes qu’on a pu voir au salon d'exposition 
de 1806, et que ce savant estimable m’a permis de consulter. 

Le canal compris entre les deux lignes est le point où les pentes 
de l’Afrique et de l’Europe se rencontrent, de sorte que c’étoit 
là que les eaux des lacs se dégageoient. L’irruption de la mer 
Rouge a ant brisé toutes les parties basses de la chaussée d’Europe, 
réunit, comme je l’ai dit plus haut, tous les lacs en une seule 
mer qui des rivages d'Europe reflua sur ceux d’Afrique et creusa 
le golfe de Sidre. Mais cette irruption d’une nature particulière, 
n'ayant pas été assez puissante pour détruire tous les vestiges des 
anciens rivages , nous devons considérer les îles de Chypre, de 
Candie, de Sicile, de Sardaigne comme la limite naturelle de 
Europe, puisqu'elles sont les restes de l'ancienne Terre. Les 
plus grandes profondeurs de la Méditerranée sont dans le caual 
dont je viens de parler. C’est dans ce même canal que le courant 
venant de l'Atlantique par le détroit de Gibraltar, se fait sentir 
avec le plus de force. Ainsi toutes les circonstances viennent à 
Pappui de la ligne de limites que j’établis. 

Quant aux Acores on sait qu’elles ont une origine volcanique, 
et que par conséquent elles n’ont aucun rapport avec la côte 
orientale de la Colombie où il n'existe aucune trace de volcans. 
Ces îles ont au contraire plusieurs traits d’analogie avec l’Es- 
pagne. La carte d'Arrowsmith indique d’ailleurs plusieurs roches 
entre cette péninsule et l'archipel des Acores. Je crois ces motifs 
suflisans pour rattacher ces îles à l'Europasie, et les meilleurs 
géographes sont du même avis. 

Je trace la limite occidentale de l’Europasie par une ligne 
tirée du sud-ouest au nord-est depuis Florès, la plus occidentale 
des Açores, jusqu’au cap Nord à l’extrémité de la Scandinavie, 
en passant par les îles Feroë et quelques rochers situés entre ces 
îles et les Acores. 

Signalons ici une anomalie dans les caractères généraux des 
parties du monde. Toutes les pointes sont tournées vers le nord 
au lieu de l'être vers le sud. Il est facile d’en trouver la cause. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 179) 


L'ancienne côte occidentale étoit tracée par ma ligne de limites 
des Açores au cap Nord, En dedans de cette côte les fleuves du 
Portugal, de la MEL de l'Angleterre, de l'Allemagne et de 
toute la pente nord-ouest de l'Europe, se rendoient dans des 
bassins particuliers. Lorsque l'océan Austral fut soulevé et poussé 
vers le nord, il fut obligé de rétrograder, ainsi que Je le dis dans 
la note 3, et dans cette rétrogradation il découpa en pointes 
vers le nord, la Scandinavie et l'archipel Britannique, en inon- 
dant tous les terrains bas et toutes les vallées jusqu'aux Alpes. 
Ces eaux en se retirant s’amassèrent dans tous les lacs de l’em- 
bouchure des fleuves, transtormèrent tous ces lacs en une seule 
mer, et séparèrent du continent les hautes terres de l'archipel 
Britannique, aux bassins même où cette ‘séparation avoit été 
commencée par la rencontre des pentes. 


La limite septentrionale de l'Europasie se trace du cap Nord 
à la pointe de Kolokouskaya située au nord-ouest du golfe de la 
Petchorr ; de cette pointe au Coisolin-Noss, vis-à-vis l'ile Dolgoi; 
du Coisolin-Noss au détroit de Waigatch, au cap Leverovosto- 
chnoi, à l'île Wtoroy la plus septentrionale des îles Lakoff, au 
cap Schelatskoi, ou mieux, Talatskoi , à l'ile Kalourukz, et enfin 
au cap Oriental d'où Je suis parti. 

On voit sur la carte que cette ligne forme alternativement 
des angles saillans et rentrans dirigés vers le nord; ce qui con. 
trarie en apparence le principe de Firruption des eaux de l'océan: 
Austral. Observons d’abord que sur les cartes les pointes sont 
plus allongées qu’elles ne le sont réellement, à cause de l’aug- 
mentation croissante des latitudes qu’on est obligé d'admettre 
dans toutes les cartes réduites pour retrouver les positions. Néan- 
moins ces pointes existent, et sur plusieurs points la mer a fait 
de profondes excavations. Cette anomalie du même genre que la 
précédente , est produite par les mêmes causes, c’est-à-dire le 
reflux de l'océan Austral. Elle est une preuve de l'existence 
d’un continent arctique , puisque c’est ce continent qui, mettant 
obstacle à l’épanchement des eaux venues du sud , a dû les re- 
porter sur les côtes septentrionales del’ Europasieet de la Colombie, 
qu'elles ont inondées et où elles ont déposé les terrains secon- 
daires les plus anciens et les fossiles des régions australes (+). 
Ce reflux est donc une conséquence de notre principe des ir- 


(1) Foyez la note 3 à la fin decette partie. 


180 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ruptions du sud au nord. Son effet a été de porter et de déposer 
dans l'hémisphère boréal les terres et les diflérentes matières que 
l'irruption directe avoit enlevées à l'hémisphère austral. Aussi ne 
voit-on point dans le nord ces aspérités, ces escarpemens, ces 
coupures si remarquables dans le sud. Les montagnes septen- 
trionales Rte sont toutes de seconde formation et d’une 
hauteur médiocre ; elles finissent loin du rivage, où n’y projettent 
que de foibles rameaux ; tout le terrain est en pente douce et 
les bancsde sable savancent fort loin, en comblant, pour ainsidire, 
tous les golfes et toutes les excavations. 

Ainsi ces caractères sont opposés à ceux des rivages méridio- 
naux , et cette diflérence dans les eflets montre assez celle qui 
a dû exister dans les causes. 


EE ED RES 


NOTE 1. 


J'ai commencé l'impression d’un Traité de Géographie-Poli- 
tique qui paroîtra l'hiver prochain. On y verra que cette science 
a besoin de réforme autant, pour le moins, que la Géographie- 
Physique. 

Le monde politique ne sauroit être divisé de la même manière 
que le monde physique, puisque dans celui-ci rien ne change; 
et que dans celui-là les limites varient sans cesse, en raison des 
passions des hommes et de la puissance des peuples. Ce ne sera 
donc que dans lhistoire de l’homme qu’on pourra découvrir les 
lois de ce mouvement en apparence désordonné, et ces lois ser- 
viront à établir les divisions politiques d’une mauière fixe dans 
les principes, quoique variable dans les applications. 

J’ai observé qu'il y a toujours eu une région de la terre qui 
a exercé plus ou moins long-temps la suprématie. L'Europe a 
obéi avant de commander; elle a été barbare lorsque d’autres 
régions étoient civilisées. Depuis qu’elle s’est placée au premier 
rang, elle a su s’y maintenir : mais elle peut, elle doit en des- 
cendre et le céder à d’autres régions qui, par le progrès des 
lumières , seront tour à tour appelées au pouvoir. 

Dans tous les temps cette région souveraine, quelle qu’elle soit , 
peut être considérée comme la grande métropole, et les autres 
comme de grandes colonies; parce qu’en effet la première exploite 
les secondes à son seul profit, fait aboutir chez elle toutes les 

richesses, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 161 


richesses, et se constitue le centre de tout le commerce, de 
toutes les lumières et de tous les mouvemens. 


Dans l’état actuel du monde politique, l'Europe est la grande 
métropole et forme la première division. 

Il y a ensuite deux grandes colonies qu'on peut désigner sous 
les noms recus d'Zndes Orientales et d’Indes Occidentales. 

Les limites de ces trois divisions politiques, les seules qu'on 
doive admettre, sont différentes de celles que tracent les géo- 
logues. Elles se déduisent des principes historiques, exactement 
définis, d’où découlent aussi toutes les sous-divisions. 


Telles sont les idées générales qui font la base de mon Traité 
de Géographie Politique. J'ai cru devoir en dire un mot pour 
faire sentir jusqu'à quel point cette science diflère de la Géo- 
graphie Physique, et combien il est nécessaire de raisonner les 
méthodes d’enseignement et d’en définir les principes. Suivre 
une fausse route, par cette seule raison que nos pères l'ont suivie, 
c’est pardonnable dans des temps d’ignorance : mais c’est arrêter 
les progrès de la science dans un siècle où tant d’illustres géo- 
mètres et naturalistes s'efforcent à l’envi d’épurer, de simplifier 
et d'étendre les moyens d'instruction. 


NOTE 2. 


Cette île d’AoSima paroît être la même que l’ile du Sud des 
cartes de d’Anville, et au sujet de ce père de la Géographie, 
je remarquerai que pour ce qui concerne l'archipel du Japon, 
les positions assignées par d’Anville se concilient on ne peut 
mieux avec celles de la carte de M. de Krusenstern. Au con- 
traire , dans des cartes plus modernes qui passent pour être plus 
exactes que celles de d’Anville, on ne trouve point cette île 
d’AoSima située au sud de Fatsisio, mais au contraire, une 
.chaîne d'’ilots prétendus volcaniques qui s'étend au nord de Fat- 
sisio, et ces îles sont désignées sousle nom d’f/es de 1604 et de 1716. 
M. de Krusenstern n’a point vu d’iles dans ces parages, et on 
doit les supprimer ainsi qu'une autre chaîne qu’on place au nord 
de Pena de les Picos et qui n'existe pas. 


NOTE 3. 


Foyez Strabon, liv. 1, pag. 38 et 48. € 
On me permettra de rassembler quelques faits à l'appui de 
cette irruption de la mer Rouge dans la Méditerranée. 


Tome LXXXIII. SEPTEMBRE an 1816. Aa 


102 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


1°, On peut voir sur toutes les cartes , que les golfeset les baies 
de la côte d'Europe sont toutes inclinées du sud-est au nord-ouest , 
comme la mer Rouge, et que la mer Adriatique, le plus poire 
de ces golfes, est précisément sur la mème ligne d’inclinaison 
que la mer Rouge dont elle semble être le Le Le Ar 


29, Les terres brisées de la mer Egée sont en face du courant 
qu'on supposeroit venir de la mer Rouge. Suivant la judicieuse 
remarque de Sonnini ( Voyage en Grèce et en Turquie, tome, 
pag. 344 et 345), toutes ces terres sont dirigées du sud au 
nord avec plus ou moins d’inclinaison, excepté les îles de Crête 
et de Chypre qui ont leur direction de l’est à l’ouest , et qui, par 


leur étendue et leur position, semblent être les points d'appui 
de tout l'archipel, 


30. M. Menard de la Groye, correspondant de l'Académie 
des Sciences, qui de tous nos savans est celui à qui la Géologie 
de l'Italie est la mieux connue, a démontré dans son Cours de 
l'Athénée de Paris, d'après l'autorité des savans italiens et ses 
propres observations, que les coquilles fossiles des collines sub- 


apennines appartiennent à des espèces qui en général habitent 
la mer des Indes et la mer Rouge. 


4°. Il conste d’après lemême savant, que ces formations sub- 
apennines sont d’une époque assez récente et postérieure à celles 
des pays au nord des Alpes. M. Raynieri a retrouvé dans le golfe 
À drialique la plupart de ces espèces fossiles, et M. Brochi pense 
même que tous les fossiles sub-apennins doivent avoir leurs ana- 
logues dans la Méditerranée. 


Css faits et quantité d’autres qu'il seroit trop long de rapporter, 
ne peuvent s'expliquer que de la maniere suivante. 

A. Le grand courant débouqué par le détroit de Suez, alors 
existant, s’est praliqué plusieurs ouvertures dans une massé de 
terre (l’Atlantide de Platon Resa), dont les îles de Chypre, 
de Candie, la Sicile, la Sardaigne..., sont des fragmens. 

B. Une branche de ce courant a passé entre Chypre et Candie 
pour creuser les golfes de la mer Egée et morceler }’Archipel. 

C. Une autre branche a passé entre Candie et la Sicile pour 
creuser le golfe Adriatique. 

D. La même chose a eu lieu entre la Sicile et la Sardaigne, 
et à l’ouest de cette dernière île. 


ÆE. Les coquilles et les débris apportés par ces courans ont 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 183 


été déposés sur toute la pente méridionale des montagnes de la 
Grèce, des Alpes el des deux côtés de l'Apennin, parce que 
cette dernière chaine est dans la même direction que la mer 
Rouge, et par conséquent placée de manière à être baignée par 
le courant qui a creusé le golfe Adriatique et par celui qui a 
creusé la mer Tyrrhénienne. 

F. Enfin cette irruption n'a pas été générale ni très-considé- 
rable, puisque ses dépôts ne se retrouvent point au nord des 
Alpes, ni à de grandes hauteurs; elle a dû étre postérieure aux 
grandes irruptions de l'océan Austral, ce qui s'accorde égale- 
ment avec les Annales de l'Histoire et les faits géologiques. 

Dans la supposition que l'océan Atlantique ait ouvert le détroit 
de Gibraltar, et ait produit les changemens dont nous parlons, 
aucun de ces faits ne peut s'expliquer. 


A. Tous les golfes devroient être creusés de l’ouest à l’est. 


B. Les fossiles n’auroient dû se déposer qu'aux pentes occi- 
dentales de l’Apennin, à moins que les eaux mn’eussent passé 
par dessus la chaîne, ce qui est contraire aux observations. 


. ©. Ces fossiles devroient avoir leurs analogues dans l’Atlan- 
tique et non dans la mer des Indes. 


. D. Enfin les faits historiques sont contraires à cette suppo- 
sition. ; 

L'’irruption de la mer Rouge dans la Méditerranée me parois- 
sant ainsi démontrée, il me semble qu’on pourroit, en combinant 
quelques autres faits, former des conjectures sur l'effet que doit 
avoir produit la rupture du détroit de Gibraltar sur la côte du 
Nouveau-Continent située à l’opposite de ce détroit. 


1°. La pente orientale des Alleghany et toute la côte des Etats- 
Unis ont présenté à tous les observateurs les mêmes fossiles 
ue ceux de l'Italie. M. le baron de Beauvois, de l’Académie 
de Sciences, à qui l'amour de la science a fait entreprendre 
de longs et périlleux voyages, a rapporté des Etats-Unis, outre 
d'immenses richesses botaniques qui l’intéressoient spécialement, 
quantité de minéraux et de fossiles, qu’il a eu la bonté de me 
laisser examiner à loisir. Parmi ces fossiles on remarque surtout 
cette belle coquilleque M. Delamarck a nommée perna maxillata. 
Cette coquille conserve encore sa nacre; elle se trouve en quantité 
au bas d’un ravin près de Richemont en Virginie, à une ving- 
taine de lieues de la mer, dans du sable où sont aussi d’autres 


Aa 2 


104 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


coquilles, entre autres le pecten maximus (ostrea maxime de 
Linné) dont M. de Beauvois a un très-bel exemplaire. Les mêmes 
coquilles, avec la même abondance et les mêmes circonstances 
de gisement , se voient dans le Vicentin et dans plusieurs autres 
lieux de l'Italie ; et, ce qu'il y a de plus LE c'est qu'on 
rencontre aussi dans les deux pays des glossopêtres et des restes 
de lamentins, des mêmes formes et dans les mêmes genres de 
terrain. 


20, M. Volney ( Tableau du climat et du sol des États-Unis 
d'Amérique, tome I, pag. 46 et suiv.), dit que toute la plaine 
du côté de l'Atlantique, est un dépôt de sable apporté par l'Océan, 
Ce dépôt, dans lequel on trouve les fossiles dout j'ai parlé, ne 
s'étend qu'à une largeur qui varie de dix à trente lieues, Il 
s'appuie à l’intérieur sur un banc granitique qui n’est proprement 
qu'un sillon peu élevé, dans lequel cependant on ne trouve aucun. 
vestige de fossiles et qui est bien certainement primordial. 


30. A l'occident des Alleghany, chaîne aussi primordiale, le 
terrain est tout différent de celui de la côle orientale, Un im- 
mense banc de calcaire compacte supporte le sol végétal de 
tout le bassin du Mississipi, et se relève sur le bord des mon- : 
tagnes longitudinales (les Alleghany à l'est et les Stouÿymoun- 
tains à l’ouest) qu’il recouvre souvent à une assez grande hauteur, 
comme le manteau calcaire des Alpes si bien observé et décrit 
par Dolomieu. D’après le peu que nous savons sur le calcaire 
mississipien, il paroît qu'il présente absolument les mêmes ca- 
ractères que le calcaire alpin qui s'étend, comme on sait, dans 
tout le nord-ouest de la France, et qu’on retrouve dans presque 
toule l'Allemagne. 


4°. Les coquilles de ee calcaire, et même tous les fossiles 
qu'on trouve à l’ouest de l'Alleghany dans les formations an- 
ciennes, n’ont pas d’analogue. La même chose se remarque 
au nord des Alpes et de lAltaï (en Allemagne et en Sibérie); 
le peu d’analogues qu’on a comparés à ces fossiles ne se trouvent 
que dans les mers Australes, 


5o., En résumé, on peut dire que les terrains au sud des Alpes 
et à l’est des Alleghanys se ressemblent; et que ces terrains dif- 
férent essentiellement de ceux qui sont au nord des Alpes et 
de l’Altaï, ainsi que de ceux qui sont à l’ouest des Allechanys 
‘et cela dans les mêmes rapports sur les deux continens. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, Ï 185 


On peut rendre raison de ces faits ainsi qu'il suit : 

Æ. lrruptions anciennes et successives de tout l’océan Austral 
divisé en deux grands courans, dont l'un a remonté l'océan Pa- 
cifique et lautre l'océan Atlantique. Ces deux courans ayant 
franchi le cercle polaire arctique ont dû être refoulés par les 
terres du continent boréal, et alors ils ont inondé, par un mou- 
vement rétrograde, la zone tempérée de nos continens , savoir : 
jusqu'aux collines sub-altaïques et sub-apennines du nord dans 
l’Ancien-Monde; et dans le nouveau, tout le bassin du Mississipi. 
— En effet dans ces deux régions on trouve le même manteau 
calcaire et des circonstances géologiques à peu près semblables. 
Dans l’Ancien-Continent , ia chaîne transversale qui court de 
l’ouest à l’est et qui se compose des Pyrénées, des Alpes, des 
monts Hæmus ou de Turquie, de l’Imaüs et de PAltaï, paroît 
avoir été la seule barrière qui ait pu arrêter les flots soulevés 
de l'Océan, et qui l'ait forcé de déposer les matières apportées 
des mers Australes. Dans le Nouveau-Continent le même océan 
dans sa rétrogradation, ne rencontrant point de semblable bar- 
rière , puisqu'il n’y a d’autre chaîne transversale que le plateau 
du Canada, qui n’est qu'une plaine exhaussée, a inondé toute 
la vallée comprise entre les deux chaînes longitudinales, et est 
arrivé probablement jusqu’à la mer des Antilles; mais content 
latéralement par les deux chaînes, il ne les a point franchies et 
a recouvert leurs flancs intérieurs du même manteau qu’on voit 
au nord des Alpes et de lAltaï. 


B. Irruptions plus récentes et plus restreintes : 1° de la mer 
des Indes dans la Méditerranée par la mer Rouge; cette irrup- 
tion hausse le niveau de la Méditerranée et anonde les collines. 
sub-alpines du sud où elle dépose les fossiles dont les analogues, 
comme nous l’avons dit, se retrouvent dans la mer des Indes 
et dans l’Adriatique; 2° de la Méditerranée dans le golfe des 
Etats-Unis par le détroit de Gibraltar; le point le plus profond 
de ce golfe correspond au détroit de Gibraltar, et cette grande 
échancrure ne peut avoir été produite que par un courant dirigé 
de l’est à l’ouest; en outre nous avons vu que les fossiles des 
Etats-Unis et la nature du sol sont les mêmes qu’en Italie, — Ces 
deux irruptions ont donc été arrêtées, l’une par la chaîne trans- 
versale des Alpes, l’autre par la chaîne longitudinale de PAlle- 
gbhany dans lesquelles en effet le cours de la montagne est pri- 
mordial, et na pas été recouvert par les eaux, puisqu'il n’y a 
point de fossiles. Au nord des Alpes et à l’onest des Alleghanys.. 


586 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les formations océaniques sont immenses et atteignent d'assez 
grandes hauteurs au pied des montagnes qui ont fait obstacle; 
mais au sud des Alpes et à l’est de l’Alleghany, elles sont peu 
considérables et très peu élevées; ce qui, avec la comparaison 
des fossiles, prouve que les premières de ces formations pro- 
viennent d’une cause générale et très-ancienne, et les secondes 
de causes particulières et plus récentes. 


Ces idées exigent plus de développement; telles qu’elles sont 
elles me paroissent se concilier assez bien avec les faits recueillis 
jusqu’à ce jour. 


(La suite au Cahier prochain.) 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 187 


OBSERVATION 
SUR LES AVANTAGES DU DATISCA CANNABINA 
DANS L'ART DE LA TEINTURE; 


Par Hexrr BRACONNOT, 


Professeur d'Histoire naturelle, Directeur du Jardin des Plantes 


et Membre de la Société Royale des Sciences, Lettres, Arts 
et Agriculture de Nancy. 


LE datisca cannabina, connu aussi sous les noms de datisque 
ou cannabine, n'a été cultivé jusqu’à présent que dans les jardins 
botaniques ou paysagers, où il figure par son beau port : mais 
on ignoroit son utilité en teinture, et c'est sous ce rapport que 
je le recommande, comme fournissant une couleur jaune ma- 
gnifiqué qui ne le cède point à celle que fournit la gaude avec 


laquelle elle a d’ailleurs beaucoup d’analogie, mais qui m'a paru 
plus vive et aussi solide. 


Le datisca cannabina est une plante vivace, dioïque et de la 
famille des orties, qui croît naturellement dans Pile de Candie 
et dans quelques autres contrées du Levant; son aspect est celui 
du chanvre; sa racine, qui supporte les froids les plus rigoureux 
de nos hivers sans en être endommagée, pousse annuellement 
environ une centaine de tiges fassiculées de 8 à ro lignes de 
diamètre à la base, elles s'élèvent à la hauteur de plus de 8 pieds 
(au moins dans l'individu femelle que j'ai mesuré) et forment 
un très-large buisson; elles sont garnies de feuilles la plupart 
longues d’un pied, d’un vert jaunâtre; alternes, ailées, avec im- 
paire à 9,à 11 folioles lancéolées, aiguës, profondément dentées, 
incisées et glabres. Ses fleurs disposées en grappes et munies de 
bractées linéaires , naissent dans l’aisselle des feuilles supérieares. 


La décoction des feuilles de datisca , essayée avec les réactifs, 


‘106 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


s’est comportée, à peu de chose près, de la même manière que 
celle de la gaude. 

L’acélate de plomb produit dans cette décoction un précipité 
jaune pâle , formé d’un acide végétal incristallisable , analogue 
à l'acide malique, et de matière gommeuse et colorante : si dans 
la liqueur surnageante on verse de la potasse, et qu’ensuite on 
y ajoute de nouveau de l’acétate de plomb, la liqueur se dé- 
colore presqu’entièrement, et il se forme un dépôt d’un jaune 
superbe qui conserve sa vive couleur après avoir été desséché 
et mis en poudre; si après avoir été bien lavé on le décompose 
par l'acide sulfurique, on en sépare la matière colorante qui est 
sèche, transparente comme une gomme, insoluble dans Palcool, 
ä moins que celui-ci n'ait été trés-afloibli; alors il en dissout 
une partie, laquelle est semblable à celle qui ne s’est point dis- 
soute; sa dissolution aqueuse n’est point affectée par l’acétate 
de plomb, mais le nitrate de mercure y forme un précipité; le 
sulfate de fer lui communique une couleur brunâtre foncée; 
l’alun une couleur jaune plus vive et plus intense, mais les acides 
la rendent plus pâle et les alcalis plus foncée. | 

Quoique je n’aïie pas en vue de présenter l'analyse de cette plante, 
je crois devoir signaler une substance assez particulière qui m'a 
paru se rapprocher un peu de l'inuline; je l’ai obtenue en éva- 
porant à ‘une douce chaleur une décoction de datisca. En aban- 
donnant cette liqueur pendant quelque temps, il s'en est séparé 
une matière cristalline granuliforme, qu'on peut obtenir plus 
facilement encore ; en délayant de l'extrait de datisca avec de 
l'eau froide , il s’en sépare un sédiment qu'il ne s’agit plus qu'à 
traiter par l’eau bouillante qui dissout la matière dont il s’agit 
et laisse un résidu insoluble dans l’eau bouillante ; à mésure que 
la liqueur se refroidit, il sy forme une multitude de petits 
groupes d’un blanc jaunâtre formés de petits cristaux mous et 
demi-transparens, à peu près comme le sucre de raisin, et fu- 
sibles à une température un peu supérieure à celle de l’éballition 
de l’eau. Ces cristaux ne sont pas sensiblement solubles dans 
l’eau froide. Exposés au feu, ils se boursoufflent , se colorent en 
répandant une odeur assez désagréable, mais qui m'a paru tenir 
un peu du caramel, et donnent à la distillation, de l’huile em- 
pireumatique et un liquide acide. 


L'alcool froid à 36° n'a aucune action sur cette substance ; 
mais lorsqu'il est bouillant il la dissout, et à mesure que l'alcool 
s'évapore , la matière cristallise à sa manière accoutumée. Elle 

5e 


1 ET D'HISTOIRE NATURELLE. 189 


se dissout trés-facilement dans une légère dissolution de potasse ; 
en y ajoutant un acide, il ne se fait aucun changement au mo- 
ment-du mélange ; mais bientôt apres la matière dissoute se 
sépare de Ja liqueur et cristallise en petits grains blancs. Elle 
se dissout pareillement dans l’eau baryte, tandis que celle-ci 
précipite abondamment la dissolution d’inuline. 


L’acide sulfurique concentré, aidé de la chaleur, la dissout 
sans qu’il se dégage d'acide sulfureux. Cette dissolution est pré- 
cipitée abondamment par l’ammeniaque et par l’eau, tandis que 
celle d'inuline ne l'est pas par ce liquide d’après M. Gaultier. 

L’acide muriatique concentré ne dissout pas sensiblement cette 
matière, même par le secours de la chaleur. Elle forme avec 
liode une combinaison jaune soluble dans l’eau froide. Une dis- 
solution très-chargée de cette matière dans l’eau chaude, n’est 
nullement affectée par l’infusion de noix de galle : celle-ci ,au con- 
traire, précipite l'inuline à l’état d’une matière qui paroît légè- 
rement glutineuse et élastique, comme l’a observé M. Gaultier. 

J'ai constamment obtenu cette matière en opérant sur une 
petite quantité .de feuilles de datisca; mais lorsque j'ai voulu 
évaporer une quantité un peu considérable de décoction de ces 
feuilles, je n'ai pu recueillir qu'une très-petite quantité de celte 
malière , probablement parce que les autres principes de la plante 
en réagissant sur celui-ci à l’aide d’une chaleur long-temps pro- 
longée, en aura modifié les propriétés. 

Quoi qu’il en soit , il me paroit , d’aprèsles propriétés chimiques, 
et la tendance manifeste de cette matière à la cristallisation, 
qu'elle peut-être considérée comme un des principes immédiats 
des végétaux. 

La couleur jaune du datisca s'attache bien au lin, au coton, 
à la soie, mais surtout à la laine, et on peut lui appliquer les 
procédés de teinture que l’on suit pour la gaude. 


J'ai essayé de teindre de la laine non alunée avec de la 
gaude qui avoit cru dans le même terrain que le datisca : je n’ai 
obtenu qu'un jaune extrêmement foible, terne et fugace; j'ai 
répété le mème essai avec la gaude du commerce, et le résultat 
a été le même, tandis que la décoction de feuilles de datisca 
bouilli avec de la laine et sans aucune autre préparation, lui a 
communiqué une jolie couleur serin qui résiste assez bien 
aux injures de l’air et de la lumière; maïs si la laine a été préa- 
Jablement alunée selon le procédé ordinaire, alors on obtient la 


Tome LXXXIII. SEPTEMBRE an 1816. Bb 


190 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


plus belle, la plus vive et la plus intense des couleurs, et qui 
a l’avantage d’être solide (x). 


Je n'ai fait aucun essai sur l’individu mâle du datisca, ne 
Payant point à ma disposition : mais j'ai lieu de présumer qu’il 
est plus riche en couleur que la femelle ; au reste je me suis 
assuré que l'extrémité fleurie de celle-ci, ne fournissoit pas plus 
de matière colorante que les feuilles et les jeunes tiges; mais 
lorsque ces dernières ont pris tout leur développement, elles 
en produisent infiniment moins, attendu la matière ligneuse qui 
y prédomine, 


11 me paroît que la culture du datisea offrira des avantages 
considérables sur celle de la gaude : celle-ci est annuelle, ou du 
moins si on la sème au printemps, ce n’est que l'année suivante 
qu’on peu la récolter; elle ne s'élève qu'à un pied à un pied et 
demi dans un terrain médiocre. Le datisca est une des plantes 
berbacées les plus grandes, les plus rustiques et les plus vivaces 
que l’on .connoisse, Elle croit dans tous les sols à toutes les ex- 
positions, n’exige aucun engrais; une fois plantée dans un champ, 
elle ne réclame plus aucun soin; d’ailleurs l’accroissement ra- 
pide de ses tiges, la quantité abondante de son feuillage, toutes 
ces considérations me font présumer qu’elle remplacera avec 
succès la gaude, dont la culture paroît trés-profitable à ceux qui 
sen occupent. 


Puisque les jeunes pousses de datisea contiennent une plus 
grande quantité de matière colorante que les anciennes, et que: 
sa croissance est prompte et précoce, il est à présumer qu'on 
pourra la faucher au moins trois ou quatre fois dans le cours de 
J'année. 

On peut propager cette plante par ses graines semées en au- 
tomue; mais il faut avoir la précaution de les récolter sur les- 
individus qui se trouvent dans le voisinage des mâles, car au- 
trement elles resteroient stériles. 

La multiplication du datisca peut aussi se faire par la sépa- 
ration de ses racines au printemps, ou en automne quand ses 
tiges sont flétries. 


RE RP 
QG) L’extrait de datisea délayé dans l’eau etbouilli avec la laine alunée , lux 


communique une couleur jaune aussi éclatante que celle que l’on obtient iramé- 
diatement avec la décoction de la plante, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 197 


T1 paroît que la matière colorante jaune, qui d’ailleurs est fort 
répandue dans les végétaux, mais le plus souvent sans éclat, 
se retrouve plus particulièrement et dans un plus grand état 
de pureté, dans plusieurs plantes de la famille des orties; ainsi 
la grande ortie, surtout ses racines ont été conseillées pour 
teindre en jaune , les racines et les tiges de tous les müûriers 
fournissent une couleur jaune qu’on rencontre plus abondamment 
dans le morus tinctoria que l’on fait venir de Tabago pour l’usage 
de la teinture; mais cette couleur paroît fort terne lorsqu'on la 
compare à celle que fournit le datisca. 


Bb 2 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES 


PRGNEN LOUE, PR PIONET ES LHREEE 


| THERMOMÈTRE EXTÉRIEUR 


5 
A r Hd 
> 

: CENTER 24 BAROMEÈTRE MÉTRIQUE. Le 

“| Maximum. | Minimum. |A Minx. Maximun. | Minimum. SN DE 

u MIDI. 5 
heures. à o | heures. o heures. milli | Heures: t mill, ml. 
1j midi. Æ+18,20à9£s. +10,25,+18,25là92s....,... 755,7o|à qi me... ...748,121751,72 
21à 10 + m-20,50/à 4 1m.<+1o,60|+17,75là midi........ 758,10|à 44 IM...,....757,121758,10 
3là3s.  +20,10/à 4£m,+ 9,00 +19,60|à 9 m....... .758,62|à 4: m....... 757,561758,60 
4{à midi. 422,10 4 lim. Æ10,25|+22,10|à 7 ! m....... 75744|à4 10 + S....... 753,60|755 96 
535.  +2225/à 09 5 Æ12,85|+2o,1o/à 9s.........1754,72là 5 s. ....... 752,20|753,04 
6fà midi, Æ2:.25/à 42 m.—r1,25|21,25à 3 4 ..!,.. 761,02 4 £m..!.... 756,811761,90 
7là nudi. +4+22,75/à 04m. +r1,00|+#22,75|à 9m......... 761,60|à 11 + S....... 798,341761,10 
da 3s.. +26,10|à 4£m.+11,50|+#25,90|à 7 : m....... 756.46 95..........753,12|755,00 
1, o[à midi. +21,00|à 10 s. +13/75|+21,00|à 105......... 756,16|à 45 m....... 759,48|754,42 
B|rolà midi, H-20,00|à 45 m,+12,25| +20,00|à 9 1 s....,...768,80là 4 is........ 758,50|760,02 
Hirrlais. +20,75|à 45 m.—+ 7,10|+29,60|à 9 m......... 76D:00|21bIS eee 764,42|765,34 
Aria nudi. 423,25/à 42 m.—Lro,1o|+23,25là 7 m........764,96|à 11 s...... ...761,44/7C3,50 
Hr3là 425. +24,85/[à 4 À m.—Ær2,60| +22,60|à 9m........ 760,76|à 11 5.....1.. 758,001760,16 
Nlralà2s. “H27,05/à 4 à m.+14,25|#-26,00|à 4 5 m....... 755,32|à gs... .....751.84|753;00 
N|r5|à midi. +-22,6o/à 5m. +14,75|+22,60|à 10 s......... 751,80|à 5 m.........750,72|751,70 
Mi16là 3s. “—20,50|à5 m. 13,10 +-19,50/à 9 s.......... TOSD2 ADM eee e 752,40|753,92 
17jà 3s. +H18,00/à 5m. +11,50|+16,60/à10 2 m......758,58|à9 s..........756,40[758. 50 
HliGlà midi. +16,85/à 5m. 11,50 +16,85/à 9s....., .,.762 96|à 5 m......... 757,94|760,50 
Hlrolà 3 s. “+19,50/à5 m. —rr,00|+19,10 à 9 s.......... 764,20|à 5 m......... 763,141764,04 
loola midi. +15,35|à 5m. +Lrr,o0|H15,35|à 6 m...... 70e 2 AIO RE ARR 760,92|762,32 
Rizrla4s. “+17,75/à5 m. + 9,00|+16,75/à 10 1s....... 764,04|à 5 m........ 761,80|763,50 
dI22/à midi. 18,65 5m. + 6,50l18,65|à g m......... FOTO ADS eee ele 762,76|763,42 
23/à nudi. 4-18,25/à 5 m. Ær1,50|+16,25|à 9 m........ TO2 40) ABS Eee seb 761,42762,20 
241d3s. “bH18,40[à5 m. + 8,50|+17,10/à10 8 s....... 762,82|à 5 m.........762,c0|762,76 
5{à midi. H18,5o/à 5m. +12,25|+18,50|à 91m 763,82|à 5 m.........762,82|763,46 
B26/à 3s. “+1850/15 m. + 9,00|-H18,00|à 9 m......... 63 00|A16S ects -iele 761,68|762,52 
Hlzzia3s. 18 25 5m. + 9,50|+17,25|à 9 m... 7o2/7olal3ise et ---. 761,22|76r,90 
NIo8làa 9s, Lro,05à5m. + 8,75|+19,o0!à 9s..,....... 7hSI00| time n-2e 762,14|762,92 
Bl2olù 115 m-+22,10|à 52m. + 9,25|+21,50|à 9 m......... 764 4061419 Serre 761,32|763,08 
Hi5olà midi. H17,50/à 5 2 m.—+10,50|+-17,50|à 5 Em....... 758,90|à 9 5... .....754,20|757, 14 
31 {à midi. Æ14,55/à 9 s. Æri,7514714,75/à 5% m........747,00là 5s....,..... 730,921730,12 


| Moyennes + 29,16! 


+10,91|+4-10,43| 
RÉCAPITULATION. 


Millim, 


Plus grande élévation du mercure. .... 765%%o le xx 


Moindreélévation du mercure......... 736,92 le 3 
Plus grand degré de chaleur......... —o5°05 le 14 
Moindre degré de chaleur........... + 710 le 11 

Nombre de jours beaux....... II 

de couverts......... 10 

depluie... "4.409. II 

deivent ee tO- terme 31 

deselée EEE. o 

deHONNETIE 2e 2 

de brouillard.......... 9 

denerte re -te--e-ct o 

de grêle....... o 


Nora. Nous continuerons toujours à exprimer la température au degré du thermomètre cen- 
centièmes de millimètre. Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu’on 
le thermomètre de correction. À ia plus grande et à la plus petite élévation du baromètre 
conclus de l'ensemble des observations, d’où il sera aisé de déterminer la température moyenne 
conséquent, sou £lévation au-dessus ély niveau de la mer. La température des caves est également 


757,34]758,94| 


A L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS. 
AOUT 1816. 


ne POINTS VARIATIONS DE L’'ATMOSPHERE. 
C . 
a VENTS. _ 
a ; LUNAIRES. 
ia LE MATIN. LE SOIR. 
1] 62/0. Très-nuageux. Pluie forte averse. |Nuageux. 
2] 76 |[S-0. Couvert. Pluie par intervalles. | Pluie par intervalles, 
3| 62/0-S-0. Nuageux. Trèsnuageux. Très-nuageux. 
4] 59 [Einf.Osup. Item, brouillard. |Couvert. Pluie abondante. 
5| 83 [N-EintS Os Quelques éclarcis. | Pluie. Forte averse à 7 h. 
6| 58 |O. Nuageux. Nuageux. Nuageux. 
7| 70 |S-0O. Idem, Idern. Beau ciel. à 
8| 60| ldem. P.Luh.28/m.| Légers nuag. , lég. br. Légères vapeurs, Petite pluie, écl.etton. | 4 
ol 620. Très-nuageux. Nuageux. Couvert. L 
1o| 59 |[N-O. Couvert. Très-nuageux. Nuageux. 
11! 58 [S-S-O. Lune apogée. [Nuageux , brouillard./ Nuageux. Beau ciel. 
12l 62 |[S-0. Beau ciel, browullard.|Légers nuages. Trouble et nuageux. 
13| 67| Idem, Nuageux, brouillard.|Très-nuageux. Nuageux, éclairs, 
14, 58| dem. Couvert, br. épais. [Nuageux. Couvert, éclairs. 
15] 59 | der fort Pluie. Très-nuageux. Beau ciel. 
16] 73 |S O. D.Q.à5h7/m.| rès-nuageux, pl. [Forte averse. Pluie par intervalles. 
17] 7o |O. Pluie fine. Couvert. Idem. 
18] 71 [O-N-O. Couvert. Idem. Couvert. 
19] 67 |N-0. Idem. Nuageux. Très-nuageux. 
20] 66 |U. idem, pl. à 7 h. |Pluie fine. Pluie fine par interv. 
21| 68 |N. Nuageux. Couvert. Très-nuageux. 
22] 62| Idem. Frès-nuageux. Idem. Couvert. 
23] 53 [N-0. NLaàghir'm.| /@em, léger br. Très-nuageux. Tres-nuagcux, 
24] 66 |N-E. Lune périgé. [Quelques éclaircis. Couvert. Beau ciel. 
25] 58 | Idem. Lien. Très-nuageux. lier. 
26| 61 | . Idem. Très-beau ciel. Idem. Idem. 
27| 63| Item. Idem. Nuageux. Idem. 
28| 61 |E.-N-E. Idem. Beau ciel, Idem, 
29] 58, |N-E. P.Q.àgh52' .|Légers nuages, br. |Légers nuages, Idem. 
3o| 74 /|S-U. Couvert, lég. brouil. (Couvert. Pluie à 5h. 
31] 94| Idem. Couvert, pluie. Pluie. Pluie tonnerre. 
Moy. 66 RECAPITULATION. 
HÉtonorobondii ue 
INSESPCE CCE Foto 
D: peste I 
Jours dontle vent a soufflé du FÈ MALE AT TEN i . 
SECHE ec doccucadbbo 11 
DIRES M TCORESE ô 
NEO ARE Route 3 


le 14° 20,001 
Therm. des caves 


centigrades, 
€ le 16 12°,002 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 50""75 = à p. 10 lig. 5 dixièmes.] 


tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c’est-à-dire en millimètres et 
emploie généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
et du thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le rraximurn et le minimum moyens, 
du mois et de l'année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoire de Paris, et pat 
exprimée en degrés centésimaux, afn de rendre ce Tableau uniforme. 


194 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


MEMOIRE 
RELATIF A L'INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE 


ET DES PRESSIONS MÉCANIQUES 


Sur l’Intensité du Pouvoir électrique des Métaux, et sur 
le Changement de Nature de leur Électricité ; 


Par J. PH. DESSAIGNES. 


Daxs un précédent Mémoire j'ai fait connoître l'influence 
de la température et des pressions mécaniques sur l'intensité 
électrique des corps idio-électriques, et sur le changement de 
nature de leur électricité : il me reste à faire voir que les mêmes 
choses ont lieu pour les métaux. J’y procéderai de la même ma- 
nière, en décrivant d’abord les phénomènes, et en en cherchant 
les causes par la voie de l'observation et de l'expérience. 


J’ai soumis à mes recherches les métaux suivans : le platine; 
l'or, l'argent, le cuivre, le zinc, l'antimoine, le bismuth, le fer, 
leplombet étain. J'ai fait construire pour cela , un disquebien polz 
de chacun de ces métaux , semblable à ceux dont on se sert pour 
l’électromètre à pailles de Volta, et vissé comme eux par le centre 
à une tige de verre ou de cire à cacheter. Pour constater la na- 
ture de l'électricité, quand elle est foible, à chaque frottement 
que je fais subir au métal sur la manche de mon habit, en le 
tenant par sa tige d'isolement , j’apporte l'électricité qui a été 
produite sur le disque de cuivre de l’électromètre de Volta, et 
lorsque l'électricité accumulée est bien sensible par un écart des 
pailles de 6 à 8 millimètres, je présente à l’électromètre un bâton 
de cire à cacheter préalablement électrisé. Lorsqu'il ne s’agit 
que de s’assurer si le métal est électrisé, il est plus expéditif de 
faire usage d’une aiguille électrométrique très-mabile. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 195 


Phénomènes. 


Premier Phénomène. Si l'on frotte en divers temps sur une 
étoffe de laine, des disques de métal isolés, on les trouve tantôt 
inexcitables , tantôt plus ou moin sélectriques. 

Tous les métaux ne jouissent pas également du pouvoir élec 
trique , il en est dent le pouvoir se développe avec plus d’inten- 
sité que celui des autres : ils sont aussi plus prompts à acquérir 
leur pouvoir et plus tardifs à le perdre. Leur excitabilité élec- 
trique me paroît être dans l’ordre suivant : le platine , l'or, l’ar- 
gent, le cuivre, le zinc, l’antimoine, le bismuth, le fer, létain 
et le plomb. 

Deuxième Phénomène. L'électricité des métaux est sujette à 
changer de nature. Tous indistinctement passent de l'état négatif 
à l’état positif, et du positif au négatif, et ce changement s’o- 
père souvent dans le jour , quelquefois dans la même minute en 
continuant le frottement. Les plus variables sous ce rapport, 
sont : l'or, l'argent, le cuivre et le zinc : viennent ensuite le 
platine, l’antimoine et le plomb : puis le bismuth, le fer, et en 
dernier lieu l’étain. Le platine, l'or et l'argent soat le plus ha- 
bituellement à l’état négatif; le cuivre, le zinc, le bismuth, le 
fer à l’état positif, l’antimoine et le plomb aussi souvent positifs 
que négatifs, et l’étain presque toujours négatif. 

Troisième Phénomène, Toutes les fois que l'électricité veut 
changer de nature, et que ce changement s’opère graduellement, 
on remarque qu'elle s’afloiblit de plus en plus sous un même 
frottement , et qu’elle finit par disparoître entièrement ; le métal 
reste ensuite inexcitable pendant quelques secondes plus ou moins, 
malgré que l’on continue à frotter, après quoi il reparoît élec- 
‘rique, mais d’une électricité différente de la première, et cette 
électricité, si l'on continue le frottement, est susceptible de s'ac- 
croître progressivement de la même manière que lautre s’est 
affoiblie. 

Quatrième Phénomène. L'électricité des métaux ne change 
de nature que lorsque leur pouvoir électrique se développe gra- 
duellement, ou qu'il s’affoiblit de même. Dans cette double cir- 
constance, le platine, l'or, l'argent, le cuivre et le zinc se 
trouvent ordinairement positifs lorsque leur pouvoir est naissant, 
négatifs lorsqu'il est développé, et positifs lorsqu'il s'afloiblit. 
L'électricité de l'antimoine, du bismuth et du fer est au con- 


196 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


traire négative lorsque le pouvoir est naissant, positive quand 
il est développé, et de nouveau négative lorsqu'il est trésafloibli. 
Le plomb et l’étain sont très-foiblement positifs lorsque leur 
électricité commence à naître, négatifs lorsqu'elle est développée, 
et de nouveau positifs lorsqu'elle est très-affoiblie. 

Cinquième Phénomène. Si l'on prend un petit écu bien lisse, 
qu’on l'attache par la carne à un bâton de cire à cacheter, et 
qu’en le laissant reposer sur ie marbre d’une commode pendant 
quelques mois, on le frotte tous les jours alternativement par 
les deux surfaces sur une étoffe de laine, on le trouve quelquelois 
positif par l’une des faces et négatif par l’autre. La même chose 
a lieu avec l'or, le cuivre, le zinc et le plomb. 


Sixième Phénomène. Lorsqu'un disque de métal se dispose à 
changer d'électricité, souvent on l’obtient négative par un frot- 
tement léger, nulle par un frottement un peu plus fort, et posi- 
tive par un frottement plus considérable; souvent, au contraire, 
elle est positive par un frottement léger, nulle par un frottement 
modéré, et négative par un frottement fort, lans la même eir- 
constance les mêmes changemens ont lieu en frottant alteruative- 
ment le métal par la carne du disque et par lune de ses faces, 
ou sur uue étofie de laine rapée et sur une autre toule neuve, 
ou sur une étoffe de laine noire et sur une autre de laine 
blanche, ou sur de la laine teinte ou non et sur de la soie. J’ai 
observé tout cel: particulièrement avec l'or, l'argent, le cuivre, 
le zinc et le plo ub. Quand le pouvoir est bien développé, l'élec- 
tricité est constamment la même sous tous ces divers frottemens. 


Septième Phénomène. Quandie pouvoirélectrique des métaux 
se développe graduellement, on remarque qu'il est plus lent à 
se développer et à changer d'état électrique dans un petit disque 
semblable à une monnoie de cuivre, que dans un grand disque 
de même métal, tandis que le contraire a lieu lorsque le pouvoir 
s’afHoiblit. 

Teis sont les principaux phénomènes qu’offrent les métaux 
Jorsqu'on éprouve leur électricité dans les différentes saisons de 
J'année et à diverses époques du jour. 


Observations. 


Ces phénomènes paroiïssent dépendre des modifications de l’at- 
mosphère, particulièrement de la température. C’est du moins 
ce que l'observation autorise à conclure. 


Première 


still 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 197 


. Première Observation. Le pouvoir électrique des métaux est 
inexcitable dans les temps chauds et humides. Il reste dans cet 
élat toute la journée et les jours suivans, tant que l'air ne devient 
pas refroidissant, ou que par le refroidissement de la nuit ,il ne 
perd de sa température que ce qu’il avoit acquis la veille par la 
chaleur du jour. Si l'air vient au contraire dans la nuit à se re- 
froidir très-lentement et par degrés, de manière que le lendemain 
le thermomètre soit de 4 ou 5° cent. plus bas que la veille à la 
même heure, on trouve bien encore alors tous les métaux inex- 
citables le matin; mais à mesure que la température de latmo- 
sphère s'élève ; On voit peu à peu leur pouvoir renaître et croître 
en intensité jusqu’à 3 heures après midi ; après quoi il s’afloiblit 
progressivement, et finit par disparoilre entièrement sur le soir 
ou pendant la nuit. 

Ainsi le refroidissement lent et gradué de l'atmosphère ne 
procure aucune tension au pouvoir électrique des métaux, mais 
1l le dispose à en acquérir par les progrès de la chaleur diurne. 


Deuxième Observation. Si le refroidissement de l’atmosphère 
a lieu plus ou moins rapidement par un vent de nord, nord-est, 
ou nord-ouest, ou que sous un ciel calme, un air vif ou piquant 
succède promptement à un temps doux, de manière à faire baisser 
dans quelques heures le thermomètre jusqu’à o°, comme cela a 
lieu dans les nuits de l’aufomne ou du printemps, alors tous les 
métaux qui étoient inexcitables auparavant, sé trouvent d'autant 
plus électriques par frottement, que le refroidissement est plus 
prompt ét plus intense. Cette influence du froid a lieu également 
dans un temps humide. 


. Lorsque le pouvoir électrique est ainsi développé par le froid, 
il est susceptiblede s’accroître par les progrès de la chaleur diurne, 
pourvu toutefois qu’elle ne s'élève pas au-delà de 15 à 20° cent. 
Si la chaleur ya dans le jour à 250 ou audessus, il s’affoiblit 
au contraire de midi à 3 heures, et finit souvent par disparoître 
entièrement pendant cet intervalle de temps. Il n’est pas rare 
de voir les métaux conserver en apparence, malgré la chaleur, 
Jeur intensité électrique ; mais on ne tarde pas à s'apercevoir que 
leur pouvoir a réellement perdu de sa force; car il suffit alors 
de leur faire subir un ou deux frottemens forts, pour leur faire 
perdre la propriété électrique. 

Troisième Observation. Le refroidissement de l'air après être 
parvenu dans l’hiver à un certain degré d'intensité, devient sou- 


Tome LXXXIII. SEPTEMBRE an 1816. Ce 


198 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


vent stationnaire et persévère plusieurs jours dans cet état. Dans 
cette circonstance, lés métaux deviennent de plus en plus moins 
électriques, et se trouvent bientôt toul-à-fait inexcitables lorsque 
la température ne s'élève pas sensiblement dans le jour. Dans le 
cas contraire, ils sont encore inexcitables le maln et le soir, 
mais dans le cours de la journée ils deviennent plus ou moins 
électriques, suivant les progrès de la chaleur diurne. 

Lorsque le pouvoir électrique n’est pas encore éteint par le 
froid , mais seulement très-affoibli, on remarque que les métaux, 
quoique un peu électriques par un frottement léger, deviennent 
inexcitables par un frottement fort. Cela n’a pas lieu quand le 
pouvoir west pas affoibli. 

Quatrième Observation. Quelle que soit la force électrique 
des métaux sous un air sec et refroidissant, leur pouvoir dis- 
paroît pour toujours lorsque le temps vient à se radoucir rapi- 
dement et que la chaleur augmente. J’ai vu dans Je, mois de 
juillet 1812, tous les métaux devenir inexcitables, et rester dans 
cel état pendant six à sept jours par un temps calme et pur 
de nord-est, le thermomètre étant le matin à 22° cent., à midi 
à 25, et l'hygromètre constamment au-dessous de 800. 


Cinguième Observation. 1°. Les disques de platine, d'or, 
d'argent, de cuivre et de zinc sont positifs dans les temps les 
plus doux de F'hiver. Le refroidissement de l'atmosphère les fait 
passer à l’état négatif. Si le froid continue et devient stationnaire, 
on les trouve le matin inexcitables ou positifs, et ils déviennent 
négatifs vers le milieu du jour lorsque la température monte. 
Sous un froid plus intense et également connu, Je Jes ai vus 
négatifs le matin, puis positifs à 10 heures, et fortement négatifs 
de midi à 3 heures lorsque la température de l'air se rehausse ; 
sur le soir ensuite à mesure que l'air se refroidit, ils repassent 
successivement par tous les états qu’ils ont parcourus dans le 
jour , et se retrouvent le lendemain comme ils étoient la veille, 


Ainsi ces métaux sont négatifs lorsque la tension du pouvoir 
est forte, et ils deviennent successivement positifs et négatifs 
lorsque le pouvoir est progressivement affoibli par l'influence du 
froid. Ils sont donc susceptibles de parcourir trois états électriques 
bien distincts. 

En été, dans les temps secs et refroidissans, ils sont toujours 
négatifs; ils deviennent posisifs lorsque la chaleur afloiblit leur 
pouvoir. Quelquefois même, la chaleur continuant, ils passent 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 199 


à un second état négatif; mais cela a lieu plus fréquemment 
pour le zinc, le cuivre et l'argent, que pour le platine et l'or. 

IL est à remarquer que dans le refroidissement progressif le 
ts l'or et l’argent sont les premiers à changer d'électricité, 
e cuivre et le zinc les derniers. C’est le contraire lorsque la 
température de l’air se rehausse. De petits disques de ces métaux 
sont également plus tardifs à changer d'électricité que les grands 
disques par le froid , et plus prompts qu'eux, au contraire, par 
la chaleur, C’est pour cela qu’en été on voit quelquefois les petits 
disques de zine, de cuivre et d'argent parcourir successivement 
quatre états électriques lorsque le pouvoir descend de son plus 
haut point de développement au plus grand degré d’afloiblis- 
sement. 

2°. L’antimoine, le bismuth et le fer se trouvent au contraire 
toujours positifs dans les fortes tensions de l'hiver; lorsque le 
froid plus intense et continu débilite le pouvoir, ils deviennent 
négatifs, et ils veparoissent positifs quand le temps se radoucit. 
Dans les jours froids de lété ils sont positifs; ils deviennent 
négatifs dans les fortes chaleurs de cette saison, particulièrement 
Jes petits disques. 


30. Le plomb et l’étain sont toujours plus ou moins fortement 
négatifs en hiver à la première impression du froid ; lorsque le 
froid devient plus intense et continu, ils sont foiblement positifs. 
En été, ils sont négatifs dans un temps froid et positifs dans les 
fortes chaleurs. Cela a lieu très-rarement pour l’étain et très- 
fréquemment pour le plomb. 


Expériences directes. 


L'expérience confirme les résultats de l'observation. 

Premier Fait. Lorsque les métaux sont bien électriques par 
Vinfluence d’un air froid, si l’on mouille d’éther la surface in- 
férieure d’un disque, et qu'après l’évaporation on le frotte sur 
une étoffe de laine, on le trouve beaucoup plus électrique qu’au- 
paravant. On produit le même effet en lui faisant toucher un 
instant la surface d’un mercure qu’on a laissé refroidir à l'air 
extérieur. On peut faire cette expérience avec un disque de platine 
ou de cuivre. 

Si les métaux ne sont électriques que par l'influence de la cha- 
leur diurne, alors le plus léger refroidissement afloiblit toujours 
Jeur électricité. 


Ce 2 


200 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Lorsque les métaux sont naturellement inexcitables dans un 
temps chaud, ils deviennent en les refroidissant, plus ou moins 
électriques, suivant le degré d’élévation de la température moyenne 
de Pair. S'ils sont inexcitables en hiver par l’eflet d’un froid 
continu, on a beau les refroidir, ils ne manifestent aucune 
électricité tant qu’ils restent froids, mais aussitôt qu'ils ont 
repris la température libre de l'appartement, ils le deviennent et 
persévèrent ensuite dans cet état toute la journée. 


Deuxième Fait. Quelle que soit la force de l'électricité des 
métaux, si on les refroidit avec de l’éther plusieurs fois de suite, 
ou qu'on les applique par intervalles sur du mercure refroidi 
artificiellement au moyen d’un mélange frigorifique , ils deviennent 
d'abord plus électriques par frottement sur laine à la première 
impression du froid; en continuant à les refroidir, peu à peu leur 
électricité s’afloiblit, puis elle s'éteint, reparoît et disparoît plus 
ou moins de fois, et cesse enfin pour toujours de reparoitre. En 
les laissant revenir à la température libre , ils reprennent ensuite 
peu à peu leur pouvoir et manifestent les mêmes alternalives 
d'électricité et d’inexcitabilité, jusqu'à ce qu’ils soient parvenus 
à leur premier point de départ : il est à remarquer qu'ils sont 
alors plus électriques qu'avant l'expérience. 

On peut produire le même effet dans les jours les plus froids 
de l'hiver, en les exposant pendant quelque temps à l’air exté- 
rieur, avec l'attention toutefois de conserver au dedans la tige 
d'isolement. 

Lorsque la tension du pouvoir électrique est considérable dans 
un temps sec et froid , il faut un refroidissement de 5 ou 6° cent. 
pour léteindre, quelquefois même de r2° cent. au-dessous de 09; 
dans d’autres temps 11 suflit de les refroidir à oc. 

Troisième Fait. Si l'on conserve le disque métallique dans 
l'appartement, et que Fon fasse refroidir au-dehors la tige isolante 
seule jusqu’à o°, le disque métallique vissé à cette tige n'est 
plus électrique par frottement sur laine , tandis qu'il l’est beaucoup 
avec une autre tige de même nature non refroidie. Cela a lieu 
dans les temps les plus secs et avec une tige de cire à cacheter, 
le métal redevient électrique avec cette même tige, aussitôt que 
celle-ci a repris la température de l'appartement; le pouvoir élec- 
tique de la tige isolante exerce donc une action sur celui du 
disque métallique. 


Quatrième Fait. x°. Lorsque le platine, l'or , l'argent , le cuivre 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 01 


et lezine sont naturellement positifs dans un temps doux d'hiver, 
si on les refroidit légèrement avec de l’éther ou qu’on leur fasse 
seulement toucher du mercure froid, ils deviennent à l'instant 
fortement négatifs par frottement. 


Lorsque ces métaux sont naturellement négatifs dans un temps 
sec et refroidissant, si on les refroidit comme ci-dessus, ils n’en 
deviennent d’abord que plus fortement négatifs, Si on leur fait 
ensuite toucher du mercure refroidi artificiellement jusqu’à —12° 
ou — 15° cent., par des contacts très-courts d’abord et par suite 
plus prolongés, et qu’à chacun de ces contacts on les frotte 
sur une étofle de laine pour éprouver leur électricité, celle-ci 
s’affoiblit de plus en plus, puis elle devient successivement nulle, 
positive, nulle, négative, nulle, positive et définitivement nulle, 
Si on les laisse alors revenir à la température libre, ils repassent 
de nouveau par tous les états qu’ils ont parcourus en se refroi- 
dissant , et se trouvent à la fin plus négatifs qu'avant l'expérieuce. 


Ces métaux ne sont pas également susceptibles de parcourir 
dans leur refroidissement ces quatre états électriques. Le cuivre 
y parvient plus aisément que les autres, il suflit de le laisser sur 
la fin un quart d'heure en contact avec le mercure froid ; J'ai 
remarqué qu’il est des temps où l’on ne peut les faire changer 
qu ou deux fois d'électricité, même le cuivre, tandis que 

aus d’autres temps ils en changent trois fois sans que l’on soit 
obligé à un plus grand refroidissement. 


Souvent dans l’acte du refroidissement quelques-uns de ces 
changemens échappent à l’observation, parce que le refroidisse- 
ment se fait par saut où par une progression trop rapide ; mais 


on les apercoit toujours bien distinetement lorsque les métaux 
reviennent à la température libre. 


2°, L'antimoine, le bismuthet le fer traités de la même ma- 
nière, deviennent plus fortement positifs à la première impression 
du froid : un refroidissement plus fort et plus ou moins prolongé 
les rend successivement inexcitables, négatifs, et ils ne vont pas 
au-delà; à mesure qu’ils se réchauflent ensuite ils reviennent à 
leur premier état. 

3°. Le plomb et l’étain deviennent plus fortement négatifs à 
la première impression du froid : un refroidissement plus intense 
et prolongé les rend inexcitables; il leur faut une plus longue 
exposition au froid qu'aux précédens pour les rendre positifs. 
Comme on ne peut les laisser sur le mercure long-temps sans 


202 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

courir le risque de les dissoudre, il faut les exposer à l'air ex- 
térieur lorsqu'il est sec et très-froid, et les ÿ laisser le temps 
convenable. 

Tous les métaux peuvent également éprouver ces changemens 
d'électricité, en les exposant plus ou moius:de temps à l’air ex- 
térieur dans un temps sec et froid. Quaud on ne veut leur faire 
subir qu’un seul changement, il suflit souvent de les exposer 
üun instant à un courant d'air froid. Il est digne de remarque 
que dans cette circonstance j'ai trouvé plusieurs fois les petits 
disques d’or, d'argent, de cuivre, de zinc et de plomb négatifs 
par la surface exposée au courant d’air, et positifs, par celle qui 
touchoit au bois de la table sur laquelle ils étoient. J'ai produit 
le mêine effet en ne leur faisant toucher que par l’une de leurs 
faces, du mercure exposé à l'air extérieur; mais cela n’a lieu que 
lorsque limpression du froid n’est pas trop vive. 

Cinquième Fait. Lorsque la tension du pouvoir électrique est 
forte, si l’on chauffe au soleil, où que lon approche du feu pendant 
quelques instans, un disque de métal sans tige d’isolement, et 
qu'après lavoir vissé à une tige non chauflée on le frotte sur 
de la laine, on le trouve beaucoup plus électrique qu'auparavant. 
Le même effet a lieu en chauffant la Üige, et en conservant le 
disque à la température libre. Le disque chaud vissé à une tige 
de cire à eacheter refroidie jusqu’à oo, estinexcitable aux premiers 
frottemens, il le devient aussitôt que la chaleur s’est communi- 
quée à la tige. Cette influence de la chaleur sur le disque ow 
sur la tige est presque nulle dans toutes les saisons, lorsque le 
pouvoir électrique est afloibli par un temps doux et humide, 

Lorsque les métaux sont naturellement inexcitables, on les 
rend plus ou moins électriques par frottement, en chauffant le 
disque ou la tige d’isolement. Cette électricité est toujours foible 
quand l’inexcitabilité des métaux est produite par l’élévation de 
température de l'atmosphère. Elle est au contraire plus ou moins 
forte pendant lhiver lorsque l’inexcitabilité est due à un froid 
vif et continu. 

Sixième Fait. Quelle que soit intensité électrique des métaux, 
ils n’acquièrent du pouvoir par la chaleur que jusqu’à un certain 
degré. En eflet, si l’on continue à les chauffer progressivement 
et que par intervalles on les frotte sur une étoffe de laine, on voit 
leur électricité s’afloiblir peu à peu, puis successivement s’éteindre, 
se ranimer, et enfin disparoître tout-à-fait. En les laissantrefroidir, 
ils redeviennent ensuite électriques comme auparavant. 


ÊÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 203 


On peut éteindre également leur pouvoir électrique en les 
frollant vivement avec un polissoir de feutre, ou une élofle de 
laine qu’on presse fortement sur le disque. 

En hiver, dans les temps de forte excitabilité, particulièrement 
sur le soir lorsque le froid redouble d’activité, il est très-ditlicile 
d’éteindre leur pouvoir par la chaleur ou par la pression. Dans 
celte circonstance, il m'a fallu chauffer le platine, l'or, l'argent, 

e cuivre et le zinc jusqu’au-dessous d’un commencement de 
rougeur, On ne peut alors les frotter sur de la laine que lorsqu'ils 
sont suflisamment refroidis pour ne pas brûler létotle. Les autres 
mélaux n'exigent pas une température aussi élevée. En été et 
dans les temps doux d'hiver, tous n’ont besoin d’être chauflés 
que jusqu’à 5o ou 60° cent. pour perdre leur pouvoir. 

On peut encore éteindre le pouvoir électrique des métaux , 
lorsque sa tension est foible, en ne chauflant jusqu’à un certain 
degré que la tige de cire à cacheter qui sert à les isoler. Lorsque 
la tension électrique est considérable, cette tige chauflée jusqu'à 
un commencement de fusion , ne fait qu’augmenter l'intensité élec- 
trique. Je n'ai pas fait la même épreuve avec une üge de verre, 


parce qu’il faut la chauffer beaucoup plus fort, et qu’alors elle 
n'est plus maniable. 


Septième Fait. x0. Si l’on chauffe progressivement le platine, 
or, l'argent, le cuivre et le zinc, lorsqu'ils sont fortement né- 
gatfs par l'influence d’un air sec et refroidissant, on les fait 
devenir successivement inexcitables et positifs par frottement sur 
laine, On produit le même effet en frottant vivement et en pressant 
de même les disques métalliques avec un polissoir de feutre. IL 
est plus difficile de Les faire changer d'électricité en hiver qu'en 
été, el en hiver ils opposent moins de résistance le malin ou dans 
le cours de la journée que sur le soir. 

Si après avoir chaufié les métaux et les avoir ainsi rendus 
positifs, on froite fortement avec un polissoir de feutre, et pendant 
Jong-temps, leurs disques, et que par intervalles on les passe 
légèrement sur une étofle de laine pour éprouver leur électricité, 
on voit celle-ci devenir peu à peu moins positive, puis succes- 
sivement nulle, négative, nulle et positive. En les abandonnant 
alors à eux-mêmes et en les éprouvant de temps en temps, ils 
repassent ensuite par tous les états qu'ils ont parcourus dans la 
friction, et se retrouvent à la fin négatifs comme avaut l’expé- 
tience. On ne réussit pas toujours à leur faire parcourir ainsi 
ces quatre états électriques; souvent on ne peut les faire changer 


204 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


d'électricité que deux fois : le platine et l'or opposent plus de 
résistance que les autres. J’ai remarqué qu’en général on ne par- 
vient à leur faire subir ces quatre changemens en hiver que 
lorsque le temps commence à se radoucir. 


29. L’antimoine , le bismuth et le fer, qui sont naturellement 
positifs dans un temps sec et refroidissant, deviennent négalifs 
en les chauffant ou en les frottant, et ils ne vont pas au-delà. 

On y réussit plus aisément en été qu’en hiver. [1 est cependant 
un moyen de les faire changer promptement d'électricité en hiver; 
c'est de faire refroidir le métal jusqu’à © ou au-dessous pendant 
quelque temps, et de les chauffer ensuite. 


3°. Le plomb naturellement négatif dans un temps sec et re- 
froidissant , devient positif en le chauffant ou en le frottant fort, 
et il s'arrête là. En traitant de même l’étain , je n’ai pu le rendre 
inexcitable; cependant je l'ai trouvé naturellement positif dans 
les jours chauds et humides de l'été. 


Huitième Fait. Lorsque l'or, l'argent, le cuivre et le zinc sont 
encore foiblement négatifs en hiver dans un temps qui commence 
à se radoucir, si l’on fait chaufler progressivement auprès du 
feu la tige de cire à cacheter qui leur sert d'isolement, et qu’on 
la visse de temps en temps à l’un de ces métaux, il se trouve 
positif par frottement, tandis qu’il ne cesse d’être négatif avec 
une tige de même nature non chauffée, Dans les temps chauds 

“et humides de l'été, lorsque ces métaux sont encore positifs, 
ils deviennent négatifs en faisant chaufer la tige au soleil. 


Conclusion. 


Tous ces faits, d'accord avec l'observation, me portent à re- 
garder comme constant, ro qu'un refroidissement lent et gradué 
ne procure aucune tension au pouvoir électrique des métaux , 
mais la dispose à en acquérir par les progrès de la chaleur diurne, 
qu'un refroidissement plus ou moins intense et plus ou moius 
rapide, fait naître et développe proportionnellement leur pouvoir ; 
que ces mêmes degrés de froid l’affoiblissent et le font disparoître 
lorsqu'ils deviennent stationnaires et continus; 20 que le platine, 
l'or, le cuivre, l'argent, le zinc, le plomb et l’étain sont cons- 
tamment négatifs par frottement sur laine lorsque leur pouvoir 
électrique est bien développé, et positifs quand il est afoibli; 
tandis que l’antimoine , le bismuth et Le fer sont toujours positifs 
dans le premier cas, et négatifs dans le second ; 2° que lorsque 

ce 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 205 


ce pouvoir descend graduellement du plus haut point de son 
développement au plus grand degré de son afloiblissement, ou 
lorsqu'il remonte de celui-ci au précédent, les cinq premiers 
métaux, particulièrement leurs petits disques, sont susceptibles 
de parcourir quatre états électriques, un négatif et un positif 
forts, un négalif et un positif foibles, tandis que les autres n'en 
parcourent que deux, avec cette différence entre eux, que l’an- 
timoine, le bismuth et le fer vont et viennent du positif fort 
au négatif foible et de celui-ci au précédent, et que le plomb 
et l’étain descendent au positif foible et ne s’élèvent pas au-delà 
du négatif foible ; 4° que chaque changement d'électricité qui 
a lieu lorsqu'on fait varier graduellement les forces de leur pou- 
voir électrique, est toujours précédé d’un état neutre dans lequel 
les métaux se trouvent inexcitables pendant plus ou moins de 
temps, suivant les progrès du développement ou de l’affoiblis- 
sement de leur pouvoir. 

On a dû remarquer que l’electricité ne change de nature qu’en 
faisant varier l'une des forces qui se pressent dans le frottement. 
Le changement d'électricité est donc le résultat d’un changement 
de rapport dans les forces qui agissent l’une«sur Pautre dans la 
production de l'électricité, c’est-à-dire, que celle qui étoit supé- 
rieure devient inférieure et l'inférieure supérieure. 

Puisque les cinq premiers métaux sont toujours négatifs par 
frottement sur laine, quand leur pouvoir électrique est bien dé- 
veloppé et positif, quand il est un peu afloibli, on doit en con- 
clure que dans le premier cas le pouvoir électrique de ces mé- 
taux est supérieur à celui de la laine, et que dans lé second il 
Jui est inférieur. Ce qui le prouve, c’est qu'à mesure que le 
pouvoir du métal s’afloiblit, l'électricité devient nulle avant que 
de changer de nature. Cet équilibre momentané des forces 
n’annonce t-il pas qu’elles changent de rapport entre elles? L’é- 
lectricité négative seroit donc le partage du corps qui dans le 
frottement a le plus de vertu électrique, et la positive, celui du 
corps qui en a le moins. 


Il est vrai qu’en afloiblissant davantage le pouvoir électrique 
de ces métaux, ils sont susceptibles, après avoir paru positifs, 
de redevenir négatifs par frottement sur la même étoffe, quoique 
leur pouvoir soit alors dans un plus grand rapport d’infériorité 
avec celui de la laine. Dans ce cas, l’état négatif seroit le partage 
du pouvoir le plus foible ; ce qui est contradictoire avec l'énoncé 
précédent. Il est impossible de lever cette contradiction et de 


Tome LXXXIII. SEPTEMBRE an 1816. Dd 


2c6 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


concilier les faits autrement, qu'en supposant que lorsque dans 
le frottement l'un des pouvoirs qui se pressent jouit d'une trop 
grande supériorité de force sur l’autre, il devient, dans l'acte 
de la pression, inférieur au plus foible par l'excès même de 
sa force, en ce sens que le pouvoir le plus foible se fortifie en 
se resserrant sur lui-même, et que le plus fort s’afloiblit en se 
détendant proportionnellement. 

Cela doit être ainsi. En effet : it est certain que l'électricité 
ne change de nature que lorsque les forces changent de rapport 
entre elles : or si le pouvoir électrique de ces mélaux est plus 
foible que celui de la laine quand ils sont positifs par frottement, 
il s’ensuit qu'il lui est supérieur quand ils redeviennent négatifs 
après avoir affoibli plus fortement leur pouvoir. Ce second chan- 
gement d’électricité, lorsqu'il s'opère graduellement, n'arrive 
Jamais qu'après un afloiblissement progressif de la première élec- 
tricité et un état d’inexcitabilité subséquent dans lequel les forces 
Sont momentanément en équilibre. Cela n'annonce-t-il pas que 
le rapport de supériorité de l’une des forces sur l’autre s’affoiblif 
et tend à devenir inverse? D'ailleurs ce qui prouve que le second 
état négatif est le résultat d’une supériorité de force que le métal 
a acquise dans le frottement par l'acte même de la pression, 
c’est que si on afloiblit son pouvoir dans un plus grand rapport, 
on le voit devenir successivement inexcitable et positif pour le 
deuxième fait. Dans cette circonstance le pouvoir de la laine 
conserve sa supériorité sur celui du métal, malgré l’affoiblisse- 
ment qu'il éprouve dans l’acte de la pression. L'état positif est 
donc en définitif le partage du corps dont la puissance est la 
plus foible au moment de la réaction. Enfin il est constant qu’une 
tige de verre polie, qu’on refroidit progressivement et que lon 
frotte par intervalles sur une étoffe de laine, est susceptible de 
devenir de positive qu’elle étoitauparavant, successivement inexci- 
table, négative, inexcitable et positive; que la cire à cacheter 
et le soufre refroidis de même, passent de l’état négatif au po- 
sitif, or s’il étoit vrai, comme on le pense communément, que 
l’état négatif fût le propre de la substance qui, dans le frottement 
de deux corps hétérogènes, a le moins de vertu électrique, com 
ment concevoir l'état positif que prennent ces trois substances 
dans leur frottement avec de la laine, lorsque leur pouvoir est 
parvenu au plus grand degré d’affoiblissement ? 


I faut donc conclure que dans le frottement de deux corps 
de différente nature, l’état négatif appartient à celui qui a le 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 207 


plus de pouvoir électrique, ou dont le pouvoir devient le plus 
fort par le résultat de la pression. 


Mais comment concevoir que le pouvoir le plus foible puisse 
devenir le plus fort par le résultat de la pression? On peut con- 
sidérer les deux pouvoirs qui produisent l’eflet électrique dans 
leur frottement mutuel, comme deux ressorts qui se pressent 
et réagissent l’un contre l’autre avec des forces variables. Lorsque 
les forces sont égales , ils doivent se comprimer et se tendre 
également l’un l'autre; la réaction étant égale alors de part 
et d'autre, il y aura équilibre et l’effet électrique ne’ sera point 
pos Si l'une des deux forces est au contraire inférieure à 
autre, ils doivent se comprimer et se tendre inégalement; leur 
réaction étant inégale dans ce cas, il y aura une rupture d’é- 
quilibre et production d'électricité. Or léléctrioité négative doit 
dans cette lutte, échoir en partage au corps dont le pouvoir 
a le plus de réaction; car son fluide en se détendant contre 
celui du second corps qui se laisse refouler, doit s'approcher 
trop près du centre d'attraction de*ce second corps, pour qu'une 
portion de ce fluide ne soit pas retenue par celui-ci au moment 
de la séparation des deux corps. L'on conçoit maintenant comment 
en afloiblissant le pouvoir le plus fort, on peut le faire devenir 
à son tour le plus foible , et rendre ainsi positif dans le frot- 
tement le corps auquel il appartient. 


Supposons actuellement que l’on continue à affoiblir le pouvoir 
du métal, jusqu’à œ que celui de la laine ait une assez grande 
supériorité sur lui pour pouvoir le comprimer sans être comprimé 
lui-même, le pouvoir de la laine se trouvant plus près du centre 
d'attraction du métal, doit en être attiré plus fortement et con- 
SA PE exercer sur le pouvoir du métal une nouvelle pression 
à laquelle il est obligé de céder. 


Or cette action produit un -effet contraire sur les deux puis- 
sances, un accroissement d'expansion pour la plus forte, el une 
condensation proportionnelle pour la plus foible. La première 
doit donc s’afloiblir alors dans le même rapport que la seconde 
s'accroît, et devenir enfin inférieure à celle-ci dans la réaction. 
On voit que de cette manière l'électricité négative doit rester 
en partage au métal, et que c’est à cette supériorité de force 
qu'il a acquise dans la pression, qu’il le doit. Ü est aisé de con- 
cevoir après cela comment en afloiblissant encore et dans un 
plus grand rapport le pouvoir du métal, il peut, malgré l'accrois- 

Dd 2 


208 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


sement de tension qu'il acquiert par la pression et l'expansion 
que celui de la laine en recoit, rester inférieur à celui-ci dans 
le frottement, et faire ainsi redevenir positif le métal. 

» P 


Je sens que cette manière d’expliquer l’action électrique, doit 
paroître d'autant plus étrange, qu’elle est opposée à l’idée qu’on 
s’en est formée jusqu'ici; mais les faits que J'ai décrits sont po- 
sitifs, et ils me semblent inconciliables entre eux en suivant la 
théorie reçue. D’ailleurs je ne la considère que comme une facon 


de voir provisoire, en attendant que de nouveaux faits la con- 
firment. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 209 
oo LEE 
SUPPLÉMENT 


Au Mémoire sur la Réduction des degrés du Thermomètre 
de Mercure en degrés de chaleur réelle; 


Par Honoré FLAUGERGUES. 


(JOURNAL DE PHYSIQUE, TOME LXXXII, PAGE 907.) 


LE mercure de quelque mine qu'il provienne, pourvu qu'il 
soit pur, est univoque , et il a toujours le même degré de dilata- 
bilité; mais il n’en est pas de même du verre, dont la qualité 
et par conséquent la dilatabilité diffèrent suivant la différente pro- 
portion de la silice, de la soude, du plomb, etc. qui entrent 
dans sa composition. Or comme la dilatation apparente du mer- 
cure dans le thermomètre n’est autre chose que la différence 
entre la dilatation du mercure et celle du verre dans lequel il 
est renfermé ; il s'ensuit que cette dilatation apparente doit être 
différente dans presque tous les thermomètres, et qu’à la rigueur 
il faudroit une Table de réduction particulière pour chacun de 
ces instrumens; mais si l’on considère que la dilatation apparente 
dont il s’agit est peu considérable, qne le verre avec lequel on 
construit les thermomètres est toujours du verre blanc à peu près 
de la même qualité, et par conséquent ayant à peu près le même 
degré de dilatabilité, on se convaincra qu’une seule Table de 
réduction peut suffire, pourvu qu'elle soit calculée sur le rapport 
moyen de la dilatation apparente du mercure dans le thermo- 
mètre, en passant de la température de la glace fondante à celle 
de l’eau bouillante: j'avois choisi pour ce rapport celui de 10000 
à 20160 , mais J'ai reconnu qu'il étoit trop fort pour plusieurs 
thermomètres,,et je crois qu'on doit préférer celui de 10000 
à 10196 qui est le rapport moyen entre ceux qui ont été observés 


par plusieurs physiciens, et avec différentes espèces de verres de 
thermomètres. 


210 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


TABLE des Rapports observés par plusieurs physiciens ; 
entre les volumes apparens du Mercure dans le Thermomètre 
à la température de la Glace fondunte et à celle de l'Eau 
bouillante. 


Rapp. réduits | Livres dont les rapports précédens ont été 
ennomb, rond: extraits, 


Noms 
des Physiciens. 


Rapports observés. 


11156 à 11336 TO00O Le 61} Pre trans. abreg. VI, à p. 25. Musschembroeck, 
Cours de Physique exp. t. 2, p. 367, Ÿ 1560. 
11552 à 11732 10000 : 10156|Boërhuave, Chem. tom. Let TA NET lg. 5. 
11822 à 12002 10000 : 10152] Martine, Dissertations sur la chaleur, pag. 41. 
654 à 66+ 10000 ©: 10153lLalande, nouveau Thermom., Paris 1503, p. 2. 
Notes : HoISE SanRe à 10154 /Campbell, apud Martine, Dissertations sur Ja 
[10000 à 10158 ‘10000 : me chaleur, page 45. 
à 10154 10000 : 10154|Recueil de pièces sur les Thermom., pag. 4. 
6 à 67 10000 : 10152|Côtes, Trauté de Météorologie, pag. 138. 
10000 à 10156 10000 : 10156/Côtes, Mémoire sur la Météorol., t. I, p. 371. 
S-Murtin|10000 à 10159 45 [10000 : 10159|Esprit des Journaux ;-décemb. 1590, p. 370. 
Cher. deLorgna.|10000 à 10159527 |10000 : 10159|Dissertat. sur la graduat. du Bar. Véronne, 1765. 
Beaumé. ...... 5045 à 5r2z 10000 : 10153|Opuscules chimiques, Paris an VI, p. 161. 
Flaugergues. ...| 125 à 127 10000 : 10160|[Journal de Physique, tom. LXXVIÉ, p- 284. 


Le rapport moyen entre ces quatre rapports, est celui de 10000 
à 10150 avec une fraction extrêmement petite et qu’on pes 


] 


négliger, c’est ce rapport qu’il convient d'employer, puisqu'il re- 
présente avec plus de probabilité que tout autre, la dilatation 
apparente du mercure dans le thermomètre ; pour trouver donc, 
d'après ce rapport, des formules pour réduire les degrés d’un 
thermomètre donné aux degrés de chaleur réelle, on cherchera , au 
moyen de ce rapport, le volume du mercure à la température 
de la glace fondante, exprimé en degrés de ce thermomètre, on 
divisera la différence 0,0067226922 des logarithmes de 10156 
et de 10000, par le nombre de degrés du thermomètre donné, 
compris entre le point de la glace fondante et le point de l’eau 
bouillante, et en opérant comme nous avons dit dans le Mémoire 
sur le Rapport des Dilatations de l’Aiïr avec la Chaleur (1), on 
trouvera Îles formules suivantes qui seront plus sûres que celles 
que nous avons données, et dans lesquelles x exprime de même 
le degré de chaleur réelle correspondant au degré donné y du 
thermomètre proposé. 

Formule pour le thermomètre de M. Deluc et pour le ther- 


(1) Journal de Physique, tome LXXVII, pag. 283. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 21 


momèlre octogésimal ordinaire, dans lequel l'intervalle entre le 
point de la glace fondante et le point de la chaleur de l’eau 
bouillante (1) est divisé en 8o parties égales. 


x = [log (5r28,2 Ey)C3,7099549543] (11809,98260966). 


Le logarithme du coefficient est — 4,0755463267. 
Formule pour le thermomètre centigrade : 


æ = [ log (6410,26 Æ y) C5 3,8068754016] (14874,9934055). 


Le logarithme du coefficient est — 4,1724567726. 
Formule pour le thermomètre de Fahrenheit (2) : 


a—=[log(11506,462=Æy)24,0621479067](26774.9875563) 2 52°. 


Le logarithme du coeflicient est — 4,4277292773. 
Formule pour le thermomètre de M. Delisle : 


æ — [3,9829666607 — log (9615,3846 — y)](22315,553404). 
Le logarithme du coeflicient est — 4,3486076611. 


Mais comme les Tables sont plus commodes que les formules, 
je joins.ici pour l’usage des observateurs, deux Tables de réduc- 
tion calculées suivant Le nouveau rapport de diiatation, celui de 
10000 à 10156; l’une pour le thermomètre de M. Deluc, qui 
pourra aussi servir pour réduire les degrés du thermomètre oc- 
togésimal ordinaire, et l’autre pour le thermomètre centigrade 
dans lequel l'intervalle fondamental entre le point de la glace 
fondante et celui de l’eau bouillante, est divisé en cent parties 
égales. Ces deux espèces de thermomètres étant les plus usitées 
en France. 


a ——_—_—_—]—]——— A" ûî A —————— 


(1) La hauteur du baromètre étant de 28 pouces , corrigée de l’effet de la 
capillarité ;.si le baromètre est à cuvette , et réduite à la températurede la glace 
fondante. 

(2) Suivant le rapport de 10000 à 10156 le volume du mercure dans le ther- 


momètre de Fahrenheit et au point o de ce thermomètre , est 1160(°,42 et à la: 
glace fondante 11538°462. 


212 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
2200 NP PDO 


TABLE de Réduction des degrés de l’'Echelle du Thermomètre de M. Deluc, 


ou du T'hermomètre octogésimal en degrés éxaux de chaleur. 


| 
is Degres | Degres| Degrés 


Degres| Degrés | Degrés| Dégres | Degres| Degrcs Degres 
du égaux du égaux du égaux du égaux du égaux 

Ther. lle chaleur.| her. [de cheleur.| her. [de chaleur. _Ther. de chale eur. Thec. |de chaleur. 
— 190] — 15°139) + 50] + 500 35 + 2°] + 25° 133| y 75 + 355152 )2] + TE 65e fes = 650094 
— 14 | — 14,198 6 6,044 26 26,136 46 46,151 66 66,089 
— 19 | — 15,118 7 73000 27 27: 139 47 ig 150 67 67,084 
— 12 | — 12,108 5 8,056 28 28,141 45 ÿ, 149 68 63,079 
— 11] — 11,098 9 9,062] 29 29,143] 49 49:14] 69 69,073 
— 10 | — 10,088 10 10,068 30 30, 145 5o 50, 145 70 70,007 
— 9|[— 907 11 11,074 31 31,147 51 Br, 143 mi 7x o6r 
— 8B|— 6,008 12 12,080 32 32,149 ba 52,141 72 72,055 
— 7|— 75059 13 | } 13, 085 33 33,150 53 53,159 73 73,049 
— 6|— 6; 050 14 14,92 34 34,151 54 54,130 74 74 104 
— 5|— 5 Vofi 15 15,005 35 5,152 55 | 5,133 7 75,036 
— { _— free 16 16, 100 36 36,153 56 56, 130 76 76,029 
— — 9,024 17 172104 37 37,154 57 57,127 77 | 775022 
—,2 | — 2,016 15 18, 108 38 35, 125 58 58,124 78 78,01 
— 1|— 1,008 19 19,112 39 39, 155 59 59,120 79 79,008 

o 0,000 20 20,110 4° 49,155 6o Go, 116] 80 Bbeods 
+ 1 | + 1,008 21 21,120 41 4v,105 Gr Gi,112 

2 2,016 22 22,104 2 da/ 158 G2 6, 108. 

3 3,023 23 23, 127 3 43,154 5 63,104 

4l  Go%ol_ a4|  afisol 44 dés] 64 | 64,099 


TABLE de Réduction des degres de l'Echelle du T'hermomètre certigrade en 


degrés ésaux de chaleur. 


Degrés| Degrés |Degrés| Degrés 
égaux du égaux 


Degrés|  Degrés |Degrés! Degrés | Degrés| Degrés 
u 
_Ther. de chaleur.| Ther. [de chaleur. 


du égaux du égaux du égaux 


Ther. [de chaleur.| Ther. [de chaleur.| Ther. [de chaleur. 


— 20°| — 260182] HE 50| + 5oe 34| + 30°| + THE 300164| + 55°| H + 550190 [+ 800 + 800127 
— 19 | — 10,177 6 6,041 31 on 168 56 Fa 194 8r 81,122 
— 15 | — 18, 161 7,048 32 322171 57 13 82 82,11 
— 19 | — 17,157 ê 8,095 33 33,173 58 ue ne 83 83,11 
= +61" 16,141 9 9,061 34 34,156) 59 592101 84 84,108 
— 15 | — 15,13r 10 10,068 35 35,178 Go 60, 159 85 85, 102 
— 14 | — 14,101 11 11,075 36 36,187 67 61,187 86 86,096 
— 1 — 15,111 12 12,001 3 37,183 62 62,18, 8 87,090 
— 12 | — 12,101 13 13,086 3 35,186 63 63,183 8 88,055 
— 11 | — 11,097 14 14,091 39 39,188 64 64,181 8) 89,079 
— 10 | — 10,081 1 15,097 ( no 6. 65,17 90 90,073 
OI 70; 072 16 16,103 ? 1,19 66 6, 177 gt 91,006 
— 8|— 8,063 17 17,108 2 2,193 6 67,174 2 92,060 
— 7 | — 7,054 18 18,114 3 3, 194 6 68, 172 93 03,054! 
— 61 604 19 19,119) 44 100 69 69,169! 94. 94: 047 
— 5|— 5,056 20 20, 124 5 196 70 70, 166 95 95,041 
— 4 |— 4,028 21 21,129 6 6,197 71 71,162 96 96,034! 
— 3 | — 3,021 22 22, 133 7 7,193 72 722159 97 97, 027 
2142074 23 23,137 & 48,198 73 73,15! 95 98,019! 
RU = RCOIET 24, 142 9 9,198] 74 74152] 99 99,010 

Q 0,000 25 25,146 5o 50, 198 72 75,148] 100 100, 000 
+ AIS 1,007 26 26,149 5x 51,198 76 76,144 

2 2,014 27 27,153 52 52, 198 7% 775 140 A 

3 3,020 28 28,157 53 53, 197 7 55, 136 

4 4,027] 29 29,161| 54 54,196] 79 79; 132 


MEMOIRE 


ét 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, LYS ee) 


MÉMOIRE 


Sur la Communication de la Structure des Cristaux doués 
de la double Réfraction au Verre, au Muriate de Soude, 
au Spar-Fluor et à d’autres Substances, par la compression 
mécanique et la dilatation ; 


Par DAVID BREWSTER, 


De la Société Royale de Londres et d'Edimbourg, contenu dans 
une Lettre adressée à Sir Josepx BANKS.Extrait des Trans- 
actions Philosophiques. 


Lu dans la Séance de la Société Royale , tenue le 29 février 1816. 


BiX ls RAM Te 
MONSIEUR, 


Malgré les nombreuses découvertes récemment faites, relatives 
à la polarisation de la lumière, et aux phénomènes opliques des 
corps cristallisés, on n’a cependant pas fait un seul pas pour 
arriver à la solution du grand problème de la double réfraction. 
Quelle est la condition mécanique des cristaux qui forment deux 
images et les polarisent, leurs surfaces étant différentes? quels sont 
les changemens mécaniques que doivent subir les corps cristallisés 
Le être susceptibles de ces propriétés remarquables? Telles sont 
es deux questions auxquelles il est aussi difficile de répondre 
aujourd'hui, que du temps d'Huygens et de Newton. 


Dans Les expériences multipliées que J'ai faites pour obtenir 
Ja solution de ces difficultés, la polarisation de la lumière par la 
réfraction oblique, fut le seul phénomène qui parut avoir quelque 
connexion avec cette recherche; mais l'espoir de succès que me 
donnoit ce fait, se trouva bientôt déçu, et le sujet reprit sa 
première forme difficile. Cependant une nouvelle suite d’expé- 
riences m'a mis en état, non-seulement de donner une réponse 
satisfaisante aux deux questions préeitées, mais encore de com- 


Tome LXXXIII. SEPTEMBRE an 1816. Ee 


274 JOURNAL DE- PHYSIQUE, DE CHIMIE 


muniquer au verre et à plusieurs autres substances par la simple 
pression de la main, toutes les propriétés des différentes classes 
de cristaux doués de la double réfraction. J’exposerai en peu 
de mots, dans la Lettre suivante, la méthode propre à produire 
ces eflets, et les conséquences que l’on peut en tirer. 


SECTION PREMIÈRE. 


Sur la Communication de la Double Réfraction au Verre, 
au Muriate de Soude et aux autres Solides durs. 


Proposition première. 


Si les bords d’un plateau de verre, qui n’a pas d’action sur 
la lumière polarisée, sont comprimés ou dilatés par une force: 
quelconque, ils donneront des axes neutres distincts et dépola- 
risans, comme tous les cristaux doués de la propriété de la double 
réfraction, et diviseront la lumière polarisée dans ses couleurs 
complénrentaires. Les axes neutres sont parallèles et perpendi- 
culaires à la direction dans laquelle la force est appliquée, et 
les axes dépolarisans s’y inelinent à angles de 450. 


Je pris un plateau de verre d'environ un pouce de large sur 
deux pouces et demi de long, et 0.28 de pouce d’épaisseur. 
Ayant comprimé ses bords par le moyen d’une vis, je trouvai 
qu'il polarisoit un blanc du premier ordre dans toute sa largeur. 
Les axes dépolarisans formoient un angle de 45° avec les bords 
du plateau. En augmentant la force de compression, il polarisoit 
une lumière d’un jaune foible du premier ordre, qui graduelle- 
ment devint orange. 

J'ai éprouvé une difficulté considérable en appliquant une force 
de dilatation au verre, jusqu’à ce que J’eusse découvert la méthode: 
décrite dans la proposition troisième. 


Proposition deuxième. 


Lorsqu'un plateau de verre est sous l'influence d’une force: 
de compression, sa structure est la même que celle d’une classe 
de cristaux doués de la propriété de la double réfraction qui 
renferme le spar calcaire, le béryll, etc.; mais lorsqu'elle est 
sous l'influence d’une force de dilatation , sa structure est la même 
que celle de l’autre classe de cristaux doués de la propriété 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. DT 


‘de la double réfraction qui renferme le sulfate de chaux, le 
quartz, elc. 


Un plateau de verre dilaté combiné avec un plateau semblable 
de verre comp.imé, de maniere que la direction de la force de 
dilatation coïncidât avec la direction de la force de compression, 
la différence de leurs effets fut produite ££ vice versé. La vérité 
de la proposition fut aussi constatée par la combinaison du verre 
avec des plateaux de sulfate de chaux que je pris pour modèles. 


Proposition troisième. 


Un plateau de verre long, ou en forme de filet comprimé par 
la main, donne dans le même temps les deux structures opposées 
dans la proposition précédente. Le côté convexe ou dilaté du pla- 
teau produit une rangée de franges colorées semblables à celles 
que donne une classe de cristaux doués de la propriété de la 
double réfraction ; et le côté concave ou comprimé produit une 
autre rangée de franges semblables à celles produites par l’autre 
classe. Ces deux rangées de franges sont séparées par une ligne 
d’un noir foncé où il n’y a ni compression ni dilatation. 

On peut obtenir ce résultat intéressant avec des plateaux de 
verre de toute grandeur, pourvu qu’ils n'aient que peu de pouces 
de longueur ; mais l’expérience se fait beaucoup plus aisément 
avec un morceau de verre long et étroit. Lorsqu'on emploie un 
très-petit degré de force pour le comprimer, on aperçoit sur les 
<eux bords une frange blanche d’un bleu foible. À mesure que 
la force augmente, ces franges empiètent sur l’espace noir 1n- 
terjacent, et deviennent graduellement blanches, jaunes, orange, 
pourpre, indigo, bleues, vertes; etc., jusqu'à ce que trois ou 
quatre ordres de couleurs soient développés distinctement sur 
chaque côté de l’espace noir. Dans une de ces expériences, le 
plateau de verre ayant un pouce et demi de large, 0.28 d’épais- 
seur, et six pouces entre les points de support, je développai 
par la force d’une vis, sept ordres de couleurs. La frange noire 
étoit à peine perceptible , et la teinte blanche qui provenoit du 
mélange de toutes les couleurs, alloit être produite lorsque le 
plateau se brisa. 

Scholie. 


Les expériences que je viens de décrire nous indiquent une 
méthode de rendre visible, ou même de mesurer les change- 


Ee 2 


216 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


mens mécaniques qui ont lieu pendant la compression, la dila- 
tation ou la tension des corps transparens. Les teintes produites 
par la lumière polarisée sont des mesures exactes des forces de 
compression et de dilatation, et en employant des gommes trans- 
parentes de diflérentes élasticités, nous pouvons constater les 
changemens qui ont lieu dans les corps, avant qu'ils soient 
ou brisés ou aplatis. Conséquemment le sujet de la force des 
matériaux, et de la cohésion des solides, puisera de nouvelles 
lumières dans les principes déjà établis. 

Il est une observation pratique de ces considérations qui mé- 
rite ici une note particulière. Pour observer la manière dont 
une pierre de voûte cédoit à une pression super-incombante, 
le docteur Robison exécuta plusieurs modèles en craie, et déduisit 
beaucoup de lois générales relatives aux forces internes par les- 
quelles ils étoient aplatis. Si les modèles de pierre de voûte sont 
de verre, ou de toute autre substance douée d’une simple ré- 
fraction , telle que la résine, etc., lintensité et la direction de 
toutes les forces excitées par un fardeau super-incombant dans 
les différentes parties de la voûte, seront rendues visibles en 
exposant le modèle à la lumière polarisée. Si l’on donne diflé- 
rens degrés d’aspérité aux surfaces touchantes des voussoirs de 
verre, on peut observer qu’il en résulte un degré de frottement 
aux jointures. L’intensité et la direction des forces de compres- 
sion et de dilatation qui sont excitées dans les parties chargées 
d’une charpente, peuvent être rendues visibles de la même ma- 
nière. 

Proposition quatrième. 


Les teintes polarisées par les plateaux de verre dans un état 
de compression ou de dilatation, montent dans l'échelle des 
couleurs de Newton en raison de l'accroissement des forces; et 
dans le même plateau, la teinte polarisée vers une partie par- 
ticulière, est en proportion de la compression ou de la dila- 
tation à laquelle cette partie se trouve exposée. 


Nous avons déjà vu, en développant les propositions précédentes , 
que les teintes plus élevées se développent à mesure que les forces 
augmentent. 


Proposition cinquième. 


Lorsque les plateaux de verre comprimés et dilatés sont com- 
binés transyersalement et avec symétrie, ils donnent tous les 


‘ET D'HISTOIRE NATURELLE. 217 


phénomènes qui sont produits par la combinaison de plateaux 
de cristaux doués d’une double réfraction. 

Si un plateau de verre comprimé est combiné avec symétrie 
avec un plateau semblable, la teinte polarisée par la combinaison 
est celle due à la somme de leur épaisseur ; mais s’ils sont com- 
binés transversalement , l’effet en est dû à la différence de leur 
épaisseur. On peut dire la même chose des plateaux de verre 
dilaté. 

Si un plateau de verre comprimé est combiné avec symélrie 
avec un plateau de verre dilaté, leflet est le même que celui 
dû à la différence de leur épaisseur ; tandis qu’une combinaison 
transversale donne un eflet dû à la somme de leur épaisseur. 
L'action des plateaux de verre comprimés et dilatés est réglée 
par quelques es que M. Biot a cherchées pour les différentes 
classes de cristaux doués de la propriété d'une double réfraction. 


A l'effet d'observer les effets de plateaux de verre se croisant 
et qui ont les deux structures, je pris une barre de fer sur laquelle 
je plaçcai un plateau de verre séparé du fer par deux supports, 
etau moyen d’une vis, je le tins dans un état de tension tel qu’il 
donna des franges. Lorsque ce plateau fut traversé par un autrepla- 
teau semblable à angles droits, on vit paroître la figure intersectio- 
nale. Aux deux angles où les portions dilatées croisoient celles com- 
primées, les couleurs s’élevoient en échelle, et les teintes les plus 
élevées de chaque plateau furent exactement doublées au point 
angulaire; mais à un autre angle où la portion dilatée de l’un 
traversoit la portion dilatée de l’autre, ou bien, où les portions 
comprimées se croisoient, les teintes d’un plateau étoient traversées 
par celles de l’autre , et conséquemment une frange noire s’é- 
tendoit à travers la diagonale de la figure intersectionale. 


Lorsqu'un plateau de verre dans un état de tension est croisé 
par un plateau de verre cristallisé par la chaleur, il produit une 
figure intersectionale qui peut aisément être déterminée à priorr, 
et qui est exactement la moitié de la figure intersectionale qui 
seroit produite par une barre de fer se croisant avec un autre 
plateau de verre cristallisé, ayant les mêmes teintes dans ses 
quatre rangées de franges que le plateau de verre placé sur la 
barre de fer. 

Proposition sixième. 


Si un plateau de verre placé sur deux supports, est tendu 
par une force quelconque appliquée entre les points de support, 


216 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les teintes sont au #2aximum à la partie où la pression est ap- 
pliquée, et montent graduellement dans l'échelle de couleurs 
vers les points de support. 

Je pris un plateau de verre de six pouces de long, sur un et 
demi de large et o.28 d'épaisseur , ayant placé ses extrémités sur 
deux supports, je le bandaïi au moyen d’une vis appliquée à sa 
surface. Sept ordres de couleurs parurent distinctement à chaque 
côté de la frange noire d’une des sections. 


Scholie. 


Il résulte des expériences précédentes, que les contractions 
et dilatations mécaniques correspondent aux teintes dans l'échelle 
de Newton. 

Proposition septième. 


Si un plateau de verre est sujet aux compressions ou dilatations 
exercées en différentes directions, les mêmes eflets sont également 
produits lorsque des plateaux séparés, influencés par les mêmes 
forces, sont combinés de la même manière. 

Je pris un plateau de verre , et après avoir comprimé ses ex- 
trémités avec une vis, un blancbrillant de premier ordre s’éleya 
des points de pression. Au moyen d’une force appliquée sur le 

lateau, je bandai le verre de manière à rendre concave le côté 
inférieur, et à produire des teintes blanches sur chaque côté 
de l'espace noir intermédiaire. Les effets de la tension furent 
alors combinés vers l’espace avec les effets de compression, 
ensorte que dans cette ligne parut une frange noire, la structure 
comprimée produite par la tension ayant agi en opposition à 
la structure comprimée par la vis. Cependant dans la ligne pré- 
citée s’éleva une teinte Jaune, la structure dilatée produite par 
la tension, agissant en conjonction avec Ja structure comprimée 
produite par la vis. Ces résultats paroîtront parfaitement conformes 
à la proposition cinquième, si l'on considère que l'axe de compres- 
sion produit par la vis, est le point de pression, tandis que l'axe de 
compression et de dilatation produit par la tension , est parallèle 
à l'espace noir intermédiaire, et par conséquent aux angles droits 
aux points de pression. 


Proposition huitième. 


Si deux plateaux de verre bandés sont placés ensemble à leurs 
bords concaves ou comprimés, le plateau composé a exactement 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 219 


les mêmes propriétés qu’un plateau de verre transitoirement ou 
constamment cristallisé par la chaleur qui donne la série accou- 
tumée de franges. Mais si les deux plateaux sont placés ensemble 
à leurs bords concaves ou dilatés, le plateau composé a les mêmes 
propriétés que les plateaux de verre transitoirement cristallisés 
par la chaleur qui produisent la série extraordinaire de franges. 


Les l'a décrits dans cette proposition, présentent les 
mèmes figures intersectionales que les plateaux de verre cristallisés,. 
et ont à tous égards la même action sur la lumière polarisée. 


Proposition neuvième. 


Si les forces de compression et de dilatation sont appliquées 
au centre d’un plateau de verre, les axes principaux des parti- 
cules seront dirigés vers le point de compression ou de dilata- 
tion, et le verre donnera la bande croisée noire, ainsi que les 
autres phénomènes qui se voient dans les cristaux à réfraction 
double. 


M'étant procuré une forte lentille d’une convexité considérable, 
je la pressai à l’aide d’une vis sur le centre d’un plateau de 
verre; exposée à la lumière polarisée, elle offrit quatre secteurs 
rectangulaires séparés par une croix noire. La pression augmen- 
tant, diflérentes teintes et franges se développèrent comme dans 
les corps cristallisés. 


Proposition dixième. 


Si un plateau de verre dans un état de compression ou de 
dilatation, est incliné vers le rayon polarisé dans un parallèle 
plane à l’axe de dilatation et de compression, les teintes des- 
cendront dans l’échelle ; mais s'ils sont inclinés dans un plan à 
angles droits à ces axes, les teintes monteront. 


Ce résultat fut obtenu par l’inclinaison de plateaux comprimés 
avec des vis, et de plateaux comprimés et dilatés par la tension. 


Proposition onzième. 


Si un plateau de verre qui a déjà recu de la chaleur la struc: 
ture douée de la double réfraction, est exposé à la compression, 
les teintes des franges intérieures s'élèvent en échelle, et celles 
des franges extérieures descendent, lorsque l’axe de pression est: 


220 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


perpendiculaire à la direction des franges, l’eflet opposé étant 
produit par une force de dilatation. Les mêmes résultats sont ob- 
lenus dans ce cas, comme si un plateau non cristallisé, sembla 
blement comprimé ou dilaté , avoit été semblablement combiné 
avec le plateau cristallisé. 


Je pris un plateau de verre cristallisé qui déployoit dans le 
milieu des franges un bleu du second ordre, et le comprimai 
avec une vis dans une direction perpendiculaire aux franges. 
La teinte de la rangée intérieure prit un rouge du second ordre, 
tandis que celle extérieure descendoit dans l'échelle. Lorsque le 
plateau fut pressé dansune direction perpendiculaire aux franges, 
la teinte de la rangée intérieure descendit à un jaune foible, 
et celle de la rangée extérieure s’éleva dans la même proportion. 

Lorsqu'un morceau de verre eristallisé est tendu avec un écrou, 
les franges extérieures sur le côté supérieur ou concave, aug- 
imentent en nombre et empiètent sur les franges iutérieures ; 
mais sur le côté inférieur ou convexe, les frauges diminuent en 
nombre, et celles intérieures les envahissent. Lorsque des plateaux 
non cristallisés sont comprimés ou dilatés, ils présentent les memes 
effets que s'ils étoient combinés avec des plateaux crislailisés non 
sujets à la compression ou à la dilatation. 


Proposition douzième. 


Le muriate de soude, le spar fluor, le diamant, ’obsidienne, 
la semi-opale, la corne, lécaille de tortue, l'ambre, la résine, 
le caoutchouc, la gomme, le phosphore, le ligament durci de 
la chama gigantea, ainsi que les autres substances qui n’ont pas 
la propriété de la double réfraction ou qui ne la possedent qu'im- 
parfaitement (1), sont susceptibles de la recevoir par la compres- 
sion ou par la dilatation. 


De toutes les substances mentionnées dans cette proposition, 
l’obsidienne, le muriate de soude et la gomme-résine recoivent 
par la pression, la plus grande force polarisante. La gomme-résine 
en particulier, a présenté un plus grand nombre de franges qu'un 
morceau de verre soumis à la même pression. 


QG) Voyez les Transact. d'Édimbourg , vol. IL, part. x, où j’ai fait voir que 
le diamant, le muriate de soude , etc. , possèdent imparfaitement la structure 
des deux classes de cristaux doués de la double réfraction. 


Proposition 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 221 


Proposition treizième. 


Le spar calcaire, le cristal de roche, la topaze, le béril et 
d’autres minéraux qui possèdent déjà dans un degré supérieur, 
la structure douée de la double réfraction, n’éprouvent point de 
changement par la compression ou la dilatation. 


L'état de compression et de dilatation dans lequel les parti- 
cules de ces cristaux sont déjà placées d’après la classe à laquelle 
ils appartiennent, est tel qu'ils n’éprouvent aucun changement 
par l’application des forces ordinaires. J’ai appliqué dans la di- 
rection deux de leurs axes neutres et dépolarisans, des forces qui 
étoient capables de briser les pièces de bois qu’on y employa. 


Proposition quatorzième. 


Pour construire un dynamomètre chromatique à l’eflet de 
mesurer l'intensité des forces. 

Dans presque tous les dynamomètres qui ont été construits jus- 
qu'ici, on a adopté la méthode de lui rendre avec un anneau 
d'acier, sa figure primitive, après plusieurs tensions répétées : 
et c'est lorsque l'instrument a repris celte forme qu’on établit son 
échelle (1). Gependant la parfaite élasticité du verre le rend plus 
propre que l'acier à cette opération, et quoiqu'il n’admelte pas 
un aussi grand changement de forme, néanmoins les plus foibles 
variations dans la structure peuvent être rendues visibles. 


Si un certain nombre de plateaux en verre étroits et épais 
sont fortement fixés à chaque extrémité dans des boîtes de cuivre; 
si ensuite on applique une force quelconque à un anneau attaché 
à une pièce placée au milieu des plateaux, lorsque les deux ex- 
trémités sont fixées; ou si la pièce du milieu est fixée et la 
force appliquée aux deux extrémités, les plateaux de verre seront 
tendus dans le milieu, et la force qui produit cette tension se 
mesurera par les teintes qui se montrent sur chaque côté de la 
tige noire, En diminuant la longueur des plateaux, ou en aug- 
mentant leur nombre, on peut les mettre en état de résister et 
de mesurer tous les degrés de force. Lorsqu'on s’est assuré que 


(1) A l’article dynamomètre dans l'Encyclopédie d'Édimbourg , vol. VII, 
Pag.209, j'ai décritun instrument au moyen duquel on obtient une mesure ya“ 
riable de force en élevant hors d’un fluide un cylindre de métal. 


Tome LXXXIII, SEPTEMBRE an 1810. F£ 


222! JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


la force est petite, un seul plateau de verre suflira pour mesurer 
son intensité avec une grande exactitude. 


Proposition quinzième. 


Si un parallélipipède de verre est renfermé de tous les côtés, 
à l’exception de deux, dans une masse de métal fluide , les con- 
tractions et les dilatations que le métal éprouve en passant à 
un état de solidité permanente, seront rendues visibles par la com- 
munication au verre de la structure doublement réfringente. 


Je pris un cylindre d’étain ouvert aux deux bouts, et’ après 
avoir placé un morceau de verre sur son bord inférieur, je l’en- 
tourai de plomb fondu. Aussitôt que le plomb eût perdu sa 
fluidité, je l’exposai à un rayon polarisé, et je trouvai que le 
verre ne donnoit pas de couleur: À mesure que le métal se 
resserroit dans sa dimension, on voyoit paroître une teinte d’un: 
blanc bleuâtre qui subit graduellement toutes les teintes du pre- 
mier ordre, et obtint le rouge du second ordre lorsqu'on l’eut 
plongé dans une mixtion glacée. 


J’obtins le même résultat avec le verre entouré d’étain, mais 
encaissé dans le métal en fusion composé d’onze parties de bis- 
muth, sur trois de plomb et cinq d’étain : après être refroidi, 1° 
donva les mêmes teintes, que s’il se fût dilaté. Pour examiner ce 
fait avec plus de soin, j'exposai le verre à un rayon polarisé : 
aussitôt que le métal en fusion eut pris de la consistance, je fus 
étonné de voir que la teinte qui régnoit sur la surface, ne fût 
pas uniforme ; il sy trouvoit en eflet un espace courbe et noir, 
renfermant une foible teinte appartenant à une structure com: 
primée, tandis que l’autre partie avoit une foible teinte jaune 
appartenant à une structure dilatée, Cette apparence s’élevoit du 
morceau de verre qui n'étoit pas placé au milieu du cylindre 
d'étain. 

Scholie. 


Les résultats contenus dans cette proposition, nous invitent 
à construire de nouveaux instrumens pour mesurer la contraction 
et la dilatation de toutes les substances quelconques, circons- 
tances qui proviennent de variations dans leur température ou 
dans leur humidité. Par ce moyen nous obtiendrons aussi les 
mesures des degrés de température et d'humidité qui produisent 
ces changemens mécaniques. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 223 


Un plateau de verre renfermé dans du métal forme un ther- 
momètre chrometique diflérent de celui dont j'ai donné la des- 
criplion dans un Mémoire précédent. Dans l'instrument actuel, 
les teintes sont produites par la différence des pressions sur le 
verre, diflérence qui naît de celle des expansions provenant des 
changemens de température, au lieu que dans l’autre instrument 
les teintes dérivent immédiatement des changemens de tempé- 
rature, L'étui extérieur du thermomètre peut encore être en fer, 
en cuivre ou en tout autre métal qui ne se fond pas aisément; 
et lorsque cet étui est arrivé à un degré de chaleur fort élevé, 
on peut y verser du plomb fondu ou de l’étain, de manière que 
e substances soient immédiatement en contact avec la pièce 

e verre, 


On peut construire un hygromètre chromatique, en entourant 
‘un morceau de verre d’une masse de substance hygrométrique 
quelconque qui absorbe aisément l'humidité; on fera bien de 
renlermer cette substance dans une pièce de verre, ou dans un 
vase de terre percé de plusieurs trous pour que l'air puisse y 
æntrer librement. : 

Au lieu de mesurer la pression directe occasionnée par la 
contraction ou l'expansion, l’échelle s’agrandiroit en employant 
ces forces à bander un long morceau de verre. 


SECTION DEUXIÈME. 


Sur la Communication de la Double Réfraction soit tran- 
siloire, soit permanente aux gelées de Viande par un 
endurcissement graduel, et par la Compression et la 
Dilatation mécaniques. 


Proposition première. 


Lorsqu'un morceau de gelée de viande, soit quand il approche 
de la fluidité, soit quand il est dans un état de haute élasticité, 
se trouve comprimé ou dilaté, il possède les mêmes propriétés 
optiques que le verre comprimé ou dilaté. 

IL est inutile d'entrer ici dans le détail des nombreuses expé- 
riences à l’aide desquelles j’ai obtenu des gelées de viande les 
différens résultats décrits dans la section précédente (1). Je me 
AR PL RSR ANRT ÉLEES © 2: dRP M isa. onu eve hr à 

(1) Voyez Trans. Phil., 1814, pag. 60, où j'ai rendu compte de la décou= 
ere de cette propriété des gelées de viande. 


Ff 2 


NS 


224 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


contenterai donc d'indiquer une méthode très-simple de répéter 
aisément ces expériences. Prenez un parallélipipède de poisson 
nouvellement coagulé, unissez-le avec de la colle de poisson de 
la même consistance, à deux plateaux de verre. En forçant les 
deux plateaux ensemble de manière à comprimer la gelée, vous 
verrez se développer diflérens ordres de couleurs, ayant le même 
caractère que les franges extérieures du verre cristallisé. Lorsque 
la pression n'a plus lieu, on apercoit deux franges noires, et 
en séparant les plateaux de manière à dilater la gelée , une autre 
rangée de franges se montre avec un caractère opposé à celui 
des autres franges. Si nous forcons les plateaux ensemble obli- 
quement , de manière à former un angle, nous comprimons alors 
la gelée d’un côté et la dilatons de l’autre, et l’on verra dis- 
linctement les deux rangées de franges opposées. 


Lorsque les plateaux sont pressés tous les deux à-la-fois avec 
une force capable de détruire la structure de la masse, les teintes 
sont alors disposées comme celle du marbre de la plus belle 
bigarrure, et produisent un effet absolument semblable à celui 
que J'ai observé dans beaucoup d'échantillons de diamant, ainsi 
que dans les mélanges de résine et de cire blanche. 


En amenant la gelée à un état susceptible de tension, en la 
coagulant dans des vases de verre, en appliquant les forces de 
compression et de dilatation à un point central, et en l’élendant 
en filets minces et élastiques sur des plateaux de verre comprimé 
ou dilaté, on obtiendra une multitude de résultatsintéressans.. 


Proposition deuxième. 


Si l’on fait durcir, en l’exposant à l'air, un parallélopipède de 
gelée, ses bords acquerront une densité variable, semblable à 
celle produite par la pression, et ils agiront sur la lumière comme 
les cristaux doués de la double réfraction. 


Après avoir versé une petite quantité de colle de poisson fondue 
dans un vase de verre, et l’avoir exposée quelque temps à la 
lumière polarisée, j'observai une raie étroite d’un bleu foible 
du premier ordre, en regardant à travers la couche au-dessus. 
Au bout de six heures, la teinte devint d’un blanc brillant du 
premier ordre, et la couche de gelée offrit des axes dépolarisans 
inclinés de 45° à sa longueur. À l'effet d'examiner le chan- 
gement mécanique que la couche avoit subi, je la regardai à 
travers une pelite ouverture circulaire. Cette ouverture étoit 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 23h 


elliptique, et son ellipticité augmentoit graduellement à mesure 
que le pinceau passoit plus près de la surface de la couche 
durcie. D'où il suit que la structure dépolarisante provenoit ou 
étoit accompagnée d'une densité diflérente, 


Proposition troisième. 


Si un plateau de gelée durcie en partie, est maintenu dans 
un état de compression ou de dilatation jusqu’à ce que la dureté 
soit complète, elle acquerra constamment la structure des cris- 
taux doués de la propriété de la double réfraction, 


J'ai éprouvé beaucoup de difficultés en cherchant à main- 
ienir un plat de gelée dans un état de distension permanente. 
Le premier procédé qui me réussit, consistoit à prendre un 
plateau de colle de poisson, et à faire durcir ses deux extré- 
mités , tandis que la partie intermédiaire étoit tenue humide 
entre deux plateaux de verre. La colle de poisson étoit suspendue 
par une de ses extrémités durcie et dilatée par un poids attaché 
à l’autre. Dans cet état de distension , elle donna des franges 
très-brillantes, et conserva la même propriété lorsqu'elle fut com- 
plètement dure. 

Pour obtenir des échantillons plus parfaits et une plus grande 
variété de formes, je versai de la colle de poisson liquide dans 
des vases de différentes grandeurs faits de verre, ou d’un bois 
mou et poreux. 

Proposition quatrième. 


La force polarisante de la colle de poisson distendue, surpasse 
celle du béryl; elle est beaucoup plus grande que celle du verre, 
soit qu’elle ait recu la structure doublement réfractante de la 
chaleur ou de la pression. 


Un filet mou de colle de poisson de -: de pouce d'épaisseur, 
développa par la dilatation lossqu’il fût cassé, un bleu du second 
ordre. 


Un autre filet d'environ -- de pouce, et préparé d’après la 
manière décrite dans la proposition troisième, polarisa une teinte 
rouge du premier ordre. En comparant cette teinte beaucoup 
plus élevée que toutes les autres, avec l'épaisseur du plateau 
de verre qui donne la même teinte, on trouvera constamment 
que la cause efliciente par laquelle nous devons multiplier l'é- 


paisseur d'un plat de gelée quelconque, pour obtenir l'épaisseur 


‘226 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


d’une gelée mince, donneroit par la réflexion une teinte semblable 
au 7z2aximum de sa teinte, c’est-à-dire +. 

Les nombres suivans sont des facteurs constans pour les subs- 
tances douées de la propriété de la double réfraction. 


Spar calcaire. s: + «+, à 
Cristal de roche. . . . 

Sulfate de chaux. . . . 5 ? suivant Biot. 

NCA M nnter tra Dal mo 

Colle de poisson. . . . + 

! 1 

Béryl. steel euleienretile 710 } suivant Biot. 
NAÉTRE NS MES NA CRUE TER 

Si la colle de poisson pouvoit résister à un plus haut degré de 
distension, elle donneroit un facteur constant, approchant encore 
plus près de celui du mica. 

En étudiant de nouveau les principes généraux contenus dans 
les propositions précédentes, je ne puis me flatter qu'on les 
regarde comme donnant une solution directe de la partie la plus 
importante du problème de la double réfraction. La condition 
mécanique des deux classes de cristaux doués de la propriété de 
la double réfraction, et la méthode de communiquer aux corps 
qui ne sont pas cristallisés, les propriétés optiques de lune et 
de l’autre classe, ont été clairement développées, et le seul phé- 
nomèêne dont il nous reste à rendre compte, est la division de, 
la lumière incidente dans deux pinceaux polarisés à l’opposite. 
Je ne prétends pas déterminer comment cette partie du sujet 
entrera dans le cercle des expériences ; mais sans vouloir ralentir 
l’ardeur des recherches si heureusement dirigée vers cette branche 
de l'optique, je crains bien que, relativement à la polarité élec- 
tique et magnétique, nous ne soyons obligés de nous contenter 
d'attribuer la polarisation des deux pinceaux à l'opération de 
quelque fluide particulier. La nouvelle propriété d’une chaleur 
radieuse qui met celui-ci en état de communiquer la double 
réfraction à une partie éloignée d’un plateau de verre, où la 
chaleur ne réside pas dans un état sensible, l'existence d’une 
polarité mobile dans le verre où la structure douée de la double 
réfraction est communiquée transiloirement ou d’une manière 
fixe, et l'apparence des fentes régulières qui varient selon la di- 
rection des axes de double réfraction, sont autant de faits qui 
rendent plus que probable qu’un fluide particulier est le principal 
agent dans la production de tous Les phénomènes de cristallisation 
et de double réfraction, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 227 


Il est néanmoins un fait qui forme une belle connexion entre 
l’aberration du rayon extraordinaire et les principes établis dans 
ce Mémoire. Un célèbre philosophe anglais a démontré que toute 
ondulation doit prendre une forme sphéroïdale, lorsqu’elle se pro- 

age à travers une substance peu à peu stratifiée, dans laquelle 
a densité est plus grande dans une direction que dans une autre, 
et J'ai démontré, d’après l'expérience, qu'une substance semblable 
possède la propriété de la double réfraction. Cette circonstance 
singulière sera sans doute regardée comme un argument à l'appui 
du système ondulatoire. 


DES TACHES DU SOLEIL. 


LE professeur Pictet, au sujet de la température de cet été 
dans une partie de l’Europe , a rappelé l'attention des physiciens 
sur les taches du Soleil, qui furent découvertes en 1611 par 
Scheiner et Galilée. « L'apparition de ces taches en un nombre 
plus ou moins grand, dit Pictet, ne paroît pas avoir eu d’in- 
fluence sensible sur la température des saisons correspondantes, 
On a eu des étés très-chauds pendant lesquels le Soleil avoit 
beaucoup de taches, et des hivers très-froids dans lesquels on n’en 
apercevoit aucune. Ainsi en 1779 et en 1793 on a vu des taches 
qui, mesurées exactement, avoient de dix à douze mille lieues 
de diamètre, celui de la Terre n’en a que 2860. On en vit une 
en 1791 dont la surface étoit vingt-une fois plus grande que 
celle de la Terre. »: 


Les taches du Soleil ne paroissent pas changer de place. 
Pictet cite les observations de M. Eynard qui a fait un grand 
nombre d’observations sur ces taches. « Je suis loin, dit Eynard, 
d'accorder à ces taches la faculté de nous ôter sensiblement de 
la chaleur du Soleil. Nous pouvons raisonnablement admettre, 
d’après les observations de leurs rotations uniformes, qu’elles 
sont adhérentes au corps du Soleil : et soit, comme le pense 
Herschel, que ces taches soient les montagnes du noyau solide et 
obscur du Soleil, qui percent quelquefois l'atmosphère lumineuse, 
ou soit, comme le suppose M. Biot, que le corps même du Soleil 
soit embrasé, et que ces taches soient d'énormes embouchures: 


228 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, etc. 


d’où partent des éruptions de feu, je ne vois point là de cause 
de diminution du fluide lumineux. » 

En supposant avec moi que les Soleils sont d'immenses piles 
en activité (comme la grande pile de linstitution Royale) 
(Journal de Physique, tomes LXXVI et LXXVII), on dira 
que les taches sont des portions de la masse du Soleil qui ne 
sont pas susceptibles d’être galvanisées, et qui sont plus ou moins 
éclairées par le fluide galvanique des parties environnantes, dont 
l'intensité doit varier, comme on l’observe dans nos piles. 


TABLE 


DES MATIERES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Suite des Méthodes classiques et naturelles appliquées à 
la géographie physique; par M. Toulouzan de Saïnt- 
Martin. Deuxième Mémorre. Pag. 165 
Observation sur les avantages du datisca cannabina 
dans l'art de la teinture; par Henri Braconnot. 187 
Tableau météorologique ; par M. Bouvard. 192 
Mémoire relatif à l'influence de la température des 
pressions mécaniques sur l'intensité du pouvoir élec- 
trique, et sur le changement et la nature de leur 
électricité; par J. P. Dessaignes. 194 
Supplément au Mémotre sur la réduction des degrés du 
thermomètre de mercure en degrés de chaleur réelle; 
par Honoré Flaugergues. 209 
Mémoire sur la communication de la structure des cris- 
taux doués de la double réfraction au verre, au mu- 
riate de soude, au spar fluor, aux autres Substances 
par la compression mécanique lilatation; par 
David Brewster. 5 
Des taches du Soleil. 


213 

227 

In: é . RS 

De l’Imprimerie de M"° Veuye COURCI A primeur-Libraire, pour 
jes Mathématiques et la Marine, quai des Augustins, n° 57. 


JOURNAL 


DE PHYSIQUE, 
DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


OCTOBRE AN 1816. (a 
+ "ge 


SUITE DES MÉTHODES" 
CLASSIQUES ET NATURELLES 
APPLIQUÉES A LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE: 


Par M. TOULOUZAN DE SAINT-MARTIN. 


DEUXIÈME MÉMOIRE. 


CINQUIÈME PARTIE DU MONDE. 
TL’ Afrique. 


J'AURAI peu de chose à dire de l'Afrique; son histoire est 
la répétition de celle de l'Amérique. Gomme elle a la même di- 
rection et le même parallélisme, elle a dû avoir aussi une figure 
quadrangulaire, qui par les mêmes causes a élé changée en une 
sorte de triangle dont la base est vers le nord et le sommet 
vers le sud. Ce sommet a été aiguisé, comme celui de l’Amé- 
rique, par les eaux du pôle Austral, et cette base a été arrondie 


Tome LXX XIII. OGTOBRE an 1816. Gg 


230 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


par les accidens successifs qui ont donné naissance à la Médi- 
terranée correspondante à la mer des Antilles, et de même for- 
mation. 


Voiëi comment je crois devoir tracer les limites de l’Afrique. 
La ligne part de l’île Socotoza, qui a bien certainement été dé- 
tachée du cap Guardafui. Elle va de cette île à Speakers Bank, 
qui fait partie des îles Chagos, nommées Diego sur les cartes 
de d’Anville, et liéessaux Amirautes ou Sechelles, qui le sont 
à Madagascar et aux côtes d'Afrique; de Speaker’s Bank à Sunken 
Rock, vers le 10° de latitude sud et le 79e de longitude orien- 
tale; je suis ce méridien qui passe par les îles d'Amsterdam et 
de-Saint-Paul jusqu'au Got de latitude australe, et ce parallèle 
jusqu’au 23e de longitude occidentale ; ce dernier méridien, qui 
passe par divers rochers mentionnés sur ma carte, continue a 
limite jusqu’à des bas-fonds et des écueils situés des deux côtés 
de l'équateur, précisément vis-à-vis le rocher Saint-Paul, qui fait 
l'angle nord-est de l'Amérique; de ces bas-fonds et écueils la 
ligne s'incline au nord-ouest en passant par d’autres rochers 
jusqu’à Saint-Antoine, la plus occidentale des îles du cap Vert; 
de Saint-Antoine droit au nord jusqu’à un îlot reconnu en 1797 
et 1805, sous le 32° de latitude boréale, entre les îles du cap 
Vert et les Acores; de cet îlot à Falcon Rock au nord de Porto- 
Santo et de Madère ; de Falcon Rock à Abyla, l’une des colonnes 
d’Hercule ; d'Abyla aux îles Galita vis-à-vis la Sardaigne; de ces 
îles à l’isthme de Suez en passant par le cap Serrat, le cap 
Blanc, le cap Guardia , le cap Bon, l’île Pentellaire, le groupe 
de Malte, le cap Rasat et la pointe Dijerid ; de l’isthme de Suez 
à l’île Mehun dans le détroit de Bab-el-Maudeb; enfin de l’île 
Mehun à Socotora, mon point de départ. 


En examinant la côte orientale et en prenant pour règle le 
parallélisme de l’ancienne Afrique, on verra que les lacs du bassin 
de la mer des Indes, dont j'ai parlé dans Particle précédent , 
ont dû dégorger dans le canal qui est tracé sur ma carte entre 
PAfrique et la Malasie. En effet ce canal est la seule région 
de la mer des Indes qui soit libre et profonde, C’est là où les 
pentes se joignoient et formoient le plus grand creux. Tout l’es- 
pace compris entre ce canal et la côte actuelle d’Afrique est 
semé d'îles, de bas-fonds et de bancs de sable, Je suis donc suf- 
fisamment autorisé dans le tracé de ma limite orientale. 

Je fixe la limite méridionale au 60€ parallèle, d’abord par 
analogie avec l'Amérique, ensuite parce qu’il est probable qu'il 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 251 


existe des terres à cette latitude. Les doutes qu’on a sur le cap 
de la Circoncision, découvert par Bouvet , ne devroient porter 
que sur sa position et non sur son existence. Nous avons appris 
depuis peu que des terres avoient été vues par un vaisseau anglais 
au sud de ce cap, c’est-à-dire vers le 6oe. Dans l’état actuel de 
nos connoissances dans cette partie du globe, nous devons finir 
les terres à ce parallèle, et regarder tout ce qui est au-delà 
comme une vaste plaine envahie par l’Océan austral. Les terres 
situées en decà, quoique très-dispersées et sans aucune liaison 
apparente, ne peuvent avoir appartenu qu’à l'Afrique , d’après 
le document tiré du parallélisme. Le brusque escarpement du 
cap de Bonne-Espérance et de toute l’extrémité méridionale de 
VAfrique, autorise à penser que les terres devoient autrefois 
se prolonger fort avant vers le sud; et en calculant la pente , 
naturelle et graduée du sol, d’après la hauteur de la montagne 

de la Table, on arrive au moins au Got parallèle, 


Sur la côte occidentale il est resté assez de débris pour re- 
connoître ses anciens contours. Depuis le 43€ de latitude australe 
jusqu’à l'équateur , outre les rochers indiqués sur ma ligne de 
limites, on remarque en dedans de cette ligne les îles de Goughs 
ou d’Alvarez, le groupe de Tristan d’Acunha, Sainte-Hélène, 
l’Ascension, Saint-Mathieu et d’autres îles moins considérables, 
Au nord de l'équateur elles sont encore plus rapprochées, et le 
groupe desîles du cap Vert, celui des Canaries, Madère, Porto- 
Santo ont encore des liaisons évidentes avec la côte d'Afrique. 
On verra sur ma carte des rapports en quelque sorte symétriques 
entre la limite occidentale de l'Afrique et la limite orientale de 
l'Amérique et de la Colombie; rapports qui se répètent entre 
l'Afrique et l'Europasie. En calculant les pentes absolues des 
Cordilières et des monts Lupate, d’après la hauteur et le paral- 
lélisme de ces deux chaînes de montagnes, on trouvera qu’elles 
se rencontrent justement au canal de séparation que j'ai tracé. 

Ce que j'ai dit de la Méditerranée à l’article de l'Europasie, 
me dispense de motiver la ligne de limites au nord de l’Afrique. 
J’ajouterai seulement que les îles Galita, Pentellarie, le groupe 
de Malte et quelques autres îles plus voisines de l'Afrique, que 
les géographesdécrivent assez volontiers comme annexes del'Ttalie, 
ont des caractères géologiques entièrement opposés à ceux des 
autres îles de la Méditerranée, lesquelles sont de même nature 
que les côtes d'Europe. Je renvoie l'exposition de ces carac- 


x 


ières distinctifs et classiques à la nomenclature méthodique 
Gg 2 


232 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE. 


qui suivra ces Mémoires, afin d'éviter les longueurs et les 
répétitions, ! 
SIXIEME PARTIE DU MONDE. 


La Îalasie. 


Cette partie du monde est celle qui a été le plus exposée 
au ravage des eaux. Il faut nécessairement se reporter aux temps 
primitifs pour en discuter la cause. 


À l’orient et à l'occident la Malasie devoit s'étendre fort loin 
en une plaine doucement inclinée, à partir de la chaîne centrale 
qui court du sud au nord, depuis la Nouvelle-Hollande jusqu'aux 
îles Bashées, d’où elle se continuoit par les îles Formose, de 
Licou-Kiou, du Japon et les Kouriles jusqu'au Kamtchatka et 
au détroit de Béring. C’est la chaine que j'ai appelée les Ænti- 
Cordilières au commencement de ce Mémoire. Cette chaîne 
étant parallèle au méridien, nous pouvons considérer la Malasie 
sous le même point de vue que l'Amérique et l'Afrique. Nous 
concevrons alors que les deux grandes vallées comprises entre 
ces trois parties du monde, c’est-à-dire des deux côtés de la 
chaîne de Malasie, ont dû servir de réservoir à toutes les eaux 
courantes, et par conséquent être inondées jusqu’à un très-baut 
niveau. Observons que dans toute la partie qui confronte l'Asie, 
les pentes se rencontroient à de petites distances et sur plusieurs 
points, Toute la côte orientale d'Asie étoit bordée de lacs qui 
Se communiquoient depuis la mer de Chine jusqu’à celle d’Okhotsk, 
disposition que nous avons déjà remarquée sur l’ancienne côte 
orientale de la Colombie, 

Indépendamment de ces causes de séparation dans le sens des 
longitudes, on peut en reconnoître d’autres dans le sens des 
latitudes. Le plateau central d'Asie et le massif de la Nouvelle- 
Hollande, qui occupent tous deux une immense étendue et s'é- 
lèvent à de très-grandes hauteurs, se rencontrent de manière 
que le versant des eaux est dirigé dans ce qu’on appelle com- 
munément l’Archipel indien; région qui a dû être inondée dans 
toutes ses parties basses, et où doivent s'être formés quantité de 
lacs. Ajoutez maintenant les commotions volcaniques et les ir- 
ruptions multipliées de l'Océan austral, et vous verrez pourquoi 
la Malasie a été détachée de l'Asie d’une manière si brusque, 
submergée en plus grande partie, et divisée en une multitude 
d’îles d'autant plus petites et plus dispersées, qu’elles sont à une plus 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 233 


grande distance de la chaîne centrale, dont les noyaux eux-mêmes 
ont été écartés par de violentes commotions et ne forment plus 
depuis que des terres détachées. 

Dans mon prochain Mémoire je parlerai plus en délail de ces 
bouleversemens, parce que ce sera le moyen d’obtenir de sûres 
indications pour les divisions naturelles de Ja Malasie. Dès à 
présent nous pouvons conclure de ce qui a été dit, que toutes 
les terres et iles, quelque éloignées qu’elles soient, qui n’ont point 
trouvé place ni en Amérique, ni en Colombie, ni en Afrique, 
ni en Europasie, doivent étre comprises dans la sixième partie 
du monde, puisqu'elles sont les restes subsistaus des anciennes 
terres de cette région bouleversée. Ce résultat rend extrêmement 
facile le tracé des limites. 


Je prends mon point de départ de la Gorta, île déserte située 
au nord-est des îles Sandwich, dont elle peut être considérée 
comme une dépendance. De la Gorta la ligne va à Cliportou 
Rock, vis-à-vis la côte de Colombie; de Cliportou Rock à un 
rocher vu en 1802 sous le 103° de longitude occidentale et le 
25e de latitude sud, rocher qui pourroit bien étre l'ile Salas des 
Espagnols ; de ce rocher à l’île connue maintenant sou: ce dernier 
nom ; de l’île Salas à Téapi, autrement l'ile de Pâques; de Téapi 
aux écueils nouvellement découverts au sud de la Nouvelle- 
Zélande , et appelés par les Anglais Ze Juge et son Clerc; de 
ces écueils à d’autres plus au sud ,nommés /’Evéque et son Clerc; 
de ces derniers à la pointe de la terre de Lewin, côte sud-ouest 
de la Nouvelle-Hollande ; de cette pointe à Apularia, petite île 
située en face de Sunken Rock, qui fait l'angle nord-est del’Afrique; 
d'Apularia à Poulo-Ronde la plus septentrionale des petites iles 
placées au nord de Sumatra; de Poulo-Ronde aux îles Lingen 
entre Banca et les îles Rintang , limite de l'Europasie; des îles 
Lingen au Bashées; des Bashées à Pena de los Picos, vis-à-vis 
Ao-Sima la plus orientale des îles du Japon; de Pena de los 
Picos à Rica-de-Plata, et enfin à la Gorta, d’où je suis parti. 

Le cordon de la Gorta aux écueils du Juge et de l'Evêque, 
offre très-peu de terres; il ne passe que sur quelques petites îles 
placées à de très-grandes distances et comme perdues dans l'im- 
mensité des mers. Cependant ces îles ne peuvent appartenir qu'à 
la Malasie, et je suis ici d'accord avec les géographes qui ont 
distingué cette partie du monde des autres. 1] est probable aussi 
que l’on découvrira d’autres îles sur ce cordon. J’aurois pu tirer, 
des deux côtés, des lignes méridiennes jusqu’au 60€ parallèle, 


234 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, 

comme j'ai fait pour l'Amérique et l'Afrique, et j'y aurois été 
suffisamment autorisé, puisque l'axe de la Malasie est aussi pa- 
rallèle aux méridiens; mais outre que cela auroit trop contrarié 
les idées recues, j'ai cru qu’il étoit important de faire remarquer 
que la Malasie dans son ensemble, offre vers le sud la figure an- 
gulaire qui doit résulter des irruptions de l'Océan austral. Ainsi 
cette figure actuelle de la Malasie, qui est conforme à la vérité, 
puisque toute la ligne de limite passe sur des terres existantes, 
répond à celles que les mêmes causes ont données à l'Amérique 
et à l'Afrique qui, sur ma carte, sont figurées comme elles 
l'étoient avant lirruption, tandis que la Malasie l’est après cette 
même irruption. Il est bon de faire observer à l’appui de ces 
analogies, que les écueils du Juge et de PEvêque se lient à la 
Nouvelle-Zélande par le groupe des Macquaries, archipel du 
lord Auckland, et plusieurs autres îles dispersées; en sorte que 
l'angle sud de la Malasie offre les mêmes dispositions que ceux 
de l'Amérique et de l'Afrique, où l’on voit aussi des îles en 
avant des promontoires qui terminent le continent. 


L'autre moitié du cordon, depuis les écueils de lEvêque 
jusqu’à la Gorta, est partout tracée par des terres d’autant plus 
voisines et plus liées qu’elles sont plus rapprochées de l’Asie, 
L'île Apularia se lie d’un côté à Java par les îles des Cocos 
et des Christmas, et de l’autre à la Nouvelle-Hollande par les 
mêmes îles des Cocos et des Brisans , vues par d'Harcourt en 1770, 
et Vausitture en 1789, au nord-ouest de la Nouvelle-Hollande. 
A l'ouest de ma ligne de limites, on n’a point vu d’îles entre 
la Malasie et l'Afrique; c’est cet espace de mer par lequel l'Océan 
austral doit avoir fait ses irruptions sur les côtes de l'Inde; ce 
qui a dû l’élargir de plus en plus vers le sud. 


Quant à la ligne de démarcation qui confronte l’Asie, elle 
est moins nette qu'aucune de celles que j'ai tracées; ce qui 
est une suite, comme je l'ai dit, de l’ancienne jonction de ces 
deux parties du monde. Cependant cette ligne ne laisse subsister 
quelques doutes que dans la mer de Chine. J’aurois pu éviter 
cette inexactitude en multipliant les angles; mais il auroit fallu 
entrer dans des détails minutieux que ce Mémoire ne comporte 
point, et la chose est trop peu importante pour sy arrêter. 


Nous avons cherché et rassemblé tous les vestiges épars de 
l’ancienne terre, échappés au ravage des eaux , et, en lesrat. 
tachant aux parties du monde qui les réclament , nous avons con. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 235 


sidérablement restreint le domaine de l'Océan et agrandi celu! 
de la surface terrestre. Cette suite d'opérations , rigoureusement 
déduites d’un seul principe, ramène celte surface à ses linéamens 
naturels, et nous fait apercevoir de nouveaux rapports qu'il im- 
porte d'indiquer. 

En premier lieu, si on examine la carte, on verra que toutes 
les lignes de limites correspondent de telle sorte qu’elles suivent 
exactement les mêmes contours; et qu'on ne croie pas qu'il y 
ait ici quelque chose d’hypothétique ! tous les points de recon- 
noïssance sont exactement placés; nous ne les avons liés à telle 
ou telle partie du moude, qu'après avoir discuté impartialement 
les faits propres à nous éclairer. L'espèce de symétrie qui ré- 
sulte de ce travail, prouve qu’il a été fait d’après des principes 
naturels et vrais. 11 prouve que ces lignes sont réellement les 
anciens rivages, et que les canaux de séparation, où en effet 
se trouvent les plus grandes profondeurs, sont les vallées les 
plus creuses, dans lesquelles toutes les eaux courantes ont dû 
samasser en dernier lieu pour former l'Océan. 

En second lieu, ces lignes répondent à la direction générale 
des montagnes. Ainsi elles sont parallèles aux méridiens dans 
l'hémisphère austral où les montagnes courent dans le même sens; 
elles sont inclinées dans la Colombie et l'Europasie où les chaînes 
le sont aussi; enfin elles sont parallèles à l'équateur dans la zone 
glaciale, où les inégalités suivent cette direction. Ces lignes sont 
donc naturelles. Elles désignent exactement les points où les 
grandes pentes se rencontrent, et les canaux de séparation sont 
réellement les creux où ces pentes se joignent par leurs bases. 


En troisième lieu, ce nouveau système géographique nous 
permet de considérer chaque partie du monde comme une masse 
distincte des autres par des caractères particuliers, quoique les 
six parties soient semblables par leurs caractères généraux. On 
reconnoîtra en effet, par l'examen que je ferai de ces caractères 
particuliers dans mon prochain Mémoire, que non-seulement les 
montagnes , le sol, le climat, et toutes les autres choses inor- 
ganiques, diffèrent dans chaque partie du monde, mais encore 
que la même différence existe dans les productions organiques, 
sans en excepter l'homme; à moins que des causes sociales aient 
plus ou moins altéré les traits primitifs. On verra que ces carac- 
tères distinctifs se laissent apercevoir en se modifiant diversement 
dans chaque région d’une même partie du monde ; en sorte qu’on 
peut s’en servir pour distinguer ces régions, comme dans lhis- 


236 JOURNAL DE PAYSIQUE, DE CHIMIE 


toire naturelle on a fait usage des caractères d’un genre pour 
y rattacher les espèces et les variétés. 

Je dois m'abstenir de plus longs développemens. Si on regar- 
doit comme un système la combinaison naturelle des faits que 
j'ai cru devoir prendre pour règle de mon travail, je répondrai 
que toutes nos méthodes d’histoire naturelle ne sont que des com- 
binaisons semblables, et qu'il ne peut y avoir de méthode sans 
ces mêmes combinaisons. Ce n’est pas tout d’amasser des faits; 
tant qu’ils restent isolés, ils sont perdus pour la science. Dans 
un {emps on ne savoit que fabriquer des systèmes, et ces systèmes 
tomboient parce qu'on m'avoit pas assez de faits. Aujourd’hui 
les faits nous encombrent, parce qu’on crie à l’anathème contre 
celui qui ose former un corps de doctrine; ce qui n'empêche 
pas que ceux qui crient le plus fort n'aient donné leurs systèmes 
le plus souvent avec moins de raison et de bonheur. Le système 
de Linné n'étoit-il pas purement artificiel? La nomenclature chi- 
mique n’a-t-elle pas été contrariée par les nouvelles découvertes; 
Cependant qui oseroit nier les avantages qu’on a retirés de ces 
méthodes ? — Détrompons-nous; il faut à l'homme de l’ordre dans 
ses études ; il faut que les moyens dont il peut disposer soient 
soumis à des règles quelconques. Les premières que l’on prescrit 
sont insuffisantes , quelquefois sujettes à donner aux sciences une 
fausse direction. N'importe; la vérité se découvre par l'erreur, 
et on n'y arrive que par elle; on corrige, on rectifie, et on 
parvient enfin à tracer une route plus naturelle et plus sûre. 

J'avoue de bonne foi que la Géologie n’est pasassez avancée pour 
qu'on puisse en déduire des résultats généraux positifs; mais si 
on ne tente point d’arriver à ces résultats, on n’y arrivera jamais. 
La cause principale du retard de cette science intéressante doit 
être attribuée à l’imperfection de la Géographie physique. Com- 
mençcons par donner à celle-ci une méthode qui ne scit point 
arbitraire et qui ait des principes fixes; établissons, par l’appli- 
cation de ces principes, des divisions aussi naturelles qu’il sera 
possible, des limites bien nettes, des caractères exactement dé- 
finis et elairement énoncés. Alors la Géologie vérifiera cette mul- 
titude de faits dont elle n’ose faire aucun usage tant ils sont 
inexacts ; alors elle généralisera ce qu’elle aura reconnu vrai ; alors 
enfin elle se donnera, comme les autres sciences, des règles et des 
théories qui assureront sa marche et ses opérations. 

Mais comment entreprendre de régulariser la Géographie phy- 
sique sans le secours de cette même Géologie, dont les documens 

quoique 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 237 


quoique vagues, sont si importans, si nécessaires, si féconds dans 
leurs résultats? J'ai donc eu recours à ces documens, et j'ai cru 
qu'ils étoient assez positifs pour pouvoir établir en principe que 
le feu et l'air ont opéré des formations avant l’eau, et que les 
formations aqueuses ont commencé par la débâcle des lacs, dont 
la réumon dans les lieux les plus bas, a donné naissance à l'Océan, 
qui par ses éruplions a ensuite achevé la configuration de la 
surface terrestre. 


S'il restoit des doutes à cet égard, les faits suivans les feroient 
disparoître. 

Depuis ce qu’a dit, Théorie de la Terre, tome V, pag. 135, 
M. Delamétherie, des terrains d’eau douce, et les savantes re- 
cherches de MM. Cuvier et Brongniart sur les terrains de Paris, 
l'attention des géologues s’est fixée plus particulièrement sur les 
formations d’eau douce. Les observations auxquelles ces forma- 
tions ont donné lieu, conduisent à ce résultat, que les terrains 
d’eau douce sont très-communs et qu'ils offrent une succession 
d’époques comme eeux des eaux marines, Il paroît qu'après cha- 
cune des éruptions de la mer, il s’est passé des intervalles de 
temps plus ou moins longs, pendant lesquels les terrains déposés 
par ces éruptions ont contracté une surface solide au-dessus de 
laquelle les eaux courantes ont formé des lacs très-élendus, où 
se sont opérées des formations d’eau douce. D'autres éruptions 
sont survenues, d’autres lacs se sont formés; toutes ces créations 
différentes ont été suivies d’un temps de repos; de manière que 
nos continens sont le résultat d’un travail infiniment long, auquel 
ont coopéré tour à tour les eaux douces et les eaux de la mer“ 
travail qui paroît se continuer encore, mais avec plus de lenteur. 


Les formations d'eau douce des schistes marneux et blan- 
châtres de Vérone, de Cérigo, d’'Eininghen, de Papenheim....; 
celles des terrains gypseux de Paris, d'Aix en Provence....., 
alternent avec les formations marines; mais on en connoît qui 
précèdent les plus anciens dépôts de l'Océan. Tel est ce banc 
mince, mais trés-étendu, des schistes marno-bitumineux et noi- 
râtres de la Thuringe et du Mansfeld, qui occupe presque toute 
J'Allemagne. Ces schistes reposent immédiatement sur le grès 
rouge produit du terrain de transition immédiatement superposé 
à la grauwacke. D’après une observation de M. Menard, ce grès 
paroît être un détritus du porphyre rouge, comme la grauwacke 
estun détritus des schistes primitifs. Le schiste marno-bitumineux 
qui pose sur le grès rouge , supporte lui-même le calcaire com- 


Tome LXX XIII, OCTOBRE an 16816. Eh 


/ 


238 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


pacte par lequel commence la série des formations océaniques; 
et ce schiste contient des empreintes de poissons qu’on regarde 
comme des espèces d’eau douce. 

Or on ne pourra jamais se rendre raison de ces faits, si on 
ne suppose avec moi, 


Æ Que dans l’origine il n’y a point eu de mer, mais seule- 
ment des lacs ; 


B Que toutes les espèces aquatiques ont commencé par vivre 
dans ces lacs; 


€ Que durant cette époque, et même auparavant, il y a eu 
de grands éboulemens du terrain primordial , causés par l'action 
de l'atmosphère ; éboulemens qui ont produit le terrain de tran- 
sition sur lequel il s’est formé d’autres lacs qui ont opéré ces 
formations anciennes des schistes marno-bitumineux; 


D Que dans la suite la plupart de ces lacs sont devenus salés 
par le lessivage des terres et par l’évaporation des eaux, comme 
on le voit dans tous les lacs sans écoulement; 


Æ Que ce changement dans la nature des eaux, en a produit 
un analogue dans l’organisation des espèces que ces eaux nour- 
rissoient; ce qui explique pourquoi on retrouve assez ordinai- 
rement les genres, mais rarement les espèces dans les fossiles 
anciens (1). . 


La débâcle successive des lacs anciens ayant ensuite formé 
l'Océan, cet Océan, par ses irruptions, a posé des terrains d’eau 
marine sur des terrains d’eau douce, et de nouveaux lacs ont 
posé des terrains d’eau douce sur des terrains d’eau marine. 

Ce travail alternatif paroît avoir eu une marche dont on peut 


(1)-« Il est bon de remarquer que parmi les coquilles fossiles dont les ana- 
» logues marins ou vivans ne sont pas connus, il en est beaucoup qui ont une 
» forme tres-rapprochée de coquilles des mêmes genres que l’on connoît dans 
» l’étatmarin....: ce sont là , nous dit-on, des espèces perdues. » (Lamarck, 
Syst. des Anim. sans vertèbres. Paris 1801 , pag. 408.) Ce savant judicieux 
conclut ensuite qu’il n’y a pas réellement d’espèces perdues , mais que les es— 
pèces actuelles ne ressemblent plus aux anciennes , parce qu’elles ont subi des 
changemens qui ont produit l’identité sans marquer l’analogie, quiest reconnoiïs- 
sable pour le plus grand nombre. Il me semble que ce raisonnement est celui 
qui représente le mieux les faits. Cette opinion ne conduiroit à de fausses con 
séquences, qu’autant qu’on passeroit de ces faits à des suppositions qu'ils 
peuvent autoriser, mais qui n'étant pas elles-mêmes des faits , ne œmériteroient 
pas la même confiance. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 239 


suivre la direction. Le grand écoulement des lacs s’est fait dans 
les régions australes. Il existoit là des mers, ou peut-être une 
seule mer, lorsque l'Europe, l'Asie tempérée et la Colombie 
étoient encore couvertes de lacs et de marais. Cette mer australe 
toujours poussée vers le nord, a déposé à différentes reprises 
des terrains d'eau marine, et chaque fois qu’elle s’est retirée, les 
lacs ont fait à leur tour des dépôts d’eau douce. Aujourd'hui 
encore on peut remarquer qu'il existe peu de lacs dans les ré- 
gions australes, et qu’ils sont au contraire plus nombreux et plus 
vastes à mesure qu'on avance vers le nord. La mer ronge 
sans cesse les rivages des contrées australes, etles fleuves étendent 
ceux des régions boréales. On sait même par des traditions his- 
toriques, que la Chaldée, l'Egypte, la Grèce, la France ont été 
couvertes de lacs et en partie inondées; aujourd’hui il n’y a 
de pareilles inondations que dans la Russie et le Canada. 


La différence des terrains d’eau marine et leur alternation 
avec ceux d’eau douce, prouvent clairement que l'Océan a fait 
plusieurs irruptions et à différentes époques. — Ces faits renversent 
l'hypothèse d’une grande inondation qui auroit submergé tout 
le globe. — Ils démontrent, au contraire, que les irruptions ont 
été assez bornées, et qu’elles n’ont exhaussé le sol que peu à 
peu et avec le secours du temps. — Cependant il est probable 
qu'il y a eu des irruptions assez grandes de l'Océan austral, 
les unes plus anciennes qui ont remonté les bassins du grand 
Océan et de l'Atlantique, pour refluer du pôle arctique vers le 
sud, les autres plus modernes qui ont pénétré entre les terres 
pour se joindre aux Méditerranées. — Les montagnes s'abaissent 
en général vers le nord, et on remarque même que dans les 
endroits où elles ont une certaine élévation, comme par exemple 
les Dofrines dans la Norwège, le terrain primordial ne perce point 
les terrains secondaires, qui à eux seuls forment les crêtes et les 
hauteurs. Le reflux des eaux venues du sud a donc pu pousser les 
eaux sans obstacle jusqu’au pied des Alpes. — Les montagnes 
stratifiées sont plus élevées et plus rapprochées au pied des Alpes 
du côté du nord, que dans le reste de l'Allemagne et des pays 
septentrionaux, où même on ne trouve que des collines et des 
plaines. Ce fait se concilie avec cette observation, que le talus 
d’un terrain apporté par les eaux, s'incline vers le courant et 
s'élève contre l'obstacle qui l’arrête, en raison composée de la 
puissance de ce courant et de la résistance de cet obstacle; de 
sorte qu'au pied des Alpes où les grandes eaux ont été arrêtées, 


Hh 2 


240 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les ferrains de dépôt ont dû s’entasser sur les flancs des Alpes 
et s'élever à une grande hauteur par cette cause bien connue. 
— [Les terrains calcaires manquent daus les régions australes, 
et sont au contraire accumulés dans les régions tempérées. Ce 
fait combiné avec ceux de l’escarpement et du prolongement 
des pointes vers le sud, de l’étendue des plaines et de leur douce 
inclinaison vers le nord, laissent peu de doute sur cette hypo- 
thèse, que la marche des irruptions de l'Océan a été dirigée 
du sud au nord , et que les matières enlevées par le flux à l'hé- 
misphère austral, ont été déposées par le reflux à l'hémisphère 
boréal. — Quant au second genre d’irruption, je m'ysuis assez 
étendu dans ma note au sujet de la Méditerranée, à l’article 
Europasie. 

Enfin si la débâcle successive des lacs et les irruptions pos- 
térieures de l'Océan austral, sur lesquelles repose mon système 
géographique, ne paroïssoient pas suffisamment d'accord avec 
les faits, encore faudroit-il convenir des avantages que promettent 
les résultats que je dois en obtenir. 

A. La surface terrestre aura été ramenée à ses vrais linéa- 
mens, ou à peu près. 

B. Les six parties du monde seront des divisions naturelles, 
ou au moins bien distinctes, qui ne laisseront plus de prise à 
l’équivoque. 

C. Les traits caractéristiques de chacune de ces divisions 
pourront être tracés avec vérité et exposés avec méthode. . 

D. T'Océan restreint à son ancien lit, aura aussi des limites 
fixes et invariables. 

E. Il pourra être divisé en plusieurs bassins et canaux qui 


auront leurs caractères distinctifs et qui pourront recevoir des’ 


noms classiques. 


F. Les espaces de mer qui sont hors de ces canaux et qui 
communiquent avec eux, seront classés avec les parties du monde 
dont ils sont les anciennes plaines submergées. 

G. Lorsque la hauteur des principales chaînes de montagnes 
sera exactement mesurée, si on admet que les canaux de sépa- 
ration sont les creux où les pentes absolues de ces chaînes se ren- 
contrent, on pourra calculer la profondeur des mers à ces mêmes 
creux, en prenant pour termes conqus la hauteur et la distance 
des chaînes qui confrontent. 


ne 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 24 


H. Ce nouveau système de limites donnera des indications 
importantes sur les courans, et fera apercevoir des rapports jus- 
qu'ici inconnus ou négligés entre les terres et les mers. 


T. Enfin, si avec le secours des principes qui m'ont guidé dans 
ce Mémoire, je divise et subdivise nettement chaque partie du 
monde en régions et en contrées qui auront leurs caractères 
particuliers, et si ces caractères peuvent êlre clairement et classi- 
quement énoncés, j'aurai fourni aux naturalistes des moyens 
certains pour rectifier les faits déjà connus, pour en observer 
de nouveaux avec plus de précision, en un mot, je leur aurai 
tracé le plan des lieux qu’ils doivent parcourir et faire mieux 
connoître par leurs savantes et laborieuses recherches. 

Cette dernière opération sera le sujet d’un troisième Mémoire 
qui présentera beaucoup de difficultés, mais aussi des questions 
intéressantes, que je ne crois pas impossibles de résoudre. Dans 
un quatrième Mémoire, je traiterai de tout ce qui tient à la 
nomenclature. Enfin, après avoir ainsi épuisé tous les sujets de 
discussion , je donnerai cette nomenclature sous le titre parti- 
culier de Systema naturæ, pars Géographica , en l’accompagnant 
d’une carte physique de la terre. 


Le Systema naturæ, ce monument immortel élevé par le 
grand Lipné, ne doit pas comprendre seulement le catalogue des 
espèces minérales et organiques; il doit, selon moi, embrasser 
tout -ce qui est du domaine de la nature; les cieux, les mers, 
les terres avec tout ce qu'ils renferment. Il n’est pas au pouvoir 
d’un seul hommede mettre de l’ordre dans cette multitude d'objets. 
Mais l'intérêt général de la science doit déterminer le petit nombre 
de ceux qui la cultivent pour elle et non pour eux, à se partager 
un travail pénible et ingrat, mais utile et nécessaire. La Miné- 
ralogie, la Botanique et la Zoologie ont fait d'immenses progrès 
depuis qu’elles ont de la méthode. J'ai osé me flatter de pro- 
curer les mêmes avantages à la Géographie physique , en cher- 
chant à la régulariser. D’autres anus de la science seront peut-être 
excités par cet exemple à apporter le même ordre dans l’Astro- 
nomie descriptive. Quand toutes ces branches essentielles des 
connoissances humaines seront rigoureusement classées dans tous 
leurs détails, alors, et seulement alors, nous pourrons apprécier 
à sa juste valeur cette multitude de faits dont nos systèmes 
n’embrassent qu'une petite partie, et dont l'assemblage régulier 
doit eufin nous mettre à portée d'interroger immédiatement la 
nature. 


kAoOg 


s 


Mrrlà midi. Æ20,00|à 
{| rolà midi. +17,75|à 5 Em. + 990|+17,75à9 s.......... 265;30 45 me ee 762,32|764,22| 1739 
Ê à midi. 21,10/à 54m, 6,00 +21,10|à 10 + m......767,26|a6s....,..... 766,16|767,10| 17,9. 
20,25 /à 5€ m.+ 8,50| 19,85 à gm.#.….....766,18[À 11 5...4..... 764,28|765,;72| 18,9 
.  +21,20/à 52 m.+ 9,75|4-20,50!à 7 1 m....... 763,7614,10 S... 2.0. 762,84|763,30| 18,9 
{|16/à midi. 23,404 52 m.+ 8,25/429,40|à 9m... ..... 762,20|à 9 $.........760,24|761,66| 19,4[M/ 
à 2 Es. Æ#24,00/à 52 m.+r1,75|+23,25 à 9 m........750,88|à 3s.......... 756,50|759,42| 20,0)Mh 


3olamidi. +16,10à 6m. + 9,25|+16,10/à95..........758,54là 6 m........ 755,88|757,94| 18,04 


1|Moyennes.+-18,41! +0,20|+:7,54| 759,71| 757,05|758,90| 17,30 


Nora. Nous continuerons toujours à exprimer la température au degré du thermomètre cen»} 
centièmes de millimètre. Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu'on k 
le thermomètre de correction. À la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre) 
conclus de l'ensemble des observations, d’où il sera aisé de déterminer la température moyenne 
conséquent, son élévation au-dessus du niveau de la mer, La tempé::ture des caves est également 


THERMOMÈTRE EXTÉRIEUR Û pr : a 
PIS LAC train BAROMETRE METRIQUE. 7 È 
RS CUS CC : ñ 
Maximum. | Minizmum. |a Min. Maximum. | Minrmun. a F2 
heures. o heures. mille es" mél, mil 
+12,75à9s. + 8,75|4r0,85|à 9 s.....,....748,12 Nes ace 738,40 Dee 16,7 
ASS. “Hir,10/à9s. + 6,25|+ 9,60[à 9s..........755,50|à 5 © m....... 750,12|752,50| 15,1 
3là midi. +13,50|à 54m. 2,75|+13,50là 9m....... :796,5olà 55 :s.. 4. 754,94 755,86 14, 
4là 105 mæ13,25|à 5 m.+ 5,00|+12,15|à 5 : m....... F3 00 ASE 748,50 751,22 14, 
à midi. +-14,25/à 5 &m.+ 5,75|+14,25|à 105......... 755,5o|à 5 m....…. 3 .754.02 755,40 14,9f 
Hi7,1oà 55m, 7,00 16,10! 9s....., ,,.760,12|à 5 1m... .756,96 759.60 15,9) 
—-20,25|à 10 s. +12,00|+18,75|à 10 s........ 760,08|à 51 m....... 758,92 759,5b| 15,9 
s.  +-20,65|à 54m. +14,25|+19,40|à midi... ..... 758; 10|à4105..:...... 767,60|758,10| 16,7 
A olà midi. +20,35|à5 2 oise +-29,35|à 9 m......... LEO ENTER 755,10|756,42| 17;4 
A|rolà 102 m+4+20,50|à 5 Em, 15,50 +717,50là gs.......... 79 KO] AS Mmes... 755,36|727,68| 16,1 


9S. +13,79|+29,00/à 9s.........,.750,74là 3 s.........758,50|758,75| 18,0 


S.. #29,00|à 5 4 m.—12,50 +23,00|à DS RUN T ES 760,46|à 4 3 m....... 759,28|760,04| 20,1 
à midi. +18,79[4 6m. +-13,75| 418,75 à 9 5,.,.......760,68jà 6 m......... 759,50|760,20| 19,2] 
+-18,50|4 6 m. +11,00|4-16,00|à 9 m......... 760,12|à 9 s..........750.52|750;72| 18,6[M 
+18,65/à 6m. + 9,75|+16,85|à 6 m......... 753,04 à 5118... 751,50|752,40| 17,9) 

+1880|à 6m. +10,75|4#18,40/à 94s........ 753,84|à 6 m.........751,60|752,60| 18,4 

7 25là9s. <r1,75|+15,50/à 10 35....... 755,20/16 m...... ...754,50|755,00| 17,6 
18,254 5 Em.+ 6,50|4-15,60|à 10 s...... ...758,golà5 5 m....... 754,60|753,56| 17,5] 
+19,00|à 6m. + 8,50|+18,50|à 10 s......... 763,80|à 6 m........760,24|762,08| 17,81M 
17,00|4 6m. <-11,00 415,60 là MINI LE ...765,10|à 6 m..... ....763,90|765,10| 17,1/" 
à1oEm4#16,15|29 s. 10,75 +15,85 à 9 s RERE TER 765,60|35s..........764,50|765,08| 17,41 
+17,60|à 6m. + 5,50|+17,40/à 9  m....... 765,20là 5s..... .....763,20|764,70| 17,4M 
+19,75/à 6 m. +13.25|+18,00jà 6 m........,.760,7o|à 9 s......... 753,64|758,28| 17,510 


RECAPITULATIO N. 

Millim. 
Plus grande élévation du mercure. .... 760°28 le 13 
Moindreélévation du mercure......... 736,40 le 7 


Plus grand degré de chaleur......... +25°00 le 18 , 
Moindre degré de chaleur........... +2,75 le 3 
Nombre de jours beaux...... + 19 
de couverts......... 11 
depluie....-...,.:.... 16 
deivent-s:# Fee 30 
delpelée-Rrererec-reese o 
de tonnerre........... I 
de brouillard.......... 20 
de neïige............ 100 


de BTÉIEEE EE -ECEECELEE I 


: 
L 
L: 
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L 


À L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS. 
SEPTEMBRE 1816. 
E ST RG FRE ERNTAS ED PR ANSRTLR LEL S TEZ: TELE AE rer TD RAR GRE ETAPE EEE SR EMRMEN ENCRES 


2e. POINTS VARIATIONS DE LATMOSPHERE. 
a VENTS. _ 
_ LUNAIRES. 
Didi LE MATIN. A MIipl. LE SOIR. 
1] 96 /O-N©. Pluie. Pluie continuelle. Couvert, pluie. 
»| 68 [S-O. que éclaircis , pl. | Pluie par intervalles. | Pluie par intervalles. 
3] 741$. uageux, brouillard.) dem. Nuageux, pl. à 5h, gr.|f 
4] 93| dem. qe éclaircis. [Pluie abondante. Pluie jusq. 5 h, b. ciel. | 4 
25} 71 |S-O. uages à l'horizon. Nuageux. Pluie fine. é 
6| 68 | Idem. P.L.à4b.31’s.| Brouillard ép., hum.| Très-nuageux. Couvert. 
1 7o | Idem. Pluie , brouillard. Couvert. Nuageux. 
7o |O. Lune apogée. | Pluie abondante. Quelques éclaircis. |Couvert. 
9] 79 |[S-O. Couvert, brouillard. [Gouvert, pluie à 9h.| Idem. 
10| 87 | Jdem. Nuageux. Pluie. I4,, pluie à 3h. 
11 0. Idem, pl. à9 h. Idem. Pluie. 
12 . Idem. Nuageux. Nuageux. Très-nuageux. 
13 Se | Beau ciel, brouillard.|  Z4em. Idem. 
4 S-E. D.Q.à5h36s.| Idem. Beau ciel. Beau ciel. 
5 E. Idem , léger br. Iaem Idem. 
16 Se eau ciel, léger br. Idem. Idem. 
Ë 1 S-E, Légers nuages, br. Idem. Idem. 
. Nuageux, lég. brouil.|Légers nuages. Nuageux, éclairs. 
N-E. Très-nuageux, br. |Couvert. Couvert. 
Idem. Très-nuageux. Trèsnuageux. Très-nuageux. 5 
E. N.L.à3h1’s.| Pluie, brouillard, Couvert. Très-couvert, brouill. | # 
S. Lune périgée. | Brouillard épais. Idem. Pluie depuis 8 h. É 
S-E. Pluie abondante. Pluie. [rès-nuageux. | 
S-0... : Nuageux, brouillard.| . Idem, tonnerre. * Idem. 
Idem. Idem. Nuageux. Nuageux. 
O. Couvert, brouill. ép.|Couvert. Tdem. 
N-O. Idem , léger br. Id. , pl. parinterv.| Idem. | 
S-0. P.Q.15h35m.| Nuageux, lég. brouil.| Très-nuageux. Pluie, | 
Idem: Pluie . \ég. brouillard.|Couvert. Pluie dans la nuit. | 
0. Quelques nuages. [Nuageux. Nuageux. | 
RECAPITULATION. É 
INR Oo tion sos eee MO 
NB LLDS Re 2 
DAS AT BREL 2 
Jours dontle vent a soufflé du SE CAE ANSE TE 2 
SO: eco docdt 10 
(Dhco:aéé d00a: 10 6 
0 AM RROEMMot I 
le 14° 129,091 


Therm. des caves À centigrades. 


le 16 12°,092 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 63""40 = 2 p. 4 lig. à dixième. 


) tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c'est-à-dire en millimètres et 
Ù ss généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 

et du thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le maximum et le minimum moyens, 
du mois et de l’année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoire de Paris, et pat 
exprimée en degrés centésimaux , afin de rendre ce Tableau uniforme, 


244 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


PRODROME 


D'unenouvelle Distribution systématique du Règne animal; 


Par M. H. DE BLAINVILLE. 


QuOIQUE Jje sois fort éloigné de regarder comme entièrement 
terminée, et encore beaucoup moins comme parfaite, cette nou- 
velle distribution de tonte la partie des corps organisés qu’on 
désigne communément sous le nom de règne animal, distri- 
bution commencée depuis fort long temps, età laquelle je travaille 
encore tous les jours, je ne crois pas moins utile, sinon pour 
les autres, au moins pour moi, à cause de certaines circons-: 
tances particulières qu'il seroit trop long et inutile d’ésumérer, 
de la publier en tableaux, c’est-à-dire sous la forme la plus con- 
cise possible, me réservant de la développer successivement dans 
autant de dissertations particulières. 

Avant tout, je dois déclarer que mon dessein n’a nullement 
été d’innover; mais ayant envisagé la Zoologie d’une manière 
générale, et pour un but particulier, l’enseignement de l’Ecole 
normale ;'et m’étant, pour ainsi dire, établi, à priori, une ima- 
nière propre de la considérer, j'ai suivi le plan que je m'étois 
proposé, sans m'occuper si d’autres zoologistes avoient pu arriver 
à la mème idée et au même résultat que moi. Je dois cependant 
faire l'observation préliminaire, que ‘À plupart des choses nou- 
velles, bonnes ou mauvaises, que je propose, ont été exposées, 
sans aucune restriction, dans les diflérens cours publics que j'ai 
faits depuis l’année 1810 à Paris. Au reste, dans le développement 
et le perfectionnement de cette méthode, je me propose, dans 
une histoire critique et impartiale de chaque partie de la Zoo- 
logie systématique, d'exposer franchement tout ce que d’autres 
ont établi avant moi, comme je l’ai déjà fait dans deux Mémoires 
lus à la Société Philomatique, l'un sur les animaux mollusques, 
et l’autre sur les animaux articulés. 

Je crois aussi devoir faire précéder cette classification générale 
de l'exposition sommaire des principes qui m'ont guidé dans ce 
travail, et de la marche que j'ai cru devoir adopter. 

J’ai 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 245 


J’ai commencé par étudier les corps organisés, et surtout les 
animaux, dans toutes les parties de leur organisation, sous le 
rapport spécial de la Physiologie générale. Cela m'a servi à ra- 
mener à un certain nombre de types principaux toutes les ano- 
malies que je pouvois rencontrer, et par conséquent à me rendre 
compte d’une foule de modifications qu’un appareil a pu éprouver 
dans la longue série des animaux, C’est sans contredit, de toute 
P'Anatomie comparée, la partie la plus difficile, mais aussi la 
pe féconde en résultats curieux, et peut-être même celle à 
aquelle le nom d’Ænratomie comparée doit être réservé. 


Je me suis ensuite occupé de grouper les animaux = de 
cette seule considération, c’est-à-dire d’après Pensemble de leur 
organisation , en les considérant comme formant des types 
pouvant offrir certaines anomalies pour un but déterminé, sans 
m'occuper en aucune manière de la facilité de l’instruction, ou 
de les disposer dans un ordre systématique. Mais ces groupes 
naturels une fois formés, j'ai dû chercher à établir cette dis- 
position systématique , et pour cela j'ai, pour ainsi dire, essayé 
successivement chacun des organes ou appareils, et lorsqu'il a 
été possible de convertir le groupement en système, j'ai choisi 
celui qui, en même temps qu’il rompoit le moins de rapports 
naturels, étoit aussi le plus aisément traduit à l'extérieur, quand 
par hasard il ne s’y trouvoit pas. 

J’aurois bien desiré, de plus, établir une nomenclature entiè- 
rement rationnelle, que je crois réellement possible en Zoologie 
lus que dans toute autre partie des sciences naturelles ; mais 
a crainte bien fondée qu’elle ne fût pas adoptée, m’a fait, sinon 
Lente Ho au moins ajourner ce projet à une époque plus 
reculée. 


C’est ainsi, comme on pourra le voir, que je suis arrivé à 
mettre en première ligne la disposition des différentes parties, 
ou la forme générale des animaux, ce qui se frouve concorder 
avec celle du système nerveux quand il existe; 

Puis l'organe qui soutient cette forme, ou la peau et ses annexes; 

Après cela les appendices qui s’y ajoutent et s’y développent; 

Enfin, les différentes modifications et combinaisons de ces 
modifications des appendices, c’est-à-dire des organes des sen- 
sations, de la locomotion, dans ses différentes espèces, de la 
mastication, et jusqu'à un certain point , de la respiration; 

En sorte que toutes les principales subdivisions que je propose, 
et les seules que je regarde comme tout-à-fait bonnes dans mon 


Tome LXXXIII. OCTOBRE an 1816, Ji 


246 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


système, sont entièrement établies sur les organes de la vie 
animale ; aussi n'est-il plus question dans ce Prodrome, de cir- 
culation, de cœur à un ou deux ventricules, de sang chaud ou 
froid, rouge ou blanc, de respiration aérienne ou aquatique , 
double ou simple, caractères qui, outre qu’ils ne sont pas per- 
ceptibles par eux-mêmes sans anatomie, sont à peine traduc- 
tibles, et sont beaucoup moins importans, c’est-à-dire offrent 
des caractères zoologiques d’une beaucoup moins grande valeur 
qu'on ne le pense communément. 

Comme il eût été beaucoup trop long pour le but que j'ai 
en ce moment, de donner les caractères des subdivisions que je 
propose , et encore plus des raisons que j'ai eues de les établir, 
je me suis borné à ajouter en notes ce que j'ai cru de plus es- 
sentiel, en me laissant, pour ainsi dire, guider par la place. 


TABLEAU ANALYTIQUE 


Des Subdivisions primaires ( Sous-Règne), secondaires (Type), 
tertiaires (Sous-Type), guartenaires (Classe) de tout le règne 
animal. 


ANIMAUX. 
Sous-règne I. Pairs, ou ARTIOMORPHES, 
Type I. Vertébrés, ou Osréozoaires. 
Sous-type I. Vivipares, ou Mastozoaires. 
Classe I. Pilifères, les Mammifères. 
Sous-type IT. Ovipares, ou Æmastozoaires. 
Pourvus de plumes. 
Classe II. Pennifères, les Oiseaux. 
— d’écailles. 
ClasselIl. Squamrmifères , les Reptiles. 
— d’une peau nue. 
Classe IV. Nudipellifères, les Amphibiens. 
— de branchies. à 
Classe V. Branchifères, les Poissons. 
Type IT. Invertébrés, ou Æuostéozoaïres. 
Sous-type I. Non articulés; Mollusques, ou Malaco- 
zoaires. 
Tête distincte. 
Classe VI. Céphalophores. 
— nulle. 


CL VII ÆAcéphalophores. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 247 


ho IT. Sub-articulés, ou sub-Entomozoaires. 
ClasseVIIT. Polyplaxiphores. 
—-— IX. Cirrhipodes. 
Sous-type III. Articulés, ou Entomozoaires. 
Appendices au nombre de 6. 
CI. X. Héxapodes. 
— au nombre de 8. 
CI. XI. Octopodes. 
— au nombre de ro. 
CI. XII. Décapodes. 
— en nombre variable. 
CI. XIII. Héréropodes. 
— au nombre de r4. 
CI XIV. Tétradécapodes. 
— en nombre égal à celui des articulations. 
CL XV. Myriapodes. 
— non articulés. 
CI. XVI. Trichopodes. 
— nuls. 
CI. XVII. 4podes. 
Sous-règne IT. Rayonnés, ou ACTINOMORPHES. 
Sous-type I. Sub-articulés. 
CI. XVIII. ÆAnnelidaires. 
_ Sous-typell. Vrais. 
CI. XIX. Æchinodermaires. 
— XX. Arachnodermaires. 
— XXI. Actiniaires. 
— XXII. Polypiaires. 
— XXIII. Zoophytaires. 
Sous-règne III. Sans forme régulière, où HÉTÉROMORPHES. 
CI. XXIV. Spongiaires. 
— XXV. Agastraires. 


Nota. Voyez, pour le développement de chacune de ces vingt- 
cinq classes, les Tableaux suivans. 


TABLEAU offrant une disposition systématique de fous les 
Corps naturels considérés sous les rapports de leur forme 
ct de leur structure. 


CORPS. 
Empire I. Organisés. 
Règne I. Animaux. 
Ii 


[9] 


248 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
Sous-règne I. Vrais. 
Type I. Pairs, ou Ærtiomorphes. 
Sous-type [. Articulés, ou Entomozoaires. 
Internes, ou Ostéozoaires. 
Externes, ou Ænrostéozoaires. 
Sous-type IT. Sub-articul., ou Malacentomozoaires. 
Sous-type IT. Non-articulés, ou Malacozoaires. 
ÆAcéphalophores. 
Céphalophores. 
Type 11. Rayonnés, ou Æctinomorphes. 
Sous-règne II. Douteux, ou Hétéromorphes. 


Règne IT. Végétaux. 
Sous-règne I. Douteux. 
Sous règne II. Vrais. 

Empire II. Inorganisés. 


Observation. Il est aisé de voir que ce Tableau, auquel je 
suis arrivé par des considérations particulières, dispose les ani- 
maux à peu près dans l’ordre établi par Linné; c’est-à-dire que 
les insectes y sont avant les mollusques, etc. Sans prétendre ici 
décider le rang que doivent occuper les premiers, je puis an- 
noncer qu'il y a beaucoup plus de rapports qu’on ne pense com- 
munément entre eux et les animaux vertébrés, comme je me 
propose de le montrer dans un travail que je prépare sur une 
nouvelle manière d’envisager le système nérveux et ses enveloppes. 
J’essayerai de montrer que la tête, dans les animaux vertébrés, 
est composée, 1° d’une suite d’articulations ou de vertèbres 
soudées, chacune développée proportionnellement au système 
nerveux particulier qu’elle renferme, comme dans le reste de la 
colonne vertébrale ; 20 d'autant d’appendices pairs qu’il y a de 
ces fausses vertèbres, et pouvant avoir des usages différens; l’un 
d'eux est de servir à la mastication ou à la préhension buccale 
comme dans les insectes. Quant à l'observation que dans les 
animaux vertébrés seulement, les mâchoires se meuvent de bas 
en haut, elle est tout-à-fait erronée, puisqu’il y a plusieurs mol- 
lusques où elles n’agissent pas autrement, et que d’ailleurs dans 
les insectes mêmes, ce qu'on nomme /a lèvre inférieure, n’a 
pas d’autres mouvemens. En outre, il est des animaux vertébrés 
chez lesquels les os maxillaires supérieurs ont un mouvement 
de latéralité considérable, comme dans plusieurs serpens et 
poissons. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 249 


J'ai compris dans ce Tableau tous les corps dits zaturels, 
afin de montrer que les deux règnes de l'empire organique ont 
pour ainsi dire un terme commun dans une de leurs parties, que 
J'ai nommée à cause de cela douteuse : ce sont cerlainement 
celles qui ont le plus besoin d'être étudiées. 


Une autre petite différence avec le Tableau précédent, consiste 
à considérer les animaux Hétéromorphes comme différant davan- 
tage des Æctinomorphes où Radiaires, que ceux-ci des animaux 
pairs ou Ærliomorphes; et.en effet je suis fort porté à croire, 
d’après des raisons anatomiques et physiologiques, qu'ils n’ont 
aucune espèce de système nerveux, tandis qu'il est fort probable 
qu’il existe constamment dans tous les animaux vrais ayant une 
forme déterminée et symétrique. 


L'un des plus grands défauts de cette disposition systématique 
des animaux, est sans doute la place qu’on est pour ainsi dire 
obligé de donner aux mollusques du genre Sèche, ete., qui sont 
des animaux fort remarquables par leurs qualités animal s ; ce- 
pendant on devra faire la réflexion que la disposition presque 
radiaire et les usages de leurs tentæcules, peuvent offrir quelques 
rapprochemens avec les polypes, etc. 


Le défaut d'espace ne m’ayant pas permis de joindre au Ta- 
bleau des animaux mammifères, les notes explicatives dont il 
auroit besoin, je me borne à dire ici que leur disposition est 
tout-à-fait par groupes ou familles naturelles, en considérant 
l’ensemble de l’organisation, surtout le système nerveux encé- 
phalique, et les os qui l’enveloppent principalement à sa base, 
et en regardant comme des anomalies les modifications que 
quelques animaux de certains groupes ont éprouvées dans Îles 
organes de la locomotion et des sensations. Je crois cependant 
devoir donner l'indication d’un nouvean genre d'animaux di- 
delphes, que j'ai provisoirement nommé Phuascolarctos, en at- 
tendant que M. Geoffroy , auquel j'ai remis ma description et 
les figures qui l’'accompagnent, ait bien voulu revoir mon travail, 
et le rendre digne, par sa coopération, d’entrer dans son grand 
ouvrage sur les animaux Marsupiaux. Intermédiaire aux genres 
Phalanger, Kanguroo et Phascolome, ses caractères principaux 
sont : 6 incisives supérieures, les deux intermédiaires beaucoup plus 
longues ; deux inférieures, comme dans les Kanguroos; quatre 
intermédiaires petites, en haut, deux en bas; quatre molaires 
à quatre tubercules de chaque côté des deux mâchoires ; cinq 


250 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


doigts en avant séparés en deux paquets opposables, l'intérieur 
de deux; cinq en arrière, le pouce très-gros, opposable, sans 
ongle; les deux suivans plus petits et réunis jusqu'à l’ongle; la 
queue extrêmement courte. De la grosseur d’un chien médiocre, 
cet animal a le poil long, touflu, grossier, brun-chocolat; 1l 
a le port et la démarche d’un petit ours; il grimpe aux arbres 
avec beaucoup de facilité : on le nomme Co/ak où Koala dans 
le voisinage de la rivière Vapaum, dans la Nouvelle-Hollande. 


CL. I. LES MAMMIFÈRES, Pilifères, ou Mastozoaires. 
Mastozoologie, ou Mastologie. 
ï Mastologistes. 
MAMMIFERES. 
Sous-classe 1. Monodelphes. 
Ier degré d'organisation, ou Ordre. Quadrumanes? 
Normaux. 
Singes du continent ancien, 
Pitheci, les Singes. 
—— du continent nouveau, 
Pitheciæ , les Sapajous. 
Makis. Pithécoïdes , 
Les Makis. 
Les Zoris. 
- L’Aye-Aye. 
AnoMmaux. 
Pour le vol, 
Galéopithèques. 
Pour grimper, 
Tardigrades. 
Ile degré d'organisation , ou Ordre. Les Carnassiers? 
Normaux. 
Plantigrades, Omnivores. 
Digitigrades, Carnivores. 
TInsectivores. 
Anomaux. 
Pour voler, 
Les Cheiropières. 
Pour fouir, 
Les Taupes. 
Pour nager, 
Les Phoques. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 25r 
IIIe degré d'organisation , ou Ordre. Les Edentes ? 
Normaux. 
Edentés. 
Anomaux. 
Pour nager, 
Cétacés ? 
IVe degré d'organisation, ou Ordre. Les Rongeurs? ou 
Célérigrades 
Grimpeurs. 
Fouisseurs. 
Coureurs. 
Marcheurs. 
Ve degré d'organisation, ou Ordre. Les Gravigrades. 
Eléphans. 
VIe degré d'organisation, ou Ordre, Les Orgulogrades. 
Normaux. 
Doigts impairs, 
Pachidermes. 
Solipèdes. 
— pairs, 
Brutes, ou non Ruminans. 
Ruminans. 
_AnOMmauT. 
Pour nager, 
Les Lamantins. 


Sous-Classe IT. Didelphes. 
Normaux. 
Carnassiers. 
Rongeurs. 
An0maux. 
Pour fouir, 
L’Echidné. 
Pour nager, 
L’Ornithorinque. 


I] se pourroit que les Cétacés dussent former un degré d'or- 
ganisation séparé. 

On devra peut-être faire des Echidnés, etc., une sous-classe 
distincte. 


252 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CMIMIE 

CL. II. LES OISEAUX, Pennifères, Ornithozoaires. 
Ornithologie. 
Ornithologistes. 


OISEAUX à membres abdominaux. 
Médiocres. 
Pieds non marcheurs, ou Anomaux, 
Les doigts, 
Préhenseurs, c’est-à-dire 2 en avant, 2 en arrière pou- 
vant être opposés et former la pince. 
Ord. I. Prehensores (1), ou Perroquets. 
Ravisseurs, c’est-à-dire forts, au nombre de 4, 3 en 
avant, 1 en arrière, armés d'ongles longs, courbes, 
flexibles, pointus, formant la serre. 
Ord. Il. Raptatores, ou Oiseaux de proie. 
S.-Ord. I. Diurnes (2). 
S.-Ord. II. Nocturnes. 
Grimpeurs, ou disposés en général pour grimper, mais 
d'une manière variée. 
Ord. III. Scansores, ou Grimpeurs (3). 
Doigt externe versatile. 
S.-Ord. I. Hétérodactiles. 
— postérieur. 
S.-Ord. IT. Zygodactyles. 
— réuni. 
S.-Ord.IIT. Sirdactyles. 
—— marcheurs, ou Normaux, 3 en avant, 1 en arrière, 
Le doigt externe libre. 
Ord. IV. Saltatores (4), ou Passereaux. 
S.-Ord. I. ÆAnomaux. 
S.-Ord. II. Normaux. 
——— demi-palmé, 
Les ailes très-longues. 
Ord. V. Giratores, ou les Pigeons. 
———— Courtes. 
Ord. VI. Gradatores, ou Gallinacées, 
À queue courte. 
S.-Ord. I. Brevicaudes. 
longue. 
S.-Ord. IT. Zongicaudes. 


EE) 
(1) Voyez les ngtes à la fin de ce Mémoire. 


Pieds 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 253 
Pieds fort longs; une partie de la jambe nue. 
Les ailes presque inutiles. 
Ord. VII. Cursores, ou les Autruches. 
— très-longues. 
Ord.VIII. Grallatores (5), ou Echassiers. 
S.-Ord. 1. Gallinogralles. 
S.-Ord. IT. Coureurs. 
S.-Ord.III. oleurs. 
S.-Ord. IV. Plongeurs. 
—— iréscourts, les doigts réunis par une membrane. 
Ord. IX. Natatores, où Palmipèdes. 
S.-Ord. I. Coureurs. 
S.-Ord. II. 4 Narines tubuleuses. 
S.-Ord.IIT. 4 Narines cachées. 
S.-Ord. IV. Plongeurs. 


La base de cette classification est réellement la forme du 
sternum et de ses annexes, c’est-à-dire de la clavicule (os fur- 
culaire) et de l’iskion antérieur (clavicule), comme je l’ai fait 
voir dans un Mémoire lu à l’Institut le 6 décembre 1812. Mais 
comme cet appareil est toutà-fait intérieur, et ne peut être traduit 
à l'extérieur par quelque organe qui en dépende, j'ai été obligé 
d’avoir recours à la proportion des membres et à la disposition 
des doigts, comme la plupart des ornithologistes. 


CL. IT et IV. REPTILES. Héréro ou Erpétozoaires. Squam- 
mif ères et Nudipellifères. 
ÆErpétozoologie. Erpétologie. 
Erpétologistes. 
REPTILES. : 
S.-CI. I. Ornithoïdes (6), Écailleux, ou IIIe CI., Syuammifères. 
Ord. I. Cheloniens, ou Tortues (7). 
—— Il. Emydo-Sauriens, ou Crocodiles (8). 
—— III. Bispeniens (9). 
S.-Ord. I. Szuriens (10). 
Geckoïdes. 
ÆAgamoiïdes. 
Tguanoïdes. 
Tupinambis. 
Lacertoïdes. 
Tétrapodes. 
Dipodes. 
ÆApodes. 


Tome LXXXIII. OCTOBRE an 1816. Kk 


254 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


S.-Ord. IT. Ophydiens. 
Dipodes. 
Bimanes. 
ÆApodes , ou Serpens. 
Innocens, 
Terrestres, 
ÆAmphisbænes. 
Grimpeurs. 
Couleuvres. 
Aquatiques, 
Pélarmnides. 
Vénéneux, 
Aquatiques, 
Hydrophides. 
Terrestres, 
V'ipères. 
Léthifères. 
Sous-Cl. II. Icthyoïdes, Nus, ou 4° Classe, Nudipellifères. 
Ord. I, PBarraciens, ou Grenouilles. 
S.-Ord. I. Dorsipares. 
IT. ÆAguipares. 
Ord. II. Pseudo-Sauriens, ou Salamandres. … 
—— TITI. Amphibiens, ou les Protées et les Sirènes(rr). 
IV. Pseudophidiens , ou Cœcilies (12). 


Le travail dont ce Tableau est l'extrait, est commencé et à 
peu près fini depuis long-temps; il a été exposé en entier dans 
mon Cours de 1812, à la Faculté des Sciences. Ses bases sont 
anatomiques et surtout tirées de la considération du crâne. 


CL. V. POISSONS. Zcthyozoaires ou Branchifères. 
Icthyologte. 
Tcthyologistes. 
POISSONS. 
Sous-Classe [. Dermodontes (13), ou Cartilagineux. 
Ord. I. Cyclostomes. 
O. II. Sélaques (14). 
O. TITI. Esturgeons. 
O. IV. Polyodontes. 
Sous-Classe IT. Gzathodontes, ou Osseux. 
Tribu I. Crustodermes (15), ou Branchiostèges. 
Tribu IL. Sguammodermes, ou Poissons proprement dits, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


Or. I (16). Tétrapodes. 

Sous-O. T. Zédominaux (17). 

Sous-O. IF. Szb-Thoraciques (18). 
III, Thoraciques. 

—— IV. Jugulaires. 
Or. II. Dipodes. 
— III. Æ4podes. 

Je me suis spécialement et depuis fort long-temps, occupé de 
cette classe d'animaux vertébrés; j'ai commencé, comme pour 
toutes les autres, par chercher l'explication de plusieurs ano- 
malies qu’elle présente; ainsi je crois avoir fait voir dans un 
Mémoire lu à la Société Philomatique, que l’opercule n’est autre 
chose qu’un démembrement et un nouvel emploi d’une partie 
de la mâchoire inférieure. 


CL. VI et VII. MOLLUSQUES, ou Malacozoaires. 
Malacologie. 
Malacologistes. 


bb 
Cr 
C3 


MOLLUSQUES. 
Classe I. Céphalophores ; Organes de larespirat. et Coquille 
Symétriques. 
Ord. 1. Cryptodibranches. 
II. Piérodibranches (19). 
.—— III Polybranches (29), 
—— IV. Cyclobranches. 
——  V. Inférobranches. 
—— VI. Nucléobranches. 
VII. Cervicobranches. 
Non Symétriques. 
VIII. Chismobranches. 
—— IX. Pulmobranches (21). 
——  X. Syphonobranches. 
—— XI. Monopleurobranches. 
Classe II. Æcéphalophores. 
Ord. I. Palliobranches. 
—— Il. Zamellibranches. 
—— Il. Hétérobranches (22). 
Fixés, ou les Ascidiens. 
Simples. 
Agrégés. 
Libres, ou les Biphores. 
Simples. 
Agrégés. 


Kk a 


256 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


CL, VIII et IX. Malakentomozoaires, ou Molluscarticulés ; 
ou Sub-Entomozoaires. 


Classe I. Polyplaxiphores, ou les Oscabrions. 
Classe II. Cirripodes, ou les Anatifes. 


Observation. Les bases de cette nouvelle distribution des 
animaux mollusques ont été établies dans un Mémoire lu à la 
Société Philomatique, il y a près de deux ans, et il en a été 
publié un extrait dans le Bulletin des Sciences pour le mois 
de décembre 1814. 


CL. X—XVII. INSECTES ET VERS. Animaux articulés, 
ÆEntomozoaires. 
Entomozoologie, ou Entomologie. 
Entomologistes. 


ENTOMOZOATRES à anneaux du corps. 
Munis d’appendices articulés, ou de pieds en nombre plus 
petit que les anneaux. 
Classe I. 6 pieds (23). Hexapodes, ou Insectes. 
Sous-Cl. I. Téfrapières. 
Ord. Zépidoptères. 
—— Coléoptères. 
—— Orthoptères. 
—— Hémiptères. 
Névropières. 
—— Hyménoptères. 
Sous-Cl. II. Diptères. 
IIT. Aptères. 
CI. II. 8 pieds. Octopodes, ou Arachnides. 
— III 10 pieds. Décapodes, ou Crustacés. 
Sous-Cl. I. Acères (24). 
——— Il. Tétracères. 
Thoraciques. 
Brachyures. 
Macroures. 
Athoraciques. 
CI. IV. Pieds variables. Hétéropodes (25). 
Sous-Cl. I. 
Branchiopodes. 


Squillaires. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 297 


CI  V. 14 pieds. Tétradécapodes. 
Sous-Cl. I. Les Tétracères. 
Crevettines. 
ÆAselles. 
Cloportes. | 
II. Les Æpizoaires(26). 
Munis d’appendices articulés, ou de pieds en nombre égal aux 
anneaux du corps, 


CI VI. Myriapodes. 


Munis d’appendices non articulés. 
CI. VII. Séripodes, ou Annelides. 


Sans appendices latéraux. 
CI. VIII. 4podes (27). 
Sous-Cl. I. Les Sangsues. 
Sous-Cl. II. Les Entozoaires (28). 


Dans cette nouvelle distribution des animaux articulés, qui 
fait le sujet d’un Mémoire communiqué à M. Latreille, le 19 
juin 1815, et lu à la Société Philomatique le 24 du même mois, 
on voit que le principe a été de ne tirer les caractères que 
des organes de la locomotion, ou mieux, de la combinaison des 
différentes espèces d’appendices dont peut être accompagné chaque 
anneau du corps. 


CL. XVIII— XXII. RADIAIRES ET INFUSOIRES, ou 
ÆActinozoaires et Hétérozoaires. 


Sous-Règne II (29). Actinomorphes. 
Actinologie. 
ÆActinologistes. 
Douteux (30). FRE 
Sangsues. 
ÆEntozoaires. 
Ænnelidaires. 
Vrais. 
Classe I. Echinodermaires. 
Ord. i. Cylindroïdes 
Cycloïdes. 
Szellérides. 
CI. IT. Æracnodermatres, ou les Méduses. 
— III. Actiniaires. | 


250 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
Classe IV. Polypiaires. 
Simples. | 

Agrégés. à Le 
Millépores. FÉES 
Madrépores. ‘ : 
Rétépores, ou Eschares. 
Cellépores, ou Cellaires. :: 7 

CI, V. Zoophytaires ,ou Polypes vraiment composés (31). 
Tubulaires. “% ‘ 
Pennatulaires. 
Corallaires. 


CL. XXIV et XXV. 


Sous-Règne III (32). Hétéromorphes, ou Agastrozoaires. 
Hétérozoologie. . 
Hétérozoologistes. 
CL TI. Spongiaires. 
— Il A4gastraires, ou Infusoires (33). 
Coratlinaires (34). CL 


NOTES, 


(1) La forme du sternum , etc., confirme la séparation de cet 
ordre, ce que demandoient tout le reste de l’organisation et les 
Yabitudes de ces animaux. .. 


(2) Cette séparation des oiseaux de proie, en deux sections, 
est en rapport avec des différences notables dans la forme du 
sternum. Cette considération confirme la place du Secrétaire. 

(3) Cet ordre, quoiqu’un peu plus naturel qu’on ne l’avoit 
établi, parce qu’il renferme presque tous les’oiseaux à doigts 
anomaux, à pour caractère commun deux échancrures, plus ou 
moins protnuess au bord postérieur du sternum, etc. (le Coucou 
excepté), mais sans qu’il y ait d’autres rapprochemens à faire; 
ainsi je n'ai pas observé qu'une disposition proies des doigts 
se trouvât en rapport avec une du stérnum. En outre, le Rollier, 
qui a les doigts parfaitement normaux, a cependant deux échan- 
crures , ce qui le rapproche des Trogons avec lesquels les Rolles 
ont évidemment beaucoup dé rapports. Le nom de Grimpeurs 
est évidemment mauvais. 


(4) En se laissant entièrement guider par la considération du 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 259 


sternum, on seroit obligé de mettre ici le Coucou, qui n’a qu’une 
échancrure ;, et d’en retirer les Rolliers, qui en ont deux. Dans 
la première section, sont placés les Engoulevents, Martinets, 
Corbeaux, Caloo, Huppe, etc., ‘et dans la deuxième, tous les 
véritables Passereaux de Linné. La plus grande anomalie est 


que l’Hirondelle a le sternum de la deuxième section, et que 
le Martinet en différe beaucoup. 


(5) L'établissement des quatre sections de cet ordre, ainsi 
que du suivant, est fait d’après une forme particulière du ster- 
num, elc. 

(6) Les noms d’Ornithoïdes et d’Icthyoïdes employés dans 
le cas où les reptiles seroient considérés comme une seule classe, 
indiquent que les premiers sont formés d’après leplan des o1- 
seaux , et les seconds d’après celui des poissons, 

(7) Dans cet ordre je fais un geure distinct de la Tortue à 
cuir, sous le nom de Dermochelys: Ses principaux éaractères 
sont tirés, 1° de lanature de la peau, 20 du squelétte, dont les 
côtes ne sont pas soudées entre eiles ni réuniés au sternüm où 
plastron presque entièrement membraneux, par des pièces mar- 


ginales.. : 


(8) J’ai cru devoir établir cet ordre qui, d’après l'ensemble 
de son organisation, est intermédiaire aux Cheloniens et spé- 


cialement aux Trionyx, qui pourroient bien avoir de véritables 
dents, etaux Sauriens. 


(9) D’après l’inatomie détaillée de la plupart des genres de 
cet ordre; je suis convaincu qu'il est impossible dé séparer net- 
tement les Sauriens des Ophydiens, puisqu’en effet 1l y a de 
véritables serpens qui ont des pattes, comme lé Binane, et 
de vrais lézards qui n’en ont pas, comme les Oruets ;'aussi je 
n’enfais plus qu’un seul ordre ,-queje désigne par un nom qui 
indique la singulière disposition de l'organe excitateur mâle, dont 
les deux parties paires ne sont pas réunies. 15 

(ro) Dans. .ce sous-ordre. j'ai distingué quelques nouvéaux 
genres, et entre autres celui du .Monitor intermédiaire aux Tu- 
pinambiset aux Dragones, et dont voïci les caractères principaux : 

Monitor (Sauve-garde ). Tête assez étroite, tétraèdre, couverte 
de plaques; narines rondes et terminales; tympan large et su- 
perficiel; langue extensible, profondément bifurquée ; dents 
inégales , nombreuses , appliquées, les postérieures quelquefois 
très-grosses, mousses; des incisives distinctes ; ‘point de pala- 


260 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tines ; corps allongé, étroit, couvert en dessus de petites écailles 
presque verticillées, et de petites plaques en dessous; des pores fé- 
moraux ; la queue fort longue, conique, couverte de plaques paral- 
lélogramiques, verticillées. Espèces ? 1° Meriani, 2° Brasiliensis , 
3° Maculatus, 4° Variegatus, 59 Peronii. 

(x1) Get ordre devra sans doute étre supprimé et réuni au 
précédent; car il est probable que les animaux qu’il renferme 
ne conservent pas toujours leurs branchies, 


(12) J'ai depuis long-tempsétabli dans un Mémoire particulier la 
nécessité de considérer la Cæcilie comme appartenant à cette 
classe ; en effet, outre la nudité de la peau, FE ticulation de la 
tête par un double condyle, celle des vertèbres presque comme 
dans les poissons, l’absence de véritables côtes, ce qui fait Fe 
sumer un mode de respiration analogue à celui qui a lieu dans 
tous les Nudipellifères; la forme et la position terminale de 
l'anus, qui indique qu'il ne peut yavoir un organe excitateur 
mâle comme dans les véritables serpens, etc., le cœur n’est 
composé que d’un seul ventricule et d’une seule oreillette, et 
1l ya une vessie profondément bifide comme dans les Batraciens. 

(13) Le caractère que j’emploie pour séparer les poissons en 
deux grandes sous-classes, et qui consiste dans le mode d’im- 
plantation des dents, n’a été, si je ne me trompe, indiqué par 
aucun zoologiste. \ 

(14) Cet ordre fort distinct avoit déjà été indiqué sous ce 
nom par Aristote et par tous les anciens naturalistes, M. Prevost 
et moi en avons fait depuis long-temps le sujet. d'une mono- 


15 


graphie avec figures, pour laquelle nous avons visité les prin- 


cipales collections d'Europe. Nous croyons devoir en présenter 
ici l'analyse. IMMO à 
Selaca (_Arist.) Car. Pise. cum dentibus cutanets, et P. F. 
J  anum arñbientibus, 


Sous-O,. I. “Car. Aperturis branchialibus pluribus. 
‘€. Gen. aut Fam, Car. pert: branch. inf.; Corpore cum P. P. 
RAIA. depresso., laio ; Capite plès minüsve inter 


prolongationem ant. P. P. incluso; Oculis 
sæpis superis ; Caudé plès minüsve dis- 
tinctä; P. A. semper nulld. 

19. Dasybatus. Car: Gorpore depresso expansione P. P. latissi- 


aut mo, rhombeo; Capite plüsminüsve rostrato 
R. Communes. inter prolongationemant.P.P. inclusoautnon 
Lbero; 


1 ET D'HISTOIRE NATURELLE, 26€ 
| libero;Oculissup.; Dent. parvis, labialibus; 
P.V. bilobatis, lobo ant. breviore crassiore, 
1° radio polliciformi; P. Sup. vulgd Dors. 
2—3 ad partem post. caudæ distinctæ, subde- 
pressæ, marginatæ, extremitate impeénnis. 
mucronatis. Communis. Albus? 
Granulosus? Marocanus? Oxy- 
rhinchus, Rostratus; Rostella- 
tus? Marginatus; Rubus : Aspe- 
Spec. Dent. rus. Maculatus. 
obtusis. EBullonicus ; Asterias ; 
Panctatus; Rhomboïdalis ? Ra- 
dulus; Eglanterius? Asperrimus; 
Clavatus; Miraletus. 
20, Trygonobatus Car. Corp. cum P. P. ut in præced. sed sæpiüs 
aut orbiculari;: Capite: subrostrato non libero; 
BR. Pastinacæ. Dentibus labialibus minutis; P. P. postice 
10 …obfusis, P. V.parvas, rotundas,, integras pa- 
rüm tegentibus; P. S. nulla rard unica in 
£ caudàâ verèdistinetä, gracilr, aculeo serrato 
armatä, aliquando subtüs alatâ, extremi- 
tate impenni, 
non alata, Vulgaris; Oxydontus; 
ï Aftavelus; Microurusaut Trans- 
raigiCly O1Ÿ) : À: versus; Campauiformis; Rus- 
ü5! x sellanus, Sindtachus; Orbicu- 
\20 fi Lea d lanis. > 
: 10lorIG , en PES atA no alata, Sephen; Longicaudatus ; 
q E Tuberculatus, Dorsatus, Imbri- 
, ET 5 catus; Eymnus; Asperus ; Com- 
4 K $19 mersonu ; Maculatus : Plumieri. 


pinata : Pinnatus. 
39.:Æéëlobatus Car Corp: cum P. P. aquilæ formi; Capite 
ie auti}t *:2crassonon rostrato, appendice simplici an- 
-R. Aquilæ. Zicèinstrueto; Qculis lateralibus ; Dentibus 
latisylævibus, polygonis, coalitis, palatinis; 
P.P.acutis, margine antico convexo, pos- 
tico concavo; P. V. ut in præcedente; P.S. 
unmica ad radicem caud. $æpè longissimæ, 
flageliformis, aculeo serrato armatæ, extre- 
mitate impennis. 
Spec. Vulgaris ; Obtusus: Flagellum ; Lobatus; 
Tome LXXXIII OCTOBRE an 1816. LI 


262 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


4°. Dicerobatus 
aut 
KR. Cornutæ. 


50, ZLeiobatus 
aut 


f. Laœves. 


6°. Narcobatus 
aut 


R. Torpedines. 


7e. Rhinobatus 
aut 


R. Squali. 


80. Pristobatus 
aut 
R. Serratæ. 


Sinensis; Nichofii; Filicaudatus; Hamatus> 
Ocellatus, Narinari, Forsteri. 

Car. Corp. cum P, P. ut in præcedente : Capite 
lato, depresso, non rostrato , appendicibus2 
cornuformibus anticè instructo; Oculis la- 
teralibus; Dentibus lævibus, polygonis , mi- 
nutissimis, labialibus; cæter. ut in præce- 
dente. 

Spec. Mobular, Fabronianus, Giornanus, Mas- 
sena ? Banksianus, Fimbriatus; Brevicau- 
datus. 

Car. Corp. cum P. P. orbiculari : Capite 
non libero, subrostrato; P. V, sat. magnis, 
integris, a P. P. mediocribus separatis; P. 
S. nullâ; Caudä subcrassâ, brevi, aculeo 
serrato armatà , P. C. ambiente terminatä. 

Spec. Cruciatus ; Sloani; Britannicus. 

Car. Corp. cum P. P. orbiculari, anticè sub- 
emarginato, ad latera sæpiùs crasso ; Capite 
non libero, non rostrato; P.S. à aut 1 in 
caud. crassâ, brevi, P.C. obliquâ ,ambiente, 
terminatä. 

Spec. Unicolor ; Maculatus ; Unimaculatus ; 
Variegatus; Galvani; Guttatus; Bicolor ; 
Timlei; Sinensis, Gronovianus; Dipterygius. 

Car. Corp. cum caudâ oblongo, anticè de- 
pre posticè conico, Capite in rostrum 

iberum , plus minüsve acutum, prolongato; 
Dentibus minutis, obtusis; P. P. sub-latis à 
P.V. integris sub-magnis separatis; P. S. 2. 
in caudâà à corpore vix distinctâ, P. C. obli- 
quà ambiente terminatä. 
integra. Columnæ aut Vulgaris; 
Electricus; Granulatus; Russel- 
lianus ; Coromandelicus ; Fas- 
Spec.P.CX itus? 
bifurcata. Djiddensis; Lævis; Læ- 
vissimus; Anchylostomus. 

Car. Corpore cum caudâ ut in secundâ Div. 
præced.; Capitis rostro verè prolongato et 
utrinque dentato, 

Spéc.Antiquorum; Dubius; Guspidatus, Ermar- 


” 'R 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 263 
ginalus; Microdon; Pectinatus : Semisagit- 
talus ; Granulosus, Cirrhatus. 
IT. Genus aut Fam. _ar. Æ4p. branch. sub lateralibus ; Corpore 
SQUATINA. depresso ; Capite lato, libero; Ore termi- 
nali; Dent. acutis; P. P. mediocribus ad 
radicem ant.emarginatis ; P.W, latis verè 
déstantibus; P. $S. 2 in caudé non dis- 
tincté, P.C.ambiente oblig. terminäta. 


En Opec Angelns 
III. Genus aut Fam. Car. Apert.branch. lateralibus; Corpore cum 
SQUALUS. caudé non distincté, conico, P. A. sœpits 
—  énstructo.Capitelibero; Oculis lateralibus. 
10. Scyliorhinus. Car. Dent. acutis trifurcatis; Inspiraculis; P. 
S. 2 in caudâ vere longâ,infernè marginatä, 
extremitate pinnatâ ; Colore vario. 
longä, et cæt. Caniculus ; Delaro- 
chianus; Isabellus; Maculatus; 
Myops; Breviculus; Cirrbatus, 
Punctatus, Punctulatus; Africa. 
nus; Fasciatus; Waddii ? 
ongissima, et cæt. Ocellatus; 
Russellianus, Unicolor, Varie- 
gatus; Tuberculatus, Dentatus, 
Lambarda ; Indicus; Tigrinus; 
Barbatus. 
20. Echinorhinus. Car. Dentibus pectinatis; Insp.; P, S. 2 in 
Caudä; P. A. null : C. falciformis ? 
Spec. Spinosus. 
3°, Monopterhinus. Car. Dent. variis : Ge nullis. P. S. unicâ in 
caudâ aut in dorso; P. A.; Caudä bifurcatä, 
lobo sup. multüm longiore. 
Spec.Colombinus; Griseus ; Cinereus; Ciliaris? 
4. Galeorhinus. Car. Dent.var.; Insp. parvis; P.S.2,12in dorso, 
2% parva; Cauda lata, bifurcata , lobo sup. 
brevi : Cute sublævi. 
Spec.Mustelus; Galeus; Hinnulus; Rondeletii ; 
Ferox ? Platyrhinchus. 
5°.Acanthorhinus.Car.Dent.var.; Insp. magnis; P.S. 2, 12 in dorso, 
24 magna; P. A. nulla; C.lata, bifurcata, 
lobo sup. brevi. Cute asperrima. 
$pec. Acanthias ; Ferdinandinus; Assierii; 
Spinax : Norwegianus; De aut Ni- 
2 


Spec.Caud.4, 


264 JOURNAL/DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


censis; Microcephalus ; Centrina ; Squam- 
mosus; Granulosus ; Cepedianus; Blochia- 
nus, 
Co. Heterodontus: Car. Dent. heteroelitis; Insp. nullis; P. S. zut 
-inpræcedenti; P. A. magna; P. C. feréutin 
| \præced, 
Spec. Philippi. 
7°. Carcharhinus. Car. Dentibus magnis, triangularibus, sæpius 
serratis; Insp. nullis; P.S. 2, 1* dorsali; P. 
A. parva : fossulâ semilunari ad radicem 
sap. et inf.; P.C. bilobatæ, lobo sup. mul- 
th longiore et pinnâ speciali terminato. 
Spec. Gommersonÿ; Lamia; Lividus; Ustus; 
Heterodon; Verus ; Broussonetn ; Glaucus; 
Cæruleus ; Megalops ; Heterobranchialis ; 
Cornubicus ; Monensis? Vulpes. 
8°. Cestrorhinus. Car. Dentibus et cæt. ut in præced.; Capite 
lato , transverso, cum corpore malleiformi. 
Spec. Zygæna; Tiburo; Caroliniensis ? Pictus. 
g°. Cetorhinus. Car. Corpore immenso ; Dentibus minutis, 
.conicis, non serratis; cæt. ut in Carch. 
Spec. Gunneri; Peregrinus ; Shavianus ; Ho- 
mianus ? 

(15) La division de la sous-classe des P. Gnathodontes est 
établie sur un caractère tout-à-fait extérieur, et par conséquent 
‘fort bon; mais il faut convenir que la peau de tous les Crus- 
todermes, quoïque anomale, n’est pas toujours absolument croû- 
teuse, et que les écailles dans la seconde tribu sont quelquefois 
très-pelites: 

(16) La subdivision que Jj'établis ici d’après l'existence et le 
nombre des membres, nouvelle jusqu'à un certain point, est 
facile et importante pour la valeur des termes. Je dois cependant 
avertir qu'il y.a des, poissons qui sont.apodes ou dipodes par 
une espèce d’avortement , et que ce-n'est pas d'eux qu'il est 
question .1c1. , 

(17) J'ai cru devoir commenter l’ordre des tétrapodes par 
ceux qui sont abdominaux, c'est-à-dire qui ont les nageoires 
pelviennes sous le ventre et suspendues dans les chairs, parce 
qu’il est évident que ce sont ceux qui sont les plus normaux. 


(18) Ge sous-ordre ; fort peu nombreux, contient des espèces 


ze 


RSR ET BEST RE 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 265 


de poissons qui semblent abdominaux dans la rigueur du terme, 


ou dans la définition de Linné ; mais qui nele sont réellement pas 
anatomiquement. 


(19) Guidé par l'opinion reçue, j'avois admiscomme certain 
dans mon Mémoire sur cet ordre (Bulletin des Sciences, mois 
de février 1816), que les organes de la respiration sont placés 
sur les nageoires de ces animaux, et j'en avois tiré la dénomi- 
nation qui les distingue. Depuis je me suis assuré, par l’ana- 
tomie détaillée du Clio et de l'Hyale, qu’il n’en est pas ainsi, 
et que ces nageoires ne sont pas des organes de respiration; 
ensorte qu'il faudra changer ce nom , et probablement la place 
que Jj'assigne ici à cet ordre. 

(20) Voyez, pour les animaux que je range dans cet ordre 
et le suivant, l'extrait de deux Mémoires inséré dans les Nos de 
mars , avril, Juin, juillet 1816, du Bulletin. 

(21) Cet ordre, établi sur la structure et l'usage de l'organe 
de la respiration, pourroit bien ne pas être naturel. 

(22) L'établissement de cet ordre, la séparation des familles 
et des genres qui le composent, ont été le sujet d’une Lecon 
spéciale à la Faculté des Sciences, en 1815, immédiatement 
après le Mémoire de MM. Lesueur et Desmarest sur l’organi- 
sation des Pyrosomes et des Botrylles, et par conséquent après 
leur découverte des Mollusques agrégés. 


(23) Dès l'année 1814, dans mon Cours à la Faculté des 


Sciences, j’ai annoncé comme résultat de recherches commen- 


cées, que dans cette classe, la bouche étoit réellement formée 
des mêmes parties, mais dans des degrés de développement dif- 
férens , suivant l’usage qu’elles devoient avoir. 

(24) Sous ce nom j'ai cru devoir placer ici le Crabe des Mol- 


lusques, que je regarde comme intermédiaire aux Décapodes et 
aux Octopodes. 


(25) Cette classe est sans doute mauvaise, puisqu'elle n’a pu 
être caractérisée d'une manière neite; aussi ne la regardé-je que 
comme provisoire : peut-être devra-t-elle contenir une partie des 
animaux que Muller a nommés £ntomostracés ; je crois déjà que 
l’'Apus doit être placé près des Branchiopodes, 

(26) Cette sous-classe, dont j'ai fait le sujet d’un travail par- 
ticulier, contiendra, outre les Lernées et plusieurs genresnouveaux 
que le docteur Leach et moi avons cru devoir établir , les Calyges, 


266 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Cyame, Chevrolle, etc., de manière à passer insensiblement 
aux Tétracères. 


(27) Dans cette dernière classe, quoique le corps offre encore 
une disposition paire et articulée dans les pores latéraux symé- 
triques qu’on trouve dans la Sangsue et dans plusieurs Vers in- 
testinaux, il faut cependant convenir que l'absence de toute es- 
pèce d’appendice et la disposition des organes de la bouche, 
indiquent une sorte de passage vers les Actinomorphes : aussi 
forment-ils un type intermédiaire. 


(28) Sous le nom d’Entozoaires, qui est évidemment mauvais, 
puisqu'il est tiré d’une circonstance non inhérente à l'objet, et 
qu’en outre on doit y placer des espèces externes, on confond 
trèsprobablement des animaux dont la structure est fort diflé- 
rente : comparez en eflet un Ascaride lombricoïde avec une 


Ligule. 


(29) L'organisation de cette subdivision du règne animal ne 
m'est pas encore suffisamment connue pour que je puisse donner 
rien de bien certain sur les bases de leur classification ; je pense 
cependant que les Actinomorphes vrais pourront êlre assez bien 
conservés comme M. Lamark les a établis, en faisant deux 
classes distinctes des Méduses et des Polypes que je nomme 
composés. 


(30) On voit reparoître ici les deux classes des Sangsues et 
des Entozoaires, parce que je les regarde comme formant le 
passage des Entomozoaires, dont ils sont cependant plus rap- 
prochés, aux Æctinomorphes, dont les Ænnelidaires sont au con- 
traire plus voisins. Sous cette dernière dénomination je comprends 
les Sipunculus et genres voisins. 


(31) Par animaux composés, j'entends des animaux particu- 
liers vivant sur une partie commune également vivante, avec 
laquelle chacun est en communication organique. 


(32) J’ai cru devoir établir ce dernier sousrègne pour des 
corps organisés évidemment animaux, mais qui n'ont point 
d'estomac proprement dit. J’y place les Spongiaires, parce 
que je suis bien persuadé que ces corps organisés n’ont aucun 
rapport avec les Æ/cyons, et que les ouvertures dont ils sont 
percés peuvent être considérées comme des espèces d'estomac 
commençant, etc. Il se pourroit que les animaux qui forment 
certaines espèces de Madrépores, comme le M. Lactuca, elc., 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 267 


appartinssent à ce groupe; en effet ils ne semblent pas devoir 
être rayonnés. 

(33) Sous le nom d’Infusoires, il est indubitable que Muller 
a confondu des animaux de différens degrés d’organisation; aussi 
nous ne comprenons ici que ceux qui n'ayant pas une forme 
paire ou radiaire , ne jouissent d’autres fonctions que de l’ab- 
sorption et de l’exhalation extérieures. 

(34) J'ai placé les Corallines pour ainsi dire hors de rang, 
parce que quelque soin que j'aie mis à les observer vivantes , 
Je n'ai pu y découvrir aucun signe d’animalité. Il paroît en eflet 
que M. Brown les réclame pour le règne des corps organisés 
végétaux. 


l 


208: JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


MÉMOIRE 


Sur la possibilité de faire vivre des Mollusques fluviatiles 
dans les Eaux salées, et des Mollusques marins dans 
les Eaux douces, considérée sous le rapport de la 
Géologie; 

Par F.S, BEUDANT. 


Lu à l’Académie des Sciences, le 13 mai 1816. 


LORSQU'EN 1808 je trouvai dans les grès de Beauchamps, 
près de Pierrelaie ( Seine-et-Oise) , la réunion remarquable dans 
la même couche de coquilles marines et de coquilles fluviatiles, je 
pensai qu’il 'étoit pas imrpossible-d’imaginer que ces deux sortes 
de mollusques eussent vécu ensemble dans le même liquide, 
soit dans l’eau douce, soit dans l’eau salée; mais comme cette 
sapposition étoit entièrement hypothétique et ne pouvoit être 
appuyée sur aucune observation, je formai le projet d’une suite 
d'expériences propres à la vérifier. 

Mes premiers essais m'ont bientôt suggéré l'idée d’en faire 
d'un autre genre, dans la vue d'expliquer quelques circons- 
tances particulières que présentent différentes formations mi- 
nérales. 

Ces diverses expériences m'ont occupé pendant plusieurs 
années, d’abord à Paris, où je n’avois que des mollusques flu- 
viatiles, puis à Marseille, où j'avois à-la-fois des mollusques flu- 
viatiles et des mollusques marins. Ce sont les résultats principaux 
de mes recherches que j'ai l'honneur de soumettre à l'Académie. 


PREMIÈRE PARTIE. 


Expériences pour tenter le passage subit des Mollusques 
d’Eau douce dans des Eaux de nature différente. 


Vers la fin du mois d'août 1808, je rassemblai chez moi 
beaucoup de mollusques uviatilesdes environs de Paris, afin 
de 


PR AT 


ne 7 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 263 
de les avoir à ma disposition pour les différentes expériences 
que je projetois de faire; je les ai conservés dans des vases 
où je renouvelois l’eau tous. les jours. J’employois pour les 
nourri des sucs de plantes -et d'animaux (1). J'ai été conduit 
à celte pratique, qui peut-être n’est pas la meilleure, par la 


. remarque que j'avois faite précédemment, que les mollusques 


aquatiques n’attaquoient pas les plantes avec lesquelles ils se 
trouvoient; d’où 1l résultoit qu’ils devoient se nourrir des par- 
ticules animales ou végétales suspendues dans l’eau. J'ai employé 
le même moyen dans tout le cours des expériences, tant pour 
les mollusques d’eau douce que pour les mollusques marins. 


Première Expérience. Ayant placé plusieurs individus des 
diverses espèces dans un vase particulier, avecune quantité connue 
d’eau de Seine, je les y laissai pendant quelques instans pour 
qu’ils pussent se développer à leur gré; puis je versai doucement 
dans le vase une quantité d’eau égale à celle qui y étoit, tenant 
en dissolution 8 centièmes de muriate de soude. Le liquide ren- 
fermoit donc, après le mélange, 4 centièmes de son poids de sel 
et se troavoit à peu près au degré de salure le plus élevé des 
eaux marines, si ce n’est que la proportion de sel consistoit 
presqu’entièrement en muriate de soude (2). 


Les mollusques soumis à cette expérience se contractèrent 
subitement dans leurs coquilles, y rentrèrent en peu d'instans 
autant qu’il fut possible, et n’en sortirent plus. Plusieurs épreuves 
semblables m'ont toujours présenté le même résultat ; quelquefois 
cependant, mais rarement , j'ai vu des /ymnées qui, après s'être 
d’abord contractées, se développoient un peu et cherchoïent à 
gagner da surface du liquide ; mais elles étoient tellement af- 
fectées, qu’elles retomboient bientôt et se contractoient de 
nouveau. 


Deuxième Expérience. Après avoir laissé ces animaux pendant 
quelques heures dans l’eau salée, je les ai replongés dans leau 
douce; mais tous ceux des genres planorbe, lymnée, physe, 
ancyle (patella lacustris) étoient morts. Les seuls qui résis- 


EEE EEE 


(1) Après avoir pilé les plantes et les animaux, j'en exprimois le suc à 
travers une toile serrée, 


(2) J'employois le sel gris qu’on vend à Paris; on sait qu’il n’est pas pur et 


-qu'il renferme toujours une petite quantité des autres sels qui se trouvent dans 


nos mers. 


Tome LXXXIII. OCTOBRE an 1816. Mm 


270 : JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


térent furent ceux à qui la nature a donné les moyens de fermer 
leurs coquilles, et qui avoient pu se soustraire ainsi, au moins 
en grande partie, à l’action du liquide; c’est-à-dire, les mollusques 
à coquilles operculées et ceux à coquilles bivalves. Cependant 
en les laissant plusieurs jours de suite dans l’eau salée, ils mou- 
rurent également. 


, Troisième Expérience. Dans les deux premières épreuves je 
navois en vue que de chercher à expliquer la réunion des co- 
quilles marines et des coquilles fluviatiles dans la même roche. 
Mais ici je me proposois une recherche d’un autre genre, dans 
la vue d'expliquer cette absence presque absolue des. coquilles 
fossiles dans les couches de gypse ; on sait même que les trois 
ou quatre coquilles trouvées à Montmartre, paroissent plutôt y 
avoir élé transportées par des eaux affluentes, qu’avoir vécu dans 
le liquide même sous lequel se déposoit le gypse. 


J’essayai donc l’action que l’eau chargée autant que possible 
de sulfate de chaux pouvoit avoir sur les mollusques (1). Je 
n'avois alors que des /ymnées ; je les retirai doucement de l’eau 
douce où elles étoient, et je les plongeai subitement dans l’eau 
séléniteuse. Elles n’en parurent pas d’abord trèsaflectées; elles 
se promenoient sur les parois du vase et venoient nager, suivant 
leur Lbabitude, à la surface de l’eau; mais dans l’espace de huit 
Jours, elles moururent toutes successivement ; j'en trouvois tous 
les jours quelques-unes au fond du vase, le corps en grande 
partie sorti de la coquille et très-gonflé. 


Quatrième Expérience. Dans celle-ci, je me: proposois encore 
un autre but, On sait que dans les terrains de transition, ik 
existe des couches de ssl saccaroïde renfermant des pétri- 
fications. La chaux carbonatée étant dans ces roches à l’état 
cristallin, on peut présumer que ce dépôt chimique n’a eu lieu 
que par l’intermède d’un liquide, dont la faculté dissolvante 
étoit due à un excès d’acide carbonique. On sait aussi qu'il y 
a beaucoup de calcaires secondaires, compactes et coquilliers, 
auxquels il est difficile de ne pas assigner une origine chimique, 
dans laquelle on pourroit encore conjecturer que l'acide car- 


———————p—Z—Z—E 


QG) On sait que l’eau dissout à peu près la 460° partie de son poids de sulfate 
de chaux. Pour saturer celle que j'employois, je la faisois filtrer à plusieurs 
REpseE > àlatempérature de 60 à 80°, àtravers de la poussière très-fine de pierre 
# plâtre. 


/ 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 271 


bonique en excès a eu quelqu’influence. Or on ne sait pas encore 
positivement si les coquilles renfermées dans ces couches ont 
vécu dans le liquide même où se formoit le précipité, ou si 
elles y ont été transportées accidentellement. 

Je desirai donc connoître l’action que les eaux chargées d’acide 
carbonique pouvoient produire sur les mollusques. J’ai employé 
à cet eflet l'eau de salzt qui, comme on sait, renferme beaucoup 
d'acide carbonique, avec une petite quantité de diflérens car- 
bonates (des carbonates de chaux, de magnésie, de soude) et 
de muriate de soude. Les animaux que jy ai plongés en ont 
été vivement affectés; ils ont été comme suffoqués subitement, 
et en peu d’instans ils étoient morts. 


J’ai désiré connoître aussi l'action des eaux mélées d’autres 
acides minéraux en très-pelite quantité ; les animaux que j'ai 
soumis à cette épreuve ont eu à peu près le même sort que les 
précédens; en outre, comme il étoit facile de le prévoir, leurs 
coquilles furent attaquées et ils se trouvèrent à nu en quelques 
points. Si 

Cinquième Expérience. Sans avoir de but aussi direct que 
dans les expériences que je viens de rapporter, j'ai voulu con- 
noître aussi l’action de l’eau chargée de sulfate de fer : je fis 
dissoudre à cet effet 0,02 de ce sel dans l’eau de Seine, et Je 
la versai sur quelques individus des espèces de mollusques que 
j'avois récoltés : ils se contractèrent encore dans leurs coquilles 
et furent fortement affectés, même plus que par l’eau chargée 
de muriate de soude; tous, sans exception, les bivalves, les 
univalves operculés comme ceux qui ne létoient pas, moururent 
en peu d'heures. 

Sixième Expérience. J'ai aussi employé l’eau saturée d’hy- 
drogène sulfuré et étendue ensuite de son poids d’eau de Seine. 
J’ai remarqué que les mollusques y restoient seulement immo- 
biles, sans se contracter très-fortement dans leurs coquilles, 
comme cela avoit eu lieu par action des acides et des sels : 
plusieurs même firent bientôt divers mouvemens. Cependant je 
n'ai pu en conserver un seul dans cette eau, et ils périrent tous 
en peu de jours. 

Ces expériences ne peuvent être considérées que comme des 
essais préliminaires, dont on pouvoit en partie prévoir les ré- 
sultats. Je concevois que si des mollusques d’eau douce pouvoient 
s’habituer à vivre dans des eaux de nature diflérente, ce ne 


Mm 2 


272 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


devoit être que par une transition lente et bien ménagée. D’après 
cela il falloit reprendre les expériences, et conduire chacune 
d’elles assez lentement pour pouvoir introduire successivement, 
et par très-pelites parties, la proportion de sel qu’il étoit né- 
cessaire d’alteindre. Chaque expériexe demandoit alors plusieurs 
mois et exigeoit chaque Jour plusieurs heures, soit pour changer 
les-eaux , soil pour recueillir les observations qui se présenloient. 
II falloit en outre commencer sur un grand nombre d'individus, 
pour qu’il en pût survivre quekjues-uns aux accidens de toute 
espèce que ces épreuves et une multitude de causes indépene 
dantes pouvoient occasionner. La'saison élant très-avancée, je 
fus obligé d'attendre au printemps suivant. Le temps m'a manqué 
pour faire ce que j'aurois desiré; mais j'ai commencé par les 
expériences qui me paroissoient les plus importantes. 


DEUXIÈME PARTIE. 


Expériences pour tenter le passage graduel des Mollusques 
d’eau douce dans des eaux de nature différente. 


Au printemps 1809, j’ai commencé, dès le mois d'avril, à ré- 
colter des mollusques fluviatiles aux environs de Paris; je les 
conservai provisoirement dans quelques vases avec de l’eau de 
‘Seine. Lorsque j’en eus rassemblé un nombre suffisant, je séparai 
les espèces et je partageai le nombre d'individus de chacune 
d’elles en deux portions égales, que je mis, chacune, dans un vase 
particulier. Ayant ainsi deux séries des mêmes espèces, j'en con- 
servai une comme point de comparaison, dans l’eau de Seine, 
et je destinai l'autre aux expériences que je me proposois de 
faire. : 

Septième Expérience. J'ai d'abord rempli les vases de cette 
seconde série, d’eau dans laquelle j’avois fait dissoudre un grain 
de sel par livre, c’est-à-dire environ o,00o1r (ce qui n’étoit pas 
sensible au nitrate d'argent). J'ai employé de cette eau pendant 
plusieurs jours, en la renouvelant souvent; j'ai ensuile aug- 
menté la quantité de sel, d’abord d’un grain tous les deux 
jours, puis d’un grain tous les jours, et enfin de trois grains par 
jour. Par toutes ces additions successives, le liquide s’est trouvé, 
à la fin de septembre, renfermer 0,04 de son poids de sel, com- 
prenant environ 0,00 de muriate de chaux ,-que j'avois fini 
par y ajouter peu à peu pour le rapprocher encore plus des 
eaux marines. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 273 


En procédant de cette manière, j'ai complètement habitué la 
plupart des mollusques de nos eaux douces à vivre dans l'eau 
salée, où ils ne présentoient plus aucune apparence de malaise ; 
plusieurs même s’y sont accouplés, mais, à la vérité, dans un 
temps où le liquide renfermoit beaucoup moins de sel qu'au 
mois de septembre, É 


Pour mettre une certaine exactitude dans l'expérience, j'ai 
noté soigneusement la quantité d’invidus de chaque espèce qui 
sont morts, d’une part dans l’eau douce, de l’autre, dans l’eau 
salée; c’est d’après la comparaison des résultats, que j’ai pu 
juger les diflérences que je vais rapporter. 

Parmi les mollusques à coquilles univalves, toutes les espèces 
de l/ymnée et de planorbe, la physe des fontaines, l’ancyle 
fluviatile , la palüdine porte-plumet, ont vécu parfaitement dans 
l’eau salée, et il n’en est pas mort sensiblement plus que dans 
lFeau douce. Sur 400 individus de ces diverses espèces placés 
dans l’eau douce au 1° mai, il en restoit 184 au 15 octobre, 
et sur le même nombre de 400 individus placés dans l'eau 
rendue de plus en plus salée, il en restoit 170 au 15 octobre. 
Ainsi dans l’eau douce j'ai perdu, dans l’espace de 5 mois el Z, 
54 pour 100 des mollusques que j'y conservois, et dans l’eau 
salée à 0,04, j'ai perdu 57,5 pour 100; la différence ne sauroit 
être prise en considération. 

Au contraire, les autres espèces de paludine (helix vivipara, 
helix tentaculata, Linné), les nérites de la Seine, qui, dans 
les essais préliminaires dont j’ai rapporté les résultats, avoient 
le mieux résisté à l'épreuve, ont paru souffrir par le long séjour 
dans l'eau salée; il en est mort plus que dans l’eau douce; sur 
130 individus conservés dans l’eau douce, il en restoit 78 au 
15 octobre, et sur le même nombre soumis à l'épreuve de l'eau 
salée , il en restoit seulement 37; c’est-à-dire, que dans l'eau 
douce je mai perdu que 40 pour 100, et que dans l’eau salée 
j'ai perdu 71,54. 7 

Les mollusques à coquilles bivalves, les anodontes , les Le 
lettes et les cyclades, qui avoient résisté aussi aux premuéres 
épreuves, ont paru souffrir beaucoup dans le éours des expé- 
riences ; ils étoient bien mointactifs, soit pour ouvrir leurs valves, 
soit pour se traîner au fond du vase, que dans l’eau douce (x). 


G) Les vases qui renfermoient les coquilles bivalves étoient très-larges, 


274 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Tous les individus que j’avois rassemblés dans l’eau salée sont 
morts avant que le liquide fût parvenu au degré de salure que 
Je désirois atteindre. Au contraire, j'en ai conservés tout l'été 
dans l’eau douce, et j’en avois encore à la fin de l'automne. 

Il est cependant important de remarquer que ces mêmes es- 
pèces ont bien vécu dans l’eau chargée de 0,02 de sel. Les Ta- 
bleaux que j'ai dressés font voir qu'à ce moment il n’en étoit 
pas mort sensiblement plus que dans l’eau douce. 

Huitième Expérience. J'ai reporté ensuite dans l’eau douce, 
subitement et sans aucune transition, une partie des mollusques 
que j'avois habitués à l’eau salée; ils parurent d’abord y souffrir 
et se contractèrent en partie dans leurs coquilles ; mais ils s’y 
habituèrent bientôt, et j'en perdis très-peu. Je les reportai un 
mois après dans l’eau salée au degré ci-dessus; ils parurent de 
nouveau souffrir, mais ils s’y habituèrent trèspromptement. 

Neuvième Expérience. D'après les considérations que j'ai ex- 
posées dans la troisième expérience sur l'absence presqu’absolue 
des coquilles fossiles dans les couches de gypse, et d’après le 
peu d'éclaircissemens que présentoient les résultats que j'avois 
alors obtenus, j'étois extrêmement curieux de savoir si je pourrois 
habituer petit à petit les mollusques d'eau douce à vivre dans 
les eaux chargées de sulfate de chaux, J’ai donc repris l’expé- 
rience avec toutes les précautions possibles, en étendant d’abord 
l’eau séléniteuse d’une très-grande quantité d'eau de Seine, puis 
l’étendant un peu moins, et enfin, après quelque temps, en l’em- 
ployant aussi saturée que possible. Les animaux ont assez bien 
vécu dans le commencement de l’expérience, puis il en est mort 
beaucoup à mesure que l’eau devenoit plus chargée de cette 
espèce de sel; et enfin le peu qui avoient résisté sont morts 
lorsque l’eau fut entièrement saturée. J’ai répété cette expérience 
à trois époques diflérentes, et J'ai obtenu constamment le même 
résultat. 

Il paroîtroit aussi assez important de savoir si les mollusques 
peuvent ou non s’habituer à vivre petit à petit dans l’eau chargée 
d'acide carbonique et de carbonate de chaux, comme j'avois 
essayé de le faire subitement dans la quatrième expérience ; mais 
je n'ai pu encore faire convenablément l’expérience, je me pro- 


2. fond étoit couvert de 3 à 4 pouces de sable fin, que jai renouvelé plusieurs 
ÆQ1S. 


\ 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 275 


pose de la suivre aussitôt que je le pourrai, sur les mollusques 
que je me procurerai aux environs de Paris. 


Telles sont les expériences que j'ai faites sur les mollusques 
fluviatiles; je désirois beaucoup en faire d’analogues sur les mol- 
lusques marins; mais ce ne fut qu’en 1812, époque à laquelle 
je fus appelé aux fonctions de Professeur de Physique à Mar- 
seille, que j'ai pu m'occuper de ce nouveau genre de recherches : 
dès mon arrivée j'ai fait quelques essais; mais la saison étoit 
trop avancée. 


TROISIÈME PARTIE. 


Expériences pour tenter d'habituer les Mollusques marins à 
vivre dans les eaux douces. 


Dès le mois de mars 1813, j'ai commencé à rassembler beau- 
coup d'individus de divers genres de mollusques marins, comme 
des patelles, des fissurelles, des crépidoles, des galiotides, 
des sabots, des cerites, des buccins, des rochers, des tellines, 
des vénus, des huïtres, des peignes, des moules, elc., etc.; 
je me suis aussi procuré plusieurs espèces de balanes. Je les 
ai d’abord conservés tous ensemble dans des baquets remplis 
d’eau de mer (1) avec des plantes marines; j’y mélois également 
des sucs de plantes et d'animaux. Je me suis ainsi préparé à 
faire sur les mollusques marins quelques expériences que je vais 
rapporter. 

Première Expérience. J'ai d'abord plongé subitement quelques 
individus de ces divers genres dans l’eau douce; ils se sont con- 
tractés dans leurs coquilles, et la plupart sont morts en cet état, 
comme il étoit arrivé aux mollusques fluviatiles plongés dans 


ns 


(1) L’eau de mer que j'employois étoit prise en mer par un pêcheur qui 
me l’apportoit tous les jours en rentrant au port; je la préférois parce qu’elle 
étoit moins sujette à se corrompre, et qu’en outre elle n’éloit point nfélée 
d’eau douce. ne 

On sait combien il est difficile de conserver des animaux marins dans l’eau 
de mer, parce qu’elle se corrompt tres-facilement : aussi avois-je soin de la 
renouveler deux fois par jour dans les chaleurs ; je me suis aussi tres-bien 
trouvé d'employer l’eau de mer filtrée à travers une étamine serrée. [/eau 
même qui commençoit à se corrompre, pouvoit servir après avoir été dé- 
barrassée , par ce moyen, des particules animales putréfiées. J’ai employé 
quelquefois aussi l’eau salée artificiellement, Toutes ces petites précautions 
nécessaires m'ont pris beaucoup de temps. 


276 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Peau salée. Quelques-uns seulement , et plus particulièrement les 
espèces qui vivent sur les rochers placés hors de l’eau , ont fini 
par se développer un peu et faire quelques mouvemens; tels 
sont la pourpre teinturière, quelques sabots, les moules com- 
munes; mais ils sont morts bientôt après, et leur corps étoit 
très-gonflé. 


Deuxième Expérience. Après ce premier essai, j'ai séparé 
les espèces. J’en possédois 38 qui comprenoient un très-grand 
nombre d'individus. Je fis deux parts dans chacune de ces es- 
pèces, et je formai deux séries comme dans l'expérience sur les 
mollusques d’eau douce. L'une fut conservée constamment dans 
l'eau de mer; quant à l’autre, j'ai d'abord rempli les vases d’eau 
de mer très-peu étendue d’eau douce, dont j'ai augmenté la 
proportion peu à peu; cinq mois après je n'employois plus que 
de l’eau douce. 

Au moyen de cette précaution, j'ai eu la satisfaction de voir 
beaucoup de mollusques qui vivent ordinairement dans nos mers, 
habiter dans l’eau douce avec des l/ymnées et des planorbes; 
je les ai tous transportés ensuite dans un bassin du jardin de 
la maison que j'habitois, et beaucoup y vivoient encore cinq 
mois après (en avril 1814), à l’instant où J'ai quitté Marseille. 

Sur les 38 espèces que j'ai soumises à cette expérience, 20 Y 
ont parfaitement résisté : ce sont les patelles de l'espèce vul- 
gaire , les sabots, qui tous étoient d’espèces littorales, la pourpre 
teënturière, les cérites , les colombelles , les arches, les vénus, 
les bucardes-sourdon, les huftres, les moules et les balanes. 
Je n'ai pas même perdu une seule roule commune, ni dans 
l’eau de mer, ni dans l’eau douce. Sur 610 individus de ces 20 
espèces que J'avois placés au mois d’avril dans l’eau de mer, il 
en restoit 4o1 au 15 septembre; et sur le même nombre de 610 
individus placés depuis le même temps’ dans l’eau rendue de 
plus en plus douce, il y en avoit, au 15 septembre, 375 qui vi- 
voient dans l’eau entièrement douce. Ainsi dans l’eau de mer j'ai 
perdu 34,26 pour 100 des animaux que j'y conservois , et dans 
l'eau douce j'ai perdu 36,88. 


Les 18 autres espèces, qui comprenoient les patelles bonnet 
de dragon, les fissurelles, les crépidules , les haliotides , les 
rochers, le buccin ondé, lès cames, les peignes, les limes, 
les tellines,les donaces, sont toutes mortes pendant l'expérience; 
il n’y avoit plus que quelques patelles bonnet de dragon et 


quelques 


in mn "$t 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 277 


quelques te/lines au moment où j'ai employé l’eau entièrement 
douce , et elles sont mortes quelques jours après. 
; que 
Je ferai remarquer qu’au rex juin il n’étoit pas mort, dans 
, , . 
l’eau de mer étendue de son poids d’eau douce, un nombre 
Ë 


sensiblement plus grand des 18 espèces que je viens de citer, 
que dans l’eau de mer pure. 


Troisième Expérience. Ayant appris, par l'analyse de Lavoisier, 
que les eaux du lac Asphaltique contenoient jusqu’à 0,40 de 
matières salines (1), et ce lac, d’après les voyageurs, ne ren- 
fermantaucun corps organisé vivant, j'ai voulu savoir jusqu’à quel 
degré de salure les animaux marins pourroient vivre. En consé- 
quence j’ai ajouté du muriate de soude très-impur à l’eau de mer 
ordinaire, et je me suis convaincu que tous les mollusques marins 
que J'avois à ma disposition, vivoient, sans paroître nullement 
incommodés, dans des eaux chargées de 0,31 de matières salines, 
consistant en muriate de soude avec quelques centièmes de mu- 
riate de chaux et de muriate de magnésie (2). Mais toutes les 
fois que j'ai augmenté la proportion de sel, de telle manière que 
par une légère évaporation à l'air libre il se formoit de petits 
cristaux à la surface du liquide, les animaux se sont contractés 
dans leurs coquilles et sont morts. 


Résumé et Conclusions. 


Les résultats que j’ai obtenus dans les expériences précédentes 
se réduisent à six principaux, savoir : 

1°. Les mollusques fluviatiles périssent très-promptement lors- 
qu’on les plonge subitement de l’eau douce dans l’eau salée au 
degré de nos mers, ou dans des eaux chargées de gaz acide 


(1) L'analyse de Lavoisier porte : 


Hause.s te Lab ouo test 55,60 
Muriate de chaux et magnésie.............. 38,15 
Muriate de soude... CHosentbo 000 capte 6,25 

100,00 


(2) Le sel que j'employois étoit tres-amer; sa dissolution précipitoit for- 
tement par l’oxalate de potasse ; mais je ne sais pas précisément la quantité 
de matieres étrangeres qu’il renfermoit. J’ai ajouté 6 onces 5 gros 30 grains 
de ce sel par livre d’eau de mer, ce qui , avec la quantité de 5 gros environ 
que cette eau renferme , porte la proportion totale de sel à 0,31. 


Tome LXX XIII. OCTOBRE an 1816. Nn 


278 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


carbonique, d’acides minéraux en très-petite quantité, ou enfi 
dans des eaux chargées de 0,02 de sulfate de fer. Les mollusques 
marins périssent également lorsqu'on les plonge subitement dans 
J'eau douce. 


29. Dans l’espace de très-peu de temps, beaucoup de mol- 
lusques fluviatiles peuvent être habitués petit à petit à vivre dans 
Jeau portée au degré de salure ordinaire des mers, et beaucoup 
de mollusques marins peuvent êlre de même habitués à vivre 
dans l’eau douce. 


30. Certaines espèces de mollusques ne peuvent s’habituer, au 
moins aussi promptement, à vivre dans des eaux très-diflérentes 
de celles où elles se trouvent ordinairement. Ainsi les arodontes, 
les mnollettes et les cyclades n’ont pu vivre dans des eaux qui 
renferment, comme celles de nos mers, 0,04 de matières sa- 
lines ; les patelles bonnet de dragon, les fissurelles, les cré- 
pidulles , les peignes, les limes, etc., n’ont pu vivre dans l’eau 
douce. 

4°. Il existe un degré intermédiaire de salure où tous les 
mollusques aquatiques, soit marins, soit fluviatiles, peuvent vivre 
facilement. En eflet toutes les espèces fluviatiles que j'ai sou- 
mises à l’expérience ont vécu dans l’eau chargée de 0,02 de 
muriate de soude ; et toutes les espèces marines ont vécu dans 
l’eau de mer étendue de son poids d’eau douce. 


bo. Les mollusques fluviatiles, qui d’abord ne paroïissent pas 
souffrir dans l’eau chargée de sulfate de chaux, ne peuvent-en 
aucune manière s’habituer à y vivre. Il est assez probable que 
la même chose a lieu à l’égard des mollusques marins; mais 
jusqu'ici je n’ai point fait sur eux cette expérience. 

6°. Enfin les mollusques marins peuvent vivre dans des eaux 
beaucoup plus chargées de sel que ne le sont ordinairementles eaux 
marines; mais ils périssent lorsque le liquide devient sursaturé. 


Sans doute on pourroit désirer que ces expériences fussent ré- 
étées et exécutées plus en grand. Cependant il me semble que 
jy ai soumis un assez grand nombre d’espèces et une quantité 
assez notable d’individus de chacune d’elles, pour pouvoir pré- 
senter mes résultats comme ayant déjà un assez grand degré de 
probabilité. 
Je dirai plus, c’est qeya opéré avec des vases d’une mé- 
diocre capacité et en général dans des circonstances qu’on pouvoit 
juger peu favorables au changement de milieu auquel j'ai réussi 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 279 


à habituer les mollusques marins et fluviatiles, il est infiniment 
probable quele succès seroit bien plus complet en opérant en grand. 
Par conséquent dans les transitions de ce genre qu’on peut sup- 
poser avoir eu lieu dans la nature, les mollusques doivent y 
avoir beaucoup mieux résisté, trouvant toujours la nourriture 
qu leur convenoit, et n'éprouvant pas les gènes de toutes es- 
pèces qui contribuent à les affecter dans nos petits appareils. 


. Je pourrois ajouter aussi, que quelques-uns des résultats que 
J'ai obtenus sont avoués par la nature. On sait que plusieurs 
espèces de cérites et d’huitres (cerithium atrum, cerit. palustre, 
cerit.muricatum , etc., osér@a parasitica, ostræa plicata ? etc.) 
vivent à l'embouchure des fleuves , où elles doivent être exposées 
tantôt à l’eau douce, tantôt à l’eau salée. Les z1oules communes 
sont aussi dans lemême cas; on en trouve souventengrande quantité 
à l'embouchure des ruisseaux dans les mers; j'en ai vu sur les 
côtes de la Méditerranée qui se trouvoient dans l’eau douce assez 
loin des bords de la mer, et qui ne pouvoient recevoir les eaux 
éalées que dans les gros temps. J’ai rencontré quelquefois , tant 
sur les côtes de l'Océan que sur celles de la Méditerranée , des 
excavalions de rochers remplies d’eau saumâtre, et même d’eau 
entièrement douce, où vivoient des coquilles littorales, qui sans 
doute y avoient été transportées dans les hautes marées ou dans 
les coups de vent. 


D’après les expériences de Wilke, les eaux de la mer Baltique 
renferment beaucoup moins de matières salines que celles de 
l’Océan et de la Méditerranée. La plus grande proportion de 
sel seroit, suivant cet auteur, de 0,02, et même en certain 
temps (par le vent d’est) elle ne seroit que de 0,009. Or on 
sait que la Baltique nourrit à peu près les mêmes espèces d’ani- 
maux que l'Océan (1); donc si les expériences de Wiilke sont 
exactes, la nature nous présenteroïit aussi des animaux marins 
vivant dans des eaux qui renferment ordinairement moitié moins 
de matières salines que les eaux de l'Océan, et qui quelquefois 
sont presque douces. 


Il seroit important de pouvoir citer aussi des coquilles fluvia- 


(G) On y trouve aussi , dit-on, des poissons d’eau douce , comme des bro- 
chets. Il seroit bien intéressant de savoir s’il y a des mollusques d’eau douce : on 


y trouveroit probablement au moins toutes les espèces qui habitent l’embou- 
chure des fleuves. 


Nan 2 


280 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tiles vivantes dans les eaux salées; mais malgré les recherches 
que j'ai faites à cet égard, je n'ai pu m'assurer qu’il en existât 
réellement; j'ai seulement remarqué quelquefois beaucoup de 
coquilles vides de ces genres au fond des amas d’eau saumâtre 
qui se trouvent sur quelques points des côtes basses. Jai vu 
auprès des salins des Martigues un fossé nouvellement écuré 
dont le limon renfermoit beaucoup de coquilles des genres 
lymnées et planorbes (1) ; Veau dont il étoit rempli au moment 
où Je l'ai vu étoit sensiblement salée; mais il n’y avoit aucune 
espèce de mollusques vivans. 

Les observations que je viens de rapporter sur la présence 
des mollusques marins dans les eaux douces, et sur l’absence 
des coquilles fluviatiles dans les eaux salées, n’ont rien de plus 
surprenant que ce qui a lieu à l'égard des poissons. On sait que 
plusieurs espèces de poissons marins remontent dans les rivières, 
souvent même assez haut; mais je ne crois pas qu'on ait ob- 
servé que des espèces d’eau douce se portassent jusque dans 
les mers, si ce n’est peut-être dans la Baltique, comme on me 
Pa assuré. J’ai cru remarquer aussi dans le cours des expériences, 
que les mollusques marins souffroient beaucoup moins dans les 
eaux douces, que les mollusques fluviatiles dans les eaux char- 
gées de sel. 

Il me semble résulter des faits que j'ai rapportés, diverses 
conséquences d’un autre genre, qui m'ont paru mériter quelque 
attention. 

1°. Puisqu’on a tout lieu de conclure que la même eau, soit 
douce, soit salée au degré des mers, soit mieux encore, sau- 
mâtre, peut nourrir à-la-fois des animaux qui vivent habituelle- 
ment dans nos marais, nos rivières et d’autres qui se trouvent 
ordinairement dans nos mers, on pourroit présumer qu’il a existé 
des circonstances semblables dans la nature, et que c’est à elle 
que nous devons de rencontrer dans une même couche terrestre 


ES 


(1) Ilexistoit autrefois entre Bédarides et Courtheson, sur la route d'Orange 
à Avignon (Vaucluse), un petit lac qui est indiqué sur quelques cartes sous 
le nom de lac salé, et connu aussi sous ce nom dans le pays. Il étoit des- 
séché et en partie cultivé lorsque je l’ai visité; la terre noirâtre déposée 
sur son fond paroît assez peu fertile; elle renferme beaucoup de lymnées 
et de planorbes; je n’y ai point vu de coquilles bivalves ni de coquilles 
marines. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 267 


des coquilles fluviatiles et des coquilles marines, en admettant, 
comme tout semble le prouver, que ces coquilles se trouvent 
au lieu même où elles ont vécu, 


Il seroit peut être même assez naturel de penser qu'entre un 
terrain marin et un terrain fluviatile, il existé quelques couches 
qui forment le passage de l’une à l'autre, et qui ont élé pro- 
duites par des eaux saumätres où vivoient ensemble des mol- 
lusques que nous trouvons aujourd’hui, les uns dans nos marais, 
les autres dans nos mers. Une telle circonstance pourroit avoir 
eu lieu , par exemple, dans la formation des grès de Beauchamps, 
qui m'ont conduit aux diverses expériences que J'ai faites. Peut- 
êire seroit-ce aussi le cas des couches câlcaires et marneuses 
fétides de Vaucluse, qui renferment des coquilles ressemblantes 
à des cériles , avec des /ymnées, des planorbes et une espèce 
de paludine ressemblante à la paludine momie (cyclostoma 
mumia, Lamark), mais qui en diffère surtout par des stries 
transversales analogues à celles du cyclostome élégant. Je croirois 
que ces couches recouvroient immédiatement le calcaire com- 
pacte du Jura qui, comme on sait, ne renferme pas de cérites, 
et qu’elles servent de bases à une formation gypseuse semblable 
à celle de Paris (x). 


2°. Si on pouvoit supposer, avec quelques naturalistes, contre 
toute apparence, que les terrains nommés Zerrains d’eau douce 


(1) La partie la plus inférieure, celle qui repose immédiatement sur le 
calcaire compacte , est une couche de calcaire marneux qui semble au premier 
abord renfermer des Stalactites de couleur brune; mais en examinant de 
plus près, on remarque que ce sont des coquilles enveloppées de couches con- 
centriques un peu bitumineuses , et qui semblent occasionnées par la décom- 
position de la matiere animale. $ 

On trouve dans cette couche des coquilles univalves souvent très-grosses 
qui ressemblent à des cérites; d’autres coquilles plus petites qui ressemblent 
par leur aspect général à une espèce d’auricule que jai vue chez M. Brongniard, 
et que je soupçonne des canaux d'Egypte. On y trouve aussi des coquilles qui 
paroissent terrestres et appartenir au genre hélice; elles ont même quelque 
analogie avec l’hélice des pierres. 

La couche suivante renferme des lymnées, des planorbes, l’espèce de pa- 
ludine dont nous ayons parlé, des hélices (elles y sont rares), et des coquilles 
terriculées moins grosses que celles de la couche inférieure , mais qui, comme 
elles, ressemblent à des cérites. 

Une troisième couche renferme moins de cérites , mais beaucoup de petites 
coquilles du genre lymnée, et peut-être aussi du genre physe, car j’en at vu de 
tournées à gauche, 


282 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ont tous été formés sous les eaux marines, les résultats de nos 
expériences pourroient expliquer l'absence, d’ailleurs assez sin- 
gulière, des coquilles bivalves fluviatiles des genres arodonte, 
mulette et cyclade. En effet nous avons vu que les mollusques 
qui habitent ces coquilles n’ont pu s'habituer à vivre dans les 


eaux chargées, comme celles de nos mers, de 0,04 de matières 
salines. 


30. Puisqu'il résulte des expériences plusieurs fois répétées, 
que les mollusques, au moins ceux d’eau douce, ne peuvent 
vivre dans des eaux saturées de sulfate de chaux, on pourroit 
expliquer pourquoi on ne trouve point de coquilles dans la masse 
gypseuse de Montmartre, et en général dans les gypses anciens 
ou nouveaux, quoiqu ils soient souvent en couches subordonnées 
à des terrains coquilliers. 

4°. Puisque les mollusques marins peuvent vivre dans les eaux 
presque saturées de muriate de soude, 1l paroîtroit quel’absence des 
corps organisés vivans dans le lac Asphaltique, sielle est bien:: Ile, 
tient à la présence des muriates amers de chaux et de magnésie, 
et peut-être à celle des matières bitumineuses que Lavoisier n’a 
point trouvées dans son analyse, sans doute parce qu’elles ne s’y 
rencontrent que passagèrement dans de certaines circonstances. 


D'un autre côté, puisque les mollusques marins périssent dans 
des eaux sursaturées de muriate de soude , il n’est point étonnant 
qu'on n’en ait point trouvé de dépouilles dans les masses 1m- 
menses de sel gemme qu’on exploite en plusieurs contrées, 


6°. Enfin, si on admet que des mollusques marins et des mol- 
lusques fluviatiles peuvent vivre dans le même liquide, il semble- 
roit en résulter que l'habitation dans les eaux douces ou dans les 
eaux salées ne seroit point une raison pour établir des genres par- 
ticuliers, à moins qu'on ne puisse trouver des caractères suflisans 
et constans dans les coquilles, ou mieux encore, dans les ani- 
maux qui les habitent , lorsqu'elles ne sont point fossiles. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 283 


Extrait du Journal tenu pendant les expériences sur les Mollusques d'eau douce, 


en 1808. 
mi Pr tem thé 
Nombre Nombre Nombre 
des des individus des individus 
individusiau 15 juillet 1808.jau 15 octob. 1508. 
È « QUES RE 
NOMS DES ESPECES dans 
chaque dans dans JopservATIONS. 
t vase de de dans P 
SOUMISES À L'EXPÉRIENCE. | chacune ant EAN 
des deux) Peau l’eau lée à 
séries, au lée À 
17 mai] douce. douce. [24 de- 
1808. 0,02 puis 17 j: 
Limnæa stagnalis....,........ 30 21 23 16 13 
auricularia....,...... 30 1 17 14 11 
palustris .... 5o 3 27 22 19 
Physa fontinalis.. 5o 28 27 17 21 
Planorbis corneus.….. .| 30 22 19 15 13 
carinatus............| . 50 34 37 19 16 
—— VOrLEX. eee see 50 37 39 26 22 
Ancylus lacustris............. 50 39 35 28 25 
Paludina vivipara............. 30 2 24 2x ai 
tentaculata .......... 50 38 35 31 17 
————— obtusa (porte plumet). 60 42 39 2 30 
Nerita fluviatilis.............. 50 37 31 26 9 
Unio pictorum............... 20 17 13 8 0  depnis28 j. (1). 
Anodonta Cygnæa............ 15 11 10 7 o —— 31 
Cyclas cornæ ..:....4.....4. 40 32 25 18 0 !— 21 


(1) C'est-à-dire que le dernier individu est mort depuis 28 jours. 


4 


204 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Extrait du Journal tenu pendant les ‘expériences sur les Mollusques marins , 


NOMS DES ESPÈCES 


SOUMISES À L'EXPÉRIENCE. 


Patella vulgata 
Turbo littorens 
= néritoïdes. ::. 
Columbella mercatoria. | . ... 
=———— ruslica, . . » . 44. 
Cerithium morus. ... | .:,,. 
Petites cérites de diverseskespèces. 
Purpura lapillus 
Arca noæ.. 
— barbata 
Venus verrucosa. ;: +, 
— maculata. . 
virens. « . 5 
Cardium edule. .. .., 
jOstræa edulis 
\Mytilus edulis. . 
l——> barbatms. . , .:. 
lBalanus balanoïdes. . 
—- striatus 
Rte hemisphericus . . .,. 
Patella nugarica . . 
Fissurella uncibosa 
Crepid ula fasciata 
Halious tuberculata 
Buccinum undatnm 
Murex brandaris. . , . . . . .. 
ramosus ( parvus) . . . . 
— pileare 
Telina fragilis 
j=—— incarnata. . . . . . . .. 
Donax irus 
—— rugolus 
— lrumeculus 
Chamatlazaus ET ER 2 
Lima squamosa . ........ 
Pecten jacobens 
—— sanguineus 
varius. . . 


Echinus esculentus 


en 1813. 


Nombre 
des individus 
au 1er juin 1815. 


l’eau de | due de 

son poids 
d’eau 
douce. 


mer. 


4 
22et7p'es 
24 


Nombre 
des imdividus 


au 15 sept. 1813. 


dans 


l'eau OPSERVATIONS. 


l’eau de | douce, 


mer. | depuis 


depuis jours. 


SUITE 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 285 


SUITE DU MÉMOIRE 


Sur les Substances minérales dites e7 mnasse, qui entrent 
dans la composition des Roches volcaniques de tous 
les âges; 

Par P. Louis CORDIER (r). 


CHAPITRE QUATRIÈME. 


Comparaison des Substances minérales non volcaniques , 
nommées Pétrosilex, Trapp et Cornéenne,#@vec les Pâtes 
lithoïdes des courans de lave de tous les âges. 


JE ne traiterai point des cornéennes, des trapps et des pétro- 
silex avec le détail que réclamoit l’histoire des recherches dont 
j'ai rendu compte dans le Chapitre précédent. Je me conten- 
terai d’esquisser les principaux traits qui font contraster ces trois 
genres de pierres avec les pâtes lithoïdes. 


On sait que ces pierres sé trouvent en grandes masses com- 
pactes dans les terrains primitifs ou intermédiaires, et que plu- 
sieurs variétés se rencontrent même dans les terrains secondaires. 
Malgré les recherches nombreuses dont elles ont été l’objet, 
leur rôle dans la science est encore bien équivoque; elles appar- 
tiennent à cette grande division du règne minéral qui comprend 
toutes les substances terreuses qu’on regarde comme composées 
de particules indiscernables irrégulièrement agrégées ; subs- 
tances imparfaites à nos yeux, constamment informes, ne montrant 
qu'une structure confuse, qui se ressemblent beaucoup par l’uni- 
formité de leur tissu, qui, considérées hors de leur gisement , ne 
peuvent souvent être distinguées que par les nuances fugitives 
d’un petit nombre de caractères extérieurs ou empiriques, et 
dont les définitions spécifiques n’ont communément d’autres fon- 


QG) AT le commencement de ce Mémoire dans le Cahier du mois d'août, 
pag. 195. 


Tome ZXXXIII, OCTOBRE an 1810. Oo 


286 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


demens que des assertions plus ou moins hazardées, reposant 
sur des notions où même des hypothèses géologiques. C'est ainsi 
qu’on les définit en général comme des produits aqueux; les 
uns sont, dit-on, des précipilés chimiques durcis; les autres, 
des précipités mécaniques consolidés; celles-ci ont été déclarées 
homogènes, celles-là composées de particules hétérogènes ; d’autres 
enfin participent plus ou moinsde ces différens modes, et forment, 
à ce qu'on assure, des variétés de passage. Ces manières de 
voir peuvent être Justes; mais des assertions et des conjectures 
de ce genre ne peuvent pas suppléer à l’absence fréquente de 
toute propriété vraiment spécifique. Des opinions ne sont pas 
des caractères, et on ne doit point s’étonner si les minéralo- 
gistes ne s'accordent point encore sur la définition et la nomen- 
clature des nombreuses substances dont je veux parler, sur la 
manière de les décrire et la place que chacune d’elles doit oc- 
cuper dans la méthode purement minéralogique. Je n'insiste au 
reste sur ces coniidérations générales, que parce qu’elles sont plus 
spécialement applicables aux trois genres de pierres que je vais 
examiner. 


En me servant des vieilles dénominations de pétrosilex, de 
trapp et de cornéenne pour désigner ces pierres, je n’entends 
aucunement préjuger du parti que les connoissances actuelles 
permettent de prendre à leur égard ; j’ai voulu seulement me 
rapprocher du langage employé par Wallerius, Bergmann, Saus- 
sure et Dolomieu, et remonter ainsi à la source des fausses ana- 
logies dont les laves anciennes et modernes ont été jusqu’à présent 
le sujet. 

Sous la dénomination générique de pétrosilex , je comprends 
le pétrosilex compact ou terreux de Dolomieu, le palaiopêtre 
et le feld-spath terreux non volcanique de Saussure, l’eurite de 
M. d’Aubuisson , le feld-spath compact de M. Werner, les va- 
riétés de son hornstein qui fondent en verre blanc, et en grande 
partie la base (haupmasse ) des variétés de son thonporphyr qui 
renferment des grains de quartz disséminés. Le pétrosilex cons- 
titue la base d’un grand nombre de porphyres diversement co- 
lorés. La présence ordinaire du quartz au milieu des autres cris- 
taux disséminés , l'absence constante de toute cavité bulleuse et 
de toute concrétion amygdaloïde, en sont les principaux carac- 
tères empiriques (1). Sa dureté, sa pesanteur spécifique, sa fusion 


(1) Quelques variétés fort rares de pétrosilex et de trapp offrent la contexlune 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 287 


en verre ou émail blanchâtre, font penser, avec beaucoup de 
raison, qu’il est composé tan!ô! enentier, tantôt en grande partie, 
de molécules feld-spathiques. 

Je range sous la dénomination générique de trapp, le diorite 
compacte et. la roche argileuse dure de M. Haüy, la base du 

rphyre rouge antique, le grunstein compacte de M. Werner, 
É schistes argileux (thonschiefer) durs et en masses non feuil- 
letées, la pierre de touche ou lydienne, et les variétés du wetz- 
schieler et du kieselschiefer de M. Werner, qui fondent en verres 
colorés. Toutes ces substances fondent en verre noir opaque, ou 
d’un vert foncé, ou d’un vert jaunâtre. Leur principal caractère 
empirique est de ne contenir jamais aucune cavité bulleuse ni 
concrétion amygdaloïde. On suppose que les unes sont composées 
de particules d’amphibole et de feld-spath, et les autres d’argile 


ferrugineuse mêlée de molécules amphiboliques, feld-spathiques, 
ou quartzeuses. 


Enfin je désigne sous la dénomination générique de cornéenne, 
les schistes argileux tendres de tous les âges, qui sont en masses 
non feuilletées ou imparfaitement feuilletées, et leurs variétés 
mixtes avec le schiste amphibolique, le schiste chlorite, la ser- 
pentine schisteuse, l’ardoise proprement dite, l'argile pyriteuse 
endurcie et le calcaire argileux compacte, simple ou ferrifère. Je 
comprends dans celte sÿnonymie une partie des variétés du thon- 
schiefer, de l’alaunschiefer et du schieferthon de M. Werner, et 
en général les pierres dites argéleuses , tendres, non feuilletées, 
moires, grises ou verdâtres, exemptes de la contexture amygda- 
loïde, souvent pyriteuses et quelquefois mêlées ou accompagnées 
de matières charbonneuses, qu’on a voulu assimiler aux pâtes 
lithoïdes des courans de lave anciens et modernes. Un de leurs 


variolaire, qu’il ne faut pas confondre avec la contexture amygdaloïde. Les 
varioles sont des nœuds orbiculaires ordinairement petits, d’un égal diamètre 
dans le même bloc, tantôt compactes et tantôt rayonnés à rayons microsco- 
piques concentriques , inséparables de la pâte qui les renferme et de même 
nature , s’en distinguant seulement par des couleurs peu distinctes, assez com- 
munémentzonaires. Les amandes se présentent avec des formes et des dimen- 
sions variables dans le même bloc ; souventelles y sont entremélées de cavités 
bulleuses ; on les voit tantôt pleines et tantôt plus ou moins creuses ; elles 
adhèrent foiblement à la pâte environnante; elles en diffèrent essentiellement 
par leur nature et leur couleur; enfin leur composition offre des minéraux 
d’especes tres-différentes , affectant des structures variées et se groupant quel- 
quefois en assez grand nombre dans la même géode. 


Co z 


286 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


principaux caractères empiriques communs, est de ne renfermér 
aucune cavité bulleuse ni concrétion en forme d’amande, et 
d’être très-rarement porphyriques. On les suppose formées d’ar- 
gile ferrugineuse, tantôt simple et tantôt plus ou moins mé- 
langée de molécules amphiboliques , quartzeuses, feld-spathiques, 
talqueuses, calcaires, de mica, de carbonne, de carbure de fer 
ou de fer sulfuré. 


On voit, par ces détails , que j’exclus formellement des trapps et 
des cornéennes, les pâtes indéterminées de toutes les rochesamyg- 
daloïdes et boursoufflées, sans excepter même J'ophite antique. 
Je regarde cette exclusion comme un des résultats les plus utiles 
de mes expériences. Je la motiverai au chapitre dans lequel je 
traite des laves lithoïdes altérées, sous la dénomination provisoire 
de wackes volcaniques de toutes couleurs. 


Quant au basalte noïr antique, je suis fondé à assurer que ce 
n'est ni un trapp, ni une lave; j'ai eu occasion de l’étudier en 
Egypte avec Dolomieu, sur un grand nombre d'échantillons, et 
mon ami, M. de Roziéres, en a exactement constaté le gisement 

rès des cataractes du Nil; on doit en faire deux variétés de 
a syénite, sous les noms de syénite granulaire et syénite 
compacte. « 

Du reste, j'ai évidemment compris des substances très-diffé- 
rentes sous les dénominations génériques de trapp, de cornéenne 
et de pétrosilex. Maïs je le répète, mon objet n’étoit pas de faire 
un traité sur ces substances et de les distinguer nettement les 
unes des autres. Il a dû me suffire de les examiner sous le 
rapport d’un petit nombre de propriétés très-saillantes, communes 
aux variétés de chaque genre, et de montrer combien elles dif- 
férent des laves lithoïdes anciennes et modernes z20n altérées, 
à s’en tenir aux points de vue essentiels, c’est-à-dire à la com- 
paraison de la texture intime, de la composition mécanique et 
des principaux caractères empiriques. Je passe donc à cette com- 
paraison. 

Ces trois genres de pierres considérés dans leurs gisemens , 
se lient intimement aux roches accompagnantes, soit en ad- 
mettant les mêmes minéraux disséminés sous forme de grains 
ou cristaux apparens, soit par des passages de composition ou 
de contexture, soit par les conditions qui caractériseut leur stra- 
tification. 

Au contraire, les laves lithoïdes anciennes et les autres couches 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 289 


volcaniques accompagnantes, sont presque toujours évidëmment 
adventives relativemeut aux terrains qui leur servent de support 
ou qui par fois leur sont superposés, n'ayant avec eux aucune 
relation directe de contexture ou de composition, et souvent 
aucun rapport de stratification (r). 


oo 


(1) L’état d’une science est assez exactement caractérisé par la richesse 
ou la pauvreté de sa terminologie ; est-elle peu avancée , l’abus des expressions 
génériques non définies ou mal définies , devient presque inévitable ; il influence 
l'observateur , altère les produits de l'observation , défigure les faits, entraîne 
la confusion des idées , conduit à des analogies imaginaires, etmène, sans qu’on 
s’en aperçoive, à l’erreur , quelquefois même à l’absurde. Ajoutons qu’on y 
tient en général d'autant plus, que c’est un moyen commode peur se passer de 
précision , pour se dispenser d’études trop difficiles, et pour déguiser avec une 
apparence satisfaisante la limite bornée et l'insuffisance des connoissances 
acquises. Lu 

On ne peut méconnoître les effets de cet abus lorsque, s’armant d’une saine 
logique, on veut approfondir les bases élémentaires de beaucoup de notions 
géologiques reçues ou données comme inconstestables ; par exemple, combien 
de manières d’être différentes ne confond-on pas à l’aide des mots passage et 
transition? À s’en tenir aux produits volcaniques , nous avons des transitions 
ou passages sous le point de vue de la composition , du tissu intime, de la con— 
texture, de la dureté, de la couleur, du boursoufilement , du relâchement des 
parties , de leur décomposition et de leur désagrégation. 

Voici comment j'écarte , en beaucoup de cas, l’abusif emploi de ces expres- 
sions vagues et bannales. 

Je nomme en général jonction la rencontre d’une couche volcanique avecune 
couche de même origine ou d’une origine différente. La jonction est distincte 
lorsque la coupe du plan de rencontre offre une ligne de séparation nettement 
prononcée ; elle est confuse lorsqu'il y a pénétration entre les matières qui 
composent les deux faces de rencontre, et qu’il n’est pas possible de discerner 
où finit l’une et où commence l’autre. De ces pénétrations il résulte des bandes 
plus ou moins parfaitement mixtes et communément assez minces ; je leur 
donne le nom d’entre-couches , et je nomme roche d’entre-couche , la roche 
qui les compose. Ce second cas, au reste , est tres-fréquent et se conçoit faci- 
lement ; la majeure partie des déjections volcaniques sont ordinairement 
meubles, et les faces scorifiées inférieures et supérieures des nappes de lave 
sont susceptibles de le devenir à la longue; il s’établit une foule de jonctions 
confuses en vertu des différences qui existent entre l’écartement et le volume 
des parties incohérentes respectivement en contact d’une couche à l’autre , et 
par suite de l’action continue des eaux filtrantes , du poids des parties libres et 
de la pression des masses superposées. De là de prétendues transitions très-va 
riées et quelquefois bizarres. T'elle est celle-ci : 

Soit une plaine formée de granite à gros grains et superficiellement décom- 
posé , sur laquelle des graviers , puis des sables de même nature ont été déposés 
par un cours d’eau. Une éruption volcanique voisine couvre les sables avec des 
cendres fines et des cendres plus ou moins mélangées de fragmens de scories. 
Ensuite un courant de lave basaltique s’étend sur le tout. Qu’arrive-t-il ayec le: 

LU 


290 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Les premières se présentent sous forme de masses constam- 
ment pleines et parfaitement denses, les secondes sous forme 
de masses plus ou moins criblées de cavités bulleuses de toutes 
dimensions. 


temps? la croûte scorifiée inférieure du courant se désagrège , s’affaisse et se 
lie avec des déjections incohérentes ; celles-ci se tassent et pénètrent dans les 
sables qui eux-mêmes sont mêlés aux graviers et aux débris granitiques con- 
fondus ; pour peu que les eaux filtrantes déposent le plus léger ciment calcaire, 
ou ferrugineux, ou siliceux dans ce système , tout le massif se trouve lié, et 
dans les idées de beaucoup de minéralogistes , présente alors le prétendu pas- 
sage du granite au basalte par le gravier , lesable (ou le grès), la cendre durcie, 
le tuf et la brèche à base de wacke basaltique. 

La nature a réalisé plus ou moins completement cet exemple en plusieurs 
endroits de l'Auvergne et des Cévennes, dans lesquels il existe desinatières vol- 
caniques incontestables. Mais je vais plus loin ; je suppose qu’un pareil système 
ait été démantelé par une cause quelconque, et qu’il n’en reste que des lam-— 
beaux; que faudrait-il conclure de la transition prétendue ? que le basalte est 
de la mème formation que le granite ? Au fait cependant , ces lambeaux seroient 
le produit de cinq formations distinctes, savoir : celle du granite , sa décom- 
position , celle du courant d’eau , celle de l’éruption pulvérulente et celle du 
courant de lave, auxquelles il faudroit ajouter une action postérieure composée 
elle-même des effets amenés par les filtrations, le tassement , la macération , le 
dessalement des matières volcaniques et les concrétions infiltrées, 

On voit qu’une simple analogie tirée de ce qui se passe journellement sous 
nos yeux , et dégagée de toute hypothèse , rend parfaitement raison des cas assez 
rares où les roches volcaniques anciennes se lient avec les couches non volca- 
niques et ne leur paroissent point adventives. 

Dureste, la superposition à jonction confuse n’existe pas seulement dans les 
terrains volcaniques et à leur contact avec les autres terrains; on l’observe 
aussi, quoique très-rarement, à la rencontre respective de ces autres terrains. 
Malgré la longueur de celte note, je ne résiste pas au desir d’en faire connoître 
un exemple qui rentre tout-à-fait dans mon sujet et qui est sûrement curieux, 


puisqu'il offre la plus belle transition possible du granite le plus ancien au cal- - 


caire coquiller ! 

Cette prétendue transition se rencontre en Bourgogne ; elle a été découverte 
et observée pour la première fois à Château-Neuf, près de la Clayette, par 
M. de Drée; j'accompagnois Dolomieu lorsqu'il en fit la vérification. Les col- 
lections de Paris en possèdent de beaux échantillons : en voici l'indication som- 
maire : le granite de Château-Neuf est à tres-gros grains, à peu près des 
mêmes couleurs et presque aussi beau que le granite de Syène en Egypte. Il 
étoit superficiellement désagrégé lorsque la matière calcaire a élé déposée par 
dessus. Non-seulement cette matière a pénétré jusqu’au vif de la roche grani- 
tique, en s’insinuant à travers ses débris, mais encore elleembrasse des cristaux 
isolés qui ont été facilement soulevés à une petite distance , à raison de la den= 
sité du liquide formant le dépôt. La jonction confuse des deux lerrains se fait 
donc par une roche mixte accidentelle (ou d’entre-banc) de plusieurs déci= 
mètres d'épaisseur, qui, dans sa partie inférieure, est composée de granite à 

- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 291 


Dans les unes on trouve, à la vérité, des grains en cristaux 
disséminés de feld spath, d’amphibole et quelquefois de mica ; 
mais ils sont associés a des grains de quartz, de diallage, de 
tale, de chlorite, de fer oxidulé, de fer sulfuré et de pyrite 
magnétique, minéraux tout-à-fait étrangers aux terrains volca- 
niques. On n’y voit jamais ni péridot, ni pyroxène, ni am- 
phigène , ni fer oligiste , ni fer titané. 

Davos les autres, la rareté du mica et de l’amphibole, l'ab- 
sence totale des pyrites et du fer oxidulé, celle si remarquable 
du quartz , deviennent des caractères négatifs aussi puissans que 
la présence du fer titané, du fer oligiste, du pyroxène, de l’am- 
phigène et du péridot associés au feld-spath. 

Ces différences principales entre les caractères empiriques res- 
pectifs sont déjà très-marquées; on en trouveroit aussi entre 
les nuances des caractères extérieurs; mais je dois les passer 
sous silence pour établir la comparaison vraiment essentielle, 
celle du tissu intime et de la composition mécanique. 


On se rappelle que l'apparence des pâtes lithoïdes vues à l'œil 
nu est une illusion due à la foiblesse de cet organe; qu’elles 
sont douées d’un tissu grossier, interrompu par des vacuoles, 
et composées de cristaux ou grains entrelacés, dont le diamètre 
n'excède guère un vingtième ou un trentième de millimètre ; 
conditions qui permettent de déterminer l'espèce des minéraux 
élémentaires; il n’en est pas de même des trapps , des pélrosilex 
et des cornéennes. 

Je dois dire ici qu'avant de tenter l’examen microscopique 
de ces trois genres de substances minérales compactes, je m'étois 
flatté de ne pas rencontrer plus de difficulté que je n’en avois 


ciment de chaux carbonatée plus ou moins visible , et dans sa partie supérieure, 
d’un superbe porphyre calcaire à gros grains de quartz gris et de mica noir, 
et à grands cristaux de feld-spath d’un rouge de chair tres-éclatant. D’ailleurs 
le calcaire est d’un blanc grisâtre ou d’un gris de fumée , écailleux à écailles 
spathiques , et s’approchant de la structure compacte. Il contient des rognons 
de silex roux (fauerstein), et dans le prolongement de sa formation , qui est 
tres-étendue , des griphites , des entroques et des astroites. 

Convenons-en, la découverte de ces circonstances singulières eût été une 
bonne fortune pour un partisan des idées de transition ; 1l est plus facile en 
effet de convertir tout gisement anomal en loi générale , que d’en résoudre les 
conditions spécieuses, et de démontrer comment elles peuvent se classer naturel- 
lement dans la masse des grands phénomènes déjà connus de tous les géologues. 


292 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

trouvé dans l'étude des pâtes lithoïdes volcaniques, mais j’ai été 
bientôt détrompé; les obstacles que j'ai éprouvés ont eu un 
premier résultat utile; ils m'ont fait voir que j’attaquois les 
produits d'un mode de formation bien différent. 


Je rejette dans la table générale le détail de mes expériences, 
ainsi que la désignation précise des échantillons que j'ai exa- 
minés; je me contente d’avertir que, parmi ces échantillons, 
on verra figurer les trapps et les cornéennes des montagnes de 
Suède, anciennement cilés par Bergmann et Wallerius; c'est 
principalement la collection de M. Le Lièvre qui me les a fournis. 
Je vais exposer maintenant les résullats généraux de mes ob- 
servations. 

Le tissu intime des trapps, des cornéennes, des pétrosilex , 
examiné au microscope, se montre uniforme et sans aucunes 
vacuoles ; sa finesse est souvent si excessive, qu'on u'apercoit 
point d’élémens divers, et qu’il conserve l'apparence la plus 
compacte. Lorsqu'on distingue des particules, on ne sait si ce 
sont réellement des grains ayant chacun une existence indépen- 
dante et une structure particulière, ou si ce sont des apparences 
résultantes de la division de la masse homogène par des fissures, 
ou, pour mieux dire, par des glaces extrèmement déliées. Du 
reste, ces grains réels ou apparens sont dix fois ou vingt fois 
plus petits que les grains des pâtes lithoïdes; ils ont tous la même 
couleur dans le même échantillon. 

Ils sont blancs ou foiblement nuancés de la teinte des masses, 
translucides ou demi - transparens dans les pétrosilex ; translu- 
cides et blancs jaunâtres dans les trapps noirs, verts ou verts 
noirâtres ; demi-lransparens et d’un blanc rosé dans le trapp 
rouge; d’un blanc grisâtre et à peine translucides dans les cor- 
néennes grises ou verdâtres qui blanchissent au feu; blancs gri- 
sâtres et opaques dans les cornéennes noires qui conservent leur 
couleur après avoir été chauffées. 

L’excessive finesse de ces grains ne permet pas de les isoler 
sur le filet de disthène : on ne peut déterminer aucun de leurs 
caractères. 

Leur facile fusion sur le filet de disthène offre des verres 
bulleux, blancs pour les pétrosilex; d’un vert jaunâtre pour 
les trapps; tantôt gris, tantôt d’un vert jaunâtre foncé pour les 
cornéennes. 

Dans les produits de fusion, comme dans les pâtes, on voit 
assez ordinairement des grains noirs, excessivement fins et jamais 


assez 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 293 


assez abondans pour former la centième partie du volume. Ces 
grains sont facilement fondus et dissous ; ils communiquent cons- 
tamment une couleur verte. Supposant qu'ils étoient de nature 
métallique, j'ai fait des tentatives pour les isoler, en traitant 
différentes variétés, à l’aide de la porphyrisation et du lavage. 
J’ai en effet recueilli quelque peu de poudre noire, encore mêlée 


de matières terreuses , en partie attirable, et donnant l'odeur sul- 
fureuse par la calcination. 


Ne pouvant réunir une assez grande quantité de ces parties 
noires attirables pour y chercher l'oxide de titane, j'ai éprouvé 
les parties métalliques discernables à la vue ou à la loupe, que 
renferment beaucoup de trapps et de cornéennes. J’ai étendu ces 
essais aux grünsteins primitifs ou diorites , et aux roches qui ont 
de l’analogie avec eux, ou qui les accompagnent ordinairement. 
J’ai notamment essayé le fer oxidulé octaèdre des roches de 
Corse, celui des roches de la Val-d’Aoste au Mont-Blanc, et de 
la Val-Sesia au Mont-Rose , et celui des roches qu’on trouve en 
différens endroits de la Suède. Cet examen chimique m'a dé- 
montré qu’il n’existoit de fer titané ni dans les trapps, les cor- 


néennes et les pétrosilex, ni dans les roches primitives accom- 
paguantes. 


Les expériences dont je viens de présenter le résumé prouvent, 
10, que si le pétrosilex, qu’on regarde avec raison comme du 
feld-spath compacte, contient des particules hétérogènes , ces 


particules échappent par leur ténuité, et n’influent point sur les 
résultats de fusion; 


29, Que le pétrosilex diffère essentiellement des pâtes lithoïdes, 
leucostiniques où feld-spathiques, soit par l'extrême finesse de 
son tissu, soit par l'absence des minéraux microscopiques hété- 
rogènes, qui abondent dans ces sortes de laves; 


3°, Que si les trapps et les cornéennes sont des masses com- 
pactes composées de particules hétérogènes , comme on s’ac- 
corde à le croire, il nest pas possible, du moïns par les moyens 
que j'ai mis en usage, de constater directement quels sont les 
minéraux élémentaires, et notamment si lamphibole est fré- 
quemment du nombre; 


4°. Enfin, que la nature et Ja finesse du tissu intime des trapps 
et des cornéennes, et l'impossibilité d’assigner leur composition 
mécanique, ne permettent plus de les confondre avec les pâtes 
lithoïdes , basaltiques ou pyroxéniques. 


Tome LXXXIII OCTOBRE an 1616. Pp 


294 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Ainsi en rapprochant ces résultats de ceux obtenus dans la 
première partie de mes observations , il demeure constant, non- 
seulement que les laves lithoïdes contestées sont analogues aux 
laves lithoïdes modernes, mais encore que les unes et les autres 
ne ressemblent point aux roches primitives , intermédiaires ou 
secondaires, auxquelles on a prétendu jusqu’à présent qu'il falloit 
les assimiler, ou dont on a pensé qu’elles tiroient leur origine. 

.Je ne puis me dispenser de faire remarquer l'heureuse coïn- 
cidence de ces conclusions avec celles que Dolomieu a déduites 
de sa belle observation sur les circonstances qui caractérisent 
le gisement des matières volcaniques incontestables de l Auvergne 
et du Vivarais (1). Cette observation, la plus mémorable, la 
plus importante et surtout la plus avérée de toutes celles qu’on 
a faites en Géologie depuis trente ans, nous a appris que les 
matières volcaniques du Vivarais et de l'Auvergne se sont fait 
Jour à travers une contrée qui est toute granitique, sur une 
étendue de près de quatre cents myriamètres ( 1600 lieues) 
carrés. Or Dolomieu en combinant ce grand fait avec l’en- 
semble des phénomènes produits par les volcans brülans et les 
tremblemens de terre, a été conduit à cette conséquence, digne 
d’une entière attention de la part des géologues, savoir, que le 
siége des feux souterrains résidoit par toute la terre sous les 
couches primordiales que nous regardons comme les plus an- 
ciennes ; de mon côté, je prouve directement que les roches 
anciennes et modernes n'ont point d’analogues, non-seulement 
parmi Îles roches primordiales, mais encore parmi les roches 
intermédiaires ou secondaires, notamment celles qui renferment, 
sous différentes formes et en différentes proportions, des prin- 
cipes inflammables, sulfureux , métalliques ou bitumineux (2). 


= 


(1) Poyezles détails de cette observation, Journal des Mines, n° 41 et 42 ; 
vol. VIT, pag. 385, et n° 69, vol. XII, pag. 221. 

(2) De tous les faux rapprochemens auxquels les ressemblances de colora- 
tion, l’uniformité apparente du tissu, les analogies de certains caracteres ex- 
térieurs, et surtout la présence ou le voisinage d’un principe inflammable 
quelconque ont donné lieu, le plus accrédité, c’est celui qui conduit à placer 
les foyers volcaniques dans les plus grandes profondeurs des terrains houillers. 
Cette opinion a été facilement combattue par plusieurs minéralogistes. J’ai 
voulu moi-même contribuer à l’infirmer directement , lorsque j'ai publié dans 
notre Journal des Mines (n° 156, vol. XX VI, pag. 401) les observations que 
j'ai faites avec soin dans les houillères embrasées du pays d’Aubin , départe- 
ment de l'Aveyron, en remplissant dans ce pays mes fonctions d'ingénieur 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 295 


Ces notions remarquables, sans avoir le même degré de cer- 
titude, se prêtent un mutuel appui ; elles sont en harmonie avec 
tout ce que j'ai encore à exposer. Elles tendent sans doute à 
nous replacer dans une obscurité profonde à l'égard des matières 
qui servent d’aliment aux éruptions volcaniques ; mais l’aveu de 
notre iguorance, motivé sur l'existence d’un ordre de faits po- 
sitifs absolument nouveau , pourra paroître préférable à des ana- 
logies imaginaires, et à des hypothèses dont la stérilité a été 
jusqu'ici le moindre inconvémient. 


CHAPITRE CINQUIÈME. 


Examen des Pâtes indéterminées qui composent les Scories 
volcaniques de tous les âges. 


Je comprends sous le nom de pâtes scorifiées, les matières 
boursoufflées rouges, brunes , jaunes, grises, verdâtres et noires, 
nommées scories par presque tous les minéralogistes ; la pierre 
ponce ou pumite, la lave vitreuse pumicée et la scorie blanche. 
La plupart des variétés qui composent cette grande seclion pa- 
roissent inconnues à M. Werner , et n’ont point de place dans 
sa méthode (1). On ne voit effectivement figurer dans cette 


du Corps Royal des Mines. Mes expériences sur les pâtes lithoïdes achevent 
de faire justice de cette opinion. Il faut convenir qu’elle étoit bien peu soute- 
nable , car elle reposoit implicitement sur des suppositions contraires à deux 
grandes lois de Physique et de Chimie, celle qui préside à la combustion en gé- 
néral, et celle que suit la propagation de la chaleur dans les corps non mé- 
talliques. 

(1) Telles sont les ponces vertes et blanches des volcans incontestables , 
comme celles du cratère qui termine le pic de T'énériffe , et les scories de cou- 
leurs foncées , si belles , si fraiches , si parfaitement filées , cordées, tordues et 
tourmentées , qui alternent ou qui sont disséminées en tres-grande quantité au 
milieu des puissans systèmes volcaniques démantelés qui occupent des espaces 
si étendus en France, en Italie, en Sicile et dans beaucoup d’autres points de 
la surface de la terre. 

Parmi les caractéresnombreux et irrécusables qui attestent l’origine de ces im- 
menses systèmes , il faut noter que les lambeaux de courans lithoïdes qui s’# 
trouvent inclus sont constamment accompagnés de leurs croûtes scorifiées 
inférieures et supérieures , tantôt intactes, tantôt foiblement altérées dans leur 
tissu intime, mais non déformées ; tantôt enfin plus ou moins décomposées et 
affaissées : ce nouveau caractère est général ; je le signale à l'attention des ob- 
servateurs. 

Si on compare , du reste, les tres-petits lambeaux basaltiques de la Saxe à ces 
grands systemes classiques, on reconnoît que ces lambeaux ne sont qu’un cas tout- 


Pp 2 


296 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


méthode qué la scorie volcanique récente et la pierre ponce 
des formations trappéennes, qui est censée non volcanique. 

Considérées sous le point de vue de leur gisement , les pâtes 
scorifiées appartiennent , soit aux courans de laves de toutes es= 
pèces , soit/aux déjections incohérentes consolidées ou encore 
meubles. Les unes enveloppent les courans dans toute leur éten- 
due ; elles sont le premier produit de la coagulation , et forment 
une écorce continue qui est souvent très-épaisse à la surface 
supérieure de la lave, et quelquefois très-mince (ayant moins 
d'un centimètre, ou six lignes) à la surface inférieure. Les autres 
se présentent en fragmens plus où moins volumineux, tantôt 
dispersées dans les tufs et les brèches, lantôt amoncelées en cou- 
ches coniques et concentriques autour des orifices volcaniques, 
et tantôt entassées sous forme d'assises ordinaires , plus ou moins 
meubles, et communément mêlées de cendres. 

On sait que les laves lithoïdes poreuses ne se conservent pas 
aussi parfaitément intactes que les laves lithoïdes massives; les 
pâtes scorifiées sont en général bien plus accessibles que les unes 
et les autres aux effets de la décomposition. Leur perméabilité 
les rend facilement altérables. Tantôt elles se résolvent en poudre 
plus ou moins aride, semblable à la cendre ou thermantide pul- 
vérulente, tantôt elles se changent en une sorte de wacke par- 
ticulière ; elles donnent ainsi deux sortes de produits nouveaux, 
que j'examinerai chacun en son lieu. Malgré cette facile dispo- 


à-fait particulier dumême genre, que leur isolement , leur trèes-foible étendue , 
leur très-mince épaisseur, leur composition simple , la destruction de l'écorce 
scorifiée supérieure du basalte, et la décomposition très-avancée de l’écorce in- 
férieure , rendent presque anomal. Il faut que M. Werner soit parti de ce cas 
particulier et de quelques autres cas analogues , lorsqu'il a composé sa for- 
mation trappéenne stratiforme ( flætz-trapp), car l’on est forcé de reconnoïître 
que les conditions qu’il en donne sont très -incompletes et très-imparfaites ; 
lorsqu'on veut en faire l'application aux puissans terrains volcaniques déman- 
telés, situés loin de l'Allemagne , qui appartiennent à l’époque dont ce célebre 
minéralogisté a eù intention de caractériser les produits ; il manque vraiment 
un si grand nombre d’éléméns essentiels à ces conditions , que dès qu’on essaye 
de les compléter, en ayant égard aux circonstances classiques dont M. Werner 
n’a pu tenir compte faute de les connoître, on voit, malgré soi, l'hypothèse 
d’une formation trappéenne stratiforme générale s’évanouir entièrement. Je 
n’ai pas besoin de faire remarquer que mes expériences sont des élémens encore 
plus positifs, quoique d’un autre ordre, qui concourent au même but, et qui 
tendent en outre à infirmer presque aussi complètement l'hypothèse des forma- 
tions trappéénnes desépoques plus reculées. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 297 


silionà s'altérer, on les trouve quelquefois intactes dans les terrains 
volcaniques les plus anciens. 


Dolomieu , et plusieurs autres observateurs , ont divisé les pâtes 
scorifiées colorées en scories pesantes et scories légères, mais 
sans motiver ces distinctions par des caractères minéralogiques 
suffisamment tranchés : on verra cependant qu’elles étoient bien 
fondées. 


N'ayant trouvé aucune différence de tissu intime et de com- 
position mécanique entre les pâtes scorifiées intactes apparte- 
nant aux quatre époques volcaniques que j'ai précédemment 
définies, je vais rendre compte de mes expériences sans distinc- 
tion d'âge. Je rappellerai seulement que, devant les considérer 
exclusivement sous le point de vue minéralogique, j'en ai étudié 
la’ pâte abstraction faite des formes extérieures, des accidens 
de boursoufilement, des cristaux apparens disséminés, et des 
frsôgmens hétérogènes accidentellement enveloppés. 


Les pâtes scorifiées fondent en général plus facilement que 
les pâtes lithoïdes analogues; les caractères de fusion, dont je 
renvoie le détail dans la table, ainsi que celui des autres expé- 
riences , les caractères de fusion, dis-je, établissent deux genres 
distincts, savoir : celles qui fondent en verres blancs ou légè- 
rement colorés, et celles qui fondent en verres de couleur noire 
ou d'un vert noirâtre, J'ai trouvé d’ailleurs que la composition 
mécanique s'accordoit avec les caractères extérieurs, pour sub- 
diviser chaque genre en trois sortes, qui sont, les scories gru- 
meleuses, les scories pesantes et les scories légères. 

Les premières ne méritent d’être rangées parmi les pâtes sco- 
rifiées qu’à raison des aspérités tranchantes de ,leurs surfaces 
naturelles et de leur porosité ; elles sont remarquables par l'aspect 
lithoïde de la matière dont elles sont formées; elles tapissent, 
soit en partie, soit en entier, les surfaces inférieures et supé- 
rieures des courans lithoïdes modernes. On les retrouve accom- 
pagnant de même les lambeaux des courans de lave, dans les 
terrains contestés, partout où elles mont pas cédé à la désagré- 
gation et à la décomposition. 


Examinées au microscope, elles paroissent entièrement com- 
posées de grains ou cristaux, un peu plus fins, maïs aussi dis- 
tincts et aussi faciles à étudier que ceux des pâtes lithoïdes 
dont elles forment le revêtement; mais ces grains sont impar- 

; 8 
faitement entrelacés, échaffaudés en quelque sorte les uns sur 


298 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les autres, et isolés en partie par des vacuoles nombreuses. 

Si on examine leur surface naturelle dans les vacuoles comme 
dans les cavités bulleuses des masses, on reconnoît qu'ils sont 
couverts d’un vernis léger, brillant et vitreux; mais cette matière 
vitreuse, qui paroît ici comme le résidu de la cristallisation pré- 
cipitée, est en trop petite quantité pour qu’à l'intérieur de la 
pâte on ne puisse la distinguer d’avec la matière même des 
grains, entre lesquels on peut présumer qu’elle est interposée. 
Les grains microscopiques des scories grumeleuses présentent 
les mêmes minéraux élémentaires, associés dans les mêmes pro- 

ortions que les pâtes lithoïdes servant de support : tantôt c’est 
le pyroxène qui domine et tantôt le feld-spath. 


Dureste, les caractères des scories grumeleuses perdent de leur 
netteté au point de contact avec la lave lithoïde massive, ou 
poreuse congénère; on conçoit facilement qu’il existe une foule 
de masses qui présentent une structure plus ou moins mixte 
entre les structures lithoïdes et scoriformes parfaites. 

Les formes tourmentées, tordues et filées, des pâtes scorifiées 
pesantes, dénoncent les causes perturbatrices qui ont agi pen- 
dant la coagulation de la matière qui en fait la base. Elles entrent, 
concurremment avec les scories grumeleuses, dans la composi- 
tion des revêtemens inférieurs et supérieurs des courans de lave 
anciens et modernes; quelquefois même elles constituent ces 
revêtemens en entier. Elles forment en grande partie la masse 
des déjections incohérentes qui Sante et autour des orifices 
volcaniques. 


La pâte qui en fait la base, examinée dans sa cassure, pré- 
sente un aspect intermédiaire entre l'aspect lithoïde et l’aspect 
vitreux. 

Examinée au microscope, cette pâte paroît composée d’une 
substance vitreuse continue, dans laquelle sont disséminés des 
grains blancs, verts ounoirs, semblables à ceux des pâtes lithoïdes. 
Le volume de ces grains varie entre un vingtième et un cin- 
quantième de millimètre, quelquefois même ils ne figurent que 
comme des espèces d’ambrions; leur nombre est très-variable; 
le plus ordinairement ils forment le quart ouj le sixième de 
la masse; lorsqu'ils abondent, la masse passe à la scorie gru- 
meleuse; plus ils sont rares, plus la masse prend l’aspect vitreux. 
Dans les scories rouges, la majeure partie des grains noirs ap. 
partient au fer oligiste; ils sont accompagnés de particules 
rougeâtres et brunes, excessivement déliées, qu'il faut également 


e. — 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 299 


rapporter à ce minéral, soit à cause de leur couleur, soit à cause 
de la teinte verte qu'ils communiquent par la fusion. 


Les éclats de la substance vitreuse élémentaire sont translu- 
cides et foiblement colorés de teintes analogues à celles des 
masses auxquelles ils appartiennent, c'est-à-dire blanches, d’un 
blanc jaunâtre, blanc rougeâtre, brun rougeâlre, ou vert noi- 
râtre. Sur le filet de disthène ils fondent un peu plus facilement 
que les grains inclus, et présentent d’ailleurs tous les caractères 
du verre volcanique. 


Les caractères de fusion ne permettent pas de douter que les 
élémens prochains du feld -spath et du pyroxène ne dominent 
dans les parties vitreuses des scories pesantes, en proportions 
analogues à celles des grains microscopiques de l’une ou l’autre 
espèce qui s’y trouvent disséminés, Cette induction , à laquelle 
rien ne répugne d’ailleurs, paroîtra tout-à-fait probable lorsque 
j'aurai traité des verres volcaniques. Elle est en harmonie avec 
le mode suivant lequel les scories pesantes se lient avec les masses 
lithoïdes congénères, partout où elles leur sont en contact; en 
effet , la liaison s'établit par un passage insensible entre les deux 
espèces de structure intime. 


Les pâtes scorifiées légères se trouvent rarement associées aux 
deux autres sortes dans les revêtemens supérieurs et inférieurs des 
courans lithoïdes. On les trouve plus communément mêlées en 
fragmens avec les scories pesantes, dans le voisinage des orifices 
volcaniques; ou bien elles constituent, sous forme lapillaire , des 
couches très-étendues. Ce sont elles encore qui composent ex- 
clusivement l’écorce des courans absolument vitreux, qu’on ob- 
serve dans un petit nombre de volcans. Elles jouissent plus spé- 
cialement que les deux autres sortes, de la faculté de se conserver 
intactes, même dans les terrains volcaniques contestés les plus 
anciens. 


Soumises à l'analyse mécanique, elles offrent un tissu uni- 
forme , dont tous les caractères sont analogues à ceux des verres 
volcaniques de couleurs correspondantes, préalablement réduites 
en poudre. On reconnoît notamment , que les scories noires 
opaques ne présentent cet aspect qu’à raison de leur volume: 
leurs éclats très-minces sont translucides, tantôt d’un brun Jau- 
nâtre, tantôt d’un vert bouteille. Les fibres de la scorie blanche, 
ou pierre ponce, ressemblent à des filamens de verre blanc or- 
dinaire, droits ou contournés, cannelés ou cylindriques. La ténuité 


300 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
de ceux qui sont parfaitement soyeux passe souvent un cin- 
quantième de millimètre. cs 

Les différentes pâtes de scorie légère renferment des grains 
noirs de fer titané et des rudimens rares de feld-spath ou de 
pyroxène, auxquels s'associent l’amphigène et le péridot; par 
leur présence, ces minéraux sont comme les derniers témoins 
qui servent à prouver la nature des combinaisons chimiques 
dont les pâtes scorifiées légères contiennent lesélémens prochains, 
et quels eussent été les produits dominans de l'agrégation ré- 
gulière, si elle l’avoit emporté sur l’agrégation vitreuse, 

La notion minéralogique de chaque sorte de scorie est facile 
à déduire de ces observations; mais on voit que leur place, dans 
les méthodes, ne peut être assignée que par convention ,à la suite, 
soit du pyroxène, soit du feld-spath. Quant à la nomenclalure, 
je réunis sous le nom de pumite les scories feld-spathiques , 
c’est-à-dire qui fondent en verre blanc ou légèrement verdâtre, 
et je conserve le nom de scories proprement dites, aux sortes 
pyroxéniques, c’est-à-dire qui fondent en verres où émaux noirs, 
ou d’un vert foncé. Les modifications du tissu et de la com- 
position mécanique marquent trois subdivisions nalurelles, soit 
pour Ja scorie, soit pour la pumite : ce sont celles que J'ai 
employées ci-dessus. Des variétés nombreuses seront aisément 
désignées, en prenant en considération les accidens de forme et 
de boursoufflement. 


Considérées géologiquement, les différentes variétés de scorie 
et de pumite peuvent être définies comme des produits mixtes 
de l'agrégation régulière et de l'agrégation vitreuse, ayant agi 
simultanément pendant le refroidissement de la matière des 
laves; produits qui, indépendamment d’une substance vitreuse 
dont la nature est présumée d’après de très-grandes probabilités, 
renferment des minéraux microscopiques plus ou moins abon- 
dans , qui appartiennent à des espèces déterminées et de même 
pature que celles dont les pâtes lithoïdes sont entièrement formées. 
En d’autres termes, la pâte qui compose la pumite et la scorie 
est tantôt en granite microscopique criblé d’un grand nombre 
de vacuoles et mélangé d’un peu de verre, tantôt un porphyre 
microscopique à base de verre, tantôt un verre ou émail mêlé 
de cristaux microscopiques assez rares. 

Ces définitions de la structure intime et de la composition 
mécañique des différentes variétés de la scorie et de la pumite 
paroïtront à peine remarquables à raison de leur extrême sim 


plicité ; 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 3ot 


plicité; mais les applications sont importantes; j'en choisis l'exem- 
ple suivant à cause de l’intérêt plus général qu’il peut offrir. 


Les voyageurs qui ont visité les volcans brûlans ont été frappés 
de la stérilité invincible de certains courans de lave qui datent 
des temps historiques les plus reculés. 11s se sont étonnés de voir 
en même temps des courans, pour äinsi dire modernes, parés 
de la plus riche végétation ; malgré tout ce que ce phénomène 
a de‘singulier, personne n’en a donné l'explication ; je crois pou- 
voir la trouver dans la différence qui doit exister entre le tissu 
intime des croûtes scorifiées superficielles, Je puis citer, à ce 
sujet, l’état actuel de la surface du superbe courant basaltique 
de 1705 à Ténériffe; c'est une scorie grumeleuse proprement 
dite qui compose l'écorce supérieure de ce courant; elle est 
déjà en partie désagrégée et déeomposée, et la végétation spon- 
tanée commence à envahir ses débris. On conçoit en eflet, 
que des masses formées de parties hétérogènes très-fimes, criblées 
d’an grand nombre de vacuoles, et renfermant en abondance 
la substance le plus facilement altérable de tous les terrains, 
c'est-à-dire Je feld-spath, puissent tomber en poudre et se ré- 
soudre en terre végétale beaucoup plus promptement que des 
croûtes presque entièrement vitreuses, sur la matière desquelles 
les agens atmosphériques ont nécessairement peu de prise et peu 


d'action. 
CHAPITRE SIXIÈME. 


Examen des Pâtes indéterminées qui composent les Laves 
vitreuses de tous les âges. 


Sous le nom de verres volcaniques, je confonds les laves vi- 
{reuses de Dolomieu , une grande partie de celles de M. Haüy, 
les laves vitreuses fontiformes, théphriniques et pétrosiliceuses 
de M. Delamétherie; l’obsidienne de M. Werner, quelques va- 
riélés de la base de son pechstein porphyrique, qui ne contient pas 
de quartz, le perlstein; enfin les obsidiennes rouges smalloïdes, 
que Depach et moi avons trouvées à Ténériffe. 

De toutes les bases indéterminées, ce sont les verres volca- 
niques qui se représentent avec les traits de l'identité la plus 
parfaite, dans les terrains volcaniques de tous les âges; l'imper- 
méabilité du tissu intime rend un grand nombre de variétés 
presque inaltérables. 

A ne consulter que les préjugés anciens, on devroit croire que 


Tome LXXXIII. OCTOBRE an 1816. Qq 


302 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

les laves vitreuses occupent une place très-étendue parmi les? 
roches volcaniques, mais il n’en est pas ainsi. Elles sont rares, 
même dans les volcans brûlans. On les trouve plutôt en frag- 
meus parmi les déjections incohérentes, que composant des cou-; 
rans entiers. On sait que les plus beaux, gisemens sous,cette der-, 
nière forme sont à Ténérifle, et qu'ils proviennent des éruptions 
modernes qui.ont élevé le mamelon du pic. Ce mamelon lui- 
même est exclusivement composé d’obsidienne porphyrique et 
de pumite (1). sys 


1 

On pourra voir, dans la table de mes expériences, que je n’ai 
point confondu les verres volcaniques avec les substances d’ap- 
parence vitreuse ou piciforme, désignées sous les noms de 7é- 
tinite , pechstein ou gæstein: Il paroît, d’après les expériences 
de M. Sage, que ces substances contiennent de l’eau en très- 
grande quantité; en outre, elles renferment souvent du quaïtz 
disséminé en grains très-apparens. On les trouve en un très-pétit 
nombre de localités, où leur gisement n’a rien d’avéré. Je n’ai 
pas cru devoir en faire l'objet d’un.examen comparatif. 


Quelle que soit l’opacité ou la translucidité des verres volca- 
niques , leur couleur rouge, brune, noire, verte, grise ou blanche, 
et leur tissu plus ou moims uniforme, ils fondent tous, soit en 
verre blanc ou légèrement coloré, soit en verre noirâtre foncé, 
ce qui les partage en deux genres distincts, 


Les caractères extérieurs, ainsi que l’analyse mécanique , sub- 
divisent chacun de ces deux genres en trois sortes, savoir: les 
verres imparfaits , les verres smalloïdes et les verres parfaits. 


Les premiers, qu'on pourroit aussi bien nommer pâtes li- 
t1hoïdes imparfaites, à raison de leur aspect demi-vitreux, sou- 


(1) À cette occasion, je ne puis me dispenser de relever une des plus singu- 
lières méprises dans lesquelles l’hypothèse des formations trappéennes ait en- 
trainé une partie des minéralogistes du Nord. Reuss, après avoir supposé avec 
M. Werner, que presque toutes les poncesontuneorigine dite aqueuse, etque l’ob- 
sidienne porphyrique est une roche primitive , embarrassé de citer une localité 
où le gisement de cette prétendue roche primitive füt avéré, s’est decidé à 
donner comme exemple le pic de Ténériffe. Certes, lorsque Wallerius et Berg 
mann ont élevé des doutes sur l’origine des roches basaltiques anomales, ils 
ne prévoyoient guere qu'on pousseroit un jour l’incrédulité systématique 
jusqu’à méconnoître l’origine des laves qui forment la bordure immédiate des 


orifices volcaniques encore fumans , et qui en sont les produits les plus incou- 
testables. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 303 


mis au microscope, s’y présentent formés d’une matière vitreuse 
dans laquelle sont disséminés des rudimens plus où moins com- 
plets de cristaux , ou grains microscopiques. Ces grains, de mêmes 
couleurs. et de la même nature que ceux des pâtes lithoïdes , 
l'amphibole et le fer oligiste exceptés, ont ordinairement le même 
volume, Ceux qui sont colorés se distinguent très-nettement ; 
mais il faut de l'attention pour ne pas confondre les autres avec 
la pâte vitreuse, lorsque celle-ci est réduite en très-petits éclats. 

- Les verres volcaniques parfaits exposés au microscope, y 
conservent l’uniformité apparente de leur tissu. On y aperçoit 
seulement quelques grains très-rares de fer titané; les verres 
smalloïdes ou piciformes ne différent des premiers que par l’in- 
tensité de leurs couleurs et de leur opacité; réduits en fragmens 
très-minces, ils deviennent translucides et affectent des couleurs 
claires. Les très-petits éclats translucides et incolores qu’on ob- 
tent en brisant un assez grand nombre de variétés de l’une et 
l'autre sorte, ne présentent jamais la transparence cristalline des 
fragmens de feld-spath, et les modifications régulières de leur 
cassure. Ils fondent un peu plus facilement; du reste, il faut 
du soin pour ne pas se méprendre au premier aspect. 

Je ferai remarquer maintenant, que dans les sortes qui fondent 
en verre blanc ou légèrement verdâtre, on trouve souvent des 
cristaux apparens à la vue simple, de feld:spath et rarement de 
mica ; on y rencontre aussi, mais comme accidentellement ; les 
dütres minéraux volcaniques; c’est au contraire le pyroxène ac- 
compagné du péridot, qui donnent l'aspect porphyrique aux sortes 
qui fondent en verre de couleur très-foncée. 

On conçoit que, d’après la composition mécanique des pâtes 
vitreuses imparfaites, il doit exister une foule de variétés in- 
termédiaires , dont le tissu s'approche plus ou moins, soit de 
la structure tout -à-fait lithoïde, soit de la structure entièrement 
vitreuse, suivant l'abondance ou la rareté des cristaux micros- 
copiques disséminés. C’est effectivement ce qu’on verroit dans 
une collection nombreuse et bien faite de ces produits. La na- 
ture réunit quelquefois dans le même bloc de lave, ancienne 
ou moderne, ces trois structures d'apparence si différente, se 
confondant insensiblement l’une avec l’autre à leurs points de 
contact, Ce fait important, si commun au contact des pâtes sco- 
rifiées avec les pâtes lithoïdes, mais qui s’y trouve masqué par 
les apparences dues à l'abondance des vacuoles microscopiques 
et à l'extrême boursoufilement, est encore peu connu. J’ai été 


Qq 2 


304 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


assez heureux pour en découvrir deux exemples, aussi remar- 
quables par l'étendue qu’ils occupent, que par la nature des 
pâtes composantes, en deux localités des volcans éteints incon- 
testables, de l’Auvergne et du Vivarais; localités dont je don- 
nerai la monographie dans un Mémoire particulier. 

Il y a long-temps que les résultats de l’analyse chimique et 
de la fusion, la comparaison des pesanteurs spécifiques et l'étude 
des caractères empiriques, ont porté les minéralogistes à pré- 
sumer que les pâtes vitreuses qui fondent en verre blanc con- 
tenoient les élémens prochains du feld-spath ; opinion qui devient 
tout-à-fait probable d’après mes expériences; mais il y a peu 
de temps que l’on connoît les pâtes vitreuses fondant en verre 
noir, C’est à M. Delamétherie et à M. de Drée qu’on en doit les 
premières annonces; on peut dire que ces dernières sortes aurojent 
manqué à la série méthodique des pâtes volcaniques; à l'avenir 
elles joueront un rôle remarquable. En eflet, les deux exemples 
de passages immédiats dont j'ai annoncé ci-dessus la décou- 
verte, présentent la transition parfaite du verre noir au ba- 
salte le plus dense et de l’origine la plus incontestable. 

On voit, d’après ces données, que les notions minéralogiques 
et géologiques qu’on doit admettre désormais à l'égard des 
verres volcaniques, sont analogues à celles qui caractérisent les 
pâtes scorifiées légères, pesantes et grumeleuses; à la vérité les 
apparences produites , soit par l’absence ou l’abondance des va- 
cuoles microscopiques , soit par l'extrême boursoufilement , soit 
par les formes extérieures des masses, soit par l’opacité ou la 
transparence de la matière vitreuse, défigurent singulièrement 
les verres volcaniques dans la scorie et la pumite; mais la com- 
position mécanique des uns et des autres offre tous. les carac- 
tères de l'identité. - 

Les verres volcaniques sont donc ou pyroxéniques, ou feld- 
spathiques , à la manière des pâtes scorifiées. Ils ne peuvent 
avoir, dans les méthodes minéralogiques, que des places de con- 
vention, à la suite, soit du feld-spath, soit du pyroxène. Quant 
à la nomenclature, je conserve le nom d’obsidienne aux sortes 
qui fondent en verre blanc ou légèrement coloré, et je donne 
le nom de gallinace aux sortes pyroxéniques, c’est-à-dire qui 
fondent en verres ou émaux d’une couleur noire, ou vert noi- 
râtre foncé. Les distinctions de parfaite, de smalloïde et d’im- 
parfaite, partageront la gallinace et l’obsidienne chacune en trois 
subdivisions naturelles. Les variétés principales seront facilement 
établies d’après les accidens de forme, d’éclat et d’opacité. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 30 


Je ferminerai ce que j'avois à dire sur les différens produits de 
la coagulation de la inatière des laves que j'ai examinées jus- 
qu'ici, en faisant remarquer que mes résultats jettent un jour 
tout-à-fait nouveau sur les expériences qu’on a tentées il y à 
déjà quelques années, en soumettant à la fusion artificielle, et 
à des refroidissemens gradués, plusieurs substances, soit vol- 


caniques, soit non volcaniques, douées du tissu compact ou 
terreux. 


D’après mes observations, on peut maintenant disserter très- 
clairement ce qui a manqué aux belles expériences de M, Hall 
pour en rendre les conséquences absolues. On voit qu’il eût fallu, 
avant toute chose, que M. Hall eût défini la structure intime 


et la composition mécanique des substances qu’il a employées, 
celles des cristallites qu'il a obtenues. 


Les mêmes lacunes setrouvent dans les expériences ingénieuses 
tentées par M. de Drée, dans l'intention de prouver que la fu- 


sion artificielle des trapps et des cornéennes pouvoit produire 
des laves basaltiques. 


Voici done comment je crois être autorisé à marquer l’état ac- 
tuel de cette partie de nos connoissances. On peut bien assurer 
que certaines substances douées du tissu terreux ou compacte 
(quelle que soit d’ailleurs leur origine) peuvent, après avoir été 
artificiellement fondues , se solidifier à la manière des javes in- 
candescentes, tantôt avec la contexture vitreuse , tantôt avec la 
contexture lithoïde, et tantôt avec une contexture mixte; mais 
il reste à démontrer, qu’en cas d'agrégation régulière ou lithoïde, 
l'art reproduit bien réellement , dans les cristallites obtenues, les 
minéraux microscopiques dont se composoient , ou sont censées 
se composer les masses compactes ou terreuses mises en ex- 
périence. Quant aux laves lithoïdes en particulier, comme leurs 
minéraux élémentaires sont très-diffléremment fusibles, et souvent 
presque infusibles , il est évident qu’essayer de les réagréger après 
la fusion, c’est, à quelques diflérences près, vouloir refaire du 
granite ordinaire. 


Je suis bien loin, au reste, d’avoir intention de diminuer, 
par ces considérations, le mérite des expériences de M. de Drée 
et de M. Hall. Ces observateurs ont, ainsi que M. Fleurieu 
de Bellevue, M. Watt, M. Dartigues, M. Fourmi et Spallan- 
zani, qui ont fait des recherches analogues, ouvert un nouveau 
champ à la Chimie, en démontrant que son pouvoir pour créer 


306 JOURNAL -DE, PHYSIQUE, .DE CHIMIE 

des minéraux. artificiels (1) par la voie sèche, s’étendoit} atssi 
aux combinaisons des principes, terreux, ; ils ont enrichi, la 
science géologique d’une source d’analogies nouvelles, qui,ont 
aidé à concevoir, jusqu'à un certain point, les différens æflels 
de la coagulation des laves, bien, qu’on ne fit entrer en con 
sidération que la simple influence du mode,de refroidissement ; 
et la notion très-imparfaite de leur natureet de leur.état d’agré- 
gation. Maintenant que mes expériences définissent rigoureuse: 
ment, non-seulement ce qu’il s’agissoit d'expliquer, c’est-à-dire 
l'état d'agrégation, mais encore ce ‘qu’on n’expliquoit, pas faute 
de s’en être rendu compte, c’est-à-dire la composition méca- 
nique, on pourra plus facilement chercher à rendre, les, ana- 
logies plus exactes, en faisant des éxpériences plus directes et 
combinées de manière à ce que les résultats puissent satisfaire 


(1) De quelque manière que la Chimie agrege les corps simples.et les com- 
binaisons diverses qu’elle obtient en décomposant les substances minéralesnatu- 
relles, les produits solides obtenus seroient plus nettement définis par le nom de 
minéraux artificiels, que par celui de produits chimiques. Un grand nombre 
de ces minéraux , que j'appelle donc artificiels , ne peuvent être agrégés sous 
forme de corps solides que par la voie sèche, c’est-à-dire par la simple sous- 
traction d’une certaine quantité de chaleur acquise, tels sont les métaux, 
plusieurs oxides, et beaucoup de sels volatiles. D’autres n’obéissent à l’agré- 
gation régulière que par la soustraction d’un liquide. interposé, condition 
à laquelle il faut ajouter , en beaucoup de cas, la soustraction d’une certaine 
température acquise ; tels sont les sels solubles, Quant aux sels insolubles et 
aux combinaisons terreuses , on ne les obtient que sous forme de particules in 
discernables , tantôt pulvérulentes , tantôt foiblement adhérentes , tantôt con- 
fusément agrégées à l’état de verre où d’émaux. Jusqu’à présent les efforts de 
la Chimie ont été vains pour donner à ces minéraux artificiels vitreux, friables 
ou pulvérulens , l’existence de corps régulièrement agrégés , c’est-à-dire 
pour en faire des cristaux. Elle n’échoue pas moins , lorsqu’après avoir dissous 
les élémens des substances pierreuses naturelles, elle veut les réagréger sous 
leur forme première , ou simplement avec leur tissu cristallisé originaire. Son 
impuissance est d'autant plus remarquable , qu’elle opère facilement la réagré- 
gaton réguliere d’un grand nombre de minéraux naturels, métalliques, salins 
ou sulfureux. On ne doit donc pas s’étonner de la grande importance qu’on a 
attachée à la découverte de plusieurs combinaisons terreuses cristallisées au 
milieu des produits vitreux des fours à chaux, des verreries el des foyers de 
forge. M. Fleurieu de Bellevue est le premier et le seul savant qui se soit 
occupé du soin de déterminer les caractères spécifiques de cette classe encore 
peu nombreuse de minéraux artificiels. Ses recherches à cé sujet, et les ana— 
logies qu’il en a déduites, offrent un puissant intérêt, et se trouvent consignées 
dans un grand Mémoire imprimé au Journal de Physique, 1805 , tome LX , 


pag. 409. 


ET D'HISTOIRE. NATURELLE. 307 


aux conditions désormais bien connues du phénomène; mais 
pour-obtenirdertels résultats; "ilfaudra sans‘doute inventer des 
procédés nouveaux ; il me semble, du moins, qu'il seroit pré- 


Jiminairement convenable d'étudier et de déterminer avec 


exactitude la nature et lé rôle, non-seulement des substances 
volatiles qui s’exhalent pendant le refroidissement des laves, 
mais encore des matières salines qui se séparent et se concrètent , 
soit à l’intérieur, soit à l'extérieur des courans, et que les pre- 
mières eaux filtrantes dérobent si promptement à l’observateur: 
ces recherches paroïssent, indispensables à beaucoup d’autres 
égards; le moindre succès qu'on obtiendroit en s’y. livrant auroit 
d'autant. plus de prix pour la science’, que les difhcultés'à vaincre 
sont trés-grandes, et que les hommes les plus habiles y ont échoué 
jusqu'à présent. que RAT 


n: 


5 


té (La suite a prochain Cahier.) 


3%08 JOURNAL-DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, etc. 
I e i | - : L ; | u 
TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS.GCE CAHIER. 


Suite des Méthodes classiques et naturelles appliquées à 
la Géographie physique; par M. Toulouzan de Sarnt- 
Martin. Deuxième Mémotre. Pag. 229 
Tableau météorologique ; par M. Bouvard. 242 
Prodrome d'une nouvelle distribution systématique du 
règne animal; par M. H. de Blainville. 244 
Mémoire sur la possibilité de faire vivre des mollusques 
Jfluviatiles dans les eaux salées, et des mollusques 
marins dans les eaux douces, considérée sous Le rapport 
de la Géologie; par F. $. Beudant. 268 
Suite du Mémoire sur les substances minérales dites en 
masse, gui entrent dans la composition des roches 
volcaniques de tous les âges; par P. Louis Cordier. 285 


De l'Imprimerie de M®° Veuye COURCIER, Imprimeur. Libraire pour 
les Mathématiques et la Marine, quai des Auguitins, n° 57. 


JOURNAL 


DE PHYSIQUE, 


DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


NOVEMBRE AN 1816. 


MÉMOIRE 


Sur les nouvelles Propriétés de la Chaleur à mesure qu’elle 
se développe dans sa propagation le long des morceaux 
de verre; 


Par Davi BREWSTER, 
Des Sociétés Royales de Londres et d'Édimbourg ; 


DANS UNE LETTRE ADRESSÉE A SIR JOsEPH BANKS. 
Extrait des Transactions Philosophiques. 


Lu dans la Séance de la Société Royale, le 11 janvier 1816. 


EXTRAIT (r). 
MONSIEUR, 


Dans deux Mémoires publiés dans les Transactions Philoso- 
phiques de la Société Royale ; j'ai parlé de l’action de la chaleur 
sur le verre, qui met celui-ci en état de faire passer un rayon 


EE 
(1) Nous n’avons pu faire graver les nombreuses figures qui sont dans le 
Mémoire de l’auteur. (Note du Rédacteur.) 


Tome LXX XIII. NOVEMBRE an 1816. Rr 


310 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

de lumière dans deux pinceaux polarisés à l’opposite, et j'ai 
démontré qu’un verre qui n’est pas apprêté dans la forme des 
gouttes du prince Ruppert, possède les axes optiques distincts, 


et agit sur la lumière comme tous les corps régulièrement 
cristallisés. 


Ce sujet a quelquefois fixé de nouveau mon attention, depuis 
que j'eus découvert que la réflexion de tous les métaux, et la 
réflexion totale des secondes surfaces des corps transparens, pro- 
duisoient le même effet que les cristaux cristallisés, en séparant 
un rayon de lumière polarisée dans ses teintes complémentaires, 
Ce qui m'a porté à croire que l'existence de deux pinceaux 
polarisés à l’opposite et la production des couleurs complé- 
mentaires , étoient des effets concomitans ; en conséquence je me 
disposai à examiner la vérité de cette supposition dans la cir- 
constance du verre exposé à la chaleur. Dans mes premières 
expériences sur ce sujet, je n’avois point observé ces couleurs, 
attendu que je n’étois pas alors en possession de la manière 
de les découvrir lorsqu'elles formoient les teintes inférieures de 
l'échelle de Newton; mais j'ai découvert depuis, une méthode 
de les rendre visibles dans tous les cas, par les effets qu’elles 
produisent en modifiant la couleur d’un morceau de:sulfate:de 
chaux que je pris pour modèle. 

Les résultats de ces expériences, en même temps qu'ils con- 
firment la supposition que j'ai faite, m'ont aussi conduit à la 
découverte de plusieurs phénomènes singuliers, qui constituent 
une nouvelle branchede Physique ,analogue, dans son caractère 
général, aux sciences du magnétisme et de l'électricité. Les 
intéressantes propriétés de Ja lumière et de la chaleur qui sont 
exposées dans le Mémoire suivant, ainsi que les vues nouvelles 
qui sy trouvent développées relativement à la structure des 
corps-cristallisés, fixeront sans doute l'attention du chimiste, 
du minéralogiste et du naturaliste, en même temps que l’éclat 
et la variété des phénomènes qu'il embrasse exciteront la cu- 
riosité de ceux aux yeux de qui les recherches scientifiques ne 
sont que des objets d'amusement et de conversation. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 311 
SECTION PREMIÈRE. 


Sur les effets transiloires qui se développent pendant la 
propagation de la Chaleur le long des morceaux de 
verre, ou durant la communication du verre aux corps 


environnans. 
Proposition preinière. 


« Lorsque la chaleur est propagée le long d’un morceau de 
» verre, ses progrès sont marqués par la communication d’une 
» structure cristalline qui change son caractère avec la tempé- 
» rature, et qui disparoît quand la chaleur est répandue d’une 
» manière uniforme sur le morceau. » 


Si on laisse le bord d’un morceau de verre sur une barre de 
fer rouge placée horizontalement, et qu’un rayon de lumière 
polarisée dans une surface plane inclinée de 45° à l’horizon 
passe au travers, la lumière sera dépolarisée à différens degrés 
dans les différentes parties du verre. Lorsque la température est 
rendue uniforme, le morceau de verre perd sa propriété de dé- 
polarisation. Pour prouver qu'une température inégale est né- 
cessaire au développement de cette structure, j'ai tenu un petit 
morceau de verre dans des tenailles chauffées au feu, dont les 
extrémités étoient rondes. Il acquit aussitôt la structure dépo- 
larisante, qu’il perdit du moment où la chaleur répandue devint 
uniforme. Je refroidis alors le verre, et le tins une seconde fois 
dans les mêmes tenailles, beaucoup plus froides qu'auparavant. 
La structure dépolarisante lui fut de nouveau communiquée 
comme précédemment. 


J’obtins le même résultat avec 12 morceaux de verre placés 
sur une barre de fer rouge. 


Proposition deuxième. 


« Lorsqu'un morceau de verre est amené à une température 
» uniforme beaucoup au-dessus de celle de l'atmosphère, la 
» communication de sa chaleur à l'air environnant, ou aux 
» autres corps plus froids que lui, est marquée par la produc- 
» tion d’une structure cristalline semblable à celle décrite dans 
» la Proposition précédente. » 

Je pris trois morceaux de glace épaisse de miroir , que Jj'a- 

Rr 2 


312. JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


menai à une température uniforme, en les plongeant dans l’eau 
bouillante. Dans cet état ils n’exercèrent pas d'action sur la 
lumière polarisée; mais lorsque leurs bords furent placés sur 
une masse de fer froid, l'inégalité de la température occasionée 
par labstraction de leur chaleur, produisit une structure cris- 
talline sur chacun des bords des morceaux, qui polarisèrent une 
teinte d'un blanc bleuâtre du premier ordre. A une distance 
plus éloignée des bords, les morceaux dépolarisèrent une teinte 
plus basse dans l'échelle de Newton (1). Lorsque les morceaux 
sont exposés à l'air, le même effet est produit; mais dans un 
degré moindre, Voyez Proposition quatorzième. 


Proposition troisième. 


« Lorsque la chaleur est propagée le long d’un morceau de 
» verre, ses petites parties se combinent de manière à présenter 
» des axes dépolarisans neutres et distincts, comme tous les cris- 
» taux doués de la double réfraction, les axes neutres étant 


» parallèles et perpendiculaires à la direction dans laquelle la 
» chaleur est propagée. » 


Lorsqu'un rayon de lumière polarisée dans une surface plane 
inclinée de 45° à l'horizon, passe au travers d’un morceau de 
verre placé sur un morceau de fer rouge horizontalement posé, 
il est complètement dépolarisé; mais lorsqu'une surface plane 
d’une polarisation primitive est parallèle ou perpendiculaire à 
l'horizon, il ne survient aucun changement sur le rayon pola- 
risé, un effet intermédiaire étant produit dans les positions in- 
termédiaires, comme dans les corps régulièrement cristallisés. 


Proposition quatrième. 


« Lorsque la structure dépolarisante est communiquée au 
» verre par la chaleur, de la manière ci-dessus décrite, le verre 
» acquiert la propriété de distribuer la lumière polarisée dans 
» ses couleurs complémentaires. » 

L'appareil disposé comme dans la Proposition troisième, la 


(1) On dit qu’une teinte est plus élevée qu’une autre, lorsqu’elle appartient 
à un ordre plus élevé, ou qu’elle est à une plus grande distance du noir ou du 
commencement de l'échelle. Cette explication étoit nécessaire , M. Biot ayant 
employé ce mot dans le sens opposé. 


, ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 318 
lumière passera à travers le verre, qui doit être analysé par un 
prisme de spar calcaire, ou par la réflexion à l’angle polarisant 

‘un morceau de verre noir, ayant un mouvement de rotalion 
autour du rayon polarisé. Lorsque la surface plane de réflexion 
du verre: noir est perpendiculaire à la surface plane de polari- 
sation primilive, toute la surface du morceau de verre sera 
couverte de franges belles et hautes en couleur; et lorsque la 
surface plane fait un mouvement de rotation à g0° de sa posi- 
tion, la surface de verre sera couverte de franges complémen- 
taires, les couleurs passant graduellement d’un état à l’autre 
durant le mouvement de rotation du verre , de la même mamiere 
que dans les corps cristallisés, 

La nature et l'intensité de ces teintes sont représentées par 
les formules suivantes; elles sont les mêmes que celles imaginées 
par M. Biot pour les corps cristallisés : 


P — O + E cos’ 2.4, 
Il = E sm’ 2. 


Dans ces formules P représente le pinceau ordinaire et I le 
pinceau extraordinaire ; O est la teinte colorée qui conserve sa 
polarisation primitive, et sur laquelle le verre cristallisé n’agit 
pas; E est la teinte complémentaire, qui a perdu sa polarisation 
primitive par l’action du verre polarisé dans un angle égal à 
2.a; et a est l’angle vertical que l'axe du plateau forme avec 
la surface plane de la polarisation primitive. 


Proposition cinquième. 


« Les franges coloriées mentionnées dans la Proposition pré- 
» cédente, sont composées de six rangées diflérentes, deux ex- 
» térieures, deux intérieures et deux aux extrémités. Les rangées 
» extérieures occupent les bords, les rangées intérieures le 
» milieu, et celles aux extrémités, les extrémités du morceau 
» de verre; et chaque rangée est séparée de celle adjacente 
» par une frange d’un noir foncé. » 

A mesure que les teintes augmentent en nombre, les franges 
des extrémités subissent des changemens particuliers, dont nous 
donnerons la description dans la seconde partie de ce Mémoire. 


Lorsque le morceau de verre s'étend au-delà du fer chaud , 
les franges des extrémités ne sont pas produites, 


314 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
Proposition sixième. 


« Explication du développement successif et de l'extinction 
» subséquente des franges pendant la propagation de la chaleur 
» le long du morceau de verre. » 


Lorsque le morceau de verre est placé sur le fer chaud, 
une frange ou ondulation d’un blanc pâle paroît à l'instant, et 
avance graduellement sur le verre, en chassant devant elle une 
ondulation sombre et indéfinie. À peu près dans le même ins- 
tant, s'avance du bord supérieur une ondulation semblable, mais 
d’un blanc plus foible, qui chasse aussi devant elle une pareille 
ondulation terne et indéfinie. Bientôt après une autre frange 
blanche délayée se montre vers le centre, en s’avançcant vers 
les bords. Les ondulations de lumière blanche qui ont leur ori- 
gine aux bordsdu morceau, et celles qui viennént joindre les 
ondulations du milieu, condensent les ondulations ternes et in- 
définies en deux franges noires. Une ondulation d’un jaune foible 
paroît ensuite, empiétant graduellement sur la blanche; elle est 
suivie de teintes orange et rouge, qui complètent le premier 
ordre de couleurs de l'échelle de Newton. Les couleurs du second 
ordre avancent successivement, et la même chose a lieu à l'égard 
de tous les ordres supérieurs; en sorte que trois, quatre et quel- 
quefois même neuf ou dix ordres de couleurs se montrent dis- 
tinctement. Lorsque la couleur verte du second ordre paroît 
sur un bord , une ondulation jaune du premier ordre se voit 
sur l’autre, s’avancant sur le morceau; elle est suivie de teintes 
orange , rouge, pourpre, etc.; enfin se montrent plusieurs ordres ; 
auprès, et dans le même temps, une autre ondulation jaune 
se développe et empiète graduellement des deux côtés sur la 
frange blanche, mais n'arrive jamais jusqu’aux franges noires, 
Le jaune devient orange, œillet, pourpre, bleu, vert, etc. ; 
chacune de ces couleurs s’avance vers les franges noires; mais 
jamais elle ne couvre entièrement la couleur précédente; de 
manière que de nouvelles franges quelquefois au nombre de 
six et de huit, se trouvent ainsi formées entre les espaces noirs. 

Les franges des extrémités se développent dans le même temps 
et d’une manière à peu près semblable. 

A mesure que la chaleur du fer se répand d’une manière 
plus uniforme sur le morceau de verre, les franges entre celles 
noires et les bords diminuent rapidement en nombre et s’eflacent 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 315 


aux franges noires, celles qui restent augmentant foujours en 
grandeur. Le même effet a lieu vers les bords opposés aux pre- 
miers, mais beaucoup plus lentement ; en sorte qu’il est un mo- 
ment où les franges entre les bords opposés sont en aussi grand 
nombre que celles entre un de ces deux bords et les franges 
noires. Les deux rangées intérieures diminuent et disparoissent 
de la même manière , la partie placée sur le fer chaud déve- 
loppant de nouveau toutes ses premières couleurs dans un ordre 
inverse. On ne voit plus alors que des franges blanches et noires, 
qui s’effacent graduellement et disparoissent à la fin, lorsque 
la température du verre devient uniforme, 


Proposition septième. 


« Les couleurs des franges, dans toutes les six rangées, montent 
» dans l’échelle de Newton à mesure qu’elles s’éloignent des 
» espaces noirs, les franges adjacentes à ces espaces étant com- 
» posées de couleurs du premier ordre. » 


La vérité de cette Proposition a pu être sûrement déduite 
d’une comparaison de ces teintes avec celles comprises dans 
l'échelle de Newton, ou avec la table des couleurs que j'ai 
trouvée dans les cercles que développe la topaze lorsqu'elle est 
exposée à un rayon polarisée. Cependant pour obtenir une preuve 
plus convaincante, je pris un morceau de sulfate de chaux , qui 
polarisoit un bleu brillant en premier ordre, et le combinai 
avec un morceau de verre placé sur un fer chaud. Lorsque 
l'axe du sulfate de chaux fut parallèle à celui du morceau de 
verre, le bleu de la seconde frange au-dessous d’une des deux 
franges noires , devint noir, teinte due à la difléreuce de leurs 
actions; mais lorsque cet axe étoit à angles droits à l’un des 
bords, la même frange bleue se changeoïit en un vert jaunâtre, 
teinte due à la somme de leurs actions. D'où il suit que le 
bleu dans la seconde frange au-dessous d’une des deux franges 
noires, est un bleu du second ordre. J’obtins les mêmes ré- 
sultats en combinant le sulfate de chaux avec les parties du 
verre qui produisoient les autres rangées de franges. 


J'obtins une autre preuve de la Proposition de la manière 
suivante. Je pris deux morceaux de verre épais; après les avoir 
placés sur unter chaud, comme ci-dessus, J'attendis que toutes 
les franges eussent disparu , à l'exception de la blanche du premier 
ordre, Lorsqu'un des morceaux eut été élevé verticalement, de 


316 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE C&IMIE 

manière à ce qua partie d’un des morceaux fût opposée 
au centre, les deux franges blanches produisirent une teinte 
noire. Lorsque le même morceau fut abaissé jusqu’au centre de 
celui opposé à l’axe de l’autre, ia frange blanche au-dessus du 
premier devint également noire. Cependant elle n’étoit pas aussi 
noire qu'auparavant, altendu que dans la frange extérieure le 
blanc est plus brillant que dans celle intérieure. Dans le premier 
cas, celle supériorité étoit compensée par le refroidissement du 
verre vers le premier axe, à cause de son élévation au-dessus 
du fer chaud; au lieu que dans le second cas le refroidissement 
n’avoit pas aflecté la partie intérieure de cet axe. Au contraire, 
lorsqu'un des morceaux fut tenu de manière à ce que ses franges 
fussent à angles droits à celles de l’autre, le blanc des franges 
extérieures de l’un des deux morceaux combiné avec le blanc 
des franges extérieures de l’autre, produisoit du noir; le blanc 
des franges intérieures de l’un des morceaux combiné avec celles 
de l’autre morceau, produisoit du noir; et le blanc des franges 
intérieures de l’autre morceau combiné avec le blanc des franges 
extérieures de l’autre morceau, produisoit un blanc plus brillant. 


Le résultat de ces combinaisons est de produire une croix 
noire très-belle et trés-régulière. Lorsque les deux morceaux sont 
de la même largeur, ils polarisent les mêmes teintes, et leurs 
franges extérieures aux deux bouts sont de la même grandeur. 
Lorsqu'il survient un changement dans quelques-unes de ces 
circonstances, la croix change aussi de forme d’une manière 
dont il est aisé de s'assurer en examinant les franges séparées ; 
mais lorsqu'un des morceaux polarise des teintes plus élevées 
que l’autre, la croix ne paroît plus. Les franges du morceau 
qui polarise la teinte la plus élevée, sont bandées depuis leur 
rectitude longitudinale. Les figures présentées à l’intersection 
des deux morceaux peuvent toujours être déterminées à priori , 
d'après la connoissance des franges que chaque morceau pro- 
duit séparément ; de manière que la nature des franges séparées 
et la valeur du changement opéré dans les teintes , se prédira 
aisément d’après les figures qui sont présentées à la place de l’in- 
tersection. Lorque les teintes polarisées par les deux morceaux 
sont nombreuses et brillantes, les figures intersectionnales sont 
de Ja plus grande beauté, 


Proposition 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 317 
Proposition huitième. 


« Les parties du morceau de verre qui présentent les deux 
» rangées extérieures de franges ont la mème struclure que celte 
» classe de cristaux doués de la réfraction double, qui renferme 
» le sulfate de chaux, le quartz, etc., dans lesquels le rayon ex- 
» traordinaire est attiré vers l’axe, tandis que les parties de 
» verre qui donnent les deux rangées intérieures et terminales, 
» ont la même structure que l’autre classe de cristaux doués 
» de la double réfraction, qui renferme le spar calcaire, le 
» béryl, etc., dans lesquels la déviation du rayon extraordi- 
» naire de l'axe est produite par une force répulsive. Les por- 
» tions entre celles qui produisent les espaces noirs ont une 
» structure intermédiaire, comme les portions de muriate de 
» soude, de. spar fluor et le diamant, privés de la propriété de 
» la double réfraction. » 

Pour établir ce singulier résultat, je combinai un morceau 
de sulfate de chaux qui polarisoit un bleu brillant du second 
ordre, avec différentes parties de verre qui donnoient les six 
rangées de franges. Lorsque l'axe du morceau de sulfate de 
chaux fut parallèle aux franges, le bleu de la seconde frange 
dans la première rangée extérieure au-dessous de l'espace 
noir, et le bleu de la seconde frange extérieure au-dessus de 
l'espace noir supérieur devinrent noirs; mais lorsque l’axe du 
sulfate de chaux étoit perpendiculaire à la rangée de franges ter- 
minales inférieures, le bleu des mêmes franges se changeoït en 
un vert jaunâtre. Au contraire, lorsque l’axe du morceau de 
sulfate de chaux étoit perpendiculaire à la rangée de franges 
précitée, le bleu de la seconde frange de la première rangée 
intérieure au-dessus de l’espace noir, et le bleu de la seconde 
frange de la seconde rangée intérieure au-dessous du premier 
espace noir, se changeoient en noir; mais lorsque l'axe du 
sulfate de chaux étoit parallèle à l’espace noir et aux franges 
terminales inférieures, le bleu des mêmes franges se chan- 
geoit en un vert jaunâtre. D'où il suit que l'axe des parties 
de la glace qui forment les rangées extérieures de franges, 
est un angle droit à l'axe des parties qui forment les rangées 
extérieures : la seconde expérience exposée dans la Proposition 
septième donne le même résultat. Puis done que les mêmes 
eflets que ceux que nous avons décrits proviennent de la com- 
binaison de morceaux cristallisés pris dans les deux classes de 


Tome LZXXXIII NOVEMBRE an 8116. ss 


518 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


cristaux doués de la double réfraction, comme l’a prouvé M. Biot, 
nous pouvons regarder les vérités établies dans cette Proposi- 
tion comme complètement établies. 

Coroll. 11 suit de cette Proposition qu'un seul morceau de 
verre cristallisé par la propagation de la chaleur, et exposé à 
un rayon polarisé, donne la même variété de phénomènes que 
tous les cristaux dans le règne minéral. Nous avons déjà vu 
qu’il possède la structure de toutes les trois classes de cristaux 
doués de la double réfraction; mais les eristaux individuels qui 
composent ces classes sont distingués les uns des autres par la 
grandeur de leurs forces polarisantes, et la même variété se fait 
voir dans les forces polarisautes du verre, dont les parties adja- 
centes aux franges terminales inférieures ont la structure douée 
de la plus grande force polarisante, et les parties adjacentes 
aux deux espaces noirs, la structure douée de la moindre force 
polarisante. 

Proposition neuvième. 


« Lorsque la température de la source de la chaleur reste 
» la même, l'épaisseur du verre, soit qu’on emploie un ou plu- 
» sieurs morceaux qui polarisent quelque couleur particulière 
» sous une incidence perpendiculaire, est proportionnée à l'é- 
» paisseur de morceaux minces qui ne sont pas eristallisés, et 
» qui réfléchiroient la même couleur dans le phénomène des 
» cercles coloriés. » 


M. Biot a démontré, avec beaucoup d'esprit, que lépaisseur 
du sulfate de chaux, du cristal de roche et du spar calcaire 
qui polarisent une couleur particulière, est proportionnée à l’é- 
paisseur des morceaux non cristallisés qui réfléchissent cette cou= 
leur. C'étoit un motif de croire que la même loi régleroit les 
phénomènes que le verre échauflé présente. 


Je pris plusieurs morceaux de verre de diverse épaisseur, 
depuis le verre d'Allemagne le plus mince, d’environ + de pouce 
d'épaisseur, jusqu’à ? de pouce, et les ayant placés tous sur un 
morceau de fer rouge, je trouvai que le nombre d'ordres de 
couleurs qui se développèrent approchoit beaucoup de Pépaisseur 
du verre. Néanmoins, comme ces morceaux n’avoient pas la 
même composition chimique, j'employai plusieurs morceaux de 
glace de miroir taillés dans la même pièce; j'en plaçai un sur 
le fer rouge, et signalai la teinte particulière qu’il polarisa dans 
le premier ordre de l’échelle de Newton. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, : ërÿ 


Après avoir placé tous les morceaux en même temps sur le 
fer chaud, je les pris les uns après les autres et les joignis au 
premier. Les teintes qui furent ainsi produites montèrent dans 
l’ordre des couleurs à mesure que le nombre des morceaux 
augmentoit, et furent toujours comme si elles eussent appartenu 
à une épaisseur prise dans la proportion au nombre existant 
dans la troisième colonne de l'échelle de Newton. 


Par exemple , lorsqu'un morceau polarisoit au centre un jaune 
du premier ordre, deux morceaux donnoient un indigo du se- 
cond ordre, trois un rouge du second ordre, quatre un vert du 
troisième ordre, cinq un rouge bleuâtre du troisième ordre, et 
six un vert jaunâtre du quatrième ordre. Maintenant les nombres 
représentant ces teintes dans l'échelle de Newton, sont à peu près 
4, 8, 12, 16, 20, 24, et ceux de lépaisseur correspondante 
sont 1,2, 3, 4, 5, 6. Je fis beaucoup d’autres expériences qui 
toutes eurent le même résultat. 


Proposition dixième. 


« Si un certain nombre de morceaux de verre de la même forme 

» et de la même composition chimique, mais de différentes épais- 
» seurs, sont placéssur un fer chaud ; si ensuite deux ou plusieurs 
» morceaux sont combinés symétriquement, c’est-à-dire avec 
» leurs bords inférieurs coïncidens, la couleur polarisée. dans 
» une partie quelconque sera la même que celle qui auroit été 
» polarisée par un seul morceau ayant une épaisseur égale à la 
» somme de l'épaisseur des morceaux ; mais si les morceaux 
» sont placés transversalement, ou avec leurs bords inférieurs à 
» anglesdroitslun de l’autre, la couleur polarisée vers ces parties 
» du verre qui sont situées de la même manière eu égard aux 
» espaces noirs, est la même que celle qui äuroit été polarisée 
» par un seul morceau, dont l'épaisseur est égale à la différence 
» de l’épaisseur de deux morceaux transversaux, ou systèmes 
» de morceaux. » 
- Je pris deux morceaux de glace de miroir de différente épais- 
seur, mais à peu près de la même couleur; après les avoir coupés 
en morceaux rectangulaires égaux, je trouvai que trois de lun 
avoient la même épaisseur que cinq de l’autre. 

Ces deux morceaux furent placés sur le fer chaud, et une 
parcelle donna les mêmes teintes que l’autre dans les franges 
extérieure et intérieure. 

Ss z 


320 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Pour prouver la seconde partie de Ja Proposition , je pris trois 
parcelles, une de deux morceaux, une autre de quatre et une 
troisième de six; tous avoient été taillés dans le même miroir. Je 
plaçai ces différentes parcelles sur le fer chaud, et lorsque les 
couleurs furent parfaitement développées, je maintins le système 
de quatre morceaux dans une position transversale au système 
de six morceaux. Une large frange de lumière bleue du second 
ordre parut à l'intersection des lignes du centre. La même 
couleur fut polarisée par le système de deux morceaux, dont 
l'épaisseur réunie étoit égale à la différence de l'épaisseur des 
parcelles transversales, 7oyez la Proposition quinzième. 


Proposition onzième. 


« Le nombre et la forme des morceaux restant les mêmes, 
» ‘les teintes qui sont polarisées à la ligne centrale et aux bords 
» supérieurs ét inférieurs montent dans l'échelle de Newton , à 
» mesure que la température de la source de la chaleur aug- 
» mente. » 


Je pris un morceau épais de glace de miroir de 6,9 pouces 
de long sur 2,27 pouces de haut et 0,163 pouces d’épais- 
seur, et l’ayant placé sur un fer chaud qui paroissoit rouge, 
je trouvai qu'il polarisoit le vert du second ordre dans la pre- 
mière rangée extérieure des franges, et la plus grande partie 
du blanc du premier ordre dans la seconde rangée extérieure 
des franges. Lorsque la chaleur eut perdu de son intensité, le 
même morceau polarisa le vert du troisième ordre dans Ja 
première rangée extérieure des franges. 

Lorsque 15 morceaux de glace de miroir furent placés au haut 
d’un vase d’étain rempli d’eau , à une température de r90° Fahr., 
ils polarisèrent un vert du second ordre : l’épaisseur réunie de 
ces morceaux étoit d’un pouce et %. 


Lorsque la chaleur de ma main eut été communiquée à 1x 
morceaux de verre d'Allemagne, ils polarisèrent le bleu du pre- 
mier ordre, et donnèrent distinctement les deux espaces noirs : 
la température de la chambre, pendant ces expériences, étoit 
de 64°. Un morceau de verre d'Allemagne d'environ 0,28 de 
pouce d'épaisseur, donna les espaces noirs et les franges d’un 
blanc bleuâtre par la seule chaleur de la main. 

Les résultats précédens ne sont ni en assez grand nombre, 
ni assez exacts pour me mettre en état de-déterminer le rapport 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 921 


existant entre l'épaisseur correspondante à la teinte la plus 
élevée et la température de la source de la chaleur. Cependant 
Je fais dans ce moment travailler à un appareil au moyen duquel 
11 me sera facile de constater ce rapport, en obtenant différentes 
températures de l'huile échauflée ou du mercure. Voyez Section 
deuxième, 

Proposition douzième. 


« Le nombre et la forme des morceaux de verre et la tempéra- 
» ture de la source de la chaleur restant les mêmes, la grandeur 
» des franges de la première rangée extérieure est soumise à 
» la loi de la décroissance de la température dans la partie du 
» verre qui les produit. L'ordre le plus élevé des couleurs est 
» toujours développé à l'endroit où la températuré est au #7axt- 
» 7num, et les teintes descendent dans l'échelle à mesure que 
» la température diminue. » 


Il ne m'a pas été possible de déterminer exactement le rap- 
port entre l'épaisseur correspondante aux teintes polarisées à 
différentes distances de la source de la chaleur et la tempé- 
rature du verre aux mêmes points; mais en prenant la loi la 
plus probable du décroissement de la température, et en la com- 
parant avec la grandeur des franges, il y a tout lieu de croire 
que l'épaisseur est à peu près dans la proportion de la tem- 
pérature. 

Les teintes polarisées à différentes parties du morceau de 
verre seront représentées par quelques lignes courbes qui coupent 
axe vers les points neutres. Elles arrivent à leur 72aximum 
aux deux extrémités où elles ont le même caractère , et aussi 
à l’espace noir supérieur où elles ont un caractère différent, et 
elles disparoissent aux points correspondant aux espaces noirs. 


Proposition treizième. 


« Le bord supérieur du morceau qui polarise la teinte la plus 
» élevée dans la seconde rangée extérieure de franges n’a pas 
» recu une accession sensible de chaleur, et les parties centrales 
» du morceau qui forment les deux rangées intérieures de franges 
» n’exhibent point une variation de température jointe aux cou- 
» leurs qu’elles polarisent. Lorsque le nombre et la forme des 
» morceaux dé verre et la température de la source de la chaleur 
» restent les mêmes, la grandeur de ces trois rangées de franges 


322 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


» est soumise à la loi du décroissement de température à la 
» partie du verre qui produit la première rangée extérieure. » 

On verra, d’après ie expériences présentées dans une Propo- 
silion subséquente, que la structure dépolarisante est commu- 
niquée au bord supérieur du morceau de verre, lors même qu'il 
a2, 4, 5, 6 et 7 pouces de haut. Dans quelques-uns de ces 
cas, le bord de verre a la même températtre que l'air ambiant, 
quoique la chaleur nécessaire pour produire la même frange 
à la partie inférieure du morceau, soit beaucoup plus grande 
que celle de l’eau bouillante. ù 

En répandant sur la surface du morceau un petit filet d’huile 
de maïs, qui se liquéfie à un léger degré de chaleur, Je fus à 
même de vérifier qu’il n’y avoit pas une variation particulière 
de température unie aux teintes qui furent polarisées par les trois 
rangées de franges mentionnées dans la Proposition. 

Dans tous les cas, le nombre de franges dans ces rangées 
augmentoit et diminuoit avec le nombre dans la première rangée 
extérieure. Leur largeur varioit aussi avec la largeur des franges 
de la première rangée extérieure, et conséquemment étoit sou- 
mise à la loi du décroissement de température dans cette partie 


du verre, 
Scholie. 


La vérité contenue dans la Proposition précédente sera sans 
doute regardée par les philosophes comme un des faits les plus 
extraordinaires qui se rencontre dans la Physique. La production 
d’une structure cristalline dans la partie du verre adjacente au 
fer chaud, quoiqu’une propriété intéressante de la chaleur rayon- 
nante, n’est, sous aucun rappoït, contraire aux notions reçues. 
Mais la communication de la même structure au bord éloigné 
du verre, où la chaleur n’est pas sensible, et où les forces cor- 
pusculaires qui unissent les parcelles ne sont point affoiblies par 
une approximation quelconque de fluidité, et l'existence d’une 
structure opposée au milieu du verre, se développant d’elle-même 
Sur les deux côtés d’une ligne centrale, sont des résultats aux- 
quels nous ne trouvons rien d’analogue que dans les phénomènes 
embarrassans de la polarité électrique et magnétique. 


Proposition quatorzième. 


« Lorsqu'un morceau de verre chauflé uniformément, et ayant 
» une température considérablement au-dessus de celle de Fl'at- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 53 


». mosphère, recoit en refroidissant une structure cristalline, 
» ainsi qu'il est décrit dans la deuxième Proposition, les parties 
» qui produisent les quatre rangées de franges ont chacune 
» une structure opposée à celle qu’elles avoient lorsque le mor- 
» ceau étoit cristallisé par l’introduction de la chaleur extérieure ; 
» c’est à-dire que les parties de verre qui donnent les deux rangées 
» extérieures de franges ont la même structure que la classe 
» de cristaux doués de la double réfraction, dans lesquels le 
» rayon extraordinaire est repoussé de l'axe; et les parties qui 
» forment les deux rangées intérieures de franges ont la même 
» structure que la classe dans laquelle le rayon extraordinaire 
» est attiré vers l'axe. » 

Je pris 12 morceaux de glace de miroir , que je chauffai uni- 
formément , en plaçant successivement leurs côtés et leurs bords 
sur une barre de fer chaud. A près m'être assuré , en les exposant à 

‘un rayon polarisé, qu'ils n’avoient pas d’action sur la lumière, 
je les plaçai avec leurs bords sur un fer froid, de manière qu'ils 
présentassent les franges blanches des quatre différentes rangées. 
Lorsque l’axe d’un morceau de sulfate de chaux, qui polarisoit 
uu bleu du second ordre , fut placé à angles droits à la direction des 
franges, le blancdes deux rangées extérieures se changea en un rouge 
brunâtre, et le blanc des deux rangées intérieures en un vert 
elair. Ce changement eut lieu lorsque l’axe du sulfate de chaux 
étoit incident à la divection des franges. Lorsque les quatre 
franges blaüches furent produites, en plaçant le verre sur un fer 
chaud, tous ces phénomènes furent les contraire ; la teinte verte 
se montra au lieu du rouge brunâtre, et le rouge brunâtre au 
lieu du vert. 

J’obtins le même résultat en combinant des morceaux de verre 
cristallisé de ces deux manières diflérentes. 

Pour obtenir une température encore plus uniforme, je pris 
une parcelle de 15 morceaux de verre d'Allemagne, que je sus- 
pendis dans un vase d'eau bouillante, à quelque distance du 
fond. Aussitôt qu’ils eurent acquis la température de l’eau, je 
les enlevai et les plaçai avec leurs bords surun fer froid. Lesespaces 
noirs, ainsi que les franges, parurent immédiatement, et une 
teinte jaune se montra au milieu des franges intérieures. Les 
franges intérieures avoient les mêmes propriétés que les franges 
extérieures décrites dans la Proposition huitième, e£ vice versé. 
Cette expérience fut souvent répétée avec le même résultat. 

Nous appellerons séries inusitées de franges, les franges pro 
duites de cette manière, par opposition aux séries usilées, où 


324 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


à celles produites en placant le verre froid sur un fer chaud. 
Je fus alors curieux d'observer les phénomènes qui se pré- 
senteroient en conduisant la série inusitée de franges sur une 
parcelle de morceaux déjà douée de la série usitée. Pour l’ef- 
fectuer, je placai la parcelle de 15 morceaux de veire précitée, 
avec leurs bords, au fond d’un vase rempli d’eau bouillante. 

Le fond du vase étant très-chaud , communiqua à la parcelle 
de morceaux la série usuelle de franges, à peu près comme 
une barre de fer rouge. Lorsque la parcelle fut enlevée et placée 
sur un fer froid, on aperçut distinctement la série usitée de 
franges; mais au bout de quelques secondes elle disparut par 
degrés, et fut remplacée par la série inusitée, qui s’avancoit 
des bords, et étoit occasionnée par le refroidissement des mor- 
ceaux. La lutte entre les franges qui s'avancoient et celles qui 
se retiroient, offroit quelque chose de curieux. Avant que la 
série usitée de franges eût disparu, les franges extérieures de- 
vinrent plus larges, tandis que celles du milieu diminuoient 
par degrés. Les deux espaces noirs se montrérent au milieu du 
morceau, formant un espace obscur, large et indéfini, et l’on 
apercut la série nouvelle, ou inusitée, s’avancçant des bords du 
verre. Dans ce moment parurent au milieu du morceau deux 
espaces blancs et deux autres extérieurs; mais un des espaces 
blancs du milieu disparut bientôt, et la série inusitée se déve- 
loppa promptement. 

Si les morceaux de verre qui exhibent les franges usitées sont 
enlevés du fer chaud etyqu'on les mette refroidir à l'air, les 
franges s’évanouiront par degrés, comme nous l'avons décrit 
dans la Proposition sixième. Mais aussitôt qu’elles disparoissent, 
ou peu de temps auparavant, les rangées opposées commencent 
à s’'ayancer sur le morceau , de la manière ci-dessus décrite, 


Proposition quinzième, 


« Lorsque les franges semblables des séries usitées et inusitées 
» sont combinées avec symétrie, la teinte polarisée est celle qui 
» est due à la diflérence de l'épaisseur; mais lorsqu’elles sont 
» combinées transversalement , la teinte est celle qui est due à la 
» somme de l'épaisseur des morceaux. Lorsque des franges dis- 
» semblables des deux séries sont combinées avec symétrie, la 
» teinte polarisée est celle qui est due à la somme de Pépaisseur ; 
» mais lorsqu'elles sont combinées transversalement, la teinte 
» polarisée est celle quiest due à la différence de l'épaisseur qui 
» les produit. 
La 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 328 


La vérité précédente fut établie par la combinaison de 15 
morceaux de verre d'Allemagne qui avoient subi la chaleur 
de l’eau bouillante, avec celles produites par un morceau de 
verre placé sur un fer chaud. 


Scholre. 


Les phénomènes décrits dans cette Proposition sont les mêmes 
que ceux produits en croisant les morceaux des deux classes de 
cristaux doués de la double réfraction : les premiers sont néan- 
moins beaucoup plus beaux que les derniers. 


Proposition seizième. 


« Pour exposer les effets produits sur les franges en variant 
» la hauteur des morceaux de verre. » 


Pour observer les changemens occasionnés par l'accroissement 
de la hauteur des morceaux, j’employai des morceaux de verre 
dont la hauteur varioit depuis 0,18 d’un pouce jusqu’à 8 pouces. 
Lorsque la hauteur est très-petite et pas au-dessus de 2 pouces, 
les espaces noirs occupent à peu près une position à égale dis- 
tance des lignes terminales inférieures et supérieures. Les franges 
sont donc très-petites, en raison de ce qu’elles doivent toujours 
diminuer avec la hauteur; mais elles sont d’un brillant remar- 
quable , et offrent la plus grande beauté dans leur développement. 

Comme les morceaux élevés se brisent toujours lorsque la 
teinte est arrivée à son #2axireum, je fus obligé d'employer des 
morceaux de verre de vitre commun; mais à cause de sa cou- 
leur d’un vert foncé, il me fut impossible d'examiner les phé- 
nomènes avec beaucoup de satisfaction. Quand on fait usage de 
parcelles de ces larges morceaux, il faut s’en servir avec la 
plus grande précaution, car on est presque sûr d'en voir quel- 
ques-uns se briser durant l'expérience. 


Proposition dix-septième. 


« Explication de l'effet produit sur les franges en variant la 
» forme des morceaux de verre. » 


Proposition dix-huitième. 


« Explication des effets produits sur les franges par une solu- 
» tion de continuité dans le verre. » 


Tome LXXXIII. NOVEMBRE an 1816. Tt 


326 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Si la seconde rangée extérieure et les deux rangées intérieures 
de franges sont occasionnées par la communication actuelle de 
la chaleur aux parties du verre qui les produisent, il y a tout 
lieu de croire qu’elles ne seroient pas affectées par une solution 
de continuité quelconque dans le verre qui n’arrête pas les progrès 
de la chaleur. A cet effet, je rompris par le milieu un morceau 
de verre, et ayant obtenu une fracture nette, je plaçai le mor- 
ceau d’en haut sur celui plus bas. Ce morceau composé fut mis 
sur un fer chaud; mais il n'y eut pas d'effet produit sur le 
morceau supérieur, les franges se développant d’elles-mêmes. 
Lorsque la chaleur fut presqu'uniformément répandue, on vit 
paroître de foibles traces de franges blanches. J'obtins le même 
résultat lorsque les deux morceaux furent joints par l'interpo- 
sition de l'eau, du beaume de Canada ou de la résine, 

Je pris, dans cette circonstance, un morceau de verre inter- 
rompu par une fente ou félure qui s'étendoit un peu dans le 
morceau. Lorsque la chaleur eut été communiquée à son bord 
inférieur, on aperçut les franges comme si la félure n’eût pas 
existé, et la lumière blanche poiarisée parut condensée comme 
un fluide s’élançant autour du point du milieu. Cependant la 
félure s’étendit subitement; le morceau supérieur du verre se 
détacha avec violence de celui inférieur, et une frange noire se 
montra à l'instant au-dessous du nouveau bord, comme si la 
pAe supérieure du verre n'eût jamais été en contact avec 
a partie inférieure. Dans une antre expérience, suivie du même 
résultat, la structure cristalline au-dessus de la félure disparut, 
quoique les deux morceaux de verre restassent encore adhérens. 
La félure placée verticalement , le même effet eut lieu, comme 
si les deux morceaux avoient été séparés, et je n’y aperçus 
aucun changement après qu’ils eurent été collés avec du beaume 
de Canada. ‘ 

Au lieu de fêlures je substituai des rainures profondes qui tra- 
versoient le verre. Je placai sur le fer chaud un morceau épais 
qui avoit une rainure horizontale s'étendant de l’un à l’autre 
bord. Les franges blanches parurent imparfaitement au-dessus 
de la rainure, et au-dessous de celle-ci une ondulation noirâtre 
indéfinie, comme si quelque fluide avoit été obstrué dans, son 
passage à travers un caual étroit. Il est assez probable que cette 
ondulation noirâtre fut occasionnée par la combinaison de deux 
franges blanches de différentes rangées : le morceau ayant éclaté 
dans la direction de la rainure, ne m'a pas permis de pousser 
plus loin l'examen de ces phénomènes. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 327 


Je pris ensuite un morceau de-verre qui avoit un diamant 
taillé dans le milieu, où parurent les franges blanches intérieures. 
Ayant cassé ce morceau en deux, une frange noire s’éleva à 
l'instant, et le morceau déploya toutes les rangées intérieures 
de franges sans recevoir aucun supplément de chaleur. 


J’essayai alors de joindre les deux surfaces séparées, en les 
plaçant l'une sur l’autre; mais je ne pus pas parvenir à les faire 
agir sur la lumière comme un simple morceau. Cependant la 
mélhode suivante me mit à même de surmonter la difficulté et 
d’obtenir quelques nouveaux résultats. 


Je pris un morceau de verre d'Allemagne huilé, d'environ 0,4z 
d'épaisseur sur 0,5 de large; après y avoir fait une entaille 
avec une lime, je l’appliquai à un fer chaud, qui produisit à 
l'instant une félure. Toute la lumière incidente fut interceptée 
par la réflexion totale qui fut produite. Au bout d’une heure 
cette fêlure commença à disparoître, et dans le courant d’une 
journée je la trouvai aussi complètement fermée que si elle 
n'avoit jamais existé. La félure étoit souvent reproduite par un 
fer chaud, et se fermoit régulièrement , excepté lorsque l'effet 
expansif de la chaleur séparoit les surfaces à une trop grande 
distance. Queiquefois elle se fermoit au bout de quelques se- 
condes , et quelquefois j'étois obligé d'employer une légère 
pression mécanique pour opérer la réunion. Lorsque la félure 
étoit ouverte, je mis le verre sur un fer chaud, et il produisit 
promptement des franges; maislorsqu’elle étoit fermée, et le verre 
placé sur le fer chaud, elle donna difiérentes rangées de franges, 
comme sil ne s’y fût pas trouvée de solution de continuité. 


Maintenant il est clair que ces deux morceaux, quoique pa- 
roissant se toucher, ne sont pas physiquement en contact l’un 
avec l’autre, ou dans le même état où ils étoient avant la fêlure. 
Si l’on fait plusieurs autres entailles au verre avec une lime, il 
se cassera toujours à l’endroit de la félure; ce qui prouve que 
la force de cohésion a été afloiblie, et que les surfaces, quoique 
opticalement en-contact, sont physiquement à une certaine dis- 
tance l’une de l’autre. La cristallisation du solide, comme sil 
étoit continu, forme une belle analogie avec ce fait intéressant 
du magnétisme, dans lequel deux barres pressées ensemble à 
Jeurs extrémités , peuvent être magnétisées comme si elles n’avoient 


formées qu’une seule barre, et donneront un point neutre à 
l'endroit de leur jonction. 


A 2 


328 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Proposition dix-neuvième. 


« Lorsque la chaleur est propagée du centre d’un morcean 
» de verre dansles lignes radieuses, toutes les franges, ainsi que 
» les espaces noirs, forment des cercles concentriques, et quatre 
» espaces noirs radieux à angles droits l’un de l’autre, divergent 
» du centre dans des directions parallèles et perpendicu!aires 
» à la surface plane de la polarisation primitive. » 

Je pris un large morceau de verre et j’appliquai à son centre 
une boule de fer chaud. Les quatre lignes radieuses noires pa- 
rurent distinctement divergentes l'une de l’autre à angles droits; 
mais les deux espaces noirs concentriques se développèrent in- 
distinctement. Je voulois ensuite percer un trou au centre du 
morceau, et y mettre une boule rougie au feu; mais ayant dé- 
couvert une méthode bien meilleure d'obtenir des franges cir- 
culaires, dont je parlerai dans la Section suivante, je ne poussai 
pas plus loin l’expérience renfermée dans cette Proposition. 

Supposons huit morceaux de verre égaux placés sur des barres 
octogones de fer chaud, les espaces noirs et les franges auront 
aussi une forme octogone, indépendamment des effets qui ont 
lieu aux extrémités des morceaux. Maintenant, si la lumière po- 
larisée dans une surface plane inclinée de 45° à l'horizon, est 
transmise à travers ce système de morceaux, on verra distinc- 
tement les franges dans quatre morceaux, parce que leurs axes 
dépolarisans sont tous coïncidens avec la surface Hge de pola- 
risation primitive; mais on ne verra pas de franges dans les 
quatre autres morceaux, attendu que leurs axes dépolarisans sont 
inclinés de 45° à la surface plane de polarisation. Si ce système 
de morceaux tourne maintenant autour du centre, chacun d'eux 
donnera ses franges en venant dans la position des quatre pre- 
miers morceaux. Ces franges disparoîtront graduellement durant 
le mouvement des derniers morceaux, ou elles cesseront d’être 
visibles. 

Supposons maintenant le fer chaud appliqué au centre d’un 
morceau circulaire de verre, les espaces noirs auront sensible- 
ment une forme circulaire; et comme l’axe neutre de chaque 
morceau élémentaire, dans lequel nous pouvons supposer le mor- 
ceau de verre divisé, est dirigé vers l'axe du centre, les posi- 
tions obscures seront encore les bords du morceau, et consé- 
quemment on y verra une croix noireayant ses branches inclinées 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 329 


à 450 de l'horizon. Cette croix restera dans la même position 
durant la rotation du morceau vers son cenlre, chaque morceau 
élémentaire perdant sa force dépolarisante lorsqu'il vient dans 
les lignes aux bords extérieurs et du centre. 


Proposition vingtième. 


« Lorsque la chaleur provient de deux sources différentes en 
» contact avec les bords opposés d’un morceau de verre, les dif- 
» férentes rangées de franges conservent le même caractère, 
» l'unique effet de la chaleur additionnelle étant de polariser 
» les teintes plus élevées dans les diflérentes rangées de franges. » 


Je plaçai 52 morceaux de verre de vitre sur un fer chaud, 
et lorsque les différentes rangées de franges furent distinctement 
visibles, je tins une autre barre de fer chaud en contact avec 
leurs bords supérieurs, et j’observai que les teintes plus élevées 
se polarisèrent dans toutes les quatre rangées de franges. Cepen- 
dant plusieurs morceaux éclatèrent avec une grande violence, 
de manière qu’il me fut impossible de voir les phénomènes qui 
eurent lieu lorsque la diffusion de la chaleur devint plus uniforme. 


Proposition vingt-unième. 


« Lorsque la chaleur est propagée à travers le spar calcaire, 
» le cristal de roche, la topaze, le béryl, l'agate et les autres 
» minéraux doués de la propriété de la double réfraction, aucun 
» changement optique n’a lieu dans leur structure. » 

La plus grande chaleur que j'aie pu appliquer aux cristaux 
doués de la double réfraction, ne produisit aucun changement, 
soit dans leur action sur la lumière, soit lorsque la chaleur fut 
propagée dans la direction de leurs axes neutres ou de leurs 
axes dépolarisans. Ces cristaux paroissent être dans l’état de 
barres d’acier saturées de magnétisme, qui ne peuvent pas ac- 
quérir aucune imprégnation additionnelle : étant déjà dens un 
état de cristallisation parfaite, ils ne sont pas susceptibles de 
recevoir de la chaleur aucune addition à leur structure cristalline. 


Proposition vingt-deuxième. 


« Lorsque la chaleur est propagée à travers le muriate de 
» soude, le spar fluor , l’obsidienne, la semi-opale, et d’autres nu- 


330 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
» néraux qui n'ont pas la propriété de la double réfraction, ils 
» donnent les mêmes phénomènes que le verre échaufté, » 
Une masse de muriate de soude placée sur un fer chaud 
donna un jaune du premier ordre dans les franges externes et 
internes. Le spar fluor fut très-légèrement affecté ; la semi-opale 
éprouva un changement plus grand ; et l’obsidienne développa les 
franges aussi aisément que le verre. Un morceau d’obsidienne 
singulièrement transparent, et d'environ + de pouce d'épaisseur, 
possédoit naturellement les franges produites par la chaleur; il 
doit donc avoir élé formé par une fusion ignée. Cet échantillon, 
que je tiens de M. Sirwright, avoit été taillé dans une masse 
ronde , et conservoit ses contours originels : il étoit probablement 
de la première variété décrite par sir George Mackensie (+). 
La résine, la gomme copal, la corne, l’'ambre, l’écaille de 
tortue, le ligament durci de la chama gigantea (2) , et diverses 
autres substances, tant du règne animal que du régne végétal, 
recoivent une nouvelle structure pendant la propagation de la 
chaleur. 


(1) Sir George Mackensie a observé qu’il y a ‘deux variétés tres-distinctes 
d’obsidienne , une desquelles transmet la lumière lorsqu'elle est taillée en lames 
minces , et néanmoins elle paroît rarement être d’üne transparence uniforme. 
Cette variété à une température beaucoup au-dessous de celle qui peut être 
excitée pare un feu ordinaire à l’aide du souflle, É | gonfle et se change en 
pierre ponce par le développement d’un gaz fluide , que sir George Mackensie et 
et le docteur John Davy ont tenté inutilement de recueillir. Durant l’expé- 
rience , l’odeur d’acide nitrique étoit tres-sensible. L'autre variété est plus 
dense , d’un noir plus foncé , et rarement transparente aux bords des fragmens 
minces. Elle ne s’enfle pas par l’application de la chaleur; plus intense que 
celle qui change l’autre variété en pierre ponce. A cet égard, un habile ana- 
lyseur rendroit un service essentiel à la Minéralogie, en examinant les deux 
variétés, et en comparant l'analyse de la pierre ponce avec celle provenant de 
la première variété. 

(2) Je dois cette curieuse substance au docteur Francis Buchanan , de la So- 


ciété Royale ; elle est dure et transparente, et d’une aussi belle couleur que 
J’ambre. 


(La suite au Cahier prochain.) 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 33 


RECHERCHES 


SUR LA RESPIRATION DES PLANTES EXPOSÉES 
A LA LUMIÈRE DU SOLEIL; 


Par M. RUHLAND. 


M.DE SAUSSURE, dans son excellent Ouvrage sur la respiration 
des Plantes, a trouvé que la plupart des plantes exposées dans 
Pobscurité au gaz oxigène pur, en absorbent une partie et 
forment en même temps un volume d'acide carbonique moindre 
que celui du gaz oxigène absorbé, tandis que quelques autres 
plantes, surtout de la classe des plantes grasses, diminuent leur 
atmosphère de gaz oxigène, sans exhaler une quantité notable 
d'acide carbonique, du moius pendant les premiers jours de 
l'expérience. 

Lorsque de cette manière les plantes se sont saturées de gaz 
oxigène, et qu’on les expose à la lumière du soleil, elles rendent 
lé gaz qu'elles avoient inspiré, et on trouve que la quantité 
de gaz qu’elles exhalent dans ce cas là, est peu différente de 
celle qu’elles avoient inspirée à l'obscurité. Si l'atmosphère qui 
entoure les plantes pendant la nuit, au lieu de consister en gaz 
oxigène ou en air atmosphérique, est du gaz azotepur, les plantes 
rendues à l'influence du soleil exhalent un volume d’air qui égale 
à peine leur propre volume, tandis que d’autres plantes, quiavoient 
passé la nuit dans un air. respirable, en exhaloient les £e 
de leur volume; aussi les branches qui éloient exposées à ces 
expériences mouroient en peu de jours, tandis que les dernières 
se conservoient pendant Pier mois. De sorte que toutes les 
observations s’accordoient à prouver que l’'exhalation de gaz 
oxigène par les plantes exposées au soleil, est dans un rapport 
intime avec l’inspuation de ce gaz pendant la nuit, et qu'une 
de ces actions est l’opposée de autre. 


En se tenant à ces résultats, on s’attendra que M. de Saussure 
se sera arrêté à la conclusion, que tout le gaz oxigène que les 


332 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


pee vertes des plantes exhalent lorsqu'elles sont exposées à 
a lumière du soleil, ne provient nullement de la décomposi- 
tion de l'acide carbonique, mais plutôt de l'absorption de ce 
même gaz que ces plantes avoient effectuée pendant la nuit; 
mais d’autres expériences, dans lesquelles les plantes se trouvoient 
en contact avec l'air atmosphérique mêlé avec de l'acide car- 
bonique, donnoient des résultats plus favorables à la théorie 
ancienne. 


Lorsque ce célèbre chimiste enfermoit des plantes dans des 
ballons remplis d’air atmosphérique et de -= d'acide carbonique, 
et qu’il les exposoit à la lumière, elles tirent disparoître une 
plus ou moins grande partie d'acide carbonique, et elles for- 
mèérent, au lieu de cet acide, une quantité d'oxigène, qui se 
monta, dans la plupart des expériences, au £ du volume de l'acide 
carbonique absorbé. Il paroît donc qu'une partie de l’acide car- 
bonique a été décomposée, tandis qu’une autre partie en a élé 
absorbée, puisque la quantité du gaz oxigène exhalé n'égale 
pas, comme cela devoit être, la quantité de l'acide carbonique 
disparu, et c’est aussi réellement le sentiment de M. de Saussure; 
mais ce fait s'explique tout aussi bien par la supposition que 
tout lacide carbonique disparu est seulement absorbé par les 
plantes et retenu dans leurs vases, et que le gaz oxigène, au 
lieu de provenir de la décomposition de lacide carbonique, 
s’est plutôt déjà trouvé dans les feuilles avant qu’elles aient été ex- 
posées à l'expérience; et cette explication a d'autant plus de 
vraisemblance, qu’elle est entièrement d'accord avec les autres 
expériences de M. deSaussure, où les plantes se trouvoient dans du 
gaz oxigène ou dans de l'air atmosphérique sans mélange d’acide 
carbonique. 


Si des corps inorganiques éprouvent des changemens chimiques 
apparens ou véritables lorsqu'ils sont mis en rapport avec des 
corps organiques, et qu’on est en état de les expliquer sans 
avoir recours à l’hypothèse de la décomposition de ces premiers 
par ces derniers, on fera sans doute toujours mieux de se tenir 
à cette explication, surtout si ces corps forment des combinai- 
sons très-intimes, telles que l'acide carbonique; car l’expérience 
ne nous fournit point d'exemples que les corps organiques soient en 
état de décomposer des corps du règne minéral, à moins qu'ils 
n'agissent sur eux pendant un long espace dé temps, tandis que, 
dans ce cas là, les feuilles donnent de l'air presque aussitôt 
qu’elles sont exposées à l'influence du soleil, où par conséquent 


celte 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 333 


cette décomposition de l'acide carbonique devoit déjà avoir lieu, 
et avec une rapidité comme nous aurions bien de la peine à 
l'eHectuer dans nos fourneaux, moyennant une chaleur violente, 
D'un autre côté, on n’a pas le droit, puisque le mucilage, l’a- 
midon et autres parties des corps organiques contiennent du 
carbone, de conclure que ce carbone même, en état pur, tel 
qu'il se trouve dans l'acide carbonique, soit tout aussi bien 
propre à servir de nourriture aux plantes, comme on prétend 
que le carbone se sépare dans le parenchyme des feuilles du 
gaz oxigène de l'acide carbonique, pour se joindre à la subs- 
tance de la plante, en formant ainsi une partie de sa nourriture. 


S'il est donc bien prouvé que dans une atmosphère qui contient 
une plus ou moins grande quantité d’acide carbonique, la même 
plante donne plus de gaz oxigène que dans une autre qui en 
est dépourvu, cela ne prouve autre chose, sinon que la pré- 
sence de lacide carbonique est favorable et avantageuse à la 
végétation ; et cette manière de regarder ce phénomène gagne 
encore plus de vraisemblance par les propres observations de 
M. de Saussure, d’après lesquelles ce même acide carbonique, qui 
favorise la production du gaz oxigène par les feuilles présentées 
à l'influence de la lumière du soleil, en effectue tout le con- 
traire à l'obscurité, où il augmente l'absorption du gaz oxigène; 
expériences que j'ai répétées avec le même succès sur plusieurs 
sortes de plantes. Et si l’on vouloit former une objection de 
ce que le carbone est augmenté dans des plantes qui ont végété 
daus une atmosphère qui contient de l’acide carbonique, on ré- 
pondroit, avec la même raison, que si l'acide carbonique est 
généralement favorable à la végétation, il favorise peut-être 
aussi ce changement intérieur dans les élémens de la plante, 
au moyen duquel elle est mise en état de donner, à l’analyse, 
plus de carbone; aussi ignorons-nous entièrement, en analysant 
une plante, si le carbone que nous en retirons s’y est déjà 
trouvé en nature, ou s'il y étoit sous forme d’acide carbonique, 


et que la réduction n’est due qu’à l'analyse à laquelle ja plante 
a été soumise. 


Heureusement il ya encore des expériences qui promet{toient de 
devenir d’un grand poids pour l’une ou l’autre manière d’envisager 
cette action remarquable de la végétation; car si d’autres acides, 
ajoutés en différentes proportions à l'atmosphère des plantes, 
les mettoient aussi en état de donner un air oxigéné, on ne 
pourroit plus attribuer à la décomposition de l'acide carbonique 


Tome LXXXIII NOVEMBRE an 1616. Vy 


334 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE d 


ce qui se trouvoit alors étre une propriété générale des acides. 
Or, M. Senebier a réellement déjà soumis à l’expérience plu- 
sieurs acides des règnes minéral et végétal; mais il est d'autant 
plus à plaindre, que les chimistes qui sont venus après lui se 
sont Jaissé détourner de cet examen par les résultats négatifs 
qu'il a obtenus; que les observations suivantes feront voir que, 
si M. Senebier n'a pas réussi, cela doit être seulement attribué 
à la circonstance que la quantité de l'acide qu'il avoit mélé 
à l'eau dans laquelle se trouvoient ces feuilles, a été de beau- 
Coup frop grande, de sorte qu'il les a fait souffrir; aussi dit-il 
ul-même que les feuilles soumises à l'expérience avoient jauni 
et avoient été trouvées gâtées. 

Comme on ne pouvoit guère employer ces acides sous forme 
gazeuse, J'ai plongé les feuilles dans des verres cylindriques 
remplis d’eau et fermés avec du mercure. Chaque fois j'ai soi- 
Sneusement choisi les feuilles ou branchesqui devoient êtresoumises 
à Pexamen, et j'ai rejété toutes celles qui avoient les moindres 
taches et qui paroissoient très-différentes en âge et en grandeur... 
Leur volume étoit la moitié de celui de l’eau, et pour toutes 
les expériences comparatives, j'ai pris la même quantité en poids. 
Dans les cas, qu’il n’est pas indiqué exprès, le poids de la liqueur 
mêlée à l’eau a fait = de celle-ci. Aussitôt que le soleil quitta 
l'endroit où les feuilies étoient placées, on les a examinées pour 
voir si elles n’avoient point souflert; ensuite on a lavé l'air restant. 
avec de l’eau de chaux, et analysé le reste avec le sulfure de 
potasse. 

Des feuilles de sambucus nigra, exposées de cette manière: 
au soleil pendant 5 heures, donnoient :. 


Le 24 août. 


Dans de l’eau de fontaine, 6 pouces cubes, qui laissoient en 


restesdansilendiometres-h 4 Ac SPENCER 
Dans la même eau, mêlée avec del’acide sullurique, 7?" 0,69 
mêlée avec de l'acide muriatique, 23 0,30 

méléeavec de l'acide nitrique, 22 0,30 


Le 26 août. 


Des feuilles de sambucus. 

Eau de fontaine , 3 £ pouces cubes. . . , . . . . . . . 0,34 
avec de l'acide muriatique, 15 + pouces. 0,20 
avec de l'ammoniaque, point de gaz. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


Le 27 août. 


Des feuilles de sambucus. 

Eau de fontaine, 2$-pouces. . ….. 1.14 + . 1, 
avec de l'alcool, 1 + pouce... . . . . . 
avec de l’acide munatique , 13 + pouces.. 
avec de l’acide nitrique , 12 > pouces. . 
avec de l’atide muriatique (a l'obscurité, 

point de gaz). 

Panidelchate TE pouce: LU ee due il Let re 


Le 1° septembre. 


Des feuilles de sambucus. 
aude fontaine, 4 2 pouces. 4252 2 ... - . à 
#55 d'acide muriatique oxigéné, 4 $ pouces... . . . . . 
3655 d'acide muriatique oxigéné, 31 pouces.. . . . . . 
Le même acide exposé au soleil en proportion de = 
et 5, sans feuilles, ne donna point de gaz. 
Eau de fontaine saturée d’acide carbonique à la tempéra- 
ture de 120 R., 4 + pouces, . . . : 
avec de l'acide muriatique , 23 pouces. , 
avec une solution de carbonate de po- 
tasse, point de gaz. 


Le 3 septembre. 


Des feuilles de sembucus. 
Lau de fontaine, 5!£pouces.. :", MAMA EL MSA 
saturée d'acide carbonique à la tempéra- 
ture de 10° R., ro pouces. . . . . . 
La même eau saturée d’acide carbonique et mélée avec la 
moitié d’eau distillée, 22 pouces. . . . 
avec à d’eau distillée, 24 pouces.. . . . . 
(En diminuant encore la proportion de l’acide carbo- 
nique , la quantité de l'air en général, et celle du 
gaz oxigène qui entroit dans sonmélange, alloient aussi 
en diminuant.) 
Eau de fontaine avec de l'acide muriatique, 26 pouces.. 
avec de l’acide acétique , 24; pouces. . . 


Vv 2 


0,77 


0,79 
0,46 


0,40 


0,35 


0,29 
0,4 
o,6£ 


0,55 
0,23 


0,49 
0,52 


0,24 
0,2z 


o,2t 
O,21 


386 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Le 5 septembre. 


Des feuilles de sambucus. 

Eau de fontaine, 5 # pouces. , seit een ecoles Le, ; O5DO 
avec 3 gros de muriale d’ammon., 62 po. 0,49 
—————d'acétate de potasse, 3+po. 0,70 

denitrate de polasse, 11 po. 0,45 

—————de muriate de soude, 4% po. 0,64 


—————desurtartrate de potasse, 10 po. 0,44 


Le 6 septembre. 


Des feuilles de sambucus. 

Eau de fontaine, 5 pouces. . . . « . . meurs 043 
avec 5. d'acide muriatique,17 pouces. 0,30 
avec 3 d'acide muriatique, 23 pouces. 0,22 


avec 6 grains d’une dissolution d’alcali de 
potasse, point de gaz. 


Le 10 septembre. 


Des feuilles de sambucus. 
Eau de chaux, point de gaz. 

avec de l’acide muriatique, 5 pouces.. . . 0,30 
Eau de fontaine qui avoit bouilli pendant 2 h., 1 : pouce. .« o,b6 
La même eau avec de l'acide muriatique, 7 pouces... . . 0,30 


Le 20 septembre. 


Des feuilles de sambucus. 
Eau de chaux , quelques bulles, en trop petite quantité pour‘ 

se prêter à l'analyse. 
La même eau avec de l’acide murialique, b pouces. . . 0,57 
Eau de fontaine qui avoit bouilli pendant 2 h., 1 ! pouce.. 0,76 
La même eau-bouilli avec de l’acide muüriatique, 4 pouces. 0,34 


Dans toutes ces expériences, qui sont beaucoup plus nom- 
breuses que je ne les donne ici, et que j'ai étendues avec le 


a. 


Dans toutes ces expériences il est de la plus grande influence à la quantité du 
gaz que les feuilles exhaïent , si le ciel est plus ou moins serein : de pelits chan- 
gemens ne laissent pas d’être sensibles. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 337 


même succès à plusieurs familles de plantes, les feuilles ont 
seulement souffert dans de l’eau avec l’acide sulfurique , où 
elles ont un peu jauni, et moins encore dans l’eau avec l’acétate 
de potasse. 


On voit donc que plusieurs autres corps acides jouissent de 
la même propriété que l’acide carbonique relativement à Ja for- 
mation du gaz oxigène par les feuilles; mais dans la plupart des 
cas indiqués , il n’est guère possible d'expliquer leur action par 
une décomposition qu'elles dussent éprouver dans le parenchyme 
des feuilles; du moins il seroit contre toute vraisemblance de 
maintenir une telle opinion pour l'acide muriatique, l'acide tar- 
tarique du surtartrate de potasse, etc, Il paroît donc étre aussi 
contre l’analogie, de soutenir désormais, pour l’acide carbonique, 
üne décomposition chimique , pour expliquer un phénomène qui 
se trouve ne lui être point particulier , et qu'il partage peut-être 
avec tous les corps acides; de sorte que l’action de l'acide car- 
bonique rentre ici dans une classe de phénomènes dont elle ne 
se distingue en aucune manière, et pars avec d'autant plus de 
raison, qu'il n'existe pas, que je sache , une seule expérience propre 
à décider en faveur de la décomposition de l’acide carbonique, 
et qui se prête tout aussi bien à une autre explication. 

Jecite encore ici quelques antres observations très-intéressantes 
de M. de Saussure, qui me paroissent fournir de nouvelles preuves 
que l’action de l'acide carbonique sur les plantes doit être re- 
gardée sous un point de vue plus général. Il dit que les fleurs 
exposées au soleil. ne remplacent point l'acide carbonique de leur 
atmosphère ambiant par du gaz oxigène, mais par du gaz azote. 
Or, si l'on est obligé dans ce cas là de convenir que ce gaz 
azote, exhalé au soleil, sorte de l’intérieur de la plante, comme 
il ne forme pas un élément de l'acide carbonique, quoique l’ex- 
piration de ce gaz se trouve dans un rapport intime à la quantité 
de l'acide carbonique de l'atmosphère qui entoure ces fleurs, il 
est encore contre toute analogie d’avoir recours à la décom- 
position de cet acide, dans le cas qu’il favorise l'expiration du 
gaz oxigène au lieu du gaz azote, par la seule raison que le 
gaz oxigène forme un élément de l’acide carbonique. Le /y#rhum 
salicaria fournit un autre exemple, qui, d'après M. de Saussure , 
végétant dans du gaz azote, produit de l’acide carbonique ; cet 
acide ne peut avoir d’autre source d’où il soit sorti, que l’in- 
térieur de la plante. Mais pourquoi veut-on alors changer de 
théorie, aussitôt que la plante se trouve dans le gaz oxigène, 


338 JOURNAL BE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tandis que le fait s'explique tout aussi bien eg suivant l'anaz 
logie du gaz azote, d’après laquelle le gaz oxigène a été absorbé, 
tandis qu'en même temps l'acide carbonique, séjournant dans 
le parenchyme des feuilles ou des fleurs, s’exhale ? 


Peut-être que l'explication suivante s'approche plus près des 
faits que J'ai donnés; les acides et quelques sels surtout, à ce 
qu’il me semble, ceux de la classe des rafraîchissans, sont favo- 
rables à la respiration des plantes; elles augmentent par consé- 
quent, à l'obscurité, l'inspiration du gaz oxigène, comme on 
le sait, d’après M. de Saussure, pour l'acide carbonique mêlé à l’at- 
mosphère de la plante; et au soleil elles en animent l’expiration, 
la plante absorbant l’acide ou le sel ambiant, et rendant en TÉ< 
compense le gaz oxigène qu’elle avoit absorbé dans la nuit. On 
peut regarder, dans l’acte de la respiration , la plante comme 
une base oxidable qui absorbe dans la nuit à-la-fois l'acide êt 
le gaz oxigène, et qui, exposée ensuite à l'influence désoxigé- 
nante du soleil, est obligée de quitter le gaz oxigène absorbé, 
qui, secondé de son élasticité, lui. échappe, tandis qu’en ré- 
compense la plante inspire l’acide qui se trouve en contact avecelle. 

En tout cas, il paroît que rien n’est plus équivoque que la 
théorie d’après laquelle la quantité énorme du gaz oxigène qui 
se consume journellement est regardée être compensée par 
l'action de la végétation; du moins ce ne sera qu'avec beaucoup 
de défiance qu'on pourra adopter un système qui non- seu- 
lement paroît être dénué de preuves décisives, mais qui se trouve 
‘aussi en opposition avec un grand nombre de faits chimiques. 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 339 


SUITE DU SUPPLÉMENT 


Au Mémoire sur la réduction des degrés du Thermomètre 
de Mercure en degrés de chaleur réelle; 


PAR Hoxoré FLAUGERGUES. 


LA réduction des degrés indiqués par le thermomètre en degrés 
équidiflérentiels de chaleur, est non- seulement nécessaire pour 
rectifier les observations météorologiques faites avec cet ins- 
trument, mais entre autres usages, elle fournit le moyen de 
calculer des Tables pour réduire la réfraction moyenne en ré- 
fraction vraie, plus exactes que celles qui ont été publiées par 
divers astronomes, et qui sont toutes fondées sur lopinion er- 


ronée que les degrés du thermomètre sont proportionnels à la: 
chaleur. 


D’après les lois de la réfraction, la réfraction astronomique 
est proportionnelle à la densité de l'air; cette vérité est d’ailleurs 
prouvée par les belles expériences de M. Hauxbée (1). La ré- 
fraction doit donc varier avec cette densité, ce qui exige une 
Table de correction de la réfraction moyenne, pour la réduire: 
à la réfraction vraie, suivant les diflérens états de l'atmosphère. 

La densité de l'air augmente avec la pression de l’atmosphère;. 
elle diminue à mesure que l’air se raréfie par la chaleur: ces 
deux états de l'air nous sont indiqués par le baromètre et le 
thermomètre; la réfraction est donc directement comme lélé- 
vation du mercure dans le baromètre, et inversement comme 
l'ascension de ce fluide dans le thermomètre (sauf les modifica- 


QG) Expériences phys. mécan. de M. Hauxbée, trad. par M. Bremand, 
tome Ï, pag. 108 et suiv. Hauxbée avoit été précédé dans cette recherche par 


A: Lowthorp, et il ne fitmême que répéter les expériences de ce dernier, avec 
uu appareil moins compliqué. 


-340 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tions nécessaires); et la formule de réduction de la réfraction 
moyenne à la réfraction vraie doit avoir été composée de deux 
facteurs relatifs aux indications de ces deux instrumens ; il seroit 
peut-être nécessaire d’un troisième facteur relatif à l’effet, sur 
la réfraction astronomique , de la vapeur de l'eau, qui se trouve 
toujours répandue en plus ou moins grande quantité dans l’at- 
mosphère, et qui est indiquée par l’hygromètre; mais cet eflet 
est encore trop peu connu, et l’'hygromètre est un instrument 
trop imparfait pour pouvoir établir quelque chose de bien certain 
sur ce sujet : je me bornerai donc à ce qui concerne le baro- 
mètre et le thermomètre. à 


Du Facteur barométrique. 


L'air se comprimant dans le rapport des poids dont il est 
chargé, suivant la fameuse expérience de Mariotte (1), sa densité 
augruente dans le même rapport, et par conséquent aussi la 
réfraction, c’est-à-dire directement comme les hauteurs du mer- 
cure dans le baromètre. 


Mais pour que les hauteurs du mercure dans le baromètre 
représentent exactement les pressions qu'éprouve la couche infé- 
rieure de l'atmosphère où cet instrument est placé, il faut que 
le mercure soit toujours à la même température, car ce n’est 
qu'à cette condition que les poids des colonnes de mercure 
seront proportionnels à la hauteur de cescolonnes. Plusieurs phy2 
siciens , à commencer par M. Amontons, ont fait des expériences 
pour déterminer la variation de longueur qu’éprouve la colonne 
de mercure dans le baromètre, par le seul effet du changement 
de température ; mais celles de M. Deluc me paroïssent préfé. 
rables à toutes les autres, parce que ses expériences ont été 
faites sur le baromètre même monté sur une planche de sapin, 
comme le sont ordinairement ces instrumens, et que l'effet de 
la chaleur sur la monture, quoique peu sensible, doit néces- 
sairement entrer pour quelque chose dans l’évaluation de la cor- 
rection de la hauteur du mercure dans le baromètre, déterminée 
au moyen d'une échelle fixée sur cette monture, et qui participe 
à ses variations. 


ei 


(1) Œuvres de M. Mariotte, de l’Académie des Sciences , tome I, pag. 154 


€t Suiv. 
M. Deluc 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 34T 


M. Deluc a trouvé (r) que, par une augmentation de chaleur 
capable de faire monter le thermomètre de la température de 
la glace pilée (fondante) jusqu’à celle de l’eau bouillante, une 
colonne de mercure de 27 pouces augmenteroit précisément 
de 6 lignes ou de Æ; cette quantité divisée par 80, donne = 
partie pour la dilatation d’une colonne de mercure à la tempé- 
rature de la glace fondante, et pour un degré du thermomètre 


de M. Deluc. 


Cette quantité exige quelques réductions; premièrement, la 
dilatation observée par M. Deluc est relative au degré de chaleur 
de l’eau bouillante sous une pression de 27 pouces de mercure, 
degré de chaleur que ce célèbre physicien avoit choisi pour le 
terme supérieur de l'échelle de son thermomètre, et aujourd’hui 
on prend plus communément, pour ce terme supérieur, la chaleur 
de l’eau bouillante sous une pression de 28 pouces. De plus, 
M. Deluc suppose que cette hauteur de 27 pouces est prise 
lorsque la température du mercure dans le baromètre est égale 
à zéro de son thermomètre particulier; pour la correction de 
Veffet de la chaleur sur les hauteurs du baromètre, on a + 109 
du thermomètre ordinaire; et actuellement qu’on préfère de 
réduire la température du mercure dans le baromètre à la tem- 
pérature fixe de la glace fondante, on suppose aussi que la 
colonne de mercure de 28 pouces, sous la pression de laquelle 
on détermine la chaleur de l’eau bouillante, est également à 
la température de la glace fondante. 


D’après les expériences citées, une colonne de mercure de la 
longueur de 28 pouces, à la température de la glace fondante, 
augmente, en passant de cette température à celle de + 10°, 
de 2 . 287% —0lt,778; c’est-à-dire qu'à cette température 
la longueur de cette colonne est de 330/4:-,778, ou de 5,388 
seizièmes de ligne. 

Actuellement, si, d’après la règle découverte par M. Deluc (2), 
on multiplie 37314276, logarithme de 5388, par?, et qu’on 
retranche du produit 10387, on aura 800,84 pour la chaleur de 
eau bouillante sous cette pression 336,778; faisant ensuite 
cette proportion, 800 : 6e: : : 80°,84 : 6/*°,063, ce dernier terme 


(:) Recherches sur les Modifications de l'Atmosphère , édit. in-12, tomelIl, 
pag. 19 et Suiv. 

(2) Recherches sur les Modifications de l’Atmosphère ; par J. A. Deluc, 
tome IV, pag. 141. 


Tome LXXXIII NOVEMBRE an 1816. Xx 


342 > JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE » 
exprimera l'allongement que recoit une colonne de mercure de 
27 pouces de longueur, en passant de la température de la 
glace fondante à la température de l’eau bouillante , sous cette 
pression de 336'*-,778 ; le rapport de cet allongement à la Lee 
6,0 
324 ? 


ss RRREE Dent pour un degré du thermomètre ordinaire, par 
0 1 


324,80 — Zo75sni 


gueur primitive de la colonne sera donc exprimé par 


Soit B la hauteur d’une colonne de mercure dans le baro- 
mètre à la température de la glace fondante, et 2 la hauteur de 
la même colonne à la température de Z degrés au-dessus du 


zéro [l’une et l’autre exprimées en lignes et corrigées de l’eflet 


de la capillarité (1)], on aura, d’après ce qui précède, 
B + 


L 
427,11 


BP: 


nn — à 


QG) L'effet de la capillarité est, comme on sait, d’abaisser le mercure du 
arometre; on doit donc augmenter les hauteurs observées de la valeur de 
cet abaissement relatif au diamètre du tube du baromètre dont on se sert, si 
on veut que les observations que l’on fait soient comparables à celles des autres 
observateurs. M. Cavendish a donné (Philosophical Transactions’, ann. 1776 ;- 
vol. LXVI, pag. 586) une T'able fondée sur des expériences irès-exacles de 


M. Cavendish père, sur la pression du mercure dans les tuyaux de verre d’un 


peut diamètre ; cette Table est en décimales du pouce anglais; les termes en 
sont trop éloignés et les différences trop inégales. J’ai réduit la partie la plus 
usuelle de cette Table aux mesures françaises, et j'ai interpelé quelques 
termes , ce que je pouvois faire avec d’autant plus d’exactitude, que les se 
condes différences étoient sensiblement égales entre elles : je publie iei cette 
Table pour l’usage des observateurs du baromètre. | 


Diamètre Débpressions Diamètre Dépressions 
) Différences. des du Différences. 
tubés. mercure. 


: die» 

dig- 4 

0,735 ee 
0,77 HQE 
EU 0,045 
0,869 02087 
ge | 
CE 0,056 
1,029 > 


= 


HE bbLLS 


Le 
9 
2 
2 


© bb RL 


5j né 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 343 
b t.b 


D'où l'on tire B — — _ =D — ——— 
4275,11 + 


, ou (en 


Ac nr £ 4275,11 

faisant £ négatif pour le cas où le thermomètre est au-dessous 

du zéro) — AT. AM 
) Den = 

exacte pour réduire à la température de la glace fondante une 

hauteur à du baromètre observée à + degrés du thermometre, 


Donc la formule générale et 


t.b : : 
est Zn ette forme est celle dont je fais usage 


pour la correction de mes observations du baromètre, et d’après 


Jaquelle Jai calculé des Tables fort commodes pour cette ré- 
duction. 


Aux hauteurs du baromètre, ainsi réduites à une même tem- 
pérature, sont proportionnelles les pressions, les densités de 
l’air, et par conséquent aussi les réfractions, en supposant que 
Ja température de l'atmosphère ne varie pas; par conséquent 
si on prend pour l'unité de la densité de l'air, l’état de ce fluide 
orsque sa température est celle de la glace fondante et qu'il 
est chargé d’une colonne de mercure de 28 pouces ou 336 lignes 
de hauteur, et qu’on prenne pour réfraction moyenne celle qui 
a lieu dans cet état de l'atmosphère, la réfraction vraie, lorsque 
Ja hauteur du baromètre sera — D, la température du mercure 
de cet instrument —£ et celle de l'atmosphère — o, sera à La 


réfraction moyenne comme 4 = RAD a est à 336; donc le 
\/ Se 2275 ; 


ITS 
facteur barométrique de la formule de réduction de la réfraction 


t 
D ( TT 4275,11 HR) 
336 4 


A 
Du Facteur thermométrique. 


moyenne à la réfraction vraie, est 


L'air, sous la même pression, se dilate proportionnellement 
à la chaleur, c’est-à-dire qu’à des augmentations égales dechaleur, 
correspondent des accroissemens égaux du volume de l’air: j'ai 
prouvé cette vérité, admise par tous les physiciens, par une longue 
suite d'expériences dont ont trouve les résultats dans le Journal 
de Physique (x), et par une autre suite d'expériences faites avec 


(2) Tome LXXVIT, pag. 275 et suiv. 
Xx 2 


344 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


un appareil plus parfait, et dont les résultats sont également 
rapportés dans le même ouvrage (1). 

Il résulte de plus de ces expériences, que le volume de l’air 
à la lempérature de la glace fondante et sous une pression de 
28 pouces, étant pris pour l'unité , ce volume se dilate de 0,37168, 
suivant la première suite, et de o,37174 suivant la seconde suite 
d'expériences, en passant de la température de la glace fondante 
à celle de l’eau bouillante, sous une pression de 28 pouces de 
mercure à la température de lglace fondante ; ces résultats ne 
diffèrent pas beaucoup de ceux qu'ont obtenus les célèbres phy- 
siciens MM. Lambert, Gbarles, Gay-Lussac et Dalton. 

Mais dans toutes mes expériences j'avois employé de l'air 
extrêmement desséché par un long séjour dans des vaisseaux 
fermés , et contenant une quantité de chaux vive et de potasse 
suffisante pour en absorber l'humidité; cet air, ainsi desséché, 
n’est pas l’air atmosphérique où se fait la réfraction astrono- 
mique, et qui contient toujours plus où moins d’eau en vapeurs; 
cette vapeur, d’après les expériences de M. Dalton, ne change 
pas la loi que suit l'air dans sa dilatation par la chaleur; mais 
elle peut influer beaucoup sur le rapport de son volume dans 
Jes deux températures; je fis cette réflexion lorsque je faisois 
mes dernières expériences sur la dilatabilité de l’air, et désirant 
déjà que mon travail pût servir à perfectionner les Tables de 
corrections de réfractions moyennes, je cherchai, au moyen 
dèexpériences faites avec le même appareil, et sur de l'air at- 
mosphérique pris pendant la nuit au balcon de mon observatoire, 
le ciel serein, le vent au nord-est et sec, qui sont les circonstances" 
qui ont le plus souvent lieu lors des observations astronomiques, 
la dilatation de cet air en passant de la température de la glace 
fondante à celle de l’eau bouillante, sous une pression de 28: 
pouces. Voici les résultats de ces expériences : 


Expériences. | Rapports des volumes. || Experiences.| Rapports des volumes. 


: 1,40030 1 : 1,41030 
: I1,41204 I : 1,41183 
: 1,42220 £ 1 : 1,40170 
: 1,41108 1 : 1,41763 
: 1,40050 1 


: 1,406060 


(1) Journal de Physique , tome LXXXII, pag. 402 et suiv. 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 345 
Ce qui donne pour résultat moyen le rapport 1 : 1,410089, 


qu'on peut prendre sans erreur sensible pour celui de 1 : 1,411; 
par conséquent la dilatation de l'air pour un degré de chaleur 


2 D r 0,411 . 
réelle est exprimée par _ — 0,0051375, et si on a un nombre æ 


de degrés équidiflérentiels de chaleur, on aura x (0,0051375) 
our l'augmentation du volume de l'air, depuis la températurede 
a glace fondante jusqu’à celle de x degrés équidiflérentiels : cette 

quantité devient négative lorsque x est au-dessous du zéro; 

en sorte que. dans ces deux cas, le volume de l'air à cette tem- 

pérature sera exprimé par 1 Æ x (0,0051375). 

Si on nomme z le degré du thermomètre octogésimal qui 
correspond au degré x équidiflérentiel, et qu’on substitue pour 
æ sa valeur en £, d’après la formule donnée dans le Mémoire, 
on aura pour le volume de Pair l'expression 


1 Æ [log (128,2 2) CL 3,7099650] (11899,98261) (0,0051375), 
ou, en réduisant, 
1 E [log (128,2 Æ 7?) © 3,7099650] (6r,13616). 


La densité de l'air est inversement comme son volume, et 
par conséquent la réfraction est aussi inversement comme ce 
volume: donc si om prend toujours pour la réfraction moyenne, 
celle qui a lieu lorsque la température de l'air est la même que 
celle de la glace fondante, et sous la pression de 28 pouces, 
le rapport de la réfraction moyenne à la réfraction vraie sera: 
le même que celui de 


1 Æ [log (5128,2 Æ 2) CO 3,7099650] (61,13516) à 1; 


par conséquent le facteur thermométrique pour réduire la ré- 
action moyenne à la réfraction vraie, est exprimé par 


1 
1 Æ [log (b128,2 Æ +) & 5,7099650] (61,13616) 


Multipliant les facteurs barométique et thermométrique l’un 
par l’autre, on aura enfin, toutes réductions faites , pour le fac- 
teur par lequel il faut multiplier la réfraction moyenne pour la 
réduire à la réfraction vraie, 


t 
Due) 1e 
356 + [ log (b128,2 Æ +) © 5,709g650] (20b41,74976)" 


346 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Avec une Table de réduction des degrés du thermomètre 
octogésimal en degrés équidifférentiels de chaleur, telle que celle 
que nous avons donnée dans le Mémoire, l'usage de la formule 
pour réduire la réfraction moyenne à la réfraction vraie devient 
beaucoup plus simple; car, d’après ce qui a été dit plus haut, si om 
nomme @ le degré de l’échelle équidifférentielle qui répond au 
degré £ du thermomètre octogésimal, le facteur thermométrique 
se réduit à 


1 4 
nn Gic061878) °C Pat conséquent le facteur com- 


posé à 


DU een MU 
LA ne 4275,11 + ) 
356 +4 (1,7262) 


C'est d’après ces formules que j'ai calculé une Table des facteurs 
pour multiplier la réfraction moyenne et la changer en réfraction 
vraié, et une Table des logarithmes de ces mêmes facteurs de 
degré en degré, depuis — 16° du thermomètre octogésimal 
jusqu’à + 32°, et de deux lignes en deux lignes depuis 26 pouces 
jusqu’à 30 pouces de hauteur du baromètre, que je me propose 
de faire imprimer pour l’usage des astronomes. 


Nous terminerons ce Mémoire par les deux remarques suis 
vantes : 1°. pour faire la réduction exacte de l’eflet de la tem- 
pérature sur la colonne d’un baromètre à cüvette, il faut aug- 
menter la longueur de la colonne de mercure au-dessus de la ligne 
prise pour la ligne de niveau de la profondeur du mercure au- 
dessous de cette ligne jusqu’au fond de la cuvette; car cette 
partie du mercure se dilate comme le reste, et soulève la co- 
Jonne de mercure qui est au-dessus de son niveau, d’une quantité 
égale à sa dilatation, et vice versé ; ainsi, si la profondeur du 
mercure de la cuvette est d’un pouce, comme dans mon baro- 
mètre, et que la hauteur de la colonne soit de 28 pouces, on, 
calculera la réduction comme si cette colonne avoit 29 pouces 
de longueur, etc.; c’est pour cette raison que j'ai calculé ma 
Table de réduction des fractions moyennes jusqu’à la hauteur 
de 30 pouces du mercure dans le baromètre, quoique le mercure 
n'y atteigne jamais cette hauteur. 


2°. Pour connoître plus exactement, à ce qu’on prétend, la 
température du mercure dans le baromètre, on place à côté 
un thermomètre, qu’on enfonce à moitié dans la planche sur 
laquelle est fixé le baromètre ; je pense qu’on rempliroit beaucoup 
mieux cet objet, et d’une manière plus sûre, en isolant le tube 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 347 


du baromètre, de manière qu’il soit de tout côté en contact 
avec l'air; alors la’ température du mercure du baromètre sera 
nécessairement la même que celle de l'air ambiant, qui est in- 
diquée par le thermomètre d'observation isolé et suspendu tout 
proche du baromètre, Pour cela, il faut ouvrir dans la planche 
du baromètre une rainure à jour , qui, depuis la cuvette jus- 
qu'à 26 pouces au-dessus, aura deux pouces et demi ou trois 
pousses de largeur, et depuis 26 pouces jusqu’à 29 pouces, une 
argeur de deux lignes seulement de plus que le diamètre du 
tube, afin de ne pas trop éloigner l'échelle de l’extrémité de la 
colonne de mercure qui doit y être rapportée; le tube sera fixé 
par le haut sur la planche du baromètre, par le bas il reposera 
sur le fond de la cuvette (en ayant soin de recourber le bout 
inférieur du tube pour ne pas gêner le passage du mercure), 
et il sera maintenu dans le milieu, si on veut, par un lien de 
fl de fer ou de cuivre, dont les deux bouts seront fixés sur la 
planche de chaque côté; on peut encore isoler la cuvette en 
échancrant la planche tout au tour à un pouce de distance; de 
cette manière la cuvette sera isolée et ne touchera à la monture 
que par le fond. Cette construction , que je propose pour le ba- 
romètre en général, devient comme nécessaire lorsqu'on se sert 
de cet instrument pour réduire les fractions moyennes en frac- 
tions vraies; car les Tables calculées pour cette réduction, sup- 
posent nécessairement que la température du mercure dans le 
baromètre est*la même que celle de l'air indiquée par le ther- 
momètre suspendu dans lobservatoire. Si on emploie un baro- 
mètre monté à la manière ordinaire, avec son fhermomètre de 
correction, il faudra, après avoir corrigé la hauteur observée 
d’après la température indiquée par le thermomètre de correction, 
réduire cette hauteur à ce qu’elle auroit été si la température 
du mercure eût élé la même que celle indiquée par le thermo- 
mètre d'observation, puisque ce n’est qu'avec cette dernière 
hautear qu’on peut entrer dans la Table; mais c’est un travail 
inutile, qui peut devenir une occasion d'erreur, et qu’on évite 
par la construction que je propose. 

30. La formule que nous avons donnée pour corriger l'effet 
de la chaleur sur la colonne de mercure du baromètre, est 
celle qui convient (ainsi que nous en avons averti) à ceux de 
ces instrumens qui sont montés sur des planches de sapin , dans 
lesquelles l'effet de la chaleur suivant la direction de forces, 

est insensible ; si la monture du baromètre est d’une autre ma- 


348 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


tière, il faut employer d’autres formules, parce que l'effet apparent 
de la chaleur sur la colonne de mercure est égal seulement à la 
différence entre la dilatation de cette colonne et la dilatation de 
la partie (de longueur égale) de la monture qui lui correspond, 
puisque, par l’eflet de cette dilatation de la monture, l'échelle 
du baromètre séloigne de la ligne prise pour celle du niveau 
dans le même sens que s'élève la colonne de mercure; par 
exemple, si la monture du baromètre est de laiton ou cuivre 
jaune, puisque nous avons trouvé précédemment, d’après les 
expériences de M. Deluc, qu’une colonne de mercure de 27 
pouces de longueur à la température de glace fondante, s’allonge 
de 6"*,063, en passant à la température de l’eau bouillante, 
on aura la proportion 257%:: 6lë:063 : : 1 : 0,018713, dont le 
dernier terme exprime l'allongement d’une colonne de mercure 
en passant de la tampérature de la glace fondante à celle de 
Jeau bouillante, la longueur de cette colonne à la première 
température étant prise pour l'unité. 

Suivant les expériences de M. Smeaton(Philos. Trans., 1768 , 
pag. 325), l'allongement du laiton ou cuivre jaune est, dans 
ce même cas, exprimé par 0,001933. Retranchant cet allonge. 
ment du laiton de l'allongement du mercure, il restera 0,016780 
pour l'allongement apparent de la colonne de mercure du ba- 
romètre relativement à son échelle, lorsqu'il est fixé sur une 
monture de cuivre jaune; faisant ensuite la proportion. ..... 
1: 1,016780 : : 330's- : 3416,038, la différence b'*:,638 des 
deux derniers termes exprimera la dilatation apparente de la 
colonne de mercure en la rapportant à l'échelle; divisant cette 
quantité par 26880, produit de 336 par 8o et réduisant, on aura 


HE: pour l'allongement correspondant à un degré du there 


momètre octogésimal; et par conséquent la formule pour corriger 
l'effet de la chaleur sur le baromètre monté sur une planche de 
cuivre jaune, est == CEE on trouvera des formules 
semblables pour des montures d'autres matières, dont on con- 
noîtra le rapport de la dilatabilité. 

Si l’échelle est collée ou gravée sur le tube du baromètre, 
‘comme l'allongement du verre, en passant de la température 
de la glace fondante à celle de l’eau bouillante, est, d’après 
les expériences de MM. Smeaton et Deluc (Trans. Philos., 1768, 
pag. 325; Journal de Physique, tome XVIII, pag. 389), ex- 
primé par 0,000833 ; si on retranche cet allongement de lallon- 


gement 


mt 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 349 


&ement d’une colonne de mercure dans les mêmes circonstances, 
on aura 0,017880 pour l'allongement apparent de cette colonne 
rapportée à l'échelle appliquée au tube; par conséquent. .... 
I ! 1,017680 : : 330!s- : 34218008 ; l'excès du dernier terme 
sur le troisième est de 6/#-,008 ; divisant par 26880, et réduisant, 
1 

4474, 


mule de correction dans ce cas là. 


on aura 


— , et par équent = En our la for- 
TO OL En nt 77 ETS 


Observation de l’Éclipse de Soleil du 19 novembre 1816, 
au matin, faite à l'Observatoire de Viviers. 


Commencement à. . . . . 8 23° 24"temps moyen. 
JET NE PRE PE ES CPV ESTÉE 


| Cette observation, qui est très-exacte, a été faite ayec une 
lunette achromatique, qui amplifioit environ go fois Je diamètre 
apparent des objets. | 


Tome LXXXIII. NOVEMBRE an 1816. Yy 


BAT E 


MOMÈTRE EXTÉRIEUR 


OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAÎTES 


«| THER B D É 
s PAS TES AN PIE AROMETRE METRIQUE. 
à RQ  ) 
#1 Maximus. | Minimum. |A Mint. Maximum. | Minimum. Æ 
- | Muni. 
lieurese C] heuress o heures. ill. | heures. ill i 
1la3s. +16,00 à 6% m, 10,00 +#15,00 dtylme-neee 757,92/à 5 + se...... Me Met 
2là 38. —+-18,60|À 6 + m.+1475 +18,50 AO E rer M57,08|2 5 35.14... 754,00/756,50 
3|à ro = m418,10 à 98. 11,79] #17,05/a 9 5... ..... 759,60|à 6 4 m....... 756,80|758 72 
4{à midi. +-19,60[à 6 4m. + 7:75|+19,60fà 9 s.......... 799,76 |à 6 + m....... 798,24|750,72 
s\ù3s. +20, 10/1 63m. 7,00|+19,50 9 m......... 759,48 |à 9 s..........758,10 799,92 
6à3s. +21,19/à 6£m.+11,50|421,00|à 10 3 m......757,94|à 9S..........750,04|757,52 
7la 11m. +2r,5olà 6% m.—+13,25| 21,00 | midi. .......757,36|à64 m....... .756,50|757,36 
Blh midi. #19,25/à 10 s. —13,50|+419,25/à midi... ...761,00|à 67 m....... 759:36|761,00 
A| ga 31s. +20,50|à 6 + m.+10,50 19,05 à 10 4 m...... 760,62|à 55... .....760,00|760,40 
S\ro à 35. +18,75|à 6 + m. +-10,75 + 18,00 à9 2 S........702,00 à 63 m.......760,50|761,36 
Dlrrla3s. +17,25 à9 S. —Hi0,75|+14,75/4 9 s..,.......760,72|à 38.......%.,759,54|760,12 
B\rolà midi. + 16,00 à 6% m.+12,50| +16,00 À 103 m..... .762,50|à 61 m....... 761,501762,48 
Al1313s. +15,83/à 5 am. 8,50[+14,50|à 9 m.........70%,70|a 6 3s........ 761322 1762,32 
Mlrala3s. “H14,75/à 62m. + 6,00!-12,50/à 10 s........ 764,60|à 64 m........762,08|763;70 
15à 3s. +15,10/à 6m. + 5,26|H#14,29/à 105 m...... FODA0D|A LISE LEE 762,88|764,94 
N|16/à 3s. b+1425 à 6 2m. 4,75|415,20|à Mere 761,38|à 10 s......... 757,40|759,80 
dira sis. + 10,75 à6+ m.—+ 3,50 412,50 ADM... 756,20|à 5% s........755,26|756,12 
18/à nudi. 413,60 à6 im.+ 5,00|+13,50|à 10 s........ 756,70|à 3 5......:..795,70| 755,82 
1923. “+-12,05 à GE m. + 4,50[+11,90|à 10 3 m...... 76o,66|à 10 5... ..... 758,32,760,58 
20/à 10 m, 410,60 àlos. + 6,50|+ 7,75/a 6 j m....... 752.68|à 10 S......... 750,60|751,84 
21/à midi. Hro,10[à 64m,+ 4,25| 10,104 10S......... TOI AMIE JS... 749.62|750,32 
22|à midi. H10,60| 6 m.+ 3,75|++10,60|à 10 s......... 756,10|à 6 5 m....... 799,08|754,76 
23[à midi. 11,00 62m. 1,75|-+11,00!à 9s....., .,.760 96|à 6 + m.....… .758,80|760,74 
24345. + 9,5o/à 10 s. + 0,75] + 8,75|à 8 m..... --7D0 ATOS... 753,50|757,50 
25à3s. Æ+1325 À 5£m.— 5,79] 11,10 AO AS oDane 7OIAO| AS Ses .-748,10|749,60 
26|à midi. +11p75|à 5 £m.+ 7:79|4-11,75/à gm......... 752,02/à 10 S.........750,04|752;48 
Hl27la3s. <Hi7;1oà 65m. + 9,00 +16.25|à 10 & m......790,32 d7Me...... ..749,60|750,00 
HI 26 à midi. #1025/à9$s. + 6,75|4-16,25/4 9 RÉDobar ob e 752,04 à 10 + M......740;22|740,24 
Dlzoh3 s. 19,79 à 7m + 4,00|+413,c0|à LEO GENE) EEE: oo 743,96|749,84 
B|30là midi. +14,60|à 9 s. +10.00|+14,60|1 6 m..... ..-.742,60|à 9 15..... ..-73006|742,04 
lärla3s. Hi4,25là 108. + 8,25l4-153,50[à 9 s......... 744,58là 7m......... 744,58|743,70 
É|Movyennes.+15,02! + 7 7a4|+:4.69| 797,11| 
RÉCAPITULATIO N. 
Millim, 
Plus grande élévation du mercure. .... 765°00 le F5 
Moindreélévation du mercure......... 799.66 le 30 


Plus grand degré de chaleurs. ....... +s1%o le 6 
Moindre degré de chaleur........... — c,75 le 24 
Nombre de jours beaux....... 5 
ACICPUVEL TS eee eee sie le 25 
depluie........ enr 12 
d'eiventis-e me Amen 31 
de relée 52..." I 
de tonnerre, . 4... nu... o 
de brouillard.......... 23 
derneipe.- "teste o 
ER M CROITENMe o 


de grêle 


‘IQIN V 
D [Enr ‘nuuaxx| 


Nora. Nous continuerons toujours à exprimer la température au degré du thermomètre cenl"w 


centièmes de millimètre, Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu'oil 4, 
le thermomètre de correction. À la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre 
lus de l'ensemble des observations, d'où il sera aisé de déterminer la température moyenn@…, 


conc 


ü 


conséquent, sou élévation au-dessus du niveau de la mer.La température des caves est égalemen/ Mr 


4 À L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS. 
ts (OCTOBRE 1816. | 


POINTS VARIATIONS DE L'ATMOSPHÈRE. 


LUNAIRES. 
LE MATIN. LE SOIR. 


Couvert, pluie à 9 h.|Couvert. Petitepluie à o h. 
Quelqueséclaircis. | PZuie par intervalles. | Frès-nuageux. 
Couvert, Très-nuageux. Idem. 
Nuageux, brouillard.| Nuageux. Légères vapeurs. 
Lune apogée. Idem. Idem. Idern. 
P.L.àoh.29m.| dem. Légers nuages, Nuageux. 
Quelques éclaircis.  |Couvert. Pluie abondante. 
Couvert. Nuageux, brouillard.| Beau cicl, 
Nuageux, brouillard.|Légers nuages. Idem. 
Beau ciel, brouillard.|Beau ciel. ” |Couvert. 
Pluie, brouillard ép. |Couvert, brouillard. [Nuageux, 
Couvert, brouillard. |'Frès-nuageus. Couvert. 
Beau ciel , léger br. |Pctitsnuages. Beau ciel, 
D.Q.à8h/5m.|Nuageux, brouill. ép.|Couvert, brouillard. [Nuageux. 
Idern. Nuageux. Beau ciel. 
Beau ciel , brouillard.| Beau ciel. Idem. 
Brouil. ép., forte ros.|Couvert. Pluie depuis 6 h. 
Nuageux, brouillard,| Za,, petite pluie. |Nuageux. 
‘Idem. Nuageux. Couvert, 
Lune périgée. | Pluie. Pluie. Idem. 
N.L.à0h6'm.| Nuageux, pl. vers 2h.|Couvert. Pluie, 
Très-nuageux, br. Idem. Idem, à 3 h. 
Nuageux, brouillard.[Nuageux. Beau ciel. 
Idem , glace. Couvert. Couvert. 
Nuageux, brouillard.| Pluie, brouillard. Pluie. 
Couvert, brouillard. [Couvert, lég. brouil. [Nuageux. 
P.Q.arbg's. Nuageux, brouillard,/ Nuageux. Couvert. 
| Pluie, \ég. brouillard.| Idem, Beau ciel. 
Beau ciel, brouillard.|Beau ciel. Couvert. - 
Couvert, brouillard. |[Couvert. Pluie abond. par int. 
Pluiefine ,brouillard.| dem. Couv. par intervalles. 


RÉCAPITULATION. 


29200 
La 
© 


x FéCe 
à 


EH y 
Per. 


d 
[de] 
1 


PR 
OTRE 


serons 


Jours dont le vent a soufflé du SN APTE CES 


le 17 120,091 
Therm. des cayes 


centigrades: 
le 16 12°,092 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 20""62 = 9 lig. 1 dixième. 


| 


ligrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c’est-à-dire en millimètres et 
mn loie généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromètre, on a mis à côté 
nt 7 thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le 7aximum et le minimum moyens, 
lu mois et de l'année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoire de Paris, et pa£ 
>xprimée en degrés centésimaux, afin de rendre ce Tableau uniforme. 


3b2z JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


SUITE DU MÉMOIRE 


Sur les Substances minérales dites e2 rasse, qui entrent 
dans la composition des Roches volcaniques de tous 
les âges; 

Par P. Louis CORDIER. 


CHAPITRE SEPTIÈME. 


Examen des Cendres volcaniques ou thermantides pulvérulentes 
de 1ous les âges. 


LES substances pulvérulentes que je désigne sous le nom de 
cendres volcaniques, ont été ainsi nommées par la plupart des 
minéralogistes; M. Haüy en fait une variété de ses therman- 
tides; M. Werner réduit le nom de cendres volcaniques aux 
produits pulvérulens des éruptions historiques, ignorant proba- 
blement qu’il existe des matières identiquement semblables, soit 
dans les couches formées par les volcans éteints inconteslables, 
soit dans les grands systèmes classiques de terrains volcaniques 
démantelés; ce célèbre minéralogiste n’a donné aucune place 
à ces matières dans sa nomenclature et sa méthode. 

Les cendres volcaniques composent, avec les sables, les graviers 
et les fragmens variés fournis par les projections incohérentes,. 
plus de la moitié des produits rejetés par les éruptions. Tantôt 
elles se trouvent disséminées dans les amas ou lits formés de ces: 
fragmens, de ces graviers et de ces sables; tantôt elles com: 
posent exclusivement des couches très-étendues. Je range aussi 
parmi les cendres, les matières pulvéruleñtes qu’on observe très- 
souvent mélangées avec les croûtes scorifiées grumeleuses des 
courans lithoïdes, Je ne saurois décider si ces dernières matières 
pulvérulentes sont contemporaines à la coagulation des courans, 
et si elles ont été produites par l'effet d’un extrême boursoufile- 
ment de la lave composante, ou bien si elles sont un premier 
résultat de la désagrégationlentedes croûtes scorifiées , comme cela 
paroît au reste probable en beaucoup de cas. Ge que j'ai reconnu, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 353 


c'est que leur aridité jointe aux autres caractères, ne permetpas 
de les distinguer des cendres de projection. 

De tous les produits rejetés par les volcans, cesont lescendres qui 
recoivent les plus promptesaltérations ; on en a de beaux exemples 
dans les fouilles de Pompeïi et d'Herculanum; malgré cette fa- 
cilité à s’altérer, onles retrouve quelquefois intactes jusque dans les 
terrains volcaniques contestés très-anciens; je ne traiterai ici que 
de celles dont la parfaite conservatioh n’est pas douteuse. 


Elles sont aussi curieuses à examiner au microscope que faciles 
à définir. On reconnoît sans peine qu’elles sont formées de par- 
ticules hétérogènes très-distinctes, et que les nuances si variées 
de leurs caracières extérieurs, proviennent des analogies que 
ces particules peuvent avoir avec les substances élémentaires 
qui entrent dans la composition des pâtes lithoïdes, vitreuses- 
ou scorifiées; elles en contiennent en eflet tous les principes 
désagrégés ou réduits en poudre ; mais il s’en faut de beaucoup 
que les mélanges soient infinis : non-seulement ces mélanges pa- 
roissent constans dans une même couche, mais ils se reproduisent 
fréquemment dans des couches différentes. Quels que soient, aw 
reste, le mode d'association, la localité et l’âge des couches, 
l'identité des substances minérales élémentaires qu'on trouve dans 
les unes comme dans les autres, est si frappante, que je n’en 
rapporterai qu'un petit nombre d’exemples dans la Table géné- 
rale de mes expériences. 


Pour faire l’analyse rigoureuse et complète des cendres vol- 
caniques , il est indispensable de lotir préalablement les parti- 
cules composantes, suivant l’ordre des volumes, à l’aide de 
lavages. On recounoît, au moyen de cette opération, que la ma- 
jeure partie des grains composans ont une grosseur variable 
entre un trentième et un cinquantième de millimètre; la grosseur 
peut s'élever à plus d’un dixième de millimètre, ou diminuer 
jusqu’au-delà d’un centième. Ces variations permettent de déter- 
miner plus facilement la nature des substances minérales élémen- 
taires. Les espèces les plus abondantes sont, le feld-spath, le 
pyroxène; la gallinace (ou verre pyroxénique) et l’obsidienne 
(ou verre feld-spathique), ensuite le péridot, lamphigène, et 
très-rarement le mica et l’amphibole. Le fer titané s’y rencontre 
constamment avec ses propriétés extrêmement saillantes. En: 
outre, parmi les grains les moins fins, on observe des fragmens: 
entiers, soit de pâtes scoriñiées, soit de pâtes lithoïdes. 

Si on étudie les caractères extérieurs des principaux mélanges ; 


354 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


on les voit s’accorder avec les résultats de l'analyse mécani: 
que, c’est-à-dire avec la prédominance des quatre espèces de 
substances composantes que j'ai nommées les premières. Quant 
au caractère essentiel , celui qui se tire de la fusion , on ne peut 
l’apprécier convenablement que de la manière suivante. Il faut 
d’abord purger la cendre des parties attirables, la porphyriser, 
en fixer la poussière, soit sur le filet de disthène ou sur le chars 
bon , et puis déterminer les propriétés du bouton vitreux obtenu 
au premier coup de feu, Ainsi essayées, les cendres se partagent 
en deux genres très-distincts, celles qui fondent en verre blanc 
rarement piqué de points verts, et celles qui fondent en verres 
ou émaux de couleur noire, ou d’un vert noirâtre plus ou moins 
foncé. Chacun de ces deux genres se subdivise naturellement 
en trois sortes, suivant que le mélange abonde, soit en cristaux 
microscopiques, soit en parties vitreuses, ou bien qu’il en renferme 
des quantités à peu pres égales. 

D'après ces données, les cendres volcaniques peuvent être 
minéralogiquement définies , savoir : les unes comme du feld- 
spath pulvérulent, ou du verre feld-spatique en poudre, mêlé 
d’une très-petite quantité de particules hétérogènes déterminées ; 
les autres, comme du pyroxène pulvérulent, ou du verre pyroxé- 
nique en poudre, mélangé d’une très-grande quantité de parti- 
cules hétérogènes connues. Ce n’est donc que par convention 
qu'on peut leur assigner une place dans la méthode, La déno- 
mination de thermantide pulvérulente tenant à des considérations 
géologiques, étrangères au nouveau point de vue sous lequel 
j'estime que les cendres doivent être envisagées désormais , je 
crois qu'il est convenable de la réserver à des applications plus 
conformes à son étymologie; en conséquence je donne le nom de 
cinérile à la cendre pyroxénique , et celui de spodite à la cendre 
feld-spathique. Je partage la spodite et la cinérite en trois 
subdivisions fondées sur la composition mécanique, et qui sont 
pour chacune, la vitreuse, la semi-vitreuse et la cristallifère : les 
couleurs serviront à établir les variétés principales. 

Sous le rapport de la définition géologique, les cinérites et 
les spodites doivent être regardées comme des sables mICrosCo- 
piques hétérogènes, formés des mêmes espèces de minéraux 
élémentaires que les pâtes lithoïdes, vitreuses ou scorifiées, et 
présentant des associalions à peu près semblables, au milieu 
desquelles les caractères de fusion indiquent assez nettement la 
prédominance des parties feld-spathiques ou pyroxéniques. Du 


a 


ET D'HISTOIRE NATÜRELLÉ. 355 
reste, je n’ai pas besoin d’insister pour faire sentir qu’il doit 
exister un assez grand nombre de sous-variétés intermédiaires, 
soit entre les diflérentes variétés de spodite et de cinérite, soit 
entre ces mêmes variétés et les sables des déjections incohé- 
rentes. 

J’avois pensé que je trouverois les débris des roches traversées 
par les éruptions , plus abondamment répandus dans les matières 
pulvérulentes que dans les autres produits des projections in- 
cohérentes; mais j'ai eu lieu de reconnoître que je m'étois 
trompé, et ceci est remarquable relativement à la question des 
percées volcaniques. Cette partie accessoire de mes recherches 
avoit un second but. En certaines localités, on trouve des frag- 
mens projelés, qui, sous le rapport de la composition et de la 
contexlure, n'ont d’analogues rigoureusement correspondans dans 
aucun terrain, mais qui se rapprochent tantôt des roches pri- 
mitives graniliques, tantôt des roches volcaniques granitoides 
ou porphyriques. Ces fragmens accidentels sont en grande partie 
composés de minéraux volcaniques ; mais de plus, on y observe, 
ainsi que dans les sables formés de leurs débris, plusieurs subs- 
tances particulières en petits cristaux souvent entiers. On re- 
marque encore dans les fissures et les boursoufflures de certaines 
laves lithoïdes, différentes substances cristallisées particulières, qui 
paroissent contemporaines à la coagulation , à raison de ce qu'elles 
s'étendent à quelque distance dans l’intérieur de la pâte; parmi 
tous ces minéraux accidentels, les uns sont connus depuis long- 
temps, parce qu'ils ont un volume assez notable; les autres, 
beaucoup plus rares, ont été successivement trouvés ou décrits 


par MM. Fleuriau de Bellevue (1), Thompson, l'abbé Gismondi , 


QG) M. Fleuriau de Bellevue , dans un Mémoire imprime il y a seize ans aw 
Journal de Physique, tome LI, a développe des recherches très-délicates et 
très-heureuses, faites par lui sur plusieurs de ces minéraux ainsi que sur la 
gangue de ceux qu’on trouve à Capo di Bove, dans les États romains. Cette 
gangue, d’après mes résultats, se trouve au nombre des pâtes lithoïdes de 
composition anomale ; mais cette circonstance n’ôle rien au mérite des pro— 
babilités générales que M. Fleuriau de Bellevue a déduites de son examen. En 
effet , cet habile observateur a soutenu que les cristaux apparens à la vue simple 
dans les produits volcaniques , devoient être le premier résultat de la coagula- 
tion; qu’il étoit indispensable d’examiner les très-pelits cristaux disséminés 
dans b aucoup de roches nommées vaguement cornéenne , basalte et svacke, 
lesquelles comprennent, suivant lui , tantôt des agrégés , tantôt des mélanges 
dans toutes sortes de combinaisons ; et qu’on ne parviendroit à bien classer 


306 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Néergaard , Grasset, Mouteiro et Nose; ces derniers, quoique 
d’un très-petit volume, sont encore apparens à la vue simple, 
et n'ont guère moins d’un millimètre de longueur; on leur 
donne communément (ainsi qu’à beaucoup d’autres cristaux 
d’un petit volume étrangers aux volcans) l’épithète de micros- 
copiques ; mais celte épithète ne sauroit plus leur appartenir, 
puisque leurs diamètres sont au moins vingt ou trente fois 
plus considérables que ceux des cristaux élémentaires des pâtes 
lithoïdes. Du reste, je n’ai trouvé aucune trace de ces minéraux 
accidentels dans les variétés de cendres que j'ai examinées. 
J'estime qu’en général ils doivent y étre aussi excessivement 
rares que dans les pâtes lithoïdes elles-mêmes. 
. Je ne tirerai aucune conséquence de la corrélation remar- 
quable qui existe entre la composition mécanique des cendres 
et celle des produits lithoïdes, vitreux et scorifiés de tous les 
âges, pour essayer d'expliquer la manière dont elles se forment. 
Ce problème reste à résoudre : les données m’en paroissent ex- 
trêmement compliquées, et encore trop imparfaitement connues. 
Mes résultats prouvent seulement que la presque totalité des 
cendres de chaque éruption se forme incontestablement aux 
dépens de la lave incandescente arrivant des entrailles de la 
terre, et que les couches volcaniques ou non volcaniques tra- 
versées, n’en fournissent qu’une très-foible portion; mais dans 
leur production , quelle part doit-on attribuer à l’excessive in- 
candescence, à la vaporisation, à l’extrême boursoufflement, 
au refroidissement plus ou moins précipité et à la trituration? 
C'est ce qu’il sera bien difficile de déterminer d’une manière 
satisfaisante, Je me contente d’avoir défini ce qu'il y.a de plus 
ositif dans les formations volcaniques pulvérulentes, c’est-à-dire 
1É élémens minéralogiques dont elles sont composées. 


Jusqu'ici j'ai traité des substances volcaniques dites ez masse ; 
enles prenant telles qu’ellesse présentent dans les terrains detous les 
âges, lorsqu'elles n’ont subi aucune altération. Je vais passer 
en revue celles de ces substances que le temps, aidé de divers 
agens, a modifiées dans leur texture intime et leur composition 
mécanique : cet examen , qui sera rapide, exige que je développe 
quelques considérations préliminaires. 


ces roches , qu’autant qu’on observeroit séparément chaque partie de celles qui 
se présentent à l’état d’agrégation cristalline. - 
« CHAPITRE 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 357 


CHAPITRE HUITIÈME. 


Considérations préliminaires à l’examen des Tufs et des 
WVackes volcaniques de toute espèce. 


À peine les matières volcaniques de notre âge sont-elles reje- 
îées, qu’elles commencent à éprouver des altérations plus ou 
moins générales. Ges altérations sont très-sensibles dans les pro- 
duits des plus anciennes éruptions dont l’histoire ait conservé 
le souvenir; leur intensitéfaugmente, soit dans les produits des 
volcans brülans antérieurs aux temps historiques, soit dans les 
produits des volcans éteints incontestables. On les voit plus fré- 
quentes et plus avancées dans les grands systèmes de terrains 
volcaniques démantelés dont l’origine est foiblement contestée; 
elles sont souvent complètes et ont en quelque sorte atteint leur 
limite dans les terrains volcaniques extrêmement anciens, dont 
un assez grand nombre de minéralogistes méconnoissent l’origine. 


Les causes prineipales de ces altérations sont faciles à imaginer, 
dans des masses aussi perméables que les couches volcaniques. 
C'est le lessivage des substances salines dont elles pouvaient être 
pénétrées ou recouvertes après la coagulation ; c’est leur macéra- 
tion générale par les abondantes filtrations qui les abreuvent 
continuellement ; c’est la circulation de toutes les molécules chi- 
miques mises en liberté par suite des différentes actions aux- 
quelles elles sont soumises; c'est le tassement, la décomposition 
et la conglomération opérés par les matières infiltrées, pour les 
couches pulvérulentes ; c’est la désagrégation, la décomposition, 
la pression souvent énorme des masses supérieures, et le remplis- 
sage des boursoufflures et des vacuoles microscopiques, par un 
grand nombre de substances infiltrées et concrétionnées, pour 
toutes les pâtes scorifiées ou poreuses, et même pour une par- 
tie des couches lithoïdes ou vitreuses qui jouissent du tissu le 
plus serré. 


Des causes analogues agissent avec plus d'énergie sans doute 
sur les matières volcaniques ensevelies dans les eaux de la mer, 
soit de temps immémorial, soit par les volcans brülans qui en 
sont voisins, soit par le petit nombre de volcans brülans sous- 
marins que nous connoissons, et peut-être aussi par ceux que 
nous ne connoissons pas. Mais à ces causes il faut ajouter la 
présence et l’action des substances dissoutes ou suspendues dans 


Tome LXXXIII. NOVEMBRE an 18616. Zz 


358 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les eaux salées, suivant leur profondeur, et l’excessive pression 
que la masse de ces eaux doit exercer dans tous les sens, en 
vertu des lois de l’hydrostatique; pression capable de vaincre, 
en. beaucoup de cas, les obstacles opposés par la porosité la plus 
déliée, Les effets de ces causes réunies ne peuvent être que 
présumés; mais ces présomptions, rapprochées des conditions qui 
caractérisent l’état actuel des plus anciens lambeaux volcaniques 
qu'on frouve épars à la surface des continens, se montrent en 
harmonie avec les altérérations singulières qu’on y observe et les 
circonstances accessoires de leur gis 

Ces lambeaux, tantôt antérieurs , tantôt intercalés et tantôt 
superposés , soit aux terrains intermédiaires, soit aux terrains 
secondaires, soit aux terrains tertiaires , ont, à tous égards, suivi 
le sort de ces terrains (1) : par exemple, on les voit quelquefois 
participer aux dérangemens de stratilication; du moins c’est ce 
qu’on doit raisonnablement supposer, lorsque les couches qui les 
composent se présentent avec des inclinaisons trop rapides pour 
qu'on puisse les croire originaires. Mais en outre, depuis que 
ces lambeaux subsistent, d’autres actions très-générales se sont 
exercées dans les terrains adjacens; c’est ainsi que les couches 
argileuses de plusieurs époques se sont consolidées ; que les grès, 
les pouddingues et les brèches de toute espèce ont été cimentés 
par des sucs pierreux interposés; que les dépouilles des corps 
marins renfermés dans les pierres calcaires ont été remplacées 
par du cawbonate de chaux spathique, du silex ou des pyrites, 
qui en ont pris les formes; qu’une foule de débris de végétaux 
enfouis, ont été déformés par la pression, chimiquement déna- 
turés et quelquefois même remplacés par différentes substances 
minérales; qu’une infinité de fissures et de fentes plus ou moins 
considérables ont été ressoudées par des infiltrations générale- 
ment calcaires ou quartzeuses; enfin que toutes les couches de 
la croûte du globe qu’on peut supposer avoir été formées ou 


QG) Le mot volcan est encore une de ces expressions génériques bannales 
dont on a singulierement abusé par suite de la pauvreté du langage géologique. 
Il a été un temps où tout lambeau volcanique éloit appelé volcan ; on consi- 
déroit comme un édifice complet d’éruption, le témoin presque méconnois— 
sable de la ruine de l'édifice. On cherchoit des cratères là où le mobile appareil 
de la volcanicité a été démantelé, souvent même effacé presqu’en entier , par 
les grandes révolutions diluviennes auxquelles il faut attribuer la création des 
terrains intermédiaires , secondaires ettertiaires , ou tout au moins ledessin des 
formes actuelles que présente le relief des continens. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 359 


déposées par les eaux de la mer, ont été si complètement dessa- 
lées (1), du moins en apparence, que personne n’a encore eu la 
pensée d’y rechercher les dernières traces du muriate de soude 
et du muriate de magnésie. 


D’après cette esquisse des causes qui ont pu agir sur les plus 
anciens lambeaux volcaniques et les terrains adjacens, on pour- 
roit croire que ces lambeaux doivent présenter des résultats d’al- 
tération très-différens de ceux qu’on observe dans les matières 
volcaniques beaucoup plus récentes; mais il n’en est point ainsi, 
surtout quant à la composition mécanique et au tissu intime. 
C’est l'intensité des effets qui varie plutôt que leur nature. Par 
exemple, les plus anciennes matières volcaniques contiennent en 
général des concrétions infiltrées plus abondantes, et les in- 
fluences du tassement et de l’affaissement s’y montrent beaucoup 


plus fréquentes et beaucoup plus considérables. 


Rien de plus variable, au reste, que la marche et la combinaison 
des altérations de tout genre, non-seulement dans les formations 
volcaniques des différens âges, mais encore dans les systèmes 
d’une même époque, mais dans chaque système en particulier. 
Souvent dans le même système on voit des produits plus ou moins 
fortement attaqués, plus ou moins diversement altérés, recou- 
vrir des couches parfaitement intactes, ou bien alterner avec 
elles. C’est ainsi que des tufs endurcis reposent sur des lits de 
scories lapillaires incohérentes, que des laves leucostiniques gra- 
nulaires sont changées en wacke grise, tandis que leurs croûtes 
scorifiées vitreuses conservent jusqu’à leurs formés originaires, et 
que sous des wackes brunes amygdaloïdes , on observe des nappes 
basaltiques poreuses aussi fraîches et aussi peu traitables que si 
elles étoient coulées depuis un petit nombre de siècles. 


(1) On ne trouve que de l’eau douce, quelque part que l’on creuse dans 
les parties solides de l’écorce du globe. La nature des principes dissous dans 
les eaux saumâtres des grandes plaines sablonneuses de l’Asie et de l'Afrique, 
n’est pas encore bien connue ; on sait seulement que les lagunes et les lacs sa- 
lifères tiennent en dissolution des substances ires-varices. Parmi les sources 
minérales salines ou gazeuses , celles dans lesquelles le muriate de soude do- 
mine , sont les plus rares et contiennent en même temps des principes va- 
riables tout-à-fait étrangers à la salure uniformément composée des eaux de 
la mer. D’un autre côté , la nature et le mélange des ingrédiens dissous, soit 
dans les eaux de la mer, soit dans les sources minérales , soit dans les lacs 
et les lagunes, contrastent avec la composition des roches de muriate de soude 
natif, qui entrent dans la constitution de plusieurs parties des continens. 


Zz 2 


360 JOURNAL DE PHYSIQUE, DÉ CHIMIE 


Mais de toutes les causes d’altération, c’est la décomposition 
qui travaille avec le plus d'énergie à défigurer et à dénaturer les 
parties soumises à son influence. Cette espèce de maladie des 
minéraux, si je puis m’exprimer ainsi, na exercé et n'exerce 
nulle part autant de ravages que dans les terrains volcaniques, 
parce que son action destructive ne trouve nulle part autant de 
prise. Fissures, boursoufflures et vacuoles microscopiques innom- 
brables dans les masses denses ; interstices multipliés à l'infini 
entre les masses palvérulentes, les sables, les graviers et les frag- 
mens des déjections incohérentes; alternances désordonnées des 
couches meubles avec les couches solides : telles sont les condi- 
tions qui caractérisent une extrême facilité d'accès, une per- 
méabilité excessive qu’on chercheroit en vain dans tous les autres 
terrains. Aussi la décomposition n’attaque pas seulement les laves 
pulvérulentes, les pâtes scorifiées et les pâtes lithoïdes poreuses 
ou massives; elle pénètre encore les pâtes vitreuses presque ho- 
mogènes, et quel que soit le volume des cristaux apparens à la 
vue simple, qui, disséminés dans cesdiférentes bases, leur donnent 
l'aspect porphyroïde, elle les détruit sans peine. Parmi ses effets 
les plus remarquables, je me contenterai de citer le feld-spath 
se résolvant en kaolin, le pyroxène en argile verte ou jaunâtre, 
le péridot en argile jaune, brune ou rougeätre (r), l'amphi- 
gène en argile blanche, la pumite légère en terre blanche, la 
scorie légère en terre jaunâtre, brune ou d’un beau rouge, et 
la gallinace parfaite en terre savonneuse d’an gris verdâtre. A jou- 
tons que ces träbsmutations s’opèrent de la manière la plus ca- 
pricieuse : tantôt ce sont les cristaux qui s’altèrent, et tantôt la 
pâte qui les enveloppe; dans la même masse, les cristaux d’une 
espèce se conservent dans leurintégrité, lorsque ceux des espèces dif- 
férentes sont détruits depuis long-temps ; enfin la même substance 
cède ou résiste indifféremment, dans des circonstances qu’on 
pourroit eroire analogues. 


 — 


(1) M. Faujas de Saint-Fond est le premier minéralogiste qui ait remarqué 
et décrit cette transformation du péridot; elle a échappé à de Saussure, qui en a 
examiné le prodnit sous le nom de limbilite,. prenant ce produit pour une 
espèce minérale particulière , de formation contemporaine à celle de la lave 
enveloppante. MM. Brard et Laîné ont constaté, dans le Brisgaw même, que la 
Lmbilite de de Saussure n’étoit qu’un péridot parfaitement décompose ; j'ai eu 
occasion de me convaincre de l’exactitude de leur opmion; mais je conserve 
le nom de limbilite, parce que je pense qu’il faut donner des noms particuliers 
aux résidus de la décomposition chimique des minéraux; résidus qu’on ne 
doit pas confondre avec les résultats de la simple désagrégation. 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 36r 


L’exposé que je viens de tracer est déduit d’un grand nombre 
d'observations indépendantes de mes expériences; il suflirait 
presque, pour faire concevoir à priori la nature du tissu intime 
ét la composition élémentaire des pâtes indéterminées que j'ai 
encore à examiner. 

Ces pâtes offrent souvent un aspect très-différent de celui de 
leurs types originaires : les apparences spécieuses des caractères 
extérieurs les rapprochent alors beaucoup des cornéennes, des 
trapps et des pétrosilex : certaines variétés prennent même des 
ressemblances tout-à-fait séduisantes. 


Mais ces apparences spécieuses, que l'examen comparatif de 
la composition mécanique et du tissu intime détruira facilement, 
céderoient à la seule comparaison des caractères empiriques res- 
pectifs; toutes les différences de ce genre que j'ai établies au 
quatrième Chapitre peuvent être reproduites ici. Je vais les for- 
üfier, en rapportant de nouveaux élémens de contraste; élémens 
qui appartiennent aussi à une grande partie des roches volca- 
niques non altérées. 


Les roches volcaniques ne contiennent pas de filons métalli- 
fères semblables à ceux qu’on exploite dans les autres terrains (x); 
les très-petits amas ou plutôt les traces métalliques qu'on y 
trouve fort accidentellement et fort rarement, présentent des 
substances minéralisées, associées ou gissantes d’une manière toute 
particulière. 

Ces roches elles-mêmes forment très-souvent des filons dans 
toute sorte de terrains. La structure et les aceïdens singuliers 
de ces filons, dénoncent un remplissage d’un seul jet, une ex- 
trême liquidité préalable, et l’influence de pressions violentes 
exercées en vertu des lois qui président à l'équilibre des fluides. 

Il est prouvé, par les recherches de M. Fleuriau de Bellevue , 
que la plus grande partie des pâtes volcaniques jouissent de la pro- 
priété de faire gelée avec l'acide nitrique afloibli (2). D’apres 
quelques essais, je puis ajouter que l'intensité de ce caractère 


() Les roches volcaniques extrémement anciennes ayant participé à toutes 
les modifications éprouvées par plusieurs sortes de terrains à filons métalliferes, 
dont elles sont contemporaines, il est évident qu’elles peuvent aussi contenir 
de ces filons ; mais le cas est rare et constitue une exception de peu d’im- 
portance, du moment que l’on considere le sol volcanique sous un point de 
vue tout-à-fait général. 


(2) Mémoire précédemment cité, Journal de Physiq., 1805, t. LX, p. 409. 


362 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
tout-à-fait neuf et précieux, m'a paru proportionnelle à l’alté= 
ration du tissu intime et des particules élémentaires. 

Enfin il me semble que l’analogie des substances concrétion- 
nées par infiltration dans les couches volcaniques de tous les 
âges et de tous les pays, constitue un dernier caractère empi- 
rique remarquable. Ces substances composent , en quelque sorte, 
une minéralogie à part; on ne reconnoit parmi elles qu’un 
petit nombre d’espèces appartenant aux autres terrains. 

Toutes ces considérations générales exposées, il me reste à 
faire mention du soin que j'ai mis à compléter, avant d’entre- 
prendre les expériences dont je vais rendre compte, les termes 
de comparaison expliqués au second Chapitre de ce Mémoire, 
A cet effet J'ai déterminé les caractères des diflérens produits 
fournis par la décomposition particulière, soit des pâtes vitreuses, 
soit des minéraux élémentaires qu'on voit figurer en cristaux 
apparens à la vue simple, au milieu des matières volcaniques de 
tous les âges. Je renvoie le détail de ces déterminations à læ 
Table générale des expériences; je dirai seulement que la pu- 
mite légère et le feld-spath sont moins fusibles à l’état terreux ; 
au contraire, la fusibilité augmente dans les autres minéraux 


décomposés. ’ 
CHAPITRE NEUVIÈME. 


Examen des Pâtes indéterminées qui servent de base aux Tufs 
volcaniques de tous les âges. 


Les substances que je vais examiner comprennent les diffé- 
rentes bases d’un aspect mat et terreux, blanches, grises, d’un 
gris verdâtre, d’un gris jaunâtre, d’un brun sombre ou d’un 
rouge vif, qui entrent dans la composition des roches qu’on 
appelle généralement z4fs volcaniques, brèches volcaniques. Je 
range par conquent ici la thermantide tripoléenne de M. Haüy, 
la base du trass, celle du pépérino , le prétendu tripoli volca- 
nique , les pouzzolanes parfaitement terreuses, les cendres décom- 
posées de certains minéralogistes, la base du tuf volcanique et 
du tuf basaltique de M. Werner, la moya de M. de Humboldt, 
enfin l’argile volcanique grossière ou endurcie. 

Les pâtes tufeuses offrent un grand nombre de variétés en- 
core peu connues, surtout dans les écoles du nord de l’Europe, 
Elles se montrent avec les traits de l'identité la plus parfaite, 

dans les terrains volcaniques des différens âges. Leur gisement 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 363 


présente des conditions analogues à celles qui caractérisent le 
gisement des cendres volcaniques. Tantôt elles constituent des 
amas ou des couches uniformes et sans mélange; tantôt et plus 
souvent elles contiennent des fragmens de toutes sortes, de 
toutes grosseurs et en toutes proportions, ce qui leur donne une 
structure de brèche plus ou moins prononcée. On se rappellera 
que, sous le point de vue que je considère, il faut faire abstrac- 
tion de ces fragmens. 


On croiroit difficilement , à voir l'aspect mat et terreux des 
bases tufeuses, qu’elles puissent être douées d’une texture intime 
très-distincte et d’une composition mécanique très-apparente. 
C’est cependant ainsi qu’elles se présentent lorsqu'on les soumet 
au microscope, en fragmens très-minces. Quel que soit le degré 
de leur consistance, on les prendroit, au premier apercu, pour 
des laves lithoïdes parfaites, dont les grains élémentaires contras- 
teroient entre eux par des teintes plus tranchées que de coutume. 

Mais en les examinant plus attentivement , on reconnoît bientôt 
qu’elles offrent une mie plus lâche; que le volume des grains mi- 
croscopiques est communément très-inégal , et qu’ils ne sont point 
entrelacés ; que parmi ces grains, les uns sont durs, translucides ow 
demi-transparens, tantôt cristallisés et tantôt vitreux, tandis que 
les autres sont tendres, réduits à l’état terreux, parfaitement 
opaques, et se distinguent par des teintes très-prononcées. En gé- 
néral ,opacité de ces derniers permet que chaque particule élé- 
mentaire figure nettement dans les masses et s’y présente cons- 
tamment avec sa couleur propre ; ce qui n'arrive pas dans les 
pâtes lithoïdes non altérées, à raison de ce que les grains blancs 
transparens ou translucides laissent passer la couleur des grains 
colorés qui se trouvent placés par-dessous. 


Les pâtes tufeuses sont, ou /riables, ou‘consistantes, ou en- 
durcies ; dans les premières, les particules élémentaires ne se 
tiennent qu’en vertu d’une adhérence extrêmement foible, pro- 
duite par le simple tassement; dans les secondes, la cohésion 
dépend tout-à-la-fois du tassement et de la présence d’une petite 
quantité de matière interposée; dans les troisièmes, il existe un: 
principe d’adhérence plus abondant , qui ne lie pas seulement les 
grains élémentaires les uns avec les autres, mais qui pénètre à 
Fintérieur de ceux de ces grains dont aspect est terreux, et leur 
restitue une dureté que la décomposition leur avoit d’abord en- 
levée. Une autre condition essentielle se combine aux précédentes, 
c’est la dureté propre à chacune des substances minérales infil- 


364 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


trées qui. jouent le rôle de ciment ; en effet, la présence d'une 
petite quantité de ciment très-dur suffit quelquefois pour donner 
une extrême tenacité à certaines masses. 


On isole facilement, à l’aide de la pulvérisation, les grains élé- 
mentaires des pâtes tufeuses friables. Quant aux pâtes consistantes 
ou endurcies, il faut commencer par chercher à détruire le prin- 
cipe étranger qui s'y trouve interposé. ner c’est une matière 
calcaire, ce qui arrive souvent, on réussit facilement à l’enle- 
ver, à l’aide de l'acide acéteux ou de l'acide nitrique très-affoibli, 
Dans les autres cas, qui sont plus rares, J'ai trouvé qu’il valloit 
mieux renoncer à enlever le principe de cohésion et'se contenter 
d’une précision moins grande; en conséquence, on pousse de suite 
la pulvérisation au degré convenable. 

De quelque manière que l’on commence l'opération, on re- 
connoît qu'une partie plus ou moins considérable des grains mi- 
croscopiques qui figuroient entiers dans les masses, se résolvent 
£n parcelles terreuses excessivement fines et susceptibles de se 
délayer dans l’eau. Il faut conséquemment lotir le tout à l’aide 


du lavage, afin d’observer les susbtances élémentaires dans l’ordre 
des volumes. ; 


Les grains ou cristaux microscopiques qui se conservent en- 
tiers, sont communément d’un volume inférieur à un trentième 
de millimètre, mais on en trouve de bien moins fins. Les plus 
aisés à reconnoître sont ceux de fer titané, qui paroissent €omme 
Indestructibles au milieu des altérations de tout genre ; on re- 
trouve dans les autres les différens minéraux volcaniques qui 
composent les cinérites et les spodites ; les plus abondantes sont 
donc le feld-spath et le pyroxène; viennent ensuite les verres 
pyroxéniques (gallinace ou scorie), les verres te (pu- 
mite ou obsidieine) et le péridot, quelquefois l'amphigène , 
êt trés-rarement le mica. 

Les résidus terreux des lotions se composent de parcelles im 
palpables confondues, lesquelles ne forment souvent pas la bui- 
tüème ou la dixième partie des masses mises en expérience; 
quelquefois cependant elles en constituent plus du quart. Elles 
sont presque opaques, tantôt blanches et tantôt foib ement CO= 
Jorées en jaune, en vert, en brun ou en rouge ; elleS s'étendent 
au lieu de croquer sous le pilon. On ne peut pas rigoureusement 
déterminer leur nature ; mais les caractères de fusion constatés 
avant le lavage, et les autres circonstances accessoires, sufhisent 


pour 


ET D'AISTOIRE NATURELLE. 365 


pour faire croire qu’elles proviennent de la décomposition d’une 
partie des minéraux microscopiques élémentaires. 


Je n'ai trouvé aucun procédé propre à déterminer diréctement 
‘quelles sont les. substances minérales infiltrées autres que l’ar- 
ragonite et la chaux carbonatée ordinaire, qui donnent de la 
‘consistance ou de la dureté aux bases tufeuses; diflérens carac- 
tères empiriques indiquent tantôt le fer hydraté, tantôt difié- 
rentes zéolites, tantôt la silice hydratée. J’estime qu’en général 
on ne se tromperoiït guère en concluant la nature du principe 
ou des principes de cohésion dominans dans un tuf quelconque, 
d’après l'espèce des minéraux concrétionnés qui occupent les 
boursoufllures des fragmens disséminés au milieu de la pâte. 
Au reste, l’insuflisance de mes recherches à ce sujet, me laisse 
peu de regrets; en étudiant les pâtes si nombreuses qui ren- 
ferment de la chaux carbonatée microscopique, j'ai pu me con- 
vaincre que cette substance y forme des cloisons presque toujours 
imperceptibles, et que très-ccommunément la somme des espaces 
qu’elle remplit ne s'élève pas à la centième partie du volume 
des masses; je n’ai pas eu lieu de présumer que les autres 
substances interposées puissent jouer un rôle plus important. 

Ces données générales posées , je dois insister sur les trois 
exceplions suivantes : 

Pour me conformer au préjugé d’après lequel on désigne 
assez vulgairement les brèches volcaniques comme des produits 
d’éruptions boueuses, j'ai cherché s’il existoit entre les pâtes 
tufeuses , des différences de tissu intime et de composition mé- 
canique propres à caractériser deux ou plusieurs modes de 
formations distincts. Voici la seule différence que j'ai pu re- 
connoître : dans quelques-unes de ces pâtes, la majeure partie: 
des particules terreuses au lieu de figurer comme des grains 
entiers ayant une existence indépendante, se montrent mélées 
et confondues. Je reviendrai sur cette disposition particulière 
qu’on expliqueroit à la rigueur, en supposant un tassement pos- 
térieur à la décomposition. 

Le tuf boueux moderne produit par une éruption du Ton- 
guragua en 1797, et rapporté d'Amérique sous le nom de #0yæ 
par M. de Humboldt, n’a point d'analogue parmi les matières 
tufeuses desautres pays. C’est un composé d’humus et de minéraux 
volcaniques réduits en un sable dont les grains sont de toutes 
dimensions, c’est-à-dire en partie grossiers, en partie micros- 
copiques. 

Tome LXXXIII. NOVEMBRE an 1816. Aaa 


366 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Enfin ce que j’ai dit de la proportion des substances hété- 
rogènes infiltrées au milieu des différentes bases tufeuses dures 
ou consislantes, ne peut point s'appliquer à celles de ces bases 
qu'on peut nommer mixtes ou bigènes. Celles-ci, qui sont fort 
rares, se rencontrent à la jonction des couches volcaniques 
anciennes avec les couches calcaires. Elles renferment du car- 
bonate de chaux compact, en toutes proportions; quelques-unes 
en tiennent plus de la moitié de leur volume (1). 


Si nous revenons maintenant aux pâtes tufeuses considérées 
en général , je ferai remarquer que les deux modifications prin- 
cipales de la composition mécanique sont assez nettement in- 
diquées par le caractère qui se tire de la fusion. En effet, une 
partie donne assez difficilement un verre blanc ou légèrement 
coloré, l’autre partie fond avec facilité en verre ou émail noir, 
ou d’un vert foncé. 

D’après ces résultats, voici comment il faut concevoir l’exis- 
tence minéralogique des pâtes tufeuses. 


Parmi celles qui fondent en verre blanc où légèrement co- 
loré, les unes peuvent étre définies comme feld-spath granulaire 
en partie décomposé et mêlé d’une petite quantité de particules 
étrangères connues : je les nomme zrassoite; les autres doivent 
ètre envisagées comme verre feld-spathique (pumite ou obsi- 
dienne) granulaire en partie décomposé et mélangé d’une petite 
Et de particules hétérogènes déterminées : je les nomme 
alloite. 


: Parmi celles qui donnent un verre ou un émail fortement 
coloré en noir ou vert noirâtre, lesunes peuvent être considérées 


A ———_—_—_—_—]—— —————_— ——_— 


‘ (1) Lorsqu'on rencontre des coquilles dans les couches des terrains vol— 
caniques démantelés, c’est ordinairement aux tufs mixtes ou bigenes qu’elles 
appartiennent ; beaucoup de minéralogistes se sont étonnés de la présence de 
ces coquilles; je m’étonne, au contraire , qu’elles n’y soient pas plus abon— 
damment répandues. Il doit s’en trouver bien davantage dans les tufs mo- 
dernes simples ou bigènes qui se forment journellement au pied des volcans 
brülans dont les bases sont baignées par la mer. Ajoutons que les courans 
modernes du Vésuve, de l’Etna et des îles Canaries, qui sont arrivés jusqu’à 
la mer et se sont avancés dans ses eaux, reposent à leur extrémité sur des 
détrilus mixtes très-coquilliers , et présentent en outre des dépouilles de corps 
marins logées entre les fissures de la lave et les cavités des croûtes scorifiées. 
inférieures et supérieures ; les terrains volcaniques sous-marins formés depuis 
les temps historiques aux Açores et dans l’Archipel grec, doivent renfermer 
un bien plus grand nombre de ces dépouilles. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 367 


comme pyroxène granulaire en partie décomposé et mêlé d’une 
très-grande quantité de particules hétérogènes connues, que læ 
décomposition a également attaquées : je les appelle zufaite ; les 
autres pourront être regardées comme verre pyroxénique (gal- 
linace ou scorie) granulaire en partie décomposé et mélangé 
d’une très-grande quantité de particules étrangères déterminées, 
sur lesquelles la décomposition a aussi produit ses effets : je leur 
donne le nom de pépérite. 


La pépérite , la tufaïie, l'alloite et la frassoïte se partageront 
chacune, à raison des degrés de solidité, en trois subdivisions 
principales, savoir : la friable, la consistante et l’endurcie : les 
accidens de coloration serviront à établir les variétés prin- 
-Cipales. 

À l’aide des définitions précédentes, les pâtes tufeuses pourront 
donc obtenir désormais des places de convention dans la mé- 
thode purement minéralogique, et se trouver décrites à la suite, 
soit du pyroxène, soit du feld-spath. On conçoit du reste, sans 
que j'aie besoin de m’appesantir à ce sujet , que ces masses sont 
trop compliquées poar qu’il n'existe pas un grand nombre 
de variétés mixtes entre les quatre divisions que Je viens 
d'établir. 

Ajoutons maintenant qué sous le point de vue géologique, 
la trassoïte, l’alloïte, la tufaïte et la pépérite doivent être dé- 
finies comme grès microscopiques composés de particules mi- 
nérales hétérogènes, les unes dures, les autres tendres et ter- 
reuses, et liées entre elles, soit par le tassement, soit par 
l’interposition de différentes substances disséminées sous forme. 
de ciment presque toujours imperceptible ; particules analogues 
d’ailleurs à celles qui constituent les différentes variétés de 
cinérite et de spodite, 


Dans le cours des recherches précédentes, je n’ai pas omis 
de comparer certains tufs feld-spathiques avec les tripolis du 
commerce et celui du Ménat en Auvergne; les différences sont 
bien tranchées : je ne dois pas négliger d’en donner ici l’indi- 
cation. Le tripoli de Ménat n’est rien autre chose que le sque- 
Lette siliceux d’une argile schisteuse (schiefer thon) vitriolisée 
par la décomposition spontanée des pyrites accompagnantes. La 
localité de Ménat m'’étant connue, je puis assurer qu’il n’y existe 
aucune matière volcanique ancienne ou moderne, et que c’est 
à tort que plusieurs minéralogistes ont supposé le contraire, 


Aaa 2 


368 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


L’argile schisteuse intacte s’y présente en couches régulières ; 
sa couleur est d’un gris verdâtre et son grain très-fin ; elle ren- 
ferme de nombreux tubercules de pyrite radiée et des empreintes 
de poissons extrêmement rares. Les tripolis du commerce que 
J'ai pu me procurer, m'ont également montré les caractères 
d'un squelette siliceux formé aux dépens de schistes argileux, 
auxquels l’action lente d’un acide auroit enlevé tous les prin- 
cipes chimiques susceptibles de donner des sels solubles; mais 
je ne saurois dire si leur production doit être attribuée à la 
décomposition des pyrites accompagnantes, ou aux vapeurs sul- 
fureuses d’un terrain houiller incendié, ou bien à la macérafion 
corrosive opérée par une eau minérale quelconque. 

J’ai vainement cherché, dans les ouvrages des auteurs de 
minéralogie les plus recommandables, la définition rigoureuse 
de ce qu'ils entendent par une éruption boueuse ; cette expres- 
sion me paroît susceptible d’être rangée parmi celles qu’on devroit 
bannir de la science, comme énoncant des notions inexactes, 
vagues, ou trop hypothétiques ; elle consacre en effet un préjugé 
bien mal fondé, si on a voulu dire que la matière des pâtes 
tufeuses anciennes a pu être apportée des foyers volcaniques, toute 
délayée, ou toute dissoute dans un liquide, et qu’elle a été vomie 
et cristallisée à la manière des laves ; à coup sûr une sémblable 
hypothèse n’a pu être conclue d’après le rôle que l’eau joue 
dans les volcans modernes. Nous savons que les foyers volca- 
niques en repos exhalent continuellement des vapeurs aqueuses 
accompagnées de matières très-hélérogènes également en vapeurs ; 
mais ces matières n'ont aucun rapport avec les grains ou cristaux 
élémentaires des pâtes tufeuses. Nous savons encore que certaines 
éruptions historiques ont rejeté des masses d’eau liquide qui 
se sont épanchées en torrens ; mais il faut considérer que ces 
épanchemens sont extrêmement rares et accompagnés de cir- 
constances (r) qui permettent de les regarder comme des acci- 
dentels dans la série des phénomènes essentiellement volcaniques ;. 


LT 


(1) Ces épanchemens ne produisent ordinairement que de l’eau douce ; el 
a été celui de 1755 à l’Etna; tels sent ceux de la Cordiliere des Andes en 
Amérique, Ces derniers contiennent quelquefois une multitude infinie de pois-— 
sons. M, de Humbeldt, à qui on doit cette curieuse observation , pense que les 
lacs souterrains dans lesquels vivent ces animaux, sont à une tres-grande éié- 
vation au-dessus du niveau de la mer. On trouve les mêmes espèces dans les 
ruisseaux qui coulentau pied descratères, Journ. de Phys., 1805 ,t. LX , p.243. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 369 


on ne doit pas perdre de vue surtout, que leur volume a été 
‘communément peu considérable, en ne supposant même aucune 
exagération dans les récits qui en ont transmis le souvenir. 
Roulant au reste sur des pentes rapides, tantôt composées de 
détritus incohérens, tantôt recouvertes d’un humus meuble, pro- 
fond et riche en principes végétaux, il est tout simple que les 
torrens. volcaniques se chargent jusqu’à saturation mécanique 
de toutes ces matières et les étendent au pied des montagnes, 
sous forme de fragmens amoncelés, de graviers, de sables et 
de boues fétides. Les prodigieuses averses qui accompagnent 
quelquefois les éruptions ordinaires, produisent des eflets ana- 
logues ; mais les caractères de ces alluvions locales, de ces en« 
vasemens accidentels, diffèrent beaucoup de ceux que présentent 
là composition spéciale, la structure uniforme, la stratification 
si particulière et la puissance si bien réglée des assises decendre, 
de tufs et de brèches qu'on voit s’étendre presque indéfiniment 
dans les grands systèmes volcaniques de tous les âges. D'où 
on peut dire que si l’eau a eu quelque part à l’étendage des 
matières incohérentes qui ont servi de base à certaines couches 
très-anciennes de brèches et de tufs volcaniques, il en a fallu un 
volume hors de toute proportion avec celui que nous ont offert 
les érosions produites par les éruptions aqueuses observées jus- 
qu'à présent. 

Ces considérations sommaires rapprochées des résultats de mes 
expériences, excluent, ce mesemble, complètementl’hypothèsedes 
éruptions boueuses. Il faut doncadmettre en principe, que les parti- 
cules élémentaires des pâtes tufeuses anciennes ont été originaire- 
ment formées par la voie sèche comme celles des pâtes modernes, 
et qu'elles sont sorties des orifices volcaniques de la même ma- 
nière, c’est-à-dire à l’état de déjections pulvérulentes. Mais 
après leur sortie, a-t-il pu se faire que , dans certains cas, elles- 
aient été recues ou déplacées par les eaux des grandes inonda- 
tions qui ont anciennement couvert les continens? c’est ce que 
je n’entreprendrai pas de discuter. La solution de cette ques- 
tion est indifférente pour mes résultats; en cas d’afiirmative, il 
s’ensuivroit seulement qu'il faudroit compter une cause de plus 
parmi celles qui ont concouru à la formation si compliquée des 
pâtes tufeuses en général; et les puissans effets des tremblemens 
de terre, considérés comme principaux agens de tassement, n’en 
subsisteroient pas moins. 


379 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


CHAPITRE DIXIÈME. 


Lxamen des Pâtes indéterminées qui composent les Wackes 
volcaniques de toutes couleurs , massives ou poreuses. 


. Sous la rubrique de wackes de toutes couleurs, je comprends 
ici momentanément toutes les bases indéterminées qui proviennent 
de l’altération des pâtes lithoïdes, vitreuses ou scorifiées quel-. 
conques ; je confonds par conséquent dans cette grande Section, 
les laves argilo-ferrugineuses décomposées de Dolomieu, la .cor- 
néenne volcanique et le basalte décomposé de de Saussure, la 
plupart des trapps de M. Faujas de Saint-Fond, tous les trapps 
et toutes les cornéennes amygdaloïdes, y compris même l’ophite 
antique, les scories amygdaloïdes, une partie des thermantides, 
cimentaires de M. Haüy, la plus grande partie des wackes de, 
M. Werner, comme aussi la plupart des variétés de son thon-, 
porphyre qui ne contiennent pas de quartz, les laves feld-spa-, 
thiques compactes et pétrosiliceuses décomposées de Dolomieu, 
la phonolite décomposée de M. Daubuisson, la domite décom- 
posée, les pierres ponces décomposées, enfin les argiles volca- 
niques rudes et grossières. 

Avant de rendre compte de l'examen de ces nombreuses 
substances, je dois rappeler que parmi les produits incontestables 
des volcans brûlans, on ne trouve guère changées en pâte de 
wacke que certaines croûtes scorifiées, grumeleuses ou pesantes 
placées au-dessous et au-dessus des courans lithoïdes, et un 
assez bon nombre de fragmens de lave lithoïde, ou de scories 
de toutes sortes qui se trouvent dispersés dans les cendres et les 
tufs. Les mêmes altérations sont plus fréquentes dans les pro- 
duits incontestables des volcans éteins; mais elles y attaquent 
rarement les laves lithoïdes poreuses, et plus rarement encore 
les javes compactes et les laves vitreuses. Au contraire, dans 
le sol volcanique le plus ancien, et dont l’origine est fortement 
contestée, il n’y a communément que les masses extrêmement 
denses qui aient été préservées d’un commencement d’altération. 
Du reste, entre les pâtes volcaniques intactes de tous les âges 
et les pâtes de wackes congénères, il existe une foule de variétés 
intermédiairesqui , tout en attestant l'identité d’origine, sufhroient 
pour faire préjuger avec une assez grande exactitude, le tissu 
intime et la composition mécanique dont chaque sorte de wacke 
est effectivement douée, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. - 37t 


.… Considérées en grand, les pâtes de wacke se distinguent em- 
piriquement des pâtes de tuf par leur porosité, par leur con- 
texture souvent porphyrique ou amygdaloïde, par les conditions 
de leur stratification, et par l’absencce de tout fragment hé- 
térogène disséminé ; mais celles produites par l’affaissement des 
scories grumeleuses ou pesantes peuvent souvent donner lieu 
à des méprises. On en trouvera des exemples dans la Table 
générale de mes expériences. 


Exposées au microscope , en fragmens très-minces, leur aspect 
ne diffère pas de celui des bases tufeuses, si ce n’est peut-être 
par le volume un peu plus gros et plus égal des particules élé- 
mentaires. D'ailleurs leur texture granitique est très-distincte 
et leur composition mécanique très-apparente. L’opacité d’une 
partie des grains microscopiques et le relâchement de leur adhé- 
rence, font ressortir les teintes blanches, jaunâtres, verdâtres, 
rougeâtres ou noires, propres à chaque espèce. Lorsque les grains 
sont peu fins, il ne faut pas même emprunter le secours de la 
loupe pour reconnoître la contexture granitique des masses; 
c'est ce qu'on observe très-bien, par exemple, lorsqu'on exa- 
mine à une vive lumière l'écorce décomposée qui revêt souvent 
la surface des blocs de lave lithoïde qui ont été long-temps ex- 
posés à l’action de l'air. 

Le degré de consistance des différentes pâtes de wacke est 
en rapport avec l'état de leur texture intime; il en résulte que 
quelle que soit leur composition-mécanique , ces pâtes peuvent 
être divisées en wackes solides , wackes friables et »vackes en- 
durcies. 


Dans les wackes solides, l’adhérence des grains ou cristaux élé- 
mentaires est foiblement relâchée; on observe souvent entre eux 
des vacuoles ou des boursoufflures microscopiques ; ils conservent 
la dureté et les autres caractères propres à chacune des espèces 
minérales auxquelles ils appartiennent : un petit nombre seule- 
ment tendent à passer à l’état terreux. 


Dans les wackes friables, au contraire, les vacuoles et les 
boursoufflures microscopiques ne sont presque plus sensibles; un 
grand nombre de grains ou cristaux élémentaires sont à l’état 
terreux ; leur proportion varie du dixième au quart des masses ; 
aussi ne les examine-t-on convenablement qu’à l’aide de lotions 
préalables. 


Les wackes endurcies sont les plus rares; on n’y trouve poiné 


372 JOURNAL DE PHYSIQUE, D£ CHIMIE 
« 


des vacuoles ; certaines variétés offrent seulement quelques bour“ 
souflures microscopiques. Il faut renoncer à les étudier aveë 
une précision rigoureuse, lorsque leur dureté est occasionnés 
É une substance infiltrée autre que la chaux carbonatée; mais 
orsqu’elles sont cimentées par l’interposition de cette dernière 
substance, ce qui est le cas le plus ordinaire, on enlève pré- 
liminairement Ja matière calcaire, et on lotit le résidu pulvé- 
rulent par des lavages. On trouve alors que la plupart des grains 
microscopiques qui figuroient entiers dans la pâte endurcie, se 
réduisent plus ou moins complètement en particules terreuses 
impalpables. 

Les grains ou cristaux microscopiques qui persistent dans leur 
intégrité au milieu de toutes les wackes, sont facilement dé- 
terminées , et présentent les mêmes espèces de minéraux élé- 
mentaires que toutes les autres pâtes volcaniques précédemment 
examinées. Le fer titané s'y reproduit constamment, et paroît 
résister à tous les genres d’altéralion; sa présence fournit un ca- 
ractère d’une haute importance. Les minéraux prédominaus sont 
le feld-spath et le pyroxène; on trouve plus rarement le pé- 
ridot et l’amphigène; le mica et l’amphibole sont excessivement 
rares, et ne se rencontrent que dans les pâtes complètement 
feld-spathiques. Dans les pâtes de wacke scoriformes, c’est 
communément le verré pyroxénique (scorie ou gallinace) ou 
bien le verre feld-spathique ( pumite ou obsidienne) qui dominent; 
ces substances vitreuses se montrent entrecoupées d’une foule 
de gercures déliées, et figurent ainsi comme des grains très-irré> 
guliers et de toutes dimensions; leur nature deviendroit bien 
difficile. à reconnoître, si on n’étoit pas mis sur Ja voie par la 
considération des boursoufilures microscopiques qu’elles ren- 
ferment; buursoufflures qu’on ne peut pas confondre avec des 
vacuoles , car la forme des vacuoles est toujours irrégulière. 


Il n’est pas possible de déterminer aussi nettement la nature 
des grains terreux. Il faut étudier leurs caractères avant de pul: 
vériser et de laver, car le résidu des lotions ne fournit que des 
poudres impalpables, diverserment colorées, et dont les parcelles 
confondues s’étendent au lieu de croquer sous le pilon. Avee 
du soin on parvient à isoler assez complètement les grains ter- 
reux. En rapprochant les caractères qu'ils présentent des cir- 
constances accessoires de leur existence, on est conduit à re- 
connoître qu’ils appartiennent aux mêmes espèces minérales que 
les grains ou cristaux microscopiques durs et intacts qui font 


partie 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 373 


partie des mêmes masses; c’est ainsi qu’il n’est pas difficile de 
retrouver le kaolin dans la plupart des grains élémentaires terreux 
de couleur blanche, le pyroxène décomposé dans ceux d’un vert 
pâle, et la limbilite ou péridot décomposé dans ceux d’un vert 
jaunâtre, d’un brun jaunâtre, ou d’un rouge très-foncé (1). 

Du reste, les formules d'association des grains élémentaires 
de toute espèce (abstraction faite de leur état de conservation) 
ne diffèrent pas de celles qui expriment la composition méea- 
nique des bases lithoïdes, scorifiées ou vitreuses, dont les dife 
férentes pâtes de wacke sont congénères. Aussi, d’après Îles 
conditions de leur fusion, ces pâtes se divisent-elles en deux 
grandes classes, celles qui donnent un verre blanc ou très-lé- 
gèrement coloré, et celles qui fondent en un verre ou émail 
noir, ou d’un vert noirâtre foncé. 

Lorsque ce n’est pas la chaux carbonatée qui endurcit les 
pâtes de wacke, on peut présumer, en se fondant sur une réu- 
nion de considérations empiriques très-puissantes, et que les 
minéralogistes exercés trouveront facilement sans que j’en fasse ici 
le détail, on peut présumer, dis-je, que cette fonction est remplie 
par des substances trés-variées, à la tête desquelles il faut placer 
les différentes espèces de zéolites, les hydrates de fer et de 
silice, le quartz ou la calcédoine ; ces dernières substances sont 
efectivement celles qui se montrent le plus fréquemment con- 
crétionnées ou cristallisées dans les boursoufilures apparentes à 
la vue simple, non-seulement des pâtes de wacke en général, 
mais encore de toutes les autres bases volcaniques non altérées. 


L’abondance des principes minéraux infiltrés, la dureté propre 
à chacun d’eux, déterminent en grande partie le degré de con- 
sistance des pâtes de wacke endurcies. En effet, leur fonction 
ne se borne pas à remplir les vacuoles microscopiques de ces 
pâtes, ils pénètrent au milieu -des grains élémentaires réduits à 
l’état terreux, et cimentent ainsi très-intimement les masses les 
plus altérées. Du reste, la présence de ceux qu’on ne peut en- 
lever, du moins par les moyens dont j'ai essayé de faire usage, 


(1) Je range ici avec la limbilite d’un rouge brun, une substance qui joint 
quelquefois à cette couleur un éclat un peu métalloïde , et qui est assez com- 
mune parmi les grains microscopiques terreux des wackes pyroxéniques amyg- 
daloïdes. Le parti que j'ai pris à l'égard de cette substance, me laisse des 
doutes que j'espere lever de manière ou d’autre , avant la publication de la 
J'able générale de mes expériences. 


Tome LZXXXIII. NOVEMBRE an 18616, Bbb 


374 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ne sauroit influer sensiblement sur les résultats d'analyse mé- 
canique. En eflet, d’après différentes considérations, et surtout 
d'après le rôle que joue la chaux carbonatée, j'estime que l’es- 
pace total occupé par ces principes dans les masses qui en con- 
tiennent le plus, est toujours fort au-dessus de la soixantième 
partie du volume. Les pâtes de wacke scoriformes peuvent en 
contenir davantage, mais c’est un cas assez rare. 


On voit , par ces observations, que quoique les pâtes de wacke 
soient des corps extrêmement compliqués, leur définition mi- 
néralogique n’en est pas moins facile à construire. Parmi celles 
qui fondent en verre blanc ou très-foiblement coloré, les unes 
doivent être considérées comme feld-spath granulaire à grains 
microscopiques , décomposé en partie, mêlé de particules hété- 
rogènes connues, et parsemé de vacuoles plus où moins rares : 
je les nomme /éphrine ; les autres peuvent êlre envisagées comme 
verre feld-spathique (pumite ou obsidienne) entrecoupé d’une 
infinité de fissures microscopiques, décomposé en partie, plus 
ou moins parsemé de boursoufilures extrêmement petites, et mé- 
langé d’une quantité plus ou moins considérable de cristaux 
intacts ou altérés, soit feld-spathiques, soit hétérogènes déter- 
terminés : je les nomme asclérine. Parmi les pâtes de wacke 
qui fondent en verre ou émail noir, ou d’un vert noirâtre, 
les unes pourront être regardées comme pyroxène granulaire à 
grains microscopiques, décomposé en partie, mélangé d'une quan- 
tité considérable de particules étrangères déterminées (feld-spath, 
fer titané, péridot, etc.) également attaquées par la décompo- 
sition, et parsemé de vacuoles plus ou moins rares : je leur con- 
serve le nom de w»acke proprement dite; les autres pourront 
être définies comme verre pyroxénique (scorie ou gallinace) 
entrecoupé d’une infinité de gercures microscopiques, décomposé 
en partie, plus ou moins parsemé de boursoufflures extrémement 
petites, et mêlé d’une quantité plus ou moins considérable de 
particules intactes ou altérées, soit pyroxéniques, soit hétérogènes. 
connues : Je les appelle pozzolite. 

D’après ces formules de convention, mais dont les bases sont 
rigoureuses, la pozzolite, la wacke, la téphrine (1), Pasclérine 


(i) Le nom de téphrine a déjà été employé par M. Delamétherie , par 
M. Brongniart et par moi-même dans une acception un peu différente, qui, 
d’après mes expériences, me paroît devoir être rectifiée. En effet, nous avons 
confondu les leucostines grises altérées avec une partie de celles qui ne le sont 
pas et avec Les vrais basaltes d’un gris très-clair. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 375 


pourront désormais être placées et décrites dans les méthodes 
minéralogiques , à la suite, soit du pyroxène, soit du feld-spath, 
Les degrés de consistance fourniront, pour chacune des divisions 
que je viens d'établir, trois subdivisions, savoir: celles de s0- 
dide, de friable et d’endurcie : les accidens de forme et de 
coloration serviront à motiver les variétés principales de chaque 
subdivision. 

Considérées géologiquement, les pâtes de wacke de toute 
espèce sont ou des granites microscopiques avec vacuoles plus 
ou moins rares, ou des porphyroïdes microscopiques avec bour- 
soufllures aussi plus ou moins rares, dont les parties élémentaires 
sont les unes dures et les autres tendres et terreuses; parties qui 
d'ailleurs dépendent ou dérivent d’espèces minérales identique- 
ment analogues à celles qui constituent les pâtes lithoïdes, sco- 
rifiées ou vitreuses qui n’ont subi aucune altération. En d'autres 
termes, l’asclérine est congénère des pumites et des obsidiennes, 
Ja téphrine des leucostines (r), la wacke proprement dite des 
basaltes, et la pozzolite des scories et des gallinaces, 


Je ferai maintenant observer que les laves amygdaloïdes 
à base de vwacke proprement dite, dont l’origine a été le 
plus fortement contestée, sont celles qui m'ont en général 
offert les caractères les plus prononcés à l’analyse mécanique: 
je citerai les toadstones d’Angleterre, les variolites du Drac 
dans les Alpes du Dauphiné, et les belles amygdaloïdes d'O- 
berstein dans le Palatinat. J'ai en outre découvert dans beaucoup 
de ces pâtes de wacke proprement dite, des cristaux de py- 
roxène nombreux et apparens à la vue simple , qu’on avoit pris, 
soit pour de l’amphibole, soit pour de la terre verte, ou bien 
auxquels on n’avoit pas fait attention , parce qu’ils sont amorphes 
de première origine, ou déformés par suite de leur décom- 
position. À 

J'ai vainement cherché l'amphibole dans la presque totalité 
des pâtes dont je viens de traiter dans ce Chapitre; ce minéral 
ne s’est présenté que dans quelques variétés de téphrine, où son 


——————————————————————_——_————, 


(1) Le nom de leucostine a été fait il y a quelques années par M. Delamé- 
therie, pour désigner la base du porphyre rouge antique. Il m'a paru que ce 
nom , d’après son étymologie, conviendroit mieux aux pâtes lithoides abon— 
dant en cristaux microscopiques de feld-spath. En effet, j'ai trouvé que les 
grains élémentaires de la base du porphyre rouge, sont tous de couleur rosée ow 
d’un rouge brun tres-claur. 

Bbb 2 


376 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

rôle est si restreint, qu’on pourroit l’y regarder comme acci- 
dentel, manière de voir qui ne seroit cependant point exacte. 
Au reste, M. Faujas de Saint-Fond avoit reconnu depuis long- 
temps, que les pâtes minérales qu'il appelle 4rapps (1) ne con- 
üennent pas d’amphibole. Or les trapps de M. Faujas comprennent 
entre autres substances, les bases auxquelles je donne ici le 
nom de wacke proprement dite. 


À la rigueur, tant qu’on ne connoîtra pas le gisement de 
l'ophite antique, ce porphyre ne devroit figurer que par appen- 
dice dans la classification des roches. Cependant j'ai cru qu’il 
ne seroit pas inulile d’en examiner la pâte. On sait que de 
Saussure avoit fait de cette pâte une espèce minérale particu- 
lière sous le nom d’ophibase; je ny ai trouvé qu'une wacke 
proprement dite , à grains fins, endurcie par de la calcédoine. 
Il m'a élé impossible d'y découvrir la moindre trace d’amphi- 
bole. La présence du pyroxène microscopique dans cette pâte 
se trouve confirmée par un caractère empirique essentiel, que 
je dois signaler aux minéralogistes, et qui consiste en ce que 
certaines variétés extrêmement rares, renferment , indépendam- 
ment des cristaux apparens de feld-spath, d’autres cristaux éga- 
lement très-apparens à la vue simple , qui sont composés de py- 
roxène translucide et du plus beau vert. 


Cette dernière observation me ramène naturellement à rap- 
. peler ici un des résultats les plus généraux de mes recherches, 
savoir, que parmi les préjugés qui ont retardé les progrès de 
la Géologie, il n’en est pas de plus mal fondé que celui d’après 
lequel on a supposé jusqu’à présent, que dans presque toutes 
les substances minérales compactes volcaniques ou non volca- 
niques qui jouent-un cerlain rôle dans la composition des. mon- 
tagnes, la couleur verte ou noire étoit donnée par l’amphibole 
disséminée en particules indiscernables, 


CHAPITRE ONZIÈME. 
Résumé général. 
Je récapitulerai maintenant les principaux résultats du sys- 


tème d'expériences et d'observations donf J'ai rendu compte dans 
le cours de ce Mémoire. 


(1) Histoire naturelle des Roches de trapp, Paris, 1815. 


ÊT D'HISTOIRE NATURELLE. 377 


* On voit que la totalité des substances minérales dites en masse, 
qui servent de bases aux roches volcaniques de tous les âges 
et de tous les pays, et dont la nature.étoit restée jusqu’à présent 
en problème, tant sous le rapport minéralogique que sous le 
point de vue géologique, se trouvent rigoureusement définies 
à l’aide d'un nouveau mode d’analyse, d’une sorte d’Anatomie 
comparée ; 

Que le tissu homogène et uniforme, soit compact, soit vi- 
treux, soit terreux, dont ces substances semblent douées lors- 
qu'on les examine à la vue simple, n’est, à l’exception de 
certains cas déterminés extrémement rares, qu’une fausse ap- 
parence ; 

Quelles sont presque toutes mécaniquement composées de cris- 
taux microscopiques , appartenant à un très-petit nombre d’es- 
pèces minérales connues, auxquelles se mêlent, dans certains cas 
détermigés, des matières vitreuses plus ou moins abondantes ; 


ue les cristaux microscopiques élémentaires appartiennent 
au feld-spath , au pyroxène, au péridot, au fer titané, moins 
souvent à l’amphigène et fort rarement au mica, à l’amphibole 
ou au fer oligiste; | 

Que, d’après des probabilités très-grandes, les matières vi- 
treuses élémentaires , alors même qu’elles ne sont point mélangées 
de cristaux microscopiques, ce qui est extrêmement rare, ren- 
ferment les principes prochains des pâtes complètement lithoïdes, 
principes agrégés alors sous forme de particules tout-à-fait indis- 
cernables, et réduits peut-être au volume moléculaire ; 

Que dans une partie des substances volcaniques dites ez masse, 
les cristaux microscopiques élémentaires et les matières vi- 
treuses, lorsqu'elles en contiennent, se trouvent souvent dans un 
état de décomposition plus ou moins avancé; 


Que parmi ces substances, dont les élémens sont plus ou moins 
attaqués par la décomposition, certaines doivent leur consistance 
à des matières étrangères, interposées en particules presque 
toujours indiscernables; 

Que quel que soit l’état de conservation ou d’altération des 
substances volcaniques dites ez masse, les minéraux élémen- 
taires ne forment communément que des associations ternaires 
ou quaternaires, au milieu desquelles tantôt le feld-spath et tantôt 
le pyroxène prédominent constamment, non-seulement par leur 


378 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


abondance, mais encore par l’influence des caractères qui leur 
sont propres; 

Que cette constante prédominance , combinée aux autres 
conditions que présente la composition mécanique, et aux ca- 
ractères extérieurs qui en résultent, permet de diviser métho- 
diquement les substances volcaniques dites e7 masse, à l'aide de 
coupures naturelles assez nettement circonscrites, et même à 
la rigueur, de leur assigner des places de convention dans la 


méthode minéralogique; dé 


Qu'on peut partager ces substances en seize £ypes principaux, 
susceptibles de produire quarante-huit sous {ypes, au moyen de 
subdivisions assez exactement motivées, et pouvant , à l’aide de 
considérations très-plausibles, être rapportés au feld-spath ou 
pyroxèue comme modifications spécifiques plus ou moins im- 
parfaites : types qui, à raison de l'importance du rôle qu'ils 
jouent dans la constitution de l'écorce du globe, doigent être 
l'objet de descriptions détaillées et d’une nomenclature parti- 
culière, comme s'ils étoient réellement simples et homogènes, 
mais qu'on ne peut, dans aucun cas, considérer comme de vé- 
ritables espèces ; 

Que de quelque manière qu’on dispose ou qu'on multiplie 
les sabdivisions à établir entre ces types, il restera toujours 
entre ceux de même espèce ou d’espèce différente, un assez 
grand nombre de variétés mixtes pour attester qu’ils sont res- 
pectivement congénères; 


Que les analogies que l’on a cru exister entre quelques-uns 
de ces types et les substances élémentaires des roches primor- 
diales , intermédiaires ou secondaires, à base de pétrosilex, de 
trapp et de cornéenne, ne soutiennent pas un examen rigoureux 
et ne sont pas fondées : en d’autres termes, que ces trapps 
n’ont point d’analogues dans les terrains dont la formation est 
unanimement regardée, par les géologues, comme absolument 
étrangère aux volcans; 


Que les différences qu’on a remarquées entre certaines va- 
riétés de laves modernes et certaines laves anciennes de même 
uature, n’ont d'autre fondement que-de très-légères modifi- 
cations de contexture intime , tenant d’une part à l'abondance, 
et de l’autre à la rareté, ou même à l'absence (en cas de rem- 
plissage complet par infiltration) des vacuoles existantes entre 
js cristaux microscopiques élémentaires ; 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 379 


Que, proportion gardée des différences qui tiennent à l’ancien. 
neté relative, les différens types se présentent avec les traits 
de l’identité la plus parfaite dans les roches volcaniques de tous 
les pays comme dans celles de tous les âges ; 


Que le sol volcanique considéré dans son ensemble et sous 
le point de vue le plus général, offre une composition toute 
particulière , et une constitution qu’on ne retrouve point dans 
les autres terrains; 

Que parmi les causes dont ce sol est le produit, il faut surtout 
remarquer la loi qui préside à la coagulation de la matière in- 
candescente des éruptions, et qui presque toujours résout com- 
plètement cette matière en une immensité de cristaux micros- 
copiques ; 

Enfin, que si la Chimie et la Minéralogie ont été si long- 
temps mueltes sur la véritable nature des substances dites ez 
masse, qui constituent le fond de toutes les couches volcani- 
ques, c’est que l’une et l'autre, s’arrêtant à la simplicité appa- 
rente de ces substances, prenoient les caractères composés des 
différens mélanges pour des propriétés spécifiques essentielles’; 
on ne pouvoit résoudre la difliculté qu’en employant des pro- 
cédés pour ainsi dire moyens entre les leurs, ceux de l'analyse 
mécanique. 

Il faut convenir que si ces résultats tendent à placer les mi- 
néralogistes et les géologues dans un nouvel ordre d'idées, en 
leur montrant dans le sol volcanique un monde minéralogique, 
S'il est permis de s'exprimer ainsi, dont tous les individus ont 
une existence propre et un rôle presque indépendant, il tenoit 
à bien peu de chose que cette connoïssance ne nous fût jamais 
acquise : un degré de ténuité de plus daus le volume des indi- 
Vide, et le problème de la composision des terrains formés 
par les volcans de tous les âges, pouvoit rester complètement 
msoluble, 

Je termine en présentant le Tableau de la nouvelle distri 
bution méthodique que je propose pour l’ensemble des substances - 
volcaniques dites e7 masse. J'espère que la synonymie que j'y ai 
jointe pourra suffire, en attendant que je publie les descriptions 
minéralogiques des différens types et sous-types (1). 


(1) Je nomme types ce qu’on pourra,appeler 770dification principale 
d’une des deux espèces prédominantes , dans la méthode de M. Haüy, et ce- 


380 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


DISTRIBUTION MÉTHODIQUE 
DES SUBSTANCES VOLCANIQUES DITES EN MASSE. ; 
SECTION I. 


Substances Feld-Spathiques : dans lesquelles les particules 
du feld-spath sont très-prédominantes. 


À) NON ALTÉRÉES. 
FHNPENT 


Composées exclusivement de Cristaux microscopiques entre- 
lacés, d'un égal volume, adhérens par leur simple juxta- 
position, offrantentre eux des vacuoles plus ou moins rares. 


LEUCOSTINE, 
Sous-Types. 


a) Leucostine compacte. Synon. Lave lithoïde pétrosiliceuse, feld- 
spath compact sonore, klings- 
tein , phonolite, hornstein vol- 
canique. 

Db)—————<écailleuse. ———Sorte nouvelle danslaquelle beau- 
coup de cristaux de feld-spath 
sont plats et posés dans le même 
sens; graustein de M. Werner ? 

C)—————granulaire. ——— Domite, base d'une partie des 
thonporphyresde l Auvergne et 
probablement de Hongrie; base 
d’une partie des porphyres trap- 
péens de M. de Hagholdi: 


qu'on doit nommer espèces dans la méthode de M. Werner; ce célèbre mi< 
néralogiste ne donnant pas à la dénomination d'espèce. l’acception rigoureuse 
et philosophique que nous lui donnons d’après M. Haüy et Dolomieu. Les 
sous-types seront des sous-espèces de M. Werner et des variétés principales 


de M. Hauy. 
TYPE 


ET D'HISTOIRE NATURELLE, 361 


“EYPR'EMTS 


Composées de Verre boursoufflé, presque toujours mélangé 
de Cristaux microscopiques plus ou moins abondans. 


PUMITE. 
Sous-Types. 
a) Pumite grumeleuse, $yz. Sorte nouvelle ayant l'aspect lithoïde. 
d) pesante.  —— Pierre ponce* pesante de Spallanzani 
. et de Dolomieu. 
c) — légère. Pierre ponce ordinaire, lave vitreuse 


pumicée de M. Haüy. 
TMPETIT: 


Composées de Verre massif, presque toujours mélangé de 
Cristaux microscopiques plus ou moins abondans. 


OBSIDIENNE. 
Sous-Types. 


a) Obsidienne parfaite.  Syz.Obsidienne , lave vitreuse uni- 
forme, verre feld-spathique. 


D) ————— smalloïde. —— Lave vitreuse opaque ou pici- 
forme, pechstein volcanique , 
perlstein. 

©) ————— imparfaite. —— Sorte nouvelle ayant un aspect 


mixte entre les aspects vitreux 
et lithoïde, 


HOYPEAMIINVE 


Composées de Cristaux et de Graëns vitreux microscopiques 
nor adhérens. 


SPODITE. 
Sous-Types. 


a) Spodite cristallifère. Sy. Cendres volcaniques blanches. 
D) ——— semi-vitreuse, —— Cendres ponceuses. 
c) ——— vitreuse. —— Cendres ponceuses, 


Tome LXX XIII, NOVEMBRE au 1816. Cce 


382 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


B) ALTÉRÉES. 


MYAPI ENV 
Composées de Grains vitreux, souvent entremélés de Cristaux, 
les uns et les autres microscopiques, d’un volume frès-inégal, 
non entrelacés, en partie terreux, très-foiblement adhérens 
ou cèmentés impcrceptiblement par des substances étrangères 

(spodite vitreuse et semi-vitreuse altérée). 
ALLOÏTE. 
Sous-Types. 

ae) Alloïte friable. à Une partie des tufs blanes où d’un 
| blanc jaunâtre, des tufs ponceux, 


ë) — consistante.; Sy. 4 du prétendu tripoli volcanique, 
des thermantides tripoléennes ; 
c) — endurcie. cendres ponceuses agglutinées. 
TYPE VI 


Composées de Cristaux souvent entremélés de Grains vitreux, 
les uns et les autres microscopiques, d'un volume très-inégal, 
non entrelacés, en partie terreux , très-foiblement adhérens 
ou cimentés imperceptiblement par des substances étrangères 
(spodite cristallifère altérée). 


TRASSOÎTE. 
Sous-Types. - 
Tufs d’un gris cendré, trass; une 
partie des tufs blancs ou d’un 
blanc jaunâtre, du prétendu tri- 
poli volcanique, et des therman- 
tidestripoléennes; cendres blan- 
ches agglutinées, 


TPE NV IT 


Composées exclusivement de Cristaux mäicroscopiques , d’un 
égal volume , entrelacés , enpartie terreux, admettant parfois 
des vacuoles plus ou moins rares, adhérens par la simple 
juxta-posilion, ou cimentés imperceptiblement par des subs- 
tances étrangères (leucostine altérée). 


a) Trassoïte friable. 
D) ———— consistante.} Syn. 


c) 


endureie. 


2 TÉPHRINE. 
Sous-Types.. 


a) Téphrine solide. Sÿ#, Lave feld-spathique ou pétrosiliceuse dé- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 383 
composée, klingstein décomposé, 
hornstein volcanique décomposé , 
base du thonporphyre en partie. 

2) Téphrine friable.  Syn. Domite décomposée, lave feld-spathi- 
que décomposée, base du thonpor- 
phyre et du porphyre trappéen en 
partie. 

C) ———— endurcie. —— Base des laves amygdaloïdes feld-spa- 
thiques, base du thonporphyre et 
du porphyre trappéen en partie. 


TANIP OVER 


Cormposées de Verre massif ou boursoufflé, entrecoupé de 
gercures très-déliées, presque toujours mélangé de Cris- 
Zaux microscopiques plus ou moëns abondans, en partie 
terreux ainsi que les Cristaux , consistant par simple juxta- 
position, ou cèmenté imperceptiblement par des substances 
étrangères (obsidienne et pumite altérées). 

ASCLÉRINE. 
Sous-Types. 


a) Asclérine solide.  Syn. Poncepesantedécomposée,obsidienne 
imparfaite décomposée. 


D) ———— friable. —— Pierre ponce décomposée, obsidienne 
décomposée. 
c) endurcie. Pierre ponce faisant effervescence, 


ou pénétrée de fer hydraté. 
SECTION II. 


Substances pyroxéniques : dans lesquelles les particules 
du Pyroxène sont prédonunantes. 


A) NON ALTÉRÉES. 
BMP E:.x ; 
Composées exclusivement de Cristaux microscopiques entre- 


lacés, d'un égal volume, adhérens par leur simple juxta- 
position, laissant entre eux des vacuoles plus ou moins rares. 


BASALTE. 
Sous-Types. 


a) Basalte compact. $yr. Lave lithoïde basaltique uniforme, 
Ccc 2 


304 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
lave argilo-ferrugineuse; basalte trap- 
péen, lave compacte de M. Werner. 
2) Basalte écailleux. $yr. Lave basaltique écailleuse de Dolo- 
mieu ; sorte dans laquelle la plupart 
des cristaux de feld-spath sont plats et 
posés dans le même sens. 
Lave basaltique graveleuse de M. Fau- 
jas de Saint- Fond; graustein de 
M. Werner? 


TYPE QTT- 


C) ——— granulaire. 


Composées de Verre boursoufflé, presque toujours mélangé de 
Cristaux microscopiques plus ou moins abondans. 


SCORIE. 
Sous-Types. 


a) Scorie grumeleuse. $yz. Sorte nouvelle ayant l'aspect lithoïde, 
confondue avec les scories pesantes; 
lave poreuse de M. Werner? 

pesante. —— Lave scorifiée uniforme, scorie pe- 
sante de Dolomieu, lave poreuse de 
M. Werner. 

c)——— légère. —— Lavescorifiée uniforme, lapillaire, ou 
en masse, thermantides cimentaires 
de M. Haüy, scorie de M. Werner, 
scorie légère de Dolomieu. 


B— 


TYPE TIT. 


Composées de Verre massif, presque toujours mélangé de 
Cristaux microscopiques plus ou moins abondans. 


GAELINACE. 
Sous-Types. 


a) Gallinace parfaite.  Syz. Sorte nouvelle, obsidienne fondant 
en verre noir de.M. de Drée, verre 
à base de lave fontiformede M. De- 


lamétherie. 

D) ———— smalloïde. —— Sorte nouvelle, tantôt noire, tantôt 
d’un rouge sombre. 

€) ———— imparfaite. —— Sorte nouvelle formant le passage au 


basalte compact. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 385 
TYPE IV. 


Composées de Crisiaux et de Grains vitreux microscopiques 
non adhérens. 


CINÉRITE. 
Sous-Types. 
a) Cinérite cristallifére. Sy. Cendres volcaniques ordinaires. 
D) ———- semi-vitreuse. —— Cendres volcaniques ordinaires. 
€) — - vitreuse. —— Cendres volcaniques rouges, ou 
d’un gris noirâtre. 


B) ALTÉRÉES. 
 RVIP/E SV: 


Composées de Grains vitreux , souvent entremélés de Crès- 
taux, les uns et les autres microscopiques, d’un volume 
très-inégal, non entrelacés, en partie terreux, très-foible- 
ment adhérens, ou cimentés imperceptiblement par des sub- 
stances étrangères (cinérite vitreuse et semi-vitreuse altérées). 


PÉPÉRITE. 
Sous-T'ypes. 
a) Pépérite friable. Tufs volcaniques d’un rouge vif, 
d’un rouge brun, d’un brun foncé, 
b) ———- consistante.* Syr.4 d'un vert grisâtre très - foncé ; 
pouzzolane terreuse friable en 
c) — - endurcie. partie; base de quelques pépérino.. 


RVIPIE SANTE 


Composées de Cristaux, souvent entremélés de Grains vitreux, 
les uns et les autres microscopiques , d’un volume très-inégal , 
non entrelacés, en partie terreux, très-foiblement adhérens, 
ou cimentés imperceptiblement par des substances étrangères 
(cinérite cristallifère altérée),. 


TUFAÏÎTE. 
Sous-Types. 

a) Tufaïte friable. Tufs volcaniques ordinaires; base 
de la plupart des pépérino ; pouz- 
zolane terreuse friable en partie; 

D) ——— consistante, ; Sy. { tufs volcaniques et trappéens de 
M. Werner ; moya de M.de Hum- 

< boldt par appendice à la tufaïte 
€) ——— endurcie, friable. 


386 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


TYPE. VIL 


Composées exclusivement de Cristaux microscopiques d’urs 
égal volume , entrelacés , en partie terreux , admettant parfois 
des vacuoles plus ou moëns rares, adhérens par la simple 
juxta position, ou cimentés imperceptiblement par des sub- 
stances étrangères (basalte altéré). 


WACKE. 
Sous-Types. 


Lave basaltique décomposée , wacke 
de M. Werner en grande parte, 
trapp et cornéenne amygdaloïde, 


a) Wacke solide. 


NES TN INA argile endurcie amygdaloïde ; base 
ch endurcie de l'ophite antique par appendice à 
Fe : la wacke endurcie. 


TYPE VIIL 


Composées de Verre massif ou boursoufflé, entrecoupé de ger- 
cures très-déliées, presque toujours mélangé de Cristaux 
microscopiques plus ou moins abondans, en partie terreux 
ainsi que les Crèstaux, consistant par simple juxta-position , 
ou imperceptiblement cèmenté pur des substances étrangères 
(scorie ou gallinace altérées). 


POZZOLITE. 
Sous-Types. 


a) Pozzolite solide. Scories décomposées, pouzzolanes 
: lapillaires, thermantides cimen- 
———— friable. HSE Re 
2) Maple ES en partie, base des scories 
c) ———— endurcie. amygdaloïdes, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 387 


TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Mémoire sur les nouvelles propriétés de la chaleur à 
mesure qu'elle se développe dans sa propagation le 
long des morceaux de verre; par David Brewster. Pag. 309 

Recherches sur la resprration des plantes exposées à 
la lumière du soleil; par M. Ruhland. 35x 

Suite du Supplément au Mémoire sur la réduction des 
degrés du thermomètre de mercure en degrés de cha- 
leur réelle; par Honoré Flaugergues. 339 

Tableau météorologique ; par M. Bouvard. 350 

Suire du Mémorre sur les substances minérales dites en 
masse, qui entrent dans la composition des roches 
volcaniques de tous les âges; par P. Louis Cordier. 952: 


388 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, ec: 


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M. à 


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On s’abonne à Paris, chez Madame veuve Courcier, 
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11 faut affranchir les lettres et l'envoi de l'argent. 


De l’Imprimerie de M"° Veuve COURCIER, Imprimeur. Libraire pour 
les Mathématiques et la Marine, quai des Augustins, n° 57. 


JOURNAL 


DE PHYSIQUE; 
DE CHIMIE 
ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


K N 
Sr 7 « L 
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DÉCEMBRE An 1816. 


SUITE DU MÉMOIRE 


Sur les nouvelles Propriétés de la Chaleur à mesure qu’elle 
se développe dans sa propagation le long des morceaux 
de verre; 

Par Davip BREWSTER, 


Des Sociétés Royales de Londres et d'Édimbourg. 


SECTION DEUXIÈME. 


Sur les Effets permanens produits sur le Verre par la 
communication de sa Chaleur aux corps environnans. 


Les phénomènes décrits dans la Section précédente sont de 
Ja nature la plus éphémère. Chaque frange est dans un état de 
changement perpétuel. Une couleur succède aussitôt à une autre; 
et après que la chaleur a rapidement développé toutes les dif- 
férentes teintes dues à son intensité, elles repassent à travers 
les mêmes couleurs qu’elles ont montrées dans leur formation, 


Tome LXX XIII. DÉCEMBRE an 1816, Ddd 


390 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


et disparoïissent entièrement après un déclin lent et graduel. 
C’est sous ce rapport seulement, que les phénomènes du verre 
cristallisé différent des corps régulièrement organisés qui com- 


posent les trois règnes de la nature. Le beau développement 


de couleurs qui caractérise l’action des morceaux cristallins sur 
la lumière polarisée, est permanent sous tous les rapports. Le 
même minéral possède une structure invariable, et il ne faut 
que de la patience pour découvrir les phénomènes qu’il présente, 
et obtenir une connoissance exacte du caractère et de l'intensité 
de son action. Au contraire, les franges colorées du verre 
échauflé ne sont pas susceptibles d’une mesure correcte. Où 
chaque chose est dans un état de changement, il est impossible 
de saisir un caractère fixe; et loin deles mesurer, il est souvent 
difficile d'observer leurs variations. Heureusement néanmoins, 
J'ai été tiré de cette perplexité par la découverte d’une méthode 
de fixer le verre dans un état de cristallisation, et de lui donner 
un caractère permanent , comme aux minéraux les plus parfaits. 
Le détail de cette méthode, ainsi que des résultats que j'en ai 
obtenus, formeront le sujet de cette Section. 


Proposition vingt-troisième. 


« Lorsqu'un morceau de verre amené à une chaleur rouge 

est refroidi à l’air ou placé avec un de ses bords sur une 
» barre de fer froid, les différentes rangées de franges décrites 
» dans la Section première se développent pendant le refroi- 
» dissement ; et elles ont le même caractère que celles qui sont 
» produites en placant le verre froid sur un fer chaud. Lorsque 
» le refroidissement est complet, la structure que donnent les 
» franges devient permanente, et les couleurs ainsi fixées ont 
» le même brillant qu’elles déploient durant leur formation. » 


Lorsqu'un morceau rougi au feu est exposé à un rayon pola- 
risé, il ne présente d’abord aucune action sur.la lumière ;. les 
teintes s’avancent lentement des bords, et au bout de 12 à 15 
minutes le verre est refroidi et la cristallisation complète. 


J’ai formé de cette manière différens morceaux de verre qui 
possèdent une structure permanente, et donnent les phénomènes 
décrits dans la Proposition; mais n’ayant point obtenu une série 
complète des différentes hauteurs et épaisseurs, je n’ai point 
pris de mesures exactes des franges. 


Les résultats suivans de quatre différens morceaux de verre 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 391 


donneront quelque idée de la nature des teintes qui se déve- 
loppent. Tous lés morceaux furent poussés à une chaleur rouge, 
de manière à ne rien perdre de leur forme. On les fit refroidir 
en plaçant leurs bords inférieurs sur le fer, à la même tempé- 
rature que l’air environnant. 


Nombres dans 


Épaisseur Maximum de Teinte la Table de 
des Ja teinte au bord au Newton corres- 
plateaux. inférieur. milieu. pondans à la 


teinte au maxim. 


NE 1.1125 pou. [Commencem. du|Bleu du 1°° ord. 8.7 
bleu du 2° ord. 
2 0.2000 Vert du 3° ord. |Commencem. du 16.2 
bleu du 2° ord. 
3 0.2833 Vert du 4° ord. |Commencem. du 22.7 
poupre du 1° 
j ordre. 
4 0.4375 A peu près la fin OEillet du 2° ord. 35.5 
l 


du rouge du 5°] 
ordre. 


En comparant les nombres dans la cinquième colonne, qui 
sont les millionièmes parties d'un pouce, avec ceux de la deuxième 
colonne, on trouvera que le facteur constant par lequel nous 
devons multiplier Pépaisseur d’un morceau de verre quelconque, 
à l’eflet d'obtenir l’épaisseur du morceau qui donneroit par la 
réflexion une teinte semblable à la teinte au 7zaximum, est 
à peu près —5s- d 

Une circonstance curieuse, c’est que les franges permanentes 
ont précisément le même caractère que les transitions qui sont 
produites en plaçant les morceaux de verre sur un fer chaud, 
tandis que les franges transitoires développées durant le refroi- 
dissement des morceaux de verre, ont un caractère opposé. 


La température limitante à laquelle les premières sont changées 
dans les dernières , est probablement celle à laquelle la structure 
permanente est communiquée. 

Lorsque les morceaux de verre sont plus refroidis à un bord 

Ddd 2 


392 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


qu'à un autre, les franges sont moins distinctes, et les teintes 
plus basses au bord qui se refroidit moins rapidement. La dif- 
férence devient plus sensible à mesure que la hauteur des mor- 
ceaux augmente. 


Lorsque les morceaux de verre sont épais et exposés à une 
chaleur considérable, ils perdent.souvent leur poli, et présentent 
à leur surface, lorsqu'on l’examine au microscope, un tissu 
fibreux délicat. Ce tissu consiste quelquefois en rainures qui 
donnent, par la réflexion, les images colorées que donne la mère: 
perle. IL donne aussi la même propriété à la cire. 


Proposition vingt-quatrième. 


« Lorsqu'un morceau de verre cristallisé de la manière décrite 
» dans la Proposition précédente, est incliné vers ie rayon polarisé 
» dans une surface plane perpendiculaire à la direction des franges, 
» les teintes centrales montent dans l'échelle des couleurs comme 
» si le morceau avoit augmenté en épaisseur ; mais lorsqu'il est 
» incliné dans une surface plane parallèle à la direction des franges, 
» la teinte centrale descend dans léchelle comme si le inorceau 
» étoit devenu plus mince. Lorsque la surface d’inclinaison forme 
» un angle de 45° avec ces surfaces planes , aucun changement 
» m'est produit dans les teintes. » 


Je pris un morceau de verre cristallisé, qui polarisoit une 
large mais foible teinte de jaune. Lorsqu'il fut incliné dans 
une surface plane perpendiculaire à la direction des franges, 
la teinte qu'il polarisoit devint d’un jaune d'oiange foncé; mais 
lorsqu'il fut incliné dans une surface plane à angles droits à 
la première, la teinte devint d’un bleu pâle. J’oblins le même 
résultat lorsque les couleurs appartenoïent aux ordres plus élevés 
dans l'échelle. 


L'effet de l’inclinaison peut se voir beaucoup plus avantageu- 
sement lorsque deux morceaux qui polarisent la même teinte, 
sont placés transversalement de manière à former une croix. 
En inclinant un des morceaux, l’autre est nécessairement in- 
cliné dans une surface plus opposée, de manière que les teintes 
de l’une montent, lorsque celles de l’autre descendent dans l’é- 
chelle des couleurs. 


La conséquence de cette circonstance est une séparation dans. 
le milieu de la croix, qui produit deux franges noires courbées, 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 395 


ayant la même apparence que celle que l’on obtient en croisant 
deux morceaux qui polarisent différentes teintes. 


Proposition vingl-cinquième. 


« Si un morceau de verre cristallisé est coupé en deux par 
>» un diamant, chacune des parties séparées donnera les pro- 
» priétés d'un morceau entier cristallisé. La portion du morceau 
» séparé qui avoit auparavant la structure de la classe attrac- 
» tive de cristaux doués de la double réfraction, a alors la struc- 
» ture de la classe répulsive. Une autre portion, qui avoit sa 
» structure attractive, a maintenant une structure intermédiaire 
» semblable à celle du muriate de soude, etc. Il en est de 
» même des autres parties du cristal. » 


Lorsque le morceau est coupé perpendiculairement aux franges, 
il en résulte un effet analogue. Les franges terminales paroissent 
à l’instant à de nouvelles extrémités. J’obtins un semblable ré- 
sultat, quoique beaucoup moins attendu, en brisant un large 
morceau dans lequel la cristallisation étoit extrêmement irrégu- 
lière, polarisant cà et là une portion de lumière blanche. Le 
morceau avoit une petite félure; et lorsqu'il fut brisé en trois 
morceaux, principalement le long d'une ligne à peu près pa- 
rallèle à son bord, chaque morceau fut régulièrement cristallisé, 
ayant les deux espaces noirs avec leurs franges accompagnantes 
de lumière blanche. 


Les mêmes eflets sont produits lorsque le morceau est coupé 
en morceaux par une roue fendante, ou que sa forme est altérée 
par le frottement. 


Les expériences précédentes ne sont pas faciles, attendu qu’il 
est très-diflicile de couper cette espèce de verre avec un dia- 
mant, En effet, communément il tombe en morceaux aussitôt 
qu’on l'a rayé, et lorsque cet inconvénient n’a pas lieu, les 
morceaux se séparent de leur ensemble peu de temps après 
qu'on y a appliqué le diamant. 


Scholie. 


La vérité contenue dans la Proposition précédente est ana- 
logue à l’expérience si vantée dans le magnétisme, où la plus 
petite portion détachée de l’extrémité d’une pierre d’aimant , 
devient elle-même un élément complet possédant les pôles dis- 


394 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CH8MIE 


tincts du nord et du sud. L’exhibition des mêmes phénomènes 
dans le verre .transitoirement cristallisé durant la propagation 
de la chaleur, ainsi qu’il est décrit dans la Proposition treizième, 
pourroit être supposée provenir de quelque nouvelle propriété 
de la chaleur, qui la rend capable d’agir sur le bord éloigné 
du verre sans aucune indication sensible de sa présence. Cette 
opinion néanmoins cesse jusqu’à un certain point d’être fondée, 
d'après les résultats obtenus avec le verre cristallisé d’une ma- 
nière permanente, et qui a une température uniforme. Une 
portion du verre passe avec la plus grande facilité d’une struc- 
ture cristalline à la structure opposée, et d’un degré de cristal- 
lisation à un autre, suivant sa position relativement au bord 
du morceau; et là il ne peut pas y avoir d'équilibre entre les 
forces par lesquelles ce changement se produit, à moins que le 
morceau ne développe les différentes rangées de franges qui ont 
été décrites. 


Cette polarité optique est produite par la chaleur, comme la 
polarité électrique est développée dans la tourmaline’ et d’autres 
minéraux par le même agent; et l’on peut, avec d’autant plus 
de raison, attribuer la production des phénomènes optiques à 
l'action d’un fluide particulier, que c’est le moyen d’expliquer 
les phénomènes de l'électricité et du magnétisme par l'opération 
des fluides magnétique et électrique. Le fluide optique, comme 
nous pouvons le nommer, peut être supposé résider dans tous 
les corps quelconques dans son état naturel. Dans un état de 
combinaison , il est composé de deux fluides susceptibles d’être 
décomposés et d’être fixés dans des parties particulières d’un 
corps par l’agence de différentes causes. Ce seroit perdre son 
temps que d’exposer les nombreuses et frappantes analogies qui 
existent entre plusieurs des résultats contenus|dans cette Proposi- 
tion, et quelques-uns desplusintéressans phénomènes del’électricité 
et du magnétisme. Nous en désignerons quelques-uns dans la 
démonstration d’une Proposition subséquente. 


Proposition vingt-sixième. 


« Lorsqu'un morceau de verre rectangulaire est amené à une 
» chaleur rouge et ensuite exposé au refroidissement, ainsi que 
» nous l'avons ci-devant dit, il acquerra une structure per- 
» manente, de manière à présenter les franges coloriées lorsque 
» la lumière polarisée est transmise à travers quelques-unes 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 395 


des faces parallèles qui la bornent; chaque morceau rectan- 
gulaire étant considéré comme un solide contenu par six! sur- 
faces planes parallèles. Les axes dépolarisans sont distinctement 
développés dans toutes ces directions, et forment des angles 
de 459 avec les sections communes des surfaces planes. » 


Les franges décrites dans la Proposition sont extrêmement 
petites dans des morceaux de verre d’une épaisseur ordinaire. 
Elles sont composées du même nombre de rangées, et ont le 
même caractère et les mêmes propriétés que celles que l’on voit 
à travers les surfaces larges des morceaux, et leur teinte au 
maximum est généralement plus basse, quoique quelquefois plus 
élevée que la teinte dans son maximum des franges larges pro- 
duites par de larges surfaces. D’ordinaire elles sont parfaitement 
régulières, même lorsque la forme des franges larges oflre le 
plus haut degré d’irrégularité. Dans un morceau de verre qui 
avoit différentes largeurs, et qui polarisoit un jaune foible du 
premier ordre dans ses franges du centre, et un bleu brillant 
du second ordre dans les franges extérieures, les teintes du centre, 
vues à travers ses bords, varioient avec la largeur du morceau 
d’un jaune foible du premier ordre à un bleu foncé du second ordre. 


Pour examiner avec plus de soin les franges formées en trans- 
mettant la lumière polarisée à travers les différentes faces d’un 
morceau de verre, je cristallisai un parallélipipède brut de 
verre d'Allemagne, d’environ trois pieds de long sur un pouce 
et demi d’épais; je le taillai proprement et le polis sur une 
pierre de lapidaire. A travers ses deux surfaces les plus larges, 
on apercevoit les franges. La teinte au maximum des franges 
du centre est le commencement du vert du second ordre, et 
celle des franges extérieures, un vert du troisième ordre. Dans 
les franges vues à travers les bords du morceau, la teinte au 
maximum de la rangée intérieure est un jaune du second ordre, 
et celle de la rangée extérieure, un vert du troisième ordre. 
Les franges vues à travers les extrémités du morceau de verre 
sont très- curieuses. J’ai un autre parallélipipède de verre de 
roche de 4,3 pouces sur 1 pouce de large et 1 d’épais, qui fut 
cristallisé étant sous la forme d’un cylindre, et prit ensuite celle 
d'un parallélipipède. Il donna les mêmes phénomènes que le 
précédent, qu'il égaloit dans le beau développement des ordres 
nombreux de couleurs. Les magnifiques figures produites en 
croisant ces deux morceaux, surpassent en éclat tous les phé- 
nomènes optiques que j'ai vus. 


» 
» 
» 
» 
p] 


396 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


Dans ces échantillons, ainsi que dans plusieurs autres de verre 
épais cristallisé, la teinte au maximum diminuoit toujours par 
je frottement et le polissage. 


Les descriptions suivantes de quatre échantillons de verre cris- 
tallisé, indiqueront les effets produits par le changement de 
forme du morceau. 


N° r. Un des plus curieux échantillons de verre cristallisé que 
j'aie obtenu, c’est un parallélipipède d’environ 0,38 de pouce 
de large et d’épais sur r,11 pouce de long. Il dépolarise un 
jaune foible du premier ordre dans la frange du centre, lorsque 
la lumière polarisée est transmise à travers les faces du parallé- 
lipipède; mais lorsque la lumière est transmise le long de l’axe 
du parallélipipède, et lorsque les lignes des deux extrémités sont 
parallèles ou perpendiculaires à la surface plane de la polari- 
sation primitive, les deux images formées par le spar calcaire 
donnent les formes dont suit la description. La première con- 
siste en une croix noire environnée de belles franges courbées 
en sens contraire. Elle a des taches d’un vert brillant du troi- 
sième ordre avec un petit jaune du même ordre. Leur centre 
donne une forme remarquable par sa symétrie. Les taches co- 
loriées sont d’un œillet brillant avec une tache blene dans leur 
milieu. 

N°2. Unautre morceau de verre de forme carrée, de 0,3 pouces 
d'épais. Il produisit la croix du centre et donna aux angles 
toutes les teintes au-dessus du bleu du second ordre arrangées 
en cercles, avec le bleu ou la teinte au 2aximum au centre. 


N° 3. Un troisième morceau , d’un quart de pouce d'épaisseur, 
produisit le même effet, les teintes angulaires s'élevant dans ce 
cas au Jaune du second ordre. 

N° 4. Un quatrième morceau, de 1,2 pouce d'épaisseur, pro- 
duisit des franges d’une courbure contraire, telles que celles du 
n° 1; mais s’élevant à l’œillet du quatrième ordre. 

Les franges latérales et des extrémités sont produites par les 
nos 2, 3, 4, lorsqu'elles sont tournées vers le 450 : leurs franges 
complémentaires sont d’une beauté parfaite. 

Lorsque le n° 2 est combiné avec le n° 3, ils produisent des 
franges d’une courbure contraire comme le n° 1. La nature et 
l'origine de toutes ces franges sont expliquées dans la Proposition 
subséquente. 


Proposition 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 397 
Proposition vingt-septième. 


« Si un morceau rectangulaire de verre cristallisé qui présente 
» les franges à travers ses bords, est incliné au rayon polarisé 
» dans une surface plane perpendiculaire à la direction des 
» franges, la teinte centrale descendra dans l'échelle comme si 
» le morceau avoit augmenté en hauteur; mais lorsqu'il est in- 
» cliné dans une surface plane paralléle à la direction des franges, 
» la teinte montera dans l'échelle comme si le morceau avoit 
» diminué en hauteur. » 

Le résultat contenu dans cette Proposition fut établi d'après 
les mêmes expériences décrites dans la Proposition vingt-qua- 
trième; les franges vues à travers les bords du morceau, étant 
employées au lieu de celles vues à travers ses surfaces larges : 
les effets d’inclinaison dans ces deux cas, sont directement 
opposés. 

Proposition vingt-huilième. 


« La régularité dans la cristallisation d’un morceau de verre, 
» d'accord avec une de ses dimensions, n’est point dérangée par 
» une irrégularité de sa cristallisation dans une autre direction. » 

Si un morceau de verre est cristallisé depuis son centre, comme 
dans la Proposition dix-neuvième, ou bien si une cristallisation 
confuse a lieu par le refroidissement à différentes places, de 
manière qu’on ne puisse pas voir de franges distinctes lorsque 
la lumière polarisée est transmise à travers les franges larges 
du morceau, les franges, vues à travers ses bords, seront par- 
faitement développées, et posséderont les mêmes propriétés que 
sitout Je morceau avoit élé régulièrement cristallisé. 


Proposition vingt-neuvièrne. 


« Aux extrémités de chaque morcean de verre cristallisé il 
» existe quatre portions à la limite entre les franges terminales 
» et latérales, qui ont une structure diflérente du reste du mor- 
» ceau. Ces portions ont leurs axes inclinés vers les axes des 
» autres parties du verre. Deux de ces axes ont la même direc- 
» tion, et sont dans une direction opposée aux deux autres. » 

Lorsqu'un morceau de verre cristallisé est opposé à un rayon 
polarisé, de manière que sa longueur dans la direction des franges 
latérales et centrales se trouve parallèle ou perpendiculaire à 
lasurface plane de polarisation primitive, il donnera l'apparence 


Tome LXXXIII DÉCEMBRE an 1816 Eee 


398 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


d’un morceau dont toutes les franges latérales, centrales et ter- 
minales ont disparu. Cependant on distinguera à deux extré- 
mités quatre taches lumineuses donnant des teintes qui, en gé- 
néral, varient du blanc du premier ordre à l’œillet du second 
ordre, et qui quelquefois surpassent la teinte au r2aximum des 
franges centrales, et quelquefois tombent au-dessous, Pour exa- 
miner la nature de ces teintes, je pris un morceau de verre 
qui, lorsqu'il fut dans la position précitée, polarisa sur deux 
points un bleu du second ordre. Je combinai ensuite avec ce 
morceau un autre de sulfale de chaux, qui polarisa la même 
teinte, et qui avoit son axe incliné de 45° vers la surface 
plane de polarisation primitive. Les teintes résultantes à deux 
des angles éloient noires, ce qu'il faut attribuer à la difé- 
rence de leurs actions, tandis que la teinte résultante aux deux 
autres angles éloit verte, ce qui est dû à la somme de leurs 
actions. J’obtins le même résultat lorsque je combinai avec le 
morceau ci-dessus la partie centrale d’un autre morceau cris- 
tallisé qui avoit la direction de ses franges inclinée de 45e à la 
surface plane de polarisation primitive. 

Lorsque l’axe du morceau de sulfate de chaux fut tourné autourde 
99°, ou lorsque la teinte bleue fut enlevée des franges latérales d’un. 
morceau de verre cristallisé, ayant la direction de ses franges in- 
clinée de 45° à la surface plane de polarisation primitive, un. 
effet opposé fut produit ; c’est-à-dire que la teinte résultante des 
deux premières portions étoit noire et celle des deux autres verte. 

Dans deux morceaux cristallisés d’une forme carrée, qui pré- 
sentoient les rangées latérales et terminales, mais non celles du 
centre, les quatre portions ci-dessus avoient la structure décrite 
dans la Proposition. 

Lorsqu'un morceau de verre cristallisé est taillé à travers le 
centre, soit avec un diamant, soit avec une meule de lapidaire, 
de nouvelles franges s'élèvent aux nouvelles extrémités du 
morceau. Le 

Les franges décrites dans cette Proposition peuvent s'appeler 
franges diagonales. 


Proposition trentième. 


« Dans tous les phénomènes qui ont été décrits jusqu'ici, les 
» résultats sont précisément les mêmes, soit que l’on expose au 
»-rayon polarisé la face antérieure ou postérieure du morceau 
»v de verre; mais dans les quatre portions précitées, les teintes 


La 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. ° 399 


» changent de caractères selon que l’une ou l'autre recoit la pre- 
» mière la lumière polarisée. » 

Si le morceau a sa surface inférieure exposée à la lumière 
polarisée, les deux premières portions, combinées avec le sulfate 
de chaux, donnent une teinte due à la différence de leur action, 
el les deux dernières une teinte due à la somme de leur action. 
Mais lorsque la surface supérieure est exposée, les deux dernières 
portions en combinaison avec le sulfate de chaux, donnent 
une teinte due à la différence de leur action, et les deux 
premières une teinte due à la différence de leur somme. 
Cet intéressant phénomène provient des axes de cristaux élé- 
mentaires qui subissent un changement angulaire de position 
montant à 90°, en tournant l’autre côté du morceau au rayon 
polarisé, comme nous l’expliqueront plus particulièrement dans 
la Proposition subséquente. 


Proposition trente-unième. 


« Si un verre cristallisé est placé avec symétrie au-dessus des 
» points du milieu, soit avec les deux faces antérieures, soit 
» avec les deux faces postérieures coïncidentes, ou avec une 
» des faces antérieures coïncidente avec une des faces posté- 
» rieures, etc.; dans toutes ces positions les quatre portions pré- 
» citées monteront dans l'échelle de couleurs, ce qui est l’effet 
» de la somme de l'épaisseur des morceaux de verre. » 

La vérité contenue dans cette Proposition a été établie par 
une expérience directe, quoique pouvant être déduite des Pro- 
positions précédentes. 


Proposition trente-deuxième. 


« Lorsque les axes neutres d’un verre cristallisé sont paral- 
» lèles ou perpendiculaires à la surface plane de polarisation 
» primitive, les rangées extérieures et intérieures des franges 
» disparoissent , si le rayon polarisé est perpendiculairement 1n- 
» cident sur le verre; mais si le verre est incliné vers le rayon 
» incident, quatre rangées de franges se développent. Elles sont 
» séparées les unes des autres par trois espaces noirs, et les 
» franges de chaque côté de la Fee centrale ont le même ca- 
» ractère. » k 

Lorsque les franges latérales et centrales eurent disparu, les 
quatre franges verticales parurent seules à une incidence verti« 


Eee 2 


400 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


cale; mais en inclinant le verre vers le rayon incident dans la 
direction de sa longueur, trois espaces noirs se développèrent 
graduellement. L’un d’eux passe à travers le centre du verre, 
et entre les espaces noirs sont quatre rangées de franges. En 
examinant ces franges avec un morceau de sulfate de chaux, 
et avec des verres cristallisés, je trouvai que les deux premières 
rangées de franges avoient le même caractère que les deux pre- 
mières franges diagonales, tandis que les deux dernières rangées 
avoient le même carartère que les deux dernières franges dia- 
gouales. Dans un verre où la teinte au z7aximum de la frange 
intérieure étoit un jaune foible du premier ordre, les deux pre- 
mières rangées de franges consistoient en un bleu du premier 
ordre; et dans un'autre verre, où Ja teinte au z2aximum de la 
frange étoit un jaune foible du second ordre, les franges du 
milieu étoient d’un vert du second ordre. 


Proposition trente-troisième. 


« Lorsqu'un verre cristallisé est placé sur un fer rouge, le 
» nombre de ses franges augmente. Ces franges additionnelles 
» sont les mêmes que celles qui auroient été produites par la 
». combinaison d’un verre cristallisé avec un verre non cristallisé 
» de la même forme et de la même épaisseur, et soumis à la 
» même température que le verre cristallisé. Elles disparaissent 
» lorsque le verre refroidit; mais les franges permanentes ne 
» sont point altérées, à moins que la chaleur n’ait une forte 
»_ intensité, auquel cas elles éprouvent une petite diminution. » 

Les résultats décrits dans la Proposition furent obtenus en 
placant des verres cristallisés sur des barres de fer de différentes 
températures. Le verre fut tenu éloigné de la chaleur du fer 
rouge, lorsque son effet étoit combiné avec celui d’un verre non 
cristallisé. L'état du verre cristallisé a beaucoup d’analogie avec 
celui d’une barre d’acier non saturée de magnétisme, Il est sus- 
ceptible de recevoir, par la chaleur, un degré de cristallisation 
plus élevé. 

Proposition trente-quatrième. 

« Lorsqu'un verre cristallisé d’une manière permanente est 
» amené à une température uniforme dans l'eau bouillante ou 
» l'huile bouillante, et qu’ensuite on le laisse refroidir à l'air, 
» les teintes descendent dans l'échelle dans la proportion où la 
» température est employée ; mais elles reprennent leur première 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 407 
». intensité lorsque le verre acquiert la température de l'air en- 
» vironnant. » 

Cette diminution des teintes provient de la production de la 
série passagère et zzusitée de franges décrite dans la Proposition 
quatorzième , laquelle étant d’un caractère opposé aux franges 
permanentes, les oblige nécessairement à descendre dans l’é- 
chelle, Cet effet est précisément le même que si le verre cris- 
tallisé d’une manière permanente, refroidi, eût été combiné avec 
un verre chaud de la même épaisseur, cristallisé par le refroi- 
dissement d’une manière opposée et passagère. 


Proposition 1rente-cinquième. 


« Lorsque le centre d’un verre amené à une chaleur rouge 
» est mis sur le haut d’un petit cylindre de fer placé vertica- 
» lement, il acquiert en se refroidissant une structure qui donne 
» des espaces noirs et des franges d’une forme circulaire avec 
> une croix noire, » 

Dans un échantillon de verre cristallisé de cette manière, les 
espaces noirs et la croix noire furent très-distinctement déve- 
loppés; une teinte jaune du premier ordre parut entre les espaces 
noirs. Lorsque la lumière polarisée est réfléchie de ce verre à 
l'angle polarisant, les phénomènes précédens se développent avec 
la plus grande beauté. Les petites franges mentionnées dans la 
Proposition vingt-sixième se voient aussi en regardant à travers 
les bords du verre, et ne sont point affectées par la cristallisa- 
tion circulaire. 

Proposition trente-sixième. 


-« Lorsqu'un cylindre de verre est amené à une chaleur rouge 
» et refroidi à l'air, il acquiert une cristallisation permanente 
» dans laquelle les principales sections de tous les cristaux élé- 
» mentaires sont dirigées vers l’axe du cylindre. » 

Dans cette expérience, où les phénomènes se développent en 
transmettant la lumière polarisée le long d’un cylindre de cette 
espèce, d'environ 2 pouces + de long sur # de pouce de diamètre, 
où distingue l’image principale et celle complémentaire. La croix 
noire au lieu d’avoir ses bras inclinés dé 450 à l’horizon, les 
a: parallèles et perpendiculaires à lhorizon , attendu que la 
Jumière transmise à travers le cylindre a été polarisée dans 
la surface plane de l'horizon. Les espaces lumineux entre les 


bras de Ja croix contiennent environ dix magniques anneaux 


402 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de lumière coloriée. L'image complémentaire est marquée 
par quatre taches noires correspondantes aux quatre portions 
lumineuses autour de la partie centrale de la croix, et la partie 
extérieure a quatre secteurs noirs correspondans avec ceux de 
l'autre image. Elle est formée de petites arches concentriques 
d’une couleur sombre, avec des franges de teintes de diflérentes 
couleurs. Pour voir ce phénomène dans toute sa beauté, il est 
nécessaire que le rayon polarisé soit exactement parallèle à l’axe 
du cylindre, car la plus légère déviation détruit complètement 
la régularité de la figure. 

La structure cristalline qui donne la croix rectangulaire noire, 
peut être imitée en formant un cercle avec diflérens secteurs 
de spar calcaire, dont les sections principales sont dirigées vers 
un axe commun. 

Ayant eu occasion de donner à un tube de verre une certaine 
forme, je fus surpris d’observer qu’en transmettant la lumière 
polarisée le long de son axe, et en lanalÿysant avec le spar 
calcaire, il se dépolarisoit en huit endroits. Lorsque les lignes 
des deux extrémités étoient parallèles ou perpendiculaires à la 
surface plane de la polarisation primitive, les teintes éloient 
du premier ordre de l'échelle de Newton. L'autre image formée 
par le spar calcaire offroit des taches noires correspondantes 
aux taches blanches de la première. 


Pour découvrir l’origine de ces ouvertures dépolarisantes , 
j'enlevai un autre morceau du même tube, et je polis les ex- 
trémités du petit cylindre sans rien lui ôter de la circonférence 
cylindrique. Exposé à la lumière polarisée, il offrit une croix 
noire qui séparoit quatre secteurs lumineux, et un espace noir 
circulaire d’un noir plus foncé vers quatre points. Si nous sup- 
posons maintenant six portions enlevées , il restera quelque chose 
de semblable à huit ouvertures lumineuses. Cependant ce n’est 
pas là la cause de ce phénomène. Les quatre ouvertures de 
chaque côté du centre sont les quatre franges diagonales qui 
agissent comme si elles étoient séparées au centre, la commu- 
mication étant à peu près coupée. Dans ce cas, la cristallisation 
cylindrique fut changée en cristallisation rectangulaire, en chan- 

eant la forme du verre, 

Lorsque la lumière polarisée fut transmise à travers les côtés 
plats du verre, quatre taches blanches furent dépolarisées; toutes 
ces taches ont la même teinte d’un blanc bleuâtre, mais deux 
ont leurs axes à angles droits aux deux autres. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 403 


Les phénomènes précédens, qui se trouvent expliqués dans la 
Proposition dix-neuvième, nous donnent une explication com- 
plète de ceux produits par l'huile de maïs, dont nous avons 
présenté la description dans un précédent Mémoire. Les sec- 
teurs obscurs et lumineux sont d'ordinaire produits par les groupes 
circulaires de cristaux qui ont leurs axes dirigés vers le même * 
centre, et l’image pa doit être occasionnée par les cris- 
taux dont la forme approche de celle d’une sphère. Cette es- 
pèce de groupe circulaire se voit actuellement dans uneespèce 
particulière d’adipocire, dont J'ai parlé dans le Mémoire précité. 
Les axes des cristaux d’adipocire ne sont pas dirigés vers le 
même centre, c’est pourquoi ils ne donnent pas les mêmes phé- 
nomènes que l'huile de maïs. 


Scholie. 


Les résultats contenus dans la Proposilion donnent l'explica- 
tion Ja plus satisfaisante des propriétés optiques des gouttes du 
prince Ruppert, décrites dans un premier Mémoire. Les fentes 
qu'elles présentent en lignes convergentes à l’axe de la goutte, 
et en lignes concentriques avec la surface extérieure, sont des 
conséquences nécessaires de la cristallisation radieuse expliquée 
dans la Proposition, et peuvent être regardées comme une dé- 
monstration oculaire de sa vérité. 


Proposition trente-septième. 


« Lorsqu'un verre est régulièrement cristallisé, chaque rangée 
» de franges latérales qu’il présente est accompagnée d’une autre 
» rangée d’une espèce opposée, et les forces qui produisent ces 
» franges ne sont point en équilibre, à moins que deux rangées 
» de franges d’un caractère ne soient opposées aux deux rangées 
» de franges du caractère opposé. » 


La vérité de cette Proposition est démontrée par toutes les 
expériences précédentes. Nous établirons quelques exceptions dans 
la Scholie. 


Scholie: 


Le résultat annoncé dans la Proposition nous conduit natu- 
rellement à faire voir l’analogie frappante qui existe entre les 
phénomènes du verre cristallisé et ceux du magnétisme. Pour 
éviter des expressions amphibologiques, je considérerai la partie 


404 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


du verre qui polarise la teinte la plus élevée dans une rangée 
de franges, comme un pôle nord, et la partie qui poôlarise la 
teinte la plus élevée dans la rangée opposée, comme un pôle sud. 


1. Lorsque la chaleur est propagée le long d’un morceau de 
verre, ou lorsque le verre est cristallisé d’une manière perma- 
nente par le refroidissement, et qu’il donne des franges, ses pôles 
seront disposés de manière à présenter une section de verre à 
travers les franges. Les pôles nord sont placés aux deux ex- 
trémités, et le pôle sud au milieu. Dans le même verre existent 
encore deux points neutres correspondans aux espaces nos, 
où une espèce de polarité passe dans l'autre. Get arrangement 
des pôles est précisément le même que celui de l'aiguille aimantée 
qui a recu sa polarité en plaçant le pôle nord d’un aimant sur 
son centre, et en l’attirant plusieurs fois vers une extrémité sans 
retourner en arrière, et ensuite autant de fois vers l’autre ex- 
trémité. La nature indéfinie des pôles et des franges, lorsque 
le verre est élevé, ainsi que nous l'avons décrit dans les Propo- 
sitions seizième et dix-septième, et lorsque la chaleur avance d’un 
bord du verre, est parfaitement analogue à la polarité indéfinie 
communiquée à une barre d'acier, en appliquant le pôle d’un 
aimant à l’une de ses extrémités. La même polarité répandue 
est acquise par le verre échauflé, lorsqu'un de ses bords se re. 
froidit beaucoup plus vite que l’autre. De même donc qu'on 
ne peut pas donner à l'acier deux pôles distincts en appliquant 
l'aimant à l’une de ses extrémités, de même aussi une polarité 
distincte ne peut pas être communiquée au verre, soit en le 
chauffant, soit en le refroidissant seul à un de ses bords, si 
ce n'est lorsque l'élévation du verre se trouve extrèmement 
petite. 


2. Lorsqu'un verre échauflé est refroidi à l'acier, et qu’il pro- 
duit les franges passagères décrites dans la Proposition quator- 
zième, les pôles sont arrangés de manière que les deux extré- 
mités sont les pôles sud, et que le pôle nord se trouve au milieu; 
les points neutres sont à une égale distance des deux extrémités. 
Cet arrangement des pôles est exactement l'inverse du précédent, 
et le même que celui qui a Lieu dans l'aiguille aimantée de Îa 
manière ci-dessus décrite, mais avec le pôle nord au lieu du 
pôle sud. 

3. Dans un verre où les structures précédentes sont combinées, 
on apercoit trois espaces noirs dont deux ont la même structure 
que celle qui produit la rangée intérieure dans des morceaux 


de 


pie 2 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 405 


de verre cristallisé. Les pôles sont conséquemment arrangés de 
la même manière que l’aimant avec les pôles consécutifs. 


4. Sur environ cent morceaux de verre cristallisé, je n’en ai 
trouvé qu’un qui donna seulement deux rangées de franges. Un 
morceau , en se refroidissant , fut intersecté par une fente qui 
occupoit toute sa longueur. Les parties en restoient si fortement 
adhérentes, qu’elles ne se séparèrent pas lorsque je les pris dans 
la main. En l’exposant à un rayon polarisé, il donna deux franges 
blanches séparées par un espace noir. Les deux franges avoient 
des caractères opposés, en sorte que les pôles se trouvèrent ar- 
rangés comme dans un aimant parfait. Cet état des pôles cepen- 
dant, n’a lieu que dans le cas où le verre est dans une situation 
violente; car lorsque le verre se brise en deux morceaux à 
l'endroit de la fente, les franges disparoissent, et le verre ne 
conserve plus rien de son premier état de cristallisation. L'autre 
portion n’agit pas sur la lumière polarisée, soit avant, soit après 
la séparation. La pression de cette portion n’a donc pas donné 
à l’autre morceau de verre la faculté de sortir de l’état de 
contrainte auquel il étoit assujéti. 


Proposition trente-huitième. 


« Explication de l’origine et de la forme des différentes rangées 
» de franges décrites dans la Proposition précédente. » 

« 1. Sur les franges produites par des morceaux rectan- 
» gulaires. » 

Il n’est pas facile de préciser de quelle manière les différentes 
rangées de franges opposées sont produites pendant la chaleur 
et le refroidissement du verre; mais il est clair, d’après les 
expériences précédentes, que lorsquun morceau de verre est 
cristallisé d’une manière passagère ou permanente , tous les cris- 
taux élémentaires dont il est composé tournent un de leurs axes 
neutres dans Ja direction du courant de la chaleur. Les axes 
principaux des cristaux qui forment les franges extérieures sont 
parallèles à deux des angles et perpendiculaires aux deux autres. : 

« 2, Sur les franges produites par des morceaux de verre 
D» Calrres, » 

Si la largeur d’un morceau de verre est égale à sa longueur, 
les quatre portions diagonales se rapprochent, et c’est pour cela 
que lorsque les franges latérales et terminales sont développées, 


Tome LXXXIII, DÉCEMBRE an 1816. Fff 


406 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


la partie centrale devient noire à mesure que les franges. cen- 
trales disparoissent. Lorsque la ligne du milieu est parallèle ou 
perpendiculaire à la surface plane de la polarisation primitive, 
les franges diagonales se montrent étant toujours séparées les 
unes des autres par un espace noir qui forme la croix. Cette 
croix noire est un accompagnement nécessaire des franges dia- 
gonales; car il suit du raisonnement établi dans la Section pre- 
mière de celte Proposition, que tous les cristaux situés dans les 
lignes centrales ont leurs axes nentres dans les directions des 
quatre angles; aussi cessentils de dépolariser la lumière inci- 
dente lorsque les franges diagonales ont atteint leur dernier degré 
de perfection. 

« 3. Sur les franges produites par des morceaux de verre cy- 
» Jindriqües. » e 


Comme la chaleur dans un cylindre échauflé est très-abon- 
damment radiante en lignes perpendiculaires à sa surface, c’est- 
à-dire en lignes dirigées vers son axe, il en résulte que l’axe de 
tous les cristaux. élémentaires sera dirigé vers l’axe du cylindre. 
L’uniformité et la radiation dans toutes les parties du cylindre, 
produiront une uniformité de structure qui développera des teintes. 
semblables à des distances semblables de l'axe, et elle donnera 
ainsi des franges concentriques avec la circonférence cylindrique. 

Lorsque la section du verre est un polygone à plusieurs côtés, 
la forme de ses franges peut aisément être déduite des prin- 
cipes qui ont déjà été établis. Lorsque la section est un triangle, 
on n’aperçoit aucune figure régulière. Si le triangle est équila- 
téral, les lignes qui coupent l'angle en deux, ainsi que celles 
perpendiculaires aux côtés, sont inclinées les unes vers lesautres 
de 120°; en sorte que les axes des cristaux ne sont pas symé- 
triquement rapportés aux axes rectangulaires des. parcelles de 
lumière. Lorsque le verre ést une sphère, les axes sont tous 
dirigés vers son centre. 


Proposition trente-neuvième. 


« Pour constater la condition probablement mécanique des 
» parties du verre qui produisent les différentes rangées de 
» franges, » 

Je ne me suis pas cruautorisé à déduire, des résultats pré- 
cédens, la condition mécanique des parties du verre qui pro- 
duisent les différentes rangées de: couleurs. Il est évident que 


ET D'HISTOIRE NAPURBLLE, 407 
dans le cas d’un morceau de verre rouge de chaleur, refroidi à 
l'air, il y a une densité variable qui diminue de tous les bords 
en dedans; mais dans la propagation de la chaleur le long d’un 
morceau de verre froid, il ny a pas d’argument qui prouve di- 
rectement qu'une semblable augmentation de densité existe vers 
quelques-uns des bords, excepté vers celui adjacent à la source 
de la chaleur. Cependant une ressemblance dans les conditions 
mécaniques de deux morceaux peut étre sûrement déduite de 
la ressemblance parfaite de leurs propriétés optiques. La partie 
centrale des morceaux cristallisés qui produit des franges d’un 
caractère opposé, est dans un état de dilatation décroissante de 
la ligne centrale à chacune des franges noires (1). Cette induc- 
tion west point fondée sur une expérience directe quelconque; 
mais elle est appuyée sur une suite d'expériences nouvelles, que 
J'aurai bientôt l'honneur de soumettre à la Société Royale; ex- 
périences qu’on peut regarder presque comme une démonstra- 
tion. Ces expériences furent faites en changeant l’état mécanique 
des parallélipipèdes de gelées animales, et par l’endurcissement 
graduel, et par l’application de pressions variables; et j'ai, de 
cette manière, obtenu des résultats analogues à ceux décrits dans 
le Mémoire précédent. Dans tous ces cas, la compression de 
gelée produisit une rangée de franges d’une structure opposée 
à celles occasionnées par l'expansion, et chaque compression fut 
accompagnée d’une dilatation correspondante. On trouvera, de 
la même manière, qu'il existe dans tous les corps cristallisés une 
variation de densité relative à leurs axes, et annexée à leur pola- 
rité, qui explique aisément les franges de formes différentes dé- 
veloppées par les différens cristaux du règne minéral (2). 


(1) L’apparence de la fracture du verre à travers les franges, soit qu’il 
soit transitoirement cristallisé ou d’une maniere permanente, est vraiment 
instructive. Elle a toujours le même aspect, et indique pleinement les dif 
férens états mécaniques des différentes parties du verre. C’est pour cette 
raison qu’il n’est pas possible de couper le verre cristallisé avec un fer chaud, 
comme le verre d’une densité uniforme , et c’est dans célte circonstance qu’on 
peut diviser le verre. 

(2) Depuis que j'ai écrit ce Mémoire, j'ai découvert que le verre, ainsi 
ge toutes les autres substances qui n’ont pas la propriété d’une double ré- 
raction , est susceptible de la recevoir par une pression mécanique; et qu'une 
force comprimante produit toujours la structure qui donne les franges exté— 
rieures dans le verre cristallisé, tandis qu’une force dilatante produit la struc= 
ture qui développe les franges intérieures. Nous sommes donc fondés à 
conclure que les parties du milieu sont dans un état de dilatation, et les 


FFF 2 


408 JOURNAL DEV PHYSIQUE, DE CHIMIE 


. Proposition quarantième. 


« La chaleur rayonnante n’est point susceptible de réfraction ; 
» elle est également incapable de pénétrer le verre comme les 
» rayons de lumière. » 

La propagation de la chaleur rayonnante le long du verre 
peut être rendue sensible à l'œil par les méthodes décrites dans 
la première Section de ce Mémoire. Elle savante du bord 
échauflé du morceau de verre, en le cristallisant durant son pas- 
sage, et en produisant des changemens dans les parties du mor- 
ceau de verre où elle n’existe pas dans un état sensible. 


Si la chaleur rayonnante est recue sur une lentille convexe, le 
même effet est produit. Au lieu d’être tendue comme la lumière 
vers les surfaces convexes, elle s’ayvance , quel que soit l'angle 
d'incidence, en lignes perpendiculaires à la surface, en cris- 
tallisant le verre dans ses progrès; et aussitôt qu’elle a atteint 
la seconde surface, elle se décharge de nouvaau, comme si elle 
provenoit d’une nouvelle source de chaleur. Cette expérience, 
selon moi, est une démonstration oculaire de la première partie 
de la Proposition. 


Le docteur Herschel, dans ses célèbres recherches sur les pro- 
priétés de la chaleur invisible, a déduit le résultat absolument 
opposé de plusieurs expériences; mais indépendamment de l’exi- 
guité des effets qu’il a observés, il est évident que le thermo- 
mètre placé dans le foyer de sa lentille recevoit sa chaleur par 
la radiation de la lentille elle-même. On peut également dé- 
montrer qu'une lentille convexe qui radie la chaleur à une tem- 
pérature uniforme, produira un plus grand effet sur un thermo- 
mètre placé dans son axe, que sur un autre dont la position est 
diflérente. D’après la forme de la lentille, les bords sont tou- 
jours les parties les plus froides, attendu qu'ils poussent leur 
chaleur vers l'anneau de métal dans lequel ils sont placés; et 
c’est pour cette raison que la décharge de la chaleur doit être 
très-abondante dans la direction de l'axe (1). 


P. 
a ———————————— — ————— ”—————————————————— 


parties extérieures dans un état de compression. Par une application parti 
culière des forces comprimantes, je suis même parvenu à obtenir des teintes 
üniformes , comme celles produites par des morceaux de sulfate de chaux 
d’une épaisseur égale. 

() La circonstance du verre se refroidissant très-promptement vers ses bords 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 409 


L'impuissance dans laquelle se trouve la chaleur de passer 
à travers du verre, peut êlre considérée comme une suite de 
son refus de céder à la force réfractive; car il n’est guère pos- 
sible de concevoir une parcelle de matière rayonnante qui pénètre 
librement un corps solide sans éprouver quelque changement dans 
sa vélocité et dans sa direction. Les ingénieuses expériences de 
M. Prevost de Genève, et celles plus récentes de M. Delaroche, 
ont été regardées comme établissant la perméabilité du verre 
à la chaleur rayonnante. M. Prevost employoit des écrans mobiles 
de verre, qu'il renouveloit continuellement , pour que le résultat 
qu'il obtenoit ne püût pas être attribué à la chaleur de l'écran; 
mais telle est la rapidité avec laquelle la chaleur se propage 
à travers un mince morceau de verre, qu'il est extrêmement 
difficile, pour ne pas dire impossible, d'observer l’état du ther- 
momèêtre avant qu'il ait été affecté par la radiation secondaire 
de l'écran. La méthode employée par M. Delaroche, d'observer 
la différence de leflet, lorsqu'un écran de verre noirci et un 
autre transparent se succèdent à l'effet d'intercepter la chaleur 
radiante, est sujette à erreur. 

La chaleur rayonnante trouva bien plutôt un passage à travers 
l'écran transparent; conséquemment la diflérence de l’eflet étoit 
due nou à la chaleur transmise, mais à la chaleur radiante de 
la surface antérieure. La vérité contenue dans la cinquième Pro- 
position de M. Delaroche, est presque une démonstration de la 
fausseté de toutes celles qui la précèdent. Il trouve qu’un mor- 
ceau de verre épais, quoique autant ou plus perméable à la 
lumière qu'un verre mince de mauvaise qualité, laissoit passer 
une beaucoup plus petite quantité de chaleur radiante, S'il eût 
employé des morceaux très-épais du flint glass le plus pur, ou 


circonstance qui peut être prouvée en l’exposant à un rayon polarisé, nous 
pernmiet de rendre raison d’un faitanomal qu’on n’avoit pas pu expliquer jusqu'ici, 
et qui a été observé par Euler le jeune, c’est que la longueur du foyer 
d’une lentille se raccourcit lorsque la température augmente. Cette observation 
ayant toujours été faite lorsque la lentille étoit froide , la densité, et par con- 
séquent la puissance réfractive, a augmenté vers la circonférence de la len= 
üille; donc la longueur de son foyer a diminué. 

L’aberration sphérique des lentilles ne peut-elle pas être diminuée et même 
corrigée, en leur donnant une densité différente de celle de leur centre ? J’ai 
trois morceaux de verre de cette espece , dont deux cristallisés et un non 
cristallisé, et tous trois exactement taillés sûr le: même moule; mais je n'ai 
pas encore pu examiner leurs propriétés optiques. 


419 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


des masses épaisses de fluide doué du pouvoir de transmettre 
la lumière en abondance, il auroit trouvé qu'une seule parcelle 


de chaleur wétoit pas capable de passer directement à travers 
des m1edig transparens. 


Proposition quarante-urièrne. 


« Pour construire un thermomètre chromatique pour me- 
» surer les différences de température au-dessous de celle du 
» verre fluide, par les effets optiques qu’elles produisent. » 


Les différences de température ont déjà été mesurées par les 
expansions et les contractions qu’elles produisent dans les corps 
solides, fluides ou gazeux; et tous les divers instrumens thermo- 
métriques qui ont été construits, ne différent les uns des autres 
que dans la méthode par laquelle les effets mécaniques sont 
rendus visibles. Les expériences renfermées dans la première 
Section de ce Mémoire nous offrent un principe absolument 
neuf pour la construction d’un thermomètre. Nous y avons vu 
que les teintes polarisées par un morceau de verre augmentent 
avec la température qui les produit; et c’est pour cette raison 
qu'on se sert de ces teintes comme d’une mesure de tempéra- 
ture , après s’être assuré qu’elles correspondent à plusieurs points 
dans l'échelle thermométrique. 

J’ai construit un instrument de cette espèce, dont voici la 
description. Une série de 20 morceaux de verre de 3,2 pouces 
de long sur 1,2 pouce de large, et qui réunis donnent 5,4 
pouces d’épaisseur. Un vase de métal dont le fond est formé 
d’une mince lame d’étain ou de plomb, ou de tout autre métal 
susceptible d’être versé en fusion sur les bords supérieurs des 
morceaux de verre, de manière à les toucher de toutes parts. 
On peut obtenir ce contact parfait pour les températures plus 
élevées, en pressant le fond du vase de métal jusqu’à ce qu’il 
touche les bords du verre dans tous les points. 


Lorsqu'on verse un fluide chaud dans un vase, sa chaleur 
se communique à l'instant aux bords des morceaux de verre, 
et lorsqu'on les expose à un rayon polarisé, subséquemment 
analysé par la réflexion d’un corps transparent, ils donnent 
des franges colorées. Maintenant chaque teinte, dans l’échelle 
des couleurs, a une valeur numérique correspondante, qui devient 
uue mesure exacte de la fémpérature du fluide. 

Au lieu de verser le fluide dans le vase, nous pouvons enlever 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 411 


celui-ci et plonger les morceaux de verre dans le fluide. Il faut 
ensuite les en retirer promptement et les suspendre dans une 
position où ils soient convenablement exposés à la lumière po- 
larisée. La teinte au z1aximum qu'ils développent vers le centre 
en se refroidissant, est une mesure de température qu’ils ont 
acquise dans le fluide. 

Pour avoir quelqu'idée de la nature de l'échelle, j'ai fait les 
expériences suivantes : la chaleur de ma main appliquée aux 
bords de 20 morceaux de verre, produisit aussitôt les franges 
avec les espaces noirs. Avec 12 morceaux j'ai produit le jaune 
du premier ordre, et lorsque je n’employai qu’un seul morceau, 
on distinguoit très-bien les espaces noirs et les franges d’un blanc 
bleuâtre, Une température d’environ 80°, celle du verre étant 
de 60°, appliquée à 20 morceaux, polarisa dans la frange du 
centre un Jaune du premier ordre , qui correspond à une feinte 
dont la valeur est 4 dans l’échelle des couleurs. De là un mor- 
ceau qui auroit produit une teinte correspondante à #— 0,20 
de Péchelle. 9 : 

Lorsqu'un des morceaux fut placé sur une barre de fer rouge 
visible au, jour, il polarisa dans la frange centrale le-ccommen: 
cs du vert du second ordre, qui correspond à 9,835 dans 

échelle. 


Maintenant la différence de température répondant à 0,20, 
étoit 800 — 60° — 200. De là nous avons 


1 0,200 : 9,35 — 209 : go90°, 


la différence de la température du fer et du verre. La tempé- 
rature du fer est: donc 935°+4- 60° — g95e, 


Si nous supposons les teintes marquées d’une manière si in- - 
définie que l'œil ne puisse observer que les unités de l'échelle 
des couleurs, dans ce cas même nous aurons une échelle de 187 
pour mesurer la température de 935° — 20° — 915°; échelle 
dont chacune des divisions est à peu près égale à 4°,9. Cependant 
les teintes sont beaucoup plus définies que nous ne l'avons 
supposé; car dans le second ordre de couleurs, dans jequel 
on peut toujours faire les observations , les huit différentes teintes 
ont les mesures suivantes : 


Teintes. Valeurs. 


Mioletsy SSH Sc QUES AIM 20 
Ladigosns SAME MENU LUN 26,6 


412 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
Teintes. Valeurs. 


BEA LRO TE PES T0 Co 
Vértses, MP PORTE LT MMIC ro 
Jaune MEN EN PEN NE RME io 
Oratipes pe 20 rep et QTe NERO 
Rouge brillant: 7.000 TIRE 
Écanlate. bebe) dd are 11267 


Maintenant la diflérence des valeurs pour le violet et l’écar- 
late est 5,47, correspondant à sept couleurs différentes. De là, 
dans la supposition que l’œil puisse distinguer parfaitement 
ces couleurs séparées, l'exactitude de l’échelle est augmentée 
en raison de 5,47 à 7, c’est-à-dire de 187 à 239, ce qui donne 
30,83 pour la valeur de chaque unité. 

Néanmoins, il est tout-à-fait évident que nous pouvons dis- 
tinguer au moins trois points dans le développement de chaque 
couleur ; et même si l’œil sans aucun secours ne pouvoit pas parve- 
nir à faire cette distinction , il peut la faire à une bien plus grande 
étendue, en croisant la frange avec un morceau cristallisé qui 
servira de modèle, et en observant le degré de courbure pro- 
duit dans les franges. Ce modèle peut être taillé en forme de 
coin, de manière à présenter la variation de ses teintes dans 
le plus petit degré. Dans un coin de cette espèce, de deux pouces 
de long et taillé dans un parallélipipède cristallisé, de maniere 
à avoir un angle de 8°, la teinte la plus élevée est entre le 2/euw 
et le blanc de premier ordre correspondant à environ 2,20, et 
la teinte la plus basse est entre le noir et le bleu correspondant 
à peu près à 8°. Nous avons donc une échelle d'à peu près deux 


A 


pouces pour mesurer une variation dans la teinte montant à 
2,20 — 0,80 — 1,40. 

En formant des coins de verre cristallisé de cette maniere, 
nous sommes à même d'observer les gradations par lesquelles 
les teintes passent l’une dans l’autre, et de faire plusieurs expé- 
riences: sur les ordres de couleurs, ce qui autrement eût été 
impraticable. 

La sensibilité de l'instrument dont nous parlons dépend de 
plusieurs autres causes : 1°. de l’intensité du pinceau polarisé ; 
20. de la transparence du verre; 3°. enfin de l'éloignement de 
toutes réflexions internes à la jonction des morceaux. Dans 
l'instrument, avec les 20 morceaux précités, le verre a une tein- 
ture verte, et la lumière polarisée ne souffre pas moins de 40 

réflexions 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 413 
réflexions avant d'arriver à l’œil. Pour éloigner ces inconvéniens, 
la lumière doit être polarisée par la réflexion de plusieurs mor- 
ceaux de verre les plus minces et les moins colorés qu’on peut 
se procurer; en sorte que chaque morceau puisse polariser et 
réfléchir la lumière transmise à travers le morceau immédiate - 
ment au-dessus. J’ai obtenu, de cette manière, une lumière aussi 
brillante que celle que l’argent réfléchit. Les réflexions internes 
peuvent être écartées en interposant un filet d’huile entre chaque 


morceau, de manière à soulever la partie du morceau où l'on 
doit examiner la teinte. 


Si l’instrument est bien construit, et en prenant toutes ces 
précautions, je ne crains pas de dire qu’il marquera distincte- 
ment une différence de température égale à r° du thermomètre 
de Fahrenheit (r). 


Je ne puis terminer ce Mémoire sans témoigner ma recon- 
noissance au R. docteur Milner de Cambridge, qui m'a fait 
passer, de la manière la plus obligeante, une grande quantité de 
morceaux de verre épais qu’il m'auroit été impossible de me 
procurer ailleurs. J’ai pu obtenir par ce moyen plusieurs nou- 
veaux résultats, et perfectionner beaucoup d'expériences qui 
étoient restées imparfaites (2). 


J’ai l’honneur d’être, etc. 


Davin BREVWSTER. 


(:) Ce thermomètre a des avantages qui lui sont propres. En effet, il nous 
met à même de mesurer l’intensité de la chaleur produite par le frottement 
de l’une des deux substances quelconques. Lorsque le verre est une de ces 
substances , la manière de se servir de cet instrument est toute simple. Lors- 
qu’on emploie l’autre substance , il faut la fixer, sans la cimenter, au bord 
inférieur d’un ou de plusieurs morceaux de verre, de maniere que sa surface 
frottante puisse être aussi pres qu’il est possible du bord du verre. 

(2) C’est là un résultat pratique des expériences précédentes qui mérite 
une notice particulière. Tous les objets de verre , tant ceux destinés à la science 
que ceux employés au service domestique , devroient être examinés avec soin 
par la lumière polarisante , avant de les acheter. Une irrégularité dans l’action 
de peindre en apprèt, ou bien quelques-unes de ces imperfections analogues 
à ce que les ouvriers appellent épingles dans les morceaux d’acier, seroient 
rendues visibles à l’œil par leur action sur la lumiere. Les endroits marques 
de ces imperfections sont ceux où le verre casse presque toujours lorsqu'il 
est inégalement échauffé , ou lorsqu'il reçoit le plus léger coup. Ce seroit aussi 
un avantage pour ceux qui taillent le verre , de pouvoir le soumettre à cet exa- 
men avant d’entreprendre de le frotter et de le polir. 


Tome LXXXIII. DÉCEMBRE an 1816. Ggg 


#14 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


… Nofa. Depuis que j'ai adressé ce Mémoire à sir Joseph Banks, 
J'ai appris que M, Seebeck a rendu compte, dans un Journal 
allemand du mois de décembre 1814, de quelques expériences 
semblables à celles renfermées dans la Section deuxième de ce 
Mémoire, Comme, autant que je puis le croire, il mexiste en 
Angleterre qu’un seul exemplaire de ce Journal, qui est entre 
les mains du docteur Thomson, il m'a été impossible de me le 
poser à l'effet de comparer les résultats de M. Seebeck avec 
es miens. Je sais cependant qu’il a découvert le fait, qu’un mor- 
ceau de verre rougi au feu acquiert souvent en se refroidissant 
la structure dépolarisante, et que les teintes dépendent de la 
mañière dont on refroidit le verre. Ce résultat, néanmoins , n’a 
aucune analogie avec les nouvelles propriétés de la chaleur ex- 
posées dans la première Section du Mémoire précédent, et n’an- 
ticipe pas sur le développement des phénomènes contenus dans 
la seconde. La découverte de la nouvelle propriété de la chaleur 
fut faite par moi au commencement de 1814, et j'en rendis: 
compte à la Société Royale le 19 mai 1814. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 415 


RECHERCHES 
SUR L'ACTION GALVANIQUE; 


Par J. P. DESSAIGNES. 


J’Ar fait voir, dans deux Mémoires imprimés dans les Cahiers 
d'octobre et décembre 1811 du Journal de Physique , que la 
pile de Volta perd sa vertu électrique lorsqu'elle est totalement 
plongée pendant quelque temps dans un milieu dont la température 
est à + 1000 cent., et qu'elle ne fonctionne pas tant qu’elle y 
reste; landis que son intensité devient quatre fois plus forte 
qu'elle n’est naturellement , lorsqu'on ne soumet à cette haute tem- 
pérature que la moitié de la pile, et qu’on laisse l’autre moitié 
à l’air libre. On obtient encore le premier résultat en la plon- 
geant entièrement dans un milieu refroidissant à — 160 cent., 
et le second en ne soumettant à ce degré de froid que la moitié 
de la pile. J’ai fait voir, de plus, que quand deux métaux ho- 
mogènes servant d’armature à une grenouille convenablement 
préparée , sont d’inégale température entre eux, leur contact est 
aussi puissant, pour exciterles contractions musculaires, que celui 
des métaux hétérogènes. Je vais faire connoître quelques nouveaux 
faits qui tendent à confirmer ces résultats, et à donner quel- 
ques vues sur la nature de l’action galvanique. 


Premier Fait. 


Faites chauffer de l’eau dans un vase de cuivre sur un fourneau : 
plongez-y un disque double, cuivre et zinc, muni de deux fils 
de fer, dont l’un communique au cuivre et l’autre au zinc, et 
que l’un et l’autre s'élèvent ensuite verticalement hors de l’eau 
à 20 millimètres au-dessus de sa surface. Une grenouille préparée, 
que vous tiendrez par les pieds, d’une main, tandis que de l’autre 
vous toucherez à un des fils de fer, éprouvera des contractions 
à chaque fois que vous ferez toucher ses nerfs au second fil 


Geg 2 


Le 


4:06 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


de fer; et à proportion que l’eau s’échauffera, elles seront même 
plus fortes et plus promptes; mais aussitôt que l'eau entrera en 
ébullition, vous les verrez s’afloiblir rapidement, et elles ces- 
seront entièrement d’avoir lieu, lorsque l'appareil aura acquis 
partout le degré de température de Feau bouillante. Si au lieu 
de toucher un des fils de fer avec un doigt, on prend alors 
une üge de métal, et que l'on touche avee celle-cr le: même 
fil dé fer, les contractions se manifestent de nouveau; mais 
on ne tarde pas à les faire disparoître en plongeant la tige dans 
Veau bouillante, jusqu’à ce qu’elle ait acquis ce degré de chaleur. 
Les contractions reparoissent dès l'instant même qu’on retire le 
vase du fourneau, ou seulement en laissant tomber le feu. 


Deuxième Fait. 


Remplissez une jatte de verre d’un mélange frigorifique com 
posé de neige et de sel : enfoncez-y deux cuillers, l’une d’ar- 
gent, l’autre de zinc, en contact entre elles par leur creux et 
séparées l’une de l’autre par leur manche, et ne laissez à dé- 
couvert que l'extrémité de ces manches. Les choses ainsi dis- 
posées, si vous touchez avec l’index d’une main le bout de la: 
cuiller d'argent, et que tenant de l’autre main par les pieds une 
grenouille fraîchement préparée, vous mettiez par intervalles les 
nerfs en contact avec la cuiller d’étain, vous obtiendrez d’abord 
de vives contractions : mais à mesure que le refroidissement 
fera des progrès, vous les verrez s’afloiblir de plus en plus, et 
bientôt après disparoître entièrement. On peut alors les faire repa- 
roître en chauflant un peu le bout de la cuiller d'argent à la 
flamme d’une chandelle ; mais elles disparoissent de nouveau 
lorsque la chaleur s’est dissipée, et il faut chaufler une seconde 
fois, si l’on veut les faire renaître. On ne réveille point le: 
pouvoir excilant en chauffant ainsi la cuiller d’étain. Il y a 
plus; lorsqu'on a chauflé l'argent et que les contractions ont 
reparu , il suffit de chauffer la cuiller d'étain immédiatement 
après pour les faire disparoître. 

Lorsque le pouvoir excitant des métaux est éteint par le froid ,. 
il persévère dans cet état tant que le refroidissement reste au 
même degré. Dans le cas contraire, il se ranime peu à peu, 
et la grenouille y éprouve des contractions de plus en plus fortes, 
à mesure que les cuillers se réchauffent. Pour réussir dans cette 
expérience, il faut que le nerf touche la cuiller échauffée, et les’ 
pieds celle qui ne l’est pas : on n'obtient rien dans la position inverse. 


MS NS ee en tendeur. lee CS SON 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 417 


Troisième Fait. 


19. Si l’on met une pièce d'argent sous tn disque de zinc, 
que l’on place sur le zinc les nerfs d’une grenouille préparée, 
tandis que ses pieds reposent sur une autre pièce d’argent, et 
que l’on établisse ensuite une communication entre l’armature 
‘des pieds et le zinc des nerfs, on n'aura, comme l’on sait, 
aucune contraction, parce que le zinc se trouvant placé entre 
argent et argent, est alors soumis à deux actions contraires et 
égales. Cependant on peut en obtenir avec cette même dispo- 
sition des métaux, en chauffant l'argent sur lequel repose le 
zinc, ou l'extrémité du fil d'argent qui touche süpérieurement 
au zinc. On peut encore en produire sans chauffer l'argent, 
en refroidissant la surface supérieure du zinc avec une goutte 
d’éther. 

Une inégalité de température entre les deux corps d’argent 
qui touchent le zinc, ou entre la surface supérieure du zinc et 
l'extrémité du fil qui la touche, suffit done pour rompre l’équi- 
libredes forces qui subsiste dans cette disposition des métaux. 

20, Personne n'ignore que l’on excite de fortes contractions 
dans les muscles d’unegrenouille préparée, dont les pieds plongent 
dans une tasse et les nerfs dans une seconde tasse, l’une et 
l'autre pleines d’eau, lorsqu'on touche l’eau des vases d’un côté 
avec Fextréinité d’un fil d'argent, de l’autre avec un disque de 
Zinc en contact avec l’autre extrémité du fil. Hé bien, si l’on 
chauffe le zinc jusqu'à un certain point et qu’on réitère les 
contacts, les contractions n’ont plus lieu , et elles ne reparoïssent 
que lorsque le zinc n’est plus chaud. J'ai remarqué qu’en le 
chauffant trop fort, il suscite des contractions aux premiers 
contacts; mais lorsqu'il ést moins chaud , il devient inexcitable, 
et il ne reprend son pouvoir que lorsqu'il est à peu près froid. 
Au lieu de chauffer le zinc, on produit le même effet en re- 
froidissant l’argent jusqu’à un certain point. 

On voit que l’on peut contre-balancer l’action impulsive de 
Fargent sur le zinc en donnant à celui-ci quelques degrés de 
température de plus, ou, ce qui revient au même, en baissant 
de quelques degrés celle de l'argent. 


Quatrième Fair. 


Les nerfs d’une grenouille étant sur du zinc et les pieds sur 
une cuiller d’argent, si l’on touche ces deux armatures avec 


418 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


un fil d'argent jusqu'à ce que l’animal fatigué ne donne plus 
de contractions au contact, on les suscite de nouveau en cho- 
quant le zinc avec le bout de l’arc conducteur. Quand le choc 
n’est plus eflicace, on les fait reparoître en grattant fortement 
le zinc avec le bout du fil. Quand cette action déchirante n’y 
fait plus rien, on en produit encore en chauffant le bout de 
l'arc conducteur qui touche au zinc. 


J’avois laissé toute une nuit sur ma table de dissection la 
tête et les viscères d’une grenouille tenant ensemble. Le lende- 
main je mets sur les viscères une cuiller d’argent et une tige 
de zinc à la moëlle allongée du cerveau, et j'établis ensuite 
une communication des deux armatures avec un fil d'argent : 
cette têle est restée immobile sous toute sorte de contacts. 
J’ai chauflé alors la cuiller; à l'instant même les contractions 
se sont manifestées, et elles ont cessé d'avoir lieu lorsque la 
cuiller a été froide. 


L'opposition des températures de deux métaux hétérogènes 
produit donc sur les organes musculaires une action plus puis- 
sante que celle de leur hétérogénéité. 


Cinquième Fait. 


Au lieu de mettre les nerfs d’une grenouille sur le zinc et 
les pieds sur l'argent, comme on le fait ordinairement, j'ai 
essayé de placer, au contraire, les nerfs sur l’argent et les pieds 
sur le zinc, pour voir si l’excitation auroïit également lieu de 
cette manière. J'ai remarqué que lorsque l'animal est bien ex- 
citable , il donne d’abord deux contractions, l’une au moment 
où l’arc conducteur touche l’armature zinc des pieds, et l’autre 
lorsqu'on le soulève pour faire cesser le contact : quand l’ex- 
citabilité commence à s’afloiblir, on n’en obtient plus au confact, 
mais bien à la séparation ; quelque temps après elles n’ont plus 
lieu ni au contact ni à la séparation, tandis que si on remet 
le zinc sous les nerfs et l'argent sous les pieds, on en suscite de 
très-vives et long-temps après qu’elles ont cessé d’avoir lieu avec 
la première disposition des armatures. 

L’excitation galvanique s'opère donc avec moins d’obstacles_ 
lorsque l’action impulsive va Le pieds aux nerfs que lorsque sa 
direction est dans un sens contraire. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 419 
Sixième Fair. 


J’avois fait observer en 1817, que si l’on touche avec les deux 
bouts d’un arc conducteur d’argent l’eau de deux vases dans 
Jun desquels plongent les nerfs d’une grenouille préparée et ses 
pieds dans l’autre, on n’obtient aucunes contractions lorsque l’are 
jouit partout de la même température, tandis qu’elles ont lieu 
avec ce même arc lorsque l’un des bouts est chaud et l’autre 
froid. On produit le même effet en plongeant le doigt d’une 
main dans l’un des vases, et dans le second une tige métal- 
lique chaude, que l’on tient de Pautre main. Je dois ajouter 
que si l’on chauffe au même degré les deux bouts du fil d’ar- 
gent, et qu'on les plonge de nouveau dans les deux vases, la 
grenouille n’éprouve plus alors de contractions. On peut néan- 
moins en obtenir en plongeant l’un des bouts avant l’autre ; 
mais alors il s'établit une inégalité de température entre les 
deux extrémités. 

Septième Fais. 


Faites reposer une cuiller d’argent par son creux sur un mé-+ 
lange frigorifique de sel et de glace pilée, et son manche sur 
les bords du vase de verre qui contient le mélange : vous ob- 
tiendrez des contractions à chaque fois que vous ferez toucher 
aux nerfs d’une grenouille préparée le haut de la cuiller et à 
ses pieds le bas; et vous n'aurez rien en faisant les contacts en 
sens inverse. 


Etablissez, dans un mélange frigorifique pareil au premier, 
un fil d'argent plié en demi-cercle, de mamière qu’il n’ait que 
ses deux extrémités hors de ce milieu. Si, tenant d’une main 
par les pieds une grenouille préparée, vous approchez les nerfs 
de lune des extrémités du fil, en même temps que vous tou- 
chez avec un doigt de l'autre main l’autre extrémité de ce 
fil, vous n’aurez aucune contraction. Chauffez alors l’un des 
bouts de l’arc avec la flamme d’une chandelle, et reformez la 
chaîne comme précédemment, la grenouille à l’instant éprouvera 
une vive contraction à chaque contact, et elle ne cessera de 
s’agiter que lorsque la partie de l’arc chauffée aura repris la 
température du milieu. Il faut toujours que le nerf touche le 
bout chaud et les pieds le bout froid : on n'obtient rien dans 
le sens contraire. 


420 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 
Huitième Fait. 


Si l’on prend d’une main par les pieds une grenouille pré- 
parée, que lon fasse toucher ensuite les nerfs à un doigt de 
l’autre main, l'animal reste immobile et insensible à tous les 
contacts. Si l’on plonge alors ce doigt de la main libre dans 
un mélange frigorifique, et que lorsqu'il est refroidi on lap- 
proche de nouveau des nerfs, on obtient de vives contractions, 
et l’on ne cesse d’en produire ainsi que lorsque l'animal fatigué 
refuse de répondre à l'excitation des métaux hétérogènes. 

Les deux mains mouillées d’eau salée n’ont aucun pouvoir 
excitant lorsqu'elles sont également chaudes ou également froides. 

Si l’on plonge les nerfs de la grenouille dans un vase plein 
d'eau salée froide, et les pieds dans un autre plein d’eau salée 
chaude, qu’on touche ensuite l’eau des deux vases avec un doigt 
de chaque main, on excite à chaque contact une vive contraction. 


Neuvième Fait. 


J’avois fréquemment constaté, d’après M. de Humboldt , qu'une 
grenouille préparée, ayant pour armatures deux supports d’ar- 
gent, éprouve quelquefois des contractions lorsqu'on les met 
en contact, malgré qu’elles soient parfaitement homogènes. Il 
en est de même lorsqu'en la tenant par le bassin, on fait toucher 
à-la*fois les nerfs et les pieds à la surface de mercure ou à celle 
de l’eau. J’avois encore observé, d’après le même auteur, que 
les contractions ont également lieu en faisant toucher aux nerfs 
les muscles de l’une des cuisses de l'animal; mais je m'étois 
en même temps aperçu que ces expériences réussissoient mieux 
dans un temps froid que dans un temps chaud, avec de fortes 
grenouilles qu'avec les petites. J’ai pensé alors que cela pouvoit 
dépendre de ce que les muscles dépouillés éprouvent un plus 
grand refroidissement que les nerfs par suite de l’évaporation de 
leur principe humide, et que si cela étoit, les contractions pro- 
duites dans ces circonstances devoient être l’eflet de l'opposition 
des températures de ces deux sortes d'organes. 


Pour m'en assurer, j'ai mis les pieds et les nerfs d’une grenouille 
préparée sur deux cuillers d'argent, et de suite j'ai complété 
le circuit avec un fil d'argent : aux premiers contacts il ne s’est 
produit aucune contraction; mais quelque temps après j'en ai 
obtenu à chaque fois que je formois la chaîne. J’ai versé alors 


quelques 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 42 


quelques gouttes d’éther dans le creux de la cuiller, support des 
nerfs : à l'instant même les contractions ont cessé, et elles ont 
reparu en Ôôtant l’éther. 


Dixième Fait. 


Prenez par les nerfs une grenouille préparée et bien excitable: 
faites toucher ses pieds à un mélange frigorifique sans former 
chaîne : au moment même du contact vous verrez tous les flé- 
chisseurs se contracter, les cuisses s'élever latéralement sur le 
bassin et les jambes se replier sous les cuisses. A cette flexion 
subite succède bientôt une vive extension, laquelleest suivie d’une 
flexion nouvelle et celle-ci d’une seconde extension. Lorsque ces 
mouvemens sont calmés, on peut les reproduire en mettant de 
nouveau les pieds sur la glace ; mais en continuant à les refroidir, 
il survient à la fin un frémissement, un froncement progressif 
dans les muscles, puis une extension spasmodique de tous les 
membres, et une régidité générale des fibres. C’est un véri- 
table tétanos , que l’on fait disparoître en chauffant un instant 
la grenouillé dans la main ; mais alors la contractilité est 
tellement affoiblie, qu’elle est insensible à l’action des métaux 
hétérogènes. 

Il ne se produit aucune contraction en faisant toucher, sans 
former la chaîne, les nerfs au mélange frigorifique. IL est remar- 
quable que l’on n’obtienne rien en plongeant les pieds dans l’eau 
chaude : je n'ai eu des contractions que lorsqu’en enfoncant 
les cuisses dans l’eau chaude, les nerfs ont eu touché à cette eau. 


Onzième Fait. 


Je me suis avisé de toucher, avec le bout d’un fii d’argent 
refroidi à o° à peu près, la moëlle allongée de la tête d’une 
grenouille récemment séparée du tronc, et restant unie aux 
membres thoraciques. A la première impression du froid il s’est 
produit des mouvemens convulsifs dans tous les organes; la 
tête s'est levée sur sa base; les yeux ont roulé dans leurs or- 
bites, et les pattes se sont roidies. Tous Jes extenseurs étoient 
dans une contraction permanente. J'ai retiré alors le fil d'ar- 
gent, et après quelque temps de repos j'ai touché de nouveau 
la moëlle avec le fil d'argent chaud à + 40° cent. ou 50 cent. 
environ. Dans cette circonstance, la tête, au lieu de se roidir 
comme auparavant, s’est affermie par degrés sur sa base; tous 


Tome LXX XIII, DÉCEMBRE an 1816. Hbh 


422 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


les extenseurs.et les fléchisseurs ont pris de la tonicité; les:yeux: 


sont devenus vifs; les membres thorachiques se sont dressés et 
ont exécuté des mouvemens de progression, qui ont transporté 
la tète d’un bout de la table où elle étoit à L'autre bout. 
Frappé de ce phénomène, j'ai voulu voir sil en seroit de 
même en touchant de la même manière la moëlle épinière dont 
les nerfs se distribuent aux extrémités inférieures, Aussitôt 
que l'argent chaud a eu touché la moëlle, j'ai vu les muscles 
se raffermir, puis les fléchisseurs se contractant seuls, les jambes 
se sont repliées sous les cuisses, celles-ci se sont éle.‘es de cha- 
que côté du bassin, et le tronc s’est dressé sur le bassin dan: 
l'attitude naturelle à Ja grenouille lorsqu'elle est accioupie et 
prête à sauter. J’ai touché alors la moëlle avec un fil d'argent 


froid : cela a produit la contraction des extenseurs, et l'animal 
s’est allongé sur la table, 


J’ai observé que lorsque le fil d'argent est trop chaud , il ne 
se produit point de contractions des fléchisseurs, mais seulement 
des extenseurs, de même qu’avec le fil froid. Il est bien remar- 
quable qu'un certain degré de chaleur produise sur les nerfs un 
effet contraire à celui du froid. 


Douzième Fait. 


On peut produire des contractions musculaires par une action 
purement mécanique. 


Prenez une grenouille préparée fraîchement : tenez-la par les 
pieds et faites toucher le tronçon vertébral qui pend aux nerfs 
à une tige de verre au bord d’une table, à un livre, à du linge, 
à la manche de votre habit, en un mot à un corps quelconque 
qui ne fasse point de chaîne, vous aurez à chaque contact une 
contraction. Lorsque le simple contact ne produit rien , il faut 
choquer le tronçon contre un corps. J’ai vu quelquefois l'animal, 
après un choc violent, se contracter plusieurs fois de suite par 
des flexions et des extensions alternatives. Ces contractions n’ont 
pas lieu en tenant les nerfs dans la main et en choquant les 
pieds à leur tour. 

Treizième Fait. 


Voici un fait assez singulier : lorsqu'une grenouille préparée 
et munie d’armatures zinc sous les nerfs et cuiller d’argent sous 
les pieds, est fatiguée par suite des excitations fréquentes qu’elle 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 423 


a subies, et qu’elle ne donne plus que de foibles contractions 
avec un arc conducteur trés-légèrement chauflé par un bout, 
si on laisse en permanence de contact l'arc conducteur avec 
les armatures, le bout chaud étant du côté de la cuiller, et 
que quelque temps après on lève le bout qui touche à la cuiller 
pour l'y apporter de nouveau , en faisant toucher les mêmes points 
qui se touchoiïent auparavant, il n’y a plus de contractions, et 
l'on ne sauroit en avoir tant que ce sont les mêmes points qui 
se touchent. On en obtient au contraire en mettant en contact, 
soit le point déjà touché du fil avee une partie de la cuiller 
autre que celle qui a été touchée, soit le point déjà touché de 
la cuiller avec une autre partie du fil que celle qui a été touchée. 
Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que quand les deux nou- 
veaux points ont été quelque temps en permanence de contact, 
si on les sépare pour les rapprocher de nouveau, ils ne pro- 
duisent plus de contractions; mais on en obtient alors en les 
reportant respectivement sur le premier point que chacun d’eux 
avoit antérieurement touché, 


Quatorzième Fait. 


M. de Humboldt s’est le premier aperçu que deux armatures, 
dont l’une a touché du zinc, ont la propriété d’exciter des 
contractions dans une grenouille formant chaîre avec elles. Cette 
expérience curieuse demandoit à être variée pour découvrir la 
cause du phénomène : je l'ai fait de la manière suivante. 

Faites baigner les pieds et les nerfs d’une grenouille préparée 
dans deux vases remplis d’eau : touchez ensuite l’eau des deux 
vases avec les deux bouts d’un fil d'argent , il n’y aura aucune 
contraction à chaque contact. Etablissez alors un disque d’argent 
sur un disque de zinc; et avec une des extrémités du fil, ne 
touchez que la surface supérieure du disque d’argent , puis re- 
plongez les deux bouts de ce fil dans l’eau des deux vases, 
vous obtiendrez à l'instant même une forte contraction, que vous 
pourrez renouveler plusieurs fois de suite en réitérant l'immer- 
sion du fil dans les vases. Cette propriété reparoît au bout de 
quelque temps ; mais on peut la faire disparoître en touchant 
une seconde fois le disque d'argent avec un des bouts du fil. 
Lorsque le disque d'argent n’est pas en contact avec le zinc, 
on a beau le toucher avec le fil, il ne lui communique aucune 
vertu : il en est de même lorsque le zinc est entre deux disques 


Hhh 2 


424 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


d'argent, et qu’on touche l’un des deux avec un des bouts du 
fil. Ce fil n'acquiert encore aucune propriété , lorsque le zinc 
étant en contact avec un seul disque d'argent , on touche celui-ci 
avec les deux bouts du fil à-la-fois, 

Je dois prévenir que pour bien réussir dans cette expérience, 
il faut avoir soin de toucher toujours l’eau du vase où plongent 
les nerfs avec l’extrémité de l’are qui a été en contact avec le 
disque d’argent reposant sur zinc. 


RÉSUMÉ. 


10, On voit, par les deux premiers Faits que j'ai exposés, qu'en 
soumettant la pile de Volta, ou l’un de ses élémens , à un degré 
de froid intense ou à une température élevée, on leur fait 
perdre également leur pouvoir électromoteur. S'il est difficile 
de se rendre raison de cette action de la température, il ne 
l’est pas moins de concevoir comment deux causes aussi op-- 
posées que la chaleur et le froid produisent le même résultat. 
Il me semble pourtant que si l'électricité qui se produit au con- 
tact de deux métaux hétérogènes est l’eflet d’une puissance im- 
pulsive qui pousse d'un métal éans l'autre, on peut annuler 
son action de deux manières différentes : 1°. en imprimant à 
cette force une direction contraire; 2°. em faisant naître une 
force de résistance qui lui soit égale. Or, le froid paroît pro- 
duire le premier effet, en procurant au fluide impondérable des 
deux corps en contact, une expansion progressive qui le fait 
rayonner du dedans au dehors : la chaleur exerçant au contraire 
une pression de dehors en dedans, doit opérer le second; car 
le fluide des deux corps n'étant pas de même densité, leur ressort 
doit s’'accroître sous une même pression dans un rapport inverse 
à leur densité, et parvenir ainsi progressivement à un équilibre 
de tension. 


Si cela est ainsi, l’on peut , d’après cette hypothèse, concevoir 
aisément comment, dans le troisième Fait,onaugmente le pouvoir 
électromoteur des deux métaux en chauflant Target, ou sans 
chauffer l’argent, en refroidissant le zinc : comment, au contraire, 
on détruit ce pouvoir en chauffant le zinc jusqu’à un certain 
point, ou en refroidissant de même l'argent; et comment on le 
fait reparoître en chauffant trop fort le zinc, ou en refroidissant 
outre mesure l’argent. Pour mettre en équilibre deux puissances 
inégales, l’on sent qu’il ne faut accroître la plus foible que de 


ÉT D'HISTOIRE NATURELLE. 425 
l'excès de la plus forte, ou n'ôter à celle-ci que ce qu'elle a 


de trop. 

Puisqu'on augmente le pouvoir électromoteur en chauflant 
largent, et qu’on le détruit au contraire en chauffant le zinc 
jusqu'à un certain point, il suit de là que la force impulsive 
de l'argent sur le zinc est supérieure à celle du zinc sur lar- 
gent. Or, l’argent qui est mis en contact sur le zinc se trouve 
électrisé négativement, lorsqu’en le tenant isolé on le sépare du 
second métal. L'état négatif est donc ici le partage de la puis- 
sance la plus forte, et le positif celui de la plus foible. Cela 
ne peut pas être autrement, si l’on y fait attention; le fluide 
de l'argent repousse celui du zinc; par cette action il s'approche 
du centre d’attraction du second corps; celui-ci doit donc en 
relenir une portion au moment de la séparation des deux métaux. 


2°. Le cinquième Fait nous présente un phénomène assez cu- 
rieux, qui est que si lon met l’armature argent sous les nerfs, 
celle du zinc sous les pieds, et qu’en appuyant un des bouts 
de l’arc excitateur sur largent, on touche avec l’autre le zinc, 
on a d'abord deux contractions, l’une en fermant la chaine et 
l’autre en louvrant; puis rien en la fermant, mais seulement 
en l’ouvrant; enfin rien d'aucune manière, tandis qu’elles con- 
tinuent long-temps après d’avoir lieu lorsque zinc est sous les 
nerfs et argent sous les pieds. 

Cela ne prouve-t-il pas que la grenouille n’est pas ici seu- 
lement un électroscope, mais encore un appareil sAnee , qui 
ne répond bien à l’action des métaux que lorsqu'elle se fait dans 
le sens selon lequel il exerce lui-même naturellement son action. 
Or, dans l'état naturel ce sont les nerfs qui poussent dans les 
museles et non les muscles dans les nerfs; en mettant le zinc 
du côté des muscles et l'argent du côté des nerfs, l’argent pousse 
dans le zinc au moment du contact, le zinc pousse dans les 
muscles, ceux-ci dans les nerfs, et il se fait une contraction; 
mais celte force impulsive venant à cesser lorsqu'on rompt la 
chaîne, les nerfs prévalent, ils poussent dans les muscles et il se 
fait une nouvelle contraction qui rétablit l'équilibre. Il est aisé 
de voir après cela, pourquoi , lorsque l’excitabilité est afloiblie, 
on n'obtient plus de contractions de cette manière, tandis que 
de l’autre on en obtient long-temps après. Il faut une plus forte 
impulsion pour agir sur les nerfs par les muscles, que pour agir 
sur les muscles par les nerfs. 


420 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


3°. Les Faits 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12 nous fournissent di- 
vers exemples de contraction par la seule opposition des tempé- 
ratures de deux métaux homogènes formant chaîne, ou des deux 
mains seulement, ou des muscles et des nerfs se touchant direc- 
tement. Il y a plus; on voit la température exciter des con- 
tractions sans chaîne, et en agissant seulement sur l’une des ex- 
trémités de l'arc animal. Un choc produit le même effet lorsqu'il 
s'exerce sur les nerfs. 

Il n’est pas possible, dans toutes ces circonstances, de sup- 
poser que l’action musculaire est l’effet d’un courant électrique, 
qui se dirige des nerfs dans les muscles ou des muscles dans 
les nerfs. 11 est évident que les contractions sont produites ici 
par une simple pression du côté des nerfs, ou par une forte ex- 
pansion du côté des muscles; et qu'elles ont lieu plus facilement 
et plus long-temps, lorsque la pression qui s'exerce du côté des 
nerfs est en même temps secondée par une expansion du côté 
des muscles. Tout me porte à croire qu'il en est de même dans 
le contact de deux métaux hétérogènes. En effet, on remarque 
qu'ils ne donnent aucun signe d'électricité tant qü'ils sont en 
contact, et que l’un et l’autre ne deviennent électriques qu’au 
moment de leur séparation. Tant que ce contact subsiste , il ne 
peut donc ÿ avoir dans les métaux qu'une disposition prochaine 
à l’état électrique, c’est-à-dire pression du fluide dans lun et 
raréfaction correspondante dans l'autre. 

Il est bien singulier qu'une douce chaleur appliquée aux nerfs, 
ou lattouchement prompt des pieds à un corps froid, ne mette 
en jeu que les fléchisseurs, tandis qu'un plus fort degré de 
chaleur, ou un froid quelconque appliqués aux nerfs, de même 
que tout autre excitation faite avec chaîne ou sans chaîne, ne 
produise les contractions que dans les extenseurs. Y auroit - il 
un degré d’excitation propre à chacune de ces deux substances 
musculaires ? 


4°. On aura sans doute été frappé de voir, dans le treizième 
Fait, les deux points métalliques qui opèrent le contact perdre, 
par la continuité de leur attouchement, la propriété d’exciter 
l’un par l'autre, et chacun d’eux la reprendre lorsqu'ils touchent 
un nouveau point métallique de même corps. Ce phénomène 
ne nous donne-t-il pas l’idée de la manière dont nos sens s’é- 
moussent par la continuité d’une même impression; et ne peut- 
on pas concevoir par là comment une partie du cerveau peut 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 427 


recevoir un changement , acquérir une disposition, une habitude 
enfin, sans que le restant de cet organe y participe? 


5°. On a dû remarquer, dans le quatorzième Fait, qu'un fil 
d'argent prend passagèrement la propriété d'exciter rien qu'en 
faisant toucher une de ses extrémités à un disque d'argent en 
contact avec du zinc. Cette propriété ne peut être que le ré- 
sultat d’un état particulier que le disque d'argent acquiert lors- 
qu'il est sur du zinc, et qu'il communique au fil qui le touche. 
Or, quand le disque d'argent est sur le zinc, son fluide est 
dans un état de condensation à sa surface inférieure et de ra- 
réfaction à la supérieure; cette même disposition du fluide doit 
donc avoir lieu dans le fil d'argent au moment où il touche le 
disque par un de ses bouts. Il est vrai que cette propriété sub- 
siste dans le fil quelque temps après le contact, même sans 
isolement, et qu’il est étonnant que l'équilibre ne se rétablisse 
pas aussitôt que le contact a cessé; mais c’est un fait, et un 
fait constant. Cela ne prouveroit-il pas que toutes les molé- 
cules du fluide d’un corps sont entre elles en équilibre de 
tension, et que lorsque cet équilibre vient à être rompu par 
une cause quelconque, l'attraction en retarde le rétablissement ? 

Ce fait est analogue à celui qu'avoient déjà fait connoître 
MM. Gautherot, Erman et Ritter, qui est que si l’on met en 
contact les deux bouts d’un fil métallique avec les deux pôles 
d'une pile de Volta, et qu'on l'en retire un instant après, il 
possède pendant quelque temps la propriété de donner des sa- 
veurs à la langue, de décomposer l’eau, de faire, en un mot, 
les fonctions d’une pile, quoiqu'il ne soit plus sous l'influence 
de l'appareil électromoteur. On peut donc dire que le fluide 
de ce fil est alors polarisé, puisque , comme la pile, il a un pôle 
positif et un pôle négatif. C’est sans doute en vertu d’un état 
semblable, que le refroidissement de l'atmosphère procure au 
fluide de tous les corps, que des disques mélalliques non isolés, 
qu’on approche d’une aiguille électrométrique en communication 
avec le réservoir, ont la propriété, tantôt de l'attirer, tantôt de 
la repousser, suivant l'intensité du froid , ainsi que je l’ai observé. 
Ne seroit-ce pas aussi à cette polarité temporaire que seroit due 
Pirritabilité qui subsiste dans les fibres musculaires quelque temps 
après la mort violente de l'animal ? 


428 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


MÉMOIRE 


SUR LA SODALITE DU VÉSUVE; 
Par M. zx Comte STANISLAS DUNIN BORKOVWSKI. 


PRÉSENTÉ A L’ACADÉMIE LE 28 OCTOBRE. 


M. EkEBERG a le premier analysé un minéral du Groenland 
qui contient 25 parties de soude. M. Thomson a répété cette 
analyse, il y a ajouté la description minéralogique de ce minéral, 
et il l’a fait connoître, dans un beau Mémoire, comme une 
nouvelle espèce , sous le nom de la sodalite. On ne connoïssoit 
pas jusqu’à présent d’autres localités de la sodalite. J’ai été assez 
heureux pour la retrouver sur la pente du Vésuve appelée Fosso 
Grande, que l’on peut regarder à juste titre comme le grand 
répertoire des richesses volcaniques du Vésuve. Il paroît que la 
sodalite doit son origine aux anciennes éruptions qui ont fourni 
à la Minéralogie la néphéline, la meyonite et l’idocrase; mais 
elle n’est pas, à beaucoup près, aussi commune que ces espèces ; 
et c’est à cette raison qu'il faut attribuer qu’elle ma pas été 
remarquée par les savans observateurs qui ont parcouru cette 
célèbre contrée. Malgré beaucoup de recherches, je n’ai pu trouver 
qu'un échantillon sur place. Un autre m'a élé donné ensuite 
par le guide Salvatore : c’est sur ces deux échantillons que les 
observations suivantes ont été faites. 


Caractères extérieurs. 


La sodalite du Vésuve est d’un gris blanchâtre; elle se trouve 
en grains arrondis et cristallisés, sous la forme d’un prisme à six 
faces, et terminé par un pointement à trois faces placées alter- 
nativement sur trois bords latéraux. Les cristaux paroissent être 
de différente grandeur, et j'en possède un qui a un pouce de 
longueur. La surface des cristaux est lisse un peu irisée. 

A l'extérieur 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 429 
A l'extérieur elle est éclatante d’un éclat gras. 
À l’intérieur d’un éclat vitreux. ù 
La cassure en travers est parfaitement conchoïde , en longueur 
elle est lamelleuse, mais il est difficile de déterminer le clivage. 


Elle est demi-diaphane; ses fragmens sont indéterminés à 
bords aigus. 


Elle est demi-dure, cédant facilement à la lime et très-facile 
à casser; sa pesanteur spécifique est de 2,89. 


Caractères chimiques. 


Les fragmens de la sodalite du Vésuve, mis dans l'acide ni- 
trique, ne perdent pas leur éclat tant qu'ils y sont plongés ; 
mais retirés de la liqueur , ils se couvrent bientôt d’une légère 
couche blanche. Mise en poudre dans l’acidemuriatique ou hydro: 


clorique, elle forme une gelée. Au chalumeau elle se fond sans 
addition, mais difficilement. 


Gisement. 


La sodalite se trouve dans une gangue calcareo-talqueuse , AC- 
compagnée du pyroxène, d’une pierre ponce verte, et d’une 
substance cristallisée en petites tables à six faces, que M. Werner 
appelle l’eisspath. 

L'ensemble des caractères minéralogiques que je viens d'ex- 
poser me présentoit, à la vérité, une substance inconnue; mais 
ces caractères étoient loin de m'éclairer sur sa véritable nature. 
La Cristallographie ne pouvoit non plus servir pour la déter- 
mination de cette espèce; car la forme des cristaux étant un 
prisme à six faces terminées par une pyramide à trois faces, 
dont les angles formoient 120 degrés , elle se réduisoit à la 
forme primitive du dodécaëdre rhomboïdal. Or cette forme pri- 
mitive, commune à plusieurs espèces différentes, cessoit par 
cela même d'être distinctive. Il falloit donc avoir recours à la 
Chimie, et le résultat de mon analyse a complètement répondu 
à mon attente. 


Analyse chimique. 


A. 


25 décigrammes de sodalite en petits fragmens ont élé chauffés 
dans un creuset de platine au rouge cerise pendant une demi- 


Tome LXX XIII, DÉCEMBRE an 1816. li 


430 JOURNAL UE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


heure, sans rien perdre de leur poids, seulement ils ont pris un 
aspect laiteux ; les morceaux qui touchoïent aux parois du creu- 
set ont éprouvé une légère fusion. 


B. 


19. 4 grammes de sodalite réduits en pondre trés-fine ont été mis 
dans 10 grammes d'acide hydro-clorique étendu de 5 parties d’eau 
distillée. La pierre a été attaquée en grande partie à froid. Par une 
légère ébullition, la dissolution s’est prise en une gelée jaune très- 
forte, que j'ai ramassée avec beaucoup de précaution sur une cap- 
sule de porcelaine, et j'ai fait évaporer le tout à siccité. Vers la 
fin de l'opération, on a eu soin de remuer continuellement la 
gelée pour que l’évaporation se fît également et doucement. 
Lorsque la matière a été réduite en poudre, elle a été délayée 
dans l’eau, et le résidu lavé jusqu’à ce que le lavage ne fit au- 
cun précipité avec le nitrate d'argent. Chauflé au rouge, il pesoit 
encore chaud 17,25 décigrammes. Le filtre avoit augmenté de 
poids de 0,25 décigrammes ; ce qui fait le poids total du résidu 
17,50 décigrammes. 


Pour me convaincre que ce résidu blanc étoit de la silice , 
je l’ai chauflé pendant une demi-heure avec 5 grammes de po- 
tasse caustique dans un creuset d'argent. Le mélange a pris une 
fonte liquide; le creuset ayant été retiré du feu, j'ai versé sur la 
matière encore chaude de l’eau distillée ; lorsque la matière a 
été entièrement délayée, on a versé l'acide hydro-chlorique, qui 
en a opéré la dissolution complète. Cette dissolution a été éva- 
porée à siccité. La silice obtenue, lavée et chauffée au rouge, 
pesoit 17 décigrammes. La perte de 0,50 décigrammes tient à 
ce qu’on n’a pas pesé le filtre, car la liqueur du lavage m’étoit 
troublée ni par lammoniaque pure, ni par le carbonate d’am- 
mouiaque. 


2°, La liqueur acide d’où la silice avoit été séparée, a été 
précipitée par l’ammoniaque pure; on a obtenu une matière vo- 
lumineuse très-blanche, qui a été filtrée sur-le-champ. Après 
Yavoir lavée, on l’a fait bouillir encore humide dans la potasse 
caustique ; toute la matière a été dissoute, il n’est resté qu’un 
très-petit dépôt brun, qu’on a séparé par le filtre. Ta liqueur 
alcaline a été neutralisée par le muriate d’ammoniaque, ce qui 
a formé un précipité abondant, lequel, lavé et chauffé au 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 431 
rouge, pesoit 6,75 décigrammes ; il avoit toutes les propriétés 
de l’alumine. 

39. J'ai versé du carbonate d’ammoniaque dans la liqueur 
d’où Palumine avoit été séparée. Le lendemain j'ai trouvé un 

récipité qui ayant été lavé et rougi, pesoit 2,75 décigrammes ; 
e résidu dissous dans lacide sulfurique a été évaporé à siccité 
et traité par l’eau froide, qui a dissous le tout. Cette dissolution, 
rapprochée par la chaleur, a été exposée à une cristallisation 
spontanée. Comme elle refusoit de cristalliser, et qu’elle min- 
diquoit pas au goût la présence du sulfate de magnésie, on a 
ajouté à cette dissolution du sulfate de potasse, lequel a formé 
de lalun. Le précipité obtenu par le carbonate d’ammoniaque 
est donc de lalumine, qu’il faut ajouter à la somme obtenue 
par l'expérience précédente. 

4°. Comme il y avoit une matière attachée au bâton d’où 
on a séparé les 2,75 décigrammes d’alumine, jai versé, pour 
l'obtenir, de l'acide hydro-clorique, et J'ai vu se détacher de 
petites paillettes brillantes, qui, réunies sur le filtre et séchées, 
ressembloient tellement à l'acide borique, que j'ai cru un mo- 
ment avoir obtenu cet acide; mais je me suis bientôt convaincu 
que cette substance étoit de la silice, qui ; dans cet état de di- 
vision extrême, prenoit cette apparence cristalline et cet aspect 
brillant ; elle pesoit 0,25 décigrammes. 

50, Le dépôt brun qui pesoit 0,25, de l'expérience deuxième, 
a élé traité par l'acide sulfurique, qui a dissous le fer sans at- 
taquer la ke. Le fer précipité de la dissolution par l’ammo- 
niaque pesoit 0,05 décigrammes. Le métal.est en si petite quan- 
tité, que Je crois qu’il appartient plutôt à la pierre ponce verte 
qu'à la sodalite. Les 0,20 décigrammes non attaqués par l'acide 
sulfurique avoient les caractères de.la silice. 

60. La silice, l'alumine et le fer obtenus ne représentant pas 
le poids de la pierre analysée, il ‘falloit rechercher dans la liqueur 
d’où on avoit séparé les terres, le carbonate d’'ammoniaque ,:les 
autres parties constituantes de la sodalite. En conséquence on 
a rapproché la liqueur, et après avoir ajouté de l’acide sulfurique 
pour chasser l'acide hydro-clorique et convertir le tout en sul- 
fate, on l’a évaporée à siccité, puis on a chauflé au rouge pour 
chasser le sulfate d'ammoniaque et l'excès d’acide sulfurique. 
La matière obtenue pesoit 22,50 décigrammes. Elle a été dis- 
soute dans l’eau, rapprochée par la chaleur et exposée à léva- 

Bi 2 


432 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


poration; on a vu quelques petits cristaux en aiguilles de sulfate 
de chaux se déposer; mais leur quantité étoit si petite, qu’on 
ne pouvoit pas l’évaluer. La liqueur avoit cristallisé confusément 
en petits cristaux; et comme elle précipitoit la dissolution de 
platine, j'ai cru d’abord que toute la matière étoit du sulfate 
de potasse; mais lorsque j’ai redissous les cristaux, la liqueur 
a fourni, par l'évaporation spontanée, des prismes à six faces, qui 
efHleurissoient en totalité à l'air, avoient le goût frais et ne pré- 
cipitoient pas le platine. Ils avoient donc tous les caractères du 
sulfate de soude; et comme le sulfate de soude obtenu par la 
calcination pesoit 22,50 décigrammes, il contient 11 décigrammes 
de soude pure. Le précipité obtenu par la dissolution de platine 
à une petite quantité de potasse qui est mélée avec la 
soude. 


La pierre analysée est donc composée, sur 40 parties, de 


Sie NOMME NE 720 5 

Alamines sean ue Te Eat 

HET RSA NON ET Re NET ENT O0) 

Soude mêlée d’un peu de potasse. . . 11,00 

Décte etat telle ere MAR ON oO 
Trace de chaux, 


; 49 
Et sur 100 parties, 


Silice MADONNA MS MIO 
ANnenne Ne AMONT 
Soude avec un peu de potasse.. . . 27,50 
HF'enNene US AN EMEA SANS MEN NT ONZ 
Perte. MMM SIRMAEMENI MES 6 


100 


La grande quantité de soude que j'ai obtenue de l'analyse 
im’a fait aussitôt soupconner que la substance analysée étoit une 
sodalite; et ce soupcon s'est converti en pleine conviction, 
lorsque j'ai comparé mon analyse à celles de MM, Ekeberg et 
Thomson. 


Voici le Tableau de leurs résultats : 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 433 


M. Ekeberg. M. Thomson. 
SHices, ai 0e 156 38,52 
Alterine. 003 27.48 
DOUBS 1 te FM APT 23,50 
Acide muriatique.. 6,75 3 


Oxide de fer M ON 2b Der. 1 HA LEE ETr 
Chaux 00 0 0270 
Sale matière. . . 2 
Perte 00e "Tr 


f 


100 100 


Ces analyses ne diffèrent de la mienneque parce que j'ai trouvé 
xn peu de potasse mêlée à la soude. La perte de 3,76 que j'ai 
dans mon analyse, pourroit parfaitement être représentée par 
les 3 parties d'acide hydro-clorique que M. Thomson a trouvées 
dans la sodalite, et que je ne pouvois voir, m'étant servi, pour 
mon analyse, de cet acide. Les caractères extérieurs de la sodalite 
du Groenland ne diffèrent pas non plus essentiellement de ceux 
que j'ai observés dans la sodalite du Vésuve; car le prisme à 
six faces terminé par un pointement à trois faces de 120°, n’est 
qu’une forme allongée du dodécaèdre rhomboïdal que M. le comte 
Bournon a reconnue pour forme primitive de la sodalite. Quant 
à la propriété de faire une gelée avec les acides, elle ma pas 
été remarquée par M. Thomson, mais elle a été reconnue par 


M. Haüy. 


Maintenant que l'existence de la sodalite au Vésuve est prou- 
vée, il sera aisé de la distinguer par les caractères minéralogiques 
des autres espèces qui se rencontrent sur la même montagne. 

La substance avec laquelle on pourroit le plus facilement 
confondre la sodalite, quand elle se trouve en grains ou en 
masse, c’est l’'amphigène ; mais on la reconnoîtra en ce qu’elle 
forme avec les acides une gelée, qu’elle est fusible et moins dure 
que l’amphigène. 

Vues géologiques. 


La découverte de la sodalite au Vésuve est encore d’un intérêt 
particulier pour la Géologie ; depuis les nombreuses découvertes 
qu’on a faites au Vésuve, il me paroît évident que les substances 
qui sy trouvent sont un produit du feu : car il m'est impossible 
de concevoir que des espèces tellement différentes que la né- 


434 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 

phéline, la meyonite, l’idocrase, l’amphigène, le pyroxène, le 
grenat, l’amphibole, le spinelle et autres se trouvent réunies 
toutes formées au fond du cratère comme dans un magasin 
pour être rejetées par le volcan. La sodalite du Vésuve porte 
surtout le caractère de la fusion; car elle est entourée, dans 
l'échantillon que je possède, de la pierre ponce , qui estreconnue 
pour le produit du feu. La sodalite du Groenland, au contraire, 
se trouve dans les terrains primitifs, accompagnée de roches 
feld-spathiques, et ne laisse aucun doute sur son origine neptu- 
nienne. Voilà donc deux substances qui se trouvent aux deux 
extrémités opposées de l'Europe, formées par deux voies opposées, 
et qui cependant, et par leur composition, et par les caractères 
minéralogiques, sont identiques et forment la même espèce. II 
suit de là qu'il est impossible en Géologie de prouver la for- 
mation volcanique ou neptunienne d’une espèce par la seule ins- 
pection des caractères extérieurs ; car ils sont communs aux deux 
voies de formation, et qu'il faut, pour parvenir à des résultats 
satisfaisans sur la formation des roches, étudier leurs rapports 
géologiques. C’est ainsi que la nature elle-même semble avoir 
tracé les grandes limites qui séparent la Géologie de la Miné- 
ralogie. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 435 


OBSERVATIONS 
SUR LES GÉOPHAGES DES ANTILLES; 


Par L’Artve-pe-Came MOREAU DE JONNÉS, 


Chevalier de Saint-Louis et de la Légion-d'Honneur, Membre 
Correspondant de la Société Médicale d'Emulation de Paris, etc. 


ON savoit déjà, par les relations de plusieurs missionnaires, 
qu'il existoit, parmi les habitans des diverses contrées de la zone 
torride, le goût bizarre de l'habitude de manger de la terre; 
mais ce sont les détails intéressans que M. le baron de Humboldt 
a donnés sur les Ottomaquas de l’Orénoque, et M. de Leschenault 
sur les Javanais, qui ont éveillé l’attention des observateurs sur 
ce sujet, et qui attireront sur lui désormais celle des voyageurs 
que l’amour des sciences n'aura point abandonnés loin de leur 
patrie, et sous le ciel brûlant des tropiques. 


Cette singulière dépravation se retrouve dans toutes les îles de 
l'Archipel des Antilles. Un long séjour dans celles de la Mar- 
tinique et de la Guadeloupe m'en a offert des exemples tellement 
multipliés, que je crois pouvoir assurer que cette appétence est 
indépendante de tout besoin journalier d’alimens, et qu’elle est 
produite par des causes pathologiques , générales et permanentes: 


Les individus dans lesquels elle se manifeste, sont presque 
uniquement des nègres libres ou esclaves, et des gens de cou 
leur de diverses nuances. Elle se montre rarement parmi les 
blancs; dans le cas où ils en sont atteints, elle paroît leffet 
d’altéralions de l’économie animale résultant de maladies anté- 
rieures; la grossesse et l'absence de la menstruation la produisent 
quelquefois dans les femmes de la même caste; mais on ne 
peut douter qu'elle n’ait alors pour causes les perturbations que 
ces circonstances font éprouver à leur constitution, et dont les 
eflets font naître en Europe des goûts analogues. 


436 JOURNAL DE PHŸSIQUE, DE CHIMIE 


Dans les individus provenant d’origine africaine, le désir et 
l'habitude de manger de la terre ne paroissent point être, comme 


dans les blancs, l'effet d’une maladie, mais au contraire en être 
la cause immédiate, 


Cette diflérence provient sans doute de celle du régime au- 
quel les uns et les autres sont soumis. Une nourriture plus suc- 
culente et surtout l'usage des liqueurs alcoolisées, ont vraisem- 
blablement l’avantage de prévenir dans les blancs les affections 
gastriques d’où résulte cette étrange appétence, et ils n’y sont 
exposés que lorsqu'un état de détresse, dont on voit aux Antilles 
peu d'exemples, impose un autre régime à quelques - uns 
d’entre eux. 

Dans les ‘originaires d'Afrique, l'usage de poissons secs et 
d’alimens tirés presque sans exception du régime végétal, semble 
favoriser la disposition physiologique produite par le climat; 
ce qui peut porter à le croire, c’est que partout où l’on a ob- 
servé le goût bizarre de manger de la terre, on a trouvé que 
ceux qui l'ont contracté, sont soumis à un régime d’où sont 


exclues presque entièrement les substances animales et les li- 
queurs spiritueuses. 


Si l’on rapproche cette observation de celle du gisement des 
contrées habitées par des individus ou des peuplades adonnés à 
ce goût singulier, et qui toutes sont situées sous la zone tor- 
ride, on est porté à en conclure que les forces vitales appelées 
sans césse du centre à la périphérie par les vives excitations d’une 
température ardente, laissent le système viscéral dans une sorte 
d'inertie, d’où résultent des altérations qui sont vraisemblablement 
les causes de cette appétence dépravée. 


Quoi qu'il en soit du fondement de cette conjecture, dont 
la vérité ne pourra être démontrée que par l'observation lumi- 
neuse de quelques-uns des médecins éclaisés dont s’honore au- 
jourd’hui l’art de guérir, on peut au moins tracer ici avec 
exactitude les effets de ces causes encore obscures et douteuses, 

Les dispositions pathologiques qu’on peut présumer exister 
avant la naissance du désir ardent de manger de la terre, ont 
toujours échappé à mon observation. Il falloit sans doute, pour 
les saisir, une étude plus suivie, et surtout un coup-d’æil plus 
exercé. Cependant plusieurs faits positifs m'ont donné lieu de 
croire que ce goût se développoit particulièrement parmi les 
individus dont la constitution est éminemment lymphatique, la 

fibre 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 437 


fibre lâche, le corps mal ou foiblement animalisé, lesprit 
paresseux , et les facultés généralement inertes. Dans ceux qui 
n’avoient pas contracté cette manie depuis long-temps, et que 
J'ai examinés avec quelque soin, je n'ai remarqué aucun symp- 
tôme d'affection gastrique; mais dans un grand nombrt d’autres 
qui s’y livroient depuis un laps de temps assez considérable , 
on trouvoit réunis les caractères des maladies viscérales et in- 
testinales : leur peau était sèche, aride, d’un aspect terreux ;, 
et d’une teinte jaune qui se combinoit d’une manière plus ou 
moins apparente avec la couleur naturelle du tissu dermoïde : 
le regard étoit languissant, la respiration diflicile, haleine sou- 
vent infecte, les extrémités grêles et amaigries, le pouls inter- 
mittent, le ventre balonné et par fois douloureux; l'habitude du 
corps étoit celle de la souffrance, et il y avoit une paresse et 
une difliculté extrêmes dans toute espèce de mouvemens. 


Dans cet état, ces malheureux conservent continuellement 
la pensée et le désir insatiable de se livrer à l'étrange manie 
qu'ils savent pourtant devoir encore empirer leur situation; ils 
en sont sans cesse occupés, et ne songent, quand l'habitude 
a pris un certain degré de force, qu'aux moyens de tromper la 
surveillance qu’on exerce sur eux. 

Cette surveillance les oblige souvent à satisfaire leur penchant 
avec la première terre qui se trouve sous leur main, et dont 
ils mangent de grandes quantités. Cependant je me suis assuré 
qu’ils n'en agissent ainsi que par la nécessité qui les prive de 
la faculté du choix, ou bien par un défaut de discernement 
ou de connoïissance dont les enfans et les jeunes gens présentent 
d’autant plus souvent l’exemple, que cette dépravation funeste 
étant considérée comme un crime, ses détails sont enveloppés 
de mystère. 

Quoique j'aie vu, il y a seulement six ou sept mois, saisir 
sur une jeune Mestive de douze ans, des plâtras de carbonate 
de chaux dont elle avoit déjà dévoré une partie, des recherèhes 
multipliées m'ont convaincu que les individus attaqués de cette 
manie ne mangent point de toute espèce de terre indiflé- 
remment. 

Celle qui est l'objet de lear goût particulier, dans les deux 
îles de la Martinique et de la Guadeloupe, est une terre com- 
posée d'argile, de silice et de magnésie, dans des proportions 
pen variables ; elle est plus ou moins fortement colorée par de 
’oxide de fer; ses caractères spécifiques sont en raison de la 


Tome LXXXIII. DÉCEMBRE an 1816. Kkk 


438 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


quantité relative de ses élémens ; en général, elle happe à la langue, 
rougit au feu, jette une odeur d’alumine, se pétrit aisément 
avec l’eau, se fend par l'effet de la dessication, paroît onctueuse 
à l'œil et au toucher, à la manière des stéatites, et présente, 
selon l’abondance de ses parties ferrugineuses , des nuances de 
rouge ochracé, plus ou moins intense. 


Cette terre provient de la décomposition des laves porphy- 
roïdes éructées, par les anciens volcans des Antilles, en cou- 
rans dont la longueur est quelquefois de cinq à six mille toises, 
et l'élévation de deux à six cents. 


Ces laves sont à base argileuse ; elles contiennent des py- 
roxènes , de l’amphibole, des micas hexagones, et de gros feld- 


spaths blancs et amorphes, qui constituent la plus grande partie 
de leur masse, 


La terre magnésienne contenue dans les micas devenant libre 
par la décomposition des laves, forme, par son mélange avec 
l'argile , une terre stéatiteuse qui est savonneuse et grasse, surtout 
quand elle est humectée, Cescaractères n’ont point échappéaux ha- 
bitans des Antilles; ils ont appelé m0orne-savon tout rehef dont 
la surface est formée de cette terre ; et ce nom signale au voya- 
geur, principalement dans la saison des pluies, des chemins 
dont la pente rapide est glissante et dangereuse. 

Le caractère d’onctuosité qui distingue cette espèce d’argile 
stéatiteuse, diminue sans doute son goût terreux et aride; on 
conçoit du moins que cela doit être, quoique cette différence , qui 
est perceptible au toucher, ne m'ait pas paru l'être ainsi au goût. 


L’onctuosité qui semble, à quelques égards, rapprocher cette 
terre des substances végétales et animales, a peut-être contribué: 
à rendre moins grand l'éloignement naturel qu’on devoit avoir 
à faire un aliment d’une matière privée d’ailleurs de toutes les: 
qualités nécessaires pour le devenir. 

Il est très-remarquable que cette argile stéatiteuse est ana- 
logue, sinon entièrement semblable, à la terre sigillée de Lemnos, 
si fameuse dans l'antiquité. Elle est, comme elle, d'origine 
volcanique, et n’auroit probablement pas d'effets plus funestes 
que les siens sur l'économie animale, si ceux qui s’en servent 
aux Antilles n'en mangeoient des quantités considérables. L’es- 
tomac une fois habitué à cette espèce de lest, ne peut plus s’en 
passer sans éprouver des contractions douloureuses qui rappellent 
le même appétit ; la présence fréquente, ou même presque con- 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 433 


tinuelle, d’une terre absorbante dans les intestins, épuise les 
sucs gastriques, nuit d’abord aux digestions, les rend bientôt 
impossibles, et amène rapidement, sous un climat dont la tem- 
pérature est brûlante, des maladies dyssentériques presque tou- 
Jours incurables et promptement mortelles. 


L'usage médicinal des bols sigillés prouve que c’est l’abus ou 
seulement la continuation prolongée de l’usage de cette terre 
qui devient nuisible ; et la consommation qu’en font les origi- 
naires d'Afrique ne pouvant étre attribuée au besoin d’alimens 
dans des îles où la fertilité de la terre et l'abondance des co- 
mestibles donnent à l'homme une subsistance assurée et facile, 
il ne seroit peut-être pas dénué de vraisemblance de supposer 
que cette appétence est une sorte d’instinct naturel qui entraîne 
vers l’usage d’une substance absorbante, des hommes affligés 
de toutes les incommodités résultant d’un tempérament pitui- 
teux, dévelopé par un climat extrêmement humide. 

Cette considération donne lieu de penser qu’on combattroit 
avantageusement un penchant dont l’excès est à-la-fois inévitable 
et funeste, en introduisant parmi les améliorations qu’indiquent 
la politique et l'humanité, dans le régime intérieur des nègres 
esclaves de nos Colonies occidentales, l’usage habituel d’une 
boisson spiritueuse mêlée avec l’eau. Le tafia, dont les guildi- 
veries sont aussi nombreuses que les grands ateliers de sucreries, 
offre un moyen local, approprié, facile et infiniment peu dis- 
pendieux. Plusieurs colons ont commencé à en faire distribuer 
à leurs nègres, comme ration journalière, une certaine quantité, 
dont le mélange avec de l’eau se fait en leur présence. 


On croit que cet usage seroit très-avantageux, surtout dans les 
contrées humides et marécageuses, comme la Guyanne et plu- 
sieurs parties de la Martinique et de la Guadeloupe. II seroit 
à désirer qu'il se répandit et qu’il fût établi généralement. Il 
auroit pour efet immédiat, dans des individus doués d’une cons- 
titution excessivement lymphatique, de ramener périodiquement 
vers l’épigastre les forces vitales rendues sans cesse divergentes 

ar les excitations qu’exerce le climat sur l’organe cutané. 

Jointe à l'exécution de diverses mesures qui font le sujet des 
méditations d’un homme d’état dont le caractère et la sagesse 
rappellent l’illustre Francklin, cette amélioration auroit sans 
doute l’heureux effet de prévenir une perversion de goût, qui, 
chaque année, ajoute à la perte irréparable que font nos colonies 
d’un nombre considérable de leurs cultivateurs. 


Kkk 2 


449 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


NOTE ADDITIONNELLE, 
Par MM. BRESCHET ET Hirpoz. CLOQUET. 


LE Mémoire de M. Moreau de Jonnès nous offre l’obser- 
vation remarquable d’une dépravation de l’appétit, consistant 
en un goût décidé pour une substance tout-à-fait impropre à 
servir à la nourriture des individus qui en chargent leur es- 
tomac. Cette espèce de raladie paroît bien plus fréquente dans 
les contrées équatoriales que dans les régions du Nord, et cela 
. peut tenir à ce que le besoin d’alimens réels se fait sentir avec 
beaucoup moins d'énergie sous la zone torride que dans les 
pays froids ou tempérés. Nous croyons cependant que souvent 
aussi l’action de manger de la terre n’est point du tout décidé 
par un goût particulier, mais bien véritablement par la faim, 
par un besoin impérieux. Nous connoissons maintenant plusieurs 
peuples très-éloignés les uns des autres qui se lestent l'estomac, 
qu'on nous passe cette expression, avec de la terre pure. Ils 
trompent ainsi Jeur faim pour quelque temps; du moins M. de 
la Billardière raconte que les habitans de la Nouvelle-Calédonie 
n'ont que celte espèce d’aliment pendant certains temps de 
disette. Lorsque l’Orénoque est débordé, que les eaux sont trop 
hautes pour qu’on puisse pêcher des tortues, ce qui dure en- 
viron trois mois, la nation des Otomagues est réduite à se nourrir 
presque exclusivement d’une espèce de glaise. M. de Humboldt, 
à qui on doit la connoïissance de ce fait, assure que chaque 
individu en consomme à peu près sept hectogrammes (une livre 
et demie) dans la journée, sans y rien méler absolument , ni 
graisse de crocodille, ni substance végétale. La seule prépara- 
tion qu’on lui fasse subir , consiste à la faire légèrement griller 
et à l’humecter ensuite. 


M. Golbery dit quelque chose d’analogue au sujet des nègres 
des iles de os Idolos, à l'embouchure du Sénégal. Ils mêlent 
à leur riz une substance minérale qui semble leur tenir lieu 
de beurre. 

Au rapport de Brown, les erocodiles de l'Amérique méridio- 
nale avalent également des petites pierres ou des morceaux de 
bois, lorsque les lacs qu’ils habitent ordinairement sont dessé- 
chés , et qu’ils manquent de nourriture. 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 441 


Non loin de Krasnoiarsk, sur le fleuve Yenissey, et dans 
quelques montagnes des environs du fleuve Amour, on trouve 
une matière que les Russes appellent kamennoïé maslo, c'est- 
à-dire beurre de roche. Les élans et les chevreuils en sont sin- 
gulièrement friands; et le voyageur Patrin nous apprend que 
les chasseurs l’emploient comme appât pour s'emparer de ces 
animaux. 

Nous sommes conduits à tirer de ces différens faits une con- 
clusion générale assez curieuse : c’est que presque constamment 
les terres ou pierres qui peuvent servir à l’espèce d'usage dont 
nous parlons, soit pour distendre l'estomac et tromper la faim, 
soit pour satisfaire un goût déréglé, sont onctueuses au toucher, 
grasses, homogènes, et contiennent beaucoup de magnésie ou 
d’alumine. 

Ainsi, à la Martinique et à la Guadeloupe, M. Moreau de 
Jonnès a reconnu que c’étoit une terre analogue à la stéatite, 
et formée par la décomposition des laves porphyroïdes des an- 
ciens volcans de ces îles, qui étoit surtout recherchée par les 
nègres. 


M. Vauquelin a analysé celle de la Nouvelle-Calédonie, et 
y a reconnu 0,37 de magnésie, 0,36 de silice, 0,17 d’oxide de 
fer. C’est une stéatile verte, friable et tendre. 

La terre des îles de /o& Idolos est aussi une vraie stéatite, 
mais blanche, molle et onctueuse. M. Golbery en a mangé sans 
dégoût et sans en être incommodé. 

Le beurre de roche forme des stalactites dans les cavités des 
montagnes dont nous avons parlé. C’est un mélange d’argile, 
de sulfate d'alumine , de sulfate de fer, et d’une petite quantité 
de pétrole, 

Enfis, l’un de nous a mangé, après s’être laissé gagner par 
la faim, environ cinq onces d’un tale laminaire, d’un vert ar- 
genté, très-flexible, et qu’on trouve dans les montagnes du Tyrol 
en abondance. Son appétit a été satisfait sans aucune espèce 
d’inconvénient. 

Ajoutons encore ici, que la plupart des variétés des terres 
bolaires, sigillées, etc., qui ont été si souvent et si long-temps 
préconisées dans la thérapeuthique, et qu’on donnoit à l’inté- 
rieur pour une foule de maladies, rentrent dans la même classe; 
* mais 1l est plus que probable que les propriétés médicales dont 
elles peuvent jouir tiennent au fer qu’elles renferment. 


OBSERVATIONS METÉOROLOGIQUES FAITES 


« | THERMOMÈTRE EXTÉRIEUR 5 Ù s 
o SR T CLR BAROMETRE METRIQUE. > 
2 PT  — —, = # 
# | Maximum. | Mivrmum. |aMinr. Maximum. | Minimum. A |" 
MIDI.| à 
ES ne 5 HE Fe ê 25 D à heures. AE eh mill, mil. ° 
1|à midi. ,25|à 7 m. F LI2D| AIO Se eee tt 16|à midi... ....,74 29 
2là midi. 411,35/à7 m. + 5,25 +1,35 "à TNT Rene ne Ét6)Ébbeo cs 6 17424 pee ne 
3là midi. + 12,75 à 105. + 7,79|+12,75|à 10 s.. ...... 749,40là 7 m......... 746,88 748.40 12,4 
4h3s. + 9,gojà 7m. + 7,00|[+ 9,00/à 9s...:.,,.,.701,16|à 7 m........ 749,50|749,80| 11,7 
5\à 35. +11,50/à7+ m.+ 6,25|+10,35)à midi. ....,..753,88|à 9s.........,751,00 758.88 11,4 
6|à 10 ;m4+11,00|à 105. + 7,00] 10,00 à 10 s...... ...748,90|à 7 : m....... 744,62 744,94 11,9 
7là 11m. + 8,75|à 9 s. H 2,25}+ 8,75 75m.......747,50l135s.......... 743,08|743,16| 11,5 
8à3s.. + 5,507 +m.— 0,25|+ 4,35là midi... .....748,32|à 9 s.......... 747,62|748,42| 9,5 
9 à midi. —-10,75|à 10 5 s.+ 5,60 +10,75|à 9 m......... 7939,68|à 10 £ m......738,20 738,84 10,5 
1oà103m+ 7,50l49%s. + o,10|+ 6,85|à 10 ; m...... 7190 | Aimer re 740,16|745,84| 9,9 
na 35s. + 3,50[à74m.+ 0,25|+ 2,75 32 s........ 758,00|à 7 Em....... 753,50|757,26| 9, 
lu 35. + 6,85 75m.+ 5,25 + 8,10 AO Sete 755,60là7+m......., 743,00|746,08| 9; 
dlrsha3s +1250à75m.+ 8,50| 11,859 s.......,... 758,10|à 717 m....... 757,10|757,60| 9, 
Al 14 à midi. +1165|à 10 LS. 4,75|+11,85|à 7 : m....... 755,66|à 10 + s.......740,84|754,48| 11,4 
15là midi. + 4,35|à 10 À s.+ o,oo|+ 4,35là 105 m......749,28|à 65.......... 746,46|746,54| 9,7 
1l16là3s. + 475la7Lm. — 0,254 4,25là9s..,....... 756,32 | 47 2m... 753,14|754,00| 9,2 
Hlrslà3s. + 4,75la1os. — o,1o|+ 4,25là 105......... 762,00|à 7 ? m....... 760,08|761,14| 6,9 
18là 3s. + 4,10|à71m.— 0,25|+ 3,752 7+m.......… 760,38|à 9 s....... ...755,80|759,16| 7,1 
19/3s. + 7,852 72 m.+ 3,75 7,75là9s.......... 760,50|à 71m....... 756,20|757,72| 7,8 
20\à midi. Æ+ 875à09s. + 3,75|4+ 8,75/a 10 5 m......763,24|à 6 + m.....:.. 762,34|763,00| 8,3 
21/à midi. + 4,60[à 101s.— 0,50|+ 4,60là7+m........761,66|à 10+s.......756,20|760,20| 7,6 
1I22là midi. + 0,85laà91s. — 3,00|+ 0,85|à 7 +m....... 753,12|à 95 s........750,04|752,00| 6,1 
231à3s. — 2,1o|à71m.— 6,40 — 3,40[à9s5..........752,62|à 72 m.......740,64|750,70| 4,0 
24là3s. — 0,75[à71m.— 6,75|— 1,50 9 Ÿ s...,....758,80|à 73 m........ 755,50|756,92| 4,5 
25là3s. — 1,10|à8 1m.— 7,10|— 2,009 s......... 760,64|à 7 + m....... 759,22/760,18| 4,9 
26|à 105s. + 2,50|à 75 m.—+ 0,25|+ 2,25|à 10 s... ..... 762,50|à 3 5.......... 760,66|761,14| 431 
27là3s. + 4,85[à 75m. 2,50 4,6o|à 9 s.........770,40|à 7 im..... .-757,20|768,44| 4, 
28là 102 mm 2,50|à 1oÈs.—+ o,50|Æ+ 2,40/à 10 ; m...... 771,06|à 35..:.......770,30|770,66| 4, 
29|19$ s. + 1,25[à7+m.— 0,75 — 0,25|à 104 m......771,00|à 3S.......... 769,76|770,60| 4,0 
3ol13s. + 51095. + 1,50 4,85[à 9s.......... 772,82] à 7 + m....... 771,14|771,92| 6,3 
Moyennes.+ 6,29! + 1,75|+ 5,85] 756,56| 753,21[754,82] 8,9 


RÉCAPITULATION. 


Millim. 

Plus grande élévation du mercure. .... 77262 le 30 
Moindreélévation du mercure......... 738,20 le 9 
Plus grand degré de chaleur......... +12°75 le 3 
Moindre degré de chaleur........... — 7,10 le 25 

Nombre de jours beaux....... 6 

de couverts......... SoNEYi 

depluie............... 15 

dervent---e----c-cerc 30 

de gelée.............. 14 

de tonnerre......... NE 

de brouillard.......... 29 

deneige............. Nr 


el 


Nora. Nous continuerons toujours à exprimer la température au degré du thermomètre cen: 
centièmes de millimètre, Comme les observations faites à midi sont ordinairement celles qu’on!| 
le thermomètre de correction. À la plus grande et à la plus petite élévation du baromètre 
conclus de l'ensemble des observations, d’où il sera aisé de déterminer la température moyenne 
conséquent, son élévation au-dessus du niveau de la mer.La température des caves est également 


A L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS. 
NOVEMBRE 1816. 


S|Hye. POINTS VARIATIONS DE L'ATMOSPHÈRE. 
a VENTS. 


D 


LUNAIRES. 


LE SOIR. 


LE MATIN. 


1] 10215. Lune apogée. | Pluie, brouillard. Pluie abond. par int. [Nuageux. 
2] 65 | Idem. Très-nuageux, br.  |Couvert. Pluie dans la nuit. 
3] 82| dem. Couvert, lég. brouil.|  Zdem , léger br. Pluie abondante. 
4| 9o|[E. Brouil.ép. ethum. |PZuie. Idem. 
5| 66 |5. P.L.ägh.26/m.| Nuageux, brouillard.| Couvert. Couvert. 
6| gr |S-0. Pluie, brouillard ép. | Pluie, lég. brouill. Nuageux. , 
7| 66 |0. Couvert, brouillard. |Couvert, brouillard. [Quelq. gouttes d’eau. |# 
8] 811$. Nuageux, brouillard.|  Zaem. Couvert. Ë 
9! &2 |S O. fort. Couvert, brouillard. | Pluie ab. de 9 h à 10 4.|Beau ciel, éc. au N.O. 
10| &o|U. Nuageux. Couvert, brouillard. |Pzuie, 
11] 67 |O. fort. 1d., br. neig. av. le j.|Beau ciel. Pluie , neige. 
12] 66 läem.  |D.Q.azh1o's.| Pluie, Kg. browllard.| Paie. Pluie par intervalles. 
19] 92 /|0. Pluiefine, brouillard,| Couvert. Couvert. 
14| 77 |O-N-O. Pluie abondante , br. [Nuageux. Pluie. 
15] 76| idem. Couvert, lég. brouill.|Cou.,ec.,t.f.av.degr.|Nuageux. 
16| 81 |N-0. Nuageux, broullard.| Nuageux. Grésil, à 1 +h.couv. 
17| &1| dem. Lune périgée. | dem. laem Grésil , beau ciel ap. 
18| 83 |[S-O. Couvert, lég. brouill.| Frès-nuageux. Pluie fine. 
19] 86 |O-S-O. N.L.uroha7/m| Nuageux,lég. brouil.| Pluie. Nuageux. 
2o| ëg|S. Brouill. epaiset hum. | l'iès-nuageux, br. Idem. 
21| 82 /|E-S-E. Beau ciel, glace , br. |Très-nuageux. Beau ciel. 
22] 76 |N-E. Couvert, browllard. [Nuageux. Idem. 
23] 73| Idem. Beau ciel, brouillard.| dem. N'iageux. 
24] 50| Idem. Idem. Beau ciel, brouillard.| Beau ciel, 
29] 73 |S-E. idem. Idem. Couvert. 
26| 89 |S. P.Q.à5h15s, Couvert, brouillard. (Couvert, brouillard. | Pluie. 
27| 73 |N-O. Brouill, ep. et hum. Lier, bromi, épais. |Brouill. ép. et hum, 
28| 92 |S-E. Idem. Idem, et hum. ldem. 
29] 92 Idem. Lune apogée. Jaem. Idem. Idem. 
30| ü6 NE. Nuageux, brouillard.|Nuageux. Idem. 
, LI 
Moy. 61 RECAPITULATION. 
Nec cena io 
NE Fee z 
1DsderohéchcE CARE 
Jours dont le vent a soufflé du SE FE Ge FETE : 
SO MPG DOS 3 
Q} Here Goboeoné 8 
NSOPP 7" eRe Et 3 


le 1*° 120,001 


Therm. des caves | centigrades: 


le 16 12°,092 


Eau de pluie tombée dans le cours de ce mois, 41""70 = 1 p. 6 lig. 5 dixièmes. 


tigrade , et la hauteur du baromètre suivant l'échelle métrique, c’est-à-dire en millimètres et 
emploie généralement dans les déterminations des hauteurs par le baromèire, on a mis à côté 
et du thermomètre, observés dans le mois, on a substitué le rraxinun et le mérimum moyess, 
du mois et de l'année, ainsi que la hauteur moyenne du baromètre de l'Observatoire de Paris, ct pas 
exprimée en degrés centésimaux , afin de rendre ce Tableau uniforme, 


444 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


RECHERCHES 
SUR L'ÉLECTRICITÉ ATMOSPHÉRIQUE, #rc.; 


Par M. SCHUBLER, 


Professeur de Physique et de Chimie agricole dans l’Institut de 
Hofwyl, etc. 


EXTRAIT. 


L’ÉLECTRICITÉ de l'air atmosphérique étoit assez générale- 
ment reconnue; mais il falloit en constater les divers phéno- 
mèênes; c'est ce qu'a fait M. Schubler. Ses observations ont été 
faites dans les vallées de l'Allemagne méridionale. Il a vu que, 

1°* Dans les jours sereins et calmes l'électricité est toujours 
positive. 

2°. Elle est à son #7inimum peu de temps avant le lever du 
soleil ; elle se manifeste lentement lorsque cet astre se lève ; elle 
s'accroît ensuite rapidement, 


3°. Elle atteint ordinairement son premier #2aximum quelques 
heures après, ce qui, au mois de mai, arrive à huit heures 
du malin. 


4°. Elle commence à descendre souvent au bout de quinze 
minutes: 


5°. Vers deux heures de l'après midi, elle se trouve d’ordi- 
naire bien foible, et près de son second 7ninimum, où elle 
arrive vers les quatre à cinq heures. 

6°. Une heure avant le coucher du soleil, l'électricité atmos- 
phérique reprend de l'accroissement, et elle atteint son second 
maximum une heure ou deux après le coucher de cet astre. 

Ces mouvemens périodiques de l'électricité atmosphérique 
paroissent, à l’auteur, déposer en faveur de l’existence d’un 
changement chimique de notre atmosphère ; eflet également pé- 


riodique 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 445 


riodique et opéré par l’action réciproque de la chaleur, de la 
lumière, de l'air et de l’eau, dont nos sens n’apercoivent que 
les résultats dans les brouillards, la pluie, les orages... 


L’évaporation a encore une grande influence sur l'électricité 
atmosphérique. 


Le rapport du minimum au maximum de cette électricité 
est plus que double dans les mois d’été comparés à ceux 
d'hiver. 

Les brouillards ont ordinairement une électricité proportion- 
nelle à leur abondance ; elle est à son plus haut degré en hiver 
et dans les jours les plus froids. 


La pluie, la neige, le grésil... ont toujours une électricité 
qui est plus forte que celle de l'atmosphère dans un état 
calme. Cette électricité n’est pas toujours positive; elle alterne 
avec la négative de la manière la plus variée. Les pluies sans 
électricité sont rares. 


L'analogie des variations qui accompagnent la pluie, la neige 
avec celle des orages est évidente. La différence paroît consister 
dans cette circonstance particulière, savoir, que dans les orages 
il se fait des explosions réelles entre des nuages plus fortement 
chargés d’électricités opposées, tandis que dans les pluies et 
neiges ordinaires, il n’y a que l’une ou l’autre des électricités 
qui prédomine; ou si toutes les deux existent à-la-fois, elles se 
transmettent sans secousse marquée à la terre. 


La neige tombante est toujours accompagnée d'électricité, 
mais qui est plus souvent positive que négalive. Sur trente ob- 
servations , elle a été vingt-quatre fois positive et six fois seule- 
ment négative. 


La cause de cette plus grande fréquence d'électricité positive 
dans la neige, peut être attribuée en partie à ce que les 
couches inférieures de l'air ont ordinairement, et surtout pen- 
dant les brouillards, une électricité positive beaucoup plus forte 
que dans l'été. 

Quant aux éfoiles tombantes , dit l’auteur, elles paroissent 
seulement pendant un temps bien serein, une électricité positive 
forte, et plus fréquemment quand l'air se rafraîchit beaucoup; 
circonstance où très-souvent le second #7aximum électrique, 
celui qui suit le coucher du soleil, se montre également avec 
plus de force. 


Tome LXXXIII. DÉCEMBRE an 1816, LI 


446 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


NOUVELLES LITTÉRAIRES. 


Connaissance des Teïns, ou des Mouvemnens célestes , à 
l'usage des Astronomes et des Navigateurs, pour l'an 1819, 
publiée par le Bureau des Longitudes. 

Un vol. in-80. A Paris, chez Mme Ve Courcier, Imprimeur- 
Libraire pour les Mathématiques et la Marine, quai des Au- 
gustins, n° 57. An 1816. 


Ce volume est le cent quarante et unième d’une éphéméride 
qui n'a jamais souflert d'interruption; mais qui en diflérens 
temps a reçu, dans sa composition et dans son format, différentes 
modifications. 


Cet Ouvrage est également utile aux Astronomes et aux Na- 
vigateurs. 

On trouve dans ce volume la mesure d’un arc du méridien aux 
Indes, entre les latitudes de 8° 9138” 59"’et 10° 59! 48" 93!" nôrd, 
ou continuation de l'arc commencé en 1804, qui se terminoit 
à 140 6’ 19” de latitude nord, par M. le Lieutenant-Colonel W. 
Lambton.1l trouve, par un milieu, le rapport des axes de la terre 


. ? S La 
1 : 1.0030423 , et l’applatissement ——: 

Il se proposoit d'ajouter la mesure de deux nouveaux degrés, 
qui a dû être terminée en mars 1815. 


Annuaire présenté au Roi par le Bureau des Longitudes, pour 
Yan 18r7. A Paris, Chez Mme Ve Courcier, Imprimeur-Libraire, 
quai des Augustins, n° 57. 

Le Bureau des Longitudes est chargé , par l’article 1x de son 
règlement, de rédiger chaque année un Annuaire, qui est un 
extrait de ce que la Connaissance des Tems contient de plus 
utile au public. C’est l'Ouvrage que nous annoncons. 


M. de Leonhard vient de publier un Discours sur l'état actuel 


de la Minéralogie, qu’il a lu à la séance publique de l'Aca- 
démie de Munich, le 12 octobre 1816. Cet Ouvrage présente un 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 447 


Tableau brillant de la Géologie et de la Minéralogie dans toute 
son étendue. Les notes dont l’Auteur a enrichi le texte ajoutent 
encore au mérite de cet Ouvrage, et le rendent indispensable 
pour quiconque veut être au courant de la Littérature et des 
découvertes minéralogiques. 


Monographie du Trigonocéphale des Antilles, ou grande 
V'ipère fer de lance de la Martinique , lue à l'Académie Royale 


des Sciences le à août 1816. 


Par Alexandre Moreau de Jonnès, Chevalier de Saint-Louis 
et de la Légion-d'Honneur, Aide-de-Camp du Comte Carré 
de Saint-Cyr, etc. 

Une brochure in-80. 

Cette vipère est très-dangereuse aux Antilles. 

L’Auteur réunit aux talens militaires l'amour de la science. 


LI 2 


448 JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE 


ERRATA 


Pour le Mémoire de M. Cordier, sur les Substances volca- 
niques dites en masse. 


Pag. 137, lig. 37, au lieu de exactement, lisez assez exactement 


140 , 
141, 


id. , 
za 
bn 
142, 
145, 
id. , 
107, 
158, 
162, 
286, 
289, 


291, 
äd., 


294; 
ëd., 


300, 


id., 
äd., 
id., 


305, 
378, 
364 , 


37; 
10, 
22, 


30, 
OL, 


8 et 9, 


intermédiaires primitifs, /isez inter- 
médiaires et primitifs 

dans le temps, /isez il y a quelques 
années 

mimose, /isez dolérite 

après Werner nettez un point. 

il admet, lisez il adopte 

mais, /2sez et 

sa méthode , /isez la méthode 

même métal, /isez même minéral 

aussi, lisez ainsi 

mimose, Lisez dolérite 

il y a tout lieu de, lisez il est à 

haup masse, lisez haupt masse 

avec une apparence satisfaisante , 
lisez à l’aide de formes spécieuses 

en cristaux, /sez ou cristaux 

dans la masse, Zisez dans la série 

résidoit, /ësez réside 

roches, Zésez laves 

scoriesproprement dites , lisez scorie 
proprement dite 

en granite, lisez un granite 

à base de verre, lisez à base de verre 
boursoufflé 

assezrares, lisez assezrareset rempli 
de cavités très-déliées 

disserter, lisez discerner 

ces trapps, lisez ces types 


deM. W erner., lésez de M. Werner? 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 449 


TABLE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER. 


Suite du Mémoire sur les nouvelles propriétés de la 
chaleur à mesure qu'elle se développe dans sa propa- 
gation le long des morceaux de verre; par David 
Brewster. Pag. 389 

Recherches sur l'action galvanique; parJ. P.Dessaignes. 415 

Mémotre sur la sodalite du Vésuve ; par M. le comte 


Szanilas Dunin Borkowskr. 428 
Observations sur les géophages des Antilles; par l'aide- 

de-camp Moreau de Jonnès. 435 
Tableau météorologique ; par M. Bouvard. 442 
Recherches sur l'électricité atmosphérique, etc,; par. 

M. Schubler. Extrait. 4 44% 


Nouvelles littéraires. 446 


459 JOURNAL DE, PHYSIQUE, DE CHIMIE 


TABLE GÉNÉRALE 


DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. 


HISTOIRE NATURELLE. 

Observations pour servir à une classification des ani- 
maux, par M. de Barbançois. Pag. 

Des Méthodes classiques et naturelles appliquées à la 
Géographie physique; par M. Toulouzan de Saint- 
Martin. Deuxième Mémoire. 

Suite. 

Suite. 

Mémoire sur les substances minérales dites en masse, 
qui entrent dans la composition des roches volcani- 
ques de tous les âges; par P. Louis Cordier. 

Suite. 

Suite. 

Observation sur les avantages du datisca cannabina 
dans l'art de la teinture; par Henri Braconnot. 
Prodrome d'une nouvelle distribution systématique du 

règne animal; par M. H. de Blaïnville. 

Mémoire sur la possibilité de faire vivre des mollusques 
Jluviatiles dans les eaux salées, et des mollusques 
marins dans les eaux douces, considérée sous Le rapport 


de la Géologie; par F. S. Beudant. 


PHYSIQUE. 


Phénomènes de répulsion et d'attraction sans électricité; 
par J. P. Dessaignes. 


67 


88 
165 
229 


135 
285 
352 


268 


ot 


7 


ET D'HISTOIRE NATURELLE. 


Observations météorologiques faites à l'Observatoire 
royal de Paris, par M. Bouvard. 


Juin. Pag. 
Jurller. 
Août. 
Septembre, 
* Octobre. 
Novembre. 


Lecons de géologie données au Collége de France; par 
J.-C. Delamétherie. Extraft. 


Mémorre sur les propriétés optiques du muriate de soude, 
du fluate dechaux et du diamant; par David Brewster. 
Extrait des Transactions Philosophiques. 


Mémoire relatif à l'influence de la température des 
pressions mécaniques sur l'intensité du pouvoir élec- 
trique, et sur le changement et la nature de leur 
électricité; par J. P. Dessaignes. 


Supplément au Mémotre sur la réduction des degrés du 
thermomètre de mercure en degrés de chaleur réelle; 
par Honoré Flaugergues. 


Suite. 


Mémoire sur la communication de la structure des cris- 
taux doués de la double réfraction au verre, au mu- 
rlate de soude , au spar fluor, aux autres substances, 
par la compression mécanique et la dilatation ; par 
David Brewster. 


Des taches du Soleil. 


Mémoire sur les nouvelles propriétés de la chaleur à 
mesure qu'elle se développe dans sa propagation le 
long des morceaux de verre ; par David Brewster. 


Suite. s 


Recherches sur l'action galvanique; par J. P. Des- 
saignes. 


Recherches sur l'électricité atmosphérique , etc. D par 


M. Schulber. Extrait. 


45% 


12 

86 
192 
242 
350 
482 


24 


&r 


213 


227 


L 


45Z JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE, elc. 


CHIMIE. 
Observations sur le gaz hydrogène carboné pour servir à 
l'éclairage; par W. Th. Brande. Pag. 14 
Recherches sur la nature de la matière huileuse des 
chimistes hollandais ; par MM. Robiquet et Colin. 32 


De l'état actuel de la Chimie ; par J.-C. Delamétherie. 117 
Recherches sur la respiration des plantes exposées à 
la lumière du soleil ; par M. Ruhland. 331 
Mémoïre sur la sodalite du Wésuve; par M. le comte 
Scanislas Dunin Borkowskr. 428 
Observations sur les géophages des Antilles; par l'aide- 
de-camp Moreau de Jonnèés. 435 


oo 
De l’Imprimerie de M"° Veuve COURCIER, Imprimeur-Libraire pour 
les Mathématiques et la Marine, quai des Augustins, n° 57. 


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